UNIVERSI7E de Paris x-Nanterre
UER DE SCIENCES ECONOf.'aQUES
LES IMPACTS DE LA CRISE ECONOMIQUE MONDIALE
SUR L~S PAYS D'AFRIQUE NOIRE
THËSE DE DOCTORAT DE 3E CYCLE. ÈS SCIENCES
ÉCONOMIQUES
PRÉSENTËE ET SOUTENUE PUBLIQUEMENT PAR
MONSIEUR KOUASSY OUSSOU.
Sous la Directiop du
Frofesseur
François CHESNAIS
Président: P. HUGON, Professeur
Suppragants
F. CHESNAIS,
Oirecteur
de Recherche.
P.
TISSIER,
,~ofesseur
MARS 1985

L'Gniv~siLé n'enteIld dcnner aucune appro-
bation,
nl
improbation aux opinions émises dans
les
thèses
ces opinions doivent être considér~es
comme à
l~urs auteurs.

.... -_.- --- --.--_•.. _-----------------~------
";~'
Nous dédions ce travail à
Kouassi Yao et Kouadio, vaincus par l'âpreté
des lois de la nature, encore vivaces dans
nombre de régions d'Afrique.

REM E R CIE MEN T S
Nos remerciements vont tout d'abord au profes-
seur F. Chesnais, sans lequel ce travail n'aurait
pu aboutir ; Ses conseils et indications précieux,
nous ont éclairé
comme un phare et nous ont guidé
tout au long de nos investigations.
Nos remerciements vont également a tous nos
collègues du 3e cycle de la promotion 1981 de Nan-
terre, qui, à travers nos discussions et les ques-
tions qu'ils soulevaient, ont fortement contribués
à la forme défénitive de notre travail.
Notre reconnaissance va enfin a nos amis dont
les aides diverses ont facilité la réalisation ma-
térielle de ce travail.

SOM MAI R E
PAGES
Chapi tre Introduc tif. .............•......................................
1
1ère Partie
La spécialisation internationale des économies
africaines (structures économiques et insertion
dans le marché mondial) ..............•...•.........•....•
52
Ch. 1-
Les modalités historiques de l'intégration des éco-
nomies
africaines dans le marché mondiaL ........•..•.•
55
Ch. II
Les grands indicateurs de l'industrialisation en
Afrique
.
71
Ch.
III
Le développement sectoriel de l'industrie en Afriqu~ •.
88
Ch. IV
La place du capital étranger dans l'industrie en
Af r i que. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1 3 3
Conclusion
Spécialisation primaire, faiblesse du développe-
ment industriel
160
2ème Partie
Les mécanismes de propagation et les impacts de
la crise économique mondiale sur les économies
d'Afrique
169
Chapeau
la propagation de la crise ~or
le biais des marchés
de matières premleres
169
Ch. V
La physionomie des marchés de matières premières
après 1960
170
Ch. VI
La chute des recettes d'exportation et ses con-
séquences dans les pays d'Afrique
222
Ch. VII
Quelques manifestations qualitatives de la crise en
Afrique
275
Conclusion: impacts intenses de la crise économique mondiale
sur 1e spa ys d' Af r i que..................•.............•.... 331
Conclusion Générale. .......................................................................................................... 336

CHAPITRE INTRODUCTIF.
A l'aube de l~déçennie 1980, la situation des économies des
pays d'Afrique s'est caractérisée sur le plan intérieur par
~a généralisation des plans d'austérité à l'oeuvre dans la
~aj~œ0eces pays depuis la fin des années 1970;
les licencie-
ments massifs autant dans la fonction publique que le secteur pri-
v~ ; la régression généralisée des productions et d~ re~enu par
tête,
le revenu par tête des pays d'Afrique par exemple a atteint
les niveaux records de -3 % en 1982 après celui de -2 % en
1981 ; des déficits publics particulièrement prononcés; et
sur le plan extérieur par :.
Les déficits en comptes courants et ceux des balances de
paiements, quasi permanents dans ces pays depuis le milieu des
années 1970 ; l'accroissement de la dette extérieure et le poids
croissant du service de cette dette,
la dette totale versée des
pays d'Afrique s'est montée à un peu plus de 50 millions de
dollars en 1982,
tandisque le service de la dette absorbait plus
de 7 % en moyenne des exportations de ces pays depuis 1978 (1)
;
l'accumulation des arriérés de paiements extérieurs.
Ces évolutions nous permettent de dire que l'Afrique(2)
connait aujourd'hui une crise profonde, certainement la crise
la plus grave de son histoire depuis l'accession des Etats
des pays de cette région à l'indépendance politique.
(1) World bank : world Debt tables, external debt of developing countries
pg 26 et 29.
(2) Dans ce travail, sauf indications contraires, nous utiliserons indifférao-
ment Afrique ou Afrique Noire pour désigner les pays d'Afrique au Sud du
Sahara à l'exclusion de la Rep. d'Afrique du Sud.

- 2 -
Des manifestaions qualitatives de cette crise pour en citer
quelques unes
sont l'aggravation de la misère des populations
(chômage massif,
blocage des revenus et chute du pouvoir d'achat,
inflation galopante,
retour des maladies endémiques,
extension
de la criminalité,
et~), un approfondissement de la crise ali-
mentaire qui
secoue l'Afrique depuis plus d'une decennie,
un
affaiblissement sérieux des Etats d'Afrique quand
ils ne sont
pas
tout
simplement désintégrés etc.
L'Afrique est donc en crise.
Cette crise,
très violen~ en
Afrique,
n'est pas isolée dans
la mesure où fortement
intégrées
dans
le marché mondial depuis
la période coloniale,
l'évolution
des structures économiques et des relations sociales en Afrique
se fait en liaison avec
le développement des
lois de ce marché.
Or,
l'économie mondiale est en crise depuis
la fin des années
1960 et le début des années 1970.
C'est donc,
la crise économi-
que mondiale en cours qui
frappe
les pays d'Afrique.
La crise
mondiale frappe
les Etats d'Afrique,
une quinzaine d'années seu-
lement après
les indépendances politiques formelles.
Ses impacts
spécifiques sur les économies africaines reflètent
(i) La place occuppée par les pays d'Afrique dans
la division
internationale du
travail mise en place par les économies ca-
pitalistes industrialisées depuis
la fin du 1ge siè~l~J
(ii) La faiblesse des
structures étatiques,
leurs racines peu
profondes,
le
type de structures product ives et de relations
sociales mises en place depuis les
indépendances de ces Etats.
Mais en même
temps,
la force des relations sociales et du
tissu précapitaliste,
qui bien que fortement attein~ par le

- 3 -
colonialisme et
le néo-colonialisme,
restent encore debout.
a) Quelle est
la mesure exacte et la spécificit~ des
impacts de la crise économique mondiale en cours sur les écono-
mies d'Afrique?
b) Quelles sont
les raisons profondes de l'impact inten-
se de
la Lcise économiqué monuiale sur
les pays d'Afrique? Pour-
quoi ces pays sont-ils si profondément
touchés par la crise en
cours
?
a) Les impacts de la crise en cours sur les pays d'Afrique.
La crise en Afrique se manifeste par un recul général des
productions des pays de cette région,
une baisse sérieuse des
principaux indicateurs de l'activité économique,
une crise pro-
fonde des finances
publiques,
une détérioriation de la posi-
tion extérieure des pays d'Afrique en particulier un alourdis-
sement de la dette extérieure et de son service et de forts
déficits en compte courant.
Elle se manifeste également par une
dégradation des conditions de vie des populations.
On peut commencer à
ffiisir
l'ampleur de cette crise en
examinant les grands
indicateurs économiques et les données du
commerce international.
1 Les grands
indicateurs économiques et
les données du commer-
ce
international.
Le
tableau 1/ suivant nous donne le récapitulatif des
principaux indicateurs économiques en Afrique sur
la fin des
années 1970 et
le début des années 1980.

- 4 -
Tableau 1
Le mouvement des indicateurs ~conomiques en Afrique
depuis 1960.
en pcurcentage)
1960
Indicateurs
1970
1979
1980
1981
1982
1983 (P)
1970
1978
PNB total
5.0
3.7
3 . L~
3.7
0.8
--1. 0
-2.3
PNB/habitant
2.4
0.9
0.6
0.9
-2,2
-4.1
-5.4
PIB/tête
1.3
O. 7~':
-4.0
-3.3
-3.8
Production agricole
2.3
1.2
0.6
2.6
4.3
1.7
1.6
'Produc t ion Manufact.
8.2
2.9
9.1
9.6
6.5
-3.7
nc
:Population
2.5
2.8
2.8
2.8
3.1
3.2
3.3
Investissement Brut
8.2
5.5
-2.4
1.3
3.2
-13.2
nc
;Part du PNB
- affect~e aux lB
18.9
24.2
22.8
24.9
24.5
21.9
nc
1
1
- affectée à l'SNB
16.5
20.9
21.9
24.3
16.3
12.0
nc
\\
1
1
1
1
1
Source
world Bank : Annld report 1983 and 1984 Edition,sustained deve-
1
1
lopr.:ent in sub-saharan Africa
déjà cité P 10.
1~p)
Pr~vision
~t..
La moyenne court sur la période 1970-1980.
r'
On constate à partir de ce tableau,
la rupture dans le
mouvement des indicateurs entre 1979 et 1981. Il Y a certe ure
dégradation générale des grandeurs économiques en Afrique de
la décennie 1960 à la décennie 1970 (le PNB/habitant par exem-
ple perd près de 100 % de sa u~~sur cette période,
la pro-
duction agricole 50 % de sacru~~ la production manufactu-
rière près de 200 % e~~ •.. ), mais cette ~volution lente sur
une longue p~riode n'a rien à voir avec la cassure observée
dans le mouvement des indicateurs économiques de 1979 à 1981

- 5 -
et surtout à partir de 1982. En 1982, par exemple,
tous les
indi cateurs du tableau
1
connaissent une baisse sérieuse:
La baisse du PNB/tête amorcée en 1981 (-2,2 %), s'aprofon-
dit et se chiffre à -4 % ; le taux de croissance de la pro-
duction agricole passe de 4,3 % en 1981 à 1,7 % en 1982 ; les
investissements bruts connaissent leur seconde chute depuis
1960, qui se chiffre à -13 %, etL ... Il faut
ajouter à ces
chiffres la chute particulièrement prononcée des productions
vivrières en Afrique.
Nous avons vu avec le tableau
1
que
la production agricole globale connait une baisse importante
depuis 1982 (depuis cette date,
elle se situe en dessous du
niveau moyen des années 1960 ). Cette tendance frappe encore
plus durement les productions vivrières.A l'exception des
céréales dont la production croit légèrement à la fin des an-
nées 1970
et le début des années 1980 ,
toutes les cultures
vivrières d'Afrique,
connaissent un recul très important;
ainsi la production d'huile d'arachide qui avait baissé de
-0,9 % de 1969/1971 à 1977/79 s'effondre littéralement à
-3,6 % de 1977/79 à 1980/82,
la croissance de la production
d'huile de palme et de coco passent en moyenne de 1,5 % à 0,25 %
sur la même période. Pour l'huile de
coco, ces chiffres sont
de -2,5 % et -3 % ; quant aux racines et tubercules, elles ne
connaîtront qu'une baisse légère,
leur croissance passant de
1,8 % à 1,7 % toujours sur la même période (1). La chute des
productions vivrières (la stagnation de certaines cultures)
contraste avec la démographie galopante des pays d'Afrique,
le tableau 1 fait rssortir une croissance démographique qui
excède le taux de .3 % pa-::- an '~n r.lOyer.ne à partir ée 1981,
ce taux restant supérieur [> 2,0 % tout au long cie la
(1) CF. Sustained report, world Bank
Déjà cité P.78

- 6 -
décennie 1970. Ces tendances contrastée se tLaduisent par une
baisse encore plus importante de la production ali~entaire par
t~te en Afrique :
- les indices moyens de la produc-
tion alimentaire par tête base 100
1974/76 de l'Afrique
se 9:I1t é ta b 1 is à 90 en 1 9 78
à 95 en 1980, à 83 en 1981
et 78 en 1982. Cela signifie que la production alimentaire par
tête a baissé régulièrement depuis 1978, atteignant son niveau
le plus bas en 1982 ; elle n'est pas remontée au niveau de
1974/76 depuis 1978 (1). Cette chute de production vivrières
oblige les pays d'Afrique à d'i~portantes importations de pro-
duits vivrier~
; de 750 millions de dollars en 1961/63, ces
importations se chiffrent à 1,140 milliards de dollars en
1969/71 et se ~ontent à la somme faramineuse de 6,800 milliards
de dollars en 1980/82 dont plus de 2,300 ~illiards de dollards
sont le fait des importations de céréales. La chute des produc-
tions vivrières est la principale cause de la crise alimentai-
re qui frappe les pays d'Afrique avec une violence extrême de-
puis le début des années 1980.
Ce premier groupe d'indicateurs rend compte d'un recul
général des productions en Afrique à partir de la fin des an-
nées 1970. il Y a depuis cette période baisse de productions
indus trie Iles, baisse
ies produc t ions agr icoles, par t ic u 1 iè-
rement prononcée au niveau des productions vivrières. C'est
ce recul général des productions qui se retrouve au niveau
de la baisse du PIB et du PNB. le recul des productions sur-
vient dans des conditions où l'Afrique connait une explosion
démographique ; on comprend que la production intérieure
brute par tête et le revenu par tête en Afrique subissent
(1) CF
annuaire de la FAO 1983.

- 7 -
une chute aussi
importante au début des années 1980.
La chutE des productions et des revenus aura des effets
tr~s marqués sur les activités économiques (investissements,
consommations,
importations et exportations) dont
les indi-
cateurs entrent également dans une baisse importante.
Selon les statistiques du FMI~ à partir de 1978,
les in-
vestissements et les consommations entrent dans une phase de
chute dans la plupart des pays d'Afrique.
Ainsi par exemple,
au Togo,
les investissemnts baissent de 64 % en moyenne par
an de 1978 à 1981,
en Tanzanie,
les consommations et les in-
vestissements baissent de 15 % en moyenne de 1978 a 1981, au
ZaIre,
les consommations publiques baisseront de 24 % en 1981 (1)
De plus
,
le
tableau 1 nous permet de voir le comportement
des investissQents dans
les pays d'Afrique pris comme un grou-
pe
:
les investissements bruts ont crG au taux annuel moyen
de pr~s de 7 % de 1960/78,d~s 1979, ils chutent au taux de
-2,4 %,
reprennent
lég~rement de 1980/81 et rechutent de plus
bel en 1982 (-13,2 %).
Ces chiffres relatifs à l'activité économique,
rendent
compte d'une dégradation profonde de la situation des pays
d'Afrique à la fin des années 1970 et au début des années 1980.
Pour tous les indicateurs de l'activité économique,
cette
période est un point de rupture et de renversemnt des
tendan-
ces.
Les consornmmations et les investissemnts,
qui ont connus
(1) CF tableaux 51 et 52 et IMFlnternationôl Financial st.atistics
Yearbook

- 8 -
un boom de 1973 a 1976-77, se contractent puis s'effondrent.
Les exportations et importations connaissent p ~Qtiquement
la même évolution.
Les exportations des pays d'Afrique dont le
taux de crois-
sance annuel moyen de la valeur était de 8 , 5 % de 1970/80,
passe à 6 % en 1981 et s'effondre en 1982,
tombant à -
8 %.
Selon les estimations de la CNUCED ce taux se situerait à
- 8 , 3 % en 1983 (1). Sur la période qui va de 1970 à 1982, la
croissance annuel moyen des exportations des pays d'Afrique
sera négatives (-0 , 8 %). pour certains pays la chute des expor-
tations est dramatique entre 1970 et 1982 ; au Mozambique,
elle se chiffre à -13 3 %, au Tchad elle est de -8 , 6 %,
en
1
Sierra Leone elle est de -6 , 6 % (2).
La chute des exportations des pays d'Afrique, également
observable au niveau des quantités exportées, est à l'origine
de la baisse de la part de l'Afrique dans les exportations
mondiales de produits dont l'Afrique est un exportateur tradi-
tionnel ; le tableau 2 nous en donne l'illustration.
Nous pouvons voir a l'aide du tableau 2/ que tous les
produits agricoles en provenance des pays d'Afrique connais-
sent une chute dans le volume de leurs exportaions de 1965- 72
à 1980-82. De même,
la part de l'Afrique dans les exportations
mondi~les des produits du tableau baisse profondénent en
1980-82. Ainsi,
les exportations de Cacao,
de
l'Afrique qui
représentaient près de 76 % des exportations mondiales en lS6~ 71
font à peine 70 % de ces dernières en 1980-82. La part de l'Afrique dans
les exportations mondiales de thé ne représente plus que 9 %
(1) Cf CNUCED ; rapport sur le commerce et le développemnt dans le monde
1982
(2) \\Jorld Bank; sustained report déjà cité P 63.

- 9 -
Tableau 2/
Principales exportations agricoles de l'Afrique
croissance et part dans les exportations mondiales.
1
Moyenne annuelle de
Part de l'Afrique dans
la croissance en volume
les exportations mondiales
PRODUITS
1%1 - 1%3
1%9 - 72
1
1%1 - 63 11%9 - 71 11900 - 82
a
a
1969 - 1971
1980 - 82
1
1
1
La cc.. cao
0.2
-0.3
79.9
75.9
69.3
Café
3.4
-0.2
25.6
29.3
25.9
Thé
9
4.1
8.7
14. ]
9.3
Maîs
-1.9
-5.1
2.5
1.4
0.4
Riz
0.7
-12.5
0.9
0.8
0.1
Huile d'arachide
2.2
-6.0
53.8
57.6
27.8
Arachide
al ccq...e
-6.1
-13.9
85.5
69.1
18.0
Huile de piliniste
8.9
-1.3
55.2
54.8
21.6
Hu i le de palme
-8.6
-5.1
55.0
16.4
3.0
Grai ne de sésane
3.8
-6.2
68.6
75.3
40.7
Bananes
-1.7
-5.4
10.9
6.5
3.0
COTON
5.6
-3.5
10.8
15.5
9.2
Caoutchou Nat.
3.0
-2.9
6.8
/46.1:
4.4
Tabac
-3.1
6.6
12.1
8.2
11.8
Source
World ban~
: sustained report août 1984,
déjà cité P 80/81
(elle était de près de 14,5 % en 1969-71). Celle des exporta-
tations d'huiles végétales s'effondre; baisse de moitié
dans les exportations mondiales d'huiles d'arachides, baise
de près de 70 % dans les exportations mondiales d'arachirles
en coque et d'huile de palmiste.
Quant aux importations des pays d'Afrique,
l'indice
de variation de leur valeur s'est fixé à 5~2 % de 1970 à 1980,

- 10 -
il tombe à 2 % en 1981 et s'effondre à -11 % en 1982. LaCi:JC.sv
estime cet indice à -1,7 % en 1983 (1).
Ainsi les exportations et les importations des pays
d'Afrique entr~tdans une chute profonde dès la fin des an-
nées 1970 particulièrement marquée à partir de 1981.La chu-
te de ces grandeurs s'accompagne d'une dégradation continue
des termes de l'échange des pays d'Afrique.
A l'exception des pays pétroliers dont les termes de
l'échange ont crû en moyenne à un taux supérieur à 14 % de
1970 à 1982,
les termes de l'échange des pays d'Afrique ont
connu en général une dégradation profonde sur cette période
Le taux de croissance annuel moyen des termes de l'échange
de 1970 à 1982 a été de -9 % en Zambie, de -6,3 % au Benin,
de -6 % au libéria de -5,9 au Niger et de -5,1 % en Mauri-
tanie (2)
La dégradation des termes de l'échange traduit une per-
te de pouvoir d'achat international des exportations des
pays d'Afrique, réduisant leurs capacités d'importation.
L'évolution des données du commerce international dans
les pays d'Afrique fait ressortir une chute profonde des
exportations et des importations de ces pays particulière-
ment prononcée sur la fin des années 1970. Cette chute pro-
fonde s'accompagne d'une dégradation des termes de l'échan-
ge des pays de la région.
Au total,
la fin des années 1970
(1) CF CNJ1L, rappv~t
sur le commerce et le développement dans le monde
1982, déjà cité
(2) CF World bank : sustained report déjà cité P 67. Les pays pétrcliers
Nigéria, congo, Gabon, Angola, Cameroun.

- 11 -
et le début des années 1980 seront marqués en Afrique par un re-
cul général et profond des productions et des revenus. Ce recul prolon-
gé des productions et du revenu entraîne . une chute importante de
l'activité économique. Les exportations et les importations entrent
égal EITffit dans une phase de cr.}1t e importan te, chu te accompagnée cl 1 une
dégradation profonde des termes de l'échange des pays de la région.
Ces indicateurs traduisent ainsi les impacts de la crise en cours
en Afrique.
2 Les impacts différenciés de la crise en Afrique
vers une typologie des
pays africains.
Jusqu'à présent, nous avons exposé les indicateurs de
la crise en Afrique en traitant cette région comme un en-
semble homogène.
Bien sûr l'Afrique compo:L"te. suffisamment
d'éléments justifiant ce choix. Pour les pays que nous trai-
tons leurs conditions d'insertion dans le marché mondial
et leur position dans ce marché,
la faiblesse de leurs
structures économiques et sociales constituent à nos yeux
les aspects déterminants
de ces éléments.
Mais il existe des différences non négligeables entre
:es pays de la région.
Par exemple, du point de vue de la dimension,
la tail-
le des pays africains va de grandes superficiés de plus de
2,3 millions de km2 soit plus de 4,5 fois la superficie de

- 12 -
la France,
telles ~'~Zaïre (2.345.409 km2) et au Soudan
(2.505.813 km2), à de petits pays de moins de 30.000 km2
tels que le Burundi (27.800 km2),
la Gambie (11.300 km2),
e t 1e Rwa nda (2 6 . 300 km 2 ), en pas san t par.- des pa y s m0 yen n(' fTBlt
,
étendus comme la Haute-Volta (274.000 km2),
la Côte d'Ivoire
(322.500 krn2) et la Guinée (245.857 km2). De même,
la po-
sition des pays d'Afrique
par rapport aux ressources hu-
maines et économiques est différenciée. Ainsi, certains pays
disposent d'une variété de ressources plus diversifiée,
tel
qx
le Gabon qui dispose d" énormes réserves de pétrole d'u-
ranium de magan~se et de fer, bénéficie d'un sol riche qui
lui permet la culture de cacao, café, palmier à huile, etc.
Sa forêt renferme des essences très riches de bois ; alors
que l'économie de certains pays repose sur un seul ou quel-
que produits tels sont les cas du Congo et du Nigeria (pé-
trole), du Benin( les produits du palmiers), de la Haute
Volta et du Tchad (le coton)(l)
.
Il Y a également des différences importantes selon les
pays d'Afrique quant à l'influence du pays ex-colonisateur
et de la forme de la colonisation elle-même.
Ainsi, le tcids s...IL les p:i)'s afric.aiœ ru système anglais d' indigéni sation,
qui s'appuyait sur les chefferies locales et les populations
locales et celui du
système plus exclusif qui s'est cons-
truit
autour d'un colonat originaire de la métropole
à l'exemple de la colonisation française sont totalement
différents.
Enfin, les Etats des pays africains connaissent une
cohésion relative différente. Ainsi,
les ETats relativement
(1) La haute.Volta est devenu depuis /'.cfJ'f: 84.
le Burkina FaSO

- 13 -
cohérents comme ceux du Sénégal de la Cote d'Ivoire, de la Tan-
zanie et de la Zambie et les Etats dont la cohésion,
très in-
certaine, repose sur une forte pression de l'armée comme au
Zaïre, au Nigéria et au Soudan,
les Etats en profonde décompo-
sition comme celui du Tchad, connaissent"des problèmes différents
à ce niveau.
Il serait évidemment commode de disposer d'une typologie
des pays africains pour l'examen des impacts différenciés de
12 celse en Afrique.
Celle-ci n'est pas aisée à établir, car
de très nombreux facteurs distinctifs dont certains ne.sont pas
quantifiables, séparent les différents pays de la région. Au
nombre des facteurs dont il faudrait tenir compte pour construi-
re une typologie, on peut retenir au moins les quatres groupes
de facteurs examinés plus haut à savoir : la dimension des pays
la quantité,
la qualité et la diversité des ressources humaines
et économiques,
l'influence du pays ex-colonisateur et la cohé-
sion relative des Etats.
Aucune t vpologie ne pouvant être réellement satisfai-
sante et son principe même, étant peut-être discutable,
c'est avec beaucoup de précaution qu'il faut aborder l'examen de
celles proposées respectivement par la Banque Mondiale et
pdr nous même.
Nous traiterons les pays d'Afrique à partir d'un re-
groupement basé sur les ressources économiques principales,
quelque peu différent de la typologie retenue par l'O.N.V
et la Banque Mondiale. Bien qu'elle SOIt intdressa~te,

- 14 -
sur certains points,
la typologie que nous proposent ces insti-
tutions internationales, repose sur des choix qui méritent
d'être discutés.
~ typologie de la Banque Mondiale retient deux niveaux
de distinction; le premier, le niveau déterminant se fait
autour d'un montant moyen de PNB par tête d'habitant,calculé
en tenant compte des besoins élémentaires des pays, des niveaux
de calories moyens nécessaires, etc ... Ce montant est de 410 dollBŒ
1980 aujourd'hui. Tous les pays dont le PNB/ tête est inférieur
à ce montant moyen de référence sont classés dans les pays
a faible revenu, ceux dont le PNB/ tête est supérieur au
montant de référence sont classés dans les pays à revenu inter-
médiaire. La Banque Mondiale introduit un deuxi~me niveau de
distinction par rapport aux conditions naturelles pour les
pays à faible revenu, autour de leur approvisionnement en
énergie (importateur cu exportateur de pétrole) pour les pays
à revenu intermédiaire.
La première limite de cette typologie réside dans le
fait que la classification principale se fonde sur un revenu
moyen par tête d'habitant qui peut en fait recouvrir pour les
pays des situations qualitatives absolument différentes.
C'est une classification essentiellement statistique. Elle
n'est pas explicative et ne rend que tr~s peu compte de la
portée des ressources réelles des pays ou groupes de pays.
Par exemple des pays comme la Côte d'Ivoire et la Zambie,

- 15 -
class~dans le même groupe de pays (pays à revenu intermédiaire
importateurs de pétrole)
tirent
l'essentiel de leurs ressources
de sources très différentes:
l'agriculture pour la Côte d'Ivoire
(cacao,
café,
bois),
les mines pour la Zambie (cuivre).
Ce
sont deux groupes de produits qui connaissent une situation
différente sur le marché mondiaL des conditions et des contrain-
tes de production différentes.
Quant à la classification par
r3pport aux conditions naturelles,
elle ne
touche pas
les pays
à revenu intermédiaire et ne rend pas compte non plus de la
situation économique réelle des pays et groupes de pays.
Ainsi
un pays comme la Mauritanie qui est semi-aride est
classé dans les pays à revenu intermédiaire,
classement ne
rendant pas compte du caractère semi-désertique de la Mauritanie.
De même des pays,
comme le Niger et la Haute.Volta sont
classés dans le groupe des pays à
faible revenu semi-aride
alors même que les ressources en uranium et le potentiel en
pétrole du premier sont des atous qui font défaut au second.
La typologie de la B.M. donne une première approximation
de la classification des pays africains,
mais elle reste
insuffisante.
Elle soufre en particulier de son incapacité
à rendre compte de façon PFécise de la situation spécifique
de chaque groupe de pays,
les différences qualitatives à
l'intérieur des groupes de pays étant §ouvent plus importantes

- 16 -
que les éléments de rapprochement.
Nous utiliserons quant à nous une typologie fondée sur
les ressources économiques principales des pays. Ceci nous
donnera trois groupes de pays :
1° Les pays miniers;regroupera l'ensemble des pays
dans lesquels la production mini~re occupe une place importan-
te dans le PIB, fournit l'essentiel des recettes d'exportation
et d~s recettes publiques.
2 U Les pays d'exportations agricoles; regroupera les
pays qui tirent l'essentiel de leurs recettes d'exportation
des produits agricoles et des produits de la forèt,
3° Les pays sahéliens non miniers et les pe~its pays
enclavés; Ce groupe comprend les pays les moins pourvus en
ressources naturelles et les moins intégrés au marché mendial.
Ce découpage donne pour les quarante (40) principaux
pays d'Afrique (pays dont la pop~lation exc~de 500 000 habitants
en 1983 et dont les statistiques sont disponibles à l'ONU
et à la Banque Mondiale) la typologie suivante :
Pays miniers
Congo
Nigeria
Gabon
Républic centrafricaine (R.C.A.)

- 17 -
Guinée
Togo
Libéria
Zaîre
Mauritanie
Zambie
Niger
Pays d'exportations agricoles
Angola
u.hono
Sierra Leone
Benin
Kenya
?oudan
Botswana
Madacascar
Swaziland
Cameroun
Mozambique
Tanzanie
Côte d'Ivoire
Ouganda
Zimbabwé
g:thiopie
Sénégal
Gambie
N\\OLJrice
Pays sahéliens non miniers et les petits pays enclavés
ou semi-èésertiques
Burundi
Malawi
Djibouti
Rwanda
Guinée Bissau
Somalie
Haute Volta
Tchad
Lesotho
Mali
Nous avons conscience des limites de notre propre typolo-
gie. En effet, elle ne prend pas en compte les aspects ~c~
quantifiables des différences entre les P?Y? africains. Elle

- 18 -
souffre également des différences
très importantes entre des
pays que nous classons dans
les mêmes groupes de pays
; par
exemple,
le Zaïre et le Nigeria qui sont classés dans le même
groupe par notre typologie connaissent des différences impor-
tantes,
tandis que le Nigerio bienque
dépendant exclusivement
du pétrole dispose d'un marché intérieur important,
le Zaïre,
lui,
avec un marché intérieur
très étroit bénéficie par ailleurs
de ressources naturelles plus diversifiées
(cuivre,
cobalt,
pétrole,
diamants,
etc . . . ).
De même entre des pays comme le
Benin et la Côte d'Ivoire,
appartenant au même groupe,
des
différences importantes existent
;
le premier dépend exclusi-
vement des produits du palmier à huile tandis que le second
dispose d'au moins quatre types de produits agricoles
(café,
cacao,
coton et prod~its du palmier) et connaît un développe-
ment industriel relatif plus important.
Malgré ses faiblesses et les
limites qu'il a en commun
avec la typologie de la BM,
notre regroupement nous apparaît
plus explicatiF.
,
les impacts différenciés de la crise en
Afrique
'
s appre-
cieront essentieilement par rapport à
l'évolution des structures
productives et au comportement des revenus par habitant des
pays d'Afrique ces dernières vingt années.
L'évolution des structures product~ves sera saisie a
travers la croissance du PIB et l'évolution des product~ons
agricoles et industrielles.

.- 19 -
Ll~volution du PIB
Le tableau suivant nous fournit la croissance du PIB
dans les principaux pays d'Afrique (tableau page suivante).
On note
que
le PIB de l'ensemble des pays du tableau a erG
a un rythme voisin de 4 % par an au cours de la d~cennie
1960 avec une croissance plus forte pour les pays d'exportations
agricoles dont le PIB a erG en moyenne de 4,6 % par an sur
la p~riode.
A partir de 1970, l'~volution du PIB dans les pays d'Afri-
que par groupes suivant les ressources principales va se
diff~rencier. Ainsi au niveau des pays miniers, sa croissance
va fl~chir de 1960-70 à 1971-74 passant de 3,7 % a 2,5 % et
remonter fortement en 1975-78 en s'~tablissant a 4 %. Dans
les pays d'exportations a8ri~oles nous retrouvons la même
tendance,
tand i s que dan s le groupe Autre-Afrique, la. bai s se es t
plus profonde de 1960-70 à 1971-74 puisque la croissance
annuelle moyenne passe du taux de 3,4 % à un taux de 1,6 %
sur la p~riode, soit une baisse de plus de moiti~ de la
croissance. Mais la reprise de la croissance du PIB en
1975-78 est plus forte dans ce groupe de pays que dans les
deux autres groupes de pays du tableau 3
Cette dernière ~volution se pr~cise quand nous observons
l'~volution du PIB de 1970 à 1982. Sur cette p~riode on note

- 20 -
Tableau 3
Croissance du PIB des pays d'Afrique par groupt selon
leurs ressources principales
Taux annuel moyen de croissance du PIB
(en pourcentage de l'année précédente)
PAYS
1960
1971
1975
1970
1970
1974
1978
1982
Pays Miniers
Congo
2,7
2, 9~!:
6,8
Gabon
4,1
7 , 7~':
2,0
Guinée
3,5
3,9
3,8
3,8
Mauritanie
3,1
1,4
2,8
Niger
5,4
-4,6
10,9
3,4
Nigeria
3,1
7, 5~':
3,8
R. C.A
1,9
3,1
4,3
1,4
Togo
4,6
3, 6;'~
3,0
Zaîre
3,6
4,5
-3,4
-0,2
Zambie
5,0
4,9
1,1
+D,9
Moyenne des pays
miniers
lJl
lz2
4,0
12
Pays d'exportations
agricoles
Angola
4, &':
4,8
2,0
Benin
2,6
-6,7
8,6
3,3
Côte d'Ivoire
8,0
4,9
8,8
5,ï
Ethiopie
4,4
3,3
3,4
3,3
Kenya
6,0
5,4
7,0
5,5
Madagascar
2,7
-2,6
-0,5
0,2
Mozambique
4,6
0,3
-1,1
Sénégal
2,5
1,3
1,2
2,9

- 21 -
Swaziland
8,6
9,6
2,7
4,4
Tanzanie
6,0
5,2
6,0
4,0
Zimbabwé
4,3
1, 6~'::
2,2
Moyenne des pays
d'exportations agricoles
4,9
2,3
~
3,3
( ~ \\
c.;
Autre--Afrique
Burundi
4,4
-0,3
8,1
3,5
Hte Volta
3,0
0,9
0,1
3,4
Lesotho
4,6
7,~'::
6,6
Malawi
4,9
4,9
6,5
5,1
Mali
3,3
0,9
0,1
3,4
Rwanda
2,7
4,1
5,3
Somalie
1,0
3,1
3,8
Moyenne Autre Afrique
3,4
~
~
4,4
Sources -
Tableau
P LG.bli à partir de M. Penouil : Bilan des économies
africaines
au cours de la décennie
191J, in l'année africaine CEAN
de Bordeaux 1981 p 293,
- Horld bank
1° Staff working paper nO 486
Adjustment in low income
Africa 1974-78 p11
2° Sustained report déjà cité p 58
* = Taux de croissance annuel moyen du PIB de 1970 à 1979
(2) Autre-Afrique: pays sahé liens non miniers, petit pays en-
clavés ou semi-désertiques

- 22 -
que le caux de croissance annuel ~oyen èu PIS est de ~7 %
en moyenne pour les pays miniers, soit une baisse d'un point
de ce taux par rapport à la décennie 1960 ; il est de 3,3 %
en moyenne pour les pays d'exportations agricoles soit une
baisse légère de ce taux par rapport à 1960-1970 ; alors qu'il
est de 4,4 % dans le groupe de pays Autre-Afrique, seul
groupe de pays dans lequel le taux de croissance èu PIS est
plus élevé sur la période 1970-1982 qu'au cours de la décennie
1960, il augmente d'un point en moyenne sur cette période
en passant de 3,4 % à 4,4 %.
Ces chiffres traduisent les situations différentes de
ces groupes oe pays au cour s de la décenn ie 1970 et 1 e débu t
des années 1980. Pour les pays miniers la forte croissance du
PIS des années 1974-1978 et la baisse importante de cette
dernière de 1970-1982 nous permet de voir que la période
1978-1982 a été marquée par une baisse profonde de la croissance
du PIS dans ce groupe de pays de l'ordre de 60 % , tandis que
le PIS des pays d'exportations agricoles connaissait une
stagnation (l)
de crol"ssance de la niriode 1978-1982 à l'ai-
(1) Nous avons estimé le taux
~-
de de la formule suivante
x
+
y
+
z
- - - - - - - =
M 70-82.
3

x,y:z = Moyenne des groupes de pays en 1971-74, lS74-75 et 1978-82
et
M70-82 : Moyenne des groupes de pays en 1970-82

-
23 -
Pour les pays du groupe Autre.Afrique au contraire, la
période 1978-82 sera marquée par une croissance forte du
PIB que nous avons estimée à 7,5 % pour la période; (CF 1 page
précédente ).
Cette évolution est tr~s importante, elle signifie qu'en
1978-1982 quand la production intérieure brute des pays miniers
et des pays d'exportations agricoles entrait dans une phase
de ralentissement et pour certains pays de baisse, cette
grandeur connaissait dans les pays sahéliens non miniers,
les
petits pays enclavés d'Afrique Centrale orientale et d'Afrique
aus traIe, au
pire
une sta8nation, sinon une croissance
importante. Cela veut dire que du point de vue de la production
intérieure globale,
les pays miniers et ceux d'exportations
agricoles plus intégrés au marché mondial subissent de façon
plus immédiate et plus violente les impacts de la crise, alors
que les autres pays d'~frique_ (pays sahéliens non miniers
et les autres petits pays enclavés d'Afrique), du fait de
leur intégra t ion moyenne dans le marché I11cx.èial subisse~t la:.rise
de mani~re plus différée et moins violente.
Nous allons voir de façon plus détaillée les structures
productives des pays d'Afrique en analysant l'évolution des
productions agricoles et industrielles.

- 24 -
L'Evolution des productions: croissance de l'agriculture
et de l'industrie
L'évolution de la production industrielle dans les pays d'Afrique
est révélatrice des conditions de survenance de la crise en Afrique en
même temps qu'elle traduit les impacts différenciés de cette crise sur
les pays d'Afrique.
L'industrie a crû dans la majorité des pays africains au taux annuel
moyen de plus de 9 % au cours de la décennie 1960 sauf dans les pays sahéliens
non miniers et les petits pays d'Afrique enclavés où sa croissance a
été de près de 8 %. De 1970 à 1979, la production industrielle connaîtra
une croissance régulière au taux de 9,3 % par an dans les pays miniers
alors qu'elle s'effondrera dans les pays d'exportations agricoles en passant
de 9,5 %par an de 1960
à 1970 à 1,4 % par an de 1970 à 1979, soit une
baisse de plus de 85 %de la croissance industrielle de ces pays. La crois-
sance industrielle baissera également dans le groupe de pays Autre-Afrique,
mais moins fortementielle passe d'un taux annuel moyen de 3,4 % en 19EO-70
à 2,4 %en 1970-79 soit une baisse d'un point du taux de croissance sur
la période (1). Sur la période plus longue de 1970 à 1982, la croissance
industrielle va fléchir dans les pays miniers en passant en moyenne a un
taux de 7,9 %, enregistrant ainsi une baisse de près 1,5 de ce taux de
1960-70 à 1970-82. Des pays comme le Nigeria vont connaître une baisse
de moitié de leur croissance industrielle, d'ailleurs la production
industrielle au Nigeria connaîtra une croissance négative de 1979 à 1982
(ce pays enregistre un taux de croissance annuel moyen de la procuction
industriellede -1,6 %de 1979 à 1982)(1).
Quant aux pays d'exportations a[,;::icoles la chute profonde de la crois-
sance de leurs productions industrielles de 1970-79 fera place à une
croissance industrielle plus torte de 1979 à 1982 (7, 5 ~~ sur la période).
Ce sont les pays sahéliens non r;iniers et les petits pays enclavés qui
connaissent les taux de croiSSance industrielle les plus élevés d'Afrique
- - - - - - - - - - - - - - - - - - ----~-----
(1) Cf (1) page suivant€

- 25 -
sur la période 19ï9-1982 (15 % en moyenne par an) .
Bien que l'interprétation des données sur l'évolution de 12 proàuction
industrielle doit être prudente/le production industrielle représentant
,
en moyenne moins de 20 % du PIB, la production ~anufacturière en représentant
en moyenne moins de 10 %, nous pouvons voir que le comportement de la
production industrielle est très différencié selon les groupes de pays
1
sur la fin des années 1970 et le début des années 1980. Sa croissance
ralmtit fortement dans les pays min iers tandis qu'elle reprend un peu
plus dans les autres groupes de pays après la baisse de 1970-79.
c'est l'évolution de l'agriculture qui nous donnera un éclairage plus
précis encore des impacts différenciés de la crise sur les structuress
productives des pays d'Afrique.
Selon les données de la BM et t1. Penouil, la production agricole
totale (P.A.T.) enregistre une croissance négative (au taux de -1,5 % en
moyenne par an) de 1969-71 à 1977-79 dans les pays miniers; la chute de
la production agricole totale est particulière~ent marquee au Gabon
(-6~1 %), en Guinée (-5,6 %), au Niger (-3,2 %) et au Togo (-2,3 %). Sur
cette période,
les pays d'exportations agricoles connais~
sent une croissance très faible de leur production agrico-
le totale, 0,7 % en moyenne par an
certains pays connais-
sant nême une chute notable de leurs productions tels l'An-
gola (-6,5 %),
le Mozambique (-2,6 %) et l'Ouganda (-3,3 %).
Alors que les pays sahéliens non miniers et petits
(1) Cf. World bank : sustained report déjà cité P 58
M, Pencuil
Bilan des éconcmies africaines au cours de la décennie lS10, l'année
africaine 1'381 déj2. cité P 302. L'industrie ici comporte en plus de l'indus-
trie manufacturière, la production d'eau et d'électricité et la production
forestière.Pour les groupes de pays Cf tableau 3

- 26 -
enclavés enregistraient en liloyenne sur la péricde une croissance de leur
production agricole totale plutôt forte, 2,9 % sur la période, c'est la
croissance agricole la plus forte par groupes de pays (1) .
Quant aux productions vivières
, elles connaissent une croissance
voisire dans les différents groupes de pays a un taux qui tourne autour de
2 % par an en ~cyenne de 1970 à 1982.
Ces taux de croissance de la production agricole totale et des prcduc-
tions vivièresfaibles au cours de la décennie 1970 en rapport avec une
croissance démographique de près de 3 % par an, expliquent la croissance
négative de la production vivrière par tête (à l'exception de la P.A.T.
par tête d'habitant dans les pays sahéliens non ~iniers et petits pays
enclavés de 1969-71 à 1977-79). Il faut relever que les productions par
tête d'habitant (PAT ou PV) résistent mieux dans les pays sahéliens et
et petits pays enclavés que dans les autres groupes de pays. Par exemple,
le taux moyen de croissance négative de la production agricole totale
par tête d'habitant qui est de -0,9 % en moyenne dans les pays miniers
et de -1,7 %en moyenne dans les pays d'exportations agricoles de
1970 à 1982, n'est que de -0,5 %dans les pays sahéliens non miniers et
petits pays enclavés sur la même période. De même, la production vivrière
par tête, dont la croissance négative de -1,6 % dans les pays miniers,
de -1,2 % dans les pays d'exportations agricoles n'est que de -0,1 %dans
les pays du groupe Autre-Afrique ~
soit 14 fois moins que dans
les autres groupes de pays, de 1970 a 1982, suit la même évolution (1).
(1) Banque Mondiale (world Bank)
: sustained report, déjà cité
P 77, M. Penouil, Bilan des économies africaines au cours
de la décennie 1980,
l'année africaine 1981, déjà cité P 305 :

- 27 -
Le comportement différencié des structures productives et
des productions(PIB , industrie et agriculture) surtout marqué
depuis le milieu des années 1970, qui traduit des impacts plus
ou moins profonds de la crise en cours en Afrique selon les pays
et groupes de pays, se reflète dans le mouvement des revenus
par tête d'habitant de ces pays.
Selon la B.M.,de 1960 à 1980, les pays miniers et les pays
sah~liens non miniers enregistraient une croissance positive du
PNB/tête supérieure à l'unité (1,5 % pour les pays miniers
et 2,0 % pour les pays sahéliens non miniers et petits pays
enclavés), tandis que les pays d'exportations agricoles connais-
saient une croissance du revenu par tête à peine supérieure a
° (0,7 %) sur la même période. Après 1980, nous assistons à
un affaissement de la croissance du PNB/tête des pays miniers
qui passe de 1,5 % à 0,8 % de 1960-80 à 1980-82, à un effondre-
ment de cette grandeur dans les pays d'exportations agricoles,
son taux de croissance annuel moyen passe de 0,7 % à -3,4 %
sur la même période; alors que le revenu par tête croît dans
les pays sahéliens non miniers et petits pays enclavés, son
taux de croissance annuel moyen passant de 2,0 % à 3,7 % (1).
Nous pouvons dire que la crise économique qui éclate en
Afrique, à la suite des bouleverse~ents intervenus dans l'écono-
mie mondiale à partir de 1973,
touche la totalité des pays.
Mais ses impacts sont ressentis quelque peu différament par
les
pays selon leurs ressources principales et selon leur intégration
relative au marché mondial.
(1) World bank = sustained report déjà cité p 57, rapport sur
le développement dans le mond-éditions 1982 et 1983

- 28 -
Bien que subissant des impacts àifférenciés de la cris~,de
nombreux points communs aux pays d'Afrique nous permettent de
les traiter comme un groupe de pays dans la crise économique
mondiale en cours. Les principales caractéristiques communes
qui nous permettent de les traiter comme tel ont été déjà
avancées plus haut:
il s'agit des modalités d'insertion de ces
pays dans le rra.---ch2 m:::n::lial; de la faiblesse
de leurs structures écc-
nomiques et sociales.
3 Courte comparaison avec les autres P.E.O.
La crise profonde qui frappe l'Afrique au cours des années
1970, touche également tous les autres pays en développement.
Nous allons établir une comparaison entre les impacts de la
crise en Afrique et ses impacts dans les autres P.E.D.
Le tableau 4 suivant nous donne quelques indicateurs
comparés de la crise dans les P.E.D.
Tableau 4:Taux de croissance du PIB par région de 1960 à 1983
des P.E.D. et part dans les exportations mondiales
en 1973 et 1981
Taux de croissance annuel moyen du PIB
REGIONS
1960
1973
1980
1981
1982
1983
1973
1979
Afrique subsaharienne
4,5
2,9
3,4
2,6
1,5
0,8
Asie de l'Est et pacifique 8,2
8,6
3,6
6,7
4,0
-6,1
Moyen-Orient et Afrique
du Nord
5,2
3,0
4,2
-2,4
2,4
1, 7
Amérique latine et
Caraibe
5,6
5,0
5,8
-2,3
-1,4
-2,5

- 29 -
Part dans les exportations @ondiales
1973
1981
Afrique subsaharienne
0,9
0,4
~p~ Asie
3,1
5,8
NP:r Amérique latine
1,2
1,8
Autre Asie
0,9
1,3
Autre Amérique latine
1,9
1,ï
Moyen-Orient et
Afrique du Nord
0,35
0,8
Sources
- C.E.P.I.I. Cité par M. Godet, contribution au colloque de
Paris VIII : Quel ordre mondial ? Sept-Oct. 1983
P 14
- Banque Mondiale : Rapport annuel 1984 P 35
On constate que jusqu'en 1980, la croissance du PIB de tous
les PED est très forte,en moyenne et par an de 4 à 7 % de 1960
à 1979. Les pays d'Asie de l'Est et Pacifique et ceux d'Améri-
que Latine et Caraîbe connaissant les taux de croissance les
plus forts.
Dès 1981, tous les PED, à l'exception de ceux d'Asie de l'est
et Pacifique, enregistent un affaissement sérieux de la croissance
du PIB. Cet affaisse@ent peur les
pEjS d'Aoérique latine est un
effondrement,
le PIE dans ces pays a-chuté
au taux annuel moyen
de -2 % de 1981 à 1983.
Les données du tableau relatives au PIS font ressortir qu'après
1981, seuls les pays d'Asie de l'est et Pacifique connaissent un
dynamis@e notable.
Quant aux chiffres relatifs à la part dans les exportations mondiales
des PED,on y relève qu'à l'exception de l'Afrique subsaharienne et

-
30 -
du groupe autre Amérique latine,dont la part dans les exporta-
tions mondiales baisse sensiblement (de plus de 50 % pour l'Afri-
que, près de 11 % pour Autre Amérique latine). Cette part croît
généralement dans les PED de 1973 à 1981. Cette croissance
particulièrement marquée dans les NPI Asie (près de 87 % d'aug-
mentation) confirne le
dynamisme de ce groupe de pays.
Au total, la crise en cours frappe tous les PED. Ses impacts
sont particulièrement marquées en Afrique subsanaLienne et dans
certains pays d'AGérique latine. Les pays d'Asie de l'est
et Pacifique restent après 1980,
les seuls PED dynamiques
connaissant encore de forts taux de croissance èu PIB.
Ces tendances sont parfaitement illustrées par l'évolution
de la production ali~entaire par tête fournie par le graphique
suivant tiré de Forum du développement juin lS84.
PENURIE
ALIMENTAIRE
Production alimentaire par personne en pourcentage de la moyenne de 1974-76
110
• • • • • AFRIQUE
____ AMERIQUE LATINE
105-a-
A~SI~
~ ~
_ - - - -
~---~--
....
.-
..
.....
_---
.----
'.
~
100 -"'~---_._.
•••••••••• ~ •• • .,.~ - - - - - - - - - - - - - - - - - -
--
......
-,
---~- -"
..•....
---~~- -
-
- - - -
. .
~
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1912
191J
1914
1916
1911
191tl
1919
1980
1981
1987
On y relève q~'à partir de 1976, tandis que la production alimen-
taire par tête d'habitant de l'Asie et de l'Amérique Latine
croît
régulièrement jusqu'en 1982, celle de l'Afrique chutait
r~gulièrement sur cette période.

-
31 -
b) Les causes profondes de la crise en Afrique
Nous exposerons nos vues sur la crise économique mondiale
en cours et les causes profonàes de ses impacts intenses sur
les pays d'Afrique.
Les chiffres et données relevées plus haut donnent une
pkemière indication de l'ampleur oe la crise qui frappe les
pays d'Afrique depuis le milieu des années 1970. D'autres
rlonnées plus détaillées, aussi bien quantitatives que qualitati-
ves seront examinées dans la 2eme partie.
La crise que traversent ces pays n'est pas isolée. Elle
trouve son fondement dans les liens que les pays d'Afrique ont
avec le marché mondial capitaliste. Elle s'expliquera par les
contradictions relatives au fontionnement de ce marché et les
contradictions propres aux structures sociales et aux structures
de production de ces pays. La crise en Afrique qui trouve son
fondement dans la crise économique mondiale en cours est parti-
culièrement aggravée par la fragilité des structures économiques
et des relations sociales des pays de la région. C'est donc
en liaison avec la crise économique mondiale en cours que se
développe la crise en Afrique.
Il ne fait aucun doute,
l'économie
~ondiale est en crise. Cette réalité est unanimement aàmise
aujourd'hui.
Vues sur la crise économique mondiale en cours
Qu'entendons-~ous par crise? (1)
(1) Pour le débat sur la crise CF P.Mattick : crises et théorie des crises
1976 ; ouvrage collectif : la crise quelle crj .S~
? E. M&odel la crise
du capitalisme; J. V alier : une critique de l'économie pàlitique ; K. Marx
contribution à la critique de l'économie politique, le capital livres deuxiè-
m~ e~ troisièmejRosa Luxembourg: l'accumulation du capital; F. Engels:
soclal1sme utopique, socialisme scientifique', A Barrère. La crise n'est pas
ce que l'on croît; etc CF BiOiiographie.

- 32 -
La crise est la manifestation de blocages et contradictions
profondes dans la dynamique d'un système économique et social.
Elle traduit le fait que les relations sociales, les conditions
de production de distribution et de consommation qui le caracté-
risent ne sont plus à même d'assurer sa cohésion et sa reproduc-
tion.
Le M.P.C.
(Mode de Production capitaliste) dès l'aube
de son triomphe au XVIIIe et XIXe siècle connaissait déjà ce
type de crises (1). Depuis les crises du M.P.C. se sont succédées
jusqu'à la crise économique en cours.
La crise du système capitaliste se manifeste par un
renversement des tendances; les indicateurs économiques jusqu'à
là orientés vers le haut se détériorent et connaissent une
baisse profonde et durable. Nous observons alors une chute ou une
stagnation du PIB, une chute des productions, une hausse verti-
gineuse des prix, un chômage massif et croissant, une crise du
système monétaire et financier,
une chute profonde des profits,
etc ... Cette cassure brusque dans la dynamique du système
capitaliste a caractérisé ce que nous pouvons désigner comme
les crises classiques du M.P.C. La dernière crise de ce type
fut celle de la grande dépression de 1929. Toutes les crises
du M.P.C. ont été surmontées par une destruction massive de
marchandises (soit par la guerre, soit par la destruction directe
des marchandises) et la dévalorisation sur une grande échelle
de titres financiers et capitaux fictifs qui pesant parasitaire-
ment sur le système, étaient devenus un obstacle infranchissable
pour l'accumulation.
La crise économique mondiale en cours comporte de nombreux
traits originaux, elle possède certains traits communs aux crises
(1) Rosa Luxembourg situe les premières crises du capitalisme dans les années
1815, 1818-1819. CF. Accumulation du capital.

- 33 -
du M.P.C.
tels que nous les avons exposés plus haut.
Le premier trait distinctif de la crise en cours par rapport
aux crises classiques, se sont les modalités de sa survenance.
Tandis que les crises classiques se manifestent par un reBverse-
ment brutal des tendances à l'exemple de la dépression de 1929
dont le point d'éclatement fut un Krach financier,
la crise en
cours se caractérise par une lente dégradation sur une longue
période des principaux indicateurs économiques qui démarre dans
les P.C.l. dès la fin des années 1960, entrecoupée par des secousses
plus ou moins violentes de tel ou [el indicateur (rupture dans
l'industrie manusfacturière dans les P.C.l. en 1969 crise du
système monétaire international en 1971, les "chocs pétroliers"
de 1973 et 1978).
Le deuxième trait distinctif de la crise en cours c'est
que sa généralisation est progressive et laisse des points du
marché mondial dynamiques (l'Amérique latine de 1973 à 1978,
l'Asie du sud et les régions du pacifique aujourd'hui). De plus
son déroulement est émaillé de reprises conjoncturelles localisées
et très limitées (par exemple la reprise conjoncturelle aux
E.U. de 1983-84).
Malgré Ces points distinctifs de la crise en cours par
rapport aux crises classiques, il subsiste dans la situation
de l'économie mondiale aujourd' hui, des trai ts généraux aux crises
du M.P.C., ceci nous permet de parler de crise pour caractériser
cette situation.
Le ~ouveffient des principaux indicateurs économiques dans
les P.C.l. et les autres régions du marché mondial, bien que
connaissant une évolution lente, saccadée quelquefois, est marqué

- 34 -
sur le long terme par une tendance lourde a la dégradation depuis le début
des années 1970.
Ainsi, le PIB dans les pays de l'OCDE qui a crû en moyenne a un
taux annuel moyen supérieur a 5 % de 1961 à 1973, va connaître une croissance
annuelle moyen inférieure à 1 % à partir de 1974 jusqu'en 1982, à l'exception
de la période 1976-79 au cours de laquellle il croîtra en moyenne par
an de 3,3 % (croissance annuelle moyen du PIB des pays de l'OCDE de
1974 à 1975 = 0,25 %, de 1980 à 1982 = 0,75 %)(1).
On sait également que le PIE des PED prlS globalement fléchit
sérieusement à partir de 1979 (2).
De même la situation de l'emploi fait ressortir l'existence de taux
de chômage très élevés à partir du milieu des années 1970 dans les
principaux pays capitalistes. Dans les pays de l'OCDE par
exemple de 5,0 % en 1975, le taux de chômage moyen par an
passe a 5,8 % en 198~à 5,5 % en 1982 et à 9,5 % en 1983 (3).
Selon la Banque Mondiale, le nombre de chômeurs approchait
11 millions de personnes dans les pays de la CEE et se situerait
à 32 millions de personnes dans les pays de l'OCDE en 1983 (4).
Par ailleurs, l'économie mondiale est caractérisée depuis
le début des années 1970 (plus précisément depuis 1973) par
l'apparition d'un système financier et monétaire hypertrophié.
Ce système est essentiellement nourri par la multiplication
des capitaux fictifs autorisé par la fin du système des changes
fixes mis sur pied à Bretton-Wood en 1946
; la décision améri-
caine de 1971 qui décrète la non-convertibilité du dollar en
(1) CF. OCDE: perspectives économiques nO 31, 32 et 33
(2) CF.
tableau 4/ P. 28
(3) CF. OCDE: perspective économique nO 31, 32 et 33 déjà
cité et statistiques de la population active, supplément à l'an
nua ire de l'OCDE 1982.
(4) Rapport annuel de la Banque Mondiale 1983.

- 35 -
or, offre aux EU des possibilités énormes de déficits publics,
ouvrant ainsi des lignes de crédit aux banques internationales
surtout américaines détentrices de titres pubics américains. Le
système financier hypertrophié sera également nourri par les
placements des classes dirigeantes des pays pétroliers qui
ont bénéficiées des
"Boom
pétroliers" de 1973 et 1978. Il
se constitue ainsi un système de crédit international privé,
le système des Euro-crédits, essentiellement
CŒLStihÉpar le ma:.:-ché
des eUr:'o-do11ars.
Cette
évolution qui est à l'origine du
fort endet tement des PED
es t
l'
un des traits marquants de
l'économie mondiale après 1973.
La dette extérieure de tous les PED s'établissait selon
l'OCDE, à la fin 1983 à 606 milliards de dollars
. Ce montant
est bien plus élevé que le niveau global des exportations de
ces pays pour la même année qui se sont montées à 601,25 milliards
de dollars. Rien que les paiements d'intérêt de cette dette
des PED ont représenté 8 % de leurs exportations et 1,6 % de
leur PNB en 1983. (1)
L'hypertrophie du système financier et monétaire interna-
tionnal traduit une dégradation des conditions du marché
mondial, dans la mesure où les capitaux spéculatifs qui le
nourrissent opèrent d'énormes fonctions
sur les valeurs créés
et posent ainsi des entraves à l'accumulation du capital.
Ceci est d'autant plus vrai que la période qui s'ouvre en
1973 sera caractérisée par une hausse des taux d'intérêt. A
Ce propos F. Chesnais citant une étude récente aux Etats-Unis
dit ceci: 'Ir étude constatait que les taux d'intérêts réels
(1) OCDE: Endettement extérieur des PED, Etude 1983 Ps 39 et 80. Pour le
montant de la dette, il s'agit de l'encours de~ prêts à moyen et long terme
(montants versés de toutes origines).

-
36 -
avaient déjà été supérieurs a 2 % dans les années 1970, pour at-
teindre à partir de 1980 des niveaux jamais atteints dans l'his-
toire du capitalisme américain, à savoir des taux réels posi-
tifs de 5,5 % à 6 % en moyenne"(l). Non seulement la hausse des
taux d'intérêt allourdit
le poids de la dette des
PED en ac-
croissant les paiements d'intérêts, mais dans les P.C.I. eux-
mêmes, "cette hausse opère un transfert permanent de la ri-
chesse des entrepreneurs créateurs de nouvelle valeur vers
une claSse de "money-lender", d'usuriers" (2).
Enfin,
la période ouverte par la rupture de 1973, est
caractérisée par un mouvement des profits à la baisse dans les
principaux pays capitalistes.
Le graphique suivant, nous donne une idée du mouvement
des profits dans l'industrie dans les principaux P.C.I
35
TiJUX de rentabilité dans l'indunrie manufact~rière
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(exccG(·r.t brut d't'xplaitJti:)nl et le stnc:< d,: Cilpit31 fi;,;e cillc'Jle aux ccj,s GC .cnrodU\\.lion
et (:%~r:r.1é "ux prix COurants.
'
Tiré de : l'Amérique Latine, Revue du CETRAL N°13J3n-t~arsl983P24
(1) F. Chesnais : colloque de Paris VIII :Quel ordre mondial sep/oct 1983
( 2) Business week, Jui l 1982

- 37 -
On peut voir sur le graphique de la page précédente que
le taux de rentabilité dans l'industrie manufacturière entrent
dans une phase de baisse profonde à partir de 1973-74. A ces
tendances principales qui marquent la dégradation des indicateurs
économiques dans la plupart des P.C après 1973, il faut ajouter
les tendances
au gonflement des stocks des marchandises (l'exem-
ple des excédents agricoles dans les pays de la CEE stockés en
quantités et des excédents céréaliers en Amérique du Nord),
l'existence de capacités de production excédentaires, surtout
dans les P.C.I et les pays Semi-industrialisés d'AL et d'Asie
du Sud-Est. Il faut y ajouter également les ruptures dans le
commerce mondial de bien et services. Le volume du commerce
mondial qui avait augmenté en moyenne de 9 % par an de 1970 a
1973, n'enregistre de 1973 à 1978 qu'un taux de croissance annuel
moyen qui se situe entre 4 et4,S %, soit une baisse de moitié
de sa croissance. En 1982, ce volume diminuera de 1 %.
Ce mouvement des indicateurs économiques vers la baisse bieu que
s'étendant sur une période longue et bienque se faisant par
l'intermédiaire de changements plutôt étalés que brutaux, ont
conduit à des modifications profondes dans les structures pro-
ductives et les relations sociales sur la decennie 1970.
Face à la contraction des marchés au mouvement de baisse
des profits, les entreprises ont engagé des mutations profondes
dans l'appareil de production. Ces mutations sont commandées
par la recherche constante d'économie dans les moyens de pro-
duction matériels (matières premières, input en général) et
dans la force de travail. Elles sont également commandées par
la recherche d'un accroissement sensible de la productivité
du travail et de la souplesse des processus de production. De
ce point de vue des progrès importants ont été réalisés au cours
de la décennie 1970. Trois domaines illustrent parfaitement ces

- 38 -
évolutions(l) :
- le développement de l'électronique, son application à l'industrie a permis
la Semi-automatisation des processus industriels et conduit à
un bond dans les techniques de télécommunication
- la micro-électronique et les micro-processeurs permettent
aujourd'hui une mi~\\Gturisation des produits électroniques finaux,
ainsi que des progrès énormes dans la maîtrise de l'automatisa-
tion des processus industriels ;
- les progrès dans la biotechnologie et plus particulièrement
dans la maîtrise des processus de fermentation,
les progrès dans
l'utilisation industrielle des résultats de la géné.Uque (créa-
tion de micro-organismes, modification du patrimoine géné~ique),
dans l'utilisatim
de la bio'
as sedans l'indus trie chimique de subs-
lll
titution aux produits énergétiques directement tirés de lanatu-
re (pétrole et charbon), rrrxlifimt SEnSiblem:nt la CŒp)Sitim cEs :iIrp.rts da1s ces d::naiœs.
Ces modifications dans les structures de production ont
eu des conséquences très marquées sur les conditions de travail
dans l'industrie et ont occasionné des iicenciements massifs
de travailleurs dans la plupart des pays, qui ont été grossir
les rangs des chômeurs et des sans-emploi.
Les tendances du marché mondial depuis 1973 ont conduit
également à une modification des points dynamiques de l'économie
mondiale, dont un document de travail de l'OCDE observe que l'a-
xe s'est
déplacé de l'atlantique comme des régions anciennement
industrialisés d'Europe et des E.U. vers les régions et pays
du Pacifique, traduisant le declin relatif des puissances euro-
péennes et des régions de la Côte Est des E.U.
(1)-
La découverte
Maspéro/Boréal Express, l'Etat des sciences et clës
techniques, Bilan des recherches P.20S, sous la direction de M. Blanc,
1983-84. F. Chesnais, la technologie dans la crise in Amérique Latine,
Revue du CETRAL, N°13 Jan-Mars 1983.

- 39 -
Nous avons relevé plus haut qu'au niveau des PED, seuls
ceux d'Asie du Sud-Est (Hong-Kong, Singapour, Taïwan, et Corée
du Sud) restent encore dynamiques
après 1978. Ces pays sont même
plus dynamiques que ceux d'Europe. Ainsi la Corée du Sud, Taïwan,
Hong-Kong et Singapour ensemble réalisent un surplus commercial
avec les EU
égal à la moitié de celui du Japon avec ce pays.
Ils exportent plus de biens manufacturés aux EU que la Grande
Bretagne, presque deux fois plus que l'Allemagne et quatre fois
plus que la France. Leur excédent commercial de biens manufac-
turés avec les EU
est égal à quatre fois celui de la communauté
européenne toute entière.
Ce dynamisme des PED du Sud-Est asiatique est inséparable
de celui du Japon et de la Côte Pacifique des EU. Ce sont entre
autres éléments, ces évolutions qui permettent au
Japon et aux
E.U.de distancer l'Europe sur de nombreux points (production
industrielle, part du marché des pays de l'OCDE, mouvement des
investissements productifs)(l) .
Le mouvement des indicateurs économiques dans les princi-
paux pays du marché mondial,
leur évolution au niveau de l'éco-
nomie mondial, qui accusent une tendance marquée vers la baisse
depuis 1973, la persistence de ces tendances et les modifications
profondes dans les structures de production et les relations
sociales, les modifications sensibles des points dynamiques du
marché mondial auquel les elles ont données lieu depuis cette
période, nous permettent de dire que l'économie mondiale traverse
une crise profonde depuis le début des années 1970, particuliè-
rement marquée à partir de 1973. 8epuis cette période, nous
(1)- Cf. Le Monde diplomatique, le declin industriel de l'Europe est-il
irréversible? Déc. 1983 P.6.

- 40 -
assistons à une multiplication des chutes conjoncturelles(1973,
1978, 1982), les unes aussi violentes que les autres,
laissant
derrière elles des Pans
entiers des économies des pays aban-
donnés et des milliers sinon des millions de chômeurs supplé-
mentaires. La crise est d'autant plus perceptible sur la fin
des années 1970 que les ruptures conjuguées des indicateurs de-
puis 1969, sont devenues incontournables et se posent de plus
en plus en barrière infranchissables pour l'accumulation. C'est
la raison pour laquelle,
les Etats de tous les pays capitalist~~
(PCI comme PED) ont engagé des plans d'autérité à la fin des
années 1970 et le début des années 1980. Ces plans sont organisés
autour des licenciements de salariés dans les principales in-
dustries et une compression des dépenses publiques.
Il Y a ainsi sur cette dernière période, une affirmation
de plus en plus forte des éléments de blocage à l'accumulation
dans ces pays.
Nous pouvons donc affirmer que nous sommes dans des con-
ditions où les relations sociales et les conditions de produc-
tion, de distribution et de consommation, autant dans chaque
pays capitaliste qu'au niveau du marché mondial, arrivent de
moins en moins à assurer leur cohésion et leur reproduction.
La crise économique mondiale frappe tous les pays parti-
cipant au marché mondial. Mais ses impacts sont différenciés
suivant les pays et les régions. Les ruptures dans la production
manufacturière par exemple, se déclancheront dans les PCI et
n'atteindront les PED que bien plus tard. Ainsi,
la comparaison
des périodes des chutes de la production manufacturière dans

-
41 -
les P.C.I et les PED fournie par le tableau 5, illustre parfai-
tement ces tendances (tableau
5,
ci-dessous); la cassure
dans la croissance des industries manufacturières se situant
avant 1971 pour les P.C.I, alors qu'elle n'interviendra qu'après
1975 dans les PED.
Tableau
5
Les points de rupture comparés de l'indus-
trie manufacturière (taux annuel en pourcen-
tage)
Pays
1960
1967
1971
1975
1978
1981
P.C.I
6.6
5.0
2.0
P.E.D
6.3
1
7.3
]
5.ï
_ _ l
~ _ _
' - - - - - -_ _
Sources
Marc Humbert
L'industrie dans le monde - contribution
au colloque de Paris VIII Sept-Oct 1983- Quel ordre
mondial ?
La crise frappe naturellement l'Afrique. Nous avons vu
plus haut que ses impacts sont particulièrement prononcés dans
cette région.
pourquoi frappe-t-elle les économies africaines aussi
violament et plus fortement que les autres PED ? Pourquoi
l'Afrique est-elle aussi ébranlée par la crise économique mon-
diale en cours ?
Les causes profondes de la crise en Afrique
La crise économique mondiale provoque des impacts intenses
et violents en Afrique pour deux raisons essentielles :

-
42 -
- la relation particulière des pays d'Afrique au marché mondial
- la fragilité des structures économiques et des relations
sociales des pays d'Afrique
1°) La relation des pays d'Afrique au marché mondial.
Depuis leur intégration au marché mondial à la fin du
XIXe siècle et au début du XXe siècle, les économies des pays
d'Afrique sont caractérisées par une spécialisation primaire
dans leurs relations à ce marché.
Les pays d'Afrique exportent pour l'essentiel un ou quelques
produits primaires agricoles, miniers ou énergetiques et impor-
tent pour l'essentiel les biens manufacturiers dont ils ont
besoin, bien d'équipements, matières intermédiaires et biens
industriels de consommation.
C' es t donc de l'exportation des produi t s primaires que les
pays d'Afrique tirent l'essentiel de leurs recettes d'exporta-
tion, l'essentiel des recettes publiques des Etats. Ces pays
connaissent une dépendance étroite de l'exportation de ces
produits. Or les pays
d'Afrique ont très peu de prise sur le
marché mondial des produits primaires, ou du moins sur le com-
merce mondial des produits primaires dominés par les grandes
S.C.I, les puissantes compagnies de negoce international et les
Etats des P.C.I qui prospectent et contrôlent les principales
sources de matières premières connues, manipulent les stocks
de ces produi ts et interviennent sur les marchés à
terme et les
m~rchés physiques des produits de base.
Par ailleurs,
les pays d'Afrique qui dépendent de leurs
importations industrielles pour leur approvisionnement en biens

-
43 -
manufacturiers (intégralement pour leurs besoins en biens d'é-
quipement, partiellement en biens intermédiaires et biens de
consommation), subissent les évolutions sur les marchés in-
ternationaux des produits industriels, dominées essentielle-
ment par les principales firmes de production et de distribu-
tion à dimension mondiale et par les Etats des P.C.I.
Les économies des pays d'Afrique subissent ainsi les lois
du marché mondial, que ce soit au niveau de leurs propres expor-
tations que de celles de leurs importations.
Ils ont un acc~s
limité aux mécanismes du fonctionnement des marchés des mati~res
premi~res et produits de base et ne disposent d'aucune possibi.
lité sérieuse d'influencer les marchés de biens manufacturés.
cette caractéristique fondamentale des économies d'Afri-
que sera à la base de la transmission intense de la crise éco-
nomique mondiale qui éclate en 1973 et
explique la vulnérabili-
té de ces économies face à la crise en cours. En effet, à la
suite de la hausse générale de 1973-ï4, les cours des mati~res
premi~res et des produits de base vont entrer dans une phase
de chute continue et d'amples fluctuations. Les pays d'Afrique
ne peuvent endiguer ces tendances et constatent impuissants
l'effondrement de leurs recettes d'exportation.
D'autre part,
les hausses successives de 1973 à 1978 des
cours du pétrole seront repercutées dans les prix des produits
manufacturés importés par les pays d'Afrique. Là encore les
pays d'Afrique subissent pleinement ces tendances au renchéris-
sement des prix des biens industriels importés.
c'est donc la spécialisation internationale des pays
d'Afrique,
leur position dans l'économie mondiale ~Ul explique

- 44 -
qu'ils sont précipités immédiatement dans la crise en cours.
Les Etats de ces pays ne disposant d'aucune possibilité pour
amortir les chccs
en provenance du marché mondial, subissent
pleinement les remous et
ruptures que connait ce dernier depuis
le début des années 1970.
Cette caractéristique est emplifiée par la dépendance
quasi générale des pays d'Afrique des anciennes puissances
coloniales d'Europe. Cette dépendance qui se traduit par l'exis-
tence de relations économiques, politiques, et militaires bila-
térales avec ces pays par
la présence massive des capitaux
originaires de ces pays en Afrique etc ..., non seulement limite
les capacités d'intervention indépendante des Etats d'Afrique,
mais attèle leurs économies aux P.C.I d'Europe eux-mêmes en
declin profom comme l'attestent les modifications provoquées,
par la crise en cours. Le declin des puissances européennes et
leur réaction de survie viennent allourdir la situation des
pays d'Afrique qui en dependent et qui sont déjà fortement
secoués par la crise mondiale elle-même.
2°) La fragilité des structures économiques et des rela-
tion sociales des pays d'Afrique.
La fragilité des structures économiques s'observe à
travers les faiblesses des structures de production:
l'industrie
et l'agriculture.
L'industrie en Afrique est très limitée elle ne comporte
pas de section de production pour la production (industriE d'é-
quipement) et œ~~titue
que de quelques industries alimentaires

- 45 -
~
et textiles et des
industries extractives.
Ses faiblaises
sont
.Y
sa dépendance étroite de l'importation pour l'acquisîtion de
biens d'équipement et de biens intermédiaires (en partie) qui
aggrave la soumission des pays d'Afrique au marché mondial
et soumet le développement de l'industrie aux capacités d'im-
portation de ces pays
; S2
dépendance du marché intérieur (du
fait de son développement et de sa productivité
insuffisaG~
pour affronter le marché mondial des
biens manufacturés) pour
son développement
quand on sait
l'~troitesse des marchés inté-
rieurs et la faiblesse des revenus en Afrique.
l'industrie en Afrique est donc très limitée,
son dévelop-
pement est lié à l'importance du marché intérieur et aux évolu-
tons du marché mondial.
l'agriculture prise globalement est carctérisée par des
techniques de production archaïques
(cultures sur brulis,
jachères longue;
absence d'engrais,
de charrue;
non utilisa-
tion de
semencffiselectionnées etc . . . ),
elle ne bénéficie pas
de moyen de circulation et d'évacuation suffisantes
(moyens de
transport,routes et pistes rurales,
etc . . . ) pour ses produits.
Tout ceci expliquent la faiblesse de la productivité et des
rendements agricoles en Afrique.
l'autre faiblesse de l'Agricul-
ture en Afrique est la priorité donnée à l'agriculture d'expor-
tation sur l'agriculture vivrière;
c'est une faiblesse struc-
turelle de l'agriculture en Afrique introduite par la colonisa-
tion reprise et renforcée par les Etats issus de
la décolonisa-
tion des années 1960.
l'agriculture en Afrique est très
faible;
elle connaît
une productivité peu
élevée et des rendements faibles.
La prio-

- 46 -
rité donnée à l'agriculture d'exportation au détriement des
productions vivrières ne permet pas à l'agriculture africaine
de remplir sa fonction minimale de fourniture de biens vivriers
aux populations depuis bien longtemps.
Ces structures économiques fragiles des pays d'Afrique
volent en éclat dès le milieu des années 1970 quand la crise
devient violente au niveau des PED.
En effet face à la chute des cours des matières premières
et à l'impossibilité croissante d'accroître les quantités ex-
portées de produits de base fournis surtout par les productions
agricoles,
les pays d'Afrique du fait des faiblesses structurel-
les de l'agriculture, ne pouvant accroître la productivité des
produits de base obtenant ainsi des gains de productivité pour
aténuer la chute des cours, subissent cette dernières de plein
fouet. Ils sont incapables à introduire des transformations
décisives dans les conditions de production. De plus,
la fai-
blesse des productions vivrières et l'accélération des importa-
tions alimentaires qui imposent un retour relatif à l'agricul-
ture vivrière, abandonnée ou négligée depuis de nombreuses
années, suppose
aujourd'hui des investissements importants et
un detournement relatif des moyens d'intervention des Etats de
l'agriculture d'exportation vers les productions vivrières. Or
Ce mouvement
ne s'engage pas. Il n' y a donc aucune modification
sérieuse dans la division de l'agriculture en culture d'expxtaticr. et ffi
culture vivrière avec la priorité à la première.
De même,
la chute de leurs recettes d'exportation, consé-
cutive à celle des cours des produits de base et produits pri-

-
47 -
maires, contractant leurs capacités d'importations industrielles,
bloque le développement de l'industrie dans les pays d'Afrique
sans compter qu'avec la chute des recettes d'exportation, les
Etats africains engagent des politiques de contraction de la
demande effective qui réduisent encore le marché intérieur déjà
étroit des pays. La substitution aux i~portations, qui est la
vocation des industries africaines, n'est plus possible dès
lors qu'en amont les importations de biens d'équipement, de
biens intermédiaires et de pièces de rechange ne peuvent plus
êLre assurées, qu'en aval,
le Qarché intérieur se retrecie
sérieusement.
Les structures productives de l'Afrique, du fait de leurs
faiblesses extrêmes, ne peuvent faire face aux modifications
profondes qu'imposent la crise pour rendre la poursuite de l'ac-
cumulation possible et surtout rentable. Ces structures produc-
tives plutôt que d'apporter des éléments de réponses partielles
à la crise (restructuration, accroissement de la productivité,
exploration de nouveaux champs d'accumulation, l'agriculture
vivrière par exemple, pour l'agriculture etc ... ) qui peuvent
atténuer temporairement les effets de la crise, s'effondrent
littéralement, avec les fermettures d'usines au Zaïre, avEC l'aŒrdcnde
lE
plantations
en Côtp dl Ivoire,
etc...
Leu:cs
structures
économiques ne pouvant apporter des éléments de solution aux
effets de la crise,
les sociétés africaines abandonnées a elle ~
:-ecourent à des relations sociales qui
relèvent
des sociétés
traditionnelles, relations d'entraide familiales et à des r~~rrn
capitaliste pour survivre.
Ce retour à des relations traditionnelles traduit par
lui-même,
la faiblesse des relations sociales capitalistes domi-

- 48 -
nantes en Afrique.
La faiblesse des relations sociales capital~~r~~ sera
~
illustrée par la faiblesse de l'Etat en Afrique qui en est
le concentré.
L'Etat en Afrique joue un rôle central dans le déroule-
ment de l'activité économique. Du fait de la faiblesse initiale
du capital national privé à l'indépendance,
les Etats des pays
d'Afrique vont investir énormement dans les secteurs vitaux des
pays;
l'Etat assurera ainsi l'essentiel des investissements
productifs et l'esssentiel des consommations, il absorbera
l'essentiel de la dette extérieure. L'Etat en Afrique est ainsi
au centre du processus d'accumulation. Ses nombreuses interventions
lui ont permis la constitution d'un vaste service public qui
comprend l'éducation,
la santé, les transports publics urbains,
les services de l'assainissement,
les organismes de soutien aux
prix des produits, etc ... et d'un important secteur productif
qui comprend des productions agro- alimentaires,des exploita-
tions agricoles,
la production d'eau et d'électricité, les
raffineries de pétrole, etc ...
Or la principale base d'accumulation des Etats d'Afrique
ce sont les recettes d'exportation et les prélèvements sur le
commerce international. C'est une base d'accumulation extrême-
ment faible, d'autant plus que les Etats d'Afrique n'ont aucune
prise sur les mécanismes de fonctionnement des lois du marché
mondial.
La faiblesse de la base d'accumulation de l'Etat en
Afrique devient un obstacle décisif quand éclate la crise à
partir de 1973. La chute des cours des matières premières qui

- 49 -
a suivi la courte flambée de 1973-74, se traduira pour les
Etats africains par une contraction immédiate des recettes
budgetaires. Là où les P.C.I et une partie des PED (Afrique
du Nord, Amérique Latine et Asie) ayant élaboré une fiscalité
qui leur permet d'acceder à toutes les richesses créées dans
l'économie nationale, peuvent recourrir à la recherche d'autres
impôts, à un élargissement de la base des prélèvements obliga-
toires pour faire face à la baisse des recettes publiques,
les
Etats des pays d'Afrique n'ont ~'autre recours que de subir
la baisse des recettes tirées du commerce international.
Ils
sont alors contraints à réduire de façon drastique leurs dépenses
publiques. Ce qui se traduit par la liquidation des services
publics et le retrait du secteur public de production.
La faiblesse des relations sociales, rend encore plus
dramatique l'application des remèdes classiques de la crise en
Afrique. La réduction des dépenses publiques
; la contraction
des revenus, des consommations et des investissements qu'orga-
nise l'Etat se traduisant immédiatement par des pénuries ali-
mentaires, par l'impossibilité pour les populations d'accéder
aux services publics (santés, éducation, assainissement et
hygiène) devenus trop onéreux.
3°) Le poids de la dégradation des conditions naturelles
Il faut ajouter à ces éléments explicatifs de l'intensi-
té des impacts de la crise économique mondiale en cours sur les
pays d'Afrique,
les effets de la dégradation sérieuse des con-
ditions naturelles qu'ont subie ces pays à partir de 1981-82
pour l'Afrique autrale, 1983-84 pour le reste de l'Afrique(l) .
(1)- Dans son rapport annuel de 1984 aux pages 53, 85 et 91, la Banque
mondiale rend compte des effets de cette dégradation des conditions natu-
relles en Afrique.

-
50 -
Cette dégradation s'est traduite par une sécheresse prolongée
et généralisée, par l'érosion et l'appauvrissement des sols,
etc ... La dégradation des conditions naturelles a joué un rôle
d'approfondissement et d'aggravation de la crise en Afrique.
Les effets de la sécheresse en Afrique en donne un exemple
frappant. En effet; par son action sur les productions agricoles
(cultures d'exportation et cultures vivrières), sur le bétail,
sur les retenues d'eau des barrages hydrau-électriques- provo-
quant une chute des productions d'électricité -,
la sécheresse
alourdit les tendances à la baisse des productions, aggrave la
chute des recettes d'exportation et la crise alimentaire pronon-
cée que connaissent les pays d'Afrique depuis des decennies,
leur imposant des importations vivrières croissantes qui pèsent
sur leur situation financière déjà précaire. Par son action sur
les sources d'eau potable, par les délestages de courant élec-
trique suite à la chute des productions d'électricité, la
sécheresse a fortement contribué à la dégradation des conditions
de vie des populations en Afrique.
Il faut relever que malgré ses effets d'aggravation de
la crise en Afrique,
la dégradation des conditions naturelles
n'est pas une cause fondamentale de l'intensité des impacts de
la crise en Afrique car la crise en Afrique éclate bien avant
cette dégradation des conditions naturelles et est déjà pro-
fonde quand la sécheresse se généralise en 1984 ; de plus la
dégradation des conditions naturelles est largement le fait de
l'action de l'homme. Ainsi,
les techniques de culture archaîque
encore en vigueur en Afrique (travail à la machette et à la
houe, absence d'engrais de pepticides, de traitement des plantes
et de semences
selectionnées, les méthodes de culture extensives

- 51 -
de terre,
jachères longues et cultures itinérantes sur brûlis,
absence totale de mécanisation, etc ... ), L'exploitation anar-
chique des bois et des produits de la forêt, d'une part;
la
faiblesse des prix à la production payés aux paysans qui les
obligent à défricher le maximum de terre pour l'obtention d'un
revenu minimum, d'autre part; sont à la base de l'érosion et
de l'appauvrissement des sols, de la prolongation de la saison
sèche - le déficit pluviométrique croissant du fait de la des-
truction très poussée du parapluie forestier de l'Afrique
é qua t 0 ria l e et de la Côte a f r i c a i n e 0 cci den ta l e ~ étrot la caœ ~
tielle de l'apprauvrissement des so15-.
La dégradation des conditions naturelles est donc large-
ment le fait de l'action de l'homme, elle est aussi et surtout
le résultat de la politique économique des Etats d'Afrique
depuis 1960.
c'est pourquoi nous retiendrons les deux causes essentiel-
les de l'intensité de la crise en Afrique que nous avons relevées
plus haut ; A savoir la relation particulière des pays africains
au marché mondial et la faiblesse extrême de leurs structures
économiques et relations sociales.
D'où,
le plan en deux partie pour lequel nous avons opté
1° - La spécialisation internationale des pays d'Afrique
(1ère Partie)
2° - Les mécanismes de propagation et les impacts de la
crise en Afrique (2ème Partie).

- 52 -
lème Partie. LA SPECIALISATION INTERNATIONALE DES ECONOMIES
D'AFRIQUE.
Dans cette partie de notre travail, nous essayerons de
répondre à la question suivante
Quelle fonction précise le
capitalisme international assigne aux pays d'Afrique? Quelle
place ces pays occupent dans le marché mondial? C'est une ques-
tion qui a un double intérêt. D'abord elle nous permettra de
situer l'Afrique dans l'économie mondiale, ce qui aura pour
avantage de nous indiquer les mécanismes par lesquels la crise
mondiales se propage dans ces pays. D'autre part cela nous
donnera les capacités d'action et d'influence des pays d'AfriquE
sur le déroulement et le développement des lois qui regissent
le marché mondial.
Les trois fonctions possibles pour les pays d'Afrique dans
l'économie mondiale sont les suivantes:
- une fonction essentielle d'écoulement des marchandises
en provenance des PCI et d'autres zones de production de mar-
chandises, c'est à dire une fonction
de débouchés.
- lieu de production de marchandises destinées pour
l'essentiel à l'exportation ce qui supposerait la mise en place
d'une base importante d'accumulation.
- principalement source de matières premières pour les
P.C.l et les autres zones de production de marchandises.
Comme nous le montrerons l'intégration des sociétés
africaines au marché capitaliste mondial va créer un marché
intérieur dans ces pays, marché qui sera relativement important
dans un certain nombre de pays essentiellement les pays pro-
ducteurs de matières premIeres comme le Nigeria, le Cameroun,
le Gabon, etc ... , et les pays qui connaissent un certain déve-

-
53 -
loppement industriel comme le Kenya,
la Côte d'Ivoire,
le
Sénégal. Les marchés intérieurs restent très peu développés
dans lafuajeur
partie des pays d'Afrique. Du fait de la faibles-
se des marchés intérieurs dans les pays d'Afrique,
leur voca-
tion de lieu
de réalisation des marchandises en provenance
d'autres zones du marché mondial se trouve être très réduite.
Il n'en est pas de même du poids des productions primaires qui
constituent l'essentiel des exportations de l'ensemble des
pays d'Afrique. Quelquefois un seul ou quelques produits agri-
coles, énergetiques ou miniers représentent plus de 70 % des
exportations de ces pays. L'essentiel des marchandises que
l'Afrique fournit au marché mondial est constitué de matières
premleres et de produits agricoles.
D'ailleurs l'intérêt que
les P.C.I portent aux pays d'Afrique est proportionnel à la
quantité et à la qualité des matières premières dont ils rece-
lent. Ainsi,
le Zaîre le pays d'Afrique dont le sous.sol est
le plus pourvu en richesses minérales est l'objet de toutes les
attentions de la part des pays capitalistes industrialisés qui
soutiennent sans reserve le pouvoir de Mobutu malgré sa gestion
désastreuse et sa politique extrêmement repressive.
Nous pouvons donc dire que la fonction centrale des pays
d'Afrique dans le marché mondial est la fourniture de matières
premleres agricoles,
minières et énergetiques. Nous montrerons
que cette fonction qui remonte à l'intégration initiale de ces
pays dans le marché mondial en constitution à la fin du XIXe
siècle et au début du XXe,
reste dominante pour l'Afrique
jusqu'à ce jour.
~l faut relever que les matières premières,
fournies au marché mondial étant produites de plus en plus
dans des conditions capitalistes, soit pour chtenir des niveaux
de productivité adéquats et une conformité des normes (produits
miniers),
soit pour accroître la productivité et améliorer la
qualité des produits (produits agricoles),
leur production

- 54 -
donne lieu à une production de plus-value (1). Il Y a donc dans
ces conditions, une accumulation de capital qui est réalisée
dans ces sphères d'activité. Mais même dans ces conditions,
l'objectif premier des capitaux qui interviennent est plus
le drainage des matières premières vers des zones de valorisa-
tion plus "intéressantes". Ceci explique d'ailleurs le niveau
limité des transformations subies par les produits avant leur
exportation. Dans tous les cas l'accumulation réalisée sur pla-
ce reste très limitée (Il n'y a pas une production de plus
value sur une base large, obtention de profits importants et
réinvestissement dans l'activité, etc ... ).
Il apparaît donc ainsi clairement que la production de
marchandises (produits manufacturés finis) pour l'exportation
en vue de sa réalisation sur d'autres marchés n'est pas la
vocation des pays d'Afrique. Leur fonction essentielle dans
le marché mondial est la fourniture de produits primaires.
Cela signifie pour ces pays, spécialisés dans la production
et l'exportation de produits primaires, l'affectation de l'es-
sentiel de leurs ressources à la production de ces biens et
à l'importation de la quasi-totalité des biens manufacturés
dont ils auront besoin. C'est cette spécialisation primaire et
limitée à quelques produits qui caractérise fondamentalement
les économies d'Afrique dans leurs liens avec le marché mondial.
L'Examen de la spécialisation des_P?Ys d'Afrique se fera à
travers deux points fondamentaux :
-Les modalité q historiques de leur intégration dans le Qarché
mondial (chapitre 1)
-Le bilan de l'industrialisation des pays d'Afrique (chapitres
II.111. IV.)
(1)- Aujourd'hui les produits mlnlers et ceux de la forêt (bois et caou-
tchouc naturel) sont obtenus dans des conditions capitalistes en Afrique.
Les produits du palmier à l'huile en partie, la production de la banane
pour l'exportation, le coton, le thé sont produits par des entreprises
capitalistes dans la plupart des pays d'Afrique.

- 55 -
CHAPITRE l
LES MODALITES HISTORIQUES DE L'INTEGRATION DES
PAYS D'AFRIQUE DANS LE MARCHE MONDIAL
Ce chapitre de notre travail peut paraître répétitif re-
dondant et même "sectaire". Nous pensons, quant à nous, que cet
aspect de la question est
indispensable à la compréhension de
la situation actuelle des pays d'Afrique. Le fait même que la
crise actuelle intervient seulement 13 ans après les indépen-
dances signifie qu'en Afrique, ce sont des économies-héritages,
de la colonisation qui sont frappées et dont on observe le com-
portement.
Les pays d'Afrique Noire, au-delà de leurs spécificités,
ont des caractéristiques communes quant à leurs modalités
d'insertion dans l'économie mondiale. Celle-ci s'est effectuée
de façon décisive par la colonisation qui connaîtra sa phase
la plus active entre 1870 et 1950. En effet, selon P. Bairoch,
intégrée indirectement dans le réseau des échanges internationaux
résultant des "grandes découvertes" européennes du XVIe siècle,
l'Afrique Noire ne participera au marché mondial véritablement
qu'à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Elle
représentait 0,1 % du commerce mondial en 1895 ; 3 % en 1928 (1).
Le développement du capitalisme à partir de la révolution
industrielle des XV:IIe etXIXe siècles a conduit à la transfor-
mation de ce système de production du capitalisme concurrentiel
(1) P. Bairoch
le Tiers-Monde dans l'impasse
p. 132.

- 56 -
au capitalisme de monopole dans lequel les grands groupes
(trusts, cartels, combinats, etc ... ) deviennent la base essen-
tielle de la production.
Cette évolution rend très vite le
marché national des pays capitalistes industrialisés insuffi-
sant à la valorisation maximum des capitaux et pousse les capi-
talistes à l'exportation de leurs capitaux. C'est un processus
que Lénine décrit dans sa brochure impérialisme, stade, suprê-
me, du capitalisme (1). La colonisation est la forme originelle
que prend l'exportation des capitaux pour ce qui est des pays
d'Afrique.
Quels étaient les objectifs,
les moyens et les conséquen-
ces de la colonisation dans les pays d'Afrique Noire? Quelles
en étaient les formes ?
§ 1 - LES OBJECTIFS ET LES FORMES DE LA COLONISATION
L'objectif de la colonisation en Afrique Noire était l'ex-
ploitation au moindre coût d'un territoire souvent immense, en
grande partie forestier,
de pénétration difficile et qui offrait
des richesses naturelles abondantes rémunératrices, immédiate-
ment exploitables (l'ivoire,
le caoutchouc,
le bois) ou exploi-
tables à moindres frais
(métaux et minéraux) et dont le sol
riche permettait le développement de nombreuses cultures
(café, cacao, coton, palmier à huile, arachide, etc ... ).
Cette volonté de n'engager que très peu de frais dans
l'exploitation des colonies d'Afrique Noire se retrouve dans
(1) I.V. Lénine,
l'inpérialisme stade suprême du capitalisme
Ed social Paris. Eè du pL"cg::::-ès. t1csccu

- 57 -
la faiblesse des investissements dans ces régions en prove-
nance des pays coloniaux de la fin du XIXe si~cle au milieu
du XXe. Selon une étude de FRANKEL citée par C. Coquery-
Vidrovitch (1), de 1870 à 1936, les investissements dans les
pays d'Afrique Noire non comprise l'Union Sud Africaine,se
sont élevés à 698,6 millions de livres sterling; l'Union
Sud-Africaine avec 523 millions de livres recevait à elle seule
un peu moins de la moitié du total des investissements en Afrique
Noire en provenance des principaux pays colonisateurs d'Europe
(France, Angleterre, Portugal, Belgique). Cet objectif d'ex-
ploitation au moindre coût des colonies explique largement
la préférence des capitaux pour le commerce dans les colonies
d'Afrique Noire. En effet, en dehors des mines, des plantations
dans une moindre mesure les capitaux coloniaux se concentreront
sur le commerce. L'étude que nous avons citée plus haut (Frankel)
soutient que plus de 83 % des capitaux coloniaux de la Grande
Bretagne en Afrique Noire se sont dirigés vers le commerce
en 1928 et en 1935 et met en évidence le fait que les pays
miniers étaient privilégiés par ces capitaux; dans ces pays
miniers le capital investi par tête était le plus important
(13 pour le Congo-Belge, 38,4 pour la Rodhésie et le Bechua-
naland, 55,8 % pour l'Union Sud-Africaine alors que la moyenne
pour tous les autres pays d'Afrique Noire était de 5 %) de
1870 à 1936. Concernant les capitaux français,
selon une enquê-
te du minist~re des colonies français menée en 1943 citée par
~ SURET CANALE (2), près de 50 % des capitaux coloniaux
français se sont dirigés vers les services dont 39 % de capi-
taux commerciaux entre 1900 et 1940. Le problème inicial pour
(1) C. Coquevry-Vidrovitch l'Afrique Noire de 1800 à nos jours p. 178.
(2) Connaissance du Tiers-Monde J. SURET CANALE

- 58 -
la colonisation résidait dans le fait que la mise en valeur
des colonies exigeait des investissements considérables en
hommes, en argent,
en travaux d'infrastructure de toute sorte
pistes, voies ferrées,
aménagements fluviaux et de ports en
eaux profondes,
etc ... deux types de solutions vont être
adoptées par
les différentes puissances coloniales
- la solution des grands travaux publics,
tel sera le cas
de l'AOF (dans les colonies françaises d'Afrique de l'Ouest)
;
en AOF,
le développement des infrastructures a été essentielle-
ment le fait de grands travaux publics. "Dans ce but l'AOF fut
autorisée à contracter une série d'emprunts (200 millions de
francs-or avant 1914,
2.650 millions de francs courants entre
les deux guerre" (1). Cette solution a donné des résultats re-
lativement plus intéressanŒque la 2ème,
l'AOF à la fin des
années 1950 était dotée d'une infrastructure importante.
- la deuxième solution a consisté à faire construire les
infrastructures par des capitaux privés. Cette solution va
de la participation simple aux travaux d'infrastructure à la
vente de concessions en passant par le système de régie ou
des compagnies à Charte.
C'est sur les compagnies à charte, vastes entreprises à
dessein politique et patriotique, dotées de privilèges commer-
ciaux et miniers et de droits souverains les autorisant à lever
les impôts et à entretenir une force armée, que les politiques
colon~ales
d'infrastructure anglaise et allemande reposaient.
L'Etat colonial a cru qu'en octroyant des avantages illimités
à ces compagnies, elles développeraient les voies ferroviaires,
(1) C. Coquery-Vidrovitch
l'Afrique Noire de 1800 à nos jours
oeuvre
déjà citée ; p. 193.

- 59 -
fluviales,
les ports,
etc ... Que ce soit avec George Taubman
avec la Charte de la Royal Niger CO
(1879Jou Cecil Rhodes
avec la Charte de la British South Africa CO
(1888), ces
compagnies se montrèrent incapables à créer de véritables
circuits économiques et se sont vite transformées en machines
de guerre de conquête;
elles échouèrent donc lamentablement.
Le système des concessions,
est en fait.
une renrise en
Afrique Centrale du système des compagnies à Charte par la
France et la Belgique au XXe siècle. En AEF par exemple, au
terme du décret de concession portant sur l'AEF,
les sociétés
concessionnaires (41) disposaient de 70 % du territoire,
elles
avaient tous les droits pour 30 ans
: jouissance et exploitation
à l' exc~ption des mines, moyennant une redevance annuelle fixe
et le versement à l'Etat de 15 % des bénéfices. Ces compagnies
avaient pratiquement les mêmes droits que les compagnies à Char-
te anglais du siècle dernier. Les compagnies concessionnaires
dégagées de toute contrainte et de toute obligation de gestion
ont tiré le maximum de profit sur les concessions sans y inves-
tir dans les infrastructures et équipements autres que ceux
dont elles avaient strictement besoin. Elles vont canaliser
les forces productives du territoire, en particulier la force
de travail, vers leurs objectifs à l'aide de la requisition
de la force de travail et l'impôt de capitation payable en
nature. Elles vont pratiquement piller les richesses naturelles
de l'Afrique équatoriale (caoutchouc, bois,
ivoire etc ... ),
elles ne contribueront que médiocrement à la construction des
infrastructures en AEF.
La
faillite de la solution du financement des infrastrutures par les
capitaux privés consacrée,
les pouvoirs coloniaux se sont conten-
té s d'associer les capi taux privés à la crnstru:.tim <Ès ÉqJi.p3THlts et infrastru-
tures en combinant travaux publics et projets privés;
l'exemple

- 60 -
du Chemin de Fer de Bengel a
est très illustratif de cette
évolution. Cette voie ferroviaire qui part de la Zambie,
tra-
verse l'Angola et se termine au port de Lobito,
le port de
Lobito lui-même )ont financé~par des capitaux publics anglais
et portugais, des capitaux privés des groupes miniers qui étaient
en activité dans la Cooperbelt. On
a également assisté au retour
pur et simple au système de financement public exclusif des
travaux d'infrastructure. Tel fut l'exemple de l'AEF. Les
emprunts pour le financement des infrastructures que pourra
contracter l'AEF a l'entre guerre se monte à 1906 millions
contre 23 millions de francs en 1914 ; ils ont été multipliés
par près de 80 (1).
Mais ce retour au financement public des infrastructures
se fera dans des conditions où les capitaux coloniaux privés
ont pillé sans vergogne les richesses des régions qui leur
avaient été laissées.
Mais une fois résolu ce problème de pénétration et d'accès
large aux ressources naturelles,
la mise en valeur proprement
dit commencera. Elle prendra quatre formes essentielles:
l'économie minière,
l'économie de plantation,
l'économie de
traite, et le système concessionnaire.
L'économie minière concernait des pays dans lesquels des
gisements étaient mis en évidence comme l'Union Sud-Africaine~
le Congo-belge et le Gold-Coast. Ces régions disposant d'énor-
mes richesses minières vont être organisées autour de ces
richesses. Toutes les activités économiques,
la construction
(1) Coquery-Vidrovitch
l'Afrique Noire de 1800 a nos jours, ouvrage déjà
dité, p. 193.

- 61 -
des infrastructures sont orientées vers la production et l'é-
vacuation des ressources minières. Nous avons donné plus haut
l'exemple du Chemin de Fer de Bengela qui traverse la moitié
du Sud du Continent
; cet impressionnant ouvrage a été réalisé
afin d'évacuer les produits miniers de la Cooperbelt (bas-
ZaIre, Zambie,
Est-Angola).
Pour ce qui est des compagnies concessionnaires, nous avons
iiiontrÉ COfTI[lIE:nt libre de tout contrôle et de toute contrainte,
elles ont exploité les richesses des concessions (bois,
ivoire,
caoutchouc, etc ... ) d'Afrique équatoriale. Quant à la traite,
c'est la forme de mise en valeur qui a prévalue en Afrique de
l'Ouest. Selon J. Dresch "La traite consiste à rassembler et
draîner vers les ports les produits du pays qui sont exportés
bruts, à répartir en échange les produits fabriqués (importés)"(l;
Dans ce système le producteur reste toujours essentiellement
Africain
, on installe des comptoires et des escales où les
produits sont rassemblés et où l'africain pourvu d'argent
achète les produits importés (tissus, alcool, quincailleries,
concerves, etc ... ).
Les compagnies de traite n'étaient pas des sociétés pro-
ductives.
Elles avaient le contrôle de la circulation et de la
distribution des marchandises à l'intérieur de la société colo-
niale et jouissaient du monopole de l'accès au marché extérieur.
C'est donc
essentiellement pour réaliser ce draînage des ri-
chesses du pays vers la métropole que les infrastructures et
équipements étaient mis sur pied. La Côte d'Ivoire en fournit
(1) Ccxp-:ry
Vidrovitch
l'Afrique Noire de 1800 à nos jours
ouvrage
d2jà
ci té; p. 193.

- 62 -
un bon exemple.
Dès 1897,
la maison Daydé et Pillé de Paris
construisit un warf à Gro~d-Bassam pour assurer l'évacuation
des produits du Sud-Est de la colonie.
En 1950,
le canal de
Vridi qui relie la lagune Ebrié à l'Atlantique dont la réali-
sation a duré 11 ans
(1939-1950),
interrompue par la seconde
guerre mondiale,
marque
la fin de la construction du port
d'Abidjan.
Ce port est relié avec le chemin de fer Abidjan-Niger.
Construit au début du XXe siècle,
la modernisation du chemin
de fer Abidjan-Niger se traduit en 1955 par la révision de
certains tronçons deffectueux,ce qui permettra de faire circu-
ler des
trains de six cent cinquante tonnes,
on introduit par
ailleurs la chauffe au fuel,
puis on passe des commandes pour
des locomotives Diesel.
La mise en service du port d'Abidjan
en 1951,
la modernisation du chemin de fer Abidjan-Niger et
l'extension du réseau routier vont permett.:-e une rJeilleure
éV8.cua-
tion des produits de la colonie ainsi que de la haute Côte
d'Ivoire (Actuel Sud-Ouest de la Haute-Volta)
(1).
L'Economie de plantation est la quatrleme forme qu'a revê-
tue l'économie coloniale.
Elle s'est développée particulière-
ment sur la côte orientale de l'Afrique.
L'économie de planta-
tion était dominée par les colons.
Elle se caractérise par le
fait que les colons rejettent les Africains des
terres fertiles
par la constitution de réserves où ils sont concentrés co~me
en Afrique du Sud ou par l'interdiction aux Africains de
cultiver certaines cultures.
C'est aussi
le cas au Kenya ou
à partir de la crise de 1929, les Africains étaient légalement
exclus du droit à
la propriété sur les "higlands" exclusivement
(1) GBAGBO laurent : Côte d'Ivoire économie et société à la veille de l'in-
dépendance (1940-1960).

- 63 -
occupées par les colons européens
, les
africains qui rési-
daient sur ces terres devant fournir 180 jours de travail par
an au propriétaire blanc.
c'est donc autour de ces différentes formes de mise en
valeur
coloniale que vont être construites les structures
économiques de base des pays d'Afrique Noire;
les réseaux
routiers,
les chemins de fer,
l'a~énagement des ports. la créa-
tion d'unités de production,de distribution,
les circuits
économiques et commerciaux,
etc . . .
Cette économie coloniale
que ce soit sous sa forme mini~re, d'Economie de plantation,
de concession ou d'économie de traite va êtr~ dominée par les
grandes compagnies de commerce que sont pour les colonies
françaises la CFAO constituée par des capitaux marseillais et
du groupe grec Zariffi Mitarango,
la SCOA constituée par des
capitaux lyonnais en ~ajorité et OPTORG ; pour les ccio~jes
britanniques L'uûited African Co, branche africaine du groupe
Anglo-Hollandais Unilever.
La CFAO et la SCOA représentaient à elles seules en 1945
plus de la moitié de la capitalisation boursière de l'Afrique
Noire française et 84,4 ~ des firmes commerciales (1).
On peut dire que la mise en valeur coloniale n'avait pas
pour objectif la constitution d'un tissu économique cohérent
et intégré. La mise en valeur de la colonie répondait essentiel-
lement aux besoins économiques de la métropole.
Concr~tement
elle se ram~nera à l'organisation de l'exploitation et du draî-
nage vers la métropole des mati~res premi~res agricoles, mini~-
(1) C. Coquery-Vidrovitch
l'Afrique noire de 1800 a nos jours, ouvrage
déjà cité; p. 193.

- 64 -
res et éner8itiques, des produits agricoles de consommation
et de tous les produits tirés directement de la nature que ne
pouvait produire avantageusement
cette dernière.
§ 1
LES METHODE~ DE LA COLONISATION
Les méthodes utilisées pour réaliser cette mise en valeur ~t
caractérisée par la BRUTALITE et la COERCITION.
Les puissances coloniales, après avoir conquis militairement
les territoires, décrétèrent que les produits de la terre,de
la forêt et du sous-sol étaient propriété de l'Etat, c'est-à-
dire des pays colonisateurs et répartissaient ces territoires
comme elles l'entendaient. C'est ainsi que furent distribuées
les 40 concessions d'Afrique équatoriale. Les Etats coloniaux
se sont ainsi livrés a une expropriation massive des terres
ne reconnaissant pas l'autorité des chefs
traditionnels
(des autorités traditionnelles en général) sur la terre. Cette
expropriation des terres n'était pas suffisante pour extraire
les richesses
de la nature,
il fallait y appliquer du tra-
vail. A cette fin,
le système colonial va utiliser le travail
forcé
et/ou les cultures obligatcires.
Le travail forcé était codifié; généralement,
la requi-
sition de la force de travail était assurée par l'administration
qui répartissait ces travailleurs
sur les grands chantiers
publics et fournissait ensuite les travailleurs aux planta-
tions, aux forestiers et aux entreprises privées, qui les
sous-payaient et disposaient d'eux librement. C Coquery Vidro-
vitch rapporte l'exemple de l'Ouganda où des milliers d'hommes
conduits au poste de recrutement,enchaînés
seront engagés

- 65 -
de trois à sept ans pour 3 à 6 F par mois plus la nourriture.
Dans certains cas, comme au Kenya,
les recruteurs privés étaient
autorisés à entrer librement dans les réserves.
Dans certaines régions, quand le colonat ne pouvait assurer
la proàuction des cultures recherchées,
l'administration va obli-
ger les populations à la culture de tel ou tel produit. On décrè-
te l'obligation de travailler sur les"champs de l'Etat" au
Congo-belge et au Tanganyika ou sur les "champs du commandant"
dans l'Afrique française,
un certain nombre de jours sur l'année.
Ces méthodes violentes rejo~t
Rosa Luxemburg quand elle
dit que "le capitalisme mène une lutte exterminatrice et violente
contre l'économie naturelle"(l). En effet,
les sociétés d'Afrique
noire avant l'intervention coloniale,
se rapprochent de ce que
R. Luxemburg désigne comme l'économie naturelle; dans la mesure
ou d'une part la production était effectuée essentiellement en
fonction des besoins domestiques,
et que d'autre part,
l'écono-
mie de ces sociétés
appuya~t son organisation sur l'enchaîne-
ment du moyen de production primordial,
la terre ainsi que de
la force de travail par le DROIT et la TRADITION. Le système
colonial en arrachant par la violence les moyens de production
aux structures sociales de l'économie naturelle de la société
traditionnelle,
en forçant
les travailleurs de ces structures
à mettre en valeur les ressources des territoires conquis selon
les désirs de l'Etat colonial, des entrepreneurs privés colo-
niaux etc . .. , détruit l'organisation sociale des sociétés colo-
nisées et prépareleu~ intégration dans l'économie marchande et
surtout dans le marché mondial.
(1) R. Luxemeurg, l'Accumulation du capital
la lutte contre l'économie
naturelle.

- 66 -
c'est l'impôt de case ou impôt de capitation,
apparu au
début du XXe siècle dans
les colonies d'Afrique qui achèvera
ce processus.
En effet,
l'obligation de payer l'impôt de capi-
tation en monnaie pousse les africains à produire pour vendre
ou à s'embaucher dans les entreprises ou les plantations afin
d'acquérir les valeurs monétaires nécessaires au paiement de
cet impôt.
Ce processus conduit au progrès de
l'économie mar-
chande,
accélè Le
la salarisation et conduit à un
approfondisse-
ment de la division du travail entre production d'exportation
et production vivrière au détriement des productions alimen-
taires. L'impôt payable en monnaie a été l'instrument principal
de la monétarisation des économies d'Afrique noire;
il a assure
l'expansion de
l'économie marchande dans ces sociétés.
Au total,
le XXe siècle traduit pour l'Afrique noire,
le
démantèlement de la forme d'organisation sociale dominante qui
sous-tendait l'activité économique,
l'économie naturelle qui
correspondait au niveau de développement des populations de
cette région.
Avec
le développement partiel des forces produc-
tives apporté par le régime colonial (indépendamment de sa
volonté) développement des
infrastructures
(Loutes,
ports,
villes,
etc) .
Avec le développement d'une administration centrale qui
brasse les nombreuses anciennes communautés éparses dans des
ensembles plus larges (nous ne revenons pas sur le caractère
approprié ou pas,
ni sur
toute la violénce dont le colonialis-
me a fait preuve pour imposer ce nouveau régime aux populations
de la région ).

-
67 - .
Avec l'introduction des rapports marchands et des produits
nouveaux (étoffes,
fusils,
alcool, quincailleries,
etc ... ).
Les sociétés d'Afrique noire vont déboucher sur une division
du travail, plus profonde donnant une dimension sociale plus
large à la production. Les producteurs produisant désormais
pour partie pour le marché, pour partie pour leurs propres
besoins. Ceci constituera un bouleversement sans précédent dans
les rapports sociaux.
Il conduira à un élargissement du cadre
économique et à une plus grande circùlation des biens et des
hommes. C'est à cette époque que remonte la constitution
d'un marché,
au sens de l'existence d'échanges à très larges
échelles, dans les pays et territoires d'Afrique.
Il se met
en place un nouveau
cadre socio-politique : l'Etat-nation.
Il se constitue lIn Etat central, un Etat-nation inachevé tra-
ver se jusqu'à ce jour encore paL:' des fissurations de type e thn ique,
tribal, et qui reste largement dominé par des intérêts étran-
gers (1). Au plan le plus visible cette évolution se matéria-
lise par la division des paysans en planteurs (çultures
d'exportation) et en cultivateurs (cultures vivrières).
Les
paysans vont ainsi entrer dans les circuits d'exportation
dominés
par les firmes coloniales et les intermédiaires liba-
nais, grecs,
indiens ou locaux (Dyulas, Haoussas,Bamiléké~ etc,)
La colonisation va donc transformer radicalement le cours de
l'évolution des sociétés d'Afrique.
De ce point de vue,
le
jugement suivant de Ch. Bettelheim nous paraît très juste:
"ce qui est essentiel dans le fait de la dépendance coloniale,
c'est qu'elle a été le moyen violent d'une exploitation intense
des pays dominés et l'origine soit de la ruine d'une partie
de leurs forces productives antérieures,
soit de la déformation
de leurs économies, car ces pays ont été soumis aux intérêts
des classes dominantes du pays colonisateur"(2).
(1) Nous verrons plus bas comment ces fissurations deviennent encore plus
vives avec le développement de la crise en cours.
(2) Ch. Bettlheim,planification et croissance accélérée p. 31.

-
68 -
Il faut noter que cette période coloniale succède à plus
de trois siècles d'esclavage qui a constitué la plus vaste
exportation de force de travail d'un continent à l'autre jamais
réalisée dans l'histoire de l'humanité. Ces esclaves ont été
exportés vers les plantations (coton, canne à sucre,
tabac) et
les mines d'Amérique. L'esclavage a affaibli le continent
africain, vidé de la force de travail,
sa force productive
essentiellle, mais il n'a pas conduit à la mise sur pied de
structures et d'institutions vigoureuses qui façonneront de ma-
nière décisive les économies d'Afrique comme le système colo-
nial (1). C'est la raison pour la~uelle nous nous sommes attar-
dés sur la colonisation.
La décoloni~tion
et les indépendances politiques des
années 1960 ne remettront pas en cause fondamentalement les
bases économiques autour desquelles s'est construit le système
colonial.La décolonisation va même rajouter un problème supplé-
mentaire. Elle va éclater les grands territoires coloniaux que
géraient directement les puissances coloniales et accorder
l'indépendance politique à de petits Etats à l'exception de
quelques grands pays comme le Zaïre et le Nigéria. C'est dans
le
cadre étroit de ces petits Etats que les économies d'Afrique
s'inscriront désormais.
Selon les pays une économie minière,
une économie de plantation complétées par quelques industries
légères, une économie d'exploitation des ressources de la
forêt (bois, hévéa,
etc ... ) va être animée. Le poids des intérêts
étrangers n'est pas remis en cause non plus. Les pays d'Afrique
(1) J. Valier établira minutieusement les différences entre l'intervention
des puissances étrangères dans les pays dominés en particulier en Afrique noi-
re de l'époque esclavagiste qui remonte au stade de l'accumulation primitive
en Europe et toutes les interventions ultérieures (commerce de traite coloni-
sation, etc, ... ) commandées par le capitalisme qui a triomphé en Europe depui~
les XVIIIe et XIXe siècles iJ. Valier : une critique de l'économie politique
tome 2 ch. III

- 69 -
à l'indépendance vont élaborer des codes d'investissement et
un régime pour les capitaux étrangers très généLeux
compor-
tant des exonérations d'impôts portant sur plusieurs dizaines
d'années et des avantages divers (la fixation des salaires les
normes de sécurité,
la protection de la nature etc ... seront
laissés à la discrétion des entreprises).
Qu'en est-il aujourd'hui? Quelle est la spécialisation
internationale des pays d'Afrique? Quelle est l'importance
des capitaux internationaux dans ces pays?
Dans l'établissement de la spécialisation de l'AFrique
nous insisterons beaucoup plus sur l'industrialisation des
pays d'Afrique. Nous avons opté pour cette démarche car nous
pensons que l'industrie est une activité centrale; son déve-
loppement,
son contrôle et sa
maîtrise sont des conditions
préalables à la constitution d'un tissu économique solide et
autonome.
De plus l'industrie est l'activité qui se prête le
plus à l'application des découvertes scientifiques; de ce
point de vue,
elle joue un rôle décisif dans le développement
et l'application du progrès scientifique. Enfin, nous insisterons
sur l'industrialisation des pays d'Afrique car c'est un processus
relativement nouveau par rapport à la mise en valeur antérieure
aux années 1950.
Il est donc important de s'interroger sur les
caractéristiques de cette évolution.
Pour déterminer la spécialisation des pays d'Afrique,
rous exposerons successivement le bilan de l'industrialisation
de ces pays puis leur position dans le marché mondial.

- 70 -
Le bilan de l'industrie africaine se fera à travers les
points suivants
:
- les grands indicateurs de l'industrialisllation
- le développement sectoriel de l'industrie en Afrique
- la place du capital étranger dans les industries africai-
nes.

- 71 -
CHAPITRE II
LES GRANDS INDICATEURS DE L'INDUSTRIA-
LISATION EN AFRIQUE
Nous avons vu au chapitre introductif que bien que tous les pays
du monde soient touchés aujourd'hui par la crise en cours,
la
chute
des indicateurs économiques s'est faite de façon diffé-
renciée selon les pays.
En particulier,les points de rupture
de la croissance manufacturière seront très différenciés entre
le groupe des P.C.I et celui des P.E.D pris globalement (1).
Nous avons vu ainsi que l'industrie dans les P.E.D résis-
tera mieux que celle des P.C.I sur la décennie 1970. Elle
enregistrera sur la période un taux de croissance moyen supérieur
à 5 % alors que l'industrie dés P.C.I. stagnait au taux de crois-
sance moyen de 2 % après une chut~
de la croissance de l'ordre
de 3 %. Nous essaierons de voir quelle est la participation des
pays d'Afrique à ce mouvement d'industrialisation des P.E.D.
Nous dégagerons ainsi la position des pays d'Afrique dans le
développement industriel relatif des P.E.D au cours des années
1970, leur position dans la production industrielle mondiale
aujourd'hui, ceci d'une part. D'autre part nous dégagerons la
place de l'industrie dans les économies africaines; c'est-à-
dire sa part dans la production et la distribution des forces
productives de ces économies. Ses liens avec les autres branches
d'activités.
(1) CF tableau.
5
Page 41

- 72 -
§ 1 - LA PLACE DE L'INDUSTRIE AFRICAINE DANS
L'INDUSTRIE MONDIALE
La part de l'Afrique dans la valeur ajoutée manufactu-
rière (VN1) mondiale est très faible. Le tableau 6
suivant nous
permet de voir que sur la décennie 1970, la part des principaux
pays industriels d'Afrique dans la production manufacturière
mondiale reste en moyenne inférieure à 1 % à l'exception de la
Za;i,hie
(1,39 %) et du Zimbabwé (1,86 %).
Tableau 6
Part de quelques pays d'Afrique dans
la production manufacturière mondiale au cours des
années 1970
( en Pourcentage )
PAYS
Production mondiale
Production des P.E.D
Kenya
0,98
1
Nigeria
0,25
0,29
Cameroun
0,78
0,86
~o,Tan zan i e
0,85
0,71
Zaïre
0,81
0,79
Zambie
1,35
1,50
Zimbabwé
1,86
2,07
~"Ghana
0,94
1,05
,..
Côte d'Ivoire
1,04
1,19
Sénégal
1,17
1,26
~',Ethiopie
0,98
0,89
tableal tiréèe
: Handbook of industrial statistics UN 100 1983,ces
onze pays à l'exception de la Tanzanie, du Ghana et de
l'Ethiopie on t enregi s tré en 1980 une VAt: supérieure à
500 millions de dollars 1980.

-
73 -
La part est donc très faible;
selon l'ONUDI la part de
l'Afrique dans la VAM mondiale s'est établie à 0,80 % de 1960
à 1973 et à 0,90 % entre 1974 et 1979.
La production industrielle en Afrique noire est non seule-
ment faible,
elle connait en plus un développement très lent. En
effet tandis que les P.E.D de 1975 à 1981 connaissent un taux
de croissance dans l'industrie de près de 6 % (5,7 CF tableau 5)
les pays d'Afrique noire vont enregistrer des taux de croissance
dans l'industrie de 4,6 % de 1975 à 1980 de 4 % en 1980 et de
-1,4 % en 1981 avec le Nigéria ; sans le Nigéria ces chiffres
deviennent respectivement 1,9 %,
2,2 % et 1,9 %
(1).
Des taux
de croissance industrielle aussi faibles ne peuvent permettre
de créer les bases matérielles d'une accumulation du capital
suffisante pour tirer la croissance économique. La même étude
de l'ONUDI fait ressortir que malgré leur faiblesse,
les taux de
croissance industrielle des pays d'Afrique noire de 1975 a
1980 (4,6 %) sont supérieurs à la moyenne mondiale (3,9). Ceci
prouve que l'industrie ainsi que les autres activités économiques
des
pays d'Afrique noire n'entre pas dans la crise dès 1974.
Nous verrons que la raison principale de cette évolution est
la flambée
générale des cours des matières premières au lenèemain~ 1
crise pétrolière de 1973. C'est donc à partir GU milieu des an'lées
1970 que l'affaissement de l'industrie va être décisif. Cet
affaissement ira jusqu'à la croissance négative en 1981
(-1,4 %). La croissance de la production industrielle est très
faible en Afrique noire,
la valeur de cette production,
son
importance relative dans la production industrielle mondiale sont
également faibles.
Cette faiblesse industrielle générale en
Afrique noire,
explique la faiblesse des exportations de biens
manufacturés.
Selon M. Humbert,sur à peu près 40 P.E.D. ayant
(1)
ONUDI, l'industrie mondiale en 1980 p. 139.

-
74 -
exporté en 1979 plus de 100 millions de dollars
de produits manufacturés
il n'y a que 4 pays d'Afrique noire. Les exportations manufactu-
rières de ces
pays vont de 139 millions de dollars (Libéria)
à 212 millions de dollars (Côte d'Ivoire) et les rapports de
ces exportations aux exportations totales sont en moyenne de
12 % avec les extrêmes 26 % (Libéria) et 1 % (Nigéria) (1).
La faiblesse des exportations est observée autant en
volume que
par rapport aux autres exportations. Selon les
rapports successifs de la Banque mondiale sur le développement
dans le monde,
les exportations manufacturières ne dépassent
dans les pays d'Afrique 10 % des exportations totales qu'excep-
tionnellement. Ainsi, pour quatorze pays d'Afrique, cette part
qui était de 5,3 % en moyenne en 1960 est de 6,2 % en moyenne
par an et par pays de 1976 à 1979 (2).
Les chiffres relatifs à la production et aux exportations
industrielles des pays d'Afrique imposent deux ordres de conclu-
sions :
1) La faiblesse des exportations s'explique par la fai-
blesse de la production industrielle. Cette faiblesse de la
production pose le problème de la satisfaction des besoins en
biens manufacturés et en biens industriels en général de ces
pays. La satisfaction de ces besoins rend nécessaire une im-
portation massive, essentiellemnt en provenance des P.C.I. Les
importations manufacturières constituent pour les économies
d'Afrique la part la plus importante des importations globales
(1) M. Humbert, contibution au coloque de Paris VIII déjà citée.
(2) Rapports de la Banque Mondiale sur le développement dans le monde de 1978
à 1981. Pour la liste des pays, CF tableau. 10

- 75 -
comme en témoigne le tableau
sui van t
(t a b 1 eau 7 P. 76
). Ain s i l e s
importations de biens manufacturés constituaient en 1979 71 %
des importations totales de la Côte d'Ivoire,
77 % de celles
du Cameroun, 63 % de celles du Zimbabwé et jusqu'à 78 % de
celles de la Tanzanie. Les importations manufacturières repré-
sentent plus de 60 % des importations globales des pays du
tableau.
Ces importations en biens industriels portent sur des
produits finis prêts a la consommation, sur des moyens de
production (machines et pièces à monter), des matière intermé-
diaires et même des matières premières. Le tableau 8 suivant
nous permet de voir la structure des importations de quatre pays
africains. On voit qu'en 1965 et 1975, pour ces quatre pays,
parmi les plus dynamiques au plan du développement industriel
en Afrique,
les importations de biens de consommation non dura-
bles ont représenté en moyenne près de 10 % du volume global
des échanges, celles de fournitures industrielles et de biens
intermédiaires 30 %, celles de biens de consommation durables
40 %. Les pays d'Afrique importent de plus en plus de produits
alimentaires. Selon les chiffres de l'ONUDI relatifs à six
pays d'Afrique, ces derniers importaient en 1970-1972 en moyenne
20 % de leurs consommations
de produits alimentaires, ce taux
passe à plus de 25 % en 1976-78 (1). Cette même étude fournit
des renseignements qui nous permettent de dire que ces pays
importent la quasi-totalité des produits chimiques, du papier,
des produits ferreux,
etc ... Ainsi le Nigéria importait sur les
deux périodes plus de 95 % des produits finis
du bois, près de
100 % des produits chimiques. Ces chiffres pour la Côte d'Ivoire
sont de 100 % pour les produits du bois et près de 80 % pour les
produits chimiques.
(1) Handbook of indus trial statistics UNIDO 1983. Les pays sont
Kenya,
Côte d'Ivoire, Tanzanie, Zaïre, Nigéria et Zambie.

- 76 -
Tableau 7
: Classement des pays d'Afrique noire ayant
importé en 1979 plus de 300 millions de dollars de
produits manufacturés.
Valeur
PAYS
Part dans les
Rapport aux Ex-
(en dollar 1979)
importations to-
portations manu-
tales (en %)
facturées
Côte d'Ivoire
1769
71
8,34
Kenya
1111
67
7,82
R. U. Cameroun
979
77
14,61
Tanzanie
846
78
9,84
Ghana
705
71
58,75
Zimbabwé
592
63
37
Zambie
544
72
77/71
Sénégal
431
57
10,51
Zaîre
406
68
6,44
Ethiopie
397
70
198,50
Togo
322
73
19,94
Malawi
307
77
38,38
Sources
- rapports de la banque mondiale sur le développement
dans le monde 81-82.
- M. Humbert, ouvrage déjà cité p. 18.
Tableau 8
: Les impor ta t ions de bi ens manuf ac turés peL'.
quelques pays d'Afrique noire en 1965 et 1975 en pourcen-
tage du courant global des échanges.
Biens de con-
Fournitures in-
Biens d équipe-
sommation non
dustrielles et
ment et biens de
PAYS
durables
Biens intermédiai
consommation du-
res
rables
1965
1975
1965
1975
1965
1975
Côte d'Ivoire
11
10
30
27
40
44
Ghana
8
9
29
34
45
39
Kenya
9
7
33
34
42
34
Nigéria
10
8
29
29
39
29
Source
l'industrie dans le monde depuis 1960 progrès et perspectives 1980.

-
77 -
2) La faiblesse des exportations et le poids des importations
industrielles traduisent ce fait relev~ par M. Humbert: "L'éco-
nomie des P.E.D est très peu intégrée au marché mondial par ses
exportations industrielles" (1). Ceci est particulièrement vrai
pour les pays d'Afrique. Cette intégration des économies afri-
caines par les importations de biens manufacturés les rend très
sensibles et même vulnérables aux mouvements des prix, des
produits manufactuc~s et aux chanZ~~Ents qui peuvent intervenir
dans les conditions de production de ces biens. A ce propos,
la
CNUCED avance que la valeur unitaire des exportations des biens
manufacturés a été de 7,86 en moyenne de 1970 à 1979 sans les
combustibles et de 10,4 avec les combustibles. Ces valeurs
étaient de 0,36 et 0,17 de 1955 à 1970 (2). Les effets de cette
évolution seront analysés plus bas en rapport avec l'évolution
des cours des matières premières,
mais nous pouvons déjà avancer
que cette vulnérabilité des pays d'Afrique, du fait de leur
intégration par leurs importations industrielles
rend possible
la déformation de leuŒsystèmes de prix nationaux. C'est le ca-
nal de transmission de l'inflation importée dans ces
pays.
De même la faiblesse des exportations industrielles nous
permet d'écarter l'hypothèse de développement de la sous-traitanc
internationale en Afrique. Ceci nous permet de dire que la pro-
duction industrielle est destinée au marché intérieur. Son
développement est étroitement lié au développement du marché
intérieur. Nous verrons plus bas comment cette caractéristique
est l'une des sources de blocage de l'industrialisation des
pays d'Afrique et surtout comment la crise en cours comprimant
(1) M. Humbert, ouvrage déjà cité.
(2)CNUCED : rapport sur le commerce et le développement 1982 p. 32.

-
78 -
c~ marché intérieur pose des barrières infranchissables pour
l'industrie en Afrique.
Partant des éléments que nous venons de parcourir,
il
apparait que la part de l'Afrique dans la production industriel-
le mondiale est négligeable, moins de 1 % de la VAM mondiale en
moyenne sur la décennie 1970.Ses exportations de biens manufac-
turés et de produits industriels en général restent très faibles.
Ses importations manufacturières quant à elles sont relativement
importantes et portent sur des produits de nature diverse (biens
de consommation, biens d'équipement, biens intermédiaires et
matières premières). Ces importations de biens manufacturés
constituent le principal canal de transmission des prix inter-
natioanux aux économies des pays d'Afrique.
Nous allons à présent dégager la
place des
pays d'Afrique
dans le développement industriel relatif des PED des années 1970.
De même que sa part dans la production industrielle mondiale
est faible, de même la part de l'Afrique dans la production
industrielle des P.E.D est très faible.
Selon l'ONUDI,
la part
annuelle moyenne de l'Afrique dans la VAM mondiale s'est établie
à 0,8 % de 1960 à 1973 et 0,9 % de 1974 à 1979, alors que cette
part était pour l'Asie de 2 %
de 1960 à 1977 (0,6 pour l'Asie
occidentale et 2,5 pour l'Asie du Sud-est) et un peu moins de
4 % de 1978 à 1980; la part de l'Amérique latine dans la VAM
mondiale
était de 5,3 % de 1960 à 1973 et de 6 % entre 1974 et
1980 (1). Ces chiffres montrent clairement que la part de l'Afriqu~
K
dans la VAM mondiale est la plus faible des P.E.D. Sur la décennie
(1) ONUDI
l'industrie mondiale en 1980, p. 36.

- 79 -
1960, la
part de l'Asie dans la VAM mondiale est plus du double de
celle de l'Afrique, celle de l'Amérique Latine plus de 6,5
fois la part de l'Afrique. Sur la décennie 1970, ces écarts vont
s'approfondir;
la part de l'Afrique reste en moyenne inférieure
à 1 %, celle de l'Asie passe à 4 % soit 4 fois celle de l'Afri-
que,
la part de l'Amérique Latine passe à 6 % maintenant la
proportion de 1 à 6 de la décennie 1960 (1). Ces statistiques
concernent l'Afrique en général y compris l'Afrique du Nord.
C'est dire que leur faiblesse ne nous donne qu'une indication
approximative du poids de l'industrie des pays d'Afrique noire.
A cet effet le tableau 9 nous donne des imformations plus pré-
cises.
Tableau 9 : La valeur et la part dans la VAM mondiale
de la VA des huit principaux pays industriels d'Afrique
noire en 1980.
VA
Part dans la
Part dans la
PAYS
(millions de
VAM mondiale
VAM des P.E.O
dollars)
Nigeria
5582
(total Dondial =
3073972,9 mil
Zimbab\\vé
lions de dollars)
910
Kenya
779
(total P.E.O =
320837,79 mil-
lions de dollars)
Côte d'Ivoire
773
Ouganda
767
Zambie
644
Cameroun
541
Sénégal
504
Total
10500
0,034 %
3,2 %
Sources
- ONUOI : Analyse statistique de la situation industrie
le mondiale en 1981.Fev
1982.
- M. Humbert: contribution au colloque de Paris VIII
déjà cité.
(1) Ces statistiques rendent compte du dynamisme industriel des pays d'Amérique
Latine et d'Asie du sud-est (Hong-Kong, Taiwan, Corée du Sud et Brésil, Mexique,
Argentine) et de l'émergence des NPI.

- 80 -
On constate ainsi que le montant de la VAM des 8 pays
d'Afrique noire, dont la VAM était supérieure à 500 millions de
dollars en 1980, s'établissant à 10.500 millions de dollars en
1980 ne représente que3,2 % de la VAM des P.E.D.
L'Afrique noire connait donc la contribution à la pro-
duction industrielle des P.E.D.
la plus faible.
Elle connait
également la croissance
industrielle la plus faible des P.E.D.
Ainsi, les statistiques de l'ONUDI font ressortir que de 1960
à 1970 le taux de croissance de la VAM des pays d'Afrique noire
est en moyenne à peine supérieure à 6,5 %, les exceptions étant
la Côte d'Ivoire (11,6 %) et le Nigéria (9,1 %).oe 1970 à 1980~
Ce taux de croissance de la VAM est en moyenne de 2,5 %.
Certains pays connaissent même une croissance négative ; ainsi
l'Ouganda enregistre une baisse de la VAM de 9 %,
le Mozambique
une baisse de près de 6 %. Les
pays qui connaissent un taux
de croissance de la VAM supérieur à 5 % sur la période sont
le Nigéria (12 %),
le Kenya (11,4 %),
le Lesotho (9 %),
le
Liberia (8,2 %),
la Côte d'Ivoire (7,2 %),
le Malawi (6,7 %),
le Burundi (5,3 %) et le Cameroun (5,2 %)(l).Les autres régions
en développement connaissent des taux de croissance de la VAM
bien plus intéressants. Alors qu'entre 1960 et 1970, les écarts
entre les taux de croissance de la VAM de l'Afrique et ceux des
autres pays en voie de développement étaient moindres, ces
écarts vont se creuser sur la décennie 1970. En effet, de 1960
à 1970, le taux de croissance moyen de la VAM des pays d'Afrique
(1) ONUDI : analyse statistique de la situation industrielle mondiale en
1981 cité par M. Humbert, déjà cité.

- 81 -
du nord est de 6 %, celui d'autre
Amérique Latine de 6 %, celui
d' autreAsie était de 6,2 %. Seuls les N.PI. Amérique Latine
et Asie connaissent un taux de croissance de la VAM très fort
11 %, presque le double des taux de tous les autres pays en
voie de développement (pour mémoire,
le taux pour l'Afrique
noire sur la période était de 6,5 %) (1).
Sur
la période 1970-1980, les taux de croissance de la
VAM de l'Afrique du nord s'établissent en moyenne à 8,75 %
c'est-à-dire 3,5
fois le taux de l'Afrique noire (2,5 %)
ceux des NPI
seront supérieurs aux taux de croissance des pays
cl ' Af r i que du no r cl et s' é t ab lis sen t a 9, 8 %,
soi t p:ès Ge 4 fois le taIx
mOyen
des pays d'Afrique noire. Les autres Amérique
latine
enregistrent en moyenne des taux de croissance de la VAM de 7,5%
qui représente 3 fois ceux d'Afrique noire. Enfin, ceux des
autres pays d'Asie s'établissent en moyenne à 5,6 % soit plus de
2 fois ceux des pays d'Afrique noire. On constate ainsi que la
croissance industrielle des pays d'Afrique noire est la plus
faible des PED. Cette faiblesse de la croissance industrielle
particulièrement prononcée
sur la décennie 1970-1980 est
agg~avée par le fait qu'elle s'applique à une productiDn indus-
trielle elle-même très faible déjà. Cela veut dire que la
production industrielle de ces pays ira s'amennuisant. Ces
tendances de la production se retrouvent dans les exportations
industrielles des pays d'Afrique par rapport aux exportations
industrielles des autresPED. Ainsi les exportations manufacturiè-
res de la Côte d'Ivoire et du Cameroun, qui sont parmi les plus
(1) ONUDI et M. Humbert déjà cité.NPI J Amérique Latine et Asie - Mexique,
Argentine, Brésil, Indonésie, République Arab-Yernen, Tnaîlande, Corée du
sud, Hong-Kong et Singapour.

- 82 -
dynamiques en Afrique,
se sont montées
respectivement à 154
millions pour
la Côte d'Ivoire et 58 millions pour
le Cameroun en 1977. Les exportations manufacturières de l'Egypte
et de la Tunisie la même année seront largement supérieures
à 300 millions de dollars courants (460 millions pour l'Egypte,
322, millions pour la Tunisie).
Quant au NPI Amérique Latine et Asie,
leurs exportations
étaient en moyenne supérieures à 800 millions de dollars cou-
rants en 1977 avec les extrê~es, 838 millions pour la Thaîlande
et 8501 millions pour la Coréedu sud (l).De même nous avons relevé
plus haut que sur une quarantaine de PED (38 exactement) ayant
exporté pour plus de 100 millions de dollars de produits manu-
factués en 1979, seulement quatre sont des pays d'Afrique. Les
exportations de ces quatre pays s'élèvent à 641 millions de
dollars, celles des iJPI Affiérique Latine et Asie à 44.443 millions
de dollars et celles des pays d'Afrique du nord à 1.438 millions
de dollars (2).
Les exportations industrielles des pays d'Afrique sont
les plus faibles des PED. Leur concours au dynamisme des PED à
l'exportaiton est très négligeable.
La comparaison de l'industrialisation de l'Afrique avec
celle des autres régions en développement nous permet de dire
que l'Afrique est la région la moins industrialisée des PED.
lllïUNlOO, l'industrie mondiale en 1980 p. 79.
(2) Banque mondiale cité , M. Humbert déjà cité.

- 83 -
Elle connait les taux de croissance de la production industrielle
les plus faibles,
sa part dans la production industrielle des
PED est la plus faible
surtout
sur la décennie 1970. Elle connait
également les exportations manufacturières les plus faibles des
PED.
Au total,
la place de l'Afrique dans l'industrie mondiale
fait ressortir l'extrême faiblesse de l'industrie africaine.
Cette faiblesse aura pour conséquence le fait que les pays
d'Afrique sont contraints d'importer l'essentiel des biens
industriels dont ils ont besoin. Ils sont ainsi intégrés à
l'économie mondiale par leurs importations industrielles. Par
ailleurs, du fait justement de la faiblesse des exportations
manufacturières des pays d'Afrique, nous pouvons dire que la
production industrielle en Afrique est destinée avant tout au
marché intérieur qui déterminera alors par ses dimensions,les
possibilités d'expansion de l'industrie. Nous montrerons plus
bas que le second point d'intégration des pays d'Afrique au
marché mondial se nouera autour des exportations primaires de
ces pays. Ce deuxième point d'intégration, dont nous avons
entamé l'exposé déjà au chapitre l
est le plus vieux point
d'encrage des économies africaines a l'économie capitaliste
mondiale.
Nous allons à présent voir la place de l'industrie dans
les économies africaines. Son poids relatif par rapport aux
autres branches d'activité.
§ 2 - LA PLACE DE L'INDUSTRIE DANS LES ECONOMIES
AFRICAINES
Nous examinerons la place de l'industrie dans les économies
a travers la part de la production industrielle dans le produit

- 84 -
intérieur brut (P.I.B),
la part de la force de travail occupée
dans l'industrie et la part des produits industriels dans les
exportations des pays d'Afrique.
Le tableau 10
suivant nous donne la part de la production
industrielle dans le P.I.B. de quatorze pays d'Afrique. Si les
chiffres de l'industrie en général sont relativement important,
sa part dans le P.I.B des quarantes pays est en moyenne supé-
rieure à 20 % de 1960 à 1981, ceux de l'industrie manufactu-
rière
so~t quant à eux, très faible. La part de la production
~anufacturière dans les quatorze pays n'excède 10 % que dans
quelques pays et surtout à partir de 1976. La moyenne de cette
part est de 11 % de 1976 à 1977 pour les pays du tableau 10. Pour
ces mêmes pays la part moyenne de la producion manufacturière
dans le P.I.B tombe à 10 % en 1978, et à partir de 1979, passe
en dessous de 10 %. On peut dire que la contribution de l'in-
dustrie au PIB est très faible,
elle tourne autour du dizième
(1/10) du PIB.
Quant à la part des produits industriels dans les exporta-
tions totales,
sa faiblesse a été largement soulignée plus haut.
Nous rappelons, que selon la Banque mondiale,
les exportations
manufacturières des pays d'Afrique ne dépassentl0 % des expor-
tations totales qu'exceptionnellement. La part des exportations
industrielles dans les exportations des pays d'Afrique est
donc insignifiante.
S'agissant de la part de la force de travail employée, le
tableau 11 nous fournit des indications intéressantes. On remar-
que la faiblesse de la part de la force de travail active em-
ployée dans l'industrie. Pour la quasi-totalité
des quatorze

If)
00
Tableau ID: Part de la production industrielle dans le P.I.B.
de l~ays d'Afrique noire de 1960 à1982 (pourcentage)
INDUSTRIE
%
SECTEUR MANUFACTURIER
%
PAYS
1960
1976
1977
1978
1979
1980
1981
1960
1976
1977
1978 1979
1980
1981
Ethiopie
12
15
15
13
15
16
16
6
-
10
9
9
11
11
Î'1ali
10
17
17
10
11
10
11
5
-
11
12
6
6
6
Haute Volta
13
14
13
14
13
12
1
19
14
20
20
18 1
12
8
-
1
Tchad
12
1
1
14
14
13
11
5 1
-
5
-
10
8
8
4
-
Zaïre
27
20
25
20
24
23
24
13
-
8
7
4
4
3
Tanzanie
11
16
16
13
13
13
15
5
-
10
9
9
9
9
Kenya
18
23
20
19
21
21
21
9
-
12
12
13
13
11~
1
Togo
16
21
31
20
23
20
21
8
-
-
9
7
7
Nigéria
11
50
43
43
45
42
37
5
-
9
9
5
6
6
1
Sénégal
20
24
24
15
24
24
26
12
-
-
19
19
19
15
Zambie
63
41
41
39
41
39
32
4
-
18
17
16
17
18
Ghana
19
25
22
18
21
21
12
10
-
-
9
10
-
7
Côte d'Ivoire
14
20
20
23
23
22
23
7
-
12
13
12
11
12
Cameroun
10
20
21
16
16
22
20
-
' 15
13
6
9
-
8
Source
- World bank : rapports sur le développement dans le monde de 1978 à 1983.
Industrie = industrie manufacturière plus industriesextractives, eau, énergie, BTP, etc.

I.D
Tableau IJ
La part de_l~ for~e_de_t~avail employée dans
l'agriculture
co
et l'industrie dans quelques pays d'Afrique noire.
AGRICULWRE
%
INDUSTRIE
%
--
PAYS
.
1960
1977
1978
1979
1980
1960
1977
1978
1979
1980
Ethiopie
88
81
81
80
80
5
7
7
7
7
Mali
94
89
88
88
73
3
5
6
5
12
Haute Volta
92
84
83
83
82
5
11
12
12
13
Tchad
94
87
86
85
85
2
6
6
7
7
Zaïre
83
76
76
75
75
9
13
13
13
13
Tanzanie
89
84
83
83
83
4
6
6
6
6
Togo
79
69
69
68
67
8
14
14
15
15
Nigéria
71
56
56
55
54
10
18
17
18
19
Sénégal
84
77
77
76
77
5
9
8
10
10
Zambie
79
69
68
68
67
7
11
11
11
11
Ghana
64
54
54
54
53
14
19
19
20
20
Côte d'Ivoire
89
82
81
79
79
2
4
3
4
4
j Cameroun
87
-
82
83
83
5
6
7
7
7
Kénya
86
79
79
78
78
5
9
8
10
10
Source
World Bank: rapports sur le développement dans le monde déjà cités.

- 87 -
pays du tableau li, cette part est inf~rieure à 10 % en 1960.
De 1977 à1980,
la part de la force de travail employ~e dans l'in-
dustrie va ~voluer dans certains pays et dépasser les 10 % ;
elle se sitera entre 11 % et 20 % pour le Ghana,
la Zambie,
le
Nigéria, le Togo,
la Tanzanie et la Haute-Volta. Elle restera
pour les autres pays inf~rieure à 10 %. Il apparait donc que sur
la d~cennie 1970,dans les pays dont l'industrie absorbe le plus
de force de travail comme le Nig~ria (18 % en moyenne), le
Ghana (19,5 % en moyenne) et le Togo (14,5 % en moyenne),
la part
de la force de travail employée dans l'industrie reste inf~rieure
au quart (1/4) de la force de travail active totale employ~e. On
constate ~galement que l'agriculture concentre plus de 80 % en
moyenne de force de travail totale empl~yée dans les pays d'Afrique
de 1960 à 1981.
L'industrie en Afrique connait un d~veloppement
qui reste encore très faible.
Sa part dans le PIB reste inf~rieure
à 10 % dans la majorit~ des
pays de cette reglon ; sa part dans
les exportations totales reste d~risoire, inf~rieure à 10 % dans
la plupart des pays; enfin, la part de la force de travail
employée dans l'industrie reste très limit~e, les performances
les plus importantes ne dépassant pas la proportion de 20 %
de la force de travail dans l'industrie.

-
88 -
CHAPITRE III
LE DEVELOPPEMENT SECTORIEL DE L'INDUSTRIE
EN AFRIQUE
L'industrie dans les économies d'Afrique noire est très
li~itée. Elle ne comporte pas toutes les branches industrielles,
en particulier elle ne connait pas les industries d'équipement,
industries d'amont (sidérurgie, métallurgie et travaux des métaux
en général, chimie lourde, chimie fine,
industrie des machines,
des matériels lourds et légers, etc ... ).
L'absence de ces branches industrielles nécessaires a la
constitution d'un tissu industriel complet et solide met en évi-
dence le caractère incomplet et faible des structures industriel-
les en Afrique noire; c'est l'absence des
branches industrielles
d'équipement qui impose aux pays de cette région, une importation
massive de biens d'équipement et fournitures industrielles. Le
tableau 8 (page 7~ nous montrait que pour les quatre pays considé-
rés,
les importations de fournitures industrielles, à elles
seules
, r~Drésentent en rnGye~ne un peu
nnins de 30 % des im-
po r ta t ion s Lo'.:.ales, œlles èes fCUl:".-d.~es iLdustrielles ,r~é b i e n s d' é qui pern e n t
et de biens de consommation durables, représentaient ensemble en
moyenne plus de 70 % des importations totales en 1965 et en 1975.
Cette importation massive de fournitures industrielles rend les
économies d'Afrique noire non seulement dépendantes de leurs
fournisseurs,
en général les PCI, mais les rend en plus très
vulnérables à la plus petite évolution sur le marché des biens
d'équipement et matériels industriels.

- 89 -
Les branches industrielles mises en oeuvre en Afrique
noire sont les suivantes :
1) Les produits alimentaires,
boissons et tabacs;
2) Le textile,
l'habillement et les cuirs et articles chaus-
sants
3) Ouvrages en métaux à l'exclusion des machines
4) les industries de produits chi~iques
5) Le raffinage du pétrole et les produits dérivés;
6) La production et une première transformation des métaux
non-ferreux
.
. ,
7) l'extraction mlnlere.
Il faut ajouter à ces branches industrielles,
les activités
de montage, de bâtiment et travaux publics,
la pêche et les
industries du bois,
l'énergie et l'eau.
Nous retiendrons dans notre travail essentiellement les
industries manufacturières qui indiquent bien plus le niveau
de développement industriel de ces pays,
les industries ninières
et les industries de transformation du bois pour leur poids dans
certaines économies d'Afrique noire.
Les industries manufacturières représentent en fait l'essen-
tiel des
activités industrielles en Afrique l~ire. A cet effet,
G. Crelet, reprenant une étude de l 'ONUDI,
fournit le tableau
suivant des principaux secteurs industriels dans 18 pays d'Afrique
noire (tableauV). Sur la base de ce tableau, on constate que les
secteurs industriels les plus dynamiques dans les
pays d'Afrique
noire sont ceux des produits alimentaires
boissons et tabacs
et des textiles et de l'habillement. En 1970"
ces deux secteurs

- 90 -
Tableau i2: Les principaux secteurs industriels de 18
pays africains en 1970 et leur part dans la VAM totale
entre parenthèses.
- r - - - - - - - r - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - . -
BURUNDI
Boissons (46) ; article d'habillement (16) ; ouvrages en
métaux à l'exclusion des machines (15) ; produits alimentai-
res (14).
CONGO
Boissons et tabac (20) ; raffinage du pétrole et produits
dérivés (18) ; produits alimentaires (16).
EIl-UOPIE
Textiles (28) ; produits alimentaires (27) ; boissons (16).
GHANA
Raffinage du pétrole (15) ; textiles (11) ; produits alimen-
(11) ; production et première transformation des métaux (11)
boissons (10).
KENYA
Produits alimentaires (19)
matériel de transport (11) .
MADAGASCAR
Produits alimentaires (29)
textiles (20).
MALAWI
Produits alimentaires (22)
boissons (17) ; tabac (12)
textiles (11) .
MOZM'1BIQUE
Produits alimentaires (36) ; textiles (11).
NIGERIA
Textiles (24)
boissons (15) ; produits alimentaires (12)
TANZANIE
Textiles (22)
produits alimentaires; (21).
CAMEROUN
Métaux non ferreux (17) ; boissons (12) .
RHODESIE
Produits alimentaires (12) .
R\\~ANDA
Produits alimentaires et boissons (12) .
SOMALI
Produits alimentaires (89).
SOUDAN
Textiles et articles d'habillement (27)
produits alimen-
taires (21)
boissons (14).
TOGO
Textiles (37) ; boissons
(33)
produits alimentaires (20).
ZAMBIE
Boissons et tabac (41) ; produits alimentaires (14).
s\\-lAZILAND
Bois, ouvrages
en bois et meubles (57);
produits alimen-
taires et boissons
(37).
SOURCE
ONUDI : l'industrie en Afrique noire cité par Gérard Grelet. Structure
économique de l'Afrique noire p. 76.

- 91 -
ont représenté près de 50 % de la VAM
de la plupart des 18 pays
repertoriés dans le tableau Uj
76 % de la VAM pour le Burundi,
71 % pour l'Ethiopie, 90 % pour le Togo. Le seul
secteur des
produits alimentaires, boissons et tabacs représente plus
de 50 % de la VAM de certains pays d'Afrique noire la même
année. Ainsi,
il représentait 53 % de la VAM du Togo,
55 % de
celle de la Zambie,
60 % de celle du Burundi
, 83 % de celle
de la Somalie.
Le tableau13 nous donne des indications quant à l'évolution
des principaux secteurs industriels et leurs liens avec le marché
intérieur. On constate ainsi que pour six
pays d'Afrique noire
parmi les plus dYIlamiques; les consommations par tête de produits
alimentaires et de textiles sont les plus importantes en 1970-1972
et 1976-1978
elles s'établissent respectivement aux niveaux
de 569 kg pour les produits alimentaires et 594 pour les textiles
en 1970-1972, 1002 kg pour les produits alimentaires et 1236 kg
pour les textiles en 1976-1978. Ces consommations de produits
alimentaires et de textiles sont assurées à près de 75 % pour les
premiers et à plus de 90 % pour les second. Les autres secteurs
industriels, qu'ils connaissent des niveaux de consommation par
tête importants comme les industries chimiques (consommation
par tête en moyenne supérieure à 400 kg) ou non,
font l'objet
d'importantes importations. Ainsi,
le taux de couverture des
besoins en prodûits chimiques est en moyenne de 9 % en 1970-1972
et en 1976-1978, celui du fer et de l'acier est quasi nul au
cours des deux périodes. Quant aux métaux non ferreux,
ils sont
produits essentiellement par le Zaïre et la Zambie (cuivre,
cobalt et zinc) et le Nigéria (Etain). Ces métaux ne sont trans-
formés à un niveau poussé qu'au Zaïre et en Zambie. Ainsi l'excès

- 92 -
Tableau 1:: Consommation et production de produits manu-
facturés pour 6 pays d'Afrique noire en 1970-72 et 1976-78.
Moyenne annuelle de la
Production en pcur-
consommation par tête
centage de la consom-
SECTEURS
en kg
mation en (%)
1970
1976
1970
1976
1972
1978
1972
1978
Produits alimentaires
569,1
1002,8
79,10
73,7
Textiles
594
1236,2
93,4
91,9
1
Pulpe de bois et
papier
0,70
1
0,6
22,87
Indus tries chim iques
407,9
435,6
9
8,9
Raffinerie de pétrole
43,25
63,4
118,05
145
Fer et acier
(a)
3,8
2,55
0,0
4,5
Métaux non ferreux(b)
438
185
1555
402,5
Source
- les chiffres sont tirés de UNIDO, Handbook of indus-
trial satistics
; ouvrage déjà ci té.
- recomposés par nous
- les pays sont: Zambie, Zaïre, Nigéria, Côte d'Ivoire,
Kenya, Tanzanie.
a) La proouction
de Fer et Acier est assuree essentiellement
par la Zambie.
b) La moyenne production/consommation du Zaïre et de la Zambie
est de 4664,9 % en 1970-72, celle de la Zambie en 1976-78
est de 2414,8 %.

- 93 -
de la production des métaux non ferreux sur la consommation
pour les 6 pays du tableau1.3 est le fait de ces deux pays pour
l'année 1970-1972 (4664,9) et seulement le fait de la Zambie en
1976-78,
le rapport figurant dans le tableau 2414,8 représentant
la seule production zambienne (nous verrons plus bas, en détail
l'industrie extractive et de travail des métaux)e
L'ensemble des chiffres que nous avons avancés rendent
compte du poids prépondérant des industries manufacturière en
genéral et des secteurs des produits alimentaires et du textile
dans l'industrie des pays d'Afrique noirejle tableau 8 faisant
ressortir qu'en particulier ces industries se développent au
départ du fait qu'elles bénéficient d'un marché intérieJt" relatiVEJra1t satisfaisalt.
Il faut ajouter, que depuis le milieu des années 1960
et surtout le début des années 70,
l'industrie minière acquiert
de plus en plus d'importance dans certains pays d'Afrique noire
l'exemple le plus frappant est le Nigéria qui avant 1970, ne
représentait rien sur le marché du pétrole, mais qui à partir de 197
va devenir le 1er producteur africain de pétrole brut devant
l'Algérie et la Lybie.
Ces èiffé;:e;~ts poi;>ts nous cor.èuisent,. à retenir comme
branches industrielles fondamentales en Afrique noire,
les bran-
ches de l'industrie alimentaire, de l'industrie textile, de
l'industrie minière et d'exploitation du bois.
Nous allons à présent,exposer un peu plus en détail la si-
tuation de ces industries :

- 9 4 -
§ 1 - LES INDUSTRIES ALIMENTAIRES ET TEXTILES
1.1. - Les produits alimentaires
Les produits alimentaires, constitués par les produits
animaux,
le sucre,
les oléagineux,
les conserveries,
les minoteries,
et confiseries,
les boissons(bière, boissons non alcoolisées, eaux
minérales et gazeuses), etc, représentent pour de nombreux pays
de cette région du marché mondial l'essentiel de la production
manufacturière. Le tableau 14
nous permet de voir que pour dix
pays d'Afrique noire francophone,
de 1974 à 1978,
la part de l'in-
dustrie alimentaire et des boissons représente en moyenne 30 %
du chiffre d'affaires industriel total.
Tableau îLe: Part des industries alimentaires dans le
chiffre d'affaires industriel de quelques pays d'Afrique
noire de 1974 à 1978 (en pourcentage).
PAYS
1974
1975
1976
1977
1978
Côte d'Ivoire
34,5
34,5
35
37
37
(a)
Bénin
55
56,5
61,7
53
48,5
Centrafrique
40
42
51 (b)
52
(b)
55
(b)
Congo
-
-
17
14,75
14
Cameroun
30,4
34
33
33
-
Gabon
3
3,5
-
4
4,70
Haute-Volta
55,5
57,4
49,3
52,5
54,3
Sénégal
44
47,25
52
56,30
47,6
Togo
22
23
23 (c)
10
(c)
20
(c)
Niger
40
27
12 (d)
6
(d)
5
(d)
Source
BAN (éijafric -
la documentation africaine -bulletin
d'Afrique noire).

- 95 -
Suite Source Tableau14 :
- nO spécial:
l'industrie des pays d'Afrique
noire 1976 et 1979.
L'économie des pays d'Afrique noire 1979 et
1980-81.
Les chiffres sont recomposés par nous.
(0)
Le chiffre est de 1980.
(b) Compte non tenue des industries extractives, des
industries de matériaux de construction, de l'eau,
et de l'énergie.
(
)
C
' l "
,
~.
. . ,
l'- d
.
,C
ompte non tenue ce
ê-.gro- l;:"ICUSL::"Le.el.. 'Cle .L~r; ustrle
des corps gras.
(d) ccmpte non tenue èe
l'agro industrie

- 96 -
Les proportions que font ressortir le tableau 14, pour
certains pays dépassent ou approche 50 % du chiffre d'affaires
industriel.Tel est le cas du Bénin qui connaissait une part
moyenne et par an de 55 % du chiffre d'affaires industriel four-
nie par les industries alimentaires entre 1974 et 1978,
la part
la plus importante étant enregistrée en 1976 (61,7 % du chiffre
d'affaires industriel étant fourni cette année là par les indus-
tries ali~entaires) et le cas de la Haute-Volta dont le chiffre
d'affaires industriel est en moyenne et par an de 54 % le fait
des produits alimentaires sur la période 1974-1978. Cette pro-
portion pour le Sénégal sur la même période
est de 50 %.
De même,
la production alimentaire représente une proportion
importante de la valeur ajoutée de nombreux pays d'Afrique sub-
sahariens. Ainsi en 1972,
les produits alimentaires et les boissons
ont représenté
plus de 25 % de la VAM (valeur ajoutée
manufacturière) du Nigéria et les exportations manufacturières
de ce pays en dehors de l'étain, du bois et du caoutchouc naturel,
se constituent jusqu'en 1980 essentiellement
de produits alimen-
taires issus de la transformation de matières premières agricoles
comme l'huile d'arachide,
les produits du cacao,
l'huile de
palme et àe palmiste, etc ... (1). D'ailleurs,
le tableau j5
nous
permet de voir que rien que les produits industriels du cacao
représentent en moyenne et par an de 1976 à 1979, 15 % de la VAM
du Nigéria, près de 50 % de celle du Ghana
et plus de 20 % de
celle de la Côte d'Ivoire. Pour la Côte d'Ivoire, cette évolu-
tion se retrouve dans la structure des exportations industrielles.
Les expoLtstions èes produits industriels dérivés du café et du
cacao connaissent une croissance régulière sur la décennie 70.
(1) Nigeria since 1970, A.Kink-GREENE et D Rimmer p. 96 et 98.

- 97 -
Ainsi,
les ventes de café soluble qui avaient doublé~de 1972 à
1977, passent de 2.228 millions de FCFA pour 1875 tonnffien 1977,
à 6.341 millions de FCFA pour 4079 tonnes en 1978. Elles triplent
ainsi de 1977 à 78. Quant aux produits dérivés du cacao (beurre
de cacao, cacao en masse, chocolat en masse et cacao en poudre),
leurs exportations doublent de 1974 à 1977 passant de 12 milliards
à 29 milliards de FCFA,
en 1977, elles représentent 5 % des expor-
tations totales,
en 1978 7 % et en 1979 6 %. L'ensemble des
produits dérivés du café et du cacao représentent en 1977 6 % des
exportations totales,en 1978, ce taux passe à 8,5 %
(1).
Tableau l5 : La part de la VA de l'industrie cacaoyère
dans la production totale dans trois pays d'Afrique noire
(informations collectées au niveau des entreprises)en %
PAYS
1~976/77
1977/78
1978/79
Nigér:ia
23
12
-
Ghana
a) domestic processor bean
price
67
71
18
b) average teE{, price
49
53
46
Côte d'Ivoire
18
25
24
Source
Case Studies on Industrial processing of primary products
vol II:cocc
industry : World Bank
and Common-wealth secretary
(1) BAN; chambre d'industrie de Côte d'Ivoire, statistique économique ivoirien-
n~ 1981, juillet 1982.

- 98 -
De même une étude de la Banque Mondiale portant sur le
Zaire (1) fait ressortir que la bi~re, l'huile de palme et le
sucre de canne ont représenté plus de 40 % de la production
industrielle du Zaïre de 1972 à 1977.
Les produits alimentaires ne sont pas seulement importants
dans la structure de la production, mais ils bénéficient d'un
soutien constant de la part des Etats d'Afrique noire. L'exemple
le plus frappant est le Nigéria ; le qU2tri~r'Îe plan de
ce pays
(1981-85)
, a fait de l'agriculture et de l'Agro-industrie la
priorité. En effet, sur le pr-ê'c de deux mi11iércds (two billions) de
dollars que la Banque Mondiale a accordé au Nigéria sur la
période, 43 % ont été
affectés à r::es p~t;V:it0S.
Le N~;:0da a Dis
en oeuvre ving t et un pro jets don t la plup3rt po'ctent su,:: le p::'CC:U:.tiOD
et la transformation de cacao, d'huile de palme et de palmiste,
la
Ba',-.que mcndiale la FAO, US FOOD participent activement à la mise
en oeuvre de ces projets.
Les industries alimentaires constituent donc les activités
manufacturi~res les plus développées dans un grand nombre de pays
d'Afrique noire.
Elles reçoivent un soutien constant de la part
des Etats. Ces industries peuvent se regrouper autour de deux
types caractéristiques :
-
les industries alimentaires simples essentiellement liées
à l'existence d'un marché domestique;
tel est le cas des minoteries
confiseries
et des t0iss0ns.
- Les industries liées à la transformation des produits
agricoles susceptibles d'être produits dans les pays d'Afrique
telles l'industrie des corps gras, celle du sucre de canne.
(1) Curent economic situation and contraints. World bank country study
Zaïre.

- 99 -
1.1.1. - Les industries alimentaires liées a l ' existence
d'un marché intérieur.
La plupart des pays d'Afrique noire
se sont dotés de
moulin à blé et/ou a mais et de nombreuses brasseries de bière
et de fabriques de boissons.
A propos de l'industrie du pain, le journal "new African"
dans son numéro de juin 1983 écrit que le moulin de Lagos au
Nigéria est le plus grand d'Afrique et l'un des plus grands au
monde. Selon ce journal,
la capacité moyenne des moulins de blé
courament rencontrés est de 240 tonnes de blé par jour, la capa-
cité du moulin de Lagos est de 2400 tonnes de blé par jour. L'es-
sentiel de la production de farine est destinée à la consommation
intérieure à travers la production des boulangeries, des biscui-
teries et confiseries. Le développement des industries du pain
est un phénomène général en Afrique noire. Ce phénomène.est dû
à la progression du salariat et de l'urbanisation des sociétés
africaines. En effet l'urbanisation croissante de la société,
la progression du salariat,
imposent la consommation d'aliments
plus pratiques, plus simples et n'imposant pas une longue prépa-
ration pour être consommé. Ce type d'aliments ne peut être fourni
que pàr une production industrielle standardisée, qui de plus
réduira énormément son coût de production. De ce point de vue,
les minoteries,
les aliments en conserve, etc, supplantent la
production artisanale des céréales tubercules et autres féculents
qui constituaient la base de l'alimentation des sociétés de la
région antérieurement. C'est la raison pour laquelle,
le dévelop-
pement de ces produits alimentaires industriels se traduit par
aileurs par un recul général des produits vivriers locaux (1).
Quant aux industries de boissons, elles sont particulièrement
développées dans certains pays d'Afrique. Ainsi au Congo,
le
(1) Il faut ajouter que ce recul est également le fait de la progression con-
tinue des cultures d'exportation.

- 100 -
chiffre d'affaires de cette industrie depuis le milieu des années
1970 est le plus important après celui des industries extracti-
ves ; au Gabon, ce secteur occupe la troisième place après les
industries du bois et extractives (1). De même au Zaïre, au
pire moment de la profonde crise écono~ique qui a frappé le Zaïre,
en 1976, avant la généralisation de la crise mondiale à tous les
pays d'Afrique noire, au moment où la quasi-totalité des produc-
tions agricoles,
industrielles et même minières baissaient, l'in-
dustrie des boissons
et celle de la farine de blé et de maïs sont
restées dynamiques jusqu'au début des aGGées 1980. Ainsi, de
1979 à 1980, la production de farine de frowent
croît de 4 % et
s'établit à 132.900 tonnes en 1980, la farine de maïs connaît un
léger fléchissement -2,79 % et s'établit en 1980 à 96.000 tonnes(2)
la production de bière connait un taux de croissance plus régulier,
de 1980 à 1981 7,1 %, de 1981 à1982 7,3 % avec des niveaux de pro-
ductions très élevés: 2,753 millions d'h:ctolitresmlS81 et 2,954
millions d'hectolitres en 1982 •
Les industries de boissons connaissent un dynamis~e particu-
lièrement sensible dans les pays d'Afrique noire,
leur production
est destinée essentiellement au marché local. Le groupe d'indus-
tries alimentaires simples fondées sur la satisfaction du marché
intérieur (bière et boissons; minoteries et confiseries, con-
serveries, etc ... ) imposent aux pays d'Afrique des importations
massives de biens d'équipement et de matériels, de biens intermé-
diaires et de matières premières très souvent. Bien plus que les
(1) Selon BAN déjà cité, le chiffre d'affaires du secteur des boissons et tabac
s'est fixé en 1978 à 10.522 millions de F CFA au Gabon près du double du chiffre
d'affaires des autres produits alimentaires qui s'est fixé lui, à 5.897 millions
de F CFA.
(2)Marchés tropicaux janvier 1982.

- 101 -
les importations de biens d'équipement,
lourds et légers,
tout
à fait normales et inévitables, du fait de l'inexistence d'in-
dustries d'équipement, ce sont les importations de biens intermé-
diaires et surtout de matières premières qui semblent absurdes
etpèsent
encore plus sur le développement de ces industries.
Ces i~portations portent sur le blé pour la farine utilisée dans
les minoteries,
pou:c 1a bière le :.::: IL ~ quelquefois .Le [lais. Le
tableau suivant,
(tableau 16 ~ ~ous permet de voir les importations
d'input dans l'industrie sous foroe de biens alimentaires au
Kenya, en Tanzanie, en Zambie et au Nigéria.
Tableau
lG
Les importations d'input en proportion de
1 )
la production industrielle au Kenya, en
Tanzanie et en Zambie (en pourcentage)
PRODUITS
1963
1967
1971
Produits alimentaires
22,5
30
10,25
Autres biens de consommation
45
36
30
Total Biens de Consommation
33,7
33
20,12
-
Autres biens intermédiaires
25
32,25
27,50
Biens d'équipement
40
37,5
22,50
Source
-Indus trial strategy for late starters : the experience
of Kenya, Tanzania and Zambia. World bank staff working
paper n0457 May 1981 p.
54 à 56.
- les chiffres sont recomposés par nous

- 102 -
2)
Les pr~visions de la structure des importations du
Nig~ria de 1980 à 1985(en % des importations totales)
PRODUITS
1980
1981
1982
1983
1984
1985
Biens d'~quipement
40,6
40,2
39,7
39,4
39
38,5
Biens interm~diaires
13.9
20
21,1
22
23
24,1
1
Produits alimentaires
13,2
12,8
12,5
12,1
11,7
11,4
Source
CFCE : informations ~conomiques sur les march~s
ext~rieurs citant l'Overseas Business report Mar-
keting Nigeria.
Il ressort du tableau 16 que les importations d'imput sous
forme de biens de consomr~ation en moyenne au kenya, en Tanzanie
et en Zambie se situe entre 20 et 30 % de la production manufac-
turi~re totale sur la d~cennie 1960 et au d~but des ann~es 1970.
Quant au Nig~ria, ses importations de denr~es alimentaires
sont pass~es de 8 % du volume total des importations en 1968 à
15,5 %
en 1979 (1)
; les pr~visions d'importations du Nig~ria
fournies par le tableau 12 nous permettent de voir que cette
~volution ne s'estompe pas, les importations de produits ali-
mentaires sur le quinquenat (80-85) restent sup~rieures à 11 %
du total des importations du Nig~ria. L'essentiel de ces impor-
tations portent sur les c~r~ales pr~s de 2,6
millions de tonnes
par an. Ces c~r~ales, riz, bl~ et maïs servent avant tout comme
imput dans l'industrie alimentaire (farine de froment pour le pain
(1) Télex Afrique
produits, commercialisation, investissement, 15/02/83.

- 103 -
maïs,
malt et soja pour les industries de la bière et des aliments
du bétail). De même,
la production soutenue de farine et bière
au Zaîre que nous avons relevée plus haut,
s'est accompagnée
d'importations massives de blé en provenance des USA surtout
(140.000 tonnes en 1983) et de maïs en provenance de la Républi-
que d'Afrique du Sud (80.000 tonnes en 1983) (1).
Les industries alimentaires simples que nous venons de
présenter,qui sont mises en oeuvre dans la plupart des pays d'Afri-
que noire,
les conduisent à une importation massive de matières
premières et de biens intermédiaires en plus des importations
traditionnelles d'équipements lourds de matériels légers et de
cadres et techniciens. Ce sont des activités qui les exposent
encore plus aux lois du marché mondial (concurrence sauvage, poids
des firmes de négoce, poids des marchés spéculatifs, etc ... ).
L'autre type d'industries alimentaires mises en oeuvre en
Afrique noire est constitué d'industries liées aux matières
premières agricoles produites par les pays d'Afrique noire.
1.1.2. - Les agro-industries alimentaires en Afrique
L'industrie des huiles végétales et des corps gras en
général,
l'industrie cacaoyère et du café,
l'industrie du sucre
de canne sont parmi les plus actives en Afrique,
surtout les
oléegineux et les sucreries.
L'intérêt de ces industries réside dans le fait qu'elles
utilisent pour l'essentiel des matières premières agricoles dont
(l) CFCE
information économique. PEE Kinshasa.

-
104 -
les pays d'Afrique sont soit de grands producteurs (coco,
palmiers
à huile et palmistes,
arachide,
café et cacao,
etc . . . ),
soit
des producteurs potentiels
(la canne à sucre).
Pour cette raison,
l'agro-business pour l'écrasante majorité des
pays d'Afrique
noire se limite aux industries des huiles végétales et de sucre
de canne.
L'industrie sucrière en Afrique noire est représentée par
des complexes agro-industriels.
La grande partie des
pays d'Afri-
que en sont dôtés.
La situation de cette industrie dans les diffé-
rents pays n'est pas
similaire.
Une première situation,
parfaitement illustrée par le
Nigéria,
est caractérisée par une insuffisance de la production
locale.
Au Nigéria,
la production locale est insuffisante a
la
satisfaction de la demande
locale,
ce qui oblige ce pays à
importer du sucre.
Selon le CFCE,
la demande de sucre au Nigéria
était estimée à
225.000 tonnes environs en 1981 pour une produc-
tion locale de 750.000 tonnes c'est-à-dire seulement 33 % de la
demande locale.
Le Nigéria importe du sucre essentiellement de
la France
; en 1981 les exportations de sucre français vers
le
Nigéria ont représenté
le deuxième poste des exportations fran-
çaises vers ce pays et 75 % des exportations agricoles de la
France vers le Nigéria
(1).
Une deuxième situation se caractérise par l'existence de
capacités suffisantes pour la satisfaction du marché local. Tels
sont les cas du Cameroun,
de la Haute-Volta, du Togo,
etc . . . qui
disposent d'une capacité de production juste suffisante pour leurs
OTCFCE
le Nigéria, collection un marc;i~ ,-no 58, 3e édition, p.45 à 47.

- 105 -
marchés nationaux. Le Niger et la Somalie rentrent dans ce type
de pays
la production du Niger inférieure à 200.000 tonnes par
an, celle de la Somalie inférieure à 100.000 tonnes par an suffi-
sent à la satisfaction de la demande locale,
la Somalie important
mais très peu de sucre.
Les pays de ce
type rIe sont pas en surcapacité de production
de sucre è~ canne par rapport à la demande locale. C'est justement
une situation de surcapacité qui caractérise
le troisième type
de pays d'Afrique noire producteur de sucre de canne.
En effet, des pays comme la Côte d'Ivoire,
le Sénégal, le
K~nya, le Zimbabwé, etc ... connaissent une capacité de production
largement excédentaire par rapport à la demande nationale de sucre
de canne. Ils sont donc obligés de lutter pour l'acquisition de
marché à l'exportation, de parts de marché important sur le
marché mondial. Ainsi,
la Côte d'Ivoire, avec six complexes
sucriers,
toutes en activité depuis 1980, ayant une capacité
globale de 305.000 tonnes de sucre par an (50.000 tonnes de sucre
blanc raffiné, 50.000 tonnes de sucre blanc semi-raffiné, et
205.000 tonnes de sucre roux) aux regards de son marché intérieur
de sucre inférieur à 150.000 tonnes par an, est condamnée à la
recherche de marchés d'exportation pour épcngeL le surplus de
production sucrière. La Côte d'Ivoire escompte une exportation
de 151.000 tonnes de sucre en 1984, c'est à ce prix qu'elle
estime pouvoir équilibrer les comptes de la SODESUCRE (1). De
même,
le Kenya et le Zimbabwé avec des capacités de production
respectives de plus de 350.000 tonnes par an à partir de 1980 et
320.000 tonnes par an sont co~traints à la recherche de marchés
d'exportation. Le marché européen qui était
visé au départ par
(1) Société pour le développement des plantations de canne à sucre, l'industria-
lisation et la commercialisation du sucre de la Côte d'Ivoire: société d'Etat
au capital de 67 milliards de F CFA.

- 106 -
la plupart des projets (cas de la Côte d'Ivoire)
s'est progres-
sivement fermé alors que les cours mondiaux s'efondraient.
Les industries du sucre de canne qui utilisent
la canne
a
sucre produite sur place,
offrent d'autres avantages tels que
la création d'emplois industriels ainsi que l'emploie d'ouvriers
agricoles dans les plantations de canne
;
elles ouvrent la voie
à des activités complémentaires, d'une part, au niveau des plan-
tations de canne,
d'autres part,
au niveau de l'utilisation des
déchets de canne pressée et de la melasse dans
l'élevage et des
productions dérivées
(alcool,
rhum,
etc . .. ).
Nous verrons plus
bas,
les difficultés de ces industries et
leurs caractéristiques
communes avec l'industrie des oléagineux.
La production industrielle d'huiles végétales,
de corps
gras en général,
des dérivés et déchets de ces corps gras (savon-
neries,
tourteaux de coco,
d'arachide,
etc . . . )
tient une place
importante dans une grande partie de pays d'Afrique.
Les huiles
végétales sont produites à partir de produits locaux variés, ce
sont:
l'arachide,
les régimes de palme,
les grains de palmiste,
les graines de coton,
et les amandes de karité.
Contrairement à
la canne à sucre,
les plantations qui
fournissent ces produits
sont largement le fait de plantations villageoises,
alors que
la canne à sucre est fournie exclusivement par les plantations
industrielles soit publiques,
soit para-publiques. Les plus gros
producteurs d'huiles végétales et de corps gras en Afrique sont
les pays d'Afrique de l'Ouest qui étaient spécialisés,
sous le
régime colonial, dans la production d'arachide,
de produits du
palmier, du coton (Sénégal,
Bénin,
Mali,
Niger,
Nigéria) ou des
pays d'Afrique qui
ont mis
sur pied après l'indépendance des plans

- 107 -
de d~veloppe~ent des ol~agineux (Côte d'Ivoire, Zaïre). Les
producteurs les plus dynamiques sont le Sénégal et le B~nin.
Au S~n~gal,
la branche des industries des corps gras occupe
la troisième place par son chiffre d'affaires, après les industries
extractives et des produits de la mer. Elle s'articule autour de
la SONACO qui, eprès avoir b~néfici~ du monopole de la commercia-
lisation des tourteaux et des huiles de graines d'arachide en
1975 à sa création, a repris début 1979, les installation de
lessieur Afrique Dakar (1). Les soci~tés industrielles qui assu-
rent la production des corps gras au Sénégal sont : la SEIB
(Société Electrique et Industrielle du Baol)
; la LAD (Soci~té
Lessieur Afrique-Dakar)
; la SEIC (Société Electrique et Indus-
trielle de la Casamance)
; la SODEC (Société de Décorticage),
les
Etablissements V.Q.Petersen et Compagnie et les huileries de
Tamba Counda. Leur capacité globale se situerait à près de
1.230.000 tonnes par an de coques d'arachide triturées ce qui
donne 430.500 tonnes par arl d'huile d'arachide brute, 184.500
tonnes par an d'huile raffinée et 492.000 tonnes par an de tour-
teaux d'arachide.
Il faut ajouter à cette production de produits
d'arachicte, une capacité de production de 4.500 tonnes par an
d'amandes de palmiste et de 30.000 tonnes par an de graines de
coton (2).
Cette capacité installée n'est utilisée qu'à concurrence
de 50 % en moyenne. Ainsi la SODEC dont la capacité installée
(1) Ban, déjà cité. SONACO
Société Nationale de Commercialisation des Oléa-
gineux du Sénégal.
(2) BAN déjà cité.
- Les rapports moyens de réduction (transformation) entre les coques
d'ar~ch~de, l'huile raffinée,et les tourteaux sont 1 tonne d'arachide dé-
cortlquee pour 0,35 tonnes d huile brute, 0,15 tonne d'huile raffinée et
0,40 tonnes de tourteaux.

- 108 -
est de 280.000 tonnes par an d'arachide en coque triturée ne
triturera effectivement que 130.000 tonnes d'arachide en 1980,
soit une utilisation de 46 % des capacités installées.
De même la production d'oléagineux du Sénégal ne peut
s'écouler entièrement sur le marché local. La SErB par exemple,
n'écoule sur le marché intÉrieur que 62 % de sa production, 38 %
de cette production étant destinée à l'exportation. Ces propor-
tions se retrouvent au niveau des principales huileries dont la
production est destinée à 60 % au marché local, 40 % aux
marchés d'exportation. Cette nécessité des marchés extérieurs
explique le poids des produits oléagineux au Sénégal; ce pays
exportait 222.326 tonnes de tourteaux d'arachide en 1977,
89277 tonnes en 1978 ; 120.549 tonnes d'huile brute en 1977 et
37.074 tonnes en 1978 (1). Malgré la baisse des quantités entre
1977 et 1978, on remarquera qu'elles représentent une fraction
importante de la production effective.
Au Bénin,
l'industrie des corps gras occupe une place plus
importante encore qu'au ~énégal. Depuis la période coloniale,
les oléagineux sont la principale ressource du Bénin. A partir
de 1972, l'industrie des corp s gras occupe la deuxième place
dans l'industrie béninoise par son chiffre d'affaires. Sur les
six premières entreprises du pays par l'importance du chiffre
d'affaires, deux sont des e<;tceprises de la branche des corps
gras (la SONICOG et la SOBEPALH). Depuis 1977, ces deux grandes
entreprises qui dominent la production des corps gras au Bénin,
sont très spécialisées :
(1) BAN, déjà cité.

- 109 -
La SONICOG (Société Nationale de l'Industrie des Corps
Gras) est spécialisée dans l'huile des graines (palQistes, graines
de coton et d'arachide),
la SOBEPALH (Société Béninoise des Pal-
miers à
Huile)
dans l'huile de palme. Les capacités globales
des industries béninoises des corps gras sont :
- La production des huileries de graines;
30.000 tonnes
par an d'huile de palmiste; 30.000 tonnes par an de tourteaux
de palmiste j
8.100 tonnes d'huile d'arachide brute; 4.200 tonnes
d'huile à raffiner. Ces capacités installées sont largement uti-
lisées sur la décennie 1970. De 1972 à 1977, la production moyen-
ne d'huile de palmiste et de tourteaux de palmiste était de
22.000 tonnes c'est-à-dire près de 75 % des capacités installées(l
- La production des huileries de palme:
la capacité de
production d'huile de palme est de 250.000 tonnes par an dont
215.000 tonnes par la SOBEPALH. La production moyenne d'huile
de palme du Bénin depuis 1975 reste très voisine de 20.000 tonnes
(24.000 en 1975, 14.000 tonnes en 1977) soit Qoins du dizième
(10 %) de la capacité installée. Cette situation de surcapacité
Gblige le Bénin à l'e~pcrtaticn
des produits du palmier. Ces
derniers rep~ésentaient 73,8 % des exportations totales du Bénin
en 1964, cette proportion tourne autour de 25 % depuis 1970
(35 % en 1970, 22,6 % en 1977) (2).
La situation gén~rale de l'industriE; des cc·rps gras e:-l H::-ique
se caractérise ainsi par l'existence d'énormes surcapacités de
production. La quasi-totalité des pays d'Afrique producteurs
d'huile d'arachides et de palmistes, d'oléagineux en général sont
(1) et (2)
BAN déjà cité.

- 110 -
contraints à -l'exportation
d'une grande partie de leur pro-
duction. Le cas du ZaIre est '~~s illustratif de cette situation
en effet de 1975 a 1977,
la Comingern , la plus grande entrepri-
se de production de produits oléagineux n'utilisera pas plus
de 16 % en moyenne de sa capacité
de production installée
d'huile de palmiste, d'huile d'arachide et de tourteaux de palmis-
te et de soja dont les capacités utilisées sont respectivement
de 2,3 % pour l'huile de palmiste, 43,25 % pour l'huile d'ara-
chide et 2,5 % pour les tourteaux (1).
La production de sucre de canne et d'oléagineux ont quelques
caractéristiques communes que nous avons déjà évoquées plus haut ;
elles sont liées à des matières premières agricoles locales. Elles
se heurtent également aux mêmes problèmes
Le premier problème est celui de l'approvisionnement en
matières premières naturelles. Ce problème est moindre quand
les plantations qui fournissent ces matières premières sont de
grandes plantations industrielles publiques ou privées bien
intégrées aux usines de traitement comme dans le cas des sucre-
ries de Côte d'Ivoire et de Haute-Volta.
Il devient délicat
quand l'approvisionnement est assuré à partir de plantations
villageoisses relativement indépendantes des usines de traitement
alors il se pose en termes d'encadrement de ces plantations vil-
lageoises, d'organisation de circuits de collecte des récoltes
de ces plantations et de leur acheminement vers les usines de
transformation. C'est le cas de la production d'huile au Sénégal,
au Zaïre et en Côte d'Ivoire (en partie).
(l)J.C. Willame, le secteur multinational au Zaïre, les cahiers du cedaf
n 0 1 1980, p. 51.

-
111 -
Le deuxième problème de ces industries est l'exiguïté
des marchés nationaux. En effet,
l'Afrique est le continent qui
comprend le plus grand nombre de pays, d'Etat-Nations (51 Etats
jusqu'en 1984). Cette balkanisation de l'Afrique se doublant
d'une faiblesse des revenus réduit la taille des marchés natio-
naux dans des proportions telles que les industries agro-alimen-
taires dans ces pays s'~touffent tout de suite, le processus
d'accumulation sur la base du marché national s'arrêtant à peine
a-t-il démarré. Dans ces conditions,
la recherche de marchés
extérieurs est la seule issue pour rentabiliser les installa-
tions de grandes unités de production en surcapacité que nous
rencontrerons dans ces industries que nous avons présentées plus
haut. Les exemples
de
la Côte d'Ivoire, pour le sucre, du
Sénégal et du Bénin pour les huiles végétales illustrent parfai-
tement cette situation. Or,
l'accès aux marchés d'exportation
n'est pas libre pour ces pays,comme nous le verrons plus bas, ces
marchés étant dominés par les puissantes sociétés de commerce
international et les grandès compagnies de négoce international.
Enfin,
les complexes agro-industriels, que nous avons vus,
supposent des installations d'unités de production qui mettenten
oeuvre un capital constant fixe,
des machines et équipements
très importants. C'est par voie d'importation que ces équi-
pements vont être acquis
; ces importations de machines et équi-
pements s'accompagnant d'une importation de travail qualifié.
Avec les oléagineux et le sucre de canne, une autre activi-
té alimentaire qui revêt une certaine importance pour quelques
pays d'Afrique, c'est la conserverie de fruits et légumes. Elle

- 112 -
porte sur la culture,
la transformation industrielle de tomate,
d'ananas et sur la production de jus de fruits. Les principaux
producteurs sont le Cameroun et la Côte d'Ivoire pour l'ananas
le Mali,
la Mauritanie et le Niger pour les jus de fruit et le
concentré de tomate. Une grande partie de cette production est
destinée à l'exportation.
Les industries alimentaires sont pour un grand nombre de
pays d'Afrique noire, l'essentiel de l'industrie manufacturière.
Ces industries sont dépendantes des importations d'inpuŒ et
d'équipements d'une part, des marchés d'exportation à'autre part.
Ces structures industrielles rendent les industries alimentaires
des pays d'Afrique très sensibles aux évolutions des tendances
du marché mondial.
1.2. - L'industrie textile
L'industrie textile représente la plus ancienne activité
industrielle des pays d'Afrique,
la première usine textile de
Gonfreville à Bouaké (RCI) remonte à la fin de la première
guerre mondiale (1921).
Cette précocité de l'industrie textile en Afrique s'explique
par le fait que l'Afrique noire produisait traditionnellement du
coton et que les usines textiles en général mettent en oeuvre
des processus industriels simples. Il s'agit de
la mise en
place d'unités de filature, de tissage, de teinture; de l'im-
pression; de la production de couvertures de tissus,de pensements
et coton hydrophile; etdeill bonnoterie. Les produits textiles
vont de la production de fibres (cotonneuses et/ou synthétiques),

- 113 -
de tissus et bandes à la confection d'articles finis (habillement,
couvertures, sacs en tissus, etc ... ). C'est une branche où la
substitution aux importations a été réalisée avec un certain
succès. le tableau suivant montre clairement la baisse de la
part des importations de textiles dans les importations totales
des pays d'Afrique. Cette part baisse en moyenne de moitié entre
1968 et 1977, avec des évolutions extr~mes
comme celles du
Sénégal et de la Haute-Volta et la Tanzanie qui enregistrent une
baisse qui frôle 75 % en moyenne sur la part des importations
textiles.
Tableau 1]
Regression des importations de produits
textiles dans les importations totales de quelques pays
d'Afrique noire (en pourcentage)
PAYS
1968
1977
Cameroun
9,7
5,8
Côte d'Ivoire
16
5
Haute Volta
17
7,9
(1)
Kenya
11 ,6
6,4
libéria
11,6
6,1
(1)
Malawi
13,7
6,3
(2)
Ouganda
16,5
8,3
(2)
Sénégal
11,8
1,4
(1)
Togo
24,8
14,3
(1)
Tanzanie
16,8
5,1
( 2)
Zaïre
13,6
7,7
SOURCE
Gérard Grelet citant la CNUCED
ouvrage déjà cité p 78.
(1)
le chiffre est de 1975
(2)
Le chiffre est de 1976.

- 114 -
L'industrie textile, bien qu'étant la plus ancienne indus-
trie en Afrique noire, ne joue aujourd'hui qu'un rôle de second
secteur. Elle représente tout de même généralement plus de 10 %
de la production industrielle. Les statistiques du BAN déjà
cité font ressortir que le chiffre d'affaires de l'industrie
textile dans six pays d'Afrique francophone dont l'industrie
textile est le plus active,
représente un peu plus de 15 % en mo-
yenne et par an, du chiffre d'affaires industriel de 1974 à 1978
se situant au deuxième rang après les industries alimentaires
par l'importance du chiffre d'affaire (1).
Les produits tc):tiles représentent également une part
im~ortante de la VAM
; le tableau suivant nous donne la part
des industries textiles et des articles chaussants dans laVAM
des pays d'Afrique (tableau 18 ).
Tableau 18
: Part des industries textiles et des articles
chaussants dans la VAM de quelgues pays d'Afrique noire en
1970 et 1978 (en pourcentage)
PAYS
1970
1978
Cameroun
33,4
25,5
Côte d'Ivoire
16,1
15,2
Kenya
9,3
11,3
Sénégal
21
16,7
Tanzanie
20
23
Zaïre
20,7
18,8
Zambie
10,4
13,1
Zimba1::Mé
18,9
17
SOURCE : - UNIDO : Handbook of indus trial statistics 1982 ouvrage déjà ci té.
-Les chiffres sont récomposés par nous.
(1) BAN déjà cité. Les pays sont: Bénin, Centrafrique, Cameroun, Côte d'Ivoire,
HauteVolta, Togo.

- 115 -
On voit, d'après le tableau
18, que la part de ces pro-
duits dans la VAM est supérieure à 20 % dans la plupart des
pays en 1970,
et reste supérieure a 10 % dans tous les pays du
tableau en 1978. Cette évolution est surtout le fait des textiles.
La production de l'industrie textile dans les pays d'Afri-
que est essentiellement destinée il'! Clorché 10c01. l"e tableau 19
nous illustre bien cette vocation de l'industrie textile en
Afrique noire.
Nous constatons ainsi une consommation moyenne par tête de
produits textiles très élevée pour les six pays du tableau; plus
de 600 kg en 1970-1972 (à l'exception du Zaire), plus de 700 kg
en 1976-78 (à l'exception de la Zambie). La production couvre
assez bien ce niveau de consommation
; le rapport production/con-
sommation est de l'ordre de 90 % en 1970-72 et 80 % en 1976-78
en moyenne. Les importations de produits textiles sont en moyen-
ne comprises entre 10 % (1970-72 et 20 % (1976-78).
De plus,
les exportations de produits textiles en prove-
nance des pays d'Afrique noire sont très faibles,
elles représen-
tent moins de 20 % des exportations manufacturières de ces pays.
Selon BAN,
en Afrique occidentale, ces exportations sont
pour l'essentiel le fait de la COTIVO,
la filiale ivoirienne du
groupe amerlcain BLUE-BELL dont la production des segments
bonneterie et confection est destinée à 96 % à l'exportation
vers BLUE-BELL Europe et vers l'Afrique de l'Ouest.

- 116 -
Tableau 19
: Consommation annuelle moyenne par tête,
production et importations de produits textiles dans
guelques pays d'Afrigue en 1970-72 et 1976-78.
Consommation par
Production en %de
Importations en
tête en kg
la consommation
% de la consom-
tion
PAYS
1
1(J70
1976
19ïCJ
1976
1970
1976
1
1972
1978
1
1972
1978
1972
1978
Kenya
-
725
-
96,36
-
3,7
Côte d'Ivoire
739
3180
98,9
92,47
1,1
22,55
Tanzanie
625
738
99,1
99,7
0,9
0,7
Zaîre
403
-
93,8
-
6,2
-
Nigéria
609
1112
82,8
77 ,6
19
22,4
Zambie
-
426
-
93,3
-
6,7
Source
UNIDO : Handbook of indus trial statistics 1982 ouvrage
déjà cité.
Ces caractéristiques de l'industrie textile en Afrique
renden t compte de Sé.. vc::ation de subs t i tu t ion aux impor ta t i on s
(Cf tableau 19
). Il faut également souligner que les capacités
installées en Afrique ne permettent pas aux pays de cette région
d'attaquer sérieusement le marché mondial comme le font les pays
d'Asie (Inde et Corée du Sud) et ceux d'Afrique du Nord. En 1980,
la capacité globale de filage de l'Afrique à l'exception de
l'Egypte se montait à 3.857.000 broches soit 2,3 % de la capacité
de filage mondiale,
tandis que l'Egypte avait une capacité de
filage de 2.646.000 broches soit plus de 65 % de la capacité de

- 117 -
l'Afrique et 1,5 % de la capacité de filage mondiale. La Corée
du sud à elle seule disposait d'une capacité de filage supérieure
à celle d~ l'Afrique, 4.093.000 broches
quant à l'Inde, sa
capacité de filage représentait plus de 5 fois celle de l'Afrique,
elle se monte
à 21.433.000 broches. De même,
la capacité globale
de tissage de l'Afrique se montait à 72.797 millions de m2 ;
là encore l'Egypte dispose d'une capacité proche de la moitié
de la capacité de tissage de l'Afrique,
33.430 millions de m2.
La Corée du sud et l'Inde disposaien~ en 1980 toujours;d'une
capacité globale de tissage de 232.114 millions de m2, soit plus
de 3 fois la capacité de tissage de l'Afrique (1).
De plus, le marché mondial du textile régi par les A.M.F.
(Accords Multifibres), est réglementé par des limitations
d'importations en provenance des PED. Tout ceci se double d'une
modernisation des processus industriels dans les pel à la faveur
des dernières découvertes technologiques (électroniques et micro-
électronique).
Les industries textiles en Afrique sont étroitement liées
a la demande intérieure. Elles sont équipées à partir de matériels
et machines importées. On comprend dès lors que leurs problèmes
se situent en amont par rapport à l'acquisition des biens
d'équipement par les pays d'Afrique et en aval par rapport a
l'étendu du marché intérieur.
Nous verrons plus bas comment l~ crise peut mettre un terme
a toute perspective de développement de cette branche.
(1) Afrique y compris l'Afrique du nord
UNCTC : Transnational
Corporations in Synthetic Fibre Textiles and èlothing Industries 1 march 1984.

- 118 -
§ 2 - L'INDUSDTRIE MINIERE ET LES INDUSTRIES DES PRODUITS
DE LA FORET
2.1. - L'industrie minière
L'industrie minière occupe une place de choix dans le
secteur industriel de nombreux pays d'Afrique, pour certains,
c'est la principale activité industrielle.
La part de l'Afrique dans la production minière mondiale
reste encore modeste en comparaison de ses réserves immenses en
ressources minières. Le tableau suivant (tableau 20 ) nous donne
cette part.
Tableau 20
Part de l'Afrique noire dans la production
minière mondiale à la fin des années 1970 (milliers de
tonnes métriques)
-
Produc-
Produc- Part
Princiapux produc-
PRODUITS
tion mon
tion
de l'A
teurs africains
diale
Afrique
frique
(%)
Bauxite
(1977)
79600
11829
14,8
8ginée
ana
10~~4
Cobalt
(1970)
23627
12343
52,2
Zaïre
10686
Zambie
1657
Cuivre
(1977)
8000
1456
18,2
Zambie
819
Zaïre
472,2
Diamants
(1977)
40360
20600
51
Manganèse
(1977)
9510
1065
11,2
Gabon
941
Ghana
107
Uranium
(1978)
33900
5763
17
Gabon
1022
Namibie
2657
Chrome
~I,
4200
37,8
0,9
Niger
2060
Etain
201300
8857
4,4
Fer
482800
17380
3,6
Pétrole
2985879
122421
4,1
Source : G. Grelet : ouvrage déjà cité p 65 à 68
* = y compris l'Afrique du Sud

- 119 -
Nous pouvons noter que la production minière de l'Afri-
que noire n'est significative par rapport à la production
minière mondiale que dans les dix produits répertoriés dans
le tableau
20 , sa part dépassant 1 % au moins de leur
production mondiale à la fin des années 1970. La production
de l'Afrique est importante dans la production de quatre
produits miniers (l'uranium,
le manganèse,
le cuivre et 10
bauxite) à laquelle elle contribue pour plus de 10 %. Sa con-
tribution est décisive dans la production mondiale de cobalt
(52 %) et de diamant (51 %) fournissant plus de la moitié de
la production mondiale.
Il faut dire qu'au regard des réser-
ves africaines de ressources minières, cette place dans la
production minière de l'Afrique est dérisoire. En effet sur
la base de réserves prouvées, on peut dire aujourd'hui que
l'Afrique est un réservoire de richesses minières:
ses réser-
ves de bauxite comptent pour 50 % des réserves mondiales,
le
coeur minier de l'Afrique (Zaïre, Zambie, Zimbabwé) renferme
plus de 70 % des réserves mondiales de cobalt, près de 25 %
des réserves de cuivre; l'Afrique renferme également 25 %
des réserves mondiales d'uranium,
la quasi-totalité des réser-
ves de diamants pour ne citer que ces réserves (1). L'Afrique
noire dispose également o'import8ntes réserves ~e minerai de
fer,
de
zinc, de plomb,
d'étain, de calcaire,
d'or, de
nickel, de phosphate, de vanadium, etc ...
Il appa-
rait à l'évidence que les réserves minières de l'Afrique
noire sont à peine entamées. Nous montrerons plus bas comment
contrôlant ces réserves,
les Etats des pel,
les firmes inter-
nationales et les grands groupes miniers agissent sur le rythme
d'exploitation de ces richesses minières.
(1) Atlas économique, social, politique et stratégique, Bordas 1981
p. 45 à 49.

- 120 -
Malgré ce gel
, la production minière est déterminante
dans l'activité é~onomique de certains pays d'Afrique noire,
ceux que nous désignons
par la caractérisation de pays
miniers. Pour ces ~z!s, un ou quelques produits miniers sont
la source principale des recettes d'exportation et des recettes
publiques,
le tableau suivant nous donne les produits miniers
dominants pour les pays miniers d'Afrique.
Tableau 21
: Part des produits miniers dans les expor-
tations totales des principaux pays miniers d'Afrique
Produits
Pays et Années
Pourcentages
Diamants
Centrafrique
(1978)
37,2
Sierra-Léone
(1979)
68,1
Fer
Mauritanie
P976-78~
81,1
Libéria
1976-78
63,1
Cuivre
Zambie
(1976-78)
92,3
Botswana
(1976-78)
28,2
Zaîre
(1979)
36,4
Phosphate
Togo
(1976-78)
50,7
Sénégal
(1976-78)
12,6
Bauxite
Guinée
(1976-78)
69,5
Cobalt
Zaîre
(1979)
45,5
Pétrole et gaz
Nigéria
(1979)
93,8
Congo
(1979)
74
Gabon (manganèse, uranium,pétrole)
86,5
Uranium
Niger
(1979)
63,9
Gabon (uranium, manganèse)
12,5
Source
- CNUCED d'après G. Grelet ouvrage déjà cité p. 20.
- World bank staff working paper nO 486 : Ajustment ln low-income
Africa, 1974-78 p. 12.
- BAN déjà cité.

- 121 -
Le tableau 21 nous permet de voir que pour les pays
miniers,
les recettes d'exportations sont plus plus de 50 %
(exception du Sénégal
12 % et la Centrafrique 37,2 %), le
fait d'un ou de quelques produits miniers. Par exemple, en
1979, 82 % des exportations du Zaîre sont assurées par le
cuivre et le cobalt, 92 % des exportations zambiennes par le
cuivre, près de 94 % des exportation nigériannes (du Nigéria)
par le pétrole, 86,5 % des exportations gabonnaises par le
pétrole, l'uranium et le manganèse. Pour ces pays les res-
sources tirées des produits miniers constituent également
l'essentiel des recettes publiques. Les activités minières
constituent plus de 10 % du PIB et absorbent une part impor-
tante des investissements productifs (capital public en général).
Ainsi, les recettes provenant de l'Uranium ont représenté de
1976 à 1979 une part croissante du total des recettes publiques
du Niger. Elles ont financé près de 80 % environs:~des~ dépen-
ses d'investissement sur la prériode, 60 % de ces derniers de
1979 à 1981. De même,
le pétrole représente 2/3 des recettes
de l'Etat Gabonais et près de la moitié du PIB de ce pays de-
puis 1975 (1). Quant au Nigéria, de 50 % en 1972-73, la part
des revenus tirés du pétrole dans le revenu fédéral passe a
81 % en 1976, depuis,le pétrole compte pour près de 75 % du
revenu fédéral. La part des produits pétroliers dans la PIB
très faible avant1970 (moins de 1 %) se fixe à près de 13 %
sur la période 1~70-76 pour s'établir à 22 % du PIB Nigérian
depuis 1977-78 (2).
(1) BAN déjà cité et Afrique noire politique et économique: édiafric
1981 et 1983.
(2) Africa Now octobre 81 : Nigéria 21th anniversary ; Nigeria cornes o~
age p. 147 à 149.

- 122 -
Il faut ajouter aux activités d'extraction des produits
miniers,
l'organisation des recherches minières et énergé-
tiques,
la construction d'infrastructures nécessaires à l'ex-
ploitation des ressources du sol et du sous-sol et à leur
évacuation. Ceci justifie la notion d'économie minière géné-
ralement employée pour désigner l'industrie minière. Les
infrastructures économiques nécessaires seront par exemple
l'ouverture de voies routières, de chemin de fer;
l'aménage-
ment de voies fluviales,
de ports;
la construction de cen-
trales électriques et de systè~e de transport d'énergie tel
le cas du Zaîre (le projet INGA et la construction de la
ligue H.T.
la plus longue d'Afrique pour relier INGA au bassin
minier du Shabba). Les infrastructures sont généralement à
la charge des Etats des pays miniers.
Les activités minières en Afrique noire, ne constituent
pas à proprement parler des activités industrielles. Elles se
limitent à l'extraction des matières premières et dans le
meilleur des cas à leur première transformation pour l'expor-
tation. Ce sont des activités qui relèvent de la production
primaire. Leur objet est l'extraction,
le conditionnement des
produits primaires miniers en quantité et qualité conformes
aux désirs des firmes qui les achètent sur le marché mondial
pour une transformation décisive. Pour citer des exemples,
l'Afrique noire qui est un producteur important de phosphate,
connait la consommation d'engrais phosphaté la plus faible
au monde. Cette consommation est estimée à 4,3 kg par hectare,
à titre de comparaison ce chiffre est de 11 en Asie et au
Moyen-Orient,
22 en URSS, de 20 à 25 en Amérique du Nord (USA
et CANADA), de 100 en Europe et 140 au Bénélux. Même les pays

- 123 -
d'Afrique noire (Sénégal et Togo) producteurs de phosphate,
réservent leur production à l'exportation.
L'Afrique noire fournit des quantités importantes de
métaux sur le marché mondial (fer,
bauxite, cuivre,
etc ... ),
mais elle importe l'essentiel des produits finis en métaux.
Le tableau suivant (tableau 22
) montre l'insuffisance de la
transformation des métaux en Afrique noire.
Sur les cinq principaux métaux produits par les pays
d'Afrique, seuls deux (le zinc et le cuivre) font l'objet
d'un raffinage au Zaïre et en Zambie.
Nous pouvons donc dire que les activités d'extraction
minière (de première transformation subsidiairement) occupent
une place à part dans les économies des pays d'Afrique noire.
Ces activités ont pour fonction essentielle d'approvisionner
le marché mondial en produits miniers (métaux,
minéraux et
énergétiques). Les économies qui en dépendent sont donc lm-
médiatement exposées aux lois de la concurrence en vigueur
sur le marché mondial et subissent les évolutions des tandan-
ces de ce marché.

- 124 -
Tableau 22
Production et transformation des minerais
dans les pays producteurs de métaux d'Afrique noire en
1973 (millier de tonne d'équivalent métal).
Minerai
Pays
Extrait =
Semi-raffiné
Raffiné
(= 100 %)
Bauxite (a)
alumine
aluminium
1
1
Guinée
67U
127,0 (43)
-
(0)
1
1
Cuivre
fondu
raffiné
Zambie
707
689
(97)
639
(90)
1
Zaïre
488
460
(94)
224
(46)
Etain
fondu
raffiné
Nigéria
5,7
5,9 (104)
- (0)
Zinc
Semi-raffiné
raffiné
Zaïre
88
-
68
(77)
Zambie
73
-
54
(74)
Minerai de Fer
Libéria
22,5
-
- (0)
Mauritanie
9,3
0,5 (5)
- (0)
1
1
Source
ONUDI : l'industrie dans le monde depuis 1960,
Progrès et perspectives p.
221.
ID/229. F2V
1980.
a) Sur la base de 4,56 tonnes de bauxite pour 1,9 tonnes
d'aluminium et 1 tonne d'aluminium.
(
) ~ Pourcentage du volume extrait

- 125 -
2.2 . Les industries des produits de la forêt
le
bois et le caoutchouc naturel
Le bois est une ressource importante pour les pays d'A-
frique équatoriale et ceux du Golfe de Guinée couverts par
une forêt dense et renfermant les essences de bois rares,
les
plus recherchées telles que le Sipo, l'Okoumé,
l'Acajou,
le
Doussié, l'iroko, etc ....
Si les réserves de bois du Golfe de Guinée concentrée sur
la Côte d'Ivoire et le Libéria s'épuisent actuellement, celles
de l'Afrique Equatoriale restent très importantes. En Afrique
Occidentale, les réserves de forêt sont entamées par l'exploi-
tation forestière et le défrichage à des fins de culture.
La situation de la Côte d'Ivoire est très illustrative
de cette évolution. La production de grumes de ce pays passe
de 3.500.000 m3 en 1970 à plus de 5.000.000 m3 en 1976 pour
tomber à 2,4 millions de m3 en 1980, soit une baisse de 52 %(1).
Donc les pays d'Afrique noire qui disposent
encore de réserves
de bois importantes sont ceux d'Afrique Equatoriale (Gabon,
Centrafrique, Congo, Cameroun, etc ... ). La transformation du
bois se limite pour la quasi-totalité des pays producteurs à
la production de sciages, placages-déroulages. Une grande
fraction de la production de grumes de bois et de produits
semi-finis du bois est destinée à l'exportation. Par exemple
en Côte d'Ivoire,
la part des grumes livrées à la transformation
locale passe de 24 % en 1968 à 35 % en 1976 ~'lis à 48 % en 1980.
Malgré la diminution régulière de la part exportée des grumes
(1) Chambre d'industrie de la Côte d'Ivoire déjà cité et la Côte d'Ivoire
en chiffre. Ministère du plan de la Côte d'Ivoire 1979.

- 126 -
de 1968 à 1980, cette dernière reste supérieure à 50 %, 65 %en
1976 et
52 % en 1980 (1)
Quant à la Centrafrique, ses parts de grumes exportées
se fixent à 30 % en moyenne de 1970 à 1976 et à 40 % depuis
1977 . 50 % de la production de sciages et de placages de
la Centrafrique est exportée depuis 1968 jusqu'~ aujourd'hui (2)-
Les pays dans lesquels la production industrielle de
produits du bois est relativement élaborée sont la Côte
d'ivoire et le Cameroun; ces deux pays produisent des panneaux
de fibres de bois, des meubles de bois, des parquets, des
lames de bois, des profilés, du bois de tranchage, etc ... La
proportion de ces produits élaborés dans la production totale
des produits du bois reste encore très faible. Le Cameroun
produit de la pâte à papier à partir de l'usine de la CELUCAM
depuis 1978 ; mais cette production est faible et est essenti-
ellement destinée à l'exportation.
Nous pouvons donc dire que les industries de bois sont
peu développées en Afrique noire. Les transformations du bois
se limitent au découpage en planches ou en sciages pour l'ex-
portation en grande partie. Les autres activités de production
de bois portent sur l'exportation de grumes brutes. L'Afrique
noire qui est un grand réservoire de bois n'assure que 3 %
à 3,4 % de la production mondiale des produits finis de bois.
Selon une étude conjointe de l'ONUDI et de l'OUA, de
1967 à1978,
les importations de produits finis de bois de
(1) Chambre à'industrie de Côte d'ivoire 1982 déjà citée.
(2) BAN, Afrique noire politique et économique déjà cités.

- 127 -
l'Afrique ont ~t~ multipli~es par cinq passant de 221 millions
de dollars à 1074 millions de dollars, quand dans le même
temps s~s exportations de bois brut ~taient multipli~es
par
trois, passant de 226 millions de dollars à 837 millions de
dollars. Selon la même ~tude de 1970 à 1978 en moyenne, la
pulpe de bois et le papier ont compt~ pour 50 % des importa-
tions de produits de bois, le bois bruts a compt~ pour 71 %
des exportations de bois de l'Afrique (1).
L'industrie du bois, malgr~ les liaisons importantes
avec la menuiserie locale et la branche des B.T.P reste large-
ment d~termin~e par les exportations de bois. Les pays d'Afrique
noire importent pour l'essentiel les produits finis du bois.
Pour ce qui est du coutchouc naturel,
il est peu d~ve­
lopp~ dans les pays d'Afrique noire. La production mondiale
de ce produit est surtout le fait des pays d'Asie (Malaisie,
Indon~sie, Thaïlande, Sri-Lanka, Inde et Philippines) qui
r~alisent la quasi-totalit~ de la production mondiale en 1978.
Les
pays d'Afrique noire qui ont une production significative
sont le Lib~ria (les plantations firestone) et le Nig~ria.
En 1978 le Lib~ria ~tait class~ au 6e rang mondial avec une
production de 78.000 tonnes,
le Nig~ria au 8e rang avec une
production de 58.000 tonnes (2).
Le caoutchouc naturel dont les industries des pays capi-
talistes industrialis~s
ont besoin (usage pour les pneux,
les
latex, les fibres ~lastiques, etc ... ) fait l'objet d'une atten-
(1) UNIDO - UAO et CEA : un programme pour la décennie du développement
industriel de l'Afrique p 94, N.U.
10/287 1983.
(2) Natural rubber : world bank sector policy paper 19 BN-0-8213-0045-8 1982.
Etude conjointe de la Banque Mondiale et de la FAO.

- 128 -
tion particulière de la part de la Banque Mondiale. La cul-
ture de caoutchouc naturel est encouragée par cette institution
qui a octroyée des prêts à trois pays d'Afrique noire afin de
développer la production de caoutchouc naturel. Le tableau
suivant (tableau 23
) nous donne la répartition de ces prêts.
Tableau 23
: Les prêts de la Banque Mondiale pour la
production ct la transformation du coutchouc naturel
en Afrique noire (en millions de dollars)
Cameroun
1975
Ni tte Rubber
16 (56 %)
1977
Hevecam
15 (38 %)
1980
Camdev
31,5 (33 %)
Côte d'Ivoire
1978
-Gd Béréby Rubber l
8,3 (28,4 %)
-SAPH Rubber
7,6 (38,4 %)
1980
Gd Béréby Rubber II
20
( 60,4 %)
Libéria
1978
Rubber development
13
(43,5 %)
Total Régional
De 1975 a 1980
111,4 (36,88 %)
Source
world Bank sector policy paper
Natural rubber 1982
déjà cité.
(
) = part du coût global financé par le prêt de la
Banque Monrliale.
Nous pouvons ainsi voir
que la contribution de la
Banque Mondiale au développement du caoutchouc naturel dans
la sous-région s'élève à plus de 111 millions de dollars et

- 129 -
demi de 1975 à 1980 sur un coût global de 302 millions de
dollars pour l'ensemble des projets des trois pays du tableau,
soit près de 37 % des investissements. Le développement du
caoutchouc naturel est directement déterminé par le marché
mondial. Selon l'étude de la Banque Mondiale et 'de illFAO citée
plus haut, la demande de caoutchouc restera en expansion tout
au long des années 1980 au taux annuel moyen de 4,5 à 5 % ; les
caoutchoucs naturels sont plus attractifs du fait du renché-
rissement des coûts du caoutchouc synthétique suite aux deux
chocs pétroliers, de la rareté sérieuse du caoutchouc naturel
(désuétude de certaines plantations), des évolutions au niveau
des normes techniques portant sur les pneumatiques (en particu-
lier la généralisation des pneux radial à très fort contenu
de caoutchouc naturel dans l'équipement des automobiles). Selon
l'étude, l'ensemble de ces phénomènes feront passer la part des
caoutchoucs naturels dans le marché mondial de caoutchouc de
30 % à un peu moins de 50 % vers la fin des années 1980 (1).
La production de caoutchouc naturel dans les pays d'Afri-
que noire est destinée à l'exportation après une légère trans-
formation. La production de pneumatiques locales ne se fait
qu'au Zaîre avec les installations de Good Year au Kenya avec
Avon Rubber, ainsi qu'en Tanzanie et en Ouganda avec Michelin,
General Tyre (Tanzanie), Dunlop (Ouganda).
Les produits industriels du bois, ceux de la transforma-
tion du coutchouc naturel,
tout comme les produits miniers sont
destinés à l'exportation sous une forme brute ou semi-finie.
(1) World bank policy paper
Natural rubber déjà cité.

- 130 -
Ces produits nécessaires a la constitution d'une industrie
solide et diversifiée sont exploités sous une forme brute pour
l'exportation et ont très peu de liens avec les autres activi-
tés industrielles des pays d'Afrique noire.
Nous terminerons l'exposé des branches industrielles des
pays d'Afrique noire par la question des échanges entre
les ~f~
rentes branches présentées jusqu'à présent. Les liaisons inter-
sectorielles et inter-branches entre les différentes inàustries
dans les pays d'Afrique noire sont très réduites. Nous avons
déjà dit qu'il n'existent pas d'industries d'équipement (pro-
duction de
machines, de matériels industriels, de biens inter-
médiaires, etc ... ) dans les pays d'Afrique. De ce fait ces pays
sont contraints à des importations massives de biens d'équi-
pement et quelquefois de matières premières dans la totalité
des branches industrielles. Dans ces conditions,
la recherche
d'une hiérarchie (échanges inter-industries et inter-branches)
entre les différentes industries nationales n'a pas de sens
dans les pays d'Afrique noire.
Seules les agro-industries
utilisent des matières premières locales. L'analyse des échan-
ges inter-industriels n'a donc de sens que dans le cas de ces
activités. J.Massir.i
et M.
Ikcnikeff , qui ont étudiés le
cas de la Côte d'Ivoire,
relèvent pour ce pays des cohérences
réalisées autour des branches de la production des corps gras,
des produits du travail des grains et des B.T.P : en effet,
selon l'étude,
la branche 9 des corps gras effectue près de
25 % de ses achats intermédiaires avec la branche 2 des produits
de l'agriculture pour l' Lndustrie et l'exportation en 1974,
tandis que la branche 6 des produits du travail des grains et
farine effectuait 58 % de ses achats intermédiaires à l'inté-

- 131 -
rieur de la branche,
29 % de ces achats avec la branche 1
des produits de l'agriculture vivrière, de l'élevage et de
la chasse la même année. Toujours en 1974 les BTP ont acheté
66 % des biens intermédaires de la branche elle-même, 55 %
des biens intermédiaires de la branche 13 des produits indus-
triels du bois,
69 % de ceux de la branche 17 des matériels de
construction et verre 34 % de ceux de la branche 20 des pro-
duits mécaniques et électriques non classés ailleurs,
39 %
de ceux de la branche 18 de la transformation des métaux et
16 % de ceux de la branche 15 des industries chimiques (1).
En dehors de ces liaisons,
les industries ont très peu
de relations de production significatives entre elles. Cette
structure, caractérisée
par des industries désarticulées,
sans échanges sérieux entre elle, observée dans le cas de la
Côte d'Ivoire est typique des économies d'Afrique noire,
les
industries de cette région étant très peu intégrées.
Conclusion au Chapitre III
L'industrialisation des pays d'Afrique noire, reglon la
moins industrialisée du monde, est très limitée. Seules quel-
ques industries alimentaires ; des industries textiles et des
industries minières,du bois et du caoutchouc naturel connaissent
un certain développement. Ces industries sont très peu inté-
grées pour ne pas dire totalement désarticulée.
Les industries en Afrique noire sont soit très dépendan-
tes de leurs importations de biens d'équipements et d'une partie
(1) J. Masini, M. Ikonicoff ... 3 entreprises et la Côte d'Ivoire

- 132 -
des matières premières,
tel est le cas des industries alimen-
taires simples (minoteries, bière et boissons, confiseries,
etc ... ) :
- Soit elles utilisent des matières premières locales,
mais doivent importer des biens d'équipement comme dans l'Agro-
industrie (agro-alimentaire et textiles).
Dans ces cas,
les
industries en Afrique sont vite bloquées par l'étroitesse
des marchés nationaux, contraignant les pays de cette région
à la recherche de marché d' expo .. taU 01"\\.. ;
- Soit,
les industries se limitent à l'extraction minière,
a la première transformation du bois et du caoutchouc naturel
afin de l'exportation sous la forme brute de ces produits.
Ces structures de l'industrie dans les pays d'Afrique
noire les rend profondément dépendant du marché mondial. Cette
caractéristique de l'industrie en Afrique explique en grande
partie sa faiblesse et sa soumission complète à la division
internationale du travail. C'est pourquoi, dès que la crise
éclate en Afrique,
l'une des premières manifestations est le
blocage des industries
; le nombre des restructurations des
industries en Afrique dès avant le début des années 1980 en
témoigne parfaitement (1).
Nous aborderons dès à présent la question de l'importan-
ce des intérêts étrangers dans i'industrie en Afrique.
(1) Le démantèlement du secteur public en Côte d'Ivoire, au Sénégal, au
Soudan et en Somalie sous les contraintes du FMI et la Banque mondiale à
la fin des années 1970 illustre cette situation de l'industrie en Afrique.

- 133 -
CHAPITRE IV
LA PLACE DU CAPITAL ETRANGER DANS L'INDUSTRIE
EN AFRIQUE
§ 1 - LA PRESENCE DES CAPITAUX INTERNATIONAUX EN AFRIQUE
Les capitaux internationaux interviennent largement dans
les activités économiques des pays d'Afrique noire. Ils le font
sous des formes diverses: création de filiales,
exploitation
de succursales ou d'agences,
interventions ponctuelles po~r
l'8xécution de contrats (généralement des contrats publics
portant sur la réalisation d'usines clés en mains, de barrages
hydrauliques ou hydrau-électriques, de grands ouvrages de tra-
vaux
publ tcs
etc ... ) .
Pour ce qui est des filiales,
le tableau suivant nous
donne leur répartition géographique en Afrique noire selon les
pays d'orignie (tableau
24 ).
Tableau
24
Les filiales de firmes internationales en
Afrique noire selon les pays d'origine.
Pourcen-
tage de
filiales
Pourcentage de filiales représentées par
représen
PAYS
tées par
chaque pays d'origine
D'ACCUEIL
des soci
étés des
4 princi
paux pay:
25 ou plus
10 à 25
5 à 10
%
Angola
U.K
Belgique ,USA
R.F.A
Pays-bas
88,2
Bénin
France
U.K
R.F.A, Italie,
89,1
Pays-bas

-
134 -
Suite tableau
Botswana
U.K
Canada, USA, Pays
1
Bas
94,7
Burundi
Belgique
-
UK, USA, Pays-bas
82,3
Centrafrique
France
-
Pays-bas
90,3
Tchad
France
-
Pays-bas, USA
90,3
Comores
France,Pays-B
-
-
99,9
Congo
France
Belgique,USA
Pays-bas
80,8
Ethiopie
U.K
,RFA, France, 1 Japon, USA
74,2
Italie, Pays-bas
Gabon
France
-
Pays-bas,UK,USA
82,3
Gambie
R.F.A
France,USA,UK
-
88,8
Pays-bas
Ghana
U.K
R.F.A, USA
France, Pays-bas
85,8
Guinée
France
USA
Pays-bas
88,2
Côte d'Ivoire
France
-
R.F.A, Pays-bas
83,5
Kenya
U.K
-
USA
90
Lesotho
U.K, USA
Hong-Kong,
-
99,9
Pays-bas
Libéria
Hong-Kong,USA
-
U.K
90,7
Malawi
U.K
-
USA
91,8
Mali
France
USA
RFA, Pays-bas,
93,1
Italie
Mauritanie
France
UK, Italie
Pays-bas, USA
93,9
Maurice
U.K
France
USA, Pays-bas
90,4
Mozambique
U.K
Pays-bas, USA
-
94,5
Namibie
UK, USA
Canada
Pays-bas
99,7
i
Niger
France
R.F.A, U.K
Espagne, USA
92
1
Nigéria
U.K
USA
France,RFA,Pays-b i
83,7
1
Rwanda
Belgique
RFA
France,UK,Suisse,
73,2
Danemark
Sénégal
France
-
Pays-bas, USA
86,2
Sierra Léone
U.K
France
RFA, Pays-bas
88
Somalie
Italie
USA
-
100
Swaziland
U.K
-
USA
90
Cameroun
France
-
RFA,Pays-bas,UK
88
Soudan
-
Japon, UK
Belgique,Italie,
Pays-bas, USA
54,3
Tanzanie
UK
-
RFA, USA
92
Togo
France
Pays-bas, UK
RFA, USA
85
Ouganda
UK
USA
RFA
90
Haute Volta
France
Pays-bas, USA
U.K
92
Zaïre
Belgique
UK, USA
France, Italie,Pb
77 ,6
Zambie
UK
USA
-
93,9
Zîmbabwé
UK
-
USA
97,5
Source
U~ center on TNC réf. 83 11-A-14. Les sociétés transnationales dans
le développement mondial 19R3 pp. 377 et 378.

- 135 -
Du tableau 24
il ressort que la quasi-totalit~ des PCI
(principaux membres de l'OCDE) disposent de firmes qui exploi-
tent des filiales en Afrique noire. Ces filiales sont très
concentr~es puisque les 4 principaux pays d'origine regrou-
pent en moyenne 85 % des filiales en activité dans les pays
d'Afrique en 1983. De même des pays comme la France, l'Angle-
terre et la Belgique dans une moindre mesure ont une pr~sence
plus massive du fait de leur pass~ colonial. Ils restent domi-
nants dans la plupart des pays d'Afrique malgr~ la très forte
pouss~e des EU surtout perceptible en Afrique de l'Ouest
(Libéria, Nigéria, Côte d'Ivoire et Ghana), au Zaïre,en Afrique
du Sud-ouest et en Namibie. Ainsi,
la France et l'Angleterre
disposent de plus de 25 % des filiales dans 81,5 % des pays
répertoriés.
Ils sont présents dans plus de 60 % des pays cha-
cun (60,5 % pour la France, 76,3 % pour l'Angleterre).
Il faut relever que les capitaux internatioanux privés
se dirigent de préférence vers les industries de transformation
élaboré2s>
~es jI1(~ust:cies minières, celles du bois et du caout-
chouc naturel. La présence du capital international dans l'a-
griculture se limite au contrôle des structures de la recher-
che agronomique et forestière et aux interventions
des orga-
nismes publics appropriés. Les organismes publics d'intervention
affectent plus de 25 % de leurs contribution au secteur agricole.
Ainsi, en est-il de la caisse centrale de coopération économi-
que (CCCE) et du FAC (Fonds d'Action et de Coopération) pour
la France dont le montant total annuel d~s interventions
portent sur 3,5 milliards de FF affectés à 26,5 % à l'agricul-
ture. De même,
le CDC (Commonwealth Development Cooperation)
de la Grande Bretagne dont les interventions annuelles moyennes
se fixent à 70 millions de GBP, affecte 40 % de ses interven-

- 136 -
tions à l'agriculture. Nous pouvons aussi cité le FMO des
Pays-bas dont le montant global d'interventions s'~l~ve en
moyenne à 26 millions de parités néanderlandaises, affectée
à 30 % à l'agriculture (1). Ces interventions cherchent à
influer sur les productions agricoles;
l'étude de la CCCE
citée plus haut, rel~ve que les projets de production ou de
transformation primaires agricoles représentent plus de 80 %
du montant des engagements de la CCCE de 197~ à 1978, un
accent particulier étant mis sur le développement des cultu-
res d'exportation. Par exemple la CCCE concourera en 1978 à la
création du CEDAR (Centre d'Etude et de Développement de
l'Arabusta) en Côte d'Ivoire (2).
Quant aux structures de recherche en Afrique noire, elles
sont contrôlées par les anciennes puissances coloniales. Les
principaux domaines d'intervention sont l'agronomie,
la zoo-
logie et la recherche forestière.
La recherche scientifique dans les anciennes colonies
françaises est le fait de
9
instituts de recherche; ce
sont:
l'ORSTOM (Office de la Recherche Scientifique d'Outre
Mer), 1943 ; le CTFT (Centre Technique Forestier Tropical),
1949 ; l'IEMUT (Institut d'Elevage et de Médecine Vétérinaire
des pays Tropicaux), 1921 ; l'IFAC (Institut Français du
Cacao et du Café et Autres Plantations Stimulantes), 1957
l'IRAT (Instituts de Recherche Agronor.lique Tropicale et des
Cultures Vivrières), 1960 ; l'IRCT (Institut de Recherche du
Coton et des Textiles exotiques) ancienne Union cotonnière de
(1) P. Lé:bast- D. Baudet: les concours financier de la CCCE en faveur du
développe8ent rural. Paris CCCE 1980. N° spécial de la revue Banque n02 Août
1982 : le financement dans les PED.
(2) P. Labas~ D. Baudet ouvrageCCCE déjà cité.

- 137 -
l'empire françaisecréé2ffi JSL.2
; l'IRHO (Institut de Recherche
sur les Oléagineux) issu de l'association française 1942 ;
l'IRCA (institut de Recherche sur le Caoutchouc en Afrique),
1942 (1).
Depuis 1970,
tous ces instituts sont rassemblés au sein
du GERDAT (Groupe d'Etudes et de Recherches pour le Développe-
ment de l'Agronomie Tropicale) dont le siège est à Paris. Tous
ces instituts ont leur siège en France et gardent le monopole
de la recherche dans les anciennes colonies françaises d'Afri-
que.
Pour ce qui est des anciennes colonies britanniques,
les
instituts de recherche les plus importantes sont :
le "Tropical
Product institute" ; le "Tropical stored products center"
;
le "Tropical pesticides research headquater and information
unit" ; l"'Antilocust research center", etc ... Tous ces insti-
tuts ont leur siège en Grande Bretagne,
leur orientation est
déterm:née p2r ce P2YS.
Ces deux exemples montrent combien la recherche agrono-
mique dans les pays d'Afrique noire est sous le contrôle des
pays capitalistes d'Europe ex-colonisateurs.
Malgré ce contrôle de la recherche,
malgré le poids des
interventions des organismes publics des PCI dans les pays
d'Afrique, nous pouvons affirmer que la production agricole
dans ces pays est surtout le fait de capitaux nationaux (publics,
para-publics et privés) globalement cette production est con-
(1)
CF-' KASSAPU : transfert technologique et misère des masses. Peuples
noirs, peuples africains, n07-S janvier-février/ mars-avril 1979.
(2) CF KASSAPU, ouvrage déjà cité.

- 138 -
trôlée par le capital national à l'exception de la Centra-
frique dont la production de café et d'hévéa connait encore
une forte présence de capitaux français (1)
; c'est donc
vers les activités industrielles que se dirigèront les capi-
taux internationaux. Nous allons voir à présent successiveQent
leur position dans l'industrie de transformation,
l'industrie
minière et l'industrie des produits de la forêt.
§ 2 - LES CAPITAUX INTERNATIOANUX DANS L'AGRO-INDUSTRIE
ET L'INDUSTRIE DE TRANSFORMATION
L'industrie de transformation est dominée par les capi-
taux internationaux. Si l'Agro-industrie (sucrerie, huileries,
textiles, conserveries de légumes) connait une présence impor-
tante de capitaux nationaux, ces derniers se concentrent sur
les premières transformations
; les étapes les plus élaborées
de la transformation étant12
fait des grandes firmes inter-
nationalisées largement présentes en Afrique.
L'exemple de la branche des corps gras en Côte d'Ivoire
nous en donne une illustration parfaite. Dans ce pays,
les
entreprises publiques ou para-publiques SODEPALME et PAL~1IN­
DUSTRIE avant 1977,
la PALMINDUSTRIE seule après 1977 (après
la suppression de SODEPALME en 1977) gèrent les plantations
publiques de palmiers à huile et jouissent du monopole de la
collecte des produits œs palmiers fournis par les plantations
villageoises. Ces entreprises procèdent à la première trans-
formation des régimes de palme, elles les égrènent,
les pressent
pour obtenir de l'huile brute et des amandes de palmistes
(1) La production d'hévéa en RCA est le fait d'une société, la SAHC, filiale
à 100 % du groupe français RIVAUD. BAN : intérèts étrangers en Afrique noire
1977 .

- 139 -
qu'elles
vendent
en
totalit~ à une autre entreprise indus-
trielle les PHCI (les produits des huiles de Cate d'Ivoire)
détenue à 75 % par Blohorn filiale, à 70 % du groupe Hollandais
Unilever. C'est cette entreprise qui réalise les transformations
décisives qui aboutissent à la production d'huiles alimentaires
raffin~es, de savonneries et divers produits d~riv~s. On voit
ainsi que les capitaux ivoiriens, s'ils contraIent la pre-
mlere transformation des produits du palmier à l'huile, sont
presqu'absents des ~tapes de transformation plus ~labor~es. Le
tableau 25
nous montre les activités de transformation qui
sont parmi celles qui connaissent une présence massive de
capitaux étrangers. ( tableau 25, page suivante ).
Le tableau nous permet de voir que les activit~s privi-
l~gi~es par les capitaux internationaux dans l'industrie alimen-
taire des pays d'Afrique noire (traitement de poisson, huileries
et savonneries, corps gras en g~n~ral, les boissons) font l'ob-
jet d'investissements directs en Afrique noire aboutissant à
quelques contrôles majoritaires (Marz et Unilever), mais sur-
tout à des opérations de joint-ventures.
D'une façon plus générale, les industries de transforma-
tion en Afrique noire sont largement dominées par les capitaux
internationaux. Selon les chiffres de BAN,plus de 70 % du
capital social cumulé des entreprises de l'industries de trans-
formation dans les pays d'Afrique noire
francophone est déte-
nu par des int~rêts étrangers fin 1979. Pour citer quelques
exemples,
la production des corps gras au Sénégal est dominée
par les groupes internationaux (précisément français), Lessieur-
COTELLE qui disposait jusqu'en 1979 de deux filiales au Sénégal,

- 140 -
Tableau 25
Rétrospective des investissement étrangers
dans l'agro-alimentaire en Afrique noire en 1982.
Japon
- We st Af r ican Fishery deve lopmen t
Mauritanian
Co LTD (WAFD)
49 %
Fishery Cy
joint-
MAFCO-SEM
Mauritanie - Etal ~aurilanie
51 Jo
veotur
(pêche)
Pays-bas
- Euribrid
joint-
Nigeria
Nigeria
- Nigerian poultry introduction Co
ventur
( av icul ture)
Pays-bas (Filiale)
joint trawlers
Cameroun
- joint tranwlers LTdSA
Cameroun
(pêche,trai
tement de
poissons)
Pays-bas - Uni lever
Participation 70%
Côte d'Ivoir
Blohorn Hsl
(huile, savon)
USA
- EARL Snyder associates of laurel
Nigeria
- Mar Rou Associates
joint
(soft drinks)
Nigeria - Unity Church mission of Nigeria
ventur
AKOKO Botling Co Ltd
USA
-
Heinz
51 %
Zimbabwé
Achat conjoint
(corps gras)
Zimbabwé - Gouvernement 49 %
Togo
RFA
-
Harz
Participation majoritaire
(deux brasseries)
Source
CFCE Janvier 1983 O.P.A. cité par R. HABOUB thèse
de 3e cycle déjà citée.

- 141 -
la Socité Lessieur-Afrique-Dakar (reprise par la SONACO en
1979) et la SEIC ;
"les huileries réunies" qui ont une
~iliale, la Société Patersen ; le groupe SODEC qui gère une
filiale au Sénégal "Huilafric -
Dakar".
Ces
trois groupes
réalisent
la quasi-totalité de la production d'huiles végéta-
les au Sénégal.
De même la production de corps gras en Côte
d'Ivoire est réalisée à 75,7 % par des capitaux français et
par le groupe Blohorn filiale à 70 % du groupe Hollandais
Unilever.
En Mauritanie,
l'industrie de transformation de poisson
est dominée par des groupes étrangers dont les plus importants
sont le groupe Hollandais KROESE qui détient une participation
de 50 % dans la compagnie mauritanienne pour l'armement,
la
pêche,
l'industrie et le commerce (la COMAPIC),
15000 T par
an d'huile,
2000 T par an de farine;
et des capitaux espagnols
qui détiennent auant ~ eux J'in~ustrje mauritanienne de pêche
( l'IMP), 250 tonnes par jour de poisson, 15 000 tonnes par an Ge con-
gélation.
Pour les industries de congélation,
on retrouve l'une
des· plus grandes
interventions du Japon dans
la branche en
Afrique de l'Ouest,
la MAFCO
: Mauritanian Fishery CY au
capital de 32 millions d'UM représentant
les compagnies ja-
pnaises de pêche "japan deepsea
trawlers Association".
En dehors de ses propres
installations,
un friforifique
et des unités de
transformation,
la MAFCO détient 43 % des
actions de
la SOFRIMA,
17 000 tonnes par an de congélation.
Ce sont donc ces grands groupes internationaux (Hollandais,
Espagnols et Japonais) qui dominent
l'industrie de
traitement,

-
142 -
de transformation du poisson et de la congélation en Mauri-
tanie.
Par ailleurs,
l'ensemble des minoteries d'Afrique noire
francophone connaissent une très forte participation du grou-
pe SOMDIAA/GMP.
Les
industries
textiles dans ces mêmes pays
enregistrent une participation importante de l'organismes
français CFDT (Compagnie Française pour le Développement des
Textiles).
De même,
l'industrie de la bière dans les pays d'Afrique
de l'Est est essentiellement le fait du groupe Britannique
Ind Coepe à
travers sa filiale "The East African Bre \\veries"
présente dans
tous
les pays de la région.
La trans-
formation et la conservation de produits animaux dans ces
mê~es pays sont dominées par le groupe britannique Leibig,
tandis qu'au Nigéria,
la production de lait est essentielle-
ment assurée par les groupes Mosslait et Tuborg (britanniques)
qui disposent de filiales dans ce pays,
les boissons étant
dominées par Heîneken (Allemand) et le groupe danois CEREKEN
de même les groupes américains Beatrice Food et Agrisystems
se sont engagés en 1982 dans des projets agro-alimentaires
comme la conservation et le traitement de
tomates
(1).
Quant à la branche des BTP;
elle est dominée c ' Afrique
noire par les grands groupes européens dont les plus importants
sont: Les groupes
français,
la SC-REG-SFEDTP,
la CANSA,
la
SATOM,
la GTE,
l'Entreprise Jt Lefebvre,
Razel frères,
la
Routière colas,
Fongerolle-SNCT,
la SNC,
la Société SPIE-
Batignoles,
la LTPA,
la DTP,
la Société André Borie,
;es

- 143 -
Chantiers modernes, Dumez Afrique, BOUygG2S
(qui détient la
SETAO en Côte d'Ivoire et
intervient au Nig~ria), la Com-
pagnie UDEC, Pt à Mousson (qui détient une filiale au Gabon,
la SOCEA), la SA. Poncet et Compagnie,
la SRCOA,
l'entre-
prise moderne sénégalaise (filiale du groupe)
; ces groupes
interviennent dans la quasi totalité des pays d'Afrique
noire;
les groupes italiens dont SALCOST et l'Entreprise
FRANZETTI et Compagnie (spécialisée dans la plomberie et
les sanitaires)
; les groupes allemands dont DYCKEROFF et
WIDMAN ; des groupes Grecs dont Edok-Eter,
le groupe isra-
élien la SONITRA ; des groupes russes localisés au Mali, en
Ethiopie, etc ... dont le plus important au Mali est la M.O.
Techno export.
Tous ces groupes étrangers sont présents en Afrique
noire soit par la constitution de sociétés locales, soit
par l'exploitation d'agences ou filiales,
soit en interve-
nant
par contrat déterminé.
Au total,
l'ensemble de l'industrie de transformation
à l'exception de l'eau et l'électricité généralement contrô-
lées à 100 % par la majorité des pays d'Afrique noire, est
entre les mains de capitaux étrangers. La difficulté prin-
cipale d'une telle situation est l'impossibilité pratique
dans laquelle se trouvent les dirigeants de ces pays à
coordonner, centraliser et orienter les activités industriel-
les dans leurs pays. Une traduction de cette impossibilité
est l'aveu des pouvoirs sénégalais qui se fixaient jusqu'au
régime d'Abdou Diouf pour objectif industriel,
la constitu-
tion d'un réseau de sous-traitance pour les grandes firmes
internationales qui contrôlent les principales productions
industrielles de ce pays. C'est un choix qui officialise

-
144 -
la non-maîtrise de l'industrie de ce pays par le capital
national.
Il est à noter que les capitaux internationaux rapa-
trient la quasi-totalité de leurs profits. Les profits ne
son.:: ~6S ré:'c~,v2.st::'S sur place pour nourrir l'accumulation et
améliorer les équipements industriels. De plus,
les inves-
tissements directs étrangers ouvrent la voie a d'importantes
importations de biens d'équipement relatives a l'installa-
tion d'unités de production. Ils sont ainsi la source
d'énormes sorties de ressources pour les pays d'accueil. Le
tableau suivant nous donne une idée de l'ampleur des rapa-
triements des profits ou, plus globalement des sorties de
ressources liées aux investissements directs étrangers en
Afrique. (
tableau 26 page suivante ).
On remarque ainsi d'importantes sorties de ressources
des pays repertoriés dans le tableau 26
Par exemple pour
la Côte d'Ivoire,
le Kenya et le Nigéria, ces sorties sont
supérieures à 100 millions de dollars en 1978, s'établissant
à 110 millions pour la Côte d'Ivoire et le Kenya,
480,8 pour
le Nigéria. Ce dernier pays connaît les sorties de ressources
les plus importantes des pays du tableau ; 385 millions en
1970, comprises entre 783 millions et 480 millions de 1975
à 1978, ces sorties atteignent pour le Nigéria,
la somme
de 875 millions de dollars en 1980. Selon la même source,
les sorties de devises au titre des dépenses liées aux inves-
tissements directs étrangers se sont montées à 616 millions
de dollars en moyenne en Afrique noire en 1970, à 1026 millions
en 1975 et à 1136 millions de dollars en 1980, soit un taux
de croissance annuel moyen en termes nominaux de plus de 8%
(13,20 de 1970 à 1975, 3,33 de 1975 à 1980).

'1 ; ,
f-, -, •
-,
145
Tableau 2~: Sortie de ressources relatives à des dépen-
ses liées aux investissements directs étrangers en Afri-
~ (en millions de dollars).
1
PAYS
197U
1972
1975
1977
1978
1980
1
BOTS\\~ANA
-
-
38,9
49
56,3
101,5
' ) i
CENTRAFRIQUE
1
2,2
1,2 .
1,2
1,3
-
,'c'
CONGO
7
8, 7
1 , 2 ,
1,4
1,3
6,5
fI '"
GABON
8
1 7 , 4.
123,8
lOO,4
86,4
118,9
c, J ,--,?
GAMBIE
1
1 , 1:
1 , 2 i
""-' -';>
2,5
11,3,
l'
j
i">
GHANA
4
2,2
4,9
9,8
5
11, 7
t
D'IVOIRE
-
COTE
20
25
47,4
',' 81
110,2
94,3
k '
...... ~
KENYA
36
33,1
54,6'
101,6 110,2
82 .' ,
MAURITANIE
10
-
,
3,6
'V29
17,5
22
,1
\\1'\\ r· ,\\
MAURICE
1
2,2
6 1: j
, ;
'~'4,7-
3,8
1,3
NIGERIA
385
609
627,7
783,4 480,8
875,9
SIERRA LEONE
4
2,2
6 11. '.
, :
4,7
7,5
9,0
"
(
OUGANDA
8
6,5
2,ti
,'" '. 5,8
3,8
! 6,5
CAMEROUN
4
8, 7
21 , 9'
, '~ '37 ,4
30
---- .- - \\~:_8 -'-~
-- --
--~--'::.-.
,
-
- -
/ ' ..--
. ,
\\ : \\' "_.. 1 ~ ?
:
i
1
,
-'-'-
..
.. ..
Source: Centre èes Nations Unies des sociétés transnationales,
les sociétés transnaticnales et le développement mondial ,1983 déjà cité P 321 et31
l
, ;
J
_:
i) "
'..

-
146 -
Si les capitaux internationaux sont présents mais
discrets dans l'agriculture et l'agro-industrie (prédominance
des joint-ventures, participations minoritaires, etc ... ), con-
trôlent globalement l'industrie de transformation malgré une
présence encore sensible des capitaux nationaux;
ils exer-
cent un contrôle étroit sur les industries minières et des
produits de la forêt (industrie du bois et industrie de trans-
for~ation du caoutchouc natur~l) en Afrique.
§ 3 - LES CAPITAUX INTERNATIONAUX DANS L'INDUSTRIE
MINIERE ET L'INDUSTRIE DES PRODUITS DE LA fORET.
Du fait que les proàuctions minières, du bois et du
caoutchouc naturel sont stratégiques et indispensables aux
processus industriels des PCI, ils exercent un contrôle plus
étroit sur ces activités.
3.1. Les industries minières
3.1.1. La production de fer
La production du fer en Afrique est essentiellement le
fait de trois pays
; le Libéria,
la Mauritanie et le Swaziland.
ILe secteur minier de ces pays est sous la domination des grands
~roupes miniers internationaux. Le tableau suivant (tableau 27)
~ous donne la situation du secteur minier au Libéria et en
~auritanie à la fin des années 1970.

- 147 -
Tableau27
: Principaux groupes miniers opérant au Libéria
et en Mauritanie à la fin des années 1970.
1
1 SOCIE1~S
CARACTERISTIQUES
COIfTROLE
. _ - - - + - - - - - + - - - - - - - +
Libéria
cŒlcessions
60 % Republic Steel Co (USA)
- Liberia Mining Cy (LMC)
Bomi Hills :fer-
mée en 1977 =
40 '10 Li béria
épuise.l1,?nt des
réserves.
- National Iron ore Cy
MANO River : en
50 %Etat libérien
(NJOC)
activité
35 % privés libériens
15 % Colonel Christic (USA)
- Liberian American Swedi
25 % Bethleem Steel Co (USA)
Sh MineraIs Cy (Lk~CO)
Mont Nimba
37,5 % Consortium Suédois
37,5 % Etat libérien
- Dentsche Liberian Mining
Bong Hills
50% Consortium de 13 sidérur-
Cy (DELIMCO)
g i e s allemands
50 % Etat liberien
- Liberian ORE and Steel
Consortium : liberian interna-
Wologosi Hill
Corporation (LISCO)
tional american Co amax
Mauritanie
- Complexe mlnler du nord
51 % groupe Penarroya
(France
Nationalisé en
(COMINOR)
1975
49 % Etat mauritanien
-Société minière de Mauri-
Nationalisée en
45 %chantier consolidated(uk)
tanie (SOMIMA)
1975
15 % la SFI
6 % BRGM et Penarroya (France
35 % Etat mauritanien.
Source
:-G. Grelet : Structures des économies d'Afrique noire
déjà cité.
- C. Jerker: Scandinavian institute of African Studies
transnational compagnies in Liberia.
BAN déjà cité.

- 148 -
On constate ainsi que les groupes miniers qui exploi-
tent le fer au Libéria et en Mauritanie sont contrôlés en
majorité par les groupes miniers internationaux comme Bethleem
Steel, Amax, Penarroya ... Les nationalisations de la SOMIMA
et du COMINOR en Mauritanie ne sont pas véritablement des
nationalisations dans la mesure où ce sont les firmes inter-
nationales elles-mêmes qui ont demandées à céder leurs parts
des capitaux des deux sociétés mini~res s'en retirant du fait
des difficultés rencontrées par l'exploitation du fer et sur-
tout du fait de la dégradation du marché du fer en 1975-76,
suite à la crise de la sidérurgie dans les pel. Les firmes
internationales ont contraint l'Etat mauritanien à de lourdes
indemnisations.
Les capitaux internationaux au Libéria et en Mauritanie
sont associés dans les sociétés mini~res aux Etats de ces
pays. C'est une caractéristique que nous retrouverons dans
l'ensemble des activités mini~res en Afrique noire. Les ca-
pitaux nationaux privés sont totalement absents du secteur
minier.
Il faut ajouter que le contrôle de la production de
fer se double d'un contrôle de la recherche mini~re de la part
des firmes internationales.
En effet,
la recherche,
l'exploitation et la mise en
évidence de gisement sont effectuées en Afrique noire essen-
tiellement par les grands groupes miniers internationaux.
La recherche mini~re se fait généralement dans les pays pro-
ducteurs par les firmes déjà en activité dans ces derniers,
dans les pays producteurs potentiels (c'est-à-dire où des
indices ont été mis en évidence) par les grandes sociétés

- 149 -
minières disposant de moyens financiers importants et ayant
une expérience suffisante. Ainsi pour le fer,
en plus des
recherches effectuées dans les pays producteurs d'Afrique
(Mauritanie, Libéria, Swaziland,
Sénégal, Gabon,
etc ... ),
des recherches de prospection et de mise en évidence sont
effectuées dans des pays comme la Côte d'Ivoire,
le Mali,
la
Haute Volta, etc ...
sous la direction des groupes miniers
internationaux tels que l'Allemand Krupp et la Compagnie
japonaise Kanematsu-Gosho (présents au Sénégal et au Mali)
les groupes américains Bethleem Steel, Pickands Mather and Co
(présents au Gabon et en Côte d'Ivoire)
; les groupes européens
dont British Steel Corp,
Usinor,
B.R. ··G.M.
(présents en Côte
d'Ivoire et au Mali).
Le contrôle par la production et par la recherche per-
met aux firmes
internationales de peser sur le rythme,
le poids
delle xplo i ta t ion cl l~
fer en Af r i que no ire .
3.1.2. La production des métaux non ferreux et
des minéraux.
Les pays d'Afrique sont producteurs d'importantes
quantités de ces métaux (cuivre, bauxite,
zinc, cobalt, ura-
nium, etc . .. ). Cette production est dominée par les groupes
internationaux. Le tableau
28 nous donne les principaux
groupes miniers qui interviennent dans ce secteur en Afrique.

- 150 -
Tableau 28
Principaux groupes miniers opérant dans la
production de métaux non ferreux en Afrique noire.
GROUPES
ORIGINES
ACTIVITES
CAPITAL
Amax
USA
Cuivre : AF du Sud,
'1767,8 r.d.llirns de cbllar$ dt
Namioie, Botswana,Zambil
43,3 en Afrique
Plomb : Namibie
noire
Nickel : Botswana
Anglo-American
USA et Gde
Or, diamant, cuivre,
1777,2 millions de
corporation
Bretagne
Uranium, Nickel: AF du
rands dont la quasi-
ISud, Botswana, Zambie,
totalité en Afrique
Zimbabwé
Charter
USA et Gde
Diamants, or
303,8 millions de
Consolidated
Bretagne
livre dont la moitié
en Afrique
De Beers
USA et Gde
Diamants
1404 millions de rand
Bretagne
LourhJ
Gde Bretagne
Cuivre, or : Ghana
202,3 millions de
livres
Pechiney-Ugine-
France
Uranium : Niger, Gabon
Kuhlmann
Manganèse : gabon
13545 millions de
Bauxite : Guinée
francs
Chrome : Madagascar
Roam-AMC Groupe
Cuivre : Zambie (natio-
nalisé)
La Société Générale
Belgique
Cuivre : Zaire
des minerais
Source
G. Grelet : Structures économiques de l'Afrique noire
déjà cité p. 69.

- 151 -
Ces groupes qui interviennent dans l'exploitation des
minerais sont tout puissants. Nous citerons pour illustrer
ce[te affirmation, deux exemples:
le cas du cuivre zaîrois et
celui de l'uranium du Niger. Au Zaîre, la production et la
distribution du cuivre sont assurées par la société générale.
L'Etat zaïrois, après avoir tenté vainement de nationaliser l'Union
Minière du haut Katanga en 1976 (UM.HK) qui était sous un
contrôle majoritaire de la société générale, a été contraint à un accord
avec cette dernière au terme duquel la société Belge assure l'expor-
tation du cuivre zaïrois contre un versement de 6 % du prix
du cuivre exporté à la SGM(Société Générale des Minerais)
filiale de la société gén~ale qui prend la direction de
toutes les activités industrielles et de la distribution du
cuivre zaîrois ; l'extraction du minerai sera laissée à la
société d'Etat la GECAMINE (1).
Au niger,
la production d'uranium est assurée par trois
sociétés:
la SOMAIR (Société minière de Air)
; le CMA (comité
minier d'Akouta) et la SMD. Le capital social cumulé des
trois sociétés uranifères
s'élevait fin 1977 à 7,8 milliard
de francs CfA détenus par l'ONAREM (Office National pour la
Recherche et l'Exploitation Minière), organisme public du
Niger à 33 % et des intérêts étrangers à 67 %
dont des
capitaux français 45,2 % (dont le commissariat pour l'énergie
atomique 30,1 %), des capitaux allemands, espagnoles, japonais
et italiens 11 18 %. Les capitaux français sont représentés
par le CEA qui détient 26,96 % du capital de la SOMAlR,
34 %
(1) l'Etat zaîrois dans sa tentative de nationalisation de l'~~K, n'a pu
trouver un acquéreur pour les 40 % des actions en complément de la part
de fi) % des actions de la nouvelle société détenue par l'Etat zalrois. Le
versement de 6 % à la SMG s'est transformé en un versement annuel fixe de
100 millions de dollars à partir de 1974.

- 152 -
du capital de la CMA et 25 % du capital de la SMD ; les
capitaux japonais par le groupe OURO qui détient 25 %
du
capital de la CMA, Power Nuclear Fuel Development qui détient
25 % du capital de la SMD ; les capitaux allemands sont re-
présentés par le groupe Urangesellschaft qui possède 25 %
du capital de la SMD. Les autres firmes étrangères présentes
au Niger sont AGIP Nuclear (Italie), ENUSA (Espagne),
etc ... (1)
Par ailleurs,
ici comme dans le cas du fer,
la recher-
che minière et la prospection est l'un des instruments de
contrôle des
producti~ns
de métaux non-ferreux et de
minéraux. L'exemple ou Niger ici est très frappant.
La recherche uranifère au Niger est le fait des groupes
opérant déjà au Niger et d'autres groupes qui cherchenL à y
exploiter cette richesse
• Ce sont: COMOCO (USA),
la CECB (Britanique),
des capitaux du Nigéria,
l'AOEl (lran),
l'IRSA (Japon), etc ... Cette recherche est dominée par le
CEA (France). Le montant cumulé des investissements en re-
ch~rche d'uranium les plus importants
s'est
fixé à 18941
millions de francs CFA fin 1977 dont 12462 millions par le
CEA, soit plus de 65 % du montant total.
On voit ainsi que ni la production, ni la recherche
et la prospection d'uranium n'est contrôlée par l'Etat
nigérien. L'implication du ca~ital international dans l'acti-
vité minière est telle que les investissements cumulés dans
la recherche fin 1977 s'élevaient à 45A50 millions dont 42930
millions sont effectués par les firmes privées internationa-
(1) BAN, intérêts étrangers en Afrique déjà cité.

- 153 -
lisées soit pres de 95 % de ces investissements (1).
Nous constatons ainsi que la production des métaux
non ferreux et des minéraux est contrôlée étroitement par
les grands groupes miniers internationaux.
3.1.3. Les hydraucarbures
Bien que n'étant pas un producteur déterminant d'hydrau-
carbures, l'Afrique possède des réserves importantes de pé-
trole et de gaz naturel. Leur exploitation y est très accé-
lérée. La production d'hydraucarbures en Afrique noire est
esentiellement le fait de grands groupes pétroliers qui
dominent le marché mondial. Le tableau
29
nous montre la
présence massive de ces groupes pétroliers en Afrique noire.
Ces compagnies contrôlent la production,
la distribution
internaitonale,
l'exploration et la mise en évidence de nou-
veaUA gisements.
On remarque, à partir du tableau 29
que le Nigéria
est le pays qui connait le plus grand nombre de compagnies
pétrolières exploitantes. Ceci est dû au fait que ce pays
est le plus gros pays pétroliers d'Afrique noire. Il est
devenu depuis 1975, le premier producteur d'Afrique dEv&~t
l'Algérie et la Lybie,
il est le cinqième producteur de
l'OPEP,
le septième producteur mondial. La production de brut
la plus importante est celle de la société SHELL/BP/NNPC. Elle
représente plus de la moitié de la production du Nigéria ;
de 1971 à 1978, la production moyenne de brute du Nigéria
était en moyenne de 2 millions de barils par jour, cette
(1) BAN déjà cité.

- - - - - - - - - - - - -
- 154 -
Tableac 29
Princioales compagnies pétrolières en
activité dans les pays è'Afrigue noire
r-------------------~
- - - - - - - - - - - - - - -_ _
Compagnies exploitantes
SHELL (USA)
(1) Nigéria
SHEll/BP/NNPC (20 %)
Gabon
SHEll-Gaboû
(75 %)
Zaïre
Zaire-SHEll
(40 %)
Cameroun
SHELL-Cameroun (Majoritaire)
GULF aIL (USA)
(1) Nigéria
GULF/NNPC
(40 %)
Zaîre
GULF Zaire
(majoritaire)
Angola
GULF Angola
(majoritaire)
MOInt OlL (USA)
(1) Nigéria
MOBIL/NNPC
Zaïre
MOBIL Zaîre
(60 %)
AGIP (ITALIE)
(1) Nigéria
AGIP(PHILIPES/NNPC
Congo
AGIP-Recherche-Congo (80 %)
ELF- ERAP (FRAi\\CE)
(1) Nigéria
ELF/NNPC
Gabon
ELF-Gabon
(50,126 %)
Congo
ELF-Congo
(80 %)
Cameroun
ELF-SEREPCA
(majoritaire)
TEXACO (USA)
(1) Nigéria
TEXACO/NNPC
ASHALAND (USA)
(1) Nigéria
ASHLAND/NNPC
PAN OCEAN (USA)
(1) Nigéria
PAN OCEAN/NNPC
TENNECO (USA)
(1) Nigéria
TENNECO/NNPC
Compagnies présentes (recherches, exploitation)
Gabon
Gulf-ail Cy, Hispanica De Petroléos, Texaco, Cheuron ail, le groupe
Murphy, EDECO-OCEAN, Wed-Gabon Filiale du groupe japonais lTOH.
Cameroun
Gulf oil Cy, Pecten, etc ...
Sun ail, Philips ail, Global Energy, Continental ail Cy (CONOCO),
SHELL, Texaco, Esso, Bishop.
Côte d'Ivoire:
Groupe Exxro, Esso A-G., SHELL, Philippes Petroleum, AGIP,
Getty ail, Hispanica de Petroleos, etc ...
Sour-::e
- Etudes et documents du ministère de la coopération n042 : la place de
l 'éconorüe ni?,rriane dans la CDEAO.
- ~C.
\\Jill 3Cl, le secteur multinational au Zaîre déjà cité.
- BAN déjà cités.
(1) ~~c = Nigerian National Petroleu~ Corporation = organisme qui gère les
ressources pétrolières de l'Etat nigérian. Il dispose de part des capitaux
des sociétés pétroliàres qui vont de 55 à 65 %. L2S installations de BP ont
été nationalisées en 1979.

- 155 -
société en réalisait 1,2 inillions de barils par jour;
en 1979,
la production moyenne totale de 2,1 millions de
barils par jour, celle de la société SHELL/BP/NNPC se
fixait à 1,4 millions de barils par jour, en 1981 sur
une production de 1,9 millions de barils par jour, elle
réalisait 1 millions (1). Le Nigéria qui contrôle cette
soci~té d'exploitation, la plus importante dans le pays,
encaisse une part de plus en plus importante de la rente
pétrolière surtout depuis la nationalisation de BP en 1979.
Les autres compagnies réalisent des productions impor-
tantes mais qui restent modestes en comparaison de la produc-
tion de SHELL!NNPC. Ainsi,
la production annuelle moyenne de
Gulf oil, Mobil oil et AGIP est inférieure à 300 barils par
jour depuis 1970, celle d'Elf-Erap et Texaco inférieure à
100 barils par jour, celle d'Ashland et PAN OCEAN inférieure
à 10 barils par jour. Le Nigéria à travers l'organisme public,
le NNPC, détient des participations importantes dans les
sociétés locales de ces firmes,
participations qui vont de
55 à 65 %.
Il faut dire que ce contrôle relatif du Nigéria sur
la production du pétrole ne se retrouve pas dans les autres
pays pétrolieLs d'Afrique noire dans lesquels les sociétés
d'exploitation des hydraucarbures sont toutes sous le contrô-
le majoritaire des
compagnies étrangères:
telle est la
situation d'Elf-Erap en Afrique francophone (Gabon, Congo,
(1) Africa Economic digest
May 1982, Special report on Nigeria. Etude
et documents du ministère de la coopération, n042 déjà cité.
(2) Etudes et documents du ministère de la coopération , nO 42, déjà
cité, p 188 et Africa Economic Digest May 1982 déjà cité.

-
156 -
Cameroun), de AGIP an Congo, de Mobll Oil au Zaïre, de Gulf Cy
en Angola, etc ... Mais,
même dans le cas du contrôle relatif
de la production comme au Nigéria,
la présence des compa-
gnies internationales est encore décisive
; car , non
seulement elles ont le monopole de la distribution interna-
tionale du pétrole
elles dominent l'exploration et
la recher-
che scientifique nécessaire à la mattrise de l'exploitation
du pétrole comme nous l'avons déjà
vu pour l'u~aniu~ et les
métaux. Dans le cas des hydraucarbures,
l'exploration et la
recherche scientifique sont encore plus hasardeuses et donc
plus coûteuses. La mise en évidence de gisements d'hydrau-
carbures exige de nombreux forages, une fois le gisement
prouvé,
son exploitation nécessite d'importa~ts investisse-
ments dans la construction de pip2:~~e , de stations de po~­
page, de réservoires de stockage et terminaux. Au Nigéria
par exemple,
le coût moyen du forage est estimé à un montant
qui se fixe entre 200000 et 1.000.000 de nairas.
A cet effet,
l'affaire des "avions renifleurs" de
l'hiver 1983 en France nous a donné une idée de ce que peut
coûter la recherche pétrolière. Selon Mr Chalandon, ancien
président du groupe Elf-Erap, qui intervenait dans cette
affaire à travers une lettre au président de la République
publiée dans le journal "Le Monde" daté du jeùdi 29 décembre
1983,
dans la recherche pétrolière,
il faut grosso-
modo forer neuf fois en vain pour trouver du pétrole,
le
coût du forage pouvant aller jusqu'à 250 millions de francs.
Selon Chalandon,
l'exploration pétrolière et la recherche
scientifique coûtent à Elf-Erap de 7 à 8 milliards de francs

- 157 -
par an (1). Ce sont des investissements qui sont hors de
portée des pays d'Afrique noire même producteurs de pétrole.
Seuls les grands groupes internationalisés qui dominent
déjà la production pétrolière mondiale peuvent réaliser ces
investissements. Là encore, à travers les recherches et
l'exploration,
les groupes pétroliers internationaux contrô-
lent le rythme et la masse de la production pétrolière en
Afrique noire.
Pour nous en convaincre d'avantage,
il est
intéressant de citer une phrase de Mr Séiny Kountché, Prési-
dent du Niger,prononcée en novembre 1977 : "Du pétrole a été
chez nous localisé et extrait. Nos espoirs sont fondés et des
travaux sont en cours"
; cette phrase mieux que tout long
développement, montre à quel point les activités de recherche
échappent aux pouvoirs nigériens et leur sont lointaines.
3.2. Le bois et le caoutchouc naturel
Comme les autres biens indispensables aux industries
des PCI,
la production de bois et du caoutchouc est sous un
contrôle serré des grands groupes internationaux en activité
dans ces secteurs.
Le tableau 30
nous donne la situation de ces deux
industries au Libéria. Le caoutchouc et le bois constituent
avec
le fer,
les principales sources de recettes d'exportation
pour le Libéria, ainsi que de recettes publiques pour l'Etat
libérien; c'est dire leur importance pour ce pays. Les
principaux producteurs de ces biens sont les groupes inter-
nationaux qui figurent au tableau
30
. Leur domination est
sans partage. Par exemple, Firestone plantation Cy dans le
(1) Le Monde, jeudi 29 décembre 1983.

- 158 -
Tableau 30
: Les intérêts étrangers dans l'industrie du
bois et du caoutchouc naturel au Libéria
FIRMES ET PAYS D'ORIGINE
Du{ée de la
concession
fndustrie du bois
1
-
SIGA Timber Cy (1959)
i
capitaux et management suisses et anglais
60 ans
- Liberia industrial foresty corp (1957
capitaux et management espagnols
20 ans
1- Maryland logging Cy (1960)
45
capitaux et management allemands (RFA)
ailS
- Liberia Timber (1959)
45 ans
~_ndustry corp capi taux et management USA
Industri~ du ~aou~chQuc aaturel
Firestone Plantation Cy (19L5)
99 ans
capitaux et management USA
- BF Goodrich corp
(1954)
80 ans
capitaux et management USA
- Liberia Agricultural Cy
70 ans
capitaux italiens, management allemand (RFA)
- Salala Rubber corp (1959)
70 ans
capi taux Pay s-bas 75 % Allan:rd 25 %rn:n:gEllH1t p:!'jS fus
- Liberia Cy (1947-1951)
40 ans
capitaux USA, management USA et allemand (RFA)
- African fruit Cy (1952)
80 ans
capitaux et management allemands (RFA)
Source
Jerker Carlson - The scandinavian institute of African
studies : transnational companies in Liberia p 12 à 14.

-
159 -
caoutchouc naturel est un véritable Etat dans
rEtat libérien.
Elle a ses écoles,
ses hôpitaux et dispose même d'une adminis-
tration à l'intérieur d'une vaste concession qui porte sur
un siècle (99 ans).
Quant à l'industrie du bois dans les grands pays.~ta.Irs
d'Afrique francophone (Cameroun! Centrafrique, Congo et Côte
dtivoire) elle est dominée par des capitaux étrangers surtout
français et allemands. Au Cameroun par exemple,
les intérêts
camerounais ne comptent que pour 10 % du chiffre d'affaires
de l'industrie du bois en 1974, ce taux passe à 14 % en
1977. Les douzes
premières sociétés rassemblent 71 % du
capital social cumulé de la branche en 1978 dont 84 % détenu
par des capitaux étrangers essentiellement français (62 %).
Les capitaux français sont également dominant dans l'indus-
trie du bois en Centrafrique (78 % du capital social cumulé
de la branche détenu par les intérêts français et associés
ivoiriens) et en Côte d'Ivoire. Les firmes françaises qui
assurent cette présence sont la SCAC, Lalanne,
les Etablisse-
ments Rougier et fils,
Rivaud, Leroy,
la CCFA,
la SCOA,
le
groupe Victor Balet, la Scierie Georges Jacob,
etc...
les
capitaux allemands sont aussi présents dans le bois en Afrique
noire francophone.
Ils dominent cette branche au Congo (65%
du capital social cumulés en 1978). Les capitaux allemands
sont assurés par le groupe Feldunger à travers ses filiales
Placongo, Plexafric, CIB et la SOCOBOIS au Congo (1).
Pour conclure le point des capitaux internationaux
dans l'industrie minière,
l'industrie du bois et du caou-
tchouc naturel, nous dirons:
l'ensemble des informations
que nous avons pu réunir font ressortir que ces industries
(1) BAN déjà cité

-
) 60 -
sont sous une domination ferme et un contrôle ~troit des
groupes internationaux. Ceci s'explique par le caractère
strat~gique de ces biens et par l'impossibilité relative de
leur trouver des substituts ~conomiques dans les processus
industriels des PCI. En effet que ce soit les produits miniers
(métaux et min~raux comme la Bauxite, le cuivre, le cobalt
le pétrole,
l'uranium, etc ... ) et les produits qui en d~ri­
vent, ou le bois et toutes les
transformations industrielles
du bois qui vont du mobilier simple à l'industrie de papier
ou du caoutchouc naturel dont l'usage aujourd'hui dans les
pneumatiques usuels (pneux d'automobiles, d'avions de cycles
et cyclomoteurs) ou dans les emplois hautements spécia1is~s
comme la recouverte de surfaces adh~sives, l'utilisation dans
la fabricatlon d'instruments de mesure et de cont~ôle dans
la m~decine (contrôle de la pression du sang, etc ... ) ; ces
produits n'offrent pas aujourd'hui de substituts économiques
s~rieux.
Le contrôle que les firmes internationales exercent
sur ces produits enlève toute possibilit~ aux producteurs
d'Afrique
de r~gler le rythme et la masse de la production
selon leurs objectifs propres.
De plus, une grande partie des
ressources tir~es de l'exploitation de ces produits échappent
aux pays d'Afrique. Cette pr~sence massive
des capitaux
internationaux dans l'industrie minière,
l'industrie du bois
et du caoutchouc naturel explique l'orientation des activit~s,
leur vocation exclusive de fourniture de matières premières
industrielles aux firmes des PCI.
De plus la quasi-totalité
des profits r~alis~s par les firmes internationales sont rapa-

-
161 -
triés tout comme dans le cas des industries de transforma-
tion vues plus haut.
Au total,
les capitaux étrangers sont largement
présents
dans les industries africaines.
Ils contrôlent la quasi-
totalité des activités de transformation.
Ils exercent une
domination et un contrôle très étroit sur les industries
minières et celles des produits de la forêt.
Par leurs pré-
férences pour les industries légères liées à l'alimentation
et les industries de matières premières,
ils influencent
fondamentalement l'industrie des pays d'Afri~ue, partant,
leurs économies. La présence de ces capitaux,
leur poids dans
l'industrie en Afrique interdisent toute politique industriel-
le quelque peu cohérente aux pays de cette région. Les capi-
taux étrangers en Afrique,
organisent le drainage des matières
premières stratégiques vers les industries des PCI.
Conclusion 1 ère Partie : La spécialisation des
pays d'Afrique demeure prirn2i~e
Nous avons montré que l'industrie est faiblement déve-
loppée en Afrique noire.
Elle se limite à quelques branches
(industries alimentaires,
textiles,
minières, etc ... ) dont
un certain nombre sont tournées vers l'exportation; ce sont
les industries minières,
les industries de transformation du
bois et du ca0utchouc naturel. Les autres branches indus-
trielles, en particulier l'industrie de transformation,
sont
tournées vers la consommation locale. Ceci explique que glo-
balement,
les pays d'Afrique noire ne s'intègrent pas à l'éco-
nomie mondiale par leurs exportations manufacturières comme

- 162 -
nous l'avons dit plus haut. Les produits industriels expor-
tp.s par ces pays sont des produits primaires et des produits
semi-finis. En plus de ces exportations industriels primaires,
l'Afrique noire exporte des produits agricoles. En effets,
pour un grand nombre de pays d'Afrique noire,
les exporta-
tions décisives sont celles qui portent sur des produits
agricoles (cacao, café, coton,
arachide, etc ... ). Le tableau
suivant (tableau
31
) nous permet de voir le poids des pro-
duits agricoles dans les exportations de quelques pays d'Afri-
que. On constate ainsi,
qu'un ou quelques produits agricoles
représentent plus de
la moitié des exportations de la plupart
des pays qui figurent
au
tableau 31.
Par exemple pour
l'Ouganda,
le Tchad,
l'Ethiopie,
le Rwanda et la Gambie, un
seul produit agricole représente plus de 70 % des exportations
totales,
les cas extrêmes sont ceux de l'Ouganda (le Café re-
présente 89,5 % des exportations totales en 1976-78).
Pour certains pays, deux ou trois produits agricoles
représentent la quasi-totalité des exportations, ainsi le
cacao,
le café et le bois représentent en 1976-78 plus de 68%
des exportations totales de la Côte d'Ivoire, plus de 63 %
de celles du Cameroun (CF tableau 31
).
Nous pouvons donc dire que la Spécialisation de l'Afri-
que noire reste une spécialisation primaire. Cela veut dire
que les
pays d'Afrique exportent un ou quelques produits
primaires agricoles, énergétiques ou miniers et importent
l'essentiel des biens manufacturés dont ils ont besoin. Les
tentatives d'industrialisation de la fin des annêes 1950 et

-
163 -
Tableau 31
: Part des principales exportations agricoles
dans le mOLltant total des exportations de quelques pays
d'Afrique noire (1976-78).
PRODUITS
PAYS ET PART EN POl~CENTAGE
Café
Ouganda (97,8), Burundi (89,S), Ethl0nie (71,9)
Rwanda (76,3), Madagascar (44,1), Tanzanie (37,2)
Kenya (35,9), Centrafrique (30), Togo (11,2)
Cameroun (30,3), Côte d'Ivoire (30,3).
Cacao
Ghana
(63,2),
Bénin
(23,5),
Togo
(19,5)
Côte d'Ivoire (22,5),
Cameroun
(21,4)
1
Coton
Tchad
(76,4),
Soudan
(51,4),
Mali(41,8)
Haute Volta
(55,5),
Bénin
(18)
Bois
Centrafrique
(15,2),
Côte d'Ivoire (15,3) Cameroun(11,5)
Arachide
Gambie
(71,5),
Sénégal
(37,5)
Tabac
Malawi
(55)
Source :- World bank staff paper n0486 august 1981. Adjustment
in low income Africa, 1974-78.
- G.Grelet citant la CNUCED dans Structures de l'Afrique
noire déjà cité p.
20.

- 164 -
et de la décennie 1960, portant sur l'agro-industrie et les
industries de substitution aux importations entraîneront des
importations massives de biens d'équipement et de bi~ns in-
termédiaires accroissant la vulnérabilité des économies
africaines et les exposant encore davantage au marché mon-
dial.
Pai ailleurs,
l'étroitesse des marchés des p~vs 3frl-
caïns,
la faiblesse des revenus dans ces derniers ont pour
conséquence que l'agro-industrie qui aurait pu se développer
se heurte à cette difficulté (insuffisance du marché local)
et est contrainte à l'exportation avec tout ce que cela com-
porte d'aléatoire.
Enfin,
l'industrie en Afrique noire reste dominée par
des capitaux étrangers. Mais à la différence de la période
cOloniale les capitaux étLangers sont relativement diversifiés
bien que les capitaux en provenance de l'ancien colonisateur
soient dominants. Cette prédominance des capitaux étrangers
j[.toerdit tout contrôle des pays d'Afrique fuire
d'une part sur
l'approvisionnement de leurs économies en biens de consomma-
tion, d'autre part sur le rythme et le poids de l'exploita-
tion de leurs ressources naturelles (mines, bois et caoutchouc)-
Les pays d'Afrique noire restent encore pour une large part
une réserve de produits miniers,
énergétiques, de matières
premières agricoles et des produits de la forêt
; de matières
premleres et produits agricoles
bon marché pour les PCI.
Ils
constituent par ailleurs un marché pour les firmes de ces
pays dans certaines conditions précises, par exemple à tra-
vers la construction d'usines clés en mains, la construction
de barrages hydrau-électriques ; à travers l'équipement des

- 165 -
industries,
la fourniture de produits céréaliers nécessaires
au fonctionnement des industries alimentaires (minoteries,
confiseries, bière et boissons,
etc ... ),
etc ... Les pays
d'Afrique sont donc ouverts sur le marché mondial.
Ils sont
parmi les pays les plus directement exposés aux lois du mar-
ché mondial contrairement aux thèses de l'IFRI (Institut
Français des Relations Internationales) qui soutient que
l'Afrique serait en passe de sortir du marché mondial. Les
pays de cette région sont largement soumis aux lois du marché
mondial, alors que ce sont justement des pays qui ont le moins
de possibilités d'influer sur ces lois. Nous verrons plus
bas que leur accès au marché mondial reste contrôlé par les
sociétés de commerce international et les grands groupes de
négoce international.
De tous ces éléments, nous pouvons dire que les pays
d'Afrique dépendent encore largement de leur passé colonial,
exportant surtout des produits
pri~aires
et ceci sous une
influence notable des ca?itaux internationaux en grande partie.
L'industrialisation ultérieure va introduire des dis-
torsions lmportantes dans la structuration de la production
des pays d'Afrique noire: ainsi,
les industries manufactu-
rières et minières seront caractérisées par les techniques
de production parmi les plus sophistiquées et seront g~r~es
sur la base de la production capitaliste alors que la pro-
duction
agricole,
y compris l'agriculture d'exportation,
res~e soumise aux techniqùes traditionnell~s de production
et à des règles de gestion archaïques. La conséquence de la

- 166 -
prédominance des méthodes traditionnelles de production
explique la faiblesse de la productivité du travail dans
l'agriculture, alors que la détermination de la valeur des
produits de cette agriculture se pose en comparaison des
produics du marché mondial (surtout biens ~ndustriels impor-
tés par l~s paIs d'Afrique noire) dont la production s'est
effectuée avec une productivité du travail très élevée. C'est
une distortion essentielle à la compréhension de la perte du
pouvoir d'achat international des produits primaires (surtout
agricoles) d'Afrique noire (nous étuJierons plus en détail
ce phénomène plus bas).
L'industrie post-coloniale parviendra à démanteler l'ar-
tisanat des sociétés traditionnelles africaines. L'artisanat
dans les sociétés traditionnelles en Afrique constituait un
travail annexe à domicile accompli en surplus du travail
agricole pour satisfaire les besoins domestiques. Dans les
sociétés traditionnelles africaines,
l'artisanat était tou-
jours composé avec une activité agricole;
le coordonnier,
le
tisserand, la potière, etc ... , ne vivait pas que de son art.
Il disposait également de terre pour cultiver ou faire cul-
tiver les produits vivriers. R. Luxembourg a parfaitement
raison quand elle affirme que dans l'économie naturelle,
l'ar-
tisanat est lié et s'encastre dans l'agriculture (1). Ceci
est particulièrement vrai en Afrique noire. Dans cette région
le capitalisme ne s'empare pas de l'agriculture, qui reste
dominée par une organisation du travail,par des techniques
de production archaïques;
il ne le fait pas car cela n'est
pas nécessaire à sa domination sur la société toute entière
et au draînage des ressources de la nature vers les PCI. Le
(~) Rcs& luxeQbcurg :'acceDulaticTI ~u c20ital ouvrage déjà cité.

- 167 -
démantèlement de l'artisanat oblige les populations rurales
à participer encore plus à l'économie marchand~. Elles écou-
lent leurs productions (produits d'exportation, produits
vivriers) sur le marché et acquièrent les produits menagers
et tous les biens nécessaires sur le marché. De ce point de
vue,
le rôle historique du MPC dans les pays d'Afrique noire
est de remplacer l'économie naturelle par l'économie marchande
simple puis l'économie marchande simple par le capitalisme
dans certaines conditions.
L'ampleur de ce processus déter-
miner.a la manière dont l'impact de la crise sera violent. D'une
façon générale, cette intégration des populations rurales dans
l'économie marchande les soumet directement au marché mondial.
Au total,
façonnées par le système colonial dans le
sens de l'exploitation de leurs richesses naturelles pour
l'exportation et l'i,oportation de l'essentiel des biens
industriels dont elles avaient besoin,
intégrées ainsi à
l;économie mondiale,
les économies d'Afrique noire après les
indépendances politiques des années,
1950 et 1960 vont appro-
fondir ce processus par l'avancée de l'économie marchande et
le développement relatif d'une industrie. L'industrie en
A~rique reste très limitée, très peu intégrée et largement
dominée par les capitaux étrangers. Les activités primaires
demeurent les plus importantes dans ces pays.
Tous ces éléments expliquent que les économies africaines
soumises directement aux lois du marché mondial,
soient sensi-
bles à toutes les évolutions de l'économie mondiale. Cette
caractéristique essentielle aux pays d'Afrique est particuliè-
rement perceptible en période de crise ; car les différents

- 168 -
Etats capitalistes élèvent alors des protections diverses
pour protéger autant que possible les segments du marché
qu'ils peuvent protéger. Les pays d'Afrique noire ne peuvent
se permettre un tel luxe,
ils en ont ni la capacité ni les
moyens. Il se trouve ainsi que les pays d'Afrique qui n'ont
que très peu de force,
sinon pas du tout pour influer sur les
lois du marché mondial,
se trouvent exposés le plus brutale-
ment à ces lois.
Ils subissent de Rein fouet et totalement
la DIT. Toutes les relations sociales dans ces pays sont
soumises aux lois du marché mondial. C'est la raison la plus
profonde
de l'impact intense de la crise économique mondiale
en cours sur les pays d'Afrique noire.

- 169 -
2 eme Partie
LES MECANISMES DE PROPAGATION ET LES
IMPACTS DE LA CRISE EN AFRIQUE
Nous examinerons dans cette partie le processus de pro-
pagation de la crise dans les économies africaines.
Le noeud
de ce processus sera les matières premières.
Les matières premières constituent la principale source
de devises et de ressources pour la quasi-totalité des pays
d'Afrique. Elles leur fournissent
l'essentiel de leurs recettes
d'exportation et constituent pour plus d'un pays africain,
l'u-
nique garantie qui leur assure un accès au financement exté-
rieur (crédit internaitonal privé et public, dons et soutiens
divers de la part des PCI).Les matières premières jouent ainsi
un rôle central dans le foncionne~ent des économies africaines.
Les marchés des matières premières qui déterQine~tleurs cours,
leurs valeurs internationales,
influencent de façon décisive
les structures économiques des pays d'Afrique:
ils représen-
tent leur talon d'Achile. La turbulence extraordinaire que ces
marchés vont connaître dès le début de la décennie 1970 et
surtout la fluctuation des cours orientés avec insistance
vers la baisse à partir du milieu des annnées 1970 vont secouer
,
violament les économies africaines. Les marchés des matières 1Qr~5
ont ainsi joué un rôle central dans l'éclatement de la crise
en Afrique,
son développement et l'aggravation de la situation
générale des pays africains. Nous montrerons comment le com-
porte~ent des marchés de matières premières constituent le
principal mécanisme de propagation de la crise en Afrique.

- 170 -
CHAPITRE V
LA PHYSIONOMIE GENERALE DES MARCHES DES
MATIERES PREMIERES APRES 1960.
§ 1 - LA
QUESTION DES MATIERES PREMIERES
Le ~PC ayant développé l'industrie dans des proportions
très étendues, ayant privilégié l'industrie comme un champ
d'accumulation continu,
la production matérielle capitaliste
est une production
industrielle, c'est l'industrie qui par son
aptitude à incorporer le progrès technique, va révolutionner les
conditions de la production, va accroître la productivité du
travail et va moderniser
l'agriculture.
Le processus industriel opère une transformation décisi-
ve des produits tirés de la nature. Son progres continu,
son
développement rapide, supposent que l'industrie dispose en per-
Qanence de matières premières brutes en quantité et en qualité
suffisantes et bon marché,
la production capitaliste étant une
production de profits à moindre frais (l'objectif fondamental
de la production capitaliste est l'obtention d'un profit maxi-
mum à un coût moindr~. Ceci explique que dès l'aube de la
révolution industrielle du XIXe siècle, la recherche des
matières premières industrielles se soit posée comme un pro-
blème important pour le capitalisme naissant; l'Angleterre,
premier pays capitaliste ne se voulait-elle pas 1 "'Atelier du monde",
relegant le reste du monde à une fonction de fournisseur
de matières
premières industrielles et de débouchés pour les produits
industriels anglais. Avec le développement du capitalisme
dans les autres pays d'Europe à la fin du XIXe siècle, en Amérique au début
XXe siècle et au JaTxm au milieu du XXe siècle ; avec la transformatlon du

- 171 -
capitalisme de libre concurrence en capitalisme de monopole
(monopole total ou limité)
; l'approvisionnement en matières
premières industrielles et en produits primaires en général
va être une préoccupation et un problème très délicats pour
les PCI.Il s'agira pour ces pays de localiser les réserves
et les ressources en matières premières et de chercher à
accéder et à contrôler ces sources de matières premières. Ce
fut l'objet central du système colonial comme nous l'avons
montré plus haut et de la spécialisation internationale de
l'Afrique,
l'orientation des activités économiques de cette
région étant déterminée par l'approvisionnement des PCI. La
détermination des PCI, au contrôle des économies des PED en
général, de l'Afrique en particulier tient au fait que ces
pays pris globalement sont très peu fournis en matières pre-
mières brutes.
Ils sont
donc très dépendants des sources
extérieures pour leur approvisionnement en produits primaires.
Une étude du US Bureau of mines citée par Louis Gill donne
1e s chi f f r e s sui van t s qua n tau x réJHXlrts EfItre 1 e sim po r ta t ion s e t
la consommation des PCI en 1979 pour:
le cobalt (96 %),
le
pla t in e (91 %),
1 a bau xi te (93 %),
1e nie k e 1 (81 %),
1 e
manganèze (91 %),
l'Etain (81 %),
le chrome (92 %),
le tung-
stène (50 %),
le zinc (67 %),
le fer (28 %),
le plomb (11 %),
le cuivre (40 %) (1).
Cette dépendance
est différenciée selon les pays. Ainsi
pour les pays d'Europe Occidentale qui doivent importer 80 %
des ressources minérales et le Japon qui en importe 95 %,
la
dépendance par rapport aux produits de base importés est
quasi-totale. Pour le Canada,
les EU et l'Australie, cette
dépendance est partielle, ces pays disposant d'importantes
(1) L. Gill, Economie mondiale et impérialisme, Presses de Montreal 1983.

- 172 -
ressources minérales et produisant une part
notable des ma-
tières premières industrielles dont ils ont besoin. Les EU,
le Canada et l'Australie disposaient ensemble en 1977 de
plus de 50 % des réserves mondiales connues d'amia8tc,
27 %
de celles de titane,
44 % de celles de plomb, 45 % de celles
de zinc,
de 20 %
des réserves mondiales de tungstène. Le
Canada et l'Australie disposaient en plus de 23 % des réserves
mondiales de fer,
de 25 % de celles du cuivre. Ces pays dis-
posaient également d'importantes réserves de mercure (EU),
d'aluminium (Australie), d'argent et de platine (Canada,
Aus-
tralie, EU) (1).
De même, pour l'approvisionnement en bois (résineux et
bois de trituration),
le Canada et l'Australie disposent
d'immenses
forêts,
qui les dispensent d'importer du bois.
Mais, même pour ces pays
qui sont dôtés de ressources
primaires importantes,
la course a l'approvisionnement ex-
térieur est aussi vitale.
Il leur permet de maintenir des
réserves de matières premières intactes à l'intérieur de leurs
frontières et de constituer des stocks stratégiques de sécu-
rité en prévision de difficultés d'approvionnement ultérieures.
D'autre
part,
le contrôle des sources diverses de matières
premières, surtout en provenance des PED, permet aux grands
groupes internationaux de profiter de coûts bas et d'empêcher
l'accès de ces ressources aux autres groupes
capitalistes
ainsi qu'aux firmes d'autres pays.
Si la dépendance des PCI par rapport aux métaux et miné-
raux n'est pas totale,leur approvisionnement en produits agri-
(1) L. Gill, économie mondiale et impérialisme, ouvrage déjà cité.

-
173 -
coles primaires à l'exception du blé,
du maïs et du soja,
est
assuré essentiellement par les PED.
Ainsi,
les boissons
tro-
picales (café,
cacao,
thé),
les oléagineux (arachide,
palmiste,
coco,
ect . . . ),
le coton,
le sisal,
les bois
tropicaux,
le
caoutchouc naturel,
etc . . . ,
leur sont fournis par les PED,
avec un poids prépondérant de
l'Afrique pour un grand nombre
de produits.
De même,
l'approvisionnement des PCI en produits
énergétiques (pétrole,
gaz naturel et uranium)
est assuré
par
les PED.
L'on se souvient des effets de la hausse brutale des
prix du pétrole en 1973 sur les processus industriels de ces
pays.
Les processus de production
des PCI avaient été conçcus
autour du pétrole comme énergie privilégiée,
leur mise en
oeuvre se fondait
sur le pétrole moins cher.
On peut dire qu'aujourd'hui
les PCI sont fortement dépen-
dants des
sources extérieures pour
leurs approvisionnements
en matières premières et produits primaires.
Ils ont
tenté de
remédier à cette dépendance en accroissant la production dans
leurs économies de certaines matières et par le développement
de la substitution synthétique aux produits
primaires
tirés
de la nature.
L'exemple
le plus
frappant de production crois-
sante de matières premières locales par les pays
industriali-
sés e~t le cas de la Grande Bretagne qui produit aujourd'hui
du pétrole en mer noire.
Ce qui
lui permet de s'auto-suffir
en pétrole et même d'exporter du pétLole.
Quant au développement des substituts synthétiques,
les
cas des fibres
synthétiques et du caoutchouc synthétique en

-
174 -
sont une parfaite illustration. Le tableau 32 nous permet
de voir que la production de fibres synthétiques, de caoutchouc
synthétique et de matières plastiques
a cru en volume en moyen-
ne de plus de 10 % entre 1963-65 et 1971-73 et de près de 4 %
en moyenne de 1971-73 à 1978-80. Selon J. Valier,
la part du
caoutchouc synthétique dans
la production mondiale devient
dominante à partir du milieu des années 1960 : elle passe de
6,4 %
en 1938 à 56 % en 1965. Toujours selon Valier,
la part
des fibres synthétiques dans la production mondiale de matiè-
res premières textiles, passe de 9,5 % en 1938 à 27,6 %
en
1965 (1).
De même,
l'ensemble des métaux à l'exception du
mercure et de l'amiante,
possèdent aujourd'hui des substituts
dans leurs principales utilisations. Par ailleurs,
le progrès
technique
peut rendre économiques nombres d'extractions de
matières premières qui ne peuvent être exploitées économique-
ment ajourd'hui
; par exemple,
les nodules polymétalliques qui
peuplent les fonds marins et qui contiennent des teneurs im-
portantes en manganèse (de 10 à 50 %), en fer (de 2,5 à 27 %),
du nickel et du cobalt de substitution (moins de 2 %) (2).
La maîtrise de ces nodules peut bouleverser demain la
hiérarchie des métaux connus aujourd'hui.
La substitution synthétique aux matières premières direc-
tement tirées de la nature donne des résultats intéressants,
mais elle reste encore largement dépendante des produits de
base tirés de la nature. En effet,
les substituts sont généra-
lement obtenus à partir de matières premières
de base,
elles
(1) J. Valier
: une critique de l'économie politique, ouvrage déjà cité
tome II p 125.
(2) L. Gill, Economie mondiale et impérialisme déjà cité.


- 175 -
Tableau 32
: Produc t ion de ma t ières rias tiques dans les
~ys capitalistes industrialisés de 1963-65 à 1978-80.
r--
Production annuelle
Taux de croissan-
1
moyenne (milliards de tonnes)
ce (pourcentage
ar an)
1
1963
1971
1978
de 1963
de 1971
1965
1973
1980
1965
1973
a
1971
à 1978
MATIERE
1973
1980
Fibres synthétiques
Rayonn e
et
acétate
3,22
3,55
3,26
1,2
-1,2
Fibre non cellulosiques
1 ,54
6,50
10,38
19,7
6,9
Total
4,76
10,05
13,64
10,6
4,7
Caoutchouc synthétiques
2,75
5,21
5,85
8,3
1, 7
Matières plastiques
10,59
29,60
38,26
13,7
3,7
Total
13.34
14.81
44,11
12,1
3,8
Source
CNUCED : Rapport sur le commerce et le développement dans
le monde. 1982. p.73.

- 176 -
mêmes sujettes à un renchérissement des cours. L'exemple du
caoutchouc synthétique et de ses dérivés est très illustratif
de cete observation. Ces produits étaient économiquement in-
téressant quand le pétrole était bon marché. Depuis la crise
pétrolière (les deux chocs pétroliers de 1973 et 1978),
ils
sont devenus moins compétitifs. Ainsi le caoutchouc naturel
reviendrait au premier plan à la fin des années 1980 ; sa
part dans la production mondiale de caoutchouc passerait de
30 % actuellement à un peu moins de 50 % (1), Ceci pour dire que
le développement des substitut synthétiques n'affranchit pas
les PCI de la contrainte d'approvisionnement en produits pri-
maires tirés de la nature.
D'ailleurs le tableau 32fait ressor-
tir un affaissement important de la croissance des produits
synthétiques, dont la croissance moyenne supérieure à 10 %
sur la période 1963-1973, n'est plus que de 4 % sur la période
1973 à 1980,
les rayonnes et acétates connaissent même une
baisse de 1,2 % sur la dernière période.
L'ensemble de ces données, nous permettent de dire que
l'approvisionnement en matières premières et produits primaires
de sources extérieures restent important dans l'activité de
production dans les PCI. Les firmes et les Etats de ces pays
mettent tout en oeuvre pour s'approvisionner dans les meilleures
conditions et aux prix les plus bas possibles. C'est autour
de ces éléments que la question des matières va être posées.
En particulier pour les pays d'Afrique spécialisés dans la
production et l'exportation des matières premières.
Cette question est centrale, c'est elle qui va déterminer
fondamentalement les ressources que les pays d'Afrique seront
(1) World bank sector study et FAO
natural rubber 1982.


- 177 -
en droit d'~tLendre de leurs rapports avec le marché mondial.
Un certain nombre d'éléments de réponses à cette question
sont fournis par le comportement des marchés de mati~res pre-
mi~res. Nous allons exposer à présent les caractéristiques
des marchés des mati~res premi~res, c'est-à-dire les marchés
sur lesquels s'écoulent les mati~res premi~res et prod~its
primaires en général.
Il est évident que ces marchés vont re-
fléter les désirs des firmes qui interviennent sur ces marchés
les intérêts des pays et firmes producteurs de mati~res pre-
mleres.
§ 2 - LES CARACTERISTIQüES DES MARCHES DES MATIERES
PREMIERES
~car~~~ti~
.Jes marchés des mati~res premi~res seront
saisies à travers l'exposé de la stratégie des âgents qui
interviennent sur ces marchés et du fonctionnement des mar-
chés de matières premi~res.
2.1. La stratégie des agents qui interviennent sur
les
marchés de mati~res premi~res
Les agents qui interviennent sur les marchés des matiè-
res premières peuvent être
regroupés dans les trois types
fondamentaux suivants
-
lessociétés de commerce internaitonal (ScI)
- les négociants internationaux
- les Etats des PCI et ceux des PED.
2.1.1 Les sociétés de commerce international.

- 178 -
Les SCI remontent aux premiers contacts entre l'Europe
du XVIe siècle et les autres territoires du globe,
les Indes
occidentales,
l'Afrique,
l'Amériques, etc ... Les exemples types
sont la grande compagnie des IndesJles compagnies de traite et
de comptoir en Afrique (la SCOA,
la CFAO, UNILEVER, OPTORG, etc)
qui ont dominées la période coloniale. A partir des années
1950, le mouvement de la décolonisation va réduire considéra-
blement le poids des sel dans le commerce international des
matières premières. A llheure actuelle,
la part de ce commerce
détenue par les SCI
est insignifiante; elle n'est importante qu'au
Japon où les SOGO-SOSHA créées au début de l'ère MEIJI, afin
de gérer les importations de coton brut du Japon, vont béné-
ficier par après du monopole du commerce extérieur de ce pays
en accord avec le MITI (ministère japonais de l'industrie et
du commerce extérieur).~IQspect de leurs activités qui nous
intéresse sera Je quasi-monopole dont elles jouissent quant à
l'approvisionnement du Japon en matières premières. Elles vont
effectuer par ailleurs d'importantes opérations "OFF-SHORE",
c'est-à-dire entre pays tiers. Le tableau 33n0us permet de
voir l'importance des activités portant sur les matières pre-
mières de firmes parmi les plus puissantes au Japon.
Tableau 33:
SOGO-SOSHA
japonaises, répartition du chiffre
d'affaires en 1981 en proportion du chiffre d'affaires tota
Produits
Produits
SOCIEIES
pétrolier
Métaux
agricoles
total
1
~itsubishi Corp
26,1
25,5
14,1
65,7
Mitsui and Co
15
27
19
61
C. Itoh
30
10,3
12
52,3
Marubeni
25,1
22,7
14,2
62
Sumitumo
19
33,2
9
61
Missho-Iwai
27,4
33,6
8,1
69,1
Tokyo-Menka
22,7
13
16,8
62,5
Michimen
28,2
-
16,9
45,1
Source :Résultats annuels des firmes cité par ph. Chalmin,
Négociants et chargeurs, ouvrage déjà cité p. 54.

9
-
179 -
On observe ainsi que pour la majorit~ des firmes du
tableau,
le chiffre d'affaires r~alis~ par les activit~s dans
le commerce des matières premières repr~sente plus de la moi-
tié du chiffre d'affaires total.
Les Sel disposent en gén~ral d'un r~seau d'agences et de
filiales dans le monde ou au moins dans une zone g~ographique.
Elles ont ainsi une repr~sentation permanente et sont donc
établies dans les pays où elles interviennent, contrairement
aux soci~t~s de négoce international, qui comme nous le verrons
plus bas,
interviennent par contrats d~terminés. Les représen-
tations des sel combinent les op~rations d'achats de matières
premières, celles de production sur place et de distribution
de marchandises (produites localement ou import~es), celles
d'exportation vers les ~arch~s ext~rieurs des produits locaux
soit vers la soci~t~-mère, soit en les ~coulant elles-mêmes di-
rectement.
Les Sel vont être ~branl~es, du moins leurs activit~s
d'exportateurs de matières premières, par la mise sur pied
d'organismes publics de commercialisation et d'exportation des
matières premières en Afrique, produits strat~giques pour les
pays de cette r~gion.
Ainsi, dès la fin des ann~es 1940 jusqu'au d~but des
ann~es 1960, de nombreuses caisses de stabilisation et organis-
mes publics furent mis sur pied en Afrique pour contrôler la
commercialisation des produits des pays africains. Tels sont
les cas de l'OeA (office de commercialisation de l'arachide)
en 1960 qui deviendra l'ONeAD en 1966 et qui avait le monopole
de la collecte et la commercialisati0n de l'arachide en coque
au S~n~gal ; de l'office du Niger qui jouissait du monopole de

- 180 -
la commercialisation des produits agricoles au Mali; de la
CSSPPA (Caisse de Stabilisation et de Soutien des Prix des
Produits Agricoles) en Côte d'Ivoire,
etc ... Le tableau 34nous
permet de voir la chronologie des marketing boards et caisses
de stabilisation et de commercialisation en Afrique sur la
pÉriode
(tableau 34, page suivante).
Ces caisses de stabilisation et organismes publics,
disposant du monopole de la collecte des matières premières
en Afrique, permettent aux pays d'Afrique d'exercer un contrôle
partiel sur la commercialisation et l'exportation de leurs
produits. Cette ~volution compromet une part importante des
activit~s des SCI, il n'entame en rien
le poids des n~gociants
internationaux.
2.1.2.
Les soci~t~s de negoce international
Selon le ministère français de l'~conomie, la fonction
d'un n~gociant international "consiste à r~pondre à des offres
d'achat ou de vente de marchandises en France ou à l'~tranger
et en assurer la contrepartie. Les n~gociants achètent ces
marchandises dans le seul but de les revendre ... Les n~gociants
achètent et vendent ces marchandises pour leur propre compte"(l).
Les achats et ventes sont effectu~s soit en r~pondant
a un appel d'offre international lanc~ par un organisme public
(surtout achat de matières premières) ou une entreprise priv~e.
La conclusion de l'op~ration se fera dans ce cas par adjudica-
tion. S'il s'agit d'un achat par le n~gociant de matières
premières à un organisme public, ce dernier assure généralement
(1) Cit~ par ph. Chalmin dans négociants et chargeurs. Ouvrage d~jà cit~.

- 181 -
Tableau 34: Chronologie des Marketing Boards, caisses de
stabilisation et orga~ismes publics en Afrique
Date
Pays
Organisme
Produit concerné
1939-1942
Afrique de
West African cocoa control Board
cacao
l'ouest bri-
tannique
1942-1949
"
"
West African Produce Control
cacao, arachide,
Board
palmier à huile
1946
Tchad
Création d'urec:aisse de soutien
devenue en 1965 : la caisse de
coton
stabilisation des prix du coton
1947
Ghana
Cocoa Marketing Board
Cacao
Nigéria
Cocoa ~Iarketing Board
Cacao
1949
Ghana
Produce Marketing Board(devient
en 1955 Ghana agricultural and
tous produits
fisheries development corp)
sauf le cacao
Nigéria
4 Marketing Boards coiffés à
arachide, cotont
l'échelon central par la Nigeria
palmier ~ huile
produce marketing Company Ltd
cacao, sesame,
soja.
Sierra-
Sierra-Léone Marketing Board
Palmier à huile
Léone
cacao, coprah,
arachides (depui
1961 café et
gingembre) .
1953
Ouganda
Coffee Marketing Baord
Café
1960
Ghana
Timber Marketing Board
Bois
1964
Haute Volta
Caisse de Stabilisation des prix
Coton, arachide
des Produits Agricoles
karité, sésame
R-C-A
Caisse de Stabilisation des Prix
du café et du coton
coton et café
1965
Gabon
Caisse de Stabilisation des
Cacao
prix du cacao
1966
Côte
Caisse de Stabilisation et de
Tous produits,
d'Ivoire
soutien des prix agricoles
les plus impor-
tants(café,coto
cacao) ...
1967
Cameroun
Caisse de Stabilisation des prix
du sucre, Caisse de Stabilisation
Sucre, cacao,
auprès du trésor public devient en
coton, arachides
1978 office national de commercia-
lisation des
roduits de base
Tableau construit à partir des données de:
- Ph. Chalmin : Négociants et chargeurs
Ouvrage déià cité R. 41.
- Etudes et documents du ministère français de la coopération et GU développement
nO 48 juillet 1982 p.70.

- 182 -
la collecte des marchandises et leur acheminement jusqu'en
position F.O.B. Les achats peuvent être effectués sur une
initiative du négociant, dans ce cas en général l'achat est
effec~ué directement sur les zones de production, le négociant
en assurant la collecte et l'acheminement jusqu'au point d'em-
barquement.
Le négoce en mati~res premIeres Se ram~ne à la prospection
des marchés d'offres de mati~res premières, à la recherche de
la demande de ces produits et à réaliser l'adéquation de ces
grandeurs au niveau international en assumant l'acheminement
physique,
les opérations financi~res nécessaires et les risques
relatifs à cette activité, cette adéquation n'ayant un sens
pour le négociant que si elle lui procure des profits intéres-
sants.
Les négociants internationaux n'ont pas nécessairement
besoin d'agences ni de filiales locales dans les pays où ils
interviennent,
les compagnies de négoce
international inter-
venant par contrats déterminés. S'ils cherchent quelquefois à
construire des entrepôts et des bâtiments de stockage dans les
pays d'intervention où ils ach~tent des marchandises, c'est
pour accoître leurs capacités d'intervention. Les sociétés de
négoce international n'éprouvent donc aucune difficulté devant
le fait que la collecte des mati~res premi~res, leur production
soient entre les mains des pays exportateurs (ce qui n'est
d'ailleurs pas toujours le cas). Elles restent le verrou à
l'acc~s au marché mondial par les pays producteurs de matières
premi~res, le contrôle par les caisses de stabilisation et
organismes publics n'allant pas au-delà des fronti~res des pays
pr0ducteurs.

- 183 -
Les sociétés de négoce dominent les marchés internationaux
des matières premières. Les principales sont répertoriées dans
1e tableau 35.
Tableau35 : Les principales entreprises de négoce par
produit traité à la fin des années 1970.
% commerCE
Produit
Entreprise et pays d'origine
mondial
iCéréales et
Cargill (EU)
17-28
l'protéagineux
Continental (EU)
17-25
Louis Dreyfus (France)
13-15
Bunge et Born(Brésil)
8-12
André (Suisse)
8-10
1
Toffer
8-10
Oléagineux
Cargil
10-20
Continental
10-15
Bunge et Born, Noga
Sucre
Sucre et denrées (France)
15
Ed. F. Man (Grande Bretagne)
15
Philip Brothers (EU)
12
Tate and Lyle (Grande Bretagne)
Cacao
Gill and Duffus (GB)
50
S.H. Berisford
25
Merkuria/Sucres et denrées (France)
8
Café
Rothfos (R.F.A)
10
Acli (EU)
10
Volkart (Suisse)
5
Coton
Cargill-Ralli (EU-GB), Volkart, Mc Fadden Valmac (EU),
Bunge et Born, W.B. Dunavant
Tabac
Universal leaf
Alcool
Louis Dreyfus
70
Melasses
Tate and Lyle
40
Sucres et denrées, Van Ginniken
Pétrole
Philip Brothers, March Rich (Suisse)
Métaux non ferreux Philip Brothers, Mark Rich, Asoma (EU) commercial
Metals (EU) Preussag/AMC, Metallgesellschaft (RFA)
Caoutchouc
Lee (Singapour), Gilland Duffus/Pacol, ACPI, Safic
Alcan (France), Maclain Watson/ralli (Cargill)
Fibres dures
Wigglesworth (GB), Landaem (GB)
Source
Ph. Chalmin, négociants et chargeurs déjà cité p. 163.

- 184 -
On constate que :
- Cargill continental et Louis Dreyfus réalisent de 63
a 90 % du commerce mondial des céréales et des protéagineux
- Sucres et Denrées, Ed.F.Man et Philip Brothers effectuent
45 % du commerce mondial de sucre
- Gill and Duffus réalise
a lui seul 50 % de celui du
cacao, avec S.W.Berisford, Merkuria, Sucres et denrées,
cette
proportion monte à 84 % ;
- Louis Dreyfus
réalise à lui seul 70 % du commerce
mondial d'alcool, alors que Tate et Lyle réalise 40 % de celui
de la mélasse.
On constate ainsi que le commerce mondial des principaux
produits primaires (agricoles, énergétiques et minéraux) est
le fait d'une dizaine de grandes compagnies qui en détiennent
généralement plus de la moitié.
Ainsi les compagnies de négoce international et les SCI
concentrées dominent sans partage le commerce mondial des
matières premières. Pour ce faire,
elles disposent d'énormes
moyens financiers et de réseaux d'informations économiques
et commerciales, utilisant les moyens techniques de commu-
nication les plus avancés et qui recouvrent le globe tout
entier. L'exemple de la
firme
japonaise Mitsui repris par
Haboub dans sa th~se est très illustratif : cette société a
mis en place en 1979 quatre grands centres informatisés de
collecte et de traitement de données; un à Tokyo pour l'Asie,

-
185 -
un à Londres pour l'Europe et l'Afrique, un à New York pour
le continent américain et un dernier à Sydney pour l'Océanie.
Ces différents centres sont reliés par des satellites
de communication (1). Ces réseaux d'information permettent
aux compagnies de négoce et aux SCI une maîtrise de l'ensemble
des informations qui circulent sur les marchés du monde (l'état
de l'offre et de la demande mondiale,
les mouvements sur les
variations de prix,
l'amplitude des spéculations sur les
marchés,
l'évolution des conditions de production des matières
premières, etc . .. ). Cette somme d'informations leur permet
d'intervenir sur les marchés conformément à leurs besoins et
intérêts.
Les SCI (société de commerce international) et les com-
pagnies de négoce international se couvrent également en sous-
crivant à des contrats d'assurance coûteux et en intervenant
sur les marchés à terme des matières premières (nous verrons
plus bas le fonctionnement de ces marchés à terme).
Ces firmes
sont également très diversifiées. Elles ont débordé de leurs
canaux de spécialisation traditionnels. Nous avons vu que les
SOGO-SOSHA intervenaient dans des domaines aussi divers que
les produits pétroliers,
les métaux et les produits agricoles
(cf tableau 33). De même,
les compagnies de négoce international
se sont fortement diversifiées dès le début des années 1960.
Le tableau 36nous fournit les opérations de diversification
des principales firmes de négoce international à la fin des
années 1970.
(1) R. Haboub, système agro-alimentaire et internationalisation du capital
Essai d'interprétation 1ère partie chapitre II.

- 186 -
Tableau 36: La diversification des Principqles
firmes
,
de n~goce international a la fin des ann~es 1970 et
et au d~but des années 1980.
Firmes
Produit d'o-
Diversification et date
rigine
Philip Brothers
rn~taux
pétrole (1968), sucre (1978),
c~r~ales (1978), cacao (1981:.
Cargill
c~r~ales
coton, rn~taux, sucre
Sucres et denrées
sucre
viande, (1967) , lüit (1970), cacao (1975)
m~taux précieux, café (1976)
Louis Dreyfus
c~r~ales
viande, alcool
Goldschmidt
c~r~ales
sucre (1964), viande (1960), café, cacao
Gill and Ouffus
cacao, noix
caf~ (1962), thé, caoutchouc (1962),
et ~pices
sucre (1975), m~taux
ACLI
café
cacao (1978), métaux (1981)
Cook
coton
c~r~ales (1967)
Ralli Brothers
coton
jute (1969), café (1970), caoutchouc,_
(1970), fibres dures (1979).
.
,
.
1
Source:
ph. Chaim in : négociants et chargeurs. Ouvrage déjà cité
-

-
187 -
On observe que les principales firmes de négoce se sont
engagées dans des opérations de diversification.
La diversification permet aux firmes de négoce et aux
SCI d'étaler leurs risques sur plusieurs activités;
souvent
elles utilisent
les mêmes structures pour exploiter des filières
voisines de leur produit d'origine.
Ainsi,
Gill
and Duffus spe-
cialisé dans
le commerce du cacao,
va ajouter
le café,
le
thé et le caoutchouc (1962) au nombre de ses activités.
La diversification se fait
également en direction des
activités de
transformation surtout par les compagnies de négoce
international.
Par exemple les principa~x négociants interna-
tionaux en cacao,
Gill and Duffus,
S.W Berisford et sucres et
denrées ont pris d'importantes participations dans
les princi-
pa~x broyeurs mondiaux de cacao. Gill and Duffus contrôle
British cocoa Mills,
Ilhens (Brésil),
lCP cocoa (EU). Wessanen
(Belgique) a été rachetée par S.W.
Berisford en 1980.
Sucres
et denrées a pris le contrôle du broyeur français Barry en juillE
1982 (1).
Il faut dire que les diversifications
des compagnies de
négoce vers les activités de
transformation sont non seulement
timides mais redoutées.
Les dirigeants de sucres et denrées
déclaraient en 1984 au cours d'un entretien avec des journa-
l i s t e s :
"fuis
l'intégration comme une peste;
elle est une
façon radicale de
te faire des ennuis
; . . .
Il est plus
lm-
portant pour nous de gag~er un point sur le négoce que de le
gagner sur la ges t ion d'un personnel ouvrier" (2). Sans commentaires,
(1)
Vh. Chalmin négociants et chargeurs ouvrage déjà cité p 229.
(2) l expansion 11/24 Mai 1984 p. 124

- - - - - - - - - - - - - -
-
- 188 -
Les compagnies de négoce
international et les SCI,
dominent donc les marchés des mati~res premi~res l'action de
ces firmes hautement diversifiées, est décisive quant aux
mouvements des cours des mati~res premi~res.
2.1.3. Les Etats des PCI et des PED
Il faut ajouter que les principau~ Etats capitalistes
interviennent massivement sur les marchés des mati~res premi~res.
Ainsi les Etats américain et canadien qui sont les plus gros
producteurs mondiaux de céréales (blé et maïs), disposant de
silos de céréales, stocks immenses de céréales, peuve9t influen-
cer énormément les ~ours de ces produits.
~Etat ané~i~ain par exemple, exerce une influence déci-
Slve sur les marchés céréaliers. En effet premier
exportateur
mondial (28 % de la production mondiale de céréales),
les
quantités que les EU mettent sur le marché déterminent
les
cours des céréales. Alors que l'Etat américain par une subven-
tion aux stocks des" farmers" par l'intermédiaire des 'èléficienc.y
payments llaccroissant leurs capacités de stockage, ou par la
distribution de
céréales à certains pays à travers le pro-
gramme d'aide alimentaire,
le PL 480, peut réguler les stocks
des"farmers' américains et jouer sur les stocks mondiaux de
céréales influençant ainsi de façon décisive leurs cours. De
même les stocks d'étain de la GSA (Général Service Administra-
tion chargée de gérer les stocks détenus par l'Etat américain)
sont plus importants que ceux du conseil international de
l'étain (CIE). De ce fait,
la GSA exercera une influence tr~s
importante sur les cours de l'étain (1).
(1) UNCTNC (United nation center on transnational corporations) : les
sociétés multinationales et le développement dans le monde, 1983 p. 231.

-
189 -
De même des tentatives d'intervention sur les marchés des
matières premières sont faites
par
les pays producteurs expor-
tateurs de matières premières. Ces tentatives se font soit par
des accords de producteurs et arrangements internationaux avec
des groupements de consommateurs ou d'importateurs (nous ferons
plus bas le point sur les accords de produits) soit en interve-
nant directement sur les marchés de matières premières (marchés
spot et marchés à terme). Nous parlerons de tentatives car
jusqu'à ce jour seul le cartel de producteurs - exportateurs de
pétrole,
l'O.P.E.P (organisation des pays
exportateurs
de pétro-
le) est parvenu à influer de façon, décisive sur les cours du
pétrole. Les autres expériences des producteurs pour faire
grimper les cours des matières premières se sont soldées par
des échecs. Ainsi,
le groupe de Bogota né en 1978, regroupant
des pays d'Amérique Latine, s'était fixé pour objectif d'in-
fluencer
les cours du café à la hausse. Pour ce faire,
il pren-
dra des positions d'acheteurs sur les marchés de Londre et de
New-York. Cette stratégie qui s'est avérée payante au cours de
la période de 1978-79, facilitée par le gel de 1979 au Brésil
et en Colombie,
s'est effondrée dès que les conditions climati-
ques ont permis aux deux
premiers
producteurs de retrouver
leurs niveaux de production normaux. Ceci va rendre la position
haussière du groupe de Bogota intenable ; les fonds dont il
avait besoin pour maintenir les cours de café, qui s'effon-
draient,à des niveaux raisonnables,
s'avèrèrent hors de sa por-
tée. D'où l'échec du groupe de Bogota. Nous n'insisterons pas
sur la tentative solitaire de la Côte d'Ivoire en 1979. Ce pays
en desaccord avec l'accord sur le cacao signé à l'époque entre
producteurs et importateurs, qu'il dénonçait a entrepris de
stocker unilatéralement le cacao afin d'endiguer la tendance

- 190 -
baissière des cours. Ce choix de retrait du marché mondial n'a
pu arrêter la chute des cours du cacao,
les autres producteurs,
en profitant pour accroître leurs parts du marché du cacao. En
1982, la Côte d'Ivoire est revenue sur. sa décision et a réintégré
le marché du cacao. Son aventure solitaire lui a coûté un manque
à gagner estimé en 1979/80 à près de 75 millions de dollars 1980,
et des coûts de stockage de 20 millions de dollars, soit une
perte totale de 95 millions de dollars (1). Les interventions
des pays producteurs - exportateurs restent globalement très
peu fructueuses.
Elles n'influencent pas fondamentalement les
cours des matières premières.
Il ne pouvait en être autrement.
Le poids des agents économiques qui interviennent sur les marché~
de matières premières est fonction des rapports de force qui se
nouent autour de ces marchandises. Dans ces conditions les puis-
santes compagnies de négoce international, les SCI et les Etats
des PCI disposent de moyens sans commune mesure avec les capa-
cités d'intervention des Etats des PED. De ce point de vue,nous
émettons d'énormes réserves par rapport aux études qui avancent
des taux de couverture à terme de la production moyenne de ma-
tières premières pour les PED afin d'assurer une protection des
cours de ces produits (2). La réalité de la situation des mar-
chés de matières premières est leur domination par les compagnie~
de négoce international,
les SCI et les Etats des PCI.
Nous avons exposé les caractéristiques des agents écono-
miques qui interviennent sur les marchés des matières, en par-
(1) African Business, Août 1980, p.34.
(2) Par exemple M. Gbetibotio et Y. Kouadio dans leur contribution au congrès
internaüona1 des économistes de langue française tenu à Clermont-Ferrand en
Mai 198~, partant de la thèse selon laquelle "un agent économique devrait se
couvrir sur le marché à terme s'il est opposé au risque et si la différence
entre le prix à terme et le prix spot est plus stable que le prix spot", es-
timent que le coefficient d'aversion au risque de la Côte d'Ivoire se situant
entre 0,0008 et 0,003, ce pays devrait intervenir sur le marché à terme de
cacao par une vente de contrat à terme portant sur 37% de sa production mo-
yenne. Congrès International des Economistes de Langue Française. Commission
produits de base. Au delà du caractère phantaisiste de ce type d'estimation,
al se dEna-de <p211e est la p:rtin:n:e
du coefficient d'aversion au risque utilisé
dans les calculs.

- 191 -
ticulier
les stratégies des firmes internationales qui dominent
ces marchés. Ces firmes
jouent un rôle central dans le déroule-
ment des marchés de matières premières. De plus les Etats des
pays capitalistes les plus puissants influencent également les
mouvements sur lffimarchés de matières premières. L'analyse du
fonctionnement de ces marchés nous permettra de mettre en évi-
dence cette domination des compagnies de négoce international,
des sel et des états des PCI sur la fixation des prix des ma-
tières premières.
2.2. Le fonctionnement des marchés de matières
~ières
Il existe trois types de marchés de matières premières
des marchés dominés par des accords de produits et/ou des ar-
rangements internationaux divers, des marchés dominés par des
marchés à terme,
enfin les marchés
des produits ne faisant
l'objet d'aucun arrangement international et n'ayant pas de
marché à terme de référence.
2.2.1. Les accords de produits et arrangements
internationaux sur les matières premières
Les accords et arrangements internationaux sur les produit:
de base sont très nombreux, certains comme celui sur le Zinc-Plor
remontent à la fin des années 1950 (1959). Le tableau 37nous
fournit
l'éventail des accords de produits existant fin 1981.

- 192 -
Tableau ~7: Accords de produits et arrangements inter-
nationaux sur les mati~res premi~res
-1
I~ord
PRODUITS
interna- I Caractéristiques
Etat
Actuel
tional
1
Cacao
Accord interna-
Contingent d'expor-
Accord de 1975 n'a jamais
tional 1975:-1980
tation plus stock
fonctionné (prix effectif
régulateur
étaient su~rieurs à la
fourchette , accord de
1980 ne fonctionne pas
Café
Accord interna-
Contingent d'expor-
tional 1976
tation
fonctionne
Sucre
Accord interna-
Contingent d'expor-
N'a jamais fonctionné
tional 1977
tation plus stocks
nationaux
Etain
Accord interna-
Ne fonctionne plus depuis
Stock régulateur
tional 1975-1981
1977 (épuisement du stock
Blé
Prorogation de
Pas de clauses
Echec des négociations en
l'accord inter-
économiques
1979
national (1971)
Plomb-Zinc
Groupe d'étude
international
(1959)
Caoutchouc
Accord interna-
Contingent d'expor-
Ne fonctionne pas encore
tional 1979
tation plus stocks
Graines oléa-
gineuses et
Groupe F.A.O
matières grasses
Thé
Groupe F.A.O. plus
négociations CNUCED
Fibres dures
Groupe F.A.O plus
Arrangements of-
négociation
ficieux sur le prix
du sisal depuis 1976
Bois
Comité du bois
CEE (1980)
Source
ph. Chalmin, négociants et chargeurs, ouvrage déjà cité

- 193 -
On constate ainsi que tous les accords de produits conclus
jusqu'à ce jour, sont aujourd'hui inopérants. Le seul qui fonc-
tionne encore est celui du café, mais même dans ce cas,
l'accord
est inopérant puisque depuis 1976,
les prix réels du café sur
le marché international ont crevé le prix plafond. Ainsi de
1976 à 1978, ces prix se sont fixés au dessus de 105 cents US
par livre, de 1979 à 1980 ils sont égaux en moyenne par an à 90
cents US par livre, alors que le prix plafond de l'accord inter-
national est de 74 cents US par livre,
le plancher étant de 55
cents US par livre (1).
Les accords de produits et arrangements internationaux sur
les matières premières sont minés par les contraintes qu'ils
imposent aux producteurs - exportateurs
; principalement les
contingents d'exportation et le financement des stocks régula-
teurs et des stocks nationaux.
Ces deux éléments sont une sour-
ces de pertes de recettes pour la majorité des PED dont les
produits étant issus de plantes ~erraines (café, cacao, palmiers
etc ... ) ne peuvent être adaptés sur un an ou même deux,
aux
quantités réduites déterminées par les contingents. Le résultat
du contingentement est le manque à gagner des productions non
écoulées et les coûts de stockage des multiples stocks (stock
régulateur,
stocks nationaux). D'autre part les accords de pro-
duits posent le problème du financement de la couverture des
opérations de régulation des cours (stocks régulateurs,
inter-
ventions sur les marchés, conclusion d'accords de ventes et
achats directs,
etc ... ). Mais le blocage décisif des accords de
produits vient de l'existence et du poids des autres marchés
(machés à terme et "marchés libres") qui rendent aléatoire tou-
te stabilité des cours des matières, cours qui sont sous leur
(1) CF IFRI, RAMSES 1982 p. 256.

- 194 -
domination institués en dehors des accords de produits. Malgré
ce chapelet d'échecs des accords de produits,
les Nations Unies
ne désarment pas. On est étonné de lire dans une publication
de l'ONU: "jusqu'à présent,
les efforts déployés pour encoura-
ger la conclusion d'un plus grand nombre d'accords internatio-
naux de produits de base n'ont eu qu'un succès limité. La si-
tuation pourrait se modifier avec l'application du programme
intégré des produits de base de la CNUCED et la mise en oeuvre
du fond commun" (1). Comme si la conclusion des accords (même
pour le programme intégré) suffirait à stabiliser les cours des
produits de base. Le programme intégré de la CNUCED, qui consis-
te à créer des stocks régulateurs et un fond de financement
compensatoire portant sur 18 produits de base, ne reprend en
fait que des mécanismes qui existent déjà, étendus à un nombre
plus important de produits et de pays. Pour les stocks régula-
teurs le problème de leur financement se pose dans des termes
identiques que ceux des accords de produits. Quant au
finance-
ment des opérations de compensation,
il exige des fonds telle-
ment élevés que la CNUCED elle-même a exprimé des doutes quant
aux possibilités de les réunir.
Le secrétariat de la CNUCED a
estimé entre 34,7 milliards de dollars et 8,6 milliards de dol-
lars les contributions que les pays membres à l'accord sur le
programme intégré des produits de base auraient dû verser pour
compenser la chute des recettes des 18 produits pris en compte
par ce programme de 1969 à 1978 selon un appel plus ou moins
grand à l'emprunt sur le marché financier international (2).
Ces chiffres sont énormes,
il n'est pas étonnant que ce
programme, dont le protocole d'accord est signé depuis 1976, n'a
pas été ratifié jusqu'à ce jour par la majorité des membres et
(l) UNCTC, les sociétés multinationales et le développement dans le monde 1983
déjà cité p. 239.
(2) Secrétariat de la CNUCED, conseil du commerce et du développement, commis-
sion des produits de base; facilité complémentaire pour les déficits de recet-
tes d'exploitation relatif aux produits de base. Genève, Février 1982 TD/B/222
CNUCED p. 51.

- 195 -
que pour l'instant c'est un programme qui reste encore large-
ment un projet.
Au delà de ce blocage du programme intégré et des méca-
nismes de compensation qui l'accompagDent, on peut dire que le
financement compensatoire,
tout comme les autres mécanismes de
compensation,
le STABEX par exemple (1),
son objectif explicite
n'est pas la st0bilisation des cours,
mais la compensation,
et SOLIS certaines conditions précises, des pertes de recettes
d'exportation. Les mécanismes de compensation agissent après-
coup et révèlent la chute des recettes (des cours) plutôt qu'ils
ne les combattent.
Les accords de produits et les arrangements internationaux
portant sur les matières premières n'exercent qu'une influence
limitée sur la fixation des cours de ces produits. Ce sont
donc les autres types de marchés qui exercent une influence
décisive sur les cours de produits de base.
2.2.2. Les marchés de matières premières dominés
par des marchés à terme
La domination des marchés de matières premières par les
marchés à terme présente deux cas de figure
Soit,
il n'y a qu'un seul marché à terme,
ou en tout cas
un marché prépondérant; c'est le cas du cuivre, du zinc, du
plomb, de l'étain, de l'argent métal dont les cours sont déter-
minés par
référence aux cours du marché de métaux de Londres,
le London Metal Exchange (LME), du platine par le marché de
(1) STABEX, système de stabilisation des recettes d'exportation institué par
les différentes conventions de Lomé liant la CEE, communauté économ~que eu-
ropéenne, à la quasi totalité des pays d'Afrique et du Pacifique. Le STABEX
prend en compte les produits dont la valeur a représenté sur l'année écoulée
7% des exportations totales et le seuil de déclanchement du mécanisme est la
perte des exportations de 7 % par rapport à l'année précédente.

- 196 -
New York,
les céréales par celui de Chicago,
les cours de la
laine par celui de Sydney. C'est sur la base des cours affichés
par ces marchés que toutes les opérations sur ces matières pre-
mières se fondent (le calcul des commissions des intermédiaires,
le montant des assurances,
les prix d'offre et de demande des
négociants, etc ... ).
Soit, il existe plusieurs marchés à terme qui exercent des
fonctions parallèles ; tel est le cas du café (Londres et New
York~,le sucre (Londres, New York, Paris), etc ... Ces marchés
exercent une influence décisive sur les cours de ces produits.
Mais qu'est-ce qu'un marché à terme de matières premières?
Quels sont ses liens avec les cours des matières premières ?
Le marché à terme se constitue d'achats et de ventes
d'éléments futur~s, de titres à terme négociables. Sa fonction
essentielle
est la spéculation. Dans une opération à terme, le
jour J, où elle est passée il ne se passe rien que des écritures,
rien que des décisions. La réalisation des opérations,leur li-
quidation c'est-à-dire leur dénouement ne se fera qu'à l'épui-
sement du terme. Entre ces deux moments, une quantité énorme
(une chaîne) de transactions peuvent se faire sur les titres
engagés dans l'opération initiale. Sur un marché à terme de ma-
tières premières, ce sont les matières premières qui sont le
support matériel des spéculations.
Les marchés à terme n'ont pas été toujours influents sur
la fixation des cours des matières premières. Leur poids ne
deviendra décisif pour certains produits de base qu'après 1945,

-197 -
J
suite à l'ouverture d'un véritable marché mondial de matières
premières. En effet, les "30 glorieuses" (1945-1973) de la
croissance des PCI à la faveur de la reconstruction d'après
guerre a entraîné une croissance très forte
des besoins en
matières premières; en même temps, la disloquation sur cette
période de l'essentiel des anciens empires coloniaux qui cèdent
la place à une économie mondiale
ouverte où les marchés gardés
deviennent tous relatifs
; enfin le développement sans précédent
des moyens de communication et des transports, font que les
grands marchés à terme joueront désormais un rôle décisif dans
l'établissement des prix,
l'écoulement des produits de base,
dans la gestion des stocks mondiaux de ces produits, etc ... Ce
sont:
le Chicago Board of Trade (CBT),
le Chicago Mercantile
Exchange (CME),
le New York Suggar and Coffe Exchange (NSCE),
le London Metal Exchange (LME), etc ... Ces marchés à partir de
1970 (rupture du système monétaire international mis sur pied
à Bretton woods en 1946 et l'instauration du flottement des
monnaies) et surtout après 1973 (crise pétrolière, et gonfle-
ment des pétrodollars, apparition et développement des eurodol-
lars), vont devenir l'un des lieux privilégiés des capitaux
spéculatifs, du capital argent usurier,qui cherche à se mettre
en valeur sous la forme A-A'. Le_ prix mondi2l
de reférence
des produits de base dominés par les marchés à terme est désor-
mais un prix formé par les spéculateurs; ces derniers, se
basant sur les anticipations des variations possibles de l'offre
et de la demande des matières premières sur les marchés à terme,
l'esSffltiel étant de llBÎtriser eLde comprendre l'information relative à ces
grandeurs sur le court ~t le moyen terme afin d'encaisser un
profit maximum sur les opérations à terme. Ce qu'il faut remar-
quer, c'est que les marchés à terme de matières premières ne
sont pas physiques. L'objet central de leur fonctionnement n'est


- 198 -
pas l'échange de marchandises physiques, cela importe peu aux
spéculateurs. Selon ph. Chalmin "1 % seulement des transactions
(et encore) aboutissent à une livraison au CBT de Chicago, 10
à 15 % (et c'est le maximum) au LME à Londres" (1). Ces ten-
dances
confirment ce que nous disions plus haut:
l'objet
central de ces marchés est la spéculation,
la valorisation du
capital sous la forme A-A',
sans se soucier de savoir la nature
physique,
le support P0ysique de cette opération.
En fait,
les marchés à terme se doublent de marchés
physiques plus ou moins matérialisés qui sont soit les lieux
de production importants (Sydney pour la laine),
soit des lieux
d'importation massive (Roterdam pour le pétrole), soit enfin
des lieux de consommation comme Londres pour le café et le ca-
cao. Les prix des marchés physiques s'alignent sur ceux des
marchés à terme, qui sont les prix de référence.
2.2.3.
Les marchés de matières premleres sans
domination de marchés à terme
Les cours des produits sur ce type de marchés,
leurs échan-
ges, sont le fait du troc international, des marchés de produc-
teurs ou des marchés de consommateurs (ou demandeurs).
Le troc international ou marché d'échanges directs, est
quelquefois appliqué dans les échanges internationaux. On échan-
ge alors des voitures contre du café, des matériels et machines
contre du fer, du bois,
ou autres matières premières. Mais c'est
un mode d'échange qui reste limité du fait de sa lourdeur et
du couplage qui le caractérise comme toutes les opérations de
troc. C'est un mode d'échange peu répandu, bien qu'avec la crise
et l'endettement des PED,
il connaît un regain d'intérêt.
(1) ph. Chalmin, négociants et chargeurs ouvrage déjà cité p. 77.

- 199 -
Les marchés de producteurs comme leur nom l'indique, sont
le fait des principaux producteurs de certains produits de base:
très souvent les produits miniers dominés par les grands grou-
pes miniers internationaux. Ce sont alors les groupes produc-
teurs qui fixent les prix des matières premières qui relèvent
de ce type de marchés. Ce fut le cas du cuivre jusqu'à la fin
des années 1970, les producteurs privés originaires des PCI de
ce métal fixant les prix mondiaux. C'est également le cas du
monopole de production du diamant détenu par le groupe Anglo-
Américain DE BEERS, qui du fait de sa position, fixe le prix
mondial du diamant. Il existe aussi des cas où le marché de
producteur est un oligopole de production dans lequel la fixa-
tion des prix est dévolue à une (ou des) firme (s) leader (s)
de l'oligopole. Un exemple de ce cas de figure est donné par
le marché mondial du cobalt dont la fixation des cours fut
d'abord le fait de la SOZACOM (filiale zaîroise du groupe belge
la société générale à participation de l'~tat zaîroise), par
la suite, c'est la Zambie qui le fera.
Les marchés de produc-
teurs, du fait de leur domination par les grands groupes de
production internationaux, restent sous leur contrôle. Ainsi,
les prix de producteurs pratiqués par les grands groupes mi-
niers du cuivre jusqu'à la fin des années 1970 se fixaient
toujours au dessous du niveau des prix sur le LME de Londres
et le COMEX de Chicago, ceci leur permettant de minimiser leurs
profits apparents dans les pays où ils exploitent les produits
de base, afin de réduire les taxes et prélèvement effectués
par le pays hote (1).
Les marchés de consommateurs de matières premières sont
les marchés de produits de base dominés par les utilisateurs,
les principaux acheteurs de ces produits. Ce sont des monopsone~
(1) UNCTC, les sociétés multinationales et le développement dans le monde;
ouvrage déjà cité p 231.

-
200 -
ou des oligopsones comme les cas du minerai de mang3n~se et de
la bauxite.
Dans le cas du minerai de manganèse,
les principaux
utilisateurs sont les firmes sidérurgiques dans la production
de ferro-manganèse. Ces firmes ont une tendance à intégrer les
mines de mangan~se. Elles ont constitué ainsi un puissant oli-
gopole dont les participants sont ; le groupe Broken Hill en
Australie, les mines du Brésil détenues par Bethlehm (49%) et
US Steel, la COMILOG (US Steel 44%) au Gabon, Union Carbide au
Ghana, British Steel en Inde (nationalisé), les mines de la
TSA détenues par l'Etat et le groupe privé Anglo-continental,
Bethlm Steel au Mexique (avec une participation de l'Etat mexi-
cain) et la GECAMINES au Zaîre détenue par l'Etat zaïrois. Cette
intégration des mines exclue de fait l'existence d'un "marché
libre" pour le mangan~se, la fixation des prix se faisant à
l'intérieur des groupes intégrés. Cette caractéristique_des
marchés de consommateurs est encore plus nette pour la bauxite.
Le marché mondial de bauxite
d'alumine et d'aluminium est
dominé par un oligopole de six groupes (ALCAN -- Canada
ALCOA, KAISER et REYNOLDS--
EU ; ALUSUISSE---
Suisse,
PECHINEY
Ugine Kuhlman-- France) verticalement intégrés. '-Nous présente-
rons plus en détail la structure de cet oligopole da~s la pré-
sente partie de notre travail (cf. plus bas).
Du fait de cette intégration verticale tr~s forte et très
concentrée,
la majeure partie de la bauxite produite mondiale-
ment, une partie substantielle de l'alumine et de l'aluminium
produite par les groupes de l'oligopole,
sont échangées entre
leurs filiales.
Il n'y a pour ainsi dire, pas de marché inter-
national de bauxite et d'alumine,
ils n'existent donc pas de

- 201 -
prix de ces produits indépendants de ceux pratiqués par les six
groupes de l'oligopole de bauxite cités plus haut. La seule
influence que les pays producteurs ont pu exercer sur les cours
de bauxite se fait par le biais de l'Association Internationale
de bauxite (AIB). Le principal instrument de l'AIB a été la
fixation d'un prix minimum de référence avec des ajustement ap-
proprles pour tenir compte de la qualité. L'AIB a recommandé
que le prix minimum soit indexé sur le prix de l'aluminium fixé
par le COMEX de Chicago.
Il est évident que cette recommandation
et les activités de l'AIB, n'entament
pas le contrôle des prix
de la bauxite,de l'alumine et de l'aluminium par le puissant
oligopole des six groupes.
Les marchés des matières premières sont dominés par les
sociétés de commerce international et les grandes compagnies de
négoce international quand il existe un marché sans entraves
pour leur écoulement. Ces puissantes firmes disposant d'énormes
moyens financiers et de moyens techniques parmi les plus sophis-
tiqués,
influencent de façon décisive les cours des produits de
base. Pour ce faire,
elles bénéficient de l'organisation des
marchés dédoublés en marchés à terme a des fins de spéculation
et en marchés physiques,
les marchés a terme leur permettant
~n particulier de se couvrir à terme et de réaliser simultané-
ment des profits de spéculation. Mais en même temps,
l'existen-
ce des marchés à terme de matières premières qui utilisent de
plus en plus les produits de base comme base physique des spé-
culations des capitaux usuriers en général,
rend les cours des
matiÈres premières de plus en plus fluctuants.
Quand les produits
de base ne sont pas dotés d'un marché à terme,
ils sont soit sous
le contrôle des grands groupes miniers en activité dans la quasi-
totalité des pays producteurs,
soit sous le contrôle des princi-
paux gIouP~s ~tilisateurs de ces produits.

- 202 -
On constate ainsi que dans tous les cas de figure,
les
pays producteurs sont absents des mécanismes de fixation des
prix des matières premières.
Ils n'exercent aucune influence
significative sur le mouvement des cours des produits de base.
L'unique exemple significatif d'une influence exercée par des
PED sur les cours de produits de base est celui de l'OPEP. C'est
seuleCient dans le CdS des pays pLoclucLLurs de pétrole que nous
voyons un véritable cartel de producteurs. La crise du pétrole
à partir de 1973 permettra aux pays pétroliers de multiplier
le prix affiché du brut par 20 en valeur nominale, par 5 en va-
leur réelle de 1970 à 1980, ce qui va accroître leur part dans
la valeur internationale du pétrole (1).
Nous allons VOIr a présent comment ces caractéristiques
se sont reflétées dans le comportement des prix (cours) des
produits de base en provenance d'Afrique après 1960.
§ 3 - LE MOUVEMENT DES COURS DES MATIERES PREMIERES
APRES 1960
Les cours des produits de base connaissent deux périodes
bien distinctes depuis 1950. De 1950 à la fin des années
1960,
ils varient très peu,
ils sont donc très stables autant en ter-
mes réels que nominaux.
A partie du début des années 1970, ils
commencent à fluctuer très fortement.
En termes nominaux ces
fluctuations se soldent par une
tendance à la hausse jusqu'à
la fin de la décennie 1970. Dès 1980,
la tendance sera inver-
sée, nous observons plutôt une baisse régulière.
En termes réels (approximation par les termes de l'échan-
ge),
la tendance à la hausse des termes de l'échange n'ira pas
au delà de 1974,
ils s'orienteront dès cette année à la baisse.
(1)- J. Valier ; une critique de l'économie politique, ouvr~ déjà cité
P.175

- 203 -
Le tableau 38(graphique 1) nous resume assez bien ces tendances.
Tableau
38: Prix et termes de l'échange des produits de base
depuis 1950 (base 100 = 1972)
..
~
300 r-"T'"----
------------------~
300
Pm de'> prodUlt~ de base (au:,es Que le pétrole)
Terrnes da j'échange des proaults de bnse
275
275
o.:\\~ ... .)pr;ù~ al/X ar'licles ·"7'1a:~JLJ.·lures
250
250
l
225
225
200
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- 204 -
Le mouvement des cours s'appréciera à travers l'exposé
des tendances des prix des matières premières d'une part;
l'exposé des fluctuations et
de
l'instabilité des cours après
1970 d'autre part.
3.1. Les tendances des cours de matières premières
depuis 1960.
Le tableau 39 nous résume parfaitement les tendances des
cours des matières premières depuis 1960.
Tableau
39: Evolution des cours des princip~les matières
premières exportées par les pays d'Afrigue noire (en $ EU
constants 1982)
Produits
1961
1974
1975
1976
1977
1979
1980
1982,
1973
Matières premiè
1
res agricoles(l
Cacao
20~,7
360,2
241,2
347,6
562,4
n-c
216,5
.. 18';,1
Cafg
229,5
215,3
197,4
404,9
655
332,9
309,4
234,1
Thé
374,6
252,3
215,3
246,5
388,6
271,3
241,8
207
1
Arachide
642,3
1010
662,8
610,1
731,9
n-c
459,7
404
'
Huile d'arachid
1784,5
1791,7
1256,6
1060,2
1131
n-c
800,4
584,91
1
Palmistes
443
773,4
303,2
330,9
433,3
409
321
265
1
1
Huile de palme
721,5
1113,1
636,7
584,9
703,9
675
543,8
445,1
Sucre
27,5
108,8
65,85
36,68
23,77
19,37
58,9
18,81
Coton
218,7
242,8
180,7
251,5
216,3
181
192
160
Sisal
786,7
1795
850
724
729
587
73L~
622
Caoutchouc Nat.
126,2
144,6
96,6
125,6
121,8
124,7
151
100,2
Bois
142,5
200,5
185,6
204,8
210,9
215,4
234,5
174,9
,
,
Minéraux, Ener-
gie et Metaux.\\ 2
Pétrole
4,5
18,6
16
16,8
17
14,5
28,4
33,2
Cuivre
3446,5
3426
18,4
21016
1738
1738
2035
1480
Bauxite
31
38
37,1
39,1
40,9
38,6
38,4
36,0
Plomb
785,2
987
611
640
821
746
844
546
Zinc
395,4
2062
1089
1025
785
785
709
745
Fer
34,6
21,3
28,3
23,2
17,8
17,9
16,4
19,3
Manganèse
217,4
18i
202,1
208,6
196,4
160,9
146,2
164,1
Nickel
6654
6364
6701
7155
6910
5190
7016
7055
Phospha- nature
37,3
90,7
98,2
51,8
40,5
32,7
43,5
42,4
te
Amonia<
203
553,4
356,3
172,7
176,6
157,4
207,1
182,8
Source : World bank: commodity Trade and priee Trends 1983-84 Edition IV Priees
(1)= *Les Matières premières agricoles sont en cent EU!kg à l'exception de l'Ara-
chide, du palmiste dont l'unité de mesure est le $ EU/Tonne métrique.
* Le bois est en $ EU/ tonne métrique ; * Manganèse = cent EU/tonne
(2) Les métaux sont en $ EU/tonne métrique, le pétrole est en $ EU/baril.

- 205 -
On constate à partir de ce tableau, que l'année 1974 mar-
que une augmentation nette et générale des cours des matières
premières agricoles. Ainsi les cours du cacao passent de 203
cents/kg en moyenne de 1961 à 1973 a 360 cents/kg en 1974
l'arachide passe de 642 $/tonne en moyenne de 1961 à 1973 a
1010 $/tonne en 1974. Les cours du sisal passent de 786 à 1795
cents/kg sur la même période. Les cours du sucre connaissent
également une augmentation sensible en 1974 ; ils passent de
27,5 cents/kg en moyenne de 1961 à 1973 à 108,8 cents/kg en
1974. etc ... Les seules exceptions notables sont le café et le
thé dont les cours après les hausses spectaculaires du milieu
des années 1960 (196) à 1965), vont continuer à s'affaisser et
ne retrouveront les niveaux de la période 1961-1973 qu'à partir
de 1976 pour le café et 1977 pour le thé.
Quant aux cours des métaux, minéraux et produits énergé-
tiques,
leur évolution est plus diversifiée. Certains métaux
et minéraux connaiss~nt d'importantes croissances des cours
à la suite du "boom" pétrolier. Les prix réels du pétrole en
dollars constant 1982 se sont multipliés par 4 en 1974 en pas-
sant de 4,5 $ le baril en moyenne de 1961 à 1973 à 18,6 $ le
baril en 1974. Les métaux dont les cours suivront ce mouvement
sont le plomb,
le zinc et le phosphate. Les cours du zinc par
exemple, qui s'établissaient en moyenne à 935,4 $/tonne de
1961 à 1973, montent en 1974 à 2062 $/tonne ; ceux du phosphate
amoniacal passent de 203 $/tonne en moyenne de 1961 à 1973 à
553,4 en 1974, ceux du phosphate ùaturel passent quant à eux de
37,3-$/tonne en 1961-73 à 90 $/tonne. Dans ces trois cas, les
cours ont plus que doublé en 1974 par rapport à leurs niveaux
moyens sur la décennie 1960.

-
206 -
Les autres métaux et mlneraux connaissent une évolution
quelque peu différente sur les deux périodes considérées.
Les
cours qui ont généralement connu des augmentations importantes
sur des périodes antérieures et qui sont entrés dans une phase
de décroissance,
voient cette chute se prolonger.
Ainsi
les
cours du fer,.après
leurs dernières hausses sensibles sur la
première moitié des années 1950 (jusqu'en 1955), vont entrer
dans une phase de chute continue 9 partir de 1955.
Cette chute
se poursuit sur les années 1960 et 1970. Les chiffres du ta-
bleau 39 confirment cette chute.
En 1955,
les cours du Fer étaient
de 48,5 $/tonne de minerai;
de 1961 à 1973, ces cours s'établis-
sent en moyenne à 34,5 $/tonne et depuis,
ils ne sont pas re-
montés au dessus de ce niveau.
Le cuivre et le manganèse connaissent une évolution simi-
laire.
La dernière hausse de leurs cours remonte aux années
1950
;
le cuivre connait son niveau record en 1950,
les cours
du cuivre se situaient à 2144 $/tonne.
Ceux du manganèse con-
naitront leur niveau record en 1956 quand ils se montaient à
463,5 cents/tonne. La chute des cours du cuivre,
amorcée depuis
le début des années 1970 (les cours de ce produit sont passés
de 4181 $/tonne en 1970 à 2951 $/tonne en 1971) se poursuit
tout au long de la décennie.
De même,
les cours du manganèse
descendent au niveau de 217,4 cents/tonne sur la période 1961-
1973 et ne remonteront
jamais au dessus de ce niveau sur la dé-
cennie 1970.
Quant à la bauxite,
ses cours connaissent une évolution
par paliers successifs.
Les cours de ce métal sont restés cons-
tants égaux à 25 $/tonne jusqu'en 1965
de 1965 à
1974,
ils
montent à 37 $/tonne et se stabilisent à des niveaux voisins de

- 207 -
de ce montant.
Cette évolution des cours de la bauxite par
paliers successifs, est la preuve qu'il n'existe pas de marché
"indépendant" de la bauxite de l'oligopole des six groupes in-
tégrés qui dominent les marchés de la bauxite, de l'alumine
et de l'aluminium. Cet oligopole_administre dans une certaine
mesure les cours de la bauxite (1).
Au total,
les cours de la majorité des matières premières
produites par les pays d'Afrique connaissent une hausse sensi-
ble aux environs de 1973-1974. Ce phénomène s'explique en partie
par le fait que la période longue de croissance qui s'étend de
1945 à 1973, s'est traduite par une croissance industrielle très
forte dans les PCI (ces pays connaîtcont des taux de croissance
annuel moyens sur la période superIeurs à 5 %, certains allant
jusqu'au double de ce chiffre. Le Japon connaîtra par exemple
un taux de coissance annuel moyen du PIB DE 10 % sur la pé-
riode)(2). Ceci a entrainé une demande importante de matières
premières de base. Ceci d'une part. D'autre part,
la crise pétro-
lière de 1973,
le quadruplement du prix réel du bari+ intervenu
entre 1973 et 1974, a exercé une influence sur les cours des
autres produits de base. D'ailleurs,les importateurs de matières
premières, ne souhaitant pas d'autres fronts de matières premiè-
res se sont ~ontrés plus favorables à des hausses contrôlées
des cours des produits de basè. C'est la conjonction de ces deux
éléments qui,
en créant un rapport de force favorable aux produit
de base, a conduit à la hausse des cours
en 1973-1974.
Cette 'hausse généralisée des cours des produits de base, qui
s'étendra sur deux à quatre ans,
s'estompera progressivement et
cèdera très vite la place à une dégradation des cours dont l'am-
pleur et le rythme seront différents selon les produits.
Ainsi,
(1) Pour l'oligopole qui domine la bauxite il s'agit de Kaiser, PUK, AlusuisE
Reynolo s, Alcoa, Alcan. Pour les imf orma tions chiffrées CF tableau 39 et wor le
bank, commodity trade and priee trends 1983-84 Edition IV Priees.
(2) OCDE :Perspectives Economiques n031 Décembre 1981 n032 Décembre 1982 et
n033 Juillet 1983.

- 208 -
les cours du cacao connaissent une hausse régulière de 1974 à
1977 à l'exception de 1975, année où ils enregistrent un léger
affaissement;
tandis que ceux du sucre, après la hausse de
1974, baissent en 1975 et s'effondre~t à partir de 1976. De
1'1 ê F' e
1e seo urs du z in cet des ph 0 s ph a tes r est en t fer mes jus qu' en
1976 (CF tableau 39).
On constate ainsi que les hausses des cours des matières
premières démarrées en 1974 ou un peu avant, ne vont pas au
delà de 1976 à l'exception du café du fait des gelées au Brésil
et en Colombie et du cacao suite à la chute
de la production
du Ghana et de quelques métaux stratégiques comme le nickel et
le zinc. La chute des cours atteindra une ampleur sans précédent
c:epuis les années 1950 en 1982. Le tableau40 nous fournit en
termes réels les prix des produits de base en 1982 par rapport
aux périodes antérieures (tableau
page suivante).
On constate ainsi une chute profonde des prix réels des
principaux produits de base exportés par les pays d'Afrique en
1982 par rapport aux années antérieures (1953, 1963, 1973 ... etc).
Pour la totali té des groupes de produi ts du tableau 40,
les
cours sont passés en 1982 en dessous des cours de 1953. La
chute des cours des produits de base s'est poursuivie jusqu'en
1984. Selon la Banque Mondiale,
les cours moyens de 33 produits
de base sélectionnés (à l'exception du pétrole) se sont fixés
en juin 1983 et 1984 en dessous de leur niveau moyen de 1977-197S
Au cours du mois de juin 1984 seulement,
l'indice moyen de ces
33 produits a fléchi de 2,4 points;
les baisses les plus fortes
ont été celles de l'huile de palme (17,7 %), du thé (9,8 %),
du soja (8,9 %), du cacao (7,4 %) et du zinc dans le groupe des
métaux (6 %). Les quelques hausses en juin 1984 furent celles
de l'huile de coco (8,9 %), des bananes (7,7 %) et du plomb
06,9 %) (1).
(1) Banque mondiale actualités volume III n030, 26 Juillet 1984. Pour la liste
des 33 produits de base CF wor1d bank commodity trade and priee trends.

- 209 -
Tableau
40: Evolution des prix réels des produits de
base exportés par les pays d'Afrique: comparaison entre
le premier semestre 1982 et certaines annees antérieures
Iprix réels du,premier semestre 1982
par rapport a :
Produits
1953 1963
1973
1979
1980
1981
(Pourcentage de variation)
1
Produits alimentaires
Sucre
-13
-61
-47
- 9
-62
-39
Bananes
-23
-18
25
24
20
6
Boissons d'origine tropicale
Café
-34
24
9
-29
-12
9
Cacao
-20
7
-20
-46
-24
-10
Thé
-50
-53
-11
-15
- 8
- 4
Graines oléagineuses et huiles végétales
Fèves de soja
-38
-26
-56
-17
- 7
-10
Arachides
-48
-24
-46
-30
-12
-35
Coprah
-58
-42
-53
-52
-21
-11
Huile de palme
-34
-26
-34
-26
- 8
-11
Amandes de palmiste
-21
-41
-46
-45
-12
- 9
Matières premières agricoles
Coton
-44
-21
-28
-10
-18
-14
Jute
-71
-67
-48
-27
- 1
- 3
Sisal
-29
-49
-44
-18
-15
- 5
Caoutchouc
32
-31
-20
-16
-16
-21
Bois tropicaux
+49
- 4
- 3
- 6
- 2
Minéraux, minérais et métaux
Cuivre
-34
-26
-59
-28
-27
-13
Bauxite-alumine
- 3
- 7
20
- 9
-18
-11
Minerai de fer
-26
-23
3
- 2
5
Minerai de Mangan~se
-38
-22
6
17
7
- 3
Phosphates naturels
92
70
37
-16
-15
- 4
Source: CNUCED, 6e conférence mondiale Belgrade 1983 commission produit
de base, document TD/273 Annexe pp. 2 et 3.
Prix réels = prix nominaux ajustés d'après l'indice Nations-
Unies de la valeur unitaire des exportations d'articles ma-
nufacturés des PCI.

- 210 -
La chute des cours des produits de base se traduira éga-
lement par la dégradation de leurs termes de l'échange, une
baisse de leurs valeurs unitaires internationales: Les produits
primaires connaîtrons sur la fin des années 1970 une perte pro-
fonde de leur pouvoir d'achat international. L'inflation galo-
pante dans les pel au lendemain de la crise pétrolière en
1973, se reflètera dans les PED par une hausse continue des prix
d'importation des produits manufactur~ et des biens d'équipement
en provenance de ces pays. Cette hausse des prix des biens ma-
nufacturés coîncident avec la baisse des cours des produits
primaires, d'où la détérioration profonde des termes de l'échan-
ge de ces derniers, entendue comme le rapport entre la valeur
unitaire des produits de base et celle des biens manufacturés.
Les tableaux
41 et 42
r;c-us permettent de saisir parfaitement
ce phénomène.
(tableau 41 et 42 pages suivantes).
Ces tableaux font ressortir que si la dégradation des
termes de l'échange démarre déjà au cours des années 1950, elle
n'atteint ses niveaux record que sur la fin des années 1970,
après un redressement au début de cette décennie.
En effet, on remarque à partir
du tab1eau41
~ue les
valeurs unitaires des exportations primaires prises globalement
résistent très bien comparées à l'indice de la valeur unitaire
des importations des PED (de 1971-73 à 1978 le taux de crois-
sance des termes de l'échange des produits primaires sera
poisitif égal à 0,2 % en moyenne par an). C'est à partir de
cette année (1978) que les termes de l'échange des produits
primaires s'effondrent;
la croissance des termes de l'échange
de ces produits deviendra négative dès 1978-1979 et vont se
dégrader à un taux moyen annuel supérieur à 13 % de 1978 à 1981.

- 211 -
Tableau 41
: Valeur unitaire,
termes de l'échange et pou-
voir d'achat des exportations de produits primaires des
PED
de 1963-1965 à 1981.
Valeur uni- Valeur uni- Termes de
Pouvoir d'a
taire des
taire des
l'échan§e
chat de$ ex
l
Années
exporta-
i~porta-
de~ p~o uit
po~ta~lOns
tions
tlons
prImaIres
prImaIres
1
(Indice, 197'1 ~ 1973
= 100)
, '1 06l-196 c:;
79
74
107
84
1971-1973
100
100
100
100
1978
220
218
101
105
- -
- -
-
- -
1979
242
274
88
99
1980
266
359
74
84
1981
238
364
65
74
(Pourcentage de variation annuelle)
1963-1965 a 1971-1973
3,0
3,9
-0,8
2}2
,
1971-19ï3 a 1978
14,0
13,9
~
~
1978 a 1979
10
25,7
-12,9
5,7
1979 a 1980
9,9
31,0
-15,9
-15,2
1980 à 1981
-11
1
-12
-19
Source
VI CNUCED Belgrade
Annexe
TD 273 p. 9, Juin 1983.
Termes de l'échange = Rapport de la valeur unitaire des expor-
tations de produits primaires à la valeur unitaire des impor-
tations.

- 212 -
Ta bleau
42
(graphique 2)
Les termes de l'échange des produits de
base de 1970 à 1982
Tl'rrn<"i de l '<'Cil a njtl' dt"> produlb alimentaires
,/O-IJ= /!JO)
:....
:
~
-
ProduÎts alÎmentaires de base
. ~t
•••• ••• ••• Produits troplcaull pour boissons
_ _ _ Graines oléagineuses et huiles végétales
\\
\\..
..,
.;.
\\
............
\\
\\
I!O
\\.
-
\\ l'
\\.
\\
70
..'
\\\\
~[
--~--
-rL..---J1L......__---'-1_ _ ...l.....-_ _~I_ - - L . . -
.i
_ - - L_ _-"-_ _--L
LI_ _- L_ _-'----I,~
1970
1971
197;'
1973
iS7-1
·.i::O~
1 976
1980
\\981
\\962
GK \\PHlljLE Il
T"flnl'"> de r«hange des mllti~res premi~re'i
iY"II = JO{)i
Matip-res p'err.lcres agricoles
Métaux
I~,' 1
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I
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l
'1 j
fi' 'i

- 213 -
Les graphiques du tableau 42
ne font que confirmer ces tendances
des termes de l'échange. Cette dégradatioll des termes de l'é-
change des produits pri~aires, réduisant le pouvoir d'achat
international des matières premières,
limite les c?pacités
d'importation des PED.
Les cours des matières premIeres,
exportations essentielle
des pays d'Afrique,
sont entrés dans une phase de chute continue
et profonde depuis le milieu des années
197U.
La chute des cours
se faisant dans des conditions de hausse des valeurs unitaires
de l'essentiel des importations de ces pays, des biens manu-
facturés et d'équipement,
l'on comprend parfaitement que les
termes de l'échange des produits de base se soient sérieusement
dégradés sur la fin des annees 1970. Quelles sont les causes
profondes de ces évolutions ?
La chute des cours des matières premières est un phéno-
mène durable.
Elle s'explique par deux groupes de causes:
la
réduction des importations de matières premières par les pel
et les tensions diverses qui s'exercent sur les marchês des
matières premières. D'abord,
la crise économique mondiale, de-
venue manifeste et incontournable depuis le milieu des années
1970, oblige les PCI,
les industries de ces pays, principaux
importateurs des matières premières, a rationaliser
leurs
processus industriels et à réduire les niveaux de leurs pro-
ductions. Ces évolutions contraclellt les importations de pro-
duits de base des pays capitalistes industrialisés. Le tableau
suivant nous fournit les importations do matières premières
parles PCI de 1963 à 1980 (tableau
43
page suivante). Ces
importations qui ont crû d'un peu plus de 4 % entre 1963-1965
à 1971-73, enregistrent une croissance qui n'atteint plus que
2 % en 1971-73 à 1978-80. Cet affaissement se prolongera sur

- 214 -
Tableau
43
: Importations dans les pel des principaux groupes
de produits primaires en provenance des PED : de 1963-65 et les
perspectives en 1980-90.
Perspecti
Importations (milliards de $
Variation des im-
ves de va
riation
EU aux prix de 1971-73)
~~rtations (pour-
Groupe de produits
des impor l
centage/an)
tations
i
1 (pourcen- '
1
tage/an)
--ï963-
1971-
1978-
Ide 1963-6Slde1971-7~lde 1980
i965
1973
1980
à 1971-73
à1978-80
à 1990
1
1
Produits alimentaires et
boissons tropicales
3,66
4,37
4,35
2,2
-0,1
-0,06
Produits oléagineux et
huiles végétales
0,9
1,28
1,92
4,5
6,0
3,48
Tabac
0,66
0,83
1,05
2,9
3,4
1,97
Matières premières
1
industrielles
- Agricoles
4,49
7,37
6,7
6,4
-1,4
-0,83
- Minerais et métau
3,91
5,31
6,09
4,1
2,0
1,17
Total
13,62
19,16
20,12
4,01
1,98
1,1
Source
CNUCED
- VIe conférence à Belgrade Juin 1983
- Le rapport sur le commerce et le développement dans
le monde 1982.

- 215 -
le début des annees 1980
;
selon les estimations de la CNUCED,
le
taux de croissance des importations de produits primaires
ne sera que de 1 % sur la décennie 1980.
Cet élément de baisse de la demande comme expli~ation
de la chute des cours doit être complété par l'effet des ten-
sions diverses qui s'exercent sur le marché des matières pre-
mières.
En effet le poids croissant des marchés à terme de ma-
tières premières,
l'action des sel et des compagnies de negoce
international,
l'influence des
~tats des PCI et de groupes
privés internationaux qui exploitent ou utilisent les produits
de base concourent à la baisse des cours des matières premières.
Face à la crise,
les firmes des PCI recherchent
toutes
les
voies qui peuvent leur permettre d'économiser sur les moyens
de production qu'elles utilisent dans les processus de produc-
tion.
Ainsi,
les matières premières qui fonctionnent pour elles
comme des éléments circulants du capital constant et les pro-
duits alimentaires qui constituent une composante des éléments
de reproduction de la force de
travail
(soit
immédiate~ent,
c'est le cas des huiles végétales,
des boissons tropicales,
des
fruits et légumes,
etc . . . ,
soit indirectement à travers
leur usage dans
l'agriculture ou l'élevage,
c'est le cas du
soja),
font
l'objet de vives pressions pour maintenir leurs
cours au niveau le plus bas.
On voit ainsi que la question des
matières premleres bon marché,
qui fut
l'objectif principal de
la colonisation,
se retrouve dans les relations actuelles qui
se nouent entre PCI et PED autour des matières premières.
Ceci
est particulièrement vrai pour ~'Afrique qui exporte essentiel-
lement des produits primaires.
Les enjeux de la question des
matières premières apparaissent ici clairement;
dans les
conditions de
la crise économique en cours,
les PCI ne peuvent
concéder d'alourdir les coûts de reproduction des travailleurs

- 216 -
en acceptant une augmentation des prix des produits alimentaires
et boissons tropicales, ni d'accroître la valeur des matières
premières industrielles agricoles et minières qui viendraient
peser sur les
profits des firmes industrielles; d'un autre
côté, les PED, singulièrement ceux d'Afrique, fortement dépen-
dants d'une ou de quelques matières premières revendiquent un
accroissement ou du moins une stabilisation des prix des pro-
duits de base. Cette question est tellement délicate que les
rencontres internationales au sein de l'ONU entre les différents
groupes de pays, l'évacuent et ne peuvent proposer
des solution~
viables. Ainsi la VIe CNUCED,
tenue à Belgrade en Juin 1983 n'a
pu adopter une résolution sur la question des produits de base
qui a été renvoyée à une étude plus approfondie. La chute des
matières premières sera une des données constantes de l'écono-
mie mondiale sur la décennie 1980.
La tendance générale des cours des matières premières
exportées par les pays d'Afrique est marquée par une baisse pro-
longée et profonde de ces derniers à partir du milieu des années
1970. Cette chute prolongée des cours succède à une courte pé-
riode de hausse sensible des cours des principaux produits de
base à la suite de la crise pétrolière (1973-1974). La chute
des cours des produits de base détermine fondamentalement le
mouvement des recettes d'exportation des pays d'Afrique. Elle
joue ainsi un rôle central dans l'apparition de la crise dans
ces pays comme nous le verrons plus bas.
Avec les tendances des cours, l'instabilité des
prix est le second aspect de l'examen du mouvement dsauŒdspudnt
de base depuis 1960.

- 217 -
3.2. Les fluctuations et l'instabilité des cours des
matières premières
Le tableau 38
(graphique 1 page 203) nous a permis de
voir que les cours des produits de base commencent à fluctuer
de manière remarquable à partir des premières hausses du début
des années 1970. A partir donc des hausses du début des annees
1970, les cours des produits de base vont connaître des fluc-
tuations très amples. Le tableau
44 nous donne une idée des
fluctuations de quelques produits de base de 1974 au premier
semestre de 1980.
Tableau
44
Fluctuation des prix réels de 9 produits de
base produits par les pays d'Afrique:
(indice de varia-
tions des prix déflatés ; base 100
moyenne pondérée des
prix du produit de 1974 au premier semestre 1980)
Produits
1974
1975
1976
1977
1978
1979
1980
i
(1er sernes-
i
tre
Sucre
231
145
81
52
46
47
98
1
1
Cacao
77
57
92
156
127
102
71
1
Café
61
60
115
171
105
96
82
Thé
92
83
91
145
108
89
80
Caoutchouc naturel
109
76
97
98
104
111
110
Coton
115
86
123
104
95
85
74
Jute
122
120
93
93
105
85
65
Cuivre
158
88
98
84
79
96
95
Etain
93
75
83
108
118
117
111
Source
IFRI, données brutes FMI:
international financial
statistics cités par RAMSES 1982 p. 256.

- 218 -
Nous y remarquons qu'à l'exception du sucre dont les
cours en termes réels ont amorcé une chute continue depuis
1975, les cours de tous les produits du tableau connaissent
des fluctuations importantes. Ainsi,
le prix réel du cacao
baisse de 1974 à 1975 remonte de 1976 à 1978 puis retombe à
nouveau à partir de 1978. Le prix du café
quant à lui,
stable
jusqu'en 1975, il monte en 1976 et 1977 puis amorce une chute
à partir de 1978. Les prix du thé baissent de 1974 à 1975,
remont~tde 19ï6 a 1977, à partir de 1978, ils rechutent. Les
prix des autres produits de base connaissent le même ballet;
le coton par exemple
baisse en 1975, remonte l'année suivante
et redescent en 1977, cette chute se prolongera jusqu'au 1er
semestre 1980.
Cette évolution des cours des matières premières s'ex-
plique en partie par des raisons extérieures au marché et qui
relèvent des changements qui peuvent intervenir dans les con-
ditions naturelles de la production des produits primaires.
Ceci est particulièrement vrai pour les matières premleres
agricoles,
les produ~t~ alimentaires €t
baisso~s ~'~~i~ine
tropicale. Par exemple,
les gelées au Brésil et en Colombie
en 1976, expliquent largement les hausses des cours du café
en 1976-77. Dès que ces deux pays ont reconstitué leurs capa-
cités de production en 1978, les prix du café sont retombés
pour ne plus se relever. De même,
le "cocoa deseas" et le
vieillissement des plantations au Ghana, premier producteur
mondial du cacao jusqu'en 1978, ont influencé les cours mon-
diaux du cacao en 1976-1978.
Mais l'explication fondamentale des fluctuations des
cours des matières premières à partir du milieu des annees
1970, est la spéculation dont ils sont l'instrument sur les

- 219 -
march~s des mati~res premleres. C'est le poids des march~s
sp~culatifs l'action des grandes firmes et des organismes pu-
blics qui interviennent sur ces march~s qui sont à l'origine
des fluctuations.
Depuis 1973, suite aux diff~rentes ruptures
dans l'~conomie mondiale que nous avons d~jà indiqu~es (1971,
rupture du syst~me mon~taire international de Bretton Woods
1973, crise du p~trole), les capitaux sp~culatifs abondants
sur les march~s à terme
de mati~res premi~res amplifient la
moindre ~volution dans les conditions de production, d'achemi-
nement et d'~coulement des produits de base afin de tirer le
maximum de profits sur les titres qui sont engag~s dans les
op~rations portant sur les mati~res premi~res.
La prin:.ip3le ccnsÉq..al:e de l'instabilité des ca.n:-s des p:crluits de œse est l'inst:r
tabilité- des ra:ettes d' eJqXJrtatim q.ri.. En OO:nùe. l?a.n:' les IE'fs d ~.à:.f..r;i que, 1.0D t
les recettes d'exportation proviennent essentiellement de ces
l'roduits, cela signifie une incertitude constante sur les
recettes qu'ils peuvent attendre de leurs rapports avec le
march~ mondial. Il leur est ainsi impossible de prévoir les
ressources dont ils disposeront pour financer les activit~s
économiques futures.
Au total, par rapport au mouvement des cours des mati~res
premi~res, principale source de ressources et de devises in-
ternationales pour les pays d'Afrique, nous retiendrons
- Une chute profonde des cours à partir du milieu des
ann~es 1970 apr~s les hausses importantes mais éph~m~res de
1973-1974. Cette chute des cours
qui se prolonge jusqu'aux
ann~e~ 1980 s'observe autant par rapport à l'~volution des prix
r~els
des produits de base au cours du temps (ainsi les cours
de la plupart des produits de base sont tomb~s en termes r~els
en dessous des cours des ann~es 1950) que par rapport à l'~vo-

-
220 -
lutian des prix des produits manufac~r~s et biens industriels
en général.
- La chute des cours des matières premières se double
de fluctuations très amples qui trouvent leur origine dans les
tensions diverses qui s'exercent sur les marchés des matières
premières, en particulier le poids des capitaux spéculatifs
qui vont intervenir, très massivement sur ces marchés à partir
de
1~71 puis 1973. Ces fluctuations rendent les recettes tirées
des produits de base très instables et incertaines. Il est
alors impossible pour les pays d'Afrique, qui en dépendent
très étroitement, de prévoir les ressources dont ils pourront
di';:> poser pour financer
leurs
activités et projets. Cet élément
d'incertitude aggrave les effets de la chute des cours des ma-
tières premières.
Conclusion Chapitre V
Les marchés de matières premières, calmes et stables
j"c:r;l1'p
la fjn des ann~es 1960, vont entrer dans une phase de
turbulence et d'ébullitions dès le début des années 1970. Les
différentes ruptures que l'économie mondiale a connu à la
même époque (effondrement du système monétaire international
de Betton Woods,
la crise pétrolière essentiellement) vont
rejaillir sur ces marchés. Ainsi les capitaux spéculatifs
abondants au début des années 1970 sur les marchés financiers
internationaux vont se diriger en partie vers les marchés de
rœtières rrarrières, et cŒrclEr' à s' y valoriser sous la forme A-A'. Ce-
pendant que les puissantes compagnies de négoce international
et les SCI, dominant le commerce mondial des matières premières
(une ou quelques une de ces firmes réalise très souvent de 50
à 90 % du commerce mondial de tel ou tel produit de base), en

- 221 -
intervenant sur les marchés des matières premières influencent
sérieusement les cours de ces produits.
De même les
Etats des
pays qui participent au marché des matières premières
(surtout
les Etats des pel) exercent une influence non négligeable sur
le fonctionnement de ces marchés.
De
toutes ces évolutions i l résulte une
tendance des cours
des produits de base à une chute profonde et durable particu-
lièrement marquée sur la fin des années 1970 et
le début des
années 1980.
La chute des matières premières est
tellement
profonde que les cours de la plupart de ces produits sont
tom-
bvés en dessous de leurs niveaux des années 1950. Il faut rele-
ver que la chute des cours observée dès le milieu des années
1970,
succède à une hausse générale de ces derniers en 1973-1974
sur une période très brève.
La chute des cours s'est accompagnée
de fluctuations
très amples qui y ont
introduit des éléments
d'incertitude qui aggrave sérieusement
la chute des cours elle
même.
La tendance
lourd~ Ges marchés de matières premières après
1960 est cette chute des cours sur une longue période.
C'est
une
tendance centrale et essentielle à la compréhension de
l'évolution de la situation des économies africaines.
Les pays
d'Afrique,
tirant l'essentiel de leurs ressources de ces produit~
le mouvement prolongé de baisse des cours qui entraîne une baissE
profonde des recettes
tirées des produits de base,
pose dans la
pratique les limites aux recettes d'exportation,
aux recettes
de l'Etat.
Nous verrons
comment le mouvement des recttes d'ex-
porta~ion, celui des cours des matières premières par conséquent!
est central dans
l'apparition de la crise économique en Afrique.

- 222 -
CHAPITRE VI
LA CHUTE DES RECETTES D'EXPORTATION ET SES
IMPACTS DANS LES PAYS D'AFRIQUE
Nous avons vu dans la premi~re partie de notre travail
que la majorité des pays d'Afrique dépendaient d'un ou de quel-
ques produits primaires (agricoles, minéraux.et métaux,
éner-
gétiques). Cette dépendance se traduit par le fait qUE ces
produits fournissent à eux seuls, la plus grande partie des
recettes d'exportation et des recettes de l'Etat en Afrique.
Les produits de base sont donc déterminants dans le déroulement
de l'activité économique dans les pays africains. De plus, nous
avons vu que ces pays importaient pour l'essentiel les articles
manufacturés et biens d'équipement dont ils a~.ient besoin. Le
chapitre V
de la présente partie, nous a permis de voir que
les prix des produits primaires, apr~s la flambée générale de
1973-1974, connaissent une tendance prolongée à la baisse depuis
le milieu des années 1970. Cette baisse des cours des produits
de base s'accompagne d'af11rle~ fl1Jctl1pti~n~ pt rl'une ~('11'<:<:P
réguli~re des prix des articles manufacturés et des biens d'é-
quipement .

Les recettes d'exportation des pays d'Afrique constituent
la principale source de financement des activités économiques
et projets de ces pays. Elles déterminent les recettes extérieu-
res et les recettes publiques des pays africains et déterminent
donc les capacités générales de ~inancement des importations
et de la production en Afrique. Nous montrerons dans ce chapi-
tre, que le noeud de la question de la crise en cours dans les
pays d'Afrique, de la question de l'impact de la crise économi-
que mondiale sur les pays d'Afrique, est constitué par les ten-
dances des recettes d'exportation de ces pays.

- 223 -
A cet effet nous exposerons successivement :
- La chute des recettes d'exportation des pays d'Afrique
- l'action de la chute des recettes d'exportation, le
fin an c e men t des i mp 0 r t a t ion s et des . a (.. t i vit é s é con 0 mi que s
j
- La crise des paiements extérieurs des pays d'Afrique.
Ces trois points nous permettront de dégager l'impact de
la crise économique mondiale en cours.
§ 1 - LA CHUTE DES RECETTES D'EXPORTATION
Les recettes d'exportation qui peuvent être estimées
correctement par la valeur des exportations totales, pour les
pays d'Afrique peuvent être saisies soit par la détermination
du niveau mondial de la valeur des exportations de produits
dont l'Afrique est un producteur important,
soit par la dé-
termination directe de la valeur des exportations des pays
d'Afrique.
1.1. Valeur des exportations mondiales de produits
dont l'Afrique est un fournisseur import~nt
Les tableaux
45
,
46 et ~7 nous donnent l'évolution de
la valeur des exportations mondiales de produits dont les ex-
portations sont assurées en grande partie par les pays d'Afri-
que.

- 224 -
Tableau 45
: L'évolution en termes nominaux de la valeur
des exportations des principaux produits de base en pro-
venance des PID dans lesguels l'Afrique occupe une place
importante de 1970 à 1981.
Produits
1970
1972
1974
1976
1977
1978
1979
1980
1981
Produits alimentaires et ma-
tières premières agricoles
Cacao
858
705
1547
1683
2593
3275
3166
2886
1939
1
Café
2956
3107
3999
7838 11485 10367 11367 11554
7764,
Thé
587
610
680
849
1603
1404
1365
1469
1390 1
Sucre
1164
1870
5346
3517
3434
2435
2881
5757
5109
Bananes
463
563
606
842
889
971
1101
1195
1260
Palmistes
68
42
129
62
76
46
55
54
33
Huile de palme
163
199
ï32
653
941
1081
1368
1505
1429
Arachide
185
163
257
352
303
194
229
219
392
Huile d'arachide
122
161
256
298
380
293
379
252
159
Coton
1713
2104
2456
2972
2901
2889
3070
3401
3431
Sisal
72
77
309
97
101
96
115
135
lOS
Caoutchouc
1103
872
2247
2306
2566
2990
3987
4304
3304
Bc: r
l:~ S<?
1512
3055
3{f42
3672
3962
6353
6519
4694
Combustibles métaux et miné-
raux
Bauxite
244
259
402
542
622
612
677
772
770
Cuivre
3223
2532
5717
4239
4101
4077
5820
6594
5338
Zinc
174
220
559
523
464
426
451
462
596
Fer
1115
1053
1811
2238
2251
2216
2749
3185
3342
Manganèse
121
145
267
358
303
259
352
348
363
Phosphate naturel
216
262
1766
968
943
1017
1080
1522
1410
Données tirées de World Bank: commodity trade and priees trend
Edition 1983-1984 p. 15.

- 225 -
Tableau 46
: L'évolution de la valeur des exportations
mondiales de douze produits importants pour les pays
d'Afrique (indices 1975 = 100)
Indices 1975 = 100
Produit
Niveau de 1975
1970
1971 1972
1973 1974
1976 1977
1978
1979
( en $ COO)
,
~
Bananes
810.658
61
68
74
78
80
107
118
129
147
Café (fèves)
1.611. 906
54
46
44
58
98
107
169
213
184
Café
1
4.272.502
72
64
76
102
101
197
294
262
285
1
'~hé
1.044.169
21
23
29
38
78
72
71
70
75
~uiles végéta
es
11. 660.190
40
45
50
86
118
108
139
153
182
Coton
5.685.762
54
60
70
92
113
121
138
144
160
Bois
4.030.093
55
59
75
125
126
147
160
183
227
Cuivre
5.474.900
94
72
79
127
179
i
116
116
116
160
;t'linerai de fe
437.000
38
44
47
65
84
107
105
100
124
Phosphîte
nature
2.537.400
16
17
19
24
95
60
53
56
62
Sucre
12.014.920
21
23
29
38
78
72
71
70
75
Source
CNUCED : Manuel de statistique du commerce international
et du développement, 1979, supplément
pp. 216 à 218.

- 226 -
Tableau 47 :
Les exportations des produits en provenance des
PED fournies en grande partie par les pays d'Afrique en te~mes
réels de 1970 à 1981
PRODUITS
1970
1972 1974
1976
1977
1978
1979
1980
1980
Produits alimerntaires et
matières premières agricoles
Cacao
764
567
1330
1504
2805
3185
3256
2788
1772
Café
944
904
1248
2278
4225
3216
3127
3308
2209
Thé
902
940
1029
1173
2183
1955
1848
1900
1807
Sucre
124
157
433
302
226
223
241
472
431
Banane
83
86
95
131
138
144
161
382
332
Palmiste
150
107
363
160
271
260
331
268
240
Huile de palme
219
183
524
351
506
537
602
535
571
Arachide
205
251
488
430
592
625
662
692
1006
Huile d'arachide
331
361
922
672
792
908
922
698
910
Coton
633
783
1455
1343
. . .
...
587
1686
1726
Sisal
125
155
719
338
371
390
493
595
537
Caoutchouc
391
310
717
722
790
913
1180
1311
1068
Bois ($ EU/m3)
24
26
51
52
54
57
87
q7
R""
- 1
1
Combus tibles , métaux et mi-
néraux
Pétrole
13
17
82
100
114
97
141
227
254
Aluminium
422
469
584
792
910
949
881
1608
1603
Bauxite
10
12
15
21
23
24
27
28
27
Cuivre
1352
937
1875
1334
1203
1258
1792
1934
1575
Nickel
1460
1756
2043
2617
2853
2435
3276
4702
4149
Zinc
1
194
215
489
474
429
391
454
475
607
Fer
7
8
10
14
14
14
16
18
18
Manganèse
35
42
69
96
96
71
90
101
119
Phosphate
10
10
48
36
31
30
31
45
47
Données tirées de World Bank: commodity trade and priees trend, Edition
1983-1984 déjà cité, pp. 19 et 20.

- 227 -
Les chiffres de ces trois tableaux nous fournissent les
tendances des valeurs des exportations mondiales des principaux
produits de base connaissant une forte présence des pays
africains. Le tableau
45
fait ressortir le fait que, malgré
la chute des cours des produits de base observée dès le milieu
des années 1970, les recettes d'exportation brutes tirées de ces
produits augmentent régulièrement en valeurs courantes entre
1972 et 1979 pour certains produits, entre 1976 et 1980 ou de
1974 à 1978 pour d'autres. Ainsi,
la valeur des exportations
de cacao, supérieures à 1,5 milliards de $ EU à partir de 1974,
passe à près de 2 milliards de $ en 1977 et s'établit à près
de 3,2 milliards de dollars en 1978 et 1979. Elle chutera bru-
talement à partir de 1979 (2,8 milliards de dollars en 1980
1,9 milliards en 1981). Le café, lui, enregistre une hausse de
recettes régulière à partir de 1976. Les recettes qu'il procure
à l'exportation passent de près de 4 milliards de dollars EU en
1974 à 7,8 milliards de dollars en 1976 et s'établissent en
moyenne à près de 11,2 milliards entre 1976 et 1980. Elles
commenceront à chuter à partir de cette année; en 1981, les
recettes mondiales tirées de l'exportation du café en se fixant
à 7,7 milliards,
sont tombées en dessous du niveau de 1976
(7,8 milliards). De même les recettes tirées de l'huile de
palme et de l'huile d'arachide, après des hausses successives
de 1974 à 1978, chutent régulièrement à partir de 1979 (les
recettes mondiales tirées de l'huile d'arachide par exemple,
passent de 378 millions de dollars EU
courants en 1979 à 252
en 1980 puis a 159 en 1981, baissant ainsi de près de moitié).
Les recettes d'exportation procurées par les métaux connaissent
une évolution quelque peu différente mais qui suit une tendance
similaire. A l'exception de la bauxite, du fer et du manganèse,
l'ensemble des
métaux et ~inéraux procurent des recettes qui
n'atteindront que rarement sur la fin des années 1970 les
niveaux d'exportation de 1973-1974. Ainsi les exportations

- 228 -
mondiales de cuivre qui ont atteint 5,7 milliards de dollars
EU en 1974 restent inférieures à ce niveau sur la deuxième moi-
tié de la décennie 1970 et le début des années 1980 à l'excep-
tion de 1979 (5,8 milliards de dollars)
et 1980 (6,6 milliards
de dollars)
; de même:
les exportations mondiales de phosphate,
à la suite du boom de 1974 (elles sont passées de 260 millions
de dollars EU en 1972 a
1,7 milliards en 1974), vont se tasser
et se stahiliser autour de 1,1
milliards de dollars en moyenne
par an de 1976 à 1981.
Il apparaît ainsi clairement que
la valeur des exportation~
mondiales des principaux produits primaires dont l'Afrique est
un fournisseur important,
connaissent une chute sensible sur la
fin des années 1970 et le début des années 1980.
Le
tableau
46 exprime en indice cette évolution de la
valeur des exportations de ces produits de base essentiels dans
les exportations des pays africains.
On observe a partir de ce
tableau que pour la majorité des produits/de 1970 à 1973,
i l
y a eu une hausse régulière de la valeur des exportations mon-
dwles,
le niveau des recettes restent
inférieur aux exportations
mondiales
de 1975 ; ceci se traduit par un indice en moyenne
inférieure à 50 % de 1970 à 1973 pour tous les produits. Par
contre la hausse de l'indice qui démarre en 1973, s'essoufle
en 1978 pour certains produits en 1979 pour d'autres;
ainsi la
valeur des exportations de sucre,
de phosphate,
de fer et de
thé ne retrouveront pas
de 1976 à 1979 les niveaux de 1974.
C'est l'amorce de la chute des exportations des produits de
base,
que nous avons exposée plus haut,
qui s'observe dans ces
chiffres.
Le tableau 47
, nous fournissant l'évolution des exporta-
tions mondiales de matières premières en
termes réels (dollars
EU/Tonne),
confirme la tendance à la baisse de cette grandeur.

-
229 -
De plus,
le fait que le mouvement des exportations en valeur
et celui des exportations en termes réels (dollars EU/Tonne)
difèrent très peu, nous permet d'avancer l'hypothèse que la
chute des exportations mondiales de produits de base est fonc-
tion de la chute des cours de ces produits (chute des cours
que nous avons présentée plus haut Cf 2ème partie Chap. V
),
mais dépend également de la baisse des quantités exportées.
Nous vérifierons cette hypothèse dans le cas plus précis des
exportations dES pays d'Afrique.
1.2. Valeur et quantité des exportations des pays
d'Afrique au cours des années 1970. La chute
des recettes d'exportation
Nous dégagerons successivement les quantités exportées
par les pays d'Afrique et le comportement de leurs recettes
d'exportation.
Le tableau 48
nous fournit
l'évolution des quantités ex-
portées par les pays africains (tableau page suivante).
On constate à partir de ce tableau que le volume des
exportations des produits agricoles alimentaires et matières
premières industrielles, qui resiste bien jusqu'au début des
années 1970 amorce une chute à la fin de la décennie 1970. Le
redressement des exportations en volume de certains produits
amorcé au début des années 1980 est très hésitant, ailleurs
nous assistons à un approfondissement de la chute du volume des
exportations.
Quant au volume des exportations des produits miniers en
provenance des pays d'Afrique,
il a connu une croissance très

- 230 -
Tableau 48
: Quantités exportées en 1980-81 et taux de
croissance des exportations primaires des principaux
produits de base en provenance des pays d'Afrique (milliers
de tonnes métriques)
1
Part de l'Afri-
Volume de
Taux de croissance annuelle moyen(en %)
que dans les ex-
1981 (en
portations mon-
milliers
PRODUITS
1961-1963
1969-1971
1977-1979
dia les (% des
de tonne
à
à
à
1
exportations
métri-
1969-1971
1977-1979
1980-1981
mondiales)
ques
Matières premiè-
res industriel-
-
Iles
Cacao
70
765
0,2
- 2,6
0,08
Café
30
1054
3,4
- 0,6
0,13
Thé
23
303
9,0
5,8
6,8
Coton
8,0
159
5,6
- 3,4
- 6,5
Caoutchouc
5
154
3,0
...
3,5
Sisal
55
111
- 2,1
- 2,9
- 1,5
Bois (l()(X) m3)
25
13396
100
36
-13
Produits alimen-
taires
Bananes
5
325
- 1,9
- 0,1
1,7
Sucre
10
1185
3,2
0,3
10
Arachide
1
60
233
- 6,1
- 14,0
10
Huile d'arachide
50
87
2,2
- 1,3
-33,7
Palmistes
85
117
- 6,2
- 9,3
-17,4
Huile de palme
5
141
- 8,6
- 6,4
50
Produits miniers
Bauxite
15
4250
49
11
10
Cuivre
18
610
30
37
3,5
Manganèse
11
335
70
4
- 9
Fer
3
6
100
18
9
Phosphate
14
4231
240
50
5
1
i
Sour-::e
World Bank
- le développement accéléré en Afrique au Sud du
Sahara pp. 196 et 197 .
- Commodity trade and price trends pp. 17, 18 et 23.

-
231-
vive suJOdécennie 1960.
Son fléchissement observé au début des
années 1970 se précise et s'approfondit dès
le début des années
1980. Ainsi la croissance du volume exporté de ces prodtuis su-
périeure à 50 %
en moyenne par an de 1961-1963 à 1969-1971
pour la plupart,
passe
en dessous de 40 % sur les années
1970 pour se stabiliser au début des années 1980 en dessous de
10 %,
certains produits voient même leur volume d'exportation
décroître profondément de 1977-1979 à 1980-1981,
tel le cuivre
(-9 %).
Au
total nous observons au niveau des produits de base
une baisse de la valeur des exportations mondiales tandis que
le volume des exportations
de ces produits en provenance de
l'Afrique baisse sérieusement sur la fin des années 1970 et le
début des années 1980.
Ces évolutions influencent l'allure des
recettes d'exportation des pays d'Afrique,
qui,
i l faut le rap-
peler, dépendent fondamentalement d'un ou de quelques uns de
ces produits de base.
Ainsi la chute des exportations observées
au niveau des produits primaires à la fin des années 1970 se
retrouve au niveau de la valeur globale des exportations des
pays d'Afrique.
Le
tableau 49
suivant nous permet de saisir cette évolution
des recettes d'exportation des pays de l'Afrique.
(tableau 49
page suivante).
~ous constatons que la quasi-totalité des 28 pays du
tableau connaissent une chute de leurs exportations en valeur,
généralement à partir de 1980,
1979 pour certains. Ces expor-
tations ont enregistré une hausse très sensible en 1974. Les

- 232 -
Tableau
49:
La rupture des exportations dans 28 pays
d'Afrique ent~e 1974 et 1983 (en millions de dollars EU)FOB
PAYS
1970
1974
1976
1978
1980
1982
1983
1
Nigéria
1239
9219
10771
9956
2-1729
14901
13840
Angola
Lf23
1281
621
831
1766
1730
2005
Bénin
33
34
38
27
69
qn
34
Burundi
24
30
63
69
64
102
88
Cameroun
231
476
513
798
1384
1721
1950
R-C-A
33
48
59
72
116
106
110
Congo
~ 1
..)..1-
245
182
118
781
923
1155
Ethiopie
123
295
281
306
425
400
427
1
Gabon
121
963
1136
1107
2342
1946
1840
Gambie
15
39
35
45
30
33
48
Ghana
458
729
829
891
1058
929
811
Guinée
42
106
21L~
301
408
411
422
..
,,-
..
,.. -" -..
......
~-_
'~-I
~Côte d'Ivoire
469
1213
1642
2324
3142
ILL41
240h. .. 1.
Kenya
305
603
793
1022
1391
1125
1068
Libéria
236
400
457
486
598
1200
940
Malawi
59
119
166
181
295
232
209
Mali
35
64
85
83
162
93
102
Mauritanie
90
156
195
140
237
256
269
Niger
32
53
134
282
566
307
330
Sénégal
152
391
490
422
474
482
531
Somalie
31
62
94
107
133
143
175
Tanzanie
261
420
492
454
511
480
467
Togo
55
188
104
235
337
213
231
Ouganda
279
327
361
347
460
371
373
Haute Volta
19
36
53
42
90
80
83
Zaîre
735
1520
809
900
2342
1713
1480
Zambie
1001
1407
1044
813
1520
880
928
Zimbabwé
65
50
135
52
396
1057
826
Source
I.M.F
direction of trade statistics yearbook 1970-1976, 1983 and 1984 Editions

- 233 -
exportations du Gabon par exemple sont passees de 121 mil-
lions de dollars EU en 1970 à 963 millions en 1974, soit multi-
pliées par 8,5 ; celles du Nigéria passeront de 1,2 à 9,2 milliard:
de dollars EU entre 1970 et 1974, elles se sont multipliées par
R. Les exportations du Congo qui étaient de 31 millions de dollars
en 1970 se chiffrent a 245 millions en 1974, elles ont été mul-
tipliées par 11. Les exportations des pays comme le Togo,
le
Zaire,
la Côte d'Ivoire,
la Guinée,
le Sénégal,
le Kenya,
la
Somalie, ont plus que doublé entre 1970 et 1974, etc ... Nous ne
citerons que ces cas,
les chiffres globaux du tableau 49
illustren"
parfaitement cette tendance. Il ne faut pas perdre de vue, dans
l'analyse
de ces données,
que les exportations des pays d'Afri-
que sont exprimées en dollars courants, et que la monnaie ame-
ricaine a connu une hausse particulièrement prononcée sur le
début des années 1980 (1).
Ces tendances du cours du dollar à la hausse,
ayant gonflé
les recettes d'exportation des pays d'Afrique exprimées en dol-
lars à partir de 1980 par rapport aux années antérieures,
il est
vraissemblable que la chute des exportations des pays a dû être
plus profonde que celle que laisse apparaître les chiffres du
tableftu49. Cela n'empêche que ces chiffres font ressortir une
tendance marquée et générale des recettes d'exportation des pays
d'Afrique à la baisse à partir de 1980.
Il est intéressant de
relever que l'évolution des recettes d'exportation des pays afri-
cains suit de très près celle des cours des produits de base et
celle de la valeur des exportations mondiales de matières première~
relevées plus haut.
La chute de la valeur des exportations des pays africains,
qui a succédé à la hausse que nous venons de présenter, se situe
(1)
1 dollar EU qui valait en moyenne
4,5 FF de 1977 à 1980, passe brusquemen
à 5,43 FF en 1981, à 6,57FF en 1982 et à 7,23FF en 1983. CF OCDE, Perspectives
Economiques n031 Décembre 1981, n032 Décembre 1982, n033 Juillet 1983.

-
234 -
à la fin des années 1970. Les exportations de la Zambie par
exemple tombent de 1,5 milliards de dollars EU en 1980 à un peu
plus de 900 millions en 1982 puis à 880 millions en 1983 perdant
en termes nominaux près de la moitié de leurvaleur. Les exporta-
tions du Zaïre suivent le même mouvement, de 2,340 milliards de
dollars EU en 1980, elles ne se montent plus qu'à près de 1,6
milliards en moyenne en 1982 et 1983. Les exportations de
la
Côte d'Ivoire en passant de 3,1 milliards de dollars EU en 1980 à
2,4 milliards en moyenne
en 1982-1983 retombent presqu'à lQu:
niveau de 1978 en valeur (2,324 milliards de dollars en 1978).
Cette tendance s'étend à tous les pays africains y compris les
pays pétroliers. Le Nigéria dont les exportations frôlaient 24
milliards de dollars en 1980 (23,729 milli2~~s), voit ces expor-
tations tombées à près de 15 milliards en 1982 et 14 milliards en
1983 dépassant difficilement le montant de 10,771 milliards d'ex-
portation de 1976. La chute des recettes d'exp,.~tation touche
ainsi des proportions importantes des ressources que les pays
d'Afrique encaissaient de leurs liens avec le marché capitaliste
mondial. A cet effet,
l'exemple cie la Côte d'Ivoire est très
illustratif. Le journal Afrique-Agri dans son numéro 90 de 1983,
rapportant les propres propos des autorités ivoiriennes, avançait
qu'en 1978-79, les recettes globales tirées du café et du cacao
par la Côte d'Ivoire se chiffraient à 900 milliards de FCFA, ces
recettes en 1983 ne seront plus que de 225 milliards soit une
chute de 75 % (1).
La rupture des exportations des pays d'Afrique trouve sa
pointe à la fin des années 1970 et au début Jes années 1980, pré-
cisement sur la période 1978-1982. C'est justement sur cette
période que la chute des cours et celle des quantités exportées
sont simultanément marquées; dès lors ne pouvant plus compen-
ser (même en partie) la chute des cours des produits de base par
une augmentation des quantités exportées,
les pays d'Afrique
(1)
1 F CFA
0,2 FF.

- 235 -
doivent faire face à une chute particulièrement sévère de leurs
recettes d'exportation. C'est de cette tendance que rend compte
le tableau 49 pour 28 pays d'Afrique. Cette tendance touche les
pays d'Afrique pris ensemble. A cet effet,
le rapport sur le
commerce et le développement dans le monde de la CNUCED dans
son édition de 1983, fait ressortir que le taux de croissance
annuel moyen de la valeur des exportations des pays d'Afrique
qui était de 8,5 % de 1970 à 1980, passe à 6 % en 1981 et s'ef-
fondre en 1982 à -8 % . Selon les prévisions, ce taux se situerai
à -8,3 % en 1983 et ne remonterait à 3,4 % qu'en 1984 (1). La
CNUCED a estimé le déficit des recettes d'exportation des pays
d'Afrique sur la deuxième moitié de la décennie 1970 consécutif
à la chute des recettes que nous venons de voir. Selon cet orga-
nisme,de 1975 à 1977, les pays d'Afrique ont connu un déficit
annuel moyen de recette d'exportation de l'ordre de 71 millions
de dollars EU 1970 (2).
Au total, nous pouvons dire que l'effet le plus immédiat de
la crise économique mondiale en cours sur les pays d'Afrique
est la formidable contraction de leurs recettes d'exportation.
Les données chiffrées que nous avons présentées plus haut attes-
tent de cette évolution. La contraction des recettes d'exporta-
tion,
principales ressources des pays d'Afrique, pose des bar-
rières sérieuses quant au financement de leurs importations, de
leurs activités et projets pour ces pays. C'est la contraction
des recettes d'exportation qui précipite immédiatement les pays
d'Afrique dans la crise la plus profonde de leur histoire ré-
cente (post-coloniale). Nous examinerons plus bas comment la
chute~des recettes d'exportations est le principal détonateur de
(1) CNUCED i rapport sur le commerce et le développement dans le monde UN
8311-D13 19~3 p. 34.
(2) Les facilités complémentaires pour les déficits de recettes d'exportation
relatifs aux produits de base. Résolution 125 (v) TD/B/Cl/214. p. 21. Les défi
cits sont déterminés en rapportant la valeur des exportations de l'année à la
moyenne pondérée des valeurs des exportations des 10 années précédentes.

- 236 -
la crise en Afrique et les points par lesquels elle agit sur
les économies africaines,
mais nous pouvons dire dès à présent
que cette caractéristique est l'une des spécificités de la si-
tuation des pays d'Afrique dans la crise économique mondiale
en cours. La dépendance de ces pays par rapport au marché
mondial de matières premières est telle qu'il a suffit que les
recettes qu'ils en tirent se tassent pour qu'ils soient pré-
cipités dans une crise profonde. Ceci d'autant plus que la crise
en cours, démontrant que le moyen de production le plus facile
à modeler et à adapter selon les besoins des entreprises et des
pays, ce sont les matières premières,
les firmes et Etats capi-
talistes ont men~
une politique de réduction maximum des coOts
en matières premières (les quantités employées et les cours des
produits de base). Ainsi donc,
les recettes d'exportation des
pays d'Afrique, qui baissent profondément sur la deuxième moitié
des années 1970 marquent l'entrée des pays d'Afrique dans la
crise. C'est la crise du marché mondial de matières premières
(baisse des cours des produits de base) qui preclpite les pays
africains dans la crise. A la différence,
la majorité des PED
d'Asie, d'Amérique Latine et même d'Afrique du nord, en parti-
culier les NPI, ne seront pas précipités dans la crise économi-
que mondiale par le canal du marché mondial des matières premiè-
res, mais plutôt, par la crise des échanges mondiaux de biens
finis (problèmes de débouchés pour les produits manufacturés
en provenance de ces pays), par la contraction du marché mondial
des articles manufacturés, puis les difficultés récurentes de
leur endettement. Cela signifie que ces pays sont devenus en
majorité des zones de production, des zones de création de plus-
value;
l'Afrique noire et quelques pays d'Amérique Latine et
d'Asie restant les seules zones exclusivement attelées au mar-
ché mondial des matières premières.

- 237 -
Nous allons exposer à présent l'action de la contraction
des recettes sur le financement des activités économiques.
§ 2 - L'ACTION DE LA CHUTE DES RECETTES D'EXPORTATION
SUR LES IMPORTATIONS ET LE FINANCEMENT DES ACTI-
VITES ECONOMIQUES.
La contractjon des recettes d'exportation agit de 2 ma-
nières sur le financement des activités économiques en Afrique
- en réduisant les capacités d'importation des pays
africains
- en réduisant leurs capacités de mobilisation de ressour-
ces financières
(ressources propres, capacité d'emprunt) pour
financer les activités économiques intérieures (production,
in-
vestissements et consommation, etc ... ).
2.1. La chute des recettes d'exportation et les
importations.
Nous avons déjà relevé le fait que les pays d'Afrique im-
portent la totalité des biens d'équipement, une grande partie
des biens intermédiaires et la quasi-totalité des biens indus-
triels finis dont ils ont besoin. Or, nous l'avons montré éga-
lement, la chute des cours des matières premières se fait alors
même que la valeur unitaire des biens d'équipement et produits
manutacturés connaissait une hausse régulière. La chute des
recettes d'exportation et la baisse du pouvoir d'achat interna-
tional des produits de base, principales exportations des pays
d'Afrique,
freinent les capacités d'importation de ces pays.
Cette évolution se traduira par une baisse des importations des

- 238 -
pays d'Afrique dès le début des années 1980. Le tableau 50
nous fournit l'évolution des importations de 28 pays d'Afrique
depuis 1970. Nous constatons ainsi que, pour la plupart des
pays du tableau
50, l'année 1974 est marquee par une augmenta-
tion sensible des importations qui se maintiendront à des niveau>
très élevés en termes courants jusqu'en 1980 année à partir de
laquelle on observe une chute importante des importations. Ainsi,
le Nigéria, qui importait pour 881 millions àe dollars EU en
1970, importera en 1974 plus de 2,300 milliards de dollars soit
plus de 2,5 fois qu'en 1970. Les importations de ce pays vont
croître de près de 100 % par an en moyenne pour s'établir au
niveau record de près de 16,7 milliards de dollars EU en 1980.
De 1980 à 1982,
les importations du Nigéria, en s'établissant
à 13,9 milliards de dollars, enregistreront une baisse de près
de 17 %. Il en est de même de la Côte d'Ivoire, du Kenya et du
Ghana, dont les importations ont crû en valeurs courantes très
fortement de 1970 à 1974 (taux de croissance de 62 % pour le
Ghana, 111 % pour la Côte d'Ivoire et 118,9 % pour le Kenya).
De 1974 à 1980,
la croissance des importations de ces pays va
être encore plus forte (taux de croissance de 107 % pour le
Ghana, soit le double du niveau
de 1974 ; 335 % pour la Côte
d'ivoire, plus de 4 fois le niveau de 1974 ; 307 % pour le
kenya). Ces pays vont voir leurs importations chuter au taux
moyen de -30 % à partir de 1980. Les chiffres du tableau
50 ne
font que traduire une tendance générale des importations des
pays africains. C'est à une chute profonde des importations que
se trouveront confrontés tous les pays d'Afrique sans exception
dès le début des années 1980. Les tendances des importations
des pays d'Afrique suivent de très près les mouvements des cours
des matières premières et des recettes d'exportations que ces
pays en tirent (les cours des matières premières et les recettes
d'exportation des pays d'Afrique après une hausse importante en
1973-1974, ont connu un fléchissement à partir de 1975 et s'effon
drent à la fin de la décennie 1970). Ainsi le Nigéria, le Gabon

- 239 -
Tableau 50 : Les importations de 28 pays d'Afrique, évo-
lution de 1970 à 1982 (en millions de dollars ru courants) .
... -
PAYS
1970
1974
1976
1978
1980
1982
1
1
1
!
1
Nigéria
881
2338
8213
12811
16359
13902
Angola
198
379
264
667
1359
1001
1
Bénin
45
105
213
311
713
889
1
Burundi
15
28
58
98
165
214
Cameroun
206
353
609
1045
1616
1846
R-C-A
28
40
55
57
81
91
Congo
50
164
175
251
605
970
Ethiopie
127
188
355
455
722
689
Gabon
73
352
503
617
953
934
1
i
Gambie
13
24
74
99
167
120
Ghana
312
507
838
956
1050
703
Guinée
50
69
120
235
363
296
Côte d'Ivoire
325
687
1304
2316
2991
2094
1
i
Kenya
290
635
973
1712
2585
1650
Libéria
129
203
399
478
535
477(1981)
Malawi
38
85
206
339
439
291
Mali
25
98
150
243
422
318
Mauritanie
34
74
224
217
324
445
Niger
46
67
126
306
594
480
Sénégal
141
293
583
755
1052
1108
Somalie
27
56
156
241
348
468
Tanzanie
177
398
656
1118
1227
1046
Togo
50
85
186
381
551
526
Ouganda
94
103
160
314
501
339
".
- ....
Haute Volta
31
115
144
226
358
267
Zaïre
434
964
840
797
1339
963
Zambie
302
546
789
729
1095
885
Zimbabwé
5
12
69
62
310
1635
Source
I.M.f. Direction of trade statistics, Yearbook 1970-76 and 1983
Edition, ouvrage déjà cité.

- 240 -
et le Congo dont les recettes d'exportation ont été multi-
pliées par plus de 8 de 1970 à 1974 ont vu leurs importations
multipliées par plus de 3 en moyenne sur la même période. Alors
que les pays comme la Côte d'ivoire,
le Kenya,
le Sénégal, et
la Somalie dont les exportations ont doublé de 1970 à 1974,
voient leurs importations doubler également sur la même période.
D'un autre côté, quand entre 1980 et 1982, les exportations de
la Côte d'ivoire tombent de 25 %, ses importations chutent dé
30 % ; quand les exportations du Kenya baissent de 20 %, ses
importations chutent de 40 % ; quand celles du Zaïre baissent
de 22 %, ses importations chutent de 30 % (CF tableaux
49 et 50 ).
La comparaison des chiffres des tableaux 49 et 50 font ainsi
res-
sortir que la chute des importations des pays d'Afrique suit de
près celle de leurs recettes d'exportations. La chute des impor-
tations se retrouve également dans l'évolution en volume de cettE
grandeur de 1970 à 1984. Selon la CNUCED,
le taux de variation
annuel moyen des importations des pays d'Afrique s'est fixé
à 5,2 % de 1970 à 1980 à 2,5 % de 1975 à 1980. à 2 % en 1981 et
s'effondre en 1982, -11 %. Le secrétariat de la CNUCED estimait
ce taux à -1,7 % en 1983 et 3 % en 1984 (1). On constate ainsi que
sur la décennie 1970, les importations des pays africains ont
crû régulièrement au taux annuel moyen de 5,2 %,
leur croissance
baisse de moitié de 1975 à 1980. Dès 1982 ces importations s'ef-
fondrent.
Les tendances des importations des pays d'Afrique font
ressortir une chute importante (chute en valeur et en volume) à
la fin des années 1970 et au début de la décennie 1980. Cette
chute des importaitons est dramatique quand on sait que ces
dernières sont la principale source de l'approvisionnement des
pays d'Afrique en biens d'équipement,en biens intermédiaires et
en produits industriels divers. Elle marque le ralentissement
quand ce n'est pas l'arrêt de l'équipement de ces pays. D'une
(1) UNCTAD: Trade and developpement report 1983 déjà cité, p. 34

- 241 -
part, les grands travaux d'infrastructure (construction de rou-
tes, d'hopitaux et d'écoles, etc ... ) et les B.T.P qui importent
énormément de matériels et biens intermédiaires vont se heurter
à des difficultés énormes; d'autre part,
les pièces pour les
usines de montage d'automobile et de matériels agricoles,
les
pièces de rechange et les biens intermédiaires pour les indus-
tries (industries alimentaires et textiles) qui sont normalement
importés vont poser des problèmes pratiquement insolubles aux
pays d'Afrique. A ce propos le mensuel African Business fait
valoir que la plupart des industries des pays africains fonction
nent en dessous de leur capacité en 1983 du fait de l'impossibi-
lité d'importer des quantit~s suffisantes de pièces de rechan~~l
La baisse des importations et surtout l'impossibilité d'importer
les biens d'équipement et produits industriels pour les écono-
mies africaines,
importatrices nettes de biens industriels en
général,
importatrices exclusives de biens d'équipement, est
un obstacle décisif.
Il faut relever tout de suite que la baisse
des importations fait partie des recommandations du FMI (Fond
Monétaire International) et de la B.M.
(Banque Mondiale) aux
pays d'Afrique pour assurer leur "ajustement" à la crise économi-
que mondiale en cours. Selon ces institutions internationales,
les problèmes des PED durement frappés par la crise économique,
ceux des pays africains en particulier, s'expliqueraient en
partie, par le fait qu'ils importent des quantités de marchan-
dises excessives par rapport à leurs ressources. Pour la B.M.
et le F.M.I,
le retour de ces pays à une santé économique solide
suppose une réduction substantielle de leurs importations. Ces
recommandations ont fait
l'objet d'une application sy~tématique
en A(rique. Elles ont allourdi ainsi les mouvements à la baisse
des importations déjà
amorcés a la fin des années 1970 sous les
pressions de la BM et du FMI
(2).
(1) African Business Mai 1983 p. 30.
(2) Nous verrons en détail plus bas l'ensemble des mesures préconlsees par lE
FMI et la BM en Afrique, leur application et les plans d'austérité mise en
oeuvre dans ces pays sous l'égide de ces deux institutions afin de leur "aju~
tement" à la crise économi.que mondiale.

- 242 -
Suite à la chute des recettes d'exportation des pays
africains, leurs importations accusent une tendance prononcée
à la baisse sur la fin des années 1970. Cette chute des impor-
tations est une véritable catastrophe car c'est par le biais
des importations que les pays d'Afrique assurent la quasi-tota-
lité de leur approvisionnement en produits industriels (la to-
talité pour les biens d'équipements). Pour certains pays,
les
pays importateurs de pétrole,
la chute des importations signifie
de plus en plus de difficultés pour assurer la satisfaction de
leurs besoins énergétiques (1). Les usines qui utilisent du ma-
tériel, des biens intermédiaires et pièces de recha~ge, quelque-
fois des matières premières importées se trouvent ainsi confron-
tées à des difficultés presqu'insurmontables. C'est l'une des
conséquences perceptibles de la chute des recettes d'exporta-
tion des pays africains.
Nous allons exposer à présent l'action de la chute des
recettes sur le financement des activités économiques à propre-
ment parler.
2.2. La chute des recettes d'exportations et le finan-
cement des activités économiques
La chute des recettes d'exportations se traduit, pour la
plupart des pays d'Afrique, par une contraction des ressources
disponibles pour financer les activités économiques. Elle en-
traîne également une réduction de la capacité d'emprunt de ces
pays, qui ne peuvent plus
justifier de recettes importantes à
venir et qui ont en plus des difficultés pour faire face aux en-
(1) Au regard des nombreuses coupures d'électricité en Afrique depuis 1980,
l'on peut constater que pour nombre de pays du Sahel, curieusement, ce n'est
pas la sécheresse qui est à l'origine des délestages fréquents de courant,
mais bien les difficultés croissantes dans l'approvisionnement de ces pays
en pétrole et hydraucarbures pour alimenter les centrales thermiques, seules
sources de courant électrique.

-
243 -
gagements financiers antérieurs. Ces pays choisissent donc de
comprimer le niveau de la consommation privée et publique, de
réduire les investissements. Les tableaux 51 et 52 nous donnent
l'évolution de ces grandeurs de 1973 à 1982. (tableaux 51
et
52
pages suivantes).
En valeurs courantes les investissements,
les consomma-
tions publiques et privées, connaissent une hausse importante
de 1973 à 1977 ; tr~s souvent leurs valeurs doublent. Par exem-
ple au Botswana,
en Côte d'ivoire et au Togo, elles font plus
que doubler sur la période en passant globalement (CP+(p+I) de
11,6 millions de Pulas à 343 millions au Botswana; de 55/,6
milliards de CFA à pr~s de 1443 milliards en Côte d'Ivoire; de
93,8 milliards de CFA à plus de 193 milliards au Togo (CF ta-
bleau 51 ). A partir de 1978,
les consommations et les investis-
sements vont connaître des évolutions différentes. Les consom-
mations vont augmenter encore réguli~rement, à un rythme moindre
que sur la période 1973-1977,
jusqu'en 1980 et stagneront à
partir de ce moment pour la majorité des pays. Elles baisseront
quelquefois en 1982 mais tr~s faiblement. Ainsi, au Cameroun
les consommations baissent de 1981 à 1982, passant de 1282
milliards de F CFA à 734 milliards de CFA. Quant aux investis-
sements
, ils augmenteront lég~rement jusqu'en 1980 et baisse-
ront à partir de cette année pour un nombre plus important de
pays. Dans certains pays,
la chute des investissements sera très
vive; par exemple, au Cameroun,
ils baisseront de plus de 50 %
entre 1981 et 1982, passant de 437 milliards de CFA à 205 mil-
liards ; au Malawi ils baisseront de plus de 20 % entre 1980 et
1981,
passant de 270 millions de Kwachas à 212 millions.
Malgré ces baisses importantes pour certains pays et le
fléchissement que nous avons relevé pour un plus grand nombre
de pays,
la tendance dominante des investissements dans les pays
d'Afrique sur la fin des années 1970 et le début des années 198C

Tableau 51
: L'évolution de la consommation publique et privée et des
investissements dans 13 pays d'Afrique (monnaj.es nationales courant)
-.::t
-.::t
N
1973
1977
1978
1980
1981
1982
Pays
Unité
CP
Cp
1
C! )
Cp
1
CP
Cp
1
CP
Cp
l
CP
Cp
l
CP
Cp
l
Botswana millions de
- - - - paJas
28
79
9
71
184
78
85
225
110
130
350
249
179
401
307
213
470
294
Burundi milliards de
F.CFA
3,4
23
1,8
5,5
42
5,5
7,6
48
7,7
10,9
82
11,5
12,8
80
11,8
12,6
88,6 16,3
Côte d'Ivoire milli-
aras de FCFA 95,6
340
122
206,6
839,3
397
287 1003
529
349,3
1143
526
...
... ...
·..
·..
·..
Cameroun milliards de
F CFA
49
291
74
81,9 545,3 163,5
112
801
252
152
1160
437
122
1160
437
102
632
205
Haute-Volta milliards 10,9 9G,9
20
2LI,7 180,5
35,9
30
197
39
36
240
41
de F CFA
...
... ...
·..
·..
·..
K2r~ m~~liards de
5t11
lngs
2,8
10,8
3,6
6,4
20,7
7,8
7,9
24,9
10
10,6
32,8
12
12,5
38
13,6
13
43,5 13,7
Nig&ria milliards de
Nairas
0,8
6
15
3,6
16,5
82
3,6
18,2
9,5
4,3
25,3 11,5
5,7
30
12
5
32,9
10
Malawi mill~ons de
Kwac a
50
296
76,7
83,5 550,4 158,5
87
622,4 267,5
119
996
270 212,4 794,5 212
209
981,4 216,9
Sénég3l milliards de
-
F CFA
43,8
210
39
77, 9 363,6
62
81,9 390,7
67,5
136
497,6 108,6
147
542,9 129,5
·..
·..
·..
Tanzanie m~~lions de
s l lngs
1,9
9
2,6
4
20,6
5
5,6
25,7
G
5,5
31,4
8
6
33,4
9
7
35,5
8,9
Togo milliards de F
CFA
11
65,8
17
28,6
106
58,6
29
118,7
88,4 34,7
157
70
36
199
50
·..
·..
·..
Zambie milliards de
Kwacha
345
530
423
553
725
668
591
972
555
835
1768
594
1054
1646
660
990
1756
790
Zaïre millions de
Zaïre
312
805
372
772
2849
1372
893
3812
950
3391
9138 2634
4190
16490
4675 5948
17206
6332
InternationaI
Tableau construit à partir des données de : IMF : Financial statistics yearbook 1983 Edition
CP = consommations
publiques;
Cp = consommations privées;
l = investissements fournis par la FBCF.
Les parités moyennes des monnaies nationales par rapport au DTS :
1 DTS ::: 43) F CFA UMOA et UDEAC = 122. CFA Burundi
= 15
shillings Kenyen et Tanzanien
= 1,6 kwacha Malawi et Zambien
= 1;~ Pulas Botswana == ·.0,7
Nairas Nigérian
=. .. Zaîres

If)
- j
N
Tableau 52
: L'évolution de la consommation publigue,de la consommation privée et
des investissements dans 13 pays d'Afrigue (en monnaie nationale constante base 100
1970)
1973
1977
1978
1980
1981
1982
Pays
Unités
CP
Cp
l
CP
Cp
l
CP
Cp
l
CP
Cp
l
CP
Cp
l
CP
Cp
l
-
Botswana milliers de
pu a
230
650
75
630
1716
690
691
1829
894
828
2290
1585
1065
2386
1827
1224
2701
1689
Burundi millions de
FCFA
30
203
16
27
210
27
33
213
34
34
255
36
34
214
31
33
232
43
Cameroun milliards de
CFA
0,4
2,2
0,6
0,3
2,3
0,7
0,4
3
1
0,5
3,8
1,4
0,4
3,5
1,3
0,3
1,8
0,6
Côte d'Ivoire milli-
ards de F CFA
0,9
3
0,7
1
4
1,9
1,2
4,3
2,2
1,1
3,6
1,7
...
...
...
·..
·.. ·..
Haute Volta millions
de CFA
100
897
185
144
1055
209
160
1053
208
138,5
923
158
...
... ... ·.. ·.. ·..
Kenya millions de
shiling
26
100
33
35
116
44
40
127
51
43,3
140
51
50
152
54
48
163
51,5
Nigéria millions de
Naira
6,6
49,6 124
25,3
116,2 57,7 20,5
1034
54
22
129
58,7
27,5
145
58
23
150
46
Malawi millier de
Kwacha
403
2387 618,5 46~,7
3075 885,5
458 3275,8
1408 440,7 3688
1000
732,4
2738
731
674
3165
699
Sénégal milliards de
F CFA
0,4
1,9
0,35
0,J6
1,7
0,29
0,37
1,8
0,30
0,5
1,9
0,41
0,55
2
0,5
· ..
. . .
. . .
1
Tanzanie millions de
shiling
15
70
20
15,5
79
19
18,8
86
20
13
74
19
12,9
72
19,3
14
70,4 17,7
Zaïre millions de
Zaïre
2,2
5,7
2,6
1
3,9
1,9
0,8
3,4
0,8
2,5
6,8
1,9
1,9
7,7
2,1
1,7
5
1,8
Togo millions de CFA
91,6 548 141,6
133
493 272,5 133,6
547
407
148
671
299
138
764,5
192
·..
·.. ·..
Zambie milliards de
5;6
Kwacha
2,9
4,4
3,5
2,6
3,5
3,2
2,4
4
2,3
3
6,5
2,2
3,6
2,2
3
5,6
2,5
-
1
Tableau tiré de IMF : International financial statistics yearbook 1983 Edition.
- pour. les spécifications des abrégés et les parités des monnaies nationales CF tableau
page précédente.
- pour le déglateur, nous avons utilisé l'indice des prix à la consommation fournie par les Nations Unies:
United Nations Statistical Yearbook Edition 1981 pp. 169 à 176 jusqu'en
1980, complété par les données du
~MI d~ 19Q0 à 1982 ; supplement on priees statistics,supplément série n02 1984 ou 1983.

- 246-
est une stagnation de cette grandeur en termes courants (CF
tableau 51).
Les consommations publiques,
les consommations privées
et les investissements en valeurs courantes se caractérisent
par la hausse générale observée entre 1973 et 1977. Ils crois-
sent ensuite à un rythme faible et sont marqués par une stag-
nation dès la fin des années 1970. Le gonflement de ces gran-
deurs au Zaïre n'est pas significatif;
il est essentiellement
dû aux dévaluations successives du zaïre (au total c'est près
de 500% de la valeur de la monnaie zaïroise qui va être amputée
entre 1976 et 1984) et l'inflation explosive au Zaïre,
les prix
ont augmenté dans ce pays au taux annuel moyen de plus de 50 %
de 1973 à 1982.
Ces tendances de la consommation et des investissements
dans les pays africains se précisent quand nous passons à une
détermination de ces grandeurs en valeurs constantes (CF ta-
bleau 52). Nous constatons que d'une façon générale,
il y a une
baisse àes trois grandeurs qui est plus fréquente et qui touche
tous les pays du tableau
52. Dès 1977,
trois pays (le Sénégal,
le Zaïre et la Zambie) connaissent une chute importante des
consommations et des investissements de l'ordre de 10 % pour
le Sénégal,
35 % pour le Zaïre et 14 % pour la Zambie. Cette
chute se prolongera jusqu'en 1978 pour les consommations publi-
ques et les investissements au Zaïre et en Zambie, pour les
consommations privées seulement au Zaïre. De 1978 à 1981,
la
plupart des pays du tableau enregistrent de fortes baisses soit
des CP, Cp et l pris globalement,
soit de l'une ou deux de ces
grandeurs. Ainsi les investissements en termes réels vont
baisser profondément au Togo,
passant de 407 millions de FCA en
1978 à 299 millions en 1980 puis à 192 millions en 1981, perdant
ainsi 64 % de leurs valeurs entre 1978 et 1981 ; de même,
les

- 247 -
consommations publiques, privées et les investissements vont
chuter en Tanzanie de 1978 à 1980 en passant globalement de
124,8 millions de shillings à 106 millions de shillings,
soit
une baisse de 15 %. Au ZaIre,
les consommations publiques bais-
seront de 24 % entre 1980 et 1981.
Au total,
en termes réels,
la chute des consommations
publiques et des investissements est générale à tous les pays
du tableau
52 sur la fin des années 1970, seules les consomma-
tions privées augmentent encore dans quelques pays.
Nous pouvons donc dire que les tendances des consommations
(CP et Cp) et des investissements dans les pays d'Afrique au
cours de la décennie 1970 font ressortir le fait que ces gran-
deurs ont connu une hausse importante de 1973 à 1977. Elles
stagnent de cette année à 1978 ; à partir de 1978 elles entrent
dans une phase de baisse. Cette baisse est très sensible au
niveau des consommations publiques et des investissements;
la
baisse des consommations privées est moins vive et moins géné-
rale que celle des autres grandeurs.
Comment ces compressions de la consommation et des inves-
tissements ont été réalisées? (étant entendu qu'elles sont en
partie l'aboutissement d'une politique déliberée menée par les
Etats africains sous les pressions du FMI et de la BM).
Les consommations publiques ont été comprimées par la
suppr~ession des subventions publiques aux biens de première
nécessité,
la réduction des dépenses publiques relatives aux
services publics (enseignement,
santé et transports publics),
le désengagement de l'Etat des sociétés publiques (entreprises

- 248 -
publiques, sociétés mixtes ou sociétés d'Etat) (1). Les conso~­
mations privées quant À. elles, ont été cCl:lp:d.mées par un bloca-
ge des revenus (salaires et prix agricoles d'achat aux produc-
teurs), par un contrôle strict du système des crédits à la
consommation, etc ...
Les investissements réalisés en partie par l'Etat,
ont
été comprimés par la réduction pure et simple des investissement:
de l'Etat (pour ce qui est des capitaux puLlics),
les
inv~slisse'
ments privés étant tenus par une limitation très stricte du
crédit intérieur. A propos du crédit intérieur,
le FMI décla-
rait par l'écriture de Mr. Nut Calika, économiste de la division
de l'Afrique de l'Est quien Somalie au cours de l'application
du deuxième plan d'austérité sous l'égide du FMI; "la progres-
sion de la liquidité intérieure fut ramenée, en 1982, à pres-
que la moitié de son taux de 1981 et les chiffres projetés pour
1983 prévoient une contraction significative de la liquidité
intérieure". La Somalie voit ainsi les crédits à l'écono~ie
s'amenuiser dès le début des années 1980. Les crédits à l'éco-
nomie connaissent également un tassement dans les pays de la
zone franc comme en atteste le tableau 53
On constate à partir du tableau 53
que les crédits à
l'economie dans les pays de la zone franc qui ont crû au taux
moyen de 20 % jusqu'en 1978, connaissent une croissance légère-
ment supérieure de 1978 à 1980, entre 1980 et 1981, cette crois-
sance n'est plus en moyenne que de 5,8 %. C'est un tassement
perceptible au niveau de tous les pays; pour certains pays les
crédits à l'économie s'effondrent littéralement; ainsi les
crédits en Côte d'ivoire qui ont crû de 20,3 % en moyenne de
1976 à 1980, ne croissent plus qu'au taux de 2,9 % de 1980 à
(1) La forme et les manifestations de cette politique de réduction des consom-
mations publiques sont examinées en détail au chapitreVII.

- 249 -
Tableau 53: Les crédits à l'économie dans les pays afri-
cains de la zone franc depuis 1976 (milliards de CFA)
i'AYS
1976
1977
1978
1979
1980
1981
1
1
Côte d'Ivoire
343,8
498,5
614,4
745,2
896,7
922,9
R-C-I~
12,8
14,7
18,2
15,6
23,4
20,5
Camêruun
204,5
266,8
323,7
416,6
479,4
Congo
1977 a 1979 = 40
55,9
82,9
Gabon
124,7
129,9
123,8
142,5
153,6
Haute Volta
27,6
38,7
49,6
57
56,9
66,5
Mali ~':;
195,1
203,4
235,9
261,4
275,9
298,5
Niger
26,32
32,3
51,3
63,5
88
100,2
Sénégal
126,00
142,3
171,3
238,2
254,4
286,9
Togo
30,6
40
50,2
56,8
59,7
61,9
Source
- BCEAO : Statistiques économiques et monétaires nO 312
Janvier 1983.
- BAN: Afrique noire politique et économique 1983.
* En francs maliens
1FF = 100 F Maliens = 50 FCFA

- 250 -
1981 ; la R-C-A voit ses crédits à l'économie, qui ont crû
jusqu'en 1980, baisser de 12 % entre 1980 et 1981.
Ainsi,
la contraction des crédits à l'économie limite
les possibilités de financement intérieur des investissements.
Il apparaît à la lumière des mécanismes de compression
de la demande effective (consommation et investissements),
que l'Etat y tient une place centrale. L'exposé des recettes
et des dépenses publiques, du mouvement des finances publiques
nous permettra de saisir les liens entre la compression de la
demande effective et la contraction des recettes d'exportation
en Afrique.
La chute des recettes d'exportation, présentée plus haut,
s'est accompagnée en Afrique d;une chute
du volume et de la
valeur des exportations et des importations.
Il s'ensuit qu'en
plus des déficits des recettes d'exportation,
les Etats dlAfri-
que ont à faire face à une chute des recettes fiscales encais-
sées sur les droits de porte,
leurs bases d'imposition,
les
exportations et les importations,
se rétrécissant. A ce propos
d'après une étude du ministère français de la coopération por-
tant sur la fiscalité en Afrique noire francophone,
l'évolution
des recettes fiscales,
à l'exportation est marquée par une
baisse sérieuse et régulière sur la fin des années 1970. Selon
cette étude,
la part des droits d'exporation dans les droits
de porte pour tous les Etats d'Afrique noire,
francophone moins
le Mali et la Mauritanie, qui était de 22,2 % en 1960 tombe à
14,5 % en 1980. La pression fiscale de l'impôt sur les exporta-
tions est en diminution constante après 1975. Ainsi, de 13 %
en 1960, la pression fiscale de l'impôt sur les exportations
au Gabon passe à 18 % en 1973 et à 20 % en 1975, elle tombe à

- 251 -
13 % (au niveau de 1960) en 1977 suite a la baisse des cours
monàiaux de pétrole (1).
Quant aux recettes fiscales tirées àes droits sur les
importations, déjà limitées par les exonérations fiscales sur
les importations de biens d'équipement, elles vont baisser
profondément sur la fin de la décennie 1970. Ainsi, en Côte
d'ivoire, malgré les majorations successives de la fiscalité,
les recettes fiscales
tirées des droits à l'importation res-
tent stables sur la décennie 1970. En Centrafrique, ces re-
cettes qui se montaient à 185 milliards de CFA constants 1980
en 1979,
tombent à 17 milliards de CFA en 1980, soit une bais-
se de 8 %. Au Congo,
les recettes fiscales
tirées des droits
à l'importation enregistrent une baisse de 11 % entre 1979 et
1980 ; au Tchad cette baisse est de 24 % entre 1969 et 1979 (1)
La tendance générale des recettes fiscales en Afrique est à
la baisse à la fin des années 1970. Les prélèvements parafis-
caux effectués par les caisses de stabilisation et les offices
de commercialisation suivent l'évolution des cours mondiaux
des produits exportés.
La baisse des recettes d'exportation, celle des recettes
fiscales ont pour conséquence immédiate la réduction de la part
des dépenses publiques financées par des recettes propres des
gouvernements des pays d'Afrique. D'après le FMI,
le pourcen-
tage des dépenses publiques totales dans les pays d'Afrique
assuré par un financement intérieur (recettes publiques et
dette publique intérieure) qui était de 13 %
en 1975, n'est
plu& que de 10,6 % en 1980. Ce pourcentage qui était pour le
Ghana de 33 % en 1975 monte à 52 % en 1979 et descend à 32 %
en 1980,
tOlnbant ainsi en dessous du niveau de 1975. Il était
pour le Soudan de 31 %
en 1978, il descend à 2 % en 1980 (2).
(1)
Ministère frRn~ajs de la coopération et du développement: Etudes et
Docl~ents n048 Juillet 1982.
(Z) IMF : Governrnent finance statistics Yearbook vol VII, 1983.

- 252 -
c'est une véritable crise des finances publiques dans les
pays d'Afrique qui éclate à la fin des années 1970. Le finance-
ment intérieur de leurs dépenses publiques dépasse à peine le
dizième. La chute générale des recettes publiques est la cause
de cette évolution. Les déficits publics atteignent des pro-
portions extraordinaires. Selon l'étude du FMI citée plus
haut,
le déficit global des finances publiques en Afrique re-
présente en 1975 21 % du total des dépenses publiques
cette
proportion sera de 26,5 % en 1976, 21,8 % en 1975, 22 c, eL
1979 et 18 % en 1980. Ce déficit représente ainsi en moyenne
plus de 20 % des dépenses publiques en Afrique de 1975 à 1981.
Cette moyenne cache des dispersions importantes,
en par-
ticulier pour certains pays l'importance du déficit public
est encore plus importante que la moyenne de 20 % des dépenses
publiques. Par exe~ple au Ghana, ce déficit représente de 1975
a 1977 en moyenne 42 % des dépenses publiques totales, de 1978
a 1980 ce taux passe a 41 %, en 1980-81 il se fixe à 50 %. Ce
taux qui était de 33 % en Ouganda de 1975 à 1977, passe bruta-
lement à 56,77 % en 1979 et monte à 77,76 % en 1981 (1).
Ces chiffres, mieux que tout long développement,
montrent
l'ampleur de la crise des finances publiques dans les pays
d'Afrique à la fin des années 1970, suite à la chute des recet-
tes publiques (recettes d'exportations et recettes fiscales).
C'est l'ensemble de ces tendances qui ont conduit les gouver-
nements à engager des politiques d'austérité dont l'un des as-
pects est la compression de la consommation, et des investis-
sements,
l'autre aspect étant l'épuration des déficits de ba-
lances extérieures (balances commerciales et balance des paie-
ments) et le remboursement de la dette extérieure (nous verrons
(1) IMF L Goverument fioaocelstatistics,ouvrage déiàlcité. Le déficit.des
floanceb
publlques est ega
a la dltterence enfre
es recettes pUbllques
et les dépenses publiques plus les prêts publics.

-
253 -
plus bas ce deuxième aspect des problèmes que connaissent les
pays d'Afrique).
Les recettes publiques
(fortement dépendantes
des recettes d'exportation) déterminent ainsi
le
financement
des activités
intérieures de ces pays.
Nous ne citerons que
le cas de la Côte d'Ivoire pour clore ce point sur
la chute
des recettes publiques et
le financement des activités écono-
miques.
L'instrument d'intervention de
l'Etat
ivoirien dans
le
domaine des
investissements est
le BSIE,
Budget Spécial d'In-
vestissement et d'Equipement.
Les recettes du BSIE de
la Côte
d'Ivoire étaient assurées à plus de 50 % par des ressources
intérieures de 1971 à 1980. Ces dernières représentaient 51 %
des recettes
totales du BSIE en 1971,
80 % de ces recettes en
1977 et plus de 65 % de 1978 à 1980. A partir de 1981,
les
ressources intérieures constituent moins de 25 % des recettes
totales du BSIE de la Côte d'Ivoire;
24 % en 1981,
20 % en
1982,
elles étaient estimées à moins de 18 % (17,7 %) pour
1983. Les recettes intérieures sont assurées à plus de 50 %
par les prélèvements de la CSSPPA
jusqu'en 1980. Ces prélève-
ments représentaient 50 % des ressources intérieures en 1978,
62 % de ces ressources en 1980 ; ils vont baisser sensiblement
à partir de 1981. Ils ne représenteront plus que 20 % des
resources intérieures en 1981,
43 %
de ces dernières en 1982
et 0 % en 1983 (année au cours de laquelle la Côte d'Ivoire ne
participait
pas au marché mondiale de cacao) (1).
On constate
ainsi la très
forte corrélation positive entre la chute des
prélèvements de
la CSSPPA (Caisse de Stabilisation et de
Soutien des Prix des Produits Agricoles) qui gère en fait
l'es-
sentiel des recettes d'exportation de la C~te d'Ivoire et
les recettes du BSIE.
Quand à partir de 1981,
les prélèvements
de la CSSPPA ont entamé leur chute,
les ressources du BSIE ont
(1) Projet de loi de finance 1983, ministère de l'économie et des finances
de la République de Côte d'Ivoire.

-
254 -
suivi le mouvement, affaiblissant ainsi les moyens d'interven-
tion du gouvernement ivoirien dans le financement des activi-
tés économiques. Le cas de la Côte d'Ivoire est très illustra-
tif de la situation des pays d'Afrique. Si la chute des
ressources du CSSPPA est fortement déterminée par les ventes
de café, cacao et bois, celle de l'ONAREM au Niger est déter-
minée par les ventes d'uranium, celle de l'ONCPB (Office
National de Commercialisation des Produits de Base) au Cameroun
par 125 ventes de caf~, ~2 cacao et de coton; celle de la
CSPA en Haute Volta parles ventes de coton, etc ... Les recettes
.
- -
..
de ces organismes étant les principaux moyens d'intervention
de s Etats d'Afrique, leur chute au début des années 1980 rédu i t énor-
memen t 1es capac i té s de
financement des économies de ces
pay s .
On peut donc dire que le financement des activités éco-
nomiques dans les pays d'Afrique étant tributaire des recettes
d'exportation,
la chute de ces dernières a entraîné des dis-
torsions dans les comptes économiques de ces pays. Ne dispo-
sant plus de ressources suffisantes pour financer l'accumu-
lation (surtout sous la forme d'investissements publics) et
les consommations,
les pays d'Afrique ont, été contraints de
mettre sur pied des processus de contraction de la demande
effective (consommations et investissements). Cette politique
hypothèque toute possibilité de développement industriel et
de développement économique en général.
En effet,
l'expansion de l'agriculture en général (agri-
culture d'exportation et agriculture vivrière) suppose,
l'exis-
tence d'un marché pour l'agriculture d'exportation (le marché
mondial) et pour les cultures vivrières (essentiellement le
marché intérieur). De même le développement de l'industrie,
déjà très faible,
suppose l'existence d'un marché intérieur.
Le marché intérieur dont l'étroitesse est l'un des obstacles

- 255 -
majeurs au progrès de l'industrie en Afrique, va se trouver
réduit à un point tel que la production industrielle et l'ac-
cumulation
en général sur cette base deviendront de plus en
plus difficiles. La politique de contraction de la demande
effective menée par les Etats africains sous la pression de
la BM et le FMI liquide les marchés intérieurs là où ils exis-
taient (Nigéria, Gabon,
Sénégal, Kenya,
Côte d'Ivoire,
etc ... ),
étouffe les revenus et le crédit, rendant impossible l'éclosion
è'un marché intérieur important là où il fait défaut.
Ce sont
~es tendances au blocage des activités économiques qui expli-
quent la stagnation du PIB des pays africains et la chute de
leurs productions (industrielles et agricoles) relevée au
chapitre introductif.
Au total,
toutes les informations relatives au finance-
ment des activités économiques et des importations en Afrique,
confirment le fait que l'entrée dans la crise au niveau de
ces pays est déterminée par le mouvement des recettes d'expor-
tation. En effet, à la suite de
la hausse générale des cours
des matières premières de 1974 à 1976,
les pays d'Afrique ont
enregistré un gonflement sans précédent de leurs recettes
d'exportation. C'est ce gonflement des recettes qui leur a
ouvert la voie à l'accroissement des importations, à l'accrois-
sement de l'endettement (que nous verrons plus bas)
; c'est
ce gonflement des recettes qui a permis la mise en chantier
d'énormes projets d'investissements,
surtout publics;
etc ...
Quan0 à la fin des années 1970,ces recettes s'effondrent,
les pays d'Afrique ne peuvent plus faire face à leurs engage-
ments, aux charges courantes des projets existants ou en réa-
lisation, au poids croissant des importations. Ils s'engagent
alors dans la voie d'une compression des consommations, des
investissements et des importqtioDâ~ Cette compression de la

- 256 -
demande et des importations entraîne des difficultés supplé-
mentaires d'approvisionnement en biens industriels, en biens
d'équipement et pièces de rechange pour les industries
elle
bloque le marché intérieur par le blocage des revenus et du
crédit. La contraction de la demande et des importations con-
duit ainsi à un étouffement des économies africaines. Par
ailleurs,
la situation des comptes publics traduit une crise
profonde des finances publiques. Tous ces éléments nous per-
mettent de comprendre que les pays d'Afrique qui ont fait
lar-
gement appel au financement extérieur à travers la dette exté-
rieure et l'investissement direct étranger, aient une situa-
tion des paiements extérieurs extrêmement grave. Nous allons
à présent exposer la situation des paiements extérieurs des
pays d'Afrique.
§ 3 - LA CRISE DES PAIEMENTS EXTERIEURS DES PAYS
D'AFRIQUE
La situation des paiements extérieurs des pays d'Afrique
s'est fortement détériorée sur la fin des années 1970. Ces pays
avec le gonflement de leurs recettes d'exportation entre 1974
et 1976, l'abondance relative des capitaux sur les marchés de
capitaux après 1973 nourris par les excédents des pays pétro-
liers et les déficits budgétaires américains et la faiblesse
relative des taux d'intérêt sur cette période, se sont forte-
ment endettés. Les problèmes de paiements extérieurs, qui sur-
giront à la fin des années 1970, concerne la question de la
dette extériellre mais aussi les charges liées à l'investisse-
ment direct étranger. Les investissements directs étrangers
donnant lieu à d'énormes sorties de ressources,
les pays d'Afri-
que doivent faire face à ces paiements extérieurs. Nous aurons
ainsi, au niveau des paiements extérieurs, deux aspects
- Les balances extérieures,en particulier le solde des
comptes courants et la position des réseLves de change;

- 257 -
- La dette des pays d'Afrique.
3.1. Les balances extérieures:
le solde des comptes
courants et la position des réserves internatio-
nales de change.
Le tableau54 nous donne l'évolution des comptes courants
dans les pays d'Afrique importateurs de pétrole.
Tableau 54: Déficit en compte courant dans les pays afri-
cains importateurs de pétrole (1970-1980).
- , - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - r - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - , -
1
1970
1973
1975
1978
1980
Déficit en compte courant (en
milliards de dollars EU)
1,5
1,9
6,4
6,6
8
LJi~f ici t en compte couran t en pour-
i centage du PIB
2,4
3,6
9,5
8,8
9,2
1
Source
Banque Mond iale
Rapport Berg, développement accélé~é en
Afrique au sud du Sahara p.
21.
On constate à partir du tableau 54 , que le déficit des
comptes courants des pays d'Afrique importateurs
de pétrole
s'accélère très nettement à partir de 1975. Il passe de 1,7
milliards de dollars EU en moyenne en 1970-1973 à 6,5 ~illiards
en 1975-1978, il est ainsi multiplié par près de 4, en 1980
il P_9-~ se à 8 milliards de dollars , soit une au g men t 3d 0 n
de 23 % par rapport au niveau de 1975-78. Exprimés par rap-
port au PIB,
les déficits en comptes courants passent de 3 %
en moyenne du PIB en 1970-1973 à près de 9 % en moyenne de
1975 à 1980. Pour les pays africains exportateurs nets de
pét ro~ l'évolution des comptes est quelques peu différente, mais connai t

- 258 -
une tendance très proche de celle des pays importateurs de pé-
trole. Ainsi,
le déficit des comptes courants qui représentait
4,4 % du PNB en 1970, atteignait jusqu'à 7,4 % du PNB en 1978.
La hausse des prix du pétrole en 1978-1980 va améliorer la si-
tuation de ce groupe de pays qui vont connaître un excédent en
comptes courants égal à 8,5 % du PNB sur cette période.
Pris globalement,
les pays d'Afriuqe connaissent un défi-
cit en comptes courants depuis la fin des années 1970. Selon
le FMI, le déficit global des comptes courants de tous les pays
d'Afrique s'est fixé à 0,6 milliards de dollars en 1980.
Ce
déficit passe à +3,3 milliards de dollars en 1981, il baisse en 1982 et se
fixe à '6,6 milliords de dollars ; plus de la moitié du
déficit de 1982
est le fait de 5 pays qui en supportent 3,6 milliards de dollars ; ce sont
la Côte d'Ivoire (1 milliard), le Soudan (0,9 milliard), la Zambie et le
Zaîre (0,6 milliard), et le Kenya (0,5 milliard).(l). En fait, à l'excep-
tion de Cameroun et du Gabon, tous les pays d'Afrique Noire connaissaient un
déficit des comptes ca..n:a1ts 51 1982. Ce Œficit rep:ésEn~ 51 rrcyene 10 %dJ P.N.B.
Le financement des d~fjcits courants par les emprunts
auprès des organismes publics et institutions internationales
comme la BM et le FMI,
leur compensation par les entrées de
capitaux au titre des investissements directs étrangers, s'a-
vèrent
insuffisants. Les pays d'Afrique sont obligés de recou-
rire à l'utilisation de leurs réserves de change et à des em-
prunts à court terme, à ctes crédits commerciaux pour assurer
l'équilibre des comptes courants. L'afflux des capitaux étran-
gers (particulièrement marqué après 1973) sous forme d'investis-
sements directs ~t les emprunts débouchent sur des problèmes
comme le paiement des revenus et profits liés à l'investissement
(1) FMI.Perspectives de l'économie monctiale 1982 p. 96. Afrique y co~pris
l'Afrique du nord.

- 259 -
direct étranger et du service de la dette qui dès lors désé-
quilibrent la balance des paiements. Nous avons montré plus
haut que les sorties de ressources liées aux investissements
directs étrangers en Afrique ont progressé au taux annuel mo-
yen de 7,6 % de 1970 à 1980 (CF 1ère Partie Chapitre
IV).
Ces sorties de ressources se sont établies à 1027 millions de
dollars EU en 1975, 999 millioffi en 1978 et 1136,4 millions en
1980. Elles ont représenté plus de 65 % des éléments de "dons"
de la dette des pays d'Afrique de 1975 à 1980 (1,4 fois en
1975, 90 % en 1978 et 65 % en 1980). Elles équivalaient à plus
de 20 % des décaissements au titre de la dette de ces pays sur
la même période (44 %,en 1975,
20 % en 1978 et 21 % en 1980) (1:
Ces évolutions conduisent les pays d'Afrique à une situa-
tion des réserves de change international catastrophique. Ces
réserves, après avoir atteint la crête de près de 15 milliards
de dollars en 1980,
tombent de moitié et s'établissent à 7,800
milliards en 1982, soit 3 fois moins qu'en 1980. Les réserves
de change international, de l'Afrique qui représentaient en
moyenne
3 mois d'importation de 1973 à 1980, n'équivalent
plus qu'à 27 jours d'importation en 1982 ~ Dans de nombreux
pays,
les réserves de change sont négatives en 1982, c'est le
cas de la plupart des pays de l'UMOA (Union Monétaire Ouest
Africaine) eç particulier la Côte d'Ivoire et le Sénégal (2).
La source du déséquilibre des paiements extérieurs des
pays d'Afrique est triple:
le déficit des comptes courants,
les sorties de ressources liées à l'investissement direct étran-
(1) UNCTC : les sociétés multinationales et le développement dans le monde
1983 déjà cité pp. 321 et 322, world bank ; world debt tables; external debl
of developing countries pp. 26 à 29. Les chiffres des sorties de ressources
concernent tous les pays d'Afrique à l'exception de 12 pays dont les statis-
tiques sont incomplètes : ce sont le Bénin, le Tchad, la Tanzanie, le Malawi
le Mali, le Niger, le Sénégal, la Somalie, le Swaziland, le Togo, le Zaîre
et le ZimbabNé.
(2)
CF Tableau 55 et rapport annuel de la Banque Mondiale 1983.

- 260 -
ger,
l'endettement et le service de la dette. Nous avons présenté
les deux premières sources. Nous abordons maintenant la 3ème sour-
ces;
l'endettement.
3.2. L'endettement des pays d'Afrique
Vu du point de vue du système bancaire international et de
son équilibre,
le niveau d'endettement des pays d'Afrique pa, ses
montants n'est pas par lui-même alarmant. En effet, en 1982, l'en-
dettement (dettes débousées seulement) s'était fixé à 50 milliards
de dollars pour l'Afrique noire toute entière, un montant infé-
rieur à la dette du seul Mexique 62,800 milliards) à celle du
Brésil (60,400 milliards), à celle du Vénézuéla et de l'Argentine
qui se montait (pour les deux pays pris ensemble) à 53,100 milliardS
de dollars (1).
Le problème de l'endettement des pays d'Afrique devient épi-
neux quant il est posé par rapport aux ressources attendues de
ces pays pour faire face à l'ensemble de leurs engagements.
Nous exposerons successivement :
- L'évolution de la structure de la dette par rapport aux
créanciers en mettant l'accent sur la position récente du FMI
dans les pays d'Afrique.
- Le service de la dette et les ratios caractéristiques de
l'endettement des pays africains.
Ces deux points nous permettrons de saisir l'importance et
la gravité de l'endettement de ces pays.
(1) IMF : Occasional paper n025 ; Recent multilateral debt restructurings with
official and bank creditors, Dec. 1983 p 11 et world bank : world debt tables :
external debt of developing countries, CF tableau
page

- 261 -
3.2.1. L'évolution de la structure de la dette des
pays d'Afrique:
la position récente du FMI
La premlere observation qu'on peut faire,
par rapport à la
dette des pays d'Afrique, c'est que la dette extérieure de ces
pays est essentiellement une dette publique. Elle se compose
pour l'essentiel de l'endettement direct de l'Etat et des garan-
ties que l'Etat apporte à des emprunteurs parapublics ou privés.
Cette fraction de la dette des pays d'Afrique représente en
moyenne plus de 93 % de la dette totale des pays d'Afrique depuis
1973 (CF tableau
55 page .l l>,) .
La deuxième observation que nous pouvons faire,
c'est que
les emprunts auprès des gouvernements et organismes publics,
auprès des institutions internationales (BM, FMI, CEE, etc ... ),
bien que regressant légèrement de 1978 à 1980, restent propondé-
rants dans la structure de la dette des pays d'Afrique.
Ils repré
sentent plus de 60 % des. emprunts des pays d'Afrique pris glo-
balement. Les créanciers privés n'occupent une place importante
qu'entre 1978 et 1980, où ils fournissent en moyenne plus de 40%
des crédi ts
aux pays de ce t te région (CF tableau 55 page 263). Les
pays d'Afrique ont un accès très limité au crédit international
privé. Seuls, quelques pays échappent a cet accès limité aux
crédits internationaux privés.
Aujourd'hui,
seuls neufs pays d'Afrique sur cinquante offrent
des "garanties suffisantes" pour avoir accès aux prêts de la
Banque Mondiale; ce sont le Bostwana,
le Cameroun,
le Congo,
la
Côte-d'Ivoire, Maurice,
le Nigéria, Seychelles,
le Swaziland et
le Zimbabwé (1).
Il apparaît ainsi que la majorité des pays
d'Afrique sont exclus des prêts de la Banque Mondiale.
Il est
clair que si ces pays n'ont pas accès aux prêts de la Banque
Mondiale, ce ne sont pas les banques commerciales qui vont se
(1). Le monde diplomatique,. Novembre 1983 p. 12, l'Afrique noire frappée de
plew fouet.

- 262 -
risquer a leur prêter des capitaux.
Il est donc logique que
les créanciers publics soient les plus importants pour les pays
d'Afrique;ce sont les gouvernements des PCI, certains pays pé-
troliers et les organisemes internationaux (BM, FMI, etc ... ).
L'évolution récente de la situation des pays d'Afrique con-
firme cette tendance et rend compte du pcids croissant du FMI
qui s'affirme comme le premier bailleur de fonds de ces pays. Le
FMI, avec les accords de crédit conditionnel depuis 1978, au
total 43 interventions (deux en 1978,
neuf en 1979, douze en
1980 et vingt en 1981), a distribué aux pays d'Afrique 350 mil-
lions de dollars EU en 1979 (prêts seulement),
2,180 milliards
de dollars en 1980 (prêts plus achats de DTS) et 5,171 milliards
de dollars en 1981 (prêts plus achats de DTS) (1). Quand on sait
que le décaissement au titre de la dette extérieure des pays
d'Afrique (la différence entre les tranches déboursées de la
dette totale et les paiements au titre du service
de la dette,
remboursement du principal et des intérêts) s'est chiffré à
5,200 milliards de dollars en 1980 et à 4,032 milliards en 1981,
on voit nettement que le FMI depuis 1981 fournit la moitié de
l'argent frais aux pays africains (CF tableau 55
page ~). Il
est devenu le plus grand bailleur de fonds de ces pays à un tel
point que les créanciers publics,
les crtanciers privés et les
banques commerciales attendent les décisions du FMI pour engager
toute opération nouvelle avec ces pays. C'est le FMI qui comman-
de l'attitude ultérieure de la Banque Mondiale, des gouvernements
prêteurs et des banques commerciales. C'est cette position do-
minante du FMI, qui lui autorise la conduite des plans d'austé-
rité dans les pays d'Afrique.
3.2.2 La gravité de l'endettement des pays d'Afrique.
Les tendances de la dette globale, du service de la dette,
des conditions d'emprunts et des ratioS
caractéristiques de
l'endettement des pays d'Afrique sont récapitulées dans le ta-
bleau suivant. (tableau 55 page suivante).
(1) f}lI, Rapport annuel 1982.IMF et world bank : Fiances et développement nO l
Mars 1984 volume 21 pp. 5 à 17.

- 263 -
Tableau 55 : La dette,
le service de la dette et les ratios
caractéristigues de l'endettement des pays d'Afrigue de
1973 à 1982.(en milliards de dollars EU).
,
1973
1975
1977 11978
1
1979
1
1980
1
1981
1982
1
1
1
t
1
i
Dette totale
9,928
14,880
21,968
29,143
36,423
42,729
46,675
50,375
IDont -Dette prtyée
0,635
0,989
1,277
1,839
2,296
2,722
3,031
3,251
-Dette
u
lque
et. à garantie publique
9,293
13,891
20,691
27,301
34,127
40,007
43,644
47,124
,Dette publique et à garantie
publique
EncouL"s
de la dette y compri
les engagements
9,293
13,891
20,691
27,301
34,127
40,007
43,644
47,127
Dont -créanciers publics
5,867
8,785
12,893
15,656
19,725
23,913
26,070
28,922
dont BM
1,471
2,140
3,211
3,817
4,420
5,126
5,950
7,062
- créanciers privés
3,425
5,104
7,797
11,647
14,401
16,094
17,574
18,202
dont marché financier
1,682
2,866
4,818
8,226
10,899
12,945
14,669
15,445
Tranches annuelles versées(a)
2,164
3,612
4,495
6,997
7,740
9,177
8,120
8,099
Totale service de la dette(b)
1,165
1,301
1,554
2,103
2,853
3,977
4,089
5,235
Dont: - Principal
0,834
0,872
0,971
1,273
1,649
2,134
3,316
2,870
- Intérêts
0,331
0,429
0,583
0,830
1,204
1,843
1,773
2,365
Décaissement (a-b)
0,999
2,312
2,941
4,894
4,887
5,200
4,032
2,864
Termes des emprunts
- Créanci~rs vubli(s
· taux d interêt
%)
2,8
4,1
4,0
3,8
4,1
3,7
5,1
4,4
· période d'amortissement
(années)
29,1
26,4
24,9
25,1
22,9
25,3
25,2
28,7
· éléments de don (%)
55
43,5
43,2
45,1
40,3
45,7
36,1
43,8
- Créanciers privés
taux d'intérêt (%)
8,7
8,4
7,8
9,4
11,2
12,6
14,5
12,7
· période d'amortissement
(années)
9,7
8,1
8,6
8,1
8,8
8,5
8,2
9,3
· éléments de don (%)
4,3
5,5
8,4
1,7
- 5,7
- 11,5
- 18,8
-12,5
Ratios de l'endettement
- totale dette/Exportations
70
61,6
64,3
92,4
85,2
78,6
·..
...
- totale dette/PNB
14,8
16
16,7
19,3
20,2
18,1
21,7
24,5
- service dette/Exportâtions
8,8
5,8
4,8
7,1
7,1
7,8
·..
...
- services dette/PNB
1,9
1,5
1,3
1,5
1,7
1,8
2
2,7
- Réserves de change
totales/totale dette (%)
32,6
56,9
36,1
19,8
29,9
37,5
18
11,3
- Réserves/importations(mois)
2,5
3,4
2,4
1,6
3,6
3,4
·..
0,9
Source
World Bank : world debt tables
external debt of developing
countries pp. 26 à 29.

- 264 -
Les données du tableau 55 nOlis permettent de voir que la dette
globale des pays d'Afrique,
s'est sérieusement alourdie ces der-
nières années.
La dette publique et la dette à garantie publique, composante
essentielle de la dette des pays d'Afrique, qui était de 9,300
milliards de dollars EU en 1973, double entre 1973 et 1977 ;
elle se fixe à 20,6 milliards en 1977. Trois ans plus tard elle
double à nouveau en s'établissant à 40 milliards de dollars en
1980. Depuis elle s'est maintenue entre 40 et 50 milliards de
dollars EU par au (Cf tableau 55 ).
Cette augmentation rapide de la dette globale contraste avec
les décaissements, c'est-à-dire la différence entre les tranches
annuelles de prêts versées par les pays créanciers aux pays
d'Afrique et les remboursements payés par ces derniers au titre
du service de leur dette. Ces décaissements qui sont les entrées
d'argent frais,
augmentent régulièrement de 1973 à 1978 en pas-
sant de près à'1
milliard de dollars en 1973 à 2,9 milliards
en 1977, puis à 4,8 milliards en 1978. Ils stagnent ensuite
autour de 5 milliards de dollars jusqu'en 1980, puis amorcent une
chute qui devient très profonde en 1982, année au cours de la-
quelle ils retombent au niveau de 1977 (Cf tableau 55). La dette en Afrique
après 19ï8 et surtout âès le début des années 1980 sert donc essentiellement
au remboursement de la dette ; en 1982 par exemple, sur une tranche annuelle
versée de la dette des pays d'Afrique de près de 8 milliards de dollars, plus
de 5 milliards ll.Ult a.rx rari::o.n:'saIet c-e la dette. (principale et intérêt) (1).
Le service de la dette
des pays d'Afrique quant à lui, croît
rapidement surtout depuis 1978. A peine supérieur à 1 milliard
(1) w. A1::dalail a très bien lilontré la tendance de l'endettement des PED à servir
essentiellement au remboursement des dettes extérieures sur la deuxième moitié
des années 1970 et le début des années 1980. Nous retrouverons ainsi cette ten-
dance élU ni 'JC~au des pays africains. CF' Thèse \\7. A1::dalah. L' endet tement des
PED, Paris X Nanterre, juin 1S83.

-
265 -
de dollars EU en 1973, le service de la dette de ces pays a cru
au taux annuel moyen modéré de 20%
jusqu'en 1978, année au
cours de laquelle il se fixe à 2 milliards de dollars. A partir
de 1978, le service de la dette des pays africains augmente
très rapidement;
il double de 1978 à 1980 et s'établit à près
de 4 milliards de dollars (3,9 milliards) et monte à 5,2 mil-
liards en 1982.
La hausse du service de la dette est liée à la hausse des
taux d'intérêt. Les taux d'intérêt pratiqués par les créanciers
publics des pays d'Afrique, ont très peu varier de 1973 à 1982.
Ils sont passés de 3 % en 1973 à 4 % en moyenne depuis 1975.
Ceux des creanClers privés et des organismes internatio-
naux comme le FMI et la BM qui indexent leurs taux d'intérêt sur
ceux du marché ont connu des hausses importantes. Ces taux qui
étaient inférieurs à 10 % de 1973 à 1978 (8 % par an en moyenne
de 1973 à 1977, 9,4 % en 1979)
1
sont supérieurs à 11 % depui:
1980 (11 % en 1980, 14,5 % en 1981, 12,7 % en 1982),
(CF tableau
55).
L'évolution de la structure de la dette
a joué un rôle
certain dans l'alourdissement du service de la dette des pays
d'Afrique. En effet on remarque que ce dernier est particuliè-
rement marqué de 1978 à 1980, années au cours desquelles les
prêts bancaires émanant des créanciers privés ont plafonné en
moyenne à 41 % du total de la dette de ces pays, alors qu'ils
ne représentent en moyenne que 37 % de leurs dettes de 1973 à
1982 à l'exception de la période 1978-1980. La mcdification de
la s~ructure de la dette au profit des créanciers privés en
1978-1980, a donc dû jouer dans l'alourdissement du service
de la dette des pays d'Afrique.

-
266 -
L'alourdissement de la dette des pays d'Afrique et sur-
tout celui du service de
la dette se retrouvent dans le mouve-
ment des ratios de l'endettement qui
figurent
au tableau 55
Tous ces ratios
traduisent une dégradation profonde de la posi-
tion des finances
internationales des pays de
la région.
Ainsi,
la dette globale des pays africains,
représente plus de 80 %
des exportations depuis 1978,
alors qu'elle ne représentait que
65 % en moyenne des exportations de 1973 à 1977.
Elle compte
pour près de 20 % en moyenne par an du PNB depuis 1978
; ce
taux était de 16 % en moyenne par an de 1973 à 1977. Le service
de la dette des pays africains,
qui représentait en moyenne un
peu plus de 6 % des exportations de 1973 à 1977 compte plus de
7 %
des exportations depuis 1978 (près de 8 % en 1980). Quant
au rapport des réserves
internationales à la dette totale, de
45 % en moyenne de 1973 à 1977,
il passe à 28 % en moyenne de
1978 à 1980 ; depuis 1981,
i l s'est maintenu au dessous de 20 %
(18 % en 1981,
11,3 % en 1982), etc . . .
(voir les autres ratios
au tableau 55).
Ces différents ratios montrent
la gravité de l'endettement
des pays d'Afrique.
Cet endettement entraîné par les déficits divers
(déficit
des finances publiques,
déficit des comptes courants) et
le
poids des
transferts de ressources liés à l'investissement di-
rect étranger,
va à son
tour et en retour alimenter le déficit
des paiements extérieurs des pays d'Afrique.
L'incapacité des pays d'Afrique à faire
face à leurs
paiements extérieurs se concréti~e par la multiplication des
négociations et
les nombreux rééchelonnements des échéances de
la dette de ces pays.

-
267 -
De 1975 à 1983, sur 37 renégociations de la dette des
PED et pays de l'Est sous l'égide du club de Paris, de l'OCED
et d'autres créanciers publics,
26 concernaient des pays afri-
cains, soit la quasi-totalité. De même, de nombreux accords de
restructuration de la dette des pays d'Afrique, ont été passés
depuis 1978 avec leurs créanciers privés;
jusqu'en 1982, 6
accords ont été signés,
pour la seule année 1983,6 autres accorè
ont été signés et deux renégociations avec les créanciers pri-
vés,
concernant des pays d'Afrique, étaient en cours.
Le tableau 56
suivant nous permet de voir la chronologie
de ces opérations.
La première observation que nous pouvons faire c'est que
la fréquence des opérations de renégociation et de restructu-
ration des dettes des pays d'Afrique s'accélère très fortement
au début des années 1980. De 1976 à 1979,
les renégociations
de la dette des pays africains auprès des créanciers publics
sont inférieures à 10 (elles sont précisément au nombre de 8),
les restructurations avec les créanciers privés étant nulles.
De 1980 à 1983, 19 renégociations vont être conclues avec le
club de Paris et les créanciers publics,
13 accords de restruc-
turation et de rééchelonnement de la dette vont être signés
avec les banques commerciales et les créanciers privés. Au total
en 1984 le cumul des montants de la dette des pays d'Afrique
rééchelonnés auprès des créanciers publics depuis 1976 est de
plus de 5 milliards de dollars, dont plus de 4,5 milliards de-
puis 1979. Certains pays d'Afrique, dpuis le milieu des années
1970, se sont engagés dans de nombreuses opérations répétitives
de rénégociation et de rééchelonnement autant avec les créancier
publics que les créanciers privés. La majorité des pays du ta-
~(
bleau ':ont connu au moins deux opérations de ce type avec leurs
~
créanciers. Le 2aire par exemple,
a conclu de 1976 à 1981, 5

- 268 -
Tableau~: La chronologie des renégociations et des accords
de restructuration de dette des pays dlAfrigue 1975-1983.
Cadre
Nombre de
Nontant
1
Date de l'ac-
de
créanciers
restructu-I
cord
l'ac-
participants ré en mil-I
1
cord
lions de
1
1
dollars EU
Renégociation créanciers publics
= club de Paris
Zaîre
16/06/76
CP
11
270
7/07/77
CP
11
170
,
1/12/77
CP
10
40
11/12/79
CP
14
1040
9/07/81
CP
1 r,
-lL
500
1
Togo
15/06/79
CP
9
260
20/02/81
CP
11
232
12/04/83
CP
11
300
Soudan
13/11/79
CP
11
487
18/03/82
CP
13
80
4/02/82
CP
4
19
Sierra Léone
15/09/77
CP
6
39
8/02/80
CP
7
37
Libéria
19/12/80
CP
8
35
16/12/81
CP
8
30
t'1adagascar
30/04/81
CP
11
140
13/07/82
CP
11
107
R-C-A
12/06/81
CP
6
72
7/07/83
CP
5
13
Sénégal
12/10/81
CP
13
75
29/11/82
CP
6
25
Ouganda
18/11/81
CP
6
30
1/12/82
CP
4
19
Gabon
20/06/78 commission spéciale 5
63
Nalawi
22/09/82
CP
11
107
Zambie
16/05/83
CP
12
375
Côte d'Ivoire
7/05/84
CP
-
500
Restructuration de la dette créan
ciers privés:bangues commericiale
Zaïre
04/1980
...
...
402
Togo
03/1980
...
...
69
10/1983
Soudan
Décembre 1981
538
1982
95
Avril
1983
·..
Nadagascar
Juillet-Nov 1981
· ..
Septembre
1983
· ..
Sénégal
Juin
1982
77

- 269 -
Suite tableau
Libéria
Décembre 1982
29
Malawi
t'1ars
1983
1
Nigéria
Juillet
1983
,
Septembre 1983
1
Côte dl Ivoire
1984
L
Tableau tiré de -IMF : occasional paper n 0 25 ; recent multila-
téral debt restructuring with official an bank
creditors, Décembre 1983
déjà cité pp.
16 à 23.
World bank : nouvelles et opinions sur le
développement n 0 19 janvier 1984 p.3.

-
270 -
opérations
successives
de
renégociation avec le club de
Paris; celle de 1979 portera sur plus de 1 milliard de dollars,
le chifre le plus élevé de tous les montants renégociés des
dettes des pays d'Afrique.
En fait les renégociations et restructurations de la dette
des PED se ramènent à un rééchelonnement des échéances échues.
Ce rééchelonnement s'accompagne quelquefois d'un prêt de refinan-
cement de la dette des échéances reportées, nouveau prêt a
moyen terme qui permet le paiement des échéances à terme ou des
arriérés. Il est très souvent complété par un programme d'ajus-
tement financé par les tranches de crédits conditionnels du FMI
soumises à des plans d'austérité d'un à trois ans.
Le rééchelonnement consiste donc en un réaménagement des
conditions des prêts initiaux.
Il couvre le principal, et est
quelquefois étendu aux intérêts et s'applique en général aux
échéances d'une année. Le remboursement est reporté souvent de
2 à 3 ans et étalé sur 5 ans maximum. Le rééchelonnement entrai-
ne pour le débiteur des frais supplémentaires:
les iptérêts
de l'échéance rééchelonnée sont majorés d'un "spread" de plus
de 2 %
et une commission de rééchelonnement de 1,5 % en général
est prélevée (1).
Comme on peut le voir,
le rééchelonnment de la dette des
PED en général, des pays d'Afrique en particulier,
loin d'allé-
ger le poids de leurs dettes extérieures, au contraire,
les
alourdit dangereusement. Les arriérés de paiement de ces pays,
les difficultés qu'ils ont à faire face au paiement du service
(1) CF conjoncture ; Bulletin économique mensuel de la banque Paribas, "PVD:
bilan financier et solutions" nOjanvier 1984 publié par Problèmes économi-
ques 1- 1864, 7 mars 1984 p.3 et IMF : Recent Multilateral Debt restructurings
with official and 'bank creditors déjà cité.

- 271 -
de leurs dettes,
sont traités comme des difficultés de tréso-
rerie (problème de liquidité) et sont "résolus" par les rééche-
lonnement. Les coûts supplémentaires des prêts de refinancement,
les nombreuses commissions prélevées par les créditeurs parti-
cipants et les observateurs,
les coûts matériels de l'organi-
sation pratique de la renégociation,sont autant de charges
qui
viennent en sus du poids initial de la dette et l'alourdissent
profondément.
Il n'est pas étonnant dès lors, que les pays
d'Afrique qui se sont engagés dans la voie du rééchelonnement
et qui y sont condamnés en fait,
y recours pratiquement réguliè-
cement à une fréquence qui va de tous les ans à tous les deux
à trois ans (le tabJeau 56 ) nous en donne une illustration par-
faite.
Au total,
la crise des paiements extérieurs d'Afrique
noire, particulièrement prononcée à partir de la fin des années
1970, est la conséquence logique de la chute des recettes d'ex-
portation de ces pays.
Cette situation a estompé toutes les
possibilités
d'entrée de ressources pour ces pays; que ce soit
de façon directe à travers les recettes elles-mêmes, ou par l'in-
termédiaire d'emprunts extérieurs,
les recettes d'exportations
présentes ou à venir étant la seule garantie financière interna-
tionale des pays d'Afrique.
Ces pays ne peuvent donc plus faire
face aux divers transferts de capitaux vers l'extérieur (trans-
ferts liés à leurs déficits en compte courant,
transferts liés
aux investissements directs étrangers,
transferts liés enfin au
service de la dette). C'est une crise profonde des paiements
extérieurs que connaissent les pays d'Afrique à la fin des an-
nées 1970. C'est cette crise qui est à l'origine de la soumis-
sion de ces pays au FMI qui est devenu leur dernier recours,
malgré toutes les contraintes que comportent les crédits condi-
tionnels du fond.

-
272 -
Conclusion chapitre VI
Nous retiendrons du Chapitre VI
,que la chute des re-
cettes
d'exportation, sur la fin des années 1970 est à l'ori-
gine du déclanchement de la crise
en Afrique et détermine son
approfondissement.
La hausse générale des cours des matières premIeres du
début des années 1970 et celle consécutive des recettes d'expor-
tation des pays d'Afrique ont conduit à une explosion de tous
les incii~ateurs économiques dans ces pays; on y a assisté à
une forte croissance du produit intérieur, à un dynamisme par-
ticulier des activités économiques (boom des importations et
des consommations, bonne tenue des investissements) et à un
fort endettement. On y assistera également à une large ouvertu-
re aux capitaux étrangers.
Quand à partir du milieu des années 1970, suite à l'effon-
drement des cours des matières premières, les recettes d'expor-
tation des pays d'Afrique chutent,
toutes ces tendances s'inver-
sent: ne disposant plus de ressources suffisantes, les pays
d'Afrique ne peuvent plus assurer le financement de leurs im-
portations, de leurs consommations et des investissements
le
produit intérieur chute sérieusement et ils ne peuvent plus
faire face aux paiements extérieurs consécutifs à leurs enga-
gements avec l'étranger (déficit en compte courant,
investis-
sement direct étranger, paiement du service de la dette). Les
pays d'Afrique se trouvent ainsi précipités dans la crise la
plus profonde qu'ils connaissent
depuis leurs indépendances
ries années 1960.
Les points d'impact les plus sensibles de cette crise
seront en Afrique,
la crise des finances publiques et la profon-
de crise des paiements extérieurs. En effet l'Etat dans ces pays

- 273 -
tirant l'essentiel de ses ressources des recettes d'exportation,
la chute de ces dernières signifiera, pour les gouvernements
des pays d'Afrique, une contraction directe de leurs recettes
budgétaires à l'origine d'importants déficits budgétaires. D'au-
tre part, dans les pays d'Afrique,
l'économie prise globalement,
ne pouvant faire face à ses engagements financiers avec l'ex-
térieur, est soumise à toutes les pressions des créanciers in-
ternationaux.
A travers ces éléments, nous pouvons voir qu'il n'est pas
exagéré de parler d'impact de la crise économique mondiale sur
les pays d'Afrique. En effet,
les marchés des matières premières
qui déterminent les cours des matières premières,
influencent
de façon décisive le mouvement des recettes d'exportation des
pays d'Afrique qui en dépendent très étroitement. C'est donc le
résultat de l'activité de ces marchés,
fortement secoués par la
crise en cours, qui traduit la chute profonde des recettes des
pays d'Afrique depuis de milieu des années 1970.
Au total, nous pouvons dire que la crise démarre en Afrique
dès le milieu des années 1970 avec la chute des recettes d'expor-
tation. Cette chute bloque immédiatement le mouvement des prin-
cipales activités économiques (importations, consommations,
in-
vestissements), bloque également le progrès des productions,
conduit à des déséquilibres sensibles dans les comptes économi-
ques et les comptes extérieurs de ces pays (déficits publics,
déficits en compte courant, déficits des paiements extérieurs,
etc .. :).
La précipitation des pays africains dans la crise dès
les premières chutes des cours des matières premières, est la
preuve de la faiblesse des structures économiques et des rela-

-
274 -
tions sociales dans lesquelles elles se meuvent.
Quelles sont les manifestations de la crise en Afrique?
Quelles sont les conséquences profondes du déclanchement et du
développement de la crise en Afrique ?
Telles sont les questions auxquelles le prochain chapitre
de notre travail essaiera de répondre.

- 275 -
CHAPITRE VII
~UELQUES MANIFESTATIONS QUALITATIVES DE
LA CRISE EN AFRIQUE
Nous avons retenu cinq manifestations qui nous paraissent
essentielles et rendant compte parfaitement de la situation des
pays africains dans la crise en cours. Ce sont
-
les plans d'austérité
- la crise de l'Etat en Afrique
- le chômage,
l'inflation et le comportement des revenus
des masses
;
la crise alimentaire en Afrique ;
- le poids et le rôle des rapports non capitalistes dans
la crise en Afrique.
§ 1 - LES PLANS D'AUSTERITE EN AFRIQUE
Nous avons vu que face à la crise de leurs paiements ex-
térieurs,
la plupart des pays d'Afrique ont engagé un processus
de rééchelonnement de leurs dettes. Nous avons décrit plus haut
le mécanisme du rééchelonnement et avons montré comment il alour-
dit la dette plutôt qu'il ne l'allège comme le soutiennent cer-
taines publications. Ce sur quoi nous allons revenir à propos
des renégociations de la dette des pays d'Afrique, c'est le rôle
crucial qu'y joue le FMI.
Par ses nombreuses interventions financières en Afrique
(43 interventions jusqu'en 1984, CF p.~) depuis la fin des an-
nées 1970,
le FMI se pose comme le premier bailleur de fonds des
pays de la région. Ce rôle est emplifié par la position de con-
sultant dont joui le FMI lors des négociations de rééchelonnement
de la dette des pays d'Afrique. L'exposé de la situation finan-

- 276 -
cière du pays débiteur que présente le FMI à cette occasion,
ses recommandations sont des textes de référence des négocia-
tions. Au nombre des recommandations, celles de la mise en place
d'un programme d'ajustement de la balance des paiements sous
l'égide du FMI et d'un program~e d'ajustement structurel sous
l'égide de la banque mondiale sont impératives.
De même, compte tenu des déséquilibres importants dans
les comptes économiques des pays d'Afrique, qui trouvent leur
concentration dans les déficits publics,
la &anque mondiale, en
accord avec les classes dirigeantes de ces pays, vont élaborer
et mettre en application des programmes d'ajustement structurel
(PAS). Ces PAS I:n,rœ nt pla:e déns des caditirns d ' une a cc é lé rat ion
t r è s v ive
des prêts de la banque mondiale en Afrique.
Ainsi sur un total
cumulé de crédits de la ~anque mondiale qui s'établissait à
16,385 milliards de dollars en 1983, 8,155 milliards avaient
é~é cctroyés après 1979, soit près de 50 %. De mi-1980 à mi-1982,
la &anque mondiale aura mené exactement cinq PAS en Afrique, ayanC
engagé près de 410 milliot'\\S
de dollars (1).
Les programmes d'ajustement du FMI et les ~.A.S de la Banque
M8ndiale s'inscrivent dans la même ligne.
Ils sont différents
dans la forme,
portant sur des aspects différents de la gestion
de la crise dans les pays d'Afrique. Les programmes du FMI courenl
sur le court terme et portent essentiellement sur des prêts con-
ditionnels destinés au remboursement des arriérés des paiements
extérieurs. Les PAS de la BM servent a financer les aspects de
la gestion de la crise qui portent sur le moyen terme.
Ils fi-
nancent des projets, des activités qui courent sur le moyen terme
(1) Les PAS concernent le Kenya (55 millions), le Sénégal (60 millions),
Maurice (15 et 20 millions), le Malawi (45 et 55 millions) et la Côte d'Ivoire
(150 millions). Des négociations sont en cours avec Madagascar, le Libéria,
le Togo, le Nigéria, la Sierra Léone, la Tanzanie, la Zambie. PAS : durée
d'application 12 à 18 mois au taux d'intérêt de près de 11 % F : BM rapports
annuels 1982 et 1983.

-
277 -
et qui participent au rééquilibrage de la balance des paiements.
Ainsi par exemple la BM accordera des prêts de financements des
cultures d'exportation en Afrique afin de développer les expor-
tations de ces pays pour pouvoir faire face aux paiements exté-
rieurs comme le recommande le FMI.
Quel est le contenu des plans d'ajustement?
Tous les plans d'ajustement (FMI - BM) partent de l'hypo-
thèse que le déséquilibre de la balance de paiement est cause
par une émission trop importante de monnaie, de crédit et de
revenu.
Il faut donc comprimer cette émission.
Les mesures généralement appliquées sont les suivantes
- la libération des prix, c'est-à-dire permettre des
hausses de prix non répercutées sur les salaires ;
-
la suppression des subventions publiques aux produits
de première nécessité (pain, riz,
etc ... ) et aux tarifs des
services publics (électricité, gaz,
eau,
transports publics,
etc ... )
- l'accroissement des rentrées fiscales.
Il s'agira d'a-
lourdir les charges fiscales à l'aide des impôts indirects sur-
tout sur les produits de consommation de masse;
- le blocage des salaires dans le meilleur des cas,
sinon
tout simplement la baisse des salaires,
mise sur pied de vastes
plans de licenciement autant dans la fonction publique que dans
le seêteur privé,
le blocage également des revenus agricoles;
- larf'pr-ivatisatim des activités nationalisées ou la réor-
ganisation du secteur public
- la dévaluation de la monnaie nationale,
mesure préconi-
sée pour les pays hors de la zone franc;

- 278 -
-
la libéralisation du contrôle de changes : octroi de
facilités accrues pour le rapatriement des profits et des re-
venus.
Ces différentes mesures visent
1) Au plan interne à la réduction des dépenses publiques,
au contrôle du déficit budgétaire, à l'organisation du désenga-
gement de l'Etat d'un certain nombre d'activités. Elles abou-
tissent au démantèlement du service public et à une crise de
l'Etat. De plus,
avec la suppression des subventions aux pro~uit
de pre~ière nécessité, les dévaluations successives de la mon-
naie nationale,
la libération des prix, nous assistons a une
hausse générale des prix intérieurs dans les pays d'Afrique.
Ceci d'une part.
D'autre part,
la compression de la masse salariale,
la
compression du crédit et des revenus ruraux,
la hausse des prix
des produits de première nécessité et des tarifs des services
publics vont réduire de façon dramatique la demande effective
dans les pays d'Afrique, demande effective déjà très réduite.
En y ajoutant les licenciements massifs occasionnés ou autori-
sés par les plans d'austérité, on comprend que pour les popula-
tions africaines, ces mesures se solderont par une détériora-
tion profonde de leurs conditions de vie.
2) Au plan extérieur les dévaluations des monnaies na-
tionales renchérissent les coûts des importations tandis que
la libération des changes et les
facilités
supplémentaires de
mouvement des capitaux vont aggraver la soummission univoque
de pays d'Afrique aux lois du marché mondial et accélérer les
transferts de profits et de revenus vers l'extérieur.
Ces plans d'austérité ne peuvent conduire qu'à l'appro-
fondissement de la crise dans les pays d'Afrique, bien plus,
toutes ces mesures hypothèquent toute cro~sance économique dans

- 279 -
ces pays pour les années à venir. Les économies des pays afri-
cains vont être organisées autour de l'exigence exclusive du
paiement de leurs arriérés extérieurs.L'ensemble des ressources
et excédents qu'ils pourront dégagés seront affectés priori-
tairement au remboursement des arriérés des paiements extérieurs
et de la dette extérieure. Ainsi au Sénégal par exemple en 1983,
les fonds affectés au remboursement des arriérés des paiements
extérieurs se sont montés à 12 milliards de F CFA, alors que
les exportations de ce pays dépassaient à peine 10 milliards
de FCFA au cours de la même année ; de plus sur un total de
ressources (en comptant la tranche de crédit stand by du FMI
le versement de fonds de la CEE au titre du Stabex et les con-
tributions diverses) d'un peu plus de 50 milliards de FCFA dont
disposait le Sénégal en 1983 près de 25 % (12 milliards de FCFA)
a été affecté au remboursement des arriérés. De même en 1980,
aux pires moments de l'effondrement général de son économie,
le Zatre a été contraint, pour obtenir un crédit de refinance-
ment de sa dette, d'épurer l'ensemble des arriérés des intérêts
de sa dette auprès des banques privées et au remboursement d'une
grande partie des arriérés du principal, soit une somme totale
de plus de 316 millions de dollars. Dans le même temps,
le
Zaïre devait faire face à une tranche de remboursement de 400
millions de dollars aux créanciers publics (1).
Les mesures contenues dans les programmes d'ajustement
aggravent tellement la crise que les experts du FMI et de la
BM. Conseillent aux pays de les mettrent en oeuvre progressi-
vement au risque de provoquer des explosions comme celles aux-
-~
quelles nous avons assistées au Maroc, en Tunisie, en Dominique
en 1984, à Madagascar, en Egypte, encore au Maroc, etc ... anté-
(1)
En 1980 la production a chuté au Zaïre de -12,4 % pour les extractions
minières et de -14 %dans l'agriculture. Pour les chiffres CF BAN, Afrique
noire économique et politique déjà cité 1983 pour le Sénégal ; imprecor n094-
94 du 16 févirer 1981 pour le Zatre.

-
280 -
rieurement. Ces Ponctions effectuées sur les ressources des
pays d'Afrique au nom de la dette extérieure et des paiements
extérieurs soumettent ces pays aux besoins du capital rentier
des PCI et orientent les capacités de production de ces derniers
vers les intérêts de l'usure que de ceux de la production (1).
L'application des plans d'austérité et des programmes
d'ajustement structurel est assurée par l'Etat des pays africains.
L'Etat qui est le premier invéstisseur de ces pays est ainsi
doublement au centre de la gestion de la crise en Afrique.
Quelle est sa place dans la crise en Afrique ?
Quel
est"
son poids sur le déroulement de cette derni~re ?
Quels sont,
~n retour, les effets de la crise sur l'Etat
en Afrique ?
§ 2 - L'ETAT DANS LA CRISE EN AFRIQUE
L'exposé de cette manifestation de la crise se fera en
trois points :
- une caractérisation de l'Etat en Afrique et la détermi-
nation de ses attributs économiques.
la crise et le désengagement de l'Etat.
la crise économique en cours et la crise de l'Etat en
Afrique.
2.1. La caractérisation de l'Etat en Afrique
Nous avons déjà abordé plus haut les conditions historiques
de l'av~nement des Etats d'Afrique noire tels que nous les con-
(1) Cet aspect de la crise dans les PED a été tr~s bien perçu par W.A.Abdallah
dans sa these : Endettement des PED,Nanterre Juin 1983.

- 281 -
naissons aujourd'hui. Ces Etats,
très récents,
sont issus du
processus de la décolonisation du continent au cours des années
1950 et 1960. Aux indépendances formelles qui succèdent à l'ex-
ploitation coloniale directe antérieure,
les Etats d'Afrique,
fortement dépendants des Etats des PCI, vont accéder au pou-
voir politique. Au plan de la gestion des économies émiettées
que leur lègue l'ancienne puissance coloniale,ces Etats auront
pour tâches essentielles la gestion des ressources primaires
pour l'exportation et surtout la charge financière du service
public hérité de l'Etat colonial. Par ailleurs,
l'absence quasi
générale de capitaux nationaux privés,
pousse l'Etat en Afri-
que à investir massivement dans l'ensemble des secteurs d'acti-
vité de l'économie nationale. Les Etats d'Afrique vont donc se
retrouver à la tête d'un service public très important compre-
nant l'éducation et la santé,
les transports urbains,
les or-
ganismes de soutien des prix des produits de première nécessité
etc . . . ; et vont constituer un secteur public de production aussi
important comprenant l'électricité et l'eau,
l'habitat et le
logement,
les infrastructures routières et portuaires, des
complexes agro-industriels, des entreprises industrielles et
agricoles, etc.
Le secteur public des pays d'Afrique sera ainsi fortement
développé. Par exemple un pays comme la Côte d'Ivoire à répu-
tation libérale, connaît un secteur public très important. Ce
secteur absorbe 54 % de la dette extérieure (
encours au 31
Décembre 1979) et 63 % des crédits bancaires inté~ieurs à
moyen et long
terme,
34 % de l'emploi du secteur moderne pro-
ductif,
réalise 65 % des investissements de ce secteur et 30 %
des investissements totaux de l'économie en 1979 (1). De même,
le secteur public, qui représentait en Tanzanie et en Zambie
moins de 10 % de l'emploi et de la production du secteur manu-
facturier au milieu des années 1960, voit sa part dans ces gran-
(1)
CF Ministère de la coopération et du développement de la République
Française : Etudes et documents n049 juin 1982 p.23.

- 282 -
deurs augmenter rapidement à partir de 1967. Il compte pour
40 à 50 % de l'emploi et de la production dans l'industrie
dès le début des années 1970(1). On peut également citer le cas èu
Nigéria. Sur une enveloppe d'investissement global de 36,5 mil-
liards de Nairas réalisé entre 1975-1976 et 1979-1980 dans ce
pays, 26,5 milliards, soit plus de 72 % a été le fait des in-
vestissements publics.
Il est prévu que sur l'investissement
global de 82 milliards de Nairas du plan de 1981-1985, 70,5
mil-
liards seront réalisés par l'Etat soit plus de 85 % du total des investis-
sements prévus (2).
Le financement de l'important service public des Etat
d'Afrique et de leur secteur public de production non moins im-
portant a été assuré par les ressources que ces Etats tiraient
de leurs rapports avec le marché mondial globalement positifs
pour eux jusqu'au milieu des années 1970. En effet,
l'avènement
des Etats d'Afrique actuels au pouvoir politique à la fin des
années 1950 et au début des années 1960 a coîncidé avec la
pointe de la période de longue croissance de l'économie mondiale.
les "30 glorieuses" (1945-1973). Cette bonne conjoncture va se
poursuivre jusqu'au milieu des années 1970. C'est cette évolu-
tion qui est à l'origine du gonflement des dépenses publiques
consécutif à l'extension desServices publics et au développement
du secteur public de production en Afrique surtout après 1973
1974. En Côte d'Ivoire par exemple, les dépenses publiques sont
passées en francs courants de 202 milliards en 1976 à 487,1 mil-
liards en 1978, elles seront multipliées par plus de 2,4 (3).
L'essentiel des ressources financières propres de ces
Etats provient des droits et taxes sur le commerce international.
Le tableau 57suivant nous permet de voir le poids des taxes et
(1)
CF industrial strategy for late starters : the experience of Kenya, Tan-
zania and Zambia. World bank déjà cité pp.23-24.
(2) CFCE, collection "Un marché" n058 3ème Edition: le Nigéria, déjà cité p2i
(3) M.Bamba, dépenses publiques et développement, thèse de 3e cycle UniversitÉ
Paris X 1981 D.18.

- 283 -
Tableau57
: Tableau comparé des recettes budgétaires des
Etats d'Afrique, de ceux d'autres PED et de ceux des PCI
en 1980 et 1981 (en % du total des recettes).
-
Impôts sur les so-
Taxes et impôts
ciétés, les parti-
Impôts
sur le commerce
Pays
annee culiers et les c(ti
indirects
international
sations sociales SS
PCI
-
Etats-Unis
82
82,49
5,5
1,36
Canada
81
58,54
11,97
6,09
France
81
60,39
30
0,04
RFA
82
72,71
22,72
0,02
Italie
81
67
23,22
0,17
Royaume-Unie
81
55,80
26,95
0,01
:loyenne des six pays
66
20,06
1,30
- -
Pays d'Afrique
~.~ Botswana
81
36,56
0,94
38,05
Cameroun
81
34,35
15,97
34,11
Ethiopie
78
7,45
15,95
44,54
Gambie
78
12,10
2,57
52,16
Côte d'Ivoire
80
17,83
23,98
40,99
Malawi
81
28,41
30,24
23,05
Mauritanie
79
30,50
18,16
26,46
Maurice
82
17,07
18,50
48,57
Nigéria
78
59,77
4,77
22,35
Rwanda
80
21,89
19,32
42,39
Somalie
78
5,51
16,84
52,26
Soudan
82
15,75
14,10
49,66
Ouganda
82
9,92
33,36
55,82
Zaîre
81
35,92
15,30
30,11
Moyenne des pays d'Afrique
23,78
16,42
40,03
Autres PED (Afriuqe du nord, Amé-
que Latine et Asie)
Maroc
81
23,51
31,06
20,50
Tunisie
81
24,07
23,38
25,45
Vénézuéla
82
66,38
04,79
08,37
Korée
81
23,77
44,32
13,83
Philippine
81
22,70
41,85
22,28
Singapour
81
31,89
12,56
05,01
"- -...
Moyenne des autres PED
32,05
26,32
15,90
Tableau construit à partir des données de : IMF, Government FinancE
Statistics Yearbook volume VII, 1983 p.2:

- 284 -
impôts sur le commerce international dans les recettes fiscales
des budgets
des pays africains.
Les recettes des budgets des principaux pays capitalistes
industrialisés sont assurées par les impôts sur les sociétés,
les particuliers et les cotisations sociales (au titre de la
sécurité sociale essentiellement). Cette catégorie de recette
repr~se[1te pour 1('5 six PCI du tableau57
en moyenne plus de
86 % des recettes budgétaires (plus 90 % pour la France,
la
RFA et l'Italie). Alors que les recettes tirées des droits et
impôts sur le commerce international par les gouvernements de
ces pays représentent moins de 2 % des recettes budgétaires
(moins de 1 % pour la France,
l'Italie,
la RFA et le Royaume
Uni). De même pour les PED autres que ceux d'Afrique noire, les
impôts sur les sociétés et les particuliers,
les impôts directs
intérieurs représentent l'essentiel des recettes budgétaires.
Ces deux catégories de recettes constituent plus de 58 % des
recettes budgétaires totales des
autres PED du tableau 57.
Il apparaît ainsi pour ces deux groupes de pays que les
recettes tirées des droits et taxes sur le commerce internatio-
nal sont insignifiantes pour les PCI (moins de 2 % des recettes
budgé ta ires to ta les) et peu
importantes
pour les au t res PED
(moins de 16 %
des recettes budgétaires totales des pays du
tableau 57). Il en est tout autrement avec les pays d'Afrique
noire. Les Etats de ces pays tirent l'essentiel de leurs res-
sources des droits et taxes sur le commerce international. Cette
catégorie de recettes représente plus de 44 % des recettes bud-
gétaires des pays du tableau57
à l'exception du Nigéria, du
Zaïre et du Malawi. Avec ces trois pays, ce taux est de 40,03 %.
Pour les Etats d'Afriuqe les recettes tirées de la fiscalité
sur le commerce international est la composante la plus impor-

-
285 -
tante des recettes fiscales.
Pour des pays comme la Gambie,
la Somalie et
l'Ouganda,
ces recettes repr~sentent plus de
52 % des recettes budg~taires en 1978 pour la Gambie et la
Somalie,
en 1982 pour l'Ouganda.
On constate ainsi que les Etats d'Afrique tirent
l'essen-
tiel de leurs ressources propres des ponctions sur les recettes
d'exportation.
Ces ponctions
représentent pour certains pays
plus de 50 % des recettes budgétaires (Gambie 52 % , Ouganda
pres de 56 %,
Somalie 52 %), pour un bon nombre de pays plus
de 40 % des recettes budg~taires (CF tableau 57 ). Au contraire
des Etats des PCI dont la construction remonte à plusieurs siè-
cles d'histoire et dont
les rapports
sociaux,
très anciens,
ont
permis la mise sur place de bases d'accumulation propres à l'Eta
qui se sont mises en place sur une longue p~riode de création
de valeurs marchandes dans
le cadre de
l'~conomie nationale;
les Etats d'Afrique qui n'~manent pas du d~veloppement des rap-
ports sociaux internes n'ont aucune base ~conomqiue sérieuse et
solide.
Ils sont condamn~s, pour se développer et se consolider,
d'op~rer des ponctions sur les recettes d'exportation qui sont
la seule forme visible et saisissable de la richesse par l'Etat
dans
les
soci~t~s d'Afrique. Au contraire donc de l'Etat moderne
très ancien,
ayant élabor~ une fiscalit~ lui permettant d'avoir
accès aux formes de richesse
les plus profondes qui sont cr~~es
dans
la sociét~ tels les Etats des PCI, ceux de la majorit~
des pays d'Am~rique Latine et ceux d'Afrique du nord,
les Etats
d'Afrique,
r~sultat d'un "mauvais greffage" sous la domination
étrangère, n'ayant que
très peu de prise sur la profondeur des
soci~t~s africaines, se contentent
des richesses superficielles
et irrégulières rep~rables au niveau du commerce international.
Cette caract~risation des Etats d'Afrique (non issus du
d~veloppement des relations sociales des soci~t~s af:c~caines etayent

-
286 -
des racines économiques peu profondes) est essentielle à
la cC''P.-
préhension de la faiblesse de ces Etats et de ce qu'il est con-
venu d'appeler l'instabilité politique chronique.
Ces Etats
d'Afrique,
déjà faibles
vont être violament secoués par l'ap-
parition de la crise au milieu des années 1970 et surtout par
l'approfondissement de cette dernière dès 1978.
Ils vont alors
se replier et se retirer de certaines activités;
ils vont se
désengager de ces activités.
C'est ce que nous allons voir a
présent.
2.2. La crise et
le désengagement de l'Etat
Les Etats d'Afrique qui accèdent au pouvoir politique
dans
les années 1960,
à
la faveur d'une bonne conjoncture in-
ternationale,
vont bénéficier d'énormes ressources financières
tirées pour l'essentiel des exportations de produits primaires
dont leurs sous-sols regorgent.
Ces ressources
leur permettront
de financer
le service public important qu'ils animent et la
mise en place d'un secteur public productif très important.
A partir du milieu des années 1970 et surtout la fin de
cette décennie,
la crise économique mondiale s'affirmant avec
plus de vigueur,
précipite
la chute des recettes d'exportation
des pays d'Afrique.
Pour les Etats de ces pays qui en dépendent
étroitement,
la chute des recettes d'exportation équivaut à
une chute immédiate des recettes budgétaires.
Quand on sait en
plus qu'une part importante des ressources des pays d'Afrique
est de Facto affectée au remboursement de la dette extérieure
et des arriérés de paiements extérieurs,
on comprend que la
baisse des recettes budgétaires soit profonde:
c'est alors
la
crise des finances publiques dont nous avons décrit plus haut
le mécanisme.

-
287 -
La chute des recettes budgétaires des pays d'Afrique,
la
crise des finances publiques qui s'en suit, poussent les Etats
de ces pays à se désengager d'un certain nombre d'activités
dans lesquelles il~ étaient dominant jusqu'à là. Ceci conduit à un
effondrement des services publics et au démantèlement du secteur
public productif. Ces deux consequences sont parmi les objec-
tifs des plans d'austérité mis en place dans les pays d'Afrique
sous le contrôle du FMI et de la BM.
Ces plans préconiseut généralement la réduction des dépen-
ses publiques par la suppression des subventions de l'Etat aux
services publics et aux biens de première_nécessité, par la
fermeture ou le redressement financier des entreprises publi-
ques (1).
S'agissant de la suppression des subventions aux biens de
première nécessité (pain,
riz, sucre, etc ... ),
elle est commu-
nément appelée la "véri té des pd x" par les experts de la BM
et du FMI. Cette politique de "vérité des prix" a été mise en
oeuvre en Somalie, en Côte d'Ivoire,
au Sénégal, à Madagascar,
au Zaïre, etc ... Elle conduit à des augmentations
très poussP~s
des p~ix dans la mesure où la suppression des subventions s'ac-
compagne d'une augmentation de la TVA sur ces produits. On as-
siste ainsi généralement à ~es doublements
successifs des prix
de ces biens.
Quant à la réforme du service public,
il prend la forme de
ce que la BM appelle le recouvrement des coûts du service pu-
- -
blic (2). Selon ce principe,
les services
publics, comme l'édu-
cation,
la santé,
l'assistance à l'agriculture de subsistance,
doivent pouvoir assurer un recouvrement partiel de leurs coûts
(1) CF § 1 du présent chapitre.
(2) CF finance et développement n04 Décembre 1983 IMF et WB p.41.

--288 -
sous la forme du financement des dépenses courantes.
Il fau-
drait alors faire payer les consultations
dans les hôpitaux
publics et imaginer des formes de remboursement des coûts de
l'éducation secondaire et universitaire par les bénéficiaires
de ces services par exemple. Ces mesures sont actuellement
à l'oeuvre dans certains pays d'Afrique. Par exemple en Côte
d'Ivoire,
les consultations dans les hôpitaux sont devenues
onereuses depuis février 1984, aujourd'hui,
les principaux
hôpitaux sont privatisés. Bien avant cette systématisation de
la liquidation du service public,
les différents services
offerts par les pouvoirs publics en Afrique se sont progressi-
vement dégradés depuis la fin des années 1970. Nous y avons
assisté à une privatisation,quelquefois à la suppression des
services sociaux de l'éducation (la privatisation des internats
dans les lycées au Mali
et en Côte d'Ivoire, À la suppression
des bourses d'étude des élèves et étudiants, à l'affaiblisseruent-
des oeuvres universitaires dans la quasi-totalité des pays
africains, etc ... ) ; les différents hôpitaux et centres de
santé,
l'approvisionnement en eau potable et l'assainissement
des grandes villes,
sont devenus des plus deffectueux en particulier
les pharmacies des hôpitaux sont vides,
le matériel d'inter-
vention des médecins et les équipements des hôpitaux ne peuvent
plus être acquis ni même entretenus pour ceux qui existent
déjà. C'est la raison pour laquelle on assiste en Afrique à
un retour en force
des maladies endémiques et des épidémies
(le choléra a fait des ravages ces dernières années au Mali
et en Côte d'Ivoire et dans la corne de l'Afrique, des maladies
comme la méningite,
les MST-maladies sexuellement transmissi-
bles-,
les maladies dues aux parasites, etc .•. sont revenues
à des niveaux jugés d'inquiétants en Afrique par l'OMS). Ce
sont ces tendances des services publics qui expliquent largement
le fait que l'espérance de vie à la naissance en Afrique soit
si courte, 47 ans, alors que la moyenne mondiale s'établit à
63 ans.

- 289 -
Le recouvrement des coûts du service public, selon la
SM, doit être intégral pour lesservices publics comme l'alimen-
tation en électricité et eau,
l'évacuation des eaux usagées
et les services d'assainissement urbain,
les télécommunications
et les transports publics. Ces services devraient êtreQFl-
mesure de couvrire leurs dépenses de fonctionnement,
d'assurer
le service de leurs dettes et parvenir à un niveau d'autofinan-
cement suffisant pour se développer.
Cette démarche se traduira
par une hausse vertigineuse des prix des services offerts par
les organismes publics et l'Etat dans ces secteurs d'activité.
Il Y a donc une liquidation des services publics en Afri-
que depuis la fin des années 1970. Les Etats africains, ne pou-
vant plus faire face ni aux dépenses récurantes aux projets
existant, ni au développement nécessaire des services publics,
soit ils se retirent de ces activités et les livrent au capi-
tal privé,
soit ils alourdissent leurs coûts pour les usagers
sans en améliorer les services fournis.
Les services sociaux qui ont connus une progression im-
portante depuis 1960 en Afrique,
vont connaître un tassement à
partir du milieu des années 1970 puis un blocage dès le début
des années 1980. Le tableau 58
suivant nous en donne l'illus-
tration par l'évolution des services de l'éducation et de la
santé.(tableau 58
page suivante).
Le tableau fait ressortir la progression importante des
services de l'éducation et de la santé de 1960 à 1977-78.
Par exemple les effectifs des personnes qui atteignent
la fin du cycle secondaire passent de 4 % par groupe
d'âge
en 1960 à 14 % en 1978, ils sont multipliés ainsi par 3,5, soit

- 290 -
Tabl eau 58
: L' évol u tion des services de l' éduca t i on et
de la santé en Afrique depuis 1960, leur comparaison avec
les mêmes services dans le reste du monde en 1980
- Proportion par tranche d'âge de la population dont la scolarité atteint la fin du
cycle primaire en %.
Afrique
36 (1960)
63 (1978)
78 (1980)
PED
99,75 (1980)
PCI
101 (1980)
Moyenne mondiale
100,37 (1980)
- Proportion par tranche d'âge de la population dont la scolarité atteint la fin du
second cycle en %.
Afrique
4 (1960)
14 (1978)
15 (1980)
PED
39,75 (1980)
PCI
90 (1980)
Moyenne mondiale
64,87 (1980)
- Nombre de personnes pour ·un médecin
Afrique
50096 (1960)
23904 (1977)
21334 (1980)
PED
5186 (1980)
PCI
554 (1980)
Moyenne mondiale
2870 (1980)
- Nombre de personnes pour un(e) infirmier(ère)
Afrique
6533 (1960)
3315 (1977)
2978 (1980)
PED
2775 (1980)
PCI
180 (1980)
Moyenne mondiale
1477,5 (1980)
Sources
\\\\1orld Bank
- Sustained Report déjà cité pp. 86 et 87
- E. Berg Report déjà ci té pp. 204 et 205.

- 291 -
une prcgression annuelle moyen de 13 %.
Ces effectifs ne re-
présentent que 15 % de la population par groupe d'âge en 1980,
la progression annuelle de 1978 à 1980 est à peine de 3,5 %.
De m~me,
le nombre de personnes par médecin, qui diminue
de plus de moitié de 1960 à 1977 en passant de 50000 à 24000,
n'est réduit que de 11,2% de 1977 à 1980 en se fixant à 21.300
en
moyenne en 1980.
Ces tendances sont à l'origine de la place de l'Afrique
par rapport aux autres régions du monde dans les domaines de
la santé et de l'éducation. En 1980 l'Afrique connaissait le
taux de la population ayant atteint la fin des cycles primaire
et secondaire le plus faible au monde,
elle connaissait égale-
ment la population par médecin et par infirmier (ère) la plus
élevée au monde.
Pour ces deux services sociaux,
la politique de réduc-
tion des dépenses publiques engagée par les Etats d'Afrique
comme "remède" à la crise en cours,
se traduit par l'arr~t des
projets de construction de nouvelles écoles, d'hôpitaux, par
l'impossibilité d'importer du matériel technique indispensable
au bon fonctionnement des hôpitaux (matériel nouveau, pièces
de rechange,
réparation et entretien des équipements existant),
limitation de la formation des professeurs, éducateurs et maître~
d'école, de médecins,
infirmiers(ères) et auxilliaires,
etc . . .
Quelquefois,
l'Etat en Afrique va jusqu'au retrait dans cer-
taifi~ secteurs ; par exemple la privatisation des hôpitaux en
Côte d'Ivoire,
la semi-privatisation des hôpitaux au Zaïre.
L'exemple du Zaîre est très parlant. Dans ce pays,
le médecin
fonctionnaire dispose du droit de percevoir des honoraires en
sus de son salaire. Les administratifs,
les infirmiers et les
femmes de ménage, ont à leur tour,
instauré de fait un pourboire

- 292 -
pour tout service rendu.
En plus de tous ces frais,
le malade
verse sur une facture séparée les frais dits d'hôpitaux à
l'hôpital: hôtellerie, restauration,
etc. La revue Autrement
a parfaitement raison quand elle affirme dans l'ouvrage capi-
tales de la couleur que : "c'est complètement déplumé que le
malade sortira de l'hôpital" en faisant référence à cette situa-
tion (1)
La privatisation
des services publics est un leurre,
il
faut plutôt parler de liquidation. En effet,
les prélèvements
obligatoires opérés par l'Etat en Afrique sur les particuliers
extrêmement élevés,
la faiblesse de leurs revenus sont d'un
poids tel qu'il leur est impossible de prendre en charge indi-
viduellement leurs besoins relatifs a l'éducation, la santé,
l'approvisionnement en eau potable et en électricité, etc ...
Pour prendre un exemple,
les prélèvements parafiscaux sur les
paysans dans les pays exportateurs de produits agricoles comme
le café,
le cacao,
l'arachide,
le coton, approchent régulièrement
50 % en moyenne de la valeur du produit total des paysans,en
comptant en plus que ces derniers supportent des impôts indi-
rects, il ne leur restera que peu de ressources pour faire face
à leurs besoins quotidiens, à ceux de leurs familles.
Il est
hors de question qu'ils puissent faire face aux coûts d'un
service public privatisé. Ces services s'adresseront désormais
à la fine couche des éliteàes pays d'Afrique et aux expatriés
(européens et américains) qui peuvent en assurer les charges
financières.
Le démantèlement du secteur public productif se concréti-
sera par le retrait des capitaux publics des sociétés d'Etat,
des sociétés mixtes et des entreprises à participation publique.
(1) Revue Autrement
capitales de la couleur, ouvrage déjà cité p. 185.

- 293 -
Ce retrait peut aller jusqu'à la privatisation complète de
ces sociétés, sinon,
il se soldera par la réduction de la part
des actions détenue par l'Etat dans ces sociétés. La réforme
du secteur parapublic en Côte d'Ivoire à la fin des années 1970
illustre parfaitement ce processus de désengagement de l'Etat
du secteur public productif. Au terme de la réforme
de 1980,
sur 32 entreprises publiques appartenant au secteur productif,
plus de la moitié (17 sociétés) vont être dissoutes ou priva-
tisées,
11 vont être transf()cmé~s en entreprises publiques avec
un contrôle plus étroit de l'Etat,
seules 7 sociétés demeureront
des sociétés d'Etat, soit moins du 1/4. Ces suppressions consa-
crent le recul de l'Etat ivoirien dans des secteurs aussi im-
portants que la production vivrière et alimentaire (suppression
de la SODERIZ, Société de Développement de la culture du Riz,
d'ITIPAT,
Institut de Traitement Industriel des Produits
Agricoles Tropicaux)
; le génie civil (suppression de la:SONAGECI
Société Nationale de Génie Civil)
; de l'encadrement villageois
et de création de pôles de développement agricole (suppression
de l'AVB, Aménagement de la Vallée du Bandama, autour du lac du
barrage de Kossou ; suppression de l'ONPR, Office National de
Promotion Rurale;
suppression de l'ARSO, Aménagement de la Régie
du Sud-Ouest, autour du port de San-Pédro) (1). De même,
une
réfurme du secteur public productif a été engagée dans des pays
comme le Sénégal,
le Zaire,
le Congo,
la Somalie,
le Togo, etc ...
A la fin des années 1970 et au début de la décennie 1980. Ces
réformes sont toutes marquées par un repli de l'Etat du secteur
public que lui même a mis en place au début des années 1970.
Nous pouvons donc dire que la chute des recettes d'expor-
"'.
~.
tation et la crise budgétaire des Etats d'Afrique se traduisent
immédiatement par l'effondrement des services publics et le dé-
mantèlement du secteur public productif de ces pays dès la fin
des années 1970. Ces tendances des services publics et du sec-
(1) EtlrlP-S et documents du ministère français de la coopération n049 p.60,
juin 1982.

- 294 -
teur public de production approfondissent les effets dJacrise
économique mondiale en Afrique.
Il faut ajouter à ces éléments d'approfondissement de la
crise par l'Etat en Afrique,
le poids du financement de ses
besoins propres,
l'entretien d'une armée importante et les
achats d'armes à l'étranger,
le poids d'une administration
pléthorique qui pèsent sérieuser:1ent sur les ressources de l'Etat.
En 1977,
les dépenses de fonctionnement ont constitu~ en moyenne
plus de 16 % du PIB des pays d'Afrique,
tandis que les dépenses
militaires représentaient en moyenne 3 % du revenu national. Les
dépenses militaires globales des pays d'Afrique qui étaient en
moyenne inf~rieures à 250 millions de dollars constants 1977 en
1969, se montent à 2,500 milliards de dollars constants 1977 en
1978. En 1981, ce chiffre monte à plus de 5,5 milliards de
dollars (1).
Mais au delà de ces derniers éléments, c'est la compréhen-
sion que les classes dirigeantes de ces pays se font de l'Etat
qui constitue un facteur d'approfondissement encore plus impor-
tant de la crise en Afrique. Les dirigeants en Afrique,
ont une
compr~hensi0n tr~s personnelle du pouvoir d'Etat. C'est cette
cOfiipr~hension qui fait dire a MM.Bongo et ~jobutu par exemple que:
"l'Etat c'est moi". Partant de cette compréhension,
la corruption
les détournements de deniers publics trouvent une justification.
Bien sur tous les pays capitalistes connaissent ces maux, mais
en Afrique,
la corruption est érigée en méthode de commandement
et de direction des Etats. Ce n'est un secret pour personne que
les dirigeants des pays d'Afrique,
à la tête des pays parmi les
plus démunis,
sont eux parmi les personnes les plus riches au
monde. En Côte d'Ivoire par exemple en 1980, 100 milliardaires
(l)
Cf Atlas économique social
politique
strat~gique Bordas 1981 déjà cité
p.19. BH Rapport Berg : le dévei oppement accéléré en Afrique au sud du Sahara
déjà cité pp. 206 et 210.

- 295 -
étaient dénombrés ; ils avaient la plupart des liens privilégiés
avec l'Etat. L'on se souvient que Mr. Konan Bedier actuel prési-
dent de l'Assemblée Nationale ivoirienne, a fêté bruyamment son
7e milliard de FCFA en 1977 quand il était encore ministre de
l'économie et des finances.
La corruption au Nigéria par exemple
est tellement flagrante
que le pouvoir nigérian, à la suite du
coup d'Etat de 1975, a démis 10000 foncionnaires de leurs fonc-
tions pour fait de corruption.
Tout ceci pour dire que la corruption et les détournements
de deniers publics, véritables gouffres
pour les ressources des
Etats d'Afrique, au même titre que les dépenses de fonctionne-
ment et les dépenses militaires, approfondissent sérieusement
la crise en Afrique. En effet, ces différentes ponctions sur les
ressources publiques que l'économie peut supporter quand les
recettes d'exportation et la solvabilité du pays lui permettent
d'emprunter à l'extérieur, agissent comme de véritables massues
en temps de crise, déculpent et démultiplient les effets du
manque de ressources.
Au total,
on constate que l'Etat en se désengageant des
services publics et du secteur public productif, accroît les
impacts de la crise au niveau des populations d'Afrique.
De
plus, par ses besoins propres, besoins financiers de fonctionne-
ment, besoins militaires,
l'Etat pèse sur les ressources des
pays d'Afrique. Quand on ajoute à tous ces éléments,
la cor-
ruption et les détournements de deniers publics, on comprend
aisément que l'Etat démultiplie les effets de la crise en AfriquE
Mais; en retour,
l'Etat lui même est fortement secoué par la
crise. C'est ce que nous allons exposé à présent.

- 296 -
2.3. La crise de l'Etat en Afrique.
Nous avons relevé plus haut la faiblesse des bases d'ac-
cumulation propres des Etats d'Afrique, de leurs bases économique
en général. De même, du fait que
ces Etats ne sont pas le fruit
du développement économique et social intérieur aux sociétés
d'Afrique, du fait qu'ils dirigent des comQunautés qui ne se
sont pas encore fondues
jusqu'à ce jour intégralement dans un
Etat-nation,
les Etats d'Afrique ne présentent pas une cohésion
interne suffisante.
Ils sont caractérisés par des affrontements
divers en leur sein en plus de la domination
exercée sur eux par
les Etats des PCI. Avec la crise,
la contraction des ressources
de l'Etat et la montée des mécontentements relatifs aux plans
d'austérité mis en oeuvre dans
les pays d'Afrique,
les diffé-
rents clivages à l'intérieur de l'Etat se ravivent et s'exacer-
bent, ainsi que les contadictions . entre l'Etat et les populations.
Ils s'exercent également de fortes pressions extérieures émanant
des capitaux étrangers dominants dans les activités centrales.
Ces différentes évolutions provoquent un affaiblissement de
l'Etat et débouchent sur des crises politiques. Les Etats d'Afri-
que deviennent d'une vulnérabilité extrême.
Les formes les plus visibles de la crise politique en
Afrique sont les affr:ntements tribaux ou confessionnels,
les
rebellions diverses, les
affrontements frontaliers, mais surtout
les coups d'Etat militaires
et les tentatives de coups d'Etat
militaires. Le continent africain (singulièrement les pays
d'Afrique noire) est celui qui a connu le plus de bouleversements
politiques et l'une des régions avec l'Amérique Latine qui con-
naît le plus grand nombre de coups d'Etat militaires. Fin 1984,
sur un peu plus de quarante Etats importants que comptait l'Afri-
que noire, vingt deux
étaient dirigés par des militaires qui
ont accédé au pouvoir par des coups d'Etat militaires. Les trou-

- 297 -
bles et coups d'Etats en Afrique qui démarrent avec l'accession
au pouvoir d'Etat des Etats actuels d'Afrique, vont connaître
un développement très vif sur les années 1970 particulièrement
prononce sur la fin de cette décennie et le début des années
1980 (1).
Le tableau 59
suivant nous permet de voir la chronologie
de ces troubles d~~uis le début des années 1970 (tableau 59
page
suivante).
On constate sur la base de ce tableau une plus grande
fréquence des crises politiques,
troubles et coups d'Etat mili-
taires en Afrique sur la fin des années 1970 et le début des
annees 1980. En effet jusqu'en 1975, nous n'observons que 17
crises, alors qu'après 1976 ce nombre passe à 38 ; 30 de ces
conflits et crises se concentrent sur la période qui part de
1978.
La cause
de l'aggravation de la crise de l'Etat dans les
pays d'Afrique
sur la fin des annees 1970 est à rechercher
dans l'approfondissement de la crise économque mondiale et de
ses impacts
sur les économies des pays de cette région. Nous
voyons l'Etat de ces pays se désintégrer pratiquement sous le
choc des crises multiples. L'évolution extrême de cette situatior
est offerte par un pays comme le Tchad, aujourd'hui dirigé par
deux entités étatiques
; le GUNT dans le nord du pays et le
gouvernement du FAN dans le sud. Ces deux entités ne subsistent
que-par l'appui constant que leur apportent les puissances ex-
térieures (la France pour les FAN,
la Lybie pour le GUNT).
(1) En 1955, guerre civile au Soudan ; 1965, coup d'Etat au Congo : Mobutu
prend le pouvoir. ; 1966, Kouamé N'kruma est renversé par l'armée et la gen-
darmerie au Ghana; 1967, guerre civile au Nigéria :guerre civile de succes-
sion du Biafra, coup d'Etat en Sierra Léone. Source CF tableau

- 298 -
Tableau
59: La chronologie des troubles,coups d'Etat et
conflits en Afrique noire depuis le début des années 1970
PAYS
1970-1975
1976
1977
1978
1979 1980
1981
1982
1983 1984
Bénin
CE
1972
Burundi
CE
Cameroun
CF
TeE
Comores
CE
1975
CE
Congo
CE
CE
1
1
,
,
Ethiopie
CE
1974
Cf
CE
1
1
1
Gambie
CE
1
1
Ghana
CE
1972
CE
CE
Guinée
CE
Guinéé Bissau
tCE
Guinée Equat
CE
Haute Volta
CF
CE
CE
CE
Mali
CE
tCE
Liberia
CE
:
Madagascar
CE
1972
CE
1975
Mauritanie
CE
1
Niger
CE
1974
tCE
1975
tCE
Nigeria
CE
1975
tCE
CF
cr:
T;ou+
bles[
Ouganda
CE
1971
CE
CE
R.L.A
CE
CE
Rwanda
CE
1973
Sierra Leone
TCE
1971
~tes
Somalie
CE
1969
CF
tCE
Soudan
CE
1969
1luJb
dsSu
Tanzanie
Invasi ~
' ) D~
1è.had
CE
1975
'"n ' - ' ~1_ 1
FAN
Ttru )1.es
QntI
Qntll Halré
Qnt III
Togo
CE
1967
tCE
1974
tCE
( uerre civile et partition du pays
a
Z ire
CE
1968
Shaba l Shaball
Tableau construit à partir des données de:conflits and interventions in
Africa, contemporary Review Déc. 1983,
et Annuaire de II Afrique et du moyen-Or .Len t
1981-1982. Groupe Jeune Afrique.
- CE = Coup dlEtat militaire en Afrique Noire
- TCE = Tentative de C.E.
- C.F = Conflit Frontalier.

299 -
Au total, par rapport à la place de l'Etat dans la crise
en Afrique, nous pouvons dire:
par sa gestion de la crise, li-
quidation des services publics et du secteur public de produc-
tion, par l'absorption de ressources ~normes pour financer ses
besoins propres (besoins de fonctionnement et besoins militaires),
par les d~tournements de fonds et deniers publics qu'il occasion-
ne,
l'Etat d~multiplie les impacts de la crise dans les pays
d'Afrique. De même,
la profondeur de la crise dans les pays
d'Afrique agit en retour sur les Etats de ces pays qu'elle rend
encore plus vuln~rables. C'est l'une des manifestations qualita-
tives de la crise parmi les plus visibles en Afrique.
§ 3 - L'INFLATION, LE CHOMAGE ET LE COMPORTEMENT DES
REVENUS DES POPULATIONS
3.1. Chômage et inflation
Les statistiques du chômage n'existent pas en Afrique.
Il
n'y a pas une gestion du sous-emploi de la force de travail. Les
seuls chiffres relatifs à la force de travail disponibles dans
ces pays, portent sur les travailleurs en activit~. Nous ne dis-
posons donc pas d'informations pr~cises ~manant de ces pays qui
nous permettent d'~tablir l'~volution du chômage en Afrique noire.
Nous ne pouvons saisir le chômage dans ces pays que de façon indi-
recte en comparant l'explosion de la population en âge de travail-
ler et le tassement de la croissance ~conomique et de l'activit~
~conomique et donc du progrès de l'emploi. La population des
pays d' Afri'lue noire a crû sur les a'm~es 1970 et le d~but des
an~es-~80 au taux annuel moyen de 2,7 à 3 %. La croissance de
la population en âge de travailler suit de très près celle de la
population en g~néral, elle sera de l'ordre de 3 % sur la même
période. L'explosion de la population est particulièrement marquée
dans les villes. Ainsi, alors que la population gén~rale a crû
au taux moyen de 3 % sur les années 1970, les populations des

- 300 -
villes dlAfrique, elles,ont crû a un taux annuel moyen de pres
de 6 %, soit le double (1).
Avec les taux de croissance des pays d'Afrique particulière-
ment faibles sur la fin de la décennie 1970, quelquefois négatifs,
les offres d'emplois ne peuvent faire face à la hausse vertigi-
neuse de la population en âge de travailler. Selon le BIT, en
1977 quelques 12 millions de personnes, soit approximativement
8 % de la force de travail, étaient sans emploi en Afrique et 60
autres millions,
soit près de 44 % de la main d'oeuvre, étaient
sous-employées en ce sens qu'elles occupaient un emploi d'un
faible niveau de productivité et de revenu (2).
Au total,
la force de travail inemployée (chômage et sous-
emploi) constitue plus de la moitié de la population en âge de
travailler en Afrique (52 %) en 1977. En tenant compte de l'ag-
gravation de la situation de l'emploi en Afrique introduite par
les plans d'austérité à l'oeuvre dans les pays de cette région,
nous pouvons affirmer que le sous-emploi général de la force de
travail en Afrique est tout simplement dramatique.
Il faut ajouter
à ces tendances générales que le chômage et le sous-emploi frappent
durement les populations urbaines et les
jeunes travailleurs dont
la scolarité a été interrompue à la fin du cycle primaire. Selon
la même source du BIT citée plus haut,
le chômage dans les villes
s'élevait à des taux qui vont de 30 à 40 % ; ce qui est énorme
à côté de la moyenne de 8 % en 1977.
Le sous-emploi de la force de travail et le chômage,
l'impos-
sibilité d'exercer un emploi rémunéré,quitouchent plus de la
moitié de la population en âge de travailler en Afrique est une
(1) World Bank: Rapport Berg, ouvrage déjà cité pp.200 à 203 et Sustained
Report Aoüt 1984 pp.82 et 85.
(2) Sixième conférence régionale africaine du travail à Tunis octobre 1983,
BIt, Genève.

- 301 -
catastrophe. Les populations africaines, surtout urbaines, ne
disposant alors d'aucune ressource pour vivre,
survivent en mar-
ge de l'économie moderne,(l).
'L'inflation dans les pays d'Afrique, déjà très forte avant
1973, explose litéralement après la crise pétrolière de 1973. De
1973 à 1980, le taux d'inflation annuel moyen des pays d'Afrique
restera supérieur à 15 %, seuls deux pays d'Afrique,le Tchad et
le Congo ont connu un taux d'inflation inférieur à 10 %. Des pays
comme l'Ouganda,
le Ghana et le Zaïre ont enregistré un taux
d'inflation annuel moyen de près de 50 % sur cette période (2).
Le tableau 6Q
suivant nous donne l'indice des prix à la consom-
mation dans 21 pays d'Afrique (tableau 60 page suivante). On cons-
tate que cet indice marque une augmentation régulière par rapport
à 1970 depuis 1973. Cette augmentation est très prononcée à partir
de 1978. Ainsi,
l'indice qui progressait en Côte d'Ivoire au taux
annuel moyen de 9 % de 1973 à 1978, augmente brusquement de plus
de 34 % de 1978 a 1980 en passant de 233 à 313 ; de m~me au Kenya,
l'indice des prix à la consommation qui croissait au taux annuel
moyen de 6 % de 1973 à 1978, va augmenter au taux annuel moyen
de 18 % de 1978 a 1981 ; au Ghana enfin, l'indice qui a crG au
taux annuel moyen de 47 % de 1973 a 1978, double presque
(multiplié par 1,46) de 1978 à 1980 et augmente de 71 % de 1980
à 1981. Pour tous les pays du tableau60
les prix à la consomma-
tion ont plus que doublé de 1970 à 1982, dans le cas du Zaïre,
ils sont multipliés par près de 16 sur cette période.
Le dérapage des prix observé à la fin des années 1970 dans
les pays d'Afrique s'explique par les hausses successives des
prix des produits manufacturés et de l'énergie importés,
suite
(l) Nous verrons plus bas le poids des petites activités non-capitalistes dans
l'atténuation de la crise en Afrique et leurs limites. CF présent chapitre §5.
(2) CF étude et documents du ministère français de la coopération et du dé-
veloppement n056 : facteurs d'inflation en Côte d'Ivoire et en Haute Volta, Aoû
1983 p.15.

- 302 -
Ta b l eau 60
:
l n di c e d e ~ r i x à lac 0 n som in a t ion dan s que l gue s
pays d'~fLigue de 1973 à 1982 en base 100 = 1970.
PAYS
1973
[1975J 1971 1978 [1980 1981 1982 11
Botswana
120
153
113
123,4
156,9
182,5
203, S 1
i
blJ(undi
lJL~.l
153,1
176
235,8
332
366,8
35<1 . a
Côte d'lvoire
ll()
145
206
233
313
339,2
36~,4
Ki::L;'ya
lu,:
147
178
196
23Lf
266,9
335,4
Nigéria
121
186
142
176
196
247,5
266,4
Séné;;éll
11 (;
188
212
219
261
276,9
325
Togo
120
159
215
217
234
317,5
350,2
Cameroun
130
172
236
264
301
302,6
342,9
Tanzanie
128
227
258
298
425
464,2
598.6
Zaïre
142
233
715
1132
1339
1813
226b
ZaGlbie
119
144
208
243
273
293
314
Zimbab\\,'é
110
132
155
170
198
219
305
Gabon
110
158
216
240
291
388,9
425,9
Mala\\.J j
174
172
179
190
270
290
310
1
Mali
168
182
245
327
383
404
437
1
Libéria
118
172
188
210
255
260,2
292
1
1
Ghana
150
227
952
1518
3737
6387
7812
1
Congo
121
151
157
198
229
268,4
335,5
1
Ethiopie
99
112
186
218
271
291
312
1
1
Mauritanie
132
100
128
140
Haute Volta
108
171
187
260
279
298
J
Sources
-Uni ted Nations
:
statistical yearbook 1981 pp.
169 à 176.
- - - - -
- International Labour Organisation : yearbook of labour
statistics 1983 p.663.


- 303 -
aux deux "chocs pétroliers" de 1973 puis 1978 (l).
Cette tandance à l'explosion des prix intérieurs en Afri-
que va être amplifiée par les plans d'austérité mis en oeuvre
dans les pays de la région. Ces plans qui touchent la quasi
totalité de ces pays,
leur imposent la suppression des subvention~
publiques aux produits de première
nécessité,
la hausse des
tarifs des services publics, des dévaluations en série des mon-
naies des pays d'Afrique.
Ces mesures dont l'unique but est le
remboursement des paiements extérieurs et l'équilibre de la balan-
ce des paiements, contribuent à l'augmentation des prix intérieur:
Ce n'est pas étonnant que le Zaïre,
le premier pays africain a
avoir mis en application les plans du FMI, est l'un des pays
d'Afrique dont l'inflation est le plus accélérée. La monnaie
zaîroise après une longue dépréciation qui a fait passer sa
valeur de 100 à 20 de 1967 à 1977, va être intégrée au système
des DTS et connaîtra à partir de ce moment de nombreuses dévalua-
tions conduites par le FMI qui se chiffreront à une perte de
valeur de près de 240 % de la monnaie zaîroise de 1979 à 1983.
Cette perte de valeur de la monnaie zaïroise explique en partie
l'ampleur de l'inflation dans ce pays (un taux d'inflation an-
nuel moyen de près de 50 %).
Au total,
l'inflation galopante dans les pays d'Afrique
est un phénomène qui s'est particulièrement aggravé au début des
années 1980. Le taux d'inflation moyen des pays d'Afrique à la
fin des années 1970 et au début de la décennie 1980, devrait se
situer largement au dessus de 30 % p2r an.
L'explosion des prix en Afrique survient dans des conditions
où les revenus des populations connaissent une contraction formi-
dable, comme nous allons le voir.
(1) Nous avons déjà Woontré que l'indice unitaire des 2roduits manUië.2twrps
imoortés a augmenté de prés de 20%en moyenne de 1971-73 à1979,CF c~ V S 3
le mouvement des cours des matières premières après 1960, la DTE.

-
304 -
3.2. Le comportement des revenus des populations
Pour aborder ce point, nous exposerons successivement la
situation des revenus ruraux et celle des revenus urbains.
Les revenus ruraux en Afrique
se ramènent aux revenus
tirés des produits agricoles d'exportation pour l'essentiel. Or,
les prlx a la production payés aux paysans dans ces pays sont liml
.. tè fl",rIe s pré l è v e men t s des ca i s ses des t ab i lis a t ion e t des
offices de commercialisation publics des produits agricoles ex-
portés .Ces prélevements représentent
très souvent le double ou
plus du prix d'achat au producteur. Le tableau 61
nous donne les
prix aux producteurs des principales cultures d'exportation des
pays africains et les rapports entre ces prix et leurs prix a
l'exportation (tableau 61
page suivante).
Nous constatons qu'à l'exception du coton en Côte d'Ivoire
en 1976-80 et au kenya en 1971-75,
la part des prix à l'expor-
tation qui échoit aux producteurs des principaux produits agri-
coles exportés des pays d'Afrique représentent moins de la
moitié. Cette part dans de nombreux cas en 1976-80 représente
en moyenne un tiers (1/3) des prix à l'exportation des produits
en provenance des pays d'Afrique. Nous avons donc en Afrique
des prix au producteur des cultures d'exportation qui sont très
faibles et ont très peu varié depuis les années 1960 en termes
réels quand ils n'ont pas baissé. Le tableau 61
nous donne une
idée de l'évolution des prix au producteur en Afrique.
Ainsi a
l'exception du cacao au Cameroun et au Togo, du café au Togo et
de l'arachide au Niger,
les prix au producteur des principales
cultures d'exportation repertoriées au tableau 61
se situent en
1980 soit en dessous des niveaux de 1960 soit à des niveaux voi-
sins en termes réels. Cette stagnation apparante des revenus
ruraux analysés en termes de prix au producteur traduit en fait

- 305 -
Tableau 61
: Rapports entre prix au producteur et prix à l'ex-
portation des principaux produits agricoles dans les pays d'Afri-
que en 1971-75 et 1976-80, prix d'achat au producteur en 1960 et
1980 dans quelques pays.
Rapport prix au produc-
Prix d'achat au producteur en F CFA
teur sur prix à l'expor
constant 1980
PRODUITS ET PAYS
tation
Produits et
1971-75
1976-80
pays
1960
1980
Cacao
Cacao
- -
- -
1
Cameroun
0,37
0,45
Cameroun
258,2
307,6
1
Côte d'Ivoire
0,56
0,38
Côte d'Ivoire
327,6
326,5
1
1
Ghana
0,47
i
0,'::0
1
Togo
0,50
0,25
Togo
184
238
Café
Café
- -
- -
Cameroun (Aracica)
0,72
0,60
Côte d'Ivoire
380
326,5
Cameroun (Robusta)
...
0,36
i
Togo
175,6
215,6
Côte d'Ivoire
0,68
0,36
Cameroun
335,5
329,4
Kenya
0,94
...
Tanzanie
0,80
0,59
Togo
0,42
0,23
1
Coton
Coton
Cameroun
0,79
Haute Volta
88,6
60,2
Côte d'Ivoire
0,79
1,05
Bénin
71,5
60
Haute Volta
0,79
Kenya
1,07
Arachide
~alawi
0,68
0,75
Mali
0,55
0,44
Sénégal
53,9
49,6
Sénégal
0,65
Niger
68,9
81,7
Soudan
0,78
0,60
Togo
0,62
0,79
Arachide
~alawi
0,70
0,59
~Iali
0,57
0,43
Sénégal
0,48
0,66
Soudan
0,85
0,67
Zambie
0,70
0,71
Thé
Kenya--
0,89
Tabac
Malawr--
0,42
0,28
Zambie
1,09
0,88
Sources :-Banque Mondiale = Rapport Berg déjà cité p.66. ~ prix à l'exportation estimé par
le cours ~onèial diminué des frais de transport, de commericialisation et de
t rai tement.
-E~udes ~t docum~nt~.Q~ mtntstèr~ français de la coopération et du développement
n 48 JUlllet 19~2 de]a clte p.7L.

- 306 -
une profonde dégradation des revenus des paysans d'Afrique.Elle
se fait dans des conditions d'une explosion
démographique
(taux
de croissance annuel moyen de la population de plus de 3%). Il
faut rapprocher cette évolution des revenus ruraux, du sous-
emploi extrêment élevé dans les campagnes et des effets de re-
distribution de revenus très importants dans les milieux ruraux
d'Afrique. Cela nous donne une idée de la faiblesse et de l'ef-
fondrement des revenus ruraux en Afrique.
Quant aux salaires des travailleurs des villes, ils ont
très peu varié en termes réels
depuis 1960. Le tableau ~2
nous
donne l'évolution du SMIG dans quelques pays d'Afrique noire
francophone (tableau 62 page suivante). Seulement quatre pays
du tableau ont connu une augmentaiton de plus de 25 % du SMIG
en termes réels; sur ces quatre pays,
seulement deux enregis-
trent une hausse supérieure à 50 % entre 1960 et 1980,
le Gabon
(69 %) et le Niger (52 %). Dans tous les autres pays, soit la
hausse du SMIG est très légère (inférieure à 20 %), soit nous
avons une baisse sérieuse de cette grandeur; par exemple au
Bénin le SMIG
a perdu 30 % de sa valeur en termes réels de 1960
à 1980, en Mauritanie, il connait une chute de 18 % sur la même
période. Cette évolution différenciée des salaires réels en
Afrique jusqu'à la fin des années 1970, va céder la place à
une dégradation générale dès le début des années 1980. Selon le
BIT,
les salaires nominaux dans les pays d'Afrique qui ont crû
régulièrement depuis 1973, sont entrés dans une phase de stagna-
tion à partir de 1980. Ainsi, au Burundi, les salaires nominaux
dans les activités non agricoles qui se fixaient à 4,35 F/h en
1973, vont croître auxtauxoftnuels moyens de 40%de 1973 à 1977 et
45%_de 1977 à 1979-80, pour stagner autour d'une moyenne de 10F/r
de 1980 à1982. De même, au Nigéria, cette grandeur a crû de 59%
par an en moyenne de 1973 à1979, passant de 0,92 Nairas/j à2,60
Nairas/j

Au Kenya,
les salaires nomi-

- 307 -
Tableau 62
: Evolution du SMIG en valeur réelle dans dix (10)
pays d'Afrique noire francophone depuis 1960 (base 100 en 1980).
F.CFA/horaire
PAYS
1960
1980
Evolution
1
Bénin
84,9
54,8
-30 %
1
Côte d'Ivoire
198
174
-12 %
Sénégal
111,2
133,8
+11 %
Mauritanie
98,12
80,4
-18 %
Haute Volta
84,24
112,5
+33,6 %
!
R-C-A
65,2
75
+15 %
Congo
136,5
184
+35 %
Gabon
136,3
230
+69 %
Niger
71,9
109
+52 %
Togo
66
65,5
- 0,8 %
Source
Ministère de la coopération et du développement, Etudes et
document n048 juillet 1982, ouvrage déjà cité p.169.

-
308 -
naux,
apres avoir crû aux taux annuels moyens de 23,6 % de
1973 à 1979 et 20 % de 1979 à
1980-81,
vont voir leur taux
de croissance chuter et s'établir à
7 %/an en 1980 et 1981.
Enfin au Zimbabwé,
les salaires nominaux qui croissaient au
taux de 26,5% de 1973 à 1979,
ne croîssent plus qu'au taux an-
nuel moyen 1e 13% de 1979 à1982,
soit une baisse de moitié du
taux
de crOlssance (1).
La stagnation des
salaires nominaux en Afrique au début
des années 1980 s'est faite dans des conditions où le
taux
d'inflation annuel moyen dans
les pays de cette région se
situait largement au dessus de 30 % ;
on comprend dès
lors que
la stagnation des salaires nominaux traduit en réalité un ef-
fondrement du pouvoir d'achat des salariés des villes.
Cet
effondrement se trouve aggravé par les plans d'austérité à
l'oeuvre dans
la quasi-totalité des pays africains depuis le
milieu des années 1970.
En effet,
l'une des mesures
les plus
fréquentes de ces plans est le blocage des salaires.
Les gouver-
nements des Etats africains recourent systématiquement au bloca-
ge des salaires d'autant plus qu'il n'existe aucun syndicat ou
organisation
des salariés en Afrique pour y opposer une résis-
tance quelconque.
Le recul des revenus ruraux et urbains entraîne ainsi un
recul sérieux du pouvoir d'achat en Afrique.
Au Zaîre par exem-
ple,
en 1979,
le pouvoir d'achat se situait à 10 % en dessous
du niveau de 1960.
Au total,
la crise économique en Afrique conduit à une
contraction sérieuse des revenus réels des populations,
particu-
(1) Pour les statistiGues, CF 1.L.O, yearbook of labour statistics 1983 déjà
cité.

- 309 -
lièrement marquée sur le début des annees 1980 ; c'est la prin-
cipale conséquence de la politique de limitation des salaires
et des revenus agricoles à l'oeuvre en Afrique depuis la fin
des années 1970. Alors que par ailleurs,
la réduction des dépen-
ses publiques,
la suppression des subventions publiques aux
produits de première nécessité et aux services publics,
la
spéculation sur les biens vivriers devenus rares,
l'inflation
galopante entraînent une hausse vertigineuse des prix à la
consommation. Dans ces conditions,
le pouvoir d'achat, déjà
dérisoire des masses rurales et urbaines, s'amenuise dans des
proportions alarmantes. Quand on ajoute à ces difficultés écono-
miques,
l'évolution défavorable du climat des trois (3) derniè-
res années qui s'est traduite par une sécheresse prolongée et
étendue à la quasi-totalité des pays d'Afrique,
il nous est
aisé de comprendre le degré de souffrance des populations afri-
caines sur la fin des années 1970 et le début des années 1980. La
contraction des revenus ruraux et urbains venant s'ajouter à la
privation de travail, au chômage et au sous-emploi chronique,
à l'inflation,
l'on est en droit de se demander comment les
populations parviennent à subsister. L'autre conséquence de la
baisse des revenus et du pouvoir d'achat en Afrique est la con-
traction du marché intérieur déjà très réduit
; dans la mesure
où les revenus des populations constituent une part non négli-
geable de la demande nationale de biens de consommation,
leur
baisse influence sérieusement cette grandeur. C'est une diffi-
culté supplémentaire au développement des activités économiques
en général et à la constitution d'une base d'accumulation dans
les pays d'Afrique.
Nous venons d'exposer des manifestations qualitatives de
la crise en Afrique qui traduisent en général une dégradation des
conditions de vie des populations et un déséquilibre profond dans

- 310 -
les comptes économiques des pays de cette région. Nous allons
à présent exposec un aspect précis de la dégradation des condi-
tions de vie des populations, la situation alimentaire de l'A-
frique dans les conditions de la crise en cours.
§ 4 - LA CRISE ALIMENTAIRE EN AFRIQUE
4.1. Les manifestations de la crise alimentaire
Nous avons indiqué plus haut que la production vivrière
dans les pays d'Afrique noire a connu une croissance très fai-
ble au taux annuel moyen d'un peu plus de 1 % sur les années
1970 et entre dans une phase de recul sensible dès la fin de la
décennie 1970. Il va s'en dire qu'avec une croissance démogra-
phique qui se situe au dessus de 3 % par an, cette production
vivrière en recul (en stagnation dans le meilleur des cas) ne
peut faire face aux besoins nutritifs des populations. C'est
cette inaptitude de la production vivrière à faire face aux
besoins des populations qui s'observe dans le mouvement de la
production alimentaire par tête. Après une légère hausse en
1974-76, cette grandeur va chuter régulièrement et ne remon-
tera jamais au niveau de 1974-76. L'indice de la production
alimentaire par tête en termes constant par rapport à la produc-
tion de 1974-76 connaîtra son niveau le plus bas en 1982, année
au cours de laquelle il ne représentera que 78 % (1).
Le déficit vivrier en Afrique est particulièrement sen-
sible au niveau des céréales dont la production africaine n'a
augmenté que très légèrement de 1969-71 à 1979, passant de 37,70
millions de tonnes à 40,24 millions de tonnes. Gérard Grelet a
estimé
le déficit de la production céréalière en Afrique à
(1) CF FAO
Annuaire de la production 1983 p.85.

- 311 -
8,96 millions de tonnes a la fin des annees 1970 (1).
Ce déficit vivrier obligera les pays d'Afrique à d'énor-
mes importations de produits vivriers ; les céréales représen-
tant progressivement la quasi-totalité de ces importations vi-
vrières. Les importations globales de produits vivriers dans
les pays d'Afrique sont passées de 3,5 millions de tonnes en
1969-71 à près de 6,8 millions de tonnes en 1977-79, doublant
ainsi pratiquement. En 1980-82, elles se montent en moyenne
par an à 10,7 millions de tonnes. Les importations de céréales
ont représenté plus de 50 % des importations vivrières depuis le
début des années 1960, elles représenteront plus de 65 % de ces
importations en 1969-71
; cette proportion devient supérieure
à 70 % à la fin des années 1970 (71 % en 1977-79) (2). Le ta-
bleau suivant nous permet de voir la progression des arrivages
de céréales dans les pays d'Afrique depuis le milieu des années
1970
(tableau 63 page suivante). On y relève une brusque ac-
céléraiton des arrivages de céréales en Afrique,
tant au niveau
des aides alimentaires que des importations commerciales de
céréales, à partir de 1977. Cette accélération va culminer en
1980-1982. Les importations commerciales de céréales par exemple
stables entre 1975 et 1976 autour de 3 millions de tonnes par
an, passent brusquement au dessus de 4 millions de tonnes en
1977 et doublent de 1977 à 1980-82 en s'établissant à 8,7 mil-
lions de tonnes en 1980-82. De 11 % en moyenne des importations
totales jusqu'en 1979,
les importations commerciales de céréales
représenteront 20 % de ces dernières en 1980-1982.
- - Faible croissance de la production vivrière sur la fin des
années 1970, chute de cette production dès le début de la décen-
nie 1980 ; baisse de la production alimentaire par tête,
accélé-
(1), CF G. Grelet, structures économiques de l'Afrique noire, ouvrage déjà
èlte.
(2) Banque Mondiale = Rapport Berg déjà cité p.58.

- 312 -
Tableau 63
Aide alimentaire et importations commerciales
de céréales 1975-1982.
RUBRIQUE
1975
1976
1977
1978
1979 ;"1980-1982
Aide alimentaire
957,8
752
868,6
1359,2 1201,5
2022,6
Importations commerciales nette
2818,3
3050,5 4212,6
4747,2 4282,6
8709
Importations commerciales de
céréales/importations totales
(%)
12 %
...
11%
12 %
10 %
20 %
Total
des arrivages de céréa-
les
3776,1
3802,5
5081,2
6106,4 5484,1
10731,6
-
Total des arrivages de céréale
par tête (en kg)
12,4
12,2
15,8
18,5
16,2
28,2
Sources
Banque mondiale = - Rapport Berg déjà cité p. 58
- World debt tables déjà cité p.27
- Sustained Report déjà cité pp. 76 et 79
* Chiffres annuels moyens de 1980 à 1982 = la moyenne arythmé-
tique simple des montants annuels des trois années.

- 313 -
ration des importations commerciales et des aides alimentaires,
traduisent une crise alimentaire profonde dans les pays d'Afri-
que.
Comme nous l'avons montré plus haut,
la crise en Afrique
en général,
la crise alimentaire surtout leur aggravation parti-
culière ces dernières années s'expliquent en partie par l'évo-
lution défavorable des conditions climatiques. La sécheresse
qui s'évit en Afrique depuis 1982 et qui touche la quasi-totali-
té des pays de la région a certainement agit sur les cultures
vivrières. Mais, pour nous,
la crise alimentaire profonde et
durable que connait l'Afrique ne peut s'expliquer fondamentalement
par des causes conjoncturelles comme
les sécheresses de 1971-73
et 1982 ; dans la mesure où l'on compte parmi les pays qui con-
naissent les déficits vivriers les plus importants les pays
des zones forestières comme le 2aîre,
le Nigéria,
la Côte d'Ivoir
etc ...
tandis que des pays sahéliens comme le Niger assurent une
relative autosuffisance alimentaire. La cause profonde de la
crise alimentaire dans les pays d'afrique est la politique
agricole mise en oeuvre par les Etats de ces pays qui ont opté
pour le développement des cul tures d'ex portation au détriement
des cultures vivrières dès leur avènement au pouvoir politique
au début des années 1960.
4.2. L'aggravation de la crise alimentaire par la
crise en cours.
Nous avons montré plus haut que les principales ressources
des Etoats d'Afrique sont celles tirées des droits et taxes sur le com-
merce extérieur,
en particulier les prélèvements sur les expor-
tations de cultures de rente constituent l'essentiel des ressour-
ces de la quasi-totalité des Etats de cette rÉgiCI) .C'est donc dans
le but d'accroître au maximum les prélèvenents sur les cultures

- 314 -
d'exportation que leur développement a été encouragé et soutenu.
Avec la hausse des cours des matières premières de 1973-1974 et
les besoins accrus des gouvernements des pays d'Afrique au
début des années 1970, une politique de développement accéléré
des cultures de rente a été mise en place dans ces pays. Dans
le
même temps,
les investissements publics dans l'agriculture
afin de l'amélioration des techniques de production étaient
dérisoires. Ainsi, selon G. Grellet
f
dans 19
pays d'Afrique,
la part des dépenses budgétaires affectées à
l'agriculture entre 1969 et 1973 est en moyenne de 8 % dont la
fraction consacrée aux investissements n'excède pas 42,50 %, soit
3,6 % des dépenses budgétaires totales exprimées en monnaies
nationales. Pour BATES et Lofchie, c'est en Afrique que les dé-
penses en recherches agricoles ont connu le taux de progression
le plus faible dans les PED de 1959 à 1974 ; selon ces auteurs,
en Asie, les dépenses en recherches agricoles sont passées de
0,6 % de la production agricole totale en 1959 à 1,9 % en 1974,
doublant ainsi, en Afrique ces dépenses de 0,80 % de la productio~
agricole totale passe à 1,4 % sur cette période, soit une augmen-
tation de 75 % (1). De plus, les revenus des paysans sont telle-
ment faibles qu'il est hors de question qu'ils puissent améliorer
les techniques de production et leur équipement par une accumula-
tion propre. L'accroissement de la production a été obtenu par
des techniques d'exploitation archaïques: cultures extensives,
défrichage par le feu, absence de culture attelée et de fumure,
absence d'engrais,
ignorance de la roue et de la charrue, etc ...
La pression des cultures de rente se traduira par une exten-
sion générale des surfaces cultivées (2), un racourcissement des
jachères et une affectation prioritaire de la force de travail
(1) G.Grellet, les structures économiques de l'Afrique noire pp.44 et 45 ; les
19 pays: Soudan, Côte d'Ivoire, Gambie, Ghana, Libéria, Niger, Nigéria, Zaïre,
Sierra Léone, Rwanda, Botswana, Ethiopie, Kenya, Lesotho, Madagascar, Malawi,
Ouganda, Swaziland, Zimbabwé. R.Bates et M.F. Lofchie : agricultural developmer
in Africa 1980 P.73.
(2) La commission économique des Nations Unies pour l'Afrique a estimé que riel
que de 1960 à 1980, c'est-à-dire en vingt ans, la surface cultivable de l'Afri-
que a diminué de 25 %.

- 315 -
aux cultures de rente. Cette politique a été bien caractérisée
par les lignes suivantes tirées du Cameroun Tribune: "en 1981,
le même clivage entre l'agriculture commerciale orientée vers
l'exportation et l'agriculture vivrière destinée à la consomma-
tion locale est restée la caractéristique majeure des pays afri-
cains. Comme il y a vingt ans,
les sacrifices consentis pour
l'amélioration et l'augmentation de la productivité des produits
d'exportation tels que le café,
le cacao,
le coton,
l'arachide,

etc, . . .
sont énormes par rapport à ceux de l'agriculture vivriè-
re"(l). C'est une politique de négligence et d'abandon des cultu-
res vivrières qui est menée en Afrique depuis vingt ans. Cette
négligence se manifeste par
une politique des prix bas pour les produits vivriers
- l'absence de soutien à ces cultures en termes d'apport
de moyens de production (accès au crédit, aux semences performen-
tes, aux engrais et aux pesticides, etc ... ) ;
l'absence d'infrastructures nécessaires a la circulation
et à la distribution des produits vivriers locaux (routes et
pistes rurales, moyens de transport, moyen de stockage et de
conservation,
etc ... ) ;
- etc ...
Cette politique aura pour conséquence le recul général des
productions vivrières et la nécessité pour les pays africains
d'importer des biens vivriers en quantités croissantes. Les pays
d'Afrique se retrouvent ainsi dans une situation absurde:
ils
--
exportent des produits agricoles dont les valeurs internationales
sont en baisse constante pour acquérir des biens vivriers dont
la charge croissante pèse d'un poids de plus en plus lourd sur
(1) Cameroon Tribune, 21 octobre 1981.

- 316 -
leur position de balance de paiement, alors que ces pays dispo-
sent d'énormes potentiels de développement des productions alimen.
taires. Les importations de céréales qui constituent l'essentiel
des importations vivrières de l'Afrique, ont représenté plus de
10 % des importations totales annuelles des pays de cette région
depuis 1975 (1).
Il faut ajouter que la politique agricole suivie par les
Etats africains issus de la décolonisation
des années 1960 est
la poursuite de la politique coloniale de promotion des cultures
d'exportation. De ce point de vue, on peut dire que la crise
alimentaire de l'Afrique remonte aux déséquilibres introduits
dans les systèmes agraires locaux par l'introduction des cultures
de rente depuis l'époque coloniale et le démantèlement de l'agri-
culture vivrière qui y a succédé. Ces déséquilibres
se sont
approfondis par la suite par les politiques agricoles que les
Etats d'Afrique ont mises en oeuvre depuis les indéepndances
formelles des années 1960 (2).
Les déséquilibres dans les systèmes agraires se sont mani-
festés par une affectation prioritaire des moyens de production
aux cultures de rente (force de travail, terres arrables et fer-
tiles, semences et fertilisants, etc ... ), une meilleure organisa-
tion des infrastructures d'évacuation de ces cultures et un
meilleur prix à la production (en Côte d'Ivoire par exemple, en
1978, le prix moyen du plantin, de l'igname, du manioc frais
était estimé à 83 FCFA/kg, alors que la même année le cacao et le
(1)
CF tableau 63 p. 312. La facture globale des importations de l'Àfriqu~
l'Afrique à atteint le niveau de 5,6 milliards ae dollars en 1981, soit
plus du dizième (1/10) de la dette totale de l'Afrique pour cette année
(2) CF 1ère Partie chapitre l : les modalités historiques de l'intégration
des économies africaines dans le marché mondial. M. Griffon et P. Jacque-
mot : Pénurie alimentaire et stratégies agricoles en Afrique Subsaha-
rienne, CEP n025 sénoufo : le cas de Karakpo, G.R.S.T.G.M. 1983.

- 317 -
café se payaient à 250 FCFA/kg au producteur soit trois fois plus
-les chiffres sont tirés de la Côte d'Ivoire en chiffres: minis-
tère de l'économie et du plan Edition 1980-).
De plus,
l'agriculture vivrière des pays d'Afrique subit
des pressions très vives du marché mondial. En effet,
laissées
à l'abandon depuis plus de vingt ans, caractérisées par des tech-
niques de production plus archaîques encore que celles utilisées
dans l'agriculture d'exportation,
les productions vivrières en
Afrique ne peuvent se poser en concurrence des productions ali-
mentaires fortement mécanisées et productives des PCI et des
autres régions du marché mondial (1).
Etant très ouvertes,
les économies africaines subissent le
contre-coup de ces différenciels de productivité,
soit à travers
les
importations commerciales de biens vivriers dont le coût
unitaire est moindre que s'ils étaient produits localement, soit
à travers l'aide alimentaire qui brise ce qui reste des systèmes
agro-alimentaires d'Afrique et crée les conditions d'une dépen-
dance alimentaire accrue (2).
La crise alimentaire des pays d'Afrique est une crise profonde
qui trouve son explication dans les fondements même de leurs
structures économiques. Cette crise alimentaire quasi-structurel-
le va être singulièrement aggravée par la crise économique. En
effet,
la crise économique générale dans les pays d'Afrique et
l'obligation d'honorer leurs paiements extérieurs,
les soumettent
de plus en plus au financement extérieur et aux recommandations
de la Banque Mondiale et du FMI. Or ces institutions ne voient
(1) Les rendements dans le reste du monde sont 1,5 fois plus élevés qu'en Afri-
que dans la production des oléagineux et du tabac, 2,3 fois plus élevés dans
la production des céréales et du coton en 1969-71 et 1977-79 : CF Banque Mondia-
le,rapport Berg déjà cité p.193.
(2) R. Haboub a très bien perçu les mécanismes par lesquels l'aide alimentaire
a conduit à la dépendance alimentaire dans le cas du Zaîre à travers le program-
me d'aide des EU le PL 480 CF R. Haboub, système agro-alimentaire et interna-
tionalisation du capital: Essai d'interprétation
Nanterre Paris X 1983 p375.

- 318 -
d'autre stratégie agricole viable en Afrique que la promotion
des cultures spéculatives de rente; ceci est clairement affirmé
dans le rapport E. Berg. Il y est écrit: "même si l'on pouvait
prouver que les cultures d'exportation se développent au détrie-
ment de la production vivrière,
il ne s'en suivrait pa nécessai-
rement qu'une stratégie d'autosuffisance exige le remplacement
des cultures d'exportation par des cultures vivrières. La plu-
part des pays africains ont un avantage comparatif très net dans
le domaine des cultures d'exportation ... Si la recherche de
l'autosuffisance alimentaire détourne des ressources des cultures
d'exportation en faveur des cultures vivrières,
la baisse de
recettes d'exportation peut se solder par des problèmes de balan-
ce des paiements" (1). Cette orientation se traduit pratiquement
par le soutien actif de la BM à toutes les activités tournées
vers l'exportation qui sont succeptibles de procurer des devises
afin d'assurer les paiements extérieurs et par l'abandon défini-
tif des productions vivrières en dépi des immenses besoins alimen-
taires de la région et malgré les grands discours sur l'autosuf-
fisance alimentaire tenus par les Etats africains. C. Batsh a
parfaitement raison quand il dit que: "les références à l'autosuf
fisance alimentaire en Afrique paraissent devenir bien
formelles
face aux rigueurs de la loi du marché mondial" (2). L'autosuffi-
sance alimentaire en Afrique est devenu aujourd'hui un objectif
aléatoire et illusoire quand on sait que la production céréalière
par exemple a diminé dans les pays d'Afrique globalement de 7 %
et 10 % par tête d'habitant en 1983 (3).
Les impacts de la crise économique sur l'Afrique approfon-
dissent ainsi la crise
alimentaire dans cette région. Ce n'est
donc pas étonnant que les arrivages de céréales en Afrique connais
sent l'accélération particulière que nous avons relevée plus haut
sur la fin des années 1970. Ceci est la conséquence directe du
(1) Banque Mondiale; Rapport E. Berg déjà cité pp.75 et 76.
(2) C. Batsh : l'Afrique frappée de plein fouet. Le monde diplomatique nov. 19[
(3) F.A.O annuaire de la F.A.O 1983-1984.

-
319 -
du recul des productions vivri~res locales. La crise alimentaire
des années 1980 est bien plus grave que celle qui a suivie la
sécheresse de 1970-1971 et plus généralisée.
A la fin de 1983, vingt (20) pays d'Afrique se débattaient
dans une situation alimentaire critique, quatre (4) autres con-
naissaient d'énormes difficultés (1).
La situation alimentaire générale de l'Afrique en 1983
était tellement préoccupante qu'elle a nécessité la tenue d'une
Session spéciale de la FAO sur l'Afrique en octobre 1983. Pour
citer deux exemples: en 1983, plus de 200 personnes sont mortes
de faim au Mozambique. La faim a fait de nombreuses victimes en
Ethiopie où quelques 600000 personnes, durement éprouvées étaient
menacées. La FAO estimait en 1983, les "besoins urgents et im-
médiats" à 700000 tonnes et 76 milliards de dollars(l); en 1984,
plusieurs centaines de personnes sont mortes en Ethiopie,
la
communauté internationale a dû mettre en route un plan d'urgence
pour palier à cette véritable catastrophe qu'a été la faim en
Ethiopie au cours de l'année 1984 ; selon les estimations de la
FAO et de l'UNICF, en 1984, 9 millions de personnes souffraient
de la famine en Ethiopie et 900000 d'entre elles ne survivront
pas jusqu'à fin 1984. La crise économique en cours vient donc
aggraver la crise alimentaire structurelle depuis les années
1960 dans les pays d'Afrique.
Nous allons, pour finir ce chapitre, exposer le rôle des
rapp0~ts non capitalistes dans la crise en Afrique.
(1) Les vin?,t
pays : Angola, Bénin, Botswana, Cap-Vert, Ethiopie, Gambie,
Ghana, Somalie, Swaziland, Tanzanie, Sénégal, Guinée, Lesotho, Mali, MauritaniE
Tchad, Togo, Zambie, Zimbabwé, Mozambique. Cf AFP : Bulletin d'Afrique LV10/198:

- 320 -
§ 5 - LES RAPPORTS NON CAPITALISTES ET LA CRISE EN
AFRIQUE
La destruction de l'économie naturelle base économique
de la société traditionnelle par le MPC lors du processus d'in-
tégration des sociétés africaines, n'a entraîné qu'une destruc-
tion limitée des structures sociales traditionnelles. Par exem-
ple,
la famjlle large, famille,
traditionnelle nc sera pas en-
ti~rement démantelée et joue encore un rale important d'entre-
aide entre ses membres jusqu'à ce jour. Par ailleurs, avec le
démantèlement de l'artisanat et le gonflement de la population
(la population des pays africains qui a crû en moyenne de 2,5 %
jusqu'au milieu des années 1970, croît aujourd'hui à un taux de
plus de 3 % par an comme nous lia révélé le chapitre
sur les
indicateurs de la crise en Afrique). Nous assistons à un afflu
imposant de population en provenance des campagnes vers les
villes. Cet exode va nourrir la masse de force de travâil non
employée regroupée dans les bidonvilles autour des grandes villes
d'Afrique. Cette évolution, l'insuffisance de l'emploi officiel
et la faiblesse des salaires vont conduire à la naissance de
nombreuses petites activités urbaines qui sont à la limite des
rapports marchands
et intègrent largement les relations de
parenté et des liens qui rel~vent plutat des structures sociales
traditionnelles. Les petites activités des villes sont tr~s hé-
térog~nes ; elles vont des activités de production artisanales
aux actitvités de transformation des produits de récupération,
en pasant par les activités de réparation, les petits commerces
et les services personnels, etc. Les formes d'appropriation du
surtravail (phénomène d'apprentissage) et d'accaparement des
valeurs créées ou tranférées dans ces activités, rel~vent lar-
gement de relations parentales et familiales propres à la socié-
té traditionnelle. Les relations sociales des sociétés tradition-
nelles se retrouvent ainsi dans les sociétés contemporaines afri-

- 321 -
caines autant par l'action des relations de famille en général,
qu'à travers des rapports noués dans les petites activités des
villes. Ces deux structures concourent a la reproduction physi-
que, de leurs membres et des relations qui les caractérisent en
s'inspirant en partie des lois de reproduction de la société
traditionnelle. De nombreuses enquêtes,
travaux statistiques
et analytiques se sont intéressées à ces activités (1).
L'importance des petites activités urbaines en Afrique
a
été relevée par leur poids dans l'emploi et dans la valeur ajouté~.
Ainsi à Abidjan,
l'artisanat représente 30 % de l'emploi et plus
d'un quart de la valeur ajoutée;
les petites activités urbaines
procuraient de 24 à 30 % de l'emploi au Kenya, pr~s de 73 % de
l'emploi urbain en Haute Volta (2). Ces activités connaissent
généralement une croissance sensible dans la plupart des pays
d'Afrique depuis le milieu des années 1960. A Abidjan par exem-
ple,
leur nombre moyen est passé de 9431 en 1967 à 12568 en 1976,
soit une augmentation annuelle de pr~s de 4 % (3,6 % plus exacte-
ment), à Madagascar, leur progression a été de 5 % par an d'unités
supplémentaires de 1968 à 1978 (3).
L'explosion des petites activités urbaines est à rapprocher
du développement etdel'approfondissement de la crise en Afrique.
En effet ces activités, comme nous l'avons avancé plus haut,
con-
courent à la reproduction physique des personnes qui y participent
c'est une source de revenus pour les patrons et une partie des
(1) Pour un aperçu complet de cette question se référer à : Revue tiers-monde
TXXI nO~2 Avril-juin 1980 : le secteur informel et la petite production mar-
chande dans les villes du tiers-monde ; colloque sur la petite production mar-
chande en Afrique} IEDES 1979 ; Cahier d'études africaines n081-83 XXI 1-3 1982
les villes africalnes au microscope; 1. Deblé et P. Hugon, vivre et survivre
dans les villes africaines, collection tiers-monde PUF 1982.
(2) AEOM. Association pour l'Etude des probl~mes d'Outre-Mer, Note n0189,Février
1983 ; A. Tévoédjré, la pauvreté richesse des peuples, p.97j MF. Van Dijk, Revue
tiers-monde TXXl n082 déjà cité.
(3) CF C. de Miras, le secteur de subsistance dans les branches de production à
Abidjan 2t W. Léonard. Quelques réflexions sur l'expérience de Madagascar en ma-
ti~re de politique artisanale, Revue tiers-monde, tome XXI n081-83 pp.321 et
353.

- 322 -
employés, c'est une source de biens de consommation pour la
grande partie des apprentis qui perçoivent rarement une rémuné-
ration monétaire. Leur fonctionnement emprunte ainsi largement
à la logique encestrale d'entre-aide, relevée plus haut.C.
Meilliassoux a très bien mis en évidence les interférences
entre cette logique encestrale d'entre-aide et les nouveaux rap-
ports qui se nouent dans les sociétés africaines contemporaines
entre les membres des mêmes familles,
tribus et ethnies (1).
Selon C. Meilliassoux, dans la société traditionnelle,
le procès
de reproduction s'explique par la composition de la production
en subsistances nécessaires à la croissance biologique des pro-
ducteurs et des autres membres de la communauté et de l'affec-
tation de ces subsistances. Il se caractérise donc par une
circulation des produits vivriers. Dans la "communauté domestique
le produit vivrier se répartit entre la part qui constitue une
réserve de semence, celle qui sert aux activités sociales (récep-
tions, cérémonies, cultes), celle qui est consommée. La part
consommée se répartissant entre les adultes producteurs, les
enfants non productifs futurs producteurs et les post-producteurs
anciens producteurs. Ainsi,
les inactifs des villes,
les ouvriers
qui reçoivent un salaire très faible,
considérés comme non pro-
ductifs,
sont assistés par la communauté domestique réduite à
la famille aujourd'hui, qui résout
l'essentiel de leurs besoins
physiques. Nous pouvons dire donc que, la famille des personnes
inactives des villes ou ne disposant pas de ressources suffi-
santes, expédie en permanence des vivres ou des ressources moné-
taires en ville pour permettre à ces dernières de subvenir à
leurs besoins. Les produits de subsistance circulent et répondent
encore souvent à l'éthique ancestrale du partage de la nourritu-
re et s'avèrent un élément indispensable à la survie des tra-
vailleurs et chômeurs des villes.
(l)C. Meilliassoux
Anthropologie économique des gouras de Côte d'Ivoire.

-
323 -
Il faut
tempérer aujourd'hui
l'idée d'une circulation
régulière des biens vivriers de la campagne vers
les villes.
Du
fait de
la crise alimentaire profonde que
traversent
les pays
d'Afrique,
les populations des
zones rurales sont approvision-
nées
très souvent aujourd'hui à partir des céréales importées,
qui comme nous
l'avons montré plus haut,
du fait du différenciel
de productivité entre l'Afrique et
les autres régions du marché
mondial,
coûtent de deux à trois fois
moins cher que si elles
étaient produites sur place.
Mais des relations de redistribu-
tion de revenus subsistent sous
la forme de soutiens financiers
que la famille apporte en général aux membres qui ne disposent
pas ou plus de ressources suffisantes pour vivre.
De plus,
l'existence des petites activités urbaines,
mises
en évidence en Afrique,
fournit une possibilité aux travailleurs
des villes d'exercer simultanément une activité salariée dans
les entreprises capitalistes prlvees modernes,
la fonction pu-
blique et un emploi dans ces petites activités.
Pour ces
tra-
vailleurs,
la question de la reproduction physique se résout a
partir des ressources qu'ils
tirent de ces formes d'emploi.
Quant aux services et aux produits offerts par le petit commer-
ce (réparation,
vente au détail et micro-détail,
etc . . . ),
leur
sOuplesse et quelquefois
leurs prix modiques,
les rendent plus
accessibles aux population~ démunies des villes.
Le schémas suivant nous donne un aperçu de
la contribution
des activités non capitalistes à
la reproduction et à la survie
des-populations en Afrique.

- 324 -
Schémas
Flux de ressources entre les inactifs,
les travail-
leurs des villes et les différentes sphères économi-
gues des pays d'Afrigue.
Salariés
----------------Economie capita-
liste moderne
1/ Artisanat
Inactifs (chômeurs +
Economie
apprentis) ~-__~=:=:==- tradi tionnelle
M
Flux monétaires
t = Flux de ressources en nature
Economie traditionnelle
fournit des moyens monétaires aux
salariés M3 et aux inactifs des villes MS, des biens vivriers aux
salariés t2 et aux inactifs des villes t3.
Artisanat urbain
fournit des moyens monétaires aux salariés M2
et des produits desubsistance aux inactifs des villes t1.
Ainsi les rapports
non capitalistes,
largment entamés par
le processus d'intégration des économies d'Afrique dans le mar-
ché mondial, restent encore debout et contribuent à la repro-
duction et à la subsistance des populations africaines.
Avec l'approfondissement de la crise depuis la fin des
années 1970 et la propagation de ses impacts intenses sur les
sociétés africaines (chômage massif,
inflation galopante,
liqui-

- 325 -
dation des services publics,
limitation des ·revenus, etc ... ),
les relations sociales qui relèvent des sociétés traditionnel-
les ou de façon générale,
les rapports non capitalistes acquiè-
rent de plus en plus d'importance. Par leurs capacités de dis-
tribution de biens vivriers en provenance des campagnes, de
redistrihItioode revenus,
par leurs possibilités de création d'em-
ploi au niveau des petites activités urbaines,
etc ... , les
rapports non c2pitalistesjouent
un rôle de tampon et amortis-
sent les effets de la crise en Afrique.
Elles évitent l'effon-
drement pur et simple des sociétés africaines et réd~isent
quelque peu les effets de la crise directement ressentis par les
populations. De ce point de vue,
l'explosion des petites activi-
tés urbaines que revèlent les statistiques,
le développement et
le regain de vigueur des relations propres à la Société tradi-
tionnelle (relations d'entre-aide, de coopération familiale,
etc
traduisent l'approfondissement de la crise en Afrique et les
réactions
de "survie" des populations de cette région.
Dans ces conditions,
la vigueur et le poids de la crise,
les effets directement ressentis par les populations dépendront
du degré de destruction des structures traditionnelles et du
degré d'avancement des relations marchandes propres au capi-
talisme.
Nous ne devons pas perdre de vue que ces effets d'''amor-
tissement" des rapports non capitalistes, ces "coussins" à la
crise en Afrique sont relatifs et limités. Les relations tra-
ditionnelles, dans les pays d'Afrique,
sont subordonnées aux
rappôrts capitalistes.
En effet,
le troc est réduit de plus en
plus en Afrique, nous avons relevé plus haut que d'une part,
les
paysans se sont intégrés profondément au marché national et donc
au marché mondial par leurs activités de production (production

- 326 -
de cultures pour l'exportation ou production Vlvrlere pour le
marché), d'autre part,
il circule de moins en moins de nourri-
ture, de produits vivriers, mais plutôt des marchandises (y
compris et surtout la monnaie moderne). A partir de ces constats
il est évident que les relations d'entre-aide qui s'expriment à
travers un soutien financier,
sont limitées par les structures
de création et de circulation des valeurs monétaires. Elles
se trouvent ainsi limitée par les rapports capitalist~s domi-
nants dans les sociétés africaines.
Il faut ajouter à ces manifestations qualitatives prin-
cipales, d'autres manifestations qui en découlent ou qui leur
sont connexes telles l'extension de la criminalité et du ban-
ditisme dans les grandes villes africaines sur la fin des années
1970.
La chute des revenus des populations,
la hausse vertigi-
neuse des prix à la consommation,
le recul sensible et général
du pouvoir d'achat,
l'inactivité et le sous-emploi qui touche
plus de la moitié de la population en âge de travailler con-
duisent à une dégradation profonde des conditions de vie en
Afrique. Quand on y ajoute la crise alimentaire profonde qui
s'évit en Afrique,
les problèmes économiques généraux (déficits
publics, crise des paiements extérieurs) et la mise en applica-
tion des plans d'austérité qui créent des pénuries et engendrent
une spéculation forcénée sur les produits vivriers, il est aisé
de comprendre qu'il se développe alors en Afrique une tendance
très marquée pour la contrebande,
les trafics, la criminalité,
la prostitution,
la toxicomanie, etc ...
Les populations africaines,
surtout celles des villes,
démunies de toute ressource sont alors condamnées à des stra-
tégies de survie qui vont de l'exploitation d'un atelier arti-

-
327 -
sanal au vol à main armee. Les principales capitales africaines,
Lagos, Abidjan,
Dakar, Kinshasa, ... sont devenues des villes
extrêmement dangereuses et des quartiers entiers de ces villes
sont au bord de l'insalubrité quand ils n'y sont pas déjà. Lagos
par exemple, est, de l'aveu des autorités nigérianes,
la ville
la plus chère,
la plus sale et parmi les villes les plus dange-
reuses au monde (1). De même à Douala,
principal port du Came-
roun, des bandes de voleurs et de gangsters se constituent. L'on
a le sentiment dans ce pays que "l'ère des petits voleurs qui
depuis toujours se contentaient de dévaliser les maisons et les
petites échoppes est désormais révolue. Depuis déjà un an, on
assiste à Douala, comme dans tout le Cameroun à l'émergence
d'un banditisme complètement nouveau la naissance d'un gangté-
risme et même selon certains d'un milieu" (2). Pour faire face
à cette vague de criminalité,
les autorités camerounaises ont
mis sur pied une brigade anti-gang qui aura pour mission de
procéder à des contrôles systématiques dans les quartiers
populeux, de lutter contre le vagabondage et la prostitution,
d'organiser des patrouilles de jour comme de nuit, etc, ...
L'ensemble de ces faits et les mesures arrêtées par l'Etat
camerounais pour resserrer la pression de la police autour des
populations et pour accroître la reppression,
traduisent la
poussée de la criminalité dans ce pays. C'est cette poussée de
la criminalité entre autre qui a pousse l'Etat ivoirien, à la
suite de l'Etat camerounais, à mettre sur pied une brigade anti-
gang, après les tristements célèbres "opérations coup de poing"
qui ont secoué la Côte d'Ivoire en 1983 (3).
Ainsi la crise se manifeste en Afrique, également par une
poussée formidable des trafics et de la criminalité.
(1)
CF la revue Autrement; les capitales de la couleur, déjà cité p.66.
(2)
CF la revue Autrement ; les capitales de la couleur, déjà cité p.160.
(3) Les "opérations coup de poingt" étaient de vastes raffles effectuées en
pleine journée au cours desquelles étaient embarquées toutes les personnes
qui ne disposaient pas de pièces d'identité et de carte de travail. Elles
prirent place essentiellement l'été 1983.

-
328 -
Conclusion chapitre VII
La crise en cours en Afrique conduit à des manifestations
qualitatives qui secouent
les sociétés africaines.
Nous avons
retenu cinq types de manifestations non exchanstifs
:
La crise et la dégradation de la position internationale
des pays d'Afrique a donné lieu à une intervention massive de
la Banque Mondiale et du FMI à
travers
l'imposition de plans
de rigueur aust~res, conditions d'acc~s à leurs tranches de
crédit. Les différentes mesures imposées par ces plans (réduc-
tion des importations,
contrôle de change et dévaluations des
monnaies nationales,
blocage des salaires et limitation des
revenus,
liquidation du secteur public productif et des servi-
ces publics,
suppression des subventions publiques aux produits
de premi~re nécessité, plafonnement des crédits à l'économie
et des déficits budgétaires,
etc . . . ),
l'orientation prioritaire
des économies africaines vers
le remboursement des paiements
extérieurs,
aggravent dangereusement
la crise en Afrique.
Les
pays de cette région ne disposent,
dans ces conditions,
que de
peu de ressources pour le financement des activités économiques
courantes tandis que les différentes mesures posent des entraves
supplémentaires à la croissance économique et que les conditions
de vies des populations se dégradent sensiblement.
Par les plans d'austérité dont i l assure la réalisation
pratique,
par la gestion
légère des Etats africains (corruption,
détournements de fonds,
insuffisances des études de projets et
de projections,
etc . . . ) et leurs besoins propres
(dépenses de
fonctionnement et dépenses militaires) qui absorbent une part
importante des maigres ressources disponibles dans les pays
d'Afrique,
l'Etat en Afrique démultiplie les effets de la crise.
Les Etats d'Afrique approfondissent ainsi les
impacts de la

-
329 -
crise dans cette région.
Mais dans
le même temps,
les effets
de la crise,
la liquidation du secteur public productif,
les
plans d'austérité en général secouent
les bases économiques et
sociales déjà fragiles
et superficielles des Etats d'Afrique.
Ces Etats connaissent alors une crise profonde ouverte ou larvée.
La multiplication des
troubles diverses et coups d'Etat mili-
taires en Afrique depuis
la fin des années 1970 et le début des
annÉes 1980,
est
la preuve
la plus évidente de cette évolution.
Avec un
taux d'inflation supérieur a
30 %/an et des niveaux
de sous-emploi de
la force de
travail qui
touchent plus de la
moitié de la population en âge de
travailler à
la fin des années
1970,
le chômage et l'inflation sont parmi les problèmes les
plus dramatiques auxquels doivent
faire
face
les sociétés afri-
caines.
Malgré
l'absence de données
statistiques suivies et
régulières sur ces questions,
nous avons pu voir que ces pro-
blèmes ont été sérieusement aggravés par
la crise en cours
;
la
suppression des subventions publiques aux produits de première
nécesité et les mesures de dévaluation des monnaies nationales
par exemple ont conduit à une explosion des prix intérieurs,
la
liquidation du secteur public productif,
les licenciements dans
la fonction publique et
les entreprises privées ont aggravé à
l'évidence le sous-emploi de la force de
travail et le chômage.
La crise alimentaire enfin (plus de la moitié des popula-
tions africaines connaissent une
sous-alimentation chronique,
près des 3/4 une malnutrition sérieuse depuis
le début des an-
née~J970), qui s'approfondit avec la crise en cours, est l'une
des manifestations de la crise des plus dramatiques,
sinon la
plus critique.Tandis que
toutes
les ressources des pays d'AfriquE
sont affectées prioritairement aux paiements extérieurs,
les
populations de ces pays sont soumises à une sous-alimentation

- 330 -
grave quand elles ne connaissent pas simplement la famine.
Ces manifestations qualitatives montrent à quel point les
sociétés africaines sont ébranlées par la crise en cours. Le
rôle d'''amortisseurs'' et de "coussins" des effets de cette crise
en Afrique joué par les rapports non capitalistes bien que non
négligeable, ne peut endiguer sérieusement les effets de des-
truction des structures économiques et sociales par la crise
en Afcique.
Cette évolution est d'autant plus grave qu'aucune perspec-
tive de sortie de la crise n'est envisageable par les pays d'A-
frique dans les conditions actuelles indépendament de son dépas-
sement au niveau mondial. Le prolongement de ces tendances même
dans les hypothèses les plus optimistes est un véritable cau-
chemar selon l'expression de la CEA (commission économique pour
l'Afrique des Nations- Unies). Ainsi selon la CEA "à l'échelle
des nations,
les conditions soci-économiques seraient caracté-
risées par la dégradation de l'essence même de la dignité
humaine. La population rurale qui ne survivrait qu'au prix d'un
labeur intolérable, sera confrontée à une pénurie quasi-désas-
treuse de terres cultivables dans laquelle des familles entiètes
devraient subsister sur un hectare. Le revenu paysan deviendrait
presque négligeable par rapport au coût des biens manufacturés
et des services. Les conditions des centres urbains seraient
pires également. Le nombre des sans-emploi cherchant désespéré-
ment les moyens de survivre entraînerait la montée de crimina-
lité et de la misère"(l).
(1) CF la CEA et le développement de l'Afrique, 1983-2008, Nations-Unies,
New-York, avril 1983.

-
331 -
Conclusion 2ème Partie
La crise économique mondiale en cours frappe de plein
fouet
les économies d'Afrique,
les différentes manifestations
que nous avons exposées
tout au long de cette partie de notre
travail
suffisent à nous en convaincre.
Le principal mécanisme de propagation de
la crise mondia-
le en Afrique est
le fonctionnement des marchés de matières
premières.
C'est la crise des matières pre~ières qui a précipi-
té les pays d'Afrique dans la crise la plus profonde de leur
histoire d'Etats indépendants.
Après
la hausse généralisée des
cours des matières premières en 1973-74,
déclanchée par la
crise pétrolière,
les cours des matières premières de base et
produits primaires vont être caractérisés par une tendance pro-
noncée à la baisse
;
ainsi
au début des années 1980, ces cours
se trouvaient,
en termes réels,
en dessous de
leur niveau moyen
des années 1950.
Cette chute des cours des produits de base
s'est accompagnée d'amples fluctuations,
introduisant ainsi des
éléments d'instabilité
très importants dans
le mouvement des
cours.
Les pays d'Afrique qui
tirent
l'essentiel de leurs recet-
tes d'exportation des produits de base (de 60 à 90 % des expor-
tations de ces pays est
le fait d'un ou de quelques produits
primaires agricoles,
miniers ou énergétiques),
connaissent alors
une chute profonde de
leurs recettes d'exportation.
Or,
pour ces
pays,
les recettes d'exportation constituent la principale sourc~
de ressources
internationales et de recettes publiques
:
elles
sont également la principale garantie d'accès au financement
extérieur (dettes et
investissements directs étrangers).
La
crise des matières premières,
la chute des cours de ces produits
depuis
le milieu des années 1970 en conduisant à la chute des

-
332 -
recettes d'exportation des pays d'Afrique a ouvert la crise en
Afrique.
La crise en Afrique sera particulièrement sensible au
niveau des finances publiques et des paiements extérieurs
;
La chute des recettes d'exportation à la fin des années
1970 des pays dont
les Etats
tirent l'essentiel de leurs res-
sources des droits et
taxes sur le commerce extérieur,
se tra-
duit par une baisse directe des recettes budgétaires.
Dans le
même temps,
la tendance à l'explosion des dépenses publiques
amorcée dès le milieu des années 1960, particulièrement pronon-
cée à partir de 1973 ("boom" des matières premières),
se pour-
suit nourrit par l'extension du service public et du secteur
public de production.
Ces évolutions contrastées des dépenses
et des recettes publiques seront à la base des déficits publics
énormes que nous avons relevés plus haut,
(le déficit des
finan-
ces publiques a représenté en moyenne plus de 20 % de dépenses
publiques en Afrique de 1975 à 1980).
De même,
les déficits des balances courantes en Afrique,
le poids des sorties de ressources liées à l'investissement
direct étranger et le poids croissant de la dette des pays d'Afrj
que et de son service àébouchent
sur une crise des paiements
extérieurs dans ces pays.
Crise d'autant plus grave que les
recettes d'exportation sont entrées dans une phase de chute
profonde et durable depuis le milieu des années 1970, d'ailleurs
de nombreux pays d'Afrique ont non seulement accumulé d'impor-
tants arriérés de paiements extérieurs,
mais sont engagés au-
jourd'hui dans
le processus des renégociations et rééchelonnement
de leur dette extérieure.

- 333 -
La crise économique générale en Afrique a conduit les
Etats des pays de cette r~gion à mettre sur pied une politi-
que de contraction de la demande effective qui se traduira par
une chute des activités économiques (importations, consomma-
tions et investissements) et des productions dès la fin de la
décennie 1970.
On peut voir ainsi que le mécanisme principal de propa-
gation de la crise en Afrique est le fonctionnement des marchés
des matières premières.
Il échappe totalement au contrôle des
pays africains. Les marchés de matières premières sont fondamen-
talement façonnés par les grandes sociétés de commerce interna-
tional,
les puissantes compagnies de négoce international et
les Etats des PCI.
Il apparaît ainsi que par le fait de ce
contrôle des marchés rie matières premières par les firmes et
Etats des PCI, principal mécanisme de propagation de
la crise
en Afrique,
les économies d'Afrique subissent pleinement les
effets de la crise mondiale en cours, ceci d'autant plus que
l'économie des matières premières est l'un des aspects de la
crise en cours les plus maîtrisables par les firmes et les Etats
des PCI.
Le déclanchement de la crise en Afrique donnera lieu à
la mise en place de politique d'austérité, généralement sous la
pression de la BM et du FMI,
pour gérer la crise. Les plans
d'austérité retenus
portent généralement sur la réduction des
importations,
le contrôle de change ou des dévaluations de la
monn~ie nationale,
le blocage des salaires et la limitation
des revenus,
la réduction des dépenses publiques,
le plafonnement
des crédits à l'économie et des déficits publics, etc ... Ces
plans provoquent une dégradation profonde des conditions de vie
des populations;
ils conduisent à une aggravation sans précé-

-
334 -
dent de la crise en Afrique.
Ces impacts intenses de la crise en Afrique se trouvent
aggravés par la fragilité des structures économiques et des
relations sociales. L'Etat, par sa gestion laxiste de l'économie
et ses besoins propres (dépenses militaires et de fonctionne~ent.
détournements de fonds et corruption) et l'application des plans
d'austérité approfondit lourdement la crise en Afrique. Les
déséquilibres structurelles entre l'agriculture d'exportation,
les cultures de rapport et l'agriculture vivrière, introduits
par la colonisation, va s'approfondir au détriement des cultures
vivrières,
les économies africaines étant orientées prioritaire-
ment vers le remboursement des paiements extérieurs. Cette der-
nière évolution débouchera sur la crise alimentaire la plus
violente que connaissent les pays d'Afrique qui se chiffre en
plusieurs milliers de morts par la faim et plusieurs millions
de malnutris à la fin de l'année 1984.
Ainsi, depuis l'éclatement de la crise en cours en Afrique,
les sociétés africaines et les relations sociales qui les carac-
térisent sont entrées dans une phase de décomposition continue.
La preuve de cette décomposition est fournie par la crise pro-
fonde que connaissent les Etats en Afrique qui se manifeste
par la multiplication des coups d'Etat militaires,
troubles et
rebellions diverses dpuis la fin des années 1970. Elle peut
également s'observer dans l'extension de la criminalité et le
développement du banditisme en Afrique sur la même période.
La crise économique mondiale en cours frappe de plein fouet
l'Afrique. Ses impacts intenses sur les économies des pays de
cette région provoque aujourd'hui une décomposition profonde
des sociétés africaines autant au niveau des structures écono-
miques (dégradations des productions et blocage de l'accumula-

- 335 -
tion, blocage des revenus et contraction de la demande effec-
tive, ETC ... ), des relations sociales que de la reproduction
physique des populations.
La situation des pays d'Afrique est d'autant grave qu'au-
cune indication ne nous permet de dire que dans les conditions
actuelles, une inversion des tendances a l'approfondissement
de la crise, nous ne
parlons même pas de
l' éventual i té d'un
dépassement de la crise par les pays d'Afrique,
peut être en-
visagée pour les années ou même les décennies à venir.

-
336 -
CONCLUSION GENERALE
Au terme de ce travail, nous pouvons dire que nos
investigations nous ont permis d'apporter des éléments de
reponse à nos deux interrogations de départ, à savoir:
Quelle est la mesure exacte des impacts de la crise en
Afrique? Leurs spécificités?
- Quelles en sont les causes profondes?
La crise économique mondiale frappe de plein fouet les
économies des pays d'Afrique.
Ses impacts sont reperables au niveau du recul ùes
productions et des revenus, de la chute des indicateurs de
l'activité économique et de la crise des finances publiques.
Les impacts de la crise mondiale sur les pays d'Afrique s'ob-
servent également au niveau de la situation financière dra-
matique de ces pays (généralisation des déficits de balance
courante, gonflement de la dette extérieure et accroissement
de son service tandisque les recettes d'exportation chutent).
Les impacts de la crise en Afrique, ce son enfin la hausse
vertigineuse des prix,
la chute du pouvoir d'achat,
les licen-
ciements massifs et l'augmentation sans précédents du sous-
emploi de la force du travail ; ce sont la crise alimentaire
qui a touchée depuis le début des années 1980 des millions de
personnes, malnutries
ou qui ont succombées tout simplement
de la faim,
la liquidation des services publics de la santé
et de l'éducation et de l'assainissement qui conduisent à une
dégradation profonde des conditions de vie des populations.
Il y a alors la persistance des niveaux d'espérance de vie à
la naissance très bas, de mortalité infantile très elevée, un

- 337 -
retour en force des maladies endémiques, ainsi qu'une extension
de la criminalité et du banditisme, etc ...
Les impacts de la crise économique mondiale en cours sur
les pays d'Afrique sont intenses, généralisés et secouent les
sociétés africaines dans leurs fondements mêmes. Les relations
sociales qui caractérisent ces sociétés se trouvent ainsi ébran-
lées. Cette pulvérisation des relations sociales est à l'origi-
ne de la crise profonde des Etats des pays d'Afrique.
La crise économique mondiale frappe ainsi très fortement
les pays d'Afrique.
Le principale mécanisme de transmission de la crise mon-
diale en Afrique est le fonctionnement des marchés de matières
premières. Les pays d'Afrique enchaînés à ces marchés (du fait
de leur spécialisation primaire) depuis leur intégration au
marché mondial,
tirent l'essentiel de leurs recettes d'exporta-
tion et des recettes publiques du commerce des matières premières
et des produits de base.
La crise économique mondiale, qui éclate au début des
années 1970, en provoquant les convulsions sur les marchés de
matières premières qui traduisent une tendance marquée à la
baisse et une instabilité prononcée des cours de ces produits,
coupe la source des ressources internationales aux pays et aux
Etats d'Afrique. Ces pays ne peuvent plus faire face à leurs
importations au poids de leur dette extérieure et ne peuvent
plus accéder au financement extérieur,
jusque là déterminant
pour leurs économies.

- 338 -
Dès lors,
les structures économiques fragiles des pays
d'Afrique (une industrie incomplète, insuffissament développée
et dépendante des capitaux étrangers ainsi que des importations
d'input, une agriculture aux techniques archaîques et privilé-
giant les cultures d'exportation), les Etats et les relations
sociales faibles et instables, ne pouvant apporter une réponse
relative (mesure de protection relative,' amélioration des
conditions techniques de production, réorientation de l'agri-
culture vers les cultures vivrières etc ... ), ces pays subissent
intégralement les effets de la crise quand ils ne sont pas
démultipliés par leurs propres structures économiques et sociales,
Certes,
l'existence de larges zones de rapports non capi-
talistes, encore debout, bienque profondement entamés par le
colonialisme et le néo-colonialisme, permettent aux sociétés
africaines d'amortir quelque peu les chocs en provenance du
marché mondial. Mais le poids de ces rapports reste dispropor-
tionné en rapport avec la force des lois du marché mondial.
C'est donc la crise économique mondiale qui se transmet aux
pays d'Afrique. Elle y est aggravée par la faiblesse des struc-
tures économiques et la nature des relations sociales dans
lesquelles se meuvent ces pays.
En traitant la crise en Afrique en liaison étroite avec
la crise économique mondiale en cours, nous nous sommes démarqués
des approches dominantes de la situation des pays d'Afrique et
des PED, approches en termes de retard-rattrapage. La démarche
en terme de retard-rattrapage est le fondement théorique des
thèses dominantes des théories du développement des études et
politiques de la Banque Mondiale, du FMI et de l'ONU. Selon cette

-
339 -
démarche théorique,
les PED connaissent un retard de dévelop-
pement. Il suffirait que ces pays soient aidés p~~ les pays
développés et les organismes internationaux pour décoller et
rejoindre le groupe des pays développés. Cette démarche a été
systématisée par W.W Rostow à la fin des années 1950 dans son
ouvrage,
les Etapes de la croissance(l).
Cette démarche comporte des faiblesses
1°_ Elle assimile les PED aux P.C.I à un stade antérieur de
leur histoire. Elle nie ainsi le passé colonial de la plupart
des PED et leur domination par les principaux P.C.I. Ceci est
particulièrement vrai pour les pays d'Afrique, qui ont été
façonnés de manière decisive par la colonisation et qui sont
largement des économies-héritage de la colonisation.
2°_ Elle nie le fait que le marché mondial est entièrement
constitué et est dominé aujourd'hui par de grands groupes
multinationaux et par les Etats des P.C.l. C'est une situation
radicalement différente des conditions d'émergence des P.C.I.
en puissances
économiques et militaires. Ils n'avaient pas à
faire face à la concurrence de groupe multinationaux diversi-
fiés et fortement internationalisés, ni au poids d'Etats puis-
sants, capables d'étendre leur influence et d'organiser de
larges zones d'influence au service des intérêts de leurs
classes dominantes. Au total, la démarche en terme de retard-
rattrapage considère les PED, non en relation avec le reste du
(1) CF-Cl) page suivante

- 340 -
marché mondial,non intégrés dans ce marché, mais pris isolément
recommençant l'histoire des F.C.I comme au XIXe si~cle.
Nous adhérons à la démarche au contraire qui consid~re les
PED, intégrés dans le marché mondial depuis l'époque coloniale,
dans leurs relations dynamiques de dépendance, d'influence ré-
ciproque avec ce marché (1).Nous estimons que l'exposé de la cri-
se en Afrique, a permis de montrer que l'évolution de la situa-
tion des pays de cette région est déterminée par les mouvements
du marché mondial.
Depuis l'éclatement de la crise économique mondiale en cours.
il n'y a pas encore eu une étude enti~rement centrée sur ses ef-
fets spécifiques en Afrique et les causes profondes de ces effets.
Nous ne disposons pas jusqu'à ce jour d'une étude synthétique
compl~te des différents aspects de la crise actuelle en Afrique.
La situation critique des économies d'Afrique, appelle pour-
tant une réflexion fondamentale ; réflexion qui dégagerait les
causes profondes de la crise dans ces pays et nous permettrait
d'envisager avec autant de précision que possible les perspecti-
ves vraissemblables des pays de cette région. Une telle réflexion
représenterait la base théorique d'actions appropriées et de pro-
positions propres à répondre aux nécessités de la situation de
ces pays. Nous pensons que cette base théorique est à construire
et nous espérons que le présent travail puisse y contribuer.
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- 356 -
T A BLE
DES
MAT 1ER E S
Chapitre Introductif
1
a) Les impacts de la crise en Afrique
3
b) Les causes profondes de la crise en Afrique
31
1ère Partie
LA SPECIALISATION INTERNATIONALE DES ECONO-
MIES AFRICAINES (structures ~conomiques et
insertieTI da~s le marché mondial)
52
Chapitre l
Les modalit~s historiques de l'int~gration
des ~conomies africaines dans le ~arch~
mondial.....................................
55
§ 1 Les objectifs et les Formes de la coloni-
sation
56
§ 2 Les m~thodes de la colonisation
64
* Conclusion du Chapitre 1 ....•....................
66
Chapitre II
Les grands indicateurs de l'industrie en
Afrique....................................
ïl
§ 1 La place de l'industrie africaine dans l'in-
dustrie mondiale...............................
72
§ 2 La place de l'industrie dans les ~ocnomies
africaines. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
83
* Conclusion du Chapitre II
87
Chapitre III
Le d~veloppement sectoriel de l'industrie
en Afrique................................
88
§ 1 Les industries alimentaires et textiles
94
1.1 Les Produits alimentaires
94

- 357 -
1.1.1 Les industries alimentaires li~es à l'exis~
tence d'un marché intérieur
99
1.1.2.Les agro-industries alimentaires en Afrique ..
103
1.2. L'industrie t e x t i l e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
112
§2 L'industrie ~inière et les industries des pro-
.
dUlts de la f o r ê t . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
118
2.1 L'industrie minière............................
118
2.2 Les industries des produits de la f8rêt
: le
bois et le caoutchouc naturel
125
Conclusion Chapitre III
131
Chapitre IV
La place du capital étranger dans l'Indus-
trie en Afrique
.
133
§1 La Présence des Capitaux Internationaux en
Afrique
133
§2 Les capitaux internationaux dans l'agro-indus-
trie et l'industrie de transformation...........
138
§3 Les capitaux internationaux dans l'industrie
minière et l'industrie des produits de la
forêt. . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . .. . . . . . .
. . .
146
3.1 Les industries minières
146
3.1.1 La production de fer
:
146
3.1.2 La production des métaux non ferreux et des
minéraux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
149
3.1.3 Les hydraucarbures
153
3.2 Le bois et le caoutchouc NatureL..............
157
-*Conclusion Chapitre IV
161
- Conclusion 1ère Partie
161

- 358 -
2ème Partie
LES MECANISMES DE PROPAGATION ET LES IMPACTS
DE LA CRISE SUR LES ECONOMIES D'AFRIqUE ....
169
Chapitre V
La physionomie générale des marchés de ma-
.,
.,
'1960
tleres premleres apres
.
170
§1 La question des matières premières..
170
§2 Les caractéristiques des marchés de matières
premières
, . .
177
L.I La stratégie des agents qui interviennent sur
les marchés de matières premières.
177
2.1.1 Les sociétés de Commerce international
(S.C.I)
~............................ 177
2.2.2 Les sociétés de négoce international.........
180
2.2.3 Les Etats des PCI et des PED..
188
2.2 Le fonctionnement des marchés de matières
premières. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
191
2.2.1 Les accords de produits et arrangemenffi
191
internationaux sur les matières premières....
193
2.2.2 Les marchés de matières premières dominés par
des marchés à terme.
198
2.2.3 Les marchés de matières premières sans domi-
nation de marchés à terme....................
202:
§ 3 Les mouvements des cours des matières premières
après 1960.....................................
204
3.1 Les tendances des cours de matières premières
depuis 1960....................................
217
3.2. Les fluctuations et l'instabilité des cours
des matières ?remières........................
220
~.- Conclusion Chapi tre V . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
222

-
359 -
Chapitre VI
La chute des recettes d'Exportation et
ses impacts dans les pays d'Afrique
222
§ 1 La chute des recettes d'Exportation
223
1.1 Valeur des exportations mondiales des produits
dont
l'Afrique est un fournisseur important . . . .
223
1.2 Valeur et quantité des exportations des pays
d'Afrique au cours des années 1970. La chute
des recettes d'exportation
229
§ 2 L'action de la chute des recettes d'exportation
sur les importations et le financement des ac-
tivités économiques
237
2.1 La chute des recette d'exportion et les impor-
tations
237
2.2 La chute des recettes d'exportation et le fi-
nancement des activités économiques
.
242
§ 3 La crise des paiements extérieurs
.
256
3.1 Les balances extérieurs: Le solde des comptes
courants et la position des réserves
interna-
t iona les de chaùee
.
257
3.2 L'endettement des pays d'Afrique
.
260
3.2.1 L'évolution de la structure de la dette des
pays d'Afrique:
la position récente du
F.M.I
261
3.2.2 La gravité de l'endettement des pays
d'Afrique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ..
262
* Conclusion du Chapitre VI
272
Chapit-re VII
~uelques manifestations qualitatives de la
crise en Afrique
275

- 360 -
§ 1 Les plans d'austérité
.
276
§ 2 L'Etat dans la crise en Afrique
.
280
2.1 La caractérisation de l'Etat en Afrique
.
280
2.2 La crise et le désengagement de l'Etat
.
286
2.3 La crise de l'Etat en Afrique
.
296
§ 3 L'inflation, le ch8mage et le comportement
des revenus des populations
.
299
3.1 Chômage et inflation
.
299
3.2 Le comporte~ent des revenus des populations
.
304
§ 4 La cri se alimen taire en Afrique
.
310
4.1 Les manifestations de la crise alimentaire
.
310
4.2 L'aggravation de la crise alimentaire par la
crise en cours
313
§ 5 Les rapports non capitalistes et la crise
en Afrique
.
320
i
* Conclusion du Chapitre VII
.
328"
- Conclusion 2~me Partie
.
331,,;'"
..
CONCLUS ION GENERALE
.
Bl BLlO GRAPHI E. . . . . . . . . . . . . . . ; . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. : • . '. "