UNIVERSITE PARIS V
RENE DESCARTES
SCIENCES HUMAINES . SORBONNE
THESE
DOCTORAT D'ETAT
ES LETTRES ET'SCIENCES HUMAINES
THEME:
P';LAÔRIMJN~~ï~~t~iJr~1Q~~~~·1
ETUDE ',PSYCHOSOÇIOLOGIQLIE.
1
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' CONSEil AFRICAiN ET MALGACHEl
Tü ME IpOUR l'ENSEIGNEMENT SUPEfllEUR !
\\ C. A. M. E. 5. -
OUAGADOUGOU II
1\\ Arrivée, ... ·13 ·JUI·'~ 'Î~~J ... :
Enregistré sous n"#CL0:.5__ 7 '.1' .
---'
~~-_.
Sous la Direcrion de :
Présenrée el sourenue par:
Monsieur le Professeur émérite Guy DURA)\\,TDIN
Monsieur Adrien BASSITCHÉ
\\
Paris:
.L1.-
0:..'1 .J..uJ!.'L
1988
, .
- REM E Rel E MEN T S -
- Si nous avons pu construire et achever le travail
que nous présentons ici, c'est grâce à Monsieur le Professeur
Guy Durandin, notre maître. De la Licence au Doctorat de Troi-
sième Cycle et aujourd'hui, au Doctorat d'Etat ès Lettres et
Sciences Humaines, il nous a en~eigné la rigueur dans la ré-
flexion,
encouragé et soutenu dans notre effort de toujours
mieux connaître la Psychologie Sociale. Qu'il trouve ici
l'expression de notre profonde gratitude.
- Nous remercions le Professeur Marcel Etté, Directeur
de l'Institut de Criminologie d'Abidjan de nous avoir donné l'oc-
casion d'entrer dans
le domaine de la criminologie. Au moment où
nous faisions nos études en Psychologie, nous étions loin d'ima-
giner que nous aurons à appliquer un jour le savoir psychologique
à d'autres domaines de la connaissance.
- Nous adressons aussi nos sincères
remerciements
au
Professeur Yvonne Castellan qui, malgré ses nombreuses occupa-
tions,
a accepté de lire une partie de notre manuscrit et de
nous prodiguer des conseils.
- Nous devons
le traitement de nos informations à
Monsieur Georges Vidal,
du Centre Universitaire de Traitement
Informatique d'Abidjan.
Sa disponibilité et la célérité avec
laquelle il a mis à notre disposition les résultats des diffé-
rentes analyses que nous
lui avons demandés, nous ont aidé à
progresser dans
la rédaction de ce travail.
Nous
l'en remercions
infiniment.
Nous remercions
- Messieurs
les Ministres des Forces Armées
et de la
Défense Nationale,de
la Sécurité Intérieure,
de la Justice et
Garde des
Sceaux, de la Jeunesse et des Sports, de la Culture
et de
l'Information,
des Affaires Sociales qui ont bien voulu
nous
autoriser l'accès aux différentes
informations
dont nous
avons eu besoin.
- Monsieur le Directeur Général de la SQreté Nationa-
le et ses collaborateurs,
le Commandement Général ·de la Gendar-
merie Nationale,
le Direction de la Statistique et des Enquêtes
Démographiques,
la Direction de l'Assistance et d~ la Protection
Sociale pour l'aide précieuse qu'ils nous ont apportée.
, Nous sonunes reconnaissant à Monsieur Gaston Kouadio,
~aitre-Conseiller du Service de l'Education Surveillée, de nous
".
avoir permis d'utiliser ses statistiques sur les jeunes délin-
quants. Nous adressons aussi nos remerciements à tous les res-
ponsables de l'Education Surveillée pour les informations tr~s
utiles qu'ils nous ont communiquées.
Nous remercions tr~s sinc~rement Messieurs Gnamba
Adou Pascal et Kakou oi Kakou Noêl, étudiants en D.E.A. de
Psychologie, pour tout le temps qu'ils nous ont consacré dans
l'établissement des statistiques des deux greffes au Palais de
Justice d'Abidjan. Nous exprimons aussi notre reconnaissance
aux étudiants de Criminologie quï nous ont aidé dans le codage
des informations .
. Nous exprimons notre gratitude aux amIS qUI ont ac-
cepté de lire le manuscrit de ce travail et qui nous ont aidé à
améliorer aussi bien la forme que le fond.
. Nous disons merci
! à
tous ceux qui nous ont apporté
leur concours dans la réalisation pratique de ce travail, notam-
ment à Madame Béatrice TANO.
- Nous
remercions très spécialement Mesdames
- Sylvie Bassitché qui, malgré toutes ses occu-
pations, s'est associée à la dactylographie de cet ouvrage pour
en accélérer l'achèvement.
- AKA Aoua, Secrétaire à l'Institut de Cri~ino
logie qui demeure la cheville ouvrière dans
la dactylographie
de cette thèse.
-
1
A V A N T
PRO P 0 S
L'augmentation
de volume des délits économiques, le
vol ell particulier, avait mnené le législateur ivoirien â pro-
Jllulguer Ulle loi spéciale en AoOt
1973.
ALIX
ternles
de cette loi,
tout voleur est condamné à une peine d'emprisonnement ferme de
dix ans et au versement d'une amende.
Il lui est ensuite inter-
dit de séjourner en Côte d'Ivoire s'il est étranger, à Abidjan
ou dans
la localité où le délit a été commis, s'il est ivoirien.
Il ne semble pas qu'on puisse dire aujourd'hui, que la
loi nouvelle a amené une diminution du volume des activi tés cri-
minelles à Abidjan.
Les résidents continuent de craindre d'être
victimes de vol ou d'agression. Une certaine opinion partagée
de plus en plus par des abidjanais est qüe la criminalité serait
l TOCU\\-Te des ~11ogènês et, ac("es50iremf'~lt) des élutochtones dr2inés par 11 exode
rural I"ers la capitale. Silns Joute, y a-t-il Wl(; part de vérité da.ns cette af-
fi 1111 iJt ion. Aucune" étude 5ystl;m~lt.i.qLlc nia cepenJéU1t été entrepri.se SUl" la cri-
1llin~lJ i té à Abic1j an et qui nOLIs garélntisse les obSCrViJtions du sens COITllT1Un.
Après
une quinzaine d'allnées d'ellseignement et de re-
cherche à l'Institut de Cl"iminologie et au Département de Psycho-
logie de l'Université d'Abidjan, notre curiosité s'est davantage
affil"nlée et nous neus proposons, dans le cadre de notre Doctorat
d'Etat ôs Lettres et Sciences Humaines, option Psychologie Socia-
le, de contribuer J l'explication du phénomène criminel tel qu'il
- 2 -
se manifeste ~ Abidjan. L'étendue du sujet ne peut que nous lais-
ser sur notre soif de toujours mieux connaître la gén~se et la
manifestation de la criminalité ainsi que les moyens suscepti-
bles d'aider ~ sa réduction. Ce travail ne prétend pas résoudre
tous les prob10mes que la criminalité pose à Abidjan.
Il aura
par contre, pensons-nous, le mérite de susciter des questions
qUl conduisent ~ de nouvelles recherches.
- .) -
1 NTRODUCTI
o N
Dans la région ouest-africaine,. Abidjan est l'une des
grandes cités qui ont connu une très rapide croissance à partir
des années soixante. Croissance due à l'apport migratoire et à
l'excédent de la natalité sur la mortalité. Aujourd'hui encore
la ville continue de s'étendre dans l'espace.
La diversité des
cultures en présence et l'incessant mouvement humain entre la
campagne et Abidjan en ce qui concerne les
ivoiriens d'une part,
entre leur pays d'origine et cette ville pour ce qui est des
étrangers d'autre part, ont contribué à faire d'Abidjan un haut
lieu de la criminalité en Côte d'Ivoire.
Les crimes et délits qUl constituent l'objet .de la
présente étude sont pour la plupart des infractior.s à la loi mo-
derne.
Les
individus issus de cultures div~rses et rassemblés
sur le même espace territorial sont invités à observ~r des lois
qUl sont généralement nouvelles pour e.lx.
La nouveauté du Droit
et des mesures qui en découlent accroit considérablement les
risques de déviance dans l'ensemble de 1" population.
Par exemple,
au regard de la loi moderne s,lr l'héritage, le neveu utérin n'a
plus de droit sur aucun bien de son oncle maternel, dans les
groupements ethniques à lignage matriliénai.re. Ln matière de
circulation automobile,
la priorité est à droite selon le code
de la route;
le droit d'ainesse n'y a rlen à voir contrairement
-
cl
-
à ce qUl aurait été prescrit par la tradition africaine, le plus
âgé, passant avant le plus jeune. Bref, de nouveaLL'< comportements
sont attendus des "citadins" dans
le nouvel environnement.
Les conditions de Vle (logement, emploi, etc.) sont
telles que la ville résiste à tous ceux qui veulent l'intégrer.
La délinquance des adultes et des jeunes apparaît comme le mo-
ment fort de la lutte pour l'intégration à la société locale
société aux normes variées et pas
toujours claires même dans
l'esprit des individus instruits et cultivés. La délinquance
prend alors des significations variées suivant la table des va-
leurs à laquelle on se réfère. Son étude scientifique se révèle,
dans ces conditions, extrêmement difficile.
Le chercheur est
obligé de se faire tour à tour démographe, sociologue, économis-
te,
juriste, psychiatre, biologiste, politologue, criminologue
et psychologue.
Les difficultés d'ordre conceptuel et méthodolo-
gique qui se dessinent sur son parcours apparaissent presque in-
surmontables. C'est cependant l'effort qui sera tenté ici.
Il
s'agira, dans un prelnier temps, d'élucider les concepts princi-
paux dont ceux de "intégration",
II cr iminalité",
"délinquance 't
et, de préciser le sens dans
lequel ils seront employés tout au
long de ce travail. Dans un second temps, on présentera la métho-
de de recherche choisie à la suite des hypothèses. Le plan géné-
ral de l'ouvrage s'annonce de la manière suivante
-
5 -
pRUIIERl: l'.\\RTlE
- l'robIémutique
.·\\nOllyse théorique des concepts
l'rincipaux de IJ r~cherche.
- Approche méthodologique.
DEUX l HIE l' j\\RTT E
Considérations gén0rales sur la société abidjanaise.
TROISIUIL PARTIE
La
criminalité} Abidjan.
QUATRIL~IE PARTIE
Lo délinqu8Ilce des
jeunes.
ClNQU1DIE p:'RTlE
Solutions spécifiques
aux problèmes de la criminalité
}·\\b idj an.
CONCLUS 1O~
BTBLI OC R.·\\l'lllE
PRE MIE RE PAR T 1 E
PRO BLE MAT 1 0 UE
ANALYSE DES CONCEPTS :
- INTEGRATION SOCIALE
- CRU11NALITE
- DELINQUANCE
-
8 -
u
SECTION 1 - ANALYSE DU CONCEPT ulNTEGRATION SOC1ALE
Il' après ROUDET,
lorsqu'un mot ou plus généralement un
concept passe d'un cadre restreint ~ un cadre plus large, il ga-
gne en extel\\sion, mais du même coup il perd en précision.
Inté-
gratiol) par~lît donc faire pal"tle de ces mots qui) ~. force d'frre
employés à toutes les occasiol\\s, ont fini par ne rien signifier
de précis.
Aussi ne peut-on s'6tonner qu'â
cause de son ch~np sé-
mantique large,
il soit confondu tantôt avec le concept d'adapta-
tion, tantôt avec celui d'assimilation.
Il est aussi bien d'usage
en sciences naturelles ql! 'en sciences humaines.
1 -
Sur le plan biologiqu e
le développement de l 'orga-
n1sme vivant procède par croissance et différenciation, ma1S
aussi par intégration des différences,ainsi que l'écrit H. Gérard:
"Au COLLJt~ de ce 6oJtm,édabJ'e ~aLL-t h,éé.~aJtch,éque raJt LequeL IIne ceL-
tuLe
un-'.qll~ clev-'.e:1-t [lll .ènd,év.zdu nIllL-t,éceLLuJ'aJ..~e.. chaque ceLLute
6iLLe ~e ~récial-'.~e rJtogJte~~J.uenlen-t, en m~me -temp~ qu'eLle aju~-te
~On deven-'.Jt a ceLui cie ~e~ vci~ine~
a-'.n~i dan~ no-tJte édi6ica-
tian,
iL n'u a jamai~ cl2 plccc pou!t une dichotom-'.e -to-taL-'.té-
"paJt.UaJ'J.té",
autononl-'.e-dé}Jc.lldaIlCe,
et Le déveLoppement embJtljon-
IIO.-'.JLe mon-t.,c. que -telldance a ['a66-'.·~mat-'.on de ~o-'. c.-t .tendance. a
f'-'.ntégJta.t.èO/i,
b-'.ell que
cCIl.U,acl.lc.to-'.Jte~, clo.i.ven-t L'Iule et L'au,t.'[e
ê.tJte a~,;umén ..
Dau-te
cie
quoi
IlOU<>
.6eJt-'.on~ ceJ'J'uLe<> indépendante~
Ou additioll
de
c.e-t-tu-te.,s,
ma,La nOH -6ociété
c.e-t}~.u-ta..LJLe ; ê' e-6t 6tU'l
ce.tte cO.l,t'"cadict-'.on que
IlO';:"L o.'[ga"i<>lIIe
c~t bâti e.t c' e~t a cê.i'.a
- 9 -
qlle nOtL<\\ devon<\\ de ,'te<ltelt "~!." tOlet aIL tong de notlte ex.,ütenc.e"
cf (Gérard H.
19ï7, p.
38). Ainsi donc,
la seule croissance qui
n'est autre qu'ulle augmentation de taille selon G. B. fllNDLER
l1972, p.
9), et les processus de différenciation qui consistent
en la spécialisation de chaque cellule ou d'un groupe de cellu-
les, ne peuvent donner configuration à un individu que si dans
le même temps il s'opère une intégration de ces différences.
Le
processus d'induction à un stade avancé dans le développement
des cellules montre combien est importante cette intégration.
En
effet, on aboutit à la formation de petits monstres
(individu
bicéphale ou autres anormalités)
lorsque les cellules ont perdu
une partie de leur potentialité cf(G. B. HINDLER, op.
cit, p.
6),
donc qu'elles ne peuvent plus organiser le développement d'autres
cellules voisines.·Ces anomalies biologiques
rendent compte de
l'absence d'intégration et sont l'aboutissement d'une espèce de
désordre créé dans l'organisation même de ce qui devra deveni r
un individu à part entière.
C'est égalementen biologle que les concepts d'adapta-
tion et d'assimilation, s'ils n'y ont pas vu le jour, ont donné
d'abord lieu à des investigations scientifiques.
En ce qui con-
cerne l'adaptation,
les travaux de DARWIN 5111' la Sélection Natu-
relle cf(Encyclopaeclia IJniversalis, vol V, p. 343) en donnent
une idée.
En tOllt cas l'idée que, dans
la
lutte pour l'existence,
il s'opère une sélection des êtres vivants et que seuls
survjvent
les individus à qui les circonstances et
les variations ont été
10
-
favorablc~, cette idée là dénote sans le nommer le concept d'a-
daptatioll tel qu'il est défini et reformulé par certains biolo-
gistes cOlltemprains parmi lesquels on peut citer J.
PIAGET.
Biologi~tc avant d'être psychologue, J. PIAGET qualifie
d'''aciaptation-état'' la réalisation de l'équilibre entre l'orga-
nIsme et
le milieu, et le distingue de l'''adaptation-processus''
qui a lieu "lorsque l'organisme se transforme en fonction du
milieu, et que cette variation a pour effet un accroissement des
échanges entre le milieu et lui favorables à sa conservation"
cfCJ.
PIAGET,
1948, p.
11). Qu'il s'agisse de l'équilibre entre
l'organisme et le milieu dans un cas, ou de la transformation de
l'organisme en fonction du milieu dans l'autre cas,
l'orientation
de la pensée reste la même.
C'est toujours
l'organisme qui est
l'élément central èt c'est par rapport à lui qu'est défini l'adap-
tation.
II doit être souple, maléable pour se conformer aux exi-
geances du milieu.
Ses chantes de survie sont à ce prix. Quant au
milieu "sélectionneur" il peut, il la limite, rester tel qu'il est.
Les indi\\'idus qUI ne sont pas assez plastiques pour répondre fa-
vorablemcllt à ses conditions n'ont aucune chance de survie en
son sein.
Le contenu dOllllé au concept d'adaptation tel qu'il res-
sort de
la définition citée ci-dessus, est rendu plus explicite
par le sells que PIAGET donlle par aillellrs à
J'assimilatIon.
Celle-ci est, selon l'auteur,
le rapport qui unit
les éléments
d'llne totalité organisée aux élénlents cOl'respondants du milieu.
1 1
Pour mieux SUlvre l'auteur, reprenolls
le schéma qu'il cn donne.
Soient a, b, c, etc ... 1 les éléments d'une totalité organisée
et soient x, y,
:, etc ... , ceux correspondant au milieu considé-
ré. Sous
l'effet d'une variation dans
le milieu, x se transforme
en x'. A ce moment deux cas peuvent se produil"e.Soit que l'orga-
nlsme ne s'adapte pas à ce milieu qui s'est transformé;
alors
il se produit une rupture entre lui et le milieu, autrement dit
il s'élimine. Soit qu'il s'adapte;
ce qui slgnlfie qu'li s'est
modifié lui-même grâce à la Transformation de l'un au moins de
ses éléments.
Cette modification de l'individu qui est corréla-
tive à celle du milieu ambiant, PIAGET la désigne parle mot
accommodation.
Lorsqu'on examine ces différents concepTs, cn est tenté
de rapprocher d'une part assimilation
d 1'1 d(~aptatiün-étatrr et
d'autre part aCC0J111l:odation cl'''adaptation-processus''.
En effet,
l'image qui se dégage de l 'équi libre entre l'organisme et le mi-
lieu
(adaptation-état)
s'apparente à celle ql!' évoque le concept
de rapport
(assimilation).
De même la transformation de l'orga-
nisme en fonCTion du lnilieu
(adaptation-pI"OCessus)
nous
rainêne
~ llidêe conTenue dans accolnrnodatioll, â s3\\:oir la modification
effccru6c par l'individll 5 la suite de
la modification du milieu.
Les cleux premiers
concepts
révèlent
l'e).istellCE::
lI'une
inertie,
lcs seconds la présence d'une force agissilnte. Et c'est par les
cOllcepts d t assirnilatioIl et cl'accolnrnodation qllE !JIAGE1" d6finit
l' adaptat 1.on.
"
é c_ j" i t - j l ,
12 -
cch~~ence (c'e~t-d-di~e compatibilit~ ent~e le~ ~l~ment~de C'o~-
dLt milieu ambiant" cf(J. PIAGET, op.
cit, p.
13). Nous verrons
uLtêrieurement les implications de cette conception du phénomène
d'adaptation, notamment au niveau des emprunts qui sont faits de
ce concept.
C'est pour apporter un nouvel êclairage dans
les débats
sur la genèse et sur les manifestations de l'intelligence que
J. PIAGET a fait de ] 'assimilation et de l'accommodation des con-
cepts opérationnels. Toutefois, malgré les efforts accomplis pour
expliciter le phénomène d'adaptation,
il semble y apparaitre une
espèce de "biologisme" privilégiant enfin de compte l'organisme
au détriment du milieu. Ainsi que nous l'avions signalé ci-dessus,
on ne voit pas très bien l'importance du milieu ou du moins
les
modalités d'action de ce dernier. ~[ieux encore, on est tenté de
penser que si le milieu se modifie, c'est grâce au conCOllrs
exclusif des facteurs extérieurs, à des évènements fortuits
l'organisme ne se transformant qu'après coup.
Cette manière de
voir et de concevoir l'adaptation est essentiellement biologique.
Un la retrouve également dans cette définition que rappelle le
Ur. Jean-Louis LANG "Un o~gane e~t adapt~ lO~6Que ent~e dive~6e6
cf(Ur. J.L.
LANG,
1962, p.
6).
En tout (as
l'our les biologistes, l'adaptation est un phénomène essentielle-
rDent autoplastique qui intéresse au premier chef l'organisme.
-
13
-
Le modèle biologique du d~veloppement fait ainsi appel
ft
l'influence concurrente du milieu; mais d'une façon toute par-
ticulière.
Dans ce modèle, l'intégration qui ne peut se conce-
voir en dehors de l'organisation et de la réorganisation apparaît
comme ce qui assure ft l'individu sa forme et son unité. Quant ft
l'adaptation présent~e sous les composantes assimilation et ac-
commodation, elle rend plutôt compte de l'autoplasticité de
l'organisme que de celle du milieu. Si une modification est cons-
tatée chez l'individu, c'est parce qu'un ch~ngement est intervenu
dans le milieu. L'inverse n'est jamais examiné explicitEment, c'est-
à-dire
l'individu n'est pas considéré clairement comme agent
possible de modification du milieu.
Le concept d'intégration est
donc bien distingué de celui d'adaptation.
Les deux notions ne
se recouvrent nI ne s'impliquent nécessair8ment cf(J.F. BESSON,
1970,
p.
76).
2 - En économie, l'intégration décrit la convergence
des forces et des éléments moteurs de la production.
Une économie
intégrée est donc une économie dans laquelle "le degré optimum
de centralisation", pour reprendre l'expression de J.F. BESSON,
a pour effet un fort accroissement de bien-être. Ainsi, de même
que la convergence des forces a pour conséquence l'augmentation
du rendement, de même la centralisation poussée ell matière d'éco-
nomie, permet d'atteindre ft la prospérité. !'[ais, ainsi que le
note J.F.
BESSON lui-même,
les
relations définies par l'économis-
te ne prennent pas l'homme pour fin.
Aussi
cette prospérité qlii
-
1 4
-
est une accumulation de produits divers se définit-elle sans
référence explicite à l'homme; ce dernier n'en jouissant
qu'après coup. Cependant, dans la recherche des modalités d'in-
tégration 0conomique, on arrive finalement,
après l'avoir exclu
des préoccupations de l'économiste, à l'homme et par conséquent
à
la société au sein de laquelle se déploient les activités éco-
nomiques.
Pour maitriser les transformations qui ont lieu en son
sein, la société doit intégrer tous ses membres en leur assurant
simultanément un maximum de liberté, de pouvoir de décision, de
collaboration entre les individus ou les groupes qui ont un In-
térêt commun. Ces objectifs ne sont pas définis une fois pour
toutes, mais doivent être constamment révisés et redéfinis
cf(J.F. BESSOt-;, op. cit, p.
S). C'est donc en garantissant l'au-
tonomie aux individus ou aux groupes qUI la composent qu'une
société assure à ceux-ci l'intégration.
JI faut reconnaitre,
après J. F. BESSON, que "l'outil
de l'économiste lui permet s8l1lement de traiter des relations
producbves" et d'apprécie'c quantitativement le coût du bien-
être. En fai t, c'est bien l'idée qui est rendue par "degré opti-
mum de cent ralisation et bien-être maximum" cf (J. F. BESSON;
op.
cit, p.
50).
LorsqL:'il est
fait
allu:-;ion à
l'homme
ou à la
société, en matière économique, c'est généralement pour éval"er
des gains et des pertes; c'est pour chercher les moyens propres
à réduire
les coOts et à accroitre la production. IJne discussion
entre Ut] gcoupe d'étudiants illustre 3ssez bien
les propos ci-
15
-
dessus
: R~llnis chez un de leurs collègues pour fêter le succès
de celui-ci, en fin d'année universitaire, des étudiants engagè-
rent un vif débat sur le problème de la mort,
chacun d'entre eux
défendant un point de vue proche des conceptions de sa discipli-
ne. Un étudiant en Sciences Economiques considéra les dépenses
funéraires comme un investissement improductif, après s'être
longuement interrogé sur ce que ces dépenses représentent comme
perte pour l'Etat ou la société. Ce point de vue rompit avec les
considérations humaines largement développées par les autres
collègues et ramena la discussion au problème de l'investisse-
ment productif et improductif. Le groupe devait finalement en
rester là.
Plus tard, passant en revue
la plupart des opinions
exprimées au cours de cette discussion, nous devions être non
seulement surpris
de constater combien elles reflétaient des
conceptions variées,
transmises à chacun tout au long de l'ap-
prentissage universitaire, mais encore et surtout surpris de
remarquer l'approche un peu sèche d'un problème hautement humain,
développé pdr l'étudiant en Economie.
Petite histoire d'étudiants
ou discussion "académique" entre des jeunes en formation certes,
niais qui ne déllote pas moins
les préoccupations propres à ch~que
spécialité des Sciences Humaines. Ainsi donc, à tlaver les pro-
pos de l'étlldiant en
Economie, n'était apparlle aucune considé-
ration de l 'holnme en tant qu'objet et source de valeur, mais
n'était guère souligné que les dépenses,
le manque à gdgner" ou
la diminution de l'avoir que la Illort pOlluait occasionner à l'Etat
ou à la
société.
16 -
L'homme,"pour l'écollomiste, n'est â la limite qu'un
instrument de production. Ainsi les relations définies en Econo-
mie prennent-elles l')lomme comme moyen et, en tant que telles,
ne considèrent les facteurs humains que dans
la mesure où ceux-
ci constituent un frein â l'accroissement de la production. Mais,
comparativement aux variables dont on peut analyser, quantifier
et prévoir sans trop de difficultés
les
effets, les variables
hwnaines restent celles qui posent le plus de problèmes en ces
domaines.
Les nombreuses recherches entreprises depuis le déve-
loppement de la grande industrie jusqu'â nos jours cf(e. Levy-
LEBOYER, 1974) montrent combien l 'humain, dans sa complexité,
est â même de peser de tout son poids sur l'économique et, par
conséquent, de rendre inopérantes les théories lorsque celles-ci,
dans leurs applications pratiques, tendent â sous-estimer son
influence. Même si l'analyse historique le laisse penser, l'idée
qu'il est possible de concevoir une économie prospère dans une
"société malade" appartient sûrement au domaine de la spécula-
tion théorique, mais pas â celui de la pratique. D'ailleurs,
nous soulignions ci-dessus le retour â l'homme, sa reprise en
compte
après son exclusion des préoccupations de l'économiste.
Les modalités pratiques de l'intégration économique
nous ramène â l'homme et â la société.
Les entreprises indus-
trielles ont t6t et bien conlpris l'importance des variables psy-
chosociologiques cf(G.FI\\IEOMANN,I964;Levy-LEBOYER, op. cit), dans le
domaine de la prodl1ction.
Elles ont compris que l'homme ne se
17 -
nourrit pas seulement de pain, malS aUSSI d'autres choses; donc
que "le degré optimum de centralisation et de maximum de bien-
être" ne serait jam~is atteint si les besoins d'être et d'exister
des individus qui oeuvrent en leur sein ne sont pas tous A la
fois pris en considération.
Le social devra supporter l'économi-
que et celui-ci devra servir celui-là Cl). La politique d'intégra-
tian économique, pOlir atteindre son but, devra nécessairement
être en même temps une politique d'intégration sociale.
L'examen très sommaIre qUI vient d'être fait du con-
cept d'intégration en Economie permet de faire deux remarques
qu'on peut formuler de la manière suivante: d'une part, la réus-
site concrétisée par une augmentation de la production dont on
attend qu'elle apporte bonheur aux individus, d'autre part la
crainte de ne pouvoir atteindre cet objectif A cause des varia-
bles humaines ou sociologiques difficilement maitrisables, Con-
fronté aux limitations qu'un ensemble de variables anti-
économiques imposent A sa formulation de la réussite,
l'économis-
te est obligé de recourir à la mathématique de l'incertitude,
c'est-A-dire à la statistique.
Ce faisallt,
il donne un contenu
incertain
au concept intégration. Aussi semble-t-on préférer
l'approche anal\\'tique dont on a un bel exemple 8vec J.F.
BESSON,
seule possibilité de redonner consistance au concept.
(1)
: OH pcv"J'-e auJouAC:' hM, (èH EUJw)J(è, d(è R..a qucûd:é de R..a v.{.(è. U: toLde lme
pov~que e.~t conçue pOLU'l M.;lU'l(è·'l une me.{ilelU'le ewtence aux ~ncUv~ -
dM daM ce·; .~OU.UM qM H' Ofl-t ,'lien à env~e!L
ouan,t
, ,
à felU'l Mveau de
de déve.f0ppeJ1lent écononkqu~, à C(è,U.(è.; de.; pa'!.; du heM Monde.
18
-
,~
3 - Le souci d'objectivité a conduit sociologues et
psychologues â préférer une définition circonstancielle (c'est-
A-dire définition qui s'applique seulement â une partie de la
réalité â étudierJ
et analytique du concept d'intégration â une
approche générale et synthétique.
Dans cette derni~re tentative,
4
on l'a vu précédemment, la consistance du concept le cède à
quelque chose d'aléatoire et qui favorise un débat stérile. L'a-
bandon du domaine des "définitions consubstantielles pour celui
des défini~ions opérationnelles", selon l'expression de J.
STOETZEL, traduit l'attitude de nombreux chercheurs qUl visent
â
la fois l'efficacité (dans l'application des lois issues de
l'observation ou de l'expérimentationJ
et le progrès du saVOlr
théorique.
Il s'agit donc d'apprendre à mieux connaître le phé-
nom~ne ou l'objet d'étude dans des situations particulières où
il peut se manifester. A partir des questions analytiques on va
s'efforcer d'éclairer le phénomène sur un plan plus général.
Telle est la position adoptée par W. S. LANDECKER (1967J dans
un article qu'il a consacré précisément J
l'étude du concept
d'intégration.
Abandonnant résolument la recherche d'une défini-
tion théorique générale, l'auteur étudie l'intégration â travers
quelques situations où elle est sensée se manifester.
Il en dis-
tingue quatre types qui sont :
- l'intégration culturelle traduite dans la concordan-
ce entre elles des normes d'une culture;
•
19 -
-
l'intégration normative qui elle, vise l'adéquation
entre les normes et les comportements des individus
-
l'intégration communicative qui concerne les échan-
ges de significations
-
Enfin,
l'intégration fonctionnelle dont l'objet est
les échanges de services.
L'idée de participation et d'absence de contradiction qualifie
l'intégration: participation aux échanges de significations et
de services, non contradiction des normes entre elles au sern
de la même culture et non contradiction entre les normes et les
comportements.
Cet effort pour appréhender le concept à travers
des situations précises comporee sûrement des avantages.
Plutôt
que d'ouvrir une discussion théorique généralement stérile sur
l'intégration en tant que phénomène en soi, cette distinction
replace le débat à un nrveau concret d'observation.
En cela,
elle a un intérêt pratique certain et permet d'introduire la me-
sure.
L'intégration cesse d'être une pure abstraction;
elle a
un objet ou mieux, un référentiel. Ainsi, on peut quantifier la
participation d'lIn individu aux échanges qui ont lieu entre lui
et son grOl!pe.
On
peut égalenlent qL1antifieT
le degré de conCOT-
dance entre
les normes et
les comportements.
Les qllatre types d'intégration ci-dessus décrivent un
environnement au sein duquel se situent des
individus
ils qua-
lifient des
relations elltre les drfférents éléments de cel envi-
-
20
-
ronnement.
L'intégration apparaît alors comme étant une entité
inférée à partir de l'état des relations
auquel sont parvenus
les éléments concernés.
L'Etat des relations évoque l'idée d'un
équilibre, mais un équilibre qui ne doit jamais être atteint;
autrement l'on aboutit à la négation même de llintégration(l).
Par ailleurs, la distinction ci-dessus laisse penser que chacun
des quatre types d'intégration peut se réaliser séparément et
indépendamment. Une absence de contradiction des normes entre
elles peut-elle s'observer là où ces normes ne trouvent pas de
support ou d'expression dans les comportements des individus?
Et peut-il y avoir une intégration communicative là où des indi-
vidus ne partagent pas de façon intime la même vie et les mêmes
expériences ?
Les deux questions ci-dessus
suggèrent, selon nous, une
réponse négative.
Les relations définies entre les éléments d'in-
tégration sont loin d'être Liunivoques. Dès l'instant où des ln-
dividus se situent au centre de chacune de ces relations, où
SOllt concernés directement ou indirectement par chacune d'entre
elles, celles-ci ne peuvent être que "pluriunivoques". La culture
est un produit social au même titre que les normes.
Elle est
susceptible de modifications et de transformations dont les agents
ne sont pas nécessairooer.t les individus qui vivent au seln de la
(1) : No~ pe~Ao~; aux p~opo~ de R. CARPENTIER (196E, p. 30) quand ~ é~;
"Amb,,"gtie c.omm\\' .ta v,,"e eUe -même ,ta COmnl[L~c.a.;UOf1 est ce qu n' a de
~éaV.;té que WItt qu'ille n'a pM .~éuJ.>~,," ~e~ abouw~eme~U... "
-
21
-
société. Des forces exogènes interviennent et peuvent modifier
l'équilibre toujours provisoire des rapports entre les éléments
d'intégration.
Une méthode d'étude préconisée par J.F. BESSON cf(op.
cit, p.
80 et suivantes) consiste à examiner et à analyser les
lieux d'intégration d'une part, à rechercher les expressions de
l'intégration dans les comportements des individus, d'autre part,
Cet auteur considère les groupes comme étant les lieux privilé-
giés d'intégration car, tout individu a tendance à rechercher la
compagnie de ses semblables.
Isolé de ses congénères, il s'expo-
se à la déhumanisation. L'auteur distingue donc trois catégories
de groupes d'après la position que l'individu y occupe.
Les groupes potentiels qui n'ont en fait qu'une exis-
tence statistique.
Les groupes virtuels définis par l'existence d'une
conscie~ce effective chez les individus qui en sont membres,
mais qui par iilleurs ne sont pas assez bien organisés pOUT at-
teindre le maximum de buts.
Les groupes
réels dont les membTes sont conscients de
leuT existence et recherchent une organisation qui puisse leUT
permettre de réaliser les buts fixés au programme.
L'auteur pense qu'une évolution est possible et que le
passage d'une catégorie à l'autre peut se réaliser. Cette typologie
-
22
-
qu'il a reprise â C. JESSUA nous laisse malheureusement sur notre
faim. On s'attendait à avoir des informations sur l'action que
l'individu
(puisque c'est par rapport à lui qu'a été conçue cette
typologie)
exerce sur chacun des groupes pour accroître l'aptitu-
de de celui-ci â l'intégration des membres.
Cette question est étudiée dans un autre paragraphe,
mais plutôt que de partir des raisons qui poussent l'individu à
intégrer un groupe, l'auteur examine les caractéristiques inté-
grantes du groupe.
Les notions de ressemblance et d'interdépen-
dance lui permettent de décrire deux modes d'organisation des
individus. Dans un cas, l'intégration des individus au groupe
procède de leur opposition â un même environnement. Le sentiment
qu'ils partagent le même idéal ou qu'ils sont victimes de la même
cause fonde la solidarité entre les individus. Ces groupes de res-
semblance représentent par cela même, un danger pour la cOllecti-
vité qu'ils tendent à disloquer. Dans l'autre cas,
l'intégration
J
est assurée de façon fonctionnelle â l'envlronnement. Chaque mem-
bre du groupe a une tâche précise qu'il devra exécuter pour que
la "machine sociale" tourne Tond.
L'erreur n'est pas de mise car
elle peut créer un dis fonctionnement préjudiciable à
la survie du
groupe. Ainsi, dans les groupes d'interdépendance, chaque membre
n'est intégré allX activités que dans la mesu]'c 00 il
assure conve-
nablement la tâche qui lui est impartie.
il
s'agit ùonc d'une in-
tégration de l'individu au groupe g,âce à l'exécut.ion correcte de
'li
l'activité qui lui est prescrite. C'est en définitive de l'inté-
- 2~ -
gration partielle des individus que proc~de ce que l'auteur d§-
nomme int§gration fonctionllelle du groupe â l'environnement.
Une question se pose. En effet, si les individus sont
soit solidaires parce qu'ils d§fendent la même cause, soit inter-
d§pendants pour des raisons de service, p~ut-on cependant soute-
ni.r que les deux notions de ressemblance et d'interd§pendance
s'excluent mutuellement? En d'autres mots, l'interd§pendance ne
peut-elle s'observer là 00 existe la ressemblance et, inverse-
ment? L'auteur ne dit pas cela explicitement; mais on a des
raisons de croire qu'il ne nie pas cette possibilit§. Dans une
firme ou groupe d'interd§pendance, il peut se constituer un grou-
pe de ressemblance (syndicat) ou parfois mSme plusieurs. Dans ce
cas, la fiTIlle qui est la plus grosse unit§ pourrait Stre int§grée
fonctionnellement à l'environnement comme il a été dit ci-dessus,
sans que· cela affecte nécessairement l'existence d'un ou des grou-
pes de ressemblance qui vivent au sein de l'entreprise. Tout dé-
pend naturellement de la nature des activités de ces sous-unités.
L'individu, pensent les psychologues sociaux américains,
a autant de moi qu'il appartient â différents groupes. Aussi, son
comportelnent peut-il varier selon le milieu dans lequel il se
trouve.
Cependant, le même individu qui pr§sente des mod~les de
comportements diffél"ents en face d'un InSme objet social n'est
IJas nécessairelnent POUl" autallt un nlargillaJ
dans sa société.
Dans
ces conditions, comment conclure à l'intégration sociale de l'in-
-
24
-
dividu il p;nti r de ses comportements? Le problème du normal et
du pathologique n'a jamais ret;U de solution définitive. Définir
l'intégration par l'expressiol\\ ~~!~!!~ des comportements d'un
individu ne fait pas avancer la recherche des solutions au pro-
blème. Cela revient à poser un autre problème sans en avoir réso-
lu le premier. Ou bien on souscrit à la conception probabiliste
de la normalité telle que le consacre le langage ; et dans ce cas
l'on est en droit d'accorder seulement une portée toute relative
aux résultats des recherches effectuées parfois à grands frais.
Ou bien on entreprend d'abord de définir la normalité et, il ce
moment, on s'engage dans la voie de l'échec cf(H.P. Vincent,
1973).
Selon BESSON, le comportement d'un individu peut être
anormal dans deux cas
lorsqu'il est pathologique;
lorsque sans
être pathologique, il n'est pas librement choisi par l'individu
cf(J.F.
BESSON, op. cit, p.
92).
Il va de soi que le
"comportement-étalon", dans ce cas, est le comportement qu'on a
le plus de chances de rencontrer dans la société considérée.
L'iJ\\dividu qui se conduit autrement est lin cas pathologique, se
trouve sous l'effet d'une force quelconqlle qu'il ne maitrise pas.
Cela signifie aussi que dans la société tOtlt le monde devra se
conduire cle la même façon.
En d'autres
termes,
l'uniformité cles
comportements clans une société donnée signifierait que tous les
menlbres de cette société sont intégrés.
Oans le cas contraire,
on aurait affaire ~ des compo.rtelllcnts élnonl1aUX ou non librement
-
25 -
choisis.
La liberté de choix qui est évoquée 1C1 pose un autre
problême. En effet, quand on sait que la socialisation de l'in-
dividu suppose un minimum de contrainte, donc d'absence de choix,
on se demande à quel moment l'auteur situe le choix libre du com-
portement chez l'individu.
D'après S. MALLET (i 970), le concept d'intégration de-
vra être examiné à la fois au niveau obj ectif et au niveau sub-
jectif. Un individu ou un groupe peut être intégré objectivement
à une société sans nécessairement
l'être sur le plan subjectif.
Cette distinction permet à l'auteur d'envisager deux types d'in-
tégration.
L'intégration objective traduite dans la participa-
tion effective des individus aux activités économiques qui ont
lieu dans la socié~é
l'intégration subjective en tant qu'ex-
pression de l'adhésion de ces individus aux structures et aux
valeurs de la société. L'auteur cite en exemple le cas d'un grou-
pe d'ingénieurs canadiens-français qui, tout en étant insérés
dans l'économie, contestent les valeurs de la société nord-
américaine.
Il est possible de trouver de nombreux exemples dans
d'autres domaines pour illustrer cette a~titude contradictoire
chez les individus.
Cependant, on peut se demander si l'équili-
!Jre individuel et social est possible avec la seule intégration
dans le circuit de la production.
D'après les arguments dévelop-
pés dans le paragraphe qui précède,
la réponse à cette questioll
ne peut être que négative.
On v avait vu qu'une politique d'inté-
gration économique ne peut aboutir que si clIc relègue au second
- Z6 -
plan les considérations humaines et sociale5.
Sans doute les dif-
ficultés que connaît aujourd'hui le monde capitaliste caractéri-
sé par l'économie du marché, s'expliquent-elles par l'importance
excessive donnée à la production d'une part, et par le mépris de
l'hwnain d'autre part.
La distinction ci-dessus est pertinente quand il s'a-
git de procéder à une approche concrète et pratique du concept
intégration. On peut étudier objectivement la participation des
individus aux activités, quantifier la production de chacun. La
lutte pour la survie commande que chacun produise au moins ce
qu'il lui faut pour ne pas succomber de faim. Mais les sociétés
modernes sont organisées de telle façon que l'acceptation d'une
fonction,
l'entrée daJJs un circuit de production, impose des con-
traintes au respect desquelles veille soit la collectivité entiè-
re soit l'entreprise nourrIcière.
Par ailleurs, la société est plus complexe qu'un assem-
blage de valeurs et Je produits de fabrication.
Et l'insertion
objective dans des rapports de production déterminés ne comble
pas les multiples b~soins des individus.
Les recherches en matiè-
re d'organisation montrent combien sont complexes les rapports
entre les variables économiques, sociologiques et psychologiques
qui président à la conduite des individus au sein des organisa-
tions cftc.
Levy-LEBOYER, op.
cit, p
18 et suivantes). EntTe le
travail considéré comme un gagne-pain et le travail perçu comme
-
"2 ï
-
un prolongement, une dimension de soi, il n'y a aucune commune
mesure.
L'attitude des ingénieurs canadiens à laquelle ~IALLET se
réfère le montre clairement. Tout se passe comme si ces ingé-
nieurs acceptaient le "contenant" (c'est-à-dire l'économie de
marché, l'économie capitaliste) mais refusaient par ailleurs le
"contenu"
(représenté par les valeurs et les structures sociales
qui ont permis précisément la mise en place et le développement
de cette économie). L'intégration objective renvoie alors à l'in-
tégration économique ; et les remarques qui ont été faites dans
le deuxième paragraphe restent encore valables ici.
L'analyse du concept d'intégration faite par ~IALLET
présente cet avantage qu'elle ne se limite pas seulement à l'as-
pect économique, mais qu'elle s'efforce de montrer l'importance
des variables psychosociologiques dans ce qui préside à l'enra-
cinement des individus dans la société. Toutefois, cette analyse
parait faire dériver l'intégration subjective de l'intégration
objective.
En effet, être amené à adhérer aux valeurs et aux
structures de la société pour cette seule raison qu'on y exerce
une activité économique laisse penser qll'un lien obligatoire
existe entre Jes deux situations
la dernière conditionnant la
première. Or, l'évolution même des sociétés occidentales et nord-
amérIcaInes in vi te à reconsidérer nombre de valeurs qui sont au-
jourd'hui battues en brèches sans que cela cOlnpromette nécessai-
rement
le développement économique.
Les difficultés iluxquelles il
-
28
-
est fait allusion ci-dessus concernent les valeurs sociales,
fondement ,le toute société humaine, mais non le développement
économique en tant que tel.
Une abondante main d'oeuvre étrangère contribue à la
croissance et au développement économique des pays industriali-
sés sans pour autant être intégrée à la société d'accueil. Selon
la te~inologie de MALLET, ces étrangers sont objectivement int6-
grés aux activités de production. Mais sont-ils insérés subjec-
tivement dans la société qui les a accueillis ? Les aspects
objectif et subjectif constituent l'envers et le revers du même
concept. En fait,
ce sont eux qui le définissent.
Peut-on alors
parler d'intégration quand l'un des deux principaux aspects
n'est pas réalisé 2 De même qu'il existe des types d'intégration,
de même il doit en exister des degrés.
Le cas des ingénieurs
canadiens-français auxquels l'auteur se réfère pour illustrer le
concept d'intégration est certainement une affaire de degré.
Un
degré minimum, sûrement un seuil, de participation aux activités
économiques et sociales, en deçà duquel une désorganisation géné-
rale s'installe, existe dans toute société.
Participer allX activités de production dans 11ne socié-
té sans en partager les valeurs est chose fréquente de nos jours.
Cependant, des observations montrent, notamment en ce qUI concer-
Ile
les
immigrants,
que
l'isoleJnent social prolong6 peut conduire
a une désorganisation individuelle. Il s'agit la de minorités
- Z9 -
~trang~res ~u sujet desquelles on préfêre g~néralement parler
d'assilllil~tion ou d'aclaptation plutôt que d'intégration. On peut
d'ailleurs, se demander si cette préférence ne traduit pas une
certaine opposition de la société d'accueil, un refus de voir la
minorité 6trangêre sauvegarder son identité tout en assumant des
responsabilités économiques et sociales au m&me titre que les
autochtones d'une part et tout en réclamant les m&mes droits que
ces derniers, d'autre part.
Assimiler consisterait à faire entrer ce qUl est nou-
veau et étranger dans un ensemble organisé.
Il s'agirait en quel-
que sorte d'une incorporation du nouveau, en l'occurence de l'im-
migrant, par la société. En effet, le contraste avec l'environne-
ment chez une minorité ethnique peut renforcer le sentiment
qu'elle appart ient à un groupement socio-'~ulturel a1lX normes
immuables cf(~1. MEAD, 1971). Mais cette attitude peut représen-
ter une menace pour la société qui accueille. Aussi,
la politique
d'assimilation aurait-elle pour but de rendre semblables les
éléments étrangers aux membres de la conununauté qui les reçoit.
Sur le plan psychosocial, l'assimilation équivaudrait, dans ces
cas, à la destruction de la personnalité d'origine et, simulta-
nément, à l'adoption d'une personnalité nouvelle, celle à travers
laquelle les membres cie la soci~té d'accueil reconnaissent leur
double.
Etre adapté serait, dans la même perspective, répondre
positivemc11t aux attelltes de
la commurlautf 116tc.
-
,o()
-
Le concept d'adaptation tel que nous l'avons vu précé-
demment, renvoyait J .l'assimilation et ~ l'accommodation. Cette
derni~re composante relldait compte des modifications de l'indi-
vidu corrélatives à celles du milieu. 0r, sur le plan psychoso-
ciologique, on telld ~ privilégier la compoSante assimilation
dans l'emploi du cOllcept adaptation et on évite de parler de
l 'acommodation, c'est-~-dire des transformations qu'une minorité
ethnique étrangère ou rurale illtroduit llaturellement dans le
nouveau milieu 00 elle s'ins0re. Ce faisant, on restreint exces-
sivement l'étendue de la notion d'adaptation.
La réalit6. quant à elle,
révèle une interaction cons-
tante entre l'individu et son environnement.
Il n'existe aucun
groupement socio-culturel qui puisse pl'ételldre à l'authenticité
de sa culture ou certifier le caract~re irnmuablede celle-ci.
Le discours sociologique ou psychosociologique tend parfois à
présenter négativement les modifications de la cul ture du milieu
d'accueil induites par une minori té ét rangère.
La conduite des
immigrants
ruraux dans
les centres urbains en est un bel exemple
et qui reçoit les qualifications les plllS variées.
C'est dans
ce même cadre que nombre de tlléories sociologique
et psychoso-
clologio.uE' ont dû êt ;'C' rSlaborées.
qui
rendent
compte
cl lune p~rt
de
la manière dont
les
Indiviùus,
confrontés
{I
plusieurs modèles
cul turels,
réagissent
.J
leur
invasion C't l
cl l,Jut 1'e part J
comment
la cultul'e du milieu ci 'origine devenue llIGl.11S
contréllglldllte pour
les
jeunes générations,
s 'étiole progressivement
en ségrégeant
-
~I
les individus
ressortissant en conformistes et en Ilon-
conformistes.
C'est aussi dans ce cadre que les conduites qllalifi6es
criminelles prennent fonle,
se développent, mettant à rude épreu-
ve les normes légales nouvelles par lesquelles l'on s'efforce,
dans les jeunes nations notamment, de construire une société
moderne. Sociologues, juristes et criminologues paraissent aVOlr
des conceptions différentes quant à la manière d'envisager la
notion de criminalité, notion que nous avons essayé de clarifier
dans
la section suivante.
SECTION Il -
LA NOTION DE CRIMINALITE
1 - Suivant les socio-criminologues, chaque société
a les criminels qu'elle mérite. Cette déclaration pose d'emblée
te crime comme un obj et SOCIal, un produi t de la société. Son
étude ne peut donc se faire sans référence à la société dont il
est le produit. S'agissant de savoir quand et comment la société
procède à la production de cet objet, les sociologues ne parvien-
nent pas à un accord entre eux. Si le nombre de théories explica-
tives proposées rendent compte de ce désaccord, elles renseignent
également sur la complexité dll phénomène criminel lui-m@ffie.
La
qualification de la conduite dite criminelle pose problème et
revèle la vision différente que les uns et les autres ont du
fonctionnement de la société. Dans un effort de systématisation,
Dellis SZABO (1976)
distingue deux principaux modèles dans les-
quels on peut ranger les théoriciens de la criminologie sociolo-
gIque en ce qUI concerne leur vision du fonctionnement de la so-
ciété.
"Le modèle consensuel" repose sur l'idée que la manière
dout une société fonctionne résulte d'llU accord tacite elltre tous
les membres.
C'est délibél'6mcut que les
individus choisissent de
se comporter tous ensclllbl'è Je telle ou telle mélnière,
!\\iusi la
règle
qui
est
fixée P;:lT léi
commul12.uté devient-el Je
sacrée et
!le
peut-elle souffrir d'auclllle vio]~[ion. Chaque r""li 1le est impli-
-
33 -
citement invitée à apprendre ces règles à ses enfants de façon
à assurer à la communauté une continuité et un fonctionnement
parfait.
l.'individu dont le comportement s'écarte du modèle
prescrit est perçu comme n'étant pas normal et, à la limite,
dangereux pour toute la société.
La conduite redoutée apparaît
comme celle qui, adoptée par un no~bre croissant d'individus,
mettra en péril
tout le systême de valeurs sur lequel repose
la communauté. D'où la chasse à l'homme dont le comportement
tend à remettre en question une quelconque des valeurs du groupe.
L'analogie entre le fonctionnement de l'organisme biologique et
celui de la société apparaît en filigralle dans cette conception.
De même que l'équilibre du vivant procède du fonctionnement har-
monieux de tous ses organes, de même la santé de la société est
tributaire de l'observation impérative de ses institutions par
tous les membres. La liberté, pour paraphraser MONTESQUIEU, rési-
de ici, pour chaque individu membre de la communauté, dans le
droit de faire ce que les lois permettent. Le crime s'identifie
alors à ce qui .est prescrit, interdit par les lois ou les coutu-
mes.
Le "modêle conflictuel" regroupe tous les auteurs' qui
voient dans le fonctionnement de la société l'existence de for-
ces antagonistes, de conflits permanents entre les individus et/
ou entre les classes ou g"oupes sociaw;. i l n'existerait pas de valeurs parta-
gées par tout le l!loncle, mais plutôt mitant de valeurs différentes qu'il Y a de
groupes ou de classes .au sein de ]a société. Le crime serait ici défini arbi-
-
34 -
trairement par la classe sociale qUI. a le pouvoir et qui i'eut universaliser
ses valeurs en les iJ1lposant
à tous les individus de la communauté.
Les deux mod~les de la criminologie sociologique nous
présentent, en dépit des oppositions philosophiques, le crime
comme étant une production de la société. Dans un cas c'est le
corps social dans son ensemble qui met délibérement un de ses
membres à l'écart pour éviter que la conduite de ce dernier ne
nuise à son fonctionnement.
Ici, nul n'est censé ignorer la con-
duite à tenir dans les diverses situations de la vie sociale.
Tradi tions ou lois sont supposées connues de tous et leur intégri-
té doit être protégée, sauvegardée.
Le crime trouve son essence
dans les traditions ou lois du groupe social.
Dans l'autre cas, c'est une minorité puissante qui ten-
te d'imposer ses valeurs à l'ensemble de la collectivité.
Les va-
leurs ainsi proposées il la communauté
!lsegrèoentlT
forcé;nent les
-
0
individus en conformistes et en non conformistes. Deux principa-
les raisons expliquent cette division.
D'abord tous les individus
appartenant à la société ne sont pas socialisés dans
les valeurs
que partage la minori té qui a le pouvoi r.
Leurs conduites "non-
confomes" peuvent s'expliquer par la méconnaissance de ces va-
leurs. Ensuite,
la simple connaissance de ces valeurs ne suffit
pas pour éviter à l'individu de poser un acte déviant.
Il faut
surtout que l'obseJ'vation stricte de ces valeurs lui permette
d'atteindre les buts cultlLrels proposés par la minorité puissan-
te.
La définition du crime traduit dans ce cas la volonté du
- ~s -
groupe (qui a le pouvoir] d'uniformiser les condui.tes en matière
des valeurs. En conséquence, l'essence du crime réside dans la
violation des valeurs groupales dont on cherche à assurer la pro-
motion sociale.
2 - Les explications proposées par les ~eux modêles
ci-dessus laissent penser que l'humanité est divisée en deux par-
ties distinctes; d'une part les sociétés dans lesquelles les va-
leurs sociales sont également partagées par tous les membres et,
d'autre pact, celles au sein desquelles cet accord n'existe pas
entre les individus. En fait, il s'agit d'une vision différente
de la même réalité, ainsi que nous le signalions précédemment.
Le comportement des membres d'une même société vis-à-vis des
valeurs présente d~ nombreuses variantes suivant le stade d'évo-
lution où se trouve cette société. L'analyse proposée par
M. ?-IEAD (1971, op.
cit,)
s'avère, il ce propos, três intéressante.
MEAD distingue trois stades dans l'évolution des sociétés, corres-
pondant à des types de relations différentes entre les individus.
- Au stade "post-figuratif", la présence des aîeux
fonde une gérontocratie dont les effets illlmédiats sur les rapports
sociaux visent, avant tout, l'observation stricte, des règles et
de la morale sociales. Conformisme et uniformisation dans la di-
versification des comportements selon les générations, consti-
tuent la caractéristiqL.e essentielle de la société.
- 36 -
- Au stade "co-figuratif", le relâchement du con-
trôle social dû à l'absence d'arrière-grands-parents instaure une
pseudo-anarchie des conduites, où les parents et les enfants ten-
dent à se ressembler. Les règles sociales devenues moins consis-
tantes,
les individus jouissent d'une plus grande liberté.
Les
adultes n'assurent plus efficacement la garde des traditions que,
d'ailleurs, ils ne maîtrisent pas suffisamment eux-mêmes.
- Au stade "pré-figuratif", tels des canards al-
lant a la mare, les adultes suivent les jeunes. Age et traditions
paraissent etre des handicaps. Chacun s'efforce de rester jeune
ou de ressembler aux jeunes grâce à des traitements de toutes
sortes.
L'intérêt" de cette analyse réside dans le fait qu'il
devient possible. dès l'instant où est connu le stade d'évolu-
tion auquel est parvenu une société, d'augurer le type de rela-
tions que les individus membres de cette société entretiennent
entre eux d'une part et, d'autre part,
leurs attitudes vis-a-vis
des règles et valeurs du groupe. Ainsi donc si la conduite dé-
viante doit trouver son essence dans les traditions ou dans les
lois, sa définition ne peut etre immuable, mais devra suivre
l'évolution globale de la société considérée ...
Le schéma d'Evolution des sociétés présenté par M~AD
éclaire par ailleurs notre compréhension d'un autre phénomène
psycllosocial : l'emprise des valeurs morales et sociales sur les
- "37 -
individus. Cette empr1se n'est plus s~ulement un probl~me écolo-
gique, mais elle est surtout fonction de la manière dont sont
personnifiées les valeurs par ceux qui sont chargés de leur sau-
vegarde.:Ainsi l'efficacité de l'action coercitive exercée par
,.
les afnés sur les plus jeunes dans une société post figurative
se justifie par la conviction profonde que les premiers placent
dans les traditions du groupe. Par contre cette emprise s'amenui-
se, diminue à partir du moment où le comportement de ceux-là même
qui assurent la garde des règles et valeurs de la société n'ins-
pire plus confiance aux jeunes. L'ambiguïté devient. dans ce cas,
génératrice de comportements déviants. ~Iais deviance par rapport
à quelles normes? L'une des caractéristiques de celles-ci, en
psychologie sociale cf(Shérif, M.
1947)
est d'être groupale et Ge
conformer les conduites illdividuelles aux décisions du groupe.
En situation co-figurative, l'absence des parents incite les adul-
tes à apprendre de leurs pairs et les jellnes à s'instruire aupr~s
de leurs amis. Deux communautés aux contours peu précis se créent,
échangeant des valeurs et tendant à se ressembler par leur manque
de conviction profonde dans ces valeurs non encore suffisamment
éprouvées. La participation à la vie de la communauté paraft mo-
tivée par les avantages immédiats qU'O!1 peut en retirer. Ni le
passé, n1 l'avenir .ne semblent significatifs.
Ici,
"un tiens
vaut mieux que deux tu l'auras".
Le présent se trouve survalorisé
voire déifié.
L'incertitude en nlati~re de valeurs sociales et
morales,
l'insuffisance de leur emprise sur les individus, parais-
- 38 -
sent être quelques unes des causes majeures de désorganisation
sociale et par conséquent de la déviance individuelle ou collec-
tive.
Pour comprendre ce qui est en train de se faire,
il
faudra connaître ce qui est en train de se défaire, recommandait
H.
CHO~IBART de LAUh'E (1968). Pour se représenter correctement ce
qui se fera,
il faudra tenir compte du présent. Nais quand le
présent se fonde sur l'incertitude, quel avenir peut-il laisser
augurer ?
L'une des caractéristiques de la société préfigurative
est de refuser le statut quo de l'ordre social et des valeurs
établies, mais de s'ouvrir inconsidérément à tout ce qui est nou-
veau dans le domaille des valeurs et des créations sociales étran-
gères.
L'homme de la société pré figurative est un individu au
moi dilaté, constamment à la recherche du sensationnel, de l'iné-
dit.
Ignorant du passé dont il est coupé par les générations qui
précèdent la sienne, refusant le présent qu'il perçoit comme sour-
ce de la misère morale
et spirituelle, l'homme préfiguratif est
en quête d'un monde meilleur 00 ses aspirations profondes pour-
ront se réal iser pleinement.
La déviance, dans ce contexte, se
définit en référence à ce qui est révolu.
I.e déviant est alors
celui dont la conduite rappelle les valeurs jugées caduques, ré-
volues.
-
39
-
L'intérêt de l'analyse proposée par MEAD reste essen-
tiellement théorique. Aucune société humaine ne peut aujourd'hui
s'analyser point par point dans les termes proposés par MEAD.
Suivant les socio-criminologues,
l'évolution des sociétés humai-
nes ne s'effectue pas de façon globale.
Les changements qui s'o-
p!rent au sein d'une société n'atteignent pas au même degré les
différents groupes sociaux. Il y a donc coexistence de l'ancien
et du nouveau et ce, d'autant plus que les hommes changent OU
évoluent moins vite que le milieu et les institutions à la modi-
fication desquels ils contribuent. A des degrés divers,
les so-
ciétés modernes présentent toutes à la fois,
les caractéristi-
ques des sociétés post, co et préfiguratives.
C'est la position adaptée par D. SZAEO (197Z) qui voit
dans les sociétés modernes l'existence simultanée de forces miso-
tropes et néotropes.
Les premières ont un rôle stabilisateur.
Elles visent au maintien des institutions, des règles et valeurs
sociales. Les secondes qui incarnent le progrès, oeuvrent pour
la transformation et l'évolution de la société. Dalls cette pers-
pective, le crime apparaît comme un phénomène social contingent,
un produit de l'interaction entre les forces
misotropes et les
forces néotropes. Et dans ces conditions, on manque de critères
sars pour définir la déviance.
face à la diversité des morales
que justifient la multiplicité et les cliversi tés des nOnlles cie
groupes, une définition générale du crime présente
les risque de
ne pouvoir s'appliquer à aucune société.
- 40 -
Déviance et criminalité sont des réalités sociologi-
ques objectives.
Le désaccord entre les socio-criminologues
n'apparaît que dans l'application de ces concepts aux comporte-
ments des individus dans une société donnée.
Si nous reconsidérons les divergences des points de
vue passés en revue jusqu'ici le problème majeur réside toujours
et essentiellement dans le choix des comportements qui méritent
d'être classés criminels.
Le phénomène criminel présente alors
un visage ambigU.
Le crIme est ce que proscrivent les lois et les coutu-
mes
c'est dans celles-ci que se trouve sa définition.
Le crime exprime l'arbitraire d'une classe sociale.
Son existence se trouve reliée à la promotion de valeurs nouvel-
les.
Le crime est enfin un phénomène social contingent,
évoluant dans sa définition et dans sa nature avec les contra-
dictions propres à la société dont il est le produit.
Les sociétés modernes, pour les raIsons évoquées CI-
dessus, n'offrent pas encore de cadre pour la réalisation d'un
accord entre les théoriciens de la sociologie criminologique.
Car le crime présente d'autres dimensions que sociologiques.
De ce fait,
les problèmes qu'il pose ne peuvent être résolus que
dans un cadre pluridisciplinaire où se rencontrent les spécialis-
tes des diverses branches des sciences humaines.
-
41
Entant qu'ensemble humain organisé et fondé sur les
règles d'échange, toute société fonctionne suivant des valeurs.
Celles-ci ont pour finalité d'inspirer les conduites individuel-
les et collectives de façon à préserver la survie et le fonction-
nement harmonieux de la société.
Par conséquent tout comportement
qui tend à remettre en question une quelconque de ces valeurs mo-
bilise du coup le corps social dans le sens du rétablissement de
l'équilibre menacé. Mais la société n'exerce pas que le rôle de
police vis-à-vis de ses membres.
Elle
reconnait à chacun des
droits et devoirs dont seul le respect peut assurer une coeXlS-
tence pacifique entre les individus. Aucune société humaine n'i-
gnore la notion de droit. Celle-ci est même jugée indispensable
à sa constitution cf(LLOYD, D. 1966).
De façon très pragmatique, Yves Brillon définit le
Droit "comme étant u~ ensemble de règles que les membres d'une
collectivité reconnaissent comme obligatoires et dont la viola-
tion est suivie d'une sanction de la part d'une autorité recon-
nue" cf(Y. BRILLON, op.
cit, p.
29). L'intérêt de cette défini-
tion réside dans le fait qu'elle révèle qu'on a besoin d'un con-
sensus social pour ériger une règle ou une valeur en élément
fondamental dans la vie de toute communauté humaine.
Il apparaît
aussi, à travers cette définition, que le droit a un fondement
sociologique - c'est le corps social oul décide de la valeur qui
- 42 -
doit être érigée en norme collective et lui confère toute la
puissance pour faire d'elle une norme légale.
Il en découle que
toute loi qui ne bénéficie pas du support des coutumes, donc qui
ne trouve pas d'écho au nlveau de la conscience collective, ne
peut ê~re qu'inefficace dans le contrôle social cfeE. H.
Sutherland et col, 1966, p.
19).
C'est là un fait d'observation
courante dans les pays anciennement colonisés. Dans une société
donnée,
le DreiL nc peut que refléter les mentalités,
les
croyances, les "us et coutumes" de ses habitants cfeL.K. Amega,
1971).
3.1.
- Le Droit Pénal
Considéré comme une réalité sociologique,
~e cyi~e ~I~
J amals
laissé personne indifférent.
Parce qu'il c0nsti tue une
violation de~ règles d'échange et qu'il menace l'équilibre de la
communauté, chaque soc'été se dote de moyens propres institu-
tionnalisés ou non qui visent à l'application de sanction à tout
membre dont le comportement porte at:einte à une quelconque de
ses valeurs fondamentale~. ('est à tort que certains auteurs
cfey. Brillon, 1980, p.
30-31)
ne reconnaissent
l'existence du
Droit que dans
les sociét6s ol"ganisêes en état.
SUT
un même es-
pace teTTitorjal
peuvent
coexj.ster pltlsieurs pratiques de Droit
cfeE. H. Sutherland, op.
cit, p.
19)
sans qu'on soit en présell-
ce cl 'une fération.
Autrement di t,
si
l'élément ju)"iclique inter-
vient dans la définition de ] 'état, il paraît quelque peu insllf-
-
4~
-
fisant de conclure à l'existence d'un état à partir de pratiques
el
de droit
). C'est cependant ce qui paraît ressortir malheureu-
sement de la définition classique du droit pénal perçu comme
"un ensemble de règles spécifiques concernant la conduite hu-
maine, promulguées par l'autorité politique, s'appliquant unl-
formément à tous les membres des groupes auxquels ces règles
se rapportent, et dont l'application est assurée par des peines
infligées par l'Etat" cf(E. H. Sutherland et col, op. cit,
p.
12).
. La palx sociale exige que des règles soient instituées
pour protéger les individus et leurs biens. Certaines conduites
sont alors interdites. Leur apparition expose leurs auteurs à
des sanctions prévues par la collectivité, ici, par l'Etat. Tou-
tes les conduites ne sont pas cependant inscrites dans Uil cadre
juridique.
Il en est qui sont soit admises soit tolérées et qui,
de ce fait, n'attirent pas de sanctions à leurs auteurs.
Il n'est
pas possible de dresser une liste complète des comportements dont
sont capables les membres d'une communauté. Sont uniquement pris
(1)
: lin ex.emp{e c.onc.,~et C·l.t ÙOU!l.,ù. pa.~ Ù>6 palJJ d'A6lÙque l~o.iAe c.oM.t.Z-tuéJ
aujoMd' huA- en ~ .i.ndépenda~l poUtiquemenL AUClLne de c.eJ jeunco
~OM au Sud du Sah~~ n'abJl.ite une Je~e ethl1te JM >6on te~o.iAe.
C'eJt p!l.obab.temwt {a !La-ù,on poM {aqueUe P. Van Ven Be!l.ghe (1968)
.tco déo.i.gne pM .t'eXpJl.eM.i.o>t "iUJLt6 tn~nat.i.o>taux"
pOM Jo~ne!l. .e.a
c.oe~tenc.e de p!l.at.i.que.o >60c.,{o-c.u.ftMeUeJ d.i.66~~er~e>6, teb p~queb
de V!l.O.i.t lJ c.ompweb, bM .te méme te~.ùte.
- 44 -
en compte les comportements considérés comme dangereux pour les
individus eux-mêmes et pour la société.
La présence du mot "peines" dans
la définition Cl-
dessus semble avoir déteint à l'origine sur la notion du Droit
Pénal, faisant de ce dernier un système pénal exclusivement re-
pressif. Pour s'en convaincre, il suffit de rappeler les propos
ci-après tenus par M. Ancel
: "Nous employons ici,
" ' , le terme
de droit pénal dans sa signification la plus courante de système
légal comprenant l'incrimination des faits qualifiés d'infrac-
tions et l'établissement des sanctions
(ou mesures)
applicables
aux auteurs de tels faits.
Le terme le plus approprié serait sans
doute celui de droit "criminel" (ou régime légal des infractions);
mais celui de droit pénal est habituel qu'il n'est plus aUJour-
d'hui synonyme de "droit des peines" et moins encore de droit
purement répressif.
Il a surtout l'avantage d'évoquer,
de façon
nécessaire,
l'idée d'une légalité qui ordonne, dans un système
de droit,
la réaction de la société contre le phénomène crimi-
nel" cft!>!. Ancel, 1981, op.
cit., p.
18). Cette réaction est,
par conséquent, à même de faire évoluer le droit.
Le professeur
T. C. N.
Glbbens note, en ces termes le changement intervenu dans
le domaine du droit au cours des cent dernières années;
change-
ment relié à l'évolution de la société.
"La société pour la pré-
vention de la cruauté envers les animaux, écrit-il, a été fondée
en Angleterre
trente ans avant la société pour la prévention de
la cfilauté envers les enfants
; la créati on de la seconde ad' ail-
-
45 -
leurs été le résultat d'une action légale qui a soutenu qu'un
enfant était aUSSl important qu'un animal.
Il existe encore de
nombreux pays dans
lesquels la vache de la famille est considé-
rée comme plus précieuse que le plus Jeune enfant ...
Il est
intéressant de noter, poursuit-il, que les enfants n'étaient
même pas mentionnés ou comptés dans
le total des habitants, et
que l'inceste avec les enfants ou les adultes était envisagé
comme une faiblesse compréhensible et un péché, mais pas comme
un crime, comme l'est l'adultère aujourd'hui." cf(T.C.N.
Gibbens,
op.
cit. p.
104 et 105). Des actes qui, naguère, échappaient à
la sanction pénale parce que admis ou tolérés, font aujourd'hui
l'objet de peines parfois très lourdes.
La définition classique du droit pénal laisse periser
que celui-ci trouve sa finalité dans l'application des sanctions.
Selon le professeur Antoine Beristain, Directeur de l'Institut
basque de Criminologie, le droit pénal a aussi une fonction péda-
gogique.
"Le droit pénal doit remplir l'importante mission de
médiateur qui rachète les personnes violentes et leur victime,
qui unit et mélange les personnes les plus différentes et les
plus hétéroclites.
Car dans une société sans réconciliation il
est impossible d'envisager la vie en commun." cf(A. Beristain,
1980, p.
149).
Le côté bienfaisant du droi t pénal
n'a pas été
suffisamment mis en exergue.
Peut-être la limitation que ce droit
apportait à la conduite humaine paraissait-elle gênante à certai-
nes personnes et entralnait-elle par conséquent, une perception
- 46 -
négative chez ces personnes là
DallS
tous les cSs,
la vie en
société,
la paix à laquelle tout le monde rêve ne peuvent se
concevoir dans le désordre. C'est pourquoi le droit pénal ne doit
pas évacuer la menace dont-il est porteur.
D'après M. Ancel, il
ne doit pas jouer le rôle qui n'est pas le sieh;
il a son domai-
ne . "
mais le droit pénal, précise-t-il, a pour objet es-
sentiel la législation répressive,
le système positif de droit
et de procédure et la nomenclature des infractions légales
; et
il n'a certes pas à rechercher, 51 tant est qu'elle puisse être
dégagée,
la fameuse "définition criminologique du crime" cf(M.
Ancel, 1980, p.
18).
Il apparaît clairement que le droi t pénal
ne peut protéger les hommes et leurs biens, contribuer au main-
tien de l'ordre public et de la paix sociale qu'en incarnant un
pouvoir de dissuaiion, c'est-à-dire en portant en lui la menace
de la peine.
Il faut maintenant examiner une autre notion qui est
liée au droit pénal:
la notion d'infraction.
2.2.
- L'Infraction
L'infraction peut se concevoir pragmatiquement comme
la violation d'une règle, le non respect d'une norme sociale ou
légale. Dans le processus d'échange qui caractérise tout groupe-
ment humain,
le "mauvais échangeur", c'est-à-dire celui qui
n'observe pas les règles "du jeu social", met inévitablement en
- 47 -
danger la survie du groupe . Ce dernier, on le sait, réagit géné-
ralement en resserrant ses rangs. En "marginalisant" l'individu
dont le comportement porte atteinte aux valeurs sociales, la
communauté renforce la cohésion
entre ses membres, L'infraction
apparaît alors comme une "action contraire à la solidarité du
groupe auquel l'individu considère qu'il appartient cf(E.H.
Sutherland et D.R. Cressy,
19~c'
p.
22). Action contraire qui me-
nace l'existence du groupe, mais aussi qui mobilise toutes les
énergies pour la défense de la valeur contestée. "La déviance,
écri t Cohen, unit le groupe" cf (A.
Cohen, 1971).
La notion d'infraction se trouve intimement reliée
à l'existence de toute collectivité humaine et par conséquent à
la notion de droit.
La collectivité présente un cadre à la réali-
sation de l'infraction et donne au droit l'occasion de s'exercer
concrètement; ceci revient à dire que si l'existence de l'infrac-
tion n'était pas envisageable,
l'existence du droit serait inuti-
le. C'est parce que l'individu n'est pas capable d'assigner tou-
Jours des limites à sa conduite que la société se charge de le
faire de façon que là où s'arrête la liberté des uns commence
celle des autres. Les sociétés primitives ou traditionnelles con-
naissent la notion d'infraction, même si elles ne présentent pas
les caractéristiques d'un état moderne.
Les propos ci-dessus laissent entrevoir que la notion
d'infraction est d'abord et essentiellement sociologique avant
-
48
-
d'Etre juridique. Nais c'est cependant en droit pénal qu'on lui
tTouve sa meilleure systématisation. "L'infraction que les lois
punissent de peines de police est une contravention;
l'infrac-
tion que les lois punissent de peines correctionnelles est un
délit; l'infraction que les lois punissent d'une peine afflic-
tive ou infamante est un crime" cf(J.M. Bessette, 1982, p. 17).
Il s'agit de la peine la plus forte sur la grille des sanctions,
réservée â l'individu dont le comportement est qualifié criminel.
La conduite criminelle se présente donc comme celle qui menace
le plus gravement la survie de la collectivité.
Toutefois, cet effort louable réalisé dans la classifi-
cation des infractions
est à l'origine de nouvelles difficultés.
En effet, Sl la notion d'infraction existe dans toutes les socié-
tés, elle ne présente pas partout le même contenu. Par ailleurs,
dans une même société, ce contenu peut varier d'une époque à une
autre.
Une cOllduite classée dans une catégorie B sur l'échelle
des infractions peut se retrouver en catégorie A ou bien dispa-
raître tout simplement de la liste suivant l'évolution de la so-
ciété.
Par exemple, conséquemment à la recrudescence des vols,
certains états africains ont dG modifier leur législation faisant
inscrire le vol commis avec des circonstances aggravantes au rang
des conduites dites criminelles. Ainsi,
le vol avec violence est
puni de la peine capitale au Kenya, en Zambie, en République
Centre Africaine cf(Y. Brillon,
1980, p.
282).
En Côte d'Ivoire,
c'est dix années d'emprisonnement ferme,
dix ans d'interdiction
- 49 -
de séjour, le tout assorti d'une amende et du payement des dom-
mages
.intérêts qui constituent la peine réservée ~ l'auteur
de cette infraction.
Il découle de toutes ces considérations que non seule-
ment le contenu du code pénal lui-même, mais aussi la notion
d'infraction nécessitent tous les deux un ajustement permanent
à
l'évolution des valeurs de la société dont ils sont le pro-
duit.
Conçu par la société, le Droit pour être applicable,
doit reflèter non seulement les mentalités et les croyances du
peuple, mais aussi prendre en compte les contradictions propres
à la société dans son évolution. Le crime,
fait social par excel-
lence, demeure un îndicateur pertinent de cette évolution en ma-
tière des ~a1eurs.
Une autre notion assez souvent employée dans les tra-
vau~ qui portent sur la criminalité, est celle de délinquance.
Le langage quotidien en fait un emploi abusif.
Dans la section
qui suit, nous nous sommes efforcé d'examiner les significations
diverses données à ce concent puis d'indiquer le sens que nous
lui donnons dans ce travail.
- 50 -
SECTION III - LA NOTION DE DELINQUANCE
Il faut maintenant s'efforcer de répondre à la ques-
tion "qu'est-ce que la délinquance ?" A quelle réalité cette
notion renvoie-t-elle ? Et pourquoi cette épithète "juvénile"
avec laquelle elle est souvent employée?
1 - ~E~~~~_~!~~2~!9~~
Les mots, si l'on en croit à L. Roudet
(1921), ont
aUSSl une histoire.
Ils naissent à l'occasion des contingences
de la vie des groupes ou des communautés humaines.
Ils évoluent
et, comme toute création humaine,
ils subissent les multiples
influences auxquelles la communauté elle-même se trouve exposée
(cf. P.
Guiraud,
1.963, p.
5).
Etymologiquement, le mot délinquant vient du verbe
latin: delinquo,
is ere,
liqui, delictum,
signifiant "COP.1mettre
une faute,
pécher"
(cf. Dictionnaire Latin-Français - Paris,
Ed. Hatier,
1957 p.
164). Jusqu'au XIV siècle, existait en
langue française le verbe "délinquer", verbe du premler groupe
et dont le participe présent est délinquant.
Il exprimait la
même idée de faute et de péché qu'à l'origine
; mieux, il véhiculait
la même signification que celle qu'il avait en Latin. L'usage fera du parti-
cipe présent un substantif. La délinquance en tant que concept
apparaîtra seulement en 1926 pour désigner l'ensemble des crimes
-
S 1
et délits commis dans un pays et à un moment donné
(cf.
le
·Petit Robert, p. 432). Cette dernière signification plus précise,
car situant une conduite par rapport à la loi, semble être celle
qui, en dehors de toute idéologie, peut créer l'accord entre
tous ceux qui s'intéressent au phénomène social.
S'il est des mots qui, dans le langage quotidien, sont
galvaudés, c'es,t aussi bien celui de "délinquance" ou mieux, du
couple "délinquance juvénile". Rendu polysémique par l'usage qui
en est fait chaque jour, le concept "délinquance" désigne des
conduites multiformes à telle enseigne qu'on ne sait plus bien,
aujourd'hui, de quoi l'on parle lorsqu'on entend ce mot. Selon
le professeur Emerson Douyon, c'est notre fonction sociale qui
nous amène à qualifier sélectivement délinquante une conduite
donnée. Ainsi, note-t-il,
Délinquant = celui qUl ne pale pas
ex : "Délinquency charge"
b)
~~~~_~~_~~g~~~~!~ (législateur, policier,
avocat,
juge)
Délinquant
celui qui commet lIne infraction à la
loi. ,'lani fes tation ct' individualisme
menace la cohésion et l'équilibre du
goupe social.
-
S2
-
c) Pour un ~l§decin
Délinquant = malade qui s'ignore et dont la
pathologie physique ou mentale
n'est pas toujours évidente pour
les autres.
Délinquant
victime d'un système social
opprimant où la violence sociale
se trouve institutionnalisée. 1]
est le produit d'une société
criminogène.
Délinquant
personnalité aux prises avec
des problèmes ~ résoudre.
Délinquant
une tentative de solution.
R§cidive
mécanisme de répétition ou Sl-
gne de l'insolubilité de son
problème.
de la conjonction de facteurs biologiques, psychologiques et so-
claux en relation avec un certain système d'administration de la
justice" (cf. Notes de cours - Psychocrimillogénèse II
; crim 111.
,- -
- ~).) -
Ecole de criminologie - Université de Montréal - AnnEe 1973 -
1974) .
Le champ d'application du concept "délinquance" s'é-
tend donc pratiquement à tous les domaines d'activitE et d'exis-
tence sociales. C'est peut-être pourquoi certains pays évitent
de définir cette notion, se contentant d'énumérer une série de
conditions et d'actes à travers lesquels ils appréhendent le dé-
linquant mineur. Ainsi, dans l'état de l'Illinois aux Etats-Unis,
"Est un mineur délinquant tout enfant du sexe masculin âgé de
moins de 17 ans, ou tout enfant du sexe féminin âgé de moins de
18 ans, qui viole les lois de cet état;
ou qui est incorrigi-
ble, ou qui fréquente en toute connaissance de cause des voleurs
ou des personnes immorales ou débauchées; ou qui, sans raison
valable et sans le consentement de ses parents, tuteur ou gardien,
s'absente de son domicile ou de son lieu de résidence, ou qUl vit
dans l'oisiveté et la délinquance;
ou qui fréquente en toute
connaissance de cause un établissement mal famé ou toute policy
shop ou toute maison où se pratiquent des jeux de hasard ; ou qui
fréquente tout café ou débit de boissons où l'on vend des bois-
sons alcoolisées; qui est le client habituel ou occasionnel de
toute salle de billard ou toute officine de coulissier marron;
qui traîne de nuit dans les rues, sans poursuivre aucune occupa-
tion ou activité légitime
ou qui d'une façon habituelle traîne
au voisinage des gares de triage ou le long des voies de chemin
de fer ou saute ou tente de sauter dans un train en marche, ou
- 54
-
qui pénètre sans droit dans une voiture automobile ou toute au-
tre maciline
ou qui s'exprime d'une manière ordurière, obscène,
grossière, ou indécente, dans un lieu public ou dans un établis-
sement scolaire; ou qUI se rend coupable d'une conduite indé-
cente ou lascive" (cf. R. S-therland et Cressey, op. cit.,
p. 420). La délinquance se résume ici en une série de conduites
qui peuvent se prêter à des évaluations diverses et qui ne tra-
duisent pas nécessairement les notions de péché et de faute.
Par
exemple, l'enfant âgé de moins de 17 ou de 18 ans qui s'évade
d'un foyer où l'atmosphère est devenue intoxicante et insupporta-
ble, donc qui s'en va à la recherche d'un peu d'oxygène, n'a-t-
il pas de raison valable? Par ailleurs, comment établir la vali-
dité des raisons évoquées par le sujet d'une part et par les dis-
positions légales d'autres part? Peut-on réellement
dresser un
catalogue de toutes les activités susceptibles d'être accomplies
au sein d'une société? Il est des mots qui connaissent un usage
régulier dans certains milieux sociaux malS qui passent pour or-
duriers dans d'autres. Dans ces conditions, sur quel critère se
fonder pour apprécier une communication verbale ? Autant de ques-
tions auxquelles il est quasiment impossible de répondre de façon
satisfaisante. On comprend pourquoi certaines législations sur
les mineurs, celles du district de Columbia dans l'état de Cali-
fornie en l'occurence (cf.
R.
E. Sutherland,
id,
421) s'abstien-
nent de définir la délinquance, se contentant de la décrire en
termes
três généraux.
55
-
En réalité, tout semble laisser VOIr qu'il n'est pas
facile de définir davantage le sens de la délinquance. La for-
tune que ce mot continue de connaître permet de penser que l'on
n'est pas prêt à l'abandonner au seul usage des spécialistes,
notamment des hommes de loi.
Au sens propre,
la délinquance traduit bien la réalité
qu'elle a mISSIon de faire connaître même si celle-ci s'avère
trop générale et vague pour justifier telle quelle une approche
scientifique:
faute et péché relèvent de la morale.
Ils nous
introduisent aussi dans le domaine religieux. Adam et Eve avaient
eu tort de pécher, de commettre une faute à l'égard de l'Eternel
(cf. Genèse:
le Jardin d'Eden, et le péché d'Adam, chap. 3). On
en savait la sanction. Le propre de la faute et du péché sur le
plan moral et religieux, c'est la souffrance physique ou/et
psychique.
Il n'est pas nécessaire d'insister sur les manifes-
tations de cette souffrance trop bien connue des humains mais
dont les fondements paraissent généralement ignorés. En tant
qu'arme de dissuasion d'une éthique qui se veut persuasive, les
sentiments de culpabilité (cf. Dr. S. Lebovici,
1971) oeuvrent
sourdement à la constitution de la morale dont ils sont le
fondement.
L'usage apparemment abusif qUI est fait du concept
"délinquance" replace en réalité le mot dans son champ d' appli-
., .
cation
la société, entendue rdl s,::ns d'ensemble de valeurs et
de normes, puis les hommes.
II n'y a de faute que par rapport
à des prescriptions quelles qu'elles soient
et il faut l'homme
pour y répondre. Si la transgression est une conduite, il faut
un humain pour la manifester. Ainsi la commission des fautes,
l'acte de pécher, au risque de nous répéter, s'inscrivent dans
la nature de l'homme. Le sens cor.unun et l'acception juridique
loin de s'opposer, éclairent la notion de délinquance.
Dans le
premier cas, l'usage du concept l"envoi.e il "la conscience de la
faute et à la condamnation intérieure qui
l'accompagne""
(cf. Dr.
Serge Lebovici, op. cit, p.
27 ), à partir de l'observation qui
est faite sur sa propre conduite par l'individu lui-même ou sur
celle.d'autrui ; conduite qlli remet en question la cohésioll du
groupe. Dans le se~ond cas, la délinquance se résume en l'ensem-
ble des transgressions il la loi dans le temps et dans l'espace.
b) Mais alors, si telle
se présente la délinquance, com-
ment justifier la présence de l'épithète "juvénile", étant donné
qu'on ne parle que rarement sinon jamais d'une délinquance "adul-
te"
? On dirait que
la société tro~ve quelqt1e intérêt à considé-
rel' plus particulièrement l' anti-socialitê
des mineurs. Bien plus,
les crimes et dêlits commis par cette
frJ:1gc de la pOplllation ne
sont pas examinés COIIl/lle tels.
La société, occi dentale notamment,
fai t appel à différents critères
(mùraux,
biologiques, sociaux,
psychologiques) qui condui5ellt ~ distinguer les auteurs d'infrac-
tions de même nature SUiv3Iit qlle ces derniers SOEt mineurs Oll
-
57 -
maj eurs. Cependant, vis-à-vis de la victime,
le dommage subi
demeure entier. En d'autres termes, que le vol ait été commis
par un enfant ou par un adulte, il reste toujours un vol et la
victime ne peut nier cette soustraction frauduleuse qui la pri-
ve
de l'objet auquel elle est plus ou moins attachée. Si l'on
doit se fonder essentiellement sur la motivation pour distinguer
les actes antisociaux et leurs auteurs
(cf. Léon Michaux, op.
ci t, p. 88), les catégories "mineure" - "adulte" devront être
revues et repensées.
Si l'on suit l'évolution des mentalités en ce domaine,
on constate qu'il s'agit de jeunes de la même espèce désignés
naguère "enfants en danger moral", puis "enfants difficiles" et
enfin "enfants inadaptés". Des recherches ou des réflexions con-
signées dans des ouvrages au titre évocateur tels que "J2~~~~~~!:
!~~!~_i~~~~2.2.~" (Jean Chazal, 1962), ~~~~~~~~~_!~~~~l?!~~ (Dr J.
L.
Lang, 1962), ~~~~~2.~~_L~~~~~~~~~ (A. Aichorn, 1973), "Les
!l~~~~_!l~~~~9~~~!2." (A. A. Coulibaly), pour ne ci ter que ceux-ci,
donnent une assez nette mesure des difficultés qu'on a à quali-
fier, à désigner les jeunes qui présentent des troubles d'adap-
tation aux valeurs défendues par la société. Dans tous les cas,
les différentes dénominations traduisent les attitudes contra-
dictoires des adultes
("On protège les jeunes, mais on se protè-
ge de la Jeunesse" relève Jacques Selosse
(1976). vis-à-vis de
la manière dont les jeunes s'efforcent de s'adapter à la socié-
té.
Ces attitudes dissimulent à la fois
la peur, la culpabilité,
la gène et l'impuissance.
-
58 -
De par leur nombre, les jeunes représentent une mena-
ce sérieuse pour les adultes. Jusqu'à la fin de la dernière
guerre mondiale, il ne semblait pas se poser de problème de sur-
population dans le monde. En effet, les guerres entre nations
ou entre tribus se chargeaient de diminuer les effectifs des
combattants et, par conséquent, des peuples qui étaient concer-
nés. La jeunesse représentait la force vive de la société.
C'é-
tait elle qU1 était enr61ée et qui partait au front. Plus une
nation ou une tribu comptait de jeunes dans sa population, plus
elle pouvait mobiliser de combattants en cas d'agression venant
de l'extérieur. Les jeunes étaient alors très utiles dans la so-
ciété.
Le retour du service militaire parachevait la cr01ssance
bio-psychologique en ·même temps que l'individu passait du statut
de jeune à celui d'adulte.
En tout cas, la maturité sociale sui-
vait l'achèvement du service militaire, notamment dans les pays
européens.
Au début du vingtième siècle, après une baisse du taux
de natalité dans la plupart des pays européens et une diminution
de la population consécutive à la dernière guerre Illondiale, il y
eut un bon démograpllique, en France en particulier, qui laissait
augurer Llne explosion dans
les années A velllr
(cf.
L~on ~lichaux,
op. cit, p.
83)
; la politique antinataliste apparaissant incom-
patible avec la morale chrétienne, en particulier dans les pays
de l'Europe méridionale. L'une des conséquences de cette crois-
sance très rapide de la population sur l'ensemble du continent
- 59 -
devait se traduire dans l'opposition des plus jeunes aux plus
âgés, ainsi que le prévoyait A. Sau y en 1959 dans ces propos
que rapporte Léon ~1ichaux : "Certes, les jeunes finiront par
percer la croûte m31thusienlle qui s'oppose ii leur accueil,
ils
finiront par péllétrer dans la place et réclamer leurs droit.
Mais ce serait alors une ère de turbulences et de désordres po-
li tiques et de mesures médiocres cl' intérêt inuTlédiat". A peine
une décennie plus tard,
tous les pays européens vibraient-ils
sous la révolte des jeunes. En France, les souvenirs du mois de
Mai 1968 demeurent désormais gravés dans la mémoire collective.
Ailleurs dans le monde,
les progrès de la médecine
moderne ont contribué à la diminution de la mortalité infantile,
,
en Afrique précisément, et entraîné une croissance rapide de la
population juvénile, confrontant les gouvernements des divers
états aux délicats problèmes d'intégration sociale et économique
des jeunes devenus subitement trop nombreux.
Ces jeunes que la
campagne retient de moins en moins rejoignent leurs pairs cita-
dins conférant ainsi à la population urbaine elle-même peu inté-
grée socialement, l'image d'un monde où les adultes, minoritai-
res, ont du mal à se situer eux-mêmes.
Imposants par leur ·nombre
et conscients de plus en plus de leurs forces,
les jeunes cher-
chent à participer activement au développement social et écono-
mique de leur pays. Majoritaires dans la population des grandes
villes (1 J, scolarisés ou non, mais dans les deux cas sans forma-
Il) : RappeJ'.oM, e.n ce. qu.i. concVlne. .ta. ville. d'Ab'{'dJan, qu.e. 50,7% de. .ta. popu.-
.w..t<.on ut âgé.e. de. mo.{.,u, de. 20 aru"
au. lte.ce.Me.me.n-t de. 1975.
- 60 -
tion professionnelle pour la plupart, ils représentent une véritable me-
nace pour les pouvoirs locaux, Jes poudrières qu'il convient de
circonscrire pour éviter le risque d'explosion toujours présent
dans les jeunes nations en développement.
Mises à part les difficultés d'encadrement dont ils
sont l'6bjet aussi bien dans les pays dits développés que dans
ceux qUl sont en développement, les jeunes inquiétent, font
peur aux adultes qui les perçoivent comme des concurrents vir-
tuels ou réels sur le marché du travail
; marché qui se rétré-
cit d'année en année et où l'âge devient de plus en plus un han-
dicap à l'embauche ou à la conservation de l'emploi. Récemment
en Côte d'Ivoire, la décision prise par le Ministre de la Fonc-
tion Publique d'appliquer la loi relacive à la retraite, afin
de dégager des postes pour l'embauche des jeunes qui sont à la
recherche d'emploi depuis des années, n'a pas suscité que l'en-
thousiasme.
Des fonctionnaires se sont effondrés littéralement
à
l'annonce de leur mise à la retraite, révélant ainsi à quel
point l'arrivée massive des jeunes sur le marché de l'emploi
peut être dommageable aux plus âgés.
L'impuissance,
la gêne et la cuJpabilité apparai~sent
sur un fond de regret. En ce qui concerne la premiêre, la cadu-
cité des valeurs de civilisation inopéraJltes dans les cités 100-
dernes devenues par ]a force des choses des foyers de toutes
sortes de changements, pose crûment aux Ilarents un difficile
!lroblême d'encadrement des enfants.
I.a baisse de l'autorité des
-
61
parents résultant de l'incapacité dans laquelle ils se trou-
vent de satisfaire mat~riellement leurs ellfants, amoindrit
d'une façon souvent dramatique leur influellce au sein du foyer,
de la famille et, par cOllséquent, sur les éléments les plus
jeunes.
L'importance excessive prise aujourd'hui par la jouis-
sance du bien-être lilatériel ne laisse personne indifférent, à
commencer par les enfants qui la ressentent au plus profond
d'eux-mêmes lorsqu'ils atteignent l'âge de comprendre et d'aller
à l'école puis qu'ils côtoient des palrs que des parents mieux
nantis économiquement, comblent de toutes sortes de confort ma-
tériel. Tout cela se traduit par une gêne dans la relation
parents-enfants dans les familles démunies. Dans
la plupart des
cas,
les adultes qui sont mésadaptés eux-mêmes socialement et
psychologiquement (cf.
G.
Canepa, 1970, p.
351) (1) ne trouvent
n~ de réponses adéquates aux sollicitations de leurs enfants
nl de cadre humain serein au sein duquel promouvoir l'éducation
des
jeunes. On peut penser que nombre d'entre eux regrettent de
s(être retrouvés pères ou mères alors qu'ils ne réunissent pas
les conditions matérielles suffisantes pour éduquer des enfants.
Les nombreux nouveallx-nés qui sont repêchés dans les poubelles,
les abandons d'enfallts dalls
les grandes cités africaines,les
avortements en sêrie
exr~-iment
le dfsJr"l"oi des personnes qUI,
J
confrontées à
la lut~e pour leur propre survie, se débarrassent
de leurs progénitures dont elles pensent ne pas pouvoir s'occuper.
Il!
: Seion G. Canepa, fu ntii),aciap.tAt<:.oll .le i!u:lduJi pa!L ia cLi6MClLUé qu'a ('~n
cf~v~cfu de maJYl:t:erJA de.o ,'lappOJLGo M~.o DCL0wn:t:Ô avec Mn ~Lieu DWlIûiaJ'
0" 00 CÙLt.
-
62
-
Les sentiments contradictoires dont la compassion
éprouvée par la société en général pour ces jeunes enfants en
difficulté, expliquent probablement qu'on parle beaucoup plus
souvent d'eux qu'on ne le fait des adultes(l). L'épithète juvé-
nile trollve certainement l~ sa justification. En définitive,
cette étiquette collée à la délinquance révélerait plutôt le
poids de la responsabilité morale porté par le corps social
qu'un caractère anodin qu'on reconnaîtrait à l'acte antisocial
lui-même. ~Ialgré un "dédouanement moral" de son auteur, on l'a
vu,
le crime ou le délit demeure comme tel pour la victime.
A travers les divers usages du concept "délinquance"
se pose un problème de définition sur lequel il convient de
s'interroger.
2 - Définition
Un concept n'a de réalité, de signification que par
rapport ~ d'autres auxquels il s'oppose (cf. A. Martinet, op.cit).
En ce qui concerne la délinquance des jeunes, on peut observer
(1)
: "La déL~nquance aduLte" eot qULl.L~6~ée d~66éAem"'en.t de fa "détàlqllLU1ce
juvéltiJ'.e" Ien.J. SeJ'co.oc, 1976, op. w). Ceae d0l.tÙIÙ~OYl J'égaA'.e ,le
:ollde MUl J'e dêvetàppemen.t b.Lotog.~que et I%yclùque de t'.i.YICUv.i.du. GYI
~,a.{..;onne il. pa.!L.tiJl de.o en6"'1.Ù âgé.;, de moÙIJ.> de 14 aM. GYI Y1e d<..t ce-
pe I1dant .'[.~e Il dc,; mÙleu,'[.; d' âg e Lunue. Ce qIL~ .ù1.t.JU.g ue, c' e.;t ce b."1.M-
que :xuMlge d' Wl âge de "déJW..U,oYl" il. cet~ de JW..U,OYl où t' .i.11d.i.v.i.du
est ceMé deveiUA lle~poll6abte de ~u ac..te~. CeUe nJa.t~OI1 b'",Mque
Iqu.é C,lt il. pIlOUVeA) de~ ~t!luc..tLL!le~ de fa cOfUc..i.eYlce qu' OYi ~v"bte déd~
.'te dll dévetoppemen.t b.i.otog.i.que pa!la.ê.t quetque peu embaJl/liU)~an.te.
-
63
-
cette opposition en référence il "enfants en danger moral", il
"enfants difficiles" et il "enfants inadaptés" (sur l'axe para-
digmatique notamment).
Les passions que l'antisocialité des enfants soulêve
rendent compte de la diversité du sens qui est donné au Dlot
"délinquant" dont Yvonne Castellan (1977, p.
131) dit qu'il ne
signifie plus grand-chose aujourd'hui.
C'est probablement l'une
des raisons pour lesquelles certaines législations évitent de
la définir (cf. Ci-dessus, l'Etat de Columbia, aux Etats-Unis
d'Amérique)
; attitude prudente qu'observent aUSSI certains au-
teurs
(cf. Jean Chazal, op.
ci t).
Il est, par contre, peu de disciplines scientifiques
qui ne se soient intéressées de près ou de loin à la délinquance
et, par conséquent, ne se soient senties obliger de définir ou
de décrire ce que recouvre cette notion estimée par Roger
Mucchielli
(1971, p.
18) aussi vieille que l 'histoire du monde.
Il suffit par ailleurs de se référer aux différentes théories
à travers
lesquelles on a essayé d'expliquer la délinquance
(cf. Y. Castellan, chap. VII, op. cit.) pour s'apercevoir de
l'attention particulière suscitée parmI les chercheurs. On y
reviendra plus loin.
Pour l'instant, on peut s'interroger sur
la signIfication du concept "délinquance" dans un certain nombre
de spécialités.
-
04
-
Sur le plan sociologique,
les délinquants ne consti-
tuent pas une catégorie d'individus à part, distincts des dé-
viants SOClaux.
"Le comportement déviant, écrit A.
Cohen (1971
p.
33) est le comportement qui transgresse des règles normati-
ves".
Il s'agit donc d'une conduite qui présente la caractéris-
tique de susciter une réprobation sociale dont l'importance
peut se mesurer à l'intensité de l'émotioJl soulevée au sein de
la collectivité.
En cela, le comportement criminel se présente
comme un comportement déviant. Mais toute déviance par rapport
aux normes ne s'identifie pas au crime. Ainsi, à la suite des
travaux de R. K. Merton sur l'anomie, A.
Cohen distingue deux
classes de comportement déviant:
"le comportement aberrant"
et "le comportement non-conformiste".
"L'aberrant, éeri t-il,
transgresse les règles, mais il ne met leur validité nullement
en cause et ne tente pas de ChaJlger les régIes.
Il est plus
préoccupé de poursuivre impunément ses violations que d'agir
sur la règle elle-même.
La plupart de ceux que nous considérons
généralement comme "criminels" tomberaient dans cette catégorie.
Par contre,
le "non conformiste" a pour objectif de transformer
les normes qu'en pratique,
il ne respecte pas.
Il désire rempla-
cer les normes qu'il estime moralement suspectes par d'autres
normes qui ont une base morale solide".
Les buts qui sont poursui-
V1S opposent par ailleurs les deux classes,
L'aberrant recherche
les satisfactions d'ordre personne 1 tandi s que le non-confonniste
reste al truiste car il oeuvre pour le bonheur de toute la comllunauté.
- 65 -
Si l'on se refère au sens original du verbe "délin-
quel''' et qu'on le rapproche de celui du verbe "dévier" (deviare:
sortir du chemin), on s' aperçoi t que tous deux se prêtent bien
à la qualification du comportement, mais de façon différente.
En effet, celui qui commet une faute ou qui pèche, "fauche" les
lignes de conduite tracées par la société ou la communauté à
laquelle il appartient; c'est surtout moralement qu'il blesse,
qu'il atteint le corps social. Dans les sociétés anciennes oQ
le sacré pénètre profondément la vie collective, et oQ "Les
morts sont les chefs véritables, gardiens des coutumes, veil-
lant sur la conduite de leurs descendants qu'ils récompensent
ou punissent suivant que les rites et les lois ont été ou non
observés" cf, (Hubert Deschamps,
1965, p. 17), les notions de
faute et de péché" renvoient elles-mêmes au divin.
Cette démar-
cation par rapport aux prescriptions, aux normes sociales est
suivie de sanction.
"La rupture ct' interdi t
(ce que nous appe-
Ions "infraction" ou "péché"), note encore le même auteur, amène
la colère des ancêtres qui se Inanifeste par des calamités diver-
ses".
Le verbe dévier, qUl existe bien en français, n'a pas pour
correspondant nominal
"déviance '! J malS
lldéviation".
l'Déviance!!
serait un néologisme C01IÇU pour qualifier plus précisément, mais
sans connotation religieuse,
le comportement non conforme aux
prescriptions et normes sociales"
Sui vant A.
Cohen, "Ce terme
générique comprelld des comportelnents aussi divers que la fourbe-
rie,
l'action du tire-au-flanc,
la tricherie
la déloyauté
le
.
. '
- 66 -
,. ,
crime, le "mouchardage", la simulation, le détournement, l'im-
moralité, la malhonnêteté, la trahison, la corruption et les
pots-de-vin, la perversité et les offenses contre les convenan-
ces" cf(op.
cit, p. 13). En suivant lapensée de l'auteur, le
concept de déviance engloberait, recouvrirait celle de délin-
quance. Mieux,
le délinquant serait un élément de l'ensemble
consti tué par des
déviants. Sur le plan sociologique pur, le
concept de délinquance ne semble pas opérationnel ou, plus exac-
tement encore, il ne trouve pas là son origine, contrairement
à ce que son usage peut laisser penser.
Mais il n'y a pas que les sociologues pour s'interes-
sel' à ces jeunes dont les exactions défraient les chroniques
des quotidiens, même si "les problèmes relatifs à la criminali-
té renvoient à une analyse sociologique".
L'antisocialité des
mineurs préoccupe aussi l'homme de droit ainsi que l'observe
Christian Debuyst
(1980, p.
203]. Aussi, peut-on se demander Sl,
sur le plan juridique, l'expression "délinquance juvénile à un
sens".
Pour le sociologue,
le délinquant est un déviant au
même titre que le fourbe,
le mouchard,
le simulateur, etc ...
Le juriste lui, se veut plus concret et précis.
Aussi tient-il
grand compte de la matérialité dûment constatée de l'acte et de
- 6ï
-
la sanction correspondante effectivement appliquée à l'auteur
cf. (Denis Szabo, 19ï8, p. 14 J. C'est pourquoi i l qualifie
"criminel celui qui se rend coupable d'un acte sanctionné péna-
lement et ceci en 6tat d'exercice effectif de responsabilité
morale" conclut l'auteur ci-dessus. Une clause demeure impor-
tante dans l'acception juridique du terme criminel;
la sanc-
tion pénale. C'est elle qui confère l'étiquette "criminel" li
l'individu, auteur de l'infraction.
Il ne suffit pas de comet-
tre l'acte prohibé, interdit par la loi, mais il faut encore
que la justice soit appelée ii constater sa matérialité et
qu'une sanction soit appliquée à l'auteur.
Il en est de même du
délit et du délinquant. Sur le plan légal,
la seule présomption
ne suffit pas pour qualifier un individu de criminel ou de dé-
linquant.
La preu~e est que les tribunaux peuvent être mis en
branle au sujet d'une infraction qui a soulevé l'émotion dans la
population, puis le procès se terminer par l'acquittement pur et
simple de l'auteur, li défaut de la matérialité dûment constatée
de l'acte qui .lui est reproché. Dans ce cas, le casier judiciai-
re de celui SU]' qui a pesé Ji présdmption leste vierge.
Le délinquant ou la délinquance, alnSl que le note
G. Canepa (1980, p.
195),
constitue une catégorie juridique,
mais pas naturelle. Catégorie dans laquelle entrent les moins
habiles d'entre ceux dont le comportenlent transgresse les règles
sociales illstitutionalisées et qlli se font prendre par les agen-
ces chargées de veiller il l'instauration et au maintien cie l'ordre
-
68 -
et de la paix au sein de la société. Au sens juridique du ter-
me,
"délinquance" décrit la conduite qui est contraire aux pres-
criptions de la loi ", et "délinquant" désigne l'auteur de cette
conduite illterdite et qUI est prIs, pUIS sanctionné par un tri-
bunal, moderne ou coutumier.
Le repérage et la sanction consti-
tuent les deux éléments principaux qUI commandent l'entrée dans
la catégorie "délinquant ou criminel".
C'est par conséquent un
abus de langage, sur le plan juridique, d'user de l'un ou l'au-
tre des deux termes à l'adresse du désoeuvré qui déambule dans
un jardin public, aux abords des cinémas, bref de celui à qUI
la justice n'a encore pas attribué cette étiquette.
Si l'on se réfère à tout ce qui précède, notamment à
l'étymologie, délinquant appartient au vocabulaire général.
Ce
sont les juristes qui, en l'empruntant,
l'ont spécialisé pour
ne lui faire désigner désormais que l'individu qui a commis une
infraction au code péJlal, qui est traduit devant un tribunal et
condamné.
Il en résulte qu'en perdant en extension,
le concept
a gagné en précision cf(Roudet, 1924) et est devenu de ce fait
même, plus opérationnel.
La persistance dans des activités criminelles, en dé-
pit de la réprobation sociale et des sanctions pénales, a fait
penser que les criminels et délinquants couvaient une maladie
mentale.
Cette considération a justifié de nombreuses approches
- 69 -
où la notion de délit était devenue moins préoccupante que la
recherche de causes organIques.
On aura l'occasion de revenir
ultérieurement sur les causes de l'antisocialité. On peut toute-
fois noter pour le moment que la délinquance cesse d'être un
comportement, une conduite pour devenir un symptôme.
La notion
de faute ou de péché, celle d'infraction aux lois protégeant
les individus ainsi que leurs biens, s'éclipsent au profit des
considérations d'ordre psychiatrique (Esquirol
1772-1~4U ;
Dr. Voisin:
1983
; Dr. Morel 1857), physique et génétique
(Cesare Lombroso: 1876). "Biologistes et médecÎ1;s spécialisés
mettent l'accent sur les corrélations existant entre les anoma-
lies psychiques et certaines irrégularités organiques, lésion-
nelles ou fonctionnelles, héréditaires ou acquises, génotypiques
ou phénotypiques""note Jean Chazal
(1967, op.
cit, p. 39).
La
présence de forte proportion de jeunes
(plus de 90 % des délin-
quants touchés par la recherche de Vaucresson ne sont, rapporte
Y.
Castellan, ni épileptiques ni atteints de psychose) sains de
corps et d'esprit parmi les délinquants aurait dû dissuader tous
ceux qui rattachent le comportement antisocial à l'existence des
facteurs énumérés ci-dessus.
En bref,
le concept "délinquance"
ici comme en sociologie, n'est pas opériltionnel.
L'adage suivant
lequel il n'y a pas de fumée sans feu a fait croire qu'on devra
étudier la nature du feu d'où s'échapper la fumée.
Ce faisant,
on a perdu de vue
l'étude de la fumée elle-même. Ainsi, biologis-
tes et médecins spécialisés étudient les causes de l'alltisociali-
té mais non la délinquance en elle-même.
- 70 -
C'est incidemment, pense R. "Iucchielli
(1973-74), que
les psychologues se sont retrouvés ~ s'intéresser à la crimina-
lité juvénile.
Les troubles affectifs constatés chez les enfants
au lendemain de la dernière Cuen'e ~Ionchale, la croissance du
nombre de jeunes mères célibataires dans les grandes aggloméra-
tions urbaines, la multiplication des
foyers pour enfants
cf(John Bowlby, 1954) ont amené les psychologues, à la suite
des travaux des psychanalystes en particulier ceux de S. Freud
cf(D. Szabo, 1978, op.
cit, p.
18-19),
à voir dans
l'orienta-
tion délinquante de l'individl', des callses psychologiques. Ici
comme en psychiatrie,
la recherche porte sur les facteurs de
la délinquance
ce qui suppose :!. Taccepta tion des
l'cri tèTes
j u-
ridiques dans la définition du criminel et du délinquant"
cf(L. Walgrave, 1980). une JustificCition a posteriori du compor-
tement qualifié comme tel.
C'est probablelnent ce qui fait dire
à
Christian Debuyst que l'objet de la psychologie criminelle
est un objet construit, mais pas urIe donnée objective. Ln effet,
dans
la mesure où les PS)"Cllologues
t~'availlent sur UIle c~ltêgorie
d'individus définis cl'imirlels et délinquants par d'autres .ins-
tances
sociales,
ils
fonctio1111cllt
i16cessair"ement dalls Ul1 cadre
limité qui les empêclle de prendre en compTe d'autres comporte-
ments similaires qui eu:,:, ont échappé il
l'attention de la justi-
ce.
Aussi,
.la psycholo~ie ne neut.-e11e déFinir ni
le crime ni
lu dél inquance J
car
"on p~ut appl iqucr des
catégori es
de psycho-
-
7 1
pathologie D des délinquants, mais on peut
le faire aussi D
des non-délinquants.
Il
n'existe pas de pathologie délillquante
spécifique en dellors ou séparée de
la psychopathologie non dé-
linquante" cfLL. l1'algrave.
op.
cit, p.
312).
La psychologie ne
semble pas encore en mesure de tracer les
limites
d'une notion
telle que celle de délinquance.
e)
La·
_ _ _notion
_ _ _ _ _ _ _ de
_ _ _ délinouance
_ _ _ _ _ J
en criminologie_
La criminologie fait
abondamment usage du concept
"délinquance".
Elle ne conteste pas
la signification juridique
du terme.
Il ne peut en être autrement d'une science qui,
ini-
tialement,
faisait partie intégrante du Droit.
Cependant,
il Y a lieu de noter que
la délinquance
prend une signification qUI
reflête
la formation de base du
criminologue ou,
ce qui
revient au même.
de
la spécialité J tra-
vers
laquelle celui-ci aborde lé]
réflexion criminologique.
Pour ceux-ci,
la catégorie juridique s'avi,re
trop res-
trictive.
l.es propos
ci-après
le montrent
nettement:
"Avant
tout,
il
nous faut
relllédier aux insuffisélllces
inhérentes ii
tou-
tes
les données officielles ou quasi officielles sur
la délin-
quallce juvénile.
Le défaut de ces donné""
n'estpas, bienelltcnJu,
c "
(:...
-
qu'elles concernent un éc),al,tillonnage trop limité, mais que
nous ignorons quelles sortes de délinquants et de délits peuvent
~tre surévalués ou sous-évalués. Nous n'écarterons jamais le
spectre de la "non-représentativité" aussi
longtemps que nous
opérerons sur la base statistique des méfaits connus par les
tribunaux,
la police ou m~me p~r les écoles et par les organis-
mes d'assistance sociale. Tant qu'il n'aura pas été remédié à
ce défaut,
il y aura lieu de considérer dvec scepticisme et rf-
serve tous les parallèles concernant le développement,
la per-
sonnalité et la situation sociale des délinquants et des non
délinquants.
Comment procéder pour sortir de là ? Au lieu de
fonder notre étude sur les délinquants connus, nOLIS devrons nous
baser sur un échantillonnage représentatif de jeunes gens choi-
SIS sans égard à leur dossier de délinquaJlce connue ou proba-
ble
"(A. Cohen,
1955).
La défini tion légale de la délinquan-
ce est partiellement acceptée;
partiellemeJlt car il s'ajoute
ici tous les autres auteurs d'infraction au code pénal mais qui
n'ont été pris ni sanctionnés. Tout membre de la société, pour
autant qu'il connaisse la loi, s'avère capable d'identifier le
comportement qui s 'ell écarte ou qui ne la respecte pas.
Par con-
séquellt l'acception légale de
la déliJlquance qUI insite sur le
repérage et la condamnatioJI Ile correspond pas entièrement à la
perception du c,"imino-socioJogue.
Pour ce dernier, sont dé lin-
quants tous ceux qui enfreignent la loi, qu' ils aient été pris
et sanctionnés 011 pJs.
'\\insi, écrivent R.
I!oocl l't R.
Sp;nks
.1.: .
" .~ '.
~1~.
"[n gê.~néra1, plus
le
nurne:'us
oLscuru5
d(:~ dC'.li ts .lnconnus est
é 1cv é
t~ t pl \\1S b 8. S Jet ,-lll:\\ ci c:=. d,:.:;.l Lt. s }' e C 0 Il Il us par 1 ~l ] 0 i l plu s
g)";lnd
['st
le
risql'e que
les dL·ll11qllants
CUllllUS
ne représentent
P:IS
l 'cnsE,mble des coupables" c.f(op.
cit, p.
54).
On peut se
demander A quelle fin pratique sert une telle conception de la
délinquance si ceux-là qui SOIlt chargés officiellement de la
repérer et de la sanctiollner définissent ~utrement le délinquant
ltui,
sulllllle
tuute,
n!est pas
la délinquance.
e.2.)
~~~_~~~~~Q~!~g~~~_~~_~~~~~~~~~
~~Y~Q~~~g~g~~_~~_~~0~~~!~
La criminologie est une science jeune a la constitu-
tion de laquelle contribuenT plusieurs disciplines dont la psy-
chologie et la médecine. Ci-dessus, il il été di t que les psycho-
iogues entérinaient la définition légale de la délinquance.
C'est aussi le cas de la lnédecine ou mieux des ~ciellces biologi-
ques.
I.es préoccupations avouées dans ces spécialités de la cr1-
minologie consistent à rechercher les causes,
la gén~se des
comportements antisociau); et les moyens pour y remédier.
C'est
pourquoi, dans une certaine mesure, elles passenT pour des
auxilj~i! t·C~
de la justice.
Fonctionn,lJ1l"
Sll.iV(-llll
ln définition
légale de
la délil1quance,
pSYCll01.ogl1E'S
et 1116Jecills spêcialis0s
oeuvrant clans
le champ de
la cri.minolog ic 1 distinguent J pannl
les autellrs d'infraction, dCL;~ ~~tégUI'ICS d'iildividLlS
celle
f 0 rrn é e cl e p ers 0 n ne s cl 0 11 t
l' 2 nt". j oS LJ C i a 1 i té
est
lIe x p l' css ion J
une
T
-
74
-
pathologie et celle regroupant tous ceux dont le comportement
délinquant ne trouve aucune explication de cet ordre. Ces der-
niers forment le groupe des délinquants vralS,
en ce sens
"qu'ils sont anormaux du point de vue cle l'intégration à la so-
ciété, mais qu'ils sont normaux du point de vue psychologiques"
cf(R. ~Iucchielli, op. cit, p.
23). En conséquence, suivant le
même auteur, "La délinquance vraie est une structure de la cons-
cience et de la conduite". L'individu antisocial serait celui
là dont l'univers mental solidement structuré dans le sens du
mal, se révêlerait incapable de mener une Vle sociale normale.
Considéré comme "l'archétype de Caïn" selon l'expression de
Deni Szabo (1978, p.
13), le délinquant vrai, à cause de l'orga-
nisation particuliêre de son univers mental, distinguerait dif-
ficilement le bieh du mal
; en bref,
aurait une existence par-
semée de crime et délits.
Marcel Frechette ne conçoit pas autrement la délinquan-
ce quand il écrit "La délinquance persistante est le rait d'une
infrastructure personnelle tr0s perturbée par cles expériences
nôfestes et un mode de fonctionnement anti soci ~l!" cf (Jacques
Selosse, op.
cit, p.
181).
Ce qui paraît surprenant, c'est, on l'a déjà vu,
Le
fait de ne pouvoir reconnaître le délinquant du dehors, parml
les concitoyeIls, avant que ne le proclame le tribunal il
la suite
cl'une infraction il
la loi.
Le psvcho-criminologue opérera apl~s
-
75
-
coup, pour décrire suivant l'expression de Marcel Frecllette
(1970, p.
15) "les processus psycho-dynamiques actifs au sein
même de l'agir déviant".
Les psychologues et les médecins spé-
cialisés qui oeuvrent dans le champ de la criminologie ne peu-
vent définir de façon satisfaisante la délinqùance
"Nous ne
devons donc pas, écrit encore R. Mucchielli, définir la délin-
quance il partir du type de délit, ou du type de loi que le
délit transgresse, ni de la forme que prend l'action criminelle
(forme qui dépend du réel objectif dans la mesure même où elle
est une action adaptative il sa mani~re), ni de l'objet du délit,
ni des mobiles mêmes,
... car tout n'est qu'effet, conséquellce,
expression, occasion de manifestation ... de la conscience crimi-
nelle comme réalité structurée, comme syst~me spécifique de re-
lations vécues avec le réel et avec l'environnement familial,
social et humain" cf (Ibid, p.
25). ~Iême si l'observation systé-
matique de la conduite d'un individu permet de déceler en celui-
ci des schômes de comportement antisocial, ni le psychologue ni
le médecin ne peuvent suppléer le magistrat, le seul
légalement
habilité à conférer .l'étiquette délinquant ou criminel il celui
qui transgresse la 101.
C'est sur .la dffillition légale du délinquant ell tant
qu'auteur d'ulle infractioll à la loi, pris. traduit devant une
juridiction pénale et condamné que se fondera l'étude de l' an-
tisocialité des mineurs il Abidjan.
-
ï6
-
Intégration sociale d'une part, criminalité et délin-
quance d'autre part, sont des concepts qui, sur le plan théori-
que, s'excluent mutuellement. Une société très intégrante doit
en principe être à l'abri de conduites criminelles. De même là
oa. crimes et délits s'accroissent quantitativement, on doit
s'attendre à une menace de la survie du groupe, à une désorgani-
sation avancée des structures sociales.
Dans la réalité cependant, toute société présente à
ses membres et à tous ceux qui désirent y vivre à la fois des
possibilités d'intégration a1n51 que des occasions d'enfreindre
les règles d'échange et les lois.
Mais, lorsqu'une société se bâtit de toutes pièces ou
quand une nation pIuriethnique telle que la Côte d'Ivoire, s'en-
gage dans un processus de transformation des nlentalités, des cou-
tumes, des modes de vie de ses ressortissants au moyen d'institu-
tions étrangères, dans le but de parvenir â la formation de
citoyens nouveaux qui se ressemb lent d'un bout à l'autre clu pays,
il se produit nécessairement des inadaptations multiformes des
individus 3 leur environnement. Sur la base de cette observation,
on peut formuler l'hyppothèse que
La pluralité des cultures qui entraine Ulle diversité
des morales et des valeurs socio-culturelles, la croissance éco-
nomique et démographique très rapide COllilliC pa r .~bidj an en moins
d'un siècle d'llne part
d'autre part l'importation d'institu-
- 77 -
tions sociales dont le Droit pour réglementer les conduites indi-
viduelles et collectives, rendent compte des difficultés d'in-
tégration ~ la ville et de l'augmentation de la criminalité.
De façon pratique ou opérationnelle, cette hypoth~se
se décompose de la mani~re suivante :
lJ Une relation existe entre l'hétérogénéité culturel-
le d'une population et l'aptitude de cette population à s'inté-
grer au milieu ;
2)
La croissance économique et démographique favorise
une augmentation de la criminalité;
3J Une concordance existe entre la mentalité d'un peu-
ple et les lois en vigueur dans la sociêté considérée.
L'absence
de cette concordance est un facteur criminogène.
Les idées directrices étant fOI"mulées,
on va maintenant
présenter la méthodologie.
-
78
-
SECTION IV
L'APPROCHE METHODOLOGIQUE
Les recllerches portant sur la criminalité se heurtent
~ des problèmes divers.
Il y a d'abord les problèmes qui relè-
vent de l'objet même de l'investigation;
ensuite ceux qui sont
relatifs ~ la méthode et aux techniques employées.
La longue revue des concepts principaux que nous ve-
nons d'effectuer permet d'apprécier les difficultés propres à
l'objet.
Il n'y a plus lieu d'insister davantage. On peut rappe-
1er qu'en Côte d'Ivoire, suivant les termes du Droit Pénal Moder-
ne,
la signification du crime et du délit est celle qui figure
dans le code pénal publié par Dalloz, à savoir: "L'infraction
que
les lois pun··j S5ent cie peines correctionnelles est un déli t
;
l'infraction que les
jois punissent d'une peine
afflictive ou in-
f3Jnan te est un cri me" Cl) .
Ce sont tous les actes classés sous
l'étiquette crime ou délit, repérés et traités sur le territoire
abidjanais qui sont cOllcernés ici.
Des difficultés qui n'ollt pas de rapports directs avec
l'objet, viennent cepelldant s 'y greffer. En effet, l'étude por-
tant sur la criminalité dans un pays ciollnê n'a jalnais
laissé In-
différentes les autorités politiques et administratives.
-
70
-
L'exploitation des informaTions et des résultats de la recherche
peut être d'une certaine gravité pour les pouvoirs publics.
Il
faut donc rassurer tous ceux qui sont concernés par cette entre-
prise et leur inspirer confiance. La présente étude n'a pas
échappé à ces difficultés en dépit des autorisations diverses
qu'on a obtenues des hauts responsables des services. Les résis-
tances multiples qu'il a fallu surmonter ont eu des répercussions
sur la méthode de travail et sur les tecllniques aUSSI.
Etudier la criminalité à Abidjan représente une tâche
très difficile qui nécessite des moyens humains et Dlatériels
importants qu'on est loin d'imaginer avant de commencer.
aJ
L'Echantillon
Le projet initial avait été d'étudier les crimes et
délits commis à Abidjan sur une période de dix années.
En tra-
vaillant sur un effectif quantitativement important, il parais-
sait aisé d'en dégager des caractéristiques psychosociologiques
des criminels et délinquants pour arriver à dresser d'eux un por-
trait.
C'était donc tous les crimes et délits commis sur toute
l'étendue de la ville d'Abidjan qui devaient être pris en compte
dans cette étude. On ignorait que les informations, dans les dif-
férents services intéressés par l'objet de la recherche, Il'étaient
"
pas organisées et mises à jour systématiquement d'une année à
l'autre. Un classement existait dans ces services mais qui ne
répondait pas aux besoins de la recherche entreprise.
Dans ces
conditions, il n'était plus possible de reclleillir des informa-
tions remontant à dix années en arrière.
Il fallait absolument
travailler sur une période très recentc ; ce qui a conduit au
choix de l'Année 1982. En définition les crimes et délits sur
lesquels porte ce travail sont ceux qui ont été ccmmlS à Abidjan
durant l'Année 1982, repérés par les sercies de police et de gen-
darmerie, puis ceux qui ont été jugés par le Tribunal de Première
Instance et par la Cour d'Appel d'Abidjan.
b)
La collecte des informations
Quelles informations recueillir et comment procéder?
Les caractéristiques psychosociologiques recherchées se ramènent
à un ensemble de variables parmi
lesquels l'âge, le sexe, le
statut matrimonial, le niveau d'instruction, etc.
Il fallait donc
relever les informations portant sur l'infraction et sur lèi sdnc-
tion correspondante. Bref,
toute une série de renseignements qui
nécessi taient l'établissement des grilles pour la collecIe (1) .
(1)
: U-,-<s 9:L-Lc..tc-~\\
U_.tAJ~L6Œc./) .) (: nA: /·d~I:,'wdu.Gtc/) el! CY;U!X;.: l et II, -f.(>') c.od!.!..,)
,wlJ<U'cX{ltuilC6
/.'OU/l
CetMcLte"nent c!e,o ùt6orù!I(Lt.{0/1,o ert aitrteXe III à VIn.
-
SI
Il fallait pr6voir toutes les informations dont on
aurait besoin pour r6pondre aux diff6rentes questions qu'on se
posait
d'une part, et d'autre part, pouvolr se faire aider dans
la collecte.
Deux grilles ou fiches diff6rentes ont êt§ êlabo-
rées,
l'une pour le recLleil des informations ~ la Police et ~
la Gendarmerie,
llautre pO~l' celles de
la Justice.
b. 2 .)
La collecte des informations DrODrement
-----------------------------~--~------
dite
Le secret qui entoure les enquêtes de la Police et de
]a Gendarmerie n'a pas permis que les fiches soient remplies par
d'autres personnes que des agents de ces services. Pendant plu-
sieurs mois, des agents d6sign6s ont rempli les grilles ~ pactir
des registres de maln courante ou des fichiers.
Pour des ralsons de personnel probablement,
la colla-
boration ci-dessus n'a pu être obtenue des services des tribunaux.
Les informations Ollt ftf
ici recueillies grgce au concours d'ftu-
diants, de D6cembre 1986 ~ ~lai 1987.
"
-
,
Ù!.
-
c]
Le Traitenlent des Informations
c.l .)
La codJ fication
Le traitement lllformatique né'cessitait ql1e les infor-
matiolls collectées soient codifiées. Ainsi, ~ mesure que les
grilles remplies nous parvenaient, d'autres groupes de person-
nes
transcrivaient les
inform~tion5 ell code SUT des fiches simi-
lailes, mais vierges. Ce fonctionnement simultané' des groupes
a permis d'achever le travail dans le même délai.
Ce traitement a été effectué par le Celltre Universitai-
re de Traitenlent
Informatique
(CUTI]
d'Abidjan sur nos indica-
tions.
Nous avons demandé 3 connaîtl'e la relation entre la crimi-
nalité et
le sexe,
l'âge,
la nationa]it~J le statut matrimonial,
le nombre d'enfants,
le niveau d'instrllction,
la catégorie socio-
professionnelle;
puis la relation entre le lieu de r§sidence et
le lieu où l'infraction a été commise,
le li8u de
résidence et
la nature de l'infraction, etc.
Ce traitement n'a connu aucune ciil'ficult0,
Il a permis
de disposer des résultats cie la rec]lcrche clBllS un tl'ès bref clélai.
- S3 -
d)
Autres sources d'IllEormatioll
La collallolation avec des
responsables des millistôres
et serVlces ci-aprôs a beaucoup apporté ~ ce ~ravail.
d.1 .)
Le Service de l'Education Surveillée
La disponibilité du responsable et du personnel a été
d'une aide inestimable en ce qui a trait aux activités du serVl-
ce, notamment ~ l'encadrement des mineurs délinquants ou en dan-
ger moral.
d.2.)
Le Centre d'Observation des Mineurs
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
L'essen~iel des informations sur les JeUlles délinquants
provient de ce centre et de son responsable.
d.:>.)
Dix années de collaboration avec les juges des enfants
à partir des expertises psycholociques que nous
avons
effectuées
ont enrichi les infonllations sur les jeunes délinquants abidj:l-
nais.
d.4 . J
Le "Iinis~ère de: Id .Jeunesse et des Soorts
------------------------------~----
L"5 services de ce ministère sont Ulle mine de
rensei-
gncmellts et lie connaissances sur les ]etlnes ivoiriens
eTl gên6r~ll.
ubiJj~lr:ai~
CIl
particulier.
-
Sil
-
On y a trouvé un tras bon accueil et une mine d'infor-
mations sur les efforts qlli sont d6ployés 5 travers les centres
sociaux implantés dans les quartiers de
la ville, pour aider les
jeunes enfants en difficult0s
d'adaptation sociale.
d.6.) Les Hinistères de l'Industrie
de
-----------------------------~---
térieur
A tous les niveaux l'accueil reçu a été stimulant et
a permIs de recueillir des informations sur les activités indus-
trielles et économiques, sur la démographie de la ville d'Abi-
djan,
les associations.
nes contac~s informels et individuels avec des respon-
sables d'association s'intéressallt â la jeunesse, des travaux
de recherche portant sur l'inadaptation sociale des jeunes réali-
sés par des étudiants sous llotre direction, ont été et demeurent
encore des sources d'informations tras importantes.
Notre scolarité à l'Ecole de Crimillologie de l'Univer-
sité de Hontréal
(1973-19 1 4) et le stage effectué au cours de
cette période il la Clinique de l'Enfant et de la Famille, clini-
que rattachée aU Tribunal déS ,Ilnellrs; notre participation aLl
XXVle Cours Internationéll de Crillllnologic sur "Recherches Sciell-
"
~,
tifiques en Inadaptation et. Déli:)o.uélnce .Juvéniles'! du S au
12
,liai
1976 il Pau-Ravonne - Sans Sebastien
rJatre pal"ticipation
~;ll congl"0s de la Sociét0 Internationale de l'S)"C}lO-sociologic
ll'iminelle tenue en Juillet 1977 à Paris SUl
"Crime et Libertés",
all
Vc COIlgr~s
de la Société lIlternatiolla]e cIe Crinlinologic ell
.Juillet
1978
J Lisbonne, aux XIe journées d'[tude;s de Iflnstitut
de Crimino1ogie de Paris SUl' l'Immigration et
Insécurité"
les
S et 9 Juln 1983 è Pa~is, ont permis de rassembler des infornla-
tions sur les jeunes délinquants et sur 13 criminalité en géné-
l"al ~ tl"aVerS le monde.
Le document qui est présenté ici doit,
pOllY
l'essentiel, â toutes les sources qlii viennent drêtre évo-
quées.
l,a démarche suivie et les difficllltés 'l,li
2n décou-
lent exposées, on va maintenant passer à la présentation de la
société sur laquelle porte la recJlerche,
On a procédé il une des-
cription détaillée de la rop~lation pour J~aire ressortIT ce
qu'elle a de spécifique
son ])istoire,
saIl 116tê]"og6néitf, sa
Jeunesse,
les problèmes économiques et sociaux vécus F;lr les
individus.
.DEUXIEME
P A R T I E
- CONSIDERATIONS GENERALES SUR LA SOCIETE ABIDJANAISE -
-
88
-
TITRE
DONNEES HISTORIQUES. DEMOGRAPHIQUES. ECONOMIQUES
ET SOCIALES
CHAPITRE 1
Hl5TOJRE - DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE·
Abidjan n'est pas une ville créée de toutes pièces
comme l'on pourrait le croire. L'espace occupé aujourd'hui par
la capitale Il'était pas vierge.
Il était implanté de petits vil-
lages ébrié. En tant qu'une des nombreuses ethnies qui peuplent
la Côte J'Ivoire,
les Ebriés s'étaient installés tout au long de
la lagun<" qui porte leur nom, notamment dans la baie, et exer-
çaient comme activité principal~ la pêche. Les 0illages tels que
Lokodj l'o. banli eue. d'Ab idj an auj ourd' hui, Anoumambo, Adj amé.
Blockausso, Biétri, Abidjan-Agban, "absorbés" présentement par
la ville J '.\\bidjan, indiquent que le si te où s'est implantée la
capitale n'était pas un "no man's land".
D'ailleurs, on rapporte
que l' appelatiQn "Abidj an" qui est donnée à cette vi Ile 'par le
colonisatcllr a elle-même une histoire.
Une dame ébrié qui était
entrain Je couper des feuilles
(non loin de son village) qui
servent ~ recouvrir l'attiéké(l) aurait été reI\\contrée par un
européen [français) qui se serait adressé à elle. Ne comprenant
pas la i~Jlgue de celui-ci, la dame aurait crll que le visiteur
il)
; CCiLlC"'''''' IYt~que"'erU: aujoU!td' hM PCV\\ fa "ujc!ld.é de .ta popuJ'.~on
d'AbidjarJ, J"aLUé.lcé qM v,.t eMeYJ.tieUemen.t: à bMe du mafÙOC -6 'appa-
',enle au COI!J.lCOlL/) eX M' pltépMe comme ceJ'Lû-u. Nol1!L!U;tWte pJÙnupaJ'.e
de Ca POflufa-tùm CÔu.è,1e eX fagurta0\\e de Ra Cô.te d' Ivo;Jte, R'a-t4élcé
2.,.t aujoll.hd' hM un p-fal naliorwL
-
89
-
lui demandait ce qu'elle faisait.
Ce fut alors qu'elle aurait
répondu "ébi djan" signifiant en dialecte ébrié "je coupe des
feuilles".
-
90
-
SECTION 1
L'IMPLANTATION DE LA VILLE D'ABIDJAN
1 -
~~_~~~~!~~~_9~6~~9i~~~_!~~~~~~~~_~~r~!~!~_9~
la Côte d'Ivoire
La colonisation de la Côte d'Ivoire a été faite à par-
tir du littoral. Aussi, s'explique-t-il que les premiers sites
historiques du pays
se situent dans
la région du Sud.
L'implantation du chef-lieu administratif de la colo-
nie, suivant la même logique, s'est faite sur la côte du litto-
raI ; la communication avec la métropole se faisant par voie ma-
ritime. C'est ainsi que la première capitale de la colonie,
Grand-Bassam, a vu. le jour sur la côte Est maritime à quelque
quarante kilomètres de l'emplacement actuel d'Abidjan. Une épi-
démie de fièvre jaune a été à l'origine du transfert de la capl-
tale à Bingerville en 1900 (cf Bloch-Lemoine,
1967), en arrière
plan de la lagune Ebrié, sur le continent.
En ce début du siècle, les capitaines Houdaille,
Crosson-Duplessis et Tomasset repérèrent au 4ème degré de longi-
tude Ouest, un site qui, suivant leur estimation, convenait à
l'implantation du terminus de la Régie Abidjan-Niger (RAN). Ce
fut en ]898 et le site choisi fut le Plateau. Vu la proximité de
la nouvelle capitale Bingervillc,
l'administration coloniale
-
~) 1
cllvisagea d'installer sur le Plateau le siège du commalldement du
cercle des Lagunes en 1902 tout en maintenallt le chef-lieu à
Bingerville. Le site découvert offrait d'autres atouts.
La pré-
sence d'une importante étendue d'eau (la lagune) que surplombe
le
Plateau, puis lâ proximité de la mer due précisément au raccour-
ci créé par la lagune, donnèrent aux capitaines l'idée qu'on pou-
vait relier les deux étendues d'eau par un canal. Peu à peu se
précisa le projet de réalisation effective d'un
chenal long de
SOOm dans le cordon littoral.
Les études entreprises par Michel,
un ingénieur des Travaux Publics (cf Kouamé Y., 1975) aboutirent
au démarrage des premiers travaux en 1906 et 1907 qui devaient
se solder par un échec. Quant à la voie ferrée qui devait facili-
ter l'évacuation des marchandises et le transport des hommes, la
pénétration vers l'intérieur du pays, les travaux commencèrent
en 1903 (cf M. Leblan, 1955).
Des comptoirs conooerciaux commencèrent à s'installer
sur le Plateau, quartier résidentiel des européens. Jusqu'en
1934, l'urbanisation va se limiter au Plateau.
Il va y avoir dé-
placement des villages de Lokoc.lj ro, Aboboc.loumé. AnoUf.;ambo . D' im-
portants travaux de lotissements seront entrepris à Treichville
et à Adj amé-Etrangers pour loger les populati ons autochtones. La
mise en service du Wharf de Port-Bou!t en 1931 va accélérer la
croissance démographique des quartiers. En 1934, Abidjan devien-
dra la capitale de la Côte d'Ivoire.
-
9":
-
Quelques années avant d'accéder au rang de chef lieu
de la colonie, Abidjan regroupait, avec l'ensemble des villages(l)
du Plateau, les établissements commerciaux et l'administration
du cercle,une population de 1 400 âmes. Un peu plus tard, en
1939,
la population passa à 22 000 habitants. Sous l'influence
de l'exode rural et de l'immigration, les quartiers de Trcich-
ville et d'Adjamé s'agrandissent. Mais c'est à partir de 1"950,
année d'ouverture du Canal de Vridi, qu'un véritable "boom démo-
graphique" va commencer pour ne plus s'àrrêter jusqu'aujourd'hui.
Abidjan devient un pôle d'attraction vers lequel accourent des
ruraux et des ressortissants des pays voisins. A partir de 1960
notamment, année de l'indépendance politique de la Côte d'Ivoire,
tout se passait comme si les colonisateurs pa-rtis, le pays entier
descendait, par vagues successives, à Abidjan pour un partage de
pouvoir ou de butin hypothétique.
"Pour utiliser une image plus
frappante, tout se passe comme si, écrit Bloch Lemoine, depuis
quatre ans - et pour de nombreuses années encore - on ajoutait
chaque année à Abidjan une ville comme Laval ou Chambéry, sans
développer, bien entendu, l'effort d'investissement et d'équipe-
ment correspondant" (cf 1310ch-Lemoine, op. cit, p.
5:1.
En effet,
durant cette pél"iode la population abidjanaise augmentait de
50 000 individus par an.
( 1) : lI:..,' aga de6 v-UlageJ.> de Lolwdjtw, Anoumambo, Abobodowné, Cocodlj c.t
Adjamé.
-
~)::;
-
Le recensement effectuE par la Direction de la Statis-
tique en 1975 met Egalement en êvidencB la rapide croissance de
la ville. Suivant cette source, tous les dix ans, ABidjan double
sa population. Ainsi, de 1948 à 1955, la population a étê multi-
pliée par 2 et de 1965 à 1975 par 2,8
(cf.
"Direction de la Sta-
tistique", Recensement Général de la Population,
1975, p.
2).
Il semble cependant qu'on se soit moins intéressé aux
mouvements migratoires vers Abidjan avant l'année 1948. La plu-
part des études démographiques mentionnent l'insuffisance des
renseignements précis sur la population au cours de cette pério-
de. Toutes s'accordent pour indiquer un taux de croissance
annuelle supérieur à 101 à partir de 1948. En revanche, les
chiffres communiqués sur la population paraissent parfois con-
tradictoires, ainsi que le revèle le tableau'de la page 94.
_
lLj
_
1\\nnée(l)
1972
1928
1939
1948
1950
1955
1960
1 200 (8'1)
Population
1 400
5 400
22 000
~8 000 ~5000 (BL)
125000 180000 (FM)
]
1
Année
1963
1964
1
1965
1966
1967
1968
1970
1
250000
300 000
340 000
~50000
25 000
Population
1 500000
550 000
(BL)
(BL)
(BL)
(BL)
1
1
Année
1975
1977
1980
1981
1985
1
Population
1 000 000
1 100 000
(FM)
1 100000
(BL)
1600000
2100000
(8'1)
950 000
800 000
1750000
(BL)
En effet, mis à part le recensement démographique réalisé en
1955 (cf Le Blan, op. cit,), il n'y a pas eu d'étude systématique faite sur
l'évolution de la population au cours des années qui ont suivi. Aussi s'est-
on contenté d'inférences pour donner des estimations qUI restent, dans l'en-
semble, approximatives.
Deux importants mouvements rendent compte de cette crOIssance
démographique: un mouvement naturel qui est l'excédent des naissances sur
les décès, et un mouvement migratoire matérialisé par la descente à Abidjan
de rura~, et d'étrangers. Suivant les statistiques de Bloch-Lemoine, ces
deux mouvements apportent annuellement et respectivement à la vi lIe 2, 9t et
17%. Hais, observe l'auteur,
8% seulement des
17% des migrants res-
[11 : Le" tetille" "i.UvaM {v., c}ùo oJte" Mnt Le" .lYUM.a.tv., de" MU!l.cv.,
FM
FJtateJtnaé Matin, quotiru.en ;'vo.ùUen, daYlJ.> "a pubu.ca.t.i.on :
0
ABIVJAN, 200 page" e~ 300 pho~o", Soc.{.~é de PJte""e e~ d'ErUtion de
ta Co~e d'Ivo.{.Jte, 1982.
BL
BLoch-Lemo;'ne, op. ~, Le" ~e" clùooJte" "oy~ ceux de La. V.{.Jtec-
0
ti.on de La S~"tique ou ceux qUA. MM COYLo·<J1.mé'" pM ceUe V.{.Jteilion.
- 95 -
tent. pour une longue pEriode, il Abidjan tandis que 9% quittent
la ville - "Abidjan, écrit-il, est donc une vil le où un immigrant
sur deux seulement a quelque chance de s'installer durablement.
Dans cinq ans la moitiE de la ville sera répartie dans ses lieux
d'origine. Abidjan est une ville encore instable. On peut dire
que si elle grandit. ce n'est pas pour autant qu'elle se consti-
tue, structurellement parlant; c'est encore, en grande partie,
un lieu de passage (cf Bloch-Lemoine, op. cit, p. 6)!' Cette obser-
vation se trouve confirmée huit années plus tard par les données
du Recensement Démographique de 1975 kf Ministère de l'Economie,
des Finances et du Plan, op.
cit, p.
2).
Il Y a même une "rura-
lisation" croissante de la ville (l'apport migratoire se faisant
au taux constant de 8,5% depuis plusieurs années)
au détriment
d'une croissance naturelle (stabilisée au taux annuel de 2,5%).
Cette "ruralisation" de la ville est à l'origine de nombreux
problèmes sociaux que rencontrent quotidiennement les pouvoirs
publics dans leur politique d'aménagement de l'espace urbain..
Nous y reviendrons plus tard.
Pour l'instant, demandons-nous
comment Abidjan réussit il accueillir 50 000 individus qui lui
arrivent des campagnes ivoiriennes et des pays voisins,
chaque
année.
Pour abriter les migrants qui affluent de toutes parts
Abidjan est obligée de s'étendre, débordant ainsi les deux pre-
Illiers quartiers construits initialement
rTreJchville et Adjamé)
pour loger les autochtones et
Les Etrangers.
Pour mieux salSlr
- 96 -
la croissance urbaine d'Abidjan, nous reprendrons les trois éta-
pes distinguées par Ph. Haeringer et qui ont été reprises par
la Direction de la Statistique, au Ministère des Finances, de
l'Economie et du Plan dans la publication des résultats du Recen-
sement Général de la Population en 1975. Ces trois étapes présen-
tent l'avantage de résumer pratiquement l 'histoire politique et
économique d'Abidjan. En eftet, avant de devellir la capitale po-
litique et administrative de la Côte d'Ivoire, Abidjan était un
chef-lieu de colonie. A ce titre,
il assumait déjà la fonction
politique et administrative. L'ouverture du canal de Vridi en
faisant de ce chef-lieu une ville portuaire, ajoutait à la fonc-
tion déjà existante celle relative au commerce international.
Face à la rapide croissance de la population, Abidjan s'est vu
obligée de s'étendre dans un rayon qui atteint 15 kms aujourd'hui,
mais qui sera sûrement dépassé d'ici quelques années. Les trois
étapes qui indiquent cette évolution se découpent de la manière
suivante
: la ville coloniale - la ville portuaire - le nouveau
périmètre.
- La ville coloniale
Abidjan a vu sa naIssance sur le Plateau, ainsi qu'il
a été dit dans la partie historique.
Siège du Commandement du
cercle des lagunes, terminus du chemin de
fer Abidjan-Niger donc·
gare ferrovière, Abidjan avait commellcé à exercer assez tôt une
fonction économique.
Les activités qui se développaient autour
- 97 -
du rail en construction animaient la jeune cité, attiraient
main-d'oeuvre, commerçants et profitaient aux villages ébriés
qu'on dut déplacer pour l'implantation de la ville nouvelle.
"Abidjan, rapporte-t-on, semble appelée au plus brillant avenir:
aussi est-elle le théâtre d'une fébrile activité .. , Sur ses lar-
ges boulevards se croisent officiers du génie, agents et commis
de factorie, employés du chemin de fer, ouvriers indigènes, tous
empressés et affairés",
Pour abriter les populations indigènes, un plan d'ur-
banisme a été établi pour les quartiers de Treichville et d'Adja-
mé dès 1926 (cf Abidjan, op.
cit, p. 23). Ceux-ci se peuplèrent
très
rapidement et, en 1950, avec le quartier résidentiel européen du
Plateau, comptaient 65 000 habitants(cf Ministère de l'Economie,
des Finances et du Plan, op.
cit, p. 17). Ces trois quartiers
qui ne peuvent plus croître - à l'exception d'Adjamé qui s'est
agrandi parce que disposant relativement plus d'espace - sem-
blent avoir choisi, aujourd'hui,
la densification comme solution
au problème d'accueil des nouveaux immigrants.
En 1978, le Pla-
teau, Treicllville et Adjamé abritaient 313 000 personnes.
Le
rôle de ville portuaire joué par Abidjan a commencé
effectivement à partir de l'ouverture du canal de Vridi en 1950.
Pendant une vingtaine d'mmées (1950-1970),
la capitale ivoirien-
ne va devenir la plaque tournante de tout l'Ouest africain.
Le
-
98
-
"boom" économique qui a fait parler du "miracle ivoirien" se si-
tue à cette période.
L'une des conséquences a été de drainer
\\ers le lieu de ce "miracle", Abidjan en l'occurrence, une impor-
tante masse d'hommes que la ville coloniale ne pouvait toute seu-
le accueillir.
Il fallait donc créer de nouveau~ quartiers non
seulement pour reloger les personnes qui ont été chassées de
leurs logements situés aux abords de la zone portuaire, mais
aus~i les immigrants. Adjamé Extension, Williamsville, Cocody,
..htécoubé
Marcory, Zone 4, Koumassi sont des quartiers cons-
truits à cette époque pour répondre aux besoins de logement.
Couvrant une superficie de plus de 12 000 hectares, la ville
portuaire consituée par cet ensemble de quartiers comptait une
population de 377 000 habitants entre 1950 et 1970. Mais le taux
de croissance annu'elle moyenne (11,5 % vers 1970) et la densifica-
tion progressive de la population en l'espace de vingt ans invi-
taient les pouvoirs publics à prendre de nouvelles mesures pour
l'extension de la ville.
- Le nouveau nérimètre
-----------~--------
La vitesse(l) de croissance d'Abidjan dans l'espace
parait défier toute prévision.
Il aurait fallu aux pouvoirs pu-
blics des moyens autrement plus importants que ceux dont ils dis-
posent pour réaliser les investissements nécessaires et prévoir
( 1)
: NOM empR.oYOM "vdeAhe" (1l.1 t<.eu de "tlythme" pOu!l. n<VlqtLe.tl R.a !.>poYl-ta.I1Ü-
té de R.' oc.c.upaiA.OI1 d~ R.' eApac.e u!l.bMI1 ou wbu!l.bMI1. RytluJJe .t!r..adtU!i.a-V:,
110M .;elllbR.e-t-.d',tLl1e c.e/t.t.a.àle 1lIa.~e de ta .f.oc.omotion de CC( lI.i.Ue pM
R.~l pOUVO.{.!ll ptLbU~. Ce qi.U. n' eAt pM te C.M.
-
9 ) -
'
un plan d'urbanisme plus audacieux qu'ils ne l'ont
fait jusque
là. A partir cie
19ïO,: la population a continué Je croître à peu
près au même rythme annuel. L'occupation des
zones suburbaines
se fit de façon anarchique par l'installation de bidonvilles.
Desproprétai res
fonciers traditionnels se lancèrent dans la
vente de terrains à des particuliers. Une spéculation foncière
prospère s'installa; le même terrain étant parfois vendu sépa-
rément à plusieurs personnes qui ne se connaissaient pas.
Il
arrivait donc qu'un lot se retrouvait avec plusieurs propriétai-
res.
Ces pratiques étaient courantes dans les localités d'Abobo
Gare et de Yopougon devenus aujourd'hui des quartiers à part
entière de l'agglomération abidjanaise.
En effet, à l'origine,
Abobo Gare et Yopougon n'étaiellt que de petits villages regrou-
pant quelques hame~ux, l'un sur le parcours du chemin de fer à
quelques kilomètres d'Abidjan-Plateau, l'autre à l'Ouest sur
l'artère qUI mène de la capitale à Dabou, ancien chef-lieu de
subdivision. En 19ï8, ces deux quartiers abritaient près de la
moitié de la population abidjanaise, suivant les estimations
consignées sur le tableau de la page 100. Le rythme de croissance
démographlqu<" qui n'a pas baissé' dqllti5 1'178 pour tOllt '\\bidj<in ; pour toute
la ville laL'sl' penser qlle 1<" .\\ouvedll PériJnètre qui couvre
Ulle
superficie
de plus de 60 000 ha (cf Ministère du Plan,
19ï5,
op.
cit, p.
l Î )
connaîtra lui aussi la saturatioll bient6t.
-
100
-
-
- - - - - - - -
S ITlIJl.TI ON
POPULATl(\\N
(~IIARTT FR
.-._-_._--
T 0 T A L
GEOGRAPHIQI'E IVOIRIENNE
ETRf\\NGLRE
---- - - - - - -
Plateau
Centre -NonJ
5 7~8
12 800
18 528
-- - - - - - - - --
Tre i ch vil 1c
Centre Suu
59 ïOO
59 ~OO
119 000
Adjamr
Centre Noru
89 285
57 478
146 763
-
- - - - - - - - - - - -
Zone 4
Cen t re Sud
.)
,ao
125 -rr~'"
16 354
Port-Bouct
Sud
27 186
72 311
= l = 4 5
-
-
- - - -
Kounassi
Sud
81 692
, 9 9 303
180 995
'
f-------
--
- - - - - - - - -
f---------I
1Villiamsville
Centre Nord
22 620
13 676
36 296
- - --------------
- - -
Cocody
Est
31 605
26 409
58 014
Marcory
Centre Sud
55 452
33 725
89 177
- - - -1---
Attiécoubé
Centre Nord
33 048
O'
cO
112
56 160
- -
Locodjro
euest
10 062
5 538
15 600
Banco
Ouest
9 906
6 864
16 770
Abobo-Gare -
Nord
172 083
59 850
231 933
-
Yopougon
Ouest
127 8 d
24930
152 "30
- - . - - - - - -
Ban1 ieue
-
36 810
-I---;-~~~-o----
58 440
Total
784 -0'
.) - -
484 749
1_~ ;61 071-
1
Estimation de lil Population du Grand ABlIlYIN en 197~
(cf Enquête démographique ~
Passages Repétés
-
Agglomération d'Abidjan, Août
1982, p.
12).
Voi r
aussi Abidjan et ses quartiers en Annexe
IX_
-
101
-
- Les .nuartiers d'Abidjan
----~--------------- --
La distinction en "ville coloniale", "portuaire" et
"nouveau périmètre" résume les étapes de la croissance d'Abidjan,
malS ne rend pas compte des découpages administratifs de la vil-
le tels qu'ils existent aujourd'hui. Elle ne permet pas non plus
d'apprécier la répartition de la population suivant les aires
géographiques ou les arrondissements. Le tableau de la page lU2
présente le découpage administratif de la ville ainsi que la
répartition de la population entre les arrondissements, au cours
de l'année 1975. A cette période déjà, Abidjan-ville abritait,
les zones suburbaines non comprises, 709 S15 âmes. Trois années
plus tard, en 1978, cette population passa à 725 968 personnes
sans qu'il y ait &u apparemment une extension consécutive de la
ville.
Les statistiques relatives à l'enquête démographique ef-
fectuée en 1978 et qui sont reproduites à la page !I1U permettent
de constater que durant les trois années écoulées,
les quartiers
de Yopougon, d'Abobo-Care et la banlieue ont accueilli plus d'in-
dividus que l'ensemble des arrondissements
formant Abidj an- ville.
En d'aunes termes,l'accroissement démographique d'Abidjan, dans
les années à venir, sera quantitativement plus important dans
les quartiers périphériques que dans les vieux arrondissements.
- 1 Ù 2
-
113 b66
16,00
ln 548
18
14 241
- - - _ ..
ï4 2ïu
146 370
3î r-
_.).)
33 424
67 576
47 802
Ouest
17 2P,7
12
Yopougon Banco
13 303
Sous Total Abi'clj3n-viJ le
lf----7-09-5~1-5- t -1~=:~::_.-7-4-,6-
l======.,-=+=:=--=---- 1= --_._- =+====
l
55,6
- - - - - - -
26
~=~'\\hOhO""re (C).._+-__~~rd .J 134450
YOpoll~)n Si.cogi -l-_.?:=~~--.~___ 62 999
r-
b44
f1i\\'('rs Banlieue
252
1
1g,4
- - -
b Sous Total AbiJj,m-B,mlieue
24~_~__ .
100
25,4
1
Tata] Crancl-·\\!311\\]·\\;'j : 951 216
100
100
1
1
_ . _ - - - - _.. -
-
[,<'partition de la popul:ltion clu GRfWD-f,HIDJi\\N par arrondi.ssements
ct zones réogr3;'hiqucs. ,'\\',née 1975 (1) (cf Recensement Général
Je la Population,
1975 -
l't\\ggloll1ération du Grand-
Abidjan,
01"
cit, 1'.7).
1JI: l.a"e-t-t!I.e C pi'acée. rievan.t "' 'aJUlO>lCkMe.men.t .cl1d.cqlte qlLe ce deJI.I1-<-eJI. a Ué
é:cLg ,~. e-n C.Ormrune de prt,--irH? ac.tiv.Lté èi comp-tCJi dc. 1980.
-
Iln
-
La descente massive des ruraux et des étrangers vers Abidj an
correspond à des attentes et à des motivations variées, Aussi
peut-on s'interroger pOUl' savoir Sl la ville (dont l'étendue
pose déjà des problèmes sociaux aux autori tés administratives,
des problèmes de logement et de transport à ceux qu'elle a at-
tirés) est à même d'aider à la réalisation des espoirs placés
en elle. Le chapitre qui suit présente les activités économiql1es
qui sont, entre autres facteurs, à l'origine de la croissance
démographique d'Abidjan.
-
\\ Ci ~
-
,,1
"
SECTION Il
LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE
La croissance démographique et urbaine dont il vient
d'être question au chapitre précédent est une conséquence direc-
te du développement économique de la ville d'Abidjan.
L'attrac-
tion exercée sur les ivoiriens et les africains d'autres nationa-
lités s'explique par le développement d'un pôle économique dont
Abidjan a été et demeure encore le foyer principal.
Au nombre des infrastructures mIses en place pour ai-
der et favoriser ce développement économique, figurent le canal
de Vridi et le Port d'Abidjan.
Nous examinerons dans les parties qui suivent, la con-
tribution de l'un et de l'autre, puis les activités économiques
qu'ils ont induites.
1 - La contribution du Canal de Vridi
I l est quasiment impossible de comprendre et d'expli-
quer le rapide développement économique de la Côte d'Ivoire sans
se référer au rôle extrêmement important que joue le Canal ~e
Vridi depuis son ouverture le 1er Janvier
1951.
Jusqu'en 1950, les échanges interJlationaux de la Côte
cl' Ivoire qui s'effectuaient par la voie maritime transitaient
par Granc1-Bassam, puis par Port-Bouët à parti r de 1931. Le trans-
port mari time sur cet~e côte inhospi talière de l'Afrique Noire
,
,
"
1li S -
reposait sur le syst0me de wharf.
L'intensification des activi-
tés du wharf de Port-Houët devai t amener le déclin de celui de
Grand-Bassam (cf ABlllJAN op. cit, p.
"
2:;) satll1'é et plus
éloigné
d'Abidjan. La proximité de Port-Bouët représentait un avantage
pour Abidjan devenue le point de départ du chemin de fer
Abidjan-Niger et un elltrep6t.
Mais pendant que Grand-Bass am déclinai t, que Port-Bouët
jouait le r6le de port pour Ab,idjan,
les travaux du creusement
du canal continuaient, drainant une abondante main-d'oeuvre,elle
même facteur économique, vers la capitale.
En effet, de petits
marchés provisoires s'implantèrent aux abords du canal en cons-
truction et de petites vendeuses assurèrent l'alimentation des
manoeuvres et ouvriers. Au moment où s'ouvrait officiellement le
canal, les travaux en eux-mêmes avaient déjâ rassemblé une impor-
tante popùlation â Abidjan, créant ainsi un p6le économique dont
les activités se diversifieront et s'intensifieront au fil des
années.
Avant l'ouverture du Canal de Vrirli, ..\\bidj an n'étai t
qu'un entrepôt. Le's marchandises déchargées des navi l'es à Port-
Bouêt étaient achéminées par voie de chemin de fer â Abidjan. De
même,les opérations import-export s'effectuaient â Abidjan. A
cette période, le trafic maritime de la Côte d'Ivoire att~ignait
-
100 -
200 000 tonnes par ans (cf .èlBIDJAN, op.
cit,). L'ouverture du
canal et l'implantation d'lIn port à Abidjan vont non seulement
transformer la physionomie de la ville, mais aussi révolution-
ner l'économie ivoirienne.
Les travaux relatifs au creusement du canal et à l'im-
plantation du Port ont été :1 l'origine de la destruction des habi-
tations anciennes et du déplacement des populations vers de
nou-
veaux espaces. Plus particulièrement,la création du port dans la
zone lagunaire, à proximité du quartier de Treichville, a néces-
sité l'évacuation de toute une zone de ses occupants et la réins-
tillation de ceux-ci sur un terrain plus éloigné. Ainsi a été
créé le quartier de Nouveau Koumassi, peuplé au départ de ces
personnes chassées de leur habitation.
Depuis son implantation jusqu'aujourd'hui, le port con-
tinue de s'étendre et, on parle de plus en plus de l'occupation
d'autres sites dans la voie lagunaire. L'équipement du port entre
1951 et 19ï3 permet d'apprécier l'importance de l'étendue du ter-
raln occupé et des investissements réalisés.
En l'espace de ces
vingt deux années, note Kouamé Y.• le port disposait ~f Kouamé
Y. op.
cit, p.
15)
-
107 -
3 130m de quaI à divers dont 2 490m à 10 et 64m à
-11,50.
280m d'appontement bananière à -7.
- 1 070m de quai pour la pêche dont 210m à -5 et 860m
à -Î.
575m de qual de batelage et de chalange à -2,50
300m de qual au parc à bois à -2,50.
380m de quaI au parc à bois à -0,70.
2
- 6 500m
de parc à bois.
2
2
- 113 750m
couverts de magasin dont 91
200m
de
magasin cale.
7
- 14 650m- couverts de hangar.
2
571 OOOm
de terres-pleins pour la zone portuaire.
2
-
1 900 OOOm
de terrain pour la zone des entrepôts.
2
- 1 345 OOOm
de terrain pour la zone industrielle.
,
- 300 OOOm- de terrain pour la zone des
industries
navales.
2
1 060 OOOm
de terrain pour la zone des hydrocarbu-
res.
- 14 300ml de route.
- 15 OOOml de voie ferrée.
108
-
- 16 300ml d'égout.
18 OOOml de réseau d'eau.
19 OOOml de réseau d'électricité avec éclairage pu-
blic, éclairage de garde et de travail dans la zone
portuaire.
2
- 105 OOOm
de bâtiments d'exploitation et de logement.
Ainsi donc le port occupait à lui seul, à la fin de
l'année 1973, 700 hectares de terrain et 1 000 hectares de plan
d'eau ayant - la à-1S de fonds, Le coût total des investisse-
ments réalisés
en infrastructure et en superstructure au cours
de cette période se chiffre à 26 879 milliards de francs CFA;
ce qui représente un peu plus d'un milliard par an en moyenne
pendant vingt deux ans.
Sans exagérer, on peut dire que le Port d'Abidjan res-
semble à un chantier permanent.
Il y a toujours des travaux en
cours; travaux d'aménagement OU d'implantation de nouveaux maga-
sins sur des marécages asséchés, dragage de nouvelles zones. La
construction d'un pont (communément connu sous le nom du pont de
Vridi) qui enjambe le bras de lagune séparant la zone portuaire
de l'île de Petit Bassam, prolonge la vue de l'observateur jus-
qu'à
l'extrémité sud du canal et, donne de
l'ensemble portuaire
l'image d'un monde grouillant et bruyant aux
heures ouvrables.
1O~)
-
En mOIns d'un quart de si~cle~ après sa construction,
le Port a changé la physionomie du site où il est
implanté et
crfe un déséquilibre entre la partie continentale et la partie
maritime de la ville.
L'essentiel des emplois se trouve concen-
tré dans la région sud d'Abidjan, sur l'île de Petit-Bassam
cf ~BIDJAN, op. cit,), ainsi qu'on le verra ultérieurement. Le
plan quinquénal 1981-1985 donne la priorité à l'extension du Port.
Il s'agit, entre autres objectifs, de créer Ull autre port sur
la presqu'île de Locodjro (toujours dans la baie lagunaire, malS
du côté nord-ouest d'Abidjan)
de façon à drainer une partie des
emplois sur le continent. Ce projet qui est estimé à douze mil-
liards de francs CFA prévoit 1 000 mètres de'quai en eau profon-
de dans la première tranche des travaux.
Les investissements énormes réalisés en une vingtaine
d'années laissent préjuger ce que la Côte d'Ivoi re entière attend
de son port. Sans exagérer on peut affirmer que le Fort et l'A-
griculture sont et demeurent encore aujourd'hui les deux princi-
pales sources de revenu du pays.
Cette attente du pays se décou-
vre dans l'article 8 de la loi des Finances n" 79-726 du 31 Dé-
cembre 1970, qui érige le port d'Abidjan en
Etablissement Public
l'ale et de l'autonomie financière sous la tutelle administrative
10
-
et technique du Ministre des Travaux Publics et des Transports
et sous la tutelle financière du ~Iinistère de l'Economie et des
Finances ~f Kouamé Y. op. cit, p. 22).
C'est par le Port que se réalise le commerce maritime
de la Côte d'Ivoire avec le monde extérieur.
La Côte d'Ivoire
exporte des produits agricoles, notamment le café, le cacao et
le bois pour ne citer que ces trois qui lui confèrent respecti-
vement le troisième et le premier rang mondial puis le premier
rang parmi les pays africains exportateurs de grumes. Mais la
Côte d'Ivoire importe aussi des produits nécessaires à son dé-
veloppement économique et social .
. Le trafic à l'exportation et ~ l'importation.
Le tableau ci-après renseigne sur l'importance des
marchandises qui passent par le Port d'Abidjan ~f ~~2~g~!~
!!~!!!~~~~, 10e édition 1982, Ediafric, Paris).
J~29E!~~~~_~~~_~~E~~~~~~~~~_~Y~~!_2~~~~_2~E_!~_~9E!_~~~Q~~i~~
de 1968 à 1981
- - -
1
(100 T)
1966
1971
1972
1974
1975
1976
1977
1978
1979
1980
1981
Import
l 883
2 616
2 965
3 558
3 420
4 262
4 729
5 480
2 770
5 952
5 103
Export
2 390
2 737
2 960
2 039
2 618
3 432
3 134
2 850
2 898
3 412
1
3 179
x
Tota l
4 073
5 353
5 925
6 597
6 039
7 694
7 863
8 330
8 668
9 364
8 283
x
1
-~
-
1 12 -
Les données ci-dessus révèlent une croissance réguliè-
re globale du trafic-marchandises de 1966 à 1974 puis de 1976 à
1980. La baisse légère de volume des activités en 1975 et 1981
provient d'une baisse des exportations. Par contre, les importa-
tions connaissent toujours une croissance d'une année à l'autre,
mise à part l'année
1981.
Le tableau de l'annexe X indique
les principaux produits
importés et exportés durant la période 1976-1981. Il ressort que
la (ôte d'Ivoire importe plus qu'elle n'exporte. En matière de
produits alimentaires, elle dépend encore grandemènt du monde
extérieur. Ce fait est probablement à l'origine de la nouvelle
politique gouvernementale axée sur l'autosuffisance alimentaire.
La diminution de volume du pétrole brut importé en 1981 s'expli-
que sûrement par l'apport ivoirien sur le marché local de con-
sommation.
L'essentiel du trafic maritime ivoirien passe par le
Port d'Abidjan. Ainsi, est-ce par le Port que pénètrent dans
le pays la plupart des devises relatives aux exportations. En
1967, note Y.
Kouamé (op.
cit.), le Port a contribué pour 96%
à
la rentrée de devises en Côte d'Ivoire, au titre d'exportation
de produits divers, soit quatre vingt milliards deux cent soi-
xante trois millions de francs CFA.
Cinq années plus tard cette
contribution est passée à cent dix mille trois cent cinquante
deux millions de francs CFA
(110 352 000 000 F CFA.).
-
i 1~
-
Cette somme, suivant Kouamé (Y), représentait la vente du café,
du cacao et du bois, les trois principaux produits grâce aux-
quels la Côte d'Ivoire a pu assurer son décollage économique.
Aujourd'hui encore ils représentent l'essentiel des exportations
ivoiriennes.
Le tableau de l'annexe xr présente l'évolution des
exportations du café et du cacao du deuxième trimestre de l'an-
née 1977 au premier
semestre de 1981. A partir de 1980, on note
une baisse sensible du volume des deux proàuits, notamment celui
du café, correspondant à l'amorce de la crise économique mondia-
le actuelle dont la Côte d'Ivoire, pays en développement, ressent
particulièrement les effets. Les conséquences directes se tra-
duisent dans la diminution des rentrées de devises dans le pays.
La quantité du bois vendu à l'extérieur est aussi en baisse
depuis 1980, ainsi que l'illustre le tableau ci-dessous
~f
Economie Ivoirienne, op. cit. p. 47).
1
Exportations de bois
1
1980
7 mois
1981
(en milliers de m3)
1979
1980
7 mOlS
Grumes
3 199,2
3 059,2
2 059,8
1 407,5
,
Sciages
293,2
272,5
176,5
157,7
Déroulage
47,0
41 ,3
24,7
20,4
Tranchage
4,5
6,6
3,5
3,3
Contreplaqués
10,2
13 ,3
7 , 1
6,~
Tableau
Evolution du conmlerce du bois, de i979 au ier Trirr;estre.·
--------------------------~--------------------------~
--
1 1-1
-
En 1980, suivant la centrale des bilans, la dimunution
g loba 1e des exportations qui est réelle n'est, malgré tout, que légère par
rappo rt à l'année 19"19. La valeur des exponatiüns a ainsi baissé de
609 601 millions en 1979 à 603 066 millions en 1980, soit une
régression de - 1,070 L L'examen des différents produits exportés révèle
que le café. le cacao et le bois ont à eux trois, représenté 58,8%
du total des exportations en valeurs
ce qui confirme bien le
rôle moteur de ces trois produits dans l'écone>nie nationale et l'importan-
ce particulière que le
pays leur accorde pour son développement.
Le volume des échanges commerciaux, importations et
exportations, entre la Côte d'Ivoire et les partenaires étrangers et qui
s'effectuent par le Port d'Abidjan constituent un indicateur de la vitalité
du port. Celui-ci, suivant la "Centrale de Bilans 1980", a rap-
porté à la Côte d'Ivoire, en milliards de francs CFA les sommes
ci-après (cf Economie Ivoirienne, op. cit, p.
115).
ANNEE
1977
1978
1979
1980
Devises
4 232
5 237
6 298
8 675
entrées
Cette croissance régulière des
rentrées de devises que
le Port assure à la nation laisse penser que la crise économique
mondiale ("conjoncture" suivant l'expression des ivoiriens) s'est
frayée un autre chemin que le port pour pénétrer dans le pays.
1 15 -
• La quasi totalité des industries implantées à
Abidjan se trouve concentrée dans la zone portuaire, sans doute
pour des raisons
liées à leur approvisionnement et aussi à l'écou-
lement de leurs productions. Ces industries se répartissent en
différentes catégories.
Indus t ri es de transformation. alimentai res
Ces industries transforment des produits locaux ou
importés pour la consommation. Il s'agit:
- Des Grands Moulins
(GMA) d'Abidjan qui ravitail-
lent
toutes les boulangeries de la capitale et du pays en fa-
rlne
,
- De BRACODI et SOLIBRA, deux grandes brasseries
qui alimentent toute la Côte d'Ivoire en bi~re, en boissons ga-
zeuses et en glace alimentaire notamment à Abidjan
- De la SOBOCI, spécialisée dans la fabrication
du Coca-cola
- De IVOIRLAIT et AFRILAIT, orientées vers la fa-
brication des produits laitiers;
- De ABINADER qui s'occupe de la confiserie, des
bonbons et du chewin-gum ;
-
1 1()
-
- De la SAC~ qU:l fournit du beurre et de la pou-
dre de cacao
- De CAPRAL-NESTLE spécialisée dans la fabrica-
tion de café soluble ;
- De la Société des Conserves de Côte d'Ivoire
(SCODI) qui s'occupe de la fabrication des conserves de thon et
de sardines. Suivant les statistiques récentes ~f Economie IVoi~
rienne, p. 39), elle a traité 16 191 tonnes de thon en 1979-1980
représentant un chiffre d'affaires de 7 milliards de francs CFA
et se propose d'atteindre 7,7 milliards en 1980-1981,
- De la Société Générale pour l'Industrialisation
de la Pêche (SOGIP) et de la Société de Construction et d'Exploi-
tation d'Installations Frigorifiques
(SOCEF) dont l'activité
principale est la congélation et l'entreposage du poisson;
- De la Socifté Pêche et Froid de Côte d'Ivoire
(PFCI) qU:l, en cinq mois au cours de l'année 1978-1979, a conge-
lé 5 200 tonnes de thon, réalisant ainsi un chiffre d'affaires
d'un milliards de francs CFA;
- De la Société Ivoirienne de Pêche et d'Armement
(SIPAR) dont le chiffre d'Affaires a atteint deux milliards de
francs en 1979-1980 et qui envisage de porter ce montant à deux
milliards et demi en 1980-1981.
-
1 1 ï
-
- HUMUCI-SIVENC fournissent des engrais
- SOTROPAL fabrique des allumettes
- SAEC et SIPEC produisent des peintures et vernis
- SOFACO et SHELL fabriquent des produits phytosani-
taires
- SIMOPA et SEWAD COTE D'IVOIRE fabriquent des parfums
- BLOHORN est spécialisée dans la fabrication du savon,
des détergents, de l'eau de javel, de l'huile de ta-
b le et de la marg arine .
L'ensemble de ces industries employait, il y a une
quinzaine d'années, quatre cents
(400) personnes.
Industries liées à l'utilisation de métaux
------~-----------------------------------
Quelques unes d'entre elles travaillent au montage de
véhicules automobiles. Telles la SAFAR et la SERIA. En 1967,
la
SAFAR a monté 2 000 voitures Renault; en lY73,elle montait
4 300 unités. Quant à la SERIA, elle s'occupe uniquement du mon-
tage des camions .
. Les usines de cycles MAC fabriquent des bicy-
clettes et des cyclomoteurs.
Ils -
. Les usines SIEN, MECANEM fab.riquent des embal-
lages métalliques .
. SAMELA et SIFERCOM confectionnent des lits, du
mobilier, des charpentes métalliques.
Ivoiral
produit des ustensiles et des articles
en aluminium.
Il faut signaler également dans cettE zone portuaire,
l'existence des chantiers navals CARENA puis d'une tréfelerie
SOTREC.
Industries textiles
Les socié~és ICODI, SOTEXI et SOCITAS font l'impression
des tissus
FILTISAC fabrique des sacs de jute et de sisal. Les
sociétés SAFRIC et MACODI ont des ateliers de confection dans la
zone portuaire. L'ensemble de ces sociétés emploie plus d'un mil-
lier de personnes.
Autres industries de transformation
Sur le site portuaire sont également implantées
deux
cimenteries,
deux briqueteries, une fabrique de carreaux, un~ USlne
d'éléments préfabriqués en béton, trois usines de fabrication
d'articles en plastique (Alibert-Superior, MIPA, POLYPLAST). une
fabrique de caisses en carton pour l'emballage de banane (SONACO).
-
1 19 -
Les ivoiriens sont de grands consommateurs de poisson.
Avec le développement d'Abidjan et la croissance de la popula-
tion, la pêche artisanale ne peut plus couvrir les besoins en ce
domaine. Réalisée au moyen de grandes embarcations
(les pirogues)
par des Ghanéens, Togolais, Béninois et Sénégalais au large
d'Abidjan, elle ne pouvait satisfaire la demande des abidjanais,
à plus forte raison celle de toute la Côte d'Ivoire.
En 1967,
l'ensemble des pêcheurs ci-dessus désignés n'ont amené au sol que
la 000 tonnes de poisson. En 1973, soit six années plus tard, la
totalité des prises atteignait 17 000 tonnes; ce qui représen-
tait une progression annuelle de 11,66% environ. La pêche en la-
gune n'apportai t guère suffisanunent de poisson (6 000 tonnes par
an) (1). La satisfaction des besoins abidjanais et nationaux
nécessitait donc une modernisation des pratiques.
Le port de pêche créé en même temps que le port de
commerce (dans les faits,
il s'agit d'une différenciation des
fonctions de l'unique Port d'Abidjan) va contribuer au développe-
ment très rapide de la pêche industrielle. Devenue une activité
économique très sérieuse de par les besoins alimentaires crois-
sants de la population, la pêche va drainer au Port d'Abidjan de
nombreux armateurs étrangers qui y trouveront un marché favorable
à l'écoulement de leurs cargaisons. Le tableélu:k la page suivante donne
Ulle idée sur l'évolution du trafic de la pêche industcielle de 1963 à 19 7 3.
--------------------
Il) : Ce.l duôôILeA e.-t ewx Qui ,luive.nt Mnt D-ILv., de Kouamé. (YI, op. w.
-
12i1
-
Tableau
T
AJ'<J'\\lEES
1963
1964
1965
1966
1967
1968
1969
1970 !
-- ..
1
- - '
Tonnages
30 000
38 115
45 143
40 368
46 756
45 008
44 903
51092
de poissons
ANNEES
1971
1972
1973
Tonnages
51 825
de poissons
178 318
41 235
1
1
1
Ces prises ont été assurées par un ensemble de flottes
qui sont basées ou non à Abidjan: les unités basées au Port
d'Abidjan étaient composées de
2·8 sardiniers
30 chalutiers
9 chalutiers-sardiniers
4 sardiniers-thoniers
13 crevettiers
3 thoniers.
Les unités qui n'étaient pas basées à Abidjan compre-
naient
7 crevettiers
.508 thoniers
. 73 congélateurs.
i : 1
-
A cette époque du "boom démographique" qui sui vai t le
"miracle économique" ivoirien,
il fallait beaucoup plus pour
nourrlr la population abidjanaise et ivoirienne. Les prises de
poisson réalisées par les pêcheurs nationaux s'avéraient insuf-
fisantes, face à une consommation de 25kg de poisson par habitant
et par an. Si l'on se réfere à la croissance démographique de la
ville d'Abidjan estimée à 50 000 personnes par an, c'est à
1 250 tonnes
(25kg x 50 000) qu'il faudra estimer l'augmentation
annuelle de la quantité de poisson nécessaire à l'approvisionne-
ment de la population abidjanaise uniquement. On comprend alors
les raisons pour lesquelles la Côte d'Ivoire recherche un peu
partout des fournisseurs, y compris les pays de l'Est;
l'URSS
étant son premier fournisseur de poisson frais devant le Sénégal,
la France, la République Démocratique Allemande et la Pologne
(cf!!S:~~~JE~~_!:::~~E~~~~~, op. cit, p. 39).
Les propos ci-ciessus ne doivent pas laisser croire que
la Côte d'Ivoire attend, passive, que le monde extérieur l'appro-
visionne. La pêche industrielle, qui fait partie des attributions
du Ministère de la Production Animale, connaît aujourd'hui un
grand développement si l'on en juge d'après la place qu'elle oc-
cupe parmi les autres industries implantées sur le site portuai-
re. En 1980, les différents types de pêche (maritime, lagunaire
et artisanal) ont fourni 92 500 tonnes de poisson représentant
50 % de la consommation nationale et
14 mi] liards de Francs CFA
en valeur.
Les exportations de thon en conserves et de crevettes
-
1I2 -
congelées ont représenté 14 500 tonnes, rapportant ainsi â la
nation la coquette somme de sept milliards neuf cent millions de
francs CFA. Rien qu'avec le commerce de thon et de crevette, la
Côte d'Ivoire a pu couvrir à 68,5\\ ses importations en 1980.
Suivant l'importance des tonnages de thon débarqués ou transbor-
dés, Abidjan occupe aujourd'hui la place de premier port thonier
d'Afrique de l'Ouest. Le tiers des captures effectuées dans
l'At-
lantique passe donc par le port d'Abidjan.
A cet apport des flot-
tes étrangères, il faut ajouter la contribution des thoniers
ivoiriens qui s'élève à 14 092 tonnes en 1980, représentant un
montant d'environ quatre milliards de francs CFA. La contribu-
tion de la pêche dans l'économie nationale apparaît ainsi claire-
ment. En offrant directement ou indirectement 60 000 emplois,elle
se classe parmi lés activités sur lesquelles la Côte d'Ivoire
peut fonder son développement.
3 - Les autres secteurs d'activités
La plupart des activités commerciales et industrielles
de la ville d'Abidjan sont induites par le port.
aJ
Les industries
Leur implantation eXIge de nOmbl"eUSeS précautions. En
effet,si elles contribuent
au développement économique d'un
pays, elles peuvent aussi nuire à la santé de la population.
La politique de l'environnement pratiqufe aujourd'hui dans les
pays industrialisés n'est pas sans influence sur les autorités
ivoiriennes. A preuve, conscient de l'industrialisation progres-
Slve Je la Côte d'Ivoire, le Gouvernement de la République de
Côte J'Ivoire compte dans ses rangs un ~Iinistère de l'Environne-
ment.
La plupart des industries étaient concentrées, jusqu'à
une Jate récente, dans la zone portuaire dont on vient de voir
les activités. La zone 4 C conquise sur des marécages et qui
était initialement créée pour abriter des industries est devenue
aujourd'hui un des quartiers résidentiels les plus agréables de
la ville. Et si l'on y rencontre des ébénisteries, quelques usi-
nes de confection d'habits et des maisons de commerce, sa voca-
tion parait être plus résidentielle qu'industrielle.
La zone 3
qui lui est contiglie et en même temps proche du port est plutôt
tournée vers la petite industrie que vers la grande. C'est sur
cet espace un peu trop exigu qu'on rencontre certains ateliers
de verre (SOCIPRA) et d'aluminium (SAJ\\IELA), des concessionnaires
automobiles
(Peugeot, Renault, Mitshubishi, Peyrissac Afric-
Auto), de grandes maisons de commerce (Jean Abile Gal, Peyrissac,
.. ,
cu
ote.).
La saturation du Port puis des zones avoisinantes sus-
ceptibles d'abriter des usines a conduit
les autorités nationales
~ créer deux autres zones industrielles à Koumassi et à Yopougon.
-
1 =4 -
Quelques sociétés qui acceptent de s'y implanter
maintiennent
cependant des antennes aux environs du port;
tel est par exemple
le cas de la société ABI
(Abidjan Industrie) qu'on retrouve aus-
si bien en zone industrielle de Yopougon qu'en zone industrielle
de Vridi ; société qui s'occupe de la fabrication de matériel
ferroviaire, de réparation de wagons, de voitures; qui fabrique
aussi des décortiqueurs de riz, café, arachides, des broyeurs,
des pompes à commande manuelle pour l'hydraulique villageoise.
Tel également le cas de la Manutention Africaine de Côte d'Ivoire
installée dans la banlieue de Yopougon et qui a une antenne sur
le Boulevard de Marseille, tout proche de la zone portuaire.
Le quartier de Koumassi, bâti également sur des maré-
cages et qui se trouve sur la même île de Petit-Bassam que le
port, dans le prolongement Ouest de la zone 4, semble attirer
plus que Yopougon les promoteurs d'entreprises. Probablement la
proximité du Port y est pour quelque chose. Sont donc implantés
dans la zone industrielle de ce quartier :
GENICIAT (Génie Civil
en Afrique Tropicale)
SATE (Société Africaine de Travaux et d'Etudes)
SIGEXE (Société d'Investissement de Gestions et
d'Exploitation d'Entreprises)
METAL INDUSTRIE (Fabricant de tôles,
tubes, ro-
binetterie industrielle)
12S
-
SADCO (Fabricant de tuyaux d'échappement et
silencieux)
FRUEHAUF : Véhicules industriels et agricoles
Fabricant de semi remorques carrossées
Il
" "
Il
ci ternes
"
"
"
"
porte-engins
"
"
"
"
bennes.
On y rencontre également des industries
- de transformation du bois
:
La SEMI
(Société Ebênisterie-Menuiserie
Ivoirienne)
L'INADEC : Mobilier-menuiserie
CETICI
- de menuiserie aluminium :
SIMALU : Menuiseries aluminium-vitrerie-
ferronnerie rideaux métalliques-grilles exten-
sibles
- de fabrique de parfums
. Les laboratoires NICHOLAS (CI) S.A.
- alimentaires
FI NUMA
fabrique ivoirienne de NUOC-MAN
GELTI, S.P.G.
: Yaourt, yolait.
-
126 -
b) Les industries alimentaires
------~---~-~--------------
A part les zones industrielles récentes de Yopougon et
Koumassi qui commencent timidement à accueillir quelques indus-
tries alimentaires, tous les promoteurs paraissent irrésistible-
ment attirés par la zone portuaire. Nous avons vu ci-dessus que
la société-mère qui s'installe relativement loin du port, crée
une antenne à proximité de celui-ci.
Il y a sOrement là des va-
riables structurelles économiques et probablement sociales qui
risquent de rendre difficile l'implantation ou le transfert des
industries sur des aires distantes de la zone portuaire, ainsi
que le préconisent les autorités politiques.
La remarque qui précède concerne les industries de
transformation. Au sujet de celles-ci, il convient de noter les
efforts déployés par le gouvernement et les particuliers. En
effet, la plupart des produits alimentaires vendus dans le com-
merce proviennent souvent d'Europe ou d'Amérique. Il s'agit de
produits que la Côte d'Ivoire avait exportés et qui lui revien-
nent transformés.
En créant sur place des industries de transfor-
mation des produits agricoles locaux, promoteurs et consommateurs
gagnent dans la disponibilité, les uns des nlatières premières,
les autres de la marchandise. Au niveau du gouvernement cette
mission est confiée à l'Institut pour la Technologie et l'Indus-
trialisation des produits agricoles tropicaux
(ITIPAI) sis à
Cocody. Aujourd'hui, l'ananas est mis en conserve. Sur le marché
\\ ~ 7 -
ivoirien, est vendu du jus d'ananas en boîte. L'attiéké mis en
sachet par CHICAYA fait parfois le bonheur de l'ivoirien à Paris,
qui peut se réjouir de consommer un plat national, très loin de
son pays.
Initiatives privées et encouragements du gouvernement
dans le domaine de l'alimentation de la population demeurent les
données saillantes de l'économie ivoirienne, notamment dans les
ag·glomérations
urbaines. En ce qui concerne son alimentation quo-
tidienne, l'Abidjanais n'éprouve aucune difficulté d'approvision-
nement.
S'il est un domaine où l'acculturation a bien réussi,
c'est celui de la consommation du pain. Plusieurs boulangeries
fonctionnent à Atidjan.
- Boulangerie de la baie du Banco CA L'EPI D'OR)
- Boulangerie Panivoire
- SAGECO
Boulangerie
- SIBOUL (Société Ivoirienne de Boulangerie) pour ne
citer que ces quatre. Ce sont de grosses.unités qui disposent
de dépôts de pain à travers toute la ville. Mais il existe aussi
de petites boulangeries dans tous les quartiers d'Abidjan.
-
1 2S -
Les brasseries
-,- - - - - - - - -- - - -
L'usine de BRACODI SIse
à Treichville et celle de la
SOLIBRA en zone 3, alimentent en boissons gazeuses et en bierre
toute la ville d'Abidjan et même tout le pays. Chaque usine dis-
pose de nombreux dépôts dans les quartiers, mettant ainsi à la
portée des consommateurs les boissons dont ceux-ci ont besoin.
En bref, Abidjan est une ville qui s'efforce de se suf-
',fire soit en produisant sur place les denrées alimentaires dont la
population a besoin, soit en les faisant venir de l'intérieur du
pays, ce qui est généralement Je cas, soit en les important.
Il est l'une des activités les plus prisées paT les
abidjanais et qui occupent une importante partie de la popula-
tion. En fait le développement économique de la Côte d'Ivoire
même ne repose-t-il pas fondamentalement sur le commerce? Nous
avions vu que par le trafic des marchandises, le Port d'Abidjan
faisait entrer dans le pays une quantité cDnsidérable de devises.
Par ai~leurs,en créant un ministère spécialement chargé ducom-
merce et un centre international de commerce extérieur (CTeE),
le gouvernement atteste officiellement l'importance du trafic
des marchandises dans l'économie nationale. Emboîtant le pas à
l'Etat, sociétés et particuliers tirent l'essentiel de leurs re-
venus du commerce. Tout abidjanais, s'il ne l'a pas encore réali-
1 ~ li
-
sé, nourrit le secret espoir d'ouvrir une petite maison de com-
merce, en tout cas, d'avoir un pied dans le monde des affaires,
parallèlement à sa fonction officielle. C'est même une exception
de trouver des personnes parmi les abidjanais exerçant une fonc-
tion officielle largement rémunérée par l'Etat, qui ne soient
directement ou indirectement intéressées par des activités com-
merciales. L'exemple donné par l'Etat a fait tache d'huile dans
la population au point qu'il faudra aujourd'hui situer à la limite
de l'imagination tout ce qui peut être objet de commerce à
Abidjan.
Un monde des affaires s'est développé à Abidjan, à
partir de l'indépendance politique de la Côte d'Ivoire et surtout
du "miracle écono;aique ivoirien" dont il est probablement à la
fois
la cause et la conséquence. En effet, suivant des initiati-
ves gouvernementales et privées, de nombreux établissements fi-
nanciers se sont installés à Abidjan Plateau. Aujourd'hui encore,
le Plateau demeure le centre des affaires et de toutes les tran-
sactions financières. Toutes les banques et tous les organismes
de crédit y ont leur direction.
Parmi ces établissements, on peut
distinguer:
- Les Banques et Organismes de crédit à capitaux
partiellement ivoiriens ou entièrement privés
ivoiriens.
-
1:;11
-
La Banque Ivoirienne de Développement
Industriel
(BIOl)
La Banque Nationale pour le Développement
Agricole (BNDA)
La Banque Nationale pour l'Epargne et le
Comme r ce
(BNE C)
La Société Ivoirienne de Banque (SIB)
La Société Générale de Banque en Côte
d'Ivoire
(SGBCI)
La Banque Internationale pour le Commerce
et l'Industrie de la Côte d'Ivoire(BICICI)
La Banque Internationale pour l'Afrique
Occidentale (BIAO)
La Caisse Autonome d'Amortissement (CAA)
. La Banque Atlantique de Côte d'Ivoire
. La Banque Réal
- Les Banques et Organismes de crédit à capitaux
interétats ou étrangers
:
La Banque Centrale des Etats de l'Afrique
de l'Ouest (BCEAO)
-
Li 1 -
· La Banque Africaine de Développement (BAD)
· La Banque Mondiale (BIRD)
· La Chase Manhattan Bank N.A.
L'American Express International Banking
Corporation
La Banque of Credit and Commerce Interna-
tional.
A cette liste qui n'est pas exhaustive, il faut ajouter
la Bourse des Valeurs créée par le Gouvernement et où chaque se-
.maine, l'''homme d'affaires" peut s'a.cheter ou vendre des actions.
Non loin de la Bourse des Valeurs elle-même incluse dans un vas-
te ensemble dénonuné "Ci té Financière", se dresse orgueilleusement
l'imposant édifice du Centre International de Commerce. Abidjan,
cette capitale des lagunes, paraît ainsi réunir toutes les insti-
tutions financières pour promouvoir le développement économique
de la Côte d'Ivoire.
Même s'il ne comprend pas encore assez bien le fonc-
tionnement de toutes ces institutions financières modernes, l'A-
bidjanais en général ne peut s'empêcher de s'extasier devant ces
édifices ultra modernes qui abritent l'argent.
Il est même une
artère qui continue d'être désignée sous le pseudonyme de "Rue
des Banques" au lieu de son vrai nom "Avenue Joseph Anoma", tout
-
1:;':
-
simplement parce que tout au long de cette voie se dressent les
immeubles qui abritent la plupart des banques et des organismes
de crédit. L'apparition des banques ou la prolifération de
celles-
Cl
-
un certain nombre d'entre elles, la SIB,
la BICICI et la
SGBCI, ayant des agences dans tous les quartiers d'Abidjan -
dans la ville, a fait miroiter la possibilité d'un enrichissement
rapide chez l'Abidjanais. Au cours d'une émission télévisée, le
Directeur de la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest
expliquait à la Nation les difficultés qu'il rencontrait à dis-
suader certaines personnes qui sollicitaient son autorisation
pour ouvrir une banque personnelle. Ainsi, pour certains abidja-
nais, tout se passait comme si l'argent déposé dans une banque
appartenait d'emblée au fondateur de cette banque. Il sera exami-
né le moment venu les erreurs de perception relatives au fonction-
nement de l'institution bancaire chez les individus. Pour l'heure,
on peut signaler la multiplication des chèques sans provision
comme étant l'une de ces erreurs. Certains abidjanais, pas tous
heureusement, en viennent à penser que la possession d'un che-
quier équivaut à la possession d'une fortune inépuisable (la ban-
que n'est-elle pas pleine d'argent 7) et que par conséquent ils
peuvent émettre des chèques à tout moment.
Bref;
les facilités
d'obtention de prêts bancaires avant l'installation de la crise
économique actuelle avaient créé une sorte d'euphorie dans cer-
taines cOllches de la population abidjanaise. Il en était résulté,
au cours de la période 1970-1977, une prolifération de petites
entreprises J' dans le bâtiment notamment, ayant pour promoteurs
des ivoiriens et des ressortissants de pays voisins.
Mis à part le monde dit des affaires et où le plus
malin l'emporte sur le plan naïf, le commerce basé sur le trafic
des marchandises permet d'assurer les besoins de la population
dans divers domaines de la vie quotidienne.
Les gros et petits
commerçants demeurent ceux qUl assurent l'écoulement des marchan-
dises.
Ils sont les intermédiaires parfois nécessaires entre
les fabricants ou producteurs et les consommateurs.
Relativement peu nombreux dans le monde du trafic, les
commerçants grossistes assurent l'écoulement des produits qu'ils
reçoivent des fabricants ou producteurs. A leur tour, ils ne cè-
dent ces marchandises qu'à ceux qui les désirent en une importan-
te quantité. Aussi,
leur clientèle privilégiée est elle consti-
tuée par les individus qui eux-mêmes sont Jes commerçants malS
qui vendent les articles au détail. Mais il arrive que le gros-
siste se fasse également l'intermédiaire direct entre le produc-
teur et le consommateur individuel. Il cumule ainsi la fonction
de grossiste et celle de commerçant détaillant.
La vente en gros est le propre de certaines malsons de
commerce installées à Abidjan-Plateau dans
la Rue du Commerce
I~.j
-
dénommée également Avenue du Général De Gaulle. Ces maisons ap-
partiennent elles-mêmes à des sociétés qui contrôlent un ou plu-
sieurs secteurs économiques à la fois.
La Compagnie Française
d'Afrique Occidentale (CFAO), grosse société commerciale solide-
ment implantée en Côte d'Ivoire depuis la période coloniale, in-
tervient pratiquement dans tous les domaines d'activités économi-
ques du pays. En matière du commerce, elle est à la fois "gros-
siste" et "détaillante". Elle vend des tissus
(pagnes) en gros
aux commerçants détaillants , mais elle a aussi des magasins où
ces articles sont vendus au détail à des clients individuels.
Certaines de ces sociétés dont on retrouve un peu par-
tout des magasins à Abidjan, identifient ceux-ci suivant les sec-
teurs d'intervention. Il en est ainsi de
CFCI - Matforce
Concessionnaire de Land-rover.
- SCOA-AUTO.
PEYRISSAC-AFRICAUTO : Concessionnaire des voitu-
res de marque BMW, MAZDA, SlJZIKI.
Ces sociétés, pour ne citer que ces quatre, s'intéressent
simultanément à la quincaillerie, à la vente des matériaux de
construction, de pêche, de travaux agricoles jusqu'à l,'alimenta-
ri on.
Au moyen des nombreux magasins dont elles disposent,
elles exercent ainsi le commerce de gros et de détail.
-
Li S -
En dehors de ces sociétés dont les activités s'appa-
rentent à celles des multinationales, quelques particuliers ivoi-
riens, nord-africains et surtout libanais exercent librement et
individuellement ou en association les deux types de commerce.
Il est des ivoiriennes qui font le trafic des pagnes wax hollan-
dais ou anglais.
La marchandise commandée, rapporte-t-on, est
vendue aux commerçants détaillants avant même qu'elle ne sorte
du port d'Abidjan.
- Le Commerce de détail
Il est celui qUI attire le plus d'ivoiriens et d'afri-
cains étrangers de moyenne et petite fortunes.
Exercé essentiel-
lement sur les plaçes des marchés publics et dans les quartiers
de la ville, le commerce de détail fai t vIvre '.me importante
partie de la population abidjanaise.
La clientèle des marchands
détaillants se recrute dans toutes les couches sociales.
La gam-
me des articles offerts va du prêt à porter aux denrées alimen-
taires et il n'est pas rare de voir un marchand'proposer à sa
clientèle différents produits à la fois.
[ci le "mono commerce"
ou le commerce de produit, d'article unique est chose rare.
En
proposant différents articles à la fois,
le marchand espère satis-
faire tous les goOts, attirer à lui le maximum de clients.
Les propos qui précèdent peuvent
laisser penser que
tous les commerçants détaillants se rangent à la même enseigne.
l .3 Ü -
Il n'en est rIen.
La réalité locale invite à distinguer, suivant
les domaines ou secteurs :
Très prolifique, ce commerce intéresse plus d'un rési-
dant abidjanais.
Ici des particuliers sont également des inter-
médiaires entre les fabriques
(Manufacture de Confection de Côte
d'Ivoire, MACODI, sise au Boulevard de Marseille; Société
Abidjanaise de Confection Professionnelle, SACOP, pour ne citer
que ces trois sociétés) et la population. Les articles sont com-
mercialisés dans des magasins, au Plateau, à Treichville, à
Adjamé, bref dans tous les quartiers d'Abidjan. Ces magasins ou
boutiques proposent des articles de confection locale aussi bien
que d'importation. Ainsi "Au Nain Bleau" t
le client peut trouver
des confections de luxe, des jouets, des chaussures pour enfants.
Toujours dans
le même cadre du Plateau, à "l'Enfant Chéri" la
maman ou le papa a le choix entre divers articles. Au "Baby
Chiffon" t "Au Rêve des Mamans" t PRENATAL, toute une série de ma-
gasIns au nom évocateur se rencontrent au Plateau, mais aussi
dans tous les quartiers de la ville. La clientèle adulte n'est
pas de reste. Des magasins de mode (Christine, au Plateau;
CATHY couture à Treichville et bien d'autres encore), de prêt à
porter offrent un choix illimité aux possibilités financières de
chaque individu.
- -
1 -';
-
Au grand marché de Treichville et d'Adj amé de même que
dans les petits marchés des quartiers, chacun peut trouver à
s'habiller selon son goût et ses moyens financiers. Divers arti-
cles de confection locale ou étrangère aux couleurs vives et va-
riées étalés sur des étagères ou accrochés au mur, des couturiè-
res en position de compétition sur leur machine comme si elles
travaillaient à une présentation de mode, des marchands ambulants
\\
aux bras chargés de chemises, de boubous brodés et autres accou-
trements originaux, des vendeuses de pagnes apparemment lasses
d'attendre des clients mais cependant promptes à accrocher celui
qui ose regarder avec quelque intérêt leur marchandise, autant de
spectacles qui font ressembler les grands marchés abidjanais,
celui de Treichville et d'Adjarné notamment, à des foires publi-
ques.
Ici, le prix-de l'article est fonction de la tête du client
et peu varier du simple au double ou au triple.
La négociation
est de règle. Une européenne expatriée nous confiait combien un
marchand fut surpris de la voir sortir l'argent de son porte-
monnaie dès que celui-ci eut annoncé le prix d'un article qu'elle
voulai t acheter.
"Vous ne discutez même pas, madame", lui disai t-
il. Bref, par la négociation ou le marchandage, chacun peut se
pourvoIr en vêtements et articles divers, sur les marchés abi-
djanais.
I~S
-
L'Abidjanaise se veut et aime se faire belle. Aussi
les produits de beauté trouvent-ils à Abidjan une clientèle tou-
te prête qui ne recule devant aucun sacrifice financier dès lors
qu'il s'agit de mettre en valeur son propre corps.
L'Africaine
"blonde" côtoie l'Africaine "noire" ou "rousse" ; l'usage du rou-
ge à lèvre et du vernis à ongle paraît entrer Jans les moeurs de
plusieurs ivoiriennes. Et la peau noire si l'on pouvait s'en dé-
barrasser rendrait bien service à bon nombre d'individus. Les
parfumeries aussi bien que les stands des marchés offrent une
vaste gamme de produits qui permettent à celle qui
le désire de se
faire une peau claire. En ce domaine, la contribution des cosmé-
tiques ghanéens e~ nigérians est importante. Le marché de Treich-
ville notamment abonde en fournitures diverses allant des "ca-
chets soignent-tout,,(l) aux produits pour le traitement de la
peau. L'ivoirien en général semble enclin à l'admiration pour la
jeune femme ou fille présentant une peau claire. Un ami nous rap-
portait les propos d'un jeune ivoirien que voici: "J'aime la
jeune 6ille au teint elai~, ain~i le ~oi~ je n'au~ai~ pa~ be~oin
de ueilleu6e".
Vision sans doute poétique (la clarté de la peau
suffisant à illuminer la chambre le soir) mais qui ne dénote pas
(1) : Indépendmtlment de leM appe.i.ation locale, no~ dûigno~ ai~i ee~ ca-
cheû pMee que leu./Li> uende~e'"
(jeune", 6ille~~ ghanéenne{) ou. nigér~ane'" 1
le", ~eeommandent po~ pl~iew.ll malad~e~ a .ta 6o~ (mal de tUe ,palu.-
fume, c-oMb~e"', etc-.).
-
l~()
-
mOlns la complicité de l'homme dans les périlleuses tentatives
auxquelles certaines jeunes ivoiriennes se livrent pour accroî-
tre la valeur de .leur physique.
Les attitudes décrites brièvement ci-dessus ne sont
que des· indicateurs de changement induit par des valeurs étran-
gères et qui, de toute évidence n'emportent pas encore l'adhé-
sion de toute la société ivoirienne. Des eaux de toilette et
autres produits de beauté moins dommageables pour le corps exis-
tent dans le commerce. Des magasins spécialisés (parfumeries) et
des pharmacies veillent aux besoins de la population féminine et
masculine en ce domaine.
Il faut souligner, en matière d'alimentation, que l'i-
voirien aime généralement consommer frais.
L'Abidjanais, par sa
mentalité, reste encore attaché aux habitudes alimentaires du
monde rural d'où il est issu. Aussi les magasins d'alimentation
moderne l'attirent-il très peu en ce qui concerne son alimenta-
tion de base. Le poisson fumé ou venant directement de la lagune
ou de la mer, la viande fraiche des boucheries des marchés parais-
sent mieux être de son goût que les produits congelés des magasins
d'alimentation. D'ailleurs il suffit de voir les quartiers d'im-
plantation des Boucheries-charcuteries et des Poissonneries pour
s'apercevoir de la clientèle qui est visée.
Pratiquement toutes
-
l~O
-
se retrouvent au Plateau, en zone 4 et aux environs du Port,
mais rarement dans les quartiers populaires (cf Annuaire Officiel
des P et T de la Côte d'Ivoire, Année 1982).
Il faut aussi signaler que la politique en matière
d'alimentation relève de la compétence des épouses. Celles-ci
préfèrent aller effectuer leurs achats au marché où elles peuvent
marchander avec les vendeuses que de se rendre dans les magasins
modernes où les mêmes articles sont vendus à des prix prohibitifs.
Toutefois, les propos qui précèdent ne concernent qu'un
certain nombre de produits de base (igname, banane plantain, ma-
nioc etc.
Les commerçants le savent bien et ne les vendent guère
dans les magasins d'alimentation. Par contre les produits
l~tiers,
les fruits et autres denrées alimentaires s'achètent fréquemment
dani les magasins et boutiques installés aux abords des marchés
ou dans les quartiers.
Les abidjanais ont vite compris que le commerce ne
prospère que là où il est possible de réunir une importante
clientèle. Abidjan offre un cadre approprié au trafic de tout
genre.
Le rapide passage en revue du développement économique
de la ville d'ab id jan nous aura permis de constater deux faits
fondamentaux
:
- Abidjan ne doit le dynamisme économique qu'on lui
connaît et sa croissance démographique qu'à son port. Grâce à
ce dernier, elle fait vivre tous ses habitants et demeure la
ville motrice de l'économie ivoirienne.
- Le commerce, induit par le port et par le rassemble-
ment d'une mosaïque de peuples attirés par la prospérité suppo-
sée de la ville, passe pour l'une des activités vitales aussi
bien pour les abidjanais que pour toute la Côte d'Ivoire.
Ni l'industrie ni le commerce n'existent et ne se
développent sans le concours des hommes. Aussi le "miracle éco-
nomique" de la Côte d'Ivoire, plus précisément de la ville d'Abi-
djan, repose-t-il, en arrière plan des indices numériques, sur la
contribution décisive de la société en tant qu'agent et objet de
ce miracle. L'examen de cette société constitue l'objet du chapi-
tre qui va seivTe.
l '1 2 -
CHAP ITRE II
LA SOCIETE ABIDJANAISE
1 - 1nTR()1)UCT] ON
C'est dans les grandes villes, en l'occllrrence les
capitales, que s'élabore,
selon Paul Mercier,
la civilisation
nouvelle en Afrique Noire. A callse de leur re1Rtive prospérité
économique,
les villes constituent un lieu privilégié de rassem-
blement des peuples venus de l'arrière-pays ou de pays voisins
chercher fortune. Dans ces conditions, parler d'une société
urbaine revient à minimiser la spécifité culturelle des individus
en présence et à maximiser démesurément les ressemblances.
C'est
dans ce dernier sens que peut probablement se comprendre l'exis-
tence d'une unité culturelle de l'Afrique Noire (cf. Cheick Anta
Diop,
1959) et, par conséquent, d'une société africaine. Ces
rassemblements de circollstance, de durée brève ou longlle, sont,
en Afrique,
à
l'origine de la création des grandes villes et,
après les indépendances, des capitales administratives et poli-
tiques.
La majorit6 des capitales des Etats africains modernes
s'est ainsi édifiée grâce à la contribution de l'exode rllral et
de l'immlgration ell gélléral.
De ce fait,
la société ul"baille
apparait comme composée de différents groupements sOCiO-Cllltllrels
réunis 511j" le même espace territorial mais salIS relations
sociales véritables entre les individlls.
Les raisons qlli sont
à la base de ces
relations que
01ercier qualifie
Je "relations
d'indifférence"
résident en.partie dans la diversité des
cultures.
En effet,
111 e5
sociétés
traditionnelles dont
sont
originaires ces citadins de fraIche date, écrit-il, présentent
une grande diversité de cultures, génératrices d'incompréllension
réciproque au niveau de la ville (cf. J. ~\\. Gibbal,
1969). En
conséquence pour éviter tOlIte brollille,
toute mésentente entre
personnes Issues d'ethnies différentes,
les individus en
viennent, en dehors du milieu professionnel, à s'ignorer ou à
avoir le mOlns de contacts possibles.
Les propos qui précèdent peuvent concerner tous les
ruraux africains qUI choisissent d'aller faire fortune en ville.
D~s leur arrivée dans la ville,
tous sont enclins à rechercher
des parents ou des "fr~res etlnüques" et à se mettre temporaire-
ment sous la protection de ces derniers. C'est par la suite
qu'ils occupent OU non des logements individuels et qu'ils se
prennent individuellement ou non en charge. Ue cette esp~ce de
"tutorat" assuré aux nou\\'eaux arrIvants par des parents OU des
"fr~re5 ethniques" a résulté parfois le regroupement par ethnies
dans certaines agglomérations urbaines.
Les villes telles que
Niamey (cf.
s. Bernus, 1969), Pointe 'ioire au Congo Brazzaville
(cf.
P.
Vcnnetier,
1968)
pour ne citcr que ces
deux,
connaissent
l' occupat ion par ethnie suivant les qua l'tiers. Gibbal
(J .~I.) note
1·11
-
l'existence d'une corrélation entre le lieu de résidence et
l'appartenance ethnique au Libéria Cef J.1>1. C;ibbal, op.
cit, p.
5).
Selon Chombart de Lau\\{e, l'occupation de l'espace urbain est une
projection des
rapports sociaux Cef P.H. Chombart de Lauwe, 1979,
p. 91) oG se mElent difficilement les différentes classes socia-
les. On peut dire que dans la plupart des gralldes villes d'Afri-
que Noire, le peuplement tend à reproduire la structllre ethnogra-
phique de tout le pays. La "multinationalité" (cf P. Van Der
Berghe, 1968, p. 5) qui caractérise tous les Etats réapparaît au
niveau des villes et notamment des capitales politiques et admi-
nistratives. Tous les groupements socio-culturels peuplant le
territoire considéré se retrouvent, par l'intermédiaire de leurs
ressortissants, dans la capitale. Au début des années 60, l'agglo-
mération dakaroise comptait quarante trois ethnies en provenance
de tout l'Ouest Africain, constatait F. I>:ercier. 'Feut-on en dire
autant d'Abidjan, capitale économique de la Côte d'Ivoire?
L'examen des caractéristiques de la population et celui de la
société en édification permettront d'y répondre.
Il.~
-
SECTION 1
CARACTERISTIQUES DE LA POPULATION
Pour une meilleure compréhension de ce qui caractérise
et, sans doute, particularise a la fois la population actuelle
de la ville d'Abidjan, il r a lieu de rechercher les origines ou
la provenance des personnes qui vivent dans cette cité.
On a tendance a parler d'Abidjan pour désigner toute
la Côte d'Ivoire, en tout cas à la considérer comme la vitrine
de tout le pays.
Ceci n'est que partiellement vral. On s'expli-
querait alors difficilement les vagues successives des mouvements
migratoires qui déferlent sur cette ville depuis plus d'une ving-
taine d'années.
Ce qui est exact, c'est qu'aucune ville de l'in-
térieur de la Côte.d'Ivoire ne connalt un développement économi-
que et social comparable à celui d'Abidjan.
Par contre, sur le
plan sociologique, Abidj an demeure effectivement une Côte d'Ivoire
en miniature. Chacune des soixante neuf ethnies qui peuplent le
terriroire ivoirien est présente dans cette ville, par l'intermé-
diaire de ses ressortissants.
Une classification de ces ethnies
permet de distinguer cinq grandes entités correspondant par ail-
leurs à des aires géographiques précises
:
-
le groupement etJlnique AKAN comprenant les Baou-
lé, Agni,
Lagunaires, occupe le Centre et le Sud-Est du territoire
ivoirlen. Suivant le recensement de l'année 1975, ce groupement
qui compte deux millions deux cent douze mille neuf cent quarante
un (2 212941) individus, est de loin le plus nombreux en Côte d'Ivoire i
- le groupe ethnique KROU, dont les Bété, Krou·
men et Guéré, se localise à l'Ouest de la Côte d'Ivoire. Avec
ses huit cent vingt cinq mille cent dix sept âmes, ce groupe
occupe le deuxième rang au point de vue de l'importance mnnérique
- le groupe VOLTAI QUE désigne l'ensemble des
ethnies Lobi, Sénoufo, Koulango occupant la région Nord-Est de
la Côte d'Ivoire.
Il comptait, en 1975, huit cent mille quatre
vingt dix huit (800 098)
individus;
- les MANDE du Nord dont l'ethnie Malinké peuplent
la partie Nord-Ouest du pays.
Ils sont estimés à sept cent neuf
mille huit cent trente neuf (709 839) au recensement de 1975 ;
- les MANDE du Sud comprenant notamment les Dan et
les Gouro résident dans la région Centre-Ouest de la Côte d'Ivoire.
Avec leurs six cent vingt quatre mille cinquante trois âmes, ils
représentent le groupement ethnique minoritaire de la Côte
d'Ivoire.
Chacun de ces groupements, dans des
proportions varia-
bles, apparait dans la composition ethnodémographique de la ville
d'Abidjan, ainsi qu'on le verra ultérieurement.
Les
ressortissants
des pays limitrophes ct d'au-
tres
Uats africains ne sont pas demeurés en dehors du mouvement
migratoire constitutif de la population abidjanaise. Devenue en
si peu de temps la ville-trésor de toute la Côte d'Ivoire, Abidjan
l ,1 -:
-
exerce Ulle attraction il"résistible aussI bien sur les popula-
tions étrallg~res qu'ivoiricnlles. Chaque individu succombe â la
tentation d'aller s 'enricllir â Abidjan oa, semble-t-il, il fait
également bon vivre.
Il en résulte que
- Abidjan est une ville peuplée de ruraux ivoi-
riens et non Ivoiriens
- les natifs abidjanais sont minoritaires dans la
population générale
- la majorité des "citadins" est formée de jeunes
individus.
On a vu au chapitre 1 les vagues successives de popula-
tion qUI ont présidé au "boom démographique" de la jeune capitale.
On ne pouvait attendre cet accroissement des seuls autochtones,
les Ebrié en l'occurrence, qui occupaient le site.
La croissance
économique d'Abidjan a eu, entre autres conséquences celle d'atti-
rer beaucoup moins de rurallX ivoiriens que d'étrangers, au tOllt
début de l'accession â la souveraineté nationale.
"En 1965, éeri t Bloch Lcmoine, Abidj an n'étai t peuplée
que pour moitié d'ivoiriens.
La moitié selilement de Ces ivoiriens
(soit un quart de la population de la ville)
était née ~ Abidjan.
Encore ce quart comprpnai t-i 1 tous les jeunes enfants nés â Abidjan
-
1 -1 S
-
d'immigrants non ivoiriens" cf(Bloch Lemoine, op. cit, p. 6).
En 1973, huit années plus tard, Brillon
(Y)
rel~ve 59' d'allog~-
nes dans la population d'Abidjan (cf Y.
Brillon, 1980, p.
271).
En d'autres termes l'accroissement de
la population étrang~re
s'est poursuivi à U'l rythme supérieur à celui de la contribution
ivoirienne dans la croissance démographique de la ville. Mais
depuis lors, il semble y avoir eu un renversement de situation
au profi t des autochtones, ainsi que l'illustre la répartition
par nationalité de la population d'Abidjan suivant de récents
travaux effectués par les soins de la Direction des Statistiques
en 1982 ~f Enquête Démographique à Passages Répétés. Aggloméra-
tion d'Abidjan - AoQt 1982, p.
117).
~ationali té
Ivoirien-
Voltai-
Mali en-
Guinéen-
Ghanéen-I
Autres
1
ne
que
ne
ne
ne
Africains
Effectif
784 322
177 098
107 401
37 035
18 619
94 251
,
i
1
,
61 ,8
14
8,5
i
2,9
1 ,6
7,4
,
1
1
1
,
,
1 \\ationalité
1
Autre
Ensemble
i
1
,
Effectif
1
48 445
1 269 071
1
';
3,8
100,00
l
1
J
TABLEAU l
en 1982
-
l:i cl
-
La proportion d'ivoiriens dans
la population générale
d 'Abidj an a fortement cru
(61,8%) 1 dépassant largement l'apport
migratoire étranger (38,21) sans qu'on en cOllnaisse les causes
véritables. Ce renversement de situation paraît être amorcé de-
puis l'indépendance p~litique de la Côte d'Ivoire, remettant par-
tiellement en question l'opinion selon laquelle la relative pros-
péri té économique de la capitale Ivoirienne et par conséquent du
pays explique l'importante présence d'üne popülation étrangère
venue y chercher un mieux-être. Depuis 1955, on observe une dé-
croissance régulière de la population non ivoirienne et une
augmentation du nombre d'ivoiriens dans la ville d'Abidjan. C'est
ce que révèlent les statistiques ci-dessous établies par le Minis~
tère du Plan.
-
-~
1
,
1 9 5 5
1 9 7 5
1 9 7 8
i
1
NATlON:\\LITE
1
EFFECTIF
'0
EFFEECTIF~
0,
EFFECTH
~
1
IVOIRIENNE
58 900
49
560 659
58,9
784 322
61 ,81
VOLTAIQUL
16 400
14
157 188
16,5
177 998
14
1
MALIElxi'Œ
12 000
10
83 507
8,8
107 401
8,5
AUTRE AFRICAINE
24 700 1;-
115 691
12,2
150 906
11 ,9
i\\ON AFRICAINE
8 100
7
25 250
,
2,7
48 445
i
3~81
1\\01\\ l'RECI SEE
-
-
8 921
r 0,9
-
TOT.<\\1
120 ]00
]00
951 216
100
1 269 071
100
1
TABlD\\UII
~~~EQ!~~~~~!_~~_!~_~~E~!~!~~~_f~~~E~~~1!!~_~!_~!E~2g~E~
~~~~~i~_~~_l~~~_~_l~2§
-
1S(1
-
On s'explique difficilement le pourcentage de 591 de
non ivoiriens auquel se rêfêrait Brillon. Le tableau de la page
151 r,;v0.1t'
au contraire une forte croissance de la population
ivoirIenne à partir de 1955. Et si en 1973, il a êtê enregistrê
un effectif plus important d'allogènes dans la population abi-
djanaise, cela n'a êtê dû qu'à un gonflement démographique pas-
sager (Abidjan elle-même êtant une ville de passage) qui ne tra-
duit pas la rêalité objective. Par contre, l 'e~timation de Bloch
Lemoine qui indiquait SOI d'ivoiriens rêsidant à Abidjan en
1965 paraît plus conforme à l'êvolution démographique de la capi-
tale. En bref, l'accroissement général du nombre de citadins ré-
sulte essentiellement de la migration interne et étrangère et,
par conséquent, fait passer Abidjan pour une ville peuplée en
majorité de ruraux.
On aurait pu s'attendre que l'instinct grégaire préva-
le dans le nouvel environnement et que les ressortissants d'une
même ethnie se retrouvent dans un même quartier.
Il n'en est rien
cependant.
Certes, certains arrondissements paraissent-ils avoir
une attraction plus grande que d'autres sur les originaires de
tel groupement ethnique ivoirien (les Akan à Abobo, les Krbu et
les ~Iandé du Sud à Yopougon, Banco-Locodj ro, les Mandé dû Nord
et les Voltaïques à Adjamé, Attiécoubé et Williasmville) ou de
tel pays
(les
ressortissants des Républiques de Haute Volta, du
Mali et du Ghana sont plus nombreux dans les quartiers sud d'Abidjan
tandis que ceux de la République de Guinée semblent avoir jeté
en
TABLEAU III
Répartition
des groupements ethniques
ivoiriens
par C)IIBrtier au cours
Je
l'ann6e
1978
Quartiers regroupés par
M_N'.JDE DU
AKJ'.,N
r-;:;A~nE [1\\1 [ VOLTM -
-r-
l'
KROU
::one géographique
NORD
-t--Sl~_ -l QUf
~JTRE 1 TOTAL
Centre NORD
PJateau-Adjamé-Atticoubé-
43 842
20 463
33 30B
S2~: 1--~;~~~~~~~28
1
Li
001-
Williamsville
---------------1------ -r--
Centre SUD
1
TreicnviITe-~la reOl)'-
67 889
22 734 1
13 774
1
6 70S
6 903 : sso
liB SSS
1
1
,
Zone 4
•..•
--. -
-
- _1 _ _ _ _ _ _ _ _ _ '··_* ___
..
.
...l-._..
_
EST
1
Cocody-Deux-PIateaux
39 8l:'.
U 120 1
7 S36
!
~ t;n~'\\
S 422 1 2'15
1
! 72 945
-
- 1 - - - - - -
NORD
-1---- 1
1
1
ABOBO
B7 144
3S OBS .,
32 27,
j
1fl 7~'i
13 09P 1
33
~ l-R 3B3
WEST
1---
1
Yopougon-Banco- Locod j ro
71 722
39 534
1
L
bB
21 lSA
1
7 AïR 1
0
! 1S9 2SR
SUD
---- ----------+----r
- '
Koumassi -Vridi -Port-
l
Port-Bouet
.. _-
98~ 3~" OB li 2211 l '1 600 i 31 1127 117
"
1
1
1~~2~9-0-r~-2~~L ~_B_t ,,~~t ;" 4B~-'''
___
11 S
] ';;-;22 ~
~--
-
1:;2 -
leur dévolu sur les arrondissements de Treichville,et de Marco-
ry), mais dans aucune circonscription on ne rencontre une popu-
lation homogène cul turellement (cf tilhlcau de la page 153). Le seul
facteur qui puisse déterminer le quartier de résidence de l'abi-
djanais demeure économique. L'appartenance ethniqu'e ne l'est
pratiquement pas ou n'intervient qu'en cas d'insuffisance de
moyens financiers. Dans ce cas, l'individu qUI est obligé de
vivre aux dépens d'un parent, d'un ami ou d'un "frère culturel"
ne jouit d'aucune liberté ni dans le choix du quartier ni dans
celui du type de logement.
Les données figurant aux tableaux des pages 153
et
155
permettent également de constater que si l'on considè-
re l'occupation de. l'espace abidjanais suivant la nationalité,
les résidents qui ont la nationalité ivoirienne restent de loin
les plus nombreux.
Il y a donc dans chaque ~uartier de la ville
plus d'ivoiriens que de voltaïques, de maliens, de guinéens ou
de ghanéens pris séparément.
Il n'y a cependant pas de corréla-
tion entre l'appartenance ethnique et le quartier de résidence
corrélation que Gibbal
(J.M.) signalait dans l'occupation de
l'espace urbain au Libéria(cf J.~1. Gibbal, 1969, op. cit, p.
5).
Abidjan serait donc l'une des grandes villes d'Afrique Noire où
l'appartenance ethni~ue jouerait un rôle beaucoup moins important
dans l'occupation de l'espace urbain, chez l'ivoirien, que dans
d'autres domaines de la vie sociale.
'0
,n
TABLEAU IV
Répartition des
individus selon leur n~tionalité et suivant la zone géogra-
phique de
leur résidence à Abidjan au cours de l'année 1978
1
NATm'ALm
1 >VOIRJ eN-1
'OLTAI -
".'LJEN-
l ""lB- 1 Cl~,"EN - i N "OC
1 MORES ! E'SEM-
i
1
QW\\RTIER CEFŒSIDENŒ~'
NE
AUE
NE
1 NE
N E ) AFRIC~~ i BLE
!
'
1
Centre Nord
i 128 061
28 041,
21 332
l
6 562
f---------------;----~--+----~_T
---+-.-------j-----
Centre Sud
~
1
1 118 558
30 8531'
21
788
1
764
3 181. 1
23 ~89
16 6~2 i 224 531
1
9~
767~451 ~S~040!
Est
1
72
170'26
7230,
670
l
,
~~
1
1
1
1
Nord
178 383
1
19923
21 744
7005
1 506
1
9 lÎl
1
811238 41.1 i
1
(1
i
'
1
1
-
'
1 west
r
159 258
18710
9006
1
4 370
1
1 458
5308
1
0
198 OGO 1
Sud
1
127 117
1
63 445 l_ 26 299, 1 8 71 Jill 68' 1 28 291 1
27: 625 576 1
f'"' J
055-L~
1 TOT A L
521
Hl 998
1
1
107 401
1
)7
94 14\\
l'" ''''ll'69 071 1
-
154
-
L'émigration, croit-on le savoir, affecte. généralement
les éléments les plus valides d'une population donnée et prive
le pays d'origine de ceux là même qui devaient contribuer à son
développement économique et social. Depuis plus de vingt ans,
Abidjan et sa région n'ont cessé d'attirer les ressortissants
d'autres régions de la Côte d'Ivoire et de pays voisins. Tout
en demeurant une ville de passage (un immigrant sur deux se fixe
à Abidjan), Abidjan compte aujourd'hui parmi ses habitants des
individus qui y ont vu le jour et dont les attaches sentimenta-
les avec le pays ou la région d'origine des parents géniteurs
paraîssent être sans grands effets sur le comportement quotidien.
La connaissance du nombre de ces individus dans la population gé-
nérale peut indiquer si oui ou non une société abidjanaise véri-
table est en voie a'édification.
2 - ~~!~i~~~_Y~!!~_~Q_!~~_~~!!i~_~~~!_~!~~E~!~~E~~
~~~~ J..a~_E~E~!~ !!~~
Il peut sembler inopportun, compte tenu de ce qui précè-
de,qu'on pose la question de savoir si les résidents abidjanais
ont vu le jour dans la ville, dans une autre localité ou un au-
tre pays. L'exode vers Abidjan ne date pas de la période de l'in-
dépendance politique de la Côte d'Ivoire, mais bien avant. Si
l'on remonte à l'année 1934 qui a vu Abidjan devenir la capitale
politique et administrative de la Colonie, et si l'on estime le
temps qui s'est écoulé jusqu' aujourd 'hui, on arrive à 50 ans d'âge
-
l S S -
pour le premier natif abidjanais(l). Autrement dit, il existe
parmi les résidents actuels des personnes pour qui Abidjan cons-
titue sinon l'unique du moins le premier cadre de vie. Ces per-
sonnes forment généralement la catégorie d'individus dont les
attaches avec la région ou le pays d'origine des parents demeu-
rent purement symboliques. Si l'on se refère à la terminologie
de Gibbal, ces individus représentent les abidjanais de la
deuxième génération, ceux-là dont les repères dans le temps et
l'espace ont pour cadre privilégié la ville d'Abidjan.
Les données extraites du Recensement Général de la Po-
pulation effectué en 1975 ~fMinistère de l'Economie, des Finan-
ces et du Plan, .op.
cit, p. 133-134) et qui sont reproduites
à
la page
158 perwettent de constater:
- seulement 25,8% des Abidjanais sont originaires de
la ville qu'ils habitent;
- la migration interne représente à elle-seule 32,5%
de la population abidjanaise. Ce qui confirme le caractère rural
de la ville et donne à la société abidjanaise certaines proprié-
tés villageoises qui seront examinées ci-dessous
;
- lorsqu'on exam~ne l'ensemble des résidents abidjanais
nés sur le territoire ivoirien, on s'aperçoit que les originaires
du département d'Abidjan sont nettement les plus nombreux (37,4%
Il) : I l ut c€.lUJl
qu.e c.u piWpC~ c.cnc.e,tnen,{: e' ;'ncUl,;.du. ;té à c.cmpteJt de .e' an-
née 1931 de pa/,eYlÙ .unm"-g,w.Y<-'Jl.
TABLEAU
Réparti tion de la Population abidjanàise suivant la zolle de résidence
et suivant l'origine géographique, au cours de ] 'année 1975.
1
,
Abidjan-ville
Nés dans la localité de rési-
iUln
Abidj an-b an] i cil,e
Total-NJ1d j
If,
dences actuelles
,
Effectif
Q
,
Effectif
,
EEfec',E
~
223 453
31 ,5
22 117
9,2
245 630
_
25,8
i
Nés dans une au tre locali té
du département d'Abidjan, mais
43 912
6,2
66 2~8
27 ,4
\\10 2\\U
Î1 ,0
1
résident actuellement il Abidjan
1
Sous Total Originaire du
267 365
37,7
88 475
3() .6
355 840
département d' Abidj an
.
Originaire d'autres départe-
~
20.' 691
28,7
105 671
43,7
309 362
1
32,5
ments de ]a (ôte d'Ivoire
Ensemb le des rés idents nés
471 056
66,4
194 146
80,7
665 202
6~,9
en Côte d'Ivoi re
1
. _ - - - -
-- f--.
- -
~C:s dans d'autres [JélYS "fric.
199 259
28,1
41 990
17,4
2cll
199
2:>,4
..
Nés da'1s cl' autres pays étran.
16 599
2,3
1 996
0,8
18 595
1,9
Oiés en France
15 117
2 ,1
722
O'l~S89
1 ,7
Ensemble des résidents nés
230 975
32,5
44 708
18,5
275 683
29,0
hors Côte d'Ivoire
Lieu de naissance non déterm.
7 484
1 , 1
2 847
1 ,2
10 331
1,1
TOTAL GENERAl
709 515
100,00
241 701
100,00
951 216
100,00
15;
-
contre 32,5% des originaires d'autres départements). Ceci lais-
se penser que la force d'attraction exercée par Abidjan sur les
natifs ivoiriens est inversement proportionnelle à la distance
qui sépare Abidjan du lieu d'origine de l'individu. Autrement
dit, plus on habite une localité éloignée d'Abidjan, moins on
est tenté par l'émigration et,
inversement, plus l'on est proche
de la ville, plus la tentation d'aller s'y implanter est grande.
En ce qUI concerne l'occupation de l'espace urbain,
les ivoiriens originaires des départements autres que celui
d'Abidjan, paraîssent plus nombreux (43,7% contre 36,6%) dans
la banlieue d'Abidjan .que dans Abidjan-ville même (28,7% contre
37,7% pour les ressortissants du département d'Abidjan). Tout
semble se passer comme si la ville opérait une certaine sélec-
tion entre ses occupants, en ce qui concerne l'occupation du
sel.
Les africains nés ailleurs su. le continent sont dans
une proportion plus importante
(25,4%) que l'ensemble des rési-
dents en provenance d'autres pays étrangers
(3,6%). Paradoxale-
ment, l'ensemble de ceux qUI ont vu le jour ailleurs qu'en ·Côte
d'Ivoire se retrouve plus massivement dans Abidjan-Ville (32,5%)
et manifeste peu de propension à aller habiter la banlieue.
Avec 29% de natifs non ivoiriens,
la société abidj~
naise paraît avoir dépassé le seuil de tolérance estimé à12,5
ou 13 % ; seuil ali-delà duquel la société d'accueil commence à
-
15 S -
€prouver
des sentiments de rejet Ccf NEME Colette, 1983). Cepen-
dant ces sentiments ne semblent pas encore se manifester. Pro-
bablement y a-t-il des raisons à cela, raisons qu'on essayera
d'examiner dans la troisième partie de ce travail. On peut tout
simplement noter pour l'instant que l'édification d'Abidjan en
tant que capitale économique de la Côte d'Ivoire ne s'est pas
réalisée sans une contribution décisive de non ivoiriens. Pour
ces derni~rs, les problèmes économiques qui les ont fait venir
en Côte d'Ivoire ne peuvent être résolus que là où se déroule
toute la vie éconoiniq ue du pays.
Par ai lleu rs, Ab idj an 1 eur
doit une importante participation dans son développement démo-
graphique, autre facteur de croissance économique.
De l'examen du tableau et des observations qUl vien-
nent d'être faites Abidjan reste une ville peuplée de citadins
de première génération, c'est-à-dire des individus venus des
campagnes ivoirien~es ou de pays voisins où ils avaient vu le
jour ou pass€
leur enfance.
Environ un quart seulement de la
population abidjanaise résidente actuelle peut se réclamer véri-
tablem~nt originaire de la ville qu'il habite.
L'histoire même du peuplement et du développement
d'Abidjan conduit à considérer le caractère juvénile de sa popu-
lation comme normal.
Qu'il suffise seulement de rappeler que
1 :.~}
-
l'immigrant en général, celui-ci que le sous-emploi ou le chô-
mage, entre autres facteurs, amène à quitter sa région ou son
pays, est un individu jeune qUI se trouve dans la pleine force
de ses capacités mentale et physique. Seul le séjour prolongé
dans le pays d'accueil voit cet individu prendre de l'âge.
"Entre 1946 et 1975, écrivent Beauchesne H. et Esposi ta J.,
plus de la moitié des étrangers en France ont entre 25 et 64
ans, et la part relative de la classe d'âge de U à 14 ans est
moins importante chez les étrangers que dans l'ensemble de la
pop u 1a t ion Cc f Bea u che sne CH.) etE spa s i toC J .), 198 1, p. 19) .
Sauf dans des cas exceptionnels, on n'émigre pas à 64 ans, mais
à un âge plus précoce. La population abidjanaise provient, dans
son immense majorité, du milieu rural ou de pays étrangers. Elle
se trouve donc en elle-même au départ constituée de personnes
jeunes.
En 1 967 , Bloch Lemoine notait déjà dans la population
abidjanaise
36% d' indi vi dus âgés de mOIns de 1a ans)
46 % d'individus âgés de mOIns de 15 ans,
r
-; 0
:> f ô
d'individus âgés de moins de 20 ans,
3% d'individus âgés de plu5 de
50 ans (cf Bloch
Lemoine, op.
cit, p. 5) .
Une dizaine d'années plus tard, c'est-à-dire en 1975, ces pro-
portions ne paraissent pas avoir changé significativement (au
sens statistique du terme) SI nOn qu'il y a eu un vieillissement
Je la population consécutif à la durée dLI séjour de l'immigrant,
-
] t1 li
-
entraînant une modific3tion des proportions dans les diverses
tranches d'âges.
Sur le tableau de
la
pa:::e
1(,~
la supériori té
numérique des personnes âgées de mOlns de 15 ans apparaît net-
tement.
Le département d'Abidjan est celui qui "déverse" le plus
de jeunes individus dans la capitale (72,2% des jeunes âgés de
moins de 15 ans).
Tout semble indiquer que l'exode vers Abidjan
touche particulièrement le~ jeunes origillaires du département
d'Abidjan. L'ensemble des autres
régions de la Côte d'Ivoire,
mises à part les régions du Centre et du Centre-Ouest, s'effor-
cent de retenir leurs jeunes dans les chefs-lieux. "De façon
générale, écrit Diarra Ousmane, plus l'émigrant est jeune, plus
il est attiré par la ville.
~7% de ceux qui partent du Centre
et de l'Est se dirigent sur Abidjan. Si dans la région du Nord,
l'exode se fait vers les villes du Centre et de l'Ouest où les
grands travaux sont entrepris"
dans le Centre-Ouest,
l'exode
vers Abidjan est nettement supérieur avoisinant les 50% (cf Dirra
Ousmane, 1970). Parmi les personnes âgées de moins de 15 ans,
ces jeunes issus d'autres départements ne représentent que 18,9%.
Les proportions sont tout autres dans le groupe d'âges
des
lS
â
59 ans.
Le département d'Abidjan s'inscrit au dernier rang
(15,ll%)
dans l'ordre d'importance quanti tative des résidents
d'après leur lieu de naissance
(41,6', et 112,8% respectivement
pour les résidents nés cians un autre ciép,,"tement et pour ceux
qui ont vu le jour à l'étranger).
~~2~~!~!~~~_~~_~~_~22~~~!~2~_~~~~i~~~~~~_~§~~~~~!~
selon la nationalité et selon le lieu de naissance
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
~
~~_~2~~~_~~_~~~~~~~_!~Z~(cfRecensement G6n6ral de
~~_C2E~!~~l2~L_!~Z~L_2E~_~i~L_2~_!~!1·
GROUPES D'AGES
o il 14 ans
1 5 il 59 ans
60 ans et plus
Non déclarés
roTAL
-------- - - -
ô
IF 1
%
LIEU DE NAISSANCE
EFFECTIF
'1
EFFECTIF
't
EFFECTIF
%
EFFECTI l'
0
EFFECT
-
--+----- - - -
Nés dans le départe-
266 567
72,2
86 246
15,6
2 U95
26,3
232
20,1
355
o 1 38,0
ment d'Abidjan
-
-
-- - - - -1-----
Nés dans un autre
69 788
18,9
232 430
41 ,6
2 704
34,0
328
28,5
305
d6partement
~32,6l
---
- - -
1
Nés il l'étranger
32 85U
8,9
239 081
42,8
3 16U
39,7
592
1
51,4
275
_3 1 29,41
1U1'AL
369 205
100
558 457
100
7 959
100
1 152
100
93{) 773-' '00
Autrement dit, dans la tranche d'âges 15-59 ans, il
y a très peu de natifs de la région abidjanaise qui résident
présentement à Abidjan. Par contre,ceux qui sont nés ailleurs,
en Côte d'Ivoire et a l'étranger, sont les plus nombreux. Cette
observation confirme ce qui était dit ci-dessus:
c'est parmi
les individus les plus valides aussi bien physiquement qu'intel-
lectuellement que se recrutent les migrants.
Parmi les personnes âgées de 60 ans et plus,
celles
qui ont vu le jour dans un pays autre que la Côte d'Ivoire, ap-
paraissent encore les plus nombreux (39,7%). C'est également
dans ce groupe que se rencontre le plus d'individus sur lesquels
on ne possède aucun renseignement sur l'âge (51,4%). Tout porte
à
penser que l'immigrant, s'il est généralement un jeune indivi-
du, dans le cas spécifique de la ville d'Abidjan, peut être aus-
si une personne âgée ou d'âge mGr. En 1975, la répartition de la
population abidjanaise résidente se prés~nte de la manière sui-
vante
30 ,4% des habitants sont âgés de moIns de 10 ans.
38 ,8 % des habitants sont âgés de mOIns de 15 ans.
50,7% des habitants sont âg és de moins de 20 ans.
2 ,7% des habitants sont âgés de 50 ans et plus(1 J •
------------------------
Il)
: Cu pMpofLtiolU MYt.t Uabue~ pM ..tOM il paJLtiA de~ dOYlnée~ du ReeelUe-
meYt.t Gén~ de ta Pop~on 1975, op. eiX., p. 139-138. La ~opofLtion
de~ .ÜUUV.ldM âg ~ de 20 il 49 ecU'c.u..tée il pauUt de~ më:mu MWlee~ e~.t
de 27,8% dalU .en. pop~on gén~e.
Malgré le vieillissement certain de la population, il
n'y a pas de changement statistiquement significatif entre ces
proportions et celles établies par Bloch Lemoine en 1967. Ce
paradoxe d'une population qui vieillit tout en comportant en
son sein une majorité de jeunes peut partiellement s'expliquer
par les caractéristiques du peuplement de la ville d'Abidjan
d'une part, et d'autre part, par l'originalité même de la popu-
lation résidente.
En ce qui concerne le premier point, on a vu
comment l'ouverture du canal de Vridi et la construction du Port
d'Abidjan ont précipité et intensifié l'exode rural et l'émigra-
tion ét~angère. Ces deux phénomènes, a-t-on dit, ont grandement
contribué à la croissance démographique de la jeune capitale.
Il
n'y a plus lieu d'y insister. S'agissant du second point, on peut
évoquer les motivations individuelles et familiales
(au sens tra-
di tionnel ou élargi du mot) qui expliquent la présence de nanbreux
ivoiriens et étrangers dans la ville d'Abidjan.
Résider à Abidjan
est simplement pour ces citadins de premières gén0rations un
voyage de longue durée loin de leur village d'origine.
En effet,
le lieu où ils ont vu le jour et grandi, où vivent encore les
parents ou des éléments de la grande famille,
continue de les
solliciter et de les compter parmi les Slens. Aussi lorsqu'ils
pensent avoir rempli leur contrat avec la ville (ils ont pu réu-
nir en ce qui concerne les étrallgers la petite fortune nécessai-
re pour assurer leur pronlotion sociale chez eux - pour les ivoi-
riens l'âge de la ret rai te a sonné ou bi en de nouvelles
responsa-
bilités les appellent dans la famille au village), est-ce vers
1 l).;
-
le petit cadre villageois qu'ils retournent. Ainsi, mis à part
le décès, le nombre relativement bas des personnes âgées dans
la population générale d'Abidjan (2,71) s'explique en partie
par ces deux principales raisons. Abidjan serait une ville où
les personnes s'éli~inent d'elles-mêmes, non par décès ou suici-
de, malS par leur retour à la campagne ou au pays natal. De
cette façon, pendant longtemp~ encore, elle restera une ville
peuplée en majorité de jeunes.
Ville des ruraux et des étrangers, ville où les natifs
sont minoritaires dans la population, enfin ville peuplée sur-
tout de jeunes, ainsi apparaît Abidjan U]1 demi siècle après sa
création et un quart de siècle après l'indépendance politique
de la Côte d'Ivoire. Au regard des données démographiques ci-
dessus, on peut s'interroger sur l'existence d'une société abi-
djanaise et, en cas de réponse positive,
rechercher les carac-
téristiques de celle-ci. Cette préoccupation constitue le but
poursuivi dans la partie qUl va suivre.
SECTION III
LA SOCIET ABIDJANAISE
Il n'y a pas de regroupement systématique des ressor"
tissants d'une ethnie ou d'un pays dans un même quartier, mais
une supériorité numérique de tel ou tel groupement ethnique dans
l'occupation de telle ou telle aire urbaine.
En d'autres termes,
il y a une homogénéité de la population; homogénéité qu'impose
l'occupation du sol. Cette observation suffit-elle pour affirmer
l'existence d'une société abidjanaise ? J.
C. Chamboredon et M.
Lemaire (1970) critiquaient cette conception qui voit la nais-
sance d'un homme nouveau, d'une société nouvelle dans
le "ras-
semblement d'hommes d'origines diverses sur un même espace ur-
banistique". Cette critique peut constituer un guide dans l'exa-
men de la réalité sociologique abjdjanaise.
La relation d'indif-
férence dont parle Paul ~Iercier en milieu urbain africain n'est
pas sans influence sur la constitution d'une véritable société
urbaine.
L'absence de relations entre les différents groupements
socio-culturels rassemblés sur une même aire de la ville a une
signification importante. A en crOlre Levj-Strauss, s'abstenir
d'entretenir des rapports avec autrui dans un même environnement
traduit l'existence d'hostilité entre les individus ou les grou-
pements sociaux (cf k.l·'. Salort et
Y. Bremond,
1978, p.
11). Hosti-
lité sans doute muette ou tenue sous contrôle, mais efficace en
ce qu'elle parait protéger l'individu contre l'angoisse de l'in-
connu.
Indifférence ou méfiance entre des individus qui nourris-
-
1(,h
-
sent des préjugés aussi Vleux que le monde â l'égard des uns et
des autres, mais que la ville cOlltraint à vivre dans un même
quartier, dans un même immeuble ou dans une même concession.
Trois traits importants ont paru marquer la popula-
tion abidjanaise : o~igine rurale et étrangère, présence très
peu nombreuse
de natifs dans la population générale, enfin
jeunesse de la population dans son ensemble.
C'est à partir de ces trois caractéristiques qu'il
sera tenté une description de la société abidjanaise. Mais au-
paravant, qu'on s'intéresse â la manière dont est logé l'abi-
djanais puis â sa famille.
1 - Le logement, cauchemar de l'abidianais
-------------------------------- -----
La croissance démographique de la ville a créé aux
pouvoirs publics de nombreux problèmes parD.i lesquels ceux rela-
tifs au logement. Si l'on émigre avec son savoir faire,
sa force
de travail, on ne transporte pas avec SOl son logement. Cepen-
dant une fois parvenu à destinatio~, l'émigrant a besoin d'un
abri. C'est à ce momellt là que commencent les difficultés s.'il
n'avait pas prls soin au départ de s'assurer d'un point de chu-
te.
Aujourd'hui l'exemple offert par la police des frontières,
dans les pays occidentaux, qui réclame à tout étranger désirant
pénétrer dans le pays un certificat d'hébergement, atteste de
l'importance du logement dans la vie de toute communauté humaine.
1 Il"7
-
La ville d'Abidjan n'a pas les moyens et n'en aura
jamais suffisamment pour loger tous ceux que sa relative prospé-
ri té économique a attirés. Les vagues successives d'immigrants
qui ont déferlé sur la ville au lendemain de l'indépendance po-
,li tique, sa 000 personnes enVlron par an, ne peuvent être favo-
rablement accueillies, notamment en ce domaine du logement.
Il
a été souligné plus haut les nombreuses difficultés rencontrées
par les autorités administratives dans l'élaboration du plan
d'urbanisme qui réponde â la demande croissante d'une population
en perpétuel gonflement. Obligée d'abriter les individus qu'elle
a attirés, Abidj an a cédé à l'implantation sur son sol de tous
les types d'habitat possibles; types qu'une étude morphologique
du patrimoine immobilier de la ville réalisée en 1962 classe en
cinq strates (cf BIDch Lemoine, op. cit, p. 30, 31).
- strate A : cene-ci
est constituée
par l'habitat
moderne type européen.
Elle se compose de villas et d'immeubles de
standing supérieur, caractéristique de certains quartiers: Coco-
dy,
les Deux Plateaux, Riviera l et II, Plateau, Zone Industriel-
le, Marcory résidentiel
;
- strate B : désignée
"habi tat
économique"
ou llamé-
lioré", cette strate comprend
des constructions réalisées en opéra-
tions groupées -par des sociétés immobilières:
la Société Ivoi-
rienne de Construction et de Gestion Immobilières
(SICOGI),
la
Société de Gestion Financière de l 'Habi tat (SOGEFIHA), le Grou-
td
-
-
1,
pement Foncier de la Côte d'Ivoire (GfCI), pour ne citer que
ces trois qui sont encore en activit8 aujourd'hui.
Ce type d'habitat caractérise les nouveaux quartiers
tels que Yopougon, Williamsville, Abobo-Gare, Marcory, Koumassi,
Port-Bou!t et Vridi.
Il s'est agi d'une politique délibérée me-
née par les pouvoIrs publics visant A encourager et à faciliter
l'action de promoteurs immobiliers de façon à assurer aux rési-
dents abidjanais des logements réunissant un peu plus de confort
que ceux qu'on rencontre dans des quartiers plus anCIens de la
ville.
- ~~E~!~_~ : l'habitat classé dans cette catégorie se
rencontre à Treichville et à Adjamé-Etrangers, les deux plus
anciens quartiers de la ville.
Il s'agit de simples îlots de
2
40 mètres sur 40 mètres
(1
600m
de surface) comprenant une cour
et formant une concession;
- ~!!:~!~_I2 : tandis que la strate précédente présente
des logements bâtis selOll des plans conçus librement par les pro-
priétaires fonciers,
la strate D, elle, comprend des maisons
construites sur des parcelles loties suivant des plans tvpes du
~linistère de la Constructioll. Ce qui assure apparemment à l'habi-
tat plus d'harmonie et par conséquent lui donne aussi plus
1li Cl
-
d'attrait(1). Il en est i.insi des quartiers de Koumassi, Adjamé
et Attiécoubé.
- ~!!,,:!~_~ : c'est l'habitat t"pe des bidonvilles qUl
se rencontre sur des terrains qui ne sont pas encore lotis. Face
à l'insuffisance des
logements et aux ecOts excessifs des loyers,
bien de manoeuvres et d'ouvriers abidjanais n'ont d'autre solu-
tion que de s'abri ter dans ces "baraques" construites par eux-
mêmes sur des terrains vagues.
Parf?is et c'est même très sou-
vent le cas, ces logements de fortune appartiennent à des cita-
dins relativement aisés qui n'habitent pas le quartier mais qui
les louent aux "très économiquement faibles" à des prix malheu-
reusement pas toujours économiques. Marcory Sans Fil, les pen-
tes du ravin d 'Attiécoubé, certains quartiers d'Adj amé (Broma-
kouté), d'Abobo-Gare, etc.
tirent leur originalité de cet habi-
tat spontané.
En 1964, l'ensemble des cinq strates offraient
S9 980 logements qui abritaient 247 000 personnes (cf Bloch
Lemoine, op.
cit.). Depuis, la croissance démographique de la
ville et la demande toujours importante de logements orit entrai-
né une intensification des activités en nlatière
d'ilnmobilier
où particuliers et sociétés ont trouvé un champ favorable ~ la
(7) : Ceu e/:,t no:tJte peflceplion. La C}ÙM de iogclilent que conruU:t Ab~djan
aujoU!td' hM ne ia0~/:'e pM de po,H~b.Ltdé dl'. choü aux Jtéûden:t!J. L' e!J-
thétique de fu mlLwon, à fu .üm.i..:te, ~PO!L-tL peu dè.6 qu'û /:"agd de
/:, 'ab!L-Ue!t. Paft ~UeuM, fu plLOx-ù1ldé duti.w de :tJtavw du q~e!t
qu'on habde pMaCt
peJ:, e!t
.wU!tdemen:t daM E' o~eYLta.U.on de/:, .{n~-
v~dU!J à fu /teche!tche de iogemer~.
spéculation. Dans les :mnées 1970 correspondant au "boom écono-
mique" de la Côte d'Ivoire,
il n'était pas rare de trouver à
Abidjan des demandeurs de logement financer
enti~rement une
construction en cours pour s'assurer qu'après l'achèvement des
travaux,
le propriét3ire le leur céderait en location. Durant
cette période, rapporte-t-on, des villas entières étaient amor-
ties en trois ou cinq ans, tellement le loyer était élevé. Les
particuliers abidjaIlais ne se sentaient plus
de joie. Grâce au
concours des organismes de crédit, les banques en particulier,
des villas de haut et très haut standing se construisirent dans
les quartiers de Cocody, zone Industrielle, Marcory résiden-
tielle, Deux Plateaux. De luxueux appartements dans des lmmeu-
bles baptisés "Résidence X ou Y" complétèrent le charme d'Abi-
djan Plateau. Des sociétés de construction immobilière qui,
jusque là réalisaient des logements économiques, inscrirent dé-
sormais dans
leurs programmes des opérations-villas et apparte-
ments destinés à la vente directe ou à la location-vente.
On peut penser que cette course à la construction de
logements a résolu le problème des abidj anais en ce domaine.
Il
n'en est rien. Les besoins demeurent qui s'expriment en partie
dans la rénovation de certains quartiers
(Cité Arras à Treich-
ville, Adjamé-Etrangers) ou de certaines vieilles parcelles lo-
ties,
les propriétaires
les détruisant et les remplaçant par
des maisons à étages pour y accueillir plus de locataires.
D'une mani~re g6nérale,
le logement crée la ségréga-
tion entre différentes couches sociales résidentes
; ségréga-
tion que la répartition de l'habitat en strates ne permet pas
de révéler, mais dont les abidjanais ont cependant conscience.
L'enquête démographique à passages repét6s effectuée
une quinzaine d'années plus tard, en 1979 et dont les résultats
ont paru en 1982 kf Direction de la Statistique, Août 1982, op.
cit.), reclasse précisément les types d'habitat suivant des cri-
tères socio-économiques. Quatre types d'habitat y sont retenus
correspondant aux conditions sociales et économiques des abi-
djanais.
- L'habitat de haut et moyen standing, localisé dans
les quartiers de Cocody, Deux Plateaux, Plateau, Marcory Rési-
dentiel et en Zone 4, n'est accessible qu'aux cadres nationaux
et étrangers, aux enseignants de haut niveau d'instruction.
Les
loyers très élevés qui sont demandés constituent en eux-mêmes
des obstacles majeurs pour tous ceux qui ont des revenus très
modestes.
-
L'habitat économique moderne accueille l'abidjanais
de statut social et économique moyen, nota~nent les employ6s du
secteur tertiaire, de niveau d'instruction proche du second cy-
cle de l'enseignement secondaire.
Oeuvre des sociétés de cons-
truction immobilière, cet habitat est 10calls6 dans "la Ville
Portuaire" et dans
le "Nouveau Périmètl·e".
Les
logements sont
difficilement accessibles aux non ivoiriens, aux célibataires
et aux f~illes de grande taille. Tandis que les premières opé-
rations de ce type d'habitat, réalisées avant l'indépendance po-
litique de la Côte d'Ivoire, avaient été conçues pour (ou du
moins telles qu'elles avaient été conçues) maintenir ou créer
des relations sociales entre les occupants grâce à l'établisse-
ment de cour commune, les constructions qui ont été faites à
partir de l'année 1960 visent ~ la création de l'intimité fami-
liale en ce que chaque logement dispose de sa cour privée et que
le seul espace commun aux résidents du quartier reste le par-
king ou le jardin public.
- L'habitat de cour ou habitat évolutif, qui désigne
la première forme d'habitat que connaît la ville d'ab id jan,
abrite 55% de la population aujourd'hui. Bâtis sur un îlot de
40m sur 40m et disposant d'une cour centrale (d'où le nom habi-
tat de cour),
les logements donnent généralement tous accès di-
rect à la cour où tous
les occupants se retrouvent aux heures
libres.
L'essentiel des relations sociales des habitants de la
concession se déraillent là. Avant les années 60, la concession
était plus souvent monofamiliale. Mais depuis
l'accroissement de
la population, on en trouve de moins en mOIns qui abrite une
seule famille.
Les propriétaires louent certains des
logements
à d'autres personnes. Aujourd'hui,
il est pratiquement difficile
de trouver une concession où résident uniquement le propriétaire
-
l~:;
-
et sa famille.
Il arrive même que dans une seule cour(l), habi-
tent plusieurs familles d'origines ethniques et de nationalité
différentes.
La densification des vieux quartiers dont il a été
question au chapitre 1 procède précisement du désir des pjoprié-
taires de tirer le plus de profit de ce petit lopin de terrain
que l'administration leur a concédé. Aussi, face à la crise de
logement, nombre d'entre eux n'hésitent pas à bitir sur la quasi
_
7
totalité des 1 6uOm- du lot, supprimant aInSI
la cour centrale
qui permettait aux familles de se retrouver et aux enfants de
jouer. La vie
se passe ~ésormais plus souvent au dehors, sur le
trottoir proche de la concession qu'à l'intérieur. Du même coup
les enfants se trouvent éjectés dans la rue.
L'habitat évolutif(2) se rencontre dans les plus VIeux
quartiers
(Treichville et Adiamé) mais aussi dans les quartiers
récents
(Koumassi, Marcory, Attiécoubé, Abobo, lI'illiamsville et
Yopougon) oQ il concurrence les constructions de type moderne.
Ses occupants se recrutent principalement parmi les couches défa-
vorisées de la population abidjanaise.
Il s'agit généralement
d'ouvriers non qualifiés travaillant dans le commerce ou l'indus-
trie.
La relative modicité des
loyers QUI SOllt denlandés aux loca-
(1) : La c.OYlc.eM~on déûgne ,[e ,[of:. c.onc.édé pa.!!. t' auJ.:o'Ldé adnu-YÙMlLaUve ef:.
~UlL tequû ~on:t c.o~:t!L~ ,[e~ togemenÙl. OY! pev-J'e a~~~ de "C.OUlL"
pOUlL déûgneJL ,[' e~embl'.e du ,[ogemenÙl "".mptQ.n:té~ 6UlL ,[e ,[oL COUlL e;t
c.onc.u~~on Mnt emptol/ée~ ~u c.onlme du ,ll/YWYUjme,l.
(2)
Evo.tu.ti6 évoque .te~ mo~MCJU.{ot16 Ü1C.~ an:te~ appoh.:tée~ à .ta èOUlL pM
.te ptwpJU.~Ae POUlL cLiJ.,po~eA davantage de togemenu ou de ~ec.e6.
1 -
,
taires,
la facilité des relations sociales qui s'apparentent à
celle du milieu villageois expliquent probablement l'attirance
particulière que cet habitat exerce sur l'abidjanais.
- L'habitat sommaire ou bidonville se localise dans la
périphérie de la ville mais aussi essaime pratiquement dans tous
les quartiers.
Les bas-fonds, les ravins et les terrains vagues
sont des sites privilégiés où s'implantent, dans un désordre im-
posé parfois par la configuration du terrain, des habitations
faites de matériaux de fortune. Marcory Sans Fil, Washington
(situé sur le terrain vague qui sépare Williasmville de Cocody),
Potopoto ou Campement à Koumassi,
le "quartier Vidange" sont
quelques uns des plus connus parmi les bidonvilles d'Abidjan.
Au point-de vue ethno-sociologique,
l'habitat sommai-
re accueille davantage les étrangers que les ivoiriens. Sa popu-
lation est constituée d'analphabètes en majorité parmi lesquels
on rencontre aussi bien des manoeuvres, des ouvriers non quali-
fiés employés dans
les industries et le commerce que des person-
nes qui s'intéressent aux activités traditionnelles de la pêche,
etc), de l'agriculture (culture marafchère essentiellement dans
les ravins et les marécages)_
Ce bref aperçu sur les problèmes relatifs au logement
à Abidjan permet de constater
:
· la mlse en oeuvre d'une stratification sociale
basée sur des moyens économiques, ceux-ci liés au niveau d'ins-
truction et se révélant l'un et l'autre 8 travers la qualité du
logement qu"occupe l'individu;
· l'absence de discrimination ethnique dans l'oc-
cupation des
logements, mises à part les opérations de promotion
immobiliêre explicitement destinées aux jeunes nationaux mariés
et dont la famille est de petite taille(1)
· l'absence de regroupement par ethnies dans les
cours, mais au contraire un brassage de population dans les cou-
ches sociales les plus déshéritées de la ville, notamment dans
les quartiers
les plus anciens ;
une marginalisation des étrangers les plus dé-
favorisés
résultant de leur concentration dans
les logements de
fortune implantés sur des terrains vagues ou non lotis.
Y. Castellan (1979-1980) évoquait l'étonnement de l'a-
méricain qui, débarquant en France, découvrait que les habita-
tions, notamment les villas, étaient cloturées et, bien plus,
a\\'cc une inscription "chien méchant" sur lc portail d'entrée.
d'entrée.
Etonnement
ou
choc
qui
s'explique
par
(1) : En pJÙnCÀ.pe, Le<l Logemel1-t6 que LM ooCÀ.UéiJ .ùnmob.<Li.èAe<l o66/tenX a .ta
cUenXèLe paJliUMenX êbLe c.onç-U<I POUIt ablt-i.te/t llJl c.oltp.te (au .6eM eMopéen
du teltme) et ,; e<l enoal1-t6 ; m<ùo nOn pOlt·~ IJ hébe.~ge/t l'a 6cunille au MM
aOJÙc.aJ.n du mot.
le fait qu'en Amérique du Nord,
l'habitation, plus précisénlent
les villas donllent directement sur le monde ext6rieur, qu'on
n'a pas besoin d'une clôture ~oins encore d'lin chien méchant
pour assurer sa protection.
Réaction bien innocellte mais qui
indique que la manière de se loger ou mleux,
la conception archi-
tecturale du logement est une réplique de l'organisation de la
société.
A travers les observations faites sur le logement â
Abidjan, c'est toute une conception nouvelle de la société, donc
de la famille, qui apparaît, opposant les abidjanais les plus
occidentalisés â ceux à qui le "destin" n'a encore pas pu ouvrir
les portes sur le monde extérieur, bref à tous les émigrants ru-
raux qui forment la lilajorité de la population abidjanaise.
Z - La famille
D'une façon très générale,
les problèmes relatifs â
la famille sont reli6s aux règles qui président â sa constitu-
t i on (cf Pl. Pl. Salo r t e t Y. Br ém 0 nt, op.
ci t , ) , de tell e sor t e
qu'il parait ambigU
de parler de la fanlille.
Les travaux ethno-
logiques qui servent de gllide en ce domaine montrent qu'il
y en
a alitant qu'il existe de sociét6s sur la planète terre. A chaque
société correspond donc lIn type de famille.
Ainsi, famille et so-
ciété sont-elles appelées à évoluer de façon concomitante. Tout
retard de l'une par rapport J I ' autre ne peut être que préjudi-
ciable il l'équilibre des individus et au fonctionnement de la
communauté tout entière;
raison pour laquelle dans nombre de
sociétés traditionnelles sa constitution obéit à des règles
strictes et dans les sociétés modernes à des
lois.
L'abondance de la littérature sur la famille et, en
l'occurence sur la famille africaine,
conduit à ne pas y revenIr
~f Y. Castellan, 1982). On peut toutefois rappeler quelques dé-
fini tians de cette institution sociale considérée par certains
auteurs lcf R.
Linton. 1968 ; Y. Castellan, op.
ci t.) comme étant
la première cellule de toute société humaine, par d'autres
(Mendras H.
1975) comme la cellule fondamentale des sociétés
modernes.
Suivant Castellan
(Y), "une famil le peut être définie
comme une réunion d'individus
- unIS par les liens du sallg
- vivant sous le même toit ou dans un même
ensemble d'habitations
- dans une communauté de services".
Autrement dit, il en faut plus d'url individu pour qu'on puisse
éventuellement parler de famille.
C'est ID une définition très large à
laquelle nous
souscrivons et qui nous aidera dans l 'exanlell de la famille abi-
djanaise.
Par cOlltre,
il ne parait pas utile du nloins nécessai-
re, de revenir à
la définition qui semble dénier aux sociétés
I~S
-
anciennes la connaissance de
la réalité famille, malgré les
subtilités de 18ngage par lesquelles on essaie de réhabiliter
celle-la.
L'abidjanais est bien ou mal
malS avec qui vit-
il ? Nous avons vu qu'Abidjan devait l'essentiel de sa démogra-
phie à l'exode rural et à ] 'émigration étrangère.
Le nouvel ar-
rivant était accueilli par un membre de sa famille venu plus t6t
que lui en ville ou par un "frère culturel".
Même s'il n'y a pas
de concentrations ethniques dans les quartiers,
l'individu qUI
arrive de la campagne trouve nécessairement de façon générale
une protection auprès d'un parent ou d'un "frère culturel" qui
l'abrite sous son toit. C'est dans un second temps seulement
qu'il se prendra lui même en charge.
Il en découle que céliba-
taire ou marié,
l'Abidjanais partage généralement son étroit ou
vaste logement avec d'autres personnes q"] péLlvent être soit des
parents soit des individus qui
lui ont été recommandés par des
connaissances.
Il s'agit là d'une pratique courante dans le dé-
veloppement de toutes
les grandes villes,
notamment les capitHJes
des j:avs d' .'\\1' ri que au Sud du '),,],;11'''
pratique qui a été décrite
par plusieurs auteurs ~f S. BernlJs, op.
cit.
J .~I.
Gibbal.
op.
cit.
etc.).
Le quotidien
ivoirien Fraternité Hatin daté du
19 Août
1983 présentait dans 'Lle de ses
rubriques le souhait
des épouses, souhait adressé aux maris
po"r obtenir de ceux-ci
J.'établissement
d'un dialogue
pennanent
;11!
::iE:l[l. Ju
CO\\lpLe,notam-
ment lorsqu'il s'agit d'accueillir d'autres membres de
la parenté
1 - Il
-
dalls le foyer.
('est dire qu'il y a une prise de conscience de
plus ell plus grallde qui s'affirme particuliôrement chez les
épouses face aux nouvelles conditions d'existence qu'impose le
milieu urbain (exiguïté du logement par exemple]
et qui deman-
dent que soient reconsidérées les obligations traditionnelles
qui lient chaque élément d'un couple à la famille d'où il est
iss u.
On est généralement enclin,
lorsqu'on traite de la
famille, à ramener cette institution à la dimension d'un couple,
mieux encore, d'un ménage. Ainsi un homme et une femme unis par
le mariage forment une famille aVec les enfants issus de cette
union.
La variété des cultures d'où sont originaires les rési-
dents abidjanais nécessiterait une étude sociologique
particu-
lière qui rende compte des différentes formes de mariage ainsi
que des points sur lesquels elles se rapprochent.
En promulguant
un nouveau code civil
en matière de mariage,
le législateur ivoi-
rien était soucieux cie réduire les disparités coutUJJllÔreS en ce
Liomaine.
[1 paraît amorcer une reculade à présent lcf èl.
Fadika,
19S~) face 3 une certaine résistance du milieu.
C'est que "le
pouvoir du droit sur les moeurs d'une société, note H. 0\\ameiclou
Fàdika, est
limité". Soeur Marie-Andrée du Sacré-Coeur avait
déjà noté,
il y a déjà quarante quatre artS, qll 'on Ile change
pas
les mentalités d'un peuple par des décrets-lois,
aIl
sujet
des conditions sociales de
la femme en Afnl[ue Occidentale
(cf Soeur ~Iarie-Andrée du Sacré-Coeur,
1939),
La politique d' im-
portation d'institutiolls pratiquée par les pays africains de-
puis une vingtaille d'années est loin de démentir ces propos au-
jourd'hui,
L'étude de la famille ~ Abidjan apparait fondamentale
pour la compréhensioll des illteractions au sein de celle-ci puis
entre celle-ci et son environnement social, Toutefois, limité
par les moyens,
le temps et
l'espace, on se contentera d'esquis-
ser
à
grands traits les caractéristiques dominantes.
Par ail-
leurs, étant donné que la qualité du logement et le quartier de
résidence paraissent avoir quelques rapports avec le type de
famille constitué ou auquel l'abidjanais aspire, on procèdera
d'abord par la répartition des éléments de la population en ca-
tégories matrimoniales ~ travers les quartiers de la ville, pUIS
on s'intéressera aux types de famille,
Se
rendant
cn \\'ille pour
faire
fortune,
l'émigrant
africain ne s'encombre pas en général d'une épouse dès
le départ
clu village,
Par ailleurs,
l'âge d'émigration parait en règle
générale asse: bas par rapport à celui auquel
se contracte le
. mariage dans
le milieu traditionnel (cf R.
Deniel,
1968
A.
Acl1io,
1970).
Dans ce cBdre anciell, un cel-tain nOlllbre de condi-
tions
(d'âge pour le postuJallt et matériel pour la [anlille qui
l ", '1
désire marier ce dernier) doivent etre réunies, conditions va-
riables d'une aire culture ~ une autre, avant qu'un mariage se
réalise(l). Aussi n'est-il pas étonnant de trouver de nombreux
célibataires parmi les
ruraux qui émigrent dans les villes.
La situation matrimoniale de la société abidjanaise
au cours de l'année 1979 est fournie par Le tableau de la page
183. Les données qui figurent su r ce tableau
suscitent pLusieurs
remarques
- en matière de mariage, les hommes et les femmes ne
paraissent pas avoir la même attitude.
Les secondes se marient
plus précocement que les premiers
- dans les différents groupes d'âges, il y a plus
d'hommes célibataires que de femmes non mariées
ce qui est une
confirmation des observations faites précédemment sur l'émigra-
tion et le mariage. Chez les femmes, c'est après la tranche
d'âge 35-39 ans que le nombre de célibataires tombe en dessous
de 1 000 ; chez les hommes il faut attenclre à partir cie 50 ans;
- on note la nrésence cie
jeunes polygames parml les hom-
mes mariés. En ce qui
concerne les ivo.i riens, ces
jeunes polygames
: 1) : IJoLL6 pen!Jon!J pnéwémeYLt atL :t!w.VeLÛ de A. KéibbenLn Le P.f.aYl-tei.V~ NO.{A ,
L'aLLteun qlLé a Uud'<'é .te)., p'~obc.ème)., cOllOéwti6" à .t'Ùl-Owduc,Uon de .ta
cuLf.une du ca6é et du cacao daM .te~ nég-<-OM de VD..toa et d'Abangounou,
vod dan)., c~ deux. ctLUun~ '<'ndLL6-tJL.<.eU~
un 6ac-teun d' émanupmon de~
jeune~ Ylotamment eYl pau)., bUê. V~oJtn<U.6 .t~ jeune~ peuveYLt (, e maJL-tefl en
,~éun'<'MaYLt eux.-mêm~ fu 60Iilrlie d'aAgeljj: néC~M.{fle à l'a dot. Au pallavaYLt,
d
aunad 6aULl atieYlMe que .te g,wild che6 de .ta 6anu.ue th~a~e poun
ma.JL.<.en chacun à 60n ;fouit tou/.> ,te)., jeun,,-,~ qUA'. 60YLt à M c.haJtge.
laissent longuement réfléchir sur la portée de la nouvelle loi
ivoirienne sur le mariage et qui institue la monogamie comme
seule union officielle possible entre un homme et une femme.
Décidément, la tradition est têtue;
- dans tous les groupes d'âge à partir de 20-24 ans
et mlS à part le dernier groupe dont l'âge se situe entre 65 et
69 ans, on trouve relativement mOlns d'hommes que de femmes qui
vivent de façon solitaire. Hormis le fait que chez le polygame
la disparition d'une épouse n'entraine qu'une réduction du nom-
bre de femmes à charge,
l'ivoirien en général et l'abidjanais
en particulier répugne à vivre seul. Ce qui ne semble pas être
le cas chez la femme ivoirienne (cf A. Bassitché, 1975 cl
- le veuvage commence tardivement chez les hommes
(c'est à partir de 25-29 ans qu'on trouve des époux qui ont per-
du leur compagne)
tandis qu'il intervient de bonne heure; un à
cinq ans plus tôt, chez les fenlmes.
Cependant, ia proportion des
veuves aux différentes tranches d'âges demeure relativement plus
importante en comparaison de ce qui se passe chez les hommes.
Autrement dit, si la femme abidjanaise meurt tBt parce qu'elle
se marie tôt, elle a par contre la chance de Vlvre plus longtemps
que l 'homme qui,
lui, arrive généralement tard dans le mariage;
Il sera traité plus longuement du couple et de
la famille dans
la 4uatri~me partie consacrée à la délinquance
des jeunes. Qu'il suffise de noter seulement pour
l'instant que
Il f\\b 1clj rtn~l i s a le choix de: vivn::
i TUEe des s-ituéJtions SI::iV:-ll)tes :
,r,
:0
SI1UATIcti ~tATIUM:NIALE IlE LA POPULATICI'< NlIDJANAISE
NJ COlms IlE L'ANNEE 1979 (1)
H
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M
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GROUPE
CELIBATAIRE
MARIE M')'lQ-
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VEUF
SEPARE
CEL lB tifAIRE
~lARlEE
SEPA"EE
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DIVORCE
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- - - - - l
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, 0
o '
U
r--
'f-----,,-
15- 19
61~03
98,50
787
1,27
118
0,19
0
0
30
D,OS
~9859
57,23
36919
42,38
33
U,04
308
~.35
1 20-24
70049
80,77
15485
17,87
735
0,85
0
0
44
' 0,51
22119
27 ,45
56689
70,39
431
D,54
1303
._~-J
25-29
38896
47,22
39363
47,78
3369
4,09
128
0,16
525
0,64
7758
13,84
46545
83,04
223
0,40
1523
2, JZ
-
30-34
12435
22,42
370Ub
66,73
5010
9 ,O~
169
0,30
778
1,40
2842
7,53
32236
85,43
677
1,79
1980
5,25
- - - -
,
.35-39
5722
13,29
30274
70,29
6281
14,58
79
0,18
654
1,52
1690
6,14
21920
8,\\ ,58
924
3,52
1667
6 •3~)
40-·14
2011
6,74
19537
65,51
7031
23,58
264
0,89
978
3,28
688
.4,54
12564
82,90
1226
7,43
745
4,92
1
r ,
45-49
1182
5,67
12790
61,40
6042
29,01
142
0,68
675
3,24
239
2,24
8280
77,56
1309
12,26
817
7,65
50-54
389
3,34
7582
65,11
3184
27,34
25
0,21
46~
3,99
136
2,05
4101
61,96
1706
25,77
676
10,21
!,
55-59
175
2,90
3779
62,63
1768
29,3U
54
0,89
258
4,28 '
91
2,35
1881
48,55
1640
42,33
262
6 , 76
1
,
- . -
60-64
46
1,37
2110
62,89
933
27,81
52
1 ,55
214
6,38
88
2,80
1\\ 19
35,63
1832
58,33
102
3,25
65-69
30
1,85
1029
63,59
324
20,02
127
7,85
108
6,67
33
2,30
324
22,54
935
65,07
145
10,09
1
(1)
Source
Enquête Démographique à Passages Repétés
Ministère du Plan et de l'Industrie - Abidjan 1982.
\\
1~·I
-
- célibataire isolé
célibataire vivant en groupe
- marié monogame
- marié polygame
- veuf
(ve)
- divorcé(e) ou sépar€(e).
Ces différentes situations matrimoniales se retrouvent à travers
tous les quartiers de la ville et de son agglomération, depuis
les luxueux quartiers résidentiels de Cocody, des Deux Plateaux,
de Marcory Résidentiel ou du Plateau jusqu'à ceux conquis sur
~
des marécages ou implantés sur des terrains non lotis. En annexe,_
sont reproduites les données concernant la situation matrimonia-
le des résidents suivant les différents types d'habitat.
Tout au long de ce paragraphe, on aura parlé
de logement et du statut matrimonial de ses occupants puis de
quartier. Or on aurait eu en projet de parler de la famille de
l'abidjanais. La complexité du sujet qui mériterait une étude
spéciale, étant donné la diversité des cultures en présence,
avait déjà été signalée.
Les travaux consacrés à la société
abidjanaise distinguent le ménage, le groupement domestique, la
famille conjugale et la famille étendue kf Bloch Lemoine, op.
cit., p.
13). Ces mêmes réalités sont décrites parfois en types
de foyers (cf J ."!. Cibbal,
op.
cit., p. 61). En dépit de la ri-
chesse du vocabulaire, c'est, peut-on penser,
la difficulté par-
-
1~ 5 -
ticuliêre relative è l'approche du problême qUl se trouve posée.
Difficulté d'autant plus grande que l'approche tend è reprodui-'
re des schémas, des modes d'organisation auxquels celui qui en-
treprend la recherche, semble habitué.
Les résultats d'une en-
quête SOFRES publiés par le Nouvel Observateur sur l'idée que
les Français se font de la famille (cf I-U!. Salort et Y. Brémond,
op.
ci t,
p.
27)
font apparaître successivement cette ins-
titution sociale comme étant:
un couple marié qui a décidé de ne pas avoir d'en-
fants
une femme divorcée qui vit avec ses enfants
- un homme divorcé qUl vit avec ses enfants
- un couple non marié qui a des enfants
- un couple non marié qui a décidé de ne pas avoir
d'enfants.
Mises è part des erreurs méthodologiques évidentes, on ne peut
s'empêcher de constater la diversité des situations qu'évoque le
mot famille chez les individus. Une étude qui porterait sur la
famille è Abidjan devra se préoccuper de saisir la ou les signi-
fications que ce concept sociologique a chez les abidjanais.
- La pluri-ethnicit~
demeure l'une des caractéristiques
premiêres de la société abidjanaise.
Celle-ci qui se constitue
non sans peine, pose aux individus des prohlèmes de logement qui
sont loin d'être spécifiques è la ville d'Abidjan.
ISb
-
- A travers les problèmes relatifs au logement, c'est
une
stratification de
la société qui est en train de s'accomplir
et dont les abidj anais ont réellement conscience (1). Les indivi-
dus les plus aisés économiquement habitent dans des villas per-
sonnelles ou louées, implantées généralement dans les quartiers
luxueux.
Les résidents les plus démunis
(parmi lesquels les é-
trangers sont les plus nombreux) se disputent les petites cham-
bres non éclairées des bidonvilles.
- Le statut matrimonial de l'abidjanais va du célibat
à
celui de marié en passant par toutes les formes intermédiaires
possibles. Quant à l'idée qu'il se fait de la famille au sens où
les spécialistes en sciences sociales entendent ce concept, des
recherches complémentaires paraissent indiquées.
Tout esprit original
garde l'empreinte de son passé.
Cette observation peut s'appliquer aussi aux groupements sociaux,
probablement à toute société. En fait,
le passage du monde rural
au monde urbain, s'il signifie changement de lieu, ne transforme
pas du coup la mentalité des individus. Aussi va-t-il falloir
(1)
: Ce.lle. coYtOue.nce. v,.t ,~ée.Ue. e.:t f>' e.xVc<J1Je. danf> un .tangage. qtU v,:tpltopite.
au m.{lj,e.u de.f> écononu.que.me.n:t 6a..<.b.te.~.
Langag e. dont un MuoLogue. ",-vo",--
il.À.-e.n, .te. pM6v,~e.Uil. N",-angoitan Bouah ava."-:t donné une. LaJtge. d"-66uûon.
L 'ab",-dja~ :til.adLJ.d La f>.tJw.:tl6",-ca.ücn MC.Ù:U'e. pM .te.~ e.Xpite.M",-OIU> :
"En haut de. e.n haut, Au m~eu de. en !Caut, En bM de. e.n h1l1rt, En haut
de. au nl-i..U.e.u, au ,n.{ue.u de. au nl-i..U.e.u, En bM de. au In.{Ue.U, En haut de.
e.n bM, Au m.{lj,w de. e.n b~, En bM de. e.n bM".
1~; 7 -
es qUI S S e r :1 g ra 11 d s
t rai t 5
,~C' li Il i car a c t 0 ris e
1a soc i été ab i cl j a -
naise ou,
('n
tout
cas 1
lui düllllt~ un cachet
particulier.
Les
statistiques J~nlo~raphiques ont montré, préc~dent-
ment,
la contribution du monde
rural et
des
étrangers à
la cons-
titution de
LI société abidj3naise.
Celle-ci qui est vieille d'il
peIne un delHi-siècle et qui
s 'antoregénère constamment
(un inllni-
grant sur deux,
estime Bloch
I.emoine,
a quelques
chances de s'y
établir pour
longtemps)
ne peut
encore échapper aux influences
culturelles des
divers
groupenlcnts ethniques qui peuplent
le ter-
ritoire
ivoi rien.
La tradition,
pense ~!arx, pèse d,'un poids très
lourd sur le cerveau des
viv3nt~ li:f G. Balandier,1 970, p. 20).
L'individu
ne s'en débarrasse lUS facilement quand bien même il
croît s' en ft re affranchi.
Le llt,i lieu abidJ anais
présente
toute
une gamme de
comportements J
tr:lvers
lesquels
i l est
disé de voir
sinon
la persistance du nloillS
la présence de modèles
anClells
associés pJlfois
difficilemellt
'lUX modèles
nOUVeaux.
- Les
l'elatioll~ ~ociales
Si
la
vie
COllective
intense est
selon Cabriêl
Tarde
7
(1901,
p.
,,71,
un vét'itable 3!cool
pour le cerveau,
elle ne tril-
d II i t
pas !TI a i Il S
1a par t Lei pat i (\\ 11 cl e l ' in cl i \\. i cl u a lJ x è'l C t i vit é s
cl e
la
comJ1lullJut6
; COIlll1ll1lîCJorf:! dont
l'exIstence
procède pl-écisément
l~S
-
des échanges que les individus établissent entre eux ou, mieux
encore, de l 'imit3tion d'un même modèle de condl.ite actuel ou
passé, ainsi que le proposait Gabriel Tarde
li "lH) (1) .
Parce que majoritaire,
dans la popula t ion générale,
les
immigrants ruraux ivoiriens et étrangers ont tout le loisir de
faire pénétrer dans
la vie quotidienne de la cité les moeurs et
coutumes de leur milieu d'origine.
"Citadins de première généra-
tian" ou "nouveaux citadins" comme les désignait (;ibbal
(1969),
leurs relations sociales dans le milieu abidjanais demeurent su-
perficielles et limitées généralement au cadre professionnel.
Pour ces individus venus à Abidjan à leur adolescence ou peu de
temps après,
la présence dans la capitale n'est qu'un séjour de
longue durée qui s'inscrit dans un projet familial
la promotion
sociale de la famille demeurant au village doit s'accomplir à tra-
vers la réussi te
personnelle
même Sl un "dés i l' pl us ou moins vif
de liberté indi'iiduelle" (cf R.
r'eniei
op.
cit., p.
16) paraît
être l'un des principaux mobiles.
Dans le nouveau cadre de vie,
le nouveau citadin (on avait vu précédemment comment et par qui
il était accueilli]
reconstitue très vite ses relations sociales
ou en établit avec ses "frères ethniques".
lie l '\\bidjanais en
général, Bloch Lemoine écrivait. en 1964, que la force de ces re-
lations
transcendait les contraintes écologiques. Quatre années
plu s t a l'cl,
l e t ra va i l cl e
R.
!iel'.icJ
sur les voltaïques abidjanais
(1)
: TaAde voU dan!.> "1'.e gADupe .6Dc..iaC', 1'.'eu.,;.tence d'ulle undCLt{.on peAmanen-
.te et géI1éJtai'.{..; ée de mode1'.e,; de compoAtUtlen:t.L\\ nGLIcTallX Oll anueY1.6. "La
ünu.l'.itude, éc..'l,Gt-.i.f', e!.>:t 6.{..tt~ de. 1'.' .0>U;ta.:ti.GJ1". C/-'. c..Gt.
-
lS')
-
n'apportait pas d'informations contradictoires.
"Mais si grande
soit la distance qui sépare les uns des autres les membres d'une
même famille, observe l'auteur, ils n'hésitent pas à la couvrir
pour se revoir, se consulter, manger ensemble au moins une fois
la semaine, surtout le samedi ou le dimanche. Ce sont, il est
vrai, les plus jeunes qui, généralement, vont retrouver leurs
aînés" (cf R.
Deniel,
op.
cit.. p. 121). L'absence de concentra-
tion ethnique
n'a pas que des effets bénéfiques. Les individus
dépensent temps et argent dans le transport pour se retrouver.
L'entretien de ces relations explique partiellement les rentrées
tardives à leur domicile de nombreux abidjanais. S'efforçant
d'apprécier quantitativement ces rapports sociaux, J. M. Gibbal
(op. cit.) relève chez les résidents des quartiers de Marcory et
de Nouveau Koumassi les proportions suivantes
8 personnes par réseau de relations chez les
"
nouveaux citadins;
- 7 à 8 personnes par réseau de relations chez les
citadins à Marcory.
A Nouveau Koumassi,
chaque nouveau citadin compte ell
moyenne 8 à 9 personnes dans ses relations tandis que chez les
"ruraux prolétarisés" le chiffre moyen atteint 4 individus, Tout
se passe comme si les personnes les plus faibles ~conomiquement
étaient aussi celles qui avaient les réseaux de relations les
moins denses.
Les facteurs de pauvreté, notait O.
Lewis (1967),
sont des facteurs cumulatifs. Dans le contexte abidjanais, la
visite â un parent ou â un ami exige un déplacement; or l'éten-
due de la ville oblige â emprunter le plus souvent un moyen de
transport, ce qui est source de dépenses que tout abidjanais,
en l'occurrence les plus démunis économiquement, ne peut suppor-
ter aux risques d'aggraver les difficultés des fins du mois.
Les relations de voisinage suppléent parfois aux rap-
ports intra-ethniques sans bien entendu se substituer â ceux-ci.
La disposition des logements dans l'habitat évolutif permet aux
occupants qui sont de plus en plus d'origine ethnique différente
de créer ou de développer des rapports sociaux entre eux. Il
s'agit, dans bien des cas, de tolérance réciproque entre les ha-
bitants pour mainte~ir une coexistence pacifique au sein de la
concession.
Lieu privilégié d'échanges dans toute société organi-
sée, le mariage en ~ant qu'institution permet â une communauté
hUD\\aine non pas seulement de se reproduire, mais surtout de
créer des relations entre les différents groupes qui
la consti-
tuent.
Dans le milieu traditionnel le mariage demeure l'acte par
lequel deux familles distinctes s'unissent désormais pour le
meilleur et pour le pire. Dans ia mesure où il engage la respon-
sabilité de deux familles,
il est perçu comme un contrat trop
-
1~] 1 -
sérieux pour qu'on le laisse à l'initiative des deux individus
directement concernés.
Le séjour en ville éloigne géographiquement mais non
psychologiquement l'individu de sa famille et de son milieu
d'origine.
Par ailleurs,
les déplacements fréquents effectués
par les
résidents entre le village natal et Abidjan pour ceux
notamment dont ce lieu d'origine est proche de la capitale,
fa-
vorisent la compénétraLion des deux univers socio-culturels et,
par conséquent, assurent une certaine continuité à
la tradition.
Il paraît dès lors hors de doute que le mariage du résident abi-
djanais puisse échapper totalement à la supervision, mieux, au
contrôle des parents quand ceux-ci ne le décident pas.
Il n'est
pas non plus rare de voir arriver directement du village une
jeune fille que les parents destinent, à titre d'épouse,.à leur
enfant dev~nu citadin. Cette pratique qui est ridiculisée par
des ci t~dins (ces derniers qualifi .. ient de "colis postaux" ces
arrivages d'épouses dont certains se plaisaient à dire qu'ils ne
les avaient jamais vues)
tend à disparaître aujourd'hui.
Toute-
fois,
une étude statistique le montrerait aisément,
l'orienta-
tion intra ethnique du choix du conjoint ne constitue pas moins
une pratique proche de celle qui consistait à
remettre ce choix
aux parents résidants au village.
En 1968,
P.
Deniel
indiquait,
au sujet du mariage dans
la communauté voltaïque résidant sur le
territoire ivoirien,
les proportions que voici
55% des chefs
de groupe mariés ont accompli les riLes matrimoniaux dans leur
-
19':
-
village d'origine. L'initiative du choix de la conjointe rele-
vait de l'autorité de leur chef de famille.
19% des époux s'é-
taient mariés à Abidjan mais avec une jeune fille amenée du vil-
lage. 13% déclaraient avoir l'initiative de choix mais avec
l'accord de la famille et seulement 4% comptaient sur eux-mêmes
pour se trouver une épouse (cf P..
Deniel,
op. ciL, p. 163).
En 1970, le dénombrement statistique d'une enquête effectuée au
Camp des Fonctionnaires de Treichville et à la Caserne des Doua-
niers du même quartier et portant sur plus de 2_000 individus,
a révélé la propension très marquée chez l'ivoirien abidjanais
à
choisir
sa compagne au sein de son ethnie ~f .A. Bassitché,
1972). Le problème ne se pose pas autrement dans la plupart des
grandes villes en Afrique Noire (cf L. Thore, 1964 ; S. Bernus,
1969), villes peuplées en majorité par des ruraux descendus de
l'arrière pays ou de pays voisins.
Ces "villageois en ville" (suivant l'expression quel-
que peu connotée mais pittoresque par laquelle Gibbal désigne
les
émigrants ruraux) paraissent conséquents avec eux-mêmes du
moins au niveau de leurs comportements à l'égard de nombre d'é-
vènements significatifs de la vie telles la naissance, la mala-
die et la mort.
La nalssance
Donner le jour à un enfant n'est pas rien dans la tra-
dition africaine kf P. Erny, 1969). Tout un ensemble de représen-
tations complexes alimentées ou suscitées par un imaginaire col-
lectif entourent la conception et la naissance de l'enfant. La
procréation apparaît comme étant l'un des buts ultimes de l'u-
nion entre l'homme et la femme. Son absence s'accompagne généra-
lement de la répudiation.
Les sociétés traditionnelles ivoirien-
nes ne se distinguent pas, de ce point de vue, des autres grou-
pements socio-culturels qui peuplent le continent africain,
dans sa partie Sud du Sahara. Et Sl les parturientes de la so-
ciété se sont mal accommodées de la maternité très moderne cons-
truite à grands frais à leur intention, préférant accoucher dans
les cases "insalubres" du village, ce n'était sans doute pas par
méconnaissance de la compétence technique de l'équipe médicale,
mais par souci de sauvegarde de la vie de l'enfant.
La maternité
ne remettait pas le placenta, cette espèce de double de l'enfant,
à la mère; double ou "frère jumeau" dont la qualité du traite-
ment n'est pas sans effet sur le bébé durant toute la vie
kf Pierre Erny; op.
cit.).
L'attitude des citadins de première génération dans
les cités africaines, si elle paraît avoir subi de grandes modi-
fications, ne présente pas moins de parenté avec celle de l'ha-
bitant du monde rural, en ce qui concerne la procréatioD eD géné-
ral. L' Abidj anais se marie pour avoi r des enfants.
Les railleries
guettent tous ceux qui, mariés depuis plusieurs années, n'ont
encore
pas donné naissance à un enfant.
De façon générale, la
stérilité n'est pas concevable chez l'homme. La femme reste la
194
-
seule responsable de l'absence d'enfant dans le ménage. De même
si un couple ne donne naissance qu'à des filles,
c'est parce que
l'épouse se révèle incapable de donner le jour à un garçon.
Après l'accouchement, la mère et le bébé sont rapidement ren-
voyés au village
(dans son village à elle si le couple n'est
pas originaire de la même localité) chez les parents pour y su-
bir les traitements conformes à la tradition.
Chez les nouveaux
citadins appartenant aux classes supérieures de la société,
c'est un membre de la belle famille de l'époux, plus souvent la
belle-mère même ou une tante qui vient du village pour prendre
en charge les "soins coutumiers" nécessaires. Dans tous les cas,
Sl
les abidjanais ne boudent pas les maternités modernes
(celles-
ci paraîssent au contraire exercer un attrait particulier dans
la population féminine sans doute pour plusieurs raisons parmi
lesquelles l'établissement d'une fiche de déclaration de naissan-
ce et qui permet au père d'obtenir un acte de naissance à la
Mairie, pièce nécessaire puur la prise en charge de l'enfant par
la Fonction Publique ou l'entreprise où travaille le mari, néces-
saire aussi au moment de la scolarisation de l'enfant), ils as-
socient allègrement les deux types de traitement : le moderne et
le traditionnel.
Les quelques aspects qU1 viennent d'être évoqués som-
mairement à propos des problèmes relatifs à la naissance d'un
enfant, révèlent l'importance de la tradition sur l'individu.
Une étude entièrement consacrée aux problèmes de la naissance en
l '15
-
milieu abidjanais révelerait bien de surprIses à ceux qui aSSI-
milent la splendeur des villas, les belles voitures qui circu-
lent sur de grands boulevards, bref le confort du moment à une
révolution mentale complète
chez l'Abidjanais. D'ailleurs, ne dit-
on pas dans le milieu,que "quelle que soit la durée de séjour
d'un morceau de bois ou d'un troc d'arbre dans l'eau, celui-ci
ne devient jamais un caïman.,,(l).
- L'Education
Vaste thème qui ne sera qu'ébauché ici. Définie diffé-
remment suivant les spécialités qui, soit la considèrent comme
objet central d'étude, en l'occurrence les sciences d'éducation,
soit se refèrent à elle à certains moments pour rendre compte de
l'évolution de certaines structures mentales, telle la psycholo-
gie génétique, l'éducation occupe aujourd'hui une place privilé-
giée aans les politiques gouvernementales, notamment dans les
pays dits en voie de développement (la politique ivoirienne la
définit comme étant la priorité des priorités). Cependant, à la
question qu'est-ce que l'éducation, peu de gens seront aptes à
répondre ou, les réponses auront toutes les chances d'âtre vagues,
variées et même contradictoires.
C'est que si tout le monde par-
le d'éducation, tout le monde ne lui donne pas la même significa-
tian. On peut toutefois retenir, parmi tant d'autres, la défini-
(1) : C'e~~ un dZcton qu~ ~~ 6~équemme~ ~épé~é en ~eu ab;dja~.
Il a
~o~ i' ~ de j~üMeA l' ;mmob~me de bün de geM 6ac.e aux 6acteUM
d'évoluûon.
196 -
tion ci-après dont l'intérêt semble évident pour l'examen du
problème éducatif en milieu abidjanais. L'éducation est, selon
Paul A. Osterrieth (1980, p. 13), "le processus aux innombrables
aspects par lequel les adultes d'une société donnée tentent d'in-
tégrer les jeunes, nouveaux venus, à cette société en leur pro-
posant et en leur imposant les modalités comportementales pro-
pres à celle-ci". Ainsi perçu, il est de toute évidence qu'un tel
processus passe pour la priorité des priorités dans toute socié-
té humaine car, il s'agit bien d'assurer la continuité de la
communauté.
La société abidjanaise, a-t-on déjà signalé, procède
de l'exode rural et de l'immigration étrangère. Dans ce nouvel
environnement ou mieux, dans cette nouvelle société en construc-
tion,
le nouveau citadin est-il à même d'assurer l'éducation de
ses enfants? A l'homogénéité culturelle du monde rural d'où il
est issu, s'opposent la diversité et la variété comportementales
du milieu urbain. Il vit à chaque instant la pluralité des cul-
tures
: au travail, il collabore avec des personnes de différen-
tes cultures
à
la maison, il partage la même cour avec des indi-
vidus qu'il ne connaissait pas, il emprunte le même ascenseur ou
les mêmes escaliers qu'eux s'il occupe un appartement dans un
immeuble, bref toute son existence se déroule dans un univers
fait de différences. Or, on sait que la perception de trop gran-
des différences a pour conséquence le retranchement en soi ou
dans le groupe chez ]' indi vidu, dans
un environnement où plusieurs
197
-
cultures s'affrontent.
En se protégeant ainsi, l'individu ou le
groupe pense assurer la perennité de sa culture kf M. ~Iead, op.
cit. ,J .. ~lais il peut arriver aussi qu'il se démobilise, qu'il
laisse tomber les défenses et qu'il assiste, passif, au déroule-
ment de la vie autour de lui. Parfois aussi, par un processus
de sommation, il finit par reprendre à son propre compte les
slogans, les nouveaux idéaux diffusés par les média d'informa-
tion.
Il s'ensuit alors une cassure entre les valeurs qu'il
avait intégrées et celles, plus hétérogènes, que son nouveau
milieu lui propose.
"Priorité à
l'Education" (cf M. Lobrot, 1980), titre
d'un ouvrage récent paru à la petite bibliothèque Payot, "Educa-
tion, priorité des priorités", slogan politique ivoirien. C'est
à croire que les uns et les autres parlent du même processus.
L'éducation, au sens où l'homme ivoirien et plus spécifiquement
abidjanais l'entend se résume en l'instruction. Dans une recher-
che effectuée en 1970 à Abidjan, il a été relevé une fréquente
confusion entre ces deux notions (cf P.. Bassitché,
op. cit.,).
Ainsi, pour l'Abidjanais en général, de deux individus le plus
éduqué est celui qui a obtenu le plus grand diplôme au terme des
études. En conformité avec la perception des individus, on de-
vrait dire "Instruction, priorité des priorités" et, dans ce con-
texte, parler de Ministère de l'Instruction Nationale. Chaque
année, vers le mois d'Octobre la panique s'empare de l'abidjanais:
trouver une école où inscrire son enfant al; celui d'un parent.
-
19S
-
S'il existe une période de l'année où l'enseignant apparaît im-
portant, survalorisé. c'est bien à chaque rentrée scolaire:
parce qu'il est du corps, il peut aider plus facilement que
d'autres à inscrire un enfant. Face à la crise de places dans
les établissements scolaires, il est le mieux placé pour accom-
plir des miracles. Rares sont les parents qui reculent devant
les frais de scolarité de plus en plus élevés pratiqués par les
établissements privés. C'est que l'école n'est plus seulement
maternelleCcf R. Kaès. 1968), mais elle est vitale dans.le con-
texte abidjanais et, plus généralement, ivoirien. Cette
vision
paraît pour le moins fausse, car l'école n'apprend pas les moda-
lités comportementales propres au milieu de vie des individus,
mais dispense essentiellement des connaissances instrumentales
qui permettront di se hisser aux différents niveaux des organis-
mes de production.
La société abidjanaise ressemble à une société de ca-
nards en déplacement et oQ les plus jeunes sont devant, les plus
âfés derrière. Elle est "neoténisée" (cf. D. SZABO,1972, p. 15 à 22). Les va-
leurs des j ellll<ô' s' in'F,osent aux plus â~és oui ont tout l'ai r de commander
clans le vide 0\\1, en tout cas, qui s'en remettent à l'école.
- La Maladie et la Mort
L'attitude des individus devant l'infortune renvoie
indubitablement à la conception qu'ils ont du monde, en bref
repose sur des considérations métaphysiques. La maladie et la
mort n'ont jamais laissé personne indifférent. Par ce qu'elles
atteignent l'intégrité de la personne, qu'elles menacent de
soustraire au groupe un de ses éléments, la maladie et la mort
mobilisent tout le système de défenses de l'individu et celui
du groupe. Les recherches anthropologiques sur la mort ~f L. V.
Thomas, 1975 ; M. Augé, 1975) montrent la variété et la diversi-
té des conceptions qui inspirent les attitudes individuelles et
collectives.
En fait,
il semble qu'il n'y ait pas de coupure,
de séparation nette entre le monde des vivants et celui des
morts.
Les pratiques funéraires montrent qu'il y a bien communi-
cation entre les deux univers ~f Granet, 1924).
A travers la manière dont les individus se conduisent
vis_à_vis de la maladie, la façon dont ils traitent leur mort,
il est possible d'esquisser les représentations qu'ils ont du
monde et d'eux-mêmes.
Le milieu abidjanais présente, de ce point
de vue, une variété de comportements dont la compréhension néces-
site une référence à la culture d'où les individus sont issus.
Il ne paraît pas nécessaire que des micro-milieux, so.te de re-
pliques des milieux villageois, se reconstituent pour donner sens
au compoyteme~t.
En d'autres termes, si
la culture d'origine de-
meure le référentiel, ce par quoi le comportement devient intel-
ligible, il n'est pas indispensable qu'il y ait reconstitution
du milieu d'origine pour voir apparaître le comportement. Un
changement de milieu, pour "les villageois en ville" suivant
-
200
-
L'expression pittoresque de Gibbal, peut entraîner une adapta-
tion de la conduite, mais celle-ci ne saurait se réduire â l'or-
ganisation sociale contrairement à ce que pense Augé quand il
écri t
"Les agressions par autrui, principalement celles attri-
buées â la sorcellerie, ne constituent qu'un élément lui-même
structuré d'un système d'interprétation dont l'ensemble des re-
présentations de la société constitue simultanément la forme et
l'objet; parce que l'organisation se donne d'un même coup comme
réelle et comme intelligible elle est la condition de toute ln-
telligence ; rien ne peut se comprendre, qUl ne se rappojte ou
qui ne se réduise à elle puisque rien ne se passe en dehors
d'elle" (op. cit, p. 114). Lorsque l'individu se trouve confron-
té aux difficultés existentielles, précisément lorsqu'il sent
son intégrité phY5ique atteinte,
telle le cas de maladie, il
devient facilement irrationnel. Il retrouve les schèmes de com-
portements anciens. Les travaux des Ortigues â Dakar sont, â ce
propos, des plus illustratifs
(cf E. et M. C. Ortigues, 1968).
A Abidjan, nombreux sont les "intellectuels" qui, â la tombée de
la nuit, se faufilent dans les bas quartiers de la ville, chez
tel marabout ou tel charlatan ~ la recherclle des causes du ma-
lheur qui les frappe ou qui s'est abattu sur un des
leurs.
Il
est encore aujourd'hui des Abidjanais qui établissent la distinc-
tion entre les maladies qui peuvent être soignées à l'hôpital et
celles dont le traitement relève de la médecine traditionnelle.
Dire que les contraintes du milieu urbain rendent impossible
-
~ (1]
-
l'explication (du malheur) en termes de magie et de sorcelle-
rie, c'est me semble-t-il méconn2Ître les réalités socio-
culturelles profondes des centres urbains africains, peuplés
essentiellement de ruraux ou, en tout cas, d'individus dont les
attaches avec la campagne ne se sont pas encore rompues. Ces
contraintes (qui ne sont pas précisées) par contre, rendent pro-
bablement compte de l'absence de reconstitution in extenso du
cadre villageois, dans les centres urbains où le peuplement
n'obéit pas aux règles de regroupements ethniques, telle la vil-
le d'Abidjan.
Face à la maladie, à l'infortune en général, le
comportement de l'Abidjanais ne se distingue pas notablement de
celui de 1 'habitant du milieu rural. S'il se dirige vers les
hôpitaux modernes, il ne rompt pas du coup avec la médecine tra-
ditionnelle.
Parfois, sur le lit de l'hôpital, il suit les deux
types de traitement à l'insu du médecin moderne (l'hôpital
s'occupant de .lui pendant la journée et les parents lui appli-
quant le traitement coutumier le soir).
La mort, dans le contexte urbain, n'a pas moins de con-
sidération que la maladie. Qu'elle soit brutale (accident de la
circulation automobile) ou qu'elle intervienne à la suite d'une
courte ou longue maladie, la mort s'explique toujours.
La fatali-
té ne frappe que ceux qui la méritent.
Les explications fournies
par la science médicale moderne restent peu convaincantes. Aussi
-
~1I2
-
recourt-on souvent ~ l'interrogation du mort pour en savoir un
peu plus sur les causes du décês.
Cette pratique qui est condam-
née par le christianisme survit malgré tout, dans les milieux
villageois. Selon Augé, elle se pratiquera même dans certains
micro-milieux à Abidjan.
Tout décês, au village comme à Abidjan, est une occa-
sion de resserrement des liens entre les membres de la communau-
té
! En milieu urbain,
participent également à la veillée funê-
bre toutes les connaissances directes ou indirectes que, de son
vivant, l'individu a pu se faire en dehors de son groupe ethni-
que.
Plus il y a de gens à la levée du corps
(celle-ci s'effec-
tue à l'un des deux CHU de la ville), à la veillée au domicile
du défunt ou dans son village, enfin à l'enterrement, plus la
personne décédée est socialement importante(l).
Il Y a quelques années, les autorités politiques
avaient décidé de limiter les dépenses excessives que les funé-
railles occasionnaient à la famille endeuillée. L'expérience
montre aujourd'hui que cette interdiction essentiellement verbale
( 1) : B,{e~ qu'il ewte du c<.metièJte.~ a Ab.<.dja~, R-' ;'voLuerL MuiuU:te voL'!. I>eI>
/lutu /lepof>e/l au cimé-ûèJte de Mn vil.ea.ge MtaR. VÙ.LUe pIlatique du
.taguY!aL'LM, du e.th~eI> doM .teI> vil.ea.gv.. MM peu. w;'gnv., de .ta c.ap;'-
:taLe, .te :t!laM f,e!l:t du C.O/lpI> au pa1jI> nataL ef>:t eY!:t!lé daM .teI> habdudeI>
deI> /lv.,;'den.t1> ab;'dja~, ;'voLUeM en palltic.uUe!l. DeI> MmmeI> d' MgeM
ex.OIlbLtaf1:tu MM eY!gagéM pOM .te dép.tac.eftlef1:t du C.O/lpI> et pOM .ta ~
I>e en c.luvtge deI> I>1jmpa.th.U.aYlU dUllaf1:t .teM I>éjOM daM Re vil.ea.ge en-
deu.ilRé. A.{.M;' I>' ex.püqueM .teI> pIléoc.c.upation6 de .t' ;'voLUen /lv.,;'def1:t
Uflbcin d'avo~ un dom.i.cile daM Mn vil.ea.ge d'olÙgùte ex. de palLlic<.pe!l
a .ta v;'e de .ta c.ommunau.:té .toc.aLe.
-
2U3
-
n'a eu aucun effet sur les individus, mIS à part ceux des rési-
dents dont les moyens économiques très faibles constituent en
eux-mêmes un frein à ces dépenses. Un critique social ivoirien,
Léonard Groguhet, présentait, il y a un an à peine, une émis-
sion télévisée dans laquelle il montrait ce qui paraît absurde
dans la conduite de l'homme ivoirien en matière des funérailles.
Ainsi, l'Abidjanais économiquement fort refusera de prendre en
charge les frais médicaux d'un parent parce que, estime-t-il, il
n'a pas d'argent. Cependant, dès que ce même parent aura cessé
de vivre, il sera le premier à commander un corbillard, des di-
zaines de caisses de boisson de tout genre, bref à faire une dé-
monstration de son pouvoir économique pour préparer les obsèques
de ce parent disparu. C'est que l'individu peut vivre discrète-
ment sa pauvreté. 'Sa mort, par contre, lève le voile sur son
appartenance familiale. Celle-ci, parce que prestigieuse de par
son origine sociale ou de par la position qu'occupe un de ses
membres dans la hiérarchie politico-économique de la nation, ne
peut voir son image altérée. Cette conduite s'impose d'autant
plus qu'on prétend appartenir à une famille dont le nom patrony-
mique est précédé de l'article défini "le5,,(1).
Plus d'un abidjar.ais aujourd'hui, à l'annonce du décès
d'un parent, pense d'abord à l'argent;
argent qu'il va dépenser
pour sauvegarder son honneur et celui de sa famille.
(1)
; Une nouvelle habdude appaJla.2t, aujoUltd' hLU daM -fa 60uUé ab-<'djanfÙôe,
qLÙ cOMM-te à 6aJAe p!Léciide!L -fe nom de 6am..i.Lte d'un afLtic.ee.
Ex : Le~ Loboué ; Un Loboué.
-
204
-
Une étude approfondie portant sur la conduite des
abidjanais vis-à-vis de la maladie et de la mort montrerait
sûrement :
- la rareté des maladies naturelles
: elles provien-
nent presque toutes de l'action personnelle portant sur les ré-
seaux de relations
(familiales, professionnelles, sociales,
avec les disparus) de l'individu;
- l'importance du mort dans les représentations col-
lectives. En un certain sens, mourir apparaît plus intéressant
que vivre, si l'on en juge d'après la richesse des cérémonies
qui matérialisent le passage de l'individu dans l'au-delà. Mais
le mort, c'est aussi un messager (sans retour !) des vivants
auprès des disparus.
x
x
x
Tradition et modernité se côtoient au sein de la so-
ciété abidjanaise. On peut se demander sur quel registre fonc-
tionnent ceux des abidjanais qui ont vu le jour dans la capitale,
enfin quelles valeurs inspirent la conduite générale des jeunes.
- 7nS
-
En 1975, 25,8\\ seulement de la population abidjanaise
ont vu le jour dans la ville qu'ils habitent.
Or Abidjan était
chef-lieu de colonie depuis 1934 puis capitale de la Côte d'Ivoi-
re indépendante à compter du 7 AoQt 1960. On aurait dû relever
une proportion plus importante que celle qui est indiquée ci-
dessus de personnes nées et résidant à Abidjan. La faiblesse de
l'effectif des abidjanais authentiques dans la population rend
par conséquent compte de l'instabilité même de cette population.
Les déplacements fréquents entre la ville et le village, puis la
retraite des personnes d'âge .avancé chez elles, dans leur locali-
té ou région d'origine ont, probablement, un impact important
sur les enfants à qui elles ont donné le jour et qui sont scola-
risés ou travaillent à Abidjan.
Le statut de citadin de la
deuxième génération ne signifie pas, en soi-même, que les indivi-
dus qui entrent dans cette catégorie, ont rompu avec les coutu-
mes auxquelles étaient attachés leurs parents. Les études menées
par Gibbal montrent, à travers des statistiques, des conduites
qui apparaîssent aussi bien chez des citadins de la première gé-
nération que chez ceux qui appartiennent à la deuxième généra-
tion. Ainsi, pour ce qui concerne les relations sociales, les
citadins ne sont pas exclusivement orientés vers des rapports
inter-ethniques
(45,5%) mais aussi vers des individus issus de
la même ethnie qu'eux
(54,4%), dans le quartier de~\\arcory (d (;jbhal,
- 207 -
davantage que le reste des ivoiriens, plus précisément des abi-
djanais.
Les conciliations avec les forces
occultes traduites
parfois dans des sacrifices de tout genre, les consultations
che: les marabouts et les charlatans, bref toutes ces pratiques
quotidiennes qui sont le lot de l' Abidj anais recrutent indistinc-
tement leurs clients aussi bien parmi les 1'1 i tes que parmi le
reste des éléments constiiutifs de cette masse multiforme qu'est
la société abidjanaise.
En bref, sur le fond des problèmes po-
sés aux citadins vis-à-vis de certains évènements significatifs
de la vie (la relation aux autres, la maladie, la mort pour ne
ci ter que celles-ci), le lieu de naissance en soi ne paraît pas être
un indicateur suffisant qui puisse opposer les natifs abidjanais
et les nouveaux citadins, c'est-à-dire ceux qui étaient à l'ori-
gine de la constitution de la société abidjanaise.
- Les jeunes et les valeurs sociales
Non seulement Abidjan est une cité jeune mais aussi
elle compte dans sa population une très forte proportion de jeu-
nes
(50,7% de la population, a-t-on déjà signalé, étaient
âgés
de moins de 20 ans,
au cours de l'année 19(5). Plus sensibles,
en tout cas pl us perrnéab les aux valeuTs nouve Iles di ffusées par
les média d'information, sensi bles aussi aux clinquants de la
Vle moderne et à l'apparente Facilité que cette dernière offre
pour la réalisation des aspirations personnelles, les jeunes sus-
citent, chez les adlJltes, des images cOlltradictoires
: ils sont
- =(J II -
op. cit., p. 116). On reviendra plus tard sur l'étude de ces re-
lations qui constitllent l'objet de la troisième partie de ce
travail.
Par rapport à certains aspects de la vie quotidienne
examinés précédemment chez les nouveaux citadins en général,
les natifs abidjanais ne peuvent présenter des conceptions dif-
férentes.
L'appartenance à une région, à un village demeure une
préoccupation de l'ivoirien. Ce besoin d'une identité sommeille
en chaque abidjanais. Lors de la campagne pour les élections
législatives de 1980, certains candidats résidents abidjanais
qui s'étaient présentés dans leur région d'origine où ils ne se
rendaient pas souvent, s'étaient vu rabroués, rudoyés, en tout
cas très mal reçus par les habitants. De même lorsqu'il survient
un décès, le corps, a-t-on déjà vu, est transporté au village.
C'est une honte, un déshonneur pour le défunt
(en a-t-il réelle-
ment besoin !) et pour sa famille s~, de son vivant, ce citadin
n'a pas construit une résidence dans la localité.
Il arrive même
de conserver le corps à la morgue le temps de bâtir à la hâte
une maison au nom du défunt, dans les familles dites aisées n07
tammen t.
Suivant Abdou Touré (19H2, p. 37), "les élites repré-
sentent un monde à part". Elles n'avaient en commun avec les au-
tres abidjanais que la nationalité. Les conduites qui viennent
d'être décrites concernent pourtant aussi bien les élites et même
perçus tantôt comme l'espoir de la nation,
tantôt comme les
fossoyeurs d~ la tradition. D§nis Szabo évoque cette nécessaire
souplesse qui doi t caractériser la sociét§ moderne pour pellnettre
à celle-ci de fonctionner sur des acquis
tout en s'ouvrant en
même temps à l' inédi t Cef D. Szabo, 1972). Contrainte d'autant
plus déchirante pour la sociét§ globale que celle-ci qui est en
voie d'édification rassemble en son sein plusieurs communautés
culturelles qui ne partagent pas toujours
les mêmes codes de va-
leur.
La ville d'Abidjan qui abrite des individus issus de plu-
sieurs ethnies et qui offre par ailleurs des habitations qui im-
posent un voisinage immédiat à leurs occupants, apparaft vérita-
blement comme un creuset culturel.
Le désir d'échapper à la morale des plus âgés, aux
contraintes de la tradition, qui explique en partie l'exode des
jeunes ruraux (cf R.
Deniel, op.
cit, pp.
16, 17
; A. S. Coulibaly,
1974), trouve sa réalisation effective dans
le milieu urbain.
Le jeune abidjanais n'a de compte à rendre qu'à lui-même. Face
à la multiplicité des valeurs et des
comportements, son choix se
porte sur ceux que son jugement lui dicte. En fait,
l'hébergement
qui lui est offert par un "frère cul turel",
un membre de la gran-
de famille, n'inclut pas, au titre des exigences de son hôte,
l'observation de modèles précis de conduire qu'il devra ~enlr
dans le milieu abidjanHis.
Par ailleurs, les contraintes profes-
sionnelles tiennent l 'hôte éloigné du domicile toute la journée.
Celui-ci ne peut donc nlênle s'il
le voulait, aider à
l'adaptation
Cr est-il parvellu lui-m~me 7) de son prot~gé ~ la vie abidja-
naise.
Le jeulle rural émigré se trouve confronté â deux situa-
tions
: soit rechercher la compagnle d'individus originaires
de son village ou de son groupe ethnique pour r~créer une am-
biance proche de celle dans laquelle ils avaient tous VêCl1 dans
le milieu rural - ce qUl parait cOlltraire aux motivatiolls qui
ont présid~ â son départ - soit s'attacher â d'autres Jeunes de
mêmes conditions sociaies et 0colloilliques que lui pour se lallcer
â
la réelle découverte du monde urbain, â
la manière de Titenga
dans la ville de Ouagadougou (cf A. S.
Coulibaly, op.
cit.). Cet
héros, plutôt personnage de Coulibaly
(A.
Sc), sorti fraîchement
du village et descendu pour la première fois â Ouagadougol', ca-
pitale de la République de Haute Volta, montre le drame psycho-
logique et culturel qui est le lot de ceux qui, comlne lui, se
trouvent livrés â eux-mêmes dans les grandes villes des Etats
nouvellement indépendants d'Afrique Noire.
Les difficultés exis-
tentielles que connaissent la trôs grande majorité des jeunes
s'apparentent â celles momentanément vécues par le petit Rémi,
personnage de Hector ~lalot, â la mort de Vitalis (cf H. ~Ialot,
1983),
son unique protecteur en plein hiver. "lJésorm:iis sans per-
sonne au gouvernail", disait le petit Rémi. abandonné aux flots
et balloté par le vent,
le jeune rural
fait
l'expérience totale
d'ulle vie qu'il n'avait jamals connue et dont il
aurait eu peine
à imaginer les vicissitudes du
fOlld de
la brousse africaine où
il était. A Abidjan, les seules valeurs qui
comptent sont essen-
tiellement économiques. Est considéré celui
dOllt
l~s conlptes
-
C 1U -
en banque sùllt garnis, qui habite dans l'une des luxueuses vil-
Jas de CocoJy. de la Riviéra, de ~Iarcory résidentiel ou de la
Zone 4 et enfin qui roule dans une belle et grosse voiture amé-
ricaine, all~mande, rarement japonaise ou française. Par ail-
leurs les vitrines garnies des Inagaslns de commerce, des super-
marchés dont
\\' enseigne "Libre service" incite il se servir, des
consommateur5 assis il la devanture des bars et qui vous regar-
den~ passer sans vous inviter, bref tout indique la nouvelle
valeur sur laquelle la société abidjanaise est en train de se
construire. Se sent malheureux celui qui n'a pas d'argent.
"J'ai la fauchematose,,(I) n~us confiait un agent d'une société
commerciale. Un manque prolongé d'argent équivaut il une maladie.
Parfois ce manque est il l'origine de réactions agressives ou de
conflits daIls
les ~énages. Un cl16meur en voulait il son épouse
parce que, pensait-il, cette derniêre se faisait entretenir fi-
nanciêrement par des amants depuis qu'il avait. lui, perdu son
emploi (cf G. B. Djéa, 1980-1981). Sans argen~, l'Abidjanais se
sent non selIlcment diminué socialement, mais aussi atteint dans
sa dignité d'homme. A Abidjan, sans argent,
['existence perd
tout intérêt.
Les
l'I"OPOS
ci-dessll5
permettent de mieux comprendre
pourquoi
les abidjanais confondent, d'une maniêre générale,
(7)
: Cet age.II,t que IWIL; COl1l1CUMOYll b,cCJ'1 vOlLfJLLttOlLt ,;.impfemcrLt nOlL; cLL",c
QU'~ lit ~c oerLt ~ b~ell pance QU'~ malique d'a~gerLt. If e~t dOliC at-
te~ltt de. Ccl JlJ{'J'acLcc de l''homme ;jauchii ; d'oll. f' ':l1ve,!1.ti,ol1 ou l'a cJLéa-
tiOIl dlL mù-t
"riauchema-to~e" ~UJl fe modèfe inédJca.i' dc~nu.to~e, etc.
-
~ 1 1
l'éducation et l'instruction. Cette dernière est ce qU1 permet
d'occuper des emplois rémunérateurs dans la société.
"Les chan-
ces de promotion prefessionnelle, écrit Deniel, sont surtout
liées au niveau d'instruction". Plus le niveau d'instruction
est élevé, plus grande est la chance de pouvoir s'insérer dans
le monde des affaires, de l'économie, de l'industrie ou de la
polit ique.
La course aux diplômes, concrétisée par les nombreu-
ses inscriptions en ~ours du soir dans les établissements sco-
laires et à l'Université, viie avant tout à l'amélioration de
la situation financière des
individus. L'Ah id jan ais établit ain-
Sl
plus fréquemment un rapport entre le diplôme et le salaire
perçu à la fin du mois qu'entre le salaire et le rendement pro-
fessionnel. Dans ce contexte, l'éducation au sens humaniste du
terme, c'est-à-dir~ développer en chaque individu toutes les po-
tentialités que son être comporte de manière à atteindre la
perfection et l'éranouissement de sa personne, perd de son inté-
rêt.
Le problème immédiat sinon le souci majeur, c'est de monter
aussi
rapidement que possible et le plus haut qu'on le peut dans
la grille des salaires. Pour parvenir à cette fin,
il n'y a que
l'instruction et le diplôme qui puissent le permettre, mais non
l'éducation. l;n d'autres termes,
le savoir-faire
(plus souvent
théorique que pratique) confirmé par le diplôme importe beaucoup
plus que
le savoir-être.
Cette contrainte du nlilieu ahidjanHis
est ~
l'origine de la démobilisation des parents. Ceux-ci, dans
leur immense majorité, s'en remettent à l'école qui
devra seule
11 pro duj rel' cct
.I\\bic1j anais moderne que
la
société attend.
La morale
-
~ 1 ~ -
des jeunes finit par s'imposer aux adultes qui, perplexes,
voient leur autorité sur leurs enfants diminuer, car la convic-
tion que sans argent l'autorité est inefficace se répand de
plus en plus dans le milieu abidjanais. La civilisation nouvel-
le quisélabore à Abidjan repose fondamentalement sur le pouvoir
de l'argent et, par conséquent, inverse la hiérarchie tradition-
nelle africaine.
A ce point dans l'examen de la société abidjanaise,
un bilan provisoire s'impose.
D'origine essentiellement rurale et étrangère, la po-
pulation apparaît comme une mosaïque de peuples comportant des
particularités ethniques que le mode d'occupation des logements
prend difficilement en compte. Le facteur économique reste ce-
pendant le plus déterminant en ce qui concerne le choix du type
d'habitat. Bien que l'accès aux logements de standing ne leur
soit pas fermé, les étrangers africains demeurent de loin les
plus nombreux dans les bidonvilles.
La famille abidjanaise ne se distingue pas encore net-
tement de celle du monde rural quant à l'esprit qui préside à sa
formation et à son fonctionnement.
Si elle est parfois réduite
au couple et aux enfants dans certains milieux (chez les couples
mixtes notamment), elle reste ouverte aux sOllicitations des pa-
rents résidant au village et une place est vite faite à un membre
de la grande famille ou
d'une famille alliée en cas de nécessité.
Le mariage traditionnel survit encore au coup qui lui
a été asséné par la loi moderne proclamée par le législateur en
ce domaine. Le couple nouveau n'a jusque là pas comblé le légis-
lateur moderne.
La fragilité des unions et les multiples con-
flits paraissent traduire l'inadaptation de la loi nouvelle aux
réalités sociologiques locales.
Chasser le culturel, il réapparaît. Ainsi, l'Abidja-
nais en général, est-il encore "un villageois en ville" que ré-
vèle sa conduite vis-à-vis de la naissance, de la maladie, de
la mort et dans bien d'autres secteurs de la vie quotidienne.
L'éducation des enfants se ressent dans ce contexte
urbain où le pouvoir de l'argent a entamé la hiérarchie tradi-
tionnelle en l'invèrsant au profit des détenteurs du savoir sco-
laire et surtout des moyens économiques modernes.
Créée à cause des avantages économiques que son site
présentait, Abidjan s'est développée à un rythme tel qu'elle po-
se aujourd'hui aux autorités administratives le difficile pro-
blème de la maîtrise de l'espace urbain.
Ceci expliquant cela, la croissance démographique de
la ville est allée de pair avec lc "boom économique".
La concen-
tration des activités politiques, économiques, commerciales et
industrielles à Abidj an
â
fait dc celle-ci, le œntle d'attraction le
plus iJnportant du tcrritoi t'c ivo'Lricn. ;\\ins1 s 'cspllquE'
qUE' bon nombre
-
2 1~
-
J'individus, même parml les intellectuels, assimilent Abidjan
J la Côte d'Ivoire ou en font deux termes équivalents
(cf. A.
Touré, 1981).
Les espoirs placés dans la création d'un port en zone
lagunaire et surtout dans l'ouverture d~ ce port sur l'Océan
Atlantique n'ont pas été vains. L'importance des devises qui
rentrent aujourd'hui par le port, les activités industrielles
et commerciales que cette réalisation a induites, illustrent la
pertinence de vue des initiateurs du projet de creusement du
canal reliant la lagune à l'océan. Le port apparaît comme étant
le poumon non seulement de la ville d'Abidjan mais aussi de tou-
te la Côte d'Ivoire.
Cette croissance économique très rapide dont Abidjan
demeure encore le siège, ne semble pas encore avoir résolu les
problèmes des individus qu'elle a rassemblés, Sur le plan du
logement, des difficultés subsistent qui, probablement, ne seront
jamais toutes aplanies.
routefois, sont apparus des citadins ai-
sés qui occupent des habitations de très grand standing implan-
tées dans les quartiers
résidentiels luxueux
PU1S
des personnes
aux revenus modestes et d'autres pratiquement sans ressources
qui demeurent les uns
les clients privilégiés des sociét~s immo-
bilières et les autres les locataires dans
les bidonvilles.
-
215
-
Sur le plan des mentalités, il ne paraît pas encore
y avoir de différences importantes entre les citadins de premiè-
re génération et ceux de la deuxième génération. Les conduites
vis-à-vis de certains évènements significatifs de la vie (le
mariage, la ~ort, la maladie, etc.) renvoient, quant à leur com-
préhension, au fond culturel africain, à la paléoculture suivant
l'expression de Fougeyrollas
(1967).
Attirés par la prospérité économique de la ville, les
abidjanais paraissent découvrir dans l'argent une source nouvel-
le de pouvoir. Avec de l'argent on peut tout avoir à Abidjan.
Ainsi, l'affirmation de soi passe par la fortune dont on peut
faire montre.
Les félicitations qu'on adresse à l'ami qui vient
de s'acheter une nouvelle voiture traduisent, dans ce contexte,
l'importance excessive prise par le paraître sur l'être.
Attentifs aux comportements des aînés, les jeunes em-
boîtent ie pas à ceux-ci. Abandonnés à eux -mêmes souvent par des
parents trop préoccupés par des problèmes professionnels, par des
parents qui croient que l'inscription prise dans un établissement
scolaire suffit pour assurer un lendemain meilleur à leur progé-
niture, les jeunes suivent la morale du milieu; morale basée
essentiellement sur l'acquisition matérielle et la négation des
valeurs humaines.
La société abidjanaise offre à ses menibres, au titre
de l'intégration à la ville, l'acquisition de biens matériels
-
210
-
comme moyen. Cependant un vide se ressent dans
l'existence ln-
dividuelle qui pousse les individus à recréer une ambiance cul-
turelle à travers laquelle ils se reconnaissent et s'assument.
Ces considérations constituent l'objeê de la partie qui suit.
-
21 7 -
TITRE II
LES STRUCTURES D'INTEGRATION ALA VILLE
INTRODUCTION
"Tout au long de la première partie de ce travail, il
s'est agi d'une présentation historique de la ville d'Abidjan,
des facteurs qui ont contribué à sa croissance démographique et
économique. Dans sa généralité, la société abidjanaise est appa-
rue comme une mosaïque de peuples dont les conduites véhiculent
un ensemble de croyances qui renvoient à un fond culturel égale-
ment partagé par les habitants du monde rural. Probablement, plus
que les parents résidant au village, les abidjanais ont-ils une
attitude particulière à l'égard des valeurs matérielles, l'argent
notamment, qui parait expliquer ou justifier leur présence dans
la ville. On peut donc se demander si Abidjan venait à perdre
son attrait, c'est-à-dire à perdre sa puissance économique, ceux
qui l'habitent actuellement accepteraient d'y rester. Mieux en-
core, les habitants actuels d'Abidjan considèrent-ils cette ville
comme la leur ou simplement comme un jardin, un Eden qU'ils sont
prêts à déserter le jour où celui-ci ne pourra plus les combler
économiquement ?
Il paraît peu judicieux d'entreprendre une analyse du
comportement de l'abidjanais sans tenir compte de l 'histoire de
celui-ci. La société abidjanaise, a-t-on vu, est i3sue de l'immi-
-
.2 J S -
gration. Aussi, les individus qui y vivent restent-ils marqués
par le phénomène de changement inh0rent à toute migration (cf H.
Beauche~ne et. Y. Esposito, 1981). Etudiant l'attitude du Noir
Américain afin de savoir Sl son icstallation dans une ville
d'un état du Nord ou du Sud lui était indifférente et ce, d'après
son lieu de naissance, W. li. Grier et P. N,. Cobbs (1970) notent
l'attachement indéfectibIe de tout américain à son sol natal.
D'une façon générale et pratiquement tous se considèrent en voya-
ge de longue durée, même si l'espoir du retour leur apparait
mince. Psychologiquement'ils restent attachés à ce lieu où ils
avaient vu le jour et où avaient vécu ou vivent encore les pa-
rents. Cette mobilité géographique qui parait faire partie des
moeurs aux Etats Unis ne semble pas encore avoir vaincu ce sen-
timent.
Comme l'Américain noir, l'Abidjanais serait-lI en voya-
ge de longue durée dans la capitale ? On a vu, au plan démographi-
que, l'instabilité générale de cette population et qui faisait
passer Abidjan pour une ville de passage. Par ailleurs, certaines
conduites des individus et parfois des propos tenus(l) dans le
milieu révélaient la persistance des schèmes culturels en dépit
des multiples influences auxquelles se trouve exposée la société
abidjanaise. Cependant les individus continuent de vivre et de
Il)
: Un ;/Aone. d'altblLe a. bea.u lLu:telL WYiJ.> une Jt.LV~rJte a.!lJ.l1>A. iong:te.mp1> qu' A.X
C1>.t poM-i.bte ne devùn:t jamw un c.o.hncm.
-
21 9 -
travailler à Abidjan. Le bet poursuivi dans cette
partie
consiste
à
rechercher les voies et moyens par lesquels les
abidjanais s'efforcent de s'adapter à leur milieu, même SI nom-
bre d'entre eux n'envisagent pas d'y passer leurs vieux jours.
L'occupation journalière des résidents et la manière dont ceux-
ci utilisent leur temps libre doivent pouvoir renseIgner sur
leur degré d'intégr~tion à la ville d'Abidjan et, par conséquent,
fournir des éléments qui permettent d'expliquer Id genèse et
l'évolution de la criminalité.
- 220 -
CHAPITRE 1
LES STRUCTURES D'INTEGRATION ECONOMIQUE
SECTION 1
L'EMPLOI
Précédemment il avait été question de l'économie abi-
djanaise. Celle-ci qui demeure le moteur du développement écono-
mique et social général de la Côte d'Ivoire, s'est constituée
grâce à la contribution d'une abondante main-d'oeuvre. En effet,
le miracle du développement économique ivoirien ou de la crois-
sance de l'économie ivoirienne(cf S. AMIN, 1979) (1)
repose sur
une importante participation étrangère ~f H. Joohi, H. Lubell
et J. Mouly, 1976).
Le taux de croissance estimé à 89, l'an de-
puis 1950 et maintenu après l'indépendance politique du pays en
1960, a suscité l'admiration générale dans les états voisins qui
ont ainsi vu émigrer bon nombre de leurs ressortissants en di.rec-
tion de la Côte d'Ivoire. En l'espace de quinze années, la popu-
lation africaine étrangère résidant sur le sol ivoirien était
passée de 100 000 en 1950 à 950 000 individus au cours de l'an-
née 1965 (cf S. Amin, op. cit,).
Aujourd'hui, les étrangers afri-
cains dont certains ont pu se fixer définitivement sur le terri-
toire lvoirien Lee qui, apparamment donne aux vagues migratoires
des taux en baisse) tiennent les rênes dans plusieurs secteurs
de l'économie nationale.
17)
: SeJ'.OI1 SAMIR AMIN, il f>' agd p.ttd5t de. CltOÜMI1Ce. qlLe. du. déve../'.oppeJne.m
daM .ta me.f>W1.e. 0Ù. ce.fte. éco 110nU.e. !Le.pOf> e. e.M e.rttie../'../'.e.me. m ~W1. .ta co rt-t;,ou.-
blltiol1 déw-<-ve de.!> agem e.x.téJr.J.e.~ et ce, jMqu.'à ./'.'ou.;().t de plLodu.c-
lio 11 même.
-
22 1 -
Nombreux dans les villes et notamment à Abidjan, les
migrants apparaissent soit comme des créateurs d'emplois soit
comme des demandeurs. On peut s'interroger, au passage, sur
l'attitude contradictoire de la population qui accueille:
les
migrants qui investissent dans l'économie nationale, présentent
une image positive. Quel que
soit leur nombre, ils sont des in-
vestisseurs qu'on sollicite même parfois. Par contre celui que
la recherche d'un emploi, d'url niveau de vie nteilleur cundult
dans un pays étranger est négativement perçu, particulièrement
en période de récession du marché de travail.
Abidjan, capitale des ruraux et des étrangers se trou-
ve être le lieu de concentration de différentes activités et,
par conséquent, de la plupart des emplois du pays. L'impor~ance
du poids de la capitale dans l'économie nationale apparaft à tra-
vers les observations faites en conclusion à de nombreuses étu-
des.
On peut rappele"
d'après les travaux de F. Binet, qu "'en
1975 déjà, Abidjan monopolisait une grande partie des activités
économiques du pays et disposait, générait ou bénéficiait de :
-
90% de ] a valeur ajoutée du commerce mode l'ne
80% de celle du secteur tertiaire
- 65% de celle du secteur.secondaire moderne
- 40% de la formation bru te de capital fixe
50 % de la consommation finale commercialisée
des ménages.
-
22 2 -
Abidjan concentre la majorité des emplois de type mo-
derne et draine une part importante des forces vives du pays et
des pays avoisinants.
Les efforts entrepris pour obtenir une
meilleure répartition spatiale des activités n'ont que peu d'ef-
fets et le poids d '.Abidjan dans l'économie nationale ne fait que
croître ... " (cf
Enquête Démographique à Passages Repétés, op.
cit, p.
179). Abidjan passe donc pour le principal foyer des
activités économiques de toute la Côte d'Ivoire. Ainsi slexpli-
que la forte concentration humaine dans la capitale.
Abidjan est une ville moderne, mais habitée par une
population en majorité d'origine rurale.
On peut donc se deman-
der si tous les habitants sont à même d'exercer des emplois rela-
tifs à des activités du type moderne, activités dont l'exercice
requiert des connaissances et un savoir faire généralement étran-
gers au cadre de vie ancien des individus. On sait également que
l'a~aptation commande de s'accommoder avec le milieu.
La survie
individuelle et collective en dépend.
Dans ces conditions, seules
des limitations inhéren~es à l'imagination humaine devront ren-
dre compte des activités
(légales ou nonÎ et par conséquent des
emplois offerts dans le milieu abidjanais.
La répartition ou la
classification des activités et emplois
[on sait le défaut de
toute classification) en secteurs primaire, secondaire ou tertiai-
re, peut dans ces conditions perdre toute pertinence. De même la
classification des activités et emplois en "traditionnel" et
en "moderne"
paraît peu judicieuse dans
la mesure où elle tend à
- 22J -
perpétuer une dichotomie révolue.
L'expression. "je m'en val~ me
dtb~oullle~ a Abldjan" courante dans le milieu ivoirien traduit
une réelle volonté chez l'immigrant de survivre ~tout prix dans
le nouveal1 cadre. ~Iais cette expression rend aussi compte de
l'existence de pratiques professionnelles que ne comptabilisent
pas les statistiques économiques.
Les activités dont cette ex-
pression recouvre la pratique n'entrent ni dans le cadre tradi-
tionnel ni dans le cadre moderne quoique suscitées par l'un et
l'autre. Par exemple, dans quelle rubrique classer les petits
laveurs de pieds sur les marchés d'Adjamé, d'Abobo-Gare pendant
la saison des pluies à Abidjan?
Les occupations des abidjanais sont diverses et va-
rées. Toutefois, l'exercice d'un emploi dans
les centres urbains
nécessitant généralement une formation intellectuelle et techni-
que (c'est du moins l'une des raisons officielles habituellement
évoquées), il va falloir examiner le !!iveau d'instruction de la
population abidjanaise, puis présenter les diverses possibilités
offertes aux résidents en matière d'emploi.
1 -
~~_~~~~~~_9~_~~~~~!~~~_~~!~!1~~!~~1~~_~~_!~~b~~g~~
~~_1~_E~E~!~!~~~_~~~~i~~~~~~
Antérieurement il avait été mentionné les motivations
de tout abidjanais,
jeune ou adulte, de réussir à se hisser à
l'échelon le plus élevé de la hiérarchie économique au moyen des
- 224 -
diplômes. Par ailleurs, l'importance de la population juvénile
dans la société et l'idée entretenue par les parents que seule
l'école ouvre l'accès à des emplois rémunérateurs, conduisent
à penser que le milieu abidjanais doit aussi
rassembler la
"crème" ou l'élite de la société ivoirienne. Le tableau de la
page 225 indique les différent:; niveaux d'instruction qu'on rencon-
tre dans la société abidjanaise au cours de l'année 1979(1).
Environ 57% de la population eSL analphabète contre 33% d'indi-
vidus dont le degré d'instruction ne dépasse pas celui des étu-
des primaires. Seulement 17,6% des abidjanais ont fait des études
secondaires. L'élite intellectuelle, à savoir ceux qui ont accé-
dé à l'enseignement supérieur, ne représente que 2,4% de la po-
pulation globale. C'est véritablement une pyramide au sommet
très accusé. Tout ~e passe comme si seulement une frange de la
population, l'élite, émergeait de l'ensemble social tandis que
le gros de cette même population demeurait encore à un stade de
total analphabétisme et d'anonymat. Si tant est que le diplôme,
plus précisément l'accession à un niveau intellectuel très éle-
vé, facilite la montée de l'individu vers le sommet de la hiérar-
chie économique, ainsi que le pensent ben nombre d'abidjanais,
on peut imaginer l'intensité de la lutte parmi les personnes dont
le niveau d'instruction approche celui de l'enseignement supé-
rieur. Ainsi s'explique probablement la présence massive de jeu-
nes travailleurs en cours du soir à l'Université Nationale.
Les
(7)
: TabLeau COYlJ.>Vu.ùt à paJL:ti.A de~ dOl1l'tée~ de ./'.'Enqu.ê;te VémooJW.ç'lùque à
PaMage~ RepUv.,. Agg./'.omé/1.aUol't d'Ab-tdjal't, op. cU, p. 768-169.
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J
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v
V
V
47~
Bl
17,6X
2,4t
nt)
-
suicides et les tentatives de suicide qui accompagnen~ les
échecs repétés en milieu étudiant a Abidjan s'expliquent par-
tiellement par la pensée que, désormais, tout espoir est perdu
la voie royale qui conduit au sommet de la pyramide économique
passe par la réussite dans les études supérieures.
Un fossé existe donc entre la minorité qui forme l'é-
lite de la société et le reste de la population consti~uée en
majorité d'analphabètes.
Le temps semble révolu 00 la connais-
sance superficielle de la langue française suffisait pour avoir
un emploi de bureau
(le terme "commis" rend bien compte de l'oc-
cupation de ceux à qui l'on attribuait ce poste. Aujourd'hui,
on parlerait de "planton"
mais l'image du commis survit tou-
jours, notamment dans
les
campagnes
où l'on con~inue d':lssimiler
tout abidj anais a Gn commis.
Il s'agit la qu'une survi \\-ance du
passé colonial que nombre d'individus n'ont pu encore oublier)
dans l'administration ou dans le' commerce.
Le Certificâ~
d' Etu-
des Primaires Elémentaires
(CEPE),
le Brevet d'Etudes du Premier
Cycle
(BEPC)
ou le Brevet Elémentaire (BE)
dont la possession
faisait
la fierté de l'ivoirien,
ne sont plus
aujourd'hui que
des parchemins qui ne garantissent aucun emploi à lel:rs titulai-
Tes.
Le baccalaüréat et la licence sont, à
leur tour en \\,Ole de
dévalcrisation.
On y reviendra, nIais on peut signaler déjà qu'en-
viron un millier de licenciés sortis de l'Université d'Abidjan
sont à la recherche d'un emploi.
~Ialgré le grand nombre d'établissements de formation
implant0s sllr le sol abidjanais,
la ville demeure encore essen-
tiellemcnt rurale et traditiollnclle quant â l'aptitude de la ma-
joritf des résidents à exercer des emplois de type moderne.
L'in-
troduction massive de la technologie moderne dans les administra-
tions,
les industries et dans certains secteurs du' monde commer-
,
cial, nfcessite des connaissances solides et appropiiées.
Celles
ci qui sont en perpétuelle évolution exigent un apprentissage
permanent à ceux qui exercent dans les domaines ouverts à la
technologie moderne.
L'une des préoccupations du Ministère de
l'Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle au
sein du gouvernement ivoirien consiste à répondre positivement
aux besoins des entreprises industrielles et commerciales en ma-
tièl'C d'un personnel compétent. L'office National
de la Forma-
tion Professionnelle (ONFP), société d'état dépendant du minis-
tère ci-dessus cité, incite les
responsables d'entreprise à for-
mer leur personnel soit en intervenant directement grâce â ses
propres structures de formation,
soit en accordant une aide fi-
nancière aux sociétés qui investissent en ce domaine pour assu-
rer la promotion de leurs employés(l).
Il)
; En ,téaLd:é, -toute entJtepwe eM ob.!éigéé de ve!L6eJt CUl VléMJt pub.ü.c, de-
pu.i,:,
&t .ta~. Il' 77924 du 17/11/77, ILn pu"cert.tage (i %) de Ml maMe ML-Ûl-
l,i.ae" ch.aque année. Le zéJta M-<-x.a.n:te qUù1Ze pOM ce.1X (0,75%] de ce mon-
.tan,{ l'-6t Jtev<'-!L6é a t'e.1XJtep/l.we tO /L6q,,'eUe a.MMe .te pvt6e~t{.onnemen,{
al! La 60!uIJatiun de ,je,:, agent.,:,. POM. ce 6cù.te, t'el1t..tep,cU,e .lod al! p1téa- .
Labte p1té~ e;1Xef[ '.li'! p-Ûln de éorematian a .t' ONFP. C' e~t "eu.teme,1X a)YlM .t'ac-
coJtd dlL caMUL de g<'-6'uon de cet aJtgaJu'.,:,me et aptè,j fu Jté~ation eé-
6e~tive de;., a~ti.oM de é011ma.tion cOIL6-<-gné<'-6 daM .te p.tan qlLe .t'e'1XJteplt.i-
·je T-'cut pCJtcevoÀJl .fe6 D,75% de u, maMe Ml1oJ'Ja.J:e. ell gcU..6C d'cJ.de.
- ilS -
Les propos ci-dessus ne concernent que les personnes
qUl exercent déjà des activités d'un certain niveau de technici-
té.
La masse d'analprL6.bè~es, qu,JTlt;} elle, !le semble pas avoir de
'solution de rechange à sa situation, Les timides cours du soir
ouverts dans quelques écoles primaires et qui, sont irrégulière-
ment fréquentés, ne peuvent véritablement pas assurer une élé-
vation de niveau d'instruction aux individus qui n'avaient ja-
mais été scolarisés.
D'ailleurs nlest-il pas
ridiC:.lle, pense-t-
on dans
le milieu, de fréquenter une école d'enseignement primai-
re pendant que ses propres enfants en font autant duranc la Jour-
née ou même qu'ils sont inscrits dans un Lycée ou collège? Les
difficultés économiques du moment ne pouvent s'accommoder de so-
lutions à long termes ou tardives.
Le présent importe beaucoup
plus que le futur,. notamment lorsqu'il s'agit de partir ou de
repartir sur les bancs de l'école pour accroître la chance d'a-
voir, à la sortie, un emploi rémunératec::'.
Li: société abidjanai-
se, dans
laquelle l'individu espère réaliser ses aspirations les
plus chères, invite à la satisfaction immédiate des besoins indi-
viduels, sans proposer comme toute société de consommation, des
moyens adaptés à la situ~tion de chaque personne. L'inscinct de
conservation contraint
l'individu â e;~8rcer de petits nlêti~rs,
parfois même â en cl-êel- POUl" sdtisfdil"e ses besoi[l~ vitaux, car
il ne semble pas encore entré dans
les hubitlldes de l'immigrant
ivoirien qui ne trouve pas d'emploi en ville, de
retoul'ner s'ins-
c~ller au village,
Le retour au village équivaudrait, pense-t-il,
~ une déchéance sociale. Aussi choisit-il, dans le pIre des cas,
de VIvre aux dépens d'autres individus fussent-ils des membres
de la grande famille, un frère culturel ou un étranger.
2 - ~~~_E~~~~~~~~!~~_9~~~E~~~_~~~~~!~~_~~~_~~~~9~~!~
9~~~_~~~~g~~~~~~!~~~_~~~9i~~~~~~
Le développement économique rapide de la ville a ne-
cessité la participation d'une abondante main-d'oeuvre. Celle-ci
s'était spontanément constituée sans qu'il y ait eu besoin d'ac-
cards spéciaux entre états, comme ce fut le cas au sujet du dé-
veloppement des plantations industrielles dans les zones
rurales(l). L'attraction exercée par Abidjan sur les ruraux IVOI-
riens et étrangels s'explique partiellement par l'existence d'ac-
tivités et, par conséquent, d'emplois plus rémunérateurs que
ceux du monde rural
; en'plois qui permettent non seulement de
conquérir une indépendance économique Cci R. Deniel, 1968, p.
166),
mais aussi de satisfaire des besoins individuels.
Les statistiques sur les emplois offerts a Abidjan
varient d'un auteur â un autre et posent par conséquent un pro-
(1)
: Lv '~!Jnd-<',caA 1,~t{J/qYLD6c·~.~(·(:)!j!e,[
r:'/chell1-<"nelll(~nr cie fa.. nl(\\...~I'I_-d'oeLLV!Le
rS.I.A.fd.O.) pGu/l\\)OIJ({_I~,t, è~ P(1jL~t-{'/~ ck 7951
le-,!.l campagJ1co ,tvo-Ut.-tetmeD
J
de. m((noc.u.v-1te,~ d' uIL-égi.nr: \\)cLto.,{~q(u!- c.:t -60LLd((J1a.J6(~.
cJ. SAMIR AMIN, op.
ùt, p. 32.
blème de fiabilité(1). Aussi ne peut-on leur accorder que peu
de confiance.
En 1964, note Bloch Lemoinc, "Abidjan représente
69% des établissements de la Côte d'Ivoire
85% des travailleurs salariés de la Côte d'Ivoire
93% des salaires versés de la Côte d'Ivoire (cf Bloch
Lemoine. op.
ci t, p.
8).
L'ensemble des emplois offer·ts par la
ville d'Abidjan ont atteint le chiffre de 87 200 en 1964, sui-
vant la même source.
Ces emplois couvl'ent divers secteurs d'ac-
tivi tés,
allant du secteur traditionnel au secteur moderne;
ce
qui est loin de surpre~dre si l'on se refère aux niveaux d'ins-
truction de la populaTion résidente.
Un problème de classification des activités et des em-
plois se pose et qui s'ajoute aux difficultés relatives à l'éta-
blissement des statistiques et à la mise à jour de celles-ci. En
effet,
les travaux consacrés à l'économie de·la Côte d'Ivoire et
singulièrement d'Abidjan, repartissent différemment les activités
et
les
emplcis selon
les
auteurs.
Sami r Amin et Bloch-Lemoine,
pour ne citer que ces deux, préfèrent,
l'un une répartition sec-
torielle,
l'autre une répartition fOllctionnelle des activités et
des emplois.
Il s'avère par conséquent difficile d'établir une
corresponsance entre les statistiques parfois d'une même année.
Il)
: Con,"ent(mt ie.; ckveJUle~ .;:WJM-D..qlle.; i!c.oywrrt.Zq"''.~;, SœniA An,-'.n empioLja-U.
n!Léqu.e.m:ilc.~~ Rez- monde c.oncL-Gti..ol1JtI(:,t. Ce q~ l'Lemet en qUt!.>uol1 fa valeUil
même de ce.;, .;:tcvw:ti.qlle;,. c6. Srun,iA Ami.n, op. u:'-t, p.
163 e.IIOte alLtAe.~;.
-
23 J
-
Un exemple: en 1965, suivant Samir Amin, 411 des agents de la
Fonction Publique résident à Abidjan. Pour la même époque,
Boch-Lemoine signale 401 du personnel de ce loême service dans la
capitale. Bien entendu, il s'agit là des problèmes relatifs au
dénombrement.
La différence de 11 entre les deux esrimations de-
meure assez faible et ne peut invalider les conclusions des étu-
des réalisées d'autant plus que celles-ci portent sur des mil-
liers d'individus. Il ne reste pas moins que cet exemple illustre
les diffi~ultés relatives à la création de catégories et surtout
propres à l'établissement des statistiques, notamment dans les
pays en voie de développement.
Dans une ville comme celle d'Abidjan, le traditionnel
côtoie le moderne et parfois les deux se compénètrent. L'arti-
sanat traditicnnel se modernise. Certaines activités suscitées
par le modernisme sont exer~ées à la manière villageoise.
Il en
est ainsi des réparateurs de radio, d'appareils ménagers pour ne
citer que ceux-ci, qUI fonctionnent avec leur famille.
L'activi-
té est souvent exercée à la résidence même de l'individu. Tel
est le cas des Nagots (ressortissants du Nigéri3 et du Togo) qUI
exercent, à l'intérieur du cetit logenlent qu'ils habitent et
dont une partie sert de
dClln~nt toujours SUY une rl~8 ,
le métier de commerçant détaillant, de réparateur de radio, de
montre. Pour remédier aux difficultés relatives à la classifica-
tions des activités et surtout pour uniformiser celle-ci à l'é-
chelle des pays en voie de développement, le Bureau International
de Travail
(BIT) propose de distinguer le "~~~!~~l:_~!!:~~!~~~"
défini de la façon suivante
"Les activités ùu secteur non
structuré se caractérisent par :
a)
la facilité d'accéder aux activités en question
b)
le recours aux ressources locales
c)
la propriété familiale des entrepri.ses
d)
l'échelle restreinte des opérations
e) des techniques a forte intensité de main-d'oeuvre
et adaptées ;
fl
des qualifications qui s'acquièrent en dehors du
système scolaire officiel;
g) des marchés échappant à tout règlement et ouverts
à
la concourrence
(cf
H. JüSHI et col, op. cit,
p,
53),
Le secteur structuré se définirait par la négative ou,
plus clairement encore, serait le contraire du secteur non struc-
turé. Si l'on peut affecter une valence positive à chacune des
sept caractéristiques ci-dessus qui définissellt
le secteur non
structuré, en ce qui concerne le secteur structuré, il faudra
envlsager une valence négative aux mémes caractéristiqlles. Ce
qui est loin de correspondre à la réalité telle qu'elle est quo-
tidiennement vécue.
Par ai lIeurs, les caracté ,'istiques qui sont
proposées paraissent assez vagues.
L'examen de la première
E.\\IPLOl
5,-\\L-\\~IE D:\\.\\5 Le SECTE:;JR STi{L,;CTüRE ET LE 5ECHLiR
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- Les activités et emnloi
___________________ c
relevant du nrimaire
c
_
Dans l'agglolllération abidjanaise, ces activités pa-
raissent insignifiantes.
Par rapport à l'ensemble de la Côte
cl'Ivoire, elles ne représentent qu'un
pour cent
(1%) en 1965
et a peine 1,3% cinq années plus tard (1970). C'est dans le sec-
teur structuré qu'elles prennent beaucoup d'importance
(4% en
1965 et 5% en 1970 contre 0,5t dans le secteur non structuré en
1965 et en 1970) et où elles sont tenues davantage par des Non-
Africains que par des Africains, si l'on tient compte des propor-
tions de chacu~ des deux groupes dans la population qui vaque à
ces activités.
Il en est tout autrement dans ce secteur. 43% des em-
plois salariés de tout le pays en 1965 et 45% en 1970 sont tenus
par des résidents abidjanais.
48% des ivoiriens salariés du
"secteur structuré" secondaire résident à Abidjan, en 1970 con-
tres
(lÜ}
qu'ils étaient cinq années plus
tôt,
en
19()5.
Il s'agit
de personnes travaillant principalement dans
l'Industrie et la
Construction. [Je 19b5 il 1970, i l Y A 81) Il]1 pll)s grand développp-
lnent dans
les brancl1es iI1dustrielles
(le
nombre (le salariés
i.voi-
riens passant de 8 000 il
15 000 individus) q'Je dans
le domaine
de
la construction.
Le
:Isccteul' non
stZ"ucturé " d,
p8.r;;llèlement~
vu doubler en valeur
:-.Jbsolu~ Je D8mbre (i' i vo:i r~8ns,
j)e
2 000
in-
dividus qu'ils étaient en 1965, ils sont passés à 4050 en 1970.
Contrairement aux voeux des autoritês gOllverDPmentaJ.es qui, en
encourageant la croissance dans le "secteur structuré", souhai-
teraient la disparition du '''secteur non structuré", le dévelop-
pement général de l'économie parait, quant à lui,
contribuer à
( 1 )
la croissance des activités dans
les deux secteurs'
.
Les
Africains-Etrangers semblent VûlY diminuer l"elati-
vement leur nombre d3ns le "secteur structuré".de l'économie
abidjanaise. Leur effectif a cru beaucoup moins rapidement entre
1965 et 1970 qu'il n'en était chez les autochtones
[leur nombre
est passé de 10 000 personnes en 1965 à 14 300 en 1970). Par con-
tre, leur effectif s'est pratiquement doublé durant la même pé-
riode dans le "secteur non structuré" (passant de 1 600 à 2 700
indi.idus). S'agit-il d'une plus grande facilité à l'accession
d'emploi dans ce secteur que dans l'auTre? oc bien les difficul-
tés rencontrées par le fisc dans le contrôle expliquent-elles la
propension des étrangers à se réfugier de plus en plus dans ce
secteur? S'en aller se débrouiller à Abidjan, a-t-on déjà dit,
rend possible tout comportement dans le milieu
: que le plus ma-
1 i:1 l' cmpo ,·te
attitude que justifie par ailleurs le libéralisme
éconolnique choisi par la Côte d'Ivoire.
(l)
: On compile na mai que .I:'EtiU: .6wnu.l:e 1LI1.6ecteU!L, e:( .6Quluu:-t[ ta fupaJ/A.'
Uon d'un au"tJte. Le. ph..oblème. l'tee.! /téô/üte. pfu.'babf.C!!H:r!.t dtlY!.-s .te- bC'",iv-t qu..e
.1:' EtILt n'a/l/ùl'e pcw à exeJLceJc .6on ~ontJWte. {)A.-6cai .6M .(2.~ elrtJLep!ù'oe.6
du "oe.c.te.M non .6:Vwe/tMé", donc qu'A..e g~grle peu ou. {X1J.\\ du to,,--t d'aP.gert-t
daM .f.e.6 actA.l'.d.Lf, de ce .lec.teu,~. C' e~t Mtn,,\\ doLVte. fa. COrtflO,tct.Uon maje.cl/l
que l'é.lU:cu.l:e t'exp~e~.6A.oll "non o-Vtuc.tuJ".é".
~
2.1/
-
Les Non-Africains oeuvrent uniquement dans le "sec-
teur structuré"
de l'économie. Leur proportion Il'a pas varié
entre 1965 et 1970
(52% en moyenne, relativement à leur nombre
dans la population générale du pays).
En 1970~
cinquante quatre pour cent
(54%)
des trav~il
leurs du secteur tertiaire sur toute l'étendue de la Côte d'Ivoi-
re, résidaient à Abidjan. Cinq années plus tôt, ils représen-
taient 501 de l'ensemble des personnes occupées dans le même
secteur. Ces proportions rappellent l'importance de la capital~
à tous
les points de vue du développement économique e~ social
de la Côte d'Ivoire.
Les ivoiriens. paraissent par~iculièrement attirés par
les activités qlli relève:1t du tertiail"e. Tandis que leur présen-
ce est quasiment
insignifiante dans le primail"e (51), elle se
sigllale par des pourcentages élevés dans le secondaire (481] puis
dans le Tertiaire (51%).
La Fonc~ion Publique semble constituer
le point de chute idéal des ivoiriens.
Ils représelltent respecti-
vement 60% et 58% de toutes ies personnes employées pHr la Fonc-
tion Publique et résidant à Abidjan en 1965 et 1970. L'image du
"commis" de l'époque coloniale
n'a probablement pas disparu. Tra-
v~iller dans l'administ!"ation, pour bien d'j.voiriens, est un si-
gne de promotion sociale.
Le truvail
y est Dloins
saljssant et
moins contraignant.
Ce qui est tout différellt du travail ~
l'u-
sine où les minutes comptent et où les retards' et les absences
sont difficilement tolérés.
De fortes proportions d'étrangers
(africains et non-
africains) sont occupées dans le tertiaire. Quarante-huit pour
cent
(481) d'entre eux (toutes nationalités confondues]
travail-
laient à Abidjan en 1965. En 1970, leur proportion était de 511.
On ne rencontre cependant aucun non Africain dans le "secteur
non structuré" de l'économie nationale. Cette absence s'explique
probablement par la défini tian donnée au "secteur non structl'.ré";
définition dont on a essayé de ntontrer les insuffisances.
La participation des ivoiriens au développement écono-
mlque de la Côte d'Ivoire, en l'occurrence de la ville d'Abidjan,
apparait nettement insuffisante face à la contriblltion des étran-
gers.
On s'attendrait à les voir pllis nombreux que l'ensemble des
étrangers, d'autant plus qu'ils sont chez eux;
ce q~i n'est pas
le cas. Est-ce à dire que le nombre d'autochtones en âge de tra-
vailler demeure en dessous de celui des allogènes dans la ville
d'Abidjan? Celle-ci, on a déjà vu, est jeune par sa population.
Cette jeunesse qui, en 1978, était majoritaire dans
la population,
expliquerait-elle la participa~ion moindre des ivoiriens aux ac-
tivités économiques de leur capital~ ?
abidianaise
____ rL
_
Tout abidjanais, immigrant ancien ou nouveau, n'a pas
forcément une occupation lucrative dans la ville ; pourtant il
y était venu pour am§liorer son niveau de vie. Par ailleurs,
tous les résidents n'ont pas l'âge exigé poor occoper un emploi
'1
(1)
-
-
- .
C c '
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remunere, au mOlns OIIlCl~~ ement
.
'eux grandes carcgOY1CS
peuvent donc être distinguées
la population d'âge actif et la
population active.
La premiêre est constituée de tous les
.
" .
lOU).-
vidus qui sont en âge de travailler, mieux, d'exercer un emplol
rémunéré dans une communauté humaine donnée.
La seconde se com-
pose de toutes les personnes qUl, ayant cet âge qui autorise le
travail rémunéré, 'exercent effectivement un emploi (2) .
Suivant la stru~ture d'âge des éléments de la société
abidjanaise, la population d'âge actif ~~ présente de la mani~rE
ci-contre (voir tableau de la page 27). Or. peut encore souligner
( 1) : La. i!.uUe menée pCV1.i!.a SOCA:iU:é AnX-i.-zJ.>cl.avag üte de. Lond!I.e_~ eOYLÙle .t.iê
;tJtfl.vaJ.-x dg/., e n.6arL-U cc t7..6idélT. é C.Omtil('. (LHf. ii.Ciuve..Ue 60llme d 1 e~ c-e.a.vc..g Z a.-.t-
te.J.>te qu' lm â.ge 11U.nÙI1"-nJ e.wte. en dl>~MuJ.> duquel .ce. blavILÛ hémunéJté
n' ,,-,~;t /XL,; pV'J),'--~.
!)cm6 .te. ~é c.ent ~appo-p': d' Clc;ti.v.déJ.> de c.e.Ue. J.> 0c.i. été ,
.fa Côte. d'Ivo<Ae Ù-i.!JMe e.n 0011 !tan!] pOJUlU. .t.e.~ ralf<- e<lc..f.o.va9-i.,;:te.~ du. mon-
de c.ontvnpoJr[,L{.YL. c.n. Le MATlN, '1ii0tid-i.e.ii. r''''~;Î.Ç('v05, du 29 Ju...tLe-e-t 1983,
nO
1992,
P~.
(2)
IJOlU~ ne p=tageoM peu Ce ro.i.Yl-t de. vue e.xp"-'Jl1é pCV1. te B®Yl YUL:t-i.ona-i!. de
t'e.'''plo.i. e.t QUA. c.Or'_k':,te. à. JtM/.;ell1ble._~ M.YU' .Ca. e.a.:tégoJ1.<".e. "Popt.ui!.a:t.<".on Ac.-
tive/! a La. 60.0.1l ,fe,~ pe/'v~[)J'l.Ee,~ c.~S2.c..:~:.iJ.temc.V! ..t oc.cu.pée.,~ et i!-elJ c.h3mQ.ulL6:
c.o. EYlqttête. Vémog)w.ph~i.qLte. rl )'UMLtg'è-l he)Je;t~l, op. c..<".:t, p. 1Sr.
-
2:ltJ
-
l'importonte proportion des jeunes de mOIns de 15 ans aussi bien
dans la population ivoirienne (64') que dans celle constituée
par les étrangers
(36')
au cours de l'année 1978. Durant cette
période les abidjanais ivoiriens comptent seulement 531 d'indi-
vidus d'âge actif contre 63' chez les étrangers. Tandis que le
nombre des éléments d'âge actif tend â diminuer dans la popula-
tion autochtone (passant de 55% en 1975 â 53' en 1978), celui
des allochtones n'a connu qu'une légère baisse (passant de 64%
à 63%)
en l'espace de trois ans. On peut noter aussi la crois-
sance de la population juvénile dans les deux communautés natio-
nale et étrangè,e au cours de la même périade. On s'explique dif-
ficilement la croissance du nombre de jeunes face à la diminution
du nombre de ceux qui devraient les ~rendre en charge parce que
ayant, eux, l'âge jequis pour exercer un emploi rémunéré.
Curieu-
sement ce rajeunissement de la population ne s'accompagne pas de
vieillissement de l'extrémité supérieure des âges:
les pe,son-
nes âgées de 60 ans et plus sont
re~tées dans 1_3 nlênlE pl'oportt0n
pratiquement au cours des trois années écoulées et ce, allssi
bien parmi les ivoiriens que les étrangers
(1'). Probablement le
décès et le retour au village ou au pays d'origine expliquent-il
13 diminution du nombre d'individus d'âge actif dans
la popul~
tian générale.
-. 2 <j 1
Précédemment il a ~t6 signalé les limites des classi-
fications et surtout l'impossibilité pratique relative au dénom-
brement des activités qui sont exercées dans une ville telle
qu'Abidjan.
Nombre d'occupations, a-t-on dit, ne sont pas prises
en compte dans
l'établissement des statistiques officielles.
Afin de contourner ces difficult~s, l'étude portant sur le Re-
censement Général de la Population au cours de l'année 1975, pro-
pose les distinctions suivantes
Pour qu'une personne soit classée comme "occupée", il
suffit qu'elle ait- un travail 311 moment du récensement.
Chômeu r
Personne ayant déjà travaillé malS qUI a perdu son
emploi au moment du recensement général de la population.
En quête de
leur premier emnloi
----------------
---------~---
Il s'agit en principe de jellnes individus qui n'ont
encore JamaIs travaillé et qui
sont à la recherche de leLlr pre-
mier emploi.
-
242
-
Hors d'activité
Cette catégorie ne concerne que les militaires appelés
et les détenus.
Ces personnes sont temporairement hors
d'activité
mais en p~incipe travaillent ou chercheront du travail quand
elles seront libérées.
Retraité-Densionné
---------~--------
La catégorie "retraité" s'applique aussi bien aux re-
traités proprement dits
(touchant une somme réguliêrement grâce
~ une activité passée) qu'aux rentiers
(ceux ayant une fortune
personnelle qui leur permet de vivre sans travailler).
Les "pen-
sionnés" intéressent les personnes percevant une "pension".
Elève-étudiant
Entrent dans cette catégorie seulement les individus
qUl suivent des études dans un établissenlent primaire, secondaire
ou supérieur.
La ménagère est la personne qui ne s'occupe de rien
d'autre que du ménage et des enfants.
;~
"""
c,
GRCXJPE
Population Ivoirienne
1
1
D'AeJ:
HOITTnes
i Fernrn~~
Hommes
Fernrn'es
T
43%
3~%
46%
36%
0-14 ans
114 820
1125 4~5 1 240 255
63 731
65 900
129 6~1
168 056
188 7ni
356 833
84 003
91 491
175
1
55%
63%
64 %
l
'1
1
53 %
15-59 ans
169 868
140 767
310 635 1
159 096
89 752
184 206
119 754
1
30~ r
~~~~'
214 3~120:_5~4+_~~~_1
"
._
1 60 ans et
0,8
0,8
'
l',
1
1
1'0
1 au dessus
2 525
2 226
4 751
2 282
1 052
3 334
~ 9~9
4 ()52
~ 0~2
1
8 591
2 001
! 5 (
1
l '
1
1
1
e--------i-
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.-l
; - -
2 969
2 0~9
5 008
i
4 978
~ 742
8 720
"?" préCl-
152 1
33
1
sc
1
TOT AL
290 182
270 4 n l 5;;-~~;·-;;o~ '-- ''''' "6
390 m
386 ,336 398 on i '84 349 1m 393 m U9 ",8;-;
LA SOCIETE AB l DJANAI SE
Population d'Age Actif en
1975 et 1975( 1)
(I)
SoulLce
Enquête A PASSAGES REPETES;
op.
c.U,
p.
110.
Invalide
Personnes atteintes d'une inFil1llité mentale ou physi-
que qui les empêche de travailler.
Un invalide partiel qUI
travaille est naturellement
i\\on actif
Cette rubrique regroupe en principe les jeunes et les
personl.es âgées nOl. comprises dans les autres catégories.
Non déclarés
Les personnes entrant dans la catégorie "non déclarés"
concernent les individus pour lesquels il n'a pas @té possible
d'obtenir le renseignement demandé" Cer Recensement Général de la
populJtion, op.
cit, p.
171-172).
Si la finesse de l'analyse le doit ~ l'importance quan-
titative des catégories, on peut aussi penser que la multiplica-
tian de cclles-ci rend compte de la complexité de la réalité so-
ciale considérée. Ainsi la distinction entre les ch6meurs et les
personlles en quête de leur prcll!ier emploi
tend à faire baisser le
taux de chômage et à faire crOIre à sa nloindre importance dans
la
population générale.
On y reviendra p]LIS
loin.
La catégorie
.-\\,
- ,c.> -
."
\\
\\
b)
Le\\~~~~~~~
\\ .
Il est diffic~le d'indiquer la fréquence des soirfes
.,
th0âtl"ales ~ Abidian: Pa~ rapport au cinéma qui se produi t tous
"\\
les jours, le thé2tre n'a l't-?u qu'épisodiquement.
Différer.tes
,
enuses expliquent le comportemt'.i:!t des individus vis à vis du
théâtre en milieu abidjanais et }.~stifient aussi le peu de dé-
veloppement q'Lle CùjlIî3ît cet art da~:s'~-~éi cité.
Tandis que le cinéma est étranger à l'Afrique Noire
;::-..-
et à la Côfrè d'Ivoire en particulier, le th~ât re lui, ne
l'es t
1
pas. En tant qu ~bj8t de diverêissement, le r1éâtre a toujours
suscité de l'attraction, de l'engouement dans les populations _
------
-
traditionnelles.
Le théâtre n'ftait pas une affaire de professionnels
qUl attendaient gagl!er leur vie en distrayallt des personnes et
el! leur faisant payer un droit à ce divertissement. Cette pereep-
tion de l'art théâtral est à l'origine du peu d'attraction que
'1 )
celui-ci exerce sur la population abidjanaise à Jnajoritt' Il.Jl"ale\\
.
011 ne saurait paver une personne pour vous faire
rire, pour vous
distr2i re.
Ainsi,
l ~ absence cie "sérieux!' qui
C3Tacté-rise
le
rhéâ-
tre,
finit
par éclabousser aussi
1'artiste
Jui-mênJe.
Nr~st pas
(1)
:
l!J'~~: \\){).(;( (lu.~tc.'L.é.ô e.r_ IH). ri.":'-)a.~t-e-f...-e.Cl.
paj,
,'ltC:':r.1r!!(~'l-t t
llj!e.
énvJJ~-zorl -tQ.e.év-<.,~e.e., que .ta Cô'.t(~ d' Ivo~!Le. ne. ·~a.U/LQ.,Lt ,1~)I).IJc-tt de..) 6(1~?aJ~(ln
'nÙèe~ pOU/', jGucJt au .tam-.tuJII, au -'>llje.t du alI.tw.teo p!106e-,>-,>~oH"eù de
f' 1n,o.u.tu.t Naha lIa;' de.!.. A.uo ?
"personne occupée" paraît d'autant plus vague qu'elle se présen-
te comme un "fourre-tout". C'est cependant l'une des catégories
dans lesquelles on rencontre une forte proportion de jeunes indi-
vidus â qui l'âge (0-14 ans) devait officiellement interdire
l'occupation d'un emploi rémunéré. Ce fait tend â confirmer les
observations présentées par le quotidien français LE MATIN, sur
l'exploitation de jeunes enfants en Côte d'Ivoire et notamment
â Abidjan.
Le service militaire ne concerne pas le groupe d'âge
de 0 â 14 ans. Par conséquent,
les vingt clnq (25) personnes
classées "Hors d'Activité" sont des détenus.
Habituellement "ménagère" qualifie la situation de
l'épouse qui n'exerce pas â l'extérieur une activité rémunérée,
mais qui s'occupe exclusivement de la vie quotidienne du foyer.
Le regroupement dans cette rubrique de jeunes filles dont l'âge
est compris entre 0 et 14 ans pose le problème de pertinence
d'autant plus que la catégorie fourre-tout "personne occupée"
conviendrait mieux â la situation sociale de ces jeunes filles
qui sont en fait des aides familiaux pour la plupart.
Ce qui pa-
raît encore surprenant, c'est qu'on les
retrouve plus nombrellses
que
les garçons
(respectivement 3 857 contre 2 894) pa;-mi les
personnes âgées de 0 â 14 ailS et classées occupées.
A soixante ans et plllS, on rencontre encore des person-
nes qui sont â la recherche de leur premier emploi. A noter égale-
D
...,.
-,
LES TYPES D'ACTIVITE SUIVANT LES GROUPES D'AGE,
EN 1975 A ABIDJAN
~
EN QUETE
HORS
RETRAITE
ELEVE
MENA-
INVA-
Net<
OCOJPE
GIO~€UR
ru 1er
D'AcrI-
PENSION-
ETU-
GERE
LIDE
ACTIF
TOTAL
GROUPE D'AGE
EMPLOI
VITE
1';E
DIAi';T
6 àl4 ans
6 751
-
-
25
22
97017
7950
410
54 119
166294
1
L'iSHIBLE
15 à 59 ans
320 912
7 244
24 521
2 780
710
52386
141997
512
8 421 1559483
L
IJE Li\\ SO-
I
1 60 ans et plus
3 787
65
23
19
ClETE ABI-
768
-
1167
229
1 765
llJ.ANAISE
"ion Détenniné
3 662
14
28
17
2
474
268
9
9 546
'Sb
139'JO
1
Ir 0 T A L
335 112
7 323
24 572
2 841
1 502
149877
151382
1160
73 821
ï4ïS90
1
1
6 il 14 ans
3 628
-
-
16
15
73793
5908
233
31 753
115346
i
- -
[, 15 il 59 ans
150 925
4 958
20 834
1 875
470
45231
80781
313
5 241
310028
I.V01-
RIL"lS
60 ans et plus
1 875
38
13
9
495
-
820
159
1 144
4553
Non Détenniné
1 311
5
18
12
1
315
110
2
3 442
5216
-
TOT A L
157 739
5 001
20 865
1 912
981
119339
87619
707
41 580
437743
6 il 14 ans
3 123
-
-
9
7
23224
2042
177
22 366
50948
ETRAN -
15 il 59 ans
169 987
2 286
3 687
905
240
7155
61216
199
3 180
248855
GERS
60 ans et plus
1 912
27
la
la
273
-
347
70
621
3270
Non Cl5 tenniné
2 351
9
la
5
1
159
158
7
6 104
8774
TOT A L
177 373
2 322
3 707
929
521
30538
63763
453
32 241
311847 j
-
~-'
-
247
-
ment sur le tableau de la page 246,
l'importance quantitative des
illdi,·idus dont on n'l'. pu détermi,ler l'âge. mais qui sont classés
SOI t
"occupé" (26 ~ de l'effectif lIe ceux dont on ignore l'âge)
soi t "non actif" (6S'0) (1).
Il se trouve ainsi posé le problème
de III prise en charge de ceux Qui sont désignés parfois par l'ex-
pression "parasites" dans la société abidjanaise.
"Alors qu'en
1064, 0crivait Bloch Lemoine, une personne active faisait vivre
trois personnes
- en 1967 elle en fait vivre 3,2
- en 1970 elle en fe ra vivre 3,~
- en 1972 elle en fera vivre 3,4
- en 1975 elle en fera vivre 3,5
pou r revenIr à 3 , 4-en 1977 et à -) ,.)
en 1980 cf. (B loch Lemoine,
op.
cit,
p.
10) .
Si l'on applique à la situation du travailleur abidja-
nais
l'adage africain suivant lequel quand il y a à manger pour
une personne,
il y en a pour deux, pour trois, etc, on mesure
l'incidence de cette prise en charge sur la dépense mensuelle.
On reviendra sur le chômage ; mais on peut déjà se demander. si
l'e:ocistence de cette forme de solidarité en milieu abidjanais ne
cont·rib\\le pas au maintien d'une paix sociale sans doute précaire,
mais en tout cas favorable à
la politique économique et sociale
(II
: Tabteau. .tùJ.é. du. RCCC>1M'lJ1en.-i: Gé.~t~'u.l.i'. de ta Popu.i'.a.t'<'Orl, op. cA.;t, p. 773.
- i1S -
gén~l'ule du gouvernement. Pouvoir compter sur un tiers
(parent
ou umi)
dans l'attente ou la recherche d'un emploi, n'est pas
rien.
Cette assistance peut favoriser chez ceux qui en bénéfi-
cient
le report à ]alliais de toute action revendicative collecti-
Suivant les illformations consignées sur le tableau de
la page 29 ,
seuls
les
individus
e!:trant
dans
la catégorie l'per_
sonne occupée" exercent une activité remunérée.
C'est finalement
451 de la population qui faisait vivre 55% en 1975.
Parmi ces
personnes occupées, 2\\ étaient des enfants.
L'examen du tableau de la page 29
pern,et par ailleurs
les
constatations suivantes
68' de la population étrang~re âgée ~e 15 il
59
ans
exercent une 2cti"ité.
Chez
les
ivoiriens J
cette propor-
tion est de 48,5\\.
55% des personnes occupées dans
la société
abidjunaise sont des étrangers.
Les
ivoiriens ne représentent
que ~7' de la population exerçant un emploi à Abidjan .
.
Farmi
les perso~nes en quête de
leur prcmlcr
emploi,
les nationaux sont majoritaires
(85% contre 15\\ seulement
che:
les étrangers).
Il s'agit, pour la plupart, c1'individus dont
l'âge est compris ent re
15 et
59 ans.
Or,
c'est, a-t-on c1éj à fai t
remarquer,
le groupe d';}ge correspondant il
la cl'asse
Laborieuse
8
ct
0'
TYPE D'AC
1
TI VITE
NON
ELEVE
APPRENTI
EXPLOI-
SALARIE
ALARIE
CADRE (H)
GROUPE
ACTIF
ETUDIAi\\.-T
Q-10MEUR
AIDE FAMI-
TANT IN-
COM--lERCE
INDUS-
DlP LOYE UR
TOTAL
LIAL
DEPENDNH
D'AGE
SERVICES
TRIE
III
IV
V
VI
VII
VII l
o - 14 ans
364 687
153126
281
6 752
992(F)
1489(F)
-
-
532327
IS - 59
ans
185 046
66
791
36
240
35 072
131 039
120814
124227
23779
72 3008
60
ans
et plus
7 641
-
-
-
3 925
1060
760(H)
340 (H)
13726
TOT A L
557
374
224 917
36
521
41
824
135 956
123363
124987
24119
1269061
1
POURCENTAGE
44%
18%
2,8%
3%
10,7%
9,7%
9,8%
2%
100,00%
Repartition de
la population active suivant
les
types
d'activité
au
cours de
l'année
1978.
Tous
sexes
confondus,
invilliJes exclus(l)
( Il
SOtUlc.e.
Enquête. Dêmog~ap~que. à PQ6bagU Rêpêtéb, op. ~t, p. 181 - 182.
MA.» a pMt.f.U typu d'Ac.tivA..tê, .f.'Mgart.-Uation du m6o~a.t<.on.6 (g~oupu d'âge., c.a.f.c.u.f. du
e.66e.c.ti6b e.t du potUlc.e.n.tagu) c.oM-ignêu bM .f.e. .tab.f.e.au C.-i-dU.6M u t de. noM. 1.f. en u t
unû de. .ea p.f.upMt du .tab.f.e.atlX p~êbe.ntéb daM c.e. tM va-U..
La Le.~e. F qu but .f.u c.h..i.66Jtu .6-igM6-ie. ., Fe.mmu (xc..i'.li~,.iiJ('tll(',Lt
La .f.e.~e. H dv.,-igne. .f.u Homnu
'cxc.tM-iwr!H'nL
-
250 -
d'une société. ~Ialheureusement, c'est dans cette tranche d'âge
que se concentrent les jeunes ivoiriens à la recherche d'un pre-
Olier emploi.
Pour la grande majorité d'entre eux, le travail re-
cherché ou souhaité ne doit pas figurer parmi les activités du
secteur primai re. En effet, l'image du "commis" dont il a été
question précédemment et surtout sa représentation mentale exer-
ce une forte action sur le niveau d'aspiration de ces jeunes
issus en majorité de l'exode rural.
Il est difficilement conce-
vable, pensent certains, de quitter le village pour venir occu-
per à Abidjan un emploi de "manoeuvre".
Le "manoeuvre" opère en
milieu rural, précisément dans les plantations; puis il est un
étranger.
L'ivoirien, lui, doit pouvoir s'attendre à un emploi
valorisant.
Il ne peut être un manoeuvre dans son propre pays et,
,
"b' d .
r1)
A .
.
notamment, a .ri, 1 Jan'
.
1nS1 peut se schématiser l'attitude de
nombre de jeunes nationaux qUI sont à la recherche d'un emploi
dans le milieu abidjanais.
En 19ï5, soit trois années plus tard,
la répartition
de la population active suivant les types d'activité se présente
différemment de ce qu'elle était en 19ï5(cf tableau de la page
Il) : Il conv~ent de ~appel~ que, e~e 15 ~ 29 ano, l'exode ~uAai touch~,
en 1970, 43% de la popu1.Ll.ticn juvénile de .e.a Côte d'Ivo.uz.e et qu'env~
Mn 10% du> nu.gJW.f1.Ù M
dJ./Llgeuent ve.Jc6 Ab~djal1. c6. A. MMo :
Al'Ialy,; e de :,[c b~dé : [' e xcd ê .~u.,al de.,; he.UI1e.o!>. I,j,Ùu,/dèJle du Plal1 -
V.uz.eulOrl de..; Etude.o!> de. VévelopPc-'ne.nt, A ajal1 '\\!c'v'W ] 970.
-
2 S 1
249)(1).
On constate ~ premi~re vue une augmentation de l'effec-
tif des jeunes âgés de 0 ~ 14 ans, qui passe de 166294 indivi-
dus
en
197:; il
5:'2
327
en
1978.
Parmi
eux,
1) 7%
exercent un em-
ploi rémuntrt et
représentent 0,71 de la population active.
Le
travail des ellfallts apparaît Jonc bel et bien comme une réalité
sociale en L:ôte d'Ivoire et,
cn l'occurrence, ~ Abidjan. L'occu-
pation des ellfallts semble alnSI s'inscrire dans la conception
africaine de la formation de
l'inJividu, conception qui ne fait
pas une distinction nette entre la formation proprement dite et
la production ou la rentabilisation de cette formation:
c'est
en accompagnant le p~re laboUI"er, chasser ou pêcher que le jeune
enfant se forme et pratique chacune de ces activités.
Le problè-
me se pose :lutl'ement dans une ville moderne comme Abidjan où
l'exercice J'un métier passe par un long apprentissage que le
p~re ne peut guider lui-même
il n'en a pas les ressources né-
cessalres.
Par ailleurs la préparation ~ l'exercice d'un métier
se distingue
trl~.s nettement <..le
l'exercice
lui-même.
Ceci
nlest
souvent pas bien perçu par C'""J'lues parents du monJe rural qui
l"éclal'lent de l "liJe J Jeu)" enl'''nt Jès G~,'ils apprennent que CE'
porteuse Je ,Ie'U); sens dans cenaills
mih eux abiclj anais
: elle
17)
: b, ô<LGt,ltUvallX llo.t!I.e dé6·üu.téon dei'a popu.tCLtlon acilve èi .ta page 23
.i.i' aWliliJ: 6aUu Ile pa.!> c.oIls{.détuZ!L .tu pe!L6onlle~ âgée~ de 0-14 aM, rU
ML,1 te ta6teau rU daM .t' étabLi.1>Mmerd de~ ~:t.aU~tiquu. M<LU ome.tbLe
c.eJ:te P0/-,ULaÜOIl j·uvéll.Ûe aUJiLU:-t été 'UVL M
.t!I.è,~ ghallde c.orWr..LbUÜoll
di" éc.oIlcnLie IlCLtlonale. Atw,~A.-, ta r1LUentVLoll~-IlO~ c.haque ;joü (/u'i..i'
f'.,lt quutio" de~ acilv.u.é~ éccnolHA.-quv, i\\ AbA.-dJan.
-
252
-
~ignifie qlle l'individu occupe lin emploi rêmulléré ou qu'il est
~n apprentissage Cl) .
Les "aides familiaux" - expression qUI ne traduit pas
la réalitê socio-culturelle locale - de par leur existence dans
la société abidjanaise, confirment les propos qui précèdent.
"[ Is aident leurs parents dans
leur travail sans toucher en con-
tre partie un salaire régulier ... "Ccf Recensement Général de la
Population, op.
cit, p.
204).
Il faut relever i c i ] 'écart entre
le discours et la réalité. On peut, à ce propos rappeler à
la
suite de 1-lartinet CI966, p.
16), que l'utilisation d'une langue
Cici écrite)
commande la réorganisation des données de l'expé-
rience, mais non l'établissement d'une correspondance entre le
(2
mot et la réalité
). L'éducation de l'enfant dans l'Afrique
~ncienne ne se déroule pas autrement.
C'est en accompagnant les
parents dans les diverses activités économiques que les enfants
assurent progressivement leur intégration à la société.
Ils ne
les suivent pas, ne les accompagnent pas parce que
seuls les pa-
rents ne peuvent pas accomplir telle ou telle activité, mais
parce qu'il en va ainsi de leur socialisation. L'idée d'aide
( 1) : &en entendu d
e:U.J.>te de.;., apfYlel1;tw~age,o
JLémul1e,te~. MaGo J'.a pe;t{;te ôDm-
me d' aJLgent que J'.e maktJte donne èC ~on apfYlenli ne peu.(: (iùe cOM~déJLée
c.omm~ un ha1cUA~.
(2)
!.!ailinc.t é~, pJ'.M exac.teme,JA:, "En 6~, à chaque ~aYlgue cO/JJi.e~pond
une oJLgalUj,~ol1 PClJ'·;tùLLuVte de~ donnéM de J'.' expélI.-iel1ce. ApfYlendite
(me au..(:,te J'.angue,
ce n' e~t pa6 mc.t.tJLe de 11OU\\!eJ'.i'e~ t,üquette.o Mlle de~
obje-t6 conl1M, mai/.> ~'habdue,t il ana.1u~e,t al!.t!tcmenl CC q~ 6~ J'.' objet
de COlJlmLMC~OI1 ungI.L-0ouque "
- 25~ -
n'est pas la première préoccupation des parents. En milieu ur-
bain,
l'octroi d'une petite somme d'argent a l'enfant, de façon
irrégulière, n'a pas la signification de salaire, mais corres-
pond à ce qui est désigné par l'expression "argent de poche".
De même que l'enfant qui se rend chaque jour à l'école, reçoit
régulièrement ou périodiquement de l'argent de poche, de même
celui qui travaille avec ses parents perçoit souvent de petites
sommes d'argent qui lui permettent de satisfaire ses menus be-
sOlns.
Par rapport a l'année 1975, on observe en 1978 une
baisse du nombre d'individus exerçant un travail rémunéré (35,2%)
et une augmentation du nombTe de ceux qui, sans être nécessaire-
ment des non actifs,
demeurent des éléments improductifs pour la
société.
Il faut noter aussi l'entrée très précoce dans la vie
active des jeunes filles. Jusqu'à l'âge de 14 ans, elles sont les
seules à figurer parmi les exploitants indépendants,
les sala-
riés du commeTce et des services.
['est à partir de 15 ans que
les garçons apparaissent dans ces mêmes catégories de fonction.
Relativement à leur nombre dans
la population globale des "per-
sonnes inoccupées", les garçons semblent plus portés que le~ jeu-
nes filles
(96% contre 59% chez les filles)
à
demeurer inactifs
avanT l'âge de 15 ans.
Probablement faudra-t-il en rechercher les
raisons dans
la présence des mères ou des tutrices au foyer.
La
jeune
fille non scolarisée ou qU1 a cessé d'aller à l'école se
trouve d'emblée associée a des tâches menagères aux côtés de la
maîtresse de la maison.
Le jeune garçon qUI,
lui, ne peut accom-
pagner son père ou son tuteur au travail, se retrouve Inoccupé.
On verra ultérieurement que cette situation est, bien souvent,
génératrice de la conduite anti sociale chez de nombreux jeunes
garçons. Ainsi,
inconsciemment ou consciemment et parce qu'ils
paraissent ne disposer d'aucune solution de
rechange, les hommes,
responsables familiaux,
contribuent au vagabondage des jeunes et,
dans le pire des cas, à l'antisocialité de ceux-ci.
Jusqu'à 45-49 ans, on rencontre encore des hommes et
des femmes qui sont soit en apprentissage d'un métier soit des
aides familiaux.
Entre 15 et 59 ans, les proportions d'hommes et
de femmes occupées dans des activités productives se présentent
de la manière suiv~ntes
TYPE D'ACTIVITE OCCUPE PAR LES PERSONNES
AGE ES DE 15 A 59 ANS(1)
1
1
ACfIVITE
V
VI
VII
VIII
)
HCN'\\ES
HHIES
1-ICM,lES
n-J.!"lES
Het-M:OS
FE.1v~lES
Het-f\\jES 1 FJ:1.;vlES
EFFEC-
1
TIF
68:;61 1
62678
93242 1
27572
i21:;33
2894
19375 1 4404
I
1
1
1
1
q,
52 %
1
48%
77 %
1
1
1
i
23%
98% J
2%
81%
1
19%
1
1
1
(1) : In6orJ)Ja..U.OM JtéoJtgarU.-6éc<l a pa/l--f:M de celi_M du tabteau de ta page 249.
V
"ccU:égoJU.e dM expto-'-:tanv., -LndépeJida;~Go
VI;aJ.!J.JU..é du cor'l1eJtce e;t dC<I <le/tv-i.cCJl ;
VII
<laJ.!J.JU..é de t' 1ndU)):tA.~e
VI II" c.adJte<l et elllptoljeu/w.
-
255 -
Dans
l-j1~lqllE' tr~lJ1chC' d'fige cOl1sidér('e, les hOIllmes sont ma-
joritaires (ce qUI ne peut surprendre car ils sont de loin les
plus nombreux dalls la populatioll abidjanaise)
dans les divers
types d'activité.
Les femmes paraissent moins attirées que les
hommes par la profession industrielle (2% contre 98% chez les
hommes). Par contre elles ont une plus grande propension que les
hommes à se constituer employeurs. En effet, dans la rubrique
"Cadre-employeur" elles figurent uniquement au ti tre d'employeur.
Les 81% des sujets restants sont des hommes qui exercent soit la
fonction de cadre soit celle d'employeur.
A partir de 60 ans et plus, très peu d'individus sont
encore en activité.
Seuls les hommes continuent d'exercer en tant
que salariés de l'industrie, cadres ou employeurs. Uniquement la
catégorie "Exploitant Indépendant" compte encore des femmes.
Enfin,
la classe laborieuse de la société abidjanaise
compte peu d'individus
(55,2% de la population globale).
La par-
ticipation des étrangers denleure ellcore essentielle à la crois-
sance de l'économie abidjanaise.
La
profession libérale,
l'en-
seignement doivent sinon leur existence du moins leur rentabilité
aux étrangers.
Tel est du moins ce que révèle l'observation du
tableau de la répartition des actifs dans la cité, durant l'an-
née 1978.
REPARTITION DES ACTIFS ABlDJANAIS SELON LA
CATEGORIE SOCIO-PROFESSIONNELLE, TOUS SEXES
CONFONDUS
ANNEE 19ï8
IVOIRIENS
Na; IVOI RIENS
ENSEMBLES
CJ\\TEGORIE SOC10-
1
1
PROFESSIŒ-<:'JELLE
,
1
EFFECTIF
0
EFFECTIF
%
EFFECnF
%
Cadre enseignant pro-
7 004
3
13 332
4,5
20 336
fession libérale
1
1
.-l--
Employeur de l' Artis ana t
1 965
0,8
3 264
1
1, 1
5 229
connnerce, services
Employeur de l'artisanat
31 037
13
77 586
26,4
108 623
1
commerce, sercices
1
Exploitant In dépen da'l t
16 622
7
dl 333
1
! 14
1
57 955
Artisanat, services
1
Salarié qualifié
1
du
1
,
1
65 673
28
38 994 \\13,3
cormnerce services
i 104 667
Salarié ;'0n qualifié
,
1
10 029
4,2
29 790
38 819 1
du ccmnerce services
10,1
1
1
Salarié qualifié
40 641
17,2
15 847 ~4
56 488
Industrie
Salarié non qualifié
,
1
33 901
14,4 1
41 300
14
75 201
1
Industrie
1
1
Aide far:ti liaI cam-
2 703
1
7 854
2,7
10 557
merce
i
1
1
1
1
!
~--~-I
1
Aide familial arti-
1 172
0,5
2 102
0,7
3 Zï4
sanat-senices
1
j
1
Apprenti 3"!-tisanat,
~~~2 1
services
5,8
37 loS
1
20 186
\\ 9
1
1
1
1
Exploitant agricole
2 846
1
7
164
0,7
5 010
1
"
1
1
1
Salarié agricole
1 234
0,5
3 380
1 ,2
4 614
1
Aide familial agricole
385
0,2
H4
0.1
829
Ensemble
235 398
100
294 372
100
529 770
i
Source
Enquête démographique à Passages Répétés, op. cit. pp 177-171
SECTION II
LE CHOMAGE - LES CAUSES
D'après l'analyse qui précède de la situation de l'em-
ploi à Abidjan, on ne peut passer sous silence l'existence du
chômage. Celui-ci fait partie du lot de problèmes vécus quoti-
diennement par la majorité des abidjanais.
En effet, être soi-
même au chômage ou avoir un parent qui vit cette situation re-
vient au même dans la plupart des cas.
L'assistance qu'on se
voit contraint moralement d'apporter au parent chômeur pèse lour-
dement sur le revenu mensuel qUl,
lui même, n'est déjà pas suf-
fisant en temps ordinaire.
Une subtile distinction consiste à regrouper les indi-
vidus en "chômeurs" et en "personnes en quête du
premier emploi".
A bien y voir,
il s'agirait plutôt d'une tentative pour mlnimiser
l'importance numérique des chômeurs que d'une classification opé-
ratoire.
Apparemment, cette distinction n'a jusqu'ici
inspiré au-
cune mesure concrète.
Par contre le prélèvenlent de un pour cent
sur le salaire des fonctionnaires et agents de l'Etat, prélève-
ment qualifié de "contribution nationale" et institué il y aura
bient$t deux ans, pOLir aider les personnes au chômage, profite
aussi bien auX individus reconnus officiellement chômeurs qu'à
ceux qui sont à
la recherche de leur prenlier enlploi.
250
-
Suivant les statistiques démographiques établies en
1975,
il n'existe aucun chômeur ni d'individu à la recherche
d'un pl"emier emploi dans la tranche d'âge 6-14 ans, niais seule-
ment de jeunes gens inactifs (cf tableau de la page 29). Par
contre entre 15 et 59 ans, on note une présence massive de per-
sonnes qui ne trouvent pas à s'employer ou qui ont perdu leur
emploi.
Quantitativement les nationaux l'emportent sur les é-
trangers. Même si ces derniers ont une grande propension à se
déclarer plus souvent occupés qlle ne le font les ivoiriens,
l'important écart entre leur effectif et celui des nationaux ne
peut laisser indifférent celui qui s'intéresse aux problèmes de
l'emploi à Abidjan. Tel qu'il apparaît sur le tableau
ci-dessous,
le chômage semble frapper davantage les ivoiriens que les étran-
gers. Si l'on considère les personnes en quête d'un premier em-
ploi comme des chômeurs potentiels, ce qui correspond mieux à la
réalité vécue par les individus,
les nationaux représentent 81%
de l'effectif des personnes au chômage dans l'agglomération abi-
djanajse au cours de l'année 1975.
-
"::1 ~)
-
OCQJPATIÜi~
ŒJCMEUR
b~ QUETE 1e &1PLQI
NON ACTIF
1
GROUPE D'AGE
IVOIRIEN
ETRN'JGER
IVOIRIEN
ETRANGER
IVOIRIEN ETRA~GER
6 - 14 ans
-
-
-
-
31 753
22 366
15 - 59 ans
4 958
2 286
20 834
3 687
5 241
3 180
1
60 ans et plus
38
Z7
13
10
1 144
621
Non détenniné
5
9
,
\\8
10
3 442
6 104
TOT A L
i 5 001
2 322
20 865
3 707
42 580
32 241
L'enquête démographique réalisée en 1978 par les soins
du Ministère du Plan dénombre, dans la population d'Abidjan,
les
"Non Actif" et les "Chômeurs" dans les proportions suivantes
o - 14 ans
15 - 59 ans
60 ans et plus
TOTAL
%
Non Actif
364 687
185 046
7 641
, 557 174
44%
Chômeur
281
36 240
36 521
2 J 8 go
1
Chômeurs et personnes non actives dans la population abidjanaise au
cours de l'année 1978.
Tandis qu'en 1975 on ne dénombrait que 7 323 chômeurs
dans la population d'Abidjan, on en compte en 1978, 36 521.
C'est
là une preuve que la distinction "chômeurs" - "individus en quête
de leur premier emploi" est plutôt politique que scientifique.
Plus exact ou plus proche de la réalité apparait le regroupement
de tous
les individus inoccupés durant
l'année 1975 dans une même
rubriqllC.
Cette considération fait passer l'effectif des person-
nes concernées à 31
895.
Par comparaison all nombre des ch6meurs
en 1978, ~oit 36 521, on en arrive à une allgmentation de 4 345
correspolldant à une croissance annuelle d'environ 1 448 chômeurs.
Par aillellrs le nombre de personnes inscrites au titre d'indivi-
dus "\\on ,\\ctif" en 1975 ne représentait que dix pour cent
(10%)
de la poplilation abidjanaise contre 44% en 1978. On se trouve en
présence d'un fait surprenant.
C'est que d'une année à l'autre,
la même rllbrique change de contenu ou, en tout cas,
reçoit des
éléments de nature différente.
On s'expliquerait difficilement
cette croissance de 10 à 44% de l'effectif des personnes non
actives entre 1975 et 1978 dans la population d'Abidjan.
Les statistiques établies par les services de l'Office
de la ~Iain-d'Oeuvre de la Côte d'Ivoire et portant sur les offres
et les demandes d'emploi, statistiques qui sont reproduites ci-
dessOlL" (cf B.
Dembélé et col,
1979-1980), permettent un certain
nombre d'observations
2i' 1 -
T
1
A';i\\n
I1LHANDES
OFFRE
1
1
l ECART BffRE DEH~';TI[S ETI
1
1
PLACl:NEJffS
PJ.J\\UJ\\IEi'.rfS
,
1~Î; 4
~7 421
16 025
8 129
39 292
i
1975
48 651
1:> 404
7 948
40 703
ir-
I
1976
54 450
1-1 094
1
8 352
46 098
1977
57 502
12 2:>4
7 379
50 123
,
1
1
1
J978
62 814
17 259
8 718
54 096
,
1
1
1979
54 525
15 291
7 725
46 800
1
1980
75 785
15 098
7 025
68 760
1
Demandes et Offres d'emploi p:llyenUeS il l'Office de la ~Iain-d'Oeuvre de
de la Côte d'Ivoire, de 1974 il 1980
Si l'on se reporte aux informations consign§es sur le
tableau ci-dessus, la différence entre le total des demandes
d'emploi ~dress§es aux services de l'Office de la Main-d'Oeuvre
de la Côte d'Ivoi re
cmIOCI]
chaque année et le total des place-
ments effectu§s correspond au nombre de chômeurs durant la p§-
l'iode cOllsidérée sur tout le territoire ivoirien. Ainsi en 1975
sur 48 051
demandeurs seulement 7 948 ont §té sati sfai ts,
les
quarante mille sept cent trois
[40 703]
autres sont au chômage.
Les statistiques issues du
recensement de l~ population abidja-
naise en
1975 indiquent :>1
895 chômeurs.
Far d§duction, on obtient
pour le reste du pays 8 80S chômeurs au cours de l'année
1975.
-
~ () 2 -
En procédant de même pour l'a'lnée 1978, on en arrIve à 17 575
personnes en désoeuvrement dans
tout le reste du pays. De 1975
1978, le chômage aurait progressé n.oins vite dans
toutes les
localités
ivoiriennes réunies que dans Abidjan. Abidjan n'est
donc pas seulement la capitale économique où règne l'abondance,
malS elle est aussi la capitale dlL chômage,
le lieu oG le dé-
soeuvrement temporaire ou prolongé peut faire crouler tous
les
rêves.
~lesuré par l'écart entre les demandes et les place-
ments,
le chômage a évolué en dents de scie en se maintenant
aux environs de 40 à 50 mille personnes insatisfaites, de 1974
·à 1979.
L'année 1980 marque une rupture dans l'évolution du nom-
bre de chômellrs
on observe une montée considérable de l'effec-
tif des persollnes en désoeuvrement
(68 760)
sur le territoire
national.
Sans doute s'agit-il d'une des conséquences de la cri-
se économique mondiale qui a entrainé la fermeture de plusieurs
sociétés, notamment à Abidj an.
Le chômage visible dans la capitale ivoirienne serait
de l'ordre de 20% en 1970(cf H. JOSHI et col, op.
cit, p.
84)
traduisant ainsi le poids économique de la ville au niveau na-
tional. Au cours de cette année, la ville abritait 550 000 âmes.
Si l'on se refère au pourcentage indiqué ci-dessus,
cent dix
mille
(110 000) personnes seraient au chômage dans la seule ville
d'Abidjan.
[lix années plus tard, en
1980,
l'Office de la Main-
-
26.]
-
d'Oeuvre de la Côte d'Ivoire n'a enregistré que soixante huit
mille sept cent soixante (68 760) demandes d'emploi non satis-
faites sur tout le territoire national, soit moins d'individus
chômeurs qu'il n'en existait en 1978 dans la ville d'Abidjan.
On se trouve devant des appréciations contradictoires qui pa-
raissent indiquer l'existence de difficultés particulières dans
l'évaluation du chômage aussi bien à Abidjan que sur tout le
territoire national. Les organismes officiels tels que l 'O~IOCI
n'enregistrent
que les individus à la recherche d'un emploi et
qui veulent bien s'adresser à eux. Bien de personnes qui se
trouvent dans le besoin d'un travail utilisent d'autres possibi-
lités qui échappent à tout contrôle officiel.
Il en est ainsi
du recrutement par une entreprise d'un candidat recommandé par
une autorité politique, par une personnalité extérieure ou un
employé en service dans l'entreprise-même. Ces observations re-
posent le problème de la gestion de l'emploi et par conséquent
du chômage en Côte d'Ivoire, précisément à Abidjan.
L'importance du phénomène intrigue d'autant plus qu'il
se développe dans un pays dont on a décrit la croissance économi-
que comme relevant du miracle ~f SAMIR AMIN, op.
cit.).
L'examen
des causes du désoeuvrement d'une grande fraction de la popula-
tion abidj anaise conduit à différents problèmes dont ceux de men-
talité, de société, de gestion de l'emploi et de qualification
professionnelle.
un problème de
- mentalité
La perception que les nationaux ont d'eux-mêmes expli-
que partiellement l'importance de leur effectif parmi les dé-
soeuvrés de la capitale. L'ivoirien, d'une façon générale, assi-
mile tout travail qui repose sur l'effort physique au manoeuvra-
ge. Même celui qui a cessé les études au niveau du cycle primai-
re avec ou sans le certificat d'étude primaire élémentaire (CEPE)
se considère appartenir à la classe des intellectuels. Son ni-
veau d'aspiration ne semble avoir d'égal que son incapacité à
exercer aux postes qu'il désire occuper dans l'administration,
dans une entreprise commerciale ou indut"ielle. L'histoire qui
suit illustre l'attitude de nombreux ivoiriens qui désirent tra-
vailler à Abidjan. Un jeune adulte villageois vient voir son cou-
sin fonctionnaire à Abidjan pour que ce dernier l'aide à trouver
un emploi.
Par ses relations, le cousin réussit à obtenir un em-
ploi dans l' insti tut ion où il est lui-même en service.
Il
fait
dire à son parent villageois de se présenter le lendemain matin.
Au jour et à l'heure indiqués, l'intéressé se présente. On lui
remet une matchette et une lime.
Il s'agit de nettoyer avec
d'autres personnes la vaste cour qui entoure l'institution où
travaille le cousin fonctionnaire.
L'intéressé prend les instru-
, -
-
':::'ü;)
-
Dlellts, les admire,
refléchit longuement puis les dépose et re-
tourne au village sans mot dire à son parent abidjanais. Celui-
ei apprend plus tard que son protégé
a disparu depuis le pre-
olier jour sans avoir travaillé. Le comportement de ce demandeur
d'emploi s'explique assez facilement.
En effet, le travail qui
lui est proposé est celui qu'on exerce dans le monde rural.
C'est aussi un travail qui est de plus en plus accompli par des
étrangers au profit des autochtones
: débroussailler les plan-
tations, défricher, semer ou récolter. A Abidjan, le travail se
fait dans des bureaux, en tout cas pas avec une matchette ni une
lime. C'est le mépriser; se moquer de lui que de le faire embau~
eller en tant que manoeuvre. Le cousin, pense-t-il l'a véritable-
ment ridiculisé.
Dans la mentalité locale, tout se passe comme si le
changement de milieu, plus précisément lorsqu'on qUitte le villa-
ge pour Abidjan, devait correspondre nécessairement à un change-
ment de fonction. Abidjan, la ville la plus prestigieuse du pays,
conf~re à ceux qUI y résident une notoriété particulière aux
yeux des habitants du monde rural. Son influence s'exerce sur
les individus jusqu'aux localités limitrophes du pays, par l'in-
tennédiaire de la radio, de la télévision et de ses résidents
pendant leur séjour au village kf Gibbal, op. cit.). Aussi, les
jeunes ruraux se laissent-ils tenter par l'expérience d'une vie
qu'on leur présente comme étant facile et meilleure que celle
du village.
-
L66 -
- Société
Le villageois dont il a été question ci-dessus s'était
adressé à son parent abidjanais pour avoir du travail. Sur le
plan national, un organisme existe dont la direction et des an-
tennes sont implantées à Abidjan; organisme officiel dont l'une
des attributions est la gestion de l'emp+oi sur tout le territoi-
re national et auquel le candidat aurait dû s'adresser. Sans
doute ne le savait-il pas mais il s'est àrienté vers son cousin
qui lui. a recouru à ses relations pour le faire embaucher.
Cette pratique est courante dans la société abidjanaise. Le re-
cours à un parent, à un "frère ethnique" pour se faire engager
dans une entreprise industrielle ou commerciale est devenu sinon
une habitude
du moins un·e pratique encouragée. Aussi l'ivoirien
abidjanais ne se fait-il pas d'illusions, en se présentant aux
portes d'une entreprise (à l'entrée, une plaque bien visible
portant l'inscription "Pas d'embauche" dissuade déjà tout deman-
deur d'emploi), que sa candidature ne sera pas examinée favora-
blement. L'important est de compter pami ses relations des per-
sonnes influentes. D'instinct,
l'individu s'oriente soit vers
un parent soit vers un "frère ethnique" influents eux-mêmes· ou
susceptibles d'avoir des
rapports avec des personnes haut pla-
cées dans la hiérarchie économique et sociale. Un ami coopérant
européen déclarait:
"A Abidjan, pour réussir en tout il faut
avoir ï5% de relations et 25% de compétence". Peu "importe le nom-
bre d'années qu'on a consacrées à se former dans un
établissement
267 -
scolaire, dans un centre d'apprentissage, peu importe la valeur
des diplômes acquis.
Le plus important est d'appartenir à l'une
des familles dont le nom patronomyque est précédé de l'article
défini "les" (dans ce cas, un coup de téléphone suffit pour
obtenir l'emploi désiré) ou de compter des relations dans l'une
d'entre elles. Ainsi donc, des emplois sont confiés à des per-
sonnes qui ne sont pas inscrites à l'Office de la ~'lain-d'Oeuvre.
Suivant le témoignage des chômeurs qui passent des
journées entières à at~endre une hyppothétique offre dans les
antennes de l'office de la Main-d'Oeuvre, au genre de placements
évoqués ci-dessus, il faut ajouter ceux qui se réalisent discrè-
tement entre les partis à coup de pots de vin.
"Certains diri-
geants et employeurs attendent de percevoir une somme quelconque
de la part du demandeur avant de le placer" (cf B. Dembelé et col,
op.
cit, p.
10).
En bref, quelle que soit la manière dont on peut quali-
fier les comportements décrits ci-dessus, qu'ils traduisent le
tribalisme ou qu'ils signifient la corruption, on ne peut sous-
estimer leur influence sur la persistance du chômage dans une
large couche de la population.
b)
~~_g~~!~~~_~~_1~~~El~~_~!_1~_9~~l~~~~~!~~~
l:'!:~~~~~~~~~~ll~
Sur tout le terri toire national,
La gestion de l'emploi
relève des attributions de
l'Office de la Main-d'Oeuvre de la
-
268
-
Côte d' Ivoire (O~IOCI). Créé durant la colonisation, cet organis-
me fonctionne depuis
1954. Il est placé sous la tutelle du Minis-
tère du Travail et de l'Ivoirisation des cadres.
I l jouit d'une
autonomie financière et d'une personnalité morale. Lui sont as-
signés les objectifs ci-après
- la gestion de l'emploi: c'est à ses bureaux
que parviennent les offres et les demandes.
Il lui incombe de
répondre aux besoins en personnel des entreprises ainsi qu'à
ceux des particuliers, en sélectionnant parmi les demandeurs
d'emploi ceux qui paraissent les plus aptes à occuper les postes
proposés
- la régulation du marché du travail. Il,est l'in-
termédiaire agréé entre les demandeurs et les employeurs. Il sta-
tue sur les contrats de travail établis entre les partis.
Le siège de
l'OMOCI est implanté à Abidjan Plateau.
L'Office dispose des antennes dans les quartiers de Treichville
et d'Adjamé, pour l'agglomération abidjanaise.
Les conditions d'inscription à 1 'O~lOCI sont restric-
tives.
Les bureaux de l'Office sont ouverts uniquement aux ivoi-
riens qui iemplissent les conditions suivantes :
- les hommes doivent être âgés d'au moins 14 ans
et les femmes d'au moins 18 ans;
\\
-un certificat de travail est exigé pour celui
qui 3 .Iéjà travaillé
- un certificat de scolaritê ou un diplôme est
demandé à celui qui n'a jamais pratiqué un
métier.
Les conditions ci-dessus suscitent quelques remarques.
L'OMoeI ne prend pas en compte les demandes d'emploi
des immigrants étrangers.
Il ne s'intéresse pas non plus aux ru-
raux ivoiriens analphab0tes qui descendent à Abidjan dans l'es-
poir d'améliorer leur niveau de vie grâce à un travail plus
rémunérateur que celui que leur offre le monde rural. Aussi,
les statistiques établies par l'OMOeI ne donnent-elles pas une
image complète de la r6alité ivoirienne en ce qui concerne les
offres et les demandes d'emploi. On ne peut donc évaluer correc-
tement le nombre de chômeurs dans toute la Côte d'Ivoire, a for-
tiori à Abidjan, à partir des indications fournies par l'OMOeI.
Le jeune ivoirien âgé de 14 ans peut prétendre avoir
un emploi s'il satisfait aux deux autres conditions.
Suivant les
normes internationales du travail,
l'âge aCTif commence à 15 ans.
On ne comprend pas très bien pourquoi cet âge est ramené à 14 ans
dans le cas de l'OMOeI.
Créé pour gérer la Main-d'Oeuvre de la Côte d'Ivoire,
l'Office ne s'occupe finalement que d'une
toute petite partie
des individus ~ la recherche d'un emploi. Sans doute lui faudra-
t-il de moyens plus grands que ceux dont ils dispose actuelle-
ment pour remplir plus efficacement sa mIssion.
En attendant,
on ne peut manquer de signaler le cadre très
limité de ses acti-
vités.
Celle-ci intervient comme facteur multiplicateur de
chance ou d'exclusion chez les individus en quête d'emploi.
Les
activités qu'offre le milieu urbain ne sont pas semblables à
celles qu'on rencontre dans les campagnes. Dans le cas précis
de la ville d'Abidjan,
il a été signalé précédemment l'importan-
ce des activités des secteurs secondaire et tertiaire, puis l'en-
gouement des nationaux pour les emplois relevant du tertiaire.
Seule une formation professionnelle appropriée peut accroître
les chances de l'individu qui sollicite un emploi.
Or, il se
trouve que la plupart des postes proposés par les entreprises
nécessitent des connaissances techniques solides. Ceux des deman-
deurs d'emploi qui sont susceptibles de les occuper apparaissent
minoritaires (cf tableau de la page suivante).
2 7 1 .
CHEGORIESOCIO-
D])1ANDES
OFFRES Na"
1
1
1
Df}!}\\NDES
OFFRES
PLACE-
NON 51'.-
SAT1S!'AI- ,CHCNEURS 1
MENIS
TISFAITES
TES
PROFESS l O\\"NELLE
,
CADRES
694
591
290
404
301
304
AGTh,S DE
1 916
,
1
497
1 851
65
646
65
IH".TRISE
TOT .-'1 L
"L 610
., 088
2 141
469
947
369
Demandes et Offres d'eJîlploi de niveau de qualification supérieur et moyen
parvenues à l'~DCI durant l'année 1979
Ainsi
au cours de l'année 1979, sur les six cent qua-
tre vingt quatorze
(694)
demandes d'emploi formulées par des per-
sonnes de nIveau de qualification ou de formation supérieur,
deux cent quatre vingt dix
(290)
seulement ont reçu une réponse
positive.
Dans le même temps, trois cent un
(301) postes sont
restés vacants tandis que
trois cent quatre
(304)
cadres étaient
au chômage.
Il s'agirait, pensent les candidats malheureux, d'une
politique délibérée faite par les dirigeants des entreprises pour
recruter des expatriés ~ ces postes, étant donné que la plupart
des directeurs sont des européens. Aussi,
les tests psychotechni-
ques auxquels
les candidats sont soumis apparaissent-ils,
aux
yeux des demandeurs d'emploi, comme inadaptés au COlltexte SOCIO-
culturel ivoirien ou,
en tout cas, pas conçus pour évaluer les
aptitudes des candidats locaux.
Ce serait un artifice conçu pour
jU5ti'-ier
l' i!î3pt-itll(]e
l\\P5
natiOI1i.lllX
c!ernl.llldc(!l's
cl1ern])loi et"ouvrir
-
272
-
les portes aux étrangers, notamment aux cadres européens.
La
réalité semble l"évéler, quant à elle, autre chose.
La plupart
des postes de cadre offerts par les entreprises intéressent des
formations techniques de niveau supérieur, en particulier des
ingénieurs.
Les demandes d'emploi, quant à elles, intéressent
les postes ~dministratifs et proviennent d'individus dont la
formation est généralement littéraire.
Il y a donc une inadéqua-
tion, une absence de correspondance entre les caractéristiques
des postes à pourvoir et les aptitudes techniques des candidats.
Ainsi peut s'expliquer le chômage des trois cent quatre (304)
personnes parmi les cadres au moment où un nombre équivalent de
postes
(301)
demeurait à pourvoir au cours de l'année 1979.
Les agenrs de maîtrise paraissent les plus chanceux
si l'on en juge d'après
le nombre de demandes non satisfaites
(65 sur 1916). C'est que le développement de l'économie ivoirien-
ne fait une grande place aux techniciens de niveau de qualifica-
tion moyen, nécessalres surtout aux industries naissantes. L'exis-
tence d'un ministère de l'Enseignement Technique et de la Forma-
tion Professionnelle au sein du gouvernement ivoiriell indique
l'importance que la politique nationale accorde à la formation de
techniciens dans le dEveloppenlent économique et social du pays.
Enfin le chômage dont on verra 1Iltérieurement les rela-
tions avec la criminalité n'est plus seulement le lot des Immi-
grants rurallx. èlême les titulaires cl'un diplôme d'enseignement
supérieur peuvent se retrouver du jour au lendemain-chômeurs.
Une politique judicieuse de l'emploi et de la formation s'impose
si l'on veut diminuer le nombre de chômeurs sur le marché du tra-
vail. De la réussite de cette politique dépend la maîtrise du
développement économique et social d'Abidjan et, probablement,
de toute la Côte J'Ivoire.
SECT 1ON II 1
REVENU ET CONSOMMATION
Les chapitres précédents nous ont présenté les divers
types d'emploi, les niveaux de formation intellectuelle de la po-
pulation ainsi que les difficultés relatives à l'embauche. La
partie qui suit se propose d'étudier les niveaux de salaire
ou le
revenu
de la population active,
les moyens dont dispose
cette population (elle-même minoritaire dans la société abidja-
naise) pour s'entretenir, en tout cas, pour goûter à la prospéri-
té qui est l'une des raisons de sa présence massive dans la ville.
La plupart des travaux consacrés aux problèmes SOC10-
économiques à Abidjan mentionnent tous la
disparité des salaires
ainsi que l'inégalité dans la répartition de la richesse nationa-
le. L'absence de concordance entre les chiffres, d'une recherche
à une autre, montre la complexté du problème et milite pour une
approche prudente.
Il Y avait une dizaine d'années, Bloch-Lemoine notait
cette inégalité Cef Bloch Lemoine, op.
cit, p.
9). En 1964, il
faisait remarquer que 87 200 personnes actives de la société
abidjanaise percevaient, chacune, seulement ]4 SOO frs CFA en
moyenne par mois contre 280 000 frs CFA par mois chez les cadres
supérieurs et 9 000 frs CFA chez les manoeuvres.
Plus ]e revenu
mensuel est élevé, plus le nombre de bouches à nourrir est impor-
g=
c m
=
'W
l ' r r
=
"In
- 27 5 -
tant. Ainsi le revenu mensuel moyen d'un responsable de méllage
atteignait seulement 17 SOO frs CFA. Chez les cadres supérieurs
et les manoeuvres il était respectivement de 53 000 frs CFA et
9 400 fr, CFA. Quant au ménage lui-même,
il ne disposait pour
tout son fonctionnement que de 21 800 frs CFA en moyenne chaque
mois. Le cadre supérieur et le manoeuvre vivant en ménage se re-
trouvaient, pour faire fonctionner leur foyer,
avec 56 000 frs
CFA pour l'un et 13 500 frs CFA pour l'autre.
Le revenu mensuel
moyen par tête se situait à 5 600 frs CFA, les cadres supérieurs
et les manoeuvres ne disposant en définitive que de 7 600 frs et
et 4 400 frs CFA respectivement.
Le gros salaire perçu à la fin
du mOlS se volatilisait ne laissant que très peu de moyens pour
satisfaire les besoins individuels. Comparativement aux manoeu-
vres et aux autres catégories socio-professionnelles,
le cadre
supérieur apparait avec des moyens financiers bien médiocres mal-
gré le niveau de vie auqùel peut laisser espérer la grille des
salaires tant à la Fonction Publique que dans le secteur privé.
Probablement est-ce ce qui le pousse, plus souvent que d'autres
individus, au détournement de fonds publics ou à la corruption.
En efiets, il parait difficile de faire comprendre aux parents
et a~is que la position qu'on occupe dans la hiérarchie socio-
professiollilelle ne confère pas des moyens financiers illimités,
ou que le diplôme dont on est titulaire ne hisse pas forcément
à l'échelon le plus élevé dans
la grille des salaires. Face à la
croissance des besoins individuels et à la pression exercée par
des parents ct amis,
l' indi viJu ne perçoit bien souvent de solu-
276 -
tions à ses difficultés qu'en cédant à la tentation
il se sert
dans la caisse de l'Etat ou de la société oD il est en fonction.
Parfois
lorsque l'accès ii cette caisse lui est fermé,
il se fait
payer les services qu'il doit normalement rendre au public ou
aux cliel\\ts. Cette dernière pratique parait courante dans le mi-
lieu des cidres moyens et employés.
Les expressions "fais on va
fait,"
et "qui est fou"( 1) rendent compte des difficultés qu' é-
prouvent les individus à boucler leur fin de mois.
Le salaire
perçu s'avère insuffisant pour résoudre les nombreux problèmes
matériels auxquels l'individu se trouve confronté.
Dès lors tous
les moyens semblent bons pourvu qu'ils permettent d'atteindre le
but visé.
L'inégalité des revenus que signalait Bloch Lemoine
existait depuis fort
longtemps. Ainsi dans
l'étude socio-
économique de la zone urbaine d'Abidjan dont une recente recher-
che rapportait les données (cf H. JDSHI et col, op.
cit, p. 41),
la situation économique de l'abidjanais se présentait déjà en
1963 de la manière suivante
(cf.
tableau de la page 277).
Il)
: "Faù 0'1 va 6cù;t" veld cUAe : dormez-mo.{. de ta mun dAoite, je VOLW
donllc.~a..{. de ta. niLlt1 gau.ièhe. If..\\ 'agit bel'. et bùYl d'éièhallge qu..{. peld
,,' U~IId!te à toLW te.; domune" de·; Ile.ea...t:.{.on<, humune..;. Qu.a.n.t à "qu..{. e.;.t
c0u.", e'L{e Ju.1ppeUe à t' "olldAe" ièetu..{. dont te ièonlpo!l.tement tend à ,,' é-
w/l.tell de ta ièO nduite g énéJu.lteme nt 0 b" ellv ée dan<, .te m.{.t.{.eu., dan<, ta.
.~éa.Ll"a.ÛOI1 de pIlOD·l.t pe..~onnet. A.{.n<,.{. e"t 60u. ièe.f.u..{. qu..{. ne ;)/l06deJu.1
pa.<, de ta "~lla.t.{.OI1 6~vollabte qU.l ~'o66Ile à tu..{. (pail exempte iè~~.{.~
d'u.lle 1> a(2.lé.té , d.{.Jlec..telJ.!l géllélloJ' de M(2.lUé, etiè) pOlJ.!l ~'eYlJu.ièw.
c-
e-
c,'
GAINS
REVENU
GAINS
REVENU
Cadres Supérieurs
53 000 F
7 600 F
Ouvriers Spécialisés
14 000 F
4 100 F
Cadres moyens
41
000 F
6 700 F
Pe rSOllne 1 de servi ce
1 1 900 F
4 600 F
--
Employés (catégo-
Peti ts commerçants
27 600 F
5 800 F
12 000 F
4 400 F
ries supérieures)
Artisans
(secteur
traditionnel)
Ouvriers qualifiés
25 700 F
5 900 F
Manoeuvres et Appren-
9 400 F
4 4 ua F
tis
Policé, Armée, etc
23 800 F
5 600 F
Agriculteurs et pê-
17 000 F
4 300 F
cheur s
Employés
(catégo-
15 800 F
4 400 F
Ensemble
17 5 00 F
5 200 F
ries subalternes)
]
- Gains mensuels moyens dans la catégorie et Revenu mensuel moyen
par personne au cours de l'année 1963 à Abidjan.
- 278 -
La part du gain qUI revient i
l'individu au terme de trente
jours de travail Ile semble pas de nature à encourager ni à moti-
ver quelle que soit la catégorie socio-professionnelle considé-
rée. D'après l'adage suivant lequel "chaque marigot a son caïman",
plus le gain mensuel est élevé plus le nombre de personnes à
charge est important. Ainsi, le manoeuvre gagne moins d'argent
que le cadre su~érieur, mais aussi il entretient moins d'indivi-
dus que ce dernier
(respectivement 3,
contre 7, 4). Les char-
ges supportées par le travailleur abidjanais paraissent ainsi
proportionnelles aux gains mensuels et tendent à ramener tout le
monde au même niveau de vie.
Dans ces conditions, le maintien ou
l'acquisition d'un standing de vie correspondant aux aspirations
individuelles, chez les cadres notamment ne peut inciter qu'à des
pratiques condamnables dont le détournement des deniers publics
et les pots de vin.
Généralement dans la recherche de solution
à ses difficultés le cadre se trouve obligé d'exercer parallèle-
ment à sa fonction officielle, d'autres activités telles que l'ex-
ploitation de taxis, la gestion d'un commerce ou de se constituer
planteur ou éleveur.
Dans la répartition des revenus, Samir Amin distinguait
en 1965, trois principales couches dans la population que voici
( cf S ..Amin
Op.
ci t,
p.
1 60) .
-
279
-
Couches aisées
Revenu annel
1
Comprenall t
:
1000 Fonctionnaires supérieurs
2 000 000 à
200 Commerçants, tous étrangers
4 000 000 frs CFA
venant du Nord du pays.
Couches urbaines moyennes
Comprenant
:
-
Î
000 Fonctionnaires moyens
800 000 à
2 à :) 000 Boutiquiers
(étrangers
000 000 frs CFA
immigrés du Nord)
Couches populaires
Comprenant :
- 23 000 Manoeuvre
- 36 000 Ouvriers
- 17 000 Employés subalternes
150 000 il
- 21 000 Agents inférieurs de la Fonction
Pub lique
400 000 frs CFA
- 47000 Artisans, petits commerçants,
transporteurs
9 000 Domestiques
L'inégalité de la répartition ùe la richesse nationale
est un fait réel. Mais la distinction ci-dessus ne revêle pas
malheureusement la redistribution qui est faite du revenu ou du
salaire;
redistribution dont l'une des conséquences est l'ahais-
sement du niveau de vie chez les couches dites moyennes ou aisées.
-
~Si
La prédiction faite par Bloch Lemoine [op.
cit, p.
10)
qU31lt au maintien du revenu par tete au cours de la période
1903-1975 se révéle exacte et aurait pu m@me porter sur deux
décennies. En effet,
la si tuation économique de l' Abidj anais ne
parait guère meilleure aujourd'hui ~ ce qu'elle était il y avait
tlne
JizaiJle d'années.
En dépit de l'évolution du taux horaire dans le com-
merce et l'industrie,
les individus voient leur pouvoir d'achat
diminuer d'année en année, mise â part une minorité d'individus
constituée par la "bourgeoisie politico-administrative". Celle-
ci dont le revenu mensuel s'évalue difficilement, mène une vie
â l'européenne, continue de s'enrichir pendant que les plus pau-
vres Je la société ont de plus en plus du mal ~ terminer leur
mOlS.
La dernière augmentation des salaires sur tout le ter-
ritoire national remonte au premier Janvier 1982.
Le Sl\\iIG est
passe}
192
frs CFA l'heure.
Le Barème des traitements des fonc-
tionnaires et agents de l'Etat permet de constater l'existence
de multiples catégories assez difficiles ~ justifier. Ainsi les
fonctionnaires sont rélnunérés différemment selon qu'ils sont en-
seignants ou non enseIgnants.
Il en est de même du personnel di t
agents de
l'Etat, pour ne citer que ces deux grandes catégories.
Les fOllctionnaires enseignants apparaissent Ilettement favorisés
par rapport ~ leurs homologues en service dans
l'administration.
280
-
Les nationaux seraient, suivant les m~mes sources, de
ceux qUI, parmi les africains, perçoivent des salaires
les plus
éle~és au sein de la société abidjanaise
la raIson principale
ét~nt que les i~oiriens sont les seuls ~ a~oir accès i
la Fonc-
tion Publique.
De ce fait,
les étrangers africains résidant à
Abidjan seraient les j'lus nombreux parmi les couches populaires
de la cité. Celles-ci, qui perçoivent 12 500
frs CFA à
~~ 333 frs CFA par mois au titre de salaire et par il]dividu, re-
pr6senteraient
156 000 personnes contre 10 200 à 11
200 formant
les couches moyennes et supérieures dont le revenu mensuel moyen
oscille entre 116 666 frs CFA et 208 333 frs CFA.
L'inégalité
dal\\S le partage des
revenus apparaîtrait à deux niveaux.
Chez
les nationaux,
les cadres supérieurs et nlol"ens plus nombreux
dans la Fonction Publique que dans d'autres secteurs de l'écono-
mIe,
jouiraient d'une situation financière confortable.
Par
COlltre les
agents
inférieurs de
la Fonction Publique,
les malloeU-
vres et employés devraient se contenter des maIgres ressources
mensuelles ou même Journalières que letlr apporte le travail quo-
tidien.
'\\u bas de la hiérarchie soclo-écononllque ell ri!l
se clas-
seraient
les
immigrés
africains n~ajorit.'lires
parmI
les manoeuvres.
Leur salaire,dcux fois
inférieur en moyenne ~ celui de
lèurs homo-
logues ivoiriens,se sit'.Jerait,
en
1960, élU dessous de
15 000 frs
CL\\ Pil r moi s (c r II. J 0 ~ HIe t col, 0 P . c i t, il.
28 ).
Ain s i
don cie
Ili\\"ellelncnt cie
la }Jopulation abidjailaise
se
fel"ait esselltielle-
nIent SlIY une bnse écollomiqllc.
"~ussi, de nombreux avantages sont-ils donnés J tout diplômé ou
technicien qui choisit de quitter son pays pour la Côte d'Ivoire.
Cette politique a indubitableluent favorisé l'émigratioll des ca-
dres et
techniciens des pays VOISIns oG le traitement parait net-
tement inférieur J celui que propose la Côte d'Ivoire.
L'étranger
africain J Abidjan ne se classe donc pas toujours au bas de la
hiérarchie sociale et économIque, contrairement J ce qu'on peut
croire. Tout dépend de son niveau de formation ou qualification
et du secteur d'activité oG il est employé. D'ailleurs, dans la
population africaine résidente à Abidjan,
les étrangers africains
ne sont ils pas les plus gros conulierçants (cf p. 256 et 2Î9).
Pra tique-
ment tous immigrés du Nord de la Côte d'Ivoire, ils paraissent
jouir d'une situation économique confortable.
Ils représentent
1 7';
de s ê 1 êm e n t s de
1a soc i été ur bai n e dit sai s é s e t 2 2 à 30 % de
ceuX que S. Amin classe dans les classes moyennes en 1965.
Leur
revenu annue 1 , on se 1
"apcJelle, va de huit cent nlille francs
l
e
. •
(800 000 frs)
à quatre millions de francs CFA.
e~tl-e fonctionnaire de l'Etat"
En bref, s'il ne peut
- OSI"t l)a~ moins ~ enfoncer cette porte
""
] 'e- t l"all O el' ne reu-,
-
o
IVOIrIen,
"
C
clui lui
assure
ell Oaoc1' comme agent temporalr,e.
e
en se faisant
0
b
~.
- -a cp1U i
de
son homologue
"
superl eu1
-~.
un revenu mellsuel toujours
ivoirien.
"
~1' flaorante ctans
appalill
b
- ,\\allS les salai.r8S
La disparitc
.
qu'i.l ressort du tableau
l'économie,
ainSI,
les
secteurs privés de
1/01/1982"
:;Al..'\\l RES Hl 1\\ n,U\\UX en da te du
"" - Ju il\\llli"\\([ DES
ci -conne êtabl i J partu
"
-
2S::;
-
.\\lI ,Iébut Je
leur carrière,
les cadres et
les agents
de maîtrise' sont différemment
rémunérés
suivant le secteur d'ac-
ti\\·ité oii '.Jo; sont employés.
L'entreprise pétrolière demeure de
loin l'a(ti~ité qui assure
le revellU mensllel
le plus élevé à
ses cadres ct agents Je maîtrise.
Les ouvriers et
les employés
paraissent
ici connaître une situatioll financière nettement meil-
leure à (elle de leurs homologues qui
travaillent à la Fonction
Publique.
,)n s'expliljue par conséquent assez difficilement l'ob-
servation faite par S~nir ~nin suivant laquelle dans la Fonction
Publique,
les
traitemellts des agents
ivoiriel1s sont généralement
plus éle~és que ceux des salariés africains de qualification
équivalente en service dans
le secteur privé (cf Saillir Amin,
op.
Cl t,
p.
171].
Qu'on se
rappelle,
le salaire le plus bas
(29 016
fr311cs CFA)
payé à l'agent temporaire de 4e catégorie à
l'échelle
(
<"st
en dessous du S~IIG (:;3
279 francs CFA).
En
cléfinitiye c'est dans
le 'lsecteur structuré '? cie 1 'écoT,:omie où
l'Etat exerce un contrôle sans doute efficace aussi bien sur les
activités que
sur les niveaux de salaire, que le
travailleur pellt
espérer jouir d'un re\\'el1l: mensuel ou Journalier régulier même SI
celui-ci
Il.i permet
à peine de satisfaire ses besoills
vitaux.
Il en est
tout autrement clans
les secteurs de
j'écono-
IIne qui échappent à
j:J supervision de
l'Etat et
où
l'embauche
et
la rémunération
relèvent uniquement de
l'initiative Je
l'en-
trepreneuI',
Le persollnel clomestique,
les manoeuvres sur les
chan-
tiers cie construction
immobili0re,
les
apprentis
(tailleurs,
-,-,-
x
c ,
Banques
~a,gO'ie
Industrie
Entrepri-
Socio- prof.
Industrie
poJ.ygra-
se pétro- rlâ timen t
Géomètre
Assurallcesl
Commerce
Hotelle-
phique
li è re
rie
1
Ouvrier
40 932
33 279
33 279
35 359
-
-
-
1
Employe;
33 279
33 279
33 279
3S 286
4 1 877
33 'Il S
33 279
33 279
figent
de
64 836
7 1 607
136 793
8 1 387
79
302
81
236
76 01 1
85 977
Haîtrise
ladre
104 3SS
92 080
237 966
1 1 1 943
108 767
81
236
107 977
129 726
(1)
cf.
IJAIŒHE DES SALAllZE5 MINIHAUX
Association Interprofessionnelle des
Employés
de Côte d'Ivoire,
01
IJ.P.
134 ABIDJAN al
1er Janvier 1982.
i
(
/-
,--
-
287
-
stratification sociale qUI s'opère à Abidjan se fonde davantage
sur le niveau de formation intellectuelle et professionnelle que
sur l'app;ntenance territoriale.
Les possibilités d'intégration
économique offertes aux abiùjanais ne seront pas, dans ces condi-
tions,
,E'mblables d'une couche sociale à l'autre;
c'est ce que
revèlcnr les comportements des
individus en matière de consomma-
tion.
2 -
La consommation
La répartition inégale des revenus joue un l'dIe fonda-
mental dans le domaine de la consommation. Et c'est incontesta-
blement l'une des raisons pour lesquelles les abidjanais afri-
cains, quoique maj ori taires dans la population (93,4%), ne con-
sommaienr, en 1964, que 59% des biens divers sur le marché local.
Le ménage non africain dépensait, quant à lui, 175 000 francs
CFA en moyenne par mois.
Se loger, se l,ourrir, se vêtir, bref
satisfaire les nombreux besoins individuels ou familiaux demeure
l'une des préoccupations de l'Abidjanais. Ainsi, face à la cherté
de la VIC dans la capitale économique ivoirienne et eu égard à la
disparitf des salaires,
les résidents sont confrontés à des dif-
ficultés de plusieurs ordres
- Le logement. Celui-ci, a-t-on déjà fait remarquer,
renseIgne 5llr la cat6gorie soclo-éconorniclue cie
11 iJldividu.
I~Jl
fait,
les niveaux de salaire qui viennent d'être passés en
revue
ne peuvent guère permettre à tout abidjan8is de se loger à sa
-
:' S b
-
bijoutiers, coiffeurs, etc), en bref,
la plupart des éléments
appartenant aux couches populaires de la société abidjanaise
paraissent soumis à l'arbitraire des entrepreneurs
locaux. UII
tour effectué des ménages abidjanais permettrait de constater
que nombre de personnel de maison perçoivent un salaire mensuel
nettement inférieur all S~11G. En principe, ces personnes devaient
être embauchées par l'intermédiaire de l'Office de la ~ain
d'Oeuvres qui leur garantit un revenu minimum au moins égal au
SMIG auprès de l'employeur. Pour éviter d'avoir â rémunérer plus
cher,
l'Abidjanais
recrute
le
11boyIJ ou la llbonne ll en s'adressant
à des connaissances qui le mettent
directement en contact avec
l'intéressé. Ce dernier qui, dès lors, n'est protégé par aucune
institution, reçoit un traitement mensuel de l'ordre de DODO â
:'0 ou =5 000 francs CFA en moyenne suivant les possibilités fi-
nancières et le bon vouloir de son employeur.
Le domestique ainsi
engagé peut être remerciê il
tout moment.
L'ivoirien préfère cette
formule qui l'arrange et lui évite d'avoir des problèmes avec le
Ministère du Travail.
C'est précisément parmI les COliclles populaires consti-
tuées de personnes non qualifiées professionnellelnent ou d'anal-
phabètes qlle se rencontrent le plus de nOll ivoiriens.
Ce qui
explique que ces derniers soient aussi les plus touchés par les
bas salaires. Ceux d'entre les étrangers qUl
sont d'un niveau de
qualification supérieur, a-t-on déjà vu,
se classent autrement
dans la hiérarchie sociale ct économique.
En d'autres termes,
la
-
2E8
-
guise.
Le coGt excessif des lovers impose à chacun, suivant ses
possibilités financières,
un type d'Ilabitat.
Aussi l'habitat
résidentiel
(villas et appartements de grand standing)
abrite-
t-il les membres des classes sociales privilégiées, ceux dont
les revenus mensuels ou annuels s'évaluent difficilement et que
l'expression locale désigne "En haut de haut".
Ils affectionnent
particulièrement les quartiers du Plateau, d'ancien Cocody, de
Cocody les Deux Plateaux, de la Riviéra.
Ces zones de résidence
où les loyers mensuels s'échelonnent de 100 OOOf CFA à
1000 000 francs
CfA et même au dessus ne connaissent pratiquement
jamais la crise de logement.
Les couches moyennes de la société préfèrent l'habitat
économique dont le loyer relativement modéré leur parait suppor-
table. ~lais en fait lorsqu'on compare les loyers pratiqués dans
les zones d'habitat dit économique au revenu des occupants, au
cours de l'année 1982, on se retrouve devant une réalité assez
difficile à supporter:
le cadre moyen ou l'agent de maîtrise
doit consacrer la moitié ou le tiers de son salaire au logement
qu' i 1 occupe.
Ce qui logiquement ne doi t p lus
Lui laisser une
marge suffisante de manoeuvre dans la gestion de son revenu.
On
s'explique par conséquent assez aisément les nombreux impayés
que les deux grandes sociétés immobilières,
La SUGEFIHA et la
SICOG1,
relèvent tous les mois dans leurs comptes(I). Les opéra-
(1)
SOGEFIHA: So~~té de GeD~~on Finan~èhe de t'Hab;Xrri, Do~été d'E~
CJLéé.te 12 JU..Ùl 1963.
(2)
SICOGI: So~Ué Ivo~enJle de Co nM/HLc.tü '1 et de Gel.ti.oH .imJllob.u.~èM.,
.jQ~~té d' éC.onom.i.e m..i.x.te avec. pa!lX~c.~pQ..t<:GI1 de t' E.trri.
-
2S9
-
tions ùL;nommées "coup de l'oing" effectuées périodiquement dans
les quarticrs de Yopougon, l'ort-Bouët, koumassi pour ne citer
que ces tlois, pour vider Je leur logement
les occupants qui
sont en ]'ctard
de dCllX } six mois de 10l'er, parfois même plus,
renseignent sur les possibilités financi~res de ces personnes
classées pal'mi les couches mOl'ennes de la société abidjanaise.
Cependant
chaque jour, de llouveaux demalldeurs de logement prell-
nent d'assaut
le siège des Jeux principales sociétés immobiliè-
res et en repartent rarement satisfaits.
I.es classes populaires de la société n'ont d'autre
choix,
compte tenu du bas niveau de leur salaire, que de se ra-
battre sur l'habitat de cour 00 le loyer mensuel dépasse excep-
tionnellement dix mille rrancs
[la 000
fl's)
CFA.
les personnes
aux revenus les plus modestes,
au sein de ces classes, s'orien-
tent quant a elles, vers les habitats implantés dans les :ones
périphériques
ou
'el'S
les
bidonville~. Les manoeuvres
étrangers paraissent particuliôrement intéressés par ces loge-
ments de fortune,
Il est cOllstaté qu'ils constituent la client~
le pri,"i10gi6e des tauc!is kf El1quête Démogl-aphique à Passages
Repétés, op.
cit, p,
399). Sans doute faut-il voir dans leur at-
titude des
raiSOllS
davantage
6coI1omiques que sociologiques
venus 5 '<'lli'ichir a Abidjan afin d'assurer un mieux-être à la fa-
mille restée au village ou pour s'assurer une promotion sociale
chez eux Jans
leur pays,
il
leur parait difficilement concevable,
du moins
pour bon nombre d 1 entre
eux,
d'engloutir leurs
l"eVenUS
-
Z~) 0
-
Jans
la recherche J'un cOllfort en pays étranger. Aussi les mai-
sons en baraque S0uvent édifiées par eux-IDêmes ou qu'ils peuvent
louer à des prix mOtliques (1
SOO il S 000 francs
CrA par mois)
,""pondent-elles mieux il leurs l'l't'occupations.
Devenu en définitive un objet de consommation dans la
société abidjanaise, le logement renseigne, par sa qualité ou
son type, sur le pouvoir économique de l'individu.
Les mieux lo-
gés sont ceux des abidjanais qui disposent de revenus mensuels
ou annuels importants.
Bloch Lemoille montrait, en 1967, que la dépense men-
suelle moyenne d'un ménage de deux personnes s'élevait à
17 447 francs CFA(cf Bloch Lemoine, op.
cit, p.
9), répartie en-
tre l'alimentation" (47%), l'habillement, ("10,7%)
le logement
(23,2%).
le transport
(8%),
l'hygiène et les soins
(2,4%) et
enfin les divers
[S,8%).
Il eOt été intéressant de connaître le
lliveau socio-économique des ménages étudiés.
Bien que celui-ci
n'apparaisse pas dans
l'étude, on peut raisonnablement penser
qu'il s'agit de personnes aux revenus mensuels modestes. Une re-
cherche similaire entreprise aujourd'hui révélerait bien de sur-
prises en ce qui concerne la structure de la consommation.
L'évo-
llltion de la société abidjanaise semble marquée par une importan-
ce excessive donn6e A l'avoir ou au paraître SllY l 1 être.
D'ailleurs, dans
le même travail,
Bloc]l Lemoine constatait sur
une période de iluit ans
(1956-1964)
l'importance croissante des
-
~~) 1
besoins en habillement, en équipements divers dont la voiture,
le mobilier, les biens et serVIces divers, au détriment de l'a-
limelltation. Dans la majorité des cas,
l'abidjanais préfèrerait
se mal nourrir ou se mal loger au confort extérieur (dans sa
présentation extérieure aux autres). Un cadre moyen de la Police
nous
confiait
:" une nuit,
au cours
d'une p~ltrouille, son
équipe aperçut une grosse et belle voiture dans une avenue du
quartier populaire de Treichville.
Il était une heure du matin.
La voiture qui roulait dans la direction du car de la Police,
s'arrêtait
un moment pUIS le conducteur éteignit les phares.
Intrigué par ce qUI se passait, un agent de Police s'approcha
de la voiture pour procéder à un contrôle des pièces. Très poli-
ment,
le conducteur lui fit entendre: "chef, cette voiture
m'appartient réell~ment. Je l'ai achetée à crédit;
les mensua-
lités que je verse à l'organisme qui m'a permis de l'acquérir
sont telles qu'il ne me reste plus grand chose sur mon salaire
pour me payer un logement. Je suis donc obli~é de passer la nuit
dans ma voiture". Des cas de cette espèce sont nombreux à Abi-
djan 00 la recherche de satisfaction individuelle
fondée
essen-
tiellement sur la présentation extérieure l'emporte sur la cons-
truction d'un avenir solide au bénéfice des siens et de sOI-même.
Ainsi, pour nombre d'abidjanais,
le présent importe beaucoup plus
que le futur.
Un ami qui se ravitaillait J une station d'essence
vit venir vers
lui une de ses
C()nJlélISS~lt)CCS
et qui
lui aàressait
des félicitations.
Pourquoi? L'ami était dans une voiture neuve
(qui ne lui appartenait pas d'ailleurs),
signe concret de succ0s
-
292 -
remporté dans la course au paraître.
Les conditions d' ob-
tentiOl),
la manière dont on a pu acquérir l'objet importe peu.
Ce qui est essentiel,
c'est J'exhiber l'objet qui passe pour
être U]) symbole de puissance
, pllissance à laquelle on vous iden-
tifie
aussitôt.
Le revenu mensuel de l '.·\\bidjanais ne peut lui pennettre,
d'une façon générale.
de profiter au maximunl du bien §tre maté-
riel qu'offre la capitale.
Pour y parvenir partiellement, il est
contraint d'opérer une compression de son budget jusqu'aux dé-
penses dites incompressibles
il diffère le règlement de son
loyer sur un, deux OU trois mois pour faire face à d'autres be-
soins,
il supprIme le petit déjeuner ou le prend tout seul loin
du domicile pour é~iter de servir toute la maisonnée, il insti-
tue un selll repas par jour de manière à pouvoir boucler le mois.
Les conséquences, pour les ménages avec e]lfants, apparaissent
incalculables.
La faim jette les enfants dans la rue et, c'est
pratiquement chaque Jour que l'on rencontre des jeunes mendier
pour survivre quand ils ne s'attaquent pas à des vendeuses de
denrées alimentaires.
Depuis le 1er Janvier 1982, tous
les salaires sont
bloqués sur le territoire national.
Les ~rjx n'ont cependant pas
connu le même sort, mais continuent leur progression,
L'inconvé-
nient majeur de cette montée des prix
réside clans la baisse du
pouvoir d'achat,
d'une année ~ l'autre, du travailleur au point
qll'il est quasiment impussible à nombre de ménages abidjanais,
dans les couches popul:lires notammellt, d'Rvoir trois repas par
JOllr. Sllr les marches
lo~aux, les produits vivriers subissent le
contre COllp des augmentations de prix des marchandises d'impor-
tation. Ainsi les produits de consommation courante se vendent
de plll5 ell plus à des ],rix prohibitifs.
Il est des ménages où
l'on ne consomme pratiquement plus de viande ni de pOIsson au-
jourd'hui.
La crise économique mondiale dont les effets se font
sentir notablement en Côte d'Ivoire, pays en développement et
par cOllséquent assez vulllérable, s'ajoute aux difficultés des
abidjanais les plus démunis.
"La conjoncture", expression par
laquelle l'on désigne cette crise a Abidjan, pèse de tout son
poids sur les économiquement faibles.
Les licenciements,
la com-
preSSIon du personnel,
la fermeture de nombreuses sociétés indus-
trielles et commerciales. bref la récession du marché de l'emploi
aggrave la situarion précaire des manoeuvres et ouvriers. Ainsi.
plus le coOt de la vie 3llgmente, plus grossit la masse des dé-
soeuvrés à Abidjan et plus devront se multiplier conséquemment
les occasions de frustration et d'agression.
i\\lis à part ceux qui étaient "con jonc tu rés " avant la
Ilconjonctuyc",
ainsi que se p.lEllsent à
le dire certajns 3bidjo.-
llais(I),
les couches mO\\'cnnes ct aisées continuent difficilement,
il) : Ex)..'\\C<\\ûOYl quA- veu-t ~ i.gni.6.tell. qu'.J. ext de.~ pe.Jv.\\OYlYle~ ehez quA- te. eo(LJv.\\
dc ra v-te Yl' a Jameè00 CCIlYlli de dWrtge.me.n:t-6 6.i.gru.6·i.CfLti.6.o. Pauv·\\.e~ ou m.t-
~ i',,",CLLO u
eYl pé-\\.-todc d' aoo ndarIee., eUe~ re MJn.!. eneo.\\.c e n ~'é-üodc de
,'1.tC.e.,~d,i.on é..c.oncnu.quc..
notamm~nt les premières, de mener le même train de vie ou, en
tout C'IS, ~ donner l'impression qu'elles dominent les difficul-
tés économiques du moment.
En effet, pour l'Abidjanais de la
classe mO\\'enne,
la "bourgeoisie administrative" demeure une ré-
férenc~. Elle reste la classe ~
laqllelle il nourrit le secret
espoi r
d"lppartenir un jour. '\\ussi, autant que faire se peut, par un pro-
ceSSlL~ d'imitation, s'efforce-t-il de s'en donner l'apparence(l).
La tenu vestimentaire, pense-t-on, indique en quelque
sorte le degré d'aisance de l'individu.
Il faudra,
en effet,
avoir de grands moyens
financiers pour s'Jlabiller dans les maga-
sins d'Abidjan-Plateau, che: Raoul Daubry, Raoul Barnoin ou chez
Nouvelle Vague.
Les prix affichés sur les articles sont supé-
rieurs au revenu mensuel de plusieurs salariés Abidjanais. Ces
personnes au modeste revenu peuvent se satisfaire dans d'autres quartiers
de la ville, ainsi qu'il
lellr est conseillé dans un article du
quotidien narional
Fraternité ~I"tin, clans son édition du 2 Décembre 19ï6
~ l a page 5 : "Les familles qui ont de nanbreuses charges et toutes person-
nes qui ne peuvent prétendre alL, articles que leur proposent les vi trines des
magasins du Plateau en cette fin d'année, peuvent
renouveler leur
garde robe ~ moindre frais sur le Boulevard Nangui Abrogoua ~ Adj amé et
le BOlllevard du ï Décembre ~ KOlllnassi
(1)
: CeUe-ci, daM -f.e ~ILUeu abi.cijana.ü, jOlle un Ilô-te .tJlè..~ .zmpOIl.tClnt daYL~
te,; .1eùl.u.OM ,:,oci.a-f.e1> de pM Mn .z116-tuenee 1>U!l [e.-~ eompoJt.temen.t6 : de
deux i.ncLi.v.zciM qu.<. 1> e p.1è..~ efJ.tenA: au H01é.t:M..cM ci' une cLi.Ilecti.on aWJ.lYLÜ-
.tJta.t.i.ve ou ci' une .i.mpo.~.taYL.t:e Mci.Ué .z11cU.v,.{!u:'eUe ou eomm"-'1ci.a-Ce, ee-f.u.<.
CfiLi. ~.~.t en .tenlle de v.LUe .~Uca voLte e·t "'ceux Ileçll qlLe ee.t: all.t:!le qui. e,:,.t
mode~.t:emeYL.t: Vê..tll. A Ab.i.djaE, .t'hab.Lt 6a.i..t véll.ztabtemeYL.t: -te mo.zne.
-
~95
-
que les économiquement lorts s'llabillent ~ Paris, Londres, Rome
ou ~ Abidjan-Plateau, le gros de la population abidjanaise est
invité à s'approvisiollner SUl' les boulevards des quartiers popu-
laires ou sur la place des marcllés publics.
Un grand écart apparait entre le pouvoir d'achat de
l'Abidjanais et ce que la ville lui propose en matière de con-
sommation. Nombre de résidents, la majorité en tout cas, doivent
se complaire dans l'admiration des beaux articles qu'exposent
les magasins, sans jamais pouvoir se les procurer.
De même ils
ne peuvent que rêver aux belles villas des quartiers résidentiels,
aux belles voitures, bref au confort matériel dont jouissellt les
éléments de la bourgeoisie administrative et politique. Dans ces
cOllditious, quelle, réaction peut-on attendre d'une population
que le luxe et la richesse agressent quotidiennement et dont le
pouvoir d'achat diminue chaque jour? Venus tous à Abidjan pour
faire fortune ou améliorer leur 11iveau de vie personllcl ou celui
de leur famille restée au village,
les individus se heurtent à
des problèmes divel's dont ceux relatifs à la rélRunération du tra-
\\>ail
qu 1 ils
accomp.lisscnt
(quand
ils
ne sont
pas
au chômage)
et
à
la consommation des biells,
Le niveau relativemellt bas des re-
\\·enus
interdit à nombre d'entre eux
l taccès à
La pLeine JOUIssan-
ce de la modernité et pal' cOllséquent les relègue au rang de
" 1 ais s é - pou r
c om pte" cl e 1 a soc i été ab i d jan ais e,
Sur .1 e pla n é co-
nomique Jonc,
l'abidjiln~is appartenant aux couches populaires
n'a pas les moyens pour intégrer la société qUl
est en train de
:! 'Hi
-
se bâtir autour de lui. Si l'on est obligé de le compter au nom-
bre Je
la population, il se présente ell fait plutôt comme un fi-
gurant sur une scène de tl16âtre qu'un actellr véritable.
La situation économique des abidjanais mériterait
qu'on lui consacre une étuJe complète qUI puisse s'intéresser à
tous les aspects des difficultés et des facilités vécues quoti-
diennement par les résidents.
L'examen sommaire qui vient d'être
entrepris permet de constater que
:
- la ville compte encore une proportion importante
(47~) J'analphabètes dans sa population;
- il Y a très peu d'emplois dans Abidjan et son agglo-
mératiC'n pour la masse humaine que le "miracle" ivoirien draine
chaqlle jOllr vers la capitale économique ;
le nombre d'illJividus qUI sont en âge d'exercer un
emploi malS qui n'en trouvent pas, posent le problème de prise
en charge J la minorité de personnes réellement active dans la
sociftC
- proportiollllellclnent le c)lômage frappe plus
les na-
tion3llx 'lue les étr311gers
les premiers
rechercllant généralement
des emplois investis Je prestige;
les seconds, é~ant plus enclins
à eXel"Cer toutes sortes d'activités pourvu que celles-ci leur as-
surent
l'existence quotiJiellne.
Les
raIsons profondes qui sous-
tendellt
l'attitude des
ivoiriens renvoient, en définitive, à des
problèmes de mentalité, de société, de gestion de l'emploi et
de la qualification professionnelle
- sur la base des
revenus la société abidjanaise des-
Slne une pyr3Jnide au sommet très aigU (couches a1sées, moyennes,
populaires) ~t a la base très évasée. En d'autres termes, une
Ininorité J'iildividus seulement, la bourgeoisie administrative et
pol i tique,
profite effectivement de la C1'OJssance
économJ que.
En se
donnant eil spectacle a travers les cérémonies fastudieuses et
grandioses, cette minorité incite à l'imitation tout en mainte-
nant une distance sociale et économique constamment renforcée
(accroissement de la ricllesse) qui la met hors d'atteinte.
Les
éléments de la classe moyenne qU1 veulent l'imiter dans le domai-
ne de la consommation se ruinent, généralement dans des crédits
bancaires.
La rançon, pour ceux qui forcent
la resseinblance,
c'est, pour finir,
des nuits entières à passer dans la voiture.
Quant aux individus les plus nombreux qui composent la société
abidjanaise,
la modicité des salaires demeure un handicap
majeur.
Artisans d'une prospérité économique à la jouissance de laquelle
ils sont exclus, ils ne peu\\·ent que
contempJel·,
à
leur corps défen-
dallt,
les beaux articles exposés ~
la vitriIle lles magasins "de
luxe,
les
SOlilptueuses
vi.ll~s et le soir, Jes
revel-bères des quar-
tiers résidentiels,
bref tout ce qui
fait passer Abidjan pour
"la ville qu'on doit visiter avant de mourir",
le "Paris de
l'Afrique" tÇf Raymond Danie l, op.
ci t, p. bH).
Sur le plan économiqlle donc,
la prospérité et le
bien-être matériel dont Abidjan pénaît être préc.isément le foyer, ne
profitent qu'~ une minorité d'individus.
Ceux-ci qui sont déj~
riches continuent d'accroître leur fortune,
illustrant ainsi ce
que dit une chanson bien connue des abidj anais "L'argent appelle
l'argent".
La marginalisation d'une grande couche de la popula-
tion ne peut, dans ces cOllditions,que renforcer le sentiment
d'échec chez ceux l~ qui espéraient améliorer leur niveau de vie
en émigrant â Abidjan. Ce sentiment d'échec, â la proche de la
retraite, peut en lui-même justifier nombre de délits économi-
ques chez plusieurs individus.
D'une façon générale,
l'Abidjanais ne peut se dire
intégré économiquement que si l'on considère "sa participation"
à
l'accroissement du bien-être dalls la capitale, selon la concep-
tion de S. Malet
(1970),
On avait vu que l'approche du concept
cillnt-?gration, dans
ce
cas,
nI étai t
satisfajsante
que sur le plan
théorique.
L' abidj anais qui conu'ibue à l'enrichissement d'une
minorité de résidents selnble condamné, quant ~ lui, aux difficul-
tés des fins du mois.
Dès lors, il qUOI lui
sert pratiquement son
intégration objective? N'étant pas, en réalité, intégré é~onomi
quement pOI"ce
qu'il Il'a pas les moyens
Financiers llécessaires
il
la pleine ]cuissance du bien-être matériel,
l 'Abidjanais ne
l'est-il pas aussi sur le plan social? Ell d'autres termes,
la
méHgin:l1lSé;tioll sociéile est-clic étroitel1ient
ife
~ la "marginalisa-
tion économique"? Telle est
la questIon il
laquelle s'efforce de
" 1
réponcil'e
le
cl1z:lpitre
l[i.:i
suit.
CHAPITRE II
LES STRUCTURES D'INTEGRATION SOCIALE
- Tout individu (ou tout groupelOcllt humain) est con-
duit ft s'adapter à son environllement. Oll bien il
s'~limine physi-
quement au terme des multiples
influences et des échanges qui
s'établissent entre lui et son environnement, ou bien il survit.
Les
termes
tlassimilation tr et "accommodation!! ont permis de ren-
dre compte des modifications endogènes et/ou exogènes que subis-
sent le vivant et son environnement. Ccf problématique).
2 - La présellce simultanée d'illdividus d'origine cultu-
relle différente sur le même espace territorial peut soit réac-
tiver soi t créer des antagonismes ethniques qUI conduisent, dans
lin certain nombre ,de cas, à une division de la ville en villa-
ges(cf J. 1-1.
Ela, 1983, p.
lOï).
Ainsi,
le peuplement de la plu-
part des gralldes villes d'Afrique Noire, parait reproduire les
rapports ethniques v~cus sur toute l'étendue du territoire.
TOlltefois, dans
le cas de la ville d'Abidjan, on l'avait déjà SI-
gnalé,
les regroupements ethniques systénlBtiques par quartiers
ne s'observent guère mise à pal't
la supé,'iorité nunl~rique des
originaires de telle ou telle cthnie.
La I,oiitic,uc
du logement
pratiquée par le gouvernenlent depuis l'accession :1
la souverai-
net~ nationale vise :J son tour, au renforcement et à
la création
des
relations entre
les
résidents abidjanais
les logements mis
en
location ou en velIte pal' les deux grandes sociétés immobiliè-
res. la SCGHII-L" et la SICCGl, sont en principe, accessible à tout le monde.
300 -
3 - La coexistence cie groupes sociaux différents dans
le m8"le environnemellt, pensellt Claude Chamboredon et Madeleine
(1970),
Ile suffit pas pour voir Gmerger un type nouveau d'indivi-
du. De même "les réponses aux questions sur l'interconnaissance
et le~ 0cll~nges de services ne sont pas forcément un indice d'in-
tégr~til1n profonde".
L'Abidjanais se loge suivant ses possibili-
tés fin~llci~res. Le qLlartier en lui-mEme, saLlf Cocody, et
PlateaLI cf(EnquEte Démographique ~ Passages répétés, op. cit,
p. 401), n'est pas discriminant. A l'instar des habitants des
grands ensembles, "ce qui importe (chez les éléments des couches
popul~ires), c'est d'Etre logé" (cf Chamboredon C. et Lemaire M.
op.
cit,).
Le voisinage n'implique pas nécessairement l'ouvertu-
re de~ relations sociales.
"Si, écrit Jean Marc Ela, un processus
d'intel-action cOQtinue entre des groupes de cultures différentes
est inévitable, on doit se rappeler que l'Africaill urbanisé et
totalcment "détribalisé" ne court pas les rues"(cf J.M. Elan
op.
cit,).
Le logement n'est qu'un port d'attache, un dortoir
que 1'011 regagne apr~s avoir vaqué ~ diverses occupations dans
la JOLII-110c. Une étude entreprise dans deux quartiers d'Abidjan
a mOlltr0, au sein d'unités de population Ilomogènes professionnel-
lement, qu'il
était illusoire d"lttendre des
résidents une
large
ouverture ~
leur environJ:ement immédiat cf 1\\. Bassitché,
1972).
L'esselltiel des relations sociales se situe en dellors du quartier
d!llabit8tion,
11011
pas d'apI"ès llIl
libre c]loix comnle
le consta-
taiellt Chamboredoll et
Lemaire dUI1S le I"ilieu des ouvriers fran-
\\,31S,
malS
ici
SlIi\\"<:lnt 1 'hi.stoire personnelle des
individus
rési-
dents.
Dans ces conditions la participation cies abidjanais m.l'.;
activités collectives ainsi que la nature de ces activités peuvent
renselgner sur leur degré d'enracinement dans le milieu. C'est
donc aux structures de participation
à
la vie de la communauté
t!rbaine offertes par la ville d'Abidjan à ses résidents qu'on
s'intéressera dans les parties qui suivent.
- ::;o~ -
SECTION
LES ASSOCIATIONS
Il faudra consacrer une étude entière aux divers re-
groupements sociaux d~llS la "capitale des. lagunes" si l'on dési-
re être exhaustif dans leul' eXameJl.
Le but qui est poursuivi dans
le travail présent consiste uniquement à rechercher le pouvoir
d'intégration de ces
regroupements à la société abidjanaise.
A
cause de leur diversité et de
leur variété - ce qui sous-entend
aUSSI leur pluralité - on s'intéressera aux types d'organisation
les plus permanents ou fréquents puis à leurs fonctions_
ethnigue
- - - - -
--
La fréquence et l'existence même de ces associations
à Abidjan ne peuvent guèl'e étollner qUIconque a eu 5 s'intéresser
à
l'évolution des sociétés urbaines en Afrique Noire. A cause de
leur rôle primordial dans l'insertion des illdividus dans la com-
munauté locale,
rôle qu'elles continuent de jouer d'ailleurs,
ces associations
l'elayent ]a grande famille dans ]e milieu urbail'.
"Des pratiques traditionnelles d'hospitalité, note Jean '·Iarc Ela,
se perpétllent en milieu urbain.
Parfois, c'est tout
]e village ou
la tribu qui se reconstitue sous le signe d'ulle solidarIté effec-
tive ; une vie semi-vi ]]ageoise se poursuit" (cf .Jean ~larc Ela,
op. cit, p.
IOï).
i\\
l'.instar des autres métropoles aFricaines,
Abidjan dont on a Vll
la rapide croissance démographique, abrite
encor,' :llljourd'hui nombre de ces
regroupements. Ceux-ci
jouent
unI' Ô 1c' c' Cl'e c t i [ dan s i ' a da pt a t ion des i ndiv i dus à 1a ville, en
con~titll"nt un milieu d'accueil pour les nouveaux qui arrivent
à "~t'i,li:ln.
Il ne semble pas, contrairement aux propos générale-
ment
[t'nus sur les migrants, que l'individu qui choisit cI'aller
améli01"~I" son nivealt de vie à Abidjan, quitte le village salIS
savoir cile: qui il
logera.
Le point de chute de l'émigrant cor-
respolld I,resque toujours au domicile d'un membre de la grande fa-
mille traditionnelle ou d'un frère culturel. Une étude récente
effectu8e sur une population de 120 détenus
(cf Audinan \\an-
Toimaclillc,
1983-1984, p.
55-56) nlentionne, pour chaque sujet,
l'existellce d'un répondant à Abidjan.
Les ressortissallts d'une
même localité
l'urale
ou
d'un même
village se regroupent
au sein d'une association,
ce qui favorise
la prise en charge
des llouvcaux venus et consolide ou crée la confraternité entre
les menlbl"es.
La connaiss2nce suffisante qlle les individus orlt des
familles dont chacun
d'eux est lSSU, la connaissance qu'ils ont
les UlIS des autres au sein du regroupement créent une anlbiance
particl!lière au cours des réunions.
Durant
les rencontres, une
atmosphère villageoise s'installe et 00 des comportenlents verbaux
renvoient à des scènes vécues dans le milieu rural.
l'al' opposi-
tion à l'environnement,
le groupe renforce ainsi
sa cohésion en
donnant :) ses membres le sentiment qu'ils appartiennent à une
culture
~llL\\ normes
llllilluables.
L'entraide,
l'assistance mutuelle entre
les membres
demeure' l'un des buts poursuivis par le groupe.
Dénommée mutuel-
.le,
amiL~lle ou association,
l'organisation se clote d'une struc-
ture simple et souple.
Dirigée généralement par un comité res-
treint
cOlnposé d'un présidellt ou d'un secl"6tail"e général,
d'un
trésoricl
et des organisateul'S,
la mutuelle Ile dispose pas de
statuts officiels. Apolitique,
elle s'occupe uniquement du bien-
être matériel et moral SUl'tOUt de ses membres et assure la liai-
son entre la communauté villageoise et les résidents Ilrbains.
Les con~équences d'un acte antisocial posé par un de ses membres
sont vivement ressenties par tout le groupe et par les ressortis-
sants de
l'ethnie vivant dans
la ville. En effet, trois étapes
marquent
l'identification de l'Abidjanais.
,
':ATION
,,"'" \\
!
ETHNIE
"
,
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\\
1
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2
1
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J
"'.\\'] LI J\\GE
"
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\\ •
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L ! i n d i \\" i cl \\1 est
cl 1 ab 0 rd
r e S sor t i 5 5 a n t
cl r LI 11 \\: i l l a g t;,
pLI l 5
d 1 une
etJlnie avant d'être ivoil'ien,
En d'autres termes l'opprobe est
ressentie en premier
lieu par les perso~nes ol'iginaires de
la
même locilité, ensuite par tous ceux qui appartien!lent J la même
etllIlle et enfin par les
iVOIriens, si l'on part de
la perception
indiv iduc]]e à celle de tous
les habitants du quartier en pas-
sant l'al' celle du groupement ethnique. Toutefois dans
l'envi-
ronnement, on assiste à une assimilation de
l'étape
à
l'éta-
pe 2, .Ie telle sorte que c'est
le groupe culturpl tout entier
qui se trouve visé, ell tout cas,
éclaboussé.
Dans un environne-
ment uJlturellement hétérogène,
la caractéristique la plus sail-
lante qui permet l'identification des individus denlellre le grou-
pe etl1nique ou la nationalité.
Les abidjanais en ont llne cons-
cience claire. Tout recemment,
la communauté burkinabé
résidant
en Côte d'Ivoire et plus précisément à Abidjan, a offert des vé-
hicules au gouvernement ivoirien pour lutter contre la crimina-
lité dans la capitale.
Cette offre, à bien y voir, confirme les
propos ci-dessus.
Dans la plupart des crimes commis à Abidjan se
troUVe!lt impliqués,
d'après les informations données par la pres-
se
locale, un ou plusieurs ressortissants
du
Burkina-Faso,
pays qui regroupe comme la Côte d'Ivoire plusieurs ethnies. Mais,
par un processus similaire à celui qui est en oeuvre dans la
perception d'autrui,
l'information relative à l'idl'Iltification
des auteurs du crime privilégie l'étape 3 cf (schéma ci-dessus),
assilililanr ainsi toutes les caractéristiques de l'individu à la
nCltionalité.
Les auteurs du méfait ne sont plus un tel ou un tel,
mais dl"s Ehrié, des Bété ou des
burkinabés, des "Ialiens etc.
Cet
l"~emple 1II0ntre l'importancl" de
la solldaritê à tous
les niveaux
de la \\il" collective en milieu abldjanais.
-
::-Ou
-
Dans
la mesure 00 les ressortissants d'llne nl€me
loca-
lit6 compatissent au malheur des uns et des autres, on devl'ait
slattendl'e
~ ce que le gl"OUpe s'intéresse aLlssi
activement
~
la
conduite de ses membres dans
le nouvel environnement. Sans Joute
quelques individus y pensent-ils, mais nombre de facteurs exis-
tent qui forcent
au renoncemellt. D'abord tous les membres de
l' associ ation ne rés ident pas dans le même qua rtier
puis per-
sonne ne dispose d'assez de temps pOUl' veiller à
la manière dont
se conduisent les autres à travers la capitale.
A supposer que
quelques personnes
h'lIillent bien sacrifier leur temps à cela,
de quel droit se réclameraient-elles? La sympathie qu'on peut
témoigner à l'autre ne donne pas droit à l'immixtion dans des
affaires personnelles même si
l'honorabilité du village dont on
est issu doit souffrir des mauvais comportemerlts de l'individu
à Abidjan,
En bref, le contrôle que l'amicale villageoise peut
exercer sur ses membres apparait très lilnité voire
inexistant.
Les regroupements à base ethniclue ne paraissent pas
bien perçus officiellement,
la Côte d'Ivoire étant une et indivi-
sible.
Aussi
leurs
res]JOllsables
tes dêcl~l-ellt-ils toUjOLll'S apoli-
tiqlles.
Le maintien et la création Je
la solidarité entre les mem-
bres
tOllS
éLoignés du 501
l1atal,
dŒ:llleUrent
ic'i
comme
clnlls
le CéiS
précédenL:,
l'un
des
buts
poursuivis
pélr
j'association.
Il
s'agit,
pOIJT
chaque membre,
de pOllvoir compter sur
les
autres
Cil
cas
de
malhelJ!'
(décès
de
soi-Illême
ou
d'un
parent.
il
Abidjan
et
transfert
cil, corps au vilLlgc,
Ilotilllllllent).
Dans cette ville' cI'Ahidjan 1"'"-
-
:'li--
plée d'illllividus de diverses origines culturelles et 00 person-
ne n~ sc sent r§ellenlent chez soi,
le regroupemellt à base ethni-
que aSSllre ~ l'individu un équilibre psychologique et, parce que
plus imrortant de par le nombre de ses membres,
lui permet aussi
d avoir des
relations sociales plus larges.
Dans sa nature comme
dans S3 f0rlne,
l'association à base ethnique ne se distingue pas
de celle qlli rassemble les ressortissants d'lin même village.
On
peut se demander si ces associations
(à base villa-
geoise, ) base ethnique)
ne sont pas du passé et si les jeunes
abidjanais d'aujourd'hui en ont effectivement connaissance.
L'examen lie la réalité quotidienne
(cf. Titre l, section III)
invite} répondre négativement à la première question. La socié-
té abidi3naise dont les membres gardent solidement leurs attaches
avec le milieu d'origine, ne peut encore se débarrasser des for-
mes d'or~anisation qui assurent à ceux-ci un minimum d'équilibre
psycholo~iqlle. Les individus ont et auront encore besoin pendant
longtemps de ces associations car, écrit J.F.
Besson à propos
des groupes primaires,
"l'appartenance à de tels groupes exerce
une
influence
"intégrante Il dans
Llne communauté,
non
seulement
parce qlle les aptitudes du petit groupe à intégrer sont plus
fortes, mais aussi parce que cette intégration au stade élémen-
taire fOllrnit un support psychologique et social à l'intégration
dans des groupes
plus complexes et plus vastes"
(cf J .1'.
Besson,
op.
cit, p. 84).
- :;OS
-
L'existence permanente de ce type de regrOllpement sur le sol
abidjanais
illcite â r6pondre positivement à
la deuxième question.
Dans un travaj! antérieur (cf A.
Bassitch6,
19Î2, p.
126),
on a
montré que plus de la moitié des résidents de deux quartiers
étaient illformés de l'existence d'association regroupant des
ressortissants de la communauté d'où ils sont originaires.
Con-
vaIncues de leur caractère apolitique et par cons6quent assurées
qu'elles !Ie courront aucun rIsque,
les associations â base vil-
lageoise ou ethnique convoquent leurs membres aux réunions par
voie de presse, généralement par la voie du quotidien national
Fraternité Matin.
Il est dOlIC facile
aux lecteurs, notamment aux
jeunes citadins anciennement scolarisés, de s'informer sur
l'existence des différents regroupements sociaux et plus parti-
culièrement des organisations qui intéressent
leur communauté
d'origine.
Elles sont
l'oeuvre d'individus originaires de
la même
sous-préfecture.
Elles ont, généralement,
pOlir objectif le déve-
loppement économique
et social
de la sous-région ou de larégloll.
Mieux organIsées et miClIX strllctllrées que
lR~
regroupements prf-
cèdents, elles
se distinguent
de
ceux-ci
en
ceci que:
- elles possèdent des statuts agréés ])ar le ~ljnistére
cie l 'lntfrieur,
l'autorité préfectorale
elles ont un poids politique daJls
la r011ion
~
- elles collaborent avec les autorités administratives
et politiques de la régioll.
A bien v voir, les associations ~ base r0gionale ne
sont,
dans
leur immense majorité,
qu'une
11 o fficia.lisation 1t
des
regroupements ~ base ethniqlle . un artifice pour dissimuler le
C~-lr~ctÈ'1"e tribal de l! Q1-ganisZltion( 1). Le découpage üdministraLif
de la Côte d'Ivoire, les sous-préfectures particulièrement, cor-
respond pratiquement aux grands groupements ethniques qlli peu-
plent le territoire.
Aussi y a-t-il SInon identité de nature du moins recou-
vrenlent
entre
les associations â caractère
régional
et
les
~e-
groupements ~ base ethnique. Toutefois, on peut noter les opposi-
tions suivantes
L'associ~!tjOll â base régionale est l'OelIVl"e des In-
telleclCuels et cadres d 'Llne région déterminée.
[ls en demeurent
les principaux animateurs et briguent tous
les postes de direc-
tion. Les ressortissants de la région ou sous-région sont d'office
(.1)
: Au COU/Lb d' (ln vUlvail G..J1té/L-lQU/L e66eGtué à Ab.{·,dJail,
ncu_~ aVOfL,3, M.n1J .ta
pJtv,enXL'A:-i.on d'u.n que"tioYUuUJi.e dVIlog:w.plUque, mentionné "E-tillue". L'au.-
:tc,"U.;té QU.z deveU.-t HOu.,,~ pe/iJile:tt/tC ,[ 1accèD à .fa popu.fL1.~(,O'l èOnc.e/uü~.e
1'1ou.,6
J
avcU;t u(!Ji1Œndé fa ,!;'uPp/u2./JÔion pu./te e.-t ,~.U[ir·te du ~ot 'Je.thn.l(!.Ir, ceYLoé YI'a-
voù p.f'.u.~o de ,'!.éalA..ti! en Côte d' l vo.u..e. Cepelldant de,oimp:wIlé.o 06 6-'. cAe Lo
ex.u,.ten;i: eJ1CO,1.e a((JoLl/id' iw-'. dari), celucùne,o admJ.lt-GtMLtiono (Cc." CHU pM
exemp.te) et M.Ji i'.e.oqu.eLo .J. ellt demandé à E' J.ncU.vJ..du. de Iilen.ci.onll~/' 6On.
ethnie. IR. ![ellt~ a MVO.0'!. û
fu cOn.ô-tiju..t:J.Ofl d'(Lne na,tio>l J.'M.oe pal' ta
négeLtéoH de'J Q;I-Lcté-6 c.tfU/,{I{UQ-6 CU paiL (euh 'LQccnnCU:..o-6L1ttc.e.
,; 10 -
I"emhres en princlpe. De même tous
les rfsidents allogènes qui ont
un intfrêt dans la région. peuvent adhérer à l'association (1 J.
- Les objectifs poursuivis sont centrés stlr le déve-
loppemellt économique et social de la région.
L'entraide en ml,
lieu urbain n'est plus un objectif clarifié, explicitement for-
mulf, quoi que se découvrant ou apparaissant à l 'occasioll des
difficultés existentielles vécues par Un membre.
- Parce qu'elles collaborent avec les autorités admi-
riistratives et politiques,
les associations régionales fonction-
nent comme une courroie de transmission à la population locale
des gl'andes décisions fconomiques et politiques prises par le
gouvernement.
Elles représentent généralement l'élément facili-
tateur d'actions dés autorités administratives et politiques dans
la région(2].
Par leur importance dans la vie des individus en milieu
urb,qin,
Jes associations à base villageoise, ethnjque ou régiona-
le demeurent les principales organisations sociales
SUI
1.
l'Jse
())
: Gé'léJtai.ellleIU. nLùlOJU):cUAe.; daM ta /tég"-ol1, te.; aUogèl1e~ lLé~.{de~. Ile pè-
,~cnt fXvj Lou./i-d, en cc. qui conce.JI.ne teu./Lô opiru..oyl.-6, daH,) t~() déw-<-OVl--6
.;uéleep.t<.bte6 d'el1gagl!/'. POUlL tOl1gtemplJ t· aveiU-It de ta lL[g.col1.
Le.\\ a.J.doeh-
to tlelJ ~ 0lU. cio Ile ~ Û!W de VO.0, :tJL.0ilIphVt tetUt-; -'.dée~, ~ û!w aU.M;, Que t' IU-
.;oCCa.:t<:O'l ./'eM appCUt.tZeYLt el1 plLoplLe .;al1,,; pcUttage véJt{;tab./'~.
i2)
Pa., de.; plLOpO~ d.{!JDo.wnfl, tel1lL1J èi M,IJ eOillpaXMotelJ v.Wageo-ù, Ull "'~Ill
b"e d'une 1U.;oc{a.t,,(.ort .,ég-'.ol1a.te peu"t lLVl1etiJte el1 Que.;.t<:ol1 toux Ull 11-10-
g.,c,llIllle po-U;tA.Que ou éeorlOtI[.{Que du gouve-,"emerU: ciar,,; ta lLég-'.ol1.
.-.~ l
desquelles ilucune grande ville d'Afrique Noire ne se distingue
l'une de
l' ~)Lltre. De même aucun des gouvernements c1t: sous-
continent n'a réussI véritablement à
les supprimer;
bien au
contraire ces associations sont très souvent utilisées à des
fins poli tiques.
Leur permanence sur le sol
abidj anais et leur
vitalité traduite dans des activités visibles posent
le problè-
"le de l'identité culturelle des
individlls ainsi que celui de la
constitution d'une nation véritable. On ne peut partager que
très partiellement la déclaration de Jean Marc Ela suivant la-
quelle "la tendance à favoriser une petite fraction de la pcpu-
lation par une répartition inégale du revenu national renforce
les cloisonnements ethniques (cf Jean ,llarc Ela, op.
cit, p.
119).
La question fondementale qui est posée deme'lre
le maintien ou la
recherche de l'identité de la communauté ethllique,
identité que
tentent de sauvegarder ou de cultiver les associations fondées
sur l'appartenance au mênle village, à la même ethnie ou à la
It:ême sous-régions. On ne réussira probablement jamais, en distrl-
buant équitablement le budget de
la nation entre les individus,
à supprimer ces formes de regroupements.
Pal' delà
l'assistance
économlqlle qui est apportée aux personnes en difficulté(l) et par
delà l'hospitalité offerte à ceux qui
arrivent nOllvellement en
1J) : CowC0t..i.on pou!!. li.CJnbou!!.l(Z,1 a J" E.ùLt OLL a J" Er,;VtepJu./.>e ta lOlwne dé.touli.née
~XV1 un Cfld/[e a6.ù1 d'ub-te.u.n. ta li.eJ'axe de c.eJ'u.l-u c'o iJe(u·,-,\\i01C. E.t'a, op.
W, p.
109) ; -<-nteli.uelLtioll dAAeue de J"MMva-t.<.on u.LUageo.0le, e.tIHu.-
QU..e ou JLégiona..fe pOU./t Ob-te.Wl ta h~i.ni.églL['JA~.OI'I d'un ,fOC.Utujtc. vidE dz
Mn -wgemen-t pa.!i. J'f' pli.opJt.i.Ua.-<-li.e, rYLÜe ell c.liiUlge de~ 6~l médic.aux
d'un "6li.èli.~ c.lLttwI.eC en "dUC0Gla n d' -<-nJ.>o tucbd'.i..té c.n 1Ka Ill' '\\[0 Uli.O uJ'{( YI',
op. W, p. 56) Mn-t QueJ'Que~ une; de.; "'L1.I!,d",otC0t.<:OYl•.I de MJudaJ1-i..té c.a-
li.ac.t:é,'Li/.>uQue" de,; aM 0 e,i.a.fA·.c- M piLé - c.Lté e~.
- , 1 2 -
ville, c'est toute une philosoph,ie de l'existence qui se trouve
concernée.
T'Quand
il
y
a à manger pour un,
il
)- en
a pour deux,
trois, etc" dit un adage populai re ivoirien. Que des individus
se rassemblent auprès d'un parent, d'un "frère culturel" aisé
économiquement,
il n 'y a aucun mal en cela.
C'est le contraire
qui apparaîtrait déprimant ou suicidaire:
la solitude, mieux
la vie solitaire, n'est pas le fort de l'Africain.
Les associations fonctionnent aussi comme des "conser-
ves de valeurs" traditionnelles. Par leur entremise ainsi que
par celle des individus qui les constituent,
les valeurs coutu-
mières pénètrent dans le milieu urbain. Dans la réalité,
la vil-
le est faite d'une juxtaposition des valeurs,
juxtaposition con-
crétisée par l'existence des diverses associations dont on vient
de voir l'importance pour les individus.
Dans les rencontres,
Jans les
réunlolls,
l'évocatioll
fréquente de la tradition
ou la référence â celle-ci oriente l~s attitudes en rétablissant
la hiérarchie sociale entre les membres comme dans le cadre an-
cien : 1 a prépondérance de l' opi nion des aînés dans les décis ions
est un fait
reconnu par tous.
En bref,
les valeurs culturelles du
milie'.! d'origine para'issent être
les seules "enracinantes" dans
une communauté où la multiplicité et la diversité des normes de
condui te parfois concurrentes peuvent emharrasser ]' individu au
point de
Je mal adapter â
la société globale.
De par les institutions, les activités sociales et
économiques, Abidjan est une ville moderne qui ne se distingue
pas des autres métropoles africaines. Conscients de ce qu'ils
y sont venus chercher, le mieux-être notamment,
les individus
qui exercent dans un même corps de métier s'organisent en asso-
ciation pour défendre plus efficacement leurs intérêts. Il en
était ainsi du regroupement des planteurs africains qui a donné
le jour au RDA (Regroupement Démographique Africaine) dont le
PDCI
(Parti Démocratique de Côte d'Ivoire)
est l'émanation. Sur
la base de l'exercice d'un même métier, d'une même profession,
des organisations existent qui couvrent tout le territoire na-
tional. Toutes ont.généralement leur siège à Abidjan.
La néces-
sité de maintenir une paix sociale aussi longtemps que possible
pour asseoir le développement économique de la nation a amené
les autorités politiques à aider à la fusion des différentes cor-
porations en un seul ensemble, l'Union Générale des travailleurs
de Côte d'Ivoire
(U.G.T.C.I.). Cependant quelques organisations
dont le Syndicat National des Enseignants du Secondaire (SYNESCI)
de Côte d'Ivoire et le Syndicat National de
la Recherche et de
l'Enseignement Supérieur (SYNARESl
fonctionnent de façon autono-
me.
Il s'agit, pour toutes
les organisations, de répondre'
positivement aux exigences de la profession, d'améliorer l'image
-
:, l '1
-
de marque de cell,'-ci, en bref,
cie valoriser le métier dans le
milieu à partir des pratiques et des attitudes. Mais dans les
faits,
la mor~le professionnelle 811parait comme un voeu pieux
sans effets
réels sur les individus.
En effet,
les conditions
matérielles qui favorisent l'exercice de tout métier deviennent,
dans le COlltexte abidjanais, llne des plus importantes données
qui président à la pratique professionnelle.
Dans
la société
abicljanaise où l'argent a fini par s'imposer aux individus comule
étant le seul critère de réussite sociale,
l'honnêteté et la pro-
bité apparaissent comme des notions vides,
Aucune corporation ne
peut les garantir chez ses membres.
lei l'occasion fait effecti-
vement le larron. A la question d'un journaliste qui cherchait
à connaitre les corps de la Fonction Publique les plus exposés
à la corruption, Hvacinthe Sarassoro répondait
récemment: "Il
y a surtout le corps des agents des Finances.
Ils ont
les dos-
SIers de paie de tous
les agents de l'Etat.
l}s n'hésitent donc
pas à vous faire marcher jusqu'à ce que vous
leur versiez une
certaine somme. ['est alors qU'lis mettent à jour votre dossier
et qu'on vous paie.
Il faut ajouter à ceux-là
les agents cie la
Douane, de la Police et de la Gendanllerie (cf H. Sarassoro, 1984,
p.
6). Exercer
à un poste stratégique dans ul\\e des nombreuses
institutions sociales ou économiques fait perdre
la tête à cer-
tains individus. C'est l'occasion rêvée pour s'enrichir le plus
rapidement possible, en tout cas pour couvrir la nlultitude de
besoins dcmellr6s jllsque là
insatisfaits.
Rarlçonner la population,
-
~15
-
marchander les serVIces qll'on est appelé à rendre normalement
deviennent des comportemellts ql1asi normaux qui n'épargnent que
très peu de personnes, même d3\\\\S les métiers où préalablement à
la pratique,les individus prêtent serment.
La
complicité
entre
des personnes de même corps devient une
règle de conduite diffi-
cilement repérable par celui qui n'appartient pas à la corpora-
tion.
La solidarité joue lin grand rôle,
ainsi que le note
Hyacinthe Sarassoro
"Et puis, dans
le cas des policiers et gen-
dannes, on les voit mal s'arrêter ent re eux pou r la corruption.
Il Y a la solidarité qui joue entre les corps de l'administra-
tion" cf Hyacinthe Sarassoro, Juin 1984, p.
8).
Quand deux arus-
pIces se rencontrent, observaient les Romains, ils rient.
Sur la base des
regroupements par
corps de métier,
les
individus cherchent, avant tout,à s'intégrer économiquement à la
société abidjanaise.
Les professions de foi
et autres décors qui
émaillent les cérémonies au moment de l' 81iJ;",ission
d'individus
dans certains corps de métier ne sont que des
rites, sans effets
durables sur les personnes concernées.
En ce sens,
les associa-
tions à base corporative ne jJel.lverlt aider,
â elles seules, â une
intégration véritable de leurs nlembres à la societe globale.
-
~I(i
-
d)
Les associations ~ base confessionnelle
En paraphrasant Réné Spitz(l), on peut dire que J'homme
Ile se nourrit pas seulement de paIn, mais aussi d'éléments spiri-
tllels, de la foi en invisible proche ou lointain, matériel(2) ou
immatériel.
Le Christianisme et l'Islam ont conquis, comme un peu
partout sur le continent africain,
le peuple i voi rien qui paraî t
" trouver aujourd 'hui quelque remède ~ ses maux.
Religions conqué-
rantes ou de masse, elles n'ont cependant pas réussi l'éellement
~ se substituer aux croyances traditionnelles ni dans les milieux
ruraux ni dans les centres urbains
; ce que confirment les propos
c1'une personnalité politique ivoirienne, "Baptisés, nous restons
animistes, musulmans, nous le sommes encore" (cf D.
Desanté,
1962,
p,
2ï6).
Ainsi donc sur la base des croyances, .des personnes ap-
partenant ~ ~ne même religion s'organisent en association au seIn
de laquelle elles entreprennent diverses activités en rapport avec
la confession dont elles se réclament.
Ces associations joueraient
un rôle important, selon Raymond Daniel
(19b8,
p.
132), clans l'a-
daptation de
leurs membres au milIeu abidjanais.
Leur nombre, ell
(7) : Au ouje-t de .[' ho"p.ila1Mme, Réné Sp.üz a écALt plléwément : ".[a p!Ùva-
tion a6fiective e,,-t au.M.i. dange!leLLle poU/[ .[e IWUit/U>6Mn Que fu plUva.:U.on
atimeILtLU!le.. L' évanoéw-te .[e dwa.a lUenJ. ua 2 000 an<'> : t'llOilune ne
·~e noU/[![.{X pM <\\euiément de pa.i.n" wé pM Dl] ~ P. Be/uolfe .trt San.té Men-
mte de t'En6ant et de .['Adote"cc~..t, Ed. S.1. MEP. Lyon; 7966.
12)
Ce.i'.LU-u voutant ûgni6ù!l .i.u "age de t' él'éme,,-t .~pw;tuet, un ha6.ila-
ete en Que.[que "01[/:1'. ou un tieu de pM"age. On a -tendance, dan<'> 1'1'."
6~, à con6ond!le te con-tenu ct te co n-te Ilan-t , da"" te.~ .tetig.i.on<'>
.t!la~o nneUe.~.
-
_~ l 7 -
égard
J
LI prolifération de religions nouvelles dans la ville
d'Abidj~n, conduit ~
les classer en plusieurs groupes.
- Les associations chrétiennes
Il est aUJ0l:rd'hui malaisé d'énumérer les confessions
0\\
qui, da'lh la ville cl 'Abidjan,
se réclament du Christianisme a
fortiori
les associatIons qu'elles génèrent ou qu'elles inspi-
rent. Aussi, les propos qui suivent concerneront-ils davantage
les religions Catholique et Protestante que
celles qui sont éti-
quettée~ "sectes religieuses" ou 1!religions syncr~tiques".
L'appartenance ~ la même confession, le fait de se re-
trouver très souvent dans la même église ou dans le même temple,
crée de~ l"elations"particulières entres les fidèles. Ainsi l'at-
tachement de chaque individu ~ Jesus Christ se traduit par la so-
lidarité entre tous les difèles de la même église, de la même
confession. Sur la base de cette solidarité, naissent diverses
organisations dont la meillelJre connaissance récIproque entre
les membres,
l'assistance mutuelle,
l'approfondissement du savoir
biblique constituent quelques uns des objectifs principaux.
L'as-
sistance J
la messe ou au culte
les dimanches ou CBI"tains jOlilS
fériés p~rmet â l'individu de rompre avec la solitude et de se
retrouver parmi ses "frères en Christ" pendant quelques minutes
ou quelql1es heures"
Les échanges de salutation qui
se déroulent
au terme de
la prière laissent pellser que les individus ne vien-
!lent pas
~eulell1ent cl
la messe pour écouter et
COmnllInlel':
malS
-
~ 1S -
aussl et ~urtout pour se rencontrer, communiquer entre ellX. Des
personnes qu'on aborde difficilement dans
la vIe quotidienne à
cause dt'
[CUl'
rang social, du role politique qu'elles jouent dans
la socié'té', se laissent facilement dire bonjour, serrer LI main.
L'appartellal,ce à la même confession dimiJlue la distance sociale
entre les iJldividus et,
la prêsence à la messe supprime les cloi-
sonnement~ ~ociaux et ethJliques dans
lesquels] 'on se trouve con-
finé dalls
la vie quotidienne.
Par ailleurs,
ce rassemblement si-
multané offre l'occasion à celui qui le dêsire de trouver une
oreille attentive à des difficultés personnelles.
Des
rendez-vous
se prennent verbalement avec des personnes haut placées dans la
hiérarchie sociale.
La pratique religieuse assure, de cette fa-
çon, une intégration partielle de l'Abidjanais à la société.
L'organisation des
fidèles entre eux débouche sur des
regroupements ou associations au sein desqlJels les jeulles tien-
nent une place importante. Si l'on admet que
la jeunesse s'étend
i usqu' à .,0 ans (cf La jeunesse dans les années SU,
les Presses de
l'UNESCO, p.
28,
Paris,
1981),
c'est à cett.e tranche d'~ge que
les églises catholiques et protestantes doivent
leur vitalité,
leur animation. Toutes les chorales qU]
811iment la nJesse ou le
cuite sont
constituées pratiquement de
jeunes.
Elèves et étudi~lIlts_
apparter13Jlt
il
une mênlc confession
se
regrolJpent
en
association.
Il
en est "jnsi de
la "Jeunesse Ouvrière Chrétienne" (J.O.C.), de
la "Jeunesse Etudiante Chrétienne" (J.E.C.)
pIJ.is ùe l "'Associa-
tion Chrétienne des Elèves et Etuùiants Protestants de Côte
d'Ivoire" ,\\.L:.LP.c:. 1.
Ces :lo'sociations dont
le rayon d'action
dépasse les limites de la vi Ile d'Abidjan recrutent leurs mem-
bres uniquement sur une base confessionnelle, au niveau national.
Elles ne paraissent pas cependant s'ouvrir aux non-ivoiriens quoi
que les objectifs poursuivis
(meilleure connaissance réciproque
des membres, connaissance des enseignements du Seigneur Jésus
Christ, approfondissement de
la foi chrétienne, entre autres) ne
reposent sur aucune base ethllique. C'est probablement ce qU1
explique l'existence de petites associations religieuses dans
les quartiers ou de regroupements il la fois â base confessionnel-
le et ethnique telle l'association des "Jeunes Chrétiens Burki-
nabés d'Abidjan(cf R.
Deniel,
1968, p. 1S2)
- L'Association musulmane
Jusqu'â une date recente, on ne notait l'existence,
dans le milieu musulnlan, d'ol"ganisation similaire â celle des
chrétiens. Ce qui ne signifie pas, bien entendu, l'absence de
pratiques religieuses dans ce milieu.
Les nombreuses mosquées
qui se dressent ici et lâ dalls
la ville témoignent de la vitali-
té de l' Islam.
Seulement la soumission totale il Diell qui est
l'un des fondements de cette religion parait dispenser les prati-
quants de rechercher le sallit par des voies autres que celles
conseillées par J'Iman.
Ce qui donne à l'observateur l' impres-
slon que les jeunes sont abandonnés il eux-mêmes.
C'est, semble-
t-il, ce qu'on pellt retenir de l'analyse faite par ~aymond
-
320 -
Deniel à propos de "Migration et Religion"
l1968,
p.
lï6).
Pro-
bablement y a-t-il quelques raisons qui militent en faveur de
cette analyse fondée beaucoup plus sur le ccmportement que sur
l'attitude.
L'absence de regroupement à base confessionnelle
peut aussi signifier que la forme actuelle de la pratique au
seIn de cette religion apporte aux individus les satisfactions
qu'ils en attendent et qu'ils y trouvent des solutions aux pro-
b10nles d'adaptation au milieu abidjanais.
Toutefois, au cours des cinq dernières années, on as-
site à un éveil de la foi religieuse dont l'organisation du pé-
lérinage à la Mecque tous les ans apparaît à la fois comme la
cause et ]a conséquence. La récente création de l'Association
des Etudiants Musulmans et les émissions radio-télévisées qui
se déroulent chaque jeudi soir traduisent la volonté des fidèles
d'atteindre un public plus large, au-delà des mosquées.
En bref,
aux difficultés existentielles du monde moderne et notamment du
milieu abidjanais,
l'Islam, à l'instar du christianisme, tente
de trouver des réponses appropriées.
On peut cependant se demander pour quelles raisons,
en dépit des efforts qu'accomplissent ces deux grandes religions
pour se mettre au service des hommes, ceux-ci,
les abidjanais
notamment, semblent se détourner d'elles et s'orienter vers d'au-
tres confessions récenlment introduites en Côte d'Ivoire.
En quO]
donc réside l'attrait de ces confessions qu'on désigne sous
le
nom générique de "religions syncrétiques" .,
Le Christianisme et l'Islam ne paraissent pas avoir
répondu favorablemeJlt aux attentes de la majorité des individus;
autrement, comment expliquer les défections et surtout la proli-
fération des sectes religieuses dans la capitale?
Celles-ci
qui promettent monts et merveilles ici-bas, mais pas uniquement
dans l'au-delà, qui proposent aussi des solutions concr~tes à
l'aplanissement des difficultés vécues - et Dieu seul sait com-
bien l'abidjanais en est assailli!
- apparaissent comme des re-
ligions pratiques. Elles ne peuvent, pour cela même, qu'emporter
l'adhésion maSSlve d'une population que les probl~mes économques
et sociaux acculent à la recherche de solutions
urgentes. D'origi-
ne ghanéenne (la rie ligion deîma), Nigériane
(Le Christianisme
Céleste), Libérienne (Le Harris)
ou Ivoirienne (Qui connaît),
ces confessions, pour ne citer que ces quatre,
recrutent leurs
adeptes indistinctement parmi toutes les catégories sociales.
Malgré l'enthousiasme qui accompagne la pratique dans
ces religions, on n'observe pas d'organisations en association
chez les pratiquants.
Probablement la participation à la messe
reconforte-t-elle chaque fid~le et remobilise-t-elle chaque indi-
vidu dans la lutte pOUT la surVle.
Les "guérisons" spectaculaires
qui se produisent au cours des séances de pTi~re collective diri-
gées par le proph~te ou l'officiant demeurent le point culmindnt
du rassemblement et laissent espérer à chacun la résoluton tr~s
-
.::. ~ 2 -
prochaine de ses problèmes.
Plus d'un abidjanais se souvient en-
core des séances de guérison des malades organisées par le pro-
phète "Moîse" .,. au stade champroux il Marcory' puis à Adjamé au
cours des années soixante dix,
Les activités des sectes
prolongent
celles d'orga-
nisations que, faute de mieux, on qualifiera de mystique.
Il en
est ainsi de la Franc-maçonnerie, de la Rose Croix. Le mystère
qui entoure les pratiques au sein de ces "organisations" impor-
tées de l'Occident explique le moindre impact que ces "organisa-
tions"
ont sur la population abidjanaise, analphabète à 571. Les
conférences organisées par les rosicruciens pour informer en vue
de susciter sans doute des adhésions parmi les éléments de la
population, montrent à quels individus l'organisation fait appel:
la bourgeoisie politico-administrative et intellectuelle.
Il s'a-
git donc de ceux-là qui forcent
l'imitation de modèles de compor-
tement européen et que dénonce Abdou Touré dans "La civilisation
quotidienne en Côte d'Ivoire", Cadres intellectuels ou politico-
administratifs, leur attitude contradictoire devant les valeurs
traditionnelles - celles-ci sont tantôt niées quand elles remet-
tent en question la position sociale privilégiée ql"ils occupent,
tantôt affirmées 10l'sque leur évocation ou leur recours permet
cl'accroître le pouvoir - est en elle-même symptomatique d'inadap-
tation il la société globale,
- ,-
...
,'1
-
Les objectifs pOlirsuivI5 par les organisations à base
confessionnelle paraissent quelque pell scolaires
(meilleure
connaissance réciproque entre les membres,
étude de la Bible,
etc)
et très limités
les membres sont généralement des jeunes
élèves et étudiants. Une fois rentrés dans la vie active, les
individus se perdent de vue le plus souvent.
Le sentiment de
solidarité s'affaiblit Oll disparaît, pour ne pas dire se noie
dans des problèmes existentiels.
La lutte pour la survie comman-
de que chacun se prenne en charge dans cette grande cité où la
distance physique et sociale crée très facilement la ségrégation
entre les habitants. Cependant l'appartenance à la même confes-
sion, mieux la fréquentation d'un même lieu de culte réactive
les sentiments anCIens de solidarité ou permeT la création de
nouvelles relations sociales. En bref,
l'intégration à la socié-
Té abidjanaise chez les chrétiens notamment, passe, entre autres
voies, par la fréquentation régulière d'lin lieu de culte les di-
manches et les jours de fête chrétienne beaucoup plus que par
l'adhésion à une association à base cOllfessionnelle.
La multiplication et le succès des sectes religieuses
puis l'implantation d'organis8tions mystiques d'origine étrangè-
re sont des signes manifestes de l'insCculitE vécue par nombre
de résidents abidjanais. Aussi peut-on dire que les réponses ap-
portées aux difficultés d'adaptation des personnes à la société
par les organisation religieuses,
reSTent insuffisantes. Peut-on
en dire autant des nombleux clubs de loisir qui occupent le temps
" ;'
-
~2:!
-
libre des abidjanais ? C'est ~ cette questiOJl qlle le paragraphe
qui suit s'efforce de répondre.
SECTION
11
LES CLUBS
Il peut paraître inopportun qu'on s'intéresse aux
clubs de loisir dalls un travail consacré aux problèmes d'inté-
gration sociale des individus. Cette observation signifierait
que l'enracinement de l'individu dans une société donnée procè-
de de l'accomplissement d'activités économiques essentiellement.
Contre cet argument. on sait, avec Jean François Besson (1970,
p. 74), que "l'intégration économique est nécessaire, mais
(qu') elle détermine un ensemble de rapports sociaux dont on se
damande s'ils assurent l'intégration sociale". L'appartenance à
un club suppose que des individus se mettent d'accord pour en-
treprendre ensemble des activités qui justifient l'existence du
club. La vitalité 'd'une telle organisation n'est pas sans rap-
port avec l'intensit~ de la communication et surtout de la densi-
té des relations positives que les membres établissent entré eux.
Ainsi, à cause des mliltiples influences que les individus mem-
bres exercent les lins sur les autres,
le club apparaît comme un
lieu de socialisation et participe de ce fait, à l'action d'inté-
gration de ses adhérents à la société globale.
C'est incontesta-
blement cette infllience du club sur ses nlembres qui justifie, en
Côte d'Ivoire, l'attention particulière que les autorités politi-
ques portent sur la r6g1ementation des associations et, par con-
séquent, sur les act ivi tés de celles-ci. Ainsi,
la loi nO 60-315
du 21 Septembre 1960 portant réglementation des associations fait
-
~2b,-
obligation à tOlit club, avant cie fonctionner, cl 'obtenir l' auto-
risation du ~Iinistère de l'Intérieur. Pour Ct' faire, un dossier
comprenant le plocès verbal de
la réunion cOllstitutive,
la lis-
te des membres du bureau, les statuts de l'association clont on
sollicite la reconnaissance, pUIS une clenlancle d'agrénlent, doit
être adressé au ~!inistère de l'Intérieur qui apprécie l'opportu-
nité de la création après concertation avec son homologue de la
Jeunesse et des Sports. En effet,
les mouvements de Jeunesse en
pays sous-développés ne doivent pas être seulement, pense-t-on
J Abidjan, orientés vers une recherche du
loisir, mais doivent
aussi contribuer à la prospérité économique de la nation.
Les
chantiers de jeunes volontaires que le ~!inistère de la Jeunesse
et des Sports organise au niveau national
répondent à cette dou-
ble préoccupatioll.
L'un des soucis majeurs des autorités politiques et
administratives de la ville d'Abidjall, demeure, semble-t-il,
i 'existence d'lIne jeunesse qualil'iée de
"flottante" dans la popula-
tion.
Il s'agit de jeunes qui ne bénéficient d'aucun encadrement
familial
et qLli ne sont pas non plus insérés dans une structure
sociale formel le.
Le contrôle des activi té de cette "Jeunesse
Clottante '! s'~lvère par conséquent difficile . .-\\ussi, sous la rcs-
!lonsabilité du ~!inistère de la Jeunesse et des Sports, des ef-
forts sont-ils entrepris pour favoriser l'intégration sociale
cie ces jeunes.
On reviendra ultérieurement sur les structures
,nises en place,
les foyers et les celltres aérés notamnlcnt, pOlir
occuper les jellnes ct endiquer la délinquancc. Qu'il sllffise
de noter, pour l'illstallt que quatorze (14)
cllibs de foot-baIl
constitllés uniql'ement par des jeulles fOllctionnaiellt dans l'ag-
glomérntion abidjanaise au cours de l'année IY83.
La ville d'Abidjan offre de multiples possibilités
aux résidcnts
qui lc désirent, après leurs ob.ligations profession-
nelles, familiales et sociales, cie s'adonner â des occupations
qui leur assurcnt lc repos,
le divertisscment ou le développe-
ment personnel (1)' sans contrainte extérieure.
Ces occupations
â but non llicratif pour ceux qui s'y adonnent(2)
contribuent à
l'animation de la cité.
Elles demeurent cependant l'un des
fac-
teurs souvent cités qui incitent les jeunes à quitter le village
pour la ville.
La cliversité des situations et la multiplicité des ac-
tivités de loisir dans la ville d'Abidjan rendent difficile tou-
te classification
et vaudraient une étude particulière.
Dans ce
sous-chapit re, on s'intéressera uniquement à quelques "types de
lieux d'intégration" (suivant
l'expression de Jean Françoi s
Besson) â partir de ]8 pratique de cel·taines activités de loisir
Jes plus fréquentes dans
la cité.
111 : "Le .fo-iA.ùl v..-t, ,.>e..tOfi ]. 7)wllaze.cLÜJl., WI erlJ.>eYllbZe d' °c.wp<.ètio IL6 auxque.Ue.;
.f' .i.llc'vi.v/.du peu-t <,>' ado fll1e/1. de p.fUI1 gJi.é, Md pClUt <'> e. :1.epM 2/1., Md pOUli.
.Je. d/.ve.Ji.-t.ùl, M.i,t pOUli. déve.i'ctJpe.Ji. MI1 /.fI~OJi.ma-ti.orr Ou M Z-i.b:le e.apaci.-té
CJl.é~e.e. apJi.v, <,>' ê:t:z.e. dégagé de. ,;('..6 obügafi.o,"J pJi.o6e.SJ.i.oHl1e.Ue.<'>, 6am/.-
ucJ'.v.. e.-t ooci.aü<'>" /.11 Ve.ru.\\ lUle C/.v~a-ti.OI1 du P..OUAA, Ed. SelLi..f., Pa,'Li..;,
1962, p.
29.
(2)
NOl"J peHJOM pcvz. exemp.fe è. ta c.Z-i.ell.tè.fe d'ur; ca6Me.t, d'WH'. bo.ùe de 111.Li.-t,
e·te. mau 11011 aux -telWl1c.i.e.J1,J pOlUt qu.i. e.omp.te.
el1 pr,ent.i.c..'1. ti.eH te. po.i.cv.. de
ta bol.V'J.> e.
.-'" ~ s -
Il~ sont le 1 ieu de rassemblemcnt des jeunes plutôt
que des adultes.
Il s'agit généralement
d'élèves qui profitent
de leu!" t~mp~ libre pour se consacrer ~ Jçs activités récréati-
ves parmI
lesquelles la danse et le foot-hall
tiennent une pla-
ce import:lnte.
On reviendra ci-dessous plus longuement sur le
foot-bail (l'li passe pour être l'opium dç
l'abidjanais.
Ce qu'il convient de noter, c'est ce rassemblement de
jeunes Jp toutes origines, sans Jistincrion d'ethnie,
de reli-
gion aIl Je nationalité mais
résidant d3115
le même quartier,pour
s'adonnc!" :lUX mêmes activités de loisir. Ainsi, après l'école,
la pratiqlle d'un sport ou, plus gélléralcnlent d'une activité de
loisir, permet aux individus de se rencontrer et de créer des
liens d'amitié entre eux.
Dans un travai 1 antérieur (cf A. Bassi-
tché, 19i2, p. 136) et pcrtant sur deux quartiers d'ab id jan , on avait montré
l'importance des clubs
dans
les relations E'ntre
les jeunes et dans
l' anim3t ion du quartier.
l'our sc regroupcr,
les jeunes tiennent
compte de
l'âge.
En d'autres
termes!
13
t-onnation
d'un
club obéit
au critère
fige.
Pour
adh2-rer fi
"Le5
(opins
Unis"
au
Camp des Fonc-
tionnai]"c5 de TreichvillE',
il
faut être Jgé de moins de 20 ans
tandis quc "[1 Reda", dans
le même quartier n'accepte que
les
personncs Jgées de 20
ans. Aucun des deux clubs n'est ouvert
n.i
aux
.it.~l1n('s filles,
ni
aux
adul tes
1'1
présence des IHemlères
~IUX 1'6l1Ilion~ est gfJ)él-3trice de conf II ts ",nt re les membres,
chilque.
interlocuteur voulant absolument faire triompher son point de
vue Sl'r le problème débattu pour ne pas perdre la face devant
les demoiselles. C:uant aux seconds,
les adultes,
leur présence
inhibe ou intimide ceux qui désirent intervenir dans les débats.
Tout en se proposant d'offrir des distractions à leurs
membres,
les clubs envisagent aussi la formation morale de ceux-
ci.
Par exemple l'ordre du jour des réunions tenues deux à trois
fois par mois par "Les Copains Unis" porte sur le comportement
et la conduite des melnbres du club.
Le président du club est
lui-même élu d'après sa conduite.
L'association peut à tout mo-
ment excll.re un membre pour mauvaise conduite.
Contrairement à ce qui se dit souvent, les jeunes ne
sont pas insensibl~s à l'opinion que la collectivité ou les ha-
bitants du quartier se font d'eux."Souci du respect de la loi
donller l'exemple de bonne conduite car nous ~ommes d'une cité
polici0re",déclarait un des responsables de club.
Il s'agit donc
pour les jel.nes cie se l'écréer, de se distraire, mais dans l'ob-
sel"vation stricte des
intel dits légaux,
les vols et
le briganda-
ge en
~fJlér31.
La danse ,!enlellre l'Llne des activités de
loisir qLll
passiollnent le plus
les jeunes abidjanais.
Aussi
figure-t-elle
au pro~ramille des activités des clubs.
Les soirées dansantes sont
de deux >orte~. Une
fois
l ' an,
l'association organise une soi rée
à
laquelle SOllt conviés tous les membres aillsi que ceux d'autres
- ~:.o -
clubs.
Des soirée5 dites "intimités" et plus
fréquentes ont
liell â la veille des fêtes,
au domicile cl'un membre du club.
Elles Ile regroupent pas tous
les membres de
l'association; par
conséquent les dépellses sont ulliquement au compte des partici-
pants. Ces
rencontres permettent aux jeunes de "se frotter" les
uns aux autres dans une atmosph~re de détente, de se mIeux
connaitre et donc de s'accepter plus facilement dans la vie quo-
tidienne.
Malheureusement ces sOIrées, comme les journées cultu-
relles(l)
qUI meublent de plus en plus aujourd'hui les vacances
scolaires des élèves et étlldiants, sont parfois source de diffi-
cuItés chez nombre de jeunes filles.
Plusieurs d'entre ces de-
nloiselles ne reprennent plus les études a la rentrée des classes
pour cause de grossesse ou s'éliminent pllysiquenlent en voulant
s'en débarrasser(Z).
Aussi se pose-t-il
le problème de sécurit.é
111 : La ~uAe, ~eton no~, ~e v~t ; ette ne ~e conne p~ en ~pectacte, ~~
~e découv!te dan!> J'.a cond~e quo.tZdi.enne de,; .zncUv.zdM qu.z en Mn{: ~,;l0;.
LOMqu'eUe e,;t ex.!Ubée ~[v~ (LI1 iJocLi.wn, qu'eUe ·;e veut ou ~e 6w mM-
chanfu e, eLte iJe,~d de ~a ,;ub,;.tance pOuA ne pa.,; dUr.e ~on e,;,lence, POUf, ,le
métanlO,~plw~efl eH ,v:'JIIp.!'.e objet. La ;JflOUn élULuon de ce~ j ouAnéM di.te,l
"cl0Uu,~ette~" (p<ù~ OppO,l.i.t:Ù· H au x. auttte~ j oUAnée~ de .!'.' année qu.z ~ ettuell.t
"non cl0UuAeUe~" ! 1 paro.LÛ..t ,lyn:ptcma,ti.que d'lm ma~e p,~o60nd vécu p('v~
J'.a M c.i.Ué en 9énéw e.t do Jet 60 >tt ii.cho te~ Oflga~,~('J.eu/w et .!'.M a>ti.JJ1a-
tel.U~ de ce.; di..tM j ol.U~Hée.; .
(2 )
"J ouAnée~ c~e.t.te~"... et Cj,~o M ('.,;,l e,;, te.!'. e~t t' .z11.u..tu.té d'un Mt"-cte
pMU dan!> te qlw.tZcUen .zVO.0ÙèH F,1a.te,~~té ,\\:a.tZll du j wcU 23 Aoû..t 1984,
é0W pail '\\ia,~ceLtÙI Aboug HaH. L' aute[v~ IlOte l' cngouenlent de J'.a j eu.nM,;e
pOuA te,; baL; (ici ctôtu/lelJ..t .te,; joullllée~ ~1.U'IeUe.; dl.U'Ia'J..t ti!.~ vac.al1ce~
d'é-tê. e.t a:ttiAe t'a.Lte.l'1:tl011 du te.e.-te.U../L 6l.1Jl f~~ :i.iMiu(')/~ rwxqllc!.C/) ,~'e.,':pc
Mnt pMt"-cu.u.e..'1emel1t te.; jeUlle,; n·lUe., Ull peu tégé"e.;.
.~ _' l
de 13 jeunesse fénlinillc dans le domaine des
loisil's, notamment
dans les manifestations récréatives 00 la baisse des
fl'eins Ino-
raux consécut.ive à une très grande promiscuité et à l'éloignement
ou ii l'absence des adultes, peut engendrer des conduit~s dévian-
tes. ~Iais, c'est là un problème relatif à l'éducation qu'on ne
saurait aborder dans ce chapitre.
L'importance quantitative des
jeunes dans la popula-
tion abidjanaise nécessite une attentioll soutenue des pouvoirs
publics et plus précisément du ministère chargé de leur encadre-
ment, notamment dans l'organisation des
10isirs.Jusqu'à une da-
te J'écente, il n'existait pas d'organisation systématiqlle des
jeunes au niveau de leurs quartier de résidence,
ce qui rendait
leur encadrement, pour ceux qui étaient aballdonnés à elix-mêmes,
difficile.
Les associati,ons telles que "Les Copains Unis" rele-
vaient d'initiatives privées individuelles et, malgré lellr désir
de rassembler suivant des tranches d'âge les jeunes habitant
dans un même ensemble de pâtés de maisons, ne pouvaient occuper
toute la jeunesse d'un quartier aussi populellx et vaste que ce-
lui de Treichville, en l'occurrence, Depuis
1980 et à
1:. suite
de l'érection des pt"lncipaux quartiers cl" la ville en communes,
des unIons communales ont vu le jour et se proposent d'occuper
les
jel1rlcs ell orgaIlis311t
des
~Ictivjtés de
loisil- J lelll" atterl-
tioll.
Au
sein
de
chaque
commune,
l l Union
rassemble
et
~1!j)(;I'\\iisc
tous les petits clubs. Au cours de l'annfe
1983,
le ~Iinistère cie
la Jellnesse et des SpOI'ts a mIS lin agent
sp0cialisé ii
la disposi-
- - ,
:" ....
tian de (haque maire pour ac"c"roître l'efficacité cie l'encaclre-
ment assul"0 par Les unions.
IL s'agit, pour les pouvoirs publics,
de pan"cnir ii contrôler les activités cles jeunes et il offrir il
ceux-ci des loisirs sains.
Le sport, plus précisément le foot-
baIl, les voyages et les sOI"ties durant
les fins de semaine
s'inscrivent au premier rallg des préoccupations des unions.
L'amhiance de f@tes populaires offerte par les matches
de foot-baIl est souvellt évoquée comme étant la cause principale
du succès de ce sport dans les pays africains (cf B. Ly, 1981,
p.
182
; Il. Sarassoro, Octobre 1984, p.
19). Une promenade dans
les quartiers d'Abidjan les samedis après-midi et les dimanches
permet de constater que la pratique du foot-baIl est devenue,
pour les jeunes citadins, une principale occasion de rencontre.
Tout terraill vague peut servir d'un jour il l'autre, d'aire de
jeu.
Dans les quartiers centraux de Treichville et d'Adjamé, les
jeunes n'hésitent pas il occuper carrément une rue à faible cir-
culation automobile, à certains moment de la journée, pour Jouer
au foot-hall.
C'est très fréquemment que,
l'automobiliste qui
s'engage ~l3ns ces
rues,
se '-oit contraint de
rebrousse]" c}lemin
ou de s'~lrrêter pour ne pas écraser un ballon ou un joueur.
Les
rassemblements cI'homnles et de femnles que ces rellcontres sportives
entre les jeunes provoquent,
traduisent
l'intérêt tout particu-
Lier qlle
la population dans son ellsemble accorde aux matches de
foot-baIl.
D~IIIS chaque quartier d'Abidjan existellt des clubs. Le
flinistère de
la Jeunesse et des Sports semble trouver Iii une
,'. ,'1 "
occasion rêvée pour organiser et encadrer les Jeunes. Aussi
a-t-il désigné un responsable dans chaque quartier et qui s'oc-
cupe de l'organisation des activités sportives des Jeunes.
Emboîtant le pas au Ministère de la Jeunesse et des
Sports ou concomitamment à l'action de celui -ci,
les mai res des
dix mU!licipalités de la ville paraiSSe!lt trôs sensibles au dé-
soeuvrement d'une grande partie de la jeunesse de leur quartier
et à la manière dont on doit procéder pour offrir des distrac-
tions à toute la population juvénile de façon à prévenir des
comportements délinquants. L'organisation des sorties durant les
week-end puis des voyages à
l'étranger pendant les congés sco-
laires et les grandes vacances répond à cette préoccupation. En
fait,
le but pours.uivi par les pouvolrs publ.ics ou les autorités
politiques demeure la recherche et le maintien de la paix sociale.
Par la nlain nlise sur les orga!lisations des
loisirs des jeuens,
en contr81ant ou supervisant les activités de ces organisations,
les pouvoirs publics espèrent contenir le débordement de la plus
importante frange de la population de la cité.
Enfin,
l'objectif qui est poursuivi dans ce paragraphe
concerne moins
l'étude des ~;trlJctlJres d'encadrement mises en pla-
ce que la mJlliôre dont celles-ci favorlsent ou pellvent créer des
relatio!15 sociales durables entre les individus e[ui en sont au
centre.
Les clubs
de quartier et
les
unjons
communales
de jeunes-
se, en permettant aux jeunes
issus de cOlllmun,lUtés ethniques diffé-
rentes de se rencontrer et de participer 2LlX In€mes
activités de
loisir, offrent en même temps:i ceux-ci
l'occasion d'apprendre
à se connaître mieux et à s'ouvrir les uns aux autres.
Les manifestations récrêatives initiées par les clubs
et les un10ns à l'intérieur des quartiers n'épuisent pas la gall1-
me des activitês de loisir dans la ville d'Abidjan. D'autres
lieux existent oQ des personnes d'âge mOr ainsi que de jeunes
adultes peuvent contribuer à leur tour au développement des re-
lations sociales au sein de la cité. Les clubs
de
sports ou
de loisir en général se présentent alors comme de nouvelles
structures sociales susceptibles d'aider aux décloisonnements
ethniques.
Les ivoiriens et plus particulièrement les abidjanais
aiment le sport.
Cet engouement POUy les activités sportives se
découvre non seulement dans les conversations quotidiennes sur
les lieux de travail, dans les autobus, bref dans presque tous
les endroits oQ il Y a rassemblement d'hommes, mais aussi à tra-
vers le nombre de pages consacrées régulièrement à la vie des
équipes par le quotidien nattonal(1)
I.es abidjanais sont loin
(1)
: SlUL lme piVùode d'tH1 nlOù,
ce..tLu de. ·;e.I~temb!LC
1984 e.1'I .f'OCCl1JIJLe.I'ICe., ie.
quoticLi.el'l l'IlLtiOI'lM FJta-te.'~I'I.J:é ,"Ia.ti11 a c0l1o\\(t0~é chaque. jol1o~ en moyerJJle
4 page.; MLfl 25 aux /llLb!uque~ ~po!JA.ve.;.
- 3~S -
cl'oublier "Côte d'Ivoire s~,,(l), l'ILL' précisément la dU"ite de l'§-
qlllpe nation;lie "Les lléphants", l'0I111ation spOI'rjre créée et entr,1înée en l'es-
pace de quelques mois pOLIr affronter des éqlllpes telles que
celle cle l'Egypte ou du Cameroun
rompues ~ des championats mon-
diaux.
La mobilisation générale de la population abidjanaise
ivoirienne consécutive à l'exhortation ent,"ep"ise par tous les
média nationaux n'a pu avoir raison de l'expérience accumulée
par les équipes étrangères auxquelles ont été opposés les Elé-
phants. La facilité avec laquelle on a pu faire de tous les
ivoiriens les supporters de l'équipe nnioJ13le
révèle qu'au moyen
de pratiques sportives, il est possible de fondre en un seul en-
semble la multitude d'ethnies qU]
compose la Côte d'Ivoire.
La
combativité mais aussi et surtout la discipline et la tolérance
qui caractérisent l'esprit sportif l'eurent contribuer à l'édifi-
cation d'une société où les antagonismes ethniques perdent pro-
gressivement de leur virulellce.
Plusieurs équipes de foot-baIl meublellt le temps de
loisir des abidjanais,
les après-midi du samedi et du dimanche.
Le stade Houphouet-Boigll)" est investi de bonne l,eure le dimanche
matin par de jeunes individus pour des !Ilatches qui doivent se dé-
rouler dans l'aprés-midi. Dés après quatorze heures,
il n'est
plus aisé de circuler en automobile SUI" le boulevard qui longe
(1) : U ,o'ClfJ-Gt de ea CQ(Lpe d'AO,uqlle de.o Nat.i.o,UJ, éd.{;Uo>l 1984, qUA. a eu.
Ueu (>1 Côte d' Tvo"",~e.
ce stade.
Le stationnement en désordJ"e des vé!licllles et la
ruée
des spectateurs vers
le stade lendent dallgereuse
la circulation
Sllr ce boulevard. Chaque équipe a ses supporters.
Il est décon-
sei lié ~ toute personne qui n'a pas l'habitude de fréquenter les
stades d'occuper une place au hasard parmi
les spectateurs géné-
I"alement illstallés suivant les équipes qll'iJs SOlltiennent. Un
applaudissement en faveur d'un joueur de l'équipe que ne sou-
tiennent pas ceux auprès desquels elle est assise peut lui coO-
ter la vie. On rapporte que, au cours du match opposant les
Eléphants à l'équipe nationale du Togo, un spectateur ivoirien
qUI a osé manifester des sympathies à l'endroit des joueurs to-
golais, s'était fait projeter du haut du gradin et avait perdu
la vie dans sa chute. Une spectatrice ivoirienne qui, pendant
"
( 1 )
ulle partie de foot-ball
opposant l'ASEC à
l'Afnca
'
avait
applaudi un joueur de l'ASEC alors qu'elle occupait une place
pal"mi des supporters d'Africa,
reçut une chiuuenaude sur la tête
en signe d'avertissement. Ainsi les passions qui se déchainent
pendant les parties de foot-ball
peuvent conduire les partisans
des équipes en présence à UII affrontement physique, enlevant au
Jeu le plaisir et le cllarme qu'on est en droit d'attendre Oll aux-
quels on espérait goOter.
D'autres activités sportives,
1(' hand-ball et
le
volley-bail pour ne citer que l:es deux, 1II0bi lisent aussi plusieurs
ab i d jan il i s san s t a LI t e foi s s us ci té r une a cil,,' s i a I! au s 5 i pop LI 1 éd r e
(}) : ASEC cA: !\\FRICA /,Ont dw" [q(L~fJc.,~évoùcA.c.f1."e~.
que celle que provoquent
les parties de
foot-baIl.
Probablement
le moindre attrait que cel·taills sports exercent SUI" les indivi-
dus s'explique-t-il par les conditions relatives à leur pratique.
Tout abidjanais bien portant et qui le désire peut jouer au foot-
ball les pieds-nus sur lin terlain ou dans
la rue avec d'autres
personnes de même condition.
Il en est tout autrement pour la
pratique entre autre du tennis, du volley-baIl, de la natation
puis des arts martiaux 'lU] exige un mInImum d'équipement, un in-
vestissement financier.
La ségrégation sociale sur une base es-
sentiellement économique se ressellt même jusqu'au niveau de l'or-
ganisation des loisirs, dans le choix de l'activité que l'indivi-
du désire pratiquer.
L.e foot-baIl apparaît alors comme le sport
des pauvres et c'est s.ms ciol'te ce qui lui cionne le caractère de jeu po-
pulaire dans tous les pavs sous-développés et plus précisément
en Afrique Noire.
L'élément important qui caractél'ise
les clubs de sports
ou de loisir en général,
notamment à Abidjan, demeure le rassem-
blement d'individus sur une même aire de jeu d'une part, et d'au-
tre part, le regroupement de !'erSOnnes au sein de clubs de sup-
porters, sans considération dans un cas comme dans
l'autre de
l'origine ethnj.que.
C'est en cela,
peut-on penser,
que
réside
l'intérêt cie la pratique collective des <lcliviL6s de
loisir.
Dans
le cas précis de
la société abidjanaise, et
il Y a lieu cie répé-
tel";
00
les
relations sociales SOllt davant3ge
illtra-ethnicllJeS
qu'inter-ethniques,
les occasions offertes par la pratique des
sports COllstituellt. môme pour les
individus d'âge mGr,
une étape
importante vers une plus grallde Ollverture des uns aux autres.
Toutefoi,;,
1il pratique des sports peut nuire au déve-
loppement social et fconomique d'llne nation, créer des tensions
entre les groupemellts socio-culturels } l'illtérieur d'un môme
pays ou dresser de,; nations les unes contre les autres. On se
souvient des jeux Olympiques de Los Angelès, utilisés comme arme
politique dans la lutte hégémoniqlle qui oppose les Etats-Unis
d'Amérique à l'Union Soviétique.
L'Afrique du Sud s'est souvent
vu refuser sa participatIon à des compétitions sportives au ni-
veau international à cause de sa politique d'apartheid. En Côte
d'Ivoire, nombre d'équipes de foot-baIl s'étaient initialement
formées sur une base tribale.
Ce fut
le cas de l'ASEC(l)
et de
l'AFRICA-SPORT, pour ne citer que ces deux organisations. Une
partie de foot-baIl qui
se jouait entre ces deux équipes donnait
une nette impressIon, au cours des années cinquante, d'un affron-
tement entre les ethnies du Sud et celles de l'Ouest. Aujourd 'hui
encore, malS modérémellt et de façon passagère,
l'opposition entre
deux équipes régionales attise Oll réveille
les antagonismes ethni-
ques.
Dans tous
les cas, Ulle politique d'·jntégriltioll nationale ou
urbaine doit pouvoir compter sur l 'interconnaissance des indivi-
du~ et des groupements socio-culturels.
Les
rencontres sportives
sont l'une des nombrellses occasions qui s'offrent à une cité, à
ulle nation pour br,'sseI
sa popillation.
( 1) : MMC-ÙLUOI1 Spc'"vtLve de.<> Emp.i'.oyé.-' de. ConmleJLce.
ASEC.
Les clubs de quartiers, de foot-ball ou de loisir en
général n'épuisent pas les possibilités qui s'offrent aux rési-
dents abidjanais dans
leurs tentatives d'intégration sociale.
La participation ~ des manifestations collectives, la fréquen-
tation d'un même lieu de détente (les dallcings,
les salles de
spectacle] ou de repas
(les restaurants,
les cafés,
les maquis)
peuvent favoriser l'établissement des relations entre les indi-
vidus. C'est cette question
qui est examinée dans
la sect ion sui-
vante.
SECTION III
AUTRES STRUCTURES D'lNTEGRATION A LA SOCIETE
ABIDJANAISE
La vie sociale à Abidjan est loin d'être monotone ain-
SI
qu'on pellt le pellser, en établissant un peu trop rapidement
1111
rapport entre le sous-développement économique et le sous-
d0veloppement social. Comme toute vie, elle est aussi créatrice
de formes cf(R.
Ledrut,
1968, p.
7).
Ne peut s'ennuyer â Abidjan
que celui qui n'a pas d'argent ou qui le veut. N'est-ce pas
cette diversité et cette variété des lieux de détente et de dis-
traction offerts par la ville â ses résidents qui expliquent
allssi l'attrait qu'Abidjan exerce sur les ruraux et les étran-
gers ? Pour s'en
convaincre il sllffit de se référer â la percep-
tion que les individlls ont de la ville qu'ils habitent(cf R.
Deniel,1968, p. 66 à 69,;\\. Bassitché 1972, p.
204 li 208).
rerçlle avant tout comme la ville de prestige, de mouvements et de
spectacles, Abidjan n'intègre pas l'existence individuelle. La
ville de tout le monde n'appartiellt plus li personne. Pyschologi-
quement elle est perçue et décrite du dehors, de même que les in-
dividus qui la peuplent.
Des étl",ngers de passage ii Abidjan ne
llIanquent pas d'ildmiration pour cette ville.
Ainsi, nous confiait
llil
)"ésideIlt
: all teT/Ile d r UI1 COI1grês Rfgioll~ll tenu â Abidjan,
il
offrit au p.·ésident de sa commissioll de
faire une visite de la
ville.
11
était 22 heures. A peine étaient-ils pinvenus au Pla-
teau, venant de (ocody, que son hôte émerveillé par les
[umicres
_, cl 1
de la ville,
les réverbères de la voie publiqLle,
le scintille-
ment des enseignes
lumineuses à la devanture des magasins et
surtout des boites de nLlit, s'exclama
'lpourquoi
Jes
ivoiriens
vont-ils en France 1 Mais Abidjan,
c'est conlme Paris
1"
Tout un ensemble de structures de loisir agrémente
la VIe de l'abidjanais même la nLlit.
La ville d'Abidjan dispose de plusieurs salles de
spectacle.
La fréquentation de celles-ci est plus ou moIns Im-
portante sui.vant la nature des spectacles proposés.
al
Le cinéma
~iis à part les quartier de Cocody et de 11arcory qUI
ne comptent chacun qu'une seule salle de cinéma,
les autres ar-
rondissements disposent de plusieurs salles de projection.
Dès
la tombée de la nuit, ces salles sont prises d'assaut, notamment
les
fins du mois, par le pulJlic.
Les films qui sont pI·oposés au
public rendent compte de la diversIté de ses goOts et sOrement
aussi de ses multiples attentes.
Les effets de la ségrégation
sociale se font sentir même dans
la distrihution des films. Ainsi
les salles cie projection dans les (1II<Htie,-..; POPlliéjires. Tltciwi Ile et !Ielj,uné
pour ne citer que ces cieux, présentent aux spectateurs des
films dont le
contenu moral laisse dOllter si lIon de l'existence du mOIns de
l'efficacité de la censure en Il''ltière dll cinéma. La violence
sous ses multiples formes sliscite admiration et passion ches
les spectateurs déjà
frustrés dans
leur vie quotidienne par la
ville et qUI recherchent des occasions pour s'évader momentané-
ment(l). Or, l'exposition à des scènes de violellce peut condi-
tionner l'illdividu à agir violemment dans des situations simi-
laires à celles o~ il
a fait l'apprentissage de la violence. En
effet "s'il y a un effet de films violents, celui-ci va dans le
sens d'un accroissement de l'agressivité des spectateurs. Ce qUI
est
certain, c'est qu'il n'y a pas de diminution", écrit J. Ph. Leyens
(1979, p. 14). Le paradoxe consiste précisément, dans les grandes villes, à
abreuver les populations démunie~ de films de violence et à re-
procher ensui te à ces mêmes populations d'abri ter en leur seIn
des criminels.
On examinera ultérieurement la contribution du cinéma à
à l'orientation des individus vers la délinquance en milieu abidjanais. Ce
qu'on peut noter pour l'instant, c'est le rapprodlement spatial entre les
individus que favorise la fréquen ta t ion des salles de proj ection. Les échanges
Il)
: RenL~~ de PaJt.Ùj è. Abidjan PClIit te6 vacance6 d'Ué. 1969, noM aVOM ,~e.mM
qué, avec :tolLt J'e ',ecu!' néceMcuAe, Û1. pa.uv~.e:té. de6 6.{)'w., qu.-L MYIX plloje-
:té..6 daM J'e.o 6aUe6 de uné.na. à TIle.Lchv.LUe. Cait .octon nou.-~, en paY6 MM-
dé.ve.f.oppû, .f.e unénu dev,~a, aLL même ~e que .f.'écoLe, conet/lLbuell il
.f.' éduca.t.Lol1 de .ta popuJ:.a.Li.on. EXpwllarlX a.tM6 r!UtIle ~.egJte:t à un ami d' en-
6ance., énu.gJté iLllAa.t, ce..l'1U-ci. ',epuqua piLom/J:tement : ".f.e6 6.i..l'm6 que .tu
qua.tiSÙ.6 cl ·ù,,~tIluc.ti66 .te lle6.teACrlX 6Uil .f.e6 bJta.~ 6i cl' û.VL'.lltMe. .tu .te
.te.o piLOC1&W.Ü en EUitcpe e.t que .tu vel1a-0~ .f.e.~ /)/1.0 jete" i u da.lu~ IlO6 6a.f.-
.te6 de ul1él1u. I!ou.-~, c'e.H-à-di.Jle .f.e.o abidjana.i.6 de 6a condi.:ti.on, ce.
60n.t ce,; {d11l!> (Sanè6cn e.t DaLi.da,
ZO![/'cC, e.tc) que .tu a.6 vu aux a66<'.che.-6
qu I..lX nOlL-~ 6alLt l '.
,le propos qui ont lieu ~ l'entracte entre des gens qUI ne se
connaissaient pas peuvent élargir le cercle des relations SOCIa-
les.
Dans les quartiers populaires not~mment oG des formes de
vie traditionnelles continuent d'inspirer les conduites, faire
des politesses ~ celui auprès cie qui l'ail était assis, en l'oc-
currence, dans une salle de spectacle, n'a rien d'anormal.
Le
contraire vous ferait passer plutôt pour un européen
( 1 )
I l
n'est pas rare qu'un spectateur se mette ~ expliquer ~ Ilaute
voix en pleine salle la suite du film en cours. Sans doute pense-
t-il aider les autres ~ mieux comprendre le film en le leur inter-
prétant dans un langage accessible ~ tous. Toujours est-il que
l'individu en ajoute au spectacle en cours en se donnant lui-
même en spectacle sans que cela constitue une gène majeure pour
la pllipart des personlles rassemblées.
A l'Ivoire(2), l'atmosphère est tout autre.
Ni Tarzan,
nI Larra n'ont place sur l'écran. Et le public, même s'il est
constitué de groupes d'amis, n'entend pas voire distraire son
attention par des
cOllmentél i J'es
inopportuns ou par des causeries
--------------------------
( J)
:
.
.
.
d fu MILte. cie. c--i.>léll1a de. t'Iiôte.t Ivo.uee.,
dé 110 II\\V"lll-ttO YI
e
L' 1vo.i.JLe. e.,~t fu
(Z)
à Coc-ody . ..
-
."! '!
-
pCIldant le déroulement du film.
Comment peut-il en §tre autre-
ment des relations entre des spectateurs qui,
dans
la vie quo-
tidienne a l'intérieur de leur quartier de résidence, s'ignorent
les uns les autres au point de passer pour des personnes qui ne
se sont jaJmis vues? "Dans les
rues de Cocody,
rapporte Fraterni-
t0 \\latin, si l'on se réfêre ~ Treichville ou Adjamé,
les gens
passent comme des ombl'es
: calmes et méditatifs. Rarement on se
dit bonjour parce
que ceux qui se rencontrent ne se connaissent
pas toujours. ~Iême quand ils sont voisins ... "Ccf A. Touré, 1982,
p.
162).
Calme et méditatif dans
la vie de tous les jours, on
l'est aussi dans la salle de cinéma.
Les échanges de propos qui
ont été évoqués ci-dessus comme moyens susceptibles d'aider ~
l'élargissement des relations sociales trouvent, dans l'exemple
de (ocody,
leurs 1imites
là 00 l'interconnaissance est faible
Oll
nulle,
la disposition à commulliquer que semble favoriser la
proximité spatiale, dans
les salles de cinéma, s'avère inopéran-
te.
Elle ne peut amener les individus â échanger que si dans la
VIe
quotidienne ceux-ci entretenaient des rapports sociaux entre
eux. Le spectacle leur fourllirait alol's une occasion de plus ou
sujet de conversation pour une connaIssance toujours meilleu-
des uns et des autres.
Par contre, on devra renoncer d'atten-
que le cinéma crée des
relations sociales entre des personnes
étaient étrangères les 'Ines aux autres avant
le spectacle.
- 346 -
5érieux ou ne doit pas être pris au sérJeux celui dont l'acti-
vité principale consiste a fail'c rire ou à distraire les au-
tres(l). On rapporte J Abidjan, gll'un artiste a dG voir son
épouse s'en aller du foyer conjug:ll parce que cette dernière ne
Sllpportait pas de le voir paraître â la télévision dans un cos-
turne d6braiJlf erl tl"aill (!lall1L1Scr"
les gells.
Le théâtre contribue, ~
sa manière et malgré les pro-
pas ci-dessus, â l'animation générale de la ville d'Abidjan. Le
,Centre Culturel de Treichville, le Centre Culturel Français au
Plateau et le Théâtre de la Cité J Cocody sont les trois princi-
paux lieux 00 se produisent des spectacles. D'après
la présenta-
tian sommaire de ]a façon
dont
l'Ab id j a Il :li 5
perçoit
le théâtre, 0" peu,t di re que la fréquenta tian des salles de spec-
tacle mesure le degré d'acculturation des individus. Ainsi
le
public du théâtre se présente comme étant la frange la plus occi-
dentalisée de la population abidjanaise, celle là dont l'existen-
ce individuelle se résume en "challcun pour soi, Dieu pour tous",
Le cinéma et le théâtre en tallt que
loisir, Ile peuvent,
dal15 les conditions 00 ils se produisent, assurer efficacemellt
l'intégration des individus 5 la société abldjanaise. Peut-on en
dire autant des autl'es strllctlll'es de loisil' 0
(1)
: UYi de rtO.t,'I.e p:wHic,t.i,L:1l
d'écc:ëc
]J/u:'ma.i,'I.e, qui a é.tuei.i.é a .t'IY16;U;/:ut
Na.ti.oYla.f
de.; M.t,; d' Abù:jaYi pui.~ qlLi. a POM,;ui.vi. pw.!>.i.euJU> aYlYlée~ de.!>
é.tude~ d'aAt ci.'l.ama.ti.qw'. il Pa.'1.i..!> , ~'e.!>./: vu l1.ac.oll.tc..'I. a .!>OYl .!>uje..t pM de.!>
IXULeYl.v, l1.é.!>.i.dar1./: all v&a!Je qu' 'u: ueLL d' aUe,'I.iJLava.i.UfY'I. a Ab.i.djaYi
c.Onlme ~e~ {(Jni..;, .i.C e·;./: en ,i/l{'~i.ll de d0.,.tJla.i/le Ce; !Jeru,.
La recherche solitaire du plaisir ll'est pas une carac-
téristique de l'ivoirien et plus précisément de l'Abidjanais.
L'habitude d'inviter autrui il partager la joie ou de compatir
il sa peIne fait que
l 'indiviclu part à la recherche de compagnie
Jà où il espère en trouver.
Les boites Je nuit et les maquis ré-
pondent ii ce besoin:
rompre avec J a soli tude.
Au début de l'Indépendance Poli tique de la Côte d' Ivoi-
re en 1960, on pouvait bien compter les boites de nuit à Abidjan.
Les rencontres entre des personnes qui se connaissaient avaient
lieu au cours des danses
traditionnelles qui se produisaient
dans les quartiers, généralement dans les après-midi des jours
fériés ou des jours non-oLlvrables.
A Treichville notamment, les
salles des Anciens Combattants et de l'UFOCI(1) abritaient des
soirées dansantes les samedis soirs ou la veille des fêtes.
En
bref,
la mode était la fréqLlentatioll des salles de bal.
Ces SOI-
rées récréatives étaient OLlvertes il tous ceux qui pouvaient payer
le droit d'entrée.
La mode revillt, durant
les années 1960, aux
"Surprise-party", sorte de retrouvailles entre des amis qui coti-
sai en t pou r pas s e r le LI r soi rée, il 1a ve i 1 le d' LI nef ê te, a LI d 0111 ici le
de l'un d'entre eux ou d'un habitant du quartier disposant d'une
( l I : (I.F.C.Cr.
: l/.z.ioYL!> de~ F0l1e.t.i.Of1l1cUJte.~ de Côte d'Ivo'u'e.
-
~~l S -
gr~lnde cour et surtout d'un grand salon;
cette dernière concli-
tiol' étant très importante pour le choix du lieu,
car la clanse
cono'tituaitle but de la rencontre. Ainsi s'organisélient cles
collc'giens ou lycéens d'une même classe ou promotion, cl'un même
quartier ou originaires cl'un même grollpe ethnique POU," se diver-
tir pendant les vacances scolaires.
L'avènement des boîtes cle nuit et la prolifération de
celles-ci clans la ville d'Abidjan sont un fait récent qUI date
des "boom économIque et démographique" de la capitale, au début
des anrrées soixante.
Pour répondre aux besoins d'une population
de plus en plus nombreuse en matière de loisir les sOIrs, il
fallait des cadres nouveaux adaptés à l'évolution de la cité.
Les boîtes de nuit représentent un de ces nouveaux cadres 00 tou-
te personne qui le désire peut se rendre la nuit et trouver une
compagnIe toute prête à partager la joie relative au défoulement,
au n"thme de la music;ue africaine, afro-cuhaille,
américaine ou
européenne.
A ce titre, elles jouent un rôle social important
dans toutes les grandes villes des pays en voie de développement
et plus précisément des pays
francophones d'Afrique Noire.
On n'a
pas
besoin d'avoir des
connaissances
dans
llne boite (le nui t" avant
cl 'y entrer.
A 11 intér.ieur,
une clientèle
Feminine spécialement
apprêtée attend tout noctambule esseulé qui
est il
la recherche de
l'emède à
SOl1
.isoJefllcnt.
Des
groupes
d'amis
peuvent é.lllSsi
Sl y don-
ner rendez-vous pOLI r se récréer. La faci lit~" d '"ccès :J Cl' cadre de cliver-
t155C'111ent expl îquc son caract.è're tri:'::.: POpul<llre cl;::ms
l(:~ villc~ dC,-icéljlll3:S.
-
:1L)9
-
Les boîtes
de nuit sont aUSSl le lieu de ventes illi-
cites et de consommation de drogue.
Elles offrent par ailleurs
un cadre favorable â la prostitution.
Dans
les quartiers popu-
laires d'Abidjan, ce nouveau cadre de loisir représente le point
d'attraction aux abords duquel
il n'est pas
rare de rencontrer
même de jeunes enfants et surtout des adolescentes â des heures
tardives,
la nui t.
La célèbre rue 12 â Treichville compte à elle
seule plus d'une dizaine de boîtes qui sont prlses d'assaut cha-
que soir, aux environs de vingt une heures, par des noctambules.
Rares sont les abidjanais ql11 ne sont jamais entrés
dans une boîte de nuit.
C'est même une curiosité qu'on se pl ait
à faire découvrir aux étrangers qui sont de passage à Abidjan.
C'est dire combien .diverse peut être la clientèle de ces lieux.
Il arrive que des cadres supérieurs habitant des quartiers rési-
dentiels de Cocody ou de ~Iarcory, y viennent discrètement cher-
cher quelque reconfort à
Jeurs difficultés existentielles, tant
l'ambiance qui règne en ces lieux constitue en elle-même un puis-
sant sédatif à des problèmes psychologiques. Ni vu et sans doute
peu connu en ces endroits, on peut, à la faveur des lumières ta-
misées et complices, se dissimuler dans un coin Je la boîte avec
sa peti te compagne de nuit et savourer cette ambiance chaude
qu'on aime tant, mais que les quartiers résidentiels abhorrent.
On peut aussi y venir chercher Jes "créatures" plus fraiches
(cf Ivoire Diamanche,
nU
ï22
du 0 lJ"cembre
1984,
p.
2ï)
qu'on n'ose
pas aborder ailleurs à cause de son statllt social.
1.05
boîtes de
-
~Sil
-
nuit apparaissent alors comme des lie'ux ùe camouflage CiUl favo-
risent certains comportements
réprimés
(infidélité conjugale,
prostitution, droglle)
par la société.
En canalisant et locali-
sant les conduites déviantes, elles contribuent partiellement
au maintien de la paix dans la société ct à la restauration de
l'équilibre individuel.
Il ne serait ~:II\\~ doute pas exagéré de dire
que plus une ville se développe, plus croît le nombre
des laissés-
pour-compte et plus il se crée de structures de résorption des
frustractiollS et des tensions dont les boîtes de nuit constituent
l'un des éléments.
On peut se demander, non sans raisons, comment les res-
taurants peuvent contribuer à l'établissement des relations so-
ciales dans une communauté milti-ethnique telle que
celle d'Abidjan.
l'individu qui, dans la vie quotidienne,
entretien! davantage des
relations
Lntrd-ethniques
qu'interethniques,
s'ouvrira-t-il spon-
tanément aux autres au moment oa ayant l'estomac au talon, il
entre dans un restaurant? Questions bien opportunes mais qU]
semblent ne pas tenir compte de l'atmosph~re particulière dans
laqllelle se prennent les
repas dans la pillpart des restaurants
abjdjanais.
La ville d'Abidjall offre tOllt une variété de repas,
allant des plus modernes aux plus
traditionnels.
C'est en fait
les
caractêristiqlles de
la soci6té abitljal18ise (lui
r6appal'aissent
dans
les gralldes lignes cOlnme en têlnoigne la rêpartition gêogra-
phique des
restaurants et débits de boissons que voici kf Commis-
sariat CClltral d'Abidjan,
liste des tenanciers de restaurants et
de débits de boissOll en régle avec la lêgislation ivoirienne,
c'est-à-dire ayant une licence d'exploitation, aIl cours de l'an-
nêe 1983. Ne figurent pas sur cette liste les restaurants et
dêbits de boisson des grands hôtels de la ville).
8~~6~I!I!Q~_~~~_~~~I~~~~I~_~~~~~~~_~~~_Ç~~8I!~~~
ANNEE 1983
,
1
1
IoUARTIERS
Treich-
Adjamél Plateau,!: arco-
M
KOLmlasJ Port-
Vri-
Zone 1 Attiê-
nl1e
1
1
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4
17
IEFFECTIF 1_ __
8
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1
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BOU:t ! c1i
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1
1
lr::::T
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~COCOdY YOPOU_g_Ol_l__~_T_O_TAL J
IEFnau 1
Il
4
161
1
REPARTITION DES DEBITS DE BOISSON A TRAVERS LA VILLE
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
'INNEE
1983
1
1
bJARTIERS
HarcO-~Olmla5-
1
Treich- ' .A.djamé 1 Plateau'
Port-
Vri-
Zone 1 Attiê- 1
!II
1
vil le
i
n~'
si
Bouët
di _1 4C
coubê
'1
1
EFFECTI F
52
18
1
12
11
1 2 ,
6
1 1
2
4
]
,
,_
L_~__
,
-
:i52
-
1
QUARTIERS
Cocody
Yopougon
Abobo
Autres lieux
TOTAL
1
IEFFEeTIF
2
1
2
9
1
132
1
1
Mis
~ part Port-Bouêt et Attiécoubé pour les restau-
rants, Yopougon et Attiécoubé pour les débits de boisson, ce
salIt les quartiers populaires qui regroupent, dans leur ensemble,
le plus de coins de repas et de boisson. Treichville et Adjamé,
les deux plus anciens quartiers initialement construits pour les
populations africaines, paraissent conserver la première place
en matière de restauration, tant il est vrai que le commerce
prospère là où il y a beaucoup plus d'hommes disposant de moyens
financiers
relativement importants et susceptibles de constituer
une clientèle.
On ne peut cependant s'empêcher de noter l'impor-
tance quantita~ive des débits de boisson dans ces deux quartiers
et plus particulièrement ~ Treichville. Tout se passe ccmme SI
dans ce quartier on buvait plus qu'on ne mangeait
(48 restauraots
contre 52 débits de boisson).
La proximité des deux grandes bras-
seTles de la ville
(Bracodi et Solibra)
ne peut justifier à elle
seule l'ouverture d'aussi nombreux débits de boissons. Ainsi les
quartiers populaires, en plus d'abriter électivement les couches
inférieures de la société abidjanaise, offrent, en gUIse de solu-
tians ~ la misère, de dissiper
les soucis dans les vapeurs de
l'alcool.
Avant de pOllrsl1ivre l'examen des commodités offertes
en ce domaine d'a.limentation,
il y a .lieu de signaler le carac-
tère partiel des statistiques présentées ci-dessus. Ce.lles-ci
ne correspondent pas ~ la réalité abidjanaise.
En effet, de
très nombreux coins de repas et de rafraichissement existent
dans tous
les quartiers mais qui ne sont pas comptabilisés dans
les statistiques tenues par la police. Ces restaurants et débits
de boissons fonctionnent clandestinement car leurs propriétaires
n'ont jamais formulé une demande d'autorisotion et par conséquent,
n'ont pas la licence d'exploitation.
En situatioll irrégulière
vis à vis de la loi ou non,
ces coins de restauration,
comme
ceux qui sont officiellement agréés,
rendent service à la popula-
tion dans les différents quartiers de la ville.
En effet, il est
des abidjanais qui, pour diverses raIsons
(absence de domicile,
insuffisance de moyens financiers pour donner à faire la cllisi-
ne chez eux, célibataires vivant en 2rol1pe DU seu1s1
fréqllentent
les restaurants et débits de boisson au point que ces lieux de-
viennent pour eux un second domicile.
Dans
la plupart des cas,
la musique qui accompagne la prise des rcpas ou surtout la con-
sommation d'alcool, crée une ambiance part i cu] ière où 1 a conscien-
ce de ses nombreuses
responsabilités dissollte monlentanément dans
les vapeurs de l'alcool. l'individu retrouve la joie de vivre et
entre en confraternité avec les autres clients.
La consommation
de l'alcool
facilite les relations sociales.
Des amitiés se créenT
entre des individus qui Ile sc cOTlnaissaient pas alJparavant.
Les
langues se délient et, dans
la volubilité,
des informations les
plllS insolites sur la société ou sllr les autorités administrati-
ves et politiques s'élaborent ou se diffusent. Mais c'est ici
une des caractéristiques des maquis dont il va falloir mainte-
nant examiner brièvement la contribution dans l'adaptation so-
ciale des individus.
L'Abidjanais est à
la recherche d'un équilibre entre
ses aspirations profondes et ce que la vie quotidienne lui pro-
pose pour sa réal isation personnelle. Si de son" entrée-coucher,,(l)
à Treichville, Adjamé ou Koumassi,
il contemple les lumières des
quartiers résidentiels de luxe d'Abidjan, il ne pourra pas tou-
jours s'accorrunoder
du silence et de la tranquilité qui y règnent(2).
De même les habitants des quartiers résidentiels qui supportent,
à leur corps défendant,
ce calme, ont de temps en temps le re-
glJTd braqué sur les "points chauds" de la ville. Al' instar de
Cargantua,
ils vivent à Cocody, mais ils ont
le coeur à Treich-
ville, Adjamé ou Koumassi.
L'une des expressions les plus mani-
festes de cette éUnbivalence résicie
dans la fréquentation des boites
de nuit et surtout des coins de repas baptisés "maquis" dans
l'agglomération abidjanaise.
(1)
A-Cn.6~ ~e dé-6~gne ta mcU.6on il p.i.èce uni.qur..
(2)
CelLtCU:n.6 peJWonne.U de ,,!cU..601l qcu Mnt obügé6 d'éJ'hte domi.c.J:e chez
t~W1 emptuljeUll 6.i.ni.MC.ltt pM o.bandunne!l teull .t!laveLi..t. Le catine CI te
.6uel1ce qlU ,tegn<'nt da.16
te 'ÏUi1.t,t,<.e!l e/t dan/; .ta v.cÜa teW1 dev.Le.n-
nent à ta tongue .i.n.6llppcll,tabte'6, l'OIL!> c.onMai..t Uil <.nto,tn'reteuh.
-
~55
-
On ne dispose pas d'informations précIses Sllr les cir-
constances qui ont présidé à l'application du mot "maquis" il ces
coins de repas implantés dans des cours traditionnelles ou con-
cessions, dans les quartiers populaires d'Abidjan.
L'imagination
a toujours prévalu, dans la capitale des lagunes, dans le domai-
ne de l'application des mots étrangers aux
réalités locales. A
l'examen, on retrouve cependant des ressemblances entre le con-
cept étranger et la réalité locale que ce dernier est chargé de
décrire.
Il en est ainsi du "maquis". Celui-ci ne désigne ni
végétation ni refuge des "hors la loi".
Par contre l'acception
"résistance" donnée au même concept dénote bien la réalité abi-
djanaise.
Le maquis était et demeure encore aujourd'hui
l'oeuvre
des femmes.
Celles-ci qUI ne peuvent pas toujours exercer un em-
ploi rémunéré, ont eu l'idée originale d'ouvrir des COIns de re-
pas dans la cour de la maison qu'elles habitent ou dans le salon
de leur époux avec le consentement de ce dernier.
Il s'agissait
de participer aux frais du ménage pOUl' celles des femmes qui sont
mariées ou de subvenir à leurs propres beSOIns Jans le cas des
divorcées, des veuves ou des célibataires.
Probablement ne
savaiellt-elles pas qu'elles offraient un cadre favorable il l~
sauvegarde Je la culture. En effet,
le maquis était le lieu oQ
l'on pouvait vivre quelques instants dans une ambiance authenti-
qllement ivoirienne, pour ne pas dire africaine, qui vous décon-
tracte et qui vous détend. Que les indiv.icius en
fussent
conscients
ou non,
le maquis apparaissait comme une fOI'me cie résistance il
l'invasion des cultures étrangères.
[1
ne s'agissait pas de
coins de repas pour les économiquement
f~ibles, car de petits
restaurants du quartier proposent des mellUS au même prIx, par-
fois même en dessous de ceux que pratiqLlellt les maquis.
Le maquIs est un lieu de détente qui homogénéise par
ailleurs les statuts socIo-économiques.
On ne va pas au maquis
nI avec ses titres ni encombré des précepts d'lin savoir VIvre
mondain étranger au milieu. Dans ce cadre tradtionnel récréé en
plein milieu urbain pour le besoin des individus, tout est à
l'image de la tradition africaine depLlis
le menu jusqu'aux habi-
tudes.
Les carpes braisées,
le poulet braisé ou cuit à l' étouf-
fée
(Kédjénou en langage local) sont servis soit avec de l'attié-
ké (farine de manioc)
soit avec du riz suivant le choix du client.
Le repas est servi sans cuillère, sans fourchette nI coûteau aux
clients assis à plusieurs sur Ulle même banquette. On n'a pas be-
soin de s'être connu avant de s'adresser la parole, de causer.
On invite le
(s) voisin (s) à partager le contenu d'une bouteille
de bière. On dine, on s'enivre au rythme chaud et excitant de la
n~usique africaine, zairoise et nig61"iarlC en particulier, que dif-
fusent à profusion des chaines haute fidélité.
Les maquis abidja-
nais recrutent leurs clients parmi toutes les couches sociales.
Des directeurs de service ou de société,
des cadres er employés
se retrouvent indistinctement dans les maquis.
Les étiquettes
sociales tombent.
Les discussions et
les caus81"ies qui sont ou-
vertes à tous ne s'embarrassent pas des catégories grammaticales:
l'expression est ~ son plus bas niveau, celui du langage popu-
laire qui donne un cacllet particulier aux
IVOIrIens m€me
lors-
qll'ils se retrouvent confondus a d'autres africains francopho-
ne en pays ftranger.
L'essentiel demeure le partage des informa-
tions relatives à tOllS
les secteurs de la vie sociale.
Point de
gène; on est ~ l'aise, ainsi que le rapporte le quotidien na-
tional, Fraternité Matin
"Pourquoi se gênerait-il d'ailleurs,
lorsqu'il ne s'agit pour lui que de se débarrasser d'une veste
ou de quelque autre attirail plus approprié à
] 'air surcondi-
tionné, pour se fondre dans
le plein air de ces gargotes que
l 'humouT croustillant des ivoiriens a baptisés "maquis
?"
~f Fraternité Matin du Samedi 24, Dimanche 25 Novembre 1979, p.7).
Cette libertf d'expression et de mouvements et cette familiarité
expliquent probablement l'engouement de nombre d'étrangers, d'ex-
. -
1
.
(1)
patrIes pour
es maqUIS
. Il est des abidjanais,' notent Mahi et
Kaco\\l, pOUl' considérer le maLjuis comme lieu de culte qu'ils doi-
vent fréquenteT assidOment : "Tous ies soirs
il faut que j'aille
au maquis comme il y a des gens qui vont régulièrement ~
l'église
Ou ~
la mosquée",
leur confiait un habitué du milieu (cf L. ~lahi
et "1. l'acou, 1981, p.
ZLJ).
(1)
: Seton un .i-ntOflma.t:eul1., lm c.oopéMtnt nfwnça,ü qu' oU c.onncv~~M,t b.i-en
pal1.c.e que -fJwvcuL!'aY!.t dan!> ta m())1Ie Mué,té que. tu.i-, ,tü.ndl1.ai.t une
t0!:lt.C de :tOLUJ -C.e.~ maqui,ô è. r' a,U!2nt.ioH de ;toUh /jQ.,) C.OnJ'Xl-0Uo:te-a
qu.e a.JVUven{: nouveUemel1J: t'. Ab,',djan daM ta r<lême elu,~ep:U:..6e.
Lieu de retrouvailles
les SOIrs plutôt que la journée,
les maquis ont évolué, se sont même acculturés et sont
sortis de
la clandestinité qui faisait d'eux les endl'oits rêvés de dissi-
mulation pour ceux qui avaient quelques rai501ls de se soustraire
à la vue du grand monde. Aujourd'hui les Inaquis se sont multi-
pliés.
Il est né des "super-maquis" qui proposent des "super-
menus" exotiques à la clientèle à des "prix super", c'est-à-dire
un peu plus élevés que ceux pratiqués par les maquis ordinaires.
Car, même ici, l'innovation qUI vIse à l'alllélioration de la qua-
lité du menu ou du cadre dans lequel ceilli-ci est servi, se pale.
Aux "super clients" d'en faire
les frais.
On comprend que ces
coins de repas, à cause des prix qu'ils pratiquent, reçoivent
seulement des clients qUI ont une certaine fortune.
Les abidjanaises sont très imaginatives.
Leur percep-
tion claire des besoins des
individus explique le succès qu'elles
remportent dans leurs créCltions.
Les mEIquis ouverts dans les cours
traditionnelles, dans les salons des appartenlellts,
favorisaient
l'évasion, la dissimulation mais allssi ouvraient des relations
sociales aux individus esseulés en plus de
l'EIlllbiance
qU'ISI-
\\'i]lageoise dans .IElCllle.l.le les clients
se
retrou\\'aient.
Les super-maquis
permettaient à ses créateurs d'accomplir un pEIS de plus dans l'a-
nlélioration des services offerts EIUX clients et dans
l'introduc-
tion de nouveaux plats au menu.
Ce l'élisant,
ils institu0rent,
peut-êt re sans
l'avoir vou 1u,
] a ség régation dans
1 e [;Iilieu
de la
clientèle des lllaqllis.
Les quelc[ucs fortunés qui s'y aventul'èrcnt
devaient en repartir la bourse dégarnie.
Il faut bien que le
manque à gagner dû à la réduction du nombre de
clients soit compensé.
Des maquis d'un style nouveau sont apparus depuis quel-
ques temps à Abidjan.
Leur particularité réside d'abord dans leur
emplacement puis ensuite dans leur horaire d'ouverture.
Il s'a-
git, pour leurs promotrices, de répondre aux besoins des travail-
leurs chaque midi.
Plutet que de s'installer dans les quartiers
devenus par la force des choses des dortoirs qui sont à moitié
vides la journée, les promotrices des maquis nouveau style occu-
pent les espaces vides proches des lieux de travail. A Abidjan
Plateau, l'emplacement de l'Hôpital Central est Couvert d'Une mul-
titude de coins de repas qui fonctionnent comme des cantines tous
les midis.
"Au coeur du Plateau, un maquis de 2 000 places, un
midi chez les tanties de l'Hôpital Central, quand les femmes
occupent le vide" sont des titres d'articles parus dans deux édi-
tions du quotidien national
(cf Fraternité ~:ati" du Mercredi
12 Septembre 1984, p.
6 et 7 ; du Vendredi
14 Septembre 1984,
p.
6 et 7). Dans cet immense "Hôpital Central cies ventres affa-
més d'Ah id jan" ainsi que le notait avec humour les journalistes,
cieux cents tenancières sont à pied d'oeuvre de bonne heure chaque
Jour pour accueillir, à midi,
les ouvriers et eillployés que l'éloi-
gnement des lieux Je résidence contraint à déjeuner sur place.
Les traditionnels poisson et poulet braisés qui accompagnaient
l'a tt] éké ou le ri z font clés 0 rma j s maig re fig u re pa rmi
une va rié-
té cie plats de toutes origines.
"Les consommateurs sont particulièrement attachés à ces femmes
qui sont exclusivement spécialisées dans les sauces comme le
kopè,
le gnangnan,
le klalà ... ", écrit Fraternité Matin. Une
autre originalité de ces coins de repas est leur ouverture aux
femmes.
A l'origine les maquis, bien que tenus par des femmes,
ne recevaient que des hommes.
Ceux-ci pouvaient parfois être
accompagnés d'une amie, très
rarement de leur épouse l'orsqu'ils
sont mariés. C'est exceptionnel qu'une femme fréquente toute
seule ces lieux.
Mais les nouveaux maquis,
ceux d'Abidjan Plateau
notamment, accueillent indistinctement les hommes et les femmes.
"Des jeunes femmes toutes secrétaires dans l'administration, pré-
cise bien le rédacteur du quotidien national, ne se contentent
pas de cette variété (les sauces de kopè et autres).
Elles af-
finnent
: "Il y a tellement avantage à manger ici ...
! Allez
dites-leur de ne pas supprimer notre maquis" cf (Fraternité Matin
du 14 Septembre 1984, p. 7")(1). Le succès de ces maquis auprès des
travailleurs s'explique par l'absence de cantines dans l'adminis-
tration et dans les entreprises en général. "Je tiens à préciser,
dêclare un client à Fraternité Matin, que ce maquIs existe parce
qu'il n'existe pas de cantines cf(Frat.
~Iat. du 14 Septembre 1984,
p.
7).
La nécessité semble donc être
la raison majeure qui
( 1)
, L' ~flqLÙUude de ce.!> dcune., p![oc?2de de-6 ![WllC.UJl"
-6etol'l te-6queUe.; te.!> au;to-
JU;téJ.,
aCV)l.ÙLG,,t:Ul.Uve.!> env~ ag e!LQ.~el'l.t [a .!>uppJle.M.[o l'l de.!> maqLL0, co M.tJw..{;U,
MUr. .l'e Ueu -même où. .l'a po plda.t[ofl at..tend VO.</L ., 1 é~6~e![ .l" Hô pGW Cel'Lt,~a.I'
don-t tC-6. -tftL1vaux flan-t -zntc/IJLOI.11jJI..L6 depu-G6 quc..fque6 année,6.
-
:; () 1
préside à la fréquentation massive et, par conséquent,
au suc-
cès
des Jllaqll15 110llVe[lll style.
Dalls tous
les cas, la prolifération des maquis à
Abidjan pose ~ la fois
le prob10me de l'alimentation et celui
moins perceptible de l'intégration socia.\\e des individus. Alimen-
tation en ceci que le menu offert à la clientèle est confection-
né à partir des produits
locaux
connus de tOllS
rl'llne pait.)
ct
que d'autre part, le prix du repas lui même est adapté aux bour-
ses des individus (1).
"L 'homme qui est un être profondement so-
cialisé et culturalisé ... , écrit le Docteur Y.C.
Claudian, agit,
vit,pense, mange et boit selon les coutumes qUI
lui sont imposécs
par la société et son type de civilisation" (cf F. Bodo, 1979).
Les maquis abidjanais, en présentant une variété de plats dans
la composition desquels e"trent principalement des produits du
terroir,
C011tl"ibuent au lnaintien ou A l'eJltrcticn du senti~ent
que le miliell n'a que très peu changé chez les individus qui y
vivent.
Car, se retrouver loin de sa région d'origine, devant un
plat préparé à la manière de chez SOI n'est P:IS rien. Tout, depuis
l'oJelll" jusqu'allx COlllposantcs du lnenu,
réacrive ell
L'individu
le
sDllvenlr de son passé et
lui donlle l'impression de co:nmunlcr
UVée
leS
siens.
C' es t
sallS
doute
l'une des
raisons pour
lesquel-
les, dans l'EssaI d'Anal)"se structurale appliquée i, la cuisine
(1)
: Le c.Lé~rvt c.ho{.,~,Lt tLu.-m[me -ta. c:.a.flpe. qu '.<.z dé.,s.0'Le a.uO~jt à hOn. menu. CH;lÂH,-t
que .ea -teflancùUle He .ea üu b'BM b,~CLÙ>e.·~. Le P/Llx du ,~epa6 value 6e1.'ol1
.ea 9'WM eWt du po.i.Mon ~.hoù.i. e.f ~ll;'va,,-t Ca quaJ1:tA.-té d' C'vU.<:.éhe 0[[ c,[I
rlvéz. de.1l1a"ldé.~.
(lioula,
Louis Vincent Thomas
(1951,
p. :;:;8) voit dans la cuisi-
ne un
langage.
Le maquis permet à l'individu de se reconcilier avec
lui-même dans LIlle ville où la diversitf et
la pluralité des va-
leurs sont SOLI1'ce d'embarl"aS et oG le culturel est identifié au
sous-développement.
La familiarité tradLlite dans le tutoiement
entre clients puis entre cellx-ci et
la tenatlcière restitue à la
communauté du maquis le sens africain des
relations entre humains.
L'examen qUI vient d'être effectué de quelques structu-
res sociales susceptibles d'aider à
l'adaptation des individus à
la société abidjanaise permet de constater;
-
la persistance des structures de solidarité, maté-
rialisée par les regroupements à base villageoise ou ethnique.
Les individus sont en communication permanente ,Jvec leur milieu
cl 'origine
;
- les abidjanais s'efforcent de sauvegarder leur iden-
tité culturelle il travers les associations à caractère rfgional,
Ce qui est lIne forme cl 'opposition à
l'environnement immédiat.
En
cela,
ces associations comme
les précédentes, s'apparentent il des
"conserves
cu]turelles'I;
les regroupernents il base corporative r6polldcnt au
pressent besoin d 'intég ration fconomique des
rfsicJents sans pro-
.'\\ u.)
-
poser ~ ceux-ci, dans le m€me
temps, des sollJtions a leur dif-
ficultés d'adaptation sociale
-
la multiplication des sectes religieuses parallèle-
ment au Christianisme et a l'Islam, puis l'implantation de nou-
velles croyances sont des signes concrets d'inconfort psycholo-
gique vécu par les individus dalls la cité
le développement économique reste un objet de SOUCl
maJeur chez les autorités administratives et politiques au point
que les organisations des
jeunes en paraissent éprouvées. La ma-
Ilièle dont la jeunesse est occupée dans les clubs de quartier
révèle ce qu'on attend d'elle
discipline et surtout participa-
tion au développement économique
parmi les activités de loisir,
les rencontres sporti-
ves offrent la meilleure occasion pour effectuer un brassage de
populations
- le cinéma et le théâtre ne peuvellt, dans
les condi-
tions 00 ils se produisent, suppléer a l'interconnaissance, préa-
lable au développement des relations sociales approfondies;
- les boites de lluit et
les coins de
repas apparaissent
comme des
lieux
où
les
individus
vi.ennent
T'raire une cure ll des
difficultfs surtout psychologiques qui
les assai lient.
Au maquis,
l 'Abidj an"is se reconci lie avec 1 a trad 1 t iOI1 et avec lui-même.
-
:; 6:1
La sociôtô abidjanaise apparaft, en dépit des organi-
sations sociales décrites, très peu intégrante pour l'ensemble
des individus qui y vivent.
Le sous-dôveloppement des relations
sociales résulte â la fois de l'histoire de la constitution de
la société et surtout des motivations profondes des personnes
rassemblées
motivations qui sont essentiellement économiql.es.
Les valeurs sociales susceptibles de guider les conduites indi-
viduelles et collectives n'apparaissent pas encore nettement â
travers les organisations qui viennent d'être examinées. Tout
indique, au contraire, l'attachement des personnes aux valeurs
culturelles d'origine. Dans ces conditions,
la perception ins-
trumentale de la ville ne peut générer que des conduites multi-
formes chez les individus. Les marginaux sur le plan économique
se présentent auss~ comme des personnes socialement marginali-
sôes, tant il est vrai que les facteurs de la pauvreté sont des
facteurs cumulatifs (cf O.
Lewis,
1967,
p.
77).
CON C LUS ION
Dans cette p,ntie de la recherche, on allra passé en
revue les difficultés économiques,
démographiques et sociales
qui ont jalonné l'histoire du développement de la ville d'Abi-
djan.
Criminogène,
la société qui se bâtit actuellement â
Abidjan l'est effectivement en ceci qu'elle est peu intégrante
d'une part, et que d'autre part, elle réun.it toutes les condi-
tions favorables au développement du crime
- ruée maSSlve de ruraux et d'étrangers vers la ville
cI'AbidJan censée être l'EL DORADO cie l'Afrique de l'Ouest, pour
y faire fortune
- illSCTiption
èu retollT au villaoe ou au uavs natal
D
•
•
dans le projet individuel ou collectif d'émigration,
renforçant
ainsi la perception instrumentale de la ville et le sentiment
- concurrencc cles valeurs entlainant l'absence de réfé-
rents sOrs clans le nouvel envi.ronnement .ocial et cléveloppement
cie l'insécurité psychologique ~t clu sentilllcnt cie la débrouillarcli-
se
-
illefficacité ou absence d'encadlement des jeunes
livrés
à eux-mêmes,
résultant soit de l'indisponibilité ou de
l'éloignement physique des parents, soit de l'impuissance de
ceUX-Cl_ ;
- développement du chômage consécutif à
la diminution
du nombre d'emplois et à l'arrivée massive de jeunes diplômés ou
non 5lJr le marché du
travail
- abondance des biens de consommation et InsuffisHllce
ou absence de revenus individuels pour y répondre
- développement d'une infrastructure bancail'e dont la
multiplication des agences à travers la ville accroit la frus-
traction chez les personnes qui
n'y ont jamais eu accès;
- luxe ostentatoire affiché par la illinol'ité possédante
-:
et qui aiguise l'envie chez les perso~nes totalemellt délnullies.
Autant de données qUI caractérisent la société abidja-
naise et dont il convient de tenir compte dans l'étllde de la cri-
nlinalité devenue depuis quelques années un sujet banal de conver-
sation, mais un objet de préoccupation
majeure pour les autori-
tés administratives ct politiqlles.
Cependant,
le législateur n'a
pas menagé ses efforts pour doter le pays de lois qui
rèulemen-
o
terlt les conduites individuelles et collectives dalls nOlllbre de
situations de
la vie sociale.
l'ilnportanc~ quantirative des crl-
mes
e:::
délits
commlS
chaque
jour:'1
.:.\\hiclj~Hi fend par conséquent
COlllpte de l'inefficacité de ces lois nouvelles promues au rang
d'institutions nationales. C'est aux problèmes spécifiques rela-
tifs d'une part à la conduite des Abidjanais vis-à-vis de ces
lois nouvelles, aux crimes et délits ainsi qu'aux modalités de
leur pratique dans
l'agglomération abidjanaise, d'autre part,
que se consacre la partie qUl suit.
UNIVERSITE PARIS V
RENE DESCARTES
SCIENCES HUMAINES .
SORBONNE
THESE
DOCTORAT D'ETAT
ES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
CONSEIL AFRICAIN ET- .
-,
POUR l'ENSEIGNE
MALGACHE!
THE
c. ~. M. E. S. _ O:ENT SUPERIEUR
~rivée .. .
AGAQOUGOU 1
I~ré_~~;~~'~~F~:§:;:i:1
LA CRIMINALITÉ A ABIDrrAN .1
......
,lo. . . .
··1
ETUDEPSYCHO SO CIOLOG.IQUE.··. '
TOME II
Sous La Direction de :
Présentée et soutenue par:
Monsieur le Professeur émérite Guy DURANDIN
Monsieur Adrien BASSITCHÉ
.
Paris :
l...~ O.E...JWti
1988
T ROI SIE M E
PAR T 1 E
LAC Rl MIN ALI T E A AB 1 DJAN
- ~70 -
1 NT R0 DUC T ION
1 - Abidjan maîtrise difficilement son développement
économique et social. La multiplicité des structures d'intégra-
tion décrites dans la partie précédente a montré l'étendue des
possibilités offertes aux résidents pour leur implantation effec-
tive dans la capitale. Cependant, en dépit des efforts déployés
par les pouvoirs publics pour rendre la vie agréable et paisible
dans la cité, en dépit aussi de la volonté sans cesse affirmée
du législateur désireux de doter la Côte d'Ivoire de lois qui,
d'une part, uniformisent les comportements de tous les citoyens
dans nombre de situations et, d'autre part, défendent et protè-
gent les individus· ainsi que leurs biens, l'insécurité, dans la
ville, va grandissante. L'Abidjanais paraît vivre dans la hantise
de vol et d'agression physique au point que le gouvernement qui
est à l'écoute des préoccupations de la population a fini par con-
fier la protection des citoyens et de leurs biens à un ministère
spécialement créé, le Ministère de la Sécurité Intérieure. On peut
voir, dans le développement et l'entretien de ce sentiment d'insé-
curité dans la population, le rôle important joué par les medias,
notamment par la presse, toujours prêts à faire écho des condam-
nations prononcées par les tribunaux ou à présenter les comporte-
ments délinquants comme ayant dépassé le seuil de tolérance dans
la cité. Il est probable qu'une recherche portant sur la victimi-
- 371 -
sation~c'est-à-dire~sur le nombre d'individus victimes de vol ou
d'agression au cours d'une période déterminée ne confirme
pas totalement l'importance quantitative présumée des activités
antisociales dans la ville d'Abidjan.
2 - Une société humaine s'édifie sur un ensemble de
valeurs partagées par les individus qui la constituent. Ces va-
leurs transmises par l'éducation sont censées imprégner chaque
membre et inspirer son comportement d'une mani~re générale. En
ce qui concerne la société abidjanaise~ les seules valeurs au-
tour desquelles se réalise l'unanimité des résidents demeurent
essentiellement économiques. Nous avons dans un article non pu-
blié cf(A. Bassitché~ 1975c) signalé le rôle moteur de l'argent
dans l'inversion Qes valeurs chez l'abidjanais et'noté le brus-
que pas sage de ce lui- ci du stade d' homo sapiens à ce lui "d' homo
économicus". La quasi totalité des ruraux et des émigrants étran-
gers qui peuplent la capitale ne sont pas à la recherche d'un sa-
voir vivre~ d'un humanisme quelconque qui leur ferait défaut dans
leur milieu d'origine. Ils sont plutôt venus à Abidjan pour s'en-
richir. Aussi ne peuvent-ils avoir d'odorat que pour l'argent~
que pour le matériel. Celui qui s'embarrasse de considérations
humanitaires ~e peut~ dans cette course vers l'avoir~ que paraî-
tre retrograde voire inadapté au milieu. Mieux encore~ sans ar-
gent l'homme perd toute considération dans la société abidjanaise.
Il manque d'être homme. C'est presqu'un non sens de se déclarer
personne humaine lorsqu'on n'a pas d'argent. Et
quand on fréquente
- 372 -
une église ou une mosquée, c'est en partie dans le dessein
(inavoué aux autres) que Dieu vous aide à devenir riche maté-
riellement après avoir pardonné vos péchés. Ainsi l'argent par-
ticipe du monde de ces nombreux délinquants urbains que dénonce
Augustin Sondé Coulibaly cf(A. S. Coulibaly, op. cit.) dans la
capitale Burkinabé. Il explique aussi la découverte en soi de
vertus prophétiques qu'on se plait à vanter dans les grandes mé-
tropoles africaines(1). Les voyants, les marabouts et les rnulti-
plicateurs de billets de banque trouvent là une occasion rêvée
pour faire fortune aux dépens d'individus que le désir d'enri-
chissement rapide conduit à eux. Peu de personnes même parmi les
intellectuels échappent à l'emprise de ces charlatans qui sont de
fins exploitants des faiblesses d'autrui. Hyacinthe Sarassoro
voit dans cette attitude des africains, l'excès de naiveté ou de
crédulité. "Ils sont nés, écrit-il, dans des superstitions et
croyances de toutes sortes" cf(H. Sarassoro, 1979, p.
22). Sur
celles-ci, l'influence de l'instruction demeure encore quasiment
nulle.
Il s'agit là de deux niveaux différents de fonctionnement
chez tout individu, qu'il soit noir ou blanc, lettré ou illettré,
et qui relèvent de l'opposition entre les croyances rationnelles
( 1) : NOlL6 a.v0 no découvVLt de..6 c.h.aJz1.a;tano de. ce.tte. e..6 pèce. même. à Pa.Il..-W • A i.a.
.6o!Lti..e. du MUlLo Baltbè.6, UA .6ont nomb/te.ux. ve.nLL6 d' A6tvi..que· e.:t d'aille.UM
qu..i. VOlL6 pltopO.6e.nt i.a. Jtiche..6.6e. ma-téJUe.lle., le. .6uccè.6 e.n anIDUIt, b/te.6. de.
VOlL6 /te.ndAe. he.Ulte.ux. tandL.6 qu ' e.ux.-même..6 VOU.6 ~nop~e.nt ta COmmKh.6e.Jta.-
Uo n d'une. palLt, e.:t que. d 1aubte. palLt, le..6 pa.!J.6 do nt i l l M nt oJU..gùw.i -
/tu c.Jtoup~.6e.nt cfa.n.6 une. mi..6èJte. a.b.6olue..
~ 373 -
et expérimentales et les croyances dites sentimentales cf(P. Janet,
1936). La fascination que l'argent exerce sur les personnes jus-
tifie nombre de comportements que les législations nouvelles
d'importation occidentale classent comme délinquants ou crimi-
nels.
3 - L'apparition des lois qui viennent "troubler la
fête" dans un univers laissé vacant, de par l'accession du pays
à la souveraineté nationale et surtout de par la nomination de
compatriotes à des postes naguère réservés aux européens ou oc-
cupés par ceux-ci, ne peut que géner les personnes qui pensent
que le moment est venu pour se partager l'argent abandonné par
les colonisateurs. Par ailleurs,- l'immense majorité des résidents
est loin d'imagine~ l'existence de lois qui l~ corrcernent dans ce
nouveau milieu où, descendus tous pour faire fortune, les indivi-
dus les plus riches ne sont pas nécessairement ceux qui offrent
des exemples de droiture, bien au contraire. Et dans la mesure
où devenir plus fort et plus riche à tout prix et par n'importe
quel moyen cf(V. Coulon, 1979, p. 448) devient un idéal, les rè-
gles élémentaires d'échange apparaissent comme des obstacles
qu'il convient de lever sinon de contourner.
Dans une communauté composite où les normes de condui-
tes sont diverses, l'institution d'un droit nouveau qui n'intè-
gre pas les valeurs du milieu présente l'inconvénient majeur soit
de ne retenir l'attention de personne - soit d'être mal compris
- 374 -
Les dakaroises ne disaient-elles pas que les lois nouvelles, au
Sénégal, ont été faites par des sénégalais mariés à des euro-
péennes ? Il ne s'agit sûrement pas d'une pierre lancée au pré-
sident de la République de l'époque, marié à une française. Les
réactions de cette sorte s'observent aussi là où le premier ma-
gistrat du pays n'est pas marié à une européenne. En Côte d'Ivoi-
d'Ivoire la suppression de la dot et l'institution d'un droit
nouveau du mariage cf(R. Abitbol, 1966) paraissent être l'affai-
re des citadins plutôt que des ruraux. La résistance générale-
ment passive opposée par les communautés locales à l'introduc-
tion d'une législation nouvelle s'observe un peu partout dans
les états africains indépendants. Parce que ces derniers sont
issus d'une longue période de domination étrangère, ils portent
l'empreinte des nations qui les avaient asservis. Les nouvelles
institutions juridiques dont ils se sont dotés au lendemain de
leur accession à la souveraineté nationale restent sinon une re-
conduction pure et simple de celles qui existaient, du moins une
copie conforme de celles en vigueur dans le pays ex-colonisateur.
Certes des efforts sont-ils entrepris dans la plupart de ces
états pour adapter les institutions juridiques aux réalités lo-
cales, mais ces adaptations demeurent insuffisantes et ne peu-
vent suppléer à la mise en forme d'un droit qui puise son essence
dans les traditions du milieu.
Les crimes et délits qui "prospèrent" dans les grandes
villes d'Afrique Noire devront être considérés non pas uniquement
.,. 375 -
comme ils le sont ailleurs dans les pays industrialisés, à sa-
voir la violation des valeurs morales sur lesquelles se sont
édifiées les sociétés, mais aussi comme une des conséquences de
la "nationalisation" des législations étrangères, au lendemain
des indépendances-politiques. Il est ainsi aisé de suivre l'évo-
lution du droit pénal depuis la période coloniale à l'accession
de la colonie à la souveraineté nationale puis les difficultés
majeures qu'il a rencontrées péndant sa "nationalisation". Uti-
lisé comme un des instruments indispensables à la création d'une
société nouvelle, le droit pénal européen a contribué à l'accrois-
sement des crimes et délits cf(H. Sarassoro op. cit, p. 176) .et,
ce faisant, favorisé l'émergence de type de délinquants dont les
études n'ont pu encore préciser les caractéristiques différen-
tielles. Conséquentes avec elles-mêmes, les jeunes nations n'ont
pas oublié aussi les moyens de prévention, tant il est vrai que
la "nationalisation" est un acte global. Ces différentes considé-
rations font l'objet des chapitres qui suivent.
-
376 .,.
CHAPITRE 1
LA JUSTICE PENALE IVOIRIENNE MODERNE
En accédant à la souveraineté nationale et pour leur
entrée dans le conc~rt des nations, les anciennes possessions
européennes et anglaises d'Afrique Noire ont voulu "se vêtir
neuf", en bref faire peau neuve. Mais on ne se débarrasse pas
aussi facilement de ses vieux habits quand on ne s'est pas don-
né le temps de confectionner de nouveaux. L'épithète "moderne"
appliquée à la plupart des institutions dans les nouveaux états
n'est qu'un réalisme de façade. Elle dissimule mal le caractère
néo-colonial des institutions dont la justice pénale en particu-
lier qui nous intéresse ici. Dans ce domaine, aucun état ne s'est
démarqué de façon ?ignificative de son ancienne puissance coloni-
satrice qui continue d'ailleurs de l'inspirer cf(H. Sarassoro
op. cit, p. 64). L'histoire de la justice pénale se trouve donc
reliée à celle plus générale du nouvel état lui-mème. Il en est
ainsi du droit moderne en Côte d'Ivoire et plus précisément de
la justice pénale.
La Côte d'Ivoire ne fut pas une colonie de peuplement
comme l'avaient été certains territoires dont l'Algérie par
exemple. Cela n'avait pas empêché les colons de s'implanter sur
le sol ivoirien en amenant avec eux leurs institutions sociales
-
377 ~
et leurs croyances. Deux systèmes de valeurs plus souvent oppo-
sés que complémentaires se sont trouvés ainsi appelés à coexis-
ter sur le même espace géographique, mieux, au sein de la même
cité.
L'occupation même de l'espace urbain dans toutes les
grandes villes de l'Afrique Occidentale, Française à l'époque,
indiquait qu'on avait affaire à deux populations distinctes;
d'une part les Européens et d'autre part les Africains. Sépara-
tions qui traduisaient plus sarement la différence de coutumes,
de modes de vie propres à chacune des deux communautés qu'une
ségrégation qui se fonderait sur la pigmentation de la peau. On
en a pour preuve l'existence de- deux statuts de la personne.
D'un côté les "citoyens", c'est-à-dire les indigè"nes qui rele-
vaient du statut de droit commun, régis par les codes civil et
pénal français, puis de l'autre, ceux qui étaient régis par le
droi t coutumier et qu'on appe lai t des "suj ets" franç ai s cf (L. K.
Amega, 1971). Ainsi donc, au sein de la communauté noire, il y
avait des individus qui se classaient, sur le plan juridique,
comme les européens français et qui jouissaient des avantag~s
attachés à ce statut. Ces bénéficiaires ou ces privilégiés étaient
simplement perçus CO!T'.me "évolués" ou "civilisés" parce qu'ins-
truits et acculturés.
Quant au reste de la communauté, il conti-
nuait de suivre les lois coutumières, notamment en matière pé-
nale.
.,. 378 .,.
Les colonisateurs, en agissant de la sorte, semblaient
guidés par l'idée que "le droit d'un peuple est le produit de
l'ensemble de ses croyances, de ses mentalités, de ses us et
coutumes" cf(L. K. Amega, Op. cit, p. 52) et qu'il fallait le
respecter. Il ne paraissait donc pas concevable qu'on substi-
tuât à celui-ci un droit venu d'ailleurs sans compromettre gra-
vement l'équilibre de la société et celui des individus. Cette
situation ne devait pas durer longtemps, ainsi que le rapporte
Louis Koffi Amega. "Jusqu'en 1946, écri t- il, dans les colonies
françaises, en matière pénale on appliquait le droit coutumier ...
Le décret du 30 AoOt 1946 (qui) supprima la compétence pénale
aux tribunaux de droit local et étendit le code pénal de 1810 à
-
tous les délinquants indépendamment de leurs statuts civils".
Les "citoyens" et les "sujets" français se trouvaient placés sur
un pied d'égalité en ce qui concerne la soumission au droit pé-
nal français, tout en demeurant différents au plan de leurs sta-
tuts civils. La fonction normative du Droit souvent évoquée par
les juristes africains(l) et surtout par les législateurs des
(1) : La déci.aJutüon du CongJLu du jwU.6tu a6JtiCiUYL6 en janvieJL 1911 à ValuvL
JLappoJL:tée pM L. K. Améga e~t de~ poo ~.{grU.6ica.:üvu. Lu jwU.6t~ u-
.tûnen:t "qu 1 en PaJL:ticuUeJL, le VJLoi:t peu.:t et doi:t êtJr..e .e. 1iYL6tJuunen:t plUn-
c.ipai. de la c.ohuion et de la ~:tabili:té in:teJLnu néc.eM.a..iJLe~ à l'écU.6i-
ca.ilon de~ nouveaux é:taû, en même :temp~ que i' éli.men:é dyna.m.i.qu.e de la.
c.OYL6:tJr..u.c.üon d' E:l:a;t6 modeJLne~ et pJLO.6pèJLu peJLme:t:tant d 1M~U!LeJL à :to~
lu membJLu de la c.oilec.üvi:té le~ c.ondi:tioYL6 d'ewtenc.e et d'exeJLc.ic.e
de.-!J dJLoill et libeJL:té.6 que la cU.gni:té de i' homme exige".
Id - p. 53-54.
.
- 379 -
nouveaux
Etats, trouve son origine dans cette suppression des
tribunaux coutumiers en 1946. Les colonisateurs auraient perçu,
avant les africains eux-mêmes, l'utilité de la création d'un
ordre nouveau dans les possessions françaises, pour aider à
l'assimilation des populations autochtones à la culture métro-
politaine d'une part, et d'autre part, pour favoriser et hâter
l'unification des attitudes et des comportements. Le Droit s'as-
sociait à la Religion chrétienne et à l'Instruction scolaire comme
l'un des moyens utilisés par le colûnisateur pour implanter la
civilisation nouvelle dont paraissent se reclamer aujourd'hui
les Nouveaux Etats
indépendants.
Le rôle des africains "civilisés" dans la décision
d'appliquer à tout délinquant le droit pénal europ~en n'est pro-
bablement pas négligeable. Tout changement social nécessite, en
effet, un foyer d'où il se diffuse .. Nous avons montré ailleurs
(cf. A. Bassitché, 1975 a) qu'il opère sur les institutions et sur
les hommes comme éléments et qu'il met en oeuvre des forces repré-
sentées par les individus eux-mêmes et par des événements exté-
rieurs.
Sur le plan psychosociologique, l'attribution du sta-
tut de "citoyen" à quelques africains ainsi que les avantages
qui en découlent pour ces derniers n'est pas rien. Cet octroi
de la citoyenneté signifie que désormais il y a des africains
qui sont légalement égaux (car régis par les mêmes codes pénal
-
380
-
nouveaux Etats, trouve son origine dans cette suppression des
tribunaux coutumiers en 1946. Les colonisateurs auraient perçu,
avant les africains eux-mêmes, l'utilité de la création d'un
ordre nouveau dans les
possessions françaises, pour aider à
l'assimilation des populations autochtones à la culture métro-
politaine d'une part, et d'autre part, pour favoriser et hâter
l'unification des attitudes et des comportements. Le Droit s'as-
sociait à la Religion Ouétienne et à
l'Instruction scolaire comme
l'un des moyens utilisés par le colonisateur pour implanter la
civilisation nouvelle dont paraissent se reclamer aujourd'hui
les Nouveaux Etats indépendants.
Le rôle des africains."civilisés" dans la décision
d'appliquer à tout délinquant le droit pénal européen n'est pro-
bablement pas négligeable. Tout changement social nécessite, en
effet, un foyer d'où il se diffuse. Nous avons montré ailleurs
cf(A. BassiLché, 1975) qu'il opère sur les institutions et sur
les hommes comme éléments et qu'il met en oeuvre des forces re-
présentées par les individus eux-mêmes et par des événements
extérieurs.
Sur le plan psychosociologique, l'attribution du sta-
tut de "ci toyen"
à quelques africains ainsi que les avantages
qui en découlent pour ces derniers n'est pas rien. Cet octroi
de la citoyenneté signifie que désormais il y a des africains
qui sont légalement égaux (car régis par les mêmes codes pénal
-
381
-
et civil) et semblables (car s'exprimant et €crivant
dans la
langue du colonisateur) aux français. Cette r€alit€
est, en
elle-même, très motivante pour le reste de la population au-
tochtone dont plusieurs €l€ments
s'emploieront à forcer l'imita-
tion des "africains civilis€s",
et, à travers ces derniers, l'i-
dentification aux colonisateurs. Interm€diaires
entre les "su-
jets", c'est-à-dire les autochtones, dont ils sont en fait fort
peu diff€rents
(car ils demeurent fondamentalement africains) et
les colonisateurs, ces "citoyens" ou "africains civilis€s"
repr€-
sentent l'une des puissantes forces de changement qui vont acc€-
l€rer
la d€sorganisation
des soci€t€s
traditionnelles. Après
avoir oeuvr€
activement pour l'accession des €tats
à la souve-
rainet€
nationale, les "africains civilis€s"
se pr€occuperont
de sauvegarder les· acquis insti tutionnels de la p€riode
coloniale.
La Côte d'Ivoire, à l'instar des autres €tats
franco-
phones d'Afrique Occidentale, n'a fait que reconduire les insti-
tutions p€nales
y compris le droit, au lendemain de son ind€pen-
dance politique. La lutte pour la survie semblait commander qu'à
ces premières heures de l'accession à la souverainet€
nationale,
l'on s'int€ressât
d'abord aux questions €conomiques.
En d€pit
des
am€nagements
apport€s
au code p€nal
et malgr€
la volont€
du l€gis-
lateur ivoirien de construire une nation au sein de laquelle tous
les ivoiriens soient régis par les mêmes lois, le droit et la
justice p€nale
butent encore contre les r€alit€s
sociologiques
locales; l'un parce qu'il n'est pas "le produit de l'ensemble
-
382 -
des croyances, des mentalités, des us et coutumes" cf(L. K.
Améga, op. cit.) des individus auxquels il s'applique, l'autre
pour les mêmes raisons et surtout parce que l'administration du
procès et de la sentence diffère fondamentalement des pratiques
de la justice pénale traditionnelle. Dès lors, les difficultés
qui attendent la promotion du nouveau droit et la généralisation
de ses pratiques sur l'étendue du territoire s'avèrent multiples.
nouveau droit
Le Droit Civil et français ne s'appliquait, au tout
début de la colonisation, qu'aux français exclusivement. Par
ailleurs, le territoire ivoirien n'était pas un "RO man's land".
Différentes ethnies occupaient l'espace territorial, chacune
avec ses particularités et ses institutions cf(L. K. Améga, op.
cit.) juridiques (1). Il n'y avait pas de vide institutionnel qui
eût conduit à l'adoption d'institution étrangère. En effet, "Pour
qu'un culturème étranger soit adopté, il faut, soit que le site
correspondant soit vacant (absence ou extinction d'un trait cul-
turel), soit en expulser ce qu'il contient. Dans le second cas,
(1J : Au nombJr.e du ~ caJtilc.:téJu!:dJ..quu dé6in.L6.6ant .t /e:tWe, 6.i.gUJr.erLt
.tu Ù1.6:CU.ut<.0YL6 jUJr.idiquu qui noM intéJr.e.6.6ent ici. Lu iYL6:CU.ut<.oYL6
poi.,..U.tqu.e.6 .6 eutemerLt manqu.eJr.aierLt pa.tl..1rli .tu tJtcJ.j;U, Jr.eceYL6 é.6 - c 6W•
Michaud - .t'Ethnie - in E:thnop.6tjcho.togie, Tome XXVI, 2/3, Sep:tembJr.e
1971.
-
383
-
l'acculturation suppose une déculturation préalable, c'est-à-dire
une violence" (cf Y. Pélicier, 1971). La "nationalisation" du
droit français ainsi que de ses pratiques ne paraît pas répon-
dre aux conditions de l'emprunt. Les différents groupements
ethniques qui peuplaient la Côte d'Ivoire n'étaient pas en état
de besoin ni d'un droit ni d'une justice qui leur manqueraient.
Et s'il existait dans la population générale d'individus, mieux
des "sujets", pour souhaiter devenir des "citoyens", ce ne fut
probablement pas pour désirer la disparition des ethnies dont
ils étaient issus, mais plutôt pour jouir des avantages divers
attachés à ce statut, car, ainsi que le note Y. Castellan,
"l'appartenance à l'ethnie est un phénomène vécu, c'est-à-dire
centralisé en chaque individu. A ce titre, il est nécessairement
structuré, au double plan conscient et inconscient" (cf Y.
Castellan, 1971, p. 227). Aussi, penser que l'attribution d'un
statut, celui de "citoyen", suffit à transformer totalement l'in-
dividu qui vit dans son propre milieu, paraît infirmer sans dé-
monstration préalable, le savoir-psychosocial, notamment en ma-
tière de changement social.
On attribue les difficultés relatives à l'implantation
et à la promotion de la justice pénale nouvelle à un certain nom-
bre de causes : insuffisance des "institutions destinées à con-
trôler et à reprimer le phénomène criminel", la distance qui sé-
pare la population des organismes de répression, la relation
entre l'acculturation de la population et la criminalité apparen-
- 384 -
te ~f Y. Brillon, 1975). De même, on applique ou on semble appli-
quer à la population l'affirmation selon laquelle nul n'ast
censé ignorer la loi. D'emblée, on somme les pratiques coutumiè-
res de disparaître et, avec elles, toute la vision du monde qui
caractérise tout un peuple. La justice pénale traditionnelle
doit évacuer le site qui était le sien et laisser la place à
celle, plus unificatrice et plus humaine, importée à grand coût
psychologique pour la population. Tous ces arguments traduisent
une volonté commune, chez ceux qui les présentent, de changer
la société et les hommes. On peut les reformuler sous forme
d'hypothèses, de la manière suivante;
- La justice pénale traditionnelle n'est pas compatible
avec les exigences d'un état moderne au plan de l~édification de
cet état puis de son développement.
- Les pratiques en Droit Pénal Moderne, motrices de
l'unification des peuples, ne progresseront que si et seulement
si la société et ses membres se mettent à l'école du pays d'où
s'effectue l'importation.
L'une des meilleures façons de restituer au droit
nouveau son efficacité dans le contrôle social est de rapprocher
les organismes de répression de la population.
'"
- 385 -
~~~!~~~~E~_~~~~_!~~_~~!g~~~~~_~~_~~~~!~~~
d'un état moderne
Il n'est pas souhaitable qu'au moment où les ancien-
nes colonies se transforment en états, on continue de traiter
différemment les individus ressortissants, aussi bien sur le
plan pénal que civil. Entre autres caractéristiques, une nation
ou un état se fonde sur des normes juridiques (cf G. Michaud,
op. cit.) communes qui s'appliquent uniformément aux personnes
qui vivent sur l'étendue du territoire. La Côte d'Ivoire, à l'i-
mage des autres pays
africains
compte une multitude d'ethnies;
ce qui lui valait aussi une multitude d'institutions juridiques.
Il fallait donc créer un droit nouveau, une justiée nouvelle qui
uniformisent les conduites des citoyens sur tout le territoire
le passage de la situation de· colonie à celle d'état moderne
l'exigeait.
A situation nouvelle, des moyens nouveaux. En effet,
les responsables politiques ne se sont pas fait d'illusion sur
les difficultés qui les attendaient au plan du développement éco-
nomique et social. Même si l'indépendance politique a été deman-
dée ou reclamée par eux, aucun état n'était réellement prêt à
l'assumer au moyen d'institutions socio-économiques déjà élabo-
rées et par conséquent prêtes à relayer celles mises en place par
le colonisateur. Réalisme ou solution de facilité, le droit pénal
-
386 -
importé était a priori apparu aux dirigeants plus adapté aux
exigences du développement, parce que mieux indiqué pour combat-
tre la criminalité née de ce développement kf J. Tano, 1975).
Aucune étude sérieuse ne signale l'immobilisme des sociétés tra-
ditionnelles à la suite de la longue période de colonisation à
laquelle elles ont été soumises. Au contraire il est question
de "détribalisation" des individus, de "dislocation" ou de "des-
tructuration" de la grande famille et de la société tradition-
nelle, de "changements sociaux" (cf B. Holas, 1962) ou de "muta-
tion"(cf F. N. Aglemagnon, 1970), etc. Ce qui signifie bien qu'un
changement des structures socio-culturelles est en cours et, pro-
bablement, les institutions juridiques ethniques aussi. Dans ces
conditions, peut-on penser, il n'y a qu'à persévérer dans l'ap-
plication du droit ·pénal importé, la justice traditionnelle fini-
ra par mourir d'elle-même lorsque les individus auront cessé d'y
recourir.
Les nombreuses tâches qui attendaient les dirigeants
africains au lendemain de l'accession de leur pays à la souverai-
neté nationale, constituaient en elles-mêmes un obstacle majeur
à la recherche de solutions inédites aux problèmes du moment. Par
ailleurs, le fait d'avoir vécu longtemps sous le règne d'institu-
tions étrangères constituait aussi un handicap au plan de l'ima-
gination et de la créativité. Les modèles d'organisation les plus
prégnants, les plus valorisés et les plus efficaces qui parais-
saient s'imposer aux nouveaux dirigeants demeuraient ceux de
- 387 -
l'ancienne métropole. La reconduction du droit pénal néo-
colonial en particulier permettait d'assurer une continuité à
l'ordre ancien en attendant d'y apporter, si le besoin se fai-
sait sentir, quelques modifications. Aucun effort n'a été véri-
tablement accompli pour faire de la justice pénale tradition-
nelle une institution nationale. On s'est plutôt contenté
d'évoquer l'incompatibilité de la justice pénale coutumière avec
les exigences
de développement économique et social sans réel-
lement le démontrer. Ainsi, les raisons invoquées en ce qui con-
cerne la Côte d'Ivoire, mais qu'on peut aussi généraliser à
l'ensemble des anciennes colonies françaises d'Afrique Occiden-
tale, se résument dans les propos qui suivent:
a.l.) "La coutume présente un'premier incon-
vénient majeur, si telle est la motivation de la réforme, écrit
Marc Dumetz. Elle est un droit d'origine tribale, fondée sur des
divisions ethniques : chaque ethnie, sinon
chaque fraction
d'ethnie a sa coutume qui lui est propre. Or, avant même de viser
le développement économique et social, les dirigeants d'un pays
qui accède nouvellement à l'indépendance doivent avoir le souci
de créer un sentiment d'unité nationale. Pour parvenir à c~t
objectif, il faut supprimer tous les obstacles à la formation de
cette unité. Le droit traditionnel, dans la mesure où son champ
d'application est limité à l'ethnie, était sans aucun doute un
des obstacles majeurs à l'élaboration d'une authentique unité
nationale.
-- 388 -
Parmi les diverses coutumes en vigueur, il était in-
concevable que l'une d'entre elles fut élevée au rang de loi
plutôt que celle d'une autre ethnie, car tous les individus
dont la coutume n'aurait pas été choisie n'auraient pas manqué
d'y voir un signe de favoritisme et leur réaction aurait sans
doute été très vive" Ccf M. Dumetz, 1975, pp. 14-15).
Les arguments qui sont présentés manquent de base so-
lide. La pluralité des ethnies ainsi que les droits qui sont
pratiqués au sein de chacune d'entre elles passent pour les
obstacles majeurs à l'édification d'une nation. L'auteur manque
de mentionner aussi les langues différentes qui sont parlées sur
l'étendue du territoire et bien n'autres spécificités qui dis-
tinguent une ethnie d'une autre.
L'histoire nous enseigne que la quasi-totalité des na-
tions s'est édifiée sur la base des évènements extérieurs qui
ont contribué à unir des peuples qui, autrement, n'auraient pas
pu vivre ensemble sous une même bannière. En Afrique Noire et
singulièrement en Côte d'Ivoire, la colonisation a mobilisé les
différentes ethnies dans une même lutte contre les éléments exté-
rieurs perçus comme des envahisseurs. Sans qu'on puisse le quali-
fier véritablement de collectif, un sentiment animait toutes les
ethnies: chasser les éléments envahisseurs. La pacification de
la Côte d'Ivoire dont parlent les histotiens(cf G. Cangah, et S.P. Ekanza,
1978) n'est rien d'autre que le dépôt des annes par les autochtones.
- 389 .,.
Cependant, la cessation des hostilités ne signifiait
pas, chez les vaincus, un renoncement à être eux-mêmes. Le désir
de se libérer du joug colonial habitait les individus et allait
se manifester dans des regroupements, des associations (cf. G.
Cangah et S. P. Ekanza, op. cit, pp.
182-183) dont le Rassemple-
ment Démocratique Africain (RDA) créé à Bamako en Octobre 1946.
La section ivoirienne du RDA. connue sous le sigle PDCI.(Parti
Démocratique de la Côte d'Ivoire) animée et dirigée par le Pré-
sident de la République de Côte d'Ivoire. répondait, depuis sa
création, aux aspirations de tous. Aujourd'hui encore on conti-
nue de parler des "combattants de première heure" pour désigner
tous ceux qui, quelle que soit leur origine ethnique, avaient
lutté au sein du
PDCI-RDA pour obtenir l'indépendance politique
de la Côte d'Ivoire. La vie politique nationale reste marquée
par la solidarité entre tous les "combattants de première heure",
indépendamment, soulignons-le, de la différence des coutumes aux-
quelles chacun se trouve soumis au sein de son ethnie. Le senti-
ment d'identité acquise dans la douleur, relève M. Mead (1971),
ne s'efface jamais. Il fonde la solidarité entre les individus.
Judicieusement utilisé, ce sentiment peut servir de base à la
constitution d'une nation au sein de laquelle les individus
s'acceptent mutuellement. Toujours sur cette base, des institu-
tions nouvelles dont le droit et la justice peuvent être promues.
Les arguments suivant lesquels le choix des coutumes
d'une ethnie et l'érection de celles-ci au rang d'institutions
-
390 -
nationales seraient un signe de favoritisme et susciteraient
des réactions très vives procèdent aussi, nous semble-t-il,
d'un même ordre d'idées: incitation à la passivité, ~ renoncer
à tout effort de création et, par conséquent, encouragement à
reconduire la situation telle qu'elle existait avant l'indépen-
dance.
La lutte pour la libération, dans le contexte de la
Côte d'Ivoire précisément, n'avait pas été l'affaire d'une
ethnie. C'est mal poser le problème que de le ramener à des con-
sidérations tribales en faisant croire que celles-ci auraient
gêné la création d'un droit nouveau à travers lequel les ivoi-
riens se reconnaissent. C'est, en brandissant la menace de la
division, amener les dirigeants à accepter une ce!taine hégémo-
nie qui seule paraît capable de sauver ou d'asseoir l'unité na-
tionale, mais qui, en réalité, consacre subtilement la dépendan-
ce à l'ancien pays colonisateur.
Les arguments pour le maintien du statut-quo ne man-
quent pas. Une fois encore, note Marc Dumetz "Pour parvenir au
développement économique, il faut nécessairement que les respon-
----------------------
sables et leurs subordonnés soient !~~~~~~~~~! animés par l'idée
de progrès. Or la coutume est totalement inadaptée si l'on veut
parvenir à un stade avancé de développement, dans la mesure où
elle est par essence conservatrice.
-
391
-
En effet, le droit traditionnel est profondément in-
fluencé par des croyances d'ordre religieux qui empêchent toute
évolution de la coutume. Il est cependant évident qu'une socié-
té ne peut se modifier si les règles juridiques qui l'organisent
ne peuvent elles-mêmes se modifier" (cf Marc Dumetz, op. cit,
p. 15-16).
Après la menace de désintégration des états nouveaux,
c'est maintenant celle du blocage de développement de leur éco-
nomie. C'est une nécessité absolue ("il faut nécessairement"),
pour les responsables, de balayer la coutume identifiée à l'anti-
progrès. Nul ne peut entrer au royaume des cieux s'il ne renais-
sait de nouveau, dit la Bible. Les nouveaux états doivent absolu-
ment faire peau neuve, renaître. L'auteur nie la possibilité à
toute coutume de faire des progrès dans ce monde moderne où tou-
te institution sociale s'analyse en terme de changement. L' immo-
bilisme de la coutume comme celui du droit traditionnel s'expli-
querait par ses relations avec les croyances religieuses. C'est
ici, implicitement, une condamnation à ne pas être de nombre
d'états dont les institutions sociales, le droit pénal en parti-
culier, tirent leur essence de la religion. L'existence même de
ces états démontre qu'il est possible à une nation de se dévelop-
per socialement et économiquement en conciliant les exigences du
progrès avec la tradition ou les croyances religieuses.
-
392
-
Le deuxième argument suivant lequel "une société ne
peut se modifier si les règles juridiques qui l'organisent ne
peuvent elles-mêmes se modifier", pêche, selon nous, par excès
de juridisme. En effet, si les règles juridiques participent à
l'organisation de toute société humaine, celle-ci ne se résume
pas à celles-là. Bien d'autres règles (religieuses, morales,
conventionnelles, etc) contribuent aussi à l'organisation de
rapports durables et harmonieux entre les individus. C'est sous
cet angle de vue générale que, pensons-nous, Levi-Strauss définit
la société par l'expression d'''échange reglé". Echange de biens
et de services, mais aussi d'idées, de conceptions sur les hom-
mes et les choses, entre les membres. Cependant, étant donné que
tout ce qui est organisé ne tient qu'à l'intégrité des éléments
constitutifs et aU.fonctionnement cohérent de ceux-ci, la socié-
té, comme l'organisme humain, est vulnérable. Toute modification
subie par un des éléments constitutifs (système de croyances,
règles juridiques, morales etc) rejaillit sur toute la société.
Le pouvoir de modification, en ce domaine, n'est donc l'exclusi-
vité ni du droit ni de la religion, pour ne citer que ces deux
éléments.
-
394 ~
réside non dans la codification pure et simple des coutumes, mais
dans la synthèse de celles-ci. En effet, "Le dénominateur com-
mun à toutes ces justices (entendons ethniques) se ramène fonda-
mentalement à la recherche de la reconciliation, d'un arrange-
ment entre les parties concernées. Dans cette perspective,l'ac-
cent est mis sur la notion de réparation du tort, d'indemnisa-
tion de la victime", note Jean Tano (op. cit, p. 44). La récente
décision prise par le gouvernement rwandais d'unifier le droit
coutumier et le code Napoléon va dans ce sens cf(Fraternité
Matin du Samedi 2 - Dimanche 3 Mars 1985, p. 31). Tâche diffici-
le, comme le souligne le commentateur du quotidien ivoirien Fra-
ternité Matin, mais qui vise Ilà la fois à répondre aux besoins
d'une société moderne et (à) sauvegarder les traits fondamentaux
de la culture rwandaise".
Initiative louable qui, si elle réussit,
devra donner des leçons à nombre d'états africains qui hésitent
devant l'effort à entreprendre.
Les attitudes contradictoires devant la coutume et la
justice traditionnelle conduisent à envisager une large diffusion
du droit nouveau, perçu comme étant seul capable de créer l'unité
nationale.
b) ~~~_PE~!!9~~~_9~_~!~!!_E~~~!_~~~~~~~_~9!!!Ç~~_~~~!É!Ç~
!!~~_~~~_2~~!~~_9~_!~~_~!~!~_~~~~!!~~~!_!~~~2~~~~!~
La question qui vient spontanément à l'esprit est celle-
ci
l'édification d'une nation passe-t-elle par la négation des
-
393
-
En dépit des conséquences inhérentes à une codifica-
tion des coutumes (1 )perçues de façon contradictoire (2). le lé-
gislateur africain semble percevoir de plus en plus que la so-
lution aux problèmes de droit qui se posent de façon générale
à ses concitoyens passe par une reconsidération des valeurs
socio-culturelles fondamentales propres aux groupements ethni-
ques qui composent la nation. La reculade entreprise par le lé-
gislateur ivoirien après plusieurs années d'application du nou-
veau droit sur le mariage en est une illustration. Les ivoiriens
ont maintenant la possibilité de choisir entre régime de commu-
nauté de biens et celui de biens séparés.
Auparavant, ils ne
pouvaient se marier que selon le rég ime de la communauté de biens.
L'une des solutions aux problèmes de droit dans les
nouveaux états africains, pensent les juristes du continent~
(1) : e.n. BoWLjO.t cLté pall Malle. Vumetz~ op. cLt, p. 11. Su.iva.nt e.et au.teWL,
"I.t ne .6 e.mb.te pa..6 exa.e.-:t de CÜJLe qu.e .ta. e.ocü.Mc.a;Uo n u.niMeJLa.,i;t .te .6!J.6-
tème e.ou..tt.urU.eJt; non h eu..te.ment e.t.te n' uniMe.JUtU. lÛen du tout, rn<U6 e.t.te
mu.f;U.pUeJr..a.U. .te.6 cü.nMcu.U:u, .6oU palte.e que .ta. e.ocü.nic.a;Uon e.onhaelte-
lUtli du Jtèglu pJtuentu ou en déca.dene.e ba..6éu .6WL un .hY.htème pJtéca.-
pit.ali..6te dépu.6é et ne e.oJtJtuponda.nt pl.1L6 aux nouve.t.te.h nOJUneh ée.ono-
rn-i.que.h, .hoU paIl.e.e
qu'eUe .6anct.i.onneJtali le Jtégime nouveau à ba..6e
e.ap.Ualihte qu.i n'ut enc.oJte que l'aveniJt, et danh e.e c.a..6, eUe ne
e.oJtJtuponc:l!uU;t pM à .ta. .htJtuc.tWLe ée.onorn-i.que et .6 oc.-i..a.-ie" . Ve toute évi-
dene.e, auc.un. .tég-<-6.tateWL de.h nouveaux é:ta.:t6 n' e.ht a..6.6 ez iM..éaUhte poUJt
pJtOc.édeJt, .hWL W1 Jteg-<-6:tJz.e, à .t'adcU:ti.on de.6 cü.nnéJLente.6 e.outume.6 qui Jte-
g-<-6.6 ent la vie de.h gJtoupementh e:thniqueh. I.t e.6t a..6.6ez imag-irutti6 pOWL
pJtOe.édeJt, tout au moinh, à .ta .hynthè.6e de e.e.6 e.outume.h de 6aç.on Q'ue toM
.te.h cLtoyenh .6' lj Jte:tJz.ouvent.
(2)
La e.outume e.6t peJtÇ.Lte tantôt e.OD,ne .6oup.te et palt e.Onh équent c.apable de
.h' adapteJt à toute .6-U:.uctü.on Ipage.6 16 et 11), tantôt ùuu:La.ptée et e.on-
.h eJtvcWûe.e pM u.6ene.e (pag e 15). e.n. (Malle. Vunu:tz, op. cLt.)
-
~95 -
particularismes ethniques ou par leur reconnaissance? On avait
vu antérieurement les différents angles de perception de soi et
d'autrui chez les abidjanais cf(Les Associations:
les regrou-
pements à base villageoise ou ethnique). Le psychologue social
est tenté de répondre positivement au deuxième terme de l'alter-
native. Vouloir chasser le culturel, celui-ci réapparaît tou-
jours, peu importe la forme nouvelle qu'il revêt.
S'aider d'un droit étranger pour asseoir un ordre
nouveau, c'est opter pour la disparition définitive des droits
locaux considérés à tort ou à raison comme inaptes à rassembler
tous les groupements socio-culturels en une nation. Cette impor-
tation impose à son tour des conditions qui, somme toute, ne
paraissent pas fa~iles à remplir. Elle exige d'aburd la vacance
du "site culturel" par expulsion du "culturèrne local", ici le
droit traditionnel, ensuite une préparation mentale, assimilable
' d
d
1
l '
(1)
a un
ressage
e
a popu atlon
' .
Celle-ci a commencé sous le régime colonial, en 1946,
lorsqu'il fut question d'appliquer le code pénal de 1810 à tous
les délinquants. Du même coup, les tribunaux de droit local per-
(11 : La va.R..owilion de R..a. cu.U.wœ étIulngèJte., lM avantage.6 que .60n a..6.6-<.mU.a.-
tian c.on6VLe, .6on-t queique.6 u.n.6 de.6 6actel1Jl...6 mouva.FttA c.apa.biu d'ac.c.é-
iéh~ le phOC.U.6u..6 décu.U.~on/ac.c.u.ituha.tion de.6 ~ndiv~du..6.
- 396 -
dirent une grande partie de leur pouvoir.
Ils n'étaient plus ha-
bilités à connaître des affaires criminelles sur toute l'étendue
du territoire.
Pour le colonisateur, il s'agissait de remplir le vide
aussitôt créé par la suppression du droit traditionnel, en impo-
sant le droit pénal européen. C'était là un acte de violence aux
conséquences multiples en ce qu'il sommait de disparaître toute
la vision du monde qui caractérisait un peuple. Après l'indépen-
dance politique, les dirigeants ont maintenu ce nouveau droit en
multipliant les moyens susceptibles d'aider à son implantation
effective dans la "société nouvelle", constituée encore d'''hom-
mes anciens". Mais cette implantation même se heurtait à un cer-
tain nombre d'obstacles(l)
Dans les sociétés africaines traditionnelles, le droit
a un fondement magico-religieux. En conséquence lorsqu'une sanc-
tion est appliquée à un délinquant, il ne fait aucun doute dans
l'esprit des individus et dans celui du coupable, que c'est la
volonté des dieux qui s'accomplit. Il en est tout autrement en
justice pénale moderne qui se veut laïque et dont la philosophie
ne fait aucun écho dans l'âme des africains. Cette absence de
(1)
: La ~6~n~~on de6 ob6tacte~ e6t empnuntee à Jean Tano, op. cit,
p. 49-60.
~ 397 ~
résonnance des sanctions dans la conscience collective et indi-
viduelle explique les difficultés que rencontre la justice mo-
derne dans son déroulement et dans ses applications.
L'administration du procès et de la sentence suscite,
d'après ce qui précède, des adhésions variées et changeantes.
La référence qui est faite par les individus tantôt à la tradi-
tion tantôt aux valeurs modernes d'inspiration européenne, crée
des difficultés à l'administration de la nouvelle justice. Cette
dualité qui est due à la coprésence de la justice pénale tradi-
tionnelle(cf A. Bassitché, 1975 b, p. 23) et de la justice pénale
moderne dans la même cité est génératrice, par ailleurs, d'ambi-
guité et peut dontier lieu, selon les attentes et les besoins pro-
fonds des individus, à de l'opportunisme. En jouant habilement
tantôt sur l'un tantôt sur l'autre des deux codes de valeur, tout
auteur d'infraction peut espérer s'en tirer à bon compte. C'est
précisément à ce niveau que la justice nouvelle promue au rang
d'institution nationale et éducative rencontre probablement le
plus de difficultés. L'histoire qui suit rend compte des embarras
vécus par les magistrats. ilLe jeune K. Y. qui n'avait pas pu réus-
sir dans ses études fut amené par son oncle du village à Abidjan
où ce dernier travaille. L'oncle, au départ du village, pensait
trouver un emploi à son neveu. Après un séjour de plusieurs mois
au domicile de son oncle maternel, le jeune K. Y. s'aperçut que
- - - - - - - - - - - - -
~-
- 398 -
non seulement le travail attendu ne venait jamais. mais encore
que son oncle ne lui laissait pas non plus d1argent de poche.
A son âge, il en avait besoin pour ses petits plaisirs.
Il se
saisit, un jour, du poste de radio de son oncle et le vendit
pour se procurer un peu d'argent. Revenu du travail, l'oncle dé-
couvrit que son poste avait disparu.
Il ne mit pas beaucoup de
temps pour trouver l'auteur de cet acte en la personne de son
neveu. Furieux, il le conduisit au poste de police d'où on le
déferra au parquet. Au tribunal des flagrants délits, à la ques-
tion du juge, le jeune répondit qu'il n'avait pas volé mais qu'il
avait seulement pris et vendu le poste de radio de son oncle
pour se procurer de llargent de poche. Le juge réitera sa ques-
tion : "mais vous avez volé". Le jeune repliqua encore
"Non,
j'ai pris et vendu le poste de radio de mon oncle". Pour compren-
dre le comportement du jeune inculpé, il faut se reférer à la .
tradition Akan des relations entre oncle maternel et neveu. Dans
la tradition des groupes ethniques akan, Ilhéritier légitime de
l'oncle maternel est le neveu utérin. Il ne peut y avoir de vol
entre les deux individus, tout comme en droit civil français il
n'existe pas de vol entre époux ou entre parents et enfants. En
refutant le chef d'accusation dont il est l'objet, le jeune K. Y.
se situe résolument sur le registre coutumier d'appréciation des
crimes et délits. Et nul ne peut prouver qu'il est au courant des
nouvelles lois en vigueur dans le pays. En persistant dans la né-
gation, K. Y. donne mauvaise conscience au juge qui doit, malgré
-
399 -
tout, appliquer les dispositions prévues par les nouvelles lois.
En appliquant la sanction, le juge protège la loi mais non les
individus. On peux donc dire que dans les états nouvellement
indépendants d'Afrique Noire, les hommes sont faits pour le Droit
mais non le Droit pour les hommes. L'ordre nouveau qu'on cherche
à créer paraît l'être pour lui-même, mais non pour la société.
L'exemple du Jeune K. Y. n'est qu'un cas parmi bien d'au-
tres qui mettent chaque jour à rude épreuve la conscience des ma-
gistrats africains et les installent dans l'ambivalence.
Au regard de ce qui précède, on peut imaginer aisément
le malaise du magistrat africain. Elevé dans une société qui a
ses codes de valeur, ses normes, ses croyances, bref, sa propre
culture d'une part, formé lui-même intellectuellement à l'école
occidentale dont il connaît l'inadaptation profonde à la société
africaine d'autre part, le juge (africain) qui est chargé d'ap-
pliquer le droit nouveau dans un milieu demeuré traditionnel, ne
peut manquer d'être interpelé constamment par sa conscience. Ou
bien, il cherche à tromper celle-ci et il se ment à lui-même en
se donnant une vision des choses différente de celle qu'il tient
-
400 -
lui-même pour vraie(1). Dans ce cas, il est obligé de recourir
à divers mécanismes de défense pour surmonter le sentiment de
culpabilité résultant des décisions qu'il est appelé à rendre
kf Dr. S. Lebovici, 1971, p. 99). Ou bien, il cède à l'automatis-
me en établissant tout simplement une correspondance entre sanc-
tion et délit ou crime suivant les dispositions du code pénal
moderne. A ce moment. il rendrait une justice expéditive après
avoir muselé sa propre sensibilité.
Le juge africain moderne, dans tous les cas, apparaît
comme l'habile défenseur du droit nouveau auquel il s'efforce de
s'identifier. Face à un acte incriminé par la justice moderne
mais qui revêt un caractère tout à fait régulier dans la tradi-
tion bien connue du juge lui-même, tels l'infanticide, la mort
causée par un sorcier, pour ne citer que ces deux exemples, le
magistrat se trouve moralement contraint de fonctionner judicieu-
sement sur les deux registres moderne et traditionnel. L'infanti-
cide sera traité suivant les dispositions pénales nouvelles.
Quant à la mort causée par un sorcier, la peine correspondante
( 1) : "Le mel1.Oonge, éeJL.U Guy VUJta.Ylcün, c.ol1.O..wte à. donne.1t volon.:ta.Vr.ement à. un
paJtteruU.Ae une v,w.ion de. la. Il.éali...té cü66é1tente de c.ette qu'on tient .6o.i-
même pOUII.. vJr..a-i..e".
c.6. ~~_~~~o~~~_~~_~~~g~~~_~~_~~_p~~~~~,
P.U.F. 1982, p. 19.
Va.11.O le c.a..6 aTun mel1.Oonge à. .6o..(.-meme., le piVlXeruU.Ae e.6.t .t' .incüv.idu. .tu..i,-
même. Le mag,uttr.a..t qui !.le ment cUYl-6.i a .tui-même doil !.lU!l..montelt .te.6 Il.e-
pltoc.he.6 de !.la. col1.Ouenc.e moJta1.e. I.t peut y paJtven.ilt gJz..âc.e à. .6on .ident.i-
Mc.a.tion à. la. nouvelle Ù1LJ~on. qu..i e.6.t un de!.l Uémen.t.6 du pouvo.i/t.
~ 401
au meurtre sera appliquée si l'inculpé reconnait être l'auteur
de l'acte; dans le cas contraire, il sera relâché. L'entorse
ainsi faite aux textes ou l'interprétation différentielle de
ceux-ci engage la responsabilité du juge. En se conduisant ainsi,
il espère vraisemblablement maintenir la paix sociale, et en mê-
me temps, aider à l'implantation de la justice nouvelle. Mais la
manière dont il procède constitue en elle même une autre source
de difficultés pour l'acceptation de l'institution nouvelle.
La lenteur qui caractérise l'intervention du juge mo-
derne est étrangère à la justice coutumière. Dans celle-ci, tou-
tes les parties intéressées se éonnaissent, puis la confiance
mutuelle préside au déroulement du procès. Il,n'en est pas de
même dans le cadre du procès moderne.
Ici, non seulement le juge
est unique, mais encore apparaissent de nombreux auxiliaires
(avocats, huissiers, etc) dont le rôle n'est pas toujours connu
des parties. Aussi les individus ont-ils parfois l'impression
que cette absence de collégialité ne peut garantir véritablement
l'impartialité des décisions qui sont rendues. Par ailleurs, l'i-
gnorance ou la méconnaissance des structures et du fonctionnement
de l'appareil judiciaire ainsi que de son personnel constitue un
obstacle majeur à la sollicitation de ses services.
Le justiciable traditionnel est d'autant plus embarras-
sé sinon désorienté qu'on lui demande des preuves d'une part, et
-
402 -
que d'autre part il doit recourir aux services de personnes in-
connues de lui, les huissiers en l'occurrence, à qui il doit
payer pour l'exécution des décisions. Autant de complications
qui lassent les individus et qui les orientent, autant que faire
se peut, vers la justice traditionnelle plus simple et plus ac-
cessible. Toutes ces difficultés sont, en définitive, consécuti-
ves aux obstacles relatifs à la société d'accueil du nouveau
droit.
- QÈ~!~~!~~_~~~!~!~_~~~!~1~g!q~~
Si l'on se réfère à la définition du droit(cf L. Améga,
op. cit.), les difficultés rencontrées par l'érection du droit
pénal moderne en institution nationale deviennent prévisibles.
De même,on comprerrd mieux les réactions des sociétés africaines
à l'implantation d'une justice venant d'ailleurs. Celle-ci conti-
nuera encore longtemps d'être perçue comme un élément étranger
dans la société. Et,dans la mesure où ceux qui sont chargés de
l'appliquer ne sont pas toujours issus de la même communauté que
le délinquant, il y aura un renforcement de son caractère inso-
lite dans les collectivités. Reposant par ailleurs sur le princi-
pe de la peine individualisée, ce qui exclut la famille du délin-
quant, le nouveau droit s'oppose à la conception africaine de la
justice. A cette difficulté s'ajoute celle relative à la langue
dans laquelle est écrit le nouveau droit et rendue la justice.
Les individus, en dépit du concours des interprêtes, ont le sen-
-
403 -
timent de subir la justice ; ce qui ne les motive guère à solli-
citer les services de la nouvelle institution en cas de conflits
avec des tiers.
L'insuffisance des moyens humains et matériels vient
aggraver encore les difficultés rencontrées par la nouvelle jus-
tice dans son implantation. En effet, il n'y a ni suffisamment
de magistrats, ni assez de tribunaux, pour traiter toutes les
affaires pénales. Pour toute la Côte d'Ivoire, Yves Brillon
(1975 b) note, en 1966, 28 juridictions. Il en résulte un engor-
gement du bureau des juges, un surcroît de travail pour ces der-
niers."Aujourd'hui, la troisième chambre bis a cent trente sept
(137) dossiers, pour un seul juge. Comment voulez-vous que ce
dernier travaille 1", répond un avocat à un journaliste du quoti-
dien national (Fraternité Matin du 22 Mars 1985). Dans une recher-
che portant sur le coût humain et financier des accidents de la
circulation automobile à Abidjan, de 1967 à 1977, il a été cons-
taté qu'entre le jour où la justice est saisie d'une affaire et
celui où la décision est rendue, il s'écoule deux années en
moyenne (cf A. Bassitché, 1980). Débordés qu'ils sont, les magis-
trats ne peuvent, humainement parlant, répondre aux multiples
sollicitations des justiciables qui ont hâte de voir leur problè-
me résolu, mais qui, en même temps, désirent une justice sereine.
-
404 -
Les nombreuses difficultés énumérées ci-dessus des-
servent la justice moderne et contribuent en même temps au main-
tien de la tradition.
nelle à la "déculturation"
-------------------------
Les raisons de la résistance de la justice tradition-
nelle à la "déculturation" découlent des difficultés présentées
ci-dessus. Le législateur ivoirien, semble avoir placé beaucoup
d'espoir dans le progrès du droit nouveau et dans la disparition
des pratiques coutumières en ce domaine. Or, ainsi que le fait
remarquer Georges Balandier (1910, p. 20) citant Marx, la tradi-
tion pèse d 'un poid~ très lourd sur le cerveau des' humains. Mieux
encore, elle se structure au double plan conscient et inconscient
chez l' individu.
On ne change pas la mentalité d'un peuple, notait déjà
en 1939 Soeur Marie Andrée du Sacré Coeur (1939), par des décrets-
lois. "Condensé intériorisé de la vie sociale", "l'élément le
plus irréductible qui permet de définir une société ... " (cf. G.
Michaud, 1971, p. 314), la mentalité ne peut évoluer que sous
l'effet de transformations globales de la société. Il semble il-
lusoire d'attendre un réel progrès de la mentalité à 'partir d'im-
plantation sectorielle d'institutions étrangères à la société.
Ainsi, la résistance de la justice traditionnelle à la "décultu-
-
405 -
ration" se ressent à divers niveaux des individus et de la
société
Au niveau des individus
On peut rappeler cette observation déjà citée d'une
personnalité politique ivoirienne; "baptisés, nous sommes ani-
mistes, musulmans nous le sommes encore" (cf D. Désanti, 1962).
En généralisant cette remarque, on peut aussi dire que l'implan-
tation d'une justice importée, n'a pas supprimé la justice cou-
tumière. Celle-ci se porte encore très bien car elle correspond
à la mentalité des ivoiriens. Nombre d'infractions aux lois cou-
tumières et modernes continuent d'être traitées par des "tribu-
naux traditionnels,,(1). L'expre~sion bien connue des ivoiriens
"Le linge sale se ·lave en famille" montre à quel point la menta-
lité demeure rebelle à un recours systématique aux juridictions
modernes. C'est seulement lorsque la décision rendue par un tri-
bunal coutumier n'est pas satisfaisante pour l'une des parties,
que cette dernière porte l'affaire devant une juridiction moder-
ne. C'est là une conduite très rare dans les communautés villa-
geoises où la recherche de l'harmonie, de la paix sociale demeure
l'une des préoccupations du groupe.
( 1) : "Tfl-.tburta.Ux btacLi..:ti.o nne..f...t," dé..6-i.g ne.YLt -i.ci "c.o M e.il de. nanUlie. ", "c.oM ei1.
de. v.il1.a.ge." ou "C.OMei1." lté1.m-i. pM .f.e..6 1te..6.60Jz...t..W.6aYl1..6 d'une. e.thnie Ité-
.6..ufaYLt daM un QUo.Jz:tie.Jt. u.Jt.ba.,[n pOWL c.onntiUJr.e d'une. an 6aJJte. ayant tJt.a-i.t
à une. -i.nnltac.tion.
-
406 -
Le caractère étranger de la justice nouvelle incite
à la méfiance chez les individus.
Il est même des personnes,
rapporte-t-on, qui recommandent â d'autres, au Sénégal, de ne
pas aller au tribunal (cf A. Bassitché, 1975 b, p. 29). Par
ailleurs, les personnes que cette justice a mis en place ne rem-
plissent pas toutes les conditions d'âge et d'expérience qui
fondent en partie l'autorité des juges coutumiers. Mieux encore,
la population n'a pas été consultée pour le choix de ces person-
nes. Aussi boude-t-elle, pour toutes ces raisons, les tribunaux
modernes qu'elle considère étrangers à ses problèmes.
L'attachement des individus à l'ancienne justice s'ex-
plique plus globalement par des-raisons sociales.
Les obstacles qui empêchent l'implantation de la nou-
velle justice puis son progrès sont en même temps des éléments
fondamentaux de la tradition sans lesquels la société s'écroule-
ra elle-même. Le remodelage de la philosophie sociale ou le chan-
gement d'angle de vision de l'univers magico-religieux au sein
duquel s'insèrent les individus ne peut se réaliser sans une an-
goisse profondément ressentie par la société. "Ainsi, la trans-
formation des sociétés africaines traditionnelles, écrit R. Kaës,
en créant des bouleversements sociaux et culturels, bat en brêche
les rôles et les statuts institués de façon rigide et précise,
modifie l'organisation des groupes primaires et notamment de la
-
407 -
famille, sape l'adhésion et la croyance dans les systèmes de re-
présentation traditionnelles" (cf R. Kaës, 1978). L'une des nom-
breuses conséquences de ces bouleversements sociaux demeure le
développement de la sorcellerie. Tout se passe comme si la so-
ciété déplaçait son agressivité contre les autorités qui ont
pris la décision pour le changement, sur un ou plusieurs de ses
membres. Les membres considérés comme sorciers deviennent désor-
mais des boucs émissaires(l). Dans l'impossibilité donc de s'at-
taquer directement aux responsables de sa désorganisation, la
société vide son agressivité sur quelques uns des siens.
L'attachement de la société au droit coutumier
la met
à l'aise avec elle-même dans son environnement naturel(2). Le
changement qui affecte cet environnement pose à la collectivité
le problème de support de ses croyances. En effet, cc qui est
juste dans le cadre ancien, c'est la voie qui a été tracée par
(7) : Suivant un vieil- in6oJUna.te.wt aLlacUa.n, gJtoupe et:hn.ique du Sud de ,(,a. Cô.te.
d'Ivo.iAe, ie déveioppement exc.e..Mi6 de ,(,a. !J oJtc.eUeJU..e ut: lié ai' imp.fa.n-
to.;üon de ,(,a. Jte-Ugion c.hJtUieYl.Yl.e daM la. Jtégion. Au.tJteme.nt c:üt., la. !JoJtc.e1.-
ieJci..e., même. !Ji e.Ue. e.x..i.6~ et: nondionn.ait: e.n .tant qu'un méc.ani.6me. d'au-
to-Jtégul.a.t:ion c.oUe.c.ti6, !Jon impoJt.ta.nc.e. !J'e.!Jt: ac.c.Jtue avec. i'i~oduction
du c.hJU6tiarrJ...6me. daM ie. gJtoupe. 1JOc.<..ai.. Ce. qui c.on6hune. bie.n !Jon Jtôie. de.
Jtéguiat:eUJt de. t:eMion daM ie gJtoupe..
(2)
NoUIJ pe.MOM aux pMpo!J du OJt GiaMeJl. de. LO!J Ange.iu fLappoJLtû pCvz. J.
OuJz.and-Oa6!JieJl., pJtopo~ !Jui.vant iuquw ie. c.ompoJtt:ement moJtai e-6t: une
c.aJta.dêJLil:,t:ique du ge.M à i'ai-6e avec. eux-même!J. c.6. J. OUlUlnd-Oa-6!JieJt.
St:JtuduJte et: p!Jyc.hol9Bie de la Jteiation, Ed. Epi, 7917, p. 784. Sanh Jté-
dU1Jîe. l i -6oué.té à. 1..'Indlvldû, on peid aUIJ.!Ji peMe..Jt qu'une !Joc.iété ne !Je
poJLte bien que iOMque -6on 6ondionnement Jtépond aux eu.genc.e.6 cre !Ja
-6:tJz.udWLe e.t: de !Jon oJtgani.6ation.
-
408 -
les ancêtres. Ces derniers tout en étant classés au rang des
disparus, continuent de gouverner, d'orienter les vivants. Aus-
si veillent-ils scrupuleusement sur l'observation des prescrip-
tions.
Ils n'hésitent pas à intervenir, en cas de défaillance
des vivants, pour sanctionner toute violation d'interdits.
Il
s'agit donc de protéger l'ordre, de vivre en accord les uns avec
les autres. C'est là la finalité du droit traditionnel à laquelle
concourt l'indemnisation de la victime, qu'elle soit un individu
et sa famille ou qu'elle soit la communauté tout entière. Le
droit positif, en démystifiant le fondement de la sanction
(celle-ci n'est plus une exécution de la volonté des forces invi-
sibles) ne fait pas profondément écho dans l'âme des individus.
-
Les notions d'amendement et de perfectibilité de l'individu au-
teur d'infraction que semble promouvoir le droit pénal moderne
passent pour absurdes. En fait, c'est l'ordre même des choses
tel qU'il est inscrit dans la nature(1) que conteste la législa-
tion nouvelle. Cette opposition à la conception philosophique
locale constitue en elle-même une raison suffisante pour le main-
tien de la coutume.
L'espoir des gouvernants quant à un changement des men-
talités demeure. Il se traduit au plan des actions concrètes par
(1) : L' CVLbhe q~e Vieu a :tohdu., a..u.c.u.n hwna.,Ln ne peut le lted1teMeJz., cLi.:t un ado..-
9e a6Jz..i.c..a..i.n. CJr.o-i./te à l' ame ndeme nt et à la peJz. 6ectibililé du. dWnq uan:t ,
c.'ut ~e leWl1tVt, c.!e~t oeuvlteJz. à l'enc.ontlte de la volonté divine.
L'homme y a-t-.i.l in:téhêt ?
- 409 -
des mesures plus ou moins coercitives, quand il ne se limite
pas à des résolutions au terme
des congrès et des colloques.
b.3.)
~~~!~!~~~_~~~_~~~!~!~!~~_E~!_!~
~!~!!_~!_E~~!_!~_~!~!!
Le concept "évolution" est ici employé à dessein pour
rendre compte de la façon dont les individus, les intellectuels
notamment, paraissent se représenter le fonctionnement mental
d'un peuple. Dans le langage quotidien, nombre d'ivoiriens par-
lent d'évolution des mentalités comme s'il s'agissait de changer
de chemise. Les significations qU'ils donnent à évolution ne
correspondent ni à celle du biologiste ni à celle que ce concept
prend en bio-psychologie, moins-encore à celle que, par opposi-
tion à involution et dissolution, Spencer confère' à ce mot
~f P. Doulquié et R. Saint-Jean, 1969, p. 251-252). Le seul
aspect qu'on semble retenir de la notion concerne les transfor-
mations qui affectent uniquement le psychisme collectif et indi-
viduel. C'est probablement là,une oeuvre de longue haleine à la
réalisation de laquelle deux décennies d'indépendance ne peuvent
suffi re. On comprend alors pourquoi l'on emploie le mot évolution
à titre compensatoire, car nommer, pense Georges Gusdorf, (1966) t
c'est appeler à l'existence. Le caractère magique conféré au mot,
suffirait à donner l'existence au contenu de ceiui-ci. N'est-ce
pas que le monde fut créé par le verbe, ainsi que l'atteste la
Génèse ?
-
410 -
La tâche assignée au droit nouveau s'avère bien déli-
cate et s'apparente à une gageure. Que penser du député qui vote
la suppression de la dot et l'interdiction des funérailles gran-
dioses à l'Assemblée Nationale, mais qui ne respecte pas ces
mêmes lois en ce qui le concerne ~f H. Sarassoro, 1979, p. 19).
Il s'agit cependant de ceux dans le discours desquels, on relève
fréquemment la référence à une évolution des mentalités perçue
comme unique solution, pensent-ils, aux problèmes du sous-
développement social et économique du pays. "Plus les promoteurs
de réformes sociales donnent libre cours à leur zêle en matière
législative, note Sarassoro, plus nombreuses sont les transgres-
sions : ainsi à Abidjan, on n'avait jamais vu, les fins de se-
maines, sur les marchés, dans les rues ou sur les plages, autant
de véhicules admirristratifs, qu'après l'interdiction de l'utili-
.
sation de ces véhicules à des fins personnels, les dimanches et
jours fériés ~f H. Sarassoro, op. cit, p. 18). Il Y a là sûre-
ment problème. Les lois nouvelles paraissent faites pour les au-
tres non pour tous les individus. Dans ces conditions, on peut
raisonnablement se demander la mentalité de qui devra évoluer
pour permettre le progrès social et économique que chacun attend.
Nous avons relevé ailleurs l'observation suivante: l'homme ivoi-
rien est moderne par les institutions qu'il crée, mais tradition-
nel par sa mentalité. S'il accepte de se marier suivant le nou-
veau code civil de mariage, sa vision des problèmes relatifs à la
vie à deux dépasse exceptionnellement le cadre ancien. Consciem-
-
-Ill
-
ment ou inconsciemment, il tend à répéter des modèles de compor-
tement révolu dans un cadre nouveau (cf. A. Bassitché, 1982). Se-
lon H. Sarassoro (op. cit, p. 18), le volume et la gravité des
infractions sont d'autant plus importants que l'écart entre l'o-
pinion publique et la législation est considérable ; principe
dans la formulation duquel il conviendra mieux, pensons nous, de
remplacer "l'opinion publique" par "moeurs", pour épouser davan-
tage la réalité socio-culturel qui est en oeuvre et qui, se res-
sent à travers le comportement des individus.
La préparation mentale de la population bute contre
l'incohérence même de la conduite des promoteurs de la législa-
tion nouvelle. Ceux-ci ne constituent pas des modèles d'où devra
descendre, pour reprendre l'expression de Gabriel.Tarde, "La
cascade des imitations". Le législateur africain en général,
ivoirien en particulier, semble pourtant préoccupé par des mesu-
res concrètes et diverses qui modifient les comportementset les
mentalités dans le sens du nouveau droit. Aussi, ici et là,
a-t-on recourru
-
à
la sévérité de la répression.
En réprimant plus sévèrement que par le passé certaines
infractions, on pensait faire entendre raison à la population et
l'amener à renoncer à certains comportements. L'association con-
duite prohibée - sanction sévère devait créer, en chaque personne,
une tendance à l' évi tement de l'acte interdi t. Schéma de condition-
- 412 -
nement classique dont on connait les limites kf W. Correll,
1972) mais qui, malheureusement, sous-tend encore la politique
criminelle dans les états africains nouvellement indépendants.
Or, sur le plan biologique aussi bien que sur le plan socio-
culturel, l'apprentissage - car c'est bien de cela qu'il s'agit-
"est à la fois finalisé et instrumental, modifiant un schéma de
comportement périmé de façon à éliminer une tension créée par
un besoin ~fW. Correll, op. cit, p. 18). Dans le cas qui nous
préoccupe, il ne semble pas y avoir de besoin ressenti par la
population de modifier son comportement en matière de justice.
Il y a surtout eu violence exercée sur cette dernière de façon
"à modifier les comportements et les mentalités pour les mettre
en accord avec les impératifs du développement (cf H. Sarassoro,
op. cit, p. 18) et~ ce, de manière volontariste. Il en est résul-
té des conduites sociales inédites jusque-là dans certains grou-
pements ethniques ivoiriens. Traditionnellement, le dixième en-
fant chez les Agni, ethnie du groupe Akan, était mis à mort dès
l'accouchement. Pour la loi moderne, il s'agit d'infanticide,
acte grave qui est sévèrement sanctionné. Les parents, afin d'é-
viter la sanction pénale, se débarrassent désormais du dixième
enfant en le donnant à qui le veut, en dehors du groupe familial.
C'est là une conduite nouvelle dans la communauté, mais qui permet
de sauvegarder la tradition.
Les promoteurs africains des lois sociales, ivoiriens
plus précisément, croient en l'efficacité de la sévérité des sanc-
-
413 -
tions. Ainsi, la Côte d'Ivoire qui est l'une des ex-colonies
françaises d'Afrique Occidentale à respecter à la lettre le
code pénal légué par la France, n'a ajouté aucune nouvelle in-
fraction à celles qui existaient sous le régime colonial. Elle
les a non seulement reconduites mais encore elle a conservé leur
contenu (cf. H. Sarassoro, op. cit, p. 189). L'innovation majeure,
aussi bien en Côte d'Ivoire que dans les autres états d'expres-
sion française d'Afrique Noire, demeure la rigueur dans la ré-
pression. Les africains paraissent penser que plus la sanction
est sévère, plus elle est dissuassive. Pourtant, l'expérience
montre que la plupart des politiques criminelles pratiquées dans
la quasi-totalité des nouveaux états sont loin de répondre à
l'attente de ceux qui les ont initiés. Pour réduire le volume des
vols à main armée sinon le supprimer, le Nigéria avait décrété la
peine de mort par "le peloton d'exécution" contré tout auteur de
cette infraction (cf. o. Oloruntimehin, 1975). On connait les con-
séquences de cette mesure. Pour que sa victime ne le dénonce pas,
ce qui entraînerait sa mort à lui, le criminel volait et l'abat-
tait en même temps. Le gouvernement fit lui-même une reculade en
ramenant la sanction à une peine d'emprisonnement de longue du-
rée ouàvie. La Côte d'Ivoire avait aussi réagi à la prolifération
des vols, en condamnant très sévèrement cette infraction. L'arti-
cle 393 du code pénal précise: "Est puni d'un emprisonnement de
cinq à dix ans et d'une amende de 300 000 francs, quiconque com-
met un vol" (cf. Code Pénal, Abidjan, 1982, p. 174). Personne ne
peut certifier aujourd'hui que l'application de cette loi a
- 414 -
amené une diminution des vols sur toute l'étendue du territoire.
Bien au contraire, l'augmentation générale de la criminalité
dont se plaint plus d'un Abidjanais montre que cette loi n'a
pas eu tout le succès qu'on attendait d'elle.
La sévérité de la répression dont on connaît les limi-
tes d'efficacité en matière de traitement des délinquants et des
criminels cf(R. Hood et R. Sparks, 1970
D. Szabo, 1978), ne
peut amener tout un peuple à changer de mentalité. L'éducation
de la population par la loi n'a de chance de réussir que si elle
est associée à d'autres mesures.
- Au rapprochement de la justice de la population.
A l'instar de toutes les grandes institutions de l'é-
poque coloniale, la justice moderne s'était d'abord implantée
dans la capitale avant de se décentraliser dans les chefs-lieux
de subdivision et de cercle(l). Son érection en institution na-
tionale après l'indépendance politique et surtout le changement
qu'on attendait qu'elle opère au niveau de la mentalité des in-
dividus néce~sitaient un plus grand rapprochement de la popula-
tion: Deux hypothèses implicites paraissent ainsi guider l'action
des promoteurs de la nouvelle justice :
( 1) : Ra.ppeloYL6 que .e.c. Su!.)(uv-w..i...on et. le Celtc1.e éta...i...ent. de.6 c.J.Jz.C.OYL6eJUptiOYL6
a.drn..i...n.<A;or.ative.6. Un c.eltc1.e .6e c.ompo.6e de pR.u6..i...eUlt.6 .6ubcU.vÂ....6..i...on.6.
-
415 -
. Il est possible d'affaiblir la justice coutu-
mière et de parvenir à sa disparition en installant sur les
lieux mêmes de ses pratiques la justice moderne qu'on attend
lui substituer .
. En rapprochant l'institution nouvelle des jus-
ticiables, on peut mieux répérer et traiter les infractions au
nouveau code pénal.
S'agissant de la première hypothèse, de nombreux exem-
ples existent qui montrent qu'on peut arriver à de changements
profonds d'institutions locales grâce à la fois au concours des
individus et à la consistance des forces exogènes ~f A.Bassitché,
1975 a). L'affaiblissement puis la disparition de l'institution
autochtone visée exigent l'adhésion effective des individus mem-
bres de la société et l'imposition constante et durable de l'ins-
titution étrangère. L'assimilation de la nouveauté et
l'accommoda-
tion à la situation nouvelle n'interviennent, ainsi qu'il a été
vu antérieurement, qu'après la déculturation. La décentralisation
de l'administration de la justice moderne, à travers l'implanta-
tion des tribunaux sur toute l'étendue du territoire national,
vise cet objectif. Il s'agit donc de pénétrer le milieu de vie
de la population à laquelle l'institution nouvelle apporte le mes-
sage nouveau; car, pour être acceptée, celle-ci a besoin d'être
bien connue. Ainsi, note Yves Brillon, "En 1963, on comptait en
Côte d'Ivoire 11 juridictions correctionnelles effectivement en
-
~1()
-
opération; en 1964, il Y en avait 24 ; en 1965, 27 et en 1966,
on parvenait à l'encadrement institutionnel judiciaire actuel
avec 28 juridictions" Ccf Y. Brillon, op. cit, p. 13). Mais, en
soi-même, la proximité des deux systèmes de justice ne suffit
pas pour réduire à l'impuissance les pratiques coutumières. Aus-
si y-a-t-il lieu de simplifier la procédure, de réduire la len-
teur, bref de remédier à toutes les difficultés qui empêchaient
l'intégration de la justice nouvelle dans la société.
Les promoteurs des lois nouvelles paraissent logiques
dans leur détermination d'imposer la justice moderne à toute la
population. La meilleure façon d'inquiéter les individus et de
conformer leur conduite aux lois nouvelles est de rendre la jus-
tice omniprésente. S'apercevant que désormais toute infraction
à la loi sera vite repérée et sanctionnée, les justiciables
s'inclineront et renonceront aux pratiques ancestrales. Mais
l'omniprésence de la justice nécessite des moyens humains et ma-
tériels importants pour couvrir toute l'étendue du territoire
national. Cette difficulté est ressentie dans presque tous les
nouveaux états. Ainsi, au Sénégal, les juridictions de paix
créées par le gouvernement pour rapprocher la justice de la popu-
lation n'ont pu, jusqu'en 1975, couvrir l'étendue du pays. Des
préfectures demeurent sans justice de paix. La Côte d'Ivoire
connaît une situation presque semblable. En 1961 furent créés six
tribunaux de première instance correspondant au découpage du ter-
ritoire en six départements. Plus tard ces départements ont vu
leur nombre porté à vingt six. Quarante deux sections de tribu-
naux ont, dans la même période, été créées
mais jusqu'en 1975,
seulement vingt cinq d'entre elles ont été ouvertes et fonction-
naient. Les autres demeuraient encore sans équipement humain et
matériel. La jeunesse actuelle ne paraît pas avoir un engouement
particulier pour la magistrature. Aussi
assiste-t-on à un vieil-
lissement progressif du corps dans la plupart des états africains.
En Côte d'Ivoire, nombre de ceux qui exercent dans la magistratu-
re depuis quelques années, se font détacher soit à l'Université
où ils dispensent des cours aux étudiants soit aux barreaux. Ce
qui- représente une perte pour le corps et crée un surcroît d' acti-
vités dans les juridictions d'où sont partis ces magistrats
~f A. Bassitché, 1975 b, p. 36).
L'effectif de la police dans les nouveaux états est
aussi loin de répondre aux besoins de la justice nouvelle. Le
repérage systématique des infractions relève des attributions de
la police. "Si le policier ne t'arrête pas, le juge ne pourra
pas te condamner", nous confiai t un jeune délinquant (cf A. Bassitché,
1974 a). Or le nombre de ceux-ci, ainsi qu'on le verra ultérieuFe-
ment, suffit à peine pour enregistrer toutes les infractions. au co-
de pénal et symboliser la présence permanente ainsi que l'imminen-
ce de la justice nouvelle. Ne se faisant pas d'illusion sur l'ef-
ficacité de la répression et sur celle relative au pouvoir corrosif
de l'institution nouvelle, les promoteurs conseillent le recours
à la campagne d'information.
-
.:t 18 •.
La population n'avait pas été consultée pour l'adop-
tion de la justice nouvelle. Les partisans de la création de
l'ordre nouveau n'avaient pas requis son avis avant d'implanter
l'institution étrangère sur le territoire national. Aussi
y-
a-t-il lieu d'organiser des campagnes d'information pour expli-
quer à tous les groupements ethniques le bien fondé du recours
à des institutions nouvelles,
la justice moderne en l'occurrence,
que paraît exiger l'accession du pays à la souveraineté nationale.
La nécessité de bâtir un état moderne, pense-t-on, va de pair
avec la création d'une société nouvelle. L'entrée dans le concert
des nations exige à chaque nouvel état une "re-naissance" au sens
biblique du terme.
Il s'agit ici d'abandonner les croyances et
les pratiques anciennes pour adopter celles plus vivifiantes qui
ouvrent la porte à· la modernité et, par conséquent, au progrès
économique. Les individus doivent renoncer à suivre "la moralité
reconnue par la communauté" pour "la moralité imposée par le
code" (cf A. G. Karibi Wayte, 1975, p. 61). Enfin, la campagne
d'information invite la population à changer de mode de vie et à
reconcevoir la notion du mal.
Ce qui enlève toute crédibilité aux campagnes d'infor-
mation et, par conséquent, réduit leur influence sur la popula-
tion, peut-être illustrée par l'exemple suivant. Après l'adoption
de la loi sur le mariage en Côte d'Ivoire, les responsables poli-
tiques régionaux reçurent l'ordre d'informer la population sur
les nouvelles dispositions relatives au
mariage. Dans une sous-
.,.
4 I~)
-
préfecture, l'interprête qui accompagnait l'autorité politique
mit tout son art à expliquer à la population de chaque village
puis à la convaincre de la nécessité, pour les parents, de ne
plus se mêler au problème du mariage de leurs enfants, mais de
laisser ces derniers, lorsqu'ils sont majeurs, choisir eux-mêmes
leur partenaire. En bref, il s'agissait de rompre avec la tradi-
tion et de donner l'autonomie, sous le couvert de la loi nouvel-
le, aux jeunes époux. Le même interprête, au terme de la campagne,
s'en alla proposer à son neveu encore étudiant, la main d'une jeu-
ne fille de la grande famille.
Il avait seulement traduit à la
population les dispositions de la loi nouvelle, mais en ce qui le
concernait, elles ne s'appliqueraient pas à lui. Un exemple sem-
blable a été présenté antérieurement au sujet de l'interdiction
d'utiliser les véhicules administratifs à des fins personnelles.
Tout se passe comme si l'interdiction d'un comportement signi-
fiait, pour l'ivoirien, une invitation à le renforcer. Dans la
mesure où les initiateurs des réformes sont eux-mêmes les pre-
miers à ne pas les respecter, on peut raisonnablement se demander
par qui devra commencer l'application des lois nouvelles.
Les campagnes d'information ne peuvent changer de façon
mécanique les mentalités d'un peuple. Il en faut plus pour modi-
fier le psychisme des individus. En éducation, les mots ont moins
d'importance et d'influence sur l'individu que le comportement.
Plutôt que d'abreuver toute une population de discours au contenu
- 420 -
desquels on n'adhère pas soi-même, il y a lieu de lui offrir des
modèles d'identification. "Toute expérience nouvelle, écrit
P. A. Osterrieth, ne vient pas simplement s'ajouter de manière
additive à l'organisation psychique antérieure, mais en provoque
nécessairement le remaniement, impliquant donc une réorganisation
plus ou moins considérable de l'ensemble, et le comportement ulté-
rieur s'en trouve modifié" (cf P. A. Osterrieth, op. cit, p. 31).
Ce dont les populations visées par les campagnes d'information
ont besoin, ce sont des modèles fournis par des individus convain-
cus eux-mêmes de l'expérience nouvelle à faire, des attitudes
nouvelles à adopter. La modification du comportement des indivi-
dus vis-à_vis de la nouveauté introduite dans la société est à
ce prix: Le remaniement de l'organisation psychique que l'on cher-
che à provoquer chez chaque personne pour amener toute la popula-
tion à reconcevoir le concept de moralité, à modifier sa vision
du monde et, ce faisant, à changer de conduite, ne peut se faire
uniquement à partir d'incitation d'ordre verbal - Les campagnes
d'information révèlent ici leurs limites. Au mieux, elles condui-
sent à des résultats contraires - car, par delà le discours, se
dévoile la réalité véritable, celle à laquelle l'on croit et à
laquelle.l'on adhère : la réalité socio-culturelle vécue. Aussi
les campagnes d'information s'apparentent-elles à des campagnes
de mensonge.
-
~12 1 -
Le droit traditionnel, expression codifiée des coutu-
mes du groupe, est présenté comme étant anti_progrês; raison
pour laquelle les efforts des promoteurs des
lois sociales vi-
sent à lui substituer le droit positif perçu comme étant la seu-
le solution possible qui ouvre la voieà la modernité. En fait,
c'est la société traditionnelle elle-même qui est remise en ques-
tion. La persistance de ses valeurs dans les cités modernes en
dépit des assauts de la modernité, des efforts,des campagnes
d'information pour provoquer des changements dans la population,
rendent compte du renversement de situations : le programme de
formation des futurs magistrats africains ~f A. Bassitché, 1975b
p. 37-39) doit faire une large place aux sciences humaines, no.
tamment à l'ethno-sociologie.
La formation des futurs magistrats en sciences humaines
semble ainsi constituer, pour les partisans des réformes, un com-
promis à "l'entêtement" de la tradition et aux exigences de la
modernité incarnée par le Droit. Puisqu'il est pratiquement im-
possible de changer radicalement les hommes et leurs institutions,
on peut doter les administrateurs de la nouvelle justice d'un sa-
voir socio-psychologique qui les rende d'une part davantage per-
méables au milieu socio-culturel des justiciahles et, d'autre
part, plus souples dans l'interprétation et l'application, autant
que faire se peut, des dispositions légales nouvelles. Notons, au
passage, que nombre de juges africains, ivoiriens en particulier,
n'avaient pas attendu cette interpellation pour travailler dans
- 422 -
ce sens. Lorsque le magistrat ne se sent pas lié
au code, il
peut à ce moment accorder des circonstances atténuantes, procé-
der même à une réconciliation entre les parties. Dans tous les
cas, la situation du juge africain est loin d'être des plus ai-
sées. La formation en sciences humaines ne résoudra pas toute
seule les problèmes posés aux administrateurs de la nouvelle
justice. L'application stricte du code que le législateur impose
dans plusieurs situations de la vie sociale rend leur désir de
souplesse irréalisable. Par exemple, en matière de détournement
de deniers publics, le législateur sénégalais a prévu, lorsque
le montant de la somme atteint ou dépasse 100 000 francs CFA,
une détention obligatoire jusqu'à ce que la décision soit rendue.
Cette mesure est appliquée au délinquant même s'il rembourse la
somme qu'il a détournée.
Il en est de même de la nouvelle loi con-
cernant les vols en Côte d'Ivoire, qui impose aux magistrats une
application stricte du code. Il y a incontestablement là "une
affirmation de la primauté du Droit, notamment du droit pénal"
dans lequel H. Sarassoro voit deux missions essentielles : le
changement des mentalités et la protection des structures implan-
tées au lendemain des Indépendances Ccf H. Sarassoro, op. cit,
p.
64).
L'absence de "dialogue" entre les institutions sociales
traditionnelles, et justice moderne ne peut que se prolonger. Car
1'11 n'y a jamais eu d'effort réel, écrit Temple, C.
L. cité par
A. G. Karibi Wayte, pour intégrer intimement les deux ensembles
de valeurs culturelles distinctes et séparées en une politique
criminelle intégrée et évolutive"(cf A.G. Karibi Wayte, op. cit,
p. 58). Les promoteurs des lois sociales ont déclaré la tradi-
tion morte dès l'accession de leur pays à la souveraineté natio-
nale. Le rôle pédagogique assigné au nouveau droit qu'on attend
voir jouer par ce dernier s'avère d'autant plus délicat que l'en-
seignement ne prend pas en compte les données socio-culturelles.
Les timides tentatives d'adaptation du Droit étranger à la socié-
té africaine, compte tenu de l'opposition signalée à maintes re-
prises et qui caractérise la conception de la justice en Afrique
Noire et en Europe, apparaissent comme des solutions de fortune. Si
la technologie ne peut s'importer clé en main, ce n'est pas la
moralité étrangère qu'on transposera de toutes pièces dans une
autre société. Il faut aux juristes africains qui proposent des
lois sociales plus de courage pour concevoir un droit nouveau
qui puise ses sources dans les valeurs socio-culturelles des in-
dividus et à travers lequel les justiciables se reconnaissent.
Dans l'attente d'une disparition spontanée des coutumes,
pour ceux qui y voient la solution à l'implantation effective du
Droit étranger, ou dans l'espoir que des recherches socio-
juridiques aideront à édifier un Droit nouveau dans les états
nouvellement indépendants, singulièrement en Côte d'Ivoire, les
statistiques portant sur les crimes et délits ne peuvent que tra-
- ~24 -
duire les difficultés propres à l'administration de la justice
moderne. C'est à cette question que s'efforce de répondre le
chapitre qui suit.
- 425 -
CHAPITRE II
ETUDE STATISTIQUE DES CRIMES ET DELITS
Les statistiques demeurent jusqu'ici le point de départ
et d'arrivée des recherches sur la criminalité. C'est à partir
d'elles que sont mesurées l'importance quantitative et qualitati-
ve ainsi que les manifestations du phénomène criminel dans une
société donnée. Aussi, apparaissent-ell2s d'un intérêt capital
dans la présente recherche. Cependant, en tant qu'instrument de
mesure de l'incertitude, les statistiques ne peuvent, parce
qu'elles portent sur des grands nombres, que donner une image
approximative de la réalité qu'elles ont mission de traduire.
Sans l'esprit qui les anime, les chiffres sont, en eux-mêmes, dé-
pourvus de si.gnification. C'est pourquoi les statistiques peuvent
parfois être objet de manipulations diverses. La fluctuation des
mesures de popularité d'une personnalité politique, les estima-
tions de succès des partis politiques à ùes campagnes électorales
sont quelques unes des occasions où les statistiques peuvent subir
toutes sortes de distorsions pour servir différentes causes. Dans
les états nouvellement indépendants d'Afrique Noire où un seul
parti préside à la destinée du pays, une grève mobilisant plu-
sieurs milliers d'employés de différentes entreprises, sera pré-
sentée par la presse officielle comme étant un petit trouble inté-
ressant seulement "une poignée d'individus".
La manipulation va
porter sur l'effectif des grévistes et sur celui des non grévistes.
-
420
-
Il s'agira de tromper la population en réduisant au minimum la
proportion des employés mécontents pour la convaincre et se ras-
surer
soi-même que tout va bien dans le pays et qu'on a la ma-
jorité des citoyens avec soi. Ce double mensonge permet à celui
qui en use d'économiser des forces ~f. Guy Durandin, op. cit,
p. 27). Dans le cas d'espèce, le parti fait l'économie d'une
intervention policière ou militaire.
Les statistiques les plus intéressantes pour les pays
africains et parce que les mieux tenues concernent l'économie.
Sans doute est-ce parce que les bailleurs de fonds exigent des
gouvernants une politique et une gestion financière à l'image
de celles des pays dits développés. L'attention spéciale portée
à l'économique au ftétriment du social explique la- carence des
statistiques dans ce dernier domaine où l'on ne parle que des
coûts pour signifier que tout investissement y est improductif.
Dans ce contexte, le dénombrement des crimes et délIts commis
sur tout le territoire ne peut constituer une préoccupation ma-
jeure chez les responsables politiques. Les moyens humains et
matériels qu'une telle entreprise requiert forcent au renonce-
ment, d'autant plus que son utilité i~médiate ne semble pas tou-
jours perçue. Cette importance moindre accordée 3UX statistiques
criminelles explique en partie les difficultés renconrrées dans
la politique de planification en la matière. On y reviendra ulté-
rieurement. Ce qu'on peut noter pour l'instant~ c'est la quasi-
inexistence de statistiques régulièrement tenues dans la plupart
- 42 7 -
des Etats. Celles destinées aux organismes internationaux, en
particulier à l'Interpol, semblent obéir à la politique de cha-
que pays, en premier lieu au souci de paraître un état stable
où il fait bon vivre et surtout où les investisseurs étrangers
ne courent pas grand risque.
L'attitude même de la population vis-à-vis de la jus-
:ice moderne contribue, par ailleurs, à accroître les difficul-
tés relatives au dénombrement des crimes et délits. Aussi, est-
ce une entreprise délicate que de fonder une recherche SUT la
criminalité à partir des statistiques détenues par les organis-
mes officiels. Celles-ci sont, dans la plupart des cas, incom-
pIètes, fragmentaires et inutilisables pour la recherche. C'est
cependant cet effo~t de reconstruction et de réor~anisation des
informations chiffrées détenues par les organismes de contrôle
~ocial qui va être tenté dans ce chapitre, en ce ~lli concerne
la ville d'Abidjan devenue depuis 1982 la capitale économique
de la Côte d'Ivoire.
connue ?
La question qu'on peut se poser spontanément, à partir
des considérations qui précèdent, est celle relative au volume
réel des infraEtions au code pénal moderne commises chaque année
à Abidjan. A la lumière des résultats de recherches qui ont porté
.- 428 -
jusqu'ici sur la connaissance du nombre effectif des crImes
et délits commis dans des pays ou dans des régions du
monde
(cf. R. Hood
et
R. Sparks,
op. cit, p.
12)
au-
trement plus développés et par conséquent disposant plus de
moyens humains et matériels que la Côte d'Ivoire, il est bien
difficile de répondre positivement à la question ci-dessus po-
sée.
En effet, la criminali~é réelle qui désigne l'ensemble
des infractions au code pénal dans un pays donné, lesquelles in-
fractions si elles étaient repérées~ seraient passibles de con-
damnation, n'est jamais connue. Elle ne se ramène pas aux statis-
ques criminelles officielles (pour différentes raisons qui seront
examinées ci-dessous en ce qui concerne la ville d'Abidjan).
Cependant les chercheurs n'on~ jamais renoncé.à l~effort et au
désir de connaître la totalité des crimes et délits réellement
commis~ de façon à avoir et à pr~senter des vues plus générales
sur le phénomène criminel. "La recherche méthodique de la crimi-
nalité non enregistrée, note I. Anttila, si même elle ne boule-
verse pas nos vues générales sur le crime et les criminels, met
certainement en cause certains dogmes établis de la criminologie
actuelle ... Dans l'ensemble, on peut s'attendre que cette étude
ranime la criminologie en lui procurant un nouvel outil d'inves-
tigation et en faisant apparaître beaucoup de problèmes tradi-
tionnels dans une nouvelle perspective" (cf. Ant.tila I~,1964). Cet
effort entrepris pour connaître la criminalité réelle a conduit
les chercheurs à envisager différents procédés pour la collecte
des données(l). Dans l'ensemble, aucune technique n'est entière-
ment en mesure de conduire à des résultats sûrs.
a) La technique d'auto-confession qui se fonde
sur la bonne volonté et l'honnêteté de l'individu à avouer son
crime ou son délit, semble méconnaître le fonctionnement psycho-
logique de la personne humaine. Elle n'élucide pas la question
de savoir jusqu'à quel point l'individu, d'une façon générale,
peut être sincère avec lui-même. Que la comparaison des chiffres
sur la criminalité obtenus par cette technique avec ceux enregis-
trés par la Police dans la même période ne présente pas de dif-
férence statistiquement significative, ne suffi~ guère pour
asseoir la crédibilité des résultats de l'enquête par auto-con-
fession. Au centre des difficultés méthodologiques présentées
par ce mode d'investigation, se trouve posé le problème relatif
à la connaissance de la vérité et du témoignage Ccf. Du~andin
G., 1972). Demander à autrui de s'avouer délinquant ou criminel
entraîne, chez celui-ci, des façons différentes d'envisager la
réalité: d'abord, il doit reconnaître que l'acte dont on parle
est prohibé par la loi, ensuite, qu'il en est, en son âme et
conscience, l'auteur et qu'il est disposé à l'avouer. La cbnfes-
sien obtenue de cette maniêre pose des probl~mes Jivers relatifs
à
:
(1) : Ce6 d166~e~ p~eéd~ ~ont ~~enté~, avee ie~ k~~, de 6açon
~que da~ i'ouvkage ci-de~~~ ke6~eneée, p. 11 à 45.
- 430 -
- la connaissance de la loi,
- la connaissance de la vérité,
- la disponibilité de l'individu.
L'affirmation suivant laquelle nul n'est censé ignorer
la loi n'est jamais vérifiée concrè~ement. Nombre de citoyens ou
d'individus vivent dans leur pays sans connaître les prescrip-
tions de la loi pénale dans leur totalité. Bien souvent, les con-
duites individuelles se réfèrent non pas aux dispositions légales,
mais à la moral'e du milieu de vi e , à la t radi tion du groupe. Même
lorsque les sujets sur lesquels porte l'enquête sont invités à
cocher, sur une liste d'actes prohibés, celui ou veux qu'ils
pensent avoir commis au terme d'une période ~onsidérée, on n'est
ni certain de la résonance profonde de ces actes dans leur per-
sonnalité, ni assuré que leur conduitç, au regard de la morale
de leur milieu, ne revêt pas une signification différente de
celle donnée par la loi.
L'investigation qui se fonde sur les réponses données
par les individus, admet implicitement que ces derniers disent
la vérité lorsqu'ils avouent être auteurs de telle ou telle in-
fraction. Si l'on admet, avec les scolastiques, que
l'idée vraie
-
43 '1
-
est celle qui est conforme à son objet" cf(Guy Durandin, op.
cit.), dont que dire la vérité, c'est se conformer à ce qui est,
il demeure encore un point sombre: l'individu qui dit cette
vérité. Un
incendie criminel se déclare; on en recherche l'au-
teur. Une personne qui n'en savait rien se présente et se dit
auteur du crime. Doit-on considérer sa déclaration comme véridi-
que ou pas? N'y aurait-il pas dans celle-ci une recherche de
valorisation de soi plutôt qu'une rGvélation de la vérité?
Bien entendu, il ne serait pas exact de considérer tous l~s su-
jets qui confessent leurs délits ou crimes comme des mythomanes,
des malades, mais il n'est pas non plus impossible de trouver
parmi eux des personnes à l'équilibre mental douteux ou qui po-
sent des problèmes psychologiques. En tout cas, aucune indica-
tion n'est donnée sur la personnalité des individus, sujets des
enquêtes par auto-confession (cf.R. Hood et R. Sparks, op. cit,
p. 19-23) (1), qui pUIsse rendre crédibles les résultats obtenus.
Si l'obstacle pénal est vaincu, la menace de la peine,
elle, demeure et hante toute personne qui, dans une société orga-
nisée comme celle de l'Amérique du Nord ou de l'EuTop~, pour ne
citer que ces deux continents les plus avancés au point de vue
( 1) : IR. n' y a p.f.u.6 lieu de JtevenL'l. ~Wt .tu e/tJte.UM Ii1Uhodo.e.o..i.que~, no:tamnent
.ta Jtep!té~en;l:a;t..i.vilé de~ éeh.a.ntil.toYL6, que pJté..6entent .ta piupall.t de~ :tJta.-
vaux !.lWt .fa. que~:üon ; e.MeUM que dénonœ.nt R. Hood et R. SpCVl.M.
- ~~2 -
du développement économique et social, enfreint la loi. La li-
berté, définie par le droit de faire ce que les lois permettent,
selon Montesquieu, ne s'exerce pas aveuglément. Et dans le cas
précis d'une infraction dont l'individu lucide connaît la gravi-
té et la peine qu'il encourt, il n'exercera pas sa liberté jus-
qu'à avouer son forfait à un enquêteur inconnu et dont il n'est
pas sûr qu'il conservera le secret. Certes, des criminels et des
délinquants connus de la police peuvent aVûuer l!infraction au
sujet de laquelle ils ont déjà purgé la peine, mais il paraît
peu raisonnable (ce serait de la provocation !) que teus ceux
qui n'ont jamais eu contact avec les forces de l'ordre portent
à la connaissance des enquêteurs les délits et crimes àont ils
ont été auteurs.
La connaissance du volume de la criminalité réelle à
partir de l'auto-confession des individus apparaît comme une ten-
tative peu fructueuse. On ne peut que partager le point de vue
de Robert DentIer, l'un des principaux utilisateurs de cette
technique, lorsqu'il conclut que "la méthode paraît trop peu
sare et les résultats trop équivoques pOUT valoir de nouveaux
efforts (cf.R. A. DentIer et col., 1966).
L'existence effective de crimes et délits qui demeu-
rent impunis et dont on ignore l'importance numérique continue
d'intriguer les criminologues. Si les coupables ne peuvent se
dénoncer eux-mêmes, peut-être leurs victimes, quant à elles,
- 433 -
n'hésiteront pas à porter à la connaissance de celui qui le dé-
sire les méfaits dont elles ont été l'objet.
Cette présomption,
semble-t-il, est à l'origine des enquêtes sur les victimes et
dont il va falloir dire quelques mots parce que, à cause de la
relative confiance qu'elles paraissent inspirer en tant que mé-
thode, elles connaissent une plus grande diffusion(l).
délits cachés
Les difficultés passées en revue ci-dessus ne sont
pas toutes inconnues des enquêtes sur les victimes.
Ici comme
précédemment, c'es; une gageure sur la bonne foi des individus.
Les sujets visés par cette sorte d'enquête doivent se rappeler
le nombre de fois qu'ils ont été victimes d'infractions au cours
d'une période déterminée par les objectifs de la recherche.
Par
ailleurs, ils sont aussi invités à donner les mêmes renseigne-
ments sur des membres de leur famille.
En dépit des espoirs qu'on peut nourrir au sujet de
la fiabilité des résultats obtenus, on se heurte à des problèmes
semblables à ceux relatifs à l'enquête par voie d'auto~onfession:
(1) : C'~t ta méthode qu'a employée Yve~ B~on ~n Ethno~~noio9~e de
i'A6~que No~e, op. ~, - No~ y ~ev~endnon6.
crimes et délits dont elles ont été victimes
ou connus dl elles
Les observations formulées à propos de cette méthode
soulignent les difficultés que les sujets interrogés éprouvent
à se souvenir de tous les délits commis et qui portent sur leurs
biens ou sur leur personne (cf.R. Hood et R. Sparks, op. cit,
p. 25). Seuls les actes récents d'une certaine gravité sont fa-
cilement évoqués. Par ailleurs la valeur des renseignements re-
cueillis par l'intermédiaire des sujets sur les membres de leur
famille est aussi mise en doute. Quand un individu n'est pas à
même de se rappeler tous les déiits dont il a été personnelle-
ment victime, quelle valeur peut-on accorder à son témoignage
en ce qui concerne autrui à ce même sujet? Fonder entièrement
une recherche sur le souvenir des individus sans s'être assuré
préalablement du bon fonctionnement de leur mémoire ne peut con-
duire qu'à des résultats peu crédibles et à des conclusions très
discutables.
b. 2.) ~~_~~~~~~~~~~_~~_!~_~~r~!~_~!_!~_~~~~~~!~
de la dire
Un individu est-il réellement capable de connaître
tous les délits dont il est victime? Il est des vols dont on ne
se rend compte que tardivement, puis d'autres qui passent inaperçus.
-
4:15
-
Par exemple, en rendant
la monnaie â un client, un caissier
peut malhonnêtement remettre â ce dernier une somme d'argent
inférieure â celle qu'il doit normalement rendre. Un client qui
est très pressé et donc qui n'a pas le temps de vérifier le mon-
tant de la somme rendue, court le risque de ne pas s'apercevoir
du vol dont il vient d'être victime, surtout si dans la même
poche il a beaucoup d'argent. Une telle infraction ne sera ja-
mais connue ni évoquée. Une de nos connaissances, employé ùe
banque, nous informait comment on peut voler des clients en ma-
nipulant les décimales des soldes de leurs comptes. Les diverses
occupations de la vie quotidienne, les multiples sollicitations
dont les individus sont l'objet, les rendent parfois peu aptes
au contrôle strict de leur comportement et de tout ce qui les
concerne. Dans ces 'conditions, il n'est pas possible â toute
personne de dire à celui qui le désire,
de combien de vols elle
a été victime.
Mais, savoir qu'une infraction vient d'être commise
chez soi ou chez autrui et le déclarer sont deux choses diffé-
rentes. Toutes les véri tés, rapporte-t-on, ne sont pas bonnes 8. dire.
Il y en a qui vous attirent des ennuis au lieu de remerciement,
puis d'autres qUI, sans être source de difficultés, vous font
perdre le temps. Les résultats des travaux effectués en vue de
connaître le volume des vols commis aux dépens des grands maga-
sins, aux Etats-Unis d'Amérique, sont significatifs: "Pour ce
genre de délit, fait-on remarquer, une grande majorité d'intéressés
-
436
-
estime qll'il n'y a rien à gagner en demandant de l'aide à la
police : mi~ux vaut agir non officiellement, en sous-main.
La
même étuJe :Ibouti t à des conclusions analogues en ce qui regar-
de l'émission de chèque sans provision, 19% des propriétaires
ou directeurs disaient n'être pas remboursés par le délinquant.
Plus d'une moitié demandaient simplement au coupable de " com -
bler" la perte"(cf.R. Hood et R. Sparks, op. cit, p.
19).
Ainsi,
l'inTérêT qu'on reTire d1une dénonciation, le bénéfice qu'on
escompte en disant la vérité importent beaucoup chez les indivi-
dus touchés par une enquête portant sur les crimes et délits
cachés. On peut donc parfois connaître la vérité mais se révéler
incapable de la dire pour toutes sortes de raisons. On reviendra,
ci-dessous, aux obstacles à la connaissance des crimes et délits
cachés dans la sOèiété,Abidjanaise, mais l'histoire ci-après vé-
cue par nous-même très récemment, illustre assez bien les obser-
vations ci-dessus. En Février 1985, un vol à main armée a été
commis au bac de Jacqueville(l). Le collecteur ou caissier reçut
deux balles de révolver, l'une dans la cuisse et l'autre dans la
fesse gauche.
Les voleurs emportèrent le sac contenant les re-
cettes de la semaine estimées à 400 000 francs CFA. Bien que le
vol ait été commis en pleine journée (à la fin de la matinée,
rapportait-on) et aux heures d'affluence, les gendarmes arrivés
sur les lieux ne réussirent à arracher des renseignements sérieux
de personne. Au retour d'une visite rendue à l'infortuné collecteur,
( 1) : Pe;t{;te IJille .6;,;ruée à u.n.e c.inquan:ta.ine de Womè.:tJte.6 d'Abidja.n, .6LV't te
u.-u.oJta.l Oue~d_.
-
437
-
nous reçûmes de deux cousins résidant dans un des quartiers pé-
riphériques d'Abidjan, l'information que ce même dimanche où le
vol à main armée a eu lieu au bac de Jacqueville,
le soir aux
environs de 21 heures, des gangsters ont été surpris par eux au
bord de la lagune en train de se partager une importante somme
d'argent déposée à même le sol dans l'obscurité. La coîncidence
avec l'évènement qui a eu lieu au bac nous étant apparue éviden-
te, nous avions alerté la gendarmerie de Jacqueville le lende-
main matin. Le commandement de la compagnie d'Abidjan fut saisi.
Les criminels présumés furent arrêtés. Devant leur réticence" à
reconnaître les faits qui leur étaient reprochés, les gendanlles"
reçurent l'ordre du procureur de la République de confronter les
criminels présumés avec les deux jeunes cousins. Une terrible pa-
nique s'empara de nous. En effet, les personnes incriminées et
nos deux parents habitent dans le même quartier et se connais-
sent bien.
L'un des deux jeunes comprend et parle même la langue
maternelle des individus soupçonnés. Une confrontation entre les
deux parties, au cas où elle n'aboutit pas à la prise de mesures
judiciaires contre les coupables présumés, aurait pour conséquen-
ce d'exposer la vie des deux jeunes parents à la vengeance de
ces derniers(l). Nous aurions
été
responsable de ce qUl serait
arrivé aux deux jeunes, vis à vis de la grande famille et des pa-
rents géniteurs.
L'insistance des forces de l'ordre pour la con-
(1) : Et. même. au C.M où lu '<'ncüv'<'dtL6 éta.<.e.n.t. c.onda.mné.-6, le.lL-'l. 6aJiJ-{lle. n' hu.<.-
t.eJLa.ie.n.t. pM à le.-6 ve.nge./'L d'une. man-<..eJte. ou d' une. a.ut/te., c.aJt lu nô-tl1.e..,~
ma.<.-6 non pM l''<'notr..a.c.;t.{.on, au.tr..a..<.e.n.t. été. ltupon-6able-6 de. la c.ol1damYllLti.on
de.-6 le.l..tIt-6.
- 438 -
frontation nous avait amené à comprendre de façon concrète pour-
quoi généralement la population refuse son aide à la Police et
à la Gendarmerie. Nous nous étions même promis de ne plus ja-
mais recommencer. L'affaire fut, en définitive, classée grâce
à la compréhension de ceux qui en étaient chargés.
Cette petite
histoire montre que celui qui décide d'informer les agents de
la répression sur un délit ou un crime, s'expose lui-même à des
risques, en plus des appels et interrogatoires multiples aux-
quels il devra répondre. La capacité de dire la vérité dans les
enquêtes portant sur la criminalité devra se doubler de celle
d'assumer les conséquences.
b.3.) ~~~!!~!~~~~_~~_~§!!!~_~!_~~_~!!~~~
~~~~_~!~!!~~~_~2P~!~~!~~
Toutes les condui tes prohibées par la. loi ne parais-
sent pas nécessairement porter tort à autrui. Le vagabond n'em-
pêche pas le déroulement normal de la vie dans une cité. L'ivres-
se, dans la mesure où elle n'entraîne pas l'atteinte à la person-
ne ou aux biens d'autrui, n'est pas dangereuse.
Il est des indi-
vidus qui, une fois ivres, deviennent plus doux qu'un "tout.ou".
Il ne viendra à personne l'idée de les dénoncer à la police. La
liberLé de l'individu ne s'arrête-t-elle pas là où commence
celle du voisin ?
L'acquisition de la notion de bien public importe beau-
coup ici. Le tort causé à la collectivité en abimant une réalisa-
-
439 -
tion d'intérêt commun peut ne pas être perçu comme tel par tout
individu. Le bien de tout le monde n'appartient à personne pris
individuellement. Ainsi l'anonymat de la grande ville
finit
parfois par atteindre le bien public.
La victimisation en tant que voie d'accès à la con-
naissance de la criminalité réelle ou cachée devra préalable-
ment résoudre, pour être valide, tous les problèmes énumérés
ci~dessus en plus de celui de l'échantillonnage. Pour l'instant,
l'image qu'elle donne de la criminalité dans une communauté don-
née n'est qu'approximative. Ainsi ni l'enquête par voie d'auto-
confession, ni celle qui porte sur les victimes ne rendent réel-
lement compte et de façon exhaustive de la totalité des crimes
et délits commis sur un espace territorial donné au cours d'une
période précise et ce, même dans les pays où les valeurs morales
défendues par le droit pénal ne sont pas étrangères à la popula-
tion. Peut-il en être autrement de la criminalité à Abidjan où
les résidents vivent sous le règne d'un droit d'importation?
Les réflexions consignées dans le chapitre précédent
autorisent à qualifier de gageure toute tentative qui viserait
à évaluer la totalité des crimes et délits commis dans la capita-
le économique ivoirienne au cours d'une période donnée.
-
440
-
Se basant sur les conclusions d'une étude réalisée au
Nigéria sur la criminalité réelle et apparente, Yves Brillon
observe
"D'autre part, et c'est lâ un point des plus impor-
tants, le nombre d'infractions non dénoncées est beaucoup plus
élevé en Afrique qu'en Europe ou aux Etats-Unis. Encore atta-
chées aux anciens droits coutumiers, les populations nourris-
sent une certaine méfiance vis-à-vis des institutions modernes
de justice et trouvent plus àe satisfaction à s'en remettre aux
pratiques et aux procédures tribales. De ce fait, la criminalité
cachée, le "chiffre noir" risque d'être élevé ; ce qui fausse
toutes les données concernant le phénomène criminel africain.
Une recherche
menée à Ibadan, auprès d'un échantillon de 120
personnes, conclut que, en général, les individus interrogés ré-
pugnaient à recourir aux procédures judiciairès lorsqu'il s'agis-
sait de crimes de peu de gravité tels que les coups et blessures
volontaires (sans lésions graves), les bagarres, les jeux illici-
tes et les vols portant sur de petites sommes. Quels que soit
l'âge, le sexe et la classe sociale des personnes interrogées,
85% et plus d'entre elles, selon les catégories précitées, ont
avoué que pour les infractions retenues elles préféraient régler
leurs litiges par des voies informelles; soit par l'entremise
de voisins, de chefs de famille ou par d'autres canaux non insti-
tutionnels" (cf. Brillon
Y, 1975, op. cit, p. 17). L'opposition à
la nouvelle justice et au nouveau droit se manifeste de façon
plus active encore lorsqu'il s'agit d'obtenir des populations,
-
441
-
la déclaration des crlmes et délits dont elles ont connaissance.
La méfiance qui s'6tablit, -personne n'ose témoigner â cause de
la vengeance possible qui risque de s'abattre sur lui- rend
toute enquête difficile et accule au découragement ou au renon-
cement celui qui en est chargé. Ainsi diverses causes expliquent
pourquoi il est quasiment impossible de connaître toutes les in-
fractions au nouveau code pénal commises dans la ville d'Abidjan,
encore moins d'en pouvoir dresser une statistique.
La législation pénale moderne en Afrique Noire, et
singulièrement en Côte d'Ivoire, est, on l'a déjâ signalé, en
avance sur l'évolution des moeurs de la société. Le taux très
élevé d'analphabè~es dans la population générale (on avait dénom-
bré 47% â Abidjan en 1978) n'est pas pour faciliter l'adaptation
des individus au nouveau droit. Aussi, les résidents connaissent-
ils très mal ou pas du tout la législation pénale nouvelle qui, pourtant, les
concerne. C'est dire qu'en se fondant sur l'opinion de quelques personnes sur
la connaissance qu'elles ont de la loi et surtout en généralisant cette obser-
vat ion à l'ensemble de la population, on oeuvre à contre courant des conclu-
sions des travaux sur cette question. Toute la problématique des projets
K.O.L. tf. G. Faugeroll,1978, p. 413)
(1) est là. Eneffet, il s'est
toutefois avéré, note G. Faugeron, d'une façon générale, que
(7 J : RappefoM que K.O. L. e.6:t f'abJtévict:ti..oYl. de "Knowfedge aYl.d Op.ùuon about
Law" un de.6 objecti6.6 de f'A.6.6oc.ia.:t.A..oYl. In:teJtna.:t.A..on.afe de Soc.iofog.i.e,
pfu.6 pJtéwément du Com.U.é de Souofog.i.e du VJtoa.
-
442 -
cette connaissance était fort mauvaise, si bien que les attitu-
des et, on peut le supposer, les comportements, en étaient peu
influencés ll •
La promotion du nouveau droit ainsi que celle de
la nouvelle justice en Côte d'Ivoire et précisément à Abidjan,
ne peut qu'être retardée. En l'état actuel du développement de
la société abidjanaise, il est illusoire d'attendre de la popu-
lation une réelle collaboration avec les organismes de défense
sociale, notamment avec la police, la gendarmerie et les tribu-
naux. Dans ces conditions, d'importantes activités criminelles
resteront toujours inconnues de ceux qui sont chargés de les
répérer et de les réprimer. Le refus de participation active à
leur propre défense exprime aussi l'opposition des individus à
la nouvelle justice.
Il est diverses manières de s'opposer à une réalité
externe. Et les psychologues savent que c'est dans l'opposition
que se forge le moi chez l'enfant. C'est en s'opposant, pense
Ph. Malrieu (1950) ... que le moi se pose; conduite qui permet
l'affirmation d'une identité, d'une prise de conscience de soi.
Margaret Mead voit, dans l'opposition d'une communauté h~~aine
donnée à son environnement, le renforcement de l'identité cultu-
relle chez les individus (cf. M. ~Iead ; op. ci t.). Certes, il n'est
pas question d'assimiler la manière dont se conduit toute une
collectivité nationale vis-à-vis d'une législation à travers
-
443 -
laquelle elle ne se reconnaît pas, ~ la conquête d'autonomie
chez l'enfant ni au repliement sur soi d'une communauté de mi-
grants, mais de relever ce qui rapproche toutes ces situations
l'opposition à une réalité externe, quelle que soit la nature
de celle-ci.
Dans le contexte local, cette opposition se découvre
dans l'attitude des individus vis-à-vis des délits et de cer-
tains crimes qui ne le sont pas dans la tradition mais que la
justice nouvelle réprime.
Il est des personnes pour distinguer
les actes qui doivent être portés à la connaissance de la police
ou de la justice de ceux dont les parties intéressées, générale-
ment lorsque l'auteur et la victime sont issus du même groupe
ethnique, doivent traiter elles-mêmes. En refusant de signaler
aux organismes officiels les actes réprimés par le code pénal
mais qui ne le sont pas dans leur culture, les individus semblent
opter pour la continuité de la tradition et marquer leur oppusi-
tion à la justice nouvelle qui, pensent-ils, est la justice des
"blancs,·(l). N'ayant pas d'autres moyens d'action que le refus
de collaboration avec les organismes officiels, les individus
observent un silence total au passage des enquêteurs policiers
ou gendarmes. Cette apparente complicité renforce soit l'indivi-
( 1J : Le mot "b.ta.nc." y:tlLend i u une ~-i.gniMc.ation -60c<'ologique.. Il dé..6-i.gne.
tOM c.e.ux qcU 0nt été 6oJz.mé..6 à. l' éc.ole. "e.U/ta pée.nne.",
pll..U paJt.t-i.c.u.tièJz.e.-
me. nt le..6 ca.dJz. ~ qcU e.xeJt.c.e. nt de~ 60 nc.tio n.6 0 U de..6 e.mplo~ JtéMJLVé~ na.-
guèJz.e. a.ux e.UJtOpée.~.
- 444 -
dualisme soit la cohésion des groupes à l'intérieur des quar-
tiers, mais gêne les investigations policières.
c.3.)
~~~~~~;;~~~~~_~~_!~_P!2!~~!!2~_~~~_~~!2l~~~.
~~_~~~g~~~~_~~_~2~~1~_9~_~~_~~_!~!!1~
Le législateur paraît soucieux de la protection des
personnes et de leurs biens ; à titre de preuve les nombreuses
lois héritées de la colonisation et celles votées par l'Assem-
blée Nationale depuis l'accession de la Côte d'Ivoire à la sou-
veraineté nationale. Mais, une chose est se doter de lois et une
autre veiller à leur respect. L'Ivoirien en général et l'Abi-
djanais en particulier ne se sent
pas
suffisamment protégé.
Dans les résultat~ d'une enquête effectuée par Yves Brillon,
résultats sur lesquels on reviendra ultérieurement, et qui por-
taient sur les réponses d'un millier d'abidjanais en 1974, l'au-
teur remarque: "A Abidjan, 54% des répondailts ont avoué que,
dans leur quartier, ils se sentaient très peu ou pas du tout
protégés par les forces de l'ordre" (cf.Brillon, Y.
; 1975, p. 19).
Dans la mesure où les habitants ont effectivement le sentiment
que la police n'interviendra pas ou ne le fera pas à temps au
cas où ils sont agressés, ils se hasarderont très rarement à lui
signaler les infractions dont ils ont connaissance, moins encore
à
témoigner d'un crime ou d'un délit. Dans cette immense capitale
où "le chacun pour soi et Dieu pour tous" s'impose de plus en plus
aux résidents, personne ne prendra le risque de se mêler des
-
-l-l5
-
affaires d'autrui.
Indépendamment "des multiples interrogatoires
de la police auxquels on s'expose dans le cas d'un témoignage,
d'autres ennuis attendent celui qui se rIsque 5 dénoncer un au-
teur d'infraction à la loi. Les résidents ont une conscience
réelle des représailles qui peuvent s'exercer contre eux. Dans
les communautés traditionnelles enclavées aujourd'hui dans la
ville d'Abidjan, la délinquance, rapporte-t-on, est quasiment
rare. Une expédition punitive règle définitivement le sort de
l'indélicat qui se fait prendre. Les corps repêchés en lagune
ou en mer sont, dans bien des cas, le résultat de ces expédi-
tions CcLA. Bassitché, 1974 b).
L'évaluation de la criminalité réelle à Abidjan appa-
raît en définitive .comme une gageure difficil~ à t~nir pour tou-
tes les raisons présentées ci-dessus. Cependant à Abidjan, on
parle du banditisme; on s'i~quiète des proportions que prend
l'anti-socialité dans la capitale sur la base de simples décla-
rations verbales ou des rumeurs. Doit-on, reprenant l'affirma-
tion d'une autorité française d'après laquelle en France on par-
le plus du téléphone qu'on ne parle au téléphone, conclure qu'à
Abidjan, l'on s'inquiète heaucoup plus de crimes et délits qu'il
ne s'en commet chaque jour?
Si l'une des fonctions principales des rumeurs est de soulager
les individus de leurs tensions émotionnelles Ccf. Allport G. W.
et Postman J., 1945), une rumeur porte toujours sur un objet ou
un sujet estimé important et de nature ambigUe. Malgré les diffi-
-
-l-lb
-
cuItés relatives à la connaissance de la totalité de la crimi-
nalité commise chaque année dans la cité, tout abidjanais se
perçoit comme une victime potentielle et ce, ~ partir non seu-
lement des rumeurs qui circulent, mais aussi des informations
diffusées par le quotidien national et des interventions des
forces de l'ordre.
Les statistiques établies et détenues par
celles-ci donnent une image approximative de ce que Fraternité
Matin qualifie de "fléau" national.
Représentée par le volume des crimes et délits totali-
sés par les forces de l'ordre, ~a criminalité apparente consti-
tue une mesure de l "'accul turation juridique" de ~a population
en même temps qu'elle renseigne sur l'efficacité des agences de
la régulation sociale. En effet, aller déposer une plainte à la
police ou à la gendarmerie, c'est reconnaître une légitimité à
ces organismes de défense sociale et une aptitude à traiter de
l'affaire ainsi confiée; autrement dit, c'est accepter le nou-
vel ordre juridique institué même si l'opportunisme doit condui-
re parfois certains individus à recourir sélectivement à l'une
ou à l'autre forme de justice. Par ailleurs, l'importance quan-
titative des infractions répérées et enregistrées par la Police
ou la Gendarmerie, avec ou sans la participation de la population,
peut traduire leur propre performance dans la lutte contre la
criminalité.
- 447 -
L'efficacit~ des forces policières, on le sait, ne
réside pas seulement dans la qualification des agents, mais
aussi et surtout dans leur nombreCcf. Brillon, Y., 1975 a, p.
14).
L'insuffisance de l'effectif des policiers et des gendarmes in-
flue grandement sur le volume des activités criminelles repérées
et enregistrées. Les moyens humains et mat~riels aggravent par
leur insuffisance les difficultés relatives au contrôle de la
criminalité. Cette situation paraît J'autant plus inquiétante
que l'augmentation du nombre des policiers ne suit pas l'accrois-
sernent de la population urbaine. Avec un taux de croissance de
11,5% par an de sa population, Abidjan ne comptait, en 1973, que
700 fonctionnaires de Police de tous grades (éf. Jacobs, R. et
col., 1974)(1)
; ce qui donne le rapport d'un policier pour
1 158 habitants. Les pays africains apparaissent diversement 10-
tis en ce domaine. Ainsi le Nigéria disposait, en 1974 d'un po-
licier pour 1 800 habitants, tandis que le Ghana comptait un
policier pour 420 personnes Ccf. Karibi Whyte, op. cit, p.
88).
(7) : Le chi66~e de 700 pe~onne~ e~t nettement en de~~oU6 de ~elui ~ouvé
pail. Yvu B.tUfton. D' ap~è6 ~e d~rUe~,
7490 poücie~ tMva.-i.il.eJULi..ent
en 7973 à Abidjan. Ce qui lui pe~ d'étab~ le~ e~timatio~ ~uivan
tu, au ~egaJtd de l'a~~où~ement démogtz.a.phique de .ta vil1..e : 7667
polici~ en 7974, 7852 en 7975. M~ le 6 Fév~~ 7975, il, notait
J.>eulemen-t 766ï peMonneJ.> MM .tu J.>e~vi~eJ.> de poli~e. La denJ.>dé poü-
cièlte utimée à 7 poü0i
pOM 544 habda~ en 7973 et à 7 policie~
pOM 605 habda~ inûu;t irttU.6unuement toU!.> lu 6on~onna-UteJ.> tj
~ompw ~eux de l' admùu--6tJta:t.ion 9énéAa.le en déta~he.ment à .ta poli~e.
k6.V~od Pénal Mode~ne et SMvivan~e de .ta ju.6u~e pénale :t.Jr..a.dJ.;t.on-
nette
op. ~, p. 74].
- 448 -
On reviendra ultérieurement sur la question relative à la poli-
tique criminelle. On peut notér pour le moment, en ce qui con-
cerne la ville d'Abidjan que "c'est peu, en regard des normes
françaises qui accorderaient un effectif de 1 125 gardiens de
la paix pour une agglomération ordinaire, c'est-à-dire ne compor-
tant pas les servitudes de gardes statiques des bâtiments admi-
nistratifs d'une grande capitale. Les 700 fonctionnaires actuels,
relève toujours R. Jacobs, sont par trop dilués àans la popula-
tion pour être vr.aiment efficaces, surtout si l'on songe que
leur nombre doit être pondéré par les congés, les repos, les re-
lations de service" (cf.R. Jacobs, op. cit, p. 88).
A partir des considérations qui précèdent, on peut se
demander s'il est possible de connaître le volume. réel de la cri-
minalité apparente dans la ville d'Abidjan.
Il y a une dizaine
d'années, les participants au Troisième Colloque de Criminologie
Comparée d'Afrique Occidentale tenu à Abidjan sur "La criminali-
té réelle, apparente et légale en Afrique Occidentale" étaient
unanimes à reconnaître l'imperfection des statistiques criminel-
les dans la sous-région. Celles-ci sont d'une telle imprécision
qu'il semble illusoire de prendre une décision, à partir d'elles,
qui soit réellement efficace, encore moins de fonder une investi-
gation scientifique sur elles.
L'établissement des statistiques de la criminalité ap-
parente pose des problèmes de divers ordres dont celui de la dé-
finition des actes considérés. L'observation ci-après faite dans
-
-l-l9 -
un travail antérieur Ccf.Bassitché A., 1973) mérite d'être rap-
pelée. "Il semble que, avons-nous noté, les statistiques annuel-
les ne traduisent pas la criminalité réelle, non pas à cause
d'lme volonté délibérée des brigades de dissimuler certains actes
délictueux, mais pour une raison toute différente : une infrac-
tion n'est prise en considération ou considérée comme telle que
lorsqu'elle donne lieu à une procédure judiciaire. Autrement dit,
n'est pas déclaré ou comptabilisé comme délit tout acte anti-
social dont la procédure s'arrête au niveau des brigades de la gen-
darmerie. En évitant l'encombrement des tribunaux ou un surcroît
de travail aux magistrats, le procédé apparaît assez économique.
Cependant, il ne permet pas d'apprécier la moralité réelle de la
population et laisse par ailleurs préjuger d'un certain nombre
de facteurs qui orientent la décision des gendarmes". La crimina-
lité apparente ne peut, dans ces conditions, que présenter dif-
férents visages suivant la manière dont sont traités les actes.
Ici, le "pouvoir discrétionnaire" des agents chargés du contrôle
social pèse lourdement sur les statistiques officielles et méri-
te qu'on s'y attarde un moment.
Jusqu'ici les anglo-saxons paraissent avoir été sinon
les premiers du moins de ceux qui ont accordé une importance par-
ticulière à la dimension humaine de la police Ccf.Susini, J. 1983,
p.
105). Le Policier n'est pas cet homme-robot auquel on pense
généralement, appliquant à la lettre les dispositions légales.
Il est avant tout, un humain porteur, lui aussi, des qualités et
- 4Sn -
défauts moraux inhérents à son espèce. De même qu'il est recom-
mandé de distinguer le sujet connaissant de l'objet de connais-
sance puis de la connaissance elle même, de même le policier ne
saurait être assimilé ni aux dispositions légales à l'applica-
tion desquelles il veille, ni à la loi d'où émanent ces disposi-
tions. Cependant, s'agissant de la qualification des actes, il
dispose d'une large marge de manoeuvre qui lui permet de décider
si l'auteur d'un acte peut être ou non incriminé. Ce "pouvoir
discrétionnaire" défini comme étant "la qualité conférée par la
loi d'agir dans certaines conditions ou situations conformément
à son propre jugement et à sa conscience" (cf, Sus ini J. op. ci t,
p. 107) fait du policier un individu redoutable. C'est incontes-
tablement ce pouvoir qui rend sa présence dissuasive. Toutefois,
il y a lieu de relever une certaine ambiguïté dans la définition
ci-dessus. La référence au jugement personnel et à la conscience
du policier pose problème. Comment concilier le caractère positif
de la loi avec des données d'ordre personnel et, par conséquent,
subjectives? Il Y a indubitablement là une porte grandement ou-
verte à l'arbitraire même si, instruit par la loi et oeuvrant
pour sa sauvegarde, le policier doit opérer suivant des codes
préétablis. "Il y a sélection, écrit Jean Susini, relativement
aux infractions, en génrral et en détail. Selon leurs formes,
leur état de visibilité et de suggestion technique, d'urgence,
de maniabilité pratique, leurs catégories, leurs valeurs sociales,
morales et affectives, leur portée écologique, leur incidence
15 J -
supputée ou vécue sur
le~ rapports sociaux dialectisés ou domi-
nants,
leur éventuelle r~son3nce en ce qui concerne l'attitude
spécifique des média.
Telle est la grammaire psychologique qui
pourrait aider â décou~rir la syntaxe de l'actionisme sélectif
de toute dynamique de policL'" lcf.Susini J. op.
cit, p.
116). Si
tels apparaissent le pouvoir et l'étendue de la fonction dévolue
à la police, on ne peut que regretter le mode de recrutement
dans ce corps et le contenu de la formation dont le personnel
est le produit.
Il faudra, tout au moins à l'entrée et à la sor-
tie de l'école, s'assurer de la solidité de l'armature morale
et de la maturité psychologique du policier ; ce qui ne semble
pas encore constituer une préoccupation majeure des autorités
gouvernementales. On peut par conséquent émettre l'hypothèse
que les statistiqties criminelles détenues par les agents chargés
du contrôle social et, singulièrement par la police, donnent ~ne
certaine image de la criminalité dans laquelle intervient la re-
présentation personnelle, celle-ci étant conçue comme un produit
de l'arbitraire des individus investis du pouvoir de contrôle
social.
L'évolution du volume des infractions effectives aux lois
demeurent un problème insoluble pour toutes ces raisons et pour
bien d'autres encore.
Les effets du "pouvoir discrétionnaire" exercé ailleurs
par les personnes responsables du contrôle social se doublent,
en pays ex-colonisés, des cons6quences résultant de l'inadapta-
tion des législations nouvelles à la société locale.
Les diffé-
-
452
-
rentes remarques raitl'~ sur
les populations (cf. chapitre précé-
dent) dans leurs relations avec les législations d'importation
dans les états nouvel \\ement indépendant~ d'Afrique Noire, s'ap-
pliquent aussi aux agents chargé~ du contrôle social. En effet,
1e pol ici e r e t
1e g e Il Li a rm e f 0 n t part i e Li e 1 a soc i été.
Pou r cel a
don c, 1eu r ré a ct ion au x loi s no U\\' e Il es qu' ils s ont cha r g é s de
défendre ne peut être fonLiamentalement différente de celle de
la popülation générale. Etant donné la multiplicité àes ethnies
qui peuplent le territoire national,
l'appartenance sociale et
socio-culturelle différente qui caractérise les policiers aussi
bien que leurs clients,
le repérage systématique des infractions
ainsi que la mise en rapport de leurs auteurs avec la justice
ne peuvent s'effectuer de façon mécanique. Hyacinthe Sarassoro
parle d"'intouchab1e5" (cf. H. Saras50ro, op. cit, p. 32) .pour
désigner ces ivoiriens omnipuissants contre lesquels la police
ne peut rien, mais encore qui interviennent activement pour em-
pêcher que l'action de la police ne s'exerce sur leur protégés.
Les forces de l'ordre, ici comme ailleurs, subissent des influen-
ces de divers ordres qui se ressentent au plan de l'enregistre-
ment des infractions.
3 - La criminalité léoale ou officielle
- - - - - - - - - - - - - - - - - Q - - - - - - - - - - - - - - - - -
Les Abidjanais, disions-nous, vivent dans la hantise
d'agression physique et du vol. Les interventions des forces de
l'ordre leur paraissent insuffisantes. Au terme d'une enquête
-
-t5."
-
portant sur un millier de foyers, Yves Brillon a pu conclure
"A Abidjan, 54,5L)~ des répondants ont avoué que, dans leur quar-
tier, ils se sentaient très peu ou pas protégés par les forces
de l'ordre. C'est ce qui explique, poursuit-il, que 78,2% d'en-
tre eux pensent que là où ils habitent les gens ont peur d'être
victimes des malfaiteurs" (cf. Brillon, Y.,
1975 a, p. 19). L'or-
ganisation des résidents en comités d'auto-défense dans certains
quartiers de la ville est une des manifestations concrètes de
cette hantise.
"Tout dernièrement en Novembre 1983, écrit G.
Gbassé Bénoit, lors du Conseil National qui s'est tenu le 3 No-
vembre, le Président de la République a annoncé que dans cinq
mois tous les voleurs et criminels devaient disparaître.-A la
suite de cela, des comités de défense nocturne se sont constitués
dans les quartiers~ Ainsi, les populations d'Abobo organisent-
elles des rondes nocturnes dans leurs différents sous-quartiers.
Ces comités sont d'autant plus organisés qu'ils sont dirigés
par un chef qui établi t le programme des rondes ... " (cf. Gbassé
G. B., 1984, p.
58).
Il Y a là une prise de conscience évidente
des problèmes relatifs à leur sécurité chez les abidjanais. Que les
individus s'organisent en comités armés qui patrouillent la nuit
dans leur quartier pour éloigner les malfaiteurs, lutter contre
la criminalité, revèle que l'inquiétude a pris des proportions
telles que la population se trouve contrainte de se prendre en
charge elle-même. Nous y reviendrons ultérieurement. Notons pour
le moment que la peur d'être agressé peut amener l'individu à
-
~ S4 -
devancer celui qu'il considêre être le malfaiteur en l'agressant
et
passer ainsi pour un criminel sans en avoir eu préalable-
ment l'intention. Virginia Adams rapporte ainsi l'histoire que
voici : un coureur fut bousculé sur son chemin par un autre.
Tâtant sa poche, le premier pensa que le second venait de lui
enlever son porte-monnaie.
Il le rejoignit et lui réclama son
objet.
Le second le prenant à son tour pour un malfaiteur lui
remit son propre porte-monnaie. Plus tard chez lui, il s'aperçut
que le sien était sur son bureau. Confus, il téléphona à l'autre
et s'excusa (c~Adams, V.
1977). La peur qu'un individu même hon-
nête éprouve devant un autre perçu comme un malfaiteur peut être
en elle-même criminogène ou "délictogène".
Les comités de défen-
se peuvent devenir dangereux pour les individus eux-mêmes ou
pour des membres honnêtes de leur propre famille.
De telles observations conduisent à la question sui-
vante:
la criminalité officielle, constituée par la totalité
des condamnations à l'issue des jugements rendus au Palais de
Justice d'Abidjan résume-t-elle la réalité criminelle abidjanai-
se ? La réponse, de toute évidence, ne peut être que négative
pour toutes les raisons qui précêdent et dont on peut rappeler
queJques unes
:
- le juge n'intervient que sur le "produit" livré à
lui par les forces de l'ordre, comme le déclare si bien un jeune
délinquant "Si la police ne te prend pas,
Je juge ne pourra pas
-
4SS
-
t'envoyer en prison"(cf.Bassitché A., 1974 a, p.
148). Il en
résulte logiquement que les activités des tribunaux dépendent
étroitement de celles de la police et de la gendarmerie.
Plus
ces dernières leur adressent des "clients" plus les juges ont
des dossiers sur lesquels statuer. Malgré la sélection opérée
par les forces de l'ordre parmi les auteurs probables des crimes
et délits, le nombre des affaires adressées au parquet se révèle
supérieur à la capacité d'absorption des instances judiciaires.
A supposer que tous les prévenus qui parviennent au parquet
soient condamnés, le volume des condamnations chaque année sera
nécessairement inférieur à celui àes présumés coupables détenus
par la police et la gendarmerie.
L'insuffisance du nombre des magistrats. signalée pré-
cédemment (cf.obstacles liés à l'équipement) eu égard à l'accrois-
sement de la population abidjanaise et, par conséquent, à l'aug-
mentation du volume des activités anti- social~s se ressent de
façon dramatique dans le traitement des affaires dont les juges
sont saisis.
Abidjan compte aujourd'hui un peu plus de deux millions
d'âmes plus récisément 2 100 000 individus. Sur la base de 501
infractions pour la 000 habitants commises en l'espace d'une an-
née, suivant les travaux réalisés par Yves Brillon en 1974, un
simple calcul permet d'estimer à plus de cent cinq mille deux
cent dix infractions le volume de la criminalité en 1985. Même
Si
une
infLl,:tll11l 1'1.'L1t
impliqucr plu:> d'Lill ;lutcur ou si
le même
individu peut ~tre responsable de plusieurs méfaits à la fois,
la trentaine d~ ju~es qui travaillent au Palais de Justice
d'Abidjan ne paraît pas à même de traiter de toutes les
affaires susceptibles d'être connues d'eux.
La criminalité
officielle se limite, en définitive, à la performance des
magistrats, ces derniers étant eux-mêmes submergés dans la
masse de dossiers qui parvient quotidiennement à leur bureau,
ainsi que l'illustre la caricature parue dans le quotidien
Fraternité-Matin du 22 Mars 1985, caricature que nous représen-
tons en annexe
XVI
sous
le
ti tre
"Trop de dossiers pour
les juges". L'étude statistique des crimes et délits renseigne,
dans ces conditions, moins sur la réalité criminelle que sur
la capacité des institutions policière et judiciaire à endiguer
la criminalité. Une présentation générale du ph~nomène criminel
dans "la cité des lagunes" (1) permettra de mieux saisir son
ampleur et, par conséquent, de comprendre aussi l'inquiétude
des résidents dont certains, rapporte-t-on, ne dorment plus
que d'un oeil. Ce sentiment d'insécurité entretenu par la
presse et par les rumeurs est à même d'investir la ville d'une
fâcheuse réputation: celle de la capitale du crime.
-------------------------------
( 1)
Au.tJz..e- dé.~_<.gna,Uon de- .ta. v_<'Ue- d'Ab_<'djo.Yl.
-
4S7
-
4 - ~!~~~_~!~!~~!~g~~_~~~_~!t~~?_~!_~~1~!~_~
~~~~i~~_~~_~~~!~_~~_!~~~~~~_!~~~
Abidjan, avons-nous vu, réunit toutes les conditions
favorables au développement du crime :
- grande diversité culturelle caractérisant les indi-
vidus ainsi rassemblés, entraînant une variété de normes, de
conduites et de comportements ;
- par rapport aux autres villes du pays, taux très
élevé d'immigrants nationaux et étrangers et, concomitamment
crise de logements dans la cité favorisant le développement des
bidonvilles aux abords des quartiers périphériques
- taux très élevé d'analphabètes dans la population
générale constituée en majorité de jeunes;
- taux très important du chômage aussi bien parmi les
jeunes nationaux diplômés ou analphabètes que les étrangers
bas niveau des salaires touchant la plus grande pro-
portion des résidents, mais dans le même temps, grande variété
d'articles de luxe offerte à la consommation;
- luxe ostentatoire affiché par la minori té possédante
incitant à l'envie et à l'imitation
-
458 -
- concentration des loisirs et développement de cadres
socio-semi-traditionnels
(associations et maquis) traduisant à
la fois le désir d'appropriation de l'espace urbain chez les in-
dividus et des besoins psycho-affectifs.
Abidjan ne peut que passer pour la capitale du crime
de la Côte d'Ivoire ainsi que le révèlent les statistiques des
infractions au code pénal moderne aux différents niveaux du con-
trôle social.
a . ) Au niveau de la Police et de la Gendannerie
Au moment où s'effectue cette recherche, Abidjan compte
seize (16) arrondissements de Police et cinq (5) brigades de Gen-
darmerie. De nouvèaux découpages sont probablement à l'étude,
qui permettront un quadrillage toujours meilleur de la ville et
sa banlieue, d'une année à l'autre. Aussi, les données qui sont
présentées dans ce travail résument-elles les activités des com-
missariats de police et des brigades de gendarmerie opérationnels
au cours de l'année 1982. Notons que durant la période considérée,
les unités des forces de l'ordre étaient implantées en vingt deux
(22) points différents dans Abidjan et ses environs. L'ensemble
des unités a enregistré quatre mille neuf cent cinquante trois
(4 953) auteurs d'infraction au code pénal ou présumés coupables
au terme de la loi pénale. Il s'agit de quatre mille cent quaran-
te huit (4 148) hommes, de six cent quatre vingt sept (687)
fem-
mes et de cent dix huit (118) personnes au sujet desquelles
on n'a pu avoir d'informations sur le sexe. La criminalité à
Abidjan, comme un peu partout dans le monde, apparaît être es-
sentiellement masculine. Elle demeure une affaire des hommes.
Les femmes n'y sont conduites que rarement, pour des raisons
d'ordre socio-culturel probablement.
Suivant les forces de l'ordre, la criminalité à
Abidjan et ses environs est plutôt l'oeuvre des étrangers que
des nationaux {cf. Tableau ci-dessous).
NATIONALITE
IVOIRIENNE
ETRANGERE
INCONNUE
TOTAL
Effectif
1 723
3 184
46
4 953
1
Pourcentage
34,8
64,3
0,9
100,00
1
On peut, en tout état de cause, se demander pourquoi
les étrangers se comptent en un si grand nomhre parmi les auteurs
d'infractions connus de la Police et de la Gendarmerie. Bien
qu'Abidjan soit une ville cosmopolite, les non jvoiriens ne sont
plus aujourd'hui majoritaires dans la population (cf. Deuxième
Partie-Etude démographique). Comment se fait-il alors que ce
soient ceux-là qui se retrouvent en surnombre parnli les auteurs
de crimes et de délits? La surcriminalité des étrangers (cf. Jacques
Robert, 1983) est un fait connu. En France, les statistiques ne
la Police et de
la Cendarmerie r~vèlent que les immigrés
sont deux fois plus nombreux que les Français parmi les
criminels et délinquants. En 1981, note Jac~lues Robert, le
taux de criminalité pour 100 ou 1 000 immigr0s est double de
celui des Français. Des travaux plus anciens portant sur l'im-
migration et la criminalité (cf. E.H.
Sutherland
et D.F. Cressey,
op.
cit,
p.
154
Z1
lt'U)
établis-
saient une relation de cause â effet entre l'âge de l'individu
â son arrivée dans le pays d'accueil et la promptitude de
celui-ci â enfreindre les lois en vigueur dans ce pays. "Les
immigrants arrivés aux Etats-Unis peu après leur naissance,
ou dans leur première enfance, ont un taux de criminalité
supérieur â celui des immigra~ts qui sont des jeunes adultes
ou des hommes mûrs", observent les auteurs à la.suite des tra-
vaux de Van Vechiten. -Cette observ~ion laisse supposer qu'un
conflit de cultures est à la base du comportement criminel
chez les jeunes immigrants, chez ceux qui n'avaient pas encore
accompli leur total développement psycho-social au moment de
leur transplantation (cf. H. Beauchesne et J. Esposito, op. cit.)
Dans le cas des Abidjanais qui constituent l'objet de ce travail,
la grande proportion des étrangers dans les statistiques des forces de l'or-
dre peut faire penser qu'il s'agit des personnes qui ont des di fficul tés à s' a-
-
4 b 1 -
dapter au milieu ivoirien, même si, d'un pays africain à un au-
tre, les valeurs socio-culturelles ne sont pas aussi différentes
que celles qu'on est en mesure d'observer d'un continent à un au-
tre. Toutefois, il faut se rendre à l'évidence.
La criminalité des non nationaux ne s'explique pas uni-
quement par la différence des valeurs socio-culturelles. L'étran-
ger dans toute communauté humaine reste l'objet d'une attention
particulière. L'écart de conduite qui est toléré ou qui passe
inaperçu lorsqu'il s'agit d'un autochtone est exagérément grossi
quand l'auteur est un étranger. Tout se passe comme si la commu-
nauté se donnait la consigne de surveiller le nouveau venu pour
apprécier, évaluer son comportement dans les diverses situations
sociales auxquelle~ il peut être confronté pour enfin 'lui décerner
on ne sait quel certificat d'agrément. Ainsi, dans un contexte
social où la déviance de l'étranger prend des proportions inat-
tendues, les forces de l'ordre ne tarderont pas à être saisies.
Le crime ou délit du non national devient alors très visible et
est systématiquement repéré. L'étranger bénéficie moins de la
complicité de la population que le national.
Il est celui dont
le comportement'~énère"l'insécurité; parfois même sa seule-pré-
sence engendre ce sentiment chez les autochtones. Les abidjanais
ivoiriens n'expriment aucune originalité lorsqu'ils affirment
que les étrangers sont ceux là qui commettent le plus de crimes
et délits dans la société, qui cr6ent l'insécurité dans tout le
pays.
- 462 -
Les étrangers ne sont pas cependant les seuls à exer-
cer des activités criminelles. De plus en plus, des ivoiriens
prennent part à l'organisation de "mauvais coups" aux côtés des
pairs étrangers, car ils commencent à comprendre que la solution
à leurs difficultés financières réside dans
la participation aux
activités illégales mais qui rapportent "gros". A titre purement
indicatif, les informations consignées sur le tableau ci-après
montrent que la criminalité grave recrute aussi ses auteurs par-
mi les nationaux. Elle n'est pas l'exclusivité des étrangers.
r!~E~!!!~~_~~!Y~!!!~~~_~~~!_!~~_~~!~~!~_~~_Y9!_~_~~!~_~~~~
.
A N NEE
1978
1979
1980
1981
Nbre d'affaires connues
Police unique-
1 Police unique-
de la Police et de la
ment
ment
Gendarmerie
236
1 120
977
990
.
Nbre d'auteurs étran-
gers en %
60
48,50
63,78
80
Nbre d'auteurs ivoi-
riens en %
40
51,50
36,22
20
Les statistiques ci-dessus (cf.B. M'Bahi et N'Guessan S. 1983)
révèlent que les nationaux ne sont pas des anges, qu'ils se comp-
tent nombreux parmi les auteurs de la criminalité grave.
Ils par-
ticipent de plus en plus aux Lôtés des étrangers, à la formation
des gangs qui "écument" les banques, les grands magasins et par-
fois même les maisons d'habitation, à travers le pays. Ces gangs
qui, souvent, menacent la police elle-même, organisent des atta-
-
463 -
ques des cars de voyageurs entre Abidjan et les villes de l'in-
térieur. La derniêre en date, repportée â la rubrique des "Faits
divers" du quotidien national Fraternité Matin du 21 Novembre
1986, en page 3, porte le titre "T~oi~ bandit~ attaquent un ca~
~u~ l'auto~oute du No~d". Comment ces hors-la-loi procêdent-ils ?
Ils se font passagers â bord des cars de transport comme tout le
monde. Ils dissimulent leurs armes dans leurs bagages, mais ils
savent à quel moment et â quel endroit sur le parcours opérer.
Une fois le véhicule immobilisé, ils dépouillent, sous la mena-
ce de leurs armes, tous les voyageurs de leur argent et de leurs
bijoux puis ils disparaisse~t dans la brousse.
Toujours au titre de la relation entre nationalité et
criminalité, un informateur nous confiait que de jeunes ivoi-
riennes abidjanaises déclaraient s'être aperçues que des ghanéen-
nes s'enrichissent sous leur nez par la pratique de la prostitu-
tion pendant qu'elles, par scrupule, vivent dans la misêre. Cette
prise de conscience que, moyennant du courage et un relâchement
des freins moraux, elles peuvent aussi, comme les étrangers, de-
venir rapidement riches (!) explique sans doute en partie l'arri-
vée massive de jeunes nationales sur le marché de la prostitution.
Bref, la criminalité à Abidjan ne saurait être la caractéristique
d'un groupe ethnique précis. Elle semble plutôt liée aux condi-
tions d'existence des individus et, plus généralement, à la so-
ciété abidjanaise elle-même.
- 464 -
Dans l'adaptation des individus à leur nouvel envi-
ronnement, notamment dans l'attitude qù'il convient d'observer
vis-à-vis des lois modernes, on peut penser que le niveau de
formation intellectuelle joue un rôle prépondérant. En d'autres
termes, plus on est instruit, donc en mesure de connaître ce que
les lois permettent ou interdisent, moins on devra être enclin
à commettre des crimes et délits. Dans une population constituée
en majorité d'analphabêtes, la délinquance devient alors une
conduite normale. Les abidjanais dont la plupart ne savent ni
lire, ni écrire devront avoir constamment maille à partir avec
les forces de l'ordre. Or les informations dont on dispose sur
les prévenus de la Police et de la Gendarmerie au cours de l'an-
née 1982 paraissent prouver le contraire :
Niveau d'instruction
Lettré
Illettré
Inconnu
Total
Effectif
2 514
2 006
433
4 953
Pourcentage
50,8
40,5
8,ï
100,00
Niveau d'Instruction des Prévenus de la Police et de la
-------------------------------------------------------
Gendarmerie - Année 1982
Les personnes instruites, dont on attendrait une meilleure adap-
tation au nouveau Droit sont celles-là qui se distinguent par
des comportements répréhensibles. C'est que la maniêre dont un
individu se conduit vis-à-vis des valeurs défendues par le droit
dans une communauté humaine donnée, n'a pas de relation directe
-
465 -
ni univoque avec la formation intellectuelle. Les grands crimi-
nels, les délinquants en col blanc ne se recrutent-ils pas sou-
vent parmi de grands intellectuels, de hauts cadres? C'est par-
mi les cadres moyens et supérieurs qu'on rencontre le plus d'es-
crocs et d'auteurs d'abus de confiance (cf.V. V. Stanciu : 1968,
p. 144). Pour induire autrui en erreur ou pour le tromper, il
faut beaucoup de rus~, de doigté. Ce sont là des aptitudes fré-
quentes chez les intellectuels. Ext-ce à dire pour autant que la
criminalité connaît son plus grand développement dans les couches
supérieures de la société ?
Les statistiques établies par les forces de l'ordre
donnent l'image ci-après.
Couches socio-
Couche Couche
C. Populaire
C. _Populaire Sans
Incon-
TarAI.
professionnel-
Aisée
Moyenne
salaire ré-
sans salaire oro-
nue
les
gulier
régulier
fes.
Effectif
322
419
994
1
1 845
1059
314
4 953
%
6,5
8,5
20,1
37,3
21,4
6,3
100,00
Clest
plutôt parmi les couches populaires composées d'employés
subalternes, d'agents inférieurs de la Fonction Publique, d'ou-
vriers, etc que se rencontrent le plus de prévenus de la Police.
Les informations consignées sur le tableau ci-dessus indiquent
par ailleurs que l'irrégularité des revenus
(37 3% des sujets
J
- 466 -
présumés coupables au terme de la loi) est un facteur de crimi-
nalité. Ainsi la précarité de la situation économique serait
criminogène en milieu abidjanais. Les personnes qui vivent dans
des conditions économiques très difficiles, dans la hantise du
lendemain se retrouvent par conséquent plus enclines aux activi-
tés criminelles que celles qui perçoivent un salaire régulier.
L'examen du même tableau fait apparaître que la criminalité à
Abidjan est une conduite essentiellement prolétarienne. C'est
dans le milieu des "gagne-petit" ou des "sans revenu" que se
développent les activités criminelles rendues nécessaires pour
la survie. Cette observation confirme celle faite par J. M.
Bessette suivant laquelle les auteurs des vols qualifiés, donc
de la criminalité contre les biens, seraient plus nombreux parmi
les individus issus des classes sociales pauvres que parmi ceux
en provenance des couches aisée
et moyenne de la société. Le
milieu ouvrier s'est toujours signalé par sa propension au vol
(cf.V. V. Stanciu, op. cit, p. 144). La régularité ou l'irrégula-
rité du salaire perd de son importance
l'essentiel demeure
alors la suffisance ou l'insuffisance du revenu, de ce qui est
perçu à la fin de chaque mois, les besoins qu'il permet de cou-
vrir réellement. De même la classe ou la couche sociale perd de
son intérêt devant l'urgence des besoins. Sans argent, l'honneur
ne s'identifie-t-il pas à une maladie, ainsi que le pensait
Molière dans le Bourgeois Gentilhomme? On sait que les magasins
abidjanais disposent de divers produits locaux et étrangers qui
-
467 -
attirent aussi bien les individus qui sont capables de les ache-
ter que ceux qui n'en ont pas les moyens. Pour ces derniers, la
seule voie qui puisse les conduire à l'acquisition de ces pro-
duits de consommation demeure le vol sous ses multiples formes.
Pour se hisser au rang des individus de la classe moyenne, clas-
se qui sert de référence, le recours aux moyens illégaux se pré-
sente comme l'unique solution. Pour celui qui veut forcer la
ressemblance, la prison reste, bien souvent, la destination fi-
nale.
Les proportions des auteurs présumés d'infraction ins-
crites sur le tableau ci-dessus amènent à s'interroger sur l'ob-
servation du sociologue suivant- laquelle la criminalité est une
construction (cf.J~ M. Bessette, op. cit, p. 61). ~e sont les
groupes dominants, pense-t-on, qui participent à cette "construc-
tion"
destinée aux classes sociales domjnées. Ainsi les lois ne
semblent pas faites pour ceux qui les font. Ces déclarations qui
paraissent assez bien adaptées aux pays européens d'où est impor-
tée la quasi totalité de la législation en vigueur dans les états
africains, surprennent quand on les examine à la lumière des réa-
lités locales. En effet, la majorité des résidents abidjanais est
d'origine rurale. Ce sont des citadins de deuxième génération
qui continuent d'entretenir des rapports avec le monde rural. Par
ailleurs, les lois nouvelles ne sont pas, à vrai dire, l'oeuvre
d'une classe sociale qui voudrait en imposer aux autres. L'ins-
tauration d'un ordre nouveau sous la bannière duquel promouvoir
-
468 -
le développement économique et social du pays a nécessité l'a-
doption du Droit Français, au lendemain de l'indépendance poli-
tique de la Côte d'Ivoire. Ce droit est par conséquent nouveau
pour tout le monde, dans tous les cas, pour la très grande majo-
rité des Ivoiriens(l). Ce qui est ici embarrassant, demeure l'at-
titude des couches sociales aisée et moyenne (respectivement
6,5% ; 8,5%). Celles-ci ne se sentent pas concernées par la cri-
minalité qui reste une caractéristique des masses populaires,
c'est-à-dire de ceux que les lumières de la ville ont attirés-et
qui se bousculent dans l'anti-chambre du modernisme sans vérita-
blement avoir accès à la pleine jouissance du bien-être matériel.
Dans la mesure où le Nouveau Droit est étranger à tous, on aurait
dû assister à des comportements délinquants ou criminels généra-
lisés. En se fondant sur l'adaptation des individus à leur en-
vironnement, on s'explique difficilement la sous~criminalisation
des couches abidjanaises aisée et moyenne. On croirait que ces
personnes là vivaient toutes sous le règne du Droit Français,
donc étaient toutes habituées à ce droit, avant la "nationalisa-
tion l1 de cette institution par la Côte d'Ivoire.
La sous-criminalisation des classes sociales aisée et
moyenne pose aussi le problème de la visibilité des infractions
( 1)
: Cette nuance ut ILendue néce~~a..iJLe paJI. l' ewtence de deux. ~~ de
fu pe.Jt.6onne perzda.nt fu coloni-ha,tum. CeJLta.i.n6 autochtone~ ava.i..ent le
~ta.tut de illotjen 6Jt.anç.~ et, pail. coYL6équent, é.:ttLi.ent ~o~ fu gouveJLne
du. VIlO..u FJtanç.~ ; ce dIlo..u qui, apILu l' .indépenda.nce, devali: ~' appU.-
quVt duo!lJrla..i6 à to~ le~ lle~~o~~anU du. teJLlllio.ille.
-
470
-
contre des cadres moyens et quelquefois aussi supérieurs (Yopou-
gon par exemple), mais où demeurent majoritaires les couches in-
férieures de la Fonction Publique ou du secteur privé. Ce sont
des zones urbaines surpeuplées et où se pose de façon aigüe le
problème de logement. Il est des individus qui passent la nuit
sur le trottoir ou à la devanture des magasins. Ces situations
sont fréquentes et constituent un mode de vie pour de nombreuses
personnes notamment à Treichville et à Adjamé. Par contre, on
rencontre très peu de prévenus dans certains
arrondissements
qui ne sont pas cependant tous des quartiers de rêve des abi-
djanais. Les 220 Logements (Je Arrondissement), Marcory (ge Ar-
rondissement) et notamment Attiécoubé (10e Arrondissement),
Williamsville (lle Arrondissement), Cocody Les Deux Plateaux
(12e Arrondissemenf) et le Plateau (1er Arrondissement) qui abri-
tent seulement quelques présumés coupables au terme de la loi,
ne se rangent pas à la même enseigne, mieux, ne présentent pas
les mêmes caractéristiques socio-économiques ni démographiques.
Ils paraissent toutefois avoir en commun d'être moins surpeuplés
et d'héberger moins de prévenus au cours de l'année 1982.
La répartition géographique des infractions ne corres-
pond pas à celle des prévenus. En d'autres termes là où l'on ren-
contre le plus de prévenus n'est pas forcément le lieu où l'on
enregistre le plus d'infractions. Si l'on considère les cinq pre-
miers arrondissements dans l'ordre d'importance du nombre de pré-
venus et de celui des infractions, il apparaît ceci:
r·
"1"
Arrondissement! Treichville
Adjamé
Yopougon
Abobo-Gare
Koumassi
)
13e,14e,lSe
'1
ou quartier
(2e Ar)
(3e Ar)
(16e Ar)
Ar)
(6e Ar)
PREVENUS
1
1
.
--j
Rang
1 1 e r
2e
3e
4e
Se
1
t
1
Arrondissement
Abobo-Gare
Kounassi Attécoubé
Marcory
Treichville
!
1 ou quartier
(Be. 14 .15e
(6e Ar)
(1 Oe Ar)
(ge Ar)
(Ze Ar)
~
INFRACTIONS
Rang
1er
2e
3e
4e
Se
1
Comparaison des cinq premiers arrondissements suivant le nombre de prévenus
suivant le vohlne des infractions corrunises - Armée 1982.
-
472 -
Le quartier d'abobo-gare, avec ses trois districts
de police, peut-être est-ce pour cette saison, se présente comme
le lieu où se commettent le plus de délits et de crimes dans
l'agglomération abidjanaise, suivi d'assez loin de Koumassi et
d'Attécoubé,
ce village dans la ville et qui n'avait pas une
propension particulière à loger des prévenus. Est-ce à dire que
les individus exportent les crimes et délits ? Ainsi les habi-
tants d'un quartier partiraient commettre des infractions dans
un autre, puis retourneraient chez-eux. Ceci paraîtrait confor-
me à la réalité dans un certain nombre de cas. En effet, il est
des quartiers qui présentent des structures favorables au déve-
loppement du crime. C'est par exemple le cas de Treichville et
Adjamé. Les marchandises restent étalées toute la journée le
long des trottoirs· sur des étagères ou sur des tables. Il y en
a tellement et la foule est dense à tel point qu'on ne sait plus
qui est vendeur et qui est acheteur. Le flot humain qui est ain-
si drainé quotidiennement donne l'occasion aux délinquants de
passer à l'acte assez facilement. Des jeunes résidant dans des
quartiers assez éloignés de Treichville et d'Adjamé organisent
des descentes nocturnes, parfois même diurnes pour ceux d'entre
eux qui sont désoeuvrés, au cours desquelles ils agressent et
volent des vendeurs et des acheteurs. Au grand marché de Treich-
ville, on ne s'aventure pas sans prendre des précautions pour sa
bourse, sans tenir et serrer fortement contre soi son sac à main
pour les dames, son porte-documents ou porte-monnaie pour les
'n
j
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DES
AUTEURS
ARRONDISSEMENTS
- -
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2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
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21
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2
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19
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1
2
1
5
13
1
10
2
-
-
4
33E
3
1
27
133
1
17
19
5
3
16
19
8
1
- 19
2
22
1
1
-
23
318
4
-
-
-
4
-
2
- -
2
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
-
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1
1
3
- 168
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-
1
10
1
-
-
-
2
-
8
1
-
-
2
20~
6
6
32
39
.
- 21 68
- 36 34
4
6
14
10
35
2
48
15
2
-
48
42C
7
-
11
-
-
18
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3.
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-
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-
-
-
-
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-
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1
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9
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-
3
1
33
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12
1
4
-
17
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--
--
ID
2
36
54
-
45
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2
18
25
54
12
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10
21
7
27
4
1
-
1
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11
1
3
3
-
10
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-
-
7
1
11
-
-
3
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4
-
-
-
-
4 t
12
2
12
41
- 13
19
1
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22
12
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4
-
51
-
25
16
1
-
46
31
"\\
13
2
21
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- 19
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-
56
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,1
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-
36
24
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-
20
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14
1
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-
38
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-
18
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3
5
6
1
105
5
33
13
1
-
3
34E ~2t6
15
-
16
3
-
13
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-
-
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2
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9l J
16
1
6
-
-
1
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-
6
2
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0
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-
- 205
-
-
-
1
23(
20
-
23
25
1
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2
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1
-
-
1
-
-
3
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2
-
7
10'
21
-
-
- -
-
-
- 1
- -
-
-
1
1
-
-
-
1
-
2
E
22
-
-
1
-
-
-
-
-
- 3
-
-
-
-
-
1
-
-
1
1
7
99
-
7
6
-
1
6
1
-
-
-
4
-
1
5
1
6
-
-
-
89
12
T
26
502
490
8
273
340
18
249
320
123
62
60
72
306
37
471
89
20
1
275 ~ 942
L
- - y - __"
...)
'rIS"
REPARTITION GEOGRAPIIIQUE DES INFRACTIONS ET DE LEURS AUTEURS
- 474 -
hommes. En bref, les délinquants abidjanais paraissent sensi-
bles à l'animation qui est un facteur favorisant le passage à
l'acte, dans les quartiers où les infrastructures (boîtes de
nuit, salles de spectacle, marchés, etc) et les rassemblements
humains quotidiens facilitent le déguisement, la dissimulation,
l'anonymat. L'examen attentif de la manière dont se répartissent
les prévenus et les infractions dans les différents quartiers
lcttableau de la page 473) permet de constater que le délinquant
exerce beaucoup plus d'activités anti-sociales dans la zone ur-
baine où il réside que dans chacun des autres arrondissements.
Par exemple, sur un total 'de cinq cent deux (502) infractions
commises par des personnes habitant Treichville, cent quatre
vingt (180) représentant 35,85% de l'ensemble ont eu lieu à
Treichville même. Pour les autres quartiers, les pourcentages
sont les suivants
Adjamé (2e Ar.)
: 27,14% ; Zone 4 : 50% ;
Port-Bouët (Se Ar.)
: 61,53% ; Koumassi (6e Ar.)
: 20% ; Marco-
ry (ge Ar.)
: 18,43% ; Attécoubé
(10e Ar.)
; 43,90%
Williams-
ville (11e Ar.)
: 17,74% ; Abobo-Gare (13e, 14e, 15e Ar.)
: 34,90%;
Yopougon (16e Ar.)
: 45,52 cL Hors d'Abidjan (99)
: 32,36%. Ces
pourcentages indiquent que, en ce qui concerne ces quartiers,
les recherches entreprises pour retrouver l'auteur d'une infrac-
tion devront s'intensifier sur le lieu-même où le forfait a été
commis, avant de s'étendre à d'autres aires de la ville.
Il y a
beaucoup plus de chances que le délinquant soit ori~inaire du
milieu que d'un autre quartier.
-
4-:'5 -
Cependant, il est des arrondissements qui exportent
leur criminalité, ainsi qu'il a été dit ci-dessus. C'est préci-
sément le cas de Treichville, Adjamé, Port-Bcuët, Cocody, Wil~
liamsville elle Ar.), Yopougon, Aéroport et des régions situées
hors d'Abidjan. Ce mouvement de la criminalité à travers les
différents arrondissement apparaît nettement sur le tableau de
la page 473 . Tout se passe comme si certains quart iers s' effor-
çaient d'empêcher que des infractions se commettent sur leur
sol, en tout cas, accomplissaient le maximum d'efforts pour en
diminuer le volume au détriment d'autres zones de la même ville.
Cocody parmi tous, est généralement présenté comme un "quartier
"
bourgeois" (cf, Abdou Touré, op. cit, p.
î62)
où règne le calme.
On n'y connaît pas l'ambiance des boîtes de nuit, les attroupe-
ments consécutifs aux bagarres, aux danses traditionnelles dans
les Tues. Les restaurants et maquis sont aussi d'un style qui
tranche avec celui de coins de repas de même désignation implan-
tés dans d'autres quartiers de la ville. Le calme est de rigueur.
Qui veut de l'animation, du vacarme va à Abobo, Treichville, ou
à
Attécoubé. Mais à Cocody même, on ne saurait tolérer les exac-
tions, tout ce qui trouble la tranqllilité des habitants. "Ce qui
fait le charme de Cocody, note Abdou Touré,
(le calme, le silen-
ce, l'absence d'animation dans le quartier,
la nudité des rues
etc.), c'est justement ce qui lui est reproché". uref, le bon
viveur est obligé de se rendre ailleurs, dans d'autres quartiers
d'Abidjan. C'est l'une des raisons pour lesquelles les jeunes
-
.!-p-
descendent par bandes dans les maquis, les boîtes de nuit et
les cinémas qu'offrent les arrondissements tels que ceux d'Abobo,
ou de Treichville. Ce dernier quartier, par ses structures démo-
graphique et économique (magasins, différents et nombreux points
de vente de produits et biens divers, marchés, etc.) "importe"
et "exporte" la criminalité. Il semble relativement facile aux
délinquants de se dissimuler, de se perdre dans la masse à Adja-
mé, Treichville, Port-Bouët, Abobo, Yopougon et Koumassi que
partout ailleurs dans Abidjan. Aussi les zones de criminalité
se présentent-elles comme étant les arrondissements où le sur-
peuplement et la disponibilité des biens de conso~nation rendent
aisé le passage à l'acte.
Les crim~s et délits qui sont commis pottent sur des
objets très divers correspondant à ceux que le milieu abidjanais
propose à la consommation. Ni 12 vie hU'naine ni la "chose publi-
que" ne sont épargnées ainsi qu'il apparaît sur le tableau ci-
après.
1
Infraction
Les
Les
~liC "
1
l'iOn
1
TOT A L
contre
Personnes
Biens
Bien
,
Précisée i
1
Effectif
1 593
2 523
1
767
70
1
4 953
+ - - - - - - - + - - - - - + - - - - + - - - - - - + - - - - - + - · - - - 1
Pourcentage
32,2
50,9
15,5
1,4
1
100,00
1
Année 1982
-
477 -
La criminalité contre les biens l'emporte (50,9% de
l'ensemble des infractions connues) sur toutes les autres formes
d'infraction. Ce qui correspond assez bien à l'opinion générale
des abidjanais Ccf. Yves Brillon, 1980, op. cit, p.225). Les vols por-
tent sur toutes sortes d'objets disponibles dans l'environnement.
Le milieu urbain, abidjanais en l'occurrence, présente cet in-
convénient de rassembler tout ce que la modernité offre à la
consommation à des prix pas toujours "démographiques". En plus
de cela, la manière dont les objets sont exposés, la publicité
qui est faite à leur sujet, constituent: une "provocation" pour les
individus qui n'ont pas les moyens de se les procurer. La délin-
quance d'acquisition peut s'exp~iquer partiellement par l'écart
qui existe entre les prix des articles ou produits proposés à
l'achat et les moyens financiers dont dispose la population gé-
nérale. C'est probablement cette relation entre le coût des pro-
duits et le pouvoir d'achat des individus qui désigne d'emblée
comme candidats à la délinquance contre les biens tous ceux qui
sont sans revenus ou qui n'exercent pas d'activité fortement ré-
munérée. Si, suivant Jean Michel Bessette, les vols qualifiés
constituent une activité criminelle essentiellement prolétarienne
(cf.J.M. Bessette, op. cit, p. 35), c'est précisément parce que
les couches populaires sont formées de personnes qui se classent
bas dans la hiérarchie des salaires ou des revenus.
D'après les statistiques établies par les forces de
l'ordre, les infractions contre les personnes (32,2%) constituent
- 478 -
le second objet d'inquiétude à Abidjan.
Les nombreuses agres-
sions physiques qui accompagnent les vols, les décès provoqués
par les bagarres, les meurtres et assassinats, etc ne peuvent
laisser indifférent d'autant plus que chaque résident se perçoit
comme une victime potentielle. A la rubrique des "faits divers",
le quotidien national Fraternité Matin du Samedi 13, Dimanche
14 Décembre 1986, s'interrogeait "Accident ou crime ?" au sujet
d'une mort crapuleuse dont la victime est comptable à la Caisse
Nationale de Prévoyance Sociale. "La mort de ... soulève des
questions, écrit le rédacteur, sans réponse. On se demande par
exemple que faisait à l'aube dans la zone du nouveau quartier,
loin d'Abobo-Doumé son domicile, cet employé apparemment sans
histoire, célibataire père d'un enfant? A-t-il été tué avant
d'être jeté sur le bitume où il sera découvert baignant dans son
sang et portant de multiples fractures ?". La criminalité de vio-
lence ou le crime contre les personnes touche profondément la
sensibilité des individus car c'est l'intégrité physique, la vie
humaine elle-même qui se trouve concernée. Représentant pratique-
ment le tiers du volume des infractions commises au cours de
l'Année 1982 à Abidjan, le crime contre les personnes ne peut que
préoccuper les forces de l'ordre et la population tout entière.
"Le respect du bien public est, pense-t-on, conséquence
di recte du sentiment d' appartenance à une collect i v i té." (cf. Rapport
au Premier Ministre, op. cit, p. 35). En d'autres termes, plus il
se produira d'infractions contre le bien public, plus on aura
-
479 -
affaire à des personnes non intégrées à la communauté considé-
rée. L'existence d'infractions de cette nature (15,5%) à Abidjan
confirme le caractère déjà reconnu à cette ville, celui d'être
peu intégrante pour les individus qu'elle rassemble, ou, en tout
cas, au rassemblement desquels elle contribue. Les détournements
de deniers publics assimilés parfois à des erreurs de gestion,
la corruption sous toutes ses fonœs demeurent l'expression de
la non intégration des individus à leur environnement, en l'oc-
currence à la société abidjanaise. Dans les parties qui précè-
dent (cf. Les structures d'intégration), on a longuement examiné
les différentes manières par lesquelles les résidents tentent de
s'adapter à la ville d'Abidjan. On n'y reviendra plus. Les 15,5%
d'infractions contre la chose publique paraissent très largement
,
~
en dessous du chiffre auquel on aurait dû s'attendre compte tenu
des différentes manières dont les résidents se situent par rap-
port à leur ville qui demeure, pour plusieurs d'entre eux, un
lieu de passage.
On peut se demander si les différents quartiers de la
ville ne se caractérisent pas par la naLure des infractions qu'on
y rencontre. Il s'agit d'établir logiquement une relation entre
les types de méfaits et les quarLiers ou arrondissemenLs. En
l'occurrence on peut imaginer trouver de nombreuses infractions
contre les biens dans les quartiers réputés abriter des personnes
appartenant aux couches populaires. C'est en réalité ce qui se
dégage de la répartition des infractions d'après leur nature ~
- 480 -
travers les différents quartiers de la ville (CL Annexe,
XVIII J.
Sur la base des statistiques, on observe ce qui suit:
Criminalité contre les biens
1 Quartiers ou
Abobo
KOlUnassi
Treichville
Deux-Plateaux Atfécou-
Arrondissements
bé
lRang
1er
2e
3e
j
4e
i Se
Abobo-Gare, Ko~~assi et Treichville sont des quartiers
très populeux mais aussi populaires où l'on rencontre des indivi-
dus de toutes sortes de conditions notamment de la basse classe
sociale. Des zones de résidence moyen et/ou grand standing exis-
,
,
tent dans chaque quartier d'Abidjan, mais elles ne se confondent
pas à l'ensemble de la surface habitée. Dans le quartier, ces
zones sont localisées
distinctes des autres aires bâties. Il en
7
est ainsi des habitations SOGEFIHA à Abobo-Gare, de Prodomo à
Koumassi pour ne citer que ces deux. L'ordre de classement ci-
dessus indique l'importance prise par cinq des différentes zones
urbaines couvertes par la présente recherche. Ces arrondissements
qui occupent les cinq premières places dans le classement en ma-
tière de la criminalité contre les biens, se re1 auvent aussi, à
l'exception de deux d'entre eux, parmi les occupants des premiers
rangs en ce qui concerne la criminalité contre les personnes.
-
481
-
Quartiers ou
Ahobo
KOlunassi
Marcory
Treichville
Adjamé
Arrondissements
Rang
1er
2e
3e
4e
Se
Il faut une certaine dose de violence pour commettre
certaines infractions contre les biens. L'opposition àe la vic-
time peut amener parfois le délinquant à grimper très rapidement
la grille ùes infractions en passant ainsi de ce qui aurait pu
être un simple délit à un crime, dès lors qu'il porte atteinte
à la personne physique de la viçtime. Au cours d'activité consis-
tant ~ voler autrui, l'interposition de celui-ci ou de ticrses
personnes peut conduire les malfaiteurs à faire usage de leur
arme (arme blanche ou à feu) et donc à commettre un crime. L'au-
teur peut aussi, en prévision d'urie riposte de la victime, dé-
vancer cette dernière et lui porter les premiers coups. Dans tous
les cas, la violence
reste présente dans le passage à l'acte quel
que soit l'auteur même s'il est donné de l'observer fréquemment
dans le milieu des couches socio-économiques basses (cf. Otto
Klineberg, 1980, p. 126), comme c'est ici le cas. La criminalit:é
contre le Bien Public connait un plus grand développement
Treichville (cf. Annexes XIX, XX). Sous cette rubrique se classent,
entre autres infractions, associations rle malfaiteurs, formes et
usages divers de faux dans lesquels le quartier (:it§ ci-dessus
- 482 -
paraît se distinguer. Marcory (ge Ar.) et Attiécoubé (10e Ar.)
arrivent en troisième position bien après le vaste et populeux
Abobo-Gare(l) .
Le mouvement du crime traduit une dynamique propre à
la ville. Celle-ci, dont la croissance dans le temps et dans
l'espace a été très rapide, demeure encore un lieu de passage
pour plusieurs de ses habitants. Compte tenu des caractéristi-
ques démographiques, sociologiques et économiques de la popula-
tion qui vit dans la cité, on peut éprouver la curiosité de
connaître ceux des résidents qui exercent dans le~omaine du
crime.
a.2.) Ç~~~Ç!§~!~!i9~:~_E~yçh2~2Çi212g!9~~~
~~~_~~i~~~~~~~!_~é}~~q~~!~__ ~Q!~i~~~!~
Les auteurs d' infract ions connus des fcrces de l'ordre,
sont, a-t-on vu précédemment, des hommes et, plus précisément des
étrangers pour la plupart. Bien qu'Abidjan abrite une importante
population d'analphabètes celle-ci n'est pas majoritaire parmi
les délinquants. Bien au contraire, les lettrés (ce qui explique
le rôle négatif joué par la scolarisation dans 11 intégration sociale)
(11 : Qu 1on .te Jtappe.ile c.e quaJLÜ.eJL ut cUv,u, é en p.iMie.Wt.6 aJlJLOrteÜ1,Mment6
de Polic.e (13e A, I4e A, ISe AJ. On attend que .t'ac.~o,u,~emen:t du
moyeM du Mii'U.6tèJLe de la. Sée.wU:té l ntêJUe.uJte. plVUlIe:t:te .t 1-imp.f.a.rt:ta..tion
d' autJr.u c.o~~aJLiau de polic.e da.n6 c.ette banlieue toujOU/L6 en ex-
teMion.
- 483 -
se retrouvent en très grand nombre parmi les auteurs d'infrac-
tions à la loi pénale. Par ailleurs, le crime apparaît ici aussi
comme une caractéristique des populations les plus démunies éco-
nomiquement dans une communauté donnée. A Abidjan, ce sont les
"gagne-petit", les économiquement faibles et les sans-profession
ou les sans-emploi qu'on trouve le plus fréquemment parmi les
prévenus de la police. Les connaissances acquises jusqu'ici sur
le délinquant abidjanais font passer celui-ci comme étant géné-
ralement :
- un homme
- un étranger dans le milieu
- un individu qui sai~ lire et écrire
- un élément des couches populaires.
L'examen approfondi de la réalité criminelle permet de
préciser davantage l'image type de l'auteur d'infraction à par-
tir d'un certain nombre de variables :
a.2.1.) Age et criminalité
------------------
Dans ses relations avec la criminalité, l'âge semble
être une variable importante en ceci qu'il influence grandement
les activités antisociales du professionnel du crime. La vitalité
physique de l'individu, selon l'expression de Quetelet, est étroi-
tement reliée à l'âge et conditionne les activités du sujet.
Autrement dit, la fréquence des crimes et délits reste fonction
- 484 -
de l'âge de la personne. Cette vitalité physique diminue à mesu-
re que s'écoule le temps. Les délinquants et criminels abidja-
nais ne paraissent pas démentir l'existence de la relation entre
l'anti~ocialité et l'âge, ainsi qu'il ressort du tableau ci-
dessous :
~~E~!!!!!~~_~~~_E!~~~~~~-~~!~~_!~~!_~g~-~~-~~~!~-~~
l'Année 1982
Tranches
De 0 à
22 à
31 à
41 à
Au dessus
Incon-
TillAL
21 ans
30 ans
40 ans
46 ans
de 46 ans
nue
Effectif
734
1 753
1 588
399
393
86
4 953
%
14,8
35,4
32,1
8,2
7,9
1,7
100,00
L'essentiel de la criminalité se déroule entre deux tran-
ches d'âge principalement: 22 à 30 ans et 31 à 40 ans. Les pré-
venus se concentrent entre 22 et 30 ans, faisant apparaître le
crime comme une activité de jeunesse qui diminue au fur et à me-
sure que l'individu avance en âge. A partiT de 40 ans, on obser-
ve une baisse du volume des activités antisociales. C'est même
une chute Ccf. graphique de la page 485 ) de la criminal i té
ensuite
la diminution se fait plus lente à partir de 41-46 ans, laissant
apparaître un plateau comme si l'on assistait à une stabilisation
de la criminalité. A partir d'un certain âge, 41-46 ans, le dé-
linquant abidjanais connaîtrait une stabilité dans ses activités,
485
..
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---
..··.. i
-
486 -
stabilité qui précéderait ou annoncerait le décrochage, l'aban-
don de la criminalité. Quantitativement les activités anti-sociales
deviennent
moins
importantes. L'individu semble épuisé ou,
en tout cas, moins agile que naguère. Pour celui qui a choisi
de vivre de la criminalité, au-delà de 40 ans, il y a lieu de
prendre sa retraite car, la disparition progressive de la souples-
se nécessaire à l'accomplissement des activités criminelles ac-
croît le risque de se faire prendre.
A partir de 41-46 ans aussi, l'on assiste à une dimi-
nution des activités anti-sociales quelle que soit la nature de
celles-ci. Le tableau ci-après résume les observations faites à
propos de la nature de l'infract~on et de l'âge du prévenu.
NA1URE DE
T R A N CHE S
D ' AGE
Auâela
0-21 ans
22-30 ans 31-40 ans 41-46 ans
TarAL
L' INFRACTlOO
46 ans
Contre les
301
583
459
114
106
1 563
1
personnes
Contre les
316
885
828
224
225
2 476
Biens
Contre le
111
257
283
52
56
759
Bien Public
Tot a l
728
1 725
1 568
390
387
Il
"T
798
1
REPARTITION DES PREVENUS SELON LES TRANCHES D'AGE ET SELON LA NA1URE DE
------------~------------~-------~---~-----------------------~---------
L'INFRACTION
Le nombre de nrévenus diminue progressivement à partir
de la tranche d'âge 22-30 ans, toutes les infractions confondues.
-
487
-
Le sommet de la courbe (cf. graphe de la page 485) atteint son maxi-
mum chez les individus âgés de 22 à 30 ans. La répartition des
individus suivant l'âge fait apparaître de façon précise 31 ans
comme celui où culmine la criminalité (cf. Annexe XXI). Les personnesiapparte-
nant à la trancne d'âge citée ci-dessus sont les plus nombreuses parmi
les criminels et délinquants abidjanais connus des forces de l'or-
dre. Le nombre des auteurs suivant la nature de l'infraction é-
volue dans le même sens. Ce sont toujours les plus jeunes de la
population abidjanaise qui apparaissent au premier rang des di-
vers types d'infraction. Au delà de 40 ans, l'abidjanais semble
très peu motivé pour s'attaquer au Bien Public sans qu'on en sa-
che les raisons. Ceci est sans doute en relation avec la défini-
tion de ce qu'est le "Bien Public" et aussi avec l'attitude des
Agents de l'ordre èhargé de repérer les infractions.
a.2.2.) Statut matrimonial et criminalité
-_._-.----------------------~.--~--_.-
La jeunesse même des prévenus amène à s'interroger sur
l'aptitude de ces personnes à assumer des responsablilités socia-
les, notamment dans le domaine du mariage. La réalité en est ce-
pendant tout autrement, ainsi qu'il apparaît à travers les chif-
fres qui suivent :
-
488
-
Statut Matr.
Célibataire
Marié
Inconnu
Total
Effectif
1 981
2 057
915
4 953
Pourcentage
40
41 ,5
18,5
100,00
Les mariés sont majoritaires parmi les prévenus de la Police au
cours de l'année 1982. Il ne s'agit sûrement pas d'unions léga-
les, mais soit de mariage coutumier soit de concubinage perçus
tous les deux par certaines personnes comme union véritable, à
commencer par les intéressés eux-mêmes. On eût cependant pensé
que la responsabilité qui découle d'un tel engagement devant la
société évitât à l'individu de poser des actes répréhensibles;
ce qui ne semble pas être le cas. Le délinquant serait-il insen-
sible au déshonneur que son acte jette sur sa famille ? Il est
probable que le sentiment d'appartenance ou de la non appartenan-
ce au milieu joue un grand rôle dans la façon dont un individu
se conduit. Selon que la personne est très connue ou non dans le
milieu influence grandement son comportement. La ville d'Abidjan
ne réunit pas toutes ces conditions pour la plupart des habitants.
On comprend que des personnes qui se disent mariées se laissent
tenter par des crimes et délits qu'elles n'auront pas commis dans
un autre cadre.
- 489 -
Le délinquant abidjanais ne cesse d'étonner; non
seulement il est, d'une façon générale, marié, mais encore il
est père de deux enfants habituellement.
Sur les 4 953 prévenus, on n'a pu avoir d'information
sur 3 203 individus concernant les enfants à qui ils auraient
donné le jour ou dont ils seraient le père. Les 1 750 prévenus
dont on connaît le nombre de descendants font apparaître l'exis-
tence d'une relation qui reste à définir ou à préciser entre le
nombre d'enfants et la criminalité. Ce qui retient l'attention
à l'observation des statistiques établies ~f. tableau A de la page
492) sur la question est qu'après 5 enfants, on rencontre de
moins en moins d'individus pères dans la criminalité. Tandis que
les sans-enfant constituent ailleurs (cf. Jean Michel Bessette,
op. cit, p. 35) la majorité des condamnés pour tous les crimes
et délits réunis, on observe ici que cette majorité est faite de
ceux qui ont deux enfants. Les sans-enfants délinquants échappe-
raient-ils plus facilement que les autres à la vigilance des for-
ces de l'ordre? C'est bien possible. La petitesse de l'échan-
tillon (1
750 individus) ne permet pas d'aller au-delà d'un sim-
ple constat pour l'instant. En attendant de revenir plus tard sur
cette question dans l'examen des statistiques de la jus~ice, on
peut faire remarquer que la procréation est en relation naturelle
avec la vitalité physique de l'individu au même titre que la cri-
minalité et diminue avec l'âge. On ne devrait sans doute pas s'é-
tonner outre mesure que les pères de très nombreux enfants soient
490
, -'. i . - .~
: . - :
'. "_" '_'
~-
..
---
.....i::.:.
",.~.,
.~
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~ i
"
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._--_. -- -_..". ------,=--=---============,===
-
491
-
aussi des personnes usées et par conséquent non rentables dans
les activités criminelles.
On peut aussi penser que l'importance de la criminali-
té parmi les prévenus qui ont de nombreux enfants procède du be-
soin ressenti par le père de s'occuper de ses progénitures, ses
sources de revenus étant constituées par les activités criminel-
les. On devrait, dans ces conditions, relever plus d'infractions
contre les biens parmi les délits commis par les personnes ayant
de nombreux enfants. Les informations consignées sur le tableau
A de la page 492 sont statistiquement non significatives pour ce
qui concerne la nature des infractions et le nombre d'enfants eus
par les individus. Le crime contre les viens, dans ses rapports
avec le volume de la famille, ne l'emporte donc pas quantitative-
ment sur les autres" types d'infraction. Le fait de rencontrer des
pères de 6 à 9 enfants dans la criminalité ne signifie pas que
ceux-ci y ont été conduits pour des raisons humanitaires. Il
n'est pas stlr que ce soit pour nourrir les enfan~s. Sans sous-
estimer le sentiment filial qui peut animer parfois un père sans
ressources et amener celui-ci à poser des actes délictueux pour
se procurer des moyens afin de combler son enfant, il n'est pas
certain que ce soit ici le cas. L'Abidjanais TI est pas attaché
à ses enfants au point de se rabaisser
se déshonorer en allant
voler chez autrui. Les nombreuses désunions conjugale5 dont il sera question
plus loin, prouvent partiellement l'attitude généralp des parents vis-à-vis
de leur descendance. Les séparaticns entre époux se font, non pas dél.ns l' inté-
rêt
des enfants, mais plutot dans celui des parents eux-mêmes.
- 492 -
A - NOMBRE D'ENFANTS ET NATURE DE L'INFRACTION
Nature da
NOMBRE
D'ENFANTS
l'Infraction
0
1
2
3
4-5
6-9
10et+
Total
Centre les
3
126
123
82
93
72
17
516
Perscnnes
cœtre les
9
196
206
141
206
151
33
942
Biens
Centre le
0
69
84
41
51
23
4
272
Bien Public
Total
12
391
413
264
350
246
54
1730
1
ŒI SCUARE = 27.50696 l'1I'IH 12 DEX:;REES OF FREEOOM SIGNITICANCE = 04.0065
N.S.
Statut
INFRACTIONS CONTRE
Total
Matri.nDnial
IESP~
LES
BIENS
LE BIm PUBLIC
Mariés
576
1 105
345
2 026
Célibataires
611
1 022
328
1 961
Total
1 187
2 127
673
3 9~
ou S(':{.:7l.RE = 3.64135 ~JI'IH 2 DEGREES OF FPEEOCM SIGNITICANCE = 041619.
N.S.
- 493 -
Aussi, voler pour subvenir aux besoins de sa famille, notamment
de ses enfants, apparaît-il un argument de peu de poids dans
l'explication de la délinquance de plusieurs abidjanais. Cette
observation est d'autant plus proche de la réalité qu'on ne note
pas de différence statistiquement significative entre les mariés
et les célibataires dans la nature des infractions commises par
les uns et par les autres (cf. tableau B de la page 492). Ce qui si-
gnifierait que la délinquance ou, plus généralement, la crimina-
lité à Abidjan n'a aucune relation directe avec le statut matri-
monial de l'individu ni avec le nombre d'enfants dont celui-ci
déclare être père. Le délinquant ou le criminel abidjanais peut
donc être aussi bien un marié, un célibataire sans enfants ou
un individu ayant de nombreuse descendance.
Les rrévenus ne sont cependant pas des individus quelconques
Ils se si~alent par différentes
cô.ractéristiques parmi lesquelles
on vient d'examiner les plus classiques: sexe, nationalité, ni-
veau d'instruction, âge, situation économique et familiale.
L'image-type des délinquants
ou criminels abidjanais "apparent" qui
se dessine à partir de l'analyse ci-dessus est celle d'inàivi-
dus.
- de sexe masculill
-
étrangers de nationalité
- qui savent lire et écrire
- originaires
des milieux populaires et défavorisés sur
le plan économique
- 494 -
- âgés de 22 à 40 ans, généralement mariés et père de
deux enfants au moins
- résidant à Abobo, Treichville, Adjamé, Port-Bouët,
Yopougon et Koumassi
- qui s'attaquent
fréquemment aux biens d'autrui et ne
reculent pas devant l'usage de l'agression physique
pour atteindre leur but.
Les forces de l'ordre ne conduisent pas tous les au-
teurs d'infraction au Parquet. Elles opèrent une sélection pour
ne porter à l'attention de la justice que les affaires qui, selon
elles, ressortent du droit pénal. C'est dans l'apppréciation et
la qualification des affaires, on le sait depuis, .que s'exerce le
pouvoir discrétionnaire. L'importance de ce pouvoir ou son fré-
quent recours peut se mesurer par l'écart entre le nombre d'af-
faires connues de la Police et de la Gendarmerie et celui qui est
transmis à la justice par ces deux agences de la régulation so-
ciale. Sur les quatre mille neuf cent cinquante trois (4 953)
auteurs d'infraction connus des forces de l'ordre au cours de
l'Année 1982 à Abidjan, quatre mille trois cent quarante six
(4 346) ont été déférés au Parquet contre cinq cent dix huit
(518) qui y ont échappé. On n'a rien su de quatre vingt neuf Las
relevés cependant par les forces de l'ordre. De façon générale,
la Police et la Gendarmerie abidjanaises évitent de se constituer
en juridictions qui tranchent ou qui connaissent des affaires dé-
-
495
-
lictueuses ou criminelles. Elles remettent très fréquemment les
individus présumés auteurs d' infractions à la justice. Le recours
régulier qui est fait à cette dernière explique en partie l'en-
gorgement des services et notaw~ent le débordement des magis-
trats. Mais le délinquant et le criminel abidjanais officiels
ressemblent-ils à ceux que les forces de l'ordre qualifient com-
me tels? En d'autres mots, y a-t-il accord entre magistrats et
police dans la définition du délinquant ou du criminel abidja-
nais ?
b - Au niveau du Ministère de la Justice
Parler du débordement-des magistrats, plus précisément
des juges abidjanais, c'est user d'euphémisme. La trentaine de
juges que comptent le Tribunal de 1ère Instance et la Cour d'Appel
d'Abidjan brasse annuellement un nombre considérable d'affaires,
de dossiers qui remontent parfois à plusieurs années en arrière.
Par rapport à la Police qui est obligée au terme de vingt quatre
heures de se débarrasser de celui sur qui pèse une présomption,
en le relaxant ou en le déférant au parquet, le juge dispose,
quant à lui, de la possibilité de garder le "client" à la Maison
d'Arrêt en attendant que la justjce poursujve son cours. C'est
la raison pour laquelle tous les jugements rendus pendant une
année, 1982 en l'occurrence, ne portent pas sur des affaires qui
datent de la même période. A titre indicatif, les six mille neuf
cent quatre vingt douze (6 992) individus jugés par les deux
-
496 -
tribunaux d'Abidjan au terme de l'année 1982 se répartissent de
la manière ci-après.
['-,
0'>
<T
ANNE:C
DE
LI INFRACTION
l
r Nombre
----.--------.----.---,----,------,-----.---,----,------:--1'-
l
Incon- I
1
cl 1 Inài viàus
1970
1971
1972
1973
1974
1975
1976
1977
1978
1979
1980
1981
1982 nue
T
EFFECTIF
13
3
17
17
33
84
194
393
458
682
549
796
3261
492
6992
%
0,2
° 0,2 0,2 0,5 1,2 2,8 5,6 6,6 9,8 7,9 Il,4 46,6 7,0 100,OC
8~E!r!!!!9~_~~!_~_~~~_!~~!y!~~~_E!~!~~_~~_i~g~~~Q!
!~_~!!!!!_~~_~~~!!~~_~~~~!~i!~~~~!!~!_!~~~~_l~~~
-
498 -
Il est des prévenus pour qui la prison était devenue
une seconde résidence. Un séjour de dix à douze ans en milieu
clos comme celui de la Maison d'Arrêt de Yopougon ne peut que
marquer l'individu pour le reste de sa vie. En tout cas, le but
poursuivi dans la présentation du tableau ci-dessus est de mon-
trer d'une part l'importance quantitative des activités des ma-
gistrats au Palais de Justice d'Abidjan et, d'autre part la pré-
sence de détenus dont la date d'arrestation remonte jusqu'à onze
ans en arrière, au sein de la prison. Pratiquement près de la
moitié des jugements rendus concerne les affaires qui datent de
l'année de la sentence, en l'occurrence de 1982. Tout se passe
comme si la chance de passer en_jugement atteignait son maximum
pour une affaire dont la justice vient d'être saisie que pour
une autre dont la date d'enregistrement au tribunal remonte à
plusieurs années en arrière. Autrement dit plus une affaire est
récente, plus elle a la chance de passer en jugement; tel semble
être ce que suggèrent les informations inscrites au tableau ci-
dessus.
Si l'on considère la criminalité légale à travers les
activités des tribunaux, quelques remarque::> s'imposent:
la prison passe pour un lieu sOr où des prévenus
attendent d'être jugés. C'est dans cette population que les juges
prélèvent l'échantillon d'individus qui passeront en jugement. Le
"choix" des individus est guidé uniquement par la disponibilité
- 499 -
des informations sur le prévenu, informations qui fondent la
décision du tribunal
- l'ensemble des condamnations au terme de l'an-
née représente la criminalité légale. Celle-ci résume toutes
les condamnations prononcées au cours de la période ou de l'an-
née considérée, que ces condamnations portent sur des infrac-
tions récentes ou anciennes ;
- prendre seulement en compte les sanctions rela-
tives à des comportements jugés antisociaux datant de l'année en
cours, de façon à établir une comparaison avec les données de la
Police et de la Gendarmerie, c'~st traiter d'une autre question
que de la criminalité légale. Celle-ci, qu'on se le répète, re-
présente l'ensemble des crimes et délits reconnus comme tels et
sanctionnés par les tribunaux dans un pays donné et à un moment
donné.
Le développement qui va suivre reprendra les mêmes
étapes que celles qui ont été observées dans l'analys~ de la cri-
minalité apparente; mais
auparavant
qu'on examine quelques
aspects de l'activité des tribunaux abidjanais et les types de
condamnation.
-
500
-
b.l.)
g~~!g~~~_~~2~~!~_~~_!~_~~!~!~~!!!~
!~g~!~_~~_!~~~~~~_l~~~
Les tribunaux paraissent débordés par les nombreuses
affaires qu'ils sont appelés à régler. De Janvier à Décembre
1982, ce sont 6 992 individus qUI ont comparu devant les deux
tribunaux d'Abidjan. Il s'est agi de 6 586 hommes, de 395 femmes
et de 11 personnes dont on n'a
pas d'indications sur le sexe.
La part très importante prise par les hommes dans la commission
des crimes et délits se remarque aussi ici.
On est quelque peu surpris de constater la supériorité
numérique des nationaux par rapport aux étrangers qui, générale-
ment, sont désignés comme les premiers responsables de l'insécu-
rité. Cette observation remet en question ce qu'on pensait être
naturel, à savoir que, dans une communauté humaine donnée, les
individus les plus "criminalisés" sont des étrangers.
Probablement l'émotion qui accompagne l'arrestation
d'un individu supposé être auteur d'une infraction, joue-t-elle
en défaveur des étrangers. Les juges qui interviennent plus tard
seraient, quant à eux hors de ce champ d'émotion; ce qui leur
permettrait d'aborder avec plus de sérénité et d'objectivité tout
fait criminel soumis à leur appréciation. En tout cas, les données
statistiques
(cf. tableau II de la page 502) nous révèlent que les
ivoiriens représentent 51,3% des personnes passées en jugement au
-
501
-
Palais de Justice d'Abidjan contre 46,8\\ d'étrangers au cours
de l'Année 1982.
Par rapport aux prévenus de la Police, ces 6 992 indi-
vidus dont on ignore s'ils savent lire et écrire, proviennent
de toutes les couches sociales. Les classes populaires sont sur-
représentées (67% de la population criminelle,cf. page 502).
L'observation faite précédemment chez les prévenus se confirme
ici. Ce sont les employés subalternes, les agents inférieurs de
la Fonction Publique, les ouvriers qui se retrouvent en grand
nombre parmi les criminels et délinquants. La criminalité appa-
raît effectivement être une affaire de gens pauvres économique-
ment. Comme il a été dit plus haut, la régularité ou non du sa-
laire ne signifie plus rien. Importent davantage les besoins que
le salaire perçu permet de satisfaire. C'est en terme de suffi-
sance ou de non suffisance que se pose le problème des revenus
qui, ainsi qu'il ressort de l'observation, se trouve être au cen-
tre des préoccupations des individus dans la cité. Gagner moins
ou peu d'argent apparaît être un facteur incitateur à la délin-
quance. La criminalité des "Sans-Profession" est même mOIns im-
portante quantitativement (cf. tableau III, page
502) que celie de
ceux 4ui se réclament dlune activité professionnelle. Il y a pro-
bablement un effet sur soi de l'argent perçu au terme d'une pres-
tation de service; effet qui amène l'individu à faire des compa-
raisons entre lui-même et les autres au plan des biens matériels
possédés. On dirait que lorsque l'individu ne travaille pas,mieux,
- 502 -
SEXE
HOMMES
FEMMES
INCONNUS
TOTAL
EFFECTIF
6 586
395
11
6 992
POURCENTAGE
94,2
5,6
0,2
100,00
l - CRIMINALITE ET SEXE
ANNEE 1982
NATIONALITE
IVOIRIENS
ETRANGERS
INCONNUS
TOTAL
EFFECTIF
3 590
3 270
132
6 992
POURCENTAGE
51 ,3
46,8
1 ,9
100,00
II - CRIMINALITE ET NATIONALITE
ANNEE 1982
Couches socio-
Couche
Couche
e. Popu- e. Popu- Sans 1 Inconnus
laire
laire
Profes
TarAL
Professionnelles
Aisée
Moyenne
~~~aire ~~s S. sion
~
- 0
EFFECTIF
77
259
2 319
2 360
1 648
329
6 992
1 POURCENTAGE
1, 1
3,7
33,2
33,8
23,6
4,7
100,OC
-
503 -
n'exerce pas une activité rénumérée ou salariale, il n'a pas une
perception objective de ses propres besoins. Ceux-ci semblent
se révéler dans toute leur puissance à l'individu quand ce der-
nier vient à goûter au plaisir que procure un salaire. C'est à
ce moment là que le travailleur découvre objectivement que sa
paye est insuffisante pourtant, avant d'être embauché, il lui a
été donné des informations sur l'emploi qu'il va occuper, sur le
salaire qu'il percevra chaque mois. Nombre d'employés et d'ou-
vriers débrayent dès les premiers mois de leur embauche ou, en
tout cas, deviennent des freins à l'accroissement du rendement
dans leur service. La satisfaction d'un besoin fait apparaître
d'autres dans la hiérarchie (cf.Claude-Levy-Leboyer : 1979-1980),
créant ou non une surprise chez l'individu lui-même. Un début de
satisfaction ou de -réalisation d'un besoin exerce une forte pres-
sion sur le désir de répondre favorablement aux autres besoins
qui suivent. Sous ses multiples formes, la délinquance constitue
une réponse à cette pression à la satisfaction.
L'examen des faits dont les Abidjanais se sont rendus
coupables donne une nette mesure des besoins (cf. tableau de la
page 50~. Les vols simples (codés 61 sur le tableau de la page
504 ), l'abus de confiance et l'escroquerie (codés 67) représen-
tent respectivement L2% et 18% des infractions. Ce qui confirme
assez bien les propos ci-dessus. Devant la pression à satisfaire
des besoins que suscite ou crée un environnement fait d'objets
divers en perpétuel renouvellement, le petit salarié se voit con-
t'TV
menrs'?tt'T
nsrWWWCtfJt't'
"ttwJtlMÔn-'Vt't 1 'T"'j'ci'Hif' ·'j'c'w$"w·:rè·$l!ttSN
"'et' tret')'?)'1'@'
1t-'1
NATURE
DES
INFRACTIONS
Nature
de
11
12
15
16
17
18
19
21
22
23
24
25
26
31
33
35
36
37
38
40
l'Infraction
-:t
o
Lf1
Effectif
2
7
3
2
9
5
9
135
58
2
8
375
24
4
1
6
1
2
174
3
f-
- -
%
0
0
0
0
0
0-
0
2
1
0
0
5
0
0
0
0
0
0
3
0
,
40
41
42
43
44
45
46
47
48
49
51
52
53
61
62
63
64
65
66
67
3
31
843
188
347 892
298
5
10
350
1
1
97
1521 101
19
1
76
5
1225
0
0
12
3
5
13
4
0
0
5
0
0
1
22
1
0
0
1
0
18
-
NOMENCLATURE - Rappel. Pour les précisions, voir Annexe
68
69
T
1 - Infractions des Fonctionnaires contre leur devoirs
98
3
6942
2 - Infractions contre Garanties données par l'Etat
1 ~
0
100,00
3 - Infractions contre Santé, Salubrité et Moralité
1
!
4 - Infractions contre les Personnes
5 - Infractions contre les ~oeurs
6 - Infractions contre les Biens
'~'i'?"""~',r""I\\'''''~~~_~.!i'_éi!'''-4,t.d.lC,
, ;
+ NM
,,1,
$ ;,
·xx. t4,
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%i444}
W<
Jf
"""Ji ,%,JliH.APlL,~"J3 .. &.7KI)i1iJ;;%LJi\\8C 4E,P
-
50S
-
traint d'user de moyens frauduleux pour ressembler aux autres,
c'est-à-dire ceux qui constituent son groupe social de référence.
L'importance quantitative de l'escroquerie et de l'abus de con-
fiance montre qu'une grande proportion d'abidjanais s'oriente
vers une criminalité raffinée. -"L'escroc, écrit V.V. Stanciu,
est l'homme aux nombreux besoins dont le plus important est ce-
lui de paraître. De ce point de vue, il est à l'opposé du clo-
chard. Si, pour celui-ci, le métro constitue un luxe, l'escroc
ne peut circuler qu'en voiture" (cLV.V. Stanciu, op. cit, p. 292).
Ces propos peuvent s'adresser à l'Abidjanais en général dont on
a vu la conduite devant les merveilles de la civilisation moder-
ne Gcf.La société abidjanaise). Circuler dans de très belles voi-
tures, s'endetter grandement pour s'acheter une voiture qu'on sou-
haite ou espère être le premier à posséder, même si l'on doit y
passer la nuit, sont des conduites bien locales.
Parallèlement aux activités frauduleuses ou simultané-
ment aux infractions contre les biens, les abidjanais se compor-
tent de plus en plus violemment dans les relations interperson-
nelles. L'atteinte à la personne physique vient, dans l'ordre
de fréquence, après le vol. Or jusqu'ici la criminalité était
présentée comme étant plus musculaire dans le milieu rural qu'en
ville (cf.Albert Delmas, 1976). Le rang (2e) que l'infraction con-
tre les personnes occupe ici montre que celle-ci tend à devenir
aussi importante quantitativement que l'infraction contre les
biens. Ceci signifierait que les deux milieux, rural et urbain,
~ S06 -
se ressemblent de plus en plus au point de produire des effets
semblables sur les personnes qui y vivent. La violence crimi-
nelle, on le salt, procède de multiples causes (cf. V.P. Shupilov,
1980, p. 151). On peut alors se demander si le milieu abidjanais,
en plus de favoriser le développement de la criminalité contre
les biens, n'est pas en train d'asseoir un type d'individus chez
qui le comportement violent devient un mode ou un style de vie.
Lorsqu'on examine de plus près les actes classés criminels, on
s'aperçoit qu'il s'agit de coups et blessures volontaires (codés
42), de blessures involontaires et d'accidents de circulation
(codés 45). Ce sont là des actes, notamment les derniers, à la
production desquels le milieu urbain est particulièrement dési-
gné. En matière d'accidents de la circulation automobile,
Abidjan peut se vanter d'occuper un rang honorable dans un éven-
tuel classement des grandes villes à travers le monde. Dans un
travail non publié (cf. A. Bassitché, 1980) sur ce que les média
ivoiriens d'information qualifient de fléau, cette ville connais-
sait à elle seule l'essentiel des accidents provoqués par les
voitures automobiles sur toute l'étendue du territoire national.
"Plus de la moitié des accidents corporels ont encore eu lieu à
l'intérieur de l'agglomération d'Abidjan (5S~), où l'on enregis-
tre environ 40% des tués et 32% des blessés:: (cf. Revue du Minis-
tère des T.P. nO 2, Mai 1978, p. 57 - Abidjan), notent les res-
ponsables de l'Office de la Sécurité Routière (OSER).
-
507
-
Il n'y a malheureusement pas que la voiture automobi-
le pour blesser ou tuer des abidjanais. Les coups et blessures
volontaires (code: 42) résultant des bagarres ou des agressions
consécutives au vol, mettent en péril nombre d'individus dans la
cité au point qu'il est des quartiers et des rues (par exemple
la Rue 12 à Treichville) où la prudence commande de ne pas se
promener à des heures tardives le soir.
Contre cette criminalité considérée par les média na-
tionaux comme un fléau la justice ne va pas de main morte. Les
types de condamnation habituellement appliqués aux auteurs d'in-
fractions etqui sont consignés sur le tableau de la page sui-
vante
donnent une idée sur la variété des peines distribuées.
Le juge abidjanais. semble avoir une nette propension à condamner
à moins de six mois et à une peine comportant amende et dommage
intérêt. Vingt et un (21) pour cent des condamnaticns prononcées
en 1982 sont de ce genre. Cette brièveté de la durée demeure une
caractéristique des peines infligées par les tribunaux ivoiriens
aux délinquants (cf.Yves Brillon, 1980, op. cit.). L'association
de la réparation (amende et dommage intérêt) à la peine d'empri-
sonnement correspond assez bien à la mentalité du milieu. Après
tout, la justice doit contribuer à l'instauration de la paix en-
tre les parties, comme ce fut le cas dans le cadre traditionnel.
La réparation reste l'une des voies qui conduisent au rétablis-
sement de l'ordre perturbé par le forfait, l'emprisonnement étant
perçu comme un repos par les populations africaines en général.
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TYPES DE CONDM1NATIOtl APPLIQUES AUX AUTEURS
D'INFRACTION AU COURS DE L'ANNEE 1982
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Type de condamnation i 11 1 12 1 13
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CODE
DUREE DE LA PEINE
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} --
Moins de 6 mOlS
i --
condamnation. Amende
+ Donmage Int~rët
2 --
~oi ns de un an
3 _.
Condamnation + Amende + Interdiction Séjour
3 --
De 1 d 2 an
L --
Amenàe seulement
4 --
Plus de 2 à 5 ans
:. --
Sursis
5 --
Au-dessus de 5 ans
~
F<e: axe
6 --
Non inciqu~
ï
ConoamnGtion + Amende + Interdiction séjour
+
lnterdiction droit civique
é --
AJtre pei ne
9 --
Pe i ne inconnue
fI.B. = Sur la li gne "Type de condamnation". le premier
:chiffre indique la peine, le deuxième la durée
Ex : Il veut dire Condamnation simple d'une durée de moins
de 6 mois.
-
509
-
En donnant une préférence au type de condamnation ci-dessus, les
juges s'efforcent d'adapter la justice à la mentalité des indi-
vidus, au contexte socio-culturel. Par ailleurs la brève durée
des sanctions indique que, contrairement aux informations répan-
dues par les média sur la prétendue côte d'alerte qui serait
atteinte ou dépassée par la délinquance juvénile ou par la cri-
minalité en général à Abidjan, on a affaire à des infractions
de peu de gravité telles que les vols simples par exemple.
Les juges abidjanais usent assez souvent de la relaxe
(15% des jugements). Le prévenu peut espérer se retrouver un
jour hors de la Maison d'Arrêt et de Correction de Yopougon. En
faisant bénéficier à une grande proportion de prévenus de la me-
sure de relaxe, les tribunaux semblent indiquer que la condamna-
tion n'est pas une fin en soi. Dans la mesure où elle peut être
évitée, on ne doit ras hésiter un seul instar..: à chercher d'autres
solutions.
La fréquence des peines simples et de courte durée
(9%) puis de l'amende seulement sans autres indications (13%)
dans les jugements rendus en 1982, revèlent que la criminalité à
Abidjan n'est pas d'une gravité particulière pour justifier de
mesures judiciaires importantes. A par ï 7% des condamnations dont
la durée dépasse 5 ans, la plupart des sanctions sont de petites
peines. Si l'on procède à un regroupement des sanctions sans con-
sidération du temps,
on observe ce qui suit:
-
510
-
Condamnation simple
.
15% des prévenus
Condamnation + Amende
+
dommage intérêt
.
36% des prévenus
Condamnation + Amende
+
Interdiction séjour
9% des prévenus
Amende seulement
.
13% des prévenus
Sursis
9% des prévenus
Relaxe
15% des prévenus
Condamnation + Amende +
Interdiction séjour +
Interdiction Droit civique
2,5% des prévenus
Autre peine
0,5% des prévenus
Les sanctions suivies de réparation (36%), la condamna-
tion simple (15%) et la relaxe (15%) reviennent très fréquemment
parmi les peines retenues et appliquées aux justiciables. Le sur-
sis ne semble pas assez appliqué (9%) au titre de mesure, d'autant
plus que les infractions sont généralement de peu de gravité. A
bien y voir, cette impression disparaît. En effet, la réparation
et le sursis sont deux mesures difficilement conciliables. On ne
peut pas recourir à cette dernière mesure qui est une "mise à
l'épreuve"
là où le payement de dommage intérêt et l'amende per-
mettent de calmer les esprits immédiatement.
Il ~emble que le ju-
ge abidjanais soit resté proche dans l'esprit, des pratiques cou-
tumières de la justice
obtenir la paix entre les parties grâce
à
la réparation.
-
5 11 -
L'examen détaillé de la durée des condamnations pro-
noncées fait apparaître ceci : condamnation de
moins de 6 mois .. .. . .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..
35% des prévenus
moins de
an .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. . ..
13% des prévenus
1 à 2 ans .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..
8% des prévenus
plus de 2 à 5 ans .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..
5% des prévenus
plus de 5 ans .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. ..
7% des prévenus
durée non indiquée .. .. .. .. .. .. .. . .. .. . .. .. .. ..
32% des prévenus
Près de la moitié des individus (48%) condamnés l'ont
été pour une durée de moins de 1 ans. Ce qui fait dire aux obser-
vateurs étrangers que des mesures al ternatives à l'emprisonnement
s'imposent, dans les jeunes Etats africains pour décongestionner
les prisons. Seulement 7% des six mille six cent soxante condam-
nés doivent purger des peines d'emprisonnement de plus de 5 ans.
Les statistiques judiciaires, d'après tout ce qui pré-
cède, permettent d'apprécier un peu plus concrètement le volume
des affaires traitées au niveau des tribunaux et de relever quel-
ques caractéristiques des jugements rendus. Au cours de l'année
1982,
l'essentiel des activités criminellp~ a été l'oeuvre des
hommes et plus précisément des nationaux (ivoiriens). Ce sont
encore les couches sociales défavorisées qui apparaissent aussi
au premier rang dans l'ordre d'importance quantitative (67% des
6 992 personnes). La délinquance contre les biens l'emporte en
volume sur toutes les autres infractions, traduisant ainsi
-
512 -
les préoccupations matérielles chez les abidjanais. Le dévelop-
pement de la violence, surtout de celle reliée à la circulation
automobile, constitue une source majeure d'inquiétude dans la
cité et plus particulièrement chez les autorités administratives
et politiques. Les sanctions qui sont les plus fréquemment ap-
pliquées aux délinquants abidjanais montrent qu'on a de façon
générale affaire à des infractions mineures. Ce qui est aussi
corroboré par la fréquence des condamnations à des peines de
courte durée.
Mais d'où viennent ces délinquants dont les abidjanais
se plaignent et au sujet desquels les juges doivent rendre des
décisions pour enfin calmer les"esprits ?
b.2. ) ~~~I~~h~_~~~1~g!g~~_~~_~!~~~_~_~~!!!I
~~~_~~~~~~~_i~~!~~~~!~~
On peut ici, comme dans le cas de la criminalité ap-
parente, se demander si effectivement les auteurs d'infraction
à
la loi pénale sont domiciliés à Abidjan? Car, des expéditions
d'origine lointaine peuvent se constituer et choisir la capitale
économique ivoirienne comme lieu d"'opérations criminelles". La
permfabilité des frontières entre Etats rend possible une telle
éventualité. D'ailleurs les nationaux, d'une façon générale, ne
se cachent pas de dire qu'ils vivent sous la menace d'une crimi-
nalité dont les auteurs sont des étrangers. Ci-dessus, cette dé-
claration n'a pu être confirmée; bien au contraire les nationaux
-
513
-
étaient apparus les plus nombreux parmi les personnes comparues
devant les tribunaux.
L'origine géographique des six mille cent selze
(6 116) auteurs d'infractions passés en jugement durant l'Année
1982 est présentée sur le tableau A de la page 514. La majeur
partie des délinquants et criminels opérant à Abidjan n'y réside
pas (32% de l'effectif). Les nombreuses opportunités qu'offre
cette ville semblent attirer tous ceux qui veulent tenter leur
chance, satisfaire leurs besoins financiers et matériels sans
trop peiner. Des environs proches ou lointains, des localités
éloignées de la ville, viennent des personnes à la recherche
d'un mieux-être. Les résidents abidjanais restent, après tout,
majoritaires parmi.les auteurs d'infractions. Ce sont toujours
les mêmes arrondissements, les mêmes quartiers de la ville qui
reviennent dans la classification ou qui sont cités. Suivant l'ordre
d'importance quantitative des personnes comparues en jugement,
on a le classement ci-dessous
,
1
Arronàis.
1 Abobo
Treich-
Adjarné
Yopougon
Koumassi
Port-Bouët
1
ou quartier
13,14,15Ar.
ville
1
1
Rang
~
2 Ar.
3e Ar.
16e Ar.
6e Ar.
Se 1r.
1
1
1er
i 2e ex.
2e ex.
2 ex.
Se
6e
1
1
1
J
1
Ces six (6) quartiers passent donc pour des "nids" de bandits,
des hors-la loi.
Il s'agit aussi, et on l'a souvent répété, de
''''' __ , ,~,~......,._,,--,,-,,....,..,,,.~'Û'
It!i'à=œ-)
'ltëCft
Wlift
tlfflMt
t
1
)1
7'~ W"' t'lX?
,t"te
A - ORIGINE GEOGRAPHIQUE DES AUTEURS D'INFRACTION COHPARU DEVANT LES
TRIBUNAUX EN 1982
Lieu de Residence du
le Ar
2e Ar
3e Ar
4e Ar
5e Ar
6e Ar
7e Ar
8e Ar
ge Ar WeAr lie .Atze Ar 13e Ar
Prevenu
- - - -
Effectif
17
528
573
49
376
515
70
228
194
136
-:1"
_
.--
.
55
i~99.
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L
1
0
5
14e Ar 1 15e Ar 1 16e Ar
PORT
i
AtROPOFT
HORS
D'ABIDJAN
1
T
196
1
327
J
564
1
i
3
1967
- , 6116
!
31
5
L 91
0
LO
_
B - REPARTITION GEOGRAFHI~UE
DES INFRACTIO~S AU SUJET DESQUELLES LES TRIBUNAUX
0\\1 ETE SAISIS
r
Lieu de commission de
,
1er Ar
2e Ar
3e Ar
4e Ar
5e Ar 1 6e Ar
7e Ar
8e Ar
ge Ar
10e Ar
l' Infracti on
1
~
Effectif
28
20
14
/
18
10
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- 515 -
quartiers de résidence des couches populaires. Par contre des
arrondissements tels que le Plateau, les Deux Cent Vingt loge-
ments (7e Ar.), la Zone 4 (4e Ar.), les Deux-Plateaux,
(12e Ar.),
Williamsville (lle Ar.) puis des zones urbaines telles que le
Port et l'Aéroport, demeurent apparemment des aires qui. n'atti-
rent pas, au titre de lieux de résidence, de malfaiteurs. Proba-
blement ceci est-il dO â la disponibilité de logements puis au
loyer qui n'est généralement pas â la portée de toutes les bour-
ses, à l'environnement social lui-même qui ne favorise pas l'in-
tégration ou l'implantation de personnes au niveau social et
économiques très bas. Par ailleurs, ces quartiers ne se prêtent
pas, faute d'espace suffisant, â l'implantation d'habitat spon-
tané, résidence de choix des très économiquement faibles. Bref,
sur le plan d'occupation de l'espace urbain par les malfaiteurs,
ces arrondissements se trouvent marginalisés. C'est ce que révè-
le très partiellement la répartition géographique des infractions
(cf. Tableau B, page 514).
Il semble que l'enquête judiciaire ne s'intéresse pas
beaucoup â la localisation du justiciable ni du lieu où l'infrac-
tion a été commise. Ces indications ne paraissent pas de nature
à empêcher l'administration du procès et de la sentence. Autre-
ment dit la constitution de l'infraction ne réside pas dans sa
localisation ni dans celle de son auteur. Sinon, comment expli-
quer la diminution importante du nombre de personnes lorsqu'on
considère la variable "lieu" de l'infraction et "lieu" de rési-
- 51b -
dence de l'auteur? On passe de six mille cent seize (6 116)
individus coupables à quatre mille cent quarante neuf (4 149)
, 1 )
chefs d'accusation l
.
Mis à part le quartier du Plateau (1 er Ar.) où l'on a
localisé vingt huit (28) infractions, les autres arrondissements
cités ci-dessus sont marginalisés. Tout se passe comme si dans
ces quartiers là, faire entorse à la loi pénale
était une excep-
tion. Les tribunaux seraient-ils davantage sollicités pour juger
des affaires venant de l'extérieur que des quartiers de la ville
même? 95% des infractions au sujet desquelles l'on a eu recours
à la justice proviennent de régions situées en dehors de la zone
urbaine d'Abidjan. L'explication suivant des informateurs, rési-
de dans le fait que la juridiction d'Abidjan ne se limite pas
aux arrondissements et à
la banlieue mais s'étend bien au-delà.
Mais alors, l'espace abidjanais serait-il véritablement à l'abri
de tout acte criminel contrairement à tout ce qui a été vu jus-
qu'ici?
Lorsqu'on considère simultanément le lieu de résidence
des auteurs et celui où les infractions ont été commises, on ne
peut s'empêcher de remarquer que:
(1)
: Un c.he.6 d'ac.ClUJatA..on pe.td c.ompltencfJz.e. ou c.onc.eJz.neJr. pf.U6ie.l.VUl indivic1u..4.
DaM le. tte.le.vé .6ta;t,-u:,;tJ..que., on a pJt-i..6 Min de. ltepéte.Jt le. moü6 dl ac.c.u-
.6Q.Üon pOUlt c.haque. pltéve.nu iolt.6que., au. .6uje.t d'une. même. in61ta.c.t-i.on,
piMie.l.VUl pe.Jt.6 0 nne..6 .6 0 nt hnpliq uéu • M.Mi à c.haque. .individu C.oMU-
pond une. in6Jta.etion.
- 517 -
- l'effectif des indivièus aussi bien que celui
des infractions diminue pratiquement de moitié (cf. tableau de la
page 519) ;
- les auteurs résident, pour la plupart, à Abi-
djan, mais opèrent dans des régions proches ou lointaines de la
capitale économique. Ce qui confirme l'observation que les tri-
bunaux "gèrent" beaucoup plus les crimes et délits étrangers à
l'espace abidjanais que ceux qui se commettent sur le territoire
même de cette ville
- plusieurs quartiers exportent leur criminalité
vers d'autres régions. Le tableau de la page 97 indique les ar-
rondissements ou les aires urbaines concernées. Ce sont toujours
les mêmes, à savoir: Abobo, Adjamé, Yopougon, Koumassi, Treich-
ville, Port-Bouët puis Cocody. De véritables expéditions crimi-
nelles s'organiseraient à partir de ces quartiers. Si tel est
effectivement le cas (la convergence des résultats obtenus ici
avec ceux relatifs à l'analyse des statistiques de la Police
permet de le croire), les abidjanais doivent s'estimer heureux.
Car si les criminels et délinquants réfugiés dans les différents
quartiers devaient tous "travailler" uniquement dans la zone où
ils habitent, les abidjanais ne dormiraient plus; il leur fau-
drait tous se mobiliser,
se constituer gardiens (comme cela
l'est déjà dans certains quartiers, Abobo en l'occurrence) le
jour, veilleurs la nuit de leurs biens.
-
518
-
La répartition des auteurs suivant leur lieu de rési-
dence puis des infractions d'après le lieu où elles ont été com-
mises, à partir des jugements rendus par les tribunaux d'Abidjan
confirme les remarques qui ont été faites au cours d'une analyse
similaire des statistiques établies par la Police. Quarante deux
pour cent (42%) des crimes et délits ont eu pour théâtre le quar-
tier de résidence de leurs auteurs. La préférence est nette, chez
les individus, d'exercer prioritairement leurs activités anti-
sociales dans le quartier qu'ils habitent. Cependant les 58% res-
tants des crimes et délits qui se distribuent un peu au hasard
entre les arrondissements montrent que les auteurs d'infraction
recherchent, après tout, une certaine sécurité. Celle-ci,
pensent-ils, passe par l'anonymat. En effet, loin de ceux qui le
connaissent, l'individu se croit et se sent à l'abri de tout
soupçon, de tout danger. Il pense que si son acte ne passe pas
inaperçu, lui-même il le sera d'autant plus que son identifica-
tion ne manquera pas de poser problème. Ainsi la puissance anes-
thésique de l'anonymat rend possible et favorise même l'accomplis-
sement des actes anti-sociaux, en bref, le développement de con-
duites anti-sociales.
Le nombre de délinquants àiminue des services de Police
aux tribunaux; c'est là une connaissance acquise, une réalité
qui ne se discute plus. Ce qui intrigue, embarrasse ici est que
cette baisse du nombre d'individus incriminés s'effectue en fa-
veur des auteurs qui ont réalisé leurs forfaits dans la ville
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33
-
520 -
d'Abidjan même. En effet, on relève peu d'infractions commises
sur le sol abidj ana 15 (cf.tableau page 519 ). Par exemple durant
toute l'année 1982, elles ne représentent que 4% des chefs d'ac-
cusation qui ont donné lieu à un jugement. Si l'on en vient aux
forfaits qui datent de la même année que celle du jugement,
c'est seulement de 1\\ d'infractions qu'aurait connu la ville
d'Abidjan (cf. tableau de la répartition géographique des auteurs
et des infractions commises en 1982 et jugées la même année, en
en Annexe XXIII, :\\..'\\IV) , en 1982 à travers les activités
des tribunaux(l).
Notre perplexité va croissante. D'abord, comment ex-
pliquer cette résorption de la criminalité "abidjanaise" dans le
passage des services de police aux tribunaux? Ensuite, comment
justifier les décl~rations suivant lesquelles le banditisme au-
rait atteint la côte d'al~rte à Abidjan?
En ce qui concerne la première question on peut envi-
sager deux hypothèses : ou bien la Police efface de ses listes
les résidents abidjanais présumés coupables au terme de la loi
pénale et, dans ces conditions, ne les défère plus au Parquet
ou bien elle les remet à la justice qui se charge alors dans
III : AJz.gume.n:ta...üon va1.a.ble l:JÂ.. l r on admit que :tout.el:J .tel> Â..n6lta.ctiom c.ommi6u
au c.ouJL.6 d'une année 60nt l'objet. de mel:JUlLU judic.i.o.J.Jr.u clwr.a.nt .ta. même
péJU.ode • Ce. qui n' e.6:t pM VJtaA.. c.aJt du a6 6lLÛlU /temo nta.n:t à. piu6Â..euM
année.6 pa.lt6oÂ..1:J atiendent de pMl:JeIt en j ug eme.nt. Même. en l:Juppo<!.a.nt qu'il
/tu:te., dan/:, .tel> dOl:Jl:Ji.e/tl:J du juge.6 de.l:J a66lLÛlu da.:ta.nt de i982 qui l:Je-
/tant :tJta.i.:tée-6 .tel:J annéel:J à. venÂ../t, on n'e.l:J:t pM l:JÛIt qu'e!.tu /te.ha.lJ...Ment
de. 6aç.on -6Â..gni6Â..c..a.:Uve .te PoUILc.e.nta.ge de.6 Â..n6Ita.ction-6 c.ol1Jlt-iAu -6UIL le
le -6ol abidjarza..iA.
-
521
-
l'établissement de la culpabilité de ces prévenus, de surseoir,
voire d'annuler l'examen des cas de ceux ~ui sont résidents abi-
djanais. Aucune des deux propositions ne paraît satisfaisante
dans la réalité. Des difficultés peuvent affecter l'identifica-
tion du lieu de résidence indiqué par l'individu lui-même au mo-
ment de l'interrogatoire effectué par la police et plus tard,
lors du rassemblement des informations par le juge d'instruction.
L'indication de son lieu de résidence peut poser certainement àes
problèmes à celui qui se considère en voyage de courte ou longue
durée à Abidjan. Il se peut, dans ces conditions, que l'établis-
sement ou la recherche d'une relation entre lieu de résidence et
lieu où l'infraction a été commise, ne soit pas à l'abri d'erreurs.
Quant à ~a deuxième question por~ant sur l'augmentation
de la criminalité à Abidjan, il est possiblé que la réaction du
public procède des informations véhiculées de bouche à oreille
(téléphone arabe ou "radio-Treichville" suivant l'expression lo-
cale) ou par la presse et la radio-télévision. C'est seulement
depuis quelques années, à partir de 1980 précisément que le ban-
ditisme a commencé à préoccuper l'Abidjanais. C'est aussi le
début de la période de difficultés économiques de la Côte d'Ivoi-
re. La lutte pour la survie peut expliquer que certains individus
qui se retrouvent subitement sans ressources se laissent tenter
par des comportements délinquants. Mais ces chômeurs ne peuvent
répondre ni de la criminalité abidjanaise dans ses multiples for-
mes ni de l'importance quantitative de celle-ci. Dans la mesure
- 522 -
où les propos sur l'augmentation de la criminali té ne se fondent
pas sur des données statistiques, on devra les considérer comme
poursuivant d'autres buts que l'information de la population.
Probablement en verbalisant la peur relative à une éventuelle
agression de leur personne, les individus s'efforcent-ils de
s'adapter à la situation de crise économique. "Dans la structu-
ration de la réaction sociale à l'insécurité", on le sait, "le
pouvoir joue un grand rôle" (cf Henri Coing et Christine Meunier,
1980, p. 23). Ainsi, au moyen de la presse et de la radio-
télévision, le pouvoir peut détourner momentanément l'attention
des auditeurs des difficultés économiques du moment, en les in-
vitant à se protéger contre le banditisme érigé subitement en
ennemi public ou rendu plus important quantitativement qu'il ne
l'est en réalité.
Si l'on en juge d'après la répartition ci-dessous des
crimes et délits passés devant les tribunaux, on s'aperçoit que
les abidjanais ne devraient pas s'inquiéter
en tout cas ils
n'ont aucune raison majeure de s'inquiéter. Ce sont les locali-
tés proches ou éloignées d'Abidjan qui reçoivent, accueillent
les expéditions criminelles initiées par la capitale économique.
Au moment même où s'accomplit ce trGvail, l'annonce en première
page du quotidien National fraternité-Matin du Mardi 20 Janvier
1987 d'un fait divers tel que "Toumodi(l) 5 gangsters arrêtés.
(1)
: Toumodi eht ~itué à 200 km d'Ab~djan
- 523 -
CRIME
CONTRE
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LES PERSONNES
LES BIENS
LE BIEN PUBLIC
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1
5
COCODY 8e Ar
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MARCORY ge Ar
12
1
1
14
ATTIECOUBE 10e Ar
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1
4
1
0
0
1
WILLIAMSVILLE 11 e Ar
-
DEUX PLATEAUX 12e 1r
3
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0
5
ABOBO 13e Ar
15
0
1
16
1
ABOBO 14e Ar
17
2
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20
YOPooGON 16e Ar
18
0
1
19
PORT 20e Ar
1
0
0
1
AEROPORT 21 e Ar
2
0
1
3
HORS-D'ABIDJAN
1 861
1 735
352
3948
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TOTAL
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1 749
368
4129
NATURE DE L'INFRACTION ET LIEU OU CELLE-CI A ETE COMMISE
.- 524 -
Ils étaient
venus d' Abidj an pour cambrioler un riche commerçant"
renforce la conviction que l'anti-socialitê
naît à Abidjan, s'y
développe pour gagner d'autres régions de la Côte d'Ivoire.
On s'explique difficilement le développement de la
criminalité contre les personnes au détriment de celle contre les biens (cf.
tab leau de la page 523):. En effet, on aurai t pu s 1 attendre à ce que ce soit
les délits d'acquisition, les vols en particulier, qui résument
l'anti-socialitê
à Ab idj an. Ce Il e-ci n' est-e Il e pas une vi Ile de
passage, le lieu où l'on vient faire fortune, s'enrichir pour
ensuite rentrer chez soi dans son village natal ou dans sa ré-
gion d'origine? Les explications présentées précédemment au su-
jet d'observations similaires peuvent être reprises ici ~f
a-
Au niveau de la Police - criminalité contrt: les personnes). La
violence àccompagne presque touj ours la commission des actes anti-
sociaux
- De plus en plus fréquemment les voleurs ne se conten-
tent plus seulement du butin; ils agressent o~ tuent aussi les
victimes. Sans doute craignent-ils que ces dernières laissées
vivantes les dénoncent ou n'aident la police à les retrouver. Le
premier arrondissement d'Abidjan, le Plateau se présente après
Abobo Gare comme étant le lieu privilégié de la criminalité con-
tre les personnes. Pendant les jours et hel.lre5 OuvT;lbles, le
Plûteau reste le quartier des affaires de toutes sortes sans ou-
blier qu'il abrite les sièges des établissements bancaires, des
maisons de crédit, les directions des services publics, etc. Ce
grand et dense mouvement humain qui se déploie en longueur de
- 525 -
journée et les multiples occasions qui s'offrent aux individus
de cotoyer des biens divers et même de pénétrer dans les lieux
où l'on manipule de l'argent, rendent possible la commission de
délits , action qui peut se terminer très rapidement par des
crimes
l'opposition de la victime ou l'intervention de tierse
personne peuvent amener les malfaiteurs à faire usage de leurs
armes (1 ).
Abobo-Gare, Plateau, Treichville et Yopougon demeurent,
dans la ville d'Abidjan, les principaux quartiers de la violence
physique, suivis assez bien de Marcory, Port-Bouët, Adjamé et
Koumassi - Certains arrondissemts
(les 7e, '1e, 10e et 12e ar-
rondissements)et quelques aires urbaines, le Port et l'Aéroport
en particulier, paraissent sans raisons évidentes peu concernés
par les crimes contre les personnes. On est d'autant plus sur~
pris que le Port, "poumon économi1ue" de la Côte d'Ivoire, par
conséquent lieu d'importantes activités économiques et indus-
trielles, se révèle nettement moins dangereux que certains quar-
tiers de la ville. Les raisons qui président à ce mouvement de
la criminalité ne sont pas faciles à Jécouvrir. Probablement, en
ce qui concerne le Port, l'omniprésence de la gendarmerie et de
Il] :; Ve p.tu6 en pfu.6, l'Abidjana..i..6 ~e c.ondu.U ":')1 pVL60nne de gltande-ô wu
anonyme6. Ve6 vo~ cia..nfl une vodwte en .6ta.t.i..onnement, pOUlt ne pJtendJr.e
que. C.U exemple, peuvent lle pJtocfu...iJLe .60U.6 le nez d' ob.6eJtva:tel.JJl.6 lla.n6
Clue C.e6 deJtn-i.eJLl:l JLéllB-<-llll ent. C1 ut à. c.JLo-i.JLe. que lell Ab-i.dj ana.J.1:, 0nt
6ùl-<. pail. peJtdJLe le llen6 de la. llolida/l..-Uê e..t que l' ind-i.vidua.U.6me c.om-
menc.e à. ~ 1 éJUge.JL en JLègle de vie. Le c.JL-i. "au voleUIL 1" qui ~
la. 60ule tJLouve de moht6 en moùt6 de gen.6 aujoWtd 1 hLU pOUlt le pOU.6.6eJt.
-
526 -
la police contribue-t-elle à freiner le développement des crimes
et délits dans cette zone devenue extrêmement importante pour la
survie de la nation.
Ce qu'on peut relever, dans tous les cas, est qu'Abi-
djan se présente comme une ville violente.
Cette criminalité de violence ainsi que les autres
formes d'activités anti-sociales ne s'exerce pas invariablement
d'un mois à l'autre au cours de l'année. L'atteinte à la person-
ne physique, aux biens et à la chose publique suit un mouvement
ascendant et descendant qu'illustre le
graphe
de la
page sui-
vante . Les mois de Novembre-Décembre et Janvier connaissent
d'importantes activités criminelles. Les trois types d'infraction
évoluent quantitativement de la même manière à ce dernier trimes-
tre de l'année. Le crime contre les personnes plafonne au mois de
Décembre suivi de près par les infractions contre les biens.
C'est en Janvier que les infractions contre la chose publique
connaissent leur plus grand déploiement. En l'absence de statis-
tiques qui permettent une étude comparative d'une année à l'autre
des manifestations criminelles pour apprécier la constance ou la
régularité du mouvement général de la criminalité, on peut, à
partir des données graphiques et du
tableau
de
l'annexe XXV,
faire
observer
que
l'augmentation quantitative des infrac-
tions au dernier trimestre de l'année n'est certainement pas un
fait de hasard. Cette période correspond à celle des festivités.
- 527 -
NBR~ DES INFRACT JONS
SU t VANT LES I~O 1S OU
ELLES ONT ETE COMMJS~S
~
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JUILLET
SEPTEMBRE
NOVEMBRE.
MOlS
~ LES PERSONNES
~ LE5 BI ENS
-+- LE BIEM PUBLIC
~
,
\\
-
528
-
Aucun des trois mois n'est sans fête. Tout Saint avec le
1er Novembre, Fête Nationale les 6, 7 Décembre, Fête de No~l le
2S Décembre, Fête du Nouvel An le 1er Janvier, sont des occasions
de dépenses diverses que l'Abidjanais démuni attend anxieusement.
L'achat des jouets pour enfants à cette période est désormais en-
tré dans les habitudes. La popularité du Père Noël dans le milieu
des enfants pèse lourd dans les poches des parents. On peut com-
prendre qu'à la fin de l'année, ceux des résidents qui ont de
sérieuses difficultés financières et qui par ailleurs n'ont pas
une armature morale solide, cèdent à la sollicitation et à l'at-
trait des objets pour commettre des infractions.
L'analyse statistique des crimes et délits confirme
encore ici l'exist~nce des zones criminogènes.à Abidjan. Les
quartiers d'Abobo, Treichvill€,
Adjamé, Yopougon, Koumassi et
Port-Bou~t passent pour les plus dangereux de la v~lle d'Abidjan.
Ces aires urbaines constituent aussi des "nids" où viennent se
refugier des auteurs d'infractions. Certaines périodes de l'année
voient augmenter le volume des crimes et délits. Les personnes
notamment, les biens et la chose publique demeurent les cibles
des malfaiteurs. Dans la généraljté des cas, la criminalité abi-
cij anaise est plutôt importée que "consommée" SUT place. ;.lais
quelles sont les caractérisLiques de ses auteurs? C'est la ques-
tion à laquelle s'efforce de répondre le paragraphe qui suit.
-- 529 -
b.3.) ç~!~~!~!!~!!g~~~_p~l~h9~9~!919g!g~~~
~~_~!!~!~~!_l~g!l
A la question "qui est le délinquant ou criminel abi-
djanais ?", on avait vu les réponses diverses qui étaient don-
nées à partir des informations détenues par les forces de l'or-
dre. On peut se demander si ce "portrait" psychosociologique
~f paragraphe 4 i p.482 à 495) est aussi celui du criminel offi-
ciel.
L'ex~len de la population constituée par les auteurs
d'infractions
connus de la justice fait apparaître un certain nom-
bre d'éléments dont on peut dire qu'ils demeurent une donnée cons-
tante du phénomène. criminel à cause de sa génfralitf à travers
le monde
- La plupart des criminels et délinquants connus
dans le monde sont des hommes. Parmi les auteurs d'infraction
dont la justice abidjanaise s'est occupée durant l'année 1982,
la majorité est du sexe masculin (6 586 hommes contre 395 femmes).
- Les criminels et délinquants proviennent de fa-
çon majoritaire des classes sociales inférieures. 9û,6% des per-
sonnes qui ont eu maille à partir avec la justice abidjanaise
viennent de milieux sociaux très modestes, parfois démunis et où
se pose de manière apparemment insoluble le problème de la sub-
sistance.
-
530
-
Contrairement aux rumeurs selon lesquelles les étran-
gers sont responsables du développement de la criminalité, les
statistiques judiciaires révèlent que les nationaux ne sont pas
des anges (51,3% d'ivoiriens contre 46,8% d'étrangers)
ils
sont les plus nombreux parmi les clients de la justice.
b . :3 • 1 .)
~ ~ ~ê~
La répartition des six mille huit cent cinquante et un
(6 S5i) auteurs d'infractions. suivant l'âge fait apparaître 31 ans
comme la période d'existence où les individus entrent nombreux
dans la criminalité
(cf. Annexes XXVI, :XXVII) . C'est entre
19
et
3ï
ans, suivant les informations consignées sur le ta-
bleau
ci~é en référence, qu'on rencontre le plU5 de per5ûnnê5
intéressées par la commission d'infractions
à la loi pénale. On
dirait une sorte de mise à l!épreuve de soi-même chez les indi-
vidus qui prennent dalantage de risques. Car, à partir de 38 ans,
on assiste à une diminution progressive du nombre des clients de
la justice. De 19 à 29 ans, on a autant d!auteurs d'infractions
(1
que de 29 à 77 ans
). Autrement dit, la criminalité à Abidjan
est beaucoup plus une affaire de jeunes individus que d'adultes
ou de vieilles personnes.
(1) : Le. mécü.a.l1. cu1.c.u1.é ,~UIt ..ec. ba..6e. deA dOl'lJ'lée.-~ fte.c.ue.illie.,~ ut
29, 949.
-
531
-
Les éléments les plus dangereux de la société abidja-
naise sont représentés par des personnes dont l'âge est compris
entre 22 et 40 ans. Cette tranche d'âge a été responsable toute
seule de 72,9% des infractions jugées en 1982 au Palais de jus-
tice d'Abidjan. Au delà de 31-40 ans, le nombre d'individus vi-
vant de la criminalité diBlinue.
Probablement ceci s'explique-t-
il en partie par le retour chez eux, dans leur région ou dans
leur pays d'origine, de ttci r.aàins:: qui n'ont pu Si intégrer à la
société abidjanaise pour différentes l"aisons. Au délà de 40 ans,
l'individu semble seit se ranger soit décidé de rentrer au
village.
:
Au dessus de
Tranche d'Age
0-21 ans
22-30
1 31-40
41-46
TOTAL
1
46 ans
1
i
,
1
,
Effectif
699
2 832
! 1 934
517
556
6 538
1
1
1
1
,
1
1
,
!i
1
Pourcentage
10,7
43,3
1
29,6
1
7,9
1
8,5
1
100,00 1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
7 2 ~ 9 ~
Il lui manque de plus en plus de vitalité, de vigueur nécessaire
à l'accomplissement d'activir.és €riminelles.
On peut dire que la
criminalité à Abidjan débute aux environs de 19 ans, se développe
pour atteindre son maximum à 30 ans, pour ensuite amorcer son dé-
clin après 40 ans. A partir de 40 ans les individus qui n'auront
.
.
,.
pas décroché de la
~
crlmlna..llte devront prûbablement attendre d'au-
t l'es événements cri tiques de leur vie pour sort i r de l'an ti -s ociali té.
- 532 -
L'examen des types de condamnations selon les tranches
a'âge (cf. ,~exes X~vIII, ~XIX), confirme le propos et observations ci-
ressus. Ce sont les personnes âgées de 22 à 30 ans qui demeurent
,majoritaires dans la population criminelle. Aussi sont-elles les
plus nombreuses dans les différents types de décisions prises
par les tribunaux au cours de l'année 1982. Deux exceptions ce-
pendant: les individus de la tranche d'âge considéré ont béné-
ficié moins de la mesure de sursis, de celle d'amende seulement
que les personnes âgées de 31 à 40 ans. En ce qui concerne
l'''amende seulement", la solvabilité des auteurs a dû peser dans
la décision des juges. Dans la tranche d'âge 22-30 ans, il y a
sûrement beaucoup plus de personnes insolvables que dans celle
.#
regroupant les individus dont l'âge est compris entre 31 et 40
ans. Quant à la mesure touchant au sursis, tout se passe comme si
les magistrats abidjanais voulaient dissuader les jeunes qui se-
raient tentés par la commission d'infractions. En se montrant sé-
vêres puis très parcimonieux dans l'octroi de sursis aux jeunes,
les juges paraissent convainous qu'on doive exercer de la con-
trainte, de la pression sur ces derniers si l'on souhaite les
voir conformes au type de cïtoyen que la nation attend former.
En définitive les délinquants ou criminels atidj4fiais se présen-
tent COilalle des jeunes gens âgés de 22 ;',0 ans
généralement
cûndan.nés
à une peine d'amende et de payement de dommage intérêt (cf Annexe
XXVI II) . Jeunes
apparemment 5 ans responsab il i té f ami l iale ains i
qu'il ressort de l'analyse qui va suivre.
- 533 -
La condamnation à une peine lourùe d'une personne ma-
riée qui assure par ailleurs la prise en charge des enfants en
bas âge peut paraitre pénible au juge lui-même. Cette crainte
de sanction déshonorante rend-elle compte de la faible propor-
tion des mariés parmi les personnes comparues devant les tribu-
naux ?
Les célibataires sont majoritaires (60,1%) dans la po-
pulation qui a comparu devant les tribunaux abidjanais en 1982.
Image conforme à la réalité sociologique: l'exode rural draine
vers Abidjan les éléments jeunes et valides dont ont besoin les
travaux champêtre~. Ces migrants arrivent généralement céliba-
taires en ville. C'est plus tard seulement que se pose à eux le
problème de mariage. Et on sait que nombre d'entre eux, à ce su-
jet, se remettent à la décision des parents vivant au village
ou au pays d'origine kf Raymond Deniel op. cit.). Ainsi parce
qu'ils sont majoritaires dans la population générale d'Abidjan
(cf situation matrimoniale
de la popu lat ion ab idj anaise, Première
Partie) ils se retrouvent aussi nombreux, suivant la loi des
grands nombres dans les différents types de mesures appliquées
aux auteurs d'infractions. Deux exceptions
des mesures telles
que l'amende seulement" et le sursis leur sont très parcimonieuse-
ment appliquées sans raisons apparentes (cf. Tableau de ]a page 534).
''''t17'r
Tt
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't'fis ft
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1
tt"ft~ n
, (hwlt
-.ut
n
t
'''[t',
TYPE DE PEINE SUIVANT LE STATUT MATRIMONIAL
-
- - - -
Statut
Matrimonial
TYPE DE PEINE
f-~
<:::t
-l
1
CELIBATAlr:ËS"
MARIES
_D~VO~C-ES -=r=~-- VEUFS =-_~~~ T -1
:-r:
L.f')
Condamnati on si mp le
687
203
4
1
2
B96
1
-------t-
'
Concamnation + Amende +
1160
737
4
,
4
1
1905
1
DOll'TYage Intérêt
1
.
420
141
-
l
Condamnation + Amende +
1
1
1
1
1
562
S
1
e J o o r .
1
1_
1
-----t---3 j----~I
J
1
Amende Seulement
196
382
582
Sursis
164
252
2
1
419
r
--f---
1
Re laie
511
297
2
1
811
1
1
1
1
1
-----J
. -
Cond. + Amende + Intérêt
21
5
o
a
26
1
Droit Ci vi que
1
1
.
1
1
1
J
Autre pei ne
65
50
1
1
o
116
Peiœ inconnue
74
1
174
95
1
4
1
T
3298
2162
20
11
5491
~
j .
%
1
60;1
1
39,4
0,4
t---o~-t---l0~,
- 535 -
Les mariés ne sont à l'abri ni du crime ni des sanc-
tions conséquentes. Les magistrats ne paraissent pas s'atten-
drir particulièrement sur le sort des mariés lorsque ces der-
niers sont reconnus auteurs d'infractions
à la loi pénale. Toute-
fois, le bénéfice du sursis leur est plus souvent accordé
qu'aux
célibataires~ De même les mariés ont plus de chance (parce
qu'ils sont plus solvables) que les autres de se tirer d'affaire
moyennant le versement d'une amende.
Ce qui ressort dans tous les cas des données recueil-
lies et consignées sur le tableau ci-dessus est que le statut
matrimonial ne protège l'individu contre le crime ni ne favorise
son entrée dans la criminalité. L'examen minutieux des mêmes don-
nées semble indiquer que l'anti-socialité dans la ville d'Abidjan
est le propre d'individus jeunes et célibataires; ce qui corres-
pond assez bien à l'une des
caractéristiques
de la population de
cette ville.
D'après les propos et observations qui précèdent,la
loi pénale ne semble pas discriminer les auteurs d'infractions
suivant leur statut matrimonial. On peut se demander ce qu'il en
est ou sera d'un auteur sur qui repose la vie de toute une famil-
le. Les informations qui sont inscrites sur le tableau ci-dessou
suggèrent différentes réponses.
TYPE DE PEINE SUIVANT LE NOMBRE D'ENFANTS
DONT L'AUTEUR EST LE PERE
r---
1'")
LJj
l
NOM B R E
Dl
E N F A ~ T S
~-~-pe-d-e-_p_e-~-ne-~-~-_
--2--.1--
-r::_
J
-----.·-+---0--.:----1---'
- - \\-----4
5 - i - 6-1
T
3
~,91
~
Condamne slmple
87
l'
43
1 __451_ 36
6 J
895
Condamné
----1-
+ Amende + Dommaoe
1
1
l
,-
1
Intérêt
-
1000
206
230:
143
1
168
~ ~05_._,__~ ; 1908 _.J
' , l
Condamné + Amende +
l
1
1
'1
l
Interdi cti on Séjour
1
386
55
52
27
1
20
9
6 !
555
~urs!s
!
140
52
58
1
40
49
~ 58
1
21
l 418
R;l;x~---_u
t
-e
1
1
464
82
73
47
65
1_ 53
l - s 1 3 - -
Condamnation + Amende +
19
5
1
1
o
27
Interdiction Droit Civique
,
Autre peine
~_~
1
, .
1
0
117
-
536 -
D'abord il convient de remarquer la chute brutale du
nombre de condamnés à partir d'un enfant, chute qui apparaît plus
nettement sur le
graphe
de
l'Annexe XXX·
Les
person-
nes qui n'ont vu naître aucun enfant de leurs relations amoureu-
ses ou de leur mariage sont majoritaires et davantage frappées
par les différentes mesures judiciaires que celles qui se récla-
ment parents. Ensuite, à partir d'un enfant, on voit diminuer
progressivement le nombre d'individus incriminés, mise à part
une brusque inflexion de la courbe (cf. graphe de l'annexe XXX )
chez les parents ayant trois enfants. Enfin la diminution se
fait lente jusqu'au sixième enfant où l'on note une autre chute
de l'effectif des personnes jugées pour infraction. On dirait
que dès l'instant où l'individu a beaucoup procréé, il prend ses
distances par rapport aux crimes et délits. Il s'intègre davanta-
ge à la société que quand il est sans enfant ou en a très peu,
un à cinq en l'occurrence.
L'observation du tableau de la page 537 révèle que
dans la
grille des peines, les auteurs sans enfants sont plus frappés
par la condamnation à payer une amende et dommage intérêt que
par toute autre sanction. Cette remarque s'applique aussi aux
autres catégories de parents (parents à un enfant, parents à
deux enfants, etc.), confirmant ce qui avait été dit antérieure-
ment au sujet des peines: le juge abidjanais reste attaché à
l'idée de réparation. La fréquence de l'amende associée à d'au-
tres mesures dans les décisions rendues par les tribunaux est
-
538 -
une seconde preuve de l'importance accordée à la réparation.
Dans ce cas,on le sait, ce qui compte est le rétablissement de
l'ordre, de la paix entre les individus. Qu'on soit père de plu-
sieurs enfants ou non, la paix sociale ne saurait être sacrifiée
au volume de la famille dont on assure la charge.
Compte tenu du nombre d'individus à entretenir, on
aurait pu penser que les mariés se distingueraient particulière-
ment dans les infractions contre les biens. Cette présomption
disparaît à l'examen du tableau ci-dessous:
NATURE DE L'INFRACTION STATUT NATRIMONIAL
Crime contre
CELIBATAIRES
MARIES
DIVORCES
VEUFS
TarAL
-
Les personnes
1 180
1 108
12
5
1 305
Les biens
1 803
868
6
5
2 682
--
Le bien public
293
171
2
1
467
,
TOTAL
3 276
2 147
20
11
5 454
Pourcentage
60,1
39,1
0,4
0,2
100,00
1
Statut matrimonial et Nature des infractions commises
C'est plutôt dans les infractions contre les personnes
qu'ils se qualifient. La tension nerveuse résultant des difficul-
tés de toutes sortes, notamment de la prise en charge économique
de soi et des siens, peut expliquer l'explosion de la violence
chez certains individus et les amener à poser des actes qui por-
-
539 -
tent atteinte à la personne d'autrui. Les transformations socia-
les et culturelles rapides qui se produisent et dont les influen-
ces se ressentent à tous les niveaux d'existence individuelle et
collective, n'épargnent aucun abidjanais. Marié ou célibataire,
veuf ou divorcé tout le monde est confronté aux mêmes difficul-
tés d'adaptation à la société nouvelle. Le sentiment d'impuissan-
ce dont on dit qu'il engendre plus souvent l'apathie que
la
violence
(cf. O. Klineberg,
1980,
p. 122)
doit certai-
nement s'observer plus fréquemment dans de vieilles sociétés, en
l'occurrence celle des pays développés que dans les jeunes na-
tions du Tiers Monde. En tout cas, l'importance quantitative des
infractions contre les personnes chez les mariés à Abidjan devra
constituer un objet d'inquiétude dans la mesure où ces personnes
forment des familles qui sont la base de la société nouvelle. La
famille étant le premier agent socialisateur de l'enfant, on peut
craindre que la société qui se forme actuellement à Abidjan se
développe sur un modèle intégrant la violence à la formation des
habitudes chez les individus. En résumé, on retiendra qu'une vio-
lence pernicieuse mais réelle se développe à Abidjan, sous la for-
me d'une criminalité qui n'exclut aucune des catégories sociales
considérées ci-dessus.
En définitive, les crimInels et les délinquants offi-
ciels abidjanais, au regard des données qui précèdent, sont géné-
ralement :
- 540 -
- de sexe masculin
- de nationalité ivoirienne plus souvent qu'étrangère
- des personnes dont on ne connaît pas le niveau d'ins-
truction
âgés de 22 à 40 ans, tout en étant plus nombreux vers
30 ans
des célibataires, mais parfois des mariés; dans tous
les cas sans enfant
- issus des couches populaires et résidant de façon
prioritaire à Abobo Gare, Treichville, Adjamé, Yopou-
gon, Koumassi et Port-Bouët
- auteurs d'infractions, le plus souvent contre les
biens
condamnés à une peine d'em,risonnement ferme de moins
de 6 mois et à payer une amende et des dom ages inté-
rêts.
Enfin, cette analyse statistique des crimes et délits
suggère-t-elle des indications, des attitudes à observer dans la
lutte contre la criminalité à Abidjan? A partir des données sta-
tistiques on a vu, au niveau des deux organismes de contrôle so-
cial, la Police et la Justice, que
- les infractions à la loi pénale moderne étaient quan-
titativement importantes à Abidjan;
-
541
-
- la criminalité demeurait une affaire des hommes;
les étrangers ne devraient pas être désignés a prio-
ri comme les seuls responsables de l'anti-socialité
, mais que les
ivoiriens restaient officiellement les plus nombreux dans la po-
pulation criminelle;
- la plupart des auteur~ d'infractions
à la loi pénale
provenaient des milieux sociaux les plus deshérités économique-
ment ;
- les auteurs d'infractions exportaient leur crimina-
lité
autrement dit, organisaient des expéditions criminelles
dans des régions proches ou éloignées d'Abidjan.
Les criminels "apparents" (les prévenus) et les crimi-
nels "légaux" (officiels) sont les mêmes personnes qui, en plus
des caractéristique ci-dessus énumérées sont :
- âgées de 22 à 40 ans ;
résidentes à Abobo Gare, Treichville, Adjamé, Yopou-
gon, Koumassi ou à Port-Bouët
- auteurs généralement d'infractions
contre les biens
condamnées à moins de 6 moins d'emprisonnement ferme,
au versement d'une amende et au payement de dommages
intérêts.
-
542 -
L'organisation de la lutte contre la criminalité, la
prévention du crime et le traitement des sujets "criminalisés"
en particulier, devront se fonder sur les enseignements, sur ce
que disent les "chiffres". La ville d'Abidjan a-t-elle les
moyens pour endiguer la criminalité que sa croissance et sa pros-
périté "génèrent" chaque jour? La réponse à cette question
constitue l'objet de la partie qui suit.
-
543
-
CHAP 1TRE II l
LES STRUCTURES DE PREVENTION ET DE TRAITEMENT
1 -
INTRODUCTION
1 -
Avec les structures de prévention et de traite-
ment, c'est de la défense de la société qu'il s'agit. En effet,
une croissance considérable du volume des crimes et délits cons-
titue une sérieuse menace pour toute société. C'est pourquoi
celle-ci s'est toujours préoccupée d'organiser des obstacles
systématiques aux activités criminelles de ses membres. Si ll on
suit M. Ancel, deux moments historiques marqueraient l'organisa-
tion de la défense sociale contre le crime. Il écrit: "Chacun
sait d'ailleurs qu~ le châtiment a eu pour objet, successivement
ou concurremment, la vengeance, l'expiation, la rétribution, la
réparation du mal causé, l'intimidation, la reformation, la sa-
tisfaction donnée à la conscience publiqee, ou la présentation
de nouvelles infractions. Dans tous les cas cependant, la réac-
tion sociale contre le crime a d'abord été pensée en !~~~~_~~.
~h~!!~~g! : le criminel doit "payer", .... Or, dans sa significa-
tion moderne, la défense sociale se présente d'abord comme une
réaction contre ce système uniquement retribatif. C'est même en
cela que le terme de Jéfense sociale acquiert une portée, ou si
l'on préfère une autonomie nouvelle: c'est en cela qu'il impli-
que une conception renouvelée de la lutte contre la délinquance
c'est en cela enfin qu'il présuppose, au-delà du droit pénal en
-
54Ll
-
tant que technique juridique, une politique criminelle délibé-
rément fondée sur les données des sciences et de la criminolo-
gie. Cette politique criminelle moderne découle de cette prémis-
se essentielle que, le f!!~~ étant un !~!!_~9f!~!_~!_~~_~f!~
~~~~~(1), tout n'est pas terminé lorsque le délit a été légale-
ment défini et assorti d'une peine légale
il reste à compren-
dre en tant que phénomène socio-individuel, c'est-à-dire à ana-
lyser la situation sociologique qui lui a donné naissance, à en
prévenir la commission ou la réitération, et à s'interroger sur
l'attitude à prendre à l'égard de son auteur, au-delà de la sim-
ple qualifi cation 'légale" (cf M. Ancel, 1981, p. 30).
Historiquement donc le criminel "doit payer"; mais
"payer" quoi ? Le 'crime sûrement, tant il paraissai t vrai qu'une
vie humaine par exemple en valait une autre. On répondait au
crime par le crime. L'organisation de la défense sociale ressem-
blait
à une préparation d'actions défensives contre les auteurs
d'infractions
; en quelque sorte de véri tables "organisations pu-
nitives" prêtes à intervenir pour corriger tous ceux qui refu-
saient de se conformer aux règles sociales établies.
2 - Pour apprécier le progrès accompli en ce domaine,
on peut évoquer très brièvement les efforts qui ont été déployés
d'une part pour expliciter la notion de crime et d'autre part,
(1 J : C' eAt noU6 QiU ~ouUgnoYl.6.
- 545 -
pour comprendre le comportement criminel en tant que provenant
d'un humain, notre semblable. En ce qui concerne le premier
point, l'analyse conceptuelle faite antérieurement suffit pour
qu'on ne se repète plus ici. Par contre, à propos du second
point, on peut observer que la société en général tolère diffi-
cilement le comportement criminel d'autant plus que celui-ci
paraît absurde. En effet, être insensible aux sanctions qui
accompagnent une infraction à la loi ou aux coutumes
incline à
penser que l'individu dont il est question présente des disposi-
tions particulières au crime et qui le maintiennent définitive-
ment dans la déviance. Pour en savoir plus sur ces dispositions,
il y a lieu de centrer la recherche sur le sujet lui-même. De
là l'importance qui a été accordée à l'étiologie et au diagnostic
pour enfin instituer des traitements qui sortent l'individu de
la criminalité, qui le guérissent du "mal" dont il souffre. Mais
n'est-ce pas déplacer le problème de la criminalité en le "médi-
cal is ant" ?
L'éradication du crime au moyen de thérapeutiques
para-
médicales (psychothérapies) ou médicales (toutes les formes d'in-
terventions médicales) semble répondre à des motivations très
variées chez ceux qui y recourent. Les auteurs de crime ou, plus
généralement, d'infractions
au code pénal ne s ont pas tous des ma-
lades mentaux ni des névrosés pour justifier d'une intervention
psychothérapique ou médicale. Par ailleurs, les recherches sur
-
546
-
les chromosomes du crime, mieux sur les chromosomes qui prédis-
posent à la conduite criminelle n'ont pas encore fait l'unanimi-
té des criminologistes. La proportion d'individus porteurs des
chromosomes XXY dans la population générale n'est pas significa-
tivement différente de celle des condamnés pour crime ou délit.
Ainsi en ont conclu juristes et médecins qui s'interrogeaient à
Paris sur l'hérédité de la délinquance (cf. Le monde du 27 ~ai
19ï2, p. 14). Par conséquent, hormis les cas pathologiques recon-
nus, la relation entre la conduite criminelle et l'équipement
génétique n'est pas encore prouvée et ne peut expliquer le pen-
chant ou crime chez certains individus(l) moins encore justifier
une politique criminelle. De même le recours à toutes formes de
traitements fondés sur les connaissances psychologiques en ins-
titution ou en dehors des institutions, ne peut avoir raison du
crime. Les psychothérapies, sous quelle que forme que ce soit,
ne peuvent donc être une panacée aux problèmes de la criminalité
en général.
En fait, il semble qu'en déclarant le criminel malade
(au sens médical du terme), l'on évite de voir la réalité sociale
en face.
Il ne saurait exister une mauvaise organisation sociale,
mais seulement individuelle. Le crime ainsi motivé justifie
l'internement ou la déportation de son auteur. Dans un cas
------~-~._------------_.---------
(1) : A ee p~opo~, J. M. B~~ette eite J. Leauté qui ~'int~oge en ee~ t~
me~ : "Le p~oblème mod~ne ~t c:e fla.VOiA ~i, d.a.n!l l' e.~pèee hwna..ine un
ee.M:aJ.n penehant pOM le cJLUne n' e.~t pa..6, en ~e, h~écUtiUJr..e eomr:le
le ~ont ee~~ :t!tai.:t6 p~yehiQueJ.j, eeJr..t.aine..6 ma..f.a.cüu, et, peut-me
ee~ne~ tenda.nee~ de la. peMonna..f.ité".
-
547
-
cooone dans l'autre, on évite la contagion au reste de la popu-
lation. La prévention se résume ici à une mise à l'écart, à
l'isolement social de l'auteur d'infractions, de façon que son
acte ne serve pas de modèle de conduite aux autres membres de
la société. Le traitement du sujet "criminalisé" se ramène à
l'action coercitive qui est ainsi exercée sur lui pour l'amener
à la raison. Tel paraît être le but principal assigné aux mai-
sons dites de corrections et aux centres dits de rééducations
perçus comme des hauts lieux de redressement et "de cure. Les cri-
minologues semblent cependant d'un avis contraire lorsqu'ils re-
lèvent l'échec général de tous les systèmes de traitement des
criminels et des délinquants à travers le monde(l). C'est à
croire que plus se déployent des politiques de prévention, plus
se créent des centres pour le traitement des sujets versés dans
l'anti-socialité,
plus la criminalité augmente quantitativement
et qualitativement. Si le crime ne peut être éradiqué, son déve-
loppement pose des problèmes quant à l'efficacité des mesures
prises jusque là pour le contenir dans des limites contrôlables.
L'évolution des idées a eu raison de la conception clas-
sique de la défense contre le crime. En considérant désormais
l'infraction comme "un fait social, un acLe humain!!, on invite
( 1) : Ce. C.OYL6.ta:t d'éche.c. a. Ué lLeie.vé plu.6 plLéci..6éme.nt a.u te. ConglLè..6 de. fu
Société Inte.JLnationa.ie. de. ClLiminolog~e. a L~bonne. en 1918. Le. b~n
de6 .tJr..tUteme.nt.6 ~nvde a un lLée.xa.me.n de.I.> cU.ve.1L.6 mo ye.fL.6 ~é.6, a
:tJr..a.Ve.1L.6 le. mo nde., pOWl.. lLéc.upéILe.JL le.I.> ~ncü.v~dU6
"c.lLimin~ é..6" •
- 548 -
la société à se remettre en question et à rechercher les moyens
propres à assurer sa continuité en même temps qu'à sauver l'in-
dividu, auteur du crime. T.C.N. GIBBENS (1980, p. 103) rapporte
qu'au moment où Winston Churchill était ministre de l'Intérieur,
celui-ci faisait remarquer "que la façon selon laquelle une so-
ciété traite ses criminels constitue l'indicateur le plus sensi-
ble en ce qui concerne son état de civilisation" ; propos qui
sont susceptibles de faire profondément écho dans l'âme de ceux
qui proposent aujourd'hui l'humanisation du traitement réservé
aux criminels. C'est aussi dans cette ligne de pensée qu'il con-
vient de situer le mot d'ordre du grand criminaliste suédois
Karl Schlyter, à savoir : "dépeuplons les prisons" (cf M. Ancel,
op. cit, p. 32).
Il ne s'agit pas, en fait, de féliciter, de
glorifier le criminel ainsi qu'on pourrait le penser. L'humani-
sation des peines veut dire, dans la conception de ceux qui la
proposent au titre d'une politique criminelle, prévenir la délin-
quance et récupérer le délinquant, "dans un contexte d'harmonisa-
tion sociale
. .. " . En bref, "la stratégie vraiment préventive
est une stratégie de changement social continuel" ainsi que l'é-
crivent
L.
Walgrave et
F. de
Cauter (op. cit, p. 48).
Mais, que veut signifier prévenir le crlme, traiter le
délinquant? Il semble que les criminologues n'entendent pas tous
de la même oreille ces notions ou qu'ils ne leur donnent pas tous
le même contenu.
-
549
-
On peut dire que "prévenir le crime", c'est dresser,
ériger des obstacles qui empêchent son apparition dans le cours
normal de la vie d'une société. Compte tenu de l'inévitable ap-
parition du crime kf E. Durkheim, 1947, p. 70), des dispositions
pratiques sont prises qui s'inscrivent dans une politique
crimi-
nelle générale modeste dont le but ultime est la paix sociale.
Modeste car lasse de vouloir l'éradication du crime, la société
recherche maintenant les voies et moyens qui lui permettront
d'en éviter le débordement. C'est dans ce sens que doit s'orga-
niser toute politique préventive ainsi que le fait remarquer
Yves Brillon (1974, p. 8). "La politique de prévention, en matiè-
re criminelle, écrit-il, a pour objectif fondamental de contenir
dans les limites les plus étroites possibles la commission des
infractions". Le problème est alors de savoir comment procéder,
car la notion de prévention en elle-même n'est pas aussi claire
qu'on le croit dans le milieu des criminologues (cf V. Peyre,
1986, p. 9). On peut arriver à "contenir dans des limites les
plus étrCilites possibles la commission des infractions" de diver-
ses manières : soit par des mesures d'ordre pénal, soit par
l'ae roissement du dispositif policier, pour ne citer que ces
deux obstacles. Tout dépend de la population à laquelle on appli-
que ces mesures et du volume de crimes que la société considérée
est à même de tolérer. Mais, le problème majeur, là où le concept
-
550
-
de prévention perd sa pertinence, demeure l'étendue du champ
d'application de la prévention en matière d'infraction. L'esprit
cartésien commande de distinguer le général et le particulier.
Ainsi un fait ou un phénomène peut être considéré suivant un an-
gle plus grand ou plus petit. Il n'apparaîtra pas à l'observa-
teur de la même façon. Les criminologues ne procèdent pas autre-
ment quand ils distinguent la prévention générale et la préven-
tion spéciale du crime. Mais là où réside la difficulté, est que
chacune des deux modalités d'action reçoit des contenus diffé-
rents suivant les auteurs.
Celle-c~ désigne, selon Yves Brillon, le premier ni-
veau de la politique préventive (cf Y. Brillon, 1974, p. 8) et
concerne la population générale. Aussi, englobe-t-œlle tous les
domaines d'activités humaines dont l'économie, l'éducation, la
famille, la société, etc. Il s'agit en quelque sorte de circons-
crire le vaste champ de l'existence individuelle, collective et
sociale par des actions qui interdisent la commission des infrac-
tions ou qui en
éloignent les individus.
La prévention générale
du crime prend ici une signification très large et désigne aussi
la "pré\\ention sociale" au sens où l'entend Denis Szabo (1978,
p.
241). "On admet communément, écrit-il, que sans les mesures
sociales appropriées, il n'y a pas de prévention qui tienne". La
prévention générale désigne, pour cet auteur, l'ensemble des dis-
-
551
-
positions d'ordre social y compris les mesures pénales, conçues
pour endiguer la criminalité. C'est aussi dans ce sens que
Pinatel emploie le même concept ~f Y. Brillon, op. cit, p. 18).
Le point de vue de E. Yamarellos et G. Kellens paraît différent.
"Le problème de la "prévention générale", notent-ils, consiste
dans la nature et l'étendue de l'effet d'intimidation que la loi
pénale, par son existence même et son application, exerce sur le
grand publicCcf E. Yamarellos et G. Kellens, 1970, p. 105 ; R.
Hood et R. Spark, 1970, p. 172). Les travaux sur le caractère
dissuasif des sanctions pénales sont aujourd'hui assez nombreux
et assez bien connus pour qu'on ne s'y apésantisse pas.
A se
tenir à l'effet d'intimidation sur le volume des infractions,
on peut raisonnablement désespérer de l'efficacité des sanctions.
Celles-ci n'ont jamais fait toutes seules baisser la criminalité
réelle dans un pays. Nous y reviendrons un peu plus loin. Les
criminologues ne manquent pas d'imagination. Aussi adjoignent-
ils au concept prévention des épithètes "primaires", "secondaires"
et "tertiaires" pour marquer les différents niveaux où devra
s'exercer l'action de la société de façon à contenir plus effica-
cement l'antisocialité dans des limites tolérables. Grâce à des
mesures judicieusement prises pour éviter à la majorité des con-
- 552 -
citoyens de commettre des infractions (prévention primaire),
pour dépister plus précocement les personnes en passe de sombrer
dans la délinquance et les traiter (prévention secondaire) ou
enfin pour traiter les criminels et les délinquants dont les ac-
tivités anti-sociales
incessantes représentent un danger pour la
collectivité (prévention tertiaire), l'on pense initier des ap-
proches circonstanciées de la prévention du crime. En réalité,
dans la pratique, ces distinctions se ramènent à la prévention
générale. Aussi, pour ne pas retomber dans des difficultés rela-
tives à des classifications subtiles mais pas toujours claires
ni opérationnelles, la commission de Maires sur la sécurité
~f Rapport au Premier Ministre, 1983) distingue-t-elle deux ty-
pes de préventions :
"Le premier type, écrit-elle, concerne la définition
des politiques globales en matière de logement, d'éducation, de
famille, de répartition du revenu national, etc.
Le second est destiné plus particulièrement à empêcher
un individu de passer à la délinquance.
Il s'exerce évidemment
dans le cadre du premier, mais son objet est plus précis. Il
prend notamment en compte la réalité de la ville ou du quartier".
Cette distinction, remarque la commission,permet d~ situer la
responsabilité de l'Etat par rapport à celles des autres institu-
tions qui oeuvrent aussi dans le domaine de la prévention.
':"
55:; -
Cette approche pragmatique qui énumère les éléments
susceptibles d'entrer dans la définition d'une politique préven-
tive des crimes et délits, suggère en même temps les actions à
entreprendre (construction de clubs, aménagement d'activités
sportives, etc), dans l'environnement pour éviter à la société
le débordement. Mais que faire des individus "criminalisés" ?
La répression paraît-être le remède conseillé, ainsi que l'indi-
que le titre évocateur du rapport présenté par la commission au
premier ministre (op. cit.). Un élément important manque dans
cette approche : la prise en considération de la loi en tant
qu'élément de prévention. En effet, bien que l'idée de répres-
sion soit subséquente à la prohibition jetée sur certains actes,
l'intériorisation des prescriptions d'ordre pénal peut créer en
elles-mêmes une inhibition chez des individus en dehors de
l'exemplarité des peines. Par ailleurs, la répression ne peut
être un remède efficace contre certains crimes ainsi que le fait
remarquer Andenaes dont R. Hood et R. Sparks rapportent les ob-
servations : "Les méfaits typiquement" impulsifs", ou commis
sous le coup d'une violente émotion ou d'une déficience mentale
- beaucoup de meurtres, de voies de fait, de délits sexuels -,
seront très probablement moins sensibles à la dissuasion que les
méfaits prémédités et les atteintes délibérées à la propriété
~f R. Hood et R. Sparks, op. cit, p. 173). Une répression aveu-
gle, dans ces conditions, a toutes les chances sinon
d'aggraver
les difficultés psychologiques de l'auteur d'infractions, du moins
-
554 -
de n'être pas efficace. Une politique de prévention générale
devra donc comporter aussi une dimension individuelle. Il ne
s'agira plus alors d'une politique qui cherche à défendre uni-
quement l'intérêt de la collectivité mais aussi à protéger et
à récupérer le criminel ou le délinquant. "Tout le monde sai t
aujourd'hui, note Noêl Mailloux, que la récidive à plus ou moins
brève échéance est quasi inévitable pour le criminel qu'on n'a
pas pris le temps d'aider à modifier des attitudes envofitantes,
devenues parties intégrantes de sa structure caractérielle.
"Une peine de prison ne l'incitera le plus souvent qu'à plus
prudemment contrôler et dissimuler ses habitudes d'agir"
(cf. N. Mailloux,1984
p.
13)
mais
non
à
les
suppri-
mer. Sans discernement, la répression conduit au résultat con-
traire à celui qu '·on en attend. La prévention générale ne peut
aboutir que si simultanément s'exerce une prévention spéciale et
individuelle du crime.
Celle-ci, "au sens large, s'étend à la recherche ou à
l'amélioration des méthodes de détection, d'identification,
d'arrestation et de détention des criminels"(c[ Yves Brillon,
op. cit, p. 21). En plus d'être un
anti-social,
le criminel appa-
raît aussi un a-social. Le groupe resserre ses rangs, se solida-
rise pour l'expulser de la société. Pour ce faire, un ensemble
de moyens humains et matériels s'avère nécessaire. Dans son aspect
- 555 -
concret, la prévention spéciale se limite aux différentes ac-
tions entreprises au sein d'une collectivité pour repérer les
criminels et les délinquants puis empêcher qu'ils ne récidivœnt.
La volonté d'insuffler un peu plus d'humanisme dans le traite-
ment des hors-la loi peut sembler manifeste dans les objectifs
poursuivis par la prévention spéciale. Empêcher que les auteurs
d'infractions
ne persévèrent dans leurs comportements antisociaux,
c'est les mettre dans des conditions qui leur évitent la rechu-
te. A ce propos, toutes les législations des sociétés modernes
paraîssent avoir accompli des progrès énormes. Malheureusement,
si sur le plan psychologique l'intention peut valoir l'acte, il
n'en est pas toujours ainsi sur le plan de la pratique pénologi-
que. Les progrès accomplis par les législations ne se traduisent
pas toujours dans la pratique pénale. Mieux encore, l'applica-
tion des textes législatifs ne suit pas automatiquement la déci-
sion d'humaniser la justice. L'évolution générale de la société
et la législation en vigueur (suivant que celle-ci est importée
ou non) tiennent une partie importante dans le succès de la poli-
tique d'humanisation.
En ce qui concerne l'évolution générale de la société,
il y a lieu de noter le progrès réalisé dans le traitement des
criminels à partir de la contribution de la criminologie. ~Nous
avons fait une révolution et nous avons bien fait car nos moeurs
étaient en arrière de nos lumières",disait un partisan de la
-
556 -
Révolution Française de 1789. Observation qui s'applique aussi
bien à la société quant à sa manière de concevoir le sort du
délinquant et du criminel en son sein. En effet, il suffit de
rappeler, dans l'histoire de l'humanité
le traitement réservé
aux auteurs d'infractions graves à la législation pénale, pour
mesurer le chemin parcouru par les hommes dans le sens d'une jus-
tice plus humaine et des peines plus raisonnables. L'histoire
du procès aux cadavres en constitue un exemple. L'antiquité of-
fre de nombreux cas où l'individu-criminel même mort, subissait
le procès des vivants. Il ne semble pas qu'il y ait eu de peu-
ples qui ne connaissent cette "impérieuse" nécessité de juger
leurs morts. Même lorsque cette pratique venait à être abandon-
née momentanément comme sous la République et aux premiers temps
de l'Empire chez les Romains, elle était vite rétablie, car elle
correspondait à la mentalité des individus et surtout à leur re-
présentation de la justice. D. Yousse dont les travaux remon-
taient à une époque plus récente et dont José M. Rico rapporte
les propos, définissait en ces termes la finalité de la justice:
"la punition des crimes est la fin et le but principal de l'ad-
ministration de la justice'l (cf, J. M.
Rico, 1971, p. 235). Il
appartenait donc à la société d'organiser la chasse aux criminels.
Pour dissuader les personnes qui seraient tentées de commettre le
même forfait, "les exécutions, note le même auteur, se font ordi-
nairement, non dans les prisons mais dans les places publiques et
dans les lieux les plus fréquentés, avec un appareil accompagné
- 55? -
de tout ce qui est capable d'intimider le peuple" (cf J. M. Rico,
op. cit, p. 235). Il s'agit ici de l'exemplarité des peines dont
nous avons antérieurement relevé les insuffisances, mieux, noté
les limites. Les traitements horribles et affreux réservés aux
auteurs d'infractions grayes
n'ont toujours pas fait disparaître
le crime dans les sociétés humaines. Ce qui paraît aujourd'hui
absurde, mais qui ne l'était pas à l'époque, fut l'application
des sanctions aux enfants du coupable dans le crime de Lèse-
Majesté. C'est à croire qu'en ce temps là, l'administration de
la justice tirait son essence des prescriptions bibliques. L'E-
ternel, pour punir ceux qui refusaient de se soumettre à ses
commandements menaçait de les sanctionner ainsi que leur descen-
dance(l). Si ce n'est pas toi, c'est ton cousin (sous-entendu,
vous êtres interchàngeables puisque vous procédez du Même) ; de
cette façon, le loup se sentait justifié d'attaquer l'agneau.
Dans les sociétés traditionnelles d'Afrique Noire, la mort d'un
membre d'une famille provoquée par un individu appartenant à une
(1) : (e6 Exode, c.hap.üJLe 20, VeJLAe.U 5 à 6, pu,iA VelLtéJumome, c.hap. 5, veJL-
~eX6 9 à 10 in La Sainte Bible, ~ Louih Segond, p~. 1949. Il Y ~t
éCJLi.;t : "Tu ne te pltO.6teJLn.eJLa.6 point deva.YL:t eU~ (ima.g~ :ta.LU.é~ et
talLte au.:tJr.e Jz.eplté6 enta:t.i.on du c.h0.6 ~ c.Uut~ ou teJLJz.U VLU ), et :tu
ne le.6 .6 eJLv-i.Jr..a..6 point ; c.aJL moi, Ir EteJLnel, ta n Vieu, je.6 uih un Vieu
jalOUx., qui.. pun{./.}
l'iru.quilé du pM~ .oWL lu e.n6a.nû jMqu' à. la.
Vt.o~ième et à la. qu.a.Vt.ième généJLa.:tioY1.6 de c.eux qui.. me h.a1..6.6ent, et
qui.. 6aiA. m~éJz.ic.oJz.de jMqu'en mille généJLa:t.i.oM à c.eux qui.. m'aiment et
qui.. ga.Jz.dent mu c.onma.ndemenU". VoiJ!. aM.6i JéJLé.rrlie, c.hap. 32 veJL6 et 18.
"Tu 6a.i.6 mi...6Wc.oJz.de jU/:;qu'à la.m.il.Uème généJLa.üon, et:tu p~ l'ini-
quilé du pMU d.a.n6 le .6Un de leuM en6a.~ a.p!tè..6 eux, ... etc.".
-
558 -
autre famille trouvait solution dans l'indemnisation du groupe
endeuillé: à celui-ci, le clan adverse donnait au titre de ré-
paration, un individu vivant. Bien que ces exemples puissent
donner lieu à différentes justifications, ils renseignent aussi
sur l'attitude générale des humains devant ce qui est juste:
l'harmonie du groupe et la paix avec soi-même, toute deux parti-
cipant de ce que Bergson dés igne "la morale close' I Ccf J. Praulx,
1971, p. 92) caractérisée par "un système d'obligations solidai-
res" imposant à l'individu un ajustement permanent à "l'ensemble
des moeurs, des règles et des lois de la société dont il est mem-
bre". Le passage de la justice fondée sur la "morale close" à
1
celle qui repose sur la "morale ouverte,,( ) marque l'évolution
de la société en affirmant "l'incommensurabilité de la personne
et l' affi rmation de ses droi ts inviolab les". La "morale ouverte"
s'ouvre sur un humanisme en faisant prévaloir l'influence de la
raison sur celle de l'émotion dans la conception et l'administra-
tion de la justice.
S'agissant de la législation pénale en vigueur, on
peut dire que son évolution est pendante à celle de la société.
Les peines qui sont appliquées aux auteurs d'infraction donnent
une nette mesure de cette évolution, des progrès accomplis dans
(1) : "La moJulle ouveJde" )XVt appo.6Won à la. "moJulle ci..o.6e". TancLL6 que
ceil.e-u lLé.6uLCe de .ea plteM..i.on .6Oua1.e à .ea con6oJr..mLté, ceil.e-là. ut
ptU.6 -<_ndi..v..i.dueUe et nondée .6U1!. l'a..:ttJta..U et t' a.6p..tl!.ation. EUe pa.tuÛt
ptu.6 plLop..i.ce à t 1 épanou..t.6.6 ement de t 1..i.ndi..v..i.du que ta "moJulle c1.0.6e.".
~
559
-
la recherche de solutions plus humaines au problème de la crimi-
nalité. La dénomination "Ancien Droit Français" suppose l'exis-
tence d'un "Droit Moderne Français" adapté à la société considé-
rée. Aujourd'hui, très peu nombreux sont les français qui assi-
gneront à l'administration de la justice la punition des crimes
à la fois comme fin et but principal. L'évolution des idées et
des moeurs commande que des actes qui, à des moments précis de
l'histoire des peuples, suscitaient de vives réactions ou con-
duisaient des populations, à travers l'administration de la jus-
tice, à punir sévèrement les auteurs, soient de nos jours "dé-
criminalisés". L'homosexualité n'est plus aujourd'hui considéré
avec la même répugnance que par le passé, dans les pays occiden-
taux ~f T. C. N. GIBBENS, 1980, pp. 103-119) et notamment en
Amérique du Nord. Lorsque sa pratique intéresse deux individus
majeurs et consentants, elle passe pour un acte normal qui ne
mobilise plus l'appareil policier. Ainsi en a décidé la loi
1968-1969 canadien modifiant le droit pénal
"la loi de 1968-
1969 modifiant le droit pénal canadien a apporté une modifica-
tion aux dispositions de l'article 147 du code criminel (sodomie
ou bestialité) et de l'article 149 du code criminel (actes de
grossièreté,indécence). Selon cette modification, notent les au-
teurs, "les articles
47 et 149 ne s'appliquent à aucun acte
commis dans l'intimité,
a) entre un mari et sa femme, ou
-
560
-
b) entre deux personnes, dont chacune est âgée de
21 ans ou plus, qui consentent, tous les deux, à commettre l'ac-
te" Cef E. A. Fattah et A. Normandeau, 1971, p. 184). Certains
pays mus par le progrès des idées vont jusqu'à remettre en ques-
tion la discrimination qui frappe des actes de même nature.
L'acte hétérosexuel entre des personnes âgées de 16 ans et con-
sentantes passe pour normal.
Il n'en est pas de même pour le
couple homosexuel qui doit, en plus du consentement mutuel, être
âgé de 21 ans au plus. "Au mois d'Octobre 1969, le gouvernement
néerlandais a introduit dans le Parlement un projet de loi vi-
sant à éliminer une telle discrimination et à uniformiser l'âge
du consentement pour les actes homosexuels et hétéréosexuels,
soit à 16 ans", observent EZZAT Fattah et André Normandeau. Le
droit pénal doit donc évoluer dans le sens souhaité par la popu-
lation générale si le législateur veut le voir efficace dans la
protection des biens, des personnes et de la chose publique.
Dans les pays qui vivent sous une législation d'impor-
tation, en particulier dans les Etats nouvellement indépendants
d'Afrique Noire, le problème ci-dessus se pose dans le même es-
prit sauf qu'ici, on parle beaucoup plus d'adaptation que de mo-
dification des textes de loi. Adaptation du Nouveau Droit à la
société d'accueil, mais aussi de celle-ci à celui-là. En réalité,
il s'est plutôt agi de créer une nouvelle mentalité, une société
nouvelle à partir de l'assimilation du Nouveau Droit. A ce sujet,
-
S61
-
des observations ont déjà été faites pour qu'on n'y revienne plus ici.
Ce qu'on peut relever, c'est. l'évolution des lois pénales tra-
ditionnelles dans leur application aux actes naguère sévèrement
réprimés
. Dans certaines ethnies akan de la Côte d'Ivoi re, le
dixième enfant était mis à mort dès la naissance. Aujourd'hui,
il est donné le plus souvent à une autre personne en dehors de
la famille des géniteurs sans que les donateurs soient inquiétés
de quoi que ce soit. Parfois aussi, cet enfant est tout simple-
ment abandonné, dans le contexte urbain. De même, de nombreux
sacrifices humains accomplis autrefois à l'occasion de cérémonies
jugées très importantes pour le groupe ethnique sont abandonnées
de nos jours pour de multiples raisons dont les conditions parti-
culières de l'existence en milieu urbain (dispersion des indivi-
dus à travers la v'ille, accul turations des individus, etc).
En définitive, l'humanisation èes peines renseigne sur
les progrès réalisés au plan des valeurs morales et sociales et
à celui des lois édictées par le législateur pour "protéger la
société de la désintégration, de la dégénérescence et de la dis-
solution" Cef E. A. Fattah et A. Normandeau, op. cit, p. 159).
Elle se ressent au niveau des actions concrètes entreprises, plus
précisément des institutions mises en place pour empêcher les su-
jets "criminalisés de récidiver. Mais la diversité et la variété
des facteurs qui sont à la base de la conduite criminelle néces-
sitent que s'exerce, parallèlement à une prophylaxie collective
-
562 -
du crime(l), une approche individuelle de la prévention.
Cette sorte de prévention ne s'identifie pas au trai-
tement du criminel ou du délinquant mais vise à identifier, à
détecter dans le cadre de vie de l'individu tous les éléments
criminogènes et à y apporter des solutions de façon que l'indi-
vidu ne récidive ou ne s'oriente à court ou long terme vers
l'anti-socialité.
C'est enfin une action de dépistage et de l'é-
limination précoces des facteurs criminogènes s'exerçant dans
l'espace vital de l'individu. Par rapport à la "prévention se-
condaire" dont elle se rapproche (dépistage précoce) ,mais aussi
de laquelle elle s~ distingue (absence ici de traitement du su-
jet exposé à la situation criminogène), la prévention individuel-
le se propose d'agir sur la situation criminogène elle-même de
manière à libérer l'individu, à lui éviter la chute ou la rechu-
te dans l'anti-socialité. Elle ne se confond pas non plus avec
( 7) : Selon tzzat A. Fctttah, op. c,i;t, p. 70], la. P,'tophyta.ue eJUmi.neUe en-
gtobe qu~e type~ de ~évention : P~évention ~péciale, P~évention po-
ticiè~e, P~évention Gên~e et P~éve~on eommuna~e ; ~tinct~on
dont on ne voU peu :tJtè~ bien ta peJL.t,{.nenee. L' auteWt qui énumMe tu
damainu c.ouvvz.:.tl, paJt ta eJ'....i.rn.i.no.togie., p~oba.b.teme.nt pa/.. ~ouu d'éc.oY'LO-
mie, ne donne aueune indieation ni ~M te eontenu ni ~M tu timitu
du typu airt6i ~tinguu. La p~évention potiuMe et ta. ~évenüon
eommuna.u:ta.iJte eort6tituent, da~ ta. eatégo!liA.ilion du amort6 de dé-
6eY16 e ~ouate 6aile pM Yvu 13Jr..,LU.on, deux ILUbtiquu de ee que ee d~
ni~ auteuJ!. duigne paJL te teJune de "P~évention Gén~e. !e6 Actu du
IVe Cottoque de Ctiminotogie CompaJLée d'A6~ue Oeudentaie, op. eit,
p. 79-20). On a eneo~e iu une ~eu.ve de ta. vo.M.Ué de ta. eatégowa-
tion du modatitu d' amo~ dont il a été quution p~ haut.
-
563 -
la prévention générale dont les objectifs exposés précédemment,
apparaîssent plus vastes, englobant toutes les actions suscepti-
bles d'annihiler le crime dans la cité. L'approche d'ordre indi-
viduel de la prévention s'apparente par contre à la prévention
d'ordre clinique(l). Elle s'en sépare par l'accent tout particu-
lier qui est ici mis sur les facteurs crim]nogènes auxquels se
trouve exposé l'individu. Suivant Jean Pinatel cité par Yves
Brillon, "la société, vis-à-vis de ses membres, a une double
responsabilités : celle de protéger tous les citoyens contre
les éléments dangereux et celle de dépister les individus-
problèmes afin de les aider eux-mêmes à se libérer de leurs dé-
terminismes et à accéder à une liberté authentique" (cf Yves
Brillon, op. cit, p. 20). La dimension individuelle de la pré-
vention peut se résumer dans une formule similaire sinon proche:
la société, vis-à-vis de ses membres, a une double responsabili-
tés : celle de protéger tous les citoyens contre les éléments
dangereux et celle de dépister les situations-problèmes afin de
les assainir de façon que l'individu ou les individus qui s'en
trouvent exposés ne deviennent des délinquants ou des criminels.
( 7J : Suivan-t R. Hood et R. SpCVlk..h, "La pIl.ével1-f--i.nn i..ndi..vi..dueUe." .6e. h..é6wne
à tnav~ te.6 ~e~h~che.6 e66ectuée.6 en ~e domai..ne, en une ~évention
de.6 Itéucüv~~. l~6. La délinquan~e, op. W, p. 772). Le .6en.6 que nOM
donnon.6 i..u à ~e;t:te amon .6e veut poo .taAge. It ne .6~v..i.Jw..,i;t à -'Uen
de .6' éveJt;tu~ è4. Itééduqu~ un dW-nquan-t daM un env.vz.onnemen-t C/lim.i..no-
gène. L'action Itééducati..ve doit .6'a~~ompagn~ d'une action ~ative
.6U1t te mi.Li.eu .6i.. ~etui..-u e.6:t déjà cJU.minogè.ne., ~éveYLÜ.ve .6' i l ne
t ' e6:t pa6 en~olte.
-
56-l
-
Il s'agit d'intervention active sur les facteurs criminogènes
avant que ceux-ci ne commencent à prendre une part active dans
la structuration de la personnalité de l'individu. En effet, la
personnalité, à en croire l'Ecole de Criminologie Clinique de
Lyon, se crée à partir d'un système inter-relationnel et prend
sa consistance à travers le regard de l'interlocuteur (cf. J.
HOC~~NN, 1968). Certes c'est dans son expression qu'une person-
nalité révèle l'influence des facteurs mésologiques
qui ont con-
tribué à sa structuration. Les connaissances acquises sur l'exis-
tence de ces milieux peuvent aider à les repérer systématiquement
pour ensuite organiser leur assainissement plutôt que d'attendre
que se développe l'inadaptation sociale de l'individu avant d'in-
tervenir. En d'autres mots, dans la "relation dialogante" entre
l'individu et son milieu, il y a lieu de porter plus particuliè-
rement et précocement l'attention sur la nature et la qualité du
cadre de vie (alcoolisme, toxicomanie, etc) du sujet car, "commf:
Lewin
l'a montré, le comportement de l'homme dans son espace de
vie ne peut se comprendre sans référence au champ de forces qui
représente l'ensemble des valeurs que chacun attache à tel ou
tel aspect de l'environnement" ~f C. Levy-Loboyer, 1980, p. 17).
La prévention d'ordre individuel du crime gagnera nettement en
efficacité si le point de chute ou de reC:lute (pour le délinquant
sortant d'une rééducation) de l'individu dans la société est
pris en compte dans une action collective qui vise à l'améliora-
tion de la quali té de l'existence du corps social dans son ensemble.
-
565
-
Résumons
Prévenir le crime en
- édictant des lois au~quelles to~s les citoyens d'une
nation doivent se conformer,
- infligeant des peines dont l'exemplarité doit dé-
courager d'éventuels auteurs d'infraction à la loi,
- s'efforçant de réduire le taux de chômage dans le
pays (le travail étant perçu comme une alternative à la délin-
quance !),
- améliorant les méthodes et techniques de détection
des auteurs d'infractions,
éradiquant précocement les facLeurs criminogènes du
milieu pour enfin présenter un cadre de vie aseptisé à l'indivi-
du.
Tels paraissent être les objectifs de la défense socia-
le. L'existence de personnes déjà engagées dans la criminalité
et rebelles aux mesures énumérées ci-dessus, conduit la société
à envisager d'autres modalités d'action parmi lesquelles le trai-
tement.
La notion de traitement évoque celle de maladie. En
effet, l'observation que, parmi les auteurs de crime et délit,
-
566
-
figurent des personnes dont l'état de santé mentale nécessite
des soins médicaux ou para-médicaux a amené nombre d'individus
à croire que la plupart des récidivistes ou des auteurs de cri-
mes crapuleux étaient des malades. En fait, c'était la justifi-
cation du comportement antisocial qui posait problème. Il fal·
lait parvenir à tout prix à une explication rationnelle de ce
comportement. Aussi s' explique-t-il que Il certains auteurs ont voulu
voir dans la personnalité anormale ou les maladies mentales, une
explication générale de la criminalité", observent E. Yamarellis
et G. Kellens (op. cit, p. 129). A partir de l~analogie qui est
faite avec la médecine où l'intervention se fonde sur des con~
naissances dites scientifiques, on a aussi pensé que l'entrée
fréquente en infraction considérée alors comme une maladie, jus-
tifiait une approche similaire et ce, d'autant plus que l'étude
de la personnalité du délinquant et "l'ensemble des conditions
sociales qui l'ont vu devenir criminel" (cf E. H. Sutherlaùd et
col~ op. cit, p. 325) autorisaient ce rapprochement.
Le traitement, en tant que notion, ne paraît pas expli-
citement présenté en criminologie(l). Il semble seulement fondé
(1) : Elle ~e dédLUt de i.a ptLa..t{.que de i.a politique généltale de dé6eMe McA..a.-
.te. On peta vo-ilt à. c.e pJtopOl>, .tM oJL.i.enta.ü.oM mUhodo.togiquM in.iiléu
pM .tM deux ptUncipaux modè1.u pJté-6eYi-tu pall. .te PJr.06M~eWl Ve~ SZABO
daY16 : "CJr.imino.togie l>ocio.ecg.ique et Modè.tu en Vélinquo..nc.e et Ina.d.ap:ta.-
tion Juvénilu", COWll> IYi-teJLna.ti.onai. de ClUmino.togie l;Wl RellheJr.c.he Scien-
ti6ique en délinquanc.e et IYla..d.a.p.t:a-t.i.on juvénilM, Pau Bayonn.e - San
Séb~tian - 5-12 Mai 1976, SouUé IYi-teJr.na.ti..onai.e de ClUminologie.
- 567 -
sur le constat que certains individus ne respectent pas la loi
dans leur conduite quotidienne et ce, malgré les dispositions
prises (police, peines, etc) pour les dissuader. Ces individus
là, pense-t-on, ne sont pas "normaux" au sens statistique du
terme et ont, par conséquent, besoin d'être remis sur la bonne
voie, celle qui est suivie par la majorité. Aussi la contrainte
apparaît-elle à nombre de personnes comme étant le remède appro-
prié qui "guérisse" définitivement les individus atteints de la
maladie identifiée ici à l'entrée fréquente en infraction. Le
traitement se résume alors en action coercitive traduite judi-
cieusement par le mot "correction" qu'il convient d'exercer sur
le délinquant pour l'amener à s'amender, tant il est vrai que
l'hostilité est une des réactions admises contre la criminalité,
"et qui" souligne la nécessité de faire souffrir le criminel"
~f E. H. Sutherland et col, op. cit, p. 325). On croirait qu'en
faisant souffrir au maximum l'auteur d'infractions, la société
se soulage d'une émotion; ce qui est contraire à l'esprit et à
la sérénité qui doivent présider à un traitement.
L'évolution des idées et l'humanisation des peines dont
il a été question précédemment ont eu des effets bénéfiques sur
le sort réservé au délinquant. Jusqu'au dernier siècle, il n'était
pas envisageable de considérer autrement le criminel que comme un
individu dangereux tout juste bon pour les galères, la réléga-
-
568
-
tion (1 ) et autres activités pénibles ou, plus traditionnelle-
ment, CQmme une personne qu'attendent l'échaffaud, le bannisse-
ment ou toute autre forme d'exclusion sociale. En préconisant
que la lutte contre le crime s'organise de la même manière que
celle que l'on livre contre tout autre phénomène naturel, l'éco-
le italienne de criminologie reprend, sous une autre forme,
l'idée de Durkheim d'après laquelle les faits sociaux devaient
être traités comme des choses kf E. Durkheim, 1947). Malgré les
réserves qu'on peut émettre quant à sa recherche d'une "explica-
tion mécanique à la criminalité ~f E. H. Sutherland et col~ op.
cit, p. 328), son influence sur le changement de perspective en
matière de traitement des délinquants est un fait reconnu par les
les criminologues modernes. L'attention plus humaine portée sur
les auteurs d'infractions
au code pénal et, par conséquent, sur
les actions à entreprendre pour récupérer" le criminel, s'ins-
crit dans la logique des criminologues italiens qui prêchent,
avant tout, l'étude et la compréhension de l'individu "crimina-
lisé" pour enfin pouvoir mieux l'aider à se réinsérer dans la so-
ciété. On peut rattacher l'évolution de certaines mesures pénales
à ce courant de pensée.
Le cas de la relégation parmi tant d'au-.
tres renseigne sur le chemin parcouru. "Conçu au départ comme
----------------------~------~
[1) : Ce1i.e-u c.oMi.6te, I.lelon E. Ya.mevz.e.UO.6 et G. Ke..e..e.eM, "en un .6éjoWt 6oIL-
c.é, li l' exp-Uta;tion de leWt peine plLinc.ipai.e, a.u.:tJr.e6oi.6 daM une pO.6.6 U-
.6..i.on d' ou:tJte-me.JL, fu Guyane, ac.tue.Uement daM un Uab.U...Meme1l.t pénlien-
-ti..MJLe .6 péc.iali.6é de la MUlLopole ", op. e...tt, p. 153.
-
569 -
une pure mesure éliminatoire, la relégation est àevenue, graduel-
lement, une mesure de traitement, orientée vers le reclassement
des condamnés: une organisation pénitentiaire complexe compre-
nant notamment des centres d'observation, des centres péniten-
tiaires
(Saint-Martin-de-Ré et Mauzac), des centres de sémi-
liberté préparant la libération conditionnelle - permet une cer-
taine individualisation de la relégation et semble donner
d'heureux résultats pratiques.", notent E. Yamarellos et G.
Kellens (op. cit, p. 154), en ce qui concerne la France. La no-
tion de traitement semble se substituer à celle de correction.
Il ne s'agit plus d'indiquer le droit chemin à suivre sous la
menace de la souffrance, mais d'organiser la vie du condamné
autour d'activités socialement valorisées et de l'aider à acqué-
rir des automatismes comportementaux socialement désirables ou
agréés, en le maintenant dans un espace contrôlé (prison, centre
d'observation, etc) pendant une période déterminée. L'idée de
compréhension et d'aide devient un principe d'action qui s'impo-
se de plus en plus à tous ceux qui se préoccupent du devenir du
délinquant ou du criminel. Sociologues et psychiatres s'accordent
pour reconnaître les premiers, que la vengeance s'oppose à la
justice et que c'est un devoir primordial pour la société de pren-
dre en soin tous ~es membres au risque de sombrer dans la barba-
rie ou la déchéance; les seconds, qu'il existe une étroite rela-
tion entre la qualité de la vie atteinte par une société et les
soins que celle-ci assure à chacun de ses membres ~f N. Mailloux,
-
5:-0 -
1984» p. 18, 19). Mais il n'est pas concevable que la qualité
de la vie à l'intérieur d'une prison soit nettement meilleure
que celle que connaît la société en général, pensaient certains
participants au Ille Colloque de Criminologie Comparée d'Afrique
Occidentale tenu à Abidjan en Mai 1973.
Devenir criminel ou pas est une éventualité qui est
proche de tout individu vivant en société. En estimant à
40 000 le nombre d'infractions dont un citoyen kf N. Mailloux,
op. cit, p. 16) peut être éventuellement auteur, la commission
de Réforme du Droit du Canada montre, sans le préciser, que tout
canadien a une forte probabilité de se retrouver, d'un jour à
l'autre, derrière les barreaux.
Dans cette mesure (non pas seulement en ce qui concer-
ne les canadiens, mais toutes les sociétés en général) où tout
individu se présente comme un criminel potentiel, le traitement
devra prendre un visage davantage humain. Etant donné que d'un
jour à l'autre toute personne peut affronter la justice, il y a
lieu que ceux qui élaborent la loi ou qui disent le droit obser-
vent une grande prudence, aient le sens de la mesure, car les
traitements qu'ils préconisent peuvent aussi leur être appliqués.
C'est probablement pour cette raison que d::1S les sociétés afri-
caines anciennes on préparait le retournement des choses en jau-
geant» "proportionnant"
la sanction à la capaci té de répondre des
\\
-
571
-
clans en confli t (1). Bref, ce rapprochement n'est pas fait pour
assimiler les deux situation, mais uniquement pour insister sur
la nécessité d'un traitement à travers lequel tout individu re-
trouve une mesure humaine.
Les réactions "punitive" et "curative" marquent deux
étapes chronologiques dans la conception du traitement réservé
aux auteurs d'infractions. La prévalence de l'une sur l'autre
caractérise le stade d'évolution d'une société et donne la mesu-
re du chemin parcouru dans le sens de l'humanisation du ~raite-
ment, d'une justice sereine, à l'abri de toute impulsion émotive.
Dan les sociétés traditionnelles africaines et singu-
lièrement en Côte d'Ivoire, le traitement historiquement appli-
qué à l'auteur d'infraction vise beaucoup plus au rétablissement
de l'ordre social qu'à la récupération de l'individu. En effet,
à travers le comportement délinquant ou crimin~l, s'accomplit la
volonté des invisibles. Contre celle-ci le corps social ne peut
rien sinon que de s'efforcer de se la concilier en mettant tout
à l'oeuvre. La preuve en est fournie par l'attitude de certains
(1) : Cette ob~e~vation ~'ap~ente au p~incipe de ta vende~~ 60ndé ~~t l'é-
quilibJte du 6oJtc.u e.n:tJLe deux gJtOUpeL>. JI Le gJtoupe qu Î a peJtciu. un hortrrle,
note H. F. EUenb eJtg Vr., el> t a66aibli d'autant et i l l0.. ~ emble na:twr.el
d'a66aibUA, en JtetoUJr., le gJtoupe o66e~eUJr.. C' e6t la ~on poUJr. la-
quelle on ne 6ait ,rJ{t6 de cLiAünc:ti.on entJte homicide. volontaiJte et homi-
cide -i..nvolontai.Jt.e" (c6 f-f. F. EUenbeJLgeJt : "La Vende.ttaéJ iui Rev. InteJtn.
de CJt-i..minologie et de Polic.eTechnique vol. XXXIV nO 2, 1981,
Avhll-Juln, p. 129..
- 572 -
parents qui voient dans la conduite délinquante de leur enfant
l'expression de forces surnaturelles. Dans ces conditions, l'in-
dividu n'est pour rien dans ce qui lui arrive. Il n'est qu'un
véhicule, qu'un lieu d'expression d'une volonté extérieure à sa
personne. Parler de récupérer l'individu paraît un non-sens;
c'est s'opposer à la volonté des ancêtres, des dieux. Le réta-
blissement de l'ordre social passe par la conciliation avec les
forces en oeuvre à travers des sacrifices propitiatoires. L'in-
dividu "criminalisé" ne peut retrouver son équilibre, sa liberté
qu'à ce prix. L'histoire qui suit illustre la conduite de nom-
bre de citadins africains. Un ami neuro-psychiatre nous adresse,
pour examen psychologique, un jeune homme âgé d'une vingtaine
d'années. Celui-ci avait, d'après son père qui l'accompagnait à
notre consultation~ des comportement absurdes puis chapardait.
Récemment, racontait le père, son fils fut pris en flagrant délit
au Port d'Abidjan en train de proposer l'achat à d'autres indivi-
dus des montres-bracelets arrachées au poignet des personnes qui
se trouvaient sur le quai et à qui il s'était présenté en tant
qu'agent de douane. Conduit au poste de police et interrogé sur
les raisons de son comportement, le jeune ne sut que répondre.
Convoqué par la police, le père explique que la bizarrerie de la
conduite de son fils remontait à un
mauvais traitement reçu par
ce dernier pendant l'enfance. En effet, pour aider à une forma-
tion intellectuelle solide et rapide de son fils, il l'envoya, au
lendemain de l'indépendance politique de la Côte d'Ivoire, dans
- Sï3 -
un Etat voisin où se trouvait encore en fonction dans le cadre
de l'A.C.r. l'oncle paten1el
du jeune garçon. L'enfant était alors
âgé de sept ans. Un jour sa tutrice, épouse de l'oncle paternel,
l'aurait battu en se servant d'un balai. Depuis ce jour, l'en-
fant serait devenu bizarre et commettrait par moments de petits
vols qu'il n'arriverait pas lui-même à s'expliquer. Pour le père
qui s'adressait à nous, le fils n'est rien dans ce qui lui arri-
ve. Il s'agit d'une force maléfique qui s'est introduite en
l'enfant et aux ordres de laqqelle ce dernier obéit. Dans la
tradition du groupe culturel auquel ils appartiennent, lui, le
fils et l'oncle (la tutrice étant européenne), on ne se sert
jamais d'un balai pour battre une personne. Tous les soins tra-
ditionnels appliqués au fils jusque-là n'ont pas réussi à le
guérir ; raison pour laquelle le père sollicite le concours de
la médecine moderne. A l'entretien, le père nous parut mal à
l'aise, assez gêné par la conduite délinquante persistante de
son fils. Il ne sembla cependant pas prêt à reconnaître sa res-
ponsabilité dans la genèse des troubles de comportement du fils.
Ce qui le préoccupait fut cette force maléfique qui s'est intro-
duite dans la personne de son enfant et qui est en passe de faire
le déshonneur de la famille. Le traitement recherché vise moins
Je bonheur en soi du fils que la promotion sociale de la famille
et la paix au sein de celle-ci. Quant à l'examen psychologique,
il nous révéla une importante carence affective à la base de la
conduite délinquante du jeune; le vol étant le seul moyen qui
-
574 -
puisse (temporairement) réunir à ses c6tés les parents, notam-
ment le père, dont l'affection lui avait manqué.
Il serait inexact de penser que la justification
magico-religieuse du délit ou du crime, aussi fréquente qu'elle
soit dans les cités africaines, demeure le principal sort réser-
vé aux auteurs d'infractions. Les réactions des populations sont
généralement d'ordre punitif, qu'il s'agisse du milieu urbain
ou du monde rural. Les crimes et délits contre les biens et con-
tre les personnes suscitent de fortes réactions émotives qui se
traduisent en des punitions estimées exemplaires par les popula-
tions. En Ouganda, rapporte Yves Brillon (1980, p. 1987), la
mott attend tout voleur qui se fait prendre.
Dans une enquê-
te effectuée à Abidjan en 1974, le même auteur observe la pro-
pension des abidjanais au ~ynchage et à l'élimination physique
des voleurs pris sur le fait.
Plus récemment, G. UBASSE Bénoit,
étudiant les attitudes et comportements de la population d'un
grand quartier d'Abidjan à l'égard des délinquants pris en fla-
grant délit, rapportait, les propos suivants qu'il a recueillis
auprès des personnes rencontrées : "Lorsque nous prenons un vo-
leur la nuit, deux pratiques à exercer sur celui-ci nous sont
offertes: soit on purge le voleur avec de l'acide(l) soit on
plante une .ùngue pointe" "14" dans son cr§ne, et on lui demande
-------------------------_._~-----
(1)
: Il ~'agit de l'acide po~ battehie.
- 575 -
de s'en aller. Et il est clair que le délinquant n'aura que dix
mètres au maximum à parcourir et il tombe" (cf G. Bbassé Benoit,
op. cit, p. 58). "C'est ce qui explique très souvent, à notre
avis, ajoute l'auteur, la découverte de certains cadavres sur
les bords des routes à Abobol!. Nous avons signalé, au Chapitre
II, les expéditions punitives qui règlaient définitivement le
sort du voleur qui se faisait
prendre par ses victimes. Dans la
plupart des arrondissements baignés par la mer ou par la lagune,
les habitants n'éprouvent guère grand-peine à noyer simplement
le délinquant après l'avoir ligoté. Le cri "au voleur! au vo'"
leur !" poussé à l'adresse d'une personne peut être fatale à
celle-ci dans la ville d'Abidjan surtout si c'est la nuit. En
effet, ce cri est une alerte qui mobilise les résidents des en-
virons, tout passant, contre le "voleur". Une fois rattrapé,
l'individu est sérieusement battu, très souvent à mort. L'histoi-
re ci-après montre combien ce cri est dangereux aussi bien pour
celui qui en prend l'initiative que pour la personne à l'adresse
de laqu~lle il est poussé. Une nuit à Yopougon, nous confia un
informateur, un résident s'était mis à pourchasser des malfai-
teurs au cri de "au voleur! au voleur !" Aussitôt des habitants
commencèrent à sortir de leur maison pour aider à capturer les
voleurs. Soudain, ces derniers s'arrêt0rent et revinrent sur
leurs pas en brandissant des armes; ce qui fit rebrousser chemin
à la victime. Ils en profitèrent pour crier à leur tour "au vo-
leur !" Finalement ce fut la victime qui succomba aux coups portés
-
576
-
par ceux qui venaient à sa rescousse. Dans la précipitation et
dans l'obscurité, personne ne pouvait s'apercevoir du subterfuge
des vrais voleurs qui avaient d'ailleurs vite fait de prendre le
large. Pour l'immense majorité des populations africaines des
villes comme des campagnes, le traitement du délinquant ou du
criminel se résume, à travers les observations ci-dessus, en des
réactions soit propitiatoires soit essentiellement punitives.
C'est, dans tous les cas, la permanence d'un ordre social qui
est défendue, la continuité de la société qui est vi~e.
On peut se demander si les attitudes décrites ci-dessus
sont également celles du législateur ivoirien en particulier,
africain en général, à l'égard du criminel ou du délinquant.
L'entrée des nouveaux Etats dans le concert des nations s'est
aussi accompagnée de création de structures (politiques, économi-
ques, etc) diverses nécessaires à leur fonctionnement. Au nombre
de ces structures figurent celles relatives à la prévention du
crime et du traitement des auteurs d'infractions
au code pénal.
Précédemment, nous avons vu que l'urgence de la relève du pays
colonisateur a amené la quasi totalité des nouveaux Etats indé-
pendants à reconduire nombre d'institutions coloniales dont le
droit pénal en particulier, pour ne pas qulil y eOt une trop
grande et brusque rupture entre le passé et le présent. La "na-
tionalisation" du droit européen n'a pas été sans ses structures
d'accompagnement. En d'autres tennes, le Droit Pénal d'origine étrangère
- 57ï -
ne pouvait fonctionner qu'avec les structures (tribunaux, pri-
sons, etc) qui lui sont propres ou indispensables. Théorique-
ment donc, la conduite générale de la population à l'égard des
criminels et des délinquants diffère de celle du législateur à
travers les organismes de défense sociale mis en place. Les
réactions sociales informelles au crime, dans les Etats afri-
cains et singulièrement en Côte d'Ivoire, ne correspondent pas
nécessairement à celles que devraient susciter les structures
créées ou importées pour "gérer" l'anti-socialité.
II -
LES STRUCTURES DE PREVENTION ET DE TRAITEMENT
Par structure il faut entendre les moyens mis en oeu-
vre par la société" pour empêcher la commission des crimes et dé-
lits et pour "guérir" les individus connus et appréhendés qui
font de la criminalité une activité régulière. Nous examinerons
les barrières et ensuite la manière dont les personnes "crimina-
lisées" sont traitées.
L'une des meilleures façons pOUT un groupement humain
organisé, une société donnée, de veiller au respect des règles
relatives aux échanges de biens et de services est d'organiser
la surveillance de celles-ci. Dans la mesure où le regard d'au-
-
578
-
trui modifie, influence le comportement de l'individu, la pré-
sence de surveillants dans le champ d'action de celui qui, con-
naissent les règles du jeu social cherche à les contourner, peut
empêcher la conduite interdite. Dans les sociétés modernes,
cette surveillance est institutionalisée et confiée à des per~
sonnes ou à des organismes, Nous verrons donc successivement ici
les contributions respectives de la police, de la gendarmerie,
des tribunaux ainsi que celles de quelques organismes à la défen-
se de la société et des individus, à travers des actions conti-
nues ou circonstanciées de prévention de la criminalité.
Premier agent de défense sociale en milieu urbain, la
police joue un r6le extrêmement important dans le cadre des cités
africaines. En tant qu'auxiliaire de la justice (il faut bien que
vous soyez pris et conduit au parquet par la police pour que la justice s' oc-
cupe de vous) elle se veut omniprésente sur toutes les aires urbaines ; ce
qui nécessite des moyens humains et matériels énormes difficiles
à rassembler, dans les Etats nouvellement indépendants qui sont
confrontés dans le même temps aux problèmes de développement éco-
nomique.
La cr0ation d'un ordre nouveau, au lendemain de son
accession à la souveraineté nationale puis l'édification d'une
unité nationale, étaient quelques uns des objectifs principaux
poursuivis par la Côte d'Ivoire, dans le recours à une législa-
-
579 -
tion nouvelle. Celui-ci qui, subitement a été promue au rang
d'institution nationale, avait besoin d'être aidée dans son im-
plantation. La police apparaissait alors comme étant l'un des
services spécialisés qui pouvaient le mieux contribuer, par la
répression, à l'assimilation des prescriptions légales nouvelles
et, par conséquent, au respect de celles-ci. Conscients de la
grandeur et des difficultés de la tâche, les pouvoirs publics
ont pris des mesures propres à assurer une plus grande chance
à l'intégration des dispositions légales nouvelles, en créant
un service de police initialement confié au Ministre de l'Inté-
rieur. Il s'agit de la SOre té Nationale dont il va falloir exa-
miner brièvement l'organisation et les moyens.
a.1.) QEg~g!~~!~2g_~~_!~_§Q!~!~_~~!~2g~!~
de Côte d'Ivoire
Celle-ci découle des attributions du Ministère de
l'Intérieur telles qu'elles ont été fixées par le Décret
n° 66-43 du 8 Mars 1966(1). L'article premier de ce Décret préci-
se : "Le Ministre de l'Intérieur est chargé:
- de la police générale, salubrité et sécurité publi-
ques, règlementation et police des débits de boissons, hôtels,
meublés et garnis, des salles de spectacle, censure et contrôle
cinématographiques, enregistrements sur disques et bandes magné-
(1) : Signai.oYlh que. .ta. SÛ/te..té. Na..t<.onai.e. Mt p.ta.c.é.e .6OU!.l la lte..6pon6abi.U:té. du
Mi~:tJte. de. .ta. Séc.u'ldé l n:têJUe.Wte..
-
580
-
tiques, loteries et tombolas, quêtes et collectes, contrôle de
la presse et de la propagande étrangère, interdiction de séjour,
assignation à résidence ;
- de la règlementation et de la délivrance des passe-
ports et des Cartes Nationales d'Identité, de l'émigration et
de l'immigration des étrangers, de la circulation intérieure et
transfrontière, des visas d'entrée, de séjour et ùe sortie
- de la police de l'air et des frontières;
- de la police spéciale des chemins de fer ;
de la police des communications radio-électriques
- des affaires relatives à la Sûreté Intérieure de
l'Etat';
des affaires relatives à la Sûreté Extérieure de
l'Etat;
de l'organisation et du fonctionnement des services
actifs de la Police, de la Sûreté Nationale et de la
Surveillance du territoire ~f R. Jacobs et col. ,1973).
Pour la réalisation des objectifs ci-dessus, le Décret
n° 66-349 du 8 Septembre 1966 définit l'organisation de la Sûreté
Nationale en plusieurs articles parmi lesquels on peut rappeler
ceux qui suivent.
-
581
-
Article premier
La SÛreté Nationale est placée sous
l'autorité d'un directeur.
Article 2
Le Directeur Général est assisté d'un
adjoint ayant le titre de directeur.
Article 3
La Sûreté Nationale est composée de
quatre directions et de trois services
énumérés ci-dessous.
SERVICES CENTRAUX
Direction de la Police Judiciaire.
Direction des Renseignements Généraux.
Direction de la Surveillance du Territoire.
Direction de la Sécurité Publique.
Service du Personnel et du Matériel
Inspection des Services de police et l'Ecole de Police.
Service de Sécurité et des Voyages Officiels.
SERVICES EXTERIEURS
Directions départementales.
Brigades mobiles de Police Judiciaire.
Services départementaux des Renseignements Généré',ix.
Commissariats de Sécurité Publique (Police Urbaine).
Compagnie Republicaine de Sécurité.
Brigades mobiles de surveillance du Territoire.
-
582 -
L'organisation interne de la SÛreté Nationale ressort
de l'arrêté nO 1206/INT du 3 Octobre 1966 qui définit par ail-
leurs les compétences et les attributions de différents services.
Nous rappellerons seulement les chapitres et articles qui présen-
tent un intérêt immédiat pour le présent travail. Les compéten-
ces et attributions sont données au titre deux de l'arrêté
ci-dessus en ces termes :
Article 13
La Direction de la Police Judiciaire est char-
gée de l'organisation de la recherche, àe la
centralisation, de l'exploitation et de la
diffusion de tous renseignements se rappor-
La section criminelle a compétence sur l'ensemble du
territoire national. Elle est plus spécialement chargée des af-
faires de droit commun dépassant le cadre départemental et pour
lesquelles l'autorité judiciaire
estime, en raison de leur na-
ture particulière ou de leur retentissernent, qu'il doit être fait
appel à un service spécialisé: banditisme organisé, délinquants
professionnels et itinérants, traite des êtres humains, trafic
de stupéfiants ... Dans le département du Sud, elle exerce les
attribution d'une brigade mobile de Police Judiciaire.
-
583 -
La section économique et financière a compétence sur
l'ensemble du territoire national en ce qui concerne: les in-
fractions aux lois sur les sociétés et les escroqueries, faux,
abus de confiance, chantage, faux monnayage, contrefaçon, frau-
de, infractions à la règlementation des changes, trafic d'or,
de devises et de pierres précieuses.
Le bureau central national est spécialement chargé des
affaires et liaisons policières internationales. Il transmet au
secrétaire général de l'O.I.P.C.
(Organisation Internationale
de Police Criminelle) toute la documentation d'intérêt interna-
tional dont il dispose. Dans le cadre de la législation ivoi-
rienne, il fait procéder aux opérations à son profit, de la part
des polices étrang~res. Il tient à jour un fichier des malfai-
teurs internationaux.
La section d'identification judiciaire est ~argée de
l'exécution de tous travaux d'identification photographique ainsi
que de la tenue des fichiers centraux dactyloscopiques et dacty-
lotechniques. Il lui est adjoint un laboratoire de police techni-
que chargé des divers travaux d'expertise qui peuvent lui être
confiés.
Le tichier central centralise et classe tout rensei-
gnement concernant les individus connus des services de police
pour toutes les affaires administratives ou de droit commun. Il
-
584 -
est chargé de la diffusion des mandats de justice et de tout
renseignement permettant une action rapide des services concou-
rant à la répression de la délinquance. Le chef du fichier cen-
tral assure le contrôle des fichiers départementaux et la forma~
t ion des spéci al is tes a rchi vi stes" (cf R. Jacobs et col, 1973,
p.
65).
Les articles 14, 15, 16, 17, 18 et 19 définissent res-
pectivement les attributions de la Direction des Renseignements
Généraux, de la Direction de la Surveillance du Territoire, de
la Direction de la Sécurité Publique, du Service du Personnel,
de l'Inspection Générale et du Service de Voyages Officiels.
Le chapitre II et l'arrêté ci-dessus cité, présente,
en deux articles (20 et 21) les compétences de la Direction
Départementale et de la Brigade Mobile de Surveillance du Terri-
toire.
Les missions de la Sûreté Nationale couvrent donc tou-
te l'étendue du territoire et supposent, par conséquent, l'exis-
tence de moyens humains et matériels à la mesure des espoirs et
attentes des pouvoirs publics : inspirer suffisamment la crainte
à la population de façon qu'elle accepte l'ordre nouveau et
s'adapte à celui-ci.
Mais, face à ces besoins pressants d'une part, et
compte-tenu de son état de sous développement économique d'autre
-
585 -
part, la Côte d'Ivoire peut-elle réaliser les investissements
financiers et humains qui permettent à la Sûreté Nationale
d'accomplir l'importante mission qui lui est confiée?
a.2.) ~~l~~~_~~~~!~~_~!_~~!~!i~l~_~~_l~
Sûreté
Il ne semble pas qu'il y ait besoin d'être exception-
nellement imaginatif pour mesurer l'importance des investisse-
ments que nécessite le quadrillage du territoire par une force
policière
omniprésente. Confrontée à la lutte contre le sous-
développement économique, la Côte d'Ivoire, à l'instar des au-
tres Etats de la sous-région, ne peut raisonnablement consacrer
toutes ses ressources à la prévention du crime. Nous avons vu
précédemment kf criminalité apparente) la force policière à
l'oeuvre dans toute l'agglomération d'Abidjan, au cours de
l'année 1973. Les problèmes qui se posèrent à elle étaient alors
ceux de l'effectif et du matériel.
A la date du 31 Janvier 1973, la Sûreté Nationale ivoi-
J'ienne comptait 2 314 personnes de tous grades qui devaient va-
quer à toutes les activités dévolues à la police. Il s'agissait
de :
- 586 -
44 .. .. .. .. .. ... .. .. Commissaires
97
.
.. .. .. .. ... .. ..
Officiers de police
236 .. .. .. .. .. .. .. .. . Inspecteurs
20 .. .. .. .. .. .. .. .. .. Officiers de paix
67 .. .. ... .. .. .. .. . Sous-Officiers de paix
850 .. .. .. .. .. .. .. .. .. Gardiens
Mais, suivant R. Jacobs, tout ce personnel ne partici-
1
pait pas "à l'activité des services opérationnels" car il fal-
lait déduire la proportion des stagiaires, plus précisément les
personnes en formation à l'école de Police. En définitive, c'est
moins de deux milliers d'individus qui avaient la délicate mis-
sion d'assurer la défense des lois, des individus et de leurs
biens sur toute l'é~endue du pays peuplé d'environ 5 000 000 âmes
au cours de l'année 1972. C'est aussi parmi ce faible effectif
que se recrute le personnel en service dans la capitale économi-
que (Abidjan) qui regroupait à cette même époque près d'un mil-
lion de personnes. La description que R. Jacobs donne de la ré-
partition du personnel à la Direction Générale de la Sûreté met
assez en évidence l'insuffisance du nombre des agents engagés
effectivement dans la lutte contre la criminalité. En effet,
"cette Direction Générale, écrit-il, groupe un certain nombre de
services opérationnels, c'est-à-dire participant effectivement à
la lutte contre la criminalité multiforme. Mais il va sans dire
qu'elle absorbe aussi un certain nombre de fonctionnaires pour
-
58:' -
des tâches de gestion et d'administration indispensables au
fonctionnement de la SQreté Nationale(1). La distinction entre
les employés affectés à la Direction Générale de la SOreté Na-
tionale à des tâcnes de pure gestion ou à des tâches opération-
nelles est assez délicate à faire. Si le personnel affecté au
service de recrutement, par exemple, peut être considéré en
bloc comme ayant une simple activité de gestion, il n'en est
pas de même du personnel affecté à l'identité judiciaire dont un
certain nombre de fonctionnaires opèrent "sur le terrain", tandis
que d'autres se cantonnent dans des tâches sédentaires telles
que le classement des fiches de renseignements ou les travaux de
laboratoire photographique. Nous pouvons donc seulement consta-
ter que 275 fonctionnaires de police de tous grades sont en ser-
vice à la Direction Générale de la Sûreté Nationale et qu'il im-
porte de tenir compte de ce chiffre pour le déduire des effec-
tifs totaux aux fins de connaître, aussi précisément que possi-
ble, les effectifs mis en contact journalier avec la population,
concrétisant auprès d'elle la présence policière
(cf R. Jacobs,
op. ci t, p. 73).
Dans la ville même d'Abidjan, un commissariat central
coiffe les activités opérationnelles ùe plusieurs commissariats.
En 1973, correspondant aux chiffres indiqués ci-dessus, la ville
( 1)
: S-igna..tOYL6 que .ta. V..i.Jc.ec-ÜoYl Gê.YlêJta.te de .ta. SÛll.e:té Nati.ona1.e e.-6:t -iYL6:tallée
à Ab-idja.n.
- 588 -
comptait dix commissariats d'arrondissement et quatre commissa-
riats spéciaux (Port, Aéroport, RAN(l), C.R.S.). Les effectifs
du personnel opérationnel dans la capitale se présentaient de
la manière suivante kf R. Jacobs, op. cit, p. 75).
CCMw1ISSARIAT
PORT
AEROPORT
RAN 1 CRS
, TOTAL
PERSONNEL
CENTRAL
1
_..
CœDllissaires
10
-
1
-
-
11
Officiers de
10
1
-
1
-
12
Police
Inspecteurs
61
3
4
6
-
74
1
Officiers de
7
-
-
-
1
8
Paix
1
i
SjOfficiers de
29
-
-
1
7
37
Paix
i
1
Gardiens
635
8
18
26
134
821
-
TOfAL
752
12
23
34
142
963
La pénurie
en personnel qualifié
était jugée sérieuse.
Aussi des fonctionnaires subalternes dirigeaient-ils des services
importants (Port, RAN, CRS). Commissaires et Officiers de Police
apparaîssaient, à cette époque, comme des "denrées rares". Avec
un taux de policier par habitant établi à 1 pour 649 et une densité
(1)
: R.A.N. ~t l'abnéviation de Régie Abidjan-Nigen, l'unique chemin de 6en
nelian Abidjan au Bunru.na. Fa6o.
-
589
-
2
superficielle-policière de 1 policier pour 6 km , on mesure la
grandeur et la délicatesse de la tâche confiée à la Sûreré Na-
tionale(l). La criminalité ne pouvait que "prospérer" dans la
cité, en dépit du courage et de la bonne volonté de ceux qui ont
pour tâche de protéger la société, les individus ainsi que leurs
biens.
Les efforts réalisés par les pouvoirs publics restent
cependant énormes. D'une année à l'autre, il y a une augmenta-
tion des effectifs globaux de la police. Par exemple, de 1970 à
1971, le nombre total des fonctionnaires de police est passé de
1 816 à 2 039, soit un accroissement de 11% ; puis de 1971 à
1972 la même tendance s'est poursuivie portant le total du per-
sonnel à 2 313, so~t encore un accroissement de 12%. Malheureu-
sement, étant donné la croissance rapide de la population (11,5%)
d'Abidjan, la part qui revient à la capitale après la réparti-
tion du personnel entre les divers services de la Sûreté Natio-
(1) : Ce taux e.6t c.epen.dant plLoc.he de c.eux é:ta.bw tUlleuM, Yl.On. pah pOUt'L un.e
ville c.omme c.' ut le c.a..6 -iu, ma..i..6 pOUt'L l' eYL6emble du paYll. A c.e .6ujet,
O. O.to4u.nt-i..meh-i..n. (1974, op. c.-i..:t, p. 88-89) note lell oblle~va.:t-i..OYL6 llu.-i..van.-
tu : "P~Mentement, i l y a 35 000 POÜUeM au N-igéJUa. pOUt'L une popu.-
.f.o.ti..on. qu'un. ~ec.eYL6emeJat éva.e.uaA.;t en. 1963, à 55 milliOYL6. Ce qu.-i.. .veut
~e que .ta. plLopo~on de poüueM ~ MppOU à .ta. popu...ta.:ti.on. ut de
un. POÜUVL pM 1 850 ha.blia.n.:t.6 j c.ette pJtopolLtion. ut .e.OÙl de .e.a. p.'Lo-
polLti.on a.:t:te.<.nte daYL6 d'a~u pay.6, n.e MJr..ai.t-c.e qu'au. Royaume~UnA.
qu.-i.. pJLé.6ente un.e p~opoJt:ÜOYl. de un POÜUVL pM 600 ha.blia.n.:t.6, qu'en.
Jama.Zque où .ta. plLopoJt:Üon e.6t de un. poüue~ pM 680 ha.bila.n.:t.6, qu'à
Chypne qu.-i.. 60Ut'Lnil un.e p~opoJt:Üon. de un. poüue~ pa.h 200 hab-i..ta.n.:t.6, qu'à
Bo:t.6lOO.na. où .ta. pJLopo~on. ut de un. POÜUVL pM 560 ha.blia.n.:t.6, qu'en.
Gu..yane quA. dénomb~e un poüue~ pM 420 ha.blia.n.:t.6 et qu'au Ghana., vo-i-
.6-in du. N-igéJUa, qu.-i.. 60~nL.t .ta. pJLopoJt:Üon de un poüue~ pM 240 hab-i-
:ta.n.:t.6 Il •
-
590
-
nale, reste bien petite eu égard à l'importance quantitative
des infractions de tous genres qui y sont commises quotidienne-
ment.
ilLe découragement n'est pas ivoirien", entend-on dire
ces derniers temps à Abidjan. Face à la croissance de la ville,
de sa population puis à l'augmentation rapide de la criminalité,
les pouvoirs publics ne désespèrent pas. De nouveaux arrondisse-
ments se créent. De l'Ecole nationale de police sortent chaque
année des centaines
de jeunes qualifiés qui sont affectés dans
les différents services de la Sûreté Nationale. Màlheureusement,
même en se taillant la part de loin dans la répartition des nou-
velles recrues(l), Abidjan demeure en deça de ses besoins. La
progression rapide. de la ville dans l'espace rend toute prévi-
sion difficile en matière d'équipements. A l'allure où se déve-
loppe la ville, il faudra, pour une plus grande protection des
individus et de leurs biens ainsi que pour faire respecter les
lois, des effectifs plus grands de policiers. Une école de for-
mation de personnel pour la défense sociale générale, spéciale-
ment pour la capitale économique s'impose. Mais, le pays peut-il
faire davantage que les efforts financiers auxquels il a consen-
ti jusque-là ?
---~-----------------------------
[ 1) : A c.e pJtopO.6, il c.onvient de .6ignai.eJt, à :tUJz.e d' ex.emple et .6LUvant lu
même.6 .60WLc.e.6, qu'en 1972, .6Wt Wl w:ta1. de 2 314 6onw....onna.-Vt.e.6 de toUh
gJtade.6, 1 238 é:ta.<.ent en .6eJtvic.e à Abidjan.
- 591
-
Abidjan compte aujourd'hui seize arrondissements de
Police, un district coiffant les 13e, 14e et lSe, puis quatre
commissariats spéciaux. On constate sur le tableau de la page
une augmentation des effectifs dans chaque corps des fonc-
tionnaires. En 1972, le Commissariat Central, par exemple, ne
comptait que 10 commissaires de police; on en dénombre aujour-
d' hui 22._ L' eff ect if en ce qui concerne cet te catégorie a plus
que doublé en 13 ans. Toute les unités sont coiffées d'un gradé
supérieur de la police et ce, même les arrondissements recem-
ment créés. Une exception cependant; le 13e qui ne dispose pas
encore de commissaire, mais ceci est compensé par l'existence
du district qui supervise l'ensemble des trois arrondissements
et coordonne leurs activités.
Naturellement, cet accroissement des effectifs doit
être mis en rapport avec l'augmentation
générale de la popula-
tion. Celle-ci, on s'en souvient, croît au rythme de 11,5% en
moyenne par an. Suivant les estimations des démographes, Abi-
djan devra compter cette année 2 100 000 âmes. Ce qui exclut
toute possibilité d'amélioration des prestations de la police
dans la cité. On comprend aussi pourquoi des brigades d'auto-
défense s'efforcent, dans les quartiers périphériques, de sup-
pléer à l'absence des uni_és de police, notamment la nuit.
l
,
-
592
-
P ERS 0 N N E L
ARRONDISSEMENT~
Commissaires
Officiers
Sergents
Total
1er AR
1
2
23
26
2e
AR
2
4
42
48
3e
AR
1
4
34
39
4e
AR
1
4
29
34
5e
AR
1
4
38
43
6e
AR
2
3
37
42
7e
AR
1
4
20
25
8e
AR
1
3
29
33
ge
AR
1
3
23
27
10e
AR
1
2
19
22
Ile
AR
1
2
23
26
12e
AR
l
2
26
29
13e
AR
0
2
25
27
14e
AR
1
1
21
23
15e
AR
1
1
20
22
16e
AR
2
4
43
49
1
District 1
1
3
30
34
1
î.OTAL
19
48
482
549
1
- 593 -
R A N
1
6
79
86
AEROPORT
1
3
75
79
PORT
1
2
39
42
TOTAL GENERAL
22
59
675
756
1985(1)
(1) : RappeioYL6 qu' -il .6' aga u.n..i.quement de.6 6onc.UonrUUAe.6 de polic.e en .6eJL-
v'<'c.e daYL6 le.6 aJ!Jlond.<..6.6eme~ eX d.a.YL6 ~.6 c.ommUd>aJUa.U ~péc..<.a.u)(., donc.
CÜJ!.ec.:tement en c.ontac.:t avec. .ta. popula;üon. NoU.6 n'avoYL6 pM pu ob.tenhr.
de.6 '<'n6ollma.UoYL6 .6Wl .ta. Compagn.<.e Republic.a.<.ne de Séc.Wllié (C. R. S. )
qu.<. e~te cependant.
-
594 -
La Sûreté Nationale demeure après tout un service
public. A ce titre, elle partage le sort généralement réservé
aux organismes qui sont considérés comme tels : le bien public
appartient à tout le monde et finalement à personne. On lui
prête moins attention. A son propos, on parle le plus souvent
de cOÛt (en tout cas les individus paraissent très sensibles
à cette dimension) que d'efficacité. "En fait, note. D. Szabo,
(1978, p. 131), l'importance d'un service public repose sur
deux critères étroitement liés: l'importance du personnel et
le montant du budget".
Les pouvoi rs pub lies i voi riens, d' a-
près ce qui précède, ont de façon régulière procédé à l'augmen-
tation du nombre des fonctionnaires de police. Ce qui, logique-
ment, suppose un accroissement des dépenses correspondantes.
Cependant, l'Ivoirien, plus précisément l'Abidjanais, se sent
toujours peu protégé par la police et ce, parce que celle-ci
n'a pas les moyens, pense-t-il, pour répondre assez souvent po-
sitivement aux sollicitations de la population.
L'estimation et l'appréciation des moyens matériels
dont dispose la police peut naturellement varier selon qu'on
est ou non de la profession. Dans le cas spécifique d'Abidjan,
il semble qu'il y a concordance entre le point de vue du profes-
sionnel et celui du résident. Ainsi, donnant un aperçu des
moyens et des tâches de la police ivoirienne à Abidjan pendant
-
595
-
l'année 1973, le commissaire Roger Jacobs et collaborateurs
relèvent l'insuffisance du parc automobile et y voient l'obs-
tacle majeur à des interventions rapides dans les différentes
zones d'action(cf R. Jacobs et col, 1974). A cette époque, la
ville d'Abidjan comptait dix arrondissements s~ervisés par un
commissariat central puis trois commissariats spéciaux et une
direction de la Police Judiciaire. Chaque commissariat dispo-
sait seulement d'une voiture, mis à part celui du 7e arrondis-
sement qui n'en avait pas et le commissariat sentral qui comp-
tait trois voitures pour le service de la Voie Publique, deux
voitures et une camionnette pour le corps de Motocyclistes.
Dans leurs doléances, tous les responsables d'arrondissement
réclamaient des véhicules. Douze années plus tard, les mêmes
difficultés continuent de se faire sentir avec la création de
nouveaux arrondissements et l'augmentation des effectifs ren-
dues nécessaires par la croissance de la capitale.
Pour les résidents, l'impossibilité dans laquelle se
trouve parfois la police de répondre promptement à leur demande
de protection constitue une preuve de son sous-équipement.
L'exemple qui suit, quoi que personnel, peut être cité: au dé-
but du mois de Juillet 1985, nous avons été victime d'un cam-
briolage vers 3 heures du matin. A 8 heures, nous nous sommes
rendus au commissariat de notre quartier pour déposer une plain-
te. Les agents de la police judiciaire qui devaient se joindre
à
leurs collègues du commissariat où nous étions, firent enten-
-
596 -
dre qu'ils n'avaient pas de véhicule pour effectuer le déplac-
ment. Nous avons été obligé d'aller les chercher à leur servi-
ce et de les y ramener après le constat. Nous n'aurions pas eu
une voiture personnelle, rien n'aurait pu être fait ce jour là.
En dépit de la bonne volonté manifestée par les pou-
voirs publics, le sous-équipement des services de police con-
traste avec les performances qu'on est en droit d'attendre de
ces fonctionnaires dans la lutte contre la criminalité.
La prévention des infractions n'est pas la prérogati-
ve de la seule police. Elle n'en a pas l'exclusivité. D'autres
organismes participent aussi à l'édification de la nation ivoi-
rienne sur la base de la défense des institutions nouvelles.
La Gendarmerie, en particulier, est l'un de ces organismes qui
emboîtent le pas à la Police dans la lutte contre les délin-
quants et les criminels.
Le champ d'action de la gendarmerie nationale ivoi-
rienne couvre en fait toute l'étendue du territoire, ainsi.
qu'il est précisé dans les textes. Le décret n° 67-331 du 1er
Août 1967 qui réglémente le service de 1:
Gendarmerie stipule
"Article I"
La Gendarmerie Nationale est une force militaire lns-
1
- 597 -
tituée pour veiller à la sOreté publique, au maintien de l'or-
dre et à l'exécution des lois, dans le but de protéger les ins-
titutions, les personnes et les biens. Son rele est à la fois
préventif et répressif.
Son action s'exerce d'une manière continue dans toute
l'étendue du terri toire ainsi qu'aux armées" (cf M. Delmas,
1973).
On s'attendrait à un conflit de reles avec la Police
dans la mesure où cet article présente à peu près le même conte-
nu que celui de l'article premier du décret cité antérieurement
qui définit les attributions du Ministère de l'Intérieur. En
fait il n'en est rien. Même si l'article 4 du décret n° 67-331
du 1er Août 1967 indique:
"La Gendarmerie départementale est plus spécialement
chargée d'assurer la police judiciaire, administrative et mili-
taire sur toute l'étendue du territoire", le contenu de l'arti-
cle 52 du même décret apporte les précisions nécessaires. En
effet,
"lorsque dans une ville pourvue d'un commissariat,
un militaire de la Gendarmerie est appelé à constater un crime
ou un délit flagrant, il procède aux premières mesures qui s'im-
posent (arrestations, constatations, etc ... ) et en avise le com-
missaire de police et l'autorité judiciaire".
-
598 -
Il ne peut donc y avoir de conflits de rôles entre
les deux forces à partir des textes qui définissent les attri-
butions. Par contre, la complémentarité entre la Police et la
Gendarmerie apparait évidente dans les agglomérations urbaines.
La Gendarmerie est une force militaire (donc faisant
partie intégrante des Forces Armées Nationales) qui a une orga-
nisation propre, différente de celle de la Sflreté Nationale.
La différence entre un gendarme et un "militaire" réside en
ceci que l'un est plus proche de la population civile que l'au-
tre. Pour "prévenir et reprimer" les crimes et délits, il faut
bien demeurer pro~he du peuple.
Le Commandement Supérieur de la Gendarmerie Nationale
est implanté à Abidjan.
Quatre légions (Korhogo, Bouaké, Daloa et Abidjan)
subdivisées en dix compagnies quadrillent le territoire natio-
nal. Une compagnie regroupe plusieurs brigades. Deux légions
opèrent dans la région d'Abidjan. Sans entrer dans la comp-lexi-
té relative à l'organisation difficile à pénétrer pour des rai-
sons professionnelles, notons que 5 brigades fonctionnent à
Abidjan, dans la zone urbaine prise en compte dans la présente
recherche: la brigade de recherche implantée dans l'enceinte
du Commendement Supérieur, la brigade d'Abidjan-Ville installée
-
599 -
à Treichville, la Brigade du Port, la Brigade de l'Aéroport et
la Brigade d'Abobo.
L'évalu~tion des moyens humains et matériels se heur-
te ici aux mêmes difficultés que celles rencontrées dans la pé-
nétration de l'organisation interne et pratique des unités.
S'agissant des effectifs, les statistiques présentées
par M. Delmas, capitaine de gendarmerie, indiquent 248 personnes
dans la compagnie "Abidjan-ville" dont nous ne considerons ici
que les brigades énumérées ci-dessus. En fait, la compagnie
2
"Abidjan-Ville" couvre une aire plus vaste (6 000 Km ) que la
zone urbaine intéressée par notre recherche. Le problème majeur
auquel toutes les brigades sont confrontées demeure celui des
effectifs. Elles ne disposent pas de suffis~lment de personnes
pour accomplir leurs tâches avec le maximum d'efficacité et de
célérité. Une école de gendarmerie implantée à Abidjan forme des
officiers et des sous-officiers quit chaque année, vont augmen-
ter le nombre de militaires déjà en fonction dans les unités.
Malheureusement, comme c'est le cas des fonctionnaires de la
Police, toutes les recrues ne p~uvent être maintenues à Abidjan.
La nécessité de couvrir tout le territoire national conduit à
répartir les nouveaux diplômés dans les diverses brigades à
travers le pays ou à en créer là où il n'yen avait pas. En
- bOO -
définitive, la part qui revient à Abidjan ne représente plus
grand chose parmi ceux qui sortent de l'école chaque année.
Sur le plan matériel cependant, "toutes les unités,
ainsi que le constatait M. Delmas, disposent d'un véhicule
adapté au terrain qui leur permet de se déplacer sur toute l'é-
tendue de la circonscription; de plus, les unités sont reliées
entre elles par un réseau radio qui donne toute satisfaction"
(cf M. Delmas, op. cit, p. 99)-
Chaque brigade paraît à même sur
le plan matériel du moins d'accomplir les missions qui
lui sont confiées en dépit de l'insuffisance de ses effectifs.
Les statistiques des crimes et délits présentées an-
térieurement montrent l'importance des activités de la Police
et de la Gendarmerie, deux forces défensive et répressive de
la société ivoirienne. Malgré les insuffisances relevées dans
leurs équipements humains et matériels, et qui s'expliquent
par les problèmes généraux du développement économique, ces
deux forces dont il convient de reconnaître le rôle décisif
dans l'adaptation des individus aux nouvelles institutions, au
droit pénal en particulier, demeurent les auxiliaires indispen-
sables d'une politique d'unité nationale.
Mais le contrôle social du crime ne s'achève pas au
niveau des instances policières. Il se prolonge à travers
l'administration du procès et de la sentence qui est une préro-
gative des tribunaux.
-
b n1 -
c - Les tribunaux
En réalité et de façon plus générale, les tribunaux
s'occupent des individus présumés coupables que leur adressent
la police et la gendarmerie. Ils travaillent sur les "produits"
livrés à eux par les instances policières. Rappelons encore une
fois la réflexion de ce jeune délinquant : "si la police ne
t'arrête pas, le juge ne peut pas t'envoyer en prison". La po-
lice apparaît ici avec une image négative, essentiellement ré-
pressive. Elle demeure la "bête noire" des délinquants. Cepen-
dant, l'action des tribunaux n'est pas des moins déterminantes
dans la manière dont s'exerce celle de la police. "Alors que la
police et les pénitenciers appliquent le droit, note encore D.
Szabo (1978, op. çit, p.
251), les tribunaux le "font". En fait,
le pouvoir de légiférer n'est pas de leur ressort. Mais la ma-
nière dont ils disent le droit, la sentence qui est rendue au
sujet d'une infraction donnée peuvent renforcer plus qu'il n'é-
tait prévu la valeur de la sanction inscrite dans le code pénal.
En tout cas, le juge peut monter ou descendre d'un degré sur
l'échelle des sanctions, en utilisant ou non toutes les possi-
bilités qui lui sont offertes. Ce faisant,
le magistrat donne
consistance à la loi ou bien la lui enlève. L'une des raisons
de la diminution du volume des condamnations par rapport à ce-
lui des "prises" de la police réside dans l'usage de ce pouvoir
discrétionnaire par les juges.
- 602 -
L'exercice du contrôle social de la criminalité par
les tribunaux repose sur l'usage que les juges font des lois.
Celles-ci "sont toutes assorties de menaces de peines pour ceux
qui violeraient certaines règles"(cf E. Sutherland et col, op.
cit, p. 393). On ne rappellera jamais assez l'efficacité très
limitée de la menace des peines sur les individus. "La menace
de la peine, font observer E. Yamarellos et G. Kellens. n'ap-
paraît efficace, en principe, que pour les catégories de per-
sonnes pour lesquelles elle n'est pas utile J" (cf E. YamaTellos
et col, op. cit, p. 108). Le recours de plus en plus fréquent
aux méthodes non punitives et à des mesures de traitement par
les tribunaux modernes constitue un mode d'adaptation de la jus-
tice à la réalité criminelle. L'examen des statistiques judi-
ciaires dans un pàys donné peut révéler jusqu'à quel point des
progrès ont été accomplis dans la recherche de substituts à la
peine censée être une mesure de dissuasion insuffisante dans la
plupart des cas.
Nous avons noté précédemment la sévérité du législa-
teur africain dans le domaine des sanctions. Bien que la plu-
part des codes pénaux dans les nouveaux états soient des copies
presque conformes de ceux des pays ex-colonisateurs, les mesu-
res substitutives à la peine d'emprisonnement sont soit inexis-
tantes, soit très rarement appliquées lorsqu'elles sont prévues
dans le code de procédure pénale. Diverse~ raisons paraissent justifier l'at-
titude du magistrat africain lorsqu'il condamne à un emprisonnement ferme:
-
603
-
- La criminalité urbaine recrute ses auteurs parmi les
étrangers et Jes nationaux drainés vers les villes par l'exode
rural. Il s'agit d'individus très mobiles et qui n'ont pas de
domicile fixe.
La meilleure façon de leur faire prendre cons-
cience de l'existence de la loi et de l'importance de celle-ci
dans la vie nationale est de les punir immédiatement;
~ Les difficultés relatives à llidentification exacte
des individus, dues à la facilité de tromper autrui sur sa pro-
pre identité, l'existence de noms patronomiques identiques
d'un pays à l'autre(1) amènent le magistrat à prononcer une
condamnation sans plus tarder 1
~ Probablement aUSS1, la représentation que le juge se
fait de sa fonction joue dans la manière dont il envisage l'ad-
ministration du procès et de la sentence. N'est-il pas chargé
de dire la loi, d'administrer des sanctions programmées dans un
code préétabli? L'absence trop souvent de circonstances atté-
nuantes ou les limites strictes imposés à celles-ci, dans les
[ 1) : Le caJUtctèJI.e aJr.tiM.ue.f. du> nJtontièJte6 entAe é;ta.t6 6aJ.;t que paJt6o.w
une même 6amiU.e ~e.tJtouve pa.JlA:agée entAe deux na..t,,[on!>. CeJtW.M inc:Li..-
v~ iYl6tai.1.é6 à même ~UJt la. ligne 6Jtont.i.èJte poUJt .&ignai.eJt .teUJt dou-
b.te idenü.Xé, pavo.went aux c.ouleUM du> deux E:tat6 auxquel6 ili ap-
paJttiennent ; te.f. e..6t .te CLU d'une 6amiU.e daM un Etat de .t' A6Jtique
CentJtale, ~i que no~ .te c.on6.iaJ.:t un in60JtmateUJt étudiant en
FlUlnc.e.
-
604 -
codes pénaux(l), ne peuvent-elles pas conditionner, à long
terme, le magistrat africain à percevoir son rôle comme étant
essentiellement répressif ?
La nature des sentences, d'après les observations
ci-dessus, se laisse aisément deviner. La peine d'emprisonne-
ment demeure la sentence la plus fréquemment prononcée par les
t :ribunaux pénaux africains.
Du 1er Janvier au 31 Décembre 1971, Yves Brillon
(1974, op. cit, p. 30) a relevé, en ce qui concerne les juge-
ments correctionnels en Côte d'Ivoire, 1ï 580 affaires dont
16 047 condamnations. La peine d'emprisonnement ferme représen-
tait à elle seule 48,91% de toutes les sanctions infligiées par
l'ensemble des circonscriptions judiciaires du pays au cours de
l'année considérée. A en croire le même auteur, la situation
serait semblable au Kénya et au Nigéria. La détermination avec
laquelle le législateur camerounais invite les magistrats à re-
courir à l'emprisonnement ferme indique qu'on doit trouver aussi
dans ce pays une très grande proportion d'auteurs d'infractions
11 J : "VaYL6 toU6 teI:J c.a!:J, .te 1:JU/L.6~ ne peut ê:tJLe ac.c.OIz.dé pM te juge, et
en c.a.6 dl acJrn(,!:JI:Jion de cUtc.oYL6.ta.nc.e.6 a..t:térr.u.a.n.:teI:J, i l ne peut deI:Jc.en-
d'ée au deMoU6 d'W'/. c.eJt.:ta.in quantum. La peine d'émpJti.6oY'.Yleme.n.:t 6eJtme
ut au:toroo;t[quemen.:t plLononc.ée", éCJL.i;t F. X. MBOUYOM : c.6. "Le VMit
Péna.i Mo6elU1e 6ac.e aux va.ieUM :tJLa.di:tionn.e.U.el:J au CameJloun" in Revue
In.:teJln.a.:tiona.ie de Ctiminoiogie et de Poiic.e Tec.hnique, vot. XXXIV -
nQ 2- 1981 - Av~-Juin, p. 148, Genève.
-
60S
-
dans les prisons. Cette promptitude à user de l'emprisonnement
à titre de sanction dans les Etats africains étonne d'autant
plus que cette institution n'existait pas, n'était pas connue
dans les sociétés traditionnelles du continent. L'étonnement
reste encore grand quand on sait que les pays européens dont
s'inspirent les Etats africains sont en train de rechercher,
d'expérimenter des mesures alternatives à l'emprisonnement,
pour avoir remarqué l'inefficacité de cette institution à cor-
riger les individus ou à dissuader ceux qui pourraient être ten-
tés d'enfreindre la loi. Il est des magistrats africains qui pa-
raissent convaincus du contraire (cf(O. Oloruntimahin, 1979).
Mais la durée relative à cette privation de liberté est-elle à
même de laisser espérer à un véritable amendement du délinquant?
Les auteurs considèrent comme étant de courte durée
tout séjour en prison qui n'excède pas six mois cf(Olufunmilyo
Oloruntimehin, op. cit, p.
204). Dans la mesure où la détention
hors de la société ne constitue qu'une solution provisoire aux
problèmes de la nuisance collective, mieux, de l'insécurité,
quel miracle peut-on attendre d'un séjour de courte durée en
prison? Les peines substitutives (la probation, le sursis~
l'amende) auxquelles recourent les tribunaux dans les pays déve-
loppés permettent :
- d'éviter à certaines personnes inculpées les effets
nuisibles de l'incarcération;
-
606 -
- de faire des économies:
l'entretien d'un détenu
exige à la société diverses dépenses dont celles relatives à
l'équipement humain et matériel de la prison.
Mais, dans les Etats africains nouvellement indépen-
dants, les courtes peines d'emprisonnement sont les plus fré-
quentes et concernent la majeur partie de la population péni-
tentiaire. Ceci est une donnée constante des statistiques judi-
ciaires. En 1970, on comptait dans les prisons ~igériannes,
50,6% d'individus qui y purgeaient une peine dont la durée n'ex-
cédait pas six mois. Cette proportion passa à 62,1% en 1971 puis
à 57,3% en 1972 ~f O. Oloruntimehin, op. cit, p.
205). En Côte
d'Ivoire 54,57% des condamnations à l'emprisonnement ferme pro-
noncées par les tribunaux en 1971 étaient pour des peines d'une
durée maximum de six mois ~f Y. Brillon, 1974, p. 32).
On peut se demander si l'entretien d'une aussi impor-
tante population n'est pas finalement très coûteux pour les jeu-
nes nations qui ont besoin de consacrer l'essentiel de leur
budget à développer leur économie et à assurer un meilleur ni-
veau de vie à leur habitants. Cette question ainsi que celles
relatives à la non application de mesures alternatives à la pei-
ne d'emprisonnement font apparaître de nOI:veau les problèmes
d'adaptation du Droit Pénal, étudiés dans un chapitre antérieur.
Le magistrat africain, qu'on se le rappelle. dispose de très
peu de moyens pour suivre les personnes "criminalisées". La 10-
- 607 -
calisation des individus dans le temps et dans l'espace s'appa-
rente à une gageure(1). En ce qui concerne Abidjan, on avait vu
que 8% seulement des 17% de migrants demeuraient pour une longue
période dans la ville, les neuf autre pour cent étant de passage.
Dans ces conditions l'application des mesures telles que la pro-
bation, le sursis avec épreuve correspond à la relaxe pure et
simple du délinquant. Que celui-ci soit ivoirien ou étranger,
c'est une autre épreuve que de pouvoir le suivre tout au long
de la probation.
La prévention du crime par la menace de la peine
(inhérente aux lois) a peu de chance de s'exercer efficacement.
Non pas que les individus sont indifférents aux lois qui régis-
sent la vie dans la cité et, plus généralement, dans la nation,
mais parce que pratiquement la justice n'a pas les moyens hu-
mains et matériels pour remplir sa mission qui est d'aider à la
promotion d'une société nouvelle à partir du nouveau droit. Il
s'agit donc bien moins de l'imperfection du système pénal en
lui-même que des problèmes relatifs à l'urbanisme qui accroît
( J) : En pi.u..6 de la. mobil.Lté e;t de .t' -<-r1llta.b..i.LUé de la. popui.ation, .te mode
d' hab-Uati.on et .t'i.deYLti6i.c.a.t.i..oYl. du .iogement.6 da.n6 .tu gJz.andell villu
te1..te.6 qu' Abi.djan ne peJlJne:ttent pM de Jz.WOUVeJz. 6a.cil.ement c.efui. qu'on
Jz.ec.heJz.c.he. Mi..6 e à. pa.Jz.t .t' a.dIl.eM e pIlo 6Ulli.o nnelle pOUl!. .tu i.ndi.vi.clu.b qui.
ont un emp.toi. .ta. p.f.upa.Jz.t de.6 Jz.ui.dent6 a.bi.dja.na.i..6 ll' i.denti6i.ent pM
.t'i.nteJtmédùuAe d'un paILent ou. d'un amL Que di.Jz.e a..f.OJz..6 du lla.n6 emp.toi.
et du a.ventuJz.i.eJz..6 de tOM geMe.6 généJz.a..tement lla.n.6 domi.cil.e et dont
bon nombJz.e pa..6 .6 ent .ta. 'IILLi.i. .6UJz. .ta. p.ta.c.e de.6 ma.Jz.c.hé.6 ?
-
60S
-
par ailleurs les difficultés dans l'exercice de la nouvelle
justice sur le terrain. Tous se passe comme si les tribunaux
pénaux conçus à l'image de ceux des pays européens fonction-
naient dans un environnement qui ne répondait pas aux critères
d'efficacité. En plus donc de l'inadaptation du Nouveau Droit
à la société d'accueil, de l'opposition entre la conception
africaine du procès et de la sentence à celle des sociétés eu-
ropéennes,les magistrats oeuvrent dans un milieu physique dont
l'organisation (disposition des habitations, absence de numéro-
tation visible des appartements et des immeubles, etc.) et l'in-
frastructure ne permettent pas encore, même quand ils le vou-
draient bien, l'usage de mesures substitutives à la peine d'em-
prisonnement ferme.
D'une façon générale, la croissance du volume des con-
damnations d'une année à l'autre dans les pays africains, en
l'occurrence en Côte d'Ivoire, montre que la dissuasion et la
menace de la peine ne sont pas plus efficaces ici qu'ailleurs.
B - Les structures de traitement
La réaction première des populations africaines au
crime demeure la sanction. Historiquement c'était la réparation
du tort causé à la victime ou à sa famille.
La vertu capitale
qu'on attribue à la sanction probablement plus aujourd'hui
qu'autrefois est son aptitude à faire entendre raison à la per-
- 609 -
sonne à laquelle elle est appliquée et, par la même occasion"
à décourager tout individu qui serait tenté par la même condui-
te.
La dis tinction entre les auteurs d'infractions .' fondée
sur le critère âge, ne paraît pas préoccuper beaucoup les popu-
lations africaines pour des raisons évidentes. En effet, dans
la mesure où la justice traditionnelle se fonde sur l'idée de
réparation qui, seule, permet le rétablissement de l'ordre, la
variable âge perd beaucoup l'importance qui lui est attachée
en Droit Moderne. L'attitude du législateur africain est, à ne
pas douter, toute différente. Aussi, traiterons nous
!~~ _~~!!:E~ ..E~~ê\\;!~_ ~~_!ê~!_ g~~- !!~\\;!~_ <:!~ _!!~!:
tement
Ces établissements qui reçoivent les auteurs d'infrac-
tions au code pénal paraissent assurer à la fois la fonction de
prévention du crime et celle de traitement des sujets crimina-
lisés.
S'agissant de la première fonction, elle semble rem-
plie par le discrédit quo ces établissements jettent sur les
personnes qui y sont maintenues ou qui y ont séjourné. L'adage
suivant lequel "qui a bu boira" résume les réactions de la 50-
ciété vis-à-vis de celui que l'univers de la prison a marqué de son
-
610 '-
sceau. "Que peut apporter désormais de positif, un homme qui a
fait le Lycée Moderne International de Yopougon ?", s'interro-
geaient des jeunes âgés de 18 à 30 ans, dans une enquête réali-
sée dans un quartier d'Abidjan (cf G, GBASSE, op. Cit,)(1). Ce-
lui qui a fait la prison demeure suspect et perd ainsi sa cré-
dibilité auprès de ses concitoyens. Cette perception que les
individus paraissent avoir de l'ancien détenu explique probable-
ment pourquoi l'emprisonnement peut susciter la retenue chez
toute personne qui sera tentée par une conduite délinquante. Et
le fait de considérer la prison comme étant une structure de
prévention de crime procède sûrement de cette même réaction des
individus à l'égard des détenus. Mais nous savons aujourd'hui
que cette représentation est peu conforme à la réalité. Autrement,
on s'expliquerait"difficilement l'importance de la recidive(1)
et, par conséquent, l'échec général de l'emprisonnement à t!"a-
vers le monde.
Le traitement des sujets "criminalisés",
ou
des
condamnés à une peine d'emprisonnement ferme, autre fonction des
--------------------------------
(1) : 1/ Lycée ModeJtYle lYLteJtrta.-Uonal. de YopougOYl" u.:t. t' ex.pJtu~ioYl -imagée JXVI.
laqueU.e tu abidjana.i6 duigneYLt ta p~oYl civile ilnp.la.YLtée à. Yopou-
gOYl. Cille-u e~.:t. peJtç.ue comme ur.. Ua.bw.6e.meYLt de ooJuntLÜOyl à. f.o.. dé-
Unqua.Ylc.e. Son caJta.ctèJLe in.:t.eJtrta.-ÜoYlai. ~e jtL6.:t.i6ie pail. la. cLi.v~i.:t.é
du Yl/LÜonai.i.-tu pMpJtu à. la. pop, 2.a..:t.ion JtuideYLte.
(2) : Sl.ÛvaYLt Michet A.rnio.:t., ce .taux. vaiUeJLa.a de 65 à. 85 % da.~ te monde
(c.o "Coup d'oeil JUtpide ~ UIL la. .6i.tLt.a..:t.ion péYLi.:t.e nü.a..Vte en CôtR.. d' 1voiJte"
in P~~~~~Q~_~~_~~_~~_P~~n~~~e~ - 1YL6.:t.i.:t.u.:t. de CtUminotogie
Abidjan - 1914.
-
b 1 1 -
établissements pénitentiaires, connaît les mêmes difficultés:
le présupposé traitement réservé aux personnes incarcérées n'a
jamais empêché la récidive. Il semblerait qu'il y ait quelque
contradiction entre les objectifs assignés à la prison, con-
tradiction qui annihile sinon qui réduit
les effets attendus de
l'incarcération, ainsi que l'écrit Denis Szabo : "L'incohérence
dans les objectifs de la prison: celle-ci doit punir ou faire
expier, guérir ou réhabiliter, et ségréguer ou isoler de la com-
munauté. Il est évident que les contradictions entre ces trois
objectifs neutralisent les effets de chacun en particulier. Si
l'on punit, comment justifier des soins ergo, psycho ou socio-
thérapiques, qui doivent préparer l'individu à son retour dans
la société 1 Si l'on ségrègue, comment procéder à l'apprentis-
sage de l'usage socialement acceptable de la liberté 1 En d'au-
tres termes, comment apprendre aux candidats aviateurs à voler
dans un sous-marin 1" (cf D. Szabo, 1978, p. 244-245).
En fait, c'est l'évolution des fonctions assignées à
la prison qui est à l'origine des contradictions et des confu-
sions. Cet établissement, initialement, n'était qu'un lieu où
était maintenu l'auteur d'une infraction qui venait d'être pris
(cf E. Yam are Il 0 set co 1 , op . ci t, P. 1 09). lIn' y avait 1à au -
cune connotation particulière qui eût jeté le discrédit ni }ur
l'établissement ni sur l'individu. Il s'agissait tout simplement
de garder, à la portée de la justice, la personne sur laquelle
pesait une présomption, en attendant que se déroule l'instruc-
- 612 -
tion et qu'en fin s'administrent le procès et la sentence. Pro-
gressivement le maintien en prison, sous l'influence des philo-
sophes du XVIIIe siècle, est devenu une peine, donnant du même
coup une image négative à cet établissement et à ceux qui y sé-
journent ou qui en sortent. Ceci valait sans doute mieux que les
peines corporelles et capitales auxquelles les individus étaient
soumis à l'époque. Malheureusement l'emprisonnement en tant que
-
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eta 1Issement
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a
meilleure école d'appTentissage du crime. Ainsi donc, conçue
pour abriter les personnes en instance de jugement (fonction que
traduit bien encore aujourd'hui l'appelation "Maison d'Arrêt",
la prison s'est vu attribuer une autre mission, celle de mainte-
nir les condamnés jusqu'au terme de leur peine. Dans nombre de
pays dont la Côte-d'Ivoire, le même établissement assure ces
deux fonctions. Aussi, la population qui est analphabète dans
sa grande proportion confond-elle ces deux fonctions de la pri-
son et, par conséquent, ne perçoit pas toujours nettement la
différence entre un prévenu et un condamné, ou mieux, entre ce-
lui qui attend d'être jugé et celui qui purge une peine.
L'idée de sanction, de punition, domine dans la repré-
sentation que les individus se font de l'incarcération. Ceci se
-------~--------------------------
11) : COn6e.Ui.a.nt de!> pune.6 de .6ub.6.ti.t.ut.ton à c.eUe d'em~oYl.Y/.ement au Plte-
rrU.eJt Mirr~.ldJte FJta.YIÇa..ih, .ta. CommU.6ion de!> Mai.Jte.6 !>UIl. .ta. Séc.l.lIr..Lté pen6e
ql:L'on empêc.heJta. aA.Mi ".ta. dégJta.da.tion du incLi..v.i.d.u.l> qu' entJta..Zne i.névi-
tablement .ta. détention, que.ll., que .6oieYLt le.6 eQ60w de c.eux qui. .te.6
enc.a.dJtent" c.6IRappoJt.t, op. c.i:t, p. 29).
-
613
-
découvre dans la façon dont sont hiérarchisés les établissements
chargés d'accueillir les auteurs d'infractions. Ces établisse-
ments se classent suivant le degré de sécurité qu'il présentent,
notamment dans les pays développés tels que ceux de l'Amérique
du Nord(1), dans la province du Québec en particulier. Mais la
sécurité dont il s'agit est celle de la société qui a besoin
de se sentir à l'abri des exactions de ses propres membres,
bref du crime(2). Une recherche effectuée à Abidjan dans le mi-
lieu de la population civile ainsi qu'à la prison de Yopougon
et portant sur "les représentations sociales de la prison"
~f M. C. Attioumou, 1984-1985) révèle, d'une façon statistique-
ment significative, que les individus qu'ils soient des détenus
ou non voient dans l'institution prison un moyen de protection
de la société plutôt qu'un lieu de correction. Par ailleurs si
"correction" veut dire "redressement", on peut se demander si
réellement la société a les moyens pour rééduquer des personnes
(1) : Au mo-iA d'Aoû:t 1971, noU6 avono e.u l'ocCiL6-ton, daM le. c.a.dJte. d'une. w-
.o-ton au Cana.da, de. v-iAileJt pf.u.6 -te.UIt.6 é:tabi..-iA.o e.me n.:tll pénUenücUJr..e..o du
Québe.c. Se.lon la glUtvilé de. l' Ùl.oJta.cJ".J..on. e.t .6tUvant la longueWl. de. la
pune. , l'aLLte.Wl. e..ot acc..ue..il.li pM une. p!lJAon à .oécWl.dé btè.o gJta.nde.,
mo ye Me. , mo-tndJte • Ain.o-t la. Libe.ué do nt j ou-iA.o ent le..o "pe. Mio nYllUJz.u
ut d' a.u:ta.nt pi..U6 gJLande. qu' i l i .6 éjouJLnent da.rt.o u.n.e. -tn.otilutio n à
.0 écwLi..té mo-tY!.dJte.
(2)
SWl. te u:te. l' Ue ndue. du teJtJLiloiJLe
-tv oiJL-<.en, un .0 eu.i.. camp péna.i.. e.xM.te.
implanté, non pa.o à Abidjan, ~ à Bouaké, au ce.n:tJte du pay.6. Il ac-
cueille. le.6 a.u:teuJrl> d' inolUtc.tiOYl..6 gJta.ve..o, le.6 CJUminef.6 no.ta.nme.nt, con-
damné.6 à de..o pune..o d' e.mpItM 0 Me.me.nt de lo ng ue. duJLée (1 0 an.o et au-
de.6.6U6) e.t dont la .ouJLveili..a.nce e.xige. un e.nc.a.dJteme.nt mU6c.i..é. PM Jta.p-
pou à. la. popuia..:ti.on du pltMOYl..6 ou du ma.-iAoYl..6 de. coJr.Jte.c.tion, i l .0' a-
gil ie.-<. d J-tnMvidu.o co Yl..6idéJLé.o btè.6 dang eJte.ux, hOM c.a.dJte..o.
-
614
-
que la loi reconnaît comme étant majeures et, par conséquent,
responsables d'elles-mêmes ainsi que de leurs actes.
Pour prendre en charge les auteurs d'infraction con-
damnés à des peines privatives de liberté, la ville d'Abidjan
dispose d'une structure d'accueil: la Maison d'Arrêt et de
Correction implantée à Yopougon.
b -
~~_~~!~~~_~~~!!§!_~!_~~_Ç~!!~f!~~~
Q~~~!Qi~~ (MACA)
Elle fait partie de la trentaine d'établissements
pénitentiaires pour adultes que compte la Côte d'Ivoire. Ini-
tialement implantée à Abidjan-Plateau à une centaine de mètres
du Palais de Justice, elle a été transférée en 1980 à Yopougon,
un des quartiers limitrophes de la capitale économique. Ce qui
lui vaut, à cause aussi de la nouveauté de ses bâtiments, l'ap-
pellation de "Lycée Moderne International de Yopougon" par les
abidjanais. En effet la croissance démographique de la ville
puis l'augmentation de l'effectif des détenus et des prévenus
au sein de l'unique et vétuste maison d'arrêt
justifiaient la cons-
truction d'un établissement plus grand sur un site autre que ce-
lui du Plateau, cité administrative. Yopougon, banlieue-ouest
d'Abidjan, apparaissait plus indiqué pour accueillir la nouvelle
- 615
-
prison. Ainsi, ont été construits non seulement les bâtiments
des prisonniers, mais aussi à quelques mètres du "Lycée" une
ci'té pour tout le personnel de l 'adminj.stration pénitentiaire
et leur famille.
Le visiteur qui arrive de Yopougon, à la limite Nord
de la zone industrielle et à l'orée de la forêt du banco, voit
se dresser cet ensemble de bâtiments ceinturés par une haute
muraille surmontée de fil barbelé. Des miradors qui émergent
de cet ensemble, laissent penser à un camp militaire, à un mon-
de où la liberté individuelle doit souffrir de l'omniprésence
de gardiens. En avant-plan de la muraille une voie sans issue
sépare la prison des habitations du personnel administratif.
Des voitures automobiles peintes dans les couleurs de l'emblème
nationale assurent le transport des visiteurs entre la ville et
le "Lycée Moderne International".
b. 2. )
Infrastructure matérielle
-------------------------
L'importance numérique de la population pénitentiaire
co~~ande la mise en place d'une infrastructure matérielle per-
mettant une prise en charge des individus. Aussi, par rapport
à l'ancienne prison aujourd'hui •..-l t:;m" 1 ..; 0
la nouvelle a-t-elle
..... ""'.11 V
",,"..J."""
,
été conçue de manière à offrir un espace de vie apparemment suf-
fisant à ses pensionnaires. Ainsi, non seulement chaque bâti-
ment dispose d'une cour grillagée, mais encore une cour centra-
le dite "Grande Cour" permet-elle aux individus de communiquer
-
616
-
entre eux et de s'ouvrir aux relations sociales avec les occu-
pants d'autres bâtiments.
S'agissant de la répartition des personnes entre les
bâtiments, quatre critères principaux paraissent retenus: la
nature du délit, l'appartenance socio-professionnelle, .le sexe
puis l'âge. De la sorte,
- les personnes condamnées à une peine d'emprisonne-
ment ferme occupent le bâtiment A;
- les prévenus, c'est-à-dire ceux sur qui ne pèse en-
core qu'une présomption, donc qui attendent d'être jugés, sont
logés au bâtiment B;
- les condamnés pour des délits graves tels que les
vols qualifiées et les meurtres occupent le bâtiment C. Les
détenus indisciplinés y sont aussi admis;
- le bâtiment des "assimilés" accueille des hauts fonc-
tionnaires ou des personnes considérées comme telles que diver-
ses raisons conduisent en prison;
- le bâtiment dit des femmes reçoit uniquement les
dé~enus de sexe féminin;
- le Centre d'Observation des Mineurs constitué d'un
bâtiment à deux étages accueille les jeunes délinquants. Placé
â l'intérieur de la prison, il est séparé du quartier des adul-
-
61 ï
-
tes par une grille de façon que les deux populations ne puis-
sent pas entrer en contact.
Pour occuper les "pensionnaiJ:es", il est prévu au
sein de la prison une boulangerie, une menuiserie bois, un
atelier de couture, un garag~-auto. Pour sortir les détenus de
l'oisiveté et de l'ennui, il en faut beaucoup plus, eu égard à
leur nombre, que les centres d'activités énumérés ci-dessus.
Notons également qu'une cuisine, un dispensaire, un
bureau pour le Directeur de l'établissement, des salles de re-
ception, bref un minimum d'équipement matériel existe qui per-
met le fonctionnement de la prison.
A la tête de l'établissement se trouve un Directeur
ou Régisseur. Travaille sous sa responsabilité tout le person~
nel affecté à la Maison d'Arrêt et de Correction.
Au cours de l'année 1985, sont en activité au sein de
l'établissement, hormis le régisseur qui est lui-même un attaché
administratif,
- 112 personnes d'encadrement dont 14 surveil-
lants-chefs et 98 surveillants
- 1 médecin à plein-temps
-
b18
-
6 infirmiers à plein-temps
-
1 sage-femme à plein-temps
-
3 assistants sociaux.
Par rapport au nombre de détenus sans cesse en pro-
gression (ils sont plus de 4 000 personnes dans cette prison
conçue pour recevoir 1 500 individus), l'effectif des enca-
dreurs paraît ridicule. Si l'on tient par ailleurs compte des
absences dues aux congés, aux permissions, à la maladie, etc,
l'insuffisance de l'effectif du personnel de l'administration
s'accuse encore davantage. Le sous-encadrement et, par consé-
quent, le surcroît d'activité pour le personnel s'avèrent énor-
me s ( 1) .
La journée du détenu commence de bonne heure. Dès
8 heures du matin, tout le monde est sur pieds. Malheureuse-
ment, il ne s'agit pas pour tous de s'apprêter pour se rendre
au travail. Dans ce milieu où le surpeuplement pèse et où le dé-
soeuvrement est roi, vaquer à une activité est un privilège
accordé uniquement aux condamnés qui sont à la fin de leur pei-
ne et qui ont une bonne conduite. Seuls ils peuvent bénéficier
des corvées. Quant aux autres, ils n'ont qu'à attendre dans la
( 1) : SUIt .fa. bMe de 4 000 dUeYllUl env..iJLon, on obtient appllou.mctüvement le
Jta.ppoteX. de
36 -6uje:t6 pail enca.dIl.eUlt ; c.e qu.i.. lteplté6ente une nette amé-
lioJta.tion, quoi que in-6u66.i-6ante pOUlt atiundlte à l'en 6.ica.w.é, du
taux d' enca.dltement pa..It. ItappolLt à la pJt.opo!Lt.ioY/. de, 1 -6U1tve.illant pOUlt
39 déteYl.U-6, -6u.i..vant le-6 ltec.helt.~he-6 ennectuée-6 palt. Mic.hel Am.iot en 1914.
Ma-.W quand on en vient à c.on-6idéltelt le-6 gaJtcüen-6 en de.vo..iJL, le Jta.ppo/tt
lte-6te toujoWt-6 6a.ible.
-
619
-
cour jusqu'à 16h 30 pour regagner leurs bâtiments. Par manque
de matériel, les ateliers ne fonctionnent pratiquement pas.
Cette observation rejoint celle faite, il y a une dizaine d'an-
nées, par Michel Amiot à propos des prisons ivoiriennes en gé-
néral. "La très grande majorité des détenus dans les prisons
ivoiriennes, écrivait-il, subit sa peine dans l'inactivité la
plus totale. Il existe effectivement des ateliers de mécanique
et de menuiserie dans deux ou trois établissements. L'atelier
du camp pénal, très bien équipé d'ailleurs, est désert, faute
de personnel. D'autre part, quelques détenus privilégiés sont
affectés aux travaux d'entretien et de réparation (menuiserie,
électricité, plomberie, peinture). De plus, ce sont des détenus
qui assument les responsabilités du greffe de toutes les pri-
sons. D'autres sont employés aux cuisines et à l'infirmerie.
Enfin, certains détenus en fin de sentence travaillent aux jar-
dins et aux corvées à l'extérieur des murs. Mais l'ensemble des
détenus ainsi occupés représente seulement environ 10% de la
population totale. Les autres n'ont strictement rien à faire"
(cf Michel Amiot, op. cit, p. 54). Dix ans après, la situation
des détenus au sein des prisons ivoiriennes en général, de la
Maison d'Arrêt et de Correction d'Abidjan en particulier, n'a
guère changé au plan d'occupation des pensionnaires. On peut
raisonnablement se demander ce que la société attend des indi-
vidus qui sont maintenus dans un désoeuvrement total pendant
plusieurs mois ou plusieurs années et à qui aucun traitement
-
fJ20 -
n'est appliqué qui puisse favoriser la réinsertion dans la so-
ciété. C'est à croire que l'emprisonnement ferme, considéré
uniquement sous l'angle de punition, a une vertue magique:
celle de faire réfléchir des individus qui n'avaient jamais ré-
fléchi et de leur dicter des conduites à suivre une fois qu'ils
seront hors de la prison.
La journée du détenu se présente bien morose et mono-
tone. C'est ici une donnée qui caractérise toutes les prisons
dans les états d'Afrique Noire ~f D. Senghor: 1979). En P!ivant
l'individu de sa liberté par le maintien en prison, la société
se venge du donunage que ce dernier lui a causé. On comprend, dans
ces conditions, que la société ne puisse pas rendre agréable la
vie au sein de ce~ établissements. Si elle le faisait, la puni-
tion perdrait sa valeur et la prison deviendrait un milieu de
vie attrayant qui attirerait non seulement tous les délinquants
et criminels, mais encore tous ceux qui ont un niveau de vie in-
férieur à celui offert aux détenus. Ainsi se résumaient les
réflexions des participants africains au IVe Colloque de Crimi-
nologie Comparée d'Afrique Occidentale tenu a Abidjan en 1974
sur "Prévention de crime et Planification".
La prévention et le traitement des (-rimes et délits
se heurtent à divers obstacles qui leur enlèvent l'efficacité
que les initiateurs
des lois sociales attendent. Au nombre de
ces obstacles, rappelons ceux:
-
621
-
- relatifs au changement des mentalités et des atti-
tudes vis-à-vis du phénomène criminel ;
- relatifs aussi aux limitations imposées par l'état
de sous-développement, à la croissance des moyens humains et
matériels au niveau des organismes opérant en amont, la police
et la gendarmerie en particulier ;
- concernant la mise en place d'une infrastructure
qui facilite l'action du juge dans le choix des mesures alter-
natives à l'emprisonnement ferme;
- enfin qui relèvent du sous-équipement des institu-
tions chargées d'accueillir et de traiter les auteurs d'infrac-
tions.
Les distinctions faites entre les divers ordres de
prévention perdent de leur intérêt devant les difficultés énumé-
rées ci-dessus. Dans la mesure où la nécessité du développement
économique impose des urgences, une lutte planifiée contre la
criminalité s'apparente à un luxe qu'aucun état africain, la
Côte d'Ivoire en l'occurrence, ne peut supporter aux risques
d'hypothéquer son devenir. Celui qui crache en l'air, dit un
adage africain, doi~ s:at~endre à le recevoir sur le nez. Les
difficultés rencontrées aujourd'hui dans la politique de pré-
vention et du traitement du crime procédent de l'institution
d'un ordre social nouveau. Ceux des adultes dont les schèmes
-
b2~ -
de conduite sont trop sclérosés pour s'ajuster aux impératifs
du changement social payent un lourd tribut dans les maisons
dites de correction. On peut se demander quel est le sort ré-
servé aux plus jeunes, ceux-ci qui incarnent l'espoir de la
société nouvelle en édification. C'est à cette question que
s'efforce de répondre le chapitre qui suit.
QUA TRI E ME PAR T 1 E
LAD E LIN QUA NeE DES JEU NES
-
625
-
LA
DELINQUANCE
JUVENILE
INTRODUCTION
1 - La délinquance des jeunes constitue actuellement
l'un des problèmes majeurs de société à travers le monde.
L'inquiétude suscitée par l'anti-socialité des jeunes n'épargne
aucun pays aujourd'hui. Parents, autorités politiques, adminis-
tratives et religieuses se demandent que faire pour freiner,
réduire ou supprimer les inadaptations sociales juvéniles. Les
arguments ne manquent pas qui expliquent la conduite déviante
sans qu'on puisse pour autant agir efficacement sur les causes
ainsi mises en évidence
- Des parents reprochent à leurs enfants d'être
indociles, désobéissants, de manquer de soumission
en bref,
s'étonnent du mauvais comportement de leurs enfants. Le voisi-
nage et, généralement, la société passent pour responsables de
l'orientation délinquante des enfants;
- Des autorités politiques voient dans la déviance
des jeunes une sérieuse menace à l'égard de leur pouvoir
(cf. Léon Michaux, 1972, p 81), une remise en question de l'ordre
social édifié à grands frais, parfois au prix de durs sacrifices
humains, notamment dans certains pays récemment indépendants;
- 620 -
L'administration (cf. Commission des Maires sur la
Sécurité: Face à la Délinquance: Prévention, répression,
solidarité. Rapport au Premier Ministre) s'explique difficile-
ment les raisons du vandalisme des jeunes dans la cité, les
agressions physiques dont ces derniers sont auteurs et s'in-
quiète de l'insécurité qu'ils font régner dans la population.
Les parents paraissent être les premiers responsables des
inadaptations multiformes de ces jeunes qui n'ont par ailleurs
de respect ni pour personne ni pour les biens d'autrui.
- Les autorités religieuses pensent à une baisse de
la spiritualité consécutive à l'influence des mass-médias sur
les individus, notamment sur les éléments les plus jeunes de la
société et, par conséquent, les plus vulnérables aussi. Cette
baisse, pense-t-on, rend compte de l'inconsistance de la mora-
lité, de la faiblesse de l'armature morale chez les enfants.
Tout se passe comme si l'on assistait à un éveil des instincts
naguère réprimés par les croyances religieuses.
2 - Pour endiguer la délinquance des jeunes, diffé-
rentes solutions sont proposées qui vont de l'emprisonnement
ferme parfois identifié à un traitement, à la relaxe pure et
simple, à l'image de ce qui se passe chez les adultes.
"En common law, notent E. H. Sutherland et D. R. Cressey
(1966, p 417), il Y a cent cinquante ans, les enfants étaient
jugés et punis pour les infractions qu'ils commettaient de la
même façon que les adultes". Il n'était pas alors question de
- 627 -
traiter différemment les auteurs de délit ou de crime. Ce qui
importait était l'intensité de l'émotion provoquée dans la
population, ce par quoi se mesurait la gravité de l'acte. La
collectivité se sentait d'autant plus soulagée que le châtiment
infligé au délinquant lui apparaissait exemplaire. L'auteur
d'une infraction grave "expiait dans le châtiment l'atteinte
portée à des institutions vénérables. Dans le sacrifice la
communauté se purifiait de la faute commise par l'un de ses
membres",
(cf. Jean Chazal, 1967, p 12). Ce qUI comptait en ces
tempS-là était l'acte, mais pas son auteur. Et le juge, en tant
que membre de la communauté, ne pouvait qu'agir suivant la
moralité collective,
~ Les progrès accomplis par le droit pénal moderne
dans le sens de l'humanisation des peines ont conduit aussi à
réviser l'attit~de des tribunaux vis-à-vis des enfants.
"C' est pourquoi, observe encore E. H. Sutherland et D. R. Cressey,
en 1938, le Gouvernement fédéral
(américain) adopta une loi
créant un tribunal pour enfants. Le mouvement de création des
tribunaux pour enfants s'est étendu aux autres continents et
la plupart des pays civilisés ont maintenant des juridictions
spéciales pour les mineurs".
(cf.
Id. p 418). Autrement dit,
si les Italiens ont été les premiers à préconiser l'application
de peines plus humaines, les américains paraissent avoir été
les promoteurs des tribunaux pour enfants, traduisant ainsi
concrètement dans les faits l'idée d'une justice qui, désormais,
- 628 -
considère aussi bien l'auteur de l'infraction que l'infraction
elle-même.
En effet, l'examen de la criminalité des jeunes
laisse apparaître, ainsi que le relève Léon Michaux (1972, p 88),
qu'il s'agit très généralement de "Délits d'adultes dans la
conception et l'exécution", mais de "délits d'enfants dans la
motivation". La création des juridictions spécialisées pour
mineurs répond à la volonté du corps social de ne plus lier d'une
manière uniforme infraction et sanction, mais de tenir compte
de la maturité psycho~biologique de l'auteur dans l'adminis-
tration de la sentence.
Il s'agit de rechercher la mesure
adaptée à la personnalité du jeune et qui conduise à la réin-
sertion de celui-ci dans la communauté. C'est la raison pour
laquelle "le Législateur français s'est engagé dans cette voie
en introduisant en- 1958 dans le nouveau code de procédure pénale
un article 81 qui institue l'examen médico-psychologique et
social du délinquant, examen prescrit obligatoirement par le
juge d'instruction en cas de crime, et qui reste facultatif en
cas de délit, les mots de crime et de délit étant pris dans leur
signification juridique et étroite" (cf. Jean Chazal, 1967, p 14).
- La probation, la rééducation, le sursis, plus par-
ticulièrement les deux premières sont des mesures qui découlent
du progrès réalisé par la lêgislation dans les pays industria-
lisés. On n'insistera jamais assez sur l'inefficacité des
condamnations à un emprisonnement ferme.
L'incarcération offre
- 629 -
l'une des meilleures occasions à nombre de jeunes pour mieux
se former dans l'art de nuire à la société. Les mesures substi-
tutives à l'emprisonnement initiées et développées par le Droit
Pénal Spécial des Mineurs laissent une chance à ces jeunes qui
en sont encore à apprendre à distinguer le bien du mal.
3 - Dans les jeunes nations, telle la Côte d'Ivoire,
qui connaissent une croissance économique et sociale rapide, la
criminalité juvénile "prospère" à tel point que son éradication
risque de figurer dans les années à venir, parmi les objectifs
prioritaires des gouvernements. Les grandes villes d'Afrique
Noire, lieux d1élaboration de la civilisation nouvelle selon
Paul Mercier, abritent des populations en majorité jeunes. Dans
ce cadre nouveau de vie, on l'a vu dans l'examen de la société
abidjanaise, ni les enfants ni les adultes ne disposent de
repères sûrs en ~atière de valeurs. Les institutions nouvelles,
dont le Droit Nouveau qui nous intéresse ici, paraissent encore
loin de p~oduire les effets attendus: changement des ment~lités,
édification d'une société nouvelle, etc ... L'attitude des popu-
lations à l'égard de la criminalité juvénile se distingue
difficilement de celle qui caractérisait les individus dans le
cadre traditionnel: le rétablissement de l'ordre social perturbé
grâce à l'indemnisation de la victime ou à des sacrifires
expiatoires.
- Cependant, ainsi qu'il avait été dit du traitement
des délinquants et criminels adultes, l'importation du Droit
- 630 -
Pénal Nouveau a été faite en même temps que celle des structures
qui permettent de le faire fonctionner. On a donc essayé de
reproduire ces structures pour Id prise en charge des jeunes
auteurs d'infraction. Des tribunaux pour enfants existent qui
traitent de la criminalité juvénile. La rééducation, la liberté
surveillée qui sont des dispositions prévues dans les textes
législatifs demeurent encore sans structures véritables.
Pourtant, dans les grandes villes telles que Ouagadougou, Dakar,
Niamey, Abidjan pour ne citer que ces quatre, la délinquance
intéresse une proportion de jeunes de plus en plus nombreux, à
tel point qu'on peut raisonnablement se poser la question de
savoir ce que sera la société future,
(cf. Marcel Rioux, 1965,
p 9~ qu'annoncent les comportements "déviants", Les explications
ne manquent pas, i~i comme ailleurs, mais les "remèd.es" véri-
tablement efficaces (et on ne les a jamais évalués) font
cruellement défaut à telle enseigne que la délinquance se nourrit
d'elle-même ou mieux, se développe comme une gangrène par absence"
d'une politique criminelle préventive conséquente. Ci-dessous,
nous examinerons successivement l'étiologie de la délinquance
des jeunes en Côte d'Ivoire, son importance â Abidjan et les
moyens mis en place pour l'enrayer.
-
631
-
CHAPITRE 1
ETIOLOGIE DE LA DELINQUANCE DES JEUNES
A ABIDJAN
- La recherche des causes qui sont responsables du
comportement délinquant des jeunes n'est sûrement pas une exclu-
sivité de l'homme de science. "L'homme de la rue", dans toutes
les sociétés humaines, y participe aussi à sa manière. Ainsi,
chaque ivoirien dispo3e-t-il de toute une liste de facteurs
jugés responsables de l'orientation déviante des jeunes. Exode
rural, démission des parents en matière éducative, mauvais
exemples contractés dans les rues, influence des films ciné-
matographiques etc, sont les éléments de situation qui, pense-
t-on, orientent les enfants vers la délinquance pour reprendre
l'expression de Roger Mucchielli (1974), "la marginalité crimi-
nogène". Les ivoiriens, les acidjanais notamment, ne sont pas
les seuls à s'inquiéter de la croissance rapide du banditisme
des jeunes dans les vi~les, ni les seuls à en rechercher les
causes à travers des influences extérieures au milieu même où
vivent les individus. Il est d'éminents criminologues pour voir
dans l'antisocialité des jeunes l'action directe des touristes
(cf. Dr Ante Caric,1978). C'est, peut-on penser, une tendance
naturelle chez l'homme de rechercher les causes de son infortune
en dehors de lui-même.
- Les difficultés d'adaptation à leur environnement
social vécues par les jeunes paraissent trop sérieuses pour
-
632 -
laisser les sciences humaines indifférentes. Le champ de la
délinquance juvénile s'est donc considérablement développé grâce
aux recherches qui se veulent toutes explicatives des causes de
l'antisocialité. A en croire R. Hood et R. Sparks
(op. cit,
p 171), cet intérêt croissant des chercheurs procéderait de la
demande des tribunaux, des institutions correctionnelles qUI
souhaiteraient sinon mettre un terme à la délinquance du moins
réduire le récidivisme. L'examen des résultats acquis en ce jour
peut éclairer non seulement les manifestations de la criminalité
juvénile à Abidjan, mais encore et surtout aider à comprendre sa
génèse. C'est à cet examen que se consacrent les parties qui
suivent.
- b33 -
1 - ETIOLOGIE DE LA DELINQUANCE DES JEUNES A ABIDJAN
11 - Etat de la question
La recherche des causes de l'antisocialité des jeunes
constitue l'une des préoccupations majeures des sciences humaines.
dans les sociétés modernes. Différentes théories ont été dévélop-
pées qui ambitionnent d'aider à sa résolution. Les sciences
sociales, la sociologie en particulier, se sont distinguées par
l'importance à la fois quantitative et qualitative des travaux
sur le sujet. Jacques Selosse, qui a voulu y mettre un peu plus
d'ordre, classe, en les synthétisant, les recherches en six
grandes orientations qu'il convient de rappeler briêvement.
Tout en reconnaissant la réalité objective de la
délinquance, on en attribue les causes à l'attitude des adultes
vis-à-vis du comportement des jeunes. Le monde est ma représen-
tation, disait le philosophe. La délinquance serait aussi ce
que la société des adultes se représente des jeunes.
Cette
représentation serait à l'oeuvre dans le choix des jeunes qui
devront tomber sous le coup de la loi. Ainsi que l'écrit Jacques
Selosse
(op. cit, p 176), "On n'étudie plus les jeunes délin-
quants, mais la société considérée comme criminogène".
b) ~~~_~~ç~~~ç~~~_~~~~_~~E_!~_ç~!ttr~_~2!r_~~_!~
~~!!~g~ê~Ç~
Ici, on va se préoccuper de tous ceux qui, ayant
- 634 -
enfreint la loi, demeurent impunis pour la seule raison qu'ils
n'ont pas été repérés, En démontrant l'absence d'association
statistique significative entre l'origine sociale des sujets
et la visibilité de leurs délits, à partir d'une enquête basée
sur l'autoconfession, Marc le Blanc dont J. Selosse cite les
travaux, remet en question l'opinion d'après laquelle la délin-
quance des jeunes issus de milieux sociaux aisés serait plus
dissimulée que celle de leurs pairs ressortissants des familles
déshéritées, Curieusement, les victimes se recrutent aussi
dans le m~lieu social des dél~nquants ma~s pas spécialement
dans les couches aisées, comme on aurait dû S'y attendre. Cette
observatjon s'applique aussi à la criminalité des étrangers.
La délinquance semblerait se fonder sur les sensibilités au,
lieu de paraître une réalité en soi.
c) ~~_!~~t~!~t~~~~~~~_~~!_!~_~~~~2~!!~_~!_!~
~!2!!Q~Ü~
Elles mettent toutes en évidence soit la pauvreté des
ressources personnelles et matérielles chez les sujets crimi-
nalisés (conclusion des travaux du Centre de Recherche et
d'Education Surveillée de Vaucresson) soit un sous-développement
des relations interpersonnelles, de l'intelligence et du mode
d'expression de l'agressivité (Marcel Frechette). Toutes les
recherches qui visent à mieux comprendre les causes de l'anti-
socialité des jeunes se rejoignent, quant à 1
'
eurs resultats,
-
b35 -
pour conclure ~I l'importance Jes données mésologiques dans la
genèse et le développement de la délinquance.
d) ~~_~~!~g~~ç~_~~_!~!_g~~_!!2~~!~_~~
!~~~~Q!~!~2~_~~~!Y!~~~!!~
Les processus d'assimilation et d'accommodation carac-
térisent l'adaptation de l'individu à son milieu. Cette obser-
vation conduit à relativiser l'importance des facteurs
intellectuels dans la genèse de la délinquance : "les troubles
du fonctionnement intellectuel ne peuvent, certes, être considérés
comme causes de la délinquance, mais comme un élément parmi
d'autres, susceptibles de fâciliter le comportement délinquant
(cf. J. Selosse, ·Id, p 184). Dans cette perspective de psychologie
criminelle, la conduite antisociale sera marquée par l'utilisation
de circuits courts qui reste aussi un des modes du fonctionnement
intellectuel. Le délinquant est aussi capable d'évaluer les gains
et les sanctions qui peuvent résulter de la commission d'un délit.
Dans tous les cas, il est obligé de tenir compte des individus
avec lesquels il est en rapport, tant il est vrai que tout
humain reste toujours attaché à un milieu.
L'acceptation de l'image négative de soi élaborée par
le corps social facilite le passage à l'acte chez le délinquant.
La commission de délit serait donc "l!aboutissement de méca-
nismes psychosociaux de dévalorisation, d'exclusion et de rejet".
e)
~~_r~~~~r~~~~_2r!~~!~~~_Y~r~_!~_f2~~!!2~~~~~!
~~~_2Eg~!~~!!2~~_~2~!~!~~
Les sociologues de la déviance des jeunes considèrent
le fonctionnement des organisations sociales comme cause possible
de la délinquance. Car, pensent-ils, "Dans un univers en change-
ment, ce n'est pas seulement par rapport à la conformité que
l'on décode les conduites, mais également par rapport à l'inno-
vation". Par ailleurs l'appréciation, en termes de gravité, des
comportements varie selon les corps professionnels (police,
juges, gendarmes, etc ... ). Ces différents acteurs sociaux qui
ne se situent pas toujours sur la même longueur d'onde, peuvent
influencer le fonctionnement de la justice des mineurs. De plus,
dans la mesure où ceux à qUI s'applique la loi ne partagent pas
les mêmes valeurs que celles défendues par le Droit, la chance
que la justice soit acceptée ne peut être que mInce.
Les considérations précédentes ouvrent la voie à des
recherches orientées dans trois directions. D'abord, les compor-
tements marginaux ne sont pas nécessairement délinquants. Où
situer la limite entre les deux types de comportement? Tout
semble être affaire de tolérance du milieu. Le poids des agences
de régulation sociale dans la définition de la délinquance
ainsi que leur propre image dans la société devi~nnent de plus
en plus objet d'étude à travers le monde. Enfin, le mauvais
fonctionnement de la justice conduit à s'interroger sur les
représentations qu'en ont les justiciables. Ou bien la justice
- 637 -
oeuvre pour la défense de l'individu ou bien pour la protection
de l'ordre public et pour la sécurité.
f) ~~_r~~~~r~~~~_9r!~~!~~~_Y~r~_!~~_~~~!!!~~_~~_pr!~~
~~_~~~rg~
- Les différentes modalités de prise en charge des
mineurs délinquants tentées à travers le monde traduisent
l'importance accordée au traitement. Le maintien des jeunes
en milieu fermé ou en milieu ouvert suscite des adhésions
variées d'autant plus qu'aucun des deux modèles de traitement
n'est absolument efficace. L'efficacité du placement dans les
centres de rééducation apparaît douteuse quant aux résultats
obtenus et aux moyens humains et matériels investis. Dans ces
conditions, il semble indiqué de supprimer les centres de
rééducation et de confier les jeunes délinquants aux anciens
qui ont réussi à se réadapter socialement.
Solution trop radicale, observe J. Selosse, et qui ne
résoudra pas le problème de sécurité qui préoccupe les pouvoirs
publics. Sans renoncer aux difficultés rencontrées dans le trai-
tement des jeunes, les centres de rééducation permettent de
progresser dans la réflexion et dans la recherche sur la reso-
cialisation. Dans l'échec attribué aux institutions, il faut
voir aussi la contribution de l'entourage du jeune et de la
société CY. Roumajon, C. Chirol, M. Guerin, 1972).
- 638 -
Associer le jeune à la prise de décision qui le concerne et
obtenir son adhésion à celle-ci semble être une condition jugée
importante par Maurice Cusson pour le succès de la rééducation.
La manière dont se structurent les personnalités
délinquantes juvéniles a amené l'équip~ de recherche de la
Sauvegarde de l'enfance du pays basque dirigée par Madame Favard
à se poser la question de savoir s'il était pertinent et valide
cliniquement d'élaborer une problématique de la délinquance
juvénile en se fondant sur une hypothèse de personnalité crimi-
nelle. Les observations faites par J. Selosse et Ph. Robert
mettent en garde contre le risque de la contamination des
variables dans la recherche des prédicteurs de récidives dans
les institutions. Il est apparu effectivement à Madame Favard
elle-même que "la représentation sociale du déviant se structu-
rerait avant le dIagnostic, serait d'emblée partagée par
l'équipe
et
prolongerait celle du milieu social qui a effec-
tué la demande". C'est dire, à la suite d'autres travaux
(M. Cusson, J. Beauchamp et S. Laflamme-Cusson en 1973 ;
Dr VODOPIVEC en 1971) que le changement au sein d'une institu-
tion est aussi fonction du degré d'engagement du personnel
qui y travaille.
Ce rapide survol des travaux sur la délinquance des
mineurs a permis à J. Selosse de conclure à l'évolution certaine
des modes d'approche de la question. De la recherche centrée
uniquement sur le délinquant, on est passé à la prise en compte
simultanée du sujet et de son milieu. "La conduite interpelante
-
b39
-
écrit-il, ne prend son sens que par et à partir de l'environ-
nement qui tout à la fois la secrète et la suscite".
Ce bref résumé des recherches peut orienter notre
réflexion dans l'examen de la criminalité juvénile en Afrique
Noire et, singulièrement à Abidjan, capitale économique de la
Côte d'Ivoire. Même si, ainsi que le recommande G. Balandier
(1971, P 265)
"Les travaux consacrés à la délinquance junévile
,
et à la criminalité ne prennent leur sens que s'ils s'effec-
tuent d'un point de vue relativiste: en envisageant, ...
l'ensemble des déséquilibres socio-culturels qui caractérisent
la société étudiée, à un moment donné", l'influence des conclu-
sions des travaux scientifiques réalisés ailleurs sur le
continent noir ne doit plus être ignorée. La délinquance juvé-
nile par son rapide développement dans les grandes villes
africaines au Sud du Sahara, ne cesse d'inquiéter les autorités
politiques qui désirent en savoir les causes pour y remédier.
Il en est ainsi de la ville d'Abidjan.
On a souvent constaté ou écrit que le développement
économique s'accompagnait du développement de la criminalité.
Les deux, l'économique et l';1,tisocialité, semblent s'alimenter
réciproquement. Une surveillance très stricte du comportement
des individus et une répression très accentuée des manquements
-
b40
-
à la loi peuvent entraîner un ralentissement des activités
économiques. Ainsi, suivant un informateur responsable d'une
société de transit, la création d'un Secrétariat d'Etat à la
Sécurité Intérieure chargé spécialement de la police économique
avait fait baisser le volume des activités de plusieurs sociétés
au port d'Abidjan. Le contrôle trop strict des fraudes dans les
transactions décourageait tous ceux qui y faisaient fortune.
Témoignage qui, vrai ou faux, semble relier le progrès écono-
mique au crime. On a souligné assez l'importance des valeurs
humaines dans l1équilibre individuel et collectif pour qu'on ne
s'y apesantisse pas de nouveau. Toutefois, le devenir des jeunes
dans la société ivoirienne de demain, commande qu'on s'intéresse
aux causes de leur déviance de façon à éclairer les mesures
curatives et préventives qui peuvent être prises.
La quasi totalité des travaux consacrés à la délin-
quance des jeunes en Afrique Noire et singulièrement à Abidjan,
souligne l'importance des facteurs de divers ordres à l'origine
de cette forme de déviance.
- La désorganisation des structures sociales tradition-
nelles consécutive aux persistantes influences exercées par la
colonisation sur les "sociétés locales", les politiques de
développement économique et social nouvelles rendues nécessaires
au lendemain des indépendances expliqueraient le développement
de l'antisocialité des jeunes.
-
641
-
- Dans la présentation de la société abidjanaise et de
ses caractéristiques sociologiques (cf. Considérations générales
sur la société abidjanaise), on a vu les difficultés qu'affron-
taient les jeunes dans la ville d'Abidjan où ils étaient et
demeurent encore aujourd'hui majoritaires. Par ailleurs, très
peu d'entre eux ont vu le jour dans la ville qu'ils habitent.
La présence donc de nombreux jeunes à Abidjan est expliquée
comme étant l'une des conséquences de la dissociation
des struc-
tures familiales traditionnelles ou de l'affaiblissement de ces
structures. "La détribalisation, écrit Ika Paul Pont (1959, p 12),
comporte comme conséquence directe la dissociation de la famille ...
L'homme s'affranchit progressivement de l'emprise traditionnelle
mais, en même temps la femme s'émancipe et se soustrait â
l'autorité maritale ... Parallèlement, les enfants livrés â
eux-mêmes vagabonaent sans occupation définie s'ils le veulent
et constituent une proie toute désignée pour la délinquance.
L'inadaptation de l'enseignement a produit beaucoup de
jeunes déclassés qui repoussent le travail de la terre et ne
trouvent pas de débouchés.
L'absence de loisirs organisés entraîne la formation
de bandes de vauriens qui fréquentent les bars, les cinémas,
les marchés ... ".
C'est sur la base de telles hypothèses que Paul Pont
a entrepris l'étude de la délinquance juvénile à Douala
(Cameroun), â Abidj an (Côte d'Ivoi re) et â Tananarive (Madagascar).
-
642 -
Ses conclusions soulignent la présence massive, parmi les
jeunes auteurs d'infractions au code pénal, d'enfants issus
de couples dissociés ou réduits à un seul parent, d'orphelins,
de déscolarisés et de fréquentateurs de bars de dancings et
de cinémas. L'analyse statistique lui a permis de noter, en ce
qui concerne la délinquance à Abidjan, les faits suivants
- très peu de récidive sur 133 dossiers délinquants,
- le nombre de délinquants croît régulièrement entre
10 et 17 ans,
- le pourcentage de délinquants qui ont vu le jour à
Abidjan est faible par rapport à celui des délin-
quants nés hors Côte d'Ivoire,
- le décès d'un des parents, facteur de délinquance
se retrouve ici,
- avoir des parents éloignés est un facteur de
délinquance,
- pourcentage important de délinquants vivant seuls,
- changements de milieu de vie plus fréquents chez les
délinquants que chez les non-délinquants ; ce qui
est un facteur de délinquance,
- moins de fréquentations familiales chez les délin-
quants que chez les non-délinquants,
les délinquants vont plus souvent au cinéma que les
autres,
- 643 ~
- les délinquants ne sont pas attirés par les loisirs,
- les délinquants ont plus le sens de la solidarité
familiale ou humaine que les autres.
Critiquant lui-même sa méthode, 1. Pont note qu'il ne
s'agit pas de déterminer les causes de la délinquance, mais les
situations qui la favorisent.
Il regrette par ailleurs de ne pas
disposer de données psychologiques qui auraient été utiles pour
une meilleure compréhension de l'antisocialité juvénile mais que
la recherche n'avait pas prises en compte. Dans la mesure où les
tribunaux modernes locaux eux-mêmes ne tiennent pas compte des
valeurs traditionnelles dans la qualification des conduites, on
ne peut demeurer que frustré de ne pas savoir ce que seraient
advenus les mêmes comportements appréciés sur l'échelle des
valeurs coutumières.
Il conviènt de noter que ce travail a été réalisé au
moment où ni le Caméroun, ni la Côte d'Ivoire n'étaient indépen-
dants. Ce fut en référence au Code Pénal Français que furent
interprêtés les comportements observés. Les interprétations,
pour les raisons déjà exposées (Cf. La Justice Pénale Ivoirienne
Moderne), gardent encore toute leur valeur aujourd'hui. Toutefois,
on peut faire les observations ci-après sur les conclusions
tirées de l'analyse statistique:
- l'apf 6ciation de la récidive basée sur des décla-
rations verbales paraît douteuse. L'absence de structure d'accueil
au Commissariat Central où sont conduits les jeunes pris
- 644 -
dans les filets de la police fait apparaître les rafles comme
un travail de Sisyphe. En effet
relâchés
les mêmes jeunes se
t
t
retrouvent dans les rafles prochaines.
- le faible pourcentage des délinquants nés à Abidjan
par rapport à celui de leurs homologues qui ont vu le jour hors
du territoire ivoirien pose le problème de la visibilité du
délit; problème que la recherche n'avait pas résolu.
- la fréquence des vols parmi les délits fait dire
à l'auteur que la faim explique cette infraction chez les
mineurs en Afrique Noire ; ce qui est démenti par les connais-
sances qu'on a, aujourd'hui, sur la question.
Il apparaît de
plus en plus, observe Marcel Rioux (1969, p 21), que la pauvreté
n'est pas seule en cause. La Suède
qu'on cite volontiers comme
t
le paradis de l'Etat providence
possède le plus haut niveau
t
de délinquance juvénile ; les Etats-Unis
détenteurs du plus
t
haut niveau de vie et dernier rempart du libéralisme, viennent
tout de suite après la Suède. La Commission des Maires sur la
Sécurité (op. cit, p 15) en France, ne conclut pas autrement en
ce qui concerne les infractions contre les biens.
- "Le délit élaboré
procédant d'insatisfactions
t
psychologiques ou affections semble être
pour le moment
le
t
t
fait de pays à haut niveau de vie. Les délinquants d'Afrique
se présentent dans leur ensemble
comme des délinquants occasion-
t
nels susceptibles d'une véritable réinsertion sociale
à peu
t
de frais", poursuit l'auteur. On se demande bien comment il a
pu s'en apercevoir
lui qui regrettait
dans le même travail
t
t
t
- (145 -
l'absence de données psychologiques qui eussent permis une
meilleure compréhension de la délinquance en Afrique Noire.
Les conclusions des nombreuses expertises faites pour le tri-
bunal des mineurs à Abidjan nous conduisent à nous inscrire
en faux contre cette perception de la délinquance dans le milieu.
C'est aussi ce qui ressort de la recherche effectuée par
Simone Hugot (1969, p 21) à Dakar: "Les carences éducatives et
affectives, constate-t-elle, s'inscrivent alors, en premier lieu,
comme facteurs susceptibles de faire basculer l'adolescent dans
la voie du délit".
La diversité des situations sociales résultant de la
corrosion des structures sociales traditionnelles et des désé-
quilibres de celles-ci, l'affaiblissement des valeurs de
civilisation dans les pays en changement rapide, tels que la
Côte d'Ivoire, s'accommodent mal d'interprétations hâtives.
Si l'on suit Ika Paul Pont, il n'y aurait que des
délinquants occasionnels sur le continent africain. C'est bien
dommage qu'il n'en soit pas présentement ainsi; les gouvernants
de ces jeunes républiques auraient été des plus heureux à ne pas
connaître la délinquance des mineurs que les quotidiens natio-
naux, celui de la Côte d'Ivoire précisément, qualifient de fléau.
Mises à part ces observations qui montrent les dangers
de l'utilisation des "schémas d'enquêtes conçus pour les sociétés
industrielles avancées" suivant l'expression de G. Balandier
- 046 -
(op. cit, P 264), dans les sociétés en évolution rapide,
l'analyse statistique et 'sociologique de la délinquance à
Abidjan, Douala et Tananarive faite par Ika Paul Pont, repose
le problème du changement social et des incidences de celui-ci
sur les individus (cf. A. Bassitché, 1975 a) en général, et
dans le milieu urbain en particulier. En mettant en évidence
que l'éloignement des siens, notamment quand on est encore très
jeune et qu'on est abandonné à soi-même, favorise la délinquance,
l'auteur invite indirectement les parents à prendre conscience
de leur responsabilité en matière d'éducation de leurs enfants.
De même, il permet de découvrir que les valeurs humaines saines
s'apprennent dans des micro-ou macro-milieux également propres,
au contact des personnes qui les incarnent. Si l'affrontement
social précoce désocialise, ainsi que le pense Roger Mucchielli,
la rudesse des éprëuves de la vie auxquelles sont soumis les
enfants abandonnés à eux-mêmes, donne la mesure des désordres
psychologiques qui guident leurs préférences dans le domaine des
loisirs (bars, dancing, jeu d'argent, cinéma, drog-party, etc ... ).
- Pour Abdou Touré, Sociologue ivoirien, la frustration
serait à la base des comportements délinquants dans le milieu
ivoirien en général, abidjanais en particulier (cf. op. cit, p 51).
"Le concept d'inadaptation veut confirmer, écrit-il, l'ordre
social dans la mesure où il tend à rendre l'individu seul respon-
sable de son état, et suggère donc, subrepticement, l'idée d'une
société irréprochable devant demeurer telle". Pour lui, la
-
647 -
domination rendrait l'individu incapable de répondre aux stimuli
qu'il reçoit du milieu. Ainsi, l'auteur qui s'efforce de démon-
trer l'existence de la stratification sociale à Abidjan, pense
que la criminalité est le mode d'expression chez des individus
(jeunes ou adultes) frustrés dans leurs tentatives d'intégration
sociale. La notion de "frustration-active" qualifie, selon lui,
la "situation où l'individu résiste au système de valeurs en
vigueur et lutte ainsi contre l'ordre social par la délinquance,
le banditisme, l'absentéisme, la marginalisation volontaire
débouchant parfois sur la création de nouvelles normes, l'insou-
mission et même l'absorption de drogues, etc ... ". Idée reprise
à Jean Chesneaux et qui paraît, selon Abdou Touré, correspondre
à la situation de l'Abidjanais. Si l'.on suit l'auteur,
la délin-
quance juvénile à Abidjan disparaîtrait par la suppression de la
frustration ou, pius exactement, par l'érection des valeurs
d'origine des individus en système. Or, suivant les sociologues,
le social n'est pas la somme des caractéristiques individuelles
et une culture nationale ne saurait être la somme des cultures
particulières caractérisant chaque groupe ethnique. Si l'on doit
se fonder sur les propos que l'antisocialité se résume en une
lutte de résistance contre des valeurs qui ne sont pas les sien-
nes, ce ne serait pas seulement une police qu'il faudrait, mais
toute une armée nationale pour venir à bout des exactions, du
vandalisme car, ainsi qu'il le pense lui-même en citant le
philosophe Hountondji : "Dans aucune société, tout le monde n'a
jamais été d'accord avec tout le monde" ; ce serait tout le
-
648 -
monde qui deviendrait les clients de la justice (instituée par
.
?)
qUI
.
•
A vrai dire, Abdou Touré fait le procès d'occidenta-
lisation de la société abidjanaise. Il est hanté par le désir
du retour à la source,
(source qui, si elle n'est déjà pas tarie,
ne peut plus étancher la soif de tous ceux qui veulent s'y abreu-
ver), le désir de la valorisation des cultures locales.
Il ne
peut donc, dans le même temps, appréhender les causes de la
délinquance dans la société abidjanaise. En s'en prenant à l'élite
qu'il consiàère comme responsable de l'inadaptation sociale
générale des abidjanais, il manque de noter le changement social
à l'oeuvre depuis les plantations jusqu'à l'Hôtel Ivoire perçu
par lui comme le symbole de la domination exercée par la minorité
possédante sur les plus démunis.
De toute évidence, la configuration sociologique de
la ville d'Abidjan décrite antérieurement (cf. Caractéristiques
de la société abidjanaise) indique qu'on ne peut s'attendre à
une " r ésurrection" des valeurs authentiquement africaines, mieux,
ivoiriennes. Dans l'impossibilité réelle d'un véritable retour
à la source, n'y aura-t-il pas quelque intérêt à s'ingénier, à
travers lice qui est en train de se défaire" suivant l'expression
de P. H. Chombart de Lauwe, à esquisser sinon la structure du
moins la physionomie de la société abidjanaise future?
La délinquance juvénile, expression de l'incapacité
des structures sociales affaiblies ou effondrées à prendre en
charge l'éducation des enfants dans un monde en changement rapide,
ne disparaîtra pas, même si l'on répartissait équitablement le
revenu national entre tous les abidjanais. Les divorces en cas-
cade (il y en aurait dix chaque semaine à Abidjan, suivant le
quotidien national
Fraternité Matin du 11 Mars 1985, page 4)
qui se produisent dans la capitale économique du pays, le devenir
des enfants libérés dans les rues par ces ruptures de contrat,
la multitude des valeurs de civilisation, demeurent quelques-unes
des nombreuses conséquences de la désorganisation des structures
sociales anciennes et qui "génèrent" la délinquance aussi bien
que d'autres formes d'inadaptation sociale chez les jeunes.
Une étude des causes sociologiques de l'antisocialité
des jeunes à Abidjan devra s'effectuer suivant un certain nombre
d'axes dont le mariage, le divorce, la multitude des valeurs
sociales concurrentes dans la cité et qui influencent la socia-
lisation des enfants, l'importance croissante des mass-médias
dans la vie tant individuelle que ccllective. Une recherche qui
s'effectuerait suivant ces directions et qui prendrait en compte
toutes les données du milieu permettrait d'avoir une vision plus
large des variables sociologiques à l'oeuvre et qui favorisent
le développement de la criminalité juvénile. Dans l'attente des
conclusions de travaux sur ce sujet, des recherches de portée
limitée réalisées dans quelques institutions de prise en charge
de jeunes inadaptés sociaux permettent d'incriminer le couple
abidjanais, le divorce puis l'environnement social.
-
650
-
a1
- ~~_f~!!!~_~~!~i~~!~~_~~~~~_~~_!~!_g~~_~!!~~
dissociaI ?
La dissocialité, telme repris à Aichhorn par
R. Mucchielli pour décrire l'univers mental du délinquant, se
développe dans un milieu où le lien social est gravement per-
turbé. Cette perturbation atteint la conscience du jeune qu'elle
structure de façon particulière. Le sujet en arrive à ne plus
pouvoir établir des relations sociales acceptables avec les
autres acteurs sociaux. "Ce sont des sujets éminemment adaptés
au réel mais inadaptés sociaux parce que, par rapport j
ce que
nous appelons la société, et quelle que soit cette société, ils
se trouvent en marge".
(cf. R. Mucchielli, op. cit, p 119).
Dans la mise en place d'une pareille structure de la conscience,
la famille, en tan~ que premier milieu de vie de l'individu,
joue un rôle capital. Réduite de plus en plus au couple marital
et à ses enfants, la famille abidjanaise se trouve confrontée à
des respolisabilités qui lui auraient été épargnées naguère par
tous ceux qui avaient un quelconque intérêt à voir les couples
vivre dans l'harmonie. En effet, les conditions de logement ne
facilitent pas l'hébergement des collatéraux, la reconstitution
de la grande famille africaine traditionnelle chez les individus
qui en éprouveraient le besoin. Par ailleurs, depuis la loi
du 7 Octobre 1964 sur le mariage et qui ouvre une ère nouvelle
aux jeunes filles et aux jeunes gens en leur donnant la liberté
de se choisir et de se marier suivant les dispositions du nouveau
-
651
-
code civil, la physionomie des foyers abidjanais change progres-
sivement, incluant de moins en moins des éléments de la famille
traditionnelle, notamment chez les jeunes cadres.
En faisant reposer la constitution du mariage sur le
seul consentement des deux candidats, le Nouveau Droit désengage
les familles dont les deux intéressés sont issus. Désormais ces
derniers n'auront
lplus théoriquement de compte à rendre qu'à
eux-mêmes ou à la justice. En réalité, l'expérience quotidienne
montre qu'il n'est pas aussi facile qu'on le pense de changer
la vision du monde qui caractérise un peuple. La liberté concé-
dée par le Nouveau Droit n'est pas acceptée sans aménagement
par les Ivoiriens :
- les individus négocient leur choix auprès de leurs
parents en accordant la priorité à un partenaire de même groupe
ethnique qu'eux. En d'autres termes la recherche d'un partenaire
s'effectue prioritairement au sein de l'ethnie de celui qui en
prend l'initiative. (cf. A. BASSITCHE, 1972 a, op. cit).
- la recherche de l'accord affectif des parents reste
nécessaire pour consacrer le mariage inter-ou intra-ethnique.
- l'entretien d'une seconde femme en dehors du foyer
conjugal paraît compenser la polygamie interdite par la nouvelle
loi, chez certains époux.
Dans tous les cas, l'homme et la femme livrés à eux-
mêmes doivent assumer la responsabilité de leur union, prendre
- 652 -
en charge les enfants à qui ils ont donné le jour. Et c'est
précisément à ce niveau qu'apparaissent les difficultés d'ordre
psychologique sur lesquels on reviendra ci-dessous et qui
hypothèqueront le devenir des enfants issus du mariage. Rare
chez les ouvriers et employés, mais pratique courante chez les
cadres et agents de maîtrise, le recours aux services d'un
personnel de maison jugé nécessaire pour prendre en soins les
enfants du couple, s'inscrit dans l'organisation du foyer abid-
janais. En effet, lorsque les deux conjoints sont des salariés
obligés de quitter de bonne heure le foyer pour n'y retourner
qu'à midi (dans le meilleur des cas) ou le soir, l'encadrement
des enfants leur pose problème. L'embauche d'un garçon de maison
(communément appelé "boy") ou d'une jeune fille (bonne) s'impose
comme unique solution. C'est ce personnel qui vaque aux travaux
domestiques et qui- s'occupe en même temps des enfants qui n'ont
pas encore atteint l'âge d'aller à l'école. Il en résulte un
éloignement physique et psychologique des parents de leurs
enfants. On peut supposer que ce personnel devenu substitut
exerce une influence décisive sur le tout petit enfant et acquiert,
de ce fait, une autorité sur celui-ci et le modèle à son propre
image, tant il est vrai qu'en matière éducative l'on ne peut
transmettre que ce qu'on a reçu soi-même.
A un âge plus avancé,
la relation parent-enfant déjà
inexistante pratiquement, se trouve encore médiatisée par le
maître ou la maîtresse d'école. Ce que les parents en attendent
- 653 -
généralement demeure: les bonnes notes, le meilleur classement
aux compositions mensuelles ou trimestrielles. Nombre de fugues
faites par de jeunes enfants et de jeunes filles notamment
s'expliquent de cette façon;
il faut quitter cette atmosphère
familiale où ne comptent que les bonnes notes obtenues en classe,
mais où l'on ne tient absolument pas compte des.besoins affectifs
de l'individu., Ainsi, s'en va-t-on loin de la maison pour res-
pirer un peu d'air frais. Or "l'éducation, pense Maurice Debesse
(1953), c'est la vie; qui la manque, manque l'hoIT~e". L'école
ivoirienne instruit, mais n'éduque pas ou, plus exactement,
favorise l'acculturation en négativisant les valeurs du milieu
(cf. Abdou Touré, op. cit, p 117 : l'analyse des manuels du
Primaire et du Secondaire). Dans ces conditions, l'établissement
du lien social fondé sur la socialisation de l'enfant ne peut
se réaliser que très difficilement dans le meilleur des cas,
sinon aboutir au résultat contraire: le refus de tout rôle
social et ce, précisément à cause de l'écart existant entre les
rôles sociaux valorisés par l'école et ceux offerts par le milieu.
Mais, c'est déjà évoquer l'inadaptation de l'école et ses consé-
quences sur le développement de la délinquance juvénile. Ce qu'on
peut souligner, c'est l'indisponibilité des parents dans la prise
en charge éducative réelle de leurs enfants. Les couples abidja-
nais ne paraissent pas encore en mesure dans la plupart des cas
d'assumer ce rôle abandonné pour l'instant aux domestiques puis
aux maîtres d'écoles. Distants de leurs enfants au plan physique
et psychologique, ils ne peuvent évaluer correctement le coût de
-
654
-
cet éloignement dans l'adaptation sociale de ces derniers. La
séparation ou le divorce dans ce contexte se produisent sans
grands regrets.
a2
Le Divorce
Les foyers abidjanais modernes sont de moins en moins
stables. La séparation ou le divorce semblent à de nombreux
ivoiriens la solution qui s'impose en cas de mésentente entre
époux. On se sépare aussi rapidement qu'on se marie à grands
coups de klaxon. Les causes de cet état de fait sont à la fois
multiples et diverses et s'inscrivent dans une problématique
générale de changement social. Il n'existe malheureusement pas
d'étude systématique et approfondie sur ce sujet à Abidjan, en
dehors de mémoires d'étudiants en fin de cycle. Les causes évo-
quées vont de l'iDadaptation au contexte socio-culturel ivoirien,
des institutions modernes mises en place pour "gérer" la famille,
à l'attitude même des époux en ce qui a trait à la manière dont
ils assument leur condition de mariés.
(cf. "Le Divorce à l' ivoi-
rienne", Fraternité Matin du Mercredi 13 Mars 1985, p 5). Il est
certain qu'une étude scientifique des causes du divorce à Abidjan
ne manquera pas d'intérêt pour les promoteurs des lois sociales
et pour l'abidjanais en général qui continue encore de perpétuer
des schèmes de comportements anciens dans un monde en changement.
On peut se demander si, en décidant de se séparer, les
parents ne recherchent pas un intérêt personnel qui n'intègre pas
celui des enfants, dans les foyers où ces derniers sont encore
-
b 55
-
très jeunes. C'est ce qui ressort d'une recherche effectuée, il
y a une dizaine d'années, au Centre Educatif de la Zone 4 à
Abidjan, sur une population de 57 enfants dits "caractériels".
(cf. A. BASSITCHE, 1975 c). Pour nombre d'ivoiriens, le divorce
est une sanction qu'on applique au partenaire à qui on attribue
soi~même le tort, notamment lorsque le couple a donné naissance
à des enfants. Celui à qui en est confiée la garde émigre dans
un autre quartier de la ville ou parfois s'implante dans une
autre localité. Tout se passe comme si le divorce étant prononcé,
les enfants devenaient la propriété exclusive du parent qui assure
leur garde et, par conséquent, devaient être soustraits de la
vue de l'autre parent à qui ils n'appartiennent plus. Les hommes
et les femmes se comportent cependant différemment lorsqu'ils
assurent la garde des enfants. Plus fréquemment, l'homme se
remarie, espérant ou prétextant trouver une nouvelle mère aux
enfants. Des enfants de lits différents se retrouvent dans un
même foyer sous l'autorité de leur père qui, en réalité, les
abandonne à une coépouse (s'il est polygame) ou à la n0uvelle
venue. Paradoxalement les hommes qui, au moment du divorce,
désirent assurer et obtiennent la garde des enfants, sont en
même temps ceux qui sollicitent le plus souvent le concours
d'une tierce personne ou d'une institution pour prendre en charge
l'éducation de ceux-ci. On peut raisonnablement s'interroger sur
la qualité du nouveau milieu de vie qu'ils offrent à l'enfant.
En effet, l'expérience montre que bon nombre de pères qui se
remarient ou qui sont polygames mais qui se séparent d'une de
-
b56 -
leurs épouses tout en conservant dans leur foyer les enfants
qu'ils ont eus avec celle-ci, ne veillent nullement sur les soins
donnés à ces derniers par la nouvelle mariée ou par les coépouses.
Ils restent insensibles ou indifférents aux modifications des
rapports intervenus entre les individus au sein du ménage. Les
besoins affectifs, alimentaires et le désir de sécurité contrai-
gnent le jeune à s'en aller à la recherche de sa vraie mère en
bravant toutes les contraintes écologiques. Balloté d'un foyer
à l'autre, il finit par échouer sur les rives de l'antisocialité.
Il en est ainsi de K. K. B, âgé de 16 ans. "J'ai voulu aller à
l'école dans la ville où se trouve ma mère, dit-il, mais papa
n'a pas voulu. Chez ma mère, je peux avoir beaucoup de choses.
Chez papa, il y a trop de gens. Papa est marié à deux femmes.
Papa et maman ne sont plus ensemble. Papa est méchant ; quand
il me trouvait à la maison, il me chassait. Maman réside à G.
et papa à B. J'ai dit à l'une des femmes de papa que j'allais
chez maman à G., puis je suis venu à Abidjan. N'ayant pas pu y
retrouver des parents, je dormais au marché de Treichville. J'ai
été pris par la police la deuxième journée de mon séjour".
Par contre les mères à qui sont confiés les enfants en
cas de divorce se gardent le plus souvent de contracter un second
mariage et sollicitent moins fréquemment que les hommes l'aide
d'autrui. C'est ce qui ressort d'un échantillon de 38 personnes
divorcées dont les enfants ont été admis au Centre Educatif de
la Zone 4 (cf. Tableaux de la page suivante). S'agit-il d'une
- oS7 -
l - Responsable. de l'Enfant à la suite du di'"orce des parents
Tableau n° 1
Responsable de l'enfant
Effectif
~
Père ............................
17
44,75
.Mère ............................
15
39,47
Autres parents ..................
4
10,52
Tuteurs .........................
2
5,26
·roTAL ...........................
38
100,00
II - Situation matrimoniale des Parents
ui assurent la
arde
es en ants issus d'un premier mariage.
Tableau n° 2
Nouvelle situation matrimoniale
Effectif
1
1
Pères ...........................
17
. remariés ....................
15
. sans autres précisions ......
2
Mères ........... .- ...............
15
remariées ...................
5
sans autres précisions ......
10
TarAL ...........................
32
1
TIl - Resransables de la décision du placement de l'Enfant dans le
cas
es foyers désunis
Tableau n° 3
!
!
Placement décidé par
Effectif
~
Père ............................
16
42,10
Mère ............................
7
18,42
Autres parents ..................
8
21 ,05
Tuteurs .........................
3
7,91
Autres personnes ou
Etablissement scolaire ........ "
4
10,52
TaTAL ...........................
38
100,00
l
1
1
déc i s ion dé lib é rée ( he: les div 0 r c é t' ~ él S sur a n t Li ~;l r li e de
leurs enfants, de renoncer provisoirement à se remarier ainsi
que le font croire les observations ci-dessus?
Dans la société ivoirienne nouvelle qui s'édifie à
partir d'Abidjan, l'homme et la femme n'ont pas les mêmes faci-
lités dans le domaine du mariage. La décision d'une union légale
reste très fréquemment de la prérogative de l'homme. Puis,
autant il est relativement facile à un homme divorcé de se
trouver une autre épouse, autant il est difficile à une femme-
mère de convoler en seconde noce. Les raisons à cela paraissent
relever de la psychologie des invidus eux-mêmes. L'homme ivoirien
craint toujours qu'une remariée continue d'entretenir des rela-
tions discrètes avec son ex-époux, notamment lorsqu'elle assure
la garde des enfants qu'elle a eus avec ce dernier. Par ailleurs, le fait
de n'avoir pas réussi son premier contrat suscite de la méfiance
généralement chez les hommes. Ainsi donc, quand même elle le
voudra, la réalisation d'un second mariage s'avère difficile.
Dans tous les cas, la séparation des époux s'effectü~
contre l'intérêt des enfants. Dans le cas précis de la Côte
d'Ivoire où l'éducation des très jeunes enfants est assurée
davantage par les mères que par les pères, on en arrive à un
abandon de l'enfant à lui-même lorsque ce sont les seconds qui
doivent les prendre en charge après le divorce. La nouvelle
épouse, quelles que puissent être ses dispositions affectives,
ne réussit pas à assumer seule cette situation un peu trop lourde.
Il en résulte des conduites déviantes et délinquantes chez l'enfant.
-
659 -
Dans l'Afrique ancienne, plus l'on a d'enfants plus
l'on est riche. Aujourd'hui la famille nombreuse semble être
signe de pauvreté, de misère même en milieu urbain. "Chez papa,
il Y a trop de gens", disait le jeune K.K.B. Ce qui sous-entend
aussi qu'il y a peu ou pas à manger, pas de place pour se coucher,
etc ... étant donné le caractère cumulatif des facteurs de pauvreté.
b)
~~~_f~~!~~~~_~~~~~~~_§~~~~~~g~~_~!_~E~~~~_~~~~
l'exnlication de la délinquance juvénile à Abidjan
La faim et la pauvreté, pense-t-on, sont responsables
de l'antisocialité dans les grandes agglomérations urbaines en
pays sous-développés. On a vu que cet argument n'était pas
suffisant. Cependant, indépendamment des bas salaires et du
chômage, les grandes villes ne sont devenues telles que par des
apports migratoires qui les ont fai~ passer pour des oasis de
prospérité pour le reste de la nation. Elles jouent, pour le
pays tout entier, un rôle économique primordial. C'est pourquoi
elles contribuent aussi au développement de la criminalité en
général, juvénile en particulier.
A crOIre les criminologues, un rapport réel existe
entre le développement économique et celui du crime (cf. Yves
Brillon, 1972). Précédemment on avait ~voqué le ralentissement
des activités au Port d'Abidjan à la suite du renforcement de
la répression des fraudes par les autorités ivoiriennes. Le crIme
"prospérerait" là où l'économie réalise des performances.
-
66L1
-
Malheureusement la prospérité ne profite pas à tous
ceux au
rassemblement desquels elle contribue. Il en est ainsi
de la ville d'Abidjan et de ses résidents. La modicité des
revenus et le chômage font croûler beaucoup de rêves chez nombre
d'individus. Parmi eux, les jeunes déscolarisés et analphabètes,
ivoiriens et étrangers, attirés à Abidjan par le désir d'un
mieux-être que la campagne ne semble pas en mesure de leur pro-
èurer. L'exode rural, entre autres causes, procède des raisons
économiques qui poussent les jeunes à venir "comme des criquets
pélerins se jeter dans le brasier des villes qui les transforme
en dragons" (cf. A. S. Coulibaly, op. cit p 86) . C'est indubita-
blement ce qui a fait penser à nombre d'auteurs qUl se sont
intéressés à la délinquance juvénile en Afrique Noire que l'éloi-
gnement des parents rend compte de l'orientation déviante des
jeunes esseulés dans les grandes villes. Eloignement des parents
qui prive le jeune d'un des besoins vitaux: la nourriture. Même
ceux d'entre ces adolescents qui, au départ du village, témoi-
gnaient d'une armature morale solide voient celle-ci se ramollir
devant les rudes épreuves de l'existence en ville. Il n'en
a pas fallu plus longtemps
à
Titenga pour se raviser, dans la
capitale burkinabé, que sa survie dépendait du vol de deux poulets
grillés. "Or la faim ténaillait Titenga, écrit A. S. Coulibaly.
Le vertige le prenait ... Simulant le geste derrière les clients
où personne ne faisait attention à lui, il se disait: "ce n'est
pas voler, prendre le poulet et aller attendre le propriétaire
au dehors. Occasion de me venger sur un de ces méchants hommes
-
061
-
dégonfler son ventre!
"Pendant qu'il murmurai t encore,
Titenga profita du moment où le cuisinier servait dans la maison
pour s'introduire gaillardement dans la cour. L'on eût dit qu'il
allait choisir un poulet à acheter comme tout autre client. En
passant devant la planche sur laquelle la volaille grillée était
exposée, il saisit deux pattes et continua son chemin sans
s'arrêter, en sortant par la petite porte aussi gaillardement
qu'en entrant. Il se retrouva avec deux poulets. Aussitôt dehors,
il se posta à la porte, décidé à faire culbuter le cuisinier dans
le fossé,
la bouche entre le béton, s'il venait à lui".
(cf. op.
cit, P 40). L'instinct de conservation a ici raison de la cons-
CIence morale. Les Titenga se comptent certainement par centaines
parmi les jeunes qui pillulent à Abidjan et qui ne trouvent pas
à s'employer utilement. A ce sujet,
il y a lieu de rappeler que
déjà en 1970, 10 ~ des 43 % de jeunes ivoiriens âgés de 15 à
29 ans qui émigraient, se dirigeaient vers Abidjan (cf. A. Achio,
-op. cit). Pour la plupart, ils avaient terminé leur scolarité au
niveau du cycle primaire ou du premier cycie de l'enseignement
secondaire, soit par exclusion pour rendement insuffisant, soit
par désertion. L'absence de formation professionnelle les main-
tient dans un chômage chronique.
Ils finissent,
à
l'instar de
Titenga, par s'orienter vers la délinquance qui s'impose à eux
comme seul moyen de survie. Sur 195 chômeurs auteurs d'infractions
repérés par la Police en 1980, ces jeunes se trouvent sur repré-
sentés (67 % de l'effectif),
(cf. DJEA. G. Bernard, op. cit,
p 33). La déclaration ci-après de l'un des ces adolescents âgé
- 662 -
de 18 ans, rend compte de la gravité de la situation: "J'ai
été exclu après la classe de 4ème. Je suis venu chez mon oncle
à Abidjan en vue de me trouver un emploi. Dès les premiers jours
de mon arrivée, mon oncle me donnait un peu d'argent pour faire
mes courses. Mais puisque depuis six mois je ne trouve toujours
rien, il ne veut plus me sentir et m'a renvoyé de la maison.
C'est ainsi que je loge chez des amis. Ce sont ces amis qui
m'ont entraîné à voler parce que nous n'avons rien à manger".
Il est difficile d'apprécier la crédibilité de ces propos. Plus
d'un jeune auteur d'infractioœrationalise son comportement
délinquant ; manière de se défendre à la fois contre les autres
(Police, Juges) et contre soi-même (protection contre le ramol-
lissement de la conscience).
Mais la criminalité juvénile n'est pas seulement une
des conséquences directes de l'exode rural. Le facteur économique
exerce des influences pernicieuses sur les parents abidjanais
eux-mêmes et explique partiellement le développement de l'anti-
socialité chez les jeunes. Les tableaux des pages qui suivent
donnent un aperçu sur les activités professionnelles des parents
de quelques jeunes inadaptés sociaux (délinquants et caracté-
riels) à Abidjan, en 1973 et 1975 (1).
(1)
Ce6 in6o~mation6
p~oviennent de deux ~e~he~~h 6 e66e~tu~e6
au ~ou~6 de~ ann~e~ 1973 (Auto~it~ Pa~entale et V~linquan~e
de6 mineu~~ a Abidjan) et 1975 (l'Inadaptation Juvlnile
dan~ Abidjan et 6e6 envi~on6.
-
663
-
ACTIVITES
PROFESSIONNELLES
Du Père
Nombre
Activités
%
d'individus
Fmployés ......
9
27,27
Planteur ......
13
39,29
Corrmerçants ...
4-
12,12
Bijoutier .....
1
3,03
Militaires ....
2
6,06
Cuisinier .....
1
3,03
Coiffeur ......
1
3,03
Chauffeur .....
1
3,03
Retraité ......
1
3,03
TOfAL .........
33
100,00
De la Mère
Activités
Nombre
d'individus
%
Ménagères .....
28
87,50
Vendeuses .....
2
6,26
Fonctionnaire.
1
3,12
Couturière ....
1
3, 12
TOfAL .........
32
100,00
1
OCCUPATIONS PROFESSIONNELLES DES PARENTS
DE JEUNES DETENUS EN JUILLET 1973 A ABIDJAN
ABIDJAN - JUILLET 1973
-
664
-
PROFESSION DU PERE
Catégories socio-
Nombre
~
professionnelles
d'Individus
0
Employés du secteur
. public
8
38,60
. privé
14
1
Fonction publique
. Cadres moyens
7
19,30
. Agents
4
Cadres du secteur privé
2
3,51
Chauffeurs
7
12,28
Plantons
2
3,51
Profession libérale
2
3,51
Domestiques
1
1,75
Inconnue
10
17,54
TOTAL
57
100,00
PROFESSION DE LA MERE
Catégories socio-
Nombre
%
professionnelles
d'individus
Ménagères
39
68,42
Corrnnerçantes
7
12,28
1
1
Employées
2
3,50
Fonctionnaire
1
1,76
1
Couturière
1
1,76
Inconnue
7
12,28
TOTAL
57
100,00
OCCUPATIONS PROFESSIONNELLES DES PARENTS DES JEUNES
INADAPTES SOCIAUX (DELINQUANTS ET CARACTERIELS)
ABIDJAN-1975
-
b65 -
Il s'agit de catégories socio-professionnelles les moins bien
rémunérées, â part 11 pères de famille représentant 12,22 % de
l'effectif des hommes (90 individus au total) concernés par les
deux recherches ci-dessous indiquées et de 13 planteurs habi-
tants du monde rural. Quant aux mères, elles sont davantage
absorbées par des travaux ménagers (75,28 % de l'effectif des
femmes) que par des activités en dehors du foyer. Dans tous les
cas, ce sont des "gagne-petit", les économiquement faibles de
la société abidjanaise.
Dans cette société où l'argent règne en puissance, où
l'autorité qu'à l'individu sur les siens et plus généralement
sur ses relations se mesure à son pouvoir économique, les écono-
miquement faibles se sentent du coup démunis devant leurs propres
enfants. En effet, quelle autorité un parent peut-il ~voir sur
son enfant quand il n'est pas capable de subvenir aux besoins
matériels de celui-ci? Les offres de participation à de mauvais
coups qui permettent de satisfaire ses besoins ne peuvent, dans
ces conditions, que recevoir l'adhésion du jeune.
Par ailleurs, lorsqu'on examine les occupations de
ces adolescents délinquants
(cf. tableaux ci-après)
, on est
quelque peu frappé par la similitude de leurs activités avec
celles de leurs parents. C'est â croire qu'on assiste à une
reproduction au sens de Bourdic:\\ et Passeron (cf. Les Hérétiers).
Tout se passe comme si le fait d'avoir des parents faibles
économiquement, condamnait le jeune à demeurer un laissé-pour-
compte dans la société.
- 666 -
Ven-
Maga-
Musi-
Coif-
Cireurs de
Activités
Elèves
deurs
sinier
ciens
feurs
O1aussures
Nbre d'individus ••
5
10
1
1
1
6
Activités
Manoeuvres
O1audron
O1auffeurs
Mécaniciens Tailleurs
niers
Nbre d'individus ..
2
1
1
3
1
Activités
Apprentis
Sans
Boys
Totaux:
menuisiers
Profession
Nbre d' individus •.
3
8
1
44
OCCUPATIONS PROFESSIONNELLES DE 44 MINEURS DELINQUANTS
On peut penser que les observations qui viennent d'ê-
tre faites sur les parents et sur leurs enfants relèvent du pas-
sé. Il n'en est rien. Au cours de l'année 1979, les caractéris-
tiques socio-professionne11es des mineurs connus de la justice
puis celles de leurs parents s'harmonisent et confirment bien
les remarques ci-dessus, ainsi qu'il ressort des statistiques
consignées sur les tableaux des aI1!lcxes xx,\\"I,Xx..\\IL Les parents aussi bien
que leurs enfants exercent des métiers qui, sonune toute, ne reuvent leur
- (, () - -
permettre de jouir au maximum du bien être offert par la ville
d'Abidjan. La délinquance juvévile officielle recrute ici ses
clients dans les familles appartenant aux couches populaires
de la société abidjanaise.
Il serait toutefois inexact de crOire que les délin-
quants proviennent uniquement des familles démunies. Les couches
sociales aisées n'en sont pas non plus épargnées, bien que
l'antisocialité des jeunes issus de ces milieux échappe à la
connaissance de la justice de façon générale. L'affaire est très
souvent étouffée au niveau de la Police par l'intervention
directe et prompte des parents qui craignent d'en être éclaboussés
ou d'être atteints dans leur honneur. Les témoignages ci-après
renseignent sur la gravité des conduites délictueuses dans ces
milieux que les abidjanais désignent "en haut de en haut" .
. A Cocody, un groupe de jeunes garçons, élèves des
classes du secondaire, s'étaient rendus à l'une des deux cités
universitaires implantées dans la commune. Ces jeunes s'étaient
dirigés vers l'un des bâtiments occupés par de jeunes filles
étudiantes et y pénétrèrent.
Ils y repérèrent la chambre de deux
étudiantes de première année et y laissèrent une note dans
laquelle ils annonçaient une visite aux occupantes dans des
termes menaçants. Signalons que les étudiants de première année
sont tous logés à deux par chambre. L'une des jeunes filles prit
à la légère la menace tandis
que l'autre évacua les lieux au
j 0 U Tet 3 l ' heu r e in d i qu é s.
Les jeu n e s gen s arr i v ère n t
co mm e ils
- 668 -
avaient prévu, se saisirent de la jeune fille trouvée dans la
chambre dont ils défoncèrent la porte, la violèrent puis l'a-
bandonnèrent dans un état piteux. Cette affaire ne connut aucun
retentissement dans la ville d'Abidjan.
Une investigation policière aboutit à la découverte
de bijoux volés à une européenne. L'auteur, fils d'une haute
personnalité, fut trouvé dans sa chambre où certainement les
parents ne pénétraient jamais, avec une jeune fille élève de la
classe de 3è cycle, en pleine "drogue-party". L'enquête ne con-
tinua pas plus loin.
La délinquance juvénile, dans les milieux aisés d'A-
bidjan, trouve sa solution en dehors du Palais de Justice. A
preuve, dans les statistiques judiciaires on ne trouve presque
jamais d'information sur la condamnation de délinquants issus
des couches sociales aisées (cf. Tableaux relatifs aux activités
des mineurs délinquants et de leurs parents, annexes XXXI, XXXII.
Ainsi donc, si dans les familles aisées où l'on ne connaît ap-
paremment pas la faim, où les enfants sont comblés matérielle-
ment, la délinquance juvénile existe, c'est que celle-ci n'est
pas une caractéristique des milieux pauvres, des parents dému-
nis. Mieux, elle n'est pas nécessairement liée aux variables
économiques.
L'homme, écrit René Spitz (1962), ne se nourrit pas
seulement de pain, mais aussi d'affection. L'une des attitudes
chez les parents fortunés, c'est de croire que l'enfant n'est
qu'un tube digestif qui n'a besoin que d'être rempli. Probablement
-
ü70
-
lors de son séjour, passe voir ses enfants à la maIson. D'après
le père, cette dernière ne serait pas très maternelle car très
jalouse de sa liberté. Au début, T. P. niait
les vols qu'on
lui reprochait. Devant l'évidence, elle aurait fini par les
reconnaître.
A l'entretien, Mademoiselle nous est apparue peu
communicative et peu expansive. Ses réponses aux questions sont
brèves. Elle donne l'impression d'être gênée; d'une jeune fille
qui a pris conscience de l'objet de la consultation psychologique.
Le contact avec elle s'est établi cependant sans trop de diffi-
cultés.
Pour lever tout doute en ce qui concerne une déficience
intellectuelle possible, un test lui a été administré. La très
bonne performance du sujet à cette épreuve de raisonnement et
d'intelligence nous a fort surpris, au regard des difficultés
scolaires qu'il paraissait avoir. Enfin, le motif de la consul-
tation n'étant pas le retard scolaire, mais la kleptomanie. il
a fallu chercher à en connaître les raisons. Mademoiselle fut
soumise à des tests projectifs. L'interprétation, sans entrer
dans les détails, fit apparaître T.
P. comme une jeune fille
affectivement frustrée qui recherche la compensation à travers
de petits vols et qui, à l'égard de la mère, nourrit une hostilité
et une agressivité très prononcées; le père, apparaissant quant à lui
corrone source
d'anxiété et comme un individu avec qui l'interaction
est difficile.
Les redoublements successifs de classe et les vols
-
b 71
-
fréquents commis par T.
P. se déploient sur un tableau familial
déséquilibré par l'absence de figure maternelle et où le père
est obligé de jouer deux rôles incompatibles.
Les jeunes issus de milieux aisés constituent une
catégorie sociale à part dont la délinquance s'explique par des
variables plus souvent psychologiques qu'économiques. Très souvent
aussi, leur déviance est réactionnelle:
les exigences des parents
(quand ils ne sont pas séparés) qui investissent considérablement
le succès scolaire au mépris de la croissance des besoins affec-
tifs consécutifs aux transformations bio-psychologiques chez les
jeunes filles notamment, conduisent l'enfant à adopter des atti-
tudes réactionnelles. Nombre de fugues faites par de jeunes filles
âgées de 14 à 16 ans, dans ces milieux, s'expliquent de cette
façon.
Ces diverses considérations ne doivent pas occulter
l'influence de l'environnement urbain sur les jeunes enfants.
bZ -
Les facteurs d'ordre urbain
---------------------------
Les distinctions qui sont faites jusque-là entre les
facteurs se justifient uniquement pour la commodité de l'exposé.
Les différentes variables interagissent pour la mise en place des
diverses formes de déviance dont la délinquance des jeunes.
L'ampleur de l'inadaptation sociale juvénile constatée dans les
grandes villes africaines a fait penser que celles-ci portaient
en elles-mêmes les germes de l'antisocialité et qu'il suffisait
-
6 ".,
1
_
-
de s'y trouver o~ d'y vivre pour s'adonner à des activités
criminelles. Fort heureusement, la relation entre ville et crime
n'est pas aussi simple qu'il semble et tout citadin ne verse pas
nécessairement dans des activités criminelles.
- Pour Denis Szaho (1973), il s'agirait d'une "crise
de l'administration de la justice", notamment dans les grandes
agglomérations urbaines en pays industrialisés. L'une des causes
principales de cette crise résiderait "dans la faillite de la
moralité". Face à celle-ci, la justice se révèlerait inefficace
dans la protection des individus et de leurs biens. "Lorsque
l'inefficacité de l'appareil judiciaire s'installe, écrit le
même auteur, on assiste à des règlements de compte ; les indi-
vidus se rendant justice entre eux". Cette inefficacité peut
aussi s'expliquer par l'inadaptation des lois que l'appareil
judiciaire s'efforce d'appliquer aux citoyens. Ainsi, les lois
nouvelles, dans la mesure où elles se heurtent à différentes
pratiques de réglement des conflits dans un univers social fait
de cultures diverses et variées, ne peuvent que favoriser le
maintien des justices coutumières.
-
Il faut avouer que l'homme des grandes cités modernes
se trouve confronté à de multiples problèmes sociaux et écono-
miques. Non seulement il est lui-même en lutte permanente pour
maintenir des rapports humains satisfaisants avec son environne-
ment, mais encore il doit veiller à l'éducation de ses enfants,
à
la prise en charge totale de ceux-ci. Mais pour aider à
l'intégration sociale des plus jeunes, il faut être soi-même
d'abord intégré à la société. Peu nombreux sont les parents et
adultes abidjanais qui remplissent cette condition. La réussite
sociale et économique du jeune s'apparente, dans ce contexte de
changement rapide et de confrontation des valeurs de civili-
sations différentes, à un véritable pari.
- L'Education traditionnelle se réalisait dans un
milieu culturel homogène et oQ tout adulte intervenait dans la
socialisation de l'enfant. Chacun savait ce qu'il fallait
enseigner, apprenàre à l'enfant parce que l'accord autour des
valeurs sociales et morales fondamentales de la communauté était
acquis. En ville, le problème se présente différemment. La multi-
tude des valeurs de civilisation concurrentes au sein de la cité
et le mode de vie,
(voisinage imposé par les difficultés relatives
à la disponibilité des habitations et qui ne laissent pas de choix
à l'individu, exiguité des logements bâtis suivant des normes qui
ne tiennent pas compte des façons de viv~e différentes des deman-
deurs) propre au milieu urbain rendent illusoire l'emprise réelle
des parents sur leurs enfants.
En se rabattant sur l'école, institution étrangère au
milieu ivoirien, adultes et parents optent pour de nouvelles
valeurs (celles que véhjcule l'école), tout en maintenant en
veilleuse celles dans lesquelles ils ont été, eux, socialisés.
Ainsi s'explique partiellement, dans certaines familles abidja-
naises, l'absence de communication effective entre les deux
- 674 -
générations et qui tend à les rendre étrangères l'une à l'autre.
- L'affrontement social précoce, pense R. Mucchielli
(op. cit) est un puissant agent de dissocialité. La rupture ou
l'absence de communication entre les membres de la famille, plus
précisément entre les parents et les enfants, l'atmosphère trop
froide (indifférence du père et de la mère épuisés par le travail
de la journée ou plongés dans des soucis) ou trop chaude (mésen-
tente entre époux, querelles permanentes) au sein du foyer,
l'exiguité de l'appartement, bref autant de variables de situation
qui finissent, en s'additionnant, par précipiter le jeune dans
la rue. Celui-ci part alors à la recherche d'autres enfants qui
ont les mêmes problèmes que lui. Commencent alors les fréquen-
tations des salles de cinéma, la recherche de petits plaisirs,
en un mot une nouvelle existence. Mais à Abidjan, les plaisirs se
payent. Il faut donc se garnir les poches. De l'invention et de
l'exercice de petits métiers (cireurs de chaussures, petits gar-
diens de voitures, laveurs de pieds sur les marchés pendant les
saisons de pluie, laveurs de pare-brise des voitures en arrêt au
feu tricolore, etc) au vol direct, le jeune termine dans des
filets de la police. La délinquance prend forme sous l'influence
des copains pour devenir un mode de vie que l'enfant ne comprend
pas lui-même mais qu'il a des difficultés à abandonner. "J'ai
abandonné (les études) cette année. Ce sont mes copains qüi m'ont
entraîné pour nous promener, pêcher. J'étais à Port-Bouet. On
attrapait du poisson puis on le vendait. On rentrait ensuite à
la maison. Les copains étaient aussi des élèves. Je rentrais à la
-
675
-
maIson et je disais aux parents que je revenais de l'école.
Ils
ne me croyaient pas car je rentrais tard.
Ils sont partis s'infor-
mer chez le maître.
Ils m'ont frappé puis m'ont conduit à l'école
J'ai fui à la récréation. Je suis allé à Koumassi chez mon oncle
paternel.
Il m'a accepté; j 'y ai dormi un jour, puis il m'a
ramené che: mes parents. Papa ne m'a plus frappé mais m'a dit
d'aller à l'école. J'y suis retourné, puis une semaine plus tard,
j'ai fui de nouveau. Je suis allé voler avec un amI l'argent
d'une femme au marché d'Adjamé. L'ami avait 300 F,
on n'avait
plus d'argent pour assurer les frais de retour; alors on a volé",
nous confiait le jeune S. B., âgé de 13 ans, et qui ajoutait:
"On allait au cinéma à Adjamé car à Treichville, il y a des grands
qui arrêtent les enfants". Dans le cas du jeune S. B., la réaction
des parents a consisté en l'administration de coups à l'enfant.
Frapper, pensent-t-ils, suffit pour faire entendre raison à
l'enfant. La récidive révèle que la solution à la conduite déviante
du jeune (école buissonnière, vagabondage et vol) ne réside pas
dans l'admonestration.
Au nombre des activités de loisir offertes par la
ville d'Abidjan, on avait vu la contribution du cinéma à l'élar-
gissement des relations sociales dans certains cas, et noté aussi
les effets des films au contenu agressif sur ceux qui les regardent.
Même s'il n'y â pas de diminution de l'agressivité chez les spec-
tateurs comme le fait remarquer Jacques-Philippe Leyens (op. cit),
le film cinématographique ne peut créer de toutes pièces des dis-
positions à la commission des délits chez les individus, en
-
6:-b
-
l'occurrence chez les enfants, équilibrés psychologiquement. Car,
ainsi qu'il ressort des travaux consacrés à l'influence de la
télévision et du cinéma sur les jeunes, "Le comportement criminel
a des origines beaucoup plus profondes ; ses l-acines plongent dans
la personnalité, la vie de famille du délinquant ou du criminel
et dans les relations qu'il a avec le groupe de ses camarades du
même âge. La télévision peut tout au plus contribuer à la délin-
quance, encore n'aura-t-elle d'influence que sur l'enfant
prédisposé et déjà mal adapté",
(cf. W. Schramn,
1965, p 15). La
fréquentation massive des salles Je cinéma par les mineurs délin-
quants abidjanais
(suivant les statistiques élaborées par 1. P.
Pont, ces derniers, dans la proportion de 43 \\ contre
27 % chez
les enfants de même âge, vont une fois et plus au cinéma par
semaine) interpelle les parents d'abord, la société ensuite.
S'agissant des premiers, leur propre mésadaptation, l'équilibre
précaire de leur foyer et leurs perceptions non différenciées
des besoins affectifs des enfants expliquent en partie l'orien-
tation de ces derniers vers l'adoption de conduite déviante. En
ce qui concerne la société nouvelle en édification, sa respon-
sabilité se trouve engagée dans la modification des structures
socio-traditionnelles et dans l'absence, en son sein, de struc-
tures de rechange capables de suppléer les parents ou de
compenser leur carence dans la prise en charge des enfants. Dans
ces conditions,
la société abidjanaise dont on avait déjà vu
certaines caractéristiques générales ne semble pas encore à même
d'endiguer la déviance et, de façon plus précise, la délinquance des jelmes;
-
677
-
Ainsi donc, face aux influences g~n~rales de l'environnement
abidjanais, à celles des copains et des m~dias, à l'indisponi-
bilit~ des parents, à l'inadaptation des lois et à la crise des
valeurs morales dans la cit~, une frange importante de la jeunesse
s'efforce de trouver dans la d~linquance une quasi-solution à ses
difficult~s à participer à la vie collective.
Mais, parler de l'influence, c'est ~voquer des variables
psychologiques dans la genèse et dans les manifestations de l'anti-
socialité.
Aucune variable, quelle soit sociologue, biologique
ou ~conomique, ne peut conduire à la d~linquance si elle ne
s'exprime pas à travers les m~canismes psychologiques, a-t-on
d~jà dit. En d'autres termes, il en faut beaucoup plus à un
individu, jeune ou adulte, pour passer à l'exécution d'un délit
ou d'un crime.
L'approche psychologique de la genèse du crime ou de
la d~linquance se centre tantôt sur l'~tude des conditions de
vie qui ont structur~ la Dersonnalit~ de l'individu, tantôt slIr
l'organisation et l'interaction des traits de personnalit~ qui
expliquent le passage à l'acte.
cl
- ~~~_~Q~g~!~Q~~_g~_y!~_g~~_!~_~!~~~!~~~!~~~_g~
!~_2~r~~l}l]~!~!~
Par "conditions de vie",
il faut entendre ICI la
-
b~S
-
contribution de la famille, notamment du père et de la mère, dans
la formation de la personnalité, avant la rencontre du jeune avec
l'environnement social large. En ce qui concerne ce dernier, on a
vu son influence générale sur les individus au sein de la société
abidjanaise (cf. les paragraphes a et b précédents). On n'y revien-
dra plus ici. On rappellera seulement ce que disait Jean Chazal
(1967,
P 18) il Y a déjà une vingtaine d'années, du cadre humain
général dans lequel s'accomplit le développement psychosocial de
l'enfant: "L'enfant baigne dans un milieu: milieu familial,
milieu des camarades, groupes de jeunes, bandes, milieux ethniques
ou économiques. Avec d'autres êtres, il partage des émotions, il
met en commun des besoins et des idées, il forme des projets.
Cette communauté et ce partage font que le milieu l'imprègne très
fortement et que son style de vie épouse progressivement celui de
son entourage.
L'asociali~é ou l'antisocialité environnante
s'empare de l'enfant", écrivait-il. C'est tout un ensemble de
micro-milieux ayant chacun ses caractéristiques propres qui con-
courent à l'édification et à la structuration de la persunnalité.
Mais le même auteur (1980)
recommande de chercher à connaître le
délinquant de l'intérieur sans toujours se limiter à l'examen
des facteurs mésologiques dont l'influence pèse sur lui.
Il
invite donc à apprécier la structuration de la personnalité du
jeune auteur d'infrRction el] égard au poids respectif des varia-
bles du milieu dans lequel il vit. Milieu qu'il n'a pas choisi
mais qu'il convient de maintenir sain de façon que les stimula-
tions qu'il en reçoit contribuent à un développement harmonieux
-
b79
-
de sa personnalité. En effet, les connaissances récentes acquises
en psychologie du développement établissent un rapport étroit
entre le physique et le psychique.
Il y semble acquis que le
développement physique et le développement psychologique ne se
produisent pas indépendamment l'un de l'autre et "que la stimu-
lation du comportement a des effets sur le développement du cerveau
et de tout le corps" (cf. C. B. Hindley, 1972). La qualité des
stimuli importe beaucoup; de même l'absence ou l'insuffisance
de ceux-ci dans l'environnement du sujet et qui peut
anihiler
ou réduire les possibilités d'épanouissement de ce dernier. "Plus
récemment, note encore C. B. Hindley, des études cliniques ont
montré que les enfants privés de soins maternels présentaient un
net retard de croissance, étaient apathiques et déprimés". A ce
propos, les travaux sur l'hospitalisme révèlent que la privation
affective prolongée chez le jeune enfant a des effets désastreux
sur sa personnalité et peut le conduire à la mort.
(Cf. René A.
Spitz, 1962 ; J. Bowlby, 1954 ; Dr P. Bertoye, 1966). Au-delà de
4 ans, l'hospitalisme ne peut plus s'installer, mais des désordres
caractériels demeurent possibles chez l'enfant privé de soins
maternels. Cette observation et les considérations qui précèdent
montrent toute l'importance du cadre de vie dans lequel se
développe l'individu jeune. En écrivant que le bonheur obtenu dans
l'enfance parfume tout le reste de la vie d'un enfant, Edouard
Pichon (1953) dont le travail est antérieur à ceux des auteurs
cités ci-dessus, ne pensait pas autrement. L'équipement biologique
étant donné, c'est le milieu familial d'abord, social ensuite qui
- bSU -
contribuent à son épanouissement.
Les multiples carences des milieux de vie dont sont
issus les jeunes délinquants (familles dissociées, décès d'un
des deux parents, privation ou indifférence affective, mésadap-
tation sociale des deux parents, misère économique, etc.) dotent
ces derniers de structures de personnalité qui, somme toute,
prédisposent ces jeunes à commettre des infractions. -Pour
R. Mucchielli, il s'agit d'une structure de la conscience et de
la conduite solidement organisée et qui ne se laisse assimiler
à aucune autre. Selon le même auteur "Le comportement délinquant
n'est pas qu'un comportement, il traduit, exprime, signifie une
structure mentale organisée (1), cohérente, un univers de la
mentalité criminelle, lui-même variété de ce qu'on appelle main-
tenant la dissocialité, c'est-à-dire la perturbation du lien
social, fondement unique de la perturbation de la conscience
morale"
(cf. R. Mucchielli, op. cit, p 19). C'est dans un cadre
de vie sain que peut s'ébaucher et se développer le lien social
dont la conscience morale est supposée faire écho. L'établissement
de ce lien commence avec l'entourage immédiat de l'enfant,
notamment dans les relations premières de celui-ci avec la mère.
C'est par cette dernière que débute la socialisation avant qu'elle
ne se poursuive avec le père pour s'étendre à tous les membres de
la famille et à toute la société. "La valeur (sociale) d:un enfant
est fonction de la conduite de sa mère", convient un adage
(1)
: C'e~t nou~ qu~ ~out~gnon~.
-
681
-
africain. Cette importance attribuée à l'action socialisatrice
de la mère fait remonter l'origine des troubles comportementaux
du jeune à son enfance et paraît d'emblée incriminer la mère;
tel est le cas Mme S. et de sa fille C. S. que décrit H. Nagera
(1969). Les fréquentes séparations d'avec sa mère dont C. S. a
été l'objet sont de nature à laisser croire effectivement à une
indifférence effective, au peu d'intérêt que la mère lui porte.
Bref, l'évocation de ce cas quasi-pathologique est pour insister
sur l'importance de la relation primordiale de l'enfant à la mère.
Relation qui est au commencement de l'établissement du lien social
et qui organise en même temps ce dernier. La structure mentale
qui en résulte, se développe et se consolide à partir des
ressources du milieu.
- Il ne faut cependant pas crOIre que la mère soit
seule responsable du devenir de l'enfant et, par conséquent, la
seule aussi à être à l'origine de l'antisocialité du jeune. Selon
R. Mucchielli, sa responsabilité n'est engagée que si, en ce qUI
concerne la délinquance vraie, elle n'a pu réussir à éduquer son
enfant à tolérer la frustration ou, en tout cas, à débuter cette
éducation. En effet, l'une des difficultés majeures chez le
jeune délinquant réside dans l'incapacité de celui-ci à supporter
la frustration ou à la tolérer. En amenant progressivement le
petit enfant à différer la satisfaction de ses besoins, la mère,
pense-t-on, prépare indirectement la rencontre future du jeune
avec la société; cette société qui n'intégre l'individu que
dans
la mesure où celui-ci accepte et respecte ses règles.
- 682 -
A en croire Roger Mucchielli, dans la relation mère-
enfant, le père est celui dont l'intervention institue la règle
et la loi ("Carences Paternelles et Délinquance". Ecole de
Criminologie - Université de Montréal, Année 1973-1974). Son
apparition rompt la relation mère-enfant et assure l'individuation
puis l'autonomie à l'enfant. En effet, de sa mère, l'individu
doit se séparer deux fois.
La première séparation (rupture du
cordon ombilical) est d'ordre physique et ne nécessite aucune
autre intervention que celle des matrones ou du gynécologue.
La deuxième séparation qui, elle est psychique, se réalise par
l'interposition du père ou de son substitut entre la mère et
l'enfant. En mettant fin à la "relation-fusion", ce qui ne peut-
être agréable à l'enfant, le père permet à ce dernier de devenir
personne à part entière et de progresser dans la voie de l'auto-
nomie. Le rôle du père au sein de la famille n'est donc pas
subsidiaire, accessoire comme certains peuvent le penser. Person-
nifiant la règle et la loi dans le foyer,
il reste le dernier
recours de la mère pour obtenir que les enfants se rangent.
"Il rehausse en servant de tremplin. Son absence est un lourd
handicap", écrit M. A. Descamps (1978, p 89). De même "L'enfant
dont la valeur et les acquisitions ne sont pas reconnues par le
père, n'a aucune sûreté en lui", poursuit Descamps. Le père serait
donc celui qui permet à l'enfant de prendre véritablement cons-
cience de lui-même et d'affronter avec plus d'assurance et de
confiance les exigences de la vie sociale. Dans ces conditions,
-
683
-
refuser son autorité, c'est s'engager dans une voie qui mêne au
refus des rêgles sociales et, par conséquent, qui oriente vers
l'anti-socialité. Le rejet des organisations sociales normatives
et de tout rôle social qui caractérise l'attitude du jeune
"délinquant vrai" s'explique en partie par une carence familiale
générale dans laquelle la responsabilité du pêre pêse lourd.
En définitive, l'influence négative conjuguée de la
mêre et du pêre dans la socialisation de l'enfant (celui-ci
n'est-il pas souvent le "fruit de leur désir ?) façonne la per-
sonnalité de ce dernier dans le sens de la négation des valeurs
sociales et éthiques, et inscrit le jeune comme candidat possible
à la délinquance.
- Ori peut se demander dans quelle mesure toutes ces
considérations qui précêdent répondent positivement à la situation
du couple marital abidjanais et à la prolifération de jeunes
inadaptés sociaux dans la cité. Dans les couches sociales aisées
où la vie quotidienne se rapproche du modêle occidental, l'homme
et la femme, a-t-on dit, confient le tout petit enfant aux bons
soins des domestiques. Or, ces derniers sont réputés pour leur
"mauvaise éducation" parce que, soit ils n'ont aucun niveau
d'instruction, soit ils ne sont "bons à rien" (entendons incapables
d'exercer autre activité dans le monde urbain que celle de domes-
tique considérée à tort comme relevant de l'esclave).
Ils ont
cependant la chance de "vivre en africain" dans les bas quartiers
où ils résident. C'est ce personnel qui se trouve investi du
-
b84
-
rôle de substitut à un âge où l'enfant a besoin de relation
humaine qualitativement bonne
relation que la mère devrait
assurer elle~même, veiller à ce qu'elle ne soit perturbée. Il
ne s'agit certes pas d'élever le jeune dans du coton, c'est-à-
dire en lui évitant toute stimulation désagréable, mais bien
plutôt de savoir doser les frustrations qu'on lui impose. Or
nombre de mères abidjanaises ont d'autres préoccupations et ne
sauraient sacrifier leur bonheur personnel à celui d'un enfant
perçu parfois comme encombrant, Pour leur liberté, pour rester
toujours fraîches, bref pour leur épanouissement, la science
moderne a inventé le biberon et autres techniques d'élevage
(poupée, landeau, puis garderies, etc".) qui doivent les
relayer auprès de leur enfant, Ainsi, dans les milieux aisés,
la distance entre mère et enfant se creuse, s'agrandit au fur
et à mesure que la modernité déclasse la tradition .
. Le père, toujours retenu par des réunions ou en
mission le plus souvent, vit davantage en dehors qu'au sein du
foyer conjugal. Ses fréquentes et longues absences amenuisent,
quand e Il es ne l' anihilent
pas, son influence sur l a ma i sonnée.
Les enfants se perçoivent entièrement libres sillon abandonnés à
eux-mêmes. Les propos ci-après tenus par un adolescent âgé de
19 ans, donnent la mesure des perceptions que les jeunes semblent
avoir de leurs parents.
"Le paysan pense que son devoir finit
une fois que son fils est inscrit à l'école. A celui-ci de se
tirer d'affaire, surtout sans l'aide de personne. Lorsque ses
résultats se revèlent infructueux, on lui suggère de partir
- bS5 -
tenter sa chance
dans une grande ville. L~, confronté à des
problèmes d'adaptation, de logement et de nourriture, l'enfant
se livre à des actes délictueux, tel souvent le vol a main
armée. Les parents qui se situent tians Ja catégorie des cadres
moyens accordent une très grande liberté à Leurs enfants qui
deviennent des victimes de leur générosité
incontrôlée. Ces
enfants ne prennent pas les études au sérieux et misent sur
l'héritage. Quant aux parents riches, leurs enfants sont "gâtés".
Tout est mis à leur disposition. A 15 ans, ils conduisent la
voiture.
Ils vivent entre eux et deviennent les clients assidus
des boîtes de nuit" (cf. Hebdomadaire Ivoire-Dimanche n° 435 du
10 Juin 1979). Opinion sans doute trop entière, qui aurait
besoin d'être un peu
nuancée, mais qui tradui t tout de même la
réalité vécue affectivement par certains jeunes. Les règles et
la loi auxquelles .1'enfant est confronté sont alors celles de
la rue, des boîtes de nuit, des maquis et des groupes de copains,
mais non celles du père ou de son substitut. La personnalité se
structure et se modèle en fonction et à partir des expériences
des micro-milieux fréquentés par le jeune.
Très adaptés à la réalité quotidienne abidjanaise
où prédomine l'esprit de débrouillardise, affectivement frustrés
dans les relations parents-enfants, les jeunes accomplissent
leur développement psychosocial en dehors de la famille, dans
une cité où la pluralité des valeurs de civilisation a de quoi
égarer même les personnes adultes.
-
ü86
-
Ce tableau asse: sombre est heureusement loin Je
résumer la situation de nombreux parents abidjanais.
Il y en a,
dans toutes les couches, qui sont réellement soucieux du devenir
de leurs enfants, mais qui vivent dans un foyer, véritable nid
de problèmes de divers ordres (économiques, sociologiques,
psychologiques, etc) annihilant
tous les efforts qu'ils déployent
pour assurer une saine éducation aux enfants. Les nombreux
enfants reçus à nos consultations de psychologie témoignent de
la conscience des parents en ce qui a trait aux difficultés
scolaires ou d'adaptation sociale de leurs enfants. C'est tantôt
une famille ou un foyer réduit à un seul parent à la suite d'un
décès ou d'un divorce, mais qui abrite des enfants de plusieurs
lits devant lesquels le conjoint survivant ou qui assure la
garde, se révèle inefficace dans la prise en charge affective
tantôt un foyer où tous les membres sont présents, mais où le
poids des difficultés économiques quasiment insurmontables met
à rude épreuve aussi bien la conscience morale que les nerfs
des parents (L'abidjanais fauché, celui qui est atteint de la
"fauchematose" non seulement se perçoit diminué socialement,
mais aussi devient nerveux et agressif dans ses rapports avec
sa maisonnée).
Dans le premler cas comme dans le second, les consé-
quences se révèlent énormes sur la structuration de la
personnalité de l'enfant.
Importante anxiété,
impulsivité,
suggestibilité, agressivité, perception peu évoluée des autres,
-
087
-
altération de l'image de SOI, images parentales très peu dif-
férenciées, etc .. sont des données fréquentes qui apparaissent
au tableau clinique dans nos consultations.
Mais, suivant les criminologues cliniciens,
il ne
suffit pas d'un simple alignement de traits de personnalité
pour qu'un individu cède à la commission d'une infraction à
la loi. Les conditions du passage à l'acte doivent se trouver
dans l'organisation et l'interaction spécifique des traits de
personnalité chez l'individu.
c2 -Qrg~i~~!iQ~_~!_i~!~I~S!iQ~_9~~_!I~i!~_9~_2~I~Q~~!i!~
~~_!~_2~~~~g~_~_!~~S!~_9~!i~9~~!
L'un des auteurs à aVOIr perçu cette question est
Jean Pinatel. Le concept de "personnalité criminelle" qu'il a
élaboré se veut aussi une tentative de réponse à la question
"Comment se fait-il que des individus issus du même milieu,
partageant les mêmes traits de personnalité, ne deviennent pas
tous délinquants ou criminels" ? La délinquance frappe sélecti-
vement les personnes et même celles qui proviennent d'une même
famille, pourquoi?
L'étonnement provoqué par ce fait que, dans une
famille ùont la conùuite des membres force l'aùmiration, parfois
un élément se comporte de façon répréhensible, a amené à penser
à une sorte de maladie qui frapperait celui-ci et par conséquent
-
088
-
qui expliquerait sa déviance. Dès lors on a voulu VOIr la
manifestation d'une pathologie à la base de l'antisocialité.
Mais le délinquant criminologique (cf. Approche conceptuelle.
Définition) n'est ni un malade mental ni un cas relevant d'une
pathologie sociale.
Il est un "cas criminologique" qui méri te
d'être considéré comme tel. Avant de progresser dans l'examen
de cette question, il convient de préciser le sens des concepts
d'organisation et d'interaction contenus dans l'intitulé de
ce paragraphe.
C21
- Organisation s'entend ici comme synonyme de
structuration. En effet, les traits sous lesquels la person-
nalité du délinquant est décrite (égocentrisme, agressivité,
labilité, indifférence affective, suggestibilité, etc ... ) sont
présents chez chaque individu humain. Ainsi que l'écrit Jean
Pinatel
(1976), "Au niveau clinique, il faut, tout d'abord,
souligner que les personnalités délinquantes ne peuvent pré-
senter avec les personnalités non délinquantes une différence
de nature". Le problème ne se pose donc pas de savoir si tel
individu possède tel ou tel trait de personnalité, mais plutôt
comment ces différents éléments se combinent, s'organisent pour
enfin exprimer une originalité individuelle délinquante ou non
délinquante. La place respective de chaque trait dans l'organi-
sation détermine sûrement l'orientation de la conduite de chaque
individu devant les valeurs morales et sociales de la collectivité.
-
689
-
- Par interaction,
il convient d'entendre les influ-
ences que les éléments exercent les uns sur les autres au sein
du même individu. Tandis que par "organisation" on veut signi-
fier la mise en place de traits, l'assignation d'une place à
chaque élément dans la construction de l'édifice qu'est la
personnalité, par "interaction" on met l'accent sur la dyna-
mique interne relative à cette organisation.
Par exemple, et c'est une donnée d'observation, l'in-
telligence et l'affectivité font souvent mauvais ménage. Les
personnes très émotives ne se comptent sûrement pas par milliers
parmi les grands mathématiciens du monde.
C22 - On ne semble pas très avancé dans la
compréhension et dans l'explication de la délinquance même en
considérant le délinquant comme un individu qui pose des pro-
blèmes criminologiques. Les Jirections diverses vers lesquelles
l'on s'est tourné dans la recherche des explications à la con-
duite criminelle (cf. G. Canepa,
1980, pp183 ., 201) ne semblent
pas encore avoir répondu à l'attente générale de tous. De façon
précise, le fonctionnement interne qui amène une personne à
poser l'acte interdit, prohibé par la loi, demeure inconnu. Le
criminologue clinicien qui intervient seulement après la com-
mission de l'infraction travaille alors sur une personnalité
qui n'est plus en "éruption".
Il eût été intéressant, pour la
compréhension du fonctionnement psychologique de l'individu
- 690 -
criminel, d'assister à un passage à l'acte ou, plus exactement,
d'étudier la personnalité au moment même ou l'auteur d'un délit
est à l'oeuvre. L'intervention après commission du délit porte
sur une "personnalité à froid", c'est-à-dire sur un individu
qui n'est plus agité intérieurement. L'approche clinique res-
semble ici à l'attitude du savant désireux de rendre compte de
l'éruption d'un volcan qui a déjà retrouvé son calme.
L'observation qu'un certain nombre de traits de
personnalité apparaissent fréquemment dans les études cliniques
sur des criminels et délinquants a conduit Jean Pinatel à pro-
poser un modèle connu sous le nom de "personnalité criminelle"
que son auteur définit de la façon suivante : "Le modèle de
personnalité délinquante est un schéma susceptible de résumer
un ensemble de composantes et de réactions entre ces composantes.
Pour ce qui concerne l'ensemble des composantes, poursuit-il,
que l'on retrouve dans toute personnalité humaine, ce qui est
pris en considération, c'est leur poids respectif. De la sorte,
s'établit une constellation de composantes, qui se disting:ie
d'une constellation non délinquante par des différences de degré.
En revanche, pour ce qui concerne les réactions entre ces compo-
santes, l'on aboutit à une association, à un. assemblage, qui
n'est pas seulement la somme algébrique des composantes, mais
qui réalise un agencement, une structure. Dans cette perspective,
la structure délinquante diffère de la structure non délinquante".
(cf. Jean Pinatel,
197~,
P 5). Il s'agit pour Jean Pinatel
d'élucider le problème de l'entrée sélective des individus dans
la criminalité. Le passage à l'acte, pense-t-il, est facilité
par la présence des composantes dites principales et communes
à la structure de personnalité de tous ceux qui mènent et vivent
des activités criminelles. Ces composantes forment le "noyau
central" sur lequel viennent se greffer d'autres traits psycho-
logiques qui donnent alors une spécificité à la conduite
délinquante chez chaque individu. Egocentrisme, labilité,
indifférence affective et aggressivité forment ce "noyau central",
selon Jean Pinatel, cette "structure pathologique de base",
d'après d'autres auteurs (cf. M. Frechette, 1970, p 14) et qui
va peser lourd dans l'orientation de la conduite chez l'indi-
vidu. La "débilité psycho-relationnelle" dont parle M. Frechette
chez le criminel repose sur la présence significative des quatre
composantes énumérées ci-dessus. Perception peu évoluée de soi
se prolongeant en une vision aussi peu développée d'autrui
insensibilité et absence d'empathie dans les relations inter-
personnelles et sociales, en un mot sous-développement des struc-
tures psychologiques de la relation (cf. Jacques Durant-Dassier,
1971) fait du professionnel du crime un individu chez qui le
passage â l'acte ne rencontre aucune difficulté d'ordre moral.
al'nsl' comme celui chez qui tous les freins
,
,
A
Le crImInel apparalt
éthiques sont brisés et qui vit sous le règne prédominant de
,
d
la labilité • de 1 t indifférence affective et
l'égocentrIsme,
e
de l'agressivitê.
'
d
argumentations présentées à
C23 - Les
Iverses
criminelle" constituent
- 692 -
à la fois un hommage et une criti(~lJe f1 l'égard ne H. PinateL
Hommage d'abord, car M. Pinatel a eu, en effet, le
mérite d'avoir systématisé les observations faites par
d'autres auteurs et cliniciens sur la personnalité des délin-
quants et d'Iavoir proposé un modèle qui, selon lui, "introduit
à une authentique criminologie de passage à l'acte". Critique
ensuite car la valeur scientifique du modèle n'a pas manqué
de soulever des protestations dont celles notamment de
M. Christian Debuyst. Celui-ci remarque:
· que le concept de personnalité criminelle a pour
fondement les résultats d'observations cliniques faites sur
des individus qui ne sont pas représentatifs de la population
des auteurs d'infraction. Par conséquent on ne peut en géné-
raliser l'usage '"
· que les personnes qualifiées délinquantes ou crimi-
nelles ont accompli des actes qui ne sont pas forcément
réprouvés par l'ensemble de la collectivité. Dans l'élaboration
du concept, M. Pinatel a tenu compte des traits de personna-
lité des auteurs de ces actes. En terme de contenu, la notion
de "personnalité criminelle" rassemble donc des données
disparates
· qu'un échant ill onnage rigoureux s' i 'npose pour la
mise en forme d'un modèle qui se veut interprétatif;
. que la personnalité n'est pas statique pour être
décrite en terme de traits.
Il rejoint sur ce point
-
69:;
-
l'observation de G. Canepa (1980, p 194). D'après ce dernier,
"la personnalité criminelle est modifiable et plastique, étant
donné qu'elle peut se modifier sous l'influence des facteurs
culturels et sociaux, et que ces facteurs deviennent crimi-
nogènes dins la mesure suivant laquelle chaque sujet va les
accepter, au niveau de sa propre psychologie individuelle".
Rien n'est définitif dans la vie de l'individu. L'adaptation
à l'environnement exige de chaque humain des efforts de réajus-
tement quasi permanents de ses mécanismes de protection, de
défense, bref de conservation. Aussi est-il hors de propos
d'imaginer un seul instant une personnalité qui demeure égale
à elle-même à travers le temps, qu'elle soit criminelle ou non.
L'intérêt de plus en plus grand accordé à la notion
de personnalité au détriment de celle de responsabilité, ainsi
que le souhaitait M.
Pinatel,
(cf. Christian Debuyst, 1980,
p 204) ne veut pas dire que désormais la connaissance scienti-
fique de la personnalité d'un auteur d'infraction suffise à
elle seule pour expliquer le passage à l'acte. C'est l'occasion
qui fait le larron, dit un vieil adage populaire. L'individu
humain fait corps avec son milieu. Une relation de dialogue
existe entre toute personnalité et son milieu. C'est dans ce
cadre que se produit le passage à l'acte. Même si celui-ci a
été préparé depuis un long moment, par de mul tiples événeldents,
c'est au milieu que revient le rôle de déclencheur du compor-
tement criminel observé. Le concept de "personnalité actuelle"
paraît rendre mieux compte de la personnalité telle qu'elle se
présente au moment de
l'exécution
du délit ou du crime. C'est
sûrement ce qui se passe à ce moment précis dans l'individu en
action, qui a besoin d'être connu, étudié, ainsi que l'écrit
~1adame Favard, reprise par M. Pinatel : "Il y a, dans le com-
portement du passage à l'acte même, préalablement à toute
réaction du groupe social, une spécificité particulière qui
mérite d'être étudiée dans son expression brute"
(cf. Debuyst,
op. cit, p 213). En se demandant pourquoi ne
pas s'intéresser
un peu plus à l'unité fonctionnelle "Personnalité-Milieu" dans
le passage à l'acte, Ch. Debuyst rappelle et souligne l'impor-
tance de l'environnement dans la détermination et le déclenchement
du comportement chez un individu. En effet, depuis les travaux
de K. Lewin, on sait que la manière dont une personne se com-
porte devant une situation donnée est à la fois fonction de sa
personnalité et dù milieu. L'équation C = f (P, M)
(1) signifie
qu'aucun des deux termes du deuxième membre de l'égalité ne
détermine à lui seul l'élément C, c'est-à-dire le comportement.
En effet, si l'on considère le deuxième membre de
l'équation et qu'on en décompose les termes, il apparaît trois
manières différentes d'expliquer la survenue d'un comportement
criminel
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
(lI
: C " Compoftte-me-nt,
Al = I\\!-i.,[-i.e-u,
P
-
69S
-
1) Le passage à l'acte procède des caractéristiques
de la personnalité. On retrouve ici le modèle de la personnalité
criminelle examinée plus haut.
2) Dans la décision de commettre une infraction à la
loi, le milieu joue un rôle déterminant.
3) C'est la conjugaison de l'action des variables de
personnalité et des influences du milieu qui amène un individu
à poser un acte criminel.
Dans les deux premiers cas, il faudra qu'un déS termes
du deuxième membre de la relation ci-dessus devienne neutre ;
ce qui n'est pas concevable car le comportement est du ressort
de l'homme ou de l'animal et se déploie toujours dans un milieu.
Autrement dit, l'explication la plus plausible du passage à
l'acte est celle qui se fonde sur l'action conjuguée des varia-
bles mésologiques et des caractéristiques de la personnalité.
Milieu (1) et Personnalité apparaissent comme les
deux principaux facteurs qui président au passage à l'acte et
dont il convient de tenir compte dans la recherche d'explication
possible à la criminalité. Cette observation peut se vérifier
dans différents contextes et groupes sociaux confrontés au
problème de la délinquance en général, juvénile en particulier.
Ainsi en considérant la relation C = f (P, M) on s'explique
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
{1}
POUft .t'ac.c.eptlon
de "M-<-.t-<-eu"
vO-<-.!z. 1.
Léz-<-nn
.
"1
60
'
~ •
n .l-uenc.e du m-<-Li.eu .6Uft .te jeune en6ant" ,<-n Ak.t-<-eu
et Déve.toppement (op.
c.-<-t,
p 263).
mieux le développement de la criminalité dans la société abid-
janaise, société dont on a longuement examiné les caractéristiques
dans la première partie de ce travail. Très peu intégrant et
réunissant par ailleurs plusieurs facteurs criminogènes, le
milieu abidjanais agit sur les individus et finit par avoir
même raison des personnes qui, dans un autre cadre, ne se
seraient pas laissées tenter par un comportement socialement
répréhensible ou délinquant.
Il en est ainsi de certaines
jeunes filles amenées à Abidjan par des personnes mal inten-
tionnées qui leur ont promis du travail au départ du village
ou du pays d'origine, mais qui se retrouvent obligés de se
prostituer pour survivre. C'est aussi ce qui arrive à certains
adolescents scolarisés ou non qui fréquentent des amis peu
recommandables.
A l'instar des grandes villes à travers le monde,
Abidjan passe pour un "brasier" dans leqllel se consume une
certaine jeunesse issue de diffélentes origines. A croire les
organes locaux d'information,
il y aurait une recrudescence
de la délinquance des mineurs chaque année. De recrudescence,
on parle de plus en plus de côte d'alerte. Ainsi, les réactions
des ivoiriens à travers la presse, la radio et télévision
laissent penser effectivement à une augmentation ~lJ volume des
activités antisociales chez les jeunes. Le chapitre qui suit
présente les données statistiques sur la question de même que
les caractéristiques psychosociologiques des jeunes auteurs
d'infraction connus.
- 697 -
CHAPITRE II
EVOLUTION DE LA DELINQUANCE DES JEUNES
A ABIDJAN - PREVENTION ET TRAITEMENT
AI EVOLUTION DE LA DELINQUANCE DES JEUNES
Il Y a une douzaine d'années, nous formulions le
voeu de voir se tenir une statistique régulière sur les jeunes
délinquants en Côte d'Ivoire (cf. A. BASSITCHE, 1973) par les
organismes de contrôle social. Aujourd'hui encore nous nous
trouvons confrontés aux mêmes difficultés, en dépit d'une
légère amélioration. Les critères de sélection des individus,
auteurs d'infraction à la loi, qui sont portés à la connais-
sance de la justice, le nombre des agents chargés du contrôle
social, en bref toutes les difficultés signalées antérieurement
(cf. Chapitre II)
rendent difficile la connaissance réelle du
nombre de jeunes délinquants à Abidjan. Cependant, c'est chaque
jour que les abidjanais se plaignent des vols, des agressions
physiques mêmes et du vandalisme des jeunes dans la cité. Est-
ee à dire que les résidents parlent effectivement beaucoup
plus de crimes et délits qu'il ne s'en commet chaque jour à
Abidjan?
Il est difficile de donner tort à ceux qUI vivent
dans la hantise de vol ou d'agression physique. Comment
reconnaître le "mauvais grain" parmi toute cette population
juvénile qui, tels des criquets"
prend d'assaut tous les
quartiers centraux de la ville et les marchés dès le lever
-
b98
-
du jour
pour se retrouver à la tombée de la nuit aux abords
t
des cinémas et des boîtes de nuit?
Dans les parkings publics
aux feux tricolores
sur
t
t
la place des marchés
bref aux endroits où se produisent des
t
rassemblements d'hommes
où il y a de l'animation, ces jeunes
t
sont là, prêts à vous proposer leurs services ou à vous
dépouiller de vos bijoux, argent et de tout ce qui présente
à leurs yeux une valeur marchande. Leur présence régulière
aux "points chauds n de la ville et sur le parcours quotidien
des abidjanais donne à penser qu'ils sont trop nombreux à
Abidjan. Ainsi, à l'insécurité créée par leur banditisme,
s'ajoute l'inquiétude suscitée par leur nombre.
- Dans l'Afrique ancienne, la vie est plutôt publique
que familiale. Les maisons sont construites pour le repos des
individus le soir, après une journée de dur labeur. Lorsqu'ils
ne tiennent pas compagnie à leurs parents, qu'ils ne les sui-
vent pas au champ ou qu'ils ne vont pas à la pêche avec eux,
les jeunes passent tout leur temps à l'extérieur de la maison,
dans diverses sortes de jeux. L1Iespace-jeunes" s'étend au-
delà de l'espace villageois bâti. Seuls des obstacles naturels
infranchissables peuvent limiter le champ d'exploration des
jeunes. Il en est tout autrement de l'espace urbain. Le domaine
public a ses règles que doivent respecter tous ceux qui
l'utilisent. L'exploration est ici vite assimilée au vagabon-
dage, antichambre de la délinquance. Et quand les activités
-
b99 -
exploratoires s'accompagnent de conduites déviantes, la
société ne peut que les réprouver, les dénoncer et, fina-
lemellt, voir dans tout jeune inoccupé un délinquant. Un
récent "Forum sur les Enfants et Jeunes de la Rue" tenu à
Bassam (1)
(cf. Fraternité Matin du 04/03/85, p 4) n'a pas
réussi à convaincre tous les participants (il y en a eu qui
étaient venus du Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Congo, Mali,
Mauritanie, Niger, République Centrafricaine, Rwanda, Sénégal,
Tchad, Togo, Zaire et, naLurellement de CÔLe d'Ivoire) réunis
de la nécessité de distinguer les jeunes de la Rue des délin-
quants. C'est que les citadins africains ne perçoivent plus
"l'espace-hors maison familiale", en l'occurrence la rue,
comme un lieu de saine exploration et de socialisation.
- Au nombre des agressions et surtout des vols
simples et vols qualifiés dont la croissance très rapide avait
conduit le législateur ivoirien à prendre des dispositions
plus sévères à travers la loi n° 74-386 du 5 Août 1974, il
y avait probablement une contribution importante des infrac-
tions commises par les jeunes. Ainsi qu'on le verra plus loin,
les vols résument pratiquement les délits commis par les
jeunes à Abidjan. La répression plus sévère que par le passé
de la soustraction frauduleuse des biens d'autrui, pensait-on,
(1)
Ba~~am, p~~m~è~~ cap~tat~ d~ ta Côt~ d'lvo~~~, ~~t
~~tué~ ~u~ t~ t~tto~at à un~ qua~anta~n~ d~ k~tomèt~~~
à
l'E~t d'Ab~djan.
-
700
-
devait dissuader toute personne qUI serait tentée par cette
conduite. Suivant les dispositions de cette loi, le vol simple
est sansctionné par un emprisonnement de 5 à la ans et une
amende de 300 000 à 3 000 000 de francs CFA (1). Le vol quali-
fié conduit son auteur en prIson pour une durée de 10 à 20 ans
assortie d'une amende de 500 000 à 5 000 000 de francs
(cf. Code Pénal de la République de Côte d'Ivoire, Articles
393 et 394). On verra dans les paragraphes qui suivent l'effi-
cacité de cette loi, ~ travers l'évolution du nombre de
jeunes qui, chaque année, ont maille à partir avec la police
et les tribunaux puis, enfin,
les caractéristiques psycho-
sociologiques du mineur délinquant abidjanais.
1/ Les données statistiques
En dépit de leur défectuosité et des difficultés
inhérentes à leur établissement et à leur tenue à jour, les
statistiques demeurent les sources d'information privilégiées
pour celui qui désire apprécier l'évolution des crimes et
délits.
Les observations faites au chapitre II sur la crimi-
nalité réelle, apparente et légale restent valables ici. Avant
d'achever son parcours à la Maison d'Arrêt et de Correction
de Yopougon, le jeune auteur d'infraction entre dans le
(Il
: Rappeton!.J Que
1 Ftz.anc. CFA
-
Î()]
-
système judiciaire gr§ce â la Police et â la Gendarmerie.
Aussi, pour mIeux apprécier la déperdition ou la baisse du
nombre d'individus présumés coupables à travers le système
judiciaire, est-il intéressant d'examiner les statistiques
â chaque niveau du contrôle social.
a)
~~_E21~~~_~!_l~_Ç~I]g~!.1E~!'~~
Policiers et gendarmes, deux "bêtes noires" des
mineurs délinquants abidjanais. Plus particulièrement les
premiers suscitent chez les jeunes des images négatives. Ils
sont perçus par les délinquants comme étant ceux qui font
leur malheur:
"Si le policier ne t'arrête pas, disait un
mineur délinquant, le juge ne peut pas t'envoyer en prison".
Toutefois, le contrôle et la répression policiers s'exercent
beaucoup moins sùr les jeunes que sur les adultes. L'une des
raisons â cela tient, d'une part, à l'absence de structures
d'accueil dans les commissariats et, d'autre part, â l'insuf-
fisance du nombre d'agents de police dans la ville d'Abidjan.
Dans une recherche antérieure portant précisément
sur les statistiques des crimes et délits commis par les
jeunes (cf. A. BASSITCHE, op. cit),
il a été recueilli les
données ci-après :
-
~ 0.= -
i
Commissariat Central
Gendarmerie Niatioale
Année
d'Abidjan
(données
nationales)
1970
-
70
1971
161
130
1972
1 22
125
1973
61
-
( 1er trimestre)
Ces données paraissent ridicules si l'on connaît le milieu
abidjanais et les problèmes économiques et sociaux auxquels
enfants et jeunes sont toujours confrontés. C'est à croire
qu'en ces temps-là,
la criminalité juvénile n'intéressait
pas les organismes de contrôle social et de répression ou que
ces derniers ne percevaient pas très bien l'importance des
statistiques en ce domaine. On peut se demander si, ~ix années
plus tard, l'attitude des agents de la Police et de la Gendar-
merie a changé.
Sur un effectif global de 4 953 auteurs d'infraction
repérés par les deux organismes précités au cours de l'année
1982 à Abidjan, on relève 432 individus âgés de 10 à 19 ans,
soit 9 % de l'ensemble des présumés coupables au titre du
code pénal. Cette proportion est relativement faible par
rapport à celle à laquelle on devrait s'attendre, compte tenu
de l'insécurité que les jeunes délinquants font régner dans la
ville. Est-ce à dire que ces enfants et adolescents glissent
plus facilement que les adultes à travers "les mailles des filets
que leur tendent" les forces de l'ordre? C'est fort probable.
Le repérage des infractions à Abidjan est, au premier chef, du
ressort de la Police; la Gendarmerie n'intervenant, quant à
elle, que dans la banlieue en principe. Or la Brigade des Mineurs~
tout petit service du Commissariat Central, ne dispose pas de
moyens humains et matériels suffisants pour contenir l'anti-socia-
lité des jeunes. Les rafles successives effectuées se terminent
pratiquement toujours par le relâchement des jeunes. En d'autres
termes, ce sont les mêmes individus qui réapparaissent. C'est
là un véritable tyavail de Sisyphe qui peut décourager même
les agents les plus dévoués et les amener à accorder moins
d'attention au relevé statistique.
Durant l'année 1985, la Brigade des Mineurs a été
saisie de 406 affaires impliquant S6S jeunes. Parmi ceux-ci
141 ont été déférés au Parquet.
Il s'est agi de 133 garçons
et de 8 filles.
Des 141 individus, 86 étaient ivoiriens
et
SS étrangers. On reviendra plus loin sur la nature des infra-
tions. On relévera simplement que la criminalité juvénile appa-
rente s'avère difficile à quantifier pour bien des raisons
dont les moyens
mis à
la disposition de la Police et de
Gendarmerie, puis
la suite
qui est donnée aux arrestations.
_. - - - - - - - - - - - -
704
r-· ... ~-,.
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-
70S
-
L'absence de coordination véritablement efficace
entre les organismes de contrôle social incite à rechercher
des informations à tous les niveaux d'intervention qui portent
sur
l'anti-socialité
des jeunes.
b) ~~_Ç~~!~~_9~Q~~~~~!!Q~_9~~_~!~~~~~_iÇ~Q
9~_YQ2Q~gQ~
Ce Centre qUI est aussi dénommé "quartier des Mineurs"
fait partie de la nouvelle Prison construite à Yopougon
(cf. Chapitre IV, Traitement). Sa mission est d!accueillir les
mineurs de moins de 18 ans. Les enfants y sont simplement
maintenus dans l'attente de leurs parents. Suivant notre in for-
mateur, responsable du Centre, le taux d'occupation du lieu
se présente de la manière suivante :
Année
1970
1971
1972
1973
1974
1975
1976
1977
1978
1979
Effectif
409
309
443
394
538
434 i 476
551
699
698
1
1
Effectif du Centre d'Observation des r-lineurs de 1970 à 1979
-----------------------------------------------------------
Il s'agit de mineurs âgés de
11 à
!9 ans. En fait,
les jeunes âgés de 19 ans n'auraient pas dO se trouver l~,
d'après ce qui a été dit ci-dessus relatif à l'âge d'admission
au Centre. Quoi qu'il en soit, il y a Ulle évolution du nombre
de jeunes à travers les années. Sur le graphe de la page
ci-contre, on observe mieux la progression en dents de scie de
-:: 706 -
1970 à 1975 du nombre des mineurs qui ont séjourné dans le
Centre. Ce qui surprend, est que la loi
du 5 Août 1974
sanctionnant plus sévèrement les vols (cette infraction, on
le verra, constitue l'essentiel du chef d'accusation contre
les mineurs) ne semble pas ici avoir atteint son but ; la
dissuassion. C'est à partir de 1975, c'est-à-dire un an
après la nouvelle disposition légale, qu'on voit progresser
le nombre des jeunes auteurs cl' infractions. On peut obj ecter
que, dans le même temps, la population juvénile abidjanaise
a augmenté et qu'il n'y a pas eu autant de délits commis
qu'on le croit. Contre cette objection, qu'il suffise de se
rappeler ce qui a été dit au sujet des organismes de contrôle
social, ensuite de noter ce qui suit;
-
Année
1975
1978
Accroissement '1
Population Générale
1
1
d'Abidjan ....................
950 000
1 100 000
150 000
1
1
1
1
Jeunes âgés de 10 à 19 ans ...
193 471
271 475(1)
78 004
1
1
!
Jeunes délinquants âgés de
1
11 à 19 ans ..................
434
699
265
1
Taux de criminalité juvénile
1
1
pour 1 000 jeunes
1
2,2
2,5
0,3
1
1
1
1
1
ACCROISSEMENf DE LA POPULATION DES MINEURS DELINQUANfS DE 1975 A 1978
(7)
: Le~ t~an~he~ d'âge~ ~on~tituée~ parc ta Vi~e~tion de~
~tati~tiQue~, ne pe~mettent pa~ de ~itue~ le~ jeune~ d~lin
Quant~ ~on~idé~é~ i~i et dont l'âge le plu~ ba~ e~t de
7 7 an~. Ve ~e 6a.it, te .tal'-X de ~/t.unüwjjJ.té quA. e6t pM.6eMé ~uJL te to.-
bf.eau e6t c.e~Yleme..n;t en-dUMM de ~e Qu'il au./taA.-t pu U./te ~i l'on
a\\)cU.,t <J.U .œ pOMib-<.LLté de ~onncû.:t/te R.-' e..66edi6 de to~ le~ jeUYle,~
âgé~ de 71 à 79 an~ dan~ ta population géYléft~e au ~o~ de,~ ann~e~
~on~idé!téu .
-
707 -
Même si elle est faible,
il y a une augmentation du nombre de
jeunes qui, chaque année, ont des contacts avec la justice.
C'est aussi ce que constate l'un des responsables du service
de l'éducation surveillée au Ministère de la Justice, sur la
base des données reproduites en annexe et dont on peut retenir
les chiffres ci-après :
Mineurs déférés devant les juges pour enfants
Année
effectif
Accroissement
-----
--------
-------------
1983
643
1984
744
101
Une question se pose. De la police et la Gendarmerie en passant
par les juges des mineurs au Centre d'Observation, y a-t-il
accroissement ou diminution du nombre de jeunes? Sur la base
des statistiques parcellaires détenues par les uns et les
autres et ~ui interdisent toute comparaison, on ne peut répendre
à !a question ci-dessus.
Ce qui est certain, c'est q~e, comme
toute statistique criminelle, le nombre de mineurs qui achèvent
leur parcours au Centre d'Observation est inférieur à celui
qu'enregistrent en amont les organismes de contrôle social et
de répression.
21 Le mineur délinquant abidjanais, qui est-il?
Ce qUI surprend à l'examen de la population des
jeunes délinquants officiels, c'est la similitude de leurs
-
70S
-
conditions sociales économiques. On avait évoqué précédemment
la notion de reproduction pour noter la ressemblance entre les
métiers exercés par les parents et ceux dont se réclamaient les
jeunes auteurs d'infraction. Un ensemble de facteurs de divers
ordres pourrait décrire les délinquants abidjanais et proba-
blement les distinguer d'autres jeunes de même âge résidant
dans la même ville. C'est l'effort qui va être tenté ici, à
partir des données dont on dispose sur les mineurs maintenus
au Centre d'Observation implanté au sein de la Maison d'Arrêt
de Yopougon. Ces données imposent de considérer successivement
les variables sociologiques, économiques et psychologiques.
2-1/ Les variables sociologiques
L'attraction que la ville d'Abidjan exerce sur les
jeunes habitants du monde rural se traduit par l'exode massif
de ceux-ci vers la capitale. Mus par des motivations diverses,
enfants et adolescents rejoignent leurs pairs pour, soit conti-
nuer leur scolarité, soit "se débrouiller"
c'est-à-dire se
réaliser dans l'exercice d'un emploi rémunéré. Sur les lieux,
la plupart retrouvent des jeunes de mêmes conditions qu'eux,
ainsi qu'il apparaît à travers l'âge et le niveau d'instruction.
21.1/ L'âge du mineur délinquant abidjanais
Le tableau ci-après présente l'âge des 331 jeunes
en observation au cours de l'année 1979.
- 709 -
L'âge de 331 mIneurs délinquants
Année 1979
1
i\\GES
1
11
12
13
14
15
16
l i
1a
19
Total
(en années)
Effectif
4
14
36
45
53
68
57
50
4
331
Il apparaît nettement que c'est à l'âge de 16 ans que
se rencontrent la plupart des jeunes auteurs d'infraction; la
délinquance commençant cependant plus tôt dans la vie de cer-
tains individus. En 1971, on avait noté, parmi les mineurs
raflés par la Police, la présence d'enfants âgés de 2 ans; ce
qui avait justifié la remarque qu'il ne semble pas y avoir un
âge précis à partir duquel un enfant est à même de commettre un
.
.
~~:~'i.>~,,:~,.,::-?~~:
acte anti-social.
(A. BASSITCHE, op. cit, P 128). La courbe
établie pour les âges, accusait son maximum à 13 ans, en 1971.
Mais à partir de 16 ans, on assistait à une diminution du nom-
bre de jeunes anti-sociaux. Les âges moyens établis alors pour
l'ensemble des délinquants et pré-délinquants connus par la
..
. .
' , . '
',.'
M~f.I~t#ij#&i
Police se situaient respectivement à 10, 7 ans puis à 11 ans
pour les années 1971 et 1972. Les statistiques judiciaires de
la même époque indiquaient par contre, pour la ville d'Abidjan,
une moyenne d'âge comprise entre 14 et 16 ans. Près de dix
années plus tard, cet âge moyen (15, 52 ans) ne paraît pas avoir
changé notablement (cf. tableau ci-dessus).
-
710 -
Si l'on compare cette moyenne à celles établies sur des jeunes
de la même espèce, il y a une quinzaine d'années, par Simone
Hugot
(1969, p 79) à Dakar (15, 35 ans en 1964 ; 15, 25 ans en
1965 et 14, 75 ans en 1966), le phénomène délinquance juvénile
paraît concerner principalement une même classe d'âges dans les
grandes villes du sous-continent. Le délinquant mineur dakarois
ne se distingue donc pas, quant à l'âge, de son homologue abid-
janais. De même, sur le plan local, les mineurs de justice
ivoiriens appartiennent à la même classe d'âges que leurs collè-
gues étrangers. Les moyennes d'âges au cours de l'année 1979
s'établissent respectivement à 15, 52 ans et à 15, 88 ans.
La concentration des jeunes dans la tranche d'âges
allant de 14 à 16 ans ne signifie pas que ces adolescents ne
partagent en commun que cette caractéristique. Intellectuel-
lement aussi, ils se ressemblent.
21.2/ Le nIveau d'instruction
L'intégration au monde du travail et, par conséquent,
à la société abidjanaise d'aujourd'hui,
passe par une formation
et une qualification professionnelle. L'école reste la voie
privilégiée qui conduit à cette fin.
Il faut à chaque individu
un minimum d'instruction pour entreprendre l'apprentissage d'un
métier à Abidjan. Naguère, le titulaire d'un Certificat d'Etudes
Primaires Elémentaires (CEPE) était considéré comme un grand
- 711 -
intellectuel dans les pays francophones d'Afrique Noire. Aujour-
d'hui, les brevetés et les bacheliers de l'enseignement secondaire
ont du mal à trouver un emploi dans les villes, notamment à
Abidjan. On peut alors s'interroger sur les chances qu'ont de
briguer un emploi rémunéré des jeunes qui ont partiellement
fréquenté un établissement scolaire ou qui n'y ont jamais été.
Les mineurs délinquants abidjanais se signalent par la médio-
crité de leur formation intellectuelle ainsi que l'illustre le
tableau ci-dessous :
Niveau d'instruction de 331 mineurs délinquants
Cours
Titulai-
Cours
Niveau
Analpha-
res
du
secon-
Total
d'étude
bètes
prépara-
Elémen-
MJyen
CEPE
daire
toire
taire
Effectif. ..
71
72
85
66
19
18
331
% .........
21 ,4
21,7
25,6
19,9
5,7
5,7
100,00
,
"--
v
43,1 \\
Si l'on assimile le niveau cours préparatoire à celui
des analphabètes, ce sont 43,1 % de l'effectif qui se classent
au rang d'illettrés
dans une ville où l'emploi exige un appren-
tissage de plus en plus complexe ; celui-ci nécessitant lui même
un niveau d'instruction de plus en plus élevé. Le bas niveau
d'instruction constitue par conséquent un obstacle majeur à
-
71 2 -
l'embauche qui, en plus de ce qui vient d'être dit, tient aussi
compte de l'âge du candidat. Dans ces conditions, pour des jeunes
qui doivent survivre, se prendre en charge, soit parce qu'ils
sont venus volontairement à Abidj an pour "se débrouiller"
après
avoir abandonné les études (pour ceux d'entre eux qui fréquen-
taient une école) soit parce que les parents ont renoncé de
s'occuper d'eux pour diverses raisons, le vol s'impose comme
seule solution. Mais, on le verra plus loin, les conditions qui
président à la commission de ce délit ne se résument pas au fait
que ces jeunes déscolarisés ou analphabètes y sont nécessairement
conduits par la faim. Les vols portent aussi bien sur des objets
matériels que sur des denrées alimentaires.
Ces observations sur le niveau intellectuel des 331
enfants et adolescents délinquants ne sont pas isolées. Cinq
années plus tôt, en 1974, il a été observé, sur un groupe de
44 jeunes en détention provisoire à la Maison d'Arrêt et de
Correction d'Abidjan, les mêmes caractéristiques
Ccf. A. BASSITCHE, 1974 a, p 136).
Pour une grande proportion de jeunes (78,6 % des 331 mineurs
ci-dessus), la conduite déviante repose le problème de l'adap-
tation de l'école au contexte socio-historique et culturel local.
Rarement la formation des jeunes à la vie aboutissait ~ des
"déclassés", à des inadaptés sociaux dans le cadre ancien.
-
713 -
En attribuant l'échec de l'intégration sociale des enfants et
adolescents ivoiriens à l'institution école, certaines autorités
locales semblent avoir partiellement raison. Mais on ne peut
reprocher à l'instituteur qui est obligé de mettre en veilleuse
les valeurs socio-culturelles locales dans ses interactions avec
les élèves, de ne pas réussir à l'intégration de ceux-ci à la
société. On a assez souligné cette contradiction. Il n'y a plus
lieu d'insister davantage.
Il reste tout de même curieux de ne
pas pouvoir remédier au mal si tant est que l'école, dans sa
forme et dans sa conception actuelles, contribue à la désociali-
sation des individus.
- En définitive, le jeune délinquant abidjanais appa-
raît, sur le plan de la formation intellectuelle, comme un' raté,
celui à qui le niveau d'instruction très bas ferme les portes à
l'apprentissage professionnel et, par conséquent, à l'intégration
à la société par l'exercice d'un travail salarié; société à
l'intégration de laquelle il semble avoir formulé son projet au
départ de sa région ou de son pays d'origine.
21.3/ L'origine géographique
La population d'Abidjan, qu'on se le rappelle, est
constituée, pour près de la moitié, d'étrangers. Ceci est dû,
on l'a aussi vu, à la très rapide croissance économique de cette
ville devenue pour cette même raison le poumon de l'économie
ivoirienne et un pôle d'attraction sur le sous continent.
-
714
-
A l'intérieur du pays,
l'une des conséquences de la concentration
du "bien-être" à Abidjan demeure la désertion des campagnes par
les jeunes, particulièrement sensibles au modernisme et aux avan-
tages multiples que semhle leur proposer la ci\\'ilisation nouvelle.
Aucune région de la Côte d'Ivoire n'est épargnée par l'exode
rural dont les jeunes inadaptés sociaux représentent le produit
direct ou indirect. Le tableau ci-après le montre nettement.
Origine géographique des mineurs délinquants
abidjanais au cours de l'année 1979
Origine
Centre
NORD
Etran-
SUD
Est
1 OUEST
CENTRE
1
TarAL
géographique
Ouest
gers
1
Effectif ....
55
48
8
38
31
22
129
331
Les jeunes délinquants viennent de toutes les régions
de Côte d'Ivoire .. On constate avec surprise la sous-représentation
des jeunes originaires de ~'Est (8 personnes) du pays. Cependant,
l'exode vers Abidjan montrait, il y a quelques années la part
importante prise par les jeunes de cette région. "De façon géné-
rale, écrit O. Diarra (1970, p 7), plus l'émigrant est jeune,
plus il est attiré par la ville. 37 % de ceux qui partent du
Centre et de l'Est se dirigent sur Abidjan ... , dans le Centre-
Ouest, l'exode vers Abidjan est nettement supérieur, avoisinant
les 50 %. On ne peut non plus soutenir, faute J'informations
suffisantes, que les jeunes issus de cette région s'insèrent plus
facilement dans la société abidjanaise que leurs pairs originaires
-
716 -
ethniques y comprIs des étrangers et qu'aucun n'en a l'exclusi-
vité. L'opinion que les étrangers alimentent beaucoup plus la
criminalité à Abidjan que ne le font les nationaux ne semble pas
confirmée en ce qui concerne les jeunes délinquants. En effct,
en 1978, les non-ivoiriens représentaient 38,2 , de la population
abidjanaise ; les nationaux 61,8 %. A supposer que la populatj.on
générale de la ville d'Abidjan n'ait pas connu de modifications
notables entre 1978 et 1979, la comparaison entre mineurs délin-
quants étrangers et délinquants mineurs ivoiriens n'est pas
statistiquement significative.
Il faut donc chercher ailleurs
ce qui justifie l'opinion citée précédemment.
On peut soutenir, d'après les observations qUI
viennent d'être faites, que l'origine géographique, ethnique ou
la nationalité ne sont pas reliées forcément à la délinquance
des jeunes à Abidjan. En tout cas, les informations judiciaires
ne permettent pas de soutenir l'avis contraire.
Par ailleurs, la répartition géographique des infrac-
tions (cf. tableau ci-contre) indique que celles-ci ont été
commises dans la plupart des quartiers de la ville avec cepen-
dant une fréquence relativement élevée dans les 2è et 3è
arrondissements. Cette répartition ne signifie pas que les
auteurs d'infraction ont opéré nécessairement dans les quartiers
où ils résident. Il est dans les habitudes des jeunes abidjanais
d' "exporter" les crimes et délits. En effet, pour diverses
raisons, les jeunes préfèrent se retrouver loin de leur quartier
ntr'r
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tM"'rWTfTFFWTnSi'YT"
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w
LOCALISATION DES INFRACTIONS COr"f\\llSES PAR LES 331 MINEURS DELINQUANTS AU COURS DE L' ANNEE 1979
Arrondissement
1è
2è
3è
4è
Sè
6è
l'--
r--
-Œ-~~- __~~ 10è 11é 1
Effectif
10
59
63
-
27
34 --l .- __l 1&
28
33
-
1
-
.,-~-~~
--8-
10 -- ------1
%
3
18
19
-1 8
10 , 3
1
o '
L
J
------'-+--
e-
Arrondissement
1 ?-
~e
13-14-1Sè
16è
1
99è
Total
Effectif
2S
21
I l s
331
1
7
f..
1
f..
1
99 : Hors d' Abid'j
RAPPEL
1er Arrondissen~nt
Abidjan-Plateau
8è Arrondissement
Cocody
2è
"
Treichville
9è
"
Marcory
3è
"
Adjamé
10è
"
Williamsville
4è
"
Zone 3
llè
"
Attiécoubé
5è
"
Port-Bouët
12è
"
DeLL'{-Plateaux
6è
"
Koumassi
13è
I l
Abobo-Gare
7è
"
220 Logements
14è
"
"
"
15è
II
"
"
- 718 -
de résidence, là où il y a de l'animation. Treichville et
Adjamé passent pour des lieux privilégiés de rencontres. Les
jeunes s'y retrouvent pour passer le temps soit dans les
maquis, les boîtes de nuit, soit pour aller au cinéma car
ailleurs "dans les autres quartiers, les adultes arrêtent les
enfants qui veulent entrer au cinéma", nous confiait un jeune
élève habitant à Port-Bouet mais arrêté pour vol à la sortie
d'un cinéma à Adjamé.
La localisation des infractions permet aussi de
constater que quelques aires urbaines (4è, 7è, 11è, 12è Arron-
dissements) sont restées, au cours de l'année 1979, pratiquement
-,
à l'abri de l'anti- socialité des jeunes. Par contre, des quar-
tiers périphériques récents tels que Yopougon (16è Arrond.) et
Abobo Gare (13è, 14è et 1Sè Arrondissement) ont enregistré
d'intenses activités contraires à la loi chez les jeunes.
L'explication réside en partie dans les caractéristiques sociales
et économiques de chaqu p quartier. Par exemple, la zone 3 dite
aussi zone industrielle ne dispose pas d'infrastructures de
loisir qui puissent y attirer les jeunes. Le 11è arrondissement
n'est en fait qu'un gros village enclavé dans la ville, doté
d'une "personnalité" propre et d'une mentalité ethnique.
Une fois aux mains de la justice, le jeune n'est pas
abandonné au juge. "Le bouc a beau sentir mauvais, dit un
adage africain, il n'est jamais abandonné par sa mère".
Il est
toujours des parents, un membre de la famille pour intervenir.
-
7 19
-
21.4/ Attitude des parents face à la visite et à la
sortie du jeune maintenu au centre d'Observation
S'en aller à l'aventure, à la découverte de l'inconnu
ne paraît pas être une habitude africaine, moins encore des
enfants et adolescents. C'est dire que, même dans le cadre de
l'exode rural, le jeune qui quitte le village pour la ville,
se rend presque toujours chez un citadin parent, ami de sa
famille ou ressortissant de la même localité ql1e lui. En cas
de malheur, il incombe à l'hôte d'intervenir, de répondre de
celui qu'il héberge. Cette responsabilité qui paraît assez
grande est de moins en moins assumée par l'hôte. Très rapiàe-
ment donc, le jeune se retrouve sans soutien moral et, de plus
en plus, matériel aussi.
Il est même des parents géniteurs qui
renoncent de soutenir moralement leur enfant.
Ils ne ~e présen-
tent ni à la convocation du juge ni au Centre d'Observation des
Mineur3 au titre d'une simple visite. "Mon père m'a dit que si
je me faisais arrêter encore, il n'interviendra
as" nous confiait
1
très récemment, le jeune L. F. âgé de 16 ans et accusé de
coups mortels. La récidive décourage donc certains parents qui
finissent par adopter une attitude de rejet de l'enfant. Celui-
ci n'est plus perçu comme sien.
Il est refusé, rejeté dans le
meilleur des cas SInon
plus reconnu comme un fils. Les infor-
mations qui sont consignées sur le tableau suivant révèlent
l'attitude de plusieurs parents à l'égard des jeunes maintenus
au Centre d'Observation des Mineurs de Yopüugon, au cours de
l'année 1979.
-
-:20
-
Tableau n° 1
Reçoivent des visites
Nationalité
1
Oui
Non
1
Total
1
1
Ivoiriens
71
!
131
202
1
Etrangers
52
77
129
TOTAL
123
(3 7 %)
331
1
i 208 (63 %) 1
1
Ki carré = 0,862 significatif à P < 0,01
Tel qu'il apparaît, très peu de parents ou d'amis
ont eu à effectuer le déplacement de chez eux à la Maison
d'Arrêt de Yopougon pour rendre visite à leur enfant. Cette
attitude caractérise aussi bien les parents ivoiriens qu'étran-
gers quoique
les premiers soient plus enclins que les seconds
à s'abstenir de tout contact avec le jeune durant la détention
de celui-ci. Statistiquement les mineurs ivoiriens maintenus
au sein de la pr:son reçoivent moins de visite que leurs pairs
étrangers (Ki carré = 0,862 ; significatif à P < 0,01). Les
causes de cette différence de comportements ne sont pas
évidentes. Plusieurs facteurs dont la distance qui sépare le
lieu de résidence des parents de la Maison d'Arrêt, la dispo-
nibilité des parcn~s, la connaissance que ceux-ci ont de ce qui
est advenu à leurs enfants, expliquent partiellement la diffé-
rence d'attitude dans le cadre de la visite rendue ou non aux
mineurs maintenus au sein de la prison.
-
721
-
~a récidive ne devait pas conduire à l'abandon de
l'enfant. En effet, si contre celle-là les parents ne voient
pas d'autres remèdes parce que, pensent-ils c'est la volonté
divine qui s'exprime, pour leur propre honneur, ils sunt
moralement tenus d'accepter l'enfant à qui ils ont donné le
jour. Qu'ils le veuillent ou pas, cette charge morale leur
pèse lourdement, en dépit de l'attitude irresponsable qu'af-
fichent plusieurs d'entre eux. C'est dire qu'il est pratiquement
impossible à bien des parents de demeurer sourds à l'appel, aux
cris de détresse de leurs enfants. Sur les 331 jeunes connus au
cours de l'année 1979, 210 ont retrouvé leur milieu habituel de
vie au terme de la même année, ainsi que l'illustre le tableau
ci-après
-
1
PERSONNES OU REPRESENTATIONS ETRANGERES
T
1
Nationalité
Parents
Un membre
Un membre
Centre de
Ambassade
0
1
t
véritables
de la
de
Rééduca-
et Organis-
a
1
famille
l' f''':}:n1ie
,tion Dabou
mes étraTl-
gers
1
1
IVOIRIENNE
73
43
34
15
-
165
ErRANGERE
15
12
7
-
11-
45
TOTAL .....
88
55
41
15
11
210
l
!
1
Tableau n° 2
PERSONNE OU ORGANISME AYANr FAIT LA SORTIE DES ENF.ANfS
Tandis qu'ils étaient peu à recevoir de la visite
(71 ivoiriens contre 52 étrangers), ils sont, quand il s'agit
de leur 1 ibéra t ion, très nombreux à évacuer le s 1 ieux. Ils ont été
- ) '":'
'-'-
deux cent dix jeunes à s'en aller du Centre d'Observation,
suite à l'action des parents, d'un membre de la grande famille,
dlun ressortissant de la même ethnIe que le sujet ou d'une
représentation étrangère. Les cent vingt et un qui demeuraient
encore au sein de l'établissement à la fin de l'année 1979 se
répartissent en 37 ivoiriens et 24 étrangers. La majorité des
nationaux (165 individus) avait recouvré sa liberté contre une
minorité d'étrangers
(45 personnes). Ces derniers sont par
conséquent les plus nombreux (84 jeunes) à demeurer longtemps
en prison parce que personne n'est venue réclamer au juge leur
libération. En effet, une fois que le jeune est connu de la
justice, la liberté ne lui est rendue que s'il se trouve un
parent, une connaissance adulte pour répondre de lui. Cette
mesure désavantage ceux des mineurs délinquants dont les
parents ne peuvent ou ne veulent pas intervenir pour diverses
raIsons. La mise en liberté du jeune est, dans ce cas, retardée.
Des considérations qui précèdent,
le jeune délinquant
abidjanais se présente ici comme celui qui pose des problèmes
de reconnaissance aux parents: reconnaissance de l'enfant
comme sien pour enfin déclencher le processus de sa libération.
Mais le jeune demeure aussi celui qui réveille par moments le
sentiment de solidarité familiale et ethllique affaibli par les
difficultés pronres à la vie urbaine. En définitive sur le
plan sociologique,
les variables considérées décrivent le
délinquant abidjanais comme un Jeune âgé de 14 à 16 ans,
-
72~
-
originaire de n'importe quel Département de la Côte d'Ivoire,
sans niveau d'instruction suffisant, peu ou pas intégré à sa
famille et vivant généralement de petits larcins.
2-2/ La variable économique
On ne reviendra plus ICI sur ce qui a été dit des
métiers exercés par les jeunes et par leurs parents. Qu'il
suffise d'insister seulement un peu plus sur l'une des consé-
quences du bas niveau d'instruction sur l'intégration des
jeunes au monde du travail salarié : ce bas niveau écarte
d'emblée ces jeunes de la quasi-totalité des concours d'entrée
dans des écoles de formation professionnelle et les condamne
à l'exercice ou à l'apprentissage de petits métiers peu rému-
nérateurs, incapables de faciliter à ceux qui les exercent
l'accès à la consommation des biens que proposent malicieu-
sement, mais de façon provocante magasins, super-marchés,
boutiques, etc ... à travers les quartiers d'Abidjan.
l! ne
reste plus qu'à se laisser tenter, et les jeunes dont les
freins moraux sonL rendus fragiles par les carences éducatives
et la misère économique des parents, ne se font pas prier.
Ils
cèdent facilement au vol, seule voie pour eux de parvenir au
même but que ceux qui ont des moyens financiers.
Les occupations professionnelles des parenLS des
331 mineurs montrent que ceux-ci ne sont plus tous des ruraux
purs, c'est-à-dire des planteurs attachés à la terre.
"Citadins de seconde génération"Ccf. J. M. Gibbal, op. cit),
ils n'ont pu s'intégrer économiquement à la ville d'Abidjan.
Mais leur marginalisation ne signifie pas forcément délinquance.
On ne peut par conséquent affirmer que les jeunes de l'échan-
tillon ont appris auprès de leurs parents à défier la loi, à
faire leurs premiers pas dans l'antisocialité. Toutefois l'idée
que les conditions de vie défavorables des parents ont sûrement
gêné, empêché ces derniers d'assumer pleinement leurs respon-
sabilités éducatives ne doit pas être écartée systématiquement.
Ce manquement à l'encadrement, à la surveillance des enfants
est plus criminogène que l'appartenance à une classe sociale
donnée. Le comportement du jeune est davantage relié aux rela-
tions familiales qu'à l'origine sociale (cf. R. Hood et R. Sparks,
op. cit, p 61). Ce qui est un mot d'espoir pour les parents
pauvres de parvenir eux aussi à faire de leurs enfants des
adultes socialement intégrés.
La VOle qui a conduit les trois cent trente et un (331)
mIneurs à la délinquance n'est pas directe, puis ne présente pas
les mêmes caractéristiques pour chacun des sujets. Cependant,
sous l'angle économique, ces jeunes sc
lcgent à la même
enseIgne : celle des personnes exerçant de petits métiers où la
régularité du salaire ou du revenu demeure une exception. C'est
probablement cette
irrégularité des gains par ailleurs insuffi-
sants qui explique en partie le recours au vol, principal chef
J'accusation retenu contre les Jeunes.
Les activités délinquantes des mineurs de justice au cours de
l'année 1979 le prouvent nettement, ainsi qulil apparaît sur
le tableau ci-dessous :
,-
Nature
vagabon~bus de
C. -----11
B.
D. P. C.
Vol
du délit
dage
confiance
v. (1)
B. l . (2)
Effectif ...
476
21
5
103
16
%
68
1
3
0,7
1 5
2,3
1
Nature
Escro-
1 Faux et usa-
Violence/
Autres
Drogue
Total
du délit
querie
1
l
ges de faux
Mineurs de
délits
1
15 ans
1
Effectif ..
2
17
20
20
18
698
1
%
0,5
? 4
-, .
2,8
2,8
2,5
100
Tableau nO 3
ACTIVITES ANTI-SOCIALES DE 331 JEUNES AU COURS DE
L'ANNEE 1979 A ABIDJAN
68 , des délits sont constitués ~niquement de vols. Les objets
volés couvrent pratiquemPIlt la gamme des produits de consom-
mation disponibles à AD id jan. Il ne s'agit donc pas de délits
de nécessité comme aurait pu le faire croire la précarité de
la situation économique des sujets considérés. La diversité qui
caractérise les objets volés invite à une grande prudence dans
la recherche des causes de la délinquance des jeunes à Abidjan.
(7 J
C. B. V.
.6.tgi'UMe. COUP.6 e;t Bf.e.6.6 Wl.e.,,~ Vo.e.on.àLUte.6
(2)
V.P.C. B.1. = Vé6a.u-t de. Pe/tnU..6 de. CondWÙt.z., Blv.'J.6uJte.6 IHvof.oH-tai/Le..6.
Les enfants et adolescents ne volent pas pour se nourrIr parce
qu'ils n'ont personne pour leur donner à manger. En tout cas,
s'il fllt un ~emps où les gens volaient dans les grandes ville5
africaines, notamment à Abidjan, pour se nourrir, aujourd'hui
la faim est loin d'expliquer la délinquance des jeunes. La
nature hétéroclite des objets volés (sac à main, pièce d'iden-
tité,
bigoudis, batteries, pagnes, poulets, paire de lunettes,
argent, etc ... ) montre que, dans l'env~ronnement, tout attire
ceux des individus qui paraissent démunis. Au cours àe llannée
1979, les vols d'argent reprochés aux 331 mineurs délinquants
ont atteint une somme totale d'un million cinquante six mille
huit cent vingt cinq francs CFA (1.056.825 frs CFA) correspon-
dant à 49 cas signalés aux autorités judiciaires. Ceux portant
sur des objets vestimentaires représentaient 18 ~as ~cnnus
;
enfin les vols d'articles ont été signalés soixante quatorze
(74) fois à la justice. Ainsi donc,
les 68 % des activités
antisociales des jeunes durant l'année 1979 ~ Abidjan sont
vraisembablement loin de justifier l'inquiétude dont on parle
tant dans le milieu en ceci qu'elles se résument en des délits
peu graves. En effet, que représente un million cinquante six
mille huit cent vingt cinq francs comparativement à la masse
d'argent, détournée à des fins personnelles,
(cf. H. Sarassoro,
op. cit) chaque année, dans la gestion des service~ publics
et dans celle des entreprises privées? Quantitativement les
vols d'argent commis par les jeunes ne peuvent constituer
un sujet d'inquiétude dans la population générale de la ville
d'Abidjan, de plus en plus habituée aux cambriola?,es des ban-
ques et aux attaques à mains armées des caisses de sociétés.
Ces opérations dont la presse fait la publicité rapportent
des dizaines de millions de francs CFA à leurs auteurs. Les
actes reprochés aux 331
jeunes, ne sont pas, comparativement,
aUSSI rentables.
La fréquence des vols parmi les délits ne doit pas
faire oublier l'existence d'actes graves portant atteinte à
l'intégrité physique des individus. L'importance relative des
coups et blessures volontaires et involontaires (cf. tableau
précédent) montre que la criminalité juvénile se fait elle
aussi violente à Abidjan. Les jeunes n'hésitent pas à s'affron-
ter, à venir aux mains parfois pour un rien. C'est souvpnt CP
qui arrive lorsqu'une bande pénètre dans le territoire affectif
d'une autre (par exemple à la plage, s'installer à l'endroit
où t'Il groupe de jeunes à l'habitude de se retrouVer}1l: sent
la provocation dans le regard d'un jeune qUI ne faIt pas partie
de ses membres. Ce dernier, dans ce cas, est lynché ou séYieu-
sement battu.
Ce qu'on peut retenir à l'examen de la nature des
infractions commises par les jeunes est lr. dé"ir, chp?, CP~
derniers, de participer ~ la jouissance du bien-être matériel
que propose la société abidjanaise.
-
728 -
Ainsi, le mIneur délinquant se présente finalement comme étant
l'enfant ou l'adolescent que l'irrégularité, l'insuffisance ou
l'absence des revenus personnels ou des parents mettent en
demeure de voler, exceptionnellement pour survivre, générale-
ment pour ne pas passer pour un laissé
pour compte de la
société nouvelle.
La plupart des jeunes chez qUI les conditions
sociales et économiques passées en revue ci-dessus sont réunies,
ne s'orientent pas nécessairement vers la délinquance. La
manière particulière dont chaque individu vit les réalités
familiales, sociales et économiques puis y réagit reste déter-
minante pour le passage à l'acte antisocial.
31 Les variables psychologiques
Les facteurs socio-économiques généralement évoqués
pour rendre compte de la délinquance ne renseignent guère sur
la manière dont ceux-ci conditionnent le comportement de
l'individu et font de ce dernier un sujet criminel. Suivant
Jean Villars (1973), la mise en place d'une délinquance véri-
table commence de bonne 'heure au sein de la famille, continue
à
l'école et débouche sur le monde du travail. Une telle évolu-
tion n'est possible que si elle repose sur une structuration
psychique progressive amenant l'individu à affirmer une identité
délinquante ou criminelle.
- 729 -
Si l'on ne peut qualifier de dissociaI (au sens que
Roger Mucchielli donne à ce mot)
les milieux d'où les 331 jeunes
sont issus par manque dl informations suffisantes,
il reste tout
de même possible de faire un rapprochement entre les caracté-
ristiques socio-économiques des parents décrites ci-dessus et
la délinquance de
ces adolescents. Délinquance réactionnelle
ou névrotique si l'on en juge par le nombre de délits solitaires
commis au cours de l'année 1979, ainsi qu'·il ressort du
tableau ci-àessous
tv'lOde de commission des infractions choisi par les 331 mineurs
Mode d'exécution
Délit commis
1
i
Total
du délit
Seul
En groupe
Effectif. . . . . . . .
198
133
331
~o • • • • • • • • • • • • • • •
66,40
33,60
100,00
1
En effet,
le délinquant criminologique opère en
groupe, très exceptionnellement seul. Le support du groupe
lui est nécessaire. C'est même ce dernier qui fait sa force.
Par contre une délinquance réactionnelle disparaît en principe
dès que la ou les causes qui l'a/l'ont fait naître cessent
d'agir. Les informat iOTls consignées dans le tableau ci-dessus
laissent donc penser à la présence d'une grande proportion
de délinquants réactionnels ou névrotiques (si tant est que
-
7:,l1
-
le délit solitaire est l'expression d'une pathologie plus ou
moins grave), parmi les 331 mineurs considérés. Ceci confirme
les observations faites par Simone Hugot (op. cit, p 87-88)
sur les jeunes délinquants dakarois.
La ville d'Abidjan abonde de toutes sortes de biens.
Les magasins, les super-marchés, les boutiques, etc ... pro-
posent à la consommation des articles variés qui suscitent
envie. Il faut à l'abidjanais
'
.
+
economlquemen,
fa.i.ble de très
solides freins moraux pour ne pas se laisser tenter par le vol
et ce, d'autant plus que des personnes de même âge que lui
consomment parfois à volonté ces articles. En tout cas, il ne
semble pas facile de se constituer spectateur du bien-être
matériel auquel tout abidjanais aspire
et qui est aussi la
cause du rassemblement des individus dans cette ville. Dans
ces conditions, on peut imaginer que les personnes qui se
sentent frustrées parce qu'elles n'ont pu tirer le profit
qu'elles attendaient de leur présence à Abidjan, ces personnes-
là réagissent vivement par des vols. Une délinquance réaction-
nelle pourrait alors se développer sur la base des frustrations
vécues.
S'agissant des mIneurs maintenus au Centre d'Obser-
vation,
il Y a lieu de souligner la précarité des conditions
économiques de leurs parents ; conditions qui ont certainement
rendu difficile l'éducation de ces enfants et favorisé soit
le départ de ces derniers à Abidjan à la recherche d'un mieux-
-
-:;1
-
être, soit le développement d'un sentiment de débrouillardise
en ne comptant plus que sur soi. Sur le plan psychologique,
plusieurs situations dont deux principalement se présentent
souvent :
- incapables de satisfaire les besoins économiques
de la famille,
les parents, les pères en particulier, abdiquent
leur autorité ou au contraire font preuve d'une sévérité
réactionnelle. Dans un cas comme dans l'autre, l'enfant
recherche la sécurité à l'extérieur de la famille et pense
la trouver dans le groupe de jeunes ayant à peu près les
mêmes problèmes que lui.
disposant de moyens économiques suffisants, mais
par ailleurs préoccupés par des questions diverses,
les parents
n'assurent pratiquement plus directement l'encadrement éducatif
de leurs enfants. Ces derniers se retrouvent seuls ou aban-
donnés aux soins des domestiques. L'une des conséquences demeure
la non-assimilation des valeurs sociales et morales ou le refus
de se conformer à celles-ci.
Les informations disponibles au Centre d'Observation
sur les 331 sujets ne permettent pas d'aller au-delà des con-
sidérations ci-dessus, plus précisément de mettre en évidence
des traits psychologiques dont la fréquence caractériserait
éventuellement les 331
jeunes. Sur la base des modalités
d'exécution des délits, on peut seulement dire que la délinquance
juvénile à Abidjan procède davantage des problèmes psycho-
logiques (carences affectives, anxiété excessive, immaturité
affective, etc) que caractériels. Autrement dit, la délinquance
vraie au sens criminologique du terme serait beaucoup moins
importante chez les jeunes qu'on ne le croit. Les antécédents
judiciaires des 331 mineurs montrent que c'est probablement
maintenant que la société ivoirienne a inauguré sa fabrique
de fauves, (cf Guy Gilbert, 1982). Pour preuve, les informations
consignées sur le tableau ci-dessous :
Année 1978
Année 1979
Récidi-
Délinquants
Primaires
Total
Primaires
1 Récidi-
Total
vistes
vistes
1
Effectif ..
202
86
288
208
123
331
9-o •••••••••
70
30
100,00
62,83
37,17
100,00
1
Evolution de la Récidive de 1978 à 1979 à Abidjan
De 1978 à 1979, le nombre de délinquants primaires
a baissé pendant que celui des récidivistes a augmenté. La
société abidjanaise s'acheminerait ainsi vers la formation de
jeunes antisociaux véritables à partir des mesures prises contre
les mineurs auteurs d'infraction. L'accoutumance au milieu
carcéral commencerait à produire ses effets sur une fraction
- 7::;:; -
importante des jeunes : parmi les délinquants primaires connus
au Centre d'Observation en 1978, trente sept (37) y sont retour-
nés en 1979. Le taux de récidive se situe à 30 % entre les deux
années considérées. Au rythme d'un délinquant qui rechute sur
trois connus chaque année, des jeunes qui au départ n'avaient
pas d'aptitudes particulières à la commission des crimes et
délits, deviennent de redoutables antisociaux. On reviendra
ultérieurement sur cette question qui intéresse le traitement
et la prévention de la Jélinquance des jeunes.
Sur le plan psychologique, les jeunes délinquants
abidjanais vivent anxieusement les difficultés d'insertion
sociale. Bien qu'ils ne soient pas les seuls à connaître ces
difficultés, ils paraissent cependant les maîtriser, les
dominer moins que leurs pairs socialisés. Leur incapacité a
surmonter les frustrations explique partiellement leur passage
relativement facile à l'acte délinquant.
- En défini tive, répondre à la question "le mineur
abidjanais", qui est-il? suscite quelques difficultés, car les
variables considérées ne discriminent pas les délinquants des
non délinqu~nts. Toutefois, présenté à grands traits, le jeune
X antj~ocial abidjanais officiel est un individu qui :
/
~
~
J
,~
appartient à la tranche d'âge 14-16 ans,
a un niveau intellectuel bas ou nul,
peut être originaire de n'importe quelle ethnie,
est issu de parents économiquement faibles,
n'est pas intégré à sa famille,
vit d'expédients,
maîtrise très difficilement les frustrations inhérentes
à la vie moderne et qui a une grande propension au
passage à l'acte.
Les autorités locales ne demeurent pas les bras
croisés devant la croissance du banditisme en général et de
la délinquance juvénile en particulier. Différentes mesures
sont prises qui visent à prévenir cette forme d'inadaptation
sociale des jeunes et même à la traiter. Cette question
constitue l'objet de la partie qui suit.
-
~3S
-
BI PREVENTION ET TRAITEMENT
Précédemment il a été question des structures de
prévention et de traitement de la criminalité à Abidjan. Mainte-
nant on va s'intéresser particulièrement au sort des mineurs
délinquants dans la cité.
1/ Prévention de la délinquance juvénile
Les Structures
- Concrètemen~ la prévention de l'inadaptation
sociale des mineurs se traduit sur le terrain par la mise en
place de structures. Mais quelles sont ces structures et comment
opèrent-elles ? Quels sont les moyens dont elles disposent ?
Les réponses à ces questions constituent l'objet de cette section.
-. Lorsqu'on parle de prévention de la délinquance,
on pense spontanément aux forces policières et aux tribunaux.
Ces deux institutions jouent un rôle cap:tal dans la manière
dont la société résoud le problème de la criminalité.
a)
La Police
L'action préventive de la Police à Abidjan comme ailleurs
vise, avant tout, à empêcher la commission des crimes et délits.
Cependant, toutes les forces policières ne participent pas à
cette activité. A Abidjan, des unités au sein de chaque Commissa-
riat sont affectées à cette tâche. Les activités des dix sept (17)
Commissariats que compte la ville aujourd'hui sont coordonnées
-
ï:;6
-
par un Commissariat Central. Les Gardiens de la paix sont répar-
tis en plusieurs services. Certains s'occupent uniquement des
problèmes de la circulation, d'autres du stationnement
(zone bleue). Les activités de ces différentes unités sont
com-
pIétées par celles du Corps Républicain de Sécurité (CRS). Dans
le but de décourager les malfaiteurs, la Police organise des
patrouilles de jour et de nuit. Une Police en civil participe
aussi à cette activité de prévention. Ainsi, la présence physi-
que de tout ce personnel à tout moment et à n'importe quel en-
droit de la ville peut gêner grandement tous ceux qui éprouvent
le désir de passer à l'acte délinquant.
Pour le délinquant mineur abidjanais, le policier
demeure la "bête noire", le trouble-fête, celui qui gêne ses
activités. Aussi e~t-il perçu négativement! C'est ce qui res-
sort d'lme recherche effectuée sur 48 mineurs de justice et qui porte sur
l' atti tude de ceux-ci face aux représentants àe l'autorité policière
et judicière. Sur le tableau ci-dessous sont reproduits les réponses obtenues:
1)
1-
r Vrai
0
Faux--1
~0
T
%
1
1
· Les gendarmes sont plus
j
gentils que les poli-
34
70,84
14
29,16
1
48
100
ciers ...
1
1
· Les policiers sont plus
gentils que les gen-
21
43,75
27
56,25
48
100
1
darmes ...
· Les juges sont plus gen-
41
85,41
7
14,59
48
100
tils que les policiers ..
1
1
· Les juges sont plus gen-
43
89,59
100
1
5
W,41
48
tils que les gendarmes ..
1
1
1
1
.,.. ï37 .,..
Les agents de police apparaissent moins gentils que
les gendarmes ou les juges, car, pensent les jeunes, il faut
bien que la Police vous appréhende pour que le juge sanctionne.
L'action répressive et préventive de la Police est donc assez
bien perçue par les délinquants qui ne la confondent pas avec
celle de la justice. Mais dans la mesure ou toutes ces forces
finissent par supprimer la liberté aux auteurs d'infraction au
code pénal, il y a lieu de les craindre toutes. La réponse à la
question "doit-on aVOIr peur de ces forces" est nette :
!
Vrai
1 Faux
T
• On doit avoir peur des
gendarmes . . . . . . . . . . . . . . . .
44
91 ,66
4
8,34
48
100
· On doit avoir peur des
policiers . . . . . . . . . . . . . .
43
89,59j
5
10,41
48
100
· On doit avoir p~ur des juges
43 191,49;
4
8,51/ 4 7
100
Toutes ces forces, disions-nous, doivent êt~e craintes,
non pa~ tellement parce que cette crainte protégera les individus
contre la violation des lois, mais à cause de la répression dont
elles sont capables. C'est plutôt une mise en garde contre ces
trois représentants de l'autorité qu'un souhait de les voir
devenir plus puissants qu'ils ne le sont. Même s'ils ne parti-
cipent pas sur le terrain à l'arrestation des contrevenants à
la loi comme le font les gendarmes et les policiers, les juges
demeurent ceux qui décident de la détention de l'auteur d'in-
fraction. Ainsi, malgré leur gentillesse apparente, ils ne se
- 738 -
distinguent pas finalement des agents du service de l'ordre.
Tous, ils exercent une autorité répressive (Cf. A. Bassitché,
197~ a, p.
148) sur ceux qui contreviennent à la loi. C'est sur
la base de telle représentation que s'effectue le contact du
jeune délinquant avec les représentants de l'ordre et l'autorité
judiciaire.
Aucune des trois instances ci-dessus ne consacre la
totalité de ses moyens (humains et matériels)
à la prévention
et au traitement de la délinquance juvénile. Dans la pratique,
c'est à la police qu'il appartient d'organiser, en milieu des
jeunes, la prévention des crimes et délits. Cette action est
confiée à un service spécial de la Police connu sous le nom
de Brigade des Mineurs dont il va falloir maintenant examiner
l'organisation et
l'activité.
al
-
Org~~~~~!~2~_2~)~_~r~p~_~e~_~~e~I~_l~
Ce service spécial de la Police est implanté dans
les locaux du Commissariat Central d'Abidjan.
Il est dirigé par
un officier de Police qui travaille en collaboration avec des
assistants sociaux, des éducateurs spécialisés et, depuis un an,
avec de jeunes àiplômés en criminologie.
-
739
-
a2 - Activités
Trois missions sont assignées à cette brigade
- La prévention proprement dite traduite par la présence des
unités de Police aux endroits où de jeunes enfants peuvent
être tentés par des comportements criminels. Cette mission
est en réalité assurée par tous les services de police. La
Brigade des Mineurs qui ne compte qu'un seul agent de police,
ne peut organiser des patrouilles moins encore manifester sa
présence aux endroits où l'on a besoin d'elle.
La protection sociale et éducative des jeunes. Il s'agit
d'établir et de maintenir des contacts permanents avec des
jeunes qui ont des difficultés d'adaptation sociale et de les
aider à surmonter ces difficultés. Pour ce faire, la Brigade
doit intervenir jusqu'aux foyers d'où les jeunes sont issus
et traiter directement avec les parents des dispositions qu'il
convient de prendre pour assurer une bonne intégration sociale
aux enfants.
La répression
la Brigade reste après tout un service de police
et, à ce titre, a aussi pour mission de réprimer les crimes
et délits en les faisant connaitre à l'autorité judiciaire.
A son propre niveau, les mineurs de moins de 13 ans sont soit
remis simplement à leurs parents lorsque ceux-ci se présentent,
soit adressés à des institutions. Au-dessus de 13 ans, le
jeune auteur d'infraction relève du juge des enfants.
- 740 -
Pratiquemen~ l'insuffisance des moyens humains et
matériels transforme en voeux pieux les missions confi~es à
la Brigade des Mineurs. L'essentiel des activités se r~sume
alors dans l'enregistrement des mineurs adressés à la Brigade
par
d'autres services de police ou par des victimes.
Le législateur ivoirien n'a pas oublié de pr~voir
des dispositions légales pour la protection des mineurs ainsi
que pour la défense de leur droit. Aussi le tribunal pour
enfants et la Cour d'Assise des mineurs au terme de l'Article
755 nouveau, pronocent-ils "suivant les cas, les mesures de
protection, d'assistance, de surveillance et d'éducation qUl
semblent appropriées" (Cf. Code Pénal, République de Côte d'Ivoire,
op. cit, p. 7). ~'Article 116 sur la Minorité est encore plus
explicite sur l'attitude recommandée devant l'auteur d'infraction
lorsque celui-ci est mineur
" Les faits commis par un mineur de dix ans ne sont
pas susceptibles de qualification et de poursuites pénales ;
Le mineur de treize ans bénéficie de droit, en cas
de culpabilité, de l'excuse absolutoire de minorité·,
Les mineurs de dix à treize ans ne peuvent faire
l'objet que de mesures de protection, d'assistance, de surveil-
lance et d'éducation prévues par la loi;
-
741
-
L'excuse atténuante ou absolutoire de minorité
bénéficie aux mineurs de seize et dix-huit ans dans les
conditions prévues par le Code de Procédure Pénale.
En matière de crime et délit, l'excuse atténuante
de minorité produit les effets prévus par l'Article 114 du
présent Code.
(1)
"LoMqu'un 6a..-U: d'eXc.U6e a;t;ténuante ut étabü, lu pe-i.nu
ptUnc.ipM~ e.nc.oUltue.!.> .6OI,;t Jtéd.u.ilu a"ùv~i qu r -il.. -6uit :
10) La peine de moU ut· Jtemplac.ée pM un empwonnement de
c.iYlq à vingt an,,~ ;
2°) La pe-i.ne pftivative de übeJtté peJtpétuelle e-6t Jtemptac.ée
pM une peine pftivative de übeJtté de un à dix an-6 ;
3a,
La pe-i.ne ptUvative de übeJtté te.onpO!l.1VAe et e.tt-tini.nelle. ut
Jtemplac.ée paJt une peine ptUvative de übeJtté de 6 moi-6 à
S aYL6 ;
40) La peine pftiva.tive de übeJtti c.oJtJtec.tionne.il.e ut Jtemplac.é e
pM une peine ptUvalive de libeJtté de 10 jOU''l.J.:J à 6 moi-6."
C6.
(Code Pénal, op. c.it, p. S7).
- 742 -
En matière de contravention, elle exclut toute
peine privative de liberté et permet au juge de ne prononcer
qu'une admonestation" (Cf. Code Pénal, op. cit, p. 58).
- Le magistrat ivoirien, le juge des enfants précl-
sément, dispose de possibilités de manoeuvre assez limitées
sur le plan pratique : ou bien il ordonne de garder provisoi-
rement le jeune auteur d'infraction au Centre d'Observation
des Mineurs, ou bien il prononce une peine de condamnation se
traduisant en
l'emprisonnement ferme du jeune. Dans ce cas,
le mineur est admis au quartier des condamnés adultes pour y
purger sa peine. D'une façon générale, le juge des enfants
recourt fréquemment à trois types de mesures ainsi qu'il
apparaît sur le tableau ci-après :
Non Détention
Ordonnance
Mandat de
de garde
Mesures
(N D)
Dépôt (MD)
Total
provisoire
(ŒP)
--1
Effectif
296
263
139
698
%
42,40
37,68
19,92
1
100,00
1
1
1
!
1
1
1
Mineurs Inculpés au Cours de l'Année 1979 à Abidjan
- 743 -
Le juge use avec une plus grande fréquence de la
mesure de non-détention conformément à l'esprit des nouvelles
dispositions légales qui visent la protection, l'assistance et
l'éducation des mineurs délinquants plutôt que la répression.
Le magistrat s'efforce, autant que faire se peut, d'éviter au
jeune auteur d'infraction le contact avec le monde de la Prison.
Malheureusement, il est des jeunes dont la gravité et la répé-
tition des infractions font penser à ceux qui disent 1a loi. que
la seule mesure qui s'impose est l'emprisonnement ferme. En
maintenant de la sorte l'individu hors de la société et pendant
~
un long temps, on pense protéger celui-là et celle-ci contre
leur propre destruction. Mais, c'est méconnaître sinon sous-
estimer l'influence pernicieuse et nuisible de l'incarcération
sur ces jeunes personnes. On y reviendra ultérieurement.
La prévention de la délinquance des jeunes ne se
limite pas aux seule~ actions de la Police et des Magistrats.
D'autres services et organisations formelles et informelles
participent aussi aux activités de sauvetage des enfants et
adolescents.
Il s'agit, pour ne citer que ceux-ci, du Service
de l'Education Surveillée, des Centres Sociaux implantés dans
les quartiers paY le Ministère des Affaires Sociales, du Centre
Pilote de Port-Bouet.
l')
Le Service de l'Education Surveillée
Un s~rvice d'Education Surveillée fonctionne au
seIn du Minist~re de la Justice. Ses objectifs, son organisa-
tion et son fon(tionncment se présentent de la manière ci-après
Il s'agit, pour le Ministère de la Justice, d'éduquer
ou de rééduquer les enfants et adolescents reconnus auteurs
d'infraction à la loi pénale et d'aider à leur réinsertion
sociale.
L'éducation surveillée se déploie sur deux plans
ou mieux, présen!e deux aspects :
- La liberté surveillée ou l'assistance éducative
en tgnt qu'unité d'action;
- Le Centre d'Observation des Mineurs (COM) où
s'effectue en prIncIpe une évaluation du comportement des
jeunes. C'était initialement un centre d'accueil situé hors
de la prison; maintenant il est intégré â la Maison d'Arrêt
et de Correction de Yopougon et connu sous le nom de Centre
d'Observation.
Un responsable supervise l'ensemble du Service
d'Education Surveillée.
Fonctionnement
Suivant le Chef du Service, l'Education Surveillée est
confrontée dans son fonctionnement à plusieurs problèmes
dont ceux relatifs aux moyens humains et matériels.
Ils sont nettement insuffisants pour assurer l'encadre-
ment des 540 jeunes âgés de moins de 21 ans connus de l'Educa-
tion Surveillée au cours de l'année 1983. L'ensemble du
Service compte
un effectif de 31 personnes réparties comme
suit:
Educateurs
4
Liberté Surveillée
4
Centre d'Observation
5
Centre de Rééducation de Dabou
18
Ce sont des surveillants pénitentiaires qui sont affectés à
l'Education Surveillée. Pour des raisons budgéLaires, on a dû
-
~4b -
surseoir au recrutement de maîtres conseillers et de maîtres
d'éducation surveillée. Le renforcement de l'effectif du
personnel aurait indubitablement permis d'accroître l'effi-
cacité du Service à partir d'un meilleur quadrillage de la vilie
d'Abidjan et d'une prise en charge effective des jeunes qui
s'adressent directement à l'Education Surveillée.
Aux 31 personnes ci-dessus, il faut ajouter 2 délé-
gués permanents auprès des juges des enfants et un psychologue
mis à la disposition du Service de l'Education Surveillée par
le Ministère de la Santé et de la Population.
Ils sont inexistants. Le Service manque cruellement
;
d'équipement.
Il ~'y a pas de véhicule pour ass~rer le trans-
port ni du personnel ni des jeunes en cas de nécessité. La
dotation de 200 litres d'essence tous les deux ou trois mois
s'avère nettement en dessous des besoin~ du service. Pour faire
marcher son service, nous confie le responsable, il est obligé
d'utiliser au moins le tiers de son salaire mensuel .
. Fonctionnement
--------------
L'assistance éducative concerne les jeunes âgés de
mOIns de 18 ans. Elle oeuvre pour la réinsertion sociale des
-
747
-
mineurs placés sous ordonnance près du juge. Par exemple un
enfant qui, ayant des problèmes avec ses parents, vole, inté-
resse directement le service de l'Assistance Educative. Il
s'agira de remettre l'enfant à ses parents et d'apporter à
ceux-ci un soutien éducatif. L'éducateur se constituera ici
conseiller des parents.
Parfois ce sont des enfants qui, renvoyés de l'école,
vivent dans le désoeuvrement. L'éducateur doit suivre un enfant
qui se retrouve dans une telle situation, organiser les loisirs
de ce dernier et lui chercher un petit emploi en accord avec
les parents. Pratiquement la réalisation de cet objectif se
heurte à des difficultés quasiment insurmontables; difficultés
relatives à l'insuffisance du nombre des agents mais aussi pro-
pres aux moyens matériels pour effectuer des déplacements. Le
Service de la Liberté Surveillée ne peut, dans ces conditions,
remplir normalement sa mission auprès des jeunes et des parents.
Le Centre d'Observation des Mineurs (COM) a pour
vocation de recevoir tous les jeunes prévenus âgés de moins de
18 ans. Il n'y a malheureusement pas d'observation systématique
de comportement des jeunes par manque de personnel et de matériel
approprié. Pour rompre avec l'ennui, et dans l'attente qu'un
parent vienne les chercher, les résidents du Centre s'occupent
-
748 -
dans les travaux de jardinage. Le COM appraît en définitive comme un
centre de rassemblement des mineurs prévenus qui attendent
d'être re~is à leurs parents ou d'être envoyés au Centre de
Rééducation de Dabou.
Il en faut beaucoup plus au Service de l'Education
Surveillée pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés.
Sur le plan local, d'autres services et organisations partici-
pent aussi directement ou indirectement à la prévention de la
délinquance juvénile.
d) ~!Y!~~~_2~_Ç~~!~~_~2~!~~_~!_~~!!~~
Q!g~!~~!!2~_~~!~!~~_~~~!_~2~!_!~_E!~Y~~!!2~_~~~!~!~
de l'Antisocialité chez les Jeunes
----------------------------------
dl - Les Services et Centres Sociaux:
La part prise par le Ministère des Affaires Sociales
dans la prévention générale des inadaptations sociales des
jeunes se révèle grande. C'est le point de vue des responsables
de service qui considèrent cette prévention générale comme l'une
des missions premières de ce ministère. L'éclatement de la Direc-
tion de l'Assistance et de la Protection Sociale (DAPS) en deux
sous-directions confirme l'importance de l'action sociale en
direction des nécessiteux, en l'occurence des jeunes confrontés
aux difficultés d'adaptation à la société ivoirienne nouvelle.
.,. 749 -
Ce sont la Sous-Direction de l'Assistance Spécialisée d'une
part et, d'autre part, la Sous-Direction de l'Assistance
Générale, avec chacune ses attributions précises que voici
D A P S
Sous-Direction de
Sous Direction de
l'Assistance Spécialisée
l'Assistance Générale
- Promotion des handicapés
- Secours aux Nécessiteux
Etablissements Spécialisés
Secours Scolaires
- Pouponnières
- Secours Handicapés
- Orphelinats
- Sinistrés
- "Jeunes Marginaux"
- Commission Nationale
des Secours
S'apesantir sur chacune des missions asslgnées à
chaque sous-direction reviendrait à traiter de toutes les actions
sociales relevant de la DAPS ; ce qui n'est pas l'objet de ce
chapitre. Cependant, parmi les éléments de population dont
s'occupe la Sous-Direction de l'Assistance Spécialisée, les
"Jeunes Marginaux" suivant l'expression même des responsables de
la DAPS, présentent un intérêt pour nous en ce sens qu'ils
- 750 -
constituent une catégorie "foure-tout" dans laquelle sont
rangés les mineurs délinquants. "Les jeunes marginaux, écri-
vent les responsables de la DAPS, ce sont certes "les jeunes
délinquants" c'est-à-dire ceux qui ont eu. maille à partir
avec la Police et la Justice
mais ce sont aussi
(cf. F. Damide, 1983)
- ceux qui, plus malins ou plus chanceux, n'ont
pas réussi à se faire prendre ;
- ceux qui voisinent la délinquance "officielle!!
et qui se trouvent bien souvent dans des conditions sociales
et familiales favorables au passage à l'acte;
- ceux- qui refusent volontairement (1) les obliga-
tions de la société parce qu'ils ne s'y retrouvent pas et déci-
dent, de ce f~it Je vivre à leur façon;
- ceux qui sont exclus ou rejetés par cette même
société (non scolarisés-déscolarisés-déracinés ... ). Nous
sommes ici assez loin
du "profil classique du marginal"
(cf. Commission des ~~ires sur la Sécurité, op. cit, P 57). Notons toute-
fois l'étendue du cha'!lp da'1s lequel doivent ü1teT".'erùr les travailleurs
sociaux,
fers de lance
du Ministère
des Affaires Sociales.
( 1)
: SouiigVlé dan-6 te texte.
-
751
-
Par l'intermédiaire des 21 services et centres sociaux implantés
dans les différents quartiers d'Abidjan, s'exerce la prévention
des crimes et délits dans le milieu des jeunes (1). Le corres-
pondant de la DAP~ dans chacun des services ou centres, a mission
de s'occuper spécialement de la jeunesse définie ci-dessus.
Mais pour les responsables de l'action sociale, la
"Prévention signifie toute une série d'actions permettant aux
jeunes de s'épanouir, de se distraire et de se cultiver afin
de ne pas tomber dans l'oisiveté qui entraîne parfois la délin-
quance"
Ccf.
F. Damide, op. cit, p. 29). On s'explique partiel-
lement l'embarras des travailleurs sociaux devant la mission
nouvelle qui est la leur. "Toute une série d'actions" à promou-
voir pourvu que les jeunes s'éloignent de la délinquance. Cette
définition vague des actions de prévention puis, celle aussi
peu précise et discutable de "jeunes marginaux", ne peuvent que
gêner ceux qui doivent s'atteler à la mission nouvelle. "Les
travailleurs sociaux, nous confiait un informateur, ne voyaient
pas bien comment faire" pour protéger ces jeunes. De même ils
sont à regarder autour d'eux, dans les quartiers, qui peut être
rangé dans la catégorie "marginal". Tâche d'autant plus difficile
(1 )E6:t Jte.pJl..oduA.:te. e.n annexe. 'XX>'lIl L't t.üte. de-~ CeY'~t'!.'2-~ Se:e.-i.a.ux e.t
Se.Jtv..tc.e6 Soc...iQUX Spé.c.~é.6
(H0.6p..i..:ta..U.e.!L6 et .6c.c·.ta...i.Jte6) et te.
nombtre. de. Jte6pon6able6 de .6eJtv..tc.e. à ta date. du. 23 Novemblle 1983.
- 752 -
que la population ne partage pas avec eux la même idée de pré-
vention. Pour celle-ci, c'est une action coercitive qu'il
convient de mener, mais non des activités pour distraire de
jeunes voyous. Par ailleur~ les travailleurs sociaux ne sont
pas habitués à la prévention; ils n'en connaissent pas les
techniques. S'occuper des jeunes en difficultés, est bien
autre chose que travailler dans une PMI ou dans un CHU (Centre
Hospitalier Universitaire). Aussi, la protection des "jeunes
marginaux" dans les quartiers leur pose-t-el1e des problèmes.
- L'organisation de la "protection" passe par la
mise en place de structure comprenant un équipement humain et
un matériel approprié. Les assistants sociaux ne sont pas en
nombre suffisant pour accomplir les diverses et multiples
tâches (Cf. les attributions de la DAPS ci-dessus) pour les-
quelles ils sont sollicités. Les vingt et un ,(21) services et
centres sociaux de la ville d'Abidjan au cours de l'année 1983
n'ont pas pour unique mission la protection des "jeunes margi-
naux" ; leur compétence s'étend à tous les cas sociaux. En
dépit des sollicitations, par conséquent des responsabilités
à prendre, nombreux sont les centres qui n'ont qu'un seul chef
de service (cf. annexes XXXIII et XXXIV). Avec ses 500 000 habitants, un
quartier comme Abobo ne compte que six (6) travailleurs sociaux.
On ne peut véritablement pas demander à ces professionnels
-
753 -
d'accomplir des miracles. Or Abobo est une proche banlieue
d'Abidjan qui abrite une population composée en majorité de
petits employés, ouvriers, commerçants et des sans-travail.
Trois Commissariats (13è Art
14è Art
15è Art) et une briga-
de de la gendarmerie nationale y sont implantés compte tenu
certainement de l'importance de la criminalité. L'encadrement
des "jeunes marginaux" nécessiterait un effectif plus grand du
personnel ainsi que l'ouverture de plusieurs centres sociaux.
Il faudrait au Ministère des Affaires Sociales plus
de moyens humains et matériels pour réussir la politique de
protection et de récupération des jeunes en difficultés d'adap-
tation sociale. Heureusement d'autres ministères et organisa-
tions lui emboitent le pas dans la prise en charge des enfants
et adolescents abandonnés à eux-mêmes ou en passe de devenir
délinquants.
d.2·).~~!r~~_~!n!~!~r~~_~!_Qrg~~!~~!!9~~
Sociales
--------
La politique ivoirienne fait une place importante à
la jeunesse. Cet intérêt se découvre dans les mesures qui sont
prises au niveau des ministères pour promouvoir des actions de
développement qui repose sur la participation réelle des jeunes.
-
754
-
"Massif retour à la terre à Guiglo et à Duékoué : 10 000 jeunes
déscolarisés aux champs. Les Adolescents-paysans prennent la
tête du combat de l'autosuffisance alimentaire". Tel est le
titre d'un article paru en premiêre page du quotidien national
Fraternité Matin du Vendredi 19 Septembre 1986. Le Ministêre
du Développement Rural ne peut que se réjouir de cet apport en
main d'oeuvre fraîche qui manque tant aux campagnes ivoiriennes.
- La contribution du Ministêre de la Jeunesse et des
Sports à la prévention de la délinquance juvénile ne peut être
ignorée. En OCC!lpant les jeunes dans des activités socio-
éducatives au sein des quartiers et en organisant des loisirs
pendant les grandes vacances scolaires, le Ministêre entend
diminuer le temps libre et supprimer l'ennui perçus tous les
deux comme étant três souvent cause de délinquance. Les clubs
de quartiers ainsi que les associations de jeunes (Cf. Struc-
tures d'intégration sociale, vol. 1) supervisés et aidés par le
Ministêre cité ci-dessus or6anisent des activités récréatives,
éducatives, culturelles. etc ... qui animent le quartier ou la
cité. Ainsi donc et de façon permanente, l'intervention de la
Direction de la Jeunesse et des Activités Socio-Educatives dans
l'organisation des colonies de vacances à l'attention des
élèves âgés de 6 à 14 ans, participe annuellement de la préven-
tion de la délinquance juvénile dans llagglomératioII dlAbidjan.
-
7::;S
-
Les statistiques assez complètes et disponibles des années
ci-après indiquent le nombre d'enfants qui ont bénéficié
de séjour en centres aérés :
1977 .....
11 colonies de vacances ayant accueilli 1 780 enfants
1978 .....
18 colonies de vacances ayant accueilli 2 655
"
1979 ....
19
"
"
"
2 654
"
Cf (Rapport présenté par le Directeur de la Jeunesse et des
Activités Socio-Educatives, Abidjan, 1982, p. 4).
Par rapport à l'ensemble des enfants de même âge
(6 à 14 ans) dans la population générale en 1978, c'est réelle-
ment peu le nombre de ceux qui ont séjourné en centres aérés.
(1)
(1) : En 1978, on no.t:ai-t dan.6 fu pop~on généJta!e d'AbidJan.fa
p~é~e.nce de 246.267 e.n6an~ â9é~ de 6 à 14 a~~. p~ eux,
82.176 ana!phabètu. Lu 2 655 JeuHu co.ton,5 l1.epl1.é,~eJttent Md
1 %de toU6 lu en~a~ âaé~ de 6 à 14 an~ vivant à Abidian à
cette époque, ~od~I,6 % du jeunu e~Ul1.é~ ou ~co.t~é~ de
.ta même. L'tanc.he. d' âge.
- 756 -
L'idée d'occuper les jeunes pendant les grandes
vacances de manière à les éloigner des activités antisociales
n'es: pas mauvaise. Malheureusement elle ne profite qü 1 à très
peu d'individus
(1
% de tous les enfants qui sont en âge d'être
intéressés par les colonies en
ont bénéficié effectivement en
1978).
La mulitiplication des centres aérés durant les grandes
vacances
permettra de résoudre partiellement le problème du
vagabondage
des élèves dans la cité. Des maires l'ont compris
qui emboitent le pas au Ministère de la Jeunesse et des Sports.
- les maires ne sont pas restés insensibles à l'exis-
tence des petites organisations antisociales au sein des quar-
tiers, dès leur élection à la tête des municipalités. Des groupes
de jeunes adolescents commençaient à se rendre célèbres à travers
la ville d'Abidjan en s'illustrant dans des vols et agressions
multiples. Des territoires s'étaient même constituês et les bandes
portaient des noms distinctifs :
- Les Flashers opéraient aux 160 Logements du Lycée
Technique d'Abidjan;
- Ln Mafia"trav:üllait"à Marcory
- 757 -
- Les onze Frères "travaillaient"à Williamsville
- Les Black Powers à Treichville, Rue 12 et dans
le quartier des bars ;
- Les Kamikazes à Koumassi.
A cause probablement des activités dangéreuses
qUI y sont menées, certains quartiers ont été identifiés à
ües villes ou quartiers américains. Ainsi,
· Cocody passait pour Chicago
· Yopougon passait pour Harlem
· Adjamé passait pour Dallas (Cf. Fraternité Matin,
Quotidien National, du 31/05/78, p. 5
"La Délinquance Juvénile, un problème sérieux
posé à notre capitale").
Il fallait organiser les jeunes~ ne pl~s attendre
les grandes vacances scolaires pour promouvoIr des actions,
initier des activités qui occupent le temps laissé libre par
la fermeture des établissements.
Il apparaissait urgent de
penser aussi à cette jeunesse qualifiée "flottante" par les
autorités administratives. Ces enfants et aJolescents qui ne
fréquentent plus ou pas l'école, mais aussi qui sont sans avoir
ricn :1 faire toute la journée. Ils forment le gros de l'effec-
tif des enfants dénommés "Enfance de la Rue", ceux-là qu'on
renc0ntre un peu partout dans la ville, sur les lieux publics,
dans Les parkings, aux abords des cinémas. La mise en place des
unions communales, lieu de coordination des actions des petits
clubs au sein d'une même municipalité, permet d'offrir des
loisirs (sports, voyages, etc) sains aux jeunes. La mise à la
disposition de chaque maire d'un agent spécialisé dans le
domaine de l'animation des activités socio-éducatives par le
~iinistère de la Jeunesse et des Sports, est un exemple de colla-
boration souhaitée entre différents départements ou services
qui poursuivent le même but.
L'une des communes à se distinguer des autres par
la hardiesse des mesures en faveur de la jeunesse est celle de
Port-Bouet. Le Centre Pilote implanté dans ce quartier avec le
concours de l'Association Nationale pou~ l'Enfance en Danger
(A~AED) se veut un modèle de structure de résorption de la
délinquance juvénile à Port-Bouet, et pourquoi pas aussi, dans
les autres communes d'Abidjan.
§~~_.9.?j _e_c_tJ_f~
Coordonner des activités culturelles, sportives et
sociales des jeunes, à l'image des unions commu-
nales, mais en plus,
- 759 -
- Intégrer les jeunes de la rue et surtout les
jeunes détenus à la société.
La vitalité du Centre repose sur l'existence de
divers services auprès desquels les jeunes trouvent l'encadre-
ment qu'il leur faut. Ce sont les services: accueil et orien-
tation, alphabétisation, mouvements, associations et activités
culturelles (Cf. Fraternité Matin du Mardi 23 Septembre 1986,
p.
4-5).
Fonctionnement
C~aque jeune trouve en principe de quoi s'occuper
dans le Centre. Suivant son goût, le candidat fait un appren-
~issage dans les spécialités ci-après:
- Mécanique automobile
- Menuiserie bois
- Froid industriel
- Tnformatique.
- 760 -
Un recyclage est offert aux petits artisans tous les
trois mois sous les auspices de l'Institut Pédagogique National
de l'Enseignement Technique (I.P.N.E.T.). L'originalité du
Centre réside aussi dans l'utilisation des petits artisans en
tant que formateurs des jeunes.
L'alphabêtisation constitue un autre objectif du
Centre auquel des jeunes s'adressent de plus en plus. Cette
année 270 élèves rêpartis en trois niveaux différents y suivent
des cours.
Conditions d'Admission
----------------------
5 000 F CFA par an et 1 000 F CFA pour la fourniture
constituent les droits qui sont demandés à tout candidat. La
priorité est accordêe aux jeunes qui résident dans la Commune.
L'intention n'est pas mauvaise, mais la réalisation
effective des buts présentés ci-dessus se heurte à des difficultés
de divers ordres, en particulier à celles relatives aux moyens
matériels et qui amoindrissent tous les espoirs placés dans ce
Centre-Pilote. D'ailleurs l'ANAED qui en est la promotrice ne
s'y était pas trompée lorsque, dans un organigramme de projet
-
761
-
de prévention, la commission chargée d'étudier le problème de
la réinsertion sociale des jeunes, dressait un véritable
programme d'actions en subordonnant l'accomplissement à la mise
en place des moyens. L'ouverture d'un second Centre à Abobo
montre que lentement mais avec détermination, l'Association
Nationale pour l'Enfance en Danger finira par sensibiliser
réellement la société ivoirienne aux problèmes de sa jeunesse
et l'amener ainsi à dégager des moyens pour sauver chaque enfant
en difficulté d'adaptation sociale. Pour l'implantation du
Centre-Pilote d'Abobo, le Maire de la Comnlune n'a pas hésité
à mettre une villa à la disposition des promoteurs. Transformée
et aménagée, cette maison est devenue un centre d'animation,
d'activités socio-culturelles pour les jeunes.
Toutes les actions accomplies par l'ANAED en faveur
des jeunes déshérités et/ou nécessiteux ne sauraient être
passées en revue ici. La dimension nationale et la bo~ne
volonté des membres permettent à cette association de disposer
d'un peu plus de moyens que les petits clubs de quartier. Ainsi
que l'écrit le quotidien national Fraternité-Matin du 14 Mars
1984 : "Depuis, cette association s'est fait remarquer par des
actions assez efficaces, telle l'assistance des mineurs sortis
de prison en leur donnant des habits, en les aidant à retrouver
~. 762 -
leurs parents, en luttant contre des maladies qu'ils ont pu
contracter au Centre d'Observation de Yopougon ; ... et en
améliorant le menu de leurs protégés, en leur servant à chacun
un repas par semaine".
- La présence massive des enfants dans les rues, en
dépit des efforts qui sont accomplis par les pouvoirs publics
et par les clubs de quartier pour occuper les jeunes, incline
à penser que la solution aux problèmes que ces jeunes posent
réside ailleurs. L'intégration à la société ivoirienne moderne
ne passe pas nécessairement et absolument par l'exercice d'un
emploi rémunéré. Il y a eu des personnes qui ont fait fortune
sans avoir perçu un seul franc de la Fonction Publique ou d'une
entreprise privée à titre de salaire. Il s'en trouve encore
aujourd'hui qui vivent relativement bien et parfois même mieux
que des fonctionnaires, à partir des ressources qu'ils tirent
de la terre. Dans tous les cas, il n'y aura jamais assez de
places dans les entreprises publiques et privées pour embaucher
toutes les personnes qui le désirent.
L'agriculture sur laquelle
repose toute l'économie nationale doit intéresser et occuper
dans une très grande proportion
les jeunes qui traînent dans
les rues. Les pouvoirs publics l'ont bien compris quand ils
prêchent "le retour à la. terre". Ce retour, s'il se concrétise
effectivement, permettra non seulement de résorber le chômage
-
763
-
à Abidjan, mais encore et surtout de prévenir la délinquance
en milieu des jeunes. C'est dans ce sens qu'il convient de
situer l'intérêt que présente la "Communauté Abel", oeuvre
d'origine italienne et dont le projet de création remonte à
1981. L'importance de .la contribution de cette communauté à la
prévention de la délinquance à Abidjan et, de façon plus générale,
en Côte d'Ivoire mérite qu'on s'apesantisse un peu sur l'oeuvre
elle-même puis sur l'originalité de ses activités.
Suivant nos sources d'information (Cf. Giovanni
d'Ercole
Projet de Cofinancement à réaliser dans la Commune
de Grand Bassam en Côte d'Ivoire, Février 1983), "L'Association
"Gruppo Abele" de Turin, en Italie est créée pour rechercher
et proposer des solutions plus adéquates aux problèmes de
l'enfance en danger". Elle a effectivement aidé, depuis 1967,
à trouver des solutions nouvelles quant à l'attitude à observer
devant la délinquance juvénile. Son expérience en ce domaine ne
peut que profiter à la Côte d'Ivoire .
. Un projet de Centre Educatif Professionnel a été
conçu avec le concours de plusieurs partenaires sociaux parmi
lesquels la Congrégation religieuse "Don Orione" qui est implantée
- 764 -
dans les missions catholiques de Bonoua et de Grand-Bassam
depuis 1970. Le fait que le Centre est construit à Grand-
Bassam ne procède sûrement pas du hasard. Ont participê donc
à la préparation du projet des responsables de l'association
"Gruppo Abele", l'association "L VIA", des fonctionnaires du
Ministère de la Justice de la Côte d'Ivoire, le Diocèse de
Grand-Bassam, les reprêsentants de la Congrégation religieuse
"Don Orione" en Côte d'Ivoire et les cadres ressortissants
de Grand-Bassam. Ces derniers qui se sont constitués en asso-
ciation (Association Bassamoise pour le Développement Econo-
mique et Social) rattachêe par sa sous-commission d'aide à
l'enfance en danger (SCAED) à l'ANAED, vont permettre au projet
de s'intêgrer mieux dans la région.
Sous le titre officiel de "Projet Educatif Profes-
sionnel de Grand-Bassam : P.E.P.G.B.", c'est en réalité de
trois centres distincts qu'il s'agit:
- Le Centre Educatif Professionnel propr~ment dit
à Vitré l
- Le Centre de Documentation "Drogue et Détresse
Juvénile"
Vitré l (1)
;
(1)
: Rappe1.0Yl..6 qu.e G'utnd-BM.6am ut la plte.miè't..e. c.apJ.tale de. f.a Côte.
d' l voÂ.'t..e..
V.t.t'le. l ut un v.iU.a.ge du e.nvÂ.'t..oYl..6 de. GJta.Yld-BaMam.
-
7b 5 -
- Le
"Foyer des Jeunes" à Bassam-ville .
. Création de structures d'accueil permettant
de recevoir les jeunes qui ont eu affaire à la justice ou qui
ont des conflits sérieux avec leur milieu de vie ;
. Formation d'éducateurs spécialisés pour
l'enfance en détresse, notamment pour ce qui concerne la
drogue.
Il s'agit, en tout cas, de prévenir la délinquance
des jeunes en occupant ces derniers dans diverses activités
techniques agricoles, sociales et culturelles.
Les buts poursuivis sont d'une importance très
grande pour le pays tout entier. Aussi, les pouvoirs publics
apportent-ils un total soutien au projet. Plusieurs ministères
se trouvent imp1:tqués :
- 766 -
- Le Ministère des Affaires Sociales
- Le Ministère de l'Enseignement Technique
- Le Ministère de l'Agriculture
- Le Ministère de la Production Animale
- Le Ministère de la Justice
- Le Ministère de la S~curité Intérieure, et dont
on attend qu'ils affectent, chacun, un personnel pour la cons-
titution de l'équipe p~dagogique du projet estimée à une dizaine
de personnes réparties de la manière ci-après :
· En plus de 3 volontaires italiens spécialisés
dans le domaine de la détresse juvénile,
· 2 Moniteurs pour l'Agriculture
· 1 Moniteur pour la M~canique Agricole
· 1 Moniteur pour l'Elevage
· 1 Moniteur pour le Sport et les Loisirs
-
767 -
. 1 Infirmier
. 1 Psychologue.
Sur le plan matériel, la participation des diffé-
rents partenaires au projet et plus précisément l'engagement
financier de
l'association "Gruppo Abele" et LVIA" sont
un gage de réussite. Chacun des trois centres prévus est
doté de toutes les infrastructures matérielles (locaux, petits
équipements, etc) nécessaires à son fonctionnement.
L'originalité du Centre Educatif Professionnel
demeure l'orientation qui lui est donnée par ses promoteurs
ouverture sur l'environnement social et économique à partir
de la vocation agricole et d'élevage. Les jeunes pensionnaires
sont donc formés à travailler la terre et à vivre aussi des
pLoduits
de leur propre labeur. A long terme, les jeunes
devront pouvoir s'installer à leur propre compte et vivre de
façon autonome. C'est aussi l'objectif que vise le foyer des
jeunes de Bassam-ville : hâter l'apprentissage scolaire chez
les retardés de manière à hisser, à terme, ceux-ci au même-
niveau que ceux de leur génération qui n'avaient pas connu de
difficultés particulières.
·~S
-
Le Centre accueille les jeunes âgés de 13 â 18 ans
que lui adressent les ministères de la Justice et des Affaires
Sociales, ainsi que d'autres organismes. Une vingtaine de pen-
sonnaires résident en ce moment au Centre.
Les dispositions diverses qui viennent d'être passées
en revue indiquent l'intérêt croissant que la prévention de la
délinquance suscite en Côte d'Ivoire ct singulièrement â
Abidjan. Une angoisse diffuse mais qui se lit dans le regard
des parents et des responsables de services sociaux révèle
aujourd'hui toute l'attention qui est portée au devenir des
jeunes dans la nation ivoirienne. Ces futurs
adultes, ces
parents et citoyens de demain paraissent arrivés dans un monde
en crise où les Valeurs qui naguère assuraient la promotion
sociale et économique des individus ont perdu de leur effica-
cité: des intellectuels, des diplômés d'études supérieurs
chôment en Côte d'Ivoire, â Abidjan plus précisément. - Chômage
et désoeuvrement paraissent être deux des principaux facteurs
qui conduisent les individus, jeunes ou adultes, vers les
bords de l'ant~-socialité -. Les pouvoirs publics et les orga-
nisations sociales devront coordonner leurs actions de façon
-
469
-
dans ces milieux. En effet, il semble que le repérage des crimes
et délits dans les haute et moyenne classes n'est pas aussi fa-
cile que dans les milieux populaires où la police est omnipré-
sente. Dans les quartiers ordinaires le repérage des infractions
se fait de façon plus systématique que dans les milieux bour-
geois. L'approche géographique du crime confirme partiellement
ce point de vue.
La répartition géographique des prévenus ainsi que des
activités anti-sociales dans Abidjan et ses environs devra pou-
-
voir indiquer les "points chauds" de cette agglomération. Les
informations consignées sur les tableaux des annexes XVII
et XVIIr don-
nent une idée de la manière dont se répartissent les dites acti-
vités ainsi que leurs auteurs.
La distribution des 4 456 prévenus dans l'espace abi-
djanais fait apparaître certains arrondissements comme des lieux
de résidence privilégiés de malfaiteurs (cf. P~~exe XVII). Le 2e arrondisserr.ent
ou Treichville, le 3ème Arrondissement ou Adjamé, le Sème Arron-
dissement ou Port-Bouët, le populeux quartier d'Abobo-Gare (13e,
14e, lSe Arrondissements) - puis Yopougon (16e Arrondissement)
constituent des nids où se logent, se réfugient les auteurs pré-
sumés d'infraction à la loi. Ce sont aussi des quartiers populai-
res, parfois vieux tels que Treichville et Adjamé, où l'on ren-
-
769 -
à dresser des garde-fous qlli empêchent la chute des jeunes
dans la J€linquance.
La croissance du nombre de jeunes, d'une année à
l'autre, qui ont maille à partir avec la justice pose le
probl~me du devenir de ces adolescents dans la société
ivoirienne. Comment sont-ils pris en compte, ceux-là pour
qui le Centre d'Observation des Mineurs et la Maison d'Arrêt
et àe Correction de Yopougon tendent à devenir le domicile
privilégié? C'est à cette question que s'efforce de répondre
le paragraphe ci-après.
2/ Tr~itement des Mineurs Délinquants
Les Structures
- On peut convenir que la manièîe dont sont
traités les jeunes auteurs d'infraction au Code Pénal est
fonction des représentations qu'on se fait de la délinquance
elle-même et de l'homme. Pour la plupart des individus, délin-
quance et banditisme sont des termes équivalents, interchan-
geables, bref des synonymes. Ainsi le m·inellr délinquant est
un jeune bandit et doit être trait6 comme tel. La Différence
-
77U
-
entre un adulte et un adolescent en matière de crime ou de
délit n'intervient pas traditionnellement dans l'apprécia-
tion, dans l'administration de la peine. Aujourd'hui, l'éta-
blissement de la relation entre l'auteur, l'infraction et la
peine est à l'origine de la politique de récupération, de réin-
sertion sociale des ex-délinquants et criminels.
- Pour des raisons d'ordre méthodologique, on
a séparé la prévention du traitement. Dans la réalité, les
mêmes structures servent à la fois et très souvent à prévenir
et à traiter le crime. C'est pourquoi on retrouvera ici certaines
des organisations sociales dont il a été question précédemment.
Traiter, au sens de guérir les jeunes qui ont pris
l'habitude de voler, d'agresser, bref de commettre des infrac-
tions au Code Pénal, ne semble pas dans l'esprit des gens,
nécessiter d'autres structures que celles qui servent à punir
les individus. D'ailleurs l'opinion que la punition reste aussi
une forme de traitement est assez répandue dans la population
ivoirienne. C'est la raison pour laquelle la prison est perçue
comme une maison de correction, de redressement, de rééducation,
bref le lieu où l'on acquiert un meilleur entendement des
choses. L'existence des récidivistes parmi les condamnés prouve
que la prison ne joue pas toujours avec succès le rôle qui est
attendu d'elle.
-
771
-
et qui vivent dans le désoeuvrement en longueur de journée,
organiser leur loisir, leur chercher un petit emploi en
accord avec les parents, n'est pas chose facile dans les
conditions de travail présentées plus haut, convient un
éducateur. Par ailleurs, l'intégration de ces "enfants de
la rue" au monde du travail pose problèmes. En effet, les
responsables d'entreprise restent très méfiants quant à l'em-
bauche de ces jeunes à la moralité douteuse. Cette attitude
ne facilite pas la tâche au Service de l'Education Surveillée
l'éducateur finit par se retrouver sans solution au problème
d'insertion sociale du jeune. Ainsi quelques années plus tard,
l'enfant qui continue de fréquenter la rue et de chaparder,
devient un adoleseent que la loi n'excuse plus (1).
A partir de 18 ans, les jeunes auteurs d'infraction
au Code Pénal sont condamnés, au même titre que des adultes,
à des peines d'emprisonnement ferme.
De~ erreurs dans l'estima-
tion de l'âge conduisent parfois à des décisions fâcheuses.
Un mineur de 15 ans aurait été maintenu en cellule blanche
pendant 3 ans sur la base de telles erreurs, nous confiait
indigné, un responsable de l'Education Surveillée qui se posait
par ailleurs la question sur le devenir des jeunes âgés de 18
à 21 ans condamnés à 10 ou 15 ans d'emprisonnement ferme.
( 1)
:
L' e-xc.Uôe a:t:tén.ua.n:te. ou abMiutoVr..e. de m-<-n.o!U;tç c.u,.6e. de. pJLoduA.Jte.
.~u, e.S6w dè.6 iu, 18 ano nJLanc.l1.-W.
- 772 -
S'agissant des mineurs âgés au plus de 13 ans, la
poursuite et la condamnation pénales sont exclues. Ces enfants
qui doivent être protégés sont en principe soit remis à leurs
parents lorsque ces de~niers existent et se présentent, soit
adressés à une institution sociale capable de les prendre en
charge.
Les tout jeunes enfants auteurs de délit justifient,
au terme de la loi, d'une prise en charge éducative. C'est à
l'Education Surveillée de leur apporter l'assistance qu'ils
sont en droit d'attendre de la collectivité. Aujourd'hui, de
plus en plus de p~rents abidjanais ne se sentent plus en mesure
d'éduquer les enfants à qui ils ont cependant donné le jour.
Depuis des nouveaux-nés qui se ramassent dans des poubelles
aux "enfants de la rue" qui passent pour être sans parents ni
domicile, la société abidjanaise voit grossir le nombre de per
sonnes nécessiteuses d'une année à l'autre. L'assistance édu-
cative des parents, le suivi des jeunes par le service de la
Liberté Surveillée deviennent des tâches lourdes à assumer, eu
égard à l'insuffisance des moyens humains et matériels déjà
signalés. Par exemple, suivre des enfants renvoyés de l'école
- 773 -
A l'intérieur de la Maison d'Arrêt et de Correction de
Yopougon, personne ne s'occupe de ces délinquants et criminels.
On peut raisonnablement craindre que ces personnes deviennent
plus dangereuses qtl'elles l'étaient à leur entrée en prison
et que désormais, elles choisissent de ne plus compter pour
la "société des normaux". Si l'on se rappelle avec quelle sévé-
rité le législateur ivoirien punit le vol depuis Août 1974, et
si l'on se souvient aussi que ce délit est le plus fréquent à
Abidjan dans le milieu des jeunes, on mesure le nombre d'indi-
vidus qui doit croupir en prison (1).
En fait de traitement, l'Education Surveillée ne
semble pas encore en mesure d'intervenir efficacement auprès
des parents dont"les enfants se sont signalés par des comporte-
ments délinquants ni auprès des enfants eux-mêmes. Par ailleurs,
mIS à part les griefs faits à l'autorité de tutelle et portant
sur l'équipement humain et matériel déclaré insuffisant, on ne
(1) : EYl Ala/w 1983, ,ti''!.f?-!>pon.6a.bte de e' Edue-atioYl S(Lll.veillé~. e.!.>.t-i.metil
à 250 le YlombJte de. jeuYle.!.> âgé-6 de. 18 à 21 an.6 qu...{. v-tvaient au
-6Un de la pJU..,~L'1l de YopougOYl. Su-tvant le mêJne -i.n6oJtmateuJt,
50 nu.YleUJl,6 de 11Il',ÙI-6 de 21 aM -6eJtaierz,t e-OYlYl.U-6, a.u;te.wv~ de vot
pOUl'!..ta plupaJtt. O,'t vol plU-6 vagabcYldage expo.6e.nt l'au;teuJt à
10 aM d' empJU..,~l'1lI1eJ1lent.
- 774 -
signale aucune action concrète réussie dans la prise en charge
éducative des enfants. Le Service de l'Education Surveillée ne
fonde jamais ses doléances sur des réussites partielles qui
gagneraient à être totales si l'on lui donnait davantage de
moyens. Tout se passe comme 51 l'on ne faisait véritablement
rien de concret, de positif dans ce service où le dévouement
du personnel ne fait cependant plus de doute.
La surveillance en tant qu'activité s'apparente beau-
coup plus à la prévention qu'au traitement au sens où ce mot
a été entendu. C'est probablement la raison pour laquelle les
éducateurs se contentent de suivre les mineurs délinquants,
plus exactement d'enregistrer des informations périodiquement
sur ces derniers .. Parallèlement à l'Education Surveillée,
fonctionnent d'autres centres de rééducation ou éducatifs profes-
sionnels.
b)
Les Centres de Rééducation ou
Educatifs Professionnels
L'idée que la délinquance juvénile procède du désoeuvrement
est très tenace dans le milieu ivoirien. Les abidjanais pensent
- 775 -
que l'antisocialitê est effectivement une consêquence de
l'absence d'occupation des individus, les jeunes en particu-
lier.
Il faut donc à tout prix trouver une occupation pour
diminuer le "tempo" de la dêlinquance. Les colonies de vacances,
qu'on se le rappelle, visent ce but. Malheureusement leur
nombre rêduit ne profite qu'à une toute petite population de
jeunes, probablement ceux-là qui en ont le moins besoin.
La rêêducation n'est pas perçue comme une action
consciente exercée sur le jeune pour l'amener à s'adapter à
son milieu de vie et, de façon plus gênérale, à la sociêtê.
Elle ne vise pas à obtenir le changement chez l'enfant délin-
quant. Contre cette dêlinquance, on sait que l'individu lui-
même ne peut rien-; c'est sa nature (1). La crêation d'un êta-
blissement, d'un centre où ces jeunes puissent faire un appren-
tissage professionnel est tout au plus admise. Probablement
doit-on voir dans le sous-dêveloppement de ces centres l'ex-
pression d'un dêsintêrêt de la sociétê.
( 1) : Qu 1 OH ,~e JtappeLte. c.e;t adage bien. C.OYl.Yl.U dIUJ ,{vo,{JUe..YW
"Unt'Lonc. d' a./LbJr..e a. be.au /'tu:t.eA dW-uln:t. de.,:, al,né ell da.Vl.,~ i' e.au,
-il. n.e. devie.n.:t. j~ un. c.cüman.".
b 1 -
Le Centre de Rééducation et ProfessiOImel
de Dabou
Jusqu'en ce jour, ce centre demeure l'unique support
logistique véritable de la politique de traitement des mineurs
délinquants sur tout le territoire ivoirien.
Dabou est un ancien chef-lieu de subdivision de
l'époque coloniale, aujourd'hui chef-lieu de Sous-Préfecture
situé à cinquante kilomètres à l'Ouest d'Abidjan. C lest dans
cette ville qu'~st implanté le Centre de Rééducation connu
localement sous le nom d'''école des bandits". A l'origine,
cet établissement appartenait au Ministère des Affaires Sociales
qui y hébergeait des enfants abandonnés ou v~gabonds. C'est à
partir de 1967 que le Ministère de la Justice obtint la gestion
de ce centre qu'il transforma en établissement spécialisé pour
la prise en charge des mineurs délinquants. Un seul éducateur
spécialisé en la personne de Monsieur Labasque y serait en
fonction aux côtés de Monsieur POIRIER, premier Directeur du
Centre.
-
777 -
Les enfants placés sous garde provisoire sur ordon-
nance du juge sont reçus dans ce centre. Il semble, suivant
notre informateur, qu'à l'origine, le Directeur venait de
Dabou faire un tri parmi les mineurs maintenus provisoirement
3 la Maison d'Arrêt d'Abidjan.
- Buts Poursuivis
Les objectifs de l'établissement paraissent clairs
. Amener le jeune délinquant à s'occuper utilement
par l'apprentissage et l'exercice d'un métier;
Evitèr à la société ivoirienne en devenir la proli-
fération de jeunes anti-sociaux grâce à leur intégration pro-
gressive dans l'économie nationale.
Le Centre est placé sous la responsabilité d'un
Directeur. I.e personnel d'encadrement est constitué de surveil-
lants et de surveillants chefs des prisons, puis de quelques
""u.
.,
-
7 78 -
instituteurs en détachement. Dix huit (18) personnes au total
prenaient soin des pensionnaires du Centre au cours de l'année
1983.
L'effectif des jeunes admis varie d'un informateur
à
l'autre. Il est de 15 à 20 mineurs chaque année. Moyennant
quelques aménagements, la capacité d'accueil de l'établisse-
ment devra pouvoir atteindre 60 personnes, suivant les respon-
sables de l'Education Surveillée.
La durée de séjour au Centre est de deux (2) ans.
Pour y être admis, il faut être de nationalité ivoirienne et
faire l'objet d'une décision du juge des enfants.
- Fonctionnement
- Il ressemble beaucoup à celui d'une école. Un
effort est institué pour relever le niveau d'instruction des
jeunes qUl y sont admis. Ceux qui ne savent ni lire ni écrire
reçoivent des cours qui sont dispensés par des instituteurs.
Il s'agit d'amener le pensionnaire à pouvoir comprendre ce qui
lui sera demandé au titre d'effort à accomplir dans le cadre
- 779 -
des a c t i vit é set
auss i
à pouv0 i r s' exp r i mer. C' est en fa i t
une éducation fonctionnelle.
- Les jeunes reçoivent, durant leur séjour, une
formation soit en menuiserie, soit en maçonnerie, soit dans
un quelconque des petits métiers qui ne nécessitent pas un
niveau intellectuel très élevé ; le but qui est poursuivi ici
étant de rendre le pensionnaire capable de subvenir à ses
besoins essentiels. La formation n'est sanctionnée cependant
par aucun diplôme.
- Les activités de loisir, plus précisément le sport,
permettent aux jeunes de se divertir, mais aussi d'apprendre
à respecter les règles et à se discipliner.
l'''école des bandits" ne prépare donc pas ses pen-
sionnaires à des actions criminelles de niveau de complexité
de plus en plus élevé, mais plutôt s'efforce de faire acquérir
ou développer des aptitudes à vivre en groupe dans le respect
des règles communément acceptées. Grâce à l'initiation à des
petits métiers d'exercice facile, le jeune peut désormais
gagner sa vie sans avoir besoin de voler. De même, à la faveur
des cours qui sont dispensés, certains pensionnaires qui étaient
- 780 -
élèves au moment de leur arrestation ont pu s'inscrire dans
des établissements secondaires professionnels. Entre 1974 et
1981, on évalue à dix le nombre de jeunes qui avaient préparé
le Brevet d'Etudes du Premier Cycle (BEPC), le Baccalauréat
ou
le Certificat d'Aptitude Professionnel (CAP). D'autres anciens
pensionnaires de Dabou ont réussi à se faire embaucher par
des particuliers ou par des sociétés. On compte ainsi deux (2)
receveurs d'autobus, deux (2) chauffeurs de véhicules utili-
taires, quatre (4) mécaniciens, trois (3) peintres en bâtiment.
C'est sans doute peu, si l'on considère le nombre de jeunes
qui passent par ce Centre; mais c'est quand même une perfor-
mance qui peut-être améliorée si l'on y met le prix.
- Des établissements autres que celui de Dabou s'oc-
cupent indifféremment des enfants délinquants ou en danger
moral sllr le territoire national, à Abidjan précisément.
L'absence d'objectifs clarifiés soutenus par des activités
conséquentes amène à penser qu'une réflexion sérieuse ne s'est
encore pas engagée sur la pratique de la rééducation en Côte
d'Ivoire. Au nombre des établissements qui prennent en charge
les jeunes en difficultés d'adaptation familiale, scolaire et
sociale ou qui sont reconnus auteurs d'infraction à la loi,
-
781
-
figur~nt le Centre Educatif de la zone 4 d'Abidjan, le village
S.O.S d'Abobo, puis le Centre Educatif Professionnel de G~and-
Bassnm.
b2 -
Le Centre Educatif de la Zone 4
Il appartient au Ministère des Affaires Sociales.
Implanté en Zone 4 C, ce Centre reçoit des jeunes en difficultés
d'adaptation sociale que lui adresse le Ministère de tutelle .
.
Ils se dégagent de l'examen des caractéristiques
de la population qui fréquente l'établissement. Celui-ci est
en fait un centre de rattrapage scolaire, une école pour les
retardés scolaires. Sa vocation est donc d'aider ces jeunes qui
sont en passe de devenir des inadaptés sociaux à combler
leurs
lacunes en matière d'apprentissage scolaire, dans un milieu de
vie sain et à réintégrer le cycle normal des études par voie
de concours.
- -82 -
Dans une recherche effectuée au sein de cet établis-
sement et portant sur cinquante trois (53) élèves, il avait
été noté, au titre des causes justifiant le placement, les
raisons suivantes :
,
Raisons évoquées
Fréquence
%
Sans soutien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2
3,77
Vagabondage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
6
11 ,32
Ecole buissonnière . . . . . . . . . . . . . .
11
20,75
Vagabondage et école buissonnière
1
1 ,89
Vagabondage, école buissonnière et vol
2
3,77
Ecole buissonnière, abandon par le père
2
3,77
Insupportable . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
15
28,30
Insupportable, école buissonnière ....
5
9,44
Mauvaise surveillance ...........
5
9,44
Fréquentation scolaire dans de
mauvaises conditions ............
1
1 ,89
Fu gu e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2
3,77
Agressif à l'école ..............
1
1 ,89
l Total ...........................
53
100,00
1
Les parents attendent que le Centre trouve une solution aux
troubles de la conduite de leurs enfants.
- ï83 -
L'organisation est celle de tous les établissements
de formation en Côte d'Ivoire. A la tête se trouve un Direc-
teur ; le personnel est constitué d'éducateurs qui sont en
réalité des instituteurs, qui n'ont jamais reçu de formation
spéciale pour s'occuper des enfants présentant des troubles
de comportement.
- Sont admis uniquement des garçons. Compte tenu de
la capacité d'accueil très limitée de l'établissement, les
critères de sélection sont très rigoureux. L'avis médical est
requis pour éloigner les candidats qui seraient réellement
des malades. L'âge d'admission varie entre 12 et 16 ans. Le
jeune doit avoir franchi au moins les trois premières classes
du cycle primaire. Sans doute ce dernier critère est-il dû
au fait que le Centre ne dispose que de trois classes corres-
pondant à trois années d'études (Cours Elémentaire deuxième
année et Cours Moyen). Trois années devaient suffir pour ter-
miner les études au Centre Educatif, mais pratiquement le cas
ne se produit que très rarement. Aussi y a-t-il des jeunes
qui restent dans l'école pendant plus de cinq ans sans jamais
réussir à entrer dans un Lycée ou Collège ni dans un centre
d'apprentissage professionnel.
-
784
-
~
1
- Le Centre Educatif fonctionne comme une école.
Puisqu'il s'agit de rattrapage, les éducateurs s'emploient
à instruire les enfants ainsi que le demande le programme
officiel qui est appliqué et suivi dans tous les établisse-
ments scolaires. Aucune action n'est cependant entreprise
pour remédier aux troubles de comportement qui sont les raisons
principales de la demande de placement de l'enfant formulée
par les parents ou les tuteurs. L'observation de la conduite
des élèves au sein de l'établissement,
(en classe, dans les
jeux, au réfectoire et au dortoir) révèle qu'on est en présence
de jeunes qui portent les stigmates des traumatismes psycholo-
giques survenus trop tôt dans leur existence (Divorce, sépara-
tion des parents, décès d'un ou des deux parents, abandon, etc).
Ces difficultés psychologiques qui expliquent sûrement les
retards scolaires, ne semblent pas encore trouver solution dans
l'organisation de la vie au sein de l'école.
De façon plus générale, c'est, peut-on penser, la
perception de la conduite des jeunes par la société ivoirienne
qui semble poser problème: soit qu'on se refère à la volonté
divine pour expliquer le comportement et excuser donc son
-
785 -
auteur, soit qu'on nie la réalité des causes qui président à
l'inadaptation de l'enfant et qu'on prête à ce dernier des
intentions malveillantes (fainéantisme, méchanceté, etc ... ).
Dans un cas comme dans l'autre, l'action éducative ne pourra
amener l'amélioration du savoir-être chez l'individu à la for-
mation de la personnalité duquel entrent des éléments qui
échappent à la connaissance de l'intéressé lui-même.
(cf. Jean Stoetzel : 1963 p. 149 ; Marc Augé : 19ï3, p. 519).
Quoi qu'il en soit, le séjour des jeunes au Centre Educatif
soulage pendant quelques années les parents qui ne savaient
plus que faire devant les troubles de comportement de leurs
enfants. L'art du politicien consiste à déplacer les problèmes
sans les résoudre, entend-on dire souvent. Ce schéma peut-il
s'appliquer aussi- au domaine social? Parmi les nombreux
inadaptés sociaux adultes que compte la ville d'Abidjan, il
n'est pas impossible qu'on retrouve d'anciens pensionnaires
du Centre Educatif, ceux chez qui la maturation n'a pas eu
raison des difficultés de la conduite.
Pour répondre à la diversité des problèmes que la
croissance très rapide de la société abidjanaise pose aux
enfants, des organisations sociales initiées par des personnes
-
7~b
.,..
de bonne volonté, s'emploient à créer des structures dont le
village SOS d'Abobo-Gare.
L'effondrement ou l'affaiblissement des structures
familiales traditionnelles désigne les enfants comme les pre-
mières victimes. La vie du couple en se centrant sur le foyer
conjugal exclut tous les collatéraux, tous ceux qui dans le
cadre ancien animaient la grande famille ou la famille élargie.
L'une des conséquences de ce rétrécissement, de l'étiolement
des relations ent~e les individus demeure l'accroissement des
responsabilités chez les parents, mieux chez le couple. Celui-
ci n'est souvent pas en mesure d'assumer ces charges qui
eussent été relativement légères dans le milieu villageois
traditionnel, mais qui se révèlent particulièrement lourdes en
ville. Les enfants vagabonds, les enfants dans la rue, les
bébés dans les poubelles demeurent quelques unes des consé-
quences de ce "modernisme".
- 787 -
La compassion suscitée par le triste sort de ces
bébés ou enfants qui n'avaient pas demandé à naître, est à
l'origine de la création des structures de prise en charge
au nombre desquelles le village S.O.S. d'Abobo-Gare.
Le vagabondage et l'abandon des tout petits enfants
à Abidjan est à l'origine de la création du village S.O.S.
dont l'initiateur serait l'Archevèque de la Capitale.
(Cf. Gayé Dj'ibril Henri:
1986). Au départ, ce n'était qu'un
petit foyer de jetlnes implanté à l'Avenue 14, Rue 27, lot
n° 577 à Treichville et dirigé par un prêtre. L'intérêt
suscité par ce foyer, l'importance du service qu'il rend aux
familles et à la société abidjanaise amenèrent ses responsables
à solliciter son transfert sur un terrain plus grand pour
accroître sa capacité d'accueil. En réponse, quatre hectares
de palmeraie à Abobo-Gare leur furent cédés par le Président
de la République. De simples foyers de jeunes, ce centre devint
Village de l'Amitié le 10 Février 1969 et deux années plus tard
en 1971 adhéra aux Villages S.O.S. International.
-
788
-
Buts
Dans l'esprit des promoteurs, il s'agit d'offrir
- un gîte aux enfants abandonnés qui traînent dans les rues
'd'Abidjan
un peu de nourriture et surtout de l'affection à ces jeunes
qui n'en ont sans doute jamais connue;
- un cadre serein de vie où ils puissent accomplir leur déve-
loppement psychosocial conforme aux valeurs de civilisation
africaine.
La réalisation des objectifs ci-dessus nécessite
une organisation soignée du village. Le personnel et les struc-
tures doivent répondre aux impératifs d'accueil, d'encadrement
et de fonctionnement du centre. A l'image d'une véritable com-
munauté humaine, deux catégories de personnes se rencontrent
dans le village: les hommes et les femmes.
-
789 -
- A l'exception du Directeur ou Chef du Village
puis des Cnnseillers p§dagogiques, les hommes ne sont pas
intégrés directement à la structure de prise en charge des
pupilles. Par leur travail, ils contribuent au bon fonctionne-
ment de la communauté, mais ils sont censés n'avoir pas.de
rapports avec les enfants. Au cours de l'année 1986, ils sont
dix sept (17) dans le Village
(cf. Kabran Kouamé, 1986):
· Un Directeur
· Deux Conseillers Pédagogiques
· Trois Menuisiers
· Un Cuisinier
· Un Plombier-Electricien
· Un Chauffeur
· Trois Manoeuvres
· Cinq Gardiens
Les femmes sont plus nombreuses dans la Communauté
puis directement impliquées dans la prise en charge des enfants.
- 790 -
Ce sont
Une Assistante Sociale
Une Mère Conseillère
Une Infirmière (Religieuse)
Douze Mères
Six Tanties (1)
. Six Jardinières d'Enfants,
soit vingt sept (27) personnes de sexe féminin au total qui
encadrent cent trente un (131) enfants dont 77 garçons et 54
filles. Toute l'organisation du Village repose sur les mères
assistées des tanties. Elles assurent l'éducation des enfants
à l'image de ce qui se fait dans les collectivités villageoises.
--------------------------------
(7) : "Tan:Ci.e" e6.t une 6acon a66edueuo e u Jtupectue.uoe de dé-6.<.gneJt
une Tante en Côte d' Ivo-iAe, à Ab.<.djan notanrnen:t.. PM eUen~'<'on
.te même mot e-6t e»lp.toyé à .t'ac/Jt.u-6e d'une pVL60nne adu.Ue de
-6exe 6ém.<.n-i.n pcV!. .tu en6an:t.-6. Le c.oJUtupondan:t. c.hez .tu hommu
Mt "Tonton". Ic.'<', .te-6tan:Ci.M MY'.x. .te.6 ctM.Ü.tantu du mèlte-6.
UlM Ite.mp.f.ac.ent c.u deJtn.<.èltM en C.M d' e.mpêc.heme.n:t.. UlM
n'ont donc. pM à e.t.tM un pavillon. WM de.meuJterz;t du
-6 upptéart.! eI.J -i.nfu peM ab.tu po u.Jtte. 60 nc.:t..<.o nnement du v.<..t.tag e .
-
791
-
Douze pavillons correspondent à 12 familles, puis deux foyers
de jeunes fonctionnent dans le Village. A la tête de chaque
pavillon se trouve une mère. Les enfants sont répartis entre
les mères. Les plus grands résident dans les foyers où ils
sont plus autonomes.
Les pensionnaires sont tous des cas sociaux relevant
de l'assistance publique. Ils sont soit des enfants abandonnés
soit des orphelins complets ou partiels. Théoriquement peuvent
être admis au Village S.O.S. d'Abobo tous ceux qui entrent
dans l'un des trois cas précités et qui sont âgés de moins
de 10 ans. Pratiquement il n'y a jamais assez de places pour
accueillir tous les cas sociaux qui peuplent la ville d'Abidjan.
Il suffit d'effectuer une promenade à pied ou en voiture dans
les quartiers tels que Treichville, Adjamé et Plateau pour se
convaincre de l'importance quantitative des enfants qui justi-
fieraient d'un placement pn institution (le placement dans
des familles n'étant pas encore entré dans les habitudes ivoi-
riennes) .
Etre admis au Village S.O.S. apparaît une mesure à
laquelle doivent rêver ceux des enfants en danger moral qui en
- 792 -
ont entendu parler. Disposer gratuitement d'une couchette,
recevoir sans bourse délier de la nourriture, des habits ;
pouvoir faire des études ou un apprentissage professionnel,
être objet d'attention d'une personne, sont des situations
qui ne se rencontrent pas toujours dans la vie d'un individu.
L'entrée au Village S.O.S. marque la fin de la souffrance, du
souci quotidien de la nourriture, du vagabondage. C'est le
début d'une vie nouvelle qui se dessine devant soi à travers
la fréquentation d'une école, l'apprentissage d'un métier.
Mais, c'est surtout le sentiment qu'on représente une valeur,
qu'on compte pour quelqu'un, qui est édifiant, vivifiant.
L'espoir et la joie de vivre réapparaissent ainsi chez celui
qui n'attendait que la mort pour mettre un terme à sa souffrance.
On peut donc dire que l'existence d'une telle structure ou mieux,
d'une telle communauté permet à de nombreux enfants de "sauver
leur âme".
La manière dont fonctionne le Village S.O.S. d'Abobo-
Gare appelle cependant quelques remarques :
- Le Directeur est l'unique homme permanent dans le
Village ; les autres devant rentrer chez eux aux heures non
ouvrables et surtout étant censés n'avoir pas de rapport directs
- 793 -
avec les pupilles. Le Directeur apparaît alors être l'unique
père en face de la centaine d'enfants dont la plupart sont
des garçons. Il lui est matériellement difficile de s'intêresser
à chacun d'eux individuellement. Très lointain, il ne peut
représenter l'autorité et la loi, moins encore être un modèle
d'identification. Ses insuffisances dans l'encadrement des
enfants risquent de conduire ces derniers vers l'antisocialité,
en tout cas poser des problèmes de personnalité et d'adaptation
sociale aux jeunes dans l'avenir. Gaye Djibril (op. cit p. 166)
relève l'existence de problèmes psycho-sexuels importants et
la confusion des images paternelle et maternelle chez les
jeunes du village.
- Les mères demeurent les premières sinon les seules
responsables dans la socialisation des enfants, aux diffêrents
stades d'évolution de ces derniers. Tâche excessivement lourde
qui demande donc à ces dames d'assumer à la fois la fonction
de mère et celle de père. Il s'agit là de deux rôles contra-
dictoires qui ne peuvent être confiés à une seule personne.
Probablement la confusion des images maternelle-paternelle dont
il a été question ci-dessus trouve-t-elle ici sa justification.
Par ailleurs, les mères sont confrontées elles-mêmes à des dif-
ficultés relatives à la fonction qu'elles assument d'une part
-
794 -
et, d'autre part, à leur propre avenir.
Dans le premier cas, il leur est fait obligation de
socialiser les enfants dans les valeurs modernes, mais pas
dans la tradition africaine. Elles doivent s'adresser aux
enfants en français et leur apprendre à manger et à se tenir
à table ; apprentissages qui ne sont pas maîtrisés par elles-
mêmes, mais qu'elles se voient contraintes d'imposer aux pu-
pilles. Ne pas pouvoir vivre suivant sa culture leur apparaît
pénible.
Dans le deuxième cas, être mère d'enfants S.O.S ne
semble pas une fonction valorisée. Ceci demeure objet d'éton-
nement chez des parents qui ne comprennent toujours pas les
raisons qui amènent leurs filles à s'en aller s'occuper des
enfants des autres plutôt que de fonder leur propre foyer et
procréer. Les fréquents départs de mères du village peuvent
en partie s'expliquer par ce malaise.
Entre plusieurs maux, il est judicieux de choisir
le moindre. Le vagabondage, la mendicité, le chapardage, la
nuit à la belle étoile, l'estomac au talon sont des situations
qui se comparent difficilement à l'existence au village S.O.S.
-
796
-
dans leurs rapports avec les enfants, reste essentiellement
punitive, mais pas curative. En développant, multipliant des
actions de prévention sans faire suivre celles-ci de mesures
de traitement, on démontre indirectement, on prouve qu'on peut
seulement prévenir mais pas guérir. Une fois que l'individu
verse dans la délinquance, devient délinquant, le retour à sa
situation ou à son état d'avant le délit, autrement dit l'amen-
dement, n'est plus possible. La commission et la consommation
du délit révèlent la vraie nature de la personne qui perd alors
définitivement toute crédibilité à l'égard des membres de son
entourage, de ses concitoyens. En déclarant sans embages, que
la confiance en celui qui sort de la prison n'est plus de mise,
les jeunes résidents d'Abobo-Gare, dans une recherche sur les
attitudes et les comportements de la population abidjanaise
vis-à-vis des délinquants (cf. Gbassé Benoît, op. cit.) nous
apprennent que nous ne devons pas attendre d'amélioration dans
certains secteurs de la vie des individus. Ceux-ci ne peuvent
rien non plus contre ce qui fait partie de leur nature délin-
quante. Il est alors raisonnable qu'on évite à toute personne
l'entrée dans la délinquance en érigeant, dressant tous les
obstacles susceptibles d'empêcher la commission de délit ou
de crime.
- 797 -
Résumons
- Au nombre des inadaptations sociales juvéniles,
la délinquance est la conduite qui semble poser le plus de
problèmes aux adultes. Chaque pays est aujourd'hui confronté
aux difficultés qu'éprouvent les jeunes à se faire une place
dans la société. Ces enfants et adolescents qui ont besoin
eux aussi de vivre se signalent de différentes manières à
l'attention du corps social. Les significations diverses et
différentes qui sont données à la délinquance des jeunes expli-
quent aussi la diversité des attitudes et des mesures prises
ici et là pour la contenir ou pour l'endiguer. Tout au long
de cette partie, on s'est efforcé:
- de rechercher les causes pour lesquelles des jeunes
enfants deviennent bon gré, mal gré, délinquants ou criminels.
L'état des connaissances actuelles incite à voir plusieurs
causes plutôt qu'une seule à la base de la conduite délinquante.
Le sentiment que le "banditisme des jeunes" augmente
de jour en jour à Abidjan, a conduit à examiner de plus près
les variables de situation qui expliquent le développement du
phénomène. Les facteurs d'ordre sociologique, psychologique,
-
798 -
économique et urbain ont paru déterminer la conduite des jeunes
ou orienter celle-ci vers l'antisocialité,
- de montrer que les statistiques officielles ne
permettent pas encore de soutenir l'importance que les médias
donnent à l'évolution quantitative de la criminalité juvénile;
- de montrer aussi que sur la base des facteurs
orientant vers la délinquance, les mineurs de justice abidjanais
se ressemblent.
La société abidjanaise est consciente de la menace
qui pèse sur son devenir. Aussi les pouvoirs publics et des
hommes de bonne volonté ne ménagent-ils pas leurs efforts dans
la recherche de solutions aux difficultés vécues par une bonne
proportion des jeunes dans la cité. La représentation que les
Abidjanais se font de la délinquance explique sûrement la pro-
pension des pouvoirs publics à privilégier plutôt sa préven-
tion que son traitement. Les insuffisances relatives aux
moyens humains et matériels au niveau des structures limitent
passablement l'efficacité qu'on peut attendre des centres,
-
799
-
qu'ils soient ceux d'accueil ou ceux de prise en charge éduca-
tive des jeunes.
Le choix de type de société à travers les institu-
tions nouvelles créées pour aider à la formation de nouvelles
habitudes, de nouveau mode de penser et d'être, ne trouve pas
encore d'écho dans les profondeurs de l'âme des Abidjanais qui
continuent, pour la plupart, de considérer le "banditisme" des
jeunes comme un simple caprice qui ne mérite pas qu'on lui
consacre tant d'efforts d'investissements humains et matériels.
Par ailleurs, les difficultés rencontrées par les promoteurs
des institutions sociales dans la prise en charge de cette
jeunesse en voie de perdition ainsi que de la criminalité en
général semblent tenir
-
à l'absence, l'insuffisance ou l'inefficacité de
la coordination entre les services publics et privés qui oeuvrent
pour la sauvegarde des enfants et pour la récupération des délin-
quants et criminels adultes ;
-
à la non-utilisation des ressources du milieu.
C'est à ces questions que se consacre la partie qui suit.
UNIVERS rTE PARIS V
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_
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DOCTORAT D'ETAT
ES LETTRES ET SCIENCES HUMA.I1"lES
THEME:
i'
i
ILA CRlwIlNALITÉ A ABIDJAN i
i
ETUDEPSYCHOSOCIOLOGIQUE·I
TOME III
Sous fa Direction de :
,0 résemée et soutenue par'
Monsieur le Professeur éméri[e Guy DUR:\\NDIN
Monsieur .-,(men BASSITCHÉ
,
Paris:
L...a..
o.9 .11J.tN
1988
c
N 0 U
ç: M ç:
o A D T
r:
1
n
1\\
1
L
"
L
- 8 (J 1 -
SOLUTIONS SPECIFIQUES AUX PROBLEMES
DE LA CRIMINALITE AABIDJAN
-
Si
l'on nart. de
l'aff"ilïnat'lon 5uivant
laquelle
l'huTIwnit.é ne se pose que
.les problèmes qu 1 e! le peut
résou-
dre,
on peut aussi
ima~iner que dans toute société humaine
les difficultés Gui
se signalent y ont
leurs
solutions. C'e:;t
dans l'organisation de la société qu'il convient de recher-
cher,
de
repérer les structures qui peuvent. être reIl.dues très
rapidement opérationnelles pour répondre au besoin Ilrécis
ressent.i par l'ensemble des illdividus ~ un nloment dcn~6. Des
modèles d'organisation étrangers n'ont de chance d'être ef-
ficaces dans leur application que s'ils ne s'écartent pas
trop grandement de la manitre de vivre et de ~oncevoir de la
collectivi té.
L'import.at.ion d'un Droit
étrallgel'J
on
l'a déjà
vu,
n'a Das fait que du bien Ci
la population.
Par ailleurs, cette
irnportatioJl ne s'est r~lS effectuée 5;1115 celle des stTllctures
cl r accomp~lgnemel1t du Droit À:ouveau 1 Cl est- Zl-dj 1'e ) es structu-
res décoillant lie cc ])roit et pcrlilettant 50]1 apnl.icatioJl.
Dans
la IneSllre 00 la
10gj.slation 11ol1velle sIest
r€v616c
llans
(le
grands
secteUt"s (J'activité et de
1<:1 vie des
·ind.iviciu.<::',
11l3cié\\P-
té e,
0 r..
de v a j t
s' ~l t te n cl r e J cCCI LI e
1es
S t r II ct U1" C5 Ci LI i.
1 1 ~l c-
compagnent J
triL""lunau.\\ ct di vers
cent res
cie nr i sc en
-
Sil:'
-
charge des délinquallts et ~riJl,illels, connaissent des difFi-
cuItés de même ordre.
- On pellt
ilnagillCl" (Ille,
clar15
SOlI
cléveloplJernellt,
la
société locale se serve 3llssi des possibilités que lui oFfre
son propre milieu pour accl"oitre les chances d'intégration
des éléments nouveaux ~ ses stl"llctures. L'efficacité ne ré-
side pas toujollrs dans l'aballdon définitiF des formes d'or-
ganis2tion anciennes pour 1a promotion de
celles q:l.i
sont.
étrangères au milieu, mais bien souvlênt dans l'exploitation
jlldjcieuse des
ressources existantes JJour Heer'citre les effets
qu'on attend des structures sociales importées. En situation
de domination culturelle persistante, ces ressources sont mal-
heureusement déclassées, dévalorisées
ce qui conduit tout
simplement à les ignorer.
"1\\insi le facteur idéologique et
culturel constitlle en dernier ressort le facteur d'aliénation
le plus sOr, écrit I.
SOlI'
(1984,
p.
)-)
- l
,
parce que créant
l'impact et le conditiollnement le plus durables dans la men-
talité et la pratique collectives".
De la sorte,
i l ne viendra
pratiquement
jamais à
personne l'idée
cie recouri r aux
structures anciennes,
cie
les
fail'e
[onctio1111el"
Jalls
le
cadre
nouveau. Ces dl Ffé rentes remarques découlent de 1: observation
faite 8 l'OCCLlSioll cie plusieurs ùes fonnes d'organisation et de prise en
SII3
-
cllarge
empI"llJlt6es
~llX JlICicJ1JleS pllJSSallCeS colonjsatrices
par Jes pays en voie de dfvelonpement dont
la Côte d'Ivoire.
Ces
formes
d'Ol'g<:lniséltion
ct
de
prise
en
ch8rgc,
ce ~Ollt
18
police,
les tribuJlallX,
les jlrisons et les centl"eS de réédu-
cation doni il a été longuement questiOJl dalls
les parties
qui précèdent.
L'existence des criminels et délinquants sur
le sol ivoirien, plus ]ll"écisfment â Abidjan,
l'accl"oissement
supposé de la criminuli té indiquent que d'autres mesures Joi-
vent
êtl"e
en\\risagées qlli
r0pondent lniellx au besoin de SéCll-
rité des habitants.
- Des actions de préventIon générale du criole s'im-
posent 3 toute
la socifté abicljanaise
; actioIIS qui sortent
des sentiers battus et Clui utilisent les
ressources du milieu.
De même pour le" traitement des individus "criminalisés", des
mesures nouvelles pellvent être tentées oui se fondent sur ce
que le milieu offre cornIlle possibilités.
L'examen géJléral
dc la société abidjallaise a révélé
un certain nombre de cal"!lct61istiqllcs qu'j]
convient de rap
peler car, en elles,
ré:sident en partie les causes et les so-
lutions allX problènlcs de
la crinlinalité dans cette ville" La
nouvelle
société qui
s'êcJi.fie <1 Abidjan,
on
l'a vu
-
est
fai.te
d'une mosalque de pcuplt'5-;
; ce qUJ
51-
gnifie une diversité et une mllltltllde cie valeurs de ci.vili-
sation au sein de ln mênlc cit0
- se compose cl' lncijviclus Jeunes, généralement cml-
grants
ruraux ou étrangers,
bien souvent
,J.us~ i., cl 1 élèves que
l ' é C 0.1 e 1ra
rem e r c i é Sil, IlL::l i 5
0 U l e s p ère n t
ré li S s i T le LI r v.i c J
Abidj a:)
,
-
est le résultat cie l 1 exode rural et,
cIe ce
fait,
brasse dans le même espace llrhai'l des analphalJètes et des
lettrés,
des pel"SOJ1JleS ,J.lIX l1iveallx sociu-6cOflüllllqLles et aux
niveaux J'aspiration différents
- I"et au premIer l,lan la réu~site écollonllque
- n'a pas les moyens de prendre en chRrge (emplois-
logements)
toutes les personnes qu'elle attire
- se veut une société mode]'ne tournée vers le pro-
grès des valeurs socjales et
économiques,
mais dep~ellre très
peu intégrante pOLIr les personnes qu'elle rassemble.
De ces C;lI"actfristiqllcs se d~gage le sC!lti;ne!1t ([IJ'a!)
est étrange]' â la ville et â sa société, qoe riel' Je ce qoi
regal"de cette ville et ses 11abitants
(au llolnbre desquels 011
est
élll!12remment
compté)
ne VallS
concerile.
Ce sentimcnt cst
un puissant diluant dc
la (OnSClence ,"orale,
Il pCllt COllJUj-
re
facilement
}1 JJldivic1l1
:'1
C011lJllettl"e
cies
crllilCS
el délits.
-
8 Il 5 -
Une prfvention gfllfrRle dll eflille devra (Ione se fOII-
der en premier lieu sur le
[ai t'lue l' individu,' intègre J
lin milieu grâce ~
- l'occupation d'un logement,
donc A sa fixation
dans
l'environnement
--
l'exel'cice d'UJ18 activité qui
lui
]lerlllet
de vivre;
- l'établissement de relations sociRle~.
a)
Le loge~ent
à Abidjan
---------7--~----
·
L'une des plus grandes difficulté~ que rencontre
l'Abidjanais est relative au logement.
Il n'est pas ai~f de
se loger. Malgré les efforts déployés par le gouvernement ~
travers la création de sociétés de construction imlTIobil.lère
(la SOGEFIHA est un exemple) (1), en dépit aussi de la con-
tribut ion de sociétés privées de construction, de l'interven-
tion active des particuliers dans l'immobilier,
les logements
manquent cruellement à Abidjan. Et ce sont justement les 10-
gements à loyer très modéré qui conviendraient aux couches
nopl1lalres
qUI manquent
le plllS.
Dans
ce~ cOJlditions,
la
nuit venue les individus se sentent obligfs de se serrer dans
rlP~ logements aux pi~ce5 de plllS pn p]l.IS étl"Qjtes.
IJr18
dame
-
SU6
-
dont nous tairons le nom, nOlIS informait qlle chpz son ex-époux,
le soir, aucun espace au 501 n'est libre d3ns le logement
chambres, salle â manger, salle de séjour, b.ef toutes les pi~
ces sont occupées â l'heure de coucher.
Le gal'age lui-même e5t
devenu un dortoir et il est des enfants qui
passent
La n~it dans
la voiture transformée à son tOllr en logement. L'entassement est
aInSI de règle dans nombre de familles
abidjanaises, Or, suivant
V. V. Stanciu (1968, p.
233J,
le rapport entre la densité dans
les logements et la criminalité est certaill,
Le trop grand nom-
bre d'individus sur un espace étroit peut créel' chez certaines
personnes le besoin de quitter les
lieux,
de s'en aller â la
recherche d'oxygène.
Il est des quartiers, Treichville en l'oc-
curence, où l'on a l'impression, le soir, qu'il y a autant de
personnes qui dorment dans les maisons qu'il y en a sur les trot-
toirs.
La devanture des magasins se transforme en dortoir où des
gens se serrent les uns contre les autres pendant que somnolent
des veilleurs de nuit et que se promènent quelques individus de-
venus noctambules par nécessité.
C'est une certitude que la ville d'Abidjan, à l'ins-
tar d'autres grandes métropoles â travers le monde, ne poul'ra
ja.lais loger tous ceux qu'elle attire
Mais, c'est aussi une
réalité qu'on ne saurait dresser des obstacles physiques sur le
ch~min de ceux qui sc dirigent chaque jOlll' vers Abidjan.
-
807
-
La politique de la Côte d'Ivoire faite d'ouverture sur le
monde et de libre circulation des hommes souffrirait qu'on
imposât un contingentement :I
J'émigration étrangère et à
l'exode des jeunes ruraux vers Abidjan. C'est dire qu'en
l'ôtat act~el des choses, la crise de logement est appelée ~
s'accentuer et les habitations de fortune,
les bidonvilles,
~ se développer.
L'intégration des
individus
clans
l'environnement
devient une gageure dans ce contexte de crise permanente
d'habitation. A mesure que s'accomplit le lotissement Je la
ville par la 5ETU(1), on assiste à la dômolition des bidon··
villes,puis à leur reconstruction sur de nouveaux sites
En
grandissant, Abidjan repousse ou rejette hors de sa zone
d'extension, ceux des résidents dont les moyens économiques
sont restés insuffisants et par conséquent qui ne peuvent pas
accéder
à
des logements décents(2).
Par ailleurs,
la mobilité qui caractérise les indi-
vidus "en voyage de courte ou longue durée" dans la capitale
économique constitue une autre source de difficultés dans la
( 1) : SETU; Souê.tê. d' Eq0.pemen,{
eA: TV1AcUYl!.> U1J.bcUYl!.> , DOe..<.ê..tê d'Etat
chaJI.g ê.e. de. commeJtcAJJ»~ e.!L O_'-'-pJ1J2.-6 deA co ~v~é..té-~ _trnmob.Lti-Q}tc...~
Q..t -f.e...~
pa.Jt.t.<.e.u.1I••l.!vu, de.;, tvv~cUn6 tout
pJJ.w a ê.-tJi.e. e.o Yl!.>tJJ.u.<.-u .
(2)
Cee.'<' n'e.;,t que pa.JL.t.<.e.Uement vJJ.cU e.M d
e.wte. de.;, b'<'donv;,.u.e.;,
pMQcU:teme.nt '<'ntêgltê.6 a .ta v;,.u.e., q0. ne. e.Jul.'<'gnent done. pa..!> d' me.
d êmoL.<.e.;, à e.aL!J.l e. du .tc,~'<'n D u1J. te.qu e..e. e,Ue.;, H
DO nt mp.tantê.e.;, :
.wv'<'Yl!.>
pente.;, dc,l c.o.e..e..<."e.;,
e.-te..
- sns -
recherche de solution ~
lel pênurJe cie logements et il
la flxa-
tion des personnes dans l'espace et dAns le temps.
Pour rédllire l'influence de la promiscuité et sur-
tout de l'entassement des personnes
dans les logements, les pou-
VOIrs publics devront au niveau cl'Abidjan même
- pratiquer une politique de logement qui
VIse
il
des constructions moins coGteuses ~ partir des matériaux lo-
caux disponibles
- veiller il l'entrée et il la sortie d'Abidjan et
surtout,
sans empiéter sur la libertê Oll'ont les individus
de circuler, vérifier si celui qui effectlle le déplacement
sur Abidjan y est soit résident soit attendu. A la limite
ceci revient il instituer une espèce de contrôle qui ne sem-
ble pas incompatible avec une politique de lit~e circulation
des hommes.
Au niveau général de la Cote d'Ivoire
on devra inci-
ter les jeunes déscolarisés ou analpllahètes il demeurer dans
leur département et les aider il y créer et développer de pe-
tites activités génératrices, néanmoins,
de revenus.
De même
l'émigration étrangère devra faire l'objet de clauses restric-
tives
: si l'individu jouit d'une liberté dans le déplacement,
ce qUI peut être source de clevises pour la Côte d'Ivoire,
il
aura il justifier pour une éventuelle implantation il Ahidjan
précisénlent qu'il dispose d'lin logemellt.
Des mesures devront
-
k09
-
être prises qui dOl1nent des moyens humains et matériels
(suivant les possibilités économiques du pays)
nécessaires
à la mise en place de services appropriés.
De Jeunes lvoi-
riens qui désirent se rendre à Abidjan auront ~ produire les
mêmes élém0nts justifiant qu'ils y ont un parent prêt à leur
fournir une couchette.
Pour éviter des abus qui ne tarderont
pas à s'installer dans la délivrance des attestations d'hé-
bergement, une clause devra attirer l'attention de
l'éven-
tuel hdte sur sa part de responsabilité dalls un hypothétique
crime ou délit qui aurait pour auteur SOll protégé(]).
La conception de la ville à partir des lotissemcllts
et des constructions pose problème dans la localisatien des
habitants, notamment lorsqu'il s'agit de retrouver une per-
sonne à l'aide .de son adresse. A partir du moment où Abidjan
se développe, où des urbanistes se forment,
où des difficul-
tés apparaissent dans la maîtrise de la croissance de la vil-
le et de son administration, on devra imaginer d'autres for-
mes d'6ccupation de l'espace qui permettent une identifica-
tion et une localisation précises des résidents.
L'adresse
postalc ne suffit pas pour rctrouver llne personne à Abidjan.
Présentement si llindiviclu Ile VOLIS
conduit pas
lui--même jllS-
il)
: r.e. -6' aga .i.e': .tOlLt ûmpLe.rrleVèt d' ü!qMétVt LM ü!Mc'.i.dLL6 de 6aço f1
qu'ili f1e déL{.vJ,eVèt eomp.tewammeVèt dM allM~oytJ., d' hii.bVtg e.rrlef1t
"'- aux Mtion.aux "'- aux é.tJtangVt-6.
-
S 10 -
qu'J son domicile ou ne vous oriente pas J partir d'un re-
père (édifice public
cin6ol3, etc),
il est quasiment Impos-
sible de
le joindre dans
Ut même ville.
Ces difficultés sont
sGrement ressenties au cours des enquêtes de police. Bien
entendu, J
force de vivre ct de travailler dans un univers
non structuré, l'individLl Filli.t par structurer lui-même
l'environnement et pal' s' y d6placeT avec une relative aisance.
Mais,
cette énergie lDentale serait enCoTe bienvenue si elle
était ml se au seTvice de la créativité, de l'invention de
techniques et moyens pOLir lutter toujours plus efficacement
contre les criminels et délinouants.
En bref, l'efficacité
de la prévention de l'antisocialité J Abidjan passe aussi
par
- la fixation des individus dans
cette ville
- une politioue de l'habitat qUl tienne compte des
moyens économiques des demandeurs de lorement
- un
mode
d'occupation de l'espace urhain permet-
tant un repérage et une identification rapides des individus
en cas de besoin.
Mais pour se sentir J l'aise clans son logement et pou-
VOlr bien y clormir,
soi-même et les siens,
il
LlUt aussi ètre
J I ' abri cie la faim
; autrement cli t,
exercer une act ivité ré-
munérée qui Vous assure cles moyells cie subsistance.
La politi-
que d'implantation des ind.ividus et cie l'occupation de l'es-
-
81 1 -
pace urbain doit s'accompagner de celle de l'emploi.
C',est en travaillant et en produLsant qu'un individu
peut espérer accomplir son intégration économique. Aussi le
problème de l'emploi demeure-t-il au centre des préoccupa-
tions de l'abidjanais, plus généralement des personnes qUI se
sont déI11acées
de
leur v.i 11age ou de
leur pays
j115ql;l?j
Abidjan dans l'espoir d'améliorer leur situation économique.
Chaque année, on l'a déjà vu, ce sont environ cinquante mille
personnes qui
arrivent
à Abidj an à la recherche d'un mieux-
être, pour la plupart. La société locale peut-elle occuper
utilement
tous les ans, ces personnes professionnellement
qualifiées ou non qui lui arrivent de l'arrière-pays ou des
pays étrangers? Parmi la clientèle de la justice connue en
1982, on note une bonne proportion d'individus
(5ï,4
%) (1)
irrégulièrement occupés ou qui étaient sans emploi au moment
de leur jugement.
Au cours de la même année, on relève dans
les statistiques de la police et de la gendarmerie 58,ï % de
personnes qui se classent ~ la même enseIgne. On remarquera
à l'occasion que les deux proportions sont pratiquement les
( 1)
; ~v., couchv., po r-u.ta.{;uv.. .6alU .6afaÀAe !<.égu.Li.Vt .60 nt -tc.t co n6 0 nduv.,
avec .tv., ".6an.6 p!<.o6u.6.toY!"
-
812 -
mêmes.
I.~ ..Justice et l~ l'al ice tl<IV~li lient avec
LI même
cl ientèle.
Les pourcentages ci-desslls mentionnés slluuèrent.
au
b b
,
ti::'c des mesures
,2\\
prendre,
qu'on devra occuper
l-égulièrc-
ment tous les Abidjanais si l'on ne désire pas vo.ir croître
le nombre des anti-sociaux
clans cette ville.
En eEfee c'est
parmi
les couches popLllail"eS
jLlstifiallt dllln salai]"c régulIer
ou irrégulier, mais plus
fréquemment chez les derniers que
chez les premiers, que se rencontrent les criminels et délin-
quants.
L'oisiveté prolongée ou fréquente accroîtrait le
"tempo" de la délinquance même chez des personnes adultes.
Dans ces conditions les POUVOil'S publics devront s'employer
à
:
- occuper les désoeuvrés qUI sont déjà s~r le sol
abirljanais à des activités d'intérêt public, moyennapt rému-
nération.
Chaque municipalité devra recenser tous ses rési-
dents permanents de façon à dresser une liste des individus
qUI ont le plus besoin de l'assistance de la collectivité.
Les travaux d'intérêt commun qui sont à réaliser dans la com-
mune recruteront
leur n131n d'oeuvre en pl-iorité p31"lni
les
de-
mancleurs d'emploi habieallt la municipalité.
La prise en charge
sera assurée par la commune.
Ce qui Sllppose IJimpLj_cation de
tous l es résidents cle la mllnic ipa 1 i té clans un
te 1 proj et de
prIse en charge des laissés-pour-compte.
-
dresser une carte clu chômage ou du cléslJellVrcment
- Sl:i -
par commune, pUIS une carte gônôraJe qui permette de VIsua-
liser la mgme rôalitô au 'Iiveau de la ville d'Ail id jan.
Sa-
c han t
~ u ' il ex i ste un r:l P:' 0 r t e n t rel ' in 0 c cuI' a t ion et 1 a
criminalitô
la police pourra, à partir de la carte gônôrale
du chômagè, orgilJIlSer ses moyens pour une prôvention plus
efficilce ;
- opérer un contrôle systômatique des mouvements en-
trée et sortie d'Abidjan ainsi qll'il a Jfj~ ét§ prfconis6
dans le paragraphe précôdent
La liberté de mouvement n'a
jamais signifié l'anarcllie
à preuve la clé\\'lse
nationale
insiste sur la discipline qui doit caractériser la ~onduite
individuelle et pénétrer la vie collective.
Il est certain qu'on ne peut pas pratiouer une poli-
tique de prise en charge efficace des laissés-pour-compte au
nIveau des collectivitôs si dilns le même temps on n'arrête
pas ou on ne contrôle pas le flux humain qu'on observe quoti-
diennement entre Abidjan et le monde extérieur
-
inciter ceux qU" ont des
moyens à créer des em-
plois de manière
à aider à
li! rôsorptioJl du chômage ;
- obtenir U'I relèvement dLI niVeJLI des salaires dans
les secteurs public et privô
l'éci!rt trop t'Ilportant entre
la rômunôration mensuelle ct le coOt de
la vie pouvant a,nener
l'individu à l'indélicatesse dans les relations d'écllange
avec autrui ou dans la gestion des
f(,nds qui
lui
sont confiés;
- organiser tous
les
enlvlois infol'mels classés aU
rang de petits métiers,
malS qui rapportent gros J ceux qUI
les exercent consciellcicusClneIlt.
S'll
nI)"
a r~LS de sot mê-
tier
ce sont les personlles elles-mêmes qui
sont sottes.Tou-
i
te activité qui est exercée dans le respect de ses eXigences
peut assurer un revenll J celui qui s'y adonne
Abidjan est
pleine de ces activités nées de l'imaginlltion des individus
eux-mêmes.
Pour mémOirE' on peut ci ter le
lavilge de voiture
le long du bord lagunail'e J certains endroits précis ciloisis
par eux-mêmes se rencontrent des jellnes qlli proposent aux
automobilistes de laver leur voiture moyennant une petite
somme d'argent
(500 à 1.200 Francs CFA,
suivant Qu'il s'agit
d'un lavage partiel ou complet).Dans les parkings publics au
Plateau
des
personnes jeunes comme adultes s'offrent spon-
tanément pour garder votre voiture en stationnement, moyen-
nant une petite rémunération laissée J votre discrétion.Nous
en connaissons personnellement qui ont réussi
J partir des
petites économies réalisées dans le gardiennage des voitures,
J se payer les frais d'apprentissage d'un métier.
L'une de
ces connaissances est aujourd'hui titulaire d'un permis de
conduire
C'est â tort et J vouloir généraliser ],âtivement
que des abidjanais considêrent
que
ces occupations sont
exclusivement le fait de délinquants.
Toutes
les
mesures suggérées ci-dessus Ile peuvent
conduire 8.
la diminution des activités
;Hlti-~(h·i;Jles que 51
- 81S -
elJ es sont envisagées en même temps.
Par exemp] e. on lie s~u-
rait venir à bout du dêsoeuvrement dans la capitale économi-
que
51
,lU
même moment où
]Ion
est mobilisé à trouver un (.'111-
l'loi au personnes inoccupées on ouvl'ait largemellt les portes
de
la ville aux
cl16meUl"S VC11ant de
l'arrièl-e
r~lYS ou de
II étranger.
Enfin
il est exact que
les crimes et délits
p"ospèrent en même temps et sur le mênle sitc q"C l'écollomie,
mais encore faut-il pouvoir les maitrise,' tous
les contrôler
de manière il
assurer la survie de la société,
L'individu slinlp]ante,
SliIlsta]le JaJ15 un milieu don
né et y entreprend des activités nécessaires à sa surVIe.
Il
ne peut cependant vivre réellement,
s'épanouir que clans des
échanges permanents avec des semblables. Son degré de parti-
cipation à la vie sociale importe sOrement alitant pour son
intégration effective à la communallté que l'excrcice d'un mé-
tier et la possession d'un logement.
c)
La participation à la vie de la cité
-----~--~.------.--~------------------
On ne reprendra plus ici
l'examen des structures
sociales d'intégration.
Celles-ci ont été longl1ement prés en-
tées dans les pal·ties précédentes,
La questions qui se pose
est celle de savoir conlment obtenir la participa~ion active
effective aux activités de
loisi,', aux cérémonies diverses
(mariage,
baptême
pOUT
ne c.i ter que ces deux)
des personnes
-
8] 7 -
à la réalisation de
l'unité nationale, niais d'utiliser les
ressources clu milieu pour .Ia résolution des problèmes hu-
mains qui concernent tous. Les organisations sociales telles
que les
associations constituent des remèdes (["1,
jl.dicieu-
sement utilisés, contribueront efficacement à guérir la so-
ciété abidjanaise cie nombre de mal'X.
Sans logement nI emploi
l'individu peut Vlvre socia-
lemeY"1.t
à .ô.bidjaJl.
De
quelle
f~lçon ?
Les abidjanais sont pratiquemenT TOUS des ciTadins de
deuxième génération cf
(Gibbal
J M.,
Op.CiT.).
Ils ont un
passé villageois qui
les fait passer pour des personnes en
voyage de longue durée à Abidjan
Il résulte cie ce fait que
les ressortissants d'un même village résidant à Abidjan se
connaissent presque tous. Les regroupements à base villageoi-
se sont un cadre oG la prise en charge des nouveaux migrants
s'effectue le plus naturellement possible.
L'individu qui
arrive du village trouve en place des "frères culturels" qui
l'accueillent et qui s'efforcent de l'aider à intégrer
d'abord
la petite communauté, puis la société en se prenant progres··
sivement en charge.
La petite communauté
familiale,
villa-
geoise ou ethnique, participe à la recherche d'un emploi pour
le nouveau venu.
Parallèlement aux structul'es mises en place,
1 'OMOCI en l' occurence (1 J, par les pouvoirs publi cs pour
( 1 )
Rappel'. : O. M. °.C. 1
066.-lce de la Ma.-ù, d'OwvJte de, Côte d'lvo..lJte.
- SIS -
s'occuper des demandeurs cl'emploi,
les associations à base
villageoise ou ethnique COlltilluellt d'intervenir discrètement
lorsou'elles le peuvent
pour obtenir
le recrlltement d'un
des
leurs.
Il est ainsi des
personnes qUJ
réussissent à se
faire embaucher directement sans passer par des services de
l'OMOCI;
Ces structures de solidarit6 en milieu abidjanais
doivent être encouragées pour les services qu'elles rendent
aux individus et aux autorités politiques et administratives.
C'est pourquoi il ne serait sans doute pas retrograde de les
aSSOCIer aux mesures d'ordre social qui concerllent les rési-
dents. L'individu s'intègre au milieu dont les normes sont
proches des siennes ou semblables. Consciemment ou non, le mi-
grant Gui débarque à Abidjan recherche en règle générale des
personnes qui partagent la même cultur~ que lui. Plutôt que
de considérer les regroupements à base villageoise comme re-
levant du passé,
ce qui ne pe~t être prouvé,
on devrait s'en
saisir pour promouvoir une politique de prévention générale
de crime.
Dans l'attent~ d'un emploi, d'un logement personnel,
l'individu qui est ainsi accueilli par des ressortissants de
son village ou de son ethnie
se sent déjà VIvre
Il peut
apprécier, suivant les cas,
ce qu'il doit à ses Il~tes,
à son
village et A son groupe ethniQue. Sentimellts de fierté
résul-
tant de ses origines grâce auxquelles
il pense s'être tiré
aisément des difficultés qui attendent généralement tout mi-
grant,~ais aussi gratitude A l'égard de sa comnlunauté, de son
-
810
-
village,
suivis de résollition, d'engagement personnel de
faire honneur ~ son groupe ethnique par sa conduite, peuvent
constituer des freins moraux puissants \\lui
é1oj.gnent
l'indi-
vidu de
l'anti-socialit0.
Il n'y a pas que les
regroupements ~ base villageo~
se ou ethnique pour aider le migrant.
TOLites les stuctures
sociales d'intégration examinées antérieurement peuvent être
mises à contribution dans
le cadre géllêJ'al
Je prévention de
la criminalité.
Les clubs de quartier,
de sports ou de loisir
en général sont des outils possibles d'une politique d'occu-
pation des individus désoeuvrés, jeunes ou adultes.
Il s'a-
git de divertir ces
personnes de manière ~ les empêcher de
penser ~ commettre des infractions ~ la loi pénale. C'est
aussi le lieu d'offrir des occasions ~ des personnes qui
n'avaient pas de contacts entre elles,
de faire connaissance,
de jouer ensemble ou d'assister ~ des manifestations sporti-
ves
(matchs de foot baIl par exemple) ou récréatives
(danses
traditionnelles dans les rues,
déploiement d'une fanfare ~
travers le quartier, etc).
Les associations ~ base corporative ou confessionnel-
le peuvent aider dans le même sens
créer et diversifier les
relations entre les membres de
façon ~ susciter er ~ faire
se développer l'entraide sur tous les plans.
Si
la première
des deux organisations rassemble seulement des personnes ayant
-
820
-
une activité rémunérée
la dernière accl,eille, quant A elle
le tout venant et peut C011stituer un cadre
Eavorable au dé-
veloppement de l'interconnaissance et de la solidarité
l'essentiel étant ici que l'individu décIde volontairement
d'adhérer ~ l'association de son choix ou y soit amené par
un parent ou une personne amie
L'invitation et l'exhortation à pOl,rsuivre des acti-
vités saines,
all seln de ces
regrcupemcn~s, sont des actions
bienfaisantes tant du point de vue moral oue social. Des
personnes en état de rupture des liells
avec leur entourage
familial ou social ont maintenu ceux-ci et les ont meme ren-
forcés après avoir assisté à une messe ou ~ un culte. Le rôle
prophylactique joué par ces organisations contribue de toute
évidence à l'entretien de la santé mentale des individus, des
groupes et
dans le cadre d'une action générale de prévention
du crime, à l'instauration de la paix sociale
Par ailleurs,
les changements sociaux qui s'opèrent
en Côte d'Ivoire
notamment au niveau des valeurs sociales,
ont induit des comportements nouveaux chez les ivoiriens et,
de façon
plus précise, entraîné un surlnvestissement de
l'institution Ecole dont il faut dire quelques mots dans le
cadre de la prévention générale des inadaptations sociales
et surtout du crime.
-
821
d)
EBle préventif cie ]' Ecole clans
)a
lutte
- - - - -
. - - - - - - - - - - - - - -
- - - - - - - - - 0 -
-
Le rôle important joué par l'institution-école clans
le développement social et économique de la Côte d'Ivoire
enti~re n'est plus ~ démontrer. Si, au début et même durant
la colonisation
la seo] arisation étai t perçlle comme une
"sanction" qu'on appliquait à certains enfants dans certaines
-
h '
( Il
.
1 • 1
.
communautes
et .nl.ques· - ,
aUJ cure.. - ,lUl)
elle est
vivement
re-
cherchée.
Les parents s'endettent, se bousculent aux portes
des écoles, en tout cas font tout ce qu'ils peuvent pour
trouver une place ~ leur enfant dans les classes.
L'école,on
ne le rép~tera jamais assez, est aujourd'hui
nourrici~re.
Celui OUl y passe doit pouvoir assurer son propre avenir et
celui des siens·. ~fais pour bon nombre d'ivoiriens,
on ne
va
pas à l'école pour retourner aux travaux champêtres, à la ter-
re, surtout si l'on a pu obtetlir un diplôme au terme de ses
études. Même ceux d'entre les él~ves qui n'ont pu réussir à
leur Certificat d'Etudes Primaires Elémentaires
(CEPE), ni au
concours d'entrée en sixi~me des lycées et coll~ges, estiment
(7)
Pal!. e.xe.mp.e.e. C!le.Z .e.e." A.I'.e.adiaYl,
e.n ce."
débu-t" de. .e.a co.l'o-
~ atio Yl 6!W.Ylç.a.{.), e., c 'é.-ta.z.t une. .e.xc e.ptio Yl de. .tJI.ou ve.JI. "Ul!. .l'e.-\\ bar,C),
de. .l''éco.e.e., dv., e.n6an.t6 "pulI. "ang" aUad-Z.an ; c'e.-\\-t èi.-fue. de.-\\
e.n 6an.t6 do n..t .l'v., de.ux JXVl e.nU M n-t Ù" M de. c e.U e. e..th n.{. e. . If:. é:tLU.-t
pfu.-tô-t de. cou..tu.me. d' e.nvoye.JI. à .e.' éco.e.e. .l'v., e.n6an-t~ do,.,j .e.v., mi'l!.v.,
Uaùn..t é.t!W.ngi'l!.v., au. gl!.oupe.me.n..t e..thn.{.qu.e. a./'fudian.
-
822
-
que leur place n'est plus all village Inais ell ville. Ainsi
le mouvemellt des jeunes de la campagIle vers les centres ur-
bains ne se comprend, ne s'expliqlle que si
l'on le re-situe
dans le contexte qlli le provoque. Dans le cas spéciEiqlle
d'Abidjan, il faudra se reporter en plus aux représentations
diverses que les ivoiriens et les étrangers, notamment les
ressortissants des pays voisins de la Côte d'Ivoi re,
se font
de cette ville
(cf.
R.
Deniel, op.
cit.).
Ce qu'on peut obser-
ver assez facilement est que les villages se vident chaque
année de leurs jeunes, de ceux qlli, naguère, non seulement
s~mbolisaient mais aussi incarnaient l'avel1ir de la communaut§.
Il y a déj~ longtemps, il a été constaté que l'exode vers
Abidjan atteignait 50 % des jeunes qui quittaient leur village
(cf. Diarra Ousmane,
1970). La scolarisation était aussi perçue
comme un accélérateur de l'exode rural.
Aujourd'hui encore
Abidjan continue de jouer le rôle de pompe aspirante des
énergies du monde rural. Ainsi,
tout enfant qu'on vient d'ins-
crire ~ l'école se présente COlilme un candidat potentiel ~
l'émigration, une main ou une force perdue pour le village.
Le rôle de l'école, d'après cc qui précède,
apparait
au premier abord criminogène.
En effet,
l'école delneure l'ins-
titution qui prépare les pel"SOnnes qui devront
vaquer
aux
-
823
-
activités dans le "monde c.ivilisé". C'est par milliers que
les enfants prennent d'assallt aujourd'hui
Les établissements
scolaires aux mois de Septembre et d'Octbol·e.
C'est aussi
par milliers qu'ils sortent chaque année des écoles et qu'ils
cherchent ~. travailler.
La masse des jeunes déscoJarisés
diplômés ou non, en attente d'un emploi ~ Abidjan inqui~te
de plus en plus les pouvoirs publics qui avaient déjA pres-
senti, il y a une dizaine d'années,
les consénuences
relatives A
une
scolarisation trop rapide et surtout rela-
tives ~ l'inadaptation de
l'6cole au milieu ivoirien.
Le
contenu des programmes de formation a travers les manuels
scolaires révèle que les enfants ne sont pas préparés pour
s'intégrer A leur milieu de vie cf (Abdou Touré
1982, op.
cit J. L'école "de'sadapterait" progressivement et sûrement
les enfants en les rendant étrangers ~ leur propre cadre de
vie. Au moment où les travaux champêtres manquent de bras et
00 les paysans sollicitent le concours d'ouvriers agricoles
étrangers,
la recherche ou l'attente prolongée d'emploi ~
Abidjan même chez ceux qui n'ont jamais été A l'école parait
absurde.
C'est très souvent nue des parents ruraux recourent
aux services d'une main d'oeuvre étrang~re pendant que leurs
propres enfants sont chômeurs ou sans emploi ~ Abidjan.
L'école ivoirienne
telle qu'elle se présente, ne
peut aider véritablement ~ prévenir la criminalité.
L'épithè-
te ivoirienne ne l'est que par simple jeu de mots.
Personne ne
croit véritablement il la nature, ivoirienne de cette institu-
tion qui continue de fOCiner des
lndividus, des jeunes qui
ne peuvent pas S'illtégl'el' ~
I~Ul' pl'opre société
n'ailleurs.
n'est ·il pas vrai que l'école IJasse pour une institution qui
est généralement inadaptée ~ la société dans laquelle elle
prend forme, même là où elle n'est pas d'i.mrortation ?
Question sans doute discutable mais qui
ne saurait être trai-
tée ici.
Ce qu'il y a lieu de sOLlligner c'est l~ difficile
intégration de cette institution à 1[1 société ivoirien11e et
qUl
fait
que celui qui passe pay l'école semble "perdu"
pour
sen mil ieu cl 1 origine J pour sa Ci..J1 ture.
~\\.LJ1sj les pcl!'ents qUI
attendaient de l'école une bonne intégration économique et
sociale de leurs enfants. paraissent en défini tive déçus.
Nen
seulement les enfants,
au terme des études, ne trouvent pas
tous un emploi en ville et demeurent par conséquellt chômeurs,
malS encore ces jeunes élaborent à partir de l'enseignement
scolaire une autre visi.on du monde qui favorise,
chez
plusieurs d'entre eux,
l'orientation vers
ladélinquance.
Echec scolaire et/ou désoeuvrement prolongé de leurs enfants
ruinent alors définitivement l' espoi r chez hi en de p8 rents.
L'école peut et doit
cependaTlt contyi.buer â
la 111tte
contre la délinquance.
En ce qui concerne la Côte d'Ivoire,
la contribution de cette institution se présente sous deux
aspects ou peut plendre deux formes si
l'on préfère
- d'abord
il s'agira de préciser le type d'adulte,
- 825 -
de citoyen qu'on d~sire forlner Dour
le
PHYS. A partir de
là, bâtir un programme de
formation qUI permette d' attein-
dre cet obj ectif et
en mèmc temps qui
évj te de "fabriquer '!
des chômeurs.
Les autol'itôs administratives et politiques
paraissent bien conscientes de cette nêcessit§. C'est dans
ce but qu'a été émise l' idôe d'une réfoTme de l'enseignement
en 1975. Pendant des semaines voire des mois,
des commis-
sions de travail
constituées de personnes issues des diffê-
rentes catêgories socio-professionnelles.
ont rôfl~chi, dis-
cllté et élaboré des Pl·opositions.
Celles-ci réunies et syn-
thétisées ont pTis la forme de projet de reforme qui, malheu-
reusement, n'a pas connu d'application. Bref, des formations
adaptées au milieu de vie des individus et qui évitent à ces
derniers de démeurer dans un dêsoeuvrement prolongé ou
de
longue durêe est, en dernier ressort,
l'objectif fondamental
que doit s'assigner la nouvelle école.
- dans la mesure oG la formation d'un individu vise
en principe la totalité de l'être humain,
l'école est à même
de proposer des programmes qui prennent en compte les aspects
intellectuel, social et moral de ]a pel·sunne.
Le nlaitre ou}
plus généralement,
11 ense ipnant
se trOl!Ve bien placé pour
fai;-c
de l'enfant un adulte cf
(Paül A.
0::; L(;:crj.etiJ ,
op.
cit),
à condition bien entendu que son action soit soutenue et pro-
longée par les parents et nar ]a sociêté.
Par exemple l'en-
seignement de la morale réintroduit, heureusement, par le
- S26 -
Ministre de l'Education Nationale,
dans
Je programme de
formation des élèves, doit ètre accuei Il 1 favorablement par
tout le corps social.
fI
appartient dUS parents d'initier
d'abord cette formation morale ~ la maison, de façon qlle
l'action du maitre d'école trouve un écho favorable en l'en
fant. Trop souvent,
des parents négligent cette formation
de base en pensant qu'ils pellvellt attendre de l'école à la
fois éducation et instruction.
Associée aux actions de prévention des crimes et dé-
lits 1
l' école pourra se révéler l! insti tütion la mieux
indi-
quée pour un meilleur conditionnement des enfants à éviter
des conduites délinquantes et/ou criminelles. En effet,
les
jeunes passent de plus en plus de temps à l'école. Un simple
calcul permet de voir que, à Abidjan, un enfant passe
8 à 11 heures à l'école,
loin des parents mais au contact
d'&utres élèves. C'est de 18H à 21
ou 22 heures qu'il se re-
trouve en famille.
Il passe donc plus de temps au dehors
qu'avec ses parents, dans un environnement fait de toutes
sortes d'influences. Celles-ci vont avoir plus d'effets sur
lui,
le modeler dans le sens souhaité par les groupes aux-
quels il adhère. C'est souvent que dcs parents sont surpris
de découvrir dans le vocanuJaire cie leur entant des mots
qu'ils n'ont jamais employés eux-mêmes dans
leurs relations
avec ce dernier. Bref,
en contr61ant le milieu scolaire, en
donnant un peu plus cie pouvoir aux enseignants et en faisant
l' ,) 7
-
ù!- 1
-
participer activement parents et élèves à la vie de la com-
mllnauté, on créera un cadre sain oG se développeront les
citoyens de demain. Ce faisant,
on facilitera par ailleurs
l'action des pOUVOIrs publics et plus pl"écisément des muni-
cipalités en vue d'un encadrement tOlljours plus efficace
des jeunes. La coordinatioll de toutes ces actions devra
relever des prérogatives de cilaqlle CODlmllne. Ce devra être
le point de départ d'une prévention générale des inadap-
tations sociales
jllvélliles,
Je la d61irlquarlcc en par~iculier,
à partir des structures communales existantes.
Ci-dessus,
il
a déjà été question de YC~dïe ~2spon-
sables les communes d'un certain nombre de décisions ou d'ac-
tions sur l'étendue de leur territoire; par exemple l'iden-
tification des sujets qui ont le plus besoin d'assis:ance,
plus précisément les jeunes en danger moral ou désoeuvrés.
Le découpage de la ville d'Abidjan en communes de plein exer-
cice depuis 1980 peut permettre une meilleure répartition des
responsabilités entre les municipalités, chaCllne devant d6sor-
mais se préoccuper des problèmes qui la concernent.
-
S2S
-
Au sujet de l'occupation des jeunes perldant les
frandes vacances
on a vu combien cer·taines municipalités se
démenaient pour organiser ce temps libre de façon que les
jeunes soient tenus éloignés des "loisirs malsains".
Des
réalisations telles que le Centre Pilote de la commune de
Port-Bouet ne devront plus constituer des actes isolés nI
devenir une structure d'accueil de tous les jeunes d'Abidjall.
Chaolre commune devra édifier un centre d'accueil pour ses
jeunes, rechercher les voies et moyens ol,i nermettent une
intégration sociale et économique réelle de ces derniers
Certaines des recommandations faites nar les f~aires de
France 3 leur Premier Ministre peuvent être reprises
ici,
car elles répondent assez bien aux questions que se pose
la
société abidjanaise. Ces recommandations sont en fait un en-
semble de propo~itions pour endiguer la délinquance. Au ni-
veau des actions 3 entreprendre, les Maires suggèrent les
.
.
(1 )
mesures qUI SUIvent
"Développer l'information des citoyens (9)
- Développer la sécurité dans
les transports et
les parkings
(12)
-
L2. ,....,Slrt-;r; ....... ::iT;",....
1 0
y - .
~ ~ - ~ J ~ - ...
~'-'
••
délinquance
(13)
( 1 1 : LM cfù6'JtM quA.. !'>ont dan'> te-; IXVl~ntllèl.>M coJtJtMpund~H/: aux
nunJiYtOI.> aM
pJtOpOI.>A...t~OHI.> dan'> t~ doc.ument ci;t;;.
- Coordonner les interventions des
travailleurs
sociaux
(14)
Accroître la pr0velltion en lilatièl'e de drogue et
d'alcoolisme
(23)
- Enseigner aux familles
les droits et devoirs de
l'homme
(24)
-
Favoriser la renColitrc ~l l'intérieür cIe l'école(2G)
- Mettre en oeuvre 1IIIe éducaTion civique adaptée au
monde contemporain (27)
- Organiser des bureaux d'accueil pour la jeunes-
se
(32)
- Améliorer la fiabilité et affirmer les comptes de
la criminalité (36)
Transférer certaines missions de la police natio-
nale
(37)
- Améliorer l'accueil et l'information du public dans
les commissariats de police
(38)
Organiser l'aide pratique et morale aux victimes
de la délinquance
(34)
- Conllaissance de la prison (58)
- nI! -
- Instituer
une
lormotion il 1a rrévention
(59)
Instituer des conseils départementallx de préven-
tion de la délinquance
Cl! 1'1"
cf
lCommi 5sion des
~!aires, op.
cit, p.
210-212).
Au nlveau des municiralités, les ~!aires conseillent,
entre autres mesures
" - l'utilisation des rolice municipales
(44)
- revoir le statut des agents de la police
municipale (45)".
Toutes ces propositions s'insèrent bien dans les
préoccupations des Naires abidjanais qui, on peut le souli-
gner, font des'efforts réels pour mériter et sauvegarder la
confiance de leurs électeurs.
Les maires ne peuvent cependant pas remplacer l'Etat
dans la mise en place d'une politique générale de prévention
qUl, désormais, devra s'insérer dans la politique globale du
développement économioue et social de la Côte d'Ivoire et
plus spécifiquement, de la ville d'Abidjan. Sachant que de
toutes façons le crime se Illallifestera.
il devient indispensa-
ble au moment oG se décident ies actions j
entreprendre dans
le cadre du développement de la ville d'Abidjan, de proposer
des mesures et des structures DTopres 3 l'endiguer.
PaT
exemple,
c'est pratiquement toujours qu'on observe l' Lmplan-
tation d'un commissariat dans "n nOllveau qua'-tier plusieurs
ailnées après l'occupation des logements mis en vente ou
en
location par des sociétés de construction immobilièle.
De
même que ces sociétés prévoient et construisent touJours une
école dans le quartier, de même on devrait exiger d'elles la
construction d'un commissariat de police. On ne devrait pas
attendre que des crlmes et délits se signalent pour prendre
les mesures appropriées.
La "municipalisation1! de la police pourrait-être une
mesure qUl accroisse les moyens matériels
et l'efficacité
des forces de l'ordre si cette action ne préselltait pas
de
risques pour le POUVOlr. En effet,
la Police est nn instru-
ment du pouvoir. Son passage aux mains d'une fraction de la
population peut se révéler dangereux pour la paix sociale.
Il
n'est pas impossible qu'une collaboration trop étroite entre
les habitants d'une commune et la police considérée désormais
comme la leur, augmente la performance de celle ci.
Le sen-
timent de propriété éprouvé par la population peut amener
cette dernière il une "annexion·' progressive des
forces de
l'ordre.
A terme,
celles-ci
se montreraient
i;n]~uissantes
a
servir le pUUVUi.l" et ~ aSSUI-el" la sêcuri.t? rLlbiique.
l~nfin
l'idée de donller davantage d'importance à la commune dans la
gestion des activités de la police nationale opérant sur son
territoire ne ]larait nas mauvalse en soi_
Il conviendrait
<, - ,
-
",~",:
-
J'assigner des limites ~ la collaboration, de prfvoil des
garde - fous qui
empêchent que la po 1i ce soi t
rl'ciui te ~ l' im-
puissance OU bien soit utilisée ~ des fins personnelles, Ain-
si la collaboration oue tous
les Ilauts responsables de la po-
lice appellent de leurs voeux deviencirait réalité et ferait
participer chaque citoyen, chaque abidjanais aux actions qui
sont déployées par les
forces de l'ordre pour
le protéger
contre le crime. Car, pour plusiellrs individus,
la Police
demeure encore un adversaire)
un enlle/lli
ele 'llli
l'on doit se
Ce sentiment parait dtaLltaJlt plus
rtel et profond
dans la population que, dans l'exercice de sa profession,
l'agent de police est généralement appelé ~ dresser des con-
traventions, des procès verbaux qui sont des actes porteurs
de menace pour les individus.
La prévention générale du crlme à Abidjan nécessite
dans tous
les cas une volonté politique sans laquelle toute
proposition ou initiative n'a aucune chance d'aboutir au suc-
cès.
Des problèmes de logement en passant par ceux de l'em-
ploi, de la participation sociale des individus puis du r6le
que i'école est à même de jouer dans
l'intégration sociale et
économique des personnes,
ma;.. ièrc
dent
les
communes ai-
dent ii
lutter contre
Je crime,
on mesure
ïe poids
àes
soucis qui
pèsent
les
pouvoirs publics en même temps que la grandeur
du champ que doivent couvrir les actions de prévention de la
crimi.nalitê. La ville d'Abidjan a-t-elle et 3ura··t-elle jamais
les moyens
(matériels et humaills) de
r6pondl'c au défi que
lui lance cllaque JOUI' Ulle d6lillquance lnl,ltiforme pal'fois
terrifiante? De toute 6vidence
la répOJISe Ile peut être que
négative, Auclln site ou pôle de développemellt économique
n'est vfritablement D l'abri d'infractions, notalnment dans les
pays a économie libfrale, Abidjan, à l'instar des capi.tales
économiques à travers le monde devra compter,
lui aUSSJ,
avec
le crime.
Des personnes, accidentellemellt ou non, enfreienent
les lois chaque jour, en dépit des ohstacles institutionnels
et matériels dressés pour les en empêcher,
Nombre d'abidjanais
jeunes et adultes, vivent de crimes et délits et probahlement
ne pensent plus retùurner à la vie normalè faite de l'exerci-
ce d'activités socialement valorisées. Ces personnes justi-
fient de mesures spéciales con~ues pour les réinsérer dans
la
société. Malheureusement, ces mesures ne paraissent pas avoir
répondu aux attentes des promotteurs des
lois nouvelles nI D
celle de la population.
2
k~_~~~~~~!19~_~P~~~~!~_~~_~!~~~ __ ~_~~~~i?D:
tr~2!~~~~!_~!_~~~~~i~~!~~!iO~_~_p~r!i~_~~~
~~~~~~~~~~_g~_~i!i~~
Il n'est plus question de revenir ici D ce qui a été
dit dans des chapitres antfrieurs, mais de rechercher des so-
lutions originales aux difFicIIlt6s ~xistenticllcs v6cues par
dcs personnes qui ont cu maille ii p:irtir avec la
loi ou qUi
fOI1! de la ~ratique des cri.Jl1eS et déli.ts Llne. ~jctjvjté
profes-
sionnelle.
A Abidjan comme ii Dakar, Lom6, Cotonou pOLir ne citer
que ces quatre grandes
villes
ùe la
sous-région,
on a trop
longtemps sous-e;;tll11é ce que le mil ieu pouvai t apporter au ti-
tre de prévention des
inadaptations
snc.1Rlr:s
c:t,
1'1115 prf.cisé-
ment, du traitement des suiets "criminalis6s". Que faire des
personnes qUl vivent de crimes et délits, qui ne peuvent plus
exercer (en tout cas elles semblent le prétendre)
des activit6s
autres que criminelles? Quelles mesures concr6tes proposées
qui les "déconditionnent"
de· la criminal i té ?
Le recours
fréquent,
sinon
systématique à la peIne
d'emprisonnement n'a,
jllsqu'ici, pa eu raison des crimes et
délits ii Abidjan. Autrement clit,
la solution aux prob10mes
posés par la criminalitê ne se tl"OUVe pas dans
l'emp~·isohrle-·
ment à
tout
pr'jx
Jes
autE:urs
J'il1frc"ict"iûùs
Ell
1982,
un
l !;I
VU,
p
un nombre élévé de nrévenus
(35 \\)
ont été condamnés ii des
pelnescourtes d'emprisonnement
(moins de 6 mois)
ce qui
laisse sU~poser (lu'on avait el] affaire â des infractions peu
graves.
On aurait dO, dans ces conditions, applicl"er d'autres
mesures que l'emprisonnement et ce, d'alItant clus que cette
sanction est pT3tiqLlement
toUjOI_ITS
associée
all
pa)'Clllent
j1arllen-
de et de dommage int6rêt.
L'Abidjanais reste encore très atta-
ché ~ la r6paration en tant que mesure en matière p6nale. Une
fois
la
victime satisf~lite, on peut imagj]ler d'alltres mesures
en lieu et place de l'incarc6ration dont on sait maintenant
l' ineffi caci té.
Au titre des dispositions nouvelles ~ prendre pour
dissuader d'éventuels auteurs d'infractions,
certai.ns magistrats
africains dont El Hadji Diouf (J974) préconisent l'humiliation
publique.
Lauteur d'un crime ou d'un délit se verrait humilié
publiquement.
Il pourrait ainsi perdre toute crédibilité ~ l'é-
gard des parents et amis, bref de ses concitoyens.
La gêne pr6-
visible ~ vivre et ~ oeuvrer au milieu des siens, de tous ceux
qui le connaissent.
constituerait un puissant frein au passage
à l'acte délinquant. L'humiliation publique jouerait, suivant
El Hadji Diouf,
le rôle attendu, mais jamais efficacement joué,
de l'emprionnement.
Autrement dit,
là oD l'incarcération a
6choué,
la honte pourra r6ussir.
Il semble de plus en pJus indiouÉ de
reCOUTl r SIIX
ressources disponibles dans
le milieu.
La transposition de pro-
cédés d'une aire culturelle â une autre ne peut être la solu-
tion Ldéale.
L'adoption d'un droit nouveau ne condamne pas
absolument à l'acceptation de toutes les structures d'accompa-
gnemellt de ce droit.
La société abidjanaise, à travers les
nOmbl"eUSeS Ol"gaJljsntions
dfcrites alltérieuremcllt,
recèle de
possibilités que les pouvoirs publics peuvent exploiter pour
aider le délinquant ou le criminel à retrouver une place parmi
les concitoyens.
a. Z 1 ~~~ _0~~'2S:~§~~'2'!~ _ê_~§~'è_ ~~!~§g'è'2~~,",
~~~~9~,"_'2~_8~g~'2'!§!,"
Ces organisations peuvent jouer un r61e de premier
plan dans la prise en charge des auteurs J'infractions connus
et condamnés et qui sont originaires du même village, de la
même région ou de la même éthnie.
D'une façon géllérale, les
structures traditionnelles paraissent avoir de moins en moins
d'emprise sur les individl's, notamment sur ceux qui vivent
désormais dans les cités modernes.
Cependant,
J'existence des
regroupements de personnes issues du même village ou de la même
région dans les villes, en l'occurence Abidjan,
révèle que
les valeurs anciennes n'ont pas toutes complètement disparu
de la vision que les Abidjanais ivoiriens cnt dl' monde dans
lequel ils vivent.
C'est sur ces valeurs qu'il
conviendrait de
fonder la prise en charge des délinquants et criminels.
En dépit de l'évolution du développement rapide du
pays,
les Ivoiriens demeurent très sensibles à l 'honneur.
Le
- s.~ -;- -
discrédit jeté sur l'un des siens, l 'opnrobre qui
résulte de
la conduite de cell'i-ci,
sont vivement ressentis nar la commu-
nauté villapeoise ou etJ1Jlique résidant sur l'espace territo-
rial considéré. Le froune prend COJ15Cience de lui·même,
ac-
centue la différence entre lui et les autres or~anisatioJl5
ethniques ou, en tOllt cas
resserre ses rangs devant un envi-·
ronnement qui le désipne comme dévi.ant.
La délinquance indi-
vidue lIe éclabousse le groupe qll]
doit alors sc défenclre
en
présentant un front uni.
DallS ces condi.tions, il suFfirait
d'utiliser la force du ~rollre pour l'e!lCadrement et la prise
en charpe du délinquant.
Pour ce faire,
les représentants de
l'association considérée et le sujet, auteur d'infractions §
la loi, devront être associés il la prise de la mesure judiciai-
re. L'individu se sentant et se sachant désormais sous la sur-
veillance discr~te de ceux avec lesquels il vient du même vil-
la)Ze, de la rlême réfion et, bien entendu, cie sa farr.ille, ne bé-
néficiera plus des effets de l'anonymat. Cette action pourra
se conjuguer avec celle d'autres organisatioJ1S clont celles qui
regrounent des individus cie même confession.
confessionnelle
Celles-ci peuvent contribuer à tOliS les niVe~tix
des
actions entreprises pour ame!ler les délinquants il vivre llonnê-
terr.ent. En effet, parmi les délinquants, il s'en trouve qUI
sont issus de farr.illes chrétiennes al' muslllmanes.
Dans ces re-
li~ions le vol est s6vôrement condamn6, de même que llombre de
cOllduites qui portent atteinte ~ la personne pllysique ou mora-
le. La formation morale et spirituelle de l'illdividu se fait
grâce ~ l'enseignement relipieux. Les organisations de jeunes
qUl se créent dans ce cadre confess.ionnel se fondent sur des
prescriptions biblio,ues ou corélniqLles. On Cleut sensibiliser les
fidèles,
jeunes et aelul tes,
:\\Ux diE ficul tés vécues par une
importante frange de lél nonulation
difficultés q11i expli-
quent que ces nersonlles se retrouvent en prison,
loin de leur
famille et de leurs amis.
Des aum6niers de prison, des pas-
teurs ont sûrement converti ~ la religion chrétienne et sorti
nombre de délinquants et criminels qu'on croyait ne l'dus pour
toujours, de l'antisocialité ?râce à la prédication.
Là où la
menace de la pelne et autres sanctioris sévères n'ont pas réus-
si à éloigner l'individu de la criminalité, il a parfois suffi
seulement à la même personne d'écouter le message biblique
pendant quelques minutes pOLir abandonner'définitivement
l'anti-socialité.
En associallt l'orranisation des élèves et étudiants
.'
de telle ou telle cOlI[ession ~ la prévention, au traitement
et à la
resoci,ll i sa tion cles dél i nquant:;, on renforce et on
enrichit le programme d'activités de ces associations. 011
permet à la jeunesse de s'exercer utilemellt sur le plan social.
Enfin, le sort des
criminels et délinquants préoccupe tout
le monde dans la société car ce sont des narellts ou amis,
dans
-
S":)9
tous les cas, nos 5e~blables.
En aidant 3 récupérer
J réinsérer socialement des
pel"SOnlles (lui ont l-ompli leurs
)-elations avec leurs concito-
yens,
les organisations 3 hase confessionllelle oeuvrent pour
la pau: sociale et pour le bien ·être des
individus.
Cette
action devra prolonger celle des orgallisations laiques, en
l'occurence celle des co~~unes, qui poursuivent les mêmes
objectifs.
Sans aller jusqu'à pronoser que les pronriétaires
soient "responsables des actes des locauiires", ainsi que le
préconise la police nigériane cf (Fraternité Matin, du
Vendredi 8 Fév.
1985, p.
27) dans la lutte contre le bandi-
tis~e, les communes doivent emboiter le nas ô la SOreté
Nationale, aider la police J contenir la délinquance. Les
resnonsables nigérians partent d'une observation simple:
"selon l'inspecteur général
de la police fÊ,dérale Etim Nyan.g,
rapporte le quotidien natiollal cité ci· dessus,
les cri~inels
vivent oarmi
les autres citoyens et il serait peu crédible
pour les propriétaires de nrétendrB tout irnorBr des activités
de leurs locataires".
A défaut d'oEfre snontanée de services, il y il lieu
d'exiger d'une certaine caté~Jorie de citoyens~ les pl'opri6-
taires immobiliers.
de collaborer activement avec la police.
MeSllre sans doute opportune si l'on considère la situation
des propriétaires qui llabitent la même concession que leurs
locataires, mais par contre sans grande efficacité si l'on
se retrouve en face d'un propriétaire qui ne vit pas dans le
m~me milieu que son client et qui Ignore effectivement les
activités de cellli-ci.
L'évocation de la mesure ci-desslls est pour rappeler
que les citoyens doivent aider au dépista~e et au traitement
des délinquants.
L'utilisation des organisations sociales,
culturelles,
sportives, etc
Dar le Haire peut permettre
il
celui-ci un encadrement efficace des personnes condamnées nar
la justice il des peines légères ou COllrtes d'emprisonnement.
Dans la mesure 00 les membres d'une même organisation tels
les clubs de sport, de loisir, de quartier se connaissent
pratiquement tous, le recours il leurs services pour la Sllr-
veillance des individus "criminalisés" et résidant dans la
même commune paraît tout indiqué pour supprimer le sentiment
llabituellement énrouvé par l'h"bitant des grandes cités
sentiment qu'il est proté~é par l'anonymat, donc qu'il ne
pourra pas
être
identifié.
Par ailleurs, en responsabilisant les Cllibs sur la
-
841
conduite morale de leurs ~embres, on accroit la cllance de
voir diminuer le volume de
la délinquance dalls le quartier
ou dans la commune. On rend.
de cette façon, difFicile la
commission des infractions et on rédllit dl, même coup l'op-
portunité de la rechute cllez les auteurs qui. en sont à leur
nremier ou second délit.
L'une des meilleures façons de prévenir la d6linquan-
ce et la récidive n'est--elle nas d'eJl cOJ1fiel' la !"eSpOllsabi-
lité aux délinquants eux-m§mes • Il existe des groupes de
jeunes 0Yf~anisés dans presque tous les quartiers d' Abidj an
et qui rivalisent dans des activités
anti-sociales
Ces grou-
pes qui se connaissent peuvent être investis, dans les munI-
cipalités on ils existent, de nombreuses fonctions dont cel··
les de collaborateurs du premier citoyen de la commune, PU1S
de la police en matiêre de criminalité
On a vu que cer-
tains arrondissements "exportaient" des crimes et délits
cf (Analyse statistique des crimes et délits).
Les proupes
de jeunes organisés paraissent mieux placés pour repérer ou
indiquer sinon les auteurs d'inFractions
venus d'ailleurs,
du moins leurs qLlartiers de provenance.
Dans chaque commune tOLites les structures de loisir
doivent participer à l'organisation de la déFense contre le
crlme sous la direction des alltorités communales et politi·
ques.
Par le moyen des spectacles, on cievra pouvoir inclliquer
a La populatioll ct ~ la jeullesse nota®nell[ des cOllnaissances
relatives aux bien Faits de la discipline, du coura~e,
de
l'eUort,
etc.
Le cinéma,
la télévisioll ct Je tllCfttre sont
des instruments qui peuvent aider a éduquer la population,
pourvu qu'on leur assi?ne des objectifs prCcis.
Par exemple,
dans la plupart des films proposés par la télévision et par
le cin6ma, le d6nouement devra s'effectuer nécessairement a
l'avantafe des nersonnes de bonne moralité,
des
individus qui
incarnent les vertus qUl
sont enseignées dans
la société.
En
bref; on devra faire moil15 de publicité dl~ succ6s des bandits,
~alS paY"contre ~roposeY des films aG leur action se termine
par un échec 6clatant.
Les individus, plus pr6cis6ment les
jeunes, ont une nette
propension a s'identifier aux héros
des films.
On peut exploiter cette inclination pour remplacer
les identifications chez les délinquants minellrs, proposer
des modêles socialement valorisés de femmes et d'hommes a la
population juvénile.
bl
La resocialisation des criminels et délin-
Il faut des objectifs nrécis a la resocialisation des
délinquants. ~laurice Cusson
["107'1)
dénomLre quatre priorités
a)
'Iapprcnclre au délinquant
~l entrer en re-
-
S,1,-;:;
-
lation avec autrui". Tous les travaux qui ont porté sur cet-
te catégorie d'individus ont montré combien ces sujets
éprouvaient des difficultés b créer et b maintenir des rela-
tians inter-pel'sonnelles satisfaisantes.
De Grecff,
On, Dehuyst, J. Joas, Noël ~lailJoux, FinateJ
pour ne citer que
ces clnq auteurs notent l'existence de difficultés réelles
chez les dé] inquants
d
étahli r des liens avec autrui
bl
- "réconcilier le délinquant avec Ja
société", car par son crime celui-ci s'oppose à la société
à laquelle il doit s'intégrer.
La
condamnation du sujet par
la société représente une réaction normale de défense;
cl
- "rendre le délinquant capable de répon-
dre aux attentes d'autrui et de la société". En effet, compte
tenu de son instabilité, de son imp~lsivité et de son incapa-
cité à verbaliser son agressivité,
le jeune est prompt à
passer à l'acte. Mais il y a aussi des lacunes réelles dans
l'apprentissage social et qui expliquent que le sujet ne peut
imaglner, percevoir ce qu'on attend de lui.
dl
- "Faire cesser l'agir délinquant".
M.
Cusson pense que
la réalisation des trois objectifs c).-
dessus doit entraîner logiquement la cessation des activ1tés
anti-sociales chez le rl,61 ~ nnll':1nt-
~~~"""''''1''''~'''''' •
"Er:. effet,
éc~it-il, si un
jeune apprend à établir avec autrui des relations positives,
s'il se réconcilie avec la société et s'il acquiert les
qualités qui lui permettent de répondre adéquatement aux arten-
tes de son milieu,
il perdra toute motivation pour commettre
- S,id -
des
actes
cléJinqu,lnts 11
(cF.
~'1. CllSSOJ)~ op. cit,
p.
68).
Dans
la T!ensée de j'.!.
Cusson,
"rcsocialisation" et
l'
'--"-d
.
l'
l
'ree
ucatlon
SOlIt
(leS
SYI1011)'I!ICS,
en tout cas décTivellt les
mêmes réalités.
C'est aussi cette conception qui
inspire la
resocialisation au Mont Saint Antoine, une ,arande institu-
tian montréalaise de resoci.alisation des Jêlincluants.
Pour
les resnonsables de cette institution "Le travail de reso-
cialisatioll consiste donc essentiellement a
fai.re VIvre au
jeune mésadapté social des exnériences correctives répétées
qui revêtent une nouvelle signification sur le plan des re
lations de l'individu
avec le milieu resocialisant.
De telle
sorte que le changement qui s'op~re ainsi dans la perception
de soi et du milieu favorise une réorganisation des sch~mes
cognitifs fondamentalLx et transforme du même coup les atten--
tes,
les attitudes et la conduite" (cl'. La Resocialisation. ~Ianuel
pratic,ue iJ l'usage de 1.' éducuteur - SerVlce du Irai tement - Ecole '!ont-
Saint-Antoine, JVontréal,
1~71, p. 4). en nrise sur .la capacité de transfert,
l'aptitude du jeune ;) transférer sur autrui et SUT LI société les valeurs
morales et sociales aprrises et vécues au sein de l'institution.
Abidjan n'a pas les moyens matériels ni humains de
Montréal, Dour qu'on tente une comparaison entre les deux
villes.
Cependant imiter,
reprodClire des modèles qui fonction-
nent bien ailleurs tOllt en les adaptant aux possibilités du
milieu, ne semble pas une mauvaise cllose en soi.
La difficul-
té, pOUl'
la société abidjan;l:LSe,
est d'être
une société en
-
S t.I~)
-
constructi on et où des valcurs rwrales ct soci alcs variées
et divcrses rendent l'acte dc socialisatioTl pénihle pOIJr
les narents. Cctte nluralité de valcurs clllturcl1cs avait
été présentée antéricureT~cnt comme étant un factcur favori-
sant la délinquance.
Dans UTI tcl environnement, peut-on par-
ler de resocialisation de personnes anti-socialcs
?
"Les
valeurs trop spéc.ifiques.
C(ui sont le propre d'une classe
sociale, d'un froune religieux,
note M.
Cusson,
ne devraient
pas être considérées comme des objectifs de la resocialisa-
tion" cf (on.
cit, n.
611; ce C(UI
cst bien judicieux car on
ne voit véritablement pas en vertu de qUOl un groupe voudra éri-
ger ses valeurs en normes générales et les imposer aux all-
tres. Toutefois, dans une société en formation comme celle
d'Abidjan,
il existc des valeurs autour desquelles l'accord
parait se fairé car elles sont indispensables ~ la coexis-
tence pacifique cntre les individus, ~ la vie en ~rollpe et en
société.
Ce sont ces valeurs qui ne sont nas snécifiques
d'ailleurs aux abidjanais
(honnêteté, probité,
respect d'au-
trui et de ses biens, resnect de la VIe humaine, etc ..)
qUI
doivent inspirer la resocialisation des
j8llnes délinollants.
Les difficult6s cl'oYcil"c 11Limain et mat€riel
à entre--
nrendre llne vêrit~hle réêrll_1C81-iol1 des mineurs devront amener â
initier des actjolls nouvelles prolonBeant ou Jl0n celles déjà
existantes.
Dans
la nlême ligllE d'actioll qLle la commullaLlté Abel
dont il a été question Pl'écédemment,
la cr6atioJl des camps en
milieu rural pour accueillir les mineurs délinquants peut
soulager les structures existantes tels que le Centre d'Obser-
vation des Ilineurs de ':'0POèwon, le Centre Pi lote cle Port-Bouët.
Ces camps neuvent se spécialiser en diverses activités rele-
vant du clomaine de l'apricultllre, de la p~che et de l'élévage,
présenter par ailleurs cle. niveaux d'exigences qui imposent
aux pupilles des comportements et attitudes nouveaux à acqué-
rir.
Du point de vue infrastructure, ces camps nourront
être construi ts. avec des matériaux locaux cle façon à, d'une
part, réduire le coOt de la construction et cl'autre part, in·
tégrer l'ensemble 3 l'environnement.
Il est de plus en plus de Jeunes diplômés universi-
taires
(crimonolopues, sociolopues, psycllolopues, économistes,
etc) qui peuvent être rendus opérationnels au terme de stages
de courte durée et servir dans ces camps clont les objectifs
devront être c.lairement cléEinis et remanjés à mesure que la
science et la technique accroissent notre connaissance sur
l'homme et la resocialisation.
La population de ces camps devrait se composer des
-
0:1 7 -
mineurs de justice excJ.usjve~cnt..
Il slapLl"uit 3101"5 d'offrir
aux jures des enfants l 'opnortunité d'appliqller pleinement la
loi dans l'intérêt des jell~es allteurs
cl'infL1L:l:ions
<lU
cOlle
pénal. Jusqu'à ce jOllr, le jure des enfants n'a (lue très peu
de possibilités
soi t il remet l'enfant aux parents,
soit
celui~ci est fardé nrovisoirement au Centre cl'Observation des
Mineurs, soit le jeune est condamné à Ime pelne d'emprisonne-
ment, l'envoi au Centre de Rééducation de Dabou étant une dé-
cl.slon rare compte tenu de 1" caracité d'accueil très limitée
de cet établissement.
Toutefois Dour éviter l.a 5tj.~matisation
des jeunes qui passent par les camps,
il faudra ouvrir
ceux-ci à tous les jeunes désoeuvrés qUl éprouvent le désir
d'y aller faire l'apprentissage d'un métier.
Des niveaux di.sciplinaires différents devront carac-
tériser les
camps de manière il donner cr à conserver à la re-
socialisation un caractère contraignant.
b .2.
)
Des centres de formation discipli-
-------------. __ .. _--_ .. _.. _---_ .. _--
naire nour les }. eunes
-_._-------------
- - - - -
Union
/.1icispline, Travail, telle est la dé\\'ise na-
tionale de la Rénublique de Cote d'Ivoire. Concrèremenr on
devra ~romouvoiy cles actions dallS le milietl des jeunes qUI
présentent des diFficultés d'adaptation sociale.
L'expérience
montre que des parents de plus el\\ plus nombreux capirlllent de-
-
StlS -
vant l'entêtement de leurs enfants, clevant le refus cle ceux-ci
â se conformer â cle simples
règles
familiales cl'abord, sociales
ensuite. En S'illspirallt cles voeux inscrits dalls la devise
nationale, on peut cr~el' cles centres de formation disciplI-
naire dans chaque préfecture où seront accueillis des jeunes
que le besoin de "calibrage clu ~loi"
(cf. C.
Guinclon,
1969)
pousse au vandalisme,
aux exactions, bref aux conduites
agressives généralisées.
Dans le maillon des structures socio-politiques clu
pays, on peut insérer la formation de jeunes miliciens du
Parti.
Les centres cie formation disciplinaire paraissent tout
indiqués pour préparer des jeunes parmi lesquels on recrute
des miliciens pour le Parti.
En bref, il s'agit dans tous les cas de trouver un
cadre oa accueillir ces Jeunes en rebellion contre leurs parents,
contre l'école mais qUl ont besoin dans le même temps d'une
autorité qui les alde â voir clair en eux-mêmes. Aux centres
de formation disciplinaire peuvent clonc être a55i~nécs entre
autres missions celle d'aider les jeunes â "jauger" leur Moi
â partir des
jeux, des compétitions sportives. Dans le même
cadre
plusieurs activités devront concourir â la formation du
caractère des jeunes, au développement
de
la sociabilité
et â l'ac-
-
8il,)
-
quisition de savoir-faire nrore~sionnel.
TOLites ces su~restions visent J l'utilisation des
reSSOllTces du milieu pour leur
réalisatiol1
.
Tl n'est pas
question de construire lin paradis aux jeunes délinquants ou
pré-délinquants, mais bien plutôt d'oeuvrer pour que ces per-
sonnes en développe~ent ne s'installent
pas définitivement dans
une délinquance danréreuse pour la société et, probablement,
nour elles-mêmes aussi.
En ce qUl concerne les auteurs d'infractions adultes.
on devra certainement aussi envisager d'autres mesures que
l'emprisonnement, m~me si la sclérose de leurs schèmes
de
relations interpersonnelles réduit passablement leur chance
de rêinsertion sociale.
neIllent
Supprimer l'emprisonne~ent en tant que peine, malS
pas les prisons, c'est restituer à ces établissements leur
fonction première qlli
Fut de tenir J la disposition de la JUs-
tice des personnes sur lesquelles pèsent des soupçons
~f
E.
';'"amerel los et
r;.
Kellens;
Cl!!
ci. t J
[J.
109 et SUI vantes)
dans l'attente d'~n juremeilt. Ce rôle est devenu aujourd'Illii
secondaire.
Si l'on posait allx ahicljanais la question de savoir
- ~so -
la fonction
de la prison, on en trouverait probablement qUl
répondraient que cet établissement a été conçu nour recevoir
les voleuTs~ les han(~its, tOll5 ceux elui. SOlIt condamn6s flar le
tribunal pour avoir enfreint la loi.
La pr1son est devenue le
lieu 00 délinqllants et criminels achèvent leur course aux
frais, bien entendu, des contrihuables.
Les propos tenus par
des Africains et suivant lesqllels l'on envoie les bandits se
reposer en prison ne SalIt nas tout a fait dénués de fondement.
La suppression de
J'emnrisonnement en tant que sanc-
tion ne veut pas dire qu'on remercie purement et simplement
tau tau t e u l'cl' in f r a ct ions â l a I 0 i, a Il te rm e d' un j II r: e men t où
celuiyci a été reconnu coupable. En pays sous-développés, il
parait absurde d'entretenir r:ratuitement une nonulation de
personnes valides} ne rien faire.
La surpression de la pelne
d'emprisonnement sirnifie qu'à celle-ci l'on
substitue une
autre sanction consistant en l'obligation pour le condamné de
travailler, mis â part les cas de maladie signalée et consta-
tée par l'équipe médicale en nlace. Ce travail qui
s'effectue-
ra nécessairement dans un cadre extra-urbain, devra présenter
des difficultés graduées de façon qu'il diffère par quelques
aspects de celu.~ qu 'ac:colllp1 j t:
1.' homme libre dans la vie quoti-
dienne. On pourrait, par exemple, ciélimi~er des portions de
forét et y envoyer travailler des condamnés sous la rarde
d'éléments des Forces Armées Nationales prénarés spécialement
pour cet encadremellt.
[.cs condamnés résidel"ont obliratoircmcnt
- 851 -
sur les lieux, d~n5 des Il'lbitations I,âties avec des matériaux
locallx disponibles.
fIs aurollt ell charfe l'entretiell de ce
cadre de vie. Une partie clu IHodui t cie
leur travail
serVlra
~ les nourrir; l'autre rar-cie sera l~ons~lct'éc aux oeuvres
sociales. De cette façon, les I,risons pourront se suffire 3
elles-mêmes au lieu de demeurer une source d'hémorragie fi-
nancière nour le nays.
Enfin)
des
criminels et ':lélinqu2nts
jeulles ~l:~X
adultes, on se trouve en face d'une population en renouvelle-
ment constant et dont llencadrement et la prise en charge po-
sent le problème de la coordination des efforts et des actions
au niveau de la ville d'Abidjan.
b.4.
)
Nécessité de coordonner les actions
de traitement et de resocialisation
Les questions passées en revue jusqu'ici paraissent
tron i~portantes nour être abandonnées ~ une seule autorité.
On constate que dès lors qu'il s'agit des jeunes,
les Douvoirs
publics ne reculent jamais clevan~ les moyens à mettre en
oeuvre nour satisfaire ceux qll'on désigne par l'expression
"esnoir de la nation".
lIn
int~rêt Yéf?l ,=st att8ché 2 !Ollt ce
qui touche la jeunesse en Côte d'Ivoire.
Plusieurs rninistêres sont concernés par les problèmes
de jeunes: le Ministère de 1 '!'ducation Nationale ch;ln;ée de
- s ~ 2 -
de l'Ensei~nement
. ,
.~
Secondaire et Sun0rieur
le ~Ijnistôre de
l'Ensei~nement
..
Primaire et de l'Education
.
l'rê-scolaire
- ,
le
Ministôre de l'Ensei~Jlement Technique et de la Formation
Professionnelle, le Ilini stère de la Jeunesse et des Sports,
de l'Information et de la Cultllre,
Le Ministère des Affaires
Sociales, bref, c'est tout le Gouvernement qui s'occupe des
jeunes. Aucun ~Iinistère n'est v0ritalJlement énargnê. On com-
prend nartiellement pourquoi la coordinatioll des actions au
niveau de la cité suscite quelques difficllltés en dépit de la
bonne volonté que manifestent ceux (lui
ell
sont chargés.
Exemple, dans l'enceinte d'un Lvcée,
le jeune est sous la zou-
verne du Ministère de l'Education Nationale. ~ais si le même
jeune est pris dans une partie de drogue au sein du même
établissement, son cas relève alors de la compétence des
~1inistères de la Sécurité Intérieure, de la Justice puis
des
Affaires Sociales éventuellemellt.
Un comité interministériel
serait prDbablement bien
indiqué pour coordonner toutes les actions en faveur des jeu-
nes désoeuvrés
l'rf-délinquants et délinquants
; actions
entreprises aussi bien par les nOUVOlrs public que nar des
organismes privés.
La pestion de la délinquance nécessite une
mIse en commun,
un parta.<.'.e des
conn;;:llssances et des
informa-
tions et une coordinatioJI des actions. On évitera ainsi une
déperdition des énergies,
le cloisonnement auquel on est sou-
vent conduit pour des raisons relatives à la circulation des
- ss~ -
inÇormations. L'efficacité et le succès de la pr6vention,du
traitement et de la resocialisation des minellrs délinquants
abidjanais sont à ce nrlX.
3 - En guise de conclUSIon, quelques observations
Une société nouvelle est en train dc sc créer ~
Abidjan et qUI pose déjà aux autorités administratives et
politiques de très nombreux problèmes dont celui des disposi-
tions qu'il convient de vrendre pour traiter des criminels
et délinquants.
- La société abidjanaise devra orf.aniser la défense
contre la criminalité à partir de ses propres ressources.
C'est dans cette persnective que des propositions ont été
faites qui ne p~étendent être ni les seules imaginables dans
la situation de la ville ni les seules qui conviennent aux
problèmes exposés.
- C'est dans l'application d'une mesure ou d'une pro-
position qu'apparaissent les limites et conséquemment le be-
soin de rectification. On est loin des dopmes qui ne süllffrent
de modifications.
Il faut cependant beaucoun de courage pour
innover
vour exoérimenter l'inédit dans le domaine social.
,
..
.
- Sans une volonté politique vé]"itable,
aucune pro-
position d'actions ne peut concrètement se réaliser. Cette
illtervention du politique et dc l'administratif cst d'autant
plus nécessaire ICI qu'il s'a~it de créer des h~bitudes.
d'utiliser des
forces du mi 1ieu,
des
ressources Qui sont con-
sidérées comme des éléments ,lu passé
(associations vilJageoi-
ses.' amicales,
etc) mais 'lui
continuent d'orienter les con-
duites.
Hormis ces remar'lllcs, on doit souligner les diffi-
cultés réelles inhérentes 2 l 'organis8tion de la défense so·-
ciale contre le cri~e ~ Abidjan; difficult0s (Illi se tradui-
sent par l'inadaptation de plusieurs strllctures dans la llltte
contTe l' 811ti-socièl lité
, par la mobili té des résidents,
le chô-
T'lage et le désoeuvrement,
1'1 diminution du pouvoir d'achat,
l'absence ou l'illsuffisance d'intégration sociale des indivi-
dus et enfin par le cloisonnement des différents services de
la dé~ense sociale. L'importance des variables économiques,
sociologiques, pyscholoriaues et politiques 2 l'oeuvre requiert
la narticipation effective de l'Etat dans la lutte contre la
criminalité. Cette lutte devra faire l'objet de nlanification
et s'intégrer aux différents projets de développement social
et économique de la ville d'Abidjan.
CON C LUS
0 N
- 85b -
On peut il présent se demander si
1 'hypothèse à partir
de laquelle ce travail a été organisé est confirmée ou non, à
saVOIr:
La pluralité des cultures qui entraine une diversité
des valeurs socio-culturelles et des règles morales,
la crois-
sance économique et démographique très rapide connue par Abidjan
en moins d'un siècle, d'une part; et d'autre part l'importation
d'institutions sociales en particulier le Droit, pour réglemen-
ter les conduites individuelles et collectives,rendent compte
des difficultés d'intégration à la ville et de l'augmentation
de la criminalité. Avant de répondre,
il y a lieu de rappeler
les principaux faits qui se sont dégagés tout au long de ce
travail, il savoir;
- A partir de rassemblement d'hommes d'origines cultu-
relles diverses provoqué par une croissance économique san pré-
cédent en Afrique de l'Ouest, Abidjan s'efforce, non sans peine,
d'édifier une société.
Le taux très élevé de l'imlligration
et de l'exode
rural ainsi que la mobilité très grande de la population consti-
tuée en majorité de jeunes individus, posent aux pouvoirs pu-
blics plusieurs problèmes dont celui de l'aménagement de la vil-
le et de la maitrise de sa croissance.
- RS7 -
L' occupat.ion indifférenciée des
logelllents consécu-
tive
~ une absence vOlllue de politique qUl favoriseralt le
regroupement spatial des individus en fonction de leul· origine
ethnique, obstacle majeur ~ un "mélange-humain" d'où sortirait
une véritable société ivoirienne, n'a pas ellcore pl·oduit le ré-
sultat attendu.
- La multipllcité des valeurs et des normes culturel-
les résultant de la coexistence des populations de différentes
origines au sein de la même cité est génératrice d'embarras au
plan de la conduite individuelle et collective. Cette pluralité
et cette diversité des coutunles favorisent par ailleurs, l'op-
portunisme chez l'individu.
- L'anaiphabétisme, l'absence de qualification profes-
sionnelle, le bas niveau des revenus et le chômage contraignent
la m2jorité des individus venus pourtant ~ Abidjan dans l'espoir
de faire fortune, ~ une situation économique misérable sans pos-
sibilité de participation réelle ~ la société de consommation
qui s'édifie autour d'eux.
- La recherche de l'aide matérielle ou n.orale par les
individus 2
travers
les yegycupcments à bâse villageoise,
ré-
gionale ou confessionnelle est un signe manifeste de leur pro-
fonde inadaptation"
la société globale.
-
858
-
- Les loisirs et plus particulièrement ceux de masse
dont on pourrait attendre une contribution décisive â l'inté-
gration sociale des individus, se revè.lcnt peu efFicaces. Tribu-
taires du pouvoir
d'achat,
les activités de
loisir créent et
renforcent la ségrégation entre les abidjanais.
Les économique-
ment faibles,
les laissés pour compte peuvent, s'ils jouissent
d'une bonne santé pllysique, donner leur musculature en specta-
cle sur une aire de jeu. Quant â la minorité qui se voudrait
bourgeoise sans en avoir toujours la mentalité, il lui est loi-
sible de pratiquer des sports individuels ou de se payer des
vacances en Europe ou en Amérique. Mais son engouement pour les
religions syncrétiques et pour le mysticisme en général, tra-
duit un malaise psychologique profondement vécu.
- Les loisirs nocturnes,
les boîtes de nuit et les
coins de repas en particulier, donnent l'occasion aux individus
de se détacher momentanément et partiellement de leurs problè-
mes. Si les premières restent des abris de la prostitution et
des lieux de vente illicite et de consommation des stupéfiants,
les seconds offrent â leurs clients une ambiance véritablement
africaine où la tradition reprend le pas sur la modernité:
- Le Droit Nouveau promu au rang d'institution natio-
nale pour harmonIser ct uniformiser les comportements des CI-
toyens sur toute l'étendue du territoire tarde à produire les
-
859 -
effets attendus.
Aussi,
la
justice traditionnelle continue-t.-elle de
résister aux assauts répétés que lu:i donne la Justice pénale
moderne.
-
Les auteurs d'infraction ~
la nouvelle
législation
ne sont pas que des étrangers. Les statistiques officielles font ap-
paraître les nationaux comme étant les plus nombreux dans la criminalité.
- En ce qui concerne les adultes, la criminalité demeure
l'aHaire des couches sociales économiquement. défavorisées.
- Le criminel ou délinquémt abidj anais se présente comme un In-
dividu âgé de 22 à 40 ans, de sexe masculin, prompt à s'attaquer aux biens
d'autrui et généralement condanmé à Wle courte peine d'emprisonnement fenne
puis à réparer financièrement les dommages causés à la victime et ~ la
société.
Les mesures, de prévention du cruœ et du traitement des cri-
minelss se heurtent à de nombreux obstacles dont le changement des mentali-
tés de la population ~ l'égard du phénanène criminel, l'insuffisance des
moyens humains et matériels.
- Quant à
la
délinquance des jeunes elle est principalement
le fait d'adolescents âgés de 14 à 16 ans, de niveau intellectuel bas ou
nul, ayant des parents faibles économiquement. Ces jewles :J8 sont pas inté-
rés à leur famille et ils vivent de larcins.
-
Face à cette fOmle d'inadaptation
sociale des jeunes,
les adultes apparaissent impUissCU1ts ; les pouvoirs publi cs et les orgaJlismes
-
860
-
privés réagissent ~ partir de moyens humains et matériels llet-
tement insuffisants.
2 - Conclusions
- La société qui se développe â Abidjan se j'évôle
três peu intégrante pour la plupart des individus qui désirent
s'implanter dans
cette ville.
Elle ressemble davalltage ~ un
agrégat de petites sociétés aux normes multiples et variées
qu'à un ensemble humain organisé sur la base des valeurs socio-
culturelles et des rêgles morales partagées par tous. Aussi
est-il difficile à l'Abidjanais, sur le plan de la COllduite in-
dividuelle et sociale, de disposer toujours de référents sûrs
et incontestable~ dans cet environnement urbain.
- La valeur apparemment la plus sûre, dans cette cité
est celle reconnue ou attribuée â l'argent par la quasi totalité
de la population qui est venue â Abidjan dans l'espoir de faire
fortune. Avec l'argent, on peut tout avoir, c'est-à-dire s'of-
frir des biens matériels en quantité et se payer toutes sortes
de loisirs. On comprend alors J'importance des délits économi-
ques dans la cité,
Dans ce contexte, la réussite dans l'éducation des
enfants prend la forme d'UII pari pour les parents qUI osent
encore s'y essayer. Mais, en général, ils sont eux-mêmes mésa-
-
86 ]
-
daptés ou inadaptés à la nouvelle société
ce qui accroit les
risques d'échec et, par conséquent, ouvre grandement les portes
à toutes les formes d'inadaptation panlli lesquelles la délin-
quance juvénile.
- Il faudra du temps all Droit Nouveau pour avoir raI-
son des mentalités locales et géllérer une société véritablement
intégrante à travers
laquelle les individus se reconnaissent.
Pour le moment,
il y a encore beaucoup plus de "voyageurs de
longue durée" à Abidjan que de personnes qui se sentent et se
disent véritablement abidjanaises.
A l'instar d'autre grandes
villes d'Afrique au Sud du Sahara, Abidjan démontre par toutes
les caractéristiques
(démographiques, économiques, sociologiques,
criminologiques, etc) examinées jusqu'ici, que tout processus de
changement de société qui ne prend pas appui sur les valeurs
socio-culturelles et morales existantes dans le milieu considé-
ré, accroit nécessairement les risques de déviance.
- L'organisation de la défense sociale contre le crime
doit se faire à partir des ressources du Inilieu. En définitive,
pour connaitre une réelle efficacité, la lutte contre le crime
doit faire l'objet de déCIsion politique. Juristes, démograpJles,
sociologues, psychologues, criminologues, psychiltres, médecins
légistes, policiers, etc, bref tous ceux qui étudient les struc-
tures et le fonctionnement de ]a société, de
la personnalité
aInSI que les différentes nlallières de se comporter de l'individu,
-
862
-
ou seulement qui s'y intéressent ~ titres divers, devront, dans
un effort co~nun, collaborer n la recherche de solutions aux
problèmes de la criminalité.
Les innovations sociales hardies
nécessitent beaucoup Je courage et de persévérance.
La ville
d'Abidjan pourra-t-elle avoir raison des obstacles à la cons-
truction, en son sein, d'une 50ciété réellement intégrante?
~ ,
:!
B 1 B LlO G R A PHI E
- 864 -
REM A R QUE S
Quelques difficultés ont présidé à l'établissement
de la bibliographie qui suit:
- Nous détenons, sous forme de notes, des informations
qui remontent au début de nos études universitaires. Nous étions
loin d'imaginer, au moment où nous travaillons dans les biblio-
thèques universitaires de Mo~tmuzard à Dijon, de la Faculté des
Lettres et Sciences Humaines de Lyon, que
les notes que nous pre-
nions nous serviraient plus tard dans la confection d'une oeuvre
universitaire d'un niveau plus élevé que celui que nous avons en
ce temps là. Ainsi, de nombreux articles lus dans des journaux
de psychologie, de philosophie, dans des numéros de la Revue de
Morale et Métaphysique, Temps Modernes et, parfois des ouvrages
entiers, sont demeurés sans des références très précises
(le
nombre de pages, le numéro du tome ou du volume, la ville d'é-
dition de l'ouvrage) sur les notes que nous avions prises. Nous
servir de ces notes dans la rédaction d'une thèse de Doctorat
d'Etat qui comporte tant d'exigences, c'est prendre des risques
Mais, n'est-ce pas aussi un grand risque que d'emprunter une ou
des idées à un auteur sans la
~~
s~gnala~
~
~
~_~
a"~ lor~eu~
~~~~
~
-1"1"
~u
, i l"l--me-me
U
J
,
peut parfois identifier la source? Des deux risques, nous avons
en définitive choisi celui qui nous évite de tomber dans la
malhonnêté intellectuelle. C'est pour quoi,
lorsque l'auteur
-
865 -
présente un intéret particulier pour la question qui est étu-
diée et qu'il est notamment cité, son nom est indiqué en bi-
blIographie
ainsi que le titre de l'article ou de l'ouvrage,
meme si les références ne sont pas complètes.
- Pour une raison d'uniformisation, nous avons choisi
de présenter les ouvrages et les manuels sans préciser le nom-
bre de pages et ceci, même pour ceux d'entre ces documents que
nous possedons personnellement.
Nous regrettons de nous être retlouvé dans cette SI-
tuation et nous nous en excusons sincèrement.
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- r 1 1 -
CODE
ET
NO,'1ENCLATURE UTILISES
A-/
IDENTIFICATION ET LOCALISATION
SEXE
M ~ Masculin
NIVEAU D'INSTRUCTION
F ~ Féminin
l
illettré
AGE
exprimé en Année
L
lettré
o ~ âge inconnu
NATIONALITE
l
~
Ivoirienne
E ~ Etrangère
o ~ inconnue
PROFESSION
1 ~ Couches aisées
Fonctionnaires supérieurs-Commerçants
étrangers-Cadres du privé-Directeurs
de société.
2 ~ Couches moyennes
Fonctionnaires moyens-Boutiquiers
(étrangers)-Agents de Maîtrise-
Armateurs-Contrôleurs-Infirmiers
et Sages-Femmes-Secrétaires de
Direction, Ccmptables.
3 - Couches populaires avec salaire régulier
: Employés
subalternes-Agents inférieurs de la
Fonctio~ Publique-Adjoints administr2t~fs
Ouvriers-Employés de Commerce et
d'industrie-Secrétaire Dactylographe-
Dactylographe-Journaliste-Militaire-
policier-Commis-Magasinier-Matelot-
Agents-Préposés-Plantons.
-
[V
-
4
Couches populaires sans salaire régulier
:
Petits commerçants-Artisans-Transporteurs-
Vendeurs-Garagiste-Tapissier-Chaudronnier-
Courtier-Tolier-Démarcheur-Soudeur-Couturièr
Photographe-Coiffeur-Dépanneur radio-
Coordonnier-Vulgarisateur-Electricien-
Tailleur-Mécanicien-Maçons-Domestiques-
Menuisier-Prostituée.
5 = Sans Profession
Châmeurs-élèves-Ménagère-etc ...
o = Profession inconnue
STATUT MATRIMONIAL
Enfants
1
=
Célibataire
0
=
sans enfant
2
=
Marié
(e)
1
=
1 enfant
3
=
Divorcé
(e)
2
=
2 enfants
4
=
Veuf
(ve)
etc
...
0
=
Inconnu
99 =
inconnu
QUAR~IER DE RESIDENCE
=
Abidjan-Plateau
8 = Cocody
16 = Yopougon
2
=
Treichville
9 = Marcory
20
= Abidjan-Port
3
Adjamé
10
= Attiécoubé
21
=
Abidjan-Aéroport
4
=
Zone 3/4
1 1
= \\Vi lliamsville
22
Abidjan RAN
5
=
Port-Bouet
1 2
= Deux-Plateaux
99 = Hors d'Abidjan'
6
=
Koumassi
1 3
= Abobo-gare
"
v
=
Inconnu
7
=
220 Logements
14
=
"
"
15 =
"
"
- V -
B-/ NOMENCLATURE DES INFRACTIONS
= Crimes contre les
2
= Crimes contre les
3
= Crimes contre la
Personnes
Biens
chose publique
Violences et Voie de fait
Vol qualifié
Violence à fonctionnaire
- Meurtre et Assassinat
- Recel qualifié
ou rragistrat
Parricide
Abus de confiance
Détournement de deniers
- Enlèvetre"1t de mineurs
- Extorsion de signature
pilllics
- Drpoisonnetre"1t
- Incendie volontaire
- Fausse m:Jnnaie
- Coups et blessures
- EscrD:IUcric
- Faux en écriture publique
'
volontaires
O1èque sans provision
Association de rralfaiteurs
- Coups m:Jrtels
- Autres destructions.
- Autres crimes contre la
- Viol, attentat à la pudeur
chose publique.
Violence de domicile ou
de correspondance
- Rapt, enlèvement d'enfant
Avortetre"1t - Infanticide
Abandon d'enfant
Homicides et blessures
volontaires
Vente chanvre indien
Détention-Gonsammation
chanvre indien
- Autres crimes contre
les personnes.
DATE
Exprimée en Mois et Année
ex
1 -
79
= Janvier 1979
DEFERE
o
=
Oui
N
=
Non
-
li 1 -
C-j SECONDE NOMENCLATURE DES INFRACTIONS
INFRACTIONS DES FONCTIONNAIRES CONTRE LEUR DEVOIR
------------------------------------------------------------------
11
COALITION DE FONCTIONNAIRES
12
DETOURNEMENT DE DENIERS PUBLICS
13
SOUSTRACTION DE TITRES PUBLICS
14
CONCUSSION
15
AVANTAGE ILLEGITIME
16
ABUS D'AUTORITE
17
CORRUPTION
18
CORRUPTION PASSIVE
19
CORRUPTION DE FONCTIONNAIRES
2
INFRACTIONS CONTRE GARANTIES DONNEES PAR L'ETAT
------------------------------------------------------------------
21
FAUX ET USAGE DE FAUX
22
EMISSIONS DE CHEQUES SANS PROVISIONS
23
FAUX TEMOIGNAGES
24
USURPATION ET USAGE DE TITRE OU FONCTION
25
DETENTION D'Afu~ES, DIVERS
26
PERTE DOCUMENT
3
INFRACTIONS CONTRE SANTE SALUBRITE ET MORALITE
31
DETENTION D'OEUVRES PORNOGRAPHIQUES
32
FABRICATION D'OEUVRES PORNOGRAPHIQUES
33
IMPORTATION D'OEUVRES PORNOGRAPHIQUES
34
VENTES D'OEUVRES PORNOGRAPHIQUES
35
PROXENETISME
36
ATTENTAT AUX MOEURS
36
PROSTITUTION
4
INFRACTIONS CONTRE LES PERSONNES
40
MEURTRE ET ASSASSINAT
41
EMPOISONNEMENT
42
COUPS ET BLESSURES VOLONTAIRES
43
ENLEVEMENTS D'ENFANT,
DETOURNEMENT DE MINEUR,
VIOLENCES
SUR MINEUR
44
HOMICIDE INVOLONTAIRE
45
BLESSURES INVOLONTAIRES,
ACCIDENT DE LA CIRCULATION
46
VIOLENCES ET VOIES DE FAIT
47
ABANDON D'ENFANT,
DISPARITION
48
VENTE DE CHANVRE INDIEN
49
DETENTION CONSOMMATION DE CHANVRE INDIEN
5
INFRACTIONS CONTRE LES MOEURS
51
VIOL
52
ATTENTAT A LA PUDEUR
53
VAGABONDAGE
54
INSTRUCTION DU PARQUET
-
li 1 l
-
6
INFRACTIONS CONTRE LES BIENS
61
VOL SIMPLE
62
VOL QUALIFIE
63
VOL EN REUNION
64
VOL A MAIN ARMEE
65
TENTATIVE DE VOL
66
DETOURNEMENT
67
ABUS DE CONFIANCE,
ESCROQUERIE
68
RECEL
69
VIOLATION DE DOMICILE.
o - CODIFICATION DES PEINES
H
~
H
>
CODE
CODE
Durée de la peine
1
1
Condamnation simple
1
Moins de 6 mois
2
Moins de 1 an
2
Condamnation + Amende
+
Dommage Intérêt
(D. Ii
]
De 1 an à 2 ans
]
Condamnation + Amende
4
De ]
ans à 5 ans
+
Interdiction séjour
5
Au-dessus de 5 ans
4
Amende seulement
--
.'
6
Non indiquée
5
Sursis
1
--
6
Relaxe
1--
Condamnation + Amende + Inter-
7
diction Droit Civique
8
Autre peine
Remarques
:
9
Peine inconnue
1 -
Lorsque la condamnation à payer une somre d'argent
intéresse plusieurs individus, diviser la somre par
le nombre de personnes.
2 -
Lorsque la peine FOrte sur le versement d'une arrend,
puis de dommage intérêt, fair la somœ de ce que
l'individu doit payer.
]
-
Il n' y a pas de code FOur les sornœs à payer.
Inscrire directement le montant dans la colonne
prévue.
.,
"
.
i
IJ
.'
"
,
\\
Il'
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1976
1977
1978
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Débi tés
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215 809
189 542
269 057
152 070
162 824
Cacao
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219 433
173 652
288 247
389 584
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205 637
158 725
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Bananes
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119 314
150 747
120 466
122 203
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Ananas frais
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71 810
101 849
103 872
96 155
100 730
Huile de paJme
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55 880
70 010
28 894
80 075
35 b94
Coton
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65 764
69 250
79 327
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Exportation du CAFE VERT et du CACAO en Fêves
Source:
Direction de
13 Statistique
Bulletin Mensuel de Statistique
N°
1 ii
7 Juillet
1981
N°
8 ii
9 Septembre
1981.
SI11JATION~IATIU~DNIALE DES OCQJPANTS DES IlAIllTATS
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DE ST!lNDING
Al) mURS DE L'ANNEë '1979 (1).
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(1) Source
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op. cit, p.
250.
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L'IIABITAT EVOUITIr
AU COURS IlE l.' N'JN2E 1979 (1).
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(1) SOU]'ces
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Les \\ sont calculés pour chaque groupe d'Ages.
(1). Source;;
Enquête Mmogr3phique li l'as sages Répét~s,
op. cit, p. 253.
FRATERNITE MATINIVENDiltOI n MARS )985/PAGE 1
XV]
TABLE RONDE AVEC LES AVOCATS
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245
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Personnes
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129
230
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-
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%
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JUSTICE
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24
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26
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Effectif
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4 -
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%
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11, 1 1
16
100,00
2 - ç~n~~ti~!]_:!:~~_:_~~g~_In!:~~!:.
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31-40
41-46 +46ans
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Age
0-21
22-30
31-40
41-46
+ 46 ans
T
-
E
275
1055
693
180
176
2379
E
24
169
203
82
81
559
-
%
11,5
44,3
29,1
7,6
7,5
~OO,OO
%
4
30,2
36,3
15
14,5
100,00
x
~
x
x
3 - Condarmation + Arœnc1e + Interdiction
6 -
~__~ __~__~__~_ E
------------------------._----------
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0-21ans
22-30
31-40
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Age
0-21
22-30
31-40 141-46 l+ 46 ans 1
T
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%
14,8
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25,9
3,3
3,7
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%
12,5
48, 1
23,6
7,7 r"
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1
%,
8,1
7 - ~~!~~~_e=!~~~
8 - Peine inoonnue
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T
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0-21
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31-40
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T
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E
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%
10,3
58,6
21
7
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%
4,8
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32,1
9
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PROFESSIONNELLES DE
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60
21l
3
7
129
ENSEMBLE
70
47
143
49
6
16
F
- XXXIII -
Liste des Centres Sociaux eL Services Sociaux Sp8cialisês
(Hospitaliers et Scolaires) et le Nombre de Responsables
cie Services J la 'Date du 23 Novembre 1982
o
o
0
Nbre de Responsables de Sce
1 - Centre Social Port-Bouet
(SèAr.) .....
2
Tél
36 48
88
2 -
Centre Social Koumassi
(6è Ar.) . . . . .
2
Tél
36
1 3 S4
3 -
Centre Social Habitat
(2è Ar.) .....
2
Tél
35
7S
62
4 - Centre Social Avenue
(2è Ar.) .....
2
S -
Centre Social Adjamé-Santé
(3èAr.) .....
2
Tél
37
43
98
6 -
Centre Social des 220 Logements
(9è Ar.) .....
2
7 - Centre Social Attêcoubé
(lOè Ar.) ....
8 - Centre Social Abobo-Gare
(14è Ar.) ....
2
9 - Centre Social Yopougon Niangon-Sud (16è Ar.) ..... l
10 - Centre Social Anono
(8èAr.) . . . . .
2
-
\\\\\\i\\'
-
1 1 -
Cer~tre
Social Cocody
(80 Ar.) ......
2
Tél
.1 tl
2:S
01
' 7
(2é
1 c
-
Centre
Social
CHU Trcichvi Ile
i\\r.)
2
Tél
36 91
22
P.
251
13 - (entre Social CIIU Cococl)'
(8è .'\\r.)
2
Té 1
4 ,1
09
07
14
-
Serl'ice Socia1'Hôpital Fort-Bouet
(Sc' i\\ r
)
. . . . . . .
15 -
Service Social Scolaire Port-Rnuet
(5è A1'.) . . . . . .
16 -
Ser\\'icp Social Scolair~ Plateau
(le~· .'\\r.) .....
2
17 -
Service Social Adjamé Celltre
(3èAr.) . . . . . .
2
T é l :
37
41
62
1 .S
SeT\\'ice Soc~al
r 1.;;;'
".,...
"
\\.,.)......
r \\ 1
•
)
• • • • • •
Tél:
37
11
04
19 - Sel-vice Social
SC01Ril"e Cocody-S~!d
(8;3.
1.
-
L\\".)'
• • • •
•
• • • • •
2
TiSI
:
44
31
50
20 -
Service Social Scolaire Avenue
Treich.
(ZèAr.) ....
21
-
Service Social Adjamé Nord
(3è Ar.) . . . . . .
1
Tél
3711
8t1
-
\\\\Xv -
T ABLE
DES
Il A T 1 E RES
P AGE S
AVANT-PROPOS
INTRODUCTION ........................................
2
PREMIERE PARTIE : PROBLEMATIQUE
7
ANALYSE DES CONCEPTS :
INTEGRATION SOCIALE
CRUII NALI TE
DELINQUANCE
SECTION 1
ANALYSE DU CONCEPT
"INTEGEATION SOCIALE"
7
-
ta Notion d'intégration en Biolo-
~~
,,..A.'':..c.~,:-,,,
h
b'
1
.
(ogle et7;e~ Psyc 0-
l a
ogle
.. , . . . .
8
l'''~.... , .
'="/
.\\.,"\\
2 '~~a Notion d'( intégration en
,~ r,AME.. _\\~'
u_ .Ec,onOffi'lj',h , , ,
, .. , . , , . , .. ,
1 3
3 \\(~:~Not~~d'intégration en Socio-
l'ôg:t~t'l' en Psychologie Sociale ...
1 8
SECTI ON II
LA NOTION DE CRIMINALITE
-
Le concept de crime en Sociologie.,
32
2 -
Le point cie vue cie el,
t,:eaci sur
l'évolution des sociétés en rap-
port avec la notion cie crj,me
. . . . . ,
3S
3 -
Le point de vile
juridique."", .. ,
41
a)
Le Droit Pénal."., .. ,
,,_
42
b)
L'Infraction
_
,
46
-
XXXV]
-
P ACE S
SECTION III
LA NOTION DE DELINQUANCE
1 - Aperçu historique
50
a) Usage actuel du concept
51
b) A quoi peut faire penser
l'épithète "Juvénile" ?
56
2 - Définition
.
62
aJ Délinquance, concept sociolo-
gique
?
.
64
b) Délinquance, concept juri-
dique ?
.
66
c) Délinquance, concept Médico-
Psychiatrique?
.
68
d)
La notion de délinquance en
Psychologie
;
.
70
e) La notion de délinquance en
Criminologie
.
71
SECTION IV
L'APPROCHE HTHODOLOCIQUE
1 _ Les problèmes en rapport avec
l'objet
.
78
2 -
Les problèmes relatifs à la
méthode et aux techniques
.. . . . . .
79
a)
L'échantillon.
79
b) La collecte des informations
80
b.l.
-
Les gril.les ou fiches
de dénombrement
81
-
\\\\X\\'ll
-
P AGE S
b.2. - La collecte des infor-
mations proprement dite.
81
c)
Le traitement des informa-
tions
82
col. - La codification
82
0
c . 2 .
Le traitement par or-
dinateur
82
0
.
d) Autres sources d'information..
84
DEUXIH1E PARTIE
CONSIDERATIONS GENERALES SUR LA
SOCIETE ABIDJANAISE
DONNEES HISTORIQUES, DEMOGRAPHIQUES,
ECONOMIOUES ET SOC! ALES ..
88
0
• • •
• •
• • •
• •
•
CHAPITRE I : HISTOIRE - DEVELOPPEMENT ECONOI"IQUE..
88
SECTION I :
L'IMPLANTATION DE LA VILLE
D'AB I DJ AN
90
0
0
• • • • • • • • • • •
0
1 - La création d'Abidjan, troisième ..
capitale de la Côte d'Ivoire . . . . . . .
90
2 - L'évolution démographique .........
92
a)
La vi lle coloniale .............
96
b)
La ville portuaire .............
97
c)
Le nouveau périmètre ...........
98
d) Les quartiers d'Abidjan ........
101
-XXXVIJI-
l' A G E S
SECTION II
LE DEVELOPPHlENT ECONO~:r QUE
104
1 -
La contribution du Canal de Vridi.
104
2 -
Le Port d'Abidjan
105
a) La physionomie de la ville
106
b) Le rôle économique du Port
109
3 -
Les autres secteurs d'activités
..
1 22
a)
Les industries
.. .. . .. .. . .. . ..
.. .. .. .. .. ..
~
122
b) Les industries alimentaires
...
126
c) Le commerce
128
CHAPITRE II
LA SOCIETE AB1DJANAISE .... ,
..
142
SECTION 1
CARACTERISTIQUES DE LA POPULATION ..
145
1 -
Abidjan, ville peuplée de ruraux
et d'étrangers
147
2 -
Abidjan, ville où les natifs sont
minoritaires dans la population....
154
3 -
Abidjan, ville peuplée de jeunes..
158
SECTION II
LA SOCIETE ABIDJANAISE
165
1 -
Le logement, cauchemar de
l' Abi dj anais
...............................
166
2 -
La Famille: problèmes généraux
et spécifiques....................
176
a)
Problèmes généraux
176
b) Problèmes spécifiques....
179
-
:\\:\\\\1\\ -
P AGE S
- Situation matrimoniale de la
population
180
- La société abidjanaise, socié-
té rurale?
187
Les relations sociales... .....
187
- Le mariage
,..
190
La naissance
, . " . "
.192
La maladie et la mort ..•.. ,...
198
3 _ Natifs abidjanais - jeunes et valeurs
soci.ales
:
, . . . . . . . . . .
205
- Les jeu~es et les valeurs
sociales
207
IlIBE-ll
LES STRUCTURES D'INTEGRATION
A LA VILl.E
l NTRODUCTI ON . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.
21 7
CHAPITRE I
LES STRUCTURES D'INTEGRATION
ECONOI'-IIQUE
.
220
SECTION l
:
L'EMPLOI
220
1 - Le niveau de formation intellec-
tuelle ou technique de la popula-
tion abidjanaise . . . . . . . . . . . . . . . . . • . .
223
2 - Les possibilités d'emploi offertes
aux résidents dans l'agglomération
abidj anaise
229
- xxxx -
P AGE S
Les activités et emplois re-
levant du primaire..
235
Les activités et emplois re-
levant du secondaire ...... ,..
235
Les activités et emplois re-
levant du tertiaire..........
237
3 - La population d'âge actif dans
l'agglomération abidj anaise . . . . . . .
239
4 - La population active abidjanaise
241
SECTION II
:
LE CHŒ·IAGE -
LES CAUSES
1 - Le chômage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
256
~
1
2 - Les causes du chômage . . . . . . . • . . . . .
262
a) Le chômage à Abidjan : un
problème de
- mentalité •••••••••••••• 1 •
263
- société ..................
265
b) La gestion de l'emploi et la
qualification professionnelle
266
.La qualification profes-
sionnelle .... ..... .... ...
269
SECTION III
REVENU ET CONSOMMATION
274
1 - Les niveaux de salaire ou de
revenu de l'Abidjanais
274
2 - La consommation
..
287
-
XXXX)
-
P AGE S
CHAPITRE II
Les STRUCTURES D'INTEGRATION
SOCIALE, .•.••.. ,
" .
. .
299
SECTION 1 :
LES ASSOCIATIONS.............
302
1 - Les regroupements à base villa-
geoise ou ethnique
,
302
2 - Les associations à base régionale
308
3 -
Les regroupements à base corpo-
rative
,
313
4 - Les Associations à bases con-
fessionnelle
, . , . . . . .
316
- Les Associations Chrétiennes.
317
- L'Association Musulmane "'0'
319
- Associations d'inspiratiqn
syncrétique ou mystique. . . . . . . . .
321
SECTION II
LES CLUBS
. . . . . . . . . . . .. . . . . . .
. .
325
- Les clubs de quartier.............
328
2 - Les clubs de sports ou de
loisir en général
..... , ... , . . . . . . .
334
SECTI ON I I I
ALJfRES STRUC11JRES D'INTEGRATION
A LA SOCIETE ABIDJANAISE
340
1 -
Les salles de spectacles
341
a)
Le cinéma
, .. ,
.
341
b) Le théâtre •••••••••••••• ! ••••••
345
2 - Les boîtes de nuit,
les res tau··
rants et les maquis
............ , ..
347
-
X\\\\Xlf-
P AGE S
a)
Les boîtes de nui t
347
b)
Les res taurants et ] es maquis
..
350
CONCLLJSION
........
365
~
:
~.\\
TROISIEME PARTIE:
LA CRI~!INALITE
A ABIDJAN
INTRODUCTION
CONSIDERATIONS CENERALES .. , . . . . . .
370
CHAPITRE l
LA JUSTICE PENALE IVOIRIENNE
MODERNE..............
376
1 - Aperçu historique................
376
2 - Difficultés relatives à la promo-
tion du Nouveau Droit
382
a) de l'incompatibilité de la
justice pénale coutumiêre av~c
les exigences de création
d'un Etat moderne
....
. . . . . . . . .
385
b)
I.es pratiques d'l Droit Pénal
moderne, motrices d'unification
des peuples dans les Etats nou-
vellement indépendants.... ...•...
394
L.l. - L'éviction du Droit tradition-
nel par "déculturation"
395
- Obstacles d'ordre religieux...
396
- Obstacles d'ordre psycholo-
gique
397
- Obstacles liés à l'attitude
ambivalente des juges........
399
- Cbstacles liés à la procédure.
401
- XXXXIII
-
P A G F S
Obstacles
cI'ordre SOClO-
logique
40 2
-
Obstacles liés à l'équipe-
ment
403
b.2. - La résistance de IiI justice
tradi tionnelle à la "décultu-
ration"
404
-
Au niveau des individus
405
-
Au niveau de la société
globale
406
b.3. - Evolution des mentalités par
le Droit et pour le Droit......
409
CHAPITRE II
ETUDE STATISTIQUE DES CRIMES ET
DELITS
' . '
.
.
425
1 -
La criminalité réelle ~ Abidjan
peut-elle être connue?
427
a)
La technique d'auto-confession..
429
a.l. - La connalssance de la loi......
430
a. 2. - La connais sance de la véri té '.'
430
a.3. - La disponibilité cie l'individu..
431
b)
Les enquêtes sur les
victimes
en tant que moyen d'investiga-
tion sur les crimes et les dé-
lits cachés
433
b . 1. - L' iIpti tude cles pers onnes à se
rappeler les crimes et délits
dont e11es ont été victimes
ou connus d'elles
:
434
-
XXXXIV -
P AGE S
b,2, - La connalssance de la vérité
et la capacité de la dire,
434
b.3. - L'existence de délits et de
crimes sans victimes apparen-
tes.............................
438
c) La criminalité réelle 1 Abidjan
439
c.l. - L'ignorance ou la méconnais-
sance de la loi..................
441
c.2. - L'opposition à la nouvelle
légis lation
,...........
442
c.3. - L'insuffisance de la protection
des citoyens. La vengeance du
coupable ou de sa famille ... ,.,..
444
2 - La criminalité apparente 1 Abidjan..
446
3 - La criminalité légale ou officielle..
452
4 - Etude statistique des crimes et
délits 1 Abidjan au cours de
l'Année 1982
457
a) Au niveau de la Police et de
la Gendarmerie...
458
a.l. - Approche géographique du crime..
469
a. 2. - Caractéristiques psychosociolo-
giques des crIminels et délin-
quants abidjanais
.
482
a.2.1) Age et criminalité
483
a.2.2) Statut matrimonial
et criminalité
487
- XXXXV -
P AGE S
b) Au nIveau du Minist~re de la
Justice...
. ..
. ..
495
b.l. - Quelques aspects de la crimi-
nalité légale de l'année 1982..
500
b.2. - Approche écologique du crime à
partir des données judiciaires..
512
b.3. - Caractéristiques psychosociolo-
giques des criminels légaux
529
b . 3 . 1) L'Ag e . . . . . • . . . .
530
b.3.2) Le statut matrimo-
nial
533
CHAPITRE I I I
LES STRUCTURES DE PREVENTION
ET DE TRAITEMENT
1 -
INTRODUCTION
'"
. . . • . . . • . . . . . . • . . .
543
1 - La prévention du CrIme
549
a)
La prévention générale
550
b)
La prévention spéciale
554
c)
La prévention d'ordre indivi-
duel
562
2 - Le traitement des délinquants et
des criminels
.
565
II -
LES STRUCTURES DE PREVENTION ET DE TRAITE-
MENT
A -
LES STRUCTURES DE PREVENTION
. . . . . . . . • . . . . . . .
577
a)
La p o l i c e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
578
a.1.
- Organisation de la Sûreté
Nationale de la Côte d'Ivoi re .
579
-
XXXXV l
-
P AGE S
a. 2, - Moyens humains et mété-
riels de la SOreté
. .....
5S5
a.2.1) L'effectif
585
a.2.2) Les moyens matériels..
594
b) La Gendarmerie............. ....
596
b . 1 .
Organisation
.
598
b.2. - Moyens
599
c) Les Tribunaux
601
•
•
•
•
•
•
•
•
4
•
•
•
4
•
~
~
•
•
B - LES STRUCTURES DE TRAITEMENT
a) Les prisons,
les ma1sons de
correction et les camps pénaux.,
609
b) La Maison d'Arrêt et de Correc-
tion d'Abidjan..................
614
b.l. - Aperçu historique . . . . . . . .
614
b.2. - Infrastructure maté-
rielle
.
61 5
b.3.
- Organisation - Fonction-
nement
617
QUATRIEME PARTIE
LA DELINQUANCE DES JEUNES
INTRODUCTION
625
CHAPITRE l
ETIOLOGIE DE LA DELINQUANCE
DES JEUNES A ABIDJAN
.
631
1 - Etat de la question................
633
a)
Les recherches privilégiant la
réaction sociale
633
- XXXXVll -
P AGE S
b) Les rech.erches axées sur le
chiffre noir de la délinquance...
633
c) Les recherches axées sur le
diagnostic et le pronostic
634
d)
La délinquance en tant que trou-
ble de l'adaptation individuelle.
635
e) Les recherches orientées vers
le fonctionnement des organisa-
tions sociales
, . . . . . . . . . .
636
f)
Les recherches orientées vers
les modalités de prise en
charge..
637
2 - Les causes de la criminalité juvé-
nileàAbidjan
,.,
,....
639
~) Les facteurs d'ordre sociolo-
glque
,..
640
a.1.
- La Famille abidjanaise
moderne en tant que
milieu dissociaI?
650
a.2
- Le Divorce
.
b) Les facteurs d'ordre économi-
que et urbain...................
659
b.l.
- Le développement économi-
que,
fac~eür criminûgène..
659
b.2. - Les facteurs d'ordre
urbain . . . . . . . . . . . . . . . . . .
671
~
c)
Les variables d'ordre psycholo-
glque
677
-
XXX\\Vl!!
-
P AGE S
c,J,
" Les conditions de VIe
dans la structllration
de la personnalité .. ,....
677
c.2. - Organisation et interac-
tion des traits de per-
sonnalité dans le passa-
ge à l'acte délinquant
687
CHAPITRE II
EVOLUTION DE LA DELINQUANCE DES
JEUNES A ABIDJAN - PREVENTION
ET TRAITEMENT
,
l,
A - EVOLUTION DE LA DELINQUANCE DES JEUNES
697
1 - Les données statistiques
a)
La Police et la Gendarmerie
701
b) Le Centre d'Observation des
mineurs deYopougon
705
2 - Le mineur délinquant abidjanais,
qui est-il?
,.,
707
a) Les variables sociologiques . , . . . .
708
a.l. " L'Age du mineur délin-
quant abidjanais
,..
708
a.2.
- Le niveau d'instruction...
71D
a.3. - L'Origine géographique
713
a.4. - Attitude des parents
face à la visite et à la
sortie du jeune maintenu
au Centre d'Observation .. ,
719
b) La variable économique .. , . . . . . . . .
723
- XXXXIX -
P AGE S
cl
I.es variables psychologiques .•...
728
B - PREVENTION ET TRAlTH1ENT
1 - Prévention de la délinquance juvé-
nile
: les structures
735
a) La Police
735
a.l.
- Organisation de la Brigade
des mineurs
738
a.2.
- Activités
,.,...
739
b) La Justice pOUT enfants
,
.. .. . . .
740
~
~
c) Le Service de l'Education
Surveillée
" , ..
744
d) Services ou Centres Sociaux et
autres organisations sociale~
oeuvrant pour la Prévention
Générale de l'Anti-Socialité
chez les jeunes...
748
d.l.
- Les Services et Centres
Sociaux ...
748
d.2.
- Autres Ministères et
Orgallisations sociales
753
2 - Traitement des mineurs délinquants
:
les structures
769
a)
L'Education Surveillée
772
bl Les Centres de rééducation ou
Educatifs professionnels..... ...
774
b. 1. - Le Centre de Rééducation
et Professionnel de Dabou..
776
-
1.
l' AGE S
b.2.
c
Le Centre L:ducar.ir
de .lél
Zone 4
'"
7RI
b.3.
- L,e Village SOS d'Abobo-
g"re
736
CINQIJIEME PARTIE
SOLUTIONS SPECIFIQUES AUX l'RO-
B LE/lES [JI:
LA CRHc'INALITE 1\\
ABIDJAN
.
80\\
1 -
\\,,8 IJrfve!ltion g6nêralc du cl'ime ~
Abidj an
S03
a)
Le
JcgcIllcnt 8 Abidjan
sos
b)
L'emploi, problème majeur de
l'Abidjanais
SIl
c)
La participation â la vie de
lâ c i t é . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
815
d)
Le Tôle préventif de l'Ecole
dans la lutte contre la délin-
quance â Abidjan
.
821
e) Contributions des comnlunes à
la
prévention du crime
827
2 -
1.3 préventi.on spéciale du c ["ime :l
Abidjan:
tl'aitemellt et resociali-
sation ?l parti T des
ressuurce~ cill
milieu...................
833
a) Irai tement de~ 5L:j ers
"cr iminal i tés Il
834
a.l.
-
Des mesures nO\\lv('l.le~ . . . . .
834
a.2.
-
Les Associations~!
hase ViJ.lél-
geoisc, eÛl;]:ique ou régionale..
336
-
Ll
-
P AGE S
a.3.
- Les Organisations à base
confessionnelle
837
a.4. - Les Organisations munici-
pales en tant que structu-
res de traitement des dé-
linquants
839
b) La Resocialisation des criminels
et délinquants abidj anais
842
b.l.
- Des camps de jeunesse .....
846
b.2. - Des Centres de Fromation
disciplinaire pour les
j e u n e s . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
847
b.3.
- Suppression des peines
d'emprisonnement
.
b.4.
- Nécessité de coordonner
les actions de traitement ..
851
3 - Observations
853
CONCLUSIONS GENERALES
- Récapitulation
856
2 - Conclusions
.
860
BIBLIOGRAPHIE
,.
864
ANNEXES
, . . . . . .
l
-
LIT
-
T A BLE
DES
A N N E X E S
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
- Grilles pour la collecte, la tran5cription
des données
- Police et Gendarmerie
l
- Justice
II
- Codes et nomenclatures utilisées
.
III à VIII
Abidjan et ses quartiers .....................
IX
- Evolution du trafic commercial du Port
d'Abidjan, de 1976 à 1981
• • • • • • • • • • • • • • • • • •
t
•
X
- Exportation du Café Vert et du Cacao en fèves
Année 1981
XI
Situation matrimoniale des résidents
- Habitat de standing
.
XII
Habi tat économique
.
XIII
- Habitat évolutif
XIV
Habitat sommaire
XV
- Trop de dossiers pour les juges..............
XVI
Répartition géographique des 4 456 prévenus
au cours de l'année 1982
XVI l
Répartition des Infractions commises au
cours de l'Année 1982
..
XVIII
- LIlI -
Nature de l'Infraction et Lieu où
celle-ci a été commise
XIX,XX
Répartition des prévenus de la Police et
de la Gendarmerie suivant l'âge
,.,.
XXI
- Prévenus et Nombre d'Enfants
.,
",
.
XXII
- Répartition géographique des auteurs et
des infracLions commises en 1982 et jugées
l a même année
,
,
,
,
,','
XXIII,XXIV
Nature des infractions suivant les mois où
celles-ci ont été commises
XXV
Répartition des auteurs d'infractions sui-
vant l'âge (Justïce)
,
,
,
.
XXVI ,XXVII
- Types de peines seion les trariches d'âge
. . . . . XXVIII,XXIX
- Prévenus jugés et Nombre d'Enfants dont
ceux-ci déclarent être pihes
XXX
- Occupations des Mineurs délinquants et de
leurs pères
... , . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
XXXI
- Occupations des mères des mineurs délinquants.
XXXII
-Liste des Centres Sociaux implantés dans les
quartiers
XXXIII, XXXIV
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- CS_00571v1
- CS_00571v2
- CS_00571v3