UNIVERSITl: DE
PROVENCE
U. E. R.
D' HISTOIRE
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LE ROYAUME DE KONG
des origines à 1897
Thèse pour le Doctorat d'Etat
Présentée par
N. G. KODJO
TOME 1
AIX - EN - PROVENCE 1986
1 ~ T RGDUC T ION
3
I,
DÉFINITION ET JUSTIFICATION
c'est en 1972 que nous avons décidé de nous inté-
resser à l'histoire des Dyula du nord-est de la Côte
d'Ivoire. Nous avons été encouragé dans cette voie par le
regretté Professeur Yves Person qui nous avait demandé
d'étudier l'histoire du Royaume de Kong. C'est en janvier
1973 que nous nous sommes rendu pour la première fois à Kong; l'ac-
cueil chaleureux que nous fit le roi actuel de Kong, Kararnogo OUattara et
l'amitié sincère qu'il nous manifesta par la suite nous encouragea à
poursuivre nos recherches.
Nous n'appar tenons pas à l' ethn ie dyula. Mais, bien
que N'Zima
(Akan), nous avons vécu longtemps
en milieu
dyula (1940-1966)
à Bouaké, dans le quartier Dougouba où
nos parents avaient de nombreuses activités commerciales.
Dès notre enfance nous avons donc noué des relations
d'amitié avec les Dyula de Bouaké et de Kong, notamment avec
un personnage qui allait être l'un de nos plus grands
informateurs Mamadou Labi.
J~
Dès les premières années de nos enquêtes sur le
t
terrain nous nous sommes rendu compte que la ville de Kong
f
qui n'est aujourd'hui qu'une bourgade de moins de 3.000
habitants avait été le siège d'un grand Royaume qui méri-
1
tait d'être étudié et connu; Binger, à
la fin du XIXe
siècle, nous avait laissé de Kong l'image d'un important
centre commercial(1), mais il avait passé sous silence
(1) Moskowitz a trouv' que "le Capitaine Binger a beaucoup exag'r' Kong
et ses habitants"
Cf. A.N.S.O.M. Mi 231, dossier 9, pièce 6. Il
faut dire que Moskowitz avait une excuse, il 'tait malade et Kong
connaissait en 1894, une situation dramatique du fait de la pr'sence
des samoriens dans le Dyimini.
r
4
i'histoire de la région. En 1960, Bernus consacra
trente quatre
pages au passé des Dyula de Kong (1 ). Nous avons voulu embler ces
lacunes en essayant de comprendre et de faire comprendre l'histoire
des Dyula du Nord-Est
de la Côte d'Ivoire. Nous voulons
en réalisant cette tâche apporter notre contribution à la
connaissance de l'histoire précoloniale de l'Afrique Occi-
dentale en général et de la Côte d'Ivoire en particulier.
Nous verrons en effet que les autorités de Kong avaient
dominé, dans le passé, les territoire~compris entre l'Anno
(Côte d'Ivoire)
et Sofara
(Mali)
en passant par Bobo-Dioulas-
so
(Burkina-Faso).
Après la rédaction de notre thèse nous avons reçu
,
le travail d'une Américaine Kathryn Lee Green intitulé The
foundation of_!~p9.. A study in Dyula and Sonan~ui ethnie
identity.
Cett~ étude a été présentée pour le titre de
"Doctor of Philosophy in the Department of History,
Indiana
University", décembre 1984. L'ouvrage comporte 470 pages.
Cette thèse appelle deux remarques.
Premièrement elle épouse
la vieilie hypothèse d'une chefferie mosi à Kong, hypothèse
que nous rejetons catégoriquement comme nous aurons l'occa-
sion de le voir.
Il est vrai que Green n'a séjourné que
quelques mois dans la région de Kong, elle n'a pas eu le
temps d'approfondir ses enquêtes sur le terrain. Deuxième-
ment; elle veut faire des Sunangi une ethnie par opposition
aux Dyula.
Dans notre travail nous allons montrer que les
Sunangi constituent une aristocratie guerrière au sein de
la famille des Watara.
Green ne semble pas avoir eu connais-
sance des manuscrits arabes de la région de Kong car elle
situe le début du règne des Watara vers 1700(2). Nous
(1) E. Bernus, "Kong et sa r'gion", Etudes 'burn'ennes, VIII, Abidjan,
1960, pp.245-279.
(2) K.L. Green, 1984, p.124.
5
"reviendrons sur ces questions. Elle arrête son étude en
1820.
Enfin le choix de la région de Kong comme cadre de
~Otre étude s'explique aussi par l'intérêt que nous.por-
tons aux traditions orales dyula encore mal connues en
Côte d'Ivoire et l'espoir que nous avions de découvrir
quelques textes arabes relatifs à l'histoire des domaines
occupés. par les Dyula. Nous avons été encouragé dans cette
voie par Bernus qui écrivait en 1960 :
"Si l'on peut encore tenter de relater cette
histoire, c'est qu'il existe quelques textes
écrits en arabe,
jalousement gardés par les
descendants
directs de Sékou Watara, chef
de file de la dynastie. Nous vivons sans doute
les dernières années où il est encore possible
de recueillir ces histoires, car la génération
montante, sollicitée par de nouvelles préoc-
cupations, est bien souvent ignorante du passé
et risque de laisser mourir les anciens avec
leurs secrets et leurs légendes"(1).
Le travail que nous présentons aujourd'hui s'intitule
Le Royaume de Kong des origines à 1897. L'idée fondamentale
qui dirige cette étude est la formation et l'évolution de
l'Etat souverain de Kong ou Kpon-Gènè.
Les marchands et res
guer·r ier s
(Sunang i)
vont jouer un rôle de premier plan dans
cet Ouvrage. En effet, les Mandé qui dès le XIVe siècle
affluaient dans le ~~rd-Est de la Côte, vont apporter, les
uns des habitudes de commerce, les autres des traditions
de chefs.
Le Royaume dyula de Kong sera le fruit de ces
deux courants.
Le destin de Kong dépendra souvent de l'équi-
----------- --
(1)
Bernus, op. cit., p.246.
6
libre
entre ces deux forces.
En attendant nous sommes
obligé de répondre à une question primordiale. Pourquoi
les Mandé qui donneront naissance à l'ethnie dyula ont-
ils été attirés par la région de Kong ? Pourquoi cette par-
tie de la Côte d'Ivoire a-t-elle connu un réel épanouisse-
ment sous l'impulsion des Mandé, dès le XIVe siècle? Nous
tâcherons d'apporter une réponse en étudiant le cadre
naturel.
7
II,
LE MILIEU NATUREL'
Nous pensons que le milieu naturel a joué autre-
fois un rôle important dans le processus du développement
de la région de Kong.
On ne peut pas comprendre en effet la présence
massive des Mandé dans le Nord-Est de la Côte d'Ivoire
sans faire appel à la géographie de la région. Deux produits
vont attirer les Mandé vers le sud, l'or et les noix de
kola.
Kong avait de l'or mais ne disposait pas de kolatiers.
Le fays allait compenser ce dernier fait par sa situation
privilégiée au carrefour des route,de l'or, des noix de
kola et du sel. Son relief, son climat et ses ressources
végétales vont constituer pour l'époque précoloniale des
facteurs qui vont jouer en faveur du développement de la
région de Kong.
A.
LA RICHESSE DU SOUS-SOL
Les traditions orales insistent sur l'importance
de l'or de la région de Kong. Ce fut ce métal précieux qui
attira les Mandé dans le
Nord-Est de la Côte d'Ivoire.
Les enquêtes que nous avons effectuées dans le pays révè-
lent qu'il existait trois grands gisements dans le pays,
à Limono, à Samata et à Bugu. Ce n'est pas un fait du
hasard si la ville de Kong s'est développée au carrefour
des voies qui desservaient ces régions aurifères. La pré-
sence de l'or à Kong a donc joué un rôle de premier plan
dans le peuplement mandé de la région. Nous reviendrons
sur l'exploitation de ces gisements dans le chapitre consa-
cré à la vie économique sous Seku Watara.
8
B.
LA SITUATION DE KONG
Le site de Kong semble ancien
les fouilles
archéologiques ne permettent pas, pour le moment, d'obtenir
des données précises sur ce point(1)
mais les résultats
obtenus à partir des fouilles de Ténégéra, localité située
à une dizaine de kilomètres au sud-est de Kong, -
340 +
320(2)
tendraient à confirmer le caractère ancien des sites
de la région de Kong.
On peut donc penser que probablement,
dès le 1er millénaire de notre ère, les populations autoch-
tones de la région de Kong sont déjà en place(3). La région
de Kong serait donc anciennement connue et fréquentée.
Ce qui frappe lorsqu'on regarde une carte, c'est
la
position centrale qu'occupe la ville de Kong par rap-
port, d'une pa~t aux zones de production des noix de kola
(~orodugu, Anno, Ashanti) et de l'or (pays lobi) et,
d'autre part, aux pays de la boucle du Niger, fournisseurs
du sel gemme dont le plus important est Dienné. Grâce à
sa situation privilégiée, Kong dut servir sans aucun doute
de ville-étape au grand commerce ouest-africain de l'or et
de la kola an imé par les. t-1.andé dans cet te par tie de l' Afr i-
que de l'Ouest. Ce n'est donc par hasard que les tradi-
tionalistes associent le développement de Kong à celui
de r:5ienné .
._-_._.._---_.__ . _ - - - - -
(1) L'archéologie a révélé plusieurs niveaux, mais seul le niveau III
est daté: 1600 + 120. Voir à ce sujet Diabaté (Victor, Tiègbè)
La régj9E_ de_ ~.9E_<l.._d~ a~Eès les fou tUes archéologiques... Thèse de
3e cycle, Paris I, Panthéon-Sorbonne, 1979, p.286.
(2) Diabaté, V. T., ~. cit., p.286.
(3) A propos du peuplement des savanes ivolrlennes, voir Gabriel
Rougerie, La.s:.§~e. .9~Ivoire,Que sais-je? n01137, PUF, 1967, p.77.
9
C.
LE RELIEF
1.
- Les environs immédiats de Kong
L'analyse du cadre naturel actuel de Kong, à partir
des photographies aériennes à 1/15.000e(1), permet de
tirer un certain nombre de conclusions sur le plan topo-
graphique:
la ville actuelle(2)
est située sur un petit
plateau allongé dont les versants en pente moyenne se
raccordent à un réseau hydrographique intermittent; tout
autour de la ville, on observe des affleurements graniti-
ques, soit sous forme de chicots rocheux, soit sous forme
de dos de baleine dont les altitudes sont relativement
faibles
(200 ou 300 m). Le reste du relief se partage entre
des formes convexes analogues et molles et des petits
plateaux cuirassés aux versants rectilignes.
L'analyse des photographies aériennes montre très
nettement qu'en somme, aucun obstacle majeur ne semble
s'opposer à l'accès de la ville de Kong. Certes cette
situation n'est pas originale en soi mais elle contribue à
donner à la ville son caractère de ville ouverte, facilement
accessible aux voyageurs. Voyons maintenant le relief
général de la région.
2.
-
Le relief de la région de Kong
Le relief de la région de Kong s'inscrit dans un
immense plateau granitique de direction sud-ouest nord-est
qui fait place par endroits
(notamment à l'est, à l'ouest
(1) Institut Géographique National (Abidjan). Nous avons utilisé les
clichés des photographie aériennes de la région de Kong pour l'année
1974, surtout les clichés 031 et 04/.
(2) Les traditionalistes affirment que la ville nia pas changé
d'emplacement.
la
et au nord)
à des sériès schisteuses, formes de relief
peu élevées
(250 -
300 mètres d'alitude)
; ces séries
schisteuses donnent naissance à la gouttière qu'emprunte
la Comoé et à
des morceaux de plateaux coiffés de cuiras-
ses ferrugineuses;
elles se prolons\\.: l·,~'· souvent à l'est
par une guirlande de chaînes qui atteint localement 600
mètres d'altitude
ce sont les monts Gorowi formés dans
les schistes et les roches vertes du Birrimien supérieur.
Sur les séries schisteuses se développent des
glacis ayant généralement des formes rigides. Dans le
bassin moyen du Taburogo, elles sont plus déprimées et
présentent la plupart du temps une marche d'escalier avec
des buttes cuirassées
généralem~nt, la cuirasse s'épais-
sit en bordure et
"un ressaut assez net domine le glacis carac-
térisé par un replat marqué vers le haut et
suivi d'une pente forte
(7 à 10 %) mais
relativement courte qui ,se raccorde à un
bas-fond" (1).
Sur les séries granitiques au contraire, les.pla-
teaux ont des formes moins rigides ; ils forment,
la plupart
du temps des points de divergence du réseau hydrographique,
tel est le cas des plateaux du Kinkené et du Kolonkoko. Dans
l'ensemble les plateaux granitiques, comme nous l'avons dit,
sont très étendus ; mais ils comportent des cuirasses dis-
continues.
Ici, le ressaut plus ou moins marqué
(1)
Avenard
(J.M.), "Les aspects de la Géomorphologie" dans le Milieu
Naturel de la Côte d'Ivoire, Office de la Recherche Scientifique
et Technique Outre-Mer
(O.R.S.T.O.M.)
paris, 1971,. p.58.
11
"domine UQ replat peu développé et une pente
faible
(1
à 3 %), mais généralement longue.
Le bas-fond est plat" (1).
Le modelé est largement ondulé; les plateaux ont
en moyenne une longueur de 1.500 à 3.000 mètres, une hau-
teur de 60 mètres et une altitude variant
de 300 à 320 -
240 mètres. De l'ensemble de ces plateaux se dégage une
impression-de monotonie,
de terres planes interminables
avec ça et là quelques rares accidents qui ne présentent
d'ailleurs aucun obstacle majeur à la circulation des
hommes et des animaux.
Mungo Park, mal informé, a rapporté dans son journal
de voyage, après avoir
exploré le cours du Niger en 1795
que Kong est entouré de montagnes: voici ce qu'il note
dans la région-de Ségou
"
The People informed me that these
mountains were situated in a large and
powerful Kingdom called Kong ... "(2).
Mungo Park a créé ainsi la légende des montagnes de Kong
que Binger détruisit en 1888 lors de son entrée à Kong
"A l'horizon dit-il on n'aperçoit m~me pas
une ride de colline: la chaîne des montagnes
de Kong n'a jamais existé que dans l'imagina-
tion de quelques voyageurs mal renseignés"(3).
Zone de transition entre la for~t et la savane, la
région de Kong offre de ce point de vue un cadre favorable
à l'expansion, à la formation des grands ensembles politiques.
(1) Avenard (J.M.), ~ cit., p.59.
(2) Mungo Park, Travels in Africa, 1969, p.183.
(3) Binger, Du Niger au Golfe de Guinée par le pays de Kong et le
Mossi (1887-1889), Paris, 1892, t.I, p.285.
1 2
3. - Les sols
Nous n'avons aucune idée de ce que pouvaient être
les sols de la région de Kong à l'époque précoloniale. C~
que nous pouvons affirmer c'est qu'ils étaient favorables
à
la culture des céréales
(mil, fonio,
riz,
sorgho)
et
des tubercules notamment l'ignamè. Ces sols durent être
intensement exploités aux XVIII et XIXe siècles. Binger,
à la fin du XIXe siècle, écrit:
"Les terrains sont incultes, épuisés par
plusieurs siècles de culture"(1).
D.
LES RESSOURCES VEGETALES
La végé~ation est constituée essentiellement de
savanes arbustives. A partir des pentes supérieures
des
plateaux elles s'étendent à perte de vue i
les arbres sont
espacés et s'étalent largement: ce sont les Saman
(Daniella oliberi)
au tronc clair, le kalam
(Anoglissus
schimperi) ou le Cho
(Isoberilina doka). Mais ce qui doit
retenir notre attention ce sont les essences végétales
utiles qui fournissent à l'homme une part importante de
son alimentation i elles sont protégées. par les populations
et organisées en vergers ou en parcs. Ces essences ont joué
sans aucun doute un rôle important dans le peuplement
ancien de la région de Kong. Comme le souligne Raymond
Mauny
"avant de demander, à partir du néolithique
le plus clair de son alimentation à l'agri-
culture, l'homme ouest-africain, comme ses
(1) Binger, Cu Niger au Golfe de Guinée à travers le pays de Kong et
Mossi, Paris, 1892, p.285.
De nos jours les sols de la région de Kong sont peu épais ; on
les classe dans la catégorie des sols ferrugineux tropicaux dans
lesquels les éléments d'oxyde de fer ont souvent tendance à s'indu-
rer en cuirasse.
13
contempo~ains du reste du monde, pratiquait
largement, pour se nourrir,
la cueillette
des plantes spontanées du terroir"(1).
A Kong, comme un peu partout dans le Nord et le Nord-Est
de la Côte d'Ivoire,
les hommes ont toujours cherché à
s'établir à proximité de certaines essences végétales dont
les plus importantes sont les suivantes
:
1.
-
Le Baobab
Le baobab
(Adansonia digitata)
se rencontre surtout
au voisinage des villages ;
il est cherché pour son
ombre
et constitue incontestablement un élément important du
village dans lequel i l joue une fonction sociale et reli-
gieuse de premier plan: c'est au pied du baobab que se
règlent la plupart des affaires.
Il est censé abriter les
divinités protectrices qui,
la nuit venue, empêchent les
"subaga"
(esprits malfaisants) de nuire à la population.
Mais le baobab a joué et continue de jouer un rôle
important dans l'alimentation;
il produit en saison sèche,
durant les périodes de soudure, des cabos~es dont la pulpe
contient une substance poudreuse de couleur blanchâtre qui
donne une farine de consommation courante.
Au XIVe siècle, al-'Umari
(130 1-1349) d'crit cette
farine,
qui selon lui, ressemble
"à la farine de froment d'une blancheur par-
faite, d'un goût un peu' acide et agréable"
et précise par ailleurs qu'on l'utilisait
aussi "comme teinture"(2).
(1) Raymond ~jauny, Tableau géographique de l'ouest africain du Moyen
Age ••• 1961, p.227.
(2) R.P. CUOQ, Recueil des sources arabes concernant l'Afrique Occiden-
tale du VIIIe siècle .•• 1975, p.267.
14
2. -
Le Karité
Le Karité (Butyrospermum parkii)
est un arbre qui
porte des fruits de la grosseur d'une petite noix:
il
constitue, dans la
région de Kong, une partie importante
du règne végétal(l).
Le fruit du karité comprend trois parties, à l'ex-
térieur la chair enveloppe une coque relativement mince à
l'intérieur de laquelle se trouve l'amande, la partie es-
sentielle du fruit qui sert à préparer le beurre végétal
qui,porte son nom. Le karité n'étant pas une plante exi-
geante, on le rencontre dans les zones à faible pluviométrie.
Généralement la cueillette a lieu de mai à septembre,
mais la grande .collecte se situe
vers mai-juin (2). Le
ramassage des noix est fait par les femmes et les enfants
qui se rendent en forêt après les orages, munis de grandes
calebasses. Les fruits une fois au village sont entreposés
dans des silos avant de subir plusieurs traitements qui
vont permettre de libérer les amandes.
Les femmes de Kong utilisent deux procédés pour
obtenir l'amande,: le premier consiste à enfermer les
frurts dans des silos pendant plusieurs mois afin que la
chair pourrisse; on chauffe alors les fruits qui libèrent
-----_._- -_.- - - -
------
(1) Nos informations sur le karité ont été recueillies à Kong en·
1975. En 1911, l'Administrateur R. Barthélémy soulignait dans sa
"Monographie du Cercle de Kong" l'importan~e du karité dans "toute
l'étendue du cercle (de Kong) mais principalement dans la région
de Kong" Voir Barthélémy, 1911, Archives de la sous~piéfe~t~re de
Kong, p.19.
(2) Binger qui n'a connu Kong que pendant les saisons sèches (février
1888 et janvier 1889) a conclu injustement que le karité et le
néré de la région de Kong étaient "stériles" ; Binger, du Niger
au Golfe de Guinée par le pays de Kong et le Mossi, Paris, 1892,
t.I, p.317.
15
l'amande sous l ' ef fet de la chaleur (1)
; ce procédé est
surtout utilisé pour traiter une masse importante de fruits.
Le deuxième procédé consiste à obtenir un séchage
rapide des fruits et à extraire l'amande par concassage;
pour cela on fait d'abord bouillir les noix avant de les
faire sécher au soleil. Les femmes cassent ensuite l~s
f~uits secs pour extraire l'amande.
QueJ que soit le procédé utilisé,
les femmes font
griller les amandes, les pilent et les moulent; elles
obtiennent ainsi un liquide brunâtre qui,
filtré, donne
en se solidifiant le beurre de karité de couleur blanchâtre
principale matière grasse du nord de la Côte d'Ivoire.
Autrefois les femmes ne jetaient pas le résidu qui servait
dans les cérémonies de mariage chez les populations Falafala
ou ~yoro. Cette huile brunâtre était conservée dans des
jarres au bord de la cuisine.
L'amande du beurre de karité a joué et joue encore
un rôle considérable au sein des populations de la région
de Kong
: traitée, elle est utilisée comme badigeon pour
blanchir les maisons, comme huile d'éclairage, comme savQn,
comme beurre commestible qui entre dans la préparation de
la plupart des mets et comme produit de beauté et d'entre-
tien
de la peau. Dans cette région ,où les effets
de la
sécheresse sont ressentis pendant six mois de l'année, la
peau, soumise à une intense déshydratation, doit son 9alut
à l'emploi du beurre de karité.
(1) A propos de la préparation du beurre de karité au Mali au Moyen
Age, al-Umari rapporte la variante suivante: "si l'on veut manger
ce corps gras, on le traite au feu selon le procédé suivant : placer
sur un feu doux, couvrir le récipient, laisser jusqu'à forte ébul-
lition, agir avec le plus grand soin comme à la dérobée pour connaî-
tre (l'état de la cuisson), ajouter de l'eau par petites quantités
et souvent, couvrir le récipient par précaution jusqu'à obtention du
degré de puissance (nécessaire pour la cuisson), ensuite laisser
jusqu'à refroidissement. Le produit obtenu est utilisé dans l'ali-
mentation". Voir R.P. CUCQ, ~. cit., 1975, p.267-268.
16
A côté du karit~ qui tient ainsi une place importante
dans la vie des populations de la région on note le néré.
3.
- Le Néré
Le néré produit des gousses vertes qui,
à
maturité,
deviennent brunes ; elles contiennent des graines qui
rappellent en gros les lentilles. Les graines du néré per-
mettent d'obtenir un condiment très recherché par les femmes
pour la confection des sauces;
il s'agit du sumbara. La
.pr~paration du sumbara est relativement facile; on fait
bouillir les graines qui libèrent une substance gluante qui
permet de les transformer en petites boules lorsqu'elles
sont ramollies ; ces dernières en séchant donnent le sumbara
que l'on trouve encore de nos jours sur la plupart des
marchés ouest-a~ricains, reconnaissable, par sa très forte
odeur incommodante.
Mais l'importance du néré vient aussi et surtout
de sa farine,
aussi recherchée que celle du mais ou du mil.
Les graines du néré contiennent une substance poudreuse,
légèrement salée, de couleur jaunâtre; on peut consommer
cette substance riche en aliments azotés, mais en général
les femmes préfèrent la transformer en f~rine.
Les essences végétales que nous venons de voir
jouent donc un rôle capital dans la vie des habitants de la
région de Kong. Elles ont constitué sans aucun doute un
facteur
important pour la mise en place des villages et
hameaux du pays.
La nature environnante fournissait aussi à l'homme
les matériaux indispensables à la construction de sa maison
(bois, paillottes . . . ) et à la confection de ~es vêtements.
17
Lors de la "Table ronde~sur, les origines de Kong" en 1975,
Bamori Traoré, à propos de l'habillement des gens de la
région, disait
avant l'arrivée de Maghan(1)
"personne
(ici)
ne connaissait le pagne, nous
ne portions que des feuilles
; les cordonniers
qui sont venus(2)
cousaient la peau, nos
grands-pères les attachaient et portaient des
feuilles"(3) .
Ce costume décrit par Bamori était encore en usage à la fin
du XIXe siècle. D'après Binger,
il se compose
"d'une ceinture
en cuir à laquelle sont
accrochés par devant et par derrière en forme
de bouquets, des rameaux pourvus de feuil~es.
Afin que ce fragile costume se maintienne en
place et ne vole pas au vent, un~ double
cordelette en peau fait le tour des fesses
~ar-dessus les feuilles"(4).
Après avoir insisté sur l'importance du règne
végétal en relation avec le peuplement, voyons le climat et
l'hydrographie de la région de Kong.
(1) Ce personnage est le grand-père de séku Watara, le fondateur de
l'Etat dyula de Kong. Son installation dans la région remonterait
au'début du XVIIe siècle.
(2)' D'après le sens de la phrase de Bamori Traoré, l'installation des
cordonniers ou Dyèli à Kong serait antérieure à celle de Maghan.
(3) Bamori Traoré "Table ronde sur les origines de Kong" Annales de
l'Université d'Abidjan, série J, n 0 1, 1977, p.174.
(4) Binser, 1892, t.I, p.268. Ce costume, à la fin du XIXe siècle
était, semble-t-il, réservé aux femmes senufo.
18
E. CLIMAT ET HYDROGRAPHIE
La région de Kong est relativement bien arrosée
elle est située dans la zone subsoudanaise, proche des
régions préforestières ; les pluies sont localisées de juin
à octobre avec un maximum d'intensité en août-septembre;
dans l'ensemble elles sont relativement abondantes. Bouna,
situé à l'est de Kong dans la zone soudanaise sèche reçoit
encore 1158 mlm de pluie par an (1)
; Fer késsédougou,
si tué
au nord-ouest de Kong dans la zone subsoudanaise reçoit par
contre 1360 m/m de pluie par an(2). On pense que la ville
de Kongolo,
située à 15 km à l'est de Kong reçoit annuelle-
ment entre 1100 et 1200 m/m de pluie(3). La région de Kong
se situerait ainsi dans une fourchette de précipitations
comprise entre 1360 et 1200 rn/m. Toutes ces pluies ont lieu
pendant l'unique saison humide; sur la totalité despréci-
pitations, la plus grande partie est perdue par évaporation.
Le reste pénètre dans le sol ou ruisselle. Mais le plus
souvent,la chaleur du sol s'oppose à l'infiltration des
eaux, d'où l'absence de sources pérennes qui en saison sèche
auraient pu alimenter les rivières.
Dans l'ensemble donc,
les eaux de ruissellement
s'accumulent dans les dépressions et donnent naissance à
d~s rivières tumultueuses et parfois profondes dont les plus
importantes constituent les affluents de la rive droite de
la Comoé
; ces rivières, pendant la saison humide, vivifient
de leurs eaux toute la région de Kong.
(1) Station de Bouna : résultat tiré sur une moyenne de 43 ans; voir J.
Girard "Aperçu sur les régimes hydrologiques" dans le Milieu Naturel
de la Côte d'Ivoire, 1971, p.119.
'(2) J. Girard, ~. cit., p.119 ; la moyenne de Ferkéssédougou a été
établie après 39 ans d'expérience.
(3) A. Perraud "Les sols", dans Le Milieu Naturel de la Côte d'Ivoire,
1971, p.306.
19
Dans l'interfluve Bandama-Comoé, tous les affluents
de la rive droite de la Comoé prennent leur source dans
les plateaux de la région de Kong qui prend ainsi l'allure
d'un véritable château d'eau pendant la saison des, pluies ;
ces affluents affectent tous une allure semblable et coulent
selon une direction E-W, pratiquement parallèle à celle des
ondulations des glacis du pays.
Parmi ces rivières, on peut
citer au nord, le Kolonkoko,
le Koba et le Taburogo, au
sud, le Kinkéné.
La plupart des rivières du pays décrivent de nom-
breux méandres et leurs rives sont soulignées par une
importante végétation de forêt-galerie
; ell~ ne sont pas
navigables et leurs lits sont souvent encombrés de troncs
d'arbres et de branches.
Durant une grande partie de l'année, la plupart
de ces rivières sont à sec à cause de la saison sèche qui
est très importante; elle dure d'octobre à mai
(8 mois).
Les déficits hydriques cumulés se situent entre 700 et
800 rn/m. A cela s'ajoutent les effets de l'harmattan
(vent chaud et sec)
qu'on ressent à partir de décembre-
janvier; l'air est sec et chaud dans la journée à cause
de son origine saharienne et de son long parcours sur des
zonès désertiques ou sahéliennes;
i l devient froid la nuit
, '
a
"cause de sa teneur en eau
(vapeur et liquide)
qui autorise un rayonnement terrestre nocturne
très important" (1) •
L'humidité relative qui est pour l'année de 68,3 % tombe
en janvier à 45,3 %.
(1) M. Eldin, "Le climat" dans Le Milieu Naturel de la Côte d'Ivoire,
1971, p.82.
20
La température ànnuelle est de 26°8 ; mais on
remarque des écarts importants entre les saisons ou au
cours d'un même mois
(minimum absolu g01
; maximum absolu,
41°). Au cours du mois de février, on enregistre parfois un
écart de 31°
;
il est relativement courant de passer de 10°
la nuit à 41° le jour.
Dans l'ensemble cependant Kong, de par sa situation
dans la zone subsoudanaise, proche de la zone forestière,
bénéficie d'un milieu naturel favorable ~ son développement
les. pluies demeurent abondantes et la richesse relative
des sols favorise les cultures vivrières
(mil,
igname,
mais,
riz fluvial,
riz irrigué)
et la culture du coton, base
du tissage à Kong à partir du XVIIe siècle; l'existence
dans la région d'essences végétales utiles, atténue, dans
le cas d'une sécheresse prolongée les effets de la disette.
Le milieu naturel par ailleurs riche en or allait constituer
ainsi un cadre attrayant pour les populations autochtones
et mandé.
21
111, LE CADRE CHRONOLOGIQUE
Les Dyula, nous le verrons, seront en place dans la
reglcn de Kong au plus tard à la fin du XIVe siècle. Mais
dans l'état actuel de la documentation il est difficile de
déterminer avec précision les débuts du Royaume de Kong. Le
manuscrit n012 que nous présenterons plus tard semble in-
diquer qu'une chefferie se serait mise en place à Kong
vers 1407.
Il est possible que sous l'impulsion de la
colonisation mandé et du développement du commerce à
longue distance/Kong ait connu un début d'organisation
politique. Malheureusement,
il n'existe à notre connaissance
aucun document écrit relatif aux souverains qui ont régné
à partir du début du XVe siècle. Par contre, le recDur.mtn~
des traditions de Bobo-Dioulasso avec les sources écrites
permet de dire qu'une monarchie animiste dominait la ville
de Kong à la fin du XVe siècle.
Il s'agit du souverain
BOkar à qui l'on attribue toutes les institutions politiques
de l'Etat de Kong avant l'avènement de Seku Watara
(1710-
1745). La fin du XVe siècle constitue ainsi le début de
notre étude.
L'année 1897 marque la fin de notre travail: elle
correspond à la destruction de la métropole dyula par les
forces samoriennes. Elle annonce aussi le début d'une ère
·nouvelle, celle de la colonisation avec la mise en place
d'une infrastructure routière et ferroviaire qui allait
entraîner l'enclavement du Nord-Est de la Côte d'Ivoire et
transformer Kong,
la vieille capitale en une petite
bourgade. Aujourd'hui,
seuls le mur des Baro, la petite
mosquée et quelques
rares maisons à terrasses constituent
des souvenirs du passé.
22
IV,
LES OBJECTIFS
L'idée fondamentale de notre travail c'est
l'évo-
lution du Royaume de Kong.
Il fallait donc retracer la
genèse de l'Etat de Kong qui a connu à l'époque tarawéré
un pouvoir animiste avant d'atteindre son apogée avec le
roi musulman Seku Watara. Nous avons voulu montrer que
le Royaume de Kong n'est pas un Royaume parmi tant d'autres,
car il reposait, d'une part, sur une unité linguistique
et culturelle
(le Dyula et l'Islam)
et, d'autre part, sur
l'idée de territoire
(le Kpon-Gènè). L'évolution du Kpon-
Gènè dépendra du pouvoir central sunangi chargé de garantir
la sécurité des routes et de la population, de l'importance
du commerce et de la main-d'oeuvre servile. Nous avons voulu
insister sur le fait que la vie économique et politique
reposait entière~ent sur les esclaves et souligner l'impor-
tance du commerce et de l'armée dans les structures du
Kpon-Gènè. A ce titre,
la fin du XVIIIe siècle constitue
un tournant décisif dans l'évolution de l'histoire du
Royaume de Kong:
Kong, Etat guerrier et commerçant va
devenir du fait de l'affaiblissement du pouvoir central un
Etat purement commerçant dominé par une aristocratie de
marchands. c'est ce qui fera dire à Binger à la fin du X~Xe
siècle que
"les gens de Kong ne font pas la guerre"(l).
Telles sont les grandes lignes que nous avons tenté de
dégager dans notre ~tude.
Voyons maintenant les sources dont nous disposons
pour notre recherche.
(1) Binger, ~. cit., t.I, p.327.
23
V,
LES SOURCES
Nous disposons de trois ordres de sources, les
sources écrites
(textes d'origine arabe et documents
d'archives),
les sources orales et les sources matérielles.
A.
LES SOURCES ECRITES
Nous distinguerons ici deux séries de sources
écrites,
les sources africaines constituées essentiellement
far des fonds arabes et les sources européennes nourries
par les rapports fournis
par les explorateurs du XVIIIe
et XIXe siècles. Voyons ce que ces documents apportent à
la connaissance du passé de Kong.
1. -
Les sources arabes
Au cours de nos enquêtes sur le terrain, nous avons
décidé de réunir tous les documents écrits qui de loin ou
de.près se rapportaient à l'histoire de Kong
(chroniques,
listes généalogiques . . . ). Au départ, nous pensions que nos
chances de trouver des textes écrits sur l'histoire des
,
watara étaient fort maigres car la destruction de la ville
de ~ong s'est accompagnée d'un massacre important des
lettrés qui auraient pu, avec du recul et en se fondant
SUr des documents de famille, écrire l'histoire du pays
mais nous avons appris chemin
faisant que des érudits
épargnés par Samori détenaient autrefois des manuscrits
arabes sur le passé de Kong et de Bobo-Dioulasso. Parmi
ces lettrés, on citait couramment le nom de Karamoko Dugutigi
qui se serait réfugié à Bobo-Dioulasso après le sac de la
ville de Kong
nous avons décidé de retrouver quelqties
uns des papiers laissés par ces érudits ; nous savons que
l'Université d'Accra
(Ghana), à la suite d'une collecte
systémati~ue de manuscrits arabes, avait publié en 1965 des
24
documents relatifs à l:histoire de Kong
(voir les Fonds
arabes de l'Institute of African Studies de Legon).
Nous avons entrepris la recherche des manuscrits
arabes en Côte d'Ivoire, au Ghana, au Burkina-Faso et au
Niger, à,partir de 1973 ; l'essentiel de la documentation
que nous avons réunis vient essentiellement de la Côte
d'Ivoire, du Burkina-Faso
(région de Bobo-Dioulasso) et du
Ghana. Nous sommes reconnaissant à Marhaba, l'imam de Bobo-
Dioulasso, qui nous a permis de consulter ses papiers per-
sonnels
; la mort de cet érudit en 1981 constitue une grande
,perte pour l'histoire Ouest-Africaine, notamment pour la
constitution des fonds arabes du Burkina-Faso et de la Côte
d'Ivoire;
il a en effet contribué efficacement à la mise
en place des archives de Legon
(Accra, Ghana)
et à celles
de l'Institut de Recherches en Sciences Humaines de Niamey
(loR.S.H.)
au Niger (1).
Nous avons rencontré sur le terrain deux types de
documents écrits, les tarika
(tarikh)
et les lasnadu traduits
généralement par listes généalogiques. Les premiers sont
loin de ressembler aux tarikh soudanais tels que le Tarikh
es-Soudan d'Es-S'adi ou le Tarikh el-Fettach attribué à
Mahmoud Kati.
Ils ne retracent pas l'histoire d'un Royaume
ou d'un pays, avec ses villes, ses habitants, les activités
de fa population. Les auteurs de ces documents s'intéressent
surtout à des personnages historiques qui ont joué un rôle
i~portant dans le pays où il y a de grandes familles de
Karamogo telles que les Saganogo qui ont participé à l'édi-
fication de l'Etat de Kong. Les tarikh que nous avons réunis
et qui concernent l'histoire de Kong dépassent rarement une
trentaine de folios chacun. Ceux que nous avons trouvés à Kong
en comportent au maximum six chacun. Nous pouvons citer
l'exemple du Tarikh Mamalakat al-Watarayiyin min Ghum
(1) Pour les fonds arabes de Legon, voir Université d'Accra (Ghana)
D.P./Z. 6605 A6.W. 65 et A6. W.66 ; pour les fonds de Niamey, voir à
l'Institut des Recherches en Sciences Humaines (l.R.S.H.) tous les
papiers inscrits sous le nom de Marhaba de 1965 à 1971. Les documents
présentés ici sont classés par centres d'intérêt.
25
(Histoire du Royaume de~ watara de Kong) qui ne contient
que quatre folios(l.).
A côté de ces tarikh existent les lasnadu. Il
s'agit sans aucun doute de la déformation du-terme aLabe
Isnad
(généalogie). Les chercheurs ont souvent classé à
tort cette catégorie de documents qui comportent, il est
vrai, une liste de noms de personnages et de lieux dans
la catégorie "documents sans valeur historique". Il suffit
pour s'en convaincre de jeter un coup d'oeil sur les Fonds
arabes de la Bibliothèque Nationale de France ou sur ceux
de l'Institut de France. En réalité, il s'agit de documents
très riches quand on sait les interroger. Les noms contenus
dans ces manuscrits sont attachés à des souvenirs gravés
dans la mémoire des détenteurs de ces papiers. Ils const\\.tull.l1t
pour la plupart des traditionalistes qui savent lire l~arabe
de véritables aide-mémoire. A ce titre, le lasnadu doit
être exploité dans le lieu où on l'a trouvé. Il doit, à notre
avis, être restitué aux propriétaires du manuscrit une fois
l'enquête terminée car la disparition du lasnadu porterait
à coup sûr une entorse grave à la tradition orale, dans une
société où il n'y a plus de spécialistes de la parole. On
comprend donc la réticence des vieux à vouloir communiquer
leurs lasnadu aux chercheurs. Lorsque le lasnadu concerne.
les listes dynastiques, il prend généralement le nom de
Lasiri, mais aussi l'allure d'une véritable chronique. Le
Lasiri mentionne la liste des rois qui ont régné et les carac-
téristiques de chacun des règnes
(guerres, disettes, durée
de règne .•• ).
Nous avons opéré un choix parmi les documents que
nous avons rassemblés ; nous signalons ici ceux qui présen-
tent un intérêt pour l'histoire de l'Etat dyula de Kong.
(1J Fonds arabes de Legon I.A.S.A.R./454.
26
a)
Les'manuscrits de Kong et de
Bobo-Dioulasso
Présentation. :
Titre
Origine des enfants du Shaykh
(Seku).
Auteur
anonyme
Date
néant : mais probablement début XVIIIe
siècle
Etat
bon
Dimensions:
1 folio 18,50 cm x 19 cm -
Nous avons trouvé ce manuscrit en 1974 dans les
. papiers personnels du roi actuel de Kong, Karamoko Ouattara
.plus communément appelé Kodara
; le manuscrit est connu de
nombreux lettrés de Kong,
notamment de Mamadou Saganogo
Labi avec qui nous avons travaillé longuement sur le passé
des watara. C'est la première source écrite qui nous parle
de l'origine Kéita de Seku Watara, le fondateur de l'Empire
de Kong.
Il explique aussi
les raisons pour lesquelles le
grand père de Seku Watara, Maghan, abandonna sa ville natale
Ka'aba pour se réfugier d'abord à Dé
(région de Bobo-
Dioulasso)
avant de regagner Ténégéra
(ville située à une
dizaine de kilomètres au sud-est de Kong)
d'après ce
document,
une guerre aurait opposé Sundyata Kéita
(le père
de Maghan)
à son frère Mambi Kéita à cause d'une femme;
Sundyata aurait été vaincu et se serait réfugié à ségou en
27
abandonnant ses enfants à Ka'aba ; ce serait à la suite
de cette guerre que Maghan préféra l'exil à la servitude
sous le règne de son oncle.
L'auteur du manuscrit nous apprend que Mambi est
originaire de
Kirina (200 kilomètres environ au nord-est de
Kangaba sur la rive gauche du Niger). S'agirait-il
d'un
coup d'Etat réalisé par un prince en exil au détriment de
son frère ou de son cousin? Nous aurons l'occasion de
revenir sur ce problème.
Certains traditionalistes que nous avons interrogés
contestent le bien fondé de certaines informations conte-
nues dans le manuscrit;
ils pensent que le père de Maghan
ne s'appelle pas Sundyata mais Mambi et qu'il est mor~ sur
le champ de bataille;
ils affirment que c'est Maghan
lui-même qui s'est réfugié à ségou après la mort de son
père(1).
Il faut donc accueillir ce document avec beaucoup
de réserves
nous n'avons pas trouvé sur la liste des rois
de Kangaba le nom de Mambi
; par contre un Sundyata a
effectivement pris le pouvoir à Kangaba.
L'auteur du manuscrit commet aussi une erreur grave
en associant au règne
de Seku Watara, des personnages
contemporains de son grand-père,
tels que Alè Mori Baro,
Batakpili Baro, Famaghan Tarawéré et Dao Dabila.
Le document présente cependant un intérêt réel car
les indications qu'il donne sur Maghan, sur Tyèba
(fils de
Maghan), sur Borogo
(l'un des princes animistes de Kong)
(1) Nous avons recueilli ces versions auprès du roi actuel de Kong,
Karamoko Watara ; ces versions ont été confirmées par le tradi-
tionaliste Basièri OUattara.
28
et sur la fortune de Seku Watara
(fortune liée au commerce
à longue
distance ) nous ont guidé au cours de nos recher-
ches sur le terrain.
L'auteur de ce manuscrit se contente de mentionner
le "triompHe"de Seku c'est-à-dire sa prise du pouvoir à
Kong,
il ne donne aucun détail sur le personnage de Seku
Watara ; le document ne comporte aucune date; d'après les
informations contenues dans ce manuscrit, nous pensons
qu'il a été rédigé avant le règne des fils de Seku, c'est-
à-dire avant 1745 ; en tout cas, les personnages qui sont
mentionnés dans le texte ont vécu aux XVIIe
et XVIIIe
siècles.
Présentation
Titre
néant
Auteur:
anonyme
Date
néant
Dimensions du manuscrit:
1 folio:
17 cm x 12,5
Etat : Nous avons trouvé deux copies chez le roi actuel
de Kong;
l'une d'entre elles est en très mauvais état.
En 1977, nous avons trouvé une copie du même document dans
un petit village de la région de M'Bahiakro
(Côte d'Ivoire)
chez El-Hadj Mustafa Coulibaly
(1915 -)
Le manuscrit contient des informations capitales ;
il confirme le fait que Seku Watara descend de la lignée
des rois de Kangaba ;
il dresse la liste de ces rois et
il apparaît très clairement que les rois qui ont régné à
Kangaba sont des Kuribari et non des Kéita
;
il ne fait pas
allusion aux événements survenus à Kangaba, mais il men-
29
tionne I:armi
les rois de. cette ville, Sundyata
(que nous
identifions au Sundyata du document n01
considéré à tort
comme un Kéita), et deux personnages très importants,
Mansa Maghan et Nadibu Kurubari, personnages sur lesquels
nous aurons des informations dans les documents n05 et 6.
Le manusrcit n02 date probablement de l'époque de
l'exil de Maghan ;
il est à notre avis plus ancien que le
document n01
; cela expliquerait les raisons pour lesquelles
les enfants de Maghan ne figurent pas dans le texte.
Titre
néant
Auteur
anonyme
Date
,.
néant: manuscrit découvert à Kong en 1975.
Dimensions du manuscrit:
2 folios 17 cm x 11,5 cm.
Le manuscrit est en bon
état et se trouve chez le roi
actuel de Kong, Karamoko ûuattara.
Il s'agit d'un document
relatif à la généalogie des descendants de Maghan
ce genre
de texte est connu des traditionalistes sous le nom de
"l as iri"
(liste généalogique). En fait,
il s'agit d'un
véritable aide-mémoire pour les traditionalistes de Kong'
dont la plupart savent lire l'arabe; c'est donc un document
indispensable pour les enquêtes orales, surtout. dans une
région où les griots sont quasiment inexistants.
Les deux folios n'ont pas été rédigés à la même
époque ; le premier est réalisé sur du papier ép~is avec
une écriture "grasse"
l'écriture du second folio est plus
fine
; elle est faite sur du papier ordinaire. La copie
du premier folio a été certainement élaborée sous le règne
30
du'roi Mori séré, au plus tard au début du XIXe siècle
le folio 2 a été fait après le règne de Basidi mort en
1960. Rappelon d'ailleurs que le Lasiri était mis à jour
sous chaque règne
i
cette pratique nous, permet aujourd'hui
de dresser sans aucune difficulté la liste des rois qui
ont régné à Kong après la mort de Seku Watara.
Titre
néan~ ,
Auteur
anonyme
Date
néant
; document découvert à Kong en 1975.
Dimensions;
2 folios 17 cm x 11,5 cm.
Ce document que nous avons trouvé chez le roi actuel
de Kong en
197~ est un lasiri ; il est très important car
il contient la liste complète des enfants de Maghan, de
Tyèba, de Seku et de Famaghan ; il donne la liste des rois
de Kong et,
à ce titre, il complète le manuscrit n03.
L'auteur du manuscrit précise dans le folio n 0 1 qu'un sou-
verain de Ka'aba du nom de Mansa Maghan envoya Nadibu
Kuribari à la recherche de Maghan et que celui-ci le trouva
dans le pays de Kong
; il ajoute que Maghan demeura dans.
le pays et eut deux fils de Seku et Famaghan(l). L'existence
de c~ manuscrit ~end donc à prouver que Seku appartient
bien à la famille royale des Kuribari de Kangaba.
Ce texte permet en outre d'affirmer que Maghan,
le grand-père de séku Watara, vivait encore dans la région
de Kong à l'époque où le Mansa Maghan régnait à Kangaba. La
copie du manuscrit que nous avons trouvée à Kong est récen-
te
; elle a été faite probablement au début de ce siècle;
(1) Le personnage connu sous le nom de Nadibu Kuribari occupa le
trône de Kangaba après son retour de Ténégra.
31
mais elle est sans aucun doute la copie enrichie du ma-
nuscrit n02 dont l'original remonte au XVIIe ou XVIIIe
siècle.
Titre
néant
Auteur
anonyme
Date
néant
Dimensions:
2 folios 17 cm x 11,5 cm.
Nous avons découvert ce document chez le roi de
Kong en 1974. Le folio n01
est pratiquement illisible;
nous
'avons réussi à photographier le folio n02 dont la
moitié droite était encore lisible. En 1977, au' cours
d'une mission à M'Bahiakro, nous avons montré notre
manuscrit à El-Haj Mustafa qui, en cherchant
dans ses
papiers, a retrouvé une copie des manuscrits que nous
cherchons.
Le folio n01
relate le voyage de Nadibu dans
la région de Kong à la recherche de Maghan
; mais il ne
contient pas la liste des fils de Maghan, de Tyèba ..• Etant
donné qu'il s'agit d'un "lasiri", on peut donc affirmer
que son élaboration est antérieure à la descendance de
~aghan. Le folio n C 2 a un caractère particulier dans la
dis~osition des noms des souverains. Il mentionne les noms
de huit. princes
i
nous n'avons pu en identifier' que quatre
il s'agit:de Maghan, Tyèba, Seku, Samanogo, Sumafi, Kumbi
la lecture des deux autres noms est douteuse, mais nous
pensons qu'il s'agit de deux fils de Seku qui ont régné à
Kong, Asuruba et Mori Maghari. Dans ces conditions, ce
lasiri
(folio 2)
qui a certainement un caractère "magique"(1)
------ -------_._---
(1) Les descendants actuels de Seku Watara sont convaincus qu'en
récitant, dans un
ordre donné, les noms de certains anciens rois
de Kong on peut acquérir des faveurs spéciales.
32
a été élaboré à la demande des petits-fils de Seku.
l'existence de ce document remonterait ainsi, au plus tard,
à la fin du XVIIIe siècle. La liste des rois (petits-fils)
qui accompagne le document est l'oeuvre des copistes
actuels.
Le document nOG nous apporte deux indications
importantes
i
il précise, d'une part, que Maghan habitait
Ténégéra et, Q'autre part, que Seku était connu de ses
contemporains sous le nom de Shaykh(1).
Titre
néant
Auteur
anonyme
Date
. 5 folios
18 cm x 22,8 cm.
Nous avons trouvé ce manuscrit chez Mamadou Saganogo
Labi en juillet 1978 à Bouaké; le manuscrit est très mal
conserve i
il sera probablement inutilisable dans les années
à venir
i
nous avons eu du mal à le consolider pour en
faire la photocopie
Nous sommes ici en présence d'une partie
des
chroniques de Kong
; la copie de ce document a été faite
par le
grand-père maternel de Labi à partir d'un original
que
l'on aurait trouvé chez un marabout de Darsalami
(Dans la région de Bobo-Dioulasso, au Burkina-Faso)
en
1670 (2)
ion igr.ore à Cjuelle
date précise le document a été
é c r i t ; la mort de Karamoko Dari annoncée dans le manuscrit
(1) Dans la chronique du Gonja, Seku est effectivement connu sous le
nom de Shaykh. Seku dut être considéré à son époque comme un érudit
et un défenseur de l'Islam.
(2) Cette date nous a été communiquée par le marabout Labi à Bouaké én
1978 ; il prétend la détenir de son père.
33
montre que le document a été élaboré après 1850(1)
i
nous
situons donc la date de la rédaction du manuscrit dans la
seconde moitié du XIXe siècle i
il ne comporte aucune
rature ni surcharge.
La chronique
de Kong que nous présentons ici a
été écrite essentiellement à partir des sources orales'
recueillies auprès des contemporains des événements que
nous relatons i
bien que l'auteur se propose d'écrire
l'histoire des fils de Seku,
il s'intéresse aussi à l'oeuvre
des. petits-fils de ce dernier. Le document est très riche
il fait le portrait des. principaux princes watara qui ont
vécu à Kong ou à Bobo depuis la prise du pouvoir par Seku
Watara
(au début du XVIIIe siècle)
jusque dans la seconde
moitié du XIXe siècle. Le document nous parle d'abord qe
Seku hatara i
il est présenté comme le fondateur du Royaume
de Kong.
D'après l'auteur du manuscrit
"Seku est à l'origine du Royaume des fils de
Fa-Tyèba:i
il est la source de leur triomphe,
il est celui qui a résolu tous les problèmes ;
celui qui a fait flotter leur drapeau d'hon-
neur de l'est à l'ouest et du no~d au sud •.. "
Seku a~paraît ici à juste titre comme le génie créateur de
l'Et~t dyula de Kong.
L'auteur n'insiste pas sur le person-
age de Seku car il veut, dit-il, nous faire connaître
l'histoire des fils de ce dernier; ainsi, après quelques
mots sur le fondateur du Royaume de Kong,
il passe en revue
certains des fils de Seku Watara.
(1) Binger qui écrit en 1890, dit que le pouvoir est entre les mains
de Karamoko Ulé depuis "une quarantaine d'années"
(cf. Binger,
Du Niger au Golfe de Guinée •.• , t.I, 1892, p.324). Ceci permet de
situer la mort de Karamoko Dari vers 1850.
34
1 ° /
Dyor'idyan
Ce personnage apparaît comme un solide conquérant
il serait mort du vivant de son père en laissant deux
enfants en bas âge Soma ulé et Abderamane
; d'après ce do-
cument,
l'éducation de ses enfants fut assurée par l'es-
clave de Seku Watara, Bamba ; Seku aurait permis à ceux-ci
de,prendre l'héritage de leur père; le document ne dit pas
si cette succession engendra des crises au sein de la
famille de Seku Watara. Dyoridyan a participé, dit-on, à
la bataille contre l'Ashanti (1).
2°/
Kéré Mori
Il est présenté lui aussi comme un grand guerr~er
il,aurait surtout participé aux opérations du nord
(guerre
contre le Kénédugu, contre Ségou).
3°/
Zan Bakari
On assure que Zan Bakari ne reculait jamais devant
l'ennemi.
Il serait mort du vivant de Seku Watara ; le
manuscrit ne livre pas beaucoup d'informations sur ce
personnage.
4°/
Samanogo
Il n'avait certainement pas un esprit combatif;
d', :lprès l'auteur du manuscr i t,
il succéda à Seku, mais
so~ règne ne semble pas avoir laissé de trace.
(1) Nous reviendrons plus tard sur cette bataille qui eut lieu vers
la fin du règne de Seku Watara. Nous reviendrons aussi sur les
principaux personnages mentionnés ici.
35
5°/
Kumbi
Kumbi semble avoir été un personnage très important.
Il participa à de nombreuses guerres et semble avoir favorisé
l'épanouissement de l'Islam à Kong. D'après l'auteur du
manuscrit,
il serait mort à Kiri, dans le Folona, en luttant
contre les animistes de la région.
6°/
Salia Sanu
Le document associe son nom à la victoire des
watara de Kong contre les Ashanti;
"au moment du retour,
il mourut en chemin"
: il ne semble pas avoir eu d'enfants
il est mort probablement très jeune.
1°/
Dyangina ou Mori Maghari
Seku aurait eu une grande affection pour Mori
Maghari
: ses frères l'appelaient "l'ami de papa"
~ il
semble avoir pris une grande part aux guerres de Seku Watara
c'est lui, dit-on, qui tua le prince ashanti qui tenta de
conquérir Kong.
Il apparaît comme un prince plein de sagesse
qui eut un règne paisible et prospère.
8 0 /
Somafi
Devenu roi, Somafi est réputé avoir livré de nom-
breuses guerres: d'après l'auteur du manuscrit
"les affaires du pays ont diminué un peu avec
lui".
Le règne de ce personnage, dernier fils de Seku marque un
tournant dans l'histoire de Kong.
36
L'auteur du mam:lscrit ne nous donne aucune infor-
mation sur les autres enfants de Seku morts probablement
avant ou sous le règne de Somafi
il s'agit de Daudu,
Usman Fimbu, Sekuble
(ou Bakayoko) et Foroko Mori
(ou Duga).
L'auteur du manuscrit lève le voile sur les crises(1)
internes qui vont secouer le Royaume de Kong après la mort
de Somafi
: Tyèba le fils de Mori Maghari tente d'assassiner
son oncle Somafi
"il voulait l'égorger parce qu'il siest
disputé avec son père (Dyangina)"
;
les enfants de Kumbi refusent de combattre aux côtés de
ceux de Mori Maghari, notamment sous le règne Karamoko Dari,
un roi d'une rare générosité.
La chronique de Kong nous paraît donc très impor-
tante
; elle nous donne des indications sur les fils et
les petits-fils de Seku, elle met l'accent sur les guerres
qUe Kong a livrées contre l'Ashanti, le Kénédugu,
le Royaume
de Ségou, la ville de Sofara,
le Dyimini, le Folona et les
Tagwana ; elle nous permet de savoir que l'époque floris-
sante des rois de Kong se termine sous le règne de Somafi·;
la mQrt de ce dernier ouvre la porte aux querelles intes-
tines des petits-fils de Seku qui vont affaiblir le pouvoir
central et semer le désordre et l'anarchie au sein du Royaume.
Le document ne comporte aucune date
; mais il a
été écrit après 1850
il est le reflet fidèle des sources
orales ; la copie de Labi ne semble pas avoir été trafiquée.
Elle a servi de base à nos enquêtes orales.
(1) Nous reviendrons ultérieurement sur ces crises.
37
7°/
Docùment nog
Titre
néant
Auteur
anonyme
Date
néant
Dimensions
:
3 folios x 1 7 cm x 25.
Nous avons découvert ce document à Bouaké en 1978
chez Labi. D'après ce dernier, ce manuscrit serait la copie
d'un document aujourd'hui disparu
cette copie a été faite
par Labi en 1960 ; nous n'avons pas réussi à obtenir àe
Labi àes inàications précises sur l'original. Quelle valeur
doit-on
accorder à cette copie?
Voyons le contenu du document ;
l'auteu~ du man~s
crit raconte qu~ Shaykh
(Seku)
a fait un voyage d'affaires
dans le pays Dawama
(Dagomba)
en compagnie de ses amis al-
Muri Baro, Bamagha Tarawéré, Batakpilé Baro et Dabila Dao
Seku aurait rencontré le roi de ce pays à Salaga(1)
; ce
dernier était au désespoir car son épouse prêféréeéprouvait
depuis plusieurs jours des diffi~ultés pour accoucher ; il solli-
cita l'aide de Saku ; grâce à un médicament fourni par la
femme àe ce dernier,
l'épouse du roi accoucha sans diffi-
culté. En guise de récompense, Seku reçut un âne chargé
d'or '; c'est avec cet or que le fils de Tyèba organisa la
conquête du pays et réussit à renverser le roi animiste
Lasiri.
Le document met aussi l'accent sur l'aide que le
roi wèla Djuki
(Dyokè)
et les marabouts de la région appor-
tèrent à Seku dans sa lutte pour la conquête du pouvoir.
Il
(l)
Ce détail montre que Seku se trouvait en réalité en pays gonja
Salaga est un marché important du Gonja.
38
contient d'autres détails importants:
il nous 9Pprend que
sous le portique des Baro furent enterrées la tête du fils
de Lasiri et celle de sa fille
i
il donne la liste des
frères et des fils de Seku et celle des rois de Kong.
Nous pouvons faire plusieurs remarques a propos
de ce document.
1°/ Nous notons des invraisemblances dans le manus-
crit i nous avons vu dans les documents précédents que Alè
Mori Baro, Bamaka ou Famaghan Tarawéré et Dao Dabila sont
des contemporains du grand-père de Seku, Maghan ou Dé
Maghan i
ils n~ont donc pas pu faire partie du voyage de
Seku à Salaga(1)
on ne voit pas comment l'Imam Baro, le
compagnon de lutte de Seku pourrait être ie père d'Alè Mori
Baro ; dans le document on l i t en effet :
"Shaykh sollicita l'aide d'Alè Mori Baro qui
qui est le fils de l'imam Baro •.. ".
Le copiste a probablement mal compris ce passage car l'imam
Baro est le fils ou le petit-fils de Alè Mori Baro.
2°/ A propos du voyage de Seku au Dagomba, on peut
dire que ce manuscrit ne relate qu'une des nombreuses ver-
sions qui existent à Kong à propos de l'or qui fut donné
à Seku par un souverain étranger. Labi ne sembl~ pas parta-
ger l'opinion de l'auteur du document n09. En effet, en 1975,
lors de la "Table ronde sur les origines de Kong",
il a
(1) L'auteur de ce texte reprend à son compte, les erreurs contenues
dans le manuscrit n01. Il s'agirait probablement d'une copie enrichie
du document n01.
39
Bonné une version différente
: selon lui
"le roi de Dakoma était allé attaquer les
Kpagala
(Kulango)
; il a pu vaincre les
kpagala(1). A son retour
ils se sont ren-
contrés
( ... ) à yandé
(Yendi ?) •••• "(2).
Nous écartons l'hypothèse d'une rencontre à Yendi
; nous
pensons, en accord avec les traditions orales que nous avons
recueillies dans la région de Kong que Seku rencontra le
souverain étranger dans un village de la région de Bouna(3).
Il apparaît très clairement à travers les sources
écrites et orales que Seku a reçu une aide financière d'un
souverain étranger
; mais ce souverain étranger était-il un
roi du Dagomba ou du Gonja ? Il est difficile en effet de
croire qu'à partir de la seconde moitié du XVIIe siècli,
le Dagomba était en mesure d'effectuer
des campagnes vic-
torieuses jusqu'à la Volta Noire. No~s pensons que cette
campagne
(si elle a eu lieu)
a été faite par un roi du Gonja
et non du Dagomba(4). Nous avons constaté d'ailleurs, au
cours de nos enquêtes à Kong, que le terme Dagomba n'a aucun
contenu précis;
il désigne, d'une manière vague, les pays
situés à l'est de Bouna.
(1~ Labi in "Table ronde sur les orlglnes de Kong", Annales de l'Univer-
sité d'Abidjan (A.U.A.), sér ie J, t.I, 1977, p.240. Le roi en ques-
tion aurait donc attaqué les Kulango de la région de Bouna riche en or.
(2) Il existe effectivement dans le Dagomba une localité connue sous le
nom de Yendi située à plus de 100 km au nord de Salaga. Mais il
parait invraisemblable que Seku revenant de Salaga ait pu rencontrer
à ,Yendi un roi du Dagomba qui aurait vaincu les Kulango de la rive
droite de la volta Noire.
(3) En 1974, nous avons recueilli une version similaire auprès du roi
actuel de Kong qui situe la rencontre de Seku avec le roi de Dagomba
dans la région de Bouna.
(4) Seku Watara, nous le verrons, est mort vers 1745 après un long règne
les évènements relatés ici se situent donc à notre avis aU début du
XVIIIe siècle à une époque où le Gonja dominait les vallées de la
Volta Noire.
40
4°/
A propos de la date de rédaction du manuscrit,
nous avons dans le texte un détail important: l'auteur du
manuscrit écrit
"au cours d'une douce causerie chez Bamba
watara,
j'ai offert quelque chose
( ... ) au
savant
'Al-Kadi fils d'el-Mustafa Saghanughu ..• "
'Al-Kadi a été imam à Kong de 1920 à 1938 i l'auteur de ce
document est donc contemprain de l'imam al-Kadi(1).
5°/ Le manuscrit contient plusieurs dates:
1651
(date de la mort de Dyoridyan),
1665
(guerre contre l'Ashanti
et 1671)
(construction de la mosquée de Kawara)
nous. pen-
sons que ces dates doivent être attribuées, non à l'auteur
du manuscrit, mais probablement à Labi qui a recopié récem-
ment le manuscrit i
il faut à notre avis écarter ces dates
qui ne reposent sur aucun document solide.
En conclusion, nous disons donc qu'il ne s'agit
pas d'un document de première main i nous devons donc
l'utiliser avec prudence et confronter ses données avec
l'ensemble des sources de la région.
Titre
néant
Auteur
Mamadou Saganogo
Date
1960
Dimensions:
2 folios
17 cm x 25 cm.
(1)
Informations recueillies à Kong en 1974, d'après la.. liste actuelle
des imams de la ville détenue par Bamadou Saganogo. L'auteur a
rédigé ce texte après 1938.
41
Ce document ne constitue pas véritablement une
chronique de l'histoire de Kong;
il donne des informations
sur les états nabé
(Yankafolo, Forogo •.. )
;
il parle d'al-
Baru Basharu, l'un des compagnons de lutte de Seku Watara
al-Baru Basharu appartiendrait au groupe ethnique Wonogo,
aujourd'hui disparu dans la région de Kong;
il apparaît
comme un génie créateur;
il aurait introduit dans le, pays
les techniques de la fabrication des parasols royaux et la
construction des ponts.
L'auteur tente de faire l'histoire des Nafaga mais
les données sont imprécises et les personnages mentionnés
dans le document sont difficilement identifiables. Ce manus-
crit ne présente aucun intérêt réel pour la connaissance du
passé de Kong.
Titre
néant
Auteur
Marhaba
Date
1963
Dimension:
1 folio 17 cm x 11,5 cm.
Il s'agit d'une lettre que l'imam de Bobo-Dioulasso
Marhaba adressa au roi de Kong actuel Karamoko Ouattara qui
lui réclamait la chronique de Kong. Cette lettrè est très
importante car elle a attiré notre attention sur l'exis-
tence d'une chronique relative à l'histoire des watara de
Kong et de Bobo-Dioulasso. D'après cette lettre,
l'auteur
de ce document serait un certain Beman Dugutigi Kuribari
;
selon les sources orales que nous avons recueillies à Bobo-
Dioulasso,
ce personnage aurait quitté Kong pour la région
42
.de Bobo dès que Samori s'est installé dans le Dyimini
(1894) (1)
on pense qu'il serait mort à Bobo, peu de temps
après l'invasion de Kong par les troupes de Samori
(1897) (2).
La lettre de Marhaba nous donne des indications sur
la chronique écrite par Beman ou Karamoko Dugutigi ; l'imam
de Bobo aurait trouvé le manuscrit
"chez Mahama Watara qui le tient de Karamoko
Touré et de son frère Bay'o
(Bakayogo)
qui
eux-mêmes le tiennent d'un écrit de leur
père(3)
;
j'ai recopié ce document pour
Mahama,
frère germain de Dyima Mamuru Daghana
en l'année 1344 de l'hégire
(1925) ... "(4).
La copie découverte par Marhaba a donc été réalisée une géné-
ration auparavant, soit vers la fin du XIXe siècle. Le ùo-
cument original "remonte probablement au milieu du XIXe siècle.
D'après Marhaba, cet écrit concernerait essentiellement le
royaume des watara(5).
(1) L'installation de Samori dans le Dyimini se situe au milieu du mois
de juillet de l'année 1894 : voir à ce sujet Yves Person, Samori •••
t.3, p.1652.
(2) Informations recueillies auprès de l'imam de Bobo Marhaba Saganogo en 197
(3) La lettre de Marhaba montre à quel point les manuscrits circulaient
à Kong et à Bobo ; nous avons enquêté dans la famille de la plupart
" des personnages mentionnés dans la lettre; mais cela D'a donné aucun
résultat positif.
(4) Le personnage connu sous le nom de Mahama s'appelle en réalité Abu
Ya'kub Muhammad ben Ya'kub ; il est originaire de Bondoukou, il a
laissé de nombreux écrits sur cette dernière localité; il est mort
en 1982.
(5) L'~mam Marhaba a réalisé en 1960 une copie du document de Beman
Dugutigi pour les fonds arabes de l'Université d'Accra voir:
LA.S.A.R.;'4S4 Tarikh Mamalaka al Watarayyin
Ghum, 4 folios 15 x 23.
43
Dans cette lettre, Marhaba donne une origine arabe
à Tyèba le père de Seku Watara ; l'auteur fait vivre les
ancêtres de Tyèba dans le Kaarta, dans une ville appelée
Siraso ; a la suite d'une guerre à propos d'une femme rouge,
(gbanmèlè) Tyèba vaincu dut s'enfuir avec ses partisans suc-
cessivement à Begho, à Daboya, à Bolé, à Bouna, à Konokiri(1)
et à Ténégéra. Tyèba aurait été rejoint dans cette dernière
localité par ses deux fils Seku et
(Fa) Maghan. Marhaba fait
ici une confusion entre les événements survenus à Kangaba
à l'époque de Maghan et ceux survenus à Kong à l'époque de
Tyèba
(voir à ce sujet les manuscrit n01,
2, 5).
Nous avons découvert la lettre de Marhaba au cours
d'~ne enquête chez le roi Karamoko Ouattara en mars 1974.
C'est en montrant cette lettre à de nombreux lettrés que
nous avons découvert les manuscrits n012 et 14.
Titre
néant
Auteur
Ban Dugutigi
(?)
Date
XIXe siècle
Dimensions: 6 folios 15 cm x 22,9 cm.
Nous avons trouvé deux copies du document n012 en
1979 à Bobo-Dioulasso, l'une à Darsalami auprès de EI-Haj
Mustafa Diane et la seconde chez l'imam de Bobo, Marhaba.
Les propriétaires de ces manuscrits les attribuent à
l'écriv.ain Ban Dugutigi.
(1) Nous n'avons pas pu identifier cette localité gui doit se situer
au sud-est de Kong.
44
D'après ces documents, Kong aurait connu une
royauté vers 810 de l'hégire
(1407)
c'est la première
date dont nous disposons jusqu'ici concernant les débuts de
la monarchie des watara de Kong
; nous voyons dans ce
document que De Maghan n'est pas le fils de Sundyata :
"on dit qu'il est son petit fils direct .•• "
Il faut donc écarter l'idée selon laquelle De Maghan serait
le fils de Sundyata le grand souverain du Manding. L'auteur
confirme le départ de De Maghan du Mandé et son installation
dans la région de Kong. Malheureusement,
il ne nous donne
aucune indication sur les motifs qui obligèrent De Maghan
à s'exiler.Par contre, il nous apprend que le fils de De
Maghan, Tyèba, a
eu deux garçons à Ténégéra vers 1675
et
l'atné s'appela~t Seku et le second Famaghan. Il évoque
rapidement une guerre qui opposa Tyèba au roi de Kong qui
s'appelait Nien(1)
; vaincu, Tyèba dut prendre la fuite comme
l'avait fait son père après sa défaite du Mandé. Ce document
nous apporte donc des indications précieuses sur la vie
politique à Kong dans la seconde moitié du XVIIe siècle.
L'auteur nous parle aussi des activités de Seku
avant la prise du pouvoir, notammentau
niveau du .. commerce,
activité qu'il partageait avec des Baro et des Tarawéré ;
il
reprend l'affaire de l'accouchement difficile de. la femme du
Dagomba mais il apporte un fait nouveau
: Seku reçut en
récompense non seulement une fortune,
mais un co~ps de 300
fusiliers
(ces derniers servirent probablement d'instructeurs
dans. l'armée de Seku).
Il nous montre comment Seku a, par la
(1) Faut-il ccmprendre ici que le roi de Kong à l'époque de Tyèta s'ap-
pelait Nien et non Lasiri Gbanmèlè ? Nous savons par les sources
orales que Lasiri avait un dyo (divinité) du nom de Niamakurugu. Les
musulmans de Kong auraient-ils baptisé le souverain animiste du nom
de son dyo en l'appellant tout simplement Nien, abréviation de
Niamakuruku?
La chose n'est pas impossible.
45
suite, consuis
le pouvoir et fondé un Etat dans le pays.
Il nous donne un repère chronologique : la conquête du
pouvoir par Seku est antérieure à l'installation des Saganogo
à Kong.
Il souligne un problème important: le conflit entre
Seku et Famaghan et la scission de l'Etat en deux blocs
Kon~ et Bobo. Il retrace l'histoire de l'arrivée des troupes
de Famaghan dans la région de Bobo et la poursuite des
opérations militaires jusqu'à Sofara
(région de Dienné).
Il
fixe l'arrivée de Famaghan dans la région de Bobo vers 1715.
D'après ce manuscrit,
les watara dominèrent la région
jusqu'à l'arrivée de Samori en 1897(1).
Il insiste sur la
résistance du peuple Tyèfo contre les sofas de Samori à
Numudaga à la fin du XIXe siècle.
Ce document qui est incontestablement très riche
pour le règne dé Seku et de Famaghan pose cepenàant des
problèmes
:
il est en effet curieux de constater que son
auteur ne fasse pas allusion aux événements survenus à Kong
après la. mort de Seku Watara.
Il passe de l'époque de Seku
watara à celle de Samori. Mais ici encore il ne parle pas
àe la conquête de Kong par les troupes de ce dernier. L'au-
teur semble avoir joué un rôle important dans les événements
qui ont marqué la fin de Kong
i
il semble avoir vécu quelques
anné~s auprès de Samori. Ce document pourrait effectivement
avoir été écrit par Ban Dugutigi qui s'était refugié à Bobo
vers la fin de sa vie
mais cela n'explique pas son silence
sur les faits qu'il a vécus ou recueillis à Kong pendant
qu'il vivait àans le pays, à moins, bien entendu, qu'il ne
se soit contenté de reprendre un ancien manuscrit relatif à
Seku et à Famaghan et d'ajouter les événements de Bobo à la
. (1) La plupart des copies que nous trouvées à Bobo portent la date 1865
l'année
1897 ne figure que dans le manuscrit de Marhaba qui a cer-
tainement rectifié l'erreur en recopiant le document.
46
fin du XIXe siècle; dans ces conditions, certaines dates
contenues dans le manuscrit sont à attribuer à Ban Dugutigi
ou à un copiste récent, notamment celles concernant les
guerres de Samori contre les Tyèfo.
Titre
Histoire du Royaume watara de Kong
(I)
Auteur
anonyme
Année
néant
Dimensions:
6 folios 15 cm x 22,9 cm.
Nous avons trouvé ce document chez l'imam Marhaba.
La copie de ce manuscrit a été réalisée en mars 1980 par
EI-Haj Bafaga Diané,
l'adjoint de Manhaba.
Ce document est une version enrichie du document
n012
; on retrouve des passages entiers, mot pour mot, dans
les deux manuscrits.
Le manuscrit n014 contient cependant
de nombreux détails gui ne figurent pas dans le document
n012
: il reprend la date de 810 donnée comme étant celle
de la fondation du royaume de Kong, mais il ajoute à propos
de la ville de Ténégéra gui a accueilli De Maghan,
la date
de 1~10 ; l'auteur considère cette date comme le début de
~'histoire de De Maghan à Ténégéra
il s'agirajt donc de
l'installation de ce personnage dans cette dernière localité;
il faut,
dans ce cas,
accorder une grande importance aux
sources orales gui permettent précisément de retenir cette
dat~ comme nous allons le voir à propos de l'histoire de
De Maghan.
(1) ~iarhaba s'est probablement servi de cette copie pour la rédaction
du Tarikh Mamalaka al Watarayiyin qui se trouve à Accra (Legon).
47
Le document n014 apporte des faits sur les raisons
qui ont obligé Maghan à quitter le Mandé.
Il expligue aussi
l'origine du différend gui opposa Seku à son frère Famaghan
il souligne gue Seku est la déformation de Shaykh Abdel
Kadr
i
il nous apprend gue le nom de la ville de Bobo-
Dioulasso était autrefois Sya
il ne fait pas allusion a
l'affaire du Dagomba mais donne des détails sur les débuts
de Sya et surtout sur le négociant Molo Sanu gui joua,
semble-t-il, un rôle
important dans la mise en place de
l'Etat de Sya i
il situe par erreur l'arrivée de Samori
dans la région de Bobo vers 1865(1)
i
le dernier paragraphe
~e ce document parle de la fin de la domination des watara
dans la région
de Bobo-Dioulasso ; ce fait prouve gue la
copie n014 a été réalisée récemment, probablement dans cette
dernière localité. Nous pensons que les auteurs des documents
12 et 14 ont eu· connaissance d'un ou de plusieurs manuscrits
relatifs à la vie
de De Maghan, de Tyèba de Seku et de
Famaghan.
Les deux documents contiennent en effet les mêmes
erreurs
(date de l'installation de Samori dans la région de
Bobo,
intervention des marabouts Diane et Saganogo dans la
retraite de Sofara . . . ) (2)
les deux documents passent sans
transition du règne de Seku et de Famaghan à l'épogue samo-
rienne a Bobo-Dioulasso.
Ces textes nous paraissent cependant, dans l'en-
semble,
très importants
ils apportent de solides infor-
mations sur les débuts de l'Etat de Seku Watara.
Ils proposent,
en outre, des dates dont certaines, à notre avis, peuvent
être admises i
on peut ainsi retenir celles de 1610
(date
de l'installation de Dé Maghan à Ténégéra),
1675
(naissance
de Famaghan),
1715
(débuts des premières campagnes de Famaghan
.._- ----------
(1) Bafaga a repris la date du manuscrit n012.
(2) Nous savons que les Saganogo sont arrivés à Kong après la mort de
Seku Watara ; il est donc faux de les associer à l'action de Seku
ou de Famaghan.
49
Le document retrace aussi les derniers épisodes de
la lutte de Samori contre les Tyèfo de Numudaga après la
ruine de Kong;
il nous apprend que l'ancêtre de la dynastie
des Tyè~o de Numudaga s'appelait Bua et que ce dernier
avait été Kidnappé par Famaghan qui le conduisit à Kong et
assura son éducation; plus tard, Famaghan lui aurait rendu
sa liberté et mis à sa disposition une armée pour prendre
le commandement des pays Tyèfo. Cette version qui est con-
firmée par les sources orales de la région(l)
tend à prou-
ver que Famaghan avant la campagne de Sofara(2) connaissait
la région de Bobo-Dioulasso. Le manuscrit nous donne la
liste généalogique des rois de Numadaga qui n'ont connu que
la succession de père en fils
; on a ainsi neuf générations
entre Bua et le dernier roi Amoro
; les rois tyèfo, du fait
de la guerre,
n'ont pas vécu longtemps(3)
; nous proposons
donc pour ces derniers une chronologie relative de 20 ans
par génération; le dernier roi étant mort~en 1897, l'affaire
de Bua se situerait vers 1715-1720 ; ceci tendrait à confir-
mer la date de 1715 donnée par le document 14 comme étant
celle du départ de Famaghan de Kong.
Quelles remarques peut-on faire à propos de ce
document? Nous ignorons l'année de sa rédaction, nous
ignoLons également le nom de son auteur.
Il n'est pas in-
v~aisemblable que ce texte ait été rédigé au milieu du XXe
siècle par un Diané dans le but, d'une part de donner une
(1.)
Enqu~tes r'alis'es à Numudaga en
f'vrier-mars 1979.
(2)
Sofara, localit' aujourd'hui disparue mais que l'on situe
à proximit' de Dienn'.
(3)
Les Tyèfo gardent dans toutes les sources orales la r'putation
d'un peuple guerrier qui ne redoute pas la mort; d'après les
informations que nous avons recueillies en 1979 à Numudaga, la
plupart des rois de ce pays sont morts à la guerre.
50
origine arabe aux Diané.à l'instar des Saganogo et, d'autre
part, d'associer les Diané aux époques glorieuses des Watara
de Bobo. Nous pensons que ce document est le résultat d'une
enquête orale réalisée par un écrivain contemporain auprès
des marabouts Diané de Darsalami et de Kotédougou. Nous
l'avons confronté avec les sources écrites et orales de la
région de Kong et nous pensons qu'en ce qui concerne les
watara et les Tyèfo les faits mentionnés ici sont relativement
faciles à vérifier, ce qui n'est pas le cas pour l'histoire
des Diané de Bobo. L'installation de ces derniers dans
l'actuel territoire du Burkina-Faso ne semble pas antérieure
à la fin du XVIIIe siècle.
L'interprétation des documents n04 présente des
difficultés.
Il s'agit de quatre documents anonymes et non
datks
; deux. proviennent de la ville de Kong
(fournis par
l'imam actuel et le tr ad i t ional iste Basièr i (1)
; les deux
autres viennent,
l'un de la r~gion de M'Bahiakro(2) et
l'autre de Bouaké(3). Chacun de ces documents présente une
liste des imams de la grande mosquée de la ville de Kong
et donne les années d'exercice de ces derniers;
si
ces listes avaient été correctement tenues, on pourrait
(1) Le manuscrit de Basièri est écrit sur une feuille de cahier scolaire
16,60 x 21,1 cm ; le texte lui a été fourni par un ami de l'imam
actuel; i l s'agit d'une copie enrichie du manuscrit officiel des·'·
Saganogo. Nous n'avons pas pu obtenir une copie du manuscrit de
l'imam Bamadu. Nous avons tout simplement enregistré la lecture du
document.
(2) Il s'agit d'un document d'un folio, anonyme 17 cm x 11,5 cm. Nous
l'avons trouvé en 1977 au cours d'une mission dans la région; le
document appartient à El-Haj Karamoko qui a bien voulu le mettre à
notre disposition; qu'il en soit remercié.
(3) Il s'agit d'une copie récente réalisée par Labi lui-même, elle
comporte 3 folios:
17 cm x 25 cm ; d'après l'auteur la copie date
de 1960. Nous l'avons découverte dans les papiers personnels de Labi
en 1978 au cours d'une mission de recherches dans
la région.
51
~insi déterminer la date à laquelle l'imam Baro prit ses
fonctions à Kong
nous savons que la grande mosquée avait
été bâtie,par Seku watara après sa prise du pouvoir, on pour-
rait ainsi, de cette manière, connaître la date approxima-
tive de l'avènement du grand souverain de Kong. Les choses
malheureusement ne sont pas simples et nos documents posent
de sérieux problèmes ; essayons de les faire ressortir en
traduisant dans deux tableaux la liste des imams et les résul~
tats obtenus. Faut-il considérer les années contenues dans les
manuscrits comme des années normales
(A.N.)
ou des années
hégiriennes
(A.H.)
? Après de nombreuses enquêtes sur le
terrain nous pensons que les dates fournies par les infor-
mateurs musulmans ou les manuscrits sont des années hégirien-
nes.
52
'Liste des imams de la grande mosquée de Kong avec les
années de fonction(1).
Manuscrit
r.:anuscr i t de M'Bahiakro
de
Manuscrit de
l'imam de Kong
Basièri
._ _--
..
1 .
Sila
3
Baro
7
Sila
3
2.
Baro
44
Sila
3
Baro
44
3.
Turé
4
Turé
4
Turé
4
4.
Bamoriba l
7
Bamori
7
Bamori
7
5.
Murisiri
40 (45)
Murisiri
13
Murisiri
40
6.
Umar sitafa (35)
3
Umar
3
Umar
3
7.
Basidiki
4
Basidiki l
4
Basidiki
4
8.
Bamoriba II
8
Bamoriba II
8
Bamoriba
8
9.
Al-Abbas
7
Al-Abbas
7
Al-Abbas
7
10.
Bamoriba III
8
Bamoriba ... III 8
Bamoriba
8
11 .
AI-Haj
3
AI-Haj
3
Lajiba
3
12.
Eafélémori
41
Bafélémori
8
Bafélémori 8
13.
Easidiki II
8
Basidiki II
8
Basidiki
8
14.
AI~Hasane
7
AI-Hasane
7
Alasane
7
15 .
Bamadu
1 1
Bamadu
11
Bamadu
11
16.
Salim
3 (2)
Salim
3
Salim
3
..................
............. ..
...............
17 -
T.otal 201 , soit
Total 104, soit
Total 168, soit
194 ans A.N
100 ans A.N.
161 ans 1\\.N.
t-',anuscr i t de Labi
1 .
Baro .
41
6.
Umar
26
11. Ahmad
7
2.
Sila
21
7. AI-Hasane 14
1 2. Abbas
28
3.
Turé
19
8. Bamoriba
3
13. Muhammade 1 1
4.
Kurubari
14
9. Al-Abbas
21
14. sidiki
14
5.
Bamori
7
10.sidiki
8
15. Salim
1
(1) Les années citées dans ces manuscrits sont des années lunaires ; pour
obtenir r~uivalent en années grégoriennes il faut les multiplier
par 0,97.
(2) Nous savons par les sources orales que le
dernier imam est mort lors
du sac du Kong; soit, en mai 1897 cf. ~ernus, ~. ~., p.273.
Cette date est un repère chronologique lmportan"'f:""
53
Le nom de Basidlki II montre que nous sommes en
présence de la liste des imams de la grande mosquée.
Il nous
faut nous expliquer sur l'absence des noms des imams Sauti,
mort peut avant l'arrivée de Binger en 1888, et Sitafa que
connut l'explorateur qui écrit à son sujet:
"Le chef religieux de Kong est l'Almamy
Sitafa Sakhanoko ;
il semble ne jouer
aucun rôle politique et a beaucoup moins
d'influence que n'en avait son prédécesseur
l'Almamy Saouti.
Il est en queique sorte
le ministre de l'instruction publique à
Kong" ( 1 ) •
Nous constations que l'imam de la grande mosquée n'était
pas toujours le chef de la communauté musulmane.
L'imam Basidiki II est connu,
il sera le "délégué"
de l'imam Sitafa à Borono lors du ralliement de Kong à
Samori en 1895(2).
Il constitue pour nous un repère chrono-
logique.
Nous constatons
1°/
qu'il y"a des différences importantes d'un
manuscrit à un autre, notamment pour les imams Baro, Murisiri
Bafélémori . . .
2°/
les trois premiers manuscrits ont de nombreux
points communs ;
ils ont probablement une source commune
ils se démarquent totalement du manuscrit de Labi qui ne
compte d'ailleurs que 15 imams au lieu de 16.
(1)
Binger, op. cit., t.I, p.326.
(2)
person,~. ciL, L3, p.1713 note 19.
54
3~/
tous les documents que nous présentons ici
mentionnent le nom de l'imam actuel Bamadu qui a pris ses
fonctions en 1954
; ces manuscrits ont donc été rédigés
après cette date.
En 1975, nous avons appris que la plupart des archi-
ves des Saganogo ont été détruites lors de la ruine de
Kong. par Samori
;
il est possible que les manuscrits ori-
ginaux aient disparu à cette époque i nous assisterions
donc à une reconstitution de ces archives
dans ces con-
ditions, on peut atribuer les divergences à un désaccord
entre les marabouts à propos des dates et de l'ordre de
succession des im~ms.
b)
Résultats
1°/
La durée des fonctions des imams
Origine
Durée des fonctions imams
_.
201
années musulmanes
(A. H. )
~januscr i t de M'Bahiakro
,
soit 194 annees
lvian usc rit de l'imam
104 A.H. soit 100 ans
actuel de Kong
.
·Manuscrit de Basièri
168 A.H.
soit 1 61 .ans
Manuscrit de Labi
235 A.H.
soit 227 ans
55
2°/
Le début des imams à Kong
Origine
Débuts des imams
1897
(date de la destruc-
Manuscrits de M'Bahiakro
tion de Kong)
- 194 = 1703
r.·ianuscr i t
de l'imam
1897 - 100 = 1797
actuel de Kong
__.
- - ~ .
Manuscrit de Basièri
1897 - 161 = 1736
Manuscrit de Labi
1897 - 227 = 1670
confrontons ces documents à un autre manuscrit qui
se trouve à l'Université de Legqn
(Accra)
et qui nous parle
du raIe important joué par les imams Saganogo à Kong e~ à
Bobo-Dioulasso(1). Ce manuscrit situe la mort de l'imam
al'Abbas Sitafa, le ge imam de notre liste, vers 1800/1.
Cette date permet-elle de prendre au sérieux.la durée des
fonctions des imams de Kong qui figurent dans nos textes ?
Prenons la comme point de repère et tâchons de situer dans
un tableau l'époque du premier et du dernier imam: pour
connaître les débuts du premier imam, retranchons de 18àO
les années d'exercice des prédécesseurs de Sitafa ; pour
savo1r la date du dernier imam ajoutons à 1800 le te~ps
écoulé entre Sitafa et ses successeurs
; on obtient ainsi le
tableau suivant
:
(1) université d'Accra (Legon)
LA.S.A.R./246.
56
Nom du t<lanuscr i t
Avènement du
Fin du
1er imam
dernier imam
t<ianuscr i t de M'Ba-
hiakro
sUa :
1('0(;-97 =- 1703
1800 + 97 = 1897
--
Hanuscrit de l'imam
de Kong
Baro : 1800-35 = 1765
1800 + 67 = 1867
--
Manuscrit de Basièri
Sila :
1800-97 = 1703
1800 + 64 = 1864
- -
Manuscrit de Labi
_.
Baro : 1800-124= 1676
1800 + 129
1929
- -
Nous écartons les listes trop courtes qui ne permet-
tent pas d'atteindre la fin du XIXe siècle; nous rejetons
aussi les listes trop longues
; la seule liste acceptable
est celle que nous avons trouvée dans la région de M'Bahia-
kro ; elle permet de situer les débuts de l'imam Sila vers
1703 et la fin de Kong vers 1897/1898 ; Sila fut remplacé
dans ses fonctions par l'imam Baro après le coup d'Etat
de Seku Watara ; ce dernier eut donc lieu après 1706, mar-
quant ainsi la fin du mandat de l'imam Sila et la chute du
Royaume animiste de Kong. C'est donc afrès cette date qu'il
convient de situer la campagne du roi du Gonja contre les
populations Kulango de la région de Bouna. En réalité nous
pensons que la grande mosquée a été construite après 171Q.
Il faut cependant faire une remarque importante à
propos des manuscrits
: globalement la durée de~ fonctions
des imams indiquée par le manuscrit de M'Bahiakro est
acceptable mais la répartition des années entre ceux-ci
nous paraît suspecte ; nous devons donc utiliser ce docu-
ment avec précaution.
57
En supposant què Basidiki II soit mort peu avant
1897(1), il est pratiquement impossible qu'il ait eu trois
successeurs avant cette date, d'autant que ces derniers,
d'a~rès les trois manuscrits, auraient exercé leurs fonc-
tions pendant 21
ans.
Les documents que, nous avons présentés ci-dessus
sont riches d'informations sur les acteurs qui ont contri-
bué à l'édification de l'Etat dyu1a de Kong du XVIIe au
XIXe siècle.
Ils nous donnent de nombreux détails sur Dé
Maghan,
le grand-père de Seku watara, depuis son départ de
Kan~aba jusqu'à son installation à Ténégéra dans le sud-
est de Kong.
Fait capital, nous savons la date de l'instal-
lation de Dé Maghan dans la région
(1610)
et celle de la
naissance de Famaghan. (1675).
Les manuscrits retracent les activités commerciales
de Seku Watara avant sa prise du pouvoir;
ils nous décri-
vent le contexte dans lequel s'est déroulée cette opération
en collaboration avec les marabouts, ou karamogo.
La situation politique à .1 ',intérieur du pays à
l'époque de Seku Watara. appar.aî.t. dans ces documents
le .fai t
~arquant
qui
retient l'attention c'est le conflit qui
~fFosa Seku à son frère Famaghan et qui aboutit à la cas-
sure de l'Empire des Watara en deux blocs, le Kpon-Gènè
(l'Etat. de Kong)
et le Gwiriko
(l'Etat de Sya ou de Bobo-
Dioulasso) .
Les textes nous livrent de nombreux détails sur les
guerres de Seku Watara
(guerre contre l'Ashanti, le Kénédugu,
(1) D'après le vieux Sanogo, petit-fils de Basidiki II, cet imam serait
mort peu avant l'attaque de Kong par Samori. Kong, 11-8-1977.
58
Ségou ... ) et celles de ses successeurs
(guerre contre le
Dyimini,
le Folona •.. )
nous enregistrons, sous le règne
des petits-fils de Seku, de très fortes oppositions entre
les descendants de Kumbi et ceux de Mori Maghari : bien
que les sources écrites ne le précisent pas nous sentons
que l'Etat de Kong est dans sa phase de déclin.
Les sources écrites de la région de Kong et de
Bobo mettent aussi l'accent sur les grands groupes sociaux
qui ont contribué à façonner l'histoire de Kong i
il
s'agit notamment des Baro
(négociants
c'est au sein des
Baro que l'on recrute les chefs de la communauté musulmane
de Kong),
les Dao
(négociants,
alliés de la famille de
Seku hatara), les Kuribari
(négociants et guerriers
ils
ont fourni les premiers imams de Kong),
les Saganogo
"(c'est au sein de cette aristocratie de marabouts que l'on
recrute depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle, les
imams de la ville de Kong) . . .
Les sources écrites rassemblées ici sont donc très
importantes pour l'étude du passé de Kong
i
elles passent
sous silence les événements de la fin du XIXe(1), mais
cette lacune sera comblée en grande partie par les sources
orales actuelles et les écrits des explorateurs
(Binger,
Marchand, Braulot, Bailly).
(1) En générale il y a un décalage important entre le moment où se
déroulent les événements et celui ou les écrivains les fixent
dans une chronique ou un tarikh. Ce décalage peut couvrir plusieurs
siècles ; on peut citer l'exemple des chroniques soudanaises
(Tarikh es-Soudan et Tarikh el-Fettach) qui parlent des états de
la boucle du Niger du XVIIe au XVIIIe siècle et qui ne furent écri-
tes que dans la seconde moitié du XVIIe siècle; ceci expliquerait
le fait que nous ne disposons pas encore de chronique pour l'his-
toire de Kong à la fin du XIXe siècle.
59
b)
Les manuscrits du Gonja
En 1954 Goddy attira llattention des chercheurs
sur l'importance de la chronique du Gonja en publiant à
la fin de son ouvrage The Ethnography of The Northern terri-
tories of The Gold Coast une traduction de cet important
document{l). A l'Université dlAccra
(Ghana)
nous avons
travaillé en 1977 sur les fonds arabes de l'Institute of
African Studies où il existe plusieurs copies de la chro-
nique du Gonja i
les copies qui ont retenu notre.attention
sont I.A.S.A.R.jl0,62 et I.A.S.A.R.jll ,62. Cette chronique
retr ace l ' histoire du Gonj a
: les copies 10 , e t 62, concer-
nent les débuts du Royaume du Gonja
(XVIe -
XVIIe siècles),
tandis que les copies 11 et 12 parlent du Gonja au XVIIIe
s~ècle (de 1709 à 1752). Cette deuxième partie semble avoir
été écrite par el-Haj Muhammad ben al-Mustafa. L'oeuvre a
été certainement reprise par le fils ou le neveu de ce der-
nier qui lia poursuivie jusqu'en 1764 ; cette partie de la
chro~ique du Gonja s'intéresse aux principaux événements
du XVIIIe siècle
elle les note année par année
; elle
semble avoir été écrite vers le milieu du XVIIIe siècle(2).
L'auteur du document a aussi enregistré certains faits sur-
venus dans les pays avoisinants notamment dans la région
de Bouna, de Bondoukou et dei Kong;
fait capital,
il nous
parle d'une guerre qui éclata en l'an 1162
(1750)
entre
Dangba Gurugu et les habitants de Kong
; cette guerre se
poursuivit dans la région de Bouna et se termina dans le
Mango (Anno)
par la mort Oangba Gurugu face aux troupes de
(1)
J. Goody, The Ethnography of the Northern territories of The Gold
Coast, 1954, p.36-47.
(2)
Levtzion,
"Note sur les ~tats dyula de Kong et de Bobo" Centre
Universitaire de Recherche de D~veloppement, Bulletin de liaison
n01, 1971, p.61.
60
Kofi Sonu{l).
Le Dangba Gurugu de la chronique du Gonja n'est
rien d1autre que le Dangban Koroko des sources orales de
Kong
; en effet, quelques années après la mort de Seku
Watara, ce dernier, dit-on,
aurait tenté de conquérir Kong
après avoir rasé
la ville de Dyangbanaso, le vieux centre
commercial des Wela. Venu au secours des habitants de Kong,
Faffiaghan, après sa victoire sur Dangban Gurugu,
trouva la
mort sur la route qui le conduisait du Mango à Bouna(2).
La chronique du Gonja signale en effet la mort de Famaghan,
le frère du Shaykh
(Seku)
en 1750 et elle précise que celle-
ci eut lieu dans le Mango{3}.
Le recoupement des sources orales avec 1a chronique
du Gonja permet d'affirmer que le Famaghan qui est mort
dans le Mango en 1750 est bien le roi de Bobo, le fils de
Tyèba ; son frère
(le roi de Kong)
est Shaykh ou Seku ; ce
recoupement permet aussi d'identifier le Ghun'u de la chro-
nique du Gonja à la ville de Kong, appelée parfois Gwo, Ghun,
Kun, Ghum ou Ghun(4).
(1) Pour le règne de ce souverain de Bondoukou, voir: F.J. Clozel et
R: Willamur Les coutumes indigènes de la Côte d'Ivoire, 9102, p.17.
Delafosse : Voc~~ul~ires comparatifs de plus de GO la~~es ou dia-
lectes ••• , 1904, p.16G. Ces deux auteurs placent le début du règne
de Kofi Sonu vers 1746. La chronique du Gonja mentionne le nom de
ce souverain dans les années 1747/8, 1748/9 et 1750. Peut-être fau-
drait-il situer le début de son règne vers 1747 ? Voir à ce sujet
History of Africa éditée par I. wilks in Ajayi et Crowder, 1971,
vol. 1, p.377 ; voir aussi Tauxier, le Noir de Bondouk2~ 1921,
p.91, note 5.
(2) Faits relatés par les sources orales de Kong.
(3) Pour la mort de Famaghan dans le Mango, voir J. Goody, ~' cit.,
p.43 ; au lieu de Fogamajima, nous conseillons de lire Famaghan-
Tyèba (Famaghan fils de Tyèba).
(4) Voir chronique du Gonja, ~' cit.
61
L'auteur de la chronique du Gonja nous donne aussi
une autre date capitale pour l'histoire de Kong, celle de
la mort de.Seku Watara survenue en 1745.
Ainsi, grâce aux sources écrites du Gonja, nous
avons des repères chronologiques relativement sûrs pour la
fin du règne de Seku Watara et pour celui de Famaghan ;
nous savons par ailleurs que l'intervention de Famaghan
dans le Mango n'était pas désintéressée; elle visait à
reconquér ir le trône laissé vacant par Samanogo ,le succes-
seur de Seku
ceci constitue un élément précieux qui permet
de situer le début du règne Kumbi,
le troisième roi de Kong
vers 1750. La guerre livrée par Kofi Sonu aux côtés du roi
de Kong contre Dangban Koroko illustre l'entente cordiale
entre l'Etat de Kong et le Royaume abron de Bondoukou.
c)
Le 'Iedzkir-et en Nisyan . . . (1)
Le Tedzkiret en Nisyan fut traduit et publié par
O. Boudas à Paris
(1913-1914)
; contrairement à la chronique du Gonja
qu~fut écrite dans une zone préforestière relativement non
éloignée de Kong,. le Tedzkiret fut écrit à Tombouctou, dans
la boucle du Niger, à près de mille kilomètres de Kong;
on ignore le nom de l'auteur de cette importante chronique
qui fut écrite vers 1751
;
il ne mentionne pas la ville de
Kong, mais il nous parle des guerres de conquites de Famaghan
(le frère de Seku Watara)
en direction de la boucle du Niger
nous apprenons ainsi qu'au mois de septembre 1739 Tombouc-
tou enregistre des échos de la progression de Famaghan en
direction de Dienné ; en novembre 1739 le prince de Kong
contrôlait la plupart des villageijautour de Dienné. Ces indi-
cations précieuses nous permettent de situer les temps forts
(1) Voir Houdas,
1913-1914
(1964)
p.112-113.
62
des guerres de Seku Watara en direction du nord vers 1739/40.
Cette date coincide prooablement avec celle de l'apogée de
l'Empire des Watara.
Le document nous donne aussi une autre
indication importante: Famaghan, nous dit-il, est un Wankara
ou ~angara i
dans la terminologie des tarikh soudanais ce
terme désigne les négociants qui font le colportage de pays
à pays c'est-à-dire les Dyula(1)
i
Famaghan et son frère
Seku ou Shaykh sont donc des Dyula.
Quel but visait Famaghan ? Cherchait-il à soumettre
la métropole commerciale de Dienné ou à assurer la sécurité
de l'axe Bobo-Dienné, nerf moteur de l'économie de Bobo et
de Kong? L'auteur du Tedzkiret al Nisyan est muet sur ces
points; Famaghan, probablement, rebroussa chemin après sa
campagne dans la région de Dienné.
Les dates fournies par les manuscrits de Kong et de
Bobo complètent admirablement celles de la chronique du
Gonja et du Te~~~..!!et en Nisyan ; elles permettent de nos
jours d'qbtenir des repères chronologiques très importants
pour l'histoire des Watara du XVe au XIXe siècle.
Les sources européennes concernant l'histoire de
Kong sont constituées essentiellement par des relations de
voyage; elles remontent à l'époque
(XVllle-XIXe siècles)
où des explorateurs, sous l'impulsion des puissances occi-
dentales, caressent
(1) Voir Tarikh el-Fettach, T. el-F.) 1964, p.65.
63
"le rêve-d'aller noircir un des grands blancs
de la carte d'.Afrique"(1)
la "Guinea inco-
gnita" (2)
certains de ces explorateurs qui ont sillonné l'Afrique
Occidentale nous ont fourni des informations sur l'Etat de
Kong; nous distinguerons deux vagues, l'une allant de la
fin du XVIIIe siècle
(1795)
à la seconde moitié du XIXe
siècle
(1849-1855)
et la seconde se situant à la fin du
XIXe siècle
(1887-1897).
a)
Première vague d'explorateurs
Parmi la première vague d'explorateurs citons
1°/
Mungo Park
Mungo Park est un géographe écossais qui a parcouru
une partie importante de l'Afrique Occidentale de la Séné-
gambie au nord du Nigéria actuel. Le récit de son premier
voyage qui nous intéresse fut publié à Londres en 1799.
En 1795 en explorant le cours du Niger, Mungo Park
a recueilli des informations sur le Royaume de Kong
; voici
ce qu'il é c r i t :
"Towards the south-east appeared sorne very
distant mountains, which l
had formerly seen
from an eminence near Marraboo, where the
~eople informed me that these mountains were
situated in a large and powerful kingdom
called Kong
; the sovereign of which could
raise a much greater army than the king of
Bambara . . . " (3).
(1) Binger (L.G.). Du N~er au Golfe de Guinée ( ••• ) 1892, t.I, p.l.
(2) Voir Bibliothèque Nationale de Paris (B.N.) Ge. D.D. 4708 planche 57.
(3) Mungo Park, Travels in Africa, 1969, p.183.
64
Ainsi, à la fin du XVIIIe siècle, la puissance de
l'armée de Kong impressionnait encore les populations de
la boucle du Niger qui en 1740 avaient vu déferler autour
de Dienné les troupes de Famaghan.
Dans le journal de Mungo Park, le terme Kong ne
désigne pas une ville mais un grand et puissant Royaume
dont les limi~es ne semblent pas très éloignées de celles
du Royaume de ségou ;
il est difficile cependant de loca-
liser les montagnes dont parle l'auteur et qui vont pas-
sionner les explorateurs au XIXe siècle.
Quoi qu'il en soit,
la publication du premier
voyage de Mungo Park va appeler l'attention des Européens
sur l'important Royaume de Kong à la fin du XVIIIe siècle
2°/
Bowdich(1)
En 1819, Bowdich, un Anglais, conduit une ambassade
à Kumasi dans la capitale des Ashanti;
il reçoit l'ordre
de s'assurer de la position de la ville de Kong(2). Bowdich
s'informe à la cour royale et apprend que le Royaume de
Kong n'est "ni si riche, ni si puissant que l'Ashanti" mais
qu'il est bien peuplé(3). Le Royaume de Kong s ' é t a i t - i l '
affaibli au début du XIXe siècle alors qu'il était encore
puissant vers 1795 ? Son commerce paraît avoir ,baissé.
Bowdich semble avoir été déçu par les renseignements qu'il
a recueillis sur le pays ; Kong est cependant présenté
comme un Etat riche en chevaux et en éléphants. Les Ashanti
(1)
Bowdich (T.E.) Voyage_dans le pays d'Ashantie ou Relation de
l'Ambass~~~_envoyé dans ce Royaume par les Anglais (Traduit de
l'Anglais) •..• Paris,
1819, 527 pages.
(2)
Bowdich, ~. cit., p.19.
(3)
Bowdich, ~. cit., p.271.
65
qui renseignent Bowdich sur
la situation de Kong passent
sous silence la défaite ashanti en
1740 face aux armées de
KonS;.
3 e /
René Caillié(1)
['.iauzÉ
1799-
La Badère 1838)
René Caillié était un explorateur
français.
Il
s'embarque en
1816 pour
le Sénégal
i l séjourne chez les
Maures
(1824)
et décide de gagner Tombouctou en se
faisant
passer pour
un Arabe.
En
1828,
René Caillié en route pour Tombouctou
séjourne à Douasso(2)
où
i l fait
la connaissance d'un mar-
chand
"natif de Kong" qui
lui parle des ressources agricoles
âe ~ong ; c'est un pays
..
"très
productif
en mil,
riz,
ignames . . . .
et
autres
plantes
utiles",
Les
habitants
"sont
riches
en
boeufs,
moutons,
chèvres
et
volailles
Ils ont
aussi
des
chevaux mais
de petite
race
. . .
On y
cultive beaucoup de
coton avec
lequel
on
fabrique
de
belles
étoffes
estimées
dans
le
commerce" (3) .
René Caillié a
tenté de s'informer sur
l'organisation admi-
nistrative du Royaume de Kong,
mais visiblement,
i l n'a pas
~
"
su traduire en
français
les concepts dyula utilisés par le
marchand de Kong;
de ce fait,
les renseignements qu'il
donne sur
le pays sont
fantaisistes;
comment peut-il en
effet comparer
Kong qu'il ne connaît pas à un petit arron-
dissement
français de son epoque ? L'interlocuteur de Caillié
ne connaît pas la France,
i l n'a donc pas pu dire que Kong
(1) René Caillié, Journal d'un voyage à Tombouctou et ~_~~~né dans
l'Afrique_Centrale ... , 1828, Editions Anthropos. Voir surtout
le tome 2.
(2) Douasso, village situé dans la région d'Odienné, dans l'actuelle
Côte d'Ivoire.
(3)
René Caillié, op. cit., pp.143-14~.
66
"lieu de sa naissance, est une grande ville,
chef-lie~ d'un petit-arrondissement ... "(1).
Il est impossible de ~os jours de savoir exactement
ce que le marchand a dit à Cailli~ à propos de la grandeur
de l'Etat de Kong.
Peut-être voulait-il mettre l'accent
sur le fait que vers 1828 Kong n'~tait plus à la tête d'un
immense Empire? Ceci tendrait à confirmer les informations
recueillies par Bowdich à la cour royale de Kumasi.
Le pays disposa cependant de ressources importantes
et le tissage semble jouer un grand rôle dans l'~conomie
du pays.
4°/
Barth(2)
Earth est un explorateur allemand qui parcourt
l'Afrique septentrionale et occidentale en 1849-1855 ; il
.confirme dans son journal l'importance de la ville de Kong
et met l'accent sur llartisanat du textile; voici ce qu'il
note
"Kong,
a large town,
the hou ses consisting
entirely of clay dwellings. The inhabitants,
Mandingoes or Wangara, and most of them
.
Mohammedans. Also, Fullan or Fùlbe are found
there. They have a good deal of weaving and
their cotton is very celebrated, ~specially
the kind called "el harrotàfe in Timbuktu,
with alternating stripes in red and black"(3).
(1) René Caillié, ~. cit., p.143.
(2) Barth (Dr. Heinrich)
(1857)
; Travels and Discoveries in North and
central Africa being a Journal of an expedition undertaken under
the auspices of H.B._.~'s Government in the years 1849-1850.
4
volumes. Voir l'édition anglaise en 3 volume, Londres 1965 (reprint);
le volume III, p.646 concerne Kong.
(3) Barth, Travels, volume III, 1965, p.646.
67
Tous
ces
explorateurs
que
nous
venons
de mentionner
n'ont pas
visité
la
région de
Kong
et
les
renseignements
qu'ils
nous
offrent
sont
souvent superficiels.
Ils
ne
nous
donnent au-
cune
indication
sur
les
populations,
les
souverains,
l'organi-
sation politique de
la région.
René Caillié qui
a
interrogé
un
natif
de Kong
se contente d'écrire que
le
pays
est
"habité
par
des l1andingues Mahometans" (1).
Il
a
fallu
donc
attendre
la
fin
du
XIXe
siècle pour
avoir
des
informations
solides
sur
l'Etat
dyula
de
Kong,
avec
la
deuxiè-
me vague
des
explorateurs.
b)
Deuxième vague d'explorateurs
1888-1898
La
période qui
va
de
1888
à
1898
va
être dominée par
un
certain nombre de
personnages
qui
vont
sillonner
les
états
de Kong
parmi
eux
retenons
1°)
Binger Louis Gustave
(Strasbourg
1856.
L'Isle
Adam
1936).
Il
sera
nommé gouverneur
de
la Côte d'Ivoire
en
1893
avant de
devenir
directeur
des
affaires
d'Afrique
au ministère des
Colonies
(1897).
Binger était un officier d'infanterie de marine qui
se
passionna
pour
l'étude des
voyages.
Ln
1886,
Flourens,
mi-
nistre
des Affaires
Etrangères
et
de
la
Porte,
sous-secrétaire
d'Etat
aux Colonies
lui
confient
la
reconnaissance
géographi-
que de
la
boucle
du Niger
et
(1)
R.
Cauillié,
op.
c i t . ,
p.143
68
"la mission politique de relier nos établis-
sements du Soudan français au Golfe de
Guinée" (1) .
En fait,
la mission du lieutenant Binger était de
"visiter les marchés de Kong et les pays
voisins" (2).
Parti de Bamako le 1er juillet 1887, Binger après bien des
difficultés atteint Kong le 20 février
1888.
Il séjourna
dans le pays jusqu'au 11 mars 1888
après cette date,
il
quitte la ville de Kong et se rend a Bobo-Dioulasso, en
parcourant les territoires contrôlés autrefois par les rois
de Kong ; le deuxième séjour de Binger à Kong se déroule
du 5 janvier au 21
janvier 1889. Binger, après sa mission,
a,publié en 189~, deux volumes sur les régions qu'il a
visitées. C'est dans le volume 1 qu'il consacre le plus grand
nombre de pages à l'histoire de Kong, à sa population, à son
commerce •..
(pp.270-341)
; dans le volume 2, on peut retenir
les,pages 191
à 210.
De ces voyages, Binger hous a laissé une importante
documentation sur l'histoire de Kong à la fin du XI Xe siècle.
L'auteur nous parle des ,populations autochtones Falafala,
MyorO,
Zazéré
(Gbèn);
il décrit le peuplement dyula de la
région.
Il semble moins bien renseigné sur le passé de Kong;
son amitié,pour Karamoko ulé, l'un des notables de Kong qui
l'a accueilli favorablement semble l'avoir brouillé avec
la famille régnante qu'il dénigre(3)
Binger donne même à
Karamoko Ulé le titre de "roi de Kong" et signe avec lui un
traité en janvier 1889 au nom de la France, alors que ce
( 1 ) Einger, ~. cit. , p.2.
(2) Ibidem, ~. cit. , p.9.
(3 ) Ibidem
, ~. cit. , p.326.
69
prince n'appartient pas à la famille de Seku Watara.
Karamoko ulé est en réalité un petit-fils du roi animiste
Lasiri Gbanm~l~ renversé par Seku Watara. C'est ce qui
explique que Binger est fort'mal renseigné sur l'histoire
de la famille de Seku Watara
i
i l faut donc accueillir
avec prudence les informations qu'il a recueillies aupr~s
de Karamoko Ulé,
notamment à propos des listes dynastiques.
Binger cependant nous a laissé d'amples informations
sur Kong,
la métropole commerciale
i
i l décrit les voies
commerciales,
les produits qui circulent dans le pays,
l'importance de son marché.
Kong apparaît comme un centre
intellectuel et religieux
(Binger signale la. présence de
cinq mosquées).
Sur le plan commercial,
intellectuel et
religieux,
Kong jouit d'un grand prestige,
i l semble que
sur le plan militaire le pays connaisse des .problèmes :
les autorités du pays n'arrivent pas à écraser les Palaka
qui interceptent les communications de Kong avec le Woro-
dugu
; l'Empire des Watara de Kong et de Bobo-Dioulasso
semble s'être émietté en.une multitude
de petites chef-
feries indépendantes
(Dyimini, Komono,
Folona .•. ).
Les relations de voyages de Binger
(188-1889)
écrites en 1890 et publiées en 1892, constituent de nos
jours encore un support important pour
la connaissance de
r'histoire de Kong à la fin du XIXe si~cle ; elles permet-
tent d'obtenir,
à partir de 1850 une chronologie relati-
vement rigoureuse pour les deux derniers rois de Kong,
Sokolo-Mori et Kumi.
Outre ces ouvrages,
Binger à laissé
de nombreux rapports de missions conservés aux Archives
Nationales de France.(1)
__
.
.. _-_._---
(1)
Voir à ce sujet
'\\'.N.S .a.M., Côte d'Ivoire III, 4b,
1892.
70
A la fin du XIXe siècle, Kong gêné dans son
commerce avec les états de l'est
(Salaga, Wa, ... ) semble
accorder un grand intérêt aux propositions de Binger qui
veut ouvrir aux négociants du pays une nouvelle route qui
relierait cette ville à Grand-Bassam et à Assinie. Et
Binger écrivit en 1892,
"le roi, sa famille et les notables de Kong
ont insisté à nouveau auprès de moi pour
que j'obtienne pour eux la liberté de routes
vers Grand-Bassam et Assinie"(l).
Les relations de voyages de Binger nous présentent
ainsi Kong comme une grande métropole commerciale, éprise
de paix qui va drainer les produits français vers toute
la boucle du Niger; c'est
"l-à
(Kong) disait-il en 1892 dans un rapport
qu'il adressait au sous-secrétaire d'Etat
des colonies qu'est l'avenir commercial de
notre colonie"(2)
c'est donc sur un ton optimiste que Binger nous présente
en 1892 les relations de la France avec Kong.
2°/
RaEE9rt Braulot
Paul Charles Victor Braulot est né en France le 8
avril 1861 à Nancy
(Meurtre et Moselle).
Il s'engagea
comme soldat
(engagé volontaire) dans le corps de ~'infan
terie de la marine le 18 juin 1879. Nommé lieutenant le 7
S~pteThbre 1888, il devint capitaine le 16 février 1895 OU
4° Régiment d'Infanterie de Marine.
(1) Archives Nationales de France A.N.S.Q.M. Côte d'Ivoire (C.I.)
III., 4b.
(2) A.N.S.Q.M., C.I., III, 4 b.
71
t·;ous avons consulté lesmanuscritsdes Archives
~aticnales de la France d'Outre Mer de la rue Oudinot a
Paris
(Côte d'Ivoire Ill, dossier
3c).
Le rapport Braulot
contient 72 pages manuscrite~ : les pages
(17-21)
et(40-S0)
intfressent l'histoire de Kong.
En décembre 1892,
Braulot,
sur proposition de
binger,
est invité par Jamais,
sous-secrétaire d'Etat des
colonies à visiter
l'hinterland de la Côte d'Ivoire;
sa
mission devait l'amener à
s'élever
"autant que possible au dessus du ge degré
de latitude nord et de faire ensuite route
vers l'est pour effectuer"
son retour a la côte. Cette mission conduisit Braulot à
visiter Kong,
bondoukou . . .
Il faut
rappeler que l'année
précédente déjà,
braulot avait séjourné à Kong en compa-
gnie de Binger.
Les difficultés que rencontre Braulot
avant d'atteindre Kong le 25
juin 1893 montrent que les
gens du pays manifestent une certaine méfiance vis-à-vis
des autorit~s françaises qui ont noué des relations ami-
cales avec Tyèba,
le roi de Sikasso,
l'ennemi
juré des gens
de Kong.
Eraulot parle à Kong des
"ennemis du parti fran-
çais" surtout après que la colonne du Soudan ait "ravagé
le macina et détruit Djenné".
Même si Braulot réussi~ à
gagner
la confiance des autorités administratives et poli-
tiques de Kong,
l'opinion publique semble divisée.
Braulot nous parle de la constitution géologique du
pays de Kong,
de ses reliefs, de ses cours d'eaux, de ses
ressources agricoles et anin ~es. Il parle du ravage causé
par
la terrible épizootie de
1892 qui
72
"a fait disparaître la plupart des troupeaux de
boeufs,
principale richesse du pays de
Kong . . . "
Il nous décrit la population' de la région composee dit-il
de
"t-';andé-Dioulas,
d'autochtones et de nombreux
captifs provenant des pays voisins . . . "
Son chapitre sur
la population compl~te admirablement
bien les écr i ts de Binger sur
le mêl"(? th~me.
Il nous donne
un aperçu de l'organisation sociale et religieuse dyula.
Il
insiste sur
l'importance de Kong en tant que
"centre commercial et
( . . . ) centre
intellec-
tuel"
;
il nous
parle de son marché
tr~s animé, de son tissage;
il consacre des lignes aux maladies endémiques de la région
(notamment la variole)
et à la pharmacopée africaine.
Il
périt à Bouna le 20 août 1897 assassiné par
les sofa de
Sarankenyi-Mori,
le fils de Samori.
3 0 /
La mission Jean-Baptiste Marchand
Jean-Baptiste Marchand naquit à Thoissey
(Ain) en 1863 et
mourut à Paris en 1934. Engagé volontaire en 1883 dans
l'infanterie de marine,
sous-lieutenant en 1887,
il prit
part à diverses expéditions militaires en AfriqueOcciden-
tale.
~ous avons ccnsulté le rapport de la mission Marchand
a
la biblioth~que de l'Institut de France
(Fonds Terrier)
sous la cote 5930,
64 pages.
Ce rapport a été rédigé à
73
Tiassal~ (C6te d'Ivoire) le 20 d~cembre 1894 et adress~ a
Monsieur
le Ministre des Colonies à Paris.
La mission
~iarchand a d~but~ à Paris en janvier 1893 et s'est termin~e
à Grand-Bassam le 25 septembre 1894. L'auteur consacre 13
pages à l'histoire de Kong
(pp.25-38).
Il
fit
son entr~e
dans la capitale des watara le 30 avril
1894.
Le rapport de Marchand confirme l'existence à Kong
d'un milieu franchement hostile à la pr~sence française
ce milieu semble avoir durci sa position en
1894(1).
Le
rapport de Marchand nous apprend que la r~gion de Kong a
~t~ secou~e par une grande s~cheresse et qu'en 1894 certains
villages tels que Dyangbanaso manquaient totalement de
vivres;
un autre fait nouveau qui va avoir
un
impact d~ci
sif sur
la politique des princes watara,
c'est,
semble-t-il,
l'installation imminente de Samori dans les anciens ~tats
contr61~s autrefois par l'Empire de Kong. Les premiers
envoy~s de Samori arrivent en effet dans la capitale des
watara dès les premiers jours du mois de
juin de l'ann~e
1894 et le fils du conqu~rant Sarankenyi-Mori franchit le
5 juillet de la même année le Bandama
i
Samori est donc aux
frontières du Dyimini.
Il semble d'après le rapport de
Marchand que la menace samorienne ait pouss~ les milieux
d'affaires de Kong,
du Dyimini et du Dyamala à solliciter
l'appui de la France
i l y a un
fait
très important qu'il
convient de signaler
Marchand avait
juré aux chefs des
provinces qu'il a traversées,
au moment de son départ pour
Grand-Eassam,
gu'il sera "bient6t de rctour,peùt- être avec
des renforts . .. " i
à Kong on semble avoir pris très au
(1)
Braulot en 1893 avait déjà noté cette hostilité à la présence
française.
74
sérieux les paroles de Marchand. Quoi qu'il en soit,
le
pôssage de cet officier marque un tournant décisif dans
l'histoire de Kong qui connaît d'ailleurs des difficultés
sur ses frontiÈres occidentales
(longues luttes contre
les Palaka).
Le rapport Marchand fait partie d'un ensemble de
papiers que l'on peut consulter facilement sous forme de
microfilms
(cote 231
Mi)
aux Archives l'\\ationales
(Rue des
Francs-Bourgeois Par is)
; ces papiers ont fait l'objet de
ne u f
bo b i n es.
Aux Archives Nationales, nous avons porté nos
efforts sur
les papiers Marchand,
es~érant ainsi mettre
la main sur
le journal de Bailly,
un document ca~ital
pour
l'histoire de Kong à la fin du XIXe siÈcle. Ce Journal
a été signalé pour
la première fois par
le Professeur Yves
Person dans sa thÈse sur Samori sous la cote A.O.F.,
~lssion 8
il semble avoir disparu des Archives d'Outre-
per
; nous avons donc prof i té de not..re séjour a Par is pour
revoir
tous les microfilms relatifs aux papiers Marchand,
1
soit la l~cture de 9 bobines
faisons quelques remarques
sur
le CGntenu des bobines,
notamment celles qui
intéres-
sent
la C6te d'Ivoire et yui ont ~ar ~illeurs un rapport
aVéC
J 'f isteJire de
Kony(cotf: LJ1;f'<i; (1 J.
* Dossier n02
la premlere partie de ce dossier
concerne les opérations militaires de Fachoda
(coupures
(1) Voir
Y.
Persor.,
Samori,
op.
Clt.,
t . r I I ,
p.1flJJ.
75
de presse)
mais elle donne des informations sur la région
de Tengrela et la mort de Ménard qui venait de visiter
Eong en 1891.
* Dossier n03 : ce dossier est important pour
l'étude des relations entre l'Empire de Kong et le Kénédugu
(Sikasso)
i l annonce une crise politique grave à Bobo-
Dioulasso a partir de
1891.
* Dossier n04 : il concerne le Dyimini, le Dyamala
et surtout Kong
(voir
à ce sujet le rapport Marchand sur
Sô
mission à Kong(l), document très important pour la fin
de Kong.
La bobine n 0 1 ne contient pas le journal de Bailly.
BOBINE nCS
Il s'agit des documents du carton l
pour l'histoire
de Kong, on peut consulter
* Dossier n07 (63 pièces) : le dossier concerne en
réalité l'histoire de Sikasso à l'époque de Tyèba
i
mais
il insiste sur
les mauvais rapports qui existaient entre
ce roi et les watara de Kong et de Bobo-Dioulasso.
* Dossier n c 8 (71 pièces) : le dossier nous parle
de Georges Bailly attaché à la mission Marchand
(corres-
pondances entre Bailly et Marchand) (2).
* Dossier n09 (37 pièces) : le dossier contient des
lettres de Bailly adressées au Capitaine Marchand à partir
(1)
Le rapport sur microfilms est plus riche que celui de la
Bibliothèque de l'Institut de France.
(2)
Le dossier ne contient pas de
journal de Bailly.
76
de
1894
;
ces lettres nous donnent une
idée preclse de la
situation politique et économique à Kong et dans le Dyimini
en
1894.
Nous avons eu
la chance de
rencontrer
à Paris le
Professeur E.
Terray
(Directeur
de Recherches au Centre
d'Etudes Africaines,
Maison des Sciences de l'Homme)
qui
avait fait photocopier
tous les papiers de Bailly;
nous
avons consulté les exemplaires du Professeur Terray.
Il
s'agit d'un document de
52 pages qui couvre la période du
3e
juin 1894 au
19 avril
1895.
Le
journal de Bailly cons-
titue pour
la fin du XIXe siècle un document capital pour
l'histoire de
Kong.
Bailly était le chef d'escorte de Marchand;
il
semble avoir
passé un mauvais séjour à Kong
; Marchand
signale qu'il
fut
"insulté et frappé
sur
la place du marché"(1)
le 2 mai
1894.
Ne se sentant plus en sécurité après la
victoire de Samori dans
le Dyimini,
i l se retira en septem-
bre 1894 à Nasyan chez les Abron
;
mais à la suite d'une
sévère réprimande de Marchand
i l regagna Kong qu'il quitta
définitivement le 20 mars
1895
;
i l séjourna à Kanière
(ou
Koniéri)
jusqu'au 16 a v r i l ;
malade et maltraité par ses
tirailleurs,
i l mourut à Nasyan le 1er mai
1895.
Le
journal de Bailly
permet
de cornprendte
les événements survenus à Kong entre le 30 avril
1894 et
le 20 mars
1895
(relations entre Samori et Kong).
Il nous
donne des
informations sur
la situation dans
le Dyimini à
(1) Archives Nationales F.O.M. C.I.
III,
3.
77
la fin du XIXe siècle.
Elle contient la plupart des correspondances reçues
par ~archand et contenues dans le carton II
; elles ne
concernent pas l'histoire de Kong.
La bobine n08 concerne les papiers de Marchand
contenus dans le carton III.
Cette bobine est très
impor-
tante pour l'histoire de Kong et de Bobo-Dioulasso;
voir
à ce sujet les dossiers suivants
* Dossier nOS: il s'agit des informations recueil-
lies par Marchand sur
le Dyimini et le Tagwana à la fin du
XIXe siècle.
* Dossier n06 : il s'agit du rapport du médecin
Crozat sur
sa mission à Ouagadougou,
en
1891
(décembre a
janvier). Ce document de 95 pages permet de comprendre les
tensions qui
régnaient a
la fin du XIXe siècle entre
l'Empire de Kong et le Royaume de Sikasso
(Kénédugu)
;
il
donne aussi des
indications sur
le commerce des noix de
kola entre Kong et Bobo-Dioulasso.
* Dossier n09 : ce dossier est très importgnt car
il montre qu'en
1894,
Kong traversait une crise économique
ce rapport a probablement été fait par Moskowitz l'un des
compagnons de Bailly.
78
BOBINE n09
Il s'agit des papiers. contenus dans le carton IX
;
certains dossiers intéressent l'histoire de Kong;
on peut
citer
:
* Dossier n O l, pièce: 6
Ce dossier
nous parle de
la mort de Ménard et nous apprend
que cet explorateur
a visité Kong(l)
* Dossier n025 : le dossier contient une lettre de
~archand qui nous renseigne sur la situation politique a
fong et dans
le Dyimini à l'approche des troupes de Samori
i l donne aussi des indications sur
l'organisation
des
caravanes à destination de Grand-Bassam.
Dans les Fonds Terrier
de la Bibliothèque de
IIInstitut de France,
nous avons aussi de nombreux rapports
qui nous renseignent sur
les événements survenus a Kong
a~rès le 25 janvier 1898 (notamment les manuscrits 5936,
Rafports Chaudié).
Grâce aUX microfilms nous avons pu ainsi consulter
l'ensemble de papiers Marchand
indispensables pour compren-
ore les événements survenus a Kong
a
la fin du XIXe siècle
le microfilm a été réalisé en
1965
la disparition du
journal de Bailly gue nous avons consulté grâce au Profes-
seur Terray est donc antérieure à cette date.
4°/ Carton C6te d'Ivoire
IV
(Archives Nationa-
les de France)
(1) Il semblerait que Ménard ait fait un rapport sur sa mission à
Kong en 1891
; on n'a aucune trace de ce document aux Archives
Nationales.
79
Il s'agit d'un
important dossier
relatif aux
affaires de Samori. Certaines pièces de ces documents sont
capitales pour comprendre l'intervention de Samori à Kong
il s'agit des dossiers
C.I.
IV,
6b, dans lesquels Samori
réclame la libre circulation des chevaux entre Bobo-Dioulasso
et le Dyimini
le dossier CI.
IV,
6c, permet d'avoir des
indices sérieux sur la date de la prise de Kong.
5°/ Archives Nationales Section Outre-Mer
Côte d'Ivoire XIX, dossier
2
Il s'agit du Rapport présenté au nom de la commis-
sion d'enquêtes sur
les opérations de la colonne de Kong
par
Paul Dislère
(Président de la commission) (1).
Le
14 août
1894 la France charge le lieutenant-
colonel Monteil de se rendre à Bassam afin de protéger
le pays àe Kong et l'hinterland de la Côte d'Ivoire contre
les
incursions de Samori.
Après mille difficult€s,
Monteil
atteint le 2 mars Satama-Sokora
ignorant que sa colonne
a été dissoute depuis le
18 février
1895,
il engage la
bataille contre Samori dans le Dyimini, mais échoue.
La colonne de Kong n'apporte aucune
information sur
la situation de Kong à cette époque
mais l'échec de
Monteil va renforcer considérablement la position du parti
samorien à Kong.
C'est à ce titre qu'il faut accorder une
grande
importance à la victoire de Samori sur la colonne
de Kong.
(1) Voir Lieutenant-Colonel Monteil: Une page d'histoir~_militaire
coloniale: La_~ol~nn~de Kong. Paris,
1902,
100 pages.
80
6 e /
Les papiers du Colonel Henri Gaden
(Archives Nationales Section Outre-Mer),
A.P.
15.
Nicolas Jules Henri Gaden né le 24 janvier 1867 à
Bordeaux
(Gironde).
Il entra comme élève à l'école spéciale
militaire de Saint Cyr
(53e régiment d'infanterie)le 28
octobre 1888.
Il fut nommé lieutenant le 1er octobre 1892
et obtint le grade de capitaine le 29 décembre 1897. Le
24 octobre 1916 il est promu lieutenant-colonel de réserve,
puis commissaire du gouverneur général de Mauritanie le 20
novembre 1916.
Il est démobilisé le premier septembre 1919
et se retire à Saint-Louis avec le titre de lieutenant
colonel de réserve honoraire.
Henri Gaden arriva en Afrique Occidentale à la fin
de l'année 1894
; il servit successivement à Kéta, à Bamako
et à Bandiagara où il écrivit la plupart de ses lettres. En
décembre 1897 il revint à Kéta où il reçut le commandement
<:1'une compagnie. de deux cents fusils destinés à la colonne
du Sud entre Kérouané, Beyla
(dans l'actuelle Guinée)
et
Kong.
Kommé lieutenant-gouverneur de ~auritanie le 11
décembre 1920.
Il occupa ce poste jusqu'au 9 novembre 1926.
Entre 19G3 et 1935 il publia de nombreux travaux sur l'Afrique
Occidentale
(Sénégal,
Fouta, Tchad . .. ) mais aucun d'eux ne
porte sur la Côte d'Ivoire.
Gouverneur honoraire des colonies,
il est mort le
12 décembre 1939 à Saint-Louis
(Sénégal).
L'essentiel des papiers du colonel Henri Gaden est
constitué par des lettres que ce dernier écrivait à son
p~re ; la plupart d'entre elles concernent les affaires
samoriennes. C'est dans le carton n02 que nous trouvons des
papiers qui intéressent Kong
i
il s'agit des pièces 476
(présence de Samori à Kong),
480
(diverses informations sur
81
'la population de Kong et sur
son activité commerciale),
482
(commerce du sel et de la kola,
relations de Kong avec
Bobo-Dioulasso . . . ),
483
(à propos des esclaves du Dyimini
qui affluent sur le marché de Bobo-Dioulasso
ce document
est
intéressant pour
le prix des esclaves et les besoins
de Samori en chevaux),
514
(destruction de Kong)
527
(c'est
le témoignage du colonel Gaden sur les ruines de Kong en
juin 1898).
Le carton n O l
contient des dossiers relatifs à sa
biographie,
à des faits d'armes, à la prise de Samori, à
l'administration militaire,
à des études et travaux
(pièces
97 à 151), à des cartes manuscrites
(les numéros
181
à 195
concernent la Côte d'Ivoire)
;
le dossier no191
est un
cahier de 106 pages et concerne des relevés topographiques
effectués par Gaden du 8 avril 1898 au
14 avril
]899
pendant sa marche de Toté à Kong.
Le carton n03 est constitué de plaques photogra-
phiques qui n'ont pas encore été exploitées faute d'un
équipement adéquat.
Ces plaques sont contenues dans le
carton III
(1149 vues)
; elles représentent des paysages,
des scènes de la vie quotidienne,
des cérémonies reli-
gieuses •..
En ce qui concerne la Côte d'Ivoire,
on a des
images du Baulé
(région de Bouaké au XIXe siècle),
de
Grand-Bassam
(vues 1093-1098).
Beaucoup de vues difficiles
à identifier semblent se rapporter au Dyimini ou à la
région de Kong.
7 C /
La lettre de Karamoko Oulé Ouattara
(Karamoko Ulé)
en date du 6 août
1894
(Archives Nationales de France,
Côte
d'Ivoire IV,
lb.
82
Ce document est capital pour comprendre les raisons
pour
lesquelles Marchand
fut mal accueilli à Kong le 30
avril 1894
:
Karamoko ulé est satisfait de l'ouverture
d'une route qui va de Kong à
la côte
(Gr~nd-Bassam) mais
veut éviter une épreuve de
force contre Samori.
8 0 /
Les papiers divers
Nous avons travaillé sur les archives de Londres en
1972 au Colonial Office
i
les missions anglaises apportent
peu de renseignements sur l'histoire de Kong.
Seuls les
papiers de Joseph Dupuis
: C.0.2.
(11)
du 26 mai 1819 et
ceux de Georges E.
Ferguson C.O.
879/38 et 41
apportent
quelques vagues indications sur notre sujet.
Tout se passe comme si après le voyage de Bowdich
les Anglais n'avaient plus cherché à savoir ce qui se passait
à Kong.
Par conséquent,
seules véritablement ies sources
françaises sont importantes pour
la connaissance de l'his-
toire de Kong
i
mais ici encore,
il faut souligner gue les
informations fournies par
les explorateurs français ne
ccuvrent qu'une très courte période
(1888-1895).
La connais-
sance du passé de Kong, depuis les origines jusqu'à la fin
du XIXe siècle,
repose ainsi,
en grande partie sur
les sour-
ces orales.
83
B.
LES SOURCES ORALES
L'essentiel des matériaux que nous avons utilisés
pour ten ter de compr r-:nd re et' fa i re comprend re le passé
de Kong provient des sources orales, qui, depuis la paru-
tion de la thèse de Jean Vansina De la tradition orale en
1961, ont acquis leur
lettre de noblesse en
tant que sour-
ces historiques(l).
Cet auteur vient de faire
le point de la
question en publiant en
1985 un ouvrage
intitulé Oral tra-
dition as history(2).
Voyons les aspects méthodologiques
et l'analyse des données recueillies.
1.
-
Cadre des recherches
Nos recherches ont porté sur
les origines de la
ville de Kong,
le peuplement de la région,
l'établissement
des premières chefferies à Kong et leur évolution
jusqu'à
la fin du XIXe siècle.
Nous avons aussi porté nos efforts
sur
l'évolution sociale,
politique économique et religieuse
des Dyula de Kong
;
telles sont les lignes maîtresses à
partir desquelles nous avons élaboré des questionnaires
pour étudier
les faits et leurs liaisons.
a)
Les traditionalistes
(remarques préli-
minaires)
Pour connaître le passé de Kong,
le chercheur qui
arrive dans la région s'adresse aux vieux qui,
i l faut le
reconnaître,
ne sont pas avares d'informations
ils ne
(1)
Jean Vansina De la tradition orale, Tervuren,
1961,
179, pages. La
tradition ora~c~nn~ît cependant encore des détracteurs i cf. D.
Henige, Teh chronology of a Chimera. London,
1974 XII-265 p. Person
a fait la critique de cet ouvrage cf.
Y.Person "La chim~re se défend"
in Cahiers d'Etudes Africaines, vol.
6, cahier 1 -
2,
1976, pp.405-
408.
(2)
Jean Vansina Oral tradition as history, University of Wisconsin
press,
1985, 240 pages.
84
sont cependant pas tous en mesure de fournir des données
soliêes sur
l'histoire:
la raison en est fort
simple; Kong
a été entièrement détruite et nombre de ceux qui détenaient
la tradition ont disparu avec leur savoir
il convient de
retrouver
les familles des
"rescapés" où les chaînes de
traditions n'ont jamais été rompues et demeurent vivantes
il faut rechercher ces traditionalistes qui ont grandi
auprès de leur
"père" et qui constituent des informateurs
[rivilégiés et qui donnent une garantie aux sources orales.
{'lôlheureusement,
a Kong comme partout ailleurs,
les vieux
prétendent seuls détenir
le savoir et pouvoir le communi-
quer
; dans la mesure ou certains de nos
informateurs
privilégiés n'avaient pas le rang de Tyè-Koroba
(vieux)
nous les avons souvent interrogés a huis clos. Nous avons
été témoins en
1975,
au cours de la "Table ronde sur les
origines de Kong" d'un
incident entre un
jeune informateur
et l'assemblée des vieux qui assistaient aux seances; on
somma le jeune intrépide de se
~ire et il fut contraint
de sortir de la salle.
Un danger menace les traditions
orales de Kong,
l'exode rural;
le départ des
jeunes gens
de la résion vers les grands centres d'Abidjan,
de Bouaké
ou lamoussoukro,en quête d'emplois
cree une rupture dans
la transmission des traditions orales
si ce phénomène
s'accentue,
la relève dans ce domaine sera mal assurée
d'ici une ou deux générations.
Les traditionalistes que nous avons rencontrés au
cours de nos enquêtes sur
le terrain n'étaient pas des
griots;
nous n'avons donc pas eu affaire à des individus
initiés pour
transmettre les traditions historiques ou
légendaires.
Le traditionaliste de Kong est un homme ordi-
naire qui exerce une activité précise
(cultivateurs,
tisse-
rands,
chasseurs,
commerçants ou enseignants de la langue
85
arabe)
il s'est cultivé aupres de ses parents et il
essaie dans
la mesure de ses moyens de vous transmettre
aussi
fidèlement que possible sa connaissance des faits
passés.
L'absence de griot à Kong a à notre sens un
avantage appréciable
i
elle ne nous impose pas une version
officielle de l'histoire de telle ou telle grande famille
nous avons au contraire à notre disposition une masse
d'informations provenant des milieux divers et qui par
re-
coupement nous permet de cerner
le fait historique.
Ici les
préoccupations sociales,
politiques et religieuses de
l'informateur
sont toujours présentes.
Et c'est à travers
tous ces faits qu'il vit l'histoire de Kong.
Au cours de nos enquêtes nous avons eu à
interroger
des femmes
;
les résultats ont été décevants pour deux
raisons essentielles;
la première, c'est qu'elles vivent
généralement dans le Kabira
(quartier)
de leur mari mais
demeurent attachées à leur Kabira d'origine sur lequel
elles sont tenues de garder
le secret
;
elles ne peuvent
non plus rien révéler du Kabira de leur mari sur
lequel
d'ailleurs elles ont très peu d'informations.
La seconde
raison c'est qu'officiellement les femmes sont exclues des
reunlons
[ubligues depuis plusieurs si~cles ; elles ne
semblent donc pas être un milieu
indiqué pour
les collectes
des traditions historiques.
En 1976, dans les ruines de
Dyangbanaso,
nous avons trouvé une
femme d'une soixantaine
d'années du nom de Maana Watara qui gérait les affaires de
ce qui restait du village,
nous avons essaye
de l'interro-
ger sur
les principaux faits survenus dans la région;
les
informations qu'elle nous a communiquées étaient fort vagues.
86
Kong est essentiellement un pays rrusulrr.an ; et souvent, au
ner,. èE lû (~ir.u ou LlTJïié:! (sens communautaire),
beaucoup de person-
nes bien
informées se taisent dès les premiers jours
;
i l
faut
èes années àe patience pour que ces oerni(res acceptent de
vous
coamuniquer certaines informations
indisrensables four
com-
frenàre
les crises sui ont secoué la cOffimunauté dyula qui
fut
farfois obligée de détruire la grande mosquée pour en re-
construire une autre.
L'Islam constitue de nos
jours encore un obstacle
majeur à
la connaissance du passé animiste de Kong.
Les
traditionalistes,
dans l'ensemble,
ne veulent pas remuer
les cendres animistes de leurs ancêtres.
Nous avons entendu
souvent des
traditionalistes nous dire
"le banmanaya
(l'animisme)
est la voie du
mal
;
nous ne la suivons plus
;
interrogez
nous sur
la voie du bien,
celle de l'Islam
pour nous le passé ani~iste de Kong c'est une
mauvaise chose.
Nous
avons
rorrpu avec elle".
La présence des masques dans la région prouve
cependant que ce passé n'est pas mort;
et nous avons ren-
contré ça et là,
au cours de nos nombreux voyages dans la
région des traditionalistes qui ont accepté exceptionnelle-
ment de nous parler des cultes animistes avant l'avènement
de Seku Watara
;
on recrute ces
informateurs parmi les
chasseurs et les guérisseurs de la région.
Pour clore ce chapitre sur
les traditionalistes,
il
faut dire un mot des lettrés de la région de Kong
;
la
~lu~art d'entre eux ne détiennent pas des textes écrits
sur
l'histoire du pays;
comme les traditionalistes
non lettré,
ils se servent de leur memOlre pour
reC0ns-
tituer
les faits du passé;
mais visiblement
ils mé-
frisent
les non lettrés qui
sont persuadés,
à
tort
87
d'ailleurs,
gue tous les lettrés ont des écrits sur Kong
on assiste ainsi,
dans certaines rencontres publigues à
un fait curieux; on voit des traditionalistes non lettrés
bien informés privilégier
les lettrés gui prétendent déte-
nir des documents gui n'existent pas.
Il faut donc être
~rudent lorsgue l'on fait des enquêtes auprès des lettrés
gui n'hésitent pas à communiquer aux chercheurs des dates
précises à propos de tel ou tel fait(1).
2.
-
Les enquêtes sur
le.
terrain
Nous avons commencé nos enquêtes dans la région de
Kong en février
1973. Ayant été élevé en milieu dyula
dans le quartier Dougouba a Bouaké nous n'avons eu aucune
difficulté à nous adapter aux populations de la région de
Kong qui parlent le dyula.
Nous avons réaliSé deux séries
d'enquêtes,
les
unes
intensives,
les autres extensives.
Nous avons concentré nos efforts sur les domaines contrôlés
autrefois par
les Watara
ainsi,
en Côte d'Ivoire,
les ré-
gions qui ont fait
l'objet d'enquêtes approfondies ont été
surtout la région de Kong,
mais aussi
le Dyimini,
le Dyamala,
l'Anno,
le Gyaman
(Bondoukou).
En dehors de la Côte d'Ivoire,
nous avons organisé plusieurs séjours à Bobo-Dioulasso et
dans les villages environnants tels gue Noumoudara,
Darsa-
lami,
Kotédougou,
Soungaradasa
. . .
Au Mali,
nous avons
surtout concentré nos recherches sur
les régions de Bamako
et de Sikasso.
La pauvreté de ces régions relative à
l'histoire des Watara de Kong ne nous a pas encourage a
aller à ségou ni à Djenné ou a Tombouctou
;
les villages
lobi
(Gawa,
Loropenii
gue nous avons visités en
1975 et
(1)
Voir à ce sujet: le traditionaliste lettré Marhaba in "Table ronde
sur les origines de Kong", Annales de l'Université d'Abidjan
(A.U.A.)
série J.,
t.I,
1977, p.314, note 2.
88
1976 apportent peu de données sur
l'évolution de l'histoire
de Kong et celle des états lobi contrôlés par les hatara.
Nous avons rencontré,
dans certains villages de l'actuel
Ghana, des descendants des anciennes familles des watara
de Kong notamment à Kumasi,
à Wenchi et à Cape-Coast.
Telles sont les régions que nous avons parcourues à pied
ou en voiture de
1973 à 1983.
a)
Les enquêtes extensives
Dans tous les villages et hameaux de la région de
Kong nous avons pratiqué des enquêtes extensives,
géné-
ralement à l'ombre de l'arbre à palabre,
soit le matin,
soit l'après-midi;
la veille nous
informions le represen-
tant de la chefferie locale et le dugutigi
(le chef du
village)
ces enquêtes permettaient à de nombreuses person-
nes ge s'exprimer et suscitaient des controverses très
enrichissantes.
Il
faut cependant être prudent pour que
le questionnaire n'entraine pas un d6tbt public qui puisse
réveiller
les vieilles querelles de la région
; ceci Fourrait nuir
aux enquêtes ultérieures.
Dans ces débats publics nous
évitons souvent de poser des questions sur .la légitimité
du pouvoir de Seku Watara,
la responsabilité de telle ou
telle famille dans une crise
importante qui
a ébranlé
l'Etat des watara
;
nos enquêtes extensives se sont géné-
ralement bien déroulées
; elles ont porté souvent sur la
mise en place des populations,
le développement de la région
et les structures politiques de l'Etat de Kong.
Les centres de Kong qui
nous paraissent dignes
d'intérêt sur
le plan de
la collecte des traditicns orales
sont à notre avis Kong,
Kolon,
Kawaré,
Bilimono,
Koniéré,
Gorowi,
Gawi,
KpongaJ~ (ou Pongala), Limono,
PQraga,
Somadugu, Nasyan,
Lingékro,
Logobu,
Nafana, Sikolo,
Faselemon
dans chacun de ces centres on peut encore recueillir de
89
solides
informations sur
le passe de Kong.
Au Burkina-F~ffion
peut encore collecter des tradi-
tions orales relatives à l'expansion des watara dans le
nord de Kong et dans l'actuel Burkina-Faso notamment a
bobo-Dioulasso
(auprès des Bobo-Sanu et des Watara),
a
Kotédougou
(où l'on peut recueillir
une bonne
information
sur Seku watara aupres des Diané et des Watara)
et surtout
à Soungaradagha où les traditions guerrières sont encore
vivantes.
b)
Les enquêtes intensives
Les enquêtes extensives nous ont permis de connaître
les grandes lignes de notre sujet le Royaume de Kong des
origines à 1897, mais elles laissaient en suspens beaucoup
de questions
importantes qui posées en public risquaient
de réveiller de vieilles querelles de famille qui ont
existé
et continuent d'exister entre les descendants de
Seku et ceux de son frère Famaghan.
De nos jours encore les
petits-fils de Famaghan n'ont pas le droit de s'installer
à Kong. Dans ces conditions il était impossible de connaître
la vie des Watara en procédant à des enquêtes publiques.
Nous avons donc complété nos enquêtes extensives par de
longues années d'enquêtes
intensives
(1975-1983).
Le dis-
cours du chef de Canton Karamoko Ouattara lors de la "Table
ronde sur les origines de Kong" en 1975 nous avait encouragé
sur cette voie
: voici un extrait de son
interven~ion :
"
quand on parle des faits,
il y a certains
faits qu'on peut relater et d'autres qu'on
doit taire.
Il y a certains phénomènes que
nous ne voulons pas expliquer . . . C'était pour
éviter que ces faits ne soient rèlatés à tout
le monde
. . . " (1 )
(1)
A.U.A.,
série J,
LI,
1977, p.498-499.
90
lour
avoir
âcces a ces faits
il [~llâit donc organiser
des enqu~tes ~riv~cs.
Grâce aux nombreux seJours que nous avons effectués
dans nos différentes aires de recherches nous avons réussi
à nouer des contacts très amicaux avec de nombreux tradi-
tionalistes qui appartenaient aux couches sociales les
plus diverses
(princes du sang, hommes du peuple, esclaves
de la couronne).
Dans ces enquêtes,
les esclaves de la
couronne,
les Bambauyon
(esc'aves de Samba)
nous ont aidé
à comprendre la formation de l'Empire~de Kong et son écla-
tement en deux morceaux,
le Gwiriko et le Kpon-Gènè.
Les enquêtes intensives nous ont permis d'interro-
ger des traditionalistes relativement moins âgés
(30 à 40
ans)
; elles nous ont évité de tourner en rond autour d'un
certain nombre de vieux qui à cause de leur âge avaient
des difficultés pour coordonner leurs idées.
Le roi actuel de Kong
(connu de l'administration
ivoirienne sous le titre de chef de canton)
Karamoko
Ouattara nous a aidé aussi dans la recherche des informa-
teurs privilégiés du pays.
Ce travail a été long et pénible
et a nécessité de fréquents déplacements entre Abidjan et
nos aires de recherches situées à plus de 400 kilomètres.
A la demande de certains de nos informateurs, des
entretiens n'ont pas pu être enregistrés sur une bande
magnétique
mais ceci constitue des cas rares.
La plupart
du temps nos
informateurs se sont livrés a nous en toute
confiance.
91
Quel qu'ait été le type d'enquête retenu,
nous
avons toujours pris soin d'établir une fiche d'identifi-
cation pour chacun de nos informateurs afin que d'autres
chercheurs a~rès nous puissent les rencontrer. Nous avons
noté le nom,
les différents prénoms ou surnom sous lesquels
l'individu est connu dans le pays,
son groupe social et
son
idéologie.
Nous avons aussi pris en compte ses rapports
avec le groupe social dont il relate l'histoire.
Un fait
important qu'il convient de retenir en milieu musulam
c'est le nom du
formateur
du traditionaliste:
il convient
de relever soigneusement les nom
et adresse du ou des
karamoko
(marabouts)
qui ont contribué à
instruire notre
traditionaliste
: ces maîtres constituent des centres de
diffusion des traditions orales
(courants religieux et
faits historiques).
Il faut dire un mot de la collecte
; nous avons
enregistré toutes nos traditions orales à l'état brut
et
dans toute leur
intégralité
:
toutes nos bandes portent
un numéro,
le lieu de l'enregistrement,
la date et le nom
de l'informateur.
3.
-
Le traitement des données
a)
La mise en forme
Au retour de chacune de nos missions nous procédons
a la traduction de nos bandes magnétiques:
nous exploitons
tous les détails contenus dans l'enregistrement et nous
notons soigneusement tous les termes techniques employés
par
les informateurs relatifs aux
institutions,
à l'admi-
nistration,
à l'éducation,
aux cérémonies . . . c'est à partir
de ces acquis que nous élaborons de nouveaux questionnaires
pour approfondir
tel ou tel domaine, confirmer ou infirmer
tels ou tels passages.
92
A partir de 1975, nous avons pris contact avec
l'Institut de Linguistique Appliquée de l'Université
d'Abidjan afin que toutes nos bandes magnétiques soit
entièrement transcrites en dyula et traduites en français.
Ces transcriptions et traductions ont fait
l'objet de 28
volumes de textes reliés et numérotés qui portent les
références exactes de la bande originale. Nous pensons
mettre ces documents à la disposition de l'Institut d'His-
toire d'Art et d'Archéologie Africains qui nous avait
accordé une aide financière pour la transcription des
bandes magnétiques.
b)
Appréciation des données
Quelle a été la part réelle des sources orales dans
notre travail? Quelles sont les limites des traditions
orales de Kong? Doit-on faire foi
à ces traditions? Quel
est l'état actuel de ces traditions? Telles sont les ques-
tions auxquelles nous allons essayer de répondre apres une
dizaine d'années de recherches sur le terrain.
C'est grâce aux traditions orales que l'on peut
encore aujourd'hui,
tenter de reconstituer le passé de
Kong, des origines à 1897. Certes, nous avons signalé
l'existence de quelques chroniques relatives à l'histoire
des Watara, mais aucune d'elles ne retrace l'histoire
génÉrale du Royaume de Kong.
Elles ne parlent ni de la
société,
ni des activités économiques, ni des institutions
et des structures.
Nous avons donc été obligés de recourir
aux sources orales pour combler ces lacunes;
pour ce faire,
nous avons dû collecter une masse de documents souvent
contradictoires
; ces documents ont été confrontés les uns
aux autres et passés au peigne fin de la critique his~orique
des recoupements avec des sources externes écrites ou orales
93
nous ont permis de mieux appréhender
le passé de Kong.
Ces documents oraux brossent un tableau de la vie de Seku
~atara, dégagent son oeuvre tant à l'intérieur du pays
qu'à l'extérieur,
et font connaître l'évolution politique
des Watara.
Les sources orales retracent l'évolution
économique de la région
(la mise en place des voies com-
merciales,
l'organisation des caravanes,
la question de
la sécurité des marchands).
C'est précisément à travers
les sources orales gue Kong apparaît véritablement comme
une grande métropole commerciale,
l'un des carrefour51es
plus importants de l'Afrique de l'Ouest à ] 'image de
Dienné et de Tombouctou.
Mais ces sources orales de Kong présentent des
limites
i
d'abord,
au-delà d'une certaine profondeur dans
le temps les traditionalistes sont mal à l'aise
i
leurs
souvenirs deviennent moins précis dès qu'on aborde le XIVe
ou le XVe siècle
i
les époques les plus reculées échappent
totalement à ceux qui n'ont conservé aucun souvenir de
l'histoire des Falafala, des Myoro, des Nabè ou Gbèn avant
l'installation des Dyula dans le pays
i
les mythes et les
légendes relatifs au passé de ces populations sont absents
de nos jours dans les sources orales de Kong.
S'agit-il
d'un oubli? D'une faiblesse de la mémoire humaine? Ou
le résultat d'une politique systématique des traditiona-
listes qui veulent tirer un trait sur
le passé animiste
de Kong? L'on éprouve en effet d'énormes difficultés pour
obtenir des renseignements sur cette partie de l'histoire
de Kong
jugée inintéressante par les traditionalistes
actuels,
en majorité musulmans.
Le deuxième point faible des sources orales c'est
la chronologie
i
les traditionalistes de Kong n'offrent pas
des repères précis afin que le chercheur puisse élaborer
94
une chronologie absolue de l'histoire de Kong.
La suc-
cession au trône ne se faisant pas de père en fils mais
par la notion complexe du fa, (aîné
des frères ou des
cousins)
la chronologie par génération de 25 ou 30 ans
paraît parfois illusoire.
Elle pose d'ailleurs un problème
délicat,
la notion du temps chez les Dyula de Kong.
Tout
,
paraît régIe
sur le cycle du marché qui se déroulait tous
les cinq jours
(la vie familiale reposait et repose encore
enti~rement sur ce cycle)
; parallèlement au cycle du mar-
ché,
les gens de la région utilisaient et utilisent encore
le cycle lunaire.
Dans ces conditions, que faut-il com-
prendre par un règne de 30 ans ? Faut-il compter les années
en fonction du système lunaire ou en fonction du cycle du
marché? Nous avons,
dans nos calculs,
tenu compte de cette
notion de temps chez les Dyula
de Kong.
Toute l'histoire du pays semble marquée par
trois
grandes périodes,
l'époque de Lasiri Gbombélé dominé par
les conflits entre les Dyula
(milieux marchands et musul-
mans)
et les autochtones, celle de Seku Watara qui voit la
victoire des premiers et celle de l'intrusion samorienne
qui a mis un terme aux institutions dyula.
Les sources
orales de la région permettent de suivre a travers ces
grands moments l'histoire de Kong.
Les sources orales permettent ainsi de suivre l'évo-
lution de l'histoire des watara
(histoire économique,
sociale et politique)
des origines à 1897, date de la des-
truction de la cafitale des watara par Samori.
Doit-on faire
foi
à ces sources orales? A cette
question nous répondons par l'affirmative.
Il suffit de
s'entourer d'un certain nombre de précautions;
le cher-
cheur doit connaître le milieu dans lequel il travaille et
95
surtout la langue de ses
informateurs
;
les traditions
orales doivent être soigneusement collectées,
transcrites,
classées.
si toutes ces conditions sont réalisées on peut
affirmer que les documents réunis présentent une garantie
scientifique
ils doivent être alors soumis à la critique
historique.
Nous devons d'ailleurs accorder une grande place
aux traditions orales qui
forment une partie essentielle
de notre patrimoine culturel.
4.
-
Liste des principaux informateurs
Pour clore le dossier des sources orales,
nous
allons présenter quelques-uns de nos informateurs privi-
légiés.
l e /
Côte d'Ivoire
Ali Ouattara
(1915 -
Ali Ouattara est ne vers 1915 a
Yérobodi
(localité
située a soixante kilomètres au nord de Prikro).
Il porte
le titre de dugutigi
(chef de village)
mais appartient à
la fraction dyula des Ando,
originaire
du Mandé(l).
Il
nous a retracé en 1973 et 1974 les guerres dont fut victime
cette cité marchande
(hotamment les guerres ashanti).
Yérobodi serait en effet la déformation de Yôrô
(le lieu)
et de bèdi
(comment?)
Yérobodi signifie donc:
comment
est le lieu? Connaît-il la paix ou la guerre?
(1)
A la disparition des autochtones, les étrangers ont pu s'emparer
du titre de dugutigi.
96
Nous avons enquêté sur
le commerce de Yérobodi
avec le Royaume de Bondoukou et l'Etat dyula de Kong.
yérobodi apparaît ainsi comme un centre commercial,
un
carrefour entre le monde akan et le monde dyula.
EI-Ha9j Amara Coulibaly
(1930 -
)
El-Hadj Amara Coulibaly est ne a Kolon vers
1930.
Il est
issu d'une famille de
tisserands:
ses parents se
sont fixés à Kong au début du XXe siècle dans le quartier
5aro ou Barola.
Il appartient au clan Kuribari qui aida
Seku Watara à prendre le pouvoir à Kong
i
i l est très
proche du pouvoir des Watara.
De
1974 à 1979,
nous avons
collecté chez cet informateur des sources concernant les
points suivants
:
l e /
-
l'origine de la famille de Seku Watara
2 C /
-
l'installation de Maghan à Ténégéra et les
relations de ce dernier avec la chefferie
animiste des Lasiri.
3°/ -
les guerres de Seku Watara
(notamment les
guerres contre les Palaka et les Ashanti).
4°/ -
Kong après la mort de Seku
(Amara Coulibaly
est surtout très prolixe sur l'invasion de
Kong par
les troupes de Samori et le massacre
des lettrés de la ville).
El-Hadj Amara Coulibaly est d'une grande disponi-
bilité et semble très ouvert à la recherche historique.
Anzoumana Ouattara
(1903 -
1978)
Anzoumana Ouattara est né à Famièkro vers 1903
;
il
appartient au clan Ando de la grande famille des Akan.
Son
97
pere,
ayant embrassé l'Islam, obligea ses enfants a faire
des études coraniques. C'est ainsi que vers l'âge de dix
ans Anzoumana alla faire
ses études à Kong auprès d'un
certain Karamoko Ouattara du quartier Kéréu
;
il passa
quinze ans à Kong et adopta le diamu Watara,
le diamu de
son maître.
De retour
à Famièkro il crea une école
coranique dans le village et initia les
jeunes gens a la
lecturL du Coran.
Nous avons fait la connaissance d'Anzoumana
Ouattara au cours d'une mission de recherches organisée
par
l'Institut d'Histoire, d'Art et d'Archéologie Africains
(I.H.A.A.A.)
dans l'Anno à propos de l'islamisation de la
région.
Nos premiers contacts eurent lieu le 14 décembre
1973 à Famièkro
(région de Prikro).
Avant d'adopter
ce diamu,
Anzoumana a
interrogé
son maître sur
l'histoire des Watara de Kong depuis Dé
~aghan jusqu'à l'arrivée de Samori. Anzoumana semble assez
renseigné sur
le passé de Kong
; nous avons surtout cherché
à approfondir les rapports étroits qui existaient entre
l'Anno
(pays riche en noix de kola et en or)
et l'Empire
de Kong;
nous avons enquêté aussi
sur
la production des.
noix de kola,
de l'or et les circuits commerciaux;
nous
avons obtenu aussi des
informations sur
les guerres ashanti
dans l'Anno .
.Ba Souma:ïla Ouattara
(vers 1913 -
)
Ba Soumaïla est le chef du groupement Kobakoko
son autorité s'étend sur une quinzaine de villages au nord
de Kong où
il est très respecté.
Il est né vers 1913 &
Kong et apparaît aujourd' hui comn~e l 'héritier
présomptif du
trône de Kong.
98
Nous enquêtons aupres de Ba SoumaÏla Ouattara depuis
1974, pour les questions touchant,
la notion d'Etat chez
les hatara,
l'administration, les impôts et l'armée. Nous
avons essaye de comprendre à la lumière des informations
fournies par ce prince les rapports difficiles qui ont
existé entre Seku ~atara et Famaghan.
Malgré son âge, Ba Soumaila a souvent accepté
d'effectuer de longs déplacements avec nous pour autoriser
les Bambadyon à nous entretenir des problèmes touchant la
couronne de Kong. Nous lui sommes reconnaissant pour sa
gentillesse et sa compréhension.
BaLJaJai Traoré:
(1910 -
)
Babalai est le frère du Secrétaire Général du Parti
Démocratique de Côte d'Ivoire à Kong
(PDCI).
Il est né
vers 1910 à Kong.
Il fait figure aujourd'hui de grand
Karamogo ; nous l'avons interrogé plusieurs fois en 1975,
en 1976 et en 1977. Nous l'avons consulté surtout à propos
de l'organisation du commerce à Kong
(les voies carava-
nières,
les produits,
les relations entre Kong et la ville
de Dienné). Babalai nous a aussi parlé très longuement de
l'organisation judiciaire des watara. Très superstitieux,
il n'aime pas révéler le contenu d'un certain nombre de
manuscrits relatifs à la vie privée des princes de Kong
"
quand on raconte l'histoire vraie, on
ferd la protection divine, c'est pourquoi
nous n'aimons pas par~er de certains faits
sinon nous savons beaucoup de choses .. :' (1 )
déclarait-il en 1976.
(1) Enquêtes effectuées en mars 1976 a Kong,
bande n028, dossier
III.
99
El-!1~9j_Babou Traoré (1930 - )
Babou Traoré est né a
Kong vers 1930 ;
il a peu
voyagé.
Il se réclame de la fa~ille de Bédiakro Tarawéré
qui aida Seku Watara à s'emparer du pouvoir.
Il appartient
ôinsi à une famille de guerriers et de commerçants.
Il est
cGnsidéré, comme l'un des plus grands tisserands de la
région de Kong.
Nous avons cherché à obtenir de ce tradi-
tionaliste le maximum d'informations sur
les techniques
de
tissage,
la commercialisation des étoffes avant la des-
truction de Kong.
Nous avons cherché aussi à savoir le rôle de
la famille de Bédiakro dans l'édification de l'Etat de Kong.
Bamadou Ouattara
(1910 -
)
Bamadou Ouattara est ne vers 1910 à Nasyan, au
nord de Kong.
Nous l'avons
interrogé en 1974 et 1976 dans
sa ville natale.
Bamadou est un Bameoyon
(un esclave de la
couronne) .
Il est
au courant de la plupart des guerres que
les rois de Kong ont livrées dans le pays
;
i l détient de
précieuses informations sur
les emblèmes du pouvoir,
les
cérémonies d'intronisation,
les rapports entre Seku ~atara
et le fidèle esclave Bamba (1).
Il nous a en outre communi-
qué des renseignements
importants relatifs aux derniers an-
nées de l'esclave Bamba(2).
Le père de Bamba Ouattara est
mort à Kong
lors de l'attaque de la ville par
les troupes
(1) D'après Bamabou Ouattara, Bamba serait en réalité un fils naturel
de Seku i cette version ne fait pas plaisir aux princes Watara.
(2) Ce valeureux guerrier qui a fait flotter le drapeau de Kong dans
la boucle du Niger a terminé sa vie à Sindo en tant que muezzin.
100
de Samori. Notre informateur vit aujourd'hui
très modeste-
ment du revenu d'un petit champ d'ignames et de sorgho;
il ne peut plus compter sur
la g~n~rosit~ de ses anciens
maîtres,
les princes de Kong qui
tiraient leurs ressources
des razzias et des butins de guerre
Samba Bamourouli
(1920 -
)
Bamba Bamourouli est né à Kong vers 1920.
Il
est
d'origine Ligbi
(fraction commerçante du peuple mandé;
sa
famille est originaire de Fugula
(dans le Ghana actuel,
au
nord de Begho).
Elle s'occupait de l'extraction de l'or.
De
ce fait nous avons pu recueillir de nombreuses informations
sur
les mines d'or de la région de Kong.
Les parents de
Bamba se livraient autrefois au commerce de l'or et des
esclaves dans le pays
;
i l a pu ainsi nous fournir
de nom-
breux détails sur
le commerce a
longue distance entre
Kong et les pays de la boucle du Niger
et de la Côte.
Bamori Bayikro
(1900 -
)
Bamori est ne vers
1900 à Nafana,
à la fin des
guerres samoriennes.
Cette
localité se trouve. a une ving-
taine de kilomètres à l'est de Kong;
elle fait partie
des
rares villages de la région qui ont échappé à la dévas-
tation lors des conquêtes de Samori à la fin du XIXe siècle
son histoire se confond à partir de Seku watara avec celle
de Kong.
Les notables de Nafana sont de ce fait
très bien
renseignés sur
l'histoire de Kong.
Le père de Bamori a
lutt~ en 1897 aux côt~s des Sekumogo (les partisans de
Seku)
contre les sofa de Samori,
lors du sac de Kong.
De
1975 à 1978, nous avons effectué de nombreuses enquêtes
auprès de Bamori Bayikro qui occupe les fonctions de Dugutigi
à Nafana. Nous J'avons interrogé en compagnie du griot Ba
101
SoumaÏla et du dyamanatigi Balamine Ouattara. Nos questions
ont porté sur
:
1~/
- l'installation des Dyula à Kong et à Nafana
2 C ;
-
la prise du pouvoir par Seku et les rapports
de ce dernier avec les populations de Nafana
3 e ;
-
les guerres de Seku
4 C /
-
la vie de Seku Watara
(on est très bien
renseigné sur ce personnage à Nafana ; il
semble avoir été enterré dans cette dernière
localité) .
5°/ -
la prise de Kong par les troupes de Samori.
Bamori Ouattara
(1910 ? -
)
Bamori Ouattara est né à Koniéré à une cinquantaine
de kilomètres a l'est de Kong.
Il se réclame des autoch- .
tones Myoro.
Il a voyagé beaucoup pour s'instruire et pour
faire
du commerce
il a visité surtout le nord du Ghana,
le BL~~ina-Faso et le Mali.
Il a séjourné pendant de nom-
breuses années à Aboisso, Abidjan, Krinjabo.
Il a hérité
de son père Bakari la science des Karamogo et celle des
plantes africaines. Actuellement il est installé comme
Sotigi
(l'équivalent du dugutigi chez les Dyula).
Nous avons enquêté aupres de Bamori Ouattara de
1974 à 1979 sur les institutions sociales, l'importance
de Koniéré dans la· vie économique de Kong, l'impact des
Dyula sur les autochtones.
102
Eamüri Ouattara est un personnage ouvert et acueil-
lant toujours prêt à aider
les chercheurs qui viennent
le voir.
Bamori Traoré
(1920 -
)
oamori Traoré est né vers
1920 à Kong;
il occupe
de nos
jours les fonctions de secrétaire Général du Parti
Démocratique de Côte d'Ivoire
(PDCI-RDA).
Il est communé-
ment appelé Dogomoro ; c'est un homme actif et énergique
qui a beaucoup voyagé. Il a séjourné longtemps dans les
villes d'Aboisso,
d'Abidjan,
d'Abengourou.
Son ancêtre Ali
Tarawéré se serait installé dans la région de Kong à
l'époque du roi animiste Lasiri Gbombélé,
vers la fin du
XVIIIe siècle.
Nous avons
fait
sa connaissance à Kong en
février
1974.
Il détient de précieux renseignements sur
le
Fassé de Kong depuis Lasiri Gbombélé(1)
jusqu'à la destruc-
tion de la ville par
Samori.
Nous avons apprécié les infor-
mations qu'il nous a communiquées sur
l'installation des
Saganogo à Kong(2)
et surtout sur
le commerce du sel et
des noix de kola dans la région de Kong.
El-Hadj Baro
(19üb -
)
El-Hadj Baro est ne a Kong en 1908.
rI exerça de
1925 à 1969 les fonctions de Commis du Trésor à Korhogo.
Actuellement,
il a pris sa retraite et vit à Kong dans le
suartier Baro.
Nous l'avons rencontré plusieurs fois en 1974,
(1)
Bamori considère que Lasiri appartient à la famille Nabé
le roi
animiste de Kong serait ainsi d'origine senufo.
(2) Voir à ce sujet la "Table ronde de Kong sur les or ig ines de Kong",
~E~.
série J, 1977, p.172-470.
103
1975 et 1977.
Nous avons collecté aupres de cet informa-
teur des documents oraux concernant
:
1°/ -
le peuplement ancien de Kong
(peuplement
senufo) .
2 0 /
-
la monarchie fondée par Lasiri Gbombélé
originaire du Mandé et non du Mosi).
3 D!
- le Sunangiya.
4(;/ -
les religions animistes
(Gban) (1).
5 0 /
-
des
informations sur
les Baro de Kong.
6°/ -
les relations entre Kong et Korhogo
(fondé
d' après notre
informateur vers
1820) (2) .
7°/
-
Samori et la fin
tragique de Kong.
El-Hadj
Baro a connu
la Mori Ba,
l'un des princi-
paux témoins des événements survenus à Kong à la fin du
XlXe siècle.
Barro Fasséri
(1920 -
)
Barro Fasséri est né à Kong vers 1920 ;
il est à la
tête du quartier Barola depuis 1969
i
i l dirige un conseil
ôe quatre membres qui essaie de
régler à l'amiable les
problèmes qui
se posent à la population de Kong.
A partir
de
1975,
nous avons effectué plusieurs missions auprès de
(1)
El-P.adj Baro fait partie des rares informateurs qui acceptent de
parler àu passé animiste de Kong.
(2)
L'auteur a été très marqué par son séjour à Korhogo ;
il présente
les faits sous un angle favorable à Korhogo dans les rapports entre
Kong et Korhogo au XIXe siècle.
104
ce traditionaliste qui
fait
figure d'un chef de village.
Il occupe une plac~ très importante dans la société.
Nos
questions auprès de Baro Fasséri,
ont porté sur
1°/
-
l'origine des Baro
(installation à Kong).
2°/ -
la place des Baro dans l'édification de
l'Empire de Kong
(guerres de conquêtes,
islamisation de la région,
justice).
3°/
-
le commerce a grande distance.
4°/ -
le tissage
(c'est l'une des principales
activités des Baro).
5°/ -
les rapports entre les Baro et les princes
Watara de Kong.
Basièri Ouattara
(vers 1907 -
)
Basièri Ouattara situe son âge par
rapport au der-
nier passage de Binger à Kong
i
a cette époque,
dit-il
"j'avais une vingtaine d'années;
j'étais
vendeur dans une petite boutique à Kong et
je n'était pas encore marié
( . . . ) (1).
Ceci
s'est passé plusieurs dizaines d'années après
le passage des
troupes de Samori à Kong . . . "(2).
Nous savons,
grâce aux carnets de route de Binger,.
que
ce dernier est effectivement passé à Kong pour
la ~roisiè
me
fois en 1927(3).
Basièri Ouattara serait donc né vers
(1)
Informations recueillies auprès de l'intéressé à Kong en mars 1974.
(2) Cet épisode se situe donc après mai 1897.
(3) Voir L.G.
Binger
: Une vie d'explorateur. Souvenirs extraits des
carnets_de routes,
Paris,
1931, pp.256-257.
10S
1907 à Kong
soit une dizaine d'années apres le sac de la
ville par les sofa de Samori.
Easièri est originaire de Ténégéra
il rattache
sa famille à celle des rois animistes qui ont régné dans
cette dernière localité avant l'avÈnement de Seku Watara
ces rois,
selon lui,
portaient le dyamu
(nom de famille)
~atara. Voici comment il présente l'installation de ses
ancêtres à Ténégéra
"r-lon ancêtre s'appelle Basièr i Sièr idyan
il
est originaire du Mosidugu
(Haute-Volta) (1)
il était en co~pagnie de son frère cadet,
BaIa". (2)
"Le pays était alors gouverné par
un certain Soro ou Asoro. BaIa épousa la
fille de Soro, nommée Minanta ; de cette
union naquit Bakari. BaIa avec l'aide des
marabouts a combattu les banmàna
(animistes)
jusqu'au Dyimini ; il a conquis 310 villages
c'est après cet épisode gue Maghan,
le grand-
père de Seku Watara arriva à Ténégéra ... )"(3).
Basièri est l'un des rares traditionalistes qui
accepte ses origines animistes;
il semble d'ailleurs avoir
été initié dans sa jeunesse à certains cultes animistes ;
c'est auprès de lui que nous avons obtenu l'essentiel de
nos informations sur les religions traditionnelles de la
région de Kong, ce sujet étant considéré comme tabou chez
les IT.usulmans du pays. Basièri détient de précieux rensei-
gnements sur Lasiri Gbombélé,
la vie de Seku Katara
(prise
- - - - - - - - - -
(1)
Le terme Mosidugu signifie pays des Hosi
;
il est assez vague.
(2)
rl s'agit des versions relatives à l'installation d'une dynastie
rcsi dans la région de Kong; nous rejetons cette version.
(3)
Nous situons l'installation de Maghan à Ténégéra vers 1610 sous le
règne de Bakari. L'origine
voltaïcue de Basièri est contestée par
la plupart des traditionalistes de la région de Kong qui affirment
que Sasièri est d'origine Wèla
(l'un des défenseurs de cette thèse
est Dawaba Samba). La plupart des traditionalistes font de Bakari
un souverain d'origine Wèla.
106
ou pouvoir,
guerre avec les pays voisins),
l'organisation
politique,
sociale et économique de l'Etat dyula de Kong.
Il est aussi
très
intéressant pour
l'étude de la fin de
l'Empire de Kong car
il a connu certains des acteurs qui
ont participé aux guerres livrées par
les autorités de
cette ville contre le conquérant Samori. Malgré son âge
avancé,
Basièri continue de voyager
il a une grande
connaissance des plantes africaines et jouit de la réputa-
tion d'un grand guérisseur.
Bass}?i Ouattara
(1904 -
).
D'après sa carte d'identité établie à Kong le 17
avril
1964,
il serait ne vers
1904
; or notre
informateur
n'a pas connu la Mori Ba mort
après 1925. Bassidi était
donc très jeune vers cette date
;
i l avait probablement un
ou deux ans (1 ) .
Les ancêtres de Bassidi sont originaires de Begho
;
leur
installation dans la région remonterait au milieu du
XVIIIe siècle.
Bassidi appartient à la caste des numu
(forgerons)
;
ces derniers sont craints et respectés à cau-
se des mystères dont
ils s'entourent. Nous avons fait auprès
de Bassidi des enquêtes sur
1°/ -
les clans forgerons à Kong
(numu,
logon . . . ).
2°;
-
le travail de fer
(exploitation et traitement
du minerai,
fabrication des armes et des
outils) .
3 e ;
-
les rapports des numu avec la population de
Kong
(avec le monde paysan,
l'aristocratie
princière,
les commerçants et les lettrés).
(1)
bassidi est probablement né peu avant 1925 et non en 1904 comme
i l le prétend.
107
Bassina Ouattara
(1930 -
)
bassina Ouattara est ne a Kolon vers 1930.
Il fit
ses études coraniques dans sa ville natale et à Kong, on
le considère aujourd'hui comme un karamogo
(marabout)
très
cultivé. ~ous avons rencontré pour la première fois Bassina
Ouattara en mars 1974 à Kolon grâce à une lettre de recom-
mandation du roi actuel de Kong, Karamoko Ouattara : par
la suite nous avons eu de nombreux entretiens avec lui en
1975 et 1977, qui ont porté essentiellement sur l'exploita-
tion des mines d'or dans la région de Kolon
(forage des
puits, lavage du minerai, commercialisation). Bassina ap-
partient en effet à une famille qui autrefois exploitait
de l'or dans le pays.
bassina possède en outre quelques manuscrits relatifs
a la généalogie des rois de Kong.
Bassirakoro Kamagaté
(1910 -
)
Bassirakoro est né en 1910 à Bilimono
(55 kilomètres
au sud-est de Kong). Sa famille est originaire de Begho :
elle s'est installée dans la région de Kong vers l~ milieu
du XVIIIe siècle à la suite des guerres ashanti contre la
métr6role commerciale de Begho. Nous avons recueilli nos
informations auprès de ce traditionaliste en 1975 et en
1976
; ces dernières portent sur
l'installation des Kamagaté
dans le pays hyoro,
la place de Bilimono dans l'Empire de
Kong
et les effets des guerres samoriennes dans les 'régions
myoro. Nous avons aussi enquêté sur le rBle des Kamagaté
dans la diffusion
de l'Islam dans la régicn de Kong aux
XVIIIe et XIXe siècles.
108
bassori Ouattara
bassori Ouattara n'avait pas encore de carte
d'identité en
1975 au moment où nous avons fait sa connais-
sance.
Il est ne a Limono à une douzaine de kilom~tres au
nord de Kong.
Il appartient à
l'aristocratie des maîtres
de la terre
(dugukorotigi)
qui exercent de nos
jours les
fonctions de chef de village
(dugutigi).
Bassori prétend
avoir été nommé dugutigi après l'abolition du
travail
forcé(l).
Il nous a fcurni des
renseignements sur les autoch-
tones Falafala et Gbèn
i
Bassori se réclame de ce dernier
groupe.
Il nous a aussi
fourni des
indications sur
les
derniers événements qui ont marqué la fin
tragique de Kong.
Il porte d'ailleurs le nom de son grand-r~re qui aurait
combattu Saroori lors du sac de la capitale des watara en
1 8 S 7.
Eassori a sculigné au cours de nos enquêtes
(1975-
1978)
la place
importance que Limono a
tenu dans l'économie
de
l'Empire de Kong à cause de l'exploitation de ses mines
d'or.
~os champs, disait Bassori, contiennent encore
"les traces des puits qui ont fait la gloire
de notre ville à l'époque de Seku Watara . . . "(2).
Bassori vit aujourd'hui du rev~nu de la terre,
notamment de la culture de l'igname.
(1)
Il a donc pris ses fonctions après 1945 ; d'après les indications
qu'il nous a données il serait né probablement peu après 1915.
(2)
Enquêtes réalisées en 1975, voir bande n016, document nOV.
109
Bayérissan Ouattara
(1915 -
)
Bayérissan Guattara est né à Kolon vers 1915
;
il
a frati~ué clans sa jeunesse le commerce des noix de kola
cette activité l'a amené à parcourir des villes du Ghana
(I\\umasi,
v-.a, Bolé) et du Niger (Niamey). Eayérissan
afFartient à la population autochtone myoro
; c'est un
excellent chasseur et il
jouit de la réputation d'un grand
guérisseur.
De nos
jours,
il vit des revenus de ses cul-
tures d'ignames et de sorgho.
C'est auprès de lui que nous
avons recueilli en 1975 le maximum d'informations sur la
chasse et la pharmacopée africaine pratiquées par
les Myoro
ainsi que sur
le vocabulaire myoro.
Il nous a donné des
renseignements
importants sur
l'installation àes premiers
Lyula dans la région de Kolon.
Bemankoro Ouattara(1)
(1908 -
)
Bemankoro est né à Kong vers 1908 arres la recons-
truction de la ville
.
Bemankoro n'appartient pas à
la famille de Seku Katara,
mais
il se sent solidaire des
institutions créées par ce dernier; i l r:'aprartient [é:S non plus a
la fôrdlle de Dyërawari
qu i
semble avoir
pr i s
le pouvoir par
la
force
avec l'appui des princes watara.
Nous avons enquêté pendant trois ans aupres de ce
traàitionaliste pour connaître la place du dugutigi dans
les structures politiques et administratives de Kong,
le
nom et la personnalité des différents princes qui ont occupé
1) Bemankoro est, depuis 1976, le èugutigi de Kong.
Il n'exerçait pas
cette charge au début de nos recherches en 1974. Le dugutigi de
cette époque s'appelait Fabwa. Nous n'avons pas pu l'interroger car
il était gravement malade à cette époque ; il mourut un an plus
tard en 197~ et Bemankoro lui succéda en 1976.
110
ce poste depuis la création de l'Empire de Kong.
Bemankoro
nous a aussi
fourni de nombreux renseignements sur
le
Sunangiya
(l'école de guerre des watara),
notamment sur les
derniers événements qui ont marqué la fin de l'Empire de
Kong.
Dawaba Bamba
(1920-1981)
Dawaba Bamba naquit à Manogota, petit village situé
a 9 kilomètres au nord de Kong.
Ses ancêtres
les Bamba
étaient originaires de Begho.
(Dans l'actuel Ghana)
ils
auraient quitté cette localité pour
la région de Kong a la
fin du XVIIe siÈcle à la suite d'une guerre civile qui
faillit
ruiner
le pays{l).
Le personnage central de l'exode est connu a Kong
sous
le nom de ~asa Kunandi
;
il apparaît comme un chef
guerrier et son nom de guerre est Abon ou Babon.
Masa Kunandi
a joué un rôle actif dans l'administration du roi animiste
Lasiri,
mais on le retrouve dans le camp de Seku hatara
arres la prise du pouvoir par ce dernier.
Dawaba appartient
ainsi a une famille qui
a servi sous les ordres des rois de
Kong depuis la fin du XVIIe siècle;
sa famille,
de ce fait
siest trouvée mêlée aux faits marquants de l'histoire des·
wataia de Kong et de Bobo-Dioulasso.
Après la destruction du Royaume de Kong à la fin
du XIXe siècle et la mise en place de l'administration
coloniale au début du XXe siècle,
les parents de Dawaba ont
abandonné l'art de la guerre et se sont consacrés au tra-
vail de la terre.
Le
jeune Bamba pratiqua ce métier
avec
(1)
A la suite d'une chasse, deux quartier ~~contents du partage du
gibier se
firent lù guerre
; cette dernière se généralisa
et
frovoqua le départ de nombreuses familles dont celle des Bamba.
111
amour et reçut de ses compagnons le surnom de Dawaba
(la
grande houe)
qu'il garda jusqu'à la fin de ses
jours;
il
s'appelait en réalité Badawa.
En
1943,
Dawaba
fut
réquisitionné pour
le tr2vail
forcé(1)
il parcourut alors les villes du sud de la Côte
d'Ivoire,
bassam,
Abidjan,
Bingerville. En 1947, on le
retrouve dans des plantations de café et de cacao a Abaissa,
Abengourou et Agnibilékro.
En
1950,
il regagna sa terre
natale et reprit les travaux des champs; mais à partir de
1960,
il se consacra de plus en plus à la pharmacopée afri-
caine et acquit la réputation d'un grand guérisseur.
Cette
nouvelle activité l'amena à effectuer de nombreux déplace-
ments dans le Nord-Est de la CSte d'Ivoire.
C'est au cours
de l'un de ces déplacements que nous avons fait sa ccnnais-
s~nce, en février 1974, à Logobu
(petite localité a une
quarantaine de kilomètres au nord de Kong)
; nous avons,
a
partir de cette date,
maintenu des contacts fréquents avec
ce traditionaliste.
Voyons comment Dawaba s'est documenté sur l'histoire
de Kong.
Notre
informateur souligne qu'il a eu la chance
d'avoir grandi
auprès de ses parents et qu'il
a écouté
attentivement tout ce que ces derniers racontaient le soir
au coin du feu
;
écoutons le
:
"
Je ne suis pas témoin des événements que
je relate;
je les ai appris les soirs en
écoutant les vieux qui retraçaient le passé
de Kong;
c'est ainsi que
j ' a i appris'à con-
naître les époques glorieuses et les années
tristes de l'histoire de notre pays.
Devenu
(1) L'abolition du travail forcé en Côte d'Ivoire date du 11 avril 1946.
11 2
grand,
j'ai posé des questions à mon grand-
père,
à mon père et à mes oncles. C'est ainsi
que
je me suis passionné pour
l'histoire de
Kong . . . " ( 1 ) .
Nous avons travaillé avec Dawaba de 1974 à
1979 pour
approfondir
les points suivants
:
1°/ -
le peuplement de Kong
(no~amment l'installa-
tion des Wèla de Begho et des Kuribari du
Mandé dans la région de Kong).
2 C j
-
la mise en place de l'Etat de Seku Watara et
son évolution
jusqu'à la fin du XIXe siècle.
3 C ;,
-
les raisons du déclin de Kong
(raisons poli-
tiques,
économiques et sociales).
4°/ -
les rapports entre Kong et Samori.
Dawaba a
été ainsi pour nous un
informateur précieux
i l voyait l'histoire de Kong avec beaucoup
de recul et d'objectivité;
sa disparition
constitue une grande perte pour l'histoire
ouest-africaine,
notamment pour
la connaissance
des société animistes traditionnelles.
Dyamila Ouattara
{1894-1895~
Dyamila Cuattara était né à Kong;
l'intéressé
prétendait avoir
trois ans au moment de la destruction
de
la v i l l e ; qui eut lieu en
1897. Dyamila serait né ainsi
vers 1894-1895.
Ses parents auraient quitté la ville au
(1)
Enc;uêtes réalisées à Logobu en février 1974, bande n e 3, dossier 1.
113
au moment ou les guerriers de Samori envahissaient le
Dyimini(1).
En 1974,
Dyamila nous raconte gue son père
était persuadé que Samori allait tôt ou tard occuper Kong
il décida donc d'aller
s'établir à Sokolo, a une quaran-
taine de kilomètres au sud-est de Kong.
Issu d'une famille de commerçants, Dyamila, dans
sa jeunesse, parcourut plusieurs villes du Mali, du
Burkina-Faso, de la Côte d'Ivoire et du Ghana pour vendre
des étoffes et des noix de kola.
Malgré son âge,
ce vieil-
lard avait gardé le goût des voyages; c'est au cours de
l'un de ces déplacements que nous avons fait sa connaissance
à Yonoro à dix kilomètres a~ sud de Sokolo. Le point domi-
nant de nos recherches auprès de ce vieil informateur à
porté sur
le commerce
(organisation des caravanes,
les
produits échangés,
les voies caravanières,
la sécurité . . . )
et les guerres de Samori avec Kong.
Il nous a aussi
fourni des informations sur
l'origine Kuribari de la dynastie des Watara de Kong,
sur
la généalogie des descendants de Seku.
Il se réclamait
des autochtones Myoro.
Ce vieillard sympathique est mort
en déce~bre 1979 à Sokolo.
Fissiri Ouattara
(1897 -
)
Fissiri Ouattara est né à Kolon à une cinquantaine
de kilomètres à l'est de Kong, peu après la destruction de
la ville en 1897.
Il se rattache aux autochtones Myoro.
Nous avons fait
sa connaissance en février
1974.
Il exer-
(1)
C'est effectivement vers 1894 que Samori fit irruption dans la
Dyimini
; son arrivée provoqua de nombreux déplacements d'hommes
dans le Dyimini surtout en direction de Kong.
114
çait depuis
une dizaine d'années
les fonctions de Dugutigi
(chef de village).
Fissiri nous a parlé très longuement
de la fondation de Kolon,
de l'importance de son marché
riche en or et en esclaves
i
la ville, pour cette raison,
avait fait
l'objet de nombreuses attaques de la part des
Dagomba et des Gonja.
Kolon semble avoir
atteint son apogee
sous le règne de l'un des fils de Seku Watara,
Kumbi,
au
milieu du XVIIIe siècle.
Fissiri nous a aussi fourni de
nombreuses informations sur
l'installation des Dyula dans
le pays et leurs rapports avec les autochtones.
Fissiri comme la plupart des habitants de la région
de Kong vit des revenus de ses champs d'ignames et de
sorgho.
Fissiri a été élevé par ses oncles maternels et
c'est aupres de ces derniers qu'il a
recueilli ses infor-
mations.
Gaoussou Ouattara
(vers 1900 -
)
Gacussou Ouattara est l'un des descendants de Seku
Watara
i
i l est de la famille de Suma Ulé,
petit-fils du
fond~teur de l'Empire de Kong. Sa famille est écartée du
trône de Kong et réside à
Lingékro qui
fut autrefois la
capitale d'un état autonome.
Gaoussou est ne dans cette
localité vers
1900.
Il porte de nos jours le titre de
Dyamanatigi.
~os enquêtes auprès de ce prince assisté de
son fils Ba Tiémoko Ouattara
(héritier du trône de Lingékro,
né vers 193G,
nous ont permis de comprendre les querelles
intestines qui ont secoué l'Empire des watara avant la
disparition de son fondateur.
Nos enquêtes se sont déroulées
de
1974 à 1978. ~ous avons obtenu à Lingékro des renseigne-
ments que nous n'avons pas pu obtenir à Kong sur les raisons
11 5
profendes du cGnflit qui opposa Seku à son frère Famaghan,
le fcndateur de l'Etat de Bobo-Dioulasso.
Nous avons re-
cueilli
aussi des renseignements
importants sur
la vie
de Dé Maghan à Ténégéra.
Karamoko Ouattara
(vers 1910 -
)
Karamoko Ouattara est né à Kong vers 1910 ; son
père Badyula
(petit-fils de Seku Watara)
fut
l'un des
adversaires de Samori Turé
; après sa défaite en 1897,
Badyula se réfugia à Bobo-Dioulasso
(Burkina-Faso)
et ne
regagna Kong que vers 1909.
Après la mort de son père,
le
jeune Karamoko Ouattara,
alors âgé d'une quinzaine d'années,
s'installa avec sa mère Ilaya Watara à Bobo-Dioulasso,
la
seconde patrie des watara.
On ignore à quelle date précise Karamoko Ouattara
plus communément appelé Kodara revint habiter Kong.
Quoi
qu'il en soit, on le retrouve en 1954 dans la capitale des
~atara oG il fait l'apprentissage de la fonction de roi
sous le règne de Basidi
(1954-1960).
En 1960,
après la
mort de ce dernier,
il reçoit le Sinzebu,
l'emblème du
pouvoir
royal et devient ainsi le 27e roi de Kong.
En réa-
lit~,
il fait partie des rois qui,
depuis l'époque colo-
niale, ont perdu toute autorité réelle.
Son pouvoir ne
s'étend que sur
l'un des cantons de la région de Kong, d'où
scn titre officiel de chef de Canton.
Les Dyula de la
région qui
l'ont porté au pouvoir
l'appellent Dyama~atigi
(chef de province),
titre généralement donné aux chefs
imposés par la colonisation.
Depuis le 21
octobre 1960,
il perçoit une indemnité
ft sert de lien entre les autorités politiques et adminis-
tratives et la population.
116
Karamoko Ouattara est un homme ouvert,
accueillant
il a une grande sympathie pour les chercheurs 'qui s'inté-
ressent à l'histoire de Kong.
Il nous a non seulement
ouvert ses portes mais il a
favorisé nos contacts avec les
autorités traditionnelles du pays.
Il a mis à notre dis-
position ses pa~iers personnels relatifs à l'histoire de
Kong et,
grâce à lui,
les marabouts du pays ont pu nous
montrer certains documents qui ont facilité nos recherches
lors des enquêtes sur
le terrain
(documents des
imams de
Kong,
la généalogie des rois de Kong .•. ).
Au niveau des sources orales, Karamoko Ouattara
nous a apporté son concours dans de nombreux domaines,
notamment
:
1°/ -
l'étude des origines de Seku watara.
2°;
-
les questions relatives à la chefferie watara
(choix des rois,
le couronnement).
3 U ;
-
les rapports entre le Royaume de Kong et celui
de Bobo-Dioulasso,
les conflits entre Famaghan
et Seku.
4°; -
les notions de chef,
de roi, de pouvoir,
d'Etat . . .
sel - les relations entre Badyula et Samori et
surtout la fin
tragique de Kong.
Contraire~ent à certQins traditionalistes, Karamoko
Ouattara fait
toujours appel à un autre informateur lors-
qu'il a des doutes sur une question.
Nous avons souvent
apprécié cette attitude qui montre l'intégrité et le sérieux
du souverain de Kong.
11 7
Maana Ouattara(1)
(vers 1910 -
)
Maana est nee a Dyangbanaso,
localité situé à une
dizaine de
kilomètres au sud de Kong, vers 1910. Elle est
veuve et vit
ici en compagnie de trois de ses fils au milieu
des ruines de l'ancienne cité marchande des ~èla.Maana est
l'une des rares femmes que nous avons interrogées au cours
de nos enquêtes sur l'histoire de Kong. Nous l'avons ren-
contrée à plusieurs reprises entre
1975 et 1978 pour con-
naître le passé de Dyangbanaso et les raisons de son déclin.
Elle possède des
informations sur les structures de
l'ancienne ville
(elle a fourni
le nom des principaux quar-
tiers) .
Mamadou Saganogo
(30 janvier
1918 -
)
Mamadou Saganogo est connu sou~ son nom d'écrivain
Labi
;
i l est né le 30 janvier 1918 à Kong.
Dès l'âge de
six ans,
il entre à l'école coranique à Kong et suit les
cour s d'El-li ad j
Kasum dit Kar amoko EI-Had j
et ceux de son
père El-Hadj Abubakar Saganogo.
En 1943,
il obtient son
idjaz
(licence d'enseignement)
et entreprend alors ses voya-
ges d'études
entre 1943 et 1956,
i l parcourt les prInci-
paux centres religieux de la Côte d'Ivoire
(notamment Touba),
du Mali
(Segou, Bamako), du Burkina-Faso
(Bobo-Dioulasso),
de la Guinée
(Kankan,
Labé), du Sénégal
(Dakar), de la
Mauritanie, de l'Arabie
(La Mecque en 1944).
A partir de 1956 il s'installe à Bobo-Dioulasso ou
il dirige une école coranique; mais pour des raisons
obscures i l quitte cette ville en 1957, visite Bouna,
Bon-
doukou, Agnibilékro, Abengourou et Abidjan.
En 1958, apres
un bref séjour à Bobo-Dioulasso,
il revient à Bouaké où il
bâtit sa concession,
mais néanmoins il continue à parcourir
(1)
Elle est l'unique femme auprès de laquelle nous avons recueilli des
informations.
11 8
les villes
iffifortantes de la Côte d'Ivoire et du Eurkina-
Faso.
Le 20 août 1964
il exerce la fonction de directeur
d'école coranique à Bouaké mais cela ne l'empêche pas de
sillonner les routes.
En 1967,
il rencontre à Niamey l'ex-
Président de l'Assemblée Nationale,
Boubou Hama,
qui lui
demande de collecter des manuscrits arabes sur l'histoire
de l'Afrique Occidentale.
Labi prétend avoir
fourni à feu
Boubou Hama la plupart de ses manuscrits relatifs à l'histoire
de Kong en
1969 à Fonougo dans le village natal de ce
dernier(1).
Labi
jouit à Kong de la réput~tion d'un grand
savant
il vient de créer dans la ville un centre islamique
important pour
la formation des cadres musulmans.
Par sa mere,
Labi appartient a la dynastie des
watara fondée par Seku Watara
; c'est à ce titre qu'il
farle souvent dans les réunions publiques au nom des auto-
rités administratives et politiques traditionnelles.
Lors de
ilIa Table ronde sur les origines de Kong" tenue à Kong en
novembre 1975, Labi a d i t :
"
"Ce que
je vais
( . . . ) dire,
c'esrau nom de
mes oncles, car
ils sont des rois et je suis
leur
fils adoptif c'est donc avec leur'
caution que
je parle . . . " (2).
(1)
On ne trouve à Niamey aUcune trace des manuscrits signalés par Labi,
nous avons r~ncontré Boubou Hama en 1979,
il ne se souvenait pas
d'avoir emprunté des documents à Labi.
(2) A.V.A. série J, LI,
1977, p.64.
11 9
En fait,
pour ce marabout,
l'histoire de Kong c'est
ce qui rtssort des écrits des lettrés du pays.
Pour lui en
effet,
ceux qui connaissent le mieux l'histoire des watara
ce sont les marabouts qui détiennent les vieux manuscrits.
Labi
représente ainsi le point de vue des écrivains musul-
mans qu'il faudrait opposer au parti trëditionaliste
d'inspiration animiste.
Nous travaillons avec Labi depuis le mois d'octobre
1973.
Il nous a permis d'aborder
les points suivants:
1°/ -
la question des autochtones de Kong
(question
généralement confuse et délicate).
2°/ -
la vie de Seku ~atara (prise du pouvoir,
organisation de l'Etat, création du Royaume
de Kong et de Bobo,
le conflit avec Famaghan).
3°/ -
l'organisation économique de Kong
(la question
des caravanes,
des voies commerciales, des
taxes,
des p r od u i t s . . . ) .
4°/ -
étude des raisons du déclin du Royaume de Kong.
5 C /
-
le probl~me de la succession dans le Royaum~
de Kong.
6(; -
l'attaque de Kong par les forces
samoriennes
(nous avons cherché à savoir le sens qu'il
fallait donner
à cette attaque).
Labi demeure ainsi pour nous un
informateur précieux
et nous n'hésitons pas a aller
le voir à Bouaké d~s qu'un
problème se pose à nous.
120
Massaï Ouattara
(né avant 1897 -
)
Massaï Ouattara était très âgé quand nous avons
fait sa connaissance en 1974 à Sikolo ; mais il était
encore solide sur ses jambes.
Il serait ne a Kong avant.la
destruction de la ville.
Il affirme qu'il avait environ
cinq ans lorsque le "Blanc" qui avait été mal reçu par les
gens de Kong abandonna la ville à llapproche des hommes de
Samori(1)
la famille de Massai aurait à son tour quitté
Kong peu de temps afrès pour
s'installer à Sikolo. Nous
avons recueilli auprès de ce traditionaliste des informa-
tions portant essentiellement sur
la fin de l'Empire de
Kong.
MassaI Ouattara que nous avons rencontré à maintes
refrises de
1974 à 1976 avait encore les idées claires.
Mayéri Ouattara
(vers 1920 -
)
~ayéri Ouattara est né vers 1920 à Pongala au nord
de Kong.
Il se réclame des anciennes familles falafala qui
ont fondé
la ville de Kong(2).
Nous avons fait des enquêtes
orales auprès de ce traditionaliste de 1974 à 1976. Ces
enquêtes ont porté essentiellement sur l'origine des Falafala,
les contacts de ces derniers avec les Dyula. Nous nous sommes
aussi
intéressés aux traditions falafala
(religion, mariages,
cérémonies funéraires . . . ).
Mayéri possède aussi des renseignements sur
la vie
de certains princes importants de l'Empire de Kong
(Seku
Watara, Famaghan,
Kuembi et la Mori Ba).
(1) Massaï pense que le
Blanc en question était Singer
i
si les faits
relatés ici sont exùcts le personnage en question serait l'adjoint
de March&nd, le douanier qui abandonna Kong en 1895.
(2) A Kong on considère effectivement que la famille de Mayéri est
d'origine falafala.
1 21
Pignéba Ouattara
(1900-1979)
Pignéba Ouattara est né à Bobo-Dioulasso vers 1900.
Son père, Anzoumana Ouattara, avait participé à la bataille
de Kong en mai
1897
; vaincu par les forces de Samori il
s'était replié a Bobo-Dioulasso. En 1900,
il échangea son
cheval de guerre contre quinze esclaves senufo originaires
de la région de Badikaha
(nord de la Côte d'Ivoire),
renon-
çant définitivement à la guerre par ce geste
c'est l'une
de ces esclaves,
Sô-Songo, qui donna le jour a Pignéba.
Le pere de Pignéba était l'un des descendants des
esclaves de Seku Watara,
plus communément appelés Bamba-
dyon
(esclaves de Bamba)
du nom du fidèle esclave de Seku.
Anzoumana était donc un Bambadyon
,
un esclave de la
couronne de Kong
; à ce titre il était étroitement associé
aux affaires du Royaume.
Les Bambadyon
participaient non
seule~ent à toutes les guerres du
pays mais aussi et sur-
tout à l'intronisation des souverains de Kong;
ils étaient
ainsi tenus, dès leur
jeune âge,
d'être au courant du passé
et de la vie de leurs maîtres,
les Sekumogo
(les descen-
dants de Seku).
Pignéba a appris l'histoire de Kong, d'abord
aUFre~ de son oncle paternel Nyoti-Sori mort a Bobo-Dioulasso
vers 1930 et auprès de son père.Il s'intéressa aussi aux
études coraniques et en 1950 il s'installa à Ouangolodougou,
dans le nord de la Côte d'Ivoire comme marabout.
En 1974,
lorsque nous avons fait sa connaissance(1),
il dirigeait
trois écoles coraniques.
(1)
Le Bamba-dyon ne parle de l'histoire de Kong qu'à la demande du roi.
122
De
1974 a
1977 Pignéba nous a fourni des
indications
1 0 /
-
sur
le rôle des BambadYGn
dans la marche
des affaires du pays.
2°/ -
sur l'intronisation
(cér~monies, sacrifices).
3°/ - sur les rapports de Seku avec ses fr~res et
ses fils.
4°/ -
sur
la scission de l'Empire de Kong en deux
blocs.
5 C /
-
sur
le Sunangiya
(l'arm~e de Seku : recrutement
formation,
attributions,
entretien . . . ).
6°/ -
sur
la personnalit~ de Bamba et de Famaghan.
7 C /
-
sur
les guerres de Samori contre Kong et
Bobo-Dioulasso.
Pign~ba nous a permis de p~nétrer parfois tr~s
ntimement dans la vie des rois gui ont régné à Kong.
Nous
sidérons sa mort survenue
en 1979 comme une grosse perte
r
l'histoire des
~atara de Kong.
Sabana Ouattara
(1900 -
)
Sabana Ouattara est né à Dyangbanaso vers 1900.
Il
perdu la vue depuis une dizaine d'années.
Avant sa maladie
a visité de nombreuses villes du Burkina-Faso et le nord
Côte d'Ivoire.
Il a passé sa jeunesse à Kong
et a
nu certains des princes watara qui ont combattu l'armée
e Samori.
Il est d'origine ~~la et l'installation de sa
amille à Dyangbanaso remonte au milieu du XIXe siècle. Il I"'.OUS a
123
Communiqué en 1975 et en 1977, des
informations précieuses
sur
les rapports de Samori avec les autorités de Kong à la
fin du XIXe siècle.
EI-Haj Sanogo
(Vers 1905 -
1981)
Le père de Sanogo était un karamogo et
il voyageait
beaucoup pour
ses affaires:
il s'appelait Béman Kati.
Ayant appris que Samori allait détruire Kong,
il quitta la
ville et se réfugia au Burkina-Faso,
à Darsalami. Vers 1900,
le calme étant revenu,
il regagna Kong et restaura sa con-
cession familiale de Korora.
Au cours de l'un de ses séjours
à Kolon sa femme donna le jour à Sanogo. Ce dernier apprit
le Coran auprès de son père et devint à son tour un Karamogo.
Depuis une dizaine d'années,
il a perdu la vue:
pour cette
raison,
il a
transféré tous ses papiers personnels à
Sikasso (1) .
Nous avons recueilli auprès de Sanogo,
des informa-
tions relatives à l'activité des Saganogo à Kong,
à l'ensei-
gnerr.ent,
à J.a place des érudits dans l~ formation de l'Empire
èe Kong.
Sanogo raconte aussi dans les moindres détails
l'attaque de Kong par les sofas:
les renseignements q'il
donne sur
les
imams de Kong permettent de corriger les
erreurs contenues dans les documents écrits(2).
2 v /
-
Burkina-Faso
El-Hadj Abadidrane
(1900 -
)
(1) Sanogo affirme que son père à écrit une chronique de Saganogo et de
watara de Kong. A Sikasso nous n'avons eu aucun écho de ces documents.
(2) Nous savons grâce à Sanogo que Kong a sombré sous l'imam Sawati.
124
El-Hadj Abadidrane est né à Kotédougou vers 1900
il occupe depuis plus de vingt ans le poste d'imam
dans le
village de Kotédougou.
En
1976,
lorsqu'il nous recevait,
il avait déjà perdu la vue depuis quelques années. Nous
l'avons interrogé sur
l'installation des Diané à Bobo-
Dioulasso,
les rapports
de ces derniers avec les Watara de
la région.
Nous avons aussi cherché à connaître la position
des Karamogo de bobo-Dioulasso à proFos de l'intervention
de Samori à Kong.
El-Hadj Aboudramane Diané
(1904
-
)
Aboudr~mane Diané était âgé de soixante quinze ans
en
1979 quand nous avons
fait sa connaissance.
Il est né a
Kotédougou
;
c'est l'une des plus grandes personnalités
religieuses de la ville.
Il poss~de surtout des informations
sur les rois qui ont régné à Bobo-Dioulasso afr~s la mort de
Famaghan.
Nous avons essayé auprès de lui de mesurer l'impact
des Karamogo Diané sur la politique des Katara aux XVIIIe
et XIXe si~cles.
Ali Ouattara
(1920 -
)
Ali Ouattara est né vers 1.920 à Sungaradaga à une
quarantaine de kilomètres au nord-ouest de Bobo-Dioulasso.
Il est issu de la famille
royale des watara de Kong
; son
arrière-grand-père,
Kèr~-Mori (fils de Seku Watara), avait
fondé cette localité au début du XVIIIe siècle et c'est à
artir de cette base stratégique qu'il
réalisa la conquête
es provinces du Kénédugu
(région de Sikasso, dans l'actuel
li) .
Après l'effondrement de la puissance des watara à
fi~ du XIXe si~cle le père d'Ali Ouattara, Bèrna Ouattara,
125
se retira à Sungaradaga et consacra le reste de sa vie aux
travaux des champs.
Il aimait souvent raconter à son fils
ses exploits guerriers et les hauts faits de ses ancêtres
Ali raconte qu'à l'occasion de certaines fêtes,
son père
revêtait l'habit de guerre qu'il por~it lors de la guerre
contre Samori à Kong en 1897 et retraçait alors la vie des
princes watara de Kong et de Bobo-Dioulasso avant l'instal-
lation de Samori dans le nord de la Côte d'Ivoire. Ainsi,
l'enfance d'Ali Ouattara fut
imprégnée de l'épopée des
princes watara que lui
racontait son père
il a gardé de
cette éducation,
le besoin de transmettre a la génération
actuelle l'histoire des Watara de Kong et de Bobo-Dioulasso.
En 1979,
au cours de l'un de nos séjours au Burkina-Faso,
Ali Ouattara a tenu à ce que nous visitions toutes les
localités ou se trouvent la plupart des tombes de ses ancê-
tres
;
il nous a permis de voir à Sungaradaga les armes et
les habits de guerre de Kèrè-Mori que l'on conserve comme
des reliques.
De nos jours Ali Ouattara vit à Bobo-Dioulasso
dans le qu~rtier Dyo-foloba, mais il garde un contact per-
manent avec Sungaradaga oG ) 'on ess~ie de conserver,
loin
de la ville de Bobo-Dioulasso,
les traditions historiques
watara.
Les questions que nous avons abordées avec Ali
Ouattara concernent essentiellement
:
1°/ -
les campagnes militaires des Watara vers le
nord.
2 C /
-
les rapports des watara avec les autochtones
et notamment avec l'élément Sanu.
126
3 0 /
-
l'organisation politique mise en place à
Bobo-Dioulasso et son évolution jusqu'à la
fin du XIXe siècle.
4 0 /
-
Famaghan et ses successeurs r2fports entre
Bobo-Dioulasso et Kong.
El-Hadj Ba Diané
(1925 -
)
EI-Haçj
Ba Diané est un Karamogo
;
il est ne a
Darsalami vers 1925.
Il a fait ses études coraniques a
Bobo-Dioulasso;
il a effectué plusieurs fois
le pèlerinage
à la Mecque.
Depuis 1976,
il essaie de rassembler une
documentation sur l'histoire des Diané et des Saganogo.
Nous avons recueilli en 1979 et en 1980 des
informations
auprès d'El-Hadj Ba Diané sur l'installation des Diané et
des Saganogo à Bobo-Dioulasso(1).
Babissiri Diané
(1920 -
)
Il est né à Kotédougou vers
1920.
Il a beaucoup
voyagé.
Il a séjourné pendant longtemps dans la ville de
Kong.
Nos enquêtes auprès de ce traditionaliste remontent
à 1977. Il dispose de solides informations sur le Royaume
de Bàbo-Dioulasso au XIXe siècle
(situation économique et
politique,
guerres avec Sikasso).
Eouraïma Sanou
(1909 -
)
Bouraïma Sanou est né vers
1909 à Bobo-Dioulasso
c'est l'un des arrière-petits-fils de Moro Sanu l'ancêtre
fondateur de la dynastie des Sanu. Nous avons travaillé
(1)
Les Diané,
à l'instar des Saganogo, essaient de se donner une
origine arabe.
127
pendant deux ans avec ce traditionaliste
(1977- 1979).
Il
nous a fourni de nombreuses informations sur les origines
des Sanu,
les campagnes de Famaghan dans la région de
Bobo-Dioulasso.
Il présente souvent les faits sous un
angle favorable aux Sanu.
Ciré Ba Birahim(l)
(5 décembre 1904 -
)
Ciré Ba birahim est ne a Bobo-Dioulasso le 5
décembre 1904
;
ses parents originaires de Saint-Louis
(Sénégal)
se sont installés à Bobo-Dioulasso en 1897 au
début de la conquête
française au moment où l'Empire des
watara s'écroulait sous les coups des sofa de Samori
son père,
d'abord ouvrier dans le camp militaire français,
s'installa comme commerçant vers 1898.
Ciré Ba Birahim fit ses études primaires a
l'école
primaire de Bobo-Dioulasso et obtintson certificat d'études
en 1977.
Il fit ses études primaires supérieures a l'école
professicnnelle de Bamako
(Mali),
ancienne Ecole des Otages.
Il rentra à l'Ecole Normale Killiam-Ponty en 1918 et en
sortit comme Instituteur en 1921.
Il a pris
sa retraite en
1961
au cours de sa carrière,
il séjourna dans de nom-
breuses villes du Burkina-Faso
(Bobo-Dioulasso,
Batié,
Ouag~dougou, Banfora) et dans la ville de Bouaké en CBte
d'Ivoire;
i l
a reçu plusieurs décorations
(officier
d'Académie en
1949).
Il a été Conseiller Général de 1952 à
1957 et Conseiller Municipal de 1967 à 1974.
"Doué d'une grande pénétration d'esprit,
armé
de patience i l parle et agit conformément aux
lumières de la raison. Ainsi
i l est toujours
(1)
Les éléments de biographie que nous donnons ici sont tirés de la
préface d'un document inédit Sya ou Bobo-Dioulasso,
231 pages,
réalisé par Ciré Ba Birahim.
128
entouré de monde". (1) .
Ciré Ba Birahim s'intéressa très tôt à l'histoire
de son pays natal et,
en 1954,
il publia "Esquisse histo-
rique sur les Bobo"(2).
En 1972,
lors du
jumelage entre
la ville de Bobo-Dioulasso et Châlons-sur-Marne,
il décida
de présenter la figure de Bobo à ses amis châlonnais et
publia un ouvrage intitulé Sya ou Bobo-Dioulasso(3).
Parmi les informateurs de Ciré Ba Birahim, on peut
citer
1. Moussa Touré
(marabout de Sidéradougou, Burkina-
Faso) (4) .
2.
Pougouli Mori
(un patriarche sanogo de Loto,
Burkina-Faso rencontré en 1926).
3.
Bassiri Sanogo
(érudit de Bouaké,
en Côte d'Ivoire).
4.
El-Hadj Mamadou Sanogo ou Saganogo Labi.
Lors de la "Table ronde sur les origines de Kong"
en 1975,
il cita parmi ses informateurs un certain Mamadou
Diallo qu'il a connu en 1925(5)
il précisa aussi qu'il a
interrogé au Mali plus de dix griots.
A partir de 1975 nous avons puisé dans la masse des
documents oraux réunis par Ciré Ba Birahim, des informations
co"cernant
(1) Ciré Ba Birahim, op. cit., p.4.
(2) Voir l'Education Africaine n'24,
1954, p.45 à 52.
(3) Ciré Ba Birahim Sya ou Bobo-Dioulasso, Librairie de la savane,
Bobo-Dioulasso,
1972, 212 pages; l'auteur estime que cet ouvrage
a été publié "hâtivement".
(4) Ciré Ba fit sa connaissance en 1922.
(5)
Ce personnage serait mort en 1970, cf. A.U.A. série J,
1977, p.82.
129
1°/
-
l'impact des Watara sur
les populations
burkinabé.
2°/ -
les guerres watara en pays bobo et dans
le Kénédugu.
3 0 /
-
l'intervention des Watara dans la boucle du
Niger.
4 C /
-
les rapports entre watara,
Sanu et Tyèfo du
XVIIIe au XIXe siècles.
SCi - les rais~s de l'effondrement de la puissance
des Watara à Bobo-Dioulasso.
Nous sommes reconnaissant à Birahim d'avoir accepté
de nous introduire auprès des notables sanu et de la plupart
des marabouts de Bobo-Dioulasso.
Dalignan Ouattara
(1909 -
)
Dalignan Ouattara était âgé en 1979, quand nous
l'avons connu, d'environ soixante-dix ans.
Il descend des
esclaves de Bamba
(les Bambadyon)
qui ont accompagné
Famaghan à Bobo-Dioulasso(l)
au milieu du XVIIIe siècle.
Nous
avons pu ainsi
recueillir auprès de cet ancien esclave
des
informations relativement précises sur
la vie de Famaghan
à Eobo-Dioulasso et sur celle de Bamba qui mourut à Sindo
dans la région de Banfora au Burkina-Faso.
Karamoko Ouattara
(1911
-
)
Karamoko Ouattara est
issu de la famille des Bobo-
Dyula.
Il est né en 1911
à Bobo-Dioulasso où il a exercé
(1)
Les Bambadyon de Bobo-Dioulasso ne semblent pas avoir une grande
estime pour les descendants actuels de Seku Watara qui vivent dans
le pays.
130
pendant longtemps le métier d'agent d'assurances.
Nous
avons fait sa connaissance en
1979 au moment où
il venait
de prendre sa retraite. Nous avons recueilli auprès de lui
des détails
intéressants sur la vie de Dé Maghan,
de Tyèba
et des Sanu de bobo.
Ce traditionaliste détient aussi
des
informations importantes sur
les guerres de Samori
dans le nord de la Côte d'Ivoire
(Dyimini et Kong).
Karim Konaté
(1907 -
)
Karim Konaté est né vers 1907 à Bobo. Malgré son
âge,
il n'a pas abandonné le chemin des champs.
Nous l'y
l'avons rencontré plusieurs fois entre 1977 et 1979.
Il
nous a parlé longuement de
l'ancêtre des Sanu qui s'appe-
lait î-.olo et qui aurait été éduqué par Famaghan à Kong.
Il
nous a parlé aussi de l'histoire des Tyèfo et surtout des
guerres de Tyèba avec les Watara de Bobo.
Ladji Ouattara
(Vers début XX -
)
Ladji Ouattara est né à Kotédougou
(Burkina-Faso)
vers la fin du XIXe siècle.
D'après les renseignements
qu'il nous a
fournis en 1979,
il avait environ six ans
lorsque la Mori Ba chassé de Kong
(1897)
arriva à Koté-
dcugou avec ses hommes.
Descendant de la famille de Seku
Katara,
Ladji Ouattara dispose de nombreux renseignements
sur Fa~aghan, Seku Watara,
les guerres des watara de Bobo-
Dioulasso contre les autorités du Kénédugu
(Sikasso)
dans
l'actuel Mali.Il a connu la princesse Dyimbé Watara qui
avait reçu Binger à Bobo-Dioulasso en 1888.
Ladji Ouattara nous a aussi parlé des armees watara,
des techniques de guerre
et de l'organisation des états
de la région de Bobo-Dioulasso
(états tyèfo,
sanu et watara).
131
Makumadi Ouattara
(1915 -
)
Makumadi Ouattara est né à Numudagha vers 1915.
Il appartient à la famille d'Amoro.
C'est auprès de lui
que nous avons recueilli en 1977 et en 1979 les plus
importantes informations sur l'histoire d'Amoro,
le dernier
roi de Numudagha.
Il nous a
fourni
aussi des renseignements
sur l'attitude des Bobo-Dyula dans les guerres que les
Watara ont menées contre les autorités 'de Sikasso.
Makumadi Ouattara a beaucoup voyagé
il a visité
de nombreuses villes du Burkina-Faso, du Mali et de la
Côte d'Ivoire.
Il a séjourné longtemps à Kong
(1973-1975).
Marhaba Saganogo
(1896-1981)
Marhaba,
de son vrai nom Mohammed Fadé Mari,
est
né à Bobo-Dioulasso en 1314 de l'hégire soit 1896, un an
avant la destruction de Kong,
la capitale de l'Empire des
Watara.
La famille de Marhaba s'est installée à Kong au
milieu du XVIIIe siècle;
sur l'ordre des princes de Bobo-
Dioulasso elle reçut l'ordre de quitter cette ville pour
s'installer à la cour royale de Bobo-Dioulasso. C'est ainsi
qu'en
1785 Bafélé-Mori,
le grand-père maternel de Marhaba,
se fixa chez les watara de Bobo.
Marhaba consacra une quarantaine d'années de'sa vie
a étudier le Coran et la Sunna
(1910-1950)
et pendant douze
ans
(1950-1962)
fit le va-et-vient entre la Mecque et
Bobo-Dioulasso.
Il
jouissait,
au sein de la communauté musul-
mane du Burkina-Faso et de Côte d'Ivoire,
de la réputation
d'Un grand savant.
Il
intervenait souvent pour régler les
132
différends,
les contestations qui
intervenaient au sein des
musulmans du Burkina-Faso,
d'où le tit~e de mufti qu'il
portait de~uis 1963.
Mais Marhaba éprouva aussi à partir de cette
date une grande passion pour
la recherche historique.
Il
contribua à cet effet à la constitution des fonds arabes
de Legon
(Institute of African Studies)
de l'Université
d'Accra
(Ghana)
et de ceux de Niamey
(Institut de Recherches
en Sc ience s
Huma ines) (1 ) .
Il avait un certain mépris pour les traditionalistes
qui ne savent ni lire ni écrire:
"L'histoire disait-il ce n'est pas du bavar-
dage
( . . . ) des flots de parole,
ce n'est
pas de l'histoire,
hein? Qu'on prouve ce
que l'on dit,
qu'on sache les dates et qu'on
découvre qu'il en est bien ainsi ça c'est de
l'histoire.
Ce qui a été dit doit être examiné
et prouvé,
qu'on sache la date(2),
qu'on connaissance
les mobiles,
les motifs voilà ce qu'est
l'histoire.
Ce n'est pas du bavardage ce
n'est pas du bla-bla-bla
( . . . ).
C'est nous qui
sommes les historiens
ici"(3).
A partir de 1975, Marhaba nous a fourni des documents
écrits et oraux sur l'installation des Watara dans la
région de Bobo-Dioulasso,
sur
l'oeuvre de Famaghan et sur-
tout sur
la vie politique à Kong et Bobo à l'époque
samoriennel
La disparition de Marhaba en
1981
constitue'une
grande perte pour l'histoire des watara du Burkina-Faso.
(1) Marhaba a,laissé à Legon, de nombreux écrits sur l'histoire des
watara de Kong et celle des Saganogo.
(2) Marhaba s'attaque ici à l'absence de dates contenues dans,les sour-
ces orales i nous devons cependant nous méfier des dates souvent
fantaisistes qui existent dans la plupart des écrits des marabouts.
(3) A.U.A., série J, LI, 1977, p.40-42.
133
El-Hadj Moustapha Diané
(1915 -
)
El-Hadj Moustapha Diané est né à Kotédougou vers
1915 de parents Karamogo.
Il se passionne pour l'histoire
de Famaghan et de Bamba.
Nous avons ainsi pu obtenir des
détails sur
les campagnes de ces deux grandes figures de
l'histoire des Watara
(notamment la campagne de Sofara).
Nous lui devons aussi des
informations importantes sur les
Tondo-Sama ou Samasoko de Kong
(clans forgerons originaires
du Songaï).
Pinguéba Ouattara
(1915 -
)
Pinguéba Ouattara est né vers 1915 à Bobo-Dioulasso
dans le quartier Konbougou.
Son père,
Kobana,
a été le
dernier dyamatigi de Bobo-Dioulasso
(Chef de Canton).
Il
n'a aucune autorité réelle dans le pays
il supporte
assez mal cette situation.
Depuis 1979,
nous le sollicitons
souvent pour obtenir des renseignements sur
l'évolution
du pouvoir des Watara à Bobo depuis la mort de Famaghan au
milieu du XVIIIe siècle
(1750).
Nous avons recueilli aussi auprès de lui
des
informations sur les guerres des Watara contre le Kénédugu
et les troupes de Samori.
Sekou Sanou
(1910 -
)
Sekou Sanou est né à Bobo-Dioulasso en 1912. Nous
avons fait sa connaissance en 1976 à Bobo-Dioulasso au
cours d'une mission d'enquête sur les Watara de Bobo-
Dioulasso.
C'est au cours de nos missions de 1978 et 1979
que nous l'avons interrogé sur les question suivantes:
134
1°/ -
les rapports entre Famaghan et les Sanu
(éléments commerçants des Bobo-Dyula).
2~/ -
la mise en place de
l'aristocratie Sanu.
3~1
-
les guerres entre Bobo-Dioulasso et Sikasso.
Sekou Sanou fait partie du conseil des notables de
la ville de Bobo-Dioulasso.
Sl.=.lladj Sibiri
(1905 -
)
El-Hadj Sibiri est un karamogo
;
il est né à
Numudagha vers 1910.
Il possède des lasnadu
(manuscrits
retraçant la généalogie des personnages disparus).
C'est
à partir de ces documents qu'il a essayé de nous retracer
en 1976 et en 1979 l'origine des Tyèfo et l'installation de
ces derniers à Numudagha
; i l a souligné l'importance de
Numudagha
(capitale des forgerons)
dans la formation de
l'Etat de Bobo-Dioulasso.
Il possède aussi des lasnadu sur
la famille de Famaghan.
Il nous a
fourni de nombreuses
informations sur les relations qui exis'taient entre la famille
des Eobo-Sanu et celle d'Amoro ,
le dernier héros tyèfo,
qui
tenta sans succès de résister aux troupes de Samori à la
fin du XIXe siècle.
La défaite d'Amoro illustre
de manière
éclatante le rranque de cohésion entre les Tyèfo,
les Bobo-
Dyula et les
watara.
Zoumana Ouattara
(1900 -
)
Zoumana Ouattara est né à Sungaradaga à 50 kilomè-
tres au nord-ouest de Bobo, vers 1900 ;
il est descendant
de la faIT.ille de Kèrè-Mori,
l'un des fils de Seku ~atara.
Nous avons fait
sa connaissance à Bobo-Dioulasso.
Il nous a
135
retracé avec beaucoup de détails les campagnes de Kèrè-
~lori dans la région de Bobo-Dioulasso et dans le Kénédugu.
Il est aussi
renseigné sur
les derniers événements gui ont
marque la fin de la ville de Kong.
Zoumana Ouattara
(1909 -
)
En 1979,
Zoumana Ouattara avait environ 75 ans.
Il
est ne à Numudagha. Ce vieillard appartient à la famille
guerrière d'Amoro
i
malgré son âge
il.a les idées claires.
Il nous a donné des renseignements à plusieurs reprises
(1974,
1980)
sur
l'origine des Tyèfo, les
prerrleres campagnes
de Famaghan à Bobo-Dioulasso,
la généalogie des rois
tyèfo.
Ahmadou Kouyaté
(1910 -
)
Ahmadou Kouyaté est né vers 1910 dans un petit
village non loin de Sikasso,
il
fit ses études primaires et
secondaires à Sikasso et à Bamako.
Il connaît très bien la
famille de Labi
(Mamadou Saganogo)
i
il aurait été élevé
par
l'un des oncles de ce dernier.
Il passa une bonne partie
de sa carrière d'Instituteur à Sikasso
(25 ans). Nous avons
fait sa connaissance en
1978. Nous avons enregistré nos
informations au cours des missions gue nous avons effectuées
au Mali en 1978 et en 1979.
Elles portent sur les points
suivants
:
(1)
Nous avons été déçu par nos missions au Mali; la plupart des
informateurs gue nous avons rencontrés ici sont très mal
informés
sur les faits qui se sont déroulés à Kong. Sur les sg traditiona-
listes gue nous avons interrogés nous n'en signalons gue trois.
1
136
1
1
1°/ -
l'origine des Tarawéré de Kong.
1
2°/ -
les raisons du départ des Tarawéré de Kong
1
vers Sikasso (1) .
1
3°/ -
les conflits entre les Tarawéré de Sikasso
et les ~atara de Kong.
4 ... /
-
les gue r r e s deS i kas s 0
a v e c
les wa ta rad e Bo bo-
Dioulasso et de Kong.
Ahmadou a pris sa retraite depuis
1970 ;
il a col-
lecté des documents oraux très intéressants sur l'histoire
de Sikasso.
Nous espérons qu'il les publiera un jour. Nous
gardons le contact avec Ahmadou Kou~até.
Amadou Berté
(15 août
1919 -
)
Amadou Berté est né le 15 août
1919 à Sikasso ;
1
il est issu d'une
famille d'instituteurs;
après ses études,
il embrassa lui aussi
la carrière enseignante.
Il avait
pris sa retraite en
1979 quand nous avons fait sa connais-
sance a Sikasso.
Il a
rassemblé une
importante documentation
sur l'histoire de Sikasso.
Le grand-père d'Amadou Berté a
servi dans l'administration du Kénédugu sous le règne de
Babemba
; Amadou Berté est ainsi
très lié à la famille
royale qui a régné à Sikasso.
Amadou berté est un homme ouvert,
affable et il
s'est prêté à nos questions concernant:
lU;' -
les origines de Tyèba Tarawéré
2°1 -
les guerres de Tyèba contre les ~atara de
Bobo et de Kong.
(1) Grâce à cet informateur on peut connaître la date du départ des
Tarawéré de Kong;
il nous apprend qu'il eut lieu sous le prince Ba
ulé ou Soma ulé.
137
Nous gardons
le contact avec Amadou Berté et nous
espérons qu'il publiera tr~s prochainement un texte sur
l'histoire du Kénédugu.
Lamine Ouattara
(1910 -
)
Lamine Ouattara est né à sikasso vers 19JO ; sa
famille originaire de Kong s'est installée au milieu du
si~cle dernier dans la région de Sikasso. Depuis 1979, nous
avons eu des rencontres fréquentes
avec cet informateur qui
nous a communiqué d'importants renseignements sur la migra-
tion des Tarawéré en Côte d'Ivoire et l'installation de ces
derniers à Kong et à Sikasso.
138
C.
SeVRCES MATERIELLES
cepuis
1974,
une équipe effectue chaque annee
trois a quatre mois de recherches archéologiques dans la
région de Kong
elle a procédé à des prospections par
sondages à ~ong, à Labiné et à Ténégéra. Les résultats de
ces fouilles ont déjà fait l'objet d'une thèse de Doctorat
de troisième cycle(1).
Ces recherches nous
informent de
l'épaisseur du sol archéologique et des éventuels niveaux
d'occupation de la région;
nous espérons aussi que l'im-
portant matériel exhumé fera bientôt l'objet d'une datation
qui apportera une contribution de poids à
la chronologie
de l'histoire de Kong,
notamment pour l'époque de l'occupa-
tion des autochtones Falafala,
epoque sur laquelle la
tradition orale a conservé peu de souvenirs.
Voyons pour le moment ce que nous pouvons tirer
des sondages.
1.
-
Les Sondages(2)
a)
Le mur des Baro(3)
Il s'agit d'un mur qui se trouve au centre de
l'actuelle agglomération,
au sud du mnrché,
à l'entrée du
quartier Kéréu
:
Voici
la coupe stratigraphique
(1)
Voir la th~se de 3e cycle de Diabat~ Victor 1i~gb~ : La r~gion de
Kong d'aFr~s les fouilles arch~ologigues.•.
Soutenue à l'Université
de Paris l
-
Panthéon -
Sorbonne
(UER flistoire)
en 1979.
(2)
Diôbatê Victor, op. cit., p.9S -
106.
(3)
Ibidem, op. cit., p.96.
139
a - 2 cm (niveau A)
dépôt de sable éolien
mêlé à quelques graviers
2 -
la cm
(niveau B)
terre noire,
sol humide.
10 -
80 cm
(niveau C)
sol compact moyennement
argileux et ayant quel-
ques lentilles de grès
et de sable fin.
La
plupart de la céramique
provient de cette couche.
80 -
120 cm
(niveau D)
sol latéritique et
stérile sur le plan
archélogique.
Que peut-on tirer de ce tableau? D'après les
sources orales que nous avons recueillies à Kong,
le mur
des Earo ne serait pas le reste d'un mur d'enceinte;
il
s'agirait tout simplement du portique de l'entrée de la
1
cour de l'Imam Laro.
Le sondage révèle que le sol archéolo-
gique n'a que 80 centimètres de profondeur
il semble mince
pour témoigner d'une longue occupation. Pour Diabaté
"
plusieurs hypothèses sont possibles. Le
site a pu être occupé continuellement depuis
une époque très ancienne, mais les anciens
matériaux provenant de cette occupation ont
été maintes fois mis à jour et reincorporés
à des structures de plus en plus récentes. Ou
bien l'installation de l'homme à cet endroit
ne remonterait pas 10in"(1).
Cette dernière hypothèse nous paraît plausible :
l'auteur du mur serait contemporain de Seku Watara. L'érec-
tion de cet édifice remonterait à la prise du pouvoir à Kong
par ce dernier au début du XVIIIe siècle. Elle assure le
(1) Diabaté, ~ cit., p.9G. Le sondage a été réalisé à un mètre au
nord du mur des Bara.
1
140
1
1
~
triomphe de l'Islam sur l'animisme, elle marque aussi, à
1
1
notre avis l'installation de l'Imam Baro au nord du quartier
Kéréu.
1
1
;
Avant la prise du pouvoir par Seku watara!
la
~
famille de l'Imam Baro résidait en effet à Ténégéra. L'ins-
1
tallation des familles musulmanes dans le secteur du mur
1
des éaro ne remonte donc pas loin.
~
l
1
b) A l'est de la grande mosquée(1)
1
1
La stratigraphie que nous présentons ici est en
.~.•
réalité celle d'un ensemble de 13 carrés de fouilles adjacents
1
1
"faisant chacun 6 m x 6 m et tous orientés
1
nord-sud" (2) .
1
•
2 -
30 cm (niveau B)
la terre est noire
et semble avoir été
i
beaucoup remuée.
t
t
30 -
45 cm
(niveau C)
la terre est noire
et meuble.
On y re-
marque quelques
lentilles de sable et
beaucoup de charbon
de bois.
45 -
65 cm
(niveau D)
la terre est rougeâtre-
Des pans de murs ap-
paraissent à 49
centimèt~es. Le sol
semble damé à 55 cen-
timètres
: niveau
d'occu~ation ? Il est
mêlé de gravillons
(55 -
65 cm). Cette
couche semble être
celle d'un niveau
d'occupation humaine.
(1) La stratigraphie que nous présentons est tirée de la thèse de
1
Diabaté, ~. cit., p.97 et suiv.
(2) Diabaté, ~. cit., p.17.
1
141
70 -
105 cm
(niveau E)
la terre est rougeâ-
tre et granuleuse.
105 -
161 cm
(niveau F)
~ la terre est laté-
ritique. Quatre trous
circulaires apparais-
sent à 105 centimètres
et ont leur fond à
150 centimètres. Cinq
autres trous apparais-
sent à 110 centimètres
et ont leur fond à
161 centimètres.
161
-
180 cm (niveau G)
la
terre est laté-
ritique et stérile
sur le plan archéolo-
gique.
Le tableau ci-dessus,
brossé par Diabaté, laisse
apercevoir àes traces d'abandon du site, notamment au niveau
E. Un échantillon de charbon de bois prélevé à 65 centimètres
(niveau D)
a été daté 350 + 120 B.P. soit 1600 !
120(1).
D'après les vieux que nous avons interrogés,
la région est
de la grande mosquée aurait été habitée par les premiers rois
animistes de Kong(2).
Dans ces conditions, nous pensons
qu'il faut considérer la date de 1600 comme étant le début
d'une des royautés animistes de Kong, peut-être celle des
Lasiri. Nous pensons que les niveaux C et E correspondent
à de~ changements de dynasties ou cours royales à la suite
de querelles intestines. A notre avis il faut donc dater
les deux niveaux en question. Les trous circulaires que
nous trouvons au niveau F sont à notre avis des lieux de
culte, probablement les da dyugu de Lasiri Gbanmèlè. Si cette
hypothèse se confirme,
il faut attribuer la fermeture de ces
(1) Voir Diabaté, ~. cit., p.286.
(2) Informations recueillies auprès du roi actuel de Kong en 1974 en vi-
sitant les différents de la ville.
142
trous à Seku Watara, au début du XVIIIe siècle.
c)
Le sondase 12(1)
Le sondage 12 a été réalisé au sud des fouilles
du secteur oriental de la grande mosquée.
Il s'agit d'un
carré de fouille de 6 m x 6 m et orienté nord-sud. Voici
les conclusions de Diabaté
:
2 -
10 cm (niveau B)
la terre est noire
et contient beaucoup
de céramique.
10 -
20 cm (niveau C)
sol damé circulaire
(niveau d'habitation ?)
20 -
50 cm
(niveau D)
la terre est noire
50 -
80 cm (niveau E)
la terre est marron
clair. Traces de banco-
sol mêlé de gravillons
et damé
(70 -
80 cm) .
80 -
110 cm
(niveau F)
la terre est rougeâtre.
110 -
155 cm
(niveau G)
sol latéritique où
sont creusés deux
trous circulaires con-
tenant de la terre
verdâtre.
155 -
180 cm
(niveau H)
terre latéritique.
Comme à l'est de la grande mosquée, nous constatons
ici aussi des périodes d'abandon
(niveaux D, F). Le niveau G
correspond au niveau F du sondage réalisé à l'est de la grande
mosquée ;
il est également marqué par la présence des traces
circulaires. Ainsi,
l'est et le sud de la grande mosquée
(1) Voir Diabaté, ~. cit., p.99.
143
semblent avoir été le siège des cultes animistes. Nous
sommes ici en présence de quelques unes des demeures royales
des rois animistes de Kong.
D'après les sources orales, les
dieux de ces rois animistes habitaient près de la grande
mosquée.
d)
Le sondage 14(1)
Nous accordons une grande importance à ce sondage,
car il a été réalisé à l'emplacement p~ésumé de la mosquée
de Sitafa
(ou Mustafa). La datation de ce site permet de
dire à quelle époque les Saganogo prirent en main la desti-
née de l'Islam à Kong. Voici la coupe stratigraphique
réalisée par Diabaté à partir d'un carré de fouille de
6 m x 6 m orienté nord-sud:
. . . 0 -
15 cm
(niveau A)
sol remué par les
labours
15 -
65 cm
(niveau B)
la terre est noire
65 -
90 cm
(niveau C)
la terre est marron
clair avec des
traces de banco.
90 -
105 cm
(niveau D)
la terre est rou-
geâtre, sans restes
archéologiques.
105 -
150 cm
(niveau E)
la terre est
latéritique et
rouge.
Le niveau C a donc porté des construction
; il
s'agirait vraisemblablement des traces de la mosquée de
Sitafa. Les vieux de Kong sont affirmatifs sur ce point.
(1) Voir Diabaté, ~. cit., p.100.
144
Un échantillon de charbon de bois prélevé à 66 cm
a
été daté 195 + 90 O.P.
soit 1765 + 90. L'analyse au
carbonne 14 permet donc de situer la construction de la
mosquée de Sitafa entre 1675 et 1855. D'après une étude
réalisée par Ivor wilks, Sitafa qui s'appelle en réalité
'Abbas ben Muhammad al-Mustafà serait mort vers 1800-1801 à
Kong(1). Sitafa a vécu dans la seconde moitié du XVIIIe
siècle,
il a pa construire sa mosquée vers 1765. Ce serait
à partir de cette date que les Saganogo vont véritablement
prendre en main les destinées de Kong en matière islamique
et assurer le triomphe du malikisme dans le nord-est de
l'actuelle Côte d'Ivoire.
L'archéologie nous donne ainsi une base importante
pour l'étude de l'histoire des Saganogo à Kong.
e)
Le sondage du site de la gendarmerie
D'après les enquêtes que nous avons effectuées à
Kong,
le secteur de la gendarmerie aurait été habité par les
populations autochtones, les Falafala.
Il constituerait à
notre avis l'un des quartiers le plus ancien de la ville de
Kong.
Depuis quelques années il fait l'objet de nombreuses
prospections par sondages; d'après Diabaté,
le sol archéo-
logique est très épais à cet emplacement et semble témoigner
en faveur d'une longue occupation humaine(2)
; malheureuse-
ment, nous n'avons pour le moment aucune date concernant les
sondages réalisés i c i ;
nous déplorons ce fait.
(1) Voir à ce sujet: I. wilks "The Saghanughu and the spread of
gàliki law : a provisional note" Research Bulletin vol. II, n 0 2,
1966, p.15. Voir surtout Fonds arabes d'Acc~a (Legon) I.A.S.A.R./246.
(2) Diabaté, ~. cit., p.l03-104.
145
En interprétant les coupes stratigraphiques des
différents sondages réalisés à Kong, on pourrait conclure
à.plusieurs niveaux d'occupation humaine, niveaux l, II,
III .•• Le niveau 1 correspondrait à la ,période ancienne
de Kong
;
il comprendrait les niveaux stratigraphiques F
et G du sondage de la grande mosquée. Le niveau II ne porte
pas de traces de construction
(voir à ce sujet les niveaux
stratigraphiques F du sondage 12 et D du sondage 14). Le
niveau III est mieux connu ;
il englobe les niveaux strati-
graphiques D du sondage de la grande mosquée, E du sondage
12 et C du sondage 14. Pour ce niveau Illon a les dates
suivantes :
1°/ sondage près de la grande mosquée
un échan-
tillon de charbon de bois prélevé à 65 cm a été daté 335 +
a5 LP
soit 1615 + 85 ;
2°/ sondage 12
: un prélèvement de charbon à la
même profondeur
(65 cm)
a donné les dates 350 + 120 BP
1600 + 120 ;
3°/ sondage 14
: l'échantillon de charbon a été
daté ici 195 + 90 BP soit 1765 + 90.
On peut donc dire que le niveau III est "des XVIIe
et XVIIIe siècles".(L).
Le niveau IV serait postérieur au XVIIIe siècle ;
quant au niveau V on estime qu'il "remonterait probablement
à 1932 -
1940"
(Diabaté,~. cit., p.201).
Les fouilles archéologiques réalisées autour de la
grande mosquée tendent à montrer que cette zone a été occupée
par les rois animistes, probablement à partir de 1600 ; elles
(1) Diabaté, op. cit., p.201.
146
révèlent aussi que les Saganogo ont joué un rôle décisif
sur l'expansion de l'Islam dans la région à partir de la
seconde moitié du XVIIIe siècle.
A côté de l'analyse stratigraphique qui nous donne
des informations importantes sur l'histoire de Kong, nous
avons aussi la matériel archéologique exhumé.
2.
-
Le matériel exhumé
Nous allons ici nous intéresser aux fuSaioles,
aux
pipes et au matériel métalligue.
a)
Les fusaÏoles ou grains de chapelet(l)
L'archéologie a exhumé de 1974 à 1979, 89 objets
qui semblent avoir été, soit des fusaioles,
soit des grains
de chapelet musulman. Ces objets ont été classés en deux
types,
le K.
XVIII
(38 échantillons) et le type K. XIX
(51
échantillons).
Le type K.
XVIII
Il s'agit
"d'une boule sphérique en terre cuite aux
bases légèrement aplaties et reliées par
un trou axial fin".
On remarque que ces
objets sont très fréquents aux époques
"récentes et moyennes" XVIIe et XVIIIe siècles,
(niveaux VI, V,
III)
; par contre,
ils se
raréfient aux "époques anciennes"
(niveaux II,
et l
non datés). Diabaté a vu à Kong de vieux
(1) La fusaiole est un instrument généralement en
terre cuite qui
sert à filer le coton.
147
chapelets avec des grains de terre cuite
qui,
"tous sans exception avaient la forme
de type K.
XVIII . . . "(1).
On peut donc conclure que le type K.
XVIII repré-
sente un chapelet musulman
; ceci expliquerait la rareté
de sa présence aux "époques anciennes"
dominées essentielle-
ment par l'animisme; néanmoins,
sa présence dans le niveau
l
semble prouver que l'Islam a été introduit à Kong à une
date assez reculée.
Le type K. XIX
Le type K. XIX est une boule bitronconique.
"Les deux troncs de cône sont inégaux : le
tronc de cône supérieur est toujours plus
effilé et plus haut que le tronc de cône
inférieur plus évasé et servant de base"(2).
Contrairement au type K. XVIII,
le type K.XIX est
fréquent aux niveaux III,
II, 1. Ainsi le K. XIX remonte
aux "époques anciennes". D'apr~s les traditionalistes, de
tels objets étaient utilisés comme des fusaioles
; de nos
jours comme l'écrit Diabaté,
"le type K.
XIX est plus fréquent dans
l'artisanat du textile"(3)
ceci à notre avis, est un fait capital ;
il pose le probl~me
de l'introduction des techniques de tispage à Kong. L'archéo-
logie semble indiquer que l'artisanat du textile existe à
( 1 ) Diabaté, ~. ci t. , p. 159.
(2) Ibidem
, ~. cit. , p.158.
(3) Ibidem
, ~. cit. , p. 159.
148
Kong depuis une date ancienne.
Il faut donc écarter l'idée
selon laquelle le tissage aurait été introduit dans la
région de Kong par Dé Maghan,
le grand-père de Seku Watara
au XVIIe siècle(1). Lors de la "Table ronde sur les origines
de Kong",
le traditionaliste Moussa Konaté a dit ceci:
"
Enfants, nous allions couper le bambou
loin, pour venir le tailler,
faire des boules
avec l'argile,
les percer(2)
et les femmes
les achetaient pour filer le coton avec •..
nous achetions le fil pour le tisser"(3).
Il est clair que de telles pratiques sont antérieures à
l'installation de Dé Maghan dans la région de Kong; elles
remontent probablement aux XVe ou XVIe siècles(4).
b)
Les pipes à fumer (5)
Entre 1974 et 1979, l'archéologie a exhumé 12 frag-
ments de pipes. Nous ne trouvons aucune trace de pipe pour
l'instant dans le niveau l
; on rencontre les restes au
niveau II
; les pipes deviennent fréquentes au niveau III
elles deviennent rares au niveau IV. Ces pipes ont donc
connu un succès aux "époque anciennes" et "moyennes"
et une
régression aux
"époques récentes". De nos jours on n'en
fabrique plus et les "potières ne sont plus
sOres des techniques utilisées jadis"(6).
(1) "Table ronde sur les origines de Kong" Annales de l'Universit~
d'Abidjan,
(A.U.A.), s'rie J, t.I, 1977, p.174.
(2) Il s'agit vraisemblablement des boules du type K. XIX.
(3) A.U.A., s'rie J, t.I, p.152.
(4) Pour ces dates voir les travaux de Ren'eBoser sarivaxevanis : Les
tissus de l'Afrique Occidentale, Bâle, 1972, p.168 et surtout p.186
et suive Cet auteur pense que Kong est un centre de diffusion des
techniques de tissage à partir du XVIe siècle.
(5) Diabat~, ~. cit., p.164-170 et pp.283-284.
(6) Diabat', ~. cit., p.169.
149
Ces techniques ne doivent pas cependant être différentes
de celles décrites par Binger à la fin du XIXe siècle:
"les pipes ne sont pas faites directement
avec la terre glaise, mâis avec de la vieille
poterie réduite en poudre entre deux pierres,
et de laquelle on forme une autre pâte ; de
cette façon la pipe conserve moins le goût
âcre et terreux propre aux pipes neuves"(1).
Ces pipes semblent avoir servi à fumer le tabac ;
aucun des vieux que nous avons interrogés ne se souvient
avoir entendu dire que l'on fumait,
autrefois, dans le pays,
une autre plante en dehors du tabac. L'usage du tabac
semble avoir été introduit très tôt dans la région de Kong.
Nous savons gue l'usage de fumer
le tabac fut
introduit à
Tombouctou
en 1594-1596 :
"C'est en l'année 1003
(16 septembre 1594-5
septembre 1595)
que le caid Mansour ben Bekk
arriva de Marrâkech avec une forte armée
comprenant trois mille combattants et mille
chevaux . . . Le caïd Mansour vécut deux ans
après son arrivée à Tombouctou . . . Ce fut de
son temps que le tabac
(plante américaine)
fit son apparition
(au Soudan)
et que se
répandit l'usage de le fumer"(2).
A partir de cette date,
le tabac semble avoir connu
un grand succès en Afrique Occidentale et à partir de 1600
on le signale sur les côtes ouest-africaines (3) .
Il était
probablement connu à Kong à
cette date. D'après les tradi-
tionalistes de Kong un certain négociant du .nom de Dao
(1) Binger, Du Niger au Golfe de Guinée par le pays de ~ong et le
Mossi, tome I, 1892, p.80.
(2) Tarikh el-Fettach (T. el-F.), 1964, p.318-320.
(3) Raymond ~jauny :" Notes histor iques ••• ," 1953, p. 722.
150
Dabila se livrait à un commerce de tabac en poudre bien
avant l'arrivée de Dé Maghan à Ténégéra(1).
L'archéologie semble indiquer .que les pipes ont
connu un recul après le XVIIIe siècle. Ce fait a-t-il un
rapport avec le développement de l'Islam? Kong a-t-il connu
une importante confrérie Tidyania ? Cette dernière proscrit
en effet à ses adeptes l'usage du tabac(2). L'existence des
pipes dans les fouilles archéologiques constitue donc un
indice précieux pour la datation des sites,
l'importance
du commerce du tabac qui a probablement connu recul au
XXe
siècle.
c)
Le matériel métallique(3)
Le matériel métallique exhumé par l'archéologie
constitue à notre avis un élément important pour la connais-
sancQ
du fer à Kong. Binger, après avoir visité Kong et sa
région à la fin du XIXe siècle, écrit:
"Dans les environs de Kong il n'y a ni fer ni
forgerons"(4)
et l'auteur précise que tous les objets en fer que l'on
trouve dans le pays viennent de l'étranger; une telle
information pourrait faire croire que Kong n'a pas connu
une métallurgie du fer.
L'archéologie de Kong nous permet
aujourd'hui d'affirmer le contraire. Les déchets du travail
àu fer exhumés à Kong se rencontrent aux niveaux l, II,
III,
(1)
Versions recueillies à la cour royale de Kong en mars- 197'>.
(2) A. Gouilly : L'Islam dans l'A.O.F.,
19'>2, p.,109.
(3)
Binger, ~. cit., t.I, p.317.
(4)
Voir Ciabaté, ~. cit., p.191.
151
ces déchets se raréfient au niveau IV.
Kong a ainsi connu
une métallurgie du fer depuis une date relativement ancienne
(niveau 1). Ce travail du fer dut être très important et
c'est à juste titre que Diabaté considère Labiné comme
"le faubourg des forgerons de Kong"(1).
Les temps forts de cette métallurgie se situent aux niveaux
II
(5 déchets)
et III
(8 déchets) (2), probablement aux
XVIIe et XVIIIe siècles. A partir des niveaux II et III,
on constate donc que les artisans désertent de plus en plus
la forge.
A quoi est dû ce recul du travail du fer? Il
faudrait probablement chercher l'explication de ce phénomène
dans l'ouverture des marchés de Kong aux pays Bobo et Lobi,
grands exportateurs d'objet en fer.
La datation des objets en fer
trouvés à Kong nous
permettra ainsi de mieux connaître l'histoire de la métal-
lurgie du fer
à Kong.
d)
Les coquillages (3)
Les coquillages sont représentés ici par les cauris.
Ils.~osent le problème de la datation des niveaux dans les-
quels on les a trouvés;
à Kong, ils ont été exhumés des
niveaux II,
III,
IV, V et VI
;
a Labiné on les rencontre'
aussi aux niveaux II et III.
Ces cauris ont servi de monnaie
ici comme partout ailleurs en Afrique Occidentale; la data-
tion du niveau II permettra à notre av~s de situer le début
de la circulation de ces coquillages dans la région de Kong
et celui des transactions avec le monde extérieur.
(1) Diabaté, ~. cit., p.237.
(2) D'après les résultats des fouilles réalisées à Kong entre 1974 et 1978.
(3) Diabaté, ~. cit., p. 198-199 et p.285.
152
L'archéologie permet de constater l'importance du
niveau III
(XVlle-XIXe siècles)
; ce niveau marque proba-
blement l'apogée de Kong;
il constitue les temps forts du
commerce du tabac
(abondance des pipes), de l'industrie
du tissage
(fusaioles)
et de la métallurgie du fer.
Le niveau
IV
(XIXe, début XXe siècles) voit au contraire apparaître
de profonds bouleversements
(déclin des industries locales).
Le niveau III marque aussi l'essor de l'Islam
(construction du mur des Baro, symbole du triomphe du pouvoir
musulman, construction de la mosquée de Sitafa vers 1765 et
mainmise des Saganogo sur le malikisme à Kong).
Par rapport au niveau III,
les niveaux l
et II
semblent marquer les grandes périodes de l'animisme
nous pensons que les trous circulaires découverts dans les
secteurs de la grande mosquée datent de ces époques ; a
notre avis, des rois animistes de Kong ont habité ces sec-
teurs de la grande mosquée avant d'être expuls&s plus tard
par les rois musulmans ; quant au quartier actuel de la
gendarmerie,
il semble avoir é t ' la zone d'habitation des
autochtones falafala
; c'est à notre avis le quart~er des
fondateurs de Kong. L'archéologie nous offre ainsi des
indications précieuses pour la connaissance du passé de Kong
L'ensemble de ces sources nous CL
conduit à
présenter un travail en trois parties: les origines du
Royaume de Kong,
l'époque de Seku Watara et la grande
période mouvementée qui s'étend de 1745 à 1897.
153
REMERCIEMENTS
,1
A la fin de la présentation, nous voulons manifester
1
notre gratitude envers tous ceux qui, depuis 1974, d'une
manière ou d'une autre,
nous ont apporté leur soutien pour
la réalisation de ce travail.
Nous avons une pensée particulière pour le regretté
Professeur Yves Person qui avait manifesté un grand intérêt
pour notre étude sur Kong et qui a guidé nos recherches
pendant une dizaine d'années.
1
i
1
Nous exprimons notre gratitude à ~:onsieur le Professeur 1
Jean-Louis Miège qui a accepté, malgré ses lourdes charges,
1
~e diriger nos travaux et de permettre ainsi l'achèvement
1
de notre thèse sur l'histoire du Royaume de Kong. Nous lui
!
sommes infiniment reconnaissant et nous le remercions pour
1
sa disponibilité et ses conseils.
1
1
A nos maîtres nous associons tous les traditionalis-
tes dont les noms ne figurent pas tous dans notre ouvrage.
1
Nous avons une grande dette envers eux.
Il ne nous semble
pas inutile de rappeler ici le nom de quelques uns d'entre
eux dont les informations par recoupement nous ont évité
bien des écueils pendant ces nombreuses années de recherches.
Il s ' a g i t :
- de Dyamanatigi Karamoko Ouattara dont la
,courtoisie,
la bienveillance et la disponibilité nous ont
permis de recevoir un accueil chaleureux dans les villages
et hameaux de la région.
Nous le remercions non seulement
four
avoir mlS a notre disposition ses manuscrits arabes,
mais aussi pour nous avoir
introduit 2urrès des kara~ogo
qui possédait des documents sur l'histoire du pays.
154
- de Dyamila Ouattara
- âe Pigneba Ouattara
- de Bamadou Ouattara
- de Dawaba Bamba
- d'El-Haj Mamadou Saganogo Labi
- d'El-Haj Marhaba Saganogo
(décédé)
-
de Dalignan Ouattara
- de Ali Ouattara
- de Ladji Kongodé Ouattara
- de Bamori Traoré
- de Basièri
- de Moustapha Diané
-
de l'imam Bamadou Saganogo
(Kong)
La préparation de cette thèse a bénéficié du
concours de nombreux chercheurs et enseignants ; les uns
nous ont communiqué des documents,
les autres nous ont
prodigué des conseils. Nous citerons à l'étranger:
- Néhemia Levtzion
(Université de Jerusalem)
- John Hunwick
(Northwestern University Evanston-U.S.A)
- Merrick Posnansky
(History Department- U.C.L.A.
Los Angeles)
-
Le Révérend Père Jean Hébert
(France)
-
François Renault
(France)
- Emmanuel Terray
(Université de Paris V)
- Albert Van Dantzig
(Legon, Accra-Ghana)
En Côte d'Ivoire,
nous remercions tous nos collègues
des Instituts et Départements de la Faculté des Lettres et
Sciences Humaines, Koli-Bi, Filleron, Téra et particulière-
ment notre ami Simon-Pierre M'Bra Ekanza que nous avons si
souvent sollicité et qui a favorisé nos rapports avec ~bnsieur le
Professeur Jean-Louis Miège.
155
~ous remercions tous nos amis qui nous ont aidé à tra-
cuire nos textes arabes et à transcr ire nos documents oraux,
-
Diaby Karamokoba
(I.H.A.A.A.)
-
Hafsi Ibrahim
(France)
- Tidiane Bah
(Abidjan)
-
Bamadou Ouattara
(Abidjan).
Nous pensons aussi à Victor Diabaté Tiègbè pour les nom-
breuses années que nous avons passées ensemble sur le
terrain.
Nous sommes reconnaissant à l'onsieur le [oyen llauhouot AsseYfO
qui a bien voulu que Mademoiselle Goury Guilé s'occupe de
la dactylographie de nos manuscrits. Nous la remercions
ainsi que tout le personnel du secrétariat de la Faculté.
En 1979 nous avons obtenu du Ministère de l'Education
Nationale et de la Recherche Scientifique une aide financière
qui nous a permis d'étendre nos enquêtes au Mali, au Burkina-
Falo, au Niger,
au Ghana. Nous remercions très sincèrement
à ce sujet Messieursles Ministres Lorougnon Guédé et BaIa
Kéita.
Kous exprimons notre gratitude à Monsieur le Directeur
de l'I.R.A.A.A., Joachim Bony pour le soutien qu'il a apporté
a l'élaboration de ce travail.
Nous remercions aussi tous les Sous-Préfets gui nous
ont bien accueilli dans leurs localités et qui ont souvent
partagé leurs repas avec nous.
Nous sommes reconnaissant à Monsieur Henri
Lacassagne qui a accepté de relire nos manuscrits
et nous
faire profiter de ses remarques.
Abidjan, le 20 mars 1986
156
ABRÉVIATIONS
A.N.S.O.M.
= Archives Nationales Section Outre-Mer
A.U.A.
= Annales de l'Université d'Abidjan
B.C.E.H.C.
= Bulletin du Comité d'Etudes Historiques et
Scientifiques de l'Afrique Occidentale
B.I.F.A.N.
= Bulletin de l'Institut Français d'Afrique
Noire
(1939-1965)
Bulletin de l'Institut Fondamental d'Afrique
Noire depuis 1966.
B.I.F.
= Bibliothèque de l'Institut de France (Paris).
C.E.A.
= Cahiers d'Etudes Africaines
C.U.R.D.
= Centre Universitaire de Recherches de
Développement
(Université d'Abidjan)
I.A.S.A.R.
=
Institute of African Studies Arabie Manuscript
Collection
(Université d'Accra-Legon)
.
N.A.
= Notes Africaines
T. el-Fe
= Tarikh el-Fettach
T. es-S.
=
Tarikh es-Soudan
157
TRANSCRIPTION
Pour permettre une lecture facile de notre travail
nous avons souvent conservé l'orthographe de la plupart des
noms de lieux qui figurent sur les cartes modernes
: nous
écrivons Kong et non Kpon, Bondoukou et non Bonduku .•.
Nous avons adopté l'orthographe dyula au lieu de dioula car
comme le soulignait Yves Person il s'agit d'une forme
authentique.
Dans la transcription des documents oraux nous
avons conservé l'alphabet phonétique en usage en Côte
d'Ivoire(1).
(1) Voir nos documen ts or aux 1 volume
IV.
PREMIERE PARTIE
KONG DES ORIGINES AU DEBUT DU XVIIIE
SIECLE (FIN XVE SIECLE-1710)
159
CHAPITRE 1
LES HOMMES
Notre étude portera sur la mise en place des
populations de Kong
: elle se subdivisera en deux parties
la première sera consacrée aux populations dites autochtones,
et la seconde aux nouveaux venus : les Dyula. Voyons le
milieu que nous qualifions d'autochtone
l, LES AUTOCHTONES
A partir de 1974, nous avons parcouru la région
de Kong pour recenser les familles qui prétendent descendre
des autochtones du pays. Ce travail a été fait village par
village, quartier par quartier(l)
nous nous sommes heurtés
à de nombreuses difficultés qui rendent l'étude ethnogra-
phique de la région de Kong relativement difficile. On peut
souligner ici quelques uns de ces écueils :
• Le manque de document
Il n'existe pas à Kong un document écrit sur le
1
1
peuplement ancien de la région. Avant l'installation des
Dyula, disent les traditionalistes,
"les gens de ce pays ignoraient l'Islam et
l'écriture et n'ont conservé aucune trace
de leur passé et nous ignorons tout de
l'origine des anciens maîtres des pays que
nous occupons aujourd'hui"(2).
(1) Voir la carte des régions dans lesquelles nous avons fait nos
enquêtes de 1974 à 1979.
(2) Ce discours nous a été tenu dans toutes les localités où nous
sommes passés.
160
. La disparition des langues autochtones
et l'handicap du milieu
1
De nos jours,
il ne reste absolument rien des
langues parlées autrefois par les aborig~nes de Kong. Au
début de nos enquêtes dans le pays, nous avons voulu re-
cueillir un vocabulaire des langues anciennes, mais nous
avons dû renoncer à cette entreprise{l). La disparition des
langues autochtones remonterait à une date relativement
ancienne,
sous la pression des nouveaux venus,
les Dyula,
à partir, probablement du XIVe si~cle.
Le roi actuel de Kong, Karamoko Ouattara, dit que
les populations autochtones ont ~t~ "kunun"(2) par les Dyula
elles auraient ~té ainsi litt~ralement "aval~es"par ces
derniers et auraient perdu ainsi leurs caract~res distinc-
tifs.
Il n'est donc pas ~tonnant de lire dans les notes de
l'explorateur Braulot, à la fin du XIXe si~cle, les remarques
pertinentes suivantes à propos des populations autochtones
de la r~gion de Kong :
"nous ne dirpns rien des autochtones
zazéré, Komono, Pakhala, etc.
; ils sont
tellement noyés dans l'élément dioula dont
ils ont pris la coutume, la langue et les
moeurs qu'il est bien difficile de noter
ce qu'ils offrent de particulier.
Ils ont
été absorbés comme le seront
(1) Entre 1974 et 1978 nous n'avons pu recueillir à Kolon que trois
mots myoro (ethnie autochtone de Kong)
no-gono (ami = homme)
n'da-luwa (grand-frère)
n'da Dyamu (frère cadet).
Ce vocabulaire est trop pauvre pour que l'on puisse en tirer une
conclusion.
(2) Ce terme dyula signifie, avaler. Enquêtes réalisées en 1974 à Kong
à la cour royale.
161
les autres peuples voisins ••. "(1).
Binger qui visita Kong en 1888 pour la première
fois nous livre, à propos des autochtones les renseignements
suivants : le pays écrit-il
"était anciennement habité par
:
les Falafala, se rattachant ethnographiquement
aux Tagouano
(Tagwana),
rive droite'du
comoé ;
Les Nab~ ,
(s7 rattac~2nt
au Pakhala de la
Les Zazere
(rlve
gauche àu Comoé ;
Les Miorou, se rattachant aux Komono, à
cheval sur le haut Comoé" (2) •
On constate ici que la vallée du fleuve Comoé
a servi de voie de passage à la plupart des populations
~ites autochtones de la région de Kong.
Les informations fournies par Binger et Marchand
sont c~pendant, dans l'ensemble, assez maigres; elles ne
,permettent, pas de savoir à quelle date les Falafala, les
Nabé,
les Zazéré et les Myoro ont fait leur apparition dans
le pays ; elles ne nous donnent aucune indication non plus
sur l'itinéraire qu'ils ont emprunté. Deux raisons pour-
raient à notre avis expliquer ces lacunes, le milieu actuel
dans lequel vivent les dugukorotigi
(les maîtres de la
terre, les descendants des autochtones)
et l'absence de
mythes relatifs au peuplement de la région de Kong. Les
dugukorotigi qui pourraient donner des informations sur
leurs ancêtres sont de nos jours entièrement dyulaïsé et
(1) Mission Braulot, Archives de France d'Outre-Mer, Côte d'Ivoire III,
3
(Arch. F.O.M. C.I. 3), 1893.
(2) Binger, 1892, t. 1, p. 323 . - -
162
les cultes qu'ils rendent aux divinités de la terre se font
en dyula.
Ils se sentent d'ailleurs plus proches des Dyula,
les nouveaux venus, que de leurs ancêtres qu'ils appellent
dédaigneusement Banmana. Ce fait à notre avis constitue un
handic~p sérieux à la connaissance des populations autoch-
tones.
L'absence de mythes de pe~plement dans les sour-
ces orales de la région de Kong à propos des autochtones est
un fait tr~s important: ces légendes ont probablement
existé comme dans la plupart des sociétés africaines~ Ces
faits paraissent tr~s anciens et étaient probablement oubliés
au moment où les Dyula faisaient leur apparition dans le
pays comme nous le verrons au XIVe si~cle. A notre avis,
l'installation des autochtones dans le pays est antérieure
de- plusieurs si~cles à celle des Cyula.
Voyons maintenant ce que nous avons pu glaner
dans les sources orales à propos des autochtones en parcou-
rant les hameaux et villages de la région de Kong. Ces
enquêtes nous am~nent à retenir quatre grands groupes d'au-
tochtones, les Falafala, le~ Myoro, les Nabé, et les Gbèn(1).
A. LES FALAFALA(2)
L'une des difficultés que l'on rencontre en
abordant cette étude, c'est le terme falafala : d'où vient
ce mot? S'agit-il de la·déformation du terme Palabala que
(1) Einger ne parle pas des Gbèn ; ce sont pourtant ces derniers qui ont
~~posé une farouche résistance à la domination de Seku Watara.
(2) Voir à propos des autochtones la "Table ronde sur les origines de
Kong" (les 1-2-3 novembre 1975 à Kong)
; Annales de l'Université
d'Abidjan (A.U.A.)", série J. tome 1, p.172-174.
163
. portent encore de nos jours certaines tribus senufo de la
région de Ferkéssédougou, originaires précisément de la
reglon de Kong? Cette hypothèse émise par Yves Person, au
cours d'un entretien nous paraît plausible. Le peuple connu
sous le nom de Falafala passait pour être un peuple, paisi-
ble, laborieux, aimant la terre et fuyant la guerre. C'est
probablement à cause de cette incessante fuite devant
l'ennemi qu'il fut baptisé Falafala (prêts à fuir,
à se
di~perser). Dans les régions kolatières de l'Anno, le terme
falafala désignait les noix de kola de couleur rougeâtre.
Les Falafala constituaient-ils une population au teint
clair? Cette hypothèse n'est pas invraisemblable car l'une
des. particularités des princes
sunangi issus du brassage des
autochtones et des nouveaux venus fut d'être des Ulé c'est-
à-dire des gens ayant la peau très claire. On peut citer le
cas de Karamoko ulé, Bakari Ulé, Sabana ulé .•.
Le terme
falafala semble avoir cédé .le pas à
celui de.plabala ou palaka au XVIIIe siècle. D'après cer-
taines enquêtes que nous avons menées dans la région de
Kong(1),
il semblerait que les Falafala aient été baptisés
Palaka, lorsqu'ils se rebellèrent contre l'autorité de Seku
.
.
Watara(2). Ainsi donc,
les termes Falafala et Palaka, dési-
gneraiènt un seul et même peuple, les ancêtres des Palabala
actuels, une fraction de la grande famille senufo qui habite
de nos jours la région de Ferkéssédougou.
Nous n'avons aucune date précise quant à l'ins-
tallation des Falafala dans la région de Kong
; on peut
c~pendant émettre une hypothèse à partir des résultats des
(1) Enquêtes réalisées à Kong le1 mars 1974 auprès du roi actuel de Kong,
Karamoko Ouattara ; enquêtes confirmées à Kolon et dans les villages
voisins en 1976 et en 1978.
(2) Version recueillie à la cour royale de Kong en 1974 auprès du roi
Karamoko ouattara.
164
fouilles archéologiques du site de Ténégéra. Nous savons en
effet grâce aux sources orales du pays que la région de
Ténégéra fut d'abord habitée. par les Falafala et que ce fut
.plus tard que ces derniers, sous la poussée des Myoro, émi-
grèrent soit vers le sud-ouest (Dyimini) soit vers les
environs immédiats de la ville actuelle de Kong(1). Les
recherches archéologiques sur le site de Ténégéra tentent de
situer les débuts de cette agglomération
vers - 340 + 120
avant notre ère(2). Cette date tendrait à prouver que les
Falafala, ancêtres des Senufo de la région de Kong étaient
déjà en place au moins vers la fin du néolithique.
D'après les sources orales, les Falafala consti-
tuaient un. peuple. paysan essentiellement tourné vers la
terre. On leur attribue la diffusion des techniques de la
culture du mil et du sorgho.
Dans le domaine alimentaire, l'héritage légué
.par les Falafala est donc très important; au niveau social
et religieux on leur doit l'existence de nombreux masques qui
ont joué et jouent encore un grand raIe dans la vie quoti-
dienne (anniversaires, mariages, cérémonies funéraires, cultes
agraires). De nos jours encore, les dugukorotigi (les maitres
de la terre) de Pongala entretiennent le culte agraire du
Niagafiné(3)
introduit. par les Falafala dans la région de
Kong.
(1) L'installation des Falafala dans la région de Ténégéra est confirmée
. par l'ensemble des sources orales que nous avons recueillies soit à
Kong, soit à Kolon, soit à Pongala entre 1974 et 1977. Les traditiona-
listes de Pongala,
(les descendants des autochtones Falafala), affir-
ment que leurs ancêtres étaient originaires de la région de Ténégéra.
(2) V.T. Diabaté, ~. cit., p.286.
(3) Le culte secrètement gardé a lieu sur la colline du même nom au nord
de Kong dans la région de Pongala.
165
En ce qui concerne le mariage, les institutions
falafala semblent avoir résisté aux influences dyula jusqu'au
début du XXe siècle. Nous avons rencontré à Kong de nombreuses
personnes qui affirment
avoir connu des mariages célébrés
par des descendants des Falafala(l).
"La cérémonie de mariage consiste avant
tout à raser la t@te de la jeune fille
:
ensuite on chauffe de l'huile
rouge
extraite du beurre de karité(2)
et on la
verse sur la t@te de celle-ci qui, sous
l'effet des brûlures, pleure à chaudes
larmes : tout ce travaîl est fait par des
vieilles femmes
: après la cérémonie de
l'huile, elles font la toilette de la
future mariée : les parents de la jeune
fille et du jeune homme échangent des cadeaux
(cauris,
ignames, mil, sorgho •.• ) et on
convie les invités à la consommation de
dolo
(bière de mil)
et aux danses ..• "(3).
Maîtres de la terre, travailleurs infatigables,
les Falafala semblent avoir contribué d~puis de très longs
siècles au développement de la reglon de Kong. Accueillants,
mais méfiants,
ils ont souvent préféré la fuite à la résis-
tance.
Ils ont connu semble-t-il de nombreux d~placements qui
les ont conduits soit dans le' Dyimini, soit dans la région
de Ferk~ssédougou.
B. LES MYORO
D'après les sources orales de la région de Kong,
les Falafala ont toujours eu pour voisins les Myoro(4). Nous
savons,peu de choses de cette population ancienne: les terres
(1) Tous nos informateurs de plus de 60 ans affirment avoir assisté à des
mariages célébrés par des descendants des Falafala.
(2) Il s'agit du résidu du beurre de karité de couleur
brunâtre.
(3) Récit recueilli à la cour royale de Kong en 1975, auprès de
Karamoko Ouattara.
(4) Einger a~pelle ce peuple Miorou. cf. BINGER, ~. cit., p.323.
166
occ~pées de nos jours par les descendants de ces derniers
laissent supposer qu'ils sont venus de l ' e s t ; leur installa-
tion dans le pays a probablement obligé les Falafala à émigrer
vers le sud-ouest ou le nord de la ville actuelle de Kong. Les
Myoro semblent avoir occupé toute la rive droite du fleuve
Comoé ; les sources orales leur attribuent la fondation de
Kolon, Yodolo, Komu, Sipalo, Koniéré ; elles les considèrent
comme des proches, parents des Falafala. Selon certaines tra-
ditions recueillies en 1974 à Kolon et à Koniéré
"Les myoro et les Falafala parlaient la
mime langue Banmana, la larigue senufo"(1).
Il est difficile de savoir à,partir de quelle
date précise les Myoro firent leur apparition dans la région
de Kong. Leurs descendants actuels pensent que leurs ancitres
ont toujours habité la région de Kong, depuis la création du
monde. L'installation des Myoro semble donc aussi ancienne
que celle des Falafala.
Au cours de nos recherches, nous avons essayé de
savoir si ces populations ont, toujours porté le nom Myoro
voici ce que nous avons recueilli à Koniéré :
"D'après les vieux, ce sont les Dyula qui
ont donné le nom Myoro à nos ancitres ; on
raconte que les premiers Dyula,
fascinés par
la bonté et la générosité de nos ancitres n'ont
pas A
hésité à les appeler "horon"
(sincère,
honnete, noble en langue mandé)
; Myoro
signifie chez nous les gens nobles"(2).
(1) Enquêtes réalisées le 3 mars 1974 à Kelen, auprès du dugutigi
Bameri Ouattara.
(2) Enquêtes réalisées le 3 avril 1974 à Kelen, auprès du dugutigi
Bameri Ouattara.
167
Cette origine flatteuse ne nous renseigne pas sur le nom que
portait les Myoro avant l'arrivée des Dyula. Selon toute
vraisemblance,
ils appartiendraient à la grande famille des
Falafala.
Binger, nous l'avons vu,
~pparente les Myoro aux
Komono
(clan à cheval sur le Haut Comoé)
; il n'a certaine-
ment.pas tort car les traditions orales Myoro considèrent les
Komono comme leurs proches, parents. Le trait dominant des
Myoro et des Komono c'est avant tout la chasse. Si les Falafala
ont été attirés dans la région de Kong par la richesse de la
flore et du sol,c'est au contraire la richesse de la faune qui
semble avoir
guidé les pas des Myoro dans le pays
sur ce
point ils n'ont donc aucun point commun avec leurs voisins, les
Falafala ; les sources orales les présentent comme d'excellents
chasseurs, connus dans le pays sous le nom de "dandaga" (1) .
Toutes les enquêtes que nous avons faites dans la région de
Kong tendent à prouver que ce sont les Myoro qui ont introduit
les techniques de la chasse dans le pays. De nos jours d'ail-
leurs c'est dans les régions myoro que l'on rencontre les plus
grands chasseurs(2).
La pratique de la chasse a donné naissance à
l'exist~nce de nombreuses associations secrètes, les "ton"
qui ont,probablement permis aux Myoro de s'imposer aux Fala-
fala et à la plupart des populations du pays bien avant
l'arrivée des Dyula. C'est vraisemblablement sur le modèle
du "ton" des chasseurs que les conqu~rants dyula cr~èrent
le sunangiya, l'~cole de guerre des Watara.
(1) A Kong, on utilise rarement le terme malink~ "donso" pour d~signer
les chasseurs.
(2) Voir M.J. Derive, "Ch;mts de chasseurs dioula" A.U.A., s~rie J. tome
II, 1978" pp.143-169.
168
Les sources orales présentent les Myoro comme des
p~pulations possédant la science des plantes ; ils apparais-
sent comme les protecteurs du monde paysan
(lutte contre
les animaux qui pourraient nuire aux récoltes,
lutte aussi
contre les sorciers qui pourraient jeter de mauvais sorts
et menacer la population).
Les Myoro semblent avoir ainsi joué un rôle
i~portant dans l'histoire de Kong. Certains groupes myoro
installés au sud du pays ont sans doute
subi la
poussée des Gbèn lors de l'installation de ces derniers
dans la région actuelle de Dyangbanaso ; ainsi refoulés,
les Myoro auraient émigré vers le nord de la ville actuelle
de Kong et donné naissance par brassage avec d'autres clans
senoufo,
au. peuple Komono. Voyons maintenant qui sont les
Gbèn et d'où ils viennent. A quelle date peut-on situer
leur implantation dans la région de Kong ?
C. LES GBEN
Une étude sur l'origine des Gbèn de la reglon de
Kong. pose des. problèmes
; les traditionalistes du pays les
considèrent aussi comme des autochtones(1). Binger dans son
étude·sur Kong ne fait pas cas de cette population. Bernus
les mentionne sous le nom de Gbin et les localise à
l'ouest et au nord de Kong mais n'apporte aucune indication
ethnographique à leur sujet(2}
: les Gbèn ou Gbin consituent-
ils une fraction de la grande famille senufo ou un. peuple
d'origine mandé comme le laissent supposer les écrits de
Tauxier(3}
?
(1) Voir à ce sujet la "Table ronde sur les origines de Kong", A.U.A.,
série J., t.1, 1977, p.l72.
Voir Einger ~. cit., t. C., 1892, p.329.
(2) Eernus, "Kong et sa région", Etudes Eburnéennes nOVIII, 1960, p.246.
(3) Voir Tauxier,
Le Noir de Bondoukou, Paris, 1921, p.54.
169
NOUS
trouvons de nos jours encore des. populations
qui se réclament des autochtones gbèn, notamment dans les
villages de Limono, de Sansilo ou de Paraka (au nord-ouest
de Kong)
; lorsque l'on interroge ces dernières, elles affir-
ment que leurs ancêtres habitaient autrefois le sud de Kong,
notamment la région actuelle de Dyangbanaso mais que, sous
la. pression des Wela venus de Begho, ils émigrèrent vers l'ouest
et le nord de Kong ; ils affirment ~ppartenir aux familles
senufo(1). Cette a~partenance aux clans senufo a été con-
firmée.par une enquête que nous avons faite à Pongala, dans
un village situé au nord de Kong, en 1977 ; d'après la plu-
.part des traditionalistes de ce village, le clan senufo qui
se fait appeler Karaboro et qui habite de nos jours la
région de Banfora (Burkina-Faso)
a~partiendrait à une fraction
des Gbèn de Kong(2) qui étaient extracteurs d'or.
Les sources orales que nous avons recueillies
dans la région de Kong ne permettent pas de savoir à partir
de quelle date précise les Gbèn s'installent dans le pays.
Faut-il croire avec Tauxier que ces derniers ont séjourné
longtemps dans l'Anno avant de remonter vers le nord(3)
?
Il est difficile, de nos jours, de r~pondre à cette question.
L'installation des Gbèn dans la région de Kong est proba-
blement aussi ancienne que celle des Falafala ou des Myoro.
C'est. probablement pour cette raison que les traditionalistes
du pays les considèrent comme un peuple autochtone. Les Gbèn
~~paraissent dans les sources orales comme des. paysans
très attachés à la terre; comme les Falafala, ils ne semblent
(1) Enquêtes réalisées à Paraka et à Sansilo en mars et en avril 1976
auprès de nombreux dugukorotigi.
(2) Enquêtes réalisées en mars et en avril 1977. Il semble d'ailleurs
que beaucoup de populations senufo originaires de Kong aient émigré,
à des époques diverses, vers les territoires actuels de la Haute-
Volta '; voir à ce sujet, Y.
Person, Samori, une révolution dyula,
1970, t.II, pp. 749-750 ; p.783 note 6.
(3)
'l'auxier,~. cit., p.54.
170
pa~avoir connu une organisation étatique; ils ont perdu
leur langue et leurs coutumes au contact des Dyula.
Voyons le dernier groupe autochtones, les Nabé.
D. LES NABE(l)
Les traditionalistes de la région de Kong consi-
dèrent les Nabé comme des populations autochtones(2)
mais
ils les ?~parentent, non aux familles Senufo, mais aux
Kulango, connus à Kong sous les noms de Pakhala ou Kparhala
ou encore Zazéré ou Dyazéré. Que s:.o'JOft.!, Y10U~ de l'or ig ine des
Nabè ? Delafosse dans ses Vocabulaires comparatifs écrit à
pr~pos des Kulango :
"Ils
(les Kulango)
se disent originaires du
Mampoursi et seraient venus il y a six ou
sept siècles par le Dagboma et le Gbanyan
ou Gonja dans la région de Bouna : de là ils
ont essaimé vers Lorhosso puis vers Kong, puis
vers Groumania et Bondoukou. C'est une de
leurs familles, celle des Lorho, qui vint la
première s'installer dans la région de Bon-
doukou,
alors peuplée de G'bin et de Nafana" (3)
Dans ses Frontières, i l ajoute
(1) Pour cette étude voir
- Delafosse, Vocabulaires comparatifs de plus de 60 langues ou
dialectes parlés en Côte d'Ivoire et dans les régions limitrophes,
Paris, 1904, p.226 et suive voir chez le
même auteur, Haut-Sénégal-
Niger (H.S.N.), 1912, I, p.318 et les Frontières de la Côte d'Ivoire,
1908, p.224. On trouvera en outre un résumé des travaux de Delafosse,
de Gauze et de Labouret à propos des Nabé dans l'ouvrage de Tauxier,
Le Noir de Bondoukou, Paris, 1921, p.51-60.
(2) "Table ronde sur les origines de Kong", A.V.A., série J., 1977, p.172.
(3) Delafosse, Vocabulairescomparatifs ••• 1904, p.226.
171
"Les Koulango
(ou
Kparhala,
comme les appel-
lent les
Dio u 1 a) ,
se dis e n t
or i gin a ir e s
du
Mampoursi,
région
située à l'est du Gouroun-
si
: ils seraient venus il y a six ou sept
siècles dans la région de Bouna en passant
par le Dagboma ou Dagomba et le Gbani~n ou
Gonja et auraient ensuite essaimé vers Kong
où on les retrouve sous le nom de NambaÏ ou
Zazéré ..• " (1)
Ainsi les termes Nabé ou zazéré désigneraient les
Kulango de la région de Kong. D'après Delafosse, ces.popu-
lation seraient donc venues du nord vers le XIIIe ou le
1
XIVe siècle(2). Nous pouvons faire deux remarques sur les
textes de Delafosse ; premièrement i l est difficile, faute
de documents, de se prononcer sur le lieu d'origine primitif
des Nabé
; deuxièmement, les dates données par Delafosse
nous, paraissent trop récentes; l'installation des Nabé
dans la région de Kong a probablement, précédé celle des
Dyula de. plusieurs siècles; or, comme nous le verrons, nous
pensons que ces derniers fréquentent la région de Kong à
partir du XIVe siècle. Nous savoni en effet grâce aux sources
orales que les Tyèfo qui
vivent de nos jours au Burkina-Faso
et qui se réclament de la grande famille des Senufo, seraient
le fruit d'un long et lent ~rassage entre les Nabé et les
Falafala(3) dans la région de Kong et cela bien longtemps
avant' l'arrivée des Dyula au XIVe siècle. Peut-être fau-
drait-il conclure avec Emmanuel Terray que le point de départ
de la migration Kulango se situe dans la région de Bouna
"sans chercher à remonter. plus haut"(4).
(1) Delafosse, Les Frontières de la Côte d'Ivoire, 1908, p.136.
(2) A, pr~pos de ces dates voir
Delafosse, Haut-sénégal-Niger, 1912, l,
p.318.
(3) La plupart des traditionalistes de la région de Kong considèrent les
Nabé comme les ancêtres des Tyèfo.
(4) E. Terray, ~. cit., p.549. Les Nabé étaient certainement en place
dans la région de Kong probablement vers le'premier millénaire de
notre ère. Ils sont certainement les ancêtres des Kulango.
172
Les Nabé sont attachés à la terre,
ils apparais-
sent dans les sources orales comme d'excellents chasseurs
et extracteurs d'or. Aux XIVe et au XVe siècles,
ils seront
des auxiliaires précieux des Dyula dans le commerce de l'or
à Kong et aux alentours, notamment à Samata et à Gorowi.
Au terme de l'étude sur les populations dites
autochtones de la région de Kong nous pouvons retenir
quatre points importants
1°/ La mise en place des populations Falafala,
Myoro, Gbèn et Nabé est très ancienne ; elle débute pro-
bablement vers la fin du néolithique avec les Falafala et
se. poursuit vers le premier millénaire de notre ère avec
les Nabé.
2°/ Nous pouvons distinguer deux grands groupes
de pe~plement venus probablement tous les deux du nord à
travers la vallée de la Comoé, par vagues successives :
- un peuplement qu'il faudrait à notre avis
qualifier de proto-senufo
(Falafala, Myoro et Gbèn)
et qui
a certainement contribué à la création des langues senufo
actuelles du nord et du nord-est de la Côte d'Ivoire.
- un second peuplement qu'il faudrait baptiser
proto-kulango
(Nabé ou zazéré)
et qui,
à notre avis, a
contribué aussi à la naissance des langues kulango actuel-
les de la région de Kong, de Bouna et de Bondoukou.
3°/ D'après les sources orales du pays, ces
.populations semblent avoir vécu longtemps de chasse et de
cueillette; c'est probablement la richesse du pays en
gibier
(éléphants, antilopes, buffles ... ) et en espèces
végétales
(karité, néré, baobab)
qui a attiré les premiers
habiants.
173
4°/ Fait capital, les populations autochtones
extrayaient l'or et le terme Myoro appliqué à certaines
d'entre elles a sans aucun doute un lien avec la richesse
en or de ces dernières.
174
II, LE PEUPLEMENT MANDE ET SES CONSEQUENCES
L'étude de
l'immigration des
populations d'ori-
gine mandé dans
la
région de
Kong
n'est
pas
aisée car les
documents écrits sont, pratiquement inexistants; les sources
orales qui nous renseignent sur ce point ne s'intéressent
véritablement en fait,
qu'aux dyamu
(clans)
des familles
qui ont jouë un rôle important dans l'histoire du pays;
elles jouent ici le rôle d'un véritable tamis qui ne retient
que les faits qui lui paraissent dignes d'intérêt,
tels
que les guerres, les épidémies, les crises sociales ou
politiques. Les migrations tant qu'elles ne provoquent pas
des heurts violents passent à travers les mailles des
sources orales
; à Kong par exemple, on ne conserve pas un
souvenir d'ensemble des nombreuses petites vagues de
peuplement mandé qui ont déferlé progressivement sur le
pays durant de longs siècles
(XIVe-XVIIIe siècles). Dans ce
mouvement progressif on peut distinguer deux périodes,
l'une dominée par les proto-dyula, les Ligbi et Numu et
l'autre par les Dyula proprement dits. Voyons chacune de
ces périodes.
A. LE
PREMIER
COURANT MIGRATOIRE
Les sources orales de Kong parlent de vagues
successives de marchands qui quittaient la région du Haut-
Sénégal-Niger pour les pays de la forêt. Ces vagues d'infil-
tration de commerçants avaient des causes essentiellement
économiques. Les traditions orales soulignent bien qu'il
ne s'agissait pas de gens qui fuyaient des razzias pour
tenter de gagner des zones de refuge, mais d'individus qui
cherchaient à acquérir des produits dont leurs pays avaient
besoin, soit pour la consommation intérieure, soit pour les
échanges avec les pays de l'Islam
(Maghreb et Egypte).
Il
s'agjssait bien entendu de trois produits: l'or, les escla-
175
ves et la"noix de kola. En nous fondant d'une part sur les
traditions de Kong et d'autre part sur la richesse en or
et eh esclaves du Haut-Sénégal-Niger pour la période anté-
rieure au XIVe
siècle, nous sommes tenté de croire que le
principal. produit qui fut à l'origine de cette. première
e~pansion mandé est la recherche de la kola. Il suffit de
lire les auteurs arabes du XIe et du XIIe siècles pour se
rendre compte que le Haut-Sénégal-Niger regorgeait d'or.
A pr~pos du Ghana,al-Bakri écrit (1068)
"Si l'on découvre dans les mines du pays,
de l'or en pépi tes
( ... ) le roi se le réserve
il abandonne alors à ses sujets la poudre
d'or. Sans cette mesure,
l'or
( ••• ) devien-
drait trop abondant et se déprécierait.
Les pépites d'or peuvent peser d'une once à
un e Il v r e ••• " (1 ) •
al-Idrissi
(1154)
ne tarit pas d'éloges à propos
de la richesse de ces pays en or et insiste sur son abon-
dance et sa qualité(2).
Raymond Mauny a longuement souligné l'importance
des mines d'or de Galam-Bambuk pour le .développement du
Royaume du Ghana et l'intérêt de celles du Buré pour l'es-
sor du Mali à partir du XIIIe siècle(3).
La kola semble donc attirer les premier Mandé vers les
forêts du sud. Djibril Tamsir Niane cite d'ailleurs le
vieil adage malinké selon lequel,
"il est dangereux de faire la guerre aux
peuples de la forêt car on se verrait privé
de kola et d'huile de pal~e"(4).
.
(1) al-Bakri in R.P. CUOQ Recueil des sources arabes concernant l'Afrique
occidentale du VIlle au XVIe siècle (Bilad al-Sudan), Paris, 1975,p.101.
(2) Al-Idrisi in R.P. CUCQ,~. dt.,. p.129, 133, 135, 136, 164.
(3) Raymond ~auny, Tableau Géographique de l'Ouest Africain au Moyen
Age •••
1. Fan-Dakar, 1961, pp.296-297.
(4) D.T. Niane, 1975, p.43, note 43.
176
La kola avait en effet une importance considérable
dans les relations sociales comme dans la vie religieuse,
et il n'est pas impossible qu'à un moment donné elle ait
donné lieu à un intense trafic dans les pays malinké. Les
zones de production/nous le savons/sont les pays Kono,
Kisi, toma gerzé, la frange septentrionale du pays bété,
la partie forestière du pays guro, l'Anno et l'Ashanti(1).
Il est difficile de situer les débuts du mouvement mandé
vers les forêts du sud. Mais les traditions de Kong Far recou-
pement avec les résultats des fouilles archéologiques de
Begho, nous permettent de savoir approximativement à partir
de quelle date les premiers mandé atteignirent l'Anno et
la région de Kong.
Lorsque nous interrogeons de manière approfondie
les traditionalistes actuels de la région de Kong,
ils
disent sans hésitation que les premiers étrangers qui se
livrèrent au commerce de la kola et de l'or dans le pays
furent les Ligbi. Ils auraient été accompagnés par des
Numu entre autres. Ces nouveaux venus sont connus généra-
lement dans le pays sous le nom générique de ~plo-Dyula
.par ~pposition aux vrais Dyula qui les rejoignirent plus
tard dans le nord-est de la Côte d'Ivoire.
Les Ligbi de
Kong' se réclament, dit-on, d'un ancêtre du nom de Kalabi.
Il s'agirait probablement du Dayetul Kalibi de Terray
"dont. le nom et les aventures évoquent
immédiatement le Lahilatul Kalabi de la
tradition mandingue" (2) . '
(1) Voir Yves Person, Samori, t.I, 1968, ~p.101-103.
(2) E. ~rray, Une Histoire du Royaume Abron du Gyaman, des or1g1nes
à la conquête coloniale: Thèse pour le Doctorat d'Etat. Univer-
sité Paris V, 1984, p.16. Dans la région de Kong nous avons recueil-
li nos traditions auprès de :
Basièri Ouattara, Kong, le 10-8-1977.
Labi Saganogo, Bouaké, 7-12-1978.
Eamori Bayikoro, Nafana, 20-3-1974.
Badawa Bamba, Pongala, 20-2-1976.
A. pr~pos
Kalabi voir vidal, 1924, p.319 ; ~'jonteil, 1929 (1968)
, p.72 .i D.T. Niane, 1975, P.20 i Levtzion, 1973 p.
288. Terray a
interrogé les Ligbi de Bondo.
177
D'après nos traditionalistes, les Ligbi auraient
quitté le Mandé et auraient voyagé d'ouest en est à la
recherche d'une région riche en noix de kola et en or. Ar-
rivés dans l'Anno, un p~emier groupe se dirigea vers Begho
et un second alla découvrir les riches terres de la région
de Kong. Séduits par les noix de kola de l'Anno et l'or
de Kong,
ils auraient cherché une voie directe pour écouler
ces. produits vers les pays musulmans du nord; ceci les
aurait amenés à créer les marchés de la région de Kong.
Ces traditions sont probablement à l'origine des nombreuses
tentatives pour lier les Ligbi aux Wela ou a~Vaï de Sierra
Leone. Récemment encore Yves Person écrivait :
"Je suis ~mené à supposer que la langue
mère du Vai et du Huela
(Wela)
était une
forme méridionale du Malinké, parlée ini-
tialement sur le Haut-Niger à proximité de
la zone Dyalonké. Les émigrants des XVe,
XVIe, XVIIe siècles véhiculèrent cette lan-
gue jusqu'à la mer
(Sumba, Karou)
puis
d'ouest en est, en frangeant la forêt jusqu'à
Bego-Bondoukou
(et non d'est en ouest comme
l'imaginait Tauxier)"(1).
L'installation des Ligbi dans nos régions avait
fait l'objet de nombreuses hypothèses;
l'une des plus
célèbres est celle de Painter qui utilisant les méthodes
de la gIotto-chronologie a essaye de montrer que les Ligbi
s'étaient séparés du noyau initial Bambara depuis 2900 ans
environ; se basant sur les travaux de Painter, Terray écrit
(1) Il a existé plusieurs tentatives pour lier les Ligbi au Vai de
Sierra Léone. Cf. Binger, ~. cit., t.II," p.151 ; voir Delafoss~
note 1 ; Y. person, 1964, p.328.
y.person, ~. cit., p.328 ; voir Tauxier, ~. cit., p.65., Tauxier
après Delafosse faisait en effet venir les Wela de l'est; il écrit
notamment : "Les Huela ne restèrent pas sur place. Beaucoup conti-
nuèrent vers l'ouest avec les Ligbi. Ces derniers s'arrêt~rent dans
le Worodougou au nord-ouest de Séguéla du côté de Rani (en Côte
d'Ivoire) où ils formèrent une importante colonie de Ligbi ou Nigoui.
Les Huela poussèrent jusqu'à la mer où ils s'arrêtèrent à l'endroit
qui forme" actuellement la frontière de Sierra Léone et du Libéria
où ils devinrent ces véi, grands commerçants célèbres •.• "
178
"Les Ligbi et leurs auxiliaires numu se
seraient alors déplacés vers le sud-est,
transportant ave6 eux les éléments "d'une
culture néolithique avancée augmentée d'une
connaissance du fer, de la poterie et du
millet, obtenue grâce à des contacts cultu-
rels à travers le Sahara alors beaucoup
moins aride. I~ seraient arrivés dans' le
bassin de la volta vers 500 avant J.C."(1).
"En fait, si les archéologues s'accordent
pour admettre que la métallurgie et la pote-
rie ont pénétré dans l'actuel 'Ghana à partir
du Soudan, l'hypothèse de Painter simplifie
cependant de façon abusive une histoire
beaucoup plus longue et complexe. D'autre
part et surtout, en l'état' actuel de nos con-
naissances il n'est pas possible de combler
le fossé qui sépare' les' informations archéo-
logiques des données livrées par la tradition
et l'enquête ethnologique ~ c'est à travers
celles-ci que nous connaissons les Ligbi :
Or rien ne nous autorise à les regarder comme
les descendants de ces soudanais dont les
fouilles de Kintampo nous font préssentir
l'influence. A la différence des Numu demeurés
animistes, les Ligbi "historiques" sont
d'emblée'des musulmans; ils sont convertis
à l'Islam avant de quitter le Mandé ( ... )
Enfin ils se consacrent tout particulièrement
à l'extraction et au commerce de l'or"(2).
Les traditions de Kong soulignent en effet que les
Ligbi'n'étaient pas des banmana. Ils avaient un vernis
d'islamisme. Nous savons d'ailleurs grâce aux sources orales
qu'ils seraient les fondateurs de la ville de Begho.
A propos de la fondation de Begho, les chercheurs
. pr?posent, plusieurs dates. Yves Person s'appuyant sur les
sources orales recueillies à Bondoukou et dans les villages
voisins. pense que cette ville
(1)
painter, 1966, p.62-63 et note 9. Voir Terrey, ,9,E.. cit., p.17.
(2) Terray, ,9,E.. cit., p.17-18i
179
"s'est développée en m@me temps que l'or-
paillage du pays Banda c'est-à-dire pas
avant l'arrlvée des Nafana, dans la'seconde
moitié du XVIe siàcle"(1).
Ivoir Wilks s'appuyant sur le~ sources orales
recueillies dans la région de Begho fixe la fondation de
cette ville, étroitement liée au commerce de l'or, vers
1400(2).
Cette date des débuts du XVe siècle avait été
confirmée par l'analyse au carbone 14 des fouilles archéo-
logiques réalisées sur le site de Begho en 1970 : ces
analyses, ont donné la date 1430 ~ 100A.D. pour les débuts
de la ville. Mais en 1973, l'intensification des fouilles
a permis d'obtenir une date plus ancienne, celle de 1350(3).
Les fouilles conduites en 1975 sur le site du
quartier Nyaho de la ville ont fourni deux dates obtenues
à l'aide du carbone 14 : 1120 + 80 et 1045 ~ 80(4). Ces
dates à notre avis donnent une idée de celles de la fonda-
tion de certains quartiers de la ville. Mais Terray qui
écrit récemment sur la chronologie de Begho admet que cette
ville a été fondée durant la première moitié Au XVe siècle"(5).
(1) Y. Ferson, ~. cit., p.329.
(2) I. wilks, "The Nothern Factor in Ashanti History", Legon, 1961, p.4.
(3) Pour les date voir M. Posnansky, in Ghana social Science Journal,
vol. 2, 1975, p.ll.
(4) M. POsnansky, M.C. Intosh, 1976, p.166. Voir Terray, ~. cit., p.19.
~5) Terray, ~. cit., p.26. Nous sommes persuadés que les Ligbi qui ont
découvert les kola de l'Anno et les mines d'or de la région de Kong
n'ont pas attendu le XVe siècle pour transformer l'antique cité de
Ténégéra en un florissant centre commercial et cela dès les XI ou
XIIe siècles.
180
La r~gion de Kong offrait des ressources naturelles impor-
tantes et les populations autochtones se livraient d~jà au
travail de l'or. La d~couverte des noix de l'Anno dut poser
un d~licat et difficile problème aux Ligbi, celui de la con-
servation des fruits.
Il fallait les acheminer le plus
r~pidementpossible des zones de production vers les pays
soudanais.
Ils furent donc amen~s à rechercher une voie
directe qulexigeait un ~coulement rapide,' d'où la cr~ation
très tôt d'un axe qui partait de l'Anno et aboutissait à
Dienn~ en. passant par la r~gion de Kong où les Ligbi ne
tardèrent. pas à cr~er des centres
commerciaux. La vieille
route est-ouest qui longeait les forêts ivoiriennes avant
de remonter vers le Haut-Niger dut être abandonn~e par les
Kalo-Dyula. C'est ce qui expliquerait que l'on voit dans
les traditions de Kong de nombreux Ligbi gagner plus tard
le nord-est de la Côte d'Ivoire par l'axe Dienn~-Kong-Begho.
La r~gion de Kong dut b~n~ficier de l'essor de la voi~ com-
merciale T~n~g~ra-Dienn~. Elle exerça très tôt un attrait
sur les Wela de Begho. Les traditionalistes que nous avons
interrog~s dans la r~gion de Kong attribuent par exemple
la cr~ation de Dyangbanaso à une fraction de ces Wela(l)
bien avant l'arriv~e des Dyula et l'on parle d'un intense
pe~plement de wela à T~n~g~ra. Par cons~quent, grâce aux
r~sultats des fouilles arch~ologiques de Begho, nous pouvons
d~duire que sous l'impulsion des Ligbi venus au milieu du
XIe siècle, de nombreuses cit~s marchandes prirent naissance
dans le nord-est de la Côte d'Ivoire,. probablement à partir
du XIIIe siècle bien que la tradition ne les associe pas à
la fondation de ces villages aujourd'hui disparus
(B~g~daga,
Toumokoro, T~n~g~ra.•. ). Cela justifierait d'une part, les
traditions du vieux manding rapport~es.par Wa Kamisoko selon
(1) Maana C uattara
Dyangbanaso, le 26-3-1976. Cette tradition est
confirmée, par de nombreux traditionalistes. Les meilleurs informa-
teurs sur cette question furent LABI Saganogo (Abidjan, juillet 1974).
Basori (Limono, août, 1974) et BASIERI ouattara.
181
les9uelles dès l'époque de Sundyata
(XIIIe siècle)
Kong
était une ville puissante et d'autre part, celles de Kong
associant les débuts de la métropole dyula à ceux de
Dienné c'est-à-dire vers la fin du VIe siècle de l'Hégire
(début du XIIIe siècle) (1). Mais nous sommes persuadés que
ce sont les Dyula qUi,à partir du milieu du XIVe siècle
jetèrent les bases de la métropole dyula.
Par conséquent,
bien avant le XIVe siècle, la région de Kong était parfai-
tement intégrée dans les circuits commerciaux ouest-afri-
cains. Raymond Mauny a raison lorsqu'il dit que les mines
d'or de la Côte d'Ivoire-Côte de l'Or étaient aussi impor-
tantes que celles du Galam-Bambuk
- Buré et qu'elles
étaient "connues anciennement " (2). Ce n'est donc pas par
hasard que les Dyula se dirigèrent au XIVe siècle vers la
région de Kong et vers les bassins de la moyenne Volta.
Cette région dut attirer très tôt les Wela de
Begho. Les Wela ne vinrent pas seuls,
ils étaient accompa-
gnés d'une caste de forgeron
(les Numu). L'installation
de ce dernier groupe dans le pays va provoquer des boule-
versements importants au niveau de l'agriculture
(outils)
mais aussi au niveau des guerres de conquêtes. C'est
. probablement pour cette raison qu'on accuse les Wela d'avoir
introduit la guerre dans les paisibles villages de la
région de Kong.
B. LA GRANDE MIGRATION DYULA
Avant d'aborder cette question il convient de se
demander quelle est la fraction des Mandé que nous baptisons
Dyula et qui a fini d'ailleurs par adopter ce vocable comme
(1)
Pour wa Kamisoko voir Fondation SCOA, 1975, p.109, 1975, p.445-7.
Pour les débuts de Dienné voir le Tarikh eS-Soudan, ~. cit., p.23.
(2)
R. Mauny, ~. cit., p.298.
182
un
Sy~
. Dans la terminologie mandé ce mot désigne le
colporteur ou le négociant.
Il était donc à l'origine
l'équivalent du terme Wangara qu'utilisaient les auteurs
des chronJques soudanaises. D'apr~s les auteurs du Tarikh
el-Fettach :
"Si vous demandez quelle différence il y a
entre Malinké et Wangara, sachez que les
Wangara et Malinké sont de même origine,
mais que Malinké s'emploie pour désigner
les guerriers parmi eux,
tandis que Wangara
sert à désigner les négociants qui font le
colportage de pays en pays"(1).
Cette définition donnée par les auteurs du Tarikh el-Fettach
s'applique parfaitement à celle que les sources orales
donnent du dyula. Toutes les enquêtes que nous avons réali-
sées montrent tr~s clairement que le terme dyula désignait
avant tout l'individu musulman qui exerçait une activité
commerciale.
Il concernait par conséquent les activités
professionnelles d'une fraction des Mandé. Aussi l'auteur
du Tadzkiret en Nisian n'hésitera pas plus tard à traiter
le fr~re de Seku Watara
(le fondateur du Royaume de Kong)
de Wangara, au moment où ce dernier tentait de réaliser la
conquête de la boucle du Niger(2).
Delafosse à notre avis a eu tort de ne vouloir
voir dans l'origine du mot dyula qu'un nom de peuple ou de
tribu. Ce mot selon lui signifie
"du fond,
de la souche" c'est-à-dire "ceux
qui sont de noble origine, qui n'ont pas
été altérés par des immixtions de sang
étranger" (3).
(1) Tarikh el-Fettach, 1964, p.65.
(2) Tedzkiret en Nisian, ouvrage traduit et publié par o. Houdas, Paris
1966. Voir aussi Levtzion in "Note sur les états dyula de Kong et
de Bobo" Centre Universitaire de Recherches de Développement (CURD),
Bulletin _d~ lia~ n O l, 1971, p.16.
(3) M. Delafossei Haut-S~négal-Niger, 1972, t.l, p.124-125.
183
A Kong, au contraire, nous noterons un important brassage
de populations entre les nouveaux venus et les autochtones.
Yves Person écrit :
"L'anthropologie physique rév~le qu'ils ont
absorbé des éléments de toute origine, uni-
fiés par une culture conquérante. On peut
donc parler d'un peuple Dyula, mais la
valeur ethnique de ce nom est récente et
secondaire" (1) .
L'étymologie du mot dyula, comme le sugg~re Person,
"paraIt assez simple si on la cherche dans
la racine dyo qui évoque une périodicité
réguli~re. Le
dyula serait celui qui
fréquente réguli~rement les marchés)"(2).
A Kong cependant, le terme dyula n'allait pas tarder à
prendre une coloration ethnique et finit par désigner
l'ensemble des étrangers d'origine mandé qui s'adonnaient
au commerce et qui affirmaient leur appartenance à l'Islam.
Person a d'ailleurs montré que
"sur le Comoé ou la volta tout change. Les
Dyula forment ici les noyaux enkystés au
sein d'un monde dont la langue les isole.
Ils opposent au milieu ambiant une culture
manding originale fondée sur le commerce et
l'Islam, même s'ils ont suivi au départ une
aristocratie paienne. Ces Dyula de l'est
ont même développé un dialecte particulier
assez différent de celui des Malinka-Mori,
mais proche du Bambara oriental et du Dafin
( ••• ). On peut donc parler d'un peuple Dyula,
mais la valeur ethnique de ce nom est récente
et secondaire"(3).
(1)
Y. Persan, SaIT.ori, 1968, t.1, p.96.
(2)
Ibidem,
~. cit., p.97.
(3)
Ibidem,
~. cit., p.97.
184
En ce qui concerne Kong la valeur ethnique du mot dyula
remonte sûrement au XIVe siècle et le terme dyula a fini
par désigner l'ensemble des populations de cette région à
partir du XVIIIe siècle, après la prise du pouvoir par Seku
Watara.
Voyons maintenant les causes qui ont poussé nos
Dyula à s'installer dans la région de Kong. Comme lors de
la migration ligbi,
les raisons de ce vaste mouvement sont
essentiellement économiques. La recherche de l'or a été
l'élément décisif. Ce nouveau départ des chercheurs d'or
et des négociants vers le sud semble avoir commencé au
début du XIVe siècle et dut s'accélérer à la fin de ce siècle
à cause des crises dynastiques qui frappaient à cette époque
l'Empire du Mali. Nous allons essayer de nous expliquer sur
cette question. Certes les Empereursdu Mali ont disposé de
ressources d'or très importantes. Mais à notre avis le
fastueux pèlerinage à la Mecque de Mansa Musa qui transporta
avec lui quatre-vingt ou cent. charges d'or(1)
a empêché
longtemps les historiens de se rendre compte de la produc-
tion réelle des mines d'or soudanaises. Mansa Musa au cours
de ce pèlerinage a dilapidé les réserves d'or accumulées
par ses prédécesseurs et ses" successeurs ont géré la pénurie.
Le pouvoir malien reposait sur
"l'ostentation et sur la générosité ... "(2).
et nous sommes d'accord avec Terray pour dire que
"chaque souverain est qontraint, s ' i l veut
préserver sa gloire et son autorité de
faire aussi bien et mieux que ses devanciers
(1) Pour l'or qui a servi lors du pèlerinage de Mansa Musa voir al-Umari
éd. CU00 1975, p.275 voir aussi IBN Khaldun, 9.12.. cit., p.374 et 356 ;
Tarikh es-Soudan, p.13 ; Tarikh el-Fettach, op. cit., p.62-3.
(2) T"erray, ~. cit., p.12.
185
autrement il s'expose à des comparaisons
désobligeantes ouvrant la voie à la contes-
tation et aux complots"{l).
Or que se passa-t-il après la mort de Mansa Musa ? Ibn
Battûta qui visitait le Mali nous parle de l'avarice de
Mansa Sulayman(2).
Il é c r i t :
"Les Sûdan détestaient Mansa Sulayman pour
son avarice. Avant il y eut Mansa Maghâ et
avant ce dernier Mansa .Musa qui fut un
(homme)
généreux et distingué aimant les
Blancs et bienfaisant pour eux. C'est lui
qui donna à Abu Ishaq al Sahili en un seul
jour 4.000 mitkal ..• "(3).
Malgré la bonne volonté du souverain Ibn Battûta ne reçut
durant tout son séjour au Mali que 133 mithkal. Bien entendu
on serait tenté de croire que Mansa Sulayman était un roi
qui essayait de mettre de l'ordre dans les affaires de
l'Etat. En réalité il semblerait que les mines d'or souda-
naises qui étaient intensément exploitées depuis le Xe siècle
n'étaient plus rentables et les chercheurs d'or et les
Dyula avaient suivi la trace des Ligbi. Les Dyula se trou-
vaient en effet' dans l'incapacité de satisfaire la demande
intérieure et extérieure(4). Après le règne de Mansa Musa
on n'entendra plus parler de pèlerinages des rois du Mali
à la Mecque. L'or viendra désormais de Kong, de l'Anno et
des vallées moyennes de la Volta. C'est ce qui explique à
notre avis l'essor de Dienné à la fin du XIVe siècle.
"La fortune de Djenné à la fin du XIVe siècle
est certainement liée à l'ouverture des
routes vers le sud, mais elle tient également
(1) Terray, ~. cit., p.12.
(2) Ibn Battuta, éd. CUCQ, p.302.
(3) Icn Battûta, ~. cit., p.310.
(4) Voir posnansky : "The early Développement of trade in West Africa.
Sorne archeological considerations. Ghana Social Science, Journal,
vol, 2, pt(2), 1973, p.4.
. ....---
186
aux difficultés de l'Empire du Mali et au
déplacement vers l'est des circuits commer-
ciaux qui résultèrent de celles-ci : Djenné
devient alors de ce fait le débouché privi-
légié du trafic de la boucle du Niger"(1).
Nous verrons que l'essor de Dienné est étroitement lié à
celui de Kong.
( 1)
'T e r r ay, ~. c i t., P • 2 1 •
187
C. LE PEUPLEMENT DYULA DE KONG
D'après certaines traditions,
l'ancien site de
Labiné aurait été habité par des Logon venus du sud. Ces
derniers étaient cultivateurs, fabriquaient des objets en
bois et étaient animistes. Cela nous fait. penser aux Numu
qui acco~pagnaient les Ligbi au cours de leur migration
vers le nord-est de la Côte d'Ivoire. L'Islam introduit
dans la région par les nouveaux venus ne semble pas avoir
dépassé Labiné. Mamadou Labi qui aime les dates, situe
l'installation de ces Logon animistes dans les environs
actuels de Kong vers 1225(1). Cette date bien entendu ne
repose sur aucun document sérieux. Les traditions de Kong
ne disent pas
si les Ligbi s'installèrent sur le site actuel
de Kong. Mais Labi.nous dit qu'avec le développement de
Ténégéra Kong devint une voie de passage. Le développement
de Kong comme nous l'avons souligné est donc étroitement
lié au peuplement dyula du XIVe siècle. Les centres de
migrations sont dispersés et ceci ne permet pas de nos jours
de suivre les étapes successives du peuplement dyula du
pays. Nombreux sont les étrangers qui viennent de Dienné,
mais beaucoup de Dyula arrivent de Kangaba.
Il ne s'agit
pas d'un mouvement brutal, mais d'un. processus lent qui
s'est'étalé sur plusieurs siècles, du XIVe au XVIIIe siè-
cles ; seule une recherche archéologique poussée dans les
anciennes zones réservées aux étrangers permetrait d'établir
une chronologie de la fondation d'un grand nombre de quar-
tiers musulmans de Kong. En attendant, nous sommes obligés
de nous fier aux sources orales de Kong qui s'accordent à
dire que le premier quartier habité par des étrangers fut
le Barola. Ces derniers semblent s'être fixés dans la ville
vers la fin du XIVe siècle ou au début du XVe siècle.
, (1)
Labi Mamadou, Abidjan,
janvier 1974.
188
D'après les sources orales, beaucoup de Dyula firent le
va-et-vient entre Kong et Dienné avant de chercher à s'éta-
blir définitivement dans le pays. Les Dyula étant tous des
hommes d'affaires il y eut un décalage important entre la
découverte du pays et leur implantation à Kong. Les Baro
dont il est question ici correspondraient à ce que Mamadou
Labi ~ppelle les "Barro de la brousse" par opposition aux
Baro de souche récente qui jouèrent un rôle important au
début du XVIIIe siècle(1).
Le deuxième groupe de négociants
étrangers qu'il convient de signaler est celui des Kuribari.
Il dut habiter le quartier Dyogo-so probablement à l'est de
Barola(2). La grande masse des Kuribari demeura longtemps
dans
la région de Ténégéra. Nous sommes persuadé
que la
construction des quartiers s'est faite chronologiquement du
sud vers le nord à .partir de Barola et de Dyogo-so. La posi-
tion septentrionale du quartier des Saganogo tendrait à
confirmer cette hypothèse. Les Saganogo en effet n'arrivè-
rent à Kong qu'au milieu du XVIIIe siècle. La construction
des quartiers dyula se serait ainsi déroulée entre la fin
du XIVe siècle et le milieu du XVIIIe siècle, date de l'apo-
gée de la métropole dyula.
Certaines migrations ont cependant laissé un souvenir
dans les sources orales, soit parce qu'elles étaient liées
à des conquêtes, soit parce qu'elles étaient relativement
récentes. Nous citerons le cas des Tarawéré, des Kuribari,
de la deuxième vague des Baro, des Dyula de Boron, des Saga-
nogo, de l'exode des Dyula de Begho vers Kong.
1. - Les Tarawéré
(1) Mamadou Labi, A.U.A., 1977, p.172.
(2) Le Dyogoso avait été probablœment intégré au XVIIIe siècle dans le
quartier Kéréu comme ce fut le cas du Sarola au XIXe siècle. Cf:
singer, 1892, p.294.
189
Les Tarawéré connaissaient probablement la métro-
~ole dyula dès le XVe siècle. Un groufe de Tarawéré que
l'o~ a pris longtemps pour des ~osi fut chassé du Sonqai
far ~onni Ali au début de son rèsne
(1464-1492).
Certains d'entre eux guidés par des commerçants
Selsurna
(fraction des Tarawéré musulmans)
arrivèrent à Kong.
Nous reviendrons sur ces Tarawéré ;
ils furent à l'origine
de la première
monarchie animistë(l). Les Selsurna se seraient
installés à Sagara alors que leurs frères animistes furent
accueillis dans le quartier Kéréu qui allait devenir le
quartier des chefs de Kong.
2.
- Les Kuribari
Les Kuribari ont joué un rôle très actif dans la
formation des états de Kong
;
ils ont donné aussi naissance
à de célèbres érudits(2) qui malheureusement ne semblent pas
avoir laissé de
documents écrits sur l'histoire de leurs
ancêtres. Pour connaître l'installation des Kuribari dans
la région de Kong nous sommes ainsi obligé
de nous adresser
aux sources orales du pays. A propos de ces Kurubari ou
Kuribati nous devons apporter une précision. Les sources
orales reconnaissent deux groupes de Kuribari,
les uns seraient
originaires de Ségou ou de Dienné et les autres de Kangaba.
L'implantation du premier groupe dans la reglon de Kong
paraît ancienne; elle est probablement antérieure au XVe
siècle
les sources orales que nous avons recueillies affir-
ment que les Kuribari du Ségou étaient déjà en place avant
(1) L'un de nos meilleurs informateurs sur cette question fut Mamadou
Labi. Abidjan, 9-7-1974.
(2) Tous les Karamoko de Kong vantent de nos jou~s encore l'érudition des
Kuribari ; ils citent en exemple la famille de Ban Dugutigi Kuribari
qui joua, semble-t-il, à Kong le même rôle qije celle des Aqit à
Tombouctou - voir à ce sujet les chroniques soudanaises (T. el-Fe et
T. es-S.).
190
l'arrivée des Samasoko(1)
mais elles ne semblent pas avoir
conservé des souvenirs de cette installation relativement
ancienne. Le second groupe au contraire a fait son appari-
tion dans la région de Kong à une date récente. Contraire-
ment au premier groupe constitué de marchands, le second
groupe est formé de guerriers. Voyons ce que les sources
orales nous apportent à propos de l'installation de ces
guerriers dans le pays ; nous avons choisi à ce sujet de
présenter deux versions, l'une recueillie à Pongala et la
seconde à Kolon
:
La version de Pongala(2)
"D'après les vieux de ce pays, les Kuribari
auraient dominé une partie de la région de
Kong
; ils seraient de braves guerriers
originaires de Kangaba ; l'installation de
ces guerriers dans le pays remonterait à
l'époque où la puissante armée de Kangaba
décida de s'emparer des richesses en or de
Kong et de Bièro
(Bégho). Cette armée compo-
sée en grande partie de guerriers Kuribari
se serait imposée aux autochtones Falafala
et Myoro qui n'étaient encore que de simples
cultivateurs et ignoraient l'art de la
guerre. Victorieux, les Kuribari auraient
fondé un puissant état non loin de Ténégéra,
qui aurait été détruit plus tard par les
hommes de Seku watara.~."(3).
(1) Informations recueillies à la cour royale de Kong auprès de
Kararnoko ouattara, le 3-3-76. Nous reviendrons plus tard sur
les Samasoko.
(2) Enquêtes réalisées en mars 1976 auprès de nombreux notables du
pays. Voir en particulier Bamba Dawaba.
(3) Binger a effectivement recueilli des informations selon lesquelles
les Kuribari auraient fondé l'état de Limbala à deux ou trois kilo-
mètres de Ténégéra (cf. Binger, ~. cit.;. p.323). D'après les tra-
ditionalistes de Kong, Limbala aurait été détruit par Tyèba, le
père de Seku Watara.
191
Voyons maintenant la version de Kolon •
• La version de Kolon(1)
D'après les notables de Kolon,
"les Kuribari qui marquèrent de leur empreinte
l'histoire de la région de Kong seraient
originaires de Kangaba. C'est en guerroyant
qu'ils arrivèrent à Kong et à Begho ; après
de nombreuses guerres contre les gens de
Begho, certains d'entre eux quittèrent le
pays pour se fixer définitivement dans la
région de Kong en refoulant les Myoro et les
Falafala de la région de Ténégéra vers le
nord.
Ils auraient tenté sans succès de
s'établir à Kong même, à l'époque du roi
animiste Lasiri Gbanmèlè •.. h •
Les Kuribari qui ont fait parler d'eux dans la
région de Kong appartiendraient donc à une armée qui avait
tenté la conquête de Begho en razziant au passage le sud-
ouest de la région de Kong. La chronique du Gonja nous
apprend en effet que le roi de Ka'aba
(Kangala)
dirigea
précisément une expédition guerrière contre Begho et contre
ségou pour s'emparer de l'or de ces pays(2)
qui probablement
n'alimentait plus l'Empire du Mali. Le recoupement des
sources orales avec la chronique du Gonja permet d'affirmer
que les guerriers Kuribari qui firent irruption dans la
région de Kong faisaient partie de l'armée du Mali qui fut
dirigée contre Begho. Nous reviendrons sur ce point à propos
de Maghan,
le grand-père de Seku Watar~. Vers 1610, un membre
de la farrille Kuribari-Kéita, appelé ~aghan fit son apparition
dans la région de Kong,son aventure eut un impact décisif sur
(1) Ces enquêtes ont été réalisées en mars et en avril 1976. La version
que nous présentons ici est une synthèse des diverses informations
que nous avons recueillies dans la ville durant notre séjour ; voir
à ce sujet le dugutigi Fisiri Ouattara et Eaginkoro OUattara.
('2)
Les copies de la chronique du Gonja se trouvent à Legon (Accra) au
Ghana', à l' Institute of African Studies ; voir Fonds arabes LA.S.
A.R./ll, 12, 62 •••
192
l'évolution de l'histoire du pays. Criginaire de Kangaba il
emprunta l'axe du nord pour atteindre les états de Kong;
il
suivit la voie Kangaba-Ségou-Dé-Téwulé
(Dans l'actuel Burkina-
Faso. ~ous reviendrons plus tard sur l'histoire palpitante de
ce personnage.
De Nombreuses familles ont emprunté l'axe Ségou -
Ténégéra - Kong.
Parmi elles on peut citer les Dao, les
Tarawéré
(Selsuma et Samasoko)
; l'installation de ces
familles remonterait à une date relativement ancienne et
l'on ne dispose pas aujourd'hui d'indications précises sur
les étapes qu'elles ont eu à effectuer.
3.
- Les Baro
L'histoire de l'installation des Baro à Kong pose
des. problèmes : à quelle époque ces derniers arrivèrent-ils
dans le pays? Quelles sont les étapes qu'ils empruntèrent
à partir du Mandé pour atteindre les états de Kong ? Toutes
les sources orales que nous avons recueillies, soit à Kong,
soit dans l'Anno, concordent pour dire que les Baro sont
originaires de Dienné. A la cour royale de Kong, on nous a
dit que les Baro viennent de Banikoro, dans la région de
Dienné
(Karamoko Ouattara : bande n08, dossier l, Kong,
17 Août 1974). Les intéressés eux-mêmes confirment ce fait
(Asehu Baro, bande n018, dossier l
Kong;
30 mars 1976).
Mais les versions recueillies s'opposent quant aux étapes
suivies par les Baro pour atteindre la région de Kong;
les
unes disent que les Baro sont venus par la voie du nord,
Djenné, Bobo-Kong, les autres au contraire, les font séjour-
ner d'abord dans le centre commercial et islamique de Boron
avant leur installation à Kong.
a)
- L'hypothèse d'un séjour à Boron
193
Ces récits ont été recueillis dans la région de
Prikro auprès de l'imam Anzumana Ouatta~a en 1973. D'après
la version de ce traditionaliste, l'ancêtre des Baro se
serait a~pelé Imam Baro(l). Son vrai nom était Alè Mori Baro
il habitait d'abord la région de Korodugu
(région acttielle
de Samatigila)
plus tard il emlgra vers Boron où il de-
meura un certain temps et où il devint un riche marchand.
Il entendit vanter les richesses de la région de Kong : il
décida donc de venir s'établir dans ce nouveau pays.
Il
fit le voyage en compagnie de nombreux esclaves et de son
Karamogo Dyilimo Abu(2). Arrivé dans l'Anno, Dyilimo
abandonna la caravane et se fixa dans le pays et Imam Baro
se rendit à Kong, où il fut accueilli,par les rois animis-
tes Tarawéré.
D'après le récit d'Anzumana Ouattara, les Baro
seraient venus de Boron pour s'installer à Kong. Notre in-
formateur précise qu'il a recueilli ses informations en
1950 à Kong au moment où il suivait des cours d'arabe auprès
de son maître Anzumana. Effectivement, les Baro que nous
avons interrogés dans cette ville prétendent descendre de
Imam Baro ; ceci à notre avis est dû uniquement à
la forte
personnalité de ce riche négociant qui joua un rôle impor-
tant ~ans la prise du pouvoir par Seku Watara au début du
XVIIIe siècle. Les Baro de Kong ne confirment pas cependant
le séjour d'Alè Mori Baro à Boron; voyons donc la seconde
hypothèse.
(1) Cette information confirmée par les Baro de Kong n'est pas exacte;
Imam Baro est né à Kong et est contemporain de Seku Watara mort en
1745 ; cf. bande n032, dossier XIX.
(2) D'après le roi actuel de Kong, Dyilimo Abu est en réalité le mara-
bout de l'Imam Baro ; il Y a donc une confusion entre l'Imam Baro
ou Alè Mori Baro, et le premier Baro du mêmè nom qui s'est établi
dans la région de Kong.
194
b)
- L'hypothèse d'une migration par la
yoie du nord
(Dienné)
Nous trouvons des échos des traditions qui font
venir les Baro du nord chez Bernus qui mentionne dans la
caravane qui conduisit Maghan à Ténégéra la présence de
trois personnages Alè Mori Baro(1), Batakouri Baro et
r-lakha Tr aoré.
"Ensemble, écrit-il,
ils arrivent à Ténégéra
où règnait Dabila, le fils de Banankoro,
Bala, venu du Mossi. Dé-Makha loge chez lui
alors que ses compagnons vont à Kong"(2).
Cette information provient du manuscrit n01
large-
ment diffusé par les Saganogo qui contient précisément ce
passage ;
"ensuite il
(Maghan)
e~t parti à Ténégéra
avec Ali Mori Baro, accompagné de Batakpilé
Baro et Bamagha Tarawéré ainsi que Dabila
Dao" .
Nqus avons montré le caractère suspect de ce manuscrit
qui. présente Seku Watara, petit-fils de Maghan, comme un
contemporain d'Alè Mori Baro et de Dabila Dao; ce manuscrit
est à notre avis à l'origine des confusions regrettables
que nous rencontrons dans l'histoire de l'installation des
Baro à Kong. En fait, Alè Mori Baro est le père ou le grand-
père de Imam Baro,
le compagnon de lutte de Seku Watara ;
il est sans aucun doute originaire du.Mandé, mais il n'a
.pas fait partie de la caravane qui conduisit Maghan à
Ténégéra ;
il a seJourné à Boron, mais dut arriver dans la
région de Kong à la même époque que Maghan. Comme ce dernier,
Alè-Mori Baro et ses compagnons n'ont certainement pas eu
l'autorisation de s'établir à Kong, d'où la haine qu'ils
(1) D'après Basièri, l'Imam.Baro serait le fils de ce personnage. Nous
pensons que si Mari Bara est contemporain de Maghan, il est au moins
l~ grand-père de Imam Bara.
(2) Ee:-rnus, ~. cit., p.248.
195
Qnt nourrie à l'endroit de la monarchie animiste de Kong
qui interdisait la ville aux étrangers musulmans(1).
Les Baro durent s'établir à Ténégéra et c'est pro-
bablement au début du XVIIIe siècle que grâce à l'appui de
Seku Watara,
Imam Baro s'imposa à Kong. Cette interpréta-
tion nous paraît plus vraisemhlable, elle expliquerait
pourquoi les Baro actuels de Kong considèrent Imam Baro
comme leur ancêtre. C'est donc au début du XVIIe siècle
que les premiers Baro firent leur apparition dans la région
de Kong.
Après avoir vu les principales familles qui emprun-
tèrent l'axe nord-sud pour se rendre dans la région de Kong,
examinons ce qui se passe sur les axes du sud.
4. Les Dyula de Boron
L'axe Boron Kong semble avoir joué un rôle tardif
dàns le peuplement de la région de Kong. Nous avons vu que
c'est par le sud-ouest que les Kalo-Dyula en longeant les
forêts ivoiriennes ont découvert les régions de Ténégéra
et de Dyangbanaso. Les riches plantations du Worodugu
(pays des noix de kola)
avaient favorisé l'épanouissement
de l'état de Boron qui garda jusqu'au XVIIIe siècle des
contacts commerciaux très importants avec les états de la
région de Kong. Mais c'est surtout à partir de la fin du
XVIe ou du début du XVIIe siècle que l'on assiste à un
véritable mouvement de populations de
Boron en direction
de ces centres. Les raisons de ces départs paraissent encore
obscures mais il semble qu'elles soient liées à des conflits
înternes
(guerres intestines) mais aussi et surtout à la
(1) Binger, ~. cit., t.1, p.323.
196
pro~périté galopante des états de Kong. Ce mouvement semble
avoir eu une grande ampleur au début du XVIIIe siècle ;
selon Person en effet
"il reste absolument certain que Boron fut
l'une des bases des fondateurs de Kong
(vers 1700)
et par conséquent de Bobo"(1).
Le développement de Kong semble avoir précipité la fin de
Boron vers 1750(2). A partir du XVIIIe siècle en effet,
les noix de kola qui alimentent le marché de Kong viennent
en grande partie de l'Anno ou de l'Ashanti. Voyons quelques
unes des familles venues de Boron qui jouèrent un rôle
important dans le développement de la région de Kong
:
les Saganogo.
5. Les Saganogo
Les Saganogo de Kong se donnent une origine arabe
ils prétendent avoir participé à la fondation de Kairouan
lQrs de la conquête arabe. EI-Haj Marhaba qui soutient
cette thèse situe cette guerre "à la cinquantième année de
l'hégire en 1040"(3).
D'après Marhaba, ce serait après
cette date qu'ils gagnèrent le sud du Sahara, notamment
les régions des fleuves Sénégal et Niger. D'après un manus-
crit laissé par Marhaba le terme Saganogo signifierait
"façonner de l'or pur . . . "(4).
Il n'est donc pas invraisem-
(1) person, 1964, p.327.
(2) cette date est donnée par Person, ~. cit." p.327.
(3) L'auteur se tromr;:>e dans la convers.! on
des dates ; i l faudrait
situer ce fait en 670. C'est précisément à cette date qU'Oqba ibn
Nafi créa la ville de Kairouan cf. Ch. André Julien, 1969, p. 16.
Pour l'intervention de Marhaba voir la "Table ronde sur les origi-
nes de Kong", p.72 ; voir aussi p.90. à propos de cette même origine
arabe.
(4) Manuscrit relati,f aux Saganogo ; sans titre ni date et comportant 9
feuillets - il est conservé dans les fonds arabes de l'Institut de
Recherches en Sciences Humaines (I.R.S.H.) à Niamey.
197
blable que les Saganogo aient été attirés très tôt vers
les grands centres commerciaux
(le Ghana et le Mali médié-
vaux)
et plus tard par les 'régions actuelles de la Côte
d'Ivoire, du Ghana et du Burkina-Faso
• Dans la seconde
moitié du XIVe siècle
(1352-1353)
Ibn Battûta signale au
nord de Djenné, un gros bourg du nom de Zaghari
"habit~ par des Sudan appelés Wandjarata
( ••• ). Habite avec eux un groupe de blancs
qui suivent le rite Ibadiya des khawaridj.
On les appelle les Saghanagh~ ( ••• )"(1).
Faut-il croire que ce sont les descendants de
ces blancs qui plus tard s'enfoncèrent vers les régions
riches en or et en noix de kola des pays du sud? Quoi
qu'il en soit il paratt difficile, dans l'état actuel de
nos sources, de retracer l'histoire des Saganogo depuis le
Mandé jusqu'à Kong.
Il semblerait que des familles Saganogo
aient vécu à Kong avant l'installation des ancêtres des
Saganogo actuels. Ces derniers
les désignent sous le nom
Saganogo de Tunuma(2). Spécialisés dans le travail de l'or,
ils se seraient probablement fixés à Kong dès l'~poque de
la grande expansion dyula vers le nord-est de la Côte
d'Ivoire, c'est-à-dire vers la fin du XIVe siècle. Nous
savons d'ailleurs, grâce au Tarikh es-Soudan, que des Saga-
nogo habitaient la ville de Begho. L'un d'eux, le juris-
consulte Fudiya-Muhammad Fudiki Saganogo avait
quitté
. Eeçho pour s'établir à Dienné à la fin du XVe siècle(3).
(1) R.P. CUOQ - Recueil des sources arabes concernant l'Afrique OCci-
dentale du VIlle aU XVIe siècle (Bilad al-Sudan), 1975, p.299,
wilks identifie les Wandjarata aux Wangara (Dyula), voir wilks, 1962,
p. 14.
(2) Tunuma était probablement l'hôte de ces Saganogo à Kong - voir
Labi, A.U.A
~. cit., p.230.
J
(3) TarJ.khes-:,:Soudan, 1964, p.30. Fudiya Muhammad Saganogo fut nommé
cadi de Dienné.
198
A Kong ces premiers Saganogo ont dû être absorbés
par ceux venus récemment de Boron.
L'une des bases des Saganogo actuels de Kong fut
en effet Boron : voici ce que rapporte Labi
: un certain
Mustapha se promenait un jour à côté du village
(Boron)
il a vu
"une boule qui roulait sur la terre, c'était
une calebasse vide ; il a été étonné et a
i
. !
d i t :
"qu'est-ce que c'est ?". Elle a répon-
du : "je suis une chose qui viendra détruire
Boron,
je suis la guerre qui viendra détruire
Boron"
( .•. ).
Il est allé dire cela à ses
enfants,
il leur a dit :
"quand je serai
mort, partez à Kong". Notre ancêtre nous a
dit d'aller à Kong.
Si nous restons à Boron
ce village sera détruit
( .•. ). Ses quatre
premiers fils sont morts
( •.. ). Les huit
autres sont venus à Kong avec leurs neveux"(1).
L'installation à Kong des Saganogo qui apportèrent
leur soutien au régime des Watara se situerait donc ainsi
peu avant la destruction de Boron, c'est-à-dire avant 1750(2)
Quoi qu'il en soit i l ne fait aucun doute que les Saganogo
atteignirent Kong oprès 1745, date de la mort du grand sou-
verain de Kong Seku Watara. Les traditionalistes du pays
précisent bien qu'à l'arrivée des enfants de Mustapha, le
(1) Voir "Table ronde sur les origines de Kong", p.224 et suive Cet an-
cêtre est connu chez Labi sous le nom de Usman. Il aurait visité
Kong au XIIIe siècle: voir p.226. D'après Basièri, le premier
Saganogo qui visita Kong était Mustapha: il était très âge lorsqu'il
arriva à Kong sous le règne de Seku Watara (1710-1745). Il aurait été
séduit par la richesse du pays : avant son départ pour la Mecque il
aurait dit à ses enfants : "je suis vieux, je mourrai peut-être sur
le chemin de la Mecque: si cela arrivait installez-vous à Kong". Le
vieillard ne tarda pas à mourir. Ses enfants rebroussèrent chemin et
regagnèrent Boron. Plus tard, se souvenant des paroles de leur père,
ils vinrent se fixer à Kong : à cette époque le pays était gouverné
. par Kumbi l'un des fils de Seku Watara •••
(enqu~tes réalisées à Kong
en 1974). Cette version me parait plus vraisemblable.
(1) Nous reviendrons sur la date du départ desSaganogo de la ville
de
Eoron.
199
roi de Kong s'appelait Kumbi. C'est donc à partir de la
seconde moitié du XVIIIe siècle que les Saganogo vont
jouer un rôle actif dans la vie économique, politique et
sociale à Kong(1).
6. Les Dyula de Begho
D'après les enquêtes que nous avons réalisées dans
la région de Kong, Begho joua un rôle déterminant dans le
développement de Kong.
Du XIVe au XVIIIe siècle, beaucoup
de populations de la région de Begho sont venues se fixer
dans la région de Kong sans esprit de retour. Nous dis-
tinguerons ici deux grandes vagues, une qui se produisit
probablement à la fin du XVe siècle et la seconde qui
déferla sur le pays à partir de la seconde moitié du XVIIIe
siècle. Nous nous appuyons pour ces dates sur deux tradi-
tions orales, l'une recueillie a la cour royale de Kong
en 1977, et l'autre recueillie à Bilimono
(au sud de Kong)
en 1978.
Les traditionalistes que nous avons interrogés
en 1977 à la cour royale de Kong affirment que, peu après
l'installation des guerriers Tarawéré animistes venus du
nord, Kong accueillit de nombreux artisans
(numu)
et
lettrés (2). Or selon ce que nous avons déjà eXFosé, nous situons
l'implantation des Tarawéré à Kong vers la fin du XVe
siècle. Nous savons aussi grâce au Tarikh es-Soudan que
la situation confuse à Begho vers cette époque obligea de
nombreuses personnes à quitter le pays
voici ce qu'écrit
Es-Sàdi, l'auteur du Tarikh eS-Soudan, à propos du juris-
(1) Voir "Table ronde sur les or ~g ~nes de Kong", 1977, p. 470.
(2) Ces versions ont été confirmées par le roi" Karamoko Ouattara et
le notable Basièri, en 1978.
200
'consulte Foudiya-Mohammed-Foudiki Sanou-EI-Ouankori
"Ce jurisconsulte théologien, saint person-
nage,dévot et vertueux,s'établit à Dienné
à la fin du IXe siècle de l'hégire
(1480-
1490). Il avait quitté sa patrie située sur
le territoire de Bito (Begho), à la suite
de troubles qui y avaient éclaté .•• "(1).
D'après Charles Monteil, ce personnage s'appellerait en
réalité Fodié Mohammed Saranokho (Saganogo) (2). Des familles
Saganogo seraient ainsi installées à ~egho depuis une date
relativement ancienne. C'est probablement au cours de
l'exode de Fodié Mohamed que d'autres familles Saganogo
s'installèrent à Kong. Voici en effet ce que Labi déclarait
lors de la "Table ronde sur les origines de Kong"
en 1975
à propos des enfants de Mustapha qui s'installèrent à Kong
"Quand ils sont arrivés dans le quartier
Baro,
il y avait déjà des gens qui portaient
le nom de Saganogo. Ce sont ces Saganogo qui
sont partis en pays lobi, ce sont aussi ces
Saganogo qui sont partis chez les Sénoufo
il y en a qui se trouvent chez les Gbèn
(les autochtones de Kong) mais ceux-là sont
différents de nous ; mais si on dit Saganogo,
on englobe tout ensemble car nous, nous
sommes des Arabes. Nous avons trouvé ceux-ci
en Afrique ici, ce sont ces Saganogo qu'on
appelle Koroman, même aujourd'hui une grande
partie de leur pays est en Haute-Volta
( ••• ).
Nous sommes restés chez les Koroman nos
affaires ont pris plus d'importance que les
leurs •••
ils se sont retirés et ont quitté
le pays et nous l'ont laissé •• ~(3).
(1) T. es-S, 1964, p.30.
(2) Charles Monteil, "Notes sur le Tarikh es-Soudan", Bulletin I.F.A.N.,
tome XXVII, série B, nOs 3-4, 1965, p.490.
(3) "Table ronde sur les origines de Kong ••• ", 1977, p.230-232. En fait
nous pensons .que les termes Tunuma ou Koroman (Koro = ancien) sont
des étiquettes pour désigner les différentes vagues de l'installation
des Saganogo en Côte d'Ivoire et
au Burkina-Faso.
201
Après l'installation de ces premiers Saganogo,
il a fallu attendre la seconde moitié du XVIIIe siècle,
pour voir des populations de Begho déferler dans la région
de Kong. Citons les échos de cette migration que nous
avons recueillis à Bilimono à propos de l'installation des
familles Kamagaté :
Les familles Kamagaté auraient quitté la région
de Begho en compagnie de nombreuses autres familles parmi
lesquelles les Bamba(1), les Timité, les Diabagaté, les
Sogolozo
(ceux qu'on appelle communément les Watara de
Begho et qui étaierit de redoutables guerriers), les Kadyolo.
Voici les raisons de leur départ d'après le récit de l'imam
de Bilimono, Basirakoro Kamagaté(2)
"Notre ancêtre s'appelait Bakari Kamagaté ;
c'était un grand savant;
il enseignait le
Coran à Bégho qui était alors une très
grande ville.
Il quitta ce pays à l'époque
des guerres des Sandi
(Ashanti). Ces derniers
pillaient, brûlaient les villages et rédui-
saient les populations en captivité ; ma
famille prit peur et se joignit à l'une des
nombreuses caravanes qui regagnaient la
région de Kong où la paix régnait - Bakari
évita les grands centres et arriva à Bilimono.
Au moment où Bakari arrivait ici Seku Watara
était mort depuis un certain temps et le
pays était aux mains de l'un de ses fils du
nom de Kumbi Watara. La région de Bilimono
était commandée par un certain Barimo, un
Myoro. C'est auprès de ces derniers qu'il
sollicita l'autorisation de s'installer avec
sa famille ses partisans .•• "
(1) D'après une version gue nous avons recueillie à Pongala auprès
de Badawa Bamba, les Bamba seraient arrivés à Kong sous le règne
de Seku Watara en compagnie d'un chef de guerre du nom de Kunandi.
Ce dernier, dit-on, aurait combattu dans les rangs de Famaghan, le
frère de Seku Watara.
(2) Version recueillie le 26-4-1975 à Bilimono.
202
~près bien des difficultés liées surtout au grand nombre
d'étrangers qui affluaient dans le pays, Bakari, après
avoir payé une forte taxe en or,
reçut l'autorisation de
s'établir dans le pays(1)
et fonda le village de Bilimono.
Ainsi l'exode des Dyula de Begho en direction de
Kong et de Bondoukou commence donc véritablement après
1745. Les travaux de Timoty F. Garrard 'sur Begho tendraient
à confirmer nos recherches sur ce point. Ce chercheur en
effet aboutit à la conclusion suivante :
"On this evidence the rise of Bonduku as
a major trade center would have occured
between 1747 and 1796, and since the Begho
Muslins arrived in the time of Kofi Sono
ft seems that the main exodus from Begho
took place at sorne date between 1747 and
1785"(2).
Au terme de cette étude, on peut donc conclure que
la région de Kong a connu d'abord un peuplement autochtone
probablement entre la fin du néolithique et les premiers
siècles de notre ère. Sur ce fond ancien constitué de
Falafala, Myoro, Gbèn et Nabé se sont ajout~, à partir du
XIVe siècle des apports proto-dyula
(Kalo-Dyula)
et dyula.
La, plupart de ces étrangers sont des Mandé, mais il ne
faut. pas exclure à Kong l'existence d'autres minorités
ethniques, notamment les Hausa sur lesquels nous ne disposons
(1) La tradition de Bilimono parle de deux "kumu" d'or
(deux tas d'or).
Il est difficile de nos jours d'évoluer cette quantité d'or; mais
elle devait représenter une somme importante.
(2) Timoly F. Garrard, Begho : Decline and Fall, travail inédit, Dactylo-
graphié, p.20. Pour les débuts du règne de Kofi Sono, roi de Bondoukou,
voir: F. J. Clozel et R. Villamur, les coutumes indigènes de la Côte
d'Ivoire, Paris, 1902, p.17 ; Delafosse, 1904, p.103 I. wilks in Ajayi
and Crowder, 1971, vol.1, p.377. Tauxier, 1921, p.91, note 5.
203
malheureusement pas de documents precIs mais qui ont joué
incontestablement un rôle de premier plan dans la teinture
liée aux activités du tissage, probablement à partir du
XVIe siècle. Voici donc les éléments de populations qui
vont contribuer à la grandeur de Kong au~XVlle et XVIIIe
siècles.
D. LA DYULAISATION DE LA REGION DE KONG
L'installation des Dyula dans la région de Kong
s'est faite par petites vagues successives: comme le sou-
ligne Binger, leur apparition
"par ici ne se fit pas en masse et ne peut
être comparée à une migration générale :
c'est au contraire par petits lots qu'ils
sont venus •••
très' actlfs et généralement
musulmans,
ils ne tardèrent pas à se créer
de belles situations dans le pays et à
acquérir de l'influence"(1).
La présence des Dyula allait provoquer des changements
sociaux, économiques et politiques. Ils vont tenter d'impo-
ser aux autochtones non seulement leurs traditions mais
aussi et surtout la langue dyula. C'est ce que les tradi-
tionalistes appellent le dyulaya, expression que nous avons
traduite par dyulaisation c'est-à-dire la transformation
des autochtones en Dyula. Cette politique de longue haleine
allait être menée avec beaucoup d'efficacité dès l'instal-
lation des nouveaux venus.
Les autochtones n'avaient
certainement pas conscience du caractère envahissant du
Dyula qui veut modeler à son image l'autochtone qu'il con-
sidère comme un barbare ou pour employer le terme dyula, un
banmana
(animiste).
Dès lors la culture
senufo de la
rég ion de Kong allai t
se réfug ier dar.s les harr,eaux les. plus reculés.
(1) Binger, ~. cit., t.1, p.323.
204
Les
Dyula s'installent
non
seulement à Kong mais
aussi dans les nombreux villages et hameaux de la région.
Voici le portrait du Dyula brossé par Braulot après son
passage à Kong en 1893.
"Le Dioula est de tous les noirs, celui qui
sait le mieux se plier aux exigences du
milieu dans lequel l'a
jeté le hasard. Il
est partout chez lui ; toutefois il conserve
toujours son caractère national. C'est un
cosmopolite par excellence. Actif, intelli-
gent, patient, rusé, prévoyant, sachant
tirer parti de tout, il est né pour le
commerce. Dès sa plus tendre enfance, il
achète, vend et surtout marchande tout ce
qui passe devant ses yeux, sûr d'y trouver
un bénéfice. Il sait taire ses préjugés de
race et son fanatisme religieux quand il
s'agit de ses intérêts. Il reste musulman
convaincu tout en colportant du gin ou en
fabriquant du dolo"(~).
D'après les traditionalistes de Kong, les premiers
Dyula qui fréquentaient le. pays n'avaient. pas, au départ,
l'intention de s'y fixer définitivement. Kong et les autres
centres du pays étaient pour eux des étapes privilégiées
pour leur commerce avec Bégho ou Dienné. Mais à force de
fréquenter ces centres, ils se lièrent d'amitié avec les
autorités des villages animistes, épousèrent des filles du
. pays et obtinrent des dugukorotigi
(chefs de terre) des
terres. pour leurs cultures. Attirés par la richesse et la
beauté du pays la plupart finirent. par s'établir sans
e?prit de retour après y avoir séjourné pendant plusieurs
générations. Comme le souligne Binger, ils ont mis parfois
(1) Mission Braulot, Arch. F.C.M. C.I. III, 3. pp.42-43.
205
"cinquante ans pour doter chaque village
village fétichiste d'une ou deux familles
mandé. Chacun de ces immigrants a organisé
une école, demandé à quelques habitants d'y
envoyer leurs enfants ; puis peu à peu par
leurs relations avec Kong d'une part, les
autres centres commerciaux d'autre part ils
ont pu rendre quelques services au souverain
fétichiste de la contrée, captiver sa con-
fiance et insensiblement s'Immiscer dans
ses affaires ... "(l).
Ain~, progressivement mais sGrement, les Dyula vont
essaimer dans toute la région de Kong en créant leurs
pr~pres quartiers souvent à l'écart des habitations animis-
tes et en imposant aux autochtones la culture manding
fondée sur l'Islam, le commerce et la guerre.
Lorsque l'on interroge les traditionalistes de
Kong, on se rend compte à quel point les autochtones
avaient été fascinés par les Dyula ; et Binger a raison
lorsqu'il écrit:
"y a-t-il un différend à régler, c'est
toujour~au musulman que l'on s'adresse,
d'abord parce qu'il sait lire et écrire,
ensuite parce qu'il a la réputation d'être
un homme de bien en mêm~ temps qu'un homme
de Dieu ... 11 (2).
Ainsi, à partir du XIVe siècle, les Dyula formèrent
des îlots de peuplement mandé dans la région de Kong. Parmi
ces nouveaux venus, les uns apportèrent des traditions
propres au développement du commerce et de l'Islam, les
autres, au contraire, des traditions relatives au commande-
ment et à la chefferie ; ceci nous amène à distinguer sous
(1) Binger, ~. cit., p.327.
(2) Ibidem, op. cit., p.327.
206
l'appellation dyula deux mondes,
le Dyula proprement dit
tourné essentiellement vers le commerce à longue distance
et l'Islam/et le monde Watara tourné, lui, vers le pouvoir,
la guerre,
la possession de la terre i disons quelques
mots sur ces deux groupes
1. - Les Dyula proprement dits
Les Dyula proprement dits ont oeuvré depuis le
XIVe siècle à la formation d'une importante communauté
de langue et d'intérêts, le Dyulaya, dominé par une aris-
tocratie de marchands et de lettrés qui portent le titre
de Silama
(homme de bien, homme pieux par excellence). Ce
monde que nous décrivons ici déteste les frontières;
sa
véritable passion ce sont les affaires qui l'amènent souvent
à abandonner son foyer pour se fixer dans un endroit où le
commerce est plus florissant.
Binger a tort lorsqu'il
affirme que les
"Mandé-Dioula de Kong ont une horreur ins-
tinctive de la guerre, qu'ils considèrent
comme déshonorante quand il ne s'agit pas
de défendre l'intégrité du territoire"(l}.
Le Dyula est à sa manière un nomade et s ' i l est vrai qu'il
n'aime pas être présent sur les champs de bataille,
il sait
habilement tirer profit des guerres en vendant des armes ou
des chevaux aux belligérants.
Le Dyulaya prospèra par métissage avec les popu-
lations autochtones ; les hommes él~usaient des filles de la
région, mais s'opposaient au mariage d'une fille de la commu-
(1) Binger, ~. cit., p.325. Contrairement à ce que croit Binger, la
notion de territoire n'existe pas chez les commerçants de Kong.
207
nauté avec un autochtone, appelé dédaigneusement banmana,
à moins que ce dernier ne renonce à sa religion et à sa
culture traditionnelle pour adopter l'Islam,
la langue et
la culture manding.
Le Dyula proprement dit se considère comme un
étranger
;
il se consacre non seulement au commerce mais à
la diffusion de l'Islam par la création des écoles corani-
ques et la construction des mosquées. c'est au sein de
cette communauté que naitront les célèbres "karamoko" (1)
de
Kong dont la renommée, à partir du XVIIIe siècle, dépassera
les frontières de cet Etat.
Voyons maintenant la seconde fxaction des Dyula,
les Watara.
2.
- Les Watara
Les Watara
représentaient la branche dyula qui aspirait
à la chefferie. Bien qu'ayant du sang mandé, les Watara
n'ont pas le regard tourné vers le Mandé;
ils se réclamaient
au contraire des autochtones Falafala ou Myoro, et c'est
au nom de ces derniers qu'ils prétendaient exercer, d'une
part l'autorité politique et administrative et, d'autre part,
des droits sur la terre
; ainsi, bien que "musulmans",
ils
ont développé pendant de longs siècles les traditions ani-
mistes des populations autochtones.
D'après les enquêtes que nous avons faites, dans
la région de Kong,
le terme watara aurait désigné les pre-
miers envahisseurs qui avaient soumis par la force les
(1) A Kong, le terme Karamoko désigne, le lettr~, l' alim,. le juriscon-
sulte. outre son érudition, le karamoko est censé posséder des pou-
voirs surnaturels : il est ainsi craint et respecté par la population.
208
autochtones de la région. D'après le traditionaliste Labi,
le mot serait d'origine falafala
; il serait formé de
" wa ta"
(force, pouvoir, aut~rité) et " ra " qui signifie
les gens de ou du(l). Les Watara seraient ainsi, au départ,
ceux qui détenaient la force,
le pouvoir.
Lors de la "Table ronde sur les origines de Kong",
le karamoko Labi a apporté les précisions suivantes :
"Le mot Watara,
c'est un mot abrégé
c'est une abréviation,
parce que le fagaman
(le roi)
que les actuels
dirigeantsdu pays ont trouvé ici s'appelait
Lasiri Gbanbélé, le pouvoir qu'il avait
était très grand;
Ils l'ont combattu et
vaincu en un jour. Ils l'ont attaqué et
vaincu. Ils l'ont combattu en un jour. Des
Banmana qui étaient ici eux les appelaient
Wa-ta-ka ; Wa-ta-ka ; en falafala wa-ta-ka
ça veut dire manger cru, celui qui tombe
sur quelqu'un et vient à bout immédiatement,
c'est lui le watara ... " (2).
Ainsi le terme Watara désignerait à Kong, le clan
des vainqueurs,
le clan des dominateurs. C'est ce qui
expliquerait que Seku, de la famille des Kéita ou des
Kuribari de Ka'ba
(Kangaba), après sa victoire au début du
XVIIIe siècle sur le roi Lasiri Gbanmèlè
(ou Gbombèlè)
se
baptisa Watara.
Comme le soulignait l'Imam Marhaba de Bobo, le
mot Watara est un nom de guerrier(3).
Il s'agit en fait d'un
titre honorifique que les populations autochtones en quête
de. pouvoir adoptèrent aisément en guise de dyamu
(nom de
(1) Enquêtes réalisées auprès du traditionalistes Basièri à Kong en
février 1974.
(2) Labi in "Table ronde sur les origines de Kong" A.U.A., série J.,
19 77 '. p. 130.
(3) Marhaba in "Table ronde sur les origines de Kong", A.U.A., série
J, 1977, p.116.
209
famille)
après des siècles et des siècles de brassage avec
les nouveaux venus, les conquérants étrangers.
L'installation des premiers Watara dans la seconde
moitié du XVe siècle a provoqué, comme nous aurons l'occa-
sion de le voir, de nombreux bouleversements sociaux, poli-
tiques et économiques; c'est le début de la formation des
premiers états de la région, mais aussi pour les Dyula
proprement dits, le début d'une ère d'insécurité (razzias
incessantes) et c'est ce qui explique que souvent les négo-
ciants associent le mot watara au brigandage, au pillage et
aux nombreuses taxes.
rI n'est pas rare, au cours des enquê-
tes orales, d'entendre des traditionalistes issus des
milieux commerçants définir le Watara comme l'homme capable
d'arrêter un marchand de sel ou de kola et de lui arracher
injustement une partie de sa charge(1).
En fait, au sein de la grande famille des Watara,
le. pouvoir appartient à une aristocratie guerrière connue
sous le nom de Sunangi qui ne rêve que de guerres de con-
quêtes ou de razzias et qui s'oppose au Silama que nous
avons vu. plus haut. Le sunangiya (société secrète où l'on
forme le Sunangi) est une institution animiste qui est
antérieure au règne de Seku Watara (1710-1745) (2).
(1) Voir à ce sujet la "Table ronde sur les origines de Kong"
A.U.A.,
série J, 1977, p.134-136.
(2) Nous nous expliquerons plus tard à propos des dates du règne
de Seku Watara.
210
CHAPITRE II
LA MCNARCHIE ANIMISTE DE LA FIN
DU XVE SJECLE A1710
l,
LES ORIGINES DU ROYAUME DE KONG
Lorsque l'on aborde l'étude des origines de Kong,
on se heurte à une difficulté: d'où vient le mot Kong? Ce
mot a-t-il une origine dyula ou au contraire une origine
falafala ? La réponse à cette question permettra de savoir
si oui ou non Kong a connu un développement avant l'implan-
tation des Dyula dans le pays.
A.
LES DEBUTS DE LA VILLE
1. - Origine de la ville
En 1975, lors de la "Table ronde sur les origines
de Kong" le lettré EI-Haj Labi Saganogo à déclaré
.•.
"Le
village dans lequel nous sommes
aujourd'hui et qui s'appelle Kong vient
d'un autre village qUI s'appelle Labiné,
oui, Labiné. C'est Gborongo qui était le
chef du village 1
Bon ceux qui étaient à Labiné c'étaient des
bijoutiers, c'étaient des forgerons, c'étaient
des menuisiers, tous ceux-là étaient là
dans le village,
ils s'a~pelaient Falafala,
leur ethnie s'appelait Falafala. Ce sont eux
qui ont fondé ce village. Ensuite,
il y a
un homme qui les a quittés pour venir défricher
la forêt de Kong.
Il s'appelait Dyo, Kapélée
Dyo. Entre Kong et Labiné il y a un kilomè-
tre
( ... ). A ce moment là Dyo qui était
installé à Labiné ne s'entendait pas avec ses
frères.
Il est parti pour venir débrousser
un champ ici. Certains ont quitté leur
village pour venir s'installer avec lui.
Il
leur a d i t :
"Gbon, c'est-à-dire qu'ai-je
fait ? Vous avez quitté votre village pour
venir m'ennuyer
1" - C'est de l~
211
qu'est venu le nom du village:
"Gbon" qui
en Falafala signifie "qu'ai-je fait? -
Vous avez quitté votre village pour venir
me rejoindre ici" (1).
Il semble que Labi soit ici le porte-parole d'un
courant qui attribue la fondation de Kong à un Falafala(2) du
nom de Kapélé-Dyo, une sorte d'ancêtre mythique qui n'a
laissé aucun souvenir precls dans les sources orales : son
départ de Labiné serait lié à des querelles de famille.
Labi
fait vivre Kapélé-Dyo au XIIIe siècle(3). On serait tenté
de croire que les Falafala, peuple agriculteur par excellence,
auraient subi une très forte influence étrangère probablement
ligbi. Cependant, la plupart des traditionalistes qui font
de Kapélé-Dyo le fondateur de Kong, rejettent l'idée selon
laquelle Kong tire son origine du mot falafala "Gbon"
: ils
pensent au contraire que le nom de leur ville vient du mot
"~pan" (gombo en langue dyula) (4).
A propos de l'origine "Kpan" du mot Kong,
il
existe dans le pays un second courant qui donne une version
des faits totalement opposée à celle de Labi. Nous présen-
tons ici celle que nous avons recueillie auprès du notable
Basièr i.
"
Un habitant du Mali avait quitté son
pays pour s'installer à Labiné chez les
Falafala
( .•. )
: c'était un Malinké du nom
de Fasu :
il était accompagné de ses trois
femmes:
il s'adonna au travail de la terre.
Ses bonnes récoltes suscitèrent la jalousie
des Falafala :
il cultivait le gombo (Hibis-
cus esculentus). Comme les gens de Labiné
(1) A.U.A., Série J., 1977, p.66.
(2) Beaucoup de traditionalistes prétendent que Kong a été fondé par
un Falafala de Labiné du nom de Kapélé Dyo.
(3) Voir A.U.A., ~. cit., p.226 ; nous n'avon~ pas pu contrôler cette
date: il faut donc l'accueillir avec réserve.
(4) Voir à ce sujet Bernus, 1960, p.246, note 1.
212
ne l'aimaient pas,
il quitta leur village
et vint faire ses champs à l'emplacement
de la ville actuelle de Kong
; on donna
le nom Kpan à son campement où les gens
venaient acheter le gombo;
telle est l'ori-
gine du mot Kpon
; c'est ce que nous avons
appris auprès des vieux. C'est Fasu qui est
à l'origlne du nom Kpon ... "(1)
Nous devons accorder une attention particulière à la ver-
sion de Basièri. Le terme malien utilisé. par notre infor-
mateur montre que nous avons affaire à un Dyula. La ville
actuelle de Kong a donc été fondée par un Dyula et non
par un Falafala. Cet épisode ~e situerait par conséquent
au plus tôt au XIVe siècle.
D'après la version de Basièri, Kpon ou Kong vien-
drait donc du gombo; selon en effet des information recueil-
lies.par Bernus,
"il Y avait, parait-il de nombreux champs
de gombo, à l'emplacement de Kong"(2).
Il n'est pas invraisemblable que Kapélé-Dyo après
avoir fondé son campement ait accueilli Fasu qui, par ses
cultures de gombo, fit la renommée du pays. Nous sommes
donc ici en présence d'une tradition orale qui rend compte
des origines agricoles de Kong
; cette ville a été proba-
blement au départ un hameau abritant quelques paysans qui
se livraient à la cueillette et à la culture du gombo.
Binger à la fin du XIXe siècle a donné une autre
origine du mot Kpon
;
"l'étymologie de Kong semble itre
"t~te"(3) (capitale) en mandé-dioula" (4) . Cette étymologie
(1) Voir Basièri Watara, volume VIII, bande n038, Abidjan, 1978.
(2) Bernus, ge' cit., p.246, note 1.
(3) La tête se dit Kün en dyula.
(4) Binger, ge. cit., t.1, p.294, note 1.
213
n'est,pas en contradiction avec ce que nous savons des
origines de Kong ; elle incarne au contraire les métamor-
phoses subies par le hameau de Fasu à travers les siècles.
L'étymologie donnée par Binger correspond à l'époque où
Kong est devenue la métropole commerciale du monde dyula
c'est en effet sous le terme "Kun" (tite
en dyula) que
la ville de Kong est connue à l'extérieur dans la plupart
des sources écrites. L'imam Marhaba a utilisé parfois le
terme "Ghum" à la place de "Kun"(1). Il a écrit en effet
en 1960 le Tarikh Mamalaka al Watarayiyin Ghum(2).
2. - La date de fondateur de Kong
a) Remarques sur les sites de Kong
Les étymologies que nous venons de voir tendent à
prouver que Kong a connu plusieurs e~placements liés à
son développement; d'après les sources orales actuelles
on, peut en retenir au moins trois, le hameau de Kapélé-DYO,
le hameau de
Fasu et l'emplacement du Kong actuel. Le site
des campements de ces deux personnages échappe totalement
aux traditionalistes qui affirment que la ville de Kong
n'a pas changé d'emplacement depuis sa création
à notre
avis ces traditionalistes parlent du dernier site de Kong
et notamment de la partie habitée par les nouveaux venus,
les Dyula ; il faut attendre les résultats de l'archéologie
,pour avoir une idée des quartiers animistes situés proba-
blement dans la zone occupée par les locaux de la Sous-
Préfecture et de la Gendarmerie de Kong. Des fouilles ont
lieu à ces endroits mais au moment de la rédaction de ce
(1) Dans les traditions orales du Gonja "Kun" est rendu par Kumu ou
Ghumu ; voir à ce sujet les enquêtes orales réalisées en pays
Gonja par R.B. Hall en 1929 ; cL, Goody, 1954, p.56.
(2) I.A.S'.A.R./454 (Université d'Accra, Legon).
'
214
'ch?pitre aucune date n'a encore été publiée.
Nous pensions que les sondages réalisés à Labiné
allaient nous fournir des données chronologiques sur ce
site qui,à notre avis est plus ancien que celui de Kong.
Il est possible que le site actuel de Labiné ait été un
"faubour~ de Kong o~ habitaient les artisans, les Loron
disparus depuis le passage de Samory dans la région"(1)'
.
J
mais nous croyons qu'il n'a rien à voir avec celui des
autochtones qui étaient essentiellement des "cultivateurs
animistes" (2)
et non des artisans.
Il parait hasardeux de réduire Lab1né à un faubourg
de la ville de Kong o~ se ré~ugièrent les vieux "qui ont
refusé de se convertir à l'Islam"(3). Les sondages de
Labiné doivent se poursuivre ; ils ne semblent pas avoir at-
teint les sites falafala et les résultats qu'ils offrent
aujourd'hui ne nous renseignent pas sur les débuts de Kong.
Il ?pparait cependant, qu'à partir des résultats des fouilles
archéologiques des pays voisins
(Ghana)
et des documents
écrits et oraux, l'on puisse se faire une idée des débuts
du développement de la ville dyula.
b) Les débuts de la ville dyula
Binger écrit en 1890, après son passage à Kong
"Voici ce que j'ai appris: Kong aurait
été fondée à la même époque que Djenné
(1043-44). Ce n'est pas impossible, mais
(1) Diabaté, ~. cit., p.72. Les Loron ne sont pas des autochtones
de Kong ; ils représentent une fraction des Numu (forgerons).
(2)
Ibidem,
~. cit.,
Annexes, texte C, p.IV.
(3)
Ibidem,
~. cit., p.72.
215
j'en doute fort,
car dans aucune histoire
arabe il n'est fait mention de l'existence
de cette ville . . . 11 (1).
On ne peut pas suivre Binger sur cette derni~re
voie
le fait que Kong n'est pas mentionné dans les sources
arabes ne signifie pas que la ville de Kong n'a pas été
fondée au XIe siècle. En fait il parait impossible de
co~parer la date de fondation de Kong avec celle de Dienné.
Cette dernière ville avait dans le passé changé plusieurs
fois de sites. D'après Es-Sa'di le dernier site daterait
du milieu du Ile siècle de l'Hégire
(so,it vers 770)(2). Or,
nous avons vu que la ville actuelle de Kong semblerait avoir
été fondée par un Dyula au XIVe siècle. La comparaison entre
Kong et Dienné n'a de sens que sur le plan du développement.
Au XIVe siècle Dienné était encore une bourgade sans grande
i~portance. Le texte du Tarikh el-Fettach nous éclaire
suffisamment sur ce point à l'époque de' la domination des
rois du Mali
Le chef de Dienné
lIétait un des serviteurs les plus humbles
du MallikoI
(roi du Mali)
et un de ses
fonctionnaires les plus infimes.
Il vous
suffira pour vous en rendre compte de savoir
qu'il n'était admis qu'en présence de sa
femme, c'est-à-dire de la femme du MallikoI,
que c'est à elle qu'il versait l'impôt de la
région de Djenné et qu'il ne voyait jamais
le MallikoI II (3).
( 1 ) Linser, op. cit., t.I, p.323.
auprès d'El-Raj-Oumar Coulibaly, vol. II, bande~no25.
(2 )
Tarikh eS-Soudan, 1964, p.23.
( 3 ) Tarikh el-Fettach, 1964, p.65.
216
En 1352-1353, la ville de Dienné n'attira pas
l'attention du grand voyageur Ibn Battûta(1). Ce silence
constitue un argument de poids en faveur d'un développement
tardif de Dienné.
Nous savons aujourd'hui que la. période initiale
du développement de Dienné se situe à la fin du XIVe siè-
cle(2). C'est donc à ce niveau qu'il conviendrait de situer
la comparaison entre Kong et Dienné et de retenir les
sources orales qui n'hésitent pas à dite que la métropole
dyula a "le mime Sgen que Dienné. Le marabout Labi Mamadou
Saganogo apporte mime cette précision "Dienné n'a que trois
ans de moins que Kong" (3). Fondée probablemen t au début du
XIVe siècle Kong dut connaître un début de développement
vers la fin du XIVe siècle. La richesse du pays en or et la
. proximité des riches plantations de kola de l'Anno firent
de la ville un centre commercial important au XVe siècle.
Nous somme persuadé
que l'importance de Dienné à cette date
fut étroitement liée à l'exploitation des mines d'or de Kong
et au commerce de la kola que les Dyula faisaient venir
des. pays forestiers. Kong au XVe siècle était devenue une
zone de rupture de charges entre la boucle du Niger reliée
au monde saharien et méditerranéen et les, pays forestiers
riches en noix de kola et en or. La création de Begho dans
la. première moitié du XVe siècle au sud-est de Kong finit
par transformer cette dernière localité en un grand carre-
four commercial entre les mines d'or dites de Bitu (groupe
Côte d'Ivoire - Ghana) et les pays soudanais.
(1)
Ibn Battûta in, Cuoq, ~. cit.,. p.296-315.'
(2) Voir Wilks, 1962, p.338-9
1966, p.13 ; 1971, p.356.
(3) Labi Mamadou, Abidjan, le 8 juillet 1974.
217
L'histoire des Dyula de Kong débuta ainsi vérita-
blement entre la fin du XIVe sièc~e et la première moitié
du XVe siècle. Elle allait se poursuivre à travers de nom-
breuses péripéties jusqu'à la fin du XIXe siècle. Nous
allons essayer de la cerner à travers les sources orales
et écrites.que nous avons présentées.
218
B. LES PREMIERES CHEFFERIES
1.
- Les origines de la première chefferie
L'apparition des premières chefferies à Kong pose
des problèmes; les sources orales que l'on peut recueillir
à ce sujet sont souvent contradictoires. Bernus dans son
étude, "Kong et sa région" retient l'hypothèse d'un pouvoir
mossi à Kong. Que faut-il penserdec.e.tte.i1ypothèse.
a) L'hypothèse d'une monarchie mosi
Beaucoup de traditionalistes de Kong disent que
les premiers rois qui régnèrent à Kong étaient des Mosi(l),
!~ais ces récits ne sont pas très cohérents ; Bernus qui a
séjourné à Kong adopte ces versions, il écrit à ce sujet:
"Depuis longtemps, sans doute, des commer-
çants venus du nord avaient parcouru la
région; c'est à leur suite que vinrent s'ins-
taller les preniers étr~ngers. Un Mossi,
du nom de Banankoro BaIa, ayant quitté la
région de Ouagadougou ~ la suite d'une querel-
le de faQille, vint à Ténégéra ( ... ) où
il fut reçu par un Falafala nommé Kouma,
dont il épousa la soeur. Un enfant naquit de
cette union et reçut le nom de Dabila. Au
pays mossi, sept frères de Banankoro BaIa
particent à sa recherche et vinrent le trouver
à Ténégéra. Grâce à leur connaissance de
secrets et de charmes magiques, la petite
colonie mossi prit de plus en plus d'ascen-
dant sur les chefu.locaux, et bientBt Banankoro
BaIa devint le chef de Ténégéra et eut le
commandement de tous les villages voisins.
(1) Cette thèse est défendue par des membres de la cour royale de
Kong: voir Bernus, ~. ~., p.247.
219
A Kong également, un chef d'origine voltai-
que(l), Lasiri Gombélé, avait pris le pouvoir.
Après avoir quitté son pays,
il se fi~e
d'abord à Faranikan(2)
et de là,
il vint
s'installer à Kong,
trois ans après l'arrivée
des Mossi à Ténégéra ••• "(3).
Dans le texte qu'il consacre à Maghan o~ Dé Maghan,
le grand~père de Seku Watara, Bernus signale que ce dernier
se lia d'amitié dans la région de Bobo-Dioulasso avec un
marchand du nom de "Daou Dabila" et ajoute :
"ensemble ils arrivent à Ténégéra ou règnait
Dabila, le fils de Banankoro BaIa, venu du
Mossi. De Makha
(Dé Maghan)
loge chez lui
alors que ses compagnons vont à Kong.
Il
fait la connaissance de la fille de Dabila
nommée Matagaré qu'il veut épouser •••
l'union a lieu et un fils nait, Fatièba •.• "(4).
L'auteur évoque ensuite la guerre entre Seku le
fils de Fatièba et Lasiri et écrit :
"Sekou se dirige ~ur Kong
: il est vainqueur,
Lassiri Gombélé a la t@te tranchée" (5) •
Les textes que nous venons de citer appellent des
remarques importantes :
(1) Dans ce travail nous soulignons
certains passages essentiels.
(2) Faranikan, canton de Sinématiali, subdivision de Korhogo.
(3) Bernus, ~' cit., p.247.
(4) Ibidem, ~. cit., p.248.
(5) Ibidem, ~' cit., p.249.
220
1°/ Il faut dire que les termes Banankoro, BaIa
et Dao ou Dau n'ont jamais caractérisé l'ethnie mosi. A
Ouagadougou d'ailleurs, où nous avons mené des enquêtes
en 1977 et en 1979, les notables de la région sont assez
perplexes quand on leur parle des Mosi qui auraient régné
vers le nord-est de la Côte d'Ivoire, à Kong et à Ténégéra.
Le terme Banankoro semble tirer son origine d'une forêt
sacrée où avait lieu le Do'o
(Poro) des Falafala i
il
désignait à Kong le quartier des masques situé non loin de
la grande mosquée. A notre avis le personnage Banankoro
BaIa
(s'il a existé)
serait d'origine falafala et non mosi.
2°/ Il ne semble pas qu'il y ait dans l'histoire
de la région de Kong deux Dabila, mais un seul, le Dao
Dabila qui fut à l'origine de l'installation de Dé Maghan
à Ténégéra.
3°/ On ne peut pas se fonder sur le nom Gombélé
ou Gbanmèlè pour affirmer que ce mot est d'origine mosi.
Bernus évite d'ailleurs le terme mosi et qualifie Gbombélé
de chef d'"origine voltaïque". Nous pensons que les termes
Gombélé, Gbombélé ou Gbanmèlè n'ont aucune consonnance mosi
ce mot pourrait tirer son origine soit du Do'o falafala
soit du mot dyula gbanmèlè
(albinos). Dans le premier cas
on peut se référer au fait que le terme Gbombélé désigne
une partie importante des masques du Poro dans la phase du
"Kworo", celle qui prépare précisément les adolescents à
constituer "la pr~mière ligne d'attaque en cas de guerre"(1).
Quand on connaît l'importance du sunangiya
(l'art de la guerre)
dans l'histoire de Kong,
i l n'est pas impossible que le Gbom-
bélé ait été le symbole de la dynastie animiste de Kong.
(1) Ouattara Tiona
1977, p.83.
221
Nous savons aussi que les descendants de Seku craignaient
les albinos de la famille de Lasiri Gbombélé.
Nous citerons un incident survenu à Kong vers
1920 ; vers cette date, Babaliè, un arrière-petit-fils
de Lasiri Gbombélé donna naissance à deux jumeaux gbanmèlè
(albinos)
Diato et Basori Ulé à Subaganyidugu
(quartier de
Kong). Les princes de Kong de la descendance de Seku tinrent
un conseil de guerre sous la direction de
la Moriba le roi
de Kong et obligèrent le père à exiler ses deux enfants
,pour éviter que la prophétie qui dit qu'un descendant al-
binos de Lasiri prendra le pouvoir à Kong, se réalise(1).
Ce dernier fait tend à prouver aussi l'importance
des gbanmèlè dans la dynastie qui a précédé celle de Seku
Watara.
A notre avis, le Gbombélé
(masques)
et le Gbanmèlè
albinos)
ont probablement caractérisé la dynastie animistie
qui a régné dans le pays avant l'avènement de Seku Watara
le terme Lasiri est d'ailleurs un mot d'origine dyula qui
signifie
descendance, dynastie ; le nom Lasiri Gbanmèlè
ou Gbambélé ne désigne donc pas une personne en particulier,
mais toute une dynastie de rois animistes ; ce fait apparaît
d'ailleurs dans les textes de Bernus que nous avons présen-
tés plus haut et qui nous donnent le tableau des personnages
contemporains de celui qu'on nomme communément Lasiri
Gbanmèlè ; ce personnage est connu dans les sources écrites
sous le nom de Nien ou Nya qui est le diminutif de Nyama-
kurugo,
la grande divinité de Kong.
Voyons le tableau suivant.
(1) Basièri Ouattara, volume VI, 7-3-78, Kong bande N°37.
222
contemporain de Banankoro BaIa
Lasiri Gbanmèlè
(arrivé trois ans au paravant à
Ténégéra)
Lasiri Gbanmèlè
(de-
contemporain de Dabila(fils de
vient roi de Kong)
Banankoro)
Contemporain de Matagari
(fille de
Dabila,
.
épouse de Maghan
Lasiri
Lasiri Gbanmèlè
Gbanmèlè est don contemporain de
Haghan Grand-père de Seku Watara)
contemporain de Tyèba
(fils de
Lasiri Gbanmèlè
Haghan, petit-fils de Dabila)
contemporain de Seku Watara
(petit-
fils de Maghan, arrière-petit-fils
Lasiri Gbanmèlè
de Dabila et arrière-arrière-petit-
fils de BaIa)
Résumons le tableau
Banankoro BaIa
(contemporain de Lasiri Gbanmèlè)
1Dabila
-r-
Matagari + Dé-Maghan
L
rSeku Watara (contemporain de Lasiri).
(XVIIIe siècle)
223
Nous avons donc cinq générations entre Banankoro
BaIa et Seku Watara ; si nous prenons une moyenne de 30
ans,par génération cela couvre une période d'au moins 150
ans.
Il est invraisemblable qu'une personne ait pu vivre
tant d'années. Sous le nom de Lasiri Gbanmèlè se cache
donc
une partie de l'histoire des rois aniMistes de Kong.
4°/ Il nous faut nous pencher maintenant sur
l'existence ou non d'une colonie de Masi à Kong. D'après
Bernus, le chef d'origine voltaIque q~'il appelle "Lasiri
Gombélé" serait arrivé à Kong trois ans après l'installa-
tion de Banankoro BaIa à Ténégéra
ce délai correspond
à notre avis à la durée de l'exil d'un souverain mosi bien
connu, Naba Kângo du Yatenga ; nous savons en effet
qu'après la mort du Naaba Pitiyo en 1745, c'est le Naaba
Kângo qui lui succède ; mais
"il est à peine nommé qu'un coup de force
le dépossède de son trône ; Naaba Wobgo
fils de Naaba Ngoobo, chef de Kosuka,
puis de Wonsom, prend le pouvoir ..• Pendant
-trois années, de l754 à 1757, Naaba Kângo
et ses compagnons vont vivre en exil ••• "(1).
Chassé du Yatenga,
trois cités vont eX~l~er sa curiosité,
Ségou, Bobo-Dioulasso et Kong,
"Naaba Kângo les visitera"(2).
Ce roi qui baignait "littéralement dans le monde des devins,
des charlatans de toutes sortes ••• "(3)
est à l'origine des
colonies mosi qui subsistent confusément dans les sources
orales et qui sont postérieures à Seku Watara mort vers
1745 comme nous l'avons vu.
Il faut donc rejeter l'hypo-
thèse selon laquelle la première chefferie de Kong fut une
(1)
Iz~rd, Les Archives orales d'un royaume africain, T.1, Vol.5, P.1500.
(2)
Ibidern,~. cH., p.1497.
(3)
Ibidem,~. cit., p.1501.
224
chefferie mosi
les Mosi ne s'installent dans la région
de Kong, qu'à la suite de l'exil de Naaba Kângo, vers
le milieu du XVIIIe siècle.
5 °/
Le dyamu des premiers rois.
Nous avons à opposer à la thèse de l'origine d'un
roi mosi à Kong, un argument de poids. Toutes les sources
orales recueillies en Côte d'Ivoire et
au Burkina-Faso
affir-
ment que les premiers rois qui régnèrent à Kong portaient
le dyamu Tarawéré.Nous n'avons donc pas affaire à un Mosi,
mais à un Dyula comme nous allons le voir.
b)
L'hypothèse d'une origine dyula
Une enquête pousée dans la région de Kong et dans
les pays qui autrefois furent soumis aux Watara montre que
les. premiers maîtres de Kong furent en réalité des Senufo-
dyulaïsés, les Tarawéré. Pour notre étude nous avons
sélectionné quelques textes recueillis soit en Côte d'Ivoire
soit
au Burkina-Faso.
1°/ La version de Basièri Ouattara(l) Côte d'Ivoire
"
Le nom Watara a été porté avant seku ; les
étrangers qui l'ont porté sont des Samasoko;
ce sont des animistes ; ils travaillaient
le fer et le cuivre ; ils sont cependant
distincts des Numu
(forgerons traditionnels).
Les Samasoko ont pour spécialité la fabri-
cation des lances que nous appelons "tamba";
ils fabriquaient aussi des flèches,
c'étaient
(1) Basieri Ouattara, volume 2, bande n010, Kong, 1976.
225
de redoutables guerriers . . . A Kong, avant
Seku Watara, personne ne pouvait fabriquer
un tamba sans l'autorisation des princes
samasoko i
les autochtones les appelaient
Watara mais le vrai dyamu des Samasoko est
Tarawéré •.. ".
2°/ La version de Mamadou Labi
(Côte d'Ivoire)
,
1
1
..
Les hommes qui ont fondé la première
"1
chefferie à Kong sont des Busanga(1)
i
ces
derniers au cours d'une guerre contre le
Songai furent vaincus.
Ils se refugièrent
à Kirango(2), puis traversèrent le terri-
toire actuel de la Haute-Volta et s'instal-
lèrent à Kong. tes Busanga portaient le
dyamu Tarawéré i
ils comprenaient deux groupes
les Serisuma
(Selsuma), musulmans et commer-
çants et les Tarawéré proprement dits,
guerriers animistes
ice"sont ces derniers
qui s'imposèrent aux autochtones falafala
qui les baptisèrent Watara •.. "
3°/ La version recueillie au Burkina.,...Faso
(3)
..
Les vieux de chez nous racontent qu'avant
le règne de Seku Watara le pouvoir apparte-
nait aux Samasoko i ces Samasoko étaient
originaires de la région de Dienné i après
leur installation à Kong on les baptisa
Tondo - Sama car ils tuaient les éléphants
avec leur tamba ; ce sont les Samasoko qui
ont créé la première chefferie animiste de
Kong
i
ils ont été absorbés de nos jours
par les descendants de Seku Watara et les
populations du Dyimini. En vérité les Sama-
soko appartiennent au dyamu Tarawéré ••• ".
(1) Les Busansé (pluriel de Busanga) ne semblent pas avoir été mêlés à
l'histoire de Kong.
"
(2) Kirango est situé sur la rive droite du Niger à une trentaine de
kilomètres au nord de ségou.
Labi, volume 2, bande n03, Abidjan 7 juillet 1974.
(3) Versions recueillies à kotédougou en 1979, auprès d'El-Haj Diané,
volume XIII, bande nOSO.
226
L'analyse des trois textes fait ressortir
1°/ que les populations animistes qui se récla-
maient du dyamu Tarawéré étaient des Samasoko, des forge-
rons.
2°/ que les Samasoko sont originaires de la région
de Dienné.
3°/ que le départ des Samasoko pour la région de
Kong est dG à une guerre contre le SongaI. Ce dernier fait
est capital, car nous savons en effet, grâce aux chroniques
soudanaises, que les Samasoko avaient constitué au XVe
siècle des petits états indépendants, notamment dans la
reglon du Bara
(région des lacs)
et contrôlaient l'axe
commercial Dienné-Tombouctou, le nerf moteur de l'économie
du SongaI(1). Sonni Ali fut obligé à partir de 1468, de
livrer des guerres sans merci contre les clans forgerons
et notamment contre les Samasoko qui, entre Tombouctou
et Dienné, se livraient au brigandage, coupaient les
routes, dévalisaient les marchands, les faisaient prison-
niers ou les assassinaient(2).
Le Tarikh el-Fettach nous relate ces guerres
meurtrières que Sonni Ali livra contre les clans forgerons
~près sa victoire sur ces derniers, il fit exécuter la
pl~part des principaux responsables pour les empêcher de
réunir de nouvelles troupes et de commettre de nouveaux
méfaits(3). C'est probablement à la suite des victoires
(1) Voir Kodjo (N.G.)
"contribution à l'étude des tribus dites serviles
du Songai", Bulletin de l'LF.A.N., série B, n04,
1976, Pp.792-796.
(2) T. el-F., 1964, p.112.
(3) T. el-F., 1964, p.255.
227
de Sonni Ali que les Samasoko quittèrent le Songai pour
gagner les pays du sud riches en or et en noix de kola. La
ville de Kirango mentionnée par Labi p~urrait être une des
étapes des Samasoko dans leur mouvement
vers Kong; c'est
donc après 1468 que les Samasoko, guerriers et forgerons
animistes,
font leur apparition dans la région de Kong. A
Kong même on leur attribue la création du quartier Tyènogora,
à.proximité de la grande mosquée de la ville.
La guerre de Sonni Ali contre les Samasoko, an-
cêtres de la première monarchie des Watara de Kong, est
probablement à l'origine des versions erronées recueillies
par Meyerowitz au Ghana et selon lesquelles une première
ville de Kong, capitale du royaume de Kumbu situé dans
les falaises de Banfora
(Burkina-Faso)
et fondé au XIe siècle,
aurait été détruite par les Songai en 1470 et ce fut plus
tard que
lI ano ther Kong,
situated sorne 150 miles from
the former,
rose to pre-eminence in the 17
th century •.• lI(l).
Sous le vocable Tarawéré, on distingue deux groupes,
les marchands musulmans
(les Selsuma) et les guerriers
animistes
(les Samasoko connus aussi sous le nom de Watara).
L'installation des premiers remonte certainement à une date
très ancienne;
ils ont contribué à la création du quartier
Kéréu, le quartier des dugutigi
(chefs de village)
; il ne
semble,pas qu'ils aient véritablement donné naissance à un
masaya (royaume)
; l'existence de ce dernier est à attribuer
aux Samasoko.
(1)
voir à ce sujet: Meyerowitz, Akan traditions of or~g~nSI
London, Faber and Faber, 1952, voir aussi. ~our le même auteur The
sacred state of the Akan, London, Faber and Faber, 1952. Cité par
Bernus, ~. cit., p.249.
228
2.
- Les débuts de la première dynastie connue
Kong semble cependant avoir connu un début d'orga-
nisation politique dès le début du XVe siècle. Le manuscrit
n012,
folio 1,parle d'un pouvoir Watara à Kong vers 810 de
l'Hégire
(1407). Nous ne disposons malheureusement d'aucune
information sur cette formation politique.
Quoiqu'il en soit,il ne semble pas que l'on puisse
parler de masaya avant la prise du .pouvoir.par les Tarawéré
animistes, les Samasoko.Peut-on proposer une date pour la
mise en place de ce masaya ? Il est difficile de donner des
dates. précises quant à la fondation d'un royaume; ce der-
nier est en effet le résultat d'un long processus; nous
pensons qu'il ne fut véritablement en place qu'à la fin du
XVe siècle ou au début du XVIe siècle ; voici le point de
vue de l'imam de Bobo-Dioulasso EI-Haj Ma~haba :
"Les Tarawéré sont des musulmans, pour con-
naître le moment où ils ont institué leur
masaya on a compté les pierres que l'on a
trouvées chez eux ; ces pierres étaient dans
un sac en peau ; les Tarawéré sont venus
les verser devant l'imam Buraba qui les a
comptées, l'imam Buraba était l'homme le
plus instruit à cette époque et il a trouvé
260 pierres. Nous savons donc que leur
royauté n'a duré que 260 ans ... Seku Watara
a pris
le pouvoir sept jours après la mort
de leur dernier roi.~. le pouvoir des Tara-
wéré remonte à 1464"(1).
Les années dont parle Marhaba sont des années de
l'Hégire soit 252 ans environ. Ce texte est important pour
trois raisons
(1) Marhaba, volume XII, bande n048 Bobo,1979, ;
229
1°/ Il montre que les Tarawéré ont régné longtemps,
même si nous ne devons pas prendre à la lettre les 252 ans
donnés. par l'imam de Bobo-Dioulasso.
2°/ Il confirme le fait que Seku Watara succéda
à un roi tarawéré et non à un souverain mosi.
3°/ Le nombre d'années attribuées à la dynastie
des Tarawéré tend à prouver que l'imam Marhaba était cons-
cient du fait que le règne de Seku Watara débuta au début
du XVIIIe siècle.
La date 1464 donnée par Marhaba correspond en fait
à l'avènement du grand souverain Songa! Sonni Ali
(1464-
1492)
; c'est le début probablement du départ des Samasoko
du Songai .
En février 1979, Marhaba nous a confié ceci
"
Les vieux disent souvent que le premier
roi qui régnait à Kong s'appelait Bokari ;
c'était un tyran; peu de temps après son
avènement arriva à Kong un savant du nom de
Muhammad Sanogo ; il était originaire de
Begho ; ce savant ne put s'établir à Kong à
cause des atrocités de Bokari ; il partit
à Dienné o~ il connutla gloire ... "(1).
Cette information fournie par Marhaba est capitale,
nous savons en effet grâce au Tarikh es-Soudan d'Es-Sa'di
qu'un jurisconsulte du nom de Fudiya-Muhammad-Fudiki Sanu
1
(Sanogo) ou (Sagu) El-Mankari
s'était installé à Djenne
(1) Notes prises en 1979, au domicile de l'imam Marhaba.
230
à la fin du XVe siècle, probablement peu avant le
pèlerinage du souverain songai Askia Muhammad l
(1493-1528)(1)
vers 1495. Bien entendu, nous ne savonS pas depuis combien
d'ann~es Bokar' Watara occupait le trône lors du passage de
Muhammad Sanogo. Mais nous pensons que les conqu~rants
Samasoko n'~taient pas encore solidement implant~s au
Songai avant 1470 environ. Les nouveaux venus allaient en
effet mettre sur pied une arm~e avec des éléments autoch-
tones. C'est donc probablement à,partir de 1490 que la mo-
narchie taraw~ré fut mise en place. Au moment où Muhammad
Fudiya,passait à Kong le roi
Bokar
Watara exerçait le pou-
voir d~puis quatre ou cinq ans environ. C'est ce qui expli-
querait le long
règne dont parle Marhaba. Les Tarawéré
~
allaient ainsi regner à Kong depuis la fin du XVe siècle
jusqu'au d~but du XVIIIe siècle, soit,plus de deux siècles
de domination.
Que
s'est-il pass~ entre la fin du XVe et le
d~but du XVIIIe siècle ? Quels sont les souverains qui ont
marqu~ cette longue période?
Nous avons perçu au cours de nos recherches que
l'histoire de Kong avant Seku Watara, était dominée par
deux grandes familles,
la famille de Gborogo et celle de
Bagi ou des Lasiri Gbombélé qui gardèrent le pouvoir pendant
150 ans environ, soit de 1560 à 1710 ; la première famille
(1) T. es-S., 1964, p.30 ; ce jurisconsulte fut nommé Cadi de Dienné
~près le pèlerinage de Askia Mohammed le du Songai (1495-1497) :
cf. T. es-S., p.32-33 ; p.121.
231
semble avoir dominé le pays de la fin du XVe siècle
(1490)
à 1560
; cette dernière période relativement éloignée
ne semble. pas avoir laissé des souvenir~précis dans la
mémoire des traditionalistes.
Seul le souverain Bokar a
laissé des souvenirs relative~ent précis dans certaines
sources orales. Nous allons donc nous attarder sur l'époque
des' Lasiri, constatant qu'une grande partie de l'histoire
de Kong demeure dans l'ombre.
232
II. LA PERIODE ANIMISTE CONNUE
A. BOKAR ET LES FONDEMENTS DU POUVOIR
ANIMISTE (1490-1520 ?)
Le
souverain animiste connu dans les sources orales
de Sokolo sous le nom de Bokar s'appellerait en réalité
Bokar ben Usuf(1). Il naquit d'un père samasoko (Tarawéré)
et d'une mère falafala présentée souvent sous les traits
d'une magicienne d'oü son surnom de Dyo-Noya (Noya la
prêtresse). Elle apparaît dans certaines sources orales de
Sungaradaga sous le nom dyula d'Aminata(2).
Nous connaissons mal le souve~ain Bokar que
l'imam Marhaba décrit comme un prince tyrannique. L'infor-
formation qu'il nous donne permet par recoupement avec
le Tarikh es-Soudan de situer les débuts de son règne vers
la fin du XVe siècle. Si comme le prétend Dyamila, il
était jeune quand il prit le pouvoir on peut supposer qu'il
régna jusqu'au début du XVIe siècle. Ce que l'on peut
affirmer c'est que son règne marqua profondément la société
de cette époque. C'est ce qui expliquerait que certains
traditionalistes lui attribuent la création de toutes les
institutions politiques, notamment les sociétés secrètes
qui allaient constituer pendant plusieurs siècles la base
essentielle du pouvoir royal animiste.
Nous avons vu que les sources orales actuelles
concentrent toute la période animiste sur le seul règne du
roi animiste de Kong, Lasiri Gbombélé ; tout se passe comme
(1)
Informations recueillies en mars 1979 auprès de Marhaba)voir aussi
Dyamila Ouattara (Sokolo, 25-12-1976).
(2) Soma Ali, Sungaradaga
(avril, 1979).
233
si ce souverain avait r~gn~ environ 150 ans. En r~alit~
nous connaissons assez mal la longue ~tape qui s~pare les
premiers rois animistes de Lasiri Gbornbélé : le fait essentiel
qui a marq~é cette époque et qui retient l'attention de cer-
tains traditionali~tes actuels est le DO'o, le fondement de la'
monarchie des Taraw~r~ de Kong. Voyons donc cette institution.
1. -
Le 00'0
Binger à la fin du XIXe siècle nous parle des Dou
(Du)
il applique ce terme à des personnages charg~s
d'assurer la s~curit~ dans les rues de Kong à partir de
dix heures du soir
~ ce mot signifierait en dyula "rentre"(1)."
Not~e explorateur ne nous donne malheureusement pas des
informations pr~cises sur ces Du qui font la police dans
les rues de Kong
~ il ne nous dit pas d'où ils viennent
et comment ils sont recrut~s ~ appartiennent-ils à une
soci~t~ secrète ?
Marchand a remarqu~ lors de son séjour à Kong, qu'il
existait en fait dans le pays une "association des Dou" et
il précise que cette organisation
"constitue à cat~ du parti musulman pour
les autochtones islamis~s survivants de
la conquête dioula, une des trois grandes
puissances de Kong"(2).
(1) Binger, ~. cit., t.l, 1892, p.303.
(2) Fonds Terrier, Bibliothèque de l'Institut de France
manuscrit
n05930 (1).
234
Marchand souligne par ailleurs qu'il avait été invité a
adhérer au "Dou" et qu'il avait refusé. Les éléments
autochtones islamisés survivants de la conquête dyula
dont parle Marchand ne sont en réalité que nos Sunangi qui
ont pris un vernis islamique à partir du règne de Seku
Watara. Les Suœmgi possèdent en effet une société secrète
a~pelée 00'0 qui se manifeste par plusieurs masques dont
les plus importants sont le Gba ou Gbo et le Kodali,
masques qui caractér isent précisément le "I<\\o~ro" des Tiembara
de Korhogo,
l'une des phases essentielles du Poro
senufo.
C'est au cours de cette phase que les jeunes gens acquièrent
le sens de la vie communautaire et
(" cons tituent la
première ligne d'attaque en cas de guerre") (1).
Le 00'0
est probablement une forme archaïque du Poro
;
il a subi
fortement l'influence des guerriers et des chasseurs
Samasoko. C'est en effet au sein du 00'0 qu'a lieu la for-
mation des St~gi (2). Le 00'0 sous l'influence des nouveaux
venus a revêtu un caractère militaire;
il a joué incon-
testablement un rôle dans la formation de la monarchie
animiste de Kong
;
il a été au coeur de la formation sociale
et politique à Kong.
Il a créé tôt des relations très
étroites entre les familles autochtones et les villages de
la région.
Il a créé aussi des structures sociales très
hiérarchisées, celles des fa
(pères, aînés)
qui détiennent
l'autorité et celle des dêin (enfants, cadets) (3). C'est
autour ne ces deux notions fondamentales que s'est organisée
la Monarchie de Kong qui incarnait ainsi au départ l'animisme
à l'ellColltre de l'Islam.
(1) Tiona Ouattara, Les Tiembara de Korhogo ••• 1977, p.83.
(2) Pigneba Ouattara, bande nOG, dossier 1 Ouangolodougou, 1974.
(3) La notion de
fa est assez complexe; elle n'est pas toujours
liée à l'âge; en Afrique, du fait de la polygamie, il n'est pas
rare de voir un fa plus jeune qu'un déin.Nous reviendrons sur cette
question sous le règne de Seku.
235
2. - Le Ton-Dondaga
Le Do'o semble avoir coiffé une autre société
secrète, celle des Dandaga
(chasseurs) .; cette dernière qui
existe encore de nos jours semble avoir précédé la création
du
Suœmgiya proprement dit ; on connaît en effet le rôle
important que jouent les chasseurs en période de guerre,
pour assurer la sécurité de la population (1) .
Cette association des chasseurs se retrouve au-
jourd'hui chez les descendants des Myoro. Les Myoro semblent
ainsi avoir été la première population d'origine sénufo
touchée par la colonisation dyula. En effet, les sources
orales que nous avons recueillies montrent que les techniques
de la chasse furent enseignées aux autochtones falafala par
une fraction des Samasoko appelés communément les Tondon-
Sama
(les piqueurs d'éléphants) (2).
L'initiation
du futur chasseur ressemble en gros à celle
du Sunangi que nous verrons plus loin ; elle a lieu dans
la brousse par l'intermédiaire d'un maître appelé Kundigi,
véritable génie de la forêt qui connaît parfaitement les
vertus des plantes qui, soit écartent les dangers, soit au
contraire attirent le danger et le mal. L'éducation du jeune
chasseur dure longtemps et passe par différentes phases; dès
son jeune âge il est astreint à des ablutions quotidiennes
à base de plantes pour lui permettre de surmonter les obs-
tacles qui se dresseront plus tard sur sa vie. Avant la fin
(1) A la fin du XIXe siècle c'est au sein de la société secrète des
chasseurs que l'on recruta les meilleurs guerriers pour affronter
les Sofa de Samori.
(2) Bande n055, dossier XV, Kotédougou, 1979 • Voir Kongodé OUattara.
236
de son cycle, les exploits du jeune chasseur sont gardés
secrets afin d'éviter la jalousie de ceux qui seraient
tentés de lui jeter un mauvais sort, ou "dawari".
Pour mériter le titre de Dandaga, le futur chasseur
doit faire la preuve de sa maturité, il doit rapporter à
son maitre la queue d'un "tango"
(buffle) et celle d'un
éléphant ; par ces actes, il manifeste son aptitude à mai-
triser les secrets de la brousse.
rI est alors admis dans
le clan des chasseurs et participe au "Sidyara", la grande
cérémonie des chasseurs. Cette dernière a lieu lors de la
mort d'un grand chasseur, le jeune Dandaga danse ce jour-là
en compagnie des autres chasseurs de la région avec un fusil
sur l'épaule
des femmes portant des paniers(1) chantent
en choeur avec les hommes.
La société des chasseurs ou Ton Dandaga jouit d'un
grand prestige dans la région de Kong, notamment au sein du
monde. paysan. Elle apparait dans toutes les sources orales
que nous avons recueillies comme la gardienne des cultures
et la protectrice des villageois contre les mauvais esprits
ou Subaga. La bataille qu'elle livrait quotidiennement con-
tre les éléphants et les autres animaux dévastateurs assu-
rait en effet la protection des cultures vivrières(2). Mais
on vante aussi le pouvoir magique des chasseurs qui éloigne
les sorciers des villages; ainsi, à Kong, le Dandaga est
admiré,pour son courage mais craint; on dit qu'il possède
de nombreux dyo ou fétiches.
(1) M.J. Derive, "Chants de chasseurs dioula" in A.V.A., s'rie J,
tome II, 1978, pp.143-170.
(2) La chasse est interdite actuellement en Côte d'Ivoire: cela risque
de compromettre l'existence de l'association des chasseurs.
237
A Kong, on ne rencontre les dandaga que dans le
quartier Kéréu, le quartier des maîtres de Kong c'est-à-
dire des Watara ; en dehors de Kong c'est surtout dans les
pays myoro qu'on les trouve notamment à Kolon, à Koniéré,
à Kawaré, au sud-est de Kong.
Le Do'o a ainsi joué un rôle important dans le
développement de Kong ; ses structures, relativement souples,
ont. permis aux conquérants étrangers de développer deux pha-
langes guerrières, le Sunangiya et le Ton-dandaga. Ce sont
ces. phalanges qui ont favorisé la mise en. place d'une impo-
sante armee, pièce maîtresse de l'édification du Royaume
de Kong. Le Poro fut donc l'un des supports de la monarchie
des Watara.
3. - Le Sunangiya
Dans les milieux musulmans actuels on s'accorde
à dire que le terme sunangi viendrait du mot arabe suna(1).
En 1974 nous avons demandé à Pigneba Watara, un directeur
d'école de Ouangolodougou de définir la suna. Voici sa
réponse
"le suna ce sont les choses que Dieu n'a pas
dit de faire; ce sont des choses qu'il nous
plaît de faire mais qui· ne sont pas recom-
mandées par Dieu ; voici le sens de la suna,
on peut citer par exemple les danses, l~
cérémonies de mariages, les funérailles, les
sacrifices ••• tous ceux qui agissent de cette
façon, ceux qui suivent ce chemin sont appe-
lés sunangi ; ils vont prier à la mosquee,
mais ils adorent les fetiches. Les Sunangi
ne sont pas soumis aux prescriptions obliga-
(1) La suna désigne l'ensemble des traditions musulmanes.
238
toires des lois
de l'Islam (jeûne, cinq
pr ières quotidiennes .•• ") (1) •
Nous sommes ainsi loin de la suna musulmane et à
notre avis c'est un tort de considérer les Sunangi, par-
tiellement touchés par la religion musulmane comme les
défenseurs de l'Islam. Pour Delafosse, le terme Sunangi
désigne par excellence le "mauvais musulman" le "musulman
buveur de dolo" (2) • En fait il faut rechercher l'origine
du mot suna dans la suna ~Songal" ~ nous pensons que le mot
suna désignerait une troupe qui est. prête à sacrifier sa
vie pour sauver son roi. Voici en effet ce que rapporte
le Tarikh el-Fettach après la déroute des Songai face à
l'armée marocaine à la bataille de Tondibi en 1591
:
"Lorsque les compagnons de l'Askia (Ishaq II)
virent qu'il avait tourné bride et s'enfuyait,
aucun d'eux ne demeura sur place après lui
et tous le suivirent àl'e~ceptiori de ceux
qu'on appelait suna et qui étaient au nombre
de quatre-vingt-dix-neuf(3). Pas un de ceux-
ci ne bougea ~ ils restèrent assis à l'abri
de leurs boucliers et c'est dans cette pos-
ture que les compagnons de Dyuder les
trouvèrent et les tuèrent tous jusqu'au
dernier" (4).
Le Tarikh es-Soudan nous parle aussi des Suna songai
qui
assuraient la protection des Askia dans la salle du trône(5).
(1) Documents recueillis à Ouangolodougou, le 18-8-1974 auprès de Pigneba
Ouattara, un descendant des esclaves de Seku Watata.
(2) Le dolo est une boisson alcoolisée préparée à partir du mil i
voir Delafosse, H.S.N., t.III, 1922, p.281.
(3) Signalons que la troupe d'élite des Sunangi comprend toujours
quatre-vingt-dix-neuf guerriers.
(4) Tarikh el-Fettach (T.el-F.), 1964, p.265.
(5) Le Tarikh el-Fettach donne à ces guerriers le nom de Suma. Il
s'agit probablement d'une erreur de transcriptions. Voir le
Tarikh es-Souadan (T. es-S.), 1964, p.188.,
239
Les Sunankè ou Sunangi seraient donc des guerriers qui ne
devaient pas reculer devant l'ennemi. Ainsi,
la formation
du co~ps des Sunangi a été l'oeuvre des Tarawéré qui ont
introduit des aspects des traditions guerrières songai
dans la région de Kong. Dyamila Ouattara a certainement
raison lorsqu'il attribue la création du Sunangiya à Bokar
ben Usuf.
A Kong, il semble que les Sunangi aient constitué
une véritable armée qui dépassait le cadre de la suna
songai ; ils recrutaient leurs membres au sein des popula-
tions autochtones animistes. Le Sunangiya (communauté des
Sunangi) devint ainsi une véritable machine de guerre ; les
chefs de cette aristocratie guerrière provenaient essentiel-
lement des couches autochtones qui, comme le souligne Bernus,
détenaient "les chefferies de villages ou celles des terres"(l)
Le Sunangiya va constituer un facteur d'unité très
i~portant pour les populations autochtones falafala, myoro,
nabé et gbèn qui, conscientes désormais de leur force, vont
se lancer à la conquête d'une partie importante de l'Afrique
Occidentale, de l'Anno à la boucle du Niger. Il est cepen-
dant fort possible qu'à l'intérieur du Sunangiya on ait
parlé la langue du conquérant, le dyula ; cette pratique a
certainement contribué à la disparition des langues locales.
D'après certainesde nos
enquêtes le terme sunangi
prendrait une coloration ethnique. Le roi actuel de Kong,
Karamoko Ouattara affirme ainsi "je ne suis pas Dyula, je ffills
Sunangi ••• "(2)
; nous pensons cependant que le souverain
de Kong veut insister ici sur le fait qu'il se rattache au
(1) Bernus, "Kong et sa région", Etudes Eburné,nnes, VIII, 1960, p.254.
(2) Ce souverain a tenu ce discours au cours dès nombreux entretiens
que nous avons eus avec lui à Kong en 1975 et en 1976.
240
nOYau autochtone du pays et non à ses ancêtres lointains
originaires de Kangaba.
Les Sunangi, au XVIIIe siècle, après la prise
du pouvoir par le roi musulman Seku Watara, ont combattu
sous la bannière de ce dernier.
Ce souverain musulman est
en effet le seul roi de Kong qui ait tenté de placer ses
guerres de conquêtes et de razzias sous le signe de l'islam.
A notre avis il est donc exagéré de dire que les
Sunangi
"sont les guerriers gui combattaient sous
l'étendard du royaume musulman de Kong"(l).,
car l'existence du Sunangiya est antérieure de plusieurs
siècles à l'avènement de Seku Watara ; elle remonterait
probablement au XVe siècle.
Nous sommes relativement mal renseigné
sur cet
~ppareil de guerre qu'est le Sunangiya, les descendants
actuels des Sunangi demeurent discrets sur le fonctionnement
de cette institution qui était avant tout une société
secrète et qui reposait sur les cultes animistes.
D'après les renseignements que nous avons recueil-
lis le Sunangiya fonctionnait par classe d'âge;
il était
ouvert à tous les garçons âgés de 8 à 9 ans issus des
familles autochtones et jouissant d'une condition physique
et d'une santé excellentes(2).
(1) Bernus, op. cit., p.254.
(2) Le Sunangiya pouvait accueillir des étrangers, mais dans ce cas
ils étaient tenus d'adorer les dyo de la communauté.
241
Le Sunangiya visait à développer le culte de la
force et de l'endurance,
à mépriser la mort,
à s'imposer
à autrui.
L'initiation avait lieu dans les bois sacrés
soit a Sakara(l)
soit à Banankoro(2).
Le jeune homme appre-
nait à manier les armes
(flèches,
lances,
fusils)
et les
instruments aratoires. On raconte qu'à une certaine phase
de son éducation,
il devait être capable de passer plusieurs
jours dans la brousse sans nourriture ';
ainsi livré à lui-
même,
il apprenait à faire face aux dangers,
il chassait
les bêtes féroces et participait à des razzias.
L'initiation de l'adolescent se faisait auprès
d'un personnage assez curieux, un guerrier -
prêtre, connu
sous le nom de Kundigi à qui l'on attribuait des pouvoirs
surnaturels notamment ceux de communiquer avec les morts
et de transformer par le regard une parcelle de forêt en
désert. L'initiation durait une dizaine d'années. Avant
la fin de son service militaire,
le jeune homme faisait
des apparitions en ville, notamment lors des funérailles
d'un roi ou d'un brave guerrier pour participer à des jeux
d'adresse et de tirs.
Après sa formation,
le jeune homme intègrait
l'armée et devenait un Sunangi à part entière,
le Sunangiya
était un véritable creuset où se côtoyaient Falafala, Myoro,
Nabé et Gbèn
;
il réalisait pour ainsi dire l'unité du
monde autochtone tourné vers la guerre et le commandement (3) .
Le Sunangiya a été un appareil précieux qui a
permis aux rois de Kong d'imposer leur hégémonie dans le
(1) Sakara non loin des bâtiments de la Sous-Préfecture.
(2)
Banankoro est une colline boisée située au nord de Kong.
(3) Voir à ce sujet Bernus, op. cit., p.230.
242
pays et de s'opposer aux incursions des troupes ennemies.
Grâce au Sunangiya le roi pouvait disposer d'une troupe
régulière de combat de quelques centaines de cavaliers et
de milliers de fantassins(1).
Bokar malgré son jeune âge avait réussi à s'imposer
comme le grand maître du Do'o qui semble être un savant
dosage entre les divinités autochtones falafala et myoro
et celles importées par les Tarawéré animistes qui possé-
daient, du fait de leur long séjour dans la boucle du
Niger, le sens de la royauté et des guerres; Bokar concen-
tra très tôt tous les pouvoirs entre ses mains.
Il disposa
pour gouverner, des troupes des Kundigi dont les effectifs
ne dépassèrent guère quelques centaines de cavaliers mais
qui,.pour l'époque, étaient suffisantes pour faire trembler
les autochtones (2)
au sein desquels i l continua de recruter
ses guerriers. Le titre de Mansa qu'il. prit lors de son
couronnement indiquait clairement ses origines mandé. Mais
le fait nouveau
c'est que les Tarawéré contrairement aux
autres Dyula cherchaient à s'intégrer aux populations lo-
cales, notamment aux familles des chefs de la terre
(dugukorotigi)
et à celles des sociétés secrètes. Le pouvoir
royal chercha donc à s'identifier dès le départ à la
.P?pulation autochtone. Ceci se traduit. par deux faits,
l'adoption par les 5enufo du dyamu Watara et la formation
d'une aristocratie guerrière locale, les Sunangi. Tout ce
travail allait se faire au sein du Do'o qui devenait un
puissant outil de gouvernement.
Nous n'avons aucune idée précise de l'étendue du
Royaume que fonda Bokar vers la fin du XVe siècle. En
~ppuyant notre raisonnement sur le grand rôle que jouèrent
(1) Nous n'avons pas de chiffres précis avant l'époque de Seku Watara.
(2) Voir Basièro Ouattara, Kong, 1978.
243
les sociétés secrètes au sein du Do'o nous pouvons dire
que les conquêtes de Bokar touchèrent essentiellement les
pays Falafala et Myoro. Au nord,
le Royaume dut annexer
les territoires actuels de Pongala, à l'ouest les régions
aurifèresde Limono,
au sud une grande partie de Labiné et
à l'est les Myoro de Kongolo.
Les sources orales passent sous silence les rapports
de Bokar avec la communauté dyula.
L'imam Marhaba avait parlé
des atrocit~de ce souverain, qui auraient poussé Muhammad
Fuduya Sanogo à ne pas séjourner longtemps à Kong. Ces
événements,nous le savons, se situaient au début" du règne
de ce souverain.
Il n'est pas impossible qu'il ait eu à
reprimer sévèrement,
soit des révoltes de palais,
soit des
autochtones qui refusaient de se soumettre à son autorité.
Il ne semble pas en tout cas qu'il ait eu des rapports ten-
dus avec les milieux commerçants. Nous pensons même qu'il
bénéficia de l'appui des milieux selsuma qui avaient con-
tribué à l'installation des Samasoko dans la région de Kong.
La forte personnalité de Bokar est probablement à
l'origine du peu d'intérêt que les traditionalistes accor-
dent à ses successeurs. Après la mort de Bokar, cinq
souverains au moins semblent avoir occupé le trône, de
1520 à
1560. Mais aucun d'eux n'a laissé des souvenirs
précis dans la mémoire collective.
Le 30 mars 1976, nous avons recueilli auprès du
vieux Dyamila Ouattara une liste de souverains qui auraient
succédé à Bokar.
Il nous a communiqué les noms de Bagi, de
Maghan, de' Badagba, de Basima et de Babu
; mais il avoua
ne pas connaître l'ordre dans lequel les souverains auraient
occupé le trône(1).
En mars 1979, l'imam Marhaba nous a d i t :
(1)
tyamila Ouattara, Sokolo, mars 1976.
244
"en réalité une dizaine de rois au moins
ont régné après Bokar, mais ils n'ont rien
fait et nos vieux ont perdu leurs noms" (1).
La liste de Dyamila Ouattara serait donc incomplète. Quoi-
qu'il en soit il semblerait que le règne de Bokar ait été
suivi d'une longue période relativement calme qui contribua
au développement commercial de Kong. Cette période dut
correspondreà un afflux important. de Dyula dans la capitale
des Tarawéré.
De 1520
à 1600 environ Kong dut apparaître
Comme l'une des plus grandes capitales commerciales du
monde dyula. Le début du XVIIIe siècle allait apporter de
profondS changements sur le plan social et politique. Au
moment où le Songaï sombrait dans l'anarchie à la suite
de la conquête marocaine, un grand Royaume prenait naissance
dans le nord-est de la Côte d'Ivoire sous l'impulsion des
Dyula.
(1)
Imam Marhaba, Bobo-Dioulasso, mars 1979.
245
B. L'AVENTURE DE DE MAGHAN
L'un des faits marquants qui a retenu et qui retient
encore l'attention des traditionalistes entre la fin du
règne de Bokar et celui de Borogo
que nous verrons plus
tard fut
incontestablement la grande aventure de De Maghan
dont le petit-fils, Seku Watara prendra le pouvoir au
début du XVIIIe siècle. Avant d'aborder le règne des suc-
cesseur de Bokar il conviendrait donc de faire connaissance
avec Dé Maghan dont l'histoire est étroitement liée à
celle des Tarawéré.
1. - Maghan
Faute de documents, nous connaissons assez mal
l'histoire des ancêtres de Seku Watara,
le fondateur de
l'Etat dyula de Kong au début dB XVIIIe siècle; Seku
descend-t-il
de la lignée des rois Kéita du Mali? Pour
quelles raisons son grand-père Maghan, plus communément
arpelé Dé Maghan décida-t-il d'abandonner sa patrie pour
s'établir dans la région de Kong? Que savons nous de la
vie de ce personnage et de celle de son fils Tyèba,
le
père de Seku Watara, qui joua un rôle important sous le
regne de Lasiri Gbombélé ?
Nous allons essayer,
à travers des sources orales
et écrites parfois contradictoires de répondre à ces ques-
tions.
Le travail que nous présentons ici est le fruit de
nombreuses années de recherches soit en Côte d'Ivoire
(1974 -19 83)
soi t
au Burkina-Faso
(1976-1979) (1).
(1) Voir N.G. Kodjo, "Les précurseurs de Seku Watara (1600-1670),
Annales de l'Université d'Abidjan, série l, XI, 1983, pp.63-83.
246
a)
Le clan familial de Maghan, d'après les
sources orales
1 0 /
D'après le griot Wa Kamisoko
En 1975, le célèbre gr iot de IUrina ou Kr ina,
au cours d'une table ronde sur les origines de Kong(l),
a
tenté de montrer dans son intervention que les rois actuels
de Kong descendraient d'un certain Maghan
;
le père de ce
dernier s'appellerait Bèma Kanda,
le dernier fils du grand
souverain du Mali médiéval,
Svndyata Kéita
(1235-1255).
Au cours de son allocution, Wa Kamisoko essaya
d'expliquer
les raisons pour lesquelles Maghan entra en conflit avec
les. princes du Mali.
L'origine de ce conflit aurait eu pour
cause la plus jeune des épouses du roi Sundyata. Cette
dernière, dit-on,
aurait été promise a Maghan, mais cette
promesse ne fut pas respectée, et la femme fut donnée en
mariage à l'oncle de Maghan, connu sous le nom de BaIa ulé.
Cette injustice le toucha profondément. Maghan qui était
r~puté pour sa bravoure exigea désormais de ses compagnons
qui l'avaient trompé,le partage des butins sur le champ
de bataille ; on le baptisa pour cette raison "watara"
(celui qui partage ; ce mot viendrait du dyula "tara" par-
tager). Mais Maghan cherchait surtout l'occasion de se
venger des princes du Mali qui lui avaient refusé la main
de la jeune épouse de Sundyata ; pour mettre son projet
à exécution,
il se rendit à Kong(2)
où i l recruta une solide
(1) Wa Kamisoko, in "Table ronde sur les orlglnes de Kong", Annales de
de l'Université d'Abidjan (A.U.A., Série J., t.I, 1977, p.94, 286-302.
(2) Nous n'avons aucun écho dans les sources orales de Kong d'un Maghan
Kéita qui soit venu à Kong pour recruter des troupes ; mais dans les
sources maliennes actuelles, on trouve des traces des rapports an-
ciens entre Kong et le Mandé : Charles Monteil rapporte une tradition
selon laquelle les ancêtres des fondateurs de l'Empire du Mali
seraient venus de l'est "expressement de Kong" ; cf. Les Bambara du
ségou et du Kaarta ..• , 1977, p.15.
Kanouté le traditionaliste de Radio-sénégal prétend que des rapports
très anciens existaient entre Kong et Niani (Entretiens du 14 Janvier
1981, Département d'Histoire - Université d'Abidjan.
247
armée qui lui permit de combattre et de reconquérir le
trône à Kangaba.
2°/ La version Saganogo(l)
La plupart des traditionalistes saganogo que nous
avons interrogés rattachent le clan royal des Watara
actuels de Kong à celui des Kéita de Ka'aba
(Kangaba).
D'après ces informateurs,
l'ancêtre des rois actuels de
Kong s'appellerait effectivement Maghan ;
il serait origi-
naire de Ka'aba et appartiendrait à la grande famille de
Sundyata Kéita.
Les documents recueillis dans ces milieux
font de Maghan un grand guerrier qui inspirait la crainte,
et le respect
;
il était courageux et ~a renommée dépassait
les frontières du Mandé(2). Mais les sources mentionnées
ici ne sont pas d'accord sur le nom de son père;
les unes
considèrent qu'il s'appelait Sundyata et qu'il fut tué lors
d'un combat contre son frère Mambi à propos de la succession
au trône(3)
; les autres au contraire, pensent que le père
de Maghan était Mambi et qu'il périt au cours d'un affron-
tement face à son frère Sundyata.
'En 1974, nous avons recueilli auprès de
Mamadou Saganogo la version suivante :
"
Le père de Dé-Maghan s'appelait Sundyata
(
). C'était le premier roi du Mandé.
La
mère de Dé-Maghan est restée au Mandé jusqu'à
sa mor t
parce que Maghan n'est pas né à Kong ( .. )
Dans le Mandé, à l'époque,
le roi Sundyata
et son frère aîné s'etaient 9uerellés. Le
jeune frère a vaincu son aine qui est mort.
(1) Voir à ce sujet Mamadou Labi, bande n04, dossier V, Abidjan, 9-7-74
voir aussi El-Haj Sanogo, dossier VI, Kong, ,11-8-77.
(2)
Les traditionalistes
insistent beaucoup sur la valeur guerrière de
Maghan
i
ce fait est très important.
(3)
Pour Labi, le père de Maghan serait Sundyata i
il tire ses informations
du document n01, l'auteur de ce manuscrit serait-il un Saganogo de la
famille de Labi ? Parmi les traditionalistes saganogo qui considèrent
que le père de Maghan était Mambi on peut citer El-Haj Sanogo.
248
Le fils du frère aîné est "sorti" de la
capitale et il est venu s'installer à Ségou.
Il a continué par la suite jusqu'en Haute-
Volta à Dé Maghan. C 1est pourquoi lorsqu'on
parle de Maghan on précise qu'il s'agit de
celui de Dé
: Dé-Maghan
( . . . ).
C'est Sundyata
qui était le père de Maghan
(ceci)
se
se passait vers 1520" (1) •
.~nsi,
pour Labi,
le père de Maghan ne s'appellerait
.pas Bèma Kanda, mais Sundyata
: Labi 11identifie au grand
souverain Sundyata Kéita,
le fondateur de l'Empire du Mali.
Ce souverain, comme nous l'avons vu,
a régné au XIIIe siècle
et non pas au début du XVIe siècle. Nous devons donc accueil-
lir la version de Labi avec beaucoup de réserves
; cette
version ne précise pas l'origine du conflit qui opposa Sun-
dyata à son frère aîné
; elle ne nous renseigne pas non plus
sur le nom du frère aîné de Sundyata. Quoi qu'il en soit
le. père de Maghan fut vaincu et tué
i
Dé Maghan prit la fuite
en compagnie de ces frères et se réfugia à Ségou.
D'après 11ensemble des sources saganogo Maghan ne
put demeurer longtemps dans cette ville.
Pour échapper à la
colère de son oncle,
il quitta Ségou et,
errant de ville
en ville,
il arriva finalement dans la région de Kong et
se fixa définitivement à Ténégéra.
Les versions saganogo nous montrent que le grand-
pere de Seku Watara s'appelait effectivement Maghan, mais
il nia rien à voir avec le Maghan de Wa Kamisoko i
deux
autres personnages apparaissent chez les traditionalistes
saganogo, Mambi et Sundyata.
L'existence de ce dernier
. personnage a pu faire croire au griot de Kirina qu'il
sl ag issait du grand Sundyata du XIIIe siècle qui fut à
(1)
Document recueilli à Kong en 1974. Dossier
(D)
II. Labi n'a pas
fourni d'explications à propos de cette date.
249
l'origine de l'édification de l'Empire du Mali au Moyen
Age.
Ces sources nous apprennent que Maghan appartenait
au clan Kéita et qu'il connut l'exil à la suite d'une guerre
intestine
elles s'opposent cependant quant au nom du père
de Maghan
ce dernier s'appelait- i l Mambi ou Kéita ?
3°/ La version de la cour royale(1)
Comme les Saganogo,
les princes de Kong reconnais-
sent que leur ancêtre s'appelait Maghan et qu'il était
originaire de Ka'aba.
Mais ils ne mettent pas l'accent sur
l'ardeur guerrière de ce dernier.
Ils ne veulent pas
entendre dire que leur ancêtre a été contraint de prendre
la fuite à la suite d'une défaite militaire. Pour les rois
actuels de Kong,
les raisons du départ de Maghan de Ka'aba
sont dues uniquement à une affaire commerciale qui avait
mal tourné
;
son père aurait décidé de faire de lui un
commerçant, mais le fils montra peu d'enthousiasme pour ce
métier et les efforts de son père furent vains
; les deux
hommes se brouillèrent et Maghan décida de quitter Ka'aba
pour gagner sa vie dans un autre pays.
De Ka'aba,
il séjourna
successivement à Ségou, à Dé(2), à Tewulé(3)
avant de s'ins-
taller à Ténégéra, dans la région de Kong.
(1)
Enquête réalisées à Kong de 1976 à 1978 ; l'un de nos principaux
informateurs est le roi actuel de Kong,
Karamoko Ouattara ; voir à
ce sujet les bandes 8, 24,
27, dossier II.
(2)
Le manuscrit n01 que nous avons signalé permet de situer Dé dans
l'acluel Burkina-Faso.
Dé ne serait donc pas situé dans le cercle
de Bandiagara
(Mali actuel)
; voir à ce
sujet Bernus,
1960, p.247.
A Kong, nous n'avons pas pu recueillir des informations précises
sur cette ville qui a disparu de nos jours.
(3)
Les traditionalistes de Kong permettre de situer cette ville, non
loin de Bobo-Dioulasso. cf. Bernus,
1960, p.247.
250
A propos
du
père
de
Maghan,
le
roi
actuel de Kong
souligne qu'il s'appelait Mambi.
Les faits rapportés par la cour royale posent des
.problèmes
i
le portrait de Maghan,
tel qu'il apparaît dans
les sources de la cour royale,
est incompatible avec ce
que nous savons de lui.
C'est au contraire un homme qui,
comme nous le verrons,
a le sens profond des affaires,
un
esprit méthodique et inventif et qui a réussi à s'enrichir
en tissant des cotonnades et en les vendant au marché
de Kong ou de Ténégéra.
Les faits mentionnés ici nous
paraissent suspects. Nous savons en effet que les princes
Watara n'aiment pas étaler au grand jour leurs revers
militaires. A notre avis,ilfaut écarter les raisons com-
merciales invoquées par les princes de Kong pour expliquer
le départ de Maghan de Ka'aba.
Les informations fournies par la cour royale
contiennent cependant une indication capitale
i
elles
nous apprennent que le nom du père de Maghan est Mambi
elles confirment l'origine Kéita du clan de Maghan.
4°/ La version de Basièri Ouattara(1)
Pour Basièri Ouattara qui n'appartient pas à la
famille de Seku Watara, le fondateur de l'Empire de Kong
~ppartient au clan Kuribari. J'ai toujours entendu dire,
dit-il, que
(1)
Voir Basièri Ouattara, bande n037, dossier VII, Abidjan 20-11-78.
251
"Maghan appartient à la grande famille des
Kuribari qui régnaient à Ka'aba. Le père
de Maghan était d'ailleurs allié aux Kuribari
de Ségou c'est ce qui explique qu'après la
mort de ce dernier,
il se réfugia dans la
capitale des Kuribari. D'ailleurs il n'y a
pas si longtemps de cela, lorsque les Seku-
mogo
(les hommes de Seku)
tuaient un animal,
ils offraient la tête au fa de la famille
des Kuribari de Ka'aba pour resserrer les
liens familiaux" (1).
D'après ce même informateur il est aussi inexact de dire
que le père de Maghan s'appelait Sundyata ; le nOM de ce
dernier est Mambi Kuribari
; voulant conquérir le trône, il
livra une guerre à son frère Sundyata, mais il fut vaincu
et tué. Son fils Maghan pour échapper à la colère de Sun-
dyata se réfugia à Ségou chez l'ami de son père(2)
avant
d'errer de ville en ville jusqu'à Ténégéra.
5°/ Les traditions de Pongala
DawabaBamba qui a recueilli les traditions de
Pongala affirme :
"Le grand-père de Seku Watara n'est pas né
ici
(Kong). C'est un Mandé de Ka'aba. A la
mort du roi une guerre l'opposa à son frère.
Il fut vaincu est tué. Son fils De Maghan
se réfugia chez la famille de Biton. Mais
le nouveau roi ne le laissa pas en paix ;
il livra la guerre à Ségou et Dé
Maghan
prit à nouveau la fuite. Voilà pourquoi il
arriva chez nous ici à Ténégéra ... " (3).
(1)
Informations fournies par Basièri Ouattara ; voir dossier VII,
Kong 20-11-78.
(2) D'après Labi Mamadou, en effet, le père de Maghan était l'ami du coi
de Ségou.
(3) Dawaba Bamba,
Pongala,
27-3-1976.
252
Nous
avons recoupé les informations fournies par
Basièri Ouattara avec les résultats d'autres enquêtes
réalisées soit en Côte d'Ivoire(l)
soit au3urkina-Faso
(2)
aussi bien en milieu Watara qu'en milieu non Watara. On
peut tirer les conclusions suivantes:
une guerre fratri-
cide opposa Sundyata à Maghan à propos de la succession
au trône de Ka'aba
Mambi fut tué et Maghan se réfugia à
ségou. La présence de Maghan dans cette localité déclencha
un conflit entre Ségou et Ka'aba qui décida de réduire
la population de la capitale des Kuriqari en esclavage et
de s'emparer des richesses du pays(3). Mais les sources
orales ne permettent pas d'affirmer si Dé Maghan appartient
au dyamu Kéita ou Kuribari. Un argument de poids fait
pencher cependant en faveur du deuxième clan.
Nous verrons
que Nangin l'un des esclaves de Seku Watara fondera au
XVIIIe siècle une chefferie à Korhogo.
Les descendants de
ce dernier porteront le dyamu Kuribari et non celui des
Kéita. Nous savons que selon l'usage dans les sociétés
dyula,
l'esclave portait le dyamu de son maître.
Il semble que la famille de Maghan était originaire
de Kaarta
: elle se serait établie à Kangaba depuis plusieurs
siècles où elle se lia d'amitié avec les Kéita.
Il s'agirait
sans aucun doute de la branche des Kuribari
(1)
Enquêtes réalisées surtout entre 1974 et 1978 à Kong et notamment
à Pongala i voir Dawaba ou Badawa bande n018, dossier l, 1976.
·(2)
Nos enquêtes aU Burkina-Fa~concernent
essentiellement Bobo et sa
région
(Kotédougou, Noumoudagha, Darsalami, Soungaradaga
i
elles
ont eu lieu entre 1976 et 1979.
(3)
Ces détails ont été fournis par Badawa : voir à ce sujet, bande
n08, dossiers IV, et V,
1974.
253
"comprise dans les familles dites masa-
rin" d'où son assimilation à des Kéita(l).
b)
Le point de vue des sources écrites
Ce document souligne que les origines du souverain
Seku Watara remontent à deux personnages dont "le premier
est Sundyata Kéita" et le second Mami
(Mambi)
Kéita.
Le
document souligne comme le font les sources orales que les
deux. personnages sont frères.
Le terme
"premier" utilisé
dans le manuscrit désigne Sundyata comme étant le plus âgé
des deux;
le texte précise d'ailleurs que Mambi est le
frère cadet de Sundyata.
Dan~ le texte nous voyons que les
deux princes n'habitent pas la même v i l l e :
Sundyata est
originaire de Kirina tandis que Mambi a ses racines à
Kangaba.
L'auteur du manuscrit nous dit qu'une guerre
0rposa les deux personnages car Sundyata convoitait une
servante qui était la favorite de Mambi
; d'après ce docu-
ment, Mambi vainquit Sundyata et le fils de ce dernier,
connu sous le nom de Maghan,
refusa de vivre sous la coupe
de son oncle;
ainsi commença la vie errante de Maghan.
Le contenu de ce document rappelle en effet les
sources orales des Saganogo
; Mamadou Labi s'est probable-
ment inspiré de ce texte pour relater les origines de
r':aghan.
Le texte nO 1 appor te cependan t
W1 fait nouveau
: la guerre
entre la cité de Kirina et celle de la Ka'aba.
Il est
vraisemblable qu'une guerre importante ait opposé Sundyata
a
Mambi.
Il s'agirait de l'aventure d'un prince exilé à
(1)
D'après Ch. Monteil, par masa-rin,
les traditionalistes "entendent,
en outre des Kéita qui ont exercé le commandement et leurs commu-
sautés, diverses familles qui leur sont étroitement unies. L'on cite
notamment les Kouloubali, les Konaté"
; cf. Monteil,
1977, p.19,
note 1.
254
Kirina et qui s'est pr~cipit~ sur Kangaba pour occuper le
trône laiss~ vacant. Les guerres de succession ~taient en
effet une pratique courante au Mali.
Lors du séjour d'Ibn
Battûta à Niani
(1352-1353) ~1ansa Sulayrnan échappa â un coup
d'Etat pr~par~ par sa femme
Rasa.
Cette dernière avait-
envoyé un esclave
"chez Djatil(1)
cousin paternel du sultan,
en fuite vers Kanburni pour l'inviter à
d~trôner le sultan. Elle lui avait fait
dire"
:
"moi et tous les soldats sommes à tes
ordres"(2).
Après le règne de Mansa SulaYI'lan
(1341 -1 360)
le pouvo i r cen tr al
connut une grande instabilité
i
Ly~Tall explique cette
~ituation par le mode de succession :
"Nous constatons la persistance de la
succession collat~rale, mais avec une nette
pr~dominance de la succession de père en
fils.
Cette prédominance de la succession
dè père en fils ne s'est pas établie sans
trDubles car sur les sept rois qui r~gnèrent
après Mansa Moussa nous avons quatre rois
qui ont des règnes allant de neuf mois à
quatre ans
(Maghan 1er, quatre ans, Cassa,
neuf mois, Maghan II,
un an,
Sandaki quel-
ques mois"(3).
Comme le souligne Terray
"il faut évoquer aussi ,l'usurpation à deux
reprises du pouvoir par de hauts dignitaires
dont l'un au moins d'origine servile
(Sakura)
et l'~limination par la violence de quatre
et peut-être cinq souverains en un siècle
sans parler des conjurations déjouées.
(1)
Le nom de ce prince était probablement Dyata.
(2)
Ibn Battûta in CUOQ, op. cit., p.309-310.
(3)
Ly-Tall, L'Empire du Mali,
1977, p.142. Voir aussi Levtzion,
1963.
p. 314-351.
255
L'insécurité du pouvoir apparaît donc au
Mali comme un phénomène chronique mais il
semble s'aggraver après la mort de Sulayman
et la guerre civile de 1360" (1) .
Nous verrons que les crises dynastiques étaient encore plus
importantes aux XVe et XVIe siècles, notamment à Kangaba.
Nous avons accordé une grande importance à ce
document conservé jalousement.par le roi actuel de Kong,
Karamoko Ouattara. Il considère que les personnages men-
tionnés sur la feuille sont ceux des ancêtres de De Maghan
qui ont occupé le trône du Royaume de Kangaba.
Il s'agit:
1. Muhammad Kuribari
2. Kalibi Kuribari
3. Kawara Sinbo Kuribari
4. Sinbo Mamari Kuribari
5. Sundyata Kuribari
6. El-Hadj, Musa Kongodyigi Kuribari
7. Futa Maghan Sinbo Kuribari
8. Toko Suma
9. Masa Dangaratuma Kuribari
10. Famoro Kuribari
11. Mansa Maghan Kuribari
12. Nalibo Kuribari(2)
Après la liste des rois l'auteur du document poursuit
(1)
Terray, op. cit., p.34. Voir surtout Ly-Tall, ~. cit., p.141-143.
(2) Au moment où nous rédigions l'article sur "les précurseurs de Seku
Watara" nous ne disposions pas de la suite des manuscrits 2 et 5.
256
"Ce sont les noms des fils de roi
(qui ont
régné)
dans le Mandé(l). Mais Nalibo
Kuribari fut celui que Mansa Maghan envoya
dans le pays de Kong à la recherche de De
Maghan. Nalibo est parti dans le pays de
Kong et a trouvé De Maghan
(bien installé)
dans le pays . .. "
Nous allons faire plusieurs remarques à propos
de ce documen t. Nous allons por ter notre a.ttention snr trois
personnages,Sundyata Kuribari, Mansa Maghan Kuribari et
Nalibo Kuribari.
Le premier est sans aucun doute le Sundyata
des sources orales et écrites. C'est donc lui qui aurait
occasionné la mort de Mambi, le père de Dé Maghan qui ne
figure par sur la liste des rois.
Le second personnage
Mansa Maghan était visiblement contemporain de Dé Maghan,
sinon on voit très mal comment il aurait pu envoyer Nalibo
à la recherche de son parent. Dans ces conditions, le coup
d'Etat de Sundyata
(cinquième rQi de la liste)
dut déclen-
cher une crise d'une telle ampleur que les rois à peine
nommés étaient aussitôt chassés du trône.
C'est ce qui
expliquerait qu'après le départ de Dé Maghan sept souve-
rains se succédèrent sur le trône de Kangaba en moins d'une
génération
(soit 25 à 30 ans).
La situation se stabilisa
sans aucun doute sous Mansa Maghan qui dut alors se préoc-
c~per du sort de Dé Maghan. Quant à Nalibo, son règne, s'il
a eu lieu, devrait se situer âans la seconde moitié du XVIIe
siècle car au moment où il arrivait à Kong la fortune de
Dé Maghan était déjà faite et ce dernier cherchait certai-
nement à se créer un Royaume dans la région.
Quoi qu'il en soit,
l'existence du manuscrit nOS
permet d'attribuer une origine Kuribari à Dé Maghan. Mais
il s'agit ici,
il faut le préciser d'une fraction des Kuri-
bari qui était alliée aux Kéita depuis de nombreux sièclES,
(1) L'auteur dit littéralement qui étaient dans le pays du Mandé
(Kangaba) •
257
Il
nous faut maintenant aborder la question de
la chronologie. A quelle date approximative peut-on
situer le départ de Maghan de Kangaba ? Plusieurs raisons
nous font croire que la chasse à l'homme que le nouveau
roi de Kangaba organisa contre Maghan qui s'était réfugié
à ségou cl un rapport avec la conquête de Ségou et de Bégho
relatée par les chroniques du Gonja. Les sources orales
et écrites que nous avons présentées permettent de souli-
gner trois points fondamentaux
:
1°/ Le roi qui prit le pouvoir à Ka'aba et obligea
ainsi Maghan à quitter le pays s'appelait Sundyata.
2°/ Nous avons vu que le souverain de Kangaba
apprenant que son neveu s'était réfugié à Segou menaça de
détruire la ville et de réduire la population en esclavage.
D'après des documents oraux que nous avons recueillis à
Pongala
(au nord de Kong)
cette menace fut mise à exécution
et Ségou vaincue dut payer un lourd tribut en or.
3°/ Des traditionalistes de Pongala affirment en
outre que peu de temps après la défaite de Ségou,
la région
de Kong,
réputée pour sa richesse en or fut razziée par
des guerriers de Kangaba(l).
Recoupons tous ces faits avec la chronique du
Gonja 1 dans ce dernier document il est question d'un
souverain de Ka'aea
(Kangaba)
du nom de Jigi ou de Jarra
(Dyara = lion en malinké)
qui éprouvant une soif d'or
organisa une attaque contre Ségou et une seconde contre
Bi'u
(Begho).
(1)
Les traditions que nous avons recueillies à Pongala insistent
sur ce point.
258
L'attaque de Ségou et celle de la région de Kong
relatées par les sources orales du pays constitueraient
ainsi une offensive en tenailles menée, par les autorités
de Kangaba contre Ségou et Kong-Begho.' Cette offensive
correspondrait à celle contenue dans la chronique du
Gonja et réalisée par le souverain Dyara. Le terme Dyara
est le surnom du grand souverain Sundyata Kéita,
le fon-
dateur de l'Empire du Mali
(1235-1255).
Il n'est pas
invraisemblable que les rois du Mali qui ont porté ce nom
aient adopté le surnom Dyara.
Les sources orales de Kong
et la chronique du Gonja donneraient ainsi deux versions
des mêmes faits.
A notre avis,
le Dyara de la chronique
du Gonja est le Sundyata de nos sources orales et écrites
de la région de Kong.
L'attaque contre Kong constituerait
donc un épisode des guerres de Sundyata ou Dyara contre
Ségou et Begho. Malheureusement, pour cette affaire, nous
avons deux dates, celle de 1549/50 et celle de 1599/1600.
Person penche en faveur de la première hypothèse et soutient
que dans la seconde moitié du XVIe siècle
"le Mali était capable d'intervenir mili-
tairement aux postes du. pays Akan"(1).
Nous sommes d'accord avec Person pour teconnaître que le
Mali, au milieu
du XVIe siècle, pouvait intervenir contre
Kong ou Begho dont les monarchies avaient été mises en place
seulement à la fin du XVe siècle. Nous verrons les diffi-
cultés que Kong éprouvera au début du XVIIe siècle à faire
face aux attaques Gonja. Mais nous sommes perplexe
quant
à la capacité du Mali à se livrer à des conquêtes ou même
a des démonstrations militaires dans la boucle du Niger.
Le milieu du XVIe siècle correspondrait au contraire à un
(1)
Y.
Persan,
1972, p.224.
259
moment où les autorités du Mali subissaient les assauts
répétés des rois du Songaï. Citons celui de 1545/1546~
Daoud le frère du roi Ishaq l
(1539-1549)
fit
"une expédition contre NeIlL
Le sultan de
Melli ayant réussi à s'échapper Daoud
occupa la ville avec son armée et y demeura
sept jours . . . "(1).
Ly-Tall malgré ses réticences à l'égard des textes d'Es-
S'adi,
reconnaît qu'on,
"peut parler d'une sorte de partage de
l'Afrique Occidentale en zones d'influence
(le nord-est sous l'influence de l'Askia
de Gao,
le sud-ouest squs celui du Mansa
de Mali)
accepté par les deux parties jusqu'à
la fin du XVIe siècle"(2).
A la fin du XVIe siècle en effet,
la situation
politique dans la boucle du Niger avait changé;
l'invasion
marocaine de 1591
avait considérablement affaibli le Songai
les rois du Mali pouvaient donc se permettre d'intervenir fI1Îli- .
(aÎret"'ler'lt dans la boucle du Niger. L'intervention de Kan-
gaba contre Ségou, si elle a eu lieu, devrait se situer à
cette époque. Nous savons d'ailleurs qu'à la faveur des
troubles qui agitaient le Songai,
l'Empereur du Mali,
le
mansa Mahmud(3)
tenta de reconquérir Dienné,l'une des plus
importantes de ~es anciennes provinces orientales. Es-Sa'di
r~pporte cette expédition :
"Le sultan Mahmoud,
roi de Melli, décida
de faire une expédition contre les gens de
Dienné
( . . . ).
Seyyid Mànsour, que le pacha
(1)
Tarikh Es-Soudan,
1964, p161.
(2)
Ly-Tall, op. cit., p.9S.
(3)
Y.
person-a montré que ce personnage s'appelait en réalité Niani
Mansa Mamudu, cf. Y.
Person,
(Congrès d'études mandingues,
Londres
1972) •
260
Djouder avait nommé hâkem de Die~né donna
aussitôt avis de l'expédition du roi de
Melli au pacha
'Ammâr en lui demandant de
le secourir
( . . . )
Quant ces renforts arrivèrent à Dienné
dans la matinée du vendredi, dernier jour
mois de ramadan de l'année ci-dessus indi-
qué
(26 avril 1599),
ils trouvèrent l'ennemi
campé avec toutes ses troupes
( . . . ) et ses
forces étaient si considérables qu'elles
s'étendaient jusqu'au bras du fleuve dans
lequel les barques devaient passer pour se
tenôre à la ville.
Le combat s'engagea en
cet endroit et ce ne fut qu'à faveur d'une
violente fusillade que les Marocains durent
leur salut. .. " (1 ) .
L'armée de Kangaba participait sans aucun doute à l'offen-
sive malienne. Elle venait certainement de vaincre Ségou
et Dé Maghan avait pris la fuite pour la seconde fois.
A
notre ~vis, il faudrait donc situer l'attaque de ségou au
début de l'année de 1599. wilks a peut-être raison lors-
qu'il situe l'intervention des troupes de Kangaba contre
Begho peu avant 1600(2).
Nous savons aujourd'hui que Dé Maghan séjourna
qu~lques années à ségou avant de connaître l'exil. Le
Karamogo Labi Saganogo affirme qu'il passa au. moins cinq
ans chez les grands parents de Biton(3). Nous sommes donc
obligés de situer le départ de Dé Maghan de Kangaba vers
1595 ce qui apporte une précision par rapport à ce que
nous avons écrit en 1983(4).
(1)
Ly-Tall, op. cit., p.
(2)
Voir J. Goody,
1954, p.55 ; Fonds arabes de Legon
(Accra)
I.A.S.A.RI
11, 62 ; E.D. Jones "Jakpa and the foundation of Gunja" Transactions
of Historical Society of Ghana VI,
1966, p.13
;
I. wilks "A note on
the chronology and the origins of the Gonja Kings", Ghana Notes and
Querries
(Accra), n08,
1966, p.26-28.
(3)
Informations recueillies en mars 1983 à Abidjan. Le·roi Biton
Kuribari régna au début du XVIIIe siècle à Ségou.
(4)
N.G. Kodjo,
1983, op. cit., p.70. Nous avons utilisé dans notre
article le terme vague de "peu avant 1599-1600".
261
L'affaire de Maghan a probablement servi de
prétexte aux autorités du Mali pour intervenir dans la
région de Ségou.
Il n'est pas invraisemblable qu'après
l'attaque de cette ville,
le Mali ait tenté de reprendre
Dienné "son ancienne province" (1).
2.
- La vie errante de Maghan
D'après les traditions de Kong, Maghan avait à
peine une vingtaine d'années lorsque la mort de son pere
l'obligea à prendre le chemin de l'exil en compagnie de
quelques uns de ses frères
i
ce personnage serait donc né
vers 1575.
Il avait, dit-on, vu périr sur le champ de
bataille les braves compagnons de son père et des amis
d'enfance(2)
i
Maghan dut sa fuite aux durs sacrifices de
la garde de son père qui accepta de
se faire massacrer
i
elle protégea la fuite du jeune prince qui put ainsi rega-
gner la ville de Ségou. Que s'est-il passé à Ségou?
D'après certaines sources orales de la région de
Kong(3)
Maghan y aurait été bien accueilli
cet accueil
chaleureux devint insupportable à Sundyata qui demanda au
roi de Ségou de lui livrer le fugitif.
Les autorités du
pays engagèrent alors des négociations avec Ka'aba
elles
acc~ptèrent le payement d'une rançon en échange de la vie
sauve de Maghan et de celle de ses frères.
Le roi de Ka'aba
accepta cette proposition
i
malheureusement,
Ségou connais-
(1) Voir Ly-Tall, l'Empire du Mali . . . ,
1977, p.S1, voir aussi Es-Sa'di
T. es-S.,
1964, p.21.
(2) Voir Mamadou Labi, bande nOS, dossier V, Abidjan 1974. Voir Badawa,
bande nOS, dossier V,
1974 et Basièri Ouattara, bande n016,
dossier V, Unions,
1974.
(3) Nous avons signalé que le père de Maghan était, dit-on,
l'ami du
~roi de Ségou.
o ...----.11 00
Kangaba
\\.':'ewul~
• Bobo-Dioulass
• Tenégéra
Itin6raire de l-'-A(,SM!
D'après les sources écrites et orales
263
sait à cette époque des revers militaires(l)
le long de
ses frontières et des crises dynastiques sérieuses et ne
put réunir la somme nécessaire.
Furieux, Sundyata envahit
le Royaume de Ségou, dispersa les forces de la capitale
et pilla la ville(2).
Il semble que Maghan ait prêté main
forte à ses bienfaiteurs pour lutter contre l'armée de
Ka'aba ; mais vaincu pour la deuxième fois,
i l s'enfonça
vers les terres du sud pendant que ses jeunes frères
prenaient la route du Kaarta.
On est mal renseigné à Kong sur la vie des frères
de Maghan
; d'après Mamadou Labi, ces derniers seraient
.plus tard revenus à Ka'aba(3)
; si cette information se
vérifie,
il faut situer le retour des frères de Maghan vers
le milieu du XVIIe siècle sous le règne de Masa Maghan
ce souverain, nous l'avons vu,
s'est en effet soucié du
sort des enfants de Mambi.
Nous connaissons un peu mieux la vie de Maghan,
notamment lorsque ce dernier s'installe définitivement
dans la région de Kong. Auparavant il erre pendant une
dizaine d'années de 1600 à 1610(4)
; cette partie de
(1)
Informations recueillies à pongala, en 1976 auprès de Badawa Bamba,
bande n018, dossier 1. Nous n'avons pas pu identifier le souverain
qui régnait à cette époque à Ségou.
(2) Les informations fournies ici par les tr3ditionalistes de Kong
recoupent celles de la chronique du Gonja.
(3) Voir Mamadou Labi, bande n04, dossier v, Abidjan 1974.
(4) Nous avons recueilli sur ce point de nombreuses informattions qui
. plaident en faveur de ces dates : voir Labi (bande nOS, dossier V,
Abidjan, 1974), Basièri Ouattara (bande n~37, dossier VII, Abidjan
1978) et surtout Karamoko Ouattara (chef de Kong i bande n023,
dossier II, Kong 1974). Cette date est confirmée par les sources
écrites.
264
l'existence du fugitif est assez mal connue;
les sources
orales de Kong ont retenu les deux étapes importantes qui
ont marqué la vie du fugitif,
i l s'agit de Dé et de Téwulé.
La localisation 'de Dé pose des problèmes
; Bernus
situe cette localité dans l'actuel Mali,
au sud-est de
Bandiagara(1)
; mais il semble que Dé se trouve au con-
traire en pays bobo comme le note l'auteur du manuscrit
n01.
Dé est probablement une étape importante située sur
la route
Dienné -Bobo-Dioulasso.
Téwulé
semble @tre un ancien centre commercial
situé non loin de Sya
(Bobo-Dioulasso)
en pays Bwaba.
D'après les sources orales, Maghan a vécu longtemps
a Dé,
ce qui
justifierait le nom sous lequel il est connu
a Kong,
Dé Maghan.
Pour vivre,
i l dut pratiquer de nombreux
métiers,
le commerce,
la guerre
(razzias),
la poterie et
surtout le travail du bois
;
les traditionalistes de Kong
insistent beaucoup sur ce dernier point.
Sa famille avait
été entièrement ruinée.
Il est vraisemblable que dans les
premières années où i l fut contraint de fuir,il ne recher-
cha pas la proximité des centres commerciaux connus. Nous
verrons qu'il évitera de s'établir à Sya
(Bobo-Dioulasso).
Comme le plupart des princes en exil, .il dut cacher long-
temps sa véritable identité et rechercher les petits
hameaux.
Izard a montré comment Naaba Kango/chassé du trône
du Yatenga,dissimula son identité et allait
"de village en village en qu@tes d'incer-
tains appuis.
Il ne recrute pas de guerriers
et les gens auxquels i l rend visite sont
(1)
Voir Bernus,
1960, p.248.
265
apparemment étrangers aux choses du pou-
voir"(1).
Maghan connut la dure existence des princes en exil. Les
petits métiers auxquels.il se livrait tendent à prouver
qu'il se trouvait dans le dénuement le plus complet. Le
métier qui a retenu l'attention des traditionalistes est
celui du bois. L'outil qui l'empêcha de mourir de faim
était ce que les Dyula appellent le sombè, une sorte de
petite pioche.
D'après les traditions de Kong,
il aurait
fabriqué cet objet à Dé. Les traditions de Bobo-Dioulasso,
notamment de la région de Sungaradaga,
font du sombè ou
som~.avant tou~, une arme de combat. D'après Soma Ali
"Si tu demandes à Kèrè-Mori(2)
de détruire
un boro
(une région)
il le réalisera en un
jour comme un jeu.
Il le fera non pas avec
un fusil mais avec le manche d'un somè,
c'est avec ça qu'il détruira le boro"(3).
Le sombè était donc avant tout une arme de combat et à ce
titre il devait être le fidèle compagnon du guerrier. Mais
il pouvait servir aussi à tailler le bois.
Il s'agit
"d'un outil d'une vingtaine de centimètres
muni d'un manche en bois et d'une lame
recourbée" (4) .
Comme le souligne le griot Wa Kamisoko du vieux Mandé,
"
une fois qu'on a décidé d'aller à
l'aventure
( ..• ) on doit s'arranger pour
trouver les moyens par lesquels on peut
se procurer de quoi vivre(5)~
(1)
Izard,
1980, p.1498.
(2) Nous reviendrons plus tard sur le travail que ce prince avait
accompli dans le Gwiriko.
(3) Soma Ali, Sungaradaga, le 24-2-1979.
(4) A.V.A., série J, t . l ,
1977, p.300, note 1.
(5)
A.V.A., série J, t . l ,
1977, p.302.
266
Telle fut la situation dans laquelle se trouvait Maghan.
Il dut quitter Ségou avec son sombè avec lequel il
fabriquait des écuelles et divers objets en bois qu'il
vendait sur les marchés environnants ou qu'il troquait con-
tre des produits vivrieis. Ce travail ne lui procurait que
de très maigres ressources et il vécut pratiquement dans
la misère.
C'est cette misère qui l'obligea à abandonner la
vie difficile dans le hameau où il passa de nombreuses
années,pour prendre contact avec des marchands de Téwulé.
Il avait sans aucun doute entendu parler de ce petit centre
commercial qui devait se trouver au nord de Sya
(Bobo-
Dioulasso). Un matin,
ayant fait ses adieux à ses hôtes,
il,partit à Téwulé. Cette dernière localité devait comporter
une colonie dyula et des gens relativements aisés car,en
même temps qu'il continuait le travail du bois,il tissa
des pagnes etdes vêtements pour la population. Les milieux
commerçants en écoulaient une partie vers les savanes du
sud et les régions forestières.
La postérité allait retenir
le nom de l'un d'eux.
Il s'agit d'un Dyula du nom de Dao
Dabila.
Il fut impressionné par l'habileté du nouveau
venu à tisser les pagnes et la qualité de ces derniers.
Il
allait dès lors jouer un rôle dans la carrière de Maghan.
Une amitié sincère se noua entre les deux hommes. Bien que
les sources orales de Kong ne le signalent pas,il semble-
rai,t que les gens de Dé aient orienté Maghan vers ce négo-
ciant. C'est ce qui expliquerait qu'il accueillit chez lui
le fugitif de Kangaba.
Nous sommes assez mal renseignés sur le personnage
de Dao Dabila. Cet homme devait avoir une quarantaine
d'années car Maghan l'appelait "l<:oro"
(vieux,
aîné)
en
signe de respect.
Il devait aussi être relativement riche
car il faisait le commerce entre la région de Kong et celle
267
Bobo-Dioulasso. Ses activités portaient essentiellement
sur l'exportation du tabac en poudre(1)
et l'importation
des noix de kola et de l'or. Voici en quels termes il
aurait présenté Kong à son nouvel ami
"Kpon
(Kong)
est un pays immense,
il regorge
d'or, c'est un pays peuplé, mais les autoch-
tones vivent nus;
si tu t'installes chez
eux comme tisserand tu deviendras un jour
très riche(2)".
Cette nouvelle remplit Maghan de joie.
Il se joignit à la
caravane de Dao Dabila et fit son entrée à Ténégéra, dix
ans. après avoir quitté Ségou.
Maghan aurait certainement souhaité
s'installer
directement dans la capitale des Watara ; mais comme nous
le ver.rons Kong,était à cette époque, sous l'nutorité
du roi Borogo
qui acceptait de plus en plus mal l'ins-
tallation des étrangers musulmans dans sa capitale. Ces
derniers étaient donc obligés de s'établir dans les localités
voisines de Kong, notamment à Ténégéra,
à Limbala ou à
Dyangbanaso
au début du XVIIe siècle,
toutes ces loca-
lités sont en perte de vitesse et le rêve de tous les
marchands du pays était de se fixer à Kong,
ville riche et
prospère.
3.
- Dé Maghan à Ténégéra
(1610-1670)
N'ayant pas pu s'établir à Kong, Maghan se fixa à
Ténégéra qui renfermait une importante. population d'origine
mandé. Là, grâce à son habileté et à son ardeur au travail,
il contribua au développement de la région;
il ne tarda
(1) Le commerce du tabac dut être important au début du XVIIe siècle.
Mais il faut attendre les résultats des fouilles archéologiques
du site de la Gendarmerie.
(2) Extrait tiré des informations fournies par le roi actuel de Kong,
Kong, le 30-03-1976.
268
pas
à s'enrichir comme l'avait prévu son vieil ami Dao
Dabila.
Les sources orales de Kolon et de Pongala le
présentent comme un personnage généreux et épris de jus-
tice(1).
On prétend qu'au début de son installation,
il
ne rêvait qu'à une chose:
faire fortune,
équiper une
. puissante armée et reconquérir Ka'aba pour venger la
mort de son père(2). Mais au fur et à mesure que les années
passaient Maghan renonça à son projet et oeuvra pour
s'implanter définitivement dans le pays.
Il rompit alors
progressivement le silence dans lequel i l s'était enfermé
et participa à la vie politique du. pays.
Maghan acheta de nombreux esclaves qu'il initia
au tissage et au commerce à longue distance
; ses agents
commerciaux fréquentèrent les marchés de Sya et de Dienné
il dével~ppa la culture du coton dans la région. Il semble
avoir véritablement accordé une grande place au tissage,
il n'est certainement pas le premier à avoir
introduit les
techniques de tissage dans la région(3), mais il est
Sûrement le premier à avoir développé ce métier dans la
.
.
région de Kong;
aujourd'hui Maghan fait la fierté des
Watara qui le considèrent comme un héros civilisateur.
(1)
Kolon : voir Fisiri Ouattara, bande n014 dossier III
; pongala,
voir Badawa, bande n020, dossier l,
1976.
(2) Au cours des entretiens que nous avons eus avec le roi actuel
de Kong, Maghan n'aurait pas eu l'intention de se fixer définiti-
vement à Ténégéra ; c'est probablement ce qui a fait croire au
griot de Kirina Wa Kamisoko que Maghan avait conquis le Mandé avec
une armée recrutée à Kong.
(3)
Pour l'introduction des techniques de tissage à Kong, voir les tra-
vaux de Renée Boser-Sarivaxévanis : Les tissus de l'Afrique Occi-
dentale, Bâle,
1972, p.186 et suivantes.
269
Le roi de Ténégéra a l'époque de Maghan s'appelait
Bakari et non Dabila comme le mentionne Bernus(1)
; il
fut séduit par la personnalité de l'étranger et sa fortune
et il lui accorda la main de sa fille Somè(2) malgré la
réticence des milieux des karamoko de la cour royale
(3).
Le mariage fut célébré avec faste
; de cette union naquit
vers 1630(4) un
fils appelé Tyèba, du nom de son bien-
faiteur dyatigi
(hôte)
qui l'avait accueilli le jour de
son arrivée à Ténégéra ; ce personnage apparaît dans les
sources orales comme étant le frère cadet du roi Bakari.
C'est probablement vers cette date que Nadibo Kuribari
partit à la recherche de Maghan, le retrouva à Ténégéra
à la tête d'une grosse fortune. Ce dernier refusa de
rentrer au pays natal. Nadibo demeura auprès de lui pendant
quelques années et regagna seul Ka'aba avec de somptueux
et nombreux cadeaux pour la famille.
Il n'est pas invrai-
semblable que Nadibo soit reparti de Ténégéra à la tête
d'une armée qui l'aurait aidé à conquérir le trône de
Kangaba.
Cela justifierait la présence dans les traditions
du vieux Mandé d'une armée qui serait pattie de Kong pour
conquérir le pouvoir au Mali. En 1975; lors de la "Table
ronde sur les origines de Kong" le griot de Kirina, Wa
Kamisoko disait encore que Maghan
(1) Bernus, op. cit., p.248.
(2) Basièri Ouattara, bande n07, dossier III, Kong, 1974. Labi prétend
que la fille que Dé Maghan épousa à Ténégéra s'appelait Matagari,
nous rejetons cette hypothèse : cf. "Table rond~ sur les origines
de Kong", A.V.A., série J, 1977, p.236.
(3) D'après les traditionalistes, ce mariage serait effectivement con-
traire aux intérêts du roi, car l'enfant mâle de cette union devrait
régner sur le pays ; le roi Bakari devait avoir une grande affection
pour le nouveau venu.
(4) D'après certains traditionalistes, Maghan passa vingt ans à Ténégéra
avant d'épouser la fille du roi; voir à ce sujet Labi (Bande n04,
dossier J, 1974) et Karamoko Ouattara (chef de Kong: bande n024,
dossier II, Kong, 1974).
270
"est allé préparer sa guerre à Kong pendant
sept mois. A Kong les érudits étaient ~ntrain
de prier pour lui.
Il est parti de là-bas
avec des fusils pour comb~ttre le Mandé et
il a vaincu le Mandé"(1).
Il s'agirait peut être de l'armée conduite par Nadibo. Ce
:
fait est donc a situer dans la premièr~ moitié du XVIIe
siècle et non au XIIIe siècle comme on; a tendance a le dire.
Libéré des soucis d'argent, Dé, Maghan se consacra
de. plus en plus aux affaires politique~de la région. Il
devint l'un des principaux conseiller~ du roi Bakari
il
organisa sa propre cour,
accueillit de nombreux lettrés
dont le plus important fut Tyè-Kari,
le grand-père de
Lagbakuru,
le célèbre marabout de Seku Watara.
Maghan rêva-t-il de conquérir la région? Les
sources orales ne sont pas suffisamment précises sur ce
point, mais cette hypothèse ne paraît pas invraisemblable
car
il va accorder une grande importance à la carrière
militaire de son f i l s ;
il voulait faire de ce dernier
un grand homme de guerre(2).
La tradition ne lui connaît
pas d'autres enfants; peut-être que l'histoire n'a retenu
que le nom de celui qui
joua un rôle important dans
l'histoire de Kong sous le règne de L~siri Gbombélé.
(1) Wa Kamisoko, A.U.A., série J, 1977, p.300.,
(2) Il semblerait que Dé Maghan ait accordé un~ grande importance
à la prophétie selon laquelle son fils dev~endrait roi.
271
C. LES SOUVERAINS BOROGO ET BOROMO
Après le règne de Bokar, les~ources orales ne si-
gnalent aucun fait notable avant le début du XVIIe siècle.
Une très longue période animiste est donc ~~train de dis-
paraître dans la mémoire des traditionalist~s.
La première moitié du XVIIe siècle fut marquée
.par deux rois animistes Borogo et Boromo.
Pour connaître
l'histoire de ces deux princes, nous avons été obligé
d'int~rroger longuement les vieux de la région de Kong
(Sokolo et Pongala)
et de Bobo-Dioulasso
(Bobo-Dioulasso,
Sungaradaga et Kotédougou).
Le recoupe~ent de ces informa-
tions souvent contradtctoires a permis de mettre en évi-
dence le règne de deux souverains qui eurent une politique
totalement opposée vis-à-vis de l'Islam.
1.
- Bo r og 0
(1 590 ? -
1 630)
Il est difficile de savoir à quelle date précise
Borogo
a pris le pouvoir
; nous savons grâce aux sources
orales de Kong(l), que son successeur Boromo a régné une
t~~ntaine
d'années et qu'il fut remplacé sur le tr8ne par
Lasiri Gbombélé qui garda le pouvoir pendant une cinquan-
taine d'années; dans la mesure où nous situons l'avènement
de Lasiri Gbombélé vers 1660(2)
c'est donc vers 1630 que
mourut Borogo ; on attribue à ce roi un très long règne.
Peut-être avait-il pris le pouvoir vers la fin du XVIe siè-
cle. Deux faits saillants semblent avoir marqué l'époque
de ce souverain, l'opposition entre parti animiste et
parti musulman et l'insécurité.
(1)
Basièri Ouattara, Kong,
le 10-8-1977.
(2)
La chronologie que nous présentons ici a été élaborée à partir du
début du règne de Seku Watara que nous situons vers 1710 et des
durées des règnes que nous avons recueillies dans le pays. Nous
reviendrons plus tard sur la date de 1710.
272
a) La réaction animiste
Certaines traditions que DOus avons recueillies
dans la région de Bobo-Dioulasso au Burkina-Faso notamment
à Darsalami et à Kotédougou,
indiquent que la monarchie
animiste, à l'époque de
Borogo, s'opposait farouchement
aux musulmans ; voici à ce sujet le témoignage de quelques
vieilles familles de Kong installées de nos jours au
Burkina-Faso :
Version d'El-Haj Diané(1)
"
Kong avant Borogo accueillait les
étrangers, les commerçants et les musulmans
mais sous ce roi
les Sunangi n'autori-
saient pas l'installation de ces derniers
dans le pays. Les vieux racontent même que
les Sunangi maltraitaient les karamogo
(lettrés)
; de ce fait la plupart des kara-
mogo quittèrent Kong pour vivre dans les
villages loin de la ville de Kong". "
Version d'El-Haj Sibiri(2)
".•. Autrefois les masa de Kong étaient des
banmana ; mais ils n'étaient pas tous hos-
tiles aux musulmans ; certains même accueil-
laient dans leur cour des karamogo comme
conseillers. Mais tout ceci prit fin à
l'avènement de Borogo ; ce roi était magicien
et possédait de nombreux dyo
(divinités)
dans la forêt sacrée de Sakara
(non loin de
Kong)
; il se dressa contre les musulmans
et les fit maltraiter par ses Sunangi. Les
vieux de Kong disent que Borogo fut le
premier masa banmana
(animiste)
à s'opposer
ouvertement à l'Islam; il était hors de
(1) EI-Haj Mustapha Diané, bande n059, dossier XVIII, Kotédougou
Burkina-Faso,
3-3-1979.
(2)
Bande nOS8, dossier XV, Noumoudaga, 2-3-1979.
273
question de construitre une mosquée à Kong
à cette époque : ce roi était vraiment
méchant pour les musulmans ••. "
Version d'El-Haj Kamagaté(1)
" ... Nos vieux nous disaient autrefois qu'un
des rois banmana de Kong s'appelait Borogo
on pense qu'il était le père ou le grand-
père de Lasiri Gbombélé"(2)
; c'est dit-on
sous son règne que commencèrent les souf-
frances des musulmans et des commerçants :
les étrangers le redoutaient et n'osaient
pas s'installer dans le pays à cause de sa
cruau té ... "
"
De ces textes il découle que le règne de Borogo
marque un tournant décisif dans les relations entre le parti
animist~ qui détenait le pouvoir (autochtones et assimilés)
et le parti musulman et commerçant. Les récits que nous
venons de présenter ne donnent que le. point de vue des
musulmans partagé aujourd'hui par les descendants des au-
tochtones de la région de Kong qui viennent d'embrasser
l'Islam. Mais ils disent que les conflits qui ont opposé
leurs ancêtres aux musulmans de l'époque proviennent uni-
quement du fait que leurs parents suivaient la "mauvaise
voie" celle du banmanaya
(la voie de l'animisrn:=(3).
(1) Version recueillie à Darsalami (région de Bobo-Dioulasso, en
Eurkina-Faso) ,bande n059, dossier XVII, 4-3-1979.
(2) Borogo
était effectivement le grand-père ,de Lasiri Gbombélé -
voir à ce sujet Basièri Ouattara, bande n03a, dossier VII, Abidjan,
1978 •
(3) Les descendants actuels des populations de Kong disent eux-mêmes
que leurs ancêtres vivaient dans l'erreur; voir à ce sujet Bamori
Ouattara, bande n035, dossier XXI, Kolon, 26-3-1976.
274
Que s'est-il passé? Pourquoi sous le règne de
Borogo, Kong se ferme-t-elle au milieu musulman et com-
merçant ?
Trois raison~fondamentales pourraient expliquer
l'attitude de Borogo
:
1°/ L'importance de l'Islam à Kong
Nous avons vu que les étrangers qui s'installent
dans le pays viennent avec leur religion,
l'Islam. Mais
cette religion sera surtout développée par les milieux
d'affaires et les lettrés,
les karamogo.
Le XVIe siècle
,semble avoir été décisif dans le peuplement dyula de Kong.
L'afflux des étrangers inquiéta les Sunangi animistes.
J
Etant donnée la position de carrefour qu'occupait Kong
dans les échanges entre les pays forestiers et la boucle
du Niger,
la ville sous Borogo devait comporter une impor-
tante communauté musulmane qui diffusait l'Islam à travers
le,pays, constituant ainsi une véritable menace pour les
cultes animistes; or c'est précisément sur ces cultes que
reposait l'autorité du pouvoir royal. C'est probablement
face à ce danger que Borogo réagit vigoureusement en fer-
mant les portes de la ville aux immigrants musulmans.
Binger,
lors de son séjour à Kong à la fin du XIXe siècle,
a eu des échos de la décision des autorités de Kong de ne
pas. permettre aux étrangers de se fixer à Kong; c'est à
cette époque qu'ils furent contraints d'habiter Ténégéra
"un petit village disparu aujourd'hui
(à
deux ou trois kilomètres de la ville)
que l'on nommait Limbala"(l).
(1)
Binger, op. cit., t.1, p.323.
275
Les Sunangi avaient certainement l'intention de faire de
Kong une capitale politique animiste.
La présence d'une
communauté musulmane de plus en plus importante risquait
de compromettre ce projet. Les Samasoko du fait de leur
appartenance à des castes de forgerons allaient demeurer
longtemps hostiles à l'Islam.
Les musulmans étaient sans
doute las de voir dans tous les carrefours de la ville des
cases à dyo qui symbolisaient la domination des divinités
animistes dans le Royaume.
Les mesures. prises par Borogo
eurent sans aucun doute des conséquences fâcheuses sur le
commerce des Dyula ; désormais les étrangers durent se plier
aux exigences des dyatigi
(hôtes musulmans ou autochtones)
qui devinrent dès lors d'inévitables intermédiaires et qui
allaient s'enrichir au détriment des négociants venus des
pays voisins.
2°/ La volonté des marchands et des musulmans
de jouer un rôle politique et administratif
cians la cité
Il semble en effet que pendant longtemps une partie
de
l'élément dyula,
les commerçants et les lettrés musulmans,
ne jouaient pas un rôle direct dans~la vie politique à Kong.
Installés à l'écart dans des quartiers somptueux,
ils se
sont soumis à l'autorité des Tarawéré et des autochtones,
Falafala, Myoro, Nabé et Gbèn
; du fait de l'Islam,
ils
étaient d'ailleurs rejetés de l'appareil administratif et
. politique du pays. La cellule administrative était le Lu ou
le So
(cour, maisonnée)
; le Lu recouvrait un espace occupé
par la famille au sens large du terme, c'est-à-dire les
descendants d'un même ancêtre. Le responsable du Lu portait
le titre soit de Lutigi, de Sotigi ou de Tyèkoroba selon
les régions.
Il rappellait ainsi le Narigba des Sénufo ; sa
force résidait dans le nombre d'individus qui le composaient
et dans sa capacité à faire fructifier la terre de la com-
276
munauté.
Le Lu pouvait accueillir des étrangers à condi-
tion que ces derniers adoptent ses cultes.
En demeurant
attachés à l'Islam,
les étrangers étaient donc tenus à
l'écart.
Le Lutigi répartissait les terres à cultiver,
réglait les différends,
s'occupait des mariages des jeunes
et il servait de trait d'union entre les vivantset les morts.
Au-dessus du Lu se trouvait le Kabila ; ce dernier
avait lui aussi une fonction religieuse importance ;
il
délimitait un espace géographique, mais le critère qui le
définissait était d'ordre lignagier.
"Il s'agit avant tout d'un groupement de
familles
(au sens large)
qui
se reconnais-
sent alliées . . . "(l).
Il était aussi l'organe supr@me au sein duquel on prenait
les décisions qui régissaient la bonne marche du Kabila.
Au dessus du Kabila se trouvait à l'origine les Dugukoro-
tigi.
Ils constituaient un conseil au sein duquel on pre-
nait les décisions concernant le dugu ou le pays. Tous
ces représentants étaient des pr@tres animistes qui sié-
geaient dans le conseil du Do' o. Avec l'avènement de la rronarchi
ani~iste
le roi ou Mansa apparut comme le plus grand
pr@tre du Dolo.
Les musulmans et les commerçants ne siègeaient pas
dans le conseil des Dugukorotigi
;
ils n'ont donc pas été
toujours entendus lorsqu'ils évoquaient des problèmes
touchant l'organisation du commerce,
les taxes et la sé-
(1)
Jean Derive,
"le chant de Kurubi à Kong" A.U.A., série J, t.II,
1976, p.86, note 1. A Kong, la femme demeure attachée son Kabila
d'origine quel soit le lieu de résidence de son époux.
277
curité des routes.
Les sources orales font en effet état
B'attaques incessantes des caravanes dans le pays, souvent
avec le concours des Sunangi(l). A la fin du XVIe siècle,
les autorités politiques de Kong se rapprochèrent davan-
tage des populations autochtones agricoles afin de mieux
s'o~poser, semble-t-il, au parti musulman. Les rois
allaient ainsi à contre-courant de la vocation commerciale
de Kong.
Ils avaient choisi une voie extrêmement périlleuse.
Les rois animistes allaient accorder plus d'importance
au développement de l'agriculture qu'à celui du commerce.
L'importance des Dugukorotigi é~itétroitement liée
aux problèmes de la terre ; aucun étranger ne pouvait
s'installer ou cultiver une parcelle de terre sans l'au-
torisation du Dugukorotigi
; la présence des Samasoko
(clans forgerons)
dut provoquer une véritable révolution
dans le travail de la terre avec l'introduction des
outils en fer.
L'essor de l'agriculture semble avoir con-
solidé le·pouvoir des rois animistes ~onsidérés comme des
personnages possédant des pouvoirs surnaturels.
Devant tous ces problèmes le parti musulman dut
réagir en essayant de s'organiser et de prendre une part
active à la vie politique du pays. Les milieux animistes
ont dû mal supporter cette intervention tapageuse derrière
laquelle se cachait l'Islam; telles sont à notre avis
les deux raisons fondamentales qui au début du XVIIe siècle
o~posèrent le parti musulman au parti animiste. Une
menace extérieure allait retarder la confrontation entre
les deux partis.
Il s'agit des incursions gonja ou dagomba.
(1) Basièri Ouattara, bande n045, dossier XII, Kong 1977.
278
b)
Les guerres avec les pays voisins
Certaines sources orales rapportent qu'avant le
règne de Lasiri Gbombélé,
la région de Kong a été le théâ-
tre de nombreuses guerres qui ont laissé des souvenirs
assez lointains dans la mémoire
des traditionalistes : nous
avons très peu de détails sur ces dernières et l'on ignore
souvent l'identité des adversaires des gens de Kong.
Quoiqu'il en soit il apparaît,
très nettement
cependant à travers les sources orales que l'insécurité a
pesé. pendant longtemps sur les destinées du pays: voyons
quelques uns des documents que nous avons recueillis :
1°/ Version de Basièri Ouattara
"
Les gens de Kong ont eu dans le passé,
à défendre leur pays contre des troupes
venues de l ' e s t :
ils ont remporté des vic-
toires, mais essuyé aussi de sévères défai-
t e s ;
les vieux racontent par exemple qu'une
de ces guerres a failli rUIner le pays ;
beaucoup de gens ont abandonné leurs foyers
et ne sont revenus que sept ans après ... "(l).
Il est difficile de savoir contre qui Kong livra
cette bataille et à quelle époque eut lieu cette dernière.
Cette guerre semble avoir atteint les localités voisines
de Kong, Kongolo ou Labiné.
2°/ Version
les traditions de Limono
(1)
Basièri, Kong,
15-8-1977.
- - - - - - - -
279
"
Les états de Kong attiraient souvent
la convoitise des voisins i
ils eurent donc
à faire face à de nombreuses guerres i l'une
d'elle fut très meurtrière aussi bien pour
le pays
que pour nos ennemis. La bataille
dura trois jours et trois nuits
i
elle eut
lieu à Sokolo, d'où le terme Sokolo-Kèlè
(bataille de Sokolo)
i
l'armée de Kong venue
au secours de Sokolo fut défaite et fut
obligée de payer un riche butin aux envahis-
seurs
i
on raconte qu'à la suite de ces
guerres beaucoup de Myoro de la région
(de
Sokolo)
abandonnèrent leur pays et se réfu-
gièrent au nord-ouest de Kong . . . "(l).
Cette dernière guerre semble avoir un rapport avec
celle relatée par Basièri
; nous trouvons un écho de la
guerre de Sokolo chez le célèbre griot Wa Kamisoko du Mali
3°/ Version Wa Kamisoko
"
Des vieux, originaires de Kong,
racon-
taient qu'un jour, les Tarawéré de Kong
furent surpris par une guerre venue de l'est
ils tentèrent de résister, mais ils furent
battus
; cette bataille est connue sous le
nom de Sogolo-Kèlè
(bataille de Sogolo). Les
ennemis poussèrent si loin qu'ils atteignirent
Kongolo qu'ils ravagèrent.
Les Tarawéré de
Kong en apprenant la nouvelle prirent peur
et se dispersèrent dans tous les sens;
l'aîné
n'a pas attendu le cadet, l'époux n'a pas
attendu sa femme,
le père n'a pas attendu son
fils . . . Tous se sont dispersés dans le désor-
dre
; chacun cherchait ~niquement à sauver
sa tête.
Aujourd'hui, personne, à Kong, n'aime par-
1er de cette guerre qui est considérée comme
une honte pour les Watara
on préfère
garder le silence . . . " (2) .
(1) Bande n016, dossier V, Limono, 4 juillet 1974.
(2) Wa Kamisoko.
Informations recueillies à Abidjan le 15 novembre 1975-
bande n031
bis, dossier XXIX.
280
Le ~ogolo-Kèlè dont parle Wa Kamisoko est à notre
avis le Sokolo-Kèlè des traditions de Limono
pour ce
fait,
les sources orales internes, celles de Limono,
recou-
pent merveilleusement les sources externes fournies ici
par Wa Kamisoko. La bataille de Sokolo s'est donc achevée
à Kongolo, à vingt-cinq
kilomètres à l'est de Kong.
Les trois
versions que nous venons de signaler se rapportent à la
même guerre ; nous avons recueilli deux autres versions qui
font allusion à des guerres qui se déroulèrent dans la ré-
gion de Kolon et auxquelles participa l'armée de Kong.
4°/ Version des traditions de Koniéré
"Nos vieux racontent que nos ancêtres eurent
à lutter contre de redoutables guerriers
venus de très loin, à l'est de Bouna. Ces
derniers razziaient les populations,brûlaient"
les villages et les récoltes
; nos ancêtres
faisaient appel à Kong pour les défendre ; on
raconte que Kolon a été attaqu~ et pillée
plusieurs fois
; nos ennemis recherchaient
surtout l'or et les esclaves. Ce sont ces
guerres qui ont ruiné la région de Kolon bien
avant l'avènement de Seku Watara •.• Notre
pays était autrefois très riche ; nous avions
beaucoup d'or et cette richesse attirait la
convoitise de nos voisins .•• "(1).
Les versions que nous avons signalées ne permettent
pas de localiser cette zone d'où. provenaient les attaques
contre les états de la région de Kong
; elles ne permettent
.pas non plus de connaître la date à laquelle ces attaques
ont eu lieu. Nous allons donc essayer de les recouper avec
les traditions des pays voisins de l'~st, notamment avec
celles du Gonja,
recueillies en 1929 à Buipe
(Ghana)
par un
administrateur anglais R.C.
Hall(2).
(1)
Bamori Ouattara, dossier VI, Kong,
3-5-1973.
(2)
J. Goody, 1954, p.56.
281
"
They
(The Gonja)
did not go to Bonduku,
but via Nteresso to wabili,
then a big place
14 miles south west of Bole .. At Kolon
fought with the Abonifau, when Namba was
killed. Wam then conquered Kolon.
Th.eAbonifau (1)
created trouble and Wam
was killed . . .
Lemu then took over and fought and subdued
the following countries north west of Bonduku
Palaga, Kong, Awusu, Kongolu, Kwanyini and
Samata. Lamu died ..• It was a about A.D.
1760(2) •
Jakpa had had enough of war and decided to
settle at Buipe where he returned. There he
said,
"1 am tired of fighting.
AlI this coun-
try belongs to me l
will divide the country
between my sons and my brothers'sons".
Jakpa Then gave to
( ... ) Saaka Namba's son
Kumu ... ".
Les villes mentionnées dans le texte de R.C. Hall
se trouvent bien dans la région de Kong
; essayons de les
localiser
:
1°/ Kolon. Cette localité est située a une cinquan-
\\
taine de kilomètres,cl'est de Kong.
2°/ Palaga.
Il s'agit de la petite localité de Pa-
raga située au nord de Kong.
3°/ Awusu. Nous n'avons,pas,pu identifier cette
ville, mais nous pensons qu'elle devait se situer dans la
région de Kolon.
(1) Le terme Abonifau (Abonifo) semble un terme akan
il désignerait en
langue ando (Anno) les sujets d'Abo (roi abron qui mourut vers
1740) c'est-à-dire les Kulango.
(2) D'après R.C. Hall, ces informations proviendraient d'un manuscrit
arabe i la date de 1760 nous semble trop récente i ces faits ont dû
se, passer au XVIe ou XVIIe siècle.
282
4°/ Kongolu.
Cette ville s'appelle en réalité
Kongolo
; elle est à 25 kilomètres à l'est de Kong.
5°/ Kwanyini.
Il s'agit sans aucun doute de la
ville de Konié-ré,
à l'est de Kolon.
6°/ Samata. Samata est une région aurifère, elle a
été visit~par de nombreux voyageurs dont les plus impor-
tants sont Abu Kabr(1)
et Binger(2).
Voici d'ailleurs l'itinéraire emprunté par Abu Bakr
en 1800 pour se rendre de Kong à Bouna ; parmi les principa-
les étapes,
il cite Kongolu
(Kongolo), Kawaré, Koniéré, Sambata
(Samata)
et Balobolo
(dernière localité avant d'entrer dans
la province de Bouna).
Les princes du Gonja ont donc guerroyé dans la
région de Kong à des époques différentes. Les tradItions que
nous avons enregistrées proviennent certainement des intru-
sions gonja dans les pays watara. Nous avons un
repère chro-
nologique relativement important celui du règne de Jakpa ou
plus exactement Jakpa Lanta; ce souverain a régné de 1622/3
à 1666/7(3)
;
l'imam Marhaba nous donne une indication capitale.
Selon cet informateur le règne de Borogo aurait été marqué par
de nombreuses guerres.
Il précise qu'à la fin de sa vie l'une
d'elles faillit entrainer la destruction de Kong. Nous situons
ce dernier épisode vers 1630(4)
dans ce cas,
il faut situer
le début des incursions gonja dans la région de Kong dès la fin
du XVIe siècle; c'est probablement à partir de cette
date
(1) Abu Bakr est né à Tombouctou vers 1790 ; il passa à Kong vers 1800.
Il fut capturé par les troupes abron au cours d'une guerre que Bondou-
kou livra contre la ville de Bouna en 1805 et vendu aux Ashanti. Il
fut déporté à la Jamaïque : voir à ce sujet Ivor wilks in Africa Remem-
bered, 1967, pp.152-169 ; pour son iti~éraire Dienné-Bouna,. p.1G6.
(2) Voir Binger, ~. cit., t.II, p.198-200. Binger emprunta lors de son
second voyage en 1889, la route d'Abu Bakr en sens inverse.
(3) Voir D.H. Jones "Jakpa and The Foundation of Gonja~
Transaction of the
Historical Society of Ghana, vol. VI, 1962, pp.1-30 ; voir aussi Ivor
wilks in the History of West Africa,. 1971, p.357.
(4) Marhaba Saganogo, Bobo-Dioulasso, mars 1979.
283
que le Gonja, en quête de butins et de ,terres entreprit des
guerres de conquêtes et de razzias. Il est vraisemblable que
la région de Kong ait fait l'objet d'incessantes razzias de
la. part des princes du Gonja ; il serait cependant, à notre
avis, abusif de croire que la région de Kong ait été une pro-
vince du Gonja comme le laissent supposer les traditions de
ce. pays.
Nous avons vu que la guerre de Sokolo eut lieu vers
la fin du règne de
Borogo
(1630)
; c'est donc Lanta Jakpa
qui vainquit les armées de Kong et obligea le souverain
Borogo
sur son lit de mort à payer un lourd tribut en or. La mort
de Jakpa semble avoir marqué la fin des hostilités entre les
princes du Gonja et ceux de Kong;
il est possible que Jakpa
ait subi à Sokolo des pertes sérieuses en vies humaines et
qu'il ait renoncé après 1630 à lancer des opérations guerrières
contre la ville de Kong devenue le siège d'une puissance
militaire.
Mais les faits importants qui méritent notre
attention, ce sont les changements politiques que ces guerres
vont. provoquer dans la région de Kong. Les incursions gonja
font régner l'insécurité dans la région de Kong à
partir de la fin
du XVIe siècle. Face à ces dangers les prin-
c~pales cités du pays s'organisent pour assurer leur défense.
La. présence des troupes des ro~Tarawéréde Kong sur les
principaux champs de bataille tend à prouver que la cité de
Kong avait été choisie comme le leadership des états de la
région. Ce choix imposa aux Tarawéré des devoirs et des droits
ils allaient assurer la sécurité de leurs alliés ce qui leur
donnait le droit d'intervenir dans les affaires des autres
cités; ces dernières allaient fournir désormais à Kong, des
troupes et un tribut en argent(1).
(1) Voir Lacour royale de Kong, bande n027, dossier II, Kong, 1974.
284
2.
- Boromo Watara 1630-1660
Les informations que nous avons rassemblées ten-
dent à montrer que Boromo fut un grand souverain.
Il aurait
été à l'origine de l'unification des nombreuses chefferies
qui existaient à Kong à partir du XVe siècle. Sa politique
en faveur du monde musulman a failli lui faire perdre la
couronne de Kong.
Les renseignements que nous avons pu glaner
ça et là viennent en grande partie des milieux musulmans.
Avec Boromo,Kong allait amorcer une politique de domination
sur les chefferies locales.
a)
Tentative-d'hégémonie
Boromo jouit dans les traditions animistes et
musulmanes ~e~réputation d'un guerrier valeureux. Il avait
tiré les leçons de la défaite de Sokolo et du lourd tribut
que Borogo et la population de Kong durent payer pour empê-
cher les envahisseurs de piller leur vill~. Tout le monde
avait eu. peur et les versions de Basièri
Ouattara et du griot
de Kirina que
nous avons signalées donnent une idée de la
peur qU'~frowaient les gens au milieu au XVIIe siècle. Pour
,
.
. . .
.
se.premunlr contre ces attaques lncessantes qUl rlsqualent
de co~promettre le développement du Nord-Est de la Côte
d'Ivoire, Boromo décida de constituer une grande armée et de
mettre fin aux petites troupes des kundigi qui, comme nous
l'avons vu,ne dépassèrent guère quelques centaines de cava-
liers.
Mais la mise en place d'une importante armée néces-
sitait d'énormes moyens financiers.
On comprend dès lors
pourquoi Boromo se tourna vers les principautés du
slJd qci depuis la fin
du XVIe siècle ne cessaient de sol-
liciter l'appui des mansa de Kong contre les incursions enne-
285
mies,
surtout gonja ou dagomba.
Sous l'impulsion des nouveaux
venus Ligbi, Wela et Dyula,la région au sud et au sud-est de
Kong avait connu de nombreuses chefferies qui se disputaient
la suprématie dans les pays senufo.
Deux d'entre elles sem-
blent avoir
joué un rôle important bien avant la mise en
place de la monarchie animiste de Kong ';
il s'agit de Ténégéra
et de Dyangbanaso. La première,
un trÈ~ ancien Royaume semble
avoir attiré de bonne heure les Ligbi et les Wela.
Il est
difficile de savoir à partir de quelle date Ténégéra devint
la c?pitale d'une chefferie wela. Toutes les traditions
s'accordent pour dire que le Royaume de Ténégéra est le plus
ancien royaume de toute la région de Kong.
Ce royaume dut
certainement atteindre son apogée au XVIe siècle :
"Au moment de la création du mansaya de
Kong,Ténégéra était déjà un grand centre.
Sa capitale commandait au moins une centaine
de pays, et la ville compt~it
au moins
10.000 hommes •.. 11 (1 ) •
Si ,comme nous le pensons,Bokar fonda la première
monarchie animiste de Kong vers la fin du XVe siècle,
il
faudrait situer les débuts du Royaume de Ténégéra entre la
fin du XIVe siècle et le début du XVe siècle. Quoiqu'il en
soit,au XVIIe siècle,
le pays connaissait des crises dynas-
tiques graves:
un prince tarawéré, Bakari Watara avec
l'appui d'une colonne de Kong renversa le dernier roi wela,
Bana. Ténégéra venait ainsi de se placer sous la tutelle
des rois de Kong.
Basièri Ouattara n'hésite pas à dire que
Bakari
appartenait
à la famille princière qui régnait à cette
époque à Kong(2).
(1)
Basièri Ouattara, Kong,
10-08-1977.
(2)
Basièri Ouattara, Kong,
10-08-1977.
286
La seconde chefferie~celle de Dyangbanaso~a ~t~
fond~e par des Wela de B~gho. La tradition de Kong est assez
.pr~cise sur ce point. Il faudrait donc situer les d~buts
de ce Royaume après 1430, date retenœg~n~ralement comme
~tant celle de la fondation de Begho. Ce n'est pas par ha-
sard qu'un des quartiers de la ville de Dyangbanaso portait
le nom de Begho-kora
(le nouveau Begho). Comme T~n~g~ra,
Dyangbanaso dut connaître un r~el essor au XVIe siècle et
connut son apog~e au d~but du XVIIe siècle. Sous le règne
de Boromo le pays connaissait aussi de violentes crises
dynastiques;
un prince Gbèn allait suivre l'exemple de
Bakari et conqu~rir le pouvoir avec l'appui de Boromo. Il
s'agit d'un certain Soro Musa.
Il allait fonder
la dynastie
des Gbèn~ansa. L'intervention des rois de Kong à T~n~g~ra
et à Dyangbanaso consacra l'h~gémonie des rois taraw~r~ sur
une partie importante du Nord-Est de la Côte d'Ivoire.
D~sormais Boromo pouvait exiger des tributs de ses prot~g~s.
Ainsi naquit la supr~matie de Kong sur l'ensemble des chefferies
de la r~gion et notamment sur T~n~g~ra et Dyangbanaso. Les
tributs pr~lev~s sur ces deux Poyaumes allaient permettre
à Eoromo de constituer sa grande arm~e. Il op~ra dans ce
àomaine une v~ritable r~volution en cr~ant un corps de
fusiliers.
Deux personnages semblent avoir jou~ un rôle
important dans la fourniture
des armes et de la poudre
il s'agit d'Atyè et de Kumalè.
Dans les versionsque nous
avons recueillies à Sokolo ils appartiendraient à la famille
des Sandi
(Ashanti) (1). En r~alit~ nous avons affaire à des
noms courants chez les Nzima ou Apolloniens. Ceci tendrait
à prouver qu'au d~but du XVIIe siècle il existait à Kong
une colonie Nzima qui s'adonnait au commerce des armes et
(1)
Dyamila Ouattara, Sikolo,
30-03-1976.
287
qui
jouait certainement un rôle important à la cour des
rois du pays(l).
Les traditionalistes s'accordent à dire que Boromo
disposa dans les premières années de son règne d'une armée
de 5 à 10.000 hommes dont un corps de 500 fusiliers et
1.000 cavaliers. Ces chiffres sont sans doute exagérés,
mais ils donnent une idée de la force dont disposaient les
rois de Kong au milieu du XVIIe siècle. Les rumeurs que
les marchands faisaient circuler à l'extérieur à propos
de la puissance du Royaume de Kong durent décourager les
incursions gonja ou dagomba. A partir du règne de Boromo
les sources orales ne font plus cas des fameuses troupes
qui venaient de l'est et qui pillaient et détruisaient
impunément les villages et les hameaux de la rive droite
de la Comoé.
b)
Vers une politique de détente
Dans les rapports avec les milieux musulmans et
commerçants, Boromo semble avoir pris le contre-pied de la
politique de son prédécesseur. Il n'est pas impossible qu'il
ait eu un penchant pour l'Islam que ses ancêtres avaient
abandonné depuis plusieurs générations. Dans les traditions
orales que nous avons recueillies auprès de l'imam Marhaba
on le retrouve pendant une dizaine d'années à Dienné, sui-
vant les cours d'un certain Muhammad Abbas. Ce dernier
. personnage exerçait alors les fonctions de cadi(2). Si
cette information se vérifie,
il s'agirait du cadi Abu'
(1) Les Nzima avaient une grande audience auprès de Samori vers 1895. Cf.
Person, t.III, ~. cit., p.1766. Person cite le cas d'un certain
Nzima connu sous le nom de Nyamké. Goody n'a pas tort de suggérer
une forte colonie de Nzima dans le Mango au milieu du XVIIIe
siècle. Cf. Goody, 1954? P.47.
(2) Informations recueillies en mars 1979 à Bdbo-Dioulasso.
288
l-Abbas Ahmed Terui. Ce savant serait mort en 1024 de
l'Hégire
(29 mai -
28 juin 1615)(1). Son séjour à Dienné a
été aussi relaté au vieux karamogo Dyamila Ouattara qui nous
dit que Boromo suivait les cours des grands savants de la
ville de Dienné(2). Ce voyage s ' i l a eu lieu devait coïncider
avec
une époque où l'hostilité de Borogo mettait sa vie
en cause.
Il dut être boudé par l'aristocratie Watara ani-
miste. Dans ces conditions, son retour à Kong devrait se
situer dans les dernières années du règne de Borogo. Quoi
qu'il en soit,
les traditions musulmanes affirment qu'à
Kong il évoluait dans le milieu musulman. Boromo était
sans aucun doute un prince intelligent qui se rendait compte
du. poids que les milieux musulmans et commerçants représen-
taient dans le pays. Devenu roi il se débarrassa d'un grand
nombre de Kundigi qui étaient demeurés fidèles à la mémoire
de Borogo.
Il s'entoura de conseillers musulmans. La tra-
dition a retenu le nom de deux personnages influents qui
siégeaient dans le conseil d'Etat du souverain.
Il s'agis-
sait de Musa Falani qui était une sorte de ministre de la
guerre d'où son titre de Kèrè-mansa et Dyéli Maghan kesé
qui représentait les intérêts de la communauté musulmane
et qui portait le titre d'al-Kadi
(cadi). Entre 1630 et
1660 on assista véritablement à une politique de détente
entre le pouvoir royal et les milieux musulmans et commer-
çants. Cette situation fut bénéfique au développement de la
ville de Kong
:
1°/ Sur le plan démographique
Beaucoup d'étrangers qui avaient été contraints
de s'installer dans les localités voisines regagnèrent la
ville. Les traditions insistent sur l'afflux de nouveaux
(1)
Tarikh-Soudan,
1964, p.364.
(2)
Dyamila Ouattara, Sokolo, le 30-03-1976.
289
etrangers dans la capi tale des Tarawéré "devenue- plus hos-
pitalière et plus accueillante" (1).
Il est cependant diffi-
cile d'accepter les chiffres
des traditionalistes qui
disent que Kong avant l'avènement de Seku avait plus de
15.000 habitants(2). Ce que nous pouvons dire, c'est que
la ville avait connu un accroissement considérable de popu-
lation. Les chiffres de 5 à 6.000 hommes sont acceptables
pour le milieu du XVIIe siècle ; mais fI faut ajouter une
population flottante de 2 à 3.000 hommes.
2°/ Sur le plan de la sécurité
Boromo, grâce a son armée,
avait réussi à réta-
blir la sécurité sur les voies caravanières. Les traditiona-
listes soulignent que les Dyula voyageaient sans escorte
à l'intérieur des territoires placés sous le contrôle des
rois de Kong. Ce fut probablement sous le regne de Boromo
que le grand marché de Kong prit l'allure q'une foire qui
avait lieu tous les cinq jours. Cet exemple allait d'ailleurs
être suivi par la plupart des principaux centres commerciaux
du nord-est de la Côte d'Ivoire, Ténégéra, Nafana, Kolon,
Koniéré . . .
3°/ Sur le plan des impôts
La question
des impôts a toujours été au coeur
des difficultés que la plupart des Etats africains avaient
rencontrées dans le passé. L'absence d'une solution cohé-
rente à ce problème allait pousser la plupart de ces forma-
tio~politiques à asseoir leur équilibre sur des ressources
(1) Imam Marhaba, Bobo-Dioulasso, mars 1979.
(2) A la fin du XIXe siècle Binger parlera d'une population de 15.000
âmes. Nous devons les chiffres de 15.000 habitants au karamogo Labi,
Abidjan, juillet 1974.
290
financières précaires. Cela expliquerait le caractère éphé-
mère de certains des grands Empires soudanais, Ghana, Mali,
Songaï. A notre connaissance,
seul le Ghana a réussi au XIe
siècle à avoir des ressources stables. Selon al-Bakri
:
"Le roi prélève un dinar d'or sur chaque
âne de sel qui entre dans le pays et deux
dinars en cas d'exportation.
Il perçoit
pour chaque charge de cuivre cinq mithkal
et dix pour toute autre marchandise"(l).
Les Arabes et les Berbères
n'échappaient pas au système mis
en place par le souverain du Ghana. Le .Mali, par contre, qui
nous intéresse ici avait adopté un système différent. Au
XIVe siècle al-Umari parlant du Mansa du Mali écrit:
"Ce dernier a des reven~s plus considérables
à cause de la proximité avec les pays païens
où se trouvent les plantations d'or
i
comme
il soumet les païens à sa domination,
il en
retire pour cette raison un bon profit".
L'auteur ajoute
"Un
profit considérable lui vient aussi du
trafic des marchandises dans son Royaume
et de ses prises dans les razzias en pays
infidèles" (2).
En réalité,
les taxes commerciales jouaient un
rôle négligeable dans les finances de l'Etat. Terray se
référant aux travaux de Djibril Tamsir Niane é c r i t :
"Les gains des Dyula sont assujettis à la
dîme au bénéfice du trésor public, mais il
s'agit ici des colporteurs du pays, non des
grands négociants étrangers" (3) .
(1) AI-Bakri,
in CUOQ, ~. cit., p.l0l.
(2)
Al Umari in CUOQ, ~. cit., p.284.
(3)
Terray, op. cit., p.8, voir Niane,
1975, p.66.
291
Par conséquent les étrangers n'étaient pas astreints aux
rtdevances royales.
Il est clair que les Dyula installés à
Kong allaient demander à bénéficier des avantages dont jouis-
saient les Arabe -Berbères dans le Mandé.
Pour montrer qu'ils
étaient étrangers à Kong ils conservèrent leur dyamu mandé
et s'établirent à l'écart de la ville autochtone. Dès la
fondation du Royaume des Tarawéré,
ils refusèrent de verser
la dîme traditionnelle à la caisse royale. Ainsi naquit le
. premier conflit qui opposa les milieux commerçants et musul-
mans à l'aristocratie royale. Boromo, conscient de la situa-
tion, voulut réconcilier tout le monde ~n instituant le
dolo-songo,
littéralement le prix de la boisson. A l'époque
de Boromo il ne s'agissait pas d'une taxe, ni d'un impôt,
mais d'un don que les négociants devaient faire aux rois
après le retour d'une caravane. D'après le traditionaliste
Basièri Ouattara
"au début tout allait bien mais le système
se grippa assez tôt ; les Dyula lui portaient
un moment des vêtements d'apparat, des armes
à feu, de la poudre, du sei, des noix de
kola
( . . . ) Mais peu à peu le dolo-songo ne
fut que l'affaire des amis du roi"(1).
Peut-être que les Dyula ne· voyaient. pas la nécessité de payer
.des dolo-songo à un roi
qui "lors des fêtes musulmanes
distribuait plusieurs dizaines de milliers de pièces d'or
à ses karamogo et à ses principaux dignitaires"(2). Marhaba
a entendu des vieux dire qu'il offrit u~ jour "à un pèlerin
de la Mecque al-Haj Kuribari
100.000 piè~es d'or " (3). Quoi-
qu'il en soit,
son successeur Lasiri Gbombélé allait hériter
d'une situation financière grave. Pour redresser la situation
Lasiri allait donner
au dolo-songa le caractère d'une taxe
ce qui, on s'en doute, va dresser Lasiri contre le milieu
(1)
Basièri Ouattara, Abidjan, le 20-11-1978.
(2)
Imam Marhaba, Bobo-Dioulasso, mars 1979.
(3)
Imam Marhaba, Bobo-Dioulasso, mars 1979.
292
des hommes d'affaires. Sous Boromo, l'équilibre financier
du Royaume reposait essentiellement sur le tribut des
alliés. A l'avènement de Lasiri Gbombélé, les caisses de
l'Etat étaient pratiquement vides. Boromo n'avait donc pas
réussi à créer un impôt régulier. L'absence de ce dernier
allait constituer l'une des faiblesses de la monarchie
tarawéré.
293
D. L'APOGEE DU POUVOIR ANIMISTE OU LE REGNE DE
LASIRI GBOMBELE :
1660-1710
Nous avons vu que le nom Gbombélé était étroitement
lié au
Poro de Kong et notamment au masque Gbo ou Gbombélé
qui symbolisait l'animisme;
i l n'est pas certain que ce
souverain ait porté réellement ce nom. Binger nous a laissé
quelques détails à propos du nom du souverain qui précéda
Seku Watara
;
il écrit en effet en 1890 :
ilLe premier Mandé-Dioula qui jouissait d'une
réelle influence fut Fatièba Ouattara
(le
père de Seku Watara)
auquel succéda Bagui
qui eut lui-même pour successeur Sekou
Oouattara . . . "(1)
or Bagi s'appelle en réalité Gorogo-dogotigi
(le Gouroungo-
Dongot igu i
de Binger) (2). Nous savon s que l'in formateur de
Binger était Karamoko ulé
; ce dernier appartenait à la
famille de Bagi mais il voulait se faire passer aux yeux de
notre explorateur pour un descendant de Seku Watara.
Il fit
donc croire à Binger qu'il existait deux Bagi, le prédéces-
seur de Seku Watara et le fils de ce dernier
bien entendu
il se fit passer pour le petit-fils de Seku. En réalité il
est le petit-fils du roi de Kong évincé par Seku Watara(3).
Le roi devait s'appeler en réalité Lasiri Gorogo ; le roi
actuel de Kong le désigne d'ailleurs souvent sous ce nom.
C'est. probablement en souvenir de ce grand roi que Karamoko
ulé donna le nom Lasiri à l'un de ses fils(4). Le Tarikh harnalakat
al-watarayyin min Ghurn laisserait supposer qu'il portait aussi le nom
de Ishaq Tarawéré(S).
(1) Binger, ~. cit., p.324.
(2) Nous avons vu que, d'après les traditionalistes, le grand-père de
Lasiri s'appelait effectivrneent Borogo.
(3) Tous les traditionalistes de la région de Kong s'accordent sur
ce. point.
(4) Voir Binger, ~. cit., t.I, p.324 voir surtout p.325 (la liste des
fils de Seku Watara) et p.326 ; ce prince rêsidait à Kong à la fin
du XIXe siècle.
(5)
I.A.S.A.R./454. Legon.
294
1.
- Lasiri et le Nyama-Kurugo
Lasiri, dit-on,
a pris le pouvoir lorsqu'il avait
une trentaine d'années(1),
il serait donc né vers 1630. Son
règne avparut interminable aux y.eux des musulmans
~ à écou-
ter les traditionalistes on a l'impres~ion qu'il a régné
pendant plus d'un siècle
~ en réalité, il occupa le pouvoir
de 1660 à 1710.
Les sources orales ne donnent .aucune information
sur le portrait de Lasiri.
Il dut avoir un physique imposant
et selon toute vraisemblance un teint très clair rappelant
celui d'un albinos
~ ceci expliquerait .. pourquoi on l'appelle
souvent dans les sources orales Lasiri Gbanmèlè. Son long
règne laisse présager qu'il a joui d'une excellente santé.
Sa coiffure semble avoir fasciné ses contemporains
elle se composait de trois touffes de cheveux tressées et
di?posées en triangle
~ chacune de ces tresses était ornée
de caur is (2) .' On attribuait à ces touf fes de cheVeux des
pouvoirs surnaturels, ceux de conférer à Lasiri la puissance
d'un buffle, d'un lion ou d'un éléphant
~ on raconte que
Lasiri.pouvait faire entendre la voix de ces animaux en
agitant ses tresses(3).
Ainsi, Lasiri apparaît dans toutes les sources
orales de la région de Kong et de Bobo~Dioulasso comme un
roi magicien à l'image de Sonni Ali du Songai
(1464-1492) (4) .
Comme Sonni Ali son esprit fut imprégn~ par les cultes
animistes
~ il fut élevé dans les bois sacrés, de ce fait,
(1) Informations fournies par El-Haj Oumar Coulibaly bande n025, dossier
II, Kong, 1974 et Marhaba, bande n047,
1979~
(2) Dossier XII, Bobo, 1979 ; voir aussi Mamadou Labi, bande n03, dossier
II, Kong, 1974.
" (3) Détails rapportés par Basièri Ouattara, bande n038 dossier VII, Abidjan,
(4) Pour le règne de ce souverain, voir les chroniques soudanaises, le
Tarikh es-Soudan (p.103 et suiv.) et le Tarikh el-Fettach (p.81 et suiv.)
295
'il semble avoir accordé une grande. place aux dyo ou
divinitésde son Royaume, et notamment à l'organisation du
culte du Nyama-Kurugu.
Lasiri semble avoir placé sou~ sa coupe l'ensemble
des divinités de la région au nombre de sept, Il les
hiérarchisa et fit construire pour elles des cases à
Kong. Ainsi à Kong il eut un Dyo-Ba
(divinité supérieure)
qui coiffa six Dyo-Fitini
(divinitffi inférieures)
l'en-
semble de ces dyo donna lieu à un culte connu sous le nom
de Nyama-Kurugu.
Les descendants actuels de Lasiri devenuS
musulmans observent un silence discret sur l'organisation
du culte du Nyama-Kurugu qui semble avoir donné naissance
,a un véritable clergé. Dans ce clergé, on distingue en
haut de l'échelle le Masa qui
déléguait ses pouvoirs à l'une
de ses soeurs qui,
à l'époque de Lasiri,s'appelait Bunugari.
Elle avait un rôle très important dans la désignation des
souverains et le mariage des princesses ; au-dessous de la
soeur du roi on notcitla présence de sept.prêt~esses placées
sous les ordres d'un Dyo-Kuntigi
(la grande prêtresse)
à l'époque de Lasiri, cette femme s'~ppelait Yogo(1).
Lasiri poussa toute la.p~pulation banmana de la
région de Kong à adhérer aux dyo de Kong et l'obligea à
payer un tribut. D'après Labi,
"il faisait détruire les villages qui refu-
saient de payer un tribut pour l'entretien
du Nyama-Kurugu" (2) .
.
Il donna ainsi à son culte une puissance économique et
sociale.
(1) Pour toutes ces informations, voir Basièri Ouattara bande n'38,
dossier VII, Abidjan 1978.
(2) Mamadou Labi, bande n042, dossier X, Abidjan, 1974.
296
L'existence des cultes animistes a Kong fit de
cette ville une métropole religieuse
;
"chaque année de nombre'ux pèlerins affluaient
dans la capitale des Watarapour apporter
leurs dons et implorer la générosité de
Nyama-Kurugu qui disait-on était encore plus
puissant que les karamogo
(marabouts)" (1).
L'unité religieuse autour du Nyama-Kurugu semble
avoir favorisé le regroupement des états de Kong autour
de Lasiri
; le monde paysan rechercha son appui pour éviter
les sécheresses et obtenir de bonnes récoltes ; les princes
de la région ne pouvaient entreprendre une guerre sahs
consulter les dieux de Kong.
De ce fait tout le monde crai-
gnait Lasiri,
le respectait et se soumettait à lui.
Il
laissa dans l'histoire de Kong,
le souvenir d'un roi puis-
sant et riche.
Pour mériter la confiance de la famille royale de
Kong,
les chefs des Etats alliés nouèrent avec elle le
lamogoya :
le lamogoya est une institution originale qui
repose sur des alliances matrimoniales
; en autorisant le
mariage des princesses Tarawéré avec les principaux chefs
de la région,
Kong s'assurait l'appui inconditionnel de
ces derniers(2).
Les guerres contre le Gonja semblent avoir favorisé
la formation d'une fédération d'Etats avec cependant la
suprématie de Kong
; par le jeu des alliances et notamment
du lamogoya, Kong allait étendre son hégémonie sur l'ensem-
ble des Etats de la région
: nous asistons là à la naissan-
ce du Kpon-Kènè ou Kpon-Gènè
(le Royaume de Kong)
; le
lamogoya va servir de ciment à l'unification des états de
(1) La Mamadou, Abidjan, 1974.
(2) Le roi actuel de Kong, Karamogo Ouattara insiste à juste titre sur
l'importance du Lamogoya à l'époque surtout des rois animistes; il
semble avoir servi de base à l'unification des états de Kong.
297
la région autour de Kong,
la capitale des Tarawéré.
2.
- Lasiri Gbombélé et Tyèba
a)
Les ambitions de Tyèba
Maghan se préoccupa de l'éducation religieuse de
son f i l s ;
dès l'âge de sept ans,
il le confia à Ty~-Kari
qui lui enseigna les rudiments de l'Islam. Tyèba ne
.pa~issait pas avoir un goût particulier pour les études
la tradition n'a conservé à ce sujet aucun souvenir. Elle
parle au contraire de l'ardeur guerrière du fils de Maghan
qui devint à vingt ans un important chef de bande ; il
loua à partir de ce moment ses services à Bakari le vieux
roi de Ténégéra.
Pendant les périodes de repos, Tyèba
tissait ou effectuait pour son père le commerce a longue
distance. C'est à l'âge de trente ans, vers 1660, qu'il
se consacra à la carrière militaire. C'est l'époque où
monta sur le trône de Kong
le jeune roi ambitieux Lasiri
Gbombélé
; c'est à cette date aussi que l'on vit poindre
à l'horizon le danger Kuribari qui allait menacer l'exis-
tence de Kong et de Ténégéra. Face à cette menac~, Bakari
se tourna vers Tyèba et lui confia la tête de son armée
en le nommant Kèrè-mansa
(chef de guerie). Le roi de Téné-
géra conscient du qanger kuribari qui venait
de Limbala,
tendit la main à Lasiri Gbombélé. Les sources orales
insistent beaucoup sur les menaces que les Kuribari de
Limbala firent planer sur Ténégéra et Kong et qui permirent
à Tyèba de s'imposer comme un véritable roi a Ténégéra ;
voici quelques uns des témoignages que nous avons recueillis
à Pongala, à Koniéré et à Kong.
298
1°/ Version de Pongala(l)
"Les Kuribari s'étaient implantés solidement
dans la région de Ténégéra ;
ils convoitaient
les richesses de Kong que vantaient les com-
merçants qui fréquentaient le pays ;
ils
décidèrent donc un jour de conquérir Kpon
(Kong)
; mais ils furent trahis par Dé Maghan
et l'affaire échoua . . . ".
2°/ Version de Koniéré(2)
" . . . Les Kuribari r@vaient depuis longtemps
de s'établir à Kong; c'étaient de braves
guerriers;
à la demande des marchands qui
fréquentaient la région(3),
ils décidèrent
de renverser le jeune Lasiri qui venait de
prendre le pouvoir. Un 'violent combat les
opposa à Lasiri. GrSce ,à la bravoure de
Tyèba,
Lasiri sortit victorieux . . . "
3°/ Version recueillie à Kong(4)
" . . . Kpon
(Kong)
était riche en or
; le pays
était placé sous l'autorité du roi Lasiri
;
les Kuribari qui guerroyaient dans la région
de Ténégéra décidèrent donc de s'emparer de
Kong et de devenir les maîtres du pays.
Malheureusement les Kuribari ne s'entendaient
pas sur le choix du Kèrè-mansa qui devait
diriger la guerre contre Lasiri. Après de
vives discussions,
les notables se mirent
d'accord pour confier le' commandement au
prince qui trouverait l'anneau d'or des Kuri-
bari secrètement caché dans un plat de mil
que les notables offraient 'à leurs chefs de
(1) Badawa Bamba, bande n019, dossier l, pongala, 1976.
(2) Bamori Ouattara, bande n07, dossier VI, Koniéré, 1973.
(3) Les milieux commerçants semblent avoir encouragé les conquérants
étrangers qui tentaient de s'imposer aux autorités de Kong qui
semblaient se désintéresser des activités commerciales.
(4) Karamoko Ouattara, bande n07, dossier III, Kong, 1974.
299
guerre.
Dé Maghan grâce à ses espions fut
informé de cette affaire;
le moment venu,
il se glissa parmi les convives et s'empara
de l'anneau. C'est ainsi que Dé Maghan trahit
les Kuribari qui furent dispersés par les
troupes de Lasiri
;
il offrit l'anneau royal
des Kuribari à son fils Ty~ba ... ".
Nous voyons donc que des conquérants d'origine
mandé essay~rent à partir de Limbala d'établir leur hégémo-
nie dans le pays
il est difficile dans l'état actuel des
traditions orales disponibles de préciser la nature des
liens qui liaient Limbala à Ténégéra. L'intervention de Dé
Maghan dans cette affaire semble prouver que le fils de ce
dernier avait été sollicité en secret pour combattre le
nouveau roi de Kong.
On peut donc penser que les conquérants
de Limbala ont tenté de rassembler sous leur autorité de
valeureux guerriers de la région,
notamment les Kuribari
de Ténégéra.
Les autorités de Limbala he semblent pas avoir
réussi à s'entendre avec Dé Maghan qui exigeait probablement
que son fils dirige les opérations mi~itaires et qu'il soit
reconnu comme roi apr~s la prise de Kong
;
il est vraisem-
blable que ces exigences ont été rejetées par Limbala.
Maghan aurait alors abandonné les gens de cette derni~re
localité pour se tourner vers Kong; c'est de cette mani~re
que lion peut expliquer la trahison de Dé Maghan.
D'apr~s les textes que nous venons de présenter,
les conquérants de Limbala convoitaient la richesse en or
de la ville de Kong; mais
il n'est pas impossible qu'ils
aient été poussés vers la capitale des Watara par les mi-
lieux commerçants et lettrés de la région hostiles au parti
animiste de Kong et notamment à l'av~nement de Lasiri
Gbombélé
(1660-1710).
Les conquérants de Limbala ont sans
aucun doute bénéficié de solides appuis à Kong même où la
communauté musulmane s'organisait pour faire front au parti
animiste au pouvoir.
300
Binger a la fin du XIXe siècle,
a été informé de
l'agitation des Kuribari dans la région de Ténégéra (1) .
Ainsi,
a partir de 1660 environ, on assista
a un véritable
déferlement des forces Kuribari a partir de Limbala, en
direction de l'ouest et du nord.
Heureusement pour les autorités de Kong,
les con-
quérants de Limbala rencontrèrent une vive opposition a
Ténégéra organisée autour du riche tisserand et commerçant
Dé Maghan et du brave guerrier Tyèba.
D'après les sources orales, Ty.èba combattit aux
cStés de Lasiri et remporta,
après troi.s jours de combats,
une victoire éclatante contre les troupes de Limbala(2).
Les combats semblent avoir été très meurtriers et les per-
tes en viefohumaines furent
importantes 'de part et d'autre(3).
Qui sont les Kuribari qui viennent d'être défaits?
D'après des enquêtes minutieuses que nous avons effectuées
à Kolon, à Bilimono, à Kawaré(4), ces Kuribari viendraient
de Biero
(Begho)
;
ilS se seraient installés dans la région
de Limbala avant l'arrivée de Dé Maghan.
Il semble que nous
soyons en présence d'une fraction de l'armée que Dyara
(ou
Sundyata),
le roi de Ka'aba envoya à Begho en 1600. Nous savons
en effet d'après la chronique du Gonja, qu'après l'attaque
de Begho une partie de cette armée s'était dirigée vers l'est
et a jeté les bases du Royaume du Gonja.
Il n'est pas impos-
sible que des éléments de cette armée aient gagné le sud de
(1)
Binger, op. cit.,
t.I, p.323.
(2)
Badawa Bamba, bande n09, dossier II, Kong,
1974.
(3)
D'après le roi actuel de Kong, les vieux racontent que plusieurs cen-
ta·ines de personnes périrent au cours de ces combats ; voir Karamoko
Ouattara, bande n023, dossier III, Kong,
1974.
(4)
Kolon
(bande n014, dossier III,
1976)
; Bilimono
(bande n015, dos-
sier II,
1976)
; Kawaré
(bande noD, dossier II,
1976).
301
Kpng et aient tenté, à partir de Limbala, de fonder un
Etat Ku~ibari à partir de 1630.
Quoiqu'il en soit, la victoire de Tyèba sur l'armée
de Limbala lui ouvrit les portes du palais royal de Kong. Sa
bravoure, son ardeur aux combats, avaient fasciné le jeune
souverain Lasiri
; ce dernier décida de le récompenser et
lui offrit en mariage l'une de ses jeunes parentes que les
traditionalistes appellent improprement Matagari(l).
b) Le conflit entre Lasiri Gbombélé et Tyèba
Grisé par sa victoire sur les conquérants de
Limbala, Tyèba ne tarda pas à entrer en conflit ouvert avec
Lasiri qui avait manifesté à son égard une grande sympathie
le roi de Kong lui avait même octroyé la province de
Kiénini
au nord de Kong ; trois raisons essentielles expliquent le
désaccord qui éclata entre Lasiri et Tyèba.
1°/ Les cultes animistes
Tyèba ne semble pas avoir manifesté un réel en-
thousiasme pour les cultes animistes; marqué par l'éduca-
tion de son père et l'enseignement de Tyè-Kari,
il était
au contraire très attaché à l'Isla~.Les'traditionalistes,
avec beaucoup d'exagération, le présentent comme un fervent
musulman qui "respectait scrupuleusement les prescriptions
du Coran"(3). De ce fait,
ajoute Basièri Ouattara, Tyèba
apparaissait aux yeux de la communauté animiste de Kong et
de Ténégéra comme un personnage dangereux(4).
(1) voir à ce sujet la "Table ronde sur les origines de Kong" A.V.A.,
série J, t . l ,
1977, p.236.
(2)
Basièri Ouattara, bande n038, dossier VII, Abidjan,
1978.
(3) Marhaba, bande n046, dossier XII, Bobo-Dioulasso,
1979.
(4)
Basièri Ouattara, bande n016, dossier V, Limono,
1974.
302
2°/ L'ambition personnelle de Tyèba
Tyèba ~tait très ambitieux ; il r&vait de devenir
un grand roi,
faisant ainsi foi
aux prbph~ties qui circu-
laient à T~n~g~ra et à Kong à son sujet. Avant sa naissance
les Karamogo avaient pr~dit qu'il r~gnerait dans le pays;
la situation politique à T~n~g~ra après la campagne de 1660
semblait lui ouvrir l'accès au trône;
en effet,
le vieux
roi Bakari ~tait mort entre temps et il laissa comme h~ri
tier son frère,
un certain Tyèmogo,
un personnage effac~ et
alcoolique qui offrit le pouvoir à Tyèba(1).
Les circons-
tances dans lesquelles Tyèba reçut la direction des affaires
à T~n~g~ra ne paraissent pas suffisamment claires dans les
sources orales
;
il ne semble pas avoir pris le pouvoir
par la violence
; les traditionalistes ne lui reconnaissent
pas le titre de Mansa,
pour eux il ne fut qu'un Kèrè-mansa,
un homme de guerre;
peut-&tre ne convoitait-il pas le
mansaya de T~n~g~ra mais celui de Kong.
En toute hypothèse,
le Kèrè-mansa de T~n~g~ra fit
des r~formes militaires très importantes ; il r~organisa
l'armée,
l'équipa d'un important corps ,de cavqliers,
et
augmenta l'effectif(2). A l'~poque de Tyèba,
l'arm~e de
T~n~g~ra, d'après certains traditionalistes, pouvait at-
teindre 20.000 hommes (3) . Tout ceci n'~tait pas fait pour
plaire à Lasiri, mais ce qui l'inqui~ta le plus, ce fut la
transformation de Kiémini, sa r~sistence secondaire, en un
véritable daga
(base militaire).
Ki~mini avait, nous l'avons
vu,
~t~ offerte après 1660 à Tyèba ; les habitants de cette
(1)
Badawa, bande n08, dossier v, Faselemon 1974.
(2)
Basièri Ouattara, bande n037, dossier VII, Abidjan,
1978.
(3)
Karamogo Ouattara, bande n08, dossier 1, Kong,
1974 ; Cf. Labi,
bande n03, dossier II,
1974.
303
province lui payaient un tribut en nature et fournissaient
des troupes en cas de guerre. Mais peu à peu Tyèba transféra
une partie importante de son armee de Ténégéra à Kiémini
elle devait aider,
selon lui,
a assurer la sécurité de
Kong.
Dans la mesure oG aucun danger ne menaçait ouverte-
ment Kong,
Lasiri soupçonna son ami de vouloir le renverser,
mais Tyèba nia catégoriquement.
3°/ Les rapports de Tyèba avec le milieu
musulman
Tyèba savait que les musulmans et les commerçants
n'aimaient pas Lasiri
il savait qu'ils avaient soutenu
habilement la politique des gens de Limbala contre les
autorités de Kong. Une fois son autorité assurée, Tyèba
reprit à son compte la politique des Kuribari
; son alliance
avec Lasiri était en somme une habile manoeuvre politique.
D'après les traditionalistes en effet, peu de temps après
la guerre contre Limbala, Tyèba se réconcilia avec ses
adversaires
; à Ténégéra i l leur offrit des postes très
importants dans l'armée.
Mais c'est surtout à la cour,
aussi bien à Ténégéra
qu'à Kiémini,
que l'on se rendait le mieux compte que Tyèba
était apparu à un moment donné comme le porte-parole des
commerçants et des musulmans de la région
;
il recevait tous
les jours des courtisans qui boudaient le régime de Lasiri
et qui le poussaient à conquérir Kong(1).
Ainsi, Tyèba représentait aux yeux de la communauté
animiste un danger pour la sécurité du Royaume de Lasiri qui
visiblement n'était plus tranquille dans son palais à Kong.
(1) Marhaba, bande n048, dossier XIII, Bobo-Dioulasso, 1979
voir aussi
Labi, bande n045, dossier XI, Bouaké, 1978.
304
Lasiri était, dit-on, conscient de la situation, mais il
évitait l'épreuve de force car la plupartlldes jeunes cadres
de son armée demeuraient attachés à Tyèba"(1).
Vers 1570,
Tyèba décida de passer à l'action et
de combattre Lasiri
il provoqua à cette fin un incident
grave en demandant en mariage une jeune fille gbanmèlè
destinée au frère cadet de Lasi~i, appelé Borogo (ou Boromo)
l'ennemi
juré de Tyèba. Tyèba était dit-on très beau et
très séduisant et n'eut aucune peine à conquérir le coeur
de la princesse du nom de Matagari.
Nous avons vu que Bunungari, la grande prêtresse
du clergé Nyama-Kurugu,
avait un grand pouvoir de décision
dans le mariage des princesses de la cour royale
: elle fut
~ppelée à se prononcer sur cette affaire et elle émit un
avis favorable au mariage de Matagari avec Tyèba. D'après
les traditionalistes de Kong, Bunungari ne supportait plus
d~puis un certain temps l'autorité de son frère et cherchait
un moyen pour le renverser: elle chercha donc à s'attirer
la sympathie de Tyèba pour réaliser ses desseins.
c)
L'échec de Tyèba et ses conséquences
Le roi de Kong essaya de réagir
:
il ordonna à
Tyèba de renoncer à son projet qui risquait de plonger le
pays dans l'anarchie et le désordre:
IIje veux, disait-il, éviter la guerre au
nom du lamogoya qui me lie à Ténégéra ll (2).
(1) versions recueillies auprès du roi actuel de Kong,
bande n06, dos-
sier II, Kong,
1974.
(2) Voir Basièri Ouattara, bande n038, dossier VII, Abidjan,
1978.
3C S
,Tyèba refusa de se plier à ces exigences.
Lasiri
tint donc
un conseil de guerre et après avoir longuement réfléchi
choisit de ne pas répondre aux provocations du guerrier
de Ténégéra ;
il voulait, à tout prix, éviter la guerre
son souci était de tendre un piège à Tyèba lors de son
passage à Kong afIn
de le capturer et de l'exécuter(1).
Tyèba,
avec la complicité de Bunungari,
fit enlever
Matagari,
la fit conduire à Ténégéra et l'épousa(2).
L'affaire fit beaucoup de bruit à Kong', mais Lasiri garda
son calme et évita momentanément l'épr~uve de force.
Il fit
semblant d'oublier l'affaire et Tyèbareprit ses va-et-vient
entre Kong et Ténégéra. Au cours d'un de ses voyages,
il
tomba dans un guet-à-pens tendu par Borogo qui massacra son
escorte et lui brisa la jambe
il ne dut la vie sauve
qu'à l'intervention rapide de ses fidèles partisans de Kong,
les Turé Ulé(3). Ces derniers réussirent à le soustraire
aux troupes de Borogo et le conduisirent en cachette à
Koniéré,
à 60 kilomètres à l'est de Kong où il fut soigné
avant de regagner Ténégéra.
A quelle époque eut lieu cet événement ? Dans la
mesure où l'affaire Tyèba est étroitement liée au mariage
de ce dernier nous pensons qu'il se déroula à une période
proche de la naissance de Seku Watara. En nous fondant sur
les sources orales et la chronique du Gonja nous l'avons
situé vers 1670(4)
; les sources écrites
(document n012),
(1)
Babou Traoré,
bande n028, dossier II, Kong 1974.
(2) A propos du mariage de Tyèba avec Matagari, certains traditionalistes
, pensent qu'il eut lieu après la défaite de Tyèba, nous ne partageons
pas cette opinion; Tyèba après son échec n'était certainement pas en
mesure d'intervenir dans les affaires de Kong.
(3)
La meilleure version nous paraît celle de Basièri Ouattara, cf.
bande n07, dossier III, Kong,
1974.
(4)
Certains traditionalistes pensent que Seku règna pendant 40 ans
(voir Labi,
bande n O l, dossier V, Abidjan,
1974).
306
en proposant à tort la date de 1675 comme étant celle de la
naissance de Seku Watara,
pourraient faire croire que cet
événement eut lieu vers cette date.
Qu'est devenu Tyèba après cette date? D'après les
sources écrites qui circulent de nos jours à Kong il serait
allé,
après sa défaite à
"Biko"
(Begho),~ Daboya(l) puis à
"Ghûnau . (Sotina)
avant de revenir à
"Ting.éra"
(Ténégéra)
où il
retrouva ses enfants Seku et Famaghan.
Les sources orales de Kong ignorent cet épisode
de la vie de Tyèba qui rappelle étrangement celle de Dé
Maghan.
La défaite de Tyèba brisa le coeur de Dé Maghan qui
voyait s'envoler le dernier espoir de voir son fils
jouer
un grand rôle dans la région de Kong. N'avait-il pas espéré
que celui-ci deviendrait un
jour un grand roi ?
Quant à Tyèba,
son séjour a Koniéré semble avoir
été. plus long qu'on ne l'imagine.
Il dut mettre plusieurs
années pour recouvrir la santé.
Il ne semble pas qu'il ait
été entièrement guéri de sa fracture à ia jambe, ce qui
expliquerait sa disparition de la scène politique et guer-
rière. Ce guet-à-pens a brisé définitivement sa carrière;
après ce désastre,
en effet,
les sources orales de Kong ne
s'intéressent plus à'la vie de ce personnage qui avait fait
trembler un moment le roi animiste de Kong
.
Il semble que
de retour à Ténégéra il ait tenté vainement de pousser son
pays natal à déclarer la guerre à Lasiri.
Les sources orales
voltaïques nous donnent quelques échos de son échec
(1) Begho et Daboya sont situés dans l'actuel Ghana.
307
"
Tyèba voulait prendre le pouvoir
;
il
échoua et fut chassé de Kong.
Il se réfugia
chez Biton Kuribari qui offrit son aide
en lui donnant ses troupes. TYRba ne
parvint pas cependant à renverser le roi
de Kong
; mais plus tard, grâce aux hommes
de Biton Kuribari,
son fils Seku réussit à
vaincre le roi animiste et à s'emparer du
pou vo i r . . . " ( 1 ) .
Joseph Ki-Zerbo nous parle d'un voyage de Tyèba de
la région de Bamako à Kong en compagnie de ses deux femmes
et de ses trois fils(2).
Cet épisode se situerait donc après
1670
; à Kong,
cependant, nous n'avons ~nregistré aucun écho
du séjour de Tyèba à ségou ou dans la.région de Bamako. A
notre avis,
il s'agirait d'une polarisation des sources ora-
les voltaIques autour du célèbre roi de Ségou,
Biton Kuribari
dont le règne débuta vers 1710 ; ce dernier est donc contem-
porain de Seku Watara et par conséquent postérieur au conflit
qui opposa Tyèba à Lasiri.
Quoiqu'il en soit,
l'échec de Tyèba eut de graves
conséquences
; Lasiri se lança dans une aveugle politique
de r~pression, il épura l'armée et fit mettre à mort de
nombreux chefs de guerre accusés d'être
les alliés de Tyèba,
tant à Kong qu'à Kiémini
;
il inspira une véritable terreur
et mit au pas,
au moins pour un moment, "la communauté musul-
mane frondeuse de Kong et,de Ténégéra. A Kong même,
il procéda
à l'arrestation et à l'expulsion de nombreux notables et
commerçants du quartier
Kéréu;
Lasiri ne pardonna jamais
aux responsables de ce quartier d'avoir favorisé la fuite de
Tyèba à Koniéré
;
il interdit à ce dernier de fouler le sol
de Kong.
(1)
Ladji Ouattara, bande n049, dossier XIII, Kotédougou,
23-3-1979.
(2) J. Ki-Zerbo, Histoire de l'Afrique Noire •.. ,
1972, p.263.
308
c'est dans cette atmosphère de tension,
de répres-
sion et de haine que naquit et grandit Seku le fils de Tyèba.
Il fut profondément marqué par cette période de sa vie et
garda au fond de son coeur une haine contre la dynastie des
Gbombélé.
Avec la mort de Dé Maghan que l'on peut situer vers
1670(1)
et l'échec de Tyèba une nouvelle. page de l'histoire
de Kong vient d'être tournée.
3.
- La fin du reqne de Lasiri Gbombélé ou
la révolution d yula
a)
Les mesures de répression
Après la défaite de Tyèba, Lasiri confia l'armée
a son frère Borogo qui fit exécuter la plupart des parti-
sans de Tyèba.
La tradition parle de la destruction de
nombreux villages; on rapporte que Borogo fit périr dans
les flammes les habitants de Kiémini qui avaient manifesté
ouvertement leur sympathie à l'égard du rebelle(2).
Il semble que ces massacres aient véritablement
impressionné le parti musulman qui allait pendant un bon
moment se tenir tranquille. Comme le soulignait le tradi-
tionaliste Dawaba,
les
"musulmans et les commerçants du pays
n'osaient plus s'attaquer à Lasiri depuis
l'échec de Tyèba •.. " (3),.
(1) D'après Mamadou Labi, Dé Maghan mourut peu de temps après la nais-
sance de Seku Watara. Cf. Labi, bande n04, dossier 1, Abidjan, 1974.
Nous reviendrons sur cette date.
(2) Voir les traditions rapportées par Sasièri Ouattara, bande no21,
dossier III, Kong, 1976.
(3) Dawaba Samba, bande n09, dossier II, Logobou, 1974.
309
Comment pourrait-on alors expliquer la révolte des Dyula
de Kong contre l'autorité de Lasiri ? La situation était-
elle devenue intolérable ? Les Dyula de Kong se seraient-ils
soulevés a l'appel de Seku Watara le riche marchand de
Ténégéra ? Nous avons vu à travers l'étude des sources
écrites locales que la prise du pouvoir par Seku Watara
s'est passée après 1706 c'est-à-dire plus de trente ans
après la victoire de Lasiri sur Tyèba,le père de Seku Watara,
victoire que nous avons située vers 1670. Que s'est-il passé
à Kong depuis cette dernière date ? Quelles sont les raisons
fondamentales qui ont poussé les Dyula à la révolte?
A tort ou à raison,
Lasiri apparaît comme un
~ppresseur. A-t-il ordonné le massacre des musulmans et des
commerçants ou a-t-il fermé les yeux sur les atrocités com-
mises par ses agents? Nous ne cherchons pas à excuser le
roi animiste de Kong mais à comprendre les événements qui
ont marqué la fin de son règne.
Tout se passe comme si le roi Lasiri usé par l'âge
ne contrôlait plus la situation. Le milieu qui a,
semble-t-
il,
été lourdement touché par la répression fut le milieu
des marchands
: voici quelques échos que nous avons re-
cueillis à propos de leur situation.
1°/ Version de la cour 'royale(1)
"
Lasiri fut un grand roi, c'est vrai,
mais il était trop méchant,
trop cruel ;
il
fit beaucoup de tort aux musulmans et sur-
tout aux commerçants.
Il avait un fusil
dont le canon était court et qu'on appelait
pénédu
; il ne l'utilisait que les jours
du grand marché de Kong
;
il ordonnait alors
(1)
Karamogo Ouattara,
bande n08, dossier l, Kong,
1974.
310
à ses hommes de tirer des coups de fusil
dans la foule . . . Les rudes guerriers ivres
de dolo(1)ne se faisaient pas prier pour ti-
rer sur les gens.
Les marchands, dès-les
coups de feu se sauvaient en abandonnant
leurs marchandises
; les guerriers de Lasiri
ramassaient ces derniè~es pour les porter
au roi . . . C'est à cause de ces agissements
que l'on n'aimait pas Lasiri".
2°/
(Version de Labi) (2)
"
Lasiri était riche et puissant
i
il
avait une grande armée qui lui procurait
beaucoup du butins; mais depuis l'affaire
de Tyèba,
i l ne faisait plus de conquêtes
et ne s'attaquait qu'aux caravanes et aux
marchés. C'est au moment où le marché battait
son plein que Lasiri lâchait ses hommes sur
le marché de Kong
i
c'est là que les guer-
riers du roi s'exerçaient au tir en prenant
pour cibles les paisibles marchands qui va-
quaient à leurs affaires.
Lasiri était un
être cruel,
sans coeur,
il n'aimait pas les
marchands
i
il n'avait de sympathie que pour
les paysans qui adoraient son Nyama-Kurugu.
Ce banmana a fait beaucoup de mal au pays
i
lorsque les coups de f~u éclataient, les
marchands se sauvaient ~t les guerriers ra-
massaient leurs biens. Lorsqu'on venait se
plaindre à Lasiri il se contentait de rire
en disant mon "Pènèdu a: faim
i
i l a besoin
de nourriture . . . ".
Il Y a certes des exagérations dans les récits que
nous venons de présenter
i
mais ils traduisent à notre avis
les vives tensions qui ont opposé le parti animiste de
Lasiri au milieu musulman et commerçant de la région de Kong.
(1)
Dulo
= bière de mil.
(2) Mamadou Labi, bande n04, dossier nOS, Abidjan,
1974.
311
Le roi avait effectivement ordonné après les
événements de 1670 de piller le marché de Kong en guise de
représailles contre les grands négociants de la ville qui
semblaient soutenir l'action de Tyèba. Le roi de Kong
n'avait pas mesuré toutes
-les conséquences de son acte qui,
au départ, visait à faire peur à certains notables musulmans
qui boudaient son régime. Vers la fin de sa vie les agres-
sions contre le marché de Kong semblaient devenir une véri-
table entreprise pour les princes de Kong qui arrivaient
par ce biais à piller le marché et à s'approprier les biens
des marchands de la région. Ces attaques permanentes ont
Sans aucun doute perturbé l'organisation du commerce avec
Dienné et les pays voisins
; la plupart des négociants de
·la région perdirent beaucoup de biens; comme le souligne
le traditionaliste Basièri
"ce fut une époque difficile pour les Dyula
ils perdirent beaucoup d'argent
( . . . )
aussi priaient-ils jour et nuit afin que le
pouvoir des animistes s'achève . . . "(l).
Le pouvoir de Lasiri porta ainsi atteinte aux
intérêts vitaux des négociants de la v i l l e ;
le commerce
était en effet la raison d'être des hommes d'affaires du
pays. On comprend donc la violence avec laquelle ils allaient
réagir contre le pouvoir de Lasiri.
Dans les sources orales,
les musulmans se plaignent
aussi des massacres des femmes enceintes;
s'agit-il de
vieux clichés des sources musulmanes destinées à traîner
dans la boue les souverains animistes? Ou Lasiri avait-il
été débordé par des extrémistes de son régime? Les tradi-
tionalistes relatent un certains nombre d'atrocités commi-
(1) Basièri Ouattara, Kong, le 7-3-1978.
312
ses par certains de ses agents: on raconte en effet que
souvent,
les guerriers du souverain,
après avoir consommé
une forte dose de dola, organisaient des. paris dans les
rues;
lorsqu'ils voyaient passer une femme enceinte(1),
les uns affirmaient que l'enfant de la femme en question
était un garçon et les autres affirmaient le contraire ;
pour départager les guerriers, on se saisissait de la femme,
on ouvrait son ventre et on faisait sortIr
l'enfant
on offrait du dola à ceux qui avaient deviné juste.
Ces actes d'atrocité qui existent dans toutes les
sources orales de Kong ont pu effectivement avoir été commis
par des agents de Lasiri vers la fin du règne de ce dernir
mais ils ont pu aussi être le fruit de l'imagination de
certains traditionalistes musulmans qui ont voulu ternrrla
réputation de Lasiri Gbombélé et légitimer par la même occa-
sion le coup de force de Seku Watara contre le souverain
animiste.
Il suffit de lire les chroniques soudanaises à
propos du règne de Sonni Ali au Songaï pour s'en convaincre.
Voici ce que l'on écrivait à son sujet:
il fut
~un roi tyrannique d'une telle dureté de
coeur qu'il lui arrivait de faire jeter un
enfant dans un mortier et d'obliger la mère
à le piler
, celle-ci devant piler son enfant
alors qu'il
était vivant;
la chair en
était ensuite
donnée à manger aux chevaux.
Il
était débauché et impie . . .
vovez d'après ces
actes, quelle fut son impiété~: il fit mettre
à mor t
des j ur isconsul te.s! Et que de v illa-
ges il détruisit faisant périr leurs habitants
dans les flammes
! Il infligeait toutes
sortes de tortures aux sens :
tantôt i l se
servait du feu pour les faire périr,
tantôt
il faisait emmurer un être vivant pour le
laisser mourir,
tantôt enfin,
il faisait ou-
vrir le ventre d'une femme vivante pour en
retirer le foetus . . . 1I (2).
(1)
Toutes les sources orales que nous avons recueillies insistent sur
les atrocit~s commises par les agents de Lasiri~
(2) Tarikh el-Fettach
(T. el-F.),
1964, p.82-83~
313
Ce que l'on peut dire c'est que le régime instauré
par Las i ri ne fut pas tenlre
enver s le par t i mu sulman
; le
dyamu Bônyam
(ôte-toi de mes yeux)
adopté par les princes
au pouvoir illustre à notre avis les vives tensions qui
existaient entre les princes Tarawéré et le milieu dyula
pr~prement dit.
D'après les descendants actuels de Lasiri,
la
plupart des atrocités qui ont été commises contre les Dyula
avaient
"été ordonnées p'ar Borogo, per sonnage ambi-
tieux,
entêté et brutal qUI s'abrutissait
souvent dans l'alcool et non par Lasiri qui
à cause de ses rhumatismes ne sortait plus
de son palais vers la fin de son règne . . . "(l).
Les marchands avaient aussi une autre raison de
ne pas porter dans leur coeur le roi Lasiri
;
il s'agit du
poids des impôts.
L'Etat que dirigeait Lasiri reposait sur une armée
levée sur place, payée avec les prises de guerre et les
impôts que les animistes versaient à leur clergé,
le Nyama-
Kurugu. Les musulmans et les commerçant~, du Royaume ne
payaient pas à l'Etat un impôt au vrai sens du terme;
ils
offraient à ce dernier un don qu'on appelait le
dolo-songo
(le,prix du dolo,
dolo = bière de milou de sorgho) (2). Comme
nous l'avons dit,
à l'origine, il s'agissait d'un cadeau
que les marchands offraient aux chefs locaux dont ils tra-
versaient le territoire; ces princes bien entendu étaient
des animistes, grands consommateurs de dblo.
Ce geste assu-
rait à ces marchands l'amitié des roitelets et la sécurité
(1)
Cf. Dyéli Mamadou Diato, bande n011, dossier l, Kong,
1976.
(2)
Dôlô = bière de milou de sorgho.
314
sur les domaines qu'ils contrôlaient. Le dolo-son~o était
une institutition introduite à Kong sous le règne de Boromo
(1630-1660).
Les chefs locaux recevaient ainsi grâce à la
générosité des marchands étrangers, des vêtements d'apparat,
des barres de sel, des armes et des chevaux.
Lasiri s'atta-
qua au caractère gracieux du dolo-songo qui selon lui
suffisait à peine à "nourrir son cheval de guerre"(1). Un
Etat ne pouvait pas prospérer sans établir des impôts ré-
guliers. Lasiri décida donc de transformer le dolo-songo
en une véritable taxe que lion prélèverait sur toutes les
marchandises qui entraient ou qui sortaient de l'Etat de
Kong.
Les Dyula protestèrent violemment contre cette taxe
et refusèrent de la payer.
Dyamila Ouattara a probablement
raison lorsqu'il dit que le prélèvement du dolo-songo provo-
qua des affrontements sanglants entre les forces de Lasiri
dirigées par Borogo et les Dyula(2). C'est probablement au
cours de ces affrontements que les gardes du roi Lasiri
pillaient les marchés.
Au nom du dolo-songo,
les princes de Kong se livraient
.parfois à des actes de brigandage et dépouillaient certains
négociants de toutes leurs marchandises;
il n'est pas éton-
nant que les Watara de Kong aient eu à l'extérieur la répu-
tation de "pillards qui arrêtaient les colporteurs pour leur
. prendre la moitié du panier de colas;
. . . " (3).
La politique du dolo-songo imposée à Kong par le
roi Lasiri fit tache d'huile;
les roitelets de la région
se mirent à leur tour à prélever le dolo-songo.
Les marchands
qui refusaient de s'acquitter de ce devoir tombaient souvent
dans des embuscades dressées par les princes du pays. Comme
(1)
Dyéli Diato, bande n O l l , dossier l, Kong,
1976:
(2)
Dyamila Ouattara, Bande n044, dossier VI,
Kong,
1977.
(3)
"Table ronde sur les origines de Kong" A.U.A.,
série J,
t.1,
1977, p.136.
315
re soulignait Dyamila Ouattara,
à cause de ce nouvel impôt
"les Banmana faisaient régner la terreur sur les routes ... "(1).
La tension était donc vive entre les autorités de Kong
et les milieux d'affaires;
sur cette toile de fond allaient
se greffer deux incidents qui vont donner une coloration
religieuse à la crise qui affectait Kong vers la fin du XVIIe
siècle:
il s'agit de l'affaire de la grande moqquée
(Misiriba)
et l'expulsion de deux karamoko,
Lagbakuru et Dibi.
b)
Les prétextes de la guerre
D'après les traditionalistes,
les musulmans las
de solliciter en vain l'autorisation de Lasiri pour bâtir
une mosquée à Kong,
décidèrent de se passer de l'avis du
souverain animiste et entreprirent la construction de leur
édifice. Lorsque cette nouvelle parvint aux oreilles du
souverain,
ce dernier entra dans une violente colère et fit
démolir les murs
; cet incident fut exploité aussitôt par
des karamogo influents du pays qui prêchèrent la Jihad
(la guerre sainte)
: voyons quelques unes des versions que
nous avons recueillies à ce sujet :
Version n01
(Bamadou Ouattara) (2)
"Les musulmans de Kong avaient toujours sou-
haité bâtir une grande mosquée, mais les
autorités du pays n'ont jamais donné leur
accord
;
ils décidèrent donc de se passer
de l'avis du roi et entreprirent les travaux
lorsque Lasiri apprit la nouvelle,
il entra
dans une violente colère et fit arrêter les
travaux et les responsables
;
il exposa ces
(1)
Dyarrila Ouattara,
Yenoro,
1977.
(2)
Bamadou Ouattara, Nasy~n (Kong)
1974.
316
derniers au soleil, enchainés,
sur la grande
place du marché pendant trois jours.
( . . . )
L'affaire de la grande mosquée brouilla
défintivement les musulmans de Kong avec
le roi Lasiri qui fut dès lors hai,
détesté
et maudit . . . "
Version n02(1)
Cette version est plus nuancée
; elle rejette la
responsabilité de la crise sur le milieu musulman:
"
On a dit souvent du mal de Lasiri
; c'est
vrai qu'il a fait souffrir les musulmans,
mais les banmana
(animistes)
ne l'aimaient
pas beaucoup; d'après les vieux,
il était
généreux avec eux . . .
D'après ces mêmes vieux
il aurait cherché vers la fin de son règne
à se rapprocher des musulmans sous l'influ-
ence de son ami Karamogo Sila,
un riche
négociant de Dienné
, qui résidait depuis
quelques années dans la ville
(1700-1710) (2).
Sila aurait obtenu de Lasiri l'autorisation
de faire bâtir une mosquée à Kong
; mais le
projet échoua car les musulmans voulaient
construire la grande mosquée près du marché,
non loin des cases à idoles du roi de Kong.
Ce dernier qui ne voulait pas voir une mos-
quée à côté des habitations de ses dyo
(fétiche, divinités)
s'opposa à la réalisa-
tion du projet . . . "
L'intervention de l'imam Sila dans l'affaire de la
mosquée tend à prouver que ces événements se situent à
l'époque où il était l'imam de la commanauté musulmane.
C'est
probablement après l'échec de sa mission qu'il quitta
définitivement Kong pour regagner sa ville natale Dienné.
A notre avis cet épisode est à situer peu avant 1710.
(1)
Dawaba Ba~ba, pongala,
1977.
(2)
Karamogo Sila est connu dans les sources écrites sous le nom de Imam
Sila - voir sources arabes documents n04
;
il a dû quitter Kong au
début du XVIIIe siècle, probablement après l'affaire de la grande
Hosquée.
317
En 1974 nous avons recueilli
RU
Burkina-Faso, dans
le village de Darsalami
(région de Bobo-Dioulasso)
une
version qui
confirme la version n02 (1).
..
Gbombélé, d'après les vieux fut un très
grand roi
; malheureusement il suivait la
voie du banmana
(l'animisme),
la voie du
mal; c'est pour cette raison que les musul-
mans ne l'aimaient pas. Vers la fin de sa
vie il chercha à se réconcilier avec la
communauté
musulmane de Kong
; mais la
décision de cette dernière de bâtir la grande
mosquée à côté des habitations de ses dyo
l ' i r r i t a et il rompit définitivement avec
les musulmans de son pays . . . "
Dans l'affaire de la grande mosquée il faut donc
rejeter la responsabilité de l'échec sur la communauté
musulmane qui,
en décidant de construire une grande mosquée
à côté des foyers des divinités du roi de Kong voulait bra-
ver l'autorité religieuse du Nyama-Kurugu,
le clergé animis-
te
; le roi Lasiri ne
pouvait pas accepter un tel outra-
ge qui mettait en cause les fondements animistes de son
pouvoir et qui le ridiculisait aux yeux de ses sujets et
alliés animistes. C'est donc pour défendre son trône que
Lasiri s'opposa à l'édification du Misiriba.
L'échec de la construction de la mosquée fut
exploité habilement par des fanatiques karamogo qui virent
dans le geste de Lasiri une menace contre la communauté
musulmane
;
ils se mirent à prêcher ouvertement la révolte
contre le régime banmana de Lasiri Gbombélé.
Les marabouts
qui prirent la tête de ce mouvement sont connus à Kong sous
(1)
Version d'El-Hadj Moustapha Diané, bande nO?3, dossier XXIII bis,
Darsalami
(Bobo-Dioulasso)
1979.
318
le nom de karamogo-batunda
; trois d'entre eux allaient
jouer un rôle fondamental dans la chute du pouvoir animiste
il s'agit des karamogo Sisé Kpèrèsuma,
Dibi Tarawéré et
Lagbakuru. Ce dernier était le fils de Tyè-kari,
celui-là
même qui avait assuré l'éducation religieuse de Tyèba à
Ténégéra
;
il était originaire de cette dernière localité,
mais
il venait à Kong les jours du marché pour faire ses
sermons contre les princes de Kong
. Nous savons peu de
choses sur la vie de ces personnages.
Les traditionalistes
précisent seulement que les deux premiers résidaient dans
la ville de Kong où leur famille était installée depuis
plusieurs générations
;
ils auraient été originaires de
Dienné. Ces karamogo profitaient des jours du grand marché
de Kong qui avait lieu tous les cinq jours pour s'adresser
à la foule en ces termes
:
"
o ! Jeunes gens de Kong, réveillez-vous.
Allah vous appelle pour' la jihad (1).
Débar-
rassez le pays de Lasiri et de ses hommes et
Allah vous donnera le paradis en récompense ...
Et vous les marchands ne vendez plus les
armes aux banmana utilisez-les pour les
tuer . . . " (2) .
Les marabouts qui
incitaient les gens de Kong à la
révolte s'entouraient de mystère et por~aient autour de la
taille des peaux d'animaux:
peaux de lions et de serpents
d'où l'appellation méprisante de karamogo-batunda que leur
donnent les lettrés actuels(]) . D'après les informations
(1)
La Jihad est la guerre sainte que prêche l'Islam.
(2)
Les propos ont été recueillis auprès du lettré Pigneba Ouattara,
directeur d'école coranique à Ouangolodougou
(Côte d'Ivoire). Cf.
pigneba,
bande n027
dossier II, Ouangolodougou,
1974.
(3) Voir à ce sujet le traditionaliste Mamadou Saganogo Labi, bande n042,
dossier X, Bouaké,
1978.
319
que nous avons recueillies à Kong, ces fanatiques karamoko
n'étaient pas des érudits et certains d'entre eux ne connais-
saient de l'Islam que les rudiments de la prière.
Les
propos qu'ils tenaient inquiétèrent cependant les autorités
de Kong d'autant plus qu'ils n'étaient pas étrangers aux
émeutes qui éclataient ça et là dans le pays et qui faisaient
de nombreuses victimes. A la suite de l'une de ces émeutes
qui provoqua la mort du fils aîné de Borogo appelé Baso et
celle d'Ali,
l'un des fils du riche négociant de Ténégéra
Balè Baro, une guerre civile faillit éclater à Kong.
Lasiri
réussit à rétablir l'ordre dans le pays.
Il fit arrêter
Kpèrèsuma et Dibi qu'il rendit responsables des troubles
qui avaient lieu dans le pays
; il ordonna de les mettre
aux fers
;
il les fit conduire sur la grande place du marché
et infligea à chacun d'eux une cinquantaine de coups de
fouet.
Le traditionaliste le mieux documenté à propos de
cette affaire est Anzoumana Ouattara de Famièkro
(village
de la région de Prikro en Côte d'Ivoire)(1). On raconte qu'à
chaque coup de fouet,
ils maudissaient le roi Lasiri et
chantaient les_louanges d'Allah et de son prophète Mahomet(2).
Il semble que Lasiri ait hésité à les mettre à
mort malgré les demandes pressantes de Borogo ; mais il
ordonna de les chasser de la ville après. les avoir humiliés
. publiquement.
Les traitements infligés
aux karaMogo-batunda,
loin
de calmer les esprits, causèrent une vive émotion au sein
de la. population musulmane. On raconte que le jour du départ
de Dibi et de Kpèrèsuma les musulmans organisèrent une grande
(1)
Anzoumana Ouattara, Famièkro,
14-12-1973, et 1975, dossier XIX).
(2)
Informations recueillies auprès du marabout: Dyamila Ouattara,
bande
n054, dossier, Yénoro,
1976.
320
cérémonie pour manifester publiquement leur attachement aux
idées des marabouts.
L'expulsion
des ryeux karanoko Marqua
définitivement la rupture entre le monde animiste et le
parti musulman et commerçant. C'est probablement à la suite
de cette rupture que l'imam Sila qui redoutait une violente
guerre civile quitta le pays.
c)
La marche vers la guerre
1°/ Le camp de Patoni
Dibi était décidé à renverser le régime de Lasiri
il recruta donc une centaine de jeunes gens et les condui-
sit loin de Kong à Patoni, localité que les traditionalistes
du. pays situent dans les monts Gorowi à une dizaine de
kilomètres à l'est de Bilimono. Dibi fanatisa ses hommes
et les. prépara à la guerre sainte.
On est relativement mal renseigné sur le camp de
Patoni qui ne semble pas avoir laissé de traces dans le
paysage. Les constructions étaient probablement des pail-
lotes qui ont disparu après le départ des occupants. Les
sources orales de Bilimono prétendent que la ville de Patoni
fondée par Dibi était entourée dlun rempart qui comportait
deux "entrées, l'une à l'est et l'autre à l'ouest ... "(l).
Ce rempart était probablement une palissade qui n'a pas ré-
sisté aux générations suivantes
; au cours de nos enquêtes,
personne nia pu situer avec précision le site de Patoni. Le
marabout El-Hadj Mamadou Saganogo Labi.prétend connaître le
site de Patoni, mais il nia jamais pu nQus conduire sur
le lieu.
(1)
Informations recueillies à Bilimono auprès du marabout Karamogo
Ouattara, bande n045, dossier l, Bilimono, 1975.
321
D'après les sources orales que nous avons recueil-
lies, Patoni apparaît comme un ribat
(couvent)
destiné à
préparer des guerriers musulmans à la guerre sainte. Les
traditionalistes désignent souvent le camp sous le nom de
daqa,
ce qui en langue dyula désigne une base militaire
stratégique. En fait,
Dibi voulait ravir le pouvoir à Lasiri
Gbombélé et jeter les bases d'une monarchie musulmane. Pour
atteindre cet objectif,
il décida de se doter d'une solide
armée. N'étant pas guerrier,
il confia la constitution de
ses troupes à un personnage connu dans les sources orales
sous le nom d'Al-Baru Basharu.
Les origines d'al-Baru Basharu sont obscures;
certains traditionalistes le présentent comme un guerrier
peul du Masina venu faire fortune dans la région de Kong(1);
d'autres le présentent au contraire comme un réformateur
religieux venu du Masina à la demande de Dibi pour entraîner
ses hommes à la guerre sainte. Le traditionaliste Labiparle
d'al-Baru Basharu comme d'un génie militaire et d'un grand
érudit(2). D'après cet informateur, les descendants de
Basharu habiteraient de nos jours le nord
du Burkina-Paso,
le Jelgooji et porteraient le nom de Wonogo ; cette région
était habitée effectivement par des Peul connus ici sous
le nom de Fulbe. Ces Peul sont précisément originaires du
Masina comme le montre Hamidou Diallo dans sa thèse de Doc-
torat
de 3e cycle intitulé: Les Fulbé de Haute-Volta
et
les influences extérieures de la fin du XVIIIe siècle à la
fin du XIXe siècle(3).
Pour des raisoœencore obscures, on assiste en
effet au début du XVIIIe siècle à des d~parts des Peul du
Masina en direction
~u 3u~kina-Paso, e~ du Fouta.
( 1 ) Voir à ce sujet les traditions de Koniéré.
(Bamori Ouattara, 3-5-74).
(2 )
Labi, bande n05, dossier l, Abidjan,
1974.
(3 )
Hamidou Ciallo, Paris l, U.E.R Histoire,
1979,
224 pages.
322
Dyalon(1).
Il n'est pas impossible que ces immigrants Peul
aient atteint la région de Kong qui, grâce à sa position
. privilégiée au carrefour des routes de l'or et des noix de
kola/entretenait des relations commerciales avec la boucle
du Niger. AI-Baru Basharu fait probablement partie de ces
immigrants Peul.
On raconte que Basharu eut d'énormes difficultés
pour mettre sur pied une armée homogène, disciplinée; Oibi
en effet avait recruté la plupart de ses
partisans au sein
de certains clans nabé,
les Tyèfo, qui au contact des guerriers
mandé avaient organisé à leur tour de petites troupes qui
semaient la terreur en s'attaquant par surprise aux caravanes
isolées et mal équipées.
Les Tyèfo n'étaient pas habitués à
combattre en grand nombre dans une armée régulière munie
d'armes à feu.
Mais le problème le plus sérieux auquel fut
confronté Basharu fut celui de l'enseignement coranique;
il
semble qu'il se soit heurté a une forte opposition au sein
de l'armée.
Les Tyèfo acceptaient volontiers de "mourir sur
un champ de bataille, mais refusèrent de renoncer aux pra-
tiques animistes . . . "(2). Basharu ne semble pas
avoir rem-
porté un grand succès dans ce domaine
; néanmoins sur le
plan militaire,
il réussit au bout de deux ans à mettre sur
pied une armée régulière comprenant une cavalerie de 500 à
700 hommes armés de fusils et un corps de fantassins de
1.000 à 1.500 hommes munis de lances,de flèches et de
fusils(3).
Les combattants de cette armée prirent le nom de
Woji-Woji, ce qui signifierait en langue nabé "hommes pr~ts
à tout". Nous devons cette information au traditionaliste
(1) Diallo Thierno "les institutions politiques du Fouta Dyalon au XIXe
si~cle", B.I.F.A.N. 3 - 4, Dakar, 1972, p.34.
(2)
Information fournie par Mamadou Labi, bande nOS, dossier l, Abidjan 1974.
(3) Ces chiffres ont été fournis par Mamadou Labi, bande nOS, dossier l,
Abidjan, 1974.
323
babi(1).
Pourquoi les nabé fondamentalement animiste
avaient-ils finalement accepté de combattre sous la bannière
l'Islam?
Nous ne pensons pas que les Nabé aient caressé
un seul instant le rêve de réaliser une jihad dans la région
de Kong pour imposer l'Islam à leurs frères banmana. Il
semble que les Nabé, peuple de chasseurs,aient vu dans l'ar-
mée un moyen aisé d'ascension sociale et c'est ce qui expli-
querait à notre avis l'adhésion de ces derniers au projet
de Dibi et d'AI-Baru Basharu.
2°/ Le financement de la guerre contre Lasiri
Les musulmans de la région de Kong avaient fourni
des armes, des chevaux, des hommes et des subsides au daga
de Patoni.
Les traditionalistes citent le cas de Baro Baniko
qui équipa à ses frais 120 guerriers et celui de Bédiakro
Tarawéré qui avait la charge de 380 combattants (2)
; mais
ils précisent que l'essentiel des sommes d'argent dépensées
pour équiper l'armée des musulmans
provenait des fonds
personnels de Shayk Umar,
plus communément appelé Seku ; ce
dernier, comme nous le savons était le fils aîné de Tyèba
qui,après son accident survenu à Kong,était devenu infirme
et résidait à Ténégéra dans sa ville natale.
Seku nourris-
sait une grande haine contre le régime de Lasiri et avait
juré de venger son père. On assure qu'il n'était pas étran-
ger aux émeutes qui éclataient dans le. pays et qui visaient
à renverser le souverain animiste. Partout où il passait, il
invitait les négociants à ne pas payer un impôt à un infi-
dèle.
Seku, dit-on,
était un beau parleur et il savait
(1)
Labi Mamadou, Abidjan,
1974.
(2)
Les traditionalistes de Kong précisent que ces hommes faisaient par-
tie de la garde personnelle de Baro et de Bédiako.
324
s'adresser aux foules qui l'écoutaient religieusement.
Il
semble qu'il ait été estimé par la plupart de ses concito-
yens et c'est probablement pour cette raison que Dibi,chassé
de Kong,alla le rejoindre à Ténégéra avant de regagner plus
tard le camp de Patoni dont le projet, selon toute vraisem-
blance,avait été conçu par Seku et confié à Dibi
; c'est
ce qui expliquerait à notre avis les rapports cordiaux qui
ont existé entre les deux hommes.
Seku était riche et ambi-
tieux et il caressai t
le rêve de fonder' une monarchie dans
le pays.
Il apparaît ainsi comme le véritable chef d'orches-
tre de tous les mouvements d'opposition d'obedience musul-
mane qui se dressaient contre le régime de Lasiri. Cette
re~ponsabilité l'amena a engager d'énormes dépenses; Seku,
on le sait, était riche, mais i l semble avoir bénéficié
de l'appui financier et militaire d'un. pays voisin;
ce
dernier fait allait avoir un impact considérable sur la
révolution dyula qui était en gestation dans la région de
Kong. Voyons comment les sources orales. présentent ces faits
qui ont pour nous une importance capitale
:
Version n01 (1)
"
Seku et Dabila(2)
sont partis faire le
commerce à Salaga
(dans l'actuel Ghana). Là,
ils ont rencontré le roi des Dagbana
(Dagomba)
qui gouvernait cette région jusqu'à
(1)
Version recueillie auprès de Mamadou Labi, bande nO), dossier II,
Abidjan, 1974.
(2) D'après Labi, le Dabila en question était le contemporain de Maghan
nous rejetons cette hypothèse; le Dabila dont il est question ici
était, soit l'un des frères de Seku, soit l'un des petits-fils du
Dabila qui avait conduit au XVIIe siècle Maghan à Ténégéra.
325
Kamali(1).
Ce dernier était venu combattre
à Bouna et rentrait chez lui après la
victoire avec un impoLtant butin de guerre.
Le roi était immobilisé à Salaga car sa
femme qui était en travail depuis trois jours
avait des difficultés pour accoucher.
Il
sollicita l'aide de Seku
; ce dernier s'adressa
à sa femme Kamisa-Ulé qui,
à l'aide d'un
médicament appelé mosôn,
permit à la femme
du roi d'accoucher.
Le roi accueillit cette
nouvelle avec beaucoup de joie et décida de
récompenser Seku,
il lui demanda de choisir
l'un de ses ânes avec sa charge
( . . . )
; Seku
s'exécuta; arrivé chez lui,
il s'aperçut
que l'âne était chargé d ' o r ;
il voulut le
restituer mais le roi lui demanda de le gar-
der et lui offrit en outre un corps de 300
fusiliers . . . C'est avec cette fortune que
Seku a conquis le pouvoir. .. " (2).
En 1975,
au cours de la "Table ronde sur les ori-
gines de Kong",
Labi a introduit quelques variantes dans
sa version
:
il précisa que le roi du Dagomba était allé
vaincre les Kpagala",
c'est-à-dire les Kulango de Bouna,
et que la rencontre avec Seku eut lieu à Yandé(3).
L'iden-
tification de cette dernière localité pose des problèmes,
il faut donc voir les autres versions.
(1) Nous n'avons pas pu identifier cette localité; s'agirait-il de
Tamalé ? Cette localité est située en pays Dagomba à une centaine
de kilomètres au nord de Salaga. Salaga par contre est situé en
pays Gonja.
(2) Ciré Ba Ibrahim, rapporte que Seku avait reçu "deux ines chargés
l'un d'or et l'autre de cauris ••• " Cf. A.V.A., série J, 1977,t.l, p.8S.
(3) Voir A.V.A., série J, t.I, 1977, p.240. L'accouchement dont il est
question n'a donc pas eu lieu à Salaga mais à Yandé. S'agirait-il
de la localité connue sous le nom de Yandé dans le pays bagomba ?
Cette localité est située à 100 kms au nord de Salaga et 350 kms
à l'est de Bouna. Il faudrait plutôt rapprocher le nom de Yandé de
Niando, localité à l'est de Bouna.
326
Version n02(1)
" . . . Seku faisait autrefois du commerce;
l'un de ces voyages l'a rendu célèbre;
il
était un jour parti en pays Dagbama avec son
épouse nomméeMasiri(2).
Il avait environ 35
ans;
il a demandé l'hospitalité au roi du
Dagomba qui venait conquérir Bouna et qui
était immobilisé dans un village de la région
depuis trois jours car son épouse favorite
avait des difficultés pour accoucher
; le roi
sollicita l'aide de Seku. Ce dernier fit
appel à sa femme qui secourut la reine.
En
guise de récompense,
le roi l'amena sous le
hangar où étaient attachés les ânes qui
transportaient les butins de guerre.
Il
demanda à Seku de choisir un âne et son char-
gement Seku choisi t
un :âne et lorsqu'il
rentra chez lui il constata avec surprise
qu'il était chargé de deux sacs d'or.
Il
voulut restituer llor au roi.
Mais ce dernier
le supplia de le garder. C'est avec cet or
que Seku acheta des esclaves(3)
et équipa une
armée pour aller combattre Lasiri,
un an
,
Il
apres . . .
Version n03(4)
Il
Seku
( . . . ) voyageait beaucoup autrefois
pour son commerce.
Il est arrivé un jour
dans une ville du nom de Niando (5)
; là il
rencontra un roi d'origine malaka
(mandé)
qui venait de détruire Bouna et qui emportait
des ânes chargés de marchandises et d'autres
choses
; ce prince était le roi du Dagomba ;
il était obligé d'interrompre son voyage
car l'une de ces femmes éprouvait des diffi-
cultés pour mettre son enfant au monde et
cela durait depuis trois jours. Seku sollicité
(1) Elle a été recueillie à Kong auprès du roi actuel Karamoko Ouattara.
Cf. bande n026, document II, Kong,
1977.
(2)
Elle porte aussi le nom de Kamisa-Ulé.
(3)C'est à cette occasion que Seku acheta le pète de Bamba nommé Siwiriba.
(4)
Basièri Ouattara, dossier VI,
Kong,
11-8~1977.
(S)Niando
est
une
localité
à
une
dizainé
de
kilomètres
à
l ' e s t
de
Bouna.
C'est
probablement
le
Yandé
de
Labi.
327
par le prince malaka
(Marka)
pour porter
secours à la patiente fit appel à sa femme
du nom de Mafiré
; la mère· de cette dernière
savait en effet beaucoup de choses et elle
avait appris à sa fille les médicaments pour
les accouchements difficiles;
ainsi, grâce
à Mafiré la femme du roi accoucha d'un beau
garçon. Seku reçut en guise de récompense
un âne chargé d'un sac d'or;
le roi, ce
jour là, distribua beaucoup d'or à ses cour-
tisans ... "
Ces versions se recoupent admirablement et permet-
tent d'affirmer que l'or qui fut donné à Seku Umar provient
du sac de la ville de Bouna et que la prise du pouvoir par
ce dernier à Kong se situe après l'attaque de Bouna.
La version fournie par Basièri nous donne deux
indications capitales.
Premièrement elle permet de situer
le lieu de la rencontre à l'est de Bouna. Deuxièmement, elle
nous arprend que le roi que rencontra Seku Watara était
d'origine Marka et par conséquent mandé. Nous avons donc
affaire à un roi du Gonja et non du Dagomba. Ce serait en
ef fet oes ~,andé de Kangat,a qu i
aur aien t
jeté les bases du Gonj a (1 )
Quant au Royaume du Dagomba il appartiendrait au groupe mosi(2)
Que nous apportent les sources ~crites
locales au sujet de cette affaire ? Ces dernières sont moins
riches et moins précises que les sources orales. Elles
donnent un résumé du voyage de Seku(3)
elles citent les
personnages qui ont accompagné Seku lors de son voyage(4).
(1)
Voir à ce sujet la chronique du Gonja - Accra I.A.S.A.R./11, 62 ; ED.
Jones,
1962 et Wilks,
1966.
(2)
Y. Person, "Le Soudan nigérien et la Guin~e:Occidentale", in Histoire
Générale de l'Afrique Noire, 1970, p.295.
(3) Voir à ce sujet les manuscrits n'9 et n01.
(4)
Ce santAl-Mari Baro, Bamaka Tarawér~, Batakpil~ Baro et Dabila Dao.
328
Elles situent la rencontre de Seku avec le roi du Dagomba
à Salaga, ce qui constitue à notre avi~ une erreur i les
sources écrites offrent à notre avis un mauvais résumé des
sources orales. Nous avons donc retenu les versions données
par les sources orales qui sont beaucoup plus diversifiées.
Essayons maintenant d'identifier le personnage
qui a réalisé le sac de Bouna et voyons à quelle date a eu
lieu cette opération. Nous avons identifié -le pays dont le
roi offrit de l'or à Seku. Nous savons aussi que cet or a
été obtenu à Niando
i
il a servi à équiper les Woji-Woji du
daga de Patoni
i
cet épisode se situe donc au début du
XVIIIe siècle, date à partir de laquelle
les musulmans et
les commerçants de Kong se mobilisaient dans l'intention de
renverser le roi animiste de Kong.
Si nous consultons la
chronique du Gonja à propos des événements survenus a Bouna
à.partir de cette période, on constate que cette dernière
ville a été mise à sac en 1709 par un souverain du Gonja du
nom de Abbas: voici ce que l'on l i t à ce sujet
"Abbas avait beaucoup de prestige. Ce fut lui
qui soumit la vill~ de ~hGna (BounaY qui
était une ville importante. Cette ville dé-
pendait du Ghunja
(Gonja) . . . Le jour oG
'Abbas le roi du Gonjasoumit la ville de
Bbuna,
il donna au Chérif de Madara 12
mi thkal (1)
destinées à :Dieu et à son prophète.
A chacun des savants,
il donna 100 mithkal
grâce à la grande fortune et à la grande
quantité d'or,
que Dieu seul peut éva-
luer . . . "(2).
(1)
Ce terme s'emploie souvent pour désigner une plece d'or pesant 4,69
gramme. Nous n'avons pas pu localiser la région de Madara.
(2)
Institute of African Studies
(Legon)
LA.S.A.R./12 folio 8.
329
A notre avis i l ne fait
aucune ,doute que la campagne
d'Abbas contre la ville de Bouna relat~e par la chronique
du Gonja est la même que celle rapport~e par les sources
orales de la r~gion de Kong et de Bobo-Dioulasso(1). Le
roi du Dagbama dont parlent les sources orales serait,
en
r~alit~, le roi Abbas du Gonja qui à cette ~poque r~gnait
sur le Gonja et le Dagbama.
La quantit~ d'or distribuée par
Abbas a
frapp~ l'auteur de la chronique du Gonja : il
s'agit d'un fait
inhabituel qui est incontestablement
l'expression d'une grande joie, celle d'une victoire fruc-
tueuse contre Bouna mais aussi et peut être surtout celle
de voir sa femme mettre au monde un beau garçon après trois
jours d'angoisse~
La date de la campagne de Bouna est connue grâce
à la chronique du Gonja qui nous apprend qu'Abbas eut un
règne bref de cent jours et qu'il mourut assassiné le 15
Rabi
Ier de 1121
de l'H~gire soit le 25 mai 1709. La campa-
gne de Bouna semble avoir précéd~ de peu la mort du souve-
rain du Gonja
; elle a dû se d~rouler vers la fin de la
saison sèche,
probablement vers avril-mai.
Seku Umar a donc rencontré le roi Abbas en avril-
mai
1709 à Niando et non à Salaga
i
Seku avait certainement
l'habitude de fréquenter ce dernier centre commercial ce
qui expliquerait le fait que certains traditionalistes
pensaient que Seku avait rencontré le roi qui venait de
piller Bouna à Salaga.
Seku avait-il reçu du roi Abbas un ou deux ânes
charg~s d'or et de cauris? Il est difficile de répondre
par
l'affirmativ~ à cette question; il ne faut certaine-
ment pas prendre les sources orales à la lettre. On peut
cependant affirmer que Seku a reçu du roi Abbas du Gonja
(1) Voir à ce sujet Ciré Ba Ibrahim, A.V.A., série J, t.1, 1977, p.85.
330
une importante quantité d ' o r ;
cet or représentait proba-
blement une aide financière que le souverain a mis a la
disposition de Seku pour lui permettre de prendre le pouvoir
à Kong. Seku a dû décrire au roi du Gonja la situation
difficile dans laquelle vivaient les mU$ulmans et les com-
merçants de son pays et sollicité l'appui d'Abbas qui
passait pour être un pieux musulman. Seku s'est certainement
présenté comme un allié fidèle des princes du Gonja en
faisant ressortir ses origines mandé; par son grand-père,
Dé Maghan,
il appartient en effet à la famille royale qui
régna à Kangaba
a la fin du XVIe siècle et dont se récla-
maient précisément les autorités du Gonja(1).
Seku a
bénéficié ainsi de l'appui du roi Abbas qui lui avait offert
en outre une troupe de 350 fusiliers
; ces derniers ont dû
servir d'instruoteurs dans l'armée de Seku Umar et ont cer-
tainement joué un rôle important quand il prit le pouvoir
à Kong.
Fort de l'appui d'Abbas,
Seku qui était un homme
très intelligent chercha a gagner la faveur des rois de la
région de Kong.
3°/ L'alliance de Seku avec Nabé-Syé et Dyowoké
Seku,
apres sa rencontre de Niando,
se rendit à
Salaga pour acheter des fusils et des esclaves
; on raconte
que ce fut à cette occasion qu'il acheta le père de Bamba,
Gbangawula, plus communem~nt· appelé Siwiriba. De Salaga,
Seku se rendit à Patoni où il arriva avant la saison des
pluies:
les sources orales sont formelles sur ce point(2)
(1) Vois à ce sujet: I. Wilks : "A note on the chronology and orlglns
of the Gonja kings", Ghana Notes and Querries
(Accra) nOS
(Janv. 1966).
(2)
Tous les traditionalistes que nous avons interrog~s dans la r~gion de
Kong sont d'accord sur ce point; voir nos enquêtes de 1975-76,
auprès de Mamadou Saganogo Labi, Karamoko Ouattara (roi de Kong)
et
Basièri Ouattara.
331
Ge serait donc en avril-mai de l'année 1709 que Seku arriva
dans cette dernière localité avec des troupes, des armes
et des chevaux. A partir de cette date les faits sont rela-
tivement mieux connus.
Seku, semble-t-il, demeura quelque temps à Patoni
où il suivit de très près l'entraînement des Woji-Woji. Vers
la fin du mois de juin(1), il quitta le camp et se rendit
auprès de deux rois anim1s~es célèbres de la région de
Kong, Nabé-Syé et Dyowoké i sur les conseils de ses karamoko,
Seku avait décidé de rencontrer ces deux princes afin d'ob-
tenir leur aide militaire.
Seku se rendit d'abord chez Nabé-Syé i ce dernier
résidait dans sa capitale Kalgbinin située sur la rive droi-
te de la
comoé à une cinquantaine de kilomètres de Kong.
On sait très peu de choses sur le personnage connu dans
l'histoire de Kong sous le nom de Nabé-Syé i ce terme signi-
fie en fait littéralement le roi suprême des Nabé i il
s'agit donc d'un titre qui symbolisait le pouvoir royal et
situait le prince au rang des divinités i de ce fait,
la
coutume voulait que l'on oublie le nom qu'il portait avant
son couronnement.
Nabé-Syé entretenait de bonnes relations avec les
communautés musulmanes de sa capitales. A Kalgbinin vivaient,
dit-on, beaucoup de riches négociants de Kong qui avaient
fui la tyrannie de Lasiri. Le roi des Nabé était un prince
ambitieux et il caressait lui aussi le rêve de règner à la
tête d'un immense Empire. Seku sut flatter son orgueil et
(1)
D'après le traditionaliste Mamadou Saganogo, Seku quitta le camp
de Patoni au début de la saison humide.
332
le gagna à sa cause. On ignore cependant les promesses que
Seku avait faites à Nabé-Syé
i
a Kong, on affirme que Seku
avait promis le trône de Kong au roi de Kalgbinin après la
chute de Lasiri(1)
i
à Bilimono, au contraire, on estime
que Nabé-Syé a été moins exigeant et qu'il réclamait la
moitié des prises de guerre et des territoires conquis(2).
Seku,
fort de l'appui de Nabé-Syé,
alla trouver
Dyowoké, un roi animiste qui avait réussi à unifier le
pe~ple Gbèn, probablement vers le milieu du XVIIe siècle.
Dyowoké avait choisi Dyangbanaso comme la capitale de son
nouVel Etat.
D'après les traditionalistes de Kong, cette
ville était sous le règne de Dyowoké une ville florissante
peuplée de Wèla et de Mandé qui faisaient fructifier le
commerce de l'or, des noix de kola et des esclaves entre la
boucle du Niger
(Dienné)
et les pays forestiers du sud
(Anno, Begho).
Le roi des Gbèn ou Gbèn~mansa passait pour
être un grand chef de guerre.
On raconte que son armée était
aussi puissante que celle de Lasiri
i
ce dernier entretenait
des relations cordiales avec Nabé-Syé.
Seku demanda a Dyowoké de l'aider à renverser le
roi Lasiri qui,
selon lui, perturbait les activités commer-
ciales et imposait de lourds tributs aux chefs autochtones
pour l'entretien du Nyama-Kurugu.
Pour flatter
l'orgueil du
Gbèn-mansa il lui aurait d i t :
"
Comment un roi aussi puissant que toi
peut-il accep~~ de se soumettre à Lasiri en
lui payant un tribut en or ? Lasiri est un
étranger, chasse-le et prends sa place;
si
(1)
Il s'agit ici essentiellement des sources orales recueillies à Kong
auprès de Labi et du roi de Kong.
(2)
Pour ce témoignage voir Basirakoro Kamagaté, dossier l, Bilimono,
26-4-75.
333
tu acceptes,
les Dyula et moi,
nous mettrons
nos hommes à ta disposition
; prends cet or
et libère ton peuple du
joug de Lasiri . . . "(1).
Dyowoké qui supportait probablement très mal le fait de
payer un tribut au roi de Kong accepta donc de combattre aux
côtés de Seku.
L'alliance de Seku avec Dyowoké et le Nabé-Syé
donne une idée de la situation politique dans la région de
Kong au début du XVIIIe siècle.
Au nord du pays la dynastie des Lasiri dirigeait,
l'Etat de Kong;
i l
s'agissaitd'un Etat structuré,
bien
organisé avec une forte armée, mais le pays,
comme nous
l'avons vu,
était divisé,
les autorités du pays étaient aux
.prises avec les communautés dyula et musulmanes.
La formation
de cet Etat reposait sur l'unification par les Tarawéré des
autochtones Falafala et Myoro.
Au sud-est la plus grande formation politique
était Ténégéra ;
ici les autochtones Falafala et Myoro
avaient connu de nombreux brassages avec les nouveaux venus,
les wèla et les Dyula.
Depuis la chute de Tyèba,
le pays
était dirigé par un conseil de notables et le personnage
le. plus influent s'appelait Yirikuna,
un allié incondition-
nel de Lasiri
; Yirikuna était un karamogo influent dans le
pays et qui s'opposait aux idées de Seku.
Il invitait la
population à rester calme et à ne pas écouter les
(1) Ces propos ont été recueillis auprès de Basièri Ouattara, bande
n026, document II, Kong 1974.
334
"paroles trompeuses de Seku qui risquaient
d'attirer le malheur sur Ténégéra . . . "(l).
Ainsi,
lorsque Seku demanda aux officiers de l'armée de
Ténégéra de se joindre à Saki, le co~mandant en chef des
tro~pes de Dyowoké, ceux-ci refusèrent d'obéir. Seku ne
semble. pas avoir bénéficié d'un solide appui de la part de
sa ville natale:
la majorité de la population de Ténégéra
demeurait fidèle à Lasiri(2).
A l ' est de Kong,
les Nabé-Syé 'avaient réussi a
réaliser l'unité des Nabé
:
ils contrôlaient la voie cara-
vanière qui reliait Kong à Salaga en passant par Bouna. Les
Nabé-Syé étaient soumis au clergé du Nyama-Kurugu et, à ce
titre,
ils payaient un tribut en or au roi de Kong. Au début
du XVIIIe siècle,
les autorités de Kalgbinin n'étaient
certainement pas mécontentes de se libérer du joug de Lasirii
elles cherchaient à étendre leur influence vers l'ouest.
Au sud enfin et non loin de Kong s'était développé
l'Etat de Dyangbanaso autour des autochtones Gbèn.
Le
Gbèn-mansa contrôlait les routes du sud qui conduisaient
vers l'Anno
(riche en or et en noix de kola)
et vers le
Worodugu
(pays des noix de kola).
Dyangbanaso était ainsi,
au début· du XVI l le siècle, un Etat riche et prospe r e
:
c'était aussi l'Etat le plus puissant après Kong et ce
n'est pas par hasard si son souverain portait
le titre élo-
quent de Gbèn-mansa, Empereur des Gbèn.
Ce titre illustrait
l'impact des Dyula sur la formation politique des Etats
de la région de Kong.
Ici comme ailleurs,
le Gbèn-mansa se
(1)
Voir Basièri Ouattara, enquêtes du 30-3-1973 à Kong.
(2) Malgré le silence des sources orales, i l semblerait que Seku ait
. prélevé par la force des. soldats à Ténégéra qui ont combattu Lasiri
"à contre-coeur" cf. Basièri, Abidjan, 20-11-1978}.
335
sentait à l'étroit.
Il rêvait de nouvelles conquêtes;
il
s~pportait de moins en moins le poids des lourds tributs
qu'il était contraint de payer à Kong.
Au début du XVIIIe
siècle,
un vent d'indépendance et d'expansion soufflait
sur les principaux états alliés de Kong;
c'est ce vent que
Seku a su habilement exploiter pour réaliser ses ambitions
personnelles.
d)
Les opérations militaires
Après sa tournée,
Seku regagna Patoni où il
attendit la saison sèche pour attaquer Kong.
Lorsqu'il fut
prêt pour la guerre,
il tint un conseil de guerre à Patoni.
A la demande des karamogo de Kong qui s'étaient joints au
mouvement et qui voulaient donner une coloration religieuse
à la guerre, Seku envoya une ambassade à Lasiri pour le
sommer d'abandonner les pratiques animistes et d'embrasser
l'Islam.
Lasiri refusa d'entendre les envoyés de Seku et
menaça de les exécuter. Un mois après,
ce dernier fit porter
ce message à Lasiri
:
"
Tu as refusé d'entendre mes gens,
sache
que maintenant je vais te combattre et te
tuer. Avant la fin de la saison sèche(1)
je
trancherai ta tête et mon père Tyèba foulera
à nouveau le sol de Kong ... "(2)
Lasiri ne prit pas au sérieux les menaces de Seku
lorsqu'il sut que ce dernier venait de quitter le camp de
Patoni et marchait sur Kong avec à ses côtés Dyowoké et le
Nabé-Syé il réalisa enfin qu'un danger menaçait son trône.
(1)
Les guerres contre Lasiri vont se dérouler pendant la saison sèche.
(2)
Labi Mamadou, bande nOS, dossier V, Abidjan,
1974.
336
On raconte qu'à ces nouvelles,
il eut des craintes pour sa
souveraineté.
Il ordonna de battre le tam-tam de guerre
ce dernier, dit-on,
résonna pendant sept jours; les Sunangi
et les Dandaga accoururent du fond des bois sacrés pour
r~pondre à l'appel du roi. On se demande pourquoi Lasiri
est resté si longtemps inactif dans son. palais à Kong!
D'?près toutes les enquêtes que nous avons réalisées dans
la région,
le roi était au courant des .faits et gestes de
Seku Umar.
La quiétude du souverain de ~ong au moment oG
Seku lançait ses menaces parait surprenante.
L'attitude du
roi s'explique cependant si l'on pense qu'il avait une con-
fiance aveugle en ses deux alliés Dyowoké et le Nabé-Syé
qui devaient sans aucun doute barrer la route à Seku. La
trahison de ces deux princes qui avaient la charge de pro-
téger Kong contre les attaques qui viendraient du sud ou de
l'est a porté un coup rude au moral des troupes de l'armée
de Lasiri. Non seulement Lasiri ne s'attendait pas a cette
trahison à cause du lamogoya qui le liait à ces deux familles,
mais il a dû apprendre cette nouvelle très tard; c'est ce
qui expliquerait ses inquiétudes à la veille des opérations
militaires.
D'après les traditions que nous avons recueillies
a Kong,
Lasiri rassembla en sept jours plus de 20.000 guer-
riers(1). Mais tous les chefs de guerre qui avaient répondu
à son a~pel étaient pour la plupart des anciens compagnons
de combat; c'étaient des personnages assez âgés qui malgré
leur bonne volonté avaient perdu leur ardeur guerrière. On
cit~ par exemple le cas du chef de Nafana Sagamuro qui à
(1) Voir les traditions du Nafana
Cf. Damori Bayikoro, bande
n022,
dossier l, Nafana,
20-3-1974.
337
l'époque avait plus de soixante dix ans et qui pouvait à
peine tenir à cheval(l). On raconte d'ailleurs que le fils
de ce dernier Kèsè-Maghan abandonna son père au moment des
combats et combattit sous les bannières de Seku pour mani-
fester sa sympathie à l'égard de ce dernier(2).
Depuis l'époque des attaques Gonja ou Dagomba
l'armée de Kong n'a pas participé à une bataille importante.
Les Sunangi, on le sait,
se livraient uniquement, ça et là,
à des razzias sur les routes caravanières. A cela il faut
ajouter que l'armée de Lasiri n'était pas suffisamment équipée
en armes à feu.
Les commerçants avaient décidé en effet, en
prévision d'une guerre éventuelle contre le pouvoir animiste,
de ne pas vendre des fusils à Lasiri et à ses hommes. Les
troupes de ce dernier durent donc affronter Seku, essentiel-
lement avec des lances et des flèches.
L'armée de Kong fut
confiée à Borogo, l'ennemi juré des musulmans.
Face aux troupes de Borogo, Seku opposa une armée
régulière, conduite par des chefs de guerre jeunes, énergi-
ques et courageux.
Il affronta Borogo avec 10.000 hommes
dont 1.000 cavaliers armés de fusils.
Il semble avoir pris
personnellement le commandement de l'armée de Patoni encadrée
par des instructeurs Gonja.
Il avait à ses côtés Bédiako
Tarawéré(3), Karamoko Dibi Tarawéré, Kpèrèsuma sisé, Lagbakuru
et Baro Baniko le porte-parole des commerçants et des musul-
mans. A l'arrière-plan et précédant l'qrmée se tenaient une
(1)
Seku semble avoir exercé une certQine fascination chez les jeunes
guerriers de la région de Kong qui souhaitaient sans aucun doute de
profonds changements dans le pays.
(2)
Ce personnage était l'un des commandants en chef de l'armée de
Lasiri
i
il avait rejoint le camp de Seku dès 1709.
(3)
Ce. personnage était l'un des commandants en chef de l'armée de
Lasiri
i
il avait rejoint le camp de Seku peu avant la bataille.
338
une dizaine de généraux dont les plus connus étaient
Famaghan le
frère de Seku/AI-Baru Basharu, Dyowoké, le Nabé-
Syé, Dao Dabila un petit-fils du personnage du même nom qui
conduisit Dé Maghan à Ténégéra. Tous ces généraux étaient
décidés à vaincre l'armée de Lasiri
; les uns pour assurer
la liberté du commerce et le triomphe de l'Islam,
les autres
pour s'affranchir de la tutelle du roide Kong et régner
sur un Etat indépendant.
Les chiffres contenus dans les sources orales sont
exagérés. Lasiri Gbombélé n'avait pas pu réunir en si peu
de temps 20.000 hommes. L'armée de Seku devait être numéri-
quement et techniquement supérieur à celle du roi de Kong.
La force de Seku résidait dans sa cavalerie équipée de fu-
sils. Si Seku attaqua son ennemi avec 10.000 hommes ce
dernier ne devait pas disposer de plus de 5.000 hommes.
N'oublions pas que ses alliés l'avaient trahi .
. D'après les traditionalistes, Seku attaqua les
troupes de Lasiri à quelques kilomètres au sud de Kong. Les
sources orales de la région sont de nos jours des sources
musulmanes et par conséquent favorables à Seku qui, disait-
on luttait pour une cause juste, l'implantation de l'Islam
dans le pays et la suppression des taxes sur le commerce
elles ne permettent donc pas d'avoir une idée exacte des
combats qui opposèrent les deux armées .. Selon ces sources
en effet(1)
Seku dispersa sans aucune difficulté les forces
de Lasiri et s'empara de Kong. L'armée rle Seku a dG à notre
avis rencontrer une vive résistance de la part des Sunangi
et des Dandaga
(chasseurs myoro)
car les combats, à en
(1) L'un des défenseurs de cette thèse est Karamoko Ouattara, le roi
actuel de Kong qui pense que les combats avaient duré une journée
dU lever au coucher du soleil. Nous ne partageons pas ce point de
vue ; les combats ont vraisemblablement duré plusieurs jours.
339
çroire le traditionaliste Labi Mamadou, durèrent trois
jours(l). Ce serait donc au prix d'une série de batailles
difficiles que Seku vainquit les hommei de Lasiri.
On dit
que ce dernier se retrancha avec le reste de son armée à
Korimanga(2)
à une dizaine de kilomètres au nord de Kong.
Seku ne lui laissa pas le temps de réorganiser son armée,
il
l'attaqua avec toute sa cavalerie, dispersa ses troupes et
massacra jusqu'au dernier la garde personnelle de Lasiri qui
protégeait sa fuite.
Le roi et les membres de sa famille
furent rattrapés dans le hameau de Walagata(3)
alors qu'ils
essayaient de regagner la ville de Bouna(4)
i
ils furent
ramenés de force à Kong et dès le lendemain matin Seku fit
(1) L'hypothèse de Labi ~st partagée par l'ensemble des traditionalistes
que nous avons interrogés dans le pays.
(2) Cette localité a disparu de nos jours, c'était l'une des résidences
d'été du roi de Kong; elle a certainement été rasée par les
hommes de Seku.
(3) La localisation de ce hameau pose des problèmes. Certains traditiona-
listes le situent à une dizaine de kilomètres à l'ouest de Bouna
(voir Basièri Ouattara, bande n037, dossier VII, Abidjan 1978)
;
d'autres au contraire pensent que Walagala était un petit village si-
tué à quelques kilomètres à l'est de Kolon (voir Dawaba Bamba, bande
n018, dossier l, pongala). Nous pensons que la version de Dawaba est
plus vraisemblable. En effet, la fuite de Lasiri n'a été organisée
qu'au cours des combats de Korimanga ; il n'a pas pu à notre avis
atteindre le même jour la région de Bouna. Il a certainement été
rattrapé dans la région de Kolon.
(4) D'apr~s le traditionaliste Bamori Bayikoro, la famille de Lasiri avait
conclu des accords d'amitié avec les rois de Bouna ; il précise qu'au
cours "des guerres entre Seku et Lasiri le roi de Bouna avait voulu
envoyer une armée pour soutenir le roi de Kong, mais il se heurta à
l'hostilité des membres de sa cour .•• " (Cf.: Bamori Bayikoro, bande
n022, dossier l, Nafana le 20-3-1974). Il est donc possible que
Lasiri ait cherché à se réfugier chez le roi de Bouna.
340
trancher la tite du roi ainsi que celle de ses fils et de
ses principaux collaborateurs sur la grande place du marché
il fit aussi exécuter les responsables du clergé animiste
Nyama-Kurugu. En guise de symbole et pour montrer la fin
du pouvoir animiste à Kong il fit enterrer la tête de Lasiri
au sud de la place du marché où l'on fit construire une
grande porte le Daaba afin que les musulmans foulent le sol
là où la tite du roi animiste avait été enfouie. Il s'agit
ici d'un geste hautement symbolique qui inaugurait à Kong
le début d'une ère nouvelle le triomphe de l'Islam, l'avè-
nement d'une dynastie musulmane. Ce
n'est pas par hasard
que le Daaba a servi et sert enccre de portique d'entrée
au quartier Kéréu
(le quartier des chefs de village) et que
son entretien fut confié à une famille de riches négociants,
les Baro. On raconte d'ailleurs que c'est à la demande de
l'imam Baro que la tête de Lasiri fut enterrée sous le
Daaba ( 1 ) .
Ainsi disparut,
après plusieurs siècles de règne,
la dynastie animiste Senufo qui avait jeté les bases de
l'organisation de l'Etat de Kong. La population musulmane,
. pour manifester sa joie, or~a'l1isa pendant une semaine des
fêtes
de réjouissances dans toute la r~gion de Kong. Les
négociants du pays offrirent de riches. présents à Seku et
à ses generaux qui avaient permis de libérer le pays de la
domination de Lasiri que l'on considérait comme un tyran.
Seku apparut alors aux yeux des négociants et des musulmans
comme un libérateur intelligent et tenace.
A quelle date faut-il situer ces événements qui
/
ont marqué la fin de la monarchie animiste ? Nous avons vu
que Seku avait regagné le camp de Patoni en 1709 avant la.
(1)
Voir Bernus, op. cit., 1960, p.249.
t
341
saison des pluies en avril-mai; nous l'avons vu mettre à
profit la saison des pluies pour obtenir l'alliance de
Dyowoké et celle de Nabé-Syé
i
et ce fut pendant la saison
sèche de l'année suivante qu'il attaqua les troupes de
Lasiri
; la bataille contre le roi de Kong eut donc lieu en
1
1710. Un document que nous avons recueilli en 1974 auprès
t
d'un Bamba-dyon Pigneba Ouattara permet de préciser davan-
tage. Voici le texte.
1
"
J'ai appris auprès de mes fa
(pères)
que Seku a vaincu les forces animIstes de
Lasiri pendant la période sèche. En effet
on raconte qu'il passa la saison humide à
Ténégéra auprès de son père(1). A la fin
de cette sàison humide" il retourna à Patoni
où il séjourna quatre mois. c'est au début
du cinquième mois qu'il attaque Kong .•• "(2).
Nous savons que dans la région de Kong la saison
humide s'étend de juin à octobre
dans ces conditions on
peut situer la victoire de Seku au début du mois de mars.
Nous savons d'autre part que ~es traditions popu-
laires musulmanes prétendent que le commencement de chaque
siècle est une sorte d'époque fatidique où peut apparaître
un madhi
; les révolutions ont à cette époque plus de
chance de succès qu'à une autre date(3). Le mois de mars de
l'année 1710 correspond en effet au début du XIIe siècle
de l ' Hég ir e
(11 22) •
On peut donc retenir que ce fut vers le mois de
mars de l'année 1122 de l'Hégire
(1710)
que Seku prit le
pouvoir à Kong.
(1) Enquêtes du 18-8-74 auprès de Pigneba à Kawara (Côte d'Ivoire).
(2) Tous les traditionalistes confirment le séjour de Seku à Ténégéra
pendant la saison humide. Il serait venu dans cette ville pour mettre
" son ~èxe au courant de la guerre qu'il préparait contre le roi de
Kong. Il aurait donné à cette occasion beauèoup d'or à son père.
(3) Voir Tarikh eS-Soudan, p.118.
342
4.
- Le partage du gâteau et la guerre de Borokuruso
Au début du mois de mars de l'année 1710, Seku et
ses alliés avaient donc remporté une brillante victoire
sur les troupes de Lasiri. La disparition de ce dernier
posa le problème de sa succession. Qui allait occuper le
trône de Kong? Allait-on confier le pouvoir à Dyowoké ou
à Nabé-Syé ? Seku se désintéressait-il vraiment du pouvoir
comme il le prétendait? La population marchande pouvait-
elle tolérer le règne d'un nouveau roi animiste? Durant
toutes les campagnes, Seku n'avait jamais laissé voir à
ses alliés animistes qu'il convoitait le pouvoir.
Il savait
qu'il était soutenu par les milieux ~usulmans et commer-
çants qui étaient prêts à prendre les armes si un roi ani-
miste tentait de s'imposer à Kong. Mais il savait aussi que
ses alliés lui feraient la guerre s ' i l rte respectait pas
ses engagements.
Il décida donc de se débarrasser des
deux. princes par la ruse. Cette manoeuvre de Seku va plonger
le pays dans une crise grave qui donnera lieu à des guerres
meurtrières entre parti animiste et parti musulman.
a)
Seku face a ses alliés
Quelques jours
après la victoire des alliés,
victoire que les traditionalistes attribuent à la ténacité
de Seku, Dyowoké et le Nabé-Syé regagnèrent leur base à la
tête de leurs troupes en attendant la réunion de Dyangbanaso
fixée pour la fin du mois de mars pour la désignation du
nouveau toi de Kong.
Il est difficile d'avoir de nos jours
des informations précises sur le choix de Dyangbanaso pour
régler la succession de Lasiri. Ce choix fut,
dit-on,
imposé
343
à Seku par les princes animistes(1). Quoi qu'il en soit,
le départ précipité des deux princes tendrait à prouver
que ces derniers n'étaient pas l'aise à Kong où l'on assis-
tait à des manifestations bruyantes contre les animistes.
Avaient-ils flairé un danger ? La chose ne paraît pas impos-
sible. Voici comment la tradition présente les faits:
~près le départ de Dyowoké Seku aurait expédié à ce dernier
un magnifique vêtement d'apparat
(un b~rnous brodé d'or)
et de riches présents. Dyowoké prit l'habit en question et
le porta ; dès que le vêtement fut en contact avec son corps
le mansa de Dyangbanaso sentit ses forées l'abandonner,
perdit l'usage des jambes et de la parole;
il s'affaissa,
paralysé(2).
D'après les traditionalistes de Kong ce burnous
avant de parvenir à Dyowoké avait circulé à la demande de
Seku, entre les mains des karamogo qui l'avaient trempé
dans un ptoduit qui devait paralyser Dyowoké.
Seku avait ainsi réussi par l'intermédiaire de
ses marabouts à empoisonner Dyowoké qui mourut peu de
temps après. Les enfants du défunt décidèrent alors de com-
battre Seku. Avant la fin des funérailles de Dyowoké, mou-
rut aussi dans des conditions obscures le Nabé-Syé.
Son fils
Forogo-Syé vit dans la mort de son père la main de Seku.
Les enfants de Dyowoké et de Nabé-syé rassemblèrent les
troupes de leur père et déclarèrent la guerre à leur allié
de la veille. Telle fut l'origine des guerres qui opposèrent
Seku aux animistes après la mort de Lasiri.
b)
Seku et la coalition animiste
(1) Nous devons ces renseignements à Dawaba Bamba (enquêtes du 2-3-76 à
pongala) et à Basièri
(enquêtes du 5-6-79 à Abidjan). Il semblerait que
Nabè-Syè était
prêt à reconnaître l'autorité du mansa de Dyangbanaso.
(2) Lors de la "Table ronde sur les origines de Kong" Labi avait situé
à tort cet épisode avant la guerre contre Lasiri. Cf. A.D.A., série J,.
t . l ,
1977, p.248.
344
L'armée de Kalgbinin et de Dyangbanaso fut confiée
a Forogo-Syé qui attaqua Kong pendant l~ saison humide afin,
dit-on, d~empêcher Seku d'exploiter les capacitésde sa
cavalerie qui faisait la force de son armée.
D'apr~s les tradi-
tivnalistes)seku
perdit en effet la plupart de ses chevaux
dans les terrains marécageux des abords de Kong(l)
Seku
semble avoir engagé toutes ses forces dans la bataille afin
de venir à bout tr~s rapidement de Forogo-Syé mais
malgré
ses efforts,
il lâcha pied et ses hommes durent se replier
dans la ville de Kong qu'ils défendirent avec acharnement.
Forogo-Syé ne parvint pas à prendre la ville qu'il assi~se~
pendant quelques jours. Ayant subi des pertes énormes,
il
leva le si~ge et se retira à Kalgbinin.
La guerre fut meurtri~re.pour les deux camps. On
assure que Seku mit cinq à six mois pour réorganiser son
armée(2)
et il accueillit avec une grande joie le retrait
des forces de Forogo-Syé. Les hostilités devaient cependant
r~prendre au début de la saison s~che ; Seku se porta à la
rencontre de Forogo-Syé qui se préparait une seconde fois
à lancer ses troupes contre la v{lle de Kong .. La rencontre
des deux armées eut lieu au nord de Kolon sur un petit
plateau appelé Borokuruso. Le choc fut .brutal. Les Ty~fo et
les Falafala hostiles à Seku se battirent avec une rare
détermination
;
ils firent un véritable carnage au sein des trou-
pes àe Seku qui
pour la seconde fois,
furent obligées de
battre en retraite apr~s la mort de Dyoridyan, le fils aîné
de Seku qui combattait aux côtés de Famaghan.
Pour des rai-
sons obscures, Forogo-Syé n'exploita pas la situation;
(1) L'un des traditionalistes le mieux renseigné sur les guerres est
Dawaba Samba (voir, bande n040, dossier l, pongala, 1976).
(2) Nous devons ces renseignements aux princes actuels de Kong. Enquêtes
réalisées de 1975 à 1978 à la cour royale de Kong.
345
peut-être croyait-il a un piège de Seku. Toujours est-il
qu'il donna le temps a ce dernier de réorganiser son armée
et de reprendre la lutte avec plus d'acharnement.
Les com-
bats durèrent quatre jours et ils devinrent indécis i
la
mort de Forogo tué d'une balle à la tête sema la panique
dans le camp des animistes
i
son armée se désorganisa et
la victoire pencha du côté de Seku qui donna la chasse à ses
adversaires et les poursuivit jusqu'à Kalgbinin.
Il fit
brûler la ville et réduisit la population en esclavage.
Cette guerre qui assura la victoire complète de Seku est
connue par certains traditionalistes sous le nom de Boro-
kuruso-Kèlè
(la guerre de Borogokuruso)
du nom du village
oG fut tué Forogo-Syé(1).
L'armée de Kalgbinin et de Dyan-
gbanaso fut ainsi taillée en pièces et entièrement détruite.
Ce fut à cette époque que les Falafala de la région de
Kong qui ne voulaient pas se soumettre à l'autorité de Seku
prirent le nom de Palaka et émigrèrent vers la région
actuelle de Ferkessédougou
(en Côte d'Ivoire).
Le terme
Palaka signifie littéralement en dyula "ceux qui refusent"
sous-entendu l'autorité de Seku. On note aussi vers cette
date le départ des Tyèfo ver:s le territoire actuel
du
Burkina-Faso
. Les guerres de Seku ont donc
modifié profondément la carte ethnique de la région de Kong
qui va désormais connaître une domination dyula au vrai
sens du mot.
Après sa brillante victoire, Seku rentra à Kong
de nouveau en triomphateur.
Dès son arrivée il convoqua un
conseil des notables afin de choisir le successeur de Lasiri,
avec le soutien de l'armée
i
il s'inquiétait cependant de
(1) Vois à ce sujet le traditionaliste Basièri Quattara. Enquêtes
réalisées à Kong en 1977.
346
la popularité du riche négociant Baro Baniko qui était très
. . .
estimé à Kong et qui avait participé à la lutte contre
Lasiri.
'
Au cours de la réunion,
Seku prit le premier la
parole et proposa d'offrir la couronne de Kong à Baro mais
ce dernier qui savait que Seku convoitait le pouvoir refusa
de se laisser couronner roi.
Il demanda
à son tour au
conseil de donner le pouvoir à Seku qut accepta avec joie
il reconnut le bien fondé des paroles ~e Baro et décida
de le récompenser en le nommant chef de la communauté dyula.
Il fit remarquer d'ailleurs aux membres du conseil que par
sa mère,
i l était un parent de Lasiri et qu'à ce titre i l
méritait effectivement le trône de Kong qu'il venait de
conquérir les armes à la main.
Seku se ,fit couronner roi de
Kong vers le mois de novembre-décembre de l'année 1710.
Pour montrer qu'il s'était imposé à un roi puissant i l adopta
le dyamu Watara ; on l'appela désormais Seku Watara
(le
puissant,
le victorieux). Ainsi débuta le règne de celui
gui allait marquer de sa forte personnalité l'histoire de
Kong pendant la première moitié du XVIIIe siècle.
TABLE DES MATIERES
H·!TRODUCTION
1.
!}ËFINITION ET JUSTIFICATION 1111 Il 1111 III " ' Il Il Il 3
II.
LE MILIEU NATUREL •• ,."
••• , •••• , •••• ' ••• " " "
.. ' 7
A.
LA RICHESSE DU SOUS-SOL
••••••••••••••••••••••
7
B.
LA SITUATION DE KONG
•••••••••••••••••••••••••
8
C.
LE REL! EF
•••••••••.•.•.••.•••••.•••••••..••••
9
1- Les environs immédiats de Kong .••••••.•.••
9
2.
Le relief de la région de Kong •..• ,• . . . . . • . 9
3. Les sols
*, • • • • • • • • • • • • • • •
12
D.
LES RESSOURCES VEGETALES
•••••••••••••••••••••
12
1. Le baobab . • . . . . . . . . . • . . . . . .:....••••.••....
13
2.
Le karité
~
14
3. Le néré
. . • . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
16
E.
CLIMAT ET HYDROGRAPHIE
•••••••••••••••••••••••
18
III •
LE CADRE CHRONOLOG lOUE "'"
l
,
,
,
,
l
,
,
•
,
l
,
,
,
,
,
,
,
,
,
"
21
IV.
L.ES OBJECTIFS """""""""""~"" •• ""'"
22
V,
LES SOURCES . " . , " " "
l
,
,
,
,
,
,
•
,
,
,
,
•
,
,
,
,
•
,
,
,
,
,
l
,
"
23
A.
LES SOURCES ECRITES
••••••••••••••••••••••••••
23
1. Les sources arabes .•.•.•••.•••••••••••.••.
23
a - Les manuscrits de Kong et de
et de Bobo-Dioulasso ••••.•..•.•••...••
26
1°/ - Document nO 1 ·..... .............. 26
'
2°/ - Document n02 ·....... .. . ......... 28
3°/ - Document n03 · ................. . . 29
4°/ - Document n05 ·.... . ...... . .. ... . 30
~
5°/
Document n06 · . . .... ............. 31
6°/ - Document n08 ·..... .............
'-
32
7°/ - Document nog • ••••• f' ••••••••••••• 37
8°/ - Document n011 ·.. ....... . ... .. .. 40
9°/ - Document n015 ·.... ...... ...... . 41
10°/ - Document nO 12 · ................. 43
11 ° / - Document n °14 · ................. 46
12°/ - Document n013 ·. . . . ...... .... ... 48
13°/ - Document n04
·......... ........ 50
b - Les manuscrits du Gonja ••••••••.••••.• 59
c - Le Tedzkiret en Nisyan
61
2.
Les sources européennes ••..•••••• ~ •••....• 62
a -
Première vague d'explorateurs
••...•... 63
1°/ - Mungo Park .......••.•••••...•... 63
2°/ -
Bowdich
:
64
3°/ -
René Caillié •.. '...••••••....... 65
4 0 /
-
Barth
'. . . . . . . . . . . . . . .. 66
b -
Deuxième vague d'explorateurs
1888-1898
67
1 0 /
-
Binger
67
2°/ -
Rapport Braulot •••••.••.•.••...
70
3°/ - La mission Jean-Baptiste
Marchand .•..•. '. • . • • • • . . . . . . . . . 72
4°/ - Carton Côte d'Ivoire IV ••••••.• 78
5°/ - Archives Nationales Section
Outre-Mer Côte d'Ivoire XIX
dossier 2
79
6°/ - Les papiers du Colonel Henri
Gaden •••••.••.• ,••••••••••••.••.
80
7°/ - La lettre de Karamoko Oulé
Ouattara . . • • . • . . . • • . . . • • . • . . . . 81
8°/ - Les papiers divers ••••••••••.•• 82
B.
LES SOURCES ORALES •••.••..••••..•••••••••••.••• 83
1. Cadre des recherches ••.•.••.•••••••••.••••. 83
a - Les traditionalistes
(remarques
préliminaires)
:
.
83
2. Les enquêtes sur le terrain .•••••••••..•..•. 87
a -
Les enquêtes extensives •.••••.••••.•..• 88
b -
Les enquêtes intensives ••••••.•..•.•..• 89
3. Le traitement des données •..•..•.••..•••.•• 91
a - La mise en forme .......
.
,
91
b
-
Appréciation des données .••.•••••..•... 92
4. Liste des principaux informateurs •••..••.•. 95
C.
LES SOURCES MATERIELLLES •..•••••.••.••..•. 138
Les sondages
.
138
a
Le mur des Barc .. ~
.
138
b
A l'est de la grande mosquée
. 140
c
Le sondage 12
~
. 142
d
Le sondage 14
. 143
e
Le sondage du site de la
gendarmerie
~
.
144
2.
Le matériel exhumé ••••••••••.•••.••••• 146
a
Les fusaioles ou grains de
chape let
.
146
b
Les pipes à fumer ••••••••••••••••• 148
c
Le matériel métallique •••••••••••• 150
d
Les coquillages •••••••••.••••••••• 151
REMERCIEMENTS
153
. 1 '
• • •
"
• • •
, 1 1 1 1 1 1 . 1 1 1
• • • • • • • • • • • •
1 1 1
• • •
1 1
ABREVIATIONS
156
1
1
1
1
•
1
•
1
1
•
1
1
•
1
1
1
1
•
•
1
1
1
•
1
•
:_
1
•
1
•
1
1
1
1
1
1
•
1
1
•
1
1
TRANSCRIPTION
157
•
•
•
1
1
•
1
1
•
1
1
1
•
•
•
•
1
1
1
1
•
•
1
l
'.
1
•
1
•
1
•
•
•
1
1
1
1
1
1
1
•
PREMIERE
PARTIE
KONG DES ORIGINES AU DËBUT DU XVIIIE
SIËCLE - (FIN XVIE SIËCLE)
CHAPITRE 1
LES HOMMES •••••• 1 ••••••• 1 ••• 1 • • •• 159
1 •
LES AUTOCHTONES ..••••
159
1 • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
A.
LES FALAFALA
• . • • . • • • • . • • • . . • • • • . • • • • • • • • • . . • • • .
162
B.
LES .HYDRO
•••••••••••••••.•••.•.•••••••••••.••••
165
c.
LES GBEN ........ ...... ...... ......... .' . ........ 168
D.
LES NABE
• • • • • • • • • • . • • . • • . • • . • • _, . • • • . • • • • • . • . • • •
170
II.
LE PEUPLEMENT MANDË ET SES CONSËQUENCES .•••••••..• 174
A.
LE PREMIER COURANT MIGRATOIRE •••.••••••••.•••••
174
B.
LA GRANDE MIGRATION DYULA ••••••••••••••••..••.•
181
C.
LE PEUPLEMENT DYULA DE KONG •••• : . . . . . . . . . . . . . . . .
1 87
1-
Les Tarawéré ............................... 188
2.
Les Kuribari
189
3.
Les Bara
•••••.•.••.......•.••••.•.•••.•.•..
192
a -
L'hypothèse d'un séjour à Boron •••.•.••
192
b -
L'hypothèse dJune migration par
la voie du nord
(Dienné)
•••••••••••••.
194
4.
Les Dyula de Boron
.
195
5.
Les Saganogo ......... ........ .............. 196
6.
Les Dyula de Begho •••••••• • '••••••••••.•••••
199
D.
LA DYULAISATION DE LA REGION DE Kong ••••.•••.•• 203
1-
Les Dyula proprements dits
.:.••••••••••••••• 206
2.
Les Watara .................
.
:
207
CHAPITRE II
LA MONARCHIE ANIMISTE, DE LA FIN
DU XVE SIECLE A1710 Il Il Il Il "'" Il 210
1.
LES ORIGINES DU ROYAUME DE KONG •......••.• ,""""
210
A.
LES DEBUTS DE KONG ... ....... ... . ..... .. ........ 210
1- Origine de la ville . ...... ... ... ... ... ...... 210
2. La date de fondation ........ .... ..... . .. .... 213
a - Remarques sur les sites de Kong ••••••••• 213
b - Les débuts de la ville dyula •••••••..••• 214
B.
LES PREMIERES CHEFFERIES •.•••••••••.•••.•.••.••
218
1. Les origines de la première chefferie .•..•.•
218
a - L'hypothèse d'une monarchie mosi •••••••.
218
b - L'hypothèse d'une origine dyula ••.•••••• 224
2. Les débuts de la première dynastie connue ••.
228
II,
LA PËRIODE ANIMISTE CONNUE"" , . , " " " ' , . , " ' , . , ' 232
A.
BOKAR ET LES FONDEMENTS DU POUVOIR AN~MISTE
••. 232
1. Le Do' 0
2 3 3
2. Le Ton-Dondaga
~~
235
3.
Le Sunangiya
~
237
B.
L'AVENTURE DE DE MAGHAN .•....•.•••••••••.•.••• 245
1. Maghan •••••••••••••.••••••• , . . . . . . . . . . . . . . . . .
245
a - Le clan familial de Maghan d'après
les sources orales •••••••••••••••••..••
246
1°/ - D'après le griot Wa Kamisoko ••.••• 246
2 °/ - La
.
verSlon saganogo ••••••••••••••• 247
3°/ - La version de la cour royale .••••• 249
4°/ - La version de Basièri Ouattara •••• 250
5°/ - Les traditions de Pongala •••..•••• 252
b - Le point de vue des sources écrites ••••• 253
1°; -
Le texte n01
••••••••••••••.••••
253
2°/ - Le manuscrit n05
.••••••••..•••. 255
2.
La vie errante de Maghan ••••••••••••••.. 261
3.
Dé Maghan à Ténégéra
(1610-1670)
•...••..
267
C.' LES SOUVERAINS BOROGO ET BOROMO •••.•••••.•.. 271
1.
Borogo
(1590 ? -
1630)
•••••••••••••••.••
271
a -
La réaction animiste ••••••••••••••••
272
1°/ -
L'importance de l'Islam à Kong.
274
2°/ -
La volonté des marchands et
des musulmans_~e vouloir jouer
un rÔle politique et administra-
t i f dans la cité ••• ~ ••.••.•••• _275
b -
Les guerres avec les pays
,
V01S1ns
. • . . . . • . • • . . , . . • • . . • • . • • . . . .
278
1°/ - Version de Basièri Ouattara •••
278
2°/ -
Version : les traditions de
Limono . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . .. 278
3°/ - Version
de Wa Kamisoko . . • . . . . 279
4°/ -
Version des traditions de
Koniéré
280
2.
Boromo Watara
(1630 -
1660)
••.•.••..••..
284
a - Une tentative d'hégémonie •.•.•.•..•.
284
b -
Vers une politique de détente ••••.••
287
1°/ -
Sur le plan démographique •••.•
288
2°/ -
Sur le plan de la sécurité ••••
289
3°/ -
Sur le plan des impÔts •..•.••• 289
D.
L'APOGEE DU POUVOIR ANIMISTE OU LE REGNE
DE LASIRI GBOMBELE
(1660-1710)
.••••••..•••••
293
1.
Lasiri et le Nyama-Kurugo •••••••••.•.•..
294
2.
Lasiri Gbombélé et Tyèba .•••..•••••.•... 297
a -
Les ambitions de Tyèbél: •.•••• '•.•••...
297
1°/ - Version de Pongala •.•.••.•.•..
298
2°/ -
Version de Koniéré
••••..•.•... 298
3°/ - Version recueillie à Kong .•..• 298
b - Le conflit entre Lasiri Gbombélé
et Tyèba ..•.•••..••. . ;.•.•••....•.• ••
301
1°/ - Les cultes animistes ••••...•.• 301
2 ° /
'- L' ambi tion pers6nnelle de
Tyèba •••.•.••. e,e • • • • • • • • • • • • ••
302
3°/ - Les rapports de 'Tyèba avec
le milieu musulman •••••••••••• 303
c - L'échec de Tyèba et ses conséquences.
304
3.
La fin du règne de Lari Gbombé ou la
révolution dyula •••••••••••••••••••••••••• 308
a - Les mesures de repression •••••••••••. 309
Version de la cour royale ••••• 309
Vers ion de Labi : ••••••••••••••• 310
b - Les prétextes de la guerre .......... 315
Version nO 1 ·.................... 315
Version n02 ·.... ....
.:
........... 316
Version n03 ·.................... 317
c - La marche vers la guerre ............ 320
1°/
Le camp de Patoni ............. 320
2°/
Le financement de la guerre
contre Lasiri .' ............... 323
Version n01
·.....;. .............. 324
Version n02 ·
-,
. 326
Version n03
·....... .............. 326
3°/ - L'alliance de Seku avec Nabé-
Syè et Dyowoké ., ••••••••••••••• ,330
d - Les opérations militaires ........... 335
4.
Le partage du gâteau et la guerre
de Borokuruso ••••••••••, ••' . . . . . . . . . . . . . . . 342
a
Seku face à ses alliés .............. 342
b
Seku et la coalition animiste ....... 343
UNIVERSITt: OE
PROVENCE
U. E. R. 0' HISTOI RE
LE ROYAUME DE KONG
des origines à 1897
Thèse pour le Doctorat d'Etat
Présentée par
Sous la direction de
N. G. KODJO
Monsieur le Professeur,J. L. MI EGE
TOME II
AIX· EN . PROVENCE 1986
DEUXIEME
PARTIE
KONG SOUS LE REGNE DE SEKU WATARA
(1710 - 1745)
348
CHAPITRE 1
LA fORMATION DU KPON-GENE
l, LE PERSONNAGE DE SEKU WATARA
La vie de Seku Watara nous est connue grâce, d'une
part aux sources ~crites locales et, d'autre part, aux
sources orales. Ces dernières sont cependant les plus abon-
dantes et les plus riches. Elles nous donnent des renseigne-
ments sur l'~ducation du jeune enfant et sur les diff~rents
m~tiers qu'il pratiquait avant la conquête du pouvoir.
Voyons ce que nous offre l'ensemble de ces documents.
A. LE PORTRAIT DE SEKU WATARA
1. - Un problème de chronologie
Disons d'abord un mot à propos du nom de Seku
port~ par notre personnage. Ce nom, comme nous l'avons vu
plus haut, est la d~formation du mot arabe Shaykh. Ce mot
peut avoir au moins deux significations;
il peut d~signer
soit un chef de tribu chez les Arabes soit un personnage
âg~. Certains ~crivains contemporainsont voulu, à partir
du. premier sens, donner une originearabe à la fa~ille de Tyèba
On l i t ainsi sous la plume de l'imam de Bobo-Dioulasso,
Ma~haba, que la l'g~n~alogie de Bèma Tyèba (le père de Seku
Watara)
remonte sûrement à Amr Ibn
'As le Qoreichite le
conqu~rant de l'Ifriqiya ... "(1). Il est difficile de suivre
cet ~rudit dans cette voie. D'ailleurs, les sources orales
que nous avons recueillies dans le pays ne semblent pas
(1) Voir à ce sujet la lettre de Marhaba que nous avons signalée dans
les sources écrites. Le général Amr était en effet gouverneur de
l'Egypte en 665 ; ce fut à partir de ce pays qu'il organisa la
conquête du Maghreb.
349
prendre cette version au sérieux. Nous savons en effet que
d'une manière générale la plupart des érudits africains
musulmans se flattent en se donnant une origine arabe.
Marhaba a cru certainement faire honneur à la dynastie
Watara fondée par le fils de Tyèba,
en lui donnant un ancê-
tre qoreichite(l).
Nous pensons qu'il faut par conséquent retenir le
second sens du mot Shaykh qui a servi à désigner les vieux,
c'est-à-dire ceux qui possèdent la sagesse,
le savoir.
Il
s'agit donc d'un terme affectif généralement réservé à des
savants musulmans.
Dans ce sens, Shaykh évoque une idée de
maîtrise, de compétence: ce mot peut être ainsi attribué
à un maître,
à un professeur ou à un savant dans une dis-
c~pline donnée. c'est dans ce contexte qu'ES-Sa'di l'auteur
du Tarikh es-Soudan appela le cadi Mahmoud le Shaykh-al-
Islam
(le sage,
le savant de l'Islam) (2).
Le même auteur
~ppela aussi le jurisconsulte Muhammad-ben-Ahmed-Baghyu'u,
le Shaykh al-Wankoré c'est-à-dire l'illustre Wankoré(3).
C'est donc. par affection que Tyèba baptisa son fils Shaykh
ou Seku selon l'appelation locale; ceci tendrait a confir-
mer les traditions qui disent que Tyèba avait une grande
affection pour son fils dont le vrai nom était Umar Abdel
Kadr (4).
La mère de Seku était une princesse animiste du
nom de Tagari mais appelée affectueusement
(1) La tribu qoreichite est celle précisément à laquelle appartient le
prophète Mahomet. On veut donc attribuer à Seku Watara une origine
flatteuse.
(2) ES-Sa'di, Tarikh es-Soudan (traduction Houdas) 1964, p.123.
(3) ES-Sa'di, op. cit., p.123.
(4) Pour ces informations voir : le traditionaliste Mamadou Saganogo Labi,
bande n O l, dossier V, Abidjan, 1974 i voir la "Table ronde sur les
origines de Kong", A.U.A., série J, 1977, p.236 i voir I.A.S.A.R/454
(Legon ,.Accra)
i
voir l Wilks The Mossi and Akan states 1500-1800
in History of west Africa, volume 1, p.382.
350
Matagari(1). Elle a été élevée par la grande prêtresse du
clergé
t\\yama-kurugu.
Elle étai tune gbanmèle
(albinos)
en tant que telle, elle était censée posséder des pouvoirs
magiques qu'elle sut léguer à son fils.
Les albinos sont
encore considérés de nos jours comme des êtres qui possèdent
des dons surnaturels. Les traits d'albinos
ne semblent pas
avoir altéré sa beauté qui fit battre le coeur de nombreux
princes
du pays.
rI n'est pas étonnant que Tyèba
ai t é t é épr is de tr;atasari et que cela
ait provoqué une cr ise
grave à Kong opposant les partisans de
Tyèba
a ceux de
Borogo, le frère du roi Lasiri qui était éperdument amoureux
de Matagar i.
Il est difficile de dire a quelle date naquit le
jeune Seku.
Les sources orales nous permettent d'émettre
une hypothèse. D'après la plupart des vieux de Kong, Seku
avait 40 ans lorsqu'il prit le pouvoir et il le garda pen-
dant 40 ans(2)
; or nous savons, grâce à la chroniq~e du
Gonja, que ce grand souverain mourut vers 1745. Ceci permet-
trait de situer la naissance de Seku Watara vers 1665. Cette
date nous semble cependant hypotheh~utcar le nombre 40, lors-
qu'il exprime un âge doit être utilisé avec prudence. C'est
souvent un symbole. On considère généralement qu'à 40 ans
l'individu
a atteint l'âge de la perfection, de la sagesse,
de la maturité et surtout de la réussite .• Une enquête poussée
a~près des Bambadyon c'est-à-dire auprès des descendants
des esclaves de Seku chargés de l'intronisation révèle
(1) Le préfixe Ma a le sens de mère; c'est un terme affectif
que l'on
ajoute au nom des femmes respectables; c'est l'équivalent du mot Ba
ou Bèma pour les hommes. Ainsi les traditionalistes parlent de Mata-
gari et non de Tagari, de Bèma Seku et non de Seku tout court.
(2) Voir surtout Basièri Ouattara, Karamoko Ouattara, Labi, etc •••
Enquêtes réalisées à Kong de 1974 à 1977).
351
cepenàant que le fondateur du Royaume de Kong avait bien
une qua I"cll'l tc;lil'lE' d'QNHeé..>aunonfNT où il prenait le pouvoir (1).
r-:ais nous savonsquW prit
le
pouvoir
vers
1710.
Nous devons donc situer sa naissance vers 1670. Nous nous
heurtons à une difficulté, celle du manuscrit n012 qui
donne l'année 1675 comme étant celle de Seku et de Famaghan.
Nous devons reconnaître que cette date a été écrite par
" , \\
un copiste et qu'à ce titre, elle n1estpas entL~rement
digne de foi. Nous pouvons cependant la retenir comme étant
celle de la naissance de Famaghan, le frère cadet de Seku
Watara
. Certes,
i l n'est pas invraisemblable que Seku et
Famaghan soient nés la même année;
nous savons qu'ils
avaient deux mères différentes, ce qui explique d'ailleurs
les querelles intestines qui vont opposer souvent ces deux
. personnages. Mais un détail que nous avons relevé auprès du
traditionaliste Labi permet de réserver l'année 1675 à
Famaghan et de fixer approximativement vers 1670 la date de
la naissance de Seku
"Seku dit-il, avait environ cinq ans lorsque
naquit son frère Famaghan à Ténégéra.
Il
l'entoura d'une grande affection. Mais plus
tard devenus grands,
ils se mirent à se
détester à cause de la jalousie que le cadet
éprouvait pour son aîné . . . (2).
Au moment de sa prise du pouvoir en 1710,
il avait donc une
quarantaine d'années.
2.
-
Les débuts de Seku Watara
(1) La région de Kong et de Bobo-Dioulasso, compte encore de nombreuses
familles qui descendent des esclaves de Seku ; Ce sont généralement
des informateurs dignes de confiance.
(2) Labi, Abidjan, le 9-7-1974.
352
On raconte que Seku naquit avec une touffe de cheveux
sur la tête,
symbole de
puissance et de gloire(1).
f
D'après les traditionalistes, les karamogo avaient prédit
à Tyèba que son premier fils règnerait sur la région de
Kong. Quoi qu'il en soit, Tyèba entoura d'une attention
particulière l'éducation de son enfant. Dès l'~ge de sept
ans, Seku fréqenta la plupart des écoles coraniques de
Ténégéra dirigées à l'époque par des Kuribari. Les sources
orales n'ont malheureusement conservé aucun souvenir des
noms des premiers maîtres de Seku ; on suppose que ces
derniers l'initièrent aux formules rudimentaires indispen-
sables aux prières quotidiennes.
Il semble avoir consacré
une dizaine d'années aux études islamiques; on raconte
qu'il fut un élève exemplaire, obéissant et assidu aux
cours qu'il trouvait cependant, à la longue, fastidieux
voire inintéressants étant donné le faible niveau intellec-
tuel de ses maîtres.
Il reçut une formation supplémentaire
auprès des karamogo Dibi,
Lagbakuru et Kpérésuma.
Il avait
un esprit curieux et les questions qu'il posait sur la vie
du prCfhète
sur les Hadith
(les traditions)
embarrassaient
souvent ses maîtres. Seku était un garçon très intelligent
et il éprouva une véritable passion pour la lecture.
La
pl~part des karamogo actuels insistent sur le fait qu'il
savait par coeur le Coran;
il connaissait aussi la plupart
des écrits des savants de l'époque(Z). D'après les rensei-
gnements que nous avons recueillis dans la région de Kong
(1) Cette information a été fournie par l'imam de Bobo-Dioulasso, Marhaba
qui insiste sur le fait que les karamogo de l'époque avaient prédit
à, partir de ces signes que Seku connaîtrait la gloire.
(2) D'après l'imam de Bobo-Dioulasso, Marhaba, la plupart des ouvrages
de' Seku Watara portaient sur le droit malikite. Les enquêtes que
nous avons effectuées pour connaître la liste des ouvrages que pos-
sédait Seku furent vaines. Il y a probablement des exagérations
dans ce domaine.
353
~t de Bobo-Dioulasso, Seku se serait surtout intéressé au
droit musulman relatif notamment à la succession, au parta-
ge des héritages et des prises de guerre.
Le fils de
Tyèba avait en effet un esprit épris de justice et semblait
se préparer à jouer au sein de la communauté musulmane de
son pays, un rôle de cadi
(juge musulman)
ou tout au moins
de mufti
(un interprète autorisé de la loi musulmane.)
Dès sa tendre enfance Seku fut initié aux travaux
des champs mais aussi et surtout au tissage.
Il manifesta
une réelle aptitude pour ce métier et sa renommée avait
dépassé les frontières de Ténégéra. Les
cotonnades qu'il
confectionnai t ~hlieot_ recherchées non seulement par les
marchands de Kong mais aussi par ceux de Dienné et de Salaga.
Ce maître d'art aurait été le premier a lancer sur les
marchés de Dienné et de Tombouctou, les dadyi ou al-Harat-
taf(l)
qui ont fait la renommée des tisserands de la région
de Kong a~XVllle et XIXe siècles.
Mais Tyèba ne négligea pas pour autant la forma-
tion guerrière de Seku qui semblait se passionner pour tout
ce qu'il entreprenait. On ignore les débuts de sa carrière
guerrière. D'après les traditionalistes,
il s'imposa à
Ténégéra comme un valeureux guerrier au sein de l'armée de
Ténégéra.
Il apparaît dans les sources orales que nous avons
recueillies comme un bon stratège qui obligeait souvent
ses adversaires à combattre dans des conditions difficiles.
Ce qui a frappé les traditionalistes, c'est le caractère
foudroyant de ses attaques et la rapidité avec laquelle il
menait les opérations. Comme le souligne Ki-Zerbo,
il fut
(1) Dadyi signifie en dyula "crachat" ; il s'agit en fait de la couleur
rouge du jus de la noix de kola. ws tissus qui avaient cette teinte
étaient très recherchés aussi dans les pays du sud, à Bondoukou et
dans le Mango (Anno).
354
un guerrier "intrépide" et intègre "dans le. partage du
butid~l) et ne tarda pas à devenir l'idole des jeunes
guerriers qui combattaient dans les troupes de Ténégéra.
Seku a-t-il servi dans l'armée de Lasiri ? La chose paraît
peu. probable étant donné la haine qu'il ~prouvaitpour le
roi de Kong. On raconte en effet que. pendant qu'il guerro-
yait dans les troupes de Ténégéra i l tenta à plusieurs repri-
ses de s'opposer au tribut que sa ville natale payait à Lasiri(2)
L'hostilité de Seku à l'égard des autorités de Kong n'ap-
porta.pas la paix entre le souverain Lasiri et le fils de
Tyèba. Les incidents qui éclataient entre ce dernier et les
autorités de Kong tendraient à prouver que la famille royale
ne. portait pas Seku dans son coeur.
Les sources orales
insistent sur un incident qui est à notre avis révélateur
des tensions qui existaient entre lui et les autorités de
Kong. En effet l'un de ses divertissements favoris,
nous
disent les traditionalistes, était la danse royale,
le
nayawu.
Cette danse qui se pratique encore de nos jours
était autrefois réservée aux meilleurs guerriers et lutteurs
c'était en quelque sorte la danse des braves guerriers et
des beaux athlètes du pays.
Pour participer au nayawu i l
fallait être d'une famille de sang royal;
Seku semble avoir
été admis, du moins au début de sa carrière guerrière dans
le nayawu, mais à la suite des attaques violentes qu'il ne
cessait de lancer contre le régime de Lasiri,la cour royale
avait prononcé son exclusion (3) . Ainsi Seku n'avait plus le
droit de prendre part au nayawu.
rI semble avoir mal sup-
(1) J. Ki-zerbo, Histoire de l'Afrique Noire ••. 1972, p.263.
T2T·Lâplupàrt·· dèS tr a-ditionatistes insist'ent sur ·-cepoint. Cf. le tradi-
tionaliste Basièri Ouattara. D'après ce dernier Seku avait tenté
vainement d'entraîner Ténégéra dans une guerre contre Lasiri
(Basièri,
dossier XII, Kong, 10-8-77).
(3) Nous avons été surpris par les traditions musulmanes qui insistent sur le
goût de Seku pour la danse et notamment pour le nayawu. Ceci s'expli-
que probablement par le fait que le nayawu était réservé à une élite,
les guerriers considérés comme la classe aristocratique.
355
porté cette décision qui l'affecta beaucoup.
Il décida un
jour de se venger en empêchant l'organisation de l'une de
ces manifestations.
Il partit ainsi un soir de Ténégéra
à la tête d'une petite troupe d'une centaine de personnes
armées de sabres et de lances.
Personne ne fit attention
à Seku et à ses hommes que l'on prit pour des spectateurs.
Dès que le roi ordonna aux danseurs de s'exécuter, Seku et
ses hommes sortirent de la foule et tentèrent à coups de sa-
bres et de lances de se frayer un passage. pour atteindre le
roi et ses courtisans. Surpris par le caractère brutal de
l'attaque, beaucoup de princes du sang qui entouraient le
roi furent massacrés. Le service d'ordre armé de fouets fut
i~puissant et ne put la contenir. Profitant de la panique
qui régnait sur la place publique, Seku et ses hommes dis-
parurent dans les bois avant l'arrivée des forces de police(1).
Seku, après ce brillant exploit qui avait fait
trembler Lasiri et ses courtisans, conçut à partir de ce
moment l'idée de s'emparer du rône de Kong.
Certains traditionalistes considèrent l'interven-
tion de Seku Umar comme un défi contre la puissance de
Lasiri(2). A notre avis il s'agirait d'un coup d'Etat avorté.
Cette opération sembie avoir été minutieusement préparée
par le fils de Tyèba qui voulait profiter de cette manifes-
tation pour assassiner le roi et ses principaux dignitaires,
afin de s'emparer du trône.
rI bénéficia sans aucun doute
de l'appui du parti musulman et commerçant.
Son échec allait
le contraindre à la vie nomade du Dyula et à ne pas se mon-
trer sur les marchés de ~ong(3).
(1) Nos meilleurs informateur furent:
- à Kong (Basièri Ouattara, Labi Saganogo)
- à Bobo-Dioulasso, Soma Ali et Imam Marhaba.
(2) Basièri Ouattara, Abidjan, le 20 novembre 1978.
(3)
Labi Mamadou, Bouaké, 6-7-12-1978.
356
Cette affaire suscita de nombreuses réactions
aussi bien à Kong qu'à Ténégéra. Dans l'entourage immédiat
de Lasiri Gbombélé ce fut l'indignation alors que le milieu
musulman manifestait ouvertement sa joie. Peut-être ce
dernier voyait-il déjà en Seku Umar l'homme providentiel
qui allait enfin tenir tête au roi de Kong. A Ténégéra on
enregistra les mêmes réactions. Le mansa du pays qui s'ap-
pelait Maghan
(petit-fils du roi Bakari) entra dans une
violente colère; peut-être craignait-il une intervention
militaire des autorités de Kong dans son Royaume. Ceci ex-
pliquerait le fait que, dès le lendemain de llacte de bandi-
tisme de Seku
Umar, il conduisit en personne une forte délé-
gation a Konspou r présenter ses excuses au grand souverain
Lasiri Gbombélé. D'après les traditions de Sungaradaga,
il
aurait offert à son allié "plus de 600 esclaves et une
grande quantité d'or"(1).
A Ténégéra beaucoup de négociants et de guerriers
de l'armée du mansa Maghan témoignèrent de la sympathie
pour le courageux Seku Umar. Cela ne dut. pas faire
plaisir
au roi de Ténégéra qui craignait sans aucun doute pour son
tr8ne. A notre avis, ce brillant exploit marqua la fin de la
carrière miliaire du fils de Tyèba dans l'armée de Ténégéra.
Seku Umar était devenu un personnage tr~p dangereux et Mansa
Maghan dut lui retirer le commandement de ses troupes. Cet épiso-
de serait donc à situer peu avant
1700. Nous savons en effet,
grâce aux sources orales, qulil se consacra entièrement au
commerce vers l'âge de trente ans(2). Il cessa d'être un
kundigi et se fit dyula. Une nouvelle carrière s'ouvrait au
fils de Tyèba.
(1)
Soma Ali Sungaradaga, mars 1979.
(2)
Voir en particulier Dyamila Ouattara, Yonoro, février,
1976.
357
Comme toujours, Seku pratiqua avec amour ce
nouveau métier difficile.
Il connut la dure réalité de la
vie du commerçant itinérant
:
il souffrit des intempéries,
des chemins tortueux, défoncés et parfois peu sûrs; plus
d'une fois il eut à défendre sa vie contre les razzieurs
d'esclaves. Son instinct guerrier fut souvent mis à rude
épreuve.
Il fut donc obligé d'utiliser ses troupes pour
assurer la sécurité de ses caravanes.
Seku semble avoir bénéficié du concours d'un ri-
che négociant connu sous le nom de Dao Dabila. Nous avons
vu qu'un personnage du même nom avait accompagné à Ténégéra
vers 1610 le grand-père de Seku Watara, Dé Maghan. D'après
les sources orales et écrites ce fut ce même personnage qui
initia Seku aux affairel1). Nous rejetons cette hypothèse
nous pensons que le Dao Dabila de l'époque de Seku Watara
est un petit-fils du premier Dao Dabila.
Il est courant en
Afrique Noire qu'un petit-fils porte le même nom que son
grand~père.
Dé Maghan vers 1610, donnait déjà le titre de
Tyèkoroba
(vieux)
au premier Dao Dabila ; ce dernier devait
avoir à cette époque au moins une quarantaine d'années
comme nous l'avons vu ; vers 1700, Seku aurait ainsi voyagé
en compagnie d'un vieillard de plus de 130 ans; ceci paraît
invraisemblable. Le Dao Dabila dont il est question dans
toutes les sources orales de Kong n'est donc pas le compa-
gnon de Dé Maghan, mais un petit-fils de ce dernier.
Seku manifesta une grande disposition pour les
affaires. En cinq ans
(1700-1705),
il acquit une solide
(1) Voir à ce sujet les manuscrits arabes locaux que nous avons signalés
et les traditions qui existent de nos jours à Kong.
358
fortune dont la renommée dépassa les frontières de Kong
:
on parla dès lors des richesses du Shaykh de Ténégéra(1).
Le commerce de Seku porta exclusivement sur les
barres de sel, les noix de kola,
l'or, les esclaves que lui
procurait son armée et les belles étoffes dont une bonne par-
tie était tissée par lui et ses nombreux esclaves. D'après
certaines sources orales, avant sa prise du pouvoir 500 escla-
ves tissaient à Ténégéra pour son propre com~te et 500 autres
faisaient le va-et-vient entre le Worodugu,
le Mango
(l'Anno),
le Gyaman
(région de Eondoukou),
le Lobi, le Dagomba, le Gonja
(Salaga)
et la boucle du Niger,
(Dienné et Tombouctou) (2) .
Seku avait compris que le succès du commerce
d~pendait de la sécurité dont bénéficiaient les caravanes
cette dernière semble avoir été assurée. parfaitement par une
armée régulière qu'il rétribuait et entretenait. On comprend
pourquoi de nombreux marchands de la région recherchèrent
l'amitié de Seku. Ce dernier ne put cependant fréquenter le
marché de Kong à cause de ses mauvais rapports avec les
autorités du pays. Pour se rendre dans la boucle du Niger,
par exemple, ses hommes étaient obligés d'effectuer de très
longs détours par Salaga pour éviter les Sunangi de Lasiri.
La région de Kong était ainsi interdite au négociant Seku.
Il rêvait de conquérir le grand marché de Kong écrasé par
le poids du dolo-songo.
Il ne semble pas avoir souffert de
ces taxes arbitraires qui pesaient sur les hommes d'affaires
qui vivaient à Kong ou qui fréquentaient les marchés de
la ville.
(1)
C'est probablement à partir de ces dates gue Seku fut connu des
érudits et des milieux d'affaires du Gonja.
(2) Ces chiffres apparaissent couramment dans les sources orales gue nous
avons recueillies dans la région de Kong. Voir à ce sujet le roi
actuel de Kong et Dawaba Bamaba de Pongala.
359
Les voyages d'affaires étaient aussi des occasions
pour Seku pour rencontrer des savants musulmans étrangers
et fréquenter la cour des souverains dont il visitait le
pays(1). Les entretiens que Seku eut avec les docteurs de
la foi musulmane portèrent essentiellement sur le droit
musulman et la manière de préparer les populations de son
pays à embrasser l'Islam(2).
D'après une tradition que nous avons recueillie à
Bilimono en 1975, Seku aurait entretenu des relations épis-
tolaires avec le cadi de Tombouctou qui était connu a Kong
sous le nom de Amadu (3).
~l s'agit probablement du cadi
Seyyid
'Ahmed qui succéda à son père Ibrahim au mois de chaouâl
de l'année 1110 de l'Hégire
(mai 1699) (4).
Il semblerait
que Seku ait lié une solide amitié avec le cadi Ahmed qu'il
(1) Bien
que les sources orales ne soient pas précises, il semblerait
que Seku ait séjourné à la cour des rois du Gonja.
(2) Seku apparaît comme l'homme qui a véritablement introduit l'Islam
à Kong. Lors de la "Table ronde sur les origines de Kong". Dogomori,
le Secrétaire Général du PDCI-RDA de Kong disait " ... C'est Sékou qui
est venu avec l'Islam ici. .• " cf. A.U.A., série J, 1977, p.470.
(3) Informations recueillies à Bilimono et à Kolon en 1976 et en 1977.
Pour Bilimono, voir Basirakoro, bande n014, dossier l
; pour Kolon
voir Fisiri Ouattara, bande n025, dossier III.
(4) Voici ce que l'on lit dans le Tedzkiret en -Nisian (traduction Hou-
das, 1966, p.l0)
: "le dimanche, 29 du mois de Cha'bân
de cette année
(2
mars 1699), après la prière de l'asr, mourut jurisconsulte, le
cadi Ibrahim, fils du jurisconsulte 'Abdallah, fils du saint de Dieu,
Seyyid Ahmed-Mo'y a ( ••. ). Le jour de sa mort il avait environ soi-
xante.quatorze ans. Il eut pour successeur, dans ses fonctions de
cadi, son fils, le jurisconsulte, le cadi Seyyid Ahmed ( ... ) qui fut
nommé au mois de chaouâl, un des derniers
mois de cette année-là,
et qui, à cette époque, était âgé d'environ trente-huit ans".
360
~ connu lors de ses voyages à Dienné et à Tombouctou entre
1700 (début de sa carrière de marchand)
et 1710 (date de la
prise du. pouvoir à Kong).
A Ténégéra il constitua une cour fastueuse où af-
fluaient les grands marabouts de la région. Parmi ces der-
niers, on reconnaissait ses anciens professeurs Dibi,Kpéré-
sun~a et Lagbakuruqui deviendront ses fidèles alliés et conseillers.
L'ensemble des sources orales font de Seku, un
personnage pieux qui profitait souvent de ses moments de
loisir. pour lire et interpréter le Coran à ses amis qui le
fréquentaient assidûment. On siest parfois demandé slil avait
effectué le pèlerinage à la Mecque; pour le~gens de Kong
il ne fait aucun doute qu'il n'a jamais fait le pèlerinage
à la Mecque ; il a cependant organisé et financé le voyage
de nombreux pèlerins aux lieux saints(1). Les traditions de
Yonoro racontent que,
sur les conseils du cadi de Tombouc-
tou,
il se préparait à aller à la Mecque "mais les guerres
contre Lasiri l'empêchèrent de réaliser son rêve. Devenu
roi,
il renonça à ce projet . . . "(2). Cette dernière version
paraît vraisemble et l'ami de Tombouctou en question pourrait
être le cadi Seyyid Ahmed. Durant sa vie il siest attaché
à louer le prophète et à le faire aimer à son entourage.
Malgré sa grande fortune et le prestige dont il
jouissait au sein de la société, Seku est resté un person-
nage accueillant, ouvert.
Il était sobre et ne faisait
jamais d'excès;
sa maison demeurait ouverte à tout le monde
i l . aimait les gens et· totltlemonde 11 aimai t .. Il· avai t
le
(1)
Llun des défenseurs de cette thèse est Mamadou Saganogo Labi.
(2) Voir à ce sujet le karamogo Dyamila Ouattara bande
n014 dossier
l,
Yonoro,
1974.
361
regard franc,
doux et accueillant;
sa générosité n'avait
pas de limites;
il offrait la zakat
(l'aumône légale)
aux
pauvres;
il n'aimait pas la misère et il essayait de la
rendre supportable à ceux qui souffraient.
Il aimait les
étr angers,-' les commerçants' et lesérudi ts. Ji.; ces-dern-ie-r 5'"
il distribuait des milliers de pièces d'or et des esclaves.
Seku a su ainsi par sa générosité, par ses maniè-
res humbles toucher le coeur de ses concitoyens et se faire
aimer.
Il aimait la justice. Toutes les sources orales in-
sistent particulièrement sur ce dernier point et Ki-Zerbo
a raison lorsqu'il parle de son "intégrité dans le partage
des butins . . . "(l). Cet esprit de justice, il l'a manifesté
non seulement au sein de l'armée où les troupes l'ontservi
avec loyalisme mais aussi au niveau des affaires qu'il
traitait avec les négociants de la région. On raconte qu'en
1709, lorsque le roi
'Abbas lui offrit les sacs d'or et de
cauris, il les partagea avec son compagnon de voyage Dao
Dabila. On comprend donc pourquoi tout le monde recherchait
la co~pagnie de Seku, notamment les guerriers, les érudits
(karamoko)
et les hommes d'affaires.
Physiq~ementr Seku apparait dans les sources
orales comme un bel homme, à l'allure sportive
il avait
été dans sa jeunesse l'un des meilleurs lutteurs de la
région. Il avait le teint clair
; ce dernier fait semble
avoir poussé certains érudits de Kong et de Bobo-Dioulasso
à lui trouver des ancêtres arabes(2). Il avait les yeux
francs et une figure agréable.
Il aimait les belles étoffes
(1) Ki-zerbo, ~. cit., p.263.
(2) Nous avons cité le cas de l'imam Marhaba qui a tenté de donner une
origine qoreichite à Seku Watara.
362
~t il était toujours bien habillé ; il a laissé dans les
sources orales l'image d'un prince qui savait se v~tir,
garder son calme et sa dignité.
On est très mal renseigné sur la vie amoureuse
de Seku. Les traditionalistes sont assez discrets sur ce
point. Seku avant son règne avait-il de nombreuses femmes
ou une seule femme qui portait plusieurs noms? La dernière
hypothèse semble vraisemblable. En effet, lors de l'affaire
de l'accouchement difficile, la femme qui était à ses côtés
est connue dans les sources orales, soit sous le nom de
Masira(1), soit sous celui de Mafiré(2) ,soit encore sous
celui de Makamisawulé(3). Seku aurait eu ainsi une seule
épouse qui l'accompagnait souvent dans ses déplacements.
Elle apparaît dans les sources orales comme une femme qui
. possédait des pouvoirs surnaturels et qui connaissait le
secret des plantes. Cette femme semble avoir eu une grande
influence sur Seku et sur l'éducation des enfants de ce der-
nier. D'après les traditionalistes, il eut de nombreux
enfants mais beaucoup d'entre eux moururent en bas âge. Seku
n'a certainement pas eu tous ses enfants avec la m~me femme.
Il a dG avoir de nombreuses concubines. On admet généralement
que douze de ses fils ont survécu(4)
:
il s'agit de Dyori-
(1)
Ce nom a été cité à la cour royale de Kong comm~ étant celui de la
femme qui permit à la favorite du prince du Gonja de mettre son enfant
au monde. Cf. les traditions du roi actuel de Kong, Karamogo Ouattara.
(2)
Dans les version que nous avons recueillies auprès de Basièri Ouattara
la femme qui était aux côtés de Seku au moment de l'affaire de l'accou-
chement s'appelait Mafiré.
(3)
Selon Labi, la femme de Seku s'appelait Makamisawulé. Cf.
"Table
Ronde sur les origines de Kong" A.D.A.,
série J,
1977, p.240.
(4)
Le traditionaliste Labi prétend que Seku avait 14 fils en réalité i
il
dit que sur les 14 deux ont été des personnages insignifiants qui se
sont désintéressés totalement des affaires du Royaume et qui portaient
des surnoms révélateurs: l'un s'appelait Muso-dyo
(l'esclave des
femmes)
et l'autre Foro-dyon
(l'esclave des champs). Ces deux person-
nages dont on ignore les véritables noms ne figurent pas sur la liste
de la cour royale de Kong.
363
dyan,
Samanogo,
Zan Bakari, Salia Sanu, Kumbi, Mori Maghari,
Sumafi, Daudu, Usman Fimba, Seku Blé, Foroko Mori et Kèrè
Mori. Trois d'entre eux moururent du vivant de Seku :
Dyoridyan,
Zan Bakari et Salia Sanu. Tous ces enfants ont
'aidé Seku à asseoir son commerce et à conquérir le pouvoir
à Kong.
La liste des fils de Seku a été souvent falsifiée
par un personnage important de Kong, Karamoko ulé ; voici
la liste que ce dernier communiqua à Binger à la fin du
XIXe siècle(1).
1 . Samandougou
2. Kombi
3 • Morymakhary
4 . Souma - Fin
5.
Souma Oulé
6. Samba - Kari
7. Kèrè - Mory
8. Karakara
9. Famagha
10. Gourongo-Dongotigui
(appelé aussi Bagui)
1 1 . Saliasahanou
12. Soury
Voulant se faire passer pour le roi de Kong,
Karamoko Ulé a glissé dans la liste des fils de Seku, le
nom de son grand-père, Borogo
(le Gourongo Dongotigui de
Binger). Ce faisant,
il apparaît comme l'un des petits-fils
de Seku. En réalité, comme nous le savons, Borogo est le
frère du roi animiste de Kong Lasiri Gbombélé et le grand-
(1) Binger, op. cit., t . l , p.324.
364
.p'ère de Karamoko Ulé(1).
La liste de Binger contient d'autres erreurs
.1°/ Famaghan et Karakara ne sont. pas des fils
de Seku mais des frères de ce dernier
i
2°/ Surna ulé est le fils de Dyoridyan et par
conséquent le. petit-fils de Seku Watara i
3°/ Suri est le fils de Mori Maghari, donc un
petit-fils de Seku(2).
Seku Umar avait-il des frères ? Les sources orales
n'ont retenu que le nom de Famaghan. Mais un manuscrit arabe
que nous avons trouvé chez le roi actuel de Kong Karamoko
Ouattara donne la liste des fils de Tyèba.
Il s'agit de
Shaykh, Famaghan, Mori Dabila,
Ibrahim et Karakara. Ces per-
sonnages ont donc existé, mais seuls les deux premiers ont
retenu l'attention des traditionalistes; les autres ne
semblent pas avoir joué un rôle déterminant dans l'histoire
du Nord-Est de la Côte d'Ivoire(3).
Que retenir de la vie de Seku ? Seku apparaît
dans les sources orales comme un prince dynamique, volontaire.
Il incarnait la détermination et le courage.
Il fut aussi
un homme passionné qui voulait réussir tout ce qu'il entre-
prenait.
Il n'était pas un rêveur mais un marchand réaliste
qui compri~ très tôt que pour conquérir le pouvoir il fallait
·----·------------g-J·~uyer"s-ur 'llélément-tly-namique de- la- populatic~, -les mar-
chands.
(1) Voir Bernus, ~. cit., p.251
(2) Voir à ce sujet Bernus, ~. cit., p.251-252.
(3) Voir document n03.
365
B. SEKU WATARA ET LA PACIFICATION DE LA
REGION DE KONG
Seku Watara avait conquis le pouvoir avec l'appui
des milieux musulmans et des hommes d'affaires. Mais la
masse de la population qui était attachée à la terre refu-
sait son autorité et organisait ça et là des îlots de résis-
tances
il décida de les briser et de soumettre le pays
par la force.
Pour faire face à la situation,
il entreprit
des réformes importantes au sein de l'armée.
1. - Seku Watara et l'armée
Seku avait réussi à mettre sur pied à Patoni
une armée régulière,
relativement homogène. Mais il semble
avoir. perdu les meilleures de ses tro~pes lors des guerres
qu'il livra contre Lasiri Gbombélé. Les difficultés qu'il
éprouva pour venir à bout des guerriers de Nabé-Syé plaident
en faveur d'une telle hypothèse. Au lendemain de sa victoire
sur Kalgbinin,
il rassembla ses principaux généraux et leur
fit part de ses craintes. D'après les versions que nous avons
recueillies en 1979 à Sungaradaga où les traditions guerriè-
res sont encore vivaces, Seku aurait déclaré à cette occasion
..
Nous avons remporté la victoire, mais
nous avons encore beaucoup de guerres à
livrer avant de venir à bout des Banmana.
Pour édifier mon Etat,
il me faut une armée
puissante et surtout disciplinée ... " (1).
En tenant ces discours, Seku pensait certainement
··-----au--Sunangiya qui avait-servi· -jusque là comme base pour- la
formation des guerriers de la région de Kong.
Il savait que
le Sunangiya reposait sur le Do'o et par conséquent sur les
cultes animistes. Ce fait ne semble pas l'avoir gêné.
Il
(1) Enquites réalisées à la cour royale de Sungaradaga aupr~s de Soma
Ali en 1979.
366
porta au contraire une attentionparticuli~re à cette
société secr~te et y apporta quelques modifications. Il
n'i~posapas l'Islam à ses soldats et les cultes animistes
furent autorisés. Mais il ouvrit les portes du Sunangiya à
tous ceux qui acceptaient de combattre sous sa banni~re,
c'est-à-dire pour le compte des musulmans et des marchands.
Il accueillit à bras ouver~les chasseurs myoro et komono
du.pays.Il se concilia ainsi l'affection des anciens Sunangi
et des sociétés de chasseurs. Les Sunangi sous Seku Watara
apparurent ainsi comme des combattants au service du commerce
et de l'Islam.
Le Sunangiya accueillit aussi les
captifs de
guerres notamment les adolescents et leur assura une forma-
tion militaire ; ce sont ces prisonniers de guerre qui
prirent, sous Seku Watara, le nom de Dyuladyon
(esclaves
des Dyul~(l). Ce sont ces Dyuladyon
qui allaient constituer
à l'avenir le gros de l'armée de Kong, notamment le corps
des fantassins.
A l'époque de Lasiri, la cavalerie était réservée
aux fils des chefs de village
ou de terre
Seku semble
avoir démocratisé l'armée et beaucoup de fils de paysans
ou de marchands eurent acc~s aux corps des cavaliers. D'apr~s
certaines traditions recueillies à Sungaradaga on autorisa
les descendants des Dyuladyon
à entrer dans le So-k~r~bagaya
le corps des cavaliers(2).
Au sein de l'armée, Seku ne semble pas s'être
intéressé aux origines sociales des individus
;. l'armée
était pour lui un creuset où devaient se côtoyer les princes,
(1)
L'Etat de Kong apparaît ainsi très clairement comme un Etat dyula.
(2)
Le terme "sa" désigne le cheval
; le terme kèrè
: la guerre ; le
so-kèrèbaga est un cavalier.
367
les fils de paysans et les esclaves; ce qui comptait à
•
ses yeux, c'était le mérite personnel deS4ftdividus, mérite
qu'il sut louer et récompenser durant tout son règne .
• L'armée devint ainsi un moyen d'ascension sociale, beaucoup
d'esclaves ont pu sous son règne accéder au grade de Kundigi
(chef d'armée).
Ils ne purent pas porter cependant le titre
de Sunangi qui semble avoir été strictement réservé à
l'aristocratie princière(1).
La formation des Dyuladyon
et celle des So-
kèrèbaga au sein du Sunangiya
se fit comme dans le passé
par classes d'âge et selon une discipline rigoureuse. Grâce
aux instructeurs gonja, Seku réussit à doter Kong d'une
imposante armée. D'après le roi actuel de Kong,
les guerriers
de Seku formés au sein du Sunangiya ne reculaient pas
devant la mort. Leur devise était, dit-il,
"vaincre ou
mourir" (2) .
Ainsi le Sunangiya qui à l'époque de Lasiri
formait des combattants hostiles au
monde musulman et
commerçant devint sous Seku le support inconditionnel de
l'épanouissement de la civilisation dyula. Seku a su
fanatiser des guerriers qu'il utilisait pour lutter contre
ses ennemis de l'intérieur ou de l'extérieur.
Seku semble avoir créé un véritable ministère de
la guerre qu'il confia à l'un de ses fidèles esclaves,
Bamba, qui portait le titre de kèrè-mansa,
c'est-à-dire
le mansa de la guerre
(l'empereur ou le roi de la guerre)
A ce titre il était le plus grand dignitaire d~ Royaume.
Il
(1)
Informations recueillies à la cour royale de Kong 1975 auprès
du roi actuel Karamoko Ouattara.
(2) Enquêtes réalisées à Kong en 1975, bande nOS, dossier l, Kong,
1974.
368
avait sous ses ordres tous les kèrè-kundigi ou kundigi de
l'armée.
Il était aussi le chef du mansa-so
(la Maison du
roi)
et tous les esclaves de Seku relevaient de lui, d'où
l'expression Bamba-dyon et non Seku-dyon. Ce haut digni-
taire était secondé par deux serviteurs,
le so-kundigi,
chargé de l'achat et de l'entretien des chevaux et le mugu-
kundigi
(maître de la poudre)
qui s'occupait du ravitaille-
~
.
ment des troupes en armes et en poudre. C'est gr~ce à ces
deux. personnages qui entretenaient des relations très étroi-
tes avec les marchands du. pays que Bamba.pouvait, à la
demande de son maître, organiser des expéditions guerrières.
A l'époque de Bamba,
le So-kundigi s'appelait
Sidari
;
il était originaire de Kalgbinin et avait servi
dans l'armée de Nabé-Syé. Le mugu-kundigi s'appelait Piawa-
li
; Seku l'avait acheté au marché de Salaga au cours d'un
voyage d'affaires peu de temps avant la prise du pouvoir.
Tous les tr ad i tional i stes de Konc,;. insistQt\\t: sur l' irnpx- .
tance de l'armée de Seku ;
ils ne sont cependant pas d'ac-
cord quant aux effectifs de cette dernière
: les uns disent
que Seku avait une armée de 100.000 homme(1),
les autres
aux contraires avancent des chiffres plus modestes de 10 a
50.000 guerriers, chiffres sans aucun doute exagérés(2).
Il
est vraisemblable que Seku ait disposé sous son règne d'une
armée régulière de 10.000 hommes environ. La plupart des
traditionalistes que nous avons interrogés ont entendu dire
que Seku entretenait en permanence à Kong une cavalerie de
3 à 5.000 combattants(3).
(1)
Ces chiffres sont propos~s par la plupart des princes de la cour
royale de Kong
; voir en particulier le roi Karamoko Ouattara.
(2) Ces informations proviennent des enquêtes que nous avons r~alisées
en 1975 à Kong auprès de Labi Mamadou et de Basièri Ouattara.
(3) Voir les traditions de Sungaradaga, enquête du 3-3-1979.
369
Seku visait semble-t-il l'efficacité et souhaitait
entretenir. pour cette raison une armée mobile facile à
manier. Les chiffres de plus de 10.000 hommes proposés par
les sources orales n'ont pu être vraisemblablement
atteints
qu'à l'apogée de l'Empire.
En fait
i l ne semble pas que Seku ait engagé
de telles forces dans les combats qu'il eut à livrer contre
ses adversaires,
soit pour conquérir le pouvoir,
soit pour
agrandir l'Empire. Comme nous l'avons dit,
Seku se méfiait
des armées lourdes, difficiles à manier.
Il aimait au con-
t~aire la mobilité et la rapidité dans les opérations guer-
rières. Une enquête poussée auprès des Dyuladyon
de Sungara-
daga permet de rejeter les chiffres proposés par les Watara
de Kong(1).
La grande armée de Kong est connue dans certai-
nes traditions orales sous le nom de Foroba.
Elle comprenait
trois grandes parties qui vont inspirer ~ découpage adminis-
tratif du Royaume de Kong.
Il s'agit du Nyankèrè
(avant-
garde)
appelé aussi Sigida
(la poitrine de l'armée)
le Kini-
boro
(aile droite)
et le Numaboro
(aile gauche). Ces trois
troupes étaient généralement commandées par les princes de
Kong sous la haute autorité de Famaghan et de Bamba
; der-
rière suivait le gros de l'armée composé de Dyuladyon, armés
de fusils et de flèches dont le nombre variait selon l'im-
. portance de l'enjeu. Les trois premiers corps étaient
essentiellement des cavaliers équipés de fusils.
Chacun d'eux
comptait au moins 300 hommes.
Lorsque le Fama participait à
une guerre,
il prenait
place derrière la Nyankèrè, mais il
était entouré par un corps spécial le Suri-boro(2)
choisi
(1)
Sungaradaga, 3-3-1979, voir à ce sujet Dalignan ouattara.
(2)
Basièri Ouattara, Kong,le 11-9-77.
D'après notre informateur
:
"lorsque les guerriers dU Suri-boro
partaient en guerre si vous leur dites que Dieu vous protège,
ils
vous tuent,
par contre si vous leur dites que les ennemis vous tuent,
alors ils se tapent le front comme pour recevoir une bénédiction".
370
parmi les meilleurs Dyuladyon de son armée. A l'époque de
Seku Watara le Suri-boro comprenait 300 à 500 personnes.
En cas de défaite ces combattants devaient sacrifier leur
vie. pour sauver celle du prince. Seku Watara mettait rare-
ment en branle le Foroba ; pour les campagnes ordinaires il
engageait un ou plusieurs Kèrè-boro c'est-à-dire des troupes
comprenant des cavaliers et des Dyuladyon
qui étaient
généralement des fantassins.
Le Kèrè-boro dépassait rare-
ment un millier de personnes. Or nous connaissons la compo-
sition du Kèrè-boro de Bamba dans lequel servait l'arrière
grand~père de Dalignan Ouattara. Il comportait 900 cavaliers,
1500 fantassins(1)
et 1000porteurs(2). A cela s'ajoutaient
les musiciens et les griots. Le Kèrè-boro ou Foro devait
donc comporter environ 3.500 homm6.Le Foro-Ba ou la grande
armée de Kong dépassait donc à peine les 10.000 hommes au
moment de l'apogée de l'Empire. Evidemment, pour l'époque,
il s'agit d'une force considérable pour les régions de Kong
et de Bobo-Dioulasso habituées à voir opérer des petites
troupes de 100 à 300 personnes armées de flèches ou de lances.
Le roi de Kong s'intéressa de très près à la vie
de ses soldats
; il
leur distribua des terres et les fit
mettre en valeur par des esclaves.
Il leur fournissait
gracieusement les chevaux, les armes et les vêtements.
Il
offrit des bracelets de cuivre ou d'argent pour récompenser
les guerriers les plus courageux de son armée, ceux qu'on
(1) A Sungaradaga on nous a dit que ce nombre était généralement
moins
élevé dans les campagnes ordinaires.
(2)
Nous avons relevé les mêmes détails dans les informations que nous
avons recueillies auprès de Soma Ali à Sungaradaga en 1979.
371
?ppelait à Kong les Tyèfari(1).
Les nombreux chants de guerre qui existent encore
de nos jours à Sungaradaga concernaient précisément les
Tyèfari. On a l'impression que Seku Watara a pratiqué le
culte du tyèfariya
(le culte de la bravoure).
Voici l'un des chants qui date de l'époque de
Seku Watara.
"
J'entends le Tygbana
(tam-tam parleur)
Il annonce, la nouvelle, la bonne nouvelle,
la guerre.
Le Dum-dum baa
(tam-tam royal)
mlapelle
il appelle le TyèfC!,.i ..
J'entends la voix du Dyémé
(tam-tam de
guerre)
qui résonne c'est le Cèyakan(2).
Le Watara ne conna!t pas la mort,
il
ne craint pas la mort.
Sauve toi couard,
sauve toi, sinon, tu auras la tête
tr anchée •.. Il (3) .
Seku, dit-on, confectionnait de nombreux tam-tams
de guerre pour les différents corps de son armée et les
soldats partaient en guerre sous les encouragements de la
musique guerrière.
Il semble avoir eu un goût prononcé pour
la musique de guerre qui stimulait l'ardeur combative de ses
hommes. On lui attribue l'existence du Gbéni
(sorte de
trompette)
qui annonçait le début et la fin des combats.
Il
(1)
Ces traditions étaient déjà en usage dans l'Empire du Mali au XIVe
siècle. Selon al-Umari,
"les cavaliers les plus braves portent des
bracelets
( ... ). Ceux qui ont excellé en bravoure, portent, en plus
des colliers d'or et ceux qui ont surclassé
(ces derniers)
portent,
en plus, les anneaux d'or aux chevilles". Cf. R.P. CUOQ,
Recueil des
sources arabes concernant l'Afrique Occidentale, du VIlle au XVIe
siècle,
1975, p.270.
(2)
Le terme cè désigne l'homme i le cèyakan c'est la bravoure.
(3) Traditions historiques recueillies en 1979 à Sungaradaga au cours
d'une danse guerrière.
372
chercha ainsi à rendre agr~able la vie des hommes qui accep-
taient de verser leur sang pour lui. C'est ce qui explique
que le roi nlh~sitait pas à donner des gratifications à ses
soldats èt à faire exploiter leurs terres par une main~
d10euvre servile: c'est le d~but de la cr~ation des kongo-
so
(v illages de cultures).
Grâce à cette politique de faveurs,
Seku disposa
d1une arm~e puissante, organis~e, dynamique et disciplin~e
qui allait lui permettre de pacifier le pays et jeter les
bases de IIEmpire de Kong.
2.
- Seku Watara et les derniers foyers
de r~sistance
La victoire de Kalgbinin avait permis à Seku de
b~n~ficier d1un temps de r~pit relativement important pour
r~organiser son arm~e. Mais ses adversaires avaient profi-
t~ de ce laps de temps pour panser leurs blessures et
mettre sur pied de nouvelles troupes. Deux ans après la
d~faite de Forogo-Sy~, Seku allait de nouveau être oblig~
de livrer de très violents rCo~bats pour sauver son trône.
Deux de ses guerres ont retenu llattention des traditiona-
listes;
il s'agit de la guerre contre Nab~-SY~ II{1} et
celle que Seku livra contre les Komono.
a}
La guerre contre Nabé-Syé II
Après le désastre de Kalgbinin,
un des fils du
Forogo-Syé qui avait réussi à prendre la fuite se réfugii
dans la capitale de son pere où pendant deux ans il essaya
de se doter d'une armée afin de combattre Seku,
l'usurpateur.
(1)
Il existe généralement dans les sources orales une confusion entre
le Nabé-Syé l qui lutta aux côtés de Seku Watara contre Lasiri
Gbombélé et le Nabé-Syé II,
un
fils de Nabé-Syé 1.
373
Se sentant suffisamment fort pour affronter son ennemi,
il
,prit le titre éloquent de Nabé-Syé et fit appel à la frac-
tion des Falafala hostiles au roi de Kong,
les Palaka.
Les traditions orales de Kong qui sont favorables
à Seku et à l'Islam présentent Nabé-Syé II comm un ent~té,
un vaniteux qui pensait que ses dyo allaient pouvoir lui
permettre de vaincre Seku sans difficulté ;
il apparaît
aussi comme un ~tre sot et stupide. A la veille des guerres
qu'il avait décidé de livrer contre Seku,
il voulait intimi-
der son ennemi;
il aurait ordonné à ses tyèfari d'emp~cher
un grand fromager que ses esclaves venaient d'abattre, de
toucher le sol.
Il voulait, dit-on,
impressionner Seku par
la, puissance de sa magie. Malheureusement tous les tyèfari
qui tentèrent vainement de s'opposer à la chute de l'arbre
furent écrasés. On raconte qu'il répéta plusieurs fois
l'expérience et perdit ainsi la plupart de ses meilleurs
guerriers. On voit ici dans cette légende le triomphalisme
béat des lettrés musulmans hostiles aux souverains animis-
tes. La bataille contre Nabé-Syé II apparaît ainsi sous le
signe de la magie, l'Islam contre l'animisme. C'est ainsi
que certains traditionalistes de Kong justifient la défaite
de Nabé-Syé II face aux troupes du roi de Kong(l).
A Nafana et à Limono nous avons recueilli des
informations qui nous donnent une autre image d~Nabé-Syé
11(2). D'après ces sources, le nouveau souverain des Nabé
aurait été un personnage riche, puissant qui par des ruses
de guerres causa beaucoup de soucis au roi musulman de'Kong.
Il attaquait l'armée de Kong par surprise et lui inflige'ait
(1)
Basièri Ouattara, Kong,
le 10-8-1977.
(2)
Enquêtes réalisées à Nafâna
(voir Bamori Bayikoro,
bande n022,
dossier 1976 1)
et à Limono
(voir Miaba Cuattara, bande n C 16,
dossier IV,
1974.
374
de
lourdes pertes.
Il
se procurait les
armes en pillant les
caravanes de Seku qui revenaient de Salaga.
Le Nabé-Syé II est loin d'être ce, personnage
ridicule qui apparaît dans les sources orales de Kong. Les
traditions de Nafana précisent que Seku mit deux ans pour
venir à bout du roi de~Nabé. Ce dernier semble avoir été un
adversaire de taille pour Seku Watara.
Il attaquait les
hommes de ce dernier la nuit à la faveur des incendies que
ses partisans faisaient éclater ça et là aux alentours du
ca~p du roi de Kong. Il profitait alors du désordre pour
massacrer les partisans de Seku avant de disparaître dans
la nuit noire.
Il semble avoir semé une véritable panique
au sein de l'armée de son ennemi.
A Limono, on affirme qu'il coupa les communications
de Kong avec Bouna pendant de nombreux mois. On comprend
pourquoi Seku et les marchands de Kong furent si contents
lorsque le Nabé-Syé fut un jour surpris et
tué dans la brousse
de Forogo non loin de Limono. A l'annonce de la mort du Nabé-
Syé,
les balafons de Kong organisèrent des fêtes de réjouis-
sances pendant trois jours. C'est, dit-on à Kong,
à partir
de cette époque que date la chanson suivante
:
"
Nabé-Syé a refusé le respect,
il a refusé l'honneur.
Nabé-Syé a connu la honte
Il a connu le déshonneur
L'homme qui a refusé le respect
a connu la honte ... " (1).
.
Voici comment les sources orales de Limono que
nous avons signalées relatent la mort du Nabé-Syé
: le
Nabé-Syé venait pour attaquer le camp deKiémini où sta-
tionnait le gros de l'armée de Seku. N'ayant pas reçu à
(1) Informations recueillies auprès de Basièri Ouattara en 1977 à
Abidjan, dossier VI.
375
temps les renforts qu'il attendait,
il décida de passer la
nuitdans un hameau 'au nord de Limono. Alerté par ses agents,
Seku attaqua le Nabé-Syé dès le lever du soleil avec des
forces considérables. Surpris, le Nabé-Syé se battit avec
courage. Mais au cours de la bataille,
il fut atteint d'une
balle à la tête et mourut sur le champ de bataille. La mort
du roi des Nabé sema la désolation dans le camp ennemi
et Seku en profita pour anéantir les forces de ce dernier.
Il remporta une victoire décisive.
Les fils de Nabé-Syé
,
prirent la fuite et se refugièrent à la cour du roi du Komo-
no : le reste de l'armée tenta vainement de regagner la
ville de Forogo. Seku ordonna le massacre des fugitifs et
fit raser au passage la ville de Forogo. La plupart des vil-
lages.palaka et nabé qui avaient soutenu la guerre du Nabé-
Syé furent incendiés et la population réduite en esclavage.
La mort du Nabé-Syé marquait ainsi la fin des révoltes or-
ganiséespar les populations autochtones dans le sud, l'est
et l'ou€st
de Kong. Toutes ces régions reconnurent l'autorité
du roi de Kong.
b)
La guerre contre le Komono
Une seule région échappait au contrôle de Seku
Watara, le nord du pays
: cette région était placée sous
l'autorité d'un prince d'origine mandé,
appelé Bungo ou
•
Bango. Il avait réussi avec l'aide des archers komono à
constituer(l)
un Etat dyula en plein pays senufo à l'époque
de Lasiri Gbombélé. Bungo semble avoir
entretenu des rela-
tions cordiales avec le roi animiste de Kong.
Ces relations ne
sont ~as d'ailleurs très clairement définies; d'après certaines
vErsion le Komono était tributaire du roi anismiste de
hong(2)
; d'après d'autres traditions au ccntaire,
(1)
Les !;omono constituent un clan de la grande famille senufo. On les
apparente aux ~yoro qui sont d'habiles chasseurs.
(2)
Voir à ce sujet les sources orales de la cour royale de Kong et en
. particulier le roi de Kong.
376
le Komono constituait une principauté ind~pendante(1). En
fait,
il semblerait que Bungo,pour s'installer dans le
nord de Kong,
ait sollicité l'autorisation du roi de Kong
mais qu'en réalité ce dernier n'avait aucune influence
réelle sur lui et Seku le savait.
Aussi lors de la guerre qui l'o~posait à Lasiri
il tenta d'avoir l'appui du roi du Komono ! mais ses efforts
furent vains i Bungo conserva la neutralité.
Voici comment
Labiprésenta les faits lors de la "Table ronde sur les
origines de Kong" (2) .
Il
Ils
(Seku et ses hommes)
sont allés au
Komono, lui, Seku, est allé chez les Komono
et a dit au chef des Komono "rejoins nous
pour que nous nous associons. C'était
Boussanga qui te commandait, maintenant je
veux que Boussanga regagne sa terre. Comme
nous n'avons pas beaucoup de chevaux(3)
et
que toi tu es roi du Komono et que tu as la
force, donne moi tes enfants et tes meilleurs
hommes pour que nous allions les échanger
contre les chevaux
i
quand ce sera fait tu
auras la région de ton père". (4)
Ce que l'on peut retenir de l'intervention de Labi, c'est
l'aide que Seku sollicita auprès de Bungo.
Bungo ne donna aucune suite à la demande de Seku i
il n'accorda pas non plus son appui à Lasiri.
Il observa une
stricte neutralité vis-à-vis des deux antagonistes. Seku ne
lui. pardonna jamais son attitude. Bungo qui craignait une
invasion de ses terres après le succès de Seku, concentra le
(1) Les défenseurs de cette thèse sont les traditionalistes Dawaba
Bamba et Basièri OUattara.
(2) Labi Mamadou,
"Table ronde sur les origines de Kong", A.U.A.,
série J, 1977, p.250.
(3)
Seku a souvent été préoccupé par le problème des chevaux qui venaient
surtout des pays du nord.
(4) Labi, op. cit., p.250.
377
gros de ses forces à .rtiansadényir i-koro, dans une localité
aujourd'hui disparue, mais que l'on situe généralement à une
trentaine de kilomètres au nord de Kong(1). Ce dernier fait
est confirmé par les sources voltaïques qui disent que les
Komono "se sont établis vers 1700(2)
à vingt-cinq kilomètres
de Kong"(3). Bungo a donc senti une menace peser sur l'avenir
de son Royaume; or ce fut précisément l'installation des
troupes de Bungo à Mansadenyiri-koro qui inquiéta Seku. Le
fait en outre que Bungo avait accueilli les enfants du
Nabé-Syé le poussa à se débarrasser de ce voisin gênant.
Seku qui rédoutait les archers dUI(Omono et les embuscades,
décida d'employer la ruse, pour venir à bout de son ennemi.
Au lendemain de sa victoire sur Nabé-Syé II,
il envoya une
délégation à Bungo,pour l'inviter à signer un traité de paix
et d'amitié. Comme le soulignait Kiéthéga,
"les pourpalers ont été si difficiles que
le fils de Seku Watara a eu le temps de
se marier à Kawa"(4),
à une princesse Komono qui vivait à la cour du roi.
En fait,
le roi de Kong et celui du Komono se
livrèrent à une politique de finasserie qui dura un an. En
effet, dès que Bungo reçut la délégation de Seku,
il se
dépêcha de lui envoyer de riches présents et une lettre pour
le féliciter de sa victoire sur Lasiri. Mais au lieu de
laisser partir le fiJs de Seku,
il le combla de biens et
l'invita à partager son trône avec l u i ; le prince de Kong
(1)
Voir Karamoko Ouattara, le roi actuel de Kong, enquêtes du 15-8-1977.
(2)
La date de 1700 proposée par Kiéthéga est erronée. L'installation de
Eungo au nord de Kong se situe vers 1710 après le succès de Seku
Watara sur les forces de Lasiri.
(3) J.B. Kiéthéga : A.U.A., série J,
1977, p.206. Ces informations ont
été confirmées à la cour royale de Kong.
(4) J.B. Kiéthéga, op. cit., p.208. A Kong on n'est pas au courant de ce
mariage. Par contre, on confirme l'envoi d'un des fils de Seku auprès
du roi du Komono ; c'est dit-on Samanogo qui effectua cette mission.
378
ne sut refuser et il vécut pratiquement en otage à la cour
royale de Komono. Seku de son côté s'arrangea pour retenir
à Kong l'ambassade du Komono. Sur ces entrefaites, une cara-
vane royale qui revenait du Worodugu fut. pillée par les
Palaka et Seku fit appel à son fils. Bungo garda le fils
de Seku auprès de lui mais autorisa sespr~pres fils à
aller combattre aux côtés de Seku avec l'armée du Komono.Cette
dernière tomba dans. une embuscade dressée, dit-on, par
Bambapour débarrasser Seku de son rival du Komono. L'armée
de Kong profita de l'effet de surprise pour tailler en
pièces les troupes de Bungo. Les deux fils de ce dernier
furent tués au cours du massacre(1). Lorsque Bungo apprit
la nouvelle,
il comprit que Seku l'avait trompé.
Il s'en-
ferma dans son palais et se donna la mort. Désormais Seku
était le seul maître des territoires du Nord-Est de la
Côte d'Ivoire. Ses hommes profitèrent de la saison sèche
pour incendier les habitations des Palaka qui avaient
attaqué la caravane et regagnèrent leur base à Kiémini. Après
cinq ans de guerres meurtrières
(1710-1715), Kong connaissait
à nouveau la paix. Seku allait pouvoir enfin réaliser son
rêve impérial. La disparition de l'Etat du Komono lui ouvrait
la voie de l'expansion vers le nord.
(1) Seku ne semble pas avoir participé personnellement à cet acte.
Beaucoup de traditionalistes pensent que Seku était étranger à ce
màssacre. Nous ne partageons pas ce point de vue i
il était par-
faitement au courant de l'organisation de ce traquenard.
379
11, SEKU WATARA A LA CaNQUETE DES VOIES CARAVANIERES
A. LES CAMPAGNES DU NORD
(1715-1720)
On se rend compte à travers les sources orales qu'une
raison fondamentale semble avoir poussé Seku Watara à orga-
niser ses premIeres conquêtes.
Il voulait ouvrir des routes
commerciales sûres entre le Kpon-Gènè et les pays voisins.
Selon la plupart des traditionalistes de Kong et de Bobo-
Dioulasso, à la veille du coup d'Etat de Seku, le commerce
avec Salaga était dangereusement compromis à cause des
bandits qui pillaient les caravanes qui traversaient le Lobi
et la région actuelle de Bobo-Dioulasso. Les commerçants
auraient supplié Seku afin qu'il intervienne militairement
dans ces. pays.
Ils lui offraient de ravitailler ses troupes
en chevaux et en fusils.
La plupart des sources orales du
pays insistent sur la participation active des marchands
dans les premières guerre$de Seku qui n'était d'ailleurs
pas mécontent de voir s'éloigner un certain nombre de prin-
ces belliqueux de la région de Kong et de Kiémini (1). Mais
ces guerres arrangeaient avant tout les propres affaires
de Seku qui n'avait pas renoncé au négoce malgré son titre
de Fama. On peut distinguer trois principales campagnes.
D'après certaines sources orales, ces dernières débutèrent
après la mise en place du Kpon-Gènè et durèrent cinq ans
;
ces guerres se seraient donc déroulées entre 1715 et 1720.
Mais si lion connaît les mobiles de ces campagnes, on est
de nos jours assez mal renseigné sur les opérations militaires.
C'est sans aucun doute la preuve que celles-ci niavaient
pas été très importantes. Les troupes de Seku ne semblent
(1) Pour les campagnes de Seku nous nous sommes servi des sources orales
recueillies à la cour
royale de Kong de 1974 à 1977 (notre informa-
teur privilégié fut Karamoko Ouattara)
; nous avons recueilli aussi
des renseignements auprès des descendants des princes qui ont réalisé
ces campagnes (Soma Ali et Pigneba Ouattara (enquêtes réalisées en 1979).
380
.pas avoir rencontré de résistances notables dans les régions
traversées. Ainsi commença l'une des aventures les plus
extraordinaires de l'histoire des Watara,
la longue marche
qui allait aboutir à la formation de l'Empire des Watara.
1.
- Les campagnes du Lobi
Les guerres du Lobi furent menées par l'un des
fils de Seku,
Zan Bakari, à la t@te d'une armée réguli~re
de pr~s de 3.000 guerriers dont 500 cavaliers. Zan Bakari
atteignit sans difficulté la ville de Sauta, au nord de
Bouna(l). Sa présence dans cette localité indiquerait qu'il
reçut la mission d'assurer une liaison réguli~re entre Kong
et les marchés de l'or du Lobi.
Sauta était alors contrôlée. par les populations
de race sya ou bobo-dyula qui acceptèrent l'autorité du
prince de Kon.g. Ce dernier dut cependant livrer quelques
batailles. pour soumettre les Dogosyé et les Nabé de la
région de Baun a (2) • Il semble avoir. perdu beaucoup d'hommes
dans cette région car les sources orales nous apprennent
qu'il compléta son armée avec des guerriers de la région.
Laissant de côté la ville de Bouna,
il remonta vers le
nord et occupa le village lobi Nako.
Il séjourna quelques
années dans cette localité où lion venait lui porter les
tributs des villages conquis et soumis. D'après les sources
orales de Bobo-Dioulasso,
il se montra sans pitié pour les
villages rebelles qu'il ruina entièrement en les incendiant
et en réduisant leur population en esclavage.
(1)
Voir aussi H. Labouret in "Tribu du Rameau Lobi" 1931, p.31
et
suive
; voir Bernus, o~. cit., p.257-258.
(2)
Les Dogosyé sont des populations voltaïques. Pour les guerres en
questions, voir Labouret, op. cit., pp.31-35.
381
Zan Bak~ri, ayant soumis le pays,par la force,
r~prit la route du nord; il s'attaqucl aux Dyan et se
portant vers l'ouest atteignit Loto-Loropeni, la région de
Gawa, dans l'actuel Burkina-Faso. De nombreux villages
voisins se soumirent à lui et lui payèrent des tributs. Un
an ?près son installation à Loto-Loropeni
(1716-1717),
il
fit e~pédier à Seku des milliers et des milliers d'esclaves,
fruit des razzias qu'il organisait dans le,pays. Et Labouret
a certainement raison lorsqu'il écrivait que Zan Bakari à
cause de ces incessantes razzias épuisa "toutes les ressour-
ces de ces agglomérations assez misérables"(1). La présence
de Zan Bakari à Loto-Loropéni permit aux marchands de Kong
d'avoir accès aux marchés de l'or lobi. Elle assura aussi
la sécurité d'un axe nouveau,
la voie Kong-Bouna-Bobo-Dioulasso
par Loto.
Zan 'Bakari venait ainsi d'ouvrir une nouvelle voie
aux commerçants dyula de Kong.
Il venait ainsi de reculer
très loin vers le nord-est les frontières de l'Etat de Seku.
Grisé par ses victoires, le fils de Seku Watara
r&va d'étendre son influence sur une vaste région.
Il mena
. plusieurs campagnes contre les turbulents Wilé qui tentèrent
de lui résister;
il convoita les mines d'or du Poura.
Il
semble qu'il ait voulu en effet contrôler la totalité de la
route de l'or et la production de l'or du Lobi. L'occupation
de Poura fut cependant de courte durée car Zan Bakari n'avait
pas réussi à soumettre les populations des régions aurifères
et au cours d'un affrontement il fut grièvement blessé à la
lèvre par une flèche empoisonnée i ceci mit un terme aux
campagnes de Zan Bakari qui,
agonisant,
fut transporté d'ur-
gence à Kong
i
il mourut sur le chemin de retour à Kofolon,
(1) Loto-Loropéni est située à quelques kilomètres à l'est de Diébougou
au Burkina-Faso. Ces informations relatives aux esclaves proviennent
des sources orales de Sungaradaga ; cf. Labouret, op. cit., p.32.
382
non loin de Nasyan
i
il fut enterré à Kong. Une partie de
l'armée de Zan Bakari demeura à Loto-Loropéni pour faire
régner l'ordre et pour assurer la sécurité des marchands à
travers les pays lobi. Cette campagne fut un succès et les
relations commerciales entre Kong et les. pays lobi furent
renforcées. Elle enraya l'insécurité qui pesait sur les
routes de l'est.
2.
- Les premières guerres dans la région
de Bobo-Dioulasso et du Kénédugu
Seku semble avoir préparé minutieusement les
campagnes de Bobo-Dioulasso et du Kénédugu
i
ici aussi il
bénéficia de l'appui des Dyula de Kong. La plupart des
enfants de Seku participèrent à cette e?pédition qui avait
pour but de pacifier les régions comprises entre Bobo-
Dioulasso et Kong. Elle fut confiée à Famaghan et à Bamba.
Les opérations guerrières sont assez mal connues
et Dominique Traoré qui a essayé de les relater a créé une
confusion entre les premières guerres de Famaghan menées à
la demande de Seku dans la région de Bobo-Dioulasso et les guer-
res de
conquêtes de Famaghan faites sous sa propre initia-
tivepour la formation de l'Etat de Bobo-Dioulasso, le Gwi-
riko(1).
rl faudrait donc distinguer deux séries de guerres
menées par Famaghan à Bobo-Dioulasso, celles des débuts du
règne de Seku
(1715-1720)
et celles de 1735-1740 qui avaient
atteint la boucle du Niger et qui furent relatées par le
Tedzkiret en Nisyan.
Durant les campagnes de 1715-1720, Famaghan et
Bamba eurent à soumettre une mosaïque d'ethnies
(Komono,
(1)
Dominique Traoré:
"Notes sur le royaume mandingue de Bobo".
l'Education Africaine n'96,
janvier 1936, p.58-77.
383
Dogosyé, Tyèfo, Vigé, Nynyiégè, Dafing, Samo ... ). Cette
soumission s'accompagna par des prises d'otages. Famaghan
ne se contenta pas de prélever des tributs sur les princes
soumis mais il exigea que ces derniers envoient leur enfants
à la cour royale de Kong. Nous connaissons aujourd'hui
l' histoire de deux de ces otages, Bua et 'l'yèrncx;oba , d'après
les sources orales que nous avons recueillies à Numudagha
et à Bobo-Dioulasso.
a)
L'affaire de Bua(1)
Bua serait le fils d'un des Tyèfo qui, après la
prise du pouvoir par Seku, quitta la région de Kong pour
fonder un Etat dans la région de Numudagha. En guise de
r~présailles contre Seku, il pillait les caravanes des
Dyula. Famaghan le vainquit et lui imposa un lourd tribut.
Il pr i t
son jeune f ils en otage et le conduisit à Kong où il
grandit à la cour des Watara. Devenu grand, Famaghan l'initia
aux métiers des armes .. Plus tard il joua un grand rBle
dans l'édification du Gwiriko.
La prise en otage de Bua est relatée par Dominique
Traoré. Mais d'après ce dernier, Bua était à cette époque
le chef des Tyèfo et il aurait été capturé,
surpris
en train
d'arracher des "ntB9B"
(herbes à souches sucrées comesti-
bles)( 2) .
Il est possible que Famaghan ait capturé Bua en
train de couper de l'herbe pour les chevaux; cette tâche
incombait aux jeunes enfants et non aux rois.
Il est donc
faux de dire que Bua était à cette époque le chef des Tyèfo.
(1)
Enquêtes réalisées en 1979 à Numudagha auprès de Makunadi Ouattara.
(2)
Dominique Traoré, op. cit., p.59.
384
b)
L'affaire de Tyèmogoba(1).
D'après les traditions que nous avons recueillies
,a Bobo-Dioulasso en 1979, Tyèmogoba était le fils d'un
des Bobo-Dyula le plus influent du pays. Famaghan le prit
en otage et l'expédia à Kong. Comme Bua, Tyèmogoba grandit
à Kong et apprit le métier des armes. Il aurait participé
à de nombreuses guerres dans la région des Watara. Plus
tard, Famaghan se serait appuyé sur
Tyèmogoba pour dominer
les. pays bobo.
Famaghan réussit ainsi par la force et par la
d~plomatie à imposer l'autorité des Watara de Kong dans la
région de Bobo-Dioulasso au début du XVIIIe siècle. Il
avait certainement l'intention de parcourir toutes les régions
situées à l'est et au nord de Boto-Dioulasso,
mais la mort de Zan
Bakari l'obligea à abandonner sa randonnée.
Il regagna Kong
en. passant par le nouvel axe tracé par le défunt.
Famaghan avait lai~sé à son départ le commande-
ment des troupes à Bamba et à Kèrè-Mori. Ce dernier guerroya
longtemps dans le Kénédugu où il captura plusieurs milliers
d'esclaves, d'après les sources orales de Sungaradaga.
A l'appel de Seku,
tous les princes et les princi-
paux chefs de la grande armée rentrèrent à Kong pour assister
aux funérailles de Zan Bakari. Bamba et Kèrè-Mori regagnèrent
Kong en passant par le Folona qu'ils razzièrent au passage.
D'après le traditionaliste Basori Ouattara
"le jour où Kèrè-Mori et Bamba firent
leur entrée à Kong,
ils traînaient derrière
eux plus de 10.000 esclaves des deux sexes
(1) Enquêtes réalisées auprès de Bouréima Sanou, bande n055, dossier
XIII, Bobo-Dioulasso, le 20-2-1979.
385
captur~s dans le K~n~dugu, la r~gion de
Bobo-Dioulasso et du Folona"(1).
Seku avait atteint ses objectifs. Ses arm~es avaient ouvert
au commerce la route Kong-Bobo-Dioulasso. Qu'allait être le
sort des. provinces conquise?
3.
- L'administration des provinces du nord
a)
Les pays lobi
Les conquêtes dans les pays lobi et bobo avaient
~t~ r~alis~es dans un but commercial. Mais elles allaient
. permettre à Seku de jeter les bases d'un immense Empire.
Dans le Lobi,
Zan Bakari ne se contenta pas de pr~lever des
tributs et de razzier les populations insoumises.
Il ess~ya
de mettre en place une administration et une autorit~ poli-
tique.
Il plaça à la tête de chacune des localit~s conquises
un. personnage important qui reçut le titre de dugukunasigi
litt~ralement ce mot signifie en dyula, "celui qui est à
la tête du pays".
Il s'agissait des gouverneurs de provinces
choisis au sein de l'aristocratie princière qui dominait
autrefois le pays.
Il ~vitait ainsi de placer un ~tranger
à la tête des pays nouvellement conquis; il se contentait
d'assister le dugukunasigi d'un kundigi
(un gouverneur
militaire). Le dugukunasigi repr~sentait ainsi l'autorit~
centrale dans sa r~gion sous l'oeil discret d'un kundigi qui
le surveillait.
Il ~tait charg~ d'administrer le pays, de
pr~lever le tribut et les troupes pour l'armée de Zan Bakari.
en fait,
le dugukunasigi n'était qu'un agent chargé d'ex~cu
ter les décis:ons du roi. Ces décisions étaient prises au
sein d'un conseil de Kundigi présidé par Zan Bakari assisté
de son principal conseiller, généralement choisi parmi ses
fidèles compagnons de guerre. Au moment des campagnes du
(1)
Enquêtes recueillies auprès du dugutigi de Limono Basori
Ouattara, dossier v,
juillet 1974.
386
Lobi, ce dernier s'appelait Kparafla(1).
Zan Bakari était mort très jeune alors qu'il
n'avait pas encore une quarantaine d'années;
il est présen-
té dans les sources orales comme un guerrier foudroyant qui
ne reculait jamais devant le danger.
Il avait contribué par
sa fougue
à jeter les bases de l'Empire de Kong. Grâce à
son courage les Watara s'établirent solidement à Sauta, à
Nako, à Loto et à Loropéni où ils ne tardèrent d'ailleurs
pas à être rejoints par les négociants dyula qui firent de
cette dernière localité l'un des. plus grands marchés de
l'or ouest-africain(2).
Il avait ainsi créé des "têtes de
pont à partir desquelles" les descendants de Zan Bakari
allaient tenter pendant des généraltions et des générations
de faire tâche
d'buile(3). L'entreprise de Zan Bakari fut
Sur ce plan un grand succès et on comprend
pOurquoi Seku
Watara lui fit des funérailles grandioses et sacrifia à
cette occasion plus d'une centaine de bo€ufs(4).
b)
Les pays bobo
La région de Bobo-Dioulasso fut organisée sur
le modèle de celle du Lobi. Famaghan plaça lui aussi à la
tête de chacune des provinces qu'il avait conquises un
dugukunasigi et jeta les bases d'un second Etat watara qu'on
appela Gwiriko, c'est-à-dire l'Etat situé au-delà du ko
(fleuve); il s'agit en l'occurrence du Léraba.
(1)
Voir H. Labouret,
1931, p.32.
(2)
Voir le traditionaliste El-Haj ~1arhaba, A.U.A., série J, 1977, p.376.
(3)
Bernus, op. cit.,
1960, p.258.
(4)
Versions recueillies à Loropéni au Burkina-Faso en 1976 auprès des
descendants de Zan Bakari, OUattara Tiémoko et El-Hadj Ouattara.
387
"Il était situé autour de la ligne de parta-
ge des eaux de la Comoé, de la Volta Noire
et du sous-affluent du Niger,
le Banifing 1t (1).
Le terme Gwiriko désignera. par extension tous les
territoires watara qui se trouvaient à l'extérieur du Kpon-
Gènè(2)
habités par des étrangers qui
ne parlaient pas la
langue dyula. Dans l'esprit des gens de l'époque, le Gwiriko,
c'est le pays des Banmana que l'on n'atteignait qu'après
plusieurs semaines, voire plusieurs mois de marche. Comme
le disent les traditionalistes, c'est le pays situé au-delà
de la longue étape.
Avant de regagner Kong, Famaghan avait choisi Sya
(ou Bobo-Dioulasso)
comme siège de la future capitale du
Gwiriko ; il confia la ville à l'un de ses lieutenants connu
sous le nom de. Syaka, avec une armée de 1.000 hommes.
Grâce à l'organisation et à la pacification des
territoires du nord, le commerce reprit entre Kong et Sya
qui ne tarda pas à devenir une grande métropole commerciale.
B. LES CAMPAGNES DU SUD
1. - Les contacts avec l'Anno et le
Gyaman
Au moment où une partie importante de l'armée de
Kong se dirigeait vers le nord et le nord-est, Seku expé-
diait deux colonnes vers les pays forestiers du sud,
l'une
commandée pa~ Mori Maghari et l'autre par Kumbi. Après la
(l)J. Ki-zerbo, op. cit., p.264.
(2) D'après Karamoko Ouattara, le roi actuel de Kong, le terme Gwiriko
désignait aussi les états situés au sud de Kong (Dyimini, Dyamala,
Anno).
388
conquête du Dyimini, Mori Maghari traversa le Dyamala et
atteignit les pays de l'Anno,
riches en or et en plantations
de noix de kola. Les Ando
(habitants de l'Anno)
reconnuient
l'autorité du souverain de Kong et acceptèrent de payer
chaque année un tribut en or et en noix de kola.
Ils envoyè-
rent de nombreux princes du pays vivre à la cour du roi de
Kong. Le Fama de Kong eut ainsi accès, non seulement aux
mines d'or du Lobi, mais aussi et surtout, à celles de
l'Anno et de la région de Bondoukou. La conquête de l'Anno
favorisa l'installation de nombreuses colonies dyula le
long des voies commerciales du sud. Pour la. première fois,
les autorités de Kong entraient en contact avec le monde
akan.
La colonne de Kumbi atteignit le Gyaman qui tenta
de barrer le passage aux armées de Kong(1). Nous avons
à Kong de nombreuses versions qui relatent encore la guerre
entre le Gyaman et Kong. Voici ce que nous avons recueilli
auprès du traditionaliste Basièri Ouattara(2)
"D'après les vieux, Kong a fait la guerre
contre les Ton, les Ton de Gbotogo
(Bon-
doukou). L'armée de Kong était dirigée par
Kumbi, l'un des fils de Seku. Après des
combats acharnés, les Ton furent vaincus et
le prince de Gbotogo accepta l'autorité de
Kong. L'amitié entre Kong et Gbotogo date de
cette époque. Kumbi s'était emparé au cours
de cette guerre du Tigbanan
(tam-tam de guerre)
du roi de Gbotogo. Le Tigbanan en question se
trouve de nos jours chez Kobana, à Kolon(3).
Après cette guerre,
le roi de Gbotogo a
développé des relations amicales avec les
rois de Kong et beaucoup de princes Gbotogo
sont venus vivre à la cour royale de Seku
(1)
Les autorités du Gyaman passent sous silence la guerre qui opposa
Kumbi au roi de Bondoukou. Nos enquêtes en 1983 à la cour du roi Yéboa
n'ont donné aucun résultat satisfaisant quant aux rapports entre Kong
et Bondoukou.
(2) Basièri OUattara, document VI, Kong,
1977.
(3) Ce Tam-tam de guerre se trouve effectivement à Kolon ; il est en très
mauvais étak
on l'appelle souvent Gbotogn-Tigb~nan (le Tinbana
de BondOIJ kou) .
·.
389
Watara. C'est d'ailleurs à Kong ~e les
rois du Gbotoga venaient àésarmais recruter
lpur s kar aJTIQgo (1). C'est au nom de cette
amitié que Kong a toujours
sOl1tenu Bondoukou
dans ses guerres contre les Sandi
(les
Ashanti) (2)".
A Kong, on ignore cependant le nom du souverain
de Bondoukou que Kumbi a combattu vers 1715. Nous pensons
que cette guerre se situait sous le règne Tan Danté qui
régna, selon Terray, entre 1705 et 1720(3). Il n'est pas
invraisemblable que ce fut après cette campagne que le
prince Bini Panyin reçut le surnom de Kumbi en souvenir de
l'amitié que les princes du Gyaman témoignaient à Kumbi
Watara, le fils de Seku.
Bondoukou représentait un intérêt considérable
. pour Seku Watara. Ce Centre était, non seulement le débou-
ché de l'or et des noix de kola de l'Anno, mais aussi et
surtout, le point d'aboutissement et le point de départ
des caravanes qui reliaient la côte
(Assinie, El-Mina,
C~-Coast••. ) à l'Etat dyula de Kong. Il permettait aux
négociants de Kong d'avoir accès aux marchandises européen-
nes
(surtout les tissus et les armes à feu).
Pour ces rai-
sons commerciales, l'histoire du Gyaman,
jusqu'au début
XIXe siècle, fut étroitement liée à celle des Watara de Kong.
Après un an passé dans l'Anno et le Gyaman Mori
Maghari et Kumbi regagnèrent Kong avec de riches présents
et beaucoup d'or.
(1) Ce fait a été confirmé par nanan Yeboa, le roi actuel de Bondoukou
au cours d'une enquête en août 1983.
(2)
La plupart des traditionalistes de Kong affirment que Bondoukou a fait
appel à Kong chaque fois qu'il a été attaqué par les Ashanti.
(3)
Voir Delafosse 1904. Un tableau des dates des règnes des rois du Gyaman
proposées par Delafosse, Nébout et Tauxier, se trouve chez Tauxier,
1920
appendice II, p.413. Voir aussi Terray, une Histoire du Royaume Abron
du Gyaman, des origines à la conquête, coloniale,
1984, p.652.
390
Les traditions orales de la région de Kong ne
signalent pas, du vivant de Seku, des guerres entre Kong et
Bouna. Elles parlent de l'amitié qui liait ces deux centres
et
soulignffitque le roi de Bouna envoyait "souvent à Seku
de l'or, des esclaves et des chevaux après sa victoire sur
Lasiri Gbombélé" (1) .
Ainsi, vers 1720, Seku avait jeté les bases d'un immense
Empire et son autorité s'étendait au sud sur l'Anno et le
Gyaman, à l'est sur les pays lobi et au nord sur les régions
âe Bobo-Dioulasso
(dans l'actuelle Burkina-Faso)
et du
Kénédugu
(région de Sikasso, dans le Mali actuel).
2.
-
Les premières guerres ashanti dans
le,Gyaman
Les sources oIales de la région de Kong font
mention d'une série de guerres que Seku livra contre l'Ashanti
au début de son règne, mais, dans l'ensemble,
elles donnent
. peu de d~tails sur ces opérations militaires. Les traditiona-
listes les mieux inform~s que nous avons pu rencontrer se
recrutent au sein des Bambadyon
Voici les témoignages de
deux d'entre eux:
a)
Version de Pigneba(2)
" . . . Quelques années après le retour de Kumbi
et de Mor i r-1aghari des pays du sud, Seku les
convoqua et leur demanda d'aller à houveau
dans le pays des Ton pour combattre les
(1)
Enquêtes réalisées en 1975 à Kong auprès de Karamoko Ouattara,
le roi actuel de Kong.
(2)
Pigneba Ouattara, bande n07, dossier II, Ouangolodougou, mars 1974.
391
Ashanti. L'armée de Koba-Koko se rendit à
Bondoukou et remporta de nombreuses victoi-
res
; Mori Maghari et Kumbi séjournèrent
longtemps dans la capitale des rois
des
Ton.
Ils regagnèrent Kong pour participer
aux funérailles de leur frère Zan Bakari .•• "(1).
b) Version de Bamadou(2)
"
Au début du règne de Seku, des Ton sont
venus de Bondoukou pour offrir de l'or et
des esclaves à Seku et lui demandèrent d'aller
défendre leur pays contre les Ashanti. Seku
accepta;
il ieva une puissante armée qu'il
confia à Kumbi et à Mari Maghari. Ces derniers
remportèrent plusieurs victoires, obligèrent
les Ashanti à quitter le pays. Mori Maghari
et Kumi regagnèrent Kong à l'annonce de la
mort de leur frère Zan Bakari ... "
On peut ajouter à ces deux versions les propos
que nous avons recueillis auprès de l'imam de Bobo-Dioulasso
Marhaba. D'après ce dernier en effet Mori Maghari combattit
deux fois les Ashanti,
"une première fois au début du règne de Seku
et une deuxième fois vers la fin du règne
de ce dernier" (3) .
Il s'agit donc des guerres que Kong livra contre
l'Ashanti au début du XVIIIe siècle. Ces campagnes n'ont
rien à voir avec la grande guerre menée par l'Ashanti vers
1739-1740, comme nous aurons l'occasion de le voir. Nous
•
pensons que les informations recueillies par Joseph DupO)$
lors de son séjour dans le Royaume Ashanti au début du XIXe
si .cle concernaient ces guerres.
(1)
Nous avons vu que Zan Bakari était mort vers 1720. D'après les sour-
ces orales tous les fils de Seku assistèrent aux funérailles de ce
courageux guerrier
•
(2)
Bamadou Ouattara, bande n011, dossier l, Nasyan,
août 1974.
(3)
El-Hadj Marhaba, bande n045, dossier
II, Bobo-Dioulasso, le 20-2-1979.
392
Voici ce qu'il écrivait à cette époque
"Twice did The king
(le roi de Kumasi)
carry
his arms into Gaman and was each time defea-
ted with great slaughter, owing mainly to
the weapons werewith his ennemies came armed
to the field being of the same description
as those of his main troops, namely, musquets -
besides an auxiliary force from Kong
( ..• )
consisting solely of cavalery. Each time the
monarch returned penitential to the capital
and made new invocations and new sacrifices
to the gods and his ancestors i
being deter-
mined, as the Ashantee relate,
since, he
found them to be still auspicious to abide
every risk rather than reiinquish the enter-
prise. The third invasion proved successful
and the king returned to his capital bringing
with the army a multitude of captives, of
both sexes and aIl ages i the children were
preserved to recruit the losses his armies
had sustained ; and the adults were either
sacrificed or sold in the market of Mansure,
upen the confines of Fantee,
from whenc~
they found their way to the west Indes . . . "(l).
Il apparaît donc vraisemblable qu'entre 1715 et
1720, Kong participa à de nombreuses guerres dans le Gyaman
contre les incursions ashanti. Ces incursions signalées par
les traditions de Kong,
si elles se vérifient se situeraient
entre la fin du règne d'Osei Tutu
(mort en 1717) (2)
et le début
de celui d'Opoku Waré
(1720-1750). Mais en 1720 préoccupées
par les funérailles grandioses de Zan Bakari, les autorités
de Kong n' avaient pas pu .2j"J? orl<:deur concours au Gyaman qui
fut alors vaincu par les Ashanti. Ceci constituait sans aucun
doute la troisième invasion ashanti dont parlait Joseph Dupu/s
qui se
SOlda par la victoire des Ashanti qui retournèrent à
Kumasi avec une multitude de captifs.
(1)
Joseph DUpU~~ Journal of Résidence in Ashantee ( ••. ) 1824, p.241. On a
toujours présenté les événements relatés par Bowdich comme étant une
rébellion du Gyaman contre l'Ashanti en 1764. Récemment Terray a montré
que ces faits constituaient l'affrontemertt des Ashanti contre Banda
(1773-
1774). Nous pensons au contraire qu'il s'agit bien d'une guerre qui opposa
l'Ashanti au Gyaman vers 1720. Cf. Terray, op. cit., p.1095-1109.
(2)
Boahen,
1975, p.87-92.
393
D'après les enquêtes que nous avons faites à
Kong,
le Gyarnan ne payait pas annuellement un tribut en or
au roi de Kong, mais le roi du Gyamanpayait très cher l'aide
qu'il obtenait auprès des autorités de Kong pour garantir la
sécurité de son pays, de sorte que les guerres entre l'Ashanti
et le Gyaman procurèrent des ressources financières impor-
tantes au trésor royal de Kong.
394
.111. L'ORGANISATION DU ROYAUME DE KONG
Débarrassé de tous ses rivaux, Seku Watara jeta
les bases du grand Etat dyula de Kong connu dans les sources
orales sous le nom de Kpon-Gènè.
A. LA CREATION DU KPON-GENE
Avant la prise du pouvoir, le Royaume de Kong
exerçait une véritable hégémonie sur les chefferies locales.
Mais cette dernière pouvait être remise en cause par les
alliés qui, suivant le modèle du maître, mettaient en marche
une machine de guerre qui risquait de
compromettre
l'hégémonie de Kong. Malgré l'existence du Nyama-Kurugu et
du lamogoya,Dyoké et Nabé-Syé n'avaient pas hésité à trahir
Lasiri· Gbombélé. Le Royaume mis en place par ses prédéces-
seurs reposait donc sur un équilibre instable,
incompatible
avec le commerce. Seku conçut donc l'idée d'unifier le
î"brd-Est de la Côte d'Ivoire d'où la création du Kpon-Gènè.
Le concept dyuLa de Kpon-Gènè supposait l'existence d'un
territoire délimité et d'une langue nationale.
Seku avait
choisi comme territoire celui habité anciennement par les
Falafala, les Myoro, les Gbèn et les Nabé.
Il était ainsi
limité au nord par les Komono, a l'est par le fleuve Comoé,
à l'ouest par le Bandarna et au sud par le Dyimini et le Dya-
mala.
Il s'étendait approximativement d'ouest en est sur 500
kilomètres et du sud au nord sur 150 à 200 kilomètres. A
l'intérieur de ce territoire Seku Watara imposa comme langue
nationale celle
du vainqueur,c'est-à-dire le Dyula,
la
langue des hommesd'affaires. Cette dernière mesure eut de
graves consequences car elle signifiait la perte de l'iden-
tité culturelle des peuples autochtones. Elle fut l'une des
causes essentielles du départ d'un grand nombre de Falafala
vers la région actuelle de Ferké. Ces derniers allaient
395
d'ailleurs prendre le nom de Palaka c'est-à-dire "les
partisans de refus". Seku imposa aussi son dyamu Watara aux
populations autochtones qui vivaient à l'intérieur du Kpon-
Gènè.
Il semblerait que cette dernière mesure ait été accueil-
lie avec joie. Elle flattait l'orgueil des. populations
autochtones qui avaient accepté la domination de Seku Watara.
Ces dernières allaient se sentir associées à la royauté de
Seku Watara et ceci allait constituer la force du Kpon-Gènè
c'est le début ce que lion pourrait appeler la "dyulaisation"
des autochtones senufo.
Seku avait ainsi créé dès le début du XVIIIe
siècle une structure politique homogène que nous appelons
le ~pon-Gènè ou le Royaume de Kong. Une certaine solidarité
va naître très rapidement entre les Watara, les hommes du
pouvoir et les Dyula proprement dits tournés vers le négoce.
L'lunité linguistique au sein du Kpon-Gènè n'allait pas
tarder à créer une certaine conscience nationale àvec la
disparition des tribus Falafala, Myoro, Gbèn, Nabé .••
Le Kpon-Gènè fut divisé en grandes régions qui
reçurent le nom de Gènè placé sous l'autorité d'un chef le
Gén/tigi.
Pour mettre en relief l'unité du Kpon-Gènè
Basièri Ouattara n'a pas hésité à le comparer à une termi-
tière
:
"Le Kpon-Gènè,
est comparable à une termi-
tière qui renferme beaucoup de termites.
Quand on attaque la termitière, les termites
sortent pour la défendre. En son milieu se
trouve la
bagabaga
appelée
baqabaqa -mansa
(reine des termites) .Cette dernîère se
trouve au fond de la termitière et ne sort
jamais ; elle est entourée par des agents
qui assurent la garde de la . bagabaga-mansa .
396
Elle est blanche et passe tout son temps à
respirer
; à chaque' respiration elle donne
naissance à des termit~s. Le mansaya (royau-
té)
de Seku Watara ressemble au fonctionnement
de la termitière" (1).
Le Kpon-Gènè reposait sur l'unité linguistique et l'armée.
Il était dirigé par un souverain assisté de nom-
breux oonseils et' gouverneurs
de provinces. Voyons quelques
unes des structures politiques et administratives qui se
dégagent de l'étude des sources orales contemporaines.
1. -
Le souverain
a)
Son titre
Les traditionalistes donnent à Seku,
soit le
titre de _Gènètigi,
soit celui de Mansa
mais il semble
qu'il ait porté celui plus prestigieux de Fama
(le plus grand
des grands,
le chef des chefs). Le terme Fama provient du
mot dyula fa qui désigne généralement le. père. En fait la
notion de fa est relativement complexe, car le mot peut
désigner aussi l'aîné des enfants après la disparition du
père; dans ce cas, ce dernier jouit des. prérogatives d'un
père et ses frères moins âgés sont baptisés déin
(enfants).
La notion de ~ peut s'appliquer aussi à des classes
d'âge; dans ce cas les aînés sont des fa et les cadets des
déin
; elle joue aussi à l'intérieur mÊme des classes d'âge.
Seku, en prenant Fama comme titre de sa royauté
impo~ait du coup un système de succession par les fa, une
sorte de droit d'aînesse,
afin d'~iter les crises de
successions qui provoquaient souvent dans les royaumes
(1)
Basièri Ouattara, Abidjan,
7-3-1978.
397
noirs des guerres fratricides. Ainsi, dans le syst~me mis
en. place par Seku, un déin ne pouvait. prendre le titre de
fa et avoir acc~s à la couronne qu'~pr~s la disparition du
dernier membre de la lignée des fa.
Dans la réalité les choses étaient plus compli-
quées
les princes dyula étaient. polygames et il n'était
pas rare de rencontrer des déin.plus âgés qu'un fa ;
l'histoire de Kong contient des exe~ple o~ de nombreux
neveux. plus âgés que leur oncles paternelS
furent écartés
du. pouvoir (1) • L'âge n'était donc pas un crit~re fondamental
dans le choix du fa ou du roi. La succession imposée par
Seku était une succession par voie collatérale, celle des
fr~res ou des cousins(2)
; il s'agissait d'un système entiè-
rement réservé aux hommes et qui écartait systématiquement
les femm€s
du trône. Ces dernières étàient même exclues
des
assemblées
publ igues.
Pour éviter les conflits lors des successions,
Seku institua le Lasnadu royal
(liste généalogique), un
véritable registre tenu à jour par les Bambadyon
o~ l'on
consignait les naissances et les décès des princes Watara.
b)
Les insignes du pouvoir
Seku s'est fait introniser Famapar son fid~le
esclave Bamba qui lui avait remis les insignes du pouvoir
matérialisé par le Sinzébu, le Dyondyon et la queue
d'éléphant
(1) D'après le roi actuel, beaucoup de princes qui n'avaient pas droit
au trône ont tenté souvent de s'emparer du pouvoir sous le règne
des petits-fils de Seku.
(2) On considère généralement dans les sociétés dyula, les consins
paternels comme des frères; ils ont le droit de règner.
398
1°/ Le Sinzébu
Il est le véritable emblème du. pouvoir.
Il avait
été arraché à Lasiri Gbombélé lors de sa fuite vers Bouna.
Seku a introduit cependant des éléments nouveaux dans le
Sinzébu pour marquer le changement de dynastie. Bernus dans
ses travaux sur "Kong et sa région" identifie le Sinzébu
qu'il appelle "Sansangbou" à des " •••. parchemins en arabe
qui viennent directement de Seku et qui sont enroulés dans
une peau et enfermés dans une caisse métallique" (1) • En
fait,
les parchemins dont parle Bernus ne sont qu'un élément
du Sinzébu ; ils concernent le lasnadu dont nous avons parlé
et le serment prêté par les Bamba-dyon de servir loyalement
les Vatara et de ne jamais convoiter le. pouvoir (2) •
Le Sinzébu est un obj et sacré consti tué par des
reliques recouvertes par une masse d'or et que nul ne devait
dévoiler(3). En dehors des descendants directs de Bamba,
personne n'est autorisé à voir ou à toucher le Sinzébu. Le
souverain voit et touche cet insigne de son pouvoir le jour
de son intronisation et chaque année à la veille de la
grande fête populaire de Kong, le Kurubi
(le vingt-septième
jour du Ramadan). Cette nuit-là, le roi de Kong assiste à
une cérémonie religieuse qui a lieu très tard dans la nuit
il se rend à cette occasion dans la concession des Turé
(1)
Bernus, op. cit., p.253.
(2)
PC-'I[
recueillir des informations série~sur le Sinzébu,
il faut
s ~dresser de préférence aux Bambadyon . Ce sujet est un véritable
tabou pour les princes de Kong. Nous avons eu du mal à faire parler
le roi actuel de Kong. Nos principaux informateurs ont été Pigneba
(Ouangolodougou)
et Dalignan
(Bobo-Dioulasso).
A Kong on peut interroger Mamadou Labi et Basièri Ouattara.
(3)
De tels objets sacrés existaient au Kanem à l'époque pré-islamique
sous le nom de Muna ; on les retrouve aussi dans les états mosi sous
le nom de Tibo. Cf. Ki-Zerbo, ~. cit., p.155.
399
Ulé(1)
pour y accomplir des sacrifices afin d'implorer les
e~prits qui ont secouru Tyèba le jour o~ ce der~ier faillit
~tre tué par Borogo. La cérémonie a lieu dans la case o~
s'était réfugié Tyèba.
Le roi, muni du Sinzébu, franchit
trois fois le seuil de la case appelé Da-Jugu(2). Après la
cérémonie,
i l remet le Sinzébu aux Bambadyon"
et regagne
son domicile en compagnie d'une suite nombreuse.
Comme nous l'avons dit,
le roi voyait pour la
premlere fois le Sinzébu le jour de son intronisation qui
avait lieu dans une pièce spéciale appelée Sinzébu-bô
(la
maison du Sinzébu). La cérémonie avait lieu le matin dès
le premier chant du coq. On conduisait le prince dans le
sinzébu-bô gardé par une trentaine de guerriers recrutés
parmi les fidèles Dyuladyon
du prince.
Là, les Bambadyon
lui ôtaient ses vêtements et lui passaient autour de la
taille et entre les jambes une bande d'étoffe,
autrefois
richement brodée et qu'on appelait le bla ;
le prince était
ensuite conduit dans une pièce secrète o~ il effectuait
des sacrifices. Après cette cérémonie,
i l revenait dans le
sinzébu-bô o~ les Bambadyon
l'habillaient avec un riche
burnous brodé d ' o r ;
i l recevait aussi l'anneau d'orj la
queue d'éléphant et le sabre,
symbole de son autorité.
Puis
on le dirigeait vers une estrade en guise de trône o~
attendait un personnage vêtu d'une tunique rouge et qui
tenait à la main un grand coussin brodé d'or appelé forogo
(1) c'est dans cette concession que Tyèba, le père de Seku se réfugia
lorsqu'il fut attaqué par Borogo ; c'est grâce aux Turé ulé qu'il
échappa à la 'iort. Seku avait organisé cette cérémonie pour montrer
sa reconnaissance envers les Turé ulé et pour commémorer le jour où
son père échappa miraculeursement à la mort. Mais c'est aussi la date
commémorative de la prise du pouvoir à Kong par Seku.
(2) Littéralement ce mot signifie en dyula : bouche dangereuse. Il faut
comprendre par là que la case qui avait servi à abriter Tyèba était
considérée par Seku et ses successeurs comme un dyo, un fétiche, une
divinité : informations recueillies auprès de Basièri Ouattara) Kong
10-8-77, dossier XII. L'existence de cette cérémonie à la v~Llle du
Ramadan, laisse voir que Tyèba avait l'intention d'assister à cette
fête à Kong. Peut-être voulait-il pfofiter du Ramadan pour tenter de
renverser Lasiri.
400
ou dofarani. Généralement, ce personnage était choisi parmi
les esclaves
furuma ou gbanmèlè
(albinos)
à causé des pou-
voirs magiques qu'on leur attribuait. On faisait ensuite
signe au futur roi de s'approcher du trône;
l'esclave
ouvrait alors le dofarani, sortait le Sinzébu qu'il offrait
au. prince et disposait le cousin sur le trône où prenait
place le nouveau roi. Dès que le prince. prenait le Sinzébu
et s'installait sur le trône,
i l devenait roi ou Fama, on
acclamait alors le nouveau roi.
Le Bambadyon
qui l'avait couronné s'adressait
alors à lui en ces termes
:
"
Nous sommes des Bambadyon
, nous sommes
tes dyon
(esclaves)
et des kèrè-dyon
(guer-
riers). Nous t'appartenons; nous t'obéirons
toujours fidèlement". Tous les esclaves
aussitôt se prosternaient et chantaient en
choeur "Tu es notre Mansa, notre vie t'ap-
partient ..• "
Le roi à son tour prenait la parole et déclarait.
"Vous @tes mes dyon
(esclaves)
je veillerai
sur vous,
sur vos enfants et sur vos femmes
je jure sur le Sinzébu de consacrer ma vie
au bonheur de mon peuple"(1).
rI sortait alors de la salle de l'intronisation escorté par
des gardes qui l'accompagnaient jusqu'à la porte. Le Fama
montait à cheval et tirait trois coups de fusil;
aussitôt
le Tigbana
(tam-tam royal)
résonnait et le peuple était
informé de l'aènement d'un nouveau souverain(2).
(1)
Pigneba Ouattara, Ouangolodougou, mars 1975.
(2)
Informations recueillies à la cour royale de Kong, Kong, le 10-8-77.
401
Le roi retournait ensuite au palais,
faisait des
sacrifices et offrait de nombreux cadeaux aux Bambaàyon
(or, esclaves, chevaux,
boeufs, vêtements, barres de sel •.• )
Il recevait alors les princes et les notables de la ville
qui venaient lui rendre hommage et lui offrir beaucoup
de. présents.
Le cérémonial de l'intronisation fut l'oeuvre de
Seku
; il fut scrupuleusement respecté par ses successeurs.
Il a cependant perdu à la fin du XIXe siècle son caractère
grandiose. Depuis la destruction de l'Empire de Kong par
Samori en mai 1897, l'intronisation est devenue un acte
symbolique pour perpétuer la mémoire de Seku Watara.
Seku avait pris de nombreuses mesures pour diminuer
les
risques de coup d'Etat; l'une des. plus importantes
d'entre elles fut d'interdire aux Bambadyon
chargés de
l'intronisation de déclarer le pouvoir vacant. Ainsi, la
mort du roi était gardée secrète jusqu'à la désignation de
son prédécesseur
; cela pouvait durer plusieurs jours, voire
des semaines ou des mois.
Pour cette raison, le corps du
roi défunt subissait un traitement spécial pour une plus
grande conservation.
Avant la nomination du nouveau souverain Seku
avait ordonné qu'on confie la direction des affaires du
Royaume au pr incipal conseiller du défunt le Dyula-mansa qui, depuis
la maladie de son maître,
s'occupait des affaires courantes
il continuait ainsi comme par le passé à diriger le pays au
nom de celui-c:.
Durant la maladie du roi, pour éviter les oreilles
indiscrètes,
les Bambadyon
empêchaient souvent les notables
et les courtisans de lui rendre visite. La plupart du temps
402
~'ailleurs, ils obligeaient le souverain gravement malade
à quitter en cachette le palais royal et a se réfugier
dans un kongoso
(hameau) où on l'enterrait ~près sa mort.
Au cours de nos recherches, nous avons constaté
en effet que les souverains ignoraient souvent le lieu exact
où étaient enterrés leurs prédécesseurs. Ainsi, la tombe
de Seku Watara fut entourée d'un grand secret i pour les uns,
il fut enterré à Kong, pour les autres sa tombe se trouve-
rait à Ténégéra ou dans le village actuel de Nafana(1).
Dès la mort d'un roi la vie
s'animait dans le
palais/les Bambadyon
tenaient un conseil et désignaient
le ~ qui devrait prendre la succession. Ils confiaient le
soin à des Dyuladyon
de ramener secrètement l'intéressé
au palais où on l'informait de la mort du roi.
Généralement,
on le coùronnait le lendemain matin. Le nouveau souverain
avait à partir de ce moment l'autorisation d'annoncer la
mort de son prédécesseur et d'organiser ses funérailles.
Ainsi le pouvoir royal ne fut jamais vacant à Kong.
La désignation du roi et son intronisation
conféraient ainsi un grand pouvoir aux esclaves. L'équilibre
. politique du pays reposait essentiellement sur les Bamba-
dyon qui occupaient en outre des postes importants dans
l'armée i
ils allaient régner sur le palais et imposer la
crainte et le respect aux prétendants au trône.
Le pouvoir
des Bambadyon
découragea plus d'une fois les ambitions
des princes turbulents qui rêvaient de conquérir le pouvoir
(1)
Le roi actuel de Kong et et
certains princes de la région pensent
que Seku fut enterré à Kong. Cette information est démentie de
manière catégorique par des traditionalistes tels que Labi, Basièri
Ouattara ; ces derniers pensent que Seku a été inhumé à Nafana où
à Ténégéra. Nous reviendrons sur ces détails.
403
par la force.
Ici, plus que partout ailleurs, on p~ut dire
que les esclaves ont oeuvré pour assurer la
pérenni té des ins-
titutions mi~es en place par Seku Watara. Voyons maintenant
le second insigne du pouvoir, le Dyondyon.
ZO/
Le Dyondyon(l)
L'une des pièces maîtresses de l'existence du
Kpon-Gènè est l'armée; Seku la dota d'un drapeau sur lequel
avait travaillé les plus grands karamogo du Royaume afin
de lui donner des vertus magiques. Le drapeau était consiè
déré comme un objet sacré et sa présence à la tête des
tro~pes devait permettre à ces dernières de remporter la
victoire.
Il s'agit
"d'un grand carré fait de bandes de coton
et soutenu par deux mâts. Le tissu est de
couleur gris sale car il a été trempé
dans de l'encre détachée des tablettes où
des phrases en arabe étaient inscrites.
Cinq talismans sont accrochés au drapeau,
au centre et à chaque angle. Les deux mâts
sont portés par deux guerriers qui, de ce
fait,
sont invulnérables"(Z).
Ce drapeau a été confectionné à la demande de
Seku au lendemain de sa prise de pouvoir. Après la mort du
souverain, nous verrons que ce drapeau donnera lieu à une
grave crise entre les enfants de Seku et Famaghan.
Tels étaient les insignes du pouvoir qui, à Kong,
comme a Bobo-Dioulasso, matérialisaient le pouvoir du roi.
(1) Nous traitons à part cet emblème du pouvoir car, à partir du milieu
de XVIIIe siècle, il ne faisait plus partie des insignes du pouvoir
à Kong. Il fut transféré à Bobo-Dioulasso par Famaghan.
(2) Bernus, op. cit., p.254.
404
B. L'ADMINISTRATION
1. - Les attributions du roi - Les audiences
Le roi de Kong était un souverain absolu ;
il
avait le droit de vie et de mort sur ses sujets; sa personne
était sacrée et nul n'avait le droit de s'adresser diiectement
au souverain(1).
Il était le chef suprême des armées.
Il
rendait la justice et ses décisions étaient irrévocables
mais, la plupart du temps,
il déléguait ses pouvoirs à ses
frères ou à ses fils.
Il était aidé souvent dans sa tâche
par de nombreux conseils.
Le roi, qui avait besoin d'être informé sur tout
ce qui se passait dans le pays, tenait de nombreuses audiences
où il recevait les gouverneurs de provinces,
les représen-
tants des commerçants ou des autres corps de métiers
i
au
cours de ces séances,
il écoutait les doléances de la
population.
Les lieux où les souverains tenaient leurs audiences
variaient en fonction de l'importance des questions à
traiter. A l'époque de Seku, elles avaient lieu, soit dans
une grande salle, soit dans une des nombreuses cours du
palais. Nous avons très peu de renseignements sur le palais
de Seku Watara qui se trouvait non loin de la place du
marché. D'après les témoignages que nous avons recueillis
dans le pays,
l'édifice érigé par Seku comportait de nom-
breuses constructions avec plusieurs cours dont l'une était
réservée aux femmes du roi et à leurs serviteurs. Le palais
de Seku ne semble pas avoir comporté un mur d'enceinte.
(1) Tout ceci a disparu de nos jours à Kong où le roi accueille lui-
même ses visiteurs et s'entretient avec eux. De nos jours, son auto-
rité est pratiquement nulle.
405
Voici ce que le roi actuel de Kong dit à ce Sujet
"
Seku avait une grande maison qui compor-
tait plusieurs bâtiments disposés les uns
à côté des autres ; vue de loin, la maison
du roi ressemblait à un tata"
(forteresse,
place for te) (1 ) .
D'après le traditionaliste Mamadou Labi, la construction
du. palais de Seku aurait été confiée à AI-Baru Basharu et
les travaux auraient duré cinq ans(2). Les travaux ont donc
dû être achevés vers 1715.
Nous n'avons aucune description de l'intérieur
de ce. palais
; ceci s'explique, à notre avis, par le fait
qu'il n'était pas facile de pénétrer dans les palais afri-
cains considérés, même de nos jours, comme des lieux sacrés
o~ l'intrus risquait la peine de mort. Pour atteindre le
palais du Damel
(roi)
du Cayor, Alvise da Cada Mosto en
1455 dut traverser sept grandes cours dont chacune était
gardée()) .
Malgré le silence des sources écrites et orales,
on peut penser que Seku qui aimait le faste habita un
somptueux palais richement décoré. Son entretien dut poser
ces problèmes financiers à ses successeurs qui n'ont pas
hésité à l'abandonner pour vivre dans des maisons plus
modestes(4) .
(1)
Enquêtes réalisées à Kong, le 17-8-74, bande n08, dossier l,
(2) Mamadou Labi, bande n03, dossier II, Kong 1974.
(3)
Alvise da Cada Mosto : in Crone, the voyages of Cada Mosto and
2~her documents on western Africa in the second half of the fifteenth
~~~tury, London, The Hakluyt Society, 1937, p.33.
(4)
Les princes en abandonnant le palais de Seku voulaient probablement
échapper aussi à l'influence des Bambadyon.
406
Nous pensons que la maison des Turé Ulé dans
laquelle les
rois
de Kong effectuaient et effectuent
encore chaque année des sacrifices à la veille de la fête
du Ramadan avait été intégrée au palais de Seku. Elle était
probablement la salle d'intronisation des rois de Kong;
elle bénéficie en effet encore de nos jours d'un entretien
particulier de la part des descendants de Seku Watara.
La mort de Seku Watara marqua la fin des audiences
qui se déroulaient dans la grande salle du palais. Les
successeurs du grand souverain organisèrent ces dernières,
soit sous dèS hangars à proximité de leurs maisons, soit au
pied des arbres de la grande place du marché. C'est sur
cette place publique, à l'ombre de deux grands arbres, que
Binger fut invité en 1888 à expliquer les motifs qui
l'avaient amené à Kong{l).
La cour royale était très bien organisée. Seku
Watara avait élaboré une étiquette minutieuse. Le roi prenait
place sur son tr8ne recouvert de coussins brodés d'or; de-
vant lui étaient assises deux femmes gbanmèlè qui tenaient
chacune une cuvette de bronze remplie d'or appelée tasa-ulé.
Devant les gbanmèlè se tenait le Duga, le griot du roi appelé
aussi Dyèli. De part et d'autres du Dyéliprenaient place
les membres de la famille royale, les gouverneurs militaires,
et les notables de la cour.
Le roi avait derrière lui sa garde personnelle
composée d'une centaine de DyulaGyon
; à sa droite on
notait la présence du Dyula-mansa, le conseiller du roi, une
sorte de premier ministre entouré d'une foule nombreuse;
(1) Voir Singer, ~. cit., t.1, p.291.
407
~ sa gauche se tenaient le Dugutigi
(le chef de la ville
de Kong)
et sa suite. Dans les audiences publiques qui
avaient lieu sur la place du marché, le Dyula-mansa et le
Dugutigi étaient accompagnés chacun par un miJlier de
personnes environ(l). Au fond se tenait l'assistance. Ces
cérémonies révêtaient un "caract~re grandiose et important"
comme Le notait encore Binger à la fin du XIXe si~cle(2).
Cet explorateur a été tr~s impressionné par ces audiences
royales pendant lesquelles "régnait un grand silence"(3).
Le roi écoutait les doléances par l'intermédiaire
de son griot et tranchait les litiges qui lui étaient
soumis. Il écoutait aussi les rapports des gouverneurs
militaires sur la situationpolitigue. C'est au cours de
ces séances que les notables lui présentaient l€s
hôtes'
de marque qui séjournaient dans le pays, notamment les
.p~lerins et les grands érudits étrangers auxquels ils
offraient souvent en guise de dons d'hospitalité, de l'or
et des esclaves des deux sexes. Seku Watara, comme la plu-
.part des rois du monde, pratiquait une politique de prestige
en faisant un usage abusif de l'or(4).
Lorsque le roi se levait, le Dyèli chantait ses
louanges et le dum-dum
(tam-tam royal)
résonnait trois
fois annonçant la fin de l'audience. Le roi regagnait ses
appartements.
L'assistance pouvait alors se retirer.
(l~Voir à ce sujet les témoignages de Singer à la fin du XIXe siècle
Singer, op. cit., t . l , p.288.
(2)
Ibidem, op. ciL, p.288.
(3)
Ibidem, op. ciL, p.289.
(4)
La plupart des sources orales parlent abondamment de la générosité
de Seku Watara.
408
2.
- Les serviteurs du roi
Le roi avait à son service de nombreux esclaves
connus généralement sous le nom de dyon
(esclave). Mais ce
nom n'était pas couramment utilisé et le dyon avait un nom
en fonction des tâches spécifiques auxquelles i l était
attaché; d'où un vocabulaire extrêmement varié pour désigner
la. population servile, comme nous allons le voir. Ces escla-
ves provenaient essentiellement des prises de guerre. Lors-
que 5eku Watara faisait la conquête d'une ville ou d'un
pays il prenait les adolescents, hommes et femmes et les
affectait à son serviœe. Par le biais de la guerre ou des
razzias 5eku Watara se procurait aisément des esclaves
qui venaient des quatre coins de son Royaume et plus tard
de son Empire.
a)
Les serviteurs agricoles
Les esclaves agricoles travaillaient dans les
kongoso
(village de cultures)
et entretenaient les grandes
plantations du Fama.
Ils étaient repartis en cinq grands
domaines placés sous l'autorité de cinq chefs d'esclaves
ou kundigi qui avaient des quartiers à Kong. Il s'agit de
Kadé, Burayi~ddyon, Bambadyon, Koromodyon, Midyédyon et 50-
ladyon(l)
l'esclave était désigné par rapport au nom que
Seku avait attribué à son kundigi. Ainsi,pour désigner un
esclave qui travaillait sous l'autorité de Burayiamadyon,
on disait Burayimadyon-mogo
(l'homme de Burayimadyon).
L'organisation du système agricole rappelait ce que les
(1)
D'après les informations fournies par Labi, ces deux derniers dyon
seraient des fils de Seku. Nous reviendrons sur ce problème à
propos des Kéréni
(esclaves femmes).
409
Askia avaient mis au point au XVIe siècle sous l'Askia Daud
(1549-1582). Nous savons que les Askia ava~nt
des planta-
tions le long du fleuve Niger
; elles étaient entretenues
par des esclaves et un fanfa c'est-à-dire un chef d'escla-
ves ( 1 ) .
"Sous les ordres de certains de ces fanfa se
trouvaient cent esclaves employés à la culture
du sol tandis que d'autres'n'en avaient auçrès
d'eux que soixante, cinquante, quarante ou
vingt" (2).
D'~près certaines traditions, Seku aurait entretenu dans
les kongoso' plus d'un millier de personnes(3}. Le kundigi
à l'instar du fanfa était responsable de la bonne marche
des plantations auprès du souverain.
b}
Les Bambadyon
Le terme Bambadyon désignait généralement tous
les dyon
qui relevaient de l'autorité directe de Bamba,
le
fidèle et loyal serviteur de Seku Watara. En cas de guerre,
le plus grand
nombre d'entre eux combattaient sous la
bannière de Seku Watara. Mais une partie des B~mbadyon ne
quittait jamais le palais royal. Elle était attachée à la
couronne et gardait le Sinzébu. Elle était la gardienne
des institutions royales et veillait à la sécurité person-
nelle du Fama. Au début du règne de Seku, le Fama employait
une centaine de Bambadyon mais, vers le milieu du XVIIIe
siècle, le souverain porta leur nombre à 300 et ces derniers
relevèrent directement de son autorit~.Ceci avait sans
(1) Tarikh-el Fettach,
1964, p.179.
(2)
Ibidem
(3)
Basièri Ouattara, Kong,
20-9-1975 et Abidjan,
22-11-1978.
410,
aucun âoute un rapport avec les craintes que lui inspiraient
Famaghan et Bamba à un moment donné.
Les Bambadyon assu-
raient aussi le respect de l'étiquette royale au moment des
audiences.
A la cour royale de Seku Watara séjournaient de
nombreux princes et riches marchands. Les Sunangi côtoyaient
des Dagomba, des Gonja, des Lobi, des Abron, des Anyi et
des N'zima. Au cours de leurs nombreux et fréquents séjours,
ces étrangers arrivaient à s'immiscer dans l'intimité de
la vie des princes
watara ;
ils créaient des alliances
favorisant leurs projets politiques et commerciaux ; mais
ceci nuisait à la sérénité de la vie à la cour royale.Cer-
tains. princes ambitieux pensaient pouvoir s'appuyer sur ces
alliances pour éliminer leurs adversaires et prendre le
.pouvoir. Les Bambadyon étaient donc obligés d'exercer une
constante vigilance sur ces intrigues qui se tramaiert: dans
l'ombre.
c)
Les Dyuladyon
Comme les Bambadyon, les Dyuladyon avaient pour
mission. de servir dans l'armée.
Ils constituaient d'ailleurs
le gros des armées des rois de Kong. Mais une compagnie de
Bambadyon était affectée à la garde du palais
; elle était
chargée de protéger les entrées du palais rayaI. Certains
traditionalistes évaluent leur nombre à 500 personnes(1). A
ceux-là s'ajoutaient de nombreux jeunes Dyuladyon de douze
ans qui avaient des tâches domestiques
: ils coupaient du
bois pour la cuisine,de l'herbe pour les chevaux~ Mais la
plupart d'entre eux étaient des palefreniers.
(1)
Labi Mamadou, Abidjan, mars 1974.
411
d)
Les Finminabagari
Les Finminabagari étaient des Dyuladyon mais, comme
leur nom l'indique,
ils étaient chargés d'exécuter les déci-
sions du roi. Le mot Finminabagari est formé de "fin",
(objet, quelque chose) ,"mina"
(prendre)
et bagari
(homme
chargé de).
Le Finminabagari était un agent royal chargé de
percevoir les taxes ou les impôts. En mission,
il représen-
tait le roi et à ce titre il avait les.pleins.pouvoirs.
Dans les. provinces on le craignait et on le respectait. Les
Finminabagari ont laissé dans l'histoire de Kong de très
mauvais sotivenirs : les traditionalistes les. présentent
comme des agents rudes,
assoifés de sang, car ils n'hési-
taient.pas à mettre à mort ceux qui refusaient .d'exécuter
les décisions du roi. Lorsqu'ils étaient en mission,
ils
exigeaient de leurs hôtes, des poulets, des cabris et des
moutons.
Seku Watara entretenait plusieurs centaines de
Finminabagari qui assuraient la liaison entre le pouvoir
central et les gouverneurs de province. Lorsqu'ils circu-
laient à l'intérieur de la ville,
ils se déplaçaient par
groupes de dix à vingt personnes. En province leur nombre
variait de cinquante à cent selon l'importance de la mission.
Ils étaient richement vêtus et dans les villages on les
prenait souvent pour des princes du sang.
Pour éviter la
visite des Finminabagari les paysans venaient souvent payer
leurs impôts avant la date indiquée,
la fin des récoltes.
Les Finminabagari étaient des agents d'exécution efficaces
qui relevaient directement de l'autorité du Fama.
412
e)
Les Kéréni
Autrefois les gens n'hésitaient. pas à offrir
leurs plus belles filles au souverain afin qu'elles devien-
nent des concubines. Parmi les enfants des. princes que les
rois prenaient à leur service lorsqu'ils soumettaient par
la force un pays,
figuraient
des jeunes filles.
"Cette coutume dit-Es-Sa'di, s'est perpétuée
jusqu'à nos jours
(XVIIe siècle)
chez tous
les sultans du Soudan.
Parmi ces jeunes gens,
les uns rentraient dans leur pays après avoir
servi un certain temps; d'autres, au con-
tr aire, continuaient
jusqu'à leur mort à demeurer
auprès de leur suzerain"(1).
L'introduction des femmes libres comme concubines posa des
problèmes dans les Etats musulmans, notamment au Mali à
partir du XIVe si€cle
; al-Umari parlant du concubinage royal
sous le règne de Mansa Musa é c r i t :
nUne coutume de ce royaume veut que celui
d'entre eux qui a une jolie fille l'offre au
sultan comme concubine. Celui-ci en devient
le maître, mais sans mariage, comme on devient
maître d'une captive de guerre et cela ~est
fait)
en dépit de leur profession d'Islam et
de leur appartenance à la doctrine malikite.
Le fils de l'amir Hadjib déclarait:
"il en
était ainsi bien que le sultan Musa
(1312-1332)
fut un homme pieux et fidèle observateur de la
prière, de la réci~ation du Coran et du
dhikr(2). Je lui dis donc:
(1)
Tarikh eS-Soudan,
1964, p.10-11.
(2) Le dhikr est "la remémoration incessante du nom de Dieu ou de quelques-
uns des plus beaux noms divins al-asna, al-husna . . . Cf. CUOQ, op.
cit.,
note 3, p.273.
413
"Un tel comportement est illicite. Il n'est
permis à un musulman ni par la loi ni par
son interprétation. Il me répondit : pas
même aux rois? , - "Pas même aux rois lui
répliquai-je.
Interroge les savants".
Il me
dit alors
"Par Dieu, je ne le savais pas : alors je
renonce à cela:
je m'en détourne complète-
men t" (1 ) .
Le souverain du Mali avait-il,prit des mesures
.pour abolir cette pratique? Il est difficile de sepronon-
cer à,pr9poS de cette question mais on,~eut affirmer que
les milieux.musulmans condamnaient cette,pratique. Nous avons
deux exe~ples frappants dans les chroniques soudanaises:
1°/ Aussit8t que Sonni Ali
(146~-1492) fut investi
de l'autorité souveraine le Tombouctou-koi
(chef de Tombouc-
tou) , le Shaykh Muhammad Naddi lui adressa une lettre dans
laquelle il lui demandait de ne pas envoyer ses enfants
comme otages à la cour royale(2).
2°/ Le Bara-kor, Mansa Kura qui avait effectué
le pèlerinage a la Mecque en compagnie de l'Askia Muhammad
1er
(1493-1528) demanda à ce dernier lorsqu'il se trouva
à c8té du tombeau du Prophète :
"0 Askia Mohammed, voici l'envoyé de Dieu
( ... )
; voici Aboubekr et Omar
( . . . ),
je me
place sous leur égide sacrée et je vais te
demander différentes choses.
La première est
que tu n'introduises mes filles dans ton palais
qu'à titre de femmes légitimes
( ... ).
Il faut
absolument que tu prennes un engagement ferme
à ce sujet en ce saint lieu, que l'Envoyé de
Dieu
( ... ) en soit témoin -
"c'est entendu"
(1) al-Umari in CUOQ, ~. cit., p.273-274.
(2) Voir la traduction du manuscrit A et B du Tarikh es-Soudan, cf. T.
es-S, 1964, p.l0S,note 3.
414
dit l'Askia, et le pacte fut ainsi conclu"(l).
L'utilisation des femmes libres comme concubines
était donc un fait notoire chez les souverains songai à
peine couvertis à l'Islam; cela ne faisait pas plaisir aux
musulmans du pays.
Au début du XVIIIe siècle Seku Watara,
ayant
combattu Lasiri Gbombélé sous la bannière de l'Islam, ne
pouvait pas mécontenter la communauté musulmane dont il
venait de jeter les bases en lui demandant ses plus belles
filles. pour en faire des concubines.
Il se dota d'une caté-
gorie
d'esclaves femmes qu'on appela les Kéréni. Elles
provenaient essentiellement des prises de guerre, mais seules
les. plus belles d'entre elles étaient sélectionnées pour
porter le nom Kéréni qui signifie littéralement, dames de
cour ou de compagnie. En réalité, elles ~complissaient des
tâches diverses. Les petites
filles de neuf à treize ans
recevaient une véritable éducation auprès des matrones
ou Muso-koroba
(femmes âgées, expérimentées). c'est à partir
de quinze ans qu'elles entraient au service du roi. En
fonction de l'éducation qu'elles avaient reçue, elles dan-
saient ou chantaient ou tenaient compagnie au Fama. Seku Wa-
tara, on le sait aimait les femmes,
la danse et la musique :
aussi le voyait-on souvent en compagnie de jeunes kéréni de
quinze à vingt ans qui venaient danser ou chanter pour lui.
Il choisissait les plus belles d'entre elles pour en faire
ses concubines. Ces dernières devaient certainement subir
auparavant des opérations qui les rendaient stériles afin
d'éviter qu'un prince d'origine servile ne revendique un
jour le Sinzébu. Des accidents ont pu cependant se pro-
(1) Tarikh el-Fettach,
1964, p.132.
415
duire(1). L'institution des Kéréni va se généraliser sous
le règne de Seku Watara
d'après les traditionalistes les
riches négociants de Kong allaient à leur tour entretenir
des Kérén i .
A la cour
royale on rencontrait aussi des dyon qui
étaient de grands joueurs de balafon et des poètes qui
récitaient des vers(2). Les griots devaient être fort nom-
breux à la cour de Seku Watara. Comme on le constate, la
vie au.p~lais était très gaie, très vivante et dut .attirer
de nombreux princes étrangers à Kong.
(1)
D'après le Bambadyon , Bamadou OUattara, la mère de Bamba serait
une ancienne concubine de Seku Wattara ; lorsqu'elle devint en-
ceinte le roi la maria à Gbangawula, à un de ses fidèles Dyula dyon ,
cf. Bamadou, bande n011, dossier l, Nasyan,
17-8-74, ceci expli-
querait l'attitude hautaine de certains esclaves de la couronne
vis-à-vis des princes de Kong. Midyé-dyon et Solo-dyon étaient
. probablement des fils illégitimes de Seku.
(2)
D'après le marabout Labi, Al-Baru Basharu composait souvent des
vers pour Seku Watara, Cf. Labi, bande n01, dossier II, Abidjan 1974.
416
3. ~ Seku et les conseils
Seku gouverna avec ses fils en s'appuyant sur
trois principaux conseils, le Dyéma, le Dugutigiya et le
Barola.
a)
Le Dugutigiya
Le Dugutigiya était le conseil du dugutigi, le
chef ou le maire de la ville. A Kong, cette fonction était
détenue à l'époque animiste par le ~gukorotigi, le grand
maître de la terre qui apparaissait à la fois comme un
administrateur et un grand-prêtre des cultes animistes.
Il jouissait d'une forte autorité et d'un
grand prestige
a~près des populations autochtones. Seku supprima le poste
du Dugukorotigi et le remplaça par celui du Dugutigi qu'il
confia à une famille influente
de Kong. Contrairement
à ce que disent les Dugutigi actuels, le dugutigiya n'est
pas une institution falafala, mais une création de Seku
Watara(1)
; le roi actuel de Kong a raison lorsqu'il affirme
qu'avant Seku Watara il n'existait pas de Dugutigi à
Kong(2). Les premiers Dugutigi furent institués vers 1710
par Seku Watara pour s'occuper des affaires de la ville.
Il
est vrai que ces serviteurs ne furent pas toujours des
agents faciles et qu'ils cherchèrent souvent à s'affranchir
de la tutelle des rois de Kong.
En 1974 nous avons enquêté auprès de Bemankoro(3) ,
le Dugutigi de l'époque, pour connaître l'histoire et la
(1) Les dugutigi actuels ont tendance à faire croire qu'ils ne doivent
rien à Seku et qu'ils détiennent leur chefferie des autochtones fala-
fala. Cette thèse n'est pas défendable à notre avis.
(2) Karamoko Ouattara, bande n023, dossier II, Kong 1974.
(3) Bemankoro Ouattara, bande n029, dossier II, Kong 1974. Au cours de
cette enquête,nous n'avions pas pu interroger Fabwa qui détenait en
réalité le titre de dugutigi,
i l était à cette époque gravement
malade; i l mourut d'ailleurs peu
de temps après notre passage.
417
1iste complète des Dugutigi de Kong. Voici la liste qu'il
dressa :
1 . Wawanda
2. Mya Siré
3. Dyarawari
4. Ba Burayima
5. Bemankoro
6.
El-Hadj Mori
7. Dyénéni Mori
8. Fabwa
Comme nous le constatons, la liste est très
courte; en outre,
les personnages' mentionnés ici ont
vécu comme nous le verrons à une époque relativement
récente.
D'après notre informateur Wawanda, l'ancêtre des
Dugutigi de Kong serait un Falafala qui résidait à Labiné
il était animiste; pour cette raison,
i l chargea Mya Siré,
un Dyula musulman, d'administrer la ville de Kong. A la
mort de Wawanda, Mya Siré confisqua le pouvoir. Notre in-
formateur fait vivre Wawanda à l'époque de Lasiri Gbombélé
et Mya Siré sous le règne de Seku Watara. Or Binger a connu
oyarawari à la fin du XIXe siècle; voici ce qu'il écrivait
à son sujet en 1890.
"Diarawary, chef de village est un Ouattara
également(1), mais pas de la famille des
sauver ains de Kong
il ne descend ni l;-'
Fatièba, ni de sékou. C'est un Mandé d'ori-
gine véi ou Kalo-Dioula, comme on les nomme
(1) On donne généralement le nom de watara aux personnes qui exerçaient
une
autorité à Kong, après la prise du pouvoir par Seku.
418
ici, et il appartient à une famille influente
du Diammara
(pays situé entre le Djimini, le
Tagouano et le Kouroudougou)"(1).
Binger nous apprend par ailleurs que Dyarawari
est mort apr~s son premier passage à Kong en 1888(2). Il
fut remplacé par son fr~re Lansiri, mort probablement lors
du sac de Kong en 1897(3). En réalité le Siré des sources
orales des Dugutigi actuels n'est rien d'autre que le
Lansiri de Binger. Ce personnage est parfaitement connu des
e~ploratuers français du XIXe si~cle(4). La chefferie des
Dugutigi actuels est donc récente et remonte sans aucun doute
au milieu du XIXe si~cle. Elle n'a rien à voir avec la
chefferie falafala. Ba Burayima a règné au début du XXe
si~cle et Fabwa est mort en 1974.
Des enquêtes poussées aupr~s des notables de la
ville de Kong nous ont. permis de comprendre que les rois
se sont souvent arrangés pour que cette chefferie ne demeure
.pas dans les mains d'une seule famille.
Ils ne voulaient
pas que les Dugutigi constituent une puissante dynastie qui
risquerait de constituer un Etat dans l'Etat. Chaque sou-
verain choisissait son Dugutigi au sein des familles dyula
qui lui étaient soumises.
Le pouvoir des D~gutigi ne se
stabilisa que sous les rois faibles,
à partir du milieu du XIXe
siècle. Dès lors,
ils cherchèrent à s'affranchir de la
tutelle des princes de Kong.
(1)
Singer, op. cit., t.1, p.324. Cette information fournie par ·Binger
sur les origines de Diarawari confirme ce gue nous avons souligné
plus haut, à savoir gue les Dugutigi de Kong ne sont pas recrutés
au sein des populations autochtones.
(2 ) Ibidem, ~. cit. , t. II, p.202.
(3) Ibidem, op. ci t. , p.202.
(4 ) Cf. Mission Marchand, C.1. III, 3.
419
A l'époque de Seku, le Dugutigi s'appelait Somaba
il avait une réelle autor i té (1)
i
il disposait d'une force
de police considérable pour assurer la sécurité de la popu-
lation. Il faisait régner l'ordre et veillait à l'applica-
tion des décisions royales.
Il était à la tête d'un important
conseil qui regroupait tous les notables du pays qu'on
.
.
.
~ppelait les Tyèkoroba (les sages, les vieux), les chefs de
quartiers qu'on appelait les Kabilatigi et les Gbatigi, les
re?ponsables des sous-quartiers.
A l'époque de Seku, ce conseil comportait au
minimum une centaine de personnalités politiques et admi-
nistratives reparties comme suit :
-
le Dugutigi et sa suite
(70 personnes)
-
le Dabilatigi
(21
personnes à raison de 3 par
quartier)
-
le Gbatigi
(9 personnes choisies par l'ensemble
des chefs des sous-quartiers).
A ces membres permanents s'ajoutaient tous les
hommes de plus de 50 ans. Une assemblée des Dugutigi
pouvait ainsi réunir plusieurs milliers de personnes en
fonction de l'importance de l'enjeu.
Les affaires étaient généralement jugées, d'abord
au niveau du gba, puis au niveau du kabila avant de parvenir
au conseil du Dugutigi.
Somaba était aussi le chef de la police. Les
membres de cette dernière étaient recrutés parmi les jeunes
gens qui faisaient leur préparation militaire au sein du
Sunangiya.
(1) A la mort de Somaba, Kumbi l'un des fils de Seku choisira son
dugutigi dans la famille de Mya Bilari dans la famille de sa mère.
420
Ces hommes qui assuraient la sécurité portaient
le nom de Do qui signifie en dyula "rentre" car leur
mission consistait, non seulement à assurer la sécurité
dans la ville, mais à obliger les habitants à demeurer
chez eux à partir de vingt-deux heures. Ils sillonnaient
toute la nuit les rues de la capitale armés de lances et
de fouets.
Les chefs de cette police portaient des fusils
Les traditionalistes actuels estiment le nombre de Do, à
l'~poque de Seku Watara, à un millier de personnes qui se
relayaient toute la nuit par groupes de 250 individus(1).
Le service des Do débutait par le cérémonial suivant, du
moins à l'époque de Seku Watara : on tirait trois coups de
fusil dans chaque quartier et des jeunes Do déguisés pous-
saient des cris ou soufflaient dans les cornes pour prévenir
la. population que le service d'ordre allait se mettre en
place. A partir de minuit, les individus qui étaient capturés
n'obtenaient leur liberté le lendemain matin qu'en payant
une amende qui pouvait varier de 4 mithkal à 400 cauris en
fonction de la gravité de la faute qui était reprochée à
l'individu qui avait été capturé. Les Do procuraient ainsi
des revenus importants au Dugutigi(2).
L'une des fonctions du Dugutigi était ainsi d'as-
surer la parfaite sécurité de la population et on comprend
pourquoi à Kong les étrangers ne circulaient pas dans les
rues avec leurs armes. A la fin du XIXe siècle, Singer fut
impressionné par le fait que personne ne circulait dans
les rues "armé d'un fusil ou d'un sabre" (3).
(1) Basièri Ouattara, Kong, le 8-3-1975.
(2) A la fin du XIXe siècle, Binger parle d'une amende de 400 cauris.
Il devait s'agir des taxes pay~~s pour vagabondage. Cf. Binger,
op. cit.,
p.303.
(3) Binger, op. cit., t . l , p.303.
421
Le Dugutigi réglait aussi les litiges qui inter-
venaient à propos des adultères, des querelles de places
au marché, du partage des terres . . . Le tribunal du D.ugutigi
siégeait tous les jours et procurait aussi des revenus
i~portants au trésor du Dugutigi. Une partie importante
des sommes perçues était reversée dans la caisse royale.
Le traditionaliste Dyamila ouatt~raprécise qu'à l'époque
de Seku Watara Somaba versait un tiers de ses revenus au
Fama(l). Après le jugement, en effet, les perdants payaient
une taxe au Dugutigi. A l'époque de Seku, ceux qui fré-
quentaient le plus le tribunal du Dugutigi étaient les
paysans, les artisans et les étrangers.
Les questions qui concernaient la sécurité des
frontières,
les déclarations de guerre,
les condamnations
a
mort
relevaient d'un conseil,
le cyéma.
b)
Le Dyéma ou la grande assemblée de Kong
Au lendemain de sa prise du pouvoir, Seku créa
un conseil auquel les traditionalistes donnent le nom de
Dyéma. Comme l'écrivait Binger, c'était une "sorte .de con-
seil des anciens"(2)
placé sous l'autorité effective du
Fama. Les décisions prises au sein de ce conseil s'appli-
quaient à l'ensemble du Kpon-Gènè.
Il regroupait tous les
gouverneurs militaires, les princes du sang et les re-
présentants de toutes les couches socio-professionnelles
du pays(3).
(1)
Dyamila Ouattara, Sokolo, mars 1976.
(2) Binger, op. cit., t . l , p.324.
(3)
Pour l'étude du Dyéma, nos principaux informateurs sont Mamadou
Labi, Karamoko Ouattara
(le roi actuel de Kong)
et Basièri Ouattara
on peut aussi recueillir des indications intéressantes dans les
villages contrôlés autrefois par la famille de Kombi
(Kolon, Kawaré,
Koniéré,
pongala).
422 ,
Seku accordait une grande importance aux séances
du Dyéma au cours desquelles les marchands lui faisaient
part des difficultés qu'ils rencontraient sur telles ou
telles voies.
Il pouvait alors envoyer son armée pour
assurer la sécurité des marchands qui sillonnaient les
nombreuses, pistes qui convergeaient vers la ville de Kong.
A cet effet,
il exigeait de ses gouverneurs de provinces
des ~~pportspr~cis sur la situation des routes commercia-
les.
Le Dyémd veillait à la sécurité de la population
et notamment des marchands, mais il veillait aussi à la
sécurité de l'Etat. Toutes les décisions concernant les
guerres importantes à mener dans telles ou telles régions
étaient discutées au sein de ce grand conseil mais la
décision appartenait au roi qui était le maître absolu de
toutes les armées. Le roi tenait compte cependant de
l'avis du ~yémâ.
Mais le Dyéma était aussi et surtout une haute
cour de justice qui tranchait en dernier ressort.
Il
s'cccupait des problèmes de successions, du,partage d.es
terres, des assassinats, des razzias, des incendies des
champs ou de villages dus à des feux de brousse incontrôlés.
Le Dyéma avait encore une grande importance à la
fin du XIXe siècle et Binger constata que les descendants
de Seku qui avaient "un petit commandement"
reconnaissaient
l'autorité absolue du roi de Kong qui était "le président
et le po u v0 i r e x écu tif"
" deI adj e mm â a "
(d Yé ma) (1) .
- -
.
,
(1)
Binger, op. cit., t.I, p.324.
423
Le roi présidait toujours les séances du Dyéma
en cas d'empêchement
(maladie, absence due aux guerres)
il. pouvait déléguer son pouvoir à son Dyula-mansa. Mais
Seku qui voulait être à l'écoute de son peuple s'arrangeait
pour être présent aux audiences du Dyéma.
A l'époque de Sékou, tout individu mécontent du
jug~ffierit rendu par son Dugutigi ou par son gouverneur
militaire pouvait demander
l'arbitrage du Dyéma.
Il se
rendait aux audiences publiques de ce conseil et exposait
son affaire au roi. Ce dernier était toujours accompagné
de son principal conseiller le Dyula-mansa et d'un juge
musulman, le cadi connu dans les sources orales sous le
titre d'Alkali. Le roi écoutait attentivement le plaignant,
prenait l'avis du
Dyula-mansa et de l'alkali et rendait
son verdict.
En fait,
la masse de la populations dans son
ensemble hésitait à faire appel à la justice royale à
cause des frais énormes qu'occasionnaient les procès,
frais
en argent
(or et cauris)
et en nature (poulets, moutons,
boeufs, esclaves)
et auxquels devait faire face celu~ qui
perdait son procès. Même à l'époque de Seku Watara, les
jugements rendus
par le Dyéma étaient ruineux(l)
et la
plupart du temps les gens s'adressaient de préférence aux
tribunaux locaux.
Seku avait fait installer des cadis dans
les provinces et ils rendaient la justice au nom du roi.
De ce fait,
le Dyémô ne recevait que les affaires impor-
tantes du Royaume.
En assurant la sécurité des voies cara-
vanières·,
le Dyéma devint sous Seku Watara un instrument
harmonieux au service du développement du commerce dans ~
région de Kong.
Sous Seku,
il existait ainsi une étroite
(1) Seku avait imposé ces conditions draconiennes pour renforcer
l'autorité des tribunaux locaux et décourager les amateurs de
. procès, fort nombreux à Kong. Le moindre procès coûtait de 6
à 10 mitqal
(pièces d'or).
424
collaboration entre le pouvoir politique détenu par le Fama
et le. pouvoir économique aux mains des riches marchands
et négociants du pays. Cet équilibre assura la prospérité
du ~pon-Gènèau XVIIIe siècle et. permit à Seku de conquérir
de nouvelles terres.
c)
Seku et le Barola
Le Barola était un conseil spécial créé par Seku
et l'imam Baropour seconder le Dyéma i
à l'origine il
était chargé de régler des affaires strictement musulmanes
au niveau
çe
la
ville de Kong. Seku confia
cet
important conseil à. son ami Baro qui l'avait aidé à prendre
le pouvoir. Nous savons qu'après la mort de Lasiri, Seku
avait m~me proposé le tr8ne à Baro qui eut la sagesse de
le refuser.
Il se fit cependant nommer chef de la commu-
nauté musulmane de Kong et prit le titre officiel d'imam,
d'où le nom Imam Bara sous lequel i l est connu dans toutes
les sources orales du pays.
Seku avait eu une grande affection pour l'imam
Baro qui avait sensiblement le même âge que lui et qui.
l'accompagnait dans toutes ses guerres. Les descendants
actuels de l'imam Baro prétendent que leur ancêtre ne
convoitait pas le pouvoir et qu'il avait toujours cherché
à suivre la voie tracée par Allah(l). Il avait dit à Seku
"
Je ne convoite pas le pouvoir des Sunangi,
je veux être le chef de tous ceux qui font la
pr i ère à Kong ... " (2) .
(1)
(Voir Fasseri Barro, bande n 0 18, dossier l,
Kong,
le 30-3-1976. 1
De nos jours l'autorité du chef du barola se confond avec celle
du dugutigi.
(2)
Fasseri Baro,
Kong,
le 30-3-1976.
425
De ce fait,
il devint le premier imam sous le règne de
Seku Watara et il fut chargé œ dir iger les. pr ières du vendredi •
Le jour de sa nomination au poste d'imam, Seku le
combla de cadeaux ;
il reçut des vêtements somptueux et
plusieurs centaines d'esclaves.
Il est curieux que Seku ait confié des fonctions
religieuses à Baro plutôt qu'à l'un des grands marabouts
de son entourage, Dibi, Kpérésuma, Lagbakuru qui n'ont,
d'ailleurs, laissé aucune trace dans les sources orales
~près l'intronisation de Seku Watara. Ce dernier avait
certainement réussi à se défaire de ces fanatiques karamoko
batunda en les exilant à nouveau à Patoni.
Seku Watara appréciait la compagnie de l'imam
Baro ;
il lui confia le poste de Dyula-mansa ; il devint
ainsi l'un des plus grands dignitaires du Royaume.
Il
cumula ainsi ses charges religieuses avec ses nouvelles
fonctions poli tiques et admin'istratives.
Il siégeait ainsi
dans le Dyéma, participait aux grandes décisions prises par
Seku Watara et présidait le Barola qui a l'époque de' Seku
Watara était le conseil des grands dignitaires de l'Islam.
Le Barola siégeait régulièrement dans le quartier
habité par l'imam Baro, d'où le terme Barola. Etant donné
les fonctions politiques et religieuses de l'imam, son
~uartier fut considéré comme le plus important de Kong. Et
ce n'est pas par hasard que l'on plaçait, à l'époque de
Seku,
le
Ka bilatig i du quartier Baro au-dessus de tous 'les
Kabilatigi de Kong.
De ce fait,
on considérait l'imam Baco,
le Kabilatigi du quartier Baro, non seulement comme un chef
spirituel mais aussi un chef temporel. Le Barola devint
ainsi à la longue un conseil qui se superposa à celui du
-
- - -
- - - -
- - - - - - - - - - -
426
Dugut~SL
ceci va provoquer des heurts violents entre le
chef du Barola et le Dugutigi, à la mort de Seku.
Baro était un homme a c t i f ;
il sut concilier son
sens des affaires avec ses fonctions administratives,
religieuses et politiques.
Il devint, au milieu du XVIIIe
siècle, l'un des négociants les plus riches du Royaume.
Il attira autour de lui de nombreux lettrés venus des quatre
coins du monde;
tout le monde le consultait pour prendre
son avis.
Sa porte était toujours ouverte aux humbles comme
aux grands,
aux riches comme aux pauvres. Les descendants
actuels des Baro font de lui un portrait flateur
:
n
Il était aimé de Dieu
;
il utilisait
son immense fortune pour secourir les veuves
et les déshérités;
il était généreux, affa-
ble et bon . . . "(1).
Beaucoup de fervents musulmans reprochèrent à
Baro d'aimer le pouvoir et d'avoir accepté le poste de
Dyula-mansa qui faisait de lui l'oreille du roi(2).
En
tant que Dyula-mansa, Baro était chargé de faire rentrer
les imp8ts et de prélever des troupes au sein des Dyu~a
pour le compte du roi.
Les musulmans de Kong ne lui par-
donnaient pas d'être ainsi un auxèLiaire inconditionnel
de la monarchie des Watara ;
il mécontenta de ce fait une
fraction importante de la communauté musulmane,
les lettrés
qui,
après la mort de Seku Watara, obtinrent que les rois
ne confient plus les fonctions de Dyula-mansa aux imams
de la grande mosquée. Cette décision porta un rude coup a
la famille des Bara qui ne put plus exercer les fonctions
(1)
El-Hadj SarO , enquête du 2-3-78 à Kong au quartier Barro.
(2)
Les Dyula-mansa ont une très mauvaise réputation à Kong.
Il n'est
pas rare d'entendre dire que les Dyula-mansa étaient des hommes
détestables "qui avaient des comptes à rendre à Dieu après leur
mort; car ils faisaient condamner des innocents •.. cf. Lpbi, en-
quêtes réalisées à Bouaké en 1978 et à Abidjan en 1979.
427
d'imam. L'histoire des Baro fwt désormais étroitement liée
à celle de la famille de Seku Watara avec laquelle ils
partageaient les victoires et les défaites.
Ainsi,
après la mort de Seku Watara,
le Barola
fut réduit au rang d'un K abila, celui du quartier Baro. A
la fin du XIXe siècle, ce dernier ne devait. pas être impor-
tant car il n'attira pas l'attention des explorateurs
français. Son chef Karamoko Longoso cherchera à s'allier à
Samor i.
4.
- Seku Watara et les gouverneurs de provinces
Pour faire régner la paix à l'intérieur du Kpon-
Gènè, Seku divisa le pays en trois grandes provinces à
l'image de l'armée à partir des routes qui rayonnaient
autour de la capitale;
il s'agit de Taburu-Koko(1),
Koba-
Koko et Kolon-Koko.
Il les confia à ses fils.
La première province étai t
administrée par Kumhi et l''bri
Maghari. Ce dernier n'avait pas une résidence fixe:
il
résidait,
soit à Sokolo, soit à Fia, soit encore à Bogoma-
dugu.
Il partagea l'administration de cette région avec
son frère Kumbi
ce dernier géra la partie septentrionale
de la province.
L'administration coloniale parlera d'ail-
leurs de Taburu-Koko-Nord et Taburu-Koko-Sud.· Kumbi n'avait
pas non plus de résidence fixe
: on le retrouvait tantôt
à Ko10n, tantôt à Kawaré, tantôt encore à Koniéré. L'armée
de Mori Maghari et de Kumbi assurait la sécurité des frontiè-
res est
et
sud du Kpon-Gènè
; elle était toujours en
mouvement, prête à intervenir en cas de désordres sur les
(1)
Koko signl/~en dyula derrière la rivière, le fleuve.
428
Noies caravanières ou aux frontières du Kpon-Gènè. Mori
Maghari et Kumbi repr~sentaient le Fama à l'int~rieur de
leur province
: ils rendaient la justice et percevaient
les impôts en son nom ; ils pr~levaient aussi des troupes
au sein des populations autochtones pour augmenter les
effectifs de l'arm~e de Kong.
La seconde province, le Koba-Koko ~tait confiée
à Samanogo. Ce dernier résidait à Kiémini ; il contrôlait
les frontières nord-ouest du Kpon-Gènè
; il partageait
cette province avec son frère cadet Sumafi qui r~sidait
à Limono.
La troisième province, le Kolon-KaKo ~tait situ~e
au Kord-Est du Koba-Koko. Cette province aura un statut
particulier plus tard. Son gouverneur portera le titre de
Fama. Elle fut donc organis~e en une principaut~ autonome
et la gestion fut confi~e provisoirement à Bamba, l'homme
de ccnfiance du Fama de Kong. Seku Watara voulait certaine-
ment en faire don à Suma UI~, le fils de byor idyan dont
ll~ducation avait ét~ confi~e pr~cis~ment à Bamba. Le fait
que cette province fut attribu~e au fidèle esclave du. sou-
verain de Kong cr~a des m~contentements au sein de la
famille princière et le souverain faillit se brouiller avec
ses autres fils et avec ses frères,
notamment avec Famaghan
qui condamna son attitude. ~u début du règne de Seku Watara
on ne le soupçonnait pas de vouloir offrir la province de
Kolon-Koko aux descendants de Dyoridyan, notamment à Suma
Ul~ qui avait fixé sa r~sidence à Ling~kro mais servait
dans l'arm~e et contribuait à approvisionner en
or et en
429
,~sclaves, le trésor royal du Kpon-Gènè.
Grâce à son armée et au soutien des milieux
commerçants et musulmans, Seku Watara fut ainsi le princi-
pal artisan de la fondation de l'un des, plus grands Etats
du Nord-Est de la Côte d'Ivoire, au début du XVIIIe siècle.
L'Etat de Kong allait servir de base à l'édification de
l'E~pire des Watara mais aussi et surtout à l'organisation
du commerce des Dyula. Situé au coeur des voies caravanières,
le ~pon-Gènè allait se consituer de façon définitive.
430
.CHAP {1RE 11
LA FOR~'iATI ON DE L'EHP IRE tE KOfiG
1735 - 1750
1. LA
CRISE
A. LES CAUSES
Nous avons vu que Seku Watara au lendemain de sa
prise du pouvoir avait organisé l'Etat de Kong qu'il avait
b~isé Kpon-Gènè. Pour des raisons commerciales il n'avait
. pas bési té à envoyer ses troupes dans l ' Ann<> 1
le Gyaman, le
Lobi et les pays bobo. Mais il semble qu'au début de son
règne le souverain de Kong ne rêvait pas de conquérir un
immense territoire ; toutes les traditions historiques que
nous avons recueillies sont unanimes sur ce point. Pourtant 1
moins de 20 ans après l'intervention des Vatara dans la région
de Bobo
les troupes de Seku Watara vont déferler à nouveau
l
sur une. partie importante de l'Afrique Occidentale et Sya
deviendra la deuxième capitale des Watara. Que sYétait-il
passé? Trois raisons fondamentales semblent être à l'origine
des nouvelles décisions du Fama de Kong
la question des
l
chevaux 1 la situation politique au sein du Kpon-Gènè ·et
l'insécurité qui pesait sur les voies caravanières entre
Dienné et Sya
(Bobo-Dioulasso).
Avant d'aborder cette étude, il nous faut situer
l'époque à laquelle Seku Watara confia une partie de sa
grande armée
à son frère cadet Farnaghan. Nous savons de
manière certaine que ce dernier atteignit la région de
Dienné en septembre 1739(1).
(1) Voir à ce sujet le Tedzkiret en Nisian, ~. cit.
tradution
1
française, p.112-113.
431
D'après certains traditionalistes de la région
de Bobo, Famaghan guerroya pendant trois à quatre ans
dans la région de Bobo-Dioulasso avant de diriger ses
forces vers la boucle du Niger(1). Famaghan était donc à
Bobo-Dioulasso vers 1735. Nous avons recoupé ces renseigne-
ments avec ceux que nous avons recueillis à Kong et selon
lesquels Famaghan serait mort quinze ans après son départ
de Kong(2). Cette période de quinze années se retrouve
chez Dominique Traoré qui,
ignorant l'exist~nce de la
chronique du Gonja, fait régner par erreur Famaghan de
1714 à 1729(3). Or nous savons d'après ce document que
notre conquérant serait mort vers 1750(4). Farnaghan serait
donc parti de Kong vers 1735, probablement au début de
cette nouvelle année. Les sources orales de Kong précisent
en effet que Famaghan sortit de Kong "dès les premiers
mois de la saison sèche ll (5), en janvier ou en février.
Voyons maintenant les raisons qui ont. poussé Seku à lancer
ses guerriers au delà du Kpon-Gènè.
(T) Nos principaux informateurs sont:
EI-Haj Moustapha Diane (Kotéoougou)
3-3-79, dossier XVII, Imam Marhaba (Bobo-Dioulasso
2-3-79, dossier XVIII, Soma Ali (Sungaradaga)
24-3-79, dossier XV,
(2) Voir à ce sujet : Karamoko Ouattara (roi actuel de Kong
(enquêtes
du 18-8-74, dossier II!), Mamadou Labi (enquêtes réalisées à Bouaké
en juillet 1974 dossier V), Basièri Ouattara,
(enquêtes réalisées à
Kong le 10-8-77, dossier VI, et surtout le Bamba-dyon Pigneba Ouattara
(enquêtes réalisées à OUangolodougou le 8-8-74, dossier II).
(3) Dominique Traoré, "Notes sur le Royaume Mandingue de Bobo",
L'Education Africaine 26e année n096, janvier 1936, p.61.
(4)
LA.S.jA.R., 10, 11,62.
(5) Voir surtout Dawaba Bamba (enquêtes effectuées le 27-3-76, dossier
1), et Basièr i Ouattara
(enquêtes du 20-11-78, réal isées à Abi-
djan, dossier VII.
- - - - - - - - - 1
!
432
1.
-
La question des chevaux
1
La pièce maîtresse du Royaume de Kong était
1
l'armée. Elle reposait essentiellement sur la cavalerie
qui avait. permis à Seku de s'imposer aux troupes de Lasir'i
Gbomb€lé
et aux autochtones qui, le plus souvent, combat-
taient à pied. Elle garantissait la sécurité du Royaume et
celle des marchands qui sillonnaient le pays.
Il fallait
donc que le souverain de Kong assure sa remonte. Malgré le
silence des sources orales nous sommes persuadé que la
première expédition de Famaghan dans la région de Bobo-
Dioulasso,
au début du XVIIIe siècle, visait surtout les
routes des chevaux du Masina et du Dafina. Cette opération
ne semble pas avoir connu un grand succès dans ce domaine
t
car vers le milieu du XVIIIe siècle Seku Watara était
l
véritablement déçu par les tributs que les dugukunasigi
lui expédiaient, tributs dans
lesquels ne figuraient pas
beaucoup de chevaux. Marhaba avait raison lorsqu'il disait
"que le souci de Seku Watara était de ne
. pas manquer de chevaux".( 1) •
Les entretiens qu'il avait avec son frère Famaghan ne .
laissent aucun doute sur les intentions du souverain de
contrôler, à partir de Bobo-Dioulasso les routes des chevaux
"Si tu règnes à Bobo-Dioulasso, disait-il
souvent à Famaghan, nous serons les deux
rois les plus puissants de l'Afrique Noire
et nous disposerons de la plus grande armée,
mais il faut pour cela que Bobo-Dioulasso
devienne un grand marché et que les chevaux
arrivent à Kong" (2) .
(1) Marbaba, Bobo-Dioulasso, mars 1979.
f1
(2)
Soma Ali, Sungaradaga
(Bobo)
28-3-1979.
f
1
433
La réalisation d'un tel projet suppose la création dtun
Etat puissant et organisé dans la région de Bobo-Dioulasso
sous la direction de Famaghan. Ce dernier avait compris
les soucis de son frère aîné, mais il n'était pas décidé à
quitter Rong pour aller s'établir à Bobo-Dioulasso;
il
allait mettre du temps à se décider.
434
2.
- L'insécurité à nouveau sur les axes du nord
D€puis
un certain temps des bandes armées pillaient
les caravanes qui allaient ou qui revenaient de Kong.
Dramanédugu et Kadu ou Dandé, deux villages de la région
de Bobo-Dioulasso, étaient devenus des repaires de br·igands.
Les Dugukunasigi installés autrefois par Famaghan n'avaient
aucune autorité réelle sur les autochtones et étaient
incapables de faire face à la situation. Beaucoup de mar-
cbands de Kong, de Bondoukou ou de Bouna qui avaient perdu
leurs biens sollicitèrent l'aide du roi de Kong qui était
sensible, nous le savons, au problème de la sécurité. Bamba
étant occupé à guerroyer contre les Palaka, Seku demanda
à Fattlaghan de rétablir la paix dans les provinces nouvelle-
ment conquise.• Ce dernier envoya des troupes dans les pays
ooto et lobi ; elles firent de nombreux captifs, mais après
le départ des troupes les attaques reprirent. L'une des
plus importantes se situait vers 1730, cinq ans avant le
àép~It de Famagban', d'après les traditions de Limono(1).
Elle eut lieu contre la propre caravan€
de Seku Watara qui
condu.isai t
un important convoi de chevaux à Kong. Cette
attaque coûta la vie à l'un des fils de l'imam Baro, connu
sous le num de Soridyan, et à Gbangawura, l e père de Bamba(2).
Certes, les responsables de cette attaque furent
tous pris et exécutés à Kong; mais Seku avait compris q'.J€
la sécurité des voies commerciales qui était la raison
d'être du Kpon-Gènè nécessitait la mise en place d'une admi-
nistration militaire et politique dans les provinces
nouvellement conquises.
Il lui fallait
donc absolument
(1) Enquêtes réalisées à Limono en mars 1974. Informateur principal
Rassori OUattara.
(2) Gbangawura nous l'avons vu s'occupait des affaires de 5eku i
sa
dispzrition dut porter un rude coup au commerce du roi de Kong.
435
obliger Famaghan et certains d€
ses fils ou petits-fils à
aller habiter ces nouveaux pays. Telles seraient, d'après
les traditions que nous avons recueillies a~près de nom-
breux notables de la région de Kong,
les raisons fondamen-
tales qui poussaient Seku à faire partir Famaghan de Kong(l).
Famaghan n'entendait pas les choses de cette oreille •.11
aimait le faste de la cour de Kiémini
(ou Dyémini) mais il
ne voulait surtout pas s'éloign€r
de Kong à cause du tr8ne
qu'il convoitait. L'atmosphère familiale obligea cependant
Famagban à réaliser malgré lui le rêve de Seku, la formation
d'un véritable Etat à Bobo-Dioulasso. A la question des
chevaux et àe la sécurité allaient s'ajouter en effet les
rivalités familiales.
3. -
Les rivalit&s entre Seku et Famaghan
Une amitié sincère s'étai t
nouée entre Famaghan
et l'esclave Bamba. Plusieurs dizaines d'années vécues
ensemble sur Les champs d€
batailles avaient rapproché les
deux hommes. D€puis
la campagne de Bobo-Dioulasso
(1715-
1720)
on voyait toujours Bamba en compagnie de Famagban.
Tl
semble qùe les pr-emièr€s
campagnes du nord aient accru leur
popularité. Les traditionalistes relatent en effet que les
Dyula ne
"parlaient que des victoires de Famaghan
ils soulignent que
"la renoIDm€e
de Famaghan et celle de Bamba
troublèrent le sommeil de Seku qui soupçon-
(1)
A Bilimono, voir Bassirakoro, enquêtes du
23-3-1976, dossier l
;
à Logabou, voir Dawaba Bamba, enquêtes du 2-2-1975, dossier II
a Kong B.a.sièri OUa±tara, enquêtes du 4-5-1978, dossier VIII;
a Kolau, voir Fissiri ouattara, enquêtes du 18-3-1974, dossier III.
'.
436
nait les deux hommes de vouloir le renverser
pour prendre le pouvoir P (l}.
Faisons connaissance avec ceux-ci.
a}
Famaghan
Tous les traditionalistes affirment que Famaghan
était le frère cadet de Seku.
Il portait le nom de son
grEnd~père Dé Maghan. Ceci tendrait à prouver que Tyèb~ avait
une grande affection pour son fils.
D'après le document noa que nous avons signalé,
il serait né vers 1675 à Ténégéra. Par sa mère, Famaghan
~ppartenait à la dynastie animiste de Lasiri Gbombèlè. Sa
mère serait sans aucun doute la première épouse de Tyèba
connue selon les traditionalistes d€
Kong sous le nom de
Kasa Ulé ôppelée aussi Somè(2).
Famaghanreçut la même éducation que Seku. Comme
lui,
il fut initié très tôt au tissage, a~ commerce à
longue distance, aux travaux des champs et à l'art de la
guerre. Il semble qu'il ait eu un goût prononcé pour ce
métier. Les traditions parlent souvent de la passion de
Famaghan pour la guer re.
Il avai t,
semble-t-il, une grande
admiration pour son frère aîné qui réussissait dans les
affaires et il pensait qu'ensemble ils pourraient réaliser
le vieux rêve de leur père, c'est-à-dire la conquête du
Royaume de Kong.
C'est, dit-on, pour réaliser ce projet
qu'il accepta de servir Seku comme un vrai père en l'aidant
(1) Voir à ce sujet Karamoko ouattara (enquêtes du 20-8-1974, dossier
III) et Pigneba OUattara, l'un des descendants des esclaves de
Samba
(Ouangolodougou, le &-&-1974, dossier II).
(2) Notre principal informateur a été Dyamila Ouattara
(enquêtes
mars
1976.
'
437
dans son commerce et dans toutes les guerres. D'après
Karamoko Ouattara
"personne nfa aidé Seku autant que Famaghan •••
Après la ~rise du pouvoir, Seku déserta les
champs de bataille et laissa cette tâche à
son frère cadet. et à Bamba ••• "(1).
On comprend donc la joie de Famaghan lorsque son
frère occupa le trône de Rong. Il pensait partager ce trône
avec lui. Famaghan fut sur ce point déçu. En effet, au
moment de l'organisation du Kpon-Gènè, il ne reçut que la
province de Kiémini. Ce geste est aujourd'hui diversement
inte~prété par les traàitionalistes : les uns pensent que
Seku voulait honorer son frère en lui offrant les terres de Kiémini
qui avaient appartenu autrefois à leur
père Tyèba; les
autres, au contraire, demeurent persuadés que Seku voulait
signifier à son frère cadet, dès le début de l'édification
de l'Etat de Kong,
que ses biens reviendraient à ses propres
eILfants. L'un des défenseurs de la première hypothèse est
le roi actuel de Kong, Karamoko Ouattara ; la seconde hypo-
thèse qui nous paraît plus vraisemblable est défendue par
la plupart des Bambad}'on (2). Ceci tendrait à expliquer le
froid qui s'installa entre Famaghan et son frère dès les
premières annees du règne de ce dernier et les va-et-vient
du Karamoko Dibi.pour tenter de réconcilier les deux hommes.
D'~près certaines traditions recueillies à Rolon, à Limono
et à Pongala, Famaghan se serait brouillé avec Seku a propos
des domaines qui lui avaient été attribués et il aurait
fallu un ou deux ans aux Karamo90 de Kong pour les récon-
(1)
Karamoko Ouattara,
(extrait des enquêtes du 15-3-76, réalisées
à Kong, dossier IV).
(2) A Kong, voir surtout Bamadou OUattara (Enqu€tes
réalisées à Nasyan
le 12-8-74. A Ouangolodougou, voir Pigneba OUattara (Enquêtes du
8-8-74). A Bobo-Dioula.sso, voir Dalignan üu.attara
(Enquêtes réali-
sées le 2-3-1979).
438
,cilier (1) .
Après la réconciliation, Famaghan essaya de
mettre en valeur les terres de Kiémini. Aux dires des
traditionalistes, il fit de cette dernière localité une
belle cité marchande qui n'avait rien à envier à Kong. Ses
maisons à terrasses et sa mosquée faisaient, dit-on, l'admi-
ration des étrangers qui affluaient dans lepays(2). Sa cour
aurait attiré de nombreux savants étrangers dont la plupart
venaient, soit de Salaga, soit de Dienné, soit encore de
Tombouctou. Dyamila Ouattara a entendu parler d'un savant
de Tombouctou du nom de Muhammad ben Takuni qui aurait vécu
IOrJgtemps à la cour de Famagban (3) •
Quoi qu'il en soit, Famaghan a:pparait dans les sour-
ces orales de Kong et de Bobo-Dioulasso comme un. personnage
qui aimait la compagnie des lettrÉs musulmans et des riches
commerçants. Grâce à sa générosité et à son intégrité dans
le partage des prises de guerre, les soldats l'aimaient et
le respectaient. C'est précisément, dit-on, cette affection
que l'armée témoignait à Famag-han qui fut à l'origine du
conflit qui allait l'opposer pendant longtemps à SekuWatara.
(1)
Pour les traditions de pongala, voir Adama Traoré 85 ans, un descen-
dant des premiers rois Tarawéré de Kong et surtou± Dawaha Samba (En-
quêtes du 30-3-76, dossier I)
; pour la tradi-tion de Ko10n, voir
surtout Fisiri Ouattar.,;
(Enquêtes du 15-4-76, dossier III) et pour
les traditions de Limona voir Bassidi üuattara (Enquêtes du 16 juillet
1974, dossier IV), La réconciliation entre Famaghan et Seku dut in-
tervenir avant 1715, car à cette date, Faroaghan accepta d'effectuer
pour le compte de Seku, la campagne du nord.
(2) Nos meilleurs informatéurs sur la province de Kiémini sont Mamadou
Labi et le vieux Basièri Ouatta.r:a (Labi, voir, dossier V, enquêtes
du mois de juillet 1974, Basièr i, voir dossier VI, enquêtes du 3-4-77.
Ces enquêtes ont été réalisées à Abidjan).
(3) Nous avons essayé d'id~ntifier ce personnage; i l
s'agirait vraisem-
blablement d'un petit-fils de ~xrnammad ADda-Umar gui était connu à
Sankoré (Tombouctou) sous le nom de Sâl.ih-Takunni. ce lettré aurait
composé un commentaire du Mokhtasar du cheikh Khelil (précis de
droit malékite)U, cf. T. es-S., 1964, p.59-60.
439
Au fur et à mesure que les années passaient,
Famaghan devenait de plus en pl.us populaire. Il ·avait une
fortune considérable et apparaissait, à juste titre d'ail-
leurs, aux yeux de Seku comme un prince. puissant et dangereux.
Devan t cet état de choses, le roi de Kong pr i t. peur pou C son
trône et pour l'avenir de ses enfants. D'après les informa-
tions que nous avons recueillies à Kong,
les craintes du
roi de Kong étaient en partie justifiées. Famaghan.ne
cherchait pas à renverser Seku qu'il aimait beaucoup, mais
à l'exception de Zan Bakari et de Kèrè Mori, il haissait
la.pl~part des enfants du roi de Kong à cause de leur arro-
gance et de leurs brutalités. Il faut dire aussi que les
enfants de Seku ne portaient pas Famaghan dans leur coeur
et ils le lui faisaient bien sentir. Dans ces conditions,
il était à craindre En effet qu'une prise du pouvoir à Kong
par Famaghan ne plonge le pays dans d'affreuses guerres
fratricides. Seku qui avait une passion aveugle .pour ses
enfants n'osa pas les affronter et décida d'éloigner Fama-
ghan. Mais Famaghan n'étai t pas le seul personnage qui
donnait des soucis à Seku, il y avait aussi Bamba.
b)
Bamba
Nous savons grâce aux sources orales et écrites
recueillies à Kong et à Bobo-Dioulasso que Bamba était un
esclave de Seku. Les sources orales précisent cependant
que Bamba était un Woroso, c'est-à-dire un captif de case et
non un simple dyon
(esclave de traite). Signalons qu'à
Kong le terme woroso est d'ailleurs peu employé lorsque l'on
parle des esclaves de· la couronne: on utilise soit le terme
Cyuladyon
pour désigner les captifs de guerre qui servaient
dans l'armée des \\latara, soit le terme Bambadyon
pour
désigner l'ensemble des esclaves de la couronne. Bamba le
440
fidèle esclave de S€KU,
était en effet le chef de tous les
esclaves de la couronne(1).
DI après le Bamba dyon Bamadou OUattara, la famille de Bamba
serait originaire de Nasiga, un petit hameau du Gonja, mais
il. précise que Bamba lui même serait né à Ténégéra(2). Bamba
aurait ainsi une origine gonja. Les traditionalistes ont
gardé le nom de son père Gbangawura mais Seku le baptisa
Siwiriba. Ce dernier avait été razzié au cours d'une nuit
dfété à l'âge de 20 ans et vendu à Seku à Salaga au moment
où il fréquentait assidûment ce marché. Seku fut très content
de son esclave car ce dernier montra de réelles dispositions
pour le commerce et il fit fructifier les affaires de son
maître. Il donna une entière satisfaction à ce dernier qui
décida de le récompenser en lui offrant en mariage une de
ses charmantes servantes du nom de Husogbè (3). De cette
union naquit Bamba vers 1E95(4).
Dès son enfance, Bamba manifesta un goût réel. pour
le métier des armes. Seku semble l'avoir encouragé dans
cette voie en lui donnant une éducation es.sentiellement
guer r ière en lu i apprenant à man ier les ar.mes (arcs,· f.lèches,
lances et fusils), à soigner et à mon ter à cheval. D' après
les traditions recueillies à Nasyan, Bamba.paraissait plus
vieux que son âge et à 10 ans il ressemblait à un adulte
(1) Curieusement, on utilise rarement l'expression Seku-dyon pour
désigner les esclaves de Sekü Watara.
(2)Les traditionalistes situent le village de la famille de Samba à
une centaine de kilomètres à l'est de Salaga cf. Bamadou, Nasyan,
le 23-8-74, dossier I.
(3) A Nasyan, on raconte gue Mosogbè avait été la maîtresse de Seku.
Nous reviendrons plus tard sur ce détail
voir à ce sujet
Bamadou, op. ci t. ,
(4)
Tous les traditionalistes que nous avons interrogés, disent que
Samba avait environ une quarantaine d'années au moment où Famaghan
quittait Kong c'est-à-dire vers 1735.
441
de 15 à 18 ans(1). C'est probablement ce qui expliquerait
le fait qu'il fut autorisé par Seku, malgré son âge, à
p~rtic~per aux guerres contre Lasiri Gbombélé. Les tradi-
tions historiques de Kong et de Bobo-Dioulasso décrivent
elles aussi Barnba comme quelqu'un qui avait un physique
impressionnant ; ctétait, dit-on, une véritable force de
la nature(2).
L'éducation guerrière de Barnba avait été faite
sernble-t-il par Famaghan ; durant toute sa formation,
l'esclave de Seku avait servi dans les troupes commandées
par le frère de Seku. D'après certains traditionalistes de
Kong, le Fama l'aurait placé là pour mieux surveiller les
agissements de san frère cadet(3). Le roi de Kong aurait
dans ces conditions échoué dans sa tentative de vouloir
espionner son frère. En effet, tous les traditionalistes
que nous avons rencontrés affirment que Bamba éprouva une
grande affection pour Fama~ban et qu'il aimait ce dernier
comme son père.
La carrière militaire de Bamba commença réellement
à partir de 1715 lors de la première campagne du nord
au
cours de laquelle il s'était illustré comme un vaillant
guerrier.
Famaghan le récompensa à cette occasion;
il lui
offrit le bracelet et la bague des tyèfari(4), deux distinc-
tions réservées aux princes les plus courageux de l'armée
des Watara.
(1)
Voir à ce sujet Karamoko Ouattara
(Enquêtes réalisées à Nasyan
le 15 avril
1'1'76, dossier
Il.
(2)
A Kong, voir Mamadou Labi
(enqwêtes du 2-3-74)
et Basièri
(30-3-76)
à Bobo-Dioulasso, voir surtout Sona Ali
(Sungaradaga, le 2-3-1979).
(3)
L'un des défenseurs de cette thèse est El-Haj OUmar Coulibaly
(In-
formations recueillies à Kong en mars 1974, dossier 1).
(4)
Le mot dyula tyèfari est formé de tyè
(homme)
et fari fort, coura-
geux, qui brave la mort). En 1977, le roi Karamoko OUattara nous a
montré le bracelet et la bague qu'il a hérité,)de son ancêtre Kumbi,
l'un des fils de Seku. Les bracelets et les bagues étaient en or.
442
Après la constitution du Kpon-Gènè, Bamba avait
été nommé vers 1730 Kèrè-mansa(1)
et reçut à ce titre le
commandement de toutes les forces armées du Royaume. Cette
nomination se fit au détriment de Famaghan qui avait été
jusque-là le maître incontesté des armées de Kong. Visible-
ment, Seku cherchait à diminuer la puissance de son frère.
Ce dernier ne réagit pas et continua d'entretenir des
relations cordiales avec le Kèrè-mansa. D'après Karamoko
Ouattara, il l'aurait même
·comblé de présents parmi lesquels figuraient
30 esclaves des deux sexes et 20 ch~vaux du
Masina n (2) •
Le nouveau grade de Bamba rendit furieux les fils de S,eku
qui étaient désormais obligés de solliciter l'autorisation
de l t esclav-e Bamba pour entreprendre la moindre opération
mili taire.
Ils étaient en outre contraints de lui f-aire
un compte-rendu
•
_
détaillé de chacune de leurs onérations
4
gue:rrièn:~:s. LeE f-ils de Seku trouvèrent ces démarches con-
traignan't.es et surtout déshonorantes et ils se mirerrt a
déteste!" le Kèrè-mansa qui depuis sa nomination n 'habi tai t plus
Kor..g
::nai3
Nasyan. Ils ne manquaient aucune occasion pour
l 'humilier en public. Bamba se plaignit à plusieurs repri-
ses auprès de Seku, mais le roi de Kong ne prit aucune
sanction contIe ses fils. Bamba commença donc à son tour à
détester les fils de &eku. Ses sentiments à l'égard de ces
derniers Le firent se rapprocher de Famaghan qui haissait
3US~~ la plupart de ses neveux. Cette attitude commune in-
qUH.~ta le roi de Kong. On raconte gu' il consulta à ce sujet
l~s principaux marabouts qui l'avaient aidé à prendre le
pouvoir. La cour royale actuelle de Kong a conservé quel-
(i)
Ke-re-mansa vient du mot dyula kèrè
(guerre)
et mansa
(roi, empereur).
Le Kèrè-mansa était checf supérieur des armées à l'apoque de Seku.
(2) Karamoko OUattara, chef actuel de Kong
(enquêtes du 17-8-1974~
dossier Il.
443
ques échos de ces entretiens.
Seku aurait dit à ses an-
ciens amis
:
..
Les rapports entre mes fils et Bamba
m'inquiétent beaucoup;
J'aime mes enfants et j'apprécie Bamba mais
si je laisse Bamba à la tête de mon pouvoir
(arm€e)
i l va ruiner mes enfants et les·
empêcher de régner
aidez-moi à protéger
mes enfants" (1) .
Seku voulait certainement dire a ses marabout.s
aid€z-~i à me débarrasser de Bamba.
Signalons cependant que l'on ne trouve nulle part
dans les sources orales la mention dl une tentative d'er:rpoison-
nerr:ent
ou d'assassinat dirigée contre Bamba. Mais l'on
note que 10 ans après sa pr ise de fonction (1720),
alors q·ue
le. pays connaissait la paix, Seku obligea Eamba à effec-
tuer en pers-cn..T1e 9 expéditions dans les territoires palaka.
Le roi de Kong espérait-il que son Kèrè-mansa serait peut-
être atteint ~ar une flèche palaka ? Cette hypothèse est
écartée de nos jours par la cour royale actuelle de Kong
qui soutient qu'à aucun moment le souverain de Kong nl~
souhaitÉ la mort de son esclave. Elle estime que les guerres
contre les Palaka livrées par Bamba n'avaient aucun rapport
avec le confli.t qui opposait ce dernier aux enfants de
Seku(2).
NO~s ne partageons pas cette opinion, car les
victoires de Samba contre les Palaka mécontentaient visi-
·ble,nent Seku. Voici à ce sujet, un détail sue nous avons recueilli
auprès du vieux Basièri Ouattara :
(1) Voir Bassoumaila OUattara, l'héritier présomptif de Kong
(enquê±es du 23-8-1979, dossier XXI).
(2) Voir à ce sujet Raramoko Ouattara, enquêtes du 20-3-75, dossier III.
444
"
Bamba sortit victorieux des guerres qu'il
livrait contre les Palaka. Il offrit à cette
occasion à Seku, un riche butin de guerre
comprenant plus de 700 esclaves des deux
sexes. S'inclinant devant le Fama, i l lui pré-
senta9 des têtes des chefs palaka qu'il avait
tranchées. Seku entra dans une violente colère
et interpréta ce geste comme une menace contre
sa personne ou contre ses fils.
Il s'écria-.
"Tu veux peut-être couper ma tête ou celle
dlun de mes fils pour atteindre le chiffre
dix ?"."Non, Fama, protesta, Bamba"(1).
00 s'explique très mal la colère de Seku, dtautant
plus que la tradition watara exigeaitque lion présente au
roi la tête des princes ennemis tués à la guerre. Seku
était visiblement agacé par les victoires de son esclave.
Il esp€rait
sans aucun doute le voir mourir sur un champ de
bataille.
L'affiitié que Bamba témoignait à Famaghan semble
avoir contribué à creuser le fossé entre Seku et son Kèrè-
manSâ. Sama~cgo, l'un des fils de Seku qui voulait la perte
de Bamba, l'accusa vers la fin de l'année 1734 de comploter
contre son père afin d'installer Famaghan sur le trône de
Kong(2). D'après les témoignages que nous avons recueillis
auprès des descendants de Seku Watara, cette grave accùsation
était sans fonàeID~nt. Il ne semble pas, en effet que Bamba
ait participé à un complot contre Seku. Tous les traditiona-
listes que nous avons rencontrés gardent de Bamba l'image
d'ur. serviteur fidèle et dévoué. Les descendants actuels de
Seku le décr ivent c':Jmme un personnage
(1)
Basièri, Kong,
le 10-8-1977.
(2)
Nous avons recueilli cette information auprès du Bambadyon
Pigneba ûua-ttara
(enquêtes réalisées à Ouangolodougou en mars 1977,
doss ier XI) .
445
"intègre, et désintéressé qui, vers la fin
de sa vie abandonna le pouvoir pour se consa-
crer aux études pieuses et à là lecture du
Coran" (1) ..
Le fait d'ailleurs que S~Jtu ne fit pas arrêter son esclave
tendrait à confirmer lfinnoc~nce de ce dernier. On peut
penser aussi quce Seku voulait éviter des incidents graves
car Kong était devenu une véritable poudrière et une impru-
dence risquait de tout faire sauter. Une vive tension
régnait donc à Kong à la veille de l'année 1735. Nous avons
l'il:npression quand nous lisons les documents que nous avons
réunis que le Kpon-c-ènè étai t
devenu un peu étroi t. pour tout
ce monde et SeKL
avait raison d'être inquiet pour l'édifice
qu'il venait de construire. Le roi de Kong décida de réagir
en prenant des mesures énergiques.
B. SEKU WAT&~ FACE A LA CRISE
1.
- Sekll rèGle les successions
oC
Seku,
après mûre réflexion, décida. d'éloigner
un certain nombre de princ~de la capitale des Watara, en
fixant leur résidEnce loin de Kong.
Nous savons que Dyoridyan, de son vrai nom Badyu,
était le fils aîné de Seku et qu'il était mort lors de la
conquête du po~voir par Seku vers i710.
rI aurait laissé
deux enfants en bas ~ge dont l'ainé était Suma-Ulé et le
second Abdrarnar:e. A propos d".:' ce dernier on souligne que le
(1)
Voir à ce sujet, Basièri Cuattara, et Karamoko Ouattara, le roi
actuel de Kong),
enquêtes réalisées le 27-4-1976 à Kong, dossier x.
446
'~soleil n'a pas brillé"(1). Ce fut, par conséquent, un
piètre personnage. Seku semble avoir reporté sur Suma-Ulé
l'affection qu 1 ilportait à son fils aîné. D'après l'ano-
nyme du manuscrit nOS, Seku aurait confié son éducation à
des marabouts qui lui préparaient des bains de nasiji(2)
afin qu'il ait une longue vie et qu'il puisse recueillir
l'héritage de son père défunt.
D'après le document que nous avons signalé plus
haut, la mort de Dyoridyan constitua une grand~ perte FOur Seku
qui appréciait la compagnie de son fils dans les moments
difficiles.
L'éducation guerrière de Suma-Ulé avait été
assureepar Ba~ba à la demande du roi de Kong. Le manuscrit
noa mentionne qu'il était
"resté avec lui
jusqu'à sa maturité",
probablement jusqu'en 1735. C'est en effet à
,partir de cette date qu'il décida de l'écarter de Bamba
et de Famaghan en lui donnant tous les biens de son père
et
la principauté de Lingékro dont nous avonsparlé(3J.
Seku savait que cette décision était contraire
aux traditions watara qui interdisaient à un déin, en
l'oc-
currence un petit-fils; de prendre un
héritage du vivant
d'un fa,
c'est-à-dire ici les enfants de Seku et ceux de
Famaghan.
Pour parvenir à ses fins Seku manoeuvra avec une
grande habilEt~. Il r~unit un conseil de famille afin de
faire semblant d'avoir l'assentiment de ses enfants. Mais il
Sc g3lCa de'convoquer
à cette réunion Famaghan et ses neveux.
(1)
Voir Manuscrit nCS.
(2)
Le nasiji est l'eau obtenue en lavant les versets du Coran transcrits
sur les tablettes des marabouts.
(3)
Le ~om historique de cette région est
Lingèkoro qui a donné par
d~formation Lingékro.
447
Les traditionalistes insistent beaucoup
sur ce détail qui
à leurs yeux est significatif : en négligeant volontaire-
ment de convoquer son frère, Seku prenait la grave décision
de rompre avec Famaghan que l'on considérait jusque-là
comme le sucesseur de Seku. Il avait réuni à cette occasion
la.pl~part des marabouts de la région. pour légitimer sa
décision. L'Islam cautionnait en effet la succession patri-
linéaire. Ce jour là,Seku parla longuement,. pendant plu-
sieurs heures, en invitant ses enfants à être généreux et
justes enver s les orphel ins, à craindre Dieu et à vivre selon
les. prescriptions islamiques(1). A la fin àe son discours,
il. proposa
à l'assemblée de l'autoriser à donner l'héritage
de Dyoridyan à Su~~-Ulé. Les
marabouts qui avaient assisté
à la séance trouvèrent que Seku avait bien parlé, louèrent
Son esprit d'équité, et estimèrent que,
selon le droit
musulman, Suma-Ulé avait le droit d'hériter de sont père.
Seku passa ensuite la parole à ses fils, mais ces derniers
gardèrent le silence, n'osant probablement pas désavouer
publiquement leur père. Seku n'ayant enregistré officielle-
ment aucune opposition à sa requête, nomma Suma-Ulé kundigi
(gouverneur)
à la tête de la province de Lingékro et lui
offrit les biens de Dyoridyan
(or, esclaves, chevaux, trou-
pes, boeufs et armes).
L'héritage de Dyoridyan créa un précédent fâcheux
et Seku dut,
par la ~ême occasion, offrir celui de Zan
Bakari à Kara~arJ
; il le nomma kundigi des provinces de
Loto et de Lorop~ni. Les deux hÉritages furent à l'origine
d'une crise grave qUl allait opposer dans le passé et qui
oppose encor~ de nos jours les descendants de Dyoridyan et
de Karakara aux descendants des autres membres de la famille
(1) Les meilleurs informateurs sur ce point nous paraissent être Karamoko
Ouattara, Basieri Ouatt..ara et le marabout Marnadou Labi. Toutes nos
enquêtes ont été réalisées à Kong en 1975.
448
de Seku. La lignée de Dyoridyan et celle de Zan Bakari
furent,
après la mort de Seku, définitivement écartées du
trône de Kong. S€ku
voulait peut-être appliquer le droit
coranique dans son état, mais ceci était en contradiction
avec le système de fa qu'il avait lui-même imposé à ses
enfants(1).
2. - Le départ de Famaghan de Kong
Lorsque Fam.a'ghan apprit plus tard ce qui c'était
passé,
il entra dans une violente colère et se rendit
chez son frère. S'adressant brutalement à ce dernier
il dit
:
"Tu es un être sans coeur,
rancunier. Tu veux
donc diviser les enfants d'un même sang ?"
"Oui repliqua Sek~, d'un ton sec, notre père
ne l 1 a-t-il.pas fait en te préférant à moi
et en donnant à toi le plus jeune, tous les
biens de La famille? Sache qu'à ma mort,
tous
mes biens reviendront à mes enfants. Si tu
veux laisser plus tard un mara(2)
(un hérita-
ge)
à tes fils fais fructifier les terres que
tu as conquises ... " (3).
(1)
En 1975, nous avons demandé à Karamoko Ouattara, ce qu'il pensait
de la décision de Seku. Voici sa réponse "Seku a eu à mon avis tort
d'offrir à Suma-Ule, l'heritage de oyoridyan, cela revenait à l'ainé
des enfants de Seku. Nous avons souffert de cette décision. Mais Seku
vivait une époque différer.te de la nôtre,
i l a été sans aucun doute
influencé par
les ~3rabouts. Si Seku a agi ainsi c'est que cette
décision ~t~1t sans aucun doute nécessaire".
(2)
Le mara est '-1n terrr,e àyula gui désigne un territoire conquis et
parfaitemEmt organise.
Il peut comprendre un ou plusieurs Gènè.
(3)
Extraits tirés de::' pr"pos recueillis auprès du Bambc:.dyon
Pigneba
Ouattara
(Enquêtes réal isées à üuangolodougou le 20-6-1974, dossier
1).
D'après l'auteur du manuscrit n012, la raison fondamentale des
divergences entre Sekü et Famaghan serait effectivement le fait que
Tyèba "préféIait le petit-Erère ;
i l lui confiait ses secrets et
ses s-entiments. Ceci était à l'origine de sa colère contre Famaghan".
Sekü se vE~geait ainsl s~r son frère.
449
Famaghan fut ulcéré par les propos de Seku.
Il
avait en effet contribué efficacement à l'édification du
Royaume dyula de Kong
; il se voyait jeter à la porte comme
un vulgaire personnage. Le coeur meurtri,
i l regagna Kiémini
et tint un conseil de guerre avec ses chefs dlarmées.
Famaghan dit-on était décidé à marcher sur le
palais royal
et à.prendre le pouvoir par la force. Mais sur les conseils
de Bamba,
il renonça. à son projet et décida d'aller s'éta-
blir à Sya. Famaghan allait ainsi réô.liser le rêve de son
frère,
c'est-à-dire la mise en place d'un Etat fort dans la
région de Bobo-Dioulasso qui assurerait la sécurité des
voies caravanières.
D'après certaines traditions que nous avons re-
cueillies en 1976 auprès du roi actuel de Kong, Seku aurait
cherché à se réconcilier avec son frère par l'intermédiaire
des marabouts Dibi et Kpérésuma, mais Farnaghan aurait refusé
de les recevoir.
Quoi qu'il en soit, le roi de Kong ne s'opposa
pas à la décision de Famaghan de fonder son propre Etat.
Il
l'aurait même aidé à mettre sur pied une armée équipée
de fusils et de chevaux.
D'après les traditionalistes de
Kong, Famaghan serôit parti de Kong à la tête d'une armée de
plus de 100.000 hommes. Ces chiffres sont à notre avis exa-
gérés. Malheur~üseffient, il est difficile de connaître le
nombre de marchands et de marabouts qui avaient décidé
d'aller s'Établir à Bobc-Dioulasso avec Famaghan
; mais nous
pensons que les hornTI:es qu' 11 draina vers le Gwiriko ne
àevaient pas -dépasser 30.000 hommes. Nous pouvons nous faire
de'nos jours une
idée
approximative de l'effectif de son
armée en nous basant sur le nombre de chefs de guerre que
mobilisa le frère de Seku. Nous savons que Farnaghan quitta
Kong avec les kundigi
(généraux)
suivants, Kèrè Mori, Kara-
450
kara, Suma-Ulé, Pi~wali(1), Bagu(2), Bua(3), Tyèmogoba(4),
Sidari soit au total 8 kèrè-boro c'est-à-dire 28.000 hommes
environ (5) . Sur ce total, seuls les Faro de Kèrè-Mori, de
---
Sidari de Tyèmogoba, de Bamba part-icipèrent effectivement
à la conquête des pays bobo, soit environ 14.000 hommes
sans compter les marabouts et les négociants qui accompagnaient
FCIT~ghan dans sa nouvelle résidence. Il n'est donc pas sur-
prenant que l'imam de Bobo-Dioulasso, Marhaba, ait entendu
dire que Famaghan entra à Sya à la tête Ud'une puissante
armée de plus de 15.000 hommes" (6). Au fur et à mesure que
Famaghan progressait vers les pays bobo ou lobi il laissait
en effet des garnisons sur son passage pour assurer la
sécur i té da.'15 :Les régions nouvellement conquises.
Ava~t son départ, Famaghan alla faire ses adieux
à son frère. La plupart des traditionalistes de Kong ont
gardé le souvenir de cette dernière rencontre qui marqua
définitivement leur rupture.
Famaghan se s€rait
rendu chez
son frère en ccmpagn ie d'une centaine de Dyulérlyon.
Le
roi l'aurait accueilli chaleureusement, avec un pincement
de coeur. Mais Famaghan se serait montré très dur envers
son frère qu'il traita d'hypocrite. A la fin de leur entre-
tien, Famaghan fixa méchamment Seku et lui dit
(1)
PIAWALI était ~n prince lobi que Fam~ghan garàa en otage lors de son
premier passage dans la région.
(2)
Bagu était CGm~e PLaw21i un prince lobi.
(3)
Bua était le fils àu chef des Tyèfo,Todin ; il fut capturé lors du
premier pass~?e de F~~3shan dans les pays tyèfo (1715-1520).
(4) D'après certains informateurs,
(cf. Labi, Kong, 1974), ce personnage
serait connü aussi sous le nom de Moro ou Molo. Il s'agit sans aucun
doute d'une erreur. ~-!-è:7iogoba est le fils du Bobo-[yula Ladji. Il
fut pris en otage à BobO-Dioulasso vers 1715-1720. Il est probablement
le frère d'un personnage qui sera connu à Kong vers 1735 sous le nom
de Molo Sanon,
(5) Une armée régulière comptait environ 3.500 hommes.
(6)
Informations recueillies à Bobo-Dioulasso le 20-2-1979, dossier XII.
451
"regarde la plante de mon pied pour la der-
nière fois,
i l ne foulera plus jamais le sol
de Kpon et mes descendants non plus ne vien-
dront jamais à Kpon. Garde le pays pour toi
et pour tes fils
adieu ft (1) • .
4
Famaghan se retira et le lendemain matin,
il quitta sa
terre natale pour la région de Bobo-Dioulasso. On raconte
qu'après le départ de Famaghan# Seku atterré par les derniè-
res.paroles de son frère garda la chambre. pendant une
semaine(Z) .
Le départ de Famaghan allait marquer un tournant
décisif dans la formation de l'Empire de Kong qui permit
aux Watara de guerroyer jusque dans la boucle du Niger.
Il
avait permis à Seku d'éviter les secousses brutales qui
risquaient, d'ébranler le Kpon-Gènè.
(1)
Enquêtes réalisées en 1977, à la cour royale de Kong auprès de
Basoumaila, do~sier XIX. J'après les i~forrnations que nous avons
recueillies à KO~cJ pt à Bobo-Dioulasso, les paroles de Famaghan
ont été scrupüleUS2IT'.ent respectées par ses descendants qui n'ont
jamais foulé le sol de ~0Dg. Même de nos jours encore, il refusent
de voir la vill~ de Kong.
(2) Enquêtes réalisées à Kc~S e~ Î977 (voir Karamoko Ouattara, 23-10-77,
dossier XII)
et à Bobo-Dioulasso en 1979,
(voir Soma Ali, Sungara-
daga,
le 28-3-1979, dossier XVII).
452
lI. LA MARCHE VERS LA FORMATION D/U~ EMPIRE DES WATARA
A. LA FORMATION DU GWIRlKO
La grande aventure de Famaghan qui débl,lta en 1735
allait pousser les Watara à conquérir d'immenses territoires
qui allaient contribuer à la formation du Gwiriko et de
l'Empire de Kong.
Le nom Gwiriko donné aux nouvelles acquisitions
d€
Famaghan est significatif. Il signifie en dyula,
au
bout de la longue marche
au delà de la longue étape. Le
l
terme Gwiriko implique l'idée d'un territoire très vaste
mais acquis au prix de multiples expéditions guerrières.
~-1albeureusement, ces dern ières .sc.nt assez mal connues à
cause .. des rivalités qui ont opposé et opposent encore àe
nos jour-s les Dyula de Kong à ceux de Bobo-Dioulasso
(les
Bobo-DTJla)
et les Tyèfa à l'ensemble des Dy~la. Dans ces
candi tions nous avons jugé prudent dl effec_tner uniquement
des enquêtes intensives et confronter les ré-sultat_s obtenus.
1. -
La conquête des pays Bobo
Famaghan ne semble pas avoir rencontré de sérieuses
ré_s is-tances su r
son chemin. A SOri approche, di sen t
les
Vatara de Bobo,
"les autochtones se ccuchaient sur le chemin
et offraient des poulets blôncs eu signe de
soumission,
en tr~mblant de peur.
Ils n'avaient
jamais vu une armée aussi no~nbreuse. C'est de
cette manière que le Ko~ono, les V~gé, les
Dogosé, les Nyényégé,
les Dafin,
les Samo et
toutes les autrr:,s rJeupl ades d'ici se soumirent
comme des femmes à Famaghan ... n (l).
(1)
Soma Ali, Sungaradaga,
28-3-1979, dossier XVII.
453
~ notre avis, il y a une certaine exagération
dans les déclarations des Watara de Bobo-Dioulasso. Les
traditions de Lingékro
(Kong)
font état d'embuscades meur-
trières dressées par les autochtones et qui coûtèrent la vie
à de nombreux Watara(l). C'est ce qui expliquerait que
F~aghan se montra sans pitié pour les villages récalci-
trants(2). Selon ces mêmes traditions, Famaghan demeura un
ou ël:€1.lX
mois à Dramanédugu, pour attendre, àit-on, Kèrè
MDIi qui s'était attardé dans le Folana à la demande de
Seku. Pendant qu'il était dans cette localité(3),
il reçut
la visite d'un jeune Bobo-Dyula, Molo, qui vint le supplier
de l'engager dans son armée
; Famaghan le trouva sympa-
thique et le prit à son service. L'histoir-e de ce personnage
n'est pas très claire. Nous avons ret-erru la version des
Watara qui nous a paru vraisemblable.
Melo venait de vivre une triste aventure.
Il était
co~porteur et voyageait de village 2n village. Lors d'un
. passage à Kadu en compagnie de sa femme Zara gui était enceinte,
ils furent attaqués par les habitants de la localitÉ qui
les àépouillèrent de leurs biens. Les bandits tuèrent SB
femrr.€
en ouvrant son ventre pour connaître; dit-on, le sexe
de l'enfant qu'elle attendait. Malo réussit à échapper à
ses agresseurs et regagna Bobo-Dioulasso. Là il aurait
rencontré Tyèmogoba que Famaghan aurait envoyé entre temps
d~îS la ville(4). Tyèmogoba décrivit à Malo la ~uissance
des troupes de Famaghan gui stationnaient à Dramanédugu et
promit de l'aider à punir les habitants de Kadu, mais la
mort l'empêcha de mettre son projet à ex~cution. Molo qui
(1)
GaOUssou Ouattara notre informateur est un descendant de SUIlla Ulé.
Informations recueillies en mai
1976, à Lingu~kro
(dossier I).
(2) Voir à ce sujet, D. Traoré, op. cit.,
1936, p.59.
(3)
Le manuscrit n012 précise lui aussi que la rencontre entre
Famaghan et Molo eut lieu à DraInaI1édugu.
(4) Bourayima Sanon
(un descendant de Molo), enquêtes du 20-2-79.
réalisées à Bobo-Dioulasso. Voir aussi le manuscrit n012 qui
donne sensiblement la même version.
454
~tait un garçon très intelligent conçut alors l'idée de
se mettre au service des Watara.pour ~l?prendre leur manière
de combattre afin de devenir à son tour un grand chef de
guerre. Il pourrait ainsi disposer d'une troupe importante
et venger sa femme. C'est, semblet-il, cette idée qui le
poussa à se rendre à Dr arnanédugu afin de Si engager dans
l'armée de Famagban. Il dut offrir. pour cela au conqu€rant
une grande
quanti té d'or qui paraît avoir impressionné
les gu~rriers watara, qui, dit-on, l'auraient baptisé
Sanan(1). Contrairement à ce que racontent les traditiona-
listes Sanon, Famaghan n'a jamais considéré
Molo comme
son égal. Il l'obligea d'ailleurs à faire acte de soumission
et à prêter un serment de fidélité avant de l'engager comme
guide et interprète et plus tard comme guerrier, car il
était brave et cou.rageux.
Nous savons ?eu de choses sur la famille de r-iclo.
D'apr~s les enquêtes que nous avons effectuées à plusieurs
reprises à Bobo-Dioulasso(2)
et les papiers personnels du
Révérend Père Hébert, ce personnage aurait eu pour ar.cêtre
un certain Ladyi Mahamudu, originaire du Mandé, probable-
ment de Kangaba, comme les parents de Seku Watara.
Il serait
venu du Mandé par Dienné ou Téwulé en compagnie d'un Peul
du nom de Domba. Le premier se serait installé d'abord à
Timina
(sur la route de Ouagadougou)
avant de venir s'éta-
blir dans la région de Bobo. La tradition bobo-dyula n'a
pas retenu le ncm des fils de Ladyi Mahamudu. On sait
seulement qu'un descendant de ce dernier s'appelait Daud2.
(1)
L'or se dit en effet en dyula
san. Il semblerait cependant gue
les Sanon étaient une fraction des Dyula qui vivaient à BobG,
probablement depuis le XVIe siècle.
(2)
Ces informations proviennent essentiellement des milie:JxSanor..
Cf. Bourayima Sanon, enquêtes du 20-2-79 à Bobo-Dioulasso.
455
On lui attribue la fondation de la ville de Bobo-Dioulasso
qu'il haptisa Sya du nom d'une femme qui débitait autrefois
son dolo dans le quartier (1) • Dauda s'adonna au commerce;
il eut. pour fils un certain Ziri Sagoné, connu aussi sous le
nom de Ladyi, qui épousa une femme Dafin de dyamu TarawéIé,
originaire de satiri, appelée Samkiré. C'est de cette union
que naquit Malo Sanon, probablement vers 1705. Si l'on fait
foi aux sources o.rales de Lingékro, Molo devai t
avoir une
trentaine d'années lorsqu'il fit la connaissance de Famaghan (2).
Ses parents étaient, comme ceux de Famaghan, des colporteurs,
mais ils se seraient "spécialisés dans la préparation des ca-
lebas&e·s" go' ils cousaien t (3) .
Tels sont les renseignements que nous avons pu
recueillir à propos de Malo. Nous n'avons aucun détail
concernant son physique et sa vie familiale.
Tout porte a
croire que Malo était le frère cadet de Tyèmogoba. Ce de~rrier
serait ainsi le fils de Ladyi.
A l'approc~e àe la saison humide
(mai-juin)
Famaghan leva le camp de Dramanédugu et entra à Sya.
Il
s'installa dans le quartier qui porte de nos jours le nom
de Kpon-bugu
(le quartier de Kong).
Il ne semble pas qu'il
ait livré des güerres pendant la saison humide.
D'après le~
traditions watara de BObO-Dioulasso, on pourrait situer les
(1)
Information recL;eillle dans les papiers
inédits du R.E'.
:-J€bert.
Peut-être faudr ait-il considérer Dauda comme l'un àes per~.~,r.nages
influents de Bobo-Dioulasso qui a retenu l'attention des t:Lélôitlona-
listes. A notre aVlS,
la création de Bobo-Dioulasso sera~t étroite-
men t
liée aLi commerce de Kong avec Dienné et dater ait du XVIe s i.~~cle,
probablement à l'époque de Ladyi Hahamudu.
(2)
Informations fous:nies par le grand-père de Gaoussou Ouattara,
Ban;adou
Ouattara
(enq....lêtes réalisées à Linguékro en mars 1976). Ces informations
ont été confirmées p·ar les Sanon
(cf.
Bour ayima Sanon, enquêtes d.u 22-
2-79)
et par les Vatara de Bobo-Dioulasso,
(cf. Dalig:niil-:i C'JUat"tara,
enquêtes du 4-3-79 à Bobo-Dioulasso, dossier xvIII).
(3)
Informations tirées d'un document inédit
du R.P.
Hébert.
456
véritables campagnes de Famagban dans la regl.on de Bobo-
Dioulasso entre la fin de l'année 1735 et le début de l'année
suivante. Il organisa méthodiquement la conquête du pays ~
Bua fut chargé de pacifier les pays Tyèfo ; Kèrè Mori reçut
pour mission d'étendre llinfluence des Watara vers l'ouest;
Karakara se chargea d r agrandir les anciennes. possession de
son. père. Famaghan garda auprès de lui Bamba pour la conquête
de la région de Bobo proprement dite. A en croire les tradi-
tions bobo, le pays était alors occupé par de paisibles pay-
sans qui ignoraient l'art de la guerre. Comme le souligne
Dominique Traoré, le pays Bobo était effectivement "presque
sans maître" (1 ). En troi s an s, di t Imam ~larhaba,
Famagha."l
"se trouva à la tête d'un immense territoire qui s'étendait
jusqu'à la frontière des états mosi" (2). La conquête du pays
Bobo se serait achevée vers i738. Cette date nous paraît ac-
ceptable. D'après Dominique Traoré qui n'est pas tenère avec
Famaghan, celu i-c i aur ai t
saccagé "les prov inces Comon·::s,
~·~igué, Dôgêssé, Sann-sanu, Niéniégué, Dafina, SaITiogo"(3)~
Les traditionalistes de Bobo-Dioulasso expliquent
le sucees de Famaghan par la supériorité de son armement:
"les gens d'ici, disait Marhaba possédaient
uniquement des lances et des flèches.
Famaghan
avait introduit une nouvelle arme, le fusil
qui crachait le feu et qui faisait àes ravages
da~s le camp des populations autochtones. Or
l'asmé€
àe Famaghan comptait 2.500 fusils
d'après ce que les vieux nous ont raconté" (4)
(1)
D. Traoré, op. cit., p.59.
(2)
Marhaba,
enquêtes réalisées à Bobo-Dioulasso le 30-2-19~9.
(3)
U. 7raoré, op. cit., p.59.
(4)
Imam !'larhaba, enquêtes du 2-3-1979, réalisées à Bobo-Dioulasso
àossier )(VIII.
457
L'arme
à feu semble avoir semé une véritable panique au
sein des populations J.ocales qui conféraient aux Vatara
une. puissance surnaturelle. On raconte que lorsqu'un prince
watara rencontrait des autochtones armés de flèches, ces
derniers se désarmaient et se constituaient prisonniers.
Ils étai~nt en effet convaincus que
Ml es \\iatara possédaient des pouvoirs magiqu€s,
des choses dangereuses qui empêchaient les
aanrnana de tirer sur la corde de leur arc. Si
un prince watara criait, disaient-ils, toutes
les choses qui étaient sur vous se coupaient,
tout se détachait, et il t'e~~enait avec lui.
Lorsqu'il regardait une maison en bois et
poussait son cri de guerre, la maisoI1
tombait.
Dix Vatara sans tirer le moindre coup de
fusil pouvaient capturer une centaine d'autoch-
tones. Ces derniers se réunissaient souvent
pour comploter contre les conquérant, mais
lorsq:Je l'un d'eux rencontrait unVatara il
allait,
sans qu'on le sollicite.
raconter à
ce d€rnier
tout ce qui s'était passé . . . n (i).
Les ·:urnes ct feu introdui tes par FamaghaD dans la
région de Bobo-Dioulasso eurent par conséquent un lmpact
considérable sur le moral des populations indigènes qui '.Ji-
vaient jusque là repliées sur elles-mêmes en autarcie.
Ccm~e
le dit Marhaba
"avant l'arrrivée de Famaghan chaque région
vivait sur elle-même
( ... ).
Si on prenait
:;uelqu'un sur un territoire étranqer, on le
taait et on prenait son bien.
L'arme à feu
à détruit ces barrières et permis ~ Fam2~han
de régner sur une multitude de V'''-,:=:l:è'des'' (2).
(1 i
lFiia!!' r-lërhaba, dossier XVIII,
2-3-1979.
dossier XVIII,
2-3-1979.
- - - - - - - - - -
-
. _ . -
- -
458
2. - Les campagnes de l'est
Pendant que Famaghan soumettait les populations
de la région de Bobo-Dioulasso, Karakara conquérait Kuba(l}
qu'il transforma en une base militaire. A partir de cette
dernière
il aurait soumis selon Ciré Ba,
-les Dyan, les Birifor, les Lobi et les
Dagar i Il (2) •
rI vint ensuite s'installer a Longoso avant d'aller combat-
tre les Gan et les Lobi de la rég ion qui avaient procLamé
leur indépendance après la mort de Zan Bakari. Les traditions
de Sungaradaga conservent encore quelques échos des guerres
de Karakara dans l'est. Dans ses conquêtes,
Rarakara se
serait montré sans pit.ié pour les populations des régions
aurifères(3). Il aurait soumis avec une extrême violence
les habitants de Poura et des environs. l ï
i-=>"T
- ---- aU!'àit
imposé un très lourd tribut en or. Il aurait par la suite
fait la conquÊte de toutes les terres situées sur la r::.ve
droite de la Volta Noire
jusqu'au nord de Bouna.
I~ 3wrait
même signé un traité de paix avec le souverain de Bouna(4)
avant de remonter à Longoso où il restaura l'autorité des
Watara qùi avait été compromise par la mort de son pere.
plus tard, à la demande de Famaghan,
il aurait fixé S2 rési-
(1)
Küba ét2:~ sltué à 25 km de Diébougou
1 Cir~ 2a Sia ou Bobo-D10ulasso, 2e édition texte dacty100~2phi~r
p.184,
(,jocument
inédit).
(3)
Les
v.atiira se sont
en effet intéressés aux mlne", ,j 'or du
LeOl
et '-le
Pocra. Tvutes les traditions que nous avons recueillies a Keng con-
flrme~t ce fait.
Zan Bakari,
le père de Karakara avait e~é tu~ en
tentant de çonqu~rir Poura et les villages voislns. Kala~ara ~OUidit
à la fois venger son p~re et contr6ler les richesses du pays.
(4)
Des traditionalistes de Kong confirment ce trait~ qui aur3.it ét.~
conclu entre Karakara et un roi de Bouna
; malheureusemer,t à Kong
comme à BobO-Dioulasso on ignore le nom du roi c;ut ré':inait d cette
époque i
BoUDa -
voir à ce sujet Basieri Ouattara,
enquêtec
réalisées à l\\on9,
le 25-3-1977.
45-9
dence à Di€bougou
afin de mieux surveiller les remuants
Dagari qui boudaient souvent l'autorité des \\fatara(l).
3. -
Les campagnes de Bua
Blla semble avoir combattu pendant un ou deux ans
aux côtés de Karakara, car c'est de Longoso qu'il fut
r~pelé par Famaghan pour se rendre au chevet de son père
Naké à NtmlUdagha ; probablement vers
1735-1736(2).
Bua, on le sait, avait été pris en otage d€s
son
jeune âge par Famaghan et conduit a Kong.
Depuis cette
date,
i l errait servi dans l'armée des hatara.
Son père
avait constl tué une importante cheffer ie tyèfo autour de
Numudagha. En 1735 Naké avait renouvelé san serment de
fidélité à Famaghan
; et il avait accepté que son fils
serve encore les Vatara. Mais la maladie l'obligea à raire
venir son fils aupres de lui.
"Bientôt le vieillard mourüt et EOüa l~~ succe-
dal/(]) •
D'après Ciré Ba
"0:'.
peut dire que c'est Boua qui
fut
le 'vÉrita-
ble fondateur de l'Etat tyèfo car
il
fit
des conquêtes et agrandit ainsi son domaine
gui se limitait aux villages habitÉs par 13
tribu tyèfo" (4).
(1)
Pour les conquêtes de Karakara,
voir surtout Pi.C:~;2ba. D'Ja:;:êŒèl enqu.e-
tes réalisées le 30-2-1979, à Sungaradaga, LE' 'ilr.c:: ~ûôji Quat:ara
de Kot~dougou (plus de 80 ans)
a confirmé le r~cLt dE Pia eoa. !ous
l'avons interrogé le 23-2-79, dossier XIII,
( 2;
Cf. El-Raj Sibiri, Numudagha le 2-3-1979.
(3)
,...c
"-L.
El-Haj Sibiri, Numudagha le 2-3-1979.
(4)
Ciré Ba, op. ci t. , p.231.
460
Il est difficile de se faire aujourd'hui une idée
de l'étendue de l'Etat tyèfo,
à ll avènement de Bua qui
portait le titre de Syé(l). D'après le Révérent Père Hébert
la. première capitale des Tyèfo aurait été vers 1700 kombiri-
guan
"situé vers Morobagasso à côté des Dorossié.
C'était la première capitale de-s Tyèfo après
Noumoudara.
Ce village n'existe plus de nos
jours. plus tard,
le chef de Kombirigouan se
mit d'accord avec le chef de Noumoudara
(village fondé par des forgerons
tyèfo d'où
le nom noumoudara), et ce chef de Kombirigouan,
village de purs Tyèfo devint le chef de Noumou-
dara,
car l'ancien village, mal situé, était
difficile à défendre et facile à attaauer par
surprise, comme les Tyèfo en f~~nt l~ dur~
expér ience" (2) .
I~ est possible que Naké vers la fin de sa vie ait
choisi d'installer sa capitale à Numudaqh~ pour àes raisons
stratég iq'...les.
D'après les traditions tyèfo, Bua fut U~ gran~
chef de 9'.lErre. Ciré Ba le fait régner pe,.dant q'JÇ.~re-v:nsts
ans(3).
Ceci est
invraisemblable.
Peut-être ces annees
. .
,
correspondent-elles à celles pendant lesquelles 11 .;; ~}'ecu.
LeE traditions de la région' de Kong, notamment celles de
Lingékro; disent gue Bua avait environ une trentaine d;années
au moment où il
rega.
ait son pays natal (~). Dar:s ces conèi-
tions, Sua aurait régné pendant une cinquantaine d'arnèes
(il
DIapres le R.P.
Hébert,
les Tyèfo lIùptJelai.ent sié,
l~ J.:3i~ph:.~! le
pre:nier
fils du roi" cf. Hébert,
"',,[loru
chef des 'l'yèf'_'',
G.l.r.,\\.r;.lL
LXX, n C 3-4,
1958, p.381. Nous avons montre: '_Liê Je:; "~:o-::
étQ~,=nt
issus de la grande famille des Nabé, originaires de Kon1.
~e
chef
des Nabé portait précisément le titre de Syé.
(2)
R.?
Hébert op. cit., p.381.
( 3)
CirÉ B.a,
op. ci t ., p. 231 .
(4)
Voir a CE sujet Gaou5sau OU3tt3ra,
enqugtes du 18-3-1977, dossier XI.
4-61
~ur les populations guer!' ières tyèfo (1735/1736-1785),. ce
qui constitue, à notre avis,. un très long règne(l).
Bua avait adopté à Kong le dyamu de ses maîtres,
le dyamu watara, i l l'imposa à son peuple.
Il demeura très
attaché à la dynastie d-es Watara et notamment à Famaghan
qui l'avait élevé comme -son propre fils.
Il semble avoir
porté l'Et~t tyèIO à s.on apogée.
(1)
Le R.?
E~bert, ct recutilli des traditions selon lesquelles BUd
aurait vécu effecti,ement 80 ans
(voir les papiers
inédits du
R • P. Hé be r t) •
46-2
4.
-
Les campagnes de KèIè t-lor i
a)
Le peI sonnage
Le souvenir de Kèrè-Mori demeure encore vivace
dans la mémoire des Watara de Kong,
et de Bobo-Dioulasso.
On le. présente généralement comme un guerrier légendaire.
Ce
filE de &eku étai t
né à Kong ver s '695. Il fu-t
conf ié trè.s tôt à Famag-han ql.li assur a son éducatiGn
guerrière. Comme tous les enfants de son âge,
i l fréquenta
les éccles coraniques de Riémini. Sanusi Turé,
le marabout
èe Famagban le pIit en affection et voulut er. faire :.1rl
r!là.rabout.
Famaghan senbie s'être opposé à cette idée maLs
i l lais.soa son jeune neveu sui -ne l'enseignement de Sa..-:usi
T\\.:rÉ pendant ses rnom-ents de loisirs.
Kèrè lvlori, dit-en,
r:'anifesta autant d'habilité poûr l'étude de
l'erab€:
S·.lê
?o'...!r le maniement des armes.
Il dût [réçuenter de nombre;..;x
éruci ts d·e .DiennÉ e-t. de Tombouctou qui visi taient ..Les ccu_rs
de Kong e~ de KiéDini
; outre le Coran qui ne le
,:!uittait jamais,
i l aur3.it possédé un exemplaire d'p.l-!-:uwat-
ta
de l'lalik ben Ana.s,
le
fondateur de l'école malikite!:).
(uoi qu!il en soit,
LI est présenté par les sources orales
de Kong et de Bobo-Dioulasso, comme un érudit, d'où son
su rnom de l'lor i
(lettré) _ Mais comme il aimait la guerre
le pou\\7oir et
, .
.
-
Etal!:
::e
sûrcrcît un brillant guerrier O~
l'appela Kèrè Mor::.
!2.~ (·lori qui s'occupait de la guerr,:,)
Kèrè Morl
semble avoir été l'un des plus vale~:~~x
guerriers watara dES Jrm~es de Seku Watara.
Les
tradi~~~n5
de Nasyan ont co~s~rv~ le souvenir de l'un de ses exploits
militaires.
c'étaIt au cours d'une guerre qu'il mena contrE
(1)
Informations rec~eillies auprès de Imam Marhaba le 25-3-19'S
à Bobo-Dioulasso.
463
un certain Kèrètigi(1), un mercenaire d'origine mandé que les
Palaka de Numbolo(2)
"avaient recruté pour piller les caravanes
dyula qui allaient ou qui revenaient du Woro-
dugu. Au cours de cette attaque, Kèrètigi
montra tant de courage et d'énergie qu'il
incita les Palaka aux combats. Aussi, ces
derniers avec leurs flèches empoisonnées cau-
skrent be-aucoup de morts dans les rangs des
Watara. C.raignant que la victoire ne p€..l1che
en faveur des Palaka, Kèrè Mor i qu i
cambatta.i t
aux côtés de Famaghan et qui n'avait encore
que 16 ans, sortit des rangs et s'enfonça dans
le c.amp ennemi malgré la puissance des tirs
des archers palaka. I l se présenta deva.nt
Kèrètigi et d'un coup de sabre fit voler sa
tête. La mort de Kèrètigi sema la panique dans
le c.amp des Palaka qui se mirent alors à.
prendre la fui te dans un désordre indescr ip-
tible. Rèrè ~cOri tua ce jour là à l1.:i seul
plus de 200 Palaka et il permi t
à FamaqhaIl ±e
rentrer à Kong avec au moins 1.000 captifs.
On e~posa 13 tête de Kèrètigi à Kong penda~t
plusieurs mois" (3).
A Kolon les traditionalistes ont entendu dire
"qu'à cause de sa force physique,
les gens le
craignaient et le respectaient" (4).
Tous les détails que nous avons recueillis au cours ôe
enquêtes laissent supposer que Kèrè Mori était bâti comme un
athl~te. Le fait qu'il passa toute son existence à fair2 la
guerre laisse SUpposer
qu'il
jouissait d'une excellente 53nt~.
(1)
K~r~tigi apparaît dans les sources que nous avons recueillies ~ Nasyan
comme un aventurier en au&te d'esclaves.
Il semblerait qu'il
2i-
v0~lu
se creer un petit état à l'ouest de Kong
(Informations recueLl~ies
auprès de lv:oustaphô Diabate ,Nasyan,
le 20-3-1976).
(2)
Numbolc était le nom d'une localité palaka aujourd'hui disparue et
que l'on situait ~ une centaine de kilomètres à l'ouest de Kong.
(3)
Extrait tiré d'un en~egistrement effectué auprès d'un notatle de
Limone,
Karamoko Douqoütigi
(enquêtes réalisées le 12 mars
1976:.
(4)
Voir a ce sujet Fisi.-ri Ouattara, enquêtes réalisées le
19-8-1974,
doss ier 1 II .
464
b)
Les guerres de Kèrè-Mori
En 1735 il acco~pagna Famaghan dans sa nouvelle
aventure avec l'espoir de se con~tituer une.principaut'. La
r'gion bobo ne lui ' t a i t pas étrangère. Il avait d'jà
combattu dans la. pays lors de la première campagne de Famaghan
(1715-1720). Décidé à s"tablir dans le. pays,
il avait cr"
à cette occcasion une base militaire à Sungaradaga. Il
allait mener ses campagnes en direction de l'est, vers le
K'néduçu.
Les traditionalistes de Sungaradaga racontent avec
beauc~ de passion ses campagnes contre les Dogcsyé, les
Tyèfo(l), les Vig' •.• Pour donner une id'e de l'importance
de son arm'e, les traditionalistes comparent cette derni~re
à un essaim d'abeilles. La renommée de K~r~ Mori d'passa
les fronti~res du pays bobo; aucun K~r~-mansa n'osait
s'attaquer à lui.
"Partout où il arrivait les dugutigi et les
dugukorodigi se pressaient sur son passage
en tenant un tokoloma(2)
dans la main gauche
et un poulet blanc dans la main droite en
guise de soumission"(3)~
K~r~ Mori semble ainsi avoir acquis la r'putation d'un
guerrier invincible qui bravait la mort. Au cours d'une en-
quête à Sungaradaga un
tradi tionaliste nous a di t
:
il "n'écoutait personne,
il ignorait le
danger et ne savait même pas qu'il était
mortel ll (4) •
(1)
Enquêtes réalisées le 2-3-79 à Numudagha auprès de
El-Hadj Siriri,
dossier XII.
(2)
Le tokoloma est un instrument en bois qui servait à La préparation
du miL Il est le symbole de l 'hospitalité et de la paix en pays bobo.
(3)
Informations recueillies auprès de Ali OUattara, à SUngaradag3,
le 14-3-1979, dossier XVI.
(4)
Cf. les informations recueillies auprès du traditionaliste Soma Ali,
le 20-3-1979, à Sungaradaga.
465
Il montait toujours un ch€val
blanc et noir et le bruit de
son fusil qu'il appelait Sangalan(l)
faisait trembler ses
enn€mis.
Comme il faisait trancher la tête de tous ceux qui
tentaient de s'opposer à lui, il est connu dans certaines
traditions orales sous le nom de Kun-tigèba,
le coupeur des
grosses têtes(2).
La gaîté régnait au sein de l'armée de notre conqué-
rant
chacune de ses troupes comportait de nombreux musi-
ciens, notamment les joueurs de balafons. L'armée de Kèrè
Mori comportait 23 balafons appelés balan et plusieurs
tungbana
(tam. -tams de guerre). Lorsqu'il partait en guerre,
il aimait s'entourer de nombreux griots qui chantaient ses
louanges,
ses bienfaits et ceux de ses parents afin que son
coeur se remplisse
de sitama
(joie, bonheur). Aussi,
son
chef des griots, Dyéri Bakari, ne le quittait jamais.
Kèrè Mori avait-il utilisé des femmes dans son
armke ? La chose parait plausible d'après les traditions
de Sungaradaga. Des descendants actuels de Kèrè Mori nous
ont dit
:
"Chez Kèrè Mori toutes les jeunes filles
montaient à cheval et participaient aux com-
bats. Les filles qui avaient des seins gros
comme le poing recevaient des chevaux et des
tenues de guerre,
le grand boubou et la culotte.
Ces filles combattaient avec autant d'ardeur
t:jue
les garçons . . . Il (3) .
(1)
Nous
ignorons le sens de ce mot: cf. Ali Ouattara,
Sungaradaga,
le 20-3-1979.
(2)
Informations fournies par de nombreux traditionalistes de Sungaradaga
lors de notre s~jour de 1979, dans cette localit~.
(3)
Informations recueillies auprès de Ali Ouattara en mars 1979,
dossier XVII.
466
L'armée de Kèrè Mori comportait aussi un nombre
considérable de palefreniers pris au sein des populations
soumises et affectés à l'entretien des chevaux àe l'armée
qui était, semble-t-il,
très imposante.
A la tête de cette importante armée,
Kèrè Mori
rétablit l'autorité des Watara dans le Turuka et le Folona.
En remontant vers le nord,
il arriva dans le Kénédugu où il
avait guerroyé autrefois(1).
Il conquit en trois ans
(1735-1738)
un vaste territoire qui reçut le nom de Ségé-
àugu(2)
du nom de sa capitale qui aurait été située non
loin de l'emplacement actuel de Sikasso. C'est de cette
localité que Kèrè Mari reçut de Famaghan l'ordre de le
rejoindre dans la boucle du Niger.
(1)
Voir à ce sujet la première intervention des Watara à l'ouest
de Bobo-Dioulasso vers 1715-1720.
(2)
Cf. Dominique Traoré, op. cit., p.59.
467
B.
L'EXTENSION DU GWIRIKO
1.
-
La marche vers la boucle du Niger
Tout le Gwiriko fut placé sous l'autorité de
Famaghan. Ce dernier apparut alors comme l'un des plus
grands chefs de guerre que l'Afrique Noire ait produit.
Il visita tous les territoires que lui,
ses généraux et ses
neveux venaient de conquérir.
Partout où i l passait on
l'acclamait et on l'honorait en lui donnant
~e titre de Fama.
Il commençait douc à croire aux paroles de son marabout
Turé Sanusi qui, dit-on,
lui aurait prédit un brillant
avenir(l).
Son principal griot Diabagaté Duga ne cessait
de flatter
son orgueil en le comparant,
à Sundyata Kéita,
l'Empereur du Mali médiéval(2).
Il n'est pas impossible
que Famaghan ait rêvé alors un moment de recu~stituer a son
profit les ancie~s L~pires du Mali et du Song2ï.
Q~Ol qu'il
en soit,
il décida d'étendre les limites au Gwiriko jusque
dans la boucle d~ ~iger. Il envoya un message à KèrÈ Mori
qui se trouvait dans le Kénédugu afin qu'il étende ses
conquêtes le plus loin possible vers le nord et lui fit part
de la décision qu'il venait de prendre.
Nous pouvons aujourd'hui,
grâce au Tedzkiret en
~isyan et aux sources orales locales,
reconstituer
la chro-
nologie de ces événements.
En effet,
le premier document
nous apprend qu'au mois de Jumada
(1152)
c'est-à-dire
septembre 1739 les gens de Dienné avaient reçu des nouvelle3
\\ i;
Sanusi Turé était originaire de Dyama,
un~ petlte Jocallte du Fuca
~oro. Il est considéré comme appartenant à la famille des Ture-gt~
c'est-à-dire qu'il descendrait des commerçants blancs gUl
~taient
~tablis au Moyen Age dans l'Empire du Mali. Il se serait installé
à Kong apr~s la prise du pouvoir par Seku et serait devenu le mara-
bout de Famaghan. Cf. Marhaba,
enqu~tes du 2-3-1979 à 30bo-Dioulasso.
Pour
l'étude des Turé-gbè voi.r Marty,
1920,
LII,
p.1V:;
;
V'_'L[
"usse
y.
F'erson,
1968,
L I ,
p.238).
(2)
InformatlorlS recueilliE5 auprès des ~~atara èe Kotèdoügoü
{Burkina-Faso)
en fpvrier
1979.
(Voir
le vieux LadJi Guattara).
468
~e l'arrivée des W-atara sur le territoire de Dienné. Au
mois brillant de Sha'ban
(novembre 1739)
les habitants de
Dienné apprennent que
"l'on avait intercepté les communications en-
tre Konba et Kobi ei Dienné •..
Le mercredi. 2
du mois brillant de Sha'ban
(4 novembre 1739)"
Famaghan et ses troupes arrivèrent aux environs de la ville
de Dienné
"si bien que les habitants ne pouvaient plus
se rendre à leurs marchés.
ris assiégèrent
la ville de Konba,
s'en emparèrent et s'y
installèrent, puis assiégèrent tous les
bourgs qui avoisinaient Dienné et aussi la
ville
de Bandashi"(1)
localité située a proximité de Dienné, d'après les sources
orales.
D'après les sources orales de Li~gé~ro confirmées
par celles de Sungaradaga, Famaghan aurait mis un an jour
?our jour, au prix de nombreuses guerres pour atteindre
Sofara(2). Nous pensons donc que Famaghan partit de Bobo-
Dioulasso en novembre 1738.
Ces nouvelles conquêtes avaient été menées simul-
t~niment par trois armees : celle de Famaghan dirIgée par
Suma-Ulé, celle de Ba~ba qui partit de Koro(3)
~t celle
dirigée par Kèrè ~lori gui s'ébranla à partir du futur Kénéèugu.
(11
Tedzkiret Er Nisyan,
p.112-113.
(
....) \\
\\ L..;
Four Lingékro voir Gaoussou Ouattara,
enquêtes reaLlsées le
20-S-78.
Pour Sungarad.:1(ja,
voir pigueba Ouattara et Soma Ali,
enc!,-,ètf's réali-
sees le
15-2-1979.
Pour l'exp~dition de Famaghan ~ Sofara nsus avons
utilisé les sources écrites détenues par
Imam Marhaba.
Cf.
Manuscrit
n'c 12.
{3i
~ocalite non loin de Bobo-Dioulasso.
4'9
Seule l'expédition de Kèrè-Mori a retenu' 'atten-
tion des traditionalistes.
Kèrè Mori mit deux mois pour faire ses préparatifs
i l s'approvisionna en vivres mais surtout en chevaux et en
combattants. D'après les traditions de la cour royale de
Kong,
il aurait reçu de son père Seku,
1.000 fusils et
bEaucoup de poudre(1). C'est ce qui expliquerait qu'à la
veille de son départ i l
"expédia à son père, en guise de don 2.500
esclaves dont 500 jeunes belles filles qui
firent l'admiration àes princes qui vivaient
à la cour royale de Kong"(2l.
rI est difficile de se faire une idée exacte du nombre de
guerriers que Kèrè JIo10ri conduisit vers le nord.
D:après
certaines versions recueillies à Sungaradaga,
i l serait
parti avec
"S.OOG fusils et un nombre incalculable de
lances et de flèches"(3).
Ceci ne nous renseigne pas sur les troupes dont disposait
le fils de Seku. Dans les traditions de Lingékro on relève
ce détail
:
"
Les descendants de Dyoridyan avaient
adopté la technique de combat de K~r~ Mari,
elle consistait à mettre 500 cav~liers en avant,
500 cavalies à droite,
500 cavaliers d
g~uche et
8ans
les grandes occasions
les
3. 1 :
Lyul~0yon
:::-t
IFS
Forteurs ('ie L"rovisic1n:=: ;c"'
.. ,Cc
;".-'llt.icns.
Le~; éFou~es du pr in:~e E?t le.· ;1..)-- u'r::; se
+:'rcuvaient au centre" (4).
(1)
Informations fournies par Karamoko Ouattara,
(roi actuel de Konq)
le 24-4-1976, dossier IV.
(2i
Informations recueillies auprès des notables de Süngaradaga e~
mars 1979. Voir à ce sujet Soma Ali, dossier XVI.
(3)
I:1formations recueill ies auprès du notable .l\\.nzoumana OUattara
enquêtes réaliséEs le 16 avril 1977 à Sungaraàaqa.
(4)
Informations fournies par Gaoussou ~~attara, le 18-8-1976.
470
Ceci donnerait la disposition suivante
500
500
500
Cavaliers
Cavaliers
Cavaliers
Gardes et
famille
royale
griots
1.000
1.000
1.000
Dyuladyon
Dyuladyon
Dyuladycn
r·:UJ1i ti on s
Provisions
Serviteu.rs
L'arm~e de K~r~ Mari aurait donc ~t~ constituée
par trois troupes réguli~res peu nombreuses et qui étaient
par conséquent très maniables. On peut donc penser que K~rè
Mori.partitau nord avec 4 à 5.000 hommes.
A la sortie du Ség~dugu, Kèrè Mori rencontra
l'hostilité des ~~nY~lka qui tentèrent de lui barrer le passage.
Il fut obligé de livrer bataille et de ravager une partie
de leur territoire. Nous avons eu en 1979, à Sikasso des
échos du passage de ~èrè Mori dans le pays minyanka.
Le fils
de Seku aurait
"brûlé des centaines de maisons et rédLïit FD
captivité plus de 5.000 Minyanka qu'il
traîna vers le nord pour les troquer cont~e
des chevaux" (1) .
(1)
Enquêtes
réalisées
auprès
de
Ahmadou
Kouyaté,
le
28-4-
~979 à
Sikasso
(Mali).
471
D'?près Dominique Traoré, une partie du pays minyanka ou
(mianka)
aurait été complètement saccagée.~). Le Minyanka
fut soumis à un lourd tribut en ho~es, en chevaux et
céréales. Le ~rince watara prit en outre en otage de nom-
breux fils d~ chefs qu'il garda auprès de lui(2}. Trois mois
après son départ il mit le siège devant la ville de Kutiala
qui se rendit après trois semaines de durs combats.
Le
fait qu'il ait ordonné l'exécution des principaux responsa-
bles de la ville tendrait à prouver qu'il a subi des pertes
énormes. Nous savons d'ailleurs, grâce aux traditionalistes
de Kotédougou, que le fils de Seku demeura plusieurs mois
à Kutiala avant de reprendre sa route vers le nord(3}. Ce
séjour. prolongé avait sans aucun doute un rapport avec les
combôts qu'il avait été obligé de livrer avant d'entrer
dans la ville. La brutalité avec laquelle il traitait les
vaincus ne semble pas avoir découragé pour autant ses
adversaires. En effet, à la sortie. des territoires de Kutiala,
il se he~rta aux populations du Bendugu qui mal encadrées
se firent massacrer en grand nombre.
pour
échapper à la
mort beaucoup de chefs du pays se réfugièrent dans la régio~
de Segou(4). Kèrè Mori, dans sa colère,
fit ravager une
grande partie du Bendugu et s'empara de la ville de San qui
n'opposa pratiquement aucune résistance. En effet le chef
de San, le mansa Sulayman qui venait de prendre le pouvoir
à la mort de son frere Musa et qui luttait depuis plusieurs
mois contre son oncle Dyara qui tentait de lui ravir le
pouvoir,
l'ùccueillit a bras ouverts. Dans ces conditions,
on comprend pourquoi il se plaça sous la protection de Kèr~
(1)
Domini~ue Traoré, op. cit., p.59.
(2)
Les traditions de Sungaradaga conservent des souvenirs de ces
opérationE militaires.
(3) Voir à ce sujet, le vieux Ladji Ouattara, enquêtes réalisées le
23-2-1979, dossier XIII.
(4)
Informations recueillies auprès de Labi Saganogo,
le 17 juillet
1978 à BouakÉ.
472
Mori et accueillit avec joie Ifarrivée de ce dernier gui
l'aida à se débarrasser des opposants(1). Sulayman se
montra reconnaissant envers son bienfaiteur ~
i l procura
des chevaux et des guerriers. On assure que Sulayman et
Kèrè Mari se lièrent d'amitié et que deux des fils du chef
de Sarl, Sor i
et Bakar i
se seraient engagés dans l'arlf\\ée
du Drince watara •
. ~
Kè-rè Mori était sur le point de quitter San lors-
qu'une caravane de marchands qui venaient de Bobo-Dioulasso
arriva dans la ville.
rI s'informa auprès de ces derniers
et apprit que Famaghan et ses bOrrLTIles n'étaient plus qu'à
trois jours de marche au sud de San.
rI envoya de ce fait
des messages à son.oncle qu'il appelait affectueusement
~l'Fa (mon père) pour le prévenir qu'il était à San. c'est
donc dans cette dernière localité que l'armée de Famaghan
cornrnanèÉe par Bamba et celle de Kèrè Nor i
f ir en t
leur
j onc-
tion.
En tenant compte des données du Tedzkiret en Nisyan
on. peut penser que cette jonction a été réalisée en juillet-
août 1739. Kèrè Mori avait dû arriver dans la ville au
moins un ou deux mois auparavant
(juin-juillet 1739).
C'est,
semble-t-il,
au début du mois de septembre
que les deux armées sous la direction de Famaghan marchèrent
cOntre la ville de Dienné.
Il fallait en effet aux hommes
de Famaghan quatre ou cinq jours pour parcourir la distance
qUl sépare San de Dienné soit environ quatre-vingt.kilornètres.
2.
-
Les guerres dans la boucle du Niger
(1)
Nous avons trouvé les 2eilleures informations sur ce point auprès
de l'imam Marhaba.
473
Pour l'étude des guerres que Famaghan réalisa
dans la région de Dienné nous bénéficions d'une information
capi tale fourn ie par l 1 auteur du Tedzk iret en Nisyan
qui
écrit à ce sujet
"Au mois de djomada II
(5 septembre -
4 octobre
1739)
on reçut de DiennÉ la nouvelle que
l'armée des ouankoré
(Dyula)
était parvenue
sur le territoire de Dienné.
Au mo_is brillant
de Sha'ban
(3 novembre -
2 décembre 1739)
nous
fûmes
informés que lion avai t
intercepté les
communications entre Konba et Kohi et entre
Dienné
( . . . )
Le mercredi 2 du mois brillant
de Sha'ban
(4
novembre 1ï39;
( ••• ) on reçut
de Dienné la nouvelle que le2 uDupes de
Farr.aghan,
le ouankoré,
étaient arrivées aux
enVlrons de la ville et en ér.aient tout à fait
rapprochées.
si bien que les habitants ne
pouvaient pl.ls se rendre à leurs marchés.
Les
ouankoré a551~g~rent la ville de Konba,
s'en
emparèrent et s'y installèrent, puis assiégè-
rent to""s les bourgs qui avoisinaient Dienné
et aussi
~a ,ille de Benkac~i~ (1;.
Le Tedzki:et E" Nisyan nous apprend ainsi gue les
étaient sur
le territoire de Dienné en set:tembre
1739.
Cette précision est très
importante car ce fut seu-
leffient à partir d~ mercredi 2 du mois brillant de Sha'ban
(4 novembre
1739)
gue les \\fatara assurèrent leur superlo-
rit~ sur les tro~pes gui dÉfendaient la ville de DiennÉ.
Le Tedzkiret en Nisyan
ne nous donne aucune
indication
sur
les trG~pes qui tentèrent de s'opposer à l'avance des
V3tara.
Il ~e falt cependant aucun doute qu'il s'agissait
,..... ,'
, ....,..:
FachaliK de Tombouctou gui avalt pOlir mission
~'a~sur~r ~a séCLrité de l'ensemble des territoiresl2l.
;!:
'reozk~ret en t,ii.syap., p.112-113.
(2)
Famaghan eüt à lutter contre le pacha Sa'id
b Mansur-Sanibar
QI-Zc'rl qui régna de novembre 1738 à avril 1740. cf. MLchel Abitbol.
Tombouctou et Les Arma,
Paris,
1979, p133-134 et 253.
474
-?\\près environ deux mois de résistance les armées du Pachalik
avaient été complÈtement mises en déroute laissant prati-
quement sans défense Dienné et Tombouctou, les d€ux
grandes
métrC?poles de la boucle du Niger. Que fit Famaghan après
sa brillante victoire sur les forces du Pachalik? L'auteur
du Tedzkiret en Nisyan est muet sur ce point. Pour savoir
ce qui s'était passé il faut recourir aux sources orales de
Kong et de Bobo-Dioulasso qui ont conservé un souvenir
inoubliable de l'aventure de Famaghan dans la boucle du
Niger.
a)
D'après les versions de Bobo-Dioulasso(l)
Les traditionalistes de la région de BobO-Dioulasso
distinguent deux pbases dans la conquête des territoires
de Dienné. Dans la première phase de la conqùête, Famaghan
se serait intéressé essentiellement à la ville de Dienné
à cause de ses ac,tivités éconCIniques. Il aurait envoyé aux
p,?pulations de cette localité des messages àe paix apres
sa victoire sur les troupes de Cienné
• Dans ces messages
il expliquait les raisons de sa présence dans le pays;
il
voulait, disait-il,
assurer la sécurité des routes entre
son, pays et les états fournisseurs de sel et de chevaux.
Il
aurait même fait porter au cadi et aux imams de la ville
de nombreux cadeaux parmi lesquels figuraient pl~sieurs
centaines d'esclaves.
D'après les vieux de Bobo-Dioulasso,
les autorités de la ville auraient accueilli avec beaucoup
de chaleur Famoghan et les prlnces watara qui ne firent
(1)
Nos enquêtes ont ~te réalisées enl~ïï et en 1979, surtout à Bobo-
Dioulasso,
à Kotédouoou a S",n':jar adaga auprès d'une centaine de person-
nes environ.
475
.aucun mal aux uléma et aux négociants. Famaghan aurait même reçu
en guise de dons
d 'hospi tali té de nombreux chevaux et des
vêtements d'apparat.
La seconde .phasede la conquête se serait carac-
térisée par l'installation des \\ratara au nord de Dienné.
Les autorités de Tombouctou effrayées par le déploiement des
tro~pes de Famaghan en direction du nord expédièrent
contre lui une puissante armée qui fut écrasée à une cin-
quantaine de kilomètres au nord de Dienné. A cause du nombre
de chevaux que Famaghan, engagea pour la bataille, la
~ localité o~ se dérodèrent les opérations militaires fut
b~ptisée So~ara. Ce mot veut dire littéralement les chevaux
sont ras~asiés(l) .
Cette localité aurait été connue aut~e
fois sous le.nom de Kaka(2). Selon les traditions de Bobo
et de Kong,
à la fin de la bataille
"Famaghan compta ses chevaux et ne trouva que
700" (3)
.
1
or il àut~engager dans cette bataillE avec plus de 3.CeO che-
vaux;
les. pertes furent donc considérables dans les deux
ca~ps. Suma ulé fut véritabl~ment le héros de cette guerre.
b)
D'après les versions de la région de Kong(4)
Les traditions historiques que nous avons recueil-
lies à Kong recoupent sensiblement celles que nous avons
relevées à Bobo-Dioulasso. Mais elles insistent surtout
sur le fait que Famaghan voulait conquérir la boucle du
- - - - - - . -_._._._-------
(1) Voir Pernus, op. ciL, p. 2')6. D'après le contexte les chevaux
étaient épuise:-
(2) Ce détail a été fourni par Soma Ali en février 1979 à Sungaradaga.
(3)
Pour Bobo, voir Soma Ali, enquêtes de 1979
i
pour Kong voir
Basièri Ouattara, enquêtes de 1977.
(4) Nos enquêtes à Kong ont été réalisées entre 1975 et 1978. Nous
avons surtout travaillé avec Karamoko OUattara, Basièri Ouattara,
Pigneba Ouattara, Bassoumaila et Labi Saganogo.
476
Niger afin de mieux contrôler la sécurité des voies cara-
vanières. Cette idée aurait été bien accueillie à Dienné et
à Tombouctou par les milieux d'affaires qui éprouvaient
de. plus en plus de difficultés pour acheminer leurs mar-
chandises vers le sud à cause des brigands qui razziaient
les caravanes. Mais elle se heurta à l'~pposition des au-
torités de la boucle du Niger, d'où les nombreuses guerres
que Famaghan eut à livrer dans la région;
l'une des plus
i~portantes d'entre elles aurait été la bataille de Sofara
qui vit l'éclatante victoire des Watara. Cette victoire
i~posa, dit-on, l'hégémonie de Kong dans la boucle du
Niger. Personne désormais ne songea à contester l'autorité
des Watara durant le règne de Famaghan
(1735-1750).
Les traditions que nous venons de présenter illus-
trent les ambitions hégémoniques de Famaghan qui voulait
régner sur une partie importante de l'Afrique de l'Ouest.
Issu d'un milieu dyula,
il sut concilier ses intérêts
guerriers avec ceux du monde des affaires et des lettrés.
C'est ce qui expliquerait, à notre avis, le fait qu'il
épargna les populations de Dienné et de Tombouctou.
Il sem-
blerait d'ailleurs que ce qui intéressait Famaghan c'était
avant tout le contrôle des voies commerciales. L'installa-
tion des troupes de Famaghan au nord de Dienné n'était
certainement pas un fait du hasard. Sofara devait être, à ~
notre avis, un carrefour important pour le'sel saharien mais
aussi et surtout pour les chevaux que le Masina destinait
aux. pays Dafin ou Mosi. La présence des Watara à Sofara a
eu certainement pour conséquence de détourner le commerce
des chevaux du Masina vers Kong et Bobo-Dioulasso, les deux
centres vitaux de l'Empire des watara.
Ce dernier fait avait sans aucun doute un rapport
avec les guerres que les Watara menèrent contre Ségou,
Kangaba
(ancien Mali)
et le Fuladugu. Le contrôle du commerce
477
de Dienné avec le sud et
l'installation d'une base mili-
taire à Sofara permettaient aux Watara de recevoir réguliè-
rement des chevaux pour leurs armées. La présence des
Watara dans la boucle du Niger assura la sécurité des voies
caravanières entre Kong et Dienné et par voie de consé-
quence elle intensifia le commerce de la kola, de l'or,
des chevaux, des tissus et des esclaves entre ces deux
grandes métropoles. On comprend dès lors pourquoi la loca-
lité de Sofara tient une grande. place dans les traditions
orales de Kong et de Bobo-Dioulasso. Pour les Watara
d'aujourd'hui,
aussi bien 9uepour ceux de Bobo-Dioulasso
et que. pour ceux de Kong, Sofara évoque le passé glorieux
de leurs ancêtres.
Il est devenu un symbole, celui d'un
grand. peuple qui a dominé pendant longtemps une partie
i~portante de l'Afrique Occidentale. Sofara apparaît dans
les sources orales comme l'un des plus grands exploits
militaires jamais réalisés par un souverain nègre. La
mainmise de Famaghan sur Dienné et Sofarapermettait en
effet à Seku Watara d'étendre son autorité depuis l'Anno,
jusqu'à une partie de l'ancien Empire du Songai. Nous
verrons aussi que l'un des fils de Seku, Kèrè Mori cherchera
à intégrer à l'Empire des Watara une partie de l'ancien
Empire du Mali.
En un mot, Sofara évoque la grandeur, la puissance,
l'apogée de Kong ou plus exacte~ent de l'Empire desWatara.
Au cours de nos recherches, nous avons remarqué
que les commerçants de la région de Kong éprouvent, eux
aussi, beau~oup de nostalgie en parlant de Sofara, à cause
sans doute de la sécurité que les Watara offrirent aux
négociants de Kong et de Bobo-Dioulasso. D'après certains
témoignages que nous avons recueillis à Kong,
l'installation
des Watara à Bobo et à Sofara supprima pendant de longues
478
années le brigandage sur les pistes(1). Le guerrier watara
aurait été considéré à cette époque comme le défenseur du
colporteur.
De leur côté, les marabouts ne cachent pas leur
fierté en. parlant de la victoire des Watara à Sofara.
Ils
estiment à tort ou à raison que leurs ancêtres ont joué un
grand rôle dans les succ~s militaires de ces derniers par
les.pri~res et les pratiques magiques. A ce titre, ils con-
sid~rent la victoire de Sofara comme étant avant tout celle
des grands marabouts de l'époque(2) , les karamogo.
On comprend pourquoi la victoire de Famaghan à
Dienné et à Sofara avait donné lieu à de nombreuses réjouis-
sances à Bobo-Dioulasso et surtout à Kong. Les vieux racon-
tent que Seku Watara organisa une grande fête en l'honneur
de Famaghan et distribua à cette occasion beaucoup de
cadeaux aux marabouts de la région.
A Sofara même, Famaghan sut se montrer généreux
envers ses neveux et ses généraux.
"Il les combla d'or et leur offrit de belles
étoffes de soie qu'il fit venir de Tombouctou
tous les guerriers qui combattaient dans ses
troupes reçurent chacun un cadeau . . . "(3).
Apr~s la prise de Sofara, Famaghanpassa quelques
mois dans la boucle du Niger avant de reprendre la route
de Kong. On se demande aujourd'hui pourquoi Famaghan, dans
(1)
Voir à ce sujet les familles Baro de Kong dont l'activité essen-
tielle était le commerce et le tissage.
(2) Les deux grands défenseurs de cette thèse sont Mamadou Labi et
l'imam Marhaba de Bobo-Dioulasso. Ce dernier n'hésite pas à intro-
duire à la cour de Famaghan des ancêtres Saganogo, ce qui est faux.
(3)
Imam Marhaba, enquêtes réalisées le 13-3-1979, à Bobo-Dioulasso.
479
ses conquêtes vers le nord,
s'arrêta à Sofara sur la rive
droite du Bani? A en croire Dominique Traoré,
le fleuve
Niger lui aurait barré le passage(l). Nous trouvons les
échos de cette tradition auprès de certains karamogo de
la région de Bobo-Dioulasso. Ainsi, d'après Imam Marhaba,
Famaghan aurait rebroussé chemin à la demande de ses mara-
bouts qui se trouvaient trop loin de leur base.
Dans cer-
taines traditions africaines en effet,
i l n'était pas rare
de voir un marabout déconseiller à son roi de franchir
tel ou tel grand fleuve(2).
Il n'est donc. pas invraisem-
blable que les marabouts aient joué un r81e dans la décision
prise. par Famaghan de regagner Bobo-Dioulasso. Mais i l
faudrait ajouter à cela une raison importante
les
insurgés de Ségou le sollicitaient pour qu'il intervienne
contre le roi de Ségou.
Pendant que Famaghan fêtait la victoire de Sofara
sur les rives
du Bani, une ambassade arriva dans son
camp(3). Elle comprenait une centaine de princes parmi les-
quels figuraient la plupart des fils des chefs qui venaient
de se révolter contre le roi de Ségou, Biton Mamari Kuri-
bari. La délégation était conduite par l'adversaire le
.plus acharné de Biton, Mamadu
Buari(4),
le chef de Kirango.
D'après certaines traditions,
la délégation se serait
d'abord rendue à Kong, et ce serait Seku Watara lui-même
qui aurait dirigé l'ambassade auprès de Famaghan qui guer-
(1) Voir D. Traoré, op. cit., p.59.
(2) On pense que la mort de Tyèba, le roi du Kénédugu au XIXe siècle
était due au fait qu'il avait désobéi à ses marabouts en traversant
un fleuve pour aller combattre les watara de Bobo-Dioulasso.
(3) Les informations que nous avons recueillies sur les relations de
Famaghan avec Ségou et les régions voisines viennent uniquement de
Sungaradaga. Les traditionalistes de Kong sont muets sur la plupart
de ces questions.
(4) Ce personnage mentionné dans nos sources orales pourrait être le
Mamadou Boaré de Charles Monteil: cf. Monteil, Les Bambara ... ,
1977, p.43.
480
royait à cette époque dans
la boucle du Niger(1). La chose
en soi ne paraît pas invraisemblable, mais i l faut cependant
souligner que les traditionalistes de Kong rejettent caté-
goriquement cette hypothèse (2) • Tout.porte à croire que
la délégation était arrivée directement de la région de
Ségou pour. prendre contact avec Famaghan. Le but de cette
mission était d'obtenir l'appui des forces. watarapour
renverser Biton Kuribari qui tyrannisait les populations
de la région de Ségou. Mamadou Buari aurait donné, au
nom
des r~belles, une très grande quantité d'or à Famaghan(3).
Famaghan accepta l'9ffre en question, espérant que ses
hommes viendraient à bout très rapidement des forces de
Biton. Cette dernière perspective qui semblait alléchante
contribua à diriger les forces watara vers l'ouest.
Il
faut cependant souligner que seule une partie de l'armée
du Fama du Gwiriko prit le chemin de Ségou où l'on croyait
que Biton Kuribari n'allait pas opposer une grande résis-
tance aux forces watara. Famaghan allait se rendre à Bobo
où la. présence de Molo lui faisait craindre une insurrection
de la. part des Bobo-Dyula. Les traditions orales nous
renseignent à ce sujet sur les rapports entre Molo et
Famaghan.
3.
- Le retour de Famaghan
a)
D'après les versions watara de Kong(4)
(1) Cette information a été fournie par Anzoumana Ouattara le 16 avril
1977 à Sungaradaga.
(2)
Les princes actuels de Kong ignorent tout de cette ambassade.
D'après Karamoko Ouattara, cette affaire ne devrait pas concerner
Kong, mais le Gwiriko.
(3) Enquêtes réalisées à Sunga~adaga le 16-2-1979, dossier XIV. Cf.
aussi C. Monteil,
1977, p.40-41. Monteil fixe le montant à
"300 gros d'or".
(4) Ces versions ont été essentiellement recueillies à Sungaradaga
et à Kotédougou en 1979.
481
Molo, grâce à son intelligence et à ses habiles
manoeuvres,
avait réussi au bout de quelques années à
gagner la confiance de Famaghan. Les vieux Watara de la
région de Bobo-Dioulasso affirment que Famaghan l'appré-
ciait beaucoup et qu'il n'eut jamais à se plaindré de
son serviteur. Molo avait participé à la grande aventure du
nord.
Il nourrissait cependant l'ambition de régnei aussi
sur les peuples bobo.
Il aurait réussi à convaincre le
conquérant Famaghan de lui "vendre" les territoires dont
il faisait la conquête dans la région de Bobo. Molo aurait
"acheté" ainsi à Famaghan(l)
de nombreuses provinces bobo.
Bamba, l'esclave de Seku,
avait tenté vainement de s'opposer
à ce. projet qu'il qualifiait de funeste. pour l'avenir du
Gwiriko. Mais Famaghan qui était aveuglé. par la personna-
lité de Molo ne l'écoutait que d'une oreille distraite. A
Sofara Bamba mitKèrè Mori au courant des agissements de
son oncle. Kèrè Mori, dit-on,
aurait tenu un véritable
conseil de guerre au cours duquel il reprocha à son oncle
de "vendre ll des terres acquises par droit de conquêtes à
Molo Sanon qu'il considérait comme l'esclave des watara.
"Voudrais-tu que plus tard nos enfants devien-
nent les esclaves des Sanon, aurait-il
ajouté"(2).
.
Le terme "vendre" utilisé par les traditionalistes watara
et bobo-dyula nous paraît impropre. En réalité Molo Sanon
semble avoir reçu de Famaghan, moyennant des sommes
importantes le droit de gérer les provinces bobo. Quoi qu'il
en soit
(1)
Si ces informations sont exactes, Molo devait donc être extrêmement
riche.
(2)
Soma Ali, Sungaradaga, le 3-3-1979.
482
Molo qui avait eu vent de ce qui s'était passé
entre Famaghan et ses neveux prit peur
;
il quitta la
nuit même Sofara et. prit la route de Bobo-Dioulasso.
Mais les traditions watara n'associent pas le
d~part de Famaghan à la fuite de Molo. Nous pensons au con-
traire que Famaghan craignait un soulèvement des Bobo
contre son autorité. c'est ce qui expliquerait qu'il partit
de Sofara avec une forte escorte. Ceci dut se passer pro-
bablement vers le début de l'année 1740. Les versions sanon
confirment cette inquiétude.
b)
D'après les versions sanon de
Bobo-Dioulasso(1)
Les Sanon reconnaissent que Molo avait accompagné
Famaghan à Sofara mais ils ne mentionnent pas son départ
précipité de.cette dernièFe Tocalité.
Ils reconnaissent en
outre que leur ancêtre "achetait"
les villages conquis par
Famaghan et que cela suscita la colère des autres \\/atara.
Voici comment ils présentent les faits. Molo était l'associé
de Famaghan dans les guerres que ce dernier livrait dans le
pays. A ce titre il avait droit à une part importante des
prises de guerre. Comme il voulait devenir le ma1tre des
provinces bobo que Famaghan avai~
conquise.,
il renonça
à sa. part du butin et versa en outre une très forte somme
au conquérant watara après chaque campagne. Plus tard,
Famaghan,
sous la pression de ses neveux et surtout de Bamba
aurait tenté de reprendre les pays en question, mais les
Sanon surent conserver leurs biens et devinrent ma1tres d'une
partie importante du pays bobo après le retour de Molo de
Sofara.
Ils reconnaissent que cette affaire est à l'origine
(1)
Ces informations ont été recueillies à Bobo-Dioulasso en 1979, au-
près de
~olo
Sanou et Bouraima Sanou ... Les traditions Sanou et
watara
ont été confrontées à celles des Saganogo, Diabagaté et
aux autres traditions Bobo de la région.
483
des différents conflits qui les opposèrent autrefois aux
hatara de Kong et de Bobo.
Bien que les traditions sanon ne le disent pas,
il est vraisemblable que Molo dut rentrer. précipitamment
de Sofarapour tenter de soulever les Bobo contre la présence
des Watara dans le pays. Dans ces conditions, Famaghan
n'avait. pas du tout intérêt à s'attarder. plus longtemps dans
la boucle du Niger.
Une deuxième raison poussait aussi
Famaghan à arrêter momentanément sa progression vers le
nord.
c)
La menace ashanti(1)
D'après le roi actuel de Kong, Seku Watara,
"bien avant la conquête du Gyaman avait flairé
le danger ashanti.
rI envoya un Finminabagari
auprès de Famaghan pour lui demander de venir
à Kong avec ses troupes. Famaghan vint à
Bobo-Dioulasso, expédia des combattants à son
frère, mais refusacle,venir combattre pour le
compte de Seku"(2).
Nous avons des échos de l'appel lancé par Seku Watara dans
les sources orales que nous avons recueillies à Bobo-
Dioulasso.
D'après l'imam Marhaba,
"le danger ashanti obligea Famaghan à revenir
à Bobo-Dioulasso, mais il refusa d'aller com-
battre à Kong" (3).
(1)
Nous reviendrons plus ta r d sur le danger ashanti.
(2)
Karamoko Ouattara, Kong,
24-10-1977.
(3)
Imam Marhaba, Bobo-Dioulasso,
2-3-1979.
484
Pingueba Ouattara(1} n'hésite pas à dire que le
refus de Famaghan d'aller combattre les Ashanti fut à
l'origine de la rupture entre les deux fr~res.
Quoi qu'il en soit, Famaghan allait prendre une
grave décision en engageant une faible partie de son armée
contre Biton Kuribari qui n'allait pas hésiter à faire
appel aux Fula.
4.
- Les watara attaquent Ségou
Curieusement, les sources watara ne donnent pas
de détails précis sur les guerres qui oppos~rent les Watara
à Biton Kuribari. Tout se passe comme si les armées de
Famaghan avaient eu seulement à lutter contre le Fuladugu.
Les Watara veulent-ils taire leurs défaites contre Ségou ?
La chose n'est pas impossible; mais il est aussi imagina-
ble qu'à l'approche des forces watara,
Biton qui avait fait
appel de son côté au Fuladugu, se soit enfermé dans la
ville de Ségou, laissant aux Fula
(Peul)
le soin de lutter
seuls contre les redoutables guerriers watara. Ceci expli-
querait à notre avis le silence des sources orales de
Bobo-Dioulasso à propos des guerres contre Biton Kuribari.
Les sources orales de Kong paraissent ignorer
totalement les guerres que Famaghan et son neveu K~r~
Mori organis~rent à l'ouest et au nord-ouest de Dienné.
Les Dyula de Kong préoccupés par leur commerce
avec Dienné,Tombouctou, les pays lobi, et l'Anno semblent
(1)
Pingueba Ouattara
(70 ans en 1979), petit-fils de Ptny~ba (enquêtes
du 24-2-1979).
485
avoir accordé peu d'intérêt aux campagnes de Famaghan qui
se déroulaient en dehors des voies commerciales qu'ils
e~pruntaient quotidiennement. Tout ce passe comme si Kong
avait été coupée à un moment de son histoire de tout ce qui
se. passait à l'ouest de l'axe Kong-Sikasso-San-Dienné.II
faut reconnaître qu'à cette date les autorités de Kong
avaient les yeux tournés vers la menace ashanti qui risquait
du jour au lendemain de s'abattre sur le métropole dyula.
Tout ceci explique le fait que l'on soit mal informé sur les
campagnes
qui allaient se dérouler dans le Haut-Niger.
Seul un détail, contenu dans les sources orales que
nous avons recueillies auprès de deux notables, Basièri(1)
et Mamadou Saganogo Labi(2), révèle que Bamba sollicita
l'aide de Kong pour se dégager des Peul qui depuis plusieurs
années lui barraient la route de Sofara. Les deux traditiona-
listes précisent par ailleurs que les fils de Seku refusèrent
de lui envoyer des troupes et qu'il ne parvint à échapper
aux Peul que grâce au COncours de Suma-Ulé qui avait
accepté d'aller le secourir. Ce sont les seules indications
de la lutte des
Watara contre
les Peul que nous ayions
trouvées dans les sources orales de Kong. La présence des
watara dans la région de. Ségou et dans le Haut-Niger nous
est connue uniquement par le recoupement des sources orales
de Bobo-Dioulasso avec les traditions locales des pays
concernés. Ces dernières ont été recueillies,
soit par
Delafosse(3) , soit par Charles Monteil(4) , soit encore par
-(1)
Enquêtes réalisées à Kong le 18 août 1978, dossier XIV.
(2)
Enquêtes réalisées à Bouaké le 18 juillet 1978, dossier XIV.
(3)
Delafosse, Haut-Sénégal-Niger. Larose,
Paris,
1912, t.II, p.283.
(4)
Charles Monteil, Les Bambara du Ségou et du Kaarta,
(1924)
p.39-44.
486
L. Tauxier(l). A partir de l'ensemble de ces traditions et
des travaux récents tels que ceux de Levtzion(2)
et de
Sauvageot(3) on peut reconstituer les guerres des Watara
à l'ouest et au sud-ouest de Dienné.
a)
Ségou à la veille de la guerre
contre les watara
Vers 1740, Mamari Kuribari traversait,
semble-t-il,
une période difficile. Après 30 années de règne ponctuées
par des exécutions sommaires, la population manifestait une
certaine lassitude. L'on sentait gronder. partout le mécon-
tentement.
Ses plus fidèles alliés étaient déçus et prêts
à le trahir. Ceci l'amenait à commettre les. pires exactions.
L'une d'elles nous est relatée par Charles Monteil à propos
du massacre des gens de
"Doukounna et de Eanan-
koroni ses plus anciens
et fidèles auxiliaires".
Il "leur demanda d'envoyer auprès de lui, à
titre permanent leur "vieux"~ dont il voulait
s'entourer comme d'un séant qu'il consulte-
rait dans toutes les occasions. Les "vieux"
acceptèrent de demeurer auprès de lui durant
la saison sèche, mais ils entendaient rentrer
chez eux en hivernage, pour veiller sur leurs
intérêts, non moins que sur leurs gens"
( . . . )
Mamari "ne pouvant vaincre la résistance des
"vieux", résolut de la briser.
Dans la cour de
sa maison,
il fit creuser un puits profonè
ensuite il manda les "vieux" récalcitrants
pour, disait-il, les entretenir d'affaires
urgentes. Quand ils furent arrivés, Mamari leur
expliqua que, pour mieux connaître leurs sen-
timents sur les questions qu'il voulait leur
soumettre,
il désirait les entretenir deux par
deux. Les "vieux" refusèrent. Alors,
sur un
(1)
~. Tauxier, Histoire des Bambara, 1942, pp.49-93.
(2)
N. Levtzion,
1971, p.61-62.
(3)
S. Sauvageot, contribution à l'histoire du Royaume Bambara de Ségou
(XVIII-XIXe siècle) Thèse complémentaire de Doctorat ès -
lettres
d'Etat, Université de Paris
(1965), p.161 et suiv.
487
signe de Mamari, des hommes apostés à cet
effet se précipitèrent sur l~s "vieux", les
massacrèrent et jetèrent leurs cadavres dans
le puits qui fut ensuite bouché. Les "vieux"
étaient, dit-on 740 et la tradition ajoute
que, depuis cette époque, les gens de Doukounna
et de Banan-koroni qui arrivent à ségou le
soir n'y passent jamais la nuit" (1).
Mamari qui voulait certainement faire un exemple
réduisit au rang d'esclaves tous les jeunes gens de ces
localités qui servaient qans son armée. On les rasa et on
les coiffa à la façon des
~bn-dyon c'est-à-dire avec seu-
lement
"deux mèches sur le sinciput"(2).
Charles Monteil rapporte aussi qu'il imposa a
chacun des villages de son Etat une contribution de 100
hommes pour constituer sa garde personnelle(3). Tous ces
assassinats et ces mesures arbitraires poussèrent les ad-
versaires de Mamari à s'organiser et à engager contre lui
une lutte sans merci. Les centres qui prirent la tête de
la rébellion semblent avoir été Doukounna et Banan-koroni(4).
D'après Monteil,
"les gens de Doukounna et de Banan-koroni, ne
pouvant lutter ouvertement s'efforcèrent
cependant de tirer vengeance de Mamari. A cet
effet,
ils firent cause commune avec les gens
de Doua(S)
: un homme de Doukounna,
assisté
d'un homme de Doua porteur de 300 gros d'or
alla à Kong pour demander une armée de secours
(1)
C. Monteil, op. cit., p.39-40.
(2)
Ibidem,
op. cit., p.40.
Ton-dyon
guerriers
(3)
Ibidem,
op. ci t . ,
p. 40.
(4)
Banakoroni se trouve à une vingtaine de kilomètres au sud de Ségou.
Doukounna devait être situé non loin de cette dernière localité.
(5)
Doua se trouve dans la proche banlieue au sud de Ségou.
488
contre Mamari. Les gens de Kong acceptèrent
et donnèrent une armée fortement organisée
qui vint investir Ségou"(l).
Cette mission, comme nous l'avons vu,
rencontra les gens de
Kong à Sofara. La composition de cette délégation que nous
avons signalée plus haut tendrait à.prouver que Kirango
avait joué un rôle important dans l'organisation de la lutte
contre Mamari. Ce fut probablement le chef de ce royaume
qui conseilla aux insurgés de s'adresser aux Watara. Kirango
avait probablement été le lieu de ralliement de tous les
mécontents du régime de Mamari. Ceci expliquerait le fait
qu'après la campagne contre les Watara,
il se vengea de
cette localité en provoquant la mort de Buari et en faisant
16.000 captifs(2).
b)
Les opérations militaires
Pendant que Famaghan se dirigeait vers Bobo-Dioulasso
en compagnie de Suma-Ulé qui regagnait Lingékro
(Kong),
probablement au début de l'année 1740, le reste de l'armée
sous les ordres de Bamba et de Kèrè Mori prenait la routedê
Ségou.
Il est difficile de se faire une idée exacte des
troupes que commandaient Kèrè Mori et l'esclave de Seku.
D'~près les sources orales de Sungaradaga, elles comptaient·
plus de 10.000 guerriers(3). Ces chiffres nous paraissent
exagérés car, d'après ces mêmes sources, Kèrè Mori serait
parti avec deux Kèrè-mansa, Bamba et Maghan-Ulé l'un des
(1)
C. tv:onteil, op. cit., p.40-41.
(2)
Ibidem,
op. cit., p.43.
(3)
Informations recueillies auprès de Soma Ali Ouattara a Sungaradaga
le 20-3-1979. Cf. dossier XIV.
489
fils de Famaghan(1). Dans ces conditions,
l'armée watara
en question ne devait pas dépasser 5.000 hommes. Mais
comme le disent les traditionalistes de Bobo-Dioulasso,
elle était fortement équipée en armes à feu et cela lui
donnait une certaine supériorité sur les armées tradition-
nelles équipées uniquement d'arcs et de flèches.
A peine Bamba et Kèrè Mori avaient-ils débarqué
sur la rive gauche du Bani qu'ils furent attaqués par les
guerriers du Masina. Les circonstances de cette attaque
n'apparaissent pas clairement.
Pour les traditionalistes de
Kotédougou,
les Peul voulaient se venger des attaques que
les watara, organisaient à partir de Sofara contre les vil-
lages du Masina(2). Les traditionalistes de Sungaradaga
pensent au contraire que les Peul voulaient les empêcher
de traverser leur territoire(3).
Tout porte à croire que les Peul voulaient effec-
tivement barrer la route aux guerriers watara.
D'après cer-
taines versions recueillies à Bobo-Dioulasso, Kèrè Mori et
Bamba durent combattre pendant près d'un mois avant de
détruire les armées du Masina(4). Ce fut probablement à la
sui te des attaques peul que Kèrè Mor i
ravagea une partie du Masina
et prit d'assaut la ville de Hamdallahi(5). Malgré l'absence
de document on peut penser que les Watara imposèrent aux
Peul un tribut en chevaux et en hommes avant de poursuivre
leur route. A partir de Hamdallahi,
les sources orales de
(l) . A sungat".aàaga.,
on préc.ise. que ce personnage éta i t
très jeune et
qu'il avait à peine une vingtaine d'années
(2)
Explication fournie par Kongodé Ouattara,
l'un des descendants de
Famaghan et El-Haj Moustapha Diane.
(Enquêtes réalisées du 3 au 28
mars 1979 à Kotédougou, dossier XVII).
(3)
Explications fournies par p~ueba Ouattara et Anzoumana Ouattara.
(Enquêtes réalisées du 15 au 20 février
1979 à Sungaradaga.
(4)
Ces versions ont été recueillies auprès de Dalignan Ouattara,
le 4-3-1979, dossier XVIII.
(5)
Voir à ce sujet Dominique Traoré, op. cit., p.59.
490
Bobo-Dioulasso présentent des lacunes importantes. C'est
ce qui fit dire à Dominique Traoré que Kèrè Mori rebroussa
chemin(1). En fait il continua sa route en compagnie des
insurgés kuribari. D'après certainS
traditionalistes de
Sikasso (Mali), les
y:atara rencontrèrent
les guer r ier s de
Mamari au nord de Ségou. Biton aurait aligné à cette occa-
sion plus de 100.000 hommes armés de lances et de flèches.
Mais malgré le courage des T.on-dyon,
ils ne purent résister
aux armes à feu
; après deux jours de combats ils prirent
la fuite dans un désordre indescriptible. Mamari réussit
à échapper aux Watara et s'enferma dans sa capitale avec
le reste de ses hommes(2).
Les watara mirent le siège devant Ségou.
Il ne
semble pas que l'armée de Biton ait été complètement
anéantie car les sources orales reconnaissent unanimement
que le siège fut très long et qu'il dura trois ans(3).
D'après les traditions de Sikasso, Biton était sur le point
de capituler sans conditions lorsqu'il reçut l'aide ines-
pérée des Peul du Fuladugu(4). Tauxier dans son Histoire des
des Bambara écrit en effet que
"Mamari Kouloubali trouva des secours dans des
Peuls qui fondaient à ce moment le petit
royaume du Fouladougou au sud-ouest du pays
de Ségou . . . " (5) .
(1)
o. Traoré, op. cit., p.59.
(2)
Voir à ce sujet les traditionalistes Ahmadou Kouyaté et Lamine
Oiabaté
(enquêtes du 28-4-1979 à Sikasso).
(3) Tauxier, op. cit., p.69.
(4)
Voir en particulier Lamine Ouattara et Ahmadou Kouyaté
(Sikasso,
le 28-4-1979) .
(5) Tauxier, op. cit., p.69. Oelafosse parle lui aussi du siège de Ségou
mais ayant lu Binger qui attribuait le ra~onnement de Kong uniquement
aux voies commerciales et au prétendu caractère pacifique des Oyula
de Kong,
il n'a pas cru bon de retenir la version selon laquelle les
watara auraient fait le siège de Ségou.
Il a attribué ce siège au
roi du Mali.
491
Ceci fut le début d'une longue guerre entre les
Fula et les Watara de Kong. D'après les sources orales de
Sungaradaga et de Kotédougou, l'ensemble de ces guerres
dura sept ans, c'est-à-dire de 1740 à 1747. Les opérations
militaires sont dans l'ensemble assez mal connues mais il
semble que l'on pourrait distinguer deux grandes périodes.
La.première
(1740-1743)
serait marquée. par la défaite de
Mamari, le siège de Ségou et l'intervention des Peul du
Fuladugu qui obligèrent finalement les Watara à se rabattre
sur le Mandingproprement dit. Les Watara occupèrent alors
Kangaba, Niagasola ... Peut-être cherchaient-ils une base
stable pour mener leur lutte contre les Peul.
Ils n'eurent
aucune peine à s'imposer aux cités du Haut-Niger affaiblies
par les guerres contre les Peul.
Il n'est pas impossible
que les Watara aient été accueillis dans ces régions con-
voitées.par les Peul comme de véritables libérateurs. N'ou-
blions. pas que la famille de Seku Watara est originaire de
Kangaba : les Watara n'étaient donc pas mécontents de
régner sur le Mandé.
Lors de la "Table ronde sur les origines de Kong",
le griot de Kirina Wa Kamisoko avait parlé d'un Maghan qui
à la tête d'une puissante armée aurait fait la conquête du
Mandé. Ce Maghan est probablement notre Maghan-Ulé le fils
de Famaghan(1).
La deuxième période
(1744-1747)
vit l'intensifi-
cation du conflit avec l'entrée en scène de Famaghan qui
avec des troupes venues de Bobo-Dioulasso repoussa l'armée
peul et mit à nouveau le siège devant Ségou.
Il semblerait
(1) Wa Kamisoko, A.U.A.,
1977, t.1, p.300. Maghan serait parti de Kong
"avec des fusils pour combattre le Mandé" et il aurait "vaincu le
!vIandé" .
492
en effet que Bamba, éprouvant de plus en plus de difficultés
pour contenir les attaques peul, ait lancé un appel à
Famaghan et à Seku Watara. Nous avons signalé les traces de
cette demande dans les sources orales de Kong. En se basant
sur ces dernières, on peut penser que Famaghan avait fait
cette campagne à nouveau en compagnie de Suma-Ulé. Charles
Monteil raconte en ces termes le deuxième siège
:
"
Ils
(les watara)
revinrent à ségou qu'ils
investirent pendant neuf mois, de telle sorte
que la chute de Mamari semblait imminente.
C'est alors que le chef de Dina, à la faveur
d'une nuit obscure parvint à entrer dans la
place, qu'il ravitailla. Grâce à ce renfort,
Mamari tenta une sortie, qui fut couronnée de
succès; surpris, les gens de Kong furent
taillés en pièces et abandonnèrent un grand
nombre de fusils, genre tromblon, ce furent
les premières armes à feu que l'on vit dans
la r ég ion" (1 ) .
Cette intervention si elle a eu lieu n'était
certainement pas due à un raviwillement du chef de Dina.
Elle correspond parfaitement aux attaques par surprises
que les Peul organisaient
contre les Watara qu'ils évitaient
d'attaquer de front.
D'après les traditions de Sungaradaga
en effet les Peul
"ne combattaient pas comme les gens de Kong
:
ils profitaient de la nuit noire pour attaquer
les Watara et ils disparaissaient dans la
brousse.
L~ jour, ils se cachaient sous les
grands arbres et lorsqu'ils voyaient passer
les guerriers de Kong ils déchargeaient leurs
(1)
Ch. Monteil, op. cit., p.41.
493
cargaisons de flèchent sur eux.
On raconte
que pour décourager Famaghan, le mansa des
peul avait fait dire au frère de Seku Watara
que sous chaque arbre de son pays i l y avait
50.000 cavaliers armés de flèches.
Famaghan
lui aurait répondu en ces termes"
"même si
je ne disposais que 5.000 cavaliers je te
combattrais . . . "(l) .
Nous pensons donc que ce furent les Peul qui au
cours d'une nuit aura~"lattaqué l'armée de Famaghan. Cette
dernière ne semble pas d'ailleurs avoir subi des pertes
importantes.
D'après Charles Monteil,
"peu de temps après,
les gens de Kong, qui
avaient réparé les pertes de la défaite,
apparurent sur les frontières du pays de
Ségou:
bien aguerris et bien armés ils cons-
tituaient de redoutables adversaires, et, de
fai t,
ils mirent Mamar i
à deux doigts de sa perte.
On dit que dans la bataille décisive, Mamari
ne dut de sortir vainqueur qu'à l'intervention
des Somono Tyéro,
lesquels mirent les gens
de Kong en déroute en les faisant attaquer
par des abeilles" (2) .
rI est curieux de constater que les traditions
de Ségou se polarisaient sur le grand personnage de Mamari
Kuribari et passent sous silence le rôle important joué par
les Peul aux côtés de ce souverain. Or il est incontestable,
comme le soulignent les sources orales de Bobo-Dioulasso,
que Ségou dut son salut aux forces alliées peul.
En réalité,
contrairement à ce qu'écrit Charles
Monteil, ce fut
bien plus tard qu'eut lieu cette dernière
guerre. En fait,
il semblerait qu'après l'attaque par sur-
(1)
Résultat d'une enquête réalisée à Sungaradaga le 24-2-1979, dossier
XIV. L'extrait est tiré du récit de Soma Ali.
(2) Ch. Monteil, op. cit., p.43. Voir aussi Tauxier, op. cit., p.74.
494
prise menée par les Peul, probablement vers 1745, Famaghan
poursuivit les troupes peul jusqu'au coeur du Fuladugu qui
lui opposa une vive résistance. Famaghan aurait réussi à
dominer, d'après les sources orales de Sungaradaga, une
partie du territoire des Peul. Elles reconnaissent que par
16 suite les Watara connurent des succès et des revers. Ce
fut. probablement à la suite de ces revers que les Fula reje-
tèrent les Watara hors du Mali(1). Ces derniers luttèrent
pendant deux années sans un réel succès contre les troupes
peul. Finalement la lassitude s'installa dans les deux camps.
Le griot de Famaghan se serait un jour écrié en s'adressant
à son maître :
"Eh! wataratyè,
l'affaire est devenue mainte-
nant de la fatigue. Nous sommes épuisés il
faut arrêter la guerre"(2).
Famaghan consenti à signer un traité de paix avec les Fula
du Fuladugu ; c'est ce qu'on appelle à Bobo-Dioulasso, le
lakadomu, un véritable pacte du
sang(3).
Après cet acte, Famaghan ordonna le retour de ses
armées à Bobo-Dioulasso. Au passage,
il voulut punir Mamari
qui avait accueilli dans sa capitale les Somono Tyéro qui
avaient quitté Bobo-Dioulasso pour se soustraire à l'auto-
rité des Watara. En effet les Somono Tyéro après plusieurs
défaites face aux guerriers de Kong,
avaient émigré en
grand nombre du pays Bobo vers la région de Ségou(4). D'après
(1) Tauxier, op. cit., p.69.
(2) Soma Ali, enquêtes réalisées à Sungaradaga, le 24-279, dossier XIV.
(3) Ce pacte prévoit que les Peul du Fuladugu ne doivent pas verser le
sang d'un W3tara. Il prévoit même qu'un Peul ne doit pas raser la
tête d'un Watara et vice-versa.
(4) Ce fait nous a été signalé en mars 1979 par Imam Maharba.
495
Charles Monteil ils
"arrivèrent à ségou et obtinrent d'y
demeurer" (1).
C'est à cause de la présence des Somono Tyéro à
ségou que Famaghan attaqua Mamari qui faillit perdre son
trône(2). Cette bataille à laquelle fait allusion Charles
Monteil eut lieu plus tard vers 1747-1750. Après cette
défaite,
les gens de Kong abandonnèrent définitivement le
Haut-Niger et regagnèrent leurs foyers qu'ils avaient
quittés, pour certains pendant plus de 12 ans
(1735-1747).
Famaghan regagna le Gwiriko, Suma-Ulé réintégra le
Lingékro. Kèrè Mori, Bamba et Maghan-Ulé guerroyèrent
quelques temps dans le Kénédugu. Epuiséspar les guerres
du Haut-Niger,
ils subirent une sévère défaite face au
village de Dandé. Dominique Traoré qui relate cet épisode
a fait une confusion regrettable entre la guerre de Dandé
et celle de Ségou en prétendant que Dandé était
"défendu par des abeilles" (3) .
(1)
Ch. Monteil, op. cit., p.43.
(2)
Tauxier, op. cit., p.74.
(3)
D. Traoré, op. cit., p.59.
496
Après cette défaite Kèrè Mori malade alla mourir vers 1750
à Folona-Dyériso, Bamba affligé par cette mort ne songea
pas à retourner à Kong.
Il renonça à la guerre et fixa sa
résidence à Sindo où il mourut une dizaine d'années plus
tard, d'après les sources orales de Kong et de Bobo-Diou-
lasso(1),soit vers 1760. Il aurait passé dit-on les 10
dernière~années de sa vie à apprendre le Coran. Il aurait même
été l'un des muezzins de la mosquée de Sindo.
Famaghan n'était certainement pas au courant des
graves
événements qui s'étaient passés à Kong depuis 1745.
Il ignorait sans aucun doute que Seku était mort pendant
qu'il combattait à Ségou. La mort de cet illustre souverain
semble avoir été volontairement cachée à Famaghan et à son
entourage. C'est ce qui expliquerait qu'il ne regagna pas
tout de suite Bobo-Dioulasso et songea un moment à étendre
l'Empire vers les Etats mosi
: voici ce que disent les tra-
ditions watara à ce sujet :
"
Famaghan voulait attaquer les Mosi, mais
son dyeliba
(griot)
s'y opposa et lui d i t :
non
! non
!
tu ne peux pas aller là-bas.
Il y
a la faim dans les pays mosi. Les Mosi se
nourrissent actuellement de termites et de
racines et ils n'ont pas d'eau.
Si tu pars dans
le Mosi tu perdras la guerre à cause de la
faim et de la soif. Tes troupes ont besoin
d'eau et de nourriture"(2).
Les faits
invoqués ici par les watara sont vrai-
semblables i
il est possible que les pays mosi en question
n'aient pas été épargnés par les catastropes naturelles que
(1) Informations recueillies auprès des descendants de Bamba. A Bobo
voir Dalignah Ouattar a,
(enquêtes du 4-3-1979). En Côte d'Ivoire
l'un de nos meilleurs informateurs fut Pigneba Ouattara (enquêtes
du 18-7-1974 à Ouangolodougou).
(2) Enquêtes réalisées auprès de Soma Ali Ouattara le 24-2-1979, à
Sungaradaga, dossier XIII.
497
mentionne la chronique du Gonja. Nous savons qu'en l'an
1160 de l'Hégire soit 1747
"
une invasion de sauterelles se produisit.
Ces sauterelles mangèrent toutes les
céréales . . . " (1 ) •
Famaghan dut ajourner son projet. En attendant,
il décida de punir les gens de Dandé. Il ruina complètement
la ville avec le concours de Molo qui fut l'un des héros
de la lutte contre Dandé. Molo se vengea des affronŒqu'il
avait subis de la part des habitants du pays treize ans au·
paravant(2). Il connut un tel triomphe que la ville fut
baptisée Molo-Kadu
(le village de Molo). En tenant compte
des faits rapportés par la chronique du Gonja on pourrait
situer cette dernière bataille vers 1748-1749. Ce fut pro-
bablement à Dandé que Famaghan apprit la mort de Seku
Watara et l'indignation l'envahit lorsqu'il apprit l'occu-
pation du trône de Kong par un de ses neveux, Kumbi watara,
l'aîné des enfants de Seku. Ce fut donc vers cette date
qu'il prit la décision de marcher sur Kong et de s'emparer
du. pouvoir.
Que faut-il retenir de l'aventure de Famaghan dans
le Haut-Niger ? Elle avait porté très loin la réputation
guerrière des
~tara de Kong. Il suffit de consulter les
traditions du Fuladugu pour s'en rendre compte.
Si elle
avait réussi,
l'Empire de Kong aurait été le plus vaste et
le plus puissant des Empire Noirs Ouest-Africains de tous
(1)
Cf. Chronique du Gonja,
I.A.S.A.R./12.
(2)
Voir à ce sujet Bouraima Sanou, Bobo, le 30-3-1979, dossier XIII.
498
les temps. Elle a fait trembler pendant près de sept ans
tout le Haut-Niger et en particulier le Fuladugu et le
Royaume de Ségou et ce n'est pas par hasard qu'~n 1795 les
populations de la région de Ségou disaient à Mungo Park
que Kong était un puissant Royaume au. point que l'explora-
teur écossais a eu l'impression que le Royaume des ~';atara s'étendait
jusqu'aux environs de la région de Ségou, d'où la légende
des fameuses montagnes de Kong que l'on. pouvait voir à par-
tir de Ségou(1).
Cette guerre du Haut-Niger a fait la renommée de
Seku Watara(1710-1745)
et tout se passe dans les traditions
du Fuladugu et de Ségou comme si le souverain de Kong avait
participé en personne aux opérations militaires.
En réalité,
le Kaladyon
(l'homme aux grands os)
dont il est question
dans les traditions du Fuladugu n'était pas Seku Watara lui-
même mais
Famaghan son frère qui, bien entendu, combattait
au nom de l'illustre roi de Kong(2).
Ces campagnes de l'ouest ont eu cependant un impact
néfaste, d'une part sur la puissante armée des Watara qui
garantissait l'autorité de ces derniers et, d'autre part,
sur les territoires nouvellement conquis.
La défaite des
Watara à Dandé malgré la présence d'illustres conquérants
comme Kèrè Mori, Bamba, Maghan-Ulé . . . tendrait à prouver que
la grande armée de Kong avait subi d'énormes dégâts dans le
Haut-Niger. Nous sommes persuadé que l'aventure qui visait
à faire la conquête du Royaume de Ségou, du Mandé et peut-
être du Fuladugu coGta très cher aux hatara,
en armes en
chevaux et surtout en hommes. Kong avait certainement sacri-
fié dans cette
aventure ses meilleurs guerriers,
les Sunangi.
(1) Mungo Park, op. cit., p.183.
(2) Tauxier, op. cit., op. cit., p.73.
499
Et ce n'était pas par hasard si après Dandé, les populations
de la région de Bobo-Dioulasso tentèrent de secouer le
joug des \\fatara. Voyons dans quelle situation était le Gwi-
riko avant la mort de Famaghan.
500
C. LE GWIRIKO SOUS FAMAGHAN
(1735-1750)
En 1740, après la bataille de Sofara l'armature
du Gwiriko était en place. Ses limites ne sont pas claire-
ment définies. On peut cependant dire que l'autorité de
Famaghan s'étendait à l'est jusqu'à la Volta Noire, à
l'ouest jusqu'au futur Kénédugu, au nord jusqu'à la boucle
du Niger,au sud et au sud-ouest jusqu'aux pays des Komono
et du Folona. Famaghan se trouvait ainsi à la tête d'un
immense Etat qu'il allait organiser et administrer. Nous
allons essayer de voir l'oeuvre de Famaghan dans le Gwiriko
qui formait avec le Kpon-Gènè l'Empire de Kong.·
1.
- L'administration du Gwiriko
Depuis les travaux de Dominique Traoré aucun
travail sérieux n'a été écrit sur Famaghan. Tout le monde
se plaît à recopier servilement cet auteur qui a décrit
r'amaghën sous des traits peu flatteurs.
Pour lui en effet,
le prince de Kong
"était avant tout un guerrier assoiffé de
fortune,
un conquérant, un destructeur accu-
mulant des ruines, mais il était loin d'être
un habile organisateur soucieux de faire
régner la paix et d'assurer le bien être
général de ses administrés"(1).
Certes, Famaghan était un conquérant mais il est faux de
le considérer comme un destructeur, un être insouciant qui
se serait désintéressé du bonheur de ses sujets
; même les
Sanon, les adversaires des watara,
reconnaissent que
(1)
D. Traoré, op. cit., p.59.
501
"Famaghan avait un sens aigu de la justice et
que son souhait le plus cher était de faire
régner la paix et la sécurité dans le pays"(l).
Famaghan s'était heurté à une grande difficulté
lorsqu'il voulut mettre sur pied une organisation adminis-
trative et politique. Les populations qu'il venait de
soumettre par la force étaient en réalité une mosaique
d'ethnies qui ne s'entendaient pas entre elles et qui vi-
vaient en vase clos. Comme le disait Marhaba
"si on prenait quelqu'un sur un territoire
étranger, on le tuait ou on prenait ses
biens"(2).
Famaghan se heurta aussi à un obstacle de poids,
celui de la langue. Chaque peuple parlait une langue diffé-
rente et il n'était pas possible d'imposer dans l'immédiat,
comme cela fut le cas à Kong, le Dyula aux populations
soumises. Les nouveaux venus constituaient une infime
minorité qui s'était trouvée du jour au lendemain devant
une masse compacte de populations autochtones animistes.
qui n'avaient aucune notion du mansaya. En outre, les
populations de la région de Bobo-Dioulasso habitaient une
multitude de petits villages dispersés dans le pays. Pour
asseoir une administration efficace
dans ces nouveaux
territoires,
il fallait donc développer avec la participa-
tion des Dyula, des centres commerciaux importants qui
draineraient les populations autochtones et deviendraient
ainsi des centres de décisions. Tel fut le contexte dif-
(1)
~xtrait d'un enregistrement réalisé, le 23-3-1979 auprès de Sékou
Sanou, un descendant de Molo né à Bobo-Dioulasso vers 1912, dos-
sier xx. Voir aussi Bouraima Sanou, dossier XIII
(26-2-1979 à Bobo).
(2)
Informations recueillies auprès de Marhaba Saganogo 2-3-1979,
Bobo-Dioulasso, dossier XVIII.
502
'ficile dans lequel se trouvai t Famaghan au moment où il
voulut r~gner. Pour gouverner il lui fallait au moins des
fOints d'aJ?pui. C'estte.quiexpliquerait qu'il vit d'un bon oeil
une chefferie tyèfo autour de Bua. Il voulut sans aucun
doute tenter la même exp~rience avec les Bobo-Dyula ; mal-
heureusement il se heurta à l'opposition de ses neveux et
des g~n~raux qui voyaient en Molo Sanon un alli~ dangereux.
Sa tâche fut donc pr~cis~ment de briser les barrières
s~culaires qui rendaient difficiles les communications entre
les diff~rentes ethnies, en divisant le Gwiriko en provinces
et en installant dans les grands villages des princes watara
qui apportaient avec eux leurs traditions de chefs. Famaghan
s'appuya d'abord sur les Dugukunasigi. Ces derniers ~taient
g~n~ralement choisis au sein des autochtones qui avaient
une r~elle influence dans le pays et qui jouissaient de la
confiance de Famaghan. Ce dernier, semble-t-il, voulait
~viter dans un premier temps un contact direct, voire brutal,
entre les conqu~rants et les autochtones. Les Dugukunasigi
reçurent donc du maître du Gwiriko des plein5 pouvoirs,
notamment ceux de percevoir les impôts et de lever des trou-
pes.pour les armées watara. Pour surveiller les Dugukunasigi,
Famaghan prit la pr~caution d'intaller auprès d'eux des
princes watara gén~ralement des chefs militaires. Ceci amena
les Watara à développer un certain nombre de r~siàences
telles que San, Numudagha, Subakani~dugu (fond~e par Bamba),
Sindu, Dramanédugu, Sungaradaga
(fondée par Kèrè Mori),
Sià~raciugu (fondée par Sidari (1), Loronzo, Lote, Loropeni,
Djébugu, ~angolodugu... qui furent rour la plupart des chefs-
lieux de provinces.
Il est aujourd'hui difficile de dresser
l~ liste ccrrplète des provinces créée~ par Farnaghan. D'après
cErtaines traditions que nous avons recueillies à Kotédcugou
en 1979, le Gwiriko, à l'époque de Farnaghan,
(1)
Sidari était l'un des fidèles généraux de Famaghan.
503
aurait compté une trentaine de provinc~1). Certaines d'en-
tre elles semblent avoir eu un statut particulier notamment
les. provinces de Numudaghaet celles de Basora.
A l'époque de Famaghan la province de Numudagha
était placée sous l'autorité de Bua, qui, comme nous le .
savons, avait été élevé à Kong dans la famille de Famagnan.
Ce dernier le considérait comme son fils. Bua jouissait de
sa confiance et sut se montrer un fidèle allié. des watara.
Il gouverna ainsi les Tyèfo au nom de Famaghan. Il participa
avec un rare dévouement à l'édification du Gwiriko en four-
nissant au frère de Seku Watara de l'argent, des céréales
et surtout des troupes. Bua, dit~on, avait gardé un t~ès
bon souvenir de son séjour à Kong. Nous le verrons d'ailleurs
aller au secours de Seku Watara dès que ce dernier sera
attaqué
par les Ashanti en 1740. Bua garda à Kong des
liens très étroits avec la plupart des fils de Seku Watara
qui étaient demeurés dans la métropole dyula.
L'administration de la province de Basora a posé
de sérieux problèmes à Famaghan. Cette province comprenait
en effet la plupart des villages Bobo conquis par Famaghan
et "vendus" à Mo16 Sanon. Comme nous l'avons signalé, la
politique de Famaghan à ce sujet avait été sévèrement cri-
tiquée à Sofara .par Kèrè Mori qui avait même exigé que son
oncle reprenne les territoires en question à Molo.
Ce problème avait été à l'origine du départ précipité de
Molo de Sofara qui tenta alors de regagner ses possessions
de Bobo. Famaghan dut par la même occasion rentrer préci-
.pitarnment à Sya car il craignait à juste titre que le
Bobo-Dyula ne soulève les populations autochtones contre
(1) Ladji Ouattara, Kotédougou, le 23-2-1979, dossier XIII.
504
ia présence des \\fatara. Au moment où Famaghan arrivait à
Bobo-Dioulasso, la révolte grondait effectivement dans
certains villages bobo. Peu de temps après l'arrivée de
Molo en effet, Kong avait été attaquée par les Ashanti et Seku
Watara avait été obligé de rappeler le gros des forces de
Famaghan qui stationnait dans le Gwiriko. Molo avait alors
cru que le moment était venu de se débarrasser de la présence
watara et il incita les Bobo à la révolte. Famaghan dut li-
vrer à son retour de dures batailles pour reprendre la situa-
tion en main.
Il fit incendier de nombreux villages et hameaux
et réduisit un grand nombre de rebelles en captivité. Ces
nouvelles guerres permirent au chef du Gwiriko de régler
définitivement la question de la province de.Basoœ. Il retiraà
Molo Sanon la gestion des provinces qu'il avait acquises
autrefois et imposa aux Bobo-Dyula un lourd tribut symbole
de la domination des hatara. L'ensemble des traditionalistes
que nous avons interrogés dans la région de Bobo-Dioulasso,
y compris les descendants de MoloSanon, reconnaît que les
Sanon. payaient autrefois un tribut aux watara.
Cette domination des Watara sur les Bobo-Dyula
laissa un sentiment d'amertume dans le coeur des descendants
de Molo.
Il ne semble pas cependant que Famaghan ait cherché
à rompre définitivement avec la famille de Molo Sanon. Il
dut s'arpuyer sur elle pour percevoir les impôts auprès des
populations autochtones. C'est ce qui expliquerait le fait
que cette famille de Bobo-Dyula avait réussi après un siècle
d'administration à s'imposer aux populations Bobo et à mettre
sur. pied, vers 1830, un Etat Bobo-Dyula. Crozat n'avait pas·
tort lorsqu'il écrivait
505
"Les
Sanon étaient primitivement des captifs
de case des Ouattara de Kong que leurs maîtres
envoyèrent dans le pays des Bobo Fings. Ces
Bobo Fings étaient alors indépendants mais ils
envoyaieût sans doute de fréquents présents à
Kong dont ils redoutaient la puissance . . .
C'est pour réglementer ces présents et les
transformer en un véritable tribut payable à
échéances fixes, pour surveiller les indigènes,
pour les administrer que les Sanen. étaient
envoyés.
Ils se firent facilement accepter,
s'implantèrent dans le pays, s'allièrent aux
familles Bobo et devin~entpeu à peu les
vrais chefs ..• "(1).
Il n'est pas invraisemblable que Molo Sanon lui-
même ait manifesté à plusieurs reprises des sentiments
d'indépendance à l'égard des autorités watara. Les traditions
orales watara de la région de Bobo-Dioulasso relatent en
effet de nombreux heurts entre les Bobo-Dyula et les Watara.
Pour administrer ses immenses territoires, Famaghan
s'~~puya aussi sur ~es neveux et sur ses généraux. Il répar-
t i t à ce titre le nouveau Gènè en quatre domaines royaux
ou fèso,
le féso de Kèrè Mori, le fèso de Bamba, le fèso
de Zan Bakari et le sien propre. Ce dernier fèso comprenait
à l'intérieur trois divisions militaires connues dans les
sources orales sous les noms de Kumboro, Numaboro et Sisida
(aile gauche, aile droite et poitrine ou centre). Comme à
Kong, le Gwiriko allait être organisé sur le modèle de
l'armée des Watara.
Il semblerait que ces divisions mili-
taires aient été respectées au sein de chaque fèso.
Le fèso
a~paraît ainsi comme une organisation para-militaire. Il
avait à sa tête un fa ou un Kèrè-mansa.
Il était secondé
dans sa tâche par un conseil qui comprenait les Kundigi
(1)
Dr. Crozat "Rapport sur ma mission au ~osi~ .•Journal Officiel de la
de la République Française,
5 octobre 1891- 9 octobre 1891,
n0272, p.67.
506
(les représentants de l'armée),
les Dugukunasigi
(les repré-
sentants du fa à la tête des provinces)
et les Cèra den yen
ou Cèra
(les représentants des fa dans les villes ou les
villages). Les Cèra étaient généralement choisis au sein
des familles autochtones. Cèra était le nom que prirent les
Dugutigi de la région de Bobo-Dioulasso que Famaghan avait
maintenus en place. L'un des mérites particuliers de ce
grand homme fut d'avoir sauvegardé les institutions tradi-
tionnelles du pays. Comme le souligne Marhaba, Famaghan
évitait lors de ses conquêtes de
"briser les structures traditionnelles et de
transformer les autorités locales en mogo
gbanzan(1). C'est grâce à lui que les Dugutigi
ou Cèra demeurèrent dans leur fonction jusqu'à
nos jours"(2).
Tous les fa étaient responsables devant Famaghan,
le Fa des fa, c'est-à-dire le Fama du Gwiriko. Dans la
réalité cependant chaque fa jouissait d'une certaine auto-
nomie.
Il avait ses propres tribunaux et, selon les cas,
il
jugeait ou faisait juger les affaires,
soit d'après les lois
coraniques notamment lorsqu'elles concernaient les musulmans
et les commerçants dyula,
soit d'après les lois tradition-
nelles non écrites lorsqu'elles mettaient en cause les au~
tochtones du fèso.
Il faisait rarement appel au Fama pour
régler les litiges au sein de son fèso.
Il avait ses propres
troupes qui lui permettaient de faire régner la paix dans la
région qu'il contrôlait, mais il ne disposait pas du droit
deccnquête qui appartenait uniquement au Fama. Le fa percevait
des impôts sur son domaine par l'intermédiaire des ûugukuna-
(1) Ce mot dyula vient de mogo = homme et gbanzan = rien; un mogo-
gbanzan serait un individu auquel on n'attache aucune importance.
(2) Enquêtes réalisées auprès de Imam Marhaba,
le 2-3-1979 à Bobo-
Dioulasso, dossier XVIII.
507
sigi et des Cèra. Mais il n'était pas libre de disposer de
la totalité des impôts perçus. Ces derniers étaient divisés
en trois parts égales; l'une
servait à l'entretien des
tro~pes, la seconde entrait dans les biens du fa etla troisième
était destinée à la caisse du Fama de Bobo-Dioulasso qui,
chaque année, confectionnait au nom des fa du Gwiriko un
cadeau annuel pour Seku Watara.
Ce geste symbolique accompli annuellement montre,
d'une part que Famaghan était demeuré attaché à son frère
Seku, d'autre part que le Gwiriko était une partie intégran-
te du ~pon-Gènè et, d'autre part encore, que Famaghan
reconnaissait Seku comme étant le Fama de tout l'Empire des
Watara. Famaghan avait oeuvré sa vie durant pour l'unité
du Kpon-Gènè.
Il comparait l'Empire de Kong à une marmite de
mil
(tuo-daga)
et disait souvent à ses fils et à ses neveux
"l'oeuvre de Seku à Kpon et celle que nous avons
réalisée à l'Etranger constituent un seul
tuo-daga.
Tous les descendants de Fa-Tyèba
doivent avoir le même cheval de guerre, le
même fusil
; ils doivent être unis la main dans
la main . . . " (1).
Famaghan avait compris très tôt que l'édifice qu'il venait
de mettre en place était fragile et que son succès dépendait
en grande partie de l'entente entre les princes watara(2).
Pour maintenir la cohésion au sein du Gwiriko,
Famaghan convoquait chaque année, à la veille du Kurubi
tous les fa à Bériba, sa résidence d'été. C'est au cours de
ces rencontres que l'on informait le Fama de la situation
(J)
Propos recueillis auprès de Soma Ali, le 28-2-1979 à Sungaradaga,
dossier XVI II .
(2) Famaghan avait vu
juste car après sa mort, à cause des querelles
intestines les watara auront du mal à s'imposer dans les pays bobo
et tyèfo.
508
économique et politique dans les différents fèso et que
"l'on élaborait le calendrier annuel des
guerres à livrer ••• Après la fête du Kurubi
chaque prince regagnait son fèso et essayait
d'accomplir la tâche qui lui était assignée ••• (1).
L'administration politique mise en. place par le
Fama du Gwiriko était donc relativement souple. Ce fut pro-
bablement cette souplesse qui permit aux watara, groupe mino-
ritaire venu de Kong, de régner pendant près de deux siècles
dans les pays bobo.
La ville de Bobo-Dioulasso semble avoir eu un
statut particulier. Elle fut baptisée Dyulaso (la ville des
Dyula)
et placée sous l'autorité de la famille de Molo qui
joua à Dyulaso le même rôle que les Baro jouèrent à Kong.
Ceci tendrait à prouver que la famille de Molo était installée
à Sya d~puis plusieurs générations et qu'elle jouissait d'une
réelle autorité dans la ville au milieu du XVIIIe siècle.
Les descendants de Molo devinrent ainsi les chefs de la
communauté dyula et avisaient le Fama de tout ce qui se pas-
,
sait dans le pays. Ce dernier avait maintenu à Kponbugu une
petite troupe de 700 guerriers pour assurer la sécurité des
habitants de Dyulaso.
2.
- Les tentatives de dyulaisation du Gwiriko
Famaghan savait que le succès de l'administration
du Gwiriko dépendait du degré de dyulaisation de la région Bobo.
(1)
Informations recueillies à Kotédougou, auprès de Ladji Kongodé
(Kotédougou,
le
23-2-1979,
dossier
XIII).
509
Une fois au pouvoir,
i l avait songé à faire du
Gwiriko un Etat dyula à l'image de Kong. Son rêve, disent
de nos jours les Bobo, était de rkaliser l'unité des pays
bobo autour de la langue dyula(l).
Pour réaliser cet
ambitieux projet le Fama ouvrit le Gwiriko aux étrangers,
notamment aux Dyula.
rI mit en rapport sa nouvelle patrie
avec les principaux centres commerciaux de l'époque. Le pays
fut ainsi relié par des routes sûres à la boucle du Niger
(Pienné, Tombouctou), aux pays lobi et ashanti. Avant Fama-
ghan, disait Marhaba,
"il n'y avait pas de routes sûres,
le commerce
était pratiquement inexistant et aucun Dyula
ne cherchait à se fixer dans le pays. Famaghan
a fait des routes
~ ceci a déveioppé le commer-
ce et les colonies dyula ont commencé à s'im-
planter dans le pays. Famaghan a accompli
dans ce domaine une oeuvre capitale~lorsque
Famaghan est arrivé ici, i l a tracé une route
pour aller à Dienné, un~ autre pour aller à
Barnabo et d'autres voies pour relier le Gwiriko
aux pays voisins afin que le commerce prospère •.•
Avant Famaghan il n'y avait pas de routes.
Famaghan en a fait, même de nos jours on les
emprunte
encore pour faire du commerce c'est
là son oeuvre"(2).
Non seulement le Fama du Gwiriko offrait des routes
sûres aux étrangers, mais il supprime les taxes qui pesaient
sur eux. Cette dernière mesure attira beaucoup de négociants
de Dienné, de Tombouctou, de Kong, de Bouna et de Bondoukou
dans la région de Bobo-Dioulasso.
D'après certaines tradi-
tions que nous avons recueillies à Darsalami et à Kotédougou,
Famaghan aurait développé des relations commerciales avec
Kumasi, El-Mina et Gwa
(Cape-Coast).
rI aurait encouragé les
(1) Tous les traditionalistes que nous avons interrogés dans la reglon
de Bobo-Dioulasso sont d'accord sur ce point. L'un des défenseurs
de cette thèse est Souleymane Ouattara
(Bobo-Dioulasso,
le 28-2-1979,
dossier XIV).
(2)
Extrait des enquêtes réalisées à Bobo-Dioulasso auprès de l'imam
Marhaba Saganogo, le 20-3-1979, dossier XVIII.
510
Dyula de Bobo-Dioulasso à se rendre à la côte avec des
esclaves. pour les échanger contre des fusils(1).
La politique de Famaghan en faveur des Dyula
attira de nombreux étrangers venus des quatre coins du monde.
Parmi ces derniers, on notait la présence de nombreux
karamogo en quête de fortune.
Ceux qui avaient la réputation
de. posséder des pouvoirs magiques n'eurent aucune peine à
entrer au service
des princes ou des Kèrè-mansa dont ils
devinrent les principaux conseillers. D'après certaines
versions, Famaghan aurait recruté à lui seul plus de 300
karamogo d'origine diverse qu'il
"considérait comme des dieux"(2).
Les autres karamogo s'installaient à leur compte, soit dans
les grands centres, soit dans les petits hameaux où ils ne
tardaient pas à jouir d'une réelle influence auprès des po-
.pulations autochtones ignorantes.
Venus par petites vagues successives, les Dyula
dont la plupart venaient de Kong vont créer des colonies qui
vont faire tache d'huile. Mais il a fallu livrer de nombreu-
ses guerres contre les autochtones afin de permettre
l'installation des colonies dyula. Ce fut à ce prix que
Famaghan apporta la paix dans le Gwiriko. En effet, les Dyula'
n'essaimaient que dans les pays prospères où régnait la
(1lEnqu~tes r~alis~es aupr~s des descendants des anciens n~gociants de
o
. 0 '
la r~gion de Kot~gougou en mars 1977. Voir à ce sujet .: Aboudaramane
Dian~ (87 ans) et Lamine Diabat~ (70 ans). Les relations du Gwiriko
avec Bouna et l'Ashanti semblent avoir port~ ombrage au commerce de
Salaga sous le r~gne de Famaghan (1735-1750) .On assure en effet,
qu'à l'~poque de ce Fama les gens du Dyulaso ne fr~quentaient plus
le march~ de Salaga (voir à ce sujet le traditionaliste Marhaba
Saganogo, Bobo-Dioulasso, le 2-3-1979, dossier XVIII).
(2)
D'apr~s les propos de l'imam Marhaba, Bobo-Dioulasso le 20-2-1979,
dossier XII.
511
sécurité. Si, à la fin du XIXe siècle, l'explorateur fran-
l?> \\'{\\~e,y-
çais~a eté frappé par l'importance des colonies dyula le
long des voies commerciales, c'est que des chefs d'Etat
tels que Famaghan et Seku Watara avaient réalisé sur l~plan
de la sécurité une
oeuvre durable due le plus souvent à la
force des armes. Certaines traditions racontent que Famaghan
avait réussi à faire comprendre à ses sujets .que
"m~me si un étranger laisse un b8ton sous un
arbre pour aller passer dix ans quelque part,
s ' i l revient,
il doit retrouver son b8ton"{1}.
Les méthodes employées par le Fama du Gwiriko pour parvenir
à ce résultat rencontrèrent dans les premières années de
vives résistances comme le laissent supposer les traditions
bobo animistes{2} mais peu à peu, Idrsque les autochtones
comprirent tous les avantages matériels et financiers qu'ils
pouvaient tirer de leur position de dyatigi,
ils se soumi-
rent aux \\fatara et
"accueillirent à bras ouverts les Dyula de
Kong et d'ailleurs qui venaient faire du
commerce chez eux. On les vit alors assurer
la protection des étrangers qui s'installaient
chez eux" {3} .
(1)
Informateur Imam Marhaba, Bobo-Dioulasso, le 20-2-1979,dossier XIII.
(2) D'après Souleymane Ouattara,
(traditionaliste Bobo, 80 ans quartier.
Koko), au début du règne de Famaghan, on pensait que ce dernier était
venu de Kpon pour anéantir les autochtones de la région. Le moindre
village qui refusait de se soumettre à lui était dit-on aussitôt in-
cendié
(enquêtes réalisées à Bobo-Dioulasso le 23-2-1979, dossier XIII).
Les Dyula reconnaissent
d' ailleurs ce dernier fait
: "Les Watara
avaient trouvé un pays où les habitants avaient des cases en paille.
Gouverner un tel pays n'était pas difficile pour eux;
lorsqu'ils
voulaient soumettre les populations récalcitrantes,
ils allaient la
nuit mettre le feu dans tel ou tel village et capturaient aisément
les habitants . . . "
(Marhaba, enquêtes réalisées à Bobo-Dioulasso
le 2-3-1979, dossier XVIII).
(2) Voir Souleymane Ouattara, personnage cité, enquêtes du 23-2-1979,
dossier XIII.
512
Les Dyula s'installèrent ainsi un peu partout et
créèrent des marchés à l'image de ceux de la région de Kong.
Le plus important fut celui de Dyulaso qui imita en tous
points celui de Kong. Il y eut ainsi à Dyulaso un marché
quotidien pour les affaires courantes et un grand marché
ou foire qui se déroulait tous les cinq jours. A Dyulaso on
pratiqua aussi le crédit qui durait d'un grand marché à
l'autre. Famaghan semble avoir veillé à ce que les engage-
ments pris à ce sujet envers les étrangers soient respectés.
D'après certaines traditions dyula,
le Fama du Gwiriko ré-
primait très sévèrement les acheteurs indélicats qui ne
s'acquitaient pas de leurs dettes car il craignait qu'en
retenant injustement les biens des étrangers,
"ces derniers ne désertent le pays"(J)
et ne mettent en péril l'avenir commercial et politique de
l'Empire des Watara.
En réalité, la dyulaisation du Gwiriko fut très
superficielle. Les nouveaux venus profitaient de la présence
des
hatara pour se livrer au négoce mais ne cherchaient pas
à islamiser les autochtones et encore moins à leur imposer
la langue dyula.
Les marchands s'établissaient de préférence
le long des voies caravanières où régnait la sécurité et à
Sya. Même dans cette dernière localité où les affaires pros-
péraient,
aucun Dyula ne songera à l'édification d'une mos-
yu~e, symbole de l'unité d'un monde dyula dans le Gwiriko.
Il semblerait gue Famaghan ait eu affaire à une population
(1)
Voir Souleymane Ouattara, personnage cité, enquêtes du 23-2-1979,
dossier XIII.
513
tlottante qui pendant la saison morte regasnait sa ville
d'origine.
La dyulaisation ne semble donc pas avoir joué un
rôle important dans la formation du Gwiriko qui ne bénéficia
pas d'une unité linguistique.
3.
- Les résidences royales de Famaghan
(1735-1750)
Les traditionalistes de la région de Bobo-Dioulasso
rapportent que Famaghan n'avait pas une capitale fixe.
Comme le soulignait le karamogo Moustapha Diané de Kotédou-
gou,
le frère de Seku Watara était constamment en déplace-
ment et l'on peut dire
"qu'il a pratiquement passé sa vie sur le dos
des chevaux" (1) .
\\
En effet, de 1735 à 1738,
il ne goûtad:ou'CAH1 repos et fut
constamment en guerres contre les Karaboro,
les Sanfla,
les
Sambla,
les Dogosyè, les Komono et les Nyanyang~ . A cela
s'ajoutaient les longues années qu'il passa à guerroyer
dans la boucle du Niger
(1738-1740), dans la région de Ségou,
CU Fuladugu et du Mandé primitif
(1745-1750).
Famaghan ne semble pas avoir eu le souci de se
bâtir une capitale au vrai sens du mot. La plupart du
temps, ce que les traditionalistes appellent les résidences du
Fama n'étaient que des bases stratégiques créées pour la
surveillance du territoire et à l'intérieur desquelles on
aménageait une maison pour le
roi. Les construction étaient
généralement sommaires et faites en bois. C'est ce qui expl~ue
(1) Enquêtes réalisées auprès de Moustapha Diané le 30-3-77 à
Kotédougou, dossier XI.
514
que àans l'histoire africaine
beaucoup de résidences
royales ont disparu sans laisser la moindre trace visible
sur le terrain. Les princes watara en particulier n'aimaient
.pas habiter les grosses agglomérations,
ils passaient souvent
leur existence dans les hameaux ou kongoso. De ce fait,
les
Dyula des villes les baptisaient ironiquement kongosomogo
(hommes de la brousse) .
D'après certaines versions que nous avons recueil-
lies à Kotédougou, Famaghan aurait cependant fait construire
de belles habitations à Bériba qu'il érigea en capitale
politique et militaire. C'est, dit-on, dans ce village, qu'il
recevait les princes de l'Empire et les ambassadeurs des pays
étrangers qui venaient le voir(1). Dominique Traoré, de son
cSté, souligne dans ses "Notes sur le Royaume mandingue de
Bobo" que Famaghan après la campagne de Sofara fit de Bériba
"en pays Niéniégué,
sa capitale"(2).
Après la campagne de Sofara en 1740, Famaghan
avait certainement éprouvé le besoin de créer un centre de
décision et de coordination en liaison permanente avec
Kong. La ville de Bériba dut jouer ce rôle; c'était une
sorte de capitale politique et militaire. Sa fondation
répondait, à notre avis, à un souci d'efficacité plutôt qu'à
la volonté de Famaghan d'établir sa propre capitale par
rapport à Kong.
Rappelons que dans les correspondances
entre Famaghan et Seku,
le premier appelait le second m'fa(3).
(1) Enquêtes réalisées auprès des notables watara de Kotédougou en avril
1979. Voir à en particulier le vieux Kongodé Ouattara, l'un des
descendants de Famaghan.
(2) D. Traoré, op. cit., p.S8.
(3)
Informations recueillies auprès des marabouts de Kong. Voir à ce sujet
Mamadou Saganogo Labi.
(Enquêtes réalisées à Kong le 20-12-1978,
dossier XI. Le terme dyula m'fa ou m'va équivaut à "mon père".
515
A Bériba comme partout ailleurs, Famaghan rendait
la justice. Cette cérémonie avait lieu tous les vendredis.
D'après certaines versions, des milliers de personnages
assistaient à ces audiences(1). Comme à Kong,
les procès
étaient nombreux et coGteux :
ils constituaient une source
importante de revenus pour le Royaume. Famaghan faisait
souvent appel à des cadis pour juger les affaires des comnIerçants et
èes musulmans. Il aurait fait installer à cette fin des juges
musulmans dans la plupart des centres commerciaux. Cependant
Famaghan ne s'est pas préoccupé de l'islamisation du pays.
Il serait faux de croire, malgré la présence massive des
karamogo à Bobo~Dioulasso que les résidences royales étaient
des. points d'appui pour l'introduction de l'Islam.
Famaghan
n'était pas un fanatique musulman et il sut s'entourer de
conseillers musulmans intelligents et tolérants.
Il n'avait
jamais oublié qu'il était avant tout un dyula c'est-à-dire
un homme d'affaires pour qui toutes les stratégies politiques
r~posai€nt sur le négoce. Selon les circonstances, il bu-
vait le dolo et célébrait des cultes à ses ancêtres comme
les autochtones animistes ou priait le vendredi à la mosquée
comme les musulmans.
(1) L'un de nos principaux informateurs fut l'imam Marhaba.
516
CHAPITRE III
L'AGRESSION ASHANTI Cl)
l, LA GUERRE CONTRE LE GYAMAN
Seku Watara célébrait encore la victoire de Sofara
lorsque son allié le Gyaman fut attaqué par les troupes
ashanti qui venaient d'envahir le nord-est de la c8te
d'Ivoire. Cette guerre est connue ~de la plupart des
tracji tionalistes de Kong et âe Bobo-Dioulasso sous le
nom de Sandik~r~ (la guerre ashanti). Nous allons essayer
à travers ces sources orales souvent contradictoires de
retracer les
événements de cette époque.
A. LES CAUSES DU CONFLIT
Deux raisons essentielles semblent avoir poussé
les Ashanti à s'intéresser à l'est et au nord-est de
l'actuelle C8te d'Ivoire,
la recherche du butin et l'am-
bition des autorités de Kumasi de vouloir contr8ler les
voies commerciales qui reliaient la c8te au Soudan Occi-
dental et Central.
1. - La recherche du butin
L'av~nement au pouvoir de Opoku Waré apr~s la
mort d'Oséi Tutu en 1717 à la tête de la confédération
ashanti de Kumasi marqua un tournant dans l'évolution de
l'histoire du Gyaman et du Krx:m-c-ènè. La politique de Seku
Watara en faveur du commerce, caractérisée par la sécurité
des routes caravanières et la suppression des nombreuses
(1) voir à ce sujet la thèse de Terray,~. cit., p.736-816.
517
taxes
le
long
de
ces
dernières
avaient
eu
pour conséquence
le développement en Côte d'Ivoire de nombreux centres com-
merciaux,polarisés autour de la métropole dyula de Kong
dont la richesse fascinait les étrangers. A Kong, certains
vieux racontent que le souverain qui régnait à
la t@te des Ashanti ou Asanti avait juré d~s son intronisa-
tion de mettre la main sur cette ville(1).
Il s'agirait
selon toute vraisemblance de Opoku Waré, l'Ashantihene
(roi de la confédération ashanti)
qui régna de 1720 à 1750.
L'imam de Bobo-Dioulasso, Marhaba, ajoute que
"ce qui attirai t
le plus les chefs Sandi
(les
Ashanti)
en Côte d'Ivoire c'étaient les
gisements en or du Gyaman et de l'Anno et les
richesses accumulées dans les villes telles
que Bondoukou et surtout Kong. D'apr~s nos
vieux, les rois de Kumasi tenaient leurs
informations des marchands sandi qui sillon-
naient les routes qui conduisaient dans le
Gyaman et la région de Kong. L'un de ces
agents s'appelait Sikafu kaku Aka, c'est-à-
dire Kaku Aka le fortuné(2). A Rang il habi-
tait le quartier Rorora. On raconte,
qu'apr~s
la défaite des Ashanti(3), craignant les
représailles de la part des Dyula il abandonna
définitivement la ville pour s'installer dans
l'Anne" (4).
(1) Nous avons recueilli ces propos auprès des personnages suivants
• Badawa Bamba
(Pongala,
27-3-1976)
· Dyamila Ouattara
(Yénoro,
30-3-1976)
· Pigneba Ouattara
(Ouangolodougou, le 15 avril 1974).
(2)
Effectivement le terme Sika désigne l'or en langue akan. Ceci ten-
drait à prouver qu'au milieu du XVIIIe siècle,
il existait une
importante colonie N'Zima dans la ville de Kong le nom Kaku Aka est
. porté en effet surtout par les N'Zima qui étaient d'habiles commer-
çants
(informations fournies par Dyamila).
(3) Nous reviendrons plus tard sur cette guerre qui faillit ruiner la
ville de Kong.
(4)
Imam Marhaba, enquêtes réalisées à Bobo-Dioulasso, le 16-7-1977.
518
Ce sont semble-t-il ces facteurs d'ordre économique,
la qu~te du butin, qui incitèrent Opoku waré à s'intéresser
à la C8te d'Ivoire. Le vieux Basièri à certainement raison
lorsqu'il d i t :
"Seku a fait de Kong une grande ville. Ses
maisons en terrasses à l'image de celles de
Dienné et de Tombouctou abritaient de riches
négociants dont les richesses suscitaient
la convoitise. C'est pour cette raison que
les Ashanti attaquèrent Bondoukcu et Kong.
Les
rois sandi étaient jaloux de la puissance de
Kong et cherchaient à l'abattre . . . "(1).
Nous pensons que dans l'expansion ashanti vers
t,
l'ouest et ~e nord-ouest, les Ashanti
"se sont intéressés avant tout au butin, c'est-
à-dire aux biens dont ils pouvaient organiser
aussit8t la confiscation et le partage" (2) .
Parmi ces biens,
l'or et les esclaves figuraient
au premier plan. L'importance de ces produits a fait dire
à Ward ceci :
"la cause principale de la politique expàn-
sionniste de l'Ashanti était économique.
L'Ashanti était une contrée de l'intérieur
et ne pouvait se procurer les marchandises
eurcpéennes vendues sur la c8te qu'à des prix
exorbit&nts en raison des 2ctivités des
courtiers appartenant aux tribus du littoral.
(1)
Basièri Ouattara, enqu@tes r~alis~es le 21-11-1978 à Abidjan,
dossier VIII.
(2) E. Terray, Une Histoire du Royaume Abron du Gyaman des orlglnes à
la conqu@te coloniale, Thèse pour le Doctorat d'Etat, Paris 1984,
LII,p.771.
519
Or l'Ashanti avait besoin de ces marchandises,
en particulier les armes à feu,
et il lui
fallait payer ses importations avec des
exportations. Sans la concurrence avec les
autres nations de la Côte d'or,
l'Ashanti
pourrait exporter de l'or mais d'autres dis-
. tricts poss~daient davantage d'or alluvial
et les riches filons de quartz de l'Ashanti
ne pouvaient être exploités qu'à la surface
avec les techniques africaines d'extraction.
Les seules marchandises exportables que
l'Ashanti pouvait produire en grandes quantités
étaient les esclaves. L'Ashanti devint donc
délibérément un Etat-marchand d'esclaves. En
temps de paix beaucoup de ceux-ci étaient
achetés sur les marchés du nord(1) ... mais les
raids et la guerre permettaient d'en obtenir
bien d'autres"(2).
Certes,
il ne faudrait pas réduire toute la poli-
tique expansionniste des Ashanti à des expéditions de
pillage, à
des rafles systématiques d'esclaves
"destinés à la traite négrière R (3)
mais on aurait tort de minimiser l'importance du butio et
àu tribut dans l'expansion ashanti avant la seconde moitié
du XVIIIe siècle. Nous sommes d'accord avec Terray pour
affirmer que
"c'est dans une large mesure grâce à leurs
prises de guerres que les Asante sont en
état de faire face aux frais entraînés par la
conquête et notamment aux dépenses d'armement
(1)
D'après certaines informations que nous avons recueillies à Kong,
les Ashanti et d'une 'manière générale la plupart des Akan achetaient
leurs esclaves au marché de Kong.
(2) W.E.F., Ward. A History of Ghana,
London,
1968, p.142-143. Voir
Terray, op. ci!., p.772-773.
(3) Voir l'indignation de Kwamé Arhin dans "The structure of the greater
Ashanti,
1700-1824". Journal of African History
(J.A.H.), vol. VIII
n01, p.59. Voir Terray, op. cit., p.773.
520
d'autre partla distribution aux combattants
des biens des vaincus facilite grandement
l'adhésion du peuple à la politique agressive
menée par les "giands"(l).
A cet appât du butin s'ajoutait un fait nouveau,
le besoin de ccntrôler les voies commerciales qui reliaient
les. pays côtiers à. la boucle du Niger.
2.
- La politique des' voies commerciales
Dans les traditions orales que nous avons recueil-
lies à Kong on,perçoit très clairement l'inquiétude des
milieux marchands à la veille de l'invasion ashanti. D'a-
,près Lèbi,
"les Dyula avaient peur que les routes qui
reliaient Kumasi à Dienné ne tombent sous
la domination ashanti.
Ils craignaient que
les Ashanti ne prélèvent de lourdes taxes
sur les marchandises,
taxes que Seku Watara
avait supprimées au sein de son Empire. C'est
pour cette raison que les Dyula aidèrent Seku
à lutter contre les Banrnana de Kumasi ..• "(2).
Ces inquiétudes étaient semblE-t-il fond~es~ D'après
Terray, en effet,
l'un des traits dominants de la politique
économique de Kumasi était de
"s'assurer le contrôle des principales voies
commerciales gui relient le Soudan Occidental
et Central à la Côte de l'Or. En soumettant
Wankyi et Bono,
ils s'établissent sur le che-
min de Kcng et de Djenné" (3)
(1) E. Terray, op. cit., p.773-774.
(2) Mamadou Labi.
Informations recueillies à Kong,
le 16 mars 1977
voir aussi Dawaba Bamba (Pongala, le 20-03-1977).
(3) E. Terray, op. cit., p.775.
521
ét c~la dès le début du XVIIIe siècle (1722-1723).
Mais pour exercer un .véritable droit de regard
sur l'axe Kong - Dienné contrôlé alors par les Watê.'ra, les
Ashanti étaient oblig~s de s'attaquer à la puissante
métropole dyula. c'est pour réaliser cet ambitieux projet
qu'ils décidèrent de ccnquérir d'abord. le· Gyaman gui devait
alors servir de point d'appui à la politique ashanti.
C'est, semble-t-il, la deuxième raison qui poussa les
Ashanti à s'intéresser au Gyaman.
Ainsi la recherche du butin et le souci de con-
trôler les voies commerciales vont-ils amener les Ashanti
à faire d'abord la conquête du Gyaman.
B.
LA CHUTE DU GYAMAN
1. -
Les prétextes
Lorsque Cpoku Waré décida de faire la conquête du
Gyaman il fit valoir un certain nombre de raisons qui
n'étaient en réalité que des prétextes pour justifier ses
interventions dans les territoires actuels de la Côte
è'Ivoire. Signalons trois de c~s prétextes qui semblent
avoir retenu l'attention des traditionalistes.
a)
L'affaire de Bono
(1722-1723)
D'après certaines traditions de Kong,
le roi de
Kumasi n'avait pas pardonné à celui d€s
Abron de Bondoukou
d'avoir envoyé des troupes contre lui au moment où il
réalisait la destruction de Bono. Vcici des échos de cette
expédition :
522
"Bono était autrefois un marché important et
son mansa entretenait des bonnes relations
avec Kong. Au moment où les Sandi décidèrent
de l'attaquer,
il fit ~ppel à Seku qui leva
rapidement une armée pour le secourir. Cette
dernière perdit beau60up de temps à attendre
les préparatifs d'Adingra,
le 6hef des Ton
qui devait commanàer en personne l'expéàition.
Finalement, au moment où Aaingra et les \\ratara
arrivèrent à Bono, la ville avait déjà été
détruite et les Sandi avaient regagné Kumasi
mais le roi des Sandi çui avait appris cette
nouvelle décida ce jour là de conquérir le
pays d'Adingra et d'obliger son roi à pùyer
. un tr ib)..lt à Kumasi" (1) .
D'après les travaux de Terray, le Gyamanhène Brafo
Adingra serait. en effet intervenu dans le conflit qui
opposa Opoku Waré au roi de Bono. Voici ce qu'il écrit à
. propos àes heurts entre le souverain du Gyaman et les auto-
rités ashanti
:
"le premier intervient lorsque Opoku Waré
attaque Bono: en effet, Brafo Adingra expédie
alors des guerriers au secours de la cité
menacée, mais leur intervention est vaine et
ils
reviennent sans avoir pu la sauver"(2).
Il est curieux que les traditions actuelles 4u
Gyaman relevées par Terray ne fassent pas cas de l'inter-
vention de Kong dans l'affaire de Bono. En 1722-1723, date
à laquelle on situe la destruction de Bono par les forces
ashanti,
le Gyaman,
selon les traditionalistes.de Kong,
n'était qu'un modeste royaume(3).
Sans la présence des
(1)
Informations fournies par le Bambadyon pignéba Ouat,ara
(enquêtes
faites le 13-8-1976 à Ouangolodougou). Nous avons l~cueilli deux
versions identiques à Nasyan auprès de Bamadou Ouattara
(9-11-1975)
et à Kotédougou 3-3-1979)
auprès de Ladji Kongodé ouattara.
(2) E. Terray, op. cit., t.2, p.770.
(3) Voir avec quelle rapidité Kumbi vers 1715-1720 s'imposa aux Abron
du Gyaman et les obligea à accepter la tutelle de Kong
(voir à ce
sujet les traditions orales de la cour royale de Kong).
523
forces de Kong, Brafo Adingra
(1720-1735) (1)
ne se serait
pas permis de défier le bouillant Opoku Waré en expédiant
des guerriers au secours de Bono. D'aprês les traditions
de Kong que nous avons signalées plus haut les troupes
watara et abron étaient commandées précisément par Brafo
Adingra.
Quoiqu'il en soit, cette intervention fut três mal
accueillie par Opoku Waré qui allait condamner en outre
le roi du Gyaman pour avoir accueilli les réfugiés de Bono
sur son sol. Marhaba rapporte que, peu de temps aprês la
destruction de Bono, le roi de l'Ashanti envoya des émis-
saires auprês du chef du Gyamanpour réclamer les fugitifs
mais que cette démarche n'aboutitpas(2).
Selon Kyerematen
"aprês la guerre contre Bono, Opoku fit
par-
venir un message à Abo Kwabena qui était
devenu souverain du Gyaman pour lui demander
de renvoyer chez eux les sujets du Takyiman-
hene qui s'étaient repliés dans son royaume.
Abo ayant écarté sa ~equ~te, Opoku marcha
contre lui"(3).
.
Terray confirme la présence d'un groupe des res-
capés de Bono dans le Gyaman :
"
La ville de Bono est incendiée et ses
habitants se dispersent dans toutes les
directions:
les uns se rendent au Gyaman ... "(4).
(1)
Pour les dates des rois du Gyaman voir Terray, op. ciL, p.,·)2.
(2) Marhaba,
informations recueillies à Bobo-Dioulasso, le 3-3-1979.
(3)
Kyeremanten 1966, p.315-316. Voir à ce sujet Terray, ~p. ~it., p.806.
(4) E. Terray, ~ cit., t.2, p.762.
524
L'auteur souligne par ailleurs que l'avenir de ces person-
nes
"deviendra quelques années plus tard l'un des
enjeux du conflit entre le Gyamanhène Abo
Miri et l'Asantehene Opoku Waré"(1).
Tout porte à croire qu'Opoku Waré ne voulait pas
d'un Etat akan indépendant qui donnerait asile à ses
ennemis qui pourraient constituer une menace pour la sécu-
rité des dirigeants de Kumasi. L'affaire Dako en est un
exemple frappant (2) . Ecoutons à ce sujet le récit de
Rattray
"Un certain Opoku Dako essaya d'arracher le
siège à Opoku waré. Ses revendications repo-
saient sur le fait qu'il était le neveu
d'Obiri Yeboa,
le prédécesseur d'Oséi Tutu.
Opoku waré accepta de partager avec Opoku
Dako toutes les propriétés du siège, mais il
refusa de diviser le siège lui-même ;
il
fallut donc combattre. Unsafohene nommé Ekye
aida Dako, mais i l fut tué. Opoku Dako s'en-
fuit à Sabronu près de N'koranza. Opoku Waré
le poursuivit et le fit prisonnier.
Il lui
demanda "o~ allais-tu~. Opoku Dako répondit
qu'il se rendait au Gyamanpour solliciter
le soutien du roi Abo. Alors
Opoku War·é di t
"s'il en est ainsi je vais te tuer, puis
j'irai trouver Abo".
Il fit comme i l avait dit
Opoku Dako fut exécuté et enterré o~ aujour-
d'hui encore on peut voir sa tombe. Ensuite
Opoku Waré entra en campagne contre Abo,
le
battit et le tua"(3).
(1)
E.
Terray,
op.
c i t . , · t . 2 ,
p.762.
(2)
Opoku Dako était un cousin d'Opoku waré
après la mort d'Oséi
Tutu il voulait accéder au pouvoir. I l fut vaincu par Opoku Waré.
(3)
Rattray, Fieldnotes, Ms 106, p.751 sq. cité par Terray, op. cit.,
p.807.
525
b)
Les prétentions d'Opoku Waré
D'après des traditions recueillies par Emmanuel
Terray,
"0po ku waré, jaloux des richesses du Gyaman
et inquiet de la vigueur croissante du jeune
Etat aurait réclamé d'Abo le versement d'un
tribut annuel de cent ta d'or, symbole de sa
soumission à l'autorite-de Kumasi;
il se
serait heurté à un refus catégorique et c'est
pourquoi il aurait ouvert les hostilités"(1).
Fuller, de son côté, écrit:
" ...
le roi
(Opoku Waré)
apprit qu'Abo Kobina,
chef des Jamans, s'était joint aux Musulmans
de Bantuku, s'était arrogé les prérogatives
d'un roi, et était en train de faire fabriquer
un siège en or afin de l'opposer au sien.
Aussitôt Opoku Waré envoya des messagers pour
demander la livraison du siège ; ceux-ci
n'obtinrent qu'un refus brutàl. Il dépêcha de
nouveaux émissaires, et avertit Abo qu'il ne
le laisserait pas tranquIlle tant qu'il
n'aurait pas renoncé à ce symbole de grandeur
auquel il n'avait aucun droit. Abo tua le chef
de l'ambassade et renvoya ses compagnons après
les avoir mutilés. Alors le roi convoqua un
conseil et tous les Abrempon
(anciens)
se
prononcèrent pour la guerre"(2).
.
Il ne semble pas qu'Abo Miri ait donné des ordres
pour se faire faire un siège en or comme le fera plus
tard le Gyamanhene Kwadwo Adingra au XIXe siècle. Opoku
Waré dut inventer cette histoire de siège en or afin de
trouver un prétexte supplémentaire pour envahir le Gyaman.
(1) E. Terray,_~ cit., t.2, p.804. Voir à ce sujet Delafosse Henri,
1900, p.204.
(2) Fuller Sir Francis C., A Vanished dynasty : Ashanti, London
(1921),
2e édition Cass 1968, p.29-30.
526
c)
L'assassinat d'un chercheur d'or
La tension était vive entre les autorités de Kumasi
et le roi du Gyaman
; or sur ces entrefaites on apprit à
Kumasi l'assassinat d'un Ashanti dans des conditions assez
obscures. Nous présentons ici la version recueillie par
Terray :
"Au temps du roi Abo Miri un Asante est venu
s'installer à Kinkwa avec son fils.
Il
élevait des poulets, et un jour il est parti
en forêt chercher des termitières et lorsqu'il
a commencé à creuser,
i l a découvert de
l'or(1). Ses voisins abron l'ont su et ils
ont averti le roi. Celui-ci a envoyé ses
gardes;
ils ont tué l'Asante et se sont em-
parés de son or(2)
; quant
à l'enfant,
ils
l'ont vendu à un Dyula de Kong(3)
qui passait
là et qui l'a emmené dans sa ville natale.
guelques temps après,
un autre Asanté s'est
rendu à Kong afin d'acheter des captifs(4)
soudain, sur le marché il a entendu parler
sa langue ; surpris,
i l a regardé autour de
lui et il a aperçu l'enfant.
Il lui a demandé
"D'o~ viens-tu ? -~e sont les Abron qui ont
tué mon père et qui m'ont vendu". L'Asanté a
payé le prix exigé, et en compagnie de l'en-
fant,
il est reparti vers son pays. Chemin
faisant,
il est passé chez le roi Abo et- il
a demandé:
"Est-ce vous qui avez fait cela ?"
Abo a répondu:
"C'est un mensonge, ce n'est
pas nous". L'autre a insisté:
nEtes-vous
prêts à jurer"? Comme les Abron avaient peur
de la colère asante,
ils n'ont pas osé refu-
(1)
On voit apparaître ici la richesse du pays gyaman en or.
C'était
précisément le métal précieux qui attirait les immigrants dans le
contrée. Opoku waré avait certainement connaissance des mines d'or
du Gyaman.
(2)
D'après Terray,
"dans la mesure où ceux-ci
(immigrants)
n'envisagent
qu'un séjour temporaire, et sont résolus à gagner un jour leur patrie
avec les biens qu'ils ont amassés ils sont mal accueillis pas les
Abron" Cf. Terray, op. cit., p.803. La présence des gardes ici lais-
serait supposer que l'Ashanti en question avait eu des problèmes
avec l'administration du Gyaman. Avait-il refusé de payer au roi la
taxe sur l'extraction de l ' o r ? La chose ne parait pas invraisemblable.
(3)
Ce passage illustre très bien les relations commerciales suivies
entre le Gyaman et l'Empire de Kong.
(4)
Kong ~omme nous l'avons vu était effectivement l'un des plus grands
marches d'esclaves de l'Afrique de l'Ouest à l'époque de Seku Watara
( 171 0-1 74 5) •
527
ser
; tous ceux qui se trouvaient là ont
prêté serment.
Il y avait parmi eux l'héritier
d'Abo, Bini Yao, qui était le frère aîné de
Kofi Sono ; il a dit à ses proches :
"Comme
j'ai fait un faux serment, je vais mourir;
si le siège vient de notre c8té, donnez~le à
Kofi Sono". De fait l'Asante est parti pour
Berekum, mais à son arrivée à Nyami - village
situé à mi-chemin de Bondoukou et de Berekum,
et qui marque la frontière orientale du Gyaman
-
il a appris que Bini Yao était mort, et il
a compris que les Abron avaient menti.
Il
est revenu sur ses pas pour leur arracher la
vérité. Or Bini Yao avait un sosie, et les
Abron ont présenté celui-ci à l'Asante en lui
disant.
"Bini Yao n'est pas mort". Mais
l'autre avait remarqué que Bini Yao avait un
orteil coupé et il a bien vu que l'homme
qu'on lui montrait était indemne. Il a d i t :
"ce n'est pas lui" et il est allé à Kumasi
raconter toute l'affaire à l'Asantehene Opoku
waré. C'est ainsi que la guerre à éclaté"(l).
Au cours de nos enquêtes, nous avons eu des échos
de l'assassinat du chercheur d'or ashanti, dans l'Anno et
à Kong.
1°/
version de l'Anno
"
A l'époque d'Abo, les Ashanti venaient
souvent extraire de l'or dans la région de
Bondoukou
( ... ) Un jour l'un d'eux trouva de
l'or dans un terrain appartenant à la famille
royale. Le terrain appartenant à Bini l'un des
parents Abo. Comme l'Ashanti s'est montré
insolent à son égard il le fit décapiter,il
(1) E. Terray, op. cit., t.2, p.a02-a03 voir aussi Tauxier, op. cit.,
1921, p.91.
528
vendit en outre son fils à un marchand de
Kong. Ces faits furent rapportés à Opoku waré,
le roi des Ashanti qui envahit aussit8t le
pays d'Abo et lui livra la guerre ll (1)..
2°/
Version de Kong
IIVers la fin du règne d'Abo(2), un proche
parent d'Abo qui avait surpris un Ashanti
en~
;train d'extraire de l'or dans
son domaine le tua prit ses biens et vendit
son fils connu sous le nom d'Oséi à un mar-
chand de Kong appelé Mustapha Tarawéré. Ce
dernier habitait le quartier Korora.
Un jour de grand marché, Oséi qui avait envi-
ron une dizaine d'années reconnut un ami de
son père et lui raconta tout ce qui s'était
passé. Le négociant ashanti se rendit à
Kumasi et mit Opoku Waré au courant. Furieux,
le roi des Ashanti leva une forte armée qui
vint conquérir le royaume d'Abo avant de
mettre le siège
devant Kong,
l'allié
d 1 Abo. • • Il (3) •
Les trois récits que nous venons de présenter se
recoupent admirablement et montrent que l'assassinat de
l'extracteur d'or ashanti, la confiscation de ses biens et
la vente de son fils avaient servi de cause immédiate à la
guerre.
D'après les analyses que nous avons faites les
débuts des hostilités remonteraient à l'avènement d'Opoku
waré vers 1720 après le conflit de ce dernier avec Dako
Opoku. On peut dès lors se demander pourquoi le souverain
de Kumasi ne se décida à attaquer le Gyaman qu'en 1739-1740
(1)
Informations recueillies auprès de l'imam de Prikro à Famièkro le
14-12-1973, dossier XIX.
(2)
Ce souverain est mort vers 1740, comme nous le verrons plus loin.
(3)
Informations recueillies auprès de Mamadou Saganogo Labi (Kong,
le 26-03-1976).
529
C'est-à-dire vingt ans après, à la suite d'une affaire
d'assassinat
"un incident somme toute mineur, lequel aurait
fort bien pu s'achever par le versement
d'une compensation"
comme le souligne Terray(1). Abo, nous le savons, avait fait
mettre à mort le chef d'une ambassade venue de Kumasi et
avait renvoyé ses compagnons après les
"avoir mutilÉS" (2)
et cela probablement peu après les événements de Bono,
(1722-1723). Malgré cet affront humiliant, Opoku Waré se
garda bien d'intervenir militairement au Gyaman à cette
date. Il s'était contenté en réalité de menaces verbales.
Pour comprendre l'intervention tardive d'Opoku Waré dans
les régions de Bondoukou et de Kong malgré les richesses
de ces. pays en or il faut voir ce qui se passait à Kong.
Depuis l'intervention de Kumbi dans la région de
Bondoukou vers 1715-1720, l'Etat abron du Gyaman ét 9 itdeve-
nu un
Royaume satellite de Kong. D'après les traditions
de ce pays les watara avaient aidé militairement les Abron
à s'organiser et à constituer une importante armée dans le
but, d'une part d'assurer la sécurité des communauté~dyula
de la région de Bondoukou, du Barabo et de l'Anno et,
d'autre part, de se protéger contre d'éventuelles agres-
sions qui viendraient de Kumasi.
Ainsi, d'après le Dyarna-
natigi Karamoko Ouattara, Kong i,·rait conclu une alliance
(1)
Terray, op. cit.,
t.2, p.804.
(2)
Voir Fuller
1921
(1968), p.29-30.
530
militaire
"qui l'obligeait à mettre toutes ses troupes
au service du Gyaman au cas o~ ce-dernier
serait attaqu~ par l'Ashanti ... "(1).
Ainsi, à partir de 1715-1720, le Gyaman ~tait
plac~ sous la tutelle de. Kong qui dans une certaine mesure
allait contrôler la politique intérieure et ext~rieure de
l'Etat abron en lui fournissant des karamogo qui vont ser-
vir de conseillers aux rois abron(2). Par l'interm~diaire
de ces personnages mystiques,Kong s'immisçait dans les
affaires d~ Gyaman.
Les relations intimes qui liaienb- le Gyaman à son
puissant voisin du nord semblent avoir temp~r~ pendant
longtemps l'ardeur guerrière d'Opoku War~. Un fait nouveau
va jouer un rôle capital, à notre avis, en faveur du roi
de Kumasi.
Il s'agit du départ du gros des forces des
Watara pour la r~gion de Bobo-Dioulasso, la boucle du Niger
et le Haut-Niger à partir de 1735. Nous pensons qu'à partir
de cette date Opoko War~ estima que le moment ~tait venu
d'intervenir militairement dans le Gyaman et dans la r~gion
de Kong. En tout cas,
le comportement des n~gociants
ashanti qui fréquentaient à partir de cette date les foires
de Kong est à ce sujet très significatif ; les marchands
akan étaient convaincus qu'une intervention imminente
d'Opoku War~ interviendrait dans la région de Kong. L'imam
de Bobo-Dioulasso, Marhaba rapporte à ce sujet une version
capitale :
(1)
~aramoko Ouattara (Enquêtes réalisées à Kong en 1974, 1976, et 1979).
(2) Toutes les traditions abron que nous avons recueillies en 1983 à
Hérébo confirment les traditions de Kong selon lesquelles les rois
abron recrutaient leurs karamogo à Kong.
531
"
Quelques années après le départ de Fama-
ghan les commerçants sandi commencèrent à se
montrer très agressifs et insolents vis-à-vis
des notables de la ville de Kong.
On raconte
qu'un jour Imam Baro eut à vendre des esclaves
à un Sandi du nomd'OséiKwamé. Ce dernier
trouva que le prix des esclaves proposés par
Imam Baro était trop élevé; il s'emporta
l'injuria et le traita de voleur.
"Patientez
un peu lui dit-il d'ici peu de temps, notre
grand roi vous rendra visite et vous serez
vendus comme des captifs sur le marché de Ku-
masi
; vous verrez les grandes dames de Kong
balayer les rues de notre capitale. Mori
Maghari qui avait appris l'~ffaire mit Oséi
aux fer s" (1 ) .
D'après certaines versions que nous avons recueil-
lies auprès des traditionalistes Mamadou Labi(2)
et Dawaba
Bamba(3) , le négociant en question aurait été décapité sur
l'ordre de Seku Watara.
Quoiqu'il en soit, on peut penser qu'Oséi était
,parfaitement au courant des préparatifs de guerre que
faisait Opoku Waré dans l'intention d'occuper le Gyaman
et la région de Kong. On peut situer selon toute vraisem-
blance cette affaire vers 1737-1739. Nous sommes persuadé
que c'est durant cette période qu'Opoku waré,
se sentant
suffisamment fort,
somma Abo de choisir
"entre un sabre et une banane plantain -
symbolisant respectivement la guerre et la
paix ".
(1)
Imam Marhaba,
(enquêtes réalisées le 12-3-1979 à Bobo-Dioulasso)
(2) Mamadou Saganogo Labi, Bouaké le 24-5-1978.
(3)
Dawaba Bamba, pongala
(Kong)
le 2-3-1974.
532
~bo aurait, dit-on, choisi
"le sabre, en assurant que jamais il ne con-
sentirait à manger une banane récoltée en
Asante"(1).
La guerre était désormais inévitable entre le Gyaman et
l'Ashanti. On vit alors Opoku Waré lancer une vaste offensive
d~plornatique qui lui assura le soutien des Dégha ou Mode
Mansra et celui des Kulango. Les premiers,
sous la conduite
de Nana Brumu Ankoma,
roi de Brama,
fournirent au roi de
Kumasi un millier d'hommes armés d'arcs et de flèches(2).
Les Kulango apportèrent au souverain de Kumasi un
a~pui sans réserve. Selon Terray,
"lorsque l'armée d'Opoku waré se présente,
ils
lui apportent d'autant plus volontiers leur
soutien que la lignée des souverains asante
est comme la leur originaire de Buna"(3).
En réalité,
les Kulango étaient las des guerres abron gui
les décimaient et ils vouaient aux autorités du Gyaman une
terrible haine. Dans ces conditions ils ont accueilli les
Ashanti comme des libérateurs, d'autant plus gue ces der-
niers
"promirent de les aider a se libérer de la
tutelle du Gyaman" (4) .
( 1 ) E. Terray, op. e i t. , p.811-812.
(2 ) Ibiden"
op. e i t. , p.810.
(3 )
Ibidem.
(4)
Ibidem.
533
Dans ces conditions, on comprend l'enthousiasme des Kulango
qui combattront dans les rangs ashanti.
Opoku waré ne négligea aucun détail.
Il fit tous
les sacrifices humains nécessaires afin de se concilier
les faveurs des forces spirituelles(1). Et en 1740, au
milieu de la saison sèche, Opoku waré à la tête d'une im-
pressionnante armée, envahit le Gyaman et fit tirer les sept
coups de fusil qui annoncèrent le début des hostilités(2).
Abo était-il prêt pour affronter les troupes con-
fédérées d'Opoku Waré ? A la veille des affrontements,
Terray parle de la solitude
des Abron et é c r i t :
"Ils ont voulu se tailler un domaine qui leur
soit propre et n'ont pu accomplir leur
dessein qu'au détriment de leurs voisins;
certains de ceux-ci ont été vaincus en bataille
r,angé~, d'autres ont subi les incursions des
nouveaux venus, d'autres enfin n'ont en rien
été touchés, mais tous se sentent menacés par
cet Etat qui grandit tout près d'eux,
tandis
qu'ils redoutent bien moins le pouvoir lointain
de Kumasi. C'est pourquoi, nous l'avons vu,
beaucoup d'entre eux rallieront le camp asanté,
les autres -
tels les Nafana de Banda - 'demeu-
rent neutres : ainsi les Abron se retrouveront
seuls devant l'envahisseur"(3).
Le texte de Terray passe sous silence les rapports
d'Abo avec Seku Watara.
Il nous faut donc dire
un mot
à
ce sujet. D'après les traditions que nous avons recueillies
(1 ) E. Terray, op. ci t. , p. 810-811 •
(2 )
Ibidem,
op. ci t., p.811-812.
(3 )
Ibidem,
op. ci t. ,
t.2, p.812.
534
aupr~s des Bambadyon(l), Abo au~ait rencontré à Kong Seku
Watara, trois mois avant l'invasion ashanti,. pour lui
demander d'autoriser ses fils à combattre à ses côtés con-
treles Ashanti.
Il aurait sollicité surtout l'intervention
de trois d'entre eux, Mori Maghari, Kumbi et Salia Sanu
dont la réputation guerri~re avait dépassé les fronti~res
de l ' E~pire de Kong. Seku donna son accord mais comme il n'avait
.pas con~iance dans
le
génie militaire d'Abo,
i l exigea
que les troupes abron soient confiées à Kumbi. Abo qui
était un. personnage susceptible se vexa, retira sa demande
et regagna sa capitale. En fait i l semblerait que Seku
ait trouvé ce prétexte pour retenir ses fils à Kong. Nous
savons en effet que le gros de ses troupes était absent
et qu'il avait besoin d'hommes sûrs pour organiser la
défense de Kong au cas d'une agression ashanti
; d'apr~s
Pigneba Ouattara,
"il était persuadé que les Abron ne pourraient
pas repousser les Ashanti et que ces derniers
envahiraient bientôt le Kpon-G~n~...
Peu
de temps apr~s cet incident, Abo envoya des
émissaires aupr~s de Seku Watara pour lui
présenter des excuses et lui offrir des ca-
deaux d'amitié.
Le Fama de Kong ffiit alors à
sa disposition des armes et des munitiotis et
un corps de Dyuladyon comprenant environ un
millier de guerriers sous les ordres d'un de
ses chefs de guerre connu sous le nom de
Marafadéni"(2).
(1) A Kong tous les vieux traditionalistes ont entendu plus ou moins
parler des guerres que les watara livrèrent contre les Ashanti, mais
seuls les Barnbadyon peuvent fournir des indications précises à
. propos de ces événements. En côte d'Ivoire nos principaux informa-
teurs furent à partir de 1976 Bamadou Ouattara (Nasyan) et Pigneba
Ouattara (Ouangolodougou).
(2) D'après les traditions que nous avons recueillies à Sungaradaga
le 6-2-1979, auprès de Soma Ali, cet esclave s'appelait en r~alit~
Dyontyè Sekora.
535
Les Abron avaient ainsi bénéficié d'un a~pui militaire de
Kong
: les traditions des Dyuladyon sont formelles sur ce
point.
2.
- Les opérations militaires
En 1740, vers le milieu de la saison sèche, les
troupes d'Opoku Waré sous les ordres de Kakabo attaquèrent
l'armée d'Abo(1).
Les premiers affrontements eurent lieu
entre Brodi et Namaso, probablement au bord de la rivière
Firi(2). La tradition de Kong parle en effet d'une première
victoire d'Abo au bord d'une rivière(3). D'après Terray
en effet,
"tout d'abord les Abron parviennent à contenir
l'assaut et Kakabo doit se replier sur
Nsawkaw"(4).
.
Mais il semble que pour des raisons diverses, Abo ne put
exploiter la situation: selon les uns,
le roi des Abron
manqua de munitions(5)
selon les autres, Opoku Waré au
bord du désastre fut sauvé par un allié de dernière heure,
le chef de Takyiman Kyérémé Kofi(6). Quoi qu'il en soit,
lors du choc décisif les Abron furent taillés en piètes.
Abo réussit à s'échapper grâce au courage
des Dyuladyon et,
franchissant le fleuve Comoé,
il se réfugia chez les watara
avec le reste de son armée. Que s'est-il passé par la suite?
(1)
D'après les bambadyon de Nasyan
(Kong)
la guerre eut lieu peu avant
la saison des pluies: Bamadou le 17-3-1976.
(2) Voir à ce propos K. Arhin,
1966, p.29.
(3) Ces propos ont été recueillis auprès de Pigneba Ouattara à Ouango-
lodougou le 4-3-1977.
(4) E. Terray, op. cit., p.813.
(5) Voir Agyeman,
1964, p.43.
(6) Voir Terray, op. cit., p.813.
536
~es autorités de Kong avaient-elles livré Abo à ses ennemis?
Est-il vrai
"qu'en dépit de ses espérances, Abo n'a trouvé
aucun secours auprès de ses h8tes"(1)
?
Les rapports d'Abc avec les Dyula de Kong ont fait couler
beaucoup d'encre.
Parmi les auteurs les plus connus nous
citerons Delafosse(2) , Fuller (3) , Braulot(4) , Agyeman(5) ,
K. Arhin(6), Bowdich(7) , Bernus(8). Essayons à travers ces
écrits parfois contradictoires de rétablir la vérité.
(1)
Telle est la conclusion que tire Terray, voir Terray, op. cit., p.812.
(2)
Delafosse,
1900, p.204 et 1904, p.l03.
(3) Fuller,
1968, p.30.
(4) Braulot, A.N.S.O.M.
C.I, III,
3.
(5) Agyeman,
1964, p.43-44.
(6)
K. Arhin,
1966, p.29.
(7)
Bowdich,
1819, p.234.
(8)
Bernus,
1960, p.258.
537
II, LES ASHANTI ATTAQUENT KONG
A. LES OPERATIONS MILITAIRES
1. - Les tentatives de négociations
Après sa défaite, Abo se rendit auprès de Kumbi
qui se trouvait à cette date à Kolon à la tite d'un kèrè-
boro
(corps d'armée). Le chef des Abron sollicita son aide
car il
"voulait retourner sur le champ de bataille
pour affronter à nouveau les Ashanti qui
selon lui avaient perdu beaucoup de guer-
riers"(1).
.
Kumbi conseilla au roi abron d'aller voir son père à Kong
et le fit accompagner par son jeune frère Salia Sanu(2).
A ce propos,
il convient de corriger certaines
erreurs que l'on trouve chez Delafosse et dans les tradi-
tions ashanti. En effet, d'après Delafosse,
.
~
"Abo avec ses guerriers et les Dyoula se refu-
gia à Kong où le roi ashanti le poursuivit,
ie le fit livrer par la mère du roi de Kong,
alors absent et le mit à mort
(1746)"(3).
Il est inexact de dire que Seku Watara était absent au mo-
ment où Abo arrivait à Kong. C'est le frère de Seku Watara,
Famaghan qui guerroyait dans la boucle du Niger au moment
ou les Ashanti combattaient les Abron. Delafosse se serait-
il fait ici le porte-parole· des traditions ashanti? Si l'on
(1)
Informations recueillies auprès du roi actuel de Kong,
Karamoko
Ouattara
(Kong, le 30-3-1977).
(2)
Ces précisions ont été apportées par Basièri Ouattara, Enquêtes
réalisées à Abidjan, le 15-4-1977.
(3)
Delafosse,
1904, p.l03.
538
eroit en effet les informations recueillies du côté ashanti
"en un,premier temps,
assurent-elles, Opoku
noue des relations non seulement amicales,
mais aussi amoureuses avec la "reine-mère"
de Kong, qui gouverne la cité en l'absence
de son fils et qui vient de lui livrer l'in-
fortuné Am. Celle-ci lui donne de l'or, des
perles, des étoffes, ainsi que plusieurs cen-
taines de captifs: cinq cents'd'après
Reindorf,
trois cents selon Kyerematen, qui
précise que ces malheureux sont en fait des
Bron réfugiés à Kong après la chute de Bono.
En guise de remerciement Opoku lui en restitue
cent et l'autorise en outre à
partager
son
nom"
: c'est pourquoi elle est appelée Aberewa
Poku,
"Poku la vieille dame" dans la tradition
Au cours de son séjour, Opoku règle le sort
du Gyaman
( •.. ) Puis son amie l'avertit que
son fils,
le roi de Kong, est sur le point
de regagner la ville
; il est temps pour lui
de s'éloigner s ' i l ne veut pas s'exposer à
être vaincu par des forces plusieurs fois
supérieures. Opoku se retire donc"(1).
Comme nous l'avons souligné, Seku était présent à
Kong au moment de la guerre d'Abo contre Opoku Waré. Les
informations selon lesquelles la mère de Seku aurait noué
des relations
"amoureuses" avec Opoku waré nous paraissent
sans fondement
: la mère de Seku Watara, Matagari,
est
morte cinq ans avant l'invasion ashanti. Les traditionalis-
tes de Kong et de Bobo-Dioulasso sont formels sur ce
point(2).
Il faut donc accueillir ces versions avec beau-
co~p de réserves. En réalité, les Ashanti ont brodé toute
cette histoire pour masquer leur défaite ignominieuse face
(1) voir Terray, op. cit.,
p.815-816.
(2) A Kong voir Dawaba Bamba
(Pongala 13-10-1976). Mamadou Ladi
(Bouaké le 20-5-1978)
Karamoko Ouattara
(Kong,
le 3-3-1975). A
Bobo-Dioulasso, voir Dalignan Ouattara,
(12-2-1979), et soma Ali
(20-3-1979) •
539
~ux~tara de Kong comme nous le verrons par la suite.
Seku conscient de la gravité de la situation vou-
lait éviter la guerre contre les Ashanti.
Il entreprit
donc de négocier avec Opoku Waré. Aussi évita-t-ild'accueil-
lir officiellement dans sa capitale son protégé Abo. Le
traditionaliste Mamadou Labi a sans aucun~doute raison
lorsqu'il dit
qu'
"Abo Kobena dut rebrousser chemin et vint
camper à Kolon chez Kumbi"( 1 ) •
Seku entama les négociations avec un personnage
du nom de Kokabu que l'on considère à Kong, à tort ou à
raison, comme étant le roi des Ashanti. Nous reviendrons
un. peu. plus tard sur çe problème. Seku constitua donc une
ambassade qu'il confia à l'une de ses filles du nom de
Dyimbé. D'après le Dyuladyon Bamadou, elle était
"très belle, très intelligente; elle s'ha-
billait comme un homme et combattait dans
les armées de son père"(2).
Selon Soma Al i ,
"Dyimé avait une trentaine d'années au moment
de la guerre contre les Ashanti et elle venait
de chasser son septième mari"(3).
rI s'agissait donc d'une femme qui avait une très forte
personnalité et c'est sans doute l'une des raisons du choix
(1) Mamadou Labi, enquêtes réalisées le 12-8-1977 à Kong.
(2) Bamadou Ouattara, Nasyan le 20-3-1976.
(3) Soma Ali, Enquêtes réalisées à Sungaradaga le 20-3-1979. Cette dame
est la première Dyimbé
car à la fin du XIXe siècle, Binger fit la
connaissance d'une seconde Dyimbé à Bobo.
540
de Seku Watara. Peut-être aussi que le roi de Kong comptait
sur les charmes de sa fille pour venir à bout trks rapide-
ment du roi des Ashanti. Seku s'attendait à une guerre
contre les Ashanti mais il n'était pas prêt: le gros de
ses troupes se trouvait encore assez loin de Kong et Mori
Maghari qui,
sur l'ordre de Seku, parcourait le pays afin
de constituer une grande armée n'était pas encore de
retour,
il lui fallait donc gagner du temps. C'est dans ce
contexte qu'il faut situer la mission de Dyimbé auprès des
autorités ashanti.
Dyimbé
"escortée par une trentaine de cavaliers riche-
ment vêtus alla trouver le roi des Ashanti.
Elle fut accueillie par un chef de guerre du
nom de Kondalili, qui la conduisit chez le roi.
Dyimbé offrit au roi un dune
(grande jarre)
rempli d'or.
"Mon pays, dit-elle, t'offre cet
or et te demande en échange de retirer tes
hommes. Mon père qui est vieux souhaiterait
vivre en paix avec toi".
Les Ashanti qui
n'avaient encore jamais vu autant d'or furent
éblouis par ce don"(1).
Le lendemain matin de son arrivée le roi des Ashanti la
reçut et lui imposa les conditions suivantes
1°/
la livraison d'Abo et des chefs abron
réfugiés à Kong
;
2°/
le versement d'un tribut annuel d'un dune
par an
3°/
l'expulsion de tous les habitants de Bono
qui s'étaient réfugiés dans l'Empire de Kong(2).
(1)
Imam Marhaba, Bobo-Dioulasso le 20-2-1979 ;
(2) Dawaba et Bamadou (Nasyan et pongala, avril et mai 1976).
- - - - - - - - - - - -
-
- -
541
Dyimbé savait que son père refuserait de se plier
à de telles exigences et que la guerre
par conséquent
allait éclater d'un moment à l'autre entre les Watara et
les Ashanti. Elle fit partir en cachette des émissaires
auprès de son père avec le message suivant
:
"père, les Ashanti veulent détruire Kong, pré-
pare toi à la guerre,
je vais essayer de les
retenir ici le plus longtemps possib1e"(1).
Pour ne pas éveiller les soupçons du roi des
Ashanti, Dyimbé envoya officiellement à son. père une deuxiè-
me délégation chargée de recueillir la réponse du roi de
Kong face à la demande ashanti.
On raconte que dès que Seku reçut le premier
message,
il réquisitionna toutes les armes et toutes les
munitions des Dyula ét plaça la ville en état d'alerte.
Il
fit entourer la ville d'une palissade gardée par 2.600
fusiliers et 5.000 archers, d'après le traditionalistes
Basièri Ouattara(2). On dit que ces travaux n'ont pu se
réaliser que grâce à l'habileté de Dyimbé qui réussit par
ses charmes à mobiliser
pendant une douzaine de jours les
troupes d'Opoku waré à deux jours de marche à l'est de
Ko1on.
Il n'est pas impossible qU'Opoku Waré soit tombé
~oureux
de Dyimbé et qu'il l ' a i t baptisée non pas Aberewa
Poku comme le prétendent les sources ashanti que nous avons
signalées plus haut, mais Nana Poku comme l'affirment
certaines traditions de Bobo-Dioulasso(3).
(1)
Karamoko Ouattara,
(enquêtes réalisées à Kong le 20-4-1977).
(2)
Basièri Ouattara,
(enquêtes réalisées à Kong le 15-3-1976).
(3)
D'après les Watara de Bobo, on aurait donné le nom de Nana Poku
à Dyimbé car on la considère comme l'héroïne de la guerre contre
le roi de l'Ashanti. Dans ces conditions Kokabu n'était pas le
souverain de l'Ashanti
(voir Marhaba, Bobo-Dioulasso, le 3-3-1979).
542
Une nuit,
Dyimbétrompa la vigilance des gardes
et s'enfuit à Kong. Lorsque le roi des Ashanti apprit la
di~parition de Dyimbé, il comprit que cette dernière
~'était moquée de lui, il ordonna aussitôt de lever le
camp, de marcher sur Kong et de ruiner la ville. On allait
assister ainsi à une des guerres les plus meurtrières de
l'histoire des ~atara.
2.
- Les premières batailles
La guerre de Kongolo
Seku n'ayant pas encore reçu les troupes que Mori
Maghari devait acheminer à Kong, constitua à la hâte une
armée qu'il confia à Kumbi. Comme le souligne Basièri, il
s'agissait d'une armée hétérogène comprenant des Sunangi
et de nombreux immigrants venus, soit de Bono, soit du
Gyaman(1). Le roi actuel de Kong, Karamoko Ouattara, affirme
de son côté que la première armée de Kong qui affronta les
Ashanti
"comprenait plus j'étrangers que d'autochtones.
Les seules troupes régulières étaient celles
des fils de Seku, Salia
Sanu, Kumbi et Mori
Maghari
et elles ne dépassaient pas 5.000
hommes" (2) .
.
/
Seku avait reparti son armée en deux groupes : le premier
était constitué par le corps des Sunangi et des Dyuladyon
et le second comprenait tous les étrangers; on l'appelait
,pour cette raison l'armée des ~unatyè (ou hôtes). Ce fut
dans ce dernier corps que combattait Abo Miri et ses hommes.
{1}
Informations recueillies à Kong-,
le 12-3-77, auprès de Basièri
Ouattara. La présence de nombreux étrangers dans l'armée mise sur
pied par Seku lors de cette première guerre est attestée dans les
sources orales de Kolon. Nous avons eu des échos chez Bamori Ouattara
(Kolon, le 15-2-1977).
(2)
Karamoko Ouattara,
informations recueillies le 9-2-77. Dawaba qui
propose les mêmes chiffres précie que les Sunangi ne dépassaient
pas 1.000 hommes.
La grande armée de Kong était loin de Kong.
543
La rencontre entre les Watara de Kong et les Ashanti se
produisit à Kongolo à 15 kilomètres à l'est de Kong.
D'après les traditions que nous avons recueillies à Kolon
dans l'une des résidences de Kumbi, le déroulement des
opérations se serait passé de la manière suivante : dès que
.
.
les Ashanti aperçurent les gens de Kong,
ils lancèrent toutes
leurs troupes dans la bataille dans l'intention de les
anéantir. Le choc fut brutal et il y eut de nombreux morts
de. part et d'autre. Les combats durèrent deux jours et
l'issue de la guerre paraissait incertaine. Le roi des
Ashanti fit alors une manoeuvre donnant l'impression de
. prendre la fuite. Abo Miri a~pelé plus communément Kobena
se laissa. prendre au plege.
Il se mit à la poursuite des
Ashanti entraînant avec lui tous les Abron. Mais par un
mouvement tournant dont les Ashanti avaient le secret,
ils
encerclèrent Abo et massacrèrent la plupart de ses compa-
gnons. Salià Sanu engagea toutes ses forces dans la bataille
.pour tenter de dégager Abo. Son intervention fut non seule-
ment vaine mais au moment où il voulut se dégager il fut à
son tour encerclé par les forces ashanti qui avaient à
.partir de ce moment la situation en main. Seku comprit la
gravité de la situation i
il ordonna à Kumbi de battre en
retraite. Ce fut la grande joie dans le camp ashanti vivement
éprouvé par la guerre. Kong venait de subir la plus grande
défaite de son histoire face au monde akan.
Avant d'analyser les conséquences de cette défaite,
il nous faut faire quelques mises au point. Contrairement
à ce que l'on a pu écrire sur le compte des watara, on
peut affirmer
1 0 /
qu'Abo n'a pas été livré aux autorités ashanti
comme le prétendait Delafosse(l).
Il a été
fait prison-
nier par les Ashanti en combattant pour la première fois
(1) Delafosse, 1904, p.l03.
544
sous la bannière des ~atara de Kong comme nous venons de
le voir.
Peut-être le roi de Kong a-t-il eu
"l'adresse d'engager Abo à aller combattre ses
ennemis sur les frontières".
Bowdich qui écrit ces mots confirme la défaite complète
d'Abo (1).
:
2°/ la bataille qu'Abo livra contre les Ashanti
ne s'était pas déroulée sur la Comoé, mais à Kongolo(2);
3°/ il est faux de dire que les Vatara avaient
attaqué les Abron par derrière pendant que ces derniers
combattaient les Ashanti, les prenant ainsi entre deux
feux(3);
4°/ les captifs, cinq cents selon les uns(4), trois
cerrts selon les autres(5), qui auraient été soi-disant
offerts par une reine-mère de Kong à Opoku waré ne seraient
en réalité que les malheureux Bron ou Abron qui avaient
échappé à la mort après la défaite d'Abo et qui se trou-
vaient de ce fait prisonniers dans le camp ashanti. Nous
reviendrons d'ailleurs sur le sort de ces prisonniers.
Voici donc un certain nombre de remarques que
nous pouvons faire à propos des rapports entre Abo et les
autorités de Kong.
(1) Bowdich, 1819, p.329.
(2) Voir à ce sujet le rapport de la M~ssion Braulot 1893, A.N.S.O.M,
C.I.,
III,
3. soulignons que Braulot est l'un des rares explora-
teurs qui a su donner des informations relativement correctes sur
la guerre des Ashanti contre les Dyula de Kong.
Il avait compris
que cette guerre s'était déroulée en 1740 ce qui n'était pas du
tout évident.
(3) Ces informations erronées sont fournies par K. Arhin - voir
Arhin,
1966, p.29.
(4)
Reindorf,
1895, p.87-88.
(5) Kyerematen,
1966, p.318-9, voir aussi Terray,
1984, p.815-816.
545
Voyons maintenant la situation des watara après
la défaite de Kongolo. Si l'on en croit les traditions
watara, l'une des conséquences immédiates ce fut la dé-
sorganisation de l'armée de Kong. Sur ce. point nous avons
enregistré deux versions contradictoires.
a)
Version de Mamadou Labi
"
Les Ashanti étaient venus chasser les
Kongois et avaient détruit la ville. Ceux-ci
ont fui jusqu'à cent soixante kilomètres.
Ils
sont allés à Kawala.
Ils ont créé Kawala(l).
Ils sont restés là et sont devenus puissants.
Les marabouts ont prié pour eux.
Ils ont envoyé
l'ancêtre du chef de canton, de l'actuel chef
de canton(2).
Il s'est mis en route et est
entré à Kong"(3).
D'~près cette version, l'armée de Kong vaincue
,
se serait refugiée à Kawara à 120 kilomètres environ au
nord de Kong. Et ce serait à partir de cette dernière loca-
lité que Mori Maghari à la tête d'une nouvelle armée vint
délivrer Kong.
D'après cette version aussi,
les Ashanti
après avoir détruit Kong seraient restés assez longtemps sur
les lieux, on ne sait pour quelles raisons.
b)
Version de Basièri Ouattara
Il
Après le désastre de Kongolo,
Seku Watara
complètement bouleversé regagna Kong avec le
,. 1 \\
D'après les traditions que nous avons recueillies à Kawara,
la
..
' I
création de cette cité serait antérieure à la guerre que les
Ashanti livrèrent contre Kong. Kawora aurait été à une époque an-
cienne un marché de viande séchée, d'où son nom. Mais ce serait les
Dyula qui auraient développé le pays à l'époque du grand-père de
Seku
(XVIIe
siècle?).
(~) Il s'agit de Karamoko ouattara.
(3) Mamadou Labi, A.U.A.,
série J,
1977, p.252-254.
546
reste de ses troupes.
Il se demandait ce qu'allait
devenir la capitale des Dyula. C'est alors qu'il
apprit avec une grande joie l'arrivee de Mori
Maghari à Kawara.
Il envoya Dyimbe
à Kawara
pour demander à ce dernier de regagner de
toute urgence Kpon. Mori Maghari arriva
deux jours après, au moment où les Sandi
faisaient tomber les barrières qui protegeaient
la ville ..• "(1).
.
Cette deuxième version nous parait plus vraisem-
blable. Tout porte à croire en effet que Seku et le reste
de son armée se réfugièrent à Kong. Un détail fourni
.par le traditionaliste Labi plaide en faveur de cette
seconde hypothèse.
Il nous apprend qu'après le desastre de
Kongolo,
"Seku accusa l'un de ses généraux Suma Simbo
Kuribari d'être responsable de la captivité
de
. Salia Sanu.
Il lui reprochait de s'être
battu mollement et d'avoir permis aux Ashanti
d'encercler son fils.
Seku se montra très
dur envers son Kundigi qu'il traita de couard.
Suma ne put supporter cette humiliation et
arrivé à Kong il se donna la mort. D'après
les vieux,
i l aurait ordonné à ses serviteurs
de faire tomber les murs de sa case sur lui.
Son fils Nangin devenu trop puissant sera
obligé, plus tard, de quitter Kong pour s'ins-
taller dans la rég ion de Korhogo. D'après· les
vieux, beaucoup de ~énéraux watara vaincus par
les Ashanti se donnerent la mort à Kong. Ce
seraient les squelettes de ces derniers que
les archéologues découvrent chaque année dans
le quartier actuel de la gendarmerie"(2).
Seku se serait ainsi rendu à Kong pour épurer
l'armée afin d'assurer la défense de la capitale dyula. Nous
avons vu d'ailleurs à ce sujet les mesures de sécurité
(1) Informations recueillies à Kong auprès de Basièri Ouattara (Kong,
20-3-1976). Elles confirment les traditions de Kawara selon lesquelles
deux Shérif à la tête d'une troupe nombreuse accompagnèrent l'armée
de Mori Maghari à Kong pour chasser les Ashanti (Balai Ouattara,
Kawara, le 18-8-1974).
(2) Mamadou Labi, Bouaké, le 18-8-1978.
547
prises par le souverain de Kong qui avait fait construire
une épaisse palissade autour de la ville gardée par des fu-
siliers et des archers dyuladyon. Le roi de Kong a pu
cependant ordonner l'évacuation de la population civile de
la capitale dyula. Nous n'avons enregistré aucune tradition
à ce sujet. Nous pensons cependant qu'après la déroute des
Watara beaucoup de Dyula ont pris peur et se sont réfugiés
dans le nord du pays ; c'est ce qui justifierait à nos yeux
la version n01
donnée par Labi. Ce départ d'un certain
nombre de Dyula vers des zones plus calmes a fait écrire avec
beaucoup d'exagération que seuls l'imam et quelques vieil-
lards étaient demeurés à Kong(1). Comme le souligne Basièri,
"les grands négociants dyula dans l'ensemble
demeurèrent à Kong, les uns pour lui
(Seku)
fournir des armes et des subsides,
les autres
pour l'assister de leursprières .•• "(2).
3. - La défaite Ashanti
La bataille d'Irikoro-
Sirabondo
Les Ashanti encouragés par leur victoire de la
veille mirent le siège devant Kong.
Ils tentèrent à plu-
sieurs reprises de pénétrer dans la ville, mais ils furent
repoussés par les défenseurs watara qui abrités derrière
les palissades causèrent de nombreux morts dans les rangs
des Ashanti. C'est sur ces entrefaites que Mori Maghari
arriva à Kong à la tête d'une armée régulière de près de
10.000 hommes dont les éléments venus des quatre coins de
l'Empire répondaient a l'appel de Seku Watara.
Surpris par
l'arrivée inattendue de cette nouvelle armée,
les Ashanti
tentèrent d'abord de faire face à la situation. Mais ils
(1)
Terray, op. cit.,1984, p.815.
- - - -
(2) Basièri Ouattara, Kong, le 30-3-1977.
548
~urent rapidement débordés par les guerriers de Kong. On
raconte que dans les combats qui se déroulèrent aux abords
de la ville, les Ashanti perdirent leurs meilleurs géné-
raux(1). Ceci expliquerait la panique qui s'installa dans
le camp des Ashanti.
Nous avons recueilli un écho du désarroi des
guerriers de Kumasi dans les traditions de Kawara :
"
Lorsque nos ancêtres, les Shérif de
Kawara arrivèrent à Kong, à l'appel de Seku
ils ne se servirent pas de leurs fusils pour,
combattre
les banmana. C'est avec leur sabre
qu'ils trancha ient
les têtes des chefs guer-
riers qui tombaient par centaines .•. "(2).
Après une journée de durs combats le roi de Kumasi,
réalisant que la partie était perdue, ordonna la retraite.
Dans leur fuite,
les Ashanti laissèrent des milliers de
corps derrière eux. On raconte qu'après plusieurs heures de
fuite, le roi des Ashanti Kokabu épuisé, ordonna la halte.
Il s'installa sur son siège royal au pied d'un baobab,
d'où l'expression Irikoro-Sirabondo
(sous le baobab creux
comme un grenier). C'est là que Mori Maghari le surprit et
lui. planta sa lance dans la tête. Cette dernière transper-
ça le corps du roi,
traversa le siège et se planta
dans
la racine du baobab. Voici la description que Labi donne
de l'arme qui avait servi à tuer le chef des Ashanti:
( 1 )
Informations recueillies auprès de Bamadou Ouattara, Nasyan, le
20-3-1976.
(2) Ealai Cuattara, en~uêtes du 18-8-1974. Les traditions de Kawara
parlent
souv~pt d une bataille
qui
s'est déroulée à proximité
àe la ville
de Kong,
au bord d'une rivière qui fut baptisée à
cette occasion Muguko
(la rivière de la poudre). C'est, dit-on,
au
bord de cette dernière que Seku avait fait dresser la palissade qui
protégeait la ville. La rivière fut,
le théâtre de durs combats
entre Ashanti et Dyula.
549
"Cette arme était un tama ou pia ou encore
Karabeni c'est-à-dire, une iance en fer qui
se termine par un bout très pointu
i
c'était
une arme de combat
ielle est différente de
celle que l'on voit couramment à Kong et dont
le manche est en bois. Elle est plus longue
que la pique arabe mais lui res~emble beaucoup.
Les Peul l'utilisaient souvent autrefois
lorsqu'ils se déplaçaient à.pied"(1).
Comme le souligne Bernus,
"les Ashanti prirent la fuite :
ils durent
découper la racine du baobab pour emporter
le roi empalé sur sa chaisen~2).
.
A la faveur du désordre indescr~ptible qui s'installa
dans le camp ashanti, Salia Sanu parvint à s'échapper et
à regagner l'armée de son frère. Mais il était en piteux
état, malade et affaibli. Durant sa brève captivité,
il dut
subir d~ très mauvais traitements.
Il avait sans aucun
doute été torturé par les Ashanti. Malgré son état,
i l
aida son frère Mori Maghari à poursuivre les fugitifs qui
se dispersèrent dans toutes les directions.
Dans leur
désarroi, les chefs ashanti chargés de ramener le butin etle
trésor royal à Kumasi
"s'égarent et prennent le chemin de Banda;
lorsqu'ils arrivent à la cour du mgomo
(sou-
verain)
de Banda, celui-ci les arrite et con-
fisque leur précieux chargement"().
Mais à Tambi,
la mort de Salia Sanu ralentit un
moment la poursuite. Mori Maghari dut arrêter ses hommes
pour enterrer son jeune frère qui avait une quarantaine
(1)
Mamadou Labi, Bouaké, le 18-8-1978.
(2 ) Bernus, 1960, p.258.
(3) Terray, op. cit., 1984, p.816.
550
d'années (1700-1740) (1). Cette halte permit aux troupes
d'Opoku Waré d'accentuer leur avance sur les Watara et de
disparaître dans les forêts du sud. Mori Maghari après
l'enterrement de Salia Sanu se lança vainement à leur
poursuite. Après avoir atteint Tambi et So~o, il prit la
route du retour. Ainsi se solda par un désastre cuisant
l'~p~pée d'Opoku Waré contre la grande. puissance dyula de
Kong. On raconte qu'à Soko, beaucoup d'Ashanti qui avaient
participé à la guerre contre Kong s'étaient déguisés en
marchands afin d'échapper à la colère des Watara(2). Quoi
qu'il en soit, cette défaite fut si cuisante que les sou-
verains ashanti ne s'aventurèrent plus jamais dans la région
de Kong.
Avant de regagner son pays, Mori Maghari laissa
une garnison à Soko. Il s'agissait d'une troupe de choc
constituée de Dyuladyon et connue sous le nom de Donsoru
(les chasseurs). Elle était chargée de surveiller les
Ashanti. En guise·de tribut, les habitants de Soko of-fraient
aux autorités de Kong, dit-on, douze tungbana (tam-tamsde
guerre).par an(3). Le chef de cette garnison est connu dans
les sources orales de Bobo-Dioulasso sous le nom de Nanaya
!
"il était le seul homme honnête parmi les
j
guerriers watara qui étaient restés à Soko.
1
Les autres étaient essentiellement des hommes
1
de ma in" (4) •
1
~,
(1) Toutes les traditions que nous avons recueillies à Kong et à Bobo-
f
Dioulasso confirment l'âge de Salia Sanu.
t
t
(2) Bamori Ouattara, Kong, le 3-4-1976.
!
(3)
Informations fournies par l'imam Marhaba 5aganogo (Bobo-Dioulasso,
le 15-2-1979).
(4) Imam Marhaba Saganogo, Bobo-Dioulasso, le 15-2-1979.
1
551
Ces Donsoru semblent avoir fait souche à Soko et leurs
descendants ont, semble-t-il, entretenu. pendant longtemps
des relations étroites avec les Vatara de Kong( 1) •
B.
LE BILAN DE LA GUERRE
Le bilan de la guerre dans les deux camps fut
lourd tant sur le plan matériel que sur le. plan humain.
1. - Dans le camp watara
Les guerres ashanti avaient perturbé l'organisation
commerciale mise en place. par les Dyula. Elles s'étaient
traduites sur le plan social par un important exode de
P?pulations de l'Anno, du Barabo, de Bono et de Bondoukou
ve'rs Kong, la métropole dyula.
D'après certains témoignages que nous avons re-
cueillis, la capitale des watara fut si peuplée que l'on
craignit la disette(2). Le coût de la vie devint très
élevé. Ce fut probablement l'une des raisons qui obligea
certains marabouts de Kong qui redoutaient sans aucun doute
les effets de ces disettes à quitter Kong pour la région
de BobO-Dioulasso. Parmi ces familles qui partirent à cette
époque, on cite les Saganogo de Darsalami et les Diabagaté
de Kotédougou(3).
(1) Basièri Ouattara, Kong, le 13-3-1976.
(2) Toutes les traditions dyula que nous avons recueillies à Kong de
1976 à 1979 insistent sur la hantise de la disette à Kong à cause
des nouveaux venus.
(3) Informations recueillies à Darsalami (10-15 février 1979) et à
Kotédougou (4-9 mars 1979).
552
Les guerres ashanti ont causé la mort de beaucoup
de guerriers watara. Parmi les familles qui eurent à pleu-
rer leurs ~orts on peut citer celle de Seku Watara. Le
fils du souverain de Kong était mort, nous l'avons vu, à
Tambi à la suite des tortures qulil avait endurees lors de
sa c~ptivité dans le camp ashanti.
Mais la défaite de Kumasi à Irikoro-Sirabondo
élimina définitivement l'Ashanti du chemin de Kong et de
Dienné, Kong s'assurait désormais le contrôle des princi-
pales voies qui reliaient les terres riches en or et en noix
de kola de la Côte d'Ivoire au Soudan Occidental et Central.
La victoire des ~atara à Sofara et à Irikoro-Sirabondo fit
de Kong l'une des plus grandes puissances de l ' Afr ique
Occidentale. Elle assura aux Dyula la suprématie dans le
mohde des affaires. Dès lors, le nom de Kong évoqua dans
tous les esprits, la gloire, la fortune et la puissance,
comme l'illustrent la plupart des traditions orales que lion
.peut recueillir encore de nos jours dans le pays. La défaite
des Ashanti montre que Kong était à son apogée.
2. - Dans le camp ashanti
La guerre des Ashanti contre les Dyula de Kong se
solda par un désastre. La grande armée d'Opoku Waré fut
quasiment anéantie. L'ironie du sort voulut qu'à Irikoro-
Sirabondo les Watara s'emparent du butin de guerre d'Opoku
Waré(l). Or nous avons vu que la recherche du butin fut
l'une des causes de la politique d'expansion de l'Ashanti en
direction de la Côte d'Ivoire. Sur ce point les Ashanti
(1) Dawaba Barnba, pongala, le 17-2-1976.
553
avaient donc ~chou~ lamentablement. A cela il faut ajouter
que lors de la bataille d~cisive, les watara s'~taient em-
. parés d'un nombre consid~rable d'Ashanti qu'ils vendirent
comme esclaves dans la r~gion de Bobo-Dioulasso. Selon Labi
"ce sont ces esclaves que l'on avait install~s
dans une brousse de la Haute-Volta qu'on
appelle aujourd'hui Vig~. Ces derniers ont
ainsi une origine servile. Leurs ancitres
~taient originaires de Kumasi •.. "(1).
Mais la perte la plus cruelle
fut sans nul doute
la mort de Kokabu. Pour les traditionalistes de Kong,
Kokabu ~tait le roi des Ashanti. Toutes les traditions que
nous avons recueillies à Kong et à Bobo-Dioulasso sont
formelles sur ce point. Marhaba, l'imam de Bobo-Dioulasso,
et un certain nombre de vieux de Kong.pr~cisent que la
mort de Kokabu donna lieu à la cour royale de Kumasi à un
grand jurement connu chez les Ashanti sous le nom de Nta-
Kèsiè et que tout individu qui l'invoquait ~tait jet~ en
prison. pendant 25 ans avant que l'on ne juge son affaire(2).
Ainsi, d'après les traditions de Kong, le roi des
Ashanti serait mort à Kong. Cette hypothèse est en ·c~ntra
diction avec les ~tudes qui ont ~t~ faites jusqu'ici et
selon lesquelles Opoku War~, après l'invasion de Kong,
serait mort vers 1750(2) c'est-à-dire dix ans après le d~
sastre d'Irikoro-Sirabondo. Faut-il croire à l'existence
de deux Opoku War~, dont l'un aurait r~gn~ de 1720 à 1740
et serait mort à Kong et l'autre de 1740 à 1750 ? Dans
(1) Marnadou Labi, Bouaké, le 6-12-1972.
(2) Imam Marhaba, Bobo-Dioulasso, le 20~2-1979. D'après ces indications,
les Ashanti devraient avoir
pour jurement He ka Kong.
(3) Pour la mort d'Opoku Waré il existe une abondante littérature, voir
Terray, op. cit., 1984, note 69. Voir les études de priestley et
wilks, "The Ashanti Kongs in the eighteenth century. A reised
chronology". The Journal of, African History, Cambridge, l, 1960,
n01, p.92 •
554
l'état actuel de nos connaissances il
est difficile de
nous. prononcer sur ce probl~me. Récmmment, Terray s'est
penché sur le personnage de Kokabu présenté. par les tradi-
tions de Kong comme étant le roi des Ashanti. Pour lui,
il ne
"s'agit pas de l'Asantéhene, puisque nous
savons de source sOre qu'op6ku Waré est mort
en 1750, soit dix ans après son incursion sur
le territoire de Kong et qu'avant de mourir
il a conduit plusieurs guerres victorieuses l
contre l'Akyem en 1741-1742 et contre le
Dagomba en 1744-1745"(1).
Il proposa alors d'identifier Kokabu à l'Adumhene Kababo
"présenté par la tradition de Takyiman comme
le commandant du corps expéditionnaire asante
il aurait alors succombé lors des escarmouches
qui ont marqué la retraite de ce dernier"(2).
D'après Terray, Kakabo aurait été, lors de la guerre des
Ashanti contre Aoo, le krontihene c'est-à-dire le généra-
lissime des troupes d'Opoku Waré(3).
Il conclut en disant
que
"les Adumhene sont les descendants d'AnUID Asamoa,
le chef de ces soldats akwamu qui apportèrent
à Oséi Tutu un si précieux concours, il n'est
donc pas surprenant de les voir exercer de
hautes responsabilités dans le domaine mili-
taire"(4).
L'identification de Kokabu à Kakabo le généralis-
sime d'Opoku Waré nous paraît acceptable. La disparition
de ce haut dignitaire et la mort de nombreux princes à
Irikoro-Bondo expliquerait l'ex~œnce du Nta-kèsiè dont
( 1 ) Terr ay,-..2E.:. ci t. , 1984, p.815.
(2)
Ibidem, op. eit. , )984, p.815.
(3 )
Ibidem, _op. ci t. , 1984, p.811-812.
(4)
Ibidem, op. ci t. , 1984, p.808-809.
555
parlent les Dyula de Kong.
Quoi qu'il en soit, la disparition de Kokabu fut
fatale à la grande armée de Kumasi qui, comme nous l'avons
vu,
s'~parpilla dans toutes les directions. Et si l'Asan-
t~hene ne regagna. pas directement sa capitale et s'il
avai t. parcouru 'le pays en tout sens
"franchissant à neuf reprises le komoé"
avant de se retrouver dans l'Anno ce n'était certainement
pas, pour donner la chasse à de quelconques réfugies de
Bono, mais pour trouver le moyen d'échapper à ses ravis-
seurs. Ce roi malheureux dut errer pendant plusieurs mois
avant de se décider
"à rentrer dans sa patr ie" (1 )
contrairement à ce que relatent les traditions ashanti.
3.
- Dans le camp abron
Le bilan de la guerre fut aussi lourd dans le camp
abron. A Kongolo,
la plupart des combattants avaient été
des étrangers et surtout des Abron et la défaite des\\Jatara
lors de cette bataille provoqua la mort et la captivité de
plusieurs milliers d'entre eux. Ce fut aussi à Kongolo que
succomba le roi Abo. Une incertitude entoure les circons-
tances exactes
de la mort d'Abo.
D'après les traditions
abron rec~eillies par Terray, le roi, sentant qu'il allait
tomber aux mains de ces ennemis, se serait empoisonné mais
Opoku War~ aurait fait décap~ter malgré tout son cadavre(2).
( 1)
Te r r ay, op. ci t . ,
1984, p. 81 6 •
( 2 ) lb ide m,
op. ci t., p. 81 4 •
556
Les sources orales ashanti contestent cette version et
affirment qu'Abo avait été capturé et cruellement torturé
avant d'être décapité sur l'ordre d'Opoku Waré. Son crâne
aurait été emporté à Kumasi et une effigie en or de ses
traits aurait été accrochée au siège d'or(l).
La version ashanti nous paraît plus proche de la
vérité car, d'après les sources orales de Kong, Abo avait
été effectivement capturé par les Ashanti.
Quoi qu'il en soit, la disparition d'Abo fut une
grande perte pour le Royaume Abron qui immortalisa le
souvenir de cette douleur en créant l'un des grands jure-
ments abron "me ka Kong"
(je jure Kong) (2).
Seul Bowdich prétend qu'Abo avait eu la vie
sauve.
Il écrit à ce sujet :
"Celui-ci essuya une défaite complète
et il acheta la paix en offrant des sommes
considérables en or aux différents chefs et
en consentant à payer un tribut annuel" (3) •
Pourquoi les Ashanti en 1817 ont-ils fourni une
telle information sur le sort d'Abo ? Terray nous apporte
une réponse à cette question.
"
il faut se rappeler qu'il
(Bowdich) obtient
cette
information
lors de son séjour de 1B17
à Kumasi : or à cette date, les Asante sont
engagés dans de difficiles négociations avec
les Abron,
et ils veulent sans doute éviter
d'évoquer devant leur visiteur un épisode dont
(1)
Voir Fuller 1921
(1968)
p.30 ; Kyerematen 1966, p.260-261
1969,
r.4
; Terray, op. cit.,
1984, p.814.
(2)
Sur ce jurement voir Terray, op. cit., p.814.
(3) Bowdich, op. cit., p.329.
557
le rappel ne peut être qu'extrêmement désagréa-
ble à leurs interlocuteurs n (1). Pour des rai-
sons diplomatiques, les Ashanti auraient caché
la vérité à Bowdich.
Qu'allait-il se passer au Gyaman après la. mort
d'Abo Miri ? A en croire les sources orales ashanti qui
passent sous silence la désastreuse défaite d'Opoku waré
à Ir ikoro-Bondo , le grand vainqueur de 1740 serait le sou-
verain de Kumasi, ce qui est inexact. L'on aurait tort de
croire, comme le laissent supposer Reindorf et Delafosse(2) ,
que ce fut Opoku Waré qui présida
"en premier lieu à ltintronisation d'un nou-
veau souverain du Gyaman, Kofi Sono Ampem" (3) .
En réalité,
le souverain qui maitrisait la situation dans
le Gyaman était le grand Fama de Kong, Seku Watara qui
"avait chassé opoku waré et tous ses alliés
du Gyaman" (4)
et ce n'est pas par hasard affirment les Dyula, que l'in-
tronisation de Kofi Sono eut lieu à Kong et non à Kumasi
Seku, dit-on, voulait montrer aux Ashanti par ce geste
symbolique qu'il était l'allié des rois du Gya~an. La
tradition abron confirme gue
"la cérémonie a bien eu lieu a Kong"(5).
Opoku Waré n'a joué aucun rôle dans la nomination de Kofi
Sono. Nous sommes ô'acccrd avec Terray qui écrit:
(1) Terray, op. cit., p.814.
(2)
Voir Reindorf,
1895, p.87-88
Delafosse 1900, p.204,
1904,
p.l03,
1908, p.230-231.
(3 ) Terray, ~. cit. , 1984, p.821.
(4)
Basièri OUattara, Kong, le 13-3-1977.
(5 )
Voir Terray, op. ci t. , 1984, p. 821 .
-
--------~
558
"
L'Asantéhene n'intervient pas da"CI(ltc,~e
dans la nomination des souverains des
royaumes vaincus que dans celle des Omanhene
(chefs) des Etats confédérés: c'est qu'à
tous les degrés de la hiérarchie sociale,
un chef à cette date est avant tout l'élu
et le représentant d'un lignage;
si ses
supérieurs sont en droit de s'intéresser à
sa conduite ils ne sauraient se mêler de sa
désignation
: la sélection de la personne
élevée au rang de chef est l'affaire réservée
du lignage, et cette règle s'applique aussi
bien au niveau du village qu'à celui de la
province ou de l'Etat . . . "(1).
Mais le choix de Kong comme lieu de l'intronisation du
futur roi du Gyaman,
indique que la puissance de Sèku Watara
avait éclipsé celle du roi de Kumasi.
Voici comment l'on présente les faits à Kong
afr~s la défaite des Ashanti, les 9rands dignitaires du
Gyaman qui s'étaient réfugiés à Kong décidèrent d'introni-
ser Koti Sono comme roi du Gyaman. Les cérémonies se
seraient déroulées à Kong et, quelques années plus tard, le
nouveau roi regagna son pays. Mais une fois au Gyaman, les
autorités de ce pays lui auraient demandé de récupérer les
emblèmes du pouvoir demeurés
aux mains d'Opoku Waré.
Il
aurait accepté d'obéir(2).
Il n'est pas impossible en effet
qu'Opoku Waré se soit emparé d'une partie des anciens sièges
royaux ou des tambours(3). Nous ne pensons pas que dans ces
conditions Kofi Sono aurait pu régner réellement sans ces
attributs du pouvoir.
Il a dG traiter en secret avec son
ennemi de la ve i Ile af in de r écupér e r le s emblèmes royaux.
C'est dans ce contexte qu'il faut situer,
à notre avis,
les
négociations de Dua Kobena avec l~ roi de Kumasi qui exigea
alors le versement d'une indemnité ou d'une amende, évaluée
par Tauxier à vingt mille francs de 1920, soit un peu plus
de deux cents onces de poudre d'or(4)
; en outre,
les Abron
promet ta ien t
d' acqu i t ter chaque année un ,tr ibu t (5) dont le
n) Te r r ay, 1984, p. 823 .
(2) Bamarlou Ouattara, Nasyan le 20-3-1977.
(3) Voir Warren, 1971, p.53.
(4) Tauxier, 1921, p.91, note
Bowdich, 1819,. p.234 .
• r
(5)
Bowdich,
1819, p.234.
559
montant initial semblait avoir été relativement modique sous
le règne de Kofi Sono i
il slélevera à cent kponta de poudre
dlor,
HIes kponta étant des unités de poids kulango
correspondant aux suru des Bron et des Asante,
dlune valeur de 8,8 grammes chacune"(l}.
Ainsi, par le biais des anciens sièges ou des tambours
royaux, Kumasi allait aussi dicter ses conditions aux souve-
rains du Gyaman en ~eur imposant un tribut. Comme le souli-
gne Terray, la fonction de ce d~rnier
"est avant tout de marquer le statut subordonné
qui est désormais celui du Gyamanhene vis-à-
vis de l'Asantehene U (2).
Les autorités de Kong ne semblent pas avoir été
mises au courant des négociations entre le Gyaman et le
souverain des Ashanti. Elles sont surpr is~s ct 1 entendre dire
que les Gyaman avaient conclu une alliance avec OpQku waré
après les événements de 1740 et que ce dernier
"donna au roi du Gyaman le titre de "me yen
(ma femme)" (3) .
Elles sont persuadées, à tort peut-être, que le Gyaman
avaient acquis son indépendance vis-à-vis de l'Ashanti
après la défaite des Ashanti à Irikoro-Sira-Bondo. Or,
ct 'après
Terray, en vertu de cet accord le Gyaman fut tenu, en cas
"de guerre d'apporter son assitance militaire
aux Ashanti"
(1)
'Terray,
1984, p.823.
(2) Ib:Ldem,
1984, p.823.
(3) Ibidem,
1984, p.823.
560
et il,précise que cette obligation joua dès 1742(1). Les
contingents abron auraient pris part à la campagne dirigée
par 9poku Waré contre l'Akyem ;
Il l'un d'entre
eux est' dirigé fa!' l ' Akwamhene Yao Roko :
i l s'illustre en prenant d'assaut une colline
sur laquelle les ennemis s'étaient retranchés,
et en s'emparant de l'un de leurs tambours"(2).
4. - La chronologie des événements
Beaucoup d'auteurs ont proposé des dates pour
situer la guerre entre Opoku Waré et Abo Miri. A ce sujet
Bernus écrit en 1960,
"Tauxier conteste la date donnée par Delafosse
(1746)
et également celle annoncée par Nebout
(1701)
et penche pour un juste milieu
(1725).
Meyrowitz parle des environs de 1730.
Il
sembl€
donc que cette affaire se place dans le
second quart du XVIIIe siècle. Cette hypothèse
est cOTIrirmée par une récente étude qui situe
le règne d'Opoku-Waré de 1720 à 1750 11 (3).
Comment expliquer ces divergences ?
Le point de départ de Tauxier fut Bowdich(4) qui
apres sa Dission à Kumasi, nous dit qu'Opoku Waré régna de
(1) Terray,
1984, p.824.
(2) Terray,
1984, p.824. Voir aussi la Royal Gold Coast Gazette, vol.
l
n030,
27 may,
1823
(correspondance anonyme datée d'Accra, le 26
mai 1822)
qui écrit:
"Les 'Asante ont toujours livré leurs batailles à l'aide des troupes
levées
dans les pays tributaires, et qu'elles soient victorieuses
ou non, ellès n'ont aucune part des dépouilles. Les Bontookoas et
les Inta ont contribué à la conquête de l'Akyem, et ils n'ont jamais
été remboursés de leurs dépenses d€
guerre".
(3)
Bernus 1960, p.259. A propos des auteurs cités voir: Tauxier,
1921,
p.9ü-91, Delafosse,
1904, p.103, N€bout
in Dix ans à la Côte d'Ivoire,
1906 ; Meyerowitz, Akan traditions of origine,
1952 ; à propos de la
récente étude voir priestley et Wilks,
1960, p.92 et notes.
(4)
Bowdich,
1819, p.329.
561
172C à 1741 (1) et que l'une de ses premières campagn~fut la
conquête du Gyarnan qui serait antérieure à cette de l'Akyem.
Tout ceci amena donc Tauxier à placer la défaite d'Abo Miri
vers 1725. Fuller donna raison à Tauxier en affirmant que
la campagne contre Abo s'était déroulée trois ans après
celle de Bono
(1722-1723) (2). Ainsi la date proposée par
Tauxier n'était pas à écarter à priori.
Delafosse avait compris que la conquite de l'Akyem
qui était un élément de référence était postérieure à
celle du Gyaman. S'appuyant alors sur Reindorf(3),
il
situa la conquête de l'Akyem en 1742 et la mort d'Opoku
~aré en 1749. Dans ces conditions, il plaça l'invasion du
Gyaman à une d~te à mi-chemin entre 1742 et 1749 soit 1746.
Les traditions orales de Kong et de Bobo-Dioulasso
.par recoupement avec le Tedzkiret en Nisyan
permettent de
résoudre définitivement la question de la conquête du
Gyaman et l'invasion de Kong par les troupes d'Opoku Waré.
Elles nous apprennent qu'au moment où les Ashanti envahis-
saient l'Empire des Watara, l'armée de Seku Watara se trou-
vait avec Famaghan dans la boucle du Niger. Or nous savons
de manière certaine qu'à partir du mois de Dyomada II
(5 septembre -
4 octobre 1739) Famaghan était dans la région
de Dienné. La conquête des territoires de Dienné commencée
au mois brillant de cha 'ban
(3 novembre -
2 décembre 1739)
dut se poursuivre jusqu'à la fin de l'année 1739(4).
(1) Cette hypothèse tendrait à confirmer les traditions dyula de Kong
selon lesquelles le roi des Ashanti serait mort à Kong vers-cette
époque.
.
(2) Fu 11 e r, 192 1 ( 1968) p. 29 .
(3) Reindorf, 1&95, p.83-87, 88 et 90.
(4) TedzkÜet en Nisyan, 1966, p.112-113. Pour les traditions orales
voir les traditionalistes de la cour royale de Kong
(enquêtes réali-
sées entre 1974 et 1977). Voir aussi Marhaba (Bobo-Dioulasso, 1977
et 1979) et Labi (Kong, Bouaké 1974 et 1978).
562
A la suite de ce document, nous avons fixé la
conquête de Sofara au début de l'année 1740. C'est pendant
que les i'i atara SouID€ttaient
les pays de la boucle du Niger
que les Ashanti firent irruption dans les territoires
actuels de la C8te d'Ivoire. D'apr~s les traditionalistes
de Kong, c'est précisément parce que la grande armée
des
Vatara était immobilisée au nord que les Ashanti se hât~rent
d'attaquer le Gyaman et les Dyula de Kong.
N~us pouvons verser au dossier de l'année 1740
l'information fournie par Marhaba et selon laquelle il
aurait lu dans un document appartenant à son grand-oncle
maternel EI-Haj Mustafa le passage suivant :
b
Beman Dugutigi a écrit dans un de ces
documents sur l ' histoire des 'Vatara que ce fut
au commencement de l'année 1153 de l'Hégire
(1740)
que les Santi furent chassés de Kong,
et que Kobaku
(Kokabu)
le roi des Santi fut
tr ansp€rcé
par un tama •.• " (1) .
Braulot avait-il eu connaissance de ce document?
La chose ne paraît pas vraisemblable car après son séjour
à Kong, il écrit en 1893 :
"
Vers l'an 1740, Pokou
roi des Ashanti
envahit le Gaman et les dioula du Barabo durent
abandonner leurs villes pour se retirer les uns
à Kong (gens de Bandakagny et de Sangnéhéni)
les autres dans l'Anno
(gens de Yorobondi ... "(2).
Nous proposons donc de situer l'invasion du Gyaman,
de Kong et la mort d'Abo vers le début de l'année 1~40.
(1)
Informations recueillies auprès de Marhaba le 10-3-1979.
(2)
Braulot, Arch. Nat. S.O.M. C.L, III,
3,
(1893).
-
-
- - - - -
563
CHAPITRE IV
LA VIE ECONor~IQUE SOUS SEKU WATARA
(1710 - 1745)
Kong connut sous Seku Watara une période relati-
vement calme, pratiquement entre 1720-1740. Les sources
orales ne signalent aucune guerre importante durant cette
période. EII~ insistent au contraire sur la sécurité qui
régnait au sein du nouvel Empire des Watara. Tout ceci se
traduisit par un grand développement des activités écono-
miques dans la région de Kong et de Bobo-Dioulasso
(Sya).
1.
L'AGRICULTURE
Située dans une zone climatique où les pluies sont
relativement abondantes, la région de Kong a connu sous
Seku Watara une intense activité agricole. Tous les vieux
que nous avons interrogés sont unanimes sur ce point(1).
C'est à juste titre que Binger constata en 1888 qu'aux
approches de la ville les terrains étaient "épuisés par
plusieurs si~cles de culture" (2) •
Bassori Ouattara, le maître de la terre
de Limono
a certainement raison quand
il dit que Seku est à l'origine
de la création des foro-ba
(grands champs, grandes exploi-
tations ).
"Avant Seku, disait-il,
les paysan entrete-
naient de petites parcelles de terre pour
faire vivre leur famille.
Sous le règne de
Seku, on exploitait au contraire de grands
(1) Nos enquêtes sur la vie économique à Kong sous Seku Watara se sont
déroulées de 1974 à 1979 à Kong même et dans la plupart des circons-
criptions de la Sous-Préfecture.
(2) Binger, op. ciL, 1892, LI, p.285.
564
domaines et lion commercialisait
le sur-
plus . . . "(1).
On aurait pu croire que le départ des Palaka
(Falafala
insoumis)
porterait un coup rude au développement de llagri-
culture. En fait,
comme llexplique le roi actuel de Kong,
Karamoko Ouattara,
"le départ des populations palaka fut largement
compensé par l'introduction massive des esclaves
dans les exploitations agricoles" (2) .
De ce fait,
au XVIIIe et au XIXe siècles l'agriculture à
Kong demeura tributaire de la main-d'oeuvre servile.
A. LES PLANTES CULTIVEES
Dlaprès les traditionalistes que nous avons inter-
rogés, les principales plantes cultivées à l'époque de Seku
Watara étaient les mêmes que celles que l'on cultive de nos
jours dans le pays. Mais la production était infiniment
plus importante ; elle est de nos jours négligeable. Elle
paraît avoir atteint son apogée sous le règne de ce grand
souverain watara
(1710-1745).
Parmi les plantes qui retiennent l'attention des
traditionalistes, on peut citer le mil
(Pennisetum),
le
sorgho
(Sorghum),
le mais
(Zea mays) , l'igname
(Diocorea),
le riz, le manioc, les patates, le cotonnier
; mais surtout
l'igname et le mil
(notamment la variété connue à Kong sous
le nom de sanio).
1) Sassori Ouattara, enguêtes du mois de juillet 1974 à Limona. Appli-
gué à l'armée le terme foro-ba désignera la grande armée de Kong.
N'oublions pas gue l'armée procurait beaucoup de ressources aux
~atara comme s'ils possédaient des champs.
2)
Karamoko Ouattara, enguêtes du mois de mars 1977 à Kong.
565
Les paysans de la région de Kong considèrent cer-
taines de ces plantes comme des plantes autochtones
iparmi
ces dernières, on cite couramment le sanio,
l'igname et le
riz(1). Ces versions sont vraisemblables car les études
de Raymond Mauny ont montré en effet que le petit mil
(sa-
nio)
et certaines variétés d'igname étaient des plantes
"ouest-africaines"(2).
Elles formaient ainsi l'une
"des bases de l'alimentation des peuples
forestiers et préforestiers ouest-africains . . . "(3)
Seku Watara a encouragé des cultures nouvelles i
il s'agirait essentiellement de la culture de l'oranger, du
mais, des patates et du cotonnier.
Issu d'une fami~le
d'illustres tisserands, Seku Watara développa la culture
du cotonnier. A Limono, le maitre de la terre a entendu
parler des vastes plantations de cotonniers qui s'étendaient
à perte
de vue au nord de Kong(4). Ces derniers faits
ont été confirmés à la cour royale de Kong par Karamoko
Ouattara, le roi actuel de Kong qui a précisé que les plan-
tations de cotonniers de Seku
"étaient exploitées essentiellement par des
populations servile1" (5).
(1) Enquêtes à Kolon et à Limono en 1975 et 1976 ; à Limono voir Bassori
et Miaba Ouattara ; à Kolon voir Bassina Ouattara.
(2) R. Mauny, Tableau Géographique de l'Ouest Africain ... 1961, p.238.
(3) R. Mauny, op. cit., p.246.
(4) Enquêtes du mois d'août 1976 auprès de Bassori OUattara.
(5) Enquêtes de 1976 auprès de la famille royale à propos des ressources
de Seku Watara. Kong 3-3-1976.
566
Mais les deux cultures dominantes qui ont été à
la base de l'alimentation à Kong étaient l'igname et le
mil. En ce qui concernait la première, on rencontrait
dans le pays avant l'époque de Seku Watara des variétés
hâtives appelées kuna ou morifina et des variétés tardives
connues sous le nom de wologo ou kangba. Les récoltes se
situaient, comme de nos jours, généralement d'avril à
décembre en fonction des variétés. La plupart des vieux que
nous avons interrogés dans les campagnes autour de Kong
ont entendu dire qu'à l'époque de Seku, l'igname faisait
l'objet d'un commerce important avec les pays forestiers
du sud(l). A cela il faut ajouter le fait qu'à Kong,
l'igname a toujours joué et joue encore un rôle fondamental
dans les cadeaux que l'on offre aux beaux~parents pour
obtenir la main de leur fille.
La secorrde culture, le mil, comprenait le petit
milou sanio et le gros milou bimbéri. On considère géné-
ralement le bimbéri comme une variété de sorgho(2). On con-
naissait à Kong deux variétés de bimbéri, le bimbéri-ulé
{mil rouge) et le bimbéri gbè
(mil blanc). D'une manière
générale, la récolte du
mil
(bimbéri ou sanio)
avait lieu
de novembre à janvier.
Le mil le plus apprécié à Kong à l'époque
de Seku Watara
était
le sanio.
Il a joué et con-
tinue à jouer
un rôle
important
dans
l'alimentation.
Avec le développement du commerce dans la région de Kong,
le sanio servait à confectionner le "grand repas de l'hos-
'pi tali té'! appr éc ié par les marchands étranger s pour sa
valeur désaltérante
; ce repas était fait avec du mil
(1)
Les traditionalistes de Kolon insitent sur l'exportation des ignames
en direction du Dyarnala et de l'Anno.
(Enquêtes réalisées à Kolon
et Koniéré en 197~.
(2)
Binger, op. cit., p.335.
567
mélangé avec du lait. Sous Seku Watara, ce repas était
couramment servi par les dyatigi
(les hôtes)
aux membres
des caravanes qui atteignaient le marché de Kong,
en signe
d'hospitalité.
Cette tradition qui s'est développée à Kong au
XVIIIe siècle était connue au Moyen Age dans la boucle du
Niger. En 1352,
Ibn Battûta lors de son voyage à Niani fit
une halte à Walata où il fit connaissance avec ce repas_
d'hospitalité
"
c'était disait-il du mil
( •.. ) concassé
mélangé avec un tout petit peu de miel et du
pe t i t
lai t •.• " ( 1 ) •
.
Lors du passage de notre voyageur dans la boucle du Niger
en 1353, il consommait souvent une boisson qu'on appelait
daknu et qui était une eau
"contenant du sorgho concassé, mélangé avec un
peu de miel ou de lait aigre . . . "(2).
Le repas d'hospitalité et le daknu tenaient une
grande place dans la vie quotidienne à Kong à l'époque du
grand commerce caravanier.
Une autre boisson qui prit aussi une ampleur consi-
dérable sous Seku· Watara fut le dolo, la bière de mil.
Cette boisson était encore consommée abondamment dans le
pays à la fin du XIXe siècle, à l'occasion des mariages, des
(1)
R.P. CUOQ, Recueil des sources arabes concernent l'Afrique Occiden-
tale au Moyen Age ...
1975. p.295.
(2)
R.P. CUOQ, op. cit., p.315.
568
funérailles et les jours de marché. Singer a constaté à la
fin du XIXe siècle, que les gens buvaient de grande quan-
tité de do lu à Sumakana(1).
Les techniques de la préparation du dolo étaient
relativement simples: on provoquait d'abord la germination
d'une certaine quantité de graines de mil en les mouillant
avant de les étaler sur le sol
; dès que les graines
germaient on les faisait séjourner quelques temps dans
des jarres contenant de l'eau. Les graines étaient ensuite
\\
séchées, moulues et bouillies; le bouillon était
filtré
et le liquide obtenu était porté à ébullition pendant une
journée; on le laissait fermenter une nuit et le dolà
était prêt (2) .
B. LA VIE AGRAIRE
D'après les vieux que nous avons interrogés, les
techniques agraires n'ont guère évolué dans la région de
Kong depuis l'époque des autochtones Falafala, ou Myoro.
Ainsi, comme de nos jours, les paysans de l'époque de Seku
Watara pratiquaient la culture itinérante sur brûlis.
Ils
ignoraient l'engrais proprement dit et l'agriculture repo-
sait essentiellement sur le rythme des saisons qui détermi-
naient le cycle des semailles et des récoltes
; elle était
ainsi adaptée au terroir et au climat.
Les travaux des champs commençaient vers la fin de
la saison sèche ; vers cette date les chefs de familles
délim~ta~ent les terres à défricher. La méthode employée
(1) Binger, 1892, t.I, p.318-319.
(2) De nos jour on ne trouve plus de db la dans la ville de Kong proprement
dite où la population se dit musulmane. L'activité du dolb a consi-
dérablement diminué dans la région ; elle continue de prospérer dans
le nord de la Côte d'Ivoire notamment à Korhogo où le dolo contient
souvent une forte dose de piment. Cf. Tiona Ouattara, 1977, p.14.
•
4,
569
était l'essartage avec écobuage avant la saison des pluies.
L'agriculture n'était pas associée à proprement parler a
l'élevage et ne bénéficiait pas d'engrais animaux pour la
fertilisation des sols, d'où la nécessité du brûlage des
arbres et des herbes qui apportaient une solution appré-
ciable au problème d'engrais.
Les feux de brousse apportaient une cendre fertili-
sante qui permettait d'obtenir une meilleure récolte:
ils
constituaient ainsi un élément important pour le dévelop-
pement de l'agriculture dans les pays forestiers et souda-
nais; et comme le souligne Raymond Mauny,
"on ne voit d'ailleurs pas comment l'agriculture
serait possible sans feux de brousse en zone
soudanienne"{l)
et forestière à l'époque précoloniale.
Lorsqu'une terre était épuisée,
les paysans de
Kong l'abandonnaient:
ils la mettaient en jachère et es-
sartaientplus loin et le cycle recommençait. Ainsi, pendant
des millénaires,
les paysans de la région de Kong, de
génération en génération et de saison
en saison
étaient
toujours à la recherche d'une nouvelle terre porteuse
d'e~pérance.
Les cultures pratiquées sur les nouvelles terres
donnaient lieu à deux types d'exploitations, la grande et
la petite.
La petite exploitation a évolué au cours des siècles
et elle a porté des noms en fonction de sa situation géo-
(1)
R. Mauny,
1961, p.252
j
voir Monnier
(y). Les effets dep feux de
brousse sur une savane préforestière de Côte d'Ivoire. Thèse de 3e
cycle, Abidjan, éd. éburn.
1965.
570
graphique et de son impact dans l'économie alimentaire:
ainsi on parlait de nankwo, de sa-fora, de musa-talé ou
de musa-fora.
Le nankwo tirait
son origine du mot dyula nan
(sauce, nou~riture) : il s'agissait d'un petit champ ou
jardin destiné à nourrir la famille
il avait donc une
production limitée qui était destinée à couvrir en partie
les besoins de la famille
: son exploitation était indivi-
duelle et était assurée par chacune des femmes du foyer.
Le sa-fora,
appelé aussi musa-talé ou musa-fora avait une
production beaucoup plus importante qui couvrait en princi-
pe les besoin du sa
(la famille élargie)
d'où son nom,
sa-fora
(le champ du sa)
; son exploitation était collec-
tive et était confiée à l'ensemble des femmes du sa. Le
sa-fora avait un rôle de protection :
il assurait l'auto-
suffisance alimentaire de la famille élargie. On assistait
ainsi a une répartition des tâches au sein de la société
dyula
le rôle des femmes apparaît ici très clairement.
Ell~procuraient la sécurité au sa sur le plan de la nourri-
ture et ceci était fondamental.
Toutes les exploitations entretenues par les
femmes sont généralement situées non loin du village. Dans
le nankwo, on cultivait de préférence du gombo, des tomates,
du piment, des oignons ...
; ce champ était entouré d'une
haie qui le protégeait du passage des animaux.
Le sa-fora
était lui aussi situé à proximité de la maison
; on y cul-
tivait du milou du
maïs.
Les champs baptisés musa-fora ou musa-talé avaient
cependant un caractère particulier.
Il s'agissait le plus
souvent d'une rizière dont la récolte revenait de droit à la
femme qui l'entretenait. Contrairement au nankwo ou au so-
571
foro,
le muso-foro était relativement assez éloigné de la
maison, car le riz était le plus souvent cultivé dans les
fonds marécageux où les long des thalwegs des marigots ou
des rivières. Ces champs permettaient aux femmes non seule-
ment de nourrir la famille, mais d'obtenir aussi une certaine
autonomie sur le plan financier.
1
De nos jours encore la petite exploitation existe
dans la région de Kong; mais elle est loin d'assurer
l'auto-suffisance alimentaire de la famille.
La grande exploitation connue sous le nom de
foro-ba était réservée aux hommes ; ce terme de foro~ba
est utilisé aujourd'hui pour désigner le champ des hommes
par opposition à celui des femmes et n'a aucun rapport avec
les grands domaines que l'on exploitait au XVIIIe et au
XIXe siècles. Le terme dyula foro-ba vient en effet de
foro
(champ)
et de ba
(grand,
immense)
; à l'époque de
Seku Watara,
il s' ag issai t
d'une entreprise importante qui
nécessitait une main-d'oeuvre nombreuse qui variait de 10
à 200 personnes selon les domaines(1).
Le foro-ba n'est pas une institution de Seku
Watara ; il existait déjà à l'époque de Lasiri Gbombélé
mais chaque famille élargie ne disposait que d'un foro-ba.
Sous le règne de Seku l'existence d'une main-d'oeuvre ser-
vile bon marché permit aux familles paysannes aisées de
disposer de plusieurs foro-ba et d'agrandir ces derniers.
(1)
Informations fournies par un spécialiste des travaux des champs
Badawa Bamba surnommé Dawaba
(la grande houe)
à cause de l'intérêt
qu'il accordait aux travaux des champs. Enquêtes réalisées à
Pongala en 1975.
572
Le foro-ba était une exploitation collective placée
sous la responsabilité du chef de famille,
le c~koroba appelé
aussi sotigi dans certaines régions de Kong(l).
c'est généralement, le c~koroba qui répartissait
les parcelles à cultiver aux membres de la famille et aux
esclaves.
Le foro-ba comportait et comporte encore de nos
jours deûx ~ypes d'exploitation, l'exploitation des bas-
fonds et celle des'.zones s~ches. Dans les zones s~ches on
cultivait surtout l'igname et le petit mil
(sanio)
en
association avec d'autres plantes notamment le mais(2).
Dans les bas-fonds au contraire, la principale culture
était le r i z ; elle était réalisée le long des cours d'eau,
souvent en association avec le gros mil.
Pendant la saison humide, la région de Kong était
arrosée par de nombreuses rivi~res ; c'était le long de
ces derni~res que lion cultivait le riz.
Au XVIIIe si~cle, Kong était devenu le grand centre
ouest-africain de la production des céréales
(sanio et riz)
et des tubercules
(ignames). Les vieux de Bilimono ont
entendu dire qu'à l'époque de Seku Watara,
"Kong exportait son riz et son sanio vers les
marchés de Bouna, de Salaga et surtout de
(1)
Le terme
de sotigi est surtout utilisé dans les pays myoro pour
désigner le chef de la famille élargie.
(2)
De nos jours l'igname et le sanio sont cultivés en association avec
le mals et le manioc. D'après les enquêtes que nous avons effectuées
dans le pays, cette dernière plante n'était pas très importante à
l'époque de Seku Watara. Elle a dû se développer à Kong au début du
XXe siècle.
573
Bondoukou . . . " (1 ) .
Le développement de l'agriculture a favorisé la
création de véritables villages de culture dans les campa-
gnes de Kong. Ces villages sont connus dans le pays sous
la nom de kongoso
(le so de la brousse, village de brousse).
A la fin du XIXe siècle, Binger a constaté que beaucoup
1
de Dyula
de Kong vivaient encore dans l'aisance grâce à
leurs captifs qui peuplaient
"quelques konkossou d'o~"
ils recevaient leurs approvisionnements (2) .
En 1974, le roi actuel de Kong, Karamoko Ouattara
a déclaré au cours d'un entretien sur l'utilisation des
esclaves à Kong
:
"
Nous avons toujours entendu dire par nos
vieux qu'à l'époque de Seku Watara plus de
20.000. esclaves vivaient dans les kongoso et
exploitaient la terre pour leur maître.
Dans
la ville même de Kong on pouvait compter
plusieurs dizaines de milliers d'escla~es qui
appartenaient à des particuliers. Le nombre
des esclaves à Kong n'a baissé que sous le
règne des petits-fils de Seku. Cependant à
l'époque samorienne Kong comptait encore de
nombreux esclaves
; le négociant Karamoko
Dugutigi avait plus de 100 esclaves à son ser-
vice . . . Mon propre père avait encore à une
date récente plus de 20 esclaves qui cultivaieht
ses terres. Les esclaves avaient dans le passé
joué un rôle important dans l'agriculture et
dans le commerce"(3).
(1) Enquêtes réalisées auprès des paysans de Bilimono le 2 mars 1976.
Nous avons parcouru cette région en compagnie d'El-Haj
Kamagaté
qui fait de nos jours figure de dugukorotigi
(maître de la terre)
à Bilimono.
(2) Binger, op. cit., t.I, p.298.
(3) Enquêtes réalisées en mars 1974 à la cour royale de Kong.
574
Ces esclaves jouissaient de conditions favorables
car, non seulement leur subsistance était assurée par leur
maître, mais ils recevaient en outre le droit de cultiver
une parcelle de terre qui a reçu à Kong le nom de dyon-
kani-foro.
Le dyon-kani~foro était une institution de
Seku Watara qui visait à améliorer les conditions sociales
des esclaves du Royaume (1) . Cette institution originale
créée par Seku Watara en leur faveur a favorisé l'insertion
de ces derniers dans la société dyula. Elle a encouragé
l'attachement. de l'esclave au domaine du maître et épargné
à l'Empire des révoltes serviles.
Ainsi,
tout en entretenant la fortune du maître,
l'esclave courageux pouvait acquérir des biens et mener
une existence relativement aisée.
Il pouvait, grâce au fruit
de son travail, à plus ou moins brève échéance, fonder un
foyer et créer les conditions matérielles et financières
de son affranchissement ou de celui des membres de sa
famille.
Le système mis en place par le Fama de Kong était
différent de ce que nous connaissons au Songai à l'époque
des Askia de Gao
(1493-1591). Le système adopté par les
souverains de Gao favorisait incontestablement les chefs
d'esclaves ou fanfa.
Ces derniers étaient astreints à des
redevances fixes en fonction des domaines et exploitaient
les esclaves que les Askia mettaient à leur disposition,
d'où la fortune légendaire du chef d'esclaves Misakulallah(2).
Le dyon-kani-foro était une institution démocratique car
il
touchait l'ensemble des esclaves qui travaillaient
dans les kongoso.
Il
constituait un moyen d'ascension
sociale fondé sur le mérite.
(1) I.e dyon-kaniforo, existe encore de nos jours; mais avec la dispari-
tion de la main-d'oeuvre servile,
il est exploité par des membres de
la famille élargie; son existence risque de nos jours de provoquer
"l'éclatement familial". Cf. Bernus, <212... cit., p.296-297.
(2) Tarikh el-Fettach,
1964, p.179-189.
575
Les instruments de travail n'ont guere évolué;
ils se composaient d'une grande houe connue sous le nom
de korogo
et qui permettait de remuer plus profondément
la terre ; le korogo était réservé aux hommes. A côté de
cette grande houe, communément appelée daba, existait une
.petite houe, le tiangbè réservé ordinairement aux femmes
et aux jeunes enfants. Pour la culture de l'igname, on se
servait surtout comme de nos jours d'une pelle plate en
bois, le kudongba qui servait à la planter. Ces instruments
rudimentaires avaient permis à Kong de réaliser des récoltes
iJ!lportantes aux XVIIIe et XIXe siècles. Malheureusement,
faute de documents statistiques relatifs à la production
et à la commercialisation des tubercules et des céréales,
il est impossible d'étudier quantitativement l'évolution
de l'agriculture sous le règne de Seku Watara (1710-1745).
On peut simplement affirmer que durant cette période la
production agricole a été très importante. On ne peut pas
se référer aux résultats des cultures actuelles pour se
faire une idée de ce qu'était l'agriculture à Kong au
XVIIIe et au XIXe siècles. En effet, la ville de Kong com-
ptait à la fin du XIXe siècle, selon Binger,
15.000 âmes(l).
Que reste-t-il de cette population ? Le canton actuel de
Kong couvre une superficie de 6.500 k~ et abritait au
moment de l'Indépendance 7.300 habitants répartis entre 56
villages. Ces villages ont aujourd'hui peu d'importance
et comme l'écrivait Bernus en 1960, sur les 56 villages que
"compte le canton,
30 ont plus de 50 habitants,
14 plus de 100 et 4 seulement
(Kong y compris)
plus de 200" (2) .
(1) Bernus, op. cit., p.298.
(2)
Ibidem,
op. cit., p.284.
576
ce vaste canton semblait désert vers 1960 et n'avait qu'une
dens i té génér ale de 1,2 habi tan t
au km' (1)
;
il connai t
un
i~portant exode rural vers les villes du centre, de l'est
et du sud de la Côte d'Ivoire. La situation économique
actuelle du canton, coupé de nos jours des principales voies
de communications, ne permet pas de se faire une idée
exacte de l'importance de l'agriculture dont parlent les
sources orales pour les siècles écoulés et notamment pour
le XVIIIe et le XIXe siècles.
Les photographie~aéIiennes
corroborent de nos jours la thèse des traditionalistes et
permettent d'affirmer que la région de Kong avait connu une
intense activité agricole. Ces remarques vont dans le sens
des sources orales qui tendent a prouver que les grandes
~poques de l'agriculture dans la région de Kong furent
celle de Lasiri Gbombélé et de Seku Watara,
c'est-à-dire
les XVIIe et les XVIIIe siècles.
La richesse du sol,
l'existence d'une main-d'oeuvre
servile,
les vastes étendues de terres arrosées pendant les
saisons humides par des pluies relativement abondantes,
les
nombreux bas-fonds où le riz poussait à merveille avaient
contribué, pendant des siècles et surtout pendant le règne
de Seku Watara,
à faire de la région de Kong,
un véritable
grenier ouest-africain pour les céréales.
Il dut drainer
vers le pays de nombreuses populations d'origine diverse
qui allaient contribuer à son développement.
Comme on le constate sur les photographies
aériennes,
peut.,..être four ôes raisons dE: sécurité, les cultures étaient ce-
pendant concentrées autour des grandes agglomérations de
(1) La densité au kilomètre carré était en 1960, pour l'ensemble de la
Côte d'Ivoire de 7,9 habitants; elle était de 8,8 pour l'ensemble
du cercle de Korhogo et de 3,4 pour la subdivision de Ferkéssédou-
gou. Cette Sous-Préfecture est située au nord-ouest de Kong. Cf.
Bernus, op. cit., p.283.
577
l'époque, Kong,
Dyangbanaso, Ténégéra.
Dans la mesure où
l'agriculture reposait essentiellement sur la pratique des
cultures itinérantes sur brûlis,
les terres à la longue
s'épuisèrent et la production agricole dut accuser une baisse
considérable à un moment donné, c'est ce qui expliquerait
l'abandon des terres constaté par Binger à la fin du XIXe
siècle. Le grande siècle de l'agriculture dans le nord-est
de la Côte d'Ivoire fut sans aucun doute le XVIIIe siècle.
578
II. LES RESSOURCES ANIMALES
A.
LA CHASSE ET LA PECHE
La région de Kong était et demeure encore giboyeuse
c'est précisément l'une des raisons essentielles
qui
poussa les peuples Myoro à se fixer dans le pays. La chasse
occupait encore jusqu'à une date récente une place impor-
tante dans la vie religieuse,
sociale et économique. Les
chasseurs connus à Kong sous le nom de dandaga
constituaient
une véritable caste qui inspirait crainte et respect à la
population de la région à cause du rôle. protecteur qu'ils
jouaient, d'une part, contre les animaux de la brousse qui
pouvaient nuire aux habitants et aux récoltes et, d'autre
part, contre les subaga
(les sorciers)
qui pouvaient jeter
des sorts et menacer la population
~ ils étaient
"donc à la fois admirés pourleur courage -
qualité qui est longuement célébrée dans les
chants, et craints à cause des pouvoirs magi-
ques(1)
que leur conféraient leurs dyo
(divinités,
fétiches).
D'ailleurs nombreux sont les villages de la région
de Kong qui tiraient leur origine des hameaux bâtis par
des chasseurs. Quelques-uns de ces villages subsistent
encore de nos jours ; on peut citer par exemple le cas de .
(1) Voir à ce sujet l'étude de M.J. Dérive "chants de chasseurs
dioula", A.V.A., série J, LII,
1978, p.144, et suiv.
579
Sikolo(1) et de Kolon(2).
A Kon'g,
la chasse était ouverte en principe à
tout le monde ; en réalité il faut distinguer deux types
de chasse; la chasse collective, destinée à capturer le
petit gibier, notamment l'agouti, cette dernière chasse
était réalisée pendant la saison sèche, à l'occasion des
feux de brousse. Elle mobilisait beaucoup de paysan.
Parallèlement existait la grande chasse réservée à des
spécialistes, les dandaga organisés en sociétés secrètes,
les ton(3) et qui s'attaquaient aux gros gibiers, les
antil~pes, les buffles et surtout les él~phants. Ces der-
niers étaient recherchés pour leur viande mais aussi et
surtout. pour leurs défenses qui constituaient l'une des
princ~pales richesses du Royaume de Kong. D'après les
danàaga de Kong elles alimentaient dans les temps anciens
les marchés de la boucle du Niger
(Dienné et Tombouctou)
les. pays hausa et l'Ashanti.
(1) D'après les traditions que nous avons recueillies sur la création
du village, ce dernier aurait été fondé par un chasseur du nom de
Dansoko ; ce dernier aurait construit son habitation à proximité
d'un karité (en dyula sü) d'où le nom sü-koro (sous l'arbre de karité)
qui aurait donné par déformation Sikolo. Le mot Dansoko est composé
en réalité de dan (diminutifs de dandaga = chasseur) et de Soko
(viande, gibier). Dansoko voudrait donc dire le chasseur de gibiers.
Les informations que nous communiquons ici ont été recueillies à
Sikolo en mars 1975 auprès de Masai et Ardjumari Ouattara, le
dugutigi de Sikolo.
(2) Kolon, signifie en dyula, puits, allusion aux nombreux pièges réali-
sés dans la région par les chasseurs myoro pour capturer les élé-
. phants ; les chasseurs myoro de la région se sont aussi spécialisés
dans la capture des esclaves au XIXe siècle; enquêtes réalisées en
avr il ] 975 à Kolon auprès des notables Bisir i Dr issa. et Basina
Ouattara ( le dugutigi de Kolon).
(3) Le terme ton signifie en dyula, association; il s'agirait donc de
véritables corporations de chasseurs qui vivaient en communautés
fermées pour sauvegarder les secrets de la profession.
580
En 1979, nous avons rencontré à Bobo, gr8ce a
l'imam Marhaba, trois descendants d'une ancienne famille
de marchands qui s'était enrichie dans le commerce des
défenses d'éléphants entre Kong et Tombouctou à l'époque
de Seku Watara.
Il s'agit respectivement d'Ali, Moussa
et EI-Haj Coulibaly qui habitaient le quartier Kponbougou
à Bobo-Dioulasso. L'aîné de ces derniers, EI-Haj Coulibaly,
avait au moment de notre rencontre 70 ans ; voici en quels
termesil nous a parlé de ses ancêtres
Il
Notre Bèman
(ancêtre)
s'appelait Ali
Kuribari.
Il était originaire de Dienné ;
après la prise du pouvoir par Seku, il s'ins-
talla à Sya (Bobo~Dioulas~o) o~ il monta un
commerce de défenses d'éléphants qui pesaient
35 ou 40 kilogrammes chacune.
Il avait 25 es-
claves qui travaillaient pour son compte et qui
faisaient le va-et-vient entre Kong et
Tombouctou. Notre Bèman effectuait chaque année
deux voyages entre ces deux villes.
Il devint
très riche : vers la fin de sa vie il se retira
à Kisimo(1) à proximité de Tombouctou où se
trouve actuellement sa tombe. Ses fils et
petits-fils continuèrent ce commerce jusqu'aux
événements de Samori .•. "(2).
L'histoire de la famille des Kuribari de
Bobo-Dioulasso n'est certainement pas un fait isolé.
Beaucoup de marchands dyula ont tiré pendant plusieurs
siècles d'énormes revenus du commerce de l'ivoire. Toutes
les informations que nous avons recueillies à Kong dans
les milieux d'affaires tendent à le confirmer. A Kong on
insiste, à juste titre d'ailleurs, sur l'importance des
défenses d'éléphants dans le commerce à longue distance
avec les pays de la boucle du Niger.
(1)
Nous pensons qu'il s'agit du quartier de Tombouctou appelé
Kisimo-Benko (ou Benku ou Bengho). J. Tedzkiret en Nisyan,
1966, p.SO, 73, 114, 160,
(2)
Enquêtes réalisées en mars 1979 à Bobo-Dioulasso. Les événements
samoriens dont il est question ici concernent les conquêtes de
Samori à la fin du XIXe siècle dans la région de Kong et de
Bobo-Dioulasso.
581
L'ivoire de la région de Kong a sans aucun doute
joué un rôle important dans le grand commerce transsaharien
depuis l'époque médiéval~ (XIVe-XVIe siècle). Parmi les
produits recherchés par les négociants arabo-berbères figu-
rait en effet l'ivoire. Avec l'ouverture de l'axe Begho-
Dienné à partir de la seconde moitié du XIVe siècle,
l'ivoire de Kong a pu envahir les marchés soudanais de la
boucle du Niger. Dans les caravanes des fères al-Maqqari
figuraient sans aucun doute les défenses d'éléphants qui
provenaient de la région giboyeuse de Kong(1). A en croire
en effet les descendants actuels des grands marchands,
l'ivoire qui provenait du nord-est de la Côte d'Ivoire
était prisé par les Marocains et les Egyptiens(2). Si ces
informations se confirment, Kong aurait donc approvisionné
en défenses d'éléphants, le Maghreb, l'Egypte et la Syrie(3).
Mais à l'époque de Seku Watara, on note un impor-
tant trafic d'ivoire en direction de Salaga ou de Kumasi,
la capitale de l'Ashanti, où il était échangé contre les
armes à feu qui arrivaient par la Côte: de ce fait au
XVIIIe siècle,l'ivoire dyula prenait deux directions, celle
du nord
(boucle du Niger et pays Hausa)
et celle du sud
c'est-à-dire le chemin des comptoirs européens. D'après les
traditions de Kong,
le commerce des défenses d'éléphants
avec les pays côtiers paraît très important à l'époque de
Seku Watara.
(1)
Voir
à
ce
sujet
Ibn
al-Khabib
(1361-1371)
in R.P.
CUDQ, op. cit., p.325 .
..(2LEnquêtes.r.éaliséesà Na-fana (1975), à Kong et à Yénoro en 1976.
Dans cette dernière localité voir surtout le notable Dyamila
Duattara.
(3) La Syrie apparaît en effet comme l'un des grands débouchés de
l'ivoire africain; voir à ce sujetal-Zuhri (mort entre 1154-61)
in R.P. CUOQ, ~. cit., p.118.
582
La renommée des chasseurs de Kong avait dépassé
les frontières de l'actuelle Côte d'Ivoire à l'époque de
Seku Watara. Au début du XIXe siècle encore, on parlait des
chasseurs d'éléphants de la région de Kong dans l'Etat
ashanti. Ainsi Bowdich, en 1818, apprit, lors de son séjour
à la cour royale de Kumasi que "tous les jours" on tuait
des éléphants à Kong(l).
Il est difficile de se faire une
idée exacte du nombre d'éléphants que l'on abattait quoti-
diennement dans la région de Kong. D'après les témoignages
que nous avons recueillis en 1975 auprès des chasseurs de
Kolon, cette localité fournissait à Kong,
les jours de grand
Qarché plus de 50 défenses d'éléphants grâce à l'usage des
armes à feu(2)
; ceci représente, à raison de 30 à 40 kilo-
grammes la défense, une production de 1,5 à 2 tonnes d'ivoire
tous les 5 jours. Ces chiffres correspondent à un abattage
àe 5 éléphants par jour en moyenne.
Ils ne nous paraissent
pas excessifs étant donné les réserves d'éléphants que l'on
devait trouver dans le pays. La production de Kolon ne devait
sans doute pas représenter un cas isolé. Le Kpon-Gènè dut
exporter une grande quantité d'ivoire au XVIIIe et au XIXe
siècles.
La chasse aux éléphants était une activité dange-
reuse ; d'après les enquêtes que nous avons recueillies à
Kolon, la plupart des chasseurs mouraient jeunes tués par
des éléphants.
Pour se protéger contre ces attaques meurtriè-
res les chasseurs de Kong eurent souvent recours à la sor-
cellerie et la chasse, dans les sociétés myoro en particulier,
prenait un caractère magique.
( 1) Bowd i ch , 181 9, p. 2 7 1.
(2) Enquêtes réalisées auprès du grand chasseur Basalia Nakala à Kolon,
en 1976.
583
Malgré les ravages que les éléphants causaient de
temps en temps au sein des dandaga, la chasse demeura, au
XVIIIe et au XIXe siècles, un élément important dans la
vie économique,sociale et religieuse des populations de la
région de Kong. Elle semble avoir atteint son apogée sous
le règne de Seku Watara.
Les sources orales insistent aussi sur l'importance de
la pêche à l'époque de Seku Watara. Elles parlent des
tributs que les Myoro et les Nabé payaient au Fama de Kong
en. paquets de poissons séchés. La
pêche avai t
lieu, soi t
dans
les marigots où l'!on pêchait surtout le silure, soit dans
les nombreuses rivières où devaient abonder les tilapia.
Malheureusement il est difficile de se fonder uniquement
sur les sources orales pour se faire une idée de laproduc-
tion locale aux XVIIIe et XIXe siècles.
Comme la chasse, la pêche constituait l'une àes
principales activités des Myoro qui étaient les maîtres
des eaux de la région de Kong.
B. L'ELEVAGE
1. - Les chevaux
Dans l'ensemble, la région était et demeure encore peu
favorable à l'élevage i
le pays était suffisamment arrosé
et l'herbe était partout abondante.
Seku Watara s'était
intéressé surtout à l'élevage des chevaux pour des raisons
militaires et à celui des bovins. Marhaba Saganogo disait
que vers la fin du règne de Seku Watara
584
"tout homme aisé s'occupait d'un petit
élevage de chevaux"(1).
Le cheval était considéré à Kong comme. partout
ailleurs dans les Etats soudanais comme un animal noble,
le symbole de la puissance et de la réussite ;
il était
aussi et surtout l'auxiliaire
"indispensable du guerrier
( .•• ). C'était un
animal de selle, réservé au chef et à ses guer-
riers et rarement un animal de bât : on pré-
férait employer à cette fin ânes et boeufs
. po rte urs" "
comme le soulignait Raymond Mauny pour la période médié-
vale(2)
; la situation n'avait guère changé.
A la fin du XIXe siècle, Binger remarque que les
Dyula s'occupaient encore de l'élevage des chevaux. En
1890 il écrivit :
"Le Dioula, qui ne voyage plus, s'occupe lui-
même un peu, soit en achetant tous les ans
aux s~n&du Dafina(3) qui viennent ici un ou deux
poulains ou pouliches qu'il élève et met en
vente à l'âge de deux ou trois ans, dans les
régions où l'on fait la guerre
( . . . ).
Il gagne
ainsi deux ou trois captifs par an"(4).
Ce gain était vraiment dérisoire par rapport à la situation
que nous allons connaître quatre ans plus tard à l'époque
samorienne où l'on va troquer un cheval contre plusieurs
dizaines d'esclaves.
(1) Marhaba Saganogo : propos recueillis à Bobo-Dioulasso en 1979.
(2) R. Mauny, op. cit., p.284.
(3) Le terme Dafina, dans l'esprit de Binger désigne la région située à
l'ouest du Yatenga (Haute-Volta) qui recevait les chevaux du Masina.
(4) Binger, op. cit., t.l, p.298.
585
Seku Watara se préoccupa de la question des chevaux
à cause de sa cavaler ie, la pièce maîtresse de son armée
cette préoccupation fut d'ailleurs un souci constant des
rois de Kong.
Il tenta d'en introduire l'élevage dans le
Royaume. D'après les témoignages que nous avons recueillis
auprès des princes watara,
il aurait favorisé l'implanta-
tion d'une colonie peul venue, soit du Masina
(dans la bou-
cle du Niger), soit du Liptako
(dans l'actuel Burkinaso-Faso)
dans le nord de Kong, surtout dans la province du Kiémini(l).
Toutes les enquêtes que nous avons menées dans le pays
tendent à confirmer la volonté du fondateur de l'Empire de
Kong, de développer l'élevage dans le Kpon-Gènè.
Cette
volonté se heurta malheureusement à la présence à Kong des
mouches tsé-tsé qui décimaient les animaux.
D'après les
informations que nous avons reçues à Sungaradaga en 1979,
les marchands de Bobo-Dioulasso fournissaient annuellement
à l'armée de Seku Watara environ 1.000 chevaux(2). Cet éle-
vage introduit à Kong avait une portée limitée et Kong dut
dépendre même à l'époque de Seku Watara, exclusivement des
chevaux du Masina ou du Liptako.
L'élevage local ne fut pas cependant abandonné;
il fut encouragé et, d'après les traditionalistes i l sub-
sista un élevage d'aplXlint
jusqu'à la veille de l'invasion
samorienne.
Ainsi, en
1890, il subsistait encore à Kong un
modeste élevage
mais qui n'avait aucun rapport avec celui
de l'époque de Seku Watara ou même avec celui du début du
XIXe siècle où les rois de Kong entretenaient plusieurs
(1) Enquêtes sur les orlglnes des chevaux utilisés à Kong au XVIIIe et
XIXe siècles (Kong, mars et avril 1975).
(2) Ces chiffres donnent une idée de l'importation des chevaux au milieu
du XVIIIe siècle. Pour la formation de l'Empire Seku Watara dut
importer une grande quantité de chevaux.
586
milliers de chevaux pour la cavalerie. Au début du XIXe
siècle par exemple, Bowdich apprenait,
à la cour royale de
Kumasi, qu'il y avait "beaucoup de chevaux" à Kong(l).
Mais la plupart des chevaux que l'on trouvait à
Kong au XVIIIe et au XIXe siècle provenaient,
soit des pays
mosi, soit de la boucle du Niger.
De nos jours on n'élève plus de chevaux à Kong;
mais au début du XXe siècle i l en existait encore quelques-
uns dans la ville. Vers 1920, le père du roi actuel, Kara-
moko Ouattara, entretenait encore cinq chevaux de parade.
Quoi qu'il en soit le commerce des chevaux a joué
un rôle considérable dans la vie économique du Kpon-Gènè.
~près la campagne de Sofara, Kong a dû recevoir régulière-
ment les chevaux du Masina. Cette situation dut se maintenir
jusque dans la seconde moitié du XVIIIe siècle
(1740-1770 ?).
2.
- Les bovins
Le bovin a toujours tenu une place considérable
dans la vie des habitants de la région de Kong.
Il était
en effet le symbole de la réussite et de la richesse. La
fortune à Kong, en effet, ne s'exprimait pas seulement en
quantités de céréales, de tubercules
(ignames), de cauris,
de pièces d'or, mais aussi et avant tout en têtes de bétail.
c'est ce qui rehaussait l'éclat de la famille dyula de Kong
et forçait l'admiration de tous.
Les critères de hiérarchie
reposaient en grande partie sur le nombre de têtes· de bovins
détenues par chaque famille.
On comprend ainsi pourquoi la
(1)
Bowdich,
1819, p.271.
587
population accordait une grande place à cet élevage. Prenons
un exemple: en 1897, la population de Kong est massacrée
et les troupeaux de la région sont razziés. par les sofa de
S~ri.En1910, quelques milliers de personnes qui avaient
échappé à la mort revinrent à Kong avec 140 têtes de bo-
vins(l). Cinquante ans plus tard, Kong disposait de 1.200
bovins pour une population évaluée à 2.372 habitants(2), soit
pratiquement un animal pour deux habitants, ce qui est
incontestablement une très forte moyenne. Si nous appliquons
ce calcul à la seule population de Kong qui comptait 15.000
âmes vers 1888 d'après les estimations de Binger, on obtient
30.000 têtes de bovins pour les habitants de cette ville.
Le roi actuel de Kong a probablement raison lorsqu'il dit
qu'avant l'époque samorienne on pouvait trouver plus de
50.000 bovins dans le pays et que le nombre d'animaux était
encore plus considérable à l'époque de Seku Watara(3).
C'est cet important élevage qui faisait vivre
l'industrie du cuir qui était encore florissante à la fin
du XIXe siècle(4). Dans les années 1890, Binger écrivait
que l'on tuait
"tous les jours un ou deux boeufs et les jours
de grand marché plusieurs ... "(5).
Le grand marché de Kong avait lieu tous les cinq jours
en
prenant une moyenne de 1,5 tête de bétail pour les jours
ordinaires et de 4 ou 5 pour les jours de grand marché, on
obtient en moyenne 10 animaux abattus tous les 5 jours pour
{l} --POUF ·leschiffres voir, Archives. de Kong~ Barthélémy· ,
1911, p.48.
(2)
Kong en 1911 avait 2235 habitants d'après la monographie du cercle
de Kong réalisée par Barthélémy sa population est passée à 2372 en
1959. Cf. Bernus,
1960, p.319.
(3)
Karamoko OUattara, Kong le 10-8-1977.
(4) Binger, op. cit., t.I, p.307. Bingersera
'frappé par l'importance
des chaussures à Kong; sur une ville de 15.000 habitants les hommes
comme les femmes étaient tous chaussés.
(5)
Ibidem, op. ciL, LI, p.318.
588
la seule ville de Kong soit, dans l'année,
ua X 365) 730
5
E@tes. A celles-ci il faut ajouter les centaines et les
centaines de bovins, que l'on abattait lors des f@tes ou
des cérémonies funéraires et les milliers que l'on expor-
tait d~puis des siècles en direction du Dyimini, du pays
baulé ou de l'Anno. En 1976, lors de nos enqu@tes sur ce
sujet, les notables de Bilimono ont longuement insisté sur
l'importance du bétail qu'ils vendaient autrefois aux gens
du Dyimini et aux populations forestières et côtières de
l'actuelle Côte d'Ivoire.
Pour faire face à la demande
intérieure et extérieure Kong dut disposer aux XVIIIe et
XIXe siècles d'une importante réserve de bovins que l'on
pourrait chiffrer à plusieurs dizaines de milliers de t@tes.
Ces boeufs étaient surtout des animaux de petite
taille de la race ndama ; il s'agit de bovins robustffi
ad~ptés au climat. Le ndama supportait les piqûres des
mouches tsé-tsé et était un animal très résistant, aux cor-
nes énormes.
Les Dyula de Kong entretenaient très bien leurs
animaux; Braulot, à la fin du XIXe siècle a été d'ailleurs
frappé par les soins dont les habitants entouraient les
bovins(l).
Ils confiaient généralement l'élevage des b@tes
à des spécialistes peul. Ces derniers étaient entièrement
à la charge des propriétaires des troupeaux ; ils avaient
un droit sur la production de lait qu'ils ven \\aient à la
population.
Pour les services rendus,
ils recevaient chaque
année, des mains du propriétaire un ou plusieurs boeufs en
··__·_-_·-tGnc-tioI=lde l'importance du._-tr::::JUpeauentretenu. Ces tradi,-
(1) Apr~s la terrible ~pizootie de 1892 "qui avait fait disparattre la
plupart des troupeaux" Braulot
avait conclu ~ juste titre que le
"repeuplement ne tardera pas à s'effectuer". Cf. Braulot, Arch.
F.O.1-1.,
C.L,
III,
3.
589
tions institueespar Seku Watara pour attirer les Peul
dans la région de Kong sont encore en vigueur de nos 'jours.
3. -
Les moutons et les caprins
L'élevage du mouton avait connu un grand essor aux
XVIIIe et au XIXe siècles
d'après les renseignements que
nous avons recueillis,
i l fit l'objet d'un commerce floris-
sant entre Kong et les pays forestiers du sud.
Les moutons étaient aussi consommés en grand nombre
dans la région de Kong; c'était l'animal que l'on offrait
en guise de dons aux hôtes de marque. Ainsi, en 1888, parmi
les cadeaux que Binger reçut à Lokhognilé,
au nord de Kong,
figuraient deux moutons(1).
Le mouton jouait aussi un grand rôle dans la vie
religieuse à Kong;
i l était par excellence l'animal que
les musulmans sacrifiaient, chaque année, par milliers
pendant la fête de Tabaski, communément appelée la fête du
mouton. Les moutons ne semblent pas avoir bénéficié de
soins. particuliers.
Ils ont dû mener une vie telle qu'on peut
encore l'observer dans les rues actuelles de la ville de Kong
et dans les villages de la région.
Comme les moutons,
les cabris étaient aussi
recherchés pour leur viande mais aussi et surtout pour les
cérémonies religieuses animistes.
Le cabri était sacrifié,
soit pour obtenir du duguk6rotigi l'autorisation d'explai-
----.--------·-te--r·ttfte~-17a~e--llede terreau d·'hab·i·ter ·un---nouveau kongoso-
(village de culture), soit pour obtenir les faveurs d'une
divinité avant d'entreprendre une guerre. Etant donné la
(1) Binger, ~. cit., t.I, p.277.
590
r~putation guerrlere des Watara de Kong, les princes de la
région ont dû posséder une quantité de cabris qui prolifé-
raient dans la région. Comme le mouton, le cabri, n'a jamais
fait l'objet d'un élevage;
il était livré à lui même et
errait dans les villages.
4.
- Les ânes
Les sources orales que nous avons recueillies dans
la région de Kong ne font pas cas d'un élevage d'ânes dans
le pays. La plupart des animaux qui ont servi au transport
des marchandises venaient du nord, de la région du Folona
et de Bobo-Dioulasso. Les ânes et les boeufs porteurs ont
joué ici, dans les zones de transition, le même rôle que
le chameau dans le Sahara.
Ils constituaient les auxiliaires
indispensables du commerce à longue distance.
L'âne, comme le chameau, ne faisait pas sur de
longues distances, le voyage aller et retour lorsqu'il
transportait des marchandises; ainsi. par exemple, celui
qui. prenait le sel à Dienné était vendu
avec sa charge à
Kong où il était affecté à des travaux champêtres pour
assurer le transport des récoltes ou du bois sec pour le feu.
Comme les chevaux, les ânes ont progressivement
di~paru de la région de Kong. Déjà, vers la fin du XIXe
siècle, Binger constata qu'il y avait
"relativement peu d'animaux de bât"
à Kong(l). Cette constatation de Binger traduirait-elle
une baisse dans le volume des échanges entre Kong et les
. pays du nord ?
(1)
Bin 9 e r, op. ci t., t. l, p. 31 8 •
591
D'après les renseignements que nous avons recueillis
à Kong, les ânes étaient cependant fort nombreux à l'époque
de Seku Watara ; mais il est impossible d'avancer des chif-
fres.
Leur élevage dans le Folona amena Seku Watara à s'in-
téresser à cette région qui devint une voie de. passage pour
ses caravanes qui allaient vers Bobo-Dioulasso ou Dienné.
A côté de ces animaux qui ont joué un rôle consi-
dérable dans l'économie du Royaume de Kong, on peut signaler
au. passage les volailles (poulets, pintades et dindons)
aujourd'hui encore ces dernières prospèrent en grand nombre
et font l'objet d'un commerce relativement intense entre
Kong et des villes comme Ferkéssédougou, Katiola et Bouaké
L'élevage a ainsi constitué autrefois un facteur
i~portant pour le développement de la région de Kong.
592
III,
LA RICHESSE DU SOUS-SOL
A. L'OR DE KONG
L'or tenait une grande place dans le commerce des
Dyula de Kong. Ce fut précisément l'or de la région qui
attira les premiers étrangers dans le pays. Kong avait
deux sources d'approvisionnement à l'époque de Seku Watara,
une source locale et une source externe
(Anno, Bondoukou,
Lobi ... ). Que savons-nous de cette source locale qui s'est
probablement tarie vers la fin du XVIIIe siècle ?
Lorsque l'on interroge les vieux sur les gisements
aurifères de la région de Kong,ils
répondent que le~ pays
qu'ils occupent aujourd'hui était autrefois riche en or et
que ce fut précisément cette richesse en or de la région
de Kong qui attira les Wèla et notamment les Ligbi connus
à Limono sous le nom de Iré(l) et, plus tard, les commer-
çants mandé, les Dyula.
A Kong on nous a souvent dit que dans la plupart
des villages de la région, après une forte. pluie, les hommes
et les femmes ramassaient autrefois des pépites ou de la
poudre d'or dans les rues(2). Ce fait nlest pas surprenant
car à la fin du XIXe siècle, Binger a signalé l'existence des
"terrains aurifères aux environs de Kong m~me"(3).
D'après les renseignements que nous avons recueillis
dans le pays,
l'exploitation aurifère se serait
concentrée
autour de trois points, Limono, Samata et Bugu
(Bougou ou
Bougoura) .
( 1) Enquêtes réalisées à Limono en 1976, auprès du dugutigi Basori Ouattara.
(2)
Enquêtes réalisées à la cour royale de Kong en 1976.
( 3)
Binger, op. cit. , t. 2, p. 199.
593
1. - L'or de Limono
Les vieux du pays ont entendu dire que l'on exploi-
tait des gisements d'or dans la région de Limono :
ils
soulignent que ce fait remonte à une ~poque très éloignée
l'or, dit-on, était extrait des puits. profonds par des Gbèn.
D'~près le dugutigi de Limono, les gisements avaient été
intensément exploités à l'époque de Seku, mais les extracteurs
durent les abandonner sous le règne de Kumbi Watara
(1749-
1770)
à cause du manque d'eau.L'abandon des gisements de
Limono avait sans doute aussi un rapport avec leur épuise-
ment (1 ) •
Binger, à la fin du XIXe siècle, avait appris au-
pres de son hôte Bafotig i Dao qu'il Y avai t
autrefois de
l'or à plusieurs "endroits" dans la région de Limono et
notamment auprès d'un petit tertre situé à gauche de la
route qui conduisait à l'époque à cette localité: d'après
Bafotigi Dao, les extracteurs, faute d'eau, durent abandon-
ner le travail devenu trop fatigant(2).
De nos jours, on ne trouve nulle part des tracesde cette
ancienne exploitation : les puits étaient certainement
comblés à l'époque de Binger et le tertre qu'il signale
pourrait être l'un des derniers vestiges de cette ancienne
exploitation : il serait, semble-t-il, le résultat des
terres sorties des puits
aurifères très rapprochés les uns
des autres. L'abandon des puits de Limono à sans aucun doute
un r~pport avec la grande sécheresse qui vers le milieu du
XVIIIe siècle a frappé cette partie de l'Afrique Occidentale
comme nous aurons l'occasion de le voir.
(1) Nous verrons plus tard la question des dates lorsque nous aborde-
rons le règne de Kumbi Watara.
(2)
Binger, 22. cit., t.2, p.199.
594
2.
- Les gisements de Samata
Les ruines des exploitations aurifères de Samata
étaient encore visibles à la fin du XIXe siècle, lors du
passage de Binger
(1888-1889). Au cours de son premier
voyage à Kong,
(février-mars 1888), l'explorateur français
s'était suffisamment renseigné sur les anciens puits d'or
de la région de Samata. Il apprit ainsi que l'exploitation
des mines d'or du pays avait donné naissance à un village
très important dont les ruines se trouvaient à une dizaine
de kilomètres, à l'ouest de Gawi. Binger qui a visité la
région nous apprend que les mines d'or se trouvaient autour
d'une ruine à deux kilomètres avant d'atteindre Samata. Ces
mines se trouvaient dans une plaine dominée par endroits
par une ligne de hauteurs constituées de grès qui attei-
gnaient parfois 100 mètres d'altitude(1).
Binger a visité la région pendant la saison sèche
(2 janvier 1889), à une époque où le sol n'était pas recou-
vert par un tapis végétal important ; il put ainsi observer
que
"dans un rayon de 1 kilomètre,
le sol" était
"absolument à jour"
;
1\\ les
pui ts ou mines"
étaient "très rapprochés"
;"quelques uns
avaient
près de 3 mètres de profondeur ..• "(2).
Pour avoir été ainsi fouillé, conclut Binger à la
fin du XIXe siècle,
il faut que ce terrain ait été "très
riche en or"(3).
( 1 ) Binger, op. cit. , t.2, p.198-199.
(2)
Ibidem, op. ci t. , t. 2, p.199.
( 3)
Ibidem, op. ciL, t. 2, p.198.
595
En effet, les enquêtes que nous avons effectuées
en 1975 et en 1976 auprès des vieux de Gawi, de Bilimono
,
de Koniéré et de Kolon(l)
ont montre que les mines d'or de
la région de Samata avaient une grande réputation et que
Samata avait été l'un des marchés de l'or les plus fréquen-
tés de l'Afrique Occidentale.
D'après les renseignements que nous avons recueillis
auprès des vieux de Bilimono, l'or de Samata attira autre-
fois la convoitise des rois du Gonja et du Dagomba(2).
Il
aurait permis à Seku Watara d'être l'un des princes les
plus riches de la terre, une sorte de Kaya-Magha
(le roi de
l'or)
: c'est ce qui explique probablement la profusion
d'or que l'on observait à la cour de Seku Watara et la sup-
pression des taxes commerciales.
Les mines d'or du groupe Samata semblent avoir
été intensément exploitées au XVIIIe siècle, notamment sous
le règne de Seku Watara
(1710-1745). Mais à Samata comme à
Limono le problème crucial était celui de l'eau. A Samata
l'eau faisait souvent défaut et les extracteurs la tiraient
"de puits taillés dans le conglomérat ferru-
gineux" qui atteignaient de "3 mètres à 3,5 m
de profondeur"(3).
A l'époque de Binger, les mines du groupe Samata
n'étaient plus en exploitation:
les extracteurs constitués
(1) Voir surtout à Kolon, le maître de la terre Basori Ouattara qui
nous a accompagné souvent dans la région de Samata.
(2)
Cette région a été en effet le théâtre de nombreuses razzias de la
part des princes du Gonja au XVIIe siècle. Voir à ce sujet les sour-
ces orales recueillies en 1929 à Buipe
(Ghana) par l'administrateur
anglais R.B. Hall: Cf. Jack Goody,
1954, p.56.
(3)
Binger, op. cit.,
1892, t.2, p.199.
596
essentiellement de Nafana et de Kulango avaient déserté le
pays depuis un certain temps. A Kong, Binger apprit que
les,populations s'étaient déplacées
"à la suite d'une ~pidémie••• "(1).
Malheureusement l'explorateur français n'avait pas pu obte-
nir des indications précises sur l'épidémie en question et
sur la date à laquelle les Nafana et les Kulango abandon-
nèrent le,pays.
Nous avons essayé de nous renseigner au cours de
nos enquêtes, auprès des vieux, pour avoir des informations
sur les raisons qui ont poussé la population à quitter la
région de Samata. Les résultats de cette recherche ont été
décevants ; les traditionalistes actuels de la région de
Kong ne se souviennent réellement que de l'épizootie de
1892 qui ravagea le bétail et qui n'a rien à voir avec
l'épidémie qui ruina les populations de la région de Samata.
Dans ces conditions, il paraît assez difficile de savoir à
quelle date précise les mines furent abandonnées ; mais à
travers la chronique du Gonja on peut apercevoir les pre-
miers signes d'abandon au milieu du XVIIIe siècle. Nous
savons que le problème auquel furent confrontés les extrac-
teurs d'or de la région de Kong fut celui de l'eau; or
nous avons appris, grâce à la chronique du Gonja, qu'une
série de périodes de sécheresse avait secoué cette partie
de l'Afrique Occidentale à partir de 1745(2). C'est proba-
blement à leur suite que l'exploitation des mines de la
(1) Binger, op. cit., p.199.
(2) I.A.S.A.R./62. Legon, Accra. La chronique du Gonja souligne qu'à la
suite de cette sécheresse "le coût de la vie augmenta fortement sur
le territoire du Gonja à tel point que les gens ont failli s'enfuir ••• "
Kong n'a certainement pas échappé à ces catastrophes. En décembre
1747 on note une seconde sécheresse qui attira dans la région une nuée
de sauterelles "qui envahirent la région et mang~rent les céréales".
597
reglon d~ Limono furent perturbée. Nous savons en effet
d'après les sources orales que l'extraction de l'or dans
cette région fut abandonnée sous le règne de Kumbi, c'est-
à-dire quelques années après les catastrophes naturelles
de .1745.
L'exploitation de l'or de la région de Samata dut
connaître aussi de sérieuses difficultés du fait de ces
catastrophes. C'est probablement à partir de cette date,
qu'il conviendrait de situer le départ des. premiers extrac-
teurs d'or de Samata. L'état de certains puits qui n'étaient
pas entièrement comblés à
la fin du XIXe siècle semble
indiquer qu'une certaine activité s'était maintenue dans
la région jusqu'au début du XIXe siècle.
3.
- Les mines d'or de Bugu
C'est en 1974 que le roi actuel de Kong, Karamoko
Ouattara attira notre attention sur l'importance des mines
d'or de la région de Bugu. Le village actuel de Bugu est
situé a une cinquantaine de kilomètres
au sud-ouest de
Kong. Ce village était autrefois la résidence d'été de la
famille régnante. Au XVIIIe et au XIXe siècles, elle perce-
vait un tribut sur l'or qui était exploité dans la région.
En 1974, Karamoko Ouattara nous a dit qu'autrefois
"les gens tiraient beaucoup d'or de la région
de Bugu" (1 ) .
En 1975,
lors de la "Table ronde sur les origines
de Kong",
notre informateur a souligné que les puits d'or
qu'il a vus dans la région de Bugu étaient très nombreux(2).
(1) Ce passage est extrait des enquêtes que nous avons réalisées en
1974 à Kong, à propos du travail de l'or.
(2)
"Table ronde sur les origines de Kong", A.V.A., série J, t.I,
1 977, P • 380.
598
L'archéologue Victor Diabaté a observé dans cette région
des. puits comblés en grande partie qui avaient
"de 60 à 70 centimètres de diamètre"(1).
Bugu semble avoir bénéficié de conditions clima-
tiques clémentes pour cette exploitation ; la région était
relativement moins aride
; elle était parcourue par de
nombreux cours d'eau et c'était généralement le long de ces
derniers que l'on creusait les puits aurifères. Cette
région dut attirer au milieu du XVIIIe siècle les chercheurs
d'or de Limono et de Samata.
Binger, au cours de ses séjours à Kong, n'a obtenu
aucune information sur les mines d'or de Bugu ; le secret
était donc gardé sur ces dernières qui étaient encore en
e~ploitation à la fin du XIXe siècle ; les renseignements
fournis à Binger ne concernaient en effet que les mines d'or
abandonnées. On s'explique ainsi pourquoi les gens de Bugu
l'ont empêché de traverser leur village. Les raisons
invoquées pour interdire l'accès de Bugu à Binger étaient
que sa monture, un cheval, était
"considéré par le village comme un tenné"
c'est-à-dire, d'après ses prop·res
termes un
"fétiche qui porte malheur"(~).
Binger, on le sait,
fut contraint de faire un détour pour
atteindre le Dyimini.
(1)
Diabaté Victor, op. cit:, p.44.
(2) Binger, op. cit., p.210.
599
En
Afrique
Noire
en
effet,
de
nombreux
interdits
pesaient sur l'extraction de l ' o r ; les travailleurs res-
.pectaient un certain nombre de tabous en vertu du caractère
sacré du métal précieux afin de ne pas s'attirer la colère
des divinités qui protégeaient l'or.
Il n'est donc pas
i~possible que le cheval ait été considéré comme un tabou
par les extracteurs d'or ~e la région. Mais il n'est pas
non. plus impossible que la monture de Binger ait été un
bon. prétexte pour éloigner les étrangers des puits d'or
dupays(1). Nous savons en effet que, partout en Afrique,
ces derniers étaient systématiquement écartés des secteurs
où l'on extrayait le métal précieux.
Voici ce que nous avons recueilli en 1976 auprès
de certains vieux de Bugu(2). D'après ces derniers la quan-
tité d'or que l'on sortait du pays était très importante
surtout à l'époque de Seku Watara et sous le règne des fils
de ce dernier. Mais il est possible que la production ait
déjà baissé bien avant l'époque samorienne. On peut donc
conclure que les temps forts de la production aur ifère se sont
situés entre le début du XVIIIe siècle et le début du XIXe
siècle. Néanmoins, à la fin du XIXe siècle, Kong devait pro-
duire encore un peu d'or; mais l'essentiel du métal jaune
venait des pays lobi
(Burkina-Faso
et Côte d'Ivoire), de
Poura et de l'Anno. Une partie importante de cet Dcdevait
ensuite prendre le chemin de la côte. L'or coûtait en effet,
à la fin du XIXe siècle, moins cher à Kong
(6.000 cauris le
mithkal qu'à 200 kilomètres au sud, à Bondoukou par exemple,
- - - - - - - - - - - - - - - _ _-
. . .
(1) Voir à ce sujet: Labouret in Lacour-Gayet,
1954, P.
52-55
(2) Enquêtes réalisées à Bugu en 1976 avec l'aide du roi de Kong,
Karamoko Ouattara.
600
où le mithkal valait déjà 8.000 cauris(l}
; l'or des pays
lobi transitait à Kong avant de prendre le chemin de la
Côte.
Malgré l'absence de documents précis on peut
c~pendant dire que dans les siècles. passés la production
d'or dans la région de Kong a été imporbante,
surtout
sous le règne de Seku Watara,
à partir des gisements de
Limono, Samata et Bugu.
A partir de quelle date peut-on situer les débuts
de l'exploitation de l'or dans la région de Kong? D'après
Raymond Mauny,
le groupe Côte de l'Or-Côte d'Ivoire était
exploité depuis une époque reculée, mais
"compte tenu de son éloignement des centres
commerciaux médiévaux ouest-africains et des
difficultés de l'exploitation, puis du travail
en forêt,
il dut être, bien que connu ancien-
nement, exploité sur une grande échelle plus
tard que les gisements soudanais. C'est le
Bitou des tarikh soudanais,
le Butuu de D.
Pacheco Pereira. La seule certitude que nous
possédions est que ces mines étaient intensé-
ment exploitées lors de l'arrivée des Portugais
sur les côtes vers 1470 : ce fut précisément
la richesse du pays-en-or qui amena leur éta-
blissement à la Mine
(1484)" (2).
Les mines d'or de la région de Kong appartiennent preclsé-
ment au groupe Côte de l'Or-Côte d'Ivoire qui au XVe siècle
fit la prospérité de la ville de Dienné dont nous parle
longuement Valentim Fernandes au début du XVIe siècle :
(1)
Cf. Singer, op. cit.,
t.2, p.166. A Salaga où l'or était rare à la
fin du XIXe siècle, le mithkal d'or coûtait entre 8.000 et 11.200
cauris le
(cf. Singer, op. cit., t.2, p.103). Cet or provient de
Kong,
Binger a acheté à Salaga un mithkal d'or a
iO.OOO cauris.
(2)
R. Nauny, Of>. cit.,
p.298.
601
"Djenn~ est une grande ville de pierre et de chaux
avec une enceinte. C'est jusq~e-là que vien-
'
nent les marchands qui se rendent aux mines
d'or. Ces trafiquants appartiennent à une race
particulière appel~e Ungaras (Wangara)
; ceux-
ci sont rouges' ou brunâtres. En effet on ne
laisse approcher des mines que ceux de cette
race, à l'exclusion des autres, parce qu'on
les tient pour très dignes de confiance •
Per sonne' d' autr e, qu'il soit blanc ou noir, ne
peut y parvenir. Quand ces Ungaras arrivent
à Djenné, chaque marchand amène avec soi cent
ou deux cents esclaves nègres ou davantage
pour transporter le sel sur leur tête de Djenné
jusqu'aux mines d'or et de là en rapportent
l'or.
Ils ne portent que sur leur tête qui, en
conséquence,' est chauve et. pelée.
Les marchands qui font le trafic des mines
d'or font des affaires considérables. Certains
d'entre eux font un commerce qui peut s'élever
à 60.000 mitical
; même ceux qui se contentent
d'amener le sel à Djenné font 10.000 mitical
d'affaires.
Ils se fient les uns aux autres,
sans quittances, sans écrits, sans témoins. Le
crédit qu'ils se consentent s'étend jusqu'à un
certain moment de l'année parce que les Ungaras
ne viennent à Djenné qu'une seule fois par an.
Ils sont si honnêtes que si l'un d'entre eux
vient à mourir avant l'échéance, son fils ou
son héritier accourt aussitôt pour régler la
dette très exactement"(1)
Les sources orales présentent Kong et Dienné comme
deux villes complémentaires, l'une était riche en or et
l'autre riche en sel gemme. Les relations entre ces deux
. pays dataient, à notre avis, de l'époque où les Mandé en
quête de nouvelle~sources d'or et des noix de kola exploi-
tèrent les mines du Bitou, c'est-à-dire à partir de la
seconde moitié du XIVe siècle. C'est raisonnablement a par-
ti-r de- cette date -que l-'-en peut si tuer l-es débuts de
(1) V. Fernandes, 1938, p.87.
602
l'exploitation des mines d'or de la région de Kong. Ces
dernières durent être intensément exploitées à partir du
XVe siècle.
L'or a été le véritable support du commerce à
longue distance qui a favorisé l'épanouissement de l'Etat
dyula de Kong. Malheureusement,
il parait difficile de
proposer des chiffres exacts quant à la quantité d'or que
le. pays drainait vers la boucle du Niger du XVe au XVIIIe
siècle et vers la côte au XIXe siècle. Raymond Mauny esti-
mait pour le Moyen Age,
la production du groupe Côte
d'Ivoire-Ghana actuel, auquel nous rattachons les gisements
de Kong, à 4 tonnes par an
(1). La part de Kong dans cette
production dut être faible pour l'époque médiévale;
au
début du XVIIIe siècle au contraire, Seku Watara et ses
fils eurent besoin de beaucoup d'or pour jeter les bases de
l'~pire de Kong et équiper une forte armée qui permit aux
Watara d'étendre leur puissance depuis l'Anno jusque dans
la région de Dienné. Pour faire face aux demandes pressan-
tes des princes de Kong,
les extracteurs durent exploiter
intensément les terres aurifères du. pays.
De ce fait,
la
pl~part de ces dernières ont dû être épuisées probablement
bien avant la fin du XVIIIe siècle, notamment les mines de
Limono et de Samata.
La quantité d'or produite dans la région de Kong sous
le règne de Seku Watara
était certainement comparable à
celle que les forÊts ashanti produisaient pour la consom-
mation intérieure de l'Ashanti
(bijoux, parures,
trésor
des chef.s .•• ) e·t pour le commerce de
.' Ashanti avec la côte.
(1)
R. Mauny, op. cit., p.300. Godinho
(V. Magalhaes)
propose le chiffre
de 4 t. pour l'ensemble du commerce ouest-afr icain au Moyen .\\ge :
Cf. L'Economie de l'Empire portugais, Paris,
1969, p.857.
603
w. Bosman estimait cette dernière, au début du XVIIIe
si è cIe à 7. 000 ma r k s
(1. 750 kg) (1 ) •
Comment obtenait-on l'or dans la région de Kong?
D'~près les enquêtes quetnous avons menées dans le pays, les
techniques utilisées ne semblent pas avoir varié. Comme
partout en Côte d'Ivoire,
il y avait deux types d'exploita-
tion ; le type guinéen (puits)
et le type alluvionnaire.
Dans le premier cas l'or était récolté dans des
puits quartzeux plus ou moins profonds
le forage des
puits était fait par des hommes robustes;
il s'agissait
dlun travail difficile et pénible qui semble avoir été
confié à des esclaves(2).
Les puits avaient des dimensions variables ; à
côté des puits individuels qui avaient des diamètres de 50
à 80 centimètres, on notait dans certaines régions des puits
collectifs qui pouvaient accueillir deux à trois personnes
et qui avaient des diamètres compris entre 1 et 2 mètres(3).
(1) W. Bosman : A new and accurate description •.. , 2e édition, 1721,
. p.77. Voir aussi Raymon E. Dumett, "precolonial gold mining and the
state in the Akan région : with a critique of the Terray hypothesies"
Research in Economie Anthropology, vol 2, 1979, pp.37-68.
N.R. Junner évalue à 450 tonnes la production du Ghana actuel avant
la conquête (Cf. R. Mauny, op. cit., p.299)
; G. Arnaud estime celle
de l'A.O.F. antérieure à la--;ême date à "plusieurs centaines de
tonnes"Cf.H. Labouret dans J. Lacourt-Gayet, tome 3, 1953, p.58.
(2) Les sources orales ne font pas état de l'emploi des esclaves dans
les mines, mais nous savons que dans les campagnes on utilisait une
abondante main-d'oeuvre servile; cette dernière a certainement été
utilisée pour le forage des puits.
(3)
Informations recueillies en 1979 à Bugu. Pour les dimensions des
. puits voir aussi Braulot, Arch. Nat. de France S.O.
C.I., III, 3.
604
~~is généralement le travail avait lieu dans des puits in-
dividuels très rapprochés les uns des autres
; a Bugu on a
observé des puits de 60 a 70 centimètres de diamètres(1).
Il est difficile de nos jours de se faire une idée exacte
de la profondeur des puits de la région de Kong.
En effet,
tous les puits d'or sont comblés; d'après les traditiona-
listes du pays ces derniers avaient en moyenne 2 mètres de
profondeur. A la fin du XIXe siècle, Binger a observé dans
la région de Samata des puits dont quelques uns
avaient
"près de 3 mètres de
profondeur fi (2) .
L'extraction se faisait à ciel ouvert et avait
lieu surtout pendant la saison sèche ; mais étant donné
le manque d'eau qui rendait l'exploitation difficile sur-
tout à Limono et à Samata,
les gens foraient les puits,
surtout au début et à la fin de la saison humide;
la terre,
dit-on, était plus facile à remuer à cette époque là.
Binger a signalé à la fin du XIXe siècle que pou~
avoir de l'eau dans la région de Samata,
les extracteurs
étaient obligés de creuser des puits de 3,5 mètres de
profondeur.
Lorsque le chercheur estimait avoir atteint la
couche aurifère,
il faisait remonter la terre à la surface
cette dernière était ensuite lavée, dans de
grosses cale-
basses et l'on recueillait les pépites et la poudre d'or.
A Bugu,
le lavage de la t'.cre était relativement
aisé car la région était parcourue par de nombreux marigots
et ruisseaux.
(1)
Voir Diabaté, op. cit., p.44.
(2) Binger, op. cit., t.2,
p.198.
605
Le deuxième type d'exploitation que nous avons
signalé est le type alluvionnaire; il s'agissait de re-
cueillir les pépites et la poudre d'or contenues dans les
alluvions des fleuves et des marigots. Ce travail était
surtout l'apanage des femmes et des enfants qui, du matin
au sotr, remuaient la vase des cours d'eau. Contrairement
au forage des puits, l'activité alluvionnaire avait lieu
pendant la saison humide et surtout après une forte averse.
Ce travail semble avoir connu une ampleur considérable dans
la région de Kong, surtout sous le souverain Seku Watara
qui avait besoin de beaucoup d'or pour organiser ses con-
quêtes et pratiquer sa politique de prestige.
D'après les sources orales que nous avons recueillies
dans le pays, le travail de l'or n'ob~issait pas a une
réglementation particulière ; on se plaît à dire à Kong que
tout le monde pouvait exploiter l'or,
il suffisait d'obtenir
l'autorisation du dugukorotigi
(chef de la terre)
et de
payer un tribut annuel au roi de Kong(1). Dans la réalité,
cependant,
le travail de l'or était réalisé par des spé-
cialistes qui maîtrisaient les techniques du lavage du
minerai. Binger, disait à ju~t~titre que des exploitations
aurifères avaient échoué dans la région de Samata faute
précisément de
"connaissance du lavage"
des terres extraites des puits d'or à une epoque donnée(2).
Lors de la "Table ronde sur les origines de Kong"
.. -en ·l9-7§.~··le·6 ·tradi t ional istes du pays avaien t présen t.é les
autochtones Falafala, Myoro, Gbèn et Nabé comme d'excellents
(1)
Informations recueillies en 1975 auprès des paysans de Bilimono.
Il
est difficile de connaître l~ montant de ce tribut ; on sait seule-
ment que "ceux qui extrayaie~t l'or" donnaient aux \\fatara "une certaine
quantité d'or mesuré à la fin de l'année" cf. A.U.A., série J,
1977~
p.378.
,
(2)
Binger, op. cit., t.2, p.199.
606
extracteurs(1). En fait,
une
enquête poussée a révélé
que
Ces derniers ne se livraient qu'occasionnellement au travail
de l ' o r ;
les vrais maîtres de la région de Kong dans ce
domaine,
furent les Nafana et les Ligbi. Ces derniers semblent
avoir constitué dans le pays une puissante aristocratie qui
contr81ait l'essentiel de la production aurif~re de la région
E~outons d'ailleurs Basi~ri Ouattara sur ce point:
"
Le terme ligbi évoque encore de nos jours
la fortune,
la richesse,
l'or.
Les Ligbi
étaient autrefois des hommes tr~s riches grâce
à l'extraction et au commerce de l'or de notre
pays. Ces étrangers étaient originaires de
Biéro (Begho)
; ils possédaient des dyo
(féti-
ches)
qui les renseignaient
sur les terres qui
avaient une forte teneur en or. A cause des
dyo, ils réussissaient dans les affaires ;
ils
n'avaient pas peur de Dieu
( .•• )
;
il Y a encore
des descendants des Ligbi à Sansilo et dans
la région de Bilimono .•• n (2) .
Soulignons qu'au XIXe si~cle encore, les Ligbi étaient tr~s
actifs et exploitaient eux-mêmes les gisements aurif~res
situés au nord-est de Bondoukou(3).
Il n'est pas invraisem-
blable qu'à un moment donné les Ligbi aient supplanté les
Nabé et les Gb~n qui, selon les sources orales, auraient
initié les autochtones à l'extraction de l'or.
Grâce à sa situation privilégiée entre la zone
foresti~re et la boucle du Niger, Kong recevait du XVe Qu
XVIIIe si~cle, l'or du Lobi, du Poura, de l'Anno, de la
région de Bondoukou et surtout de Begho
(le Bitu des chroni-
ques soudanaises ou Bi tu des sources portugaises) (4).
Faisons
(1)
Voir A.D.A., série J,
t . l , p.380.
(2)
Informations auprès de Basièri OUattara en 1977 à Kong voir document VII.
(3)
Binger, op. cit., t.2, p.l09.
(4)
cf. T. el-F.,
1964, pp.68-94 ; T. es-S.,
1964, pp.22-37. Le terme
Bituu désignait en réalité le groupe Côte d'Ivoire-Ghana auquel
appartient Kong.
607
quelques remarques sur les autres mines qui constituaient
la source externe
:
B.
L'OR DE L'ANNO
Dans l'état actuel de nos sources,
il paraît
dif-
ficile de fixer avec exactitude les débuts de l'extraction
de l'or dans la région de l'Anno. D'après les enquêtes que
nous avons faites dans le pays en 1973 et en 1975, ce
serait sous le règne des premiers rois de Kong que débuta
l'0~paillage(1). Etant donné que nous avons situé au XVe
siècle l'installation des premières monarchies watara à
Kong il faudrait donc situer à cette même date les débuts
du travail de l'or dans l'Anno. L'orpaillage de l'Anno a
contribué sans aucun doute au développement de la métropole
dyula de Kong; ceci tendrait à expliquer pourquoi les prin-
ces watara ont €u
toujours le regard tourné vers les richesse~
èe ce pays.
Faute de documents,
il est difficile de nos jours,
d'apprécier la quantité d'or que les Ando drainèrent vers
Kong; elle dut cependant être importante si l'on en juge
par le nombre des anciens puits aurifères que l'on peut
trouver actuellement dans les forêts ando(2).
Les mines d'or des bas-fonds de l'Anno étaient en-
core en exploitation à la fin du XIXe siècle. Voici ce que
Braulot a écrit à ce sujet :
(1) D'après Anzoumana OUattara, les débuts de Kong seraient étroitements
liés à l'orpaillage de l'Anno. Enquêtes réalisées à Famièkro en
mars 1973.
(2)
La plupart des plantations de caféiers de l'Anno portent encore les
traces des puits forés par les extracteurs du pays. Ils sont très
rapprochés les uns des autres.
608
"
Le seul métal exploité est l'or. On le
trouve dans les filons quartzeux et dans les
brouillages de même nature désagrégés par
les eaux. Les indigènes ne recueillent que
l'or qu'ils trouvent dans les parties géodées
de la roche. Le procédé d'exploitation est le
lavage à la battée. Les puits de 1,50 à 2 m
de profondeur sont creusés au hasard dans le
voisinage des points où .on a trouvé des pépi-
tes. Dans l'Anno, on fore des puits de cinq
à huit mètres à travers la couche argileuse.
Sur les parois des puits est façonné à la
glaise un bourelet hélicoidal qui facilite la
montée et la descente des travailleurs. Malgré
la grossièreté des procédés d'extraction, le
rendement est assez rémunérateur, surtout
après l'hivernage quand la nature s'est chargée
du lavage des minerais. L'or de telle qualité
est en pépites polies plus ou moins grosses.
Il n'est pas rare d1en rencontrer qui pèsent
de 40 à 50 grammes"(l).
D'après les enquêtes que nous avons réalisées dans
les villages ando,
le pays, autrefois,
troquait son or contre
les belles étoffes de la région de Kong. A Kong même, on
admet que le métal précieux de l'Anno a joué un rôle impor-
tant dans les échanges que les Dyula de la ville entrete-
naient avec les pays de la boucle du Niger, notamment à
l'époque de S€ku
Watara.
C.
L'OR DU LOBr ET DE POURA(2)
D'après les enquêtes que nous avons effectuées dans
la région de Kong,
le terme Lobi-San
(llor du Lobi)
dési-
gnerait en réalité llensemble des gisements aurifères de la
vallée moyenne de la Volta Noire(3). Ces gisements compren-
(1)
Braulot, Arch. Nat. S.O.M. C.I,
III,
3.
(2)
Voir Jean-Baptiste Kiethega, L'or de la Volta Noire, 1983, p.247.
(3)
A Kong,
les traditionalistes considèrent que Poura fait partie des
mines dites du Lobi. Cf. R. Mauny, op. cit., p.297.
609
~raient ainsi ceux des pays lobi proprement dits et ceux
de Poura, soit une zone comprise entre le 10° et le 11°
degré de latitude nord.
Le peuple Lobi qui réside en Côte
d'Ivoire ~ord-est), au Ghana
(nord-ouest)
et surtout au
Burkina-Faso, n'occupe qu'une petite partie de cette zone.
Mais nous devons reconnaître cependant que les terres oc-
cupées par les Lobi sont les plus riches en or. Elles
semblent avoir été intensément exploitées dans les siècles
antérieurs; c'est ce qui expliquerait qu'aux abords des
mines on ait observé la construction de grandes enceintes
en général rectangulaires de 40,
50 et même 100 mètres de
côté
et dont les restes sont connus aujourd'hui sous le
nom de "ruines du
"
Lobi(1). On ignore cependant la date à
laquelle eurent lieu ces construction. On admet aujourd'hui
que l'orpaillage avait été introduit chez les Lobi par les
Kulango qui le tenaient des gens de Bondoukou(2).
Si cette
hypothèse se vérifie i l faudrait situer les débuts de
l'orpaillage en pays Lobi dans la seconde moitié du XVe
siècle. Nous sommes persuadé
que la formation du puissant
Etat des ~atara dut promouvoir une importante production
d'or dans les pays lobi et notamment dans la région de Poura.
Toutes les
sources orales sont unanimes pour reconnaître la
part active jouée par llor du Lobi dans l'organisation de
llEmpire des Vatara.
H.
Labouret estimait le rendement du cercle de Poura
à 52 kilogramme d'or en 1923(3). D'après cet informateur
cet or aurait été recueilli par 6.050 orpailleuses.
Le minerai
provenait ainsi essentiellement du lavage des alluvions.
( 1 ) !L Labouret "Les mystères des ruines du Lobi ••. " 1920, pp.177-196.
(2)
R. Mauny, op. ci t. , p.297.
(3 ) H. Labouret,
"L'or du Lobi
" , 1925, p.69-73.
610
En réalité comme le souligne Kiéthéga,
"l'histor ien rencontre toujours des difficultés,
voire des obstacles quasi insurmontables, à
chiffrer en quantités absolues la production
d'or pendant la période précoloniale" (1).
Raymond Mauny estimait pour les siècles antérieurs la pro-
duction de Poura et du Lobi à 0,2 tonne(2). Ce chiffre
nous paraît bas pour le XVIIIe siècle à cause de la relance
commerciale due à la suppression des taxes au sein de
l'Empire des Watara. Les résidus des exploitations que l'on
trouve dans la région de Poura laissent supposer que les
gisements du pays ont été intensément exploités dans les
siècles antérieurs. Ces résidus ont formé d'énormes "tailings"
dont le plus important se trouve précisément à Poura avec
500 mètres de diamètre. Nous savons d'ailleurs qu'à Poura,
les extractèurs d'or se sont attaqùés aux filons mêmes(3).
Bien que Binger à la fin du XIXe siècle mentionne Poura sur
sa carte,
il ne parle pas des gisements de ce centre, ce
qui laisse supposer que la production avait considérablement
baissé. Elle semble avoir été
très importante au début du
XVIIIe siècle car elle attira la convoitise de Zan Bakari
qui lutta désespérement pour s'assurer le contrôle des
mines du pays; c'est d'ailleurs au cours de l'une de ces
guerres contre les populations des régions aurifères qu'il
trouva la mort vers 1720. Kiéthéga signale une première
exploitation de l'or de Poura entre le XVe siècle et le
milieu du XVIIIe siècle(4)
et une seconde exploitation in-
tensive qui
"voit l'arrivée des Bobo-Dyula de la région
de Bobo-Dioulasso" (5) .
(1)
J.B. Kiéthéga, op. cit., p.151-152.
(2)
R. Mauny, op. cit., p.300.
(3)
Ibidem, op. ciL,
p.29ï.
(4)
J.B.
Kiéthéga, op. cit., p.158.
(5)
Ibidem.
611
Cette dernière vague correspondrait, à notre avis, à la
mise en place de l'Etat du Gwiriko par Famaghan
(1735-1750).
Kiéthéga propose pour le XVIIIe siècle une
"production annuelle d'or de 40 kg 26"(1}.
A la fin du XIXe si~cle, on parla à Binger des
centres de Dusi et de Bangasi. Voici ce qu'il a not€
à
ce sujet :
"
Les gens de Doussi, Bangassi et des vil-
lages voisins exploitent les terrains environ-
nants pendant la saison des pluies et en
extraient de l'or en grande quantité, d'après
le dire des indigènes. Les puits à or sont
nombreux dans les vallées que forment la série
de collines d'où sortent les affluents de la
Volta.
Ce bassin aurifère semble se prolonger jusque
sur la rive gauche de la Volta. Les villages
du Gourounsi que J'aurai à traverser se livrent
également à l'exploitation de l'or.
Le métal de ces région est d'un beau jaune,
mais légèrement plus pâle que celui du Lobi
qui est lui même plus pale que celui du Got-
togo"(2}.
D'après les indications fournies par Binger et par
Braulot, Kong était au XIXe siècle le principal débouché
de l'or du Lobi et du Poura(3}.
(1)
J.B. Kiéthéga, op. cit., p.166.
(2)
Binger, op. cit., p.4t5.
(3)
Arch. N.S. D.M., C.L,
III,
3.
612
IV,
LE COMMERCE
A.
LES PRODUITS
Les gisements aurifères de la région de Kong,
de
l'Anno, du Lobi et du Poura avaient permis à l'or de tenir
une grande place dans le commerce des Dyula de Kong avec
les pays du nord et ceux de la côte. Mais à côté du métal
. précieux,
il existait de nombreux produits qui avaient permis
à Kong àe jouir de la réputation d'une grande métropole
commerciale.
1.
- Les noix de kola
Nous avons vu que le développement àe Kong s'expli-
que par la géographie. L'introduction àe la kola dans les
circuits commerciaux entre les pays forestiers du sud
(Côte d'Ivoire-Ghana)
et les pays musulmans du nord donna
incontestablement un coup de fouet à l'économie du pays
elle a contribué à la formation et à l'essor de l'Etat
dyula de Kong.
Peut-on savoir à partir de quelle date Kong
servit de relai entre les pays producteurs animistes du sud
et les états musulmans de la zone soudanaise, entre le
Sénégal et le Tchad ? Les noix de kola étaient exportées
aux XII-XIVe siècles par les frères al-Maqqari, de Oualata
à Tlemcen(1). Il s'agit des fameuses noix connues sous le
nom d'al-djawz. Al Umari mentionne au ~,IVe siècle la noix
de kola au Mali
; l ' auteur l.Jarlant des frui ts
"âcres, désagréabl"C's au ooût"
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
(1)
Ibn
al-Khatib,
in R.P. CUOQ, op. cit., p.325.
613
signale que les
"Noirs seuls les mangent"(1).
Au XVIe siècle, Léon l'Africain qui a visité la boucle du
Niger
(1510-1515 nous parle de la noix de kola:
-Il n'y a pas un seul autre fruit que celui
produit par un très grand arbre,
fruit qui
ressemble à la châtaigne, mais dont la saveur
tire sur l'amer(2). Ces arbres sont à quelque
distance du fleuve sur la terre ferme.
Le
fruit dont je parle est appelk goro
(woro)
dans la langue dupays(3)~.
D'après Levtzion, Dienné et Tombouctou
"obtained of their kola supplies from worodugu,
(the kola country)
in Ivory Coast"(4).
Le terme Worodugu
(pays des noix de kola)
n'a rien a voir
avec les zones de production.
Dans le ~orodugu en effet, le kolatier est presque
absent. Les vraies zones d'exploitation se trouvent,
soi
plus au sud dans les pays Kono, Kisi, Toma, Guersé, Dan,
Guro, Gèrè ou Bété, soit plus à l'est où l'on trouve les
riches plantations de l'Anno exploi tées par les Gan. Le terme
( 1) Al-OInar i,
1927, P . 53 .
(2)
Les noix de kola que Léon l'Africain a vues dans la boucle du Niger
ne semblent pas provenir de l'Ashanti car ces dernières sont franche-
m~ntamères .; i l s'agirait probablement de' noix de kola provenant de
l'Anno; ces dernières ont en effet un goût légèrement amer.
(3)
Léon l'Africain,
1956, p.54. Les chroniques soudanaises parlent en
effet des noix de guru. Cf. T. es-S., et T. el-F., P·1S2 et 6S. C'est le
nom donné aux noix de kola en songaï. En malinké et en dyula la noix
de kola est connue sous le nom de woro
(surtout à Kong).
(4)
Levtzion,
1968, p.18.
614
de Worodugu peut donc prêter à confusion. Les noix de kola
qui vont alimenter l'économie de l'Etat dyula viennent
essentiellement de l'Anno.
La diffusion des noix de kola à travers les pays
de la savane et du Sahel est probablement très ancienne ;
mais les noix de kola, surtout celles de l'Anno, n'ont fait
l'objet d'un commerce important qu'à l'époque de l'orpailla-
ge dans l'Anno, c'est-à-dire au XVe siècle. A partir de
cette date, on peut penser que l'essentiel des noix de kola
qui circulaient à Dienné et à Tombouctou venait des planta-
tions
gan.
En Afrique Occidentale, on rencontre deux grandes
variétés de kolatier,
la variété "cola acuminata" qui
pousse de la rivière Volta au Gabon et la variété "cola
nitida" qui croit à l'ouest de la Volta.
La zone de production se situe généralement du
Haut-Niger au Bandama et
"dans une moindre mesure sur le Comoé" (1) .
Le kolatier
(cola nitida)
donne des cabosses vertes qui
contiennent de grosses noix
"dont la couleur admirable, blanc velouté ou
écarlate émeut le sens esthétique des
afi-
cains"(2).
(1)
persan, Samori, t.I, i '.102.
(2)
Ibidem, op. cit., p.102.
615
La noix de Kola contient des alcaloides qui en
font un excitant puissant voire un aphrodisiaque. D'après
les amateurs de noix de kola, son goût amer. protège
efficacement contre la soif. Binger a retracé avec beaucoup
de finesse et de réalisme l'importance de la noix de kola
ou woro dans les sociétés soudanaises : voici son témoi-
"le soudanais lui attribue les m@mes qualités
que nous accordons au café. Pour l'indigène, le
fruit mâché constitue un remède à bien des
maux. A-t-il. besoin de sommeil? Le kola est
un
soporifique! Doit-il veiller? C'est le
kola qui l'emp@che de dormir!
Il calme la
faim et la soif, et a, en outre chez les noirs
la réputation d'@tre un aphrodisiaque incon-
test~.
.
J'en ai usé le plus souvent possible pendant
mon voyage : chez moi, son action se tradui-
sait surtout sur les nerfs:
i l me semble qu'il
augmentait, dans certaines circonstances, ma
force de résistance et qu'il me permettait
plus facilement d'endurer les fatigues.
Je le goûtais surtout quand je n'avais
à boire que de l'eau croupie ou chargée de
substances organiques.
.
Son goût étant excessivement amer, l'eau la
plus mauvai~paraît bonne à boire après, et
fait oublier l'odeur fade de la boisson qu'on
vient d ' avaler"(1).
La kola devint ainsi le fidèle compagnon du colpor-
teur dyula confronté quotidiennement aux problèmes de la
soif et de la faim et contraint parfois d'effectuer de
longues étapes.
Mai& la kola permet aussi
.~ nouer des alliances
et de se faire des amis: c'est souvent grâce à ce fruit
que le chercheur peut délier la langue des traditionalistes
(1) Binger, ~. cit., t.I, p.310.
616
il est en pays musulman soudanais ce qu'est le gin en~pays
Akan.
A la fin du XIXe siècle, Binger écrivait
"C'est avec le kola que je me faisais des
amis et que je déliais la langue des noirs
qui daignaient me rendre visite. Combien
d'itinéraires et de renseignements portés sur
ma carte et dans la présente relation ne sont-
ils pas dus à
l'à -propos avec lequel je
distribuais cette consommation de luxe!"(1).
Il faut dire, en effet, que les peuples de la zone
soudanaise entourent la kola d'un respect religieux;
ils
voient dans cet aliment "cher et rare"
"une source ou un symbole de vigueur et de
puissance, si bien que sa consommation osten-
. sible est devenue un signe de promotion. La
valeur rituelle de ses couleurs en fait le
truchement de toutes les relations sociales.
On le partage avec ses hBtes, on "attache"
avec elle les mariages et tous les contrats
importants".
Il "figure dans tous les rites
religieux, de sorte que les objets cultuels
des animistes sont couverts de crachats de
kola et que les légendes musulmanes l'ont
islamisé"(2) .
Tout ceci dénote l'importance que la kola va jouer
dans les circuits commerciaux ouest-africains. Elle est
responsable en:partie de l'implantation dyula sur les
lisières des forêts ivoiriennes.
Le kolatier pousse sur les' sols constamment humides
son véritable habitat est compris entre le 7° et le 8° de
(1)
Binger, op. cit., t.I, p.310.
(2)
person,.2E.... cit., p.l02.
617
latitude nord. Pour Binger, le kolatier
"existe à l'état spontané sur toute la c8te
occidentale d'Af~ique"(1).
En réalité, notre explorateur a été mal renseigné car, comme
le souligne Y. Person,
"le kolatier n'est pas une plante spontanée,
préservée, comme ie karite, le néré ou le
baobab, car il fait l'objet d'une arboriculture
soignée" (2) •
Nous avons constaté au cours de nos enquêtes sur
le terrain que les plantations de l'Anno étaient très bien
entretenues.
La kola qui était produite dans le N0rd-Est de la
Côte d'Ivoire et qui animait le commerce de Kong était la
cola nitida. Elle provenait de la région méridionale où le
kolatier était la culture essentielle des Gan de l'Anno.
Toutes les enquêtes que nous avons effectuées dans la région
de Kong tendent à prouver que les noix de kola des Dan, Gèrè
et Bété ne parvenaient pas à Kong. Cela était certainement
dû, d'une part, à la distance qui séparait la métropole des
Watara de ces régions, mais aussi et surtout, au
fait que
les kola blanches de l'Anno étaient "très appréciées" (3) .
C'est donc à juste titre que l'on considère à Kong que la
plus grande routé de la kola partait de Grumanya
(Anno)
et
aboutissait à Dienné et à Tombouctou à travers le Dyamala,
Kong, Bobo et San(4). La raison d'être précisément de l'Etat
( 1 ) Binger, op. cit. , p.311.
(2 )
Persan, op. ci t. , p. 102.
(3) Ibidem, op. ci t. , p.l03
(4) Toutes les anciennes familles de commerçants de la région de Kong
insistent sur l'importance de cet axe;
selon certaines sources de
la région, Seku Watara aurait annexé l'Anno à cause de son or et de
ses noix de kola.
618
de Kong était de contrôler les routes qui reliaient les
vallées moyennes
(Bandama-comoé-Volta)
au Niger et parti-
culièrement celles gue suivaient les noix de kola et l'or.
La kola de l'Anno
(Sterculia macrocarpa)
ou kola
blanche par opposition aux kola
rouges de l'Ashanti
(Sterculia acuminata)
est en réalité, soit d'un blanc jaune
pâle, soit d'un rose pâle.
Les premières catégories sont
généralement plus petites; on les rencontre aussi à l'ouest
de la Côte d'Ivoire. Comme l'a constaté Binger,
"le goGt de la kola de l'Anno est bien moins
fort que celui de la kola rouge, mais i l
renferme une teinture rouge qui est usitée par
les indigènes en concurrence avec celle de la
kola rouge. Comme teinture le kola de l'Anno
a donc les mêmes qualités que la kola rouge
de l'Ashanti"(1).
Les kolas de l'Anno purent ainsi concurrencer les
fameuses kolas de l'Ashanti et, étant donné leur prix
relativement bas, elles durent être consommées sur une plus
grande échelle par la masse de la population soudanaise que
les kolas de l'Ashanti plus chères et réservées à une élite.
Généralement, la récolte des noix de kola avait
lieu au début de la saison sèche vers octobre-décembre ;
mais dans l'Anno où la production était très importante, on
procédait à trois récoltes par an
; la première avait lieu
en octobre.
Les fruits obtenus au courant de ce mois se
conservaient relativement bien. La deuxième récolte avait
_lieu_-enf-évrier. Les fruits de février ne ];ésistent pas
longtemps aux intempéries et s'abimaient assez rapidement.
A Kong on nous a assuré que ces kolas ne dépassaient guère
(1)
singer, op. cit., t.I, p.312.
619
Bobo-Dioulasso et qu'elles étaient généralement consommees
à l'interieur du triangle Kong-Salaga-Bobo~Dioulasso.
C'était. probablement ces kolas qui arrivées à Dienné se
vendaient à v i l prix(1).
En fait,
la récolte du mois de février ne concernait
que les kolatiers du nord de l'Anno, le Mango. Les deux
grands marché du Mango étaient Aba-Diané et Tyèba(2). Ce
sont les kolas du Mango que les Dyula de Kong et de Bondou-
kou appellent woro-gbè
(kola blanche)
à cause précisément
de sa couleur blanc-jaune et rose. Le Mango donnait aussi
des récoltes en octobre et en juin, mais les noix obtenues
ici sont très fragiles et sont souvent vendues à bas prix.
A la fin du XIXe siècle, le prix ne dépassait pas 5 francs les
1.000 noix (3) •
La troisième réc0lte avait lieu en janvier en
pleine saison sèche. Dans l'Anno proprement dit, c'est-à-
dire dans le sud du Dyamala, chez les Gan,
les kolas étaient
de très bonne qualité et elles se conservaient mieux ; elles
étaient de belles tailles et valaient "le double" de celles
du Mango,
10 francs les 1.000(4). Les noix de kola des pays
gan étaient connues des Dyula de Kong sous le nom de woroso
ou falafalagbè
(à peau blanche). Ces kolas étaient en effet
commercialisées sur une plus grande échelle
"jusqu'au bord du Niger"
(1) Voir à ce sujet, Binger, op. cit., p.312.
(2) Il s'agirait vraisemblement de hameaux créés par des étrangers dyula.
Ceci confirmerait l'hypothèse selon laquelle la kola est responsable
de l'implantation dyula sur les lisières de la forêt. Elle a donc
une importance historique.
(3) Pour tous ces renseignement voir les Archives Nationales du Mali
(Bamako)
: C.I. 10. 179. Notice sur le cercle de la Côte d'Ivoire, 1903.
(4) Arch. Nat. Mali, C.I. ID. 179.
620
(Dienné et Tombouctou) (1). D'après les rapports du capi-
taine Benquey, les kolas de l'Anno se conserveraient de 8
à 10 mois(2). Les grands centres de l'Anno qui inond~ient
Kong de leurs noix de kolas étaient Kamélisu, Dédosu,
yégasu, Abédenu et surtout N'gin-Bonu
(campement de sel).
Le nom de ce dernier marché tendrait à.prouver que les noix
s'échangeaient ici contre les barres de sel.
Le grand problème qui s'était posé aux exportateurs
fut celui de la conservation des noix. Les noix voyageaient
dans des. paniers ou waga(3)
garnis de feuilles que l'on
renouvelait fréquemment.
Les noix de kola avaient en effet tendance à fer-
menter et a s'abîmer; parfois aussi elles se desséchaient et
perdaient alors leurs qualités gustatives. Pour les main-
tenir dans un bon état,
il était indispensable de défaire
le paquet tous les cinq jours, de changer les feuilles,
d'aérer et d'humecter les fruits(4).
Person estimait les
pertes de 10 à 20 %(5).
A cause des difficultés de conser-
vation, le transport sur de longues distances était délicat et, comme
le souligne Person,
il en résultait
"chaque année en fin d'hivernage une période
de soudure oG le kola est rare et cher "(6).
Les paniers pesaient 25 à 30 kg et comptaient en-
viron 2.500 à 3.000 noix selon leur grosseur (7)
;
ils avaient
(1)
Arch. Nat. Mali, Cor.
ID. 179.
(2) Arch. Nat. Mali, C.I. ID.
179.
(3)
Le mot waga pourrait être a l'origine du mot wangara, le porteur de
waga.
(4)
Y. Person, op. cit., p.l13.
(5)
Ibidem,
op. cit., p.l13.
(6)
Pour les chiffres voir Binger, op. cit., p.312 et Y. Person,
op. ci t ., p. 11 3 •
(7)
Person, op. cit., p.102.
-
- f -
621
des dimensions variables
néanmoins on rencontrait couram-
ment des paniers de 60 à 80 cm de long sur 25 cm de large.
Le transport était assuré,
soit par des ânes,
soit
par des esclaves qui portaient la marchandise-
sur la tête.
Les caravanes effectuaient généralement en moyenne des
ét?pes de 25 à 30 km par jour. Une partie des kolas de
l'Anno se dirigeait vers le marché de Bondoukou où elle
faisait l'objet d'un important comme~ce
local mais l'essen-
tiel de la production du pays allait à Kong où elle ali-
mentait d'intenses transactions régionales, et interrégiona-
les.
A la fin du XIXe siècle, Binger nous apprend que
le marché de Salaga n'était pas
"du tout bien alimenté en kola de l'Ashanti
et que les gens de Kong trouvaient toujours
à y écouler les kolas de Ma~go"(1).
D'après notre explorateur, les kolas rouges de l'Ashanti
affluaient par contre sur le marché de Kong.
Binger dit à
ce sujet,
"sur le marché de Kong on voit deux espèces
le kola blanc de l'Anno (Sterculie macrocarpa)
et le kola rouge de l'Ashanti
(Sterculia acu-
minata)" (2) •
Ce que
Binger a vu à Salaga n'était certainement pas un
fait nouveau. Tout porte à croire que depuis l'organisation
de l'Empire de Kong au XVIIIe siècle, le marché de Kong
était devenu l'un des principaux débouchés du commerce des
(1)
Singer, op. cit., t.I, p.312.
(2)
Ibidem,
op. cit., p.311.
622
kolas rouges de l'Ashanti. C'était probablement à partir
de Kong que ce produit atteignait, soit les. pays Hausa par
le Gonja(1), soit la boucle du Niger par Bobo-Dioulasso.
Les kolas ashanti durent suivre la même route que celle de
l'or c'est-à-dire la voie Begho, Bondoukou, Kong, Bobo-
Dioulasso, Dienné(2). Ceci tendrait à confirmer les ren-
seignements que nous avons recueillis, selon lesquels les
marchands de Kong faisaient venir les kolas ashanti de Kin-
tampo et surtout de Savoroni(3). Les traditionalistes pré-
cisent que les Ashanti de leur côté venaient vendre leurs
kolas
(cola acuminata)
à Kong et que ce commerce se serait
intensifié sous le règne de Seku Watara(4). A la fin du
XIXe siècle ce commerce ne semble pas avoir considérablement
baissé. Binger souligne son importance sur l'axe Kong-
Kintampo-Bobo-Dioulasso.
L'administrateur Benquey a eu tort de croire qu'à
l'est de la ligne Bondoukou, Bouna, Bobo et Ségou l'on
consommait de la kola rouge et qu'à l'ouest de cette der-
(1) D'après la chronique
de Kano une route avait été ouverte
entre Kano et le Gonja sous le règne de Mohammed Runfa, le prédé-
cesseur de Ya'qub (1452-63) et cecfut précisément à cette époque que
la kola fut introduitedans cette région. Cf. Palmer, Sudanese memoirs •••
3 vol, 1928, p.lll, Il faut donc accueillir avec réserve les infor-
mations fournies par Barth en 1850 selon lesquelles les Ashanti ap-
portaient des noix de kola en quantités suffisantes à Salaga. cf
Travels and Discoveries in North and central Africa •.. , London, 1857,
vol, II, p.364. A propos du commerce des noix de kola à Salaga, voir
Salaga Papers, vol. 1 compiled by Mrs M. Johnson in Institute of----
African studies, University of Ghana, Legon (sans date) •
....(.2+.voüà·c~·suje-t
I.Wilks'!A medieval rout-e from ·the Nige-rto the
Gulf of Guinea", Journal of African History (J.A.H.), 3, n02 pp.337-
43. A propos du même auteur voir "The northern factor in Ashanti
history", Institute of African Studies, University of Ghana, 1961,
. p.2 et "The position of Muslims in metropolitain Ashanti in The early
nineteenth century" in Lewis, éditeur Islam in
Tropical Africa,
London, 1966, p.321.
(3) A Kong on situait cette localité à une vingtaine de kilomètres au
nord-ouest de Kintampo.
(4) Enquêtes recueillies entre 1975 et 1979 auprès des familles Baro,
Tarawéré, Saganogo et Diabagaté ou Diabaté de Kong et de Bobo-Dioulasso.
1
f
623
nière ligne l'on ne consommait que des kolas de l'Anno(l).
En fait, Kong jouait un r81e de relaket, à ce titre, per-
mettait le brassage et la diffusion des noix de kola de
l'Anno et de l'Ashanti vers la boucle du Niger et les
états Hausa.
Peut-on chiffrer la quantité des noix de kola qui
sortaient de la région de Kong? D'après un rapport annuel
du, poste de Dabakala (1903), la consommation pour le Soudan
était de 200.000 kg en 1898. Le rapport mentionne que la
plupart des kolas
i
1
"livrées au Soudan provenaient du cercle de
1
Kong"(2).
!1
Quand on sait que l'économie de la région de Kong avait été
!
compromise par les guerres samoriennes (1894-1898), on peut
1
penser que dans les siècles antér ieurs où le comnerce des [yula
1
refOsait en grande r;artie sur la kola
Kong dut fournir plus èe 200 ton-
nes de t'1Q~,cle KDla aux populations soudanaises. Les noix de kola
1
ont constitué ainsi aux XVIIe et XVIIIe siècl~ un support
1
important ~u commerce de Kong avec le monde extérieur.
!
Lalgré le manque de soin dont souffre aujourd'hui le verger
r
ivoirien, le commerce de la kola continue de jouer un r81e
r
f
important dans l'économie nationale; une enquête a révélé
qu'ë.vec
"une production moyenne d'environ 60.000 tonnes
par an de noix, la C8te d'Ivoire est le
premier pays fournisseur mondial de cola.
Celle-ci fait l'objet d'un commerce intense
dans notre pays qui exporte environ 90 % de
sa production dans les Etats 'vois-ïns, grands
consommateurs: comme le Sénégal, le Mali, la
Haute-Volta et le Niger
(2 milliards environ
(1) Benquey, Arch. Nat. du Mali, C.I., ID, 169.
(2} Arch. Nat. Mali, C.I. ID., 179, rapport annuel feuille n08.
624
de francs CFA en 1982). Malheureusement
la cola
( ..• ) n'est l'objet d'aucun enca-
drement"(1) •
2 .. - Les tissus(2)
Le tissage avait constitué un artisanat local très
important à Kong. Sa production avait fait l'objet d'un
intense commerce régional et interrégional. D'après les
traditionalistes du pays,
les vête~ents tissés à Kong se
i
vendaient, à des époques diverses, dans les principaux
!
marchés ouest-africains.
Ils suivaient trois directions,
r
'fi[
une direction nord-sud vers les pays forestiers et c&tiers
1
{
(Dyimini, Dyamala, Anno, Bondoukou, Assinie), une direction
!f
ouest-est
(vers le nord du Ghana actuel)
et une direction
i
sud-nord vers la boucle du Niger
(Dienné, Tombouctou).
1
Au. cours de nos recherches, nous nous sommes inté-
f
ressé aux traditions qui concernaient l'histoire du textile
dans la région de Kong. De l'ensemble des sources orales
que nous avons recueillies se dégagent deux tendances : la
première situerait les débuts de l'industrie textile à
1
l'époque de l'installation de De Maghan à Ténégéra c'est-à-
dire au début du XVIIe siècle. La seconde tendance tendrait
1
à prouver au contraire que l'artisanat du textile existait
!
àans la ville de Kong bien avant l'arrivée du grand-père
!
f
de Seku Watara.
1
1
,
Les défenseurs de la première thèse sont nombreux i
f1
parmi eux, citons Karamoko Ouattara, le roi actuel de Kong,
gui déclara en 1975
:
(1) Fraternité-Matin, jeudi 12 juillet 1984, p.8.
(2) Pour l'étude des tissus voir Boxer-Sarivaxenis, 1972, p.186.
et suive
,
!
,
t[
t
t
)
625
"Ce que nos pères nous ont raconté c'est que,
il paraît que celui qui est venu pour la
première fois avec du tissu ici, ça a été
notre ancêtre qui a tissé jusqu'ici: sinon
ici les gens ignoraient le tissage : c'est
Maghan qui est venu du Mandé"(1).
Le Mandé a été certainement depuis le Moyen Age
un centre de diffusion des techniques de tissage.
AI-Umari
(1301-1349) (2), parlant des habitants
du r·:ali, é c r i t :
"Leur costume est composé de turbans qu'ils
attachent sous le menton à la manière des
Arabes et d'étoffes de couleur blanche faites
avec le coton cultivé chez eux et tissé par
eux. Ces étoffes sont remarquables par leur
haute qualité et leur finesse"(3).
Ibn Battût2, lors de son seJour au Mali,
a été aussi frappé
. par les "beaux vêtements blancs" (4)
des l-laliens.
Dé Maghan aurait appris ainsi à tisser au Mandé
et c'est ce qui lui permit de s'installer comme tisserand
à Ténégéra. Faut-il le considérer pour autant comme le
premier tisserand de la région de Kong ? Ceci nous amène
à nous pencher sur la deuxième hypothèse selon laquelle
les gens de Kong tissaient avant l'arrivée de Maghan. Parmi
les défenseurs de cette dernière thèse, nous citerons Labi
Saganogo et Basièri Ouattara(5). D'après Labi,
les gens de
___.
lU __Ka:r.amokoOuattar a~. "Table ronde sur .les . origines de Kong •••",
A.U.A.,
1977, p.156.
(2)
Le Masalik al-Absar fi Mamalik al-Amsar fut rédigé entre 1342 et
1349
(voir R.P. CUOQ, op. cit., p.255)
et non entre 1336 et 1338
comme le croyait R. Mauny
(voir, R. l'launy,~. cit., p.34).
(3) Al Umari in R.P. CUOQ, ~. cit., p.270.
(4)
Ibn Battûta,
in R.P.
CUOQ, ~. cit., p.306 et 311.
(5) Ce traditionaliste était absent de Kong lors de la table ronde qui
eut lieu en 1975.
626
Kong fabriquaient des pagnes bien avant l'introduction de
la culture du coton dans le pays. Les gens, dit-il,
allaient
"prendre une sorte de chenille en brous~e.
C'est une chenille qu'on trouve sur les
feuilles des arbres, c'est ce que nos pères
faisaient, cette chenille, c'est ce qu'ils
filaient pour en faire du fil avant que le
coton n'arrive ici"(1).
Si l'on fait foi aux paroles de Labi, le tissage de la soie
aurait précédé celui du coton et serait probablement une
particularité de la région de Kong dans l'histoire du
tissage en Afrique de l'Ouest.
Le traditionaliste Basièri nous a raconté ceci
en 1975
"Mon père a appris à Sindala, au cours des
funérailles de Badyan, que ce furent les
ancêtres de ce dernier qui auraient introduit
le tissage à Kong et cela bien avant l'arrivée
de Maghan à Ténégéra. L'ancêtre de Badyan qui
introduisit le tissage à Kong s'appelait Koro-
Maghan. Lui et ses hommes avaient installé
leurs métiers à tisser à l'emplacement du quar-
tier actuel appelé Saganogo-So.
Il était
originaire du Mandé
; ce fut un vrai maître du
tissage. Actuellement il ne reste plus que
trois de ses descendants qui vivent à Sindala
à l'ouest de Kolon. On a raconté à mon père
que le grand-père de Seku Watara arriva à Téné-
géra à l'époque des petits-fils de Koro-Maghan
Ce fut plus tard que s'installèrent à Kong,
les Turé ulé et les Koné" (2) .
Nous avons vu que l'on peut situer vers 1580 la date de
.-- . . .naissance..de Dé Mag·han
(1570-1580)
et ver:s 1610 celle de-son
installation dans la ville de Ténégéra. Dans ces conditions
(1) Labi, A.U.A., série J, t.I, p.154. Cette chenille est appelée en
dyula tumu ; il s'agirait d'un insecte de la famille des bombycidés
(Bombyx du mûrier) qui a pour larve le ver à soie.
(2) Basièri Ouattara, enquêtes réalisées à Abidjan, le 20-11-1978.
627
9 n .peut fixer à deux générations antérieures l'époque de
Koro-Maghan,
soit à raison de 35 ans. par génération vers
le début du XVIe siècle. Que nous apporte l'archéologie à
pr~pos de l'introduction du tissage à Kong?
Les fouilles archéologiques ont révélé la présence
de fusaioles
(quenouilles)
en terre cuite de forme sphérique
ou bitronconique aux époques dites anciennes
(niveaux l
et
II)
et qui selon toute vraisemblance sont antérieures au
XVIIe siècle(1).
Il n'est pas invraisemblable que Kong ait connu
un industrie textile dès le XVIe siècle. Mais c'est à
partir du XVIIe et du XVIIIe siècl~que le tissage prit
véritablement son essor et joua un rôle important dans le
commerce de Kong.
Ce fut en effet au début du XVIIe siècle que le
grand~père de Seku développa le tissage dans la région de
Kong et fit connaître à l'extérieur les cotonnades. Il
employa dans ce métier de nombreux esclaves et créa de
vastes plantations de cotonniers. Son oeuvre dans ce domaine
fut immense et c'est ce qui explique qu'il apparaît dans
les sources orales contemporaines comme un héros civilisa-
teur. Il provoqua une véritable révolution enpcoposant des
vêtements cousus aux populations autochtones senufo qui
portaient des bouquets de feuilles pour cacher une partie
de leur nudité. En 19~ , Samori Traoré, le Secrétaire Général
du PDCI-RDA de Kong a déclaré
(1) v. Diabaté, ~. cit., p.158. Pour les dates voir la page 286. Pour
la fabrication des quenouilles voir Mori Moussa Konaté in A.V.A.,
1977, p.152.
Il s'agit de boules d'argile percées d'un trou qui
servaient à filer le coton.
628
"le jour ou celui-ci
(Dé Maghan)
est venu,
c'est vrai, personne ne connaissait le pagne
nous ne portions que des feuilles
ce que
nous 4i~ons est vrai"(1).
Grâce à la maîtrise des techniques de tissage, Maghan, au
XVIIe siècle, apparut aux yeux des populations autochtones
comme quelqu'un qui possédait des pouvoirs magiques: c'est
ce qui expliquerait le fait que les populations de Ténégéra
le craignaient et le respectaient.
Le petit-fils de Dé Maghan, Seku Watara semble
avoir davantage encouragé le tissage dans son Royaume.
D'après la plupart des traditionalistes, il créa pour son
compte de nombreux ateliers de tissage à Kiémini et à Kong
qui employaient dit-on plus de 500 esclaves(2).
Il n'y eut pas cependant à Kong un monopole d'Etat
et tous les habitants du pays qui le voulaient purent
s'enrichir en tissant des cotonnades ou des fils de soie.
Les gens de Kong obtenaient les fils de soie à partir des
foulards européens aux couleurs voyantes que l~on trouvait
sur les marchés de Salaga. D'après Bassori Ouattara(3), on
raconte qu'à l'époque de Seku Watara~ on voyait
"le long des rues et à l'ombre des grands
arbres des centaines et des centaines d'enfants
qui du matin au soir défaisaient les fils
des foulards pour les porter à leur père ... "
(1.)
Bamori Traoré,.A.U.A.,
1977,p.174.
(2) Informations recueillies en 1975 et en 1977 à Nasyan (voir Bamadou
Ouattara) et à Ouangolo
(voir Pigneba).
(3) Tisserand habitant le quartier Daura : enquêtes réalisées
en 1977 à Kong.
629
Binger, de son côté, a constaté à la fin du XIXe
siècle que lorsque le fil de coton rouge faisait défaut,
les tisserands achetaient des
"foulards rouges"
de Salaga et les faisaient
"effiler par les enfants afin d'en utiliser
les fils
~ partout dans les rues" on voyait
des "gamins occupés à cela"
~
ils gagnaient 10 cauris par foulard(1).
Cet artisanat était
encore très actif dans la métropole dyula car Binger cons-
tata à la fin du XIXe siècle que partout où il y avait
"un petit espace libre on s'en est emparé pour
y construire des cages de tisserands" (2) .
L'industrie textile s'accompagna d'un développement
général de la culture du coton qui occupa. pendant de longs
siècles les esclaves de la région. Binger a remarqué sur le
chemin qui le conduisit à Kong que les femmes faisaient la
récolte du coton le matin et dans la soirée,
"pendant que les hommes"
s'enivraient, elles filaient le coton
"soi t
à la lueur des feux soi t
au clair
de
lune"(3).
La production de coton dut être très importante. A la fin
du XIXe siècle
Binger signala 600 kg de 'coton sur le petit
marché de Léra, dans le sud de l'actuel Burkina-Faso(4).
( 1 ) Binger, op. eit. , t.I, p.316.
(2 )
Ibidem, op. ci t. , t. l , p.297.
(3 )
Ibidem, op. eit. , t: l , p.250.
(4)
Ibidem, op. ci t. , t. l , p.264.
630
Voyons comment se faisait le travail du coton. Le
traitement du coton était réservé aux femmes et aux enfants
qui s'occupaient aussi de la récolte; le coton une fois
obtenu était ensuite
séparé de ses graines au moyen d'une
tige de fer montée sur une. pierre plate. On le cardait en
le faisant. passer entre deux. plaques de bois garnies de
pointes qui étiraient les fibres.
Le coton était ensuite
monté sur une quenouille et les femmes le filaient en fai-
sant tourner
"le fuseau lesté d'une boule en terre cuite
ou fusaiole, dans une coupelle posée"
pr~s d'elles(l). Elles bobinaient le fil et le portaient
aux tisserands qui préparaient l'écheveau de la chaîne.
Cette opération consiste à enrouler le fil sur un tourniquet
qui. permet de le dévider et de le tendre afin d'obtenir un
long écheveau de chaîne. Les bobines des navettes sont
généralement préparées par les jeunes gens. Le métier à
tisser. proprement dit comporte généralement
1°/ deux rangs de lisses.
Il s'agit de morceaux
de fil tendus parall~lement entre deux baauettes de bois
la_pr~paration des rangs de fil est longue et est souvent
confiée à des enfants. Les lissas sont reliées en haut à
une poulie et en bas à des pédales.
2°/ la poulie. D'apr~s les témoignages que nous
avons recueillis à Kong, les poulies de Kong étaient autre-
fois bien sculptées.
Il s'agit d'une bobine incisée en son
milieu e-t. qui permet de guider le fil qui' relie les deux
rangs
de lisses.
(1)
Diabaté, op. cit., p.55.
631
3°/ la navette. Il s'agit d'une pi~ce de bois
oblonque qui sert à lancer le fil de trame à travers la
chaîne.
4°/ le peigne ou le battant. C'est un cadre en
bois qui sert à tasser les fils de trame.
5°/ la poitrinière. Elle est constituée d'une tige
en bois transversale qui est placée devant le tisserand
et qui sert à enrouler les cotonnades tissées.
6°/ les pédales. Ce sont deux tiges en bois reliées
aux lisses et que l'on actionne alternativement. Les pédales
que nous avons observées à Kong,
soit dans le quartier
Daura, soit dans le quartier Baro, étaient fichées en terre
ou basculaient sur un rondin.
Le métier à tisser est souvent installé à l'ombre
d'un arbre ou protégé par un toit de paille. Les tisserands
fabriquaient et fabriquent encore de nos jours des étoffes
que l'on assemble par la suite pour faire des pagnes. Au
XIXe si~cle, Binger signale que ce travail était fait par
des femmes et qu'il fallait 12,
13,
14 et 15 bandes pour
confectionner un pagne(l). Ces bandes avaient 10 à 20 cen-
tim~tres de large et pouvaient atteindre 20 à 40 m~tres de
long (2) .
La plupart des tisserands que nous avons interrogés
nous ont affirmé qu'à l'époque où leurs grands-p~res vi-
vaient du tissage, ces derniers faisaient un pagne tous les
jours. D'apr~s des propos recueillis par Diabaté auprès de
(1) Binger, op. ciL,
LI, p.315.
(2) Diabaté, ~. cit., p.57.
632
certains tisserands de Kong, un pagne de 7 à 12 bandes
(1,60
mètre de long)
nécessiterait de nos jours deux à cinq jours
de travail(l). En prenant une moyenne de trois jours pour
la confection d'un pagne et en supposant qu'au XIXe siècle
le quart de la population de Kong estimée à 15.000 âmes
s'occ~pait activement de tissage, on peut estimer la pro-
duction moyenne de la ville pendant la saison sèche(2)
à :
15.000 x 30 x 8 =
300.000 P9gnes
4 x 3
La production annuelle de la ville de Kong à
l'époque de Seku Watara était probablement supérieure à
ces chiffres.
Sur la même base de calcul, on peut évaluer la
production annuelle des ateliers de Seku Watara au XVIIIe
siècle, pour les huit mois de l'année, à
500 x 30 x 8 = 40.000 pagnes
3
Nous proposons pour le XVIIIe siècle une production
annuelle de 100.000 à 400.000 pagnes environ.
D'après les vieux,
les pagnes tissés autrefois
dans la ville de Kong étaient très beaux à cause des motifs
(alternance de fils de couleurs différentes, de quadrillages
ou de damiers). Le commerce des pagnes entre Kong et les
Etats de la boucle du Niger était très important.
Il s'agis-
sait surtout des pagnes confectionnés avec du tissu rouge
et blanc ;
ils étaient
(1)
Diabaté, op. cit., p.57.
(2)
Rappelons que la saison sèche dans le
nord-est de la Côte
d'Ivoire dure 8 mois.
633
"fabriqu~s en bandes à Kong et cousus par
les femmes en pagnes de 12, 13,
14 et 15
bandes" (1) •
Ces. pagnes ~taient consid~r~s par les femmes de Kong, de
Dienn~ et de Tombouctou comme des vêtements de luxe. Dans
cette dernière localit~ ils ~taient connus
sous le nom de
el-harottaf. Au milieu du XIXe siècle, la cél~brit~ de
el-harottaf avait d~pass~ les frontières de l'Empire de
Kong. Barth a noté qu'il était très recherch~ à Tombouctou(2).
D'~près Binger, à Kong, suivant les dessins, ils portent
les noms
"babouroumosi, Kébéguis~, Pongués~ et dadji"(3).
En fait, d'après les enquêtes que nous avons faites à Kong
ces noms seraient plutôt liés aux procéd~s utilisés pour
les teindre(4).
Parmi les pagnes qui ont fait les beaux jours de
Kong au XVIIIe siècle, on cite aussi
:
· le fingbè ou gba (pagne blanc)
· le suruku-kawa (bandes blanches et noires avec
au centre une bande rouge)
· le maraka-kawa (bandes blanches et noires)
• le kamini
(bandes grises rappelant la couleur
de la pintade avec des points blancs cerclés de
no ir ).
(1) Binger, op. cit., t.I, p.315.
(2) Cf. Barth, 1865, LIli, p.646.
(3) Binger, op. ciL, LI, p.316.
(4) Les. pagnes connus à Kong sous le nom de kébé-dyésé comportent des
dessins rouges et blancs avec un filet jaune ou bleu indigo. Le
Baburumosi était une variété du kébé-dyésé mais d'un rouge vif.
634
• l ' akupé
(pagnes avec des bandes d'un rouge v if) 1 ) .'
· le dyisé-windé (pagnes des occasions rares,
ressemble aux pagnes ashanti
(kita)
que les prin-
ces portaient et portent encore à la cour des
rois de Kumasi).
• le gbanyanladégé appelé aussi kpon-dyéséou kébé-
dyésé (pagnes couramment utilisés pour les maria-
ges dans la région de Kong).
A la fin du XIXe siècle, ces pagnes valaient à
Kong, suivant le dessin et surtout la dimension, de 8.000
à 15.000 cauris d'après les renseignements fournis par
Binger(2) .
Binger a été frappé par le costume des femmes
de Kong. Ecoutons le
"Le costume de la femme se compose d'une pièce
d'étoffe enroulée autour des' reins
(le pagn~)
et tombant jusque sur le cou-de-pied. Sa hau-
teur est de douze, treize ou quatorze bandes
de 10 centimètres ou 1 m 20,
1 m 40 ; sa lar-
geur est invariablement fixée i
1 m 75. Les
pagnes les plus estimés sont les ponguisé
(pon
ou kpon-dy~sé) et kébéguisé
(kéb~-dyésé) à
dessins rouges blancs, avec filets jaunes et
bleus, op encore le pagne uniformément bleu
indigo; ce dernier' se termine toujours par
une bande rouge dans le bas. Le prix d'un de
ces pagnes varie de 8.000 à 15.000 cauris
(16 à 30 francs), mais il y en a à bien meil-
leur marché
on en trouve de forts coquets
à partir de 5 francs" (3).
(1) Akupé
est situé à moins de 20 km des côtes éburnéennes. Les pagnes
de Kong pénétraient ainsi très profondément les forêts ivoiriennes.
(2) Singer, op. cit., t.I, p.316. Au XIXe siècle, 500 cauris étaient
l'équivalent~un franc or.
(3) Ibidem, op. cit., t.I, p.304.
635
Ce costume décrit par Binger est encore en usage
de nos jours et varie selon que la femme est jeune fille,
mariée, veuve ou divorcée. Ainsi
"les jeunes filles ne portent jamais de voile,
elles se promènent généralement le torse nu,
simplement couvertes d'un pagne, ou bien se
vêtent d'une coussabe toute courte descendant
un peu au~dessous de la taille"(1).
Les femmes mariées portent toutes le voile, mais
sans se couvrir la figure
:
il est si~plement placé sur la
tête comme une mantille.
Les tissus fabriqués dans les ateliers de Kong
servaient aussi pour la confection des vêtements d'hommes.
Comme le soulignait Binger à la fin du XIXe siècle,
le
costume national
des habitants de Kong consistait
"pour les hommes en une culotte très large
sans plis, tombant à 10 centimètres environ
au-dessus de la cheville"(2).
Cette culotte dont parlait Binger s'appelait dérégé
par dessus la culotte on portait le burnous appelé à Kong,
Burumuso.
Il était confectionné soit en kasa
(laine prove-
nant de Dienné)
soit en
"forte cotonnade blanche ou bleue fabriquée
à Kong" (3) .
(1) Binger, ~. cit., t.I, P.307.
(2)
Ibidem, 0p.·cil., t.I, p.307.
(3)
Ibidem, op. cit., t.I, p.303. Binger rapporte que dans chaque quar-
tier il y avait un ou deux hommes qui savaient faire les burnous et
vivaient exclusivement de ce métier. Certains tisserands du quartier
Daura ont entendu leur grand-père dire qu'à l'époque de Seku Watara,
chaque quartier comptait au moins une trentaine de fabricants de
burnous (Enquêtes réalisées auprès de Ba Tiémeko et Dramane en mars
1977, à Kong). Si cette information est exacte, il faudrait alors
conclure que la production de Burnous avait considérablement baissé
à la fin du XIXe siècle. S'agirait-il d'une baisse de l'ensemble des
activités économiques du pays? Nous ne le. pensons pas.
636
D'après les informations que nous avons recueillies
a~près des vieux de la région, les burnous étaient très
beaux, avec une bordure ornée de franges de couleur diffé-
rente ; le capuchon devait comporter de magnifiques ornements.
Les tisserands intervenaient aussi dans la coiffure
des hommes qui portaient ordinairement un bonnet en coton-
nade rouge fabriqué dans le pays et les jours de fête un
turban blanc ou bleu(1).
L'industrie textille était ainsi très importante
et tenait une grande place dans la vie économique et sociale
du pays. A cette activité était liée une autre industrie,
celle de la teinture.
Il est difficile de dire à partir de quelle date
précise, on commença à teindre les tissus à Kong. L'archéo-
logie, ne nous apporte pour le moment aucun renseignement
sur ce,point. D'après Mamadou Labi, le, premier quartier de
Kong habité par des teinturiers s'appelait Dyongoso ;
i l
serait situé au sud du quartier actuel de Daura. Le nom
Dyongo serait donné aux Bausa dont
"l'installation dans le pays est antérieure à
celle de Dé Maghan"(2)~
Nous savons grâce à la chronique du Kano qu'une route avait
été ouverte entre cette dernière localité et le Gonja peu
avant le règne de Ya-qub
(1452-63) (3)
pour le commerce des
noix de kola. C'est probablement vers cette date que les
'teinturi€-rs
-hausa attirés par l'industrie texti-le qui flo-·
(1)
Binger rapporte que les gens aisés portaient la chéchia ou encore
le bonnet en velours, cf. Binger, op. cit., p.304.
(2) Mamadou Saganogo Labi, bande n·l dossier V, Abidjan 1975.
(3)
Palmer, op. cit., p.l~l.
637
rissait à Kong s'installèrent à Dyongoso au sud de Daura.
Les photographies aériennes indiquent en effet, à 500
mètres au sud de Daura,
"plusieurs cuves anciennes di~posées le long
d'un marigot"(l).
Diabaté Victor Tiègbè a observé récemment une dizaine de
cuves à indigo au sud du quartier Daura.
"Ces cuves ont 1,10 mètre de diamètre et 1,60
mètre de profondeur en moyenne
( . . . ) la
margelle et la paroi de l'une de ces cuves
sont cimentées. Les autres ont leurs parois
rev~tues par l'argile mélang~e à beaucoup de
beurre de karité : cela les rend imperméa-
bles" (2) .
Binger a été frappé par le nombre de cuves à indigo
que l'on voyait dans les quartiers Daura et Marabaso(3).
Voici ce qu'il écrivait à ce sujet
"Dans le quartier de Daoura et Marrabasou, sur
les petites places et dans les carr~fours
y a 150 fosses à indigo qui répandent une
très forte odeur. Ces fosses sont des puits
ronds de 1 m 80 à 2 mètres de profondeur sur
1 m 20 de diamètre. Les parois sont rendues
imperméables par un enduit de ciment ou de
pouzzolane fabriqué à l'aide de terre calci-
née"(4).
Les cuves à indigo des quartiers Marabaso et Daura observées
et décrites par Binger au XIXe siècle étaient beaucoup plus
important~que celles que Diabaté a récemment découvertes au
(1) Voir Diabaté, op. cit., p.59.
(2) Ibidem,
op. cit.,~59.
(3) Marabaso veut dire le quartier des Maraba. A Kong on désigne sous ce
nom le quartier habité par les Peul ou les Hausa. Ces derniers étaient,
semble-t-il, les spécialistes de la teinture à Kong.
(4) Binger, SE. cit., t.I, p.297.
638
sud du quartier Daura. On peut donc conclure qu'à un moment
donné, les cuves de Daura et de r:arabaso avaient permis de
teindre d'importantes quantités d'étoffes à la fois;
cela
a dû certainement se produire au XVIII siècle, à l'époque
du grand commerce des tissus.
De nos jours, seules quelques rares cuves de
dimensions modestes
(1,10 mètre de diamètre et 1,60 mètre
de profondeur)
sont encore en activité.
Les sources orales nous donnent quelques renseigne-
ments sur la teinture des tissus dans la région de Kong.
Il s'agit d'une teinture végétale à partir du gara
(nom
dyula de l'indigofera tinctoria) (1).
D'après les enquêtes que nous avons effectuees à
Kong,
le gara poussait à l'état sauvage dans les savanes
de la région. Mais il semblerait que cette plante ait fait
l'objet d'une culture importanbe dans la région de Kong
probablement au XVIIIe siècle(2). Pour obtenir le gara on
coupait les bourgeons et les feuilles vertes de la plante
on les p i l a i t ; avec la pâte obtenue, on constituait des
boules que l'on faisait sécher. Les boules une fois séchées
étaient macérées dans l'eau à l'intérieur de la fosse à in-
digo. On brassait régulièrement le contenu de la fosse
jusqu'à ce que l'on obtienne une pâte épaisse. A partir de
cette dernière, le
teinturier cherchait à obtenir la con-
centration qu'il souhaitaLt_
; pour cela il ajoutait dans
le puits une certaine quantité de solution de potasse.
On laissait le tout fermenter pendant une ou
plusieurs semaines en fonction des
eff~ts recherchés(3).
(1)
La plante est appelée aussi gara-yiri
les feuilles et les bourgeons
sont connus sous le nom de gara-buru.
(2)
Diabaté, op. cit., p.59.
(3)
D'après les vieux que nous avons interrogés le temps de fermentation
serait d'une semaine environ pour les couleurs douces et de deux
à trois semaines pour les couleurs vives.
639
Durant
la
période
de
fermentation, on brassait
continuellement la mixture qui donnait alors un liquide
brun. C'est en effet au contact du soleil que les pagnes
teints prenaient la couleur bleue par oxydation à l'air.
Autrefois les pagnes étaient traités directement
dans les cuves à indigo avant de subir des retouches à la
maison dans de grandes jarres à indigo. Avant de plonger
les pagnes dans les cuves, ces derniers subissaient une
derni~re opération : ils étaient pliés ou noués ~e qui
permettait d'obtenir des motifs différents
(rayures, qua-
drillages, points cerclés,
losanges ... ).
Les pagnes une fois sortis des cuves ou des jarres
étaient soigneusement lavés,
séchés et mis en vente.
Cet
artisanat qui dans les si~clffipassés avait
couvert les besoins locaux et joué un rôle important dans
les échanges de Kong avec le monde extérieur est aujour-
d'hui en train de disparaître.
3. -
Le sel gemme
Le sel était au Moyen Age et à l'époque moderne
le principal produit d'échange que les gens de la forêt
et de la savane demandaient aux commerçants dyula qui venaient
du nord. Les premiers n'hésitaient pas à l'échanger contre
le minerai d'or. Ce commerce semble avoir intrigué les
voyageurs européens médiévaux qui ont cherché à comprendre
_1~!3 ra):s'?fI_s_ d~ l'importance du sel en Afr ique Noire. Pour
Ca da Mosto, ce serait la chaleur qui pousserait les Noirs
640
a ne pas se séparer du sel.
Il écrivait a ce sujet
"Il Y a de grandes chaleurs en certains temps
de l'an, au moyen dequoy le sang vient à se
corrompre et putréfier, tellement que si ce
n'étoyt ce sel,
ils en prendroyent la
mort
... " (1 ) .
Valentim Fernandes rapporte cet écho
"les rois donnent plus d'or en échange de sel
que toute autre marchandise.
Ils le consomment
eux-mêmes comme leur bétail et prétendent que
sans ce sel ni eux, ni leurs troupeaux ne
pourraient subsister et prospérer ...
Ils ont
des lèvres épaisses sur· lesquelles ils dis-
posent constamment du sel, assurant que s'ils
n'y mettaient pas
de sel, les lèvres leur
tomberaient. D'ailleurs,
il y a plusieurs de
leurs maladies internes ou de celles de leur
bétail qu'ils guérissent en mangeant du sel.
C'est pourquoi le sel est chez eux si fort
apprécié" (2) .
Le besoin de sel était une réalité impérieuse,
une nécessité vitale. Les premiers explorateurs européeBs
l'avaient vivement ressentie lorsque privés de sel,
ils
furent réduits
"à une nourriture presque exclusivement
végétale" (3) .
Il suffit de lire à ce sujet les récits de Mungo Park(4)
et
l'obsession du sel chez R. Caillié(5).
(1J
ça. c:1Cit-1ostO (Mvisse) .Relation des voyages
la Côte Occidentale
d'Afrique d'-
(1455-1457),
1895, p.56.
(2)
Fernandes Valentim, Description de la Côte d'Afrique de Ceuta au
Sénégal
(1506-1507),
1938, p.87.
(3) Voir R. Mauny,
1961, p.323 note 1-
(4) Mungo Park, Travels in the interior districts of Africa,
1799, p.279.
(5)
R. Caillié, Journal d'un voyage à Tombouctou,
1830, t.II, p.7,
102,
107.
641
A Kong,
le sel entrait non seulement dans la con-
fection des mets quotidiens mais il était aussi utilisé
d~ns la pharmacopée africaine, notamment pour le traitement
de certaines maladies de la peau(1). On le donnait aussi
à manger au bétail.
Le sel dont il est question dans ce travail est
le sel gemme qui était de loin supérieur au sel d'origine
végétale (2) . Ce dernier produit dut être consommé dans le
pays par les populations autochtones avant l'arrivée des
Dyula au XIVe siècle.
Il ne semble pas avoir fait l'objet
d'un commerce local. Le sel gemme au contraire fit de
Kong l'un des centres commerciaux les. plus importants de
l'Afrique de l'Ouest à partir du XIVe siècle. Voyons
l'origine de ce sel.
a)
Les salines de Teghaza
En réalité, une enquête sur le terrain ne permet
pas d'identifier les zones de production du sel qui était
commercialisé à Kong et dans les régions riches en or ou
en noix de kola. Au cours de nos recherches,
nous n'avons
trouvé aucun manuscrit arabe relatif à ce commerce. On a
(1)
En 1979 (Mission au Mali du 15 au 30 avril)
nous avons appris à
Sikasso auprès de Lamine Ouattara que certaines barres de sel qui
contenaient des impuretés avaient le pouvoir d'éloigner les mauvais
esprits. Ces barres dit-on étaient très recherchées par les karamogo.
Ces pratiques avaient probablement cours dans la région de Kong où
les karamogo avaient une grande réputation.
(2)
Pour l'étude des sels l'ouvrage de base est çelui de ] . Pales, les
sels alimenfàlres . . . ,
1950, p.71-92. Voir aussi les travaux de ~
Porteres, Cendres d'origines,
1950,
80 pages. A Kong, de nos jours
encore, certaines ménagères n'hésitent pas à introduire dans leurs
sauces des plantes qui donnent un goût plus ou moins salé aux mets.
Ce sel
d'origine végétale a dû être consommé par les Africains pen-
dant très longtemps. Au XVIIe siècle, Bosman signalait sur les côtes
du Golfe de Guinée que "les gens du commun sont forcés de se conten-
ter, en la place du sel d'une certaine herbe un peu salée, leur bourse
ne pouvant souffrir qu'ils achètent du sel"
(G. Bosman, Voyage de
Guinée,
1705, p.322).
642
l'impression qu'un secret pesait sur les transactions des
Dyula qui, de ce fait,
n'en ont laissé aucune trace der-
rière eux.
Lorsque l'on interroge les traditionalistes pour
connaître l'origine du sel qui circulait à Kong,
ils
r~pondent que le minerai venait de Dienné. Voyons l'u~ des
échos que nous avons recueillis et qui montre que les
marchands de Kong ne fréquentaient pas les salines. Voici
ce que dit à ce suj~t Bamori Traoré :
"Mes ancêtres de génération en génération, ont
fait le commerce à longue distance.
Ils
allaient en groupes
(caravanes)
à Dienné pour
acquérir les barres de sel qu'ils revendaient
à Kong et dans les pays forestiers du sud.
Il
ne semble pas qu'ils se soient intéressés
aux zones d'extraction du s e l ;
leur souci
était de gagner beaucoup d'argent.
Ils fré-
quentaient les marchés de Tombouctou pour vendre
les pagnes de Kong, mais à cause du transport,
"ils achetaient le sel à Dienné et non à Tombouc-
tou. Mon
grand-père disait que le sel venait
du Sahara dans le désert, mais il ignorait
l'endroit exact o~ on le trouvait"(1).
Comme Bamori Traoré, la plupart des traditionalistes que
nous avons interrogés ne savent pas l'origine du sel qui
transitait à Dienné. Heureusement,
les tarikh soudanais
nous fournissent des indications précieuses sur ce point.
D'après Es-Sa'di en effet:
"Dienné est un des grands marchés du monde
musulman. Là se rencontrent les marchands
du sel provenant des mines de Teghaza et ceux
qui apportent l'or des mines de Bltou. Ces
deux mines merveilleuses n'ont pas leurs
(1) Voir le chapitre que nous consacrons à nos informateurs privilégiés.
Cette enquête a été réalisée en mars 1977 à Kong.
643
pareilles dans l'univers entier. Tout le
monde trouve grand profit à s'y rendre pour
y faire du commerce et on acquiert ainsi des
fortunes dont Dieu seul
(qu'il soit loué !)
peut connaitre le chiffre"(l).
Nous savons que le terme Bitou appliqué aux mines
d'or désigne l'ensemble des
gisements aurifères du groupe
Ghana-Côte d'Ivoire(2).
Les Dyula de Kong, de Bondoukou et de Begho eurent
..
donc a acheter à Dienné les barres de sel de Teghaza.
Les débuts de l'exploitation des salines de
Teghaza sont assez mal connus. Raymond Mauny pense que
l'exploitation n'est pas antérieure au
Vllre siècle
(époque de l'organisation commerciale du Sahara par les
Arabes). Mais il est convaincu que le géographe rbn Hawkal
(938-988)
a eu des échos de cette saline(3)
; ceci
l'amène à fournir l'hypothèse d'une exploitation "rela-
tivement ancienne"(4).
Jean Devisse a émis en 1972 une opinion contraire.
Pour lui, un seul élément capital
a
bougé durant les
cinquante premières années du XIe siècle.
"Le sel de Teghaza se substitue à celui
d'Aulil. Les caravanes venues du nord,
épui-
sées par un dangereux trajet saharien, évitent
ainsi un long détour. Elles échappent aussi
à toutes relations avec les Sanhaga de Mauri-
tanie Occidentale, détenteurs des salines
d'Aulil.Dans l'état actuel de notre informa-
1) T. es-S.,
1964, p.22.
2) Voir à ce sujet Mauny,
1961, p.298.
3)
Ibidem,
op. cit., p.328.
4)
Ibidem,
op. cit., p.328.
644
tion, l'évolution des routes semble avoir
été lente et ce n'est guère que vers 1030-
1040, nous semble-t-il, que Teghaza a commencé
à permettre l'organisation d'un trafic intense
selon des axes nouveaux, cette découverte
reléguant Aulil au rang de fournisseur régional
des pays duSénégal"(1).
Jean Devisse a probablement raison lorsqu'il situe
les débuts de Teghaza dans la première moitié du XIe
siècle. Quoiqu'il en soit, la description que donne al-
Bakri
(1068)
de la mine de Tatantal
(autre dénomination
de Teghaza) montre une organisation en plein rapport a
partir de la seconde moitié du XIe siècle(2).
Au XIVe siècle, Ibn Battûta
(mars 1352)
visita
les salines de Teghaza. Ecoutons le :
"e' est un bourg où il n' y a rien àe bon.
Une
des curiosités que l'on
y remarque est que
ses maisons et sa mosquée sont construites
en pierres de sel et que les toits sont faits
avec ~es peaux de chameau.
Aucun arbre,
rien que du sable; c'est là que
se trouve la mine de sel. On creuse le sol et
on y trouve d'énorme plaques superposées,
comme si elles avaient été taillées
( . . . ),
puis déposées sous terre, un chameau peut en
porter deux" (3).
Ibn Battûta nous apprend en outre que Teghaza était
habité par
"des esclaves des Messufa"
(1) J. Devisse,
"Routes de commerce et échanges en Afrique OCcidentale
... ", Revue d'Histoire Economie et Sociale,
1972, p.56.
(2) Al-Bakri,
in R.P. CUOQ, ~. cit., p.95. Voir Al-Bakri,
1913, p.322.
(3) Nous avons préféré la traduction récente du R.P. CUOQ,
à celle C.
Defremery et du Dr. B. R. Sanguinetti,
1922, t.378. Voir à ce sujet
R.P. CUOQ op. cit., p.291.
645
qui creusaient le sol
"pour l'exploitation du sel"
et que l'eau du bourg était
"saumâtre" (1).
Nous pensons que c'est vers cette époque que les
barres de sel extraites des salines de Teghaza parvenaient
à Kong qui devint alors une tête de pont. pour le commerce
du'sel avec les populations forestières.
Les barres de sel qui
y parvenaient au XIVe et au
XVe siècles ne devaient pas être différentes de celles
décrites par Ibn Battûta : il s'agissait de plaques ou
dalles épaisses de sel dont deux faisaient ordinairement
la charge d'un chameau(2),Raymond Mauny l'évalue à 170-180
kg, celle d'un boeuf porteur à 125-140 kg et celle d'un
âne à 60-70 kg(3). Ces chiffres nous paraissent exagérés.
En effet, d'après les vieux,
les Dyula de Kong divisaient
en deu~ certaines barres de sel qu'ils achetaient à Dienné
avant d'assurer leur transport à Kong par l'intermédiaire
des esclaves, des boeufs porteurs et des ânes.
D'après ces
mêmes vieux,
les ânes auraient porté deux demi-barres qui
pesaient chacune environ 30 à 35 kg(4). La grande barre
devait peser 60 à 70. La charge d'un chameau pouvait ainsi
être évaluée à 120 ou à 140 kg au lieu de 170 ou 180 kg
proposés par Raymond Mauny.
( 1)
R. P. CUOQ, op. ciL, p. 291 •
(2)
Ibidem,
op. ciL, p.291.
(3)
R. Mauny, op. cit., p.326.
(4) Tous les vieux que nous avons interrogés sur les problèmes des
barres de sel sont unanimes sur ce point. Binger en 1889 a vu des
ânes qui transportaient des barres de 30 à 35 kg. Cf. Bull. Soc.
Géog. Corn.
1889, p.81.
646
Au XVe siècle, Dienné semble avoir reçu du sel de
la saline d'Idjil. On ignore à quelle date précise a com-
mencé l'exploitation d'Idjil, mais on peut affirmer que
cette saline était intensément exploitée au XVe siècle
et au début du XVIe siècle et qu'elle concurrença les
salines de Teghaza. A la fin du XVe siècle en effet, Diogo
Gomes signalait que des caravanes de 400 ou 500 chameaux
ravitaillaient Tombouctou en sel à partir de Ouadane(1).
Valentim Fernandes nous renseigne sur la saline d'Idjil :
"A deux lieues de cette montagne d'Ygild se
trouve la montagne d'où lion extrait le sel
qui est apporté à Oaden
(Ouandane), Tambucutu
(Tombouctou)
et d'autres localités. Voici
comment on extrait le sel
: dans les montagnes
il y a une carrière de sel ; celui-ci est
enlevé sous forme de plaques, dont quatre cons-
tituent une charge d~ chameau" (2) .
La production de la saline d'Idjil dut considé-
rablement baisser au milieu du XVIe siècle. C'est ce qui
e~plique qu'elle ne fut pas l'objet des convoitises maro-
caines. Vers 1544, sous le règne d'Ishaq l du Songai
(1539-1549),
le. sultqn du Maroc Mulay Ahmed le Grand, chercha
à mettre la main, non sur les salines d'Idjil, mais sur
celles de Teghaza qui faisaient la prospérité de l'Empire
Songai (3) .
Depuis le passage d'Ibn
Battûta, la réputation
de Teghaza n'a cessé de croître.
(1)
Academia portuguesa de His.toria :1940, p.189.'
(2) V. Fernandes,
1938, p.79. La charge du chameau n'a pas varié; les
barres de sel signalées par les auteurs du XVIe siècle étaient vi-
siblement moins importantes que celles mentionnées au XIVe siècle
par Ibn Battûta. Elles devaient peser chacune 30 à 35 kg.
(3)
Pour les conflits entre le Maroc et le Songai à partir de 1544, voir
Kodjo N.G.,
Ishaq II et la fin du Songai,
1972, p.139 et suiv.
647
"La renommée de la saline était arrivée
jusqu'en Europe, puisqu'on trouve Teghaza
mentionnée dans l'Atlas catalan de Charles
V.(1)
et dans d'autres à sa suite"(2).
Ca da Mosto a eu des échos de la réputation de
Teghaza. Il a écrit à ce sujet que Teghaza était l'endroit
"o~ se tire du sel en grande quantité comme
pierre que les Arabes et les Azanaghes
(Berbères)
divisent en plusieurs parties,
laquelle ils portent à grandes caravanes à
Tombut" (3) .
Au début du XVIe siècle,vers 1510 et 1512
Léon
l'Africain visita à deux reprises Teghaza.
Il nota l'exis-
tence de plusieurs mines qui ressemblaient à des carrières
de marbre.
Il écrivit:
"On tire ce sel de fosses autour desquelles
sont bâties .de nombreuses cabanes habitées
par ceux dont le métier est l'extraction de
ce sel. Ce ne sont pas les habitants ·de la
localité qui l'exercent, mais des gens d'ori-
gine étrangère, qui viennent avec les cara-
vanes et y restent comme mineurs.
Ils extraient
ce sel et le conservent jusqu'à ce que vienne
une autre caravane qui le leur achète. De là,
ce sel est transporté à Tombutto, qui en
manque beaucoup~ Chaque chameau porte quatre
barres de sel"(4).
b)
Les salines de Taoudéni
En 944/1556-1557, une expédition militaire orga-
nisée par le Maroc contre Teghaza causa la mort du représen-
tant de l'Askia Daoud
(1549-1582)
et celle de nombreux Toua-
(1) Voir à ce titre Ch. de la Roncière, 1925, i, pl. XI.
(2) R. Mauny, 1961, p.330.
(3) Ca da Mosto, 1895, p.55.
(4) Jean Léon l'Africain, 1956, t.II, p.455.
648
reg qui transportaient du sel. Les rescapés se mirent alors
à la recherche d'une nouvelle saline et découvrirent la
mine de Teghaza al-Ghizlan
(La Teghaza des gazelles) (1).
En 994/1585 le Maroc décida de s'emparer des gens de la sali-
ne de Teghaza avec 200 soldats. Les Idelai
(sauniers)
qui
~ivaient du commerce du sel, prévenus à temps a~andonnèrent
définitivement Teghaza sur l'ordre du roi du Songai, Askia
EI-Haj
(1582-1586) (2)
pour la Teghaza al-Ghizlan ou Taou-
déni (3).
Ainsi à partir de la fin du XVIe siècle Taoudéni
allait prendre définitivement la place de Teghaza i
la
nouvelle saline ravitailla la boucle du Niger en barres de
sel. Au XIXe siècle, Barth nota à Gao et à Tombouctou que
les barres de sel avaient des poids qui variaient entre 50
et 60 livres(4). Si nous considérons que ]~ livre dont par-
lait Barth. pesait 0,550 kg(5)
nous obtenons des barres dont
les. poids sont compr is entre 27,500 kg et 33 kg. Binger confirme à
·la fin àu XIXe siècle que les bar res de sel légères de Taou jéni
pesaient au moins 32 kg(6).
Il précise que
"tout le sel qui est consommé dans cette
région jusqu'à Kong et au delà vient d'après
les Haoussa et les gens de Dienné" qu'il a
"interrogés des mines de sel gemme de Taoudéni
par Tombouctou à Djenné".
Il. poursuit en ces termes:
(1) T. es-S.,
1964, p.174.
(2) Ibidem,
1964, p.193-194.
(3)
Pour les salines de Taoudéni, voir F. Rougier, Les salines de
'TaouCiéni,
1929, p.480.
(4) Barth,
1860, LI, p.279.
(5) Cette unité de poids variait selon les provinces anglaises entre
350 grammes et 550 grammes.
(6) Binger, op. cit., t.I, p.374.
649
"Ce qui m'a frappé c'est qu'il est absolument
blanc, d'un grain tr~s fin, et qu'écras~ ilreS-
semble à notre sel fin de table" (1).
"D'apr~s
les renseignements que je crois avoir puisés
à bonne source, le sel de Taoudéni ne dépasse
pas à l'ouest Sâro et San.
',a route qu'il
suit est Taoudéni, EI-Arao~~n, Tombouctou,
Kabara, Sofouroula,Hamdallahi, Bandiagara, ou
bien encore Mopti, Niala, Djenné, Sâra, Bla.
Ces marchés alimentent le Libtako le Djilgodi,
le Mossi, le Kipirsi,
le Mianka, Bobo-Dioulasso
et les Etats de Kong, une partie du Gourounsi,
Oua et Bouna" (2) .
D'?pr~s les enquêtes que nous avons effectuées au Burkina-
Faso, au Mali et en Côte d'Ivoire de 1977-1980,
la route du
sel la plus importante aurait été l'axe Dienné - Kong - Begho
et cela probablement d~s la fin du XIVe si~cle sous l'impul-
sion des Dyula de Kong.
Nous avons cherché, au cours de nos enquêtes, à
nous faire une idée, approximative de l'importance des barres
de sel que les Dyula déchargeaient chaque année à Kong. La
. plupart des descendants des g~andes familles de marchands
sont conscients de l'importance que le sel a joué dans le
développement de l'Empire de Kong, mais ils n'ont aucun sou-
venir précis sur le volume du trafic pour l'époque antérieure a
Seku Watara. Ceci est dû d'une part au fait qu'il s'agit
d'une époque éloignée
(XIVe-XVIIe si~cles) et, d'autre part
et surtout, au fait qu'il n'existait aucun contrôle sur le
commerce du sel ou des autres produits. A l'époque de Seku
Watara, les négociants de Kong et des pays voisins utili-
saient de préférence les caravanes royales qui faisaient
tous les trois mois le va-et-vient entre Dienné et Kong. Cer-
tains des vieux que nous avons interrogés à ce sujet nous
ont parlé de la composition de celles qui transportaient le
sel de Dienné à Kong. Nous avons sélectionné une vingtaine
(1) Binger, op. cit., t.I, p.373-374.
(2)
Ibidem, op. cit., p.374.
650
àe ces informateurs;
le recoupement des renseignements qu'ils
donnent permet de dresser le tableau ci-dessous(1).
Composition d'une caravane royale
àe Dienné à Kong
Portage hu-
Nombre d'ani-
main
(y
maux portant
Nombre de
Informa-
Gardes
compris les
des charges
barres
teurs
esclaves)
(ânes + boeufs)
300
1000
300
2000
12
300
1000
200
2000
5
300
1500
400
2000
3
Ce tableau révèle que les traditionalistes ne sont
:pas d'accord sur la composition de la caravane qui a pu
effectivement varier au cours des années, mais il tend à
prouver que Kong recevait régulièrement de Dienné tous les
trois mois environ,
2.000 barres, soit 8.000 barres de sel
dans l'année; à raison de 30 kg la barre, cela donne 240
tonnes. Ces chiffres, à notre avis
, ne sont pas exagérés
car à la fin du XIXe siècle au moment où la sécurité des
routes était relativement peu assurée Binger a croisé en
vingt jours de route de Kong à Bobo-Dioulasso(2)
"62 ânes porteurs de :
133 barres de sel
12 boeufs porteurs de : 55 barres de sel
303 porteurs de tout âge : 220 barres de
sel"(3).
Ainsi, en 20 jours, Kong a reçu 408 barres, ce qui
donne pour le mois
(408 x 30)
= 612 barres et, pour l'année,
20
(1) Nos enquêtes ont été réalisées entre 1977 et 1979 auprès des familles
Baro (quartier Barola), Saganogo (quartier Korora) et Tarawéré
(quartier Kéréu).
(2) Binger, op. cit., LI, p.372.
651
7344 barres. Dans la mesure où les calculs faits
à partir
des observations de Binger ne tiennent pas compte du sel
qui apu arriver à Kong à travers les sentiers latéraux,
il
paraît vraisemblable que Kong ait pu recevoir régulièrement
aux XVIII et au XIXe siècles. p1L!S de 2.000 barres de sel
tous les trimestres.
Ce tableau révèle aussi que le commerce du sel
exigeait un nombre considérable de porteurs. V. Fernandes
nous dit que chaque trafiquant était accompagné par 100,
200 esclaves ou davantage(1).
D'après de nombreux témoignages que nous avons
recueillis dans la région de Bobo-Dioulasso et de Kong les
barres de sel qui parvenaient dans ces localités avaient
sensiblement les dimensions suivantes:
1,50 m x 0,50 m à
0,75 sur 0,10 m d'épaisseur
ceci rappelle les dimensions
données par V. Fernandes pour les plaques de sel de la
saline d'Idjil qui sont de 8 empans x 3 à 4 x ~
soit 1,60 m
x 0,60 m à 0,80 m sur 0,10 m d'épaisseur(2).
A Kong', nous avons appris que les grands négociants
de la ville avaient des signes distinctifs et qu'ils portaient
à l'encre leur marque sur les barres de sel(3). Binger, à la
fin du XIXe siècle, a vu ces marques mais il a cru à tort
qu'il s'agissait probablement des
"noms des premiers acheteurs ou du produ-
teur"(4).
.
(1) Cf. V. Fernandes, 1938, p.87.
(2)
Ibidem,
1938, p.79. Cf. R. Mauny, ~. cit., p.327, note 5.
(3) Nos informateurs sont ici Basièri Ouattara et Dawaba Bamba (enquêtes
réalisées à Kong et à pongala en mars et en avril 1978).
(4) Binger, op. ciL, LI, p.374.
652
Voici ce qu'il a noté à ce sujet
"les barres de sel sont marquées à l'encre
de diverses façons
Quelquefois ces marques sont accompagnées
de nom propres
~ j'y ai relevé ceux d'Omar,
d'Othman et de Moussa"(l).
A la fin du XIXe siècle Binger parle du sel de
Daboya
(Ghana actuel)
qui pénétrait dans
"la partie sud-est des Etats de Kong" (2).
Ce sel semble avoir été consommé dans la région de Kong, de
Bondoukou et de l'Anno.
Il s'agissait du sel en poudre que
l'on transportait dans des
calebasses. D'après les vieux,
il ne fit. pas l'objet d'un commerce important et ne con-
currença jamais le sel gemme de Taoudéni qui était plus fin,
plus blanc et meilleur marché.
Après le sel, un autre élément a joué un rôle
considérable dans le commerce et le développement de Kong
il s'agit des esclaves.
4.
- Les esclaves
Les enquêtes que nous avons menées pendant de nom-
breuses années dans la région de Kong révèlent que les
esclaves ont joué un rôle fondamental dans le développement
du pays.
(1)
Binger, op. cit., t.I, p.374.
(2)
Ibidem op. ciL, LI, p.375.
Il ne s'agit pas de sel gemme mais
du sel obtenu par lixiviation des terres s~lées avec
décantation
et évaporation
(soit par voie solaire soit par ébullition).
653
Les esclaves accomplissaient des tâches multiples
dans le gouvernement des h1atara, notamment dans l'armée et
dans les différents services du roi. D'après les informa-
tions que nous avons recueillies à la cour royale de Kong
en 1975(1), l'emploi .des esclaves rlans l'armée se serait
généralisé sous le regne de Seku Watara
(1710-1745)
avec la
création des corps de Dyuladyon
(2)
constitués de cavaliers
et de fantassins et qui devinrent dès lors les éléments
essentiels de l'armée deswatara.
Il semblerait que sous
Seku Watara,
les Sunangi proprement dits n'étaient pas nom-
breux et qu'ils exerçaient uniquement des fonctions de com-
mandement. Les guerriers qui se faisaient tuer dans les
combats étaient surtout les Dyuladyon.
Karamoko Ouattara
a certainement raison lorsqu'il dit que Kong doit en partie
"sa grandeur et sa réputation guerrière aux
esclaves de la couronne aux Dyuladyon
et
aux Bamba dyon . . . " (3) .
Ce même informateur précise qu'à l'époque de Seku Watara,
dans une armée de 1.000 hommes on pouvait compter à peine
100 Sunangi(4). La grande armée qui avait jeté les bases
de l'Empire de Kong comprenait donc environ 90 % d'esclaves.
En dehors de l'armée,
les esclaves étaient employés
comme domestiques
(Kéréni)
ou comme percepteurs ou émissaires
du roi
(les Finminabagari). L'imam de Bobo-Dioulasso, Marhaba,
(1) Enquêtes réalisées auprès de la famille royale en mars 1975. Voir
dossier XII, Kong 1975.
(2)
Dyuladyon
signifie esclaves des Dyula ; ceci, tend à confirmer le
fait que Seku Watara se considérait à juste titre comme un Dyula.
(3)
propos recueillis en 1977, lors de nos enquêtes sur les armées de
Kong.
(4)
Karamoko Ouattara, dossier XIII, Kong,
1977.
654
à entendu dire que Dyangina, l'un des fils de Seku Watara,
entretenait
10.000 serviteurs(1). Ces chiffres sont à
notre avis élevés, mais ils tendraient à prouver que les
esclaves tenaient une grande place dans l'appareil de l'Etat.
Tous les esclaves n'avaient pas la chance de
s'~panouir dans l'armée et dans les cours royales. La grande
majorité des esclaves fraîchement acquis était troquée
généralement contre des fusils(2)
et surtout des chevaux.
A.pr~pos des chevaux, Binger nous donne,pour la fin du XIXe
siècle, des indications très intéressantes.
Il signale que
dans le Yatenga les chevaux étaient bon marché et qu'un
cheval s'échangeait contre
113 ou 4 captifs d'une valeur moyenne de
60.000 cauris chacun",
soit 180 a 240.000 cauris(3).
A Kong, par contre, où les chevaux coûtaient cher,
il a eu l'occasion d'acheter un cheval IIpassable" de cinq à
si~ ans à 400.000 cauris, soit l'équivalent de plus de six
c~ptifs, Binger estimait que ce prix était raisonnable(4).
En effet, d'après les enquêtes que nous avons faites
dans la région de Bobo-Dioulasso et de Kong, on aurait
échangé en moyenne dans la première localité
cheval contre
10 esclaves et dans la seconde 1 cheval contre 15 esclaves(5).
(1)
Imam Marhaba, bande n048, dossier XII, Bobo-Dioulasso,
20-2-1979 .
. (~L Binger a vu en vente à Kong, le modèle "boucan ier femelle" qui
coûtait 12.000 cauris
(24 francs)
cf. Binger, op. cit., t.I, p.317.
(3)
Binger, op. cit., t.I, p.485.
(4) Binger, op. CiL, LI, p.319.
(5)
Pour la région de Bobo-Dioulasso, voir Bouraima Sanou, dossier XIII,
bande 55, Bobo, 20-2-79. Pour la r~gion de Kong, voir surtout Pigneba
enquêtes réalisées à Ouangolodougou le 18-8-74 dossier II. Pigneba
.
affirme qu 1 à certaines époques, on échangeait à Kong un cheval contre
20 esclaves.
Il raconte que son père a échangé après la défaite de
Kong son cheval contre 15 esclaves. La mère de notre informateur fai-
sait partie de ces escLaves
; elle était originaire de Badikaha
(r~gion de Korhogo) .
655
Si, comme l'affirment les traditionalistes,
la plupart des
chevaux étaient troqués contre des esclaves, on pourrait
alors conclure que les. princes de Kong et de Bobo-Dioulasso
ont dû disposer d'un nombre impressionnant de captifs de
traite. Au XVIIIe siècle, à l'époque de Seku Watara, une
expédition importante comportait environ 1.000 chevaux.
Pour acquérir ces animaux,
il aurait fallu disposer
d'au moins 10 à 15.000 esclaves. D'après Karamoko Ouattara
les chevaux ne supportaient pas les campagnes qui duraient
plusieurs mois et les souverains de Kong, en période de
guerre, renouvelaient régulièrement leurs chevaux au fur et
à mesure de leurs ressources en captifs(1). Binger confirme
ce fait car il a eu l'occasion de constater qu'au bout de
"quatre ou cinq mois de travail"
les chevaux mouraient(2).
Seku Watara devait donc renouveler tous les quatre
ou cinq mois l'effectif de ses chevaux. Chaque Kèrè-boro
devait lui coûter annuellement plusieurs dizaines de milliers
d'esclaves. si l'on fait foi aux sources orales de Kong qui
nous disent que Seku Watara faisait venir tous les ans
10.000 chevaux du nord, on peut donc conclure que le grand
souverain de Kong sacrifiait annuellement plus de 100.000
esclaves pour l'entretien de sa cavalerie. Ceci donne une
idée très nette de l'importance de la traite négrière sous
le règne de Seku Watara
(1710-1745). si nous calculons sur
la base d'un cheval pour 10 esclaves et si nous supposons
que le Fama de Kong achetait uniquement ~.OOO chevaux tous
(1)
Karamoko Ouattara, dossier XII, Kong,
(mars 1974).
(2)
Binger, op. cit., t.I, p.488. D'après cet auteur dès que ces animaux
font un peu de service,
ils "sont vite atteints de fièvre paludéenne
qui se change bientôt en accès pernicieux, ou détermine l'anémie, et
les noirs n'ont pas de médicaments pour cela"
(op. cit., p.488).
656
les ans, cela lui aurait coûté 175.000 esclaves(1)
sans
co~pter ceux que Seku Watara offrait pour avoir les fusils
et la. poudre.
Les traditionalistes mettent en effet l'accent
sur le fait que l'armée de Kong reposait essentiellement
sur les esclaves. D'après les traditionalistes de Kong,
lors
de la campagne de Sofara qui,
comme nous le verrons, attei-
gnit Dienné en 1739, Famaghan aurait disposé de 10.000
chevaux et d'un nombre considérable de combattants d'origine
esclave(2). L'équipement de cette armée en combattants, en
munitions
(fusils, poudre), en chevaux,
en porteurs et en
provisions aurait nécessité l'acquisition d'environ 200.000
esclaves(3)
sans compter les gens que les princes razziaient
au passage dans les villages et que l'on échangeait contre
des chevaux pour remplacer ceux qui mourraient au cours de
l'expédition.
D'où venaient tous ces captifs?
A Kong,
le principal moyen pour se procurer des
esclaves semble avoir Été les incursions dans les villages
voisins. La tactique suivie est bien décrite par les sources
orales de la région. Un groupe d'individus armés de fusils,
de flèches ou de lances décidait d'attaquer un village ou un
hameau donnÉ.
Il l'entourait une nuit, après généralement
plusieurs journées de marche, et donnait l'attaque dès les
premières lueurs du jour. Les hommes et les femmes arfolÉs
(1) Les traditionalistes Labi Mamadou
(Kong,
1974) èasi~ii Ouattara
(Kong, 1974)
et Karamoko Ouattara
(Kong,
1974) disent que Seku
Watara achetait 10.000 chevaux tous les ans.
(2)
D'apr~s les traditions que nous avons recueillies dans la reglon de
Bobo-Dioulasso le nombre de fantassins qui participaient aux guerres
était illimité. En réalité, i l semblerait que l'expédition de 1735
qui atteignit le Moyen-Niger en 1739 impressionna les contemporains
de Seku Watara.
(3) Chiffres proposés par les traditionalistes Ouattara de Kotéàougou et de
Sungaradaga
(enquêtes réalisées en mars 1979, dans la région de Bobo-
Dioulasso ; voir à ce sujet Soma Ali
(Sungaradaga)
et Kongodé Ouattara
(Kotédougou) .
657
tentaient de fuir mais ils étaient immédiatement capturés
par les ravisseurs. D'après les informations que nous avons
reçues,
l'opération durait à peine deux heures. Les bri-
gands exécutaient les vieux,
incendiaient le village et
e~portaient chez eux les femmes, les adultes dociles et
les enfants(l).
Ces pratiques ne semblent pas avoir évolué car
au XIIe siècle, al-Idrisi
(584/1154)
nous montrait comment
les habitants de Ghîyâra obtenaient leurs captifs :
"Ils razzient le pays des Lamlam(2)
y font
des captifs qu'ils emmènent pour les vendre
aux marchands de Ghana. Entre Ghîyâra et le
territoire des Lamlam il y a 13 étapes.
Ils
montent des chevaux de race,
s'approvision-
nent en eau, marchent la nuit et arrivent le
jour afin d'enlever leur butin.
Ils retour-
nent ensuite dans leur pays, emmenant ce que
Dieu leur a accordé en captifs parmi les
Lamlam" (3) .
.
(1)
Pour ces enquêtes, voir la famille de Karamoko OUattara. Les prin-
ces Watara s'adonnaient encore à cette activité à la fin du XIXe
siècle.
(2)
Le terme Lamlam ou Damdam selon les auteurs a été diversement inter-
. prèté.
Pour le R.P. Cuoq, i l désigne tout simplement les "cannibales"
(R.P. Cuoq, op. cit., p.130 note 2). Nous ne partageons pas ce point
de vue. La version proposée par Ch. Monteil nous paraît plus vrai-
semblable. D'après ce dernier le mot Lamlam serait le redoublement
du mot arabe lahm (viande)
i
les gens du Mali, poursuit-il, employent
lors des razzia, le cri de guerre soko-soko qui est le correspondant
littéral de lahm-lahm
(Ch. Monteil, B.C.E.H.A.O.F.,
1929, p.331).
N'oublions pas en effet que le captif est considéré comme un gibier,
un animal que l'on traque~ Pour nous le terme Lamlam désignerait
les populations au sein desquelles on s'approvisionnait en esclaves
. par e~tension l'arrière-pays, véritable r~servoir d'esclaves.
(3) Al-Idrisi,
in R.P. CUOQ, op. cit., p.137.
658
Al-Idrisi ajoute encore
"Au sud de Barisa(l),
il y a l e territoire
des Lamlam ; entre les deux il y a environ
dix jours
(de marche). Les habitants de
Barisa, Silla(2), TakrGr(3)
et Ghana razzient
le pays des Lamlam et y font des captifs,
qu'ils amènent dans leur pays pour les vendre
aux marchands qui se rendent chez eux. Ce
sont ces marchands qui font passer
(les
esclaves)
d~ns les autres contrées"(4).
La pratique des incursions ou razzias dans la
région de Kong n'est pas, à notre avis,
antérieure~ f~ns
tallation des premiers Dyula dans le pays. C'est en effet
une fraction de ces derniers,
venus des foyers traditionnels
d'e~pires guerriers et conquérants (Mali, Songai ... ), qui au
XVe siècle créa les premières chefferies watara dans le
pays. Comme nous le savons,
le terme watara est dans l'es-
,prit de bien des gens, étroitement lié aux,pillages,
aux
brigandages et aux razzias(5).
Les incursions watara au sein
des populations autochtones demeurèrent durant la période
qui nous concerne, du XVe siècle à la fin du XIXe le princ,ipal moyen
pour les souverains animistes et musulmans de la région de
se,procurer les esclaves nécessaires.
Il est difficile
d'obtenir de nos jours des renseignements précis sur la
quantité des captifs que les Watara razziaient dans la région.
Les traditions orales recueillies dans les milieux bamba-
dyon pour faire sentir l'importance de ces incursions citent
deux exemples,
l'un sous le règne de Lasiri Gbombélé et le
second après la mort de Seku Watara. Voici des extraits des
documents que nous avons recueillis
:
(1)
Barisa a plusieurs graphies,
Irisna
(cf al-Bakri)
Barsana
(Makrizi),
Iresni.
Il s'agirait d'une ville située sur le fleuve Sénégal.
(2)
Cette localité serait située de part et d'autre du fleuve Sénégal à
20 journées de Ghana ou Kumbi Saleh.
(3)
La ville de Takrur ou Tekrur se trouverait sur la rive gauche du
Sénégal, au Sud de Silla.
(4) Al-Idrisi, op. cit., p.130.
(5) Voir à ce sujet la "Table ronde sur les origines de Kong", op. cit.,
p.134-136.
659
"On raconte que sous le ràgne de Lasiri Gbom-
bélé, Borogo effectua un raid chez les popu-
lations animistes du Folona.
Il détruisit
une dizaine de village et rentra à Kong avec
1.000 captifs des deux sexes
( . . . ). Peu de
temps a~ràs ce fait Tyàba le pàre de Seku fit
une incursion dans le Dyiminl et fit 5.000
prisonniers .•• "(1) .
En 1979 nous avons recueilli des échos de ces
e~péditions chez le Bambadyon
Dalignan Ouattara. Ce dernier
affirme que les vieux racontaient qu'autrefois l'une des
campagnes de Borogo dans le Folona rapporta. plus de mille
prisonniers et qu'à la même époque Tyàba avait capturé dans
le Dyimini plus de 5.000 prisonniers(2).
Le fait que la tradition ait conservé le souvenir
de ces ~pisodes tendrait à prouver que le nombre de prison-
niers mentionnés dans ces incursions n'était pas un fait
habituel
(3).
Mais il semblerait que ce fut surtout au XVIIIe
siàcle que les captifs de traite prirent une importance
considérable à Kong. Ces esclaves provenaient essentiellement
des guerres de conquêtes que le grand souverain avait orga-
nisées dans la région de Kong, le Folona, le Dyimini, l'Anno,
le Gyaman, les pays lobi et bobo,
le Kénédugu,
le Moyen et
le Haut-Niger. Ces guerres de conquêtes semblent avoir semé
la désolation au sein des populations autochtones Falafala
qui refusaient de reconnaître l'autorité de Seku Watara.
(1)
Ces renseignements ont été recueillis à Nasyan
(auprès de Bamadou
Ouattara : enquêtes du 3-376) et Ouangolodougou
(auprès de Pigneba
Ouattara
enquêtes réalisées en 1974).
.
(2)
Dalignan Ouattara, Bobo-Dioulasso,
4-3-79. Dossier XVIII.
(3) Au milieu du XVIe siècle
le Tarikh el-Fettach rapportait qu'il suffi-
sait d'une expédition contre une ville du pays ~es infidèles pour se
procurer en un jour "un butin de 10.000 esclaves ou davantage". Cf.
T. el-F.,
1964, p.195. p.195. Au XIXe siècle le Dr Vogel a assisté
à une expédition du sultan
du Bornou chez les Musgos il ramena 4.000
nègres esclaves sans compter 6.000 boeufs enlevés
(cf. cdt. Cauvet,
1925, p. 728).
660
'D'~près les traditions que nous avons recueillies à Pongala,
Seku, au début de son règne, réduisit des centaines de
.milliers de personnes en captivité, notamment les jeunes
gens, les enfants et les femmes qu'il vendait pour entre-
tenir son armée et sa cour(1). Dawaba Bamba qui n'est pas
tendre avec Seku déclarait en 1976, au cours d'une enquête
publique
"Vous savez,
tout le monde dit du bien de Seku
et on a tendance à oublier la tyrannie qu'il
exerça contre les populations autochtones qui
ne voulaient
pas de lui.
Il les fit capturer
et les fit vendre sur la place du marché.
D'après ce que disaient ies vieux, à l'époque
de Seku il n'y avait pas un seul marché au
monde qui vendait autant d'esclaves que le
marché de Kong. Le jour du grand marché on
vendait plus de de 1 .000 esclaves à c8té de
la grande mosquée ••. "(2).
Le grand marché de Kong avait lieu tous les cinq
jours. Kong devait donc écouler annuellement en moyenne
70.000 esclaves(3).Ces chiffres, bien entendu, ne tiennent
.pas compte, d'une part des esclaves vendus les jours ordi-
naires et, d'autre part, des captifs que les princes watara
échangeaient directement au nord contre les chevaux et au
sud contre les armes à feu.
Bien qu'il soit difficile de
proposer des chiffres exacte, on peut affirmer que Kong fut
sous le règne de Seku Watara un grand exportateur d'esclaves
(1)
Enquêtes réalisées en 1975 auprès des notables de la région voir
à ce sujet les vieux Basina et Mokosia.
(2)
Dawaba B?mba, enquêtes réalisées en 1976 à Logobou. Parmi les villa-
ges détruits par Seku et ses fils,
notre informateur cite autour de
Kong
: Bandakelenso, Bugeba, Sanda,
Demberta, Tiyèta, Nongota,
Butigita, Sambita, Saba, Bamberta, Galigita, Bombagata, Monogo,
Korowonta . . .
(3)
(1.000 x 30)
x 12 = 73.000 esclaves.
5
661
Nos enquêtes à Bobo-Dioulasso ont révélé que les
guerres watara dans les régions voltaïques ont fait,
au
début de l'Empire, des centaines de milliers de captifs(l).
H. Labouret a mis sur ce point l'accent sur les campagnes
de Zan Bakari .quipilla toute la région comprise entre le
nord de Bouna et les mines d'or de Poura(2). D'après les
renseigne~ents recueillis par Labouret, Zan Bakari épuisa
en un an toutes les ressources de la région de Loto(3).
La mise en place des voies commerciales et surtout
le contrôle de ces dernières amena Seku Watara à dépeupler
certaines régions de l'Empire, notamment celles comprises
entre Kong et Dienné. Tous les princes watara reconnaissent
que les populations autochtones de ces régions ont déserté
leur. pays pour éviter les guerres et les razzias opérées par
les hommes de Seku. Seku n'autorisait, le long des routes,
que l'installation des villages dyula(4). Nous pensons que
Y.
Person a parfaitement raison lorsqu'il dit que
"la domination politique de Kong qui visait
à assurer la sécurité des routes commerciales
a étrangement fait le vide le long de celles-
ci. C'est ainsi qu'entre Kong et Bobo, les
plateaux du Tyèrla sont à demi déserts alors
que les falaises gréseuses de Banfora regor-
gent de paléonégritiques insoumis" (5) •
En fait,
il n'y a rien d'étrange, Seku Watara ne voulant
.pas avoir de surprises désagréables sur les routes commer-
ciales razziait les populations insoumises.
(1) Voir à ce sujet les traditionalistes de Sungaradaga, Kotédougou,
Djébougou et Loropeni en Haute-Volta.
(2) H. Labouret, Tribu du rameau Lobi, 1931, p.30 et suiv.
(3)
l b ide m,
op. ci t., p. 32 •
(4) Voir à ce sujet les traditionalistes des cours
royales
de Kong et de Bobo-Dioulasso.
(5) Y. Person, Samori, l, 1968, p.128, note 71.
662
Compte tenu des éléments d'appréciation que nous
venons d'exposer,
il n'est pas invraisemblable que Kong,
sous le règne de Seku Watara
(1710-1745), ait mis en vente
en moyenne, 80.000 esclaves
par an. Certains de ces escla-
ves étaient utilisés surplace dans le commerce(1), dans
l'agriculture(2), dans la teinture(3)
les autres étaient
acheminés, soit vers la boucle du Niger
(à cause surtout des
chevaux), soit vers les c8tes africaines
(à cause des armes
à feu).
L'esclave a donc constitué à c8té de l'or et des
noix de kola, l'un des supports importants de l'équilibre
économique, politique et social de l'Etat dyula de Kong.
A c8té des captifs existait un autre objet de
commerce, l'antimoine, sur lequel on est malheureusement
mal renseigné.
L'antimoine est connu à Kong sous le nom dyula de
kalé.
Il était commercialisé sous forme de petites pierres
de couleur bleuâtre. C'était un produit de beauté très
recherché dans le monde dyula. Les femmes le réduisaient
en poudre pour se faire les yeux. On attribue au kalé le
pouvoir de protéger les hommes,
les femmes et les enfants
contre les maladies des yeux.
D'après les enquêtes nous avons faites,
c'étaient
les négociants hausa qui commercialisaient à prix d'or le
(1) Généralement on achetait ces esclaves très jeunes et on les
initiait au négoce.
(2) D'après les traditions orales, cette activité reposait au XVIIIe
siècle essentiellement sur les populations serviles d'où la création
des villages de culture, les kongoso. La situation ne semble pas
avoir changé à la fin du XIXe siècle. Cf. Binger, op. cit., p.298.
(3) Les ateliers de tissage et de teinture de Seku Watara dépendaient
étroitement des esclaves.
663
kalé à Kong(l). Le début de ce commerce se situerait proba-
blement au XVe siècle avec l'ouverture de l'axe Kano, Salaga,
Kong. Le transport était assuré par des ânes(2).
Il semble-
rait cependant que les pays fournisseurs
(nord du Nigéria
acutel)
aient éprouvé des difficultés pour écouler une grande
quantité de kalé dans les zonespréforestières. Dans la
métr~pole des Watara la demande dépassait largement l'offre.
A certaines époques, le moindre morceau de kalé coûtait
plusieurs ceptaines de cauris(3). C'est. probablement ce qui
explique, qu'à la fin du XIXe siècle seuls
"les gens aisés,
femmes,
hommes et enfants"
se faisaient les yeux avec du kalé(4). Voici l'un desprocé-
dés observés par Binger
:
"L'antimoine, réduit en poudre très fine,
est
mélangé à du poivre très fort venant du sud
de l'espèce dite féffé,
qui,
sans faire
pleurer l'oeil, .l'humecte légèrement,
force
à
ouvrir les yeux et donne de l'expression
au regard" (5) .
La. pratique décrite par Binger était destinée à combattre
les conjonctivites(6). Habituellement, on utilisait unique-
ment l a poudre de kalé. Le commerce de kalé étai t
encore
prospère à la fin du XIXe siècle car Binger pensa que la
France
pourrait commercialiser de
"petits étuis à antimoine ... "(7)
dans le. pays.
(1) Enquêtes réalisées en 1977 ; c'est auprès des vieux des quartiers
Daura, Korora, Kéréu et Barola, que nous avons obtenu les meilleurs
renseignements.
(2) Voir à ce sujet Labi Saganogo in A.U.A., série J,
1977, p.242.
(3)
Binger, op. cit., p.321.
(4) Ibidem,
op. ciL, p.321.
(5) Nous avons obtenu ces renseignements auprès du guérisseur
Badawa Bamba
(Pongala,
2-3-1974).
(6)
Binger, op. cit., p.321.
(7)
Ibidem,
664
V, L'ORGANISATION COMMERCIALE
A. LA POLITIQUE COMMERCIALE DE SEKU WATARA
Le commerce constituait à l'époque de Seku Watara
l'une des activités essentielles de la vie du. pays.
Issu
d'un milieu d'hommes d'affaires, le fondateur de l'Empire
de Kong consacra toute son énergie au développement des
échanges entre son pays et le monde extérieur.
Il savait
qu'il avait pris le pouvoir avec le concours des Dyula dont
la raison d'être était précisément le négoce
il oeuvra
par conséquent pour favoriser l'épanouissement du commerce
dans la région;
le fait qu'il recrutait ses principaux
conseillers au sein de ses anciens compagnons de route mon-
trait à quel point il s'intéressait aux activités commerciales.
A ces fils qui étaient appelés à lui succéder, il disait
souvent ceci :
"mes enfants n'oubliez jamais que nous sommes
des Dyula et que notre tâche est d'aider le
moindre colporteur à vivre dans l'aisance ... "(1).
Ainsi Seku Watara, dès sa prise du pouvoir, prit
un certain nombre de mesures qui allaient faire de Kong le
plus grande centre commercial ouest-africain au XVIIIe
siècle. Parmi l'ensemble des mesures prises par le fondateur
de l'Empire de Kong en faveur du commerce, nous en citerons
deux qui nous paraissent fondamentales,
la lutte contre le
brigandage et la suppression des nombreuses taxes.
(1)
Propos recueillis auprès du roi actuel de Kong, Karamoko Ouattara,
(1-3-1975) à Kong.
665
1.
-
La question de la sécurité
Le problème de la sécurité était très important.
Il conditionnait toute l'organisation du commerce à longue
distance. Nous avons vu que vers la fin du règne de Lasiri
Gbombélé l'insécurité régnait sur la plupart des axes qui
conduisaient à Kong et beaucoup de marchands hésitaient
souvent à prendre la route. Nombreux étaient les commerçants
qui à cette époque furent tués ou capturés par des brigands et
vendus dans les régions voisines. Seules des caravanes bien
armées et comprenant environ 500 à 1.000 personnes pouvaient
faire face,
à
la fin du XVIIe siècle, aux agressions des
bandits de grand chemin. Cette situation était responsable
des retards considérables qu'accusaient les caravanes,
retards
qui, on s'en doute, étaient. préjudiciables à la bonne marche
des affaires
en effet, elles progressaient très lentement,
s'arrêtaient à l'entrée du moindre hameau pour payer à prix
d'or les informations relatives à la sécurité des voies de
communication qu'elles empruntaient:
tout ceci affecta
gravement le commerce à longue distance vers la fin du XVIIe
siècle. L'insécurité qui pesait sur les voies commerciales
de la région a été à l'origine de la colère des Dyula contre
le régime de Lasiri Gbombélé.
Seku Watara,
lorsqu'il prit le pouvoir en 1710,
instaura la paix dans le pays
; ses fils installés dans les
différentes provinces du Royaume firent régner l'ordre et la
sécurité du sud au nord
(Anno-Gyaman-Bobo-Dioulasso)
en pas-
sant.par les pays palaka
et lobi. D'après les témoignages
que nous avons recueillis auprès des descendants actuels
des grandes familles de négociants(1)
l'insécurité aurait
(1)
Voir de nos jours la famille
de Bamori Traoré (Secrétaire Général
PDCI/RDA)
; voir aussi les familles Baro.
666
totalement disparu sous le règne de Seku Watara, car ce
dernier faisait payer très cher à ses gouverneurs de province
les vols qui étaient commis dans les territoires qui étaient
placés sous leur responsabilité. On raconte que. peu de temps
~près la mort de Zan Bakari (probablement vers 1720) un mar-
chand de Dienné du nom de Usuf Ibn Saki al -Moslim(l)
fut
attaqué. par des inconnus à la sortie d'un hameau au nord
de Kiémini.; ces derniers le dépouillèrent de ses 3 âries et
de ses 2 boeufs qui transportaient des barres .de sel. Usuf
qui voyageait seul avec sa femme et un de ses enfants alla
se. plaindre à Seku. Ce dernier fit convoquer Samanogo et
l'obligea à donner 1.000 pièces d'or au marchand pour n'avoir
pas su faire régner l'ordre dans saprovince(2). Cette
version recueillie dans la région de Kong a été confirmée à
Sungaradaga, dans la région de Bobo-Dioulasso, au Burkina-
Faso par Soma Ali, un prince du sang(3) qui précisa que
Samanogo exécuta de ses propres mains les agresseurs d'Usuf.
Seku Watara se montra ainsi sans pitié envers tous
ceux qui tentaient de s'attaquer à la vie des commerçants et
à leurs biens. La seconde réforme de Seku toucha les taxes.
2.
- La suppression des taxes
L'une des réformes les plus impor~antes que Seku
Watara réalisa sur le plan commercial fut la suppression des
nombreuses taxes qui pesaient sur les commerçants. A l'époque
de Lasiri Gbombélé, les pays compris entre l'Anno,
le Lobi,
Bobo-Dioulasso comptaient une multitude de roitelets qui con-
trôlaient les principales voies de commerce et qui percevaient
(1)
Le terme al-Moslim signifie tout simplement le musulman.
(2)
Informations recueillies en 1976 auprès de Dyamila Ouattara : Enquê-
tes sur l'organisation du commerce à Kong sous Seku Watara.
(3) Enquêtes réalisées en mars 1979 a Sungaradaga auprès des descendants
de Seku Watara
(Cf. Soma Ali).
667
des droits sur les marchandises qui circulaient sur ces rou-
tes. Ces taxes qui portaient le nom de dôlà-songo ne furent
plus exigées des marchands à l'époque de Seku. D'après les
informations que nous avons recueillies auprès des milieux
commerçants, à l'époque de Seku Watara, on ne percevait
même pas le gabâlât
(droits sur les marchés)
à Kong(1). Ces
réformes fiscales constituèrent une bonne propagande qui
attira de nombreux négociants dans le Royaume ; elle encou-
ragea le commerce qui ne payait plus de droit et contribua
à la prospérité des Watara, notamment de Kong et de Sya
(Bobo-Dioulasso). D'après les enquêtes que nous avons faites
sur le terrain on peut affirmer que, du début du XVIIIe
siècle au milieu du XIXe siècle,
(1710-1850),
le commerce
de l'Anno, de Bondoukou, de l'Ashanti et du Lobi avec la
boucle du Niger passait par Kong et Sya. Durant cette période,
Kong était devenue, à
l'image des villes médiévales comme
Dienné et Tombouctou, l'un des plus grands centres commer-
ciaux ouest-afr icains. Sa population était flottante et atteignait
dit-on,
10 à 30.000 âmes(2).
(1)
Voir à ce sujet EI-Haj Mamadou Labi
voir aussi les enquêtes que
nous avons réalisées en 1979 auprès de Marhaba Saganogo, dossier
XII, Bobo-Dioulasso,
20-2-1979.
_ (2)
Nous tenons ces chiffres des enquêtes que nous avons effectuées
auprès des notables de Kong .en 1975 et 1976. Binger a est imé
la population de Kong à la fin du XIXe siècle à 15.000 habitants; or,
d'après les vieux actuels de Kong, la ville à l'époque de Seku
comptait deux ou trois fois plus de monde qu'à la fin du XIXe siècle.
Ces chiffres ne paraîssent donc pas exagérés.
668
B. LES SERE OU SHERE
(CARAVANES)
Le développement de Kong dépendait étroitement de
son commerce à longue distance. Nous avons vu les principaux
produits qui animaient ce commerce.
Il nous faut voir main-
tenant comment les produits étaient transportés d'un marché
à un autre et quels en étaient les principaux animateurs. Les
enquêtes que nous avons réalisées en Côte d'Ivoire et au
Burkina-Faso auprès de nombreuses familles de marchands qui
ont sillonné les pistes caravanières à la recherche d'un
gain nous permettent aujourd'hui de mettre l'accent sur deux
éléments
essentiels
, le sèrè
(la caravane)
et le dyatigi
(l' hôte) .
Le Dyula détestait la soli tude et voyageai t rarement seul.
,->
Lorsqu'il décidait d'entre1='rendre
un voyage d'affaires dans le
voisinage,
il était souvent accompagné,
soit de ses enfants,
soit de ses épouses,
soit encore de quelques captifs. Géné-
ralement trois ou quatre personnes accompagnaient le Dyula
de Kong dans ses moindres déplacements(l). Lorsqu'il s'agis-
sait d'un voyage qui devait le mobiliser pendant de longues
semaines, voire de longs mois sur les routes~ il recherchait
alors la compagnie de nombreux amis avec lesquels il cons-
tituait un sèrè, une caravane.
Le sèrè ouest-africain était une grande entreprise
qui nécessitait une préparation minutieuse. René Caillié a
eu l'occasion d'assister à la formation d'une caravane mise
sur pied à Tyèmé
(dans la région d'Odienné,
au nord de la
Côte d'Ivoire).
(1) A la fin du XIXe siècle, Binger avait constaté que les enfants des
Dyula qui faisaient un ou deux voyages par an se faisaient toujours
accompagner par "deux ou trois captifs"
(Cf. Binger, op. cit., t.I,
p.298) .
669
"Elle était composée de 45 à 50 Mandingues,
portant des charges sur leur tête, d'environ
35 femmes qui portaient également chacune un
fardeau et de 8 chefs conduisant leurs ânes,
au nombre de 15. Ces chefs ont leurs esclaves
et leurs femmes qui portent les bagagei et
font la cuisine pendant la halte pour tous
ceux qui composent la caravane ; ces femmes
prennent les devants et les hommes viennent
après, le bruit qu'ils font avec leurs sonnet-
tes prévient de leur approche. Les Mandingues
aiment beaucoup les sonnettes dont le tintement
les distrait en route
( ..• ). A leur arrivée
dans un village, les femmes vont puiser de
l'eau et pilent le mil pour préparer le dîner
de tout le monde; après quoi, elles font
chauffer, dans de grands vases qu'elles emprun-
tent, de l'eau qui est destinée pour le bain
des hommes, ensuite, elles recommencent à piler
le mil pour souper. Les esclaves sont chargés
d'aller à la recherche du bois pour faire la
cuisine : les nègres libres sont exceptés de
tout cet embarras : ils se couchent et se
reposent en attendant qu'on leur donne à
manger, puis ils parcourent le village avec
une calebasse dans laquelle il y a quelques
colas qu'ils
échangent contre les cauris qui
leur servent pour l'achat du grain destiné à
nourrir la caravane ... "(l).
René Caillié nous donne aussi des renseignements
sur les obligations de la caravane : ses responsables
"s'occupent aussi de régler les droits de
passage car tous les marchands étrangers,
quel que soit leur nombre,
sont obligés
solidairement de payer, dans chaque lieu où
ils stationnent, une petite rétribution qui
varie quelquefois, mais est communément fixée
à 20 colas par charge, valeur de 200 cauris(2).
Lorsque la caravane est nombreuse, ce qui
arrive souvent parce qu'elle grossit en route,
un homme peu chargé prend les devants pour
ar river le pr emier au village af in de r eten i r
(1) R. Caillié, 1830, LI, p.68-69.
(2) R. Caillié, raconte qu'à l'entrée du village les "douaniers" enlevaient
les coiffures des caravanle.f'.$ et il fallait payer pour les récupérer.
Cf. Caillié, op. cit., t.II , p.70 et suiv.
670
des logements pour ses compagnons
( ... ) (1).
Ceux qui ne prennent pas cette sage précau-
tion sont exposés à chercher une heure dans
le village pour trouver un logement et souvent
sont oblig~s d'aller plus loin. Il est d'usage
que les premiers arrlvés reviennent sur leurs
pas pour aider les autres à porter leurs
charges, surtout lorsque la' route a été
longue" (2) .
La caravane décrite par René Caillié est ce que
l'on appelait à Kong le sèrè-fitini
(la petite caravane)
par opposition au sèrè-ba
(la grande caravane)
qui était
souvent organisée par des dizaines, voire des centaines de
riches négociants qu'on appelait les dyago-tigi, les
maîtres du commerce. A Kong,
l'importance des caravanes
dépendait surtout de la participation des esclaves. Ces
derniers étaient souvent très nombreux. D'après les tradi-
tionalistes, Dabila Dao,
Imam Baro, et Basimori(3)
utili-
saient des milliers d'esclaves(4). En dehors de ces richis-
simes hommes d'affaires qui vivaient comme des mansa(5)
et
entretenaient de nombreuses cours, généralement le dyago-tigi
de Kong possédait au sein du sèrè une ou plusieurs centaines
(1)
Il s'agit ici d'une pratique commerciale ancienne. Dans les caravanes
transsahariennes le personnage chargé de cette tâche portait le nom
detakshif
.
Il était généralement choisi dans la tribu des Masufa ;
il était "engagé par les gens de la caravane pour les précéder à
Walata et transmettre les lettres adressées à leurs collègues qui y
résident,
afin que ces derniers leur louent des maisons et viennent a
leur rencontre avec une provision d'eau sur une distance de quatre
jours de marche"
(1. Battûta, in R.P. CUOQ, op. cit., p.292-293). Pour
cette course,
le takshif percevait 100 mithkal d'or.
(2)
R."
Caillié, op. cit., t.rr, p.70.
(3)
Ce négociant habitait le quartier Kéréu. Sa fortune était devenue
importante vers la fin du règne de Seku Watara. Cf.Enquêtes réalisées
auprès de Basièri OUattara en 1977, dossier VI.
(4)
Enquêtes réalisées en 1975 sur les riches négociants de Kong. Voir
surtout Bamori traoré, dossier
III, 30-3-1976.
(5)
Seku Watara avant sa prise du pouvoir portait le titre de dY2gotigi
(riche négociant).
Enquêtes réalisées en 1975 auprès de
Moustapha Saganogo, dans le quartier Daura à Kong.
671
~'esclaves(1). La fortune des dyago-tigi ouest africains
reposait ainsi en grande partie sur l'exploitation de la
main-d'oeuvre servile. Valentim Fernandes avait été
fr~ppé par ce fait au début du XVIe siècle. Il avait signa-
lé que chaque marchand dyula
(Ungaro)
qui venait à Dienné
chercher le sel pour le porter dans le sud aux mines d'or
amenait "avec soi 100 à 200 esclaves nègres ou davantage"(2).
Les caravanes qui arrivaient à Kong ou qui en par-
taient comportaient généralement une forte escorte. cette
dernière était armée d'arcs, de flèches, de lances et de
fusils surtout à partir du XVIIIe siècle. Le nombre de
guerriers qui constituaient cette troupe était variable et
d~pendait de l'importance de la caravane. Celle qui trans-
portait de l'or, des noix de kola, du sel et qui acheminait
des esclaves, des chevaux et du bétail était très bien
surveillée. A propos de la caravane de bétail, voici ce
que H. Gaden notait dans une de ses lettres écrites à
Bandiagara le 5 mars 1895
:
"Nous venons de voir arriver ce matin une
caravane de marchands du Mossi
(Ouagadougou
et Ouahigouya)
avec deux cents boeufs porteurs
et ânes chargés de toile ; chaque animal est
conduit par un homme armé, des armes primitives
d'ailleurs:
haches, arcs et flèches,
sabres.
Avec cela de nombreux captifs, hommes,
femmes
et enfants.
.
Malgré la longue route qui ils viennent de
faire tout ce monde là est en bonne santé, nia
même pas llair fatigué;
les boeufs sont gras,
magnifiques, les ânes sont très jolis, bien
bâtis et pas blessés ; les chefs marchands qui
(1)
En 1974, le roi actuel de Kong nous a dit que son arrière-grand-père
Basidi entretenait 250
esclaves qui faisaient fructier son commerce
de sel et de noix de kola
(enquêtes réalisées à Kong en 1974). Nous
avons constaté au cours de nos enquêtes que l'ub1isation massive
des esclaves se passait surtout sous le règne de Seku Watara.
(2) v. Fernandes, 1938, p.87.
672
sont une dizaine, sont vêtus, outre leur
pantalon d'une sorte de chemise en étoffe
brune à raies noires avec des gris-gris cou-
sus sur la poitrine.
Ils portent pour environ
36.000 francs de marchandises, sans compter
les captifs et vont acheter le sel à Korienzé
et Sa~aféré(1) • Ils avaient très peur en
arrivant s'imaginant peut-être être pillés ou
rançonnés par nous ..• "(2).
En 1976, nous avons recueilli le récit d'un vieil
éleveur peul qui depuis une dizaine d'années s'est retiré
à Bouaké dans le quartier Koko et qui est connu sous le
nom d'EI-Haj-Sangaré(3)
"
Je suis né à Kong et mes parents de géné-
ration en génération avaient" fait le commerce
des chevaux,des ânes et du bétail
(boeufs).
Mes ancêtres pratiquaient ce commerce avant
l'installation de la famille de SekuWatara
dans la région de Kong.
Ils étaient originaires
du Masina.
Ils faisaient le va~et-vient entre
cette dernière localité et Kong.
Ils consti-
(1)
Korienzé et Saraféré sont deux localités situées au sud, non loin
de Tombouctou; le sel coûtait semblet-til moins cher ici qu'à Dienné.
(2) Archives Nationales de section outre-Mer
(A.N.S.O.M.)
Papiers du
Colonel Henri Gaden. AP 15, carton 2, pièce n0475.
Bandiagara représentait aussi un débouché important pour les pagnes
de Kong. D'après les informations fournies par Gaden, ces derniers
étaient très estimés dans le pays
(Cf. ANSaN papiers du Colonel Henri
Gaden, AP 15, Carton 2, dossier n0474). Mais les marchands de Kong
n'achetaient pas leur sel à Bandiagara. Ils remontaient souvent à
Korienzé ou à Saraféré "chercher des barres de sel en échange de
kolas, de pagnes des piments ou des captifs"
(Cf H. Gaden, op. cit.,)
C'est probablement dans ces locali tés que les marchands de Kong qu i
fréquentaient la région se procuraient les ânes et les boeufs
por-
teurs du Mosi, nécessaires à leur voyage retour.
(3)
En 1976, ce traûitionaliste nous a dit qu'il était âgé de 87 ans
et qu'il possédait encore des boeufs à Kong. Après la destruction
de la ville par les troupes de Samori, la famille de Sangaré s'est
installée à Sikasso
(Mali) où elle
continua le commerce du bétail.
En 1974, après un bref séjour à Kong, Sangaré décida de s'installer
à Bouaké.
673
tuaient des caravanes en collaboration avec
d'autres familles et acheminaient à chaque
voyage à Kong plus de 400 animaux. Ces carava-
nes étaient généralement escortées par une
troupe de plus de 300 guerriers armés de flè-
ches, de lances ou de fusils afin de faire
face à des éventuelles agressionsr .• "(l).
A propos de la surveillance des caravanes, voici
ce que le roi actuel de Kong nous confiait en 1974
"L'époque
d'autrefois était difficile:
les
commerçants de Kong avec les ânes et les
boeufs porteurs chargés de noix de kola et
des pagnes allaient chercher les barres de sel
à Dienné et venaient les revendre ici. Ce
commerce est très ancien:
i l est à l'origine
de la création de la ville de Kong.
Pour voya-
ger,
i l fallait constituer des groupes impor-
tants armés de flèches ou de fusils car ies
brigands attaquaient les commerçants sur la
route et leur prenaient tous leurs biens. Non
seulement ils prenaient les biens des commer-
çants, mais iis réduisaient ces derniers en
esclavage et allaient les vendre sur d'autres
marchés
: ceci était fréquent avant et après
le règne de Seku Watara(2).
Généralement les
commerçants voyageaient par groupes de 200 à
600 personnes.
Chaque groupe était placé sous
la surveillance de 200 à 300 guerriers. En
outre chaque marchand avait dans ses bagages
soit un fusil,
soit un arc et des flèches soit
encore un sabre ou une lance •.. "(3).
Les traditionalistes ont encore en mémoire l'atta-
que de la caravane de sel de Basimori Tarawéré qui ne dut
son salut qu'à son dyatigi Musa qui,
non seulement l'informa
(1)
Récit extrait des enregistrements du 2-3-1976 relatifs au commerce
de Kong avec les pays voisins auprès
de EI-Haj. Sangaré à Koko.
(2)
Il semblerait que Seku Watara ait réussi à
assurer la sécurité des
routes à l'intérieur des états watara.
(3)
Karamoko Ouattara, enquêtes réalisées à Kong en 1974, dossier II.
D'après le traditionaliste Basièri Ouattara, la moindre caravane
qui quittait Kong comptait plus de 50 à 60 marchands.
674
de l'attaque
que les Gbèn de Kiminipréparaient contre
..~
lui, mais mit à sa disposition ses propres troupes. Ces
dernières lui permiy~n_c de sauver sa vie et ses biens.
Cette attaque causa cependant la mort de cinq de ses meil-
leurs compagnons au début du XIXe siècle(l).
La recherche de la sécurité obligeait ainsi les
marchands à se doter d'une armée relativement importante.
Les éléments de cette troupe étaient généralement fournis
par les organisateurs de la caravane, les dyagotigi, en
fonction de l'importance des marchandises transportées.
Pour assurer la sécurité de ces dernière?, les négociants
de Kong n'hésitaient pas à fournir chacun 10 à 20 guerriers.
Les marchands qui ne pouvaient pas offrir des combattants
louaient les services d'un ami ou d'un. prince moyennant une
redevance qui pouvait atteindre un dixième de la valeur de
leurs marchandises (2) .
D'après les enquêtes que nous avons faites en
Côte d'Ivoire et au Burkina-Faso,les
maîtres du commerce
constituaient des groupes de 50 à 60 personnes qui organi-
saient la caravane(3). Cette dernière accueillait tous les
colporteurs, hommes et femmes qui souhaitaient en faire
partie, de sorte que la caravane mettait en branle un nombre
impressionnant de personnes et d'animaux
(boeufs et ânes).
Certaines traditions que nous avons recueillies à Kong men-
tionnent que ces caravanes pouvaient comprendre 500,
1.000
(1) Kimini
se trouve à 100 kms.
au .nord de Kong.
Pour l'étude de cette
caravane voir
: Ba Burayima,
arrière-petit-fils de Basimori ; en 1974
il était Sgé de 65 ans environ et ~abitait le quartier Daura (enqu&tes
réalisées à Kong
en mars 1974).
Basièri Ouattara
(informations recueillies en 1977 à Abidjan, dossier
VI)
Basièri présente Basimori comme un véritable héros un "célèbre
karamogo qui possédait des dyo"
(fétiches).
(2) Voir à ce sujet le traditionaliste Bamori Traoré
(enquêtes réalisées
à Kong le 30-3-1976).
(3) Voir les traditionalistes suivants: a)
Kong: Bamori Traoré
(op. cit.
cit.,), Basièri Ouattara
(op. cit.,), Karamoko Ouattara
(op. cit.,),
b)
à Bobo-Dioulasso. Nos meilleurs informateurs EI-Haj MuStapha Diané
(enqu&tes réalisées à Kotédougou en 1979), Moussa Coulibaly
(Bobo
quartier Kpongbougou
: enquêtes réalisées en 1979) et surtout Marhaba
(enquêtes réalisées à Bobo-Dioulasso en 1976 et 1979).
675
2.000,personnes ; elles précisent cependant que leur im-
portance dépendait du nombre des esclaves qui prenaient
part à l'expédition(l).
En cours de route, la caravane grossissait ; elle
accueillait en chemin de nombreux colporteurs. Elle voya-
geait de préférence le jour. Les hommes de l'escorte qui
assuraient la surveillanc~ de la caravane ne portaient pas
de bagages. Le transport des marchandises était assuré de
préférence par des captifs et par de nombreux animaux,
notamment les boeufs porteurs et les ânes.
L'escorte était placée sous l'autorité d'un chef
guerrier connu sous le nom de kundigi. En cas d'attaque ce
dernier disposait ses hommes en tenue de combat.
Il prenait
de nombreuses précautions,pour éviter les surprises désa-
gréables. De préférence,s~s~~aireurs
(une dizaine de cava-
liers environ) ,précédaient la caravane de plusieurs heures
d'avance et le gros de ses forces fermait la marche.
La caravane proprement dite était commandée par
un personnage connu sous le nom de sèrè-kundigi
(chef de
convoi, de caravane).
Il était choisi par un conseil de
marchands,
le dyèma-dyago,
en fonction de sa fortune person-
nelle, des intérêts qu'il avait au sein de la caravane et
des relations amicales qu'il entretenait
avec les chefs
des régions que la caravane devait traverser. Ce choix était
ensuite soumis au karamoko
(marabout)
du dyèma-dyago qui
généralement l'approuvait. A cette occasion,
il confection-
nait de nombreux gris-gris que devait porter le sèrè-kundigi
afin que les
(1)
Bamori Traoré, Kong,
le 30-3-1976.
676
"infid~les n'attaquent pas la caravane et se
couchent le long des routes sans pouvoir
livrer bataille . . . "(l).
Le s~r~-kundigi nanti de ses amulettes, le jour
venu, prenait la tête de la caravane. Sa longue expérience
lui avait enseigné que les gris-gris ne suffisaient pas
pour circuler librement sur les routes. Aussi, avant son
d~part, il prenait soin d'emporter de nombreux cadeaux qu'il
distribuait ça et là aux notables banmana qui organisaient
les razzias sur les pistes. Malgré ces,précautions, la
caravane était parfois obligée de livrer bataille pour pou-
voir poursuivre son chemin. Les régions que redoutaient les
marchands de Kong étaient généralement les approches des
grands centres, Dienné,Bobo-Dioulasso (Sya), Bouna, Salaga.
Au milieu du XIXe si~cle, Kong fut coupé du Worogugu a
cause de l'insécurité permanente qui régnait dans les terri-
toires des Palaka
(à l'ouest, au nord-ouest de Kong)
et des
Gb~n (au nord-ouest de Kong).
Le soir, lorsque la caravane s'arrêtait, les escla-
ves construisaient de grands hangars pour abriter les
marchandises
~ les marchands pass~ient la nuit à la belle
étoile et l'escorte armée montait la garde(2). Seul le
voyageur qui avait un dyatigi dans le village pouvait passer la
nuit en toute quiétude dans une case. Voici ce que Labi
Mamadou dit à ce sujet
"Autrefois, lorsque les négociants étrangers
arrivaient dans un village ils cherchaient
à s'abriter sous les arbres. C'est là qu'ils
(1)
Babalai Traoré, enquêtes réalisées à Kong en 1976 - voir dossier III.
Pour ce travail le marabout se faisait payer très cher
;
il exigeait
le sacrifice d'un boeuf, ou de quelques moutons. A cause de la hantise
des attaques, des karamogo peu scrupuleux purent s'enrichir sur le
dos des organisateurs des caravanes.
(2) Voir à ce sujet Karamoko Ouattara,
(enquêtes réalisées à Kong 1974,
dossier II), Bamori Traoré
(enquêtes du 30-3-1976)
- voir aussi Labi,
A.V.A., série J,
1977, p.240.
677
passaient la nuit en saison sèche comme en
saison humide. Les ~trangers refusaient de
dormir dans une case. Le voyageur imprudent
qui acceptait l'hospitalit~ d'un inconnu per-
dait souvent la vie et ses biens . . . "(1).
En fonction des renseignements recueillis en
cours de route,
le sèrè-kundigi, organisait les ~tapes,
modifiait l~gèrement le parcours, retardait ou au contraire
acc~l~rait la marche de la caravane. Lorsque cette dernière
atteignait son but, les marchands se di?persaient et va-
quaient à leurs affaires. La caravane ~tait ainsi dissoute
et le voyage retour n~cessitait la mise en. place d'une
nouvelle structure.
La plupart des traditionalistes que nous avons
interrog~s parlent souvent de l'~poque de Seku Watara que
lion. peut consid~rer comme l'âge dlor du commerce carava-
nier entre la r~gion de Kong et la boucle du Niger. A cette
~poque, dit-on, à Kong
"les affaires marchaient très bien et l'on
r~alisait d'~normes b~n~fices. Seku Watara
~evenu roi permit à tous les marchands de
b~n~ficier gratuitement de la protection de
l'arm~e imp~riale qui assurait la s~curit~
sur les voies caravanières" (2) .
c'est sans aucun doute cette politique commerciale
de Seku Watara en faveur du monde dyula qui permit à Kong
de devenir le point de rencontre des caravanes qui venaient
de la boucle du Niger, du Mosi, des ~tats hausa, du Lobi,
du Worodugu,
de l'Anno et de l'Ashanti. Cette ~poque a marque
aussi une bonne entente entre les hommes politiques et les
(1) Mamadou Labi, enquêtes réalisées à Abidjan le 9-7-1974, document nOV.
(2)
Saganogo Marhaba, enquêtes réalisées à Bobo-Dioulasso en 1979,
dossier XIV.
678
milieux marchands qui n'hésitaient pas à offrir gracieuse-
ment aux princes de l'Empire,
après chaque voyage,
un
important dolo-songo.
L'organisation commerciale était ainsi étroitement
liée à la bonne marche des caravanes et à la sécurité des
routes. Elles reposait aussi sur des hommes expérimentés'
le dyatigi et les dyagotigi.
C.
LES AGENTS COMMERCIAUX
1.
-Ledyatigi
(1)
On traduit généralement le mot dyula, dyatigi par
"hôte".
Le dyatigi est en effet considéré comme un maître
de l'hospitalité(2). Mais le mot français "hôte"
ne rend
pas compte des transactions auxquelles se livr~it le dyatigi.
Ce n'est pas par-hasard que M.
Delafosse a cru un instant
que le mot dyatigi était la forme contracté de dyago-tigi
(maître de commerce) (3).
Le mot "hôte". paraît donc inadéquat
pour traduire le terme dyula dyatigi.
Le dyatigi était en réalité un répondant commercial
qui était sollicité pour offrir ses services à un négociant
étranger qui séjournait dans un village ou dans une ville
et qui désirait faire de bonn~affaires. Lorsque cela était
possible, l'étranger le choisissait parmi les familles qui
portaient le même dyamu que lui ou parmi des coreligionnaires,
c'est-à-dire parmi les musulmans et de préférence des
commerçants comme lui. Mais dans ses contacts avec les po-
(1) Voir à ce sujet l'article de polly Hill "Landlords and brokers"
in
Cahiers -d'Etudes Africaines n023,
1966, cette étude porte sur les
commerçants hausa du marché de Kumasi
(Ghana actuel).
(2) M. D~lafosse,
Haut-Sénégal-Niger,
1917, t.rr. p.118.
(3) ~I. Delafosse, op. cit., t.rr, p.150.
679
pulations forestièr~,le Dyula se contentait des services
dlun dyatigi animiste, notamment dans les régions riches
en or et en noix de kola.
La fonction de dyatigi
(hébergement des colporteurs
étrangers)
était devenue à Kong un véritable métier et une
source de prestige pour les familles dyula implantées dans
le pays depuis plusieurs générations. Elle était une source
importante de revenus.
Le fait que l'on recherchait les
èyatigi dans les milieux musulmans ou commerçants constitua,
à Kong comme dans la plupart des villes soudanaises, un
manque à gagner pour les populations autochtones.
Ceci expli-
querait en partie le fait qu'elles s'attaquaient souvent
aux caravanes dyula.
Le âyatigi logeait et nourrissait gratuitement son
hôte ou lona.
Il permettait à ce dernier de vendre la plu-
part du temps ses marchandises à crédit en dehors du marché
car
"il en garantissait le paiement"(l).
En échange,
le dyatigi procurait en cas de besoin un crédit
à son hôte, souvent d'un marché à l'autre.
Il n'était pas
rare de voir à Kong des dyatigi couvrir les dettes de leurs
hôtes qui,
selon Yves Person,pouvaient leur
"valoir la captivité" (2).
Le dyatigi assurait la sécurité de son "étranger" et défen-
dait ses intérêts devant les assemblées de la ville ou du
village.
Il déployait une intense activité commerciale au
(1)
Y.
Persan, op. ciL,
LI, p.106.
(2)
Ibidem.
680
service de son hôte.
"Son action commerciale était toujours discr~te
et s'exerçait en dehors du marché.
Il emmaga-
sinait souvent les marchandises de son hôte
si elles étaient de vente difficile et il les
écoulait peu à peu, entre deux voyages du col-
porteur" (1).
Le dyatigi ne travaillait pas seul.
Il employait
de nombreux intermédiaires qui sillonnaient le pays pour
connaître l'évolution des cours et les dates de départ ou
d'arrivée des caravanes dans telle ou telle région. Ces
intermédiaires portaient à Kong le nom de t~f~. Ce sont
eux qui, généralement, mettaient en présence l'hôte de leur
maître avec ceux de leurs voisins. Les affaires importantes
se traitaient souvent avec une grande discrétion dans la
concession des dyatigi. Binger, à la fin du XIXe si~cle, fit
cette constatation
:
"Le commerce de transit a lieu dans les cases ;
à cause de cela, il est difficile d'en appré-
cier l'importance. Ce commerce consiste en
échange de sel,
ferronnerie,
bandes de coton,
contre des kolas
( . . . ). Le commerce se fait
àl'intérieur des cases; c'est le diatigué
(l'hôte)
qui joue le rôle de courtier; quand
des étrangers descendent chez lui avec du sel,
par exemple, c'est lui qui s'occupe de le
leur faire vendre avantageusement et les
abouche ensuite avec des gens venus avec des
kolas ou toute autre marchandise.
Il serait,
dans ces régions, de la plus grande impolitesse
d'acheter ou de vendre quoi que ce soit sans
passer par l'intermédiaire du èiatigué"(2).
(1)
Y.
persan, op. cit., p.lü6.
(2)
Binger, op. cit., t . I , p.372.
681
Les traditionalistes de Kong citent souvent le
cas de Imam Baro qui hébergeait à Kong plus d'une dizaine
d'étrangers et qui faisait travailler plusieurs centaines
de tèfè.
Ils soulignent que la plupart des riches commer-
çants de Dienné, de Tombouctou et de Salaga avaient Seku
Watarapour dyatigi(1).
Les services du dyatigi n'étaient pas gratuits.
"Ils avaient le monopole des transactions de
leurs visiteurs, effectuées en dehors des
marchés et ils prélevaient une commission qui
était généralement évaluée à un dixième des
marchandises écoulées" (2) .
A Kong,
il n'était pas rare cependant de voir d~s dyatigi
prendre des marchandises de leur
hôte a bon marché et les
revendre fort cher pour réaliser ainsi d'énormes bénéfi-
ces(3).
Dans les ré~ions forestières du sud le dyatigiya
était cristallisé autour du commerce des noix de kola et de
l'or. Le
Dyula qui fréquentait ces pays confiait ses
affaires au dyatigi, logeait chez lui et son hôte s'occupait
de Ses
achats d'or et de noix de kola.
Pour ce dernier
produit, le dyatigi qui jouait ici le rôle de courtier
envoyait ses femmes et ses enfants parcourir les principaux
marchés de la région.
Ses agents obtenaient généralement
les noix de kola en offrant du sel et des étoffes.
Contre
l'or,
les forestiers exigeaient surtout des Dyula, des escla-
ves des deux sexes.
Les ancêtres de Bamori Traoré s'étaient
(1)
Propos recueillis auprès de nombreuses familles dans le quartier
Barola en 1976, cf. dossier
III.
(2)
Y.
Person, op. cit., p.106.
(3)
Voir à ce sujet le traditionaliste Mamadou Saganogo Labi.
Informa-
tions recueillies à Bouaké en 1978, dossier
III.
682
spécialisés dans le trafic avec les pays forestiers du sud
voici ce qu'il dit à ce sujet:
"le commerce avec le nord était très intéres-
sant et permettait aux Dyula de s'enrichir
après une ou deux expéditions. Mais ces voya-
ges étaient longs, pénibles et dangereux
surtout après le r~gne de Seku Watara (1710-
1745). Les voyages qui se déroulaient dans
de bonnes conditions duraient un an. Mais
lorsque les voyageurs arrivaient dans des ré-
gions qui se faisaient la guerre,
ils res-
taie~t bloqués à certains endroits pendant
5 ou 6 mois sans pouvoir prendre la route de
Dienné. Ainsi les gens mettaient parfois deux
ans pour faire le va-et-vient entre Kong et
Dienné. Les voyages avec les populations du
sud étaient moins difficiles et rapportaient
beaucoup d'argent. Pour cette rais6n les
Dyula de Kong fréquentaient l'Anno,
la région
de Bondoukou et les pays anyi de l'Indényé.
Avant d'atteindre la forêt épaisse,
ils con-
fiaient les animaux porteur~ à desdyatigi et
les reprenaient au retour. Mon grand-père m'a
~aconté que les Dyula de Kong fréquentaient
la côte ivoirienne riche en produits européens
(tissus,
armes . . . ) malgré l'hostilité de
certains marchands venus de l'Ashanti(l)
et
cela bien avant le règne de Lasiri Gbombélé" (2) .
Dans les régions forestières c'étaient les enfants
et les neveux de dyatigi qui jouaient le rôle des tèfè
soudanais.
Le champ d:action du dyatigi forestier était
cependant plus limité que celui de son confrère soudanais
(1)
Les marchands dont il est question ici seraient probablement les
Nzima qui depuis le XVe siècle contrôlaient la région côtière com-
prise entre Cape Coast
(Gwa) et Assinie).
(2) cette information est capitale car elle tendrait à prouver qu'au
XVe ou au XVIe siècle, les Dyula de Kong avaient tenté de nouer des
relations commerciales avec les portugais qui fréquentaient la côte
éburnéenne. Mais ces efforts ont dû être interrompus au XVIIe et
au XVIIIe siècles -avec la mise en place des états anyi de l'Indényé
et du Morenu qui ont bloqué pendant plusieurs siècles le mouvement
dyula vers le sud. A la fin du XIXe siècle, Bénié Kouamé monopolisa
le trafic en "empêchant les caravanes de l'intérieur de descendre vers la
côte - Cf ANSOM CI III,
3.
Pour le commerce des Dyula avec les régions
forestières,
voir Bamori Traoré, enquêtes "réalisées à Kong, le
30-3-1976, dossier III.
683
et d~passait rarement le cadre de sa circonscription.
Outre les noix de kola, le r~pondant du Dyula se chargeait
de. procurer de la poudre d'or à son ~tranger. A propos du
m~talpr~cieux signalons que, contrairement à ce que l'on
pourrait croire,
il n'existait pas de localit~ 06 l'on
vendait de la poudre d'or sur la place. publique.
D'apr~s
nos enquêtes.à Kong, comme dans les r~gions pr~foresti~res
(Ando)
et forestières
(Arrah),
les transactions relatives
à l'or se traitaient dans le secret des concessions des
dyatigi.
Le dyatigi avait permis à Kong, à de nombreuses
familles de marchands, d'acc~der à la cat~gorie des dyago-
tigi
(maîtres du n~goce) qui nous introduisent
"donc au sommet de la hi~rarchie du commerce
traditionnel" (1).
2.
- Le dyagotigi
Le dyagotigi
se distin~uait du n~gociant orginaire
par sa grosse fortune qui faisait de lui un riche et puis-
sant citadin.
Il voyageait rarement et faisait fructifier
ses affaires par des membres de sa famille mais surtout
par des esclaves. Ce dernier fait était d'ailleurs l'une
des caractéristiques du système économique_et politique mis
en. place à Kong par les Dyula. Le commerce et l'arm~e qui
~taient la raison d'être de l'Etat reposaient essentielle-
ment sur les captifs(2).
A la fin du XIXe siècle, voici ce que Singer
écrivait à propos de cette cat~gorie sociale :
( 1) Y. Pe r son, t.. l, p. 1 17 .
(2) L'exploitation agricole, la teinture à l'indigo ... reposaient aussi
sur la main-d'oeuvre servile.
684
"Beaucoup de ces Dioula vivent dans l'aisance.
Leur~ captifs peuplent quelques konkosou
(kongoso) (1)
d'o~ il reçoivent leurs approvi-
sionnements. A caté de ces ressources~ leurs
enfants', accompagnés de deux ou trois captifs,
font un ou deux voyages par an,
soit du
Gottogo
(Bondoukou)
à Bobo-Dioulasso et Djenné,
soit dans d'autres régions
( ••• ). D'autres
Dioula emploient une partie de leurs captifs,
à Kong m~me, au tiss~ge ou à la teintu~e" (2)
Binger ne parle pas du dyèma-dyago,
l'association
des dyagotigi
qui marqua de son empreinte la société dyula
de Kong pendant de longs siècles. Faut-il croire que cette
institution originale avait disparu à la fin du XIXe
siècle ? Nous savons grâce aux descendants actuels des
grandes familles de marchands de Kong que le dyèma-dyago
existait bien avant le règne de Lasiri Gbombélé(3).
Des
hommes comme Seku Watara
(avant la prise du pouvoir) , Tara-
wéré Bediako,
Imam Baro furent pendant longtemps à la tête
de ces associations. Devenu roi, Seku encouragea cette
institution et invitait les représentants de ces associations
à sièger dans son grand conseil, le Dyèma.
Le dyèma-dyago défendait les intérêts du dyago,
véritable "roi sans couronne" (4) , auprès des autorités du
pays. Maître de l'organisation des caravanes,
il tenait
à sa merci la masse des colporteurs qui devenaient ainsi
une 'véritable clientèle pour le dyago.
Il ne semble pas
cependant qu'il ait eu à Kong des soulèvements contre
l'autorité du dyago.
Les Dyula en effet appréciaient la
réussite, le mérite personnel. A Kong, on admirait en réalité
(1)
Les kongoso étaient des villages de culture.
(2) Binger, op. cit., t.I, p.298.
(3) Voir à ce sujet le vieux Sanogo du quartier Katogora qui fut l'une
de nos plus grands informateurs sur la question du dyèma-dyago.
Enquêtes réalisées le 11-8-1977, dossier XIX.
(4)
Nous devons cette expression à Y.
person, ~. cit., t.I, p.117.
685
le dyago : on le considérait comme quelqu'un qui avait la
bénédiction divine,
la "baraka".
Il semblerait que le r~ve
d'un colporteur dyula était de devenir un dyago.
Au cours de nos recherches, nous avons été frappé
par le fait qu'à l'intérieur du dyèma-dyago, des dyagotig i
mettaient en commun des biens
(marchandises ou poudre
d'or),
finançaient l'organisation des caravanes et se par-
tageaient les bénéfices de l'opération. D'après Y.
Person
,
les sociétés commerciales répartissaient les
"bénéfices d'une opération au prorata de
l'apport des associés" (1).
.
Les bénéfices étaient souvent réinvestis dans les affaires.
Les dyagotigi
pratiquaient aussi au sein de la société
le.pr~t et l'usure qui se seraient développés sous le règne
du grand roi Seku Watara(2).
Y.
Person a sans aucun doute
raison lorsqu'il é c r i t :
"Une fraction de la communauté dyula consti-
tuait en somme,
au sein d'une économie de
subsistance un véritable "secteur capitaliste".
Cette expression heureuse est de Maxime
Rodinson(3)
et ce n'est pas par hasard s ' i l
l'a forgée en considérarit l~Islam médiéval
car celui-ci a profondément influencé la cul-
ture dyula.
Il est vrai que la terre reste
étrangère à la capitalisation, car celle-ci
se fonde essentiellement sur les richesses
mobilières. C'est là un trait archaïque, mais
il est compensé par le refus des échanges
ostentatoires et la réduction du troc à très
peu de chose. La capitalisation s'effectuait
en marchandises ou en poudre d'or et les béné-
fices étaient réinvestis dans le commerce.
Le
(1)
Y.
Persan, op. cit., t.I, p.128, note 79.
(2)
Voir à ce sujet le traditionaliste Mamadou Labi enquêtes réalisées
à Bouaké en 1978 (6-12-1978, dossier X).
(3) Voir à ce sujet Rodinson,
Islam et capitalisme, Paris,
1966,
in 8°
cité par Persan, op. cit., p.121.
686
prêt et l'usure, bien que P€u
développés,
introduisaient déjà au c~~ital financier"(1).
rI serait cependant hasardeux de dire que les Dyula prati~
quaient le capitalisme. Mais le.mode de. production était
ici es'sentiellement ax~.·sur le commerce à longue distance
et l'économie était complètement désenclavée grâce à l'ac-
tion énergique des dyatigi et des dyagctigi.
3.
- Le monde des petits commerçants
Nous avons vu qu'à l'époque de Seku Watara certains
petits négociants avaient constitué une véritable clientèle
pour les dyagotigi
qui les exploitaient. Mais,
la plupart
du temps,
ils constituaient une entreprise familiale au
sens large du terme. Les femmes,
les enfants et quelques
esclaves se mettaient au service d'un fa qui les faisait
vivre; on l'appelait généralement le "vieux",
le tyèkoroba.
Comme le souligne Bamori Traoré,
"tout le monde à Kong travaillait pour le chef
de famille.
Personne n'avait le droit
de
travailler pour son compte avant l'âge du
mariage qui parfois veriait fort tard
( . . . ).
Mais dès que le fa estimait qu'un de ses fils
méritants était en
âge de se marier,
il lui
trouvait une femme et lui donnait une partie
des biens afin qu'il travaille pour son pro-
pre compte . . . Telle était la tradition dyula
(1)
Y.
person, op. cit., p.121. On a essayé de définir le mode de pro-
duction
africain. On peut signaler les travaux de J. Suret-Canale
"les sociétés traditionnelles en Afrique Noire et le concept de
mode de production asiatique", La pensée
(Paris)
n0117,
1964; pp.19-
42, de Claude Meillassoux,
"essai d'interprétation du phénomène
économique dans les sociétés traditionnelles d'auto- subsistance",
Cahiers d'Etudes Africaines, n04,
1960, pp.38-67 et de Catherine
Coquery-Vidrovitch "Recherches sur un mode de production africain",
La Pensée
(Paris) n0149,
1969, pp.61-78.
687
inspirée de l'Islam"(1).
La puissance du fa dépendait ici de l'étendue de
la famille élargie. Cette puissance a été souvent mise à
rude épreuve à Kong après la mort d'un fa.
Comme le fait
remarquer Y. Person,
"le partage de l'héritage du père entre ses
fils majeurs, sans oublier le domaine réservé
aux filles",
détruisait l'unité des biens du lignage et ébranlait l'au-
torité du fa(2). Cette pratique se serait généralisée à
Kong à partir du milieu au XVIIIe siècle sous la pression
des Saganogo qui prêchèrent en matière de dévolution des
biens, le droit musulman de tradition malékite(3).
Quoi qu'il en soit, après la mort du fa,
chacun
des héritiers essayait de faire fructifier ses biens avec
le concours, généralement, de son épouse.
Il achetait par
exemple à Kong des tissus qu'il allait revendre à Dienné ou
à Tombouctou. Avec l'argent obtenu, il achetait quelques
barres de sel et, en fonction de ses ressources,
un ou deux
captifs pour accroître l'effectif de son personnel.
Il
pouvait aussi avec le fruit de son héritage acheter des
noix de kola dans l'Anno qu'il allait revendre à Bobo-
Dioulasso. Avec le produit de sa vente il achetait des barres
de sel qu'il commercialisait soit à Kong,
soit à Bondoukou.
(1)
Informations recueillies à Kong en mars 1976 auprès du notable
Bamori Traoré qui avait longtemps tra~aillé pour son fa avant de
conquérir son indépendance. Au début du XXe siècle,
il faisait le
commerce de kola et de pagnes entre Kong et Abaissa.
(2) Voir Y.
Persan, op. cit.,
t.I, p.120.
(3)
D'après les sources écrites et orales on peut fixer la date de
l'installation des Saganogo à Kong vers le milieu du XVIIIe siècle
voir à ce sujet l'intervention de Bamori Traoré lors de la "Table
ronde sur les origines de Kong", A.V.A.,
1977, p.470.
688
c'est de cette manière que les colporteurs s'inséraient
dans les grands circuits commerciaux. Au début de leurs
affaires la plupart de ces marchands portaient leurs baga-
ges sur la tête en attendant le jour où ils. pourraient
acquérir un dyon.
Binger qui a bien observé ces colporteurs
écrivait :
"Il faut envisager l'existence que mènent ces
gens-là.
Ils marchent chargés chacun avec 30
ou 40 kilogrammes,
et cela pendant la plus
grande partie de la journée.
Arrivés à l'étape,
il faut piler et préparer
des aliments, couper du bOls, chercher de
l'eau souvent à plusieurs kilomètres de
distance. S'il Y a un Snfant dans le ménage,
la femme le porte sur le dos.
Ils vivent sans
feu ni
lieu. Surpris par les pluies,
ils
voyagent quand même,iupporta~t toutes les
intempéries sans se plaindre.
Quand le noir a travaillé avec sa femme pen-
dant un an,
il achète un esclaves; c'est la
meilleure acquisition qu'il puisse faire,
c'est un auxiliaire de plus pour travailler;
il vivra de la même façon que ses maitres
;
le bien être des uns rejaillit sur les autres
dans cette vie en commun" (1) .
Les noix de kola, nous l'avons vu, étaient vendues
à bon marché à Kintampo et à Bondoukou, mais elles étaient
encore meilleur marché dans l'Anno où se ravitaillaient
généralement les Dyula de Kong. Bondoukou était surtout in-
téressant pour la kola rouge de l'Ashanti. Voici quelques
prix pour la fin du XIXe siècle(2).
(1) Binger, op. cit., t.I, p.313.
( 2) lb iCi e If! ,
op. c i t ., p. 31 2 •
689
PRIX DE LA CHARGE
MARCHES
PRIX DE LA NOIX
(2.500 NOIX DE KOLA)
ANNO
2 Cauris
5.000 Cauris
2 , 3 , 4 et jusqu'à 12
KONG
5 à 30.000 Cauris
cauris selon la grosseur
KINTAMPO
5 Cauris
12.500
Cauris
SALAGA
100.000 Cauris
40 Cauris
soit 120 francs
A titre d'exemple, une barre de sel était vendue à Kong
la même époque à 160 francs soit environ 133.324 cauris.
A Kong,
la femme jouait un rôle considérable dans
le commerce. Elle pouvait grâce à l'apport de ses cadeaux
de mariage favoriser le financement de la carrière marchande
de son mari et être en même temps une précieuse auxilliaire
.pour le portage(l) des marchandises et la préparation des
mets le long du voyage. Mais elle pouvait aussi travailler
pour son propre compte en allant troquer à Dienné ou Tom-
bouctou ses magnifiques pagnes de mariage
(les Kpon-dyésé)
contre des barres de sel qu'elle revendait à Kong. Avec le
fruit de la vente elle s'achetait un ou deux esclaves qu'on
nommait cèbèrèsoro qui faisaient fructifier
les affaires.
La tradition orale cite le cas d'une f~nme originaire de
Manogota du nom de Karidya qui,
sous le r~g~e de Seku,
s'en-
richit à Kong par le biais du commerce.
Elle avait des con-
(1) On m'a assuré à Kong que certaines femmes robustes pouvaient porter
une barre de sel de Dienné à Kong.
Il s'agirait probablement des
barres d'une trentaine.
de kilogrammes. La chose parait dans ce cas
vraisemblable car les marchands de Kong réglaient les étapes à 10
ou 15 kilomètres.
6~O
cessions à Kéréu et faisait travailler plus d'une centaine
de cèbèrèsoro. C'est dans cette catégorie de femmes qu'il
faudrait ranger Tyémé ou Ma-Tyémé qui en 1B88 ieçut Binger
à Bobo-Dioulasso. Elle jouissait
Ud'une grande considération dans la région ll (1).
Ainsi,
les immigrants dyula, grâce à leur sens
aigu des affaires, à leur courage et à leur esprit d'ini-
tiative avaient réussi, après plusieurs générations, à
sortir le Nard-Est de la CBte d'Ivoire de la vie autarcique
que menaient les autochtones senufo,
falafala, myoro et
nabé. Kong doit ce succ~s en partie à son marché qui était
en relation, non seulement avec le Sahara
(pays fournis-
seur de sel gemme), les pays forestiers
(riches en noix de
kola et en or) mais aussi avec les pays européens par
l'intermédiaire des comptoirs portugais et hollandais qui
lui fournissaient des draps, des bracelets en cuivre ou en
nickel, des' foulards en soie de couleurs voyantes et sur-
tout des armes à feu(2).
Disons donc quelques mots du marché
de Kong.
D.
LE MARCHE DE KONG
L'actuel modeste marché de Kong ne permet pas de
mesurer l'importance de ce dernier à l'époque précoloniale.
Heureusement,
la plupart des vieux de la région ont gardé
en mémoire le souvenir de l'emplacement de la place du
marché. D'après de nombreux témoignages que nous avons re-
cueillis dans la ville,
la place du marché aurait eu environ
(1)
Binger, op. cit., p.365.
Il s'agit de la Guimbi de Binger.
(2)
D'après Binger, le fusil, modèle "boucanier femelle" se vendait à
Kong à la fin du XIXe siècle à 12.000 cauris soit 24 francs. Ce
commerce fut très important surtout au XVIIIe siècle.
691
près de 800 mètres de longueur sur 300 mètre de largeur,
notamment à l'époque de Seku Watara(1).
Il n'avait pas
changé d'emplacement,
au XIXe siècle.
A la fin du XIXe siècle, Binger disait que le
marché avait environ 500 mètres de longueu~sur 200 mètres
de largeur(2). En fait,
les jours de grand marché,
toutes
les principales artères de la ville étaient occupées par
les marchands.
Le marché de Kong comprenait deux,parties,
le
mogo-16ko
(le marché des hommes)
et le muso-lôko
(le
marché des femmes). En fait le muso-lôko situé légèrement
en retrait par rapport au premier était spécialisé dans le
,petit commerce des condiments
(piments,
tomates,
aubergines,
poivre, gingembre . . . ).
Il était surtout animé par les femmes
de la région qui parcouraient parfois plusieurs dizaines de
kilomètres pour venir vendre leur récolte. Le mogo-lôko
ét.ait au contraire réservé au grand commerce; c'est là
que se rencontraient les marchands de kola
(kola de l'Ashanti
et de l'Anno), de boeufs
(Masina et Masi), de chevaux
(Masina et Mosi), d'or
(pays anyi du sud, Anno, et surtout
Lobi), de coton
(Barabo), de ferronnerie
(Bobo-Dioulasso),
de captifs, d'armes à feu
(Salaga,
K~~asi, Bondoukou),
d'antimoine
(pays hausa), de couvertures et surtout de sel
de Dienné et de Tombouctou. Gr~ce à la sécurité que les
Watara, à partir du XVIIIe siècle,
assurèrent sur les voies
commerciales,
le marché de Kong fut fréquenté par des négo-
ciants venus de la boucle du Niger, des Etats hausa, de
l'Ashanti et des fOLêts de l'actuelle Côte d'Ivoire. Nous
Sommes persuadé qu'au XVIIIe siècle,
le commerce de l'Ashanti
(1)
Nous avons interrogé à ce sujet une trentaine de familles au cours
des enquêtes que nous avons effectuées en 1975 et en 1976 à
Kong.
(2)
Binger, op. cit.,
t.I, p.297. D'après le croquis a vue de la ville
de Kong,-réalisé à l'échelle 1/20.000, la place du marché aurait
effectivement 800 mètres de longueur. Cf. Binger, op. cit., p.297.
692
en
direction du nord passait. par Kong. Ce rôle de carrefour
joué. par ce centre est probablement à l'origine de la tra-
dition qui fait de Kong une ville "ouverte à tout le mon- :
de"(1)
qui faisait l'admiration de la plupart des marchands
ouest-africains qui la considéraient comme une seconde patrie.
A côté du marché quotidien avait lieu à Kong un
grand marché appelé, logodqgubè. Ce dernier se tenait tous
les cinq jours selon un calendrier précis.
Il était en
effet précédé de quatre importants marchés qui gravitaient
autour de Kong et qui rehaussaient l'éclat du marché de la
métropole dyula.
Il s'agissait respectivement des marchés
de Sikolo(2) de Dyangbananso(3), de Ténégéra(4)
et de
Kongolo(5) .
La veille de ce grand marché ou logomarsi,
les
étrangers affluaient dans la ville qui connaissait une
grande animation, surtout autour de la grande mosquée où
avait lieu la vente du sel et des esclaves. Les dyagotigi
y faisaient construire par leurs esclaves des abris pour
se protéger du soleil. Partout les marchands dressaient des
étalages pour exposer leurs produits.
(1)
Binger, op. cit., p.293.
Pou.r le corrnnerce de Kong, voir ANSOM,
Mission Braulot, Côte d'Ivoire III,
3.
(2)
sikolo est à une vingtaine de kilomètres
3U
nord de Kong. Les
gens de cette région vont s'approvisionner de nos jours à Ferkéssé-
dougou et ont très peu de contact avec Kong.
(3)
Dyangbanaso, est situé à environ une dizaine de kilomètres au sud
de Kong.
Il connut son apogée sous le grand règne de Seku Watara. La
région est pI·atiquement abandonnée de nos jours.
(4)
Ténégéra était situé à une douzaine de kilomètres au sud-est de Kong,
ce fut une importante métropole commerciale et politique avant le
règne de Seku Watara.
Il semblerait d'ailleurs que le rayonnement de
la ville de Kong à partir du XVIIIe siècle,
ait entraîné progressi-
vement la ruine des centres voisins.
(5)
Cette localité est située à environ onze kilomètres à l'ouest de
Kong. Ses activités sont de nos jours essentiellement tournées vers
Tafiré.
693
Le logomarsi ~tait un grand jour. pour les dyatigi
qui s'efforçaient de trouver des logements pour leurs hôtes
et aussi des enclos sûrs pour les marchandises de ces
derniers.
La veilledu grand march~, Kong accueillait de très
nombreux ~trangers ; beaucoup d'entre eux dormaient dans
les rues ou occupaient des espaces aménag~s à cet effet à
l'entr~e de la ville(1).
Le marché d~butait très tôt le matin et se termi-
nait assez tard le soir. Binger avait ~té frappé par l'ani-
mation qui r~gnait sur le march~ de Kong :
"Chaque jour on trouve à acheter matin et soir
tout ce qui est nécessaire à la vie, ainsi
que le coton et l'indigo; le soir, vers cinq
heures, le maIcb~ est très anim~. A cette
heure -
Id
., il Y a au moins un millier
d'acheteurs
et de vendeurs sur la place.
Quand au grand marché qui a lieu tous les cinq
jours, c'est une vraie foire"(2).
On peut donc estimer que les jours de grand marché,
c'étaient des milliers de vendeurs et d'acheteurs qui cir-
culaient sur la place du marché
sans compter ceux qui trai-
taient les affaires dans les concessions des dyatigi et qui,
à l'époque de Seku Watara, ~taient fort nombreux.
Les nOiX de kola étaient vendues, soit au détail,
soit dans des calebasses de 200 noix soit par paniers de
2.500 à 3.000 fruits.
Les barres de sel étaient divisées
(1)
D'après les renseignements que nous avons recueillis,
(en-
quêtes réalis~es surtout auprès des descendants de l'Imam Baro et
de Bédiako Tarawéré. Kong 24-4-1975).
(2)
Singer, op. cit., p.318.
694
en 12 unités connues chacune sous le nom de kokotla ; le
kokotla avait servi d'unité d'échange à Kong et servait à
payer la kola.
Il avait la largeur de trois doigts(1).
D'apr~s les témoignages que nobs avons recueillis,
Kong aurait été, avant l'époque samorienne, un important
centre. pour le commerce de l'or et des esclaves. Le prem'ier
était recherché par les marchands venus du nord
(Mandé et
Hausa)
et le second par les marchands de Bondoukou et de
Kumasi qui les commercialisaient vers les pays forestiers
ou côtiers.
Le jour du grand marché, on voyait, dans les con-
cessions, des négociants qui faisaient peser leur or chez
les logon
(orf~vres) moyennant une rétribution de 10 à 20
caur is. par
mithkâl. Nous reviendrons sur cette uni té de poids.
Les discussions entre acheteurs et vendeurs étaient
toujours tr~s animées surtout lorsque le second exigeait
de l'or en échange de sa marchandise. Binger nous a laissé
quelques détails sur ce point
:
"
Je pas$e sous silence les débuts prélimi-
naires(2)
pour arriver au moment critique où
le vendeur du cheval, du captif, etc., ne veut
plus dirnirluer et le marchand d'or ne veut plus
augmenter. C'est alors que l'intelligent
Ligouy ou Wangara
(Dyula)
essaye de fasciner
son client par la vue de l'or.
Sans mot dire,
(1)
Voir à ce sujet., Binger, op. ciL, LI, p.141.
(1)
Chaque vendeur commençait par décrire sa marchandise en mettant en
valeur les qualités de cette dernière.
Il essayait surtout d'impres-
sionner son client afin de réaliser le maximüm de bénéfice sur son
produit.
Pour un produit qui coûtait 1.000 cauris le vendeur commen-
çait ainsi à réclamer au début 2 ou 3.000 cauris.
695
il étale devant lui les 3 ou 4 barifiri(1)
enroulés dans un chiffon, enl~ve lentement
le fil de coton qui ferme ce sachet improvisé,
étend le métal précieux dans une petite main
en cuivre en y promenant, sans se presser, un
aimant afin d'extraire les parcelles de fer
s ' i l y a lieu. Il force l'autre à examiner
l'or, le palper, le peser, faisant mine d'en
retirer une parcelle si le poids parait un peu
fort, puis il remet la pou~re d'or dans les
chiffons, emballe le tout dans un foulard
qu'il serre dans la poche de son boubou et
d i t :
"A ko di ? qu'est-ce que tu dis
(décides)"?
et, sans attendre la réponse il a l'air de se
retirer. L'autre, n'ayant peut-être jamais de
sa vie possédé un mithkal~ est ébloui par la
vue de quelques grammes d'or, se voit d'un
coup à la tête d'une fortune et, croyant que
s ' i l laisse partir le marchand tout est perdu,
il finit par céder" (2) .
Sur le trafic des chevaux, du sel, des esclaves de
l'or et des noix de kola, les négociants Dyula réalisaient
des bénéfices énormes, dit-on à Kong. A propos de l'or,
Binger rapporte que les bénéfices pouvaient varier de
"100 a 500 pour 100 et même au delà" (3).
Le texte de singer illustre bien que le commerce
exigeait, non seulement une grande intelligence, mais de
la patience et du savoir-faire. Le Dyula développait ces
aptitudes a l'école de ses fa en les suivant partout et en
assistant aux achats et aux ventes dès sa tendre enfance.
(1)
Le barifiri était une unité de poids qui représentait la valeur de
4 mithkal. Le poid~ du mithkal était estimé à Kong au XIXe si~cle
à 4 grammes fort.
(Voir Binger, op. cit., t.I, p.308).
(2) Binger, op. cit., t.2, p.l04.
(3) Ibidem,
op. cit.,
LI, p.309.
696
Au marché,
les transactions se faisaient générale-
ment sous forme d'objets d'échange, mais on utilisait aussi
des cauris
(cypraea moneta) (1)
surtout pour les petits
achats quotidiens. Les cauris étaient très encombrants et
de faible valeur unitaire. A la fin du XIXe siècle, un
mithkal valait 6.000 cauris à Kong. Faute de documents,
il
est aujourd'hui difficile de se faire une idée du cours
du cauri par rapport à l'or au cours des siècles antérieurs
(XIVe-XVIIIe siècles) (2). A la fin du XIXe siècle,
le
négociant qui désirait traiter des affaires importantes
avec des cauris était obligé de traîner avec lui des cen-
taines et des centaines de milliers de ces coquillages. Dans
ce sens, comme le.souligne Yves Person la poudre d'or pré-
sentait
"de nombreux avantages, en raison de son in-
incorruptibilité, de sa divisibilité et surtout
de sa forte valeur pour un volume insigni-
fi an t" (3) •
Outre les transactions qu'il favorisait,
le jour du
grand marché de Kong était aussi une occasion pour les
marchands de recueillir le maximum d'informations sur l'état
des routes,
la situation politique dans telles ou telles
régions,
le coGt des principaux produits sur les autres
marchés ouest-africains, afin d'orienter les prochaines ca-
ravanes dans telles ou telles directions. Les agents
(1)
Les cauris sont originaires de l'OCéan Indien.
Ils ont été introduits
de bonne heure en Afrique Occidentale. Au Moyen Age, la plupart des
tr~nsactions se faisaien~ au moyen de cauris (voir à ce sujet la
plupart des auteurs arabes et portugais, al-Bakri
(1913, p.335),
(1927, p.75-76 et 202),
Ibn Battûta
(1922,
IV, p.435), Léon l'Africain
(1956, p.4691 Ca da Mosto
(1895, p.66). Le cauri en tant que monnaie
a été introduit à Kong par lœMandé d~s la seconde moitié du XIVe
si~cle.
(2) A titre d'exemple, signalons qu'à Tombouctou,
au XVIe si~cle un mith-
kal valait 400 cauris
(Cf. Léon l'Africain,
1956, p.469). Au XVIIIe
siècle(1738)
le même poids d'or valait 3.000 cauris. En 1795, le
cours du mithkal descendit à 1.500. Cf. Fragment de l'oeuvre de Mouley
Rassum B.N.P Ms 5259,
fO.32 Vo cité par M. Abitbol, Tombouctou et
les Arm~, 1979, p.2ü6-2ü7.
(3)
Y. Person, op. cit., p.94.
697
qui fréquentaient le marché de Kong renseignaient leurs
martres sur les cours en hausse ou en baisse de certains
produits.
Mais le marché de Kong avait aussi une fonction
sociale importante ; il permettait à des amis ou à des
parents vivant dans un rayon de 10 à 50 kilomètres de se
retrouver assez régulièrement et d'échanger des nouvelles.
Le jour du grand marché prenait toujours une allure de
fête.
Les femmes et les jeunes filles allaient au marché
élégamment vêtues et parées de bijoux; les hommes, notam-
ment ceux qui appréciaient le dolo,
se donnaient rendez-vous
dans les quartiers où l'on préparait cette bière de mil. A
la fin du XIXe siècle,
le quartier qui débitait le dolo était
Sumakana. Voici ce qu'écrit Binger à ce sujet:
"On ne débite pas le do16 sur le marché. Les
visiteurs vont le boire dans le quartier Sou-
makhana. Là se trouve un groupe de cases où
les femmes n'ont d'autre occupation que la
préparation et la vente du dolb ; les jours
de grand marché,
il s'en débite plusieurs
hectolitres. Les buveurs sont assis dans les
cases et se font servir dans des calebasses
plus ou moins grandes
; le litre coûte environ
20 à 25 centimes (1).
Le grand marché de Kong avait profondément marqué
la société dyula de Kong.
Et ce n'est pas par hasard que
les Dyula de Kong avaient adopté dans leur calendrier la
semaine de cinq jours. Le cycle du marché de Kong réglait la
(1)
Binger,~. cit., t.I, p.318-319. A l'époque de Seku Watara,
c'était Somaba, l'une des femmes du souverain qui contrôlait l'es-
sentiel de la production de dola à Kong.
698
vie de la cité : le jour du grand marché,
les hornm€s
n'allaient pas aux champs et la plupart des habitants des
kongoso(villages de cultures)
regagnaient la grande ville
il marquait pour le mari polygame la date à laquelle une
des femmes devait passer le rela~à une de ses co-épouses
pour assurer
pendânt cinq jours l'entretien de la maisonnée.
Cette re?ponsabilité donnait à celle-ci le. privilège de
dormir dans la case du mari.
Le jour du grand marché offrait aussi aux institu-
teurs et aux professeurs qui donnaient un enseignement en
arabe aux enfants du pays la possibilité~~ercevoir de
l'argent. Binger a eu l'occasion d'assister à cette collecte
"Le soir des jours de grand marché,
les éco-
liers deux par deux vont dans leurs quartiers
respectifs chanter
une prière dans les cours
des maisons. Dès qu'ils se présentent, on
entend partout crier
: Karamokhodinn na
(Ecolier, viens), et de leur donner deux
cauris(l),
afin de s'en débarrasser. C'est en
quelque sorte un imp8t pour l'instruction
publique. En rentrant,
ils remettent toute la
quête à l'instituteur, qui se fait payer
ainsi l'encre,
le papier et sa peine"(2).
Ainsi le grand marché de Kong avait une importance
considérable dans la vie économique et sociale des Dyula
du pays. Et lIon comprend pourquoi de nos jours ces derniers
en parlent avec une certaine nostalgie.
(1)
L'information fournie par Singer pourrait faire croire que l'on
imposait un taux fixe aux habitan~s ce qui est faux ; les deux cauris
constituaient un don minimum. Certaines familles aisées donnaient 10
ou 20 cauris. On offrait aussi aux écoliers des biens en nature, riz,
mil,
ignames ... On leur donnait souvent à manger.
(2)
Binger, op. cit.,
t.I, p.303.
699
Avant de clore notre étude sur le marché de Kong,
voyons la question des poids à peser llor. ce problème
avait intrigué Binger à la fin du XIXe siècle et il disait
que les poids dont se servaient les Dyula n'étaient
"connus que d'eux"
et qu'ils consistaient
"en charnières en cuivre, vieux cachets à
cire, entrées de serrure, dents de boeufs,
etc ... Toute cette ferraille remplit une
grande boîte. On suppose bien qu'avec ce
système le pesage laisse à désirer"(1).
D'après notre explorateur, llor se comptait à Kong par mith-
kal(2).
Les familles de marchands que nous avons interro-
gées nous ont affirmé gue le métal précieux se comptait
par dar~a ou darabima. Le darahima semble avoir été autre-
fois le poids du mithkal qui avait cours à Kong. Binger
a entendu parler du darahima(3)
mais il disait que clétait
le nom que Iton donnait à la pièce de 5 francs(4).
Nous
ne savons pas pour quelles raisons la pièce de 5 francs qui
était en argent avait été baptisée darahima mais d'après les
recherches que nous avons effectuées, le darahima aurait
été une unité pondérale qui aurait pesé à Itorigine environ
5 grammes. C'est probablement sur cette unité pondérale que
reposait le mithkal, unité monétaire qui,
à la fin du XIXe
siècle pesait soit 4,125 grammes soit 4,150
soit encore
4,100 grammes.
Le mithkal aurait ainsi perdu plusieurs
centièmes
de gramme à la fin du XIXe siècle.
(1)
Binger, op. cit., t.I, p.308.
(2)
IbiderrJ op. ciL, LI, p.308.
(3)
Nous avons mené nos enquêtes essentiellement à Kong et à Sobo-
Dioulasso de 1976 à 1979.
(4)
Voici ce qu'il écrit en 1890 ; "la pièce de 5 francs est appelée
darahima ; c'est probablement le même mot arabe que drachme, en
tout cas darahima e~t le même mot que le dorom ou doroma des Wolof
et du Soudan françat'" Cf. Singer, op. ciL, LI, p.309.
700
Binger signale que le mithkal avait des subdivi-
sions "demi, tiers, quart, dixième etc"(1) .Ces subdivisions
correspondraient sans aucun doute à celles du darahima
dont nous ont parlé quelques vieux de la région de Kong(2)
et qui servaient à peser de petites quantités d'or.
Lorsque lion devait commercialiser une, grande quan-
tité d'or, on se servait d'une autre unité de poids, le
barifiri qui pesait quatre darahima soit,
à llorigine, en-
viron 20 grammes. Voici à la fin du XIXe siècle ce que
Binger écrivait à propos du barifiri
:
"J'ai déjà dit, parlant de l'or à Kong que
les marchands se servaient de poids plus ou
moins exacts, consistant surtout en vieilles
ferrailles ou cuivreries.
Il est difficile
de savoir exactement ce que doit peser dans
l'esprit des noirs le barifiri. J'en ai vu
de 17 gr.
75 et aussi de 18 gramme~. D'après
Roland de Bussy, le mithkal
( ••. ) est une
mesure arabe pour les essences,
les pierres
fines,
les métaux précieux, etc. Sa valeur
est 4 gr.
669(3), ce qui porterait le
barifiri, c'est-à-dire les 4 mithkal, à 18 gr.
676. Jadis,
il est probable que le barifiri
pesait exactement ce poids, mai$ faute de poids
exact,
il s'est peu à peu perdu et est tombé à 18
(1)
Singer,
op.
c i t . ,
t . I ,
p.309.
(2)
Pour
cette
étude,
voir
en
particulier
les
informateurs
suivants
:
Dawaba ~amba
(enquêtes
réalisées
à Logobou
en
1974),
Dyamila
Ouattara
(Yénoro,
3-4-19~5) et
Pigneba
Ouattara
(Ouangolodougou,
18-8-1974).
(3)
Voir
à ce
sujet
la
note
de
Boudas,
in
T.
es-S.,
1964,
p.13.
Le
système
pondéral
arabe
est
très
complexe,
mais
on
peut
fixer
avec
R.
Mauny
le
mithkal
arabe
à
4,722
grammes.
Cf.
R.
Mauny,
op.
c i t . ,
p.414.
701
grammes et quelquefois moins"(1).
Nous ne pensons pas que les Dyula de Kong aient
adopté le syst~me pond~ral arabe qui était fort complexe.
A notre avis,
ils se sont inspirés de ce dernier
pour mettre sur pied un syst~mepondéral original
avec le mithkal à 5 grammes et le barifiri
(quatre mithkal)
à 20 grammes.
Les fouilles archéologiques viennent de verser
quelques pi~ces au dossier du syst~me pondéral à Kong.
Elles montrent que les Dyula avaient utilisé à une époque
donné des fragments de céramique aux bords arrondis et
,polis en guise de poids. Ces derniers ont des formes
diverses;
ils sont, soit ronds,
soit discoïdes,
soit rec-
tangulaires, soit grossièrement circulaires.
Ils portent sur
"leur face externe un décor qui est constitué
d1irnpressions à la molette de paille tressée"(2).
Ces fouilles ont été réalisées en 1982
elles ont permis
de découvrir 18 fragments de céramique qui ont été pesés et
numérotés de 1 à 18. Voyons dans un tableau ce que pourraient
représenter ces fragments.
(1)
Voir
à
ce
sujet,
le
rapport
de
fouilles
archéologiques
du
secteur
de
la
gendarmerie.
Il
s ' a g i t d'un
rapport
dactylo-
graphié
de
28
pays
qui
se
trouve
à
la
Bibliothèque
de
l'I.H.A.A.A.
rl
a
été
réalisé
par
V.
Diabaté
en
1982.
( 2 )
0 i a bat é
Vic t 0 r,
1 982. op. ci t. ,
702
Poids en
Nombre de mith-
Nombre de barifiri -
N°s
,
grammes
kal-sensée
senses représentés
représentés
1
10,30
3 soit 15 g.
-
2
32,13
7 soit 35 "
1 %
3
28,13
6 soit 30 "
1 ~
4
27,03
6 soit 30 "
1 ~
5
24,90
5 soit 25 "
1 \\
6
14,32
3 soit 15 "
-
7
11 ,30
3 soit 15 "
-
8
25,40
6 soit 30 "
1 ~
9
23,80
6 soit 30 "
1 ~
10
18,40
4 soit 20 "
1
1 1
27,46
6 soit 30 "
1 ~
12,
17,66
4
soit 20 "
1
13
17,25
4 soit 20 "
1
.,
14
31 ,50
7 soit 35
1 \\
1 5
30,00
6 soit 30 "
1 ~
16
34,38
7 soit 35 "
1 k4
17
34,20
7 soit 35 "
1 %
1 8
29,10
6 soit 30 "
1 ~
Procédons a un classement des poids
Nombre de poids de 3 mithkal
: 3 sur 18
Nombre de poids égal ou supérieur à un
barifiri
15 sur 18.
Nous constatons que les poids que nous avons présen-
tés ici servaient surtout à peser de grandes quantités
d'or. Ces poids vont en effet d'un barifiri à un barifiri
703
'trois quarts. Nous ni avons aucun poids représentant le
mithkal kongois.
Sur le tableau ci-dessus, nous constatons aussi
que les barifiri ont, soit 17,25 grammes, soit 17,66 gram-
mes soit 18,40 grammes. Ces derniers sont sensiblement
les mêmes que ceux signalés par Binger à la fin du XIXe
siècle, c'est-à-dire des barifiri de 17,5 grammes,
17,75
grammes et aussi dé 18 grammes, et de quelquefois moins
comme nous l'avons s~gnaléplus haut.
Nous pensons que les différences de poids qui
~pparaissent dans notre tableau sont dues essentiellement
au fait que les marchands, de générations en générations
ont. poli les fragments de céramique pour réaliser des
bénéfices sur la vente du métal précieux. Ce sont vrai-
semblablement ces fragments de céramique qui ont perdu au
cours des âges un ou plusieurs grammes qui ont servi aux
XVIIIe et XIXe siècles de modèle à la confection des poids
en vieilles ferrailles ou en cuivreries.
Kong
dut commencer à utiliser les poids en
céramique probablement dès le XVe siècle ; mais à la suite
de la lutte contre les fraudes sur le métal précieux lan-
cée.par Seku Watara,
l'emploi des poids en céramique fit
place de plus en plus au système métallique.
Les recherches archéologiques en cours apporteront
certainement dans les années à venir des éléments nouveaux.
DEUXIËME
PARTIE
KONG SOUS LE REGNE DE SEKU WATARA 1710-1745
CHAPITRE
l
LA FOR~1ATION DU KPm'l-GENE
I. LE PERSONNAGE DE SEKU WATARA " " " " ". " " • " " " ". 348
A. LE PORTRAIT DE SEKU WATARA . . . . . • . . . • • . . . • . . . . . • .
348
1. Un problème de chronologie
348
2. Les débuts de Seku Watra . . . . . . . . • . • • . . . . . . . . .
351
B. SEKU WATARAET LA PACIFICATION DE DE LA
REGION DE KONG . . • . . . . . • . . . . . . . . . • . . . • . . . . . . . . • . .
365
1. Seku Watara et l'Armée . • . . . . . • • . . . . . • . • . . . . • •
365
2. Seku Watara et les derniers foyers de
résistances
372
a - La guerre contre Nabé-Syè . • • . . . . . . . . . . . • •
372
b - La guerre contre le Komono . . . • . • . . • . . • . . •
375
II.
SEKU WATARA A LA caNQuETE DES VOIES CARAVANIËRES .. 379
A. LES CAMPAGNES DU NORD . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . .
379
1. Les campagnes du Lobi
380
2. Les premières guerres dans la région de
Bobo-Dioulasso et du Kénédugu . . . . . . . . . . • . . . .
382
a - L'affaire de Bua
383
b - L'affaire de Tyèmogoba
384
3. L'administration des provinces du Nord
385
a - Les pays lobi
385
b - Les pays bobo
386
B.
LES CAMPAGNES DU SUD
387
1. Les contacts avec l'Anno et le Gyaman
387
2. Les premières guerres ashanti dans le Gyaman • 390
a -
Version de Pigneba
390
b - Version de Bamadou
391
III.
L'ORGANISATION DU ROYAUME DE KONG ••.•...•..•.•• 394
A.
LA CREATION DU KPON-GENE ••••••••••••••••••.•.
394
1. Le souverain
396
a - Son titre
396
b -
Les insignes du pouvoir •.•.•••••••.•..
397
1°/ Le, Sinzébu
398
2°/ Le Dyondyon
403
B. L '·ADMINISTRATION ...•.•.••••••••••.•••••.•••••
404
1. Les attributions du roi -
Les audiences •.•
404
2. Les serviteurs du roi
. . . . . • • • • . • . • . • . . • . . . 408
a - Les serviteurs agricoles • • . . . . • • . . . • . .
4Ca
b - Les Bambadyon . . . . . . . . • . . • • • . . . . . . . . . . .
409
c -
Les Dyuladyon . . . . . . . . . . • • • • . . • . . . . . . . •
410
(:1 -
Les Finminabagari . . . . • • . . . • . • . . . . . . . . .
411
c - Les Kéréni
412
3. Seku et les conseils . . . . . . • . • . . . . . . . • . . . . .
416
a -
Le Dugutigiya . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . .
416
b - Le Dyèma ou la grande assemblée de
K on g . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . • . . . • . . . . . . . . .
42 1
c -
Seku et le Barola
424
4. Seku Watara et les gouverneurs de
provinces
427
CHAPITRE II : LA FORMATION DE L'EMPIRE DE KONG 1735-1750
IlLE S CRI SES
1
1
• • • •
1
1
1
1
1
1
1
1
•
•
1
1
•
1
• •
1
1
•
1
1
1
1
1
l
,
1
• • •
1
1
•
1
1
4 30
A. LES CAUSES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . .
430
1. La question des chevaux
432
2. L'insécurité à nouveau sur les axes du Nord ..
434
3. Les rivalités entre Seku et Famaghan
435
a - Farnaghan •.........•.•.•...••...•••.•..•. 43-6
b -
Bamba • . • • • • . . . . • . • . . . . . • • • • • • . • • . . . . • . . .
439
B. SEKU WATARA FACE A LA CRISE •..••••••..••••...•
445
1. Seku règle les successions ••••.•.•.•••...••
445
2. Le départ de Famaghan de Kong . • • • . . . . . . . . . .
448
II. LA MARCHE VERS LA FROMATION D'UN EMPIRE DES
WATARA
~
l '
1
1
1
•
1
•
1
•
•
•
1
•
1
•
1
•
1
1
•
1
1
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1
•
1
•
1
•
•
•
•
1
•
1
•
•
•
1
1
1
4 5 2
A. LA FORMATION DU GWIRIKO . . . . .. .. ... .. . . . . . . . . . . 452
1- La conquête des pays bobo . . .. . .. . . .. . . . . . . . 452
2. Les campagnes de l'est . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . 458
3. Les campagnes de Bua ....................... 459
4. Les campagnes de Kèrè-Mori .. . .. . . . . . . .. . . .. 462
a - Le personnage •......•....•.••.•.••.....
462
b - Les guerres de Kèrè-Mori • • • • . . . • . . . . . . .
464
B. L'EXTENSION DU GWIRIKO • . • . . . . . . • • . . . . • . . • . . . . .
467
1. La marche vers la boucle du Niger • . • . . . . . . •
467
2. Les guerres dans la boucle du Niger . . • . . . . .
472
a - D'après les versions de Bobo-Dioulasso.
474
b - D'après les version de la région de
Kong . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . .
475
3. Le retour de Famaghan . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . •
480
a - D'après les versions watara de Kong . . . .
480
b -
D'après les versions sanon de
Bobo-Dioulasso
482
c - La rrlenace ashanti
483
4. Les Watara attaquent Ségou
484
a - Ségou à la veille de la guerre
contre les Watara
486
b -
Les opérations militaires
488
c. LE GWIRIKO SOUS FAMAGHAN (1735-1750)
500
1. L'administration du Gwiriko
500
2. Les tentatives de dyulalsation du Gwiriko ..
508
3. Les résidences royales de Famaghan
(1735-1750)
513
CHAPITRE III : L'AGRESSION ASHANTI
I,
LA GUERRE CONTRE LE GYAMAN 1111111111111111111111 516
A. LES CAUSES DU CONFLIT • • . . . . . • . . . • • • . . • . • . . . . .
51 6
1. Recherche du butin . • . . . . . . . • • • . . . . . . . . . • . . 516
2. La politique des voies commerciales . . . . . . •
520
B.
LA CHUTE DU GYAMAN
521
1.
r~s prétextes
_
521
a - L'affaire de Bono
(1722-1723)
••...••..
521
b - Les prétentions d'Opoku Waré • . . . . . . . . •
525
c - L'assassinat d'un chercheur d'or • . . . . .
527
2. Les opérations militaires . . . • . . . . . . . . . • . . .
535
II.
LES ASHANTI ATTAQUENT KONG
537
l i t
1
1
1
1
1
1
1
• • •
1
1
1
1
1
1
•
1
A. LES OPERATIONS MILITAIRES . • . . . • • . . . . . • . . . . . .
537
1. Les tentatives de négociations . • . . . . . . . . .
537
2.
Les premières batailles
: la guerre
de Rongola
542
a - Version de Mamadou Labi
545
b - Version de Basièri Ouattara
545
3. La défaite ashanti
: la bataille
d'Irikoro Sirabondo
547
B. LE BILAN DE LA GUERRE
551
1.
Dans le camp watara
551
2. Dans le camp ashanti . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . .
552
3.
Dans le camp abron
555
4.
La chronologie des événements . • . . . . . . . . . .
560
i r ?
CHAP ITRE IV
LA VIE ECONOMIQUE SOUS SEKU WATARA
(1710 - 17L!5)
l,
L'AGRICULTURE , . , " " ' , . , ' , •• " . , " ' , ••••••••• ,"
563
A.
LES PLANTES CULTIVEES
••••••••••••••••••••••••
564
B.
LA VIE AGRAIRE
. . . . . . . • • . . . . . . . . • • . • . • . • • . • . • .
568
II.
LEs RESSOURCES ANIMALES Il 111111111111 111111'.'"
578
A.
LA CHASSE ET LA PECHE
. . . . . • . . . . . . . . . . • . • . . . . .
578
B.
L'ELEVAGE . . . . ...... . .. . .... . . . ..... . . .. . . . . .. 583
1- Les chevaux
583
2. Les bovins
586
3. Les moutons et les caprins ••••••••••••••••
589
4. Les ânes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • • • . . • • . . . . . . . .
590
III ,
LA RICHESSE DU SOUS-SOL ••• ,." •• l , , , , , , , , , 1 •• 1 1 1 592
A.
L'OR DE KONG
. • . . . . • • • . • • • • • • • • • • • • • • • . • • . • . . .
592
1- L'or de Limona
593
2. Les gisements de Samata •••••••••••••••••••
594
3. Les mines d'or de Bugu ••••••••••••••••••••
597
B.
L'OR DE L'ANNO
•••••••••••••••••••••••••••••••
607
c. L'OR DU LOBI ET DE POURA ••••••••••••••••••••. 608
IV 1
LE COMMERCE
'"
1
1
1
• • •
1
• •
,
1
1
1
•
1
1
1
1
1
1
•
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
6 Î 2
A.
LES PRODUITS
• • • • • • • • • • • • • • • . . • • • • • • • • . . . . . . . • ·612
1.
Les noix de kola
•••••••••••••••••••.••.•••
612
2.
Les tissus
•••••••••.•••••••••••••••.••••••
624
3.
Le sel germne
••••••••••••••••••••••••••.•••
6 39
). 0 '/
a - Les salines de Teghazu •..•••.••••..•..•
641
b - Les salines de Taoudéni ••.•••..•••.....
647
4.
Les esclaves
652
V,
L'ORGANISATION COMMERCIALE "" """"""""'"
664
A.
LA POLITIQUE COMMERCIALE
••••••••••••••••••••••
664
1. La question de la sécurité • . . . . • . . . . • . . . • • . 665
2. La suppression des taxes •••...•••....••...• 666
B.
LE SERE OU SHERE
(CARAVANES)
••••••••••••••••••
668
C.
LES AGENTS COMMERC IAUX
••••••••••••••••••••••••
678
1.
Les dyatigi
678
2.
Les dyagotigi
683
3.
Le monde des petits commerçants . • • . . . . • . . .
686
D.
LE MARCHE DE KONG
•••••••••••••••••••••••••••••
690
UNIVERSITt: DE
PROVENCE
U. E. R. 0' HISTOI RE
des origines à 1897
Thèse pour le Doctorat d'Etat
Présentée par
,
Sous la direction de
N. G. KODJO
Monsieur le Professeur, .J. L. MI EGE
TOME III
AIX - EN • PROVENCE 1986
TROISIEME
PARTIE
L'EVOLUTION DE KONG DE
1745 A 1897
704
CHAPITRE 1
LES GRANDS REGNES APRES SEKU WATARA
1745 - 1800
J,
UNE PERIODE DIFFICILE 1745-1750
A. LA SUCCESSION DE SEKU WATARA
L'année 1740 marqua incontestablement l'apogée
de l'Empire des Watara. La victoire de Sofara et celle
d'Irikoro-Sirabondo assurèrent à l'extérieur le prestige
et la renommée de l'Etat dyula de Kong. Et c'est à juste
titre que vers ce milieu du XVIIIe siècle, les watara
considéraient Seku Watara comme le souverain le plus puis-
sant de l'Afrique Occidentale. D'après Dyamila,
"Plusieurs ann~es après la d~faite ashanti à
Kong,
il recevait encore des délégations
venues des quatre coins du monde pour le
féliciter.
Parmi ces dernières, on notait la
présence de chefs d'Etats,
des hommes
d'affaires et de pieux personnages ... "(1).
Grâce à la politique commerciale de Seku Watara
axee sur la sécurité et la suppression des nombreuses
taxes, l'Empire des
y;atara devint un Empire de marchands.
Et Masai Ouattara a probablement raison lorsqu'il dit que
"vers la fin du règne de Seku Watara,
la ville
de Kong était devenue une métropole dyula qui
comptait plus de 20.000 b~bitants les jours
ordinaires et plus du dou0le les jours des
grands marchés" (2) .
(1)
Dyarnila Ouattara,
Yénoro,
le
12-4-1976.
(2)
Masai
Ouattara,
Sikolo,
le
20-4-1976.
705
c'est sur cette toile de fond qu'intervint en 1745 la
mort du prestigieux roi Seku Watara. Cette dernière posa
le problème de sa stlccession.
1.
- La mort de Seku Watara
La date de la mort de Seku Watara nous est connue
grâce à la chronique du Gonja que
nous avons signa-
lée plus haut. Elle eut lieu en l'an 1158 de l'Hégire
soit 1745(1). Le fondateur de l'Empire de Kong mourut ainsi
en. pleine gloire. Tous les Dyula ressentirent, dit-on,
une vive tristesse et pleurèrent longtemps l'homme qui
avait. permis au commerce à longue distance de se développer
dans le pays.
Seku Watara disparu,
les problèmes ne tardèrent
pas à surgir, notamment au niveau de sa succession.
Seku, nous le savons,
avait mis en place un système
de succession qui accordait le pouvoir à l'aîné de ses
enfants ou fa, d'où le titre de Fama que portait le roi
de Kong. Ce système avait été boudé par Famaghan qui se
considérait à juste titre comme le fa de toute la famille
après Seku, conformément à la tradition dyula qui veut que
le frère cadet hérite de son aîné. Mais Seku,
se basant
sur le fait que Tyèba n'avait pas r~gné, avait écarté
Famaghan du trône du Gènè de Kong.
Seku était, semble-t-il, convaincu qu'après sa mort
Son frère ferait la guerre à ses fils pour s'emparer de
l'Empire car il avait efficacement contribué à son édifi-
(1)
I.A.S.A.R/11
Legon,
Accra.
706
cation. Comme il savait que les c~r~monies qui.pr~c~daient
les guerres de succession se d~roulaient g~n~ralement sur
la tombe du d~funt, il avait ordonn~ aux Bambadyon de ne
pas r~v~ler le lieu où se trouvait sa tombe(l). Ceci
e~plique aujourd'hui encore les incertitudes qui.p~sent
sur le lieu exact où se trouverait la tombe du c~l~bre
souverain de Kon~.
Nous avons recueilli trois versions qui tendent à
confirmer que le.secret avait ~t~ bien gard~pour ~viter
les violentes crises de succession. Seku ne voulait pas
que sa tombe devienne un objet de culte.
a)
Version de Basi~ri Ouattara(2)
"
Seku avait peur de Famaghan ; il ~tait
persuad~ qu'apr~s sa mort il chasserait tous
ses fils apr~s avoir effectu~ des sacrifices
sur sa tombe.
Il exigea que les Bambadyon ne
r~y~lent pas aux membres de sa famille le
lieu où il serait enterr~. D'ap~~s les vieux,
lorsqu'il tomba malade il se fit transporter
dans le plus grand secret à T~n~g~ra où il
fut enterr~ apr~s sa mort. Personne à Kong ne
connait l'endroit exact où il a ~t~ inhum~ ... "
b) Version de la cour royale
"Vers la fin de sa vie Seku ne recevait que
quelques rares amis.
Il avait interdit aux
gens de lui rendre visite i
c'~taient les
Bambadyon qui pratiquement gouvernaient à sa
place. La population n'a appris la mort de
Seku qu'apr~s l'intronisatlon de son fils
Samanogo. On ignore le lieu exact.où il a ~t~
enterr~ i ceci a ~vit~ à nos grands parents
des guerres fratricides.
Seku ne voulait pas
(1)
Ces
infor~ations nous ont été fournies le 19-8-1977 à
Abidjan par
Basièri
Ouattara qui
joua un
grand
rôle en
1954 dans_la mise en place du
chef de
Canton Basidi
Ouattara
(1954-1960).
(2)
Basièri
Ouattara;
Abidjan,
le
23-11-1978.
707
que les membres de sa famille profanent sa
tombe. Cette dernière se trou~e peut-@t~e
à Kong" ( 1 ) •
c)
Version des traditions de Nafana
"D'après nos vieux, le père de Seku Watara
avait été enterré à Ténégéra, mais Seku
Watara lui m@me fut enterré à Nafana. Seku
avait en effet ici un ami du nom de Késé-
Maghan en qui· il avait une très grande con-
fiance(2).
Lorsqu'il sentit qu'il allait
mourir, les Dyuladyon
firent semblant de
le conduire la nuit à Ténégéra, mais en
réalité il fut transporté chez son ami de
Nafana. Seku ne vouiait pas que son frère
découvre sa tombe pour ia profaner. De ce
fait les hommes de Seku ne savent pas où se
trouve
la tombe de leur anc@tre. Seku a
réussi ainsi à éviter les querelles intes-
tines .•. "(3).
En 1975, après la "Table ronde sur les origines,
de Kong" Mamadou Saganogo Labi nous a montré une tombe à
l'entrée de Nafana qu'il a présentée comme étant celle du
souverain de Kong(4). Nous émettons beaucoup de réserves
sur les propos de Labi qui n'o~pas été confirmés par les
enqu@tes que nous avons effectuées en 1976 auprès des nota-
bles du village.
Il n'est pas invraisemblable que Seku
ait été enterré à Nafana, mais sa tombe a été sans aucun
doute gardée secrète. Le dugutigi de Nafana, Bamori Bayi-
koro, nous a dit
(1)
Karamoko
Ouattara,
le
12-3-1975.
(2)
D'apr~s des engu~tes gue nous avons eff~ctu~es en no-
vembre
1975
à Nafana l'ami
de
Seku
dont
on
parle
ici
l'aurait
aid~ à prendre le pouvoir en 1710.
(3)
Bamori
Bayikoro,
Nafana,
le
20-3-1974.
(4)
Cette mission
à
Nafana
s'inscrivait
dans
les
visites
gue
Labi
organisa
en
vue
de
pr~senter la région de Kong
aux
participants de
la
table
ronde.
708
"que les efforts que les Seku-mogo
(les des-
cendants de Seku) ont d~ploy~ jusqu'ici pour
d~couvrir la tombe de leur ancêtre n'ont
jamiis ~t~ couronn~s de succ~s"(1).
Seku disparut ainsi en 1745. Il laissait à ses enfants
un Empire immense qui s'~tendait des forêts riches en noix
de kola et en or des pays anno et abron à la boucle du Niger.
Nous savons en effet que les watara
"s'empar~rent notamment de Bangasi ("Bankashi"),
dans le Bendougou qui fut effectivement la
limite nord-occidentale de l'extension du
royaume de Kong du vivant de Seku Watara" (2) .
Bangasi est situ~e à une vingtaine de kilom~tres à l'est de
Dienn~. La domination des Watara s'~tablit au nord sur
Kounbaka
(le Komba du Tedzkiret)
à une dizaine de kilom~tres
de Bangasi. Au nord le front watara se stabilisa à Sofara
non loin de Konba. Toutes ces conquêtes allaient poser aux
successeurs de Seku Watara des probl~mes d'organisation et
d'administration. Longtemps apr~s la disparition de cet
homme exceptionnel, on continua de parler de lui a l'ext~
rieur et de lui ~crire des lettres car sa renomm~e avait
franchi
les limites Kpon-G~n~
. L'une des particularit~s
de l'Empire des Katara c'est qu'il ~tait construit essentiel-
lement autour des axes commerciaux nord-sud s'~tirant ainsi
sur pres de 800 kilom~tres. Sa survie d~pendait ainsi de la
vitalit~ des voies commerciales.
2.
- Le regne de Samanogo
(1745-1747) (3)
(1)
Bamori
Bayikoro,
Nafana,
le
20-3-1974
(2)
M.
Abitbol,
op.
c i t . ,
p.132.
(3)
Curieusement
les
traditionalistes de
Bobo-Dioulasso ne
mentionnent
pas
son
règne
et
considèrent
que
le
succes-
seur
de
Seku
fut
Kumbi.
709
La mort de Seku Watara permit à l'aîné des fils
du défunt, Samanogo d'accéder au pouvoir.
Il eut un règne
bref et mouvementé. D'après les traditionalistes de Kong(1),
il occ~pa le trône pendant trois ans et mourut jeune (1745 -
ca.
1747). L'ensemble des sources orales que nous avons
recueillies insistent particulièrement sur ces deux derniers
faits, et l'on peut se demander s ' i l n'a pas été assassiné.
Sarnanogo apparaît en effet dans les sources orales comme
quelqu'un qui respirait la santé et qui avait la force et
l'appétit d'un éléphant, d'où le surnom de Samanogo
(la
panse d'éléphant). Cette hypothèse pourrait expliquer sa
subite disparition
de la scène politique après trois ans
de règne. Nous savons par ailleurs qu'il n'a livré aucune
guerre. La plupart des traditionalistes que nous avons
interrogés s'accordent à dire qu'il avait à peine une quaran-
taine d'années,
"lorsqu'on le trouva mort dans son lit"(2).
Dès son avènement il s'attira la colère des musul-
mans de l'Empire. Après la mort de son père en effet,
il
"décida de faire des funérailles exception-
nelles en l'honneur de son père et d'humilier
par la même occasion certains musulmans qu'il
détestait.
Il fit tuer des boeufs, des cabris,
des ânes, des poulets et des animaux sauvages.
Il fit tuer aussi des vautours
:
il coupa la
tête et les pattes de ces derniers afin de ne
pas éveiller l'attention des Dyula.
Il organi-
Sa
un grand festin et invita tous les notables
musulmans au repas. Lorsqu'ils apprirent par
la suite qu'ils avaient mangé des vautours,
ils
(l)
D'après
une
tradition
recueillie
à Bilimono en
1975,
au-
près
du
notable
Ousmane
Diabaté,
Kumbi
reçu
au
début
de
son
règne des
envoyés
d'un
éhef
de
Begho,
Mustafa
Abas,
"une
lettre d'amitié
et
des
présents".
(2)
Basièri
Ouattara,
Kong,
le
10-8-1977.
Labi
est
l'un
des
rares
informateurs
à avoir dit que Samanogo "prit le pou-
voir
à
l'âge
de
44
a n s :
i l
mourut
jeune,
i l
avait
47
ans".
Labi
Bouaké,
Abidjan,
j u i l l e t
1974.
710
le maudirent et firent contre lui le
borokofatia qui le tua"(1).
Comment comprendre le geste de Samanogo ? Nous
pouvons émettre deux hypothèses.
Premièrement, on peut
considérer le nouveau roi de Kong comme un dyugan
(un idiot,
un inconscient)
comme le soulignent les traditionalistes.
Dans ce cas il fallait absolument mettre un terme au règne
de Samanogo afin de l'empêcher de mettre en péril l'édifice
politique et commercial construit par Seku. L'avènement
de ce prince à la tête du Kpon-Gènè créa ainsi des remous
·dans les milieux dyula.
Il n'est. pas impossible que les
Dyula aient songé alors à faire appel à Famaghan. Deuxième-
ment, on p~ut .supposer que Samanogo était hostile au milieu
musulman et qu'il voulait prendre le contre-pied de la
politique de son père.
Il aurait ainsi commencé son règne
en s'attaquant au parti musulman. Quoiqu'il en soit,
il ne
bénéficia pas pour gouverner de l'appui des négociants et
des musulmans.
Outre le parti masulman, Samanogo se heurta aussi
à l'opposition de ses frères groupés autour de Kumbi et de
Mori Maghari, le grand vainqueur des Ashanti. D'après les
sources orales, ces derniers, avec le concours des marabouts
du pays, le rendirent idiot.
Pour lui ôter le pouvoir de
gouverner,
ils auraient pris tout l'or que leur père lui
avait laissé. Voici comment les traditionalistes rapportent
ce dernier fait
:
"Les marabouts par la puissance de leur magie
s'était emparés de l'esprit de Samanogo ;
ils
avaient jeté un fétiche sur le toit de la
maison de ce dernier si bien que la nuit, le
(1)
Basièri
Ouattara,
Kong,
le
10-11-1978.
Le
borokofatia
(le
fatia
du
revers
de
la
main).
I l
s ' a g i r a i t
en
fait
d'une
prière destinée
à attirer
la
malédiction
sur
un
individu.
711
roi rêvait et voyait des génies qui lui con-
seillaient de semer son or dans un champ afin
qu'il se multiplie. A force d'entendre les
génies,
il demanda à .ses fr~res de préparer
un champ et de faire des buttes ; il sema tout
sen or~ Le lendemain. nuit ses fr~res allèrent
en cachette, déterrer l'or e t le partag~rent
entre eux. Un an après Samanogo retourna sur les
lieux four
la récolte, mais il trouva le champ
vide.
Il mourut pauvre, abandonné par tous ses
f~res ... " (1).
Cette anecdote illustre en réalité les difficultés
politiques et financi~res auxquelles se heurta le nouveau
souverain de Kong. Elle démontre aussi le rôle important
joué par les Dyula pour mettre fin au r~gne de Samanogo,
hai et détesté de tous.
Il est hors de doute que si Famaghan
était intervenu à cette date à Kong il aurait pris le pouvoir
avec
l'appui des Dyula. Malheureusement, Famaghan se
trouvait dans le Haut-Niger au moment où Seku mourait. Nous
pouvons retracer rapidement l'itinéraire de Famaghan entre
1740 et 1747. En effet, apr~s la victoire de Sofara, Famaghan
arriva à Bobo-Dioulasso pour régler l'affaire Molo. Son
arrivée dans la capitale du Gwiriko coïncide avec la guerre
ashanti. Nous
savons , d'apr~s les sources orales de
Sungaradaga et de Kotédougou, qu'il demeura à Sya jusqu'à
la fin des hostilités puisqu'il envoya des chevaux, des
esclaves et de riches présents à' son fr~re pour le félici ter
de sa victoire contre les Ashanti. Seku aurait accueilli ces
cadeaux avec joie, mais il reprocha à son fr~re de n'avoir
pas répondu suffisamment tôt à son appel(2). Apr~s cet inci-
dent, des marabouts de Kong et de Bobo-Dioulasso auraient
~
reconcilié Famaghan avec son fr~re. Quelques années plus
tard, Famaghan fut obligé de partir pour le Haut-Niger à la
conquête du Vieux Manding et des territoires du Fuladugu. On
(1)
Basièri
Ouattara,
Abidjan,
le
20-11-1978,
dossier
VII.
(2)
Soma
Ali,
Sungaradaga,
le
28-3-1979,
dossier
XVII.
Voir
Aboudaramane
Diané,
Kotédougou,
le
3-3-1979.
1
•
712
peut affirmer qu'au moment de ce nouveau départ Seku n'était
pas mort, sinon Famaghan ne serait pas parti. c'est donc à
la fin de la guerre des sept ans contre Segou et les Fula
que Farnaghan apprit la mort de son frère aîné, c'est-à-dire
en 1747 au début du règne du deuxième fils de Seku, Kumbi.
On avait donc soigneusement caché la mort de Seku Watara à
Famaghan qui, à son retour,
fut surpris de trouver à la
tête de l'Etat son neveu Kumbi. Ainsi débuta l'un des con-
flits les plus importants de l'histoire de Kong, conflit
qui devait aboutir à la
scissionde l'Empire des Watara en
deux blocs.
B.
KUMBI ET FAMAGHAN
(1747-1750)
1.
- La diplomatie de Kumbi
Les récit~que nous avons recueillis à propos des
rapports entre Famaghan et Kumbi après la mort de Seku sont
souvent contradictoires et confus. Signalons quelques unes
des informations courantes qui circulent à Kong
:
a)
Version de la cour royale
"Lorsque Seku mourut Famaghan voulut hériter
de son frère, mais les fils de Seku lui
demandèrent s ' i l avait déjà oublié ce qui
s'était passé à la mort de Dyoridyan. Mori
Maghari lui demanda "qu'as-tu fait quand ton
frère a donné l'héritage de Dyoridyan à Suma-
ulé ?" "Rien,
répondit, Famaghan".
"Eh
bien\\nous aussi nous héritons des biens de
notre père. Telle est à mon avis la cause du
conflit qui opposa Famaghan aux fils de Seku.
Ce jour là, Famaghan était seul.
Il ne pouvait
pas lutter contre les fils de Seku qui étaient
nombreux et armés. Alors,
furieux,
il quitta
Kong pour s'installer à Bobo, où il fonda son
propre Royaume.
Il jura de ne plus jamais
713
mettre les pieds à Kong. Voici ce que les
vieux m'ont dit à ce sujet"(1}.
Ce texte appelle quelques remarques: premièrement,
il suppose que Famaghan était à Kong au moment où Seku
mourait. Ce fait, nous l'avons vu, est inexact. Deuxièmement,
il situe la fondation du Gwiriko après la mort de Seku, ce
qui est aussi une erreur. En fait,
le départ de Famaghan
dont i l est question ici est antérieur à la mort de Seku,
et 1date de l'année 1735.
b}
Version de Nasyan
"
Famaghan était à Bobo lors de la mort de
Seku. Lorsqu'il apprit cette nouvelle,
il
envoya une délégation à Kong pour annoncer son
arrivée et son intention d'organiser les
funérailles de son frère.
Dès que les fils de
Seku apprirent cette nouvelle,
ils organisèrent
des manifestations d'hostilité à son endroit
le jour où Famaghan arriva à Kong,
il fut ac-
cueilli en plein jour avec des torches allumées
il comprit que les fils de Seku ne voulaient
pas lui donner l'héritage de son frère.
Il
entra dans une violente colère et jura de ne
plus jamais venir à Kong" (2).
La plupart des traditionalistes de la région de
Kong relatent l'une ou l'autre de ces deux versions. A les
entendre, on serait tenté de croire que Famaghan était venu
subir une humiliation à Kong auprès de ses neveux. Voyons
ce que contiennent les traditions de Bobo-Dioulasso ; voici
ce qu'écrit Dominique Traoré:
"Entre temps, Sékou Ouattara mourut.
Son cadet,
Famaghan Ouattara se rendit à Kong pour y
procéder aux funérailles d'usage. Cette forma-
(1)
Karamoko
Ouattara,
(chef
de
Canton),
Kong
le
24-4-1975.
(2)
Bamadou
Ouattara,
Nasyan
le
21-4-1975.
714
lité accomplie, Famaghan s'empara des insignes
royaux et reprit le chemin du pays Bobo, aban-
donnant l'Etat de Kong à son neveu Kombi
Ouattara, le fils du défunt roi Sékou Ouattara.
Tombé malade au cours du voyage de retour,
Famaghan mourut à Gona
(Bouna . . . "(1).
Quatre grands points se dégagent du récit de
Dominique Traoré :
1°/ - Famaghan serait venu à Kong pour célébrer les
funérailles de son aîné Seku Watara. Cette idée a été
catégoriquement démentie par les récentes enquêtes que nous
avons effectuées dans la région de Bobo-Dioulasso et selon
lesquelles Famaghan organisa les funérailles de son frère
à Bobo-Dioulasso et Kumbi aurait été associé à ces der-
nières(2). D'après Dalignan et Pigneba Ouattara, depuis
son départ de Kong Famaghan n'aurai t jamais IT'.is les pieds dans la
c~pitale des Watara(3).
2°/ - Famaghan se serait emparé des insignes royaux.
Ce dernier fait n'est pas entièrement faux et nous aurons
l'occasion de revenir sur ce point.
3°/ - Famaghan aurait abandonné l'Etat de Kong à
son neveu.
1-
4°/ - Famaghan serait mort lors de son voyage de
retour. Grâce à la chronique du Gonja, nous connaissons
aujourd'hui la date de la mort du frère de Seku Watara,
qui se situe en 1163
(1750) (4). Que s'était-il passé exac-
(1)
D.
Traoré,
1937,
p.60.
(2)
Voir
Kongodé
Ouattara
(Kotédougou
le
23-2-1979).
Nous
avons
eu
des
échos
de
ce
r é c i t
auprès
de
Bourairna
Sanou
(Bobo,
le
26-2-1979).
(3)
Dalignan
Ouattara
(Bobo-,
le
4-3-1979)
et
Pigneba
Ouat-
tara,
(Ouangolodougou
le
18-8-1974).
(4)
LA.S.A.R/11,
folio
13.
715
tement entre 1747, début du règne de Kumbi, et 1750 date
de la mort de Famaghan ?
Une certitude se dégage de l'ensemble des traditions
que nous avons recueillies aussi bien à Kong qu'à Bobo-
Dioulasso, c'est l'absence de conflit armé entre Kumbi et
son oncle. Ceci nous amène à prendre en consideration
l'~pinion de Dominique Traoré selon laquelle Famaghan aurait
confié l'Etat de Kong à Kumbi. Ce dernier lorsqu'il reçut
le Sinzébu.après la mort de Samanogo, n'a certainement pas
cherché à croiser le fer avec son oncle.
Il aurait, au
contraire, reconnu l'autorité suprême de son oncle qui se
serait alors présenté comme le véritable Fama de tous les
gènè de Kong. Dans ces conditions, Kumbi dut lui donner
son drapeau de guerre, le reconnaissant ainsi comme le
défenseur et le maître de son Gènè. Cette hypothèse trouve
une confirmation dans les sources orales de Kong qui accu-
sent aujourd'hui Famaghan d'avoir volé le drapeau de guerre
des h3tara de Kong(1), ce que contestent d'ailleurs des
traditionalistes de Bobo-Dioulasso(2). Dans les traditions
de Kong, nous avons un fait qui plaide en faveur de notre
hypothèse. A Kong en effet, on reconnaît que Kumbi,
lors
de sa guerre contre Dangban Koroko,
fit a~pel à Famaghan
et que ce dernier vola au secours de son neveu. Ceci suppose,
d'une part qu'il existait une bonne entente entre les deux
hommes et, d'autre part, que Famaghan était venu pour accom-
plir son devoir de Fama vis-à-vis de son neveu et non pour
voler un drapeau, comme le laissent entendre les traditions
(1)
Basièri
Ouattara,
(Kong,
le
10-'8-1977).
Karamoko
Ouattara,
(Kong,
le
15-3-1976).
Mamadou
Labi,
(Kong,
le
9-7-1977) •••
(2)
La
plupart
des
watarà de
Bobo-Dioulasso
que
nous
avons
interrogés
ont
démenti
catégoriquement
les
versions
de
Kong
au
sujet
du
vol
ge
drapeau
commis
par
Famaghan.
Voir
en ,particulier
Soma
Ali.
Ouattara
(Bobo-Dioulasso,
le
3-3-1979).
716
de Kong(1). Nous pensons qu'il a reçu ce dr?peau des mains
de Kumbi qui voulait voir régner la paix au sein de l'Empire.
On comprend très mal l'hostilité des traditionalistes de
Kong à l'égard de Famaghan que l'on considère comme quel-
qu'un qui a usurpé le titre de Fama après la mort de Seku.
Il ne faut cependant. pas conclure, comme l'a fait Dominique
Traoré, que Famaghan s'était emparé de tous les insignes
royaux.
La politique souple de Kumbi à l'égard de son oncle
évita aux Watara des guerres fratricides.
Les deux hommes
vont conjuguer leurs efforts pour faire face
aux guerres de
conquête de Dangban
Koroko.
2.
- La guerre contre Dangban Koroko
a)
Les origines de la guerre
Le démantèlement du Gyaman, l'allié de Kong, par les
forces ashanti en 1740 et la mort en 1745 du grand souverain
de Kong, Seku Watara,
allaient permettre à un certain nombre
de. princes de tenter de s'affranchir de la tutelle des
Watara. L'un des princes qui le premier donna l'exemple de
la révolte fut Dangban Koroko du Dyamala. Cet homme, dit-
on, était parvenu à la tête de ce pays peu de temps après
la mort de Seku Watara. Comme les princes de Kong,
il était
aussi d'origine mandé. Sa famille se serait enrichie dans
le commerce des noix de kola dans la région du Korodugu
(Séguéla)
avant de s'établir dans le Dyamala où naquit notre
personnage.
D'après certaines traditions que nous avons
recueillies à Kolon,
il s~rait né peu après l'avènement de
Seku Watara
(1710) (2).
(1)
L'un
des
défenseurs
les
plus
importants
de
cette
thèse
est
Basièri
OUattara.
(2)
Fisiri
Ouattara,
le
25-3-1976.
717
Après la mort de Seku Watara, i l décida de se
libérer du joug des Watara et de se tailler un immense
Empire. Il se dota d'une puissante armée et choisit comme
c~pita1e Satama-Sokoro. Ce choix montre clairement qu'il
voulait s~assurer le contrôle des routes de l'or et des noix
de kola de l'Anno et du Mango.
C'est dans ce contexte que les traditionalistes de
Kong situent les guerres de Dangban Koroko contre l'Etat
dyu1a de Kong.
b)
Le déroulement des hostilités
D'après les traditions que nous avons recueillies
à Kong, voici comment se déroulèrent les opérations
militaires.
Dangban Koroko ayant soumis le Dyama1a et l'Anno,
lança ses troupes contre l'Empire de Kong.
Les premiers
combats eurent lieu dans le Dyimini et se terminèrent à
l'avantage de Dangban Koroko. Kumbi et ses alliés abron se
r~p1ièrent vers la ville de Kong. Redoutant le prince du
Dyamala, Kumbi lança un appel à son oncle Famaghan. Le choc
décisif eut lieu entre Dyangbanaso et Ténégéra, non loin de
Kong. Après une douzaine de jours de combats indécis, Kumbi
vainquit son ennemi. Ce dernier se réfugia à Bouna avec le
reste de ses troupes. Kumbi et ses alliés se lancèrent à sa
poursuite. A Ba1a-Bo10 l'armée de Kong rencontra Famaghan
venu à son secours(l). Ensemble ils arrivèrent devant la
ville de Bouna,
sommèrent le souverain du pays,
le mansa
Tigiba, de leur livrer le fugitif, mais i~ reufsa car,dit-on,
(1)
Bala-Bolo était situé
sur
la
rive droite
de
la Comoé.
Voir
à ce sujet Bernus,
1960,
p.261.
718
Dangban Koroko, avec la complicité d'une femme de Bouna,
avait réussi à pénétrer dans la case sacrée des cultes des
anc@tres(1). La guerre éclata alors entre les alli~s et les
gens de Bouna. Avant les combats, précisent les traditions
de Kong, Famaghan qui prétendait prendre le commandement
des troupes de Kong réclama le drapeau de Seku Watara. Mais
une fois en possession du drapeau,
il l'expédia la-nuit
m@me à Bobo-Dioulasso (2) • Kumbi attaqua Tigiba et Dangban
Koroko le lendemain matin.
Après trois jours de durs combats, le roi de Bouna
fut vaincu et tué. Dangban Koroko réussit encore une fois
à.prendre la fuite. Une dernière bataille eut lieu dans le
Mango, et Dangban Koroko fut encore défait. Traqué,
il tenta
de se réfugier dans le Dyimini mais il fut capturé par un
roi de ce. pays et remis à Kumbi qui lui trancha la t@te.
Ainsi se termina l'aventure de Dangban Koroko.
Famaghan, au
moment du retour du Mango, tomba malade,
il mourut, selon
les uns à Bala-Bolo, selon les autres à Bouna(3).
Les sources écrites du Gonja nous donnent de pré-
cieux renseignements sur les guerres que Dangban Koroko
livra contre Kong et les gens de Bondoukou. Les auteurs de
la chronique du Gonja relatent les faits suivants:
(1)
D'après
les
traditions
de
Kong,
Tigiba
aurait
signifié
son
refus
en
disant
"Koroko
est
entre
ma
t i t e
et
mon
cou".
Il
f a l l a i t
donc
trancher
la
tête
du
roi
de
Bouna
pour
avoir
le
fugitif.
(2)
Nous,ne
partageons
pas
cette
version
g~i
tendrait
à
jeter
du
discrédit
sur
le
Fama de
BobO-Dioulasso.
(3)
D'après
Bernus,
op.
c i t . ,
p.261,
Famaghan
mourut
d'une
hernie
à
Bala-BolO e~ut enterré à Gawi.
Pour
D.
Traoré,
i l
serait
mort
à Bouna.
Cette
dernière
opinion
est
lar-
gement
partagée
par
la
plupart
des
traditionalistes
que
nous
avons
interrogés.
rI est possible cependant qu'il
ait
été
enterré
à
Gawi.
719
"
En l'an 1162
(1749)
une guerre eut lieu
entre Dunghu Ghurwu et les habitants de Ghun'u
(Kong) (1). Ces derniers furent défaitsà cause d'une
trahison. Une deusième bataille eut lieu éga-
lement entre Kufi Sunu, Gurwu
(Koroko)
et les
habitants du Manghu
(Mango). Ghurwu fut vaincu
grâce à Dieu en Dhu-I-Hidja
(novembre-décembre
1749)
et se sauva vers son.pays"(2).
On l i t un peu
plus loin.
"Les gens de Ghun'u le suivirent à Ghuna
(Bouna)
avec Kufi Sunu. Lorsque Da'a Ghurwu
(Dangban Koroko)
voulut instaurer la paix
entre eux,
il ne réussit pas et c'est alors
qu 1 ils s'entretuèrent. Le roi du Ghuna fut
alors assassiné, que Dieu le maudisse et le
destine à l'enfer. Son frère et son armée
périrent égal~~ent, de m@me que le neveu de
Dang Ghurwa. Ce fut une rude bataille. Dang
Ghurwa s'enfuit vers sa propre ville(3). Ceci
se produisit au mois de· Ramadan
(août)"(4).
Grâce à la chronique du Gonja nous savons aujour-
d'hui que les guerres que Dangban Koroko livra contre Kong
se déroulèrent entre novembre-décembre 1749 et août 1750.
La présence des troupes du Mango dans l'armée de Dangban Ko-
roko montre que le roi du Dyamala s'était rendu maître du
Mango, comme le mentionnent les sources orales signalées
plus haut. Pour ces guerres,
la chronique du Gonja et les
sources orales de Kong précisent que les watara ont bénéfi-
cié de l'appui de Kofi Sono qui après son intronisation en
1740 était resté sept ans dans la c~pitale des watara(5).
Cette guerre lui permit de se méfaire d'un voisin gênant et
de punir les autorités de Bouna qui refusaient de restituer
( l j
Nous
avons
vu
que
Ghun
ou
Kun
désigne
la métropole dyula
de
Kong.
Voir
Singer,
op.
c i t . ,
p.294.
(2)
I.A.S.A.R./12,
folio
21.
Dans
les
autres
manuscrits
Ghun'u
est
remplacé
par
Ghur
que
l'on
a
tendance
à
iden-
t i f i e r
à
Gutugu.
Voir
à ce sujet
la version
donnée
par
Terray,
1984,
p.844.
(3)
Il
s'agirait de
sa capitale
Satama-Sokoro
(Prikro).
(4)
I.A.S.A.R/12,
folio
22.
(5)
Tauxier,
1921,
p.91
voir
Terray,
1984,
p.841.
720
les veuves d'Abo Miri qui, après le désastre de 1740,
avaient trouvé asile auprès du mansa de Bouna(l). D'après
Terray, le souverain de Bouna qui succomba en 1750 s'ap-
.pellerait Kungan,
il s'appuie pour cela sur les travaux
de Jean-Louis Boutillier(2). Ceci est en contradiction
avec les sources orales de Kong que nous avons signalées
et qui donnent au roi de Bouna le nom de Tigiba qui est
confirmé par un manuscrit intitulé Isnald al Sudan qui se
trouve à Legon, à l'Institut d'Etudes Africaines;
il
précise que le mansa de Bouna s'appelait Tigihimba(3). Ce
document étant rédigé en très mauvais arabe, nous pensons
qu'il s'agit d'une transcription défectueuse du nom Tigiba
ceci tendrait à confirmer la version de Kong.
Il n'est pas
invraisemblable que Kungan ait été connu à l'extérieur sous
le nom de Tigiba.
La mort de Famaghan serait ainsi intervenue au
cours de ces guerres. Avait-elle un rapport avec les opé-
rations militaires? Non, disent les sources orales de
Kong.
Pour ces dernières Famaghan serait mort de maladie.
Bernus précise même qu'il
"mourut d'une hernie à Bala-Bolo" (4) .
D'après la chronique du Gonja, Famaghan aurait été tué(S).
Quoi qu'il en soit,
il mourut au moment des guerres que
Kong livrait contre Dangban Koroko.
La disparition de
Famaghan, le fondateur du Gwiriko,
fit de Kumbi le grand
(1)
Terray,
1984,
p.845.
(2)
Terray,
1984,
p.846-847.
(3)
l.A.S.A.R/79.
Nous
ne
pensons
pas
que
le
Tigiba de
nos
documents
soit
celui
signalé
par
Labouret
(voir
Labouret,
1954,
p.27),
son
règne
est
trop
tardif.
(4)
Bernus,
1960,
p.261.
(5)
D'après
la copie
l.A.SAR/11,
Folio
13,
de
la
chronique
du
Gonja,
Famaghan
"le
frère
du
Shaykh"
aurait
été
"tué"
en
1163
de
l'Hégire
soit
1750.
723
Le guet-apens dont parle Dominique Traoré est
catégoriquement démenti à Kong par les. princes watara. Le
chef actuel des ~atara de Kong pense qu'il ne faut pas
accorder de crédit à ce récit(l).
Ce qui paraît certain c'est que Kumbi a échoué
dans sa tentative de se réconcilier avec ses cousins afin
d'unifier comme dans le passé le Gwiriko au Kpon-Gènè.
Cet échec va avoir de graves conséquences sur l'avenir du
Gwiriko dont l'unité reposait sur le pouvoir central
exercé par les rois de Kong. La rupture de Tyèba avec Kumbi
rendit difficile le contrôle des chefs de la région de
BobO-Dioulasso ;
"ceux-ci devenus relativement puissants,tentè-
rent de s'affranchir de l'autorité des Watara
du Gwiriko et devinrent des véritables maîtres
sur les territoires confiés à leur garde"(2).
Ainsi commença à partir de 1750, le morcellement des états
du Gwiriko. Ceci aggrava le perpétuel
état d'agitation qui
y régnait, même à l'époque de Famaghan.
"Ce qui expliqbe les très fréquentes tournées
de police auxquelles tous les souverains qui
se sont succédés sur le trône du royaume Man-
dingue de Bobo
ont été astreints afin de
maintenir les différentes peuplades de ce
fragile Etat en respect" (3) .
Politiquement l'Empire de Kong était divisé en deux, le
nord avec Tyèba et le sud avec Kumbi.
(1)
Le
chef
de
canton
actuel
Karamoko
Ouattara,
enquêtes
réalisées
à
Kong
en
mars
et
en
avril
1977
à
Kong.
(2)
o. Traoré, op. cit., p.60.
(3)
Ibidem.
724
1l,
LE REGNE DE KtJMBI WATARA (CA 1747- CA 1770)
A.
LA CHRONOLOGIE DES REGNES DES
SUCCESSEURS DE SEKU WATARA
Avant
d'aborder l'oeuvre de Kumbi, essayons d'éta-
blir une chronologie
pour les successeurs de Seku Watara
afin de mieux suivre l'évolution de l'histoire des nyula
de Kong.
Pour le règne de Seku Watara, nous avons bénéficié
des .repères chronologiques fournis par la chronique du
Gonja et le Tedzkiret en Nisyan. Pour ce qui va suivre, nous
allons devoir nous contenter essentiellement des sources
orales qui ne nous proposent aucune date mais des durées
de règnes que nous allons examiner. Signalons d'ailleurs
que les documents écrits que nous avons collect~s, soit à
Bobo-Dioulasso, soit dans la région de Kong, n'apportent
à ce sujet aucun ~lément nouveau. Les dates que nous propo-
sons ne sont pas des donn~es absolues. Elles constituent
des répères chronologiques.
1. - La méthode de travail
Au cours de nos recherches nous avons soigneusement
noté toutes les indications que nos informateurs étaient
en mesure de nous fournir à propos des durées de règne. De
1974 à 1979 nous avons interrogé 135 traditionalistes, mais
35 seulement d'entre eux nous ont communiqué des durées
de règne relativement précises. Pour les autres personnes
interrogées,
la réponse était, soit "tel roi a régné pen-
dant longtemps", soit "~el autre est resté très peu de
.
.
.
temps sur le tr8ne".
Sur les 35 informateurs, nous n'en avons retenu que
11 après avoir procédé à de multiples recoupements qui nous
ont permis de constater que la plupart des renseignements
725
recueillis par nos informateurs provenaient essentiellement
de Kawara, de Kolon, de Pongala, de Nasyan, de Limono et
de Kong.
Les durées que nous avons enregistrées ne couvrent
pas toute la période étudiée ; elles ne concernent que 9
"rois sur 18. Présentons ces données dans des tableaux:
N°l SEKU WATARA
1
1
DUREE APPROXIMATIVE
DU REGNE (ANS)
NOM DE
ANNEE DE
LIEU
L'INFORMAtEUR
L'ENQUETE
A.G.
A.R.
ANNEE
GREGORIENNE
ALI OUATTARA
LIMONO
15-2-76
40
38/39
BALE
"
KAWARA
22-4-75
40
38/39
BAMABOU
"
NASYAN
21-4-75
37
35
(1)
BASIERI
"
KONG
26-4-75
40
38/39
BASIRIKORO
KAMAGATE
BILIMONO
26-4-76
40
38
BASORI OUATTARA
LIMONO
18-4-75
40
38/39
BISIRI
"
KOLON
7-4-75
40
38/39
DALIGNAN
"
BOBO
2-3-79
37
35
(2)
DAWABA BAMBA
PONGALA
15-3-76
38
36
KARAMOKO OUATTARA
(chef de Kong)
~ONG
12-3-74
36
34/35
MAMADOU SAGANOGO
~ONG
23-2-74
38/39
1
(1) Bamadou est un Bambadyon
(2) Dalignan est un Bambadyon
726
Durée moyenne = 38 A.H. soit 36 ans. A un an près
nous retrouvons l'hypothèse selon lequelle Seku régna de
1710 à 1745.
1
N°2
SAMANOGO
1
DUREE APPROXI-
ANNEE DE
NATIVE DU REGNE
NOM DE L'INFORMATEUR
LIEU
L'ENQUETE
A.H.
A.G.
BAMADOU OUATTARA
NASYAN
21-4-75
3
2+
BASI:eRt
"
KONG
26-4-75
3
2+
BASIRIKORO KAMAGATE
BILOMONO
23-2-74
3
2+
DAWABA BAMBA OUATTARA
PONGALA
15-3-76
3
2+
KARAMOKO OUATTARA
Kong
12-3-74
3
2+
Durée moyenne = 3. A.H. soit 2 années; ceci
situerait le règne de Samanogo entre 1745 et 1747.
N°3
KUMBI
1
1
DUREE APPROXI-
ANNEE DE
MATIVE DU REGNE
NOM DE L'INFORMATEUR
LIEU
L'ENQUETE
A.H.
A.G.
BAMADOU OUATTARA
NASYAN
21-4-75
24
23
BASIERI
Il
. KONC:
26-4-75
24
23
BASORI
"
LIMONO
18-4-75
24
23
DALIGNAN
"
BOBO
2-3-79
24
23
DAWABA B.
PONGALA
15-3-76
24
23
LABI
KONG
23-2-74
24
23
727
Durée moyenne = 24 A.H. soit 23 années ; ceci
situerait le règne de Kumbi de 1747 à 1770 environ.
N°4 MORI MAGHARI
..
DOREE APPROXlMATI-
ANNEE DE
VE DU REGNE
NOM DE L'INFORMATEUR
LIEU
L'ENQUET:
A.H.
A.G.
ALI OUATTARA
LIMONO
15-2-73
25 ans
24 ans
BAMADOU
"
NASYAN
21-4-75
25 ans
24 ans
BASIERI
"
KONG
26-4-75
25
n
24
"
BASIRIKORO KAMAGATE
BILIMONO
26-4-76
25
H
24
"
BISIRI OUATTARA
KOLON
7-4-75
25
"
24
"
DAWABA BAMBA
PONGALA
15-3-76
25
If
24
"
MAMADOU LABI
Kong
23-2-74
25
"
24
"
D'après ce tableau,
le règne de Mari Maghari aurait
duré 25 ans
(A.H.)
soit environ 24 ans.
1
N°5
SOMAFI
1
DUREE APPROXIMATIVE
NOM DE
ANNEE DE
DU REGNE
L'INFORMATEUR
LIEU
L'ENQUETE
A.H.
A.G.
ALI OUATTARA
LIMONO
15-2-73
1 1
10 ans
BAMADOU-9UATTARA
NASYAN
23-2-74
1 1
10 ans
BASIRI
"
KONG
16-4-75
10
10
"
BASIRIKORO K.
BILIMONO
26-4-76
11
10
"
BASORI
LIMONO
18-4-75
10
9
"
DAWABA B.
PONGALA
15-3-76
10
9
"
-
.
728
En ce qui concerne le ràgne de Somafi, les avis
semblent partagés. Nous obtenons une durée moyenne de 10 à
11 ans (A.H.)
soit de 9 à 10 ans environ. Le règne de
Somafi marque la fin de la lignée des fils de Seku. Nous
proposons une durée de 10 ans.
N°6 ASOROBA
1
1
DUREE APPROXIMATIVE
ANNEE DE
NOM DE
DU REGNE
LIEU
L'INFORMATEUR
~'ENQUET::::
A.H.
A.G.
!
BAMADOU OUATTARA
NASYAN
21-4-75
7 ans
6 ans
1
!
BASIERI OUATTARA
KONG
26-4-75
7
n
7
Il
1
l
BASORI OUATTARA
LIMONO
18-4-75
8
"
6
Il
BISIRI OUATTARA·
KOLON
7-4-75
7
"
6
"
DAWABA B.
PONGALA
15-3-76
8
"
7
•
KARAMOGO OUATTARA
KONG
12-3-74
8
"
7
If
M'AMADOU S.
KONG
13-2-74
6
"
5
n
1
D'après le tableau ci-dessus, Asoroba aurait régné
en moyenne 7 ans
(A.H.)
soit 6 ans environ.
N°7 /
KARAMOGO
Dawa
Durée de règne
inconnue
N°8 /
MORI FAGAMAN
Durée de règne
inconnue
N°g /
SOMAFI BAGI
Durée de règne
inconnue
N°10 /
DYORI
Durée de règne
inconnue
N°11
/
SOTIGI
Durée de règne
inconnue
729
N°12 /
MORI SERE
.
Durée de règne
inconnue
•
N°13 /
LENA
Durée de règne
inconnue
N°14 /
KESEFlMA
Durée de règne
inconnue
N°15 /
BA DUGUTIGI
Durée de règne
inconnue
N°16 /
SANI TYEBA
Durée de règne
inconnue
N°17 /
KARAMOKO USE
Durée de règne
inconnue
1
N° 18 KARAMOKO DARI
1
--
DUREE APPROXIMATIVE
DATE DE
DE REGNE
INFORMATEURS
LIEU
IL 'ENQUETE
A.H.
A.G.
BASIERI
KONG
26-4-75
15
14
BASORI
LIMONO
18-4-75
15
14
BISIRI
KOLON
7-4-75
15
14
DAWABA B.
PONGALA
15-3-76
15
14
KARAMOKO O.
KONG
12-3-74
15
14
MAMADOU S.
KONG
23-2-74
15
14
Karamoko Dari aurait ainsi occupé le trône pendant
15 A.H. soit 14 ans environ.
730
N°19 SOKOLO MORI
DUREE APPROXllIATIVE
DATE DE
DU REGNE
INFORMATEURS
LIEU
L'ENQUETE
A.H.
A.G.
ALI OUATTARA
LIMONO
15-2-75
45 ans
43/44
BALE
"
KAWARA
22-4-75
45
I l
43/44
BAMADOU
"
NASYAN
21-4-75
45
"
43/44
..
BASIERI
"
KONG
26-4-75
45
43/44
BASIRAKORO K.
BILlMONO
26-4-76
45
Il
43/44
BASORI o.
LIMONO
18-4-75
45
Il
43/44
BISIRI o.
KOLON
7-4-75
45
"
43/44
DALIGNAN O.
BOBO
2-3-79
45
"
43/44
DAWABA B.
PONGALA
15-3-76
45
"
43/44
KARAMOKO O.
KONG
12-3-74
45
If
43/44
MAMADOU S.
KONG
23-2-74
45
"
43/44
Sokolo Mori aurait occupé ainsi le trÔne de Kong
pendant plus de 43 ans. Nous connaissons, grâce à Binger,
les débuts du règne de ce souverain. Cet explorateur qui
écrit en 189Cdit que
"depuis une quarantaine d'années le pouvoir
est entre les mains de Karamokho-Oulé Ouattara,
et sa résidence est Kong"(1).
(1) Binger
op. cit., t.I, p.324.
t
731
En
réalité, le souverain de Kong n'était pas
Karamoko Ulé mais Sokolo Mori. Nous pouvons donc situer les
débuts de son règne vers 1850. D'autre part nous savons,
grâce au journal de Bailly, que ce souverain est mort en
novembre 1894{1}. Il aurait donc d'après les renseignements
fournis par les explorateurs, occupé le pouvoir pendant 44
ans environ. Ceci tendrait à confirmer les données des
sources orales qui donnent une durée de règne de plus de 43
ans à Sokolo Mori. Ce souverain aurait donc régné entre 1850
et 1894.
N°20
KUMI
1
1
DUREE APPROXIMATIVE
DATE DE
DU
REGNE
INFORMATEURS
LIEU
llJ'ENQUETE
A.H.
A.G.
ALI OUATTARA
LIMONO
15-2-73
4 ans
3 ans
BAMADOU O.
NASYAN
21-4-75
4
"
3
"
BASIERI O.
KONG
26-4-75
4
Il
3
"
BASORI O.
LIMONO
18-4-75
4
"
3
"
DAWABA BAMBA
PONGALA
15-3-76
4
"
3
"
KARAMOKO O.
KONG
12-3-74
4
"
3
11
MAMADOU S.
Kœ~G
23-2-74
4
"
3
"
D'après ce tableau ci-dessus, Kumi aurait règné
.
pendant trois ans environ, soit entre 1894 et 1897. Ceci
correspond parfaitement à ce que nous savons de l'histoire
de Kong. Ce souverain périt en effet en 1897, lors de l'atta-
que de Kong par les Sofa de Samori.
(1)
A.ho.S.O."'.,
lviission
8.
732
Versons
pour terminer au dossier des durées de
règne des souverains de Kong, un document que nous avons vu
entre les mains d'un Bambadyon, Pigneba Ouattara.
Le 18 aoQt 1974, le chef actuel de Kong, Karamoko
Ouattara plus communément connu sous le nom de Kodara, chargea
le dauphin du trône de Kong, Ba-Soumaïla de nous introduire
auprès d'El-Hadj Pigneba Ouattara, l'un des derniers descen-
dants des esclaves de Seku Watara ; Pigneba résidait à
Ouangolodougou où i l dirigeait trois écoles coraniques.
Le but de notre mission n'était pas d'étudier la
chronologie des rois de Kong, mais les rapports entre les
princes watara et les esclaves de Seku. Pigneba nous reçut
très cordialement et répondit favorablement à toutes nos
questions. Au cours de nos entretiens i l mit lui même l'ac-
cent sur le rôle important que les esclaves jouaient lors
de l'intronisation des rois de Kong. Sans eux, disait-il,
les Sekumogo se seraient entretués après la disparition de
notre ancêtre. Ceci nous amena à lui demander si les descen-
dants des esclaves de Seku connaissaient la durée des règnes
des rois qui ont occupé le trône à Kong. Pour toute réponse,
i l se leva alla chercher son Coran et sortit deux feuillets
en très mauvais état.
"Ce papier, dit-il est l'héritage le plus
précieux de notre famille; mon père l'a
reçu en héritage et me l'a transmis,
je dois
le transmettre à ma descendance" (1) .
-(1)- Enquêtes réalisées à OuaRgolodougou, le 18 août 1974.
733
Avant de le lire, Pigneba nous explique que Bamba, et, à
travers lui, tous ses descendants avaient juré sur le Coran
et le Sinzébu de transmettre loyalement le pouvoir au fa
des enfants et petits-enfants de Seku. Ce serment, dit-il,
contraignait les esclaves de la couronne à connaitre toute
la généalogie des fils et des fr~res de Seku, le nom des
rois qui ont régné, les années passées au pouvoir ainsi que
l'ordre selon lequel les princes étaient appelés à régner.
Pour réaliser ce travail, dit-il, les esclaves bénéficiaient
de l'appui des marabouts qui étaient chargés de tenir un
véritable registre afin d'éviter les contestations. C'est de
cette façon qU2 les Bambadyon ont transmis, sans crises vio-
lentes, le Sinzébu aux descendants de Seku depuis la mort
d~ ce dernier jusqu'à nos jours.
Le manuscrit que Pigneba nous a montré, ne mentionne
pas le nom des rois qui ont régné apr~s Karamoko Dari.
D'apr~s notre informateur, le manuscrit en qu~stion daterait
de l'époque de son grand-p~re Mia Bagi qui fut llun des
fid~les esclaves de Sokolo Mori. Il aurait donc été écrit
probablement à la mort de Karamoko Dari vers 1850. Nous pré-
sentons ici une copie de ce document :
Seku Umar Watara
( ... )
37 ans
(A. H. ) = 35 ans
Samanogo Watara
( ... )
3 ans
"
= 2
"
Kumbi \\'1atara
( ... )
24 ans
n
= 23
"
Mori Maghari
( ... )
25 ans
"
= 24
"
Somafi
( ... )
10 ans
"
= 9
"
Asoroba
( ... )
6 ans
"
= 5
"
Karakara Dawa
( ... )
(aucune mention)
Sori Fagaman
( ... )
5 ans
(A. H. ) = 4 ans
Somafi Bagi
( ... )
(aucune mention)
Sotigi
( ... )
(aucune mention)
More Sere
( ... )
(aucune mention)
Ba Lena
(. .. )
(aucune mention)
734
Kesefima
(. .. )
5 ans
(A.H. )
= 4 ans
Ba Dugutigi
..
( ... )
3 ans
ft
= 2
Sani Tyèba
( ... )
(aucune mention)
Karamoko Use
( ... )
(aucune mention)
Karamoko Dari
( ... )
15 ans
(A. H. )
= 14 ans
"Ici se terminent les renseignements que nous
ont transmis nos grands-parents. Que la paix
d'Allah soit sur les Fama et leurs serviteurs".
Il est difficile de mettre en doute les informations
qui sont contenues dans le manuscrit de Pigneba car elles
tendent à confirmer les durées des règnes que nous avons
recueillies auprès des traditionalistes de la région de Kong
et de Bobo-Dioulasso. A notre avis, le document de Pigneba
serait une copie de la version officielle des durées de
règnes des rois de Kong. Le recoupement du manuscrit de
Pigneba avec les sources orales est, à notre avis, très en-
richissant. Le silence des sources orales sur la période
qui s'étend entre la fin du règne d'Asoroba, premier petit-
fils de Seku et le début de celui de Karamoko Dari est le
signe manifeste d'une période au cours de laquelle l'on ne
note aucun fait saillant; i l s'agirait probablement d'une
période de déclin marquée par le règne d'un grand nombre de
rois falots.
2. -
Résultats obtenus
A partir des sources orales et des documents écrits
que nous avons signalés nous pouvons proposer la chronologie
suivante pour des rois de Kong :
Seku Watara
ca 1710 -
1745
Samanogo
ca 1745 - ca
1747
Kumb!
ca 1747 - ca
1770
735
Mori Maghari
ca 1770 - ca 1795
Somafi
ca 1795 - ca 1805
Asoroba
ca 1805
ca 1810
Karakara Dawa
1810 ?
Sori Fagarnan
ca 1810 - ca 1814/1815
2:-./
Somafi Bagi
Mia Dyori
10°/
Sotigi
..ll.:/
More Sere
12°/
Lena
1815 - 1835
13° /
Kessefima
14°/
Ba Dugutigi
15°/
Sani Tyèba
16°/
Kararnoko Use
17° /
Kararnoko Dari
ca 1835 - 1849/1850
18°/
Sokolo Mori
1850 -
1894
19°/
Kurni
1894 - 1897
Entre 1815 et 1835, c'est-à-dire en 20 ans,
10
souverains se seraient succédés sur le trÔne de Kong. Sur
ce total, trois règnes sont connus: il s'agit des règnes
de Sori Fagaman (4 ans), de Kèsèfima (4 ans) et de Ba Dugutigi
(2 ans ) soit au total 10 ans. Par une sinple soustraction nous cons-
tatons que 7 souverains
(Karakara Dari, Semafi Bagi, Sotigi,
Moré Séré, Ba Lena, Sani Tyèba, et Karamoko Usé) ont occupé
le pouvoir pendant une dizaine d'années. Chacun de ces
souverains aurait donc gardé le Sinzébu pendant moins de 18
mois. Il semblerait donc que les Barnbadyon n'aient pas fait
figurer sur leurs manuscrits les règnes de moins d'un an et
demi. C'est ce qui justifierait à nos yeux les lacunes que
nous avons relevées dans le manuscrit de Pigneba.
736
B.
LE RENOUVEAU ISLAMIQUE (1750-1770)
Les traditionalistes de Kong placent le règne de
Kumbi sous le signe d'une renaissance islamique. Certes,
Seku avait introduit officiellement l'Islam à Kong et avait
fait construire la grande mosquée de la ville mais son règne
correspond surtout à celui des hommes d'affaires. Le souve-
rain qui encouragea l'installation des agents de l'Islam
dans l'Empire des Watara fut,
sans aucun doute, Kumbi. Ce
fait nouveau s'explique, d'une part, par un besoin de chan-
gement qui se fait sentir au sein des Dyula et, d'autre
part, par la recherche d'une solution à la grande crise
religieuse que connaissait la communauté islamique de Kong,
depuis la disparition de Seku Watara.
1. - La crise reliqieuse
Seku, nous le savons, avait créé au sein de l'Empire
des
Watara les conditions favorables à l'épanouissement de
l'Islam. Grâce, d'une part, à son gofrt pour le commerce à
longue distance entre les régions du sud riches en or et en
noix de kola et la boucle du Niger et grâce, surtout, aux
mesures de faveurs qu'il accorda aux n~gociants étrangers
(suppressions de nombreuses taxes qui pesaient sur les voies
commerciales contrôlées autrefois par les rois animistes), il
avait attiré de nombreux étrangers dont certains se fixèrent
à Kong sans esprit de retour(1). Les nouveaux venus étaient
islamisés ou appartenaient à de grandes familles musulmanes
venues, soit de Kangaba
(le vieux Man~ing), soit de Tombouc-
(1)
On peut citer le cas de Bamoro Bèlè originaire du Dafina et celui
de Siri Mari Kuribari qui venu de Dienné occupa au début du règne
de Kumbi, le poste d'imam à Kong.
737
tou
(l'une des grandes capitales islamiques de l'Afrique Noire
depuis le XVIe siècle), soit de Dienné qui, à partir de 1300
environ, était passée à l'Islam(1). Ces arrivants, proba-
blement après la mort de l'Imam Baro (ca.1750), dénoncèrent
les carences des successeurs de ce dernier en matière de
droit musulman, et exigèrent que l'on place à la tête de la
communauté islamique un véritable lettré capable de lire et
d'interpréter le Coran(2). Malgré le silence qu'observent
parfois certains traditionalistes de Konq, notamment les
Baro, i l sembkrait que cette affaire ait été très impor-
tante, car Dsuf Baro, le fils aîné de l'Imam Baro, en dépit
de son titre de chef des musulmans de Kong, fut écarté du
poste d'Imam. Les Baro d'ailleurs à partir de cette date
ne purent plus exercer une autorité religieuse réelle dans
le pays. Le poste d'imam fut alors confié à un marabout de
_Dienné connu sous le nom de Karamoko Turé qui s'était
installé à Kong sous le règn€
de Seku Watara (1710-1745).
Le nouvel imam qui était déjà d'un âge avancé exerça sa
fonction pendant trois ans
(ca.175O-ca.1753). Pour compren-
dre la crise que traversait Kong après la mort de Seku
Watara, il faut dire que les karamogo qui avaient aidé le
souverain de Kong à bâtir l'Empire des Watara savaient à
peine lire le Coran
c'est ce qui leur a valu le surnom de
karamoko-batunda. Ces chefs religieux baignaient dans la
magie et la sorcellerie et, comme le souligne le lettré
Labi Saganogo,
"ils étaient dans leur conduite beaucoup plus
proches des banmana que des véritables musul-
mans. Il~possédaient d'ailleurs de nombreux
(1)
C. Monteil, 1932, p.33.
(2)
L'imam Baro apparaît d'ailleurs dans les
sources orales comme un
Sekumogo (un partisan de Seku Watara) c'est-à-dire un homme d'af-
faires épris de guerres. Il n'avait pas une grande connaissance
du Coran mais il avait une tr~s forte personnaJité.
739
t'est, sans aucun doute,
la réputation de ces derniers qui
fascina des souverains étrangers tels que Naba Kango roi du
Yatenga. Ce souverain avait en effet perdu son trône en 1754
et i l vint à
Kong solliciter l'aide des karamogo du pays afin de
retrouver sa couronne. Izard a raison lorsqu'il é c r i t :
"à Kong Naaba Kângo baigne littéralement dans
le monde des devins des charlatans de toutes
sortes"(l) .
A Kong cependant, beaucoup de riches musulmans mani-
festaient un goftt réel pour la culture islamique.
Ils
allaient influencer largement la politique de Kumbi. On
cite à ce sujet le nom d'un certain Baba Bakayogo qui vécut
longtemps à Tombouctou et qui fut, vers 1750, l'un des
principaux conseillers du souverain de Kong(2). Les gens
allaient être désormais exigeants dans le choix des nouveaux
imams. C'est ainsi qu'après la mort de l'imam Turé vers
1753, une crise violente secoua la communauté musulmane. Le
nouvel imam qui lui succéda s'appelait Fama Dao i
i l est
aussi connu dans certaines sources orales sous le nom de
Bamoro Bèlè. Il était originaire du Dafina et son installa-
tion à Kong remontait à la fin du règne de Seku Watara. Il
est présenté par les sources orales comme un homme riche
et qui avait en outre le don de la parole. Apparemment,
i l
jouissait d'une grande autorité dans le pays. Mais son
avènement déclencha une grave crise i
on découvrit en effet
qu'il était "subagatyè ll
(un grand socier)
i
on l'accusa
(1) Izard, Les Archives orales d'un Royaume Africain. Recherches sur
--ra-YormâHon diï-Yatenga~ Université René Descartes, Paris V, 1980 t
tome l, volume 5, p.1501 ; voir aussi p.1499. D'après cet auteur
"A Kong (ou à Bobo-Dyu1aso, Naaha Kângo est en quête d'assurances
sur son avenir po1itique.A l'instar du Bugo de Luguri, les docteurs
musulmans qu'il consulte lui prédisent qu'il reprendra possession
de son royaume. Mais ils lui annoncent également qu'il n'aura pas de
d~scendance masculine, tandis que son protégé Naaba Saaga aura 133
fi 1s ••• " (Cf. p. 1500.
Le nom de ce souverain mosi n'est pas connu à Kong, mais ce fait
n'est pas étonnant car d'après Izard Naaba Kângo dissimulait
sou-
vent sm identité : cf.~. cit .. , p.1498.
(2) Dyami1a O't Yonoro, le 30-3-1976.
d~avoir souillé
la mosquée, et une partie importante de la
population, notamment les riches négociants avides de
changement décrétèrent que
"ses prières n'étaient pas bonnes et qu'elles
risquaient d'attirer la colère de Dieu contre
les musulmans de Kong"(1).
Cette affaire eut de graves conséquences 1 elle amena la
population à détruire la grande mosquée de Seku et à
reconstruire celle de l'époque de Kumbi. Poussé par Baba
Bakayoko, le souverain de Kong intervint personnellement
dans le conflit. Il épousa la cause des détracteurs de Bamori
Bèlè et exigea sa démission. Bamori Bèlè accepta cette
décision à contre-coeur.
La succession de Bamori Bèlè fut difficile. L'imam
humilié semb~e avoir
organisé ltempoisonnement de la plu-
part de ceux qui voulaient lui succéder. D'après Basièri
Ouattara,
"il fit mourir plus de trois personnes" (2) •
Seul Siri Mori Kuribari échapPa au poison de Fama Dao et
reçut pour mission d'asseoir l'Islam sur des bases saines.
La crise semble avoir été assez longue. D'après les
karamogo actuels de Kong, elle dura au moins trois ans, soit
de 1753 à 1756. Ce fut sans aucun doute à la faveur de cette
crise que les descendants de Lasiri Gbombélé tentèrent de
ravir le pouvo~r à Kumbi avec le complicité des Mosi du
\\
(1) Dawaba Bamba, Pongala, le 12-9-1975. Voir aussi Bamadou
Ouattara, le 20-3-1975.
(2) Basièri Ouattara, Kong, le 11-8-1977.
741
Yatenga qui avaient accompagné Naha Kango à Kong
(1754-
1757) •
2. - La tentative de coup d'Etat
Naba Kango (le souverain déchu du Yatenga), attiré
par l'expérience des Dyula de Kong qui avaient réussi à
constituer l'un des plus grands Empires en Afrique Occi-
dentale, était venu consulter les puissants karamogo de ce
pays dont la renommée avait dépassé les frontières des pays
watara.
Il souhaitait retrouver son trône et attacher son
nom à un grand règne.
Au moment où le souverain déchu arrivait à Kong ,
la
tension était vive entre les partisans de Bamoro Bèlè, les
Diabagaté, et les détracteurs de ce dernier dont les plus
excités étaient les Baro, les Turé, les Sila et surtout
les Kuribari. Tous les vendredis on assistait à des affron-
tements violents entre les deux camps qui se soldaient souvent
par de nombreux morts. L'arrivée de Naba Kango n'arrangea
pas la situation. Le souverain déchu aurait-il soutenu les
Diabagaté et par conséquent Bamoro Bèlè ? La chose ne paraît
pas impossible car un grand nombre de Diabagaté après cette
crise allèrent s'installer dans le Yatenga. Quoi qu'il en
soit, les Mosi avaient pris une part active dans le conflit.
Ces derniers répondaient certainement à l'appel des descen-
dants de Lasiri qui, depuis la mort de Seku Watara, s'agi-
taient beaucoup dans le quartier des anciens rois animistes,
Tyénogora, où on hébergea précisément les Mosi du Yatenga.
Parmi les nouveaux venus figurait un certain Bagi Ulé,
----présenté-pa-r certaines -traditions de Kon-g-comme étant le
petit-fils de Lasiri Gbombélé(1}.
(1)
Nous avons recueilli ces informations à Pongala, (Dawaba, le 12-9-
1975) et à Kolon (Fisiri Ouattara, le 20-9-1975).
74-2
Voici comment les tradi-tions de Nasyan
présentent
l'arrivée de Bagi à Kong:
ft
le petit-fils de Lasiri arriva à Kong en
compagnie de nombreux Mosi qui étaient de très
grands magiciens. Ces derniers avaient des dons
qui leur permettaient de suspendre leurs
ennemis au sommet d'un arbre. Lorsque les gens
de Lasiri Gbombélé apprirent l'arrivée de Bagi
Ulé à Kong, ils vinrent en grand nombre dans
la ville dans l'espoir de renverser le souve-
rain du pays afin de restaurer l~autorité des
Lasiri. Mais ils échouèrent dans leur tentative
et les compagnons de Bagi furent disp€Tsés H (1).
Bagi Ulé espérait ainsi à la faveur de la crise
reiglieuse ravir le pouvoir à Kumbi. Les Bambadyon parlent
en effet d'une guerre meurtrière qui ruina définitivement
la famille de Lasiri Gbombélé et qui aurait causé la mort
de l'imam Bamoro Bèlè.
L a crise religieuse déclanchée par Bamoro
Bèlè déboucha sur une crise politique aigUe qui faillit
compromettre le régime de Rumbi. Après trois ans de tensions
(1753-1756) Rumbi triompha de Bagi et de ses alliés
la mort
du subagatyè Bamoro Bèlè amena une paix relative dans le
pays. Naba Kango et sa suite durent partir précipitamment
de Kong à la suite de la mort de Bagi en compagnie d'un
grand nombre de Diabagaté
(karamogo et négociants) .
(1) Nous avons recueilli ces info~ations auprès àe Bamadou Guattara l'un des
Bambadyon de Kong. Voir à ce sujet Bamadou (enquêtes réalisées à
Nasyan, le 2-4-1976) et Pigneba Ouattara (enquêtes réalisées à Ouan-
"-"-"""'---""goTodougou'en 1974. c'est probablement l'alliance de Bagi avec les
Mosi du Yatenga qui a fait croire que la famille de Lasiri Gbombélé
avait une origine mosi. Cf. Bernus, 1960, p.248.
74-3
La paix revenue, Siri Mori Kuribari, pour lutter
contre l'ignorance des karamogo de la ville décida, en
accord avec Kumbi, de faire appel à des instructeurs étran-
gers et notamment à un certain Muhammad Mustafa Sagan~go qui
résidait à Boron avec sa famille et ses disciples.
3. - Origines et installation des
Saganogo à Kong
Après la victoire de Kumbi sur Ba~i Ulé, nous disent
les sources orales, le souverain de Kong demanda aux Kuribari
de faire venir la famille de Mustafa Saganogo à Kong pour
éduquer les karamogo du pays qui
associaient intimement
l'Islam aux religions traditionnelles. Siri Mori Kuribari
envoya donc une délégation avec de riches présents au savant
de Boron. Selon toute vraisemblance, la délégation partit au
courant de l'année 1756. A Kong on devait ignorer que
l'érudit en question venait de mourir. D1après un document
écrit intitulé Tarikh'Ilm
et détenu par Marhaba, le mufti
de Bobo-Dioulasso, Mustafa Saganogo serait mort en 1168 de
IIHégire (1754/5). Ivor
Wilks qui a connu ce document penche
cependant pour une autre date, celle de 1190 de l'Hégire
(1776/7) contenue dans le Dukhul al-Islarn(1). Nous pensons
que la date vraisemblable est celle du Tarikh 'Ilm
de
Marhaba car les événements que nous avons décrits à Kong se
sont déroulés entre 1753 et 1756. A cela on peut ajouter un
argument de poids. Tous les auteurs sont d1accord pour affir-
mer qu'après la mort de Muhammad Mustafa Saganogo,
son fils
aîné Al-Abbas est allé s'établir à Kong. Il y fit bâtir une
(1) Nous avons vu le document de l'imam Marhaba,
le Tarikh 'Ilm en 1979,
au cours d'une mission de recherches à Bobo-Dioulasso. Pour le
Dukhul al'Islam
voir Ivor wilks "The .transmission of islamic learning
in the western Sudan" in J. Goody (éd)
Literary in Traditional
Societies, Cambridge, 1968, p.173.
744
mosquée connue à Kong sous le nom de la mosquée de Sitafa.
Or l'arch€ologie
permet aujourd'hui de situer les débuts de
cette construction vers 1765. Le décès du grand érudit qui
mourut à Boron est donc antérieur à 1765(1).
Que savons nous de l'installation des Saganogo à
Kong? Nous allons présenter ici les versioQSofficielles des
intéressés.
a)
Version de
Labi Saganogo(2)
..
Nous avons quitté Magari
(La M~cque) pour
venir à Médine ( ••• ). Notre grand-père s'appe-
lait Ousmane : bon i l a eu un enfant qui
s'appelait Abd Allah, i l a traversé l'Ethiopie
et est venu chez le roi Nangis(3), i l a eu un
fils et est décédé ; son fils Abdallah est
arrivé en Ethiopie et i l est allé s'installer
chez le roi Nangis, celui-ci a eu un "fils qui
s'appelait Ahmad~u. Il s'est mis en route, a
traversé l'Ethiopie et est arrivé au Cameroun
et s'est établi dans un village appelé Manikori,
situé entre Yorowa et Kousiri(4).
( ••• ) Là, i l
a eu un enfant qui s'appelait Lamine,
i l s'est
mis en route pour venir au Nigéria et s'établir
à Sokolo. Il est resté là, puis celui-ci a eu
un fils qui s'appelait Abd Allah. Cet Abd Allah
s'est mis en route a quitté le Nigéria pour venir
au Mali(5)
et s'installer à Tombouctou. Il a
fait un enfant là-bas qui s'appelait Souwalie
et qui resté à Tombouctou. L'enTant de ce der-
nier s'appelait Oumar. Celui-ci a quitté
(Tombouctou)
pour aller à Djenné. Oumar a eu
(1) Pour la mosquée de Sitafa voir T. Diabaté, ~. cit., p.l00-l0l et P.286.
(2) Labi Mamadou, "Table ronde sur les origines de Kong", A.li.A.,
série J, 1977, pp.224-230.
(3) Il est difficile de savoir quel est le personnage qui est désigné 1C1
sous le nom de Nangis. A notre avis il s'agirait d'une déformation
du mot Négus
qui est le titre des souverain d'Ethiopie. Il ne dési-
gnerait donc pas un roi en particulier.
(4) Nous n'avons pas pu identifier ces localités qui semblent avoir
disparu de nos jours.
(5) Labi veut parler de l'actuelle République du Mali.
745
un fils à Djenné qui s'appelait Moussa.
Moussa a eu trois fils à Djenné, 0Usman,
Aboubakar, Idriss. Aboubakar est allé à Soulia,
c'est un véritable village du Mali. Idriss
est allé dans le pays Mossi en Haute-Volta et
s'est installé à Kombissiri. Ousman est arrivé
à Mafara au Mandé(1), i l s'est installé là-bas,
i l est resté à Mafara et a fondé Bamako, i l
est allé placer son esclave là-bas
i l cultivai.t
l
pour lui. Deux 'personnes de Niaré, deux bandits
ont quitté la brousse c'étaient des chasseurs,
ces deux là sont venus s'installer avec lui.
Après ceux-là deux Maures sont venus s'i.nstaller
avec lui ils venaient de Tabati(2}. Ils se
sont installés également avec lui, comme i.Is
faisaient un travail qui ne lui plaisait pas
alors i l s'est levé à quitté l'endroit et
leur a laissé. Il est allé à Logorongo en
Guinée(3)
et s'est i.nstallé là-bas. Il est
resté là-bas puis est retourné à la Mecque(4).
A son retour, au XIIIe siècle, i l a trouvé un
homme qui avait construit un abri là, celui-ci
s'appèlait Kapilé Djo.
( ••• ) Il a dit que ce
campement sera un grand village, puis i l est
parti en Guinée. Arrivé en Guinée, i l a dit à
ses enfants "j'ai dépassé un village non loin
de Labiné qui deviendra un grand village et
qui aura une grande renommée, ce campement a
pour nom Kong je vous demande donc de vous y
rendre". Puis le vieux est décédé. Ses enfants
se sont levés disant qu'ils partaient pour
Kong, lorsqu'ils sont arrivés à Miniyan,
le
roi de Miniyan les a pris, en leur demandant
(1) Manfara ou Mafara serait situé d'après les informations fournies par
le griot de Kirino Wa Kamisoko (lors de la "Table ronde sur les ori-
giaes de Kong" en 1975), non loin de Kankan. cf A.U.A. série J, 1977,
p.92-94. Manfara semble avoir été une base importante pour l'expansion
des Saganogo en Afrique Occidentale. Le personnage connu ici sous le
nom de Usman s'appelle effectivement al-Hajj Ushman. Cf. 1. Wilks op.
cit., p.174. Il est connu dans les sources orales du Mandé sous le--
nom de Lamari Saganogo : cf ..A.U.A., série J, 1977, p.92.
(2) Nous n'avons pas pu identifier cette localité qui selon toute
vrai-
semblance se trouverait dans le Fouta Dyialon.
(3) Usman semble avoir effectivement quitté Manfara à cause des pratiques
animistes des nouveaux venus. Les traditions orales de Kong et du griot
de Kirina ne confirment pas la version d'Ivoir Wilks selon laquelle
il aurait quitté une première fois Kangaba (dans le Haut-Niger) à
cause des pratiques animistes pour s'établir à Manfara dans les régions
montagneuses au sud-est de Kankan. Cf. 1. Wilks, ~. cit., p.174.
(4) Ce pèlerinage s'il a eu lieu se serait effectué vers 1009 de l'Hégire
soit 1600, cf. 1. Wilks, ~ cit., p.1974. Dans ces conditions il faut
rejeter la date du XIIIe siècle proposée par Labi pour le retour
du pèlerinage d'Usman.
746
de prier Dieu pour lui. Un de ses enfants
s'est établi là i l s'appelait Laganvia. Ce
fils a un enfant qui avait pour nom Moustapha
C••• )
Il y a un pays dans la région d'Odienné
qui s'appelle Toudougou
( ••• ). Moustapha
est allé s'installer là-bas à Magagnana.
Il
est resté là-bas i l a eu quatre enfants,
l'un s'appelle Abasi le deuxième Lagafiya, le
troisième Ousamne, le quatrième Souleymane.
Après la mort de Moustapha, Abas leur a dit
"Notre père nous a dit
d'aller à Kong, moi
je vais m'y rendre". Ses frères ont refusé. Il
est venu seul. Arrivé à Boron(1),le roi l'apris( ••• );
i l est resté à Boron, i l a eu des enfants (... ) l'i:>Ust~
( ..• ) et un autre aui appelait
rl!,oussa. Ses enfants
se sont mar·iés là-ba·s.
il
ont
eu
douze enfants (2) • Un jour i l est sorti,
il se
promenait à côté du village et a vu une boule
qui roulait sur la terre, c'était une cale-
basse vide,
i l a é~é étonné et a dit :
"Qu'e~-ce que c'est ?" Elle a répondu:
"Je suis une chose qui viendra
détruire Boron,
je suis la guerre qui viendra détruire Boron"
( ••• ). Il e~ allé dire à ses enfants ( ••• )
Quand je serai mort partez à Kong(3).
Alors ses quatre premiers fils sont morts,
Mahmoudou est mort. Yaya est est mort,Flémory
également est mort et Lamine aussi, les huit
autre sont venus à Kong avec leurs neveux. Les
Conlibaly sont allés nous chercher pour venir
avec nous" (4) 0
b)
Version de l'imam Marhaba
(1) D'après 1. Wilks Abbas,
le père de Mustafa serait en réalité mort
à Kani
à l'ouest de Boron. Cf. 1. Wilks, ~. cit., po173.
t
(2) D'après les enquêtes que nous avons faites à Kong, Mustafa aurait
._ ...eu -e.ffectivementdouze fils et huit filles. Cf.· J-..Wilks
op. ·cit.
t
t ·
p.
173.
-
- -
(3) Dans ces conditions la destruction de Boron serait postérieure à la
mort de Mustafa c'est-à-dire à 1754.
(4) Les Kuritarisemblent en effet avoir joué un rôle important dans
l'installation des Saganogo à Kong •.
747
"Les saganogo ont d'abord construit Kairouan(1).
Le roi Okba est mort (2). Les Saganogo ont
traversé avec leur armée jusqu'à ce qu'ils
tombent sur Kaké(3), ilsl'ont détruit et sont
entrés dans la brousse pour arriver à Kaaba.
c'était un grand village royal. Il n'y avait
que des féticheurs là-bas ( ••• ) Nous sommes
arrivés dans les affaires du Mandé ( ••• ) Ils
avaient entendu dire qu'il y avait peut-être-
de l'or au Ghana et qu'il y en avait beaucoup.
Ils se sont tous rencontrés au Ghana.
( ••• )
Quand ils sont arrivés là-bas, ils étaient
heureux (4) • Mais ils se sont disputés. la force
de Soundiata était considérable, oui il a pris
le village(5) ,les Haoussa ont fui et sont
partis dans le pays haoussa.
C••• ) ••• nous
aussi nous nous sommes éparpillés partout et
nous instruisons les gens. Même les Ouattara
sont venus gouverner ici (Kong). Les Sanogo
n'étaient pas encore là.
Moustapha Saganogo a succédé à son rna1tre. Son
maître s'appelait Mohammed Siré(6). Il a appris
auprès d€
lui.Il l'a accompagné jusqu'au
Dahomey(7), à son retour, il a trouvé les
Ouattara ici (Kong-).
(1) On place généralement la construction de la ville de Kairouan vers
670. Cf. Ch. André Julien Histoire de l'Afrique du Nord, 1969, p.16.
Abdallah Laroui propose la date 674 mais aussi celle de 55 de l'Hégire
soit 675 ; voir à ce sujet Abdallah Laroui L'Histoire du Maghreb, ~
essai de synthèse, T980 t.I, p.74.
(2) Oqba ben Nafi fut tué dans la région de Biskra au moment de la conquête
arabe vers 683. Ainsi, selon Marhaba, CP serait à partir de cette date
que les Saganogo quittèrent le Ma~hreb pour
l'Afrique Noire.
(3) D'après Marhaba, Kaké serait un village au nord de Kangaba Informations
recueillies en février 1979 à Bobo-Dioulasso.
(4) Il semblerait que nous soyons déjà au XIe siècle àl'épogue où le Ghana
regorgeait d'or. Cf. Le Ghana d'al Bakri (1068)
in R.P. Cuoq, 1975,
pp. 99-101.
(5) D'après les i.ndications de l'auteur nous serions sous .legrand règne Qe
Sundyata Kéita (1230-1255). La migration des Saganogo vers les reg~ons
situées au sud du vieux Manding daterait ainsi du milieu du XIIIe siècle.
(6) Marhaba se réclame lui aussi de Mustafa Saganogo qui mourut à Boron
vers 1754. Or le Mohammed Siré dont il est question ici pourrait être
El-Hajj Ushman qui fit le pèlerinage vers 1600 comme nous l'avons
signalé. Il y a donc une confusion évidente dans les personnages
présentés par Marhaba.
(7) Mustafa serait donc passé à Kong'vers 1600 ; à cette date Kong était
.
..
~
un centre attrayant et ses souvera~ns eta~ent an~m~stes.
748
(Le roi)
a dit"
:
"Maître, je veux que tu
viennes t'installer avec moi ici".Il a répondu
:
uAh ! moi je ne peux pas m'installer avec toi
ici,
je ne peux pas le faire,
j'ai un grand
frère à Koro(1), i l s'appelle Baférémori Kara,
lui est plus âgé que moi, c'est lui qui m'a
confié à ce maître coranique pour que je
vienne apprendre auprès de lui c'est pourquoi
j'irai en parler à mon grand frère et ce qu'il
répondra se fera".
"A son arrivée à Koro, son frère ainé est décédé.
Il épousa la femme de son grand frère,
les
gens de Samatiguila lui ont demandé de venir
les instruire. Le Shérif de Boron lui a demandé
la même chose. Il était en train de l'instruire
lorsque les Ouattara ont envoyé les Coulibaly
pour lui demander de venir.
Moustapha Sagnogo n'a pas vécu longtemps i l
est mort. En mourant i l a demandé à ses
enfants, i l a révélé ceci à ses enfants, i l
leur a dit :
REntre moi et les Ouattara de
Kong i l y avait une promesse, i l y avait une
promesse faite avec moi et les Ouattara de
Kong. Ainsi donc,. all-ez là-bas, mais quand
vous y serez avec eux. D-ites-leur la vérité".
c'est après que Karamogo Sawati s'est levé
avec ses frère~. Ils se sont levés et sont
venus jusqu'ici f Moustapha(2), ses enfants,
les enfants de son frère aîné et ses petits-
enfants ••• "(3).
c)
Les traditions du vieux Manding
n
Depuis les temps très anciens, depuis ce
moment où le Dieu Tout-Puissant a permis à
(1) Les Saganogo avaient effectivement vécu à Karo. D'après 1. Wilks
le grand-père de Mustafa, Muhannnad al-Hafiz Saganogo serait mort
et -enferré à Koro, village situé à la frontière entre la Côte
d'Ivoire et la Guinée. Ce personnage aurait été le rra itre de l'Iustapha
Saganogo. Cf. Ivoir Wilks, op. cit., p.173.
(2) Le personnage mentionné ici sous le nom de Mustafa s'appelait en
réalité Abbas, il était le fils aîné de Mustafa qui mourut à Boron
au milieu du XVIIIe siècle.
(3) Marhaha Saganogo, A.U.A., série J, 1977, p.102-106.
749
Nabi Ibrahima (1) de construire la Kaaba, au
moment où la construction de la Kaaba était
achevée à La Mecque,quand la construction
avec le banco fut achevée, ce qui restait de
ce banco utilisé pour la construction de la
Kaaba fut transporté par soixante-dix-sept
chameaux, pour que cela devienne la mosquée
de Kankan. Au moment où ces chameaux chargés
quittaient La Mecque pour aller à Kankan, ce
jour-là, ceux qui suivaient les chameaux et
qui les guidaient étaient au nombre de trois.
Lamari saganogo,
le deuxième était Férémori
Fofana et Mori Hissa Haidara(2)
Au moment où ils ont quitté La Mecque et où ils
sont arrivés à Kankan,
ils sont arrivés à un
petit village (}ianfara) ••• situé entre deux
autre5villages, le premier s'appelle Dagasa
et l'autre Nyagana. Les chameaux sont arrivés
entre ces deux villages, par la grâce de mon
mattre.Ils se sont agenouillés là-bas ; au
moment où ils se sont reposés avant qu'ils
finissent de se reposer les chameaux étnient
morts là. Les trois hommes SGnt restés là-bas
à côt€
du banco. Ils ont achevé la saison
sèche là-bas et ont passé aussi la saison des
pluies ; à ce moment quand la saison des
pluies est arrivée
( ••• ), quand i l pleuvait,
ils ont mélangé le banco pour construire la
mosquée. C'était la toute première mosquée du
Mandé c'est cet endroit là qu'on appelait
Mahanfara. Les Maninka n'ont pas la langue
déliée et ils ont laissé Mahanfara qu'ils ont
transformé aujourd'hui en Manfara. chez nous
dans notre tarikh au Mandé, i l
est dit que
tous les gens qu'on appelle Saganogo qui sont
venus ici sont issus de Lamari Saganogo
( ••• )
Ceux-ci sont venus avec l'Islam quand ils ont
(1)
Il s'agit d'Abraharr , patriarche biblique connu dans le monde
musulman sous le nom d'Ibrahim. On lui attribue en effet la
construction de la Kaaba de La Mecque •
. . (2)
La présence d'un Haïdara dans l'~pisode relaté par la tradition
manding tendrait à p~ouver qu'il s'agit d'un fait récent. L'origine
du dyamu Haidara est attribuée au Shérif marocain Ali ben Haïdara
qui se réfugia au Soudan vers 1670, Cf. Y. Persan, Samori, t.I,
1968, p.132. Ce Dyamu n'apu se généraliser qu'au siècle suivant.
En réalité il semblerait que la version manding soit une forme
enrichie des traditions saganQgo que nous av~ présentées.
750
quitté La Mecque
( ••• ) ;
ils se sont déplacés
pour venir s'établir à Kong ( ••• ). Je voudrais
a~outer ( ••• ) deux choses (~ •• ) Les Saganogo
d après nous, d'après notre histoire, ceux
qui sont en Haute-Volta, d'après nou~, d'après
notre tarikh sont issus de cet homme-là, de
celui qui s'appelle
( ••• ) Lamari Saganogo ••• "(1).
Les trois séries de documents que nous venons de
présenter sont de valeur inégale. Ils posent le problème
de l'origine arabe des Saganogo et celui de leur migration
à travers l'Afrique Occidentale. On peut se denander à
partir de quelle date les Saganogo entreprirent les missions
d'enseignement
?
1°/
A propos de l'origine arabe des Sag~ogo
Cetes, nous savons que les Noirs musu.lmans se
plaisent à se donner une origine arabe ; i l suffit de lire
les chroniques soudanaises pour s'en rendre camptp.. Récem-
ment, nous avons rencontré à BobO-Dioulasso des Diané qui
prétendent avoir une origine arabe. Mais dans le cas des
Saganogo la chose paraît plausible. Nous savons en effet
qu'au XIVe siècle, le voyageur Thn BatHlta disait que le
bourg de Zaghrani(2) était habité par
des Wandjarata (Wan-
gara)
et par un groupe de Blancs qui suivaient
"le rite Ibâdiya des Khawaridj
(kharijites)
et qu'on appelait Saghanughu (Saganogo)"(3).
(1) Version donnée par un griot de Kirina Wa Kamissoko, A.U.A.,
série J, 1977, pp.98~92.
(2) Cette localité pourrait être Diabali,à l'est de Sokolo,(voir
à ce sujet R.P. CUOQ, op. cit., p.298, note 4, dans le Massina
(3) R.P. CUOQ, op. cit., p.299.
751
Au XIe siècle, la révolution almoravide avait
supprimé les hérésies dans le Sahara occidental. Il
n'est
pas impossibLe que pour échapper aux massacres, des Arabes
ou des Berbères se soient réfugiés,
soit dans la boucle
du Niger,
soit dans le Haut-Niger. Ces Blancs qui s'adon-
nèr€nt
alors au commerce de l'or ont pu être baptis~s
SaganDg'o par les Wangara.
(dyula). Le mot Saganogo veut en
effet dire en dyula ceux qui façonnent l'or. Il est formé
de "san"
(or)
et Mnogo " façonner.
On dit d'ailleurs couramment
Sanogo au lieu de Saganogo. A l'origine le mot Saganogo
à l'instar des mots wangara ou dyula aurait ainsi servi à
désigner les Blancs qui se livraient au trafic de l'or.
Certains d'entre eux se seraient fixés en Afrique Noire sans
esprit de retour. Les Saganogo actuels seraient les descen-
dants de ces Blancs. Nous écartons cependant l'idée d'un
groupe d'arabes venus soit de Kairouan,
soit de La Mecque.
2°/
Débuts de l'histoire des ancêtres
des Saganogo de Kong
Pour aborder cette étude nous allons nous servir de
la liste généalogique fournie par Labi et qui nous paraît
la plus riche.
~/
Maghan Usman
N°2/
Abd Allah
~/
Ahmadu
N° 4/
Lamine
N° 5 /
Adb Allah
(Tombouctou)
N°6/
Sowali
(Tombouctou)
N°7/
Umar
(Dienné)
N° 8/
Musa
(Dienné)
N°9/
Usman
(Manfara :
Pèlerinage en 1600)
752
N°10/
Langavia
(Miniyan : Mandé)
.
N°11/
Mustapha
(Magagnana . Guinée)
N°12/
Abasi
(Boron)
N°13/
Mustata
(mort à Boron en 1754)
Nous constatons que le N°9, Usman ou AI-Haj
Ushman a vécu au XVIIe siècle. Or, entre Usman et le N°1
de notre liste Maghan Usman,
i l n 'y a que neuf générations.
A raison de 25 ou 30 ans par génération nous obtenons 225
ou 270 ans, c'est-à-dire moins de trois siècle. L'ancêtre
des Saganogo de la liste de Labi a vécu probablement au XVe
siècle(1). Nous pensons que ce fut à partir de cette date
que les descendants des Blancs saganogo adoptèrent les
rites malékites. Mais i l a fallu certainement attendre le
XVIIe siècle pour que ces derniers se lancent résolument
dans la diffusion de ces rites en Afrique.
Le premier qui
donna le signal de départ fut Usman qui, comme nous l'avons
vu, fit en 1600 un pèlerinage à La Mecque. C'est probable-
ment pour cette raison que les traditions du vieux Manding
le présentent comme l'ancêtre des ~aganogo de Kong. A partir
de ce personnage nous pouvons suivre la trace des saganogo à
travers les centres dyula de
Samatigila
Koro,. Kani, et
Boron(2}. c'est à partir de cette dernière localité que les
Watara vinrent chercher les saganogo pour islamiser le pays
et enseigner l'arabe aux karamogo de Kong.
Après avoir donné un aperçu sur les origines des
Saganogovoyons à partir de quelle date ils arrivèrent à Kong.
(1) Marhaba parle d'une dispersion des saganogo à l'époque de Sundyata
Kéita (1230-1255). A notre avis ces faits ne concernent pas les
Noirs proprement dits mais les éléments berbères ou arabes qui se l i-
vraient au trafic de l'or dans le pays. L'histoire des Noirs saganogo n'
est certainement pas antérieure au XVe siècle.
(2) 1. Wilks, ~. cit., p.174.
753
D'après les sources orales de Kong, au moment où
Siri Mori Kuribari l'imam de Kong arrivait à Boron,
Mustafa (N°13)
était mort depuis plusieurs ann€es(1).
D'après Dawaba Bamba, ce fut
ftaprès les fénurailles de Lamine que les
saganogo quittèrent Boron pour Kong" (2).
En juillet 1978, Mamadou Labi nous a donné des
renseignements plus précis :
IIAprès la mort de Mustafa, le deuil s'installa
dans la famille de ce dernier ; quatre des
enfants de Mustafa moururent les uns après les
autres : Mahmudu mourut le premier, un an
après ce fut le tour de Yaya, l'année suivante
la mort frappa Feré Mori et l'année d'aprèB
on fit les funérailles de Lamine U (3).
Ces informations nous amènent à penser que la délégation
conduite par l'imam Siri Kuribari ne quitta Boron que vers
1760.
Ce serait donc vers cette date que les Saganogo
arrivèrent à Kong.
Une fois à Kong, Siri Mori Kuribari confia l'ins-
tallation des nouveaux venus aux Turé qui, dit-on,
jouis-
saient d'une réelle autorité dans le pays.
Ils résidaient
dans le quartier Korora et leur chef s'appelait Karan
Ibrahima Turé(4). Ce dernier hébergea les Saganogo dans
son propre quartier. A peine installés,
les nouveaux venus furent
(1) Pour ces informations voir Karamoko Ouattara et Basièri Ouattara
(enquêtes réalisées en mar, . 1977 à Kong) et Marhaba (enquêtes
réa-
lisées à Bobo-Dioulasso en février 1979).
(2) Dawaba Bamba, enquêtes réalisées à Fase1e,mon le 15 mars 1977, dossier IV.
(3) Labi Mamadou, Bouaké, juillet 1978.
(4) D'après les renseignements que nous avons pu recueillir à Kong il
semblerait que Karan Ibrahim Turé ait suivi à Boron le-s cours de
Mustafa Saganogo.
754
sollicités par la population pour enseigner l'arabe et le
Coran dans les différents quartiers de la ville.
Les traditions orales ont retenu particulièrement
le nom de l'un de ces immigrants saganogo qui s'appelait
Abbas Sitafa. Ce personnage semble avoir été un grand
érudit; peu de temps après son arrivée à Kong, i l s'ins-
talla dans le quartier Sagara qui devint
"en quelques années la retraite des savants
et des hommes pieux, à l'écart des masques
et des danses qui étaient fort nombreuses à
Kong"(1).
Lorsque son autorité fut affermie,
i l créa le quartier
Katagora au nord de la grande mosquée et fit édifier vers
1765 sa propre mosquée connue sous le nom de la mosquée de
Sitafa. Cette dernière allait devenir non seulement un lieu
de recueillement et de prières, mais un haut lieu de l'en-
seignement islamique. La mosquée de Sitafa allait conna1tre
à partir de la fin du XVIIIe siècle l'essor d'une grande
université africaine dont la réputation dépassera les fron-
tières de l'Empire des Watara. C'est probablement à partir
de cette date que Sitafa fut nommé imam de la granne mosquée
de Kong. Voyons maintenant le contenu de son enseignement.
4.
-
L'enseignement de l'arabe à Kong
à l'époque de Kumbi(2).
L'arabe était enseigné à Kong avant l'arrivée des
Saganogo ; cet enseignement semble avoir été l'oeuvre des
(1) Sanogo, Kong (17-8-77) ; voir aussi Marhaba (2-3-1979, Bobo-Dioulasso).
De nos jours encore le quartier Sagara est considéré comme le
quartier des saints.
(2) Nos informations ont été recueillies auprès de la plupart des
érudits de Kong entre 1975 et 1979.
755
Kuribari et des Turé, mais i l était sommaire et le niveau
était relativement bas. Abbas Sitafa le réorganis.a et en
releva le niveau en faisant appel à des ma!tres compétents.
Désormais,
l'enseignement de l '·.arabe comporta pour
la première fois trois niveaux, un niveau élémentaire, un
niveau moyen et un niveau supérieur.
a)
Le niveau élémentaire ou duguma'
Comme son nom l'indique,
le duguma
(en bas)
est un
enseignement de bas niveau.
Cet enseignement s'adressait à des enfants de cinq
à huit ans. A Kong, on estimait que lorsqu'un enfant savait
compter jusqu'à vingt sans se tromper i l pouvait aller à
l'école.
Il n'y avait donc pas un âge précis camme de nos
jours pour inscrire son fils ou sa fille dans une école
coranique. Mais, généralement, les enfants des milieux aisés
étaient admis très tôt dans les écoles coraniques, probable-
ment dès l'âge de cinq ans. L'objectif du duguma était simple
i l visait à assurer la formation morale de l'élève
(devoirs
et obligations)
et à lui apprendre les règles de la prière.
Il apprenait des versets dont i l ignorait absolument le
sens.Il mémorisait les premières sourates du Coran
(al-
Fatiha) qui étaient généralement utilisées dans les prières
quotidiennes. La formation pouvait durer quatre à sept ans.
Il faut dire que dans le dugurna l'adolescent consacrait
l'essentiel de son temps à accomplir des travaux manuels
...... pour: -son.malt.re(travaux..des champs, de tissage ... ). A la
fin du duguma,
l'élève ne savait pas lire le Coran, mais
sa mémoire avait enregistré de nombreuses sourates qui
allaient lui servir au niveau du sando. A Kong,
au XVIIIe
siècle, très peu de filles dépassaient le niveau du duguma.
756
b)
Le sando
Le sando
(= en haut)
constituait véritablement les
débuts des études coraniques à Kong. Non seulement le
jeune élève apprenait les sourates par coeur mais il
les
recopiait
sur des plachettes. Au cours de cette formation
qui durait de nombreuses années l'étudiant apprenait à lire
et à écrire correctement l'arabe. D'après Sanago
"les vieux racontent qu'autrefois, à la fin
de ce cycle les élèves avaient une maîtrise
de la langue arabe"(1).
L'étudiant apprenait la grammaire (nahw) et le droit musul-
man (fiqh). Les étudiants brillants préparaient
un diplôme
(ijaza) à la fin du cycle.Le Frogramne FQrtait sur l'étude du Coran et
de deux ouvrages le Tafsir al Jalalayn de al-Mahalli et
d'al-Suyuti(2). A la fin de cette étude les étudiants méri-
tants recevaient leur dipl5me et l'autorisation de porter
le turban ou ~, une bande d'étoffe blanche enroulée
autour de la ~ête, ou une chéchia en signe de distinction(3).
Cette cérémonie donnait lieu autrefois à une grande
fête
appelée (byètyè) qui était
"marquée par des distributions de riz et de
kola et une procession qui escorte l'élève de
l'école à son domicile"(4).
Dès lors, le nouveau diplômé pouvait, soit s'installer
dans un petit village et créer une école coranique, soit
poursuivre ses études pour acquérir le titre d '_alim ou
(1) Sanaga, Kong, le 17-8-1977.
(2) Il s'agit de commentaires du Coran. Ces ouvrages sont encore très
appréciés de nos jours dans les enseignements de haut niveau (fin
d'études). AI-Mahalli est mort en 1459 et al-Suyûti est mort en lS05.
(3) Voir P. Marty, Etudes sur l'Islam en Côte d'Ivoire, 1922, p.263.
(4) Y. Persan, ~. cit., t.I, p.138.
758
"les liens d'affection et d·estime noués durant
ces années studieuses durent généralement
jusqu'à la .. mort et sont parfois renforcés par
des alliances matrimoniales" (1).
Mais Sitafa Abbas semble avoir eu de nombreux étudiants à
ses cours.
A ces étudiants de Kong s'ajoutaient en effet
ceux venus des quatre coins de l'Afrique Occidentale
(Kankan,
Kangaba, Samatigila, Kani, Koro, Boron, Bondoukou, Satama-
Sokoro, Bouna •.• ) pour parfaire. leur connaissances, rece-
voir des diplômes mais aussi pour faire figurer sur leur
isnad le nom des prestigieux professeurs de Kong. L'isnad
était en effet un document qui permettait de connaître le
nom des grands maîtres qui avaient participé à la formation
d'un individu. Il faisait la fierté des grands érudits,
et l'isnad à Kong avait autant d'importance que le diplôme
avec lequel i l se confondait parfois. Il était délivré à
l'étudiant à la fin de sa formation. Chacun des ouvrages au
programme donnait droit à un ijaza. A l'issue de ce cycle
de formation à Kong,
les étudiants maîtrisaient parfaitement,
aemble-t-il, la langue arabe.
Ils avaient
"une ouverture sur le monde islamique et son
histoire"(2) .
Dans cette formation i l faut noter cependant une
grave lacune: l'Afrique Noire fut totalement ignorée. Les
Saganogo qui se faisaient passer pour des Arabes se désin-
téressèrent de l'histoire africaine et Sitafa ne se donna
pas la peine d'écrire et d'enseigner l'histoire des watara
qui le comblaient de dons. Ainsi, pendant que les uléma du
Gonja rédigeaient leur chronique,
les Saganogo concentraient
(1) Y. Persan, op. cit., p.138.
(2)
Ibidem,
op. cit., p.138.
759
leurs efforts sur les étud~5 pieuses
(commentaires du Coran)
et le droit musulman, notamment
le droit malékite. Ce~
études eurent cependant un grand succès et un impact con-
sidérable sur l'histoire de Kong. Elles se déroulaient
dans la mosquée de Sitafa qui devint ainsi, à l'instar de
Sankoré
(Tombouctou), l'une des plus importantes médersa
(universités) de l'Afrique Occidentale au XVIIIe siècle. La
capitale des Watara devint un haut lieu des études islami-
ques. Aujourd'hui encore, dans la plupart des villes
africaines le nom de Kong évoque le souvenir d'une d€s
plus
grandes capitales musulmanes de l'Afrique Noire. Le lomba
assurait la formation de deux types de savants, l'alim
(théologien,
jurisconsulte)
reconnaissable par son numa de
couleur orange et le véritable karamogo qui portait le
turban à deux couleurs noir et blanc(1).
Kumbi encouragea l'enseignement de l'arabe et de la
religion musulmane. Il finança la construction de nombreuses
mosquées qui furent, non seulement des centres de prières,
mais des établissements d'enseignement. Sous le règne de
ce souverain les écoles coraniques se multiplièrent.
D'après Marhaba, à la fin du mandat de Sitafa, c'est-A-dire
vers 1800, chaque grande famille était à la tête d'une
école coranique(2).
Les professeurs étaient choyés. Kumbi Watara leur
offrait régulièrement des dons en or, en bétail, en terres
et en esclaves. Labi souligne que ce souverain
"avait une grande affection pour les kararnogo
... -et notamment les Saganogo et qu'il leur accor-
dait des privilèges et des biens considérable~(3).
(1) .Le no~r serait le symbole de la puissance, de la force.
(2) Marhaba, Bobo-Dioulasso, le 3-3-1979.
(3) Mamadou Labi, Bouaké, juillet 1978.
760
~a population elle-même accordait son appui aux efforts
des souverains. Ell~ payait aux ancêtres des Saganogo un llnFôt tous les
cinq jours{l). La médersa de Sitafa bénéficia
du mécénat,
de la générosité de la population et surtout de celle des
princes watara dont les traditions vantent encore la ri-
chesse. La générosité légendaire du Fama Kumbi dépassa les
fron~ières de l'Empire de Kong et y attira de nombreux
lettrés. Parmi ces derniers on peut signaler le cas des
Kamagaté qui venus de Begho s'installèrent dans la région
de Kong et dont certains fondèrent la ville de Bilimono.
D'après Bassirakoro Kamagaté,
"à Begho les Kamagaté enseignaient le Coran
( ..• ). La plupart d'entre eux quittèrent la
ville pour venir à Kong, car dans la région
de Begho on disait beaucoup de bien de Kumbi ;
on disait qu'il aimait les karamogo et les
savants et l'on vantait sa générosité. Les
Kamagatés conduits par Bakari supplièrent alors
Tan(2)
un ami de Kumbi de les conduire dans le
pays des Watara, ce qui fut fait ••• "(3)
Après les études à la médersa de Sitafa la plupart
des étudiants étranqers rentrèrent chez eux, créèrent des
centres d'études étroitement liés à la médersa de Kong.
Comme le souligne Moustapha Diané(4),
ils devinrent les
porte-drapeaux de la civilisation dyula de Kong. Ceci dut se
produire dès la fin du XVIIIe siècle. En effet, au début du
XIXe siècle,
les karamogo watara qui avaient essaimé un peu
(1) A la fin du XIXe siècle, cet impot était payé en cauris. cf. Binger,
op. cit, t.l, p. 300-303.
(2) Ce personnage semble avoir été un prince abron qui s'était r~fugié
à Begho après la défaite de son pays face aux Ashanti en 1740
(informations recueillies auprès de Mamadou Labi, Bouaké juillet
1978). Sous le règne de Kumbi, les Abron étaient effectivement bien
accueillis à la cour royale de Kong.
(3) Bassirakoro Kamagaté, Bilimono. le 24-4-1975.
(4) Moustapha Dian€,
Kotédougou. le 2-3-1979.
761
partout en AÏrique de l'ouest dirigeaient d'importants
centres islamiques qui diffusaient ainsi l'influence de
Kong à l'extérieur(l).
Ce rayonnement de Kong a faire dire à Binger que
"si les gens de Kong ne font pas la guerre(2)
cela ne les empêche pas de faire des con-
quêtes ;
ils y procèdent avec un ordre et une
méthode remarquables, en envoyant lE" trop-
plein de la population de la ville s'établir
sur toutes les routes qu'ils ont intérêt à
tenir. Environnés de toute part de peuplades
fétichi&tes qui ne vivaient que de rapines et
de brigandages, les gens de Kong ne pouvaient
se livrer aux transactions commerciales et
écouler leurs cotonnades qu'avec de grosses per-
tes, provenant des droits exorbitants à payer
aux roitelets fétichistes des environs, sous
peine de pillage.
Qu'ont-ils fait? Ils ont établi de proche
en proche, des familles de Kong dans tous les
villages situés sur le parcours de Kong, à
Bobo-Dioulasso d'abord, à Djenné ensuite. Ils
ont mis cinquante ans pour doter chaque village
fétichiste d'une ou deux familles mandé.
(1) Voir le voyage d'Abu Bakr au début du XIXe siècle, Ivor Wilks in
Africa Rememhered, (éd. par D. Curtin, 1967, p. 153. Le centre
islamique de BoUDa par exemple était dirigé vers 1800-1805 par un
Watara du nom d'Abdallah ibn al-Hajj Muhammad al Watarawi
C'est probablement vers la fin du XVIIIe siècle que des Kamagaté
formés à Kong, s'installèrent comme imams à Bondoukou : cf. I.A.SAR/81
(2) Il serait erroné de crŒire que les Watara ne font pas la guerre.
Contrairement à ce que dit Binger, les watara n'hésitent pas à uti-
liser la force armée pour défendre leurs intérêts. Il suffit de se
"'-"-r~fér'et auxëxpéditions de-s watara dans l'Anno, le Gyaman , le Lobi,
dans la boucle du Niger et dans le Haut-Niger au milieu du XVIIIe
siècle.
762
Chacun de ces immigrants a organisé une école,
demandé à quelques habitants d'y envoyer
leurs enfants ; puis peu à peu, par leurs
relations avec Kong d'une part, les autres
centres commerciaux d'autre part, ils ont pu
rendre quelques services au souverain féti-
chiste de la contrée, captiver sa confiance
et insensiblement s'immiscer dans ses arfaires.
y a-t-il un différend à régler, c'est toujours
au musulman que l'on s'adresse, d 1 abord parce
qu 1 i l sait lire et écrire ensuite parce qu'il
a la réputation d'être un homme de bien et en
même t~ qu'un homme de Dieu.
Arrive-t-il que le musulman ambassadeur échoue
dans sa mission, i l ne manque pas de proposer
au roi fétichiste d'employer l'intermédiaire
des gens de Kong.
Du coup, voilà le pays placé sous le protecto-
rat des Etats de Kong.
Les Mandé - Dioula de Kong ont essaimé sur
toutes les routes qui mènent à un centre où
leur commerce et l'écoulement de leurs produits
les appellent" (1) •
Grâce ainsi au renouveau islamique qu'encouragea
Kumbi, Kong eut une grande influence en Afrique Occidentale.
Lors de la "Table ronde sur les origines de Kong" en 1975,
le griot de Kirina a dit :
"Si vous voyez que chez nous au Mandé les
affaires de Kong sont plus importantes que
d'autres pour nous c'est parce que Kong est
un village béni pour nos ancêtres depuis
longtemps R (2) .
(1) Binger, op. cit., p.327. L'installation des Karamogo de Kong à
l'extéri~r a probablement été encouragée par le souverain Kumbi.
(2) Wa Kamissoko, A.D.A., série J, 1977, p.9ü.
763
Considérée comme une cité pieuse, bénie de Dieu à
partir du milieu du XVIIIe siècle, Kong allait jouir d'un
prestige considérable en Afrique OCcidentale. Le souverain
Kumbi attacha ainsi son nom à l'une des époques les plus
brillantes de l'histoire des watara.
C.
KUMBI ET L'ADMINISTRATION DE
L'EMPIRE
(1750-1770)
Les traditionalistes ne semblent pas avoir conservé
de souvenirs vivaces relatifs à la vie de Kumbi avant la
prise du pouvoir.On ignore à quel âge i l succéda à son
frère Samanogo. Il devait être très jeune lorsque déjà,
vers 1715-1720, son père lui confia d'importantes charges
militaires et administratives. Il fut par conséquent initié
très tôt aux affaires de son pays.
En 1750, lorsque Famaghan mourut, i l devint l'héri-
tier d'un immense Empire qui s'étendait du nord de Dienné
aux confins de la forêt ando sur près de 1.000 kilomètres
du nord au sud et sur en moyenne 200 à 500 kilomètres
d'est en ouest. Pour gérer cet ensemble, Kumbi procéda à
des aménagements administratifs et noua avec ses voisins
des relations diplomatiques très étroites.
1. -
La réorganisation administrative
du Kpon-Gènè
Kumbi avait, semble-t-il, un sens aigu des affaires
---.----- ··d-e-l-'E-t-at:·.
Il-comprit, comme son père, que l'équilibre de
l'Empire dépendait de trois éléments fondamentaux,
l'admi-
nistration,
l'armée et les finances.
764
Au niveau de l'administration, Kumbi continua l'oeuvre
de &On père. Il ne remit pas en cause la division du Kpon-
Gènè en trois provinces royales mais i l compléta le travail
de Seku watara. Seku avait laissé au sein de l'Empire un
noyau centraI organisé, structuré,
le Kpon~è qui connais-
sait une administration centralisée qui assurait la paix
intérieure. Mais les vastes terres qui slétendaient d'une
part entre le Kpon-Gènè et les terres du sud riches en or
et en noix de kola
(Anno)
et, d'autre part, entre le noyau
central et les pays lobi et bobo manquaient d'homogénéité.
Ces terres qui représentaient en gros les neuf dixièmes de
l'Empire étaient habitées par des populations hétérogènes,
inorganisées, et qui étaient habitué s depuis des millé-
naires à vivre repliées sur elles-mê
Kumbi allait surtout
s'intéresser aux terres du sud (Dyim·
i, Dyamala, Anno) où
i l allait installer des dugukunasigi
la tête des divisions
administratives créés artificielleme
pour les besoins
de la cause. Il créa vers 1750, les
oro-Dugu c'est-à-dire
les provinces rnilitaires(1). Ces dernières, au nombre de
huit étaient réparties comme suit : trois dans le Dyimini
(nord-centre-sud), trois dans le Dyamala(2) , une dans le
Folona,
une dans les territoires palaka, et une autre dans
l'Anno(3). Les provinces militaires étaient soumises à un
simple tribut que prélevait un kèrè-mansa qui parcourait
les r~gions soumises à l'autorité des rois de Kong. Elles
étaient gérées par un dugukunasigi choisi par le Fama parllli les
familles les plus influentes de la région. L'armée du Kèrè-
Mansa avait essentiellement pour but de surveiller les dugu-
(1) Enquêtes réalisées essentiellement à Kolon et à Bogomadougou
(février-mars 1975 et avril-mai 1977). A Bogomadougou voir surtout
Gaoussou Ouattara (70 ans), chef de terre; à Kolon voir
Fisiri Ouattara.
(2) Le Foro-Dugu le plus important du Dyamala fut celui de Satama-&okoro.
(3) La base de cette province militaire fut Famièkro.
765
ltunasigi. et de renseigner le Fama sur tout ce qui se passait
dans le pays. A ce sujet, les autorités militaires des nou-
velles provinces étaient chargées d'interroger en détail
les marchands qui sillonnaient les routes de l'Empire. Elles
devaient, en outre, envoyer des Finminabagari dans les autres
coins du pays pour recueillir des informations afin d'éclai-
rer les décisions qu€
le Fama souhaitait
prendre. Le Fama
était en effet confronté à des problèmes de communications
et i l était obligé d'avoir recours à ces expédients. En
outre, l'organisation des provinces militaires permettait
d'alimenter les caisses de l'Etat et ce fait n'était pas
négligeable, compte tenu des frais énormes que les souve-
rains durent engager pour entretenir l'armée
(achat des
chevaux et des armes)
et pour payer les fonctionnaires. La
mise en place des Foro-Dugu revêt une importance considéra-
ble. Elle constitua le point de départ de l'organisation
des chefferies watara du Dyimini, du Dyamala et du Mango
sur le modèle de Kong. Saignées par les Fama de Kong, elles
chercheront la moindre occasion pour s'affranchir de la
tutelle de la métropole. Kumbi aura d'ailleurs à prendre
les armes contre le dugukunasigi du Folona qui,
à l'époque,
s'appelait Folona Moriba.
En dehors des Foro-Dugu, Kumbi se préoc~upa du sort
des anciens royaumes que Seku avait annexés au Kpon-Gènè.
Il s'agit de Dyangbanaso, de Ténégéra,de Komono et de
Nafana. La question du Kalgbénin avait été définitivement
réglée à l'époque de Seku watara. Le fondateur de l'Empire
avait détruit entièrement la capitale de ce royaume Nabé et
l'avait annexé au Gènè de Kumbi et de Mori.Maghari.
Seku Watara avait accordé un statut particulier
au petit royaume de Nafana à cause de l'aide que le prince
Kèsè Maghan lui avait apportée au début de son règne.
Il
766
conclut avec son jeune ami une all~ance militaire et le
dispensa de tout tribut vis-à-vis de Kong. La situation
changea après la mort de Kèsè Maghan, Kumbi remit fondamen~
talement en cause l'autonomie de ce pays. Il lui supprima
le droit de disposer d'une armée régulière et lui imposa
une levée de troupes en cas de guerre(1). Dès lors, l'his-
toire du Nafana se confondit avec celle du Kpon-Gènè. Kurnbi
évita cependant d'installer un représentant dans la capitale
du Nafana et d'imposer un tribut annuel au chef de ce pays
qui fut "néanmoins autorisé ll selon la formule consacrée
des ~atara à faire des cadeaux chaque année au Fama àe
Kong(2). En fait, de façon voilée, Kumbi avait annexé le
Nafana .11 allait agir de la même manière avec les autres
vieux centres de la région de Kong.
On se souvient des tergiversations de Ténégéra au
moment où Seku Watara sollicita son aide pour combattre
Lasiri Gbombélé. Au lendemain de la victoire de Seku Watara,
Ali Usufu,
le petit-fils de Bakari vint à Kong et fit acte
de soumission au nouveau roi
; i l adopta le dyamu Watara.
Seku Watara touché par le geste de ce jeune prince l'engagea
dans son armée mais supprima la monarchie de Ténégéra. En
1750,
lorsque Kumbi entreprit la réorganisation du Kpon-
Gènè, i l exila les descendants de Bakari dans le Lobi et
nomma un Dyula, Daramane Kuribari,
comme dugutigi de Ténégéra
ce fut la fin de la monarchie dyula de Ténégéra qui avait
connu un brillant essor aux XVIe et XVIIe siècles. En
réalité i l semblerait que le développement de Kong ait
entraîné le déclin de Dyangbanaso. Nous notons une situation
analogue dans la boucle du: Niger où l'essor de Tombouctou
provoqua la ruine de la cité de Oualata à la fin du XVe
siècle(3) •
(1) Informations recueillies le 20-3-1974 à Nafana auprès de
Bamori Bayikro.
(2) Bamadou Ouattara, Nasyan, le 19-8-1974.
(3) T. es-s., 1964, p.37.
767
Le royaume de Dyangbanaso avait été ruiné par les
guerres que Seku Watara mena pour la conquête du pouvoir.
Le traditionaliste Dawaba présente ainsi la situation
de
Dyangbanaso sous le règne de Seku Watara :
UDyangbanaso avait été autrefois un Royaume
florissant.
Son roi Dyowoké entretenait de
bonnes relations comrnercialesavec Biéro
(Begho) et Dienné. Les guerres de Seku Watara
ont ruiné entièrement le pays des Wèla. La
population a fui dans toutes les directions et
la plupart des hommes d'affaires se sont
réfugiés à Kong. Dyangbanaso a été ainsi
progressivement vidé de sa population. D'après
les vieux la capitale de Dyowoké qui comptait
autrefois plus de 10.000 habitants n'en
comptait plus à l'époque de Seku Watara qu'en-
viron 700 personnes ••• "(1).
La prospérité de la ville de Kong avait ainsi
entraîné, sous le règne de Seku Watara (1710-1745),
la ruine
de Dyangbanaso et Kumbi n'eut aucune peine à supprimer la
royauté instaurée par Dyowoké. Il remplaça les mansa par
ses dugutigi choisis généralement dans les milieux dyula
les plus influents du pays.Il restait à régler la situation
du Komono. Ce pays n'avait pas souffert des guerres de
Seku Watara. Et i l était,
sous le règne de ce souverain,
une région riche et prosp€re.
Il fournissait au Kpon-Gènè
les céréales et le beurre de karité et c'est à juste titre
que l'on considérait le Komono et le Dyimini comme les
greniers à céréales du Royaume des Watara. Le Komono était
aussi réputé pour fournir les meilleurs archers de l'Empire
de Kong. A ce titre,
il représentait un intérêt considérable
pour les Watara qui allaient puis~r
au sein de ce pays
l'essentiel de leurs meilleures troupes.
(1)
Dawaba Bamba,
Logobou, le 25-3-1974.
768
Seku Watara avait accordé au Komono une certaine
autonomie administrative et politique. Kong avait un droit
de regard sur la désignation des rois du Komono qui allaient
d'ailleurs porter le titre de dugukunasigi, mais le chef
du pays régnait sur son peuple comme dans le passé. Cepen-
dant i l ne pouvait entreprendre une guerre dans la région
sans l'autorisation du Fama de Kong à qui i l payait chaque
année un lourd tribut.
Il devait aussi fournir des troupes
lorsque le Fama faisait une expédition dans une région
donnée. Kurnbi Watara semble avoir renforcé les liens de
dépendance qui liaient le Komono à Kong. Il aurait décrété
que, pour prétendre au trône du Komono, les candidats de-
vraient avoir servi dans l'armée des watara à Kong(1). Ceci
confirmerait les traditions de Kolon selon lesquelles
"la plUPart des rois du Komono avaient servi
à la cour des rois de Kong"(2).
Cette décision de Kumbi avait, sans aucun doute, deux
objectifs, la mise en otage des jeunes princes des pays
tributaires comme cela avait lieu au Moyen Age dans les
états soudanais(3) et l'appui de Kong au candidat fa~orable
à la politique des watara. Cette mesure eut pour conséquence
le rapprochement entre les Watara et le Komono. Telles
furent les grandes modifications que Kumbi Watara introduisit
au sein du Kpon-Gènè, et qui servirent de modèles à l'orga-
nisation des autres provinces de l'Empire.
(1) Bamadou Quattara, Nasyan, le 19-8-1974.
(2) Fisiri Quattara, le 1~r-4~1976.
(3) Selon Es-Sa'adi "il était d'usage que les fils des rois fussent
astreints au service de leur suzerain. Cette coutume d'ailleurs
s'est perpétuée jusqu'à nos jours (XVIIe siècle) chez tous les
sultans du Soudan. Parmi ces jeunes gens, les uns rentraient dans
leur'pays après avoir servi un certain temps; d'autres, au con-
traire, cantinaient jusqu'à leur mort à demeurer auprès de leur
suzerain" (T. es-S., 1964, p.11).
769
Kumbi s'appuya sur deux de ses frères pour régner.
Il s'agit de Dyangéna et de Somafi. Il créa avec eux un
conseil étroit qui prenait les décision les plus importan-
tes pour la marche du pays. Ainsi se constitua sous le règne
de Kumbi Watara, trois grandes maisons royales qui allaient
dominer l'histoire de Kong pendant plus d'un siècle; i l
s'agit des Kumbiso, Dyanginaso et des Somaso.
Kumbi Watara compléta l'effectif de l'armée de
Kong qui avait subi, semble-t-il, des pertes importantes
lors des guerres contre Dangban Koroko. L'équilibre de
l'Empire reposait en effet sur l'efficacité de cette impo-
sante armée. Il ne semble pas que Kumbi ait apporté de réelles
modifications dans son organisation proprement dite. En
tout cas,
les traditionalistes ne disent rien sur ce sujet.
L'administration des provinces de l'Empire procura
au Fama des ressources considérables. C'est ce qui expli-
querait qu'en matière d'impôts. i l suivit l'exemple de son
père. Il supprima les lourdes taxes qui pesaient sur les
voies commerciales et se contenta du dolo-songo que lui
offraient les riches négociants du pays, après chaque grand
voyage ou à l'occasion des grandes fêtes musulmanes. On
assista à ce que l'on pourrait appeler un mariage de raison,
entre les milieux d'affaires et le pouvoir politique. Comme
Seku Watara, Kumbi mit son armée au service du commerce.
Comme son père, Kumbi participa activement au négoce pour
accroître ses ressources.
Il s'occupa aussi de l'approvision-
nement en céréales de la cour royale.
Il créa cinq villages
de cultures connus sous les noms de Nyankéré, Daduga Kolonso,
Bambadyon et Pigé. Ces plantations étaient gérées par des
esclaves royaux qui alimentaient chaque année,
la cour royale
en céréales. Chaque village comptait 500 à 1.000 paysans
770
~sclaves qui travaillaient pour le compte du roi(1). De
ce fait,
les greniers des Fama de Kong regorgeaient de
céréales. On comprend pourquoi lors des grandes fêtes
musulmanes, Kumbi se permettait d'en distribuer des cen-
taines de sunu(2).
Mais Kumbi ne s'occupa pas seulement de politique
intérieure, i l déploya aussi une grande activité diploma-
tique avec les pays voisins.
2. - Les relations diplomatiques
Le Fama Kumbi a laissé dans les sources orales de
Kong le souvenir d'un souverain qui aimait entretenir de
bonnes relations avec ses homologues des pays voisins qui
tissaient
des liens commerciaux avec les Dyula de Kong.
De ce fait, de nombreuses ambassades étrangères étaient
regulièrement reçues à la cour royale de Kong. Le Fama
échangeait avec ces dernières des lettres d'amitié et de
riches présents. La politique extérieure de Kumbi visait
un double objectif, premièrement assurer son prestige à
l'extérieur en éblouissant ses visiteurs par ses richesses
et en faisant défiler devant ces derniers une imposante
cavalerie équipée de fusils, qui dissuadait sans aucun
doute les ennemis de Kong et rassurait ses alliés. Deuxiè-
mement, Kumbi Watara voulait créer des conditions favora-
bles au développement du commerce des Dyula de Kong. Les
traditions de Kong ont gardé surtout le souvenir des
rapports de Kumbi avec le Gyaman,
Bouna, Bobo-Dioula~su,~~
les Etats de la boucle du Niger
(Dienné, Tombouctou).
(1) Pigneba Ouattara, enquêtes réalisées en 1974.
(2) Il s'agit de sac de cuir servant de mesure
et contenant
généralement 200 à 250 litres environ. Cf. T. el-F., p.179.,
note 1.
771
a)
Avec la cour du Gyaman
Le marché de Bondoukou recevait un certain nombre
de produits qui intéressaient les watara et les négociants
de Kong. Il s'agit notamment de l'or, des noix de kola
de l'Ashanti et surtout des produits européens, les fusils
et la poudre. A partir de 1750, Bondoukou entretenait, en
effet, des relations suivies avec l'Ashanti et les pays de
la côte. Le Fama de Kong soigna donc particulièrement ses
rapports avec les souverains du Gyarnan qui avaient sans
cesse besoin de consulter les célèbres karamogo de la
capitale des watara. Le Gyaman, rappelons le, avait aussi
besoin du soutien militaire des Watara pour se protéger
contre d'éventuelles agressions ashanti. Telle5furent les
conditions qui prévalurent au milieu du XVIIIe siècle au
rapprochement entre le Gyaman et le Kpon-Gènè. Les traditions
orales de Kong font état de nombreux échanges d'ambassades
entre ces deux Royaumes,
surtout sous le règne de Kumbi
(1750-1170). D'après certains témoignages que nous avons
recueillis à Kong et à Kolon
"Kofi Sonu et Kumbi Watara échangeaient souvent
à l'occasion des grandes fêtes musulmanes, des
cérémonies de mariages ou de funérailles,
des
lett~es d'amitié et des cadeaux" (1) •
A Pongala, on signale que Kofi Sono séjourna plusieurs fois
à Kong répondant ainsi à l'invitation de son loyal ami
Kurnbi. A chacun de ses voyages, Kofi Sono aurait reçu un
accueil grandiose et fut comblé de cadeaux parmi lesquels
figuraient souvent des vêtements d'honneur et des chevaux(2).
(1) Propos recueillis à Kong le 20-5-1977 auprès de Basièri Ouattara.
A Kolon voir Fissiri Ouattara (enquêtes du 25-3-1976).
(2) Dawaba Bamba, enquêtes réalisées en juin 1976.
772
Des lettrés de Kolon affirment que les rois du Gyarnan
écrivaient souvent aux Fama de Kong ; malheureusement,
toutes les recherches que nous avons effectuées dans les
papiers personnels des rois de Kong ne font pas état de
cette correspondance. Ces lettres qui certainement ne repré-
sentaient pas un grand intérêt ont da être abandonn€es
à Kong lors de la destruction de la ville par Samori à la
fin du XIXe siècle(l).
Les traditionalistes conservent le souvenir d'un
des voyages de Kofi Sono venu à Kong pour assister aux
funérailles de Seku Watara mort en 1745. A son arrivée
dans la capitale des Watara, i l aurait fait don aux autorités
de la ville, pour témoigner sa reconnaissance au défunt, de
îOO boeufs et de 33 jeunes filles esclaves qui portaient
chacune une bassine remplie d'or(2). Ceci donne une idée
des cadeaux que les rois échangeaient entre eux.
Les mariages,
les victoires militaires et les
funérailles étaient en effet des occasions privilégiées
pour resserrer les liens d'amitié qui existaient entre le
Gyaman et le Kpon-Gènè. Ces rencontres entre les souverains
et les échanges d'ambassades créèrent ainsi un climat
favorable au commerce de Kong avec Bondoukou. Et c'est à
juste titre que les traditionalistes placent le règne de
Kurnbi Watara sous le signe de la paix et de la prospérité.
Les relations cordiales entre Kong et Bondoukou vont per-
sister jusqu'au milieu du XIXe siècle
(1820). Elles con-
solidèrent la paix entre ces deux Etats de 1720 à 1820 environ.
(1)
Voir les papiers personnels du roi actuel de Kong, Karamoko
Ouattara. Pour la.correspondance entre les rois de Kong et ceux du
Gy aman , voir Fisiri Ouattara, ler-4-1976.
(2)
Informations recueillies auprès du Bambadyon, Pigneba Ouattara en
1974 à Ouangolodougou.
773
b)
Avec Bouna
Les rapports entre Bouna et Kong sont difficiles
à cerner avant le règne de Kumbi Watara. Seku Watara ne
semble pas avoir combattu contre les autorités de ce pays.
Dans toutes les traditions orales de Kong on ne mentionne
aucune guerre entre les mansa de Bouna et les Fama de
Kong. On peut donc supposer que ces deux formations
politiques qui vivaient du commerce entretenaient des rela-
tions amicales. Les autorités de Kong devaient cependant
se brouiller avec le Bouna-mansa, Tigiba ou Kungan, qui, à
partir de 1749, donna asile à Dangban Koroko qui avait tenté
de conquérir le Royaume de Kong. Le Bouna-mansa avait
encore aggravé son cas en refusant de restituer les épouses
des rois du Gyaman qui s'étaient réfugiées chez lui. Tout ceci
avait condui~ Kumbi Watara et Kofi Sono à combattre Bouna
et à tuer son mansa. D'après les traditions de Kong, Kumbi
Watara ne se contenta pas d'imposer un lourd tribut aux
autorités de Bouna mais il emmena en captivité trois jeunes
princes(1).
Le Fama de Kong ne semble pas avoir gardé longtemps
ces jeunes gens à Kong. Après cinq ans de captivité, le Fama
les autorisa à regagner leur pays, c'est-à-dire probablement
vers 1755. L'un d'eux, connu à Kong sous le nom de Burayima,
aurait même épousé une fille ou une nièce de Kumbi du.nom
d'Aïsata Watara. La libération des captifs et le mariage
de Burayima avec Aisata exhortèrent les autorités de Bouna
à nouer des relations commerciales avec les Dyula de Kong.
Nous avons recueilli à ce sujet deux traditions à Kolon et
Pongala :
(1)
Dyamila Ouattara,
Yénoro
30-3-1976.
774
Versions de Kolon(1)
h • • •
Lors de la guerre contre Dangban Koroko,
Kumbi revint de Bouna avec de nombreux captifs (2)
parmi lesquels figuraient trois fils de
Tigirna (Tigiba). Plus tard Kurnbi libéra les
princes qui regagnèrent leur pays. Ils
récompensèrent gracieusement, le Fama en le
couvrant d'or. L'aîné d'entre eux épousa
une des filles du roi de Kong appelée Aïsata.
Ainsi naquit sous le règne de Kumbi l'amitié
entre Bouna et Kong ll •
Version de Pongala(3)
UNous avons entendu dire par nos vieux que
Kong entretenait des relations d'amitié avec
Bouna. Kumbi aurait même offert en mariage
une de ses filles, Aïsata à un prince de
Bouna appelé Burayima. Ce dernier avait vécu
autre:fois en otage à la cour des Watara ••. 11
Ces deux versions ne donnent pas les raisons pour
lesquelles Kumbi offrit la liberté aux princes de Bouna et
maria sa fille ou sa nièce à l'un d'entre eux. Mais tout
porte à croire que les guerres entre Bouna et Kong avaient
perturbé les relations commerciales et diplomatiques entre
les deux pays. Le commerce de Kong avait certainement
souffert de cette situation. C'est probablement pour redy-
namiser la voie Kong-Bouna et permettre aux Dyula de Kong
d'être bien accueillis à Bouna qu'il se montra clément
envers les autorités de ce pays et autorisa le mariage de sa
fille avec un prince de Bouna. Cette politique de sagesse
dut ouvrir à nouveau le marché de Kong aux négociants de
(1) Bayerisan Ouattara, Kolon, le 3-5-1974.
(2) Ce fait est confirmé par le manuscrit de Legon
1. A. S • A. R/7 9 •
(3) Dawaba Bamba, Pongala, 27-3-1976.
756
b)
Le sando
Le sando (= en haut) constituait véritablement les
débuts des études coraniques à Kong. Non seulement le
jeune él~v€ apprenait les sourates par coeur mais il
les
recopiait
sur des plachettes. Au cours de cette formation
qui durait de nombreuses années l'étudiant apprenait à lire
et à écrire correctement l'arabe. D'apr~s San~go
IIl es vieux racontent qu'autrefois, à la fin
de ce cycle les él~ves avaient une maitrise
de la langue arabe"(1).
L'étudiant apprenait la grammaire
(nahw) et le droit musul-
man
(fiqh). Les étudiants brillants préparaient
un diplôme
(ijaza) à la fin du cycle.Le programme fX)rtait sur l'étude du Coran et
de deux ouvrages le Tafsir al Jalalayn de al-Mahalli et
d'al-Suyuti(2). A la fin de cette étude les étudiants méri-
tants recevaient leur diplÔme et l'autorisation de porter
le turban ou ~, une bande d'étoffe blanche enroulée
autour de la tête, ou une chéchia en signe de distinction(3).
Cette cérémonie donnait lieu autrefois à une grande
fête
appelée
(by~ty~) qui était
IImarquée par des distributions de riz et de
kola et une procession qui escorte l'élève de
l'école à son domicile ll (4).
D~s lors, le nouveau diplÔmé pouvait, soit s'installer
dans un petit village et créer une école coranique,
soit
poursuivre ses études pour acquérir le titre d'3lim ou
(1) Sanaga, Kong, le 17-8-1977.
(2) Il s'agit de commentaires du Coran. Ces ouvrages sont encore très
appréciés de nos jours dans les enseignements de haut niveau (fin
d'études). Al-Mahalli est mort en 1459 et al-Suyûti est mort en 1505.
(3) Voir P. Marty, Etudes sur l'Islam en Côte d'Ivoire, 1922, p.263.
(4) Y. Persan, op. cit., t.I, p.138.
757
karamogo et se hisser ainsi au rang de ses mattres. S'il
décide de continuer les études i l s'inscrit au cycle supérieur
appelé 10mba ou la granàe connaissance. Le cycle sando
pouvait durer le à 15 ans.
e)
Le lomba
Selon Y. Person
"le cycle supérieur ou Lomba,
fondé sur l'étude
des Hadith, comprend l'enseignement de la
grammaire, de la loi
(Fannu)
et de la
théologie, celle-ci pratiquement limitée au
Tawhid ou doctrine de l'unité divine" (1).
Les enquêtes que nous avons réalisées à Kong et à Bobo-
~
Dioulasso revèlent que le lomba à Kong, au milieu du XVIIIe
siècle, était basé sur l'étude du Coran, àe quelques ouvrages
fondamentaux
:
Al-Shi fa ' f i tarif huqûq al Mustafa écrit par 'Iyad b. Musa
b.
'Iyad al Sabti(2), le Muwatta écrit par l'imam ~~lik b.
Anas (3) ,
le Tafsir al-0alal~ d'al-Mahalli et d'al-Suyuti
Les études duraient 10 à 20 ans. Les étudiants
n'étaient pas tous des jeunes gens. On rencontrait souvent
dans les classes de Sitafa des étudiants avancés de 40 à 50
ans. Ordinairement, dans les cycles
supérieurs,
les étu-
diants étaient en très petit nombre et vivaient dans l'inti-
mité du professeur. Comme le souligne Y. Person,
(1) Y. Persan, ~. ciL, toI, p.138.
(2) L'auteur de cet ouvrage est mort en 1149.
(3) L'imam Malik est né
à Médine en 710 et mourut en 795. Il est le
fon-dateur de l'une des quatre écoles ("rites") juridico-religieux
de l'Islam orthodoxe. Dans le Muwatta (chemin aplani) i l expose
une synthèse de la loi coutumière à Médine.
775
Bouna qui s'approvisionnèrent en noix de kola
(kola de
l'Anno) et en pagnes. L'or de la région de Bouna et des
pays lobi, après une brève interruption, dut reprendre la
route de Kong.
Bouna représentait en effet un important
débouché pour l'or des pays lobi, ainsi qu'un carrefour
important pour l'écoulement des marchandises de Kong en
direction de Salaga et des pays hausa.
c)
Avec ses cousins du Gwiriko
Le Fama de Kong s'intéressait au Gwiriko pour deux
raisons
importantes
• Il voulait, d'une part, aplanir le
différend qui l'opposait à son cousin Tyèba,
le fils de
Famaghan communément appelé Famaghan den Tyèba et, d'autre
part~ surveiller étroitement la grande voie commerciale
Kong-Bobo-Dioulasso par où passait l'essentiel des marchan-
dises que Kong expédiait en direction des pays soudanais et
sahéliens. C'est aussi par cette route que les Watara de
Kong recevaient les chevaux du Masina, du Dafina et des
pays Mosi. A cela,
i l faut ajouter que Sya ou Bobo-Dioulasso
représentait au milieu du XVIIIe siècle un débouché impor-
tant pour le Kpon-Gènè qui écoulait vers le nord,
les pagnes,
les noix de kola,
l'or,
les esclaves et les armes à feu.
C'est pour l'ensemble de ces raisons que Kumbi décida de
s'entendre avec ses cousins de Gwiriko.
Après la sécession de Famaghan dén Tyèba, Kumbi
avait eu la sagesse de ne pas lui déclarer la guerre. Le
geste de Tyèba était cependant un acte grave qui risquait
de èompromettre, d'une part,
les relations entre le Kpon-
Gènè et le Gwiriko et, d'autre part,
le fragile équilibre de
l'Empire des Watara que Seku et son frère Famaghan venaient
de mettre sur pied. Le fils de Famaghan était,
semble-t-il,
conscient de la gravité de la situation. C'est ce qui expli-
querait le fait qu'il accueillit quelques années après son
776
avènement une ambassade envoyée par son cousin pour le
féliciter de sa brillante victoire contre les tribus Taguara
qui pillaient les caravanes dyula sur la route Dienné-
Bobo-Dioulasso(1). Les traditions de Pongala ont sans doute
raison,
lorsqu'elles parlent d'une paix intervenue entre
Kumbi et ses cousins du Gwiriko. A la suite de cette paix,
le fils de Famaghan, suivant l'exemple de son père, aurait
envoyé tous les ans de riches présents à son cousin Kumbi(2).
Nous ne pensons pas qu'il y ait eu une véritable paix entre
les enfants de Seku Watara et ceux de Famaghan qui ont
toujours refusé de fouler le sol de Kong, conformément au
voeu formulé par Famaghan en 1735 au moment où i l quittait la
ville. Mais i l est possible que Kumbi ait réussi à s'entendre
avec ses cousins du Gwiriko pour gouverner l'Empire. Kumbi
n'était pas, en effet, un prince autoritaire
assoiffé de
pouvoir. Il considérait sans aucun doute son cousin comme
son propre frère
(selon les traditions dyula)
et non comme
son vassal. Nous pouvons, grâce aux sources orales de Sungara-
daga(3)
et de Kolon(4)
et celles de Pongala que nous avons
signalées plus haut, situer vers 1755 l'accord survenu entre
Kumbi et son cousin. En effet, selon les traditions de Pon-
gala et de Kolon, cinq ans après la mort de Famaghan, Kumbi
envoya au fils du défunt une lettre le remerciant d'avoir
accepté de voir régner la paix au sein de la grande famille
de De Maghan. Dans cette lettre,
le roi de Kong promettait
à son cousin une assistance militaire pour l'aider à assurer
(1) Informations recueillies à Sungaradaga le 25-2-1979, auprès du notable
Buakari Ouattara. Voir à ce sujet le traditionaliste Ali Ouattara
(Bobo, le 24-2-1979).
(2) Enquêtes réalisées à Pongala, le 27-3-1976 ; vo~r en particulier
le traditionaliste Dawaba Bamba.
(3) Sungaradaga, enquêtes réalisées le 27-2-1979, auprès du notable
Buakari Ouattara.
(4) Kolon, voir Bayerisan Ouattara, enquêtes du 10-5-1974.
777
la sécurité dans le Gwiriko(l). D'après les sources orales
de Kolon, Baba Bakayoko, le Dyula-mansa de Kumbi joua un
rÔle actif dans cette réconciliation. Le souverain de Kong
avait ainsi réussi à éviter la cassure brutale de l'Empire
en' deux blocs ennemis. Kumbi et son cousin sauvèrent l'Empire
de Kong qui atteignit son apogée sous le règne de ces deux
grands souverains. Toutes les sources orales sont unanimes
pour dire que cette période se caractérisa par la paix, la
stabilité et la prospérité économique. Contrairement à la
plupart des souverains qui ne pouvaient entendre parler
d'un Etat éloigné ou proche sans chercher à le
soumettre,
Kumbi, au contraire, chercha à se rapprocher de ses voisins
par des moyens pacifiques. Durant tout son règne, il usa
plus de la diplomatie que de la violence et ceci constitue
un fait unique dans les annales de l'histoire des Etats
musulmans de l'Afrique Occidentale.
d)
Avec Dienné et Torobouctou
Faute de documents, nous sommes assez mal renseigné
sur les relations que le souverain de Kong entretint avec
les autorités du Moyen-Niger entre 1750 et 1770. Mais nous
sommes persuadé que Baba Bakayoko a poussé son souverain à
nouer des contacts pacifiques avec les responsables de
Dienné et surtout de Tombouctou, sa ville natale. Nous savons
que les Watara étaient à Sofara depuis 1740 ; l'objectif du
Fama de Kong était d'assurer la protection des caravanes qui
voyageaient entre Dienné et BobO-Dioulasso. Il serait erroné
de croire, comme l'a écrit A~itbol que
(1) Les v: atara de Kong ont respecté cet engagement. Ils participeront
à toutes les grandes opérations militaires qui se dérouleront dans
la région de Bobo-Dioulasso.
778
"la présence de l'armée dyoula sur le Moyen-
Niger eut pour effet de perturber les circuits
commerciaux de Tombouctou" (1).
Il est vrai que le Tedzkiret en Nisyan note que le 13 novembre
1734
"les noix de kola faisant défaut dans la
ville devinrent extrêmement chères, on les
paya jusqu'à deux cents cauris pièce"(2).
Peut-on s'appuyer sur cette information pour dire que la
présence des Watara dans le Moyen-Niger a perturbé les cir-
cuits commerciaux? Nous ne le pensons pas. Eremièrement,
en 1734 l'armée des Watara n'avait pas dépassé les limites
de la région de Bobo-Dioulasso ; les Watara étaient donc
loin du Moyen-Niger. Deuxièmement, nous savons maintenant que
l'une des raisons qui poussa Seku Watara à entreprendre de
nouvelles conquêtes fut précisément l'insécurité qui en 1734
s'était installée à nouveau sur les voies commerciales du
nord et notamment sur l'axe Kong-Dienné. Nous savons qu'à
cette époque les Dyula de Kong éprouvèrent d'énormes diffi-
cultés pour écouler leurs produits vers le nord. Nous avons
situé le départ de Famaghan de Kong pour la grande aventure
du nord vers le début de l'année 1735. Son intervention dans
le nord rétablit la sécurité sur l'axe Kong-Dienné et permit
aucommerce de reprendre ; ceci est confirmé par le Tedzkiret
en f'1isyan qui précise à juste titre que, peu après, le prix
des noix de kola baissa à Tombouctou et que
"cette cherté ne fut pas de longue durée" (3) .
(1) M. Abitbol, op. ciL, p.134.
(2) Tedzkiret en Nisyan, op. cit., p.19.
(3)
Ibidem, op.
cit.,
p.19.
779
~ effet, dès le début de l'année 1735, les négociants de
Kong et de Bobo-Dioulasso rassurés par la présence des armées
de Famaghan dans le nord reprirent avec confiance la route
de Dienné et de Tombouctou. Par conséquent, la présence des
armées dyula dans le Moyen-Niger n'a pu qu'assurer la
sécurité des circuits commerciaux. A Kong, d'ailleurs, on
considère les règnes de Seku Watara,
(1710-1745)
et de
Kumbi
(1750-1770) (1) .comme les époques ·les plus brillantes
du commerce de Kong avec Dienné et Tombouctou.
On peut cependant se poser une question. A quelle
date les troupes watara abandonnèrent-elles le Moyen-Niger
Nous disposons pour cette étude d'une tradition recueillie
par Serge Sauvageot et citée par Abitbol(2). Voici le passage
en· question :
"Puis éclata la guerre de Kon et Boussen fut
détruit. Les habitants de Boussen furent faits
prisonniers et emmenés au-delà du Bani
( ••• ).
Le roi de Kon était établi
à Koumba, puis à
Dessé. Parvenus au-delà du Bani, ils
(les gens
de Kong)
apprirent la nouvelle de la mort du
roi de Kon. L'armée alors se dispersa là-bas ll •
A la suite de ce texte, Abitbol écrit :
IIS e kou Watara mourut en 1745 d'après la chro-
nique de Gonja. Son frère Famaghan ne pouvait
rester plus longtemps éloigné de Kong sans
compromettre totalement ses chances de lui
succéder face à la compétition de ses neveux,
les fils de Seku, qui devaient finalement
l'écarter de la course au pouvoir H (3).
(1) Kumbi a commencé à être célèbre après la mort de Famaghan et sa
victoire sur Dangban Koroko, c'est-à-dire vers 1750.
(2) Serge Sauvageot, Contribution à l'Histoire du Royaume, Bambara de
Ségou (XVllle-XIXe siècle). Thèse complémentaire de Doctorat ès-
Lettres d'Etat, Université de Paris (1965), p.161. Cf Abitbol,
~. cit., p.133.
(3) Abitbol, ~. cit., p.133.
780
En réalité,
le roi de Kong dont il est question dans
les sources
o('"",~e,s de ségou n'est, pas Seku Watara mais Famaghan le
frère de ce dernier. Il mourut, nous le savons, on 1750
d'après la chronique du Gonja. En se basant sur ce fait, on
pourrait penser, d'après le texte de Sauvageot, que l'armée
watara abandonna le Moyen-Niger après la mort de Famaghan.
Mais l'intérêt que les autorités de Kong et les milieux
d'affaires dyula attachaient à la grande voie commerciale
Kong-Dienné laisse supposer que les armées watara sont
demeurées longtemps dans la boucle du Niger. Leur départ du
Moyen-Niger dut certainement coïncider avec les premières
secousses graves: révolte des Sambla,
invasions peul(1)
qui ont failli compromettre l'avenir du Gwiriko après la
mort de Famaghan dén Tyèba, vers 1765. Cinq ans après cette
date mourait aussi Kumbi Watara qui avait toujours oeuvré
pour assurer la sécurité des voies commerciales. La dispa-
rition de ces deux souverains a certainement marqué la fin
de la présence militaire dyula dans le Moyen-Niger. Durant
la période 1750-1770, Kumbi Watara avec la collaboration de
Baba Bakayoko qui cumula habilement les fonctions de con-
seiller du roi et celles des relations extérieures, noua
sans aucun doute de solides relations amicales et commer-
ciales avec les autorités de Dienné et de Tombouctou. Le
règne de Kumbi Watara a,
sans aucun doute marqué,
l'une des
époques les pJus brillantes de l'histoire de Kong.
3. - La mort de Kumbi
La fin du règne du souverain Kumbi Watara se termina
,·'tragiquemerrt'dansla-Folona 'aucoursd 'une·-guerre. Plusieurs·-
versions existent à propos de cette dernière.
781
a)
La version recueillie par Bernus
(1)
"Sous le règne de Kombi, une famille de Kong, du
quartier Baro partit en voyage dans le Folona
(région au sud de Sikasso)
1 là une dispute
éclata entre la femme de Kong et l'épouse du
chef local, nommé Folona Moriba 1 au cours de
la querelle, la petite fille des gens de Kong
fut violemment frappée. A Kong,
l'imam Baro,
prévenu, alla trouver Kombi et réclama ven-
geance(2). Des émissaires vinrent du Folona
à Kong pour essayer d'arranger l'affaire, mais
Kombi ne voulut pas laisser cet affront impuni.
rI part et à son approche Folona Moriba se
donne la mort. Kombi fait alors déterrer le
cadavre et lui fait couper la. tête. Mais il est
terrassé par la maladie et meurt à Kébénu" (3)
D'après cette version, i l s'agirait d'une affaire
hanale qui ne nécessitait pas de la part du grand souverain
de Kong une intervention armée, d'autant plus que le Folona
était intégré à l'Empire de Kong.
b)
La version de Labi(4)
Il
Rumbi trouva la mort à Kébénu. La ville
venait de se révolter. Kumbi marcha contre
elle, mais i l tomba dans un guet-apens tendu
par l'ennemi. Son armée fut entièrement
massacrée avant l'arrivée du renfort qu'il avait
demandé . . . II •
(1) Bernus, op. cit., p.262.
(2) C'est à tort que l'on associe le nom de l'imam Baro à cet épisode •
. -. . Ce personnage mourut vers ·+750· au début du règrre de' Kumbi.
(3) Kébénu, serait situé à 70 km au sud de Sikasso entre Niellé et
Sikaasu, note de Bernus, op. cit., p.262.
(4) Labi Mamadou, Bouaké, juillet,
1978.
7ilQ
Kumbi serait ainsi intervenu à Kébéni pour mater
une révolte dans le Folona i
ce fait est plausible. Ecou-
tons les autres versions.
c)
La version de Bamadou Ouattara(l)
Il
Kumbi à cause de la haine qu'il éprouvait
contre les Tarawéré qu'il accusait de com-
ploter pour prendre le pouvoir à Kong fit
la guerre dans le Folona. Il somma le chef
du Folona de les expulser de son pays mais
ce dernier fit la sourde oreille. Kumbi
envoya alors Bamuru pour châtier le chef du
Folona, mais le prince de Kong eut peur et
préféra se réfugier à Bobo-Dioulasso plutôt
que d'aller combattre dans le Folona(2).
Kumbi malgré les conseils de Mori Maghari
attaqua le Folona ; i l fut vaincu et tué. '
l
M'Bia Sana, un autre fils de Mori Maghari
vengea la mort de Kumbi, ruina le Folona et
dispersa les Tarawéré .•. "
L'agitation dans le Folona aurait été ainsi provo-
quée par des Tarawéré qui se seraient réfugiés dans le
pays.
d)
La version de Basièri(3)
"
M'Bia Kumbi a combattu dans le Folona,
le grand-père des Dawadyo(4), Kèrè Maghan ;
ceci a été une grande affaire. Maghan dit-on
(I) Bamado u Ouattara, Nasyan, mars 1976.
(2) L'arriv€e
d~ Bamuru, l'un d~s fils dL Mori Maghari à Bobo-Dioclasso
est relatée par D. Traoré qui écr i
: "or, un jour un conflit s' éle"a
entre ce dernier
(Kl:mbi) et Bamourou fils de Morou Mogar i. Expulsé
d~ Kong, Bamourou Ouattara vint trouver à Yéguéresso Famaghan dén
-_
,..Tièba_à .qui il raconta --son odyssée. Le souv.era in hospi tal ier le fit
jurer fidélité, puis l'envoya rester
en qualité de parent' et repré-
sentant auprès du chef Bobo Kôti à Séléngoua (Kokana ou Kotidouqou
Kotédougou). Kombi dépêcha quatre cavaliers, dont un certain
.
Koulibali Toro pour ramener Bamourou à Kong; Famaghèn dén Tièba
refusa de le livr~r et le fugitif resta dans le pays jusqu'à la fin
de ses jours" Cf. D. Traoré, op. cit., p.61.
(3)
Basièri Ouattara, Kong, le 10-8-1977.
(4)
A Kong, on considère les Dawadyo COTl1J'P.e ries desc~ndants des Tarawéré
les fondateurs de la d~;nastie de~ Lasir i Gbombélé.
783
par hostilité pour les gens de Kong avait
capturé dans le Folona un Barolagan
(un
habitant de Barola) et l'avait ~roqué contre
du sel. Lorsque M'Bia Kurnbi l ' a su il décida
de combattre le Folona et de tuer Kèrè
Maghan. Il partit sur le champ et fit fi des
conseils de prudence que lui donnait Mori
Maghari. Il fut défait et mourut de honte
à Kébéni •.. "
Qui est ce personnage connu ici sous le nom de
Kèrè Maghan ? A-t-il un rapport avec le Folona Moriba ?
D'après les traditions de Sikasso que nous avons
recueillies en 1979, deux frères, Kèrè-Maghan ou Nené-
Maghan et Soroda ou Tyémonkoko Tarawéré auraient été chassés
de Kong et seraient venus s'installer à Lumana, cercle de
Banfora, puis à Zanso cercle de Sikasso où Daula le fils
de Kèrè-Maghan fonda le Kénédugu,
le royaume de Sikasso(l).
Nous retrouvons les échos de cet épisode chez
Collieaux(2) qui parle de deux frères Nianamagban et Tiémon-
koko qui, venus de Banfora, se seraient installés à Kong
où ils prirent beaucoup d'ascendant sur la population.
"Mais une fois en possession du pouvoir, ils
ne surent point le garder. Leurs exactions
provoquèrent une révolte qui précipita leur
chute".
Il furent ainsi chassés de Kong(3) .
Si nous recoupons les traditions de Kong avec
celles de Sikasso nous constatons qu'il s'agit de l'épisode
(1) Arnadu
Berté, S:kasso le 26-4-1979, dossier XVI.
(2) Coll ieaux, Histoire de ] 1 ancien royaume du KénÉdougou,
Bullet in du
Comité d'Etudes Historiques et Scientifiques de l'A.a.F,
1924
terne VII, n° 1 p. 128 à 18 1 •
(3) Collieaux, op.
cit., p.130.
784
de la guerre que Knmbi Watara avait organisée dans le
Folona. Kèr è-Maghan serait ainsi le chef des Tarawéré du Fblona.
Le Folona l'lor iba était en réalité le représentant du Famac'est-à-dire
le àugukunôsi_gi gui
croyait que le moment était venu pour
affranchir le Folona de la tutelle de Kong.
L'affaire de Barola, relatée par Bernus et Basièri,
a servi de prétexte à Kumbi pour tenter de briser la puis-
sance des Tarawéré qui se faisait certainement sentir
dans le Folona. Nous avons vu que lors de la crise religieuse
(1753-1756), les Tarawéré qui appartenaient à la dynastie
animiste des Lasiri étaient venus en force à Kong pour
tenter de s'emparer du pouvoir. Après leur défaite, ils se
seraient retranchés dans le Folona, véritable réservoir
d'esclaves pour les souverains de Kong. On comprend donc
pourquoi Kumbi se dépêcha de les déloger de cette partie de
l'Empire des Katara.
Les Tarawéré du Kénédugu seraient donc originaires
de Kong et appartiendraient à la dynastie animiste des
Lasiri Gbombélé. Leur départ du Folona vers la région de
Sikasso daterait donc de la mort de Kumbi c'est-à-dire 1770.
Le Fama des Watara périt ainsi dans un guet-apens
en laissant derrière lui un Etat puissant et riche. Il
avait parachevé l'oeuvre du grand souverain Seku Watara. A
sa mort, Kong était non seulement la plus grande métropole
commerciale, mais la plus importante des capitales intel-
lectuelles et religieuses de l'Afrique de l'Ouest.
785
111,
KONG SOUS MaRI MAGHARI (1770 - 1800)
La mort brutale de Kumbi amena au pouvoir Mori
Maghari. Ce personnage, qui s'appelait en réalité Dyan-
géna Watara, ne nous est pas inconnu. Il vainquit les Ashan-
ti lors de la bataille de Irikoro-Sirabondo en 1740 et l'on
ajoute que ce fut grâce à son ard~ur au combat que Kumbi
re~porta une éclatante victoire lors de la guerre qu'il
livra contre Dangban Korogo en 1750(1). Toutes les sources
orales de Kong et de Bobo-Dioulasso le décrivent comme un
guerrier hors du commun. C'est ce qui e~pliquerait que
Seku Watara lui donna très tôt des responsabilité~au sein
de son armée(2). Ce grand souverain semble avoir éprouvé
une vive sympathie pour Dyangéna, ce qui justifierait le
fai t
que ses frères et ses cousins l'appelaient "l'Ami de
Papa"(3). Les vieux traditionalistes de Kong font de lui
un. portrait flatteur:
"Il était beau et très intelligent et sa géné-
rosité a gagné le coeur de la plupart de ses
sujets"(4).
D'après les Dyuladyon cependant, les nombreuses années
. passées à cheval rendaient sa démarche maladroite(5).
(1)
Mamadou
Labi,
Bouaké,
j u i l l e t
1978.
(2)
Karamoko
Ouattara,
(chef
de
canton
de
Kong)
Kong,
13
mars
1977.
D'après
cet
informateur
Mori
Maghari
assistait
aux
batailles
dès
sa
tendre
enfance.
(3)
Mamadou
Labi,
Abidjan,
le
10-8-1974.
(4)
Dawaba
Bamba,
pongala,
avril
1974.
(5)
Informations
recueillies
auprès
de
Bamadou
Ouattara
(Nasyan)
et
Pigneba
Ouattara
(Ouangolodougou)
en
mars
1 974 .
Mori Maghari parvint au pouvoir à un âge avancé
d'?près les traditions de Sokolo,
il aurait eu une soixan-
taine d'annees lorsqu'il accéda au trône(1).
Il serait donc
né dans les premières années du règne de Seku Watara
(1710-1715). Voyons les grands moments du règne de Dyangéna.
A.
LES GUERRES DU NORD
Plusieurs raisons vont pousser le nouveau roi à
entreprendre une série de guerres dans le Folona et dans
le futur Kénédugu.
1.
- Les raisons immédiates
D'après les traditions de Kong, Dyangéna pleura
longtemps la mort de son frère et décida de le venger.
Il
équipa une très forte armée et, comme en 1735, les watara
de Kong prirent à nouveau la route du Folona.
2. - Les raisons profondes
Les guerres que Mori Maghari entreprit dans le nord
après la mort de Kumbi visaient en réalité plusieurs objec-
tifs, venger la mort du roi défunt,
restaurer l'autorité
des Watara dans le Folona et dans le Gwiriko, éliminer
progressivement dans les Etats du nord l'influence des fils
de Famaghan au profit de ceux de Seku Watara. Mori Maghari
rêvait en effet de placer l'Empire de Kong sous la seule
autorité des Sekumogo. Le nouveau roi allait confier cette
- -" 'tâche -à" un"grand nombre de princes turbulents dont le sou...,
verain jugeait la présence indésirable dans la métropole dyula.
(1)
Basori
Ouattara,
Sokolo,
août
1974.
787
La situation des watara dans le Gwiriko n'était
pas brillante depuis la mort de Famaghan den Tyèba vers
1765. Son successeur qui portait. pompeusement le nom de
Kèrè-mansa Watara
(1765-1780)
était un prince faible.
Son
règne fut marqué par de nombreuses révoltes. Les Sambla
par exe~ple crurent que le moment était venu de se débarras-
ser de la tutelle des descendants de Famaghan. Les Peul
de Brani tentèrent à plusieurs reprises de piller le
Gwiriko(1). Les Bobo-Dyula reconnaissent de nos jours
qu'après la mort de Famaghan den Tyèba,
ils ne payaient
plus le "nizara" à ses descendants (2) . Après la mort de
Famaghan den Tyèba, les autorités du pays éprouvaient
d'énormes difficultés pour percevoir les impôts.
De nombreuses
révoltes éclatèrent ça et là à l'intérieur du Gwiriko qui
semblait devenir une proie facile pour les Peul de Brani(3).
(1)
Voir
les traditions de
Sungaradaga et de
Kotédougou.
A
Sungaradaga,
voir
Soma Ali
~ à Kotédougou, voir
Kongodé
Ouattara
;
voir
aussi
D.
Traoré,
~. cit., p.61.
(2)
Soma Ali,
Bobo-Dioulasso,
le
24-2-1979.
Le Nizara était
un
tribut
imposé
aux descendants de Molo Sanon
et
à leurs
sujets.
Pour
les ~atara le
terme Nizara montrait
que
les
Vatara étaient
les maîtres
des
Sanon.
Les
Bobo-Dyula ont
une version
lég~rement différente:
"autrefois disent
les
Bobo-Dyula,
on
cotisait pour
les
watara,
on
payait
le
dariko sirimon c'est-à-dire vingt et cinq de
nos
biens
(25
% des biens
en
argent
ou
en
nature
accumulés
pendant
l'année).
On
offrait
le dariko sirimon
aux
Watara parce
que
nous
avons
travaillé
ensemble.
Nous n'avons
jamais
refusé de
payer
jusqu'à ce que Ba Diori
(roi
du
Gwiriko
au début du
XIXe
si~cle) nous livra la guerre avec l'appui
des
Kulango . . . "
informations
recueillies
aupr~s de
Bourayima
Sanon,
Bobo,
22-2-1979.
("3)
Dan-s -là sec·onde -moitié du
XVIIIe
si~cl-e, Kèr~-mansa, le
successeur
de
Tyèba,
réprima
une
révolte
sambla
en détrui-
sant
Karakaso.
Il
dut
aussi
repousser
"un
rezou
venu
de
Dokuy"
;
cf.
o. Traoré, op. cit., p.61.
788
Même le règne de Maghan-Ulé, le contemporain de Mori
Maghari(l), considéré comme un règne brillant fut marqué
par de constantes tournées de répression (2) • A cela s'ajou-
tait le fait que les princes watara étaient divisés.
"Famaghan avait été le fil unificateur du
Gwiriko, à sa mort le pays fut tiraillé entre
le Kèrè-Mori féso à l'ouest, avec pour capitale
Sungaradaga~ le Zan Bakari fèso à l'est
centré autour de Loto et de Loropéni et le
Famaghan féso au centre, sans résidence fixe
aux prises avec les Bobo-Dyula, les Sambla,
les Samo, les Tyèfo .•• " (3) •
Mori Maghari se crut de ce fait obligé d'intervenir
dans la région de Bobo-Dioulasso pour restaurer l'autorité
des hatara. Mais il serait injuste de ne. pas reconnaître
aussi que la si tuation dans le Folona et le Gwiriko rermit au sou-
verain de Kong de résoudre une crise intérieure grave créée
par la présence de Soma Ali à Kong. Ce dernier étBit le
fils de Rèrè-Mori(4)
à la mort de son père il fut confié
à Kumbi qui assura son éducation politique et militaire(5).
(1)
La chronologie de
Dominique Traoré
relative
au
Gwiriko
est
inacceptable.
L'auteur
peBsait
en
effet
que
Famaghan
était mort
en
1729.
En
réalité
nous
savons
qu'il
mourut
en
1750,
c'est donc
à partir de cette date qu'il
faut
établir
les
règnes
des
successeurs de
Famaghan.
Nous
reviendrons
sur
ce
problème.
(2)
D.
Traoré,
op.
c i t . ,
p.61.
(3)
Kongondé
Ouattara,
Kotédougou,
le
20-03-1979.
:4)
Ne
pas
confondre
ce
personnage
avec
le p e t i t - f i l s
de
Zan
Bakari
qui
mourut
à Sauta au
XIXe
siècle
et
que
Bernus
confond
avec
l'un
des
fils
de
Kumbi
qui
s'appèlait
aussi
Soma Ali
et
qui
sous
Mori
Maghari
participa
à des
guerres
contre
le
Dyimini
(cf.
Bernus,
op.
c i t . ,
p.262).
(5)
D'après
les
traditionalistes
de
Bobo-Dioulasso
i l
aurait
été
enseigné
par
un
célèbre marabout
de
Kong
du
nom de
Ben
Sirima
Diané.
Cf.
Ba
Diané,
Bobo-Dioulasso;
2-]-1979.
789
11 semble qu'il était encore à l'école coranique lorsque
mourut Seku Watara en 1745.
Sous le règne de Samanogo
(1745-1747)
un conflit
violent l'opposa au souverain et à ses propre
frères et
cousins qui cherchaient à le faire mourir.
Ils lui repro-
chaient d'avoir revélé aux musulmans que Samanogo leur
avait fait manger du vautour, du chien, du. phacochère et
de nombreux animaux non égorgés(1). Rumbi dut le prendre
sous sa protection. Mais à la mort de ce dernier, Soma Ali
fut de nOUVEau aux prises aV2C les. princes de Kong qui, en
outre, étaient jaloux des solides études qu'il avait faites.
D'~près Mamadou Labi
"au cours des campagnes militaires ses cousins
tentèrent souvent de le livrer à l'ennemi .•.
L'un de ses oncles, Somafi, au cours d'une
guerre, profitant du fait qu'il était blessé
faillit l'égorger.
Il ne dut la vie sauve qu'à
la force de ses jambes et de ses bras.~."(2).
Mais ce qui poussa Mori Maghari à vouloir éloigner Soma Ali
de Kong, ce fut aussi le fait que
"ce prince avait le soutien des Dyula et de
l'ensemble des Karamo~o du pays et on crai-
gnait que Soma Ali ne s'empare du pouvoir
avec l'appui des musulman~"(3).
3. - Les opérations militaires
U L~.oJ,l.$_.av.o.nS .. .vll en effet .que ce repas organisé par Samanogo
pour
fêter
son
avènement
avait
dressé
les
musulmans
contre
lui
-
Ba
Diané,
BobO-Dioulasso,
2-3-1979.
(2)
M~marlou Saganogo Labi
Bouak~ juillet 1978
(3)
Soma
Ali,
sungaradaga,
24-2-1 Q 79
790
c'est dans ce contexte que Mori Maghari organisa
la grande expédition du Nord. Elle comprenait deux armées
fortes de 5 à 6.000 hommes; l'une était commandée par
Soma Ali et l'autre par Sori Famaghan(1). Cette expédition,
dit-on, fut minutieusement préparée par le roi de Kong qui
acheta à cette occasion de nombreux chevaux et fusils.
D'après les renseignements que nous avons recueillis à Kong
et à Bobo-Dioulasso, les troupes commandées par Sori Famaghan
et Soma Ali partirent cinq ans après l'avènement de Mori
Maghari, soit vers 1775. Elles
"ravagèrent le Folona durant deux années
entières avant de poursuivre leur mission
vers la région de Bobo-Dioulasso" (2) .
Nous avons dans les traditions de Sokolo, des échos
du séjour des troupes de Mori Maghari dans le Folona
"Soma Ali et Sori Famaghan incendièrent des
centaines de villages sénufo et expédièrent
à Kong des dizaines de milliers d~esclaves"(3).
Ces chiffres sont peut-être exagérés, mais d'après Dawaba
Bamba, le
"Folona après le passage des watara mit plus de
cinquante années pour se remettre des dégâts
causés par les Watara. Les pertes en vies
humaines furent énormes"(4).
D'après les traditions de Sokolo, le chef du Folona,
appelé aussi Folona Moriba, craignant la colère des gens de
(1)
Sori
Famaghan
est
un
f i l s
de
Dyangéna.
Il
partit
dit-on
avec
900
princes
jugés
turbulents
par
le
roi
de
Kong
qui
selon
Labi
ne
voulait
pas
de
révoltes dans
son
pays
(Labi
,
Abidjan
13
janvier
1974).
(2)
Beman
Koro,
Kong,
1-3-1974.
(3)
Dyamila,
Sokolo
le
30-3-1976.
(4)
Dawaba
Bamba,
pongala,
mars
1974.
791
Kong se donna la mort avant l'arrivée des guerriers de Kong(1).
Après avoir ruiné le Folona et fait conduire les
fils des chefs en otages à Kong, Soma Ali et Sori Famaghan
se rendirent dans la région actuelle de Sikasso. Voulant cap-
turer Kèrè-Maghan et ses partisans ils mirent le pays à feu
et à sang. C'est à notre avis au cours de ces guerres que
périrent les douze parents de Nianamaghan et de Tièmonkoko
dont. parle Collieaux, sous l'instigation d'un certain Sira-
mandian Tarawéré à la solde des watara de Kong(2). Cesperson-
nages massacrés au cours de ces opérations ne seraient pas
des frères de Daula, mais des grands parents de ce dernier.
Nous situons ces événements vers 1775-1780.
Après ces opérations, Soma Ali et Sori Famaghan
qui avaient reçu l'ordre de s'installer re?pectivement à
Sungaradaga et à Kotédougou regagnèrent leur résidence
respective.
L'installation de nouvelles tro~pes venues de Kong
,a Bobo-Dioulasso ramena non seulement la. paix dans le pays,
mais elle jeta à nouveau un pont entre les Watara de Bobo-
Dioulasso et ceux de la capitale. C'est sans aucun doute avec
le concours des nouveaux venus que Maghan Ulé,le Farna du
Gwiriko
"essaya d'annexer à ses Etats les provinces
Sarnogo
(Dédougou)
et Kado
(région Sangù,
Douenza)
qu'il saccagea" (3) .
(1)
C~t ~pi~odé~st relat~ aussi par Bernus, mais
il
le
situe
sous
le
règne
de
Kumbi.
(2)
M.
Collieaux,
"Contribution
à l'~tude de l'histoire de
l'ancien
royaume du
K~n~dougou". Bulletin du Comit~
d'Etudes
Historiques
et
Scientifique de
l'A.O.F,
192 4 ,
tome VII,
p.130-131.
(3)
o.
Traor~, op. cit.,
p.61.
792
Sous le règne de ce souverain, beaucoup de négociants étran-
gers et de karamogo venus de Kong s'installèrent un peu.par-
tout dans le Gwiriko. A Sungaradaga on souligne qu'il aimait
la cOJ!lpagnie des lettrés(l). Dominique Traoré le présente
ainsi
Ilfin lettré et charlatan, le royaume connut.:sous
son règne une certaine aisance"(2).
Dominique Traoré fait régner Maghan ulé pendant une
cinquantaine d'années. Nous pensons que ces chiffres sont
exageres. Le passage d'Abu Bakr dans la reglon de Bobo-Dioulasso
et de Kong au début du XIXe siècle ne fait pas mention de
Maghan ulé. Tout se passe comme si le véritable Fama de
l'Empire était Soma Ali(3). A notre avis, Maghan ulé était
déjà mort lors du passage d'Abu Bakr al-Siddiq. Maghan Ulé
dut régner probablement entre 1775 et 1800. L'année 1800
colncida aussi avec la mort de Mori Maghari. C'est probable- .
. ment. peu de temps après la disparition de ces deux grandes
figures qu'Abu Bakr AI-Siddiq traversa l'Empire de Kong
dominé alors par la personnalité de Soma Ali qui faisait
figure de Fama.
Les guerres organisées dans le nord par Mori Maghari
connurent donc un grand succès. Elles restaurèrent le presti-
ge de Kong à l'extérieur. Elles semblaient assurer le rayon-
nement des Sekumogo dans le Gwiriko.
L'année 1800 constitua
un tournant dans l'histoire du Gwiriko ; elle marque le début
du déclin des descendants de Famaghan.
(1)
Marhaba
Saganogo,
Bobo-Dioulasso,
3-3-1979.
(2)
D.
Traoré,
op.
c i t . ,
p.61.
(3)
1.
Wilks,
1967,
p.158.
793
B.
MORI MAGHARI FACE A DE NOUVELLES
DIFFICULTES
Sous le règne de Mori Maghari, l'~pire de Kong
atteignit au sud sa plus grande extension. Il s'agrandit du
Tagwana .(1). Il exerçait un contrôle effectif sur le
Dyimini, le Dyamala et l'Anno(2). Ses relations diplomatiques
avec l'Etat du Gyaman et letrait~ de paix conclu avec Bouna
en 1755 lui permirent de rayonner sur les routes de l'or,
des esclaves et des noix de kola qui reliaieni l'actuel
territoire de la Côte d'Ivoire aux ~tats soudanais et côtiers.
De ce fait, Kong connut une très grande.prosp~rit~ que les
traditionalistes n'h~sitent.pas à comparer à celle du pres-
tigieux souverain Seku Watara. Mori Maghari consolida en
fait l'oeuvre de Seku Watara et. celle de son frère Kumbi.
Deux faits vont pourtant troubler la fin dU règne de ce grand
souverain, l'affaire Nangin et les troubles dans le Dyimini
et le Tagwana.
1. - Nangin, une menace pour Kong
Le personnage que nous pr~sentons ici sous le nom
de Nangin est connu par un grand nombre de chercheurs. A la
suite de Delafosse influenc~ par Binger qui situait la fon-
dation de Kong au XIe siècle, on a eu tendance à faire de
Nangin un personnage qui aurait v~cu entre le XIe et le XIVe
{.J) . ':<'raditions
de
Sokolo,..-r.ec.ueillies en. a.vril
1976
;
voir
en
particulier
le
traditionaliste
Dyamila
Ouattara.
(2)
Au
début
du
règne
de
Seku Watara
(1710-1720)
l'interven-
tion
des
forces
watara dans
le
Dyamala et
l'Anno
avait
favorisé
la
création des
centres
dyula
de
Satama-Sokoro
et de
Grumanya
à
la
lisière de
la
forêt.
L'influence
des
~tara fut renforcée sous le règne de Mori Maghari.
794
siècles(1). Tauxier en 1921, reprit Delafosse, mais i l
considéra Nangin comme un personnage mythique(2). En 1958,
Edmond Bernus, à la suite des informations qu'il recueillit
à Korhogoproposa de situer l'histoire de Nangin au début
du XVIIIe siècle et rejeta la date du XIVe siècle. proposée
par Delafosse(3). En 1977, dans sa thèse de Doctorat de 3e
cycle intitulée Les Tiembara de Korhogo des orgines à Pélé-
foro Gbon Coulibaly
(1962) ••• ,
Ouattara Tiona affirme que
les versions d'origine sont d'accord
"sur le personnage Nangin Soro qu'elles pré-
sentent comme fondateur de Korhogo . . . "(4).
Mais dans sa chronologie des rois de Korhogo,
il rejette
les hy~othèses de Bernus et revient aux dates proposées par
Delafosse.
Il situe ainsi le règne de Nangin en 1320 7 ou
1360 7(5).
Il faut écarter défintivement cette hypothèse car
le fondateur de Kong
~st mort en 1745 comme nous l'avons vu.
Cette date fournie par la chronique du Gonja permet de situer
l'affaire Nangin non pas au début du XVIIIe siècle comme le
suggère Bernus, mais vers la fin du XVIIIe siècle comme nous
le verrons plus loin.
Nangin est un personnage connu dans les sources
orales de la région de Kong. A pr?pos des origines de sa
famille, nous avons deux versions,
l'une recueillie à sokolo
et l'autre à Pongala.
(1)
M.
Delafosse,
"Le peuple Siéna ou
Senoufo",
Revue
d'Etudes
Etnnolo.giques
et
Scientifiques,1908,
p.19-20.
D'après
Delafosse Nangin
serait
all~ s'ins~all~~ dans la r~gion'
actuelle de
Korhogo.
(2)
Tauxier,
Le
Noir
de
Bondoukou,
1921,
p.63.
(3)
E.
Bernus,
"Notes
et
Histoire"
de
Korhogo
IFAN,
t.XXIII,
s~rie B,
1-2,
pp.284-286.
(4)
Tiona
Ouattara,
1977,
p.203.
(5)
Tiona
Ouattara,
1977,
p.209-226.
795
D'après la version que nous avons recueillie en
1976 à Pongala, le père de Nangin
se serait appelé Suma
Kuribari.
Il serait arrivé à Kong sous le règne de Seku
Watara ;
il serait originaire de Kangaba comme les parents
du fondateur de l'Empire de Kong. Vivant dans la misère,
il aurait confié sa personne et les membres de sa famille
à Seku. c'est de cette manière que Suma Kuribari et
ses descendants devinrent les esclaves de Seku Watara(1).
Le don de soi auquel fait allusion la version de
Pongala était une pratique courante en Afrique. Le Tarikh-
el-Fettach nous présente sous le règne d'Ishaq II
(1588-1593)
le cas des habitants du Bara venus faire don de leur personne
au souverain du Songai(2). Cette coutume s'applique généra-
lement lorsqu'un pays a été ruiné par la guerre et que les
vaincus veulent
s'attirer les faveurs du vainqueur ou d'un
autre souverain.
Il n'est pas invraisemblable que Kangaba,
sous le règne de Seku Watara
(1710-1i45), ait connu une
grande période a'insécurité liée, soit à l'expansion des
Peul du Fuladugu, soit aux guerres de conquêtes o~ de razzias
des autorités de Ségou.
La seconde version qui çrovient de la localité de
sckolo confirme le fait que le père de Nangin était un
Kuricari originaire de Kangaba. Elle ne fait pas allusion
av don de soi dont parle la version de Pvngala.
Elle nous
apprend seulement que Suma Kuribari faisait partie du lot
des esclaves que Seku avait acquis sous son regne.
_.- -- - - - - ....-
.F.aut-il conclure que SUIT.ô. Kur ibar i
étai t
un capti f
de guerre? A Kong de nombreux
tradi tionalistes accrédi tent
la thèse selon laquelle le père de Nangin serait venu de
(1)
Dawaba
Samba,
pongala,
30-3-1976.
(2)
T.
el-F.,
1964,
p.259.
796
~angaba pour se mettre au service de Seku Watara(1). L'hy-
pothèse émise par la version de Pongala nous. paraît par
conséquent acceptable. Ce seraient donc les conditions de
vie difficile dans le vieux Mandé qui avaient obligé le père
de Nangin à quitter Kangaba pour se constituer esclave chez le
souverain de Kong, Seku Watara.
Seku Watara ne semble pas avoir accordé facilement
l'hospitalité i
Suma Kuribari. D'après certaines traditions,
des Karamogo auraient dit à Seku qu'il perdrait son trône
s ' i l accueillait chez lui le nouveau venu(2).
D'après Basièri,
Seku touché par l'état pitoyable de l'étranger l'autorisa
à s'installer à Kong (3). En réalité, il ~semblerait que Seku
ait pris auprès de ses karamogo des précautions afin que
Suma Kuribari ne trouble pas la paix dans le pays.
A quelle date peut-on situer cet événement? Il est
difficile de dire à quelle date précise Suma Kuribari
s'installa à Kong. On peut cependant affirmer que cette
installation est antérieure à 1740. Ce fut en 1740 en effet
qu'il combattit aux côtés de Seku Watara contre les forces
ashanti. Nous avons vu qu'il ne put supporter l'humiliation
de la défaite et qu'il se donna la mort. C'est à partir de
cette date que commence l'histoire de Nangin.
Ce personnage
avait-il effectué le voyage de Kangaba à Kong en compagnie
de son père? Certains traditionalistes de Kong tels que
Basièri Ouattara et Labi Saganogo le laissent supposer (4) .
(1)
Karamoko
Ouattara
(chef
de
Canton:
Kong
18-8-1974)
Mamadou
L'abiO<ong,juillet
î974),
Basièri
ouattara
(Kong,11-8-77)
(2)
Bamadou
Ouattara,
Nasyan,
20-3-1976,
Pigneb a
Ouattara,
Ouangolodougou,
18-7-1974
;
voir
aussi
Karamoko
Ouattara
(chef
de
Canton,
20-8-1974).
(3)
Basièri
Ouattara,
Kong,
10-8-1977.
(4)
Basièri
Ouattara,
Kong,
10-8-1977,
et
Labi
Saganogo,
Kong,
j u i l l e t
1974.
797
-En nous fondant sur les faits que, d'après ces mêmes infor-
mateurs, Nangin était en bas âge à la mort de son père,
nous sommes tenté de croire que Nangin est né à Kong, peu
avant 1740. Il semblerait, d'après les enquêtes que nous
avons faites en 1976 à Sokolo, que la mère de Nangin était
une Kéréni de Seku Watara. A ce titre,
il pouvait effecti-
vement être considéré comme un esclave de Seku Watara, d'au-
tant.plus que son père avait fait don de sa personne au roi
de Kong.
Il fut élevé par Mori Maghari. Devenu adulte, ce
dernier lui confia la gestion des plantation royales avec
résidence à Sokolo. Nous retrouvons des échos de ces pre-
mières activités chez Maurice Delafosse qui nous apprend que
Nangin
"était principalement chargé de veiller aux
plantations de son ma!tre"(1).
Mais à Sokolo, Nangin organisait pour le compte de Mori
Maghari de nombreuses razzias et se révéla être un excellent
guerrier. Devenu roi en 1770 après la mort de Kumbi, Mori
Maghari qui entendait entreprendre de nombreuses guerres
l'enrôla dans son armée.
Par son courage et sa bravoure,
Nangin
s'imposa comme le meilleur guerrier des trou-
pes de Kong. Ceci suscita la jalousie de la plupart des
princes watara dont les plus farouches étaient Asoroba
(fils
de Kumbi)
et Ba Diori
(l'un des propres fils de Mori Maghari).
Ils répandirent des rumeurs selon lesquelles Nangin voulait
s'emparer du trône de Kong.
Sur ces entrefaites survint le conflit avec le
DyimIhT: MOrrMaghari n'ëut pas le temps de se pencher sur
(1)
M.
Delafosse
"le peuple si'na ou
s'noufo"
Revue d'Etudes
Ethnologiques
et
Scientifiques,
1908,
p.19-20.
798
·les accusations qui étaient portées contre Nangin. Depuis
quelques temps en effet, le Dyimini était en effervescence.
Un guerrier d'origine manding du nom de Séré Burayima avait
décidé de s'affranchir de la tutelle de Kong, d'unifier le
Dyimini et d'étendre ses possession vers le Dyamala. Kong
ne. put supporter l'idée de la création d'un Etat Dyula
rival au sud. Il expédia donc contre Séré Burayima une très forte
2rmée sous le conmandement de B a Diori (1 ) • Les premier s affrontements
eurent lieu non loin de Saghla dans le nord-Dyimini. Malgré
l.es nombreuses pertes subies par les troupes de Kong, Séré
Burayima fut défait. Les combats décisifs eurent lieu vers
le sud dans le pays Niangbo dominé par un massif granitique.
Séré Burayima fut complètement battu. Comme le souligne Bernus,
"Nangin se couvrit de gloire au cours de cette
guerre et son courage permit à Ba Diori de
remporter une victoire éclatante" (2) .
A quelle date faut-il situer cet événement ?
D'après Labi Mamadou,la
"guerre contre Séré Burayima se produisit
alors que Mori Maghari régnait depuis une
dizaine d'années"(3l.
Si cette information est exacte, il faudrait situer cette
guerre vers 1780.
(1)
Karamoko
Ouattara
(chef
de
Canton),
Kong,
15
mars
1977.
(2)8ernusi
op~ cit.i
p.262.
Contrairement
à c e ~u'~crit
Bernus,
cett;-Première campagne
dans
le
Dyimini
eut
lieu
sous
le
règne
de
Mori
Maghari
et
non
sous
celui
d'Asoroba
qui
fera
lui
aussi
une
exp~dition dans le Dyimini.
(3)
Hamadou
Labi,
Bouak~, Juillet,
1978.
L'un des petits-fils de
ce personnage régnera sur le Dymini à la fin du XIXe siècle sous le
nom de Sèrè Brèma Watara.
799
2. - L:expulsion de Nangin
Après ce trio~phe, l'on ne parlait que de Nangin.
Ce fait inquiéta Mori Maghari qui confi~ ses soucis à un
célèbre marabout du nom de Karamogo Morisiré Kuribari. Ce
dernier aurait alors dit au roi
:
"Je vais confectionner deux insignes royaux,
un bonnet et un bracelet,
invite les préten-
dants au trône à venir les chercher. Si Nangin
se joint c'est à eux
qu'il convoite le pou-
voir" (1) •
Mori Maghari se rallia à cette proposition et au
~our indiqué il invita ses fils et ses neveux à aller rendre
visite au karamogo Morisiré Kuribari. Nangin qui se considé-
rait comme un membre de la famille royale se rendit aussi
chez le karamogo. Dès que Nangin aperçut les insignes royaux,
i l s'en empara, mit le bonnet sur la tête et le bracelet à
son bras et fièrement regagna sa maison. Morisiré Kuribari
1
annonça alors à Mori Maghari que Nangin allait prendre le
pouvoir.
UTrouvant ce valeureux guerrier encombrant et dangereux
pour leur dynastie,
les Watara prièrent Nangin
de partir lui et sa famille et d'aller où
bon lui semblerait" (2) •
(1) Pigneba Ouattara, Ouangolodougou, 18-7-1974. Mamadou Labi, Bouaké
juillet 1978.
(2) Bernus, op. cit., p.262. Tous les traditionalistes sont convaincus
.que..Nangin cherchait à conquérir le trône. Ce dernier, dit-on,
partit de Kong avec les insignes de Morisiré Kuribari.
800
c'est ainsi que Mori Maghari ordonna l'expulsion de Nangin
du Gènè de Konq. Ce départ eut donc lieu, non pas à l'époque
de Seku comme le croyaient Delafosse et les traditions de
Korhogo(1) , mais sous le règne de Mori Maghari. Delafosse
avait d'ailleurs attiré notre attention sur le fait que
d'après une version recueillie à Nionfouin chez les Kasembélé
par l'administrateur Terrasson de Fougères, le départ de
Nangin de Kong se situait après la mort de Seku(2).
La plupart des traditionalistes que nous avons
interrogés sont convaincus que le départ de Nangin évita
aux Watara l'une des crises politiques les plus graves de
leur histoire. En effet, il semblerait que Nangin
qui vivait à Sokolo ait réussi à s'imposer comme le chef
d'une fraction importante des autochtones Falafala, les
Tiembara(3). C'est probablement avec ces derniers qu'il cons-
titua son armée qu'il utilisait, soit pour organiser des
razzias pour le compte de son maître, soit pour combattre
sous les ordres du roi de Kong. L'épisode de Nangin constitue
à nos yeux un fait capital, ce fut une tentative des éléments
autochtones pour secouer le joug de l'autorité dyula qui
bafouait les divinités locales depuis le règne de Kumbi.
L'échec du valeureux guerrier Nangin illustre à notre avis
l'enracinement du pouvoir dyula et l'influence des karamogo
du pays.
(1) E. Bernus, "Notes sur l'Histoire de Korhogo", Bulletin I.F.A.N.
t.XXIII, série B, nOl-2, 1961, p.284-290.
(2) M. Delafosse, "le pe\\Jple Siéna ou Senoufo". Revue d'Etudes Ethnologi-
ques' et S'c-i~'ntifiques, 1908, pp.19-20.
(3) Nous rejetons l'hypothèse de B. Holas selon laquelle à l'époque de
Nangin, des Soro seraient venus s'installer à Kong où ils prospérèrent
et accumulèrent des richesses qui rendirent les \\fatara jaloux. A
notre avis, les Tiembara de Kong sont des descendants des anciens
Falafila. Cf. B. Holas.Les Senoufo, y compris les Minianka, 22,
édition P.U.F., 1963, p.42-43.
801
"Nangin quitte Kong et va à Kawara(1)
puis
continue son chemin jusqu'au fleuve Bandama
qu'il franchit,
et là i l s'arrête sous un
grand arbre, un lingué. Puis i l se dirige vers
l'Est, à Négossorokaha. Là, i l s'arrête,
debOut face au sud,
i l s'oriente et désigne
l'ouest, c'est là le pays qui doit lui revenir,
i l laisse l'Est aux Nafara. Il rencontre un
chef Nafara nommé Kpo. Puis i l poursuit sa
route jusqu'à Nahakaha et Laméhékaha où i l
reste quelque temps. Là, i l crée son marché,
le marché de Korhogo aura lieu le même jour.
Ce marché reçoit le nom de Koundiana. Il va
ensuite à Giembé, Dikodougou, Kadioha et arriva
enfin à Boron. Là, i l s'entretient avec des
marabouts venus de Tombouctou qui lui disent
que le lieu où il régnera se trouve au nord et
que cet endroit portera le nom de Korhogo. Il
reprend alors la route qu'il a déjà suivie
retourne à Kadioha. Le chef, nommé Diangalaou-
rou Watara est un des plus anciens chefs de la
région. Les gens de Kadioha font des prières
pour la
prospérité de Nangin. Il retourne à
Giembé où il reste un moment. Les habitants
lui donnent une femme dont i l a un enfant
Founsongnon. Il quitte Kadioha en direction
du nord,
il rencontre un nommé Niaha Coulibaly
qui lui dit :
"Je ne connais pas les gens de ces pays et nous
sommes tous les deux de la même famille, nous
allons conclure une alliance pour que nos
familles soient unies jusque dans les généra-
tions futures".
Nangin accepte cette alliance et dit à Niaha
de s'installer à Niahakaha.
(1) A partir de cette dernière localité, les sources orales de Kong per-
dent la trace de Nangin et de ses compagnons. Pour l'exode de Nangin
et de ses compagnons voir aussi Delafosse, ~. cit., 1908, p.19-20,
Vendeix "Nouvel ....èssai de Honographie du Po\\iYs sé.noufo". Revue d'Etudes
Ethnologiques et Scientifiques
p.S82-S83, B. Holas, Les Senoufo, y
compris les
Hinianka, P.U.F., 1963, p.42-43 et Tiona Ouattara, op.
cit., pp.146-176.
-
802
Nangin repart avec sa suite et repasse là où
i l est déjà passé ; à chaque endroit où il
veut installer les gens de sa suite, on lui
répond que l'endroit est occupé et qu'il y a
là le fétiche d'une famille. Enfin,
i l rencontre
une place, vierge de tout fétiche,
et là i l
peut installer ses compagnons. Ce lieu reçoit
le nom de Waraniéné c'est-à-dire "endroit sans
fétiche". Nangin continue sa route et s'intalle
à Korhogo à l'emplacement de l'actuel
quartier
Koko
( ••• ).
Il trouve là un griot nommé Diara
Koné,
son lieu de résidence porte le nom de
Dyeli-so (la cour du griot) Nangin lui dit
"je vais m'installer ici, nous allons nous
allier". Diara l'autorise à se fixer là et
accepte cette alliance :
"je prierai pour que
nous et nos descendants soient favorisés".
C'est ainsi que Nangin et sa famille se fixèrent
à Korhogo
( . . . )" ( 1 ) .
Il ne faut certainement pas prendre à la lettre
l'itinéraire de Nangin tracé par Bernus à partir des sources
orales de Korhogo. Mais i l présente un grand intérêt. Il nous
montre en effet que notre personnage a erré pendant un long
moment avant de se fixer définitivement à Korhogo.
Quoi,qu'il en soit,
à Kong,
à partir de 1780, la
paix apparemment semblait revenue. Aliè Kamana un esclave de
la couronne qui avait manifesté pendant longtemps de la sym-
pathie pour Nangin fut exilé dans le Dyimini pour surveiller
Séré Burayima. Rien désormais ne semblait troubler la paix à
Kong. Le long règne de Mori Maghari fut marqué par la paix,
et la prospérité. Il s'éteignit
à un âge très avancé vers 1800
en laissant à Somafi un immense Empire qui englobait désormais
le Tagwana qui contrôlait la voie commerciale en direction
du Worodugu.
(0 E. Bernus, 1961, p.284-290 •
.•
&03
CHAP lTRE Il
L' AFFAIEL ISSEI~ENT
DU
POUVOIR CENTRAl
Il
LES
QUERELLES
INTESTINES
A. LES PREMIERES DIFFICULTES
1. - Le règne de Somafi (1800-1805)
Mari Magh"ri mourut E:n laissant. un Empire puissant
et stable. Il avait. priE soin d'écarter les princes tur-
bulents qui pouvaient faire courir des risques inutiles
à la monarchie des Watara. Malhe:ureusement, en agissant
ainsi , il exilait les éléments valp.ureux loin: du pays p:>rtait
par voi e de conséquence un rude coup à l'armée qu i étai t pré-
cisément la pièce mattresse de l'équilibre politique et
économique de l'Empire. Forte, l'armée assurc3it non seule-
ment le prestige et. l'autorité des Watara à l'extérieur mais
aussi et ~urtout la sécurité des voies commerciales qui
éta~tla raison d'être des Dyula de Kong et de Bobo-Dioulasso.
A la mor t
de Mor i Maghar i le pOllvcir paSSê~ à Somaf i,
son frère cadet, le dernier fils èe Seku Watara, comme le
prévoyaient les institutions du pays.
Physiquement, ce prince n'était pas de taille à
imposer le respect à ses turbulents neveux qui ne souhai-
taient -pas le voir un jour à la tête du· KpOn-Gênê. Le·
manuscrit n08 nous relate à ce sujet un fait significatif.
La mort de Kumbi dans le Folona avait, à l'époque, boule-
versé Somafi. Ce dernier reprocha à Mori Maghari de n'avoir
pas secouru à temps Kumbi et le rendit en quelque sorte
·1·
&04
responsable de la mort de son père. Tyèba,
l'un des fils
de Mori Maghari assistait à la scène qui se déroulait en
public sur la place du marché.
Il frappa son oncle
Somafi,
le terrassa et voulut l'égorger
"parce qu'il a discuté avec son père Ba
Dyangèna sur la place du marché".
Il s'agit là d'un acte repréhensible car dans la
société dyula un neveu ne doit sous aucun prétexte frapper
son oncle qui a rang de fa.
Le coupable dans ce cas méri-
tait la bastonnade et la malédiction de la famille, ce que
Tyèba ne semblait pas redouter à cause de son importance au
sein de l'armée de son père.
Depuis cet incident qui est à situer vers 1770,
Somafi vivait retiré à Limono et i l ne quittera
sa province que pour recevoir à Kong, le Sinzébu. Pour
l'initier au pouvoir, Mori Maghari l'avait nommé à la tête de
la province de Limono. Les traditions des notables de ce
pays ne sont pas tendres à son égard. Elles le décrivent
comme un personnage amorphe,
sans autorité et n'ayant aucune
aptitude pour l'exercice du pouvoir. Sa seule passion semble
avoir été la boisson qui avait abruti son esprit(1).
~ ~c~g, on assure qu'il passait l'essentiel de sa
vie à boire et à manger et qu'il s'intéressait très peu aux
affaires de l'Etat(2). De ce fait, on le voyait rarement à
Kong ;
son règne marqua véritablement le début des rois que
(1) Bassori Ouattara, Limono 1~ 20-8-1974.
(2) Mamadou Labi, Kong, l~ 13-7-1977.
805
ies Dyula vont baptiser dédaigneusement les kongoso-mogo(1)
les princes de la brousse, aux moeurs rudimentaires qui
contrastaient avec la vie raffinée des Dyula qui habitaient
les grands centres.
Somafi préférait les cases à dolo aux champs de
bataille ; aussi sous son règne, des révoltes éclatèrent un
peu partout au sein de l'Empire. L'une des plus importantes
fut celle du Tagwana qui paralysa les relations commerciales
de Kong avec le Worodougou. Poussé par les Dyula pour as-
surer la sécurité de ces voies, Somafi organisa quelques
expéditions dans cette contrée.
L'une d'elles se solda par
un échec cuisant et le roi de Kong trouva la mort dans la
région de Niangbo.
D'après les sources écrites, les affaires déclinè-
rent sous Somafi(2). Ceci est d'autant plus vrai qu'Abu
Bakr AI-Siddiq qui a connu l'Empire des ~~tara, croyait que
le pays était gouverné par Soma Ali(3)
le fils de Kèrè-Mori
que Mori Maghari avait envoye a Sungaradaga pour restaurer
l'autorité des Sekumogo dans le Gwiriko. Ainsi à la fin du
règne de Somafi, la situation n'était pas brillante au
sein de l'Empire. Dans le Gwiriko, c'est le début de la
lutte h~onique entre les Sekumogo et le fèso de Famaghan
incarnés respectivement par Soma Ali et Maghan Ulé
(1700-
1820) (4)
souverain actif et ambitieux qui rêvait de régner
(1)
D'après Kararnoko Ouattara, (ch~f d~ canton) ces propos méprisants
furent à l'origine des heurts violents qui ont opposé les princes
.. à··la -cQHlIHURablté dyula proprement. dite. "Si nos encêtres vivaier.t
do.ns
de::: hameaux, dit-il c'est que les fils de Seku éLvaient pour
n1ission
de surveillEr les routes afin gue les IJyula pui.ssE'nt Ee
livrer à leur commerce. Nous supportons donc trf-:S méll qu 1 ils nc>uoS
étppellent Yongoso-mogo. Ce. sont des paroles se.les" : propos recl;eiJ-
lis lE 21-~1-197S.
(2)
Voir surtout le m&nuscrit nOS.
(3 )
Cf. 1. Wi l ks , 196 7, p. 15 S •
(4)
Nous avons obtenus ces dates en tenant. c(mpte des dvrées èe règn~s
proposées par D. Traor6, Cf. D. Traoré, op. cit., p.6~-62.
806
à la tête d'un immense Empire. Au sud, comme le souligne
le traditionaliste Pigneba,
"des r€voltes
vont éclater ça et là dans le
Dyimini et le Tagwana. Tous les ennemis des
Watara vont désormais essayer de secouer le
joug de Kong, après près d'un siècle de
domination" (1) .
Les pays palaka, après près d'un siècle de domination
watara, proclamèrent leur indépendance et chassèrent les
garnisons de Kong. Le Folona suivit l'exemple des Palaka
et devint une province autonome. Telle était la situation
de l'Empire des Watara à la fin du règne du dernier fils de
Seku. Les petits-fils du fondateur de l'Empire réussiront-
ils à redresser la situation ?
2. - Le règne d'Asoroba
(1805-1810)
a)
L'Enfance d'Asoroba
Asoroba était l'un des derniers fils de Kumbi(2).
Il avait environ cinq ans
quand son père, le grand souve-
rain de Kong, perdit la vie tragiquement dans le Folona
vers 1770. Il naquit à Kolon, par conséquent vers 1765. Sa
mère Sogoni qui tomba malade peu de temps après son accou-
chement, mourut un an après la naissance de son fils.
Il
fut alors confié à une Kéréni de sa mère du nom de Saw qui
prit le jeune prince en affection et l'aima, dit-on, comme san
propre fils(3).
A
la mort de son père, le petit orphelin
fut pris en charge à la cour royale de Kong par son oncle
(1)
Pigneba OUattara, OUang0lcôougou, le 18-7-1974.
(2)
~'après les traditions de Kong, Asorot,a serait
le dernier fils de
Kumbi. (Karamoko Ol,attara, Kong le 17-8-·1974)
; à Kolon cependant,
on f~J.t remarquer que I<:umbi avait laissé au moins deux enfants er.
bas age dor,t lE plus âgé serait
I=,récisément AE'oroba ; i l
aurëdt
eu un demi-frère du nom de Mor igbè,. mais ce dernier sE'rai t mort avant
A
l'age c?dulte (Fisirj OUattëra, 4-4-1976).
(3 )
Bamadou Ouattara (Nasyan , 16 mars 1976).
807
~ori Maghari qui ne négligea rien pour assurer l'éducation
du jeune prince.
Il lui enseigna le métier des armes et
l'initia aux affaires de l'Etat pour lesquelles Asoroba
manifesta un réel intérêt.
Durant son séjour chez son oncle, Asoroba fit la
connaissance d'un garçon de son âge du nom d'Aliè Kamana
qu'il se mit à détester et à haïr à cause de son caractère
violent et autoritaire. Voyons qui est ce personnage.
D'après certaines informations, il appartiendrait à une
famille de Kuribari qui, venue de Kangaba, se serait
installée à Kong sous le règne de Seku Watara
(1710-1745).
Le père d'Aliè Kamana aurait combattu en 1740 les Ashanti
comme l'avait fait le père de Nangin et, depuis cette
date, avait servi dans l'année de Mori Maghari, avant de
mourir dans le Folona aux côtés de Kumbi. Mori Maghari
aurait recueilli son fils pour lui assurer une éducation
guerrière afin qu'il serve comme son père dans les armées
de Kong(1). Selon d'autres témoignages, i l serait un es-
clave d'origine Kulango de la région de Bouna. Sa famille
aurait été achetée dans cette localité par Dé ~aghan,
le
grand-père de Seku. De ce fait,
i l se considérait comme un
membre de la famille royale(2). Cette seconde version nous
paraît plausible, elle rendrait compte du nom Kamana, nom
d'origine akan porté par ce personnage.
Aliè Kamana et Asoroba grandirent ensemble à Kong
comme deux frères ennemis en se détestant mutuellement.
D'après les traditions de Kong, Aliè Kamana et Asoroba se
(1) Basièri Ouattara, Kong le 10-8-1977.
(2) Informations recueillies à Ouangolodougou auprès du Bambadyon,
Pigneba, le 18-7-1974.
&08
nattaient tous les jours dans les rues de Kong et provo-
quaient ainsi des désordres dans le pays. Ces combats de
rue ne faisaient pas plaisir à Mori Maghari car cela
semblait donner raison aux paisibles marchands de la ville
qui considéraient les Sunangi comme de rudes personnages,
vulgaires et sans éducation, c'est-à-dire des kongoso-
mogo(1).
Il semble cependant que le roi de Kong ait
attendu que les enfants aient plus de dix ans pour réagir.
Vers 1775 il affecta Aliè Kamana à Sokolo dans l'armée de
Nangin et garda auprès de lui Asoroba.
A Sokolo, Aliè Kamana s'attacha profondément à
Nangin auprès duquel il passa cinq agréables années.
Malheureusement, vers 1780, Nangin connut l'exil. Aliè Kamana
accepta fort mal cette situation et crut voir en dessous
les intrigues d'Asoroba. Dès qu'il sut que l'on voulait
chasser Nangin de Kong, i l se rendit dans la capitale dyula
"Dans l'intention d'ouvrir le ventre
d'Asoroba avec sa lance" (2) •
Les
traditionalistes rapportent que les deux hommes s'af-
frontèrent les armes à la main sur la place du marché et
qu'au cours de ce duel Asoroba faillit succomber (3) . Furieux,
Mori Maghari exila Kamana dans le Dyimini(4)
au moment où
Nangin s'apprêtait lui aussi à quitter le pays.
L'installation d'Aliè Kamana dans le sud de Kong
allait constituer plus tard un danger pour la couronne des
(1) Basièri Ouattara, Kong, le 10-8-1977.
(2) Bassori Ouattara, Sokolo le 20-8-1977.
(3)
Traditions recueillies à Nasyan auprès de Bamadou Ouattara,
le 30-8-1974.
(4) D'après Basièri,Mori Maghari aurait demandé à Aliè Kamana de quitter
le Gènè de Kong et d'aller où il voulait et
il aurait choisi le
Dyimini pendant que Nangin allait chercher fortune dans la région de
Korhogo (Basièri, Kong, le 10-8-1977).
809
Watara. Dans le Dyimini, l'ennemi d'Asoroba, qui était un
personnage intelligent, s'attira la sympathie de Séré~Burayima
Watara qui l'aida à édifier un Etat dyula qu'il baptisa
Alièdugu dans le nord du Dyimini actuel. Un accord secret
semble avoir été conclu entre ces deux hommes. Le nouveau
venu se serait engagé à combattre aux côtés de son hôte
s ' i l
était attaqué à nouveau par les autorités de Kong.
En contre-
partie, il aiderait Aliè Kamana à se doter d'une puissante
armée(1). Aussitôt installé, Aliè
se livra avec le concours
de son hôte à un intense trafic d'esclave~qui lui
II perm i t
en dix ans de se doter d'une impor-
tance armée et de règner à la tête d'une
partie du nord du Dyimini actuel et du
Tagwana Il (2) •
Il construisit sa capitale Gburugburu, au nord, à une
vingtaine de kilomètres de la ville actuelle de Dabakala.
Il développait ainsi au sud-ouest
de Kong un Etat riche et
prospère qui attira de nombreux marchands étrangers. Il
rêvait, dit-on, d'unifier tout le reste du Dyimini qui
connaissait un émiettement de
petites chefferies, lorsqu'il
apprit l'avènement d'Asoroba sur le trône de Kong. Ce
dernier l'invita à la cérémonie de réjouissances au cours
de laquelle les princes prêtaient un serment de fidélité au
Fama. Cette invitation irrita Aliè Kamana qui fit dire à
Asoroba :
"
Tu m'invites, eh bien l prépare toi à
me recevoir. Je viendrai à Kong non pas pour
te prêter un serment de fidélité mais pour
conquérir ton Gènè et planter ta tête au
bout d'une fourche sur la place du marché ... (3).
(1) Balai Ouattara, Kolon, le 30-3-1976.
(2) Badawa Bamba, Pongala (20-3-1976).
(3) Basièri Ouattara, Kong, le 10-8-1977.
810
b)
Les tentatives de redressement
Aussitôt monté sur le trône, Asoroba qui était un
prince énergique et plein d'ardeur entreprit de restaurer
l'autorité de Kong.
Il se préoccupa de l'état de l'armée
impériale qui, sous Somafi, venait de subir un véritable
désastre dans le Tagwana. Il attribua cette défaite au fait
que les troupes qui allaient au combat étaient encore
commandées par de vieux généraux qui avaient fait la gloire
de Kong en 1740 à l'époque des guerres ashanti.
Il fit donc
dans ce domaine une véritable révolution.
Il les combla de
dons et les installa à la cour comme conseillers du roi
(Dyula-mansa). Il avait réussi par ce procédé à obtenir
une armée jeune et dynamique.
Pour entretenir sa cavalerie
il faisait venir de Bobo-Dioulasso plusieurs milliers de
chevaux par an(1). D'après certaines informations, i l aurait
tenté avec succès l'élevage des chevaux du Dafina dans la
région de Kolon et Sokolo(2)
comme l'avait fait autrefois
Seku Watara pour soutenir ses nombreuses guerres.
Asoroba entreprit aussi de développer les provinces
et notamment celle de Kolon.
Il voulut, dit-on, faire de
cette dernière localité la deuxième
capitale de l'Empire
des Watara.
Il reprenait en cela l'idée de son père qui
avait entrepris la construction d'un immense palais, mais
dont les travaux avaient été abandonnés après sa mort. Le
projet était grandiose et Asoroba fut obligé de faire venir
de Dienné et Tombouctou plusieurs centaines de maçons (3) .
Ce souverain avait du goût pour le faste.
Son exemple fut suivi
_P-!3X _d.e riche_s négociants _de Kolon qui se firent construire
(1) Balai Ouattara, Kolon, le 30-3-1977.
(2) Mamadou Labi, Bouaké 20 juillet 1978.
(3) Bamadou Ouattara, Nasyan le 25-3-1974. Ce palais ne fut pas achevé
à cause de la mort brutale du souverain survenue quelques années
après son intronisation. Les travaux trop coûteux furent définiti-
vement abandonnés.
811
de belles demeures en terrasses dont on voyait encore des
traces en 1974~
Le nouveau souverain de Kong semble aussi avoir
encouragé l'enseignement de l'arabe et la diffusion de
l'Islam dans les campagnes.
Il fit construire des mosquées
dans la plupart des villes de l'Empire.
Il aimait la
compagnie des karamogo au sein desquels il recrutait ses
princiaux conseillers. Ce n'est donc pas un hasard si les
traditions musulmanes conservent un bon souvenir de son
passage à la tête de l'Empire des Watara. Son nom Asoroba
ou Asoro le Grand semble indiquer qu'il fut un grand sou-
verain aimé de ses sujets qui pleurèrent longtemps sa mort
survenue dans le Dyimini à la suite des guerres que le roi
de Kong engagea contre Aliè Kamana.
Depuis sa prise de pouvoir, Asoroba pensait tou-
iours aux menaces que son ennemi du Dyimini avait proférées
contre lui.
Il était convaincu qu'Aliè Kamana tiendrait
parole et qu'il attaquerait son pays; aussi décida-t-il
d'aller le surprendre dans le Dyimini.
c)
La guerre de Gburugburu
Aliè Kamana ne se laissa pas surprendre.
Informé
des préparatifs de guerre auxquels se livrait son ennemi,
il réunit à simono une troupe nombreuse qu'il équipa de
fusils, de lances et de flèches. Asoroba avait alors
compris que son ennemi s'apprêtait à envahir le Kpon-Gènè.
Il convoqua à Dyangbanaso tous ses chefs de guerre avec
leurs corps d'armée. Les traditions de Nasyan rapportent
que le souverain de Kong aurait rassemblé environ 10.000
hommes dont près de 1.000 cavaliers
812
"car il accordait une grande importance à
cette guerre"(l).
D'après les informations que nous avons recueillies à
Kong et à Kolon, ces rassemblements de troupes se ~eraient
déroulés vers la fin de la saison des pluies
(octobre-
décembre de l'année 1809) (2). Comme le souligne Basièri,
les opérations militaires étaient ainsi prévues pour le
début de la saison sèche
(décembre-ianvier) (3) .
Conscients de la gravité de la situation, les
karamogo de Kong tentèrent vainement de réconcilier les
deux belligérants. A Sokolo on garde encore le souvenir de
l'ambassade que Sitafa Saganogo, un grand négociant de
Kong, avait conduite à Gburugburu en vue de ramener la paix
à Kong et dans le Dyimini et qui se heurta à un mur
d'incompréhension de la part d'Aliè Kamana qui n'avait
qu'une ambition,
faire payer à Asoroba son exil dans le
Dyimini et le départ de Nangin de Kong(4). Cette ambassade
aurait,
semble-t-il, été mal accueillie et quelques-uns
de ses membres furent fouettés publiquement. Ce fut le· cas
de Basidi watara, un neveu d'Asoroba, qui avait accepté de
faire partie de la délégation(5).
D'après les sources orales,les karamogo de la
région de Kong paraissent avoir prêté leur concours a
Asoroba dans sa lutte contre Aliè Kamana
i
c'est ce qui
expliquerait le caractère magique qu'elles ont tendance a
(1)
Bamadou Ouattara, Nasyan le 30-3-1974.
(2)
Basièri Ouattara, Kong le 18-8-1974 et Bemankoro Ouattara,
Kolon le 5-3-1974.
(3)
Basièri OUattara, Kong, le 10-8-1977.
(4)
Pour l'ambassade voir Dyamila Ouattara, Sokolo le 30-3-1976.
D'après les enquêtes que nous avons effectuées à Kong, Asoroba
n'a aucune responsabilité dans le départ de Nangin.
(5)
Bamadou Ouattara, Kong,
10-3-1974.
813
donner aux guerres entre les deux grands conquérants.
Voici ce que l'on raconte dans le camp musulman d'Asoroba
"Il Y avait un karamogo à Bilimono connu
sous le nom de Morifin Kanté et qui jouis-
sait d'une grande autorité dans le domaine
des sciences occultes. Asoroba s'est rendu
chez lui et lui a demandé de prier Allah
pour lui afin qu'il remporte la victoire
contre Aliè Kamana. Morifin à consulté les
esprits et lui a dit : tu iras contre le
Dyimini, tes armées seront victorieuses mais
tu perdras la vie là-bas". A cela Asoroba
aurait répondu: "que m'importe la vie! Je
veux que plus tard mes petits-fils disent
avec fierté, c'est Ba Asoroba qui a vaincu
Aliè Kamana et détruit le Dymini.
Le karamogo porta alors son choix sur un
bouc dont les poils tralnaient par terre,
fit un travail sur l'animal, et l'envoya
dans le Dyimini pour annoncer_la venue
prochaine du roi de Kong. Dès que le bouc eut
accompli sa mission, Asoroba lança ses
lroupes dans le Dyimini sans donner le temps
à Aliè Kamana de l'attaquer"(1).
Dans les traditions africaines,
le bouc apparaît
comme un animal qui a peur de l'eau. Son envoi dans le
Dyimini symbolise la saison sèche pendant laquelle Asoroba
eut à combattre son adversaire.
Ainsi,
à partir probablement de janvier-février
1~10, Asoroba quitta Dyangbanaso avec la bénédiction des
karamogo. Son ennemi l'attendait à Simono retranché
derrière de puissantes fortifications en bois, les sanyé.
Les combats engagés par les troupes de Kong pour les dé-
truire furent très meurtriers. Un soir après une journée
de durs combats, Aliè Kamana qui
inspectait les fortifica-
(1)
Basièri Ouattara, Kong,
10-8-1977.
814
tions fut grièvement blessé par un guerrier de Kong.
Il
fut immédiatement transporté à Gburuqburu et son fils Séré
Bukari le remplaça à la tête de l'armée. Le lendemain
matin,
il engagea toutes ses forces dans la bataille Mais
il fut défait par la puissante cavalerie watara.
Il évita
de justesse le désastre et avec un sang-froid qui sortait
de l'ordinaire organisa la retraite. D'après les traditions
de Sokolo, Bukari perdit la moitié de ses troupes(l). Ce
succès poussa Asoroba à assiéger Simono qui capitula après
quelques jours de lutte. Bukari réussit à se sauver et à
regagner Gburugburu. Simono fut entièrement rasée et sa
population fut déportée à Dyangbanaso. Le roi de
Kong se
dirigea alors contre la capitale d'Aliè Kamana qu'il assié-
geapendant plusieurs mois. Grâce au concours des troupes
du Dyamala venues combattre aux côtés du roi de Kong, Asoroba
réussit à couper les communications d'Aliè Kamana avec
l'intérieur. Privé de ravitaillement, le roi assiégé, porté
dans un brancard organisa une sortie en force.
Cette dernière
se heurta à la redoutable cavalerie watara regroupée autour
d'Asoroba. Après une journée de combats l'armée de Gburu-
gburu.perdit pied et se fit entièrement massacrer. La ville
de Gburuqburu fut incendiée et la plupart des chefs de
guerre furent exécutés sur le champ. Ce fut un véritable
carnage,
"tout autour de la ville détruite,des milliers
de corps mutilés jonchaient le sol. Le
Kèlètigi Bérété gui commandait la garnison
de Simono eut la bouche déchirée avant de
rendre l'âme. séré Bukari eut la tête tran-
chée. Tous les chefs du Dyimini qui avaient
squtenu la révolte d'Aliè furent décapités" (2) .
(1) cya~ila Ouattara, le 28-3-1964.
(2)
Basïèri Ouattara, Kong, le 10-8-1977.
815
Le soir de la grande victoire, au moment où les Watara
manifestaient leur joie, Asoroba se sentit très fatigué.
Il se retira sous sa tente où son cousin Soma Ali le trouva
mort le lendemain matin. Ce derhier orqanisa alors le retour
à Kong. Il contraignit les populations du Dyimini qui
habitaient la région de Gburugburu à venir s'installer dans
la région de Kong à la suite la destruction de leur. pays.
D'~près Basièri Ouattara, les autorités de Kong firent
construire pour ces nouveaux venus la ville de Négèso au
sud de Dyangbanaso ct) .
Ainsi après trois mois de durs combats (2) , Kong
avait réussi à s'imposer dans le Dyimini mais le pays était
ruiné et sa population dispersée. Cette guer~e contre le
Dyimini avait provoqué aussi la mort d'Asoroba (mars ou
avril 1810). La disparition de ce souverain dynamique,
intelligent et bon administrateur allait accentuer le déclin
de l'Empire. Bien que les traditions orales demeurent dis-
crètes sur les pertes en vies humaines et en chevaux lors
de la guerre contre le Dyimini, nous pouvons affirmer, étant
donné l'importance des batailles livrées à Simon6 et à
Gburugburu, que ces pertes ont été très importantes. Nous
avons appris à Sokolo que parmi les grandspersonnaqes qui
moururent dans le Dyimini fiquraient le mansa du Dyamala,
Mamadi Watara, Basu Mori, le général en chef des troupes
d'Asoroba, et deux fils du roi de Kong, Ali et Musa(3). Le
bilan était par conséquent lourd, aussi bien du côté des
(n..l?a.$.ièr.LÇ)).att.ar.a~Kong,.le.1o-8"'71977. Nous avons rencontré en 1979,
un des descendants des J:X>pulations qui avaient été déplacées. Il est
ccnnu à Kong sous le nom deMasatyè (homme-roi sous entendu les hommes
du roi ASoroba)
: en réalité, il s'appelle Tagba Watara. Sa famille
vit encore dans les ruines de Négèso.
(2) Nous avons retenu pour la durée des campagnes les versions de Kolon
et de Bilimono : A Kolon voir Dougoutigui Bêman (30-3-1976). A
Bilimono voir Basori Ouattara (5-4-1976).
(3) Dyamila Ouattara, Sokolo, le 30-3-1976.
816
Watara et de leurs alliés que du côté de leurs ennemis.
La guerre qu'Asoroba livra contre Aliè Kamana allait finale-
ment servir les intérêts de Séré Watara qui se garda d'user
~es forces dans une bataille qu'il considerait à iuste titre
comme un règlement de comptes entre les. princes de Kong. La
mort d'Aliè Kamana, l'anéantissement de ses troupes et la
destruction de ses forteresses,
assurèrent l'indépendance
de Séré Watara dont les forces étaient demeurées intactes.
Le Kpon-Gènè n'allait plus être en mesure d'intervenir
militairement dans le Dyimini. Le début du XIXe siècle mar-
quait ainsi l'avènement des chefferies watara autonomes
dans le Dyimini et le Tagwana.
B.
KONG DE 1810 à 1850
Entre la mort d'Asoroba '(1'810)
et le règne de
Sokolo Mori
(-1_850-1894)
très peu de souverains ont laissé
des souvenirs dans l'histoire de Kong; sur les douze rois
qui ont régné, durant cette période de 40 ans, les sources
orales et écrites ne nous donnent des informations que sur
deux d'entre eux:
il s'agit de Sori Fagaman et de Karamoko
Dari. Quand on in~rroge les traditionalistes sur la vie des
autres souverains,
ils affirment que c'étaient des souve-
rains qui
"se contentaient de boire, de manger et de
dormir et qui laissaient la plus part du
temps les Dyula-mansa gouverner à leur
place" (1).
La plupart des souverains qui régnèrent ainsi après Asoroba
furent des rois faibles ou incapables qui vivaient souvent
dans les kongoso et se désintéressaient des affaires de
l'Etat. Etudions, en conséquence, les règnes de Sori Faghama
et de Karamoko Dari.
(1) Basièri Ouattara, Kong, le 10-8-1974.
817
1.
-
Sori Faghama
(1810-1B14j1815)
Après 1810, le pouvoir passa à un autre fils de
Kumbi appelé Karakara Dawa.
Il est décrit dans les sources
orales comme un souverain sournois et surtout rancunier.
Le calme et la patience avec lesquels il se vengeait de
ses adversaires le firent surnommer Duga
(le vautour, le
charognard). L'un des princes qu'il détestait le plus était
Sori Faghama, l'héritier présomptif. Ce dernier, las des
tortures qu'il endurait sous le règne de Duga et craignant
pour sa vie, se réfugia à Bobo-Dioulasso où il attendit
patiemment la fin du règne de son cousin.
Il ne dut pas
attendre longtemps d'ailleurs, car le règne de son adversaire
fut très bref(l). Ce fut par conséquent vers la fin de
l'année 1810 ou au début de l'année 1811 que les Bambadyon
allèrent chercher Sori Faghama pour lui confier le Sinzébu.
Sori Faqhama est relativement bien connu.
Il
était le fils de Mori Maghari.
Il serait né à Kolon vers
le milieu du règne de son père 1770-1800) (2). D'après cer-
tains informateurs de Kong,
il aurait eu environ une tren-
taine d'années lorsqu'il monta sur le trône(3). Ceci nous
permet de situer la naissance de ce prince watara vers 1780-
1785. Son père le confia très tôt à un qrand karamogo de
Konq du nom d'Ibrahima Kuribari pour assurer son éducation
reliqieuse. Mori Maghari aurait d'ailleurs, dit-on, par
amitié pour ce lettré et pieux personnage, donné le_ nom du
Karamogo à son fils(4).
Mais le souverain de Konq ne négligea
pas l'éducation querrière de son fils qui, dans ce domaine,
manifesta de-réelles aptitudes d'où le surnom qu'il devait
(1) Labi Saganogo qui exagère souvent les durées de règnes propose 1
an et 6 mois. Nous pensons que ce souverain a régné moins d'un an.
(2) Tradition de Kolon recueillies auprès de Fisiri Ouattara, 25-3-1976.
(3) Karamoko Ouattara, Kong,
18-8-1974.
(4) Dans le Manuscrit nOS, on l'appelle en effet Ibrahim.
818
garder plus tard de Faghaman,
l'homme de la force, de la
puissance.
Sori Faghama est. présenté dans les sources orales
comme un bel athlète avec une
"figure agréable qui lui attirait la sympa-
thie de son entourage"·(1).
Les lettrés musulmans et les milieux commerçants
de son époque semblent avoir eu ce même sentiment pour ce
souverain ouvert dont l'action fut, dit-on, bénéfique au
commerce à longue distance(2). La politique de Sori Faghama
fut en effet dominée par deux traits fondamentaux,
la sécu-
rité le long des voies commerciales et la paix intérieure.
Pour atteindre cet obiectif i l créa onze provinces militaires
ou daga, d'une part le long des principaux axes qui reliaient
Kong au monde extérieur et, d'autre. part, le long des fron-
tières avec les Palaka qui très souvent. pillaient les cara-
vanes de Kong.
Il créa aussi pour surveiller les palaka
quatre provinces militaires, Birindarasu, Limono, Rapi et
Niafunambo ; sur la route qui assurait les liaisons entre
Kong et Bondoukou on notait deux. provinces, Bono et Kawaré
la sécurité de la route du Dyimini était assurée par deux
. provinces, Melenda et Ténégéra ; celle de Bobo-Dioulasso,
incomba aux provinces de Kiémini
(nord de Kong)
et à celles
de Sauta et de Guéré en pays dogosyè. A la tête de chacune
de ces. provinces
il installa ses fils et ses neveux. Sori
Faghama ne supprima pas les grandes divisions administratives
et militaires mises en place par Seku Watara, à savoir la
(1) Basièri Ouattara, Abidjan, le 22-11-1978.
(2) Voir en particulier Babou Traoré, Kong, 1-3-1974 El-Haj Oumar
Coulibaly, Kong, 10-3-1974, et Mamadou Labi, Abidjan, le 2-2-1974.
819
division du Kpon-Gènè en trois Gènè, le Taburugo-koko, le
Kolon-koko et le Koba-koko.
Il renfor~d au contraire l'auto-
rité des maîtres du Gènè ou Génétigi qui avaient un droit
de regard sur les Daga qui relevaient de leur domaine. Sori
Faghama réserva en outre le titre de Génétiqi aux fa c'est-
à-dire à ses frères ou à ses cousins afin d'éviter qu'un
déin ne devienne trop puissant. Sous 'le rèqne de Mori Maghari,
Son fils, Tyèba, qui était à la tête du Taburugo-koko était
devenu effectivement un personnage important de l'Empire et
nous avons vu qu'il n'avait aucun respect,pour son oncle
Somafi qu'il faillit d'ailleurs exécuter un jour sur la place
du marché à la grande stupéfaction de la population dyula
scandalisée.
Les mesures prises par le Fama amenèrent la paix
au sein de la famille et la prospérité dans le pays. Sori
Faghama s'installa à Kong et obligea les Génétigi à venir
régulièrement lui porter les imp8ts et le renseigner sur
tout ce qui se passait dans le pays. D'après les traditiona-
listes de Kong,
il réunissait régulièrement le Dyèma pour
décider des guerres à entreprendre ou pour trancher les con-
flits qui n'avaient pas trouvé une solution acceptable, soit
au niveau du Daga, soit au niveau plus élevé du Géné(1).
Nous avons recueilli à Limono, auprès d'une vieille
famille de marchands, des échos de la politique de Sori
Il
Faghama. Voici ce que EI-Hajj Moustapha Daohretenu de ces
vieux :
·!'·Sori Faqhama, fut d'après ·nos v ieux un gr and
souverain. Son règne fut court, mais il
apporta beaucoup de bien aux populations de
notre région
; sous le règne de ce Fama les
(1) Voir à ce sujet la cour royale de Kong (Karamoko Ouattara, Kong
le 18-8-1974).
820
commerçants n'avaient pas besoin d'organiser
des caravanes pour faire du commerce entre
Bondoukou et Bobo-Dioulasso. Un groupe de
trois ou quatre personne pouvaient circuler
librement sur les routes pour faire du com-
merce. Ce fut une bonne époque où tout le
monde pouvait trouver à ~e nourrir ..• "(l).
Les réformes de Sori Faghama permirent donc au
Kpon-Gènè de connaître à nouveau une intense activité com-
merciale après le règne de Karakara Dawa. Le fait nouveau,
d'est que les autorités de Kong avaient désormais la maîtrise
des routes sur lesquelles des individus isolés pouvaient se
liv~er en toute quiétude au négoce, du moins dans les régions
de Kong, l'Anno, Bondoukou, Bouna et Bobo-Dioulasso. Cela
constituait au début du XIXe siècle, une véritable révolution
pour les petits commerçants qui, depuis l'époque de Seku
Watara, dépendaient du bon vouloir des riches négociants du
pays qui avaient le monopole des caravanes. Grace à Sori
Faghama, un vent nouveau allait désormais souffler sur le
monde des affaires et notamment sur les petits colporteurs
dyula qui allaient pouvoir édifier à la fin du XIXe siècle
de grandes fortunes et vivre dans l'aisance(2).
Sori Faghama semble avoir oeuvré aussi pour une
bonne entente avec ses voisins du sud-est, les Ashanti et
notamment les populations côtières de la région de Cape
Coast ou Gwa.
D'après certains traditionalistes,
il aurait
envoyé au début de son rèqne
"aux princes ashanti et à ceux de la côte
qui le ravitaillaient en fusils et en poudre,
de somptueux cadeaux afin de s'attirer
(1) El-Hajj Moustapha Dao, Limono,
3-4-1974.
(2)
Binger, op. cit., t.I, p.298.
821
l'amiti~ des princes de ~es r~gions"(1).
Le règne de Sori Faghama aurait ainsi permis, après la
gtier~e meurtrière de 1740 un r~pproche~ent entre les Ashanti
et les Watara, ouvrant ainsi, en outre, à l'Empire de Kong
urie fenitre sur la mer pour la fourniture des armes à feu.
L'oeuvre r~alis~e,par Sori Faghama fut donc très
ix:nportante pour le ~pon-Gènè. Malheu'reusement, ce souverain
qui d~bordait d'activit~ et qui aimait la,paix ne se plaisait
pas à Konq où les Sunangi voulaient le contraindre à entre-
prendre des guerres difficiles contre les Palaka, les
Dyimini et les autorit~s du Folona. Il estimait que le
~pon-Gènè ~tait devenu un Royaume stable et que les op~ra
tions militaires devaient avoir lieu dans les pays bobo. Il
d~cida donc d'aller s'~tablir dans le Gw-iriko où la situation
politique n'~tait pas très brillante. En effet, depuis la
mort de Kumbi vers 1770,.la princ~paut~ de Makuma ~tait toujours
en guerre
contre
les forces du K~n~dugu. En outre, les
autorit~s du Makuma ~prouvaient d'~normes difficult~s pour
assurer la s~curit~ des caravaries qui, à,partir de Dienn~,
'tentaient de regagner Bobo-Dioulasso à travers les terri-
toi'res des Taguara, population franchement hostile aux W3.tara.
De ~e fait les autorit~s de Makuma, depuis le d~but du XIXe
siècle, ne cessaient de r~clamer l'aide de la m~tropole. Ce
furent toutes ces consid~rations qui, semble-t-il, poussèrent
Sori Faqhama à aller s'installer dans le Gwiriko. A Bobo-
Dioulasso, on ajoute aussi que le Fama des Watara avait ~t~
fascin~ autrefois par la beaut~ du Gw-iriko et qu'il esp~rait
unifier tout le pays(2).
(1) Bamadou ouattara, Nasyan le 20-8-1974. La citation est un extrait
d'une enquête effectuée auprès de Pigneba OUattara en 1974 à OUan-
golodougou. D'après ce dernier informateur parmi les cadeaux figu-
raient 100 beaux pagnes et 300 esclaves des deux sexes.
(2) Ladji Kongodé OUattara, Kotédougou le 23-2-1979.
822
Ainsi, après quatre ou cinq ans de règne, Sori
Faghama quitta Kong pour le Gwiriko ·(1~14~1815). Il partit
au début de' la saison sèche à la tête d'une armée qui com-
p~enait, dit-on à Kong, 900 cavaliers recrutés parmi les
fils des chefs du Kpon-Gènè. En févrïer' 1979, le vieillard
Ladji Kongodi Ouattara nous a montré à Kotédougou la pierre
sacrée sur laquelle son grand~père s'était assis à son
arrivee dans le pays. D'après les traditions de Kotédougou,
il' e~erça sa fonction de Fama dans la région de Bobo-Dioulasso
durant une période de 24 ans soit d~ 1~15 ~ 1839(1). Le
traditionaliste Basièri évalue au contraire à 15 ans l'en-
'semble du règne de ce souverain (2) qui serait mort vers
. 1829~1830. Etant donné
que Ladii a ~endance à exagérer
'les durées de règne nous suggerons de he retenir que les
données de Kong. Ces dernières nous paraissent conformes à
la vérité car Sori Faghama était mort depuis plusieurs années
lorsque Daula vers 1835 attaqua le Gwiriko(3).
Sori Faghama fixa sa résidence militaire à Kogoma
et passa 10 années de sa vie à lutter contre les irréducti-
bles.populations taguara. C'est au cours de l'une de ces
expéditions guerrières qu'il trouva la mort, au nord de
Sungaradaga.
Le départ de Kong de Sori Faghama semble avoir
posé de sérieux
problèmes dans la métr~pole dyula. Le sou-
verain était-il parti au Gwiriko avec le Sinzébu, l'emblème
du pouvoir royal ? A cette question ~ertains traditionalis-
tes de Kotédougou répondent par l'affirmative(4). Si cette
(1) D'après Ladji Kongoté, il aurait régné pendant 25 années soit 24 ans
environ (23-2-1979). Toutes les dates que nous utilisons dans nos
textes sont converties en années grégoriennes.
(2) Basièri OUattara, Kong, 30-3-1976.
(3) Ali OUattara, Sungaradaga, le 28-3-1979.
(4) Ladji Kongoté Ouattara, Kotédougou, le 23-2-1979.
823
affirmation était vérifiée,
i l faudrait donc conclure que
de 1~15 à 1830 environ, les princes qui étaient à la t@te
du Kpon-Gènè n'étaient pas des Fama mais des représentants
de Sori Faghama. A Kong au contraire, les traditionalistes
de la cour
royale sont catégoriques,
le Sinzébu n'avait
jamais quitté la capitale des Watara avant la destruction
de cette dernière par Samori(l).
Ils affirment en outre
qu'après le départ de Sori Faghama,
l'emblème du pouvoir
royal fut immédiatement remis à Somafi Bagi. Certes, le Fama
n'était pas tenu de vivre à Kong,
i l pouvait s'installer
où
i l voulait mais
il était contraint pour règner de posséder
le Sinzébu. Dans l'hypothèse où Sori serait parti sans cet
emblème capital,
il faudrait considérer son départ comme
une véritable abdication.
Il semblerait d'ailleurs que le
Sinzébu ne pouvait pas quitter le ~pon-Gènè.
2.
-
Le règne des rois falots '(1~15-1835)
Ouoi qu'il en soit, Sori Faghama n'eut pas un
suc~esseur digne de lui. Entre 1815 e~ 1835, on vit défiler
sur le trône de Kong neuf souverains sans ~ersonnalité.
Ainsi pendant près de vingt ans,
le Kpon-Gènè allait @tre
gouverné par des princes falots dont la plupart heureusement
ne gardèrent pas longtemps le pouvoir.
Ils périrent sans
aucun doute à cause des intrigues et des désordres qu'ils
avaient contribué à créer dans le pays. Malgré le silence
des sources orales, on peut penser que certains princes
moururent soit empoisonnés soit assassinés dans leur palais.
(1)
Informations recueillies auprès des Bambadyon de Nasyan et de
Ouangolodouqou
(juin et juillet 1974) voir pigneba Ouattara
(Ouangolodougou, le 18-7-1974). Ces informations ont été confir-
mées par le .roi actuel de Kong, Karamoko Ouattara,
(KonG, le 12-
7-1974).
824
On ne peut pas expliquer autrement comment des Fama comme
Somafi Bagi, Mia Dyori, Mia Sotigi, Mori Séré, Ba Lèna
n'ont pu qarder le trône que quelques mois. Les Dyula de
Kong ont gardé un très mauvais sou~enir de l'ensemble de
ces rois. Somafi Bagi est traité de roi Banmana(1), on ac-
cuse Mia Dyori d'être aussi hostile aux musulmans. Mori
Séré et Ba Lèna sont considérés comme âes ivroqnes qui ne
trouvaient leur plaisir que dans la boisson.
Durant cette
période de vingt ans,
l'autorité royale sera sérieusement
ébranlée. L'anarchie et le désordre s'installèrent dans les
provinces. Les Fama de Kong, n'ayant aucune autorité, arri-
v~ient difficilement à se faire obéir dans les différentes
provinces. Des conflits d'intérêts vont éclater violemment
durant cette période entre le parti sunanqi au pouvoir et
le milieu des affaires. C'est surtout dans les Daqa que
les conflits prirent des proportions alarmantes. Les Daga
avaient été conçus pour surveiller les frontières,
les voies
commerciales et protéqer les caravanes.
Pour survivre, les
princes de ces provinces étaient contraints d'organiser des
razzias, car Seku Watara avait su~primé les taxes sur les
voies commerciales. Or ces razzias, organisées de préférence
dans les pays Dyimini ou Palaka, faisaient souvent des
victimes parmi les négociants Dyula qui sillonnaient ces
régions. On raconte que, vers la fin du règne de Karamoko
ulé
(vers 1835), des Kombidyon pillèrent délibérement, dans
la région actuelle de Dabakala, la caravane d'un riche
néqociant influent du quartier Kèrèu,
appelé Daula Kuri-
bari(2). D'après certains témoignages, le néqociant de Konq
aurait perdu à cette occasion beaucoup d'or et 300 paniers
de noix de kolas achetées dans l'Anno(3).
En 19]6, au cours
d'une enquête à la cour
royale de Kong,
le traditionaliste
Basi~ri Ouattara a souligné
(1) Marr:aoou Saganogo Labi, le lS janvier 1975.
(2) Masai Cuattara, Sikolo,
lS-8-1974.
(3)
Baèawa Bamba, Pongala,
27-3-1976.
825
"qu'entre le règne de Somafi Bagi
et eelui
de Karamoko Dari (1815-1835) les Watara se compor-
taient comme des bandits et attaquaient régulière-
ment les caravanes"(l).
A l'avènement de Karamoko Dari,
la tension était donc très vive
entre les milieux musulmans et commerçants et les Sunangi.
Les rois de Kong
se sentaient impuissants pour ramener
la paix dans le Royaume. On notait l'absence d'un pouvoir fort/
l'existence de puissants clans royaux dont chacun cherchait à
im-
poser son prétendant au trône.
Les clans les plus importants qui
vont marquer,
à
partir du XIXe siècle,
l'histoire de Kong étaient
les Kombi-fèso,
Somaso et Dyangina Fèso.
Leurs rivalités vont affai-
blir le pouvoir royal.
Cette période fut marquée par la demande
d'aide militaire que le roi du Gyaman,
Adingra adressa à Ba Duguti-
gi
(1817
?
-
1820 ?).
En
1818 comptant probablement sur la réputa-
tion guerrière des Watara,
i l avait déclaré
la guerre au roi de
l'Ashanti Osei Bonsu. Contre l'aide de Kong Adingra s'engageait à
payer un lourd tribut chaque année
au Fama de Kon~ .Malheureusement
la situation difficile dans laquelle
se trouvait le Kpon-Gènè ne
permettait pas à Ba Dugutigi de
secourir dans l'immédiat son allié.
La réponse des gens de Kong ébranla le moral
d'Adingra(2).
Ba Du-
gutigi réunira finalement
une
armée de
1500
hommes,
mais elle at-
teindra le Gyaman,
à
la fin
des hostilités.
Le Gyaman
fu vaincu
et intégré au Royaume Ashanti dès
1820(3). C'est dans ce climat
politique,
social et économique qu'intervient l'avènement de Kara-
mo ko Dar i
(1835 - 1850) .
C.
LA SITUATION DANS LE KPON-GENE DE
1835 A 1850
1.
-
Karamoko Dari.
La période qui s'étend de
1835
à
1850
fut dominée par la personna-
lité d'un grand souverain connu sous le nom de Karamoko Dari.
A en
croire les sources de Kong,
i l avait environ une
quarantaine d'an-
nées lorsqu'il monta sur le
trône
ceci nous amène
à
situer appro-
ximativement sa naissance vers 11i5. Fils du célèbre roi Dyangéna il naquit à
(1) Sans l'aide de Ko~Adingra se sentit perdu. Pour le désarroi d'Adingra voir
Terray, ~ cit., p .1178
(2) Notre meilleur informateur sur ce point fut Dawaba Bamba (Pongala, avril et
mai 1976). Voir aussi Dupuis, ~. cit., pp.98-104 et Terray, ~ cit.,
p.1150-1200.
(3) Basièri Ouattara Kong, 8-3-1976.
826
Kong d'une mère tarawéré appelée Sogoni ulé. Cette
dernière était originaire de Tyènoqor~ et certains tradi-
tionalistes n'hésitent pas. à dire q~'elle était une des-
cendante du roi animiste Lè.siri Gbombélé'(1). Après la mort
de son. père, le jeune Dari fut confié à l'un de ses cousins
parternels Bua ulé qui assura son éducation. Fasciné par
l'intelligence. de Karamoko Dari, le karamogo Usman Turé
lui enseigna l'arabe et le Coran. Il fit de solides études
et devint un grand érudit. Il fit venir, dit-on, de
l'Egypte et du Maghreb de nombreux ouvra~es de droit musul-
man et des commentaires du Coran(2).
Les sources écrites nous présentent Karamoko Dari
comme le prince le plus généreux et .. leplus sensible que
Kong ait connu. Enfant il distribuait sans compter de l'or
aux pauvres et aux étrangers. Cette générosité spontanée
inquiéta son père qui.souvent fut contraint de cacher les
trésors de l'Etat. Devenu roi il fit un usage abusif de
l'or et de l'argent.Il avait fait sien le dicton selon
leqtiel
"un fils. de chef ne sait que donner" (3) •
Cette politique de prestige attira de nombreux
marchands et lettrés soudanais de la boucle du Niger dans
la région de Kong. Elle lui attira la sy~pathie de cette
communauté qui le présente aujourd'hui comme un roi musul-
man, pieux, équitable et généreux et qui sur ce dernier
(1)
Bamori Bayikoro, Nafana, le 20-3-1974.
(2)
Pour cette étude voir Marhaba et surtout Mamadou Labi qui a créé
en 1980 ~n centre d'études islamiques à Kong. Etant donné le
développement du malékisme dans cette région, nous pensons que les
ouvrages qui circulaient le plus soüvent dans le pays étaient
des traités de droit malékite.
(3)
Kaboré, 1966, p.136.
827
point ne fut égalé par aucun autre souverain watara(1). A
cause des biens qu'il distribuait aux uns et aux autres, il
devint un souverain populaire et fut b~ptisé du fait de sa
générosité, Muna - danuma (c'est-à-di~e le prince au-dessus
des princes).
Les documents écrits nous répsentent Karamoko
Dari comme l'ami des enfants. Dans les rues, lorsqu'il voyait
un enfant abandonné qui pleurait, il le consolait et
l'acco~pagnait en personne chez ses parents. On assure que
lorsqu'il passait dans la rue, mime les bébés qui étaient
dans le dos de leur mère sortaient leur tite pour le voir
passer. Cette patience avec les enfants dont nous parlent
les sources écr ites est a,J?paremment' en contradiction avec
certaines sources orales qui nous présentent Karamoko Dari
sous les traits d'un personnage nerveux, coléreux, qu'il ne
fallait sous aucun prétexte réveiller quand il était en
train de dormir (2) • Karamoko Dari aimait certainement les
enfants,mais i l y a sans aucun doute beaucoup d'exaqérations
dans les sources écrites dont les auteurs avaient été com-
blés de faveurs par le Fama. Il ne faut donc pas s'étonner
de voir les milieux lettrés et musulmans chanter les éloges
du souverain de Kong.
Ces mimes sources décrivent aussi Karamoko Dari
comme un grand conquérant qui n'avait pas peur de la mort,
d'où le surnom de Dyaraki
(l'homme qui ne recule pas devant
le danger) que ses guerriers lui av~ient donné. On raconte
(1) Voir surtout le manuscrit n08.
(2) Basièri Ouattara, Abidjan, le 10-8-1977.
828
qu'avant la bataille i l plantait des piquets et s'attachait
avec des cha!nes afin de ne pas fuir en cas de défaite
devant l'ennemi(1). Si l'on se fiait aux documents écrits,
on serait tenté de croire que le Farna en question était une
force de la nature. D'après certaines sources orales au
contraire, Karamoko Dari était d'une telle maigreur que ses
contemporains l'avaient baptisé M'Bia Sama(2)
(M'Bia le
maigre). Mais elles reconnaissent que le Fama de Kong était
un personnage intelligent qui savait parler à ses guerriers
et les conduire à la victoire.
Il était, sernble-t-il, un
bon stratége, un administrateur et un organisateur. Il
était aussi un homme de coeur, généreux, affable, vertueux,
pieux et lettré. A partir de 1835, i l allait donc mettre à
profit ces qualités pour restaurer pendant une quinzaine
d'années environ l'autorité du pouvoir central et rétablir
la paix dans l~ pays •
2. - Le redressement de l'autorité royale
Sori Faghama avait eu l'idée judicieuse de créer
de nombreuses provinces militaires pour occuper les
princes ; i l voulait aussi assurer la sécurité des routes
et par voie de conséquence garantir le bon déroulement du
commerce à longue distance qui était la raison d'être de
l'Etat de Kong. Mais Sori Faghama qui demeura très peu de
temps à la tête du Kpon-Gènè n'avait pas eu le temps d'or-
ganiser matériellement les Daga en les dotant de moyens
(1 ) Cette pratique. .ét.ait. inhabituelle. dansL'.armée ci. Kong où seuls les
Dyuladyon devaient sacrifier leur vie pour sauver celle du Fama. En
outre, les souverains combattaient rarement dans le corps des fantas-
sins. Les documents écrits veulent montrer ici le courage exception-
nel de Karamoko Dari qui incarne le Sunangiya, c'est-à-dire le corps
de ceux qui ne fuient pas. Cf à ce sujet le T. es-F., 1964, p.265.
Où l'on voit les Suna ou Sunangi du Songai se faire massacrer par
l'armée marocaine à Tondibi en 1591.
(1) M'Bia est un titre honorifique que l'on donnait à Kong à tous les
souverains, et Sama signifie "le long".
829
~atériels et financiers. Pour être efficace, le Daga devait
disposer en effet en permanence d'une petite troupe de 300 à
600 guerriers comprenant au moins 100 à 200 cavaliers armés
de fusils et prêts à intervenir dans les régions peu sÜres.
Or l'entretien d'une telle cavalerie était onéreux pour le
Daga qui devait renouveler les chevaux plusieurs fois par an .
Ces animaux qui étaient importés, soit du Masina, soit du
Mosi, revenaient très cher.
Pour faire face à la situation, les propriétaires
des Daga avaient été contraints de razzier les populations
voisines et même de piller souvent les riches caravanes de
Kong qui traversaient le pays. Les Watara des Daga en vou-
laient d'ailleurs aux négociants dyula qui circulaient li-
brement et gratuitement sur les routes et qui, non contents
de cela, méprisaient les princes watara en les traitant de
kongoso-mogo.
On raconte que, pour piller des caravanes, ils
créaient dans la brousse des campements gardés solidement
par des Dyuladyon armés jusqu'aux dents. Ces campements com-
muniquaient
avec les grandes routes commerciales par des
voies bien entretenues. Lorsque des voyageurs empruntaient par
mégarde ces
dernières et arrivaient dans le campement on leur
arrachait la plus grande partie de leurs marchandises. Ces
actes de brigandage avaient lieu surtout sur l'axe Bondou-
kou-Kawéré-Kong. On assure que les descendants de Kumbi
s'étaient spécialisés dans cette triste entreprise. Les
traditions de Kong citent couramment le nom de Sindiéni-Sori,
le grand père de Basizingolo(1).
(1) En 1960, Basizingolo était le chef du groupement du Taburugo-koko.
Cf. Bernus, 1960, p.282.
830
Kararnoko Dari entreprit donc de redresser la situa-
tion. Il prit à ce sujet plusieurs mesures qui visaient à
procurer des ressources aux Daga et aux Gènè.
Il fit créer
dans les moindres provinces des plantations d'Etat entre-
tenues par des dyon
(esclaves). Il obligea la population
paysanne à donner chaque année une partie de sa récolte aux
Dagatigi ou Dagakundigi
(le ma!tre de Daga). Ces taxes
allaient prendre à la fin du XIXe siècle l'allure d'un
véritable nizara
(impôt) qui fut perçu avec beaucoup de bru-
talité par les agents de l'Etat, les Finminabagari ou
Siratigi(1) •
A la suite de longues négociations avec le milieu
musulman, les marchands étrangers et locaux acceptèrent
d'offrir le d6lo-songo aux princes, à chaque passage. Ces
dolb-songo étaient essentiellement des dons en nature (sel,
armes, tissus, noix de kola ••• ).
Le roi de Kong invita aussi ses gouverneurs de
province à organiser sur leurs territoires des marchés locaux
afin de développer leur région.
Grâce à ces mesures la paix revint dans le pays et
le commerce reprit.
~yant réglé la question des Daga et instauré la
sécurité sur les routes,
il tenta d'imposer son autorité à
ses cousins qui, à la faveur de la dégradation du pouvoir
central, s'étaient imposés depuis une vingtaine d'année comme
des souverains indépendants à la tête de leur Gènè. Nous.
avons vu que la faiblesse du pouvoir central avait favorisé
en outre la formation de nombreux clans rivaux qui contes-
(1) Les Finminabagari qui étaient engagés pour servir aux frontières du
Kpon-Gènè portaient souvent le nom de .Siratigi. Ils exécutaient les
décisions des chefs. Cf. Binger, op. cit., t.I, p.274.
831
taient l'autorité des Fama. Deux de ces clans étaient trè~
,
puissants, le Dyangèna-f(:~,so dont était issu Karamoko
Dari et
le Kumbi-feso dont le représentant était un petit-fils de
Kumbi appelé Karamoko Ulé et qui avait sa résidence à Bugu.
S'appuyant sur les Bambadyon demeurés fidèles au pouvoir
central, le Fama obligea par la force des armes et par la
confiscation des domaines les princes du Kpon-Gènè à recon-
naître son autorité. On assure qu'il se montra impitoyable
envers ses frères et ses cousins et qu'il réprima très
sévèrement les récalcitrants (1) . Sous la contrainte, la
plupart des princes qui avaient manifesté quelques velléités
d'indépendance rentrèrent dans le rang. Mais certains, tels
les descendants de Kumbi, acceptèrent l'autorité du Fama à
contre-coeur, poussés par Karamoko Ulé(2)
qui détestait
semble-t-il, le souverain de Kong. Les sources écrites font
allusion à un incident
d'une grande gravité survenu entre
Karamoko Dari et les descendants de Kumbi. D'après ces
documents, ces derniers invoquant le fait que le règne de
Karamoko Dari ne leur assurait
"aucune nourriture",
refusèrent d'aller combattre pour lui dans le Dyimini. Les
sources écrites qui nous relatent ces faits ne nous rensei-
gnent pas sur la suite de cet incident(3). Mais il est clair
que le souverain n'a pas laissé un tel acte impuni. Il dut
retirer tout pouvoir politique et militaire à certains
membres influents de la famille de Kumbi. La grande crise qui
va secouer Kong après la mort de Karamoko Dari n'est pas
étrangère au conflit entre les Mori Maghari et les Kumbi.
(1) Dyamila Ouattara, Sokolo, le 30-3-1976.
(2) Ce personnage n'a rien à voir avec le Karamoko Ulé de l'époque de Singer,
c'est un descendant de Seku Watara.
(3) Voir le manuscrit n08.
832
Quoiqu'il en soit, Karamoko Dari.profita de cet
incident pour se débarrasser de ses adversair~et pour res-
tau~er un. pouvoir central fort. Ses expêditions dans le
Dyimini avaient uniquement pour but de se. procurer àes es-
claves dont les uns êtaient employês dans les. plantations
de l'Etat et des Dyula de Kong et dont les autres êtaient
échangês contre les chevaux et les fusils qui venaient de
la côte. La.pl~part des jeunes esclaves femmes c~pturées
dans le Dyimini êtaient distribuêes gracieusement aux
Karamoqo de Kong(l) qui les épousaient ou les utilisaient
comme kéréni (domestiques).
3. - Le roi et le milieu musulman
Kar~moko Dari qouverna avec l'appui des milieux
musulmans et commerç~nts. Il fut très ~pprécié par ces
derniers qui ont fait de lui un portrait très flatteur.Il
bénéficia du soutien total des chefs reliqieux de Kong,
notammpnt des Saganogo qui a~7aient une qrande influence dans
le pays. Karamoko Dari manifesta, en p.ffet, lln grand intérêt
pour l'pnseignempnt de l'arabe; il fit restaurer à cette
fin la. plupart des êdifices religieux que Binger trouvera en
place à la fin du XIXe siècle. c'est sous son règne qu~l'ensei
gnement
de l'arabe gRgna la masse de la p~pulation de Kong.
A la fin du XIXe siècle, Binger constata quP. l'instruction
était très développée dans la ville :
(1) Barnadou Labi, Abidjan, le 10 juillet 1974.
833
"il Y a, disait-il, peu de personnes illet-
trées. L'arabe qu'lIs écrivent n'est pas ce
qu'il y a de plus pur; on est cependant
étonné' de les voir aussi instruits, car
aucun Arabe n'a jamais pénétré jusqu'à Kong.
L'instruction est donnép- aux écoliers par
des Mandé-Dioula qui en ont· r~pporté les
éléments et quelques manuscrits provenant de
la Mecquen(J).
.
De nos jours, les karamogo de Kong attribuent ce succès de
l'enseignement de l'arabe aux efforts de Karamoko Dari.
D'~près Mamadou Labi, ce fut sous le rèqne de ce Fama que
Kong attira le. plus grand nombre d'étrangers en quête de
savoir' et de fortun.e (2). Rn réalité depuis le milieu du
XVIIIe siècle sons l'impulsion des Saqanogo l'enseignement
de l'arabe avait prit son essor. Il dut atteindre son apogée
sous le souverain Karamoko Dari. Le. pays connut, dit-on,
durant son rèqne une réelle pro~périté. Cette situation dut
se prolonger iusau'au delà du milieu du XIXe siècle. Le
traité de. paix que Daula signa avec les autorités de Konq et
du Gwiriko ~près 1835, à la suite de la défaite de ce pays
face aux forces watara du Gwiriko, favorisa, pOuT. la première
fois dans l'histoire dp- cette région, l'ouverture de rela-
tions cordiales et commerciales entre le Kénéduqu, le Kpon-
Gènè et le Gwiriko.
D'après les traditions de Limono, ce fut en effet
Karamoko Dari qui ouvrit la route Sikasso-Kong par Subakalé,
Sindu et Déra ou Léra(3). Quoi qu'il en soit, cette route
était encore très fréquentée vers 1888 lors du passage de
Binger. Ce dernier a rencontré à Wangolodugu des marchands
..-.. -
..de.Kong Q.uL_v.enaient d'acheter .à. Ty.èba en.ernpruntantce.tt.e..
(1) Binger, op. cit., t.I, p.326.
(2) Mamadou Labi, Abidjan, le 10 juillet 1974.
(3) Moustapha Coulibalv, négociant (75 ans) Limono, 20 juillet 1974.
834
voïe "vingt-deux sofa de Samori" pour de la poudre(1). Il
a aussi crois~ pn route
"beaucoup de qens porteurs de poudre,
qu'ils vont échaager contre des captifs à
SiKasso"(2).
Le règne de Karamoko Dari a donc eu des effets b~n~fiques
sur le d~vel~ppement du Kpon-Gènè. Sur le. plan politique
c~pendant, les rancunes accumulées. par les. princes qui
avaient ~t~ o~ig~s de courber l'~chine allaient ~clater au
grand jour après la mort du roi. Elles allaient d~boucher
sur une crise. politique grave. C'est ce que nous allons
voir a~ec le début du règne de Sokolo Mori.
B35
II, LE DECLIN. DU POU~IR CENTRAL
A.
L'INSTABILITE POLITIQUE A KONG '(1850'-1894)
, 1. - La crise de succession
Les débuts du règne de Sokolo Mori furent marqués
par une violente guerre civile provoquée par les descendants
de Kumbi qui avaient accepté à contre-coeur le gouvernement
de Karamoko Dari. La disparition de cedQTnier personnage
allait fournir une occasion aux Kumbi de tenter de s'em-
pa'rer du trône.
a)
L'origine du conflit
Karamoko Dari redoutait sans aucun doute un coup
d'Etat de la part des Kumbi. C'est probablement pour cette
raison qu'il avait fait venir à Kong Sokolo Mori son héritier
présomptif afin qu'il soit près du trône au moment de sa
mort. De ce fait, dès que Karamoko Dari eut rendu l'Sme,
les Bambadyon offrirent le Sinzébu à l'héritier présomptif.
Ce dernier n'appartenait ni à la famille des Dyangéna ni à
celle des Kumbi ; c'était un descendant de Somafi. Ce nou-
veau venu ne se sentait donc pas concerné par la rivalité
qui ~pposait les Dyangéna aux Kumbi. Mais les Kumbi forts
de l'acte de l'enregiswement des naissances qui se trouvait
à la cour royale et qui était tenu à jour par les karamoqo
et les Bambadyon
contestèrent les droits de Sokolo Mori.
Nous avons vu que Seku Watara, pour éviter les crises de
succession, avait exigé que l'on enregistre dans un document
la naissance dp.s enfants des princes afin de les classer
en
f~ et en déin. De cette manière on connaissait a l'avance
le nom du souverain qui devait régner.
83"6
Tous les vieux de Kong que nous avons interrogés
affirment que Sokolo
Mori était, à la mort de Karamoko
Dari, le. plus âgé des ayants-droit à la couronne du Kpon-Gènè.
A ce titre il avait droit au Sinzébu. Mais ces traditiona-
listes reconnaissent que la déclaration de sa naissance
avait été faite après celle d'un petit-fils de Kumbi Kongolo
Mori connu aussi sous le nom de Sokolo-Dyori. Ce dernier,
revendiquant son titre de fa conformément au lasnadu royal, exigea
la destitution de Sokolo ~mri qu'il considérait.
comme un usurpa-
teur, lequel, bien entendu, refusa d'abdiquer en faveur de
son cousin. L'opinion publique fut très divisée à Kong et
dans le reste du pays. Les lettrés et les milieux d'affaires
semblent avoir soutenu Kongolo Mori, un prince énergique,
riche et affable. Grâce à ses amis il se constitua rapide-
ment une armée. Le
roi Sokolo Mori appela à son secours
les. princes Dyangéna hostiles aux Kumbi. Ainsi à nouveau
les. partisans du féso de Kumbi se trouvaient en face de
ceux de Mori Maghari. Une guerre fratricide allait opposer
les deux puissants clans du Kpon-Gènè
pendant de longs
mois; les princes du Gènè et le pays allaient sortir
affaiblis de cette lutte meurtrière.
b)
Les affrontements(l)
Faute de documents, nous connaissons auiourd'hui
assez mal les détails des affrontements militaires qui
opposèrent l'armée de Kongolo Mori à celle de Sokolo Mori.
Les combats, à en croire certaines informations que nous
avons recueillies à Yonoro, auraient duré plusieurs mois
et auraient fait de nombreux morts de part et d'autre(2).
D'après les traditions de Manogota
(nord de Kong), les
affrontements les plus violents se seraient déroulés aux
(1) Pour cette étude voir en particulier, Karamoko Ouattara (enquêtes
réalisées à Kong en 1974), Basièri OUattara (Kong, le 30-3-1976)
Mamadou Saganogo Labi (Abidjan le 9-7-1974).
(2) Dyamila Ouattara, Yonoro le 30-3-1976.
837
abords
immédiats de la ville de Kong(l).
Les milieux d'affaires qui soutenaient Konqolo
Mori n'avaient pas pensé à l'éventualité d'une longue guerre
entre les deux candidats.
Ils étaient loin d'imaginer que
le conflit entre Sokolo Mori et Kongolo Mori allait r~veil
1er 'les rancoeurs entre les Kumbi-féso et les Dyangéna-féso.
Redoutant désormais une victoire de Sokolo Mori soutenu
par la, plupart des princes de l'Empire,
ils poussèrent leur
candidat à arrêter les hostilités et à se soumettre à
l'arbitrage de l'assemblée populaire que les Dyula et les
kararnogo du,pays avaient décidé de réunir,pour réqler le
litige qui opposait les deux. princes.
Sokolo Mori qui n'aimait pas la guerre et qui
avait également subi des pertes considérables accepta de
se soumettre à l'arbitrage dU9rand conseil de Kong. Deux
personnaqes jouère~t dans cette négociation un rôle consi-
dérable.
Il s'aqit, d'une parr de l'imam Saganoqo Sauti
qui jouissait d'un immense prestiqe, d'une grande autorité
religieuse et politique dans le pays et, d'autre part, du
chef de la ville de Kong,
le dugutigi Dyarawari qui était
craint et respecté à cause de sa fortune. N'ayant pas pris
part au conflit,
ils furent tous les deux sollicités pour
ramener la paix dans le pays.
Ils convoquèrent donc à Kong
les deux parties. La rp.union se déroula en public sur la
grande,place du marché(2). Chacun des belligérants se pré-
senta à Konq avec ses partisans armés de fusils ou de flèches.
(1) Voir Badawa Ouattara (Manogota, le 25 mars 1976).
(2) La, place du marché était en effet le lieu où l'on réglait les
affaires de l'Etat. Ce fut, dit-on, Seku Watara qui inaugura cette
tradition afin que le plus grand nombre de personnes puissent assis-
ter aux débats publics. Ce fut sur la place du marché que l'on
convoqua Binger en 1888 pour donner les raisons qui l'avaient poussé
à venir à Kong. Cf. Binger, op. cit., t.I, p.288.
838
D'après certaines sources, les deux princes qui
se di~putaient le pouvoir avaient essayé, à la veille de
la réconciliation, de corrompre des notables influents du
pays en leur distribuant de l'or, des esclaves et des
paniers de noix de kola et en faisant mille,promesses aux
uns et aux autres(j). D'après Basièri Ouattara, les deux
. princes dépensèrent à cette occasion beauco~p d'argent(2).
Après plusieurs journées de longues et chaudes
discussions qui n'aboutissaient pas, Dyarawari se serait
écrié :
"
Vous les mansa, vous êtes des kongoso-
moqo et vous ne pensez qu'à une cho~e, vous
battre. Vous avez été convoqués ici pour
juqer le différend qui vous oppose et non
pour brandir les uns un fusii'et les autres 4ne
lance. Montrez vous dignes de votre grand-
père qui a vécu ici et qui a construit ce
beau pays dans la paix. Au nom d'Allah le
tout-puissant nous ne vous laisserons pas
détruire le Kpon-Gènè à cause de vos guerres
fratricides. Vous Kongolo Mori, prenez le
Koba-koko et v.ous Sokolo Mori acceptez le
~akuruqo-koko et qu'Allah donne longue vie
au candidat de son choix"(3).
Ce discours semble avoir produit une grande impression sur
les. prétendants au trône qui acceptèrent de se partager le
~pon-Gènè. Ils jurèrent sur le Coran de renoncer à la guerre
à la demande de l'imam Sauti. Sokolo Mori s'installa dans
le sud du pays et céda le nord à son cousin Kongolo Mori qui
mourut' d'ailleurs peu de temps après ces événements. La
disparition de ce decnier personnage amena la paix dans le
(1) Mamadou Saqanogo Labi, Abidjan, le 9-7-1974.
(2 )
Basièri Ouattara, Kong, le 30-3-1976.
(3) Basièri Ouattara, Kong, le 30-3-1976.
839
:pays. Sokolo Mori fit en effet des fun~railles grandioses
à son cousin d~funt auxquelles il convia tous les digni-
taires de l'Empire. Au cours de ces c~r~monies les princes
watara burent le dègè de la r~conciliation et reconnurent
Sokolo Mori comme le Fama du Kpon-Gènè et du Gwiriko.
Sokolo Mori avait enfin retrouv~ son trône, mais
le bilan de la guerre était lourd. La plupart des paysans
qui avaient été mobilisés pour.participer à cette guerre
civile périrent sur le champ de bataille·(1). D'après des enquê-
tes que
nous avons effectuées à Limono(2}, à Ponqala(3}
et à Kolon(4), des centaines et des centaines de kongoso
furent vidés de leurs populations et ceci eut sans aucun
doute une incidence fâcheuse sur la production de l'agri-
culture et notamment celle des céréales. Les disettes dont
parlent certains traditionalistes de Bilimono et qui sem-
blent avoir frappé la ville de Konq au début du règne de
Sokolo Mori ont certainement un rapport avec le dépeuplement
des villages de cultures du fait de la guerre civile qui
dura de 6 à 8 mois(5).
L'armée elle-même, la plece maîtresse de l'Empire
des Watara, semble avoir été complètement désorganisée par
cette guerre meurtrière qui dut lui coûter la mort de ses
meilleurs généraux. Ce n'était pas en effet un fait du
hasard si après la guerre fratricide entre Konqolo Mori et
Sokolo Mori, les Palaka relevèrent la tête et interceptèrent
(1) Dyamila Ouattara (Yonoro le 30-3-1976) parle d'un millier de morts.
(2) Basori Ouattara, Limona, juillet 1974.
(3) Badawa, pongala, juillet 1974.
(4) Fissiri Ouattara, Kolon, le 28-3-1976.
(5) Le 7.0 juillet 1974, le traditionaliste Basirakoro Kamagaté nous
a dit que peu de temps après la prise du pouvoir par Sokolo Mari,
la région de Kong connut des années de disette et "beaucoup de
Ovula émigrèrent vers la région de Bobo-Dioulasso".
840
·les communications entre Konq et le Worodugu. A la fin du
XIXe siècle, Binqer nous parle de l'insécurité que les
Palaka faisaient régner sur certains axes de Kong. Voici
ce qüe Binger écrivait en 1890 du sujet des Palaka
"Ces Pallaga constituent ( ••• ) une nation
encore sauvage. Personne n'entre dans leur
pays et ils n'ont presque point de relations
. avec les marchands. Quelques hommes des vil-
lages frontières viennent au marché de San-
dergou et de Kapi. Je n'en ai vu aucun. Les
personnes que l'ai interrogées m'ont dit que
hommes et femmes sont entièrement nus et ne
se servent m~me pas de feuilles pou cacher
ce qu'on ne doit pas voir. Leur tatouage
consiste en de nombreuses petites entailles
sur le front et les joues, leur langue n'est
comprise par personne. Ils sont très redoutés
par les incursions qu'ils font sur les ter-
ritoires limitrophes. On est impuissant à
les ch8tier, car leur pays est" très fourré et
COUVert de bois ; quand on marche contre eux,
ils savent adroitement se dérober et fuir à
l'intérieur ••• "OJ.
Basièri nous a raconté à ce sujet, en 1978, l'une
des e~péditions de Badyula en pays palaka ; cette expédi-
tion s'était terminée en Ilne véritable catastr<?phe
"
Un iour, le père de Kodara(2) , Badyula
avait organisé une grande expédition chez
les Palaka à la demande du roi Sokolo
Karamoko(3) qui participa en personne à
l'expédition. Les Palaka av~ient eu vent de
cette attaque, ils laissèrent passer la
colonne et coupèrent des arbres pour leur
barrer la retraite. Ils firent creuser aussi
(1) Singer, op. cit., t.I, p.273-274.
(2) Sasièri Ouattara, Abidjan le 7-3-1978. Kodara, est le nom que
portait Karamoko Ouattara avant d'être nommé roi de Konq.
(3) Sokolo Karamoko est le même personnage que Sokolo Mori. La plupart
des rois de Kong aimaient porter le titre de Karamogo.
841
d'énormes trous qu'ils cachèrent soigneuse-
sement avec des feuilles. Lorsque ce travail
fut terminé, ils donnèrent le signal de
l'attaque en faisant sortir des sons lugubres
dans des cornes de buffle. Aussitôt les flè-
ches jaillirent des fourrés et fauchèrent
les Watara surpris par la soudaineté de
l'attaque. Pour échapper aux massacres les
gens de Kong rebroussèrent chemin. Beaucoup
d'êtres tombèrent dans les trous des Palaka
où ils furent tués. Badyula qui avait un
grand dyo qu'on appelait Yalu, réussit grâce
à la puissance de'ce dernier à échapper aux
Palaka et à sauver la vie à Sokolo Kara-
moko ••• Il (1-).
Il est difficile de dater avec précision l'expé-
dition ~elatie ici par Basièri : mais tout porte à croire
qu'el'le se si tue au début du règne de Sokolo Mor i. Le sou-
verain voulait sans aucun dou~e reconstittier en partie son
armé~ en razziant les populations palaka. L'échec du sou-
verain montre qU.e Kong n'était, plus en état
d'imposer le
re~pect aux tribus turbulentes palaka. Les autorités de Kong
auront du mal à met~re sur pied une grande armée.
Nons,pouvons dire que, de l'avènement de Sokolo
Mori en 1850 jusqu'à la fin du XIXe siècle, les. princes de
Kong ~eront impuissants devant les ~angers que les popula-
tions,palaka feront peser sur les caravanes. Il semblerait
que l'armée des ~atara, détruire en grande, partie lors de la
gUerre civile qui précède le règne de Sokolo Mori, n'ait
pas été entièrement reconstruite. Le règne de Sokolo amorça,
à notre avis, la fin de l'hégémonie militaire des watara
dans le Nord-Est de la Côt,e d'Ivoire. En tout cas, Binger,
en 18~~, n~a pas été frappé par l'importàticé de cette der~
nière.
(1)
Basièri Ouattara, Abidian, le 7-3-1978.
842
A.propos des gup.rres qui opposaient à cette
~poque l'Almami Samori à ~yèba, le Fama du Kénédugu, il
nous apprend qu'un des pr inces de Kong Ia Mor i
(Ia Mor iba)
s'était. porté
"sur la frontière pour s~r~eiller les
événements" (.l.).
.
Malheureusement, il ne nous renseigne pas sur le nombre de
gtierrlers dont disposait Ia Moriba. Si ce dernier avait
été à cette ~poque ~ la t@te d'une troupe importante cela
n'aurait. pas écha~pé à l'observateur minutieux qu'était
Bin~er. Le fait qu'il écrivit au contraire aue
"les Mandé-Dioula de Kong ont unp. horreur
instinctive de la guerre qu'ils considéraient
comme déshonorante quand il ne s'agit pas
de défendre l'intéqrité du territoire h (2)
est. un signe révélateur de la fin d'une époque, celle des
grandes conau@tes et des p.xpéditions lointaines dans le
Folona, le Dyimini, lp. Tagwana ••• Binger aioute
"leur force arm~e réside surtout dans l'emploi
des guerriers de leurs vassaux, les Komono
Dokhosi~,
Lobi, etc. Karamoko(1) n'a qu'une
cinquantaine de guerriers à Kong, ils lui
servent dp. courriers et vont porter·
ses ordreS. Par sa simple volont~ tout le
pays se lè v erait(4),'tellement
cet homme a su conquérir les sympathies et
l'estime de tous"(5).
(1) Binger, op. cit., t . I , p •.273 •.
(2)
Ibidem, op. cit., LI, p.325.
(3) Nons reviendrons sur ce personnage qui va jouer un rôle important
à Konq à la fin du XIXe siècle grâce à sa rencontre avec Binger
en 1888.
(4) En cas de guerre Kong devait donc désormais compter sur sa popu-
lation pour assurer sa sécurité.
(5) Binger, op. cit., t.I, p.325.
843
Le fait nouveau dans la seconde moitié du XIXe
siècle, c'est la disparition d'une grande armée r~gulière,
rétribuée et entretenue, chargée d'aqrandir l'Empire et
d'en assurer la sécurité. Le Kpon-Gènè va désormais vivre
replié sur lui-même avec, dans les. provinces, de. petites
unités militaires de 50 à 100 guerriers qui. pour se main-
tenir chercheront à razzier les hameaux des populations
voisines ou les caravanes dyula malprotpgées. Ce n'est pas
par hasard si la Moriba iouissait d'un portrait peu sédui-
sant à la fin du XIXe siècle. Il était considéré. par les
négociants
"commp. un chef despot.e, rançonnant les
marchands et leui faisant subir toutes
les ~exations imaginables"{l).
2. - Binger et la t.entative de testauration
dp. la dynastie des Lasiri
Les sources orales et écrites ne signalaient aucun
fait notable sous le long règne de Sokolo Mori. Kong
connaissait. probablement durant cette période la paix et
la sécurité. Ceci tendrait à confirmer la solidité
des
institutions mises p.n place par Karamoko Dari (183S-18S0)
et qui assurait au Kpon-Gènè une ère de prospérité. Voici
ce que révèle la tradition de Limono
"Sokolo Mori avait connu au début de son
règne des difficultés à cause de ses cousins,
mais la fortune par la suite lui fut favo-
rable et il obtint d'immenses satisfactions
.matérielles car Karamoko.Dari et sas prédé~
cesseurs avaient tout fait pour lui. Il ne
manqua de rien et passa tout son mansaya à
à boire, à manger et à dormir. Il observa la
paix avec ses voisins"(2).
(1) Binqer, op. cit., t.I, p.271.
(2) Basori Ouattara, Limono, le 20 juillet 1974.
845
Ouattara, ~mir de notre pays"(l), Lieutenant
du Généreux. Toute chose a une cause. Voici
ce qui motive cette lettre :
Un de nos princes, nommé Iamory, qui réside
dans le pays de Kimini ~ envov~ son h8te le
chrptien, vers notre prince nomm~ soukoulou-
mory(2). SOUkOlllol1IDory l'a envoyé vers Kara-
moko le Rouge, dans notre pays, pour que
Karamoko le pr~sentât à li~mir de notre pays
Diarawary Ouattara ••• "(3).
Il ressort de ce document que Karamoko Ulé n'était
qu'un serviteur de Sokolo Mori. Notons qu'il ne porte aucun
titre dans le document officiel qui fut remis à Binger.
Voyons donc qui est ce personnage que Binqer, un an plus
tard, "pré"senta comme étant le roi de Konq. D'après Binqer,
le pèrp de ce dernier s'appelait Gourollngo Dongotigi ou
Bagi(4). Les enquêtes que nous avons menées à Kong auprès
des vieux, indiquent ql1e le personnaqe mentionné par l'ex-
plorateur français s'appelait en réalité Gboroqo Bagi et
serait, non un petit-fils de Seku, comme l'affirmait Binger,
mais un petit-fils de Lasiri Gbombélé.Il ne fiqure en effet
dans aucun des documents officiels détenus par les princes
de Konq.
Nous avons vu que les descendants de Lasiri
Gbombélp avaient tpnté de renverser la dynastie de Seku SOIlS
le règne de Kllmbi, mais ils avaient, à deux r~prises, été
écrasés et dispersés. Depuis la fin du XVIIIe siècle on
n'avait plus entendu parler des princes de l'ancienne dynas-
tie des '1'arawéré. Mais le conflit gui 0pPJsa Sakolo Mari à Karr,gala
(1)
Emir Oll Am.ir est If' tit-re que portait à Kong, le dugutiqi, c'est-à-
dire le chef de la ville.
(2) Ce passage montre très clairement que Sokolo Mori était le prince
df' tout le Kpon-Gènè.
(1) Nous voyons d'après le document présentp. par Binger que Karamoko ulé
obéissait aux ordres de son souverain Sokolo Mori. Cf. Binger, op.
cit., p.332.
(4) Bingf'r, op. cit., t.I, p.374.
846
Mori allait à nouveau fournir à l'occasion à certains princes
tarawéré de jouer un rôle actif dans la vie politique.
Bpaucoup d'pntre eux épousèrent la cause de Sokolo Mori et
luttèrent à ses côtés. Parmi ces derniers, on cite préci-
sément le cas de Karamoko ulé qui troqua son dyamu Tarawéré
contre celui dp Watara et s'attacha au service du roi sokolo
Mori qu'il servit fidèlement jusqu'au 10 janvier 1889,
date à laquelle Binqer lui attribua le titre de roi et
conclut avec lui, en présence de Treich-Laplène(1), un
traité au nom de la R~publique Française. Pour comprendre
les liens qui lièrent Binqer à Karamoko Ulé il faut revivrp
le contexte dans lequel l'explorateur français fut accueilli
à Kong et le soutien qu'il trouva auprès de Karamoko Ulp..
La prpsence de Bingpr à Kaniara,
le 9 fpvrier
1888
suscita une vive émotion dans la métropole dyula. On savait
que Samori se faisait passer pour l'ami des Français et ce
dernier faisait courir le bruit que les Blancs allaient
"lui fournir les armes npcessaires pour venir
à bout de Tyèba et des autres rois noirs"(2}.
Le capitainp Binger fut donc perçu par la popula-
tion de Kong comme un homme dangereux à la solde de Samori.
N'oublions pas ql1'il avait séjourné q l1 elques jours dans le
camp du conqué~ant avant de se diriger vers Kong : on com-
(1) Treich-Laolène était l'un des adjoints du
Résident français de
la Cô~e de l'Or, Verdier qui était propriétaire des comptoirs à
Assinie et à Grand-Bassam. Il mourut à 30 ans, le 9 mars 1890, et
fut enterré à Grand-Bassam. Treich-Laplène était parti de Bassam
en 1889 et avait précédé Binger à Kong.
.
(2) Mamadou Sagnogo Labi, BOllaké le 6-12-78. Ces rumeurs ét.aient
fondées. Samori a~tendait effectivement une aide militaire fran-
çaise pour vaincre le Fama de Sikasso i voir à ce sujet la lettre
que Samori adressà à Binger : "••• Ma situation, disait-il, n'est
pas comme je la voudrais, les guerriers que j'ai sont nombreux,
mais si tu oouvais m'amener 30 tirailleurs noirs avec 5 blancs et
quelque chose de plus formidable (du canon probablement), nous pren-
drons Sikasso en IIne heure. Je compte sur toi et notre alliance i
certes, cela ne va oas trop bien au camp ( ••• ).0 Français qui nous
apportes la force, je te salue ••• ", Cf. Binger, op. cit., t.I. P.63.
847
prend ainsi.polJrquoi le 20 février lorsqu'il fit son entrée
dans la ville
"modestement monté sur un boeuf porteur"(l),
il reçut un accueil réservé et méfiant qui l'obligea à
e~pliquer en
"public les motifs"
qui l'avaient amené à Kong(2). Binger écrivit à ce sujet
"Je me mis à leur disposition et commençai
à leur parler de la France, de l'établisse-
ment des Français sur le Haut-Niger, de la
création des postes fortifiés destinés à
protéger les marchands qui circulent sur le
grand chemin reliant le Sénégal au Niger.
Depuis fort longtemps, leur dis-je, les
Français connaissent le nom de la ville de
Kong
; nous savons aussi que le pays est
commandé par une famille de Ouattara que les
habitants sont paisibles et ne font jamais
la guerre qu'iis sont actifs et commerçants,
et que ce sont eux qui drainent dans toute
la boucle du Niger les produits européens.
Ce sont ces qualités qui ont décidé mon
gouvernement à vous envoyer quelqu'un afin
de lier des relations plus étroites avec vous.
J'ai aussi pour mission de voir quels sont
nos produits, tissus,
armes, perles, etc.,
qui plaisent le mieux aux habitants, afin
d'informer nos fabricants,
à mon retour en
France, de ce qu'il convient d'envoyer ici
soit par le Niger, soit par la côte. Mais,
avant de faire charger de grande bateaux de
nos produits,
il me faut connaître aussi ce
que l'on pe.u.t obteni.ren.é_ch.anq~ de nos
marchandises, séjourner quelques
semaines à Kong, et voir· ensuite les autres
grandes centres commerciaux de la boucle du
Niger. Je me propose donc de visiter surtout
(1)
Binger, ~. cit., p.288.
{21 Ibidem,
op. cit., p.291-292.
le Mossi: mais, comme je n'ai que fort
peu de renseignements sur cette région, je
ne suis pas fixé sur la route que je vais
prendre. Je voudrais pouvoir commencer
par le Yatenga ou Waqhadouqou, et ensuite
faire retour à Kong, pour de là gagner la
mer par Bondoukou et Krinjabo, si c'est
possible.
Les
Français ne veulent pas s'emparer du
pays des noirs. Vous savèz tous que nous
n'avons pas besoin d'esclaves, vous savez
aussi qu'il y a plusieurs siècles que nos
bateaux viennent porter nos produits à la
côte sans que nous ayons chèrché en aucune
façon à nous emparer des pays voisins, ce
qui nous serait cependant facile avec les
forces militaires dont nous disposons" (1) •
Interrogé sur ses rapports avec Samori, le capi-
taine Binger démontra qu'il n'était pas aux ordres de
Samori et qu'il n'était
"allé à Sikasso que pour lui demander l'au-
torisation de traverser son pays" (2) •
"Les explications que les Cuattara venaient de provo-
quer, étaient absolument nécessaires. Kong,
comme nos grands centres, renferme beaucoup
de gens sensés ; malheureusement, les igno-
rants et les mécontents ne font pas défaut
non plus.
Parmi cette dernière classe de la population,
quelques tribuns ont, quelques jours avant
mon entrée dans la ville cherché à ameuter
la population contre moi et à l'exciter à me
faire un mauvais parti en disant que j'allais
tuer le petit commerce, que Samory avait
commencé par être marchand et voyageur qu'il
fallait se méfier de moi, etc; leur avis
--- -ét-ai t de -me laisser -entrer: dans la ville, de
s'emparer de moi pendant la nuit et de me
couper le cou. C'est alors que les Ouattara,
(1) Binger, op. cit., t.I, p.291-292.
(2)
Ibidem, op. ciL, LI, p.292.
849
tous les musulmans lettrés et gens ayant
quelque influence se réunirent afin d'exa-
miner quel serait le parti à prendre. Après
une séance de plusie~rs heur~s, sur l'avis
de trois braves vieillards, nommés BaIa,
Bakondé, Karayéquidan, et des Ouattara, il
fut décidé que j'entrerais dans la ville et
jusqu'au jour de mon arrivée tout le monde
s'emploierait à calmer les mécontents et les
ranger à leurs avis ; les Ouattara déclarèrent
en outre, qu'ils me prenaient absolument
sous leur protection.- "Il sera toujours
temps de l'exécuter, dirent-ils, s'il ne nous
donne pas d'explications suffisantes"(l).
Grâce aux explications fournies, et surtout grâce
à l'~ppui que Karamoko Ulé apportait publiquement au Fran-
çais, Binger fut autorisé à séiourner dans la ville. A
partir de ce moment une grande amitié allait lier les deux
hommes.
Nous avons vu que Sokolo Mori, le véritable sou-
verain du pays, se désintéressait des affaires du Royaume.
Il se déchargeait le plus souvent sur Karamoko ulé qui
"~tait devenu, en fait sinon en droit le
maître du royaume : grâce à ses qualités
personnelles, son intelligence et son pres-
tige il réussit à profiter de l'effacement
de Soukoulou-mori" (2) ,
pour iouer un rôle politique de premier plan. Il espérait
sans aucun doute régner avec l'appui de Binger qui avait
trouvé en lui un interlocuteur valable. Cet homme de taille
moyenne, au teint clair qui
(1) Binger, op. cit., t.I, p.293.
(2) Bernus, op. cit., p.252.
850
"porte un beau collier de barbe blanche et
a une figure tout à fait sympathique"
avait fasciné l'explorateur francais(1).Il dira en parlant
de Karamoko ulé
"ses traits ne sont pas ceux d'un nègre, ni
son intelligence non plus"(2).
Il n'est donc pas surprenant qu'il ait voulut faire de lui
un souverain, d'autant plus que Karamoko ulé cherchait à
se faire passer aux yeux de Binger comme un petit-fils de
Seku Watara, le fondateur de l'Empire de Kong. Binger
inaugurait en cela l'un des aspects de la. politique colo-
niale qui visera à écarter du trône les. princes faibles ou
hostiles à la colonisation et à mettre à la tête des royau-
mes africains des sujets dévoués à la France(3).
Le traité conclu entre Karamoko ulé et la France
ne fut jamais révélé aux princes watara. De ce fait,
le
grand conseil de Kong l'ignora totalement.
Il faut d'ail-
leurs dire que lors de la signature du traité, Karamoko Ulé,
pour ne pas éveiller l'attention des princes watara se fit
accompagner par Bafotigé Dao
(l'un de ses serviteurs),
Mokosia Watara
(le chef de ses captifs), K@rétigi
(son frère
puîné) et Usman Watara
(un marabout à sa sold~(4).
(1) Binger, op. cit., t.I, p.324.
(2) Ibidem.
(3) D'après J. Derou, Karamoko ulé aurait dit à peu près ceci à Binger
!'·Neussommes-le-s vrais cl:lefs de Kong dont le. pouvoir a .-~té usurpé~
Vous allez nous aider à reprendre notre ancienne place" cf. J.
Derou, "Notes sur les traités entre la France et les entités poli-
tiques de la Côte d'Ivoire précoloniale" A.U.A., série l
(Histoire),
T.XII, 19S4, p.179.
Pour le traité sur Kong voir A.S.O.M. Côte
d'Ivoire III, 3.
(4) Pour les trois premiers témoins, voir Binqer, ~. cit., t.I, p.291.
En ce qui concerne Usman Watara ; nos informateurs viennent de
Limono (Basori, Limono, juillet 1974).
851
L'absence du roi Sokolo Mori lors de cette céré-
monie ainsi que celle d'un certain nombre de grands
dignitaires du Roy.aume comme la Moriba, Bakari ulé, et
surtout Badyula tendrait à prouver que les descendants de
Seku Watara étaient hostiles à un traité avec la France.
Certes, Dyarawari, le duqutigi de Kong, était mort avant
le deuxi~me séjour de Binger à Kong (janvier 1889), mais
Son successeur Lansiri plus connu sous le nom de Siré ne
fut. pas associé au traité, ce qui est tout de même tr~s
grave. Ainsi, le traité conclu par Binger à Kong le 10
;anvier 1889. n'avait aucune valeur ;uridique. On pourrait
croire en lisant Binger que le peuple entier adhérait au
traité. Il ~crit
"Une population aussi bien disposée ne pou-
vait manquer d'accepter les ouvertures au
sujet d'un traité, cette question ayant
grâce à la campagne menée par les amis que
j'avais laissés à Kong, fait du chemin pen-
dant dix mois.
D~s mon premier sé;our on était décidé à
traiter; mais, devant l'hostilité marquée
de certaines gens (1 ) Kararroko 0..l1é crut prudent de
laisser les esprits s'apaiser. "Quarid tu
reviendras, dlsait-il au moment où je
Partais pour le Mossi, la question sera vite
réqlee, laisse-moi faire, l'imam et mes amis
nous aiderons" (2).
Karamoko ulé avait effectivement mené une campaqne
Pour un rapprochement entre Kong et la France. Mais cette
campagne avait étp. faite essentiellement aupr~s des musul-
mans et des milieux d'affaires qui étaient sensibles à
l'ouverture d'une voie entre Kong et la côte. Mais l'ami de
(1) Les "certaines gens" dont parle ici Singer sont en réalité les
descendants de Seku qui ne voulaient pas entendre. parler d'un traité
avec le nouveau venu qu'ils connaissaient à peine. A propos du
traité la Mori aurait dit à Singer "rien ne presse, prenons le
temps de vivre ensemble et de nous connaître ••• " (Sasièri Ouattara,
Kong. le 25-4-1976).
(2) Singer, op. cit., t.2, p.202.
852
.Binger se garda bien de consulter les princes watara qu'il
savait
hostiles à un traité de paix entre la France et
Konq. Sokolo Mori aurait d'ailleurs fait dire à Binger qui
cherchait à le rencontrer à propos du traité en 1888,
"les Watara n'attendent aucune protection
des Blancs. Ils ont la bénédiction des
Karamogo et d'Allah cela leur suffit ••• "(1).
Ce furent donc essentiellement des hommes d'af-
faires que Karamoko ulé avait contactés
qui accueilli-
rent avec bienveillance Binger, lors de son second séjour.
Voici ce qu'il écrit à ce sujet
"
Mes derniers ennemis se rangèrent du
côté des gens sages ;
je ne comptais plus
que des amis à Kong. L'entrée facile de
M. Treich et l'accueil qu'on lui fit en
sont les meilleurs garants. Cette population
qui comptait tant de qens hostiles lors de
mon premier. passage était complètement gagnée
à notre cause; elle n'avait pas oublié le
nom de France que je lui avais appris avec
tant de patience et me faisait l'accueil
qu'elle aurait fait à un de ses propres
enfants"(2).
Certes, Binger avait des amis, mais comme nous
l'avons souliqné,
ils se recrutaient dans les milieux
d'affaires. Rn juin 1892 la situation allait évoluer et
Binger ne. parviendra pas à faire confirmer par Karamoko
Ulé le traité du 10 janvier; en 1893, c'est une population
franchement hostile qui accueillera les Français, comme
nous le verrons plus loin.
Pourquoi Binger tenait-il tant à ce traité? A
notre avis,
il voulait prouver aux autorités françaises
que désormais, graêe à lui, on pouvait relier le Soudan
(1) Labi Mamadou, Konq, le 12-4-1976.
(2) Binger, op. cit., t.II, p.202.
844
.A son arrivée à Kong en 1888, Binger constata en effet que
le pays vivait
"dans la plus parfaite qlliétude"(1).
Les traditionalistes actuels attribuent cette situation au
fait que, dès le lendemain de la guerre civile qui avait failli
enpêcher Sokolo Mori de régner, ce dernier avait invitp.
les. princes tl1rbulents de l'Empire et la.pl~part de ses
generaux en quête de conquêtes et de butins à aller soutenir
Kongodé Watara dans sa lutte contre lestribl1S rebelles du
Taguara, dans le nord du Gwiriko(2).
Débarrassé des soucis de guerre et de coup d'Etat,
Sokolo Mori s'adonna à l'alcool et se désintéressa des
affai~es du pays. Binger exagérait lorsqu'il écrit
"Ce dernier
(Sokolo Mori) mène une vie de
débauche et d'ivresse qlli l ' a plonqé dans
l'abrutissement le plus complet de sorte
qu'il n'a jamais réqné et qu'il est abso-
lument oublié et méprisé de tous"(3).
En réalité, Sokolo Mori, comme nous l'avons vu,
avait bel
et bien régné et il fut
loin d'être "oublié" ou "méprisp
de tous" comme l'affirmait l'explorateur français.
Il suffit
pour ~'en convaincre de lire le sauf-conduit qui fut délivré
à Binger lui-même par les autorités de Konq afin qu'il
puisse. pOl1rs ll ivre en tOlite quiétude. son voyage vers le Mosi (4).
,
"
Certes cette lettre emane de Diarawary
(1) Bingpr, op. cit., t.I, p.375.
(21 Karamoko Ouattara, Kong, le 17-8-1974.
(3) Binger, op. cit., t.I, p.326.
(41 NO\\JS utilison la traduction du document arabe proposée par Binger,
op. cit., t.I, p.332.
853
.aux co~ptoirs français d'Assinie et de Grand-Bassam comme
l'indique l'article 2 du document en question:
"Le commerce se fera librement dans le pays
de Kong et ne sera soumis à aucune taxe. Le
chef de Kong s'engage à favoriser par tous
les moyens
dont il dispose les relations
commerciales entre ses' Etats et les comptoirs
françftis,
tant sur la Côte d'or
(Assinie et
Grand-Bassam), que dans le Soudan Français".
L'un des buts essentiels de sa mission était en
effet de relier les établissement du Soudan francais au
Golfe de
Guinée( 1 }.
Il ne faut pas non. plus oublier que
l'existence d'un traité qarantissait sur le. plan interna-
tional la présence de la France dans cette partie de
l'Afrique Occidentale.
"La France, écrit-il en 1890, avait l'avance
dans cette partie du monde et i l ne fallait
pas la lai~ser distancer. par ses rivales"(2}.
L'article 4 du traité. prévoyait déjà l'établisse-
ment des Français dans la région de Kong. Tout ceci expli-
que donc les motivations qui ont. poussé Binger à vouloir
à tout. prix obtenir un traité à Kong.
Pour réaliser ces objectifs, Binger avait besoin
d'un homme intelligent, iouissant d'une réelle autorité
dans le pays et dévoué à la France. L'homme qui répondait
à ces critères était Karamoko ulé qui convoitait précisé-
ment le~rône. Certes, il appartenait à la famille de Lasiri
Gbombélé et Binger ne devait pas ignorer ce détail, mais
il détenait la réalité du pouvoir et la communauté musul-
mane et marchande avait une grande affection pour lui.
Il
était d'ailleurs un fin lettré et un riche négociant, comme
ce fut le cas de Seku Watara un siècle auparavant.
(1) Singer, op. cit., t.I, p.7 .
..
(2) Ibidem,~. cit., t.I, p.1.
854
Les conditions semblaient donc réunies pour faire
de Karamoko ulé un roi, d'autant plus que Sokolo Mori,
qui manifestait une réelle antipathie à l'égard de l'explo-
rateur n'avait aucune autorité dans le. pays.
Karamoko Ulé bénéficiait ainsi de l'appui des
Dyula ; le traité avec la France lui ouvrait en outre les
perspectives d'un secours du côté des Français. Et l'on
co~prend.pourquoi il lia avec Binger une sincère et pro-
fonde amitié. D~ j~88 à 1892
il déploya toute son énergie
auprès des Dyula pour les in~éresser à la cause françcaise
Il fit miroiter aux commerçants du pays les avantages à'un corrrrnerce
direct entre Kong et les pays de la côte qui les ravitail-
leraïe.nteJl.produits européens, et notamment en fusils et en
poudre, deux. produits clés du commerce de Kong avec les
. pays du nord.
Karamoko ulé savait cependant qu'il aurait à
affronter les watara, notamment deux .pr inces influents qui
dominaient la vie politique dans le. pays, Bakari ulé et
surtout l'ambitieux Badyula qui convoitait lui aussi le
trône. Pour faire face à la situation, l'ami de Binger
décida de se doter d'une armée et c'est ce qui expliquera
son long séjour à Dakara et les incessantes razzias qu'il
organisa contre les tribus Palaka de 1888 à 1894. Malheu-
reusement, ses chances de devenir roi vont danqereusement
s'amenuiser à cause, d'une part de l'aide militaire que la
France apporta ~ Tyèba, l'ennemi héréditaire de Kong et,
d'autre. part e~ surtout, à cause de la prise de Dienné par
les Fiançais. Ce dernier acte causa la ~oft de riombrèu~
négociants de Konq. Dès lors ses "anciens amis" vont dénoncer
viqoureusement sa duplicité avec les Français et l'accuser
8~5
"d'avoir vendu le pays aux Blancs qui se
préparent sans aucun doute à conquérir
Kong"(1).
Nous comprenons pourquoi Karamoko ulé fut très
mal à l'aise lorsque Braulot en J893 et Marchand en 1894
cherchèrent à entrer à Kong. Il écrivit d'ailleurs à
Binger une lettre dans laquelle il cherchait à être rassu-
ré sur les intentions des Blancs à propos de la métropole
dyula qui a.peur
"qu'une fois entrés, ils (les Blancs) ne
fassent quelque chose de mauvais"(2).
Malheureusement, Binger ne r~pondit.pas à cette
lett~e et ce silence semble avoir refroidi les ambitions
de Karamoko ulé gui voyait son rêve de devenir roi avorter.
Une fois encore, la tentative de restauration de la dynas-
tie des Lasiri échoua. L'amitié de Karamoko ulé pour les
Prançais lui attira la méfiance de la.pl~part de ses con-
citoyens qui ne souhaitaient plus le voir jouer un rôle
politique important dans le. pays. Karamoko ulé se retira
définitivement des affaires de l'Etat à la fin de l'année
1894 et mourut de tristesse dans sa résidence de Dakara en
1897, quelques mois avant l'invasion de Kong. par les sofas
de Samori.
Avant d'aborder les rapports de Samori avec l'Empire
des ~atara, il conviendrait de ne pas.perd~e de vue la
situation politique dans le pays.
(1) Dawaba Samba, pongala, le 10-11-1975.
;2l A.N.S.O.M. Côte d'Ivoire IV, 1b.
856
A la fin du XIXe siècle le pouvoir central des
Watara est affaibli; c'est un point capital. Nous avons
eu l'occasion de voir les signes de cette faibles~e dans
l'incapacité des autorités du pays à assurer la sécurité
des commercants dans les territoires contrôlés. par les
Palaka. Comment Kong dont la. puissance militaire avait
dépassé les frontières de l'Empire des watara était-elle
arrivée au. point de ne pouvoir assurer la sécurité des
Dyula ? Quatre raisons pourraient expliquer cette situation.
premièrement, les longues guerres que les Watara menaient
d~puis la fin du XVIIIe siècle contre les forces du Kénéduqu
ont coûté cher à Kong en hommes, en chevaux et en munitions.
Deuxièmement, le départ du qros de l'armée de Kong pour le
Gwiriko.pour soUtenir la lutte de Kongodé contre le
Kénédugu et les Taguara et cela probablement dès 1870, a
privé Kong d'une arméé forte et stabl~(1). A partir de
cette date, Kong n'était pas en mesure d'intervenir mili-
tairement contre un adversaire qui disposait d'une troupe
importante. En .1887-:1888 lors de la guerre de Samori c.o.n~.rc. ï'f~bq
les autorités de Kong envoyèrent ra Mori Ba surveiller les
frontières du nord. Mais les troupes dont il disposait
n'avaient. pas frappé l'attention de l'explorateur français
Bin~er qui venait de visiter le camp de Samori(2). Karamoko
ulé que Binger considéra comme le roi de Kong n'avait
"qu'une cinquantaine de guerriers à Kong'O).
Pour assurer sa sécurité, Kong ne devait désormais compter
que sur une levée en masse. La force armée des Watara nous
(1) Voir à ce sujet Binger qui permet de situer le début de la lutte
contre les Taguara vp.rs 1870. Cf. Binger, ~. cit., t.I, p.375. La
grande armée de Kong demeurera à Bobo-Dioulasso jusqu'en janvier
1893 où elle sera pratiquement anéantie par les troupes de Sikasso.
(2) Voir Binger, op. cit., t.I, p.271.
(3) Ibidem, op. cit., t.I, p.325.
857
dit Binger résidait
"surtout dans l'emploi des g~erriers de
leurs vassaux, les Komono, Dokhosip, Lobi,
etc ••• "(l).
Troisièmement, Sokolo Mori, le souverain qui était à la tête
de l'Empire, manquait d'énergie et de volonté. C'était un souverain
inc~pable. Binger n'avait pas entièrement tort de l'acca-
bler. A la fin du XIXe siècle il menait
"une vie de débauche et d'ivresse qui l'a
plongé dans l'abrutissement le plus
complet ••• "(2).
.
Il négligeait les affai~es d~ l'Etat. Il n'avait aucune
autorité sur les princes qui très souvent commettaient
impuném~nt des exactions dans les. provinces. Quatrièmement,
les. princes etaient divisés. A cela s'ajoutaient les nom-
breuses intrigues de palais dans lesquelles tre~paient
Badynla et Karamoko ulé qui cherchaient tous les deux à
conquérir le pouvoir. Les Dyangéna-dyon et les Kumbi-dyon
se détestaient mutuellement. Nous avons vu ccmnent ils s'étaient
entretués à l'avènement de Bokolo Mori. Cette guerre avait
avivé les tensions qui existaient entre les deux clans. Ce
fut d'ailleurs l'une des raisons qui poussèrent de nom-
b~eu~es familles princières à aller s'installer dans la
réqion de Bobo-Dioulasso.
Voyons la situation des Watara dans le Gwiriko.
(1) Binger, op. cit., t.I, p.325.
(2) Ibidem,
op. ciL, LI, p.326.
858
B. LES GUERRES ENTRE LES WATARA ET LE KENEDUGU
1. -
Les débuts du·Kénédugu
La fin du XVIIIe siècle et la première moitié du
XIXe siècle furent dominées. par des rivalités qui depuis
le début du XVIIIe siècle ~pposaient les Tarawéré et les
hatara de Kong, les Sekumoqo. Nous avons vu comment Kumbi
après les événements de Kong avait tenté de faire dispa-
raître la puissance des Tarawéré qui avaient établi une
colonie militaire dans le Folona avec le concours du
prince Moriba, plus communément connu sous le nom de Folona
Mor iba·( 1). ~près la mort de Kumbi, les guerres de Mor i
Maghari dans le Folona contre les Tarawéré.poussèrent ces
dern'iers à se rpfugier dans le Kénéd ll gu où résidait semble-t-
il
une i~portante colonie militaire tarawéré venue de Kong
dès le début du XVIIIe siècle(2). Mori Maghari, estimant
que les Tarawpré étaient encore sur ses domaines, décida
de les expulser. Ces terres effp-ctivement avaient rpconnu
à un moment donné l'autorité de Kèrè Mori(3). En réalitp,
il s'agit ici d'un prétexte pOllr combattre les fugitifs
car depuis la mort de Famaghan (1~50) le Kénédugu avait
retrouvé son aut-onomie. Qlloi qu'il en soit, les nouveaux
venus n'ptaient pas décidés à abandonner le pays qui allait
désormais être le théâtrp d'une série de guerres meurtrières
. (1) E. Bernus, op. cite, 0.260.
(2) D'après le traditionaliste Lamine Ouattara, "les anc@tres de Tyèba
.__ .
avaient .é-té accueillispac.des.parents qui.av.aiE'.nt .quit.. S Kong dès
l'avènement de Seku Watara. Ces derniers avaient d'abord pratiqué
le tissage appris à Kong avant dp se livrer à la guerre ••• " :
Sikasso (Mali) le 28-4-1979. Ceci donnerait raison à Yves Person
qui fixe les débuts du Kénédugu au début du XVIIIe siècle. Cf. Y.
Person, Samari, LIlI, 1.975, p.784.
(1) Voir D. Traoré, op. cit., p.59.
859
~ntre les Watara et les Taraw~r~. Les autorit~s de Kong
avaient certainement compris que les guerres contre le
R~n~duqu allaient être difficiles, c'est ce qui explique
l'envoi par Mori Maghari d'importantes troupes dans le
Gwiriko et le choix de Sungaradaga capitale de la province
de ~;akuma comme base des ?p~rations militaires contre ce pays.
Les Watara de Kong et du Gwiriko, vont pendant
de nombreuses ann~es harceler les Taraw~r~ du Kpn~dugu.
Lps traditionalistes de Sikasso signalent à justre titre
que les, premiers rois du K~nédugu, sous la, pression des
watara de Kong, durent changer plusieurs fois de r~siden
ces(j). A SIJngaradaga, on parle souvent des exp~ditions
victorieuses que Soma Ali fit dans le K~n~dugu(2). Certaines
traditions du Mali confirment les victoires des Watara,
mais elles les situent avant le règne de Daula-Ba(3). Ce
souverain tarawérp du K~n~duqu semble avoir r~gn~ au début
du XIXe siècle.
Il descend, sans aucun doute, de la lign~e
des premiers princes taraw~r~ qui se fixèrent au d~but dIJ
XVlllle siècle dans la r~gion et qui s'étaient assimil~s
aux Supir~ (c'est-à-dire aux Senufo du K~npdugu)dont la
langue, selon Person,
"sera en usage à leur cour du moins jusqu'à
Daula et ne reculera vraiment qu'à l'ère
coloniale" (4) •
(1) Voir sur~out les traditionalistes Amadou Kouyaté (Sikasso, le
28-4-1979) et Amadou Berté (26-4-1979). Ce dernier à constitué un
documpnt inédit ~rès intérpssant sur l'histoirp du Kénpdugu.
(2) Enquêtes rp.aliséps à Sungaradaga le 28-3-1979, auprès des descen-
dants de Kèrè Mori. Voir en particulier Ali Ouattara un arrière-
petit-fils de Kèrè Mori.
(1) Amadou Berté, Sikasso, le 26-4-1979.
(4) Y. Person, op. cit., t.2, p.750.
860
Pourtant, comme les Watara, leurs frères ennemis de Kong
ou du Gwiriko,
ils se disaiemt Dyula et refusaient
"le nom de Senoufo ou plutôt selon l'usage
absurde du malinké local, celui de "Bambara"
c'est-à-dire paiens, car ces ter~es ~voquent
une condition paysanne humili~e" (J.) •
Pour comprendre les succès de Daula-Ba,
il faut
dire un mot sur la situation confuse qui r~gnait dans
l'F.~pire après la mort de Maghan Ul~ et de Mori Maghari,
c'est-à-dire à partir de 1800. A Kong même, après la dispa-
rition dE" Mori Maghari, l'lin des d~fensellrs de la politique
expansionniste watara, on semble avoir marqu~ un temps
d'arrêt dans les luttes contre les Taraw~r~. Konq ~tait
en effet confront~e à de s~rieuses r~voltes dans le sud de
l'Empire, notamment dans le Dyimini et dans la nouvelle
province du Tagwana. Il n'~tait donc plus question, du
moins dans l'imm~diat, d'pxpédier des troupes r~gulières
dans la région de Bobo-Dioulasso.
Le Gwiriko n'~tait pas non plus ~pargn~ par les
r~voltes. Le successe l1 r de Maghan Ul~ ~tait un prince
maladif incapable de faire face à la situntion. Après un
bref règne le pouvoir passa ~ son ~'~re Diori qui, selon
Dominique Traor~, passa une trpntaine d'ann~es à lutter
contre ses sujets(2). Vers .181D survint la mort de Soma
Ali qui avait marqué de sa personnalit~ l'histoire de
l'Empire de Kong au d~but du XIXe si~cle. Il ~tait l'ennemi
juré de Daula-Ba. Sa mort semble avoir refroidi l'ardeur
. guef-r i~redes ~:at.ara dans -leurs guerres· contre les Tar aw~ré
(1) Y. Person, op. cit., t.2, p.750.
(2) Dominique Traoré, op. cit., p.62.
?61
~u Kénédugu(l). Il semblerait que les populations de la
région de Bobo-Dioulasso aient voulu elles aussi profiter
de cette occasion pour se libérer de la tutelle des Watara
du nord. En tout cas, d'après les témoignages que nous avons
recueillis, ce prince était craint et respecté dans le Gwi-
riko.
"Personne n'osait se révolter contre son
autorité i
mais à sa mort,
la plupart des
princes watara furent constamment obligés
d'organiser des tournées de répression afin
de s'imposer à leurs sujets" (2) •
Le traditionaliste Ali Ouattara de Sungaradaga souligne
que les tentatives d'autonomie donnèrent lieu à de sanglantes
guerres qui affaiblirent l'autorité des Watara et
"provoquèrent le morcellement du Gwiriko en
chefferies indépendantes ••. " (3) •
Ainsi, vers le nord-est,
le Zan Bakarifèso se scinda en
deux Etats, au nord le Royaume de Kubo avec pour capitale
Loto, près de la ville actuelle de Diébougou et, au sud,
le Nzan à l'est de la Comoé sur les frontières de Bouna.
Ce dernier Royaume qui s'étendait de la Comoé à l'Iringo
est connu de Labouret sous le nom de Saouta-Sorondigi(4).
Mais les secousses les plus graves que le Gwiriko
enregistra vinrent des Tyèfo et des 801::0- Dyula. En effet,
(1) D'après le vieux Kongodé Ouattara de Kotédougou, les luttes entre
l-e Kénéduguet les watara auraient connu une pause vers la fin du
règne d'Asoroba, donc peu avant 1810.
(2) Sungaradaga le 2-3-1979. D'après les traditions de cette localité,
Soma Ali serait mort peu de temps après Asoroba, c'est-à-dire vers
1810,_
(3) Ali Ouattara, Sungaradaga le 28-3-1979.
(4) Voir: Labouret, Les tribus du rameau lobi, Paris, 1931, p.30 à
35 ; Y. Person, 1975, LIlI, p.1877, 1897 ; Bernus, op. ciL,
p.257-258.
,~ .t
862
vers 1830(1), un roi Tyèfo du nom de Naké s'affranchit de
la tutelle des Watara et proclama son ind~pendance. Diori
Watara
(1.800-1B35) (2), le roi du Gwiriko, aux. prises avec
les nombreuses rkvoltes qui éclataient ça et là dans le
pays, n'osa pas croiser le {er avec les ~yèfo. En acceptant
le fait accompli, Diori abandonnait du coup ses droits
sur les Sambla, les Tusyan, les Vori que les Tyèfo admi-
nistraient au nom des descendants de Famaghan. L'exemple
des Tyèfo fut suivi aussitôt par les Bobo-Dyula(3). Le
prince qui prit la tête de la révolution s'appelait Bô-
Dyula Moriba Sanon plus communément appelé Amoroba. Ce
dernier s'empara de la ville de Sya
(Bobo-Dioulasso)
et en
fit sa capitale. La prise de Bobo-Dioulasso par les Bobo-
Dyula marquait ainsi la fin de l'hégémonie watara sur les
Sanon. Diori Watara ne put supporter un tel acte et il fit
appel à ses cousins du Nzan et non aux Kulango de Bouna
comme le croyait Dominique Traoré(4). L'armée du Nzan venue
du nord de Bouna eut mille difficultés pour atteindre
(1) R.P. Hebert, "Une page d'histoire voltaique : Anno chef des Tyèfo"
(13 pages dactylographiées), s. d. p.5, cf. aussi B.I.F.A.N.B.,
t.xx n03-4., .1.958, pp.377-40S.
(2) A Kong, les traditionalistes nous ont dit que Diori Watara a pris
le pouvoir au début du règne de Somafi par conséquent vers 1800.
La· date de 1209 proposée par Dominique Traoré pour le début du
règne de Diori Watara est donc à écarter. Nous situons son règne
entre 1800 et J835. Person en effet situP. la captivité de Tvèba
vers 1835, cf. Y. Person, ~. cit., p.784.
(3)
Il semblerait que Diori ait tenté de s'entendre avec les autorités
du Kénédugu pour combattre les Tyèfo et les Bobo-Dyula. Le R.P.
Hebert écrit à- ce sujet : "Diori avait alors
pour allié officiel
Daula, le père du fameux Tyèba Traoré de Sikasso, mais Daula
s'--efforçai t ·de le berner le plus possible en éloignant les contin-
gents Ouattara qui combattaient à Sp.s côtés pour qu'ils ne puissent
pas attaquer les Tyèfo ou les Bobo-Diollla. Diori dut finalement
. accepter l'indépendance des Bnbo-Dioula ••• ". Cf. "Une granne dame
Gui~bé Ouattara de Bobo-Dioulasso", (15 pages dactylographiées,
s.d), p.l.
(4) D. Traoré, op. cit., p.62.
863
la
ville de Bobo-Dioulasso à cause de l 'hostilité générale
des
populations des régions traversées qui supportaient de
plus en plus mal l'autorité des Watara. Elle dut souvent
livrer de durs combats pour frayer son chemin. Ce fut donc
une armée en piteux état, qui, vers 1830, vint mettre le
siège devant la ville de Sya. Mais les guerriers du Royaume
Nzan, loin de leur base, mal accueillis par la population
de Bobo-Dioulasso, attaqués sans cesse par les Tyèfo alliés
des Bobo-Dyula,
jugèrent prudent de lever le siège et de
regagner leur pays. Diori Watara livré à lui-même dut re-
connaître l'indépendance des Tyèfo et des Bobo-Dyula. Ainsi,
moins d'un siècle après la mort de Famaghan
(1750-1830),
les Tyèfo et les Bobo-Dyula rejetaient l'hégémonie des
Watara du Gwiriko.
La situation inconfortable des Watara dans un
Gwiriko en effervescence empêcha ces derniers de poursuivre
leur rêve expansionniste. Elle allait par contre offrir
suffisamment de répit à Daula-Ba pour organiser les Supirè,
mettre sur pied une grande armée et jeter les bases du
Royaume de Kénédugu qui n'allait pas tarder à convoiter les
terres du Gwiriko(l). Ce travail sera l'oeuvre de Daula.
Vers 1835 en effet, Daula-Ba mourut et laissa
le trône à son jeune fils Daula(2). Ce dernier tourna son
regard vers l'est. D'après certains traditionalistes de
Sikasso, Daula voulait profiter de la crise que traversait
(1) Dans le Kénédugu la caste militaire demeura paienne.
(2) Il nous faut nous expliquer sur le choix de cette date comme étant
celle du début du règne de Daula. A Kong nous avons appris que
Daula dès son avènement attaqua le Gwiriko et qu'à la suite de cette
bataille son fils, Tyèba,fut fait prisonnier. Or Person qui a effectué
des enquêtes à ce sujet situe la captivité de Tyèba vers 1835. Cf.
Y. Person, t.ll, p.784 note 10. Nos enquêtes -ont eu lieu auprès de :
Bamadou Ouattara, Nasyan, 17-8-1974,
Karamoko Ouattara, Kong, 18-8-1974,
Basièri Ouattara, Kong, 30-3-1976.
864
le Gwiriko pour l'annexer(l). Les sources orales de Kong,
de Bobo et de Sikasso voient dans les guerres de Daula
contre le GWI"'; lf;o., la haine que les Tarawéré nourrissaient
à l'égard des \\iatara. Ceci est peut-être vrai, mais il ne
faut pas oublier que Daula voulait avant tout développer
le commerce dans le Kénédugu. Cette activité avait été
insignifiante dans le nouvel Etat jusqu'au début du XIXe
siècle(2). Elle se déroulait en effet, soit plus à l'ouest
(axe Dienné-Bamako-Odienné), soit plus à J.'est (~xe Dienné-
Bobo-Dioulasso). Daula qui voulait bâtir son Etat en
s'orientant selon les voies commerciales à l'exemple de
Kong était donc condamné à mettre la main sur au moins l'un
de ces axes. En 1835 il lui apparaissait plus facile de con-
querlr Bobo-Dioulasso. C'est ce qui explique à notre avis
le souci majeur de Daula de vouloir régner sur le GwirikoiLe
cherchait maintenant
un prétexte pour envahir le Gwiriko.
Il allait le trouver dans l'affaire de l'attaque de l'une
de ses caravanes par des troupes watara.
Peu de temps après son avènement, Daula apprit
en effet qu'une de ses caravanes qui revenait du Mosi avec
des chevaux avait été pillée par les watara de la province
du Makuma. On lui rapporta que le jeune prince Kongoté qui
était à la tête d'une armée du Makuma avait participé à
cette attaque (3) . Daula aurait exigé de Kongodé une très
forte rançon et bien entendu le prince watara refusa de
payer(4). rI aurait Même fait remarquer à Daula que
(1) Voir à ce sujet les traditionalistes Amadou Kouyaté, Sikasso,le
28-4-1979 et Amadou Berté, Sikasso, le 15-4-1979.
(2) Y. Person, ~. cit., t.II, p.751.
(3) Amadou Berté, Sikasso, le 26-4-1979. Toutes les traditions watara
de Sungaradaga considèrent que Kongoté avait a pe1ne une
vingtaine d'années à cette époque.
(4) Amadou Berté, Sikasso, le 26-4-1979. Ce fait est confirmé par
Labi üuattara, Sungaradaga, 28-3-1979.
865
"les princes du Kénédugu n'étaient que les
sujets des Watara et qu'à ce titre il ne
lui devait rien ••• "(1).
Furieux, le roi du Kénédugu déclara la guerre aux Watara du
Gwiriko.
Daula partit à la tête d'une puissante armée. Il
n'attaqua pas tout de suite le Makuma
i l soumit les terri-
toires des Tusyan et des Sarnbla avant de lancer ses forces
contre ~ongodé. Après deux ou trois mois de durs combats,
le prince watara fut contraint de s'enfermer dans la localité
de Nebara et envoya un émissaire chercher des renforts auprès
de Diori Watara. Ce dernier réussit grâce au soutien des
,
kararnogo Saganogo et Diané à se reconcilier avec ses adver-
saires bobo-dyula et tyèfo, notamment avec Arnoroba et Naké.
Ensemble ils constituèrent une alliance militaire que les
traditionalistes appellent le lamogoya des Watara avec les
Tyèfo et les Bobo~Dyula. Naké et Diori mirent sur pied une
forte armée (2)
et volèrent au secours de Kongodé qui était
sur le point de se constituer prisonnier. Un premier affron-
tement eut lieu dans la localité de Matruku. Au cours de
ces combats Diori qui assistait en personne à toutes les
batailles fut tué. Il fut remplacé à la tête de l'armée par
son frère Bako Moru. La bataille décisive se produisit non
loin d'un Kongoso connu sous le nom de Bakarifèso. L'armée
du Kénédugu fut entièrement anéantie. Daula vaincu fut
poursuivi jusqu'à Bléni où Bako Moru captura des membres
de sa famille et mit la main sur un riche butin de guerre.
(1) Kongodé Ouattara, Kotédougou, le 3-3-1979.
(2) piguéba ruattara (né vers 1909 à Bobo-Dioulasso, actuel porte parole
des princes watara de Kong) Bobo-Dioulasso, le 5-3-1979. Voir aussi
D. Traoré, op. cit., p.62.
866
D'après un témoignage que nous avons recueilli à Sungaradaga,
la capitale de la principauté du Makuma, Bako Moru serait
rentré à Bobo-Dioulasso avec
"une grande quantité d'or et plus de 10.000
prisonniers"(1).
Parmi ces derniers figuraient,
la propre femme de Daula,
la
reine Soro-Munko(2),
le fils de Daula,
le prince Tyèba et la
soeur de ce dernier,
la princesse Momo Tarawéré(3).
Pour punir Daula d'avoir osé livrer la guerre contre
les Watara du Gwiriko, Bako Moru vendit les membres de sa
famille au marché de Bobo-Dioulasso. Cette humiliation qui
ne s'imposait pas,
à notre avis, eut de graves conséquences
sur les relations entre les descendants de Daula et ceux
de Seku Watara et de Famaghan.
Les captifs princiers furent achetés par un riche
négociant bobo-dyula de la localité de Satiri. Après de
nombreuses négociations qui durèrent plusieurs années,
le
riche marchand de Satiri, un certain Kolotugu,
troqua ses
captifs contre une très forte rançon en or et en esclaves.
Bako Moru couronné Fama du Gwiriko après la mort
de Diori gouverna le pays avec beaucoup de savoir-faire.
Les Tyèfo et les Bobo-Dyula reconnurent son autorité.
D'après Dominique Traoré,
i l aurait laissé à sa mort vers
1850 un Etat prospère où régnaient la paix intérieure,
la
sécurité et l'aisance(4). Tous ses sujets lui furent recon-
(1) Ali Ouattara, Sungaradaga, le 24-2-1979.
(2) D'après une version que nous avons recueillie à Kong, la mère de
Tyèba s'appelerait en réalité Gényara. Voir Karamoko Ouattara, en-
quêtes réalisées en mars 1976 à Kong.
(3) D. Traoré, ~. cit., p.62.
(4) Ibidem.
867
naissants d'avoir su écarter le danger venu du Kénédugu. Son
amour de la justice et sa générosité lui valurent la sympa-
thie de tous ses sujets. L'agression de Daula semble avoir
donné une certaine unité au Gwiriko, notamment sur le plan
militaire. Le Kénédugu venait de comprendre qu'il lui serait
difficile de s'étendre pour le moment vers l'est.
Limité à l'est par la puissance du Gwiriko, Daula
chercha à étendre son Royaume vers l'ouest et vers le sud.
"Pendant une vingtaine d'années,
entre 1840
et 1860, Daula le père de Tyèba soumit le
Kinya et le Kampo, aborda le Minyanka et
Tengréla, puis étendit son influence vers
Banfora et Korhogo où i l accorda son soutien
aux Tyébabélé de Ngwélé
(Ferkessédougou) " (1) •
Les
conquêtes de Daula en direction du sud
visaient deux buts, un but économique et un but militaire.
La présence des Tarawéré à Tengréla et à Banfora permettait
au Kénédugu de s'insérer dans les circuits commerciaux de
l'est et de l'ouest dont nous avons parlés et qui parais-
saient vitaux pour le développement de l'Etat dyula de Sikasso.
Tengréla était en effet une tête de pont pour le commerce du
Worodugu
(kola et or)
avec la boucle du Niger
le choix de
Banfora était dicté par le fait que le commerce de Kong avec
Bobo-Dioulasso passait à l'est de cette localité. Daula
voulait ainsi drainer le commerce de Kong et du Worodugu vers
la métropole des Tarawéré. Mais ces conquêtes avaient aussi
un objectif militaire. Pour
les watara de Kong et de Bobo-
Dioulasso,
il ne faisait aucun doute que la présence des
colonies ta!~wéré à Korhogo et surtout à Ngwélé avaient pour
(1) Y. Persan, ~. cit., t.II, p.750.
868
but de soutenir les Tyébabélé qui venaient de se révolter
contre l'autorité de Kong ;c'était un signe avant-coureur
de la grande offensive que Daula préparait contre les Watara
de Kong. Daula pensait en effet que Kong était affaiblie et
qu'il pourrait aisément s'emparer de la métropole dyula.
C'est ce qui ressort des traditions que nous avons recueil-
lies. D'après Basièri Ouattara, Daula se serait entendu avec
les Palaka et s'apprêtait à marcher sur Kong quand la mort
l'emporta(1). En 1979, nous avons eu à Sikasso des échos de
cette guerre que le roi du Kénédugu préparait contre Kong.
Il aurait, dit-on, ajourné son projet pour des raison de
santé(2).
La mort de Daula semble avoir été accueillie à
Kong avec beaucoup de joie ; le danger était en effet
momentanément écarté, d'autant plus qu'après la disparition
de ce souverain, le Kénédugu connut une grave crise. C'est
à notre avis cette dernière qui retarda pendant longtemps
la guerre entre les Tarawéré et les Watara.
En effet, le successeur de Daula qui s'~ppelait Ngolo-
Kunafa avait
embrassé l'Islam sous le nom de Karamogo Ulé.
Ce souverain brutal et assoiffé de sang n'était pas formé
pour la guerre et ne parvint pas à maintenir la cohésion de
l'Etat mis en place par Daula. Le souverain de Ngwèlè
(Niellé)
sur lequel les autorités du Kénédugu comptaient
pour envahir Kong et qui s'appelait Nyopé-Fa'a s'affranchit
de la tutelle du Kénédugu vers 1865(3). et étendit son in-
fluence sur le Folona. Au nord les Bambara, de leur côté, se
révoltèrent contre l'autorité de Karamogo Ulé.
(1) Basièri Ouattara, Kong, 10-8-1977.
(2) Amadou Kouaté, Sikasso, le 28-4-1979.
(1) Y. Person, op. cit., t.II, p.751.
869
"Il fut impossible d'écraser ces insurgés
car une révolution imprévisible avait
éclaté au ~ême moment sur les frontières des
Toucouleurs de Ségou. De nombreux aventuriers,
des Bambara et Fula qui avaient combattu pour
EI-Haj Umar, venaient de rompre avec les fils
du conquérant et avaient cherché refuge au
sud du Bani. Ils accoururent au secours des
révoltés et organisèrent en quelques mois
sous les ordre de Fala Togoba, un nouvel Etat
militaire massé autour de Kinya, de façon à
contrÔler le Baninko, de part et d'autre du
Banifin. Ce "Fafadugu" s'imposa vite aux
fractions les plus proches du pays Supirè,
jusqu'à Lutana, qui rejeta la suzeraineté
du Kénédugu. Ces événements firent une
impression profonde et le nouveau conquérant
rallia sans peine le nord du Gana et tout
le Kâmpo, tandis que le Kadi, demeuré fidèle
aux "Dyula", était envahi chaque année et
ravagé impitoyablement.
On put croire un instant que le Kénédugu
allait disparaître purement et simplement
(vers 1868, et en tout cas, à notre avis
avant 1870) Il (1).
2. - L'ascension de Tyèba
Karamogo Ulé mourut sans pouvoir faire face à la
situation et après le court règne de Momori, le jeune Tyèba
fut appelé au pouvoir en raison de sa valeur militaire et
ceci contre les traditions du Kénédugu qui stipulaient que
les anciens captifs devaient être écartés du trône.
On
comprend alors la colère de ses oncles parternels qui
"protestèrent aussitôt en arguant de son
ancienne captivité. Les fils de Daula, le
principal Kélétigi, n'hésitaient même pas à
appeler Kinya à leur aide. Quand Tyèba
l'emporta,
sans doute un peu après ·1870,
i l ne
contrôlait plus qu'un territoire exigu
(1) Y. Person, op. cit., t.ll, p.752.
870
autour du confluent de la Lyoto et de la
Farako. C'est là qu'il installa sa résidence
chez ses parents maternels, à Sukokaa"(1).
Ce petit village sénufo, qui allait devenir illustre sous
le nom dyula de Sikasso,
"fit aussitÔt l'objet d'un grand effort de
fortification" (2) •
L'avènement de Tyèba à Sikasso provoqua la risée
des watara de Kong et de Bobo-Dioulasso qui voyaient leur
ancien captif régner sur les princes tarawéré du Kénédugu.
Ils lui
contestèrent le titre de Fama qu'il venait de
prendre (3)
à l'instar des souverains dyula de Kong. Dans
cette dernière métropole on n'hésitait pas à l'appeler le
Dyuladyon du Kénédugu.
Tyèba a souffert des railleries des watara liées
à sa captivité à Bobo-Dioulasso. Cette flétrissure, nous
l'avons vu,
faillit l'emp~cher de régner et cela le nouveau
roi de Sikasso ne le pardonna jamais aux maîtres de Kong
et de Bobo-Dioulasso. Aussi,
à peine avait-il pris le pou-
voir, qu'il fit dire aux
Watara qu'il irait tôt ou tard
chercher la canne
de sa mère à Satiri et boire le dègè
(1) Au sujet de cette localité il existe de nombreuses versions: selon
les unes le mot viendrait de Surukonokaan : village du couscous
(suru) fin (kono) et Sukukaan ou Sugukaan en serait la contraction
et transformé en Sikasso par les Dyula. Selon les autres, Sugokaan
signifierait en langue Supirè village des chevaux : de sugo (chevaux)
---------------e----kaa--(village). Selon les autres encore ce serait le. village des
éléphants. Mais comme le dit: Y. Person "il est plus simple d'admet-
tre la déformation de Sugokaâ à Sikasso et de garder le sens de
"village du cheval". Cf. Y. Person, ~. ciL, LII; p.784. note 16.
(2) Y. Person, op. cit., t.II, p.752.
(3) Voir Rapport Crozat A.N.S.O.M, Mi 231, bobine 8 dossier 2 (1890-1891).
Au cours de nos recherches à Kong et à Bobo-Dioulasso nous avons
constaté que les princes watara méprisaient profondément le Fama
de Sikasso.
871
à
Kong(1). Tyèba avait donc déclaré la guerre aux Watara
peu après 1870.
Mais avant de se porter contre ces derniers,
il entreprit de reconstruire son Royaume.
Il s'allia aux
Toucouleurs et
"année après année, au prix de dures campa-
gnes,
i l reconquit les frontières de Daula
et parvint même à les déborder dans l'est
où i l traversa la Lèraba et atteignit les
pays Tusya et Turka" (2)
que son père avait tenté d'annexer en 1835. Prudent, Tyèba
n'attaqua pas tout de suite les watara de Bobo-Dioulasso
et dirigea toutes ses forces vers le sud en direction des
états sénufo du sud qui étaient très morcelés à cette époque.
Il voulait en effet, d'une part, contrÔler les riches pays
sénufo et
"la route de Sikasso à la mer à travers le
Guro ou le Baulé et le Bandama, par où venait
une grande quantité des armes du Kénédugu" (3)
et d'autre part constituer en pays sénufo des bases mili-
taires et des alliances dans la lutte contre les Watara de
Kong et de Bobo-Dioulasso.
Face à la menace du Kénédugu,
le
"chef Tiembara de Korhogo,
Zouacognon, qui
avait sans doute réfléchi aux moyens de
défense en cas de danger imminent, n'opposa
pas de résistance à Tyèba et se soumit à lui
(1) Le dègè
est la bouillie de mil préparée avec du lait. Pour ces
informations voir : à Kong, Karamoko Ouattara (chef du Canton de
Kong), Basièri Ouattara, à Bobo-Dioulasso Marhaba et Ali Ouattara.
(2) Y. Person, ~. cit., t.II, p.752.
(3)
Ibidem,
~. cit., t.III, p.1561.
872
sans combats, en même temps que le chef
Niénéma de M'Bengué"(1).
S'appuyant sur ces deux souverains Tyèba reprit le Folona
et attaqua Nyopè-Fa'a qui" en 1865 avait fait sécession et
proclamé l'indépendance du Ngwèlè.
rI semblerait que les
alliés de Tyèba avaient des griefs contre Nyopè-Fa'a(2).
Le Fama de Sikasso
"réussit à casser Ngwèlè mais échoua devant
Sinématyali" (3)
qui,
semble-t-il, bénéficiait du soutien des troupes de
Kong(4). La guerre contre Nyopè-Fa'a et son successeur
Pégé ou Pehé fut longue et ruina les espoirs de Tyèba qui
voulait atteindre Kong.
Pégé, retranché sur la frontière
des Niarafo
(Nyaghafolo), résista aux assauts des troupes
du Kénédugu entre 1875 et 1881, date à laquelle Tyèba crut
que la mort de Fafa allait lui permettre de soumettre le
Fafadugu(5) •
On se souvient que Fafa Togoda après sa rupture
avec Arnadu le fils d'EI-Haj Umar avait bâti un puissant Etat
militaire autour de Kinyan. Vers 1870, le Fafadugu était
devenu le refuge des opposants aux Toucouleurs et aux auto-
rités de Sikasso. Le pays s'était agrandi d'une partie du
Kampo et des Supirè du nord. Vers 1875, le Fafadugu repré-
sentait une grande menace pour le Kénédugu car i l avait des
(1) Tiona Ouattara, ~. cit., 1977, p.244.
(2) D'après Y. Person, le Ngwèlè aurait détruit le pays de alakonyo,
cf. Person, II, p.1561.
(3) Y.Person, op. cit., t.II, p.752.
(4) D'après Karamoko Ouattara, le chef de Canton actuel, Sokolo Mori
le souverain qui régnait à Kong à cette époque aurait fourni des
hommes et des armes à Nyopè-Fa'a (Karamoko Ouattara, Kong, le
9-3-1976).
(5) Voir Y. Person, ~. cit., t.II, p.753.
873
"avant-postes à 30 kilomètres de Sikasso.
Le coeur de la nouvelle puissance était le
Zégédugu où Kinyâ était solidement fortifié,
ainsi que la partie du Baninko situé à
l'ouest du Banifin ••• "(1).
Tyèba avait espéré un moment que le Fafadugu
succomberait sous les coups des Toucouleurs, mais ce ne fut
pas le cas. Le Fafadugu avait même maintenu son autorité sur
le Baninko occidental. Or en 1881, Fafa périt à Sao dans le
Minyânko et sa succession
"provoqua une guerre civile entre son oncle
Binaso Togoda et son lieutenant Dyomà, que
soutenaient des Sofas hostiles à une chefferie
héréditaire" (2) •
Tyèba crut le moment venu pour intervenir militairement dans
le Fafadugu en faveur de Binaso.
Ce dernier
"échoua d'ailleurs et s'enfuit à Ségou mais
Tyèba en avait profité pour occuper Kèrèka~
et le Gana du nord ..• "(3)
;
mais le souverain du Kénédugu n'avait pas du tout ébranlé
la puissance du Fafadugu. Il fut d'ailleurs,
selon Person,
contraint de
"relâcher sa pression pour aller combattre les
Sénufo à Sinématyali et sur la route du
Gwiriko" (4)
En réalité Tyèba ne guerroya pas longtemps dans
les pays Sénufo car peu après son intervention dans le
Fafadugu
(1883-1884)
le Fama de Sikasso" apprit une triste
(1) Y. Person, op. cit., t.II, p.753.
(2) Ibidem.
(3) Ibidem.
(4) Ibidem.
874
·nouvelle, la présence des sofa de Samori sur le Bagoé.
Il
comprit que Samori allait envahir le Kénédugu. Il décida
donc de fortifier sa capitale. Certes, Tyèba, dès son avène-
ment, avait consolidé le vieux tata du village.
Il avait
construit à l'est de ce dernier
"une enceinte pour ses hommes et un dybfuJ:U
où il entassa ses biens. Sur le mamelon voi-
sin, en face de l'actuel campement-hôtel,
il
éleva un fortin massif, dont la silhouette
dominant la ville nouvelle, allait suggérer
aux Français le nom "donjon"(1).
En 1875, avant de lancer ses campagnes vers l'est
et le sud il fit
"entièrement reconstruire les murs,
selon une
technique révolutionnaire. Ils furent édifiés
avec un mortier de banko mêlé de pierrailles
et de gravillons qui leur assurait une
résistance remarquable. Leur gabarit fut
élevé à trois mètres à la base pour quatre
mètres de hauteur"(2).
En 1885 la menace samorienne l'amena à entrepren-
dre de nouveaux travaux afin d'unir en un seul bloc, le
village,
la citadelle et le dyofuru.
Il renforça
"les remparts extérieurs qui séparaient le
village de la citadelle, et celle-ci du
dyofuru. Sikasso n'avait pas encore en 1887
(1) Y. Person, op. cit., t.II, p.754.
(2) Y. Person, op. cit., t.II, p.754. Pour la description des murailles
voir Meniau~ 1935, p.l02 et suiv.
D'après Person, Binger "ne vit la ville que d'assez loin en 1887 et
son plan est très inexact (1892, p.96). Il signale des saillants
arrondis qui rendaient l'approche
difficiles. Par ailleurs les
dessins de Riou, exécutés sur ses instructions donnent à ces murs une
hauteur qui paraît plus proche de 6 mètres que de 4 (voir jaquette
du Tome 1). Les chiffres de 6 mètres à la base et 6 mètres de hau-
teur sont donnés par les rapports français pour certaines sections
de l'enceinte en 1898. Mais il faut tenir compte des travaux que
Tyèba mena de 1898 jusqu'à sa mort et que Babèmba poursuivit avec
ardeur. Le quartier neuf, au sud du Lotyo, ne sera fortifié qu'en
1896. En 1887, i l n'était occupé que par des hameaux de culture".
Cf. Y. Person, op. cit., t.II, p.785, note 20.
875
l'énorme puissance rustique qui étonnera les
Français, mais c'était déjà l'une des for-
teresses les plus solides du Soudan occidental.
Sa prise posait des problèmes presque insolu-
bles à une armée traditionnelle" (1) •
c'est dans ces conditions que Tyèba se prépara
à attendre le conquérant Samori. Avant d'aborder la guerre
de Sikasso i l serait bon de faire connaissance avec Samori
et les raisons qui le poussaient à sortir de son cadre
traditionnel. Sa présence vers l'est eut en effet un impact
considérable sur l'histoire des Watara.
(1) Y. Persan, a~ cit., t.ll, p.754.
876
3.
-
La trêve entre les ~atara et les Tarawéré
al
Samori et la conquête vers l'est
Pour cette étude nous bénéficions de la monumen-
tale thèse d'Yves Person, Samori,
une révolution dyula(l)
et des sources orales abondantes de la région de Kong et
du Kénédugu
qui, à partir de cette époque, s'intéressaient
au conquérant dont les ambitions n'échappaient pas aux
souverains de ces régions.
Samori Turé naquit vers 1830 à Manyambaladugu
dans le Konyan animiste des rives du Dyo et du Milo(2).
Son père s'appelait Laafiya Turé et sa mère était une
Kamara du nom de Masorona.
Baignant dans la superstition, Samori crut
très tôt aux légendes qui circulaient à son sujet et qui
(1) Thèse pour le Doctorat d'Etat publiée par
l'I.F.A.N-Dakar, en
t roi s t orne s
\\ 1968, 19 70, 19 7 '») •
(2) Y. Person, op. ciL, LI, p.24"i.
877
prétendaient qu'il allait dominer le monde(1).
Il tenta donc
de se donner les moyens de réaliser son rêve.
Il débuta dans
le commerce avec l'aide de son père qui vendit une génisse
pour lui offrir un premier capital. Laafiya obtint en outre
pour son fils l'appui d'un chef guerrier de la région,
Katsyânterna Mara que Samori approvisionnait en fusils.
Devenu
dyula, Samori parcourut pendant près de six ans les pistes
qui reliaient les pays de la kola
(pays Toma)
au Haut-
Niger et au Baulé
(1848 ? -
1853 ?). Avec des poulets(2)
il
achetait des noix de kola qu'il allait troquer contre le
bétail
(frontière du Futa et du Wasulu),
le sel et surtout
(1) Y. Person, op. cit., t.I, p.245. Cette proph~tie aurait été annoncée
à Kong et aurait été à l'origine de l'expulsion de Kong du grand-père
de Samori Turé, Samorigbè. Citons à ce sujet deux versions :
Version de Kong ••• " Le grand-père de Samori est originaire de
Kong. Un jour un marabout annonça aux Sekumogo que l'un des descen-
dants de cet homme mettra fin à la dynastie de Seku. On décida donc
de supprimer le grand-père de Samori qui s'appelait Samorigbè. Il
réussit à s'enfuir et engendra dans le Konyan le père de Samori"
(Basièri Ouattara, Abidjan le 22-11-1978).
Version de Bobo-Dioulasso:
"On avait prédit à Mori Maghari
qu'un Turé viendrait détruire Kong. Après plusieurs enquêtes des
karamogo on se rendit compte que le grand-père de ce conquérant
vivait à Délégédugu. Mais ce Turé en question eut vent du mauvais coup
que les Watara préparaient contre lui. Il s'enfuit avec sa famille et
après un bref séjour à Bouna s'établit à Sanankoro où il engendra
le père de Samori, Tiémoko Lagafia qui épousa Masoghona et mit au
monde Samori ••• " (Imam Marhaba, Bobo-Dioulasso, le 20-2-1979). Ces
événements se situeraient vers la fin du XVIIIe siècle.
(2) A Kong on insiste beaucoup sur le commerce de poulets que faisait
Samori. On n'hésite pas à dire que le nom Samori vient de la
déformation Siè-Mori. Le Mori des poulets. On sait qu'il achetait
des cages de poulets sur le marché d'Odienné. Cf. Y. Person,
op. cit., t.I, p.249.
878
les armes.
Il se livra aussi à un important trafic d'escla-
ves. Mais Samori qui avait un caractère difficile et qui
provoquait de nombreuses querelles sur les marchés n'était
pas, à notre avis,
fait pour le commerce.
"A plusieurs reprises,
il aurait dQ s'enfuir,
de nuit,
averti par ses hôtes, pour éviter
d'être assassiné" (1) .
Un événement allait d'ailleurs mettre fin à cette carrière,
la captivité de sa mère Masorona. Samori en effet colpor-
tait de village en village loin du Konym lorsqu'il apprit
que les Sisé avaient détruit Manyambaladugu et que sa mère
était captive.
Il se rendit à Madina auprès du chef des
Sisé, Sérè-Burlay mais ne put offrir les sept captifs
qu'exigeait le Fama des Sisé pour la libération de Masoro-
na(2).
Il dut donc s'engager comme sofa au service des Sisé
(ca.1853-1859). Vers 1859, Samori formé aux techniques de
combat et transformé en un véritable chef de guerre énergi-
que et audacieux rega9n~Findugu en compagnie de sa mère,
chez ses oncles du Konyanko. Mais l'ascension de Samori
débuta vers la fin de l'année 1861. En effet, sous la menace
des Sisé,
les Ka~naf~ de Dyala lui donnèrent le titre de
Kèrètigi
(chef de guerre)
et
"le droit de mobiliser la classe d'âge
(kari)
des jeunes combattants
(kèlembolo" (3) .
Samori mit ainsi sa science militaire au service de ses
oncles.
(1) Y. Person, op. cit., t.I, p.25ü.
(2) Ceci montre très clairement que Samori ne s'était pas enrichi
dans le commerce.
(3) Y. Person, op. cit., t.I, p.275.
879
A Sanankoro,
i l se dota d'une armée constituée
de d yula et d'animistes et prit le titre de Muri tigi
(maître
du sabre). A la fin de l'année 1863, Samori était maître de
la rive ouest du Dyo et son autorité s'étendait vers le sud
jusqu'aux lirni tes du Haut .Konyan et aux marchés de Tukuro
(régions montagneuses de la Dorsale guinéenne). Grâce à
son habileté et à son intelligence i l se réconcilia avec les
Sisé pour évincer les Béreté
(186~-1865) puis élimina les
Sisé du Bas Konyan .. Entre 1867 et 1870, il consolida son pou-
voir dans le Bas Konyan
(entre le Milo et le Dyo)
tandis que
le Haut Konyan demeurait sous l'autorité d'un jeune prince
animiste Saghaydyigi. Il favorisa le repeuplement de son
nouvel Etat,
ruiné par de nombreuses années de guerre, et se
forgea une armée équipée de fusils par l'intermédiaire des
marchands de Kankan qu'il avait fréquentés autrefois.
"Quant aux chevaux, Samori les obtenait en
vendant ses captifs sur les marchés d'esclaves
de Kényera ou Bamako et jusqu'à Banamba dans
le Sahel ..• " (1 ) .
En 1870, la situation politique dans cette partie
de l'Afrique Occidentale était la suivante:
à l'ouest les
forces samoriennes, au sud l'armée de Saghadyigi, au centre
les Sisé bloqués à l'est par les Turé d'Odienné. Pour s'éten-
dre, Samori n'avait que deux directions,
l'ouest et le nord.
Il choisit de marcher au nord pour s'assurer le contrôle des
grandes routes du colportage menant vers Kankan et le Burè,
ainsi que vers les terres classiques du Niger. Samori a dû
subir
(1) Y. Person, ~. cit., t.I, p.294.
880
"l'espèce de tropisme qui orientait toutes
les hégémonies dyula selon l'axe des
méridiens" (1) .
Ainsi commença la marche de Samori vers le nord, qui allait
durer de 1870 à 1875. Parti de Sanankoro, i l soumit les
Konaté du Namusana, reçut l'adhésion des Tarawéré du Mana,ce
qui lui ouvrait la route des kafu morcelés du Basando et
du Sankara oriental et, par voie de conséquence, le con-
trôle du commerce entre Kankan et la région kolatière du
Kisi. La mainmise de Samori sur ces régions ouvrait aussi
aux dyula une voie vers la route de la Sierra Léone. En
1871-1872, i l soumit le Basando mais subit peu après le
désastre de Naréna face à Nanténé-Famudu du Sabadugu et à
Adyigbè du Wasulu, désastre qui fut d'ailleurs réparé en
1872 lorsque i l envahit les terres de Nanténé- Farnudu et y
construisit sa capitale Bisandugu. En 1873,
i l vainquit
Nanténé-Famudu et le mit à mort. En 1875, Samori maître du
Sabadugu se tourna alors vers le Niger. Entre 1875 et 1881
i l allait s'employer à mettre en place ce qu'il est convenu
d'appeler l'Empire de Samori.
Les
Tidyani de Kankan(2)
allaient donner à Samori
l'occasion d'intervenir dans le Sankara. Ils firent en
effet appel au conquérant pour les aider à écraser les
animistes du Sankara et de la vallée du Niger. Samori battit
ses adversaires lors du siège de Kumba
(1875-1876)
et la
prise de Baro en 1876 lui ouvrit la porte du Niger.
Il
allait désormais utiliser ses forces à soumettre le Haut-
Niger dont Kouroussa et Nora lui
(1) Y. Persan, op. ciL, LI,
p.295.
(2) Pour une étude sur Samori et Kankan voir aussi Kaba Lansiné
"Islam, Society and politics in pre-colonial Baté (Guinea)" ~n
B.I.F.A.N. XXXV, B, 2, 1973, pp.163-167.
881
"fermaient respectivement l'amont et l'aval
du fleuve"(l).
La chute de ces deux bases consolida l'emprise de Samori
sur le Haut-Niger
(1878).
Le conquérant se tourna alors
vers l'ouest et s'empara du Balèya et de l'Ulada
(1878)
pays Dyalonké où dominaient des clans Karama. En réalité,
il
visait les frontières du Futa-Dyalon pour contrôler l'une
des voies commerciales qui menaient à la mer. Agibu qui
venait de prendre la tête des Toucouleurs à Dinguiraye tenta
vainement de récupérer le Baleya qui s'était autrefois placé
sous la tutelle de son père EI-Haj Umar. Après cet éclatant
succès, Samori descendit la rive gauche du Niger et plaça
sous sa tutelle les pays de l'or
(Buré,Bidiga). Pendant qU'il
volait de victoire en victoire dans le nord, les Sisé
envahirent le Sankara. Samori invita les Kaba à l'aider à
combattre Sèrè-Brèma mais il essuya un refus poli. Avant
de marcher contre les Sisé, Samori négocia avec les Almami
du Futa-Dyalon le libre passage de ses caravanes vers
Freetown où il entra en contact avec les commerçcants bri-
tanniques pour le commerce des armes.
Samori se tourna ensuite contre les Sisé qui,
depuis 1878, avaient obligé le vieux roi Sèrè-Burlay à
confier l'armée à Mërlay l'aîné des fils Sèrè-Burlay,
le
frère de Sèrè-Brèma. Mërlay rêvait lui aussi de se consti-
tuer un vaste Empire. rI décida d'étendre ses conquêtes
vers l'ouest, cherchant à son tour une route vers la mer à
la demande des dyula, visant ainsi le même but que Samori.
En novembre ou décembre 1879, Samori regagna Bisandugu
et organisa la lutte contre les Sisé après le refus de
(1) Y. Persan, op. cit., p.321.
882
Sèrè-Brèma de rappeler ses neveux en deçà du Dyo.
Il parvint
à isoler Mërlay dans le Moriulédugu
(décembre 1879 -
janvier
1880) et le captura vers le début de l'année 1880. Cette
victoire assura défintivement le prestige et la puissance de
Samori qui venait de démanteler la redoutable armée des Sisé.
Samori allait s'atteler à soumettre les Kaba de Kankan et à
briser la dernière résistance des Sisé.ln1880-1881, ses
troupes s'emparèrent de Kankan après un long siège et impo-
sèrent à la ville une contribution de guerre et firent
déporter de nombreux notables tidyani au Konyan et dans le
Gundo.
Sèrè-Brèma, ~e se sentant pas en sécurité, s'allia
à Gbankundo - Saghadyigi et marcha contre Samori au début
de l'année 1881. Le souverain de Madina fut encerclé à Woro-
koro.
Fait prisonnier i l fut déporté dans le Mana
(au con-
fluent du Milo et du Baulé). Samori
"demeurait seul en scène et personne ne pouvait
récuser son hégémonie depuis les sources du
Sassandra jusqu'aux frontières des Toucouleurs
et du Futa-Dyalon" (1) •
Il reçut le ralliement du Kabasarana d'Odienné gouverné par
Mangbè-Arnadu ; ceci lui ouvrait en 1881 la route vers l ' e s t .
Le conquérant, apprenant que des révoltes avaient éclaté
dans le nord, notamment à Kenyera, prépara la campagne du
Niger. La prise de Kenyera, et l'exécution aveugle des oppo-
sants de cette dernière localité opposèrent Samori pour la
première fois aux Français, notamment à la colonne de Bor-
gnis-Desbordes
: c'était en effet le début de la politique
d'expansion française au Soudan,
à partir de Kita.
Le 1er
février 1883 une colonne française sous les ordre de Borgnis-
(1) Y. Persan, ~. cit., t.I, p.343.
883
h>esbordes s'empara de Bamako menaçant ainsi la liaison de Samori
avec les marchés du Sahel gui le ravitaillaient en chevaux.
Le 12 avril 1883 Borsnis-Desbordes vainquit Kèmè-Brèma, le
frère de Samori et se rendit maître du nord Manding. Cet
acte eut de graves conséquenc~s sur la politique de Samori.
Adossé au sud à
la forÊt,
bloqué au nord par la présence
française,
le conquérant ne pouvait agrandir son Empire que
dans deux directions \\vers l'ouest E:t vers l'est. Nous allons
nous intéresser aux campagnes orientales de Samori qui va se
heurter au Fama du Kér.édugu.
L'extension de l'Empire samorien
vers l'est ~evait lui permettre de contr&ler la route des
chevaux. Yves Person a raison d'insister sur ce point
ilIa pu issance mi l i ta ire dl! nouvel Empir e
dépendait pour une bonne part de la cavalerie,
dont la remonte posait des problèmes diffi-
ciles dans ces terres dt! sud,
où l'élevage
des chevaux était impossible. Depuis des
ann~es, Samori, veillait donc à acheter les
montures de ses hommes sur les marchés du
Sahel. On a vu que son expansion militaire
visait FrÉcisément à en contr&ler l'accès
en remontant vers l~ nord, le long des routes
du kola.
L'irruption des Français à Bamako
et le désir d'éviter une lutte à mort contre
les Toucouleurs de Ségou, venaient cependant
de ruiner ses projets. Les relations de
Samori avec le Sahel dépendaient désormais
de la bonne volonté des plus inqu~étants de
ses voisins,
et ceux-ci pouvaient aisément
affaiblir sa puissance militaire s ' i l leur
plaisait de gÊner sa remonte.
Il ét2it donc
naturel qu'il se tournât vers la Boucle du
Niger, dont la production chevaline ne le
cédait guère qu'à celle du nord, particuliè-
rement en
pays Mosi.
Les dyula pouvaient
s'y rendre en longeant la rive droite du
Bani,
ce PL:ninko où divers groupes Bambara
poursuivaient la r~sistance aux Toucouleurs
ou bien encore en traversant le royaume du
Kénédugu.
Sameri avait dès lors intér~t à se
rendre maître èe ces routes,
comme celles de
la mer,
sur la plus grand~ longueur possible,
c'est-à-dire jusqu'au Bagoé où il allait
toucher aux frontières du Faama de Sikasso ll (l).
(1)
Y. Persan, op. ~~.!., LI, p.489.
884
Or, d'après le traditionaliste Amadou Berté, c'est précisé-
ment au moment où la route du nord était ferrr.ée à Samori
que Tyèba à son tour ferma ses frontières à l'Almami qu'il
soupçonnait à juste titre de vouloir un jour conquérir son
pays ( 1 l .
Quoi qu'il en soit, dès novembre 1883, les forces
samoriennes allaient déferler du Baulé aux rives du Bagoé
réalisant la conquête du Tyendugu, du Nyené, de Tengréla,
du Ngwèlè et du Baninko où ils se heurtèrent aux frontières
du Fafadugu qui allait devenir d'ailleurs l'allié de Samori
contre le Kénédugu. Tous ces territoires furent organisés
vers la fin de 1884 en une province militaire centrée autour
~e la garnison de Bafagha et confiée à Tari-Mori qui reçut
pour mission de surveiller le Kénédugu et
"de poursuivre l'expansion vers les sources
du Bagoé,
la seule frontière de l'Empire
qui restit encore ouverte"(2l.
Tyèba avait suivi avec une certaine inquiétude
l'installation des samoriens à l'ouest de son Etat. En 1884,
dès la fin de Ja saison des pluies,
il
intervint dans
les pays bambara;
il profita du mécontentement qui grondait
au sein de ces populations qui refusaient la nouvelle poli-
tique samorienne les contraignant à embrasser l'Islam, avec
une rare brutalité. Sa.mori venait en effet de troquer son
titre de Fama contre celui plus prestigieux d'Almami. La
conversion à l'Islam et la destruction des idoles des popu-
latoins animistes soumises créèrent des mécontentements au
sein des Barr,J,ara et des Sénufo. Le souverain de Sikasso crut
(1) Amadou Berté, Sikasso,
le 28-4-1979.
(2)
Y. Person, 0e.. ciL, LI, p.497.
885
donc le moment venu de se d~barrasser du voisinage de
Samori.
Il envoya sur
le Bagoé une forte armée commandée
par son frère Syaka et
"interdit au même moment
à SéS dyula de
vendre des chevaux à Samori, qu'aucun geste
n'aurait pu
irriter davantage"(1).
Tyèba répondait du même coup à J'appel des Bambara d~ses
pérés
; en effet
,
"l'interdiction radicale des cultes anciens
ébranlait tout l'ordre social des vaincus
et compromettait dans leur ~sprit la f~con
dité naturelle de la terre et des hommes
;
bref,
elle leur enlevait leurs raisons de
vjvre. Ces rudesses,
venant après les lourdes
levées d'hommes et è,e vivre-:s qui avaient E'uivi
la soumission,
parurent insupportables et on
comprend que ces hommes se scient laissés aller
à un sursaut d~sespéré. Pour avoir quelques
chances de succès,
il se tournèrent naturelle-
me~t vers la seule srande puissance qui se
trouvât en position dé les aider,
et dont la
tolérance religieuse ~tait manifeste .•. "(2).
La guerre était désormais
inévitable entre Tyèba et J'Almami.
b)
La guerre sur le Eagoé
Syaka n'eut aucune peine à chasser les samoriens
qui avaient effectué des raids dans lE Gana.
Il entra dans
le Nyené et
infligea unE cinglantE défaite aux Samoriers à
Fala et 2 Dukaa. Cette victoire poussa de nombreux kafu bam-
bara à rejeter l'autorité c1e Samori. Syaka obtint ainsi une
tête de pont
à
l'ou~~t du Bagoé. En décembre 1884, les
guerriers de Tyèba s'emparèrent d'une grande partie du Tyen-
dugu et menacèrent Bafagha,
la résidence de Tari-Mori. En
(1) Y. Persan, op. ciL, LI, p.S03.
(2) Y. persen, op. ciL, LI, p.Se3.
886
décembre 1884 -
janvier 1885, Tari-Mori vaincu s'enferma à
Bafagha. Tyèba remporta partout des victoires;
il b2ttit
Tari-Mori devant Bafagha, mais hésita à faire le siège de la
ville. Ce demi-succès encouragea la r~volte dans le sud du
Baninko. Tyèba h~sita cependant à intervenir plus loin vers
le sud à cause des Watara qui incitaient eux-aussi les Tusy~
et les Turka à secouer le joug du K~n~dugu. Apprenant la
r~volte des Tusya et des Turka soutenus ~2r les Watara du
Gwiriko il rentra pr~citarnment à Sikasso en laissant Babèmba
à Kolcni.
Samori, profitant de la situation ,
d~richa les
guerriers du Wasulu à Bafagha sous la conduite de Bolu-
Mamuàu et fit ex~cuter 'far i-Hor i ;
j 1
crdcnna à son frère
Kèmè-Brèma de porter le gros de son arm~e à Bafagha. Babèmba
lutta d~sesp~rément contre les forces samoriennes qui prirent
Kolcni. Samori n'eut pas aussi le temps d'exp10iter cette
victoire car les Français venaient de rejeter les sofa sur
la rive droite du Niger
;
il fut donc contraint de diriger
toutes ses forces vers le nord. Mais en octobre 1885, le
èanser français étant momentanément écart~, Samori employa le
Foroba la grande arrrée de r~serve dans l'est, dans la lutte
contre Tyèba et contre le Bana qui,
comptant peut-itre sur
) 'appui des Frençais,
s'~tait révolté en août(1) et avait
mis à mort l~s scfa et la plupart des dugukunasigi.
KÈ'mè-BrÈ·ma se charsea de l~ ré1·ression et dès le
début de l'annÉe 1886 la révolte du Bé:na ~tait
"écrè.séeet toute menace éc:artée de la route
Faraba-Bafagha" (2)
(1)
Y. Persan, op. ciL, LI, p.507-509, Tyèba avait engagé dès le mois
de juillet 1885 de~ négociatior.s avec les Français.
( 2 )
l b i à e m ,
op. ciL, p. 509.
887
mais le pays était ruiné et la population dispersée. L'armée
samorienne laissait ainsi après son passage des villages
incendiés et des terrains couverts de cadavres. Elle semait
la dÉsolation partout o~ &lle passait.
AL~ sud, Bolu Hamudu alla i t de succès en succès
i l réprima les insurgés et fit reculer la pression des troupes
du K~n~ctugu. Après la défaite de Syaka à Futyèrè, les samQ-
riens retrouvèrent leur fr0ntière de 1884 ; mais les deux
aonées de guerre
"avaient transformé en désert ces marches
jusque là riches et peuplée.s tô.ndis que les
domaines du Kénédugu demeuraient intacts(1)".
c)
La guerre de Sikassc et ses conséquences
Les guerres sur le Bagoé avaient permis à Samorj
de se fair@ une idée de la. puissance du Kénédugu dont il
avait eu des échos auparavant par l'intermédiaire des dyula
de Bisondugu. De ce fait,
le conquérant agit sans précipi-
tation en prenant sein de lancer une mobilisation généraJe
et de s'assurer que pendant son absence les Français ne
l'attaqueraient pas par derrière. A partir dE la fin de
l'année 1886 pendùnt qu'il mettait sur pied la granoe expé-
dition contre le roi de Sikasso,
il allait signer eeux trai-
tés avec les Français, le traité de Kènyèba-Kura
(16 avril
1886) (2)
et celui de Bisandugu
(25 mélIS
1887) dans lequel
Sameri consentait même à renoucer définitivement ~ tout
droit sur la rive gauche du Kiger en aval du confluent de
Tinkisso et à placer
(1) Y. Persan, op. cit., t.I, p.511.
(2)
Il s'agit d'un traité de paix et de commerce avec la France qui ne
sera ranpu qu'en 1891. Voir à ce propos Y. Persan, t.lI, p.687-690
et 698-701.
888
"lui, ses héritiers et ses états présents
et à venir sous le protectorat de la
France" (1) .
Rassuré du cOté français,
Samori rassembla ses
fo~ces afin d'aller détruire le Kénédugu. Voici ce que
Person écrit à propos des troupes de Samori
:
"Les forces rassemblées étaient énormes à
l'échelle du pays, et Samori les répartit
en plusieurs grandes unités tactiques, plus
nombreuses que les gouvernements.
Il confia
ces formations originales à des hommes nou-
veaux et sars, auprès desquels i l plaça ses
fils.
Les chefs des gouvernements militaires
gardèrent cependant le contrOle direct de
leurs troupes et coordonnèrent l'action des
nouvelles unités,
si bien que les principales
responsabilités de la guerre allaient quand
même leur incomber" (2) .
Il est difficile d'évaluer le nombre de guerriers
que Samori engagea dans la guerre qu'il préparait contre
Tyèba. 5arnori allait non seulement utiliser dans la bataille
les forces rassemblées, mais aussi le Foroba, la grande
armée de réserve commandée par Manigbè Mori et les troupes
de Farabu qui stationnaient au nord sous les ordres de
Kèmè-Brèma.
Samori avait ainsi
"amassé contre Tyèba la quasi-totalité des
forces dont i l disposait" (3)
(1) Y. Person, op. ciL, LII, p.7Üü. Samori espérait-il une aide de la
France? La-chose-paraît peu vraisembble en mars 1887, mais plus
tard Samori tentera d'exploiter le traité de Besandugu.
(2)
Ibidem,
op. cit., t.ll, p.757.
(3)
Ibidem,
9~. cit., t.ll, p.763.
889
Grâce aux informations fournies par Binger en
septembre 1887, on peut estimer que Samori avait rassemblé
12.000 personnes au début du siège(2).
Person nous explique que compte
"tenu des pertes qu'il comblait régulièrement.
Samori paraît avoir employé 18 à 20.000 hommes
devant Sikasso, mais ils ne furent jamais
réunis au même moment
( . . . )Tout considéré,
il paraît raisonnable d'accepter un total
général de 30 à 35.000 hommes pour le début
de la guerre. Plus de la moitié d'entre eux
auraient participé d'une façon ou de l'autre
au siège"(2).
Dans le camp de Samori i l y avait donc
"de
dix à vingt mille bouches à nourrir, et
cela pendant près d'un an et demi" (3) .
Une telle masse ne pouvait pas vivre sur un pays dévasté par
la guerre, du Bagoé jusqu'au Baulé.
Samori allait avoir à livrer bataille loin de sa base
et à nourrir toutes les personnes qu'il avait réunies.
Il
semblait avoir pensé au problème de ravitaillement d'autant
plus que,
"du Bagoé jusqu'au Baulé, sur près de trois
cent kilomètres de profondeur, le pays était
(1)
Voir Person, op. cit., t.II, p.763. Binger avait vu l'armée de
Samori au m"ment où son effectif était le plus bas, en septembre
1887, Samor: n'aurait disposé que de 5.000 combattants après en
avoir perdu un millier depuis le début des combats. Cf. Binger,
op. cit., t.I, p.99. A propos des troupes de Samori nous avons aussi
des chiffres
de Quiduandon. Cet dernier nous apprend en 1889 que
Samori avait 25.000 homme et Tyèba 10.000 lors de la guerre contre
Sikasso. Voi~ à ce sujet, B1J1Jetin de la Société de Géographie
commerciale de Bordeaux, 1893 , dans lequel Quiquandon avait publié
de riches traditions orales recueillies à Sikasso.
(2)
Y. Person, op. cit., t.II, p.899.
(3)
Y. Person, op. cit., t.II, p.763.
890
dévasté et désert depuis 1885"(1)
à cause précisément des guerres samoriennes. Pour faire face
à la situation il ordonna à ses dugukunasigi de stocker les
récoltes
"dans presque chaque village; et "toute vente
de produits vivriers était interdite sur les
marchés depuis la fin de 1886. Les agents de
Samori étaient désormais les seuls acheteurs
de grains et ce monopole, qui irritait les
Français de Bamako, était toujours en vigueur
au passage de Binger et ne sera levé qu'en
1889 ... (2). Des stocks importants furent
ainsi constitués à travers tout le pays si
bien que Samori, malgré l'approche de la sou-
dure, ne risquait pas la disette quand il
marcha sur le Kénédugu" (3) .
Au début du mois de mai 1887, Samori attaqua en
force l'armée de Tyèba ; ce fut un échec; la cavalerie
tarawéré repoussa les sofa et obligea l'Almami à renoncer
à un assaut frontal
. Ce dernier ordonna la construction
d'une série de Sanyé(4)
"sur les collines qui dominent les murs de
la ville à trois kilomètres vers le cou-
chant ... " (5)
(1) Y. Person, op. cit., p.763.
(2) Si nous tenons compte de la brutalité avec laquelle les samor1ens
obtenaient les céréales sur le marché de Dabakala après
l'occupa-
tion du Dyimini en 1894, on peut affirmer que Samori "achetait" les
grains à des prix dérisoires qui ont dû mécontenter les paysans de
son Emp' ·è, cf la grande révolte de 1888.
(3) Y. Person, op. cit., t.II, p.763-764.
(4) Il s'agit de barricades réalisées avec des fortes branches de 2,50 à
3 fil de hauteur, enfoncées
d'environ 30 centimètres en terre et
enchevêtrées les unes dans les autres de manière à présenter deux
ou trois épaisseurs. A l'intérieur des sanyè on construisait des
abris de chaume pour les combattants.
(5) Y. Person, op. cit., t.II, p.759.
891
et baptisa le lieu Héérèmakono (attends le bonheur). Cet
optimis<~ de Samori s'envola d'ailleurs très tôt car ses
armées subirent coup sur coup des échecs retentissants et
au mois de juin, Samori se trouvait dans une situation
difficile. L'Almami et ses hommes se trouvaient presque
investis dans leur camp.
"Les convois de vivres ne passèrent plus et
ils se virent couper de leur point d'eau
alo~s qu'une sécheresse exceptionelle retar-
dait les pluies. Celles-ci finirent cependant
par tomber, ce qui épargna à Samori l'humilia-
tion de battre
en retraite et lui permit
d'attendre l'arrivée de Langama-Fali" (1)
qui venait de Sierra-Léone avec une forte armée et des
munitions.
L'arrivée du nouveau venu ne semble pas avoir
impressionné Tyèba qui harcelait chaque jour davantage les
troupes de Samori mal ravitaillées en vivres. Voici le
témoignage de Binger :
"Le pays de Samori était divisé en un certain
nombre de provinces ou de districts, corres-
pondants à l'ancienne division en confédéra-
tion. A la tête de chaque province se trouve
un chef, frère ou fils de l'almami ou chef
de colonne, qui a sous ses ordres les chefs
de village et les dougoukounasigi.
Lorsque
ces gouverneurs partent en guerre
avec leur escorte permanente, leur.ssofa,
ils
procèdent à la levée des guerriers dans le
pàys et se portent sur le théâtre· de la guerre.
Le plus influent chef du village ou dougou-
kounasigi les remplace dans leur commandement
territorial et organise
le ravitaillement.
(1) Y. Person, op. cit., t.rr, p.761. D'après Person, une centaine de
guerriers deLangama-Fali étaient même pourvus de fusils à répéti-
tion de marque Peabody connus dans les sources orales sous le nom
de da-ta (dix bouches).
892
A des intervaTIes à peu près réguliers, une
partie du produit du champ cultivé pour le
compte de l'almami dans chaque village est
mi~en route vers le théâtre de la guerre
à l'aide des porteurs. Ces vivres sont desti-
nées à l 'ct.imami, seul qui en dispose comme i l
l'entend. Le chef réquisitionne de son côté
pour lui la troupe de son chef direct et fait
les envois à la colonne; d'autre part,
tous les malheureux qui ont des parents à
l'armée leur envoient quelques provisions
quand ils en ont, et à la condition seule
qu'ils ont obtempéré aux réquisitions qui ont
été faites chez eux, sans quoi leur bien est
confisqué.
Tout ce monde constitue un convoi de quelques
centaines de porteurs ayant chacun une charge
de 10 à 15 kilos, emballés dans un foufou
(panier)
( . . . ) Les convois marchent générale-
ment escortés de gens de renfort qui sont
envoyés à la colonne , ou bien sous la conduite
de griots.
Il Y a dans ces convois des hommes, des
femmes et même des enfants
( ... )
C'est inimaginable, ce tableau, ces faces de
toutes nuances, depuis le rouge brun jusqu'au
noir d'ébène, pour la plupart hideuses qui
vous font croire qu'on vit au milieu de démons.
Ils circulent par le village, cherchant à se
voler les provisions; d'autres, trempés
par la pluie, sont nus et sèchent leurs
hardes aux feux.
Mais le plus grand nombre, vaincus par le
sommeil et la faim, dorment pour oublier. Les
cadavres en décomposition
qu'on rencontre
par-ci, par-là dans les ruines, répandent
une ordeur infecte qui m'empêche de fermer
l'oeil de la nuit
( ... )
Pendant l'aller et mon séjour
(au camp de
Samori)
j'ai 'pu à peu prè's me rendre compte
qu'il arrivait environ 200 foufoutigui par
jour, ce qui fait environ 2.000 kilos de
denrées, qui, si elles étaient réparties
équitablement et à raison de 250 grammes' par
homme
(juste ce qu'il faut pour ne pas mourir),
893
permettaient de distribuer 8.000 rations par
jour. Mais il n'en est pas ainsi et beaucoup
de chefs de l'entourage de l'Almami et cer-
tains personnages ne se contentent pas de si
peu et puisent à plein~mains, tandis que
5.000 malheureux sur les 10.000 combattants
et non-valeurs meurent littéralement de faim.
C'est ce qui explique la grande quantité de
cadavres qui jalonnent la route.
Pour vivre ces malheureux vont par bandes
dans les lougans des villages abandonnés,
y coupant du fonio, des tiges de mai~ errent
dans la brousse pour y déterrer des fikhongo
(tubercules) et des racines. La nuit ils cher-
chent à se voler les uns les autres et
malheur à celui qui ne se couche pas sur sa
peau de bouc ou son sachet à vivres ! Du sel,
l'Almami et les chefs seuls en ont"(1).
Malgré la situation dramatique dans laquelle vivait
Samori et qui provoquait des désertions au sein de son armée,
l'Almami va persister dans son entêtement à vouloir prendre
Sikasso.
"J'ai dit, en partant de Bissandougou, que
je rapporterais la tête de Tyèba et il me
la faut. Je resterai ici encore deux, trois
ans s ' i l faut, mais je veux sa tête",
disait Samori à Binger qui lui conseillait de faire la paix
avec Tyèba(2). L'explorateur avait compris que l'Almami
n'avait aucune chance d'emporter la place. Mais Binger
n'était pas seul à avoir pris conscience du drame samorien.
On allait assister dès le mois de juillet à la défection de
la colonne de Tengréla.
(1) Binger, op. cit., t.I, p.70-72 et 99-100.
(2)
Ibidem, op. ciL,
LI, p.108.
894
R~ssemblant toute son énergie, Samori lança une
première grande offensive en janvier 1888, elle se solda
par un désastre.
Il perdit son fils Masé-Mamadi et Langama-
Fali et la plupart des fusils à répétition tombèrent aux
mains de l'ennemi.
En juin, i l lança sa deuxième grande
offensive après avoir sollicité vainement l'appui de la
France(1).
Il remporta quelques-brillants succès mais au
début du mois de juillet, au cours d'une escarmouche, Kèmè-
Brèma fut tué et Manigbè-Mori, le frère de l'Almami fut fait
prisonnier.
Samori tenta vainement de négocier avec Tyèba,
mais il échoua et le Fama de Sikasso exécuta son frère.
D'après Person, cette exécution fortifia le moral des défen-
seurs qui
"frôlaient alors le désastre" (2) .
La soudure avait installé la disette chez Tyèba pour la
première fois depuis le début du siège. Samori fit alors
appel à son gendre Amadu Turé d'Odienné qui menait des com-
bats difficiles dans les confins du Worodugu. Mais Samori
était dans une situation intenable. Le problème du ravitail-
lement, devint plus grave qu'en 1887 dans un pays épuisé.
Dès le mois de juin 1888, des révoltes éclatèrent un peu
partout au sein de l'Empire:
le poids de la guerre devint
insupportable pour les paysans.
Samori n'ayant plus rien à
manger, coupé de sa base s'avoua vaincu et dans les derniers
jours d'août 1888
"profitant d'une nuit sombre et pluvieuse,
il
prit la route de l'ouest avec une faible
escorte en laissant Managbè Mamadi,
le
successeu~ de Kèmè-Brèma diriger la retraite
de l'armée" (3).
(1) Il réclamait des canons et 30 tirailleurs. Cf. Binger,
op. ciL, LI, p.108.
(2) Y. Person, op. cit., t.l, p.770.
(3)
Ibidem,
op. ciL, LI, p.771.
895
èette retraite semble avoir soulagé Tyèba.
Il ne chercha
pas à s'opposer au départ des Samoriens. Honteux, l'Almami
regagna son pays natal.
Le bilan de cette guerre fut lourd dans les deux
camps. L'obstination de Samori s'était terminée par un
désastre. Les pertes en vies humaines furent considérables.
L'Almami a vu disparaître beaucoup de ses meilleurs compagnons
et les plus brillants de ses frères.
Les sofa qui trouvèrent
la mort dans le camp de Samori pourraient se chiffrer par
plusieurs milliers, sans compter ceux qui périrent à cause
des effets de la famine(1).
"Le pire était cependant la chute du prestige
du souverain"
car elle mettait en qanger toute la construction impériale
de Samori.
"Son invincibilité cessait d'être un dogme
et de ce fait les masses animistes n'étaient
plus disposées à subir n'importe quelle
politique" (2) .
Le granè
vainqueur de ce duel demeurait Tyèba.
Mais ce dernier, éprouvé par de longs mois de combats, hésita
à poursuivre son ennemi dans ses anciens domaines où souf-
flait cependant de toutes parts le vent de l'insurrection
dans le camp de l'Almami.
Il faut dire que les Français qui
souhaitaient la destruction de l'Empire samorien attendaient
la poursuite de l'Almami et la chute de ce dernier qui devait
(1) Quiquandon estimait les pertes de Samori à 7 ou 8.000
hommes et Tyèba
n'aurait perdu que 5.000 hommes. Pour Binger, Samori aurait perdu
10.000 hommes. Dans ce chiffre il faut inclure les porteurs qui
périrent en grand nombre de faim et de misère sur la route des étapes.
Cf. Binger, l, p.66. La route qu'avait empruntée Binger pour se
rendre dans le camp de Samori était jonchée de morts.
(2) Y. Person, op. cit., t.ll, p.772.
896
.
en résulter. Tyèba, au contraire, profita du départ de ses
ennemis pour reconstituer ses forces afin de diriger ses
armées vers le Gwiriko. Pendant ce temps, Managbè-Mamadi se
retirait sur Bafagha avec le gros des forces et Bila et Alfa,
deux généraux de Samori occupèrent le Folona. Tyèba ne tolé-
ra pas ce dernier fait et, en mars 1889, il reprit cette
région aux Samoriens. Grâce à une politique habile Tyèba
détruisit le 8 mars 1891 l'Etat du Fafadugu qui depuis vingt
ans constituait une menace permanente pour son Royaume.
Tyèba avait enfin reconstitué le grand Etat de Daula et vou-
lait maintenant se consacrer à ses campagnes orientales. Mais
les Français qui voulaient l'exploiter pour combattre Samori
le détournèrent de ce projet pendant un an
(du 8 mars 1891
au 18 mai 1892). Tyèba, malgré ses promesses aux Français,
ne voulait pas user ses forces au profit de ces derniers et
Marchand le comprit très bien.
Il consacra l'essentiel de
son temps à fortifier sa ville et le 18 mai ~p.rès le départ
de Marchand et de Grall, il reprit ses conquêtes vers l'est.
4. -
Tyèba reprend la guerre contre les watara
a)
Les causes
Tyèba, nous l'avons vu, dès son avènement, avait
décidé de conquérir le Gwiriko pour punir les w~tara et les
Bobo-Dyula qui le trai~ient d'ancien captif(1) mais aussi
et surtout pour contrôler la route commerciale orientale qui
reliait Dienné à Kong. En 1891, débarrassé de Samori et du
Fafadugu il allait se tourner vers les Watara de Bobo-Dioulasso
(1) liA Dioufourma, il est interdit sous peine de mort, de désigner Tyèba
par le titre de Fama ••• Il ne semble guère possible en effet d'amener
un accord entre les deux adversaires. L'un ne veut pas pardonner à
d'anciennes querelles de famille;
il se souvient surtout qu'il a été
fait captif par les Ouattara et vendu ; il sait que les Ouattara le
disent. Les autres ne veulent pas oublier qu'après s'être battus pour
Daoula ils ont vu Daoula refuser de se battre pour eux (allusion) à
une tentative d'alliance entre \\&tara et Tarawéré contre les Bobo-Dyula)
Cf. Rapport Crozat, A.S.O.M., 231 Mi, bobine n08, dossier 2.
897
et de Kong qui avaiert aggravé leurs cas en commettant un cer-
tain nombre de maladresses.
1°/
La révolte de Suri
Peu de temps après le début du siège de Sikasso
par les forces samoriennes, des insurrections éclatèrent ça
et là à la frontière orientale du Kénédugu. L'une des plus
importantes fut celle de la province Bolo de Suri qui réussit
ainsi à proclamer son indépendance et à massacrer la petite
garnison que le Fama de Sikasso avait laissée dans le pays
pour surveiller les:'Jatara. Les Nanergè rejetèrent l'auto-
rité de Sikasso et s'attaquèrent souvent aux caravanes qui
tentaient de ravitailler Tyèba en armes et en chevaux. Le
souverain de Sikasso accusa les Watara d'être à l'origine
de ces rebellions. Ces accusations étaient-elles fondées?
Il est difficile de répondre à cette question. Les watara
reconnaissent que les princes du Makuma faisaient de nom-
breuses expéditions dans le Kokoro et le Kuruma afin.de
protéger les caravanes dyula qui traversaient ces pays qui
reconnaissaient vaguement leur autorité.
Les versions watara sont confirmées par le rapport
Crozat qui nous montre que vers 1890 les relations étaient
coupées entre le Kénédugu et Bobo-Dioulasso à cause des
razzias et des attaques de caravanes ; Crozat dénonçait les
habitudes pillardes des Nanergè(1).
Il n'est cependant pas
impossible que les y,1 atara qui intervenaient régulièrement
dans ces régions aient soutenu la révolte de Suri contre
l'autorité de Sikasso(2). Quoi qu'il en soit, Tyèba rendit
(1) A.N.S.D.M •• 231 Mi, bobine 8, dossier 2.
(2) Tyèba utilisera comme prétexte le fait que les gens de Suri insul-
tèrent son hôte Monteil et s'emparèrent de son fusil pour imposer
à nouveau en 1892 son autorité dans le pays. Cf. Monteil, 1893.
p.80 et Y. Person, op. cit., t.III, p.1314.
898
ses anciens ennemis responsables des révoltes qui éclatèrent
à partir de 1887 dans ses provinces orientales et décida,
à
partir de 1891, de conquérir purement et simplement le
Gwiriko.
2°/
La question des taxes
En 1887, lorsque Tyèba fut assiégé par les forces
samoriennes, il eut besoin de sa puissante cavalerie et
des
armes à feu pour résister aux assauts de Samori. Dans ces
conditions i l allait être contraint de se plier aux exi-
gences du Gwiriko qui contrôlait la route des chevaux du
Mosi et surtout celle des armes à feu et de la poudre qui
lui venaient de la côte par l'intermédiaire de Kong. Les
Katara ne refusèrent pas de ravitailler Sikasso et, comme
le souligne Yves Person, ils le
"faisaient sans doute de bon coeur en 1887 car
la perspective d'une invasion ne leur sou-
riait guère"(1).
Mais les Watara, pour punir Tyèba d'avoir proféré
des menaces de guerre contre eux,
imposèrent des taxes
énormes aux produits qu'ils livraient à Sikasso. Les watara
de Sungaradaga et de Kotédougou reconnaissent aujourd'hui
que leurs parents vendaient à Tyèba les chevaux et la poudre
cinq fois plus cher que Samori ne I~ achetait aux marchands
de Sierra-Léone(2). Pour se faire une idée du prix des
chevaux et de la poudre, écoutons Binger qui fut un témoin
oculaire :
(1)
Y. Persan, op. cit., t.II, p.788, note 33.
(2)
Cf. Soma Ali (Sungaradaga, 26-2-1979), et Kongodé Ouattara
(Kotédougou, 2-3-1979).
899
"La quantité de poudre consommée est considé-
rable. J'ai calculé que Samory a dU dépenser
à peu près 800 captifs par mois pour l'achat
de sa poudre. Un simple calcul suffira pour
le démontrer.
L'armée de Samori était de 5.000 homme(1)
devant Sikasso ; en admettant que chaque homme
ne tire que 5 coups de fusil par semaine, cequ i
n'est pas énorme et bien au-dessous de la
vérité, nous arrivons à 25.000 coups de fusil
par semaine à 0 gr. 040 la charge, total 1.000
kilogrammes par semaine; et pendant 18 mois
72.000 kilogrammes de poudre.
Le prix d'un esclave à la colonne était d'en-
viron 4 à 6 kilogrammes de poudre suivant le
sexe et l'âge;
il Y en avait même, et
c'était le plus grand nombre,
les enfants, qui
n'étaient payés que 2 à 3 kilogrammes; mais
nous conservons notre moyenne de 5 kilogrammes
pour éviter d'apprécier en trop et de tomber
dans l'exagération. Cela nous donne une dépense
totale de 14.400 esclaves pour la totalité de
la campagne ou environ 800 esclaves par mois,
vendus pour la poudre" (2) •
Si nous appliquons ces calculs aux combattants de Tyèba qui
étaient environ 10.000 et si nous tenrn.s compte du fait que
le Fama de Sikasso payait la poudre cinq fois plus cher
pour se ravitailler régulièrement, il devait offrir aux
Watara 8.000 esclaves environ par mois, ce qui est énorme
quand on sait que la guerre de Sikasso a duré 18 mois. Le
Fama de Sikasso dut éprouver d'énormes diffcultés pour
s'approvisionner en armes auprès des Watara.
Binger fait aussi un calcul pour les chevaux et
écrit
(1) Pour l'effectif de l'armée de Samori, V01r les chiffres proposés
par Y. Person que nous avons signalés plus haut. L'armée de Tyèba
d'après ce que nous avons dit comptait 10.000 combattants.
(2) Binger, op. cit., t.I, p.l00.
900
"Pour l'achat des chevaux c'est encore pis
le plus bas prix d'un cheval à Ouélosébougou
ou ailleurs est de 8 esclaves et le plus élevé,
de 24. Prenons seulement comme prix moyen 10
esclaves et nous atteindrons de suite des
chiffres qu'il est écoeurant de transcrire,
surtout quand on pense que pour entretenir un
effectif moyen de 150 chevaux pendant,près
de deux ans i l faut renouveler quatre fois"(1).
Bloqué au nord par le Faladugu qui l'empêchait de recevoir
les chevaux du Masina, le Fama de Sikasso dut subir ici
aussi la loi des watara qui contrôlaient le commerce des
chevaux du Mosi et du Dafina avec le Kénédugu.
rl dut livrer
plusieurs dizaines de milliers d'esclaves a~x Dyula de Bobo
pour entretenir sa cavalerie(2). Les ~Iatara profitaient ainsi
de la situation dramatique dans laquelle se trouvait Tyèba
pour l'humilier et le ruiner. Selon Person, le Fama trouva
"déplaisantes les énormes commissions qu'il
versait à ses anciens ennemis et il décidera
d'annexer Bobo dès qu'il aura les mains li-
bres en 1891"(3).
3°/
L'étau français
Après sa victoire sur le Fafadugu et la fuite de
son dernier roi Kurumina,
le 8 mars 1891,Tyèba avait recons-
titué le vaste et puissant Etat que Daula avait mis sur pied
après 1840. Mais il dut en partie son succès à l'appui des
Français qui visiblement cherchaient à substituer leur domi-
nation à celle des rois nègres. L'amitié que les Français
témoignaient à cette époque au Fama de Sikasso était très
intéressée; les Français voulaient l'exploiter pour se
(1)
Binger, op. cil., loI, p.l00.
(2) Après la disparition du Fafadugu il reprit ses achats de chevaux au
Masina. En 1892 il acheta 3.000 chevaux au Masina qu'il paya avec des
captifs. Cf. Y. Person, op. cil., t.III, p.1368.
(3) Yves Person, op. cit., t.II, p.788, note 33.
901
âéfaire de Samori. Tyèba n'était pas dupe, il était persuadé
qu'après l'élimination de Samori les Français chercheraient
à conquérir son pays. Dans sa lutte contre l'Almami, il
avait tendu la main aux Français et ne savait plus comment
se débarrasser de ces derniers. Marchand d'ailleurs écri-
vait le 17 septembre 1891.
"Nous aurons la boucle (du Niger) en feignant
de lui (Tyèba) donner notre appui pour la lui
laisser prendre .•. Il est à ma connaissance
le seul qui puisse nous servir d'instrument .••
La conquête finie, la boucle à nous en droit,
il ne nous restera plus qu'à imposer à Tyèba
l'administration du pays"(1).
Le Fama de Sikasso était pris dans l'étau français
et ceci va expliquer ses tergiversations avec les autorités
françaises qui le poussaient à diriger toutes ses forces
contre les troupes de Samori au lieu de s'intéresser aux
terres de l'est. Tyèba était conscient des pertes qu'il
risquait de subir en attaquant Samori. Comme le souligne
Yves Person
1111 fallait traverser un pays inondé,
coupé
de nombreux fleuves, ou de marigots en crue,
dont les pirogues avaient été détruites ou
enlevées. Il allait lancer, au moment de la
soudure, de nombreux hommes dans une zone
pratiquement déserte où tout leur ravitaille-
ment dépendait du portage. On pouvait prévoir
que la plupart des chevaux, coûteux et diffi-
ciles à remplacer, périraient. Au bout de
cette aventure, l'armée de Sikasso risquait
d'ailleurs le désastre car la supériorité de
de Samori en armes à tir rapide était écra-
sar. e et jouerait à plein· en rase campagne ll (2).
(1) Extrait d'une lettre de Marchand résident à Sikasso à Archinard.
Cf. Y. Persan, op. ciL, t.III, p.1314.
(2) Y. Persan, op. ciL, LIlI, p.1313.
902
On comprend donc les hésitations de Tyèba, d'autant plus
que la mauvaise foi des Français
"vis-à-vis de Samori lia fâcheusement impres-
sionné.
Il ne doute pas que Samori écrasé,
son tour viendra bientôt" (1) •
Selon Yves Person, la prise de Ségou par les Français en
1891, l'avait bouleversé
"et il semble bien qu'il songeait déjà à
prendre ses distances, quoique certainement
sans rompre avec les Blancs" (2) .
En réalité, Tyèba allait surtout chercher à se faire oublier
des Français en se lançant dans une longue guerre vers l'est.
Ainsi, à partir du 13 avril 1892, le Fama de Sikasso prépara
méthodiquement des campagnes en direction du Gwiriko. Telles
sont à notre avis les raisons fondamentales qui poussèrent
Tyèba à intervenir dans le Gwiriko(3).
Il voulait fuir les
Français et conquérir le Gwiriko. Ceci allait pousser le
Fama de Sikasso à entreprendre la campagne du Barna.
b) La guerre
du Barna
1°/
Le prétexte
Depuis la fin de la guerre entre l'Almami Samori
et Tyèba en 1888, la voie orientale contrôlée par les Watara
semblait à nouveau fermée au Kénédugu. La chute du Fafadugu
avait permis à Tyèba de resserrer
ses liens avec Ségou et de
pouvoir acheter les chevaux du Masina.
Il pouvait sur ce
(1) Y. Persan, op. ci t. , t.III, p.1314 Vair Peroz, 1895, p. 105.
(2)
Ibidem,
or· ciL, LIlI, p.1314.
(3)
Ihidem,
op. ciL, t.III, p.1319.
903
point se passer des chevaux mosi. Mais la question vitale
demeurait le ravitaillement du Kénédugu en munitions.
Pour
se passer des services des Watara, Tyèba avait, en 1883,
imposé la supprématie de Zwakonyo Soro aux Sénufo de la
région de Korhogo. Par l'intermédiaire de ce dernier il
espérait maîtriser la route de Sikasso à la mer à travers
le Guro ou le Baulé et le Bandama par où
"venait une grande partie des armes du
Kénédugu"(1) .
Mais n'ayant pas réussi à briser la résistance des Nafambélé,
la vallée du Bandama fut pratiquement fermée et cela dès
1883, à l'influence et au commerce de Sikasso(2). Cette
situation avait amené le Fama du Kénédugu à se plier, devant
les menaces samoriennes, aux exigence des Watara comme nous
l'avons vu plus haut.
Tyèba avait besoin des fusils à tir rapide qui lui
venaient de Kong.
Il décida donc d'organiser ses propres
caravanes pour aller se ravitailler à Kong, à Bouna et à
Bondoukou. Il fit partir ses premiers convois en 1890 car,
d'après les traditions de Kong, les agents de Tyèba demeu-
rèrent deux ans à Kong à s'approvisionner en fusils et en
poudre avant de se faire arrêter dans le Gwiriko(3). Or,
comme nous le verrons, l'arrestation des hommes de Tyèba
interviendra au début du mois de mai de l'année 1892. Mais
pendant que les négociants de Sikasso s'approvisionnaient
en armes pour le compte de leur Fama, ce dernier avait
entrepris de rétablir l'ordre le long de ses frontières
avec le Gw.irikQ qu'il avait accusé dl être· à llorigine de la
(1)
Voir Y. Persan, t.lII, p.156t.
(2)
Ibidem,
L I l I ,
p.1S62.
(3) Voir à ce sujet : Karamoko üuattara, chef de Canton de Kong,
enquêtes du 12-4-1976 à Kong.
904
révolte de Suri(1). Poussé par le désir de châtier ses
ennemis, le Fama de Sikasso envahit à l'improviste les
états du Gwiriko et détruisit entièrement les villages
nanergè de Kuruma et de Kokoro en 1891. Tyèba avait-il
l'intention de pousser ses conquêtes plus à l ' e s t ? La chose
ne paraît pas invraisemblable.
Il semble qu'il ait été
détourné de cette voie par l'arrivée de Marchand le 15
juillet 1891. La prise de ces deux localités qui faisaient
partie des domaines des Watara se situerait donc peu avant
le 15 juillet 1891 (2) .
Les Watara conscients du danger que leur "ancien
esclave" faisait planer sur leur pays ne réagirent pas tout
de suite.
Ils allaient avoir l'occasion de le faire en mai
1892 au moment où Tyèba était occupé à soumettre
le
Minyanka et à détruire le puissant tata de Tyéré(3).
En effet,
d'après les sources orales de Bobo-Dioulasso ce fut peu
après la chute de Tyéré que Kongodé, le souverain du Makuma,
intercepta les caravanes de Tyèba qui à partir de Banfora
essayaient de regagner le Kénédugu(4). Cet événement serait
donc à situer peu après le 9 mai 1892, date de la destruc-
tion de Tyéré(5).
D'après Dominique Traoré
"piqué au vif, Tyèba Traoré envoya un ultima-
tum au prince Ouattara de la province de
Makouma" (6)
(1) Eh guise de représailles, Tyèba avait fait massacrer des karamogo de
:,uri qu 1 i l soupçonnait dl être à la solde des' watara de Bobo-Dioulasso.
(2) Cf. Y. Person, op. cit., p.1314-1315.
0) Ibidem,
op. ciL, t.UI, p.1320.
(4) Nos principaux informateurs sur ce point sont :
Ali Ouattara, Sungaradaga, 28-3-1979.
Kongodé Ouattara, Kotédougou, le 23-2-1979.
Marhaba, Bobo-Dioulasso, le 2-2-1979.
(5) Y.
Person, op. cit., LUI, p.1320.
(6) D. Traoré, op. cit., p.68.
905
dès qu'il fut informé de ce qui venait de se passer. Nous ne
pensons pas qu'au début du mois de mai, Tyèba ait envoyé
un ultimatum au souverain du Makuma qui était, non pas la
Mori Watara comme l'a cru Dominique Traoré, mais Kongodé.
D'après Ladji Kongodé,
le souverain de Makuma
Kongodé Watara
serait mort trois jours après le décès de Tyèba c'est-à-
dire le 30 janvier 1893. D'après ce même informateur,
Morifin n'a régné qu'une cinquantaine de jours. Il fut
remplacé à la tête du pays par Pinyèba, le frère de Kongodé,
probablement vers avril 1893. la Mori était d'ailleurs un
personnage faible,
il n'aurait pas eu le courage d'affronter
le Fama de Sikasso(1). Tout porte à croire qu'il usa de la
diplomatie afin d'essayer de récupérer son stock d'armes à
feu. En effet, la cargaison d'armes saisie par les Watara
était très importante, les traditions de Bobo-Dioulasso et
de Sikasso parlent de 500 à 600 fusils(2).
Cette diplomatie
n'était certainement pas étrangère à la présence de Momo,
la fameuse soeur de Tyèba à Bobo-Dioulasso (aoUt-septembre
1892) (3)
où elle aurait rencontré la princesse Dyimbé qui
"jouissait d'une grande audience aurpès des
Bobo-Dyula et des princes watara" (4) .
Elle aurait remis de somptueux cadeaux à la princesse
watara(5) .
(1) Cf. D. Traoré, op. cit., p.68.
(2) Makumadi Ouattara (né à Numudaga vers 1913), parle de SOO fusils
(Numudaga le 2-3-1979) Soma Ali donne le même chiffre environ SOO
fusils (Sungaradaga. 24-2-79). A Sîkasso le notable Amadou Kouyaté
parle de 600 fusils Sikasso~ le 28-4-1979) . .
(3) D'après Marhaba, Momo serait arrivée à Bobo-Dioulasso "au moment des
grandes eaux" (Bobo-Dioulasso, le 20-2-1979). Ce fut grâce à ~omo que
Pégé en 1889 renonça à prendre les armes contre le Kénédugu et à
reconnaître l'autorité de Tyèba. Cf. Y. Person, op. cit., t.III,p.1S62.
(4) Kongodé Ouattara, Kotédougou, le 23-2-1979. En 1888, Binger avait eu
l'occasion d'apprécier la personnalité de Dyimbé. Cf. Binger,
op. cit., t.I, p.36S.
(S) Informations recueillies auprès de Souleymane Ouattara à Bobo-
Dioulasso, le 30-2-1979.
906
Ainsi, de mai 1892 à octobre 1892, date probable
du retour de Momo à Sikasso, Tyèba tenta vainement de négo-
cier avec ses vieux ennemis, les Watara.
Ce fut probablement vers la fin du mois d'octobre
que Tyèba, comprenant que les Watara allaient persister
longtemps dans leur refus de restituer les armes qui
allaient servir à les combattre, envoya un ultimatum à Kongodé.
Comme le dit Dominique Traoré
"Ce prince non seulement ne provoqua pas la
restitution des munitions confisquées, mais
alla jusqu'à injurier le roi en présence de
ses envoyés. Il dit en l'espèce ceci: "Répon-
dre à l'ancien esclave de mes pères c'est me
déshonorer. Quant à vous ses commissionnaires
si l'aurore prochain vous voit ici,
je vous
mettrai à mort"(1).
Tyèba blessé dans son amour propre déclara la
guerre auxWatara.
2°/
La situation du Gwiriko en 1892
Dominique Traoré nous a présenté en 1936 dans son
étude sur le "Royaurre mandingue de Bobo"(2)
une fausse
image de la situation politique des Watara dans le Gwiriko
au moment où ces derniers s'apprétaient à croiser le fer
avec le Kénédugu. A le lire on croirait qu'à partir du
milieu du XIXe siècle la puissance du Gwiriko déclinait et
qu'elle était pratiquement inexistante en 1892. Sabana,
selon lui, serait mort en
(1) D. Traoré, op. cit., p.68.
(2) Dominique Traoré, "Notes sur le Royaume Mandingue de Bobo",
l'Education africaine, janvier 1936, n096, p.62-63.
907
"laissant la monarchie
en voie d'extinc-
t ion" ( 1) .
Dans ces conditions on s'explique très mal pourquoi Tyèba
prit tant de précaution avant d'envoyer ses troupes dans
le Gwiriko. Nous savons en effet qu'à partir du 13 avril
1892, Tyèba prépara avec beaucoup de minutie ses campagnes
en direction de l'est. Voici ce que Marchand écrit à ce
sujet :
"le Faama continuait à fortifier la ville et
à s'armer fièvreusement.
Ses colonnes pour-
suivaient méthodiquement un programme de con-
quêtes, visiblement orienté vers l'est et le
sud, car il visait à occuper les grands marchés
du bassin de la Volta" (2) .
En réalité,
le pouvoir qui s'effritait n'était pas
celui de l'ensemble du Gwiriko mais la parcelle que géraient
depuis 1840 les descendants de Famaghan. Effectivement,
Sabana, le petit-fils de Famaghan, ne possédait plus en
1892 que "quelques villages" (3) . Théoriquement i l était le
roi du Kénédugu, mais il n'avait aucune autorité réelle dans
le pays. Depuis la mort de Bako Moru vers 1850 l'influence
de la famille de Famaghan avait considérablement diminué.
Les Sekumogo venus en force dans le Gwiriko avaient constitué
deux Etats importants dans la région de Bobo-Dioulasso,
Sungaradaga ou Makuma et Kotédougou. Ces deux Etats consti-
tuaient la véritable force des watara dans le Gwrirko.
Ils
reconnaissaient l'autorité du Fama de Kong et pouvaient, en
cas de guerre, compter sur l'appui des Watara de Kong. Ainsi,
à partir du milieu du XIXe siècle, c'étaient les Sekumogo
(1) D. Traoré, op. cit., p.63.
(2) Voir Y. Persan, op. cit, t.III, p.1319.
(3) D. Traoré, op. cit., p.63.
908
"qui régnaient dans la région
de Bobo-Dioulasso. Les Tyèfo
commandés par Amoro et les Bobo-Dyula dirigés alors par
Mamuru semblaient
se réjouir de cette situation. Ils
reconnurent en effet eux aussi l'autorité de Kong et cons-
tituèrent avec les Sekumogo une sorte de confédération
sous le regard lointain du Fama de Kong. La création d'un
nouvel Etat de Sidara~uconfié à un prince de la famille
de Seku Watara, appelé Abdel ~dqer ou El-Haj Karamogo
Kutubu(1),
semble montrer que les Fama de Kong voulaient
surveiller les Tyèfo.
Le fait nouveau au milieu du XIXe siècle c'était
donc le renversement de la situation dans le Gwiriko au
profit des descendants du fondateur de l'Empire de Kong.
A Kotédougou, Pinyèba le frère de Kongodé avait supplanté
l'influence de Sabana. A Numudaga, on sait qu'Amoro se
considérait comme un véritable ~~dtara de Kong(2)
;
le
Gwiriko était à nouveau étroitement soudé à la métropole
dyula. Le rêve de Famaghan était enfin réalisé, mais
l'ironie du sort a voulu que cette entente se réalise au
détriment de ses propres descendants. Les Sekurnogo occu-
paient ainsi dans le Gwiriko une position de force et ce
passage de la lettre de recommandation que les autorités
de Kong donnèrent à Binger en 1888 lorsqu'il décida de se
rendre à Bobo-Dioulasso nous éclaire sur la réalité du
pouvoir que les petits-fils de Seku détenaient à la fin
du XIXe siècle dans le Gwiriko
"Et la raison pour laquelle j'envoie ce chrétien
avec cette lettre vers toi ô Othman Kouroubari
qui réside dc.:IS le pays Néssian, c'est pour
(1) Ce souverain avait effectué le pèlerinage à la Mecque vers 1885. Il
refusa de recevoir Binger en 1888. Cf. Binger, op. cit., t.I, p.333.
(2) D'aFrès les enquêtes que nous avons faites à Numudaga, 2-3~979
auprès d'El-Haj
Sibiri) et à Sungaradaga Amoro était profondément
attaché à la couronne de Kong (Sungaradaga, le 24-2-1979, Soma Ali).
909
que tu le conduises auprès de l'émir des
Komono nommé Bakari, qui le conduira vers le
maître, fils de maître,
le chef, fils de chef
nommé Abdel-Kader et surnommé Karamoko Koutou-
bou(1)
dans le pays de Sidardougou qui le
conduira auprès de Mohammed fils de Kankan(2)
dans le pays de Kotédougou qui le conduira
enfin auprès de notre maître,
l'objet de nos
espérances après Dieu Kongondinn
(Kongodé),
et auprès de son frère Pinétié
(Pinyèba)"(3).
Cette lettre ne mentionnait pas le nom de Sabana
qui végétait à Kotédougou(4). Les derniers mots de la cita-
tion
que nous avons reproduite semblent indiquer que Kongodé
était à la fin du XIXe siècle le personnage le plus impor-
tant de l'Empire des Watara(5).
Par conséquent, à la veille
de la guerre contre le Kénédugu, le déclin du faso de
Famaghan ne rendait pas du tout compte de la situation poli-
tique des Watara dans le pays.
Les Sekumogo qui, depuis la fin du XVIIIe siècle,
affluaient dans la région de Bobo-Dioulasso avaient réussi
à s'imposer dans le Gwiriko au détriment des descendants
de Famagtan .. L'un des princes les plus importants qui à la
fin du XIXe siècle marqua l'histoire du Gwiriko par sa
forte personnalité fut précisément Kongodé. D'après les
sources orales de Kong,
i l aurait été
(1) Les titres que l'on décerne à ce personnage prouvent qu'il descend
de la noble lignée des rois de Kong. C'est un petit-fils de Seku
Watara qui jouissait d'une grande audience à Kong (Karamoko Ouattara,
Kong, 1-3-1974).
(2) Kankan petit-fils de Seku décédé avant 1890. Voir Binger, op. cit.,
t. l, p.326. Kankan était le fils de Mori M<:,~hari.
(3) Extrait de la lettre écrite par Diarawari Watara le dugutigi de
Kong; cf. Binger, op. cit., p.332.
(4) Selon D. Traoré le successeur de Sabana, Tyèba (1892-1904) "meurt
obscurément à Bobo-Dioulasso supplanté par Pintiéba (Pinyèba)~
cf. D. Traoré, op. cit., p.63.
(5) Dans le sauf-conduit que l'on délivra à Binger en 1888 à Kong, Kongodé
était désigné sous les titres d "'émir" du Gwiriko et de "lieutenant
du généreux" (Mahomet). Cf. Binger, op. ciL, LI, p.395.
910
"appelé par ses frères du Makuma pour prendre
la tête du Gwiriko afin de réprimer les bri-
gandages des Tagbara
(Taguara)
qui paraly-
saient les relations commerciales des Dyula
de Kong avec Dienné" (1) •
Binger qui écrivait en 1890, dit à son sujet
"Dès mon arrivée à Bobo-Dioulasso,
je m'informai
de Kongondinn,
le chef auquel j'étais adressé
et envoyai Diawé saluer celui qui le rem-
place à Kotédougou, car ce Ouattara est
absent depuis des années.
Il habite un village
frontière
du Tagouara, pays avec lequel i l a
maille à partir depuis plus de vingt ans et qui
n'est pas encore absolument
soumis. Actuelle-
ment ce chef réside, ainsi que son frère
Pinetié
(Pinyèba)
à Kokhoma à quelques kilo-
mètres au nord de Dandé(route de Djenné" (2) •
Nous pouvons donc situer l'avènement de ce grand
homme d'Etat à la tête du Makuma et du Gwiriko vers 1870.
Par contre, nous ne sommes pas d'accord avec Binger pour
situer l'installation de sa famille à Kotédougou vers 1860.
Voici ce qu'il écrit en effet:
"Kotédougou était encore i l y a une trentaine
d'années un village peuplé exclusivement de
Bobofing. Quand Kongondinn Ouattara et son
frère Pinétié vinrent des environs de
Kong
(route de
9jimini), avec leurs captifs
à leur suite, s'y fixer,
les Mandé suivirent
et peu à peu les immigrants
formèrent deux
villages. Le groupe total prit alors le nom
mandé de Kotédougou ... "(3).
(1) Propos recueillis à Kong auprès de Basièri Ouattara (Kong, le
10-8-1977) •
(2) Binger, op. cit., t.I, p.375.
(3)
Ibidem, op. ciL, LI, p.375.
911
En réalité, l'installation de la famille de
Kongodé Watara dans la région de Bobo-Dioulasso est anté-
térieure à 1835, date à laquelle on voit le jeune Kongodé
Watara lutter contre Daula, le roi du Kénédugu, à la
bataille de Nébara. L'installation de la famille de Kongodé dans la
région de Sungaradaga remonterait sans aucun doute aux environs
du début du XIXe siècle. Il est cependant vraisemblable que
ce fut probablement vers 1860 que Kotédougou commença à
devenir un véritable centre commercial dyula.
L'administration des territoires Taguara décrite
par Binger à la fin du XIXe siècle montre à quel point les
Bobo-Dyula, les Dogosyè et les Tyèfo étaient solidaires du
pouvoir royal qu'incarnait Kongodé. Ce souverain, nous dit
Binger, était
"secondé, dans son organisation de territoire
des Tagouara, par un autre chef, nommé Baba
Ali(1) qui occupe avec les Bobo-Dioula
, un
village situé un peu plus à l'ouest nommé
Gouéré. Sabana Ouattara avec les Dokhosié(2)
et Souloumano avec les Tyèfo sont à Dandé, égale-
ment dans le Tagouara pour réprimer les bri-,'
gandages auxquels se livrent les peuplades des
environs. Ils occupent militairement la route
de Bobo-Dioulasso" (3) .
C'est ainsi que les Tyèfo, les Dogosyè, les Bobo-
Dioula étaient devenus des alliés fidèles de Kongodé et
(1) Baba Ali est le grand-père de notre informateur Soma Ali qu~
réside actuellement à Sungaradaga.
(2) Sabana Watara, malgré son titre de Fama était ainsi réduit au
rang d'un chef de province.
(3) Binger, op. cit., t.I, p.375-376.
912
servaient dans son administration(1).
Les guerres contre les Taguara durent prendre fin
bien avant le début de l'année 1892. Les ~atara, en inter-
ceptant les caravanes d'armes destinées au Fama du Kénédugu,
étaient sans aucun doute prêts pour la guerre, au début
du mois de mai de l'année 1892.
3 °/
La guerre
Devant les succ~s de Ty~ba, les watara ne se sen-
taient plus en sécurité (2) . Apr~s la prise de Kuruma et de
Kokoro ils décid~rent de mettre sur pied une grande armée
pour faire face au Fama de Sikasso. Pendant deux ans, disent
les sources orales de Sungaradaga, de Kotédougou et de
Bobo-Dioulasso, Kongodé, en accord avec tous ses alliés et
sujets, amassa des troupes à Banda-K~r~daga(3). En outre,
i l ordonna la construction de puissants sanyé à deux endroits,
à Samadéni et à Bama(4). D'apr~s le traditionaliste Ladji
Kongodé,
les travaux de fortification furent confiés à deux
princes Bobo-Dyula, M'Bia Masetore et zélélu.
(1) Crozat n'avait pas compris que les Sanon (Bobo-Dioula) étaient étroi-
tement liés aux Vatara à la fin du XIXe siècle: "L' irdépendance absolue
des Sanon disait-il est aujourd'hui un fait accompli et reconnu",
mais lorsqu'il voulut conclure avec eux, au nom de la France, un
traité d'amitié et de protectorat, il se heurta à un refus catégori-
que : les marabouts qui avaient assisté à la scène avaient essayé
d'expliquer à Crozat que l'avis des \\',atara était indispensable "dans
une circonstance aussi grave". Cf Crozat, 231 Ml,
décembre 1890 -
janvier 1891, bobine n08, dossier n02. A cette époque Kongodé était
occupé dans le nord à pacifier les pays Taguara.
(2) Collineaux, op. cit., p.150
(3) Pour le recrutement des armées du Gwiriko voir : à Bobo-Dioulasso,
la famille royale des Sanon, notamment, Bouraima Sanon:à Kotédougou,
voir surtout Kongodé Ouattara l'un des descendants de Pinyèba - à
Sungaradaga les descendants de Kèrè-Mori.
D'après les renseignements que nous avons recueillis, Banda-Kèrèdaga
(la base militaire de Banda) serait située à une vingtaine de kilo-
mètres au nord de la ville de Bobo-Dioulasso, sur la route de Sikasso.
(4) Samadéni serait à une quarantaine de kilomètres de Bobo et Barna à 30
kilomètres environ au nord de Bobo-Dioulasso.
913
A la demande de Kongodé, Kong expédia deux à trois
mille combattants équipés surtout de fusils à tir rapide(1).
Beaucoup de princes de Kong répondirent avec joie à la
demande de Kongodé
"dans l'espoir de faire subir une défaite hon-
teuse à Tyèba l'ancien captif" (2) .
D'après Basièri Ouattara, les princes de Kong qui prirent
une part active à la préparation de la guerre et aux
opérations militaires contre le Kénédugu furent les Dyan-
gena-so, les Kumbi-so,
les Somafi-so et les Zan-so,
"tous ont donné des guerriers à Kongodé" (3) .
L'armée de Kong était commandée par Pigè, le chef de guerre
des armées de Badyula qui, dit-on, était le meilleur cava-
lier de toutes les armées du Kpon-Gènè(4).
Il est difficile de connaître l'effectif exact des
combattants que Kongodé avait rassemblés à Banda-Kèrèdaga
i l devait certainement avoisiner une dizaine de milliers
de guerriers venus des quatre coins de l'Empire des Watara.
Les traditions orales de Sungaradaga parlent de
"troupes nombreuses comprenant des milliers
de cavaliers et d'un nombre incalculable de
fantassins" (5) .
(1) Voir à ce sujet les Bambadyon de Kong et de Bobo-Dioulasso (à Bobo-
D' .1la.sso,. .voir Dalignan Ouattara ;.enquêtes du 4-3.,..1979; à Kong
VUlf Pigneba Ouattara et
Bamadou Ouattara, Ouangolodougou,
18-8-1974 et Nasyan 13-8-1974).
(2) Dyamila Ouattara, Yénoro, le 20-8-1975.
(3) Basièri Ouattara, Kong, le 16-8-1977.
(4) D'après Basièri Ouattara, "C'était un excellent cavalier. Il était
dans ce domaine supérieur à tous les descendants de Seku Watara".
Cf. Basièri, Kong, le 10-8-1977.
(5) Pigneba Ouattara, Sungaradaga, le 3-3-1979
vo~r auss~
Ali Ouattara, Sungaradaga, le 28-3-1979.
914
L'armée du Kénédugu avait sans aucun doute un
effectif supérieur à celle des Watara. D'après Dominique
Traoré, elle comprenait neuf corps(1). En face d'elle,
l'armée des Watara ne comptait que sept corps constitués
de la manière suivante :
1 ° / trois corps formés par les
Watara du Gwiriko
et commandés par Morifin, Baba Ali et Pinyèba.
2°/ un corps constitué de Bobo-Dyula et commandé
par Zélélu.
3°/ un corps constitué par les Tyèfo de Nurr.udaga
et commandé par le célèbre Amoro.
4°/ deux corps formés par les Watara de Kcr.g et
placés sous les ordres de Pigè et de Soro Bagi, le second
chef de guerre de Badyula.
Telles étaient les forces en présence à la veille
de la grande guerre qui allait opposer enccre une fois les
Tarawéré aux Watara.
En décembre 1892, lorsque Tyèba termina ses pré-
paratifs, i l envoya ce message à Kongodé qui se trouvait
à Kogoma.
(1)
Voir D. Traoré, op. cit., p.69.
___ lecc.or.ps ~...Gr:andecava1-er-ie c-ornmandét . par Babèma et les princes
royaux équipée de fusils Gras et fusils indigènes sabres, lances.
2e corps dit l'invincible: commandé par Fimmitatiguidô (fusils
indigènes, flèches, lances).
3e corps commandé par Lambélé Koulibaly (fusils indigènes flèches,lances)
4e corps commandé par Ouo losso Birama Koné ( Il
"
Il
Il
Il
Il
6e corps commandé par Nafré Dioma
( Il
"
7e corps commandé par séinou Issaka
( Il
"
"
"
8e corps commandé par Kaféla Madou
( "
"
"
"
ge corps commandé par Kourma-Kèlètigi Berté(
Il
Il
Il
et
Sagaba Tiémoko Traoré( Il
915
"Etant donné que mes efforts sont demeurés
vains je te préviens que le bâton de ma
mère est resté à Satiri et que je suis décidé
à aller le prendre"(1).
Kongodé fit
dire à l'envoyé de Tyèba qu'il refusait de le
recevoir, mais
"puisqu'il veut la guerre,
je l'attendrai à
Barna ~ qu'il se prépare donc à m'affronter"(2).
On assure qu'il accueillit les propos du prince watara avec
joie. Les karamogo lui auraient-ils prédit la victoire?
Voici ce que rapporte Dominique Traoré :
"Les marabouts sont convoqués. Le roi Tyèba
Traoré, assis sur son trône, leur demande de
prier Dieu afin que le sort soit favorable
à ses armes. Ces religieux passèrent sept
jours à réciter,
leur long chapelet en mains,
des versets du Coran.
Ils sortirent de leur
sainte méditation pour demander,
sous forme
de sacrifices indispensables, un cadeau com-
posé de sept tau~x, sept moutons, sept
chèvres, sept poulets blancs et sept cent
mille cauris. Les sorciers, plus cruels, exi-
gèrent en outre que sept garço~et sept filles
soient immolés aux mânes des ancêtres Traoré.
Une grande fête,
au cours de laquelle le roi
se montra très généreux en faisant des dons
magnifiques, clôtura ces rites barbares. La
victoire est certaine, la colonne peut se
mettre en marche" (3) .
Ce fut par conséquent
dans l'allégresse générale que Tyèba
rassembla son armée à Fara. Dès que Kongodé fut informé de
la présence des Tarawéré à Fara,
il divisa son armée en
deux,
les V','atar_a du Gwiriko et les Bobq-Dy .1.a prirent
(l)
Ladji Kongodé, Kotédougou,
le 23-2-1979.
(2) Ladj i Kongodé, Kotédougou, le 23-2-1979.
(3) D. Traoré, op. CiL, p. 69.
916
position à Samadéni pendant que les Tyèfo et les Watara de
Kong s'installèrent à Barna. Les premiers combats eurent
lieu vers le milieu du mois de janvier 1893. Ils furent
très violents et les pertes très importantes. L'armée de
Samadéni avait en effet pour mission d'attaquer Tyèba au
moment où il s'apprêterait à franchir la Volta. Tyèba qui
possédait de la dynamite apportée par le capitaine Qui-
quandon réussit, non seulement à effrayer
"les caYmans qui pullulaient dans le rivière"(1) ,
mais aussi à jeter la frayeur dans les camps ennemis.
Après quatre jours d'efforts Tyèba réussit à assurer le
passage de sa colonne et i l n'eut aucune peine à chasser
ses ennemis qui s'étaient retranchés à Samadéni. Tyèba y
installa alors son camp. Fort de ce succès, il envoya Babèma
avec la grande cavalerie combattre les W~tara à Barna. Le
frère de Tyèba fit alors connaissance avec la cavalerie de
Kong qui causa de graves ravages dans ses rangs mais qui
subit elle aussi de grosses pertes. Après trois jours de
durs combats Babèma, devant la résistance des guerriers
de Kong, fit appel à Tyèba(2)
qui lui dépêcha le gros de
l'armée du Kénédugu qui obligea les watara à se replier
dans la ville et toute tentative de sortie fut écrasée,
dit-on, par l'armée ennemie (3) .
Sur ces entrefaites arriva de Numudaga une armée
tyèfo commandé par Amoro qui vint prêter main forte aux
\\;atara et aux Bobo-Dyula assiégés dans Barna. Grâce aux
(1) Collineaux, op. cit., p.150.
(2)
D'après Collieaux , Babèmba n'est pas sitôt arrivé qu'il voit
défiler toute une matinée des bandes nombreuses de cavaliers et de
fantassins. Babèmba fait alors appel à Tyèba lui demandant de venir
avec 130 fusils Gras (80 cavoliers et 50 fantassins plus une cen-
taine de porteurs de cartouches : aide de la France) ~t ses lZ
fusi]~ ch,;rg2urs achetés aux Anglais. Cf. Collieaux
op. cit., p.150.
(3) D. Traoré, up. ~it., p.70.
917
nouveaux venus,
l'ar~ée du Gwirlko iit une vigoureuse sortie,
après une journée de durs combats au cours desquels f~oro
mani~esta un courage exceptionnel. Il revenait
"toujours à la charge, à deux reprises i l
réussit à rompre les iignes du Kénédugu, deux
fois il fut repoussé sous les murs de Barna.
Mais infati~abie, il revenait toujours, sou-
tenant ceux qui fléchissaient,
enco~ra~ean~
les autr~s, galvanisant ses archers qui fai-
saient pleuvoir sur les sofa une grêle 0e
flèches.
Il donnait lui-même l'exemple et ses
coups de sabre demeurent encore d~ns la
mémoire des survivants de cette mémorable
journée" (1) .
Avec beaucoup d'exagération, Dominique Traoré nous montre
le roi du Kénédugu, assis sur une cnaise en train de tirer
imperturbablement sur l'ennemi
; on doit reconnaître
cependant qu~ ces corbats firent des pertes sérieuses dans
le camp des watara. Tyèba espérait sa~s drute qu'il pren-
drait Barna les jours suivants et marcherait sur Bobo-Dioulasso.
Ceci expliquerait les réjouissances auxquelles il convia
tous ses combattants après les dures batailles de la jour-
née
. L'idée d'une victoire prochaine de Tyèba serna la
désolation au sein des Watara et des karamogo. Ces derniers,
réunis par 7yèba Ouattara le successeur de Sabana ~ui
gardait la ville de Bouo-Lioulasso, oécid~rent alors èe
provoquer la mort de l'envahisseur,
le souverain de Sikasso.
Les karamoqo se rendirent le même jour chez le célèbre
marabout Sa0édi Tarawéré qui se chargea de faire mourir le
roi de Sikasso. Par l'intermédiaire d'une femme gbanmèlè
(1) O. Traoré, op. cit., p.70.
918
(albinos)
qui ressemblait à l'épouse de Tyèba, Sagédi
réussit à introduire un poison extrait du fiel de caiman
dans la nourriture du Fama qui mourut quelques heures
après son repas de fonio dans d3s douleurs atroces. L'em-
poisonneuse du fait de sa ressemblance avec l'épouse de
Tyèba réussit à fuir.
Mais son complice le fils de Sagedi,
Mahama Tarawéré qui l'avait accompaSnée dans le camp ennemi
fut pris(l).
A la fin du XIXe siècle, Marchand a recueilli à
Kong une version selon laquelle les ~arabouts de Kong s'at-
tribueraient la paternité de la mort de Tyèba.
Ils auraient
envoyé un" koroasi" (koroti) (2)
enfermé dans un pot et déposé
sur la route de Tyèba au camp de Samandéni. Les sofa au-
raient vu le pot et l'auraient porté à Tyèba qui le fit
ouvrir.
"L'orifice débouché il sortit du vase une
imense colonne de flammes qui brÜla Tyèba
et vingt et une personnes".
Marchand a recueilli cette information auprès de Fa Dao(3).
Quoi qu'il en soit, Tyèba mourut empoisonné par
les marabouts de Kong et de Bobo-Dioulasso. Avant la mort
du souverain on prit soin d'éloigner
les sofa et les
familiers du Fama. Seuls les princes du sang assistèrent
à cette triste et douloureuse scène.
La mort du roi fut
cachée aux sofa. Son corps fut enveloppé dans la peau d'un
.C 1) .U'apr.ès ..D~.-Jror.",
i l fut
arrete et vendu. ,Il fut plus tard racheté
par un certain Oauda Tarawéré du village de Beneni et fut renvoyé
à Bobo-Dioulasso où il mourut en 1935. Cf D. Traoré, op. cit.,
p.71 note 1.
Tyèba serait donc mort empoisonné et non d'une sorte "d'influenza"
comme l'a crU Collieaux. Cf. Collieaux, op. cit., p.150.
(2) Puissant poison encore en viguer de nos jours dans les pays sénufo.
(3) Marchand,
1893-1894, Fonds Terrier, Ms 5930.
919
boeuf fraîchement tué et fut ramené en cachette à Sikasso. Le
lendemain,
à la faveur d'une nuit noire Babèma leva discrè-
tement le siège et repassa la Volta(1).
Il ordonna la des-
truction des ponts que les sofa avaient construits entre
Sikasso et Barna pour assurer le passage des troupes et le
ravitaillement de l'armée afin d'assurer leur retraite face
à des attaques watara(2).
Lorsque les watara comprirent que
les Tarawéré fuyaient avec le corps de leur Fama,
ils firent
semblant de les poursuivre mais, très vite,
ils rebroussèrent
chemin, heureux d'avoir appris la mort de Tyèba. D'après les
traditions watara de Bobo-Dioulasso, la guerre entre le Kénédugu
et le Gwiriko dura une dizaine de jours. On situe générale-
ment la mort de Tyèba vers le 27 ou le 28 janvier 1893. Les
combats meurtriers se seraient déroulés entre le 17 janvier
et le 27 du même mois. D'après les traditions de
Kotédougou
"trois jours après la mort de Tyèba mourut
aussi Kongodé Watara" (3) .
Ce personnage ne serait donc pas mort en 1891 mais en 1893.
Il aurait régné entre 1870 et 1893.
Ainsi, grâce au concours des marabouts de Bobo,
la guerre de Barna se termina à l'avantage des watara de Kong
et de Bobo-Dioulasso et le Gwiriko fut sauvé. Les alliés
quittèrent Barna pour regagner Banda-Kèrèdaga afin de dresser
le bilan de la guerre. Ce dernier fut lourd. Les pertes en
(1) D'après une verSIon que nous avons recueillie à Sikasso, Babèmba
aurait levé le siège la nuit où mourut le roi. Cf. Amadou Kouyaté,
(Sikasso, le 28-4-1979). Les traditions sur la mort de Tyèba sont
encore vivantes de nos jours à Bobo-D~ioulasso. ".es Saganogo 'affirment
avoir joué un rôle important dans la mort
du souverain de Sikasso.
(2) Soma Ali, Sungaradaga, le 24-3-1979.
(3) Ladji Kongodé, Kotédougou, le 23-2-1979.
920
vies humaines étaient très importantes de part et d'autre
mais surtout dans le camp des Watara. D'après des informations
que nous avons recueillies aussi bien à Kong qu'à Bobo-
Dioulasso,
les guerriers watara pour prouver à Tyèba qu'ils
ne craignaient pas la mort s'exposèrent souvent aux tirs
des sofa du Kénédugu.
En 1974, le Dyuladyon Pigneba Ouattara de Ouan-
golodougou nous a dit :
"J'ai souvent entendu dire
par mon grand-
père Koro-gbè Watara qui a participé à la
bataille de Barna que les guerriers de Kong
qui périrent lors de cette guerre dépassaient
le chiffre de 1.000 personnes"(1).
A Bobo-Dioulasso, Bourayima Sanou nous a
déclaré en février 1979 :
"
Au cours de cette guerre contre Tyèba
tous les meilleurs guerriers de nos armées
étaient morts à Bama(2)~
A Sungardaga les traditionalistes actuels recon-
naissent eux aussi que
"ce fut au cours
de cette guerre que mouru-
rent les meilleurs guerriers de Kong et du
Gwiriko" (3) .
Ma-Dyimbé dira en 1897 à Samori
"Almami, ne fais pas la guerre contre Bobo,
car tous
l~S tyèfari ont péri à Barna. Il
ri'y a plu~· que des enfants dans le pays ... "(4).
(1) Pigneba Ouattara, Ouangolodougou, le 18-7-1974.
(2) Bourayima Sanou, Bobo-Dioulasso, le 20-2-1979. Dans la concession de
notre informateur 35 personnes avaient trouvé la mort à Barna.
(3) Soma Ali, Sungaradaga, le 24-3-1979.
(4) Porpos recueillis à Sungaradaga, le 24-3-1979 auprès de Pigneba
Ouattara.
921
La bataille de Barna a visiblement conté la vie
aux meilleures troupes des "armées de Kong et de Bobo-Dioulasso
et ceci au moment où le danger samorien allait menacer
directement Kong la métropole politique et commerciale des
Dyula. L'armée watara qui constituait la force des Sekurnogo
dans le Gwiriko avait été entièrement détruite. A nouveau
on allait assiter au morcellement des chefferies indépen-
dantes dans la région de Bobo-Dioulasso où les Watara
allaient jouer un rôle effacé.
Ils allaient d'ailleurs tour-
ner leur regard vers Kong.
Or le Kpon-Gènè considéré comme le coeur de
l'Empire était placé désormais sous l'autorité de Sokolo
Mori, un vieillard faible et incapable. Son règne marquait
la fin des tendances hégémoniques des Watara. Les anciennes
colonies de Kong que la crainte d'un pouvoir fort avait
réduites au silence s'étaient affranchies du joug des Watara.
Il s'agit du Folona, du Dyimini, du Dyamala, du Tagwana et
de l'Anno. Le Kpon-Gènè venait ainsi de perdre les états
satellites du sud qui fournissaient généralement les guer-
riers. Kong connutau cours de son histoire des frontières
très mouvantes qui ont varié
"selon les heures plus ou moins glorieuses
de son histoire.
Il est d'autre part, bien
illusoire de vouloir tracer des frontières
ou dessiner des cartes à l'image de celles
qui représentent les limites des états
modernes" (1).
Mais grâce aux renseignements fournis par Binger on peut
avoir une idée approximative des frontières du Kpon-Gènè
(1) Bernus, op. op. cit., p.268.
922
1°/ Vers le nord-ouest, une grande partie des
pays Palaka échappait au contrôle des Katara d'où les nom-
breux affrontements entre ces derniers et les Palaka qui
pillaient
les caravanes de Kong.
2°/ Vers le sud, c'est la rivière Kinkéné qui
marquait désormais la frontière avec le Dyimini devenu
indépendant.
3°/ Vers le sud-ouest, le Niarafolo,
le Tagwana
échappaient à l'emprise des watara.
4°/ Vers le nord,
l'autorité de Kong était plus
effective et s'exerçait sur le Komono,
les Gbèn,
les Turuka,
les Dogosyè. Sidaradugu semble avoir constitué la limite nord
du Kpon-Gènè.
Contrairement à ce qu'écrit Bernus, le Royaume
de Kong ou Kpon-Gènè bien qu'amputé d'une partie importante
de ses anciennes colonies, demeurait un Etat très structuré,
organisé et cohérent malgré la faiblesse du pouvoir central(1).
Par ailleurs, par l'intermédiaire des commerçants et des
karamogo, Kong jouissait encore d'une très grande influence
dans ses anciennes colonies. Le nom des chefs de Kong était
une sauvegarde pour le voyageur,il était partout
"vénéré même par les infidèles" (2) .
Voici donc quelle était la situation du pouvoir central au
moment où les Français et Samori allaient s'intéresser à la
métropole dyula.
(1) Bernus, 1960, op. cit., p.269.
(2) Braulot, 1893, A.N.S.D.M., C.I, II, 3.
923
Certes, aucun danger dans l'immédiat ne semblait
menacer Kong, mais la puissance des Watara avait été ébran-
lée. Dans le Gwiriko,
les watara avaient échappé à
l'invasion des Tarawéré du Kénédugu, mais ils avaient subi
des pertes énormes. La mort de Kongodé survenue peu après
celle de Tyèba allait priver le Gwiriko d'un grand chef
d'Etat. Dyarawari, le dugutigi de Kong le considérait à
juste
t i tre comme le "mattre" de
tous les \\\\Tatara et "l'objet"
des espérances de ces derniers "aprbs Dieu".
Contrairement à ce que l'on pourrait croire ces
guerres n'ont pas affecté le commerce dyula et pendant que
les Sunangi allaient digérer leur défaite dans les kongoso,
la réalité du pouvoir passait aux mains de riches négociants et
des karamogo qui allaient assurer le prestige
de la métropole
dyula à l'extérieur. Mais désormais ce prestige n'allait plus
s'apFuyer sur l'existence d'une armée régulière.
L'avènement
de Sokolo ~ori
(1850-1894)
a marqué la fin de cette dernière.
En cas de guerre, les watara ne pouvaient compter
que sur les troupes de leurs alliés nafana,
komono. Cette
situation est la conséquence d'une part des guerres ruineuses
que les Watara menaient contre le Kénédugu defuis la fin du
du XVIIIe siècle et d'autre part de l'incapacité de Sokolo Mori
à diriger les affaires de l'Etat depuis 1850.
924
C.
LE KPON-GENE SOUS L'EMPRISE DES MARCHANDS
ET DES KARAMOGO
1. -
L'Essor du commerce à la fin du XIXe siècle
Grâce aux explorateurs français qui visitèrent Kong
avant sa destruction en 1897 par les sofas de Samori, nous
disposons de précieuses informations sur le pays à la fin
du XIXe siècle. Le premier d'entre eux qui atteignit la
frontière de l'Etat de Kong fut Binger. Son amitié avec un
certain nombre de notables lui permit de recueillir de
nombreuses informations sur le pays,
les habitants et sur-
tout le commerce. Comme i l le souligne lui-même,
i l put
ainsi reconnaître l'importance du pays et :
"apprécier la sagesse et l'intelligence de
ses chefs avec qui i l a noué de solides re-
lations d'amitié"
(1).
En janvier 1889, i l revint à Kong où en compagnie de
Treich-Lapleine, i l réussit à conclure un traité avec
Kararnoko Ulé.
En 1891, le capitaine Ménard visita à son tour Kong
où il reçut un accueil chaleureux ; malheureusement sa mis-
sion se termina tragiquement à Séguéla. En 1892, Binger fit
une grande expédition à Kong en compagnie du lieutenant
Braulot, du Docteur Crozat et de Marcel Monnier lors d'une
mission de délimitation des frontières de la Côte d'Ivoire .
. .. A. ce -sujet., .. ,s1J..r un-e-proposi tion de Binger,
le· sous-secréta-
riat d'Etat des Colonies demanda en décembre 1892, au lieu-
tenant Braulot de parcourir "le hinterland de la Côte
(1)
Bernus,~. cit., p. 269.
925
d'Ivoire" et de "s'élever autant que possible au dessus du
9° degré de la latitude nord ••• "
(1). Au cours de cette
mission, le lieutenant Braulot arriva le 25 Juin 1893 à
Kong où la situation politique avait changé.
Grâce aux informations fournies par les uns et par
les autres au cours de ces missions, nous pouvons aujour-
d'hui nous faire une idée de l'importance de la ville de
Kong, de ses fonctions commerciales, politiques et de
l'importance de sa population.
a)
La ville de Kong
Binger a visité Kong pendant la saison sèche.
"Avant d'être en vue de Kong,
il n'existe
plus le moindre arbuste,
les terrains sont
incultes épuisés par plusieurs siècles de
culture. A l'horizon on n'aperçoit même pas
une ride de collines"
écrivait Binger
(2).
La vision change lorsque l'on voit les premiers toits de la
ville. Il nous donne le témoignage suivant :
"une ligne de .;J'rands bombax et quelques dattiers
entre les éclaircies desquels j'aperçus les
minarets de plusieurs mosquées et le sommet
de quelques toits plats"
(3).
Marcel Monnier qui découvrit Kong en juin 1892 a laissé ce
souvenir pathétique :
"la ville,
surtout vue du nord-ouest, dorée
par le soleil couchant, avec les minarets
pyramidaux de ses cinq mosquées,
les palmiers
détachant leur fine silhouette sur lé ciel,
(1)
Braulot, Arch. Nat. S .O.M. Côte d'Ivoire III, 3.
(2)
Binger, op. cit. , T. l, p. 284-285. Il s'agit d'une vision de Kong
pendant la
i
salson sèche.
(3)
Ibidem, op. cit., T. l, p. 285.
926
les terrasses superposées où des groupes
de fidèles apparaissait à l'heure de la
prière, est une vision inoubliable. C'est
de ce côté que Binger vit Kong pour la
première fois et j'imagine quel dut être
son saisissement"
(1).
Marchand en 1894 écrivait :
"La ville est construite sur une petite
éminence qui surgit au centre d'une petite
cuvette s'arrondissant du nord au sud et par
l'ouest en ne donnant passage aux eaux que
vers le nord-est ;
les deux ruisseaux qui
enserrent la ville dans leur cours parallèle
portent tous leur tribut liquide au Comoé et
non au Zini
(N'Zi). De quelque côté que l'on
arrive à Kong, on domine la ville, excepté
par la route de Touloumandougou. En venant
par l'est, par le sud et par l'ouest l'aspect
n'est pas imposant, mais la perspective of-
ferte au voyageur débouchant du nord est
réellement très riche"
(2).
Binger nous a donné une description de la ville de
Kong en 1890.
:
"Kong est une ville ouverte, ayant la forme
d'un grand rectangle et s'étendant de l'est
à l'ouest, ayant toutes ses habitations cons-
truites en terre,
à toit plat. Au centre de
la ville se trouve la place du Marché, qui
a environ 500 mètres de longueur sur 200 mè-
tres de largeur ;
comme les cinq ou six arbres
qui s'y trouvent ne donnent pas suffisamment
d'ombre, beaucoup de marchands se sont cons-
truit des échoppes en paillote assez confor-
tables, dans lesquelles ils se tiennent les
jours de grand marché.
(1)
Marcel Monnier, France Noire, Paris, 1894, p. 204. Voir aussi
A.N.S.D.M.
C.l.
III, 3.
(2)
A.N.S.D.M., 231 Mi, bobine l, dossier 4.
927
La ville est divisée en sept quartiers ou
qbaila
( ••• ) °(1)
qui portent le diamou des
habitants qui y logent en majorité"
(2).
Binger nous a laissé un croquis à vue de la ville
de Kong à l'échelle de 1/20.000.
Ce croquis fait ressortir les kabila suivants
1°/
au nord-ouest, Saghara ou Sarala
(avait comme
chef Yaya Konaté et comportait une mosquée) •
2°/
au sud-ouest Sisera (avait comme chef
Séri
Dandé et disposait d'une mosquée)
(3).
3°/
à l'est de Sarala et au nord de la grande
place du marché se trouvait
Sakhanokhora (avait comme chef
Mia Sabana Baru ' et avait une mosquée).
4°/
à l'est de Sakhanokhora se trouvait le kabila
Kurila
(Korora)
ou Turera dont le chef était l'imam Sitafa
Saganogo (Korora avait une mosquée au nord) •
(1)
Binger veut certainement parler des sept kabila qui constituent
la ville de Kong et que l'on traduit généralement par quartiers.
(Cf. J. cérive, op. cit., p.86 ; voir aussi les travaux de la
"Table ronde de Kongwr les origines de Kong", A.V.A., série J,
1977, [-.174.
(2)
Binger,~. cit., T. l, p. 297.
(3)
Cette mosquée existe encore de nos jours, mais elle fait désormais
partie du quartier Barola qui a dû se reconstruire au début du
XXe siècle au sud de Sisera. Le Barola existait à l'époque de
Binger, mais il ne devait pas être important et était coiffé par
Sisera.
928
5°/
au sud de Korora,
i l y avait le quartier
Sumakhana
(ou Somakhana)
où se manifestait la grande in-
fluence de Karamoko Ulé,
l'hôte de Binger. C'est par
excellence le quartier des débits de boisson, c'est-à-
dire le dolb-so de Kong
(le quartier du dola).
6°/
au sud de Somakhana,
se trouvait Daura dont
le chef à l'époque était Karamoko Mocktar Tarawéré.
7°/
au sud de la grande place du marché se trou-
vait Kéréu. C'était le centre politique,
le quartier des
chefs et des traditions animistes.
Au centre de la ville se trouvait la grande place
du marché avec au nord-est la grande mosquée de Kong.
Un peu à l'écart de la ville, au sud-est et au
nord-est se trouvaient, Marabaso, le quartier des étrangers
et des artisans
(teinturiers)
(1)
et Kokosso. Voici ce que
Binger note à ce sujet :
"Outre les sept quartiers i l y a encore de
petits groupes d'habitations,
séparés du
gros de la ville par des jardins : ce sont
en quelque sorte des faubourgs. Au nord
Kokosou (2) (groupe de villages)
fait partie
(1)
La physionomie des quartiers de Kong a totalement changé depuis le
passage des sofa
de Samori en 1897. Turera, Sakhanakhora et Daura
ont disparu en tant que Kabila. Ils ont été rattachés aux nouveaux
quartiers Kéréu et Korora. Bien que dans l'ensemble on ait respecté
les anciens noms, l'implantation des nouveaux quartiers s'est faite
_de~maniè.reanarchique en fonction des espaces disponibles. En outre
les anciens quartiers devaient comporter chacun plusieurs milliers
de personnes. De nos jours les quartiers sont moins peuplés (200 à
250 habitants). En 1960 Barola "le plus vaste et de beaucoup le
plus habité" n'avait que 806 habitants. Cf. Bernu , ~. cit., 308).
(2)
Kokosou (Koko-so) veut dire "village derrière le ruisseau" d'après
une note de l'auteur; cf. Binger, op. cit., t.l, note 1, p. 297.
929
du quartier Sakhara ; à l'est Marrabasou(1)
(groupe de trois villages)
fait partie de
la qbaila Soumakhana" (2) .
Comme la plupart des grandes villes africaines
Kong, présentait l'aspect d'une ville qu~ n'était pas
"bâtie régulièrement" (3) .
Voici ce qui frappa l'illustre explorateur
"Les ruelles sont tortueuses et étroites.
Sur quelques petites places il y a un
ficus,
un dattier ou un bombax couronné
de nids de cigognes
; ça et là on trouve
aussi des terrains à bâtir. Les moutons,
les chèvres et la volaille errent dans les
rues(4), et partout où il y a un petit
espace libre on s'en est emparé pour y
construire des cages de tisserands.
(1)
Marrabasou
(Maraba-so)
veut dire "village des Haoussa, village des
teinturiers" car par
ici les Haoussa exercent eux seuls cette pro-
fession
(note de Binger, op. cit., p.291, note 2).
(2)
De nos jours encore de petits groupes d'habitations sont consi-
dérés comme faisant partie de la v i l l e ; au nord Iribakoro
(sous
le gros arbre)
et Farakoso (le village du vieux Fara)
se rattachent
à Sumakhana. Mais les habitations connues sous le nom de Koko-so
ont aujourd'hui disparu.
(3)
Binger,~. ci.L, p.297. Le
Tarikh es-Soudan parle de "l'enchevê-
t.rement des ma isons à Tombouctou à l'époque de son apogée au
XVIe siècle". Cf. T. es-F., 1964, p.37.
. .
(4)
Ce fait n'a pas changé et les animaux errent de nos jours encore
dans les rues de Kong.
•
930
Les observations de Marcel Monnier, complètent
admirablement celles de Binger. Il écrit :
"L'aspect de la ville est à la fois souda-
nien et saharien. Les palmiers à
huile
remplacent le dattier
( ••• ). Une capitale
cependant, une des plus grandes aggloméra-
tions soudaniennes,
la plus remarquable
peut-être par le caractère de ses habitants,
uniquement adonnés au commerce et à l'indus-
trie. C'est l'un des rares points du conti-
nent noir où i l soit permis d'observer une
société policée, l'effort d'une civilisation
très primitive mais essentiellement originale
et pacifique.
Kong est infiniment moins sale que Bon-
doukou, bien que le chiffre de sa population
soit six ou sept fois plus élevé"
(1).
Marcel Monnier estimait en 1892, la population de
Bondoukou à 3 ou 4 000 hommes
(2). Par conséquent pendant
la saison morte Kong devait contenir 18
à
28000 habitants
Binger qui avait connu la ville pendant la saison sèche
avait proposé le chiffre de 15 000 âmes.
Il faut dire qu'à
cette époque de l'année beaucoup de marchands étaient sur
les routes pour s'occuper de leurs affaires.
Kong était une ville bien administrée où régnait
la paix. Binger fut frappé par l'ordre et la paix qui ré-
gnaient dans la métropole dyula
(3). Nous sommes loin de
l'époque de Lasiri Gbombélé où les princes s'amusaient à
tirer des coups de fusils sur les passants ou sur les mar-
chands étrangers qui vaquaient à leurs affaires. La police
de la ville était assurée par des Du c'est-à-dire de jeunes
Sunangi qui .assuraient leur formation militaire dans les
bois sacrés. Binger nous d i t :
(1)
M. Monnier
op. ci t •
t
t
p. 204.
(2)
Ib-'i.dem,
op. cit., p. 172.
(3)
Binger
op. cit.
t
t
t. 1, p. 303.
931
"ce sont les dou qui,
à l'aide de leurs
fouets m'ont ouvert un passage à travers
la foule,
le jour de mon entrée à Kong".
L'explorateur français a décrit l'action de ces policiers
"A partir de dix heures du soir,
ils circu-
lent dans les rues font taire les conversa-
tions bruyantes à l'intérieur des habitations
et s'emparent de tous ceux qui circulent dans
les rues sans motif plausible (1)iles captu-
rés sont conduits sur la place du marché, et
le lendemain, ils n'obtiennent la liberté
qu'après avoir payé une amende s'élevant à
400 cauries. Ces policemen portent le nom de
dou parce que ce mot signifie "rentre" et que
leur fonction est de faire rentrer chacun
chez soi. Pour épouvanter le peuple le soir
ils se déguisent et poussent des cris de fau-
ve ; d'autres fois ils se servent de cornes,
desquelles ils tirent des sons étranges"
(2).
Les Du relevaient directement de l'autorité du chef
de la ville c'est-à-dire du Dugutigi qui à l'époque de Binger,
s'appelait Dyarawari. Il était le président de tous les con-
seils de la ville. Ces derniers avaient à leur tête le con-
seil du Dugutigi dans lequel siégeaient les représentants de
toutes les couches sociales de la ville. Ce conseil était
chargé d'assurer la sécurité de la population; mais i l se
transformait souvent en une cour de justice pour régler des
litiges importants
(attaques des caravanes, meurtres,
in-
cendies d'habitations ou de champs ••• ). C'était le tribunal
le plus important de la ville après celui du Fama.
Au dessous du conseil du Dugutigi se trouvaient
successivement,
le conseil des Kabila qui comprenait les
(1)
Les du avaient souvent des démélés avec les grands Karamogo qui
choisissaient surtout les heures tardives pour fréquenter les lieux
sacrés. Voir BASIERI Ouattara, Kong
le 15-03-1975.
t
(2)
Binger,~. cit., t. 1
p. 303.
t
932
notables influents de la circonscription et celui des Gba
qui pouvait être considéré comme une cellule administrati-
ve et judiciaire. Chaque Gba était représenté par un ou
deux chefs de famille.
La ville de Kong fonctionnait ainsi sous l'oeil
vigilant des Gbatigi, des Kabilatigi et du Dugutigi. Les
fonctions exercées par ces personnages étaient généralement
héréditaires. Comme le Famaya
(pouvoir du Roi)
le pouvoir
était transmis de frère en frère et non de père en fils.
La ville connaissait ainsi une organisation administrative
beaucoup plus développée qu'à l'époque de Seku Watara. La
faiblesse du pouvoir royal avait favorisé la décentralisa-
tion de l'administration.
Mais ce qui frappa le plus Binger qui venait de
visiter de nombreuses villes de l'Afrique Occidentale,
c'était l'extraordinaire essor que connaissait encore Kong,
la métropole dyula, à la fin du XIXe siècle.
b)
Kong, une capitale commerçante
La ville de Kong avait encore à la fin du XIXe
siècle une importance considérable sur le plan commercial.
La grande place qui se trouvait au centre de la ville don-
nait lieu à un marché quotidien vivant et animé qui pouvait
accueillir plusieurs milliers de personnes
(1). Binger a
trouvé
que ce marché était très animé.
(1)
~Karamoko üuattara, Kong, le 18-8-1974.
",.
'!,
~33
Tous les cinq jours ce marché se transformait en une véri-
table foire fréquentée par 3 000 à 5 000 personnes
(1).
Voici ce qu'écrit Binger à ce sujet
"Le côté nord et les échoppes sont appelés
mokholokho
(marché des hommes)
; c'est là
que se vendent les tissus, couvertures, fu-
sils,bonnets, glaces, perles, aiguilles et
autres objets de provenance européenne, tels
que vaisselle en
cuivre, saladiers en faien-
ce, calicot écru, foulards,
etc. La partie
sud du marché est appelée mousolokho
(marché
des femmes)
; c'est là qu'on trouve les den-
rées, condiMents, coton, indigo, fruits, bois,
les marchandes deniomies
(galettes), de vic-
tuailles, etc"
(2).
Le commerce dans cette partie de l'Afrique de l '
l'Ouest était, à la fin du XIXe siècle,
"exclusivement entre les mains des gens de
Kong"
(3).
Il portait sur des produits variés et nombreux et dont les
plus importants étaient encore les noix de kola,
les tissus,
les armes à feu,
les esclaves,
le sel,
l'or .•.
1°/
La kola
La kola,
nous l'avons vu, était entrée de bonne
heure dans les circuits commerciaux ouest-africains. Le
commerce de la kola semble s'être accru à la fin du XIXe
(1)
Dyamila Ouattara, Sokolo, le 30-3-1975.
Voir aussi Mamadou Labi, Kong, le 17-02-1974.
(2)
Binger, op. cit., t. 1, p. 318.
(3)
Binger, op. cit., t. 1, p. 318. Binger, déplora cette situation "car
cet état de choses est un obstacle sérieux pour l'Européen qui voya-
ge et qui cherche à recueillir le plus de renseignements possibles
sur la région. Quand on est forcé de s'informer auprès des gens mêmes
du pays, on n'est jamais aussi bien renseigné
que par les étrangers,
qui ne mettent aucune défiance dans leurs réponses et ne se perdent
pas en conjectures à la moindre question indiscrète" (op. cit, p. 318.)
934
siècle et donnait lieu à d'importantes transactions à Kong
et à Bobo-Dioulasso. D'après les témoignages que nous avons
recueillis,
la capitale des Watara était devenue le carre-
four privilégié de la kola de l'Anno
(sterculia macrocarpa)
et de celle de l'Ashanti
(sterculia acuminata). Les noix
de kola jouaient en effet un rôle considérable dans les
nombreuses industries de teinture et de tissage qui se
développaient à Kong depuis plusieurs siècles. En outre,
les noix de kola,
surtout celles de Grumaniya
(Anno), per-
mettaient aux hommes d'affaires de Kong de se procurer du
coton en vrac, de l'indigo, des piments ••• ,
sur les marchés
de Bobo-Dioulasso, de Léra, de Niellé, d'Oua et de Bouna.
A la fin du XIXe siècle, Kong était devenu le
principal débouché de la kola de l'Anno. Grâce à son prix
relativement abordable
"pour la classe moyenne de la population"
(1)
elle donnait lieu à une très forte consommation et par con-
séquent à un intense trafic entre l'Anno et Kong.
D'après les traditionalistes actuels,
avant
l'apparition de Samori,
les marchands de Kong réalisaient
d'énormes bénéfices sur le commerce de la kola
(2). Binger
nous permet aujourd'hui d'avo~r une idée de ces profits.
Grâce à cet explorateur nous savons qu'un uru-fié
(calebas-
se de 200 fruits)
coÛtait 200 cauris. A Kong,
le fruit se
vendait 2, 3,
4 et jusqu'à 12 cauris suivant la grosseur.
Rendu à Salaga, le fruit le meilleur marché se vendait 40
cauris
(3). On comprend pourquoi les riches négociants de
(1)
Binger, op. cit. , T. 1 , p. 3K.
(2)
Bamori Traoré, Kong, le 30-03-1976.
(3)
Binger, ~. cit., t. 1, p. 312.
935
Kong acheminaient l'essentiel de leurs cargaisons de kola
vers les marchés de Salaga. L'un des marchands qui, à la
fin du XIXe siècle, se serait spécialisé dans ce trafic
fut AI-Haj Moriba, l'un des amis de Kararnoko Ulé. D'après
les témoignages que nous avons recueillis à Kong et à Bobo-
Dioulasso, il équipait chaque année plusieurs caravanes qui
faisaient le va-et-vient entre Kong, Kintampo et Salaga. On
assure qu'il avait à lui seul plus de 700 esclaves qui fai-
saient fructifier son commerce (1). Mais il n'y avait pas
que les riches qui s'adonnaient à ce trafic. Le commerce
était ouvert à tout le monde et Binger a montré de manière
très pertinente comment un ménage pouvait se procurer des
revenus substantiels. Voici ce qu'il écrit:
"Le ménage quittant Kong avec une pacotille,
ferronnerie ou étoffe, d'une valeur locale
de 20 francs, se procure à Kintampo ou "Bon-
doukou environ 5 000 kola qu'il revendra à
Bobo-Dioulasso. Avec le produit de la vente
de ses kola
il achète deux barres de sel.
Il emportera une barre et demie seulement à
Kong, l'autre demi-barre servant à acheter
quelques cadeaux à rapporter au pays et à
subvenir à ses besoins en vivres pendant sa
route ( .•• ) La barre et demie de sel rendue
à Kong représentant une valeur de 240 francs
le couple aura gagné 220 francs" après une
absence d'environ 100 jours (2).
D'après les témoignages que nous avons recueillis
auprès de Bamori Traoré, les jeunes ménages n'hésitaient pas
effectivement, attirés par le négoce, à troquer les beaux
pagnes de mariage contre des paniers de Kola ou des barres
de sel (3).
(1)
Basieri Ouattara, Kong, le 21-5-1977.
(2)
Binger, op. cit., t. l, p. 313.
(3)
Bamori Traoré (descendant d'une famille de négociants de Kong),
Kong, le 30-03-1976.
936
Le
succès aidant,
le chef de famille va acquérir
de nombreux esclaves, prendre plusieurs épouses afin d'avoir
un grand nombre d'enfants pour faire prospérer ses biens. Si
la fortune lui sourit, i l se hissera, après une dizaine d'an-
nées d'efforts soutenus, au rang des maîtres du commerce. Le
commerce de la kola permettait ainsi à la population de mener
une existence relativement aisée. Binger qui évaluait à
"1.200.000 francs
la somme des importations
vers Kong pendant une année sur"
la seule route de Kong à Bobo-Dioulasso
(1)
écrit
"Je pus sans hésiter avancer que les deux
tiers de ces importations sont achetées avec
des kola;
l'autre tiers est acquis avec du
ponguisé
(pagnes rouges de Kong) , ·des coton-
nades indigènes rayées bleu et blanc, des
pagnes en calicot teints à Kong ou à Dioulas-
sou, quelques armes, de la poudre, un peu de
cuivrerie, du corail,du coton de couleur en
fil,
des foulards,
quelques perles, etc"
(2).
2°/
Les tissus,
les pagnes
Depuis le XVIIe siècle
(époque de Dé Maghan),
le
tissage constituait l'une des activités essentielles de
l'économie de l'Empire de Kong. A la fin du XIXe siècle,
i l donnait lieu à un florissant commerce de tissus et de
pagnes. D'après les témoignages de Binger, les achats de
kola ou de marchandises de provenance d'Europe à Salaga et
à Bondoukou se faisaient avec des pagnes
"en bande bleu et blanc de divers de;;sins,
appelés logué ici,
et surtout contre une
couverture en coton bleu et blanc
( ... )
(1)
Binger, op. cit., t. 1, p. 372.
(2)
Il.Jidem,
op. cit., t. 1, p. 372-373.
937
qu'on appelle siriféba. Ces deux articles,
sont exclusivement fabriqués à Kong et par
les gens de Kong établis aux environs"
(1).
Ainsi, à la fin du XIXe siècle, les grands marchés de Sala-
ga et de Bondoukou vivaient sous la dépendance économique
de Kang. C'est pour acquérir les pagnes de la métropole
dyula que les négociants de Salaga, de Bondoukou affluaient
à Kong depuis le règne du grand souverain Seku Watara (1710-
1745)
(2). Binger nous donne des indications sur le prix de
deux articles qui jouaient un rôle fondamental dans les
transactions:
il s'agit du logé et du siriféba
"le prix du premier article est très variable,
à cause du dessin et de la largeur de la ban-
de, mais celui de la couverture est invaria-
blement fixé à 6 000 cauries (12 francs)
; à
Salaga elle vaut 16 000 cauries (25 francs
(60)"
(3).
Le rayonnement des pagnes de Kong dépassait large-
ment le cadre des marchés de Bondoukou et de Salaga. Les
Kpon-dyèsi ou el-harotaf tissés et teints à Kong étaient
très recherchés à Dienné et à Tombouctou où ils pouvaient
coûter selon les dessins,
25.000 à 30.000 cauris (4)
alors
qu'à Kong, les prix évoluaient entre 8.000 à 15.000 cau-
ris
(5). A Dienné, nous dit Binger, un pagne de 10.000
cauris valait une barre de sel. Les beaux pagnes de Kong
intervenaient ainsi pour une grande part dans le commerce
de Kong avec la boucle du Niger.
(1)
Binger,~. cit., t. l, p. 317.
(2)
Karamoko Ouattara, Kong, le 17-8-1974.
(3)
Binger, op. cit., t. 1; p. 317.
(4)
Ces prix nous ont été indiqués au cours des enquêtes que nous avons
menées à Kong à propos des pagnes à l'époque de Binger. Voir surtout
Babou Traoré, tisserand à Kong (Kong le 24-4-1975) Karamoko Ouattara
(Kong, le 20-4-1975). et Mamadou Labi (Kong, le 27-4-1975).
(5)
Binger, ~ cit., t. l, p. 316.
938
Leur exportation en direction de Bondoukou, Salaga,
Dienné, Tombouctou témoignait de la santé économique du pays
dyula et notamment de ses industries de tissage et de tein-
ture.
3°/
Les esclaves
Les esclaves jouaient dans la vie économique de
Kong un rôle de premier plan. On les retrouvait dans l'agri-
culture où ils peuplaient les multiples villages de cultures
appelés kongoso ; ils permettaient ainsi à beaucoup de Dyula
de vivre dans l'aisance en recevant régulièrement des lI appro-
visionnements ll
(1).
Ils étaient aussi très actifs dans le
commerce où ils faisaient prospérer les affaires de leurs
maîtres. Nous avons vu que le riche négociant AI-Haj
Moriba
entretenait pour son commerce environ 700 esclaves. D'après
les enquêtes que nous avons effectuées à Kong,
la plupart
des grandes familles possédaient plusieurs centaines d'es-
claves. On cite souvent les noms de Saghara Sylla qui avait
près de 500 esclaves à son service
(2)
et de Karamoko Dugu-
tigi qui en possédait 300
(3).
Les esclaves jouaient aussi un rôle capital dans
l'armée; l'armée ces Sunangi qui constituait la pièce maî-
tresse de l'Empire des Watara reposait essentiellement sur
les Dyuladyon c'est-à-dire les captifs de guerre ou de raz-
zias. La vie économique et politique du pays dépendait du
travail des esclaves.
(1)
Voir Binger
~. cit.
t. I
p. 298.
t
t
t
(2)
Voir Karamoko Ouattara
(roi de Kong) Kong
le 20-7-1974.
t
t
(3)
Karamoko Dugutigi était originaire de la région
du
Haut-Niger.
Sa famille se serait installée à Kong à la fin du XVIIIe siècle
après l'intervention des Watara dans cette partie de l'Afrique
(cf. LABI
Abidjan
le 15-03-1977).
t
t
939
A la fin du XIXe siècle, Kong se présentait comme
un grand Etat consommateur d'esclaves. Ces derniers lui ve-
naient essentiellement du nord ou du nord-ouest,
soit du
Gwiriko, soit du Kénédugu,
soit encore des Etats de Samori
ou de Pégé. Comme nous venons de le voir, Kong utilisait
une partie de ces esclaves pour ses besoins personnels ; le
reste servait pour les transactions avec les pays forestiers
du sud qui lui fournissaient les noix de kola, les armes à
feu,
l'or et la poudre.
Le fait nouveau que l'on constate à la fin du XIXe
siècle c'est que, d'une part Kong n'est plus un pays produc-
teur d'esclaves comme ce fut le cas au XVIIIe siècle au
moment des guerres de conquêtes et des razzias, d'autre
part,
les esclaves qui arrivent à Kong ne remontent
plus vers
le nord
la plus grande partie de la traite négrière se
faisait désormais du nord vers le sud en direction des pays
forestiers et de la côte
(1). Les Dyula de Kong écoulaient
les esclaves surtout vers Grumanya (Anno)
et Bondoukou et
dirigeaient les chevaux,
les fusils vers le Gwiriko.
4°/
Les armes à feu
A la fin du XIXe siècle, les armes à feu semblaient
jouer un rôle important dans le commerce de Kong avec les
pays du nord. Ceci constituait un fait nouveau dans l'his-
toire des Watara. Au XVIIIe siècle,
les autorités du pays
stockaient les fusils et la poudre afin d'asseoir leur puis-
sance sur cette partie de l'Afr~que Occidentale. Dès la se-
conde moitiéduXIXesiècle cette politique parut révolue et
(1)
En 1888 Binger a rencontré un marchand de chevaux venu du Dafina
qui avait des difficultés pour se procurer des esclaves à Kong.
Cf. Binger, ~. cit., t. l, p. 319.
940
lors de la guerre de Sikasso nous avons vu les Dyula vendre
des fusils et de la poudre à Tyèba,
l'ennemi juré des Wata-
ra.
A l'époque de Seku Watara,
les Dyula achetaient
les armes à la côte, notarrunent à Gwa
(Cape Coast)
et à EI-
Mina, deux marchés que les traditionalistes actuels de Kong
connaissent relativement bien. C'est dans le cadre de ces
achats de munitions que le fondateur de l'Empire de Kong
avait noué avec
"les rois de Bono des relations très cor-
diales •.. "
(1).
Malgré la chute du Bono
(1722-1723)
le commerce
des armes s'effectua régulièrement entre l'Ashanti et Kong
Les traditionalistes actuels insistent beaucoup sur ce point
et affirment avec raison que ce fut l'une des raisons qui
poussa Samori à s'établir dans le Dyinini au sud de Kong
(2).
Il est curieux que Binger ne signale pas ce courant corruner-
cial. A propos de ces voies,
i l écrit :
"l'autre débouché par ordre d'importance
s'étend vers les régions belliqueuses, de
l'ouest:
les pays de Pégué
(Pégé)
et de
Tièba sur lesquels les gens de Kong dirigent
chevaux,
fusils,
poudre,
silex, etc., qu'ils
se procurent à Groumania et échangent exclu-
sivement contre les esclaves.
(1)
Informations recueillies à Kolon, auprès du notable Fissiri Ouattara
(Kolon, le 3-4-1976). Si les informations de Kolon se vérifient, il
'faùdrait situer ces evénements avant '1722-3 (cf. Terray,' op. cit.
-
- - '
t. II, pp. 761-764.
(2)
Voir à ce sujet Dyamila Ouattara, Sokolo, le 20-3-1975, Karamoko
Ouattara (Chef de Kong, Labi Mamadou (Abidjan Juillet 1974).
941
Le fusil en vente ici est d'un modèle unique (le
boucanier femelle
(1) et se vend à Kong même: sira mokho
saba, ou 12.000 cauriS
(24 fr.). Il existe également un
petit mouvement commercial entre les Komono, les Dogosyé
et les gens de Kong, qui leur vendent des armes et de la
poudre contre du beurre de cé (beurre de karité). Cette
graisse portée dans l'Anno et le Coranza est échangée con-
tre des kola ou des tissus (2).
Les armes qui arrivaient à Kong suivaient sans
aucun doute les mêmes voies que celles de la poudre de
guerre, qui, selon Binger, était de
"quatre provenances: Ago (Porto-Novo),
Krinjabo (provenant d'Assinie et de Grand-
Bassam), Diou (Cape Coast) et enfin Accra" (3).
Par la fourniture des armes et de la poudre de guerre/Kong
était ainsi relié aux pays côtiers de la Côte d'Ivoire et
du Ghana actuel. Si, comme le souligne Binger, la poudre
d'Accra n'était "pas estimée" et que "les poudres de pro-
venance française" étaient très "recherchées", il est à
croire que les autorités de Kong avaient noué
de lon-
gue date, par l'intermédiaire des négociants de l'Anno, des
relations commerciales très suivies avec le Royaume de Krin-
jabo (4). Ceci tendrait à confirmer les propos de Bamori
Traoré, le secrétaire général du P.D.C.I./RDA de Kong, se-
lon lesquels
"depuis le règne de Seku Watara (1710-1745)
des gens de Krinjabo et de Gbotogo (Bondoukou)
venaient à Kong pour acheter des esclaves et
(1)
Les armes dont parle Binger étaient des "fusils à silex à un coup,
de provenance belge et anglaise" (cf. Binger, ~. cit. , t. 2, p. 102) •
(2)
Binger, EE.. cit. , t. l, p. 317.
(3)
Ibidem, ~. cit. , t. II, p. 102.
(4)
Ibidem, EE.. cit. , t. II, p. 102.
942
vendre en échange, la poudre de guerre, les
fusils et les tissus européens"
(1).
Le commerce des armes et de la poudre de guerre
jouait ainsi un rôle important dans les échanges que le
Dyula de Kong entretenait avec les pays du nord.
5°/
Le sel
Comme aux XVIIe et XVIIIe siècles le sel gemme
qui alimentait la métropole dyula provenait des salines
de Taoudéni.
Ce sel subit depuis le XIXe siècle une forte
concurrence de la part du sel marin consommé surtout dans
les états akan, côtiers ou forestiers.
Le sel marin prove-
nait soit de Grand-Bassam soit de cape-Coast. Il était ache-
miné surtout par les négociants N'zima et i l alimentait en
partie le marché même de Kong. La ville recevait aussi du
sel de Daboya
(2). MalgrÉ, tout,Kong importait une grande
quantité de sel de Taoudéni que Binger chiffrait à 7 500
barres environ par an. Son calcul était basé sur le fait
qu'en vingt jours de route, de Kong à Bobo-Dioulasso, il
rencontra 62 ânes porteurs de 133 barres,
12 boeufs por-
teurs de 220 barres soit au total 408 barres
(3). Le com-
merce du sel tenait ainsi à la fin du XIXe siècle une place
considérable dans l'économie du pays. A partir de Kong i l
était redistribué dans les pays forestiers àu
sud, produc-
teurs d'or ou de noix de kola.
(1)
Bamori Traoré, Kong, le 30-3-1976. Mais les Dyula de Kong ne sem-
blent pas avoir dépassé à cette date les frontières de k'Anno.
(2)
Binger, op. cit., p. 315.
(3)
Ibidem,~. cit., p. 372.
943
L'or
..........
Nous avons vu que le commerce de l'or avait été
à l'origine de la fondation de l'Etat dyula de Kong. C'était
en effet la richesse du pays qui avait attiré les premiers
immigrants,
les Kalo-Dyula
(XI-XIIe siècles)
et les Dyula
à partir des XIVe et XVe siècles. Mais la production auri-
fère du pays dut atteindre son apogée au milieu du XVIIIe
siècle. A partir de cette date on peut affirmer que l'es-
sentiel du métal précieux que Kong utilisait dans ces
transactions avec les pays de la boucle du Niger venait,
soit des mines du Lobi,
soit de l'Anno ou de Bondoukou. Le
XVIIIe siècle marquait aussi l'apogée du commerce de l'or
entre Kong et les Etats du nord,
(Dienné et Tombouctou).
L'impulsion que Seku Watara donna aux industries de tissa-
~e qui se mirent à fabriquer des vêtements de luxe qui
faisaient l'admiration des populations de Dienné, de Tom-
bouctou, de Salaga, de Bondoukou,
la place importante que
prenait la kola dans les transactions diminuèrent considé-
rablement l'usage du métal précieux dans les circuits com-
merciaux que Kong établissait désormais avec ses
~enaires.
Il n'est donc pas surprenant qu'à la fin du XIXe
siècle, Binger ait constaté qu'il y avait très peu d'or qui
était porté à Dienné
(1). Ceci constitua au XIXe siècle un
fait nouveau. L'or de l'Anno et surtout du Lobi allait
continuer d'affluer à Kong
mais le métal précieux ne prit
plus la route de Dienné ou de Tombouctou
i l fut,
soit
thésaurisé
(2),
soit revendu à Bondoukou ou à Salaga où le
mithkal coQtait10.000 cauris
(3).
(1)
Binger, op. cit., p. 316.
(2)
Ibidem, op. cit., p. 316.
(3)
Le rnithkal d'or coûtait à Kong à la fin du XIXe siècle 6:000 cauris,
Cf. Binger, op. cit., t.2, p. 103.
944
Kong était ainsi l'un des marchés où l'or coûtait
le moins cher. Et ce n'est pas par hasard si ce dernier
centre était
"fréquenté par des gens de tous les pays. Le
Ouorodougou y envoie ses céréales, l'Anno
ses kola, le Dyimini ses boeufs et son riz,
le Barabo son coton, le Lobi son or, Dienné
ses belles couvertures et son sel, Bobo-Diou-
lasso '-~ belle ferroJ1I'.erie (1),et ses captifs" (2).
Comme le soulignait Braulot,
"Kong est bien la capitale du Soudan central.
C'en est à la fois le centre commercial et le
centre intellectuel"
(3).
2.
-
Les routes de commerce
L'un des faits nouveaux que l'on peut signaler
au XI Xe siècle c'est l'insécurité qui s'installe à nouveau
sur les routes du nord et de l'ouest. A l'ouest des Etats
de Kong, les Palaka s'attaquaient aux marchands dyula. Bin-
ger les décrit comme des gens très redoutables pour les pays
voisins (4). Sokolo Mari, au début de son règne, avait vaine-
ment essayé de les réduire au silence. Ses échecs repétés
avaient conduit les Dyula à abandonner complètement
"le chemin direct de Kong à Léra"
(5).
D'après les traditionalistes de Kong cette voie était très
fréquentée sous les règnes de Seku Watara et de Kumbi (6).
(1)
Au XIXe siècle, l'industrie du fer devait être réduite à sa plus
faible expression.
(2)
Braulot, A.N.S.O.M. C.I. III, 3.
(3)
Ibidem,
A.N. S.O.M. C. I. III, 3.
(4)
Binger,~. cit., t. l, p. 274.
(5)
Ibidem,~. cit., tel, p. 274.
(6)
Voir surtout : Kararnoko Ouattara, Kong, le 28-03-1976. Voir aussi
Barnori Traoré, Kong le 30-03-1976.
945
L'explorateur français Binger faillit se faire attaquer
sur la route de Sidaradugu par une centaine d'hommes ar-
més
(1).
Nous savons par les sources orales que les
T~guara pillaient les caravanes qui venaient de Dienné et
qui tentaient de regagner la ville de Bobo-Dioulasso (2).
Binger souligne à ce sujet que Kongodé le souverain. du
Gwiriko
"luttait à la fin du XIXe siècle contre les
Taguara qui n'étaient pas encore absolument
soumis"
(3).
A partir de 1850 (date de l'avènement de Sokolo Mori),
les
marchands sont à nouveau confrontés au problème épineux de
la sécurité des voies caravanières. Toute la littérature
orale des Dyula de Kong relate les attaques de caravanes.
On peut citer l'histoire bien connue du négociant de Kong
Basi Mori qui s'était spécialisé dans le commerce du sel
entre Dienné et Kong. Ses caravanes ayant été pillées plus
d'une dizaine de fois sur le chemin de retour entre Bobo-
Dioulasso et Kong.
Il décida de réagir contre ces attaques
qui risquaient de le ruiner.
Il fit lui même un jour le
voyage et au retour de Dienné il se mit à inonder les pe-
tits chefs locaux de cadeaux. Cette générosité délia la
langue des autochtones et il réussit ainsi à s'informer
sur les localités où se trouvaient les brigands.
Il aban-
donna son sel à Sidaradugu et dirigea son armée sur les
repaires des bandits qu'on lui avait signalés.
Il détruisit
ainsi une dizaine de hameaux qui servaient de bases aux
(1)
Binger, op. cit., p. 350.
(2)
Marhaba, Bobo-Dioulasso, le 20-02-1979.
(3)
Binger,~. cit., t. l, p. 375. On pourrait donc situer le début
des hostilités vers 1868-1870.
946
attaques des pillards et massacra plus de mille bandits.
On dit que sa caravane arriva à Kong avec plus de 300
esclaves qu'il vendit à un négociant de l'Anno connu sous
le nom d'Enotyi
(1).
Le traditionaliste Basièri Ouattara relate les
mêmes faits,
mais il présente Basi Mori comme un marabout
doué d'une grande puissance occulte et fait intervenir dans
les combats qu'il livra contre les bandits de nombreux ra-
..
paces qui crevèrent les yeux de ces derniers et facilit~rent
ainsi la victoire du négociant
(2).
L'action énergique de Basi Mori n'avait pas enrayé
le banditisme sur les voies commerciales ; elle avait tout
au plus découragé momentanément les pillards invétérés qui
s'attaquaient aux marchands pour s'emparer de leurs biens.
De ce fait,
ces derniers étaient obligés d'être armés jus-
qu'aux dents.
Ils ne déposaient leurs armes qu'à l'entrée
de la ville de Kong où comme le souligne Binger,
personne
n'av~it le droit, en dehors
des Sunangi,de circuler
"dans les rues armé d'un fusil ou d'un
sabre"
( 3) .
La sécurité existait relativement bien sur les routes
du sud,
notamment celles qui reliaient le marché de Kong à
la ville de Bondoukou. Deux voies ont retenu l'attention
(1)
Il s'agirait probablement d'un négociant N'zima. En réalité il
s'appellerait Eno-Etyi c'est-à-dire Eno le jeune, le cadet. Les
commerçants N'zima devaient être très nombreux dans l'Anno. Ils
participèrent activ.·ment au commerce de la kola et des esclaves
avec Kong (Voir Anzoumana Ouattara, Famièkro, le 17-03-1974).
Pour le récit de l'aventure de Basi Mori voir en particulier
Bamadou Ouattara (Nasyan, le 25-08-1975).
(2)
Basièri Ouattara, Kong, le 20-05-1977. Pour les attaques des cara-
vanes sur les routes du nord au XIXe siècle voir aussi Bamori
Traoré (Kong, le 30-03-1976).
(3)
Binger, op. cit., t. l, p. 303. Les attaques que les Sunangi orga-
nisaient au marché de Kong avaient totalement disparu depuis le
règne de Seku Watara.
947
des traditionalistes, une voie directe passant par la rive
gauche de la Comoé et une voie indirecte qui passait par le
Dyimini et l'Anno. La première offrait une grande sécurité.
C'est ce qui fit dire à Binger à la fin du XIXe siècle que:
"La route appartient aux gens de Kong presque
jusqu'à Bondoukou et partout on peut circuler
sans armes;
i l n'est pas rare de voir une
femme seule faire le trajet sans incident" (1).
La seconde voie qui était de loin la plus fréquentée
serpentait à travers le Dyimini central où avaient lieu des
attaques de caravanes
(2). Mais les gens de Kong savaient
éviter ces dangers en ne suivant que les routes qui appar-
tenaient
"aux gens de Kong ou à leurs alliés de pré-
férence celles qui sont jalonnées par les
colonies musulmanes"
(3).
Malgré ces dangers que nous venons de signaler le
commerce restait très actif entre Kong et le monde extérieur.
La métropole dyula était reliée à la fin du XIXe siècle à
:
1°/
Dienné qui lui fournissait le sel, des escla-
ves, des couvertures, des livres et lui achetait des noix de
kola, des pagnes et de l'or.
2°/
Bobo-Dioulasso qui le ravitaillait en ferron-
nerie,
en esclaves, en beurre de karité,
en échange de fu-
sils, de poudre, de pagnes et de noix de kola.
'- .---- ,'-
3 ° /
Salaga qui lui vendait des armes de provenance
anglaise ou belge, et qui lui achetait des pagnes et des noix
de kola.
(1)
Binger, op. ci t . , t. 1, p. 322.
(2)
Braulot, A.N.S.O.M.
e.1. , III, 3.
(3)
Binger, ~. cit., t. 1, p. 321.
948
4°/
Bouna qui lui fournissait une grande partie
de l'or des pays lobi et s'approvisionnait en pagnes et
surtout en noix de kola.
5°/
Bondoukou qui le ravitaillait en or, en noix
de kola, en poudre et en fusils.
Bondoukou importait les
beaux pagnes du pays de Kong et des esclaves.
6°/
Grumanya
(Anno)
qui importait des tissus, du
beurre de karité, des esclaves et de la ferronnerie. L'Anno
exportait vers Kong, des fusils,
de la poudre et surtout
des noix de kola et de l'or.
Kong était ainsi,
à la fin du xrXe siècle l'un des
plus importants carrefours commerciaux de l'Afrique de
l'ouest.
"C'est, dit Binger,
sur la route de Salaga,
de Bouna, de Bondoukou, de Bobo-Dioulasso et
de Dienné que se fait le plus de commerce"
(1).
rI n'est donc pas surprenant que cette métropole dyula ait
attiré la convoitise d'abord de Tyèba du Kénédugu et de Samori.
3. -
Les conséquences du développement commercial
a)
L'aisance de la population
Ce qui à Kong frappait aussi les visiteurs à la
fin du XrXe siècle c'était l'aisance dans laquelle vivait la
la plupart des habitants de la ville. Cette dernière se tra-
duisait par :
(1)
Binger. op. cit .• t. T. p. 317.
949
'0/
La fortune des Dyula
"L'aisance des habitants disait Binger est
manifeste ici ; on peut vendre des étoffes,
soieries,
florences, algériennes,
gazes,
jusqu'à 10 et 15 francs le mètre;
il en est
de même des haïks, gandouras, turbans, bur-
nous, etc., qui peuvent se vendre excessi-
vement cher".
Un peu plus loin l'explorateur français ajoutait
"je puis dire qu'il est possible de vendre
presque tout ce qu'on veut ici,
à la condi-
tion de pouvoir en démontrer l'utilité et
l'emploi . . . "
( 1 ) .
"J'aurais pu vendre par exemple, tout mon
calicot
(acheté à Paris,
4 fr.
50 la pièce
de 15 mètres)
à raison de deux mitkhal d'or
( 2 4 f r an cs) fi (2) •
Binger a vu à Kong "une jeune mariée couverte
d'or"
(3). Nous savons en effet que les Dyula dans leur
commerce réalisaient d'immenses bénéfices qui pouvaient
varier de "100 à 500 pour 100 et même au-delà"
(4). On
comprend ainsi pourquoi l'explorateur
français a été frap-
pé par le fait que beaucoup de Dyula avaient
réussi à
s'enrichir dans le négoce(5).
Dans la métropole dyula, personne ne semblait
souffrir de la faim.
Les malheureux écrit Binger
"vont chercher du bois au loin et viennent
le vendre au marché"
(6)
(1)
Binger, op. Cl
t. l,
320.
---=-,
(2)
Ibidem,
op. ci t • , t. l, 322.
(3)
Ibidem,
op. cit. , t. l, p. 307.
(4)
Ibidem,
op. ci t • , t. l, p. 298.
(5)
Ibidem,
op. ci t., t. l, p. 299.
( 6)
Ibidem,
op. cit., t. I', p. 318 ; vo~r Karamoko Ouattara, Kong,
le 2-02-1975-.-
950
où tout le monde trouvait
"à acheter matin et soir tout ce qui est
nécessaire à la vie ... "
(1).
Kong était ainsi une riche cité marchande qui captivait
l'attention des visiteurs.
2°/
r,'habillement
L'habillement des hommes et des femmes reflétait
la richesse de la population. Chez les hommes, on affec-
tionnait les broderies. Ainsi, le bas des jambes des culot-
tes était toujours orné de quelques broderies en coton
rouge ou blanc. Les vêtements étaient souvent taillés dans
de belles cotonnades bleues, blanches ou rouges.
Binger a été étonné de voir que tout le monde
"sans exception était chaussé de bottes jau-
nes, de babouches, de sandales faites par
les artisans du pays" (2) .
Tout dans l'habillement reflétait l'aisance dans laquelle
vivait le Dyula de Kong dans cette partie du Nord de la
Côte d'Ivoire où généralement les hommes et les femmes ne
portaient qu'un bouquet de feuilles. Les Dyula de Kong
avaient pris des habitudes que lion ne notait pas chez ses
parents du Mali médiéval. Au XIVe siècle,
Ibn BattÜta avait
été frappé par le fait que les servantes,
les esclaves et
les jeunes filles paraissaient nues en public. Il écrivait
(1)
Binger, op. cit., t. l, p. 318 ; Voir Karamoko Ouattara, Kong,
le 2-02-1975.
(2)
Ibn Battûta, en R.P. CUOQ, ~. cit., pp. 311 - 312.
951
"J'ai vu,
lors de la vingt-septième nuit de
Ramadan, une centaine de femmes esclaves
sortir toutes nues du palais avec de la
nourriture i
i l Y avait avec elles, deux
filles du sultan aux seins arrondis et elles
n'avaient aucun voile sur elles"
(1).
A Kong au contraire toutes les femmes étaient vêtues
elles
portaient le pagne qui tombait jusqu'à la cheville. Elles
étaient très élégantes et portaient couramment le Kpon-
dyèsé c'est-à-dire des pagnes à dessins rouges et blancs
avec des filets jaunes et bleus qui coÛtaient excessivement
cher. Ces pagnes témoignaient eux aussi de l'aisance dans
laquelle vivaient les femmes du pays. Elles portaient en
outre le pagne indigo
(kebé-dyésé).
La variété des coiffures rendait compte aussi de
la fortune de certaines femmes i
la coiffure
"la plus répandue consiste en un cimier très
aplati et une touffe de cheveux en boule sur
le front qui est toujours ceint d'un fattara,
bandelette d'étoffe de couleur pour les jeu-
nes filles et noire pour les femmes rrariées" (2).
Les femmes
élégantes portaient ordinairement le
fattara en soie noire ou en coton et soie noire. La plupart
d'entre elles avaient des longs pendentifs en corail ou en
or et de nombreux bijoux.
Le costume avait par ailleurs à Kong une fonction
sociale très importante, i l permettait de distinguer les
jeunes filles,
les femmes mariées,
les veuves,
les divorcées.
(1)
Ibn Battûta, in R.P. CUOQ, ~. cit., pp. 311-312.
(2)
Binger, op. cit., t. l, pp. 306-307.
952
Comme les hommes toutes les femmes de Kong étaien
chaussées ce qui témoignait aussi d'une certaine importance
de l'industrie du cuir.
b)
L'épanouissement de l'Islam
L'Islam nous le savons avait fait son apparition
dans le Nord-Est de la Côte d'Ivoire dès la seconde moitié
du XIVe siècle sous l'impulsion des commerçants mandé
mais i l demeura une religion isolée pratiquée par une mino-
rité d'étrangers dans un pays sénufo fondamentalement ani-
miste.
Il ne se développa véritablement à Kong qu'au début
du XVIIIe siècle,
sous l'illustre souverain musulman Seku
Watara
(1710-1745)
(1), qui fit édifier la première grande
mosquée de Kong au début de son règne et imposa l'Islam
comme religion d'Etat. L'islamisation du Kpon-Gènè se pour-
suivit activement sous le règne de Kumbi Viatara (1747-1770)
qui attira dans la métropole dyula la plupart des grands
savants musulmans de l'Afrique Occidentale et notamment les
Saganogo. C'est probablement sous le règne de ce dernier
souverain que furent construites les cinq mosquées dont
parle Binger à la fin du XIXe siècle. Seku Watara et Kumbi
ont donné un coup de fouet à l'islamisation du Kpon-Gènè.
Mais on peut affirmer que l'implantation de cette religion
a été surtout le fait des commerçants dyula. Nous pouvons
donc tenter de faire un bilan de l'islamisation du pays à
la fin du XIXe siècle. Kong connaissait-elle à l'époque de
Binger de nombreuses confréries religieuses ?
(1)
Voir la "Table ronde sur les origines de Kong" (les 1 - 2 - 3 no-
vembre 1975 à Kong), A.U.A.
série J, t. l, 1977, p. 470.
953
L'importance de l'Islam à Kong se mesurait par
le grand nombre de mosquées que l'on trouvait dans la
ville à la fin du XIXe siècle. Binger signalait cinq mos-
quées dont un Misiriba
(grande mosquée)
situé
vers la
place du marché
(un édifice carré qui mesurait 20 à 25
mètres de côté)
(1). A ces cinq mosquées il faut ajouter
les bu ru
(salles de prières et de réunions)
pour une po-
pulation que l'on évaluait à 15.000 âmes. A titre de
comparaison nous pouvons citer Tombouctou,
la cité musul-
mane par excellence au Moyen Age, qui avec ses 25 000 ha-
bitants
(2)
ne comptait que trois mosquées, Djinguéréber
(1325)
(3), Sankoré
(4), Sidi Yahya
(1440)
(5). Kong était
ainsi à la fin du XIXe siècle l'une des métropolesislami-
ques les plus importantes de l'Afrique Occidentale.
"Pres-
que toute la population" de Kong à la fin du XIXe siècle
était musulmane, nous dit Binger
(6).
L'un des traits fondamentaux de l'Islam de Kong
ce fut son caractère pacifique. Tous les musulmans, déclare
Binger
"sont tolérants; aucun d'eux n'est assez
sot pour ne pas prêter une marmite ou une
calebasse à un infidèle comme cela a lieu dans
quelques contrées habitées par des Foulbé
musulmans" (7)
Ce caractère pacifique de l'Islam a faire dire à Monnier
en 1892 :
(1)
Binger, op. cit., t. l, p. 297. L'actuelle mosquée est plus petite,
elle mesure ~3m
de côté; elle a été reconstruite à l'emplace-
ment de l'ancienne mosquée. Des hommes de 40 à 50 ans se rappellent
avoir vu les traces de l'ancien édifice.
(2)
R. Mauny, op. cit., p. 393.
(3)
Djinguéréber était la grande mosquée de Tombouctou; elle avait ete
construite par le souverain Mansa Musa après son retour de la Mecque
en 1325.
(4)
Elle serait plus anC1enne que Djinguéréber cf. T. es-S. 1964, p. 37.
(5)
Cf. T. es-S. p. 39.
(6)
Binger, op. ci t . , t. l, p. 298.
0)
Ibidem, op. cit. ,
t. l, p. 298.
954
"Ici, pas plus qu'à Bondoukou, le sentiment
religieux n'est exalté. C'est un islamisme
à fleur de peau pour la convenance, parce
que le fait d'être musulman constitue une
supériorité. Cela ne va pas plus loin. Toute
cette race de Dioulas,. âpre et travailleuse,
dont les caravanes arpentent la boucle du
Niger, a l'esprit trop absorbé par son négo-
ce pour s'attarder dans l'idéal"
(1).
Le jugement nous paraît excessif. Les Dyula de
Kong semblent au contraire avoir réussi à concilier l'Islam et le
commerce.
Les Saganogo qui, depuis le milieu du XVIIIe
siècle, fournissaient les grands karamoko au sein desquels
on recrutait les imams et les notables de la ville ne rê-
vaient ni aux conquêtes ni aux guerres saintes
(Jihad).
Ils
ne semblaient s'intéresser qu'à la prière,
aux affaires et
à l'enseignement religieux. Binger a connu en 1888 l'imam
Sitafa Saganogo qui ne jouait "aucun rôle politique"
(2).
Un vent de mysticisme profond ne semblait pas avoir soufflé
sur le Kpon-Géné et le pays ne connut pas les querelles de
confréries. Ceci vient sans aucun doute du fait que Kong
n'a connu, d'après les vieux, qu'une forme modérée de Ka-
diriya (3)
compatible ?vec une hégémonie commerciale dyula.
Ce mouvement ne semble pas d'ailleurs avoir pénétré en
. (1)
M. ~6nnier,
1894, p. 207 •
(2)
Binger, op. cit., t. I, p. 326.
(3)
A Kong en 1910 il Y avait 13 karamogo qui se réclamaient de la
confrérie Kadiriya. On ne signalait encore aucun Tidyaniya dans la
ville. Voir situation de l'Islam en Côte d'Ivoire, Archives Nationa-
les de Côte d'Ivoire (A.N.C.I.), 3, E E, 2, Kong (1908-1910).
• Pour l'étude des confréries voir Paul Marty.
Etudes sur l'Islam en Côte d'Ivoire, Ernest, Leroux, Paris, 1922,
p·."1j95.·· .
• Saint-Martin (Yves) L'Empire toucouleur et la France un
demi-siècle de relations diplomatiques (1846-1893) Dakar Univeersité,
dactylographiées, p.482.
• Jean-Louis Triaud : La pénétration de l'Islam en Côte d'Ivoi-
re méridionale, Thèse de 3e cycle, Université de Paris, I, 1975,
674 p. dactylographiées.
· I. wilks
"The transmission of islamic learning in the wes-
tern Sudan", in Goody Jack, Litteracy in traditional societies,
pp. 162 - 195, Cambridge University Press, 1968,
955
profondeur la masse de la population. D'après le tradi-
tionaliste Labi,
la Kadiriya,
"était restéE...essentiellement l'affaire des
faqih" ,
c'est-à-dire des karamogo et notamment les kararnogo saga-
nogo
(1). La Kadiriya qui s'était développée à Kong a da
suivre la grande voie commerciale Tombouctou
Dienné
Kong.
Kong n'avait pas connu la Tidyaniya
(2). La
première tentative visant à introduire cette confrérie
chez les Dyula de ce pays avait été faite par El-Haj Umar
Tall
(3)
qui voulait orienter les musulmans vers un
"rituel simple, accessible à tous, dans un
esprit d'ascèse et de détachement du monde,
mais surtout vers la ferveur de la guerre
sainte"
(4)'.
Nous trouvons dans les traditions de Kong des échos de cet-
te tentative :
1°/
Version recueillie à Pongala
"
Lorsque Ladyi Umaru s'empara de
Hamdallahi,
il envoya une ambassade à
Kong pour l'inviter à se soumettre à
la nouvelle foi.
Sokolo Mori dut envo-
yer des guerriers et de riches présents
à Ladyi Umaru . . . "
(5).
(1)
Mamadou Saganogo, Kong, le 20-05-1977.
(2)
Les traditionalistes de Kong sont formels sur ce point. Voir aussi
les Archives Nationales de Côte d'Ivoire, Série EE(3).
(3)
Voir B.O.O. Olorunt imehin , The Segu Tukulor Empire, Ibadan History
séries, General Editor J.F. A. Ajayi, Ph D, Longman, 1972, 357 p.
(4)
Y. Person, Samod, 1968, t. l, p.
141.
(5)
Version recueillie auprès de Dawaba, le 15-03-1974 à Pongala.
956
2° /
Version
de Sikolo
"Après la conquête de Hamdallahi, les
gens de Kong eurent très peur. Le conqué-
rant Ladyi Umaru voulait en effet conqué-
rir leur pays et les soumettre à la
Tidyaniya. Mais la mort du conquérant
sauva les Watara et les Dyula de Kong"
(1).
Binger a recueilli pour sa part auprès de Karamako
Ulé le récit suivant :
"
El-Hadj Omar à son arrivée dans le
Macina envoya l'ordre à Kong d'avoir à se
soumettre. Les chefs de Kong envoyèrent
alors Karamoko-Oulé et quelques notables à
Hamdallahi pour prier El-Hadj Omar d'aban-
donner ce projet. Karamokho-Oulé revint sans
solution, mais Kong était sauvé car El-Hadj
mourut quelques temps après à la grande sa-
tisfaction de la population de Kong"
(2).
Ces événements sont à situer vers 1862, date à
laquelle Umar Tall se rendit effectivement ma!tre du Masina
il mourut deux ans après en 1864 (3). Le fait important
qu'il convient de souligner ici c'est la )01e qU'éprouvèrent
les habitants de Kong à l'annonce de la mort de Umar Tall.
Ce personnage n'était pas aimé dans la métropole dyula car
le commerce des noix de kola ne pouvait guère s'accommoder
des bouleversements que la doctrine du conquérant risquait
de provoquer dans le pays. Kong avait besoin d'une doctrine
islamique compatible avec les affaires, d'où cet esprit de
tolérance que l'on notait dans la métropole dyula à la fin
du XIXe siècle. Au nom du commerce, on acceptait la cohabi-
tation avec les animistes. A la fin du XIXe siècle il n'y
avait pas de conflit entre animistes et musulmans. On peut
(1)
Masai Ouattara, Sikolo le 20-08-1974.
(2)
Binger,~. cit., t. l, p. 341.
(3)
B.O. Oloruntimehin, The Segu Tukulor Empire, 1972, pp. 138-146.
957
parler d'un équilibre entre ces deux mondes. L'animiste
àndo était bien accueilli par son partenaire
commercial
dyula qui savait taire ses préjugés.
ilLe fanatisme reli-
gieux" était absolument exclu chez les Dyula de Kong
(1).
Ainsi, bien que capitale islamique de premier
plan,
l'on débitait le dolo à Kong, notamment dans le
quartier Sumakhana. Binger a constaté avec surFrise que
le monopole de la brasserie à dola
appartenait à "un groupe de fervents
musulmans" (2) .
L'Islam qui s'était ainsi épanoui dans la métro-
poloe dyula fut un Islam libéral dénué de tout fanatisme.
Il a favorisé le développement du commerce et de l'ensei-
gnement de la langue arabe. L'imam de la grande mosquée
était
"en quelque sorte le ministre de l'instruc-
tion publique de Kong et a sous son autorité
les écoles arabes
(au nombre d'une vingtaine.
Lui-même fait un cours aux adultes et aux
hommes âgés. Karamokho Ulé et tous les an-
ciens du reste, vont deux ou trois fois par
semaine assister à des conférences faites
par l'almamy Sitafa sur le Coran,
l'Evangile
et le Pentateuque"
(3).
(1)
Binger, op. cit., t. l, p. 328.
(2)
Ibidem,
op. cit., t. l, pp. 318-319, Binger répartit la population
de Kong en trois groupes, les musulmans lettrés, les musulmans non
lettrés et les musulmans buveurs de dolo ; cf. Binger, ~ cit.,
t. l, p. 298.
(3)
Ibidem,
op. cit., t.l, p. 326. A l'époque l'imam s'appelait Sitafa
Saganogo-.-
958
Nous savons aujourd'hui que de nombreux érudits venaient
des quatre coins de la Côte d'Ivoire poqr assister aux
cours de l'imam Sitafa Saganogo,
l'un des derniers grands
imams de Kong à la fin du XIXe siècle
(1). D'après l'imam
de Bondoukou,
"la plupart des grands imams de cette der-
nière localité furent formés (aux' XVIIIe et
XIXe siècles)à Kong"
(2).
L'oeuvre d'islamisation de Seku Watara et de ses
successeurs avait donc porté ses fruits
; Kong à la fin du
XIXe siècle était devenue une capitale intellectuelle et
islamique. De nos jours encore,
son souvenir demeure vivant
dans la mémoire des musulmans de l'Afrique de l'Ouest en
général et de la Côte d'Ivoire en particulier.
c)
Les mutations sociales à la fin du
XIXe siècle
Le XIXe siècle fut marqué par de profonds change-
ments au sein de la société dyula du fait du développement
du commerce:
l'-dristocratie militaire constituée par les
Sunangi était en perte de vitesse;
l'esprit de caste qui
avait caractérisé la société dyula au XVIIe et au XVIIIe
siècles était en train de disparaître.
Les valeurs sur les-
quelles se fondaient désormais les Dyula de Kong étaient la
fortune et le savoir d'o~ le grand intérêt que l'on accor-
dait de plus en plus aux affaires
(commerce)
et à l'ins-
truction. Voyons quelques aspects de cette société.
(1)
Mamadou Labi, Bouaké, le 6-12-1978.
(2)
Enquêtes réalisées à Bondoukou du 10 àoût au 15 août 1983. Cet 1mam
avait plus de 80 ans au moment de nos enquêtes.
959
1°/
Les Sunangi
Les Sunangi constituaient la classe militaire par
excellence.
Ils
tiraient l'essentiel de leurs revenus des
guerres et des razzias gue les souverains organisaient au
sein des pays limitrophes. Ils recevaient souvent de la part
des riches négociants du pays, d'importants subsides sous
forme de dolo-songo. Les riches marchands en quête de pro-
fits n'hésitaient pas à financer certaines campagnes qui
leur assuraient ainsi la sécurité des voies caravanières.
Depuis le règne de Seku Watara jusqu'au milieu du XI Xe
siècle
(1710-1850),
il a existé, semble-t-il, un lien très
étroit entre l'armée des Sunangi et le commerce dyula. Les
commerçants accordaient des subsides aux Sunangi et ces
derniers assuraient la protection des hommes d'affaires.
Cet équilibre allait être rompu dès l'avènement de Sokolo
Mori. Les raisons de cette rupture sont dues
à deux faits
importants : premièrement Sokolo Mori ayant eu très peur
lors de la tentative du coup d'Etat de Kongolo Mari, avait
expédié le gros des troupes de Kong dans le Gwiriko dans
l'intention, dit-il
"de soutenir les guerres de Kongodé contre
les Taguara ... "
(1).
En réalité,
il voulait éloigner les princes de son Empire
qu'il jugeait turbulents. Ce Fama
"avait en effet la hantise des coups d'Etat;
il soupçonnait souvent ses propres frères de
vouloir l'assassiner pour prendre le pou-
voir ... "
(2).
Deuxièmement,
le souverain de Kong n'avait aucune autorité
\\réelle sur le pays et les Sunangi
(1)
Karamoko Ali, Sungaradaga le 25-02-1979. La grande armée de Kong
stationnait ainsi dans le Gwiriko dès le début àu règne de Sakalo Ilario
(2)
Dawaba Bamaba, Pongala, le 28-03-1976.
960
"semaient parfois la terreur dans leurs
provinces"
(1),
ce qui n'était pas fait pour leur attirer la sympathie de
la population et notamment de celles des négociants. Binger
n'avait pas totalement tort lorsqu'il critiquait la vie
dissolue de Sokolo Mori. A cause de son ivrognerie et de
son ~anque de personnalité, les hommes d'affaires ne de-
vaient pas le porter dans leur coeur (2) .
A la fin du XIXe siècle les Sunangi étaient bou-
dés aussi bien dans les campagnes que dans les villes.
Ils
étaient même détestés par les marchands et
par les paysans.
Voici le témoignage d'un traditionaliste Watara
"
Les commerçants étaient souvent atta-
qués et pillés sur les routes à l'époque de
Sokolo Mori. La justice royale d'ailleurs
s'é-
tait
dégradée. Lorsqu'un marchand avait
perdu
ses biens sur la route i l s'adressait
au Fama. Mais si le voleur parvenait plus tôt
à Kong et offrait une partie de son butin au
souverain, on n'écoutait pas la plainte du
marchand. A la cour royale, on lui répondait
qu'il disait des mensonges •
... Les Sekumogo
(les descendants de Seku)
étaient souvent les auteurs de ces actes de
banditisme. Ils volaient,
pillaient,
ramas-
saient les choses dans telle ou telle ré-
gion
( . . . ) au sein du Kpon-Gènè"
(3).
Le règne de Sokolo Mori marquait ainsi un tournant
décisif dans les rapports entre l'aristocratie militaire
constituée essentiellement par les descendants de Se -1 et
(1)
Basièri Ouattara, Kong, 10-08-1977.
(2)
Einger, op. ciL,
LI, f.'.326.
(3)
Easièri Gu~ttara, hong, le 7-3-1978.
961
l'aristocratie des marchands. Mais les Sunangi s'attaquè-
rent aussi aux paisibles paysans
écoutons un second
récit de Basièri Ouattara :
" " 0
Badyula avait quitté un jour Bogomadu-
gu
(1)
pour se rendre à Fonfondugu. Il y
avait dans ce village un homme nommé Dugu-
tigiba. Il était réputé pour ses riches
champs d'ignames. Badyula le convoqua dès
son arrivée dans le village et lui commanda
des ignames.
"Je ne peux pas vous vendre des
ignames dit Dugutigiba, parce que je n'en ai
pas assez, mais je peux vous en offrir gra-
cieusement. Envoyez-moi deux de vos Dyula-
dyon et je leur donnerai des ignames" -
"Badyula fit partir les deux Dyuladyon chez
Dugutigiba qui leur remit deux charges
d'ignames
(2). Au retour les dyuladyon remar-
quèrent que le champ de Dugutigiba qui était
à l'entrée du village était plein d'ignames.
Ils cachèrent une partie des ignames qu'ils
avaient reçues et ne présentèrent que 20
ignames à Badyula".
"Fama, s'écrièrent les
Dyuladyon, le champ de Dugutigiba est plein
d'ignames mais i l n'a voulu t'offrir que 20
ignames ..• "
"Badyula réfléchit longuement et la nuit
venue il appela 12 Dyuladyon et leur ordonna
de voler les ignames du champ en question.
Les Dyuladyon travaillèrent toute la nuit à
arracher les ignames de Dugutigiba et à les
cacher soigneusement dans la brousse voisine.
Le lendemain matin, le paysan s'aperçut des
dégâts causés dans son champ. Il alla se
confier à son frère Babu. Ils comprirent que
le vol avait été commis par les Dyuladyon ;
ils se plaignirent donc à Badyula qui faisant
semblant d'ignorer ce qui s'était passé
convoqua tous ses serviteurs et ordonna de
fouiller sur le champ les maisons de ces
derniers. Badyula cyniquement promit de tran-
cher la tête au coupable. Bien entendu on ne
trouva pas les coupables. Badyula demanda
alors à ce que l'on tranche la tête à Duguti-
(1)
Bogomadugu, était la résidence officielle de Badyula, au sud-ouest
de Kong.
(2)
La charge d'un porteur était environ de 30 à 40 kilogrammes. Les
Dyuladyon avaient donc reçu environ 60 à 80 kilogrammes d'Ignames.
962
giba qui avait accusé injustement ses Dyu-
ladyon. Le conseil àu village dut présenter des
excuses au prince et Duyutigiba n'eut la vie sauve
qu'en payant"
une amenâe de 100 sira(1)
et un
boeuC'(2).
Ce texte est très important, i l illustre de
manière éloquente les abus d'autorité auxquels les princes
se livraient dans leurs provinces respectives. Ils se con-
tentaient d'une parodie de justice et rançonnaient les
commerçants et les paysans. A Déra, disait Binger,
"on m'avait fait un portrait peu séduisant
de Iamory ; on me l'avait présenté comme un
chef despote rançonnant les marchands et
leur faisant subir toutes les vexations
imaginables"
(3).
Mais le document présenté ci-dessus montre aussi que les
grands princes de Kong avaient des problèmes financiers
importants.
Ils étaient obligés de rançonner les paysans
et les commerçants pour survivre. A la fin du XIXe siècle,
les princes ne vivaient plus dans l'abondance comme c'était
le cas au XVIIIe et même au début du XIXe siècle.
Les échecs répétés des princes watara dans leurs
tentatives de razzier les populations palaka condamnaient
les Sunangi à une existence difficile et précaire. Ce grou-
pe qui avait brillé lors des grandes guerres était devenu à
la fin du XIXe siècle un corps oisif et l'absence de guerre
avait considérablement réduit ses revenus. Il était encore
craint et respecté à cause de son passé, mais détesté par
les commerçants et les paysans. Sa fierté contrastait avec
sa modeste condition de vie dans les kongoso où ses membres
(1)
Le sira était l'équivalent de 200 cauris. Le paysan paya ainSi à
tort une amende de 20.000 cauris.
(2)
Basieri Ouattara, Kong, le 7-03-1978.
(3)
Binger,~. cit., t. 1, p. 271.
9.63
se livraient peu au commerce qui avait pourtant permis à
Se~u Watara de bâtir l'Empire; ils s'adonnaient à l'al-
cool. Généralement illettrés comme la grande masse des
paysans, les Sunangi étaient à la fin du XIXe siècle, des
Kongosomogo
(hommes de la brousse), c'est-à-dire des êtres
incultes, sans finesse,
aux moeurs rudes et grossières.-
Ils représentaient désormais aux yeux des musulmans, le
vestige d'un passé animiste qu'ibsouhaita~toublier. Les
Sunangi ne servaient plus les intérêts des commerçants. A
nouveau des rivalités allaient opposer les premiers aux
hommes d'affaires.
2°/
Les Karamogo
Sous le vocable karamogo
(homme du savoir ou homme
du karan = coran) les traditionalistes de Kong désignent
tous les lettrés
(ulema,
jurisconsultes et docteurs de la
loi musulmane)
réputés pour leur science,
leur piété et qui
jouissaient au sein de la société dyula d'un grand prestige.
Ils étaient perçus par la population comme des
êtres particuliers doués de pouvoirs magiques du fait de
leur savoir et de leur maîtrise du Coran.
Les hommes qui
savaient lire et écrire étaient considérés comme des magi-
ciens dans la société traditionnelle.
Ils étaient ainsi
craints et respectés et aimaient à s'entourer de mystères.
Ils prétendaient avoir le pouvoir de
"communique:r; avec les esprits, de conjurer
le mauvais sort
ou d'attirer contre un in-
dividu qui ne se soumettait pas à leur auto-
rité les colères divines. Tout le monde
craignait les karamogo y compris les princes
et les Fama"
(1).
(1)
Basièri Ouattara, Kong, le 7-03-1978.
964
Nous avons évité de donner aux karamogo le nom de
marabout car ce terme dans le monde islamique est étroite-
ment lié au culte des saints ou à toutes les catégories du
sacré qui ne semblent pas avoir existé au sein de l'Empire
dyula de Kong. Nous avons donc préféré gardé le terme kara-
mogo qui était et qui est encore en usage à Kong.
Les karamogo avaient ainsi au cours des siècles
constitué un groupe social puissant à l'instar de leurs
collègues animistes les dyotigi
(féticheurs) qu'ils n'hé-
sitaient d'ailleurs pas à consulter à l'occasion.
~
s'agit cependant d'un groupe minoritaire apparemment fer-
mé
(1). Mais sa richesse,
sa puissance et son prestige le
hissaient au premier rang dans la société dyula. Les kara-
mogo, comme le souligne Binger qui donne à ces derniers
le nom de "musulmans lettrés", constituaient à la fin du
XIXe siècle véritablement "la classe éclairée et dirigean-
te"
(2).
A la tête des karamogo se trouvait le grand imam
de la ville qu'il ne faut pas confondre avec l'imam de la
grande mosquée qui était chargé de présider les prières du
vendredi. A la fin du XIXe siècle cette dernière fonction
était exercée par Ba Sidiki ;
le grand imam de la ville qui
présidait aux destinées de toute la communauté musulmane
s'appelait Sitafa Saganogo. Mais i l déléguait souvent ses
pouvoirs à l'imam de la grande mosquée. On prenait son avis
sur les questions importantes qui régissaient la vie de la
communauté musulmane.
Bien que ne portant pas le titre de
cadi,
il était considéré comme le plus grand des juges mu-
sulmans du pays. A la fin du XIXe siècle, les Dyula déser-
(1)
A Kong~ on évitait souvent de demander en mariage la fille d'un
karamogo.
(2)
Binger~ op. cit.~ t. 1~ p. 298.
965
taient le tribunal de la cour royale au profit de la
justice de l'imam Sitafa.
La plupart des karamogo étaient généralement des
maîtres d'école.
Ils étaient à ce titre rétribués par le
population musulmane. Entre la fin du XVIIIe siècle et le
début du XIXe siècle, ils prirent un rôle de
plus en plus
considérable dans l'organisation des caravanes. Avec la
recrudescence
des attaques des marchands,
les Dyula géné-
ralement très superstitieux, firent appel à la science oc-
culte des karamogo, soit pour connaître les jours où l'on
pouvait voyager sans rencontrer des bandits sur sa voie,
soit pour se protéger contre ces bandits. Ainsi, en l'ab-
sence d'un soutien militaire efficace de la part des
Sunangi, les karamogo allaient jouer un rôle de protecteurs
contre les populations qui pouvaient nuire aux affaires des
commerçants. Le traditionaliste Bamori Traoré affirmait
en 1976 que
"lorsqu'une caravane avait été bien travail-
lée par un karamogo,
les banmana
(animistes)
qui attendaient le convoi pour le piller ou-
bliaient ce pourquoi ils étaient là et se
mettaient à brouter l'herbe en le voyant
passer"
(1).
Quoiqu'il en soit au XIXe siècle, on ne voit aucun
commerçant s'engager sur les routes sans consulter un kara-
mogo qui se faisait payer à prix d'or. Désormais, les
itinéraires,
les étapes,
le choix du chef de la caravane
relevaient des décisions des karamogo. Cette situation con-
féra à ces derniers une grande activité dans le commerce et
(1)
Bamori Traoré, Kong le 30-03-1976. Il n'est pas dans nos intentions
de discuter si oui ou non, ces karamogo avaient ce pouvoir qui hante
encore de nos jours bien des esprits. Il suffit de jeter un coup
d'oeil sur nos journaux locaux pour entendre parler des "multipli-
cateurs" des billets de banques qui s'enrichissent sur le dos des
intellectuels crédules.
966
notamment dans la fab~ication et la vente des sébè
(amulet-
tes)
que devaient désormais porter les membres de la cara-
vane pour conjurer le mauvais sort. Lorsque les affaires
du commerçant prospéraientJce dernier comblait de dons ses
karamogo qu'il recrutait généralement dans les principaux
centres qu'il fréquentait.
En réalité,
i l semblerait que
les karamogo aient été bien organisés. Malgré le silence
de ces derniers sur ce point,
ils avaient sans aucun doute
bénéficié d'un vaste réseau d'informations qui leur per-
mettait de guider les commerçants dans le choix des itiné-
raires. Beaucoup de lettrés formés à Kong était en effet
en train de chercher fortune dans les villes qui jalon-
naient les voies commerciales. Binger a noté que "des
familles de Kong" se trouvaient
"dans les villages situés sur le
parcours
de Kong,
à BobO-Dioulasso d'abord,
à Djenné
ensuite"
(1).
On pourrait en dire autant pour les voies qui conduisaient
à Bondoukou, à Bouna, à Salaga,
à Grumanya
(2). Cette si-
tuation expliquerait en grande partie le succès des kara-
mogo de Kong et partant celui des négociants dyula.
L'un des faits nouveaux à la fin du XIXe siècle,
c'est le contrôle par les karamogo de l'un des secteurs les
plus importants de la vie économique,
le commerce. Le suc-
cès des Dyula dans ce domaine semble avoir rehaussé le
prestige des karamogo dont la renommée dépassa les frontiè-
res de l'Empire des Watara. Les Anyi d'Arrah par exemple,
n'hésitaient pas, dès la seconde moitié du XIXe siècle,
à
faire appel à la science des "Kponkramo"
(les karamogo de
(1)
Binger, op. cit., p. 327.
(2)
Les Anyi d'Arrah au XIXe siècle allaient chercher les karamogo de
Kong dans le Barabo. Cf. N.G. Kodjo, "Le conunerce à Arrah à l'épo-
que précoloniale", A.V.A., série J,
1975, p.
154.
967
~ong) pour découvrir les terres les plus riches en or (1).
Nous savons aujourd'hui grâce à une enquête que nous avons
effectuée en 1983 à la cour royale du Gyaman à Hérébo que
la politique des souverains de ce pays fut très largement
influencée par les karamogo de Kong au XIXe siècle
(2).
Grâce à ces derniers on peut affirmer que le Gyaman était
et demeura longtemps un Etat satellite de Kong. Par l'in-
termédiaire des karamogo l'influence de Kong s'étendait
sur la plupart des Etats voisins. Binger a constaté à la
fin du XIXe siècle que :
"le prestige dont jouissent les musulmans
de Kong est considérable ; ils travaillent
avec une méthode.
une patience et une téna-
cité remarquable~H(3).
Telles étaient les qualités essentielles de cette catégorie
sociale. Les karamogo n'ont jamais constitué une caste;
tout individu intelligent, patient et tenace pouvait espé-
rer, après de très longues années d'études qui variaient
entre 20 à 30 ans, devenir karamogo.
3°/
Les commerçants
A la fin du XIXe siècle,
les commerçants consti-
tuaient le groupe social le plus important et le plus actif
de la population. C'est ce qu'on appelait à Kong le Dyulaya,
[le
monde du négoce et des affaires). Au sein du Dyulaya,
les Dyagotigi
(les maîtres du commerce)
occupaient le sommet
de la hiérarchie. On reconnaissait le Dyagotigi à ses beaux
vêtements et ses somptueuses résidences à terrasses qui
(1)
N. G. Kodjo, op. cit., pp. 153-155.
(2)
Cours royale d'Herebo le 11-08-1983.
(3)
Binger, op. cit., p. 327.
968
faisaient l'admiration des visiteurs étrangers. Le Dyago-
tigi se déplaçait généralement à cheval suivi d'une escorte
de 5 à 15 esclaves. Sa monture était richement harnachée
avec des selles inscrustées d'or
(1). Il entretenait une
cour nombreuse où la présence des karamoko rehaussait
l'éclat et le prestige. Les Dyagotigi, comme les commer-
çants d'une manière générale, avaient des origines diver-
ses. Les uns étaient issus de familles modestes
(paysans
ou teinturiers)
; tel était le cas du négociant Basi Mori
les autres descendaient de vieilles familles de colporteurs
qui s'étaient enrichies après plusieurs générations. On peut
citer ici le cas de Dao Fétigi à la fin du XIXe siècle. On
notait aussi parmi les riches négociants quelques familles
hatara qui avaient su associer le négoce et le métier des
armes,
tel fut le cas de Karamoko Ulé l'ami de Binger mais
il appartenait,
i l faut le souligner, à la lignée royale de
Lasiri Gbombélé.
A la fin du XIXe siècle,
la fortune des Dyagotigi
comme celle de l'ensemble des commerçants du pays était
fondée sur le seul commerce.
Les Dyagotigi ne constituaient pas un groupe so-
cial fermé.
Tout individu pouvait, grâce à son courage et
à sa valeur personnelle, accéder au rang de Dyagotigi et
jouir des considérations sociales attachées à ce titre.
Dans les traditions dyula, le Dyagotigi était considéré
comme l'homme qui a réussi et qui par conséquent a reçu
la bénédiction divine ;
le Dyagotigi était en quelque
sorte un élu. On comprend alors pourquoi, depuis des siè-
cles,
les colporteurs bravaient les intempéries et l'in-
sécurité pour faire fructitifier leur commerce le long des
routes qui rayonnaient autour de Kong.
(1)
Dawaba Bamba, Pongala, le 20-02-1976.
969
L'un des faits nouveaux qu'il convient de souli-
gner, c'est la disparition de l'esprit de caste au XIXe
siècle. Autrefois, nous disent les traditionalistes, la
société dyula était très cloisonnée avec ses castes ou
myama-kala, avec ses Numu
(forgerons), ses Garangé
(cor-
donniers),
ses Dyéli
(griots) ••• Les groupes les plus
fermés étaient ceux des griots et des forgerons. Ces der-
niers qui travaillaient le négé
(fer)
possédaient des
secrets et étaient considérés souvent comme des guéris-
seurs et des magiciens. Or,
à la fin du XIXe siècle,
la
profession de forgeron semblait pratiquement abandonnée
"Dans les environs de Kong, écrit Binger,
i l n'y a ni fer ni forgerons"
(1).
De nombreuses familles de forgerons durent pour subsister
se reconvertir dans d'autres activités professionnelles en
abandonnant ainsi tout esprit de caste. Le roi actuel de
Kong, Karamoko Ouattara signale même à ce sujet des maria-
ges entre des Watara et des femmes appartenant à l'ancien
clan des Numu
(2).
Le fait le plus troublant est aussi la disparition
du clan des griots, ces aristocrates de la parole qui te-
naient une grande place dans les sociétés mandé. Binger a
été frappé par ce fait :
"On ne voit pas un seul griot ches les
Dioula" de Kong (3) .
....Ce ..n'est .. donc pas par hasard que l'on ne rencontre pas à
Kong, de nos jours, des familles de griots.
(1)
Binger,~. cit., p. 317.
(2)
Karamoko Ouattara, Kong, le 1-03-1974.
(3)
Binger,~. cit., t. 1, p. 328.
970
Ainsi, toutes les barrières qui avaient occa-
sionné le cloisonnement de la société mandé en castes
semblent avoir disparu à la fin du XIXe siècle. Tout le
monde,dit Binger, s'occupe de tissage et de teinture
la notion de
"caste inférieure et mépJ:'isée"
...
.
~
n'existait pas à Kong, et Binger souligne avec raison
que l'esprit même de caste
"a presque disparu"
(1).
A Kong, désormais,
les Seuls critères de base
dans la hiérarchie sociale étaient la fortune et le
savoir. La société dyula offrait ainsi à la fin du XIXe
siècle un visage original que ne connaissait pas la so-
ciété malinké primitive.
4°/
Les esclaves
Nous avons vu l'importance que les esclaves
jouaient dans l'économie et la société dyula de Kong. A
la fin du XIXe siècle, cette population servile venue des
quatre coins de l'Afrique Occidentale semble avoir réussi
son insertion au sein de la société dyula. Elle bénéficiait
de conditions de vie relativement agréables aussi bien dans
les kongoso que dans les centres urbains. L'esclave était
considéré comme un bien précieux, c'est pourquoi on le
choyait et on s'occupait de sa santé et de sa nourriture,
en un mot de son bien-être. D'après les enquêtes que nous
avons faites,
les esclaves ou dyon n'étaient pas maltraités.
En tout cas, nous n'avons jamais entendu parler de la mise
(1)
Binger, op. ciL, t.
1, p. 328.
971
à mort d'un dyon. Voici à ce sujet le témoignage du roi
actuel de Kong :
"Personne ne s'avisait de tuer son escla-
ve, même lorsque ce dernier commettait
des fautes graves. Lorsque l'on n'était
pas content de son dyon on le vendait et
on en achetait un autre. Mais en général
les choses se passaient très bien entre
le maitre et son captif"
(1).
Kong
connaissait à la fin du XIXe siècle une très
forte proportion de population servile mais cette dernière
se sentait parfaitement intégrée à la population des hommes
libres ou horon. Ces derniers n'hésitaient pas à prendre
pour concubines des esclaves. Les unions entre les Watara
et les femmes esclaves étaient courantes. Mais il n'était
pas rare aussi de voir des horon offrir leurs filles en
mariage à des esclaves qui avaient gagné la confiance de
leurs maitres. Ainsi, il n'existait pas dans la société
dyula un sentiment de mépris vis-à-vis des dyon dont la
force faisait vivre l'Empire. Bien au contraire, le dyon
dont l'intelligence et la force faisaient fructifier les'
affaires du maitre jouissait à Kong d'une grande admira-
tion et était très estimé. Des lois non écrites proté-
geaient les descendants des esclaves. Dès qu'un esclave
mettait un enfant au monde dans la maison de son maitre,
l'enfant recevait le nom de woroso
(esclave né dans la
maison)
dès lors i l cessait d'être une marchandise et
le maître perdait ainsi à tout jamais le droit de pouvoir
le vendre. Le horon était tenu de donner une éducation à
ses woroso au même titre qu'à ses propres enfants. Elevés
ensemble,
les woroso nouaient avec les enfants du maître
de profonds sentiments d'amitié qui les attachaient au
(1)
Karamoko Ouattara, Kong, le 1-03-1974.
972
service de leurs futurs maîtres dont ils portaient désor-
mais le dyarnu, c'est-à-dire le nom de famille.
A la fin du XIXe siècle, les esclaves ne cons-
tituaient donc pas un sous-groupe méprisé qui vivait en
marge de la société dyula. Leurs intérêts étaient
étroi-
tement liés à ceux du maître. Le woroso espérait grâce à
son travail accéder au rang des affranchis et plus tard
à celui des hommes libres ou horon. Ici, comme dans les
autres secteurs de la vie sociale, l'esclave devait l'amé-
lioration de sa condition de vie uniquement à son mérite.
Il n'existait donc pas de barrières entre la condition
servile et celle du horon.
Tels étaient les traits fondamentaux de la socié-
té dyula de Kong,
à la fin du XIXe siècle.
Il s'agit d'une
société ouverte, vivante, qui permettait à tout individu
quelle que soit sa condition sociale de s'épanouir dans la
liberté. Ici, plutôt que partout ailleurs,
la naissance
semblait avoir moins d'importance que le mérite.
973
CHAPITRE III
LA FIN DU ROYAUME DE KONG
l,
SAMORI A LA RECHERCHE D'UNE NOUVELLE PATRIE
A.
SAMORI ET LA FUITE VERS L'EST
L'occupation de la rive gauche du Niger par les
forces françaises avaient eu des conséquences fâcheuses
pour Samori. Elle avait proscrit le commerce des armes et
des chevaux avec la rive droite occupée par le conquérant.
Cette situation l'avait poussé à s'intéresser au Kénédugu
afin de s'ouvrir au commerce du Masina et du Dafina. Mais
il avait échoué lamentablement devant les murailles de
Sikasso en 1888. L'Almami dut en outre faire face à une
grande révolte qui se déroula de l'hivernage de 1888 Jusqu'au
début de 1890,
"sous le regard intéressé des Français" (1) .
Un mécontentement général faillit en effet causer la ruine
de l'Empire de Samori i
il était dû surtout au poids écra-
sant de la guerre de Sikasso, aux souffrances du portage,
à la famine consécutive aux réquisitions de vivres, à la
vente des hommes libres pour acheter des armes et des
chevaux ... (2). L'ampleur des révoltes amena Samori à recher-
cher la paix auprès des Français. C'est dans ce contexte
que l'on peut cçmprendre la signature par llAlmami du traité
(1) Y. Persan, op. cit., t.III, p.1049.
(2)
Ibiderr,
op. cit., t. III, p.1049.
974
de Nyako, le 21
février 1888. Il avait en effet, besoin
d'un répit pour venir à bout de la guerre civile qui grondait
dans son pays. Il allait bénéficier d'un sursis qui allait
durer jusqu'en février 1889.
1.
-
Les Français chassent Samori
A partir du 22 février 1889, la politique coloniale
de la France entra dans une nouvelle ère avec la nomination
d'Eugène Etienne comme Ministre du Commerce. Ce grand impé-
rialiste allait en effet coiffer le Sous-Secrétaire d'Etat
aux Colonies.
Il faut dire aussi que c'était l'époque où
Binger révélait aux colonialistes français les richesses et
les immensités de la boucle du Niger, d'où le rêve d'opérer
la jonction du Soudan avec le Golfe de Guinée et de marcher
jusqu'au Tchad. Dans ce programme, Samori apparaissait comme
un obstacle.
Il fallait donc l'éliminer. C'est dans ce
contexte qu'Archinard revint au
Soudan avec des renforts
considérables.
Il pensait d'ailleurs que Samori
"était faible, déconsidéré, impopulaire depuis
la Grande Révolte et tenu en échec par Tyèba.
Il devait donc s'écrouler à la première
poussée"(1) .
Le plan des Français était le suivant, asseoir
solidement l'influence françai~sur le Kénédugu et préparer
l'offensive à outrance contre Samori.
Tout le dispositif
pour frapper Samori était en place dès 1890(2). L'homme qui
fut choisi pour combattre l'Almami fut le colonel Humbert
il avait pour mission de frapp0r droit dans la vallée du
(1)
Y.
Persan, op. ciL, LIU, p.1281.
(2)
Ibidem,
op. ciL, p.1324.
975
Milo, au coeur même de l'Empire.
La lutte à mort que le
,
colonel Humbert engagea contre Samori allait se dérouler a un
moment où l'Afrique Occidentale connaissait la plus grande
épidémie de peste bovine qui
"courait au même moment tout le long des sava-
nes, du Tchad à l'Atlantique. Cette maladie
allait sévir plus d'un an avec une violence
qui défie l'imagination. Sur d'immenses dis-
tances la race bovine disparut pratiquement
et, avec elle, certaines espèces sauvages
comme l'élan de Derby, la plus grande des
antilopes.
Il allait falloir de longues années
pour réparer ce désastre"(1).
A ce triste tableau allaient s'ajouter les effets néfastes
de la politique de la terre brûlée que pratiquera Samori à
l'approche des Français. Cette politique ruina le pays mais
n'affecta pas les troupes françaises qui disposaient de
conserves américaines.
A partir du 6 janvier 1892
Humbert s'engagea sur
la route de Bisandugu. Après de durs combats, sa colonne
entra dans la ville le 12 janvier. Mais le pays qu'il venait
de conquérir était en ruines.
Samori se retira vers l'est,
à Sisela, pour défendre la route du KonY~l. Humbert qui
espérait captuer Samori construisit le fort de Bisandugu et
lança, à partir du 22 janvier 1892, ses troupes contre son
adversaire, Samori engagea toutes ses forces dans la bataille,
mais il dut subir à nouveau des pertes terribles qui permi-
rent aux Français d'envahir les plaines de Sanankoro où ils
virent brûler, sur l'ordre du conquérant, tous les villages.
Les Français avaient ainsi réus:
à occuper le berceau de la
puissance samorienne. L'Almami se retira précipitamment
derrière le Milo, abandonnant dans sa fuite des stocks
(1)
Y. Persan, op. cit., p.1328.
976
importants de vivres à ses ennemis.
Humbert consolida sa
position dans les plaines de Sanankoro en construisant un
fort à Kerwané. Apprenant que Samori se cachait à Tininkuru,
Humbert le surprit le 14 février 1892 et s'empara d'un
important stock d'armes et notamment des fusils à tir rapide.
Mais l'Almami, grâce à la résistance résolue de sa garde,
réussit à fuir.
Il se retrancha derrière le Baulé dans les
pays Kuranko.
Il allait, à partir de cette date, prendre
une grave décision, préparer l'exode de l'Empire vers l'est.
"Eh voyant les Français fortifier Kerwarè,
il ne
pouvait plus douter qu'ils eussent l'intention
de s'implanter au Konyan,et i l savait qu'il
n'avait pas les moyens de les empêcher" (1) .
Ses défaites au début du mois de mars dans le Gundo où il
avait rassemblé tous ses guerriers face aux Frar.çais semblaient
lui donner raison.
Humbert ne réussira pas pourtant à éliminer Samori
et le 12 juillet il quittait le Soudan avec le sentiment
d'un échec.
rl Ignorait que
"les samoriens sortaient ('écimÉs
de l'épreuve" (2)
et que Samori renonçait défintivement à la lutte et cherchait
à s'éloigner des Blancs.
La campagne de 1892 avait brisé
sa volonté(3). Les Français avaient-ils conscience de la
situation dans laquelle se trouvait le conquérant ? Toujours
est-il, .. qu'à partir du mois d'août .1892,
Samori allait à
(1)
Y. Persan, op. ciL, p.
1328
(2)
Ibidem,
op. ciL, p.
1330
(3)
Ibidem, op. cit. ,
p.1344
977
nouveau se trouver en présence des Français décidés à dis-
perser ses forces et à l'empêcher de fuir vers l'est. Combes
qui avait remplacé Humbert allait ainsi à partir de janvier
1893 mener la lutte contre l'Almami qui faillit être fait
prisonnier le 6 décembre 1893 à Koloni. Durant de longs
mois les Français s'essoufflèrent à poursuivre un ennemi qui
ne cherchait qu'à se dérober à ses adversaires. La politique
de dérobade avait permis cependant aux Français d'occuper le
pays natal de Samori et de lui barrer les routes de Freetown
et de Monrovia. Pour survivre, le conquérant était contraint
d'accélérer l'exode de l'Empire vers l'est. Ainsi
dès la fin
de décembre 1893, il dirigea toutes ses forces sur le Bandama.
Il rêvait en effet de faire du Royaume d'Odienné un Etat
tampon qui couvrirait ses arrières contre les forces françaises.
Baœmba le roi du Kérédugu qui avait
succédé à Tyèba,
le Fama de Sikasso ne put cependant s'opposer à l'avance des
sofa, et Samori,de ce fait, contrôla la frontière forestière
depuis le Sassandra jusqu'au Bandama. Dès la fin de janvier
1894 la plupart des armées samoriennes se trouvaient concen-
trées sur le Bandama.
Samori obtint le rallien-ent officiel du Zerma
Mor i
Turé qui était à la tête d'un Etat m.archand or9anisé
dont la capitale était Marabadyasa.
Il noua aussi des al-
liances avec les Baulé de Gbèkè
(Bouaké).
Nous assistons donc à une poussée inexorable des
forces samoriennes vers l'est.
Les Français, las de pour-
suivre un ennemi qui refusait le combat, l'avaient laissé
en paix. La fuite de Samori ne se heurtait à aucune résis-
tance sérieuse. Le Kénédugu qui occupait depuis 10 ans la
978
reglon de Korhogo semblait renoncer, à la vue des samoriens,
à son rêve de s'étendre vers le sud le long du Bandama et
de contrôler les routes commerciales qui descendaient vers
Bassam le long de ce fleuve.
Il faut cependant souligner que vers le milieu
de juin 1893, Babèmba avait quitté Sikasso pour le sud avec
la plus grande partie de son armée en vue de combattre Samori.
Il était en compagnie de son frère Syaka, de ses neveux Fo
et Amadu ainsi que du fameux Kélétigi Bèrèté.
Il avait
rétabli son autorité sur le Ngwélê et détruit la région de
Felkéséka'a
(Ferkessedougou). A Korhogo où le vieux Zwakonyo,
le fidèle allié du Kénédugu était paralysé,
i l reçut l'appui
de son fils Péléfogho Sogho plus communément connu sous le
nom dyula de Gbô Kulibali
(août 1893). Mais dès les premiers
affrontements entre les sofa de Samori et les gens du Kénédugu
le Fama de Sikasso retira toute son armée et rentra dans
sa capitale.
Samori avait donc désormais la voie libre.
Il
allait, à partir de la fin de janvier 1894, concentrer
l'essentiel de ses armées sur le Bandama. La poursuite de la
marche vers l'est avait été en grande partie l'oeuvre du
fils de l'Almami, Sarankenyi-Mori avec la principale fraction
du Foroba,
la grande armée.
En février,
les hommes de Samori atteignirent le Ta-
gwana
(1)
au mois d'avril tout le pays Tagwana était
occupé. L'intervention de Samori à cette même date sur le
Bagoé et la dérobade de Sikasso lui ouvn~~11a route du Folona.
La mort de Zwakonyo
(avril-mai 1894)
et la prise
du pouvoir par son fils Péléfogho, modifia profondément la
carte politique du pays des Senufo du sud.
Elle eut pour
(1)
Voir Y. Persan, op. cit., p.1571.
979
.conséquence le ralliement des Senufo à l' hégémonie de Samori.
A la mort du vieux roi,
le pouvoir était passé à l'héritier
coutumier Tyëëbè Sogho dit Tutumana. Mais aussitôt après sa
proclarr.ation une
forte opposition s'organisa dans le pays
autour de Kasu~~.~un des fils de Zwakonyo ; d'après les
traditions de Kong Kasuma aurait invité son frère Péléfogho
qui vivait à la cour du Fama de Sikasso à venir prendre
le pouvoir (1) . Fort de cet appui, Péléfogho réussit à con-
vaincre Babèmba de la nécessité d'évincer Tyëëbè qu'il
présentait comme un prince hostile au souverain du Kénédugu
Le Fama de Sikasso avec une petite colonne,
imposa donc
Péléfogho Sogho comme roi de Korhogo.
1
A peine investi du pouvoir/Péléfogho se reconcilia
avec ses ennemis et se proposa comme le champion de l'unité
des peuples Senufo du sud. Voulant éviter la guerre à ses
compatriotes décimés par une épidémie de variole,
i l se
rallia à Samori. Sa décision avait été dictée surtout par
le fait qu'il était convaincu que Babèmba était incapable
de défendre ses sujets face aux attaques de l'Almami.
Il
envoya donc une délégation à Samori qui accepta sa soumis-
sion. Il dut fournir au conquérant une armée constituée
autour de Kasuna et des chefs Kasembélé. Cette prise de
position du nouveau roi Péléfogho inquiéta fortement les
autorités de Kong qui avaient jusque là entretenu des rela-
tions cordiales avec les descendants de Nangin.
Les gens
(1)
Easièri Ouattara, Kong,
le 10-8-1978.
981
de Sikasso, l'ennemi juré des
Watara
. Ces raisons pourraient
nous éclairer sur l'hostilité des musulmans de Kong à
l'égard de Samori. Les traditions de Limono et de Kolon(l)
ont gardé le souvenir d'une ambassade conduite par Dyeli
Musa,
l'un des fidèles serviteurs de Samori auprès du Fama
de Kong,
Sokolo Mori. Cette ambassade était, dit-on, chargée
de riches présents et de nombreux captifs pour les autorités
de Kong et les grands marabouts de la ville. Samori, nous
le
savons, voulait surtout que les Dyula de Kong lui ven-
dent des fusils et de la poudre(qui venaient des comptoirs
européens)
et des chevaux
(qui arrivaient du Mosi). Nous
savons aussi que cette ville occupait en effet sur le plan
commercial une position stratégique. Les Dyula, à l'époque,
avaient refusé de satisfaire les désirs de Samori. Dyéli
Musa, déçu, dut quitter Kong quelques semaines avant
l'arrivée de Binger, probablement vers le début de février
1888(2). Les ~atara ne souhaitaient pas la victoire de
Samori contre Tyèba car ils ne voulaient pas avoir ce con-
quérant comme voisin.
Ils craignaient qu'un jour Samori ne
fasse la conquête de leur Etat sous prétexte qu'ils avaient
voulu assassiner son grand-père Samorigbè.
A tort ou à raison,
les hatara avaient en effet
accusé ce négociant de vouloir conquérir le trône de Kong.
Sa tête fut mise à prix ; i l quitta la ville et se réfugia
(1) D'après les traditions de Limono des centaines d'esclaves furent
offerts aux chefs de Kong.
Sokolo Mori aurait même reçu beaucoup
d'or de la part de Samori. Ce dernier,
en retour, confia à Dyéli
Musa une centaine de beaux pagnes pour Samori, mais il refusa d'être
son allié
(Cf.
Bassori Ouattara, Limono juillet,
1974). Les tradi-
tions de Kolon, ne mentionnent pas les esclaves, mais soulignent
que Sokolo Mori reçut une grande quantité d'or.
(Cf.
Bayerissan
Ouattara, Kolon,
le 3-5-1973).
(2) Binger entra à Kong le 20 février
1888.
982
? Dèrègbè(1)
Ne se sentant pas en sécurité,
i l s'en alla
0
à Bouna mais dut quitter ce pays à cause des liens qui
liaient les watara aux autorités de Bouna, pour gagner le
Konyan
aprèsun long séjour à Samatigila(2)
Au moment où
0
i l quittait Kong,
i l aurait juré qu'il reviendrait pour
conquérir le pays(3)
Les sources orales situent cet épisode
0
sous le règne du célèbre souverain Seku Watara
(1710-1745) 0
Nous pensons qu'il faut rejeter cette hypothèse, car, dans
le Konyah,Samorigbè épousa une fille du nom de Dyanka qui
donna naissance à Laafiya Turé entre 1800 et 1810(4)
L'af-
0
faire de Samorigbè eut donc lieu vers la fin du XVIIIe
siècle, vraisemblablement sous le règne de Mori Maghari
(1770-1 SCC)
Sous ce dernier souverain en effet, beaucoup
0
de personnages importants connurent l ' e x i l : on peut citer
le cas de Nangino
Quoi qu'il en soit, les menaces de Samorigbè ne
semblaient pas avoir été prises à la légère et nous pensons
qu'elles étaient à l'origine de la prophétie qui circulait
à Kong et selon laquelle un Turé domin\\(.ti\\.t- lè_~
lvatara(5)
Les
0
autorités de Kong adoptèrent donc une attitude franchement
hostile à Samori et dès le départ de Dyéli Musa, Sokolo Mori
fit surveiller ses frontières du nord et de l'ouest par la
(1) Localité située à 60 km à l'est de Kolon. D'après les traditions que
nous avons recueillies à Kong et à Bobo-Dioulasso, Samorigbè serait
né dans cette ville. La chose ne paraît pas invraisemblable car il
appartenait à une famille de colporteurs dyulao
(2) Imam Marhaba, Bobo-Dioulasso, le 20-2-1979.
(3) Imam Marhaba, Bobo-Dioulasso, 20-2-1979. Cf. aussi Karamoko OU., tara,
chef de Kong,
18-8-1976.
Person, dans ses travaux, consacre peu de place à Samorigbè.
Cf. y Person, ~o cito, t.I, p.242-243.
(4) Y. Person, ~. cit., toI, po243. Laafiya est connu à Kong sous le
nom de Tyèmoko Lagafia Turé o
(5) D'autres prophéties ont circulé à Kong. Au XVIIIe siècle les princes
watara ont attendu vainement le descendant de Lasiri Gbombélé qui
devait venir du Mosi pour noyer dans le sang les fils et les petits-
fils de Seku Watara (Cf. Basièri Ouattara, Kong,
10-8-1977.
983
Moriba. Binger le trouva le 9 février à Wangolodugu(1).
Mais l'hostilité la plus violente à l'égard de
Samori venait des milieux musulmans.
Il n'est pas impossible
que ces derniers aient exercé une pression considérable sur les
princes
èe Kong r::our
faire échouer les négociations entre Sarrori
et Sokolo. Mori. L'affaire remontait aux environs d'avril-mai
1880. Le chef religieux de Kankan,Karamogo Mori s'était lié
à Samori vers 1878(2)
espérant étendre ainsi l'Emprise
musulmane sur les régions animistes,
jusqu'aux frontières du
Futa. Ce pieux personnage était connu à Kong pour la sécu-
rité qu'il assurait aux Dyula et i l était très estimé par
l'imam Sauti de Kong.Il comprit plus tard qu'il avait commis
une grosse erreur en s'alliant au conquérant et i l chercha
à prendre ses distances. C'est ce que l'on a appelé la
"dérobade de Kankan" (3).
Il s'aperçut en effet que sous les
apparences d'un musulman Samori cachait un profond animisme.
Il avait en outre commis à ses yeux un crime abominable en
combattant des musulmans.
Samori avait en effet demandé
l'aide des Kaba pour combattre Sèrè Brèma. Ce fut donc la
rupture entre Karamogo Mori et Samori qu~ déclench~ la
guerre. Personne dans le monde musulman africain de l'époque
ne pouvait imaginer que Samori oserait attaquer la pieuse
cité de Kankan. Ce fut donc une grande surprise lorsque
Samori entreprit à partir de juillet 1880 le siège de la
ville. Cette nouvelle provoqua une grande émotion à Kong
et l'imam Sauti conduisit malgré son âge une importante
(1)
Binger, op. cit., t. l, p.273.
( 2 )
Y. Persan, op. ci t • , t. l, p.324 et su~v.
(3)
Ibidem,
op. ci t. , t. l, p.329.
984
Qélégation auprès de Samori pour intercéder en faveur des
musulmans de Kankan. Yves Person écrit à ce sujet que le
Faama recevait en effet à Bisandugu,
"de nombreuses délégations qui quémandaient
sa bonne qrâce ou intercédaient en faveur
de ses ennemis"
;
mais i l ne parle pas de la délégation de Kong(1). Agibu,
le frère d'Arnadu
(chef religieux des Tydiani)
envoya en
février 1881 une lettre à .Samori pour lui demander d'épar-
gner Kankan.
"Il la déchira ostensiblement sans la lire
devant son Conseil assemblé" (2) .
L'imam Sauti rentra à Kong sans avoir réussi à fléchir
la volonté du conquérant . Samori prit la ville, sanctionna
sévèrement les Tidyani et déporta de nombreux notables
dans le Konyan selon son habi tu:de
. Il soumit les Kaba à
"une contribution de guerre en poudre d'or"(3).
Les gens de Kong prirent alors Samori en aversion et déci-
dèrent de ne jamais lui pardonner ce crime. Cette décision
fut certainement prise au courant de l'hivernage de 1881.
C'est en effet au début de cette période que Kankan capitula
devant les forces samoriennes
. Samori était, à partir de
cette date, considéré à Kong comme l'ennemi des musulmans.
On comprend donc les raisons de l'hostilité des Dyula à
(1)
Y. Persan, ~. ci t . , t. l, p.34ü.
(2)
Ibidem,
op. ci t. , t. l, p.34ü.
(3)
Ibidem,
op. ci t. , t. l, p. 341.
985
l'égard de celui qui prétendait placer ses guerres sous le signe de
l'Islam.
Beaucoup de chercheurs qui se sont jusqu'ici in-
téressés à Samori et aux Dyula de Kong ont ignoré totalement
ce problème
qui fut précisément au coeur des mauvaises
relations qui allaient exister entre les Dyula de Kong et
le conquérant Samori. Nous ne trouvons aucune trace de cette
grave affaire, ni dans les écrits de Dominique Traoré(1) , ni
dans les travaux de Bernus(2) , ni même dans ceux de Yves
Person(3). Comme les Toucouleurs (4) , les musulmans de Kong
ne pardonnèrent jamais à Samori l'humiliante démarche de
l'imam Sauti et le sang des musulmans versés à Kankan.
On
comprend dès lors pourquoi les Dyula de Kong refusèrent de
vendre des chevaux à Samori en 1888. Nous savons grâce aux
sources 9rales qu'il y avait à cette date beaucoup de chevaux
à Kong(5).
Ces traditions sont d'ailleurs confirmées par
Binger qui trouva à Kong une cinquantaine de chevaux qui
venaient du Dafina et que l'on voulait vendre à Pégé contre
des captifs(6).
On n'ignorait pas à Kong que Samori se trouvait à
cette époque dans une situation dramatique et qu'il avait
perdu la plupart de ses montures, mais comme le souligne Soma
(1) D. Traoré "les relations de Samori et de l'état de Kong" Notes
Africaines,
I.F.A.N, Dakar n074,
1950, p.96-97.
(2)
E.
Bernus, op. cit., p.271-272.
(3)
Person a consacré trois volumes à Samori
(4) A propos de l'intervention d'Agibu,
Sam' .-L lui aurait fait répondre
oralement: "je vais prendre cette villl
que protège ton père (Amadu).
Viens l'aider si tu en es capable, mais si je te prends,
je te ferai
couper la tête (ANSON,
Sénéga l
IV,
7,
3.)
et Person ajoute
: "Quand
on connaît l'orgueil des Toucouleurs on comprend qu'ils n'aient jamais
pardonné cette insulte ... " Cf. Y.
Person, op. ciL,
LI, p.358. note 114.
(5)
Karamoko Ouattara (chef de Kong,
Kong,
10-8-1977.
(6) Binger, op.
cit.,
p.319.
986
Ali Ouattara, on priait pour la chute du Fama de Bisandugu(1).
Binger qui a visité le camp de Samori confirma cette situa-
tion. En 1888 Samori ne disposait plus que de 140 montures
et Binger écrit à ce sujet :
"Ces montures n'ont que le nom de cheval,
aucune d'elles ne serait capable de faire
trois jours de suite 30 kilomètres par
jour" (2) .
On comprend donc l'insistance
de Samori pour obtenir des
chevaux à Kong. Mais désormais tout commerce était banni
entre Samori et les Dyula, depuis la chute de Kankan et la
déportation des notables musulmans hors de leur terre natale.
A partir de l'hivernage de 18b1, les autorités de la métro-
pole dyula allaient s'atteler à fournir des armes et des
chevaux aux adversaires de Samori. Le cas le plus signifi-
catif est l'aide que les Watara apportèrent à Tyèba leur
ennemi héréditaire au moment de l'attaque de Sikasso par
Samori. Kong n'hésitera pas non plus à fournir des armes et
des chevaux à un chef guerrier du nom de Vakuru qui pendant
une dizaine d'années allait dominer les marches méridionales
du Kabadugu,
l'allié de Samori. Ce conquérant
"se réclamait d'une lignée de dyula musulmans,
celle du fameux Syali Morifin Bamba l'un des
douze marabouts légendaires qui avaient
semé l'Islam vers la fin du XVIIe siècle ... "
~fi Afrique Occidentale (3) . A Kong,
les musulmans du pays
avaient fondé beaucoup d'espoir sur ce personnage qui, dès
180'), avait étendu son autorité
-;.'squ'aux rives de Haut-
Sassandra. Certains karamogo croyaient sincèrement qu'il
(1) L'un de nos meilleurs informateurs fut sur ce point Soma Ali, un
notable de Sungaradaga. Il a entendu dire que la plupart des sofa
qui combattaient Tyèba avaient perdu leurs chevaux. Cf. Soma Ali
Ouattara, Sungaradaga, 20-3-1979.
(2) Binger, op. cit., p.99.
(3) Y. Persan, op. cit., p.1538. Syali Morifin Bamba était considéré
comme un missionnaire musulman chez les Sya (Mankono).
987
pourrait un jour abattre la puissance de Samori. Au début
de 1887, il s'implanta solidement dans le Worodugu o~ il
onstruisit une puissante forteresse à l'ouest de Worofla.
Au début de sa carrière il semblait avoir recherché
l'amitié de Samori, mais ce dernier le traita avec dédain
Vakuru rompit alors avec lui, ne voulant pas devenir le
vassal du Fama de Bisandugu. Cette rupture lui procura
l'amitié de Kong qui le ravitailla en chevaux et en fusils
à tir rapide(1). Cette hostilité envers
Samori lui attira
aussi la sympathie de Ménard qui devait perdre la vie le
4 février 1892 lors du siège de Séguéla défendu par les
samoriens qui remportèrent ce jour là une éclatante victoire
sur Vakuru. La défaite de Vakuru et la mort du Français
furent durement ressenties à Kong(2). Mais les Dyula de
Kong ne perdirent pas pour autant l'espoir de voir Samori
un jour vaincu et tué. En effet depuis le mois de janvier
1892, les gens de Kong apprirent avec un grand intérêt que
les Français combattaient Samori. Malheureusement les alliés
de Kong n'arrivaient pas à capturer l'ennemi, cela causait
une certaine déception dans les milieux musulmans. Ces der-
niers allaient d'ailleurs être inquiets lorsqu'ils compri-
rent que Samori traqué par les armées françaises fuyait
vers
l'est en suivant le "Maka-Sila"
(la route de la
Mecque). Pensait-il à Kong en parlant du Maka-Sila ?
A partir de janvier 1893,
l'unique souci de
l'Almami était en effet
"d'évacuer vers l'est le plus de monde
possible et ( . ~viter les coups des
Français" (3) .
(1) Y. Persan, op. cit., p.1540 et su~v.
(2) Bamadou Ouattara, Nasyan, 20-8-1974.
0) Y. Persan, op. ciL, p. 1394.
988
Nous pouvons affirmer aujourd'hui qu'à partir de cette date
Samori pensait à la métropole dyula. Dans sa lutte contre
les troupes françaises i l avait perdu son pays natal,
le
berceau de sa puissance,
il avait perdu les routes de
Freetown et de Monrovia qui le ravitaillaient en fusils
les Français lui barraient aussi les routes du Haut-Niger
d'où venaient les chevaux et les grains.
Il se trouvait donc
condamné ; pour survivre,
il se voyait contraint de contrôler
les circuits commerciaux détenus par les Dyula de Kong hos-
tiles à sa politique. Samori était ainsi dans une situation
difficile. Pour avoir accès aux marchés de Kong,
i l avait
le choix entre deux solutions
: conquérir la métropole dyula
comme ce fut le cas à Kankan ou négocier avec les Dyula
du pays. Il semble qu'il ait renoncé à la première hypothèse
pour deux raisons. Premièrement, i l savait que Kong
avait
si~né un traité avec les Français et il ne cherchait pas à
les provoquer. Deuxièmement, après la prise de Kankan,
il
semblerait que Samori ait cherché à asseoir la cohésion de
de son Empire autour de l'Islam. Au moment de la prise de
la cité pieuse,
le Fama qui était illettré était entouré par
des
"griots ou des dyula aussi peu lettrés que
lui-même et l'élément maraboutique n'était
pas présent parmi eux"(1).
Person écrit que
"l'ambiance de sa cour se trouva profondément
transformée après la chute de Kankan et que
de
nouveaux cons' . llers dont le plus notable
était Ansumana Kuyaté,
firent entendre un
nouveau son de cloche" (2) .
(1) Y. Persan, op. cit., p.80S.
(2) Ibidem,
op. ciL, p.809.
989
Quoi qu'il en soit,
il s'orienta visiblement vers un régime
théocratique(1),
car il prit le 25 juillet 1884 le titre
d'Almarni qui faisait de lui le chef de la communauté
musulmane. C'est donc en tant que chef d'une communauté isla-
mique qu'il allait engager à nouveau, dès février ou mai
1893 des négociations avec kong.
L'imam de Bobo-Dioulasso, Marhaba Saganogo,
nous
apprend qu'après la mort de Tyèba,
l'Almami envoya une
ambassade aux musulmans de Kong pour les féliciter de leur
victoire sur le Kénédugu(2). Cette ambassade avait été soi-
gneusement préparée. Elle était dirigée par l'imam de
Samatigila, Karamogo Konyo Mami Diaby plus communément appelé
Mustafa Diaby. Ce dernier était accompagné par une centaine
de jeunes kararnogo qui avaient fait leurs études à Kong et
qui avaient reçu des diplômes des mains de l'imam Sauti(3).
Samori se montra très généreux et la tradition de Pongala
relate que Sokolo Mori reçut à cette occasion une centaine
d'esclaves et que beaucoup d'autres esclaves furent distri-
bués aux grands karamogo de la ville (4) . Seul l'imam Sitafa
refusa 1
sernble-t-il, les cadeaux de Samori car le titre d'Almami
que ce dernier avait pris lui inspirait de vives inquiétu-
des(5). Or le but de cette mission était précisément d'invi-
ter les musulmans de Kong à signer un traité d'amitié avec
l'Almami. Sur ce point la position de l'imam Sitafa fut claire.
(1)
~:ous pensons que cette orientation était un acte politique qui visait
à réunir tous les musulmans autour de Samori devant l'impérialisme
français incarné par la présence de Borgnis-Desbordes.
Cf. Y. Person, op. cit., p.809, 812.
(2) Pour cette ambassade voir Marhaba Saganogo, Bobo, 20-2-1979.
(3) Voir aussi Kongodé Ouattara, Kotédougou, le 23-2-78 et Pigneba
Ouattara, Wangolodougou, 18-7-1974.
(4) Bamadou Ouattara, Nasyan, 20-8-74. Voir aussi Badawa Ouattara,
Pongala, 27-3-1976.
(5) En réalité il avait accepté les esclaves, mais il les aurait affran-
chis sur le champ. Cf. Pigneba Ouattara, Wangolodougou, le 18-7-74.
990
I1Un
musulman ne contracte pas une alliance
avec le diable" Samori, disait-il,
"ne con-
naît rien aux lois islamiques et sa conduite
est celle d'un conquérant animiste.
Il a
pris le titre d'Almami pour tromper les
vrais musulmans" (1) .
Il invita par conséquent les karamogo de la ville à être
prudents et à méditer sur la prise de Kankan et la déporta-
tion des notables musulmans. Les princes de Kong qui appar-
tenaient à des lignées vénérables qui dirigeaient le Nord-
Est de la Côte d'Ivoire depuis plusieurs siècles(2),
firent
dire à Mustafa Diaby qu'ils allaient réfléchir aux
propositions de Samori. En réalité, c'était une manière
polie de répondre non à la demande de Samori et l'imam de
Samatigila le savait. Après un séjour qui dura environ un
mois Mustafa Diaby quitta Kong avec sa délégation et rejoi-
gnit l'Almami qui avait regagné Odienné(3) ,
sans aucun doute,
pour diriger l'évacuation à l'approche des troupes de Combes.
Mustafa Diaby avait le sentiment d'un échec au
moment où il quittait Kong.
En réalité, quelque chose était
en train de bouger. On allait assister à la formation d'un
parti samorien à la suite d'une crise importante provoquée
par la duplicité des Français dans le Kénédugu et par
l'affaire du Masina et de Dienné.
3. - La formation d'un parti samorien à Kong
Binger, grâce à ses fructueux contacts avec la
métropole dyula de Kong, avait réussi à nouer de solides
relations d'amitié avec les LJbitants du pays. Il avait
(1) Ce détail est fourni par l'imam de Bobo-Dioulasso, Marhaba,
Bobo-Dioulasso, 5-2-1979.
(2) N'oublions pas que Seku Watara appartient par sa mère à la dynastie
tarawéré qui régnait sur Kong depuis le XVe siècle.
(3) Imam Marhaba, Bobo-Dioulasso, le 10-3-1979. Cf. Person, op. cit.,
p.1553.
-
- -
991
apprécié de 1888 à 1892 la sagesse et l'intelligence des
autorités de Kong. Lors de son dernier passage dans la
métropole dyula
(mai-juin 1892),
il eut à juste titre
l'impression que Kong était devenue une alliée fidèle de la
France qui devait lui ouvrir des possibilités commerciales
avec Bassam et Assinie
• Pourtant, un an après le départ
de Binger,
les autorités du pays refusèrent l'entrée de leur
cité aux Français qu'ils considéraient comme des partenaires
dangereux. Que s'était-il passé? Deux raisons essentielles
expliqueraient l'attitude des gens de Kong:
a)
La duplicité des Français dans le
conflit entre les Watara et les
Tarawéré du Kénédugu(1)
Nous avons vu qu'au début des hostilités entre
Samori et Tyèba
(1887-1888)
les gens de Kong et de Bobo-
Dioulasso avaient refusé la main que Samori leur avait tendue
pour combattre ensemble un ennemi commun. Contre toute
attente,
ils avaient au contraire vendu des armes et des
chevaux au Fama de Sikasso pour montrer à Samori qu'ils le
haïssaient encore plus que Tyèba(2). Mais l'arrivée à Sikasso
d'un résident français causa une vive émotion dans le Gwiriko.
Pour cette étude, nous disposons des informations fournies
par les explorateurs
français et des témoignages de ceux
qui ont vécu les épisodes et cette époque. Nous allons donc
essayer à travers les sources orales et les documents d'ar-
chives de montrer comment les watara du Gwiriko avaient
accueilli la présence française dans le Kénédugu.
(1) Voir A.N.S.O.M., Soudan II,
dossier 1,
1892-1894 (mission auprès
de Tyèba).
(2) Les traditions de Sungaradaga et de Kotédougou que nous avons
recueillies en février 1979 parlent des Nazara (Blancs) qui combat-
taient aux côtés du Fama lors de ces guerres.
992
Le 21 mai 1890 en effet,
le capitaine Quiquandon
fut envoyé par les autorités françaises du Soudan
dans le
Kénédugu pour asseoir solidement l'influence française sur
le pays et préparer l'offensive contre Samori. Il s'agissait
pour les Français de prendre en main Tyèba, d'organiser son
armée afin de la diriger,
le moment venu, contre les sofa
de Samori(1), Quiquandon mit à la disposition du Fama de
Sikasso 15 tirailleurs pour ses campagnes. Ce fut,
dit-on
à Bobo, avec ces "soldats français" que Tyèba soumit vers la
fin du mois d'avril 1890 les Nanergé sur les routes de
Bobo-Dioulasso défiant ainsi les princes du Gwiriko(2).
Quoiqu'il en soit,
les watara du Gwiriko étaient
convaincus que les Français aidaient Tyèba pour conquérir leur
pays. Tout le monde en effet savait que le Fama de Sikasso
avait renoncé à la lutt~ contre Sarnori et que son principal
souci était de profiter de la présence française pour for-
tifier sa ville et disposer d'une puissante armée afin de
faire des conquêtes vers l'est et le sud. Dès lors les
Français apparurent aux yeux des watara du Gwiriko comme des
êtres dangereux à surveiller de près et qui
"trompaient les Katara de Kong en se faisant
passer pour les amis des Dyula"(3).
Kongodé envoya son frère
Pinyèba
auprès de Sokolo Mori pour
dénoncer la duplicité des Français et l'inviter
"à se méfier des Blancs qui nourrissaient
des mauvaises intentions vis-à-vis des
V>.atara" (4) .
(1) Voir Y. Person, op. cit., t.III, p.1281.
(2) Soma Ali, Sungaradaga, le 28-3-1979.
(3) Dawaba Bamba, Pongala,
le 28-3-1976.
(4) Kongodé Ouattara, Kotédougou,
le 23-2-1979.
993
Le Gwiriko invitait ainsi les autorités du Kpon-Gènè à
reconsidérer désormais les liens qu'ils avaient noué avec
les Français.
La présence de Pinyèba
à Kong est confirmée par
les traditions orales de Pongala qui parlent d'une grande
réunion tenue à Kong par les princes watara et qui dura
plusieurs jours. Cette cérémonie dut avoir lieu peu après
le 10 juin 1892, date à laquelle Binger quitta triompalement
Kong pour la côte où i l espérait arriver vers fin juillet
1892. Nous rejetons les traditions de Sikolo qui prétendent
que la grande réunion eut lieu avant le passage de Ménard
dans la ville(1). Ce explorateur français fut en effet bien
accueilli en mars 1891
; i l Y séjourna plusieurs mois, pro-
bablement jusqu'en décembre 1891 (2)
où i l vécut avec les
Dyula dans un climat de confiance. A cette date on n'avait
donc pas dressé l'opinion des Dyula contre les Français.
La présence de Quiquandon à Sikasso et l'aide que
ce dernier apporta à l'organisation de l'armée pesa lourde-
ment dans
la décision des Watara de ne plus vendre des armes
et des chevaux au Fama de Sikasso. La tension entre le Kénédugu
et le Gwiriko devint vive en mars 1892, lorsque le Fama de
Sikasso réalisa la conquête de woloko-Tombo et de Kafi en pays
Taguara(3). L'arrivée de Marchand le 13 avril 1892 dans le
camp du Fama,
leva, pour les Watara du Gwiriko,
toute équi-
voque sur l'attitude des Français; ces derniers étaient
les alliés de Tyèba et par voie de conséquence les ennemis
des watara. Le 9 mai 1892, Marchand s'illustra dans la guerre
(1) Ménard ~articipa à partir du 11 janvier au siège de Séguéla mené par
le chef Vakuru. Il trouva la mort le 4 février 1892. Cf. Y. Persan,
op. ci t ., p. 1546.
(2) Bibliothèque de l'Institut de France Fonds Terrier Manuscrits n05930.
Ménard offrit aux autorités du pays "trois cents pièces d'argent de
cinq francs" ; il informa les négociants de la ville qu'il n'y avait
"aucun danger jusqu'à grand-Bassam".
(3) Y. Persan, op. cit., p.1319.
994
que Tyèba menait contre Tyéré.
Il fut d'ailleurs blessé au
cours de cette bataille(1). La victoire du Français et du
Fama entraîna, on le sait, la chute du Minyanka et libéra
le Kénédugu qui allait désormais tourner ses forces contre
le Gwiriko.
Non seulement les Français jouèrent un rôle consi-
dérable dans la réorganisation de la grande armée de Sikasso,
mais ils allaient, en fournissant des armes et des munitions
au Fama, rendre vains les efforts que les hatara faisaient
pour empêcher le Kénédugu de s'armer. En effet, au lendemain
du retrait des forces samoriennes devant les murs de
Sikasso, les autorités de Kong et de Bobo-Dioulasso avaient
interdit
la vente des armes, des chevaux et de la poudre aux
gens du Kénédugu. Cette décision fut scrupuleusement respectée
par les Dyula et toutes
les caravanes du Fama chargées
d'armes et de munitions en provenance de Kong ou de Bondoukou
furent interceptées par les princes du Gwiriko. Malheureuse-
ment cette politique échoua par la faute des Français qui,
obsédés par la lutte contre Samori, armaient puissamment le
Kénédugu qu'ils voulaient utiliser comme une base militaire
dans leur guerre contre l'Almami. Les Français ignoraient-ils
que le Fama acceptait l'aide française uniquement pour sa
lutte contre les Watara ? Nous ne le pensons pas. Le 21 mai
1890 Quiquandon se rendit bien compte que le Fama avait cessé
de combattre Samori et qu'il cherchait habilement à profiter
de l'alliance française pour consolider l'assiette de son royaume
notamment au détriment des pays de l'est(2).
Il suffit aussi
de voir la tension qui régna entre Marchand et Tyèba. Le pre-
(1) Y. Persan, op. cit., p.1320.
(2) Ibidem,
op. cit., p.1289.
995
mier voulait la guerre contre Sarnori et le second cherchait
à se dérober à cette tâche(1). Malgré tout, les Français
continuèrent d'armer le Kénédugu. Cette situation irritait
lesWatara qui ne cachèrent pas leur colère aux Français qui
continuaient d'apporter leur aide à Tyèba. En juillet 1892,
un tirailleur qui avait pourtant déserté la colonne de
Ménard à Bondoukou et qui espérait se livrer au négoce fut
arrêté à Bobo-Dioulasso et vendu comme captif. Mar.chand eut
un écho de cet événement qui lui inspira une "grande inquié-
tude" (2) . En août,
le lieutenant Vigy à la demande de Marchand
voulut aller à Kong pour avoir des nouvelles de Ménard. A
Bobo on sut qu'il venait d'apporter trente caisse~de cartou-
ches à Tyèba,
à Sikasso. Il fut donc expulsé violemment de
Bobo le 25 septembre et fut contraint de rebrousser chemin(3).
Désormais les Watara fermèrent leurs pays aux Blancs. A la
bataille de Barna,
ils rendirent les Français responsables
de la mort des milliers de Watara qui périrent sur le champ
de bataille
"sous le poids des armes que la France avait
fournies à Tyèba" (4) .
Quoiqu'il en soit,
les traditionaliste de Kong et de Bobo
sont persuadés que,
sans l'aide de la France, beaucoup de
~atara ne seraient pas morts à Barna et Tyèba ne se serait
pas permis de dire avant la bataille qu'il irait à Kong
teindre les vêtements des Sunangi et des karamogo dans
l'indigo(5). L'aide de la France à Tyèba fut ainsi l'une des
(1) Y. Person, op. ciL, p.13L~1320.
(2)
Ibidem,
op. ciL, LIlI, p.1364, note 184.
(3)
Ibiden"
~. cit., LIlI; p.1363-1364.
(4) Propos recueillis auprès du vieillard Ladji Kongodé Ouattara à Koté-
dougou, le 23-2-1979.
(5) Braulot, A.N.S.O.M., C.I, III, 3.
996
raisons de la méfiance des Watara de Kong et de Bobo-Dioulasso
à l'égard des Français.
Le parti francopFtile était très mal
à l'aise à cause de la duplicité des Français dans l'affaire
Tyèba : un parti samorien était en train de se former.
Il
suffit de voir la manière dont Braulot allait être reçu à Kong
pour s'en convaincre
(25 juin 1893 -
30 juillet 1893). Ce
parti samorien allait devenir relativement puissant après
l'affaire du Masina et de Dienné
(12 avril 1893)
affaire que
Samori exploitera habilement.
Cinq mois après la mort de Tyèba
(fin janvier
1893), les gens de Kong n'avaient pas oublié leurs griefs
contre les Français et le 25 juin 1893 Braulot fut très mal
reçu dans la capitale des Watara. Il écrivait :
"pendant
les premiers jours, nous fÛmes de
la part de la population l'objet d'une
curiosité qui n'avait rien de bienveillant.
Nous étions loin des manifestations aussi
bruyantes que sympathiques de l'année pré-
cédente(1).
Il m'était également impossible
de ne pas remarquer l'attitude poliment
réservée des notables auxquels mon premier
soin fut de rendre visite. Aucun d'eux ne me
parla de Tyèba et de la guerre ; on affecta
même de se taire sur ce sujet brÛlant. Mais
les gens du commun,
les captifs dans leurs
conversations avec nos Sénégalais ne se gê-
naient pas pour reprocher amèrement aux Fran-
cais leur duplicité. Nous ne craignons pas
de venir en amis à Kong après fourni des
armes 2 ~ièba et l'avoir mené à la conquête
du pays dioula. Le l'a!.1a de Sikasso avait juré
de ~aire teindre les boubous blancs
(des
0ens de Kon0)
dans les puits à indiso de
Kong-avant le jour du Ramadan •.. " (2).
(1) Allusion au dernier séjour de Binger à Kong (mai-juin 1892).
(2) Braulot. C.L. III. 3.
997
Bien que la mort de Tyèba ait véritablement soulagé
les gens de Kong, ces derniers n'avaient pas pour autant
pardonné aux Français leur duplicité avec le Fama de Sikasso.
Braulot dut déployer toute son énergie pour regagner
l'amitié de la population dyula. D'après notre explorateur,
les cadeaux dont il fit une lar~e distribution eurent raison
de bien des froideurs. Cette générosité expliquerait en
effet en grande partie que des personnages comme Siré
(le
dugutigi) Fa Sidiki
(l'imam), AI-Haj Moriba (pèlerin de la
Mecque)
et Mokosia
(le chef des captifs de Karamoko Ulé) qui
s'étaient d'abord tenus à l'écart les premiers jours se
rapprochèrent de lui. A Dakara, i l avait comblé Sokolo Mori
et les membres de la famille royale de riches cadeaux. Mais
nous pensons qu Braulot était un personnage un peu trop
optimiste.
Il parlait à Dakara d'accueil "chaleureux"
et le
20 juillet 1893 au moment où i l quittait Kong i l prétend
avoir été
"salué par des protestations d'amitié dont
i l était impossible de mettre en doute la
sincérité" (1) .
En réalité,
les bonnes relations qui existaient entre Kong
et la France étaient sérieusement compromises et Karamoko
Ulé, nous le savons aujourd'hui, eut toutes les peines du
monde à faire accepter aux
Dyula la présence de Braulot
à Kong.
Karamoko Ulé demeurait encore fidèle au traité qu'il
avait conclu secrètement avec Binger pour obtenir l'appui des
Français. Mais pour les musulmans de Kong
"les prières des marabouts protégeaient mieux
la ville que les plus solida. remparts" (=., •
(1) Braulot, C.I., III, 3.
(2)
Ibidem
998
Ils pensaient donc pouvoir se passer de l'aide de la France.
Au moment où Braulot séjournait à Kong,
le bruit courait que
la colonne du Soudan avait ravagé le Masina et détruit
Dienné, mais on ignorait à Kong que ces guerres avaient
coûté la vie à des marchands du pays. Braulot avait raison
de s'inquiéter à propos de ces rumeurs car, comme i l le
soulignait lui-même, les
"bonnes relations avec Kong pouvaient être
immédiatement compromises dans un avenir très
prochain" (1).
Nous voyons donc que son optimisme du 20 juillet 1893 était
exagéré et ce départ l'a
au contraire sauvé d'une situation
difficile, comme nous allons le voir.
b)
L'affaire du Masina et de Dienné
Au début de l'année 1893, la France tendait à
abandonner au Soudan la politique de l'expansion coloniale.
Or c'est précisément à cette époque qu'Archinard,
refusant
de se plier à cette stratégie coloniale,
se lançait dans une
guerre de conquête territoriale. Ainsi le 23 juillet 1893,
il quitta Kayes avec ses troupes, parcourut la zone sahé-
lienne et arriva le 14 mars à Ségou où i l mit fin à l'exis-
tence du royaume Bambara vassal.
Il annexa le pays et chassa
le Fama qui dut se réfugier dans le Kaarta,
son pays natal.
Faisant fi des ordres reçus de France Archinard soumit,
après un combat meurtrier,
le Masina. Sous prétexte de
débarrasser le pays d'Ahmadu,
i l marcha sur San, puis sur
Dienné dont il s'empara le 12 avril 1893 2.'1 l~ours d'.un
?SSé'.ut :ort sanglant (2). La prise de Dienné aggrava la ten-
sion qui existait entre les
Dyula de Kong et les Français.
(1)
Braulot, C.I.,
III, 3.
(2) Y.
Person, op. ciL, LIlI, p.1426.
999
Beaucoup de négociants dyula qui se trouvaient à cette
époque dans la ville soudanaise trouvèrent la mort au cours
de cette guerre. D'après les témoignages que nous avons
recueillis à Kong et à Bobo-Dioulasso, une trentaine de
citoyens de Kong et un nombre considérable d'esclaves avaient
été massacrés par les Français(1). Parmi les victimes figu-
raient Ahmadu et Syaka, deux fils du célèbre négociant Basi
Mori(2). Ce fut la grande consternation pour les Dyula de
Kong,
les Français étaient des
"assassins qui s'attaquaient aux musulmans et
aux paisibles marchands.
Ils voulaient la
ruine des cités dyula dont la plus importante
à leurs yeux était Kong .•. "(3).
Les traditionalistes actuels signalent de nombreux incidents
sanglants entre le pati musulman devenu franchement hostile
aux Français et ceux que l'on considérait "comme les amis
des Français" (4).
Les familles des victimes tentèrent à
plusieurs reprises de mettre le feu dans les maisons de Bafotigi
et de Karamoko Ulé qui, pendant de nombreux mois,
se garda
de rentrer à Kong en attendant que les esprits s'apaisent.
Malheureusement les esprits n'étaient pas encore apaisés et
Karamoko Ulé était encore réfugié à Dakara lorsque,
le 25
avril 1894, Marchand qui deux ans auparavant avait combatu
aux côtés de Tyèba dans la guerre contre Tyéré,
arriva à
Guinso,
à la frontière de Kong et demanda à entrer dans la
capitale des ~atara. Il essuya un refus catégorique. Voici
la réponse qu'il reçut des autorités de Kong:
(1) Dyarnila Ouattara, Yonoro, le 30-4-1976.
(2) Basièri Ouattara, Abidjan,
le 20-11-1978.
(3)
Ibidem
(4)
Dawaba Bamba, Pongala, mars,
1976.
980
de Kong n'avaient pas tort de s'inquiéter car peu de temps
après le ralliement de péléfogho,
Samori envoya son lieute-
nant Komiya ulé combattre les Palaka qui séparaient Kong
de l'Almami.
Komiya ulé traversa le Bandama et s'installa
à Pofiré mais échoua devant Kumbala la principale forteres-
se du chef palaka Sémiya qui, depuis le règne de Sokolo
Mori,
rançonnait les caravanes de Kong qui traversaient son
pays.
Nous reviendrons d'ailleurs sur cette intervention
de Samori en pays palaka
; elle semblait répondre à la
demande de certains négociants de Kong qui éprouvaient des
difficultés pour circuler dans les pays contrôlés par
Sémiya.
Quoi qu'il en soit Samori était décidé à prendre
en main Kong et les marchés de la Comoé et pour ce faire
il
décida de s'implanter dans le Dyimini.
La conquête de cet
ancien domaine de Kong allait être confié a Sekoba qui
allait envahir
le pays au milieu de
juillet 1894.
2.
-
Samori convoite l'Empire des Watara
Nous avons vu que Samori,
lors de la guerre qu'il
entreprit contre le Kénédugu,
avait sollicité vainem~nt
l"'aide- des Watara de Kong,
il nous
fait
revenir
sur 1('
raisons profondes qui ont motivé le refus des Dyula de
venir en aide à Samori au moment ou il combattait le Fama
1000
"Nous savons que Dienné où beaucoup de com-
merçants de Kong sont morts a été attaqué par
Binger qui
a dit qu'il connaissait bien
le
chemin de Kong et qu'il viendra bientôt
détruire notre ville. Des hommes de Djenné
réfugiés chez nous l'ont entendu et nous ont
repété cette parole. Avec les nombreux soldats
que tu conduis, tu es sans doute l'avant-
garde de Binger, mais
tu n'entreras chez nous
qu'après nous avoir tous tués, nous, nos
marabouts, (karamokos), nos captifs et nos
enfants qui n'avons pour défenseur que Moha-
madou
(Mahomet)
et pour arme que le bassalia
(chapelet). Nous n'ignorons pas cependant
que tu n'as fait aucun mal sur la route et
ceux de nos chefs qui t'ont reçu parlent en
bien pour toi
, mais les Nazarahs
(chrétiens)
ont beaucoup de moyens inconnus des noirs de
mettre leurs projets à exécution et leurs
intentions sont mauvaises. Nous avons tous
dit que les blancs n'entreront plus à Kong" (1) .
En apprenant en effet la mort des marchands de
Kong à Dienné, le Dyèma, sous l'impulsion des familles des
victimes et des musulmans influents de la ville, notamment des
Dao Somag~ana, avait décidé que les Français n'entreraient
plus à Kong. Nous situons cette décision au courant du mois
d'aoÜt 1893. On comprend donc la colère de la population
dyula lo~q~'elle apprit que Marchand,
l'ancien hôte de Tyèba,
désirait entrer à Kong. Les watara de Kéréu qui avaient
autrefois accueilli favorablement les Français avaient été
contraints de se rallier à cette idée et Siré le dugutigi
fut chargé de l'application de cette décision.
Marchand envoya des émissaires pour solliciter
l'appui des anciens amis de Binger, notamment Karamoko Ulé
et la Mori. Le premier, qui demeurait toujours à Dakara, fit
dire à Marchand qu'il
(1) Fonds Terrier Ms. 5.930.
1001
"regrettait la situation qui" lui était
"faite et qu'il avait longtemps soutenu les
Français contre ceux quï lui reprochaient
.à lui même d'avoir accueilli Binger mais que
la prise de Djenné avait donné
raison à nos ennemis et qu'il avait pris le
parti, lui qui n'était qu'un serviteur
d'Allah de laisser faire les chefs(l)gardant
la neutralité envers nous" (2) •
Quant à la Mori,Marchand se rendit compte qu'il était devenu
le chef véritable de l'opposition. Ainsi les deux partis qui
dominaient la vie politique à Kong,
le parti musulman dirigé
par les Dao et le parti Sunangi dirigé par la Mori tournèrent
le dos à Marchand. Les Sunangi étaient cependant conscients
du danger samorien et ils
se rendaient
. parfaitement compte
que le parti musulman faisait le jeu des Samoriens dont la
force ne cessait de cro1tre depuis le début de l'année de 1893.
Ceci allait expliquer plus tard le revirement des princes
watara et de nombreux musulmans de la ville. En attendant,
l'explorateur français allait vivre à Dyinso une situation
dramatique;
ses hommes ne trouvaient rien à manger.
Le 28
avril, la vie étant devenue très difficile, Marchand se porta
à Dyangbanaso, au sud de Kong. Mais là aussi les
"vivres se firent tout à fait introuvables.
Une famine terrible désolait la région.
Les
sauterelles avaient dévoré les mils et le
riz en tige et les rares provisions, ignames
(1) Fonds Terrier, Manuscrit, n05930. Bien entendu Binger n'a pas part~c~
pé à l'invasion du Masina et de Dienné. Il se trouvait à cette époque
à Grand-Bassam. On s'explique fort mal pourquoi les réfugiés de Dienné
ont prononcé le nom de Binger à cette occasion.
(2) Nous avons ici, la preuve irréfutable que Karamoko Ulé n'était pas
l'un des chefs de Kong. Son rêve de devenir roi de Kong venait de
s'envoler (août 1893).
1002
et mais qui arrivaient périodiquement à Kong
dont les habitants sont rien moins que cultivateurs
provenaient des districts éloignÉs du Dyimini
ou du Tafirira
(Tafiré) où elles étaient ache-
tées ~ prix d~or. Les riches seuls avaient
le droit de manger, les journaliers et les
malheureux mouraient d'inanition, le fait
se produisit deux fois" pendant le séjour de
Marchand à Dyangbanaso (1).
Il semblerait d' ailleurs que la famine ait frappé de plein fouet le
Kpon-Gènè car, d'après les témoignages du Français,
"plus au nord les habitants des territoires
Komono et Dokhosié chassés par la faim émi-
graient à l'est vers les plaines de la Volta
moins éprouvées et à Bobo-Dioulasso où le
fléau att.eignait toute son affreuse intensité,
les populations décimées se nourrissaient de
l'herbe basse des prairies et des feuilles
d'arbre brouillées" (2).
4.
-
La victoire du parti français
Marchand se trouvait ainsi dans une situation
précaire à Dyangbanaso lorsqu'un fait nouveau se produisit
à Kong
: Badyula qui avait assisté aux funérailles (te
Zwakonyo rentrait à Kong avec de mauvaises nouvelles.
Pélé-
fogho Sogho qui venait de succéder au roi défunt avait pris
la décision de se rallier à Samori et il
"invitait les autorités de Kong à se joindre à
lui pour éviter les souffrances de la guerre
aux Senufo et aux Dyula de Kong"(3).
(1)
Fonds Terrier, ~s.
~930.
(2) Ibidem
(3)
Propos recueillis auprès de Dawaba Bamba, pongala 18-8-1976. Voir
aussi Basièri Ouattara, Kong le 20-5-1977. D'après ces informations
Zwakonyo serait mort au début du mois d'avril 1894.
1003
Cette nouvelle inquiéta vivement les Watara qui n'ignoraient
pas que les troupes de Samori faisaient peser de lourdes
menaces sur le Tagwana.
Le parti sunangi décida alors de
faire la paix avec Marchand qui pourrait éventuellement l'ai-
der à combattre le cas échéant les sofa de l'Almami.
Malheureusement, les princes de Kong ne contrôlaient pas
la situation dans le pays et ils allaient faire courir de
graves dangers à la colonne française.
Les
Watara décidèrent
cependant de ne plus s'opposer à l'entrée de Marchand à Kong.
La mauvaise nouvelle apportée par Badyula provoqua aussi
des défections au sein du parti musulman. Ainsi, Bafotigi,
"quoique musulman et appartenant au parti
Dao"(l)
se rendit à Dyangbanaso et encouragea Marchand dans sa
résolution d'entrer à Kong. Le 30 avril,
"la mission entrait à Kong à 9 heures du
matin entre deux haies épaisses de specta-
teurs dont les membres masculins proféraient
les plus visibles menaces à l'adresse de
Bafotigi le "Nazarah" et des "sauvages du
bon Dieu"
(Marchand et ses compagnons)"(J).
Les réfugiés de Dienné qui séjournaient à cette époque dans
la ville excitaient la colère de la population contre la
présence française et Marchand eut toutes les peines du monde
pour aller saluer Moro Sia
(le frère et le représentant de
Karamoko Ulé)
et Siré le dugutigi qui devait se charger
d'héberger les nouveaux venus. Ce dernier personnage n'avait
aucune autorité et ne faisait qu'exécuter les décisions des
princes de .Dakara.
Il ~ogea les étrange~s au nombre de 26
- - - - - - - - - - - - - - - - -
(1)
Fonds 'Terrier, Ms 593ü.
(2)
Ibidem.
1004
chez son frère Basoma qui mit à leur disposition un logement
prévu pour une ou deux personnes, alors que Marchand avait
en outre 90 ballots.
Il faut dire que Siré se trouvait dans une situation
inconfortable
comment concilier la colère d'une partie de
la population et le jeu politique auquel se livraient les
princes réunis à Dakara
Il semblerait que Siré ait voulu
contenter, d'une part les princes watara en recevant les
Français mais d'autre
part d.ll.Ssi, la population en réservant un
mauvais accueil aux nouveaux venus.
Il se garda en effet
d'offrir des dons d'hospitalité à Marchand et à sa suite(1).
Il semblerait d'ailleurs que le souhait de la masse de la
p~pulation ait
été de laisser la colonne française mourir
de faim. Marchand souligne que ses hommes sont restés
quarante-huit heures sans nourriture. c'est dans ce contexte
que le 2 mai 1894, au milieu des insultes, Marchand se ren-
dit sur la place du marché pour tenter
"de vendre ou échanger contre des vivres
quelques pièces du superbe calicot que la
mission possédait" (2) .
Mais le Français se heurta à une hostilité générale
voici
ce qu'il écrit à ce sujet:
"les prix ironiques qui me furent offerts,
deux fois inférieurs à ceux de fabrique me
firent comprendre clairement qu'en les
acceptant je créais un précédent qui entraî-
nerait la perte du convoi c'est-à-dire de
toute la mission . . . " (3).
(1)
Fonds Terrier, Ms lJ930.
(2)
A.N.S.O.M. 231 Mi, bobine n 0 1 , dossier 4.
(3)
Fonds Terrier, Ms. lJ930.
1005
bn traita Marchand et les membres de son convoi de "k~fir"
(paien)
et on prof~ra des menaces de mort contre leur
personne : vous êtes
"tous des k~firs, de la viande pour nos cou-
teaux"
disaient les Dyula de Kong.
La colère des Dyula s'exerça
contre le douanier Bailly, le chef d'escorte de Marchand
qui fut violemment frapp~ sur la place du march~, car
"une femme tentait de lui vendre des
ignames" (1 ) .
Cet incident faillit avoir de graves cons~quences. Selon les
traditions de Sikolo(2), seule l'intervention ~nergigue
des Dyuladyon de Badyula sauva la vie à Marchand et à Bailly
qui risquaient de se faire massacrer par la population.
Grâce à Badyula, la colonne venait d'~chapper à une catas-
trophe. Curieusement, Marchand ne signale pas dans son
rapport l'aide efficace qu'il reçut du prince watara.
Quoi qu'il en soit, le 2 mai au matin, Marchand ne
r~ussit pas à se procurer de la nourriture et la faim cr~a
un profond malaise au sein de ses tirailleurs. Voici son
t~moignage sur ce point :
"Je rentrai dans notre case pour trouver
l'escorte révolt~e. Les tirailleurs se lassant
de souffrir dans une ville riche où je leur
avais montr~ le terme de nos misères, vinrent
me reprocher de les laisser mourir de faim et
m'avertirent insolemment qu'ils partiraient
dans la nuit avec leurs armes pour essayer
de rentrer au Soudan en m'abandonnant à Kong"(3).
(1)
Fonds Terrier, Ms.
S930.
(2) Voir les traditions de Sikolo. Nous devons ces informations à Masai
Ouattara,dont le père avait été l'un des farouches adversaires de la
présence française à Kong.
(3)
Fond~ Terrier. Ms. 5930.
1006
Cette situation inquiéta Marchand qui résolut de
se procurer des vivres. Il se confia à Moro Sia qui refusa
de l'aider. Il disait à juste titre que
"la famine prolongée rendait l'avenir incer-
tain et qu'il n'était pas sûr lui-même d'en
avoir assez pour ses propres besoins 1"(1).
Marchand obtint de tous les notables auxquels il crut pou-
voir s'adresser
"des réponses analogues oG perçait la haine
du Nazarah et la journée se passa en démar-
ches infructueuses".
"Le soir dit Marchand, il y avait quarante-
huit heures que nous n'avions rien pris"(2).
Dans la nuit cependant, Bafotigi fit passer en secret 10
ignames qui
"furent partagées par les 26 personnes et ne
servirent peut-être qu'à exaspérer la faim
qui nous criait aux entrailles"(3).
La situation devenait intenable ; il demanda et obtirr la
convocation du Dyèma pour le lendemain matin. D'après les
traditions de la ville Marchand fut ainsi
"invité à s'expliquer sur sa présence à Kong
et les événements de Dienné qui avaient
occasionné la mort de nombreux Dyula du pays"(4).
En l'absence de Sokolo Mori qui demeurait toujours
a Dakara, Badyula présida le grand conseil de Kong. Comme
le reconnaît Marchand la réunion "fut plus qu'orageuse" (5)
(1)
Fonds Terrier. Ms.
~930.
(2)
Ibidem
(3)
Ibidem
(4)
Karamoko Ouattara, Kong, le 30-3-1976.
(5)
Fonds Terrier. Ms.
5930.
1007
et la présence des réfugiés de Dienné qui souhaitaient la
mort des étrangers n'était pas faite pour détendre l'atmos-
phère. Nous avons des échos de ce conseil, grâce aux sources
orales. D'après le Bambadyon Bamadou Ouattara,
"le Blanc parla longuement et bien. On sentait
la colère dans sa voix i
il nia la présence
de Binzé
(Binger)
au Soudan.
"Si vous tenez
vraiment à savoir la vérité, dit-il, envoyez
des gens à Bassam
et vous verrez que les
hommes de Dienné que vous avez accueillis ici
sont des menteurs.
Vous aves demandé une
route à
Binger pour faire du commerce avec
nos comptoirs,
je suis venu vous dire que
désormais la route est ouverte. Vos gens sont
morts à Dienné, c'est vrai, ajoute-t-il mais
ils sont morts non pas dans le dyulaya,mais
dans la guerre et ceux d'entre vous qui
s'attaqueront à mes hommes subiront le même
sort"(1).
A propos de ces dernières menaces on l i t dans le rapport de
Marchand le passage suivant
:
"pour obtenir ce que j'y étais venu chercher
j'étais décidé à tout accepter excepté les
voies de fait.
Elles ne devaient pas se
renouveler à la suite de l'entrevue plus
qu'orageuse que j'eus immédiatement avec les
chefs et notables auxquels je ne cachai, ni
ma qualité de chef militaire ni ma résolution
énergiquement arrêtée d'être respecté chez
eux comme je l'avais été partout ailleurs,
au
besoin par la force.
Pour dire toute la vérité
j'offris le combat sur l'heure avec tous les
guerriers,
en déplorant sincèrement que mes
avances, le mobile qui m'avait amené chez eux
et ma modération sur ma route de mission n'aient
pas été compris et n'aient servi au contraire
qu'à leur faire croire à ma faiblesse ou à
de basses intentions" (2) .
(1)
Bamadou Ouattara, Nasyan, le 4-4-1976.
(2)
Fonds Terrier. Ms.
5930.
1008
Visiblement Marchand voulait intimider la population
car il savait pertinemment que les Sunangi n'avaient pas
l'intention de lui faire la guerre et que ses plus farouches
ennemis se trouvaient au sein des négociants et des karamogo.
Il ne faut d'ailleurs pas le prendre au sérieux lorsqu'il
dit que moins d'une heure après son plaidoyer
"un mouton et une respectable quantité
d'ignames débarquaient dans ma case envoyés
par Ciré et Moro Sia qui s'excusaient sur
l'heure avancée de la soirée et de ne pouvoir
faire mieux pour aujourd'hui" (1).
Son discours avait certes produit un grand effet sur l'as-
semblée qui avait fini vers la fin de la matinée du 3 mai
par accepter la présence de la colonne/française dans la
cité, mais ce fut seulement très tard vers le soir que le
mouton et les ignames furent fournis à Marchand (2) • Quoi
qu'il en soit, l'explorateur français avait réussi à redres-
ser la situation et les tirailleurs pour la première fois
mangèrent à leur faim toute la nuit.
La mission était sauvée, elle allait désormais se
dérouler dans de très bonnes conditions.
l'explorateur reçut
les jours suivants la visite des notables et des chefs de la
ville qui vinrent lui demander pardon des souffrances qu'ils
lui avaient imposées. L'imam Fa sidiki, le prince Badyula
et le négociant Karamoko Dao lui témoignèrent une grande
affection.
Ce dernier était surtout très intéressé par la
possibilité de pouvoir commercer directement avec les com-
ptoirs de Grand-Bassam
et d'Assinie.
La présence de l'imam
Fa Sidiki et de Karamoko Dao chez Marchand était la preuve
incontestable que le parti musulman et surtout le milieu
commerçant vena~ntde basculer dans le camp français.
(1)
Fonds Terrier. Ms.
5930.
(2)
Karamoko Ouattara, Kong, le 30-3-1976.
1009
Un problème sérieux demeurait cependant :les Français
n'avaient pas encore été reçus par Sokolo Mori et Karamoko
ulé
; ce fait gênait les négociants de la ville qui avaient
hâte de connaître les pays côtiers. Chose curieuse, ce furent
Bafotigi et Karamoko Dao qui pressèrent maintenant le roi
Sokolo Mori de recevoir les représentants de la France. Mar-
chand prit conscience de l'intérêt que la population lui
portait désormais. Aussi, lorsque le 4 mai, Sokolo Mori lui
fit dire que les grands chefs de la famille souveraine
l'attendaient à Dakara pour entendre les nouvelles qu'il
apportait,
il ne répondit à l'appel royal que le 11 mai seu-
lement. Ce fut à cette dernière date qu'il se présenta à
Dakara en compagnie de Bafotifi et de Karamoko Dao.
La délé-
gation trouva Karamoko ulé installé sous un dangar de
branchages en train de commenter un passage du Coran à Babraila
le chef du village. Lorsque le vieillard encore vert, vit
Marchand,
il partit à sa rencontre et lui souhaita la bien-
venue. Manifestement il était content de voir le Français et
ses "bons yeux très bienveillants".
trahissaient des sen-
timents de joie(1).
On raconte que depuis le passage de Binger en 1888
il éprouvait une grande joie en accueillant un Français à
Kong, au nom de la grande amitié qui l'avait lié à l'explo-
rateur. On affirme qu'il se plaisait à dire qu'il se sentait
fier d'être "l'ami des Nazara"
(Blancs).
Devenu le dyatigi des Français, Karamoko ulé con-
duisit Marchand chez le roi Sokolo Mori où les notables de
Kong convoqués à Dakara depuis plusieurs jours l'attendaient.
L'accueil fut très chaleureux et Marchand signale qu'il fut
(1)
Fonds Terrier. Ms.
5930.
1010
"reçu très gracieusement" par Sokolo Mori, Karamoko ulé,
la Mori, les membres de la famille,
les chefs de guerre et
les notables de l'entourage du roi(l).
Le roi l'invita par la suite à expliquer encore
une fois en public le but de sa visite pour dissiper les
craintes de ceux qui croyaient que Binger avait détruit
Dienné et se préparait à attaquer Kong. Marchand prit la
parole en ces termes
:
"Au premier blanc qui passa à Kong il y a six
ans, vous avez demandé six choses principales
parmi lesquelles un bon chemin de commerce
pour aller à la mer et un remède pour donner
l'intelligence à vos enfants. L'intelligence
est aux mains de Dieu et le pouvoir d'en
donner à ceux qui n'en ont pas n'appartient
à personne pas même aux blancs, mais le chemin
de la mer que vous avez demandé à Binger,
nous avons travaillé six ans à vous l'ouvrir
et c'est moi qui vous l'apporte. C'est la
route de Thiassalé où dès maintenant nos
commerçants attendent les vôtres. Vous voyez
bien que c'est à votre demande que je
suis venu et j'avais dès lors le droit
d'attendre un autre accueil que celui que
vous m'avez fait.
Vous dites que depuis Djenné
a été pris par les Français conduits par
Binger. C'est faux!
Depuis longtemps Binger
est à Grand-Bassam où Il attend vos remercie-
ments qui tardent bien à venir. Celui de nos
chefs qui a pris Djenné, le colonel Archinard
ne poursuivait que le sultan Ahmadou de
Ségou(2)
dont le père El-Hadj Omar, vous a
assez fait trembler
jadis. si Djenné, ville
de commerce s'était souvenue de sa mission et
avait gardé la neutralité au lieu de se jeter
dans la lutte en acceptant dans ses murs les
soldats toucouleurs, vos commerçants n'y
.
auraient pas trouvé la mort et d'ailleurs gui
d'entre vous me soutiendra que le commerce
de Kong n'a pas été facilité et augmenté par
(1)
Fonds Terrier. Ms.
~930.
(2) Marchand se garde bien entendu de présenter Archinard comme un
impérialiste qui voulait soumettre les pays de la boucle du Niger
(Dienné, Tombouctou . . . ).
1011
la conquête du Macina(1). Comme vous,
Dioulas,
les Français ne font la guerre qu'au
profit du commerce et n'ont jamais envoyé
leurs soldats dans les villes qui avaient
bien accueilli leurs voyageurs et leurs
commerçants. Avis à Kong et vous tous, vieil-
lards et savants qui dirigez ses destinées
et que je salue ici"(2).
Marchand appuya son ploidoyer "par de superbes
cadeaux d'une valeur de quinze cents francs" (3). Sokolo Mori
reçut un don d'une valeur de 1.000 francs.
Les princes
Karamoko ulé,
la Mori, Badyula, Kélétigi, Bagi(4), Ali(5),
Suri(6), Balèmba et les notables de la cour royale reçurent
eux aussi des présents. Cette générosité, comme le souligne
Marchand,
"ne rencontra que des approbations, au moins
en apparence et amena en tout cas le résultat
désiré"
Marchand reçut en effet
"l'autorisation et mêm~ la prière de seJourner
à Kong dans une résidence agréable avec le
titre accepté de représentant du gouvernement
( 1 ) Marchand fit miroiter le fait que la conquête du Masina apporta la
sécurité sur les voies commerciales du nord.
Il écrit à ce sujet:
Depuis l'occupation de Djenné les caravanes qui,de différents points
du Niger se rendent chaque année dans cette ville ont bénéficié de
la sécurité des routes d'accès, de la baisse considérable du prix du
sel et de l'exemption de l'impôt toucouleur. Je n'ignorais pas que la
rancune de Kong contre les conquérants européens de Djenné trouvait
son principal aliment dans la question de religion presque abolie
par les profits que les négociants dioulas retirent du nouvel état
des·choses. Ehez le Dioula même fanatique on peut toujours mettre le
musulman en opposition avec le commerçant ; neuf fois sur dix,
Mahomet aura tort"
(Fonds Terrier. Ms.
5930, p.202, note 1).
(2)
Fonds Terrier. Ms.
5930.
(3)
Ibidem.
(4)
Ce personnage était le fils de Karamoko ulé.
(5) Ali était un second fils de Karamoko ulé.
(6) Suri était l'un des fils de la Mori qui avait accueilli très
froidement Marchand à Kong.
1012
français" (1).
Dans son rapport de mission Marchand exprimait sa joie
en ces termes
:
"De cette heure date la fin de nos mis~res,
la période difficile du début était close
et la population intelligente revenue à une
plus saine appréciation de ses intérêts(2)
se conduisait de façon à me le faire enti~re
ment oublier"(3).
A l'issue de cette réunion, deux lettres furent
écrites par l'imam Fa sidiki à la demande de Marchand;
l'une fut adressée au gouverneur de Grand-Bassam et la
seconde devait servir de sauf-conduit à Marchand pour-son
voyage à Bouna(4).
A Dakara,
il avait été décidé aussi qu'une caravane
d'essai conduite par Bafotigi et Karamoko Dao devait être
organisée sans retard pour descendre
"à la C8te d'Ivoire par la nouvelle route de
Thiassalé"
que Marcahnd baptisa "Dioulasira " (chemin des Dyula) (5) .
De retour à Kong Siré, le dugutigi installa Marchand,
non à Somarana comme l'avait souhaité Sokolo Mori, mais au
sud du quartier de Kéréu "au milieu des jardins" pr~s de
(1) Fonds Terrier
~. ~., 5930.
0
(2) En réalité les princes watara dans leur immense majorité n'étaient
pas hostiles au Français. Après la réunion orageuse du 3 mai, la
plupart des négociants de la ville se rallièrent à Marchand. La rai-
son d'être des Dyula était précisément le commerce. Ils n'avaient
donc aucun intérêt à combattre le Français qui leur offrait la
possibilité de fréquenter les villes de la côte.
(3) Fonds Terri~r, ~. cit., Ms. 5930.
(4) La lettre destinée au gouverneur de Bassam parviendra à Grand-Bassam
au mois de juillet avec Bafotigio
(5) Fonds Terrier, ~. ~., Ms. 5930.
1013
Marabaso
"dans une vaste demeure agréable et indé-
pendante Il (1) •
Le chef de la ville lui concéda en outre un terrain pour
l'installation du marché européen. Le 17 mai,
les travaux
étaient pratiquement terminés lorsque Moskowitz arriva à
Kong venant de Bondoukou par Bouna(2).
Il venait de quitter
l'explorateur anglais Fergusson qui avait signé un traité
avec les chefs du pays dans le courant du mois d'avril.
Moskowitz
lIétait resté trois semaines à Bouna, malade,
totalement dénué de ressources à côté de la
riche mission anglaise ll (3).
Moskowitz fut accepté comme membre de l'expédition que con-
duisait Marchand. Et le 18 mai pendant que
Ille premier groupe de la caravane Dioula par-
tait de Kong pour le Baoulé et Thiassalé,
le même jour le marché français était inauguré
à la résidence sous la direction de Moskowitz
et Bailly mon chef de convoi,
le premier
chargé de la vente au détail,
le second pré-
posé au magasin je me réservais personnellement
les grosses affaires c'est-à-dire celle en-
traînant des transactions supérieures à dix
francs" (4) •
(1) Fonds l'errier., op. ciL, I·~s. 5930.
(2) Maximilien Moskowitz était un explorateur d'origine hongroise. En
·1893 il avait demandé au gouvernement français l'autorigation de
faire une mission à Kong. Binger consulté sur ce point émit un avis dé-
favorable. Il trouvait que ce jeune homme de 29 ans manquait d'ex-
périence, de tact et de circonspection. Cette mission eut lieu
cependant mais avec des moyens très réduits. Elle atteignit Kong le
17 mai 1894. Moskowitz mourut à Kong le 6 août 1894. Nous savons par
Bailly qu'il tenait un journal; malheureusement, ce dernier n'a
jamais été retrouvé. Voir Mission Moskowitz et Dautier, voyage sur
la Côte d'Ivoire 1895, A.N.S.D.M. Mission 22.
(3) Fonds Terrier, ~. cit., Ms. 5930.
(4)
Ibidem.
1014
La création d'un marché français à Kong apparaissait
à Marchand comme
Ille premier acte offensif de la lutte du Niger
Central contre l'envahissante exportation
britannique, lutte qui doit devenir bien au-
trement vive dans un avenir très prochain Il
;
c'était enfin pour Marchand
ilIa possibilité de fixer les relations économi-
ques intensives ébauchées entre Kong et la
Côte d'Ivoire en achevant la commercialisation
de la nouvelle route de Thiassalé ll (1).
Au mois de mai, le commerce des Français semblait
prospérer et Marchand était loin de penser à une menace
samorienne.
Il fut donc surpris lorsque, vers la fin du mois,
Samori envoya ses colonnes dans le Niellé. La chute de Ten-
grela défendu par Syaka le frère de Babèmba montrait à
Marchand qu'une menace pesait sur les pays dyula.
Dans les
premiers jours de juin, les envoyés de Samori étaient à Kong
sous le patronage de Badyula. L'Almami, dit-on, désirait
envoyer un de ses fils étudier à Kong
lI avec
une escorte de 200 sofas ll (2).
Marchand
prêtend n'avoir pas eu de peine à obtenir un refus
des chefs.
Pourquoi les sofa de l'Almami furent-ils chassés de
Kong? Samori avait tenté d'exploiter habilement le mécon-
tentement que les Français avaient créé au sein des Dyula.
Après les événements de Dienné il avait
(1) Fonds Terrier, op. cit., Ms. 5930.
(2) Ibidem.
1015
"invité les musulmans de Kong à se méfier des
Blancs qui pour conquérir le pays des Noirs,
leur faisaient signer des traités qu'ils ne
respectaient jamais"(l).
Au mois d'avril 1894, on pouvait affirmer que le parti samo-
rien de Kong était très bien organisé et entretenait une
certaine xénophobie à l'égard des Français. Ce parti était
dirigé par un homme énergique,
un marchand de chevaux et de
fusils qui s'appelait Karamoko Longoso. Ce dernier,
croyant
avoir la situation en main, écrivit en cachette à Samori
une lettre dont le contenu était le suivant
:
"Nous avons déchiré le papier que Karamoko ulé
avait signé avec le Français
(Binger). Nous
sommes libres(2)
; nous avons juré que les
Blancs n'entreront plus à Kong - Viens vite
occuper le pays. Nous comptons sur toi pour
nous protéger contre les" Blancs qui veulent tuer
notre commerce et prendre notre pays.
Les Watara
et les karamogo sont d'accord avec nous . . . "(3).
Samori n'avait pas une saine appréciation des évé-
nements qui se déroulaient à Kong
;
il ne les connaissait
qu'à travers la correspo~dance qu'il entretenait avec Longoso.
La lettre du samorien dut partir probablement vers la fin du
mois d'avril,
peu de temps avant l'arrivée de Marchand à
Kong
(le 3e avril 1894). On comprend donc l'embarras des
samoriens qui avaient sollicité l'aide militaire de Samori.
Il fallait àonc à tout prix emp~cher les Français d'occuper
la ville. ~ais nous avons vu que Badyula allait apporter de
(1)
Samori faisait certainement allusion au traité àe Kényèba-Kura que les
Français poussés par la conquête militaire ne respectèrent pas.
Cf. Y.
Person, ~. cit., pp.687-695 ; voir aussi l'application àu traité de
Bisandugu, pp.700-703.
(2)
La découverte du traité que Karamoko ulé avait signé avec Binger en
1889, le déconsidéra effectivement aux yeux de la population de Kong
après le massacre ~es Dyula de Kong à Dienné.
Il est possible qu'il
ait été obligé de déchirer ce document. Nous savons qu'après l'affaire
de Dienné il ne participa plus à la vie politique du pays.
(3) Nous n'avons pas trace de cette lettre. Mais les gens de Kong en ont
connu plus tard le contenu. Nous avons recueilli ces propos auprès du
notable Sanogo, petit-fils de l'imam Sidiki, un témoin oculaire. En
réalité, les Watara et les karamogo n'étaient pas n'accord pour que
Samori vienne à Kong et ils allaient le prouver.
1016
Korhogo des nouvelles qui ne firent pas plaisir aux chefs
de Kong.
Pelefogho se préparait à se rallier à Samori. Pour
empêcher Samori de conquérir leur pays ils ne pouvaient
compter désormais que sur l'aide militaire française d'où
l'admission de la colonne de Marchand à Kong.
Lorsque les
chefs de Kong comprirent que Longoso avait fait appel à
Samori, ils entrèrent dans une telle colère qu'il donnèrent
un caractè~e solennel et amical à la réception de Marchand(1).
Ce dernier fut en effet reçu officiellement à Dakara le
11 mai 1894 en présence de tous les chefs de guerre de Kong
et de tous les karamogo influents du pays. L'imam Sitafa
s'était fait représenter par celui de la grande mosqué Fa
Sidiki. Kong manifestait ainsi aux yeux de Samori son atta-
chement à la cause française. Aussi, dès les premiers jours
de juin, lorsque la colonne de Samori arriva à Kong avec
200 sofas en compagnie d'un des fils de l'Almami(2), elle
fut priée de quitter la ville le plus rapidement possible(3).
Les Samoriens avaient échoué et c'est dans ce contexte qu'il
convient de situer la lettre que Karamoko Ulé écrivit à Binger
pour solliciter sa protection contre Samori dont les troupes
déferlaient précisément dans le Tagwana et menaçaient déjà
Niangbo,
l'une des dépendances de Kong. Les sofa et le fils
de Samori(4), humiliés, regagnèrent le camp de
l'Almami la
tête basse. D'après certaines traditions,
l'Almami entra dans
une telle colère qu'il jura de punir tôt ou tard les Dyula
(1)
Marchand n'a pas
compris
le drame qui
se
jouait à
Kong
et il attribua son succès uniquement à son plaidoyer et à la nou-
velle route qu'il offrait aux Dyula . En réalité, sa présence à Kong
arrangeait les marabouts et les chefs du pays hostiles à Samori.
Le coup monté par Longoso fut découvert peu de temps après l'arrivée
de Marchand à Kong.
(2)
Marchand, Fonds Terrier, Bibliothèque de l'Institut de France,
Ms. 5930.
(3)
~~rhaba Saganogo, Bobo-Dioulasso le 10-3-1979.
(4)
Pigneba Ouattara, Wangolodougou, 18-7-1974.
1017
de Kong(1).
Pour le moment, il comprit qu'il n'avait pas
intérêt à provoquer les Français qui depuis la fin de décem-
bre 1893 avdi~tcessé de le poursuivre (2) . Il contint donc
sa colère. Les gens de Kong crurent sincèrement qu'ils avaient
réussi à se débarrasser de Samori. Nous savons d'ailleurs,
grâce aux sources orales du pays, que le 18 mai 1894 ce fut
dans une allégresse générale que la première caravane dyula
quitta Kong pour le Baulé, Tiassalé et Grand-Bassam(3). En
tout cas,
le 30 juin 1894
lorsque
Marchand quittait Kong
pour réclamer l'aide de la France contre Samori, la popula-
tion dyula dans sa grande majorité était favorable à la
France et l'amitié que les karamogo et les chefs de Kong
témoignaient à Moskowitz et à Bailly était
sincère. Mal-
heureusement, la France n'allait pas répondre à l'attente des
Dyula et nous allons assister dans les années à venir au
drame de Kong. En attendant, les Sofa de Sekoba occup~ient
le Tagwana et Niangbo. Cet acte laissait donc prévoir une
agression imminente contre les pays dyula. Marchand écrit à
ce sujet :
"Cette menace à échéance rapprochée, l'incerti-
tude où j'étais du sort du convoi de ravitail-
lement que j'attendais depuis 3 moi(4)
et par
dessus tout les agissements anglais vers Bouna
et la Volta occidentale me déterminèrent à
descendre au Baoulé, pour de là avertir le
département de ce qui se
préparait dans
l'intérieur" (5) .
(1) Imam Marhaba, Bobo-Dioulasso, le 15-3-1979.
(2) Y. Person, op. cit., pp.1498-1500.
(3) Basièri Ouattara, Kong, le 20-8-1977 ; voir aussi Labi Saganogo
(Bouak~~ 20-8-1978) pour la date du d~part de la caravane, voir
Marchand Fonds Terrier, Bibliothèque de l'Institut de France Ms. 5930.
(4) Fonds Terrier, ~. cit., Hs. 5930. Marchand ignorait que ce convoi
arriv~ à Grand-Bassam en mars et dirig~ sur Kong par la voir de la
Comoé comme il l'avait demand~ "avait ~t~ oblig~ de rebrousser chemin
après la mort de l'administrateur PoulIe suivie de la r~volte de
l'Ind~nié, et de revenir à Grand-Lahou pour prendre la voie du Bandama
et du Baoulé - de là un retard de cinq mois qui" empêcha la marche
de Marchand de Kong sur Bouna et le Dahomey".
(5) Fonds Terrier, op. cit., Ms. 5930.
1018
Le souci de Marchand était de ne pas abandonner
Kong aux troupes de Samori car, à ses yeux,
l'avenir com-
merciale de la côte d'Ivoire reposait sur cette métropole
dyula.
Il espérait trouver Binger à Grand-Bassam et
"remonter à Kong avec un administrateur et une
force de milice"(1).
Comme Binger, Marchand éprouva une grande attirance pour
ce pays qui se relevait de la grande famine qui l'avait
frappé de plein fouet et lui avait tué quelques milliers de
personnes, d'après les traditionalistes actuels (2) . Marchand
avait vécu cette période difficile ; au mois de mai i l disait
encore :
"la famine à ce moment arrivait à son maximum
d'intensité et dans les rues même de Kong,
journellement, des miséreux tombaient et
mouraient face au mur, comme des chiens; tout
était hors de prix sur le marché où une igname
( ... ) se vendait couramment trois cents cauris
(0,5 F à 0,60 F)
; seul
le sel à 5,60 F le
kilogramme conservait des cours ordinaires" (3) .
Dans son journal,Bailly notait:
"la région subit une terrible famine
;
la région
de Bobo-Dioulasso est encore plus éprouvée.
Les habitants mangent de l'herbe et des feuilles
et meurent par familles entières. Le commerce
est entièrement arrêté sur cette route" (4) .
Les sauterelles en effet dévoraient tout sur leur passage
(riz et mil en épis) .
(1) Fonds Terrier, op. cit., Ms. 5930. Cette déclaration de Marchand
aura un impact considérable dans les relations entre Samori et Kong
qui espérait recevoir le concours de la France.
(2) Voir surtout les traditionalistes Mamadou Labi, Karamoko Ouattara
et Basièri Ouattara.
(3) Fonds Terrier, op. cit., Ms. 5930.
(4) Journal de Bailly, Arch. Nat. S.O.M., Mission 8.
1019
Or, au courant du mois de juin, la situation avait
légèrehlent évolué ; on notait une décroissance
rapide de
la famine, on voyait "le bout de la grande faim" comme disait
Mori Sia devant la récolte nouvelle
"dont les premiers produits faisaient leur
apparition sur le marché" (1) •
Marchand trouvait en outre que "la nouvelle attitude des
pays dioulas" était pleine de sympathie pour la mission.
Il
fallait, pour toutes ces raisons, sauver Kong.
Lorsque le 30 juin, Marchand quittait la ville avec
8 tirailleurs et confiait le pays à Bailly et à Moskowitz,
il était persuadé que son absence durerait seulement quelques
semaines. Il traversa le Dyimini ; à Dakara(2), capitale du
Dyimini, i l fut reçu par le roi Buréma qui lui donna des
nouvelles rassurantes de la caravane d'essai. Partie de Kong
avec 204 personnes environ, de nombreux marchands du Dyimini
et du Dyamala désireux de voir la nouvelle route s'étaient
joints à la caravane. En quittant Satama, celle-ci comptait
plus de 600 Dyula. Marchand eut la joie d'apprendre qu'une
seconde caravane plus nombreuse encore se préparait à quitter
le Dyimini dès qu'on aurait des bonnes nouvelles de la marche
et de l'accueil que la première caravane allait rencontrer.
Marchand reçut même la visite des chefs qui préparaient
munitieusement cette seconde expédition.
La joie de Marchand fut de courte durée,
le 5
juillet, il eut l'amère surprise
(1) Fonds Terrier, op. cit., Ms. 5930.
(2) Ne pas confondre la capitale du Dyimini avec la résidence de
Sokolo Mori et de Karamoko Ulé.
1C2C
"d'assister au retour précipité des deux tiers
de la première caravane renonçant à la marche
sur Thiassalé. La colonne de Saran'tieni
(Sarankenyi-Mori)
partant de Sakala avait
franchi le Bandama en face de Nakaragua et
venait de s'emparer de Katio, la capitale du
Tagouano, dont la chute entraînait celle de la
province et amenait les troupes de Samori sur
la ligne du Zini aux frontières du Dyimini et
du Diamala" (1) .
Près de
400 Dyula jugèrent alors prudent de ne pas poursuivre
la route et de retourner le plus rapidement possible chez
eux pour défendre leurs foyers menacés.
Seuls les 204 commer-
çants partis de Kong poursuivirent la route à travers le
Bau\\d
. Marchand, après avoir juré aux chefs des provinces
qu'il serait
"bientôt de retour, peut-être avec des
renforts" (2) ,
repartit de Satama le 6 juillet 1894 accompagné des envoyés
de Kong, du Dyimini et du Dyamala pour implorer l'appui des
Français contre Samori. Le 21
juillet, Marchand arriva à
Tiassalé où l'attendait la caravane de Kong. Laissant dans
la ville
"la grande majorité des caravaniers, ceux dont
la visite n'avait qu'un motif purement
commercial"
il en repartit
"avec les envoyés des provinces chargés de pré-
senter les doléances des chefs au représentant
du gouvernement français à la Côte d'Ivoire"(3).
Le 29 juillet Marchand arriva à Grand-Bassam, mais Binger
était en France ; Marchand fut reçu par le secrétaire général
intérimaire Cousturier.
(1) Fonds Terrier, op. cit., Ms. 5930.
(2) Fonds Terrier, op. cit., Ms. 5930. Les autorités du Dyimini et du
Dyamala avaient~ondé leur espoir sur l'aide de la France.
(3)
Ibidem.
1021
Pendant que Marchand attendait la réponse de
Paris,
les Samoriens entreprirent la conquête du Dyimini.
Le Dyimini paraissait en état de se défendre.
Il
avait acquis depuis 1850 son indépendance vis-à-vis des
Watara de Kong. Vers 1886-1887,
il avait remporté une
brillante victoire sur les Zerma de Marabadyasa.
Les auto-
rités du Dyimini n'étaient donc pas décidées à se soumettre
à Samori, d'autant plus que depuis le passage de Marchand,
le 12 avril 1894, elles espéraient, en vertu des traités
conclus avec Binger,
recevoir une colonne française.
Nangato,
le vainqueur des Zerma, prit donc. position dans le Dyafola
qui formait la frontière occidentale du pays,. pendant que
Burèma Watara tentait de ressusciter l'hégémonie des Dyula
de Daghala. Mais la résistance du Dyimini fut brisée par
les trois colonnes commandées par Sekoba ; elles détruisi-
rent le Dyimini occidental et atteignirent les frontières
de Kong au sud. Après deux mois de siège, Sokala fut pris
et les sofa exterminèrent sa population. La. plupart des
grands chefs furent exécutés. Ainsi périrent Namoghosi l'un
des héros de la guerre contre les Zerma et Pesmiya,
le
chef de Wandarama,
l'ancien hôte de Binger
(début septembre
1894).
La conquête du Dyimini eut de graves conséquences
elle vida le pays de sa population qui se réfugia en masse
dans l'Anno et surtout à Kong que lion considérait comme
un abri sûr.
Les fugitifs du Dyimini dans la capitale
spiritueOe
et marchande des Dyula fourniront plus tard
le prétexte à Samori pour
intervenir dans les affaires des
Watara. En attendant,
comme l'écrit Person,
le Dyimini se
1022
IItrouvait réduit à l'état de désert.
En
déhors de quelques éléments islamisés,
toute la population avait fui ou se cachait
en des lieux inacessiblesll(l).
Samori fit construire sa résidence à Dabakala oG
il
co~ptait contrôler les produits de la forêt (or, noix de
kola)
et de la côte
(armes et munitions)
qui, à.partir du
Dyimini, alimentaient le commerce des Dyula de Kong. Chassé
des routes de Monrovia et de Freetown,
il allait tenter de
faire du Dyimini le coeur de son nouvel Empire en contrôlant
les anciennes routes des Watara.
Les Français avaient ainsi échoué dans leur
tentative d'éliminer Samori de la scène africaine.
Ils
l'avaient contraint à abandonner sa terre natale et main-
tenant, contre toute attente,
ils l'obligeaient à faire
planer des menaces sur la métropole dyula de Kong.
(1)
Y. Persan, ap. cit., p.1588.
1023
B. L'INSTALLATION DE SAMORI DANS LE DYIMINI
1. - L'échec de la colonne française
Marchand fut très déçu de ne pas trouver Binger à
Grand-Bassam car il fallait agir avec promptitude si l'on
souhaitait sauver le Dyimini,
le Dyamala et le Kpon-Gènè.
Le gouverneur était parti en France le 5 mai 1894 pour des
raisons de santé et se trouvait dans sa propriété privée à
Chennevières. Marchand déploya donc toute son énergie pour
convaincre Cousturier de la menace imminente que Samori
faisait planer sur la nouvelle colonie qui risquait désor-
mais d'être coupée du Soudan français.
Si l'on voulait
empêcher Samori de se ravitailler en armes anglaises il fallait absolu-
ment lui barrer la voie du nord-est de la Côte d'Ivoire. La
description que Marchand fit à Cousturier de la destruction
du Tagwana(1)
dut émouvoir profondément ce dernier qui
affolé, mit Paris au courant de la situation.
Il informa les
autorités françaisesde l'aide militaire que la délégation
dyula
qui avait accompagné Marchand implorait auprès de la
France(2) .
Le 5 août en effet Marchand présenta à Cousturier une
importante délégation de 37 membres qui venaient solliciter
l'appui militaire de la France en vertu des traités que ce
pays avait signés avec les chefs locaux.
Parmi ces person-
nages figuraient Lamboa
(le fils de Poromo, mansa du
Dyamala), Kwasi
(l'envoyé de Kofi-Sameni, un chef Baulé),
(1) Voici le texte que Cousturier transmettra à Binger : "Ils (les samo-
riens) massacrent tous les hommes,
tous ceux qui ont la barbe au men-
ton ont le cou coupé ...
les enfants sont réduits en esclaves et servent
à couper l'herbe des chevaux. Les femmes sont vendues.
Ils en ont pris
tellement que le prix a baissé considérablement" Cf. Y.
Person,
1975,
III, p.1654. On sait en effet "qu'une femme vaut 6 poulets ou 2
charges d'ignames, on en donne 3 pour un mouton et 10 Pour un boeuf"
cf. A.N.S.O.M. Côte d'Ivoire IV,
6, a.
(2) Les Dyula disaient qu'ils ne savent faire "que le commerce et n'ont pas
de fusils.
Il leur est impossible de résister et ils ne savent pas
faire la guerre"
(cf. Y. Person,~. ciL, p.1677, note 64).
1004
Numukyé
(le conseiller de Burèma Watara,
le mansa du
Dyimini). Dans cette délégation figuraient aussi des repré-
sentants de Kong parmi lesquels on peut citer, Musa Tano,
Darunké
(fils de Karamogo Dugutigi), Karamoko Dao et surtout
Bafotigi, l'hôte et l'ami de Binger qui remit ce jour là
une lettre de Karamogo Ulé à Cousturier. Cette lettre est
considérée comme
"un appel personnel à Binger au nom de leur
ancienne amitié et, qui invoquait le traité que
le gouverneur avait signé de sa main"(1).
Nous reproduisons cette lettre car elle va avoir un impact
considérable sur la politique de Binger face aux événements
qui se déroulaient dans le nord de la Côte d'Ivoire:
"c'est votre parent qui vous écrit cette lettre,
c'est un ami qui écrit à son ami. C'est Karamoko
Oulé qui écrit au Capitaine Binger.
Il lui
écrit comme à son supérieur pour le saluer.
Cette lettre vient de Kong. Tout le monde,
hommes, femmes, enfants, vieillards, le saluent.
Le gouverneur Binger lui a écrit une lettre le
priant de surveiller ce qui se passe du cô~
de Samori.
Il a reçu cette lettre(2), i l a
très bien compris, mais i l n'ose pas s'aventu-
rer contre Samori, ils n'ont pas de forces, ni
de chevaux(3), mais il a très bien compris la
lettre. Samori est trop puissant,
ils ne
peuvent pas combattre contre lui. C'est pour-
quoi ils sont obligés de rester tranquilles
n'ayant pas assez de forces, mais Samori est
toujours près devant eux.
Il a entendu que les
(1) Y.
Person, op. cit., p.1657.
(2)
Nous ignorons à quel
date précise, Binger écrivit à Karamoko Ulé
pour lui demander de surveiller Samori. Mais l'existence de ce docu-
ment semble étroitement liée aux événements de mai 1894. Nous savons
en effet qu'à cette époque,
la plupart des armées de Samori se trou-
vaient concentrées dans le Tagwana Cf. Person, op. cit., p.1566.
(3)
Nous savons par les sources orales que la grande épidémie de 1893
avait causé la mort non seulement du bétail, mais aussi et surtout
des montures de la région de Kong (cf. Karamoko Ouattara, roi de
Kong: Kong,
le 4-3-1975).
1025
blancs ont combattu à Djenné et qu'ils ont
pris la ville.
Il a entendu qu'il a deux sortes
de blancs dans le pays,
i l y en a qui combat-
tent(1)
et d'autres qui ne s'occupent que de
la traite.
Lorsque le capitaine Binger est arrivé chez
eux, une partie a accepté de le laisser entrer,
l'autre, a refusé.
Quand les derniers blancs sont venus ça été la
même chose. Mais ce n'est pas par haine des
blancs, c'est parce qu'ils ont peur qu'une
fois entrés,
ils ne fassent quelque chose de
mauvais (2) .
Ils ne savent s'ils sont venus
dans une intention pacifique. Si une partie
de la ville s'est opposée à cette entrée c'est qu'il
ont peur
à cause des bruits qu'on répand sur
les blancs, mais ce n'est pas par animosité.
Ils ont peur, bien peu qu'on leur fasse
la
guerre (3) .
Le jour où i l a écrit cette lettre i l y avait
un blanc dans la ville qui s'appelle Marchand (4) .
Il a ouvert une route qui va de Kong à la
Côte pour vendre leurs produits et les gens
de la côte pourront maintenant venir à Kong.
Ils sont très satisfaits de ce résultat.
(1) Karamoko Ulé exprime iCi l'inquiétude de la population de Kong devant
les menaces samoriennes, mais aussi devant les nouveaux Blancs qUi
viennent à Kong.
(2) Nous voyons que Karamoko Ulé cherche dans cette lettre à expliquer à
Binger les raisons de l'hostilité de la population de Kong à l'égard
de Braulot et de Marchand.
(3) Finalement les gens de Kong avaient aussi peur des Français .
(4) Cette indication est capitale. Elle montre que la lettre a été écrite
entre le 30 avril
(date de l'arrivée de Marchand à Kong) et le 30
juin date du départ de Marchand de Kong). Nous pensons que cette
lettre a été écrite le 11 mai à Dakara. Au cours de la réunion du 11
mai Marchand avait en effet demandé à Sokolo Mori d'écrire une lettre
à Binger. Cette lettre a été sans aucun doute faite au nom de
Karamoko Ulé l'ami de Binger. Bafotigi l'avait certainement dans ses
bagages au moment où sa caravane quittait Kong le 18 mai 1894. Quoi
qu'il en soit, cette lettre est antérieure aux événements tragiques
qui allaient se dérouler dans le Dyimini.
1026
Ils n'ont pas de force,
ils ont peur, parmi,
les soldats du capitaine Marchand i l y en a un
qui leur raconte des choses sur les blancs
qui leur font très peur;
ils ont très peur.
c'est Karamoko Oulé Ouattara qui écrit cette
lettre. C'est tout ce qu'il avait à dire.
Il
salue beaucoup le Gouverneur et tous les hommes,
femmes,
enfants, vieillards, tous le saluent" (1) .
Karamoko Ulé,
incontestablement confiait à Binger
dans cette lettre ses craintes à l'égard de Samori qu'il
jugeait "trop puissant" mais il voulait aussi justifier les
raisons qui avaient poussé les Dyula de Kong à s'opposer
à Braulot et surtout à Marchand. Les événements du Masina
et de Dienné invitaient sans aucun doute Karamoko
Ulé à la
prudence. En même temps qu'il sollicitait l'appui de Binger
contre Samori,
i l cherchait à s'assurer que son pays n'at-
tirait pas la convoitise des militaires français.
Qoi qu'il en soit, Marchand exploita habilement
l'appel de Karamoko et la présence de Bafotigi à Grand-Bassam
pour obtenir une aide militaire de la France contre Samori
dont on disait qu'il menaçait toute la Côte d'Ivoire. Binger
consulté sur ce point déclara
"Notre intérêt et notre honneur commandaient
de protéger Kong contre Samori(2).
Le 20 août, on télégraphia au lieutenant-colonel Monteil
pour prendre la tête d'une colonne militaire pour défendre
Kong.
Monteil arriva à Grand-Bassam le 10 septembre. Mal-
heureusp~ent sa mission devait se dérouler dans de très
(1) A.N.S.O.M., Côte d'Ivoire IV, 1b.
(2) Y. Persan, op. cit., III, p.1656.
1027
mauvaise~conditions(l). Il trouva Cousturier bloqué dans sa
Résidence par
la milice locale qui s'était mutinée
depuis
deux jours.
Il dut attendre,
avant de se mettre en route,
Marchand qui se trouvait dans le Baulé jusqu'au 21 septembre
en train de construire des postes en guise de points d'appui.
Le transfert des troupes de Grand-Bassam à Grand-Lahou se
déroula dans un désordre
indescriptible et dura
jusqu'en
novembre.
Les troupes réunies
ici pour constituer la colonne
de Kong venaient de la colonne du Haut-Oubangui qui se trou-
vait présente à cette époque sur la Côte Occidentale' d'Afrique.
La colonne de Kong eut d'énormes difficultés pour se mettre
.en branle.
Le 6 octobre Braulot qui avait été chargé du ravi-
taillement s'enfonça dans le Baulé avec le détachement du
commandant Caudre~ier qui avait pour mission d occuper Tias-
salé et Toumodi.
Le 29,Monteil s'embarqua pour Lahou en
laissant le soin à son chef d'état-major Pineau d'évacuer
la base.
La mission qui était assignée à Monteil était très
précise.
Il devait construire une ligne de forts qui s'éten-
drait de la mer à Kong.
Le but de cette opération était de
fermer
la route de l'est à Samori et de l'isoler de l'Ashanti
Il n'avait pas pour mission de combattre Samori.
Le 27 octobre, Monteil arriva à Tiassalé, mais il
eut la surprise d'apprendre que Banoua sous l'instigation
d'Amangwa,
le chef des Aburé de l'est,
s'était révolté peu
(1)
Pour
la colonne de Kong voir
: .LiE?utenant-Colonel
~\\orlteil: Une page
d'Histoire mili~aire coloniale, la colonne, de Kong, Paris,
Henri
Charles-Lavauzelle,
1902,
101 pages •
• Le Rapport présenté au nom de la commission d'enquête sur
les opé-
rations de la colonne de ~'nCl tJo10090, présenté par le Président de la
commission Paul Dislère, Paris le 14 mars 1896-ANSOt-I, C.L, XIX,
dossier 2.
Y. Person, op. cit.,
III,
p.1652-1664.
Sanderson, G. N. England, Europe and the Upper Nile, Edimburgh,
1965,
in 80-,
458 pages.
1028
après son départ et avait fermé la ccmoé au commerce. Ne
pouvant pas laisser un foyer d'insurrection derrière lui,
il chargea Pineau de le réduire. Pineau se porta contre
Amangwa avec deux compagnies le 9 novembre, mais il échoua.
Devant la gravité de la situation,
il dut faire appel à
Monteil. Ce dernier rebroussa chemin pour mater Amangwa qui
n'avait jamais pardonné aux Français d'avoir
installé le
poste de Bétyé en amont de ses terres(l).
Il marcha contre
son adversaire avec une compagnie, de l'artillerie et du
génie. Le 16 no~embre il s'empara de Banoua après une farou-
che résistance.
Il fit déporter Amangwa au Gabon. Ainsi
Monteil littéralement piétinait au lieu d'avancer.
Les mauvais traitement que les militaires infli-
geaient aux populations autochtones qui refusaient le portage
allaient déclencher de graves révoltes dans le pays Baulé,
notamment de la part des Ngba, sous l'instigation du chef
Baulé Akafu. Ces faits se produisirent au moment où Caudrelier
atteignait Tiassalé
(27 àécembre)
et hâtait
"le mouvement sur Toumodi ; alors que Marchand
se trouvait déjà avec Nebout à Kodiokofi d'où
il devait pousser sur Satama pour éclairer la
colonne. La marche commençait donc quand les
Ngba du chef Akafu se révoltèrent soudain au
coeur du dispositif français,
attaquant les
postes isolés et coupant toutes les communica-
tions avec le nord"(2).
Malgré la dure répression qui s'abattit sur ce peuple que
Caudrelier "avait durement pressuré"(3)
les Baulé résistèrent
jusqu'au 22 février
1895, date de la reèidition
d'Akafu.
(1)
Comme le souligne Y. Person "Ce courtier turbulent n'avait jamais été
vraiment soumis et il ressentait l'installation du poste de Bétyé, en
amont de ses domaines comme une atteinte à ses privilèges. Voir Y.
Person, op. cit.,
III, p.1658.
(2)
Y. Person, .?p. cit., p.1658.
(3)
Ibidem,
op. cit., p.1658. Les militaires brûlèrent impitoyabler:~ent
tous les viIlages-Ngba dès le 5 février
1895.
1029
Après avoir ruiné les pays ngba,
la colonne quitta
finalement Toumodi le 15 février;
elle avait perdu six
nouvelles semaines. Elle était désormais réduite à quatre
colonnes dont trois avaient été confiées à Caudrelier pour
surveiller la route. Monteil, avant son départ de Grand-
Bassam, avait appris la chute du Dyimini. Il fallait donc
combattre si l'on voulait déloger Samori et ses hommes de
cette région. Le 19 février à Kodiokofi il retrouva Marchand
qui
lui fit un rapport très pessimiste de la situation.
Les réfugiés de Satama durement éprouvés par la lutte contre
Samori étaient tous démoralisés et se refusaient à accompa-
gner les Français vers le nord. Les gens du Dyamala ne
voulaient pas se compromettre auprès des Français car ils
étaient convaincus que ces derniers ne pourraient pas vaincre
Samori, d'où la situation pour le moins curieuse que Marchand
constata dans le Dyamala
; personne n'osait fournir des por-
teurs aux Français qu'ils avaient appelés à leur secours.
L'interprète Usman Mandao qui avait été envoyé en décembre
pour contacter Samori attendait toujours à Satama sans
pouvoir avancer. La prise du Dyimini semblait avoir brisé
la résistance des populations autochtones du nord. Devant
cette situation, Monteil prit une grave décision,
celle de
contraindre Samori à quittter le pays par la force.
Il
savait pourtant qu'il n'avait pas l'appui des populations
locales qui, du fait de la crainte de Samori,
se montrèrent
franchement hostiles(l)
et les porteurs saisissaient la
moindre occasion pour déserter.
Il savait aussi qu'en cas
de difficulté il ne pouvait pas compter sur l'aide militaire
du Soudan en vertu du décret du 10 mars
1893 gui interdisait
aux colonnes du Soudan placées sous les ordres de Grodet
d'opérer "en dehors de sa zone juridique"(2).
(1) Comme dans le Baulé les militaires brulèrent de nombreux villages
sur leur passage.
(2) Commission d'enquêtes, rapport cité, ANSOM, Côte d'Ivoire, XIX,
dossier 2.
1030
Monteil se prépara donc à combattre;
il confia
l'avant-garde de sa colonne à Marchand qui repartit pour
Satama dès le 21
février.
Le 28 février,
toute la colonne
était réunie à Satama. Samori se trouvait à Dabakala où
l'on construisait une nouvelle capitale. Il avait regroupé
toute son armée autour de lui et attendait les Français de
pied ferme. Monteil estimait l'effectif de son adversaire
à 15.000 hommes(l) et le nombre de fusils à tir rapide à
4.000.
Voici l'effectif général de la colonne de Kong.
-
Sous-Officiers
et Solda ts
Indi-
Offi-
,
eur~péens
genes
ciers
Etat-major
16
8
15
Tirailleurs sénégala is
19
19
610
Tirailleur hausa
7
25
218
Batterie de 42 m/m
1
17
-
Batterie de 80 m/m
3
33
38
Conducteurs sénégalais
2
2
80
Spahis sénégala is
2
8
42
Génie
1
14
-
Totaux
-
51
166
1003
-
..
.
Total général 1220 personnes(2)
~
Sur cet effectif, Monteil ne combattra Samori
qu'"avec quatre malheureuses
compagnies"(3},
soit
(1) Y. Person ramène cet effectif à 10.000 h. Cf. Y. Person, op. cit.,
note 76. p.1678.
(2)
Cf. Monteil, op. ci~., p.98.
(3) Y. Person, op. cit., p.1659.
1031
environ 500 hommes(l).
Le souci de Monteil était de tenter de refouler
l'Almami vers l'ouest. Comme le souligne Yves Person.
"Dès le début,
il fut clair que l'affaire
serait rude. Samori faisait garder sa fron-
tière par Foroba - Musa qui s'était installé
sur le Bé, à Tatélédugu" (2) •
Il semblerait que Samori ait voulu attirer son adversaire
afin de l'isoler du monde extérieur.
Il remporta sur ce
plan un succès éclatant. La traversée du Bé coupa en effet
Monteil de ses arrières et il ne put reprendre contact avec
Satama, que quinze jours plus tard, après sa défaite. Les
opérations militaires sont connues,
nous allons les résumer
le 2 mars, Marchand, sur l'ordre de Monteil, attaqua Foroba-
Musa avec la ge compagnie mais dut se replier dès le' lende-
main sur Bambélédugu. Grâce au concours de Monteil, Foroba
Musa fut rejeté derrière le fleuve.
Le 4, Monteil fut rejoint
par Testard qui commandait la 15e compà~"i~et toute la
colonne se trouva réunie au gué de Lafiboro. Le 5, grâce a
une habile manoeuvre Marchand réussit à frapper en plein
coeur du dispositif samorien vers Sokala et Dabakala et à
s'emparer de réserves importantes de vivres;
la colonne
échappait ainsi à la famine. Une tentative pour s'emparer
de Dabakala échoua et Foroba-Musa qui avait réagi avec
promptitude réussit à
s'interposer entre Monteil et Satama
la route de Satama était coupée aux Français. Le 7, Samori
fit évacuer Dabakala et installa sa garde, avec Sékoba, à
(1) Pour les opérations militaires voir Monteil, ~p. cit., p.21-41.
Monteil opéra avec les ge,
loe, 14e et 15e compagnies, le détache-
ment des spahis et la batterie de 80 millim~tres ; voir aussi Y.
Persan, op. cit., p.1659-1661.
(2)
Y. Persan, op. ci~., p.1659.
1032
l'est des Français tandis que son fils Sarankenyi-Mori
fermait la route du nord à Monteil. Une lutte sans merci
allait s'engager entre le fils de l'Almami et les Français
qui parvinrent à occuper Sokala Dyulasso où ils mirent la
main sur 200 tonnes de grains qui les mirent à l'abri de la
disette. La ville fortifiée de Sokala Dyulaso allait servir
de quartier général aux Français jusqu'au 14 mai. Mais
Monteil avait compris que la situation était désespérée.
Il était coincé au milieu des samoriens ; ses efforts pour
les disperser demeurèrent vains.
Il hésita à rejoindre
Bailly à Kong par crainte, écrit Person,
"d'attirer l'ennemi sur ce pays jUS-C\\.\\OlE-là épargné
et de s 'y trouver complètement isolé avec des
troupes impossibles à ravitailler" (1).
Il résolut donc de négocier avec Samori.
Il envoya Usman
auprès de Samori à Nyémené. Mais Samori, sachant que Monteil
était condamné à capituler à plus ou moins brève échéance,
rejeta les prétentions du Français de le voir partir du
Dyimini. Et pour montrer à Monteil qu'il était maître de la
situation,
il dirigea Sarankenyi-Mori vers la Comoé avec
toute sa famille.
Dès lors la retraite s'imposait; elle
allait se dérouler dans des conditions dramatiques.
"Samori allait jeter toutes ses forces sur la
route du Dyamala pour la disputer aux Français.
Monteil partit le 14 mai et se retira lentement
vers le sud-est,
harcelé par une nuée d1ennernis
où se coudoyaient les gens de Sarankenyi-Mori,
de Sekoba et de Foroba-Musa.
Il ne progressa
qu'en prenant d'assaut chaque village et chaque
gué, particulièrement celui de Segbona. Une
forte contre-attaque des sofas, à Sokala-Sobarâ,
où le colonel fut gravement blessé retarda assez
(1)
Y. Persan, op. cit., p.1660.
1033
la colonne pour que les greniers de Dabakala
soient évacués avant qu'elle n'atteigne ce
village Il (1) •
L'occupation de ce village coûta cher à Monteil qui eut la
jambe brisée. Le souci des samoriens était de fermer la
retraite à la colonne en occupant Satama. Conscients de la
gravité de la situation,
les Français prirent d'assaut,
sanyé après sanyé,
tous les barrages que les samoriens
avaient dressé sur leur passage. Et ce fut au prix d'un cou-
rage exceptionnel et d'un effort surhumain que Monteil et
ses hommes arrivaient à Satama dans la nuit du 17 mars 1895.
Et c'est là qu'il apprit qu'un arrêté de Chautemps, le
ministre des colonies, avait dissous la colonne depuis le
18 février
1895 et ordonnait le rapatriement de tous les
effectifs à l'exception de deux compagnies qui devaient être
placées à la disposition de Binger, sous les ordres de
Caudrelier.
Vaincu par Samori, Monteil allait être désavoué
par la France au lendemain d'un échec inévitable. La mission
qui lui avait été confiéeétait irréaliste et mal préparée.
Il connut la pius douleureuse déception de sa carrière
mili ta ire.
Voyons ce qui s'est passé à Grand-Bassam depuis le
départ de Monteil afin de comprendre les raisons de sa dis-
grâce. Binger avait regagné sa colonie quelques semaines
après la chute de Eonoua.
Il fut sans aucun doute satisfait
de la défaite d'Amangwa qui
"lui permettait de reprendre l'initiative sur
la comoé, et bientôt d'imposer son autorité au
Ndényé" (2) .
(1)
Y. Persan, op. cit., p.1662.
(2)
Ibidem.
1034
Mais son hostilité envers les militaires allait se reveiller
à la suite des excès du portage que la colonne imposait aux
populations autochtones et qui risquaient de créer des
troubles dans la jeune et dynamique colonie. Les plaintes
de l'Administrateur Nebout qui dénonçaient
"les excès du portage, avec leurs conséquences
politiques" (1)
allaient pousser le gouverneur à agir.
Il écrivit a Chautemps.
"On a livré à l'autorité militaire, une région
où régnait la paix absolue, pour y semer la
guerre" (2).
.
.
Selon Yves Person,
"un grief, encore plus grave aux yeux du gou-
verneur, était le trouble apporté au commerce
et par conséquent,
la réduction des recttes
douanières dont dépendait le développement de
la colonie. Une grande partie de celles-ci pro-
venait des ventes d'armes et de poudre. Or
Monteil avait fait pression, dès son arrivée
sur l'intérimaire Lemaire pour l'interdiction
de ce commerce (3)
( ••• ) Ce négoce était un
élément essentiel à la prospérité de la Côte
d'Ivoire .•• La présence de la colonne tournait
donc à la catastrophe et Binger retrouva sa
vieille hostilité pour les entreprises basées
sur le Golfe de Guinée. Dès le mois de décembre
il suggéra donc au ministre le rappel de
Monteil" (4).
(1)
Y. Person, op. cit., p.1662.
(2)
Ibidem,
op. cit., p.1662.
(3) La mesure avait été prise le 28 octobre 1894, Binger sous la pression
des négociants atténua la prescription le 28 décembre et l'annula
purement et sim~lement le 10 mars 1895. Cf. Y. Person,
op. ci~.,
p.1662.
(4) Y. Person, op. cit., p.1662.
1035
Binger en outre supportait très mal l'autonomie
de la colonne qui opérait dans sa colonie et sur laquelle
i l n'avait aucune autorité. Au contraire,
les militaires
dictaient des ordres aux autorités administratives dans
les régions o~ ils se trouvaient. Nebout n'avait 9as tardé
à se trouver dans ce cas
"ses relations avec Monteil furent des plus
mauvaises" (1) •
Binger ne pouvait pas tolérer longtemps cette situation,
d'autant plus que, depuis son arrivée à Grand-Bassam,
il
avait eu le temps de se persuader qu'il avait été induit
en erreur par Marchand et qu'aucun danger réel ne menaçait
Kong. Comme il le pensait déjà le 12 janvier 1894, Binger
dut manifester un optimisme béat en pensant que Kong pou-
vait résister à Samori et que ses karamoko
"feront empoisonner Samori comme Tiéba s ' i l
les menace" (2) •
En relisant la lettre de Karamoko ulé dans laquelle le
notable de Kong lui confiait la peur qu'éprouvait la popu-
lation devant les colonnes françaises,
Binger dut penser
que la colonne de Monteil risquait de faire plus de mal que
de bien auprès de ses amis du nord.
Il se décida donc à
mettre un terme à la colonne de Kong. Comme le souligne
Person
"La révolte des Ngba lui apporta bient6t un
argument puissant, et elle survenait au meil-
leur moment puisqu'elle
coïncidait
avec la
chute du cabinet Dupuy,
remplacé le 27
janvier
(1)
Y. Persan, op. Eit., p.1662.
(2)
Cf. Lettre de Binger à Lebon, Persan, ~. cit., note 63, p.1677.
1036
1895 par le second ministère Ribot. Le nouveau
ministre des colonies, le terne et veule Emile
Chautemps, avait à mettre sur pied l'expédition
de Madagasacar et ses responsabilités l'écra-
saient.
Il se laissa d'abord chambrer par
l'équipe du sous-secrétaire d'Etat, animée par
Jean-Louis Deloncle et naturellement hostile
aux bureaux militaires de Borgnis-Desbordes,
toujours rattachés à la Marine.
Il était
d'autant plus disposé à écouter Binger qu'il
avait besoin de libérer des troupes pour Mada-
gascar et que les lenteurs de Monteil avaient
fait perdre de vue les objectifs de la colonne
de Kong. Moins de trois semaines après son
entrée en fonction,
le 18 février,
il signa
donc un arrêté dissolvant la colonne"(l).
Telles avaient été les circonstances de la liqui-
dation de la colonne qui avait été confiée à Monteil et qui
avait pour mission d'établir une ligne de fortification
entre Grand-Bassam et Kong.
L'échec de la colonne de Kong allait avoir de
très graves conséquences : le Dyimini et le Dyamala furent
occupés par les troupes de Samori. Plus de 6.000 personnes
réfugiées du Dyimini ou du Dyamala s'exilèrent dans les
pays baulé où elles
n'~laient pas tarder à connaître des
années de servitude. Le souverain du Dyimini se retira avec
ses derniers guerriers dans l'Anno. Mais la dislocation de
la colonne consacrait définitivement l'abandon de Kong à
Samori. Binger n'était pas conscient de la gravité de la
situation dans le nord-est de la Côte d'Ivoire. Pendant
qu'il se réjouissait de la dissolution de la colonne de
Kong,
il ignorait que Samori infligeait une défaite sévère
(1) Y. Person, op. cit., p.1662.
1037
aux troupes françaises(1).
Lorsqu'il apprit la nouvelle, il
"manifesta en tout cas une certaine inconsé-
quence, en faisant grief à Monteil d'avoir
évacué Satama
(le 24 mars 1895), ce qui vio-
lait selon lui, l'engagement, pris par la
France de défendre le Dyammala" (2) .
Il dut alors reconnaître qu'il avait commis une grave faute
en faisant dissoudre la colonne de Monteil.
Il voulut con-
fier à Caudrelier la mission de se rendre à Kong. Mais ce
dernier avait compris qu'avec ses deux malheureusement compa-
gnies il ne pouvait pas se frayer un chemin jusqu'à Kong.
Dès le 4 avril 1895, il écrivit à Binger pour lui signifier
"qu'il n'était plus question de marcher sur
Kong.
Il dispersa ses troupes le long du
Bandama, ainsi que sur la piste du Baulé où le
calme était d'ailleurs revenu" (3) .
Les lenteurs de la colonne de Kong,
l'hostilité
maladive de Binger envers les militaires avaient finalement
abouti à l'abandon de Kong et, partant, au rêve de liaison
soudanaise si cher aux Français. Binger ne pouvait donc
apporter aucune aide militaire à Kong. Les autorités .dyula
ignoraient ce détail capital au moment où précisément
l'Almami faisait ses avances aux Watara.
(1) Monteil avait subi des pertes exceptionnellement lourdes. Voici le
tableau de l'ensemble des pertes.
Sous-Officier et
Off ic iers
Soldats européens
Indigènes
-- ~
Tués
0
2
39
Morts de maladie
5
13
22
Blessés
11
10
173
Rapatriés pour
blessures ou pour
cause de santé
2
46
48.
Cf. Monteil, op. cit., p.98. Aucune armée coloniale n'avait jusque là
subi des pertes aussi importantes cf. Y. Persan, op. cit., p.1660.
( 2)
.
','
663
Y. Persan, op. c~t., p.l
.
(3)
Ibidem,
op. cit., p.1663.
1038
2. - L'alliance de Kong avec Samori
a)
Le sacrifice de Bailly
Le parti samorien avait subi un échec retentissant
au début du mois de mai 1894, mais i l n'avait pas disparu.
Des faits nouveaux allaient lui permettre de relever la tête
et de jouer un rôle important qui allait finalement conduire
Kong à sa perte. Le premier événement nouveau fut le rallie-
ment des Senufo du sud à la poltique samorienne au début
du mois d'août 1894. Dès lors, le parti samorien
décida de renforcer sa cohésion et d'agir sur le moral de
Bailly que Marchand avait pratiquement abandonné dans la
ville.
Nous savons en effet que,lors des funérailles du
vieux Zwakonyo,
le jeune péléfogho n'avait pas caché aux
autorités de Kong son intention de s'allier à Samori. Avant
la cérémonie de ralliement qui eut lieu à Kuto,
les Dyula
de Kong, avaient reçu Kasuma et un personnage influent, un
fidèle allié de Samori, qui s'appelait Basègère(1)
; ils
étaient venus pour inciter les gens de Kong à se joindre à
eux afin d'aller boire le dégè avec Samori à la demande de
Péléfogho, ou de Gbon Kuribari.
Les Dyula de Kong avaient
rÉpondu de manière hautaine à KasuIT.a
; seuls les captifs
banIT.ana buvaient le dègè avec Samori, avaient-ils répondu.
~ous avons des échos de ces démarches dans le journal de
Bailly: le 14 juillet 1894, Bailly entendit dire
(1) Basièri Ouattara, Kong, le 10-8-1977.
1039
"qu'un homme de Samori était chez Badioula ... "(1).
C'était en réalité Kasuma
qui conduisait une délégation
auprès de Sokolo Mori. La tradition orale nous dit en effet
que ce Fama étant très malade et, se trouvant à Koro, Kasuma
fut reçu par Badyula qui se comportait d'ailleurs à cette
époque comme le vrai maître de Kong.
D'après Bailly, Siré
le dugutigi, exécutait à cette époque docilement les ordres
de Badyula. Il n'est pas impossible que Samori ait influencé
la démarche du roi de Korhogo, car dès l'arrivée de la délé-
gation, des Samoriens se rendirent dans le camp de l'Almami.
D'ailleurs, deux jours après cet événement, Samori cher~ha
à rencontrer Badyula
"ou son frère ou un chef ll (2).
Une grande réunion au sujet de l'alliance avec Samori eut
lieu le 17 juillet, mais les karamogo influents du pays
refusèrent de suivre les conseils de Péléfogho.
Et les Senufo
allèrent boire seuls le dègè à Kuto.
Il n'est pas invraisemblable cependant que des
samoriens de Kong aient participé à l'ambassade que le roi
de Korhogo envoya à Samori qui, selon Person,
"fut extrêmement bien accueillie, couverte de
cadeaux et d'égards"(3).
Ces samoriens ont dû à leur retour, présenter l'Almami sous
un visage totalement nouveau.
Ils avaient connu un souverain
qui s'était montré généreux et qui avait eu beaucoup d'égards
(1) Journal de Bailly, A.N.S.ü.M., Mission 8.
(2)
Ibidem.
(3) Yves Person, op. cit., p.1570.
1040
[X)ur J.es gens qui se ralliaient à lui. Ceci expliquerait en
partie les hésitations des milieux marchands dont parlent
les sources orales et que nous situons au courant du mois
de septembre 189~(1).
Il faut dire que depuis le 14
juillet, Samori avait
envoyé à Kong, un agent
que Bailly appelait "le petit homme
de Niangbo" (2)
; il avait pour mission de saper le moral
de Bailly afin de l'obliger à abandonner la ville.
Il
l'exhortait à déserter avec lui.
Dès le milieu du mois de juillet, par conséquent,
une guerre des nerfs s'était engagée entre les partisans de
l'Almami et ceux de Bailly. Ce dernier allait montrer beau-
coup de qualités de courage et de patience.
Il était jeune
mais il avait une grande expérience de la vie africiane. Le
30 juillet 1894 il n'avait que 28 ans.
Il allait assumeE~
une grave responsabilité en acceptant de demeurer à Kong
pendant que le danger samorien devenait de plus en plus
réel et menaçait sa vie et celle des tirailleurs indisci-
plinés dont il avait la charge. Croyant que Marchand allait
bientôt arriver avec une force française,
il allait séjourner
longuement dans la ville et endurer les pires souffrances.
Bailly savait toucher le coeur des notables et des
chefs des pays en leur promettant le soutien et
l'amitié de la France. Malheureuse~ent il était
(1)
D'après
les
traditions
que
nous
avons
recueillies
auprès
des petits-fils dont les parents vécurent cette époque,
les milieux
des hommes d'affaires se demandaient s'il ne valait pas mieux imiter
le geste de Péléfogho. Cf. Imam Marhaba, Bobo-Dioulasso, le 20-3-79
et surtout Karamoko Ouattara (chef de Kong) et Labi Saganogo
(Bouaké, le 20-8-1978).
(2)
Nous n'avons pas réussi à identifier avec certitude le nom de ce
personnage. Dyamila Ouattara, dont le père a vécu longtemps à
Niangbo pense qu'il s'agit d'un certain Karamoko Ali.
1041
très malade.
Il était atteint d'une dysenterie et urinait
du sang(1). Les dix tirailleurs que Marchand
avait laissés à Kong, loin de remonter son moral allaient au
contraire accroître ses soucis. Les samoriens avaient fourni
des concubines aux tirailleurs;
il semblerait qu'elles aient
été préalablement choisies parmi les belles filles esclaves
atteintes de maladies vénériennes, ce qui ne devait pas
être rare à cette époque à Kong.
Le 27 aoüt Bailly n'avait
plus que sept hommes avec lui
"tous malades, chaude
pisse".
Bailly ne pouvait guère compter sur eux et se voyait "presque
forcé de partir" (2) . Il faut dire aussi que les femmes en
question avaient réussi à semer sous
l'instigation
des
samoriens une véritable panique au sein des tirailleurs qui
poussaient dès lors Bailly à fuir le plus rapidement possible.
IVJais ce derr,ier avait
promis à Marchand de rester.
Il allait
tenter de tenir sa parole.
Bailly allait aussi rencontrer des difficultés
auprès de Moskowitz. On se souvient que Binger s'était
opposé énergiquement à la mission de Max Moskowitz en Côte
d'Ivoire et notamment à Kong(3).
Binger avait parfaitement
raison car cet Autrichien a laissé, partout où i l est passé, de
très mauvais souvenirs.
Il manquait de tact et de diplomatie
et il avait fallu toute l'habileté de Bailly pour que la
colonne :':ranl,,-aise puisse maintenir des relations relativement
cordiales avec' l'ensemble de la population. Mais ce qui
inquiétait le plus Bailly, c'était la santé de Moskowitz.
(1) Le 9 juillet Bailly urinait déjà du sang.
(2) Journal de Bailly. A.N.S.O.M., Mission 8.
(3) Cf. Mission Moskowitz et Dautier. voyage sur la Côte d'Ivoire
(Kong). 1893. A.N.S.O.M .• Mission 22.
1042
L'adjoint de Marchand avait besoin d'un ami pour lui tenir
compagnie en attendant l'arrivée des troupes françaises.
Or
Moskowitz tomba malade dès le 4 juillet ; son état empira
le 12 juillet et i l mourut le lundi 6 aoOt. Cette mort
démoralisa Bailly et seule l'attente l'obligea à demeurer à
Kong. Le mois d'aoOt allait être pour lui un véritable
enfer car i l sentait l'étau samorien se refermer de plus en
plus sur Kong. Vers la fin du mois de juillet la plupart
des négociants qui avaient espéré commercer avec Grand-
Bassam avaient été contraints de regagner Kong.
Ils étaient
furieux contre Samori et ils gardaient l'espoir que les
Français viendraient vite chasser l'Almami.
Un autre événement allait rendre la situation de
Bailly intenable à Kong,
la chute du Dyimini. En effet, vers
le milieu de juillet 1894,
juste après le départ de Marchand,
les troupes de Sekoba envahirent le Dyimini. Après de durs
combats, Folo et Nandyélé furent détruits
(fin juillet-début
août 1894)
et les sofa atteignirent les frontières de Kong(1).
Burèma, le souverain du Dyimini, ne semblait pas avoir
baissé les bras.
Il se serait réfugié dans le tata de Sokola-
Sobara(2). Mais au début de septembre 1894, Sekoba se rendit
maître de Sokola-Sobara. Kong était dès lors directement
menacée par les forces samoriennes.
Les succès de Sekoba furent exploités par le parti sarrorien
qui
invitait la population à se rallier à l'Almami afin
d'éviter la destruction de leur métropole.
Bailly crut un
moment, devant les menaces que proféraient ses ennemis, que
(1) Yves Persan, SE' cit., p.1587.
(2) Voir à ce sujet Amadou Kouroubari, (1901, p.169). Y. Persan, op. cit.,
p.1588. Voir note 303, p.1632.
1043
sa vie et celle de ses soldats étaient en danger. Le 6 sep-
tembre 1894, i l entreprit les pr€paratifs
de départ malgré
l'opposition de Badyula et de l'imam Fa Sidiki(l). La
présence de Bailly était en effet un symbole, celui de la
présence française à Kong. Les chefs religieux et politiques
étaient convaincus que Samori ne s'attaquerait pas à Kong
tant que le Français résiderait dans la ville.
Bailly ne semblait pas avoir compris que sa présence
gênait effectivement Samori qui cherchait à étendre sa ,
domination sur les Dyula. Peut-être craignait-il une revolte
des tirailleurs sénégalais qui, affolés, n'avaient qu'un
souci, partir de Kong le plus rapidement possible pour
échapper à Samori. Les tirailleurs ne le ménageaient pas
ils avaient peur et ils le tyrannisaient. Bailly se trouvait
ainsi contraint d'abandonner les Watara.
Il n'avait aucune
nouvelle de la colonne que Marchand avait promise partout
aux chefs africains. Le 13 septembre 1894, Bailly quitta
Kong dans l'intention d'atteindre Bondoukou. Mais finalement
il ne dépassera pas Nasian après un séjour à Kolon où i l fut
très bien accueilli par Bakari Ulé,l'une des grandes figures
politiques du Kpon-Gènè(2).
Il a laissé des notes émouvantes
à propos de son départ :
"Tout part excepté 2 caisses de photos, les 2
ballots de Moskowitz qui ne valent pas la peine
de remporter,
ses 2 fusils.
Le chef Moro Scia -
un fils de l'Almamy- viennent me faire leurs
adieux. Ainsi que Fadaou le dougoutigui qui me
(1) D'après le journal de Bailly, cette démarche eut lieu le 9 septembre
1894.
(2) A Kolon Baillv fut reçu comme un roi
(viande fraîche,
lait ... )
A Kawar~ il eut des incidents avec le chef Karamoko Watara qui
avait été maltraité et insulté quelques mois au paravant par Max
Moskowitz.
1044
recommande son fils qui est parti avec vous
(Marchand)
et qu'il ne sait pas où i l est
maintenant -
ils viennent me reconduire jusqu'à
la sortie du village.
Il est onze heures quand
je les quitte. - J'arrive à Kongolo à 3H envi-
ron, on m'installe au quartier de Kirgou
(Kéréu, quartier du chef ?)
où i l n'y a personne,
pas de chef -
rien. Tout le monde est au lougan.
Tous les bagages sont arrivés en bon état . . . "(1).
Quelle était la situation politique à Kong au moment
du départ de Bailly ? Nous voyons à travers les sources
orales trois partis puissants et une masse d'invidus indécis.
Parmi les trois partis forts, nous avons, premièrement, le
parti samorien dominé par Longoso et qui allait prévenir
aussitôt Samori du départ du Français. Le deuxième parti
était celui des musulmans ou plus exactement des karamogo dont
le chef de file était Sitafa qui se faisait représenter dans
les réunions par Fa Sidiki. Le troisième pouvoir était détenu
par les chefs militaires et politique.
Ici le personnage
important était à cette époque Badyula Watara. Le roi Sokolo
Mori était vieux et malade, Karamoko Ulé était déconsidéré
et toutes les décisions importantes étaient prises par Badyula.
Le fait nouveau à cette époque, c'est que ce prince avait
rompu avec les traditions sunangi qui consignaient les chefs
et les rois dans les kongoso.
Sa résidence officielle était
Bogamadugu, mais i l résidait la plupart du temps à Kong et
avait réduit Lansiré ou Siré,
le dugutigi, au rang d'un
simple exécutant qui passait la plupart de son temps à
s'enivr~r (2). D'après le journal de Bailly, Badyula inter-
venait même dans les affaires des négociants et réglementait
souvent le prix des denrées de première nécessité.
Pour
(1) Journal de Bailly, A.N.S.D.M., Mission 8. La menace samorienne ne
semblait pas peser sur l'est du Kpon-Gènè.
(2) Voir le journal de Bailly, A.N.S.D.M., Mission 8.
1045
lutter contre la cherté de la vie i l avait imposé le 24
juillet 1894, le prix de trois ignames à 100 cauris(1).
Badyula était donc un personnage très important à
Kong. Nous savons qu'il a aidé Marchand à s'installer dans
la ville.
Pourtant ce prince ne semble pas avoir inspiré
confiance à Bailly.
Il savait que, dans les premiers
jours
de juin, les envoyés de Samori s'étaient présentés dans le
pays sous son patronage
d'autre part, des rumeurs circu-
laient à Kong selon lesquelles i l aurait envoyé une colonne
chez Samori. Ces rumeurs
sont, à notre avis, à l'origine
des confusions qui règnent dans les écrits de Dominique
Traoré et selon lesquelles Bakari Ulé aurait aidé Samori
à réduire le Dyimini, puis ils se seraient querellés sur le
partage du butin pris à Fimbolo
(Fumbo) (2). Malheureusement,
il situait cet épisode après le ralliement de Kong, c'est-à-
dire en 1895. Suivons le journal de Bailly;
le samedi 14
juillet 1894 il écrit
"J'entendis dire qu'un homme de Samori est
chez Badioula, qu'il y a eu rassemblment des
bons hommes de Kong, que c'est Badioula qui
commande Siré, que celui-ci fait tout ce qu'il
veut; même qu'il y aurait des hommes qui
seraient partis pour se rencontrer chez Samori
(sous toute réserve) ".
Le lundi 16 juillet Bailly écrit:
"Nous apprenons ce matin qu'un courrier sofa de
Samori est venu cherche~. Badioula, on ne sait
pas pourquoi il n'est pas encore parti;
il
paraît que Samori le demande ou son frère ou un
(1) Les marchands voulant profiter de l'afflux des populations à Kong
avaient fixé le prix de 3 ignames à 600 cauris. Plus tard, à la
demande des marchands,
Badyula accepta çue l'on vende 2
ignames à 150 cauris - Cf. Journal de Bailly.
(2) D. Traoré, "les relations de Samori et de l'état de Kong". Notes
Africaines (N.A.), loF.A.N., Dakar, n074,
1950, p.96-97), voir aussi
Y. Person, op. ciL, p.1713, note 19.
1046
chef,
je vais tâcHer de savoir pourquoi on
demande cet oiseau là, i l est bien dans le
cas de nous jouer un mauvais tour ... ".
Le mardi 17 juillet Bailly écrit:
" •.. Quant à Badioula je n'ai pas pu savoir
ce qu'il avait fait à la venue de ce courrier
de Samori ... ".
Bailly n'entendra plus parler de Badyula jusqu'au jeudi 23
août, c'est-à-dire après la chute de Folo et de Nandyélé.
C'est en effet à cette date qu'il rendit visite au Français.
Bailly écrit à ce sujet :
"Il (Badyula)
n'était pas soûl',
je lui demande
s ' i l sait des nouvelles de Samori, i l ne vien-
dra pas ici dit-il nous avons empêché Tiéba
nous empêcherons aussi Samori".
Pourquoi ce durcissement de ton
à l'égard de l'Almami ?
Que s'était'il passé entre 16 juillet et le 23 août 1894 ?
Badyula venait-il de se quereller avec Samori ? Pourquoi
peu de temps après le départ de Bailly
"Les chefs et marabouts avaient-ils rassemblé
tout le village pour demander à Badioula si
c'est vrai qu'il avait reçu des cadeaux de
Samori et qu'il voulait le faire venir ici
(à
Kong). Badioula aurait répondu que cela était
faux que si Samori arrivait ici il serait le
premier à tirer des coups de fusils,
il aurait
juré sur le Coran qu'il n'avait aucun rapport
avec Samori"(1).
(1) Ces nouvelles parviennnent à Bailly installé alors à Nasian le
mardi 2 octobre.
1047
Certes au moment où les marabouts le convoquaient devant le
Dyèma,
i l venait de rompre avec Samori et venait de quitter
précipitamment le camp de ce dernier pour regagner Kong les
mains vides. Mais les karamogo de la ville avaient raison de
s'inquiéter, car ce personnage avait aidé les forces samo-
riennes à ravager le Dyimini en espérant sans doute recueil-
lir un riche butin. Voici les traditions de Bogomadougou,
que nous avons recueillies au sujet de cette affaire(l)
"Quand Samori a commencé sa guerre dans le
Dyimini ;
i l a fait appel à Badyula pour l'aider
Cet dernier a détruit plusieurs pays pour
l'Almami, mais au moment du partage du butin,
ce dernier refusa de donner la moitié des prises
de guerre à notre vaillant conquérant. Badyula
se sentit ainsi humilié ; i l refusa le butin
que l'Almami lui offrit et rentra à Kong pour
se préparer à combattre Samori" (2) .
Par conséquent, Badyula s'était effectivement querellé dans
le Dyimini avec Samori, mais cette affaire ne concernait
pas directement Bakari Ulé,
le cousin de Badyula. L'incident
en question dut se situer peu avant le 23 août 1894.
A quelle bataille aurait participé Badyula ? Il ne
s'agit certainement pas de Fumbolo
(dans le Foro)
comme le
prétend Dominique Traoré, car selon Yves Person,
"Ce village ne fut le théâtre d'aucun combat
important" (3) .
(1) Enquêtes réalisées le 25 mars 1976 auprès de Tyèba Ouattara, le
25-4-1976.
(2) Les termes utilisés étaient en réalité: lia ka Badyula dogoya"
(littéralement Samori a fait Badyula petit).
(3) Y. Person, op. cit., p.1713, note 19.
1048
il s'agirait probablement de la prise de Nyémené que les
samoriens prirent d'assaut, après cinq jours de durs combats,
au courant du mois d'août 1894, et de la destruction du Folo
et du Nandyélé(1). Badyula avait-il agi par cupidité ou
voulait-il voir de près la manière dont combattaient les
troupes de Samori ? Quoi qu'il en soit, son intervention
avait permis aux samoriens d'atteindre les frontières de
Kong. On comprend donc l'inquiétude des karamogo du pays qui
demeuraient hostiles à l'Almami.
Le serment de Badyula devant le conseil des karamogo,
la détermination de ce prince de combattre Samori, montraient
très nettement que la métropole dyula ne voulait pas se
soumettre à l'Almami. Ce dernier ne se découragea pas et
allait obstinément solliciter le ralliement des Dyula.
Les choses allaient se compliquer lorsque le 17
octobre 1894, à la demande de Marchand, Bailly regagna Kong.
Ce fait inattendu provoqua un vif mécontentement dans le
camp des amis de Samori qui ne voulaient pas de la présence
d'un Blanc à Kong.
Bailly fut très chaleureusement accueilli
par les amis de la France et des ignames lui arrivaient de
tous côtés. Voici ce qu'il note à ce sujet:
"ils
(les gens)
paraissent soulagés, ils res-
pirent mieux, enfin espérons que l'amitié
durera comme cela jusqu'à votre retour
(Marchand) " ( 2) .
Bailly demanda la convocation des chefs et des karamogo pour
leur lire le contenu de la lettre de Marchand qui annonçait
l'arrivée prochaine de la colonne et qui demandait à Baill~
(1) I l ne s'agit pas de la prise de Sokaba car Persan situe cette dernière
au début de septembre 1894. Cf. Y. Persan, op. cit., p.1588.
(2) Journal de Bailly. A.N.S.O.M. Mission 8.
1049
de se maintenir à Kong. Cette réunion eut lieu le jeudi 18
octobre en présence de 25 ou 30 notables.
Il
écrit à ce
sujet :
"Après la lecture, Moro Scia (le frère de
Karamoko Ulé)
et le chef se lèvent pour venir
me serrer la main en me disant qu'ils ont bien
compris, que tout ce que le capitaine a dit
c'est bon que quand je vous enverrai un cour-
rier de bien vous remercier pour tout ce que
vous faites pour les hommes de Kong ainsi que
pour ceux qui sont partis à la mer"(1).
Le retour de Bailly ne dut pas faire plaisir à Samori
qui décida de faire peur aux Dyula de Kong.
Il expédia le
vendredi 26 octobre une colonne à Bugula, un grand_marché
situé du nord-ouest, à une demi-journée de marche de la
métropole. Cette intervention jeta la panique au sein des
hommes d'affaires(2). D'après les sources orales,
les sofa
auraient pillé le marché de Bugula(3). Personne désormais
n'osait s'aventurer loin de Kong.
Les Dyula crurent un
moment que leur métropole était réellement menacée. Comme
le souligne Bailly, "le commerce principal avec les Bambara"
(c'est-à-dire les animistes)
fut arrêté et l'on assista à
une baisse considérable dans les chiffres d'affaires. Le
jour suivant
(samedi 27 octobre), fut celui du grand marché
de Kong et Bailly constata que l'on ne voyait
(1) Journal de Bailly. A.N.S.O.M. Mission 8.
(2)
Ibidem.
Bailly apprit cette nouvelle le 24 octobre.
L'intervention dut avoir lieu dans la journée du 23.
(3)
Dawaba Bamba, Pongala, le 27-3-1976.
1050
"guère que les denrées courantes et quelques
étoffes" (1) .
Samori avait touché le nerf sensible des Dyula dont la
raison d'être était précisément le commerce.
Les samoriens
des quartiers Korora et Sokora rendirent Bailly responsable
des malheurs des Dyula ; si nous ne chassons pas le Français,
affirmaient-ils, Samori prendra notre ville(2). Bailly
allait vivre à partir du mois de novembre au milieu de nom-
breuses intrigues et au sein d'une population devenue
subitement hostile au Français et au parti francophile.
Bailly soulignait en particulier l'hostilité
"des gens du quartier de Sokora et de Korota.
Même Bofotigi était obligé de se promener
armé d'un grand sabre qu'il tenait à la main"(3).
Le 12 novembre 1894, au cours de la grande fête du kurubi,
la population manifesta une hostilité générale contre Bailly
que l'on insultait publiquement. Elle ne pouvait plus
supporter la cherté de la vie(4), cette dernière étant liée
au fait que toutes les routes étaient coupées et que la
colonne samorienne
qui se trouvait à Fumbolo se rapprochait
du côté de l'est. Bien entendu, Samori n'avait aucune
intention de conquérir Kong à cette date, mais la progres-
sion des sofa vers la Comoé avait créé une véritable panique
à Kong;
les samoriens faisaient croire que Samori n'était
plus qu'à trois heures de marche de la ville. A la peur
(1) Voir Journal de Bailly, A.N.S.Q.M. Mission 8. Pour le journal de
Bailly nous indiquerons désormais uniquement
la date.
(2) Le parti favorable aux Français était à nouveau mal à l'aise et l'on
insultait publiquement Bailly et Bafotigi.
(3) Journal de Bailly, mardi 6 novembre 1894.
(4) Bailly reconnaît qu'une petite poule valait 1.000 cauris et que les
boeufs et les moutons avaient disparu complètement. Le 12 novembre,
le jour de la fête du kurubi, Moro Sia avait sagement conseillé à
Bailly de ne pas sortir de chez lui.
1 Ç51
s'ajoutait le fait que Kong commençait à connaître une
récession économique ; et ceci
créait
un profond malaise
dans le pays. Moro Sia disait à Bailly
"tous les hommes ne sont plus contents des
blancs, mais n'écoute toujours que ce que
je te dirai"(l).
Les gens de Kong étaient loin d'imaginer que la disette
menaçait les samoriens. La récolte des pays senufo qui ve-
naient de se rallier à 5amori était attendue pour la fin de
l'année de 1895. Samori n'avait donc pas intérêt à ce que les
voies commerciales de Kong avec le monde extérieur soient
fermées.
Elles risquaient de compromettre l'avenir des
samoriens dans le Dyimini. C'est d'ailleurs à notre avis,
la
crainte de la disette qui poussa Samori à aller plus tard
vivre sur les terres du Gyaman. Mais les gens de Kong n'avaient
pas le temps de penser à tous ces problèmes. Aussi, dès le
13 novembre 1894, lorsque la lettre de Samori arriva à Kong
elle fut bien accueillie. Voici le contenu qu'en donne Bailly
"Samori ne veut pas faire de mal aux Dioula
de Kong, ni aux marabouts,
ils peuvent venir
faire le commerce dans ses colonnes, personne
ne leur dira rien.
Il demande en même temps
aux chefs de Kong de lui fournir une colonne
pour attaquer le Tagouana, qu'il ne sait faire
la guerre qu'aux bambara, en même temps il
demande qu'on le laisse passer dans le pays
qu'il ne fera aucun mal"(2).
(1) Le 12 novembre 1894 Bailly n'avait que 5 tirailleurs valides.
(2) Bafotigi avait dit l'essentiel du contenu de la lettre de Samori
à Bai lly.
1052
Amadou Kouroubari donne lui
aussi une reconstitution de
cette lettre :
"je ne ferai jamais la guerre aux musulmans
( ... ). Je désire faire le commerce aussi je
vous envoie mes hommes avec des esclaves et
de l'or pour acheter des fusils, de la poudre
et des chevaux. Vous êtes amis des Blancs de la
Côte.
Il vous sera facile d'acheter des fusils
et de la poudre. Vous êtes amis du Kénédugu.
Prenez mes esclaves et échangez-les chez Babèmba
pour des chevaux. Si vous faites ainsi,
j'ai
décidé de ne pas entrer sur vos terres"(1).
La reconstitution d'Amadou Kouroubari a omis, à nos
yeux, un fait capital : ·Samori demandait une colonne en
signe de ralliement à sa politique. La lettre de Samori
était certes "aimable et rassurante" (2)
mais les hommes
d'affaires de Kong qui n'aspiraient pourtant qu'au profit
ne possédaient pas d'armée. Comme le confirme Bailly, la
lettre fut envoyée à Dakara où Soko10 Mori, le Fama de
l'Empire de Kong, était mourant(3). Aucune décision
importante n'allait être prise dans l'immédiat. ~ous
trouvons cependant dans les dossiers de Bailly une
information qui
tendrait à
prouver
que
les autorités
politiques n'envisageaient pas dans l'immédiat un
conflit
avec Samori. Bailly aurait appris, probablement vers la fin
du mois de novembre, que Badyu1a avait des hommes dans la
colonne de Samori(4). La chose ne paraît pas impossible.
Nous savons, grâce au journal de Bailly, que la lettre de
Samori a été accueillie avec un grand enthousiasme par les
jeunes gens de Kong. Nous savons aussi que Karamoko U1é
refu. -lit désormais la "coutume" que la France payait chaque
(1) Amadou Kouroubari, VOir Delafosse, 1901, p.165.
(2) Cf. Y. Person, op. cit., p.1688.
(3) D'après le journal de Bailly, Sokolo Mari dut mourir le 18-11-1894.
(4) A.N.S.O.M. Papiers du commandant Marchand 213 Mi, bobine 5,
doc umen t 28.
1053
"année. On adoptait désormais vis-à-vis de Samori une atti-
tude conciliante. Ce fait mérite une explication. Première-
ment,
la colonne française tardait à venir et les Watara
étaient inquiets. Deuxièmement,
ils avaient besoin d'une
assez longue période de répit pour organiser les funérailles
de Sokolo Mori, ce qui n'était pas une mince affaire. Elles
allaient mobiliser les princes pendant de longs mois.
D'après le roi actuel,
l'ensemble des cérémonies durèrent
près de trois mois(1). Durant cette longue période les
princes watara furent absents de Kong.
Il n'était donc pas
question de provoquer Samori.
Avant de poursuivre, i l convient de revenir sur un
détail contenu dans la thèse de Yves person. Ce dernier
écrit en effet
"peu après la chute du Koro, vers le début de
1894 une ambassade de l'Almami avait présenté
au roi de Kong 200 jeunes captifs des deux
sexes pour appuyer une lettre aimable et
rassurante" (2) .
En réalité, en nous référant au journal de Bailly, la lettre
arriva à Kong le 13 novembre 1894.
La mort de Sokolo Mori fut gardée secrète et la
nouvelle ne parvint à Kong que vers le 26 novembre 1894
elle semble avoir inquiété une partie de l'opinion publique
hostile à Samori, qui croyait que si Samori
"le savait i l viendrait tout de suite pour
prendre Kong" (3) .
(1) Karamoko Ouattara, Kong, le 26-10-1976.
(2) Y. Person, op. cit., p.1688.
(3) Voir journal de Bailly à la date du 27 novembre 1894.
1054
Il s'agit surtout de la population du quartier Kéréu
(quar-
tier des chefs) qui, dès le 2 décembre 1894, organisait des
parades militaires dans la ville.
Il n'est pas impossible
que les gens de Kéréu se soient ralliés à Bailly.
Ils
n'étaient certainement pas au courant de la politique de
détente que les princes watara entretenaient avec Samori.
Tout le mois de décembre allait se dérouler sans incident.
Les choses allaient se compliquer à partir du début
de l'année 1895. En effet, le samedi 6 janvier, Bailly ap-
prit une nouvelle qui le remplit de joie : Marchand annon-
çait l'arrivée prochaine de la colonne française.
Cette
nouvelle que Bailly proclama à haute voix dans la ville dut
parvenir aux oreilles de Samori qui chargea alors ses amis
de Sakara et de Korola de lui procutrer de la poudre et des
chevaux contre des captifs. Parmi les samoriens qui
ravitaillèrent Samori figuraient Fa Dau, Longoso, Kamarikoro,
Karamoko Dala et le chef de Nafana Kadari. Les relations
de ces négociants avec Samori ne constituaient pas à notre
avis un fait nouveau ; elles remontaient au
milieu du
mois de novembre 1894. Mais elles prirent une ampleur consi-
dérable à partir du 6 janvier.
Le 9 janvier, Nebout confirma la nouvelle annoncée
par Marchand. Cette dernière déclencha une violente colère
chez les partisans de Samori ;
l'un des marchands influents
de Sisera, nommé Fa Siri demanda que l'on coupe le cou à
Bailly et aux autres tirailleurs.
Devant ces menaces,
Bafotigi fut obligé de fuir de Kong. Lorsque Bailly tentait
de traverser le quartier Sakara pour se rendre à Koko, on
l'insultait, on lui jetait des pierres, des bâtons et de la
terre, selon ses propres termes. Or,
le 23
janvier, on
apprit à Kong la révolte des Baulé qui
1055
"ont arrêté tous les porteurs du Djimini qui
allaient chercher les bagages de la colonn~"(1).
Satisfaits de cette nouvelle,
les samoriens organisèrent le
vendredi 24 un grand rassemblement pour faire des prières
pour empêcher toutes les colonnes de venir à Kong. Comme par
coïncidence à partir de cette date, Bailly n'entendit plus
parler de la colonne française.
Samori qui attendait
toujours la réponse des autorités de Kong dépécha, à la fin
du mois de janvier, des émissaires dans la ville.
Il voulait
s'assurer de l'amitié des Dyula avant les combats qu'il
allait livrer dans le Dyimini contre les forces françaises.
C'est ce qui expliquerait le fait que Badyula convoqua une
grande assemblée qui eut lieu, comme nous allons le voir,
le 5 février 1895. Croyant que les Français approchaient, i l
allait tenir un discours qui déconcerta les Dyula(2). Voici
ce que relate la tradition de Kong(3)
"Badyula, un matin convoqua toute la population
au marché.
Il était entouré de tous ses kélétigi
armés de fusils.
Il parla longuement aux Dyula :
Ne vous laissez pas tromper par les douces
paroles contenues dans les lettres de Samori Il
veut nous tromper et nous surprendre. Beaucoup
d'entre vous racontent des mensonges sur mon
compte en disant que je suis l'ami de Samori,
c'est faux.
Samori veut la guerre,
il veut
détruire Kong préparons-nous donc à le combat-
tre. Je n'ai pas besoin de vous énumérer
toutes les ruines qu'il a sur la conscience,
résistons à Samori".
Voici le témoignage de Bailly,
le 5 février il écrit
(1) Journal de Bailly, du 23 janvier 1895.
(2) Badyula comme Bailly d'ailleurs ignorait le 5 février le lieu exact
où se trouvait la colonne française. Le 19 février Marchand était
encore à Kodiokofi et ne repartira pour Satama que le 21 février 1895.
(3)
Badawa Ouattara, Pongala, le 20-8-1974. Nous avons recueilli les
mêmes propos auprès du vieux Sanaga, Kong,
11-8-1977.
1056
"Badyula fait rassembler tout le village au
marché pour leur faire connaître ce que Samor±
veut faire ;
il leur dit que les hommes du
village disent qu'il a fait commerce avec lui,
que tout cela est faux;
Samori va rester ici,
je viens vous dire de vous tenir prêt à faire
la ~uerre, de ne plus être des femmes ;
Ouandarama est brûlé,
i l nous faut nous ven9er .
Les Dioula n'ont rien répondu,
ils ne s'atten-
daient pas à cela. Badioula leur a fermé le
bec" ( 1 ) .
Bailly se trompait car les Dyula allaient réagir
vigoureusement;
le même jour, une importante délégation
conduite par Fa Sidiki alla rencontrer Kumi,
le nouveau
souverain, à Dakara au nord-ouest de Kong. Fa Sidiki était
l'ami des Français certes, mais i l ne voulait pas entraîner
son pays dans une guerre contre le conquérant Samori.
Il
était d'ailleurs persuadé, depuis la révolte du Baulé, que
les Français auraient beaucoup de difficultés pour se frayer
un chemin dans le Dyimini.
Il ne fallait donc pas brusquer
les choses en déclarant la guerre à Samori comme venait de
le faire Badyula. Kumi qui était à cette époque un vieillard
qui aspirait à la paix proposa une nouvelle réunion. Nous
savons, grâce au journal de Bailly,que cette dernière eut
lieu le samedi 9 février 1895. Tous les princes du pays furent
convoqués à cette assemblée ;
ils proposèrent par la voix de
Badyula de se préparer à la guerre.
Ils pensaient qu'ils
pourraient attaquer Samori au moment où ce dernier serait
entrain de faire face à
l'armée française(2).
Mais les Dyula
étaient des gens réalistes;
ils estimèrent que, pour le
moment,
ils n'étaient pas en mesure d'affronter Samori et
(1)
Bailly journal à la date du 5 février 95.
(2) Les princes watara surestimaient l'importance de la colonne de Kong.
Ils s'étaient souvent laissés griser par les paroles des tirailleurs
qui vantaient la puissance des troupes françaises.
1057
décidèrent de se rallier à lui mais à une condition : il
fallait que ce dernier jure sur le Coran de ne pas détruire
les villages de Kong comme cela s'était passé dans le
Dyimini(l). Les princes watara acceptèrent cette proposi-
tion sauf, bien entendu, Badyula qui, on ne sait pour quelle
raison, souhaitait la guerre contre Samori. Voici ce que
contient le journal de Bailly :
"9 février samedi - Ce matin les envoyés de
Dakala font rassemblement de tout le village
au marché - voici le résultat -
Les Dioula
disent qu'ils ne sont pas assez forts pour se
battre avec Samori. Tous les villages qui
n'ont pas fait camarades avec Samori ont été
cassés et brûlés et tous les hommes faits
captifs - Ouandarama s'est sauvé,
la moitié du
Dyimini s'est sauvée - Aujourd'hui toute la
nuit les hommes sont arrivés,
le village est
plein, donc nous ne voulons pas nous battre,
si Samori veut venir, nous le laisserons
entrer" (2) .
Les renseignements fournis par Bailly ne font pas cas d'un
fait fondamental,
le serment sur le Coran qui sera à
l'origine de la destruction de Kong.
Amadou Kouroubari a donné de cette affaire une ver-
sion selon laquelle Karamoko-Ulé aurait envoyé Sitafa
réunir tous les marabouts pour leur demander quelle conduite
suivre. Seul, un certain Kélétigi Watara(3)
aurait invoqué
l'exemple de Tyèba(4)
et proposé de résister.
Il souligna
qu'un métis sénufo aurait émis la crainte que les Blancs
avec qui ils avaient traité
,
(1) Pigneba Ouattara, Ouangolodougou,
1974 et Bamadou Ouattara, Nasyan
20-8-1974.
(2) Journal de Bailly, à la date du 9 février 1895.
(3)
Il s'agit d'une erreur, le personnage en question était Badyula Watara.
(4) Badyula évoqua en effet l'exemple de Tyèba, mais cela se passait le
jeudi 23 août 1894 devant les première menaces samoriennes qui
obligèrent Bailly à quitter une première fois Kong le 13-9-1894.
Il y a donc une confusion dans le travail de Amadou Kouroubari.
1058
"n'usent de représailles, mais l'assemblée ne
l'écouta pas car le danger samorien était
bien plus pressant"(1).
Toujours d'après Amadou Kouroubari, Karamoko Ulé aurait
remis de la poudre, des chevaux et des armes aux envoyés
de Samori(2).
Quoi qu'il en soit, Kong avait décidé de conclure
une alliance avec Samori. Cette décision ébranla le moral
de Bailly, i l prit peur.
Il voulut partir;
les gens de
Kong, pour ne pas se compromettre aux yeux des Samoriens,
lui refusèrent des porteurs. Bailly pensait que les habi-
tants ne voulaient pas lui vendre des ânes parce qu'ils
espéraient qu'il leur ferait don des marchandises qu'il ne
pourrait pas transporter.
Sur ces entrefaites, arrivèrent
le 11 février les envoyés de Samori avec une centaine de
cqptifs en guise de don pour les chefs.
Ils étaient aussi
porteurs d'une lettre dont le contenu allait avoir un
grand impact sur les karamoko et les marchands. La lecture
de cette lettre eut lieu le mardi 12 février 1895, au cours
d'une réunion qui se déroula de 10 heures à 4 heures du soir;
"tous les hommes de Kong en armes se sont réunis
dans les prés qui se trouvent à gauche en
entrant à Kong, depuis Coco
(quartier koko)
jusqu'à Somarana" (3) .
(1) Voir Y. Person, op. cit., note 15, p.1713.
(2) Cette information est catégoriquement démentie par les traditiona-
listes de Kong qui soulignent que, bien avant la mort de Sokolo Mori,
Karamoko Ulé jouait un rôle effacé. Il s'agit sans aucun doute du
négociant Karamoko Dala qui fournissait de la poudre et des chevaux
à Samori. Voir le journal de Bailly à la date 8 janvier 1895.
(3) Journal de Bailly, à la date du 12 février 1895.
1059
Bailly nous donne une reconstitution de cette lettre que
les sofa montraient fièrement à la population le 12 février
1895 :
"Samori est un marabout(l)
un fils de Kong
car son grand-père vient d'ici(2), donc il
ne veut pas faire de mal à Kong,
il ne veut
pas prendre leurs lougans, ni leurs femmes,
ni leurs captifs, ni couper les têtes des
marabouts,
il demande seulement pourquoi ils
gardent les Blancs ici, que lui, vient pour y
faire la guerre et que les hommes de Kong lui
donnent la main. Maintenant i l ne peut plus rester
au Djimini car il n'y a rien à manger.
Il fera
le commerce avec les Dioula, il ne veut rien
prendre du tout,
i l demande que tous les chefs
influents lui envoient leurs fils pour manger
le fétiche et ensuite i l viendra. Les chefs
de Kong ont répondu ainsi que ceux de Dakara(3)
que Samori avait bien parlé, qu'eux, marabouts,
ils ne voulaient pas faire la guerre, qu'ils
étaient là pour prier toujours que puisqu'il
veut bien faire pour Kong,
il peut venir quand
il voudra, nous ne lui dirons rien, nous ferons
le commerce avec lui.
Demain matin, nous par-
lerons encore et nous enverrons nos fils pour
manger le fétiche.
Personne ne me dit rien,
je
ne sait tout cela que par un captif de l'Almami
à qui les tirailleurs donnent à manger"(4).
La situation avait totalenlent changé en faveur de
Samori. Les Dyula croyaient sincèrement que ses intentions
étaient de rétablir des relations commerciales avec Kong.
Moro Sia disait le 18 février à Bailly:
(1) A Kong,
le terme utilisé était karamogo ; il désignait le savant et
pieux musulman. Samori était peut-être croyant mais il n'était pas un
savant. D'autre part à Kong,les karamogo n'étaient pas des guerriers
or Samori était par excellence un conquérant. Samori voulait, en por-
tant ce titre, se faire accepter en tant que musulman et non en tant
que conquérant.
(2) Cette information est exacte. Samori cherchait adroitement à toucher
le coeur des habitants de Kong et faire oublier le vieux différend qui
avait opppsé son grand-père aux watara.
(3) Cette information tendrait à prouver que Kumi était toujours à Dakara
et n'avait pas encore rejoint sa résidence à Nasyan.
(4) Voir ce journal de Bailly à la date du 12 janvier 1895.
1060
"Les hommes du village
(Kong)
sont des hommes
de Mamadou
(Mahomet)
et Samori aussi ; donc
nous ne pouvons pas faire la guerre avec lui.
On a envoyé des hommes pour manger le fétiche
avec le fils de Samori au Djimini ;
il ne va
pas prendre nos lougans, nos captifs,(.• <),
i l veut seulement faire le commerce avec
'
nous" ( 1 ) •
La cause de l'Almami était donc entendue.
Les Dyula envoyèrent effectivement des délégués
pour traiter avec le fils de Samori, en l'occurrence
Sarankenyi-Mori, à partir du 12 février;
cette délégation
n'a rien à voir avec celle que Samori recevra en personne à
Borono en avril ou mai 1895. En effet, d'après les traditions
de Kong, Longoso, qui contrôlait maintenant la situation dans
la métropole dyula, s'était rendu auprès de Sarankenyi-Mori
en compagnie de nombreux karamoko.
Parmi ces derniers figu-
rait un certain Vali-Gunatigi, originaire de Ténégéra
Samori connaissait ce personnage à cause de ses pouvoirs
magiques (2) . En réalité, cette ambassade ne semble pas avoir
connu un grand succès car elle ne comprenait pas les person-
nages que Samori espérait rencontrer, c'est-à-dire, l'imam
Sitafa, Bakari Ulé, Mori Sia et surtout Badyula l'ennemi juré
de Samori. Le journal de Bailly fait allusion à cette première
délégation qui séjourna longtemps dans le camp de l'Almami(3).
Samori estimait que ces personnages n'étaient pas suffisam-
ment représentatifs.
Il n'avait peut-être pas cru à la bonne
(1) Nous situons ce discours au 18 février car à partir du 10 janvier
1895 oailly est resté 8 jours sans recevoir la visite du chef.
(2) La tradition raconte que dans le camp de Samori, il se fit enfermer
une nuit dans une case et ordonna aux sofa d'incendier la maison. Le
lendemain matin on le retrouva dans sa case entièrement refaite.
Cf. Basièri Ouattara, Abidjan, le 20-11-1978.
(3) La plupart des fils de chefs demeurèrent dans le camp de l'Almami
jusqu'au traité de Borono ; tel fut le cas d'Ali, le fils de Moro
Sia(Basièri Ouattara, Abidjan, 20-11-1978 ).
1061
foi des Dyula(1). Bailly, d'ailleurs, ne faisait plus con-
fiance aux gens de Kong et i l souhaitait quitter la ville
le plus rapidement possible ; malheureusement,
la plupart
de ses tirailleurs étaient malades et pouvaient à peine
marcher. Une épidémie de variole commençait à gagner la
région à cause des réfugiés du Dyimini qui vivaient dans des
conditions difficiles.
Dès le 21 février, Samori savait que la colonne
française était à Satama.
Il décida donc de donner un aver-
tissement sévère aux Watara qui n'avaient pas l'air de le
prendre au sérieux. Vers la fin du mois de février,
i l
expédia une forte colonne commandée en personne par Saran-
kenyi-Mori, qui ravagea la riche province de Bilimono qui
était à la fois un centre d'élevage et un centre islamique
le fils de l'Almami enleva des boeufs, des moutons et
captura une partie de la population (2) • Samori voulait, non
seulement lancer un avertissement aux ~atara, mais i l avait
aussi besoin de provisionsen attendant l'armée française.
Cette attaque causa une vive émotion au sein des karamogo
et des Dyula. Les Dyula furent à la. fois inquiets et mécon-
tents. Une question se pose; Bilimono n'était qu'à une
étape de Kolon où résidait Bakari Ulé, pourquoi ce dernier
n'avait-il pas réagi? Bakari Ulé avait-il eu peur des forces
déployées par Sarankenyi-Mori lors de cette dernière attaque ?
L'opinion publique qui s'était montrée favorable à Samori
commença à douter de la bonne foi de ce dernier. Au début du
mois de mars, Bailly entendit dire que les chefs de Kong
(1) Le 13 avril Badyula en effet avait avoué à Bailly qu'il n'était plus
d'accord avec les gens de Kong ( ... ) "Nous ne voulons pas laisser
entrer Samori comme ça sans rien direll • Si Badyula parlait au nom
des absents il faut conclure que les Sunangi ne voulaient pas se
soumettre à Samori.
(2) Cette attaque fut connue à Kong le 28 février; elle dut avoir lieu
le 27 février 1895.
1062
refusaient les captifs de Samori et n'hésitaient pas à
manifester leur colère contre les sofa, qui venaient vendre
des esclaves à Kong(1). Les autorités de la ville savaient-
elles que les Français allaient enfin affronter Samori ?
Peut-être espéraient-elles que l'Almami serait vaincu et
chassé du Dyimini. Au début du mois de mars, on apprenait
que Samori était aux prises avec les Français et l'espoir
semblait renaître chez les francophiles. C'est dans cette
situation que Badyula invita, le 6 mars, Bailly à se réfu-
gier chez lui dans la province du Taburukoko.
Durant toutes ces opérations militaires, Samori
avait toujours le regard tourné vers Kong. Le 12 mars, une
de ses délégations arriva dans la métropole dyula avec 120
captifs que l'on devait distribuer aux chefs de Kong. Longoso
éprouvait de plus en plus de difficultés pour faire accepter
les esclaves car les chefs ne savaient pas que la colonne
française était réduite à l'impuissance. Le 13 mars cepen-
dans, Moro Sia avait compris que les Français étaient vaincus
et i l demanda à Bailly de partir. Sarankenyi-Mori se diri-
geait en effet vers la Comoé. Dès le 14 mars 1895 les sofa
affluaient à Kong. Les gens du pays, à nouveau, acceptèrent
les cadeaux de l'Almami et le 15 mars, Longoso reçut une
lettre de Samori dans laquelle il remerciait tous les mara-
bouts de bien avoir prié pour lui et promettait à ces der-
niers des captifs(2). Bailly avait compris que Samori tenait
la situation en main dans le Dyimini et décida donc de quitter
la ville. A partir de cette lettre, les karamogo non plus
(1) Voir le journal de Bailly à la date du 4 mars 1895.
(2) Le journal de Bailly à la date du 15 mars 1895.
.1063
ne se faisaient aucune illusion sur la victoire du conquérant.
Après l'avoir boudé un moment, ils acceptèrent ses cadeaux.
Et ce n'était pas par hasard si le matin du 15 mars,
"le chef de Samori est venu avec des marabouts
qui lui servaient de guide"(l).
"Maintenant qu'ils
(les marabouts)
ont accepté
les cadeaux, écrit Bailly, ils sont contents
pour que Samori vienne" (2) .
Au moment où Bailly, s'apprêtait à quitter Kong, un grand
changement s'opérait dans le camp de ceux qui s'étaient
opposés à Samori pour soutenir les Français:
Bafotigi
venait de rompre avec ce que Bailly a appelé "la compagnie
Badyula".
Il semblerait que ce dernier ait failli trancher
la tête de Bafotigi, lors du passage de ce dernier à Bugu
où Badyula tenait un conseil de guerre (3). Badyula ignorait
sans doute
que, depuis le 14 mars,
l'armée française battait
en retraite dans des situations dramatiques, comme nous
l'avons vu. La France avait abandonné les Dyula. Sentant la
situation perdue, Bailly quitta Kong le 20 mars avec cinq
porteurs, en direction de l'est. Après une étape à Kongolo,
il arriva à Kawaré.
Il faut souligner qu'il voyagea en
période de carême et souffrit de la faim. A Kolon, Bakari Ulé
fit semblant de ne pas le laisser passer et Bailly fut obligé
de faire un grand cadeau au prince. En réalité, contrairement
(1) Le personnage que Bailly appelle ~ ."chef de Samori" est certainement
le grand maître de l'exode Amara-Dyéli, le tuteur de Sarankenyi-Mori.
Bailly a entendu dire qu'un des' fils de Samori se trouvait précisément
à Guinso à la frontière du Kpon-Gènè.
Nous pensons qu'il s'agit
de Sarankenyi-Mori (Pour Amara Dyéli, voir Y. Person, op. cit., p,1553).
(2) Journal de Bailly, à la date du 15 mars 1895.
(3) Voir le journal de Bailly, à la date du 15 mars 1895. Bafotigi trahira
plus tard les autorités de Kong qui tenteront de faire appel aux
Français.
1064
à Badyula, i l ne voulait rien faire qui puisse le compromettre
aux yeux des autres chefs. Laissant une partie de sa car-
gaison à Kolon, Bailly quitta Bakari Ulé le 24 mars. Après
plusieurs étapes où i l souffrit de la faim et de la maladie,
i l arriva à Kaniéré le 3 avril 1895. C'est dans ce village
qu'il apprit des détails exagérés de la défaite française
dans le Dyimini. On lui annonça la mort de Marchand et celle
de 10 tirailleurs et l'empoisonnement de trois Blancs. On
lui annonça aussi que tous les chefs étaient partis à Guinso
"pour manger le fétiche avec le fils de Samori" et que Bafotigi
voulait se sauver à Dienné.
Il apprit que Satama était
brûlé.
(1). Le 14 avril i l fut informé que l'on ne voulait
plus entendre parler des Français à Kong. Le mercredi 17
i l se décida à partir ;
"maltraité par ses tirailleurs et de plus en
plus malade,
il mourut finalement d'une bilieuse
à Nasyan le 1er mai 1895. Ses huit tirailleurs
désemparés,
se joignirent à l'armée abron qui se
rassemblait justement pour disputer aux sofa
le passage du Comoé(2).
Ainsi disparut ce grand explorateur qui consacra sa vie à la
France et qui lutta vainement pour soustraire Kong à la
domination samorienne.
En lisant le journal de Bailly et en écoutant les
vieux de Kong, on est frappé par l'effort surhumain que Bailly
réalisa à Kong, pour tenter de soustraire le pays à l'in-
fluence de l'Almami. Malgré son fragile état de santé, i l
rendit assidument visite aux chefs du pays, aux notables, aux
(1) Nous pensons que la grande rencontre avec Samori n'avait pas encore
eu lieu car le 9 avril Bakari Ulé était toujours à Kolon.
(2) Y. Person, op. cit.,
p.1663. Le journal de Bailly n'a pas encore fait
l'objet d'une publication. Feu Y. Person avait l'intention de le
faire; malheureusement il est mort sans l'avoir fait; Terray à
demandé notre participation pour la publication du Journal de Bailly.
1065
hommes d'affaires et aux chefs religieux pour dire aux uns
et aux autres que Marchand reviendrait avec des troupes pour
protéger les Dyula. Il parlait avec une telle assurance et
une telle sincérité qu'il se fit des amis dans la métropole
dyula. Les plus importants furent Fa Sidiki, Siré, Karamoko
Ulé, Mori Sia et Bafotigi. Du 30 juin 1894 au début du mois
de février 1895, Bailly fit
front au parti samorien, malgré
la mort de Moskowitz et le mauvais climat qui régnait au
sein des tirailleurs. En dépit des coups de bâton, des jets
de pierres et des menaces de mort que les Samoriens profé-
raient contre sa personne,
i l n'hésitait pas à traverser
leurs quartiers pour aller rendre visite à ses amis du
parti français. Malheureusement, la défaite de la colonne de
Kong rendit vains et inutiles tous les efforts qu'il avait
accomplis. Kong allait passer après son départ sous la domi-
nation de Samori.
b)
Le pacte de Borono
1°/
L'opposition de Badyula
Après l'éclatante victoire de Samori sur la colonne
de Monteil,
l'ensemble des négociants et des karamogo avait
poussé les autorités du pays à se rallier à l'Almami.
Ils
craignaient que le conquérant ne détruise la vieille métro-
pole dyula et ne transforme l'Empire dyula en un vaste champ
de ruines.
Les notables du pays avaient peur auss~ de subir le
sort que Samori avait réservé à ceux de Kankan après la
prise de la ville. Dès le milieu du mois de mars 1895, les
musulmans, guidés essentiellement par la peur, acceptèrent à
contre-coeur de se rallier au conquérant. Ils n'avaient pas
une grande estime pour ce souverain qui s'attribuait le
1066
titre d'Almami et qui se faisait passer pour un karamogo
mais n'hésitait pas à tuer les musulmans du Kpon-Gènè.
Ils
ne lui pardonnaient pas en effet son intervention militaire
à Bilimano au cours de laquelle de nombreux musulmans trou-
vèrent la mort ou furent capturés. Samori avait ainsi pillé
le Kpon-Gènè au moment précisément où i l se présentait aux
autorités du pays comme étant un allié, un ami et un parent
qui souhaitait faire du commerce avec les Dyula(1).
Les Dyula de Kong ne se faisaient aucune illusion sur
la mauvaise foi de Samori, mais ils n'avaient pas les moyens
de résister au conquérant.
Ils se voyaient contraints de ne
pas revenir sur la décision qu'ils avaient prise auparavant
et donc de se soumettre à lui. N'oublions pas que ce dernier
au lendemain de sa victoire sur les Français, avait mis les
karamogo dans une situation embarrassante en les remerciant
d'avoir prié pour lui.
Il ne se faisait aucune illusion sur
l'hostilité des lettrés de Kong à son égard et ces derniers
avaient interprêté à juste titre ce message comme étant un
dernier avertissement après la fuite des Français.
Mais si les karamogo et les négociants étaient
d'accord pour conclure un traité de paix avec Samori,
les
chefs watara étaient divisés sur ce point. Un parti de la
guerre à outrance contre Samori s'était progressivement
organisé autour de Badyula. Nous savons que ce personnage
avait rencontré Samori au début de son installation dans le
Dyimini et qu'il avait participé à quelques batailles
importantes dans les rangs du conquérant. Nous avons même si-
gnalé qu'il avait des hommes dans les colonnes de Samori.
(1) Voir à ce sujet le journal de Bailly à la date du 12 février 1895.
1067
Les traditions que nous avons recueillies auprès des
Bambadyon et à la cour royale de Kong permettent de comprendre
les rumeurs qui ont circulé à propos de Badyula sur ses
relations avec Samori et la politique apparemment incohérente
du prince watara à l'égard de l'Almami(1). Badyula aurait su,
dès l'installation de Samori dans le Dyimini
(milieu 1894),
que ce dernier tenterait d'étendre sa domination sur l'Empire
des ~atara. Il aurait alors décidé de connaître la manière de
combattre des Samoriens afin de pouvoir leur résister.
Il
se serait donc formé aux méthodes de guerre de l'Almami et
la question du partage du butin en août 1894, fut un prétexte
pour regagner son pays et mettre sur pied une armée forte
avec laquelle il espérait probablement refouler Samori vers
son pays natal.
Il est difficile de mettre ces informations
en doute car, dès son retour du Dyimini, i l annonça à Bailly:
Sarnori ne
"viendra pas ici nous avons empêché Tièba,
nous empêcherons aussi Samori" (2) .
Les conquêtes de Samori dans le Dyimini et l'exode
de la population vers Kong allaient fournir en effet à
Badyula le moyen de constituer une armée de jeunes guerriers.
De véritables razzias furent organisées dans tout le Kpon-
Gènè et les jeunes gens furent enrôlés dans l'armée des
Watara. Ceux qui refusaient le service militaire étaient
vendus ou troqués contre des chevaux ou des fusils. Ainsi,
des milliers de Dyimini furent vendus ou furent faits sol-
(1) A Kong, nouS devons l'essentiel de nos informations à Bamadou Ouattara
(Nasyan le 15-4-1975), Karamoko Ouattara (chef de Canton, Kong, le
20-3-1974) ; à Ouangolodougou, voir Pigneba, 25-3-1974.
(2) Journal Bailly, à la date du jeudi 23 août 1895.
1068
dats(l). Le mouvement prit une ampleur considérable à partir
du mois de février. Bailly écrivit à ce sujet :
"Présentement i l Y a un petit chef pillard des
environs de Koniéré qui fait la razzia des
bambaras tous les jours. Les hommes de Kirégou
(Kéréu ?)
l'imitent et font comme lui.
Il
s'appelle Moré Ciré, i l vient me voir tous les
jours et me donne des nouvelles des colonnes de
Samori" (2) .
Ainsi, Badyula et ses cousins recueillaient aisément les
fruits de la victoire de Samori dans le Dyimini. Et le
prince watara semble avoir réussi à se doter d'une armée
relativement importante dont il est malheureusement diffi-
cile d'évaluer les effectifs. Tout laisse supposer qu'il se
croyait suffisamment fort pour affronter Samori. Dès le 3
février 1895, i l avait fait son entrée à Kong et le 5 i l
avait tenté de pousser la population à prendre les armes
contre Samori.
Il pensait vraisemblablement qu'une mobili-
sation générale de la population de Kong lui permettrait de
résister au conquérant. Nous connaissons la suite ;
i l se
heurta à l'opposition des négociants et des marabouts. Le
1er février,
un désaccord éclata entre Badyula et la popu-
lation(3).
Il ne se rallia pas pour autant à la décision des
négociants et des marabouts.
Badyula ne se découragea pas,
il voulait à tout
prix faire échouer les négociations entre les autorités de
Kong et Samori.
Il faut reconnaître que les promesses de
nombreux princes Sunangi faisaient croire à Badyula qu'il
(1) La tradition orale déplore encore aujourd'hui le fait que les Jeunes
filles furent prises comme concubines ou comme captives.
(2) Journal de Bailly, à la date du 26 août 1895, au début du mois de ma~
la population du Dyimini nord, pour éviter d'être vendue, tentait
vainement de fuir.
, (3) Voir Journal de Bailly à la date du 13 février 1895.
1069
pourrait réveiller l'ardeur guerrière des fiers descendants
de Seku Watara.
Il sentait que le vieux roi Kumi subissait
une forte influence des karamogo.
Il essaya de convaincre
son Fama de ne pas traiter avec Samori tant que Bailly ac-
ceptait de demeurer à Kong.
Badyula, était persuadé que Samori
hésiterait à attaquer la métropole dyula tant qu'elle don-
nerait asile à un résident français
:
"Pour le moment nous n'avons rien à craindre
la présence du Blanc nous protège ; préparons
nous à la guerre ; les
Blancs viendront au
secours de leur frère et nous chasserons
ensemble Samori" (1) •
Malheureusement, au milieu du mois de mars, pendant que
Badyula poussait les Sunangi à ne pas se rallier, i l igno-
rait que la France avait dissout la colonne de Kong et que les
~la n'avaient rien à attendre d'elle. Il ignorait, bien
entendu, tout le contexte international et il croyait de
bonne foi que les Français allaient venger l'affront subi
dans le Dyimini.
Il se faisait évidemment des illusions ; i l
ne savait pas que Binger n'avait à sa disposition que deux
malheureuses compagnies qui ne pouvaient pas inquiéter
Samori.
Badyula allait lutter jusqu'au bout pour maintenir
le Français dans le pays. Il l'invita même, nous l'avons vu,
à se réfugier dans sa province du Taburukoko. Le 20 mars,
lorsque Bailly quitta Kong, Badyula était persuadé qu'avec
l'appui de Bakari Ulé,
il réussirait à le retenir et à le
persuader de ne pas partir.
Il le fit accompagner par deux
(1) Basièri Ouattara, Kong, le 10-8-1977. On comprend pourquoi il
retarda le plus longtemps possible le départ de Bailly de Kong.
1070
de ses agents qui avaient pour mission de demander à Bakari
Ulé de ne pas l'autoriser à pourquivre sa route. Malheureu-
sement, ce dernier avait reçu de Kumi un ordre formel de ne
pas s'opposer au départ du Français. Quand Badyula comprit
que Bailly avait quitté Kolon
(le 24 mars 1894), i l réalisa
que Bakari Ulé qui détenait la réalité du pouvoir ne voulait
pas le suivre sur la voie de la guerre. Depuis la mort de
Sokolo Mori, Kumi Watara trouvait en effet que Badyula était
un peu
trop remuant. Il avait pour cette raison confié la
réalité du pouvoir à Bakari Ulé qui jouissait de la réputa-
tion d'un prince calme et réfléchi. Rejeté par les partisans
de la paix, i l se retira à Bugu et attendit la suite des
événements.
Il convient ici de souligner un détail important.
Samori n'ignorait pas les activités de Badyula à Bugu.
Il
savait qu'il mettait en place une armée pour le combattre.
C'est pour cette raison qu'il concentra une importante armée
à Guinso(1)
au sud de Kong.
Badyula poussait par conséquent
les Watara vers une guerre suicidaire. Nous sommes persuadé
que vers le milieu du mois de mars 1895, Samori n'aurait pas
toléré une armée ennemie à Bugu au moment où i l se préparait
à conquérir le Gyaman. C'est dans cette localité que Saran-
kenyi-Mori reçut les envoyés de Kong. Ceci fit croire à
Bailly que le lieu où Samori traita avec Kong fut "Goinso"(2
Le départ de Bailly, l'opposition des karamogo, du
Farna, ainsi que celle de nombreux chefs de Kong amenèrent
Badyula à une attitude plus raisonnable. En tout cas,
(1) Guinso est le premier village de Kong lorsque l'on quitte le Dyimini
à une journée de marche au sud de Dyangbanaso.
(2) Voir le Journal de Bailly à la date 15 mars 1895.
1071
personne à Kong, hormis
Badyula, ne souhaitait se battre
contre les sofa de Samori. Nous avons vu que Bakari ulé
n'avait pas réagi à la fin du mois de février 1895 lorsque
les hommes de Samori attaquèrent Bilimono.
Bien qu'il soit difficile d'apprécier les forces
dont disposait Badyula, on peut affirmer qu'il faillit en-
gager son pays dans une catastrophe certaine. Comptait-il
sur l'aide hypothétique de Babèmba qui n'avait pas pu s'op-
poser à la poussée samorienne vers l ' e s t ? Nous savons, grâce
aux sources orales, qu'un certain Musa était venu du Kénédugu
pour offrir son aide aux gens de Kong pour combattre Samori(1).
Nous avons des échos de cette visite dans le journal de
Bailly qui note que le 28 août 1894, un cousin de Babèmba
étai t
arrivé à Kong et aurait
"demandé du secours aux Blancs qui lui ont dit
qu'ils allaient attaquer Samori i
c'est pour
cela qu'il prévient Kong. Il aurait donné de
l'or pour que l'on fasse colonne tout de suite
contre Samori ... "(2).
Les gens du Kénédugu comptaient probablement sur ceux de
Kong pour affronter Samori à un moment où ces derniers
cherchaient à s'allier au conquérant.
De toute ~anière peu de temps après le départ de
Bailly, Kumi chargea Bakari ulé et Badyula de constituer la
grande délégation qui devait discuter des problèmes de paix
avec l' Almami.
(1) Basièri Ouattara, Kong, 18-8-1976.
(2) Journal de Bailly, à la date du 28 août 1894.
1072
2°/
Les accords de Borono
Rejeté par les Karamogo de son pays, abandonné par
Bakari Ulé,
Badyula, n'ayant pas réussi à retenir Bailly,
répondit à l'appel de son souverain qui avait convoqué tous
les chefs de l'Empire à Nasyan, problement peu après le
départ de Bailly de Kolon
(le 24 mars 1895). Cette réunion
regroupait l'imam Sitafa, sa suite et les grands dignitaires
du Royaume. De graves décisions furent prises au cours de
cette séance sous l'impulsion de l'imam Sitafa et de Badyula
qui ne pardonnait pas aux chefs guerriers de Kong leur passi-
vité devant Samori.
Il fut décidé qu'il n'était pas question
pour les responsables de Kong d'aller boire le traditionnel
dègè en présence de Sarankenyi-Mori à Guinso, mais d'obtenir
de Samori l'assurance formelle qu'il ne livrera jamais la
guerre contre les Dyula du Kpon-Gènè et du Gwiriko.
Il devait
donc accepter de consommer le "la ka"
(alliance du sang)
et
de jurer sur le Coran.
Il ne s'agissait donc pas, dans
l'esprit des autorités de Kong qui allaient rencontrer
l'Almami, de se soumettre
à lui et de lui payer annuellement
un tribut comme ce fut le cas pour les Senufo du sud où le
conquérant exigeait, non seulement un tribut, mais aussi une
aide militaire (1)
;
i l s' agissai t
d'aller signer un traité de paix
qui permettrait au commerce de reprendre entre Kong et les
nouveaux pays que contrôlait désormais Samori. On sait en
effet, que dans toutes les lettres qu'il adressait aux auto-
rités de Kong,
il ne parlait que de commerce et de paix et
i l se présentait, non seulement comme un karamogo, mais aussi
comme un fils de Kong. Les autorités de Kong allaient ainsi
le mettre au pied du mur.
Kumi, trop âgé pour faire le voyage,
(1) Yves Person, op. cit., p.1570.
1073
'se fit représenter par ses neveux
Bakari Ulé et Badyula.
En réalité, Kumi avait délégué ses pouvoirs à Bakari et ce
fut ce dernier qui conduisit la délégation, d'abord à
Guinso puis auprès de Samori. Cette délégation comprenait
tous les grands princes du Gènè et des pays alliés dont le
Nafana(l) et le Komono(2)
; Karamoko Ulé s'était fait
représenter par son frère Mori Sya connu aussi sous le nom
de Muru Musa. Kong avait fait appel aussi aux princes du
Gwiriko. A Kong,
l'imam Sitafa avait délégué ses pouvoirs
à Fa Sidiki, l'imam de la grande mosquée de la ville. Ce
dernier était accompagné par trois des plus influents
karamogo de la ville, Ba Ladyi
(El-Haj Ba), Ba Karankara
et Bakari Saganogo. La délégation quitta Kong vers le 26
mars. Elle séjourna quelques jours à Guinso où attendaient
déjà plusieurs centaines de Dyula qui voulaient assister à
l'événement. Après un bref séjour dans cette dernière
localité, les envoyés de Kong se rendirent à Borono(3)
dans
le camp de Samori sur la rive ouest de la Comoé.' La tradi1iion
évalue le nombre d'individus qui se rendirent dans le camp
de Samori à environ un millier de personnes (4) .
Person a
certainement raison lorsqu'il écrit qu'
"une importante délégation se rendit auprès
de l'Almami" (5) .
(1) Le chef du Nafana s'appelait Kadari.
(2) Le roi du Komono qui participa à cette rencontre s'appelait Ko Nyéni.
(3) Nous devons le nom du lieu de la rencontre à Y. personqui a recueil-
li ses informations auprès de Mamadu Sulèmani Dem. Person, situe
Borono à 8°15'N - 4°ü3'w. Cf. Y. Person, op. cit., p.171~ note 19.
(4) Imam Marhaba, Bobo-Dioulasso, le 15-3-1979.
(5) Y. Person, op. cit., p.1689.
1074
La rencontre avec Samori se déroula entre la fin du
mois de mars et le début du mois d'avril. Nois savons en
effet, grâce au journal de Bailly, que Bakari Ulé reçut
Bailly à Kolon le 9 avril 1895(1). Il était donc de retour
depuis quelques jours. Person a probablement raison lors-
qu'il situe "la soumission" de Kong vers le début d'avril
1895(2).
Les informateurs de Person sont pour la plupart des
Samoriens(3). Ils insistent sur la façon somptueuse dont fut
reçue la délégation de Kong. L'Almami aurait offert à ses
hôtes 100 boeufs et 100 captifs tandis que ses chasseurs
tuaient 10~ippopotames pour les nourrir(4). Cette générosité
ne souleva pas beaucoup d'enthousiasme dans le camp des
Dyula car ils eurent l'impression que les boeufs que l'on
leur offrait avaient été capturés à Bilimono(5). Samori
pouvait donc se montrer généreux puisque les animaux appar-
tenaient aux Dyula du Kpon-Gènè.
Le fait important sur lequel
i l convient de mettre
l'accent fut la question des réfugiés du Dyimini(6). Samori
(1)
Bakari Ulé dira à Bailly: "Ne crois pas à tout ce que Samori fait
dire, tu peux rester ici, tu ne risque rien maintenant ••• "Samori
avait certainement à cette date une attitude conciliante.
(2) Y. Person, op. cit., p.1688.
(3) L'un des informateurs de Person sur cette affaire fut un Toucouleur
Mamadu Dem qui, après la chute de Samori, se réfugia à Korhogo.
(4) Y. Person, op. ciL, p.1714.
(5) Informations recueillies auprès de l'Imam Marhaba, Bobo, le 20-3-79.
(6) D. Traoré, op. cit., p.96-97. Cette question des réfugiés du Dyimini
est très controversée. Dominique Traoré qui a interrogé le notable
Sédy Watara qui s'était réfugié à Bobo-Dioulasso
après 1897 n'a pas
compris qu'il y avait deux affaires relatives aux Dyimini qui s'étaient
réfugiés à Kong. Cette lacune est à l'origine des confusions qui exis-
tent dans son article sur "les relations de Samori et de l'état de
Kong". Notes Africaines,
I.F.A.N., Dakar, N°74, 1950, p.96-97. Il
confond les réfugiés de 1894 avec ceux de 1896. Ces derniers joueront
plus tard un rôle important dans la rupture entre Samori et les Dyula
de Kong. Nous allons essayer de rétablir les faits à partir des
traditions de Kong.
.,
)
1075
voulait en effet qu'on lui restitue les captifs qui s'étaient
réfugiés dans le Kpon-Gènè.
Il s'agisssait d'une question très
délicate. Nous avons vu que de nombreux captifs venus du
Dyimini avaient été vendus ou enrôlés dans l'armée des Su-
nangi . Beaucoup d'entre eux travaillaient dans les planta-
tions des Dyula. Cette affaire souleva une indignation géné-
rale chez les Dyula de Kong et particulièrement chez les
Watara. On assure qu'il fallut toute la diplomatie de Fa
Sidiki et de Bakari Ulé pour empêcher Badyula de quitter la
séance car il estimait que le Kpon-Gènè était un Etat sou-
verain et n'avait pas de compte à rendre à Samori. Fa Sidiki
eut la sagesse de répondre qu'un pays musulman a le devoir
d'accueillir des étrangers qui ont été chassés de leur terre
et de leurs foyers et qu'en tant gU'Almami, Samori connais-
sait parfaitement les lois islamiques sur ce sujet(1).
L'intervention habile et intelligente de l'imam de Kong
ébranla Samori qui pour la circonstance avait réuni autour
de lui ses conseillers musulmans. Cette question des réfugiés
du Dyimini risquait de faire échouer les négociations entre
Kong et Samori car les princes de Kong fiers de leur passé
glorieux n'avaient pas l'intention de venir s'humilier devant
Samori.
Sur les conseils de ses karamogo,
i l renonça à la
question des réfugiés et l'on aborda alors celle du serment.
Elle fut reportée au vendredi suivant, probablement le 5
avril. La cérémonie débuta après la prière du matin par des
(1) Informat ions recuei llies auprès du Vieux Sanogo de Kong.
(Kong,
l-è
11-8-1977). Contrairement à ce qu'affirme Basièri, nous ne pensons
pas
qu'à Borbno où Samori avait avec lui l'essentiel de ses troupes
Badyula aurait dit : "Tu veux les Dyimini ? eh ! bien nous les
avons mangés pia" et qu'interrogé sur le sens de ce mot il ait dit
à Samori c'es~e bruit que font les doigts quand on les lape après
un bon repas. si cette version se vérifie il faut avouer que Badyula
avait vraiment l'intention d'affronter Samori et que ce dernier se
montra particulièrement patient.
(Cf. Basièri Ouattara, Kong,
10-8-1977) .
1076
parades militaires auxquelles participèrent environ 5.000
hommes(1). L'Almami était entouré pour la circonstance par
la plupart de ses fils et de ses généraux parmi lesquels on
remarquait Morifindya, Ngolo et Kunadi-Kélébagba. Après
cette démonstration militaire on aborda les clauses du
contrat. Samori avait besoin de chevaux pour assurer sa
remonte, en conséquence i l demanda aux Dyula d'ouvrir les
marchés de Kong et de Bobo-Dioulasso à ses marchands et de
lui vendre des chevaux, des fusils et de la poudre.
Samori interdit aux Dyula de Kong de donner asile à
ses ennemis.
Il faisait sans aucun doute allusion aux Fran-
çais et aux réfugiés que les Dyula réduisaient en esclavage
ou que l'on utilisait, soit dans l'armée sunangi, soit dans
les plantations, soit dans le commerce. Après de vives dis-
cussions,
la délégation de Kong accepta l'ensemble de ces
clauses. En contrepartie, Samori s'engageait à assurer la
sécurité et la libre circulation des Dyula à l'intérieur
des territoires qu'il contrôlait.
Il s'engageait en outre à
ne pas faire la guerre contre Kong. Etant donné que les
clauses étaient verbales et qu'il ne s'agissait pas d'une
soumission mais d'une alliance,
les gens de Kong,
fort
méfiants, proposèrent à Samori le serment du laka
(le
serment du sang).
Les Watara prirent quatre noix de kola qu'ils rou-
lèrent dans le sang prélevé par des incisions faites au
bras d$ responsables du pacte. En l'occurrence, on devait
choisir Bakari Ulé et Badyula dans le camp de Kong et Samori
devait choisir aussi deux de ses fils.
L'Almami refusa de
(1)
Chiffres donnés par les traditionalistes de Kong.
Ils sont cer-
tainement vraisemblables car Samori se préparait à combattre les
Abron.
1077
se conformer à cette pratique ; ce geste choqua les princes
watara(1). Fa Sidiki proposa alors que le serment ait lieu
sur le Coran. Bakari Ulé et Badyula jurèrent sur le Livre
saint de respecter les clauses du traité. Mais Samori refusa
de prendre un tel engagement et demanda à Sirafana Amara de
co-jurffavec Bakari Ulé et Badyula(2). Pourquoi cette
dérobade? Pourquoi l'Almami n'avait-il pas demandé à
Morifindya, à Ngolo, à Kunadi-Kénébagha ou à son fils
Sarankenyi-Mori d'accomplir cette cérémonie? Tous ces per-
sonnages étaient là assis à ses côtés. Pourquoi l'Almami
avait-il porté son choix sur le plus stupide des cousins(3)
?
Samori disait lui-même que ce dernier était brave limais
trop bête pour commander Il (4) . Nous pensons qu'en déléguant
ses pouvoirs à un personnage insignifiant pour lequel i l
n'avait aucune estime, l'Almami ne se sentait pas lié par
le serment sur le Coran. Ainsi naquit le malentendu de
Borono car, pour les Dyula de Kong,
le serment de Sirafana
Amara engageait l'Almami. On comprend d'ailleurs fort mal,
pourquoi Samori qui était à peine converti à l'Islam, avait
rt:fusé le IIla ka ll
Les watara avaient-ils compris que le conquérant
n'allait pas respecter son serment? Cela ne paraît pas
impossible ; mais les Dyula qui avaient un respect absolu
(1) Les Watara utilisaient cette pratique lorsqu'ils voulaient conclure
une paix durable avec un souverain.
Person a recueilli une version selon laquelle les quatre noix de
kola furent partagées et mangées à l'aide d'une aiguille "qu'on
planta ensuite dans le fromager qui abritait la rencontre. Cet
arbre serait mort lors de la destruction de Kong". Cf. Person,
op. cit., p.1713, note 19. La tradition de Kong est formelle, Samori
a-refusé de manger la noix de kola.
( 2) Yves Person, op. cit., p.1714. Note 19.
(3)
Ibidem,
op. ci t. , p. 855. Note 19.
(4)
Ibiàem,
op. c it., t.II, p.564.
'.
1078
pour le Coran étaient convaincus que Samori respecterait le
serment de Borono.
Ils comprendront mais un peu tard qu'ils
avaient eu affaire à un conquérant à peine islamisé et non
à un véritable imam.
Pour le moment les Dyula regagnèrent donc leur pays,
convaincus que Samori ne ferait jamais la guerre aux
populations musulmanes.
Après le serment de Borno qui eut probablement lieu
le vendredi 5 avril 1895(1), Bakari Ulé quitta ce lieu en
compagnie de Badyula.
Il délégua ses pouvoirs à Moro Sia.
Il
regagna Kolon le siège de son autorité. Moro Sia était
chargé d'attendre les délégués du Kpon-Gènè.
L'exemple de Kong fut suivi en effet, quelques
semaines après, par les princes du Gwiriko conduits par
Sabana Ulé et Vababa :
leur co-jureur fut, cette fois,
l'un
des neveuX
de Samori, Mamadi-Dyabi,
"qui était très versé en science coranique.
Ce jeune lettré ne combattit jamais mais i l
paraît avoir exercé une certaine influence sur
son oncle dans les années qui précèdent sa
chute" (2) .
Si nous faisons le point de la situation, nous cons-
tatons que l'opération de Borono avait été un succès pour
Samori qui avait réussi à obtenir des autorités de Kong,
(1) D'après les traditions de Kong, le serment eut lieu un vendredi. Si
l'on se fie au journal de Bailly nous devons donc situer la cérémonie
le vendredi 5 avril 1895.
(2) Cf. Yves Person, op. cit.~.II, p.855, note 19. Il serait tentant
d'établir un lien-entre-le serment de ce personnage et le fait que
Samori épargnera la ville de Bobo-Dioulasso.
1079
'sous la foi du serment,
l'accès aux voies commerciales
contrôlées par les Dyula.
Il nous parait donc injuste de
parler de
"conditions extraordinairement favorables"
offertes à Kong(1). Certes Kong "n'avait pas
à payer tribut".
Chaque année Samori promettait de donner un cadeau "impor-
tant en captifs" (2) , mais l'Almami imposait à Kong un
résident
(Dyéli Musa)
sous le fallacieux prétexte de veiller
à la bonne conduite d'une centaine "d'élèves" que Samori
avait placés à Kong et qui étaient en réalité des agents de
renseignements (3) • Person affirme en outre que les sofa ne
devaient pas pénétrer dans le ville(4). Malheureusement,
cette décision ne fut jamais respectée et nous assisterons
à de violents conflits entre les femmes de Kong et les
sofa. C'est Samori qui allait bénéficier des circuits com-
merciaux de la métropole dyula
"pour faciliter les achats de chevaux sur le
grand marché de Bobo" (5) .
Quoi qu'il en soit, un pacte était scellé désormais
entre les autorités du Kpon-Gènè et du Gwiriko. Tous les
délégués de ces deux Etats quittèrent le camp de Samori
vers la fin du mois d'avril et ce fut probablement au début
(1) Y. Person, op. cit., p.1689.
(2)
Ibidem,
op. cit., p.1689. D'après Person, Samori aurait
donné chaque année 300 captifs, 300 moutons et 300 boeufs. Cf. op.
cit., note 20. A Kong nous n'avons aucune trace de cadeau après--
~traité de Borono.
(3) Karamoko Ouattara, Kong, 10-8-1977).
(4) Y. Person, op. cit., p.1689.
(5)
Ibidem,
op. cit., p.1689.
1080
du mois de mai, que Bakari Ulé les reçut à Kolon et les
accompagna à Nasyan où une grande fête fut donnée en leur
honneur ; puis tout le monde se dispersa. On peut donc dire
qu'en ce début du mois de mai 1895, tous les Dyula, à
l'exception de Badyula et de Bakari Ulé, reprirent avec
confiance leurs activités suspendues jusque-là à cause du
danger samorien.
1081
II,
LA GUERRE CONTRE LES DYULA
A.
LA RUPTURE AVEC SAMOR!
Les Dyula avaient accepté de conclure la paix avec
Samori car ils espéraient que cette dernière allait servir
leurs intérêts commerciaux et garantir la sécurité de la
population de Kong. Or, peu après les accords de Borono, la
méfiance de l'Almami vis-à-vis des négociants de Kong et
les guerres samoriennes allaient révéler que la coexistence
pacifique avec la métropole dyula était incompatible avec la
politique hégémonique à laquel~~ rêvait Samori depuis son
départ du Konyan.
1. - La déception des Dyula
Les Dyula de Kong croyaient sincèrement reprendre
leurs activités commerciales et ce fut probablement sous
leur influence que Bakari Ulé écrivit à Dyèbango,le Mansa
de Bouna pour l'inviter à
se rallier à Samori. Person nous
donne une reconstitution de cette lettre :
"Au nom de Dieu. Cette lettre est postée au nom
de Dieu et écrite sous la dictée de Dieu. Nous,
gens de Kong envoyons cette lettre à notre
famille qui est à Bouna. Moi Bakari Oulé Ouat-
tara, fils de Lohonzo Barou, chef des dioula
de Kong,
j'ai écrit cette lettre sous la dictée
de Dieu pour l'envoyer aux gens de Bouna.
J'envoie mon salut au roi de Bouna et fais des
voeux pour que Dieu le sauve, tous les habitants
de Bouna ainsi que ses fils.
Samori vient de
faire la guerre dans le Dyimini et m'a fait
dire qu'il ne veut pas faire la guerre aux
homme de Kong et à leur famille qui est à Bouna
et qui sont ses amis.
Les gens de Kong font
cette lettre et l'envoient à Bouna.
Samori dit
qu'il faut obéir(1).
(1) Y. Persan, op. cit., p.1722.
1082
Cette lettre dut être écrite au courant du mois d'avril 1895.
Il semblerait qu'elle resta sans réponse. Mais elle témoi-
gnait de la volonté des milieux commerçants de voir la paix
régner dans les grands centres qui traitaient avec le Kpon-
Gènè et de reprendre les anciennes routes caravanières.
Les traditions de Kong rapportent que les premières caravanes
dyula quittèrent la ville pour les pays forestiers du sud,
peu après la soumission des Abron et de Bondoukou. On précise
à Kong, que Samori se trouvait à cette époque dans le Dyimi-
ni (1) •
Nous savons que le gros des forces de Samori quitta
le Gyaman à la fin de l'année de 1895 ;
l'Almami se fixa
d'abord au gué de Kuruza puis à Dabakala(2). Person pense
que Samori s'éloigna du Gyaman en décembre 1895(3). Les
caravanes durent profiter du calme relatif qui régnait dans
le sud pour voyager. Nous savons en effet que Sarankenyi-
Mori à la tête de plusieurs milliers de guerriers se diri-
geait à cette époque vers Bolé, Sankana et Bouna(4). On peut
raisonnablement fixer le départ de ces premières caravanès
au début de l'année 1896. Elles devaient atteindre l'Anno,
Bondoukou et surtout Grand-Bassam. A Kong, on savait que
cette cité venait de se soumettre à Samori. et les gens
étaient persuadés que la ville était intacte et quelle pouvait
reprendre ses activités commerciales.
(1) Mamadou Saganogo Labi, Bouaké, 18 juillet 1978.
(2) E. Terray, op. cit., P.1914.
(3) Yves Person, op. cit., p.1699.
(4) E. Terray, op. cit., P.1914. Pour la conquête du Gyaman V01r Terray,
op. cit., p~1901-1912, et Y. Person, op. cit., pp.1694-1699.
1C83
D'après les informations que nous avons recueillies
à Kong, on ignorait que la population s'était sauvée à
l'approche des sofa. On semblait ignorer aussi que Samori
avait des garnisons à Bondoukou(1). Une grande surprise
attendait donc les Dyula de Kong.
Emmanuel Terray signale la
présence d'une forte garnison samorienne à Bondoukou(2).
Person, de son côté, confirme la fuite de la population.
Il
écrit :
"A l'approche du conquérant, toute la population,
imam en tête s'enfuit à Dyapèkro sur la fron-
tière du Wam, à l'exception de quelques combat-
tants résolus qui voulaient défendre le tata" (3) •
Mais Person pense que sous l'instigation
"d'un très vieux marabout nimbé de sainteté
Ladyi Muktar Dyabi"
les résistants se soumirent et 11 imam Ibrahima Timi té sortit
de sa retraite. Toute la population, écrit-il, se décida
bientôt à le suivre et ses chefs vinrent boire le dègè
(début juillet 1895) (4). Nous pensons que le retour des ré-
fugiés n'a véritablement commencé qu'après le départ du
gros des forces des Samoriens(5). Par conséquent, au début du
(1) A Kong voir Mamadou Saganogo Labi (enquêtes du 15-3-1975 ; à Bobo-
Dioulasso notre principal informateur fut l'imam Marhaba (enquêtes
du mois de mars 1979 à Bobo-Dioulasso).
( 2)
E. Terray, op. cit., p.1925.
(3)
Y. Person, op. cit., p.1696. Mamadou Dem qui exagère amplifie les
faits, parle"d'une ville pleine d'ennemis en armes". Il voulait
certainement se vanter d'avoir pu entrer dans la ville: il dit qu'il
traversa les rangs des Dyula qui étaient "innombrables", le fils de
ce c!.rnier informateur Tidjane Dèm n'hésite pas à avancer le chiffre
de 20.000 Dyula. Person trouve à juste titre que ce chiffre est
excessif. Cf. Y. Person, op. cit., p.1718-1719, note 77.
(4)
Ibidem,
op. ciL, p.1697.
( 5)
Vers la fin de l'année 1897, la crainte d'un retour offensif des
Samoriens obligea la population à fuir. Le 5 décembre 1897, Clozel
"fut accueilli seulement par trois ou quatre cents personnes". Cf.
Clozel, 1906, p.56 et 61.
\\
1084
mois de juillet 1895, Bondoukou ne devait pas compter un
~rand nombre de Dyula.
Quoi qu'il en soit,
les gens de Kong firent de très
mauvaises affaires dans le Gyaman et l'Anno frappés par une
effroyable disette. Les Dyula voulurent alors atteindre la
Côte pour écouler leurs marchandises. Mais à leur grande
surprise,
les sofa, qui avaient certainement reçu des ordres
formels de l 'Almami , s'opposèrent avec brutalité au désir
des gens de Kong. Ce fut une grande indignation dans les
rangs des Dyula qui comprirent que Samori les avaient trompés
et que désormais ils n'avaient plus accès à la mer.
Le commerce des armes et de la poudre avec Grand-
Bassam allait devenir le monopole des agents de Samori. Cer-
tes,
Samori ne faisait certainement pas confiance aux Dyula
de Kong et voulait
éviter des contacts réguliers entre
ces derniers et les Blancs, mais il n'avait pas le droit de
ruiner le commerce des Dyula. En agissant ainsi,
i l avait
foulé aux pieds les accords de Borono et les Dyula n'allaient
jamais le lui pardonner. Cet incident fut à l'origine de la
réouverture des hostilités entre les milieux commerçants,
musulmans et Samori(1).
Les négociants de Kong durent vendre à vil prix
leurs parchandises pour ne pas mourir de faim. Faute
de
vivres,
ils regagnèrent rapidement leurs foyers,
tenaillés
par la faim.
Pour comprendre le drame que vécurent les
marchands de Kong,
i l faut souligner que les territoires
conquis par Samori étaient quadrillés par de nombreuses
petites garnisons et des dugukunasigi qui percevaient des
(1) A propos de cet incident capital, nos informations viennent essen-
tiellement de Basièri ûuattara, Abidjan, 21-11-1978 ; Mamadou
Saganogo Labi, Bouaké, 7-12-1978 ; Imam Marhaba, Bobo-Dioulasso,
20-2-1979.
1085
droits de péages sur tous les voyageurs. A cause de la
disette qui régnait depuis le sud de Kong jusqu'à l'Anno et
au Gyaman, ces taxes étaient
perçues en nature
(céréales,
sel, noix de kola ••. ). Les Dyula de Kong se trouvèrent
ainsi très rapidement dépouillés de leurs provisions de
voyage. Or ils eurent d'énormes difficultés pour s'approvi-
sionner en vivres dans le Gyaman car ce fut précisément
l'époque où les samoriens vivaient sur le pays qu'ils
avaient conquis pendant la saison des pluies.
David-Houston a décrit les procédés que les sofa
de Samori utilisaient pour s'approvisionner en vivres dans
les régions situées à l'est et au sud-est de Bondoukou. A
notre avis, ces pratiques furent appliquées à l'ensemble
des territoires conquis par Samori :
"La méthode adoptée par Samori pour ravitailler
ses gens et pour remplir ses coffres est à la
fois simple et sûre. Lorsqu'il s'empare d'une
localité, toutes les substances disponibles
dans la région sont amassées
(collected)
et
placées dans un vaste magasin que ses soldats
gardent avec rigueur. Lorsque la quantité
recueillie excède les besoins des sofa, ce qui
reste est revendu à haut prix aux légitimes
propriétaires.
Ainsi non seulement ceux-ci commencent par être
dépouillés de leurs ressources, mais ensuite
ils sont contraints, de les racheter ou bien de
mourir de faim,
ce qui a été le sort de
beaucoup d'entre eux"(l).
Person écrit de son côté
(1) Report of Davidson-Houston, 30 june 1896 P.R.O.C.O. 96/275. cité
par
Terray, op. ciL, p.1914.
1086
"Dans la zone occupée
( ..• )
les récoltes à peine
rentrées étaient saisies dans leur intégralité
et les malheureux habitants devaient racheter
au prix fort ce qui était nécessaire à leur
subsistance et aux semailles"(1).
La disette sévissait partout et Erbe, un négociant
français, en fit l'amère expérience en octobre 1896 lorsqu'il
visita la région à l'ouest du Gyaman.
Il a écrit, dans son
carnet,
les notes suivantes :
"(12 octobre 1896). Nous arrivons à Koffi ...
Il n'y a que des ruines partout, pas moyen
d'avoir de vivres,
le chef me donne une cale-
basse d'épluchures,
les indigènes sont maigres
à faire peur, ce sont de véritables squelettes".
"(15 octobre)
nous faisons halte au petit village
de Gratou, i l y a ici une vingtaine d'habitants
qui font pitié".
"(15 octobre au soir, Tangamuru)
je vais à ma
case où l'on m'apporte trois calebasses
d'épluchures d'ignames;
tous les jours les
sofa envoyés par Toumaney passent dans les vil-
lages, exigent la quantité d'ignames nécessai-
res à leur nourriture et laissent les épluchures
pour la nourriture des habitants" (2) •
Par conséquent, du mois de juillet 1894 jusqu'à
l'hivernage 1896, le commerce de Kong avec les pays du sud
allait être entièrement paralysé. Les Dyula ne pouvaient
rien vendre aux populations du sud qui subissaient
la famine
et nous comprenons les souffrances qu'ils endurèrent en
janvier-février 1896 lors de leur voyage retour.
(1) Y. Persan, op. cit., p.1698.
(2) Erbe, 1897, p.15-17. Voir Terray, op. cit., p.1915.
1087
Les nouvelles que les Dyula apportèrent à Kong
allaient créer un grand mécontentement au sein des hommes
d'affaires de la métropole et allaient pousser la population
à détester et à hair à nouveau le conquérant. Les négociants
de la ville qui avaient fait le voyage avaient perdu de
grosses sommes d'argent dans cette entreprise.
Ils avaient
constaté amèrement une baisse considérable dans la produc-
tion des noix de kola qui entraient pour une part essentielle
dans leur commerce avec les pays du nord. La plupart des
producteurs du Mango et de l'Anno avaient déserté le pays
à l'approche des forces samoriennes. Ceux qui étaient
demeurés dans certains hameaux de l'Anno voyaient leurs
récoltes saisies ou achetées à vil prix par les sofa(l).
Cette situation porta un grave préjudice aux Dyula de Kong
dont la raison d'être était précisément le commerce.
La présence des samoriens dans le Dyimini, le Dyamala,
l'Anno et le Gyaman allait faire perdre à Kong une immense
partie de sa clientèle. En effet, le commerce des Dyula
avec ces pays avait pratiquement cessé depuis la conquête
du Dyimini. Après le traité de Borono, lorsque les négociants
reprirent la route du sud, ils se trouvèrent en présence
d'une population misérable qui ne pouvait rien acheter;
ils crièrent alors leur colère contre les garnisons samo-
riennes qui exigeaient en outre des péages sur tous les
voyageurs (2) . Depuis la révolution dyula de Seku Watara
(1) Informations recueillies auprès du notable Anzoumana Ouattara. (14-
12-1973 ; 11-3-1974). Ce notable a souligné le fait que certains
sofa n'hésitaient pas à capturl. les paysans qu'ils rencontraient
dans la forêt; aussi personne u~sormais n'osait s'aventurer dans
les plantations de kola. En 1973, l'imam de Yérobodi Ali Ouattara
nous a confirmé que sous l'occupation samorienne, on trouvait peu
de noix de kola à Kamélésu, Dodosu, Yegasu, à Ngibonu et à Abadénu
que l'on considérait comme étant les grands marchés de kola de l'Anno
(enquêtes réalisées auprès de l'imam le 15-12-1973).
(2) Voir à ce sujet: Terray, op. cit., p.1915.
1088
(1710-1745), ces taxes avaient été supprimées au sein de
l'Empire des Watara(1).
Les Dyula de Kong se voyaient ainsi condamnés à avoir
pour unique partenaire au sud, les sofa. Ils conclurent
que Samori était en train de tuer leur commerce. Bouna,
pour échapper à la destruction,
s'était soumise à Samori
(décembre 1895) (2), mais le tribut en céréales qu'elle
s'était engagée à payer risquait d'installer la disette dans
le pays et de compromettre aussi les échanges avec les pays
de l'est.
Déçus, les Dyula de Kong allaient désormais se tour-
ver vers les pays du nord. La destruction de Bouna en
décembre 1896 allait révéler à la face du monde islamique
et du monde des négociants que Samori n'était pas un bâtis-
seur mais un démolisseur. En effet, en novembre, Dyébango
jugea prudent de conserver sa récolte pour éviter la disette
à son peuple. Person pense que le Mansa de Bouna avait agi
sous l'instigation de
"ses vieux amis de Kong dont i l suivait la
politique" (3) .
Sarankenyi-Mori et ses sofa
"saisirent tous les hommes et les décapitèrent.
Il y eut là un massacre horrible où plusieurs
milliers de personnes auraient péri, dont la
plupart des Mmara qui furent exécutés, malgré
(1) L'imam Sitafa Saganogo écrira, dit-on, à ce sujet, plusieurs lettres
à Samori dans le sens d'une suppression des droits de péage, ma~s
elles demeurèrent sans réponse.
(2) Pour l'étude sur Bouna. Voir Y. Persan, op. cit., p.1700-1702 ;
1773-1774.
(3) Y. Persan, op. cit., p.1774.
lC89
leur caractère maraboutique comme responsables
du conflit. Les jeunes gens musulmans furent
seuls épargnés et envoyés à Samori qui en fit
des sofa"(l).
Le marché de Bouna venait lui aussi d'être fermé aux
Dyula de Kong. A partir de ce massacre horrible,
les gens de
Kong allaient traiter Samori comme l'ennemi des musulmans
car parmi les morts de Bouna, figuraient des Dyula de la
métropole. Sarankenyi-Mori, sur l'ordre de son père, n'avait
pas hésité à faire couler le sang des karamogo. Des incidents
allaient ainsi éclater à Kong entre la population et les
sofa. Le massacre des musulmans de Bouna et surtout l'exécution
bestiale des karamogo de la ville avaient mécontenté même
le parti samorien. Le fait nouveau en cette fin de l'année
1896, c'est qu'à Kong toute la population était devenue farou-
che hostile à Samori.
2. -
L'hotilité des Dyula
On ne peut pas ne pas reconnaître que les Dyimini
qui, depuis la fin de l'année 1894, affluaient à Kong avaient
relevé l'économie du pays. Beaucoup d'entre eux furent ré-
duits en esclavage et furent affectés, soit dans les plan-
tations, soit dans le commerce à longue distance. Cet exode
des populations du Dyimini allait poser pendant de long mois
de graves problèmes alimentaires ; nous savons même que la
population craignit une disette à partir du mois de septembre
1894, Bailly nous dit qu'au mois de novembre l'on vendait
une poule à 1.000 cauris. Au moment du traité de Borono, Kong
avait certainement accueilli plus de 10.000 réfugiés(2)
sans
(1) Y. Person, signale que quelques notables furent exécutés huit jours
plus tard par Sarankenyi-Mori en dehors de la ville sous un grand
fromager. Cf Y. Person, note 141, p.1795. On désignait sous le nom
Mmara les populations mosi islamisées.
(2) Le 10 septembre 1894 Bailly estimait que la population de Kong avait
augmenté de moitié. En prenant les chiffres donnés par Binger pour
l'année 1890 c'est-à-dire 15.000 âmes) on peut donc considérer qu'il
y avait 7.500 étrangers (pour la période de juillet début septembre).
1e90
compter tous les malheureux que Samori avait traînés derrière
lui dans le Dyimini et qui profitaient de la moindre occasion
pour s'enfuir à Kong. Mais les Dyula de Kong surent faire
face à la situation grâce à l~action énergique de Badyula
et, dès l'hivernage de 1895, ils aménagèrent des cultures
qui allaient permettre à Kong, dès le mois de novembre 1896,
de jouir de la réputation d'un pays riche non seulement sur
le plan commercial, mais aussi dans le domaine de l'agricul-
ture, notamment en céréales
(riz, sorgho et en ignames). On
allait assister à une ruée des acheteurs sur le marché de
Kong. Pour comprendre ce phénomène sur lequel les traditiona-
listes insistent, i l faut se rappeler que le Dyimini, après
avoir été détruit par Samori, fut le théâtre d'une seconde
guerre entre Samori et Monteil qui incendia Dabakala. Peu
après le 21 mars 1896,
"six mille personnes, réfugiées du Dyimini ou
Dyula du Dyammala" (1)
quittèrent leurs foyers pour le pays baulé. Vers la fin du
mois d'avril, Samori attaquait les Abron ; par conséquent les
prochaines récoltes étaient lointaines et le pays qui dis-
posait des réserves en céréales et en tubercules était Kong.
Les Dyula n'allaient pas hésiter à se venger de Samori et
des sofa en tirant des avantages exorbitants de cette situa-
tion.
Ils considéraient Samori comme un conquérant dangereux
qui avait gravement compromis leurs relations commerciales
avec leurs voisins du sud. En outre, ce dernier massacrait
les musulmans ;
les Dyula ne se croyaient donc pas obligés
d'accueillir les sofa qui envahissaient les marchés de Kong,
surtout après la rentrée des récoltes d'octobre-novembre 1896.
(1) Y.
Persan,
op. ciL, p.1661.
1091
Certes avant les accords de Borono, les samoriens
fréquentaient ce marché. Mais le phénomène prit de l'ampleur
après les dits accords. Déjà, le 8 avril 1895, Bailly avait
entendu dire que Kong était rempli de captifs et de griots.
La présence des captifs montrait que les Dyula troquaient
leurs marchandises contre des esclaves. Mais après la
destructton de Bouna et le massacre des karamogo de la ville,
les traditionalistes signalent une hostilité générale contre
la présence samorienne à Kong. On ne refusait pas de vendre
les produits à Samori mais on les lui faisait payer très cher.
Pour cinq ou dix ignames on exigeait deux esclaves ; un
cheval se troquait contre quarante à cinquante esclaves(1).
Il semblerait que Dyéli-Musa, après l'affaire de Bouna,
n'osait plus se montrer en public car la tradition orale de
Kong insiste sur le nombre croissant de sofa le jour du grand
marché. La tradition orale que nous avons recueillie à Kong
parle des caravanes de 200 à 300 sofa conduisant plusieurs
centaines d'esclaves le jour du grand marché. L'afflux massif
des captifs à Kong est probablement à l'origine de leur
prix extrêmement bas.
Deux problèmes graves vont naître de cette situation.
Le premier concernait le climat malsain qui régnait entre les
sofa et les femmes de Kong. Les sofa étaient très mal reçus ;
les femmes,
non contentes de prendre les captifs, insultaient
publiquement les guerriers ou les frappaient.
Des heurts
violents éclataient souvent au marché entre la population et
(1) Bamadou Ouattara, Nasyan, 20-8-1974. Voir aussi la cour royale de
Kong (Karamoko Ouattara). Si les informations recueillies auprès de
Bamadou sont exactes, les Dyula de Kong pratiquaient des prix sensi-
blement les mêmes que ceux pratiqués à Bondoukou. En effet, en 1890
un cheval moyen coûtait à Kong 800 francs; on l'échangeait contre
une dizaine d'esclaves. En 1896, le prix de l'esclave était donc
tombé 4 ou 5 fois plus bas. D'après Terray, à Bondoukou les sofa cé-
daient les captifs à la même époque "en quantités énormes et à des prix
minimes" (Cf. Terray, op. cit., p.1918). Selon l'administrateur Benquey,
les esclaves écoulés au Gyaman par les hommes de Samori "sont payés
en moyenne de 25 à 40 francs chacun" (7-11-1898) or quelques années
p lus tôt ils coûtaient de 100 à 200 francs "pièce" Cf. Benquey comman-
dant du poste de Bouna 7 novembre 1898 ANCI Bondoukou et 20
septembre 1902, A.N.C.I. 3 BB. 26.
1092
les sofa car malgré le prix élevé des produits,
les femmes
refusaient parfois de les servir. ~ans les propos qu'elles
tenaient on sentait non seulement la haine qu'elles éprou-
vaient pour l'Almami mais aussi et surtout, la crainte de
voir leurs réserves de vivres s'épuiser. Parmi les propos
recueillis nous citons ce passage :
"Sofa aux oreilles percées, dites à Sièmori(1)
que nous ne sommes pas ses captives. Si cela
ne dépendait que de nous, nous vous vendrons
les vivres encore plus chères ; vous avez fini
la nourriture du Dyimini, du Dyamala, de
l'Anno, de Bondoukou, de Bouna, vous voulez
finir aussi nos provisions" (2) .
Bien entendu, les sofa et les griots rapportaient ces propos
à leur maître, mais volontairement,
ils dramatisaient la
situation afin d'inciter l'Almami à intervenir militairement
à Kong. Samori aurait promis à ses griots de faire taire les
les femmes de Kong en coupant les têtes de leurs maris. Si
les femmes agissaient ainsi, disait-il, c'est qu'elles
avaient le soutien de leurs époux(3).
Le second problème qui devait brouiller définitive-
ment Samori avec les gens de Kong fut la question des chevaux.
Elle s'était posée dès que Samori s'était installé dans le
Dyimini. Son nouveau domaine allait comprendre des zones
préforestières où les mouches tsé-tsé et l'humidité allaient
tuer ses bêtes en peu de mois.
Samori perdait aussi beaucoup
de montures dans les combats. Bailly signale qu'au cours
(1) Le terme Sièmori était un mot
irrévérencieux qui devait rappeler à
Samori l'époque peu glorieuse de sa vie quand il vendait des cages
de poulets.
(2) Nous avons tiré cet extrait des propos recueillis auprès de Basièri
qui est l'un des meilleurs informateurs pour l'histoire de la fin
de Kong: Basièri Ouattara, Kong, 10-8-1977.
(3) Basièri Ouattara, Abidjan, le 17-11-1978.
1093
..d'une de ses guerres contre Tyèba, il perdit 200 chevaux(l).
Leur renouvellement devait être encore plus rapide que dans
le Konyan où le climat paraissait favorable à ces animaux.
Dans laft€Sure
où la cavalerie jouait un rôle fondamental
dans ses guerres
"en raison de son effet psychologique sur les
piétons indigènes"
l'Almami "allait donc faire
jusqu'au bout les plus grands efforts pour
assurer sa remonte" (2) .
Dès le mois de juillet 1894, Samori avait certaine-
ment fait appel au parti samorien de Kong qui lui vendait
des chevaux en cachette. Mais ce trafic dut être insignifiant
car le monopole de ce commerce appartenait à une famille
royale de Kong installée à Bobo, celle de Sabana-Ulé,
le
frère cadet de Bakari Ulé. L'organisation qu'il avait mise
sur pied avait des ramifications à Kong et Asunu son cousin
en était le véritable responsable.
Il faut dire que lors
de la guerre contre Tyèba,
la grande armée du Gwiriko, comme
d'ailleurs celle de Kong,avait été détruite et les princes
ne pouvaient plus se livrer à de fructueuses razzias. Nous
avons signalé les échecs de Badyula face aux Palaka. Cer-
tains princes, tels Sabana-Ulé, s'adonnèrent alors au commerce
dans l'espoir de faire fortune afin d'avoir les moyens de se
constituer une armée régulière. Sur ce point, i l imitait son
illustre ancêtre Seku Watara.
Avant le traité de Borono,
l'essentiel des activités
de
Sabana-Ulé se faisait en direction du Kénédugu et ses
transactions avec Kong étaient peu importantes. Après les
accords, Samori décida de traiter directement avec Sabana-Ulé
(1) Journal de Bailly, à la date du 19 juillet 1894. Le Tyèba en
question est probablement un chef du Tagwana.
(2) Y.
Persan, SE' cit., p.1874.
1094
et Asunu fut chargé de l'acheminement des bêtes vers le camp
de l'Almami. Sur cette affaire, Person simplifie les faits
en écrivant : Asunu
"s'était révélé si malhonnête qu'il avait été
bientôt licencié. Ulcéré et humilié, cet homme
poussa alors les jeunes de Kong à s'attaquer
aux Samoriens isolés ou voyageant en petits
groupes" (1) .
Ce
sont ces attaques qui auraient poussé Samori à détruire
Kong. C'est vrai, mais Person a épousé la thèse des Samoriens.
En effet, à partir du mois de juillet 1894, un faît nouveau
très important s'était produit à Kong
l'afflux des captifs.
Désormais,
les Katara allaient disposer de moyens énormes
pour s'équiper en chevaux. Asunu ravitailla donc l'armée de
son pays avant de servir Samori. On ne peut pas, à notre
avis,
lui faire le reproche d'avoir pensé à la sécurité de
Kong. Nous estimons que les Watara n'avaient aucune confiance
en l'Almami qui venait de refuser le serment du laka. D'après
Person, ce fut vers la fin de l'hivernage de l'année de 1896
que Samori décida de vérifier si les gens de Kong pillaient
ses caravanes qu'il envoyait à Bobo-Dioulasso (2) . Pour com-
prendre les difficultés de Samori à s'approvisionner à Bobo,
i l faut tenir compte de deux faits importants survenus à
Kong au courant de l'année 1896. Le premier concernait
l'affaire des territoires des Palaka dont les Watara, i l est
vrai, avaient perdu le concontrôle depuisle.début du XIXe
siècle. Après le traité de Borono,
les Dyula avaient demandé
l'aide de Samori pour reconquérir ces terres. Samori semblait
d'accord et nous savons, grâce aux sources orales de Nafana,
que Bakari Ulé envoya deux corps d'armée,
l'un comll1clnde' pa,.
(1) Y. Person, op. cit., p.1878.
(2)
Ibidem,
op. cit., p.1763.
1095
t
~lasani ou Lasana(1) et l'autre par Bakari Dao, le kélètigi
de Badyula. Lors des premières guerres, Lasana et Bakari Dao
qui connaissaient parfaitement le terrain pour y avoir or-
ganisé des razzias, échappèrent aux massacres organisés par
les gens de Kalakala
(hivernage 1895), mais Kunadi-Kélébagha
qui commandait les troupes samoriennes vit sa déroute se
transformer en une véritable catastrophe lorsqu'il s'enfonça
dans les marais de Soghumkapla près des sources du N'zi
"oü les gens de Kumbala qui les attendaient
les massacrèrent à loisir" (2) .
En mai ou juin 1896, lors des batailles décisives contre
Kumbala et Kalakala, la tradition de Nafana signale à nouveau
la participation des guerriers de Kong à ces combats (3) . On
dit même que Bakari Dao s'illustra comme l'un des héros de
ces victoires. Yves Person qui ignorait ces renseignements
a minimisé la participation des watara lors des guerres
samoriennes contre les Palaka dirigés alors par le roi Semiya
qui tenait Kumbala. C'est probablement au cours de ces
guerres, que Samori fut impressionné par la bravoure de
Bakari Dao(4). Après la victoire les Watara attendaient que
Samori leur restitue leurs anciens territoires. Mais i l fit
la sourde oreille et les nombreuses démarches des autorités
(1) Y. Person a tort de considérer le Nafana comme une entité indépendante
de Kong. Il écrit en effet "Bien que selon la tradition les gens de
Kong aient demandé l'intervention de Samori, ils ne l'aidèrent guère
contre les Plabala (Palaka) durant cette première campagne. Le vieux
chef de Nafana Kadari Tandosona envoya cependant une colonne commandée
par son frère à Yédyanka ••. " (Cf. Y. Person, ~. cit., p.1714, note 31).
Or nous savons que Kadari agissait sous les ordres des rois de Kong.
Pour les sources orales voir Bamori Bayikoro enquêtes, mars-avril 1974.
(2) Y. Person, op. cit., t.III, p.1690.
(3) Bamori Bayikoro, Nafana, le 20-3-1974.
(4) Y. Person a recueilli une tradition selon laquelle lorsque Samori
décida d'attaquer Kong il fit des sacrifices pour ne pas rencontrer
Bakari Dao; Cf. Y. Person, ~ cit., t.III, p.1898, note 16.
1096
de Kong demeurèrent sans réponse. Les gens de Kong virent
au
contraire Kunadi-Kélébagha construire sur la frontière
du Kpon-Gènè
"une solide forteresse qu'il baptisa
Palakadyasa" (1) .
Samori venait ainsi de confisquer une partie du territoire
des Dyula. Comme le souligne Yves Person :
"La capitale des v1 atara se trouvait désormais
prise en tenailles entre le Dyimini et les
sofa du
Leraba. Les Dyula en éprouvèrent
certainement de l'inquitude et une colère
d'autant plus forte que l'irruption des Français
dans le Gurunsi venait de fermer les terres de
l'est à l'Almami. Celui-ci reportait dès lors
son attention sur les pays du Comoé où il se
trouvait bloqué sans espoir d'en sortir" (2) .
La confiscation des territoires palaka et la construc-
tion de la forteresse provoquèrent en effet une grande colère
et une vive inquiétude qui
âllaient remettre en cause la
question des livraisons des chevaux à Samori. Cette affaire
allait constituer le deuxième fait important dans le conflit
entre Samori et les gens de Kong. Pourquoi les Sunangi con-
tinueraient-ils à fournir des montures à un conquérant qui
venait de construire une forteresse à la frontière du Kpon-
Gènè ? Sabana-Ulé interrompit les achats de chevaux pour les
caravanes de Samori qui arrivaient à Bobo-Dioulasso ;
i l lui
demanda de les acheter
à Kong.
Plusieurs caravanes de l'Almami
durent regasner le Dyimini les mains vides. Samori comprit
que les ~latara voulaient le tenir à leur merci, et quand
Asunu.proposa de nouveaux prix pour la livrai~on des che-
(1) Y. Person, op. cit., t.III, p.1749. Pour les questions relatives aux
territoires~es-palaka, voir le Bambadyon, Bamadou Ouattara (Nasyan)
et Pigneba Ouattara (Ouangolodougou).
(2)
Ibiderr.!
op. cit., t.III, p.1749.
1097
1
vaux(l)
i l se fit littéralement jeter dehors;
Samori,
l'humilia publiquement et le traita de voleur et d'ivrogne.
Ces événements se situaient probablement vers le mois de
juillet 1896. Pour comprendre la réaction de Samori, il
faut dire que, depuis 1895, il cherchait une route directe
pour faire venir les chevaux du Mosi afin de ne pas dépendre
des Watara. Et c'était précisément l'un des objectifs qui
conduisit Sarankenyi-Mori à mettre la main sur le Gurunsi
or, précisément, cet objectif était atteint en juin ou
juillet 1896(2). Samori pouvait donc se permettre le luxe
de se brouiller avec les Watara en humiliant publiquement
l'un de leurs princes. Pour son malheur,
i l n'avait pas prévu
l'irruption des Français dans le Gurunsi en septembre 1896.
L'Almami allait être à nouveau obligé de s'adresser aux gens
de Bobo-Dioulasso ; mais i l ne pouvait plus compter sur
l'appui des Watara. Son orgueil l'empêchait de renouer avec
eux. Ce fut dans cette situation difficile que Samori allait
organiser ses propres caravanes en direction des marchés de
Bobo-Dioulasso à travers le territoire hostile des Wdtara.
C'est ce qui expliquerait le fait
"qu'il écrivit à un marabout célèbre, Sagédi
Traoré, natif de Dia, dans le Masina, mais
fixé depuis longtemps à Bobo, où son influence
était grande.
La légende locale ajoute que
l'Almami et le saint personnage avaient fait
leurs études ensemble à Djenné. La chose est
impossible, mais, on peut admettre que le con-
quérant rappela au vieillard le séjour de ses
lointains ancêtres dans le Masina(3)durant
(1) Les traditionalistes de Sungaradaga et de Kotédougou reconnaissent
qu'Asunu proposa à Samori un cheval contre 40 à 50 esclaves: à
Kotédougou voir Kongodé Ouattara (mars 1979)
et Sungaradaga voir
Soma Ali (février 1979),
(2) Y. Person, op. cit.,
t.III, P.1763.
(3) Cette pratique était en effet courante chez Samori. Nous avons vu
qu'il a utilisé le même procédé pour toucher le coeur des gens de
Kong.
1098
les migrations vers le Haut-Niger. Toujours
est-il que Sagédi fut touché par la lettre du
conquérant et entra dans son jeu. Il intercéda
auprès du chef des Bobo-Dyula Zelélu Sano dont
le pouvoir avait pratiquement éclipsé celui
des watara, et les samoriens furent autorisés
à commercer librement dans la ville"(1).
Les Dyula de Kong durent commencer à intercepter
les caravanes de Samori à partir de juin 1896.Les mois qui
suivirent furent décisifs et la cavalerie de Samori fut pro-
bablement réduite au minimum dès le mois d'octobre 1896, ce
qui expliquerait fort bien le fait qu'il allait mettre du
temps avant d'attaquer Kong.
Voici donc la
reconstitution des faits tels qu'ils
apparaissent à travers le recoupement des sources orales
de Kong avec celles de Bobo-Dioulasso. La confiscation des
territoires des Palaka, la construction d'une puissante for-
teresse à la frontière de Kong,
l'humiliation du prince Asunu
allaient pousser les Katara à tenter de paralyser la cavalerie
de Samori.
Du mois de juin 1896 au mois d'octobre-novembre 1896,
Samori vécut une période difficile. Grâce aux sources orales
nous sommes suffisamment renseigné sur ce qui s'est passé.
Les jeunes gens de Kong,
sous l'impulsion d'Asunu, allaient
.réserver des surprises désagréables aux caravaniers de Samori.
Ces derniers passaient à l'aller sans difficultE>,S _ , mais
au retour ils disparaissaient avec toutes leurs cargaisons
aux environs de Kong.
Samori réagit;
i l renforça l'effectif
des colonnes chargées d'assurer la protection de ses caravanes.
Mais ces dernières n'échappèrent pas aux guet-apens tendus
par les Sunangi.
Il n'est pas impossible qu'au cours des
(1) Y. Persan, op. cit., t.III, p.1763.
1099
•affrontements des jeunes gens de Kong aient été faits
prisonniers (1) . Ceci expliquerait les informations suivantes
recueillies par Yves Person auprès d'un certain Karamoko
Kuyaté, griot de Siguiri et de Ladyi Mamadu Sulèmani Dèm
"Une caravane dont le chef n'est pas nommé se
rendit à Bobo pour acheter 30 chevaux. Comme
d'habitude Dyéli-Musa les hébergea et les mit
en route avant l'aube. Les jeunes gens de Kong
s'étaient mis en embuscade au gué du Kolonko-ko
près de Nasyan
( ..• ) et les dépouillèrent. Les
convoyeurs affolés rentrèrent à Kong la nuit
suivante et réveillèrent Dyèli-Musa. Celui-ci
les renvoya aussitôt à Samori et après une
courte enquête réussit à identifier les coupa-
bles; L'Almami refusa ceFendant de croire que
des musulmans avaient violé leur serment et i l
exigea des preuves(2).
A la demande de Dyiéli-Musa, i l déguisa alors
des sofa en captifs, en cachant leurs fusils
dans leurs charges. Une fois de plus les jeunes
gens de Kong se mirent en embuscades, mais ils
eurent la mauvaise surprise de tomber sur une
forte troupe armée. Douze d'entre eux furent
pris et ramenés discrètement à Dabakala en con-
tournant Kong. Samori les interrogea en personne
et ils avouèrent qu'ils étaient vingt-cinq
en
tout, tous musulmans de Kong. Chacun précisa
son quartier et sa concession. Samori était
indigné"
: "voilà comment ils me remercient de
ce que leur ai donné Il (3) •
Samori avait peut-être oublié qu'il ne tenait aucun compte du
Coran.
(1)
Y. Person, op. ciL,
LIlI, p.1878.
(2)
Samori savait pJrfaitement que c'étaient les gens de Kong qui atta-
quaient ces caravanes. Mais il pensait qu'après le serment sur le
Coran les gens de Kong lui obéiraient docilement malgré ses
crimes
envers les ~usulmans.
(3)
Ibidem,
op. ciL, p.1898 note 13. A Kong personne ne semble au
courant de ces informations.
1100
Toujours est-il, qu'ayant subi des pertes considéra-
bles Samori lança un avertissement à Bakari Ulé ;
i l le
prévint officiellement qU'il allait expédier une importante
caravane à Bobo-Dioulasso et qu'il comptait sur sa vigilance
pour qu'aucun incident grave n'arrive à ses hommes(1). Nous
savons, grâce à Yves Person, que cette caravane fut confiée à
deux des fidèle serviteurs de l'Almami, Garangé-Madi Sila et
Fadyala. Comme d'habitude,
la caravane passa à l'aller, mais
au retour elle subit le même sort que les précédentes :
"elle fut surprise à proximité de Kong et les
sofa de l'escorte se trouvèrent réduits en
captivité
(octobre-novembre 1896") (2) .
Selon le griot Karamogo Kyuaté,
la caravane comptait 3.000
captifs(3). Person pense que ces chiffres sont exagérés. Il
écrit :
"C'est sans doute l'écho de cette affaire qui
parvint bientôt à Ségou. Le 26 octobre, ce cercle
signale en effet que Kong avait rompu avec
Samori(4)
( ... ) La nouvelle de cette rupture
parvint à Dienné le 1er novembre 1896. L'agent
politique du résident en visitant Bobo y avait
vu un envoyé de l'Almami, portant une lettre au
sujet de deux caravanes de 1.000 captifs et 50
chevaux qui avaient été enlevés près de la
ville. Les gens de Bobo n'y étaient pour rien
et l'arrêt des colportages de kola leur coû-
tait cher . . . Ils n'osèrent pourtant pas désa-
vouer les Watara de Kong" (5) .
(1) Pour cette dernière caravane. Voir surtout les traditions de Nasyan.
Notre meilleur informateur fut Bamadou Ouattara (Nasyan le 25-8-1975).
(2) Y. Person, op. cit., p.1878. Cette tradition est confirmée à Kong
... "·Voirttamado~Ouattara '~asyan), Pigneba Ouattara (Ouangolodougou
3-3-1975), Basièri Ouattara (Abidjan le 20-11-1978).
(3) Ibidem,
op. cit., p.1878. La tradition orale de Kong parle aUSSi
de plus de 3:00o-prisonniers. Ces chiffres sont exagérés.
(4)
Ibidem,
op. cit., p.1878.
(5)
Ibidem,
1101
Les Watara de Bobo-Dioulasso n'avaient aucune raison
de désavouer ceux de Kong car ils savaient que la présence
de Samori à Dabakala représentait une menace permanente
pour la métropole dyula.
D'après Yves Person, Samori aurait envoyé une délé-
gation pour exiger la restitution des captifs. La déléga-
gion aurait été conduite par Mamadou Dèm qui portait à
cette occasion une lettre aux autorités de Kong. Cette lettre,
dit-on,
fut lue par le karamogo Baféré Mori Saganogo ; à la
fin de la lecture, Sabana-Ulé aurait signifié son refus
de restituer les captifs en disant,
"qu'un objet trouvé dans un champ appartenait
au propriétaire et qu'il entendait tout garder"
Karamogo Longoso(1)
aurait ajouté "Si Samori
attaquait la ville leurs maraboutages trans-
formeraient les sofa en singes" (2) .
A écouter Mamadou Dém,
l'informateur de Yves Person
sur ce point, on serait tenté de croire que Sabana-Ulé
était le véritable maître de Kong, ce qui est faux.
Les
princes qui déternaient la réalité du pouvoir dans le pays
étaient Bakari Ulé et Badyula. Mais Sabana-Ulé avait effec-
tivement joué un rôle capital dans l'interception des
caaravanes de Samori. Non seulement il avait le monopole du
commerce des chevaux, mais il renseignait les Watara sur le
mouvement des caravanes de Samori. Les Samoriens avaient
donc raison de le détester et de le rendre responsable de
la rupture entre Samori et Kumbi.
Mais les propos que l'on
(1) Ce personnage était effectivement le chef du Barola, c'est-à-dire
le responsable des musulmans de la ville auprès des autorités poli-
tiques. Les musulmans soutenaient la politique des Watara.
(2) Y.
Person,~. cit., p.1898, note 15.
1102
•
A
prete à ce prince watara et à Longoso reflétaient l'hostilité
quasi unanime de la population envers Samori. Il y a un
détail important que les samoriens ont oublié de signaler
Bakari Ulé aurait fait dire à Samori :
"rends nous le pays palaka, démolis le
Palakadyasa et nous entretiendrons des rela-
tions cordiales" (1) .
A Kong, par conséquent,
les Dyula étaient mécontents
de Samori.
"L'élément commerçant voyait de plus en plus
clairement que ses relations avec Bassam
étaient compromises et rêvait d'une intervention
française que Marchand avait d'ailleurs, promi-
se ;
l'aristocratie "avait pris en haine le
conquérant, qui la serrait de trop près, et
elle ne lui pardonnait pas d'avoir confisqué
le pays des Plabala qu'elle convoitait depuis
si longtemps" (2) .
(1) Dawaba Bamba, Pongala, le 25-3-1976.
(2)
Y.
Persan, ~. ~~., LIlI, p.1764.
1103
B. LA FIN DE LA ME'l'ROPOLE DYULA
1. -
Les préparatifs de guerre
a)
Dans le camp samorien
La guerre était désormais inévitable entre les
samoriens et les Dyula.
Dès le début du mois de décembre
1896, Samori avait pris la décision de détruire la métro-
pole dyula. Mais comme nous l'avons souligné, l'état lamen-
table de sa cavalerie ne lui donnait pas les moyens d'affronter
les ~'Vatara et leurs alliés.
rI dut donc attendre le retour
d'une partie importanle de l'armée de l'est avant d'entre-
prendre la préparation de la guerre contre Kong. Cette attente
qui dura environ cinq mois était due
à la situation
militaire de Samori et non à la répugnance de l'Almami à
"frapper une métropole de l'Islam"(1). Le 19
avril 1897, le
commissaire anglais Henderson
"fut étonné par la faiblesse des effectifs
samoriens qui ne dépassaient pas 3 à 4.000
hommes dont 500 armés de fusils à tir rapide,
presque tous de fabrication française
( ... l"
et Yves Person ajoute
"rI est évident que la concentration des colonnes
destinées
à frapper Kong était déjà en cours
et qu'une fraction seulement de l'armée se
trouvait encore à Dabakala"(2l.
Ce fut probablement peu après le départ de l'Anglais que
Mërlay avec Kunadi-Kélébagha et une grande partie de l'armée
de Pofiré,
(1) Y. Persan, op. cit., t.III, p.1764.
(2)
Ibidem,
...Q..!!..:. ciL,
LIlI, p.137G, Voir à ce suj~t le,massacre des
musulmans de 13auna en décembre 1896 par Sarankeny~-MorL
1104
"rejoignit alors son père à Dabakala, tandis
que Sarankenyi-Mori attaquait les Birifor
pour ravitailler sa colonne" (1) .
Les sources orales de Kong insistent sur deux faits
/
qui auraient encore aggrav€
le cas des Dyula de Kong, il
s'agit du problème des réfugiés du Dyimini et de la lettre
que les autorités du pays adressèrent aux Blancs de la Côte.
La question des réfugiés a été mal comprise par
Dominique Troaré et Yves Person n'a pas pu rétablir les
faits.
Nous avons signalé que lors de l'alliance de Borono,
il y avait deux affaires relatives à cette délicate question.
La première avait été réglée à Borono en 1895. Depuis cette
date,
les Dyula n'avaient pas cessé d'accueillir sur leur
sol des Dyimini. Mais i l s'agit de mouvements isolés, qui
n'avaient pas l'ampleur de ceux de 1894. Au début de l'année
1897, le retour en force des Samoriens dans le Dyimini
provoqua à nouveau la fuite d'une partie de la population,
vers le Kpon-Gènè(2).
Il semblerait que ce mouvement ait
pri. des proportions inquiétantes lorsqu'au début du mois
de mars 1897,
"il était dès lors urgent de trouver la nourri-
ture et les porteurs nécessaires à une
colonne de plusieurs milliers d'hornnles, alors
que les maigres greniers saisis en novembre
se trouvaient déjà épuisés"(3).
Samori menaça alors ouvertement les Dyula de Kong
de leur faire la guerre s'ils refusaient de rendre les
fugitifs. Telle fut la seconde affaire des réfugiés du
Dyimini qui,
selon les sources orales de Kong,
fut détermi-
nante dans la rupture entre les samoriens et les Dyula de Kong.
(1) Y.
Person, op. cit., t. III, p.1878.
(2) Voir à ce sujet Karamoko (chef de Kong) et surtout Basièri (Kong 1977).
(3) Voir à ce sujet Y. Person, op. cit., p.1775.
1105
Le deuxième fait concerne la lettre que les Watara
écrivirent, en guise d'ultime appel aux Français. Cette let-
tre écrite par Bakari Ulé au nom de Karamoko Ulé mort depuis
plus d'un an, fut interc~ptée par les Samoriens le jour même
où Samori venait de quitter Dabakala pour attaquer Kong.
Voici les faits tels que nous pouvons les reconsti-
tuer à partir des sources orales de Kong. Trois jours avant
la fête de la Tabaski qui eut lieu cette année là le vendredi
14 mai 1897(1), Samori fit dire aux Dyula de Kong qu'il
viendrait chercher sa part de mouton et ses captifs après
la fête.
On ne crut pas au message de l'Almami mais on avisa
tout de même Bakari Ulé et Badyula qui envoyèrent sur le
champ une délégation auprès de l'Almami pour savoir s ' i l
avait l'intention d'attaquer Kong. La délégation comprenait
le célèbre karamogo Kan-Baba
(plus communément appelé Kan
Dugutigi), Dao Fétigé
(Bafotigi)
Dyéri Kèsè et Tyèba Ulé.
Ce dernier avait pour mission de remettre secrètement à un
certain Bayusu Dyabaté, une lettre invitant Binger à venir
au secours des Dyula de Kong. La délégation arriva à Dabakala
la veille de la grande fête.
Tyèba Ulé remit la lettre à
Bayusu qui prit la route du sud. Malheureusement, dès leur
arrivée, Bafotigi, au courant sans aucun doute des projets
des ~atara, les révéla à Samori. Le conquérant fit arrêter
Bayusu peu avant Satama et le fit décapiter.
Il n'accorda aucune attention particulière aux
envoyés de Kong. La présence même de ces derniers l'aurait
irrité davantage.
Il se serait écrié en les voyant arriver
(1) Voir Y. Persan, op. cit., p.1899, note 20
va~r auss~ Bernus, op.
cit., p.274.
- - - - -
1106
"00 est Badyula ? 00 est Sabana-Ulé ? 00 est
Bakari Ulé ? 00 sont les têtes de ces gens ?
Les gens de Kong continuent de se moquer de
moi, ils vont me le payer très cher ... "(1).
La duplicité des Watara dut précipiter la guerre de
Samori contre Kong, guerre qui comme nous le savons était
devenue inévitable depuis de longs mois. En effet, des le
lendemain de la fête de Tabaski c'est-à-dire le samedi 15 mai,
"il quitta Dabakala à la tête de sa garde et
d'une fraction des troupes de Kunadi-Kélébagha" (2) .
Avant de se poser un certain nombre de questions
sur le comportement des Dyula vis-à-vis de Samori nous pré-
sentons ici une version de l'ambassade de Kong envoyée à
DaLakala auprès de Samori fournie par Mamadu Dèm (3)
"La mission était dirigée par Bayusu Dyabaté
et Fétigi Dao
( = Bafotigi). Après avoir visité
Samori, elle devait feindre de retourner vers
Kong, changer de route secrètement, et descendre
en hâte à la côte pour faire appel au gouverneur
français.
Samori reçut bien les envoyés et les logea
chez Sulèmani Dèm 00 ils restèrent jusqu'au
jour de Tabaski. Le lendemain de la fête,
Bayusu partit avant l'aube tandis que Fétigi,
qui se disoj~
malade, demeurait chez son hôte.
Un peu plus tard i l se rendit chez Samori pour
lui révéler que Bayusu cachait dans ses bagages
une lettre pour les Français et qu'il avait
pris la route du sud. L'Almami prêta aussitôt
à Dèm son cheval favori, Bolinkaba, et envoya
avec lui cinquante cavaliers sur la trace du
(1)
Recoupement des versions de Basièri Ouattara, Kong, 20-5-1977, et
de celles de Karamoko Ouattara (chef de Kong), Kong le 15-3-1974.
(2) Y. Person, op. cit., p.1879.
(3)
Ibidem, op. cit., p.1899, note 18.
1107
fuyard, qu'il avait ordre de décapiter sur
place.
Il le rattrapa effectivement avant
Satama, mais se contenta de l'arrêter. Quand
i l rentra à Dabakala, Samori avait déjà quitté
la ville avec son armée. Dèm le rejoignit à
Fumbolo où en fouillant les bagages de
l'envoyé i l découvrit un sac plein de sable
dissimulant vingt-deux lingots d'or avec la
lettre ( 1 ) .
Nous préférons la version de Kong à celle de Mamadu Dèm car
l'un de nos principaux informateurs Basièri Ouattara a in-
terrogé longuement Bafotigi au sujet de cette ambassade.
b)
Dans le camp des Dyula
Pourquoi les Dyula n'avaient-ils pas construit une
grande et puissante forteresse autour de leur capitale ?
Pourquoi n'avaient-ils pas mis leur ville en état d'alerte
avant l'arrivée des troupes samoriennes ? Plusieurs faits
pourraient expliquer l'attitude des ~vatara :
1°/ Le prestige religieux de Kong
et de ses savants
Quand on interroge les traditionalistes de Kong,
ils présentent Kong à la fin du XIXe siècle comme l'une des
plus importantes métropoles islamiques du monde noir afri-
cain. Elle abritait des savants, des dévots et des hommes
pieux dont la renommée avait dépassé les frontières de
l'Empire des Watara(2). Wa Kamisoko parle de la ville aux
trois cents savants dont soixante-dix-sept se seraient con-
(1)
Nous avons vu que Badyula a échoué en tentantdemobiliser la population
contre la menace samorienne.
Voir le journal de Bailly (5, 9
février
1895). Contràirement à ce qu'écrit Yves Persan les Sunangi n'avaient
pas imposé le ralliement de 1895 aux commerçants. Ce furent ces der-
niers qui obligèrent les Sunangi à se rallier à Samori.Devant le carac-
tère imminent du danger samorien,
les Sunangi voulurent faire "appel
aux Français.
(2) Voir le griot de Kirina Wa Kamissoko, A.U.A, série, t.I,
1977, p.34-3S.
1108
sacrés essentiellement à la dévotion islamique(1). En tout
cas, à la veille de l'agression samorienne, Kong devait
compter de nombreux karamogo qui ne se laissaient pas du tout
impressionner par les menaces du conquérant surtout après
les accords de Borono. Samori se rendait certainement compte
de ces faits car l'avertissement qu'il voulait donner à Kong
en massacrant les musulmans de Bouna fut perçu par la
population comme une insulte aux lois islamiques et les
prières qui furent faites pendant de longues semaines au nom
des karamogo de Bouna montrèrent clairement que les Dyula de
Kong ne s'attendaient pas à subir le même sort. Ce fut
probablement après ces événements
(janvier 1897)
que, poussé
par le milieu musulman de son entourage, l'Almami
"convoqua alors à Dabakala un marabout très
influent dans la ville Kapi Karamogho, le
couvrit de cadeaux et l'envoya prêcher à ses
compatriotes la soumission. Ce messager aurait
au contraire incité les Dyula à ne faire aucune
concession" (2).
Nous ignorons ce qui s'était passé dans le Dyimini, mais
voici le portrait de ce grand lettré :
"Fa Kapi Karamogoba était un homme droit,
sincère dans sa foi.
Il avait peur du pêché
et i l invitait scrupuleusement ses concitoyens
à respecter la parole donnée ... "(3).
On voit d'ailleurs très mal
comment ce savant pouvait se
mettre au service d'un conquérant. Comme la plupart de ses
concitoyens,
il pensait que sa métropole religieuse et
i
spiritu~~le n'avait à se soumettre ni au pouvoir temporel
des Sunangi qui avaient d'ailleurs fini par déserter la ville,
(1) Wa Kamisoko, op. cit., p.34-35.
(2) Yves Person, op. cit., p.1878.
(3) Portrait donné par Mamadou Labi Saganogo, le 6-12-1978.
1109
ni à fortiori à celui de Samori. Le prestige religieux de
la ville de Kong et de ses savants apparaissait donc comme
une garantie contre toute agression samorienne.
2°/
Le serment de Borono
Le serment de Borono semble avoir joué un rôle
fondamental dans la passivité des gens de Kong devant les
menaces samoriennes. Quand on interroge les traditionalis-
tes, sur les raisons pour lesquelles les gens de Kong
n'étaient
pas prêts pour la guerre au moment où Samori
s'attaquait à leur pays,
ils répondent
"Samori a juré sur le Coran de ne pas faire la
guerre aux populations de Kong, nous n'avions
aucune raison de nous préparer à la guerre" (1) .
Toutes les sources orales concordent sur ce point, les
musulmans de la ville ne s'attendaient pas à affronter
Samori.
Ils ont fait preuve d'une grande naïveté; aujourd'hui
encore, ils accusent
Samori d'avoir commis un parjure.
Nous pensons que le prestige religieux de Kong et
l'invocationdu serment de Borono avaient eu raison de la
prudence habituelle des musulmans de la ville. A cela i l
faut ajouter un troisième élément,
le karamokoya
(science
occulte). Les savants de Kong étaient réputés détenir des
puissances surnaturelles. Le lettré Pigneba nous disait
en 1974,
"à cette époque, Kong comptait de puissants
karamogo dont un seul suffisait pour perdre
Samor i et sa troupe" (2) .
(1) Voir Imam Marhaba (Bobo-Dioulasso mars 1979. Voir ce sujet Mamadou
Labi (Bouaké, le 6-12-1978).
(2) Pigneba Ouattara, Ouangolodougou, le 18-8-1974.
111 0
Nous avons le même écho dans les traditions de
Pongala
"Autrefois, à l'époque de Samori, nos grands-
pères étaient très fiers d'eux et sûrs de
leurs puissance. Le génie protecteur de Samori
lui avait d i t : Kong est une ville bénie, elle
est la ville des musulmans si tu la détruis,
ce sera la fin de ton pouvoir. Mais Samori est
un être maudit et la malédiction de Dieu
s'accroissait en lui au fur et à mesure
qu'il
tuait les musulmans.
Il n'a pas écouté son
génie protecteur et la destruction de Kong a
ruiné sa puissance car on ne peut pas verser
impunément le sang d'un karamogo de Kong"(1).
Basièri Ouattara a entendu vanter les pouvoirs
magiques d'un célèbre karamogo de Sakara du nom de Karamogo
Dalan, qui possédait le secret des abeilles et des lions et
qui était capable de mettre à lui seul une armée en déroute(2) .
Tous ces pouvoirs magiques que l'on attribuait aux karamogo
de la métropole avaient fini par tourner la tête à la
population. Cette dernière croyait de toute bonne foi
d'ailleurs que Samori avait peur des karamogo de la ville
ceci allait donner lieu à des interprétations tendancieuses.
Nombreux sont les karamogo qui avaient même annoncé la mort
du conquérant.
Ils affirmaient, qu'ayant eu recours à la
géomancie,
ils voyaient Samori enterré couvert d'un linge
blanc(3). Cette nouvelle émise à Kong probablement au début
du mois de février 1897 fit l'effet d'une bombe et les
Français recueillirent la version suivante peu de temps après
(1)
Dawaba Bamba,
Pongala,
(avril
1976).
(2)
Basièri Ouattara, Abidjan,
le 20-11-1978.
(3)
Basièri Ouattara, donne des détails sur cette affaire. Samori aurait
fait une retraite de 40 jours ~our prier Dieu de l'aider à vaincre
Kong. Cette retraite eu lieu à une dizaine de kilomètres à l'est de
Dabakala. Samori aurait habité durant cette période un caveau sur-
monté d'une toiture et dont les parois étaient crépies comme celles
des puits à indigo. A Kong les karamogo le voyaient dans une
tombe,
ils racontèrent alors partout qu'il était mort au début du Ramadan.
Abidjan, le 20-11-1978.
111 2
les nouveaux territoires de Samori,
les populations que
l'Almami transplantait dans son nouveau domaine regagnaient
en cachette Kong pour aller grossir le rang des armées
watara. Le coup de force réalisé par les Watara
(septembre-
octobre 1896)
et la passivité de Samori devant cet acte
durent rehausser le prestige des watara et le Kpon-Gènè
apparut dès lors comme une terre d'asile. La réquisition des
vivres et des porteurs pour la grande campagne de Samori
accrut le mouvement de population du Dyimini vers la métro-
pole dyula (janvier-mars 1897).
D'après les informations recueillies auprès de
Kodâra Ouattara,
le fils de Badyula(l) ,
les Sunangi se pré-
paraient à subir l'assaut des samoriens dès la construction
du Palakadyasa et la confiscation des territoires palaka
(mai-juin 1896). Malheureusement cette préparation posait
d'énormes problèmes.
Parmi les nouveaux venus,
nombreux
étaient ceux qui ignoraient l'art de la guerre.
Les Sunangi
s'étaient donc trouvés devant une masse de paysans qu'il
fallait éduquer en lui apprenant à se servir d'un fusil ou
d'un cheval.
Les jeunes gens qui devaient servir de fantas-
sins furent confiés aux maîtresde la chasse de Kolon(2).
Il
semblerait que Bakari Ulé et Badyula se seraient préoccupés
personnellement des cavaliers en organisant régulièrement
des parades à Bugu, à Bogomadugu et à Kolon pour tester la
puissance de la jeune armée. Une enquête sur le terrain
auprès des fils dont les pères ont participé à la défense du
Kpon-Gènè révèle que les Dyula de Kong n'avaient pas été
~ ------------,--------------
(1) Ce personnage est le chef de Canton de Kong.
Il a été l'un de nos
principaux informateurs pour l'époque samorienne.
(2) C'étaient ces gens que l'on envoyait attaquer les caravanes de Samarie
Ils
se
feront remarquer lors de la bataille décisive de Nyando.
111 3
mêlés directement à cette opération(l). Cette armée de
métier était encore en préparation lorsque Samori investi
la capitale des Watara. Les enquêtes actuelles revèlent
que ce fut une surprise générale pour les Sunangi. Ces
derniers pensaient que Samori en voulait avant tout aux
chefs de guerre des Watara et non aux paisibles et hâbleurs
commerçants et musulmans de la métropole.
L'ultime appel aux Français allait révéler deux
faits.
Premièrement,
les Watara coupés de Bassam depuis
longtemps n'avaient aucune idée du contexte international.
Ils ignoraient que les Français tentaient vainement de
négocier avec Samori et que ce dernier refusait de recevoir
les ordres de Grand-Bassam(2). Deuxièmement, les Watara
venaient de réaliser qu'ils n'étaient pas prêts.
Ils avaient
une armée qui, bien que dynamique et courageuse, était
numériquement inférieure à la masse des sofa aguerris que
Samori déversa sur le Kpon-Gènè(3).
Telle était la situation
dans le Kpon-Gènè avant la destruction de la métropole dyula.
2. - Les opérations militaires
a)
Le massacre de la population dyula
ct la destruction de Kong
(1) Karamogo Sanogo reconnaît que les musulmans comptaient sur leurs
chapelets pour se défendre contre le "démon qui habitait Samori"
(Kong, le 11-6-1977).
(2) Person a consacré de nombreuses pages aux efforts des Français qui
tentaient de négocier av~c Samori. Cf. Person, op. cit., pp.1766-
1772. Le 13 juin 1896 une c~éle,,.,,,,,Lion française [;:l reçue au camp deKulu-
sa sur les rives de la
Comoé. Le lendemain Braulot remit une lettre
à Samori qui "la fit rendre aussitôt pour marquer qu'il n'en acceptait
pas les termes" (op. CiL, p.1770). Il n'avait pas l'intention
d'avoir chez lui un résident français et le 17 juin au soir
la
réponse de l'Almami fut "une fin de non recevoir très nette et simple-
ment polie". op. ciL, p.1770).
(3) La tradition orale estime à 10.000 soldats environ les sofa qui
investirent la métropole islamique. Cf. Basièri Ouattara, Abidjan, le
21-11-1978.
·-
111 4
Samori avait décidé de s'occuper personnellement de
combattre les Dyula. La délégation que ces derniers avaient
envoyée à Dabakala pour demander à l'Almami s ' i l avait
l'intention d'attaquer Kong, prouvait au conquérant que les
gens de Kong voulaient encore tergiverser et gagner du temps.
Il savait grâce à ses agents qui vivaient dans la métropole
dyula que les Sunangi et leurs alliés n'avaient pas achevé
leurs préparatifs de guerre et qu'ils concentraient des
troupes aux quatre coins du Royaume.
Il décida donc de les
surprendre. Le samedi 15 mai 1897, le lendemain de la Tabaski,
au petit matin,
il prit la tête de l'armée et après une
marche forcée de deux jours, il arriva devant la métropole
dyula.
Samori avait ainsi réussi à atteindre Kong sans éveil-
ler l'attention des Sunangi
nicelle de la population du
Kpon-Gènè. Le conquérant avait en effet suivi la vieille
route commerciale qui passait par Fumbolo et Guinso
(ou
Gbèsol. Or, depuis l'occupation du Dyimini par les Samoriens
qui avaient détruit Fumbolo et Wandarama cette route n'était
fréquentée que par les sofa de Dabakala qui venaient
s'approvisionner en vivres et en chevaux à Kong.
Il faut
souligner aussi que la construction du Palakadyasa et
l'occupation de Guinso par Samori avaient permis aux Samo-
riens de concentrer depuis 1895, d'importantes troupes non
loin de la vieille ville dyula. Dans ces conditions, on
comprend que Samori ait pu atteindre Kong sans la moindre
résistance. D'après les témoignages que nous avons recueillis
auprès de nos informateurs, l'armée de l'Almami serait
arrivée à Kong dans la nuit du dimanche et aurait entrepris
d'encercler la ville. Ce travail s'acheva au petit matin et
les Dyula se trouvèrent complètement assiégés.
Samori ins-
talla son camp à Fonkondugu, dans l'ancien quartier animiste
des autochtones falafala,
non loin de l'actuelle sous-
préfecture(1l. Ce choix était certainement délibéré. En
(1) La résidence du sous-préfet de Kong fut construite en 1961. Nangin
Soro avait habité autrefois le quartier Fonkondugu.
111 6
troupes de l'Almami que Person évalue à 4.000 hommes bien
armés(1). Ces derniers n'hésitèrent d'ailleurs pas à faire
feu sur les Dyula qui essayaient de s'approcher trop près
des passages dont ils avaient la garde. Les Dyula se
trouvèrent ainsi à la merci de Samori.
Ils décidèrent donc
d'entamer des négociations avec l'Almami. Cette délicate
démarche fut confiée à Karamogo Longoso Baro qui convoqua
les notables de la ville afin de constituer la délégation
qui devait rencontrer l'Almami, en l'absence des princes
watara. A cette date en effet, Bakari Ulé se trouvait à
Kawéré,
Ia Moriba à Limono et Badyula à Gbogomadugu. Trois
princes du Gwiriko qui étaient venus traiter des affaires à
Kong furent coincés dans la ville;
i l s'agit de Sabana-Ulé,
de Vabala(2)
et de Nyoti-Sori Watara.
Ils refusèrent de
participer à la réunion car ils ne se faisaient aucune
illusion sur les intentions de Samori à leur égard ;
ils se
préparèrent donc à mourir les armes à la main, mais ils ne
s'opposèrent pas à la démarche des Dyula(3).
(1) Y. Person, op. cit., p.1879. Y. Peron a minimisé l'importance des
troupes que-Samori avait engagées contre les Dyula. Bien sûr, nous
ne devons pas accepter les exagérations des traditionalistes qui
prétendent que Samori disposait de 12 troupes dont chacune comprenait
5.000 hommes, mais nous sommes persuadé que l'Almami dut utiliser
lors de cette campagne environ 10.000 hommes. C'est ce qui se passait
généralement lorsque l'Almami entreprenait personnellement une
action de grande envergure.
(2) Vabala était le frère de Sabana-Ulé.
(3) L'attitude des princes sunangi fut, sans aucun doute, rapportée à
Samori. Elle est en tout cas à l'origine de l'incroyable récit que
Mamadu Dem fit à Yves Person :
ilLe dimanche soir, Sabana-Ulé répondit à Dem qu'il avait l'in-
tention de mourir sans quitter la ville, comme son père et son grand-
pète. Là foule s'était cependant amassée devant sa case et voulait
faire un mauvais parti à l'envoyé de Samori, qu'il eut de la peine à
sauver. Dem réussit finalement à sortir de la ville avec Dyéli-Musa,
le "résident" de Samori et les cent "élèves coraniques" qui s'étaient
rendus odieux en faisant du scandale depuis la Tabaski". Cf Y. Person,
op. cit., t.III, note 23, p.1899~ Il est curieux que Mamadu Dem ait
réussr-à faire croire à Yves Person que Sabana-Ulé exerçait la
réalité du pouvoir à Kong.
-
11 1 7
A l'issue de la réunion, Karamoko Longoso Baro cons-
titua une délégation dont les personnalités influentes
étaient Va Férémori Saganogo, Karamoko Ladyi, Mandyi Turé et
Karamoko Kamara. Ayant gardé des relations relativement
cordiales avec Samori grâce à Dyéli-Musa,
le "résident" de
l'Almami, Karamoko Longoso voulut qu'il intercède
auprès
de son maître en faveur des Dyula de la ville. Mais Longoso
constata alors que Dyéli-Musa avait quitté Kong pendant la
nuit précédente avec ses fameux 100 élèves coraniques qui
depuis la fête de la Tabaski se livrèrent à des exactions
sur la place publique (1) . Longoso conduisit sa délégation
auprès de Samori pour
"proposer à l'Almami la soumission incondition-
nelle des Dyula et le paiement d'un tribut en
or, en boeufs, en chevaux et en céréales" (2) .
Mais Samori rejeta ces propositions.
Il aurait déclaré ce
jour là :
"Je n'ai jamais déclaré la guerre à Kong c'est
Kong, qui m'a déclaré la guerre en violant
son propre serment qu'il a prêté dans le Dyimini.
Vous savez donc ce qui vous attend ... "(3).
D'après de nombreux témoignages que nous avons
recueillis dans la région de Kong, Samori aurait rappelé
aux membres de la délégation les abus auxquels s'étaient
livrés les Dyula et les Sunangi.
Samori dut parler pendant
(1) D'après les informations que nous avons recueillies auprès de nombreux
traditionalistes, au marché ils n'hésitaient pas à frapper les gens
avec leur sabre et s'emparaient de force des biens des marchands .. Ils
pénétraient dans
les concessions des marabouts, violaient les femmes
et se livraient à toutes sorte d'exactions.
(2) Basièri Ouattara, Abidjan,
le 20-11-1978. Tous les traditionalistes
que nous avons interrogés sont unanimes pour dire que Kong acceptait
de se soumettre à Samori.
(3)
Basièri Ouattara, Abidjan,
le 20-11-1978.
1 1 1 8
plusieur5heures. Mamadou Dèm a donné à Person une version
samorienne des pourparlers du lundi. Samori aurait présenté
aux gens de Kong
"les douze pillards arrétés quelques mois plus
tôt : "Voici des gens qui m'ont volé des che-
vaux. A moins qu'ils ne soient vos fils,
je
vais les faire tuer sur l~ champ". -
"Ce sont
nos fils" -
"Ont-ils agi de leur propre volonté
ou sur votre ordre ?" -
"Sur notre ordre" -
"Nous avons juré sur le Coran et je vous ai
fait des cadeaux.
Un musulman doit-il trahir
son serment comme vous l'avez fait? Je suis
venu avec ma guerre contre Bobo et non contre
vous, voici ma dernière offre : Rendez-moi mes
gens et laissez-moi entrer sans quoi,
je le
ferai de force
( . . . )" -
Après s'être retirés
pour délibérer,
les gens de Kong refusèrent
et le menacèrent de leurs malédictions. Samori
répondit:
"Faites vos maraboutages. J'entrerai
demain s ' i l plaît à Dieu.II sait qui est
j us te" ( 1 ) .
La version que nous venons de présenter appelle
quelques remarques.
Premièrement, Kong était une ville ouverte
et ne comportait pas un mur d'enceinte i
Samori n'avait pas
demandé l'autorisation aux Dyula pour occuper l'un des quar-
tiers de la ville. On comprendmal pourquoi i l aurait sollicité
l'autorisation des gens de Kong pour entrer dans une ville
qu'il occupait déjà par la force. Cette requête paraît
invraisemblable. Deuxièmement, Samori était parfaitement
conscient du fait que les gens de Kong n'étaient pas en mesure
de lui rendre les sofa qui avaient été capturés et vendus
depuis plusieurs mois. Troisièmement,
i l est curieux que les
samoriens passent sous silence le fait que les Dyula accep-
taient de se soumettre à l'Almami et de lui payer un tribut.
En réalité, Samori n'avait pas l'intention d'accepter
(1) Y. Persan, op. cit., t.III, p.1900, note 24.
111 9
les doléances de la population assiégée et on comprend pour-
quoi i l imposa le silence à
Karamoko Kamara lorsque ce dernier
voulut aborder la question de la rançon que les Dyula pour-
raient éventuellement verser à l'Almami
"Tais-toi, s'écria l'Almami, même les gensqui ont
deux yeux n'ont pas la parole
aujourd'hui, à
plus forte raison, toi qui n'as qu'un oeil,
ajouta-t-il avec colère et mépris"(l).
Les gens
qui entouraient l'Almami ajoutèrent
"Nous ne laisserons pas vivre les gens de Kong.
Ils ont maltraité nos sofa.
Ils ont dit que
notre maître est un lâche. Vos femmes ont dit
que si vous, vous ne portez pas de culotte,
elles, elles en portent. Si vous avez peur
faites appel à vos femmes car elles ont dit à
nos sofa qu'elles portaient des culottes"(2).
Longoso comprit que la situation était sans issue
et que Samori allait s'attaquer à la population qui se trou-
vait
coupée
des
guerriers
Sunangi.
Il
regagna
son quartier Barola où une grande réunion eut lieu vers a la fin
la matinée au cours de laquelle i l invita chaque citoyen à
se préparer à mourir. Les Dyula regagnèrent leurs maisons
d'un air sombre et abattu.
Ils allaient passer tout l'après-
midi à prier pendant que les sofa pénétraient dans la ville
pour ramasser tous les fagots qui allaient servir à incendier
la ville.
Le soir, sous la conduite de Kan Sisé,
les marabouts
chantèrent des bêti(3), tandis que la population dansait le
(1) Karamoko Kamara était,en effet, borgne. Voir Basièri Ouattara,
Abidjan, le 20-11-1978.
(2) Mamadou Labi, Bouaké, juillet 1978.
(3) Il s'agit de verserts du Coran que l'on récite en chantant lors des
funérailles d'un grand musulman.
1120
mandyu(l). Ces cérémonies qui avaient pour but de remonter
le moral des Dyula et de permettre à ces derniers de mourir
en martyrs se prolongèrent très tard dans la nuit.Chacun regagna
alors sa maison en
attendant la sui te des événements.
Cependant, sous les instigations de Sabana-Ulé et
de Nyoti, de véritables foyers de résistance s'organisèrent
dans chaque quartier. Aussi,
le mardi 18 mai à l'aube,
lors-
que Bilali, le porte-chaise de Samori tira le nyan nyini ma-
rafa
(le signal de l'attaque), à la demande de son maître,
dans le quartier Sakara, sous le grand fromager Fladyalan
banda(2), il fut abattu sur le coup. Morlay lança alors ses
hommes contre le quartier Sakara où beaucoup de Dyula trou-
vèrent la mort. Kunandi Kélébagha dirigea l'assaut général.
Il rencontra une véritable résistance dans le quartier
Kombiso défendu par Sabana-Ulé qui fut tué au cours des
affrontements. Nyoti-Sori ayant épuisé ses munitions, affron-
ta les samoriens le sabre à la main, mais i l fut abattu par
Kémé-Mori,
l'un des jeunes fils de l'Almami qui participait
à la bataille.
Après une demi-journée de combats les samoriens
s'emparèrent de la ville. Les karamogo n'avaient pas pris
part aux combats.
Ils avaient revêtu leurs plus beaux habits
et priaient dans les mosquées. Lorsque les sofa réussirent
à pénétrer dans ces lieux de culte,
ils y égorgèrent les
karamogo ; c'est ainsi que périt Karamogo Longosc l'ancien
chef de file des samoriens de Kong(3)
; déçu par l'Almami il
(1) l~mandyu était une danse organ~see à l'occasion du retour des pèlerins
de la Mecque ou lors des funérailles des Saganogo ou des Sogodogo.
(2) Le choix de Sakara vient d'une part du fait que l'on avait dit à Samori
qu'un karamogo du nom de Dalan était très instruit et possédait le
secret des 3b~illes et des lions qui devaient mettre en déroute l'armée
de l'Almami et, d'autre part aussi, du fait que les habitants de ce
quartier désiraient mourir les armes à la main.
(3)
Y. Persan, op. cit., p.1900. Seul Seyd u Saganogo, le père de notre
informateur-rSanogo) fut sauvé par Foroba-Musa qui avait été autre-
fois l'hôte de Seydu.
11 21
avait décidé de partager le sort qui allait être réservé à
ses compatriotes. Là où les sofa trouvèrent les portes des
mosquées bloquées,
les Dyula furent ensevelis sous les décom-
bres des édifices religieux. Tous les gens qui avaient été
pris dans les rues ou dans les concessions furent conduits
devant Samori qui assista personnellement à la décapitation
de la population de la ville. Cet horrible massacre dura
toute la journée du mardi.
Samori épargna les enfants
(filles
et garçons)
et les déporta dans le Dyimini. Sa victoire lui
permit de mettre la main sur un stock important d'armes et
surtout de provisions qui allaient le mettre pendant de
longs mois, à l'abri de la disette. Les Samoriens profitèrent
de cette occasion pour s'emparer des richesses de la popu-
lation. D'après Gaden,
Samori aurait pris
"de grandes quantités d'or"(1).
Le mercredi matin,
l'Almami ordonna à ses sofa, de démolir
les maisons de la ville. De véritables équipes de démolition
se mirent en place et arrachèrent les poutres des terrasses.
Samori veilla à ce que ce travail soit bien fait afin que les
constructions s'effondrent pendant le- prochain hivernage.
Les sofa, avant de se retirer, mirent le feu aux habitations
détruites. D'après certains témoignages que nous avons re-
cueillis à Kolon,
l'incendie se serait propagé dans la ville
pendant plusieurs jou~(2).
Samori venait ainsi de porter un coup mortel au
Royaume dyula en démolissant sa capitale et en exécutant
la population de la métropole. L'Almami aurait pu punir les
responsables de Kong et imposer un lourd tribut à ville.
Pourquoi a-~-il refusé cette solution? Deux raiso~fonda
mentales semblent l'avoir poussé à cette situation extrême.
(1) A.N.S.Q.M.
A.P. Caden, dossier 514.
(2)
Fisiri Quattara, Kolon, 25-3-1976.
1122
premièrement, Samori ne se sentait plus en sécurité depuis que
les Français avaient fait leur irruption dans le Gurunsi et
lui avaient barré la route des chevaux du Mosi.
Il n'avait
pas oublié qu'en 1895 ses anciens alliés avaient voulu le
déloger du Dyimini. S'il pouvait empêcher les Dyula de Kong
de communiquer avec Grand-Bassam, i l n'avait aucun moyen de
contrôle sur les relations de Kong avec les pays du nord.
Ses caravanes de chevaux étaient systématiquement pillées
par les gens de Kong qui lui étaient hostiles. Pour avoir
accès au marché de Bobo-Dioulasso Samori se voyait obligé de
détruire Kong. La disparition de cette métropole paraissait
nécessaire à la cohésion de l'Empire samorien.
encore mal
stabilisé. Samori avait, semble-t-il, le pressentiment que
les Dyula attendaient les concours des Français. Dans ces
conditions, on comprend qu'il n'ait pas voulu courir le
risque de voir le.
Français du Gurunsi installer des garni-
sons à Kong, à deux jours de marche de Dabakala. Samori avait
donc décidé, après mûre réflexion, de détruire Kong. Si la
ville ne fut pas prise d'assaut dès le lundi matin(17 mai
1897), c'est, d'une part parce que les sofa étaient épuisés
après la marche forcée de deux jours et d'autre part, que les
assaillants n'avaient pas achevé leur concentration autour
de la ville (1) •
Deuxièmement, Samori souffrait profondément de l'or-
gueil des Dyula et du mépris qu'ils affichaient pour son
Islam inculte. Son titre d'Almami provoquait la risée de
tous les musulmans du Kpon-Gènè.
Il se sentait rejeté par les
karamogo de la métropole dyula dont le prestige portait un
rude coup à son autorité.
Les Malinké du Nord-Est de la Côte
d'Ivoire avaient, après plusieurs siècles de brassage avec
les populations autochtones, formé une véritable nation dyula
qui s'intégrait très mal à l'Empire hétérogène animiste dont
(1) N'oublions pas que Pèrènya - N'Golo n'arriva à Kong que le lundi.
1123
Samori tentait de jeter les bases. Samori avait fini par
considérer les Dyula de Kong comme d'irréductibles musulmans.
Les menaces françaises qu'il pressentait à cette époque le
poussèrent à exterminer la population de Kong en dépit du
serment qu'il avait prêté sur le Coran de ne pas lui faire
la guerre .
b)
La bataille de Nyando
Le passage de Pèrènya-Ngolo à Sikolo, le lundi 17
mai, avait attiré l'attention des sunangi sur le danger qui
menaçait leur capitale. Les tam-tamsde guerre se mirent
alors à résonner dans tout le Royaume. Bakari Ulé et Badyula
tinrent dans la journée un conseil de guerre à Kolon où i l
fut décidé de porter secours aux Dyula de la métropole.
Asunu avec une colonne légère de 200 Dyuladyon fut chargé de
prévenir tous les alliés des watara. Bakari Ulé concentEa
les troupes sunangi à Kolon. Les renforts arrivèrent dans la
journée du mardi. Et le mercredi 19 mai, Badyula et Bakari
Ulé marchèrent sur Kong avec 3 à
4.000 hommes.
Kunandi-
Kélébagha qui avait été chargé par Samori de localiser l'em-
placement des troupes sunangi se trouva nez à nez avec les
hommes de Badyula. Sa colonne fut taillée en pièces et i l
se sauva pour regagner le camp de son maître. C'est là que
les
vatara apprirent par les prisonniers sénufo de Korhogo
qui constituaient la colonne de Kunandi-Kélébagha ce qui
venait de se passer à Kong
Kong était détruite et sa
population avait péri.
Sur les conseils de Bakari Ulé l'armée des watara
contourna Kong et établit sa base à Nasyan pour faire le
point de la situation avec le vieux roi Kumi. A Nasyan,
Bakari Ulé rencontra le mansa Kada~i qui était arrivé la
veille après avoir tenté vainement de porter secours aux
Dyula de Kong. C'est, semble-t-il, au gué de Dyénéni sur le
Lofolo qu'il apprit la chute de la ville.
Il regagna Nasyan
1124
àprès avoir procédé à l'évacuation de Nafana. Ce fidèle
allié de Kong était accompagné par son frère Lansana
Tandosoma.
L'appel lancé par les autorités de
cette ville avait
été entendu par de nombreux chefs guerriers i
un élan de
solidarité s'organisa autour des watara pour venger le sang
des Dyula versé à Kong. Le chef des Palaka de Kumbala,
Sughuru-Kodyulu Watara était venu avec ses troupes,
le Fama
du Nza(l)
Tyèbèma Watara vint à la tête d'une armée composée
d'excellents archers. Les Watara bénéficièrent aussi comme
dans le passé du soutien inconditionnel des Komono dont le
chef était à l'époque
Nyimi-Kutu.
Le 22 mai 1897, Bakari Ulé reçut
le commandement
suprême de toutes les armées i
i l fit évacuer Nasyan et or-
donna à Badyula de concentrer le gros des forces à Nyando.
Il se chargea de porter les premiers coups à l'Almami à
l'aide des archers palaka et komono.
Il constitua plusieurs
corps mobiles qui, à la faveur de la nuit, s'approchèrent
des camps de Samori et arrosèrent les sofa de flèches. Ces
attaques se répétèrent plusieurs fois dans la nuit et les
pertes furent très importantes du côté samorien. D'après
le témoignage d'Asunu recueilli par Basièri Ouattara
"durant toute la nuit on entendait le cri
lugubre des sofa qui mouraient atteints par
les flèches des Komono.
Une véritable panique
s'installa au sein des Samoriens. L'Almami
essaya de repousser ses adversaires en lançant
contre eux des colonnes, mais elles furent
décimées par les archeysde Bakari" (2) .
(1)
La capitale du Nza était Sauta.
(2)
Basièri Ouattara, Abidjan, 21-11-1978.
1125
Le lendemain matin, Samori, qui venait de passer
une nuit difficile, abandonna les ruines de Kong et se mit
à la poursuite des Wata:ra. A l'est de Nasyan, à Nyarana i l
fut surpris par une importante armée d'archers dont faisaient
partie les guerriers du Nza, connus précisément pour leur
adresse. Les flèches se mirent à pleuvoir sur les sofa qui
ne savaient plus à quel saint se vouer. La tactique adoptée
par les watara était de tuer non seulement les sofa, mais
aussi et surtout les chevaux afin de priver Samori de sa
cavalerie. Grâce à son génie militaire et la crainte qu'il
inspirait à ses généraux qui songeaient déjà à prendre la
fuite l'Almami sauva une partie importante de sa cavalerie.
Les combats durèrent toute la matinée et les pertes furent
très importantes de part et d'autre. Les guerriers watara
rej~ignirent la grande armée à Nyando. Samori s'imaginait
que les ~atara étaient vaincus et qu'ils venaient de prendre
la fuite.
Le 24 mai 1897, i l fut donc surpris de tro~Ver sur
le plateau de Nyando une véritable armée disposée en carré
et qui l'attendait de pied ferme(l).
Samori avait enfin en
face de lui les guerriers watara dont il r~vait de couper la
tête;
i l s'agissait notamment de Badyula et de Bakari ulé.
L'Almami lança toutes ses forces dans la bataille; le choc.
fut rude et à plusieurs reprises l'armée samorienne fut
repoussée. Les Watara se battirent avec un courage exception-
nel.
Ils souffrirent cependant de l'absence de leurs cousins
et alliés du Gwiriko. Nyimi Kutu n'avait pas non plus parti-
cipé~'Gbataille bien qu'il ait envoyé des troupes combattre
à Nyando sous les ordres de l'un de ses chefs de guerre
Dyarawari(2). Numériquement et techniquement l'armée samo-
(1) La formation en carré n'est pas une idée de Marchand (Cf. Persan,
op. cit., p.1901, note 32), mais un plan de bataille habituel chez
Tes t.;'.1tara.
i2) Nyimi-Kutu était demeuré dans sa capitale à Nyambwambo derrière
le fleuve Comoé.
1126
rienne était super1eure à celle des Hatara. Malgré tout,
les Dyula se battirent avec un courage remarquable et la
victoire ne pencha du côté de l'Almami qu'à la suite d'une
"lutte dure et longue" (1) • A la fin de la journée, les Watara
lâchèrent pied et les Dyuladyon allaient se faire massacrer
pour protéger le fuite du Fama et des princes sunangi. Le
vieux roi de Kong, épuisé par la bataille, refusa de fuir.
Il remit les insignes du pouvoir à Bakari Ulé afin qu'ils
parviennent à Pinyèba.
Il trouva la mort au pied d'un arbre
en compagnie d'une dizaines de ses fidèles Bambadyon. Dans
la déroute, beaucoup de Dyula se noyèrent dans la Comoé;
Bakari Ulé, la Moriba et Badyula parvinrent à gagner le Gwi-
riko(2).
Ils passèrent une nuit à Matruku
(région de Bobo)
chez le prince Tyèba avant d'aller remettre le Sinzébu à
Pinyèba à Kotédougou.
Ils le reconnurent alors comme Fama
de Kong.
Ils lui expliquèrent en détail
ce qui venait de
se passer à Kong et à Nyando. Le Fama Pinyèba jugea alors
prudent de faire appel aux Français. Avant de voir la suite
des événements, nous devons
nous expliquer sur un point
: il
existe une controverse sur la durée de la bataille de Nyando
selon les uns, elle dura trois jours(3), selon les autres
elle se déroula en un jour(4). En fait,
les traditionalistes
(1) Ladyi Kongodé Ouattara, Kotédougou, 23-2-1979.
(2) Les fugitifs seraient passés par Sidéradugu et Numudagha où Bakari
Ulé aurait fait "une courte étape pour inciter Amoro à résister.
Dans ce but, il fit rituellement trois fois le tour du village sur
son cheval blanc" (Cf. Y. Person, op. cit., p.1901, note 33.
(3) Cf. R.P. Herbert, 1959, Manuscrits. Il a interrogé un témoin des
événements de 1897, Batyèmogo Watara de Soribakanyédugu.
(4) Voir Person, op. cit., p.1901, note 31 et Bernus, op. cit., p.274.
1127
associent à la guerre de Nyando les deux attaques que Bakari
Ulé organisa contre Samori à partir du 22 mai
1893.
Pinyèba se rendit à Djébougou qui venait d'être
occupée par les Français et sollicita leur appui pour lutter
contre Samori. Mais le capitaine Caudrelier qui n'avait
pas reçu des instructions à ce sujet promit de l'aider plus
tard.
Il ne prit même pas la peine de signer un traité avec
le nouveau Fama qui allait demeurer pendant plusieurs mois
dans le Gwiriko sans pouvoir réagir(1).
Samori avait subi des pertes sérieuses à Nyando ; il
fut donc contraint de marquer un temps d'arrêt au bord de
la Comoé pour réorganiser son armée et attendre prudemment
l'arrivée des renforts de la grande armée de l'est commandée
par son fils Sarankenyi-Mori. Un fait nouveau allait aussi
inciter Samori à la prudence, la présence des Français à
Djébougou. Et ce fut avec une grande JOle qu'il reçut la
lettre de Braulot qui lui révéla que les Français n'avaient
pas pour le moment l'intention de le combattre.
Il Y répondit
"par un message réitérant son désir de paix
avec un cadeau important à l'appui"(2).
Rassuré sur les intentions des Français, Samori,
qui avait reçu un important détachement de son fils,
se
décida à marcher sur Bobo-Dioulasso afin de les dévancer
dans la capitale du Gwirik6.
Il occupa Sidéradugu et y
construisit un camp fortifié,
il demanda à son fils de l'y
rejoindre avec la grande armée de l'est. Malheureusement,
(1) Y. Persan, ~. cit., t.III, p.1881.
(2)
Ibidem.
-.
1128
ce dernier, à cause des guerres qu'il livrait dans les pays
lobi ne parvint à Sidéradugu qu'au début du mois de juillet
avec 7 à 8.000 hommes(1). Samori avait alors réuni autour'
de lui toute sa grande armée mais i l avait perdu beaucoup
de temps et des
"rumeurs circulaient à Sidéradugu selon lesquel-
les les Watara de Bobo-Dioulasso avaient signé
un traité de paix avec les Blancs"(2).
Pinyèba, nous le savons, avait été reçu à Djébougou
par Caudrelier qui avait effectivement promiS d'aider les
watara dans leur lutte contre Samori.
Il
n'est pas invrai-
semblable qu'à son retour à Kotédougou,
le nouveau Fama de
Kong ait fait courir le bruit d'un accord qu'il venait de
conclure avec les Français. Quoi qu'il en soit, ces ru-
meurs permettent de comprendre aujourd'hui pourquoi Samori
n'attaqua pas Bobo-Dioulasso qui visiblement n'était pas
en état de résister et pourquoi i l demanda à traiter avec
les Français. En effet, selon Yves Person,
"Dans les premiers jours du mois
(juillet)
i l
avait envoyé à Diégoubou une nouvelle lettre,
qui allait déclencher une réaction en chaîne
tout-à-fait imprévisible. Pour la première
fois,
i l demandait par écrit à traiter avec la
France à condition d'être autorisé à rentrer
dans son pays d'origine. Comme preuve de bonne
volonté, i l annonçait qu'il rappelait
Sarânkényi-Mori à l'ouest de Lorhoso et propo-
sait à Braulot de lui céder Bouna" (3) .
Caudrelier ne répondit pas à la lettre de Samori et
l'Almanli se trouva dans une situation délicate.
Il hésita à
attaquer Bobo-Dioulasso afin de ne pas mécontenter les Fran-
(1)
Persan, op, ciL, LIlI, p.188,3.
(2) Soma Ali, Sungaradaga, le 25-2-1979.
(3) Y. Persan op. cit., t.III, p.1883.
1.129
çais. Dans ces conditions,
la démarche des Bobo-Dyula pour
supplier Samori d'épargner Sya était inutile.
Une délégation de Bobo-Dioulasso conduite par Mamuru
Gèna,
le fils du célèbre Imam Sagédi,
se rendit à Sidéradugu.
Mamuru Gèna apporta à Samori une lettre de son père
"appuyée par une forte quantité d'or et des
cadeaux de la princesse Dyimbé ainsi que 15
chevaux offerts par
Zélélu"(l).
Selon Person, comme Samori ne pouvait pas se retirer
vers le sud sans avoir à ooffiPattre, il décida de soumettre
les Tyéfo(2)
dont le souverain Amoro jouissait d'un grand
prestige depuis la guerre de Barna. Vers la mi-juillet,
l'Almami ordonna la destruction de la forteresse de Numu-
dagha. Samori avait confié l'assaut à Sarankenyi-Mori qui
s'avoua vaincu après huit jours de combat au cours desquels
les samoriens subirent des pertes écrasantes parmi lesquelles
figurait
l'un des fils de l'Almami, t-lanagbè Saran Seku,tué
d'une balle à la tête.
Ce fut précisément au moment où les
samoriens démoralisés songeaient à se retirer que le traître
Mori Dao à la solde des Bobo-Dyula informa SaITori
"qu'il avait enlevé les stocks de poudre
d'Amoro conformément aux ordres de Dyimbé" (3)
(1) Y. Person, op. cit., t.III, p.1884. Voir aussi R.P. Herbert "Une
page d'histoire voltaïque: Amoro, le chef des Tiéfo". B.I.f'.A.N.
t.xx, série B, n03-4, 19'i8, p.396.
(2) Y. Person, ~. cit., t.III, p.1884.
(3)
Ibidem,
op. cit., t.III, p.1884. Pour l'assaut de Numudagha voir
surtout ~.f-.-p.erbert, op. cit., p.39'i-400. Dyimbé, il est vrai, su-
bissait à cette époque-Une~ès forte influence de Zelélu qui recher-
chait l'amitié de Sarnori. Les guerriers de Kong avaient tenté de
secourir Amoro en combattant les sofa à Loghofèrèso, à 10 kilomètres
à l'ouest de Bobo.
1130
5amori sauta sur cette occasion inespérée;
il quitta Dar-
salami, son quartier général, et marcha a la tête des sofa
contre les Ty~fo qui le bless~rent à la jambe. Les sofa
s'empar~rent de la ville apr~s une vive résistance de la
population.
Pour ne pas tomber aux mains de de ses ennemis,
Amoro se donna la mort.
"Le massacre de Numudagha est resté légendaire,
comme l'un des plus cruels de l'époque bien
pire que celui qui venait d'ensanglanter Kong.
Sarnori, humilié par cette résistance imprévue
et ulcéré par la mort
de son fils avait
ordonné, paraît-il, de massacrer tous les
habitants
( . . . ) Il est difficile de chiffrer
le massacre, mais il fut tel que le peuple
Ty~fo ne s'en est jamais relevé"(1).
Apr~s ces événements, Samori plaça une garnison a
Eobo et prit la route de Dabakala.
3.
-
Les Français capturent Samori
Apr~s la destruction de Numudagha, Samori reçut
des nouvelles qui le remplirent d'inquiétude,
les Britanni-
ques venaient d'occuper Bondoukou et les samoriens durent
évacuer le Gyaman. En outre,
une colonne française venait
de quitter Boromo pour le sud(2).
Il eut l'impression que
l'étau des Blancs se resserrait autour de lui.
Il envoya le
gros de ses troupes
au Dy imin i
et demeur a à S ider adugu pour
étudier le mouvement des Français qui allaient occuper
Lorhoso et marcher sur Bouna. Nous avons vu que Samori
s'était proposé de céder cette derni~re ville aux Français.
Il aurait alors demandé à son fils Sarankenyi-~0ri
(1)
Y.
person, op. cit., t.III, p.188~.
(2)
Bouland avait quitté Boromo le 28 juillet et rejoignit Braulot
le 31 à Lorhoso.
1 131
"de rentrer en h~te dans la capitale des
Kulango pour en évacuer les siens et remettre
la place aux Français,
avant de se retirer
sur la Comoé"(1)
ceci se passait vers le 12 août et le fils de Samori partit
à la tête,
d'une importante armée de 7 à 8.000 sofa bien
armées.
Le 18 août 1897,
il rencontra Braulot à Laturgo.
Le
Français s'était présenté à Bouna le 15 au matin, mais le
samorien Sulèmani refusa de le laisser entrer,
n'ayant reçu
aucune consigne à ce sujet.
Le 20 au matin cependant, dans
des circonstances obscures,
le capitaine Braulot et le
lieutenant Eunas furent assassinés.
Ce drame allait avoir
des conséquences graves pour l'Empire samorien.
a)
Les watara reprennent le Gwiriko
Caudrelier apprit le drame le 31
août 1897
;
il crut
a une offensive généralisée des samoriens.
Il partit en h~te
vers le sud en installant une garnison à Djébougou.
Le 10
septembre il gagna Lorhoso
; c'est là qu'il apprit que
Samori venait d'évacuer Sidéradugu et se dirigeait mainte-
nant sur la Comoé.
Il fit
alors appel aux watara qui n'atten-
daient qu'une occasion pour
reprendre les armes contre
Samarie
Le 11
septembre,
un traité est signé avec Baratu
~atara, le nouveau Fama de Kubo. Pinyèba offrit à son tour
son appui aux Français en dénonçant les Bobo-Dyula comme
des traîtres qu'il fallait ch~tier pour s'être ralliés a
Samori.
Le 17 septembre,
une colonne française
appuyée par
les guerriers watara occupa Sidéradugu.
Le 25,
le commandant
Caudrelier se présenta devant Bobo-Dioulasso.
Poussé par
Kotoko qui
fit échouer les négociations,
le Français prit
la ville au prix d'un assaut sanglant.
La garnison samorienne
fut anéantie et l'imam Sagédi mourut au cours des opérations
(1)
Y.
Persan, op. cit., t . l l l , p.1887.
San;ori espérait par ce geste
opposer enfin les Français aux Britanniques.
1132
militaires.
Zelélu se donna la mort.
Pinyèba se fit recon-
naître comme le Fama de tout le Gwiriko et installa partout
ses agents. Caudrelier l'aida à consolider son autorité
et tempéra l'ardeur des gens de Kong qui voulaient recon-
quérir leur pays. En effet le gouvernement français ne cher-
chait pas dans l'immédiat un affrontement avec Samori.
b)
La libération de Kong
Le souci de Caudrelier de surveiller Samori l'avait
amené à installer un poste sur la Comoé au gué de Tyèmogoba __
Dya-Yiriko(1),
le 29 novembre 1897.
Il fut confié au lieu-
tenant Demars. Abandonné dans cette région avec un mois de
vivres,
il allait subir l'influence des guerriers de Kong
notamment de Bakari Ulé et de Badyula, qui le poussaient à
occuper la ville de Kong qui était gardée alors par un
certain Musa ulé avec trois kèrè-boro. Convaincu qu'il
Fouvait s'emparer de la ville,
il quitta son poste le 21
janvier 189~(2). Le sanyé de Musa se trouvait en effet à
deux kilomètres à l'ouest de Kong.
le 25 à l'aube, Demars
attaqua Musa-Ulé avec le concours des Watara.
Le samorien
surpris par l'attaque de Demars et desWatara,
fut complè-
tement défait.
Demars installa un camp fortifié à Daura
sur la vieille piste commerciale de Kongolo.
Les vainqueurs
s'emparèrent d'un important stock de vivres(3). Mais les
\\vatara avaient trouvé leur capitale en ruines.
L'hivernage
- - -- - -- -. - - - -- - -
- -- - - - -
(1)
Person identifie ce lieu à Masadé yiriko
(Masédéhirikoro de la
carte 1/200.000° A.O.F. Kong).
(2)
Le: ",,' a,tara lu i ava ient fa i t croire que la ville éta i t saccagée et
évacuée et que d'autres Blancs
(Anglais ?) s'apprêtaient à occuper
la ville. Cf. Marhaba, Bobo-Dioulasso, 2-3-1979.
(3) Deux tonnes de maïs et surtout de mil et de riz
(Cf. Y. Person,
op. cit., p.197S, note 105).
1133
avait détruit tous les bâtiments.
Les ruines gênaient la
vue et ce fut dans ces conditions difficiles que la colonne
de Demars se prépara à attendre les sofa de Samori.
Dès le
début du mois de février,
les samoriens entreprirent un
travail de harcèlement et i l devint difficile de s'appro-
visionner en eau dans le marigot Gbène,
situé à 700 mètres
du camp(1).
Prévoyant une attaque importante de
la part de Samori, Demars envoya un courrier à Mechet qui
occupait alors le poste de Tyèmogo-Dya-Yiri koro pour demander
du secours et avertir Caudrelier à Djébougou que Samori
attaquait Kong.
Samori qui n'avait pas terminé la construction
d'une fcrteresse,
Bori Bana
(fini la fuite)
sur le Bandama,
ordonna de reprendre Kong.
Il lança contre Demars sa grande
armée de l'est. Mechet arriva à Kong le 12 février avec le
reste de la compagnie et le 14, le premier renfort de
Lorhoso sous les ordres de l'adjudant Corvaisier fit sa
jcnction avec Demars.
Les samoriens donnèrent l'assaut le 15, mais ils
subirent de lourdes pertes
;
ils décidèrent alors de laisser
les assiégés mourir de soif en contrôlant le marigot.
Demars
supprima les corvées d'eau à l'extérieur et fit creuser en
pleine
saison sèche un puits à l'intérieur du réduit.
Tous
les animaux et quelques porteurs moururent de soif.
Tous
les combattants,
les Watara et les Européens furent stricte-
ment rationnés.
"Chaque nuit,
les griots de l'Almami échan-
geaient des insultes avec les tirailleurs
ou venaient les exciter à trahir par toutes
- - - ---- -- ~~~~~
(1)
Pour la résistance héroïque du poste de Kong, voir Fonds Terrier,
Institut de France, Ms S936.
1134
sortes de faux bruits ..• "(1).
Du 12 au 27 février
les pertes subies par le poste
de Kong se résumaient en trois indigènes tués et 11
blessés
dont le sergent-major Foucher de la 2e compagnie(2).
Bouland qui assurant l'intérwl
de Caudrelier a
Djébcugou avait compris la gravité de la situation.
Il
rassembla tous les combattants disponibles et partit le 16
février au' secour de Demars en compagnie de Gouraud.
Caudre-
lier qui rentrait de Wa les rattrapa le 19 à Lorhoso et
ensemble ils rentrèrent à Kong le 27 en fin de matinée alors
que les défenseurs de la ville
"étaient épuisés incapables d'un nouvel
effort" (3).
Voici le témoignage de Gouraud
"Comme mes tirailleurs ressemblent à de vul-
gaires sofas,
j'arrête la troupe et me porte
seul en avant,
lorsque je vois sortir à ma
droite, d'un trou dans le mur, mon camarade
Mechet,
la figure creusée et tirée,
le sabre
nu à la main qui me regarde et se met à
crier
"Demars,
Demars c'est la colonne.
C'est Gouraud,
nous sommes sauvés" (4).
La ville de Kong fut encore assiégée par Sarankenyi-
~ori et ~uktar un autre fils de l'Almami. Le poste était
alors cGnfié au capitaine Teissonnière qui fut attaqué le
3e avril Far plusieurs milliers de sofa. Bien qu'il ait subi
(1)
Fonds Terrier, Ms ~936.
(2)
La ration d'eau était de \\
de litre par
jour pour les combattants.
26 civils des deux sexes moururent de soif.
"Les hommes buvaient de
l'urine où s'intoxiquaient en mâchant le terreau humide qu'ils
trouvaient au fond du puits"
(Cf.
Y.
Person, op. ciL, p.1936).
(3)
Y.
Persen, op. cit., p.1937.
(4)
Ibidem,
op. cit., p.
1936 note 114.
1135
"'
de lourdes pertes, il décima les samoriens qui allaient
désormais se contenter de faire le siège de Kong en espérant
que la colonne périrait de faim et de soif. Le 27 mai,
Teissonnière était sur le point d'évacuer la ville lorsqu'il
fut rejoint par la colonne du capitaine Pineau qui après la prise
de Sikasso le 2 mai 1897 se dirigeait vers le sud. Les assiégeants se
retirèrent alors vers le Bandarna. Les guerres de Kong venaient de prendre
fin.
"C'était aussi la fin âe l'Empire de Samori
dont le territoire allait être entièrement
évacué en l'espace de quelques semaines"(l).
Samori dans sa fuite vers l'ouest fut fait prisonnier le 29
septembre 1898 à Guélémou, à l'ouest de Man.
Kong était sauvee mais la ville n'était plus
"qu'un monceau de ruines au milieu desquelles
il y a plus de deux milles crânes en partie
cachés par les herbes qui ont tout envahi
C'était une grande et belle ville
et l'im-
pression qu'elle fait actuellement est
réellement pénible. Les sofas ont empoisonné
tous les puits avec des cadavres sauf un qui
est réservé aux Européens i mes hommes ont
presque tous pris de mauvaises diarrhées ... "(2).
Kong était désormais une ville à reconstruire et
son histoire allait être liée à celle de la colonisation.
( 1)
Y.
l E r sur.,
of!.
c l t .,
t. III, p. 1 938.
(2)
Ceci est l~ témoignage de Henri Gaden qui passa à Kong le 22 juin.
A.N.S.O.r-;.
AP 1'), Carton II, pièce
n0527.
CON C LUS ION
1137
La région de Kong était habitée autrefois par de
paisibles paysans, les Falafala, les Myoro, les Nabé et les
Gbèn qui s'adonnaient à la culture ou à la chasse. Mais au
XIVe siècle le pays connut de profonds bouleversements ; sa
richesse en or attira de nombreux commerçants mandé.
La position centrale de cette partie de l'actuelle
Côte d'Ivoire, entre, d'une part, les régions aurifères
des pays lobi,
les riches plantations de noix de kola de
l'Anno et, d'autre part, les pays soudanais qui depuis le
VIlle siècle constituaient le débouché des voies caravanières
entre l'Afrique Noire et la Méditerrannée, favorisa le déve-
loppement de la ville de Kong.
Vers la fin du XVe siècle, les Tarawéré chassés du
Songaï par Sonni Ali Ber (1464-1492)
jetèrent les bases d'une
royauté animiste autour de Kong. Ceci constitua l'une des
premières révolutions dans un pays où les populations autoch-
tones vivaient morcelées et ignoraient la notion de mansaya.
Les Tarawéré s'attribuèrent le dyamu Watara qu'ils imposèrent
aux populations Falafala, Myoro, Nabé et Gbèn. L'une des
caractéristiques des nouveaux maîtres du pays fut de chercher
à s'intégrer
aux autochtones au sein desquels ils recru-
taient leurs guerriers.
Ils adoptèrent les divinités locales
qu'ils organisèrent en un véritable clergé le Nyamakurugu.
Ils furent les principaux artisans de la formation d'une
langue. Jyula dans- la région de Kong. L'une des grandes figures
de cette période animiste fut incontestablement Lasiri
Gbombélé
(1660-1710)
dont le règne mécontenta profondément
les milieux musulmans et commerçants. La fin du XVIIe siècle
constituait en effet un tournant décisif dans les rapports
entre les princes tarawéré tournés vers la guerre et le
1138
développement de l'agriculture, et les milieux d'affaires
dont la raison d'être était le négoce et qui cherchaient
une ouverture vers le monde extérieur.
Au début du XVIIIe siècle, un riche négociant Seku
Umar, exploitant le malaise qui régnait à Kong s'empara
habilement du pouvoir et réalisa une véritable révolution
dyula.
Il prit le titre de Fama, mais pour bénéficier de
l'appui des populations autochtones il adopta le dyamu Watara,
celui des anciens maîtres de Kong.
Seku Watara avait compris
que la prospérité du commerce était étroitement liée à la
sécurité des voies caravanières, d'où la créatj06du Kpon-Gènè
ou Royaume de Kong, un Etat fort où l'on devait exclure ou
du moins limiter les crises de succession. Il créa donc un
Royaume au sein duquel tous les princes devaient exercer un
commandement sous l'autorité souveraine d'un Fama, ce qui
allait constituer un fait nouveau dans les annales de l'his-
toire africaine où les crises de succession étaient fréquentes
dans les états musulmans. Le Mali, le Songaï et le Kanem -
Bornou, en offrent de nombreux exemples du XIVe au XVIe
siècle 5 •
L'un des points forts de la politique de Seku Watara
fut d'avoir fondé la puissance du Kpon-Gènè sur deux éléments
apparemment contradictoires, l'armée constituée par des
guerriers autochtones animistes, et le commerce aux mains
d'une aristocratie de marchands musulmans. L'armée allait
devenir ainsi une pièce maîtresse du Royaume dyula de Kong.
Elle le prouva en 1740 face aux Ashanti. L'association des
guerriers watara et des commerçants allait permettre à Kong
de jouir d'un grand prestige en Afrique de l'Ouest. Elle
conduisit les Watara à créer un vaste Empire qui s'étendait
de l'Anno à Sofara et qui allait être constitué du Kpon-Gènè
1139
et du Gwiriko. Kong atteignit ainsi son apogée sous le
brillant règne de Seku Watara
(1710-1745).
L'une des carac-
téristiques du Royaume de Kong fut d'être bâti autour des
voies commerciales et des régions aurifères et kolatières
du Lobi et de l'Anno.
Le Royaume de Kong avait une originalité ; i l
possédait un territoire relativement bien défini,
le Kpon-Gènè
et une langue nationale, le dyula.
Il était administré par
un Fama dont le choix reposait sur une institution originale,
le Lasnadu royal.
Il était entouré par un Dyula-mansa
(conseiller personnel du souverain choisi parmi les hommes
de confiance de son entourage), un Arkali
(un grand cadi)
qui avait une connaissance approfondie
des lois islamiques
mais aussi des traditions du négoce dyula
il était aussi
assisté de nombreux conseils dont le plus important était
le Dyèma, l'assemblée des sages du Kpon-Gènè. L'Etat de Kong
était divisé en provinces qui furent confiées à des princes
du sang.
Les pays soumis au Kpon-Gènè avaient un statut
particulier
; les anciennes chefferies conservèrent une
autonomie interne mais furent soumises au paiement d'un
tribut annuel et à l'obligation de fournir des troupes au
Fama en cas de guerre. Les territoires qui ne connaissaient
pas une organisation interne furent divisés en provinces
militaires placées sous l'autorité directe d'un Kèrè-mansa
qui exploitait les services d'un dugukunasigi choisi géné-
ralement parmi les personnalités influentes des pays soumis.
Le Fama était le garant de l'intégrité territoriale
et des institutions
;
il était le générali.ssime de toutes
les armées et, à ce titre,
aucune conquête territoriale ne
pouvait être entreprise sans son autorisation.
1140
L'oeuvre de Seku Watara fut poursuivie avec un
grand succès par Kumbi Watara
(1750-1770)
qui allait attacher
son nom au prestige religieux de la métropole dyula. Ses
réformes politiques, administratives et religieuses allaient
faire de Kong non seulement une capitale politique et
économique, mais aussi et surtout l'un des plus grands
centres islamiques de l'Afrique Noire au XVIIIe siècle.
Le règne de Mori Maghari
(1770-1800 ) allait être
essentiellement consacré à assurer au Kpon-Gènè la paix et
la stabilité jusqu'à la fin du XIXe siècle.
Il fut marqué par
l'expulsion de Nangin Sogho et l'envoi dans le Gwiriko d'un
grand nombre de princes turbulents. L'absence de crises
graves permit le développement du commerce et l'enrichisse-
ment de la population qui allaient marquer profondément
la société dyula. La notion de profit et le sens aigu des
affaires allaient faire voler en éclat les castes qui carac-
térisaient la société malinké primitive. On allait voir
disparaître en effet des professions non rentables comme
celles des griots ou des forgerons.
Désormais, les seuls
critères de distinction sociale allaient être fondés sur la
fortune ou le savoir. La classe dirigeante allait être cons-
tituée par les Sunangi l'aristocratie guerrière, mais aussi
et surtout par les Dyagotigi,
la bourgeoisie d'affaires et
les karamogo
(lettrés,
jurisconsultes, docteurs de la loi
islamique et savants).
Un autre trait de la société dyula
de Kong fut celui du mode d'exploitation qui reposa essen-
tiellement sur la main-d'oeuvre servile. Les esclaves étaient
utilisés dans le tissage, dans le commerce, dans les champs
et àans l'appareil de l'Etat.
Ils connaissaient une situation
relativement aisée;
ils étaient nourris et entretenus.
En
outre,
ils recevaient une part substantielle des biens qu'ils
faisaient fructifier;
c'est ce qui explique leur insertion
.';Otl~ diFf"e..tIlt~
dans la société dyula et l'absence de
1 141
révoltes serviles au sein ~u Kpon-Gènè. Les plus riches et
les plus entreprenants accédaient à la condition d'homme
libre
par affranchissement
Du XIVe
au XVIIe sièclffila vie économique du pays
reposa essentiellement sur le commerce des noix de kola, du
sel, de l'or et des esclaves. A partir du XVIIIe siècle les
tissus allaient jouer un rôle important dans la fortune des
Dyula. Les pagnes de Kong furent en effet recherchés, aussi
bien par les pays forestiers et côtiers
(Bondoukou, Anno,
Grand-Bassam, Cape-Coast)
que par ceux du nord
(Salaga,
Dienné et Tombouctou). Grâce à ses tissus, Kong jouait ainsi
un rôle de premier plan dans les relations avec les pays
voisins.
Le Gwiriko connut une évolution politique diffé-
rente de celle du Kpon-Gènè.
Dès sa création,
les autorités se heurtèrent à
d'énormes difficultés qui furent en partie inhérentes aux
ambitions de son fondateur,
Famaghan. En 1734, lorsque le
frère de Seku prit la route de Bobo-Dioulasso,
il avait
l'intention de fonder un Royaume qui n'aurait rien à envier
au Kpon-Gènè. Famaghan avait des ambitions hégémoniques et
rêva un moment de se comparer au conquérant mandé Sundyata
Kéita
(1235-1250).
Il allait ainsi user ses forces à tenter
vainement de conquérir le Royaume de
Ségou,
le Fuladugu et
le vieux Mandé, forces qu'il aurait mieux valu consacrer
à
l'organisation des populations morcelées de la région de
Bobo-Dioulasso. Contrairement à ce qui s'était passé à Kong
et à Sikasso où les Tarawéré organisèrent les populations
autochtones,
les Bobo-Dyula qui avaient précédé Famaghan
1142
dans cette région, s'étaient gardés de se lancer dans une
telle entreprise. Le frère de Seku allait se trouver à la
tête d'un immense pays habité par une mosaïque d'ethnies
qui vivaient
repliées sur elles-mêmes.
Face à cette si-
tuation,
le Fama du Gwiriko commit des maladresses ; i l
chercha à asseoir son pouvoir, non sur les autochtones mais
sur les étrangers que sa politique attirait dans le Gwiriko.
Un sentiment de frustration naquit chez les natifs du pays
dont le rôle se réduisit à payer de lourds tributs au trésor
royal des Watara qui vivaient littéralement sur le pays.
Dans ces conditions, on ne devrait pas s'étonner des inces-
santes révoltes qui éclataient ça et là dans les territoires
contrôlés par les Dyula de Kong. Les guerres des ~atara
contre les Tarawéré du Gwiriko allaient fournir l'occasion
à de nombreux sujets, au milieu du XIXe siècle
(1830),
de s'affranchir de la tutelle des ~~tara.Ce fut le cas des
Tyèfo de Nunudagha et des Bobo-Dyula de Sya.
Il faut dire
aussi que les princes watara eux-mêmes étaient divisés. Les
Sekumogo (les descendants
de Seku Watara)
et les Fama-
ghamogo se disputaient âprement la suprématie du Gwiriko
ceci
a contribué à leur propre affaiblissement. En janvier
1893, la puissance watara s'effondra à lô bataille de
Eama
face aux troupes du Kénédugu qui avaient tenté sans succès
d'envahir le Gwiriko.
Malgré tout,
l'oeuvre des Watara dans le Gwiriko
fut très importante. Famaghan et ses successeurs avaient
ouvert le pays sur le monde extérieur
. Bobo-Dioulasso fut
relié non seulement à la boucle du Niger, mais aussi aux
Etats ashantj et côtiers.
Ils contribuèrent efficacement
au développement du commerce dans cette partie des territoires
de l'actuel Burkina-Faso.
Eobo-Dioulasso dut son
épanouis-
sement aux efforts que les watara avaient faits pour assurer
la sécurité des voies commerciales au XVIII et au
XIXe
siècles.
1 142
dans cette région, s'étaient gardés de se lancer dans une
telle entreprise. Le frère de Seku allait se trouver à la
tête d'un imrne~e pays habité par une mosaïque d'ethnies
qui vivaient
repliées sur elles-mêmes.
Face à cette si-
tuation, le Fama du Gwiriko commit des maladresses ;
il
chercha à asseoir son pouvoir, non sur les autochtones mais
sur les étrangers que sa politique attirait dans le Gwiriko.
Un sentiment àe frustration naquit chez les natifs du pays
dont le rôle se réduisit à payer de lourds tributs au trésor
royal des watara qui vivaient littéralement sur le pays.
Dans ces conditions, on ne devrait pas s'étonner des inces-
santes révoltes qui éclataient ça et là dans les territoires
contrôlés par les Dyula de Kong. Les guerres des ~atara
contre les Tarawéré du Gwiriko allaient fournir l'occasion
à de nombreux sujets, au milieu du XIXe siècle
(1830),
de s'affranchir de la tutelle des ~tara.Ce fut le cas des
Tyèfo de Nurrudagha et des Bobo-Dyula de Sya.
Il faut dire
aussi que les princes watara eux-mêmes étaient divisés. Les
Sekumogo (les descendants
de Seku Watara)
et les Fama-
ghamogo se disputaient âprement la suprématie du Gwiriko
ceci
a contribué à leur propre affaiblissement. En janvier
1893, la puissance watara s'effondra à la bataille de
Barna
face aux troupes du Kénédugu qui avaient tenté sans succès
d'envahir le Gwiriko.
Malgré tout,
l 1 oeuvre des br atara dans le Gwiriko
fut très importante. Famaghan et ses successeurs avaient
ouvert le pays sur le monde extérieur
. Bobo-Dioulasso fut
relié non seulement à la boucle du Niger, mais aussi aux
Etats ashantj
et côtiers.
Ils contribuèrent efficacement
au développement du commerce dans cette partie des territoires
de l'actuel Burkina-Faso.
Bobo-Dioulasso dut son
épanouis-
sement aux efforts que les watara avaient faits pour assurer
la sécurité des voies commerciales au XVIII et au
XIXe
siècles.
1143
Le début du XIXe siècle allait coïncider à Kong,
avec celui du déclin du pouvoir central. Malgré des tenta-
tives de redressement opérées par Asoroba
(1805-1810), Sari
Faghaman (1810-1815), Karamoko Dari
(1835-1850),
l'autorité
royale atteignit son niveau le plus bas sous le Fama Sokolo
Mori
(1850-1894). L'abaissement du pouvoir royal allait
pousser les souverains à quitter Kong pour aller établir
leurs résidences dans les villages ou hameaux
(Dakara,
Nasyan ... ). Les princes watara allaient être baptisés dédai-
gneusement kongoso-mogo
(les hommes de la brousse) .
Vers la fin du règne de Sokolo Mori, deux faits
importants allaient précipiter l'évolution de l'histoire
du Kpon-Gènè.
Il s'agit de la présence française
à
Kong
et de l'intrusion de Samori dans le Dyimini. En effet,
en 1888, Binger arriva à Kong dans le cadre d'une opération
qui visait à relier le Soudan à Grand-Bassam.
La
réalisation
d'un tel projet supposait un pouvoir central fort dans la
métropole dyula. Binger se rendit compte qu'il ne pouvait
pas compter sur Sokolo Mori.
Il voulut alors inaugurer la
politique des agents de la colonisation en décidant de faiEe
reconnaître par la France Karamoko Ulé comme le véritable
roi du Royaume de Kong.
Il signa avec lui un traité en
janvier 1888 bien que Karamoko Ulé appartint à la famille de
Lasiri Gbombélé. Binger s'immisçait ainsi dans les affaires
intérieures du pays. Mais l'attitude apparamment contradic-
toire des Français dans le soutien militaire qu'ils avaient
apporté à Tyèba, l'ennemi juré des Watara et le massacre des
Dyula de Kong à Dienné
(12 avril 1093) découragèrent les
ambitions de Karamoko Ulé qui renonça à
le . couronne que
Binger lui r:;rofDsait i i l se retira de la vie politique. Malgré
tout il se développa dans la métropole dyula un important
parti francophile pour deux raisons essentielles
: les
1144
9yula voulaient, d'une part avoir accès aux comptoirs
français de Grand-Bassam et d'Assinie et d'autre part, pou-
voir compter sur une aide militaire de la France en cas de
danger samorien conformément aux promesses fermes de Mar-
chand qui séjourna deux mois à Kong
(30 avril -
30 juin 1894).
Le deuxième fait capital qu'il convient de souli-
gner à la fin du règne de Sokolo Mori fut la présence
samorienne dans le Dyimini. Cette situation était en fait la
conséquence de l'expansion française qui avait chassé
Samori de son pays natal le Konyan.Le choix du Dyimini s'ex-
plique aisément.
Il fallait à l'Almami un territoire à
partir duquel il pouvait contrôler la route des armes à
feu
(Cape-Coast, El-Mina, Gwa, Grand-Bassam, Assinie)
et
celle des chevaux. Samori visait ainsi à reconstruire à son
profit l'ancien Empire des Katara.
Il avait songé sans aucun
doute à s'installer à Kong au moment où il prit la décision
de fuir les Français et d'aller s'établir vers l'est. Mais
la guerre qu'il livra contre les musulmans de Kankan en 1881
lui attira la colère et le mépris des Dyula
de Kong qui
refusèrent de l'accueillir chez eux. Ces derniers avaient
donc des raisons d'être inquiets du fait de l'installation
de Samori dans le Dyimini ;
ils avaient signé un traité
avec la France et hébergeaient à Kong le douanier Bailly qui
se considérait comme un résident français auprès des auto-
rités du pays.
Kong fit alors appel aux Français, mais les len-
teurs de ces derniers et les révoltes qu'ils provoquèrent
dans le Baulé allaient pousser Binger à demandpr la disso-
lution d'une colonne commandée par Monteil et qui avait pour
mission, d'une part d'empêcher Samori de s'installer dans
le Dyimini et d'autre part d'assurer la protection des Dyula
de~Kong. Binger qui était depuis le 20 mars 1893 le gouver-
1145
ne ur de la jeune colonie de Côte d'Ivoire s'imaginait que
les Watara étaient capables d'affronter l'Almami et que
si ce dernier menaçait Kong les Dyula l'empoisonneraient.
Il allait apprendre un peu plus tard que Monteil qui
ignorait la dissolution de sa colonne avait subi une cin-
glante défaite dans le Dyimini et que Kong était désormais
à la merci de l'Almami.
La défaite du Colonel Monteil le 15 mai 1895
allait mettre les Dyula de Kong dans une situation délicate
Elle allait les obliger à se rallier à l'Almami sur la foi d'un
serment prêté sur le Coran.
Mais très vite les Dyula allaient accumuler des
griefs contre Samori.
Il ruinait les débouchés du grand
commerce de Kong. Les sofa avaient transformé le Dyimini,
le Dyamala, le nord du Gyaman et de l'Anno en un vaste champ
de ruines
;
la plupart des habitants de Bondoukou avaient
déserté la ville à cause des sofa qui commettaient des
exactions dans les pays occupés
;
Sarankenyi-Mori le fils
de Samori qui commandait la grande armée de l'est avait
massacré la population de Bouna y compris les marabouts.
Samori pour des raisons de sécurité, interdit
aux Dyula de
Kong de commercer avec les comptoirs français de Grand-
Bassam et d'Assinie.
En outre,
il confisqua les territoires
palaka et construisit non loin de la métropole dyula une
puissante forteresse qu'il baptisa Palakadyasa.
Dès lors les
Dyula auraient dû s'attendre tôt ou tard à une intervention des
sofa. Le serrc.ent de ooroITO n'était qu'une parodie, Garrori allait choisir
le n'Ornent
oppor tun pour ag ir.
La pol i t igue samor ienne Si opposa i t
ainsi aux intérêts vitaux des Dyula de Kong dont la raison
d'être était précisément le négoce.
Les gens de Kong allaient
1146
riposter en pillant les caravanes de l'Almami pour l'empêcher
de se ravitailler en montures. Malheureusement pour les
Dyula de Kong, cette riposte se situait à une période où les
Français firent irruption dans le Gurunsi, refoulèrent
les sofa et coupèrent la route les chevaux du Mosi à Samori.
En 1896, lorsque Samori fit construire sa forteresse
au sud de Kong,
i l prévoyait déjà l'occupation de la capitale
des v0tara dont le prestige religieux le gênait visiblement.
L'attaque de ses caravanes allait servir de prétexte à un
1
sinistre projet mÛrement refléchi : la destruction de Kong.
L'irruption des Français dans le Gurunsi fit clairement
comprendre à l'Almami qu'il allait avoir à reprendre les
combats contre eux.
Etant devenu par la force des choses
l'ennemi des Dyula,
la destruction de leur Etat s'imposait,
car ce dernier risquait de devenir un foyer d'insurrection.
Telles sont les circonstances dramatiques qui
poussèrent Samori à détruire Kong.
La question que l'on peut
se poser est celle de savoir pourquoi les Dyula n'avaient
pas mis leur capitale en état d'alerte ? La réponse peut
étonner, mais toutes les traditions s'accordent sur ce
point: les gens de Kong ont été surpris par l'attaque de
Samori. En musulmans convaincus,
ils considéraient leur
métropole comme une capitale islamique.
Ils étaient persuadés
que Samori qui portait le titre d'imam ne permettrait jamais
à ses sofa animistes de s'attaquer à Kong à cause du serment
qu'il avait prêté sur le Coran. En outre,
les Dyula de Kong
commirent l'imprudence de croire que les karamogo de la
ville avaient le pouvoir magique de s'opposer à la volonté
de Samori ou de le faire empoisonner.
Les Sunangi avaient
aussi commis l'erreur de compter sur l'appui du gouverne-
ment
français à un moment où ce dernier cherchait provi-
1147
soirement à négocier avec l'Almami, au lieu de consacrer
leurs efforts à surveiller leurs frontières avec ce dernier.
Les Sunangi n'auraient certainement pas pu empêcher Samori
de détruire la métropole dyula, mais ils auraient pu assurer
l'évacuation de la population. Le 15 mai 1897 profitant du
fait que la voie était libre Samori, à marches forcées,
assiégea Kong dans le nuit du 16. Le 18
mai
1897 il
détruisit la grande et belle ville que Binger et bien d'autres
explorateurs avaient visitée et admirée. Cette date marqua
la fin du Royaume dyula de Kong, car les événements qui
allaient suivre annonçaient déjà une ère nouvelle celle de
la colonisation.
TROISIÈME
PARTIE
L'EVCLUTION DE KONG DE 1745 A1897
CHAP ITRE
LES GRANLS REGNES APRES SEKU WATARA
1745 - 1800
l,
UNE PERIODE DIFFICILE (1745-1750) """"""""
704
A.
LA SUCCESSION DE SEKU WATARA .. . . . . . . . . . . . . . . . . 704
1.
La mort de Seku Watara
..................... 705
a - Version de ~asièri Ouattara ............ 706
b - Version de la cour royale .............. 706
c
- Version des traditions de Nafana ....... 707
,
2.
Le regne de Samanogo
(1745-1747)
........... 708
B.
KUHBI ET FAMAGHAN
(1747-1750)
• • • . • . • . . . . . . . . . .
712
1. La diplomatie de Kumbi
712
a - Version de la cour royale
• • • • • • . . . . . . • .
712
b - Version de Nasyan
• . • • • • . • • • . • • . . . . . • . . .
713
2.
La guerre contre Dangban Koroko
• . . • . . . . . . . .
716
a -
Les origines de la guerre
716
b -
Le déroulement des hostilités
717
3.
La rupture avec le Gwiriko . • . . . . . . . . . . . . . . .
721
II.
LE RËG~E DE KUMEI WATARA (CA 1750- CA 1770) "', .. 724
A.
LA CHRONOLOGIE DES REGNES DES SUCCESSEURS
DE SEKlJ WATARA
724
1.
La méthode de travail
• . . • . . . . . • . . . . . . . . . . .
724
2.
Résultats obtenus
734
B.
LE RENOUVEAU ISLAMIQUE 1750 -
1770 . . . . . . . . . . . 736
1 .
La crise religieuse
. . . . . .... . . . . . . . . . . .. . . 736
2.
La tentative de coup d'Etat
..... .... . . .. .. 741
3. ?rigines et installation des Saganogo
a Kong
743
a - Version de Labi Saganogo
744
b - Version de l'imam Marhaba
746
c - Les traditions du vieux manding
748
4.
L'enseignement de l'arabe à Kong à l'époque
ct e Ku mb i
~ .. .. .. ..
7 5 4
a - Le niveau é~émentaire ou duguma
755
b -
Le sando
756
c -
le lomba
757
C.
KUMBI ET L'ADMINISTRATION DE L'EMPIRE
(1750-1770)
763
1.
La réo:g~nisation administrative du
Kpon-Gene
763
2. Les relations diplomatiques
770
a - Avec la cour du Gyaman
771
b - Avec Bouna
773
c - Avec ses cousins du Gwir iko
775
d - Avec Dienné et Tombouctou
777
3. La mort de Kumbi
780
a - Version recueillie par Bernus
781
b - Version de Labi
781
c - Version de Bamadou Ouattara
782
d - Version de Basi~ri
782
III.
KONG sous ~:ORI ~IAGHARI
(1770 - 18CO) , .. ,1,.",1, 785
A.
LES GUERRES DU NORD
786
1. Les raisons immédiates
786
2. Les raisons profondes
786
3. Les opérations militaires
789
B. MORI MAGHARI FACE A DE NOUVELLES DIFFICULTES ..
793
1.
Nangin,
une menace pour Kong
793
2.
L'expulsion de Nangin
799
CHAPITRE II
L'AFFAIBLISSE~IENT DU POUVOIR CENTRAL
l,
LES QUERELLES INTESTINES""""", " " " " , " " "
8C3
A.
LES PREMIERES DIFFICULTES
803
1. Le règne de Somaf i
(1800 -
1805)
803
2.
Le règne d'Asoroba
(1805 -
1810)
806
a -
L'enfance d'Asoroba
806
b -
Les tentatives de redressement
810
c
-
La guerre de Gburugburu
811
B.
KONG DE 1810 A 1850
816
1. Sori
Faghama
(1810-1814/1815)
. . . . . • . . . . . . . .
817
2.
Le r è g n e des roi s
fa lot s
(1 81 5 -
1 83 5 )
...•. 823
C.
LA SITUATION DANS LE KPON-GE~E
ne 1835 A 1850 ..
825
1. Kar amoko Dar i
825
2. Le redressement de l'autorité royale
828
3. Le roi et le milieu musulman
832
II,
LE DECLIN DU POUVOIR CENTRAL"""""""
" " "
835
A.
L'I~STA~ILITE
POLITIQUE A KONG
(1850-1894) ... 835
1. La crise de succession
835
a -
L'origine du conflit
835
b -
Les affrontements
836
2.
Binger et la tentative de restauration
de la dynastie des Lasiri
843
E.
LES GUERRES ENTRE LES ~'ÏATARA LT LE KENEDUGU...
858
1.
Les débuts du Kénédugu
858
2.
L'ascension de Tyèba
869
3. La trève entre les Watara et les Tarawéré ..
876
a -
Samori et la conquête vers l'est
876
b -
La guerre sur le Bagoé
885
c
-
La guerre de Sikasso et ses consé-
quences
887
4. Tyèba reprend la guerre contre les Watara ..
8~6
a - Les causes
896
1 °/
La révolte de Sur i
897
2 °/
La question des taxes
898
3°/
L'étau français
900
b -
La guerre du Barna
902
1 °/
Le prétexte
902
2°/
La situation du Gwiriko en 1892
9C6
3°/
La guerre
912
c. LE KPON-GENE SOUS L'EMPRISE DES ~ffiRCHANDS
ET DES KARJl.MOGO
924
1. L'essor du commerce à la fin du XIXe siècle. 924
a - La ville de Kong
. 925
b -
Kong une capitale commerçante
. 932
1°/
La kola
..
933
2°/
Les tissus,
les pagnes
.
936
3°/
Les esclaves
. 938
4°/
Le s a r me s à feu
..
939
5°/
Le sel
..
942
6°/
L'or
943
2.
Les routes de commerce
.
944
3. Les conséquences du développement
commercial
..
948
a - L'aisance de la population
948
1 ° /
La for tune des Dyula
949
2°/
L'habillement
950
b -
L'épanouissement de l'Islam
952
c
- Les mutations sociales
958
1°/
Les Sunangi
959
2°/
Les karamogo
963
3°/
Les commerçants
967
4°/
Les esclaves
970
CHAPITRE III
LA FIN DU ROYAU~iE DE KONG
I,
SAMORI A LA RECHERCHE D'UNE NOUVELLE PATRIE 1111 "
1
973
A.
LA FUITE VERS L'EST . • . . . . . . . . . • • . . . . . . . . . . . . . . . 973
1. Les Français chassent Samor i
. • . . . . . . . . . . . . . . 974
2. Samori convoite l'Empire des Watara
980
3. La formation d'un parti samorien à Kong
990
a -
La duplicité des Français dans le con-
flit entre les Watara et les Tarawéré
du Kénédugu
. . • . . • . . . • . . • • • • . . . . • . . . . . . . . 991
b -
L'affaire du Masina et de Dienné
998
4. La victoire du parti français
1002
B.
L'INSTALLATION DE SAMORI DANS LE DYIMINI
1023
1. L'échec de la colonne française
1023
2.
L' alli ance de Kong avec Samor i
1038
a -
Le sacrifice de Bailly
1038
b -
Le pacte de Borono
1065
1°/
L'opposition de Badyula
1065
2 °/
Les accords de Borono
1072
II,
LA GUERRE CONTRE LES DYULA .,',. 1 1 l ' ' ' ' " '"
,; "
"
1081
A. LA RUPTURE AVEC SAMORI
1081
1. La déception des Dyula
1081
2. L'hostilit~ des Dyula
1089
B. LA FIN DE LA METROPOLE DYULA
1103
1. Les préparatifs de guerre
1 :03
a - Dans le camp de Samor i
1103
b - Dans le camps des Dyula
1107
Le prestige religieux de Kong et
de ses savants . . . • . • • . . . . . . • . . . . .
11 c7
Le serment de Borono
1109
2.
Les opérations militaires .•....•.•....•.... 1113
a - Le massacre de la population
dyula et la destruction de Kong . . . . . • . . 1123
b - La bataille de Nyando . . . . . . . . • • . . . . . . . . 1123
3 • Les Français
capturent Samori ...••.•...••... 1130
a -
Les ~vat.ara reprennent le Gwiriko. . . . . . .. . . . .. 1 13 1
b - La libération de Kong . . . • • . . . . . . . . . . . • . 113 2
CONCLUS 1ON
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
113t
111 1
"Samori serait mort empoisonné par un certain
Ardyumani à l'instigation des gens du Dyimini
dans un plat de couscous et de pintade. Il
serait mort huit jours après l'absortion de
ce plat et du poison nommé dunkuno dont la
caractéristique est de faire enfler le ven-
tre"(l).
Bien entendu, ces rumeurs étaient sans fondements et
Samori ne tarda pas à convoquer à Dabakala son fidèle servi-
teur Longoso pour mettre les karamogo de Kong en garde contre
ces propos malveillants et erronés dont la persistance ris-
quait de provoquer des troubles au sein du nouvel Etat
samorien encore mal consolidé.
Les karamogo de Kong avaient fait ainsi une fausse
prédiction ; mais pour ne pas perdre la face aux yeux de la
population, ils s'enferrèrent dans leur opinion selon laquelle
mort ou vivant, Samori ne pouvait rien contre Kong.
Ils
allaient endormir la conscience de la population qui ne
voyait pas ainsi la réalité du danger samorien qui la mena-
çait.
Au niveau des Sunangi,
l'aristocratie princière et
militaire était plus réaliste. Nous avons vu comment Badyula
avait créé avant la convention de Borono un parti de la
guerre contre Samori et que ce prince avait failli couper le
cou à Bafotigi qui lui avait suggere, à Bugu, de traiter
avec l'Almami. Dans une très large mesure,
l'irruption de
Samori dans le Dyimini et dans le Dyamala avait été salutaire
aux Sunangi q~i, avec l'aide des réfugiés, allaient tenter
de doter le pays d'une armée capable d'assurer la sécurité
de la population dyula. Les accords de Borono semblent dvoit"
freiné un moment l'exode de la population Banmana vers la
métropole dyula. Mais à cause de la disette qui régnait dans
(1) Informations recueillies dans la reglon de Bouna par un envoyé de
Chanoine. Cf Fonds Terrier, B.I.F. Ms 5936.
1 1 15
choisissant de s'installer dans le quartier animiste Samori
voulait, sans aucun doute, faire comprendre aux Dyula de
la ville qu'il venait de rompre définitivement avec les
musulmans du pays et qu'il allait les massacrer tous.
L'Almami ne laissa en effet aucune issue à la population
qu'il avait bloquée dans Kong.
Il installa Ngolo avec ses
troupes à Labiné pour fermer la piste du sud,
i l plaça Kunadi-
Kélébagha à l'est pour couper les communications avec
Kolon et Bilimono ;
l'arrivée de
Pèrènya-Ngolo avec l'armée
de Pofiré
(Ferkessédougou)
qui s'installa au nord et au
nord-ouest acheva l'encerclement de la ville11). Les
intentions de Samori étaient donc d'empêcher la population
de fuir. On est surpris lorsque Person dit que
de Gbèso,
Samori
"envoya de là aux musulmans~(de Kong)
l'ordre
de
sortir de la ville sans quoi leur propre sang
retomberait sur eux. Personne n'obtempéra, à
l'exception de deux anciens pèlerins de la
Mecque
(Ladyi)"(2).
En réalité, la marche sur Kong se ,fit dans le plus
grand secret et, le lundi matin,
les Dyula furent surpris
à leur réveil de voir les troupes de Samori bloquer les
issues de la ville.
Il est hors de doute que si les gens
de Kong avaient su que Samori approchait,
ils auraient, soit
évacué la ville, soit mis cette dernière en état de défense,
ce qui n'était pas le cas. La vue des sofa à proximité des
habitations jeta la panique au sein de la population. Beau-
coup de gens tentèrent de fuir mais ils se heurtèrent aux
(1) D'après les traditions de Kong, Pèrènya - Ngolo eut du mal à se
frayer un passage à travers les pays palaka. Son passage à Sikolo
le lundi matin avant l'aube fit comprendre à la population que les
S6moriens allaient attaquer Kong. La nouvelle se répandit aussitôt
comme une traînée de poudre. Pour l'emplacement des troupes autour
de Kong voir A.N.S.O.M. A.O.F., Côte d'Ivoire III, 4.
(2) Voir Y.Person, op. cit., p.1899.
UNIVERSITe DE
PROVENCE
U. E. R.
D' HISTOIRE
LE ROYAUME DE KONG
des origines à 1897
Thèse pour le Doctorat d'Etat
Présentée par
Sous la direction de
N. G. KODJO
Monsieur le Professeur, 'J. L. MIEGE
TOME IV
Annelle
AIX· EN . PROVENCE 1986
SECTION
1
CARTES ET CROQUIS
LA SITUATION DE
KONG
Bobo- Dioulasso
MALI
l?bOU9ou~-I'i=:::"-I
HAUTE - VOL TA
GHANA
GOL FE
DE
GUINEE
o
SOk
,
1
_ ,••• d· ....... la ca,to d. I.,n.
lit '" K•• , et .0 ,.,'e.. '"
Il.d•• Ib.'ft~.n••• VIII .'10. p.245.
~ La région de Kong
Fig
LA REGION
DE
KONG (LIEUX D-ENOUETES 1
\\_/\\.J\\,--_~_~
~~lÎ
L-
0'.....' \\ .
Sér~uétougou
Kolon
eKalidié
tI1
o
o
20km
,
,
CADRE PHYSIQUE ET HUMAIN DE LA VILLE DE KONG
.'
.... "~'-""""
~
:.:<
:
-....... :
:;': i..:'~ ,.
~
~
:
........
\\.~.:......-\\::'-- --,:- ..; ,
-,....,.,.~'
"
j
...
...
"
"
",
"
",
....
.:..•.
o
450m
.
,
Source: Photographie aérienne de l'I.G.C.11974
VI
l'pl Champs
~ Affleurement rocheux
Limite de vallée - talweg
~
,.-....
§
Plantations (vergers)
@
Colline rocheuse
(
Auréole d'occupation humaine dense
--.."..'
................
r<'(.d Jachères récentes
~ Sommet d'interfluve convexe
Interfluve plan conv~e
........
o Puits àindigo
•
A Forét. galerie
Route - piste
·VEGETATION DE LA REGION DE KONG
HAUTE -VOLTA
,
25k.
iiiiiiiiiiiiiiiiiflllllllllllllll~iiiiiiiiiiiiiiiiiiifllllllllllllllllllllllllliiiiiiiiiiiiii~!
o Savaneboiséeetforêtclaireà IsoberliniadokaetUapacasoman
~
Isoberlininia doka
NB
Savane herbeuse et/ou galerie forestière autour des talvegs
ESQUISSE PEDOLOGIQUE DE LA REGION DE KONG
~'Iprn A. PERRAUD It P. ~I 1. SOUCHERE ORsrOM ln.
, [III]
~
Sols ferrallitiques remaniés
Présence de buttes cuirassées à sols lithiques
indurés
B Sols ferrugineux tropicaux remanies
- cuirasses bauxitiques anciennes
1: : : : : 1Sols bruns euthrophes d'érosion
HYDROGRAPHIE ET RELIEF DE LA REGION DE KONG
'0 Modelés de plateaux cuirassés
341
Point côté
CROQUIS A VUE DE LA VILLE DE KONG
~
eau
N
o Kokosou
,
RuiS StlOU
eau
stagnante
o
1km
1
1
BINGER, 1892 t.1 p.294
1 - Habitation de Diarawary Quattara, chef de Kong.
2 - Habitation de Mokhosia Quattara, chef des captifs de Karamokho·Qulé Quattara.
3 - Habitation de Karamokho- Qulé ,mon protecteur, souverain du pays.
4 - Habitation de l'almamy Sitafa, chef religieux de Kong,
5 - Habitation de Fotigué Daou ,chez lequel je logeais.
6 - Seul groupe de cases où l'on fabrique du dolo ( Dolosou veut dire" village du dolo").
LES QUARTIERS
DE KONG
~No
No ona
200m
1
BERNUS ,1960 , p. 306
+
Infirmerie
III
Mosquée
1
Maison de Binger
2
Maison d' El Hadj Abou 5aganogo
COUPE STRATIGRAfJHIQUE SCHEMATIQUE DU SONDAGE
PRES DE LA GRANDE MOSQUEE
Ouest
Est
Couver! v8gBtal
A
r--
Terre noire , remu8e
B
- Terre noire + Charbon de bois + Sables
-CD
Terre noire + Traces de construction
Terre rougeôtre
E
, granuleuse
F
F
- r
r
- ~rrs..rdal~
Terre verdôtre
~
J
1
o
2m
===============::::::::l'
t : : !
A: Differente interpretation de la coupe
COUPE STRATIGRAPHIQUE SCHEMATIQUE DE SONDAGE 12
Ouest
Est
Couvert
ve'ge'tal
~
Terre
noire
~
Terre marron clair
- Traces lJU sol dame" circulaire
C
Terre noire
o
Terre marron clair
- Traces de banco
E
.......
F
Terre rougeôtre
'--
-
G
..,
Terre latéritique
Terre '''da"o}
Terre
latéritique
~
.."
o
2m
================1'
1 : : 1
A
Differente interpretation de la coupe
COUPE
STRAlïGRAPHIOUE
SCHEMATIOUE DU SONDAGE 14
!st
Est
Buttes de culture du tabac
Terre remuée par labours
- -....._~....;;.;."..;.;.,;,.~~..:.:.:.:;.:...--...;..;;.;.,;;";;",,,;,,;~:...:.~~~--------1IIIIl
A
La
terre
est
noire
B
-...........
~~7j:e~rr·e:-m~a~r~ro':'n:--:c/.~a~i~r---·T.~r~a~c:':e:':s~d<:e:-'::b~a~n~c:;::o-------------------------
_J c
- - -......-~~7j~e~r:re:--r:ou::g~e~â':.tr:e:-----------------------
-------------1 ~
Terre latéritique
o
2m
t:1================::::::ll
A ; Différente
interpretation de la coupe
1 160
COUPE STRATIGRAPHIQUE SCHEMATIQUE DU SONDAGE
DU MUR DE BARa
Nord
$abl, t;oli,n + nraviers
......
--~_",..-:- ............--....:"-";,,;.;.;....----------....-.,,,.-------~3 m
T,rr, noire
c:Gf.'?
Sol coupant moyennement argileux
( Couche ritlhe en restes archeologiQues,
surtout ciramiQues)
Sol latéritique ste'rile sur le plon archéologique
Source: DIABATE. Op. Cit .• p.96 A
o
1m
=======~======::::11
t : !
11 61
QUELQUES TYPES DE PIPES TROUVEES A KONG
Type K XXI\\' .
Hauteur
7 cm
Diamètre à l'ouverture du
fourneau
2,8
cm
Diamètre de l'embase 3,5 cm
Type K XXV
Réf. Diabaté op.cit p.164
1162
QUELQUES FUSAIOLES OU GRAINS DE CHAPELET
MUSULMAN
Type K XVIII.
Hauteur
.
cm
Diamètre
cm
Type K XIX
Hauteur de 2,5 cm à 3,5 centimètres.
- Diamètre de 2,7 cm à
2,9 centimètres.
Diabaté, op. cit. p. 158
Fig.
ROYAUME DE KONG EN 1740
Gaodougou
limite du Royaume
Limite de canton
o
20km
1
1
d" IIprès /11 Cllrte de R. BItRTHELEMY
et les tnlditions Onlhn
1 1b-l
L'EMPIRE DE KONG VERS 1740
e Wil
BETE
Ti....1é
~ Empire de Kong vers 1740
.von...
•
Ott.nsivu
de Kong
Nz.n
f"
Division de "Empir.
~ Et-U HCond.lres ven
:::::::::. .. fin du XV,'" siècle
GOLFE
DE GUINEE
o
100 km
....... : . ' . ". . le
"
~.......
la Nl.t
l'At.l ••• - . .
~a.l. '.?CI. " 100,
Nilsiu
LOCALISATION DES REGIONS AURIFERES
........=======aJ(olo
f:"01
~ Zone aurifère
c.,t. étuli. "."" lu _ _ .,.'a ,ecnillin i K••, et ln iat.....ti••s tou,.in ,., li...,.
( 1"2, t.2 ,. 112 -200 )
1 1 tJ b
OR
ZONE DE
PRODUCTION ET DE DISTRIBUTION
SAHARA
vers Tegh"z"
vers Ghadames
vers
W"I"t"
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Tombouc:=! ~:::::::::;:::~~'---"'"
G
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5
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Desert
de
Hombori
Ouahigouya
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Fada-Ngourma
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Tenkodogo
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:.:.::::.:.:.:.
Reglons aunferes
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.
Source: History of We.it Afriea
Volume 7
7977
P. 367
Carte complilttie pour le XVII" siile'"
GO L FE
DE
GUINEE
o,
100 km
J
l 16:'
VOIES
CARAVANIERES ET PRODUITS 1710 -1750
Ouahigouya
•
·
· .
··.
·.
· .
· .
· .
· .
· .
· .
Sel. Cheveux
Fada-Ngourma
·•
duMBsine
·
•
•" •Tenkodogo
Sikas50 •
C'-:s..
• Naleriguo
Dabari
.Vendi
Ferronnerie.
Esclllva
Pegna
Sel
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Satama - Sokoro.
Bondoukou
·Wenchi
eTechiman
Tafa· (Kumasi 1
.-..... •••• Voie caravanière
Source 1 Histoire de l'Afrique de rOuest
Nyanaoasé
vol. 1
1971 p. 3tH
•
Accra
GOLFE
DE
GUINEE
o
200
1
1
LES ETATS DE SAMORI ET DE TYEBA
~o
\\ ~
Koutiala
-
Ouéléssébougou
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Sikasso
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Source: Carte Michefin A. O.
Binger 1892
LA COLONNE DE KONG
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11 70
SECTION
II
INDEX DES NOMS DE LIEUX ET DE PEUPLES
INDEX DES PRINCIPAUX PERSONNAGES CITES
DANS LA THESE
1171
A
ABENGOUROU
(Côte d'Ivoire)
111, 117
AB l DJ AN,
(Cô t e d' l vo ire). 84,
111,
11 7
ABRON,
535, 555,1082,1090
ABURE,
1027
ACCRA
(Ghana),
32, 24,55,59,
132,941
AFRIQUE NOIRE,
467, 639, 752, 759,
1137
AFRIQUE Occidentale,
477, 595, 596, 614, 704, 750, 758, 762,
879, 933, 975, 986.
AGNIBILEKRO, (Côte d' Ivoire),
111, 117
AGO
(Porto-Novo),
941
AKYEM,
561
ALIEDUGU
(Royaume),
809
ANNO
(Côte d'Ivoire),
87, 97,169,196,387,389,430,484,
517, 527, 588, 592, 599, 606, 607 - 608,
612, 613-614, 617, 619, 624, 659, 717,
764, 765, 793, 820, 921, 934, 939, 941,
944,1021,1082,1084,1087,1137.
ASHANTI,
36, 196, 391, 483, 485, 516
- 520, 523, 537, 538, 539,
543, 553, 554, 556, 579, 622, 785, 796,
807, 821, 1027.
ASSINIE (Côte d'Ivoire)
624, 941, 991, 1145
11 72
ARABES, 347
ARAB lE, 11 7
ARRAH (Côte d'Ivoire) 966
AUTRICHIEN, 1041
B
BAFAGHA, 884, 885, 886, 896
BAGOE, 874, 884, 885,
887, 889, 978.
BAKARIFESO (Burkina Faso),
865
BALA-BOLO (Côte d'Ivoire),
717
BALEYA (Guinée),
881
BAMA (Burkina Faso), 902, 916, 917, 919, 921.
BAMAKO (Mali), 80,117,127,745,883,890
BAMBARA, 869, 884, 885
BAMBELEDUGU, 1031
BANA, 886
BANAN-KORONI (Mali), 487
11 73
BANDA-KEREBAGHA, (Burkina Faso), 912, 913, 919
BANDAMA 19, 73,614,618,801, 871,903,977,978, 1037, 1135
BANDASHI (Mali) 468
BANDIAGARA,
(Mali) 80
BANFORA (Burkina Faso), 127, 129, 227,867,904
BANGASI (Mali), 708
BANI (Fleuve) 883
BAN IF IN, 873
BANINKO, 873, 883, 884, 885
BARISA (Sénégal) 658
BASANDO, 880
BASORA, (Burkina Faso) 503, 504
BATIE (Burkina Faso) 127
BAULE (Fleuve) 884, 889, 903, 976,
-
BAULE 871 -877,977,1017,1020,1023,1027,1028,1055,1056
BE (Fleuve), 1031
BEGHO (Ghana), 43, 179, 180, 197, 199, 201, 202, 204, 216, 229,
286, 760.
BENDUGU
(Mali) 471
11 74
BERIBA (Gwiriko),
514,
515
BET E, 6 13, 6 17
BETYE (Côte d'Ivoire)
(poste),
1028
BEYLA (Guinée) 80
BILIMONO
(Kong), 88,107,201,332,595,1061,1066,1071,1115
BINGERVILLE (Côte d'Ivoire)
111
BIRIFOR (Burkina Faso) 458
BIRINDARASU (Kong)
818
BISSANDUGU
(Guinée)
1880,881,887,893,975,986,987
BOBO (peuple)
503,
504,
508,659,743,
746,
748,
752,
753,
758,
801.
BOBO-DIOULASSO OU SYA (Burkina-Faso),
23,
24,
26,
32, 41-43,
45-50,60,62,69,75,77,87,89,115,117,121,124-127,
129-133,
196,
208,
223,
264,
265,
361,
370,
379,
382,
384,
386,391,430,431,432,434,438,439,441,450,452,456-458,
462,464,468,472,474,478,481,483,494,501,
503,
507,
510,
513,
517,
563,
580,617,622,654,661,
711,
715,
721,
734,
764,
785,803,817,821,
857,
860-864,
870,
896,
897,
900,
904,905,91)8,910,912,918:-921,
936,945,947,
1018,
1094,
1097,
1100,
1101,
1122,
1129.
BOBO-DYULA,
502,
504,861,896,916.
BO GO MA DU GU,
1044,
104 7,
11 1 2
BOLE (Ghana), 43,
1082
11 75
BONDOUGOU
59,
61,
71,96,388,389,434,592,
599, 606, 621,
622,
624, 684,
758,
818,
820, 829,
903,
930, 937,
939,
946,
954,
1013,
1043,
1082,
1083,
1085,
1130.
BONO
(Ghana)
521,522,
523,561,818,940.
BONOUA (Côte d'Ivoire)
1027-1028,
1033
BOROKURUSO
(Kong)
342,
345
BOUAKE
(Côte d'Ivoire),
3,32,33,37,50,84,117-118,127,128,
977.
BOUCLE DU NIGER,
8,
61,
67,129,382,451,476,478,483,562,
579, 622,
624,
662,
736,
770,
847,
867,
883, 90 1. 943, 974.
BOUNA
(Côte d'Ivoire)
18,
59,60,327.328,339,374,380,434,458,
532,622,661,
717,721,
758,
770,773-
775,807,820,903,948,982,
1012,
1013,
1081,1082,1088-1089,1128,1131.
BORDEAUX,
(France),
80
BORONO,
(Côte d'Ivoire)
1065,
1072-1080,
1087,
1089,1091,
1093,
1094,
1108,
1109
BUGU
(Kong),
7,592,597-600,604,831,1063,1070,1112
BUGULA
(Marché de la région de Kong),
1049
BURE
(Mines d'or)
879
BURKINA-FASO, 89,
123,
224,
225.
BORON
(Côte d'Ivoire)
192,
195,
198.
11 76
c
CAPE-COAST, 941
CHENNEVIERES
(France)
1023
COMOE
(Fleuve),
10,
19, 980,
1028,
1032,
1033,
1050,
1127
CORANZA,
941
COTE D'IVOIRE,
3,4,7,13,21,74,78,80,81,87,95,111,
128,
144,
225,364,378,
582,
612,
924,
941,990,1018,1020,1026,1041,1137.
COTE DE L'OR - COTE D'IVOIRE
(or), 600
D
DABAKALA
(Côte d'Ivoire),
809, 824,
1022,
1030,
1031,
1105,
1106,1108,1122
DABOYA
(Ghana) 43,
942
D.~ FI i\\A,
4:) 2,
739,
900,
973,
98 5
DAGARI, 458
DAGASA
(hameau),
749
DAGOMBA
37-39,
287,
327,
595
11 77
DAKAR,
117
DAKARA (base militaire des Watara),
854, 855, 999,
1000,
1004,
1006, 1012,
1016, 1051,
1056.
DAKARA (Capitale du Dyimini),
1019
DAN, 6 13,
617
DANDE (Burkina-Faso), 434, 499, 910.
DARSALAMI
(Burkina-Faso),
32,43,50,87,
123,
126.
DE,
264
DERA
(Lera), 833
DEREGBE (Kong)
982
DIENNE (Mali) 8,61,62,71,93,194,204,214,430,468,472,
473, 474, 475, 477, 484, 485,
579,
600-601,
613,
617,
620,
622,
624,661,744,745,
765-767,
770,
777-780, 821, 854, 864, 896,
910,937,943,945,947,996,998-1011,
1026,
1097.
DINA
(Mal i)
4 9 2
D l NGUI RA Y E,
8 8 1
DJEBOUGOU
(Burkina Faso)
500,
1127
1178
DOGOSYE, 380,383,842,857,911,922,942
DOUASSO,
(Côte d'Ivoire), 65
DOUKOUMA, 487
DRAMANEDUGU
(Burkina-Faso)
, 453, 454,
455,
502
DUGAA, 885
DYALA (Konyan), 878
DYALONKE,
881
DYAMALA,
73,
75, 87, 617,
624,
716,
764,
765,
793, 814,
921,
1019,
1020,
1023 -1037,
1087,
1111.
DYAN
(Gan)
381, 458
DYANGBANASO,
(Kong), 60,73,117,122,332,334,577,765,813,
814,
815,
1002.
DYIMINI 36,
58 69,
73,
75,
87,
164,
588, 624,
659,
717,
7 1 8 ,
764,
765,
793,
798,
802, 806,
809,
8 11 ,
81 2 , 81 5 , 816 , 821 ,
824, 831 ,
832,
842,
860 , 910, 921 , 922, 940, 944 , 980,
1019 ,
1020,
1021 ,
1022,
1023,-1038,
1042,
1045,
1047,
1051 ,
1055 ,
1057 ,
1060 ,
1061 ,
1062,
1066-1067,
1 075,
1082,
1086,
1089,
1090,
1092,
11 04 ,
11 1 1 ,
11 2 1 ,
1130 ,
11 44 .
DYli\\iSO
(Guinso)
(Kong)
1001
DYO
(Fleuve),
876,
879,
882.
1179
E
EGYPTE,
174,
581
EGYPTIENS,
581,
826
F
FAFADUGU
(Mali)
869,
872-873,
896,
900,
902
FALA,
885
FARABA,
886
FALAFALA,
161,
162-165,202,
207,
211,
241,333,
394,
395,
568,
659,
800,
1137.
FAMIEKRO
(Côte d'Ivoire)
96
FARA,
915
FARABU,
888
FARAKO
(Rivière),
870
FARANlKAN
(Côte d f Ivoire)
p. 219
FASS ELEMON
(Kong)
80
FELKESEKA'A
(FERKESSEDOUGOU)
(Côte d'Ivoire),
978
iFERKESS·EDOUGOU
(Côte d'Ivoire)
18,
163,
867
1180
FIMBOLO (FUMBOLO)
(Côte d'Ivoire)
1045, 1047, 1050
FINDUGU (Konyan), 878
FOLO, 1041, 1046, 1048
FOLONA, 36, 58, 69, 500, 659, 765, 781-782, 786, 790, 791, 803,
806,807,821,842,872,896,921,978.
FOLONA-DYERISO, 496
FOROGO 41
FOUTA-DYALON, 80, 321-322, 877, 881
FRANCAIS, 846, 849, 850, 852, 853, 854, 855, 875, 882, 886,
887, 888, 890, 895, 896, 900, 901, 902,
922, 973-977, 987, 988, 991, 992, 996,
999, 1001, 1008, 1009, 1014, 1015, 1016,
1017, 1020, 1022, 1026, 1028, 1029, 1030,
1031, 1032, 1037, 1043, 1044, 1046, 1050,
1056, 1062, 1063 -1064,
1066, 1069, 1097,
1113, 1122, 1127, 1131.
FRANC E, 25, 72, 78, 84 7, 8 50, 8 51, 852, 8 53,
854, 888, 894,
991,998, 1020, 1023, 1026, 1033,
1048,
1052, 1144
FREETOWN, 977, 988,
1022
FULA, 484, 869
FULADUGU, 484, 491, 498
FUTYERE, 887
118 1
G
GABON,
1028
GALAM-BAMBUK
(Mines d'or),
175
GAN,
613, 6 19
GANA
(Mali)
873, 885
GAWI, 87,
595
GBEN,
168-170,
202,
241,
394, 395, 593,
1137
GBURUGBURU (Kong)
809,
811, 814, 815
GERE, 613, 61 7
GHANA
(Médiéval),
747
GIEMBE,
801
GOLF DE GUINEE, p.853,
974
GONJA,
39,
56, 59,60,283,287,327,367,431,497,595,596,
705,
720,
794.
GOROWI,
88,
320
GOUERE,
911
GRAND-BASSAM,
73,
78,111,853,941,942,978,991,1012,1017,
1018,
1020,
1026,
1027,
1029,
1033,
1035,
1036,
1113.
1182
GRAND-LAHOU, 1027
GRUMANYA, 617, 939
GUE RE , 818
GUERSE, 613
GUINEE, 745
GUINSO, 1070, 1072, 1114
GUNDO, 882, 976
GURO, 613, 871, 903
GURUNS I, 11 22
GYM,tAN (Bondoukou), 87,387,390,392,393,430,483,516,517,
521,522,523,529,530,531,532,557,558,
561, 659,
716,
770,
771-772-793,
1051,
1070,
1082,
1084,
1085,
1086 1087,
1145.
GWIRIKO, 386-387,449, 452, 467, 480, 481, 500, 502, 505, 506,
507,508,509,511,512,711,721,775-777,
787,
788,
792,
805, 821, 822, 833, 857,
859, 860, 862, 867, 873, 886, 896, 898,
902,903,904,906,907,910,914,917,
939,959,991,993,
1072,
1078-1079,
1093,
1127,
1130,
1131,
1141-1142
H
HEERE~~KONO, 891
(Résidence de Samori)
HAUSA, 581,636, 747
1183
HAUT-NIGER, 485, 498, 614, 659, 711, 877, 881, 988, 1098
HAUT-VOLTA, p.225
HAUT-OUBANGUI, 1027
1
IFRIQYA, 348
ISLE ADAM (F), 67
IRIKORO-SIRABONDO (Kong) 548, 552, 704, 738
J
JELGOOJI (Burkina Faso) p.321
K
,
KAABA (Kangaba) , Vieux Mali, 27,43,57, 247, 251, 257, 260, 32~,
330,454,491,736,747, 749, 758, 795-796,807.
KAABA (La Mecque), 749
KABADUGU, 986
KAARTA, 4 3, 9 98
KA BA , 88 1, 88 2, 983, 984
KABASARANA~(Odienné),
882
KADIOHA,
801
KADYOLO,
201
KADU,
434
KAIROUAN,
747
KAKE,
747
KALGBENIN
(Kong),
331, 344, 372
KALO-DYULA
180, 195
KAMPO,
867
1184
KAN l,
752,
758
KANIERE,
(Kong),
76,
298,
1064
KANKAN
(Guinée)
117,
749,
758,879,880,882,983,985,986,
988,
990,
1065,
1144
KANO,
636,
663
KANIARA,
846
KAPI
818,
840
KARABORO,
513
KARAMA
(clans)
881
KASEMBLE,
800,
979
KAWA RA ,
548,
725,
801
KAWARE
(Côte d'Ivoire),
88,
427,
818,
829
KAYES,
998
IŒBENU,
781
KENEDUGU
(Mali)
34,
36,
75,
129-136,
137,
382,468,659,
784,
833,842,858,859,861,864,865,
867,
S6~), 871,
876,883,884,887,888,
890,
&97,
900,
902
906,
909,910,912,913,916,917,919,920,
923,939,973,974,977,978,979,980,
989,990,991,
994,995.
KENYEBA -KURA,
887
1185
KENY ERA, 8 8 2
KEROUANE,
(Kong) 80
KERWANE,
976
IŒTA, 80,
KIEMINI
(Dyemini), 303,428,438,449,462,
585,818,
KIMINI
(Nord de Kong), 674
KINKENE (Rivière)
10,
19,922
KINTAMPO
(Ghana), 622, 935
KINYAN, 867, 869
KIRANGO,
(Mali),
227, 479
KIRINA,
27,
253
KIRI,
35
KISI, 613
KITA, 882,
KOBA
(Kobakoko)
19,
96, 42Î,
819
KOBI,
468
KODIOKOFI
,
1028,1029
KO GO MA,
8 2 2,
9 14
KOKORO,
897,904,912
1186
KOLON, 88, 96, 107, 109, 114, 166, 191, 281, 427, 437, 582,
595, 810, 839, 981,
1043, 1061, 1063-
1064, 1112,
1115
KOLONKOKO,
(Kong)
10, 19, 427, 819
KOLONI, 886, 977
KOMBA (Dienné), 468, 708
KOMBISIRI, 745
KOMONO, 69,
160, 161, 167, 168, 375, 376, 378, 394, 765-768,
842,857,922,923,941,
1073, 1124
KONG
Cadre physique 7-12 - Ressources végétales -
12-17 climat
et hydrographie - 18-20. Présentation
des sources et des principaux tradition-
nalistes.
23-151 - Populations autochto-
nes 158-173. Peuplement mandé et la for-
mation du peuple Dyula 174-209 - Origines
de la ville de Kong et date de fondation
210-217 - Origines de la
première monar-
chie tarawéré
218-231. La monarchie animis-
te de Kong 231-346.
Sous le règne de Seku Watara
La formation du kpon-Gène
(Royaume dyula
et TIl us ulm an)
34 li - 4 29. La
f 0 rm a t ion de
l' Empire 430-4~)9. L'administration du Gwiri-
k0
500 - 519. l" él ~' uer r e con t r e l ' As han t i
516-562. La Vl~ économique sous Seku
Watara 563-703.
L'évolution de Kong de 1745 â 1897
Les grarrl; règnes après Seku Watara 704-
802. i.' affaibli ssement du pouvoi r royal
1187
803-924 Kong sous l'empire des marchands
1
et des
karamogo
924-973.
La fin du Royau-
me de Kong 973-1147.
KONGOLO
(Kong)
18,
281,542,
1063,
1132
KONIERE
(Kong)
76,
88,
166,
280,
281,427,595,
1068
KONO,
613
KONOKIRI,
43
KON'YAN,
876,
878,
879,882,
982,984,
1081,
1093
KORHOGO,
(Côte d'Ivoire)
234,794,800,801,802,867,871,903,978,
979.
KORO,
748,
752,
758,
1053
KORODUGU,
716
KOTEDOUGOU
(Burkina Faso)
50,80,
89,
124,
126,
130,
133,471,
491,
513,
514,
711,822,
898,908,912.
KOUROUSSA
(Guinée)
880
KUBA,
458
KULANGO,
p.170,
596,
807,862
KUMA SI,
5 3 2,
5 5 3 ";" 5 5 9,
5 8 2,
5 96
KUMBALA,
1095-1096
KURAî\\KO,
976
KURU~~, 897, 904, 912
1189
LOKHOGNILE,
589
LOGOBU,
88
LONGOSO,
(Lorenzo,
Lorhoso)
458,
502,
1128,
1134
LOREPENI,
87,
381,
502
LOTO,
128,381,502
LYOTO
(Rivière),
870
M
MADINA,
878,
882
MAFARA,
745,
749
~~GAGNANA (Odienné), p.746
IvlAGHREB,
179,581,826
~IALI, 8 7 , -1 3 5, 24 5, 4 6 7, 6 1 2
MANA,
880,
88 2
MANDE,
6,
7,
72,
174 -186,
256,
746
~IANGO (Côte d'Ivoire), 59, 60, 61, 619, 717,
718,
719,
721,
765,
1087
1190
MANOGOTA, no, 836
MANYAMBALADUGU (Konyan), 876, 878
MARABADYASA, 977, 1021
MAROCAI NS, 581
MAS l NA, 321, 432, 4 76, 58 5, 6 72, 90 2, 9 73, 996, 10 26
MATRUKU (base militaire du Gwiriko), 865, 1126
MAURES, 745
MAURITANIE, 80, 117
M'BAHIAKRO,
(Côte d'Ivoire)
28,31
LA MECQUE, 360, 745, 750.
MEDITERRANEE, 1137
MELENDA, 818,
MILO (Fleuve) 876, 879, 975
MHNAN, 745
MI ~Y ANKA, :) i 0, 4 7 1, 86 7, 873, 904, 994
MONROVIA, 9~-;-, 988, 1022
MORI ULEDUGU, 882
MO SI, 9 03, 98 1, 88 3, 898
119 1
MYORO
(Miorou),
161,
165-168,
202,
207,
241,
333,394,568,
578,
583, 998-1011,
1137.
N
NABE,
161, 170-173,202,
241,380,394,583,
1137
NAFAGA, 41
NAFANA
(Peuple),
596
NAFANA (Région)
88,
100,373,707,765-766,923,1073
NAFARA,
801
NAHAKAHA,
80 1
NAMUSANA, 880
l'iANCY
(F),
70
NANDYELE,
1041,1046,1048
t\\Al'iERGE,
897,
992
!\\ARENA,
880
j\\ASIGA
(Village du Gonja)
440
NASYAN
(Bondoukou),
76,
713,
1043
NA Sy AN
(K 0 n g ) 88,
99, 44 0,
44 2,
8 1 1,
10 7 2
1192
NEBARA, 865
NDENYE,
1033
NEGESO, 815
NEGOSSOROKAHA, 801
NGBA,
1028,
1029,
1035
NGWELE, 867, 868, 872, 884, 978
NIAFUNAMBO, 818
NIAHAKAHA 801
NIANDO,
328
NIANGBO, 805,1016,1017,1040
NIAKASOLA, 491
NIAMEY,
(Niger)
118
NIANI,
S67
NIARAFO, 872
NIARAFOLO
(Niaghafolo)
922
NIENIEGUE,
514
NIGER (Fleuve),
27,63,
196,879,
880,
881,
886,
887,973,
1014
NIONFOUIN,
800
1193
NORA,
880
NUMU,
p. 1 7 4,
1 7 6,
18 1
NUMUDAGHA,
49,131,134,502,503,908,914,916,1129,1130
NYAGANA,
749
NYAHO
(quartier de Bégho), p.179
NYAKO
(traité), 974
NYANDO,
1123,
1125~1126, 1127
NYEMENE,
1032,
1048
NYENE,
884,
885
NZAN,
862,
863,1125
NZ l MA,
3, 942, 946.
o
ODIENNE,
87~, 894, 977, 990
OUAGADOUGOU
(Burkina Faso),
77,
127,
848
p
PALAKA
(Pakhala,
Palabala),
160,
170,
280,
298,
378,443,821
824,839,841,854,856,868,922,944,
980,
1093,
1124.
1194
PARA GA ,
88
PATONI
(Ribat)
320,
335
PEUL, 485,
489
PONGALA
(Kpongala) ,
88,
190,437,
794,
839,
955,
989,
993
POURA
(mines d'or),
381,458,599,606,608-611,612,661.
s
SABADUGU,
880
SAHARA,
751
SAHEL, 883
SAINT-LOUIS,
80,127
SALAGA,
37,
70,379,581,663,934,937,977
SA~~NDENI, 916, 918
SAWŒA.,
7
286,542,594,595,600,602,1019,1020,1029,1032 1
1037,
1064
SAMi\\TI Gl LA,
752,
758,
982
SAMBLA,
862
SAMO,
383
SA N,
4 7 1,
4 7 2,
4 8 5,
50 2,
6 1 7,
998
1195
SANANKORO, 879,
880, 975,
976
SANDERGOU,
840
SANFLA,
513
SANKANA,
108 2
SANKARA,
880,
881
SATAMA-SOKORO,
758
SASSANDRA,
882, 977, 986
SATIRI
(Burkina-Faso)
866,
870, 915
SAUTA,
380,818
SEGOU,
27,
34,
36,64,
117,
223,
248,
252,
263,471,476,479,
480,
484,
490,
492,
495, 496,
498,
883,
902, 998
SENEGAL,
80,
196,612
SEGUELA,
(Côte d'Ivoire),
924, 984
SENUFO,
884,
902,978,979,1039
SIDERADUGU,-- 502,
908,
909,
922,945,
1128,
1130
SIERRA LEO I\\ l,
89 1,
898
SIGUIIU,
1099
SOFARA,
36,
45,47,475,476,477,478,482,488,510,514,552
S IKASSO ,
71 ,
75 ,
77 , 87,
1 23 ,
1 35 ,
136 ,
485,
490,
783,
833,
834 ,
848 ,
867,
868,
870,
871 ,
874 ,
875,
883,
884 ,
886,
889,
893,
894 ,
897,
898, 899, 900,
901 ,
902,
903,
904-906,
1196
910, 912, 917, 919, 973, 978, 979, 981,
986,991,994,
1135.
SIKOLO 88, 120,427,956,993, 1005, 1123
SIMONO, 811, 813
SINDU (Sindo) 496, 502, 833
SINEMATYALI (Côte d'Ivoi re) 873
SFSELA (Guinée), 975
SOKALA 1031, 1032
SOKALA -SOBARA, la 3 2, 1042
SOKO,
550
SOKOLO, 113, 283, 794, 796, 800, 808, 810, 812.
SOMADUGU, 88
SO NGA 1, 227, 229, 477
SOUDAN FRANCAIS, 853, 976, 998
SOUDAN OCCIDE~TAL,
875
saUL lA, 745
SOUNGARAL!AGA
(-Ma k uma)
87, 89,
1 24 ,
1 25 ,
134 , 366, 464, 469,
491 , 502, 585, 666,
7 1 1 ,
792, 805, S 21 ,
864 , 865, 897, 898, 904, 90S, 9 1 2 , 91 3 ,
919
STRt'\\SBOURG, 67
1197
SUBAKANIEDUGU,
502
SURI, 897
SYRIE,
581
T
TABURUKOKO,
19,427,819,1062,1069
TAGUARA, 821, 822, 844,911,912,959
TAGWANA,
36,
793, 80S, 810,
842, 860, 921, 922, 978,
1003,
1016,
1017,
1020,
1023
TAKYIMAN,
535
TAOUDENI, 647-652, 942
TALELEDUGU,
1031
TCHAD,
80, 612,
974
TEGHAZA
(Sel), 641-647
TENEGERA,
8,43,46,
S-ï,
105,138,150,164,180,218,219,267,
ZSl7,
302,
306,
324,
353,356,358,360,
440,577,706,765-766,818
TENGRELA, 867, 884, 893
TEWULE,
264,
264,
266
1198
TIASSALE,
73,1010,1017,1020,1028
TINIKURU, 976
TINKISSO
(Afflent-du Niger),
887
TLEMCEN, 612
TOMA, 613, 877
TOMBOUCTOU, 61, 65, 93,
359, 474, 484,
613,
617,
620, 624,
633,
736,
744,
759,
770,
777-780,937,943
TOTE, 81
TOUBA,
117
TOUCOULEURS, 869, 871, 881, 883, 985
TOUDOUGOU (Région d'Odienné),
746
TOULOUMANDOUGOU, 926
T0 UMO DI,
( Côte d' l v 0 ire),
10 28,
10 2 9 .
TURUKA, 871, 886,
922
TUSYAN, 862, 871, 886
TYEBABELE, SE 7
TY~\\DUGU,
884, S8S
n1=FO,
'")83,503,861-862,866,908,911,914
lYHIOGOBA-DYA-YIRIKO,
1132
TYERE,
904,
S94
1199
u
ULADA,
881
v
VIGE,
383
VOLTA, 916, 919
w
WA,
70
WALAGATA,
339
WALATA,
567, 612
WANDARAMA,
1021
WANGOLODOUGOU,
121,500,833,983
WARANIENE,
802
-.
h'ASULU,
877,
880
\\\\'ILE,
381
WILLIAM-PONTY,
127
WO NO GO,
4 1,
3 2 1
WORODUGU,
378,
80S,
840,867,894,987
1200
WOROFLA,
987
WOROKORO,
882
y
YAMOUSSOUKRO, 84
YANKAFOLO, 41
YATENGA,
p.223,
739, 848
YENDI,
39
YEROBODI, 95
YONORO
(Yodolo),
166
z
ZAGHARI,
197
ZAZERE, p.160,
161,
170
ZERMA,
1021
INDEX DES PERSONNAGES
1200 - 1
A
El-Hadj Abadidrane, 123-126
Al-Abbas (iman), 52, 144, 754, 758, 760
Abbas
(roi du Gonja) , 328-329
Abdramane (fils de Dyoridyan~ 445
Abo Mri (roi du Gyaman), 526, 533,535,536, 539,540,543,
544,
555, 560
Abu Bakr, 282
Adingra (roi du Gyaman), 825
Agibu, 881, 984
Ahmadou Kouyaté, p.135
Akafu, 1028
Alasani, 1095
Ali (marchand), 580
Ali Kuribari (négociant), 580
.Ali Ouattara., 95-, 154, 861, 986.
Ali Usuf, 766
Alie Kamana, 808, 811, 812, 814
Mamadou Berté, 136
1200-11
Amadou Kouroubari, 1058
Amangwa, 1027-1028
Amara Coulibaly, 96
Amo ro, 9 16 _ .. 1 129 - 1 130
Amr Ibn 'AS, 348
Anzoumama Ouattara, 96, 193, 319
Archinarct, 997
Askia Daud, 409
Askia Ishaq II,
238
Askia Muhammad l, 230, 413-414
Asoroba, 728, 806-808, 809, 810, 812, 813, 815, 816
Asunu Watara, 1094
Atyè, 286
B
El-Hadj Ba Diane,
126
Ba Soumaîla, 97
Baba Bakayoko, 739, 740
Babalai Traoré, 98
1200-II1
Babèmba, 886, 916, 977, 978
Babissiri Diané,
126
Babou Traoré, 99
Badugutigi, 825
Badyula Watara,
1002,
1005,
1045,
1046,
1047,
1055 ,
1056,
1063,
1064,
1065,
1066,
1067,
1068,
1069 ,
1071 ,
1072,
1077,
1078 ,
1116 ,
11 24 ,
11 26 ,
11 32
Bafaga Diane, 46
Bafélémou (iman),
52
Bafotigi
(hôte de Binger); 1024,
1050,
1065, 1105.
Bagi Ulé,
741-742
Bailly, 58,
1005,
1017,
1018,
1038,
1040-1065,
1089.
Bakari Dao,
1095
Bakari Ulé,
1060,
1070,
1072,
1071,
1077,
1078,
1080,
1093,
1094,
1116,
1124,
1126,
1132
Bako Moru, 866, 907
Balè Baro, 319
Bam·adou Ouattara, 99-100,
154',
315,
391,
713,
782
Bamba (esclave de Seku Watara),
382,
384,409,428,439-445,
485, 488, 492, 496, 498
Bamba Bamourouli,
100
1200-IV
Bamadou Saganogo
(iman actuel de Kong),
50
Mamadou Traoré, 99,
154, 686
Mamadu
(iman),
52
Bamori Bayikro,
100,707
Bamori Ouattara,
101,
166
Bamori Traoré,
17,
102,
154,642,935,965
Bamoriba (iman), 52
Ban Dugutigi
(écrivain), 43
El-Hadj Baro,
102
Baro (iman), 52, 424-427, 434,
737
Baro Fas seri,
103
Barth, 66
Al-Baru Basharu, 321, 322
Basi Mori
(négociant), 999
Basidiki
(iman),
52
Basieri Ouattara,
104-106,
154,
212,
224,
250,
291,
327, 395,
545-546,626,
706,
782,840,868,960,961,
962,963,
1110,
1124.
Bassidi Ouattara,
106
Bassina Ouattara,
107
1 200 - V
Bassirakoro Kamagatê, 107, 760
Bassori Ouattara, 108, 563
Bayérissan Ouattara,
109
Bayusu Dyabaté,
1105
Bediako Tarawéré, 337
Bemankro Ouattara,
109, 416
Benquey (administrateur), 622
Bernus, E, 218, 781.
Binger,
3,67-70,149,161,165,212,214,233,363-364,421,
592,594,595,598,615,618,629,634,651,
655,663,688,691, 693, 697-700,
761, 842,
843-883, 855, 908, 924-925, 931-933, 936, 937,
940-941,946-951,953-954,956-958,966,967,
969-970,974,981,990,
1016,
1018,
1026,
1035,
104 1 .
Bokar, 232, 239
Borogo (frère de Lasiri), 304, 308, 337
Borogo Wataia,
267,
271-274,
283
Baroma \\Vatara,
284,
286,
288,289.
Bouraîma Sanou,
126
Bowdich, 64, 556
Brafa Adingra (roi du Gyaman) , 523
1200-VI
Braulot, 58,
70-72, 924, 944, 997,
1026
Bua,
383, 459-461.
Bungo
Cbango), 375-378
Bunungari,
295,
304,
305,
306
c
Ca da Mosto, 647,721
Caillié René, 65, 668, 669, 670
Caudrelier (-capitaine),
1027,
1127,
1131,
1133,
1134
Ci ré BaB i r ah i m,
1 2 7- 1 29
El-Hadj Coulibaly (marchand), 580
Crozat
(docteur), 924
D
Dalignan Ouattara,
129,
154
Dangban Koroko,
716~721
Dao Dabila,
267,
357
Dauda, 454
Daudu,
363
1200-VII
Daula,
783,
791,863,864,865,866,867
Daula-Ba, 859, 860
Dawaba Bamba,
110-112,
154,
251,955,959,
1110.
De 1a f 0 s se,
170,
18 2,
4 8 5, 5 6 0, 5 6 1 .
Demars
(lieutenant),
1132,
1133
De rive, M. J . ,5 78
De vi s se, J. J 64 3
Diabagaté Duga (Griot de Famaghan), 467
Diabaté Victor, T.,138,
141,145,637,701
Dibi Tarawéré,
318,
320,
337,
360,
738
Diori Watara, 862
Domba, 454
Dupuis Joseph, 82,
392
Dyamila Ouattara,
112-113,
154,232,243,315,438,704
Dyéli-Musa~~ 1079
Dyimbe
(fille de Seku \\Vatara), 540, 541, 542
(
Dyimbe
(hôte de Binger), 920,
690
Dyoridyan,
34, 40,
363,
445-448
Dyowokè,
330-335, 342-343
1200-VIII
E
Erbé,
1086
Es-Sa 'di, 642
Eugène Etienne, 974
F
Fa-Kapi,
1108
Farna Dao
(Bamori Bèlè),
739,
740,
742
Farnaghan (frère de Seku Watara), 47, 60,351,
363,
364,382,
386, 387, 430-431, 432, 434, 435-439, 444,
446, 448-451, 452-457,
458, 467,472, 475,
476, 478-480, 481-484, 488, 491, 494, 496,
497, 500-515,
712,
714,
718-720,
721,
723,
788, 862,
1141.
Fa Sidiki
(iman), 1073,
1077
Ferguson, E., 82
Fissiri Ouattara,
113
Folona Moriba, 858
Foroko Mori,
363
Foroko-Syé,
344-346
Foucher,
(sergent-major), 1134
1200-IX
G
Gaden Henri, 80-82, 1135
Gaoussou üuattara,
114
Gbangawura (père de Bamba), 434
Green Lee Kathryn, 4
Gouraud (capitaine), 1134
Gourongo-Dongotigui (Bagi), 363
H
AI-Haj
(iman) / 52
Hamidou Diallo, 321
AI-Hasane (imam),52
Humbert (colonel)J974-977
1
l a Mo r i b a , 1116,
1126
Ibn Battûta, 185, 216, 644
1 20 ü - x
Ibrahim (frère de Seku), 364
Al-Idrisi, 657, 658
J
Jakpa Lanta, 282
K
Kakabo (éhef de guerre Ashanti), 535, 548, 554
Kan-Baba (Kan Dugutigi), 1105
Karakara, 363, 364, 458-459
Karamogo Konyo Mami Diaby (Mustafa Diaby
imam de Samatigila)J
_G89-9 90 .
Karamogo Longoso,
1015,
1116,
1117
Karamoko Ali, 959
Karamoko Dari, 32,825-828,830,832,834,835
Karamoko Kamara,
1119.
Karamoko Mori (chef re li gieux de Kankan), 983.
Karamoko Ouattara, 129-130
Karamoko Ouattara (chef de Kong), 3, 26, 29, 115-116,153,160,
364,437,673,
706,
713,969,971,
1112
1200-XI
Karamoko Turé,
737
Karamoko Ulé, 849-851,854,924,997,
1009,
1026,
1065.
Karin: Kona té,
130
Kas um a ,
1°38 - 1°39
KèJTlè- Brema,
886
Kèrè-Mori,34,
363,
384, 439,
462-466, 467,
469-472, 477, 488,
489,
496, 498
Kiethéga, J.B,
610,
611
Kofi Sono,
558
Kongoàe Watara,
906, 909, 910, 911, 913, 945
Kpérésuma,
318,
337,
360,
738
Kumale,
286
Kumbi Watara,35,
58,
363,
387-390, 427-428,
534,
712,
718,
721,723,724,726,736,739,742,743,759,
760,
762,
763-765,
766,
769-784,
858,
1140
Kunadi-hélébagha,
1076,
1120
Kyerematen,
523
1200-XlI
L
Laafiya Turé,
876
Labouret,
380, 609
Ladji Ouattara,
130,
154
Ladyi
(grand-père de Malo)) 455
Ladyi Mahamudu
(ancêtre de Malo),
454
Ladyi Mamadu Dèm,
1099,
1106
Lagbakuru,
318,
337,
360,
735
Lamine Ouattara,
137
Léon l'Africain,
647
Lasiri GbolT'bélé,
105,
219-222,
293-297,
301,
308-312,
314,
317,
323,
350,
365,
432,
659,
665, 666,
742.
Levt::iol'.,
1S-+, -lob
M
Î'iaana Ot;at tara.
~ 1, '"'
~ la fi r ê,
36 2
Maghan
(DL),
1 7 ,
30,
31, 46,
245-270,
357,
727
Maghan- U1é
l fi 1s de Famaghan)) 4 Sl, 498, 860
1200-XI II
Makamisawulé,
362
Makumadi Ouattara,
131
Mamadi Watara
(mansa du Dyamala)J 815
Mamadou Saganogo Labi,
26,
32,117-119,154,208,211,225,
263,
310,
320,
323, 485,
545, 546, 636, 676,
677,
737,
744,
752-753,
781.
Mamari Kuribari
(roi de Ségou), 484, 486, 487, 488, 490,
492.
Mambi,
250
Manigbè-Mori,
888
Mansa Kura,
413
Mansa Sulayman,
254
Mansa Sulayman
(roi de San),471
Marchand, 58,
72-80, 907, 926, 999-1000,
1001 7 1023, 1026, 1038,
1041,
1048,
1054
Marhaba,
24,41,42,
131-133,
154,
213,
229,
348,432,456,
457,553,
746,
785,
786,989
Masai OuattaIa,
120,
704,956.
Mas i ra,
362
Masorona,
876,
878
Matagari
(mère de Seku), 538
Mauny,
R.,
149,
175,
181,565
1200-XIV
Mayeri Ouattara,
120
Menard, 924, 993
Meyrowitz, 560, 1041
Malo, 453-454, 455, 481, 502, 505
Monnier Marcel, 924, 925-926, 930
Monteil Charles,
200,
485, 487
Mo n t e i l
(Lie u te na n t Colonel), 1a2 7, 10 29 - 10 38, 10 6 5, 10 9 0, 1 14 5
Mari Dabila (frère de Seku), 364
Mo r i fin dy a,
10 76
Mari Maghari
(Dyangina), 35, 58, 363-364, 387-390, 391, 427-
428,531,534,550,
788,
790,
793,858,
1140.
Mo raS i a , 1aa3, 10 5 1, 1a6 0, 1065
Mo s k ow i t z, M.) 1a 1 3, 10 1 7, 1065
El-Hadj Moustapha Diane,
133
Mustafa Coulibaly,
28
Mustafa Diané, -1-3,
154
Muhammad ben Takuri, 438
Muhammad ~addi,
413
~Iuktar (fils de Samori)} 1134
~1ungo Park,
11,63
1 200 - XV
N
Naba Kango,
741
Nabé-Syé,
330-335,
342-346
Nabé-Syé II,
372-375
Nadibo Kuribari,
29,
269
Naké
(père de Bua),
459-460,
862
Nangin,
793-800,808,812
Ngolo-Kunafa, 868,
1076
Nyimi-Kutu,
1124
Nyoti Sori Watara,1116,
1120
o
Opoku Dake> , :'2'+,
538
.)séi Bonsu,
825
Opoku \\Varé,
516,
522,
523-525,
533,
557,
560,
562
1 200 - XVI
p
Pèlèfogho Sogho
(Gbon Kulibali)J 978, 979,
1016,
1038
Person Yves,
3,
183,685,687,696,757,
1039,
1081,
1085,
1098,
1100,
1103-;-1104,
1128
Piawali,
368
Pineau
(capitaine))
1027,
1155
Pigneba üuattara,
120-122,
154,
390, 448,
732-733,
920,
1109.
Pingueba üuattara,
133
Pinyèba, 914, 992, 993,
1127,
1131
Posnansky, M,
154
Q
Quiq uandon, 993
s
Sabana Ouattara,
122
Sabana Ulé,
1101,
1120
Sagédi
Limam),
1129.
Salia Sanu,
36::i, 534,
549
1200-XVII
Salim (imam), 52
Samonogo, 34,
363,444,
708-712,
726,
763,
789
Samkiré
(femme de Malo), 455
Samori
(Almmti) ,
23, 45, 842, 876-885, 886-894, 924, 973-981,
988,989,991,
1016,
1023,
1027,
1031,
1032,
1038,
1059,
1060,
1065,
1072,
1076,
1081,
1092,
1093 ,
1096,
11 00,
1 103,
11 08,
11 10,
11 ·14,
11 18 ,
1121-1122-1126,
1127, 1130,
1133,
1143,
1146.
Samorigbè, 981-982
El-Hadj Sangaré, 672
Sanusi Turé (marabout de Famaghan), 467
Sarankenyi-Mori,
1061,
1082,
1134
Sauvageot, S.,486
Sauti
(imam)) 983-984
Sekou Sanou,
133
Seku Watara (fondateur de Kong),
26,
28,
32,
37,
45,
48, 60,
323-346,
348-451, 507, 516, 538,
542, 546, 547,
5b3,
565,
567, 572, 580,
581,587,628,660,
664,666,704,705,708,725,765,1128,1140.
Sekub lé,
36:)
Sèrè-Brèma, 881, 882,
983
Sèrè-Burlay, 881
Seyyid Ahmed
(cadi
de Tombouctou),
359
1200- X\\i1 II
El-Hadj Sibi ri, 134
Sidari, 368
Sila (imam),52, 316
Sindièni Sori, 829
Sitafa
(imam), 1016, 1044, 1060, 1072
Siré (dugutigi de Kong),
1003
Siri Mori Kuribari (imam), 753
Sise Kpèrèsuma, 318
Sokolo Mori, 730, 816, 836-840, 841, 843, 945, 1006, 1009, 1052,
1053, 10 70,
1143
Soma Ali
(prince de Kong), 805, 859, 860
Somafi, 35, 363, 727, 803-806
Sonni Ali, 226-227, 312, 413
Soridyan (fils de l'imam Baro), 434
Sori Fagharna, 817-823, 828
So 1'0 f'.!us a, 286
Saury (suri), 363-364
Sughuru-Kodyulu Watara,
1124
Suma Ulé, 363, 364,445-447,488
Syaka (dugukunasigi), 387
1200-XIX
T
Taux i e r, 169, 486, 490, 560
Terray, E.,154,
171, 184, 254,523,555, 1083
Traoré Dominique, 382,431,456,471,490,495,713,722,723,
792, 862, 904, 996, 997
Treich-Laplène, 924
Turé (imam),52
Tyèba (fils de Famaghan), 721-723
Tyèba (fama de Sikasso)J842, 866, 869-875, 885, 886, 888, 890,
894, 895-896, 898, 899-906, 912, 915, 917, 918,
919,981,986,991,996,
1093, 1143
Tyèba (père de Seku Watara) , 43, 297-301-308, 348, 349, 350,
352,353,355,356,364
Ty èbaU 1 é, 11 0 5
Tyèbèma Watara,
1124
Tyèmogoba, 384, 453
u
El-Hadj Umar, 881
U!Tl arS i t a f a
(i mam),
5 2
1200-XX
Al-Umari,
13,290,625
Usman Fimba,
363
Usuf Baro,
737
v
Vabala Watara,
1116
Vakuru (chef de guerre) 986-987
Valentim Fernandes, 600, 640, 646
w
Wa Kamisoko, 491,
750
z
Zan Bakari,
34,
363,
380-382,384,
386,439
Zara (fe mme de Mo 10), 453
Ziri Sagoné (père de Molo), 4,r
=ournana Ouat tara,
13'+,
135
ZwakOf\\1 Q, 978
1201
SECTION
III
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE
1202
PREMIERE PARTIE
~~~$OURCES ECRITES
CHAPITRE l
LES ARCHIVES
Nous avons trouvé de précieuses indications dans
les répertoires et guides suivants :
· BOISARD (M) et NOVEMBER (A)
: Répertoires des principales
institutions s'intéressant à
l'Afrique
noire, Genève, Institut africain, 1963.
· CURTIN (P.D.)
The Archives of tropical, a reconnaissance
in Journal of African History, vol l N°l
· DAZIE (E.\\'l) et STRICKLAND (J.P.)
: Répertoire des archives,
bibliothèques et écoles de bibliothécomie
d'Afrique U.N.E.S.C.O., 1966, 112p.
· DUIGNAN CP)
Handbook
of american ressources for afri-
can studies, standford, 1967, 281p.
SCHATZ (W)
Directory of Afro-American Ressources, New-
y 0 r k, Bow ke r Co,
1970, 104 P .
WALRAET
(M-j,
Les études africaines dans le monde, Bruxel-
lp"
C.E.D.E.S.A., 1971, 104p.
Comme guide nous avons exploité celui de l'UNESCO
relatif aux sources de l'Histoire de l'Afrique au Sud du Sahara
dans les Archives et Bibliothèques françaises
:
Volume 1.
Archi ves
Volume II
Bibliothèques.
1203
Les principaux fonds et séries que nous avons
consultés viennent surtout d'Europe (Fran~e).
1. - FRANCE
AI - ARCHIVES NATIONALES SECTION OUTRE-MER
(rue
Oudi ndt )
1) - Afrique
Afrique l
Cor~espondance générale
Ce fonds correspond pour la période moderne à la
série B. du classement des archives coloniales
déposée aux Archives Nationales (Fonds particuliers)
Afrique II
Explorations et missions
Dossier 10C concernant le voyage de Barth en
Afrique Centrale (1854-1865)
Afrique III
: Expansion territoriale (début XX)
Afrique IV
Affaires diplomatiques
Dossier llC - Côte d'Or (1868-1865
Dossier 15d - Commerce à la Côte d'Ivoire (1868)
Dossier 27 - dossier délimation de la Côte
.1
d'Ivoire.
Dossier 44 - sur la conférence de Berlin 1884-
1885)
Dossier 97 - politique générale de la France et
de l'Angleterre en Afrique.
2) - Sénégal et dépendances
.'."
.... ;
1204
Sénégal et dépendance
l
Dossier 1 -
Correspondance générale (1814-1822)
Sénégal et dépendance III
Dossier 1 - Explorations et missions
Dossier 7 - dossier Raffenel (1845 - 1847)
Dossier 8 - dossier Hecquard (1849 - 1851 )
Dossier 9 - dossier Mis s ion Vi ard ·ver$
Tombouctou par le Haut-Sénégal et le Haut-Niger.
Sénégal et dépendance IV
Dossier 1 - Campagne de 1885 - 1886 :
Relations avec Samory et campagnes
1886-1887
Dossier 96 - Rapport du capitaine Quiquandon
sur sa mission auprès de Thiéba roi
du Kénidougou (1889 - 1890)
Dos s ier 419 - Correspondance
rel a t ive à 1 a rés i ..
dence de Grand-Bassam et Assinie aux
menées anglaises aux missions Binger
l
l \\,
et Tr e i chA' -D. r qU!. . ( 1886 - 188 9)
Sénégal et dépendances VI
Dossier 1 - Affaires diplomatiques
Dossier 19 - conflits et délimitation en Côte
d'Ivoire (1886-1890)
3 - Soudan l
Dossier 1 - Cor-respondance générale
Dossier 6 - (23 novembre 1983 - 31 août 1894
(instructions, dépêches et pièces
annexes)
1205
Soudan II
Dossier 1 - ~!émoires, publications, exposi tions
1891-1895 :
- Mémoires
(Archinard - Quiquandon,-
anonyme) .
Dossier 2 - Opérations et prises de Samori (1898).
Soudan III
Dossier 1 - Explorations et missions
(1889 - 1894),
mission Menard Cne 1891
Quiquandon : Mission auprès de Tiéba
(1892 - 1896)
Dossier 4 - Explorations et missions
. Braulot 1897.
Soudan V
Dossier 2 - expéditions militaires 1893-1894
4 - COTE D'IVOIRE l
Dossier 1 - Correspondan~ générale août 1889-
juillet 1890.
Côte d'Ivoire II
Dossier 1 - Mémoires, publications, expositions
1895 - 1904.
Côte d'Ivoire III
Ce fonds contient l'essentiel des paplers relatifs
à ;(ong
: on peut consulter avec un grand intérêt .\\e.
Dossier 3 - Explorations et Missions
(Marchand
1893-1894) .
1206
- Mission Binger - Braulot : délimitation des
frontières franco - anglaises de la Côte
d'Ivoire .; préparatifs - Mission et rapport de
missions
(1893-1894)
Côte d'Ivoire 111,3 Binger rapport politique 1892,
traité avec le Dyamala.
Le carton Côte d'Ivoire
Ill, contient des rapports
S,:i'r Kong
(rapport fait à kong le 3 juin 1892)
- Rapports Bon~oure
Mission auprès de Samory
22 novembre 1892
- Lettre de Samori
(A. N° 54)
Côte d'Ivoire IV
Dossier 1
Expansion territoire et p6litique in-
digène 1889-1893.
- Relation avec Samory
Dossier 4b Indénié et Assikasso.
Assassinat de l"administrateur PoulIe dans l' Indé-
nié
Dossier 4f - Kong et Bouna (1894-1900)
Dossier 4g.- Renseignements sur Samori (1895-1896)
Dossier 5 - Expansion territoriale et politique
indigène 1892-1896 lutte contre Samory.
a) - Echanl;,:.~ de télégrammes entre le comman-
dant supérieur de Siguiri (Guinée) et le Gouverneur du Sénégal
au sujet de la contrebande d'armes effectuées au profit de Sa-
mory.
b) - Mission Braulot (dite du Baoulé)
échecs des négociations en vue d'obtenir un traité avec Samory.
(Janv.-Oct.1986).
1207
Dossier 6 ~ Expdnsion territoriale et pOlitique
indigène (les affaires samoriennes)
Dossier 7 - Expansion territoriales et politique
indigène 1898
a) - Opérations militaires contre Samory
- rivalités franco-anglaises à Kong
et oua .
Œ) - Campagnes contre Samory -
- mort de Bilali (lieutenant de Samory)
- fuite de Samory.
Cote d'Ivoire V
Dossier 2 - Expéditions militaires 1894-1895
- Colonne de Kong (1894-1895).
5 - MISSIONS
Missions (5) Menard (kong)
Mission (8)
Marchand
C'est dans ce dossier que se trouvait le journal de
Bailly, aujourd'hui disparu des Archive~
Nationales
Section-Outre-Mer. Nous avons travaillé à partir de
la copie de Terray.
Mission 11
(Bretonnet)
Mission 12 (Binger-Treich - Laplène)
- Mission 22 (Moskowitz et Dautier)
6 - PAPIERS PRIVES
Les papiers H. Gaden., A.P.15 Certaines des lettres
de Gaden intéressent la fin de Kong.
AI - ARCHIVES NATIONALES (rue des Francs-Bourgeois)
1208
Nous avons consulté les papiers de Marchand
231 Mi
(1 à 8)
C/ - BIBLIOTHEQUE de l'Insttitut de France
Nous avons travaillé sur le fonds Terrier (Missions
Marchand
Ms 5930)
- Rapport de Menard
- Rapport du Capitaine Benoît sur Kong (Kayes le
24 Juin 1899)
Rapports divers ~,",·It.,situation de Kong à la fin
du XIXe siècle.
D/ - ARCHIVES DU GOUVERNEMENT GENERAL DE L'liOF
Les Archives Nationales possèdent des copies sur
microfilms - Nous avons consulté surtout la série G. Politique
et administration
générale~sous-série 5 GCôte d'Ivoire et
- l
1
15 G Soudan.
II. - GRANDE-BRETAGNE
1) - Public Record Office (Londres)
- Rapport sur la Mission Decoeur dans la
boucLe du Niger (12 août 1895) co. 873/43
- Rapport de Ferguson au gouverneur W.B. G
Griffith (1892) relatif au Mossi, à Bouna
à Kong.
- Mission de Ferguson ~ l'intérieur - corres-
pondances 8 mars 1892-26 juin 1894 Co.879/43
20 juin 1894- - 28 juin 1895 Co.879/41
1er juillet 1895 - 30 décembre 1895 Co.879/43
journal de Mac Lean 1845 Gold Coast Co.96/3
et Co 96/4
T.70 Treasury (African companies) Co.267 Colonial
office, Sierra Leone, correspondance.
1209
Co 96 - Gold Coast (correspondance)
Co 879 - Colonial Office, confidential Prints
2) - State Papers Room, British library parliamentary
papers, acconts and papers
3) - Royal Anthropological Institute Mss 101-109
Rattray's Papers.
III. - COTE D'IVOIRE
Archives Nationales
(Abidjan)
La série E, Affaires politiques donne des indica-
tions intéressantes sur kong. Mais ces derniêres sont posté-
rieures à la destruction de Kong. On peut signaler 3EE 2 (5)
kong 1908 - 1910 (situation politique - Mais la série E. offre de
précieuses indications sur l'Islam
à Kong et dans 1 e res te de la
Côte d'Ivoire au début du XXe siècle:
~ 3 EE 2(1)
Situation de~l'Islam en (1906-192)
Kong de 1908-1910
3 EE 2(2)
Enquêtes sur l'Islam en Côte d'Ivoire
3EE 2(3)
Situation de l'Islam à Bondoukou
(1906)
3 EE 2
Situation de
l'Islam à Kong-Mankono.
3 EE 2(5)
Situation de l'Islam à Kong
3 EE 3
Islam à Mankono (1906- 1929)
Fin de ~ong et administration coloniale
1 D. 168 . Colonne de Sikasso contre Samori
3 Mi
(4 )
Le cercle de Kong
3 Mi
(6)
Kong
X 35-35
Rapport politique sur Kong réalisé
par Delafosse en 1904
12 10
1 EE 68 (1 )
Notices sur Kong
2 EE 12 ( 1)
Kong après le passage de Samori.
3 EE 2 (5)
Kong 1908-1910
3 EE 5 (1)
Renseignements sur Kong.
IV. - GHANA
Au Ghana nous avons consulté surtout les fonds
arabes de l'Institute of African Studies
(Legon) à Accra.
Nous avons consulté la chronique du Gonja
IASARR/11, 62 ...
IASAR/18
relations entre Wa et Kong
1 folio
IASAR/79
origine des Watara de Kong
IASAR/246
les saganogo et l'expansion de l'Islam.
IASAR/346
fondation de Sansanné Mango
IASAR/454
Tarikh mamalaka al-watarayiyin mIn Ghum.
National Archives of Ghana, Accra :
Série A.D.M. Correspondance générale
National Archives of Ghana, Kumasi :
File D. 216, Notes de Fall
sur Bondoukou et
Banda
balme library, University of Ghana, Furley collection:
Extraits des archives anglaises, Hollandaises et
danoises, transcrits par J .1. furley.
v. - ARCHIVES NATIONALES DU MALI (Bamako)
Série E.
: Affaires politiques
1E 256
Déportation et internement
de Samory
2E 74
Fiches de renseignements sur Samory
Rapports cornmericiaùx Q :
1 Q 267 : Etudes des routes commerciales entre
le Soudan et la Côte d'Ivoire (1915)
1211
CHAP 1TRE II
SOURCES IMPRIMEES
Nous classerons ces documents par période en obser-
vant l'odre alphabétique.
I. - OUVRAGES DE REFERENCES, GUIDES DE RECHERCHES
AMEDEKEY (E . A.)
The culture of Ghana: a bibliography,
Accra, 1970, XII + 215p.
BIBLIOTHEQUE NATIONALE, Catalogue de l'Histoire de l'Afrique,
Paris, 1969, 312p.
CARSON (PATRICIA)
Materials for West African History in
the Archives of Belgium and Holland,
London, 1962, VIII + 86
CARSON(PATRICIA)
Materials for West African History in
French Archives, London, 1968, VIII
+
170p.
JANVIER(GENEVIEVE):
Bibliographie de la Côte d'Ivoire, vol.
II Sciences de l'Homme, 1973 Abidjan,
431p.
JANVIER(G.) PERON (G.)
Bibliographie de la Côte d'Ivoire,vol.
III. Sciences de la Terre, Abidjan, 1975,
260 p.
JOUCLA (EDMOND)
Bibliographie de l'Afrique Occidentale
Française, Paris 1937, III + 704p.
1212
LOUCOU (J. N.)
Bibliographie de l'Histoire de Côte
d'Ivoire, Publications du Département
d'Histoire - Université Nationale de
Côte d'Ivoire, Abidjan 1982 133p. dacty-
lographiées.
MATTEWS (NOEL)
Materials for West African History in
the Archives of the United Kingdom,
London, 1973 X + 225p.
II. - DU XIe AU XIXe SIECLE
AI - SOURCES ANTERIEURES AU XVe SIECLE
EDRISSI (1154)
Description de l'Afrique et de l'Espagne,
trad. R. Dozy et M.J. de Goeje, Leiden
Brill, 1968, 393p. + texte arabe.
EL-BEKRI (1068)
Description de l'Afrique septentrionale.
trad. Mac Guckin de SaIne, Paris Maison-
neuve, 198S, 40 5P .
IBN BATTOUTAH
Voyages (texte arabe, accompagné d'une
traduction par C. DEFREMERY et le Dr.
B.R. SANGUINETTI), Paris Imprimerie Na-
tionale 4e édition t. IV, 1922, 479 pages.
(Intéressant pour l'histoire des Saganogo)
IBN FA DL ALLAH AL-OMARI : Massalik el-Absar fi mamalik el-Amsar.
1. L'Afrique, moins l'Egypte
(trad. et
annote par GAUDEFROY-DEMOMBYNES) Paris,
GEUTHNER, 1927, 284p., 5 cartes.
IBN HAUCAL
Description de l'Afrique (trad. M.G. De
Slane), Paris, Imp. Royale, 1842, VIII
+86p.
1213
IBN HAWKAL
Kitab surat al-ard (Configuration de la
terre), édité et traduit par Kramers J.H
et XVI et G, Paris 1964, 2vol. XXII +
244p, 306p.
IBN KHALDOUM
Histoire des Berbères et des dynasties
mulsulmanes de l'Afrique du Nord (trad.
DE Slaneh éd. Casanova, Paris 1925, (2e
édition, 1968-9) 4 vol. LVI + 447 p.,
605 p., 507p. 628p.
BI - XVe SIECLE
CA DA MOSTO(ALVISSE): Relation des voyages à la Côte Occiden-
tale d'Afrique
d'-, 1455-1457, publiée
par Charles Schefer, Paris, Leroux,
1895, XIX + 2ü6p.
GOMES (DI OG01 c 1482
The voyages of Diogo Gomes, relation re-
cueillie c.1482 par Martin Behaim, in
G.R. Crone Hakluyt Society2e série, vol.
LXXX, 1937, p.91-102.
MALFANTE(ANTONIO) :
1447 Lettre écrite du Touat in The voya-
~ ... , Hakluyt Society, 2e série vol.
LXXX, p.86-1ü
Cl - XVI e SI ECLE
FERNANDES (VALENTIM):
1806-7 Description de la Côte
Occidentale
d' .-\\frique,
(première partie : de Cel.~~a au
Sénégal éditée par P. de Cenival et T.
~Ionod, 1938 Paris 223p.)
(Seconde partie : du Sénégal au Cap de
Monti éditée par T. Monod, A. Teixéira
Da Mota, R. Mauny, 1951, Bisseau, 216p.)
(Important pour l'étude du commerce dans
la boucle du Niger) .
1214
LEON L'AFRICAIN 1500
Description de l'Afrique, traduit et
édité. par A. EPaulard, Paris 1956, 2
vol., XVI + 319p., 311p (le volume II
est intéressant pour le commerce de"
l'or de la noix de kola et des esclaves).
PACHECO(PERElRA):
(1506-8) Esmera1do de situ orbis, éd. trad.
anglaise, Kimb1e G.H. London 1936, Hak1uyt
Society, 2e série vol LXXIX, XXVI + 193p.
Ed. et traduction française, R. Mauny,
Bissau, 1956, 226p. i11.
DI - XVIIe SIECLE
Nous nous sommes surtout servi des sources soudanaises
que nous avons souvent recoupées avec les traditions orales de
kong.
TARIKH EL-FETTACH
édité et traduit par o. Houdas De1afosse
M. Paris 1913-4 (1964), 362p.
TARIKH ES-SOUDAN
édité et traduit par O. Houdas, Paris
1914 (1964) 540p.
Outre les chroniques soudanaises on peut
consulter avec un grand intérêt.
DAPPER(OLFERT} 1668:
Naukeurige Beschrivinge der Afrikaensche
Gewesten Amsterdam
1668 (1966), Extraits
traduits par Kwame Daaku et Albert Van.
UAPPER(OLFERT)1686
Description de l'Afrique, Amsterdam, tra-
duction française de l'édition hollandaise
de 1668 (1re édition Johnson, Reprint New-
York 1970), IV + 534p.
JOBSON(RICHARD)1623:
The Golden trade, London (2e édition 1932),
XIX + 218p.
1215
DE MAREES (PIETER)1602
(1605) Description et récit historiaI
du riche royaume d'or de Guinée, Amster-
,
dam, 1605, IV + 99p. ill.
El - XVIIIe SIECLE
BARBOT (JOHN)
A description of the Coast of North and
south Guinea, Londres, 1746 in 4° 668p.
(intéressant pour le commerce dyula en
direction de·.la Côte des Rivières).
BOSMAN. (GUILLAUME):
Voyage en Guinée. Utrecht, A. Sehouten
1705, XVI + 520p. ill.
BOSMAN (GUILLAUME):
A New and Accurate description of the
Coast Guinea 2e édition Cass, 1967, XXI
+ 577p.
PARK (MUNGO) 1799
T~avels in the interior districts of
Africa performed in the Years 1795, 1796,
1797. London XXVIII + 372 + XCllp.
(2e édition en deux volumes 1816)
:
contient des indications sur le royaume
de Kong) .
TEDZKIRET EN NISYAN:
Edité et traduit par Houdas, O. Paris
1913-4, 415p. (Important pour la chrono-
logie du Royaume de Kong) .
FI - XIXe SIECLE
Of Timbuktu (début XIXe siècle); texte
arabe traduit et annoté par I. Wilks in
Africa Remembered edited by Philip D.
CURTIN University of Wisconsin Press,
1967, pp.152-169.
1216
BARTH
DR.(HEINRICtI) (1857)
: Travels and Discoveries in
North and central Africa being a Journal
of an expedition undertaken under the
auspices of H.B. M'S Government in the
years 1849-1855
(le édition 1857-1858
Londres) 2e édition à 3 volumes,
J
London 1965, Frank, Cass, vol l II
XVI + ",&p(JIf'•.
BINGER(LOUIS-GUSTAV~: Transactions, objets de commerce monnaies
des contrées d'entre le Niger et la Côte
d'Or, Bulletin de la Société de Géographie
commerciale de Paris, oct. 1889-90, tome
XII, p.77-89
BINGER (L.G.)
Du Niger au Golfe de Guinée par le,pays
de Kong et le Mossi, Paris 1892, 2 volumes
5 14. et 4 16P. (Doc ume nt de bas e pourI' é t u -
de sur Kong) .
BI NGE R( L • G•)
Une vie d'explorateur - carnets de route,
Paris 1938, in 16, 288p. (intéressant
pour Kong) .
BOWDICH (THOMAS EDWARD): Mission from cape coast castle to
ashantee, London (première édition 1819
London, édition française Paris 1819).
3e édition Cass 1966, XIV + 512p. (Inté-
resse Kong).
CAl LLI E (RENE)
Journal d'un voyage à Tombouctou et à
Jenné dans l'Afrique Centrale ... Paris
Impr. Roy., 1830, 3t.
1. XII + 475p.
II.''
426p
III."
406p
2e édition 1965, 3 volume XII + 476,
1217
426 et 406p. (L'auteur s'intéresse à
Kong et fournit des indications précieuses
sur l'organisation des caravanes au XIXe
siècle).
CLOZEL (F.J.)
La situation économique de la Côte d'Ivoire
Bulletin du Comité de l'Afrique Française
Renseignements coloniaux, Année 1899 n 0 4
p.64-71.
DUBOIS(FELIX)
Rapport d'un voyage au Soudan et à Tomboue-
tou accompli en 1894-5 par M. Félix Dubois,
Revue coloniale, nov. 1895 n 0 11 p.675-699.
et décembre 1895 n 0 12 p.763-767.
DUBOIS (FELIX)
Tombouctou la mystérieuse, Paris, Flamma-
rion 1896, 381 p.ill.
DUPUIS (J)
Journal of a résidence in Ashantei, London
1824, XXXVIII + 264 + CXXX p. il.
(2e
édition 1966).
ERBE (LEON)
Résumé d'une mission. Un voyage au pays
de Samory, Douvres-la-Délivrande Impri-
mérie V. Leford 1897, 24p. (Intéressant
pour comprendre les difficul tés du commerce
dyula) .
FARGEAS (LEç;fN )
La Côte d'Ivoire: notes de séjour,
Bulletin de la Société de Géographie
commerciale de Paris, Vol. XIX nOS, p.
368-382.
FREEMAN (R.A.)
A journey to Bonduku in the interior for
West Africa Royal Geographical Society,
supplementary Papers 1892, vol III, P.
119-146.
1218
FREEMAN( R.A .)
Trave1s and 1ife in Ashanti and Jaman,
1898 (2e édition Cass 1967) XX + 559 p.
i11. Cartes.
GROS (JULES)
Nos explorateurs en Afrique Paris s.d.
288p.
GUILLAUMET(EJ
Le Soudan en 1894. La vérité sur Tombouc-
tou. L'es c lavage au Soudan, Par iS.i2- 1895, VII l
+ 164p.
HECQUARD
tH.)
Voyage sur la eôte et dans l'intérieur
de~l'Afrique Occidentale, Paris, 1853
4ü9p., Carte.
HENDERSON (F . B.)
West Africa and the Empire : being a
narrative of a recent journey of explora-
tion through the Go1d Coast Henter1and,
The Id1er, vol, vol. XIII fév.-Avri1
1898 p.4D7-416.
MEVIL (ANDRE)
Samory, Revue de Paris, 1898 numéro du
1er Oct. 1898 p.647-672. (Important pour
Kong) .
jr te
MEVIL
Samory, Paris, Flammarion s.d. 286p.
(Intéressant pour Kong).
jvlONNI ER (MA~EL)
Mission du Capitaine Binger à la Côte
d'Ivoire,
Catalogue des photographies
prises par M. \\Iarcel Monnier, Paris, 1892,
39p.
MONNIER(MARCEL)
La mission Binger à la Côte d'Ivoire et
au Soudan méridional, Bulletin de la So-
ciété de Géographie commerciale de Bordeaux,
1893, vol XVI, n07 p.161-177 et n08
p.193-211.
1219
MONNIER
(MARCEL)
Mission Binger_France Noire (Côte d'Ivoire)
Paris, 1894 299p. ill. (Important pour
l'étude des Dyula de Kong).
MONTEIL COL.(P.L.)
La colonne de Kong, Paris, 1902, 103p
(source fondamentale pour la situation
dans le Dyimini et le Dyamala 1894-1895) .
..
QUIQUANDON(F.)
Dans la boucle du Niger : Tieba et le
, ,
Kenedougou,Bulletin de la Société commer-
ciale de Bordeaux, 1891 n019-20 p.433-473.
REINDORF (C .C .)
The history of Gold Coast and ashanti,
1895 Bâle (2e édition Accra, 1966) XVI
+ 356p.
TREICH-LAPLENE (MARCEL):
(Journaux, rapports et lettres)
Revue de Géographie, 1895, volume II
(Tome XXXVII) 1896 volume l
(tome-XXX)
et vol. II
(tome XXIX).
VERDIER (ARTHUR):
Question coloniale, Côte d'Ivoire
La vérité à propos de l'expédition Monteil,
Paris, 1895, 20p.
VOUET CAP.
Au Mossi et au Gourounsi. Bulletin de la
Société Géographie commerciale de Paris,
1897 vol. XIX, n011 p.729-795.
WALCKNAER 1C.A .)
Collection de relations de voyages par
mer et par terre en différentes parties
de l'Afrique depuis 1400 jusqu'à nos
jours, Paris t. l 1842, 517p.
III. - OUVRAGES CONTEMPORAINS PRSENTANT LE
CARACTERE DE SOURCES
1220
ANONYME
La Côte d'Ivoire, Petite Bibliothèque
du Moniteur des colonies, 1903, 222p.
BARTHELEMY
Monographie du cercle de Kong,
1911
48 pages dactylographiées
BENQUEY
'Monographie de la ville de Bondoukou
in Dix ans à la Côte_~'Ivoite, pp.185-
218, éditée par f.J. Clozel, Paris,
Augustin Challamel, 1906.
CHANOINE GENERAL (J .):
Documents pour servir à 1 'histoire de
l'A.O.F. entre 1895 et
1899 (s. cl. et s. 1 .) 17 + 30 2 + LXX IVP .
CHARTI ER (A .)
Le cercle de Kong. L'Afrique Française,
Renseignements coloniaux, année 1915 n01
-2 p.19-26.
CLOZEL (F. J.) WILLAMUR (R.) : Les coutumes indigènes de la Côte
cl r Ivoire, Paris 1902
VII + 539p.
CLOZEL:(F. J.)
Dix ans à la Côte d'Ivoire, Paris, 1906,
350p.
HUBERT (H)
Coutumes indigènes en matière d'exploi-
tation de gites aurifères en Afrique
Occidentale, Annuaires et Mémoires du
Comité d'Etudes historiques et Scitnti-
fiques de l'AOF, 1917, p. 226-243
IV/. - RECUEILS DI:: DOCU:'II:,!\\TS ET DE TEXTES
CANGAH (G.) EKANZA (S. p.) : La Côte d' Ivoi Te par les textes de
l'aube de la colonisation à nos jours,
Abidjan 1978, 237p.
1221
R.P. CUOQ.
Recueil des sources arabes concernant
l'Afrique Occidentale du VIle au XVIe
siècle (Bilad Al-Südan)
Editions du Centre National de la Recher-
che scientifique Paris, 1975, 490p.
DANTZIG (A. VAN)
The Duth and the Guinea Coast 1674-1742,
a collection of documents from the gene-
raI state Archive at the Hague, Gaas-
Accra, 1978, 1375p.
GOûDY( JACK)
1954
The Ethnography of the Ncrthern Terri-
tories of the Gold Coast, Colonial Office,
London, 59p.
(voir les pages 36-57).
1222
DEUXIEME PARTIE
SOURCES ORALES (Infonnateurs et 1ocali tés) (1) •
1. - COTE D'IVOIRE
AI - LES PAYS DU NORD
BILIMONO
BADOUGOUTIGUI Kamagate (Vers 1920 -)
Date : 23 mars 1975
Fonction : Secrétaire Général
P.D.C.I./R.lJ.A.
Thèmes
Peuplement
Kamagaté de la région de Bilimono -
Rapports de Kamagaté avec les Watara de Kong.
Dossier II.
BAKARI Ouattara (vers 1915 - )
Dates: 23 mars 1979
27 mars 1979
20 août 1976
Fonction : Chef de village
Thèmes abordés
Histoire des chefferies Télf;\\\\\\Tl:
Histoire de Seku Watara
Les guerres de conquêtes Tfen(e ·ir les l'rInces
de Kong
Dossier II
(1)
Nous sigr.a1lerons par (p.p.) les personr.:lges déJj présentés.
1223
BASSIDIOuattara (1925 - )
Date : 23 mars 1974
Fonction : cultivateur
Thèmes abordés
- Histoire des watara
Dissier II
Bassirakoro Kamaga té (1910 - )
(p . J:' . )
rates - 22 mars 1975,
24-04-75, 26-04-7S, 23-03-76
-
17 août 1976
Dossier l
El-Hadj Karamogo
(vErs
Date:
20 août 1976.
Fonction: Karamoko
Themes abordés
L'Islamisation dans la région de Bilimono
iJossier II
DY;\\NGBl\\NASO
MA:.JA Ouatt:il'2
:.\\'ers
1910
-
)
24
avrd
1S;75
26 mars
19 7 6
SABA~A Ju~ttara
,1900 -
)
Dates: 25 avril 1975
26 mars
19 7 7
Dossier III
1 224
KAWARA
BALAI Ouattara (vers 1900 - )
Dates 22, 23, 24,25 avril 1975
Fonction : chef de kawar
(vieillard aveugle assisté d'un conseil)
Thèmes abordés
- Relations entre Kawara et Kong
- 'Les guerres de Seku Watan contre les Ashanti.
- Les relations de Kong avec le Kénédugu.
- Informations sur Seku Watara, Famaghan, Tyèba
-
(roi du Sikasso) Babemba et Samori
Doss ier II l
KOLON
BAMORI Ouattara (1905 - )
Dates : 3-03-74 ; 3-04-74
; 26-03-76
15-02-77
Fonction: Notable-cultivateur
Thèmes abordés :
Peuplement - Guerres avant Seku Watara - Histoire
de Seku Watara.
BASSINA Ouattara (1930 - )
Dates:
17 mars 1974
20 août 1976
Doss ier III
BAYERISSAN Ouattara (1915 - )
Cp. p.)
Da te:
3 mai
1 9 7:) -
3 n: a l
1:< -:- ~
(' t
1U J u i n
19 - 4
19,21 mars 19-:;
Dos sie r VI
FISSIRI Ouattara (1897 - )
(p. p . )
Dates:
13 février
1974,
19-08-74,20-09-75,
25-03-76
28-03-76, 1-04-/6
1S août 1977
l'ossier III
1225
KONG
El-Hadj
AMARA
CouI i bal y (1 9 30 - )
(p.p.)
Dates: 13, 18 Février 1974
20 ma r s 1975
18 août 1976
Dossier II
BA Soumaila (vers 1913 - )
(p.p. )
Dates 12, 13, 14 juillet 1974
Dossier l
Babalai Traoré (1910 - )
Il s'agit du frère du secrétaire Général du PDCI/
RDA. C'est un karamogo. Il est très informé sur le
commerce dans le passé
Dates
11 fév. 1975.
28 janvier 1978
Dossiers III et XIX
El-Hadj BABOU Traoré
(1930 -
)
(p. p.)
Dates
1 mars
1974
30 janv. 1975
Dossier II
B:\\,'iBA BarnoLl'ouli
(1920 - )
l P . P . )
Dates:
12
f0vrier
197~,
14 rnar~
1975
Dossier III
BAMORI Traort' (né vers 1920 )
lI:;·p .)
..
1226
Dates
10 fév.
1975
30 mars 1976
19 Août 1983
Dossiers II I, et XXIX
El Hadj BARO
(1908 -
)
(p.p.)
Dates : 2 mai 1975 - 2 mé:rs 1978
21 mars
1978
BARO Faseri (1920 - )
(p.p.)
Dates: 29, 30 mars 1975
Dossier l
BASIERI Ouattara (vers 1907 - )
(p. p .)
Dates: -
11-08-74, 20-11-75,
13-03-76,
30-03-76,
27,04-76,
18-08-76,
15-04-77,
20-21/5/77,
10-08-77,
15-08-77,
11-09-77,
7-03-78,
18-08-78,
10-11-78,23-11-78,
15-25/11/78
(Abidjém) .
Dossiers l, IV, VIII, VIII,
IX.
BASSIDI Ouattara (1904 - )
(p. p . )
Dates: 12 fcv. 1974
2U Dl (J r :'
1c) - c,
18 deût
18 7 1'
Llo S sie r s
l \\" t' t
\\
BEMANKORO Ouattara
(1908
-
Cp· p . )
Dates
3 mars
1974
17 mars
19 7 5
Dossier II
1227
KARAMOKO Ouattara (roi de kong)
(vers 1910)
(p. P .)
Dates
1 , 5 , 7 , 9 fév. 1974, 1-03-74,3-03-74,17-08-74,
17-08-74, 1-03-75, 4-03-75, 12-03-75, 20-03-75,
19-20/04-75 , 24-04-75 , 15-03-76 , 30-03-76 , 12-04-76 ,
27-04-76 , 20-10-76 , 9-02-77 , 12-15/3/77 , 25-03-77 ,
20-04-77, 10-08-77, 15-08-77, 23-10-77, 15-03-78,
17-08-83.
Dossiers l, II, III, XXIX
El-Hadj
SANaGa (1905-1980-)
(p. P .)
Dates: 11 Août 1977
23 Août 1978
Dossier VI
LI MONO
BASORI Ouattara (Vers 1905 - )
Date: 18-03-74,20-07-74,14-08-74,25-04-75
Fonction : chef de village
Thèmes abordés
:
Les rapports entre les populations autochtones
et les Mandé.
Dossiers IV et V
MIABA Ouattara (1920 -
Date
: 25 avril 1975
Fonction: cultivateur
Thèmes abordés
:
- Les guerres de Seku contre les populations jl,l1aka.
Dossiers IV et V
LI NGUEKRO
BA Tiemoko üuattara
(1930
-
)
(fils Je Caoussou üuattara)
1 228
Dates
20 Sept
1 975
15 décembre 1979
Thèmes abordés
- Histoire de Suma Ali
- Rapports des princes de Lingékro avec ceux de
Kong et de Bobo-Dioulasso.
Dossiers l, III.
GAOUSSOU Ouattara
(p. p . )
Dates
11, 12 février 1974
3 mars 1975
21 Août 1976,18 août 1976,18 mars 1977
15 novembre 1978
Dossier l,
II
MANOGOTA
DAWA BA Bamba (1920 - 1981)
(p.p.)
Dates:
2-03-74, 15-03-74,25-03-74,30-04-74,2-02-75, 10-11-75
12-09-75, 17-02-76, 20-02-76, 25-03-76, 28-03-76,
30-03-76, 15-03-77, 2v-03-77, 30-03-77, 30-04-1979
Dossiers,
l,
II, V.
NA FANA
BAMORI Bayikoro
(1900 - )
Cp·IL )
Dates
:
20 mars
1974
26
février
1~175
mars
1979
Dossier
NASYAN
BAMADOU Ouattara
(1910 - )
Cp· p .)
10-03-74, 30-03-7~, 19-20/08/7~, 23-08- 74, 15-04-75,
25-08-75, 2-04-7b, 4-04-76, 20-03-77
1229
OUANGOLODOUGOU
PIGNEBA Ouattara (1900-1979)
(p.p.)
Dates
:
18 mars 1974, 18-07-74, 8-08-74, 10-08-74, 19-03-75
30-02-1979
Dossier III
PONGALA
MAYERI Ouattara (vers 1920 - )
Dates
: 20 oct. 1974
5 octobre 1977
Dossier VI
SI KOLO
ARDJOU~~NI
Ouattara (1930 - )
Date:
10 fév.
1974
Fonction : chef de village
(date du début de la chefferie vers 1910)
Thèmes ab 0 l'dé s
Histoire de Sikolo
Dossier l
~~SAI Ouattara (1897 -
Cp. p .)
Dates
18
février 1974
26 mars
1976,2(1 avril 1:)'7(:,
Dossier l
SOKOLO
BAMORI Ouattara (1915 - )
D(} t e :
2S f é\\'.
1974
1230
30 mars 1975
24 aoOt 1976
11 août 1977
25 novembre 1978
DOMBA Ouattara (1930 - )
Date: 25 fev. 1974
Fonction: cultivateur
Thèmes abordés
- Histoire de Sokolo.
DYAMILA Ouattara (1894 - 1895 - )
(p.p.)
Dates
25 Fev. 1974 , -3 avril 1'974
(Yenoro)
20 mars 1975 , 30 mars 1975 , 24 mars 1976
28 mars 1976, 30 mars 1976, 12 avirl 1976,
30 avril 1976, 11 août 1977 , 25 novembre
1 978.
Dossiers l, III, VII
BI - AUTRES REGIONS
ARRAH
COULIBALY Fofana (vers 1893 - )
Il est né à Dabaka1a et prétendait avoir 80 ans en
. mars 1973. Réside à Arrah depuis 1923.
Date
: 20 mars 1973
Fon c t ion : mus u1!TI an, l' und e s che f nyu l a c1':\\ r l ,i h .
Thèmes abordés
:
- L'arrivée des Dyu1a dans la région d'Arrah
- L'histoire de Kong.
1231
BONDOUKOU
El-Hadj
DAOlID\\ Ouattara (1942 - )
Date: 12 Août 1983
Fonction: maître d'école coranique (44 élèves)
Thèmes abordés
- Les études arabes en Afrique Noire précoloniale.
Dossier XXX
KOUAKOU Joseph Oba (1914 - )
Date:
13 août 1983
Fonction : notable Nafana
Thèmes abordés
L'installation des Dyula à Bondoukou
Dossier XXX
IMAM Koudous
(1900 - )
Date, 11 Août 1983
Fonction, Imam de Bondoukou
Thèmes abordés
- Islamisation de Kong et de Bondoukou
- Les relations entre Kong et Bondougou
L'intervention de Samori à Bondoukou et à Kong.
Dossier XXX
HEREBO (Bondoukou)
l\\:-\\.NAl'; Yeboah
L:lte
12 août 1983
(Enqu~te publique
cour royale)
Fonction : Roi du Gyaman
Thèmes abordés
- Les relations entre kong et les souverains du Gyaman
Dossier XXX
1232
BONGUElA (M'Bahiakro)
El-Hadj MOUSTAPHA Coulibaly
(petit-fils de Karamogo Dugutigi)
Dates: 25 Août 1925
20 septembre 1979
Fonction : planteur et Karamoko
Thèmes abordés
- Le peupelement dyula de Kong
- La formation du Royaume de Kong
- Les kuribari et la diffusion de l'Islam dans le
Nord de la Côte d'Ivoire (El-Hadj Moustapha
Coulibaly possède des manuscrits sur l'histoire
de Kong) .
BOUAKE
MA~~DOU Saganogo Labi
Dates
:(3-7/01/74, 30-03-74, 2-15/07/74, 2-10/08/74,
Abidjan) 15-01-75 (Kong)
15-03-75, 12-04-76
27-04-76, 13-07-77,
(Bouaké, 24-05-78, 17-20/07/78, 6-20/12/78)
Abidjan 15-03-77
Dossiers II, IV, V, X, XI
El-Hadj
S.\\\\GARE
l19ü 7 - )
~Il est né à Bouaké
sa famille est originaire du
~r a s i na. Lli es' é t ait i ns t aIl é e à Kong à l ' époque
de Séku Watara. Sa résidence actuelle est Bouaké
(Koko) .
Dates; 16 janv. 1976 -
3 mars 1976
9 décembre 1978
Fonction
Commerçant
1233
Thèmes abordés
Le commerce des chevaux
Dossier XI
FA~lI EKRü (Anno)
ANZOUMANA Ouattara (1903 -
1973)
(p.p.)
Dates: 13, 14 décembre 1973,
11 mars 1974
23 décembre 1975
2 août 1976
3 fév. 1978
Dossier XIX
YEROBODI
(Anno)
ALI Ouattara (1915 - )
(p . p . )
Dates
: 15 décembre 1973
25 décembre 1975
2 août 1976
Dossier XIX
II. - BURKI~A-FASO
BOBO-DIOULASSSO
ALI
Ouattara l1920 - j
lf . P . )
l'ales: 9,10,11,
fév.
1974
-
Bobo-Dioulasso
Dossier
\\\\-1
!3 .-\\ K1-\\ Rl
K0 n a t é
[1 9 10 -
)
Dates: 7,8, Janv. 1979
Fonction : commerçant
1234
Thèmes abordés
Le commerce de Bobo avec les pays de la bouche
J
du Niger et les pays~~u sud (Kong, Bondoukou, Anno,
Ashanti)
Dossier XX
BOURAIMA Sanon (1909 - )
(p.p.)
Dates: 19, 20, 21 fév. 1979
20 mars 1979
Dossier XIII
CIRE BA Birahim (5 décembre 1904 - )
Dates; 20, 22 mars 1979
Dossier XX
DALIGNAN Ouattara (1909 - )
(p. p .)
Date : 4 mars 1979
Dossier XVIII
El"'Hadj DAMBELE (vers 1925 - )
Date: 11 mars 1979
Fonction : commerçant - karamoko
Thèmes abordés
Commerce du sel et de la noix de kola
KARAMOKO Dari Ouattara (vers 1925 - )
Date : 24 fev. 1979
Fonction : notable - cultivateur
Thèmes abordés
Rapports entre les Wattara et les Bobo-Dyula.
Dossier XIX
KARAMOKO Oua ttara (1911
"'-)
(p. p .)
Da te: 15 ma r s 1979
Dossier XX
1235
BOBO-DIOULASSO
KARIM Konaté (1907 - )
(P.p.)
Dates: 30 août 1977
8 mars 1979
Dossier XX
MARHABA Saganogo (1896-1881)
(p •P . )
Dates: 20 janv. 1975 (Kong)
16-07-77, 15-02-79, 20-02-79, 2-3/03/99,
10-03-79, 13-03-79, 15-03-79, 20-03-79,
25-03-79 (Bobo)
Dossier XII
PINGUEBA Ouattara ( 1915 - )
(p. p .)
Date : 10 mars 1979
Dossier XIX
SEKOU Sanou (1912 - )
Cp· p .)
Dates
5 mars 1979
Dossier XX
DARSALAMI
El-Hadj BA DIANE
(p. P .)
Date: 22 mars 1979
Dossier XV
BABOU Ba 1'0 (1925 - )
Date:24 mars 1979
FonctiBn : Maitre d'école coranique, Karamoko
Thèmes abordés
:
Histoire des Baro
Dossier XVI
DOUGOUTIGUI Baro (1915 - )
Date s : 21 , 22 ma r s 19 79
Fonction : notable - commerçant
1236
Thèmes abordés :
Installation des Baro à Darsalami
La place des Baro dans la formation du Guiwiriko
La rapports entre les Baro de Kong et ceux du Gwiriko
Dossier XV
KOTEDOUGOU (VIF.)
El-Hadj ABADIDRANE Diané (1900 - )
(p.p.)
Dates &-2 mars 1979
Dossier XI II
El-Hadj ABADIDRANE Diané
(p . p .)
Date : 3 mars 1979 Kotédougou
Dossier XIV
El-Hadj ABOUDRAMANE Diané (1904 - )
(p. p .)
Date : 3 mars 1979 Kotédougou
Dossier XIV
ASSEOU Diabagaté (1920 - )
Date: 2 mars 1979
Fonction : commerçant et Karamoko
Thèmes abordés
:
La migration du Diabagaté à partir de Bégho et de Kong.
Les relations entre les Diabagaté du Gwiriko et ceux
de kong.
Dossier XIII
BA BIS l RIO j ct ne (1 9 ::: 0 - !
D3tes
: ~c
aoGt 1977
_'
i
mai 1979
Dos~iel X\\
LADJI Ouattara (début de XXe siècle)
(p. p .)
Date : 2~ fév. 1979 (dossier XIII)
Dossier XIII
1237
El-Hadj MOUSTAPHA Diane (1915 - )
Date 4 mars 1979
Dossier XIII
NOUMOUDARA
MAKOUNADI Ouattara (1915 - )
(p.p.)
Date: 2 mars 1979
Dossier XV
El-Hadj SIBIRI (1910 - )
(p.p.)
Date: 2 mars 1979
Dossier XV
ZOUMANA Ouattara (1909 - )
(p.p.)
Dates: 30 oct. 1974
25 oct. 1977
2 avril 1979
Dossier XV
SOUNGARADGA
BUKARI Ouattara (1917 - )
Date: 29 mars 1979
Fonction: notable de soungaradaga chef de village.
Thèmes abordés
- Installation des Watara de Kong à Bobo-Dioulasso.
- Les guerres des Watara dans la boucle du Niger.
Dossier XV
KONGODE Ouattara (1925 - )
Date
: 27 mars 1979
Fonction: cultivateur
descendant de la famille royale de Kong.
1238
Thèmes abordés
Rapports entre Famaghan et Seku
Dossier XIII
SOMA Ali Ouattara (1913 - )
Date: 30 mars 1979 - )
Fonction : notable (personnage influent et docu-
menté)
Thèmes abordés
L'oeuvre de Famaghan
. Les rapports entre les Watara de Kong et les
autochtones du Gwiriko.
Dossier XIV
SO~ffi Oulé Ouattara (1908 - )
Date:
26 mars 1979
Fonction: Cultivateur (descendant de la famille
royale)
Thèmes abordés
Guerres des Watara dans le Gwiriko
Dossier XV
ZOUMANA Ouattara
Dates
28 mars 1979
2-3 avril 1979
Dossier XV
TI I.
-
CHA:-'A
~lAMADOU Koulibaly
(1905 - )
Il est n§ à Kong - sa famille émigra à Kumasi vers
1920 .
Date: 9,
10 mai 1979
Fonction
: commerçant
1239
Thèmes abordés
:
Histoire de Kong
La place des Kuribari dans le développement du
Royaume de Kong
El-Hadj ~OUsrAFHA Saganogo (1914 - )
I l est né à Kumasi - sa famille est originaire
de Kong
Dates: 5, 6 mai 1979
Fonction: commerçant et karamogo.
Thèmes abordés
Samori et le royaume de kong
L'histoire des saganogo.
IV. - MAL l
SIKASSO
AHMADOU BERTE (15 août 1919 - )
(p. p .)
Dates
: 28, 29 avril 1979
Dossier XXVIII
AH~~DOU Kouyaté
(1910 - )
(p.p.)
Date :
28 avril 1979
Dossier XXVIII
G\\ER~Zl Ouattara
(1905 - )
Date: 30 avril 1979
Fonction : commerçant
Thèmes abordés
Les relations entre Sikasso et Kong
Dossier XXVIII
1240
LAMINE Ouattara (1910 - )
(p •p . )
Date: 28 avril 1979
Dossier XXVII
KIRINA
WA Kamissoko (1903 - 1980)
Date:15-9-75 Abidjan
Fonction : Griot de Kirina
Thèmes abordés :
Peuplement - Importance de Kong dans l'histoire du
Mali - Traditions du vieux Mandé relatives à Kong
1241
TROISIEME
PARTIE
BIBLIOGRAPHIE
1. - OUVRAGES BIBLIOGRAPHIQUES
AI - GENERALITES
1) - Les inventaires des grandes bibliothè-
ques (Bibliothèque Nationale à Paris)
- Catalogue of the colonial Office Library, London, 15 vol.
2) - Listes d'acquisitions
(voir bibliothè-
ques spécialisées).
- Archives Nationales section d'Outre-Mer à Paris, nouvelles
acquisitions.
- CARDAN (fichier analytiques)
BI - AFRIQUE
1) - Bibliographies générales
- Compte rendus d'ouvrage en annexe des principales revues con-
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2) - Bibliographies régionales
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1
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INSTITUT GEOGRAPHIQUE NATIONAL:
Cartes de Côte d'Ivoire
Vabakala, feuille N.e. 30-X1
(1975) 1/200.000
~ong, feuille N.e. 30-VIII,
1964 , 1/200.000
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1/200 .00'0 .
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d'Ivoire,.Abidjan 1970.
LATHAM(NORAH)
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Paris 1935.
BOUVIER-AJAM (M), IMBROLA (J), PASQUERELLI
(N)
: Dictionnaire
économique et social, Paris 1975, 765p.
GEORGES CP)
Dictionnaire de la géographie, Paris,
1970, 448p.
LETOUZEY et ANE
Dictionnaire de biographie française,
Paris, 1933.
i\\10URRE (M)
Dictionnaire encyclopédique d'histoire en
8 volumes, Paris Bordas, 1978
PREY (PIERRE DU)
La Côte d'Ivoire de A à Z, Abidjan 1970
(1ère édition) 1977, 128p.
(Informations
de base sur la Côte dl Ivoire)
FREVOST (M) ET ROMAN D'AMAT : Dictionnaire des biographies fran-
çaises en 11 volumes éd. Letouzet et Ané
Paris 1972.
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Atlas de la Côte d'Ivoire (éd. Jeune Afri-
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VAPEUREAU (G)
Dictionnaire universel des contemporains
(biographies - XIXe siècl~
2) - Encyclopédies
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ENCYCLOPEDIE DE L'ISLAM, NOUVELLE EDITION, établie avec le con-
cours des principaux orientalistes
Tome l A-B Leyde E. Djibril, 1960 (Paris
G.P. Maisonneuve)
T II
C. G
1965
T. III H. l r am
19 71
T.
IV Iran-Kha 1978
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"\\J
K \\tE - M ~ I-f. l , .4 '1 y (,
ENCYCLOPEDIE ~~RITIME ET COLONIALE (sous la direction de E;
Guernier) Paris 1949, t.1. 393p
t.2. 168p.
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ENCYCLOPf.'E{)ii'
UJ\\IVERSALIS, en20
volumes, Paris 1968-1974.
LAROUSSE DU XXe SIECLE, en 6 volumes sous la direction de P.
Augé, Paris 1928
ROUGERI E ((;1
l5cus la direction de)
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francophone
(1858-1962), I.F .A,.I]\\ Dakar,
1965 117p.
3. - PRINCIPAUX PERIODIQUES CONSULTES ET ABREVIATIONS UTILISEES
. Afrique Francophone
Annales de l'Université d'Abidjan
Bulletin de Comité d'Etudes Historiques et scientifiques de
l'AOF (BCEHSAOF)
Bulletin d'~nformation et de liaison des Instituts d'Ethno-so-
ciologie et de Géographie Tropicale de l'Université d'Abidjan.
Bulletin de l'Institut Français
(puis: Fondamental) d'Afrique
1\\oire (BIFAl':)
Education Africaine
Etudes Eburnéennes
Ivoire Dimanche
Notes Afr icaines
(NA)
Recherches Voltaïques
1248
Afrique Anglophone
African Times
Chana Journal of Sociology
Ghana Notes and Queries (GNQ)
Gold Coast Review
Gold Coast Times
Journal of the Historical Society of Nigeria (JHSN)
Kano Studies
ODU
Royal Gazette and Sierra Leone Advertiser
Royal Gold Coast Gazette
Research Review (RR)
Transactions of the Historical Society of Ghana (THSG)
West African Reporter
. France
L'Afrique et l'Asie, revue du Centre des Hautes Etudes sur
l'Afrique et l'Asie modernes
(CHEAM)
L'Afrique française
Annales de Géographie
Annales Economies, Sociétés, Civilisations
L'Anthropologie
Bulletin du Comité de l'Afrique Française (BCAF)
Bulletin de la Société des Etudes Coloniales et Maritimes
Bulletin de la Société de Géographie de Paris
Bulletin d~ la Société de Géographie de l'Est
Bulletin de la Société de Géographie Commerciale de Bordeaux
Bulletin de la Société de Géographie Commerciale de Marseille
Bulletin de la Société de Géographie Commerciale de Paris
Cahiers d'Etudes Africaines
(CEA)
Cahiers ORSTOM
Comptes Rendus des Séances de la Société de Géographie
L'Explorateur
Gazette de Géographie, puis Gazette Géographique
1249
La Géographie
Journal des Africanistes
(JA)
Journal Asiatique
Jo~rnal Officiel (JO)
Journal de la Société des Africanistes
(JSA)
Journal des Voyages
Le Mouvement Géographique
La Politique Coloniale
Présence Africaine
Revue d'Anthropologie
Revue Coloniale
Revue des Colonies et des Pays de Protectorat
Revue des Etudes Ethnographiques et Sociologiques
Revue des Etudes Islamiques
Revue d'Ethnographie et des Traditions Populaires
Revue Française de l'Etranger et des Colonies
Revue Française d'Histoire dtOutre-Mer- (RFHOM)
Revue de Géographie
Revue Hispanique
Revue de l'Histoire des Eolonies
Revue Historique
Revue Maritime et Coloniale
Revue du Monde Musulman
Revue du Troupes Coloniales
Le Temps
Le Tour du Monde
Grande-Bretagne
Africa
Asiatic Journal
Bulletin of the School of African and Oriental Studies (BSOAS)
Econorny and Society
The Geographical Journal
The Idler
Journal of African History (JAH)
Journal of African Languages
12~O_
Journal of the African Society (JAS)
Journal of the Manchester Geographical Society
Journal of the Royal Anthropological Institute (JRAI)
Journal of the Royal Geographical Society (JRGS)
Journal of the Society of Arts
Journal of West African Languages
Liverpool Mercury
Nineteenth Century
Proceedings of the Royal Geographical Society (PRGS)
The Times
United Empire
Wesleyan Methodist Magazine
. Etats-Unis
African Economie History
African Historical Studies
Asante Seminar (puis
: Asantesem)
Boston University Papers in African History
History in Africa
International Journal of African Historical Studies
125 1
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Vol I
textes 256p.
Vol II Notes, bibliographie 117p.
BAMBA (S)
Bas-Bandama précolonial. Une contribution
à l'étude historique des population d'après
les sources orales
Thèse de 3e cycle, Histoire, Paris 1978,
2 tome.s, 567p.
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Thèse pour le Doctorat d'Etat en Sociologi~
Paris 1977, 2 vol.
723 p.
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La Sannvin. Un Royaume Akan de la Côte
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Sources orales et
Histoire
Th(:se pour le Uoctorat d'Ltat, Farjs,
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La Côte d'Ivoire de 1912 à 1920. Influence
de la premi~re guerre mondiale sur l'évo-
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Paris, 19?3,387p.
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des historiens parmi les plus éminents
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Tome
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PERSON (Y)
La chimère se défend
Cahiers d'Etudes Africaines 61-62, XVI (1-2)
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Notes sur l'histoire de Korhogo
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1280
SECTION
IV
EXTRAITS DES DOCUMENTS DES SOURCES ORALES
12S 1
TRANSCRIPTION
LES VOYELLES DU DIOULA
Voyelles orales
Orthographe
Phonétique
a
lai
de f~ce ,
aliment
E
lEI
de l~it,
baie
~
I~I
de b~l,
sol
e
le 1
de TH~,
DE
0
loi
de d~s,
Pot
Iii
de li:.t ,
riz
u
lui
de co~,
bout
Voyelles nasales
Orthographe
Phonétique
an
là 1
de c~mp
En
lEI
de sein
~n
151
de bon
en
lei
pas d'équivalent
on
làl
pas d'équivalent
in
IT/
de king
un
ID 1
pas d'équivalent
Les consonnes ne faisant aucune difficulté
Orthographe _
Phonétique
b
Ibl
de boeuf
-
d
Idl
de domaine
f
Ifl
de [orge
III
de !inge
m
Iml
de mer
1282
n
/n/
de nerf
p
/p/
de Eays
5
/5/
de ~erpent
t
/t /
de !rop
Les consonnes particulières
Orthographe
Phonétique
j
/ j- /
correspond au son Diete, Diurne.
9
/9/
correspond au son de Guarde, Guide
gb
/g b/ cette graphie rend de manière très
imparfaite le son auquel il corres-
pond. Il s'agit d'un son double-
ment et simultanément articulé,
prononcé à la fois à l'arrière et
à l'avant de la bouche.
h
/h/
fortement aspiré comme en Anglais
dans hot.
k
/kl
correspond au son de corps, qui.
kp
/kp/ est prononcé de la même manière
que gb mais sans vibration des
cordres vocales: c'est un son
sourd.
ny
Ipl
le gn des mots signer, pag~e
ng
1f)1
c'est le son déS rTDts Anglais singer,
r
Irl
song.
r
Irl
le r est
"battu" çlus proche à
l'oreil~è du l ~U~ du R (Rouge)
Il 0st nécessaire d'arriver à une
prononciation correcte de ce son
afin de le distinguer de R qui est
la réalisation de g dans certains
contextes. Dans certains mots, r
et l peuvent fonctionner comme des
variantes:
seli ou seri = prier.
1283
c
Ici
correspond à peu près au son des mots
TIARE, TIENS, TIERS.
w
Iwl
c'est le son de ouate, oui, william.
y
1j 1
c'est le son de yaourt, paille, cahier.
sh
IJI
c'est le son de chat.
FILS
DE
SEKU
DYORIDYAN
SAMANOGO
ZANBAKARI
SALIA SANOU
KUMBI
MORI MAGHARI
SUMAFI
DAUDU
USMAN
SEKU-BLE
FOROKD
KERE
FIMBA
MORI
MORI
SOUVERA INS DE KDNG
SEKU(1)
j[-----------------J[-------------------------------------------------------------------------------------]l
( 2 )
SAMANOGO
(3) KUMBI
(4)
MORI MAKARI
(5)
SUMAFI
~
l
l
r
J
-C
l
t
l
t
(14 )
(8)
(10)
(18)
(21)
(9)
(13)
, , ( 1 7 )
(11)
(9)
(20)
(6)
1 (7)
(12 )
ASOROBA
KARAKARA
MORI
KESSE
MORI
MIA
KARAMOKO PINYEBA
SUMAFI
BA LIENA
BA USSE
BASO
SOKDLON
KDMI
DAWA
SERE
FlMA
FAGHAMA
JORI
DARI
BAGUI
TIGUI MORI
•
(16 )
(13 )
SANI
BA DUGUTIGI
TIEBA
N
00
+>-
1285
ORIGINES DE LA PREMIERE CHEFFERIE
/ Comment les Boussanga
sont-ils venus à Kong? /
1" . .. les hommes qui ont fondé la première chefferie à Kong
sont des Busanga
; 1 ces derniers au cours de
la guerre
contre le Songa! furent
vaincus. 1 Ils se réfugièrent à Kiran-
go
~ 1 puis traversèrent le territoire actuel de laMaute
Volta et s'installèrent à Kong. 1 Ces Busanga portaient le
dyamu Tara~éré ; 1 ils comprenaient deux groupes les Serisuma
(selsuma)~ 1 musulmans et commerrants et les Tara~éré propre-
ment dits~ 1 guerriers animistes ; 1 ce sont ces derniers qu~
s'imposèrent aux autochtones falafala qui les baptisèrent Wa-
tara
" 1
Lorsque le hammeau est construit (Kong), / les
gens viennent petit à petit.
Premièrement ils sont venus se
joindre aux autres. Ils les ont appelés les gens de Labine, / les "Mis-
sirannaka". 1 Ils ont appelé les gens de Fanangala, / les
"logologoninaka". 1
Fanangala est un village de la sous-Préfecture de
Dabakala. / Fanangala, / c'est ceux qui sont venus se joindre,
/ je ne sais pas comment on
les appelle, / Ils se sont donc
fixés et c'est après que les Traoré sont venus. / Ils culti-
vaient et savâient bien tailler le
bois.
/ Ils forgeaient
donc des dabas pour leurs hôtes.
/ C'est donc après que les
Traoré sont arrivés de Haute Volta. !
Ils sont des Boussanga
venus de !-lacete Volta.
/
Ils sont ori 2:-ir.airesde I-(éréngo (Ki-
r a n go).
/ Ici, ils ses 0 n t div i s ~ S '2;; ·:1 e J. x gr CL;. r e spa r ce qu' ils
ne sont pas arrivés dans une parfaite entente.
/
Ils se 9ue-
relIaient.
/ Une partie 6'entre E::U;': ·~tait
cor.stituée de Com-
merçants, / ils priaient.
/ Donc une partie priait tandis que
l'a ut r e ne l e fa i sait
pas.
/ tlla i s à l 1f p0 que ces 0 nt les f é t i -
cheurs qui avaient le dessus.
/ Ils sont venus diriger les
1286
"bamana".
/
Après avoir soumis ceux-ci à l'aide de leur féti-
che appelé Gnamakourouko.
/
C'est à l'aide du fétiche Gnama-
kourouko qu'ils ont soumis les bamana.
/
/
Les Traoré se sont donc installés et les Barro
sont arrivés.
/ Ensuite ce furent les konaté,
/
puis les Dia-
baté.
/
Les Diabaté sont dans le premier quartier d'étrangers.
Barola est le premier quartier d'étrangers et Djon-
gosso est le deuxième quartier.
/
A Djongosso i l n'y a que des
commerçants.
/ Le nom Djongosso est donné aux Haoussa.
/
Avant les étrangers n'entraient pas dans le village
/
ils s'installaient en dehors du village.
/
Les étrangers
restant en dehors du centre, /
le premier quartier qu'ils ont
créé est celui de Djongo.
/
Après ce furent les Konaté,
/
puis
les Koulibaly.
/
Le village a ainsi grossi,
/
et a atteint une
population de 50.000 personnes.
/
Je dis ceci parce que le
jour oa Kong avait été détruit,
/ on comptait 12.000 jeunes
de 5 ans à l'âge d'être enrôlé~dans une section de l'armée.
/
12.000 jeunes.
/
.
Les Traore de Kong sont de s Gourous si, /
leur oIj amou
est Traoré.
/
On l'appelait Zanpilagne, /
c'est la langue des
( 1)
Boussangl \\
./ Les Boussanga sont sortis de chez eux et ont vo-
yagé vers ici.
/.
Lorsqu'on leur a demandé quel était leur djamou,
/
ils ont rêpondu qu'ils étaient des Traoré.
/
Ceux qui étaient
n~jsL!lrnans I>3.rrr.l è'J.X étaient des Serssouma,
/
ils constituaient le
/
Le roi de ;~ong à l'époque étai t
un Gben.
/
Les Gben sont au village de Djangbanasso.
/
A l'époque les Gben étaient à Djangbanasso, /
mais
la grande capitale s'appelait Karagbeni
(Kargbene),
/ Karagbeni(2)
(1) Le texte de Labi n'est pas clai~
(2) Il s'agit de la ville de Kalgbenin qu& se~a dét~uite pa~ Seku Wata~a.
1287
était donc leur capitale. / Lorsque les Traoré sont venus dans
ce pays, / ils ont soumis les Gben. /
/ Quand un bamana ne voulait pas se soumettre, /
ils (Boussansé) le prenaient et le plaçaient là haut et celui_
ci ne pouvait pas descendre. / Les Boussanga mettaient les
gens au faite d'un grand arbre à l'aide de leur fétiche. /
Les Bamana les ont appelé Ouattaka. / Ouattaka signifie :
/ il est venu le jour, / pas la nuit. /
Les Traoré sont donc des Ouattaka. / Il y a 3 sortes
de Traoré : /
ceux qui étaient féticheurs ont été appelés Ouattaka parce-
qu'ils faisaient souffrir les Bamana. / Ils les mettaient là-
haut. On les
tuait
cruellement. / Les Bamana ont pris peur
et se sont cachés à leur vue. / Ouattaka" / c'est donc "il
est venu le jour~ / il n'est pas venu la nuit" /
C'est ce qui signifiait le pouvoir. /
Ce sont eux qui ont fondé Kong, / ils ont fait beau-
coup de guerre
jusqu'en 1400 et quelques années, / ils se
battaient et ils sont arrivés à Kong. /
1 288
(Les Boussanga ont trouvé la ville déjà bondée).
Les Boussanga sont venus, / les Dioula étaient là,
il Y eut peu à peu des musulmans. / Les féticheurs eux étaient
là, / et c'est ainsi que les Boussanga sont venus prendre le
pays. / Si les Traore sont proches des Boussanga. / les Dioula,
/ eux ne sont en rien Boussanga.
/ Il ya deux catégories de
Traoré, / ceux qui
prient et ceux qui ne sont pas musulmans. /
Ceux qui ne prient pas sont dits Traore, / les musulmans sont
appelés Serssouma. /
La mère de Sékou était Boussanga. /
/ Les Boussanga sont venus à Kong, /
/ il y en a eu 3 groupes. /
/ Ceux qui étaient fétichistes c'est-à-dire ceux qui apparte-
naient au groupe dirigeant était les Ouattaka.
/
/ Ils mettaient les gens au faîte
des arbres à l'aide de leur
fétiches.
/ Ce sont les Ouattaka. /
/ Au moment où les Boussanga arrivaient, / ce sont
les Gbeins qui possédaient le pays. / Ils dominaient tous les
autres groupes. /
Lorsque les Boussanga arrivaient à Kong le dugutigi
de la ville s'appelait Gromo(l).
/ Le chef Boussanga a eu un fils encore plus sévère
.
.
( 2 )
/ Il s'apP~2it Lasslrl Gbamele. /
/ LGi, /
il s'est installé en vrai roi.
/ Il allait détruire
les villa[es q~i se refusaient à payer les droits qu'il exi-
gE~it pour le fétiche.
/
/ C'est le père de Lassiri qui est venu du pays Boussanga. /
(1)
Ce personr~ge s'appelle aussi Gborogo ou Boromo
(2)
Labi Mamadov
ne mentionne pas le nom du père de Lasiri.
1289
ORIGINES DE LA PREMIERE CHEFFERIE
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/
Informateur
: MAMADOU Labi
Lieu de
l'enquête: Abidjan
Année
4 Janvier
1974
1293
HISTOIRE DES WATARA DE KONG
- 1 Il demande qui s'est installé le 1er à Ténégué-
la ? 1
1 On l'appelle SORI .... SORI / c'est un Nabê. / C'est lui que
tous sont venus trouver ... / un Nabê ... / 4 groupes. / les
Nabê, / les Gbin, / les Falafala, / les Miyoro. / C'étaient
eux qui étaient là autrefois. / ce sont eux que tous sont ve-
nus trouver en place. /
Cette ville n'est à personne sinon à
eux. / Ils sont 4 groupes. / Notre grand-père est venu à Téné-
guéla ... / Ils sont venus du pays mossi s'installer à Tiéné-
guéla, / celui qu'ils ont trouvé en place / on l'appelle SORI./
(1) / C'est un Nabê. / Il a élu domicile chez lui. / Notre ...
/ Le Mossi qui est venu élire domicile èhez lui, / on l'appel-
le Bassieri ... /
- / Bassieri ? /
/ Bassieri Sieribadjan. / Son frère cadet est là,/
on l'appelle Bala /
- / Bala ? /
/ Bala ... /
/ Bon, / cet homme, / Assoro, / comme Bassieri est
venu loger chez lui / ils sont devenus des arr;is ; / il (Assoro)
a une fille;: / on l'appelle Minanta, / il l'a àonnée {en ma-
riage) à mon grand-père. / Il l'a donnée (en mariage)
.,. à
Bala.
/
/ L'enfan~ qu'elle a mis au monde / on l'appelle Ba-
kari. / Bon ils lui ont donné leur fille, / Il Y a un marabout
/ qui s'appelle Yagbakourou. / Celui-ci et notre grand-père
sont devenus des amis. / Il (le marabout)
... les Infidèles ...
a travaillé afin que les Infidèles lui (à Bala) soient soumis.
(1) On ignore pour quelle raison Basièri qui est d'origine 'V'lt"\\
s'attribue
ici une origine rrossi.
1294
/
Même si les Infidèles viennent attaquer ... / Tous nos hom-
mes qui sont partout ici
...
/
Il a travaillé et certains lui
sont
soumis. l' Ceux qui n'ont pas accepté
/
Ceux qui ont
accepté,
/
ce sont eux qu'on a pris pour
/
ceux-là se sont
joints à nous pour les (ceux qui ont refusé) combattre.
/
Jus-
qu'au pays Djimini,
/ on les a combattus pour les soumettre.
/
/
Les villages sont nombreux là-bas, /
.ils se suivaient nom-
breux /
les villages des Infidèles.
/
370 villages. / Ils les
ont conquis.
/
Alors c'est après ça, /
alors le grand-père
Magan, /
le grand-père de Sékou, /
i l est venu du Mandé pour
s'installer à Kébélé, /
il était tisserand.
/
Alors
... i l
était tisserand /
Il Y a un homme à Kébélé, /
qui s'appelle
Gbabila.(Dabila), /
c'est un riche, /
i l achète en grande quan-
tité la poudre de tabac pour venir la vendre dans la région
ici.
/
A cette époque les Infidèles, /
les Nabê et les Miyoro,
/
ils ne fabriquaient pas les pagnes, /
ils attachaient (au-
tour de leur corps) la peau.
/
Celui-là (Gbabila) est rentré
de la vente de la poudre de tabac et i l a vu Magan, /
i l dit
"eh! /
D'accord,
/
tu dis que tu es
tisserand" . . . /
i l d i t :
mo~ j'arrive d'une région d'Infidèles ' / il n'y a pas de pa-
gnes
là-bas,
/
je veux aller m'installer là-bas.
/
Si
tu sais
tisser,
/
tu peux avoir les pagnes".
/
Il a répondu que s ' i l
achète la poudre de tabac et qu'il est sur le point de partir
/
ils pourraient faire chemin ensemble.
/
Il a eu une bonne
quantité de poudre de tabac, /
Magan s'est joint à lui, /
èt
il est venu élire domicile chez Bakari.
/
- /
à Ténéguéla ? /
!
A Ténéguéla, 1 le marabout de Bakari
...
/
le ma-
rabout CP Bakari,
1 on l'appelle Yagbakourou, /
sa tombe se
trouve 1.-S de Ténéguéla.
1
- 1 Sa tombe est à Ténéguéla ? /
/
Oui.
/
C'est un marabout batunda /
(magicien)
-
/
"batunda ... " /
1295
/ Un marabout batunda, / ils attachent autour de
leur taille la peau de chien et d'autres choses. / C'est lui
qu'on appelle le marabout batunda. / Il s'entend bien avec ce
dernier. / Celui-ci lui a dit / Chef, / mon grand-père
/
celui qui est venu élire domicile chez Bakari et qu'on appelle
Magan, / si tu lui donnes une femme (en mariage), / eh ! / il
en sortira quelque chose ! / Il a une fille
... / sa fille, /
il l'a prise / elle s'appelle Somie {Sombi) / et la lui a don-
née en mariage .. / Cet te Somi
/ l'enfant qu'elle a mis au mon-
de / c'est lui qu'on appelle Fatiéba. / Fatiéba, / c'est son
fils qui est Sékou. / C'est pour cela que le grand-père Magan,
/ tu sais que son nom de famille c'est Koulibaly ; / il a quit-
té le Mandé / son nom de famille c'est Koulibaly. / Comme à
Ténégéla on nous ... appelle Watara, / l'enfant qu'il a mis
au monde ... / Donc ils ont porté notre nom de famille.
/
Celui dont tu portes le nom de famille / n'est-ce pas cela que
tes enfants porteront ? /
Mais celui-là chez qui tu es venu habiter, / s'il
a une grand renommée / peux-tu, toi, garder ton indépendance?
/ Et puis nous avons désormais le même nom de famille.
/ Il Y
a son père ... / Alors Fatiéba, / il s'est levé après lui. /
Nous sommes les mêmes avec les habitants de Nijonkon(1)
... /
Il Y a entre nous des relations de famille.
/ Les habitants
de Ténéguéla et les habitants de Nijonkon / Nous étions les
mêmes personnes. / Nous sommes liés par des relations de fa-
rr.:L.1..1.e. 1 ;·lal.S c'= l1Ul les a opposés aux habitants de Tiénogora,
/ aux hommes de la famille de Bassamori, / il Y a une femme
là-bas / erle est belle, / on l'appelle Tagari, i
le "ma 5JCe"
L3ssiri Gbambêlê, / il a voulu demander sa main pour la marier
;
30n
frère cadet / qui s'appelle Gborongo.
/ Fati~ba aussi, /
il est l'amant de cette femme.
/ Fatiéba était un beau jeune
homme. / La femme
... la femme dit que c'est Fatiéba qu'elle
aime.
j
ah ! / nous rendons difficiles les relations de famil-
le. / On lui a donné des conseils, / il n'a pas voulu les
( 1)
Quartier' Y'Oyal de Kong appelé aussi Tiénogor'a.
1296
écouter; 1 on l'a conseillé 1 il n'a pas voulu démordre. 1
On te (Tagari) voit encore avec Fatiéba. 1 Les habitants de
Ténéguéla courent après elle. 1 Un jour 1 Fatiéba est venu ven-
dre des tabourets, 1 les gens de Missirikoro sont sortis et
l'ont attaqué, 1 ils l'ont frappé jusqu'à lui casser une jambe.
1 Le soir peu après le coucher du soleil. 1 On l'a frappé jus-
qu'à le faire tomber à la place des gens de Touleoulesso.
1
Ceux-ci sont sortis et l'ont extrait à leur vindicte. 1 Chose
grave
! 1 qu'on le tue
!
1 Les gens se sont mis
les uns sur
les autres. IOn a dit
1 ils ont dit "ah! / attraper. / Ils
ont répondu qu'il a fui.
/ Ils ont dit d'accord /
/ qu'il soit entre vos mains ou pas.
/
Ils se sont couchés à
la porte pour l'attendre.
/
disant "tu sortiras bien d'ici".
/
La jambe de Fatiéba s'est calmée.
/ Puisqu'ils l'ont fait venir.
1 Il ... il bouge Ion lui dit de ne pas bouger l
"ils seraient
capables de te tuer". /
A l'aube, 1 on a fait une petite ouver~
ture pour faire sortir Fatiéba par cette porte. 1 C'est ce qu'on
appelle la petite porte. 1 On l'a fait accompagner par quelqu'un
1 On l'a porté pour ... 1 un filet caché ... 1 et on l'a emmené
à Ténéguéla la nuit. / Et on est allé expliquer l'affaire. 1
L'on a répondu
"eh! /
convoquons Missirikoro".
/
D'autres
ont dit qu'il ne faut pas faire ça, /
"emmenons-le à Kondelé /
sinon il va mourir". 1 On l'a donc pris
... 1 On l'a pris pour
l'e~mener. / Le propriétaire du médicament s'appelle Patatcho
lil est à Kondelé. 1
- 1 Tatatcho ? 1
/ Patatcho 1 il n'a pas d'égal quant à la connais-
sance des médicaments ... i on l'a emmené chez ce dernier qui
a attaché sa jambe, / et la jambe était guérie.
/ Les habitants
de Ténéguéla ont réfléchi à ce qui pourrait les venger '"
1
Ce qui peut les venger,
/ qu'on force
... ou ... la femme 1
qu'un époux d'autrui vienne
... / vienne de chez eux ... /
/ ,.qui t te Gboronko encore pour venir.
/
1297
/
On a fai t
fuir la femme de chez Gboronko,
/
On
·.a
célébré
le mariage de force et on l'a donné à Fatiéba.
/
"AZors, /
si vous Ites capabZes venez". /
C'est pour cela que
les habitants de Missirikoro sont allés à Ténéguela.
/
Ce Jour
là / et
... les gens des villages périphériques de Bankowaguis-
si,
/
- ces villages sont au nombre de 45 - /
- /
qui ? /
/ Oui /
- / 45 villages ? /
/ 45 villages. / Les habitants de Ténéguéla. / Est-
ce qu'ils peuvent s'unir? /
On a célébré le mariage et on lui
a donnée la femme.
/
C'est elle qui a ffilS au monde Sékou.
/
Quand elle a mis Sekou au monde
/
-
/
C'est Taguari qui a
...
/ Taguari qui a mis au
"ll~ntit Sekou? / c'est Taguari qui a mis au' monde Sékou. / Elle
est de Tiénogora.
/ Elle s'appelle Taguari.
/
C'est elle la
mère de Sékou.
/
Donc il apparaît qu'on l'a arrachée pour la
marier, n'est-ce pas? /
ça s'est passé comme ça, /
ce jour-là,
/
le pouvoir des habitants de Missikoro était grand
...
/
Ici
dans la ville.
/ Si le marché est plein /
ils tirent avec des
fusils.
/
Si les balles atteignent quelqu'un,
/
ce n'est pas
leur problème.
/
Alors,
/
le père de l'Imam Baro /
on l'appel-
le Balémori.
/
Alors ce Mori et Fatiéba /
ilssont des amis.
/
Ils s'entendent bien.
/
/
Puisqu'ils s'entendent bien
... / Le fils de Ba-
lémori /
l'Imam Baro, /
sékou est le fils de Fatiéba , / les
2 sont des amis.
/
Ils ont tiré avec leurs fusils et le s balles
ont atteint un membre de la famille de l'Imam Baro, /
ils sont
allés ~xpliquer le différend aux habitants de Ténéguéla, /
J
pour qu'ils puissent les aider à leur faire la guerre.
/
Les
habitants de Ténéguéla ont dit qu'ils ne veulent pas.
/
3 fois
/ ils disent qu'ils ne veulent pas.
/
Il Y a un voyant, /
qui
1298
s'appelle yer;ikouJl)a, i on l'a consulté, 1 Il (3" dit liah ! 1
Si vous allez chez vos parents vous allez
le regretter",
/
Alors Sékou a d i t : /
"ils ont. ,.
cass~ la jambe de votre pe-
tit-fils et cela ne vous a pas touch~ ?" /
Les habitants de
Ténéguéla ont répondu ...
"d'accord,
/
allons en guerre.
/
C'est ce jour-là qu'ils se sont mis d'accord pour faire quel-
que chose ensemble.
/
Celui à qui on a fait la commission s'ap-
pelle Saki / On lui a envoyé quelqu'un. /
"Saki, /
il dit d'ac-
cord.
/
Il a s~lectionn~ 40 hommes qui se joindront à vous pour
a ZZe r à la guerre".
/
On a donné cela au "m asa" de Ténégué la. /
Le "masa" de Ténéguéla a sélectionné 1C70 hommes pour ...
/
L'Imam Baro a trouvé 40 hommes.
/ Son frère cadet Bakounadi,
/ les hommes de la famille de Balémori, / 40 hommes.
/ Cela fait
80 hommes / ajoutés à Ténéguéla / pour qu'ils combattent Missi-
ri (koro).
/ Lassiri Gbambêlê est sorti, / il est entré dans
la boue. / On l'a chassé.
/ Il est allé à Korimagan, / on l'a
chassé.
/ Il est allé vers Bouna, / et a rejoint Lalaguata; /
/ et on est allé l'arrêter. /
- / Demagan, / est-ce que c'est un koulibaly ? /
/ C'est un Koulibaly !
- / Et Saki lui
c'est un wéla ? /
/Saki est un wéla. /
- / Et Bakounandi ? /
/ Bakounandi est un Baro.
/
/
Bara ? /
/ C'est un frêre cadet de l'Imam Baro. / Ils sont consanguins. /
- / Le nom de famille de Bakari / c'est lequel? /
/ Ténèguéla ? /
- / ;Jui. /
/
IV a t ar a.
/ ( 1 )
(1)
Le masa de T~n~gera ~tait donc un Dioula.
1299
-
/
Bqkqr~ de Ténéguela, 1
-
/
Il dit que
t '
t
quand BaIa était arrivé à Téné-
guéla, /
Assoro
•••
/
quand BaIa était arrivé à Ténéguéla, /
est -ce que Assoro était Jlmasa n ? /
/
Il n'était pas "masa" /
- /
l I n ' é t ait pas "m a sa" à cet t e é p 0 que ? /
/
Les Infidèles . . .
/ celui qui a
...
/
si les gens sont nom-
breux,
/
celui qui est riche.
/
ils le suivent, /
c'est lui qui
qu'on écoute.
/ Lui il est l'aîné des autres.
/
Ils l'ont sui-
vi.
/ Sinon i l n ' était pas "masa".
/
-
/ Est-ce qu'après i l est devenu "masa l1 ? /
/
Comme i l est venu élire domicile chez l'homme (Assora),
/
i l (BaIa) a trompé l'homme, /
et
... Yagbakourou l'a trompé
pour travailler pour lui, / alors les hommes se sont soumis
à lui.
/
Il Y en a qui l'ont accepté / d'autres ne l'ont pas
accepté
/
Ils se sont mis ensemble pour combattre les autres.
/
Alors tous ont été d'accord pour lui permettre d'être "masa"./
-
/
Pour lui permettre d'être
"masa" ? /
/
Pour lui permettre d'être
"masa".
/
Il s'est écoulé peut-
être 300 ans, (1)
/
avant que Magan n'arrive? /
/
ça doit valoir ça.
/
/
ce temps doit certainement séparer les 2.
/
/
Peut-être environ 200 ans /
/
200 ans ? /
/
Oui.
/
-
/
Il dit qufil te demande,
/
l'époque à laquelle
Demagan a quitté le Mali pour venir,
/
les "masa" qui étaient
là-bas,
/
est-ce que tu peux nous donner leurs noms? /
(1)
L'histoire de Bala remonterait ainsi au XVe ouXVe siècle.
Il s'agirait vraisemblablement des parents des Tarawéré de
Kong qui avaient fait érruption dans
le pays cl partir de
la
seconde moitié du XVe siècle.
1300
/
les umasau_~ui étaient où ? /
- 1 Au Mali. 1
1 12 familles. 1 familles 1
-
/ 12 familles ?
1
1 12 familles. 1
1 Mamadou Koulibaly 1
1 Mamadou Koulibali 1 est-ce qu'il était le père
de Demagan 1 ou bien comment ça se passe ? 1
1 Est-ce son père? 1 Est-ce son frère aîné? 1 Moi je n'en
sais rien.
/
1 En tout cas il est venu de cette famille.
/
- 1 La famille d'où il est originaire? 1
1 Oui. 1 Mamadou Koulibali. 1
1 Kalidou Koulibali. 1
- 1 Quoi ? 1
1 Kalidou Koulibali. 1 Kalidou Koulibali 1
1 Mamari Koulibali. 1 Kalidou Koulibali. 1
1 Mamari Koulibali.
1
1 Soundjata Koulibali. 1
1 Abou Koulibali.
1
1 El Hadj Koulibali. 1
1 Fouta Magan Simbo Koulibali.
1
1 Togonzoma Koulibali. 1
1 Le "mQsa"-~ankarasonma Koulibali. /
1 Famori Koulibali. 1
1 le "masa"
Magan Koulibali.
/
1 Nalibou Koulibali. 1
- 1 Il dit qu'au moment où 1 Nali ... Nalibou Kouli-
bali étant-là, 1 est-ce que c'est à cette période que Sékou est
arrivé ' i c i ? 1
1301
- / Ce n'est pas Sékou, ! Demaga n , !
- / Que Demagan est arrivé ? /
/ En tout cas la raison pour laquelle il est arrivé
... / La
famille d'où il est venu / c'est cela.
/ Le jour où il est ve-
nu, /
j'ai appris qu'il est sorti, / et a passé beaucoup de
temps en chemin avant d'arriver ici.
/ Je ne connais pas ça.
/
Sinon ..
Magan qui est venu de là, /
je sais que leur sépa-
f
/
ration ...
/ ils ont fait des histoires et il est sorti.
/
C'était un de leurs.
/
- / Yagbakourou, / c'est un watara ? /
/ non.
/ Ndao.
/
L'époque où Bakari était là, / qui était le "masa"
ici à Kong ? . /
/ chose ... / ce "masa" de Missirikoro ... /
- Lassiri ? /
/ Lassiri Gbambêlê.
/ C ' était lui le "masa" ici.
/
- / Lassiri Gbambêlê ? /
/ Lassiri Gbambêlê.
/ C'est un Mossi(l).
/ Il est venu de là-
bas.
/
- / Quand Lassiri Gbambêlê n'était pas intronisé
... /
/ dans le s fonc t ions de "m asa" ? /
-
/ Oui /
/ Il n(y avait pas de "masa".
/
-
/
Ii cette époque il n' y avai t
pas quelqu' ,ln ct' autl'f.
d'au.tre
...
/ il n'y avait pas un autre "masa" ? /
/ Il n'y avait pas de "masa".
/
Ici.
/ C'était rrênéguéla qUl
était ...
/ sinon ici ce n'était pas grand.
/
/ Ici ce n'était pas grand.
/ C'était Ténéguéla qui était le
(1)
Bassieri Juattara
d~fend ici
la
th~se de
l'origine mossi
de
la chefferie d0 Kong.
1302
plus gr~nd villqge p~r rappQrtà lC~,
- 1 Est"'ce qu'il y avait un IImasa ll là...bas ? /
/ Oui.
/
Il Y avait un nmasan •••
/
C'est notre grand-père
qui a été "masa ll là-bas.
1 Sinon 1 c'était sa famille qui ré-
glait tous les problèmes de cet endroit.
/
C'ést auprès "de lui
que tous les bamanan se rendaient.
/
Mais ça ne veut pas dire
qu'il était "masa".
/
- 1 Assoro ? 1
1 Oui. 1 Il était le ndugutigi u • /
- Quand Assoro était là, 1 qui était le "dugutigi"
ici à Kong ? 1
1 Quand Assoro était
Ndugutigi". /
A cette époque on appelait
cette personne le grand-père Minari.
1
- 1 Le grand-père Manari ? . 1
1 Oui. 1 le grand-père Minari. 1 Il était ici. 1 Kélégou. (Kérén)
- 1 Kélégou ? 1
1 Tu sais que c'est chez lui que tous les kélégou sont venus, 1
le grand-père Mi. nari.
1 On ne peut pas connaître ça.
1 Mais si
Sékou
après Sékou
1 Après la mort de Sékou, 1 celui
qui a été
"masa"~ / il est mort; 1 celui qui a été "masa"~ /
il est mort; 1 celui qui a été "masa " jusqu'à kwodaba aujour-
d'hui,
1 il est ici.
1
~ 1 Comme Sékou est arrivé, 1 le nombre d'années
qu'il a passées, 1 celui qui lui a succédé,
1 le nombre d'an-
nées qu'il a passées; 1 est-ce que tu connais ça? /
1 Je ... 1 ce nombre d'années 1 je connalS 1 je con~ "s ça ;1
Mais ceux qui les ont suivis après 1 je ne connais pas ça.
1
L'âge de sékou aussi on le sait.
1
- 1 Tu sais l'âge de Sékou ? /
1 L'âge? 1
130.3
- 1 Oui, (
1 Il a. vécu -1111 a.ns, 1
- 1 100 ans ? 1
1 110 ans 1 et il est mort, 1 Il a accompli son règne de "masa"
/ il a vièilli, / il a duré là-bas. /
LISTE DES SOUVERAINS
Sékou est mort, 1 on appelle son fils
Somalogo, 1
lui il a été intronisé. 1 Somalogo est mort, / Kombi a été in-
tronisé. / Kombi est mort, 1 Morimagari a été intronisé. / Mo-
ri~agari est mort, Somafin a été intronisé. /
Somafin est
mort, / Assoroba a été intronisé. / Assoroba est mort, / Kara-
kara Daba a été intronisé. / Karakara Daba est mort, / Mori
Fagaman a été intronisé.
/ Mori Fagaman est mort, / Babayi
a été intronisé. /
Babayi est mort, / Bassotigui a été intro-
nisé. /
Bassotigui est mort, / le grand-père Djori a été intro-
nisé, / le grand-père Djori est mort, / Morissiri a été intro~
nisé, /
Morissiri est mort, / le grand-père Lienna a été in~
tronisé.
/ Le grand-père Lienna est mort, / le grand-père Lienna
a été intronisé. / Morissiri est mort, / le grand-père Lienna
a été intronisé.
/ La grand-père Lienna est mort, / Morinassa
a été intronisé. / Morinassa est mort, / Kesséfimma
a été in-
tronisé.
/ Kesséfimma est mort, / Badougoutigui a été introni-
sé. / Badougoutigui est mort, / Sannintiéba a été intronisé. /
S-annintiéba est mort , / Ous-sé a été intronisé. / Le grand-père
Oussé est mort, / Bwawoulen a été intronisé. /
Bwawoulen est
mort, / Karamogo Dari a été intronisé. / Karamogo Dari est mort,
/ Sokolon Mori a été intronisé. / Sokolon Mori est mort, / Kom-
bi a été intronisé. / C'est sous son règne que l'unité du Ro-
yaume de kong a été détruite. / C'est lui que Samori est venu
1304
trouver,
1 Ko~h~, 1 L~ renQ~ée qV grand~père Moriba(îJ ~vait
étouffé la ~ienne, 1 Mais c'ét~it Kombi le nmasall , I L e ,.!
des Namina mari, 1
- 1 Somasso. 1
1 Somasso. 1
1 Kombi. 1
1 La famille des Namina mari, 1 c'était lui ... 1
Kombi 1 c'est lui qui occupait la fonction de
umasan, 1 Alors
le grand-père Kombi,
1 il a dit
...
1 C'était après lui qu'ar-
rive le grand-père Moriba ici, 1 il a dit, 1 donc, 1 je ne
reviendrai pas de la guerre.
1 Pour cela je (préfère) te don-
ner les affaires.
1 usenzenbu" ..• 1
- l
"senzenbu" ? 1
l "senzenbu". 1 Je vais te le donner. 1 Après moi
à Bobo-Dioulasso, c'est Pigneba qui me
suit. 1 Si tu vas, 1 je
te prie de le lui donner.
1 Ne le trompez pas. 1 Alors, 1 après
la mort de Kombi
...
1 Kombi est mort, 1 Pigneba a été introni-
sé.
1 Celui qui est le maître de la région. 1 Bon, 1 Pigneba
est mort,
1 Yammoriba a été intronisé. 1 Yammoriba est mort ... 1
Yammoriba est mort, 1 Batiéba a été intronisé.
/ Batiébé est,
1 Batakouli a été intronisé.
/
Batakouli est mort, 1 Bassidi
a été intronisé.
1 Bassidi est mort, 1 et alors, 1 Kwodaba a été
intronisés (2).
/
= / Celui qui est là maintenant ~ /
/ Oui celui qui est là aujourd'hui.
/
-
/
Les "masa"
qui ont été intronisé
... les Blancs
. .. 1
(1)
Il s'agit de la Mori
(2)
Il s'agit du roi actuel.
1305
1 ~a~Qr~ha, ( Tu s~is. que ~a~orit
1
l '
Saroori est
venu détruire ·la région,
1 Ils ont fui pour aller à Bobo~Diou
lasso.
1 Ils sont partIs à Bobodioulasso, / Pigneba s'y trouve, /
Yarnmoriba s'y trouve,
/Bakari Woulen s'y trouve
••••
/
Bon,
/
Badjoula s'y trouve.
/
Ils sont allés chercher les Blancs
à Djebougou.
/
Les Blancs sont venus
...
/ S'ils sont allés
chercher les Blancs,
/ Samori l'a "-l'fris / Samori a pris peur,
/ ét il s'est enfui.
/
Ils sont venus entrer ici, /
ensuite
ils ont suivi Samori et l'ont arrêté.
/
C'était Yammoriba qui
s'y trouvait,
/ mais
dans la fonction de "masa U ,
/
ce jour-là
/
ici.
/
Pignéba ,
/
lui il était à Bobo-Dioulasso.
/ Mais du
fait du lieu de résidence, /
c'était Yarnmoriba qui est le "masa"
d'ici,
/
sinon c'est Pigneba qui est le maître de la région.
/
Celui qui suit l'autre.
/ Mais puisqu'ils sont séparés, /
le
grand-père Mori est ici.
/
C'est Badjouba qui venait après lui,
/
il n'a pas vécu longtemps.
/
Il est mort.
/
C'est ça.
/
-
/
Il te demande,
/
le "je:ne:", / est-ce que ce sont
toutes les terres réunies /
ou bien
/
ou bien les groupes
...
/
ou bien ce sont des groupes? /
/
Oui.
/
Ce sont des groupes.
/
le "je:ne:" de Kong.
/
Comme Côte d'Ivoire.
/ on dit le "je:ne:" de Kong.
/
-
/
Les en~ants de Sekou étaient
/
les villag~s
oQ les enfants de Sékou étaient installées
/
les villages ou
ses enfants étaient installés /
comment appelle-t-on ces
villages ? /
/
Sgkou,
/ Ses enfants
...
/
les enfants de Sékou ...
/
celui qu'on appelle Kombi,
/
il se trouvait à Tabiri Koko.
/
-
/ Kombi.
/
/
Kombi /
-
/ Lui il était à Tabiri Koko ? /
1306
1 Kolon. 1 Je ne CrOlS p~s, l' / Morimagari et lui /
il$ étaient tous les mê~es.. ( Bon}$omafin~ ! il est ici, / il
est ici de ce côté-ci,"/ à Koha Koko 1
/
Bon,
/
à Kolon Koko,
/
ça c ' e s t . '"
/
alors '1'
!
son fils
" 1 /
ça c'est Somawoulen,
/
lui et l'autre sont de ce côté~là. /
-
/
Somawoùlen ? /
/
Oui.
/
Ils sont du même côté.
/
Bon Badjouba et
Bakari /
eux ils sont du même côté.
/
Ceux qui étaient ici /
ce sont ceux-là.
/
Il Y en a un,
/
Zan Bakari /
il est
/
il était de ce côté.
/
Bon i l y a des petits-enfaûts de Djankina
à Bobo-Dioulasso.
/
Eux ils ne sont pas ici.
/
Ceux qui é~ajent
ici.
/
Ce sont ceux-là ...
/ Ceux qui étaient ici, / c'est ce
que je viens de dire.
/
Yammoriba .. , /
Bon . . . . Yammoriba et
, .. /
LES SUNANGI
- ! Il dit que les sonanki ... / qu'est-ce que ça
veut dire sonanki ? /
/
sonanki ... i
-
1
1
Est-ce que c'est un mot de la langue mossi ? /
/
Ce n'est pas un mot mossi.
/
Ce n'est rien.
/
Chez nous ici /
-
sonanki ... ~ Ceux qui s'unissent pour aller attaquer les gens,
/
se
sont eux qu'cn appelle les sonanki.
/
Alors les marabouts ... /
les marabouts /
ils ne nous considèrents pas comme des mara-
bouts.
/ Même si tu es instruit ici /
on te considère comme un
sonanki.
/ Si ce n'est pas aujourd'hui,
/ même s'ils veulent
faire des sacrifices /
ils ne
...
/
ils demandent qu'on
en
donne pas aux sonanki.
/
ça en tout cas /
c'est
comme cela.
/
Sinon
il ne s'agit pas d'une ethnie quelconque des Infidèles.
/ Le sonanki,
/
celui qui va faire la guerre,
/
qui va vous at-
1307
taquer, 1 ~ui YQU~ ch~sse? 1 et ~ui s'empare de
vos
affaires,
/
C'est celui-là qu'on appelle le sonanki,
! En dioula on dirait,
/
(quelqu'un) qui ne craint pas Dieu,
/
- 1 Il dit qu'il te demande si Sékou est un sonanki ? /
/
Oui!
/
quoi qu'il soit
"masan~
/
i l a été sonanki.
/
Lui-
même /
est-ce qu'il ne se promenait pas pour faire la guerre? /
/ Yagbakourou n'a-t-il pas fait la guerre ... /
Celui dont tu
viens de prononcer le nom.
/
-
/
Le petit-là /
/ Oui.
/
Ce n'est pas lui.
/
L'homme du Fouta ... Comment s'ap-
pelle l'homme? /
-
/ El Hadj Omar.
/
/
Oui.
/
C'est lui.
/
Lui en tout cas,
/
il apportait en tout
cas sa guerre,
/
il dit qu'il la fait au nom de Dieu, / mais
en tout cas ce qu'il appelle la voie de Dieu on ne le sait pas,
/ Puisque la guerre que faisaient les prophètes,
/
tu sais que
eux ils venaient à toi et ils te demandaient de croire (en
Qieu),
/
tu dis que tu n'acceptes pas.
/
On te
demande de croi-
re en Dieu,
/
tu dis que tu n'acceptes pas.
/
Ils te font la
guerre pour que tu acceptes Dieu.
/ Mais si tu ne fais pas ce-
la, /
tu vas attaquer les gens,
/
n'est-ce-pas
...
/
ça ce n'est
pas ce que Dieu recommande.
/
Tu cherches à satisfaire ton in-
térêt personnel.
/
1308
LES IMANS DE KONG
/
L'Iman,
/
le 1er Iman /
L'Iman Sila, / a fait
3 ans, / et il est mort. / L'Iman Baro, / il a fait 40 ans, /
et 2 ans /
et il est mort.
/
L'Iman Koulibali,
/
il a fait
40 ans./ ça on le sait.
/
Moi
même j'en (un document) ai ici./
/
Celui qui m'a procuré ça /
les grand-pères qUl sont me
sont morts
. . . .
/ Le grand-père aîné qui est mort
...
/
-
/ Exactement.
/
/
C'est avec lui que je l'ai eu.
/ Mais il ne le
montre à personne.
/ Mais si lui i l est venu pour que je le
lui montre,
/
sinon je ne
...
/ Même si quelqu'un arrive comme
ça ...
/ L'Iman qui s'est installé ici le 1er,
/
il s'appelle
l'Iman Sila,
/
à cette époque Sékou n'étant pas né.
/
-
/
L'Iman Sila ? /
/
L'Iman Sila,
/
i l était un Ugawula" (une branche
des Griots)
/
-
/
Sékou n'était pas né
? /
/ Non.
/
/
Il a fait combien de temps? /
/
Il a
/
Il a fait quelque teQps et il est mort.
/
Il est
mort,
/
i l est mort,
/
il est mort et beaucoup de temps s'est
écoulé,
/
et Sékou et les gens de Missirikoro ont fait des
histoires,
/
on a cassé leur case de fétiches et on y a cons-
truit une mosquée.
/
confiée à l'Iman Baro.
/
-
/
L'Iman? /
1309
/
L'Iman Baro.
/
Les Baro.
/
L'Iman Baro.
/
La lui
confier ...
/
L'Iman Baro a assuré la fonction d'Iman,
/ pen-
dant 44 ans.
/
- / 40 ans et ... ? /
/ 4. /
- / 40 ans ? /
/ 44 ans. /
- /
Plus 4 ans ? /
/ Oui.
/
Il a fait pendant ce temps-là.
/
Après
lui,
/
ensuite Karamogo Touré /
i l a fait
4 ans et il est mort.
/
Après lui, /
Bamori ...
/
Bamoro /
il a fait 7 ans et il est
mort.
/
Après lui,
/ Bamori Touré /
i l a fait
40 ans et il est
mort.
/
Alors
...
/
Après lui les grands-pères des Saganogo
sont arrivés,
/
et on a dit qu'il fallait leur confier l'Ima-
mat.
/
Après eux,
/
ch05e ... Bamori Béré,
/
on l'appelle Ndao,
/
c'est lui qu,Ion a installé.
/
Le reste est un secret entre
eux.
/
Son exercice par la suite ne leur a pas plu.
/
Son exer-
cice par la suite ne leur a pas plu,
/
ils ne se sont pas en-
tendus.
/
On a dit /
ses prières ne sont pas bonnes.
/
On a
brisé la mosquée.
/ Aprè5 le grand-père des Saganogo est mort
après.
/
L'Imamat a été confié au grand-père des Saganogo.
/
Alors,
/ Amara Saganogo /
a été installé.
/
Il a exercé 3 ans
et i l est mort.
/
Alors Bassigui Saganogo /
4 ans d'exercice
et il est mort.
/ Lacina saganogo /
i l a exercé un an et i l
est mort.
/
!
bamoriba Saganogo /
i l a exercé
8 ans. / Lemba-
tou Saganogo 1 il a exercé 7 ans.
/ Latiéba a exercé 3 ans.
/
Bafélémori /
il a exercé 5 ans.
/
Bassidigui / a exercé 8 ans.
/
Il Y a un autre Lacina ici encore,
/
il a exercé 7 ans.
/
Bamadou a exercé 11 ans.
/ Salimou, /
3 ans d'exercice et
Samori
...
/ Salimou.
/
Celui dont l'Imamat a été troublé,
/
on l'appelle karamogo sidi Karawoulen.
/
A cette époque Samori
bougeait déjà.
/
Celui-là a vu qu'il n'allait pas laisser Kong
13 10
en paix. / Il a dit qu'il ne veut pas rester Iman pour assister
à la destruction de Kong.
/ A cette époque il y avait un de ses
esclaves, / qui s'appellait Samamekaha, / qu'il a affranchi,
et qui était instruit. / Il a dit qu'il allait le (l'Imamat)
lui confier, / ce dernier a dit qu'il a placé (à la tête de
l'Imamat). / Il Y en a qui allaient (prier) avec lui / d'autres
n'y allaient pas. / C'est lui qu'on appelle Salamon. / Samori
a détruit la ville. / Il a régné 3 ans et il est mort. / la
ville fut détruite, / depuis cette période jusqu'à ... /
Informateur-:
BA5IERI Ouattara
Lieu de
l'enquête
Kong
Année
25 Avril
1975
1311
HISTOIRE DE~ WATARA DE KONG
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1 basot Igl sara. 1 bErna j:>rl ka slgl. 1 bErna j:>rl sara. 1
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1 m:>rlslrl sara. 1 bErna Iienna ka sigl. 1
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1 morlnasa ka slgl. 1 morlnasa sara. 1 kESE-
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gutlgl
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1 sannlncEba ka slgl. 1 sannlncEba sara. 1 bErna us
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1 bErna USE sara. 1 bwawulen ka slgl. 1 bwawulen
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1 karam:>g:>darl s<:lra. 1 sokolon
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ka a men 1 samorl
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1 kl ye bworl. 1 arr ka bo na do yan, 1 ka temen ka
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ka taga a mina.
1 yanmorlba
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BASIERI Ouattara
Lieu de
l'enquête
Kong
Année
25 Avril
1975
1325
LA MORT DE SEKU WATARA
/
On dit qu'il y a ici la tombe de Sekou ? /
/
C'est cela.
/
/
Alors il te demande, /
comment cela
s'est pas-
sé ? / Puisque Sekou était à Kong, /
à sa mort,
/ et on est
venu l'enterrer ici, /
pourquoi ça s'est passé comme cela,
?
/
c'est pour cela qu'il pose la question. /
pour connaître.
/
- /
Oui /
/
Les vieux d'autrefois, ce qu'ils nous ont dit, /
ils (sekou et un autre) étaient
... /
des amis.
/ Oui,
/
le
père de sekou ... /
i l a été enterré à Ténégela. /
Son fils,
/
et un homme de Nafana étaient des amis.
/
c'est pour cela
qu'il est venu
...
/ quand la mort
allait
le terrasser,
/
on l'a caché à ses frères
(seulement du même père), /
et on
a dit qu'il est parti à Ténéguela,
/
or il n'est pas parti à
Ténégela.
/ On l'a enterré./
/
Pourquoi cela ? /
/
Pour éviter que ses frères
(de même père), sa-
chent où il est enterré.
/
Les hommes de sekou, /
tu les vois
comme cela, mais ils ne savent pas où se trouve sa tombe.
/
Pourtant
les hommes de Nafana connaissent l'endroit.
/
Ils
(seku et son père) sont morts, /
le père a été enterré a Téné-
gela.
/
sa-tombe est à Ténégela.
/ Lui (seku), quand il est
tombé malade,
j
on l'a installé dans une maison (en cachette)/
Et on disait qu'il était là (habituellement)
/
les hommes ve-
naient le saluer.
/
On disait qu'il était là
...
/ En fait on
les trompait
...
/
Il est mort.
/
On l'a fait sortir à l'insu
de tout le monde} /
pour
l'amener chez son ami ci.
/ et on
est venu l'enterrer ici à Nafana.
/
1326
- / Il demande le nom de son ami ? / Celui qui
était ici? / l'ami de sekou ? /
/ Je ne me souviens plus de son nom. / L'époque est trop loin-
taine / tu sais que ce sont les 'vieux qui nous ont raconté ça./
- Alors à cette époque, / on a fait cela (l'enter-
rer à Nafana) pour éviter des histoires ... ? ,/
/ Oui bien sûr. /
/ Entre les enfants (de seku) à Kong? /
/ Oui, c'est celai / C'est pour cette raison qu'on l'a caché,/
/ Et personne ne connaît l'endroit? /
/ Oui, /
/ Les frères de Sekou même, / c'étaient eux qui al~
laient chercher à se nuire entre eux. / C'est pour cette rai-
son qu'on les a trompés, / qu'on l'a enlevé pour le remettre
aux Kombala. / Et on l'a enterré ici. /
- / Pour ne pas que ses descendants transforment
sa tombe en jo que l'on adore et qui serve de lieu de sacri-'
fice
... ?
/ Puisqu'elle est rentréelcl, / ils n'ont pas con-
nu le lieu. / Ce n'est pas fini ?
/
- / C'est Sini. /
/ Si ce nles~ pas cela, / ils allaient en faire un
lien de sacrifice et t'adoration? /
/ Oui /
Informateur:
BAMDRI Bayikoro
'Lieu de
l'enquête
: Nafana
Année
20 Mars
1974
1327
LA MORT DE SEKU WATARA
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: BAMORI Bayiko~o
Lieu de
l'enquête: Nafana
Année
:
20 Ma~s 1974
1329
KONG ET LE NAFANA
Ici (Nafana) et Kong autrefois, est-ce que c'était la
même chose ?
Autrefois nous avons vécu ensemble comme des parents,
sinon les territoires sont différents,
le pays Nafana, c'est
le Komala, on l'appelle le pays Komala,
c'est à part,
j'en
suis le chef de village.
C'est moi qui représente le village.
Ce sont les autorités administratives qui sont ici ma,intenant.
Kong aussi est un pays à part, mais nous sommes les mêmes. Il
n'y a pas de problèmes entre nous. Nous faisons les choses
ensemble.
Si tu vois que je dis que nous sommes les mêmes avec
Kong, c'est parce que leur Fa et notre Fa ont commandé ensem-
ble, eux,
ils ont été plus intelligents que nos vieux, mainte-
nant ils ont fait la guerre depuis kong jusqu'à Bobo-Dioulasso
notre grand-père et leur grand-père ont commandé ensemble.
Nous avons espéré les territoires conquis, eux les confiaient
à un de leurs hommes, les komala ne comprenaient pas cela,
le
village qui est conquis, ils le confient à un de leurs hommes,
et il devient une de leurs possessions.
C'est pourquoi d'ici,
jusqu'à Bobo-Dioulasso et de là-
bas ici leur appartenait, cependant notre père et le père de
celui là ont fait
la guerre avec eux.
Ce sont eux qui ont fait
la guerre avec le grand père de celui là. Ils ont commandé
tous
les villages depuis ici jusqu'à Bobo-Dioulassou.
Mais ils
C,ens de Nafana)
n'ont pas pu avoir des possessions là-bas.
Ce sont les hommes de Sekou qui ont installé à la
tête de ces villages des hommes pour commander en leur nom.
Est-ce que tu vois? Tu ne vois pas Bobo-Dioulasso, i l y a
là-bas le nom Kombi.
1330
Egalement le nom de Djanguina. Et ces
endroits
sont devenus leurs possessions, jusqu'à Soubaganidougou, il
y a N'gbana, tous jusqu'à Dogotiera toutes les conquêtes réa-
lisées là-bas, c'est nos Fa et leurs Fa qui les ont faites
ensemble. Mais eux ont installé des gens, ils ont mis des re-
présentants partout, si bien que tout cela est devenu leurs
possessions. Les Komala et nous n'avons rien eu, sinon ils ont
tous fait les conquêtes ensemble.
Informateur
BAMORI Bayikoro
Lieu de
l'enquête:
Nafana
Année
20 Mars
1974
1331
KONG ET LE NAFANA
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Informateur
BAMORI Bayikoro
Lieu de
l'enquête:
Nafana
Année
20 Mars
1974
1333
QUELQUES ASPECTS DE LA SOCIETE DIOULA
LE MARIAGE
/ Existe-t-il une période pour le mariage ? /
/
Ici à Kong? / Est-ce qu'on peut se marier tous les mois de
l'année? /
/
Le mariage? /
Il Y a des mois où on ne doit pas faire de
mariage.
/
/
Comment appelle-t-on ces mois? /
/
Il Y a un mois où on ne doit pas faire de mariage,
/
Le mois
dont je t'ai parlé, /
"d~nmEmank~n~"(l)~ / on ne peut pas fai-
re de mariage.
/
Il ne sera pas bon.
/
mais les 3 mois du
(2)
"d~nmEn
~ /
on peut se marier.
/
mais si l'on n'est pas obli-
gé /
il Y a des gens,
/
il Y a des ethnies,
/
qui ne célèbrent
leur mariage qu'au mois de n minkari"(3) , / après cela, / au
"kamldomumank~n~(4)~ / le mariage n 1 est pas bon. / Au "kami-
domu" /
i l Y en a qui le font.
/
Dtautres ne le font pas,
1
Au "sunkarl n3nk~n~n(5)~ / il Y en a qui le font. 1 D'autres
ne le font pas.
/
Au "Sunkari" (le mois de Ramadan),
/
i l n'y
a pas de mariage, 1 mais il y a des gens qui font
"l'attache-
ment de kola"(6).
/ Ceux qui le font sont à la recherche du
péché.
1 Ils cherchent à se faire maudire, / et prétendent se
purifier /
ils disent qu'ils veulent se purifier, 1 or ils sont
entrain d'accumuler les péchés.
/
Au mois de Ramadan,
/
elle
(une femme)
'la demander qu'on "attache
la cola".
/
•
?
(1)
d~mE ma~k~n~ ou j~nmEnE correspond au mois arabe Safar.
(2)
d~mE correspond au mois arabe Muharram
(.3)
Minkari~oY'respond au mois arabe chaw..val
(le mois qui suit
le jeune du Ramadan)
(4)
Kamid~mumank~n~ au mois arabe Djuma-sat Tania
(5)
Sunkarimank~n~ correspond au mois arabe Cha 'ban
(
"
i
01
Il s'agit des
fiançailles
1334
1 Pour qu'elle puisse se rendre chez son mari 1 et
faire la cuisine pour lui, 1 elle pense qu'elle estQ~ .train de
chercher des bénédictions, 1 Or il n'y a pas de bénédictions
pour ça. 1 Après le mois de Ramadan, 1 ce genre de mariage
prend fin.
1 Ce n'est pas ça le mariage. 1 Les mois que je lui
ai cités, 1 au mois de
"j~nmina"(l), il ne doit pas y avoir de
mariage 1 chez nous les Dioula. 1 Au mois de
"R3m 1domuma n f<~ n~"
il ne doit pas 1 y avoir de mariage chez les Dioula. 1 Même au
mois de (2),
1 y en 1 a qui refusent 1 le ,mariage). 1 Pourtant
i l est permis I(de se marier). 1 Au mois de
"J~nmE", 1 on peut
le faire.
1 Il Y a des mois, 1 on n'a pas 1 le droit de faire
les mariages.
1 chez les Dioula. 1 Je n'ai pas dit qu'il 1
s'agissait de tout le monde
(toutes les ethnies).
1 C'est chez
les Dioula.
1
HERITAGE
- 1 Il te demande ici dans la région de Kong, 1
comment prend-on l'héritage? 1
1 Dans la région de Kong, 1 comment prend-on l'hé-
ritage ? 1 Si ton père meurt, 1 tu n'es pas seul, 1 les gar-
çons peuvent valoir trois (3). 1 Les femmes valent 2 1 ou bien,
les hommes
valent 3 1 et les femmes aussi 3 1 ce sont les ma-
rabouts qui sont bien versés dans cette affaires, 1 ce sont
eux qui / nous enseignent eela.
1 On leur demande pour s'infor-
mer.
/
si ton /
père meurt, 1 tu le sais,
/ même s ' i l a un frè-
re cadet y ce dernier ne prend pas
(l'héritage).
1 S'il a un
neveu, ce dernier ne prend pas (l'héritage).
/ Ce sont ses
propres enfants qui prennent son héritage.
1 S'ils le prennent
alors,
/
la part qui revient à 2 femmes / correspond à la part
d'un seul homme. 1 La part de 2 femmes correspond à la part
(1)
Il s'agit de J~nmlnE'
(2)
d~nkl correspond au mois arabe DULHIDJJA.
1335
d'un seul homme.
;
La moitié de la part des hommes est celle
qui correspond à la part des femmes.
1 C'est comme cela que
nous prenons l'héritage.
;
Si tu viens au monde; que ta mère
a de l'argent
...
;
c'est comme cela que
se fait le partage;
;
c'est comme cela
que se fait le partage; c'est comme cela.
qu'ils doivent prendre, ;
l'héritage
- ;
Il demande Sl le mari meurt, ;
son épouse, ;
est-ce qu'elle a une part de l'héritage? ;
; Elle a sa part. ;
Si toi même ta femme meurt,
;
si elle a de
l'argent.
;
tu as droit à une part de l'héritage.
;
;
Toi et ta femme vous vivez ensemble.
;
Après bien
même elle aurait des enfants, ;
si on fait le partage, ;
la
femme
...
l'argent que ses enfants ont reçu, ;
s'ils le parta-
gent, ;
ils peuvent en prendre la moitié, ;
et la donner à la
femme.
;
Il Y a des hommes; qui disent non,
;
Si je prends
une décision;
lorsque les enfants seront grands, ils vont
s'y opposer,
;
(de ton vivant tu lui
(à la femme) donnes quel-
que chose, si c'est un animal, ;
tu lui montres l'animal.
;
"femme,
c'est pour toi c;a ll •
/
tu appelles les enfants et tu
leur montres,
/
j'ai donné ça à ma femme.
; Maintenant s ' i l
meurt, ;
est-ce que quelqu'un di~
qu'il faut faire des his-
toires
...
/ Voilà chez vous,
/
si tes enfants sont déjà grands.;
si tu meurs, les enfants partagent tes biens.
;
Celle (parmi
tes épouses
) qui a eu des enfants,
/ elle et ses enfants se
partagent l'argent,
/ mais celle qui n'a pas eu d'enfants, ;
elle reste comme cela.
/
on ne lui donne rien.
/ Et pourtant
elle doit avoir sa part dans le partage.
/
On doit lui en don-
ner.
/
C'est comme cela qu'on prend l'héritage,
/
si tu ne rends
pas l'héritage comme ça chez /
les Dioula il y a un tribunal,
/ chez Dieu,
/
qui te punira.
/ Oui / Est-ce que tu as compris?/
-
/
Il demande si l'héritage des rois procédait de
la même façon ? /
/
C'est comme ça l'héritage des rois.
/
Ce n'est pas ce qu'il
a dit l'autre jour? /
Il n'a pas dit que Famagan qui s'est
1336
déplacé pour venir /
était venu pour prendre l'héritage de
Sékou ? /
-
/ Est-ce qu'il était le seul frère
(même
~'ère)
/
comment va t-il faire,
1 pour prendre tout seul l'héritage?
/
C'est comme cela aussi que les rois prennent
(l~héritage).
/ Le nombre de tes enfants, /
/ C'est comme cela qu'on partage l'héritage.
/
S'il Y a de
l'argent,
/
c'est comme ça qu'on le partage,
/
si tu as d'autres
biens (par exemple les animaux, les bien fonciers ? . / non,
les histoires ...
/
Celui qui est l'ainé occupe le trône.
/
Le pays que voici,
/
toi tu prends ça.
/
le pays que voici,
/
toi tu prends ça,
. ce côté ci toi
tu prends ça.
1 c'est
comme cela que les rois procèdent.
/
S'il a de l'argent,
/
ses enfants font le partage de la même manière.
/
Oui /
si lui
il me dit
que Famagan est venu du Gbirinkwo /
pour prendre
l'héritage de Sekou,
/
/ Est-ce qu'il est le seul frère?
/ Est-ce qu'il a le droit
de le prendre? /
N'est-ce pas pour cela qu'il a
juré
? /
Est-ce
que je ne lui ai pas dit ça ? /
J'ai dit qu'il a juré.
/
Puisqu'il n'a pas eu'~héritage, / tous ceux qui descendent de
lui, s'ils rentrent
...
/
tous ceux qui sont de sa famille,
/
le jour qu'ils rentrent à Kong,
I~~ ils mourront. / Même au-
jourd'hui, s'ils rentrent à Kong,
/ même aujourd'hui s'ils ren-
trent à kong.
fils meurent./ Est-ce que tu as compris? /
Par-
ce 9ve on a dit qu'il CFamaghan) avait volé le drapeau, / on ne
peut pas voler le drapeau de guerre.
/
Il est à nous /
c'est le
nôtre ...
/
celui de FAMAGAN ...
!
le fanion qu'il a,
/
c'est le
fanion des-gens de KAFOLON.
/
C'est un fanion royal qui porte
chance.
/
Ce n'était pas à Sekou.
/
Aujourd'hui, Sekou ...
/
il
est là-bas,
/
nous aussi nous sommes là, /
nous ne sommes pas
encore morts.
/
Le 'drapeau de guerre de nôtre grand~père, /
depuis qu'il était un jeune homme,
/
c'est ce qu'il a donné à
Famagan.
/
Et nous sommes venus du Ghana.
/
C'est parce9venous
nous sommes laissés faire,
1 Sinon ce n'est pas avec les armes
qu'il a pu nous avoir.
/
!
/
C'est comme cel à qu'on reglait pour le rois.
/
1337
/
Il dit maintenant, /
Si tu épouse~une femme, / et tu as avec
elle un seul enfant,
/
et cet enfant est une fille,
/
si tu étais
riche, /
est-ce que c'est l'enfant qui doit hériter de tes biens?
/
ou alors c'est ton frère? /
Si tu mets au monde un enfant, /
et si c'est une fille,
/
et que tu as un frère cadet, 1 non,
rien n'appartient à ton frère cadet.
/
A moins que ton enfar,t
veuille
tien partager les Biens et lui donner une partie.
/
"parce 'lue. tu es le frère cadet de mon père.
/
A lors j e t ' en
donne".
/
Sinon les biens appartiennent à l'enfant.
/ Même si
la fille est unique,
/
ça lui appartient à elle seule •.. /
quelle que soit l'importance de la valeur des biens, tout lui
appartient.
/ A moins que elle même décide d'en donner à un
frère cadet de son père.
/
Sinon ça lui appartient.
/
/
Il te demande,
/ par la voie des rois,
/
si la
royauté ...
/
(le roi) a eu un seul enfant,
/
qui est une fille,
/
s ' i l (le roi) meurt,
/
est-ce que sa fille peut occuper le
trône de la royauté ? 1
/ Sa fille ? /
/
Oui /
/
Il n'y a plus de membres de leur ethnie ou quoi? /
Onn üccu -
pe pas le trône royal de cette façon.
/
On ne devient pas roi
comme cela.
/
/
toi tu es
le roi /
tu n'es pas le seul,
/ de ton
ethnie ...
/
Comment,
/
tu peux seul rester le roi? / Celui qui
est l'aîné,
/
il occupe le trône de la royauté.
/ Si lui il
meurt,
/
le suivant qui mérite le nom de père,
/
occupe le
trône.
/ Même si tu as un enfant ...
/
Même si c'est un garçon,/
il ne peut pas être le roi à plus forte
raison une fille.
/
C'est comme ça que ça se passe.
/
C'est comme cela la royauté.
/
/
Comment tu peux être roi ? / Même si tu as mis au
monde un enfant,
/
cet enfant est un garçon.
/ Même si il a une
grande renommée /
celui qui mérite le nom de père, / même s ' i l
est comme cela,
/
c'est /
lui le roi /
on ne devient pas roi
par hasard,
/
ce n'est pas comme l'héritage.
/
Les femmes ne
peuvent pas prendre la place.
/
Comment peuvent-elles le faire?/
/ Pourquoi elle
(la femme)
ne peut pas? /
/ Son état de femme.
/
Chacun a ses façons de faire
... / Pour nous ce n'est pas comme ça.
/
Si tu dis que les hom-
1338
mes ce n'est pas comme ça)
/
il faut dire que chez~nous, ce
n'est pas comme ça.
/
Quelle que soit la situation élevée
d'une femme,
/
i l s'agit simplement d'une étiquette /
elle ne
peut pas être chef.
/
Comment la femme peut-elle être le chef? /
/
C'est que les hommes ne sont plus sur la bonne
voie.
/
Celui qui a une bonne situation) 1 il a fait de bonnes
études) /
on peut lui confier la chefferie.
/ Mais chez-nous
il n'y a pas ça.
/ Est-ce que tu vois? 1 Ce n'est pas ainsi
chez-nous.
/
Une femme ne peut pas être chef.
/ Est-cequ'elle
peut s'habiller pour aller en guerre? /
Ca n'existe pas chez-
nous ça.
/
Si elle n'est pas, ..
/
elle n'a pas .. , /
elle inau-
gure un nouveau mode de vie.
/
Les gens qui ont assimilé la
culture des blancs éduquent à leur façon.
/
Ils donnent les
fusils aux femmes.
/
Pour aller à la guerre.
/ Mais est~ce
elles peuvent
(faire la guerre)
? /
On sait toujours qui peut
être le roi.
/
Il Y a du monde derrière lui.
/
On ira (la
ro-
yauté) confier à quelqu'un de ceux là.
1 Lui s'en chargera, /
Vous êtes à Kong
/ Misselmankari c'etait à lui la ville, /
la ville de Kong
la chefferie de Kong.
/
On l'a confiée un
jour au chef de
village.
/
Est-ce que aujourd'hui ils ne
l'ontpas conservée? / Tout le monde constate que le chef de
village sait /
que la ville appartient aux gens.
/
la chefferie
du village appartenait à Misselmanka on dirait qu'il était. ,./
que le chef de village sache que le règne de quelqu'un d'autre
a pris fin.
/ Est-ce que tu vois? /
Ca n'a pas fini par leur
appartenir? /
Celui qui est supérieur.
/
Il faut que
quel-
qu'un se nourris se . ..
/
/
Les poissons sont gros dans la rivière ...
/ Est-
ee qu,' ils fie s'avalent pas ? /
Celui qui a le plus de
connaissan-
ces.
/
et toi qui ne connais rien s ' i l te trouve il va t'ex-
ploiter, n'est-ce pas? /
C'est comme cela que sont les cho-
ses.
/
La royauté aussi c'est comme cela.
/ Tous tes enfants
sont
des filles.
/
Si tu es un roi ...
/
Quelle que soit
la force de la royauté,/ aucun
de tes enfants ne peut héri-
ter.
/
Il te demande Kong /
et les Falafala.
/
i l te demande
encore,
/
ils partageaient l'héritage ...
/
Ou bien, c'est tou-
jours le problème des
aînés et des cadets ? /
1339
/ A cette époque, le Senoufo, 1 par exemple tu
mets au monde des enfants, / parmi les enfants, il y a des
femmes,
/ Si sa soeur cadette met au monde un enfant, / ou
alors sa soeur aînée qui met au monde un enfant, 1 on l'ap-
pelle ton enfant./ C'est comme ça que les Senoufo partagent
l'héritage. / Si le~ Falafala.,. 1 Son neuveu prend son héri-
tage, 1 A l'époque des Senoufo 1 eux ... à l'époque des Fala-
fala. /
/ Dans leur pays c'est leur neveu ... / l'enfant de
sa soeur cade~~ ou de sa soeur aînée, 1 c'est lui qui prend
l'héritage. / Son enfant ne peut pas le prendre. /
1 Dans ce pays c'était comme cela. 1 Même aujourd'
hui, c'est comme cela ... chez certains Senoufo. / Les Senoufo./
de cette époque
étaient comme cela. 1 Nous sommes ici. /
Infopmateup:
DAWABA Bamba
Lieu de
l'enquête:
Pongala
Année
3 Avpil
1974
1340
QUELQUES ASPECTS DE LA SOCIETE DIOULA
LE MARIAGE
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ni 0 ye, 1 jam;)na min ye tan, 1 ele ye taga ni
oye, 1 fandara
min ye tan 1 ele ye taga ni oye. 1 mas;)rl
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CEn ta, 1 ;)Ie kelen
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1 komi ale m;) CEn soro, 1 ale wolo fEn ka do ••. 1 mogo min bYE
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1343
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1344
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/
InfOT'mate UT'
DA WA BA
Bamba
Lieu de
l'enquête
Pongala
Année
:3 AVT'il
1974
1345
LES HOMMES LIBRES ET LES ESCLAVES
/ Autrefois qui s'occupait des activités du pays? /
/ Autrefois les hommes libres et les esclaves travaillaient
tous /
Bon;il y avait le tisserand.
/
Il Y avait le teinturier./
Ceux qui donnent des teintes aux étoffes avec l'indigo,
/
il Y en avait.
/ Bon il y avait les fo~gerons, /
ceux qui con-
naissent le fer.
/
Il Y avait les forgerons /
ceux-là on les
appelle les "I::>gh::>n"./ Ils travaillaient le cuivre.
/
Ils fa-
çonnaient le cuivre et le mettaient autour de la cheville des
enfants.
/
/ S'ils marchent ça résonne
"yo ! yo ! yon. /
ça ce
sont les "I::>gh::>n".
/ Ceux-ci et les forgerons qui battent le
fer noir,
/
ils ne sont pas les mêmes.
/
Ils sont différents
des cultivateurs.
/
Il Y en avait,
/
eux ils cultivent la ter-
re.
/
Ils ne savent pas comment on fait le tissage,
/
ils ne
font pas le travail de l'indigo
pour teindre les étoffes,
/
ils ne font le travail des forgerons,
/
ils ne font rien d'au-
tre que ça.
/ Alors les Dioula,
/
eux ils font le commerce,
/
quittent ici pour aller jusqu'à Djenné,
/
quittent ici pour
aller jusqu'à Mopti, / pour aller à Bobo-Dioulasso,
/
pour
aller à Sikasso,
/ pour aller jusqu'au Mali,
/
pour aller
jusqu'à Gbotogo (Bondoukou),
/
pour aller jusqu'à ...
/
quel
est le nom de la ville? /
( ... ) les Dioula en tout cas fai-
saient le c~mmerce. / Ils prennent le sel.
/
Ils vont prendre
le sel.
/
Ils prennent les
d ...{i.)Cj
ici,
/
pour aller les vendre,
/ ils chargent le sel/pour revenir.
/
C'est ce que les Diou-
la faisaient.
/
Charger la cola pour aller vendre à Sikasso,
/
pour aller à zignasso(1),
/
pour aller jusqu'au Mali,
/ avec
la kola.
/
C'est ce que faisaient les Dioula.
/
S'ils vont ... /
Il Y en avait,
/
ils vendaient les boeufs.
/
Ils vont acheter
les boeufs en grand nombre,
/ et ils les amènent, /
à Gbotogo
(1)
Localité non identifiée
peut-être Sienso aux abords de
San
(Mali).
1346
(Bondoukou),
/
pour aller les vendre.
/
-
/
il dit
que ceux qui faisaient le travail du cui-
vre pour le mettre aux pieds des enfants.
/
/
Leur fille,
/
est-ce que quelqu'un d'autre ne pouvait pas la
marier? /
A cette époque,
/
les gens des autres ethnies n'a-
vaient pas besoin de leur fille.
/ Les II~gh~n", / on les ap-
pelle II~gh~n", / ceux qui acceptaient de marier leurs filles
n'étaient pas nombreux.
/
/
Les "I~gh~n" se mariaient entre eux. / Mais il
s'est passé que,
/
ces derniers temps,
/
les gens se marient
à leurs filles, / tout à fait récemment. /
-
/
Il dit autrefois ? /
/
Autrefois ils se mariaient entre eux.
/
-
/
Ceux que tu Vlens de citer,
/
il demande que tu
dises leurs noms de famille,
/
- que tu lui dises leurs noms
de famille.
-
/
/
Ceux que je viens de citer,
/
ils ont toutes les espèces de
noms de famille.
/
Il Y a des noms de famille
...
/
qu'on ne
trouve
plus aujourd'hui dans cette ville.
/
Il Y a un nom de
famille /
on dit Sélogo.
/
- /
Sélogo ? /
/ Oui.
/
Il Y avait un nom de famille /
on dit Sié,
/
il Y
avait un nom de famille /
on dit Sirama.
/
Il Y avait un nom
de famill~ /
on dit Touré.
/
Il Y avait un nom de famille.
/
/ On dit Traoré;
/
il Y avait un nom de famille
...
/
Ils é-
taient nombreux.
/
Ceux qui faisaient le travail du cuivre.
/
Portaient tous le djamou Watara.
-
/
Il dit de te demander,
/
si autrefois un étran-
ger entrait dans la ville,
/
il vient trouver quelqu'un entrain
de travailler,
/
s ' i l le regarde.
/ Est-ce qu'il peut savoir
que celui-ci est un esclave ? /
1347
/ Avec un simple coup d'oeil,
/ il ne peut pas le savoir.
/
- / Tu VOlS, /
il te demande, /
à cette époque / au-
trefois,
/ est-ce qu'il n'y avait pas un travail qui indiquait
que celui qui le faisait était un esclave ? /
/ Oui.
/ Il Y en avait.
/ Il Y en avait.
/ Il Y en avait.
/
Celui dont tu viens de parler là, / il portait les bagages
pour aller ...
/ Ils portaient les charges de Kola pour aller
dans les villes comme Sikasso.
/ Ils avaient les esclaves en
grand nombre.
/ C'étaient les esclaves qui portaient les baga-
ges.
/ Aussi / les maisons en banco qu'on construisait, / tu
sais que partout ici c'étaient les maisons en banco.
/ Il n'y
a pas ces cases construites avec la paille.
/ Elles ont été
construites il n'y a pas si longtemps.
/ Si
/ ces genres
et les travaux de construction,
/ c'étaient les esclaves qui
les faisaient.
/ Les esclaves vont en brousse pour couper le
bois, / ce sont les esclaves qui alignent les briques, / pour
... la case / c'étaient les esclaves qui faisaient tout.
/
/ Mais il y avait parmi eux (pour les aider) des "hJrJn" (clas-
se non servile, classe des gens nobles), / pour les aider, /
mais le gros du travail était réservé
aux esclaves.
/
/ Aussi les champs qu'on faisait à cette époque, /
c'étaient les esclaves qui travaillaient dans le champ.
/ Mais
ça aussi ....
/ par exemple mon enfant, / par exemple je possè-
de des esclaves, / ils. doivent construire quelque chose pour
moi, / mais je peux demander à mon fils de se joindre à eux, /
pour aller faire le travail.
/ Mais c'étaient les esclaves qui
faisaient-~e gros du travail. / Moi-même je pouvais les accom-
pagner aux champs. /
-
,7
Le mot lhJrJn", 1 est-ce qu'il est de la langue
dioula ou de la langue mandé ? /
1 Le mot "hJrJn" ? /
C'est un mot dioula.
/ Chez nous ici / on
dit lhJrJn". / C'est une parole dite par Dieu.
1 C'est Dieu qui
a dit "hJrJn". / C'est Dieu qui a dit "jJn" Cl 'esclave). / Tous
viennent de Dieu.
/ Les gens ne les ont pas inventés d'eux-'
mêmes.
/
1348
-
/ Autrefois quel travail les "h;:,r;:,n" (nobles)
faisaient
? /
/
Les "h;:,r;:,n"
(nobles~. d'autrefois, / ils travaillaient. /
S'il te vient l'envie d'aller acheter des esclaves,
/
si tu
ne travailles pas pour avoir de l'argent est-ce que tu peux
acheter des esclaves ? / Tu sais bien que cela ne peut pas se
faire,
n'est-ce pas? /
Ils travaillaient.
/
-
/
Comme maintenant i l est venu ... est-ce que je
ne viens pas des champs ? /
Si tu fais des cultures dans un
champ,
/
tu as récolté beaucoup d'ignames,
/
tu les as vendues,
/ n'est-ce pas que tu auras de l'argent? / Si tu gagnes de
l'argent,
/
si c'est la période où on achète les esclaves,
/
est-ce que tu n'iras pas acheter des esclaves? /
-
/
Il demande si les "h;:,r;:,n" (nobles) étaient com-
merçants ? /
/
Oui.
/
Ils l'étaient? /
-
/
Le commerce ? /
/ Oui ils le faisaient.
/
Les "h;:,r;:,n" (nobles) faisaient le
commerce.
/
les "h;:,r;:,n" (nobles) faisaient sérieusement le
commerce.
/
Les esclaves portaient les bagages,
/
les "h;:,r;:,n"
(nobles) eux-mêmes en portaient.
/
-
/
Il dit qu'il te demande /
comment on se procu-
rait les esclaves ? /
/
Oui.
/
On allait les acheter.
/
-
/
Il dit que par exemple un "h;:,r;:,n" (noble)
/
il
a fait quelque chose qui n'est pas bien,
/
est-ce qu'on ne
pouvait pas l'assujetir à la condition d'esclave? /
/ Oui.
/
-
/
Il demeurait toujours "h;:,r;:,n" (noble)
? /
/
Il demeure toujours "h;:,r;:,n" (noble) comme i l l'était.
/
Il ne fait pas quelque chose de bien mais c'est un "h;:,r;:,n"
1349
(noble).
/ Oui.
/
Il ne gagnait pas grand-chose.
/ Même IQ~ ,"
même
les habits qu'il portait,
/
i l ne pouvait pas se les
procurer, /
ce sont les autres qui les lui donnaient,
/
pour-
tant c'est un "h;)r;)n" (noble).
/
- /
Il demande si un "h;)r;)n" (noble) pouvait prendre
un esclave et le tuer ? /
/ Oui ...
/
le prendre et le tuer ? /
non non non /
i l ne fai-
sait pas cela.
/
-
/ S'il le prenait et le tuait,
/
qu'est-ce qu'on
lui faisait ? /
/ Si un "h;)r;)n" attrapait un esclave et le tuait,
/
est-ce que:
quelqu'un peut allumer un feu et brûler son bien? /
Personne
ne veut brûler son bien.
/
non non non.
/
Ton esclave à toi /
l'attraper et le tuer? /
ça ça ne se faisait pas.
/
ah
/
s ' i l fait quelque chose, /
qui n'est pas correct,
/
si tu sais
qu'il ne peut pas se corriger de ce mauvais comportement,
/
tu l'attrapes pour le vendre et en acheter un autre, /
c'est
ce qu'on faisait,
/ mais on ne le tue pas.
/
/
Oui.
/
Il ne le tue pas.
/
Il va le vendre et cher-
cher à acheter un autre qui soit meilleur.
/ Mais i l ne le tue
pas.
/
- /
Il dit qu'au Mandé /
i l Y a des esclaves,
/ eux
on les laisse à la maison,
/ on ne les vend pas.
/
Il Y en a
d'autres, /
on va les mettre au champ pour qu'ils y travail-
lent.
/
Il_yen a d'autres /
on les trouve sur les routes,
/
c'est leur histoire qu'il te demande.
/
/
Ici,
/ c'est comme cela ici aussi.
/
C'est comme
cela aussi.
/ Maintenant,
/
je vais t'acheter,
/
et je viens
te garder à la maison,
/
si tu fais quelque chose de bien,
/
je trouve une femme à te donner en mariage,
/
tu mets au monde
un enfant, /
cet enfant,
/
on l'appelle "woloso", /
on ne le
vend pas.
/ On l'appelle "woZoso".
/
1350
/
L'enfant de mon esclave,
/
on l'appelle "woZoso".
/
ça on ne la vend pas.
/
Il reste à la maison.
/
Et c'est la mê-
me chose qu'on trouve au Mandé.
/
Ces genres sont nombreux au-
jourd'hui,
/ partout dans le quartier.
/
Les enfants des "wa-
Zoso" ; / les enfants des esclaves, / on les appelle "woZoso",
/
ils sont nombreux,
/ partout.
/ On ne les vend pas.
/
-
/
Il dit qu'il te demande /
si un "woZoso"
peut
devenir "h;)r;)n"?
/
/
Oui i l peut devenir.
/
-
/
Comment peut-il le devenir ? /
/
Comment i l peut le devenir, / pour exemple,
/ moi je posséde
un "woZoso",
/
il a une bonne conduite,
/
je lui donne ma fille
en mariage,
/
ma fille à moi.
/ L'enfant qu'elle mettra au mon-
de,
/
c'est un "h;)r;)n" (noble),
/
il (l'enfant) n'est pas un
"wo Zoso". /
-
/
Il demande si c'est comme cela dans la région de
Kong ? /
/
Oui.
/
Chez nous ici en tout cas,
/
c'est comme cela.
/ Si
tu as un esclave,
/
s ' i l a une bonne conduite,
/
tu peux at-
traper une de tes filles et la lui donner en mariage.
/
Si tu
lui donnes en mariage ta fille,
/
s ' i l a un enfant avec elle,
/
qu'il soit de sexe masculin,
/
qu'il soit de sexe féminin,
/
il est devenu "h;)r;)n" (noble).
/
C'est aussi (comme cela).
/
Son enfant n'est plus un esclave.
/ Mais si tu attrapes une
esclave fille pour la donner en mariage à un esclave homme,
/
l'enfant qüi naît de cela (cette union),
/
on l'appelle "woZoso"
/
l'loi je suis "h;)r;)n"
(noble), /
la femme que j'ai
épou~é,
/
~i elle est "woZoso", / l'enfant que j'aurai, / il
sera "h;)r;)n".
/
Il ne sera pas un esclave.
/
/
ça c'est "h;)r;)n ll (noble).
/
C'est Dieu lui-même
qui l'a dit dans le
Coran,
/
c'est une parole de Dieu.
/ Oui.
/
L'esclave,
/
c'est une'parole de Dieu.
/
"h;)r;)n" /
c'est une
1351
c1est une parole de Dieu. 1 c'est dans le Coran. 1
- 1 Il demande si les forgerons sont des "horon"
(nobles) ? 1
1 Oui. 1 Il Y a des forgerons qui sont des "horon" (nobles).1
D'autres forgerons .. , 1 Oui 1 il Y en a qui sont "horon"
(nobles). 1 Pourquoi? 1 (Parce que) chaque catégorie d'hommes
a ses coutumes, 1 tu as vu ? 1 Ceux qui sont les forgerons, 1
c'est leur catégorie. 1 La catégorie des forgerons 1 elle
existe.
1 Alors, c'est pour cela, 1 il Y en a 1 qui ne sont pas des es-
claves, 1 il Y en a d'autres 1 qui sont des esclaves. 1 Oui, 1
Il Y en a
qui sont "horon"
(nobles), 1 (et) d'autres qui sont
des esclaves. 1 Chez nous ici, 1 il s'agit d'un mélange. 1
- 1 Le lien du mariage peut-il exister entre les for-
gerons et les "horon" (nobles) ? 1
1 Oui 1
- 1 Est-ce qu'il existe entre les "Ioghon" et les
forgerons ? 1
1 Oui. 1 Il existe entre eux. 1 Oui il peut y avoir un lien
de mariage entre les "Ioghon" et les forgerons, 1 également
entre les forgerons et les Dioula. 1
- 1 Et les "horon" ? 1
1 Il existe entre-eux. 1
- 1 Avec les "Ioghon" ? 1
/ Oui. / Il~existe entre eux. 1 Si tu vas voir une femme "10-
ghon", /
Si tu l'aimes 1 tu peux aller demander sarmain à
son p~re. / S'il accepte de te la donner en mariage, 1 tu la
maries. /
- / Il dit que les forgerons qui sont â Kong ici,
eux et les Watara, 1 ne peuvent-ils pas se marier 1 est-ce
qu'ils ne peuvent pas être liés pour le mariage ? 1
1 Les ;forgeron,s qui sont à Kong ici ? 1 Ils le peuvent. 1
1352
lIn peuvent être liés par le mariage, 1 Par exemple si je vois
là-bas une femme forgeron, / si je l'aime, / je vais demander
sa main. / Ils peuvent bien se marier. /
- / Autrefois / cela pouvait-il se faire ? /
/ Oui. / Autrefois / cela pouvait se faire. /
/ Quoi? / Dis-lui. / Chacun a ses coutumes. / Quelque part, /
quelqu'un ... / il peut y avoir des ethnies / elles ne se ma-
rient pas avec des "je li" (caste des cordonniers ou caste des
griots). / A un autre endroit / il peut y avoir des ethnies, /
elles ne se marient pas avec les 11Ioghon". / Elles ne donnent
pas en mariage leur fille à un "Ioghon". / elles ne donnent
pas en mariage leur fille à un "jeli"~ / elles ne donnent pas
en mariage leur fille à un forgeron. / ça ça existe ~ certains
endroits. / Mais ça n'existe pas ici. /
- / Est-ce qu'un forgeron pouvait devenir Uhoron"
(noble) ? /
/ Il pouvait le devenir. /
- / Il dit qu'autrefois, / si un esclave mourait, /
qui prenait son héritage? / Si un esclave mourrait? 1 C'était
son maître qui prenait son héritage. /
- / Et s~il a eu un enfant ? / Quoi ? /
- / S'il a eu un enfant avant de mourir? / Mais
quand même, / même s'il a eu un enfant avant de mourir. / SOn
enfant ne~prenait pas son héritage ! / C'était son maître qui
prenait son héritage. / L'héritage des esclaves,/ leurs
enfants, / tous appartiennent au maître. / S'il va se marier
quelque part d'autre et puis il fait des enfants. / Oui. / Oui.
/ Mais toi tu ne lui as pas donné en mariage une de tes filles,/
mais toi tu ne lui as pas donné une fille "horon" (noble) à
la maison, / s'il va quelque part d'autre, / il prend femme de
dehors ... ailleurs, / pour l'amener dans ta famille, / c'est
ton esclave. /
- / Il dit que s'il va quelque part, / il va prendre ...
1353
- / Il dit que s'il va quelque part, / il va pren-
dre femme et avoir des enfants, / est-ce qu·'on ne peut pas aller
chercher les enfants pour les amener. / Mais selon le commande-
ment de Dieu, / il (le maître) peut (il en a le droit). /
- / Est-ce qu'il peut,' 1 ou bien il ne peut pas? /
Alors, / il peut. / Par exemple / il a une femme esclave, /moi
je possède un esclave. / Si mon esclave a vu sa femme et qu'il
veut la marier, / selon le commandement de Dieu, / son esclave/
/ et les biens nécessaires pour "le mariage" de la femme esclave
/ il doit me les réclamer. / S'il me réclame les biens, / si
elle met au monde un enfant, / l'enfant sera à moi. /
Informateur:
KARAMOKO Ouattara
Lieu de
l'enquête:
Kong
Année
20 Mars
1975
1354
LES HOMMES LIBRES ET LES ESCLAVES
1 galen galen jon yogorl
le t l
ye gEnE baararl
kE? 1
1 galen koronw ni yonw blE tl ye baara kE 1 awa jesedanbaga tl
bE
yen. 1 garadonbaga tl
bE
yen t l
bE yen.
1 mlrl bE fanl
fin.
l o t i
bE yen.
1 bon numun tl bE yen. 1 mlrl bE nEgE Ion. 1 nu-
mun t l
bE yen 1 on ko aw ma ko
lo~on
l o t i
bE slra
le kE
son
l o t i
bE slra
kE
k'a do denmlsenrl
sen
na
l o b E tagama a bE
maga yo yo yo.
lobE
logonw ye.
1 0 ni numun mlrlbE nEgE fin
gbasl.
1 ow tE kelen ye. lobE danna SEnEkEbaQarlra. 1 dow tl
bE yen.
l o r i
bE SEnE
le kE.
l o t i
jesedan
Ion. l o t i
gara
fin.
l o t i
numunya
kE.
l o t i
foyl
kE 0
kwo.
1 awa julaw. 1
ow konl
tr
bE jago
le kE.
1 ka bo yan ka taga fo jEnnE. 1 ka
bo yan
ka taga
fo m~nwl 1. 1 ka taga bobo, 1 ka taga sika 50. 1
ka taga
fo mail.
1 ka taga fo gbotogo. 1 ka taga fo
1 dugu
t 0 goy e dl? 1
j u 1 a w ko n 1 0 r i t 1 b E j U 9 o l e k E
l o b E
kogo ta
lobE taga ka taga
kogo ta.
1 q bE daba ta yan. 1 ka
taga ka taga a flere.
1 ka kogo ta 1 ka na. 1 julaw konl tl bE
ole kE
1 ka woro ta ka taga a flere slkaso. 1 ka taga zlnyaso.
1 ka taga fo mallkl. 1 ni woro ye. 1 julaw konl tl bE ole ra
1
1 0 ka taga
1 dow tl bE yen. lori tl bE mlsljago le kE
lobE taga misl
san caman.
1 ka tEmEn ka taga ni 0 ye. 1 gbo-
togo.
1 ka taga a flere
1
- 1 ko ale slragbasl baga wlrl tl ye slra gbasl k'a
do denmlsEn~1 sen na. 1
0
lugu ta
denmuse kE.
1 mogo gbErE
t l
tE
se ka 0
furu wa
? 1
1 0 tumara. 1 mogo 51 VErE mako t~ orl ta denmusora
1 lo~on. 1 an ko 0 ma ko loron. loden ta baga man ca
1
1 lo~on VErE gbanzan le tl bE nyogon furu. / mE a kEra. /
bsara. 1 mogorl
kl
ye 0
ta
denrl
furu.
/
kosa
kosa
/
- 1 ko galen galen. /
/
galen 0
lugu VErE
le t l
bE
nyogon
furu
1
1355
- 1 ko 1 ka mIr 1 t 0 go f 0 tan o. 1 k0
1 ye a r 1 j am u
dl. 1 ko
1 ye a r 1 j amu fo a ye. 1
1 a ••• jamu •••
1 n1ka mlnw fo fo tan. 1 jamu nacon ble: be:
arlra. 1 jamu do be: yen
•••
1 0 do te: dugu nln kono no bl de:
1 jamu dorl tl be: yen. 1 0 ye watara ye. 1 jamu do be: yen 1 0
ko se
logo.
1
- 1 selogo ? 1
.
1 onhon
1 jamu do t 1 be: yen
1 0 ko sIse
1 jamu do t 1 be:
•
yen 1 0
ko sI rama
1 jamu do t 1 be: yen
1 0 ko ture . 1 jamu
.
.
do t 1 be: yen 1 0
ko tarawore
1 jamu do t 1 be: yen
1 0 t 1
•
. ..
ka ca
1 sI ra gbasl baga nI n nugu jamu kon 1 t 1 ye watara le ye .1
- 1 a ko ka 1 nylnlnka 0 1 n 1
po na n t 1 ka na galen
ka na do dugura.
1 ka na a soro mogo do we: re: be ce ke: ra. 1 a
ye a fI le:.
1 e:s ke e ye se k1a Ion nJn ye jon ye. 1 mIn s 1 jon
te:
1 n 1 a ma ke: a ye. 1 a ye a fI le: nyaden na ten. 1 a te: a
1 on
1
- 1 flle:. 1 a ye
nylnlnka a ke:ra 0
sagara galen.
1
baar:a do be: yen ten mIn ye a ylra
karako jon
le be:
nln ye wa ? 1
lonhon
10 tJ be: yen. l o t I be: yen.
l o t I
be: yen.
1 1 ka
mIn
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1 0 tJ be: donln le ta ka taga
l o r i
be woro
donln
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ka taga sJkaso nyogonwra.
1 jonce: tJ be: 0
fe: caman
1 jonw fe tl be: donln ta
1 0
fana l o t I
be:
blrlbon mlrl
10.
1 ye a Ion yan bye: tl
be blrl
le ye.
1 tl nln bye: tl te: yen. 1
o ke:ra
kosa
kosa
nln na
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•••
1 0 se:re: nI banko ce. 1 jonw
le tlbe: a ke:.- 1 jonw be: taga konkora ka taga yJrl
tige:.
1 jonw
le be: blrlgl
la.
1 ka bon
1 jonw le tl be: a ke:. 1 me: horon
dow tl
be:,' 0
ra.
1 ka 0 je:me:. 1 me: jonce:w le tl be: a baragaman
k.e
l o f a na l o t l , be: f 0 ro ml n k e: 0 t uma. 1 j 0 n w 1 e t 1 b e: f 0 ro
ke:
1 me: 0 fana
1 konl nI ta den
1 awa jonce: be ni
fe
tan,
1 arl be: fe:n do 10 ni ye. 1 me n1be se ka n1ta den bllù
nI
arl
ye.
l o b e taga baara ke:.
1 me jonce:w le tl be baara ba-
,ragaman
ke:
1 nI yere tl be taga ni arr ye koukora. 1
- 1 ko horon. 1 jula kan 10 wa u bien mande kan 10 ? /
1356
1 ho ron ? 1 jula kan 10
1 an fe yan 1 an ko ho ron
1 a la ta
fo ta
le be 0 ye.
1 a la le k1a fo ko horon
1 ala le k1a fo
ko j 0 n. 1 a bye ye a 1 a ta
1 mogow le m'a bo a r 1 yerera. 1
- 1 folo horonw t 1 ye baa ra juman le ke ? 1
1 folo horonw, 1 0 t 1 be baara ke
1
kla men ko f be taga jon,
san, 1 n 1 1 ma baa ra ke ka wa ri soro
be taga jon sa n wa ? 1
1 ye a
Ion 0 te ke de ? 1 0 t 1 be baara ke
1
1 kom 1 slsan anana
1 n1ma bo senera wa ? 1 n 1 e
ka foro ke, 1 ka ku ke caman, 1 kla fIe re , 1 1 te wa r 1 soro wa ?
1 n 1 e ka wa rI so ro, 1 nI jon san tuma 1 e sera, 1 1 be taga j
jon san wa ? 1
- 1 ko koronw tl ye flere rI
ke wa ? 1
1 onhon l o t 1 be a ke
1
-
j a go ? 1
1 onhon 0 t 1 be a ke
1 horonw t 1 be jago. 1 horonw t 1 be jaga
ke kosobe
1 jonw be donln ta, 1 horonw yere tl
be do ta
1
1 ko
a ye 1 nyfnlnka 0, 1 jonw t 1 ye soro cogo
d 1 le ? 1 ho ronw t 1 ye se ka ke jon do ye u bIen a r 1 t 1 ye ta-
ga a r 1 sa n le ka na n 1 a ye ? 1
1 onhon
1 o t f be taga a sa n le
1
- 1 ko horon do be yen slsan 1 a ma ko nyanaman ke, 1
o tl te se ka ke jon ye wa ? 1
Ion ho n
1-
- 1 a t 1 be to horonyara yen? 1
1 a be to a ya horonyara yen. 1 a t 1 kosobe ke me horon 10
1
lonhon
1 a tl te fen soro. 1 hall a yere kan na derege 1 a
tf te a soro, 1 mogow le bE a bt la a kanna, 1 me horon 10
1
- 1 ko es ke horon tf be se ka a ta jon mIna k1a faga
wa ? 1
1 onhon ... 1 k1a mtna k'a faga ? 1 no no no 1 a tl tE 0 ke
1
1357
- /
ni
a tl
k1a mina k1a
faga,
/
mini
le tl
ye ke:
ara ? /
/
horon ~I ka jon mina k1a faga, / mogo be se ka ta mana ka a
su e ta naforora wa ? /
mogo te: ta su naforor3
/
/
no no no
/
e ye:re: ta jon
/
k'a mina k'a faga ? / 0
tl
tl
ke:
/
a! /
nia ka ko do ke:,
/
nia ma be: n,
/
ni
1 ka
Ion a
tl
na kojugu to,
/
be a mina k1a
flere
ka do san,
/
arl
tl
be: ole ke:,
/
me: 0
te: a faga.
/
f onhon
/
a te: a faga de:. /
a be: taga a flere
ka na
taga nyanaman nylnln k1a san
/
me: a te: a faga.
/
- / ko mande 0 / jon do r 1 be: yen, / a ri ye 0 ri to so
kono no, 1 o t 1 fie re
/ do r 1 be: yen, / a rI
ye taga 0
b lia kon -
kora ka to k 1 ye baa ra ke:
/
do r 1 be: yen n 1 1 0 r 1 be: si ra ka n , .
/
ko a ye 1 nylnln ka or 1 ta konya
1e ra
/
/
yan, /
a fana be: yan ten
/
a fana be: ten
/
slsan,
1 ni
ka taga ele san, /
kanëJ cie bila so kono,
/ e ka ko sobe:
ke:,
/
n1ka musa soro k'a dl
1 ma,
/ e ka den wolo,
/ 0 den /
an ko 0 ma ko woloso, / 0 te:
flere
1 an ko 0 ma ko woloso
/
n'ta jon ta den 1 an ko 0 ma ko woloso
/
me: 0
te:
flere
/ 0
be: to so kono yen ten
1 0
fana kelen
le tugu be: mande
/ 0
denw ka ca bl,
/
karce yoro be:. 1
woloso ta den
1 jonw ta den 0, /
an ko 0 ma ko woloso,
/ 0
ka ca, /
yoro be:
lote: flere
/
- 1 ko a ye 1 nylnlnka ko es ke woloso be se ka ke:
horon wa ? "1
1 onhon a be se ka ke: ëJ ye. /
- 1 a be se ka ke: dl
ka ke: a ye ? 1
1 a be se nya min ma ka ke: a ye. 1 slsëJn 0, 1 woloso be ne fe:,
1 a ke:re: mogo sobe: ye, /
n'ka n'ta denmuso mina k'a dl
a ma, 1
ni
ye:n ta den
1 a ka nëJ den min wolo, 1 horon 10, 1 woloso
te: tugu. 1
1358
- 1 ko a bE ten
le kpon ta marara kE 7 1
1 onhon
1 an f E yan ko ni, 1 a bEte nie
1 n 1 1 ka j 0 n 50 ro,
1 nia ka kE mogo SObE ye, 1
be se ka
1 ta denmuso do mina
k'a dl
a ma
1 1 ka
ta denmuso nln mina k'a dl
ama, 1 nia
ka den soro a ra,
1 a kEra CE ye 0, 1 a kEra musc ye 0, 1 a
kEra horon ye. 1 Q bE an fE yan. loden te kE jon ye tugu. 1
mE ni
1 ka jonmuso mina k1a dl
joncE ma, 1 den min ye wolora
o ra, 1 0
ko a ma ko woloso
1
1 ni
ye horon ye, 1 ni
ka musa min do, 1 ni
woloso
10,1 ni
n'ka den min soro, 1 a bE kE horon
le ye. 1 a tl
kE
j 0 n ye.
1
1 0 ye horon ye. 1 a
la yErE YErE
le ka 0
fo
kura-
nara, 1 0
ye ala ta kOl1la kan
le ye. lonhon
1 jon, 1 a la ta
koma kan
10
1 horon 1 a la ta koma kan
10
1 a be kuranara
1
- 1 ko es ke numunw be ho ron ye wa 7 1
1 onhon
1 numun dow bE ho ron ye . 1 numun do
1 onhon 1
1 do r 1 be ho ron ye. 1 fEn min koson 7 1 mogo bE ni a landa
10,
1 1 ka a ye 7 1 koml mogo mir T bE numunw ye, lobE 0
ta slya
lera
1 numun slya lobE yen. 1 mE 0
koson,
1 dorl
bE yen 1
o tE jon ye,
1 dorl
bE yen lobE Jon ye. 1 onhon 1 dorl
bE
horon ye,
1 dorl
bE jon ye. 1 an fE yan, 1 a mlnanzenln bE ten~
- 1 furu be numun nT horon CE wa 7 1
1 onhon 1
- 1 a bE
logonw ni
numunw CE 71
! 0nhon
1 ~ br 0 Cf
1 mE furu
bE
lo~onw nT numunw CE, 1 a bE
-'Jmunw ni
julëlw
ce
1
- 1 horonw do 7 1
1 ël bE arl
ce
1
- 1 a ni
lo~on ? 1
1 onhon 1 a bE arl
CE
1 nT
1 ka taga,
logon muso ye, 1 ni
a
1359
dlyara
1 ye /
1 be se ka taga a dari a facE
fE
/
ni a k'a dl
1 ma, /
1 bE a do
/
- / ka numun ml ri bE kpon ya n n l , / a r 1 n 1 watararl.
/ ka a r 1 t 1 se ba furu
/
ka a r 1 t 1 se ka nyogon
furu ? /
/
numun mun be kpon yan wa ? / a be se kE
/ a be se ka nyogon
furu . / ni n'ka numun musa do ye yan fE yen slsan, / n 1 a dlya-
ra nlye, / n1be taga a da ri
/ a be se ka nyogon furu
/
- /
galen galen /
a tl
bE bE wa ? /
/onhon
/
galen galen /
a tl
be kE
/
/
En ? / a fo a ye. / mogow bE nl a ta slra
la
/
yoro dora, /
mogo do
/
slya dow bE yen /
orl tE numun do.
/
yoro dora,
/ slya dow bE yen. / orl tl
jell do
/
yoro dora slya dorl
bE
yen orl tl
logon do. / arr tE arr
ta den dl
logon ma, /
arl
tE den dl
jell ma, /
arr
tE arl
den dl
numun ma
/
a bE yoro
dorlra / mE a tE yan. /
- /
ka numun tl
bE se ka kE horon ye wa ? / a tl
bE
kE a ye.
/
- /
a ka galen. /
ni
jon tl
ka sù, /
jonnln le tl
bE a CEn ta ? /
ni
jon tl
ka sa ? /
a matlglcE
le tl
bE a CEn
ta
/
- /
ni
a ka den soro do ? /
/ an ? /
- /
nl
a ka den soro ka do ye sa ? /
/ mE ka n mEm, / ha 1 1 a ka den sorJ ka so ro e ye sa
/ a den t 1
tE _a C,E n ta h9_n !_J a matlglcE le t 1 bE a cen ta
/ jonw ta CEn
o.
/ a r 1 den r 1 0,
/ a r 1 bYE ye matlglcE ta
/
/ n 1 a ka taga furu kE yo ro gbErEr<:l ka den soro
/
"
an
/ WE yI. / e do ma e ta den d 1
'.
a ma, / e do ma ho ro nmu 50 do
dl a ma 50 kono, / ni a tagara yoro 'gbe:rE rà, / ka taga den do ta
sugufE . . . / yo ro gbErE / ka na n 1 a ye
t<:l 50, / e ta jon 10./
1360
- /
ko ni
a ka taga yoro do /
ka taga musa do ta ka
den wolo,
/
ko es ke 0
tl se ka taga ka taga den mIna ka na nI
a ye wa?
/
/ mE ala YErE ta slra kan, /
a be se
/
- /
ko e ye se wa, /
u bIEn e tl
se
le ? /
/ awa,
/
a be se le
/
slsan /
denmuso be ale fE,
/
joncE be
nI fE
/
nI nI ta joncE ka ale ta jonmuso ye ko a bE a ta, /
ala ta slra kan. /
a ta jon /
nI jonmuso ta naforo / a ka kan
ka a mina nifE
/
nI a ka naforo mIna nifE. /
nI a ka den wolo.
/
den bE kE n1ta ye.
/
Informateur
: KARAMOKO Ouattara
Lieu de
l'enquête:
Kong
Année
:
20 Mars
1975.
1361
LE CONSEIL ROYAL
Si l'on reçoit une convocation,
/
qui vous deman-
de de vous rassembler à un endroit donné,
/
autrefois c'était
ainsi /
si quelque chose se passe sur le territoire,
/
on
vous réunit là /
pour régler le problème / on va chez le roi./
Al' époque où (le Blanc)
. . . .
/ n'était pas encore arrivé,
/
l'homme qui était ici,
/
celui qu'on savait le meilleur parmi
tous les hommes,
/
on partait là-bas d'abord pour aller régler
'le problème'.
/ Mais s ' i l y a un souverain qui règne sur le
territoire,
/ on va chez lui pour aller régler 'le problème'
/
Il (le souverain) demande qu'on convoque un représentant de tel
village,
/
qu'on convoque un représentant de tel autre village./
Tous les hommes envoient un représentant.
/ On ne demande pas
qu'une foule nombreuse se réunisse.
/
Celui qui est à la tête
du village,
/ il va à Kong.
/
Celui qui est à la tête de TENE-
GUELA,
/
il va à KONG.
/
Celui qui est à la tête de DJENDANA,
/
il va à KONG.
/ On les
... convoquer de partout,
/
ils peuvent
arriver 2 par délégation,
/.
Il viennent prendre place,
/
et
ils règlent le problème.
/ En famille y on trouve une solution./
C'était comme cela.
/
-
/
Il dit,
/
les gens disent "Julamasa",
/ qu'est-
ce que "Julamasa" veut dire? /
/
r;Ju lamas a " veut dire,
/
Non mais
! /
la ques-
tion n'est ~as compliquée / quel roi peut occuper un trône sans
a~oir son
julamasa.
/
C'est l'arbitre
suprême.
/ Par exemple
toi et moi, /
nous ne nous entendons pas sur une affaire,
/
nous discutons,
/
la discussion est sans issue, /
pourtant
c'est moi qui ai raison,
/
et toi, par insolence,
tu veux for-
cément avoir raison,
/
on va chercher le
"Julamasa" / celui
qui a raison,
/
il lui donne raison,
/
et l'autre a tort.
/
C'est cet
'arbitre'
qu'on appelle
"Julamasa".
/
- Permettez
que l'on progresse -
/
1362
/
Cep1!,\\dant, le
"Julamasa",
/ est différent du
grand juge /
le juge, /
celui qui assure la fonction de juge /
et le le
"Julamasa ",
/ ne sont pas pareils. / Le "Julamasa"
dont il a parlé /
c'est tout juste un homme véridique /
Celui
qui règle les différends entre (les gens), /
on l'appelle
... "
"arokali".
/ On l'appelle "arokali".
/(1).
C'est lui qui juge les
affaires.
/ Si une affaire se complique,
/ on dit que le
"Jula-
masa"
en a
décidé ainsi./
On dit
"tro.s bien /
faisons appel
à
l' "aroka l i ,,,, /
S'il vient et dit que te lle personne a tort,
/
que telle autre a raison,
/
l'affaire s'arrête là.
/ Lui c'est
l' "aroka li ".
- /
Il demande comment l ' "arokali" réglait les pro-
blèmes.
/ Ses jugements se fondaient sur la vérité.
/
Il tran-
chait comme cela.
/ Moi je n'ai pas raison.
/
C'est toi qui a
raison.
/
C'est le
"Julamasa" qui l'a dit, /
mais moi je ne
suis pas d'accord.
/ On peut dire
appelons l ' "arokali".
/
Le
"Ju lamasa" a tranché l'affaire, /
mais on a dit que ce n' est
pas vrai
. . . . /
que moi j'ai tort,
/
puisque
...
lui est déjà
venu, /
qu'il juge l'affaire, /
comme on doit juger une affaire./
1\\
/ Bien !
/
celui qui s'avère
etre un homme véridi-
que /
celui en qui il a une confiance absolue /
dans sa connais-
sance des affaires jula /
i l l'appelle auprès de lui.
/ Mais i l
faut qu'il ait vraiment confiance en lui /
ce dernier, il l'ap-
pelle / et
c'est lui qu'on nomme
"arokali".
/
Il le choisit /
et ce n'est pas un de ses enfants.
/
Il
le choisit /
car c'est
quelqu'un en qui i l a confiance, /
il peut aller le chercher
dans un aut~....e village.
/
Par exemple de Kong à Nassian,
/
d'ici
au . . . . . Nafana.
/
Il va le cher~her pour venir le garder auprès
de lui.
/
Le
"Julamasa",
il a confiance en lui,
/
il va le pren-
dre pour le garder auprès de lui /
ce n'est pas un de ses fils/.
/ Toi qui occupe~déjà le trône de souver~ain, / tu es chargé de
choisir des gens, /
des gens qui te pl~isent, /.
(1)
La décision finale est incontestable
(2)
Déforomation d'al-kadi
(le cadi).
1363
- /
Il dit,
/
qu'il va te demander,
/
le
"Julama-
sa"~ / le nom "masa" qu'on j oint à "Jula"~ / c'est ce qu'il ne
comprend pas.
/
Pourquoi l'appelle-t-on "Julamasa ? /
/"Julamasa"~ / ils sont tous Dioula, / c'est celui
qu'on a choisi, /
pour être auprès du roi.
/ Est-ce qu'on ne
l'appelera pas le
"Ju lamasa" du roi ? /
le "Ju la" du roi.
/
Oui, c'est ce que ça veut dire.
/ Est-ce que tu comprends? /
/ S'il (le roi) rencontre des difficultés pour une
affaire, /
il va le chercher,
/
i l travaille pour lui.
/
Ils
sont tous commis, /
ils travaillent tous,
/
selon la loi, /
seulement moi je n'ai pas le droit de
...
/
Oui /
le roi l'a
gardé auprès de lui,
/
si quelque chose doit lui arriver,
/
i l
cherche à comprendre la chose,
/ pour l'expliquer au roi /
si
tu ne fais pas attention ces jours-ci, /
quelque chose va t1ar-
river.
/
Alors i l faut faire tel sacrifice, /
par exemple i l
peut
dire un boeuf, /
ou une chèvre.
/
Il peut dire quelquefois
un mouton, /
ou une poule.
/
C'est pour cela qu'il
(le roi) le
(le
"Julamasa") garde auprès de lui.
/
C'était ainsi /
on al-
lait faire la guerre.
/
Après la guerre, /
on prélève quelque
chose du butin et on le donne au "Julamasa", /
ça c'est la part
du "Julamasa".
/
Il prend ça.
/
Voilà
/
tel groupe, /prenez
ça, /
tel groupe, /
prenez ça.
/ Et /
si dans le butin i l fi-
gure un enfant
. . . .
/
par exemple comme cet enfant-là, /
on
peut le prendre et donner à quelqu'un.
/
Oui.
/
Et il pourra
travailler pour lui.
/
C'était comme cela, /
quand les Blancs
n'étaient pas encore venus.
/
C'est après l'arrivée des Blancs,
/ qu'on ne tait plus ça.
/
Est-ce que tu comprends? /
1364
- /
Il demande ce que "1 am:>g:>ya" veut dire? /
/ Je lui ai dit que "Iam:>g:>ya" /
ce qu'on appelle
"Iam:>g:>ya"
/
lui et moi, est-ce que nous ne nous connaissons pas? /
/ Je constate qu'il a une fille.
/
Je vais demander la main
de cette jeune fille.
/
Si je demande la main de cette fille,
/
je l'épouse, /
et après j'ai un enfant avec elle,
/
l'enfant
peut quitter chez moi pour allez chez lui, /
n'est-ce pas SDn
parent? / Est-ce qu'il n'est pas deve~u un parent (de l'en-
fant)
? /
C'est ce qu'on appelle "lam:>g:>Y3" /
/
Quand un lien de mariage unit quelqu'un et quel-
qu'un d'autre (2 familles),
/
vous êtes unis par les liens du
"Iam:>g:>ya".
/
Oui, dis-lui comme cela. /
- Il dit,
si tu vasépouser une femme quelque part,/
même si tu n'as pas d'enfants,
/
est-ce que la notion de "Iam:>-
g:>ya" existe toujours entre vous
(toi et les parents de la ma-
riée).
/
Le "Iam:>g:>ya",
/
la femme que tu as épousée,
/
si tu
avais eu un enfant avec elle,
/
est-ce que
... tu allais donner
(cadeau) ces enfants à leurs oncles (maternels)
? /
Tu sais
que cela ne peut pas se produire /
si tu maries une ferr~e, /
tu n'as pas eu d'enfant avec elle,
/
c'est Dieu qui n'a pas
voulu que tu aies un enfant.
/ Tu as aimé la personne (la femme)
/
vous vous êtes unis déjà.
/
Si quelqu'un marie une femme de
ta famille,
/
vous êtes devenus des parents.
/
Si Dieu t'avait
donné la cfrance d'avoir un enfant, est-ce que tu allais le re-
fuser ? /
LE
GeNe
- /
Il demande maintenant la signification de
"
"gene".
/
Qu'est-ce que ça veut dire
"gene"
? /
1365
/ La signification de "gEnE" veut dire, / là où Kong exerce
son autorité, / là où il exerce son autorité, / c'est ça le
"gEnE".
/ Le pays Djimini est de ce côté, /
le pays Tagwana
de l'autre côté, / les pays Kamono et Lobi sont là-ba. / Le
pays palako également / voilà / c'est ça le "gEnE" de Kong. /
C'est ce qu'on appelle le "gEnE" /.
/ D'abord / est-ce que je ne lui ai pas di~ le ma-
tin / que "somaso" ..
/
"k~nblfEso", /"janklnafEso", / "somawu-
len", / que tous font partie du "gEnE" de Kong? /
Zanbakari
se trouve en pays Lobi. /
LE KUNDIGI
- / Il te demande, / le "kundigi" et le "masa".. /
est-ce que les deux signifient la même chose? / le chef d'un
"gEnE" ? /
- / oui /
/ Non / ce n'est pas la meme chose / pour quelle raison ça va
être la même chose. / Maintenant les gens qui sontétablis à
Kong, / maintenant, / n'est-ce pas Kwodaba (Kodara) qui est à
la tête du pays? / si Kwodaba est à la tête du pays, / parmi
les hommes, / à somaso, / est-ce que ce ne sont pas ses den
/
ak~nbifEsb, / n'est-ce pas ses den? / somawulen, / n'est-ce
pas ses den /
- / oui. /
/ D'accord / Et tu as vu / lui, il est le fa aujour-
d'hui ici / de ~ous les hommes, / même jsuqu'à Gbirinkwu, /
c'est Kwadaba qui est leur fa.
/ Moi-même je suis plus âgé que
lui. / ~ais c'est lui qui vient avant tout le reste. / C'est
comme cela. / ceux qui étaient installés là-bas, /
ils sont
1366
organisés en groupes /
si ils
... /
tel que le groupe est
organisé ici,
/
c'est comme cela.
/
Gbirinkwo.
/
Est-ce que
tu comprends ? /
Le
"kindigi" et le masa ne sont pas la même
chose /
-
/
Il demande si un malheur survient,
/
dans le
I1 gEnE ",
/ est ce que le "kundigi" ne peut pas faire quelque
chose /
sans nécessairement aller chez le
" m;JS<:lCE" ? /
/ S'il
(le malheur) arrive,
/
ce qu'il
(le
"kundigi") peut
arranger l~-dans lui-même, /
il l'arrange,
/
ce qui s'avère
compliqué pour lui"
/
il va avec ça chez le "masacE".
/
-
/
Il demande,
/
tel que Bobo-Dioulasso se présen-
te,
/
est-ce qu'il s'agit d'un "masaya"~ /
ou bien c'est un
"gEnE" ? /
/ C'est un "gEnE".
/
/
Bobo-Dioulasso est un "gEnE" /
toi même tu ne
sais pas que c'est un "gEnE" ? /
SEKOU . . . .
Bamba a fait la
guerre,
/
puisqu'il a fait la guerre,
/
on a installé un chef
à Bobo-Dioulasso.
/
Ce dernier est devenu un "masa ".
/ Bassi-
di(l),
/
d'où est-il venu? /
d'où est venu Kwodaba ? /
Il me
semble qu'ils ont tous été élevés là-bas
(à Bobo) avant de ve-
nir ici.
/
Une route part d'ici jusqu'à Bouna,
/
n'est-ce pas
cette année-là qu'ils sont venus,
/
avec Bassanka.
/ Tonk-otan.
/
Quand samori a attaqué Kong,
/
c'est Tonkotan (kotoko)(2)
qUl était à la tête de Bobo-Dioulasso,
/
comme "masa".
/
C'est
lui qui était à la place de fa.
/
S'il n'était pas à la place
de fa.
!
S'il n'6tait pas à la place de fa.
/
Je pense qu'ils
allaient tous rester là-bas.
/
c'est un "gEn€:'!.
/
C'est un
"kundigi"./
Le frère de kweto,
Morifin,
/
il est de la famille
de "kelemorifE:so",
/
c'est également lJ.n "kundigi".
/
(1)
Il s'agit d'un souverain de Kong (1954-1960
(2)
Il s'agit de kotoko
1367
/
Noumoudagna,
/
Ammoro
... Ammorofê(~), / Famagan,
/
c'est là lui, /
c'est un "kundigi".
/ Est-ce que tu comprends?
/
C'était comme cela.
/
"b3karlfeso",
/
était à la tête du pays
Lobi.
/
c'est un fis de SEKOU.
/ Est-ce que tu comprends? /
Kombi les a réunis /
c'est comme si maintenant tu choisissais
de mettre ensemble les Lobi et les \\<wssi,
/
/ Est-ce qu'ils peuvent être la même chose? /
- / Non /
/ Voilà. Alors si tu prends les gens de Kong pour aller les mê-
ler aux Bobo /
Est-ce que c'est la même chose? /
- / Non /
/ Voilà /
c'est comme cela qu'on a divisé le pays /
TEREBA
(Pinyèba), c'est lui qui a les Bobo / Est-ce que tu comprends?
- /
Gbirinkwo /
/ Il ne connaît pas ça.
/
On a dit
... est-ce que je
je lui ai pas parlé de "b3karl feso"
?
/
ce "b3karl feso",
/
son
fils est installé à Logonsso,
/
i l y en a un à Loto,
/
un autre
à Dimboh
, !
un autre à Logossina /
ça,
/
les noms qu'il cher-
che à connaître,
/
c'est là-bas qu'en peut trouver ça ...
/
eh . . . . Lobi,) Gbinrinkwu, /
Dakati, /
Tekoudi, /
Gbadogo, /
tout ça c'est leurs possessions.
/
Continuons.
/
Ce que tu cher-
ches à savoir ... /
on peut en trouver
... Jusqu'au Ghana.
/
Certains d'entre eux se sont détachés et se sont installés au
Ghana.
/
Famaghan a voulu prendre l'héritage cte Sékou, on
a refusé,
/_il a juré qu'il n'allait plus jamais retournér à
Kong.
/ S'il rentre à Kong aujourd'hui,
/
i l meurt.
/
C'est
comme cela.
/
- /
Puisque ça s'est passé comme cela,
/
Famagan
est retourné pour aller s'installer à Bobo-Dioulassou ...
/
Jusqu'aujourd'hui,
le resœ de sa famille est Bpbo-Dioulasso.
/
(1)
Il s'agit d'Amoro.
1368
- / Elle ne peut plus rentrer à Kong ? /
/ Jamais / les descendants de Famaghan (de la famille de Fama-
gan), / ceux qui sont de sa famille, / s'ils rentrent aujour-
d'hui, / ils meurent demain. /
- / Maintenant, / est-ce qu'il n'y a pas de relations
entre les gens de Bobo-Dioulasso ... et ceux de Kong, ? /
Autrefois
/ maintenant, / est-ce que Bobo-Dioulasso cons-
titue un "gEnE" ou bien comment cela se passe? /
/ C'est un "gEnE". / C'est un "gEnE". / Quelqu'un qui est ori-
ginaire de Kong, / s'il meurt là-bas (à Bobo-dioulasso, /
c'est
ici qu'on fait les funérailles. /
Ceux qui meurent là-bas /
qui sont de la famille de SEKüU, / s'ils meurent là-bas, / c'est
ici qu'on fait les funérailles.
/ Même aujourd'hui, on continue
de respecter cette (coutume). / Dire qu'il n'ya pas de relations
de famille, de parenté entre eux et nous, /
ces relations, /
elles existent, dans le sens de la famille. , de l'entente, /
mais seulement nous n'appartenons pas au même Etat./ Et ça, il
est mieux placé que moi pour le savoir. / Eux, ils disent
Haute-Volta, / et ici nous disons Côte d'Ivoire.
/ Est-ce tu comprends ? / si le père constate / que
ses fils~ progressent dans la guerre, / là où ils arrivent, /
ils installent quelqu'un là-ba~ / là où ils arrivent, / ils
installent quelqu'un là-bas, / là où ils arrivent, / ils ins-
tallent quelqu'un là-bas. / Et, / tous ces (territoires) s'unis-
sent et restent sous l'autorité du père - n'est-ce pas? /
oui. / C'est comme cela. / quand les Blancs étaient arrivés, /
ils ont di~isé les gens en 2 groupes, / oui, ! est-ce que tu
~s compris? / quand il y avait la guerre, les Komono y pre-
~aient part à nos côtés. / Mais, / COFme cela s'est passé, /
le pays Komono a été rattaché à Bobo-Dioulasso. / Est-ce que
tu as compris ? /
- / Il demande, autrefois, / est-ce qu'il y avait
des "masa" à Bobo-Dioulasso? /
/ C'est les "masa" de Kong qui avaient installé des gens là-bas.
1369
-
/
C'étaient
~ux qui ... /
/
Ce sont eux qui ont installé des gens là-bas.
/ Est-ce que
je ne lui ai pas dit que celui qui a fait la guerre, /
son
père a installé des chefs à la tête (de chaque r~gion conqui-
se), /
c'est lui qu'on appelait Bamba.
/
C'est lui qui avait
fait la guerre jusque là-bas.
/
/
Ch~que région qu'il a conquise, / il Y a placé un chef. /
Est-ce que tu as compris? /
Si ...
Djankinaest venu là-bas ... /
/
Djankina le grand est allé s'établir là-bas,
/
et
Pigneba était ici, /
Il s'est installé là-bas
...
/
Les petits-
enfants de Bamba sont là-bas. / Les petits enfants de Toron-
bosous sont là-bas.
/
Il Y a aussi les petits enfants de Fama-
gan,
/
ils sont tous des fils de SEKüU.
/ Est-ce que tu as com-
pris? /
Autrefois,
/
s'ils avaient un problème là-bas,
ils
venaient ici,
/ dans le pays de leur père,
/
ils viennent se
mettre d'accord pour règler le problème.
/
Mais oujourd'hui,
ce n'est pas comme cela.
/
Celui qui est là-bas /
devient leur
chef.
/
Celui qui est ici,
/ reste ici.
/
Ils n'ont pas
...
les Blancs les ont divisés comme cela.
/
Ceux-ci sont restés
de ce côté,
/
ceux là de l'autre côté.
/
Ce sont les Blancs
qui ont fait cela.
/
Sinon,
/
si c'était autrefois,
/
quand
les Blancs n'étaient pas encore là,
/
ils étaient tous mélan-
gés (tous les mêmes).
/
Pour tout ce qui se passait,
ils se
concertaient d'abord,
/
ils se mettaient d'accord,
/
ils ré-
glaient le problème.
/ Est-ce que tu as compris? /
LES TRIBUNAUX PROVINCIAUX
/
La question qu'il te pose porte surles chefs de
village 1 et les chefs du Géné.
1
1370
/ C'est là que nous commençons ... / Il a dit que c'est
bien pour les problèmes de "Jamanatigi" qu'il est venu? /
- / Et le s "dugu tigi" /
/ Et les "dugutigi" ? /
D'accord /
oui.
/ Mais où allons-nous
commencer ? /
)
- / Il derr.ande, autrefois, les "dugutigi" / comment reglaient
ils les problèmes ?
/ Les problèmes des villages, / dis-lui qu'on ré-
glait les problèmes des villages, /
si les gens de Kongala
avaient un problème, / ou bien c'est un homme d'ici qui a eu
un problème, / il va à Yiémênê (Kiemini) ici, / est-ce qu'il
a compris? / les "dugutigi" d'ici rejoignent ceux de Tiémênê./
Comment ils peuvent résoudre le problème, / s'ils le règlent
cornIlle ce la, / si on ne trouve pas une sol ut i~.'1. / on porte
1
(l'affaire), /
devant les hommes de notre concession, / qu'on
appelle Kombi, / oui, / et ça, je lui ai déjà dit ça, / on
l'appelle Kombi, / on porte (l'affaire) devant les petits-
enfants de Kombi, / pour trouver une solution. 1 On va voir,
/ celui qui est le chef, / c'est lui que je vais vOlr, / et il
règle le problème. /
ça c'est pour les gens du pongola /
si
c'est un homme de Tiémênê qui a un problème, / les habitants
de Tiémênê envoient quelqu'un, / pour appeler un horr.me à Kong,
/ dans la farr.ille de Kombi, / et on va ...
/ et on va régler
le problème. /
Cela ne veut pas dire qu'ils (gens de Kiémini)
sont supérieurs à nous (gens de Pongala). / Ils ne sont pas
supérieurs à nous? / C'est parce qu'on
5e
respecte les
uns les autres.
/ Sinon, si tu leur je~andes, / les habitants
de Tiémênê disent qu'ils sont supérieurs à la fardlle de Kombi.
/ On se réunit pour rfgJel~ le rrc·tl?se simrle,..-:ent parce que
ç' est la famille.
/ Si on j UrE:, le proolème eL famille; / qu'on
ne trouve pas.
une solution, / celui ~ui commar.de le gene (la
province ou le Royaume) or: porte l'Rffaire devant lui, / on
règle l'affaire et on se met d'acccrd.
/ C'est comme cela que
les "dugutigi 1/ réglaient leurs affaires, autrefois. / Sinon, /
autrefois, / c'est comme cela qu'on réglait (les choses). /
celui qui est à la tête du pays,
/ si quelque chose arrive à
1371
à un habitant d'un village, / le village avec lequel il s'en-
tend bien, / ils s'entraident, /
c'est dans ce village qu'il
faut aller. / S'il va dans ce village, / ils vont juger l'af-
faire en famille.
/ S'i~ne se mettent pas d'accrod, / ils
portent l'affaire à Kong. / auprès du chef du gEnE / c'est
comme cela que nous étions, / il:ya Kombi, / il Y a soma, /
il Y a Djankina, / il Y a soma wulen : oui.
/ Ceux qui sont
là, dans la famille,
/ ce sont eux. /
Ceux qui sont dans les
villages périphériques, / tu sais que chacun a sa résidence, /
parmi les enfants de SEKOU, /
chacun a sa résidence, /
celui
qui est leur aîné, / ils vont régler l'affaire chez lui. /
Et maintenant elle peut connaître ~ne fin.
/ Autrefois c'était.
comme cela que ça se passait. /
( ... ) !
ça, ça concerne les
problèmes du "dugutigi" / c'est ici sur ce territoire que
SEKOU est né. / ...
SEKU v.lATARA
/ C'est ici sur ce territoire qu'il a livré la
1ère guerre. / Il n'est allé nulle part en faisant la guerre. /
C'est son enfant(l) qui a porté la guerre sur d'autres terri-
toires.
/ Quand ils n'étaient
pas venus, /
c'étaient les hô-
tes (Falafala) qui étaient là. /Vous vous trouvez en ce moment
dans un village des hôtes.
/ Ils n'yen a plus sur ce terri-
toire,
( ... ). Quand ils n'étaient pas encore venus, / Sl on
disait ah f / quelqu'u~ n'avait pas ... / celui qui estl'aî-
né dans le villa[~, i ~lest lui qGl règle les problèmes. /
Sion, / le villarc lue vous voyez,
/ il a son vieux. / Le
vieux de Tiérrênê,/ le vieux (je Djendana, / le vieux de Korrbiri,
/ le V1eux de Manogota.
/ Tiétiélêmi (Fesselemou) / ce sont
eux et moi qui travaillons ensemble.
/ S'ils ont un problème,
/ leur vieux ... / Ce sont les vieux des villages qui se réu-
(1)
En réalité i l s'agit de son frère
Famaghan.
1372
nissent pour régler ce problème, / ensemble. / A cette époque,
il n'y avait pas ce pouvoir (que nous connaissons aujourd'hui~
/ Et pourtant on exerçait un pouvoir. / Si le village ... Si
Manogota pouvait vaincre ici, il pouvait llattaquer, / afin
d1avoir de llargent pour aller boire les boissons alcoolisées.
/ ça on le faisait autrefois. / Mais après llarrivée des Blancs,
/ on a dit qu'il n1y avait plus de guerre, / on nous a demandé
de ne plus faire la guerre. /
/ Si vous faites la guerre, / vous ruinez votre
famille. / Sinon autrefois, / c1est comme cela qu'on faisait.
/ Quand SEKOU n'était pas encore venu. / Quand SEKOU était
arrivé, / s'il a envie d'aller livrer la guerre à d'autres
gens, / il
installe un enfant ici, /
il installe un enfant
à Djendana, / il installe un enfant à Tiémênê, / il installe
un enfant à Nassian, / il les installe CO~Ee ça. / Ces enfants,
deux à deux viennent se joindre à lui./
Et il vont attaquer
un village. / S'ils réussissent à vaincre (ce village), ils
viennent nourrir leur famille avec le butin. / ça c'est SEKOU
/ Oui /
Il a un enfant, / qui a fait la guerre.
/ Le grand-
père Bamba. / il faisait la guerre
... / du côté de Sogan(1)./
du côté de Bobo-Dioulasso, / il faisait la guerre pour aller
de ce côté, / oui, le butin qu'il récolte, / il l'envoie à son
père ici, / ici dans le village paternel, / la famille qui est
dans le village, / se nourrit avec ça (le butin). /
Lui-même
peut se lever, / aller attaquer les Palaka et leur arracher
(quelques vivres), / pour venir se nourrir. / Autrefois c'était
comme cela. /
/ Il faut que les gens soient forts pour attaquer
j'autres gens et les vaincre. / Même s'il s'agit d'un village
('ontre -un- -autre;-;.- / Jusqu'à la destr-uction -du village. / Si
tu ré-ussis à avoir quelque chose, / tu peux le consommer /
c'est comme cela qu'on faisait.
/
continuons. /
(1)
S'agirait-il
de
Sungaradaga
?
, --
1373
ACQUISITION DES TERRES
/
La terre, /
on ne la vend pas.
/
On ne la vend
pas.
/ Tu te lèves maintenant, /
tu veux aller construire une
maison,
/
le village ... /
tu veux occuper cette partie de la
brousse pour faire des cultures./
Il (le chef de la terre)
ira te réclamer unepoule.
/ S'il te prend une poule, /
il te
donne une portion de terre.
/ Oui
... est avec toi.
/
Il peut
arriver que toi et unefemme vous fassiez des bêtises,
/ il te
demande une chèvre pour aller la tuer sur la terre.
/
A ce
moment tu peux ...
/ tu peux coucher avec une femme là-bas /
sans venir à la maison.
/ Elle (la terre) ne pouvait pas être
vendue.
/
C'était comme cela que se passaient les choses./ Tu
demandes aux propriétaires de la terre une portion de terre
pour aller la cultiver, /
on va te demander une poule, /
on
l'ammène,
/ arrivé (sur la terre),
/
on lève la daba ici, /
on la lève là, /
si on la lève corr~e cela, / Oui, /
on tue la
poule, /
et on te donne la terre.
/
C'est la nourriture que
tu cherches là-dans (dans cette terre), /
c'est la nourriture
que tu cherches, /
tu trouves la nourriture, /
oui /
c'êtait
com~e cela que les maîtres de la terre procédaient. / Les maî-
tres de la terre existent ici chez nous au nombre de 4(1).
/
Après ceux-là toute personne qui vient dire
(traiter du problè-
me de la terre),
/
c'est grâce à un pouvoir (illégal) qu'il
a pu en avoir,
/
sion il n'a rien.
/
Il Y a là-bas les proprié-
taires de la terre.
/
continuons.
/
LA JUSTIFICATION DES RAZZIAS
/
Autrefois, chez nous,
/
tuer quelqu'un n'était
pas une chose grave.
/
Autrefois, /
si tu ne tuais pas quel-
(1)
Il
s'agit des
mattres de
la terre
de
la région de
Pongala.
1374
qu'un,
/
est-ce que tu allais avoir à manger(l)
? /
Tu devais
tuer quelqu'un pour avoir à manger.
/
Autrefois l'homme n'était
pas
...
/
tuer quelqu'un n'était pas une chose grave.
/
pour
cela (d'ailleurs), on battait le tam-tam,
/ battre
(le tam-
tam) /
si on bat le tam-tam,
/
les poils de ton corps se dres-
sent.
/ Si tu vois ton ennemi
...
/
Tu ne peux pas faire la
différence entre tes amis et tes ennemis.
/
/
Même si tu rencontres un enfant comme celui-là /
tu le prends pour venir le vendre afin d'avoir à manger.
/
La
guerre
...
/
si on n'avait pas tué quelqu'un,
/ qu'est-ce qu'on
pouvait avoir? / Toi
... / Aujourd'hui quelle est la personne
dont tu peux attvaper l'enfant pour aller le vendre? / Est-ce
que les Blancs ont pas dit que le commerce des hommes est aboli?
/
Autrefois il fallait attaquer les gens par surprise pour les
faire tomber (dans un piège)
/
tu leur arraches leurs enfants /
que tu vends / pour te nourrir sans regret.
/
ça on le faisait
comme cela.
/ Tuer quelqu'un n'était pas chez nous une chose
grave.
/
/
Il dit, /
autrefois, tuer quelqu'un n'était pas
chose grave, /
qu'est-ce qui pouvait alors être considéré com-
me chose grave, /
autrefois? /
/
Ce qui pouvait être considéré cow~e chose grave chez nous, /
maintenant par exemple,
/
là où i l est, !
est-ce qu'il n'a
pas atteint l'âge adulte? /
Si son propre père meurt, / Est-
ee que cela lui fera plaisir ? /
Tu sais bien que cela ne te
fera pas plaisir, n'est-ce pas? /
Si ta mère meurt,
/
ta mère
meurt, ton R~re ITeurt, / n'est-ce pas un malheur? /
Ce~a,
chez nous, était chose grave.
/
Oui, après ça,
/
ah
!
/
Il
est parti entrer ...
/
Tu t'es levé pour aller /
pour aller
'~'c'hercher dU'mie-l' pour le consommer, / si tu 'vas à· cet endr'o'it,
/ et tu meurs là-bas? /
Tes parents restés dans la famille te
regretteront, /
ils n'auront plus à manger.
/
Cela, chez nous,
était un malheur.
/
Ce que Dieu faisait
contre nous,
/
c'était
ça le malheur.
/
Mais ce qu'un homme nous faisait,
/
on l'in-
(1)
La razzia était en effet une source considérable de revenus.
1375
terprétait comme s'i~ était parti
récolter du miel/et
que
c'est le miel qui l'a récolté.
/
Si tu tues quelqu'un, c'est quelqu'un d'autre qui
va te tuer.
/
Pour nous ici, cela n'était pas considéré comme
un malheur.
/
Si ta mère meurt
...
/
Cela te fait mal, /
c'est
un malheur qui te frappe.
/ Ton père meurt
. . . /
Si ton père
meurt, /
cela te fait mal, /
c'est pour toi un malheur /
si
c'est un de tes parents qui meurt /
cela te touche, /
c'est un
malheur.
/
Même si tu apprends le décès de quelqu'un d'autre, /
c'est une simple parole que tu as entendue, je pense n'est-ce
pas? /
Dans la lignée de ta famille,
/
tu es né
... Jusqu'à
là où il y a un membre de ta famille
... / même si tu as
un
parent, par exemple d'ici à Abidjan, /
si tu apprends
qu'il est décédé, /
est-ce que tu ne le regrettes pas? /
Dis
lui que
c'était un malheur.
/
Sinon /
tuer quelqu'un n'était
pas chez nous un mal.
/
Si on ne tuait pas quelqu'un, /
est-ce
qu'on pouvait avoir à manger? /
continuons.
/
NOTION DE MASA ET DE JAMANATIGI (DYAMANATIGI)
/ Il dit de lui dire quelque chose sur le problème
du masa et du jamanatigi ? /
/
Ils n'avaient pas de chefs de guerre,
/
les gens vont les at-
taquer,
/ ils se battent avec les chefs de guerre.
i
Ces pays
n'avaient pas de chefs.
/
Ils n'aviaent pas un horrrre à leur
tête, /
mais chez nous ici,
/
Seku est venu faire la gue~re. /
Tt-estlui-qu-i-est le père
(Fama) c'est lui qui va-en guerre.
/
Le martre du pays ici dans
notre région ~test le Fama i malS
dans une autre région on dit masa /
Le Fama c'est celui qui réu-
nit beaucoup de monde autour de lui,
il a ég&lement beaucoup de
connaissances.
/
Les anciens chefs de guerre qui se succédaient
selon la règle de fa sont différents des jamanatigi que les
1376
Blancs sont venus installer chez nous. / Nos'hommes autrefois
choisissaient ceux qui pouvaient être considérés comme leur
Fa et ils les plaçaient à la tête du Royaume. / C'est à ceux
là qu'on donne le titre de Fama quel que soit leur âge.
/ Même si tu l'as vu naître, / tu dois lui reconnaî-
tre sa place (de fa)/ sinan si tu occupes la place (que le fa
devait occuper), / on considère que tu lui as usurpé cette place
/ si tu occupes (ce poste) tu meurs, / tous les gens de Kong,
sont unanimes sur ce point, / on avait dit ... / Notre, jeune
BASIDI, / ils ont cherché à faire du mal à BASSINA, / Est-ce
qu'il a pu occuper le trône(l) ? / L'appelation de fa est par-
venue à toi. /
Et c'est ce qu'on appelle le "masa".
/ Autre-
fois, il y avait les chefs de guerre, / qui pouvaient lever des
'troupes afin de conquériI' des pays, / Oui c' es t ce qu'on appelle
le "masa".
Informateur:
BADAWA Ouattara.
Lieu de
l'enquête:
Pongala (Kong)
An née
.
( Fé v rie r - Av ri l
1 9 76)
(1) Allusion au conflit qui opposa en 1954 Basidi le prédéces-
se ur de
l' actue l che f à Bassina qui convoitent
le po uvoir.
1377
LE CONSEIL ROYAL
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togo ye konof,
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ye taga a nyaoo .. 1 ni a ka kE dO. 1 mogo mIn bE
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1 ni ye se ole ma 1 arr ye soro ka taga 0 fE.:I 0 ye anyabo.
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1 arl ye taga Ka taga a nyab;:> art ta lam;)goya ra. 1 nI a ma nya _
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mir 1 be da k wo.
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1 CEmEnE ta c:JR:Jr:JOa 1 Jendana ta c:JR:Jr:Joa, 1 [<.:Jnblrl ta c:Jk:J-
r:J ba,
1 man :J g:J tac:J b r:J 08. CECEl e mt. 1 n t n 1 0 r t 1e ye [<.0 k E
kE/en
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c:Jk:Jr~Oari /e ye nY:Jg:Jn kunoEn duga kElenna ka 0
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nyab:J,
1 nY:Jg:Jn fE. 10 w<:lgat 1 ra fanka ma na ban. 1 tanka do tl ma
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Informateur:
DAWABA Bamba
Lie u de
l' enq uête
:
Ponga la
Année
23 février
1976
1388
LE COMMERCE
- / Il te demande, / comment on faisait le commerce,/
quelles sont les marchandises qu'on allait chercher pour reve-
nir les vendre ? /
/ Autrefois, / on est ici à Kong, / à cette époque
le pays était très bon à vivre / Nos grands-parents, / nos pa-
rents, / étaient des commerçants. / Nous sommes des commerçants
...
/ Alors / on quittait ici pour aller à Djenné, / Pour aller
chercher le sel. / Si tu prends le sel tu viens le vendre ici
à Kong.
/ On prenait le sel pour aller le vendre à Sikasso.
/
La poudre des fusils, / elle se trouvait à Gbotogo (Bondoukou),
/ les Ashanti l'emmenaient. / Et de Krendjabo, / on l'amenait
ici / On
appelait la poudre des fusils,la poudre de Kong, /
C'était une ville de chefs de guerre. / Les Peuls / ils pren-
nent à leur service des esclaves (qui portaient) les bagages ...
/ pour venir .... / on vend des esclaves aux Peuls, / et des
fusils, / ils les emportent au Soudan. /
/ Le cheval, / c'est alors qu'il était emmené ici à
Kong pour être vendu par les Peuls.
/ On le vendait aux chefs de guerre. / Ils le pren-
nent pour aller faire la guerre. / La poudre des fusils, / le
sel, / alors
/
toutes les choses, / on les prenait et on les
L
emmenait ~ ~jennédcugou ; / le sel quittait Djenné pour venir
le::.-'
0:oqr.
/
On l'appelait le sel de Kong.
/ Aussi, / dans
ç~) ./ ~ans le commerce, / les boeufs et les ânes, / et les mou-
ton s, /
/ C'étaient eux qui chargeaient les bagages, / en
plus des esclaves. / On quittait ici on arrivait à Bobo-Diou-
lasso, / les Infidèles qui jalonnaient la voie, ils les atten-
daient en disant qu'ils veulent assurer leur transport. / En
1389
fait c'est la guerre qu'ils veulent faire;
/
les esclaves
portent sur eux les fusils.
/
Quelquefois,
/ ils doivent se
battre pour avoir la voie libre et entrer sains et saufs.
/
/
On allait chez les Peuls
... /
On allait à Djenné-
dougou, /
pour aller chercher le sel et venir le vendre.
/
Chez
nous
ici,
/
A Sêwêtigui ici,
/
on dit qu'il y a là-bas un bon
marabout.
/
C'est lui qui travaille pour eux.
/
Alors là où on
a des difficultés,
/
ce sont les Infidèles qui se couchent,
ils ne peuvent pas leur faire la guerre.
/
On découpe en mor-
ceaux le sel et on leur en donne pour leur faire plaisir, /
pour avoir la voie libre et aller à Djenné,
/
ensuite revenir.
/ Ton aller et retour,
/
/ Quelquefois ça
dure un an.
/
6 mois ne suffisent
pas.
/
Un an,
/
avant qu'on ne retourne,
/
pour retrouver Kong.
/
Aboisso et Krendjabo aussi,
/
les habitants de Gbotogo (Bon-
dougou),
1 ils viennent,
/
on leur vend des esclaves.
/
Eux
ils prennent la poudre de fusil qu'ils viennent vendre ici.
/
Les tissus d'autrefois envoyés par les Blancs,
/
on les trou-
vait à Aboisso,
/ Krendjabo,
/
c'est de là qu'on les faisait
venir ici, /
et aussi du pays Ashanti.
/
Alors,
/
c'est comme
ça, /
nos grands-parents et nos parents, ils ont fait le com-
merce,
/
c'est cela.
/ Certains chargent les bagages sur leur
tête,
/
ceux qui n'ont rien, /
ce sont eux qui chargent les ba-
gages sur leur tête.
/
Ceux qUl ont quelque chose,
/
le boeuf
...
/
alors le cheval c'est lui qui charge les bagages
... /
peur les ve~dre ... /
c'était lui notre automobile
/
i l
n'y a pas de problème dtautomobiles. / S'ils parviennent â
. . . . à une rivière / avec de sérieux e~~orts, / ils cher-
chent une très grosse corde, /
et on attach~ des herbes pour
les poser sur l'eau
...
/
Ceux qui sont à pied ~archent pour
passer dessus,
/
on cherche une grosse calebasse,
/
on charge
les bagages (sur la tête)
; 1 les chevaux se jettent à l'eau,
/ à la nage ils traversent l'eau.
/
Quelquefois,
/
2 jours, /
3 jours, 1 ils passent ça au bord de certaines rivières, / à
faire traverser les bagages,
/
jusqu'à ce que tous soient sur
1390
l'autre rive. 1 Comment on travaillait ici à Kong, 1 c'est
ce la. !
- / Quand vous alliez acheter le sel, 1 pour l'emme-
ner, / combien de barres pouvait transporter une personne ?
/ Il Y en a qUl sont capables de transporter ... une
(barre) de sel. /
/ Il Y en a qui peuvent transporter une (barre) sel,
/ une barre de sel, /
- / Une barre de sel ? /
/ Oui. / une barre .... / un hommme peut porter cela.
/ Un autre, / peut porter un et demi. / Mais une seule person-
ne ne pouvait pas porter 2 barres de sel. /
- / Alors ceux qui allaient avec des ânes, / pour
transoporter les bagages, / ceux qui possédaient des ânes, 1
ceux-là, combien de barres de sel, ils pouvaient transporter?/
/ Les ânes ? /
- / Oui /
/ L'âne ... Les uns peuvent prendre 4 (barres) de
sel. 1 D'autres peuvent en prendre 6. / Il Y a plusieurs ca-
tégories d'ânes. ! Il Y a celui qu'on appelle "kE:mE: misi".
/
Cn côté prend 6,1 l'autre côté prend 6. / ça c'est le "kE:mE:
,
m i s i ;!
,
IY"~ai-['l t enaD t
le
"fal-i
ba" (le gros âne) , 1 il prend 6
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1
6 de l' autre côté, 1 il peut charger ça. 1
1 Autrefois, 1 une caravane pouvait comprendre 2000
personnes, 1 une autre pouvait comprendre 1000 personnes, 1
d'autres mêmes avaient (seulement 500 personnes, / le nombre
qu'ils sont à leur arrivée, / quelquefois quand les esclaves
sont nombreux, 1 ce qu'ils peuvent ramener .... / euh! euh li
1391
ils ramenaient beaucoup, 1 euh
1 en tout cas on ne peut pas
savoir la quantité / (de sel).
-
/
Ildit que s'ils ramenaient le sel de Jenné,
/
s'ils parviennent avec ça jusqu'ici, /
s'ils veulent le ven-
dre,
/
ils le vendent comme ils l'ont rapporté en barres, /
ou bien on le casse ne morceaux pour le vendre ? /
Ils avaient
un bois (très tranchant) /
on découpe le sel à l'aide de ça,
/ ensuite on le vend.
/
Ils possédent aussi la hache,
/
on
le découpe à l'aide de petites haches et on le vend.
/
-
/
Il dit que s'ils quittaient ici pour aller ache-
ter le sel à Djenné, /
à combien ils l'achetaient? /
/
Le prix /
vraiment
/
on ne peut pas savoir le
prix.
/
Oui.
/
/
Il Y en a qui l'échangeaient contre les esclaves, / d'autres
l'échangeaient contre les tissus, avec les gens de Djenné; /
A cette époque les habitants de Kong tissaient ici de très
beaux pagnes.
/
/
Alors vous partez
. . . .
Celui qui vient d'épouser
sa femme,
/
i l prend les pagnes du mariage pour aller les
échanger contre le sel,
/
à Djenné.
/
Pour le ramener.
/
Si
cette femme revient,
/
c'est ce sel qu'elle vend,
/
pour al-
ler acheter une esclave,
/
la garder,
/
afin qu'elle travail-
le pour elle.
/
C'est elle (l'esclave) qu'on appelle "cc:bc:rc:-
s::Jr::J"( 1).
/
-
/
Quand les ~la:'.cs n'§taient pas arrivés ici, /
.a cette époque que~le monnaie on utilisait i c i ? /
/
C'étaient les cauris blancs, /
c'était ça qu'ils
utilisaient ici.
/
C'est après ça la France a sorti sa monnaie.
(1)
De
ct.
"maY'i" + bErc:"bon" + s::Jr::J
"gagneY''' ---
la pY'euve
du
maY'iage Y'éussi.
1392
/ Le centime, / la première monnale, /
le centime était la
plus petite unité. / On a ... /
/ Après ça, /
le lIk:)p:)r:)lI, /
le sou, /
/ Alors c'est comme· cela.
/ Le centime était la plus petite
unité. /
/ 50 ce nt i me s.
/
/
/ Il Y avait l'or. / Autrefois quand les Blancs n'é-
taient pas encore arrivés / on avait l'or. / Quand les Blancs
n'étaient pas encore arrivés, / on avait l'or, / il Y avait
les cauris blancs. / C'était comme cela. /
- / Il dit qu'à cette époque, /
les caurlS blancs
existaient dans le pays, / alors une barre de sel, / elle
correspondait à quelle valeur en cauris? / Pour quelqu'un
qui voulait acheter la barre de sel. /
/ Ah ! / A cette époque, / si on dit qu'on connaît
ça, / on aura menti / on ne peut pas connaître la correspon-
dance.
/
- / Il demanèe si à cette époque on gagnait beaucoup
d'argent? /
/ On gagnait beaucoup d'argent,
/ celui qui gagne
beaucoup de cauris blancs les mettaient dans des sacs, / et
il les gardait dans la maison./ Il ne les utilisait pas. / Ils
(les cauris-j étaient à part sur le dos de l'âne
/ Les
cauris étaient à part sur le dos de II âne.
/
(
) /
Ils se
trouvaient s~r le dos l'âne à part, 1 ils étaient séparés de
le~rs marchandises, 1 ils étaient séparés du sel, / ils étaient
séparés de la pcudre des fusils.
/ Quand on allait à Sikasso ...
/ Les gens d'autrefois disaient le Kénédcugou.
/ On chargeait
ici la poudre des fusils pour aller la vendre au Kénédougou.
/ Là-bas on achetait les esclaves, / pour venir avec eux ici.
/ Et c'était
le cauris blanc qui servait à acheter l'esclave.
/ Ou bien l'or, / c'était ça qui achetait l'esclave. /
1393
- / Il dit qu'à l'époque où vous alliez pour le com-
merce, / est-ce que les enfants pouvaient aller avec vous /
/ Il Y a des femmes, / qui ont leur enfant au dos,
/ il Y en a d'autres, / leurs enfants marchent. / Les bagages
sont sur le dos de l'âne, / et ils mettent aussi l'enfant sur
le dos de l'âne. /
/ Ensuite / ils s'en vont. / Il Y avait de tout. /
/ Si vous devez quitter ici, / depuis ici, / les ma-
rabouts observent les gens, / celui qu'on met à la tête de la
caravane, / alors aucune guerre (ne va arriver, on le choisit)
.... / La caravane avance, / vous parviendrez à Djenné en
paix, / et vous reviendrez aussi en paix. / Même s'il s'agit
d'un tout petit enfant / les gens
.... la foule est obligée
de le suivre; / c'est la tête des gens qu'on observe, / celui
qui ne peut être vaincu en guerre, / c'est ce dernier qu'on
place à la tête. / Dire que celui-là est un vieux, / ce n'est
pas ça qui compte; / même s'il s'agit d'un tout petit enfant,
/ on le laisse à la direction des choses. / Là où ils veulent
se reposer. / Là où ils font escale, / la foule l'entoure. /
Et si on le vend bien, / si on prie Dieu pour cette personne,
/ vous partez en paix, / pour revenir en paix, / aucun ennui
ne vous arrivera en cours de route. /
/ Il Y a des gens qui se lèvent, / ils peuvent valoir
500 personnes, / d'autres peuvent atteindre 600 personnes. /
S'ils embarquent, / en cours de route, / par exemple vers Bobo-
Dioulasso, / des gens se joignent à eux. / Celui qui les voit,
/ si cela lui fait plaisir, / s'il veut al~er dans la ville
où on c-herche, li-l peut se j'oindre à eux.' / En tout cas, leur
nombre, on ne peut pas connaître ça. / Mais vous partez ensem-
ble et vous revenez en~emble. / Ils se confient tous à un seul
homme. /
/ Quand ils partent, / s!ils parviennent à un certain
endroit, / est-ce qu'ils donnent du sel à des personnes en
~\\il'>~
1394
de taxes ?
/
/ Si on ne donnait pas du sel aux gens, / on ne pouvait pas
avoir la voie libre. / Si vous arrivez quelque part, / les
Infidèles refusent (de vous laisser passer), / vous coupez
du sel, / pour les flatter / pour leur faire plaisir / en
leur donnant cela. / Ils s'apaisent / et vous passez. /
/ Il Y en a d'autres, / les flatteries ne peuvent
rien arranger, / il vous faut vous battre avant de pouvoir
passer. / D'autres encore, / vous les flattez; ils refusent
/ Vous vous mettez ensemble pour leur faire la guerre, / vous
réussissez â les vatncre et vous passez. /
/ C'est une nécessité absolue d'avoir des fusils.
/
S'il n'y a pas de fusils, / s'il n'y a pas de flèches, / ce
travail ne peut pas se faire. /
/ Une personne, / peut ... recruter 10 jeunes hommes
forts et robustes / ou même 20 jeunes hommes, / ceux-ci ne
portent pas de bagages. / Ils sont chargés de garder la troupe
tout le parcours aller / et ils la gardent encore le parcours
retour. / Il Y avait des gardes spéciaux pour la caravane. /
Et ce sont de vrais hommes.
/ Ils sont armés jusqu'aux dents
avec des fusils et des flèches. /
- / Il dit que ceux qui étaient chargés de garder les
gens à l'aller et au retour, / qui les payait? /
/ Il faut lui dire, / que ... / ils allaient accom-
pagner les gens. / Si tu es riche tu peux acheter des escls'-es,
j-et leur donner des fusils et des flèches, '/
ils vous gare. "olt
pendant que vous marchez. / Oui. /
- / Quand vous alliez en Basse côte ... / vers le
pays de Krendjabo, / qu'est-ce que vous alliez acheter dans
ce pays ? j
1395
1 Ils allaient acheter des tissus, 1 et la poudre
(de fusils), 1 et la kola 1 et les portaient (à Kong). 1
1 Il Y a un village au Ghana qu'on appelle SABORONI, / au-
trefois c'était là que nos hommes alaient prendre la kola. /
1 Oui. / Pour l'exporter jusqu'au Mali. /
/ Le pays d'Aboisso aussi, / il Y avait de la kola. / on al-
lait l'acheter là-bas. / A Krendjabo / il y avait la kola, /
on allait l'acheter là-bas. / La poudre des fusils,
1 on l'a-
chète ... / et on revient. /
/ Et on leur vend des esclaves. /
/ Est-ce que vous pouviez les envoyer avec vous ? /
/ Si on part / les cheveux et les ânes, / ils restent tous à
Gbotogo (Bondoukou). / Tu comprends? / Ou alors certains s'a-
s'arrêtent avec eux à Yakassé, / à côté de nous ici ils les
laissent là-bas. / A notre porte ici. / Quand on va charger
les bagages pour revenir, / certains viennent les mettre sur
leur dos (le dos des ânes et des chevaux). / Comme à cette épo-
que les grands arbres étaient là-bas / les ânes et les chevaux
ne peuvent franchir ces arbres. / On ne peut pas les faire tom-
ber pour ouvrir un passage. /
- / Vous alliez avec les ânes jusu'à Yakassé ? /
/ Oui. / jusqu'à .... ils arrivaient à Yakassé. /
/
Il demande Sl vous alliez prendre beaucoup de
kola ? /
/ Elles arrivaient en grand nombre. / I l n'y avait pas de Kola
au Soudan. !
/ Chez nous ici, / quand le monde jouissait encore
de la bénédiction (de Dieu), / ton fils,
/ s'il se marie, /
alors, / tu peux partager tes biens pour lui en donner une
part / afin qu'il travaille pour lui-même. / Mais si toi le
père tu meurs, / c'est ton fils qui dois hériter de tes biens. /
1396
/ S'ils sont adultes déjà, / ils travaillent tous
pour le vieux, / le chef de famille. / Ils n'ont pas le droit
de travailler pour leur propre compte. /
1 Autrefois. 1
1 Moi qui te dis cela, / nous tous qui ... 1 quand
nous étions des jeunes hommes.1 Nous avons tous travaillé pour
le compte de nos vieux parents 1
1 On n'a pas travaillé pour nous-mêmes. 1 Tu ne prends rien
toi-même. 1 Si vous parvenez en âge de vous marier, 1 il (le
vieux) fait le mariage pour toi, / avant de partager les biens
et t'en donner une part 1 afin que tu travailles pour ton comp-
te. 1 C'est comme cela chez nous. 1
1 Les Ashanti n'utilisent pas l'or pour les échanges,
1 les Agni fon l'extraction de l'or eux-mêmes, 1 les Baoulé
font l'extraction de l'or eux-mêmes. 1
1 Ils extraient l'or. 1
- 1 Est-ce que vous connaissez les différents marchés
(de la eôte) 1 à savoir quel jour correspond au jour de marché
de quelle région, 1 quel jour correspond au jour de marché de
quelle région ? 1
1 Il n'y avait pas de marché. 1 Si tu vas déjà élire
domicile chez quelqu'un 1 ton marché c'est cet homme qui vous
reçoit. 1 Clest l'hôte qui commande toutes les choses pour ve-
nir te les donner. 1 Les hôtes sont à Krendjabo et à Aboisso.
1 Eux aussi peuvent venir à Kong lCl pour habiter chez toi. 1
······r:pu a-chètesle~esclaves pour les lui donner'. 1 Et il repart; 1·
Si toi aussi tu voyages là-bas, tu vas habiter chez lui, / il
achète les esclaves
1 c'est lui qui achète les tissus pour
te les donner. 1 Tu les amènes ici. / Et la kola. / On se fré-
quentait les uns les autres. 1 Nos vieux, 1 leurs hôtes sont à
Krendjabo, 1 les habitants de Krendjabo 1 ils ont ici à Kong
leurs hôtes. 1 Oui. 1 Tous ont leurs domicile ici. 1
1397
- /
Il dit que le commerce vers le pays de Krendjabo
/
est-ce qu'il s'agit d'un commerce qui existe depuis lontemps?/
- /
Depuis que les Blancs n'étaient pas encore arrivés?/
/
Depuis que les Blancs n'étaient pas arrivés. /
- /
Quand les habitants de Krendjabo font le commerce
... /
/
Puisqu'on se fréquentait mutuellement.
/
Depuis que les
Blancs n'étaient pas encore arrivés de Krendjabo, on faisait
le commerce jusqu'ici, /
et les Angi, /
et les Ashanti.
/
/ Jusqu'à Bondougou.
/
/
Depuis des périodes reculées ici à Kong, /
Bondou-
gou et nous c'est nous qui travaillons ensemble. /
/ Et Bouna. /
/
Dans le pays de Byogon ? /
Byogon ? /
Il Y a des
gens du pays ici, /
ils sont tous venus de Byogon pour venir
s'installer ici à Kong, /
pour venir habiter dans ce pays.
/
On a l'habitude de travailler ensemble.
/
- /
D'ici à Djenné, /
i l y en a qUl, au bout de 2 ans,
ils ne sont pas encore rentrés, /
i l y en a qui passent un an
avant de rentrer.
/
/
C~ux qui ont fini très tôt, ! oeux qui ont passé
un agréable séjour et qui ont rapidement terminé
(les ventes
et les achats), /
ils reviennent au bout d'un an.
/
ou alors
si
le voyage a été difficile, /
ils peuvent rester à cer-
tains endroits 6 mois, /
5 mois sans réussir à avoir le pas-
sage. /
/ A Krendjabo,
/
cet aller et retour aussi,
/
est-ce
que cela durait aussi comme l'autre? /
1398
/ non./
ça, ça ne durait pas. 1 On y va, / on va, /
il n'ya rien devant nous, 1 il n'y a rien derrière nous, /
aller et revenir. / Les gens de la Basse ~ôte ne faisaient
pas de guerre. / Ils ne faisaient pas la guerre à quelqu'un
en cours de route. /
/ La guerre est une chose qu'on trouve ici dans la
savane. / Il n'y avait pas de guerre en Basse ~ôte. /
- / Les tissus qu'ils fabriquait à la main, / les A-
gni les achetaient, / les Ashanti les achetaient, / et / ils
faisaient tout ce qu'ils voulaient avec ça./
1 Les Adioukrou, / ils venaient tous acheter les tis-
sus ici à kong, / ils les chargeaient, / payaient des gens, /
qui prenaient ces bagages pour aller. /
/ Nos femmes prenaient le rouet, / elles filaient
(le coton), / on le tisse pour en faire des tissus, / on ré-
colte de l'indigo en brousse, / et à l'aide de cela on teint
les tissus en noir, / d'autres en rouge, / d'autres en blanc,
/ on les travaillait avec ça./ On savait tout cela ici depuis
longtemps. /
Informateur
BAMORI Traoré
Lieu de
l'enquête:
Kong
Année
30 Mars
1976
1399
LE COMMERCE
-
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an
fE
yan,
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SEWE
t igi
yan,
/
0
~,o karamogo nyuman bE yen. /
ole
bE
baarakE
ari
ye.
/
ayi-
wa
an
ka
taga
degu
yoro
minna,
! banmanari
le
bE
la
/ 0 ti
se
ka.ke·I.E.-.k.€; ...n-i
ariye.
/
a
bE; kogotigE:
tigE
k.a
do
di
o.m.a.
ka
0
niso
diya.
/
ka
tEmen
ka
taga
jEnne,
/
ka
segi
ka
na
/
i
taga
a ni
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segi,
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sanje
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an
di
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soro
ka
soko,
/
ka
kpon
soro
yan.
/
yabuaso
ni
kErEnjabo tugu,
/
gbotogokaw,
/ 0 be na, /
a bena
jon
fiere
0
fE.
/
0
ye marifa mugu ta
ka
na
a
fiere
yan.
/
fol::>
folo
tuwauri
fani
j::>na,
/
a t i
be
yabuaso.
/
kErEnjabo,/
1400
/ a t i ye bo yen le folo ka na yan ni, / ni sant ira
/ ayiwa,
/ 0 kono
do, / an bEmaw ni an faw ka jago kE nya min ma, / ale le bE nin ye. / dow
be donin nyu ari kun na, / fEn do tE miri, / ori bE donin nyu ari kun na
/
fEn
bE miri
fE,
/
misi
/
ayiwa
fali
ole
bE
donin
nyu,
/
ki
ye a
fiere
•••
/
ole t i
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ye
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monbili
kana
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kwo ma
/
fasaninyara,
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bE
juru
belebele nyinin,
/
ka
bin
siri
ka a
la
je kan
•••
/
senna-
manw bE
tagama
ka
tigE
a
kan,
/
ka
fyE
ba
nyinin,
/
ka
doninw
nyu:
/
sow ye do jera,
/
ka
je nomu
ka
sa
tigE.
/
Ion do ma,
/
tere fila,
/
tere
saba,
/
a
bE
0
kE
kwoda
dowra,
/
ni
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bE
donin tigEra,
/
fo
ka
na 0
byE
tigE.
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baara
t i
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yan,
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ye.
/
-
/
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ko a t i
ye taga
kogo
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ka
na
ni
a ye,
/
jEnnEdugu a
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0 ,
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mogo
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/
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/
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be
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kogo
ke 1en
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/
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se
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/
-
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a
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/
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ayiwa mogo
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t i s e
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10
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-
/
ko miri
ye taga
ni
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ye,
/
ayiwa
ka
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sofal it igiri,
/
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t i
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10
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i so f a 1 i 7 /_~
-
/
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/
7-sofal T·:: .1" dO;) be se' ka kogo naa n i ta. / do be se kaworo
ta
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keme
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/
ayiwa
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nin 0
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/
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/ 0
be woro
ta
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fan
nin
/
woro gEren nin,
/
0
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nyu.
/
1401
/
ko
f~ I~ f~l~ ra /
shErE
do ye
se
kE
a
be m~g~ waga
fila
b~. / d~ ye se kE a bem~g~ waga kelen b~. / ayiwa d~w be
w~g~ kEmE
1 ooru
b~ •• /
a yi wa
a ri
na ni n hE kE ya
min t i
ye.
/
t uma
d~rira ni j~n ka shyaya. / arl na si min ye
/
a!
a~ / ari
t l
na
ni
caman
ye.
/
a~ / an k~nin tE se ka 0 dal~n
/
-
/
a
ko ni
arl
t i
ka
taga
k~g~ ta jEnnE ka na ni
a ye.
/
ni
ari
ka
na
se
ni
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fo
yan.
/
ni
arl
ka
a
f~ arl
ye a
fiere.
/
ari
ye a
1~len to le ka a fiere. /
wala
ari
ye
a ce ce
le
ka a
flere
? /
/
ko kara
le t 1 bE
ari
fE.
/
ari
ye
k~g~ tigE tigE
ni
a ye.
/
ki
ye
a
flere.
/
awa
jende tugu
bE
ari
fE.
/
ari
ye
a tigE
ni
0
jende
fitininw ye
ki
ye a
fiere
/
/
a
ko ni
arit i
ka
b~ yan ka taga jEnnE ko ari ye
taga
ka
taga
k~g~ san. / a t i ye a san jori
le ?
/
/
ko 0
s~nk~ ah~ / ko an ti se ka 0 dal~n ari fE
/
~nh~n
/
/
ko d~w t i
bE a
falen j~n na.
/ d~ri
be a
falen
daniwra.
/
/
jEnnEkaw
fE
:
/ 0 tuma kp~nkari bE fani nyuman dan ya n . /
ayiwa a bE
taga
min
ka
a musc
furu
dura
ye.
/ 0
bE
0
furu
fani
ta
ka taga
a
falen
k~g~ 0
ra • /
jEnnE.
/ ka na ni a ye.
/
o musc ka
na •
/ 0
bg~ a bE ole fi e re • / ka taga j~nmuso sa n •
/ ka a b i 1 a • / a ye to ki
ye
baa ra
kE
a
ye.
/
ko ari
ko 0
ma
cEbErE
s~ r~
/ a ka j ~n min sa n f ~ 1 ~ •
/ a be a t~g~
la
cEbErE
s~ r~
/
-
/
a
ko
saga
min
natubabu
ye
na
yan.
/
0
wagat ira
wari
juman t i
bE
yan?
/
ko kolon
gbE:.
/
ole
t i
bE:
ari
fE:
yan
ni.
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ka
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santimi.
/
wa r i
jona.
/
a d~g~ya
-
nin
bE:
santimi
le ye.
/
an
ka
0
/
0
b~ra ara.
/
k~p~r~. / su
/
ayiwa
a be
tan
le
/
sant imi
le t i
bE:
wari
bYE:
fitinin
ye.
/
sinkante
santime
/
1402
1 sannin ti be: yen. 1 folo tubabu ma na saga min 1
sannin 0
be:
an
fe:
1 tubabu ma na saga min. 1 sannin 0 be: an
fe:
yan.
1 kolon gbe: be: yen. 1 a ti be: tan le
1
- 1 a ko 0 wagat ira. 1 kolon gbe: t i ye jamana kan. 1
ayiwa
kogo
10 keln.
1 kolon jori
le t i
ye
do ara?
1 i
ka
a
fo
i
t i
ye a kogo
10
sa n.
1
1 onh ! 1 ko 0 tuma. 1 ni an ka a fo ko an ye 0 Ion.
1 ko an ka faninya tige:
1 an ti se ka 0 dalon
1
1 ko 0 wagat ira wa ri t i be: 50 ro ra caman wa ? 1
1 ko wa r i t i be 50 ro caman. 1 min ka kolon gbe: 50 ro caman 0
be a
ke:
borow
le
ra • 1 ka a 5 i 9 i
5 i 9 i
bon
na.
1 a t i t E a domu 1
0
be
fa 1 i
kwo ra
danna
1 kolon be fa 1 i kwora dan na
1 koron
1 0
ye
kE
fal i
kwora
danna
l o b e dan na ari
ta
karajogori
ra.
1 a be danna kogo ra 1 a be: danna marifa mugu' ra. 1 ni an
t i
ye taga
sikaso
1 folo mogow ko kinadugu. 1 an t i be: mari-
fa mugu ta
yan
ka
taga
a
fiere
kinadugu.
1 ka jon san yen, 1
ka
na
ni
a ye
yan.
1 awa kolon gbe: le ti
be:
jon
san
1 wa la
sanin.
I o l e ti
be jon
san
1
- 1 ko a t i ye taga jogora saga min na
1 denmiSEnri
t i
ye
se
ka
taga
ni
ari
ye 1
1 ko musc dow bE yen, 1 den bE ari
kwo
ra
1 do ri bE
yen,
1 a den be: tagama na . . . 1 donin bE fa 1 i kwo ra • 1 a be
den
r;lin
5 i ~i
fa 1 i
kw::;. ra
tugu.
1 a wa ki
ye
taga.
1 ko a bYE
do t i
bt:
yen .
1
. '/ 'n'i 'ô
be wi r i
yan,
1 f 0 yan, 1. ka ra m0 9 0 r i ka m0 9 0 -
ri
filE
ka
taga
a ta,
1 mogo min ka bila shE.re: nyatelen, 1 awa
kEIE
t i
...
1 shErE bE nya,
1 a be taga jEnnE:. hErEra, 1 ka na
he:rt:ra
1 hali a kEra den nin fitinin
nin 1 mogo
1 jama
bE
be tugu
ole r a :
1 a be: mogo kunkilo le filt:, 1 min kake:
kEIE
ra
a t i
tiYEn.
Iole be oila nya fe:
1 wala
ko mogo
koro
1403
ba
10
/ 0 te de:
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/ 0 be ko be:
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/ a wa 0 be taga 5 i 9 i
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na , / jama be: be J 19 i
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/
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be
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le
ye.
1 ni
marifa
tE:
yen,
/
ni
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yen,
/
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k:::>r:::> CE::
tan
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k1a
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ka
s:::>k:::> .
/
/
ko m:::>g:::>w gardibagaw t i
bE:
yen
le.
/
ori
bE ce:ri
le ye.
10 ce: sirinin 10 ni marifa ni binya ye.
/
1404
- 1 a ko m~g~ miri ye m~g~ri garde ka taga ka s~k~ 1
j~nnin t i ye ari
sara?
1
1 ko. 1 en
1 ko a ri t i be taga m~g~ bi lasira y~-
r~
le
ra
1 ko ni nafolo ka ke
i
fe
i
be j~n d~w san.
1 ka
marifa
n i
binya
di
0
ma.
1 0 be ari gardera k i ye taga. 1
1 ~nh~n
1
1 ko ni a ti ye taga tuk~r~
1 ayiwa kerenjabo
jamana
kan,
1 ayiwa a ti
ye taga
ka
taga
mini
san
0
jamana
ka n ?
1
1 ko ari
be
taga
fani
sa,
1 ni marifa mugu, 1 ni
woro 1 ka
na
sa
ni
aye
.. '
1 ka na ni a ye. 1 angele dugu d~
be
yen
ko
sab~r~ni, 1 f~l~ an ta m~g~w be taga woro ta olera.l
1 ~nh~n. 1 ka taga ni a ye f~
'ma 1 i
ra
1
1 yabuaso jamana tugu, 1 woro t i
be
yen.
1 an be
taga a
san
yen.
1 kerenjabo 1 woro be yen. 1 an be taga a san
yen.
1 marifa mugu. 1 a be san
1 ayiwa ka na
1
1 ka j~nw fiere ari fe
1
1 a t i ye se ka taga ni or i ye yen wa ? 1 an ka
se.
1 so ni sofaliw. 1 0
be
ye to gbotogo.
1 i ka a men wa ?
1 wala d~w be dan ni a ye yakase, 1 an k~r~ ya n kao to yen. 1
dakunna
ya n .
1 doninw ka taga nyu ka na . 1 d~w be na b i 1 a ari
kw~ra
1 komi
la
yiri
ba
ba
ri
be
yen
1 sofaliw ni
sow t i
se
ka
sago yi ri
ka n
1 ka taga yiriw be ben ben sirara
1
- 1 ko ari t i 'le taga ni sofal iri 'le fa yakase ? 1
1 ~nh~n
1 f::l
. . .
ari
t i
'le
se
yakas8.
1
- 1 ko ari ti
'le taga
woro caman
ta
kana
ni
a
'le
ke
? 1
1405
1 ko o caman t i
ye
na
1 ko woro t i te: sudan
1
.
1 ko an fe: ya ri , 1 la min ba ra ga be dununyara, 1 awa
i
ta
dence:,
1 ni a ka furu k e: , 1 a wa , 1 i
be
se
ka
naforo talan
ka
dJ
di
a ma
1 a be baara ke: a ye.
1 ni
il e
face:
do ka
sa ,
1 i ta den
le
ye
i
ce:n ta
1
1 ko ni ari
be:
kamelen
ye
ka
ban,
1 0
bye:
be
baara
ke:
ka
a di
cJmJgJba
le ma.
1 sot igi ma
1 a t i
faran
farannin
ke:
1 fJIJ
1
1 ni min be: a f J ra e ye tan • 1 an bye: min
1 be:
kamelen
ye.
1 an bye: ka baa ra ke: ka ra di an ta cJmJgJ ba
le mat
1 an ma a ke: an ye:re: ye. 1 i t i
fen
dJ ta
i
ye:re:
ye.
1 n i a ka
na
se
f u ru
ma,
1 a be furu ke:
k'a
di
ma,
1 ka sJrJ ka wa r i
talan
ka
dJ
di
ma
1 i
be
baara
ke
i
ye:re:
ye.
1 a be an fe:
ya n t en
1e
1
1 ko santi ti
sannin
domu,
a
nyi
be
sannin
b J
a
ye:-
re
ye,
1 bawulen be a bJ a ye:re ye.
1
1 ko ori ye sannin bJ
1
- 1 a t i ye a IJgJw
I;)n
wa •
ka
a
IJn
la
t i 9 i
sine:n
YJgJr i
le
be jamana
t i 9 i
sinen
IJgJ
ye.
1 la t i 9 i
sine:n ole
be jamana t i 9 i
sinen
IJgJ
ye
?
1
1 ko IJgJ ti te: yen.
1 ni
i
tagara
ka
taga
jigi
ja-
tigice
min ma
ka
ban.
1 e ta
IJgJ
bE:
jatigicE:
le
ye.
1 jatigi-
ce:
le be
fen
bE:
kumandika
a di
ma
1
1 jatigicEw ye kE.:rE.njabo a ni
ya~uaso. / 0 fana a
ye
bJ
yen
ka
na
kpJn
yan
tururu
ka
na
jigi
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/
e
le jJnw
sanka
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/
a
be
taga.
/
e tugu
ka
taga
e be
taga
ale
le
fE.:,
/
ale
le
be jJn
san
1 ale
le
bE.:
fani
sanka
a di
i
ma 1
be:
nana
ni
aye.
1 niworo 1
ka an
be
ti
be
nYJ-
gJn tagama.
1 an ta cJkJrJbaw 1 a bE: jatigice: be kE.:rE.:njaba. /
1406
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/
0
be
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be
kp=>n
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/
anhan
/
bye
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jigiy=>r=>
be
yan.
/
-
/
a
ko
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ta
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ko jago myen-
ni n
/ ; ' 0
wa
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/
ko a
myenna.
/
-
/
a
ko
ka b i t u wa wu
ma
na
ba n
? /
/
kabi
tuwawu
ma
na
/
-
/
ni
kerenjabo jamana
m=>g=>w
be
jagora
•••
/
/
ni
an
t
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tagamana
ny=>g=>n
fe.
/
kabi
tuwawuw ma
na
ksrenja-
bo
be
jago
kera
ka
na
yan,
/
a
ni
anyiw,
/
a
ni
santiw
/
/
ka
na
b=>nduku
/
/
kabini
f=>l=>
f=>l=>
pk=>n
yan,
/
anw
ori
b=>nduku
le
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baara
ke
kelen
ye,
/
ni
buna
/
/
by=>g=>n
kanwa
? / ko by=>g~n ? / jamana m=>g=> d=>ri be
yan,
/ 0 bye b=>ra by=>g=>n ka na sigi
kp=>n
yan,
/
ka
na
jamana
kan
yan.
/
an
be
baara
ke
kelen
ye
ka
k~r=>
/
-
/
a
ko
ka
b=>
yan
ka
taga
jEnnE,
/
d=>w
be
sanje
fila
kE
ni
ari
ma
don
yan
ban
/
d~w be sanje
kelen
ke
ka
s=>r=>
ka
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Informateur
BAMORI Traoré
'Lieu de
l'enquête:
Kong
Année
30 Mars
1976
1408
L'ORGANISATION DU GWIRIKO
- / Cet après-midi on va revenir sur des points
qu'on a soulevés ce matin, / le matin l'Iman nous a dit que
Fa~ et puis Kelemori sont venus ; / ils ont conquis le
pays, / je voudrais qu'il nous montre comment la conquête a
été réalisée ? /
/ Il (FamagID; a trouvé que personne n'allait dans
le pays d'un autre ici. / Les Sembla étaient sur leur terri-
toire, / ils étaient autonomes, / les Karab~r~ et les Gbein
aussi étaient sur leur territoire, / personne n'allait sur
le territoire d'un autre, / si on te voyait sur un territoire
qui n'est pas le tien / on te tuait et puis on prenait tout
ce que tu avais. /
/ Quand Famagan est venu ; / il a tracé une route
pour aller à jEnE (Djenné) ; / une autre pour aller à Bamako,
/ et d'autres pour aller dans les différentes directions, /
pour qu'on fasse le commerce, / pour qu'on parte acheter les
marchandises pour faire le commerce, / parce que dans un pays
où on ne fait pas venir des marchandises, / ce pays ne sera
pas bon. / C'est dire qu'on s'assure ici avant de partir, /
on allait à jEnE pour acheter les choses pour revenir, /
c'est lui qui a initié cela, / sinon avant c'est à Salago
seulement qu'on allait. /
/ Il n'y avait pas un autre endroit ici, / où on
pouvait aller, / il n'y avait pas de route, / il a fait les
.~ routes, / ~même maintenant on passe sur ces' route s pour aller
faire le commerce. / C'est lui qui a fait ça, / et puis il
a dit qu'il ne
faut pas que quelqu'un arrache les choses d'un
autre, / chacun gardait ce qu'il possédait, / quand il est
venu, ce qu'il a fait, c'est ça, / que chacun fasse son tra-
vail. /
1409
/ Avec qui;il a pu faire ce travail là ? / parce
que c'est un travail difficile? / ici Djenné c'est long, /
donc qui l'a aidé à faire ce travail là ? / est-ce qu'il l'a
fait seul? / ou bien est-ce que les gens d'ici l'ont aidé? /
Comment Famagan est venu? / pour faire en sorte qu'on puisse
aller à Djenné acheter le sel et venir sans être attaqué sur
la route ? /
/ En ce temps ce sont eux qui avaient des fusils, /
personne n'avait des fusils, / si ce ne sont pas eux, / ce sont
les lances qu'on trouvait ici, / c'est avec eux qu'on a vu le
fusil; / les fusils de guerre, / ce sont eux qui ont introduit
les fusils ici. /
/ Ils sont allés acheter les premiers fusils à Ali-
mina (El-Mina). / Si tu quittes Sanzilo, / tu traverses le fleu-
ve pour aller vers le Ghana, / il Y a là-bas un pays appelé
Alimina (El mina). / C'est là-bas qu'on a vu le premier Blanc,
/ voilà, / ils allaient avec les esclaves pour aller leur donner
et puis ils achetaient les fusils avec eux, / ce sont les Fama-
gan qui ont apporté le premier fusil, / leur fusil.
/ Quand
ils sont venus, leurs forgerons ont regardé, / et en ont fabri-
qué, / même à présent leurs forgerons fabriquent eux-mêmes des
fusils, / ils font des fusils français eux-mêmes maintenant,
/ les forgerons qu'ils avaient, / ont eu une grande renommée./
/ Les balles, / ils les recevaient de Numudaga, /
son nom est ... / on dit
III'~tablissement des forgerons", /
alors on faisait les balles là-bas ... / quelqu'un qui a un
fusil et l'autre qui a une lance, / les deux nepeuvent pas
se battre
n'est-~e pas? /
/ Bamba était là ? /
/ Lorsqu'ils ont fait la guerre, / chacun a confié son armée
à son chef des esclaves, / Magan a confié son armée à son chef
des esclaves du nom de Sidari. /
1410
/ S'idari ? /
/ Sidari, Ile harœau existe à présent encore, / notre ... / il
a fini ça. / C'est FEnkelemagan qui était le chef esclave de
Bemassama, / il était installé à Saouta ; / c'est Saouta qui
était ... /
/ c'est là-bas que les Bobodioula sont allés les
(les hommes de Famagan) chercher, / avant de venir voir ceux-
d'ici. / C'est là-bas le point de départ /
... ils faisaient
la guerre comme ça. / Les hommes de Kereborosso n'ont pas don-
né leur a~mée à un esclave, / parce( qu'ils ne leur faisaient
pas confiance, / ils n'ont pas confié leur arrière à un escla-
ve. / C'est Bamba qui était leur esclave commun, / alors il
avait avec lui leur fusil commun, / c'est de cette façon /
qu'ils ont gouverné le pays. /
/ S'ils font la guerre, / ils y gagnent beaucoup de
cauris./ On partage les esclaves entre les hommes
/ dans le
partage, / l'homme qui s'est montré courageux, / on l'honore
/ en le gràtifiant / d'un cheval pour qu'il le monte. / En
faisant cela, le sort de tout le monde s'améliorait /.
/ Ce n'est pas avec les fusils seulement / qu'ils
ont fait la guerre, / n'importe quel prince / sûr de lui-même,
/ si tu le vois tu nepeux plus lui jeter ta flèche, / tu vas
tirer sur la corde de ton arc jusqu'à la couper, / sans pou-
voir lui jeter ta flèche, / il (prince) crie\\toutes les cordes
de ton arc se coupent, / tout se ... / et il t'attrape pour
venir avec toi, / ce n'est pas que ce soient le couteau et
le fusil qui étaient leurs seuls instruments de guerre, / ils
avaient autre chose qui n'est pas le fusil et le couteau. /
/ Regardez
cette maison en bois, lorsque certains
princes crient la maison tombe. / Ce sont ces choses dangereu-
ses qu'ils avaient, / dix hommes parmi eux peuvent aller
faire la guerre contre cent hommes / et puis les attaquer
tous pour venir avec eux, / si on te voit entrain de sortir
1411
avec ta flèche, / on te dit
viens me donner ta flèche ici,
/ tu ne peux pas refuser, / on
te dit: passe on va aller, /
tu te mets devant lui pour aller ; / Il n'est pas dit que
c'était le courage seulement, / ils avaient d'autres pouvoirs./
C'est de cette façonqu'i1'3ont gouverné le pays. /
/ Ils ont les marabouts, / qui rentrent dans les
maisons pour prier Dieu pour eux, / quoi qu'ils leurs disent
(aux princes) ) par exemple de faire un sacrifice, / ils le
font tout de suite,/ en ce moment si le travail du prince est
plus fort que le tien, / alors un moment arrivera où il va te
gouverner. / Tout le monde était divisé, / si vous faites
quelque chose (un complot) à deux / tout de suite, / si tu
vois un Watara, / personne ne va te demander, / c'est toi même
qui dis tout, / ce n'est pas moi seul, / il ya telle personne,
/ telle personne, / c'est de cette façon qu'ils ontgouverné
le pays / c'est de cette façon que s'est déroulée la guerre
jusqu'à la domination du pays. /
/ Est-ce qu'il peut nous donner le nom des grands
marabouts de Famagan ? /
/ En venant de Kong pour ici, / c'est Karamogo Sie-
dou qui l'a accompagné. /
/ Karamogo Siedou ? /
/ Karamogo Siedou Saganogo, / Karamogo Siedou Saganogo ... /
C'est lui qui a mis Baflernory au monde, / Baflemory a mis ma
mère au monde, / cette dernière à son tour m'a mis au monde, /
c'est lui qui est venu a Bobo ... /
/ Ils ont ~té prendre Karamogo Siedou Saganogo et
Karamogo Sanoussi Touré à Jama, / celui de Sikasso là, / ils
ne sont pas partis de Kong. /
/ Qui ? /
/ C'est à Jama qu'ils ont été les prendre, / dans le pays
1412
de Fouta, / c'est là-bas qu'ils ont été prendre les Touré, /
les Touré de race blanche / il
est parti
les prendre sans
que nous soyons au courant, / c'est
le grand père Sekou
qui est allé les prendre pour venir. /
/ C'est Famagan qui est allé les prendre ? /
/ Voilà, / c'est le grand père Famagan qui est allé les cher-
cher; / pour venir les donner à Sidari pour qu'ils prient
Dieu pour lui, / ne les vois-tu pas (leurs descendants) ins-
tallés là-bas ? /
/ Le pays que Famagan a créé, son nam ? /
/ Le pays que Famagan a détruit? /
/ Oui ? /
/ He ! / du pays Komono l·'de Komonona jusqu'à Nega, / Famagan
avait des garnisons, / depuis qu'il s'est séparé de son frère,
/ ils ont passé par Nassian, / en détruisant ceketa, / puis
Kolobita, / et puis il a traversé le fleuve pour attaquer les
Komono / il les vainquit / les Dogosse et les vainquit les
Karaboro, il a vaincu.
/ queJqu'un d'autre n'a pas pu l'arrê-
ter, / parce qu'il était bien préparé. /
.... avait 250 000
hommes. /
/ Combien ? 250 000 hmmmes ? /
/ Oui, / il avait la moitié de 500 000 fusils, / oui Sidari. /
/ Avec Sidari ? /
/ s'ils détruisaient tout le pays ... / Si le village fuyait,
/ les gens libres allaiènt prendre les esclaves, / alors on
cessait de tirer. / Ce sont les esclaves qui avaient les fu-
sils au cou. /
/ Ne se sont-ils pas rassemblés après pour gouver-
ner ? / Sinon au début ceux-ci étaient ici, / les autres
étaient là-bas, / nais quand ils sont venus ici, / ce sont
1413
eux tous qui se sont rassemblés, / ce n'est pas une seule per-
sonne qui est arrivée à SOFARA, / c'est eux tous qui ont été
là-bas, / Bassama ne faisait pas de guerre, / c'est Fankelema-
gni qui faisait la guerre en son nom.
/ Est-ce que Famagan a fait la guerre contre Djenne
et contre Segou ? /
/ Quel Segou ? /
/ Segou au Mali ? /
/ Ils n'ont pas fait de guerre contre Segou, / la guerre
qu'on a faite là-bas, / était une guerre généralisée, / c'était
il ya 100 ans ... /
/ Qu'est-ce qu'une guerre génralisée ? /
/ Il va te l'expliquer /
/ C'est fait il y a 107 ans cette année, / c'est ce
qui nous a dispersés / sinon aucun d'entre nous n'est origi'-
naire d'ici. /
/ C'est-à-dire, / au moment de cette guerre person-
ne (aucun dioula) n'était ici / et cela concerne les Watara de
toutes origines. /
/ ça c'était une guerre généralisée /
/ Les Wat~ra de toutes origines ... /
/ C'est ce qui a fait partir les rois haoussa dans leur pays
actuel, / separé les Mandé aussi, / nous nous sommes separés
les uns des autres, / sinon le pays (de Mandé) n'était pas -
divisé, / nous n'étions pas séparés, / on était tous les mê-
mes ... / C'est ce qui a détruit le Ghana, / et quand le gha-
na a été détruit, / tout le monde s'est s~paré, / oui, / c'é-
tait une guerre générale. / C'est lorsque le Ghana a été dé-
truit que nous avons quitté, pour nous disperser. /
1414
/ Ghana ? /
/ Soko, / la guerre qui s'est d~roulée là-bas était une guerre
générale. /
/ Segou ? /
/ Segou .... sa distance de Bamako est de 205 km. /
/ Sa distance de Bamako ? ... /
/ Oui, / la seule ville à trois noms : Djenniba, / Kombissale/
et Ghana. /
/ Kombissale ? /
/ C'est de ça qu'il parle. /
/ Ici (Ghana actuel) ce n'est pas Ghana, / ce sont les gens
d'ici qui ont fui pour aller là-bas; / ce sont eux qui ont
donné le nom de leur pays là bas ... / c'est cette ville qui
a été détruite, / depuis sa destruction nous ne nous sommes
pas rassemblés. /
/ Cette ville ? /
/ Oui, / c'est ça qui a été la cause de notre dispersion, /
c'est là-bas que tout le monde était. /
/ C'est là-bas tout le monde était ? /
/ Il Y avait de l'or derrière cette ville / c'est cet or que
les Français enlevaient en creusant, / ils ne creusaient pas
un canal. L C'est l'or qu'ils creusaient en disant qu'ils fai-
saient un canal,
/ c'est l'or qu'ils enlevaient /
/ Q'est l'or qu'ils, llevaient ? /
/ Tu n'as pas vu que, / quand ils arrivaient en bas, / ils
chassaient tous les noirs. /
/ Est-ce qu'il y a eu
la guerre aussi contre Djenné ?!
/ Contre Djenne ? /
1415
/ Oui ? /
/ Non,ils n'ont pas fait de guerre contre Djenne, / leur guer-
re n'est pas pas arrivée là-bas, / leur guerre n'est pas arri-
vée à Djenne, / Sekou n'est pas arrivé à Djenne ; / ils n'ont
pas fait de guerre contre là-bas. /
/ Mais la guerre est arrivée à Sofara ? /
/ Si tu vois qu'ils se sont arrêtés à Sofara, / lorsqu'ils
sont arrivés près du territoire de Djenne ; / ils ont décidé
de ne pas rentrer là-bas, / en ce temps Djenne était dans les
mains de Ahamadou WOlogo(l), / celui qui avait les destinées
de Djenne en main / se nommait Ahamadou Wolobo./
C'était un
grand marabout, / un grand savant, / son pouvoir prend sa sour-
ce dans les prédictions de la Mecque. / C'est-à-dire quand l'
l'ancêtre .... est allé à la Mecque, / on lui a dit dit que
le prophète a désigné douze (imans) personnes, / que c'est lui
même (l'ancêtre ... ) qui est le onzième, / l'autre est là-bas, /
il est de la lignée des Sangaré / il se nomme Ahamadou Wolobo,
/ il n'est pas encore né ; / ce n'est pas mon fils? demande-
t-il/ on dit:
"non) ce n'es t pas ton fi Ls ", /
il viendra du
clan Sangaré. / Il vint tuer les Sangaré, / il les tua mais
ils ne sont pas finis, / c'est de ces 'rescapés' que descend
ce marabout, / comme nous, nous avons su grâce à Dieu, / que
cet homme sera un masa dans ce pays, / - cet homme vivait à
Hamdallaye qui régnait sur tout le territoire de jEnE, / de
ce fait nous ne sommes pas allés là-bas, '/ on a pas été dans
ce pays, / sinon on a pas été à Djenn. / Nous ne sommes pas
arrivés à Djenne. 1 Notre guerre n'est pas arrivée là-bas. /
C'est Touré qui a gouverné Djenne. /
1 Touré '"
?
/
/
.... le vieux; / en ce moment la religion musulmane n'était
pas encore arrivée là-bas, / c'est après ça El hadji Moussa
est venu dire aux gens de Djenne, / que s'ils ne prient pas
il va leur faire la guerre, / les gens de DJenne, l'on prié
de les épargner / en lui disant : si tu nous épargnes,
1 on
1416
va prier sans qu'il y ait guerre / c'est là ils sont allés à
la Mecque .... pour aller prendre un saint. Il est venu les
convertir. / leur roi se nommait koubori, / koubori a détruit
sa concession pour la reconstruire en une mosquée / et puis
lui même s'est converti. /
/ Lorsque Koubori s'est converti, / ils (saint et
ses gens) ont voulu partir, / il 'leur dit: non! / Ne m'aban-
donnez pas, / j'ai mon ami ici,./ il est au Ghana, / ce masa-
CE
a le même pouvoir que moi, / s'il ne devient musulman, /
c'est la guerre que nous allons faire et détruire nos pays, /
alors on alla parler au masa du Ghana, / il a prié lui aussi,
/ oui, / c'est pourquoi notre armée n'est pas arrivée là-bas} /
on ne leur a pas fait de guerre. / Grâce à leur karam~g~ya,
nos affaires ne sont pas arrivées là-bas ; / mais en ce temps
si on faisait la guerre contre eux on allait les vaincre, /
les gens de fusil que nous avons vaincus, / étaient- plus forts
,
que ceux de Djenne. /
/ Quand Famangan a pris le pouvoir que sont
devenus les gens qui habitaient autrefois le pays /
/ Les gens qui étaient ici ; / il y avait les Bobo,
/ ceux-ci étaient installés à Timina près de Kotidougou, c'est
de là-bas qu'ils sont venus, / ils ne sont pas d'ici, / ils
(Bobo) étaient au Mali(l), / à la fin de l'année, / ils pré-
disaient
/ tout ce qui allait se passer dans la nouvelle
année(2) .~I Il s'exprimait ainsi / il se nommait Dassa(3)
/
,
il Y avait là-bas une fe~~e / portant le diamou Diabaté qui
sav~it plus de choses que lui. / Dassa a dit: cette année
le~3 récoltes ,seront bonnes; / .... la femme à son tour a dit
(1)
Dans l'esprit de not re informateur il s'agit du Mali pri-
mitif,
la région du Haut-Nigel'.
(2)
L'imam donne une version de l'origine des Bobo
( 3)
Il s'agit du nom du prédiaateur.
1417
qu'elles seront bonnes, 1 mais on n'en mangera pas, 1 un grand
malpeur viendra décimer les gens, 1 ils ne mangeront pas les
récoltes, 1 Dassa a consulté longtemps (ses fétiches) et a con-
firmé ce que la femme a dit. 1 Dassa
alors prit une décision
de tuer la femme. 1
1 Dassa ? 1
1 Oui, 1 parce que la femme (est plus douée que lui) l'a désho-
noré, 1 lorsqu'il a voulu tuer la femme, 1 il n'a pas pu, 1
il a ... fracturé le bras de la femme et il a fui. 1 Les
gens l'ont cherché, 1 ils ne l'ont pas retrouvé, 1 c'est là
qu'il est venu s'installer à N'Djara(l) au bord du sable, 1 il
Y a un village là-bas du nom de N'Djara. 1 C'est là_bas qu'il
est venu s'installer. 1 Dassa prédisait l'avenir, 1 les gens
venaient le voir 1 et venaient, 1 et il a eu là-bas encore
(grande) une réputation, 1 le fils du roi de Gbomito(2) a 1
réuni tout le monde pour retrouver le v~eur, 1 on ne l'a pas
retrouvé, / on est parti chercher Dassa à Djara, / à son ar-
rivée il a dit au roi que personne d~autre ne l'a volé, / que
son propre fils, 1 le village où il est allé cacher les affai-
res / s'appelle Pari, 1 alors ils ont commencé les recherches
dans les pays arabes (Berbères) et on a vraiment retrouvé les
choses à Pari. 1 On a demandé à celui qui possédait les choses
"qui est venu te donner tes affaires du roi
?" /
ce dernier
leur a dit ceci: c'est ton fils qui est venu me les confier,
1 c'est ainsi qu'on a pris les choses pour les reme.ttre au roi.
1 et on est allé chercher aussi Dassa 1 pourqu'il vienne s'ins-
taller chez:-Ie roi. 1 Dassa au cours de ses consultations /
a vu que le roi était mort et\\ que le pouvoir était revenu ~
son fils qui avait volé, / celui-ci a envoyé / lui demander
si la marabout prédicateur €tait
là ? / Daisa lui ~ dit oui, 1
(1)
Ge vittage se
trouverait au Mandé dans
une région déserti-
que
(2)
Nous n'avons pas pu tocatiser ce Royaume qui devrait se
situer dans
te
vieux Mandé.
1418
le ~ouveau roi lui a dit que s'il fait jour et qu'il est enco-
re dans le pays, / ce qui lui arrive~ait, c'est lui même qui
l'aura cherché, / que c'est son voleur qui est devenu le masa
(roi) de la ville aujourd'hui, / on l'a chassé de là-bas et il
est venu à Gbaramadougou(l).
/ Gbaranimadougou ? /
/ Oui)on lui a dit Ah ! / tu ne pourrais pas t'installer ici,
/ celui qui n'a pas pu s'entendre avec Gomito, / ne peut pas
s'installer ici, / alors il est venu à Mahouba ici(2). / c'est
Mahouba qu'il a quitté pour se promener, / jusqu'à Tchimina
(Timina) , ici, / et il s'est installé, / c'est l'histoire
des Bobo ça. /
/ Les gens que le grand-père Famagan a trouvé ici,
/ il a trouvé les Sanfla, / dans leur pays, il les a vaincus
/ il a trouvé les Tossian / dans leur pays, il les a vaincus
aussi / il a trouvé les karaboro / dans leur pays avec leur
armée, / il es a vaincus, / il a également trouvé les (feu
dans leur pays et les a vaincus / en ce temps la personne ne
gouvernait l'autre. /
/ Chacun vivait replié sur lui-même, / c'est pour-
quoi, / s'ils s'étaient unis, la guerre, allait durer, / comme
ils n'étaient pas unis / alors ils CFamaghan et ses hommes)
allaient détruire un pays / puis ils se levaient pour aller
ravager un autre, / de ce fait la prise du pays n'a pas été
difficible-: /
(1)
Une localité qui devrait se tpouver sous l'autorité de Gomito.
(2) Mahouta était W1. ancien vi Uage de la région de Bobo-Dioulasso.
1419
/ Et puis les cases étaient toutes en paille, / or
gouverner un pays dont les cases sont en paille
n'était pas
difficile pour les Watara. / la nuit ils vont mettre le feu
dans tout le village, / si déjà ta case est
brûlée~ / où vas-
tu aller te réfugier? / ils rentrent dans le village pour at-
traper un à un des habitants.
Informateur
IMAM Marhaba Saganogo
Lieu de
Z'enquête:
Bobo-DiouZasso
Année
2 Mars
1979
1420
L'ORGANISATION DU GWIRIKO
-
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1421
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1
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1 tu babu f::>l::> yera
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1 ka marafa san art fE: lori
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1 ari nana kana a fere
1 ari ta numuri
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1 ari
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1 a ka t::>g::> s::>r::>
1
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1 nln ari nana kErE kE, 0 byE ka kErE dl. 1 ari j::>n
kunt igiri
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1 magan ta kErE. 1 0
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ma.
1 a j::>ncE
le t::>g::> te
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1 sidari a ta daga be yen hali bi an
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1 ama kEreboro 50 m::>g::>ri, / ori ma ari ta kere di
j::>nce ma,
1 ari ma
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ny~g::>nna. lori ma ari ta kw::> di j::>ncE
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be
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1
1423
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1 karam~g~ sledu sagan~g~. 1 karam~g~ sledu sagan~g~ ••• 1
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1 karam~g~ siedu sagan~g~ a nln karam~g~ sanusi ture
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b~ kp~ n. 1
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/
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1 futa jamana kan jama. lori tagara
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1 ari ki
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k~m~n~na f~ ka taga se nEga, /
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k ~ m~ n ~
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ka
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10
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1
1424
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1
h~ r~n ye taga j~n mina, 1 nin 0 te or i t i mugu ce tugu, 1
marafa
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1
1 a r i byE
1e man a kwr i n y ~ 9 ~ n n a ka ma rat u ~
k e wa 7
1 ko jura nyini bE yan 1 min kuori
nana
ke
yan,
1 ari
bye
le
nana
ke
ny~g~n kan: 1 sofara 0
ra
m~g~ kelen ma se yen bye
le
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yen:
1 basama do ti ti
kEre,
1 ale ti ta kere be fen-
kelemanyi
le
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1
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7 1
1 segu j8ma nin 7 /
1 segu ke ma 1 i ra 7 1
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yen,
1 kere min kera 0 be foroba
kere
le
ye.
1 wo san ceme
1
1 a be na a nya f~ e ye ke 7 1
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1 ni 0 tE an si ti tE: yan m~g~ ye. 1
1 safE kelE min kera 0 ka a s~r~ si tE yan m~g~ ye,
/
watara
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taran,
1 an byE ti
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s~r~ ka
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1425
/
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1426
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"'Far! o'Cria'kEr'CTé' ka jamana clan, 1 awa an ,ka s::>r::> kana koma
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/ mE n i an t i
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an t i
bE
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a r 1 ra , / mugu m::>g::> min r 1 karawara or i fanga ya bon jE n E ta
ye.
/
1427
/
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I~n famagan 0 ka y~r~ mara f~n t 1 bE
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/
m~g~ min ti bE yan a ka kErE kE nin a ye. / ka y~r~ mara. /
karako m~g.:> min t i
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mara
ko a
ta
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cogo juma
na
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ra
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/
kara-
ko dugu
VErE
k~n~ m~g~ri ? / ale ye nan la min yan? /
/
dugu m~g~ minri
bE
yan
/
b~b~ri bE yan. / wori si-
gira timina
:
/
k~tidugu k~r~ /
b~b~ri
b~ra yen le. /
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ye.
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a t~g.:> dasa
:
/
muso d~ nana
s~r~:
/
muso jamu
jabagatE.
/
musa ka
ko
I~n ale ye. /
a
ko nyinE
siman
bE
na
nya
/
muso
ko siman
bE na
nya mE
a tE
na
domu
/
mansuga
bE
na
na
ka
na
m~g~w halagi. / ari tl na slman domu. / ale ka a fErE fuuru
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ka
na
kE can
ye.
/
/
dasa
ye a dogo a jusura
ko a
bE musa faga.
/
/
d a sa
? /
/
~nh~n. / bari musa ka a maroya. / a ko a ye na muso faga./
a ma muso
s~r~ ka a faga. / a ka musa
/
ka a
bora
kari
•.•
ka
bu~ri. / ari ka a y~r~ nyini ari ma a s~r~. / a kana
sigi
jara
cEncEnk~r~. / dugu d~ bé yen ko N jara ka na sigi
yen.
/
a bE
turabu
gbasi.
/
m~g~ri bE na a fE. / m~g~ri bE
na a fE.
/
a
ka
t~g:) s~r:) yen tugu. / gb:)mito masaCE den ka
na masaCE
. . . .
/
a fa minaw byE
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/
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ka
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nyini.
/
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I:)n.
/
ari
ka
taga
aleJiri
jara.
/
a
ko m~g:) werE ma
sonyani
ke.
/
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sonyani
kc,
/
a tugu
tagara
a dogo duga min
na.
/
dugu
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par i.
/
ari
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do arabura
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a
1 agbé.
/
can
can
ka
taga
m+n-aw· yep"tlr·-j." l
j:rnni
nana masace minaw
karafa
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? 1 a- KO
e dence
le nana minaw
karafa
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1 ari ka minaw
t a ka a
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masaCE ma. 1 ka taga a ta ka na nin a ye. / ko a na ka na
sigi
yen,
1 dasa ka Ver i ke
1 sa n yelEmana masace fagara.
.
/
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ka
sonyani
ke ma sa ya
ka
se 0
ma • /
0
ka
cera
bla
a ye.
1 ko ye a I~n karam~g:)cE kol:)nbaga bE yen wa ? 1 a ko ~nh:)n . 1
1428
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dugu
ka
gbE
ka
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s:)r:)
yan
ni
ko 0
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a
s:)r:)
1
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ale
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nyini.
1 ko a ta son
le
kEra
dugumasa
ye
bi.
1 ari ka a gbE ka a b:) yen ta. 1 ka na gbaramadugu. 1
1 gbaramadugu ? 1
1 Nahu •....•• ko a a! 1 e ti se ka slgl yan. 1 m:)g:) min nin
gomito
gbomito
ma
bEn
0
t i s e
ka
sigi
yanni.
1 a ka na mahu-
ba.
1 ka b:) mahuba
le ra
ka
yaara
f:)
ka
na
sigl
cimina
yanni.
1 ka sigi. lobE b:)b:)w ta konya ye. 1
1 banfamaga ka m:)g:) minri s:)r:) yan. 1 a ka sanfla
s:)r:).
1 sanfla jamana kan ka se ari ra. 1 ka tosian s:)r:). 1
tosian jamana
kan
ka
se 0
ra.
1 ka karab:)r:). Ikarab:)r:) jamano
kan ari
nin ari
kErEboro 1 ka
se ori
ra.
1 pkEn tara kpEn ja-
ma na
ka
kas e 0
ra.
1 0
1 ad:)
t id:) ma ra.
1 byE ban ban i a t a
y:)r:)
le ma.
10 k:)s:) nin ari ti
falera
ny:)g:)n
kan.
kErE
t l
bE
mEn. 1 ni ari
do ma
fale
ny:)g:)n
ka
do
1 ari bE na nin ce. 1
ka
wiri
ka
taga
nin cano
1 a nana kE te y:)r:) mara ma gbEIEya·1
1 0 kw:) t ug u ari bonri bE bugubon nin ye. 1 bugubon
mara 1 ma 9 bo wa t a ra f E • 1 su ra a ri
ye taga
ta
bla
dugu
byE
ra • 1 bon ka j Eni
ka
ba n e
bE taga min ? 1 a r i bE yaara ka
d:)w minna dugu ra kelen kelen
1
Informateur : IMAN Marhaba Saganogo
Lieu de
l'enquête: Bobo-Dioulasso
Année
:
2 Mars
1979
1429
SAMORI ET L'EMPIRE DE KONG
A cette époque aUSSl, nos grands parents étaient
très fiers d'eux-mêmes et étaient sûrs de leurs forces.
Le génie protecteur de Samori qui était une femme
lui a dit de ne pas détruire Kong, si tu détruis Kong c'est
la fin de ton pouvoir, c'est la fin de ton pouvoir ...
Malgré tout cela, il (Samori) ne nous a pas épar-
gnés, il nous a attaqués. Il (Samori) s'est heurté d'abord
aux 6lancs et ceux-là l'ont chassé. C'est après ça qu'il a
détruit Kong.
Comment a t-il pu avoir les armes pour venir nous
commander? Quand quelqu'un est maudit, la malédiction s'ac~
croit en lui au fur et à mesure qu'il avance, un roi ne peut
jamais entendre parler d'un autre sans le mépriser, savoir
que tel roi à une bonne position, que beaucoup d'hommes le
sui vent. , .
C'est pour cela qu'il (Samori) est venu attaquer
Kong et nous entraîr.er petit à petit derrière lui. Dieu aussi
a permis que le peu que nous sommes, subsistions.
Il dit "autrefois les gens disaient que Kong était
grand~ il y avait des hommes~ des guerriers très rompus à la
guerre~ ce-pendant Samor/
a tout rasé et tué tout le monde.
Qu'est-ce qui a pu produire ça ? ".
-Est-ce que vous pouvez demander quelque chose à
Dieu sans qu'il ne l'accorde?
C'est le marabout de Samori qui a été plus puissant
que celui de Kong. Il (Samori) n'a pas tué tous les braves
guerriers.
1430
Au moment où sa puissance allait décliner, un homme de chez
nous allait l'attaquer.
C'est Tiéfaramoro qui allait le détruire, s'il
(Tiéfaramoro) n'avait pas été trahi par une femme.
La femme avait vidé ses dix greniers de poudre pour
aller les vendre à Samori, le jour où la poudre était finie,
elle est allée dire à Samori:: "aujourd'hui tu l'as vaincu,
la
poudre de
l'un des greniers est ~n-train de finir,
i l doit enta-
mer la poudre de
l'autre aujourd'hui; or,
je vous l'ai déjà
vendue" .
Les hommes de Samori ont prls cette femme et lui
ont coupé la tête. C'est ainsi que nos hommes sont restés à
Bobo et ont fait appel aux 61ancs, et les Blancs sont venus.
C'est corr~e cela que sont les problèmes du monde.
_ Mon oncle, ils disent que ce qu'ils ne comprennent
pas, c'est que Samori était un musulman, un iman même et pour-
tant il eut l'idée de tuer des musulmans. C'est la significa-
tion de ce geste qui demeure pour eux un fait curieux ?
Cela ne doit pas l'embarrasser, il est venu atta-
quer Kong, il y a chez nous ici les ruines d'un village qu'on
appelle Niando, quand les Komono étaient arrivés, ils n'avaient
même pas eu besoin de prendre les fusils. Ils ont chassé Samori
et il s'est dirigé dans la région de Dabakala, c'est là qu'on
peut se rendre compte du degré de sa puissance de marabout.
Il a creusé un trou dans le sol, iJ est resté 12-oas, pendant
qu'il y était il a prié Dieu contre Kong. Or il était déjà
venu à Kong. 0ui et les kongois avaient juré.
Quand les musulmans lisent le Coran sur quelque chose~ cette
chose est très dangeUreuse(~); C'est ce que les kongois ont
fait sortir et exposer et lui (Samori) a mis un peigne de mé-
tier à tisser dans un sac et l'a exposé(2), je n'ai pas vu ta
(1) Il s'ag~~ du Coran.
(2) Samon aurit substitué au Coran un métier à tisser enfermé dans W'l sac.
1431
chose
/ Je me couche dessus, si Dieu n'a pas permis à
cet homme de te vaincre. Tu n'as pas vu ce qu'il a pris pour
jurer et tu jures avec lui,
le peigne du métier qui sert à
tisser, c'est ce qu'il a mis
dans un sac. /
i l
(Samori) est
venu, / et Badjoula, / et les Bakary Wulen / et autres, / ils
sont venus jurer / là-dessus, / quand ils avaient mangé le
"fétiche" là-dessus ils étaient convaincus qu'ils ... /
l'avaient vaincu (Samori).
Ils sont donc allés entrer à cet endroit pour prier
Dieu pendant longtemps. Quand il (Samori) a su qu'il pouvait
prendre Kong, c'est alors qu'il l'a attaqué. Le jour où il a
at taq ué Kong, l'oncle Bakary Wulen était à "Kawere", Yamoriba
était à Limono, Badjoula à Bougou.
Où était encore le chef guerrier dans le village ?
Il est venu ensui te attaquer l'Islam "Z<rt, juZaya".
Comment ne pouvait-il pas réussir? Est-ce que les musulmans
peuvent faire la guerre ?
C'est comme cela que les choses se sont passées.
Est-ce que tu as vu ?
Ce que j'ai appris auprès des vieux, c'est ce que je dis.
Les choses ne se sont pas passées en ma présence. Tel que tu
es assis ... le feu était allumé, je m'asseyais à côté du feu,
/ pendant que les vieux étaient ~~_train de causer, / ils par-
laient et je prêtais attention à ce qu'ils disaient. /
-Je n'ai rien écrit. / Ce que j'ai entendu auprès
des vieux, 1 c'est ce que je dis, 1 ce que je n'ai pas entendu,
1 je ne l'inve~terai pas.
Pour éviter que si on rapporte ce que j'ai dit,
il ne puisse pas y avoir de fautes. 1 Cela ne me plaît pas ...
c'est une humiliation pour moi /
Est-ce que tu as vu ? / La .... de Samory. /
1432
C'est comme cela qu'il a fait la guerre. 1 Il
est venu une première fois, on l'a chassé complètement du
Royaume de Kong. 1 Il est parti et est revenu. Ils ont juré 1
qu'ils ne nous attaqueront pas, 1 mais ils nous ont attaqués.
1 La parole donnée a été oubliée 1 C'est ainsi qu'il s'est pré-
paré contre eux (les gens de Kong) pour les avoir, 1 quand il
les a eus, 1 il a attaqué la ville et l'a détruite. 1
Informateur:
DAWABA Bamba
Lieu de l'enquête:
Pongala (Kong)
Année
:
15 Mars
1975
1433
SAMOR~ ET L'E~rJRE pE KONG
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Lieu de
Z 'enquête
:
PnngaZa
Année
15 MaY's 797.5
1436
SECTION
V
EXTRAITS DE TEXTES ARABES ET ESSAIS DE TRADUCTION
1437
L'origine des enfants de roi Sékpu
- -
- -
- -
- -
-
Le premier est Soundiata et son fère Mamy
(Mambi)
Kéita au pays de
Kaba
; Soundiata habitait dans le pays Kirina.
Soundiata a voulu prendre une servante, l'amie de son frère
cadet.
Pour ça ils se sent fait la guerre.
Mamy a emporté la
victoire.
111'(:
(son frère)
combattu_jusqu'à Ségou(l).
Donc il
(Soundièta)
est ~arti et a quitté ses enfants. Après
Mamy est parti pour chercher les enfants de son frère.
Mangan
fils de Soundiata a refusé de partir avec lui.
Et ensuite
Mangan est ~arti jusqu'à Dédans le pays des Bobo. Ensuite il
est parti àTégara
(Ténégéra)
avec Ali Mory Baro. Accompagné de
Batakélé
(batakpili)
Baro et Bamaga Traoré ainsi que Dabila
Dao au village de Téwulé.
Leur logeur fut Dabila Ouattara au
village de Ténékala.
Fataraka Dabila résidait là-bas.
Il s'est
installé là-bas.
Puis il a demandé mariage avec les Diogo à la
Soeur de Lassiri
Gombélé, elle se nomme Matagari i l a eu des
enfants avec cette dernière.
L'un s'appelle Tièba il a demandé
pour lui une fille de son logeur,
il a eu une fille avec cette
dernière
on lui a donné le nom de Matagari. Et puis une guerre
a eu lieu.
Borogp l'a
chassé etluia interdit de rentrer à
Kong.
Après avoir casse sa cuisse. Plus tard son fils est devenu
le vainqueur dans la région par l'aide
de Dieu avec ses
alliés
Batakélé Baro Ali Mory Baro et Dabila Dao et Mangan Traoré.
La
cause de son triomphe est qu'il a demandé la permission de
voyager
jusqu'au pays de
Daovmadougou
(Dagomba).
(1)
On pourrait lire, il l'a combattu jusque chez Sekou Watara.
1438
1439
DOCUMENT n02
Au nom de Dieu le clément le miséricordieux, ceci sont
les noms de nos marabouts fils de roi qui étaient au fêYS
Mandé. Ils étaient 12 garçons, bons, saints, Dieu les h::>rnra
au
Mandé. Nos marabouts que Dieu
honora ils étaient au
nombre de 12, des grands fils de grands. Ce sont:
Mahammed Kulibali
Kalibi
"
Kawara Simbo Kulibali
Soundiata Kulibali
EI-Eaàj Moussa Kongodjigui Kulibali
Fout~ Mugan Simbo Kulibali
Toko Soumu Kulibali
hasa Dangaratuma Kulibali
Famoro Kulibali
Masa Magan Kulibali
Nalibo Kulibali
Ce sont les noms des fils de roi qui étaient dans le pays
Mandé. Mais Nal i Lü K.,
fut celui que fvasa
M3.gp.r
a envoyé dans
le pays de Kong
à
la recherche de De Magan - Nalibo est parti
dans le pays de hOn(~, il a trouvé De Magan dans le pays de
Kpon.
Il l'a beaucoup honoré, et ensuite il a eu un enfant
à qui il
a donné le nom Shaykh dit Sekou et Famaga. Et ~vec
Sekou qui ~ous a beaucou[ respect~ et honoré grâce ~
nos
rrarabouts l
fils de roi qui étaient cans le pays f-.:andé, c'e::::t pour
::;ela quo 'il f 1t hororé pour sa patience.
'
!I
la mor t
de Sekou,
ses fils
hé~itêpent. le premier est
Samanogo
Bia Kombi
[';jori Magari
Somafi
Eia Kombi De Assourouba
Karakara Dawa
1440
M'Bia Sori Fagaman
Somafi Bagui
M'Bia Djori
M'Bia sotigui
Mori Géri
Liena
Kesséfima
Badougoutigui
Sani Tièba
Karamoko Ouni
Karamoko Dari
Sokolo Mori
Kornbi
Pigneba
la Mori
1441
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1442
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1
1443
nVoici les noms des fils des sultans qui 'taient au pays Mandi
(Mand').
Nadibu Kurubari fut envoy' par Masa (Mansa) Magha dans
le pays de Ghu'u (Kong). La cause de cet envoi
fut la recher-
che de Maghan. Nadibu partit au pays Ghu'u où il trouva Di
Maghan.
(Ce dernier)
l'honora beaucoup. Plus tard un enfant
naquit qui s'appelait Shaikhu (Shaykh) qu'on appela Siku (Seku)
Famaghan et Shayk avaient ' t ' respect's d cause de la b'n'dic-
tion de notre Shaykh (De Maghan)
fils de sultan du pays mand',
La raison de cet honneur fut leur longue et grande patience.
Lorsque le Shaykh mourut ses enfants h'ritèrent de lui le pre-
mier :
Samunuku (Samanogo)
Biha Kubi (M'Bia Kumbi)
Muremakan (Mori Maghari)
Samafi Bihabubidi Asuriba (Asoroba)
Karakara Dawai
Bihasure Fakama (M'Bia Faghama)
Sumafi Buwa ou Biku (Somafi)
Bihasuri (M'Bia Sori)
Biasutiki (M'Bia Sotigi)
Muresiri (Mori Seré)
Dihina (Liena)
Kessefima (Kessefima)
Badukutiki (Badugurigi)
Sandhiba (Sani Tyèba)
Karanuku Wusi (Karamoko Usé)
Karanuku Dan
Sukudu Muri (Sokolo Mori)
Kubi (Kumi)
Pantieba (Pinyèba)
Yamori" (la Mari)
1444
1445
,
1446
Documents relatifs à la dynastie des Watara
= = = =
~ci est l'histoire des fils de Sekou Watara d'après
ce que les vieux nous ont raconté.
Dieu est le plus connaisseur.
Chers chercheurs, le premier de ce qu'ils nous ont transmis de
leur histoire est Fatièba Ouattara. C'est lui qui mourut et fut
enterré à Ténégéra.
Il fut assassiné et enterré à Ténégéra il
est le père de Sekou. Il a eu 3 enfants, après Sekou, Famaga,
Mori Dabila, Karakara
; ce sont les frères de Sekou. Ecoutez
bien et retenez, Sekou est l'origine du royaume des fils de Fa-
tièba,
il est celui qui a résolu tous les problèmes.
Celui qui
a fait flotter leur drapeau d'honneur de l'Est jusqu'à l'Ouest,
à gauche cowme à droite, il a eu 12 enfants. Le premier est
Dioridian, celui qui combattait avec lui dans tous les fronts.
~ais il est décédé du vivant de son père. Que Dieu le bénisse.
Ensuite Kèrè Mori, c'est lui qui est parti vers Kini,
le moment
qu'ils sont venus de Kangora pour demander l'aide auprès de leur
père,
il lui a envoyé avec 12.000 guerriers sous son autorité.
Ils ont fait la guerre jusqu'à Sewo (Siya ?). Il n'est pas re-
tourné jusqu'à sa mort.
Dian Bakari. C'est lui qui n'a jamais reculé devant
un ennemi. Lui aussi est décédé du vivant de son père. Ensuite
Samanogo, c'est lui qui hérita de son père. Ensuite Kombi,
il
est le 3e roi,
Dieu l'a béni,
si ce n'était pas à cause de cela,
les Djadangba allaient dominer les musulmans et si ce n'était
pas à cause de lui la famille de l'Imam Baro n'allait pas com-
battre les aDimistes du Folona (venger). Lui est décédé au pays
Kiri.
Il est enterré là-bas. Ensuite Salia Saanu.
('est lui qui
a chassé les guerriers Sandi, à un lieu qu'on appelle Tambi. Au
moment du retour, i l mourut en chemin.
Que Dieu le bénisse. Dian-
guina, celui-ci est Mori Magari
; c'est son père qui lui a donné
ce nom. C'est pour cela que son père disait qu'il est l'ami de
Papa.
C'est lui qui a piqué le roi Sandi Kokabu avec une lance.
Le roi était assis sur son trône au milieu de ses gens sous un
arbre qu'on appelle Seraboto.
Il fut
poignardé 'dans son cou.
1447
Cette lance a traversé et a atteint son trône. On l'a transpor-
té avec la lance - jusqu'à présent, cette lance est devenue un
jurement chez les Sandi, on l'appelle Tankessie. Il est le qua-
trième roi qui est retourné avec ses guerriers du côté de Folona.
Après la mort de son frère, les choses se sont arrangées et l' af-
faire fut bien dans sa main jusqu'à sa mort dans le village de
Sokolo. Il est enterré là-bas. Ensuite Somafi, il est le 5e roi,
sorti avec ses guerriers. - Les affaires ont diminué avec lui un
peu. Il est mort dans le village de Téoulé. Il est enterré là-
bas. Ensuite Bakayoko l'a suivi, ensuite Douga, ensuite Daoudou,
ces trois n'ont pas laissé de trace. Ensuite Ousmane Fimba Ouat-
tara il est le 6e roi. Il avait fait beaucoup mieux mais
son
pouvoir s'est affaibli parce qu'il a tué Gaoussou dans le vil-
lage de Kini. Mais Ousmane Fimba est le meilleur des frères,
ses ancêtres, le premier est Souma-Oulé, son frère est Abdramane
ces deux sont des enfants de Dioridian.
Mais Abdramane, son
soleil n'a pas brillé, tandis que son frère Souma-Oulé son so-
leil atteignait le ciel, c'est pour lui que son grand-père a
préparé une pirogue pleine de "nasiji" dans lé!-quelle il se bai-
gnait - en vue de sa longévité et on espérait qu'il soit l'hé-
ritier de son frère, Djoridian, parce qu'il était le support
de son père pendant les temps durs, le moment qu'il dominait
le pays ( ... ) ; au moment de sa mort, il a laissé, ses deux
fils Soma Oulé et Abdramane. Leur grand-père leur a donné tout
ce que son père a laissé. Ils étaient encore jeunes. Les escla-
ves de Djoridian ont transporté Soma Oulé à leur cou et ensuite,
son grand-père l'a confié par la main à son esclave, Bamba fils
de Gbamga Wu_la,
(":Kpela Séwé ?). Il est resté avec lui jusqu'à
sa maturité. Ils ont fait la guerre ensemble, jusqu'à leUr ar-
rivée à Sofara. Le pays était divisé en deux parties entre eux.
Soma a été assaspiné à Mahou par une flèche tirée par un jeune
homme qui n'avait pas l'âge de puberté. Il lui a lancé la flè-
che et il est mort il fut enterré là-bas. Ensuite Soma Ali, fils
de Kèrè-Mori Ouattara, c'est celui dont son père est décédé
quand il était tout petit. Elevé chez le marabout qui s'appelle
Sidi Mahame Diane, le marabout l'a amené chez son grand-père
1448
avec les funérailles de Kèlè MQ~it Ce marabout est décédé là-
bas. Il y fut enterré. Soma Ali domina pendant très longtemps le
Ibyaurœ de son père
; ses enfants se sont affaiblis : les enfants
de Kini le s a dominés ; leur a créé beaucoup de problème s, il s'est
passé ce qui s'est passé, de l'affaire de Bakomori et Banékéli-
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Bakari. Cher demandeur, il faut reconnaître que les fils de
Bakari, ils étaient
très forts, c'était dans leurs mllnS , le
côté de l'est et Tièba fils de Djanguena, c'est lui qui a com-
battu avec son père dans tous les fronts, il a été formidable
le jour du Folona. C'est lui qu'on appelait (Ouarbouarhe Darbe
al-Ab.) celui qui frappe le père parce qu'il a frappé son oncle
Somafi, il l'a terrassé, il voulait l'égorger parce qu'il a dis-
cuté avec son père Ba Djanguena quand il était au marché. Il
a été assassiné au bord de la rivière, le moment où les Taguana
sont venus les rencontrer. Il les a rencontrés. Il les a ren-
contrés sans arme, il fut tué là-bas. Que Dieu le bénisse. Ils
sont venus avec les funérailles au marché, son oncle a dit ce
qu'il a dit. Ensuite Karamoko Dari fils de Djanguena celui qu'on
appelle, (Mouna - Danouma). Il a pris la protection. Il a dépas-
séla limite, et il a planté des piquets avec des chaînes pour
qu'il puisse rester pendant les combats. C'est lui le "djaraki",
il a dit aux enfants de Kombi ce qu'ils ont fait n'est pas nor-
mal, au moment où il s ont dit "si nou s on avait ce qu'on peut
manger on allait te suivre jusqu'à Dyimini". Au moment où l'af-
faire s'est décidée, ils ont refusé de participer à la guerre,
Karamoko Dari est sorti avec ses troupes et a remporté la vic-
toire, vainqueur par l'aide de Dieu. C'est celui qui était très
généreux, son père a enterré son or parce qu'il avait peur de
sa générosité. Il a été un homme de sentiment, de clémence, dans
l' amit ié - même s' il voyait un enfant qui pleure, il l' ac com~l
gnait chez sa mère à cause de ses sentiments. Néamoins, il a
été dur pendant les combats ; les enfants sortaient leur tête
pour le voir lorsqu'ils étaient au dos de leur mère à cause de
( 1)
Il s'agit des querelles intestires dans le Gwiriko après la rrort de
Serra Ali.
1449
lui. il est nort dans le village de Gbo. Il e st enterré là-bas.
Que Dieu le bénisse. Ensuite Kofi, fils de Djanguna ; il était
aussi
l'un des héros, l'homme de l'engagement ( ... ). Au moment
de la mort de son frère Karamoko Dari, il a dit à son envoyé
de partir auprès de toutes les tribus de Sekou pour les informer
que leur, maître, le patient, "l'homme du pardon", est décidé
aujourd'hui afin qu'il le sache que ... Au cours de la route,
il eut froid et il mourut. Que Dieu le bénisse, Maghan, fils
de Djanguena : ensuite Soma, celui qui était comme son nom. Il
est sorti avec 900 guerriers jusqu'à Briikwo (Gwiriko), trois
fois Dieu l'a béni. Il a eu une grande renommée. Parmi elle,
l'affaire de Niguégbéhi = (affaire du Siwiriba
Gbantouka Kouvé
et l'affaire de Bobo-Dioulasso) et ce qui s'est passé entre lui
et Mori Saindou, fils de Mustapha(l).
Ibrahim ; fils de Djanguena porta le nom de Sorifagaman
(1) Il s'agit d'une épisode des guerres contre les Taguara et la lutte contre
les Eoto-Dyula vers 1830.
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1456
QOCUMENT n012
L'origine du royaume des Watara remonte vers
810 de l'hégire. De Magan est un descendant de Soundiata.
On dit qu'il est son petit-fils direct. Il a émigré du
Mandé jusqu'au pays de Kong. Son fils est Tièba. Il a eu
deux garçon à Ténéguéra vers 1675. L'aîné est Sekou et
Famagan. Au moment de la guerre entre lui et le roi de Kong,
il s'est mis en fuite.
Il a eu peur. Il s'est mis en fuite.
Pour qu'il ne soit pas assaSSlne par le roi qui s'appelait
Nien. Il est devenu commerçant jusqu'au pays Dagamba, vil-
lage de Salaga, -
là-bas il existait un grand marché. Au
cours de ce voyage il
était avec des commerçants Barro et
Traoré. Au moment où ils sont arrivés, ils ont trouvé que la
femme du roi Dagomba était en difficulté d'accouchement,
Seku lui donna du médicament, que nous appelons "Moso". La
femme
accoucha
sur
le
champ le roi lui a remis beau-
coup de fortune et 300 soldats, fusiliers.
Il est retourné
chez son père Tièba. Il voulait combattre ses oncles le roi
de Kong. Sekou a dépensé beaucoup d'argent pour la prépara-
tion de ses guerriers, il a confié l'affaire aux clairvoyants
Karamoko pour qu'ils travaillent pour son triomphe. Les
plus renommés parmi eux c'étaient les Karamoko Lagbakourou,
Kplesouma, et Karamoko Alfa. Avant l'arrivée des Sanogo et
des Diane à Kong.
Il a gagné la guerre i l a tué le roi et
il est deyenu Roi sur les gens de Kong.
Il a installé, un
état à Kong. C'est après ça que les enfants de Mustapha sont
arrivés de Boron à Kong
selon la demande de leur père
Mustapha, après sa mort. Son fils aîné était Mahamud
Karagara. Après il y a eu divergence entre Sekou et son frère
Famagan, pourquoi, parce que leur père, préférait le petit
frère,
il lui confia ses secrets et ses sentiments. Il était
en colère. Le général de son armée lui disait seigneur, i l
1457
faudra que nous
cherchions
notre part de la guerre car nous
sommes capables de faire la guerre comme Sekou et ses trou-
pes. C'est pour cela que Farnagan est parti _,
il a juré
qu'il
ne retournerait plus à Kong, même ses descendants ne retour-
nent plus à Kong, c'est pour cela que Famagan est parti
avec ses guerriers vers la gauche dans la région de Bobo.
Il était avec Dabila, Kèrè-Mori,
Zan-Bakari dont le père
était Karakara le fils de Zan Bakari est Barakato. C'est
à son temps que les Nasara Godelmi
(Caudelier)
est venu. Les
Watara ont régné un peu partout dans la région -
jusqu'à
Famagan est arrivé au pays Komono. C'est là-bas que le
maître de Bobo, Molo est venu le rencontrer; il
est d'ori-
gine mandé;
il
demandait secours contre ses ennemis les
Bobofin qui étaient les autochtones de cette région parce
que Molo était un commerçant qui
faisatt le commerce de sel
jusqu' à ~ ng et à Mandé; au cours d'un
de ces voyages,
i l
est descendu dans un village qui s'appelle Kaadu,
sa femme
étai t
en grossesse,
ils
discutaient
sur elle, certains
dis aient qu'elle va accoucher d'un garçon, d'autres dis aient
qu'elle va accoucher d'une fille, et ils s'amusaient avec le
walé et ils ont tué la femme de Molo, elle s'appelait Zara.
Ils ont ouvert son ventre et ont trouvé un bébé garçon,
ils
se sont dit, nous avons tué la femme de cet . homme,
, i l
faudrait le tuer aussi nous ne savons pas comment i l va de-
venir ils ont suivi sa trace jusqu'à Kaduga, ils ont demandé
aux gens des nouvelles du fuyard. Molo se cacha chez eux -
on ne l'a pas trouvé,
il a
continué
sur voyage. Pendant son
retour i l a pris une autre route. Quand i l a appris que les
rois de Kong
venaient
avec leurs guerriers vers Bobo,
Molo se déplaça avec beaucoup d'or,
il a rencontré le roi
Watara Famagan au village de Daramanedougou. C'était en 1715.
Molo a demandé du secours pour combattre les gens du pays
Bobo. Famagan a accepté. Molo lui a donné une grande quantité
d'or. Les chefs des armées des Watara se sont dits entre eux
1458
quel cadeau
il a amené,
ils ont dit Sanou, qui signifie
"l'or" dans la langues des gens de Kong. Ainsi Sanou, est
devenu le surnom des gens de Bobo. Cette amitié est devenue
un traité entre les descendants de Molo et ceux de Famagan
Ouattara. Son tombeau se trouve à Bobo-Dioulasso. Et ils se
sont entendus
sur une seule chose, combattre les gens du
pays Bobo. Ils ont mené le combat, ils ont maîtrisé le pays,
toute la région est devenue sous leur autorité , c'est pour ça
on appelle la région Bobo-Dioulasso
c'est-à-dire, pays des
Bobo et des Dioulasso, les Watara se sont installés vers
l'est, ils ont créé les quartiers, en le nommant Kponbougou,
le village s'appelait Sya,
du
nom d'une femme qui prépa-
rait le dolo. Les guerriers watara accompagnés de Molo et
de ses troupes ont mené le combat jusqu'à Sofara parce que
leurs marabouts les Sanogo, les Diané, lui avaient dit que
le moment où les chevaux atteindraient
700, sans compter les
guerriers piétons, il ne faut jamais dépasser cet endroit,
sinon tu seras vaincu par les ennemis. Famagan faisait compter
chaque matin les chevaux de ses guerriers, un jour, ils
atteignirent le chiffre 700. C'était à Sofara. Il a donné le
nom Sofara à cet endroit Sofara : les chevaux ont atteint le
nombre.
Ils n'ont pas fait la guerre là-bas. Famagan est
revenu avec ses troupes jusqu'à Bobo. Les Watara et Sanou
étaient convenus que chaque village conquis par eux devait
être acheté par Molo. Le roi Watara a choisi le village Koté-
dougou comme la capitale de la guerre. D'autres guerriers
étaient à_Koro sur la montagne à 15 km de Bobo, sur la route
de Ouagadougou. Le commandement a duré avec l'oppression
des
Watara jusqu'à - l'arrivée de Samori en 1865 qui voulait
combattre le
pays Bobo. C'était à l'époque de Kobana Watara,
le roi, et l'époque de l'Imam Abdul Kadr Sakidi, fondateur
de la grande mosquée à Bobo, c'est lui qui a suivi l'Imam
Samori au village de Sidaradugu en lui demandant de ne pas
combattre Bobo. A cette époque les Français sont venus pour
1459
chercher Samori. Les rois Watara les a rencontrés. Quant à
l'Imam Samori, i l n'a pas pu venir à Bobo avec ses troupes
parce qu'il a appris que les Nasara sont à sa recherche.
Il
prit la résolution de faire demi-tour. Quand i l est arrivé
vers Noumoudara c'était une grande ville, i l a voulu combattre
les gens de là-bas c'était à l'époque de Tyèfo Amara, fils
de Boua, dont
l'origine vient de Kong,
l'un des héros de
Famaghan. La guerre s'est étendue entre eux pendant 7 jours,
nuit et jour
Samori
a
trompé
l'épouse de AnDro,.
i l
lui a promis le mariage. S'il
peut
vaincre le roi qui est
le mari de
cette femme, parce que la poudre de Samori était
finie. C'est sa femme qui gardait la maison de poudre. Elle
a trahi son mari et elle a donné la poudre aux guerriers de
Samori. Quand la poudre est fin~chez Amoro, ils ont fouillé
le magasin de poudre,
ils n'ont rien trouvé, Amoro s'est
tué
1 ui -même,
avec le petit restant de poudre. Il avait
avec lui,
ses
personnalités et
ses chefs de guerre, à NOLnllOudaga.
Le village était un lieu de fabrication de fusils et de poudre
C'est pour cela que le village s'appelait Noumoudaga.
Ms trouvé en 1979 à Darsalani
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Au nom de Dieu le clément, le
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miÏ.séricordieux
Nous avons cherché longtemps à connaître la généalo-
gie des Diané la recherche nous a conduit au résultat qu'ils
sont d'origine arabe ( ... ) ils ont émigré en Afrique de l'Ouest
au temps des Compagnons du Prophète lors de leur conquête isla-
mique et se disent descendants d'Abdoulaye fils d'Omar, dixième
Calife du Prophète (bénédiction et salut de Dieu sur lui).
Le premier émigré parmi eux est Abdoulaye dont le
père est Aboubakr, lequel est fils d'Abdoulaye dont le père est
Mohamed Fodémar le Noir, dont le père est Mahamane Diané dont la
mère est Massanaha, détentrice de l'histoire elle raconta à son
fils Mahamane ce qui suit :
NQUS nous so~mes déplacés des pays arabes avec cer-
tains de nos frères parmi eux Karamoko l'Imam Fora Saganoko,
Karamoko Mamadou Fodémori Saganoko, et Karamogo El-Hadj Diané
vers l'Afrique lorsque Mohamed arriva à Mandé Kaba, accompagné
de sa femme Aminata ils ont séjourné là-bas un moment, il fut
célèbre par la connaissance et la bonne éducation.
Ses prières
étaient exaucées
, son nom était répandu parmi les Manding en-
suite il se déplaça et alla vers Zaga ou il s'est occupé à prê-
cher et appeler à la religion de Dieu; puis de là-bas, il se
dépl~ça et alla à Djenné ou Dienné en l'an 430 de l'Hégire qui
correspond ~ l'an 1043 de l'ère chretienne(1) puis (il est allé)
,
B O
(2)
,
0 ,
°
~t
a
lrago
apres aVOIr tranchl
onze e apes
; son voyage le
cond\\..:.it en fin Ge comptE- il la ville ,je Kong qui était une ville impé-
riale et un grand Royqume pour les Watara et, lorsqu'il arriva
à Boron il y trouva SOG oGcle Moustapha Saganoko, il avait appris
auparavant qu'il y était. On dit que r;'est
la raison
de son
déplacement
vers
Boron
i l
t rouv::!
son
oncle
(1)
430, de l'Hégire = 1037
(2)
Biro = Eegho
1466
le Cheik ( ... ) parlait, le grand savant il avait la réputation
de la sainteté et d'être un homme illuminé. Le désir d'augmenter
ses connaissances l'a poussé et il demanda l'autorisation à son
oncle Moustapha Saganoko d'aller vers le Sahël pour se cultiver.
Il était accompagné de sa femme Aminata Diané et il s'est rendu
dans la ville Djenné.
Il y avait un grand marché (à Djenné) on
y rencontre les commerçants arabes. On y vend des livres, du
sel
et
( ... ) et d'autres choses cela au XVIIe siècle (chrétien)
il est descendu chez un de
ces oulema
célèbres. ~ouhamed Siré
(ou Saré) était le cadi légal de la ville.
Il y appliquait les
pénalités(des lois) selon le livre de Dieu; il (cadi) trouva
l'illumination et la sainteté à tel point qu'il fut jalousé par
les ouléma de la ville et ils ont cherché à lui faire mal puis-
qu'il occupait le premier rang dans ( ... ) de science
et il pos-
sédait les sciences religieuses et mystiques, l'extérieur et
l'intérieur lorsque ses envieux sont devenus nombreux, i l déci-
da de voyager et prit la route de retour pour Biro. Chez son
oncle Moustapha lorsqu'il atteint Djoliba qui est placé au mi-
lieu de la ville de Bamako l'eau avait débordé et i l ne fit
pas appel aux piroguiers (pour traverser le fleuve)
il pria
Dieu qu'il lui soumit le fleuve,
qui a cessé de couler.
Il tra-
versa (le fleuve) avec sa femme sa canne entre ses mains il a
entendu
(au moment de traverser le fleuve)
une voix au fond
du fleuve
(qui déclare) tu m'as vaincu mais aucun de tes des-
cendants ne traversera plus ce fleuve
sans être noyé puis il
voyagea jusqu'à Boron. Résidence de ses oncles,
les Sagano~o
il se trouv~it que Moustapha Saganoko était mort et il avait
recommandé à ses enfants d'aller à Kon~
le Royaume de Sekou
Ouattara en
vertu d'un tr~itê contracté par le Cheikh avec le
Roi. Sidi Mahamed Diané les a
~, :vi à Kong, ils ont cher~hé
pour lui un logement à FarakoIT,a au-dessus d'une grande montagne
sa réputation fut répandue et son ( ... ) s'est envolfuet i l réa-
lisa des miracles et des vertus.
1467
Ensuite son coeur a cessé d'aimer, de demeurer à
Kong avec les enfants de son oncle et il décida de regagner
le pays de Mandé. Avant de voyager il effectua la prière dit
'Istikhana'
(prière faite pour demander l'appui dans l'entre-
prise que l'on veut entreprendre, et faite
avec 60 esclaves).
Puis il est sorti et prit la route de Ouagadougou (il continua
son chemin) jusqu'à la ville de Kaagourou, la ville de Yadiourou
sous l'arbre les habitants ont vu des signes
et lui ont
deman-
dé de demeurer avec eux et il accepta.
Mais il posa comme condition qu'il soit dans un endroit
où il ne sera pas mêlé aux habitants de la ville ils ont accep-
té sa proposition et on a choisi pour lui un emplacement où il
s'est installé et auquel il donna le nom "Soutourara" que nous
soyons sous la protection de Dieu. Lorsque le nombre de ses
adeptes augmenta, il s'est déplacé à une nouvelle étape, la
ville de Disiney il reçut tous les honneurs auprès d'eux (habi-
tants de Disiney), il leur apprenait les événements futurs parmi
lesquels celui-ci un how~e viendra du pays de Soussous (la Gui-
née) 1886, un Roi tyran qui détruira les maisons et capturera
les captifs rien ne pourra le contrecarrer. Jusqu'à ce qu'il
approche cette ville (en ce moment) son expédition et son armée
seront vaincues et son Royaume sera détruit; il s'est passé
quelques armées et l'affaire de l'Iman Abdou Samori s'est répandue comre quoi
il a détruit la ville de Kong, que ses habitants ont fui et se sont dispersés.
Samori atteint Noumoudaga avec son armée et l'a détruite; le roi djifa (Tyèfo)
Amourou, fils de Kolongobo, fils de Djirogo, fils de Naki, fils
de Badioumouka, fils de Assourouhou, fils de Ladyna, fils de
Tanakigui, fils de Boua l'homme que Famaga avait kidnapé
et
l'emmena à Kong ou il grandit auprès de l u i ; il était un homme
courageux et. brave ensuite il (Famaga) lui donna sa liberté
après avoir mis une armée à sa disparition il se dirigea vers
Noumoudaga, son pays. Il campa hors de la ville et envoya de-
mander aux habitants de lui obéir et de se soumettre à ses ordres
sinon
le feu de la guerre s'allumera entre eux.ils (les habi-
J
tants de la ville) ont intercédé auprès de lui avec un coq blanc,
1468
signe de soumission et lorsqu'il rencontra les notables au cours
de l'entretien il s'est découvert et leur apprend qu'il est un
des leurs après avoir parlé leur dialecte.
Quand à Sidi Mahamane, il s'est déplacé de Disiney
à Boro
où il mourra et sa tombe y est, il avait 4 enfants mâles,
le plus âgé est Mahmoud Lamine, Mouhamad ; Fodémori, Ba Diané,
nommé Tir Kourousouraka ; Oumar est mort avant d'atteindre l'âge
adulte ; les enfants de Mahmoud fils de sidi Mahamar sont à Dar-
salami.
Les enfants de Lamine fils de Sidi Mahamane sont à
Koutidougou (ce sont) les habitants de Soukouna, c'est là-bas
qu'il est mort 1780.
Les enfants de Mouhamed Fodémory Térékorosouroukou
sont à Bobo-Dioulasso.
La famille de Baday et ses filles sont à
~almm
son fils Ba Oumarouba Diané s'est installé à Koutidougou chez
son oncle Mahamane, son fils Nadaye et le fils de Badaye Bassori
et Babisiri.
La raison pour laquelle, ils se sont installés à Kou-
tidougou c'est que (cette ville) était la capitale du Roi des
Ouattara du temps de Bakanga Ouattara qui a vécu en 1887, le
nom de son père est SarnaDogo Ouattara, fils de Sekou Watara
qui est le grand père Bakoundi Watara l'actuel chef de village
d'aujourd'hüi et, cela avant l'arrivée Babindé (Ba Pinyèba)
de Kong. Lequel choisit Bobo-Dioulasso comme résidence et donna
à sa tribu le nom de ~ong-bobo.
Le roi Ouattara avait un aml, commerçant, grand voya-
geur dont le nom est Djiri (Dyeli) Baki Diabagaté. Lequel lui
apprend avoir vu au cours de son voyage un marabout dont la
prière est exaucée et réside à Farauka ; le Roi Ouattara lui
1469
demanda de le faire venir. Sidi Mouhamad Diané a répondu qu'il
ne peut pas voyager, mais qu'il allait envoyer son fils Lamine
Diané avec son frère, Ulé Sidi Mouhamad Saghir dont la tombe
se trouve à Koutidougou ; lorsqu'il parvint au Roi
ce
fut sidi
Mouhamad l'oncle de Lamine qui choisit la place orientale et
Lamine descendit du côté de l'ouest sous les arbres Sivi (Séwé)
dont ils ont pris le nom Sivikoro (Sewekro)
; Lamine proposa son
frère (pour présider) les prières en guise de respect pour son
âge.
Les enfants de sidi Mahamane sont Ousman et Malik le
père de Sidi Mahamane Abdal Kar fils de Ousman fils de Moussa
Alfakri, fils de Sidi Mahamane, le religieux, fils d'Abubakar,
sils d'Abdulaye, l'émigré, ce sont les gens de la grande famil~
le Diané (Bomara-Mogo). Après eux, le vieux Omar dit Sikâgo
est venu s'installer à Kotédougou, fils de Térékorosouroukou
celui qui résidait à Bobo-Dioulasso, fils d'Oumar fils d'Ousman,
fils d'Ibrahim, fils de Moussa alfakir, fils de Sidi Mahamane,
fils d'Abubakar fils d'Abdulaye, l'émigré, ce sont eux la fa-
mille de la maison de Badéye. Tandis que Lamine fils de sidi
Mahamane, fils de Flè-Morifin, fils de Abdulaye, fils d'Abu-
bakar, fils d'Abdulaye, l'émigré, ses descendants sont Ali,
son fils est Lamine, son fils est Ali, son fils est El-Hadji
Lamine, la famille de Séwékoro.
Sidi Mahamane, le jeune, a été l'imam, après sa mort,
son fils aîné a pris sa place. C'était à l'époque de Ba-Pingnéba
Ouattara que
la grande mosquée a été construite à Kotédougou
et à l'époque de Kobana, Baladian, et Kandougoutigui Kulibali,
son fils Karamoko Touré,
(fils actuel Ladji Loukoralu (Bongué).
A sa mort, son fils, le père de Bamori Saye, le rem-
plaça. Ensuite son fils Mahamoud, ensuite son fils Bassaouati,
ensuite le fils de l'oncle de Bassaouati qui s'appelle Ba Sidi
1470
Mahamane le petit-fils et ensuite le poste de l'imam est venu
à la famille Badayè le premier parmi eux est Amara Diane, 1870.
Le moment de sa mort en 1956, il avait 130 ans; Sidi Mahamane
fut l'Imam qui résidait dans les côtes de l'or. Ensuite Bassi-
liman prit la place, fils de Malick, Baolé ensuite Ban Ali, en-
suite Abduramane, fils de l'imam Amara fils de Badassé date
1875(1) .
(1) Ce document a été écrit sans aucun doute après 1956.
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1476
DOCUMENT
N° 14~
HISTOIRE DU ROYAUME DES OUATTARA DE KONG
CONSTITUTION DU ROYAUME OUATTARA DE KONG EN L'AN 810 DE L'ERE
CHRETIENNE.
C'est leur grand p~re (Ouattara) du nom de "Demanga"
qui émigra du pays du Manding. C'est un descendant de Soudiata
Keita du Mali. On raconte qu'un différend l'avait opposé à ses
frères pour un héritage (?) et il s'est fâché et a émigré à
Segou où il demeura un moment.
Il apprit par la suite qu'il y a
grand marché à Kong.
C'était un commerçant et un homme de métier.
Il n'a cessé de franchir les étapes jusqu'à ce qu'il atteigne
la ville de Tingara (Ténégera)
(située) non-loin de Kong.
Il y de-
meura et épousa une femme qui lui donna un fils du nom de Djiba
(Tyéba) qui est à Tingara.
Puis l'enfant atteignit l'âge du ma-
riage. Son père lui chercha et lui obtint une femme qui lui don-
na deux fils dont le plus âgé est Sékou, déformation de Cheikh
Abdel Kader.
(Il a fait cela parce que)
il avait
vu dans son
sommeil (en rêve) que son fils aurait un grand avenir, puis sa
femme tomba de nouveau en grossesse et lui donna Famanga. Lors-
que Famanga atteignit l'âge des hommes, la jalousie s'installa
entre eux (les deux frères)
parce que leur père Djiyya (Tyèba)?
préférait Sékou à Famanga dans l'affection et les sentiments.
C'est pourquoi Famanga s'est fâchê.
Il avait EOUS ses ordres
une grande armée, dont il était ~e général. ün homme courageux
de son armée du nom de Dj iffo
(c" yè fo),
lui dit
"Monseigneur ..
il faut que nous cherchions notre part dans la guerre.
Nous som-
mes capables de mene2? la guerre et nous battre ..
comme ton frère
Sékou et ses hommes.
C'est pourquoi les descendants de celui
1
qui tint ces propos portent le nom de Djibo (Tyèfo) qui signi-
fie en langue des Ouattara "l'homme qui dit ce dont il n'est
pas capable "
1477
Famanga prépara son armée et jura de ne plus jamais
revenir à Kong ainsi que ses descendants. Il se dirigea vers
le Nord, visant
la
ville de Bobo dont le nom à l'époque était
sia. Famanga était accompagné par quelques enfants de Sékou
ainsi que ses amis Dabila, Kèrè-MOri,Zâa Bakary, Karakourou
(karakara) et d'autres personnes. Ils se sont dispersés dans les
les régions du Nord; ils ont commandé le pays et l'ont soumis,
jusqu'à ce que Famanga atteignit avec son armée le pays Koumou-
nou-ou (Komomo). Il y fut rejoint par le chef des Bobo dont le
nom est Moulou Sano. Il est d'origine ~andingue. C'était un grand
commerçant. Il demandait secours et aide contre ses ennemis dans
sa patrie. Ce sont les Bobo Noirs qui y (Bobo) résident.
La raison de cette demande d'aide est que ce grand
commerçant, Moulou Sano, faisait le corr.merce en direction du
Manding et de Kong. Au cours d'un de ses voyages, il descendit
dans un village nommé Kadou. Il était accompagné de sa femme
enceinte de 8 mois. Les villageois se sont divisés sur le sexe
de l'enfant
il y en a qui ont déclaré que l'enfant qu'elle
portait était mâle et d'autres (disaient) que l'enfant était
du sexe femelle. C'est à cause de cette divergence qu'ils ont
tué la femme et lui ont ouvert le ventre. Elle se nommait Zâra.
Ils y ont trouvé une fille. Son mari s'est enfui jusqu'à ce qu'il
atteignit un village nommé Kadouba et il s'est caché auprès de
ses habitants.
E~suite ces infidèles, habitants de Kadou ont pris
conscience ~~lils ont tué la femme de cet homme et que sdn mari
s'est êct2pr·0.
Il faut ~u'on le cherche pour le tuer parce que
nous r~ savo~s pas Guelle sera sa réaction. Ils se sont mis ~
le chel
lœr jusqu'au village de Kadou. Là, ils ont demandé ses
nouvelles i~~ tabitants du village, lesquels n'ont pas voulu
donner des renseignements sur lui. Ils ont rebroussf chemin
avec regret parce qu'ils n'ont pas pu mettre la main sur lui.
Lorsque Voulo0 pevient de son voyage, il prit un autre
chemin jusqu'à la ville de SIA-Bobo Dioulasso. 11 a appris (par
1478
la suite) que les Rois de Kong avaient l'intention de venir
avec leur armée pour attaquer la ville de Bobo.
Moulou Sano se déplaça avec beaucoup d'or et rencon-
tra le Roi Ouattara dont le nom est Famanga à Daramadougou.
Cela en l'an 860(1) de l'ère chrétienne. Moulou demanda au Roi
de lui donner la promesse de combattre ses hommes qui ont tué
sa femme et ont déchiré son ventre et Moulou donna un présent
composé d'une grande quantité d'or après que Famanga eut accep-
té.
Certains soldats ont demandé ce que cet homme offrait.
On leur répondit, Sanou ! cela signifie dans la langue des ha-
bitants àe Kong l'or pur. Cela est devenu un prénom. C'est pour
cette raison qu'on dit Moulou Sanou.
L'accord fut conclu entre Famanga et Moulou.
(La tom-
be de Famanga se trouve à Bobo Dioulasso.
Il vécut plus de 120
ans). Lorsqu'ils tombèrent d'accord sur ce qui est de combattre
les habitants de Bobo, ils n'ont cessé de tuer, de capturer,
d'occuper le pays et de soumettre les hommes jusqu'à ce que ces
régions fussent soumises à leur autorité. C'est pour cela que
la ville ce SIA s'appelle Bobo-Dioulasso, c'est-à-dire la ville
des Bobo
et des Dioula . Famanga et ses enfants se sont mis
d'accord pour étendre la guerre.
Il était accompagné de Moulou
et de ses hommes jusqu'à ce qu r ils atteignent la ville de Sofara avec
leurs marabouts, les Sanogo et le s Diané. Le s Sanogo ayant à leur
têt e !'1ahamLLdoL; Saganogo e r les Diané Siài Mohama le jeune,
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L i\\ITline Diane et l'1ahamecL
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leur avaient dit
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pa.s cet enc,roit faute
de ,'uoi,
vous n'aurez
plus
la victoire et
(1)
Il
s'agit
ici
d'une
erreur gross~ere d'un copiste qui ne
maitrisait pas
le
caZendrier grégorien.
L'an
860 de
l'Hégire
correspond Il
Z 'année
7456.
Or visibZement
la scène
se passe
dans
la premi~re moitiJ du XVIIIe
siècle
(1735).
1479
votre arm~e sera vaincue, Famanga comptait ses cavaliers tous
les matins." Il se trouva ~u'un jour le nombre de 700 fut at-
teint à leur arrivée au village de (Sofara-Mali) et le village
porta ce nom. C'est-à-dire que le nombre de cavaliers est at~
teint et ils n'ont pas conquis les habitants de Sofara. Puis
les Ouattara sont revenus à Bobo-Dioulasso avec leur armée.
Un accord était intervenu entre les Ouattara et les SANO qui
prévoyait que lorsque les Ouattara faisaient la conquête d'un
pays, ils le cédaient aux Bobo moyennant beaucoup d'or.
Les pays que les Rois Ba Kanga Bassimiri et Bakongodé
ont choisi pour eux (fut) la ville de Koutidougou située à près
de 15 km de Bobo-Dioulasso, une partie de l'armée était dans
la ville de Kourou sur la montagne à 10 km de distance de Bobo
sur la route de Ouagadougou.
Les Ouattara sont restés au pouvoir jusqu'à l'arrivée
de Samory Touré en 1865 qui voulait conquérir Bobo du temps de
Koukoundiba (Kongodé) Ibrahima, Koubâna et Bandji Ba Pinyèba,
le vieux. C'était Abdoul Kadir, l'Imam sakidi Samu. (Fondateur
de la grande mosquée de Bobo) qui a pris contact avec l'Imam
Samory dans la ville de Sidardougou demandant à l'Imam Samory
de ne pas attaquer les habitants de la ville et son Royaume.
- Quand les conquérants français étaient venus cher-
cher Samory, le Roi des Ouattara
Barakatouba(l) et ses frères
ont pris contact avec le Blanc(2) ... et lui demanda la sécurité
et se sont pendus. Ils ont établi un traité entre eux.
Le colonialisme a confirmé les Ouattara dans leur Ro-
yaume un moment.
Quant à l'Imam Samory, il ne parvint point à Bobo
avec sa guerre. Mais il apprit que les Blancs étaient à sa re-
(1) Barakatouba était le Fama de Kubo
(2) Le français en question était le commandant Caudrelier.
1480
cherche et décida de rebrousser chemin et parvint à la ville de
de Noumoudara. Il voulait la conquérir. C'était pendant le rè-
gne du Roi des Djibo (Tyéfo), le nommé Oumar (Amoro) fils de
Boua(l) qui est
orlg~naire de Kong, l'un des cavaliers de
Famanga en question.
La guerre dura entre Samory et les habitants de Namou-
daga 7 jours. Nuit et jour, jusqu'à ce que Samory occupe la vil-
le il trompa l'épouse
d,~oumar Djifa et lui promit le mariage
et de flrire d'elle la reine de la ville. Elle s'est laisséetromper
par cette fausse promesse. La femme d'Oumar Djifa livra la nuit,
toute la munition aux hommes de Samory, quant les munition~de
l'armée d'Oumar s'épuisèrent, ils ouvrirent le magasin de muni-
tions et ne trouvèrent que très peu d'armes qui ne pouvaient
assurer la résistance. C'est pour cela qu'Oumar Djifa s'est sui-
cidé ainsi que les gradés de son armée et ses généraux dans le
village de Noumoudaga. Ce village était une fabrique de fusils
et de munitions. c'est pour cette raison qu'on l'appelle Nou-
moudaga. Dieu est le plus grand connaisseur.
Après cela, les Blancs, ont confirmé Karamoko Pinyèba
àans le pouvoir. Puis le pouvoir fut confié à leurs esclaves
qui ont régné jusqu'à ce jour.
(1)
Amoro était un arrière-petit
fils
de Sua.
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LA GENEALOGIE DES rRINCES DE KONG
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Au nom de Dieu Clément et miséricordieux ....
voici la généalogie de nos sultans dans le passé. Le premier
est Fadhiba (faTyèba) fils de Dhi Magha (De Maghan) et Shaykh
fils de Fadhiba. Famaghan fils de Djiba (Tyèba), Karakara fils
de Djiba. Fini le nom des enfants de Djiba.
Ensuite Shaukh a eu comme enfant
Djuridhara (Dyoridyan) fils de Siku (Seku)
Kiri Mori (kèrè-Mori) fils de Seku
wa?aa Bakuri (Zan Bakari) fils de Seku
Djibi (Tyèba) surnommé Samanuku (Sanogo) fils de Seku
Kuba (Kumbi) fils de Seku
Salia Sanuru (Saba Sanu) fils de Seku
Djankina (Dyangena) fils de seku
Sumafi fils de Seku
Baklku (Bakayogo) fils de Seku (appelé Sebu Bli)
Dika (Duga) = fils de Seku (appelé aussi Foroko Mori)
Dauda fils de Seku
Usman Fimba fils de Seku
Finie la liste des enfants de Seku(1).
Voici les enfants de Famaghan.
(1)
Nous n'avons traduit que ~e;'fêuillet relatif à Seku Watara
1491
1492
SECTION VI
PHOTOGRAPHIES
BI
E LOUIS GUSTAVE
1 1
1
UNE RUE DU QUARTIER KOROLA
"
,
14
U E PLACE
DES HO
ES
J
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SUR UN TRONC D'ARBRE
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AISON
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N À PIGNON
1499
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CoUf./!.Uorr. &ingvr. 860
AVEC UNE
P E
UNE MOS UÉE DE KONG
UNE
UE À KONG
150 3
LA GRANDE MOSQUÉE RECONSTRUITE
PI
'N.. 1915
1504
LE MUR DES BARD
BMnU6 7960
1505
LA MAISON DE BINGER RESTAURÉE
Photo N'Vo~ Ando
LES RUINES DE KONG
l 'u" <" l','
{ ...
.. 66.5
1_ 0:-
RUINES DE KONG 1905 - QUARTIER NORS-EST
1. l
LES CHEFS DU PAYS DE KONG EN 1905 : AU MILIEU DÉBOUT}
lA MORIBAJ À SA DROITE L'ALMAMI J ET À DROITE DE
CELUI-CI BADYULA
1509
TABLE' DES MATIERES
15 10
TABLE
DES
['liAi l ERES
(TOf',E 1)
HJTR.ODUCTION
I,
DËFINITION ET JUSTIFICATION
"""
"""
" ""
3
II,
LE MILIEU NATUREL
,
,
,.,',., .. , .. ,., 7
A.
LA RICHESSE DU SOUS-SOL
~
7
B.
LA SITUATION DE KONG
8
C.
LE RELIEF
9
1 • Les environs immédiats de Kong
9
2. Le relief de la région de Kong
9
3.
T.Jes sols
12
D.
LES RESSOURCES VEGETALES
12
1.
Le baobab
1 3
2.
Le karité
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . .
14
3. Le nere
• . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . .
16
E.
CLIMAT ET HYDROGRAPHIE
18
III,
LE CADRE CHRONOLOGIQUE""., '" ""'" '" '" 1 1 '"
21
1V
22
1
l.ES OB •...IECT 1FS .,' l , l , , , , , , 1 l , , l , • l , • 1 l , 1 • , 1 • l , • 1 • 1
\\',
LES SOURCES "1111' 1 1 • 1 • l , 1 ,.,111. l' •• 1 1 Il' 1 1 l , •• 1
23
A.
LES SOURCES ECRITES . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . .
23
1. Les sources arabes
. . . . . . . . . • • . . • . . • . . • . . . .
23
a - Les manuscrits de Kong et de
et de Bobo-Dioulasso . . . • . . . • . . . . . . . . . .
26
1°/ - Document il ° 1 · ................... 26
2°/ - Document n02 ·................... 28
3°/ - Document n03 · ................... 29
4°/ - Document nOS ·................... 30
5°/ - Document n06 · ................... 31
6°/ -
Document n08
·................... 32
7°/ - Document n °9 · ................... 37
15 1 l
8°/ - Document nO 11
· . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
9°/ - Document n015 · . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
10°/ - Document n012 · . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
11 ° /
- Document n014 · . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
12°/ - Document n013
· . . . . . . . . . . . . . . .. . 48
13°/ - Document n04
· . . . . . .. . . . . . . . . . . 50
b -
Les manuscrits du Gonja
S9
c -
Le Tedzkiret en Nisyan
61
2.
Les sources européennes
-
62
a -
Première vague d'explorateurs
63
1 ° /
- Mungo Park
63
2°/ - Bowdich
64
3°/ -
René Caillié
65
4 ° /
- Barth
66
b -
Deuxième vague d'explorateurs
1888-1898
67
1°/ - Binger
67
2°/ -
Rapport Braulot
70
3°/ - La mission Jean-Baptiste
Marchand . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . 72
4°/ - Carton Côte d'Ivoire IV
78
5°/ - Archives Nationales Section
Outre-Mer Côte d'Ivoire XIX
dossier 2
79
6°/ - Les papiers du Colonel Henri
Gaden. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. 80
7°/ - La lettre de Kararnoko Oulé
Ouattara
81
8 ° /
- Les papiers divers
82
B.
LES SOURCES ORALES
83
1. Cadre des recherches
83
a - Les traditionalistes
(remarques
préliminaires)
. . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . .
83
2. Les enquêtes sur le terrain
87
a -
Les enquêtes extensives
. . . . . . . • . . . . . . . .
88
b
-
Les enquêtes intensives
• . . . . . . . . . . . . . . .
89
3. Le traitement des données
91
a - La mise en forme
91
b
-
Appréciation des données
. . . . . • . . . . . . . . .
92
4. Liste des principaux informateurs
.
95
15 12
c.
SOURCES MATERIELLLES
• . • • • • • • • • • . . . • . • .
Î •
Les sondages
.
a -
Le mur des Bara
1 38
b -
A l'est de la grande mosquée
14û
c
-
Le sondage 1 2 . . . . . . . • . . • . . . . . . . . . .
142
d -
Le sondage 1 4
1 43
e
-
Le sondage du site de la
gendarmerie
. . . . • . . . • • . . . . . . . . . . . .
144
2 •
Le matériel exhumé
~ ..•.....
146
a -
Les fusaioles ou grains de
chapelet . • . . . . . . . . . . • • • . . . . . . . . . .
146
b -
Les pipes à fumer
. . . . • . . . . . . . . . . . .
148
c -
Le matériel métallique
• • . . . • . . . . . .
150
d
-
Les coquillages
• • • . • • . . . . . . . . . . . . .
151
REMERCIEMENTS
153
1
1
1
•
1
1
1
•
1
•
1
1
1
1
1
1
1
• •
1
1
1
1
1
• • • • • • • • •
,
•
1
1
1
•
1
1
•
ABREVIATIONS
156
• • • •
1
•
1
• •
1
• • • •
1
1
• • • •
1
• • •
1
1
1
1
•
1
•
,
1
•
1
1
• •
1
• • •
TRANSCRIPTION
157
•
1
•
,
1
1
•
1
•
1
1
1
• •
1
1
• •
l
,
1
•
1
1
• • • •
l
,
1
1
•
1
• • •
1
1
1
1
15 13
PREMIERE
PARTIE
KONG DES ORIGINES AU DÉBUT DU XVIIIE
SIÈCLE - (FIN XVIE SIÈCLE)
CHAPITRE 1
LES HO~II~ES , •• 1 1 1 • 1 1 • 1 1 1 1 1 • 1 •• 1 1 • 1 159
1
LES AUTOCHTONES
1
1
1
•
1
•
1
1
1
1
1
•
1
•
1
1
1
• • • •
1
1
1
•
1
1
• •
1
1
1
1
1
1
•
1
159
A.
LES FALAFALA
.
162
B.
LES MYORO
• . . • • • • • • • . • . . . • . • • . . . • . • • • • • • . • . . • • • •
165
C.
LES GBEN
168
D.
LES NABE .
. 170
II.
LE PEUPLEMENT MANDÉ ET SES CONSÉQUENCES
174
1
• •
1
1
1
1
1
1
•
1
A.
LE PREMIER COURANT MIGRATOIRE . . . . . . . . • . . . . . . . . .
174
B.
LA GRANDE MIGRATION DYULA . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . .
181
C.
LE PEUPLEMENT DYULA DE KONG
187
1-
Les Tarawéré
188
2 •
Les Kuribari
189
3.
Les Bara
.
192
a - L'hypothèse d'un séjour à Boron . . . . . • . .
192
b -
L'hypothèse d'une migration par
la voie du nord
(Dienné)
. . . . . . . . . . • . . . 194
4.
Les Dyula de Boron
.
195
5.
Les Saganogo ............................... 196
6.
Les Dyula de Begho . . . . . . . . . . . . • . • . . . . . . . . • . 199
D.
LA DYULAISATION DE LA REGION DE Kong
203
1.
Les Dyula proprements dits
206
2.
Les Watara
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . .
207
15 14
CHAP 1TRE 11
LA MONARCHIE ANIMISTE DE LA FIN
J
DU XVE SIECLE A1710
210
1.
LES ORIGINES DU ROYAUME DE KONG ' ' ' ' " " " " ' ' , . , ' "
210
A.
LES DEBUTS DE KONG ............................. 210
1 . Origine de la ville ......................... 210
2.
La date de fondation
........................ 213
a -
Remarques sur les sites de Kong
213
b - Les débuts de la ville dyula
214
B.
LES PREMIERES CHEFFERIES
218
1. Les origines de la première chefferie
218
a -
L'hypothèse d'une monarchie mosi
218
b -
L'hypothèse d'une origine dyula
224
2. Les débuts de la première dynastie connue
228
II.
LA PËRIODE ANIMISTE CONNUE,., 1 ,,., •••••••••• ,.,,.,
232
A.
BOKAR ET LES FONDEMENTS DU POUVOIR ANIMISTE . . .
232
1.
Le Do 1 0
233
2. Le Ton-Dondaga
235
3.
Le Sunangiya
237
B.
V AVENTURE DE DE MAG HAN
245
1. Maghan
245
a -
Le clan familial de Maghan d'après
les sources orales
246
1°/ -
D'après le griot Wa Kamisoko
246
2 ° /
-
La version saganogo
247
3°/ -
La version de la cour royale
249
4°/ -
La version de Basièri Ouattara
250
5°/ -
Les traditions de Pongala
252
b -
Le point de vue des sources écrites
. . . . .
253
15 15
1°/ - Le texte n01
. . . . . . . . • . . . . . . . . . .
253
2°/ - Le manuscrit nOS
. • . • . . • . . . . . . . .
255
2.
La vie errante de Maghan
261
3.
Dé Maghan à Ténégéra
(1610-1670)
267
c.
LES SOUVERAINS BOROGO ET BOROMO
271
1.
Borogo
(1590 ? -
1630)
. . . . • . . . . . . . . . . . . .
271
a -
La réaction animiste . . . • . . . . . . . . . . . . 272
1°/ - L'importance de l'Islam à Kong.
274
2°/ -
La volonté des marchands et
des musulmans de vouloir jouer
un rôle politique et administra-
tif dans la cité
. • . . . . • . . . . . . .
275
b -
Les guerres avec les pays
VOlSlns
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
278
- Version de Basièri Ouattara . . .
278
-
Version : les traditions de
Limono . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ..
~78
- Version
de Wa Kamisoko
279
- Version des traditions de
Koniéré . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . 280
2.
Boromo Watara
(1630 -
1660)
284
a - Une tentative d'hégémonie . . • . . . . . . . .
284
b -
Vers une politique de détente
287
1°/ -
Sur le plan démographique
288
2°/ - Sur le plan de la sécurité
289
3°/ - Sur le plan des impôts
289
D.
L'APOGEE DU POUVOIR ANIMISTE OU LE REGNE
DE LASIRI GBOMBELE
(1660-1710)
293
1.
Lasiri et le Nyama-Kurugo
294
2.
Lasiri Gbombélé et Tyèba
297
a -
Les ambitions de Tyèba
297
1 ° /
- Version de Pongala
298
2°/ - Version de Koniéré . . . • . . . . . . . .
298
3°/ - Version recueillie à Kong
. . . . .
298
b - Le conflit entre Lasiri Gbombélé
et Tyèba
301
1 ° /
- Les cultes animistes
301
2°; - L'ambition personnelle de
Tyèba
302
15 16
3°/ - Les rapports de Ty€ba
avec
le milieu musulman . . . . • . . . . . . .
303
c - L'échec de Tyèba et ses conséquences. 304
3.
La fin du règne de Lari Gbombé ou la
révolution dyula
308
a - Les mesures de repression ........... 309
1°/ - Version de la cour royale ..... 309
2°/ - Version de Labi ............... 310
b - Les prétextes de la guerre . . . . . . . .. . . 315
Version n01
· . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 315
Version n02
· .................... 316
Version n03
· .................... 317
c -
La marche vers la guerre ............ 320
1°/ - Le camp de Patoni ............. 320
2°/ - Le financement de la guerre
contre Lasiri . . . . . . . . . . . . . . . . 323
Version n01
324
Version n02
326
Version n03
326
3°/ - L'alliance de Seku avec Nabé-
Syè et Dyowoké
330
d - Les opérations militaires
335
4 .
Le partage du gâteau et la guerre
de Borokuruso ........................... 342
a - Seku face à ses alliés . . . . . . . . . . . . . . 342
b -
Seku et la coalition animiste . . . . . . . 343
15 17
TABLE DES MATIERES (TOME II)
DEUXIÈME
PARTIE
KONG SOUS LE REGtŒ DE SEKU HATARA 1710-1745
CHAPITRE
1
LA FORMATION DU KPO~-GENE
1.
LE PERSONNAGE DE SEKU WATARA .,.,.",.,.".".", .. ". 348
A.
LE PORTRAIT DE SEKU WATARA
348
! .
Un problème de chronologie
348
2.
Les débuts de Seku Watra
351
B.
SEKü WAT~~A ET LA PACIFICATION DE DE LA
REr-rON DE KONG
365
1. Seku Watara et l'Armée
365
2. Seku Watara et les derniers foyers de
résistances
372
a - La guerre contre Nabé-Syè
372
b - La guerre contre le Komono
375
II.
SEKU WATARA A LA CONQUÊTE DES VOIES CARAVANIÈRES
379
A.
LES CAMPAGNES DU NORD
379
1.
Les campagnes du Lobi
380
2. Les premières guerres dans la région de
Bobo-Dioulasso et du Kénédugu
382
a - L'affaire de Bua
383
b - L'affaire de Tyèmogoba
384
3.
L'administration des provinces du Nord
385
a - Les pays lobi
385
b - Les pays bobo
386
B.
LES Cfu~PAGNES
DU SUD
387
15 18
1. Les contacts avec l'Anno et le Gyaman
387
2. Les premières guerres ashanti dans le Gyaman .
390
a -
Version de Pigneba
390
b - Version de Bamadou
391
III.
L'ORGANISATION DU ROYAUME DE KONG Il " •• ,. 1 1 Il 1 1 394
A.
LA CREATION DU KPON-GENE
•••••••••••••••••••••
394
1. Le souverain
396
a -
Son titre
396
t - Les insignes du pouvoir
397
1°/ Le
Sinzébu
398
2°/ Le Dyondyon
403
B.
L'ADMINISTRATION
•••••••••••••••••••••••••••••
404
1. Les attributions du roi -
Les audiences
404
2. Les serviteurs du roi
408
a - Les serviteurs agricoles
408
b - Les Bambadyon
409
c -
Les Dyuladyon
410
d -
Les Finminabagari
411
c -
Les Kéréni
412
3.
Seku et les conseils
416
a -
Le Dugutigiya
416
b -
Le Dyèma ou la grande assemblée de
Kong
421
c -
Seku et le Barola
424
4. Seku Watara et les gouverneurs de
provinces
427
CHAPITRE II
U\\ FORIV1ATlmJ DE l. 'E~1PIRE DE KONG 1735-1750
1. LES CRISES
430
•
1
l
,
,
1
1
1
1
1
• •
1
1
1
1
1
• • •
1
1
•
l
,
1
•
1
•
,
1
• •
1
•
1
1
1
• •
1
A.
LES CAUSES
• • • • • • • . . . • . . • . . . . . . • • • . • • . . . . . . . . . • . .
430
~. La question des chevaux
~
432
~'insécurité à nouveau sur les axes du Nord .. 434
3.
Les rivalités entre Seku et Famaghan
435
15 19
a -
Famashan
436
b -
Bamba . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . .
439
B.
SEKU WATARA FACE A LA CRISE
445
Î .
Seku règle les successions
445
2. Le départ de Famaghan de Kong . • . . . . . . . . . . . .
448
II. LA MARCHE VERS LA FROMATION D/UN EMPIRE DES
WATARA .1. t. ""1. """
I l ' ' ' ' ' ' 1 " , 1 1 . 1 , . 1 1 1 l " "
452
A. LA FORNATION DU GHIRIKO . . . . . .. · .. . . . ... . · . · · . . 452
1 . La conquête des pays bobo . . · ..... . . . . · .. ·. . 452
2 . Les campagnes de l'est . . . .. ··.. ..... . · . · ... 458
..., .
. . . ... .
.)
Les campagnes de Eua
459
· · ...... . . · . · · ..
4.
Les campagnes de Kèrè-Mori
..·... .... . ·.·. .. 462
a -
Le personnage
462
b -
Les gUErres de Kèrè-Mori
464
B.
L'EXTENSION DU GWIRIKO
467
1.
La marche vers la boucle du Niger
467
2.
Les guerres dans la boucle du Niger
472
a -
D'après les versions de Bobo-Dioulasso.
474
b -
D'après les version de la région de
Kong
475
3.
Le retour de Famaghan
480
a
-
D'après les versions watara de Kong . . . .
480
b -
D'après les versions sanon de
Bobo-Dioulasso
482
c
-
La ,,;enace asllanti
483
4.
Les Watara attaquent Ségou
484
a -
Ségou à la veille de la guerre
contre les Watara
486
b
-
Les opérations militaires
488
(:"
LE G1-iIRIKO
SOUS
FA.MJ>.GH..l\\N
(1735-1750)
1. L'administration du Gwiriko
500
2.
Les tentatives de dyulaïsation du Gwiriko ..
508
1520
3. Les résidences royales de Famaghan
(1735-1750)
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . .
513
CHAPITRE III
L'AGRESSION ASHANTI
1.
LA GUERRE CONTRE LE GY AMAN , .. ", •....... ", .. '.' 516
A.
LES CAUSES DU CONFLIT . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . .
516
1. Recherche du butin
516
2. La politique des voies commerciales
520
B. LA CHUTE DU GY~~N
521
1. Les prétextes
521
a - L'affaire de Bono
(1722-1723)
521
b - Les prétentions d'Opoku Waré
525
c - L'assassinat d'un chercheur d'or
527
2.
Les opérations militaires
535
II,
LES ASHANTI ATTAOUENT KONG " " " , 1 " " . , . , . , . , . 537
A. LES OPERATIONS MILITAIRES
537
1. Les tentatives de négociations
537
2.
Les premières batailles:
la guerre
de Kongolo
542
a - Version de Mamadou Labi
545
b - Version de Basièri Ouattara
545
3. La défaite ashanti
: la bataille
d'Irikorc Sirabondo
547
B. LE BILAN DE LA GUERRE
551
1.
Oans le camp watara
551
2.
ùans le camp ashanti
.
__
0ans le caüp abron
4.
La chronologie des événements
560
152 1
CHAPITRE IV
LA VIE ECONOMIQUE SOUS SEKU WATARA
(1710 - 17L! 5 )
1.
L'AGRICULTURE
563
A.
LES PLANTES CULTIVEES
••••••••••••••••••••••••
564
B.
LA VIE AGRAIRE
••••••••••••••••••••••••••••••.
568
II.
LES RESSOURCES ANIMALES
,
1
, . ,
1 ;
1
578
A.
LA CHASSE ET LA PECHE
••••••••••••••••••••••••
578
B. L'ELEVAGE
583
1.
Les chevaux
••••.••••••••••••••••••••••••••
583
2 . Les bovins ••••••••••••••••••••••••••••.•••
586
3. Les moutons et les caprins
••••••••••••••••
589
4.
Les âne s
• . • . . • • • . . . . • • . . • . . • • . . . • . . . . . . . . •
5 90
III.
LA RICHESSE DU SOUS-SOL
1
" " " "
• • • •
,
• •
1
1
592
A.
L'OR DE KONG
•••••••••••••••••••••••••••••••••
592
1.
L'or de Limono
••••••••••••••••••••••••••••
593
2.
Les gisements de Samata
•••••••••••••••••.•
594
3.
Les mines d'or de Bugu .•••••••••••.•...•••
597
B.
L'OR DE L 'AN~O ••••••••••••••••••••••••..••••.
607
C.
L'OR DU LOBI ET DE POURA . • • • . . • • • • • . . . . . . . . • .
608
IV.
l.ECOt'i!r'Î ERCEl
6
1
•
1
1
1
1
1
1
•
1
1
1
1
1
J I '
1
•
•
1
1
1
•
1
•
1
1
•
•
1
1
1
•
1
1
i 2
A.
LES PRODUITS
• • • • • • • . . . . . . . . . . . • • • • . . . . . . . . . :.
612
1.
Les noix de kola
. . • • . • . . • . . . • • . . • • . . . . . . . .
612
2.
Les tissus
• • • • . • • . • • • . . . . . . • • • • • . . . . • . . . • .
624
3.
Le sel gerrune
• • • • . • • • • • • • • • • • . • • • . . . . • . . . . •
639
a -
Les salines de Teghazu •••••••••••••••••
641
b -
Les salines de Taoudéni
••••••••••••••••
647
4.
Les esclaves
•••••••••.•••••••••••••••.•••••
652
V.
L'ORGANISATION COMMERCIALE. Il Il Il Il .. " ' Il Il Il " ' 664
A.
LA POLITIQUE COMMERCIALE
.•.•••••••••••••••••••
664
1. La question de la sécurité
•••••••••••••••••
665
2.
La suppression des taxes
••..•••••••••••••••
666
B.
LE SERE OU SHERE
(CARAVANES)
668
C.
LES AGENTS CO~~ERCIAUX
678
1.
Les dyatigi
•..•..•..••..••••••••••••••••••
678
2.
Les dyagotigi
. . • . • • . . • . . • • . • • • • • • • • • • • . • • .
683
3.
Le monde des petits commerçants
••••••••...
686
D.
LE MARCHE DE KONG
•••.•.•.••••.••••••••••.••.••
690
1523
TABLE DES MATIERES (TOME III)
TROISIÈME PARTIE
L'EVCLUTION rE KONG DE 1745 A1897
CHAPITRE 1
LES GRANIS REGNES APRES SEKl WATARA
- - - - - -
1745 - 1800
I.
UNE PERIGeE DIFFICILE (1745-1750) ... , .. " 1 1 1 "'"
704
A.
LA SUCCESSION DE S~KU KATARA
704
1. La mort de Sek~ Katar~
705
a - Version de l::aslèrl Guattara
706
b
-
Version de la cour royale
706
c -
Version ces traditions de Kafana
707
2.
Le règne de Samanogo
(1745-1747)
708
B.
KUhEI ET FAMAGHAN
(1747-1750)
712
1.
La diplomatie de Kumbi
712
a - Version de la cour royale
. . . . • . . . . . . . . .
712
b -
Version de Nasyan
713
2.
La guerre contre Dangban Koroko
716
a - Les origines àe la guerre
;16
b - Le déroulement des ~ostilltés
717
3.
La rupture avec le Gwiri<o
721
1l .
L
K
1.;
~7r:.C·
1--(\\
E RÈGNE DE
Ur/lEI
",/>,TARA (CA 1,..-' '- CA.
I l ) ..... 724
A.
LA CHRONOLOGIE DES REG~E5
GSS SUCCESSEURS
DE. SEKU V;:ATARA
724
1.
Lamé th od e de t r a va i l . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ..
724
2.
Résultats obtenus
734
L.
LE RENOUVEAU
ISLA~ICUE
17S0 -
177C
736
1 .
Lê
cr i s e r E:: 1. :; .L e Li S E:
736
_.
La ~en~a~ive
de cou; d'Etat
741
1524
3. Origines et
installation des Sagaoogo
à Kong
743
a - Version de Labi Saganogo . . . . . . . . . • . . . . .
744
b - Version de l'imam tv:arhaba
. . . . . . . . . . . . • .
746
c
-
Les traditions du vieux manding
748
4.
L'enseignement de l'arabe à Kong à l'époque
de Kumbi
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . .
754
a -
Le niveau élémentaire ou duguma
755
b -
Le sando . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . • . . . . . . . .
756
c
-
le lomba
757
C.
KUMBI ET L'ADMINISTRATION DE L'EMPIRE
(1750-1770)
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . .
763
1. La réorganisation administrative du
Kpon -Gènè
763
2.
Les relations diplomatiques
770
a - Avec la cour du Gyaman
771
b -
Avec Bouna
773
c - Avec ses cousins du Gwiriko
775
d - Avec Dienné et Tombouctou
777
3.
La mort de Kumbi
780
a - Version recueillie par
Bernus
781
b - Version de Labi
781
c - Version de Bamadou Ouattara
782
d - Version de Basièri
782
III.
KONG sous ~:ORI ~IAGHARI
l177G - 18C(,:) " ' " " " ' " 785
A.~LES GUERRES DU NORD
786
1.
Les raisons immédiates
.. '"
786
2.
Les raisons profondes
786
3.
Les opérations militaires
789
B.
MORI MAGHARI FACE A DE NOUVELLES DIFFICULTES ..
793
1. Nang in,
une menace pour
Kong
793
2.
L'expulsion de Na~gi~
799
1525
r·
l..r.APITRE II
L' AFFA l BL l SSE~lENT DU POUVO l R CENTRAL
I,
LES QUERELLES
INTESTINES
I l '
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1
"
1 1 1 1 1 1 1 1
BC3
A. LES PREMIERES DIFFICULTES
803
1. Le regne de Somafi
(1800 -
1805)
803
2.
Le regne d'Asoroba
(1805 -
1810)
806
a - L'enfance d'Asoroba
_..
806
b - Les tentatives de redressement
810
c - La guerre de Gburugburu
811
E.
hONG DE 1810 A 1850
816
1.
Sori Faghama
(1810-1814/1815)
817
~. Le règne des rois falots
(1815 -
1835)
823
C. LA SITUATION DANS LE KPON-GEKE ne 1835 A 1850 .. 825
1. Kar amoko Dar i
825
2.
Le redressement de l'autorité royale
828
3. Le roi et le milieu musulman
832
II.
LE DECLIN GU POUVOIR CENTRAL
I I I
"
1
1
1
1
1
1
1 1 1 1 1 .
I I I
835
A.
L'I~S~A~ILITE
POLITIQUE A KONG
(1850-1894) ...
835
1. La crise de succession
83~
a - L'origine du conflit
835
b - Les affrontements
836
2. Binger et la tentative de restauration
de la dynastie des Lasiri
843
E.
LES GUEFFES ENTRE LES WATARA ET LF KENEDUGU ...
858
1. Les débuts du Kénédugu
858
2. L'ascension de Tyèba
869
3. La trève entre les ~atarQ et les Tarawéré .. 876
a - Samor i et la conqüêT:e ver::: l'est
876
t
-
La guerre sur le Bagoé
885
c - L2 guerre de Si~asso et ses consé-
quences
88ï
1526
4.
TyÈba re~rend la guerre contre les Watara ..
896
a -
Les causes
. • . . . • . • • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
896
1°/
La révolte de Suri
897
2 ° /
La quest ion des taxes
. . • • . . • . . . . . .
898
3"'/
L'étau français
• . . . . . . . . . • . . . . . . . .
900
b -
La guerre du Barna
. • . . . . . . . . . . • • . . . . . . . .
902
1 ° /
Le prétexte
. . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . .
902
2°/
La situation du Gwiriko en 1892
9C6
3°/
La
guerre
912
C.
LE KPOK-GENE SOUS L'EMPRISE DES MARCHANDS
ET DES
KP.Rp.!"10GO
• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • . • •
924
1.
L'essor du commerce à la fin du XIXe siècle.
924
_
La v ille de Kong
.
925
b -
Kong une capitale commerçante
'"
932
1 0./
La kola
.
933
2°/
Les tissus,
les pagnes
.
936
3°/
Le_s esclaves
.
938
4°/
Les armes à feu
.
939
5°/
Le sel
.
942
6°/
L'or
.
943
2.
Les routes de commerce
.
944
3.
Les conséquences du développement
comm!2rcial
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . .
948
a -
L'aisance de la population
948
1°/
La fortune des Dyula
949
2 ° /
L 1 hab i 11 e me n t . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ..
9 50
~, - L'épanouissement de l'Islam
952
c
-
Les mutations sociales
958
1 c /
Les Sunangi
959
2°/
Les karamogo
:
963
1 u /
.
/
Les commerçants
967
4 0 /
Les esclaves
970
/
1527
CHAP ITRE III
LA FIN Dl] ROYAUf·iE DE KONG
1.
SAMORI A LA RECHERCHE D'UNE NOUVELLE PAiRIE
973
1 1 1 1 1 1 1
A.
LA FUITE VERS L'EST
. . . . . . . . • . . . . . . . . . . . . . . • . . . .
973
1.
Les Français chassent Samori
974
2.
Samori convoite l'Empire des Watara
• . • . . . . . .
980
3.
La formation d'un parti samorien à Kong
. . . . .
990
a -
La duplicité des Français dans le con-
flit entre les Watara et les Tarawéré
du f\\énédugu
991
b -
L'affaire du Masina et de Dienné
998
4.
La victoire du parti français
1002
E.
L'IGSTA~LATION DE SAMORI DANS LE DYIMINI
i023
1.
L'échec de la colonne française
1023
L.
L'alliance de Kong avec Samori
'"
1038
a -
Le sacrifice de Bailly
1038
b -
Le pacte de Borono
1065
1 0 /
L'opposition de Badyula
1065
2 a / L e s accords de Borono
1072
II.
LA GUERRE CONTRE LES OVULA 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1
.
1
1081
A.
LA RUPTURE AVEC SAMORI
1081
1.
La déception des Dyula
1081
2.
L'hostilité des Dyula
1089
D.
LA FIN DE LA METROPOLE DYULA
1103
1.
Les préparatIfs de guerre
1103
a -
Dans le camp de Samori
1103
b -
Dans le camps des Dyula
1107
1528
1 0 ,1
Le prestige religieux de Kong et
1
dt: ses savants
.
11 C7
2 0 /
Le serment de Borono
1109
/
2.
Les opérations militaires
111~
a - Le massacre de la population
dyula et la àestruction de Kong
112~
b -
La bataille de Nyanào
1123
3.
Les Français canture.Tlt Samor i
1130
a -
Les ,-;atara reprenne.'1t le Gwiriko . . . . . . .. . . . ..
1 1 3 1
b - La lib~ration de Kong
113~
(ONCLUSICN
1 1 1 ' "
t
1
" "
t .
l ' '
" "
1 .
1
1
1
1
1
1
1
1
,
• •
1 1
t
1 . 1 1 1 1 1
113t
1529
TABLE DES ~ATIERES ANrEXE
SECTION 1
TABLE DES CARTES
1148
- - - - - -
--------
La situation de K o n g . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1149
La région de Kong
(lieux d'enquêtes)
1150
Cadre physique et humain de la ville de Kong..
1151
Végétation de la région de Kong
1152
Esquisse pédo1agique de la région de Kong
1153
Hydrographie et relief de la région de Kong..
1154
Croquis à vue de la ville de Kong
11 S5
Les quartiers de K o n g . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1156
Coupe stratigraphique schématique du sondage
près de la grande IT:osquée
1157
Coupe st~atigraphi~ue schématique du sondage 12. 1158
Coupe stratigraphique schématique du sondage 14.
1159
Coupe stratigraphique schématique du sondage
du mur de B a r a . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1160
Les pipes
116 1
Les
fusaïoles
1162
Royaume de Kong en 1740
1163
L'Empire de Kong vers
1740
•••.••••.•••.•••..•
1164
Localisation des
régions aurifères...........
1165
Or -
Zone de production et de distribution...
1166
Voies caravanières et produits
1710-1750
.•.••
1167
Les Etats de Samori et de Tye'ba
1168
La colonD€
de K o n g . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1169
SECTION I I :
Ii'jDEX 1IIIII..1.'IIIIIIIIIIIII"'I"II!!"
11"C
==========
SE CTI ON
Il!
SOURCES ET BIBLIOGRJ\\PHIE
1201
" " " " 1 . 1 1 1
===========
PERfviIERE PARTIE
LE S SOLI RCES ECRI TES
1202
1
1
1
•
•
1
1
•
1
1
1
1
1
Cri AP 1TRE
LES ARCHIVES
12 u 2
1
1
1
1
1
•
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
I i i
1
t
1
t
1
t
1
1530
CHAP 1TRE l r
<::
'"" 0 UR CES 1MP R1~~É S
E
••••• • • , • • • 1 1 1 1 • 1 • • 1 1 1
1211
DEUXI EME F' ARTI E
SOURCES ORALES
1222
•
1
•
1
1
1
•
1
•
1
1
1
1
1
1 1
•
1
1
1
1
TROISIEME PARTIE: BIBLIOGRAPHIE
, , " " " " ' 1 " " " " "
1241
SECTION IV:
EXTRl\\IT DES DOCur1ENTS DES SOURCES ORPILES, , 1280
==========
Transcription
1281
Liste des fils
de Seku
1284
Origines de la premiè-re chefferie
1285
Histoire des Watara de Kong
1293
Liste des souverains
1303
Les S un a n g i
.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ..
130 3
Les
imams de Kong
1308
La mort de Seku Watara
1325
Kong et le Nafana
1329
Quelques Aspects de la Société Cioula
1333
-
Le m a r i a g e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1333
- Héri tage
. . . . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • • . . . . . . .
1334
- Les hommes
libres et les esclaves
1345
- Le conseil r o y a l . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1361
-
Lam;) g ;) y a
136 4
- Le GEnE:.
••••..•.••••••••••••.•••••••••••••••
1364
-
Le Kundigi
1365
-
Les tribunaux provinciaux
1369
- Seku Watara
1371
- L'ac9uisiti:Jn jes terres
1373
- La justil'icaticr; des r a z z i a s . . . . . . . . . . . . . . .
1373
-
-
Notions ,-]ç, .·':d:'.~a et de J?mar.atip:i
:1375
Le ". ü rr:m,,, l' (': e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1388
L'organisatior.
\\i
Gvdriko
'1408
Sarnori et l ' ~mj:-irf:': de )::oDf
.1429
SECTI ON V
EXTRAITS DE TEXTES ARABES ET ESSAIS DE TRA-
=========
DuCTIONS
1436
1!31
DOCUffi-ent
1
1437
Document 2
1439
Do c urne nt s
5 e t
6
. . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . • . . . . .
14 4 3
Doc u me n t
8
14 4 6
Do c urne n t
1 2 . . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . • . . . .
Î 45 6
Document 13
1465
Document 14
. . • . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . • . • . . . . .
·1476
La généalogie des princes de Kong
. . . . . . . . . . •
1490
SECTION VI : PHOTOGRAPHIES
1492
Document Outline
- CS_00611v1
- CS_00611v2
- CS_00611v3
- CS_00611v4