UNIVERSITE PARIS VIT
UFR de LINGUISTIQUE
QUlElLQUES ASPlECTS DlES PROClESSUS PlHIONOlLOGliQUlES,
MORPlHIOlLOGliQUES lET lENONCliATIFS DlE lLA lLANGUE
YAOURlE
TOMEI
DOCTORAT D'ETAT ES LETIRES ET SCŒNCES HUMAINES PRESENTE PAR
HENRIGADOU
Directeur de thèse : A. CUlioli
Membres du jury: 1. Lowenstamm
A.Culioli
C. Fuchs
- - -
El MALGACHE \\
S. Platiel
CONSE\\l AfR\\CA\\N ENl SUPER\\EUR
J:I. Franckel
G. Hérault
. pOUR l'ENSE\\GNe~UAGADOUGOU \\
. C. A. M. E. S. -
N.\\OQ~.... ·· \\
.'\\rrivée .;{\\1' J~\\u.O _() .4.6.6 .
\\l,egistre sous n
."1'
.._;..,.----- .~.-
JUIN 1992
DlBDllCAClB
pour mes filles
Tessiab
et
Wéri
à la mémoire de
ma mère
et de
mon père (ex-chef du village de Yoho),
pour mes maîtres et directeurs de l'Ecole Primaire Privée Catholique de Bouaflé
MM
Frédéric AHO
Lambert WIAN
LouisM'BRA
Henri Goué OTTO
Julien KONAN ZINDAH
Léon KOUAKOU
M. l'Abbé Paul KODJO (Directeur)
M. le R.P. Bernard GUllLIEN (Directeur)
sans qui je n'aurais su ni lire, ni écrire,
pour mes professeurs du Collège d'Orientation de Bouaké, pour mes professeurs
et mon proviseur du Lycée Classique de Bouaké
Mlle
TAGNERES
MM
Jacques GUERIN
BOURDON
Henri MICAUX
GuyLEBOTERF
Michel MIFSUD (Proviseur),
en remerciement à feu mes oncles
MM KONAN HOUPHOUET ZIGA
ATTA N'GUESSAN Michel,
pour tous mes camarades et amis d'école primaire et de lycée,
pour tous mes "frères" yaouré,
pour mes villages paternels et maternels
YOHO et PATIZIA,
pour tous mes parents et amis.
1
RJBMJBRCŒMlENTS
Mille mercis à Huguette et Jeanine MARY; nous devons la confection de cette thèse à
leur gentillesse sans nom, leur intelligence et leur grande compétence.
Nous saluons la mémoire de Jacques ROGGERO qui, avec M. Georges HERAULT,
nous a donné nos premières leçons de linguistique en 1969 à l'Université d'Abidjan.
Que soient ici remerciés MM Alain DELPLANQUE, Jean LOWENSTAMM, Jean-
François PRUNET, dont les suggestions et les remarques nous ont été extrêmement utiles.
Nous tenons à exprimer notre vive reconnaissance à Mme Suzy PLATIEL et M.Georges
HERAULT, dont la patience, la gentillesse éclairée et la rigueur scientifique nous ont permis
d'entretenir un certain espoir tout au long de ce travail qu'ils ont suivi d'un bout à l'autre. Nous
ne trouvons pas de mots justes pour les remercier de tout le temps qu'ils ont investi pour nous.
Enfin, qu'il nous soit permis d'exprimer notre profonde gratitude à M. Antoine
CULIOLI, auprès de qui nous apprenons depuis 1970, et dont l'enseignement a toujours guidé
nos recherches et continuera d'éclairer notre propre enseignement. Il n'est pas inutile de
souligner ici que, outre notre encadrement technique, sa gestion à la fois efficace et toute
sollicitude de notre dossier administratif auprès du Ministère français de la Coopération et du
Développement a rendu notre séjour en France, du 2 Novembre 1989 à ce jour, non seulement
possible, mais aussi agréable et scientifiquement profitable. Nous sommes heureux d'avoir pu
mener cene thèse à son terme. Que M. CULIOLI veuille bien accepter nos remerciement infinis.
II
lBlPllGlRAlPlHIlB
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si
marche
ne
encore
fini
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pO-lE
dl
alors bras
balancement
ne
encore fini
pas
"Aussi longtemps que la marche se poursuivra,
Inconcevable sera lafin du mouvement des bras."
Proverbe yaouré
"Tiens !"
"En toute circonstance, l'immédiat doit faire place au
construit"
Gaston BACHELARD
III
lPlllINClPALBS ABRBVIAnOMS
Aœ
accompli
AJjy
adverbe
Adj
adjectif
AOR
aoriste
AUX
auxiliaire
Dét
déterminant
E
extracteur
FI
flécheur
FOC
focalisation
IMP/INJ
impératiffmjonctif
INAC
inaccompli
IN1ER
interrogatif
INV
inverseur
LOC
locatif
N
nominal
NEG
négation
P
soit "parcours", soit "particule" selon les contextes
PIM
passé immédiat
pl
pluriel
Pr
pronom
Préd
prédicatif
IV
Prép
préposition
Sg
singulier
SitlSIT
situation (site)
T
temps
THM
thématisation
V
verbe
VIS
visée immédiate simple
VRED
visée à repère décalé
V
CHAPITRE 1
LE YAOURE : REPERES SOCIO·HISTORIQUES D'UNE LANGUE PEU
ETUDIEE
1
MALI
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10
OOIENNE
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CART E
N"1
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LES
LANGUES
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CARTE DE LA COTE D'IVOIRE
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CARTE if 2
LE PAYS ET LA LANGUE YAOURE : LE PARLER "YOHO"
1 1
1
1
1
1
CARTE DE LA REGION
y AOURI!
Ce Chapitre d'introduction définit nos objectifs après avoir situé la langue yaouré par
rapport aux deux paramètres incontournables que sont l'espace et le temps.
1.1. LES DONNEES GEOGRAPHIOUES ET LINGUISTIDJJES
ILL~USlEURS~rouRUNESEULESfRUCIUREmoNilUE
Le mot yaouré apparaît sous des formes variées. Cette profusion de graphies' peut
surprendre. Mais il semble qu'elle soit due aux conditions d'enquête et aux procédés conscients
et/ou inconscients de transcription. Les sons peuvent être auditivement mal perçus. Bien perçus,
on peut les mal transcrire; à ce second niveau, il peut arriver que leur codification s'effectue sur
une double base, alphabétique et phonétique, et cela ne s'accompagne pas toujours d'une claire
conscience. Ainsi, à côté de la graphie yaouré. qui est maintenant assez répandue dans la plupart
des documents officiels ainsi que dans les publications de chercheurs, on trouve yohouré chez le
Gouverneur des Colonies Louis T AUXIER 1, yauré chez LAVERGNE DE TRESSAN2et
Maurice HOUIS3 ; André PROST4 écrit yaouré, puis yauré. Sous la plume de bon nombre de
yaouré de niveaux d'instruction extrêmement variés, on rencontre les formes yowlè, yohoré.
Enfin, dans un ouvrage publié par l'Agence de Coopération Culturelle et Technique et l'Institut
de Linguistique Appliquée d'Abidjan5 , sont aussi signalées les formes j:>ure, youre et yohure.
Pour de simples raisons de commodité, nous choisissons de conserver, pour la suite, la graphie
yaouré. Toutefois, il faut noter que, sous cette diversité orthographique, nous avons, en fait,
affaire à une seule structure phonique [j3wU:]6, laquelle, cependant, du point de vue référentiel, et
comme nous allons le montrer, recouvre deux réalités différentes.
1- TAUXIER, L. (1924) : Nègres Goum et Gagou. Paris, Larose.
2- LAVERGNE DE TRESSAN, M. de (1953): Inventaire linguistiQue de l'AfriQue Occidentale Francaise et du
.IQgQ, Dakar, IEAN.
3- HOUIS, M. (1981) "Les langues du groupe mandé", in Les langues dans le monde ancien et moderne, Paris,
C.N.R.S.
4- PROST, A. (1953): Les langues mandé-sud du groupe mana-busa,Dakar, LF.A.N.
5- TRABI, M., TERA, K., HALAOUI, N., (1983) : Atlas des langues mandé-sud de CÔte d'Ivoire, Abidjan,
A.C.C.T. et 1.L.A., p. 21.
6- ~ ou ~ , c'est une question que nous examinerons lors de l'analyse des structures syllabiques.
4
1.1.2. UNE REALITE D'ORDRE ETHNIQUE
Si l'on considère qu'en Côte d'Ivoire la mise en place des populations avant l'entreprise
coloniale s'est achevée au XIXème siècle, nous pouvons dire qu'aujourd'hui, le mot yaouré
renvoie d'abord à une ethnie, sur la soixantaine que compte la Côte d'Ivoire. On trouve les
Yaouré au Centre-Ouest du pays, dans la Sous-Préfecture de Bouaflél. Ils occupent un espace
territorial relativement petit, limité au Nord par le Lac de Kossou, au Sud par le Bandama rouge2
et l'axe routier Bouaflé-Yamoussokro, à l'Est par le Bandama Blanc et à l'Ouest par la route
Bouaflé- Gbegbessou3 .
La population Yaouré peut être estimée à 15000 âmes environ. Le recensement général
effectué avec enthousiasme à la veille des premières élections dites libres en 1980 donne 14600.
Mais tous ces chiffres doivent être pris avec beaucoup de précautions, tant les conditions de leur
détermination, dans leur ensemble, laissent à désirer; pour les opérations de recensement, la
compétence et les moyens matériels sont insuffisants ; par ailleurs, outre les décès et les
naissances qui ne sont pas toujours déclarés et/ou enregistrés comme HIe faudrait, nous avons
affaire à une population dont un bon tiers n'est pas stable, car, avec l'exode rural et les
déconvenues en ville en matière d'emploi, beaucoup de Yaouré, en particulier parmi les jeunes,
sont à cheval sur la ville et le village. Il faut surtout ajouter que, le recensement n'étant pas
véritablement entré dans les moeurs, c'est-à-dire n'étant pas encore perçu dans toutes ses
dimensions, peu de gens sont prêts à s'y soumettre systématiquement. Au chiffre de 15 000, il
faudrait donc ajouter 1 000, voire 2 000, pour tenir aussi compte des locuteurs Yaouré résidant
sur le territoire ivoirien, mais hors des villages.
Ces 16000 ou 17000 Yaouré sont à répartir entre les 33 villages, eux-mêmes regroupés
en deux cantons, le Canton Yaouré Nord et le Canton Yaouré Sud. Voici le tableau approximatif
1- Se reporter aux cartes des pages 2 et 3.
2- Le Bandama rouge et le Bandama blanc sont deux cours d'eau de Côte d'Ivoire.
3- Bouaflé: chef-lieu de la sous-préfecture du même nom; GBEGBESSQU : village yaouré, chef-lieu du Canton
YaowéNord.
5
de la répartition et de la population et des langues parlées. Quand il y a coexistence de langues,
nous soulignons celle qui est numériquement dominante l .
Les villages du
Population
Langue
Canton Nord
approximative
parlée
ALAHOU-BAZI
500
baoulé2
AKAKRO
270
~aoulé
aouré 3
ANGOVIA
500
baoulé
GBEGBESSOU
1200
baoulé
BENOU
440
baoulé
BOPRI
390
baoulé
DIALE
900
baoulé
KAMI
560
baoulé
KOUBI
490
baoulé
NDAKOFFIYOBOUEKRO
220
baoulé
NDENOU
400
baoulé
OUANZANOU
300
baoulé
SEMIMBO
190
baoulé
1- Nous avons repris le tableau présenté par Bradley HOPKINS dans son mémoire Le système aspecta-modal du
~, 1982, pp. 4-5, en ajustant la population des villages ainsi que la répartition des locuteurs du baoulé et du
yaouré.
2- le baoulé: classé comme langue akan.
3- le yaouré : classé comme langue mandé-sud.
6
Les villages du
Population
Langue
Canton Sud
approximative
parlée
ALEKRAN
40
~aoul~
aoure
ALLE
280
baoulé
BOKASSOU
560
yaouré
BOZI
871
e~
DEGBEZRE
530
=aouré
GOURGUI
90
~
aouré
KAVIESSOU
240
~
aouré
KIKIEKRO
330
yaouré
KOFFIKRO
90
yaouré
KOUAKOUGNANOU
340
~:~
KOUASSIPERITA
390
yaouré
LOHOUTANZIA
300
yaouré
PAKOGUI
320
yaouré
PATIZIA
1050
yaouré
THANGLONBOUITA
300
yaouré
TUYANKRO
250
yaouré
YOHO
700
yaouré
ZAGOUTA
670
yaouré
ZEGATA
1000
yaouré
ZOUGOUSSOU
240
~aoul~
aoure
7
C'est tout ce groupe ethnique, dans son ensemble, quelles que soient les langues parlées
ici et là, que l'on désigne par "Yaouré". Ces Yaouré se sentent appartenir à une même
communauté, et ceci sur la base de paramètres historiques, psycho- sociologiques, culturels,
administratifs et politiques. Or ce sentiment, s'il apparaît ainsi comme un véritable ciment, n'évite
pas de rendre les faits autrement complexes au plan proprement linguistique.
1.1.3. UNE REALITE D'ORDRE LINGUISTIQUE
A un premier niveau, "yaouré", comme par une sorte d'hypéronymie, renvoie aux trois
langues parlées dans toute la communauté que nous venons de situer, c'est-à-dire à la fois au
baoulé, au yaouré et au gouro.
Nous disons bien "lan~ues", et c'est dans ce pluriel que réside la complexité ou
l'ambiguïté. En effet, à un second niveau, il existe des distinctions à l'intérieur de ce premier
emploi général de "yaouré". La langue de presque tous les villages du Canton Nord, c'est le
baoulé. Ce n'est qu'à Akakro principalement que l'on parle à la fois et le baoulé et la langue qui
caractérise le Canton Sud et qu'il convient de situer de façon plus précise. Il faut en effet noter
que dans ce second Canton, deux (2) villages parlent le gouro et un (1) village le baoulé, quatre
(4) villages parlent non seulement le baoulé, mais aussi la langue majoritaire du Sud. C'est
précisément cette langue parlée par la majorité des Yaouré du Canton Sud qui est plus
spécifiquement désignée sous le nom de "yaouré".
Nous annoncions la complexité de la situation ; elle se résume donc de la façon
suivante: tous les habitants des deux cantons sont des Yaouré. D'un côté, lorsque la majorité des
Yaouré du Nord et quelques villages du Sud s'expriment en baoulé, ils disent qu'ils parlent
yaouré ; d'un autre côté, la langue majoritaire du Sud, comme nous venons de l'indiquer, est, elle
aussi appelée "yaouré". Au total, à l'exception du gouro, les deux autres langues de
communication des Yaouré, c'est-à-dire le baoulé et le yaouré, sont souvent désignées par les
Yaouré eux- mêmes sous le vocable de "yaouré", alors qu'il s'agit de deux langues appartenant à
8
deux groupes différents, akan pour la première nommée, mandé pour la seconde, selon la
classification traditionnelle.
De cet écheveau, on peut au moins tirer que, du point de vue historique et socio-politique,
aux yeux de tous les Yaouré, "yaouré" renvoie de façon générique à la fois à la langue du Nord,
le baoulé, et à la langue du Sud, le yaouré au sens spécifique, voire au gouro. En revanche, au
plan scientifique, qui est celui du linguiste, "yaouré" désigne la seule langue majoritaire du
Canton Sud. Hormis le problème de l'identité qu'elle pourrait peut-être contribuer à résoudre -
sur la base de cette homologie de fait entre le nom de l'éthnie et celui de la langue - , cette
situation pour le moins paradoxale a un fondement historique et un rôle politique que nous
n'envisageons pas d'analyser dans ce travail.
Quoi qu'il en soit, dans le cas des Yaouré, cette différence de langues ne définit pas deux
ou trois mondes différents; ce serait en effet contradictoire avec le sentiment d'appartenance à
une même communauté que nous avons souligné, sentiment que, par ailleurs et pour des raisons
justement linguistiques, il est évidemment plus facile de renforcer à l'intérieur d'un Canton qu'au
niveau des deux cantons pris ensemble. D'une façon générale, au plan de la langue, il ne se pose
pas de problème de communication entre les deux types de locuteurs; quelles que soient la
langue du locuteur et celle de l'interlocuteur, ils arrivent toujours à se comprendre. C'est ainsi
qu'un Yaouré est en principe bilingue, voire trilingue car il doit savoir aussi le gouro. S'il ne l'est
pas, il est appelé à l'être pour qu'il puisse coïncider avec sa "nature" ou, selon le mot de DANTE,
"devenir ce qu'il est". TI doit parler le gouro, le baoulé et le yaouré. C'est ce yaouré,la langue du
Sud, assez proche du gouro, qui est l'objet du présent travail. Cette langue correspond sans
aucun doute à ce que WELMERS1, WESTERMANN ET BRYAN2, à la suite de TAUXIER3,
1- WELMERS, W.E. (1972) : "Checklist of African language and Dialect names", in CUITent Trends in
Linguistics, vol. 7, La Haye, Mouton.
2- WES1ERMANN, D.H., BRYAN, M.A. (1952) : Handbook of Africa Languages, Part 11 : The languages of
Africa, London, Oxford University Press.
3- TAUXIER, L. (1924) : op. cit.
9
ont appelé kane;a bono1, dénomination qui n'est pas, ou en tout cas plus usitée et que nous
tenterons d'éclairer rapidement à l'aide de quelques éléments d'histoire.
1.2. LES DONNEES DE L 'HISIOŒE
L'identité problématique du yaouré en tant que langue est liée à celle tout aussi
problématique de ses locuteurs en tant que communauté ethnique. C'est ce qui ressort des
quelques références historiques que nous proposons brièvement à titre d'hypothèses en ce qui
concerne les Yaouré.
Les Yaouré sont présentés tantôt comme des Gouro, tantôt comme des Baoulé. Dans l'un
ou l'autre cas, ils n'ont certainement pas pu rester à l'écart du grand brassage dû aux mouvements
migratoires qui ont donné la configuration actuelle du peuplement de la Côte d'Ivoire2 . En tant
qu'ethnie Gouro, donc mandé-sud, les Yaouré auraient été refoulés vers la région des deux
Bandama par les Malinké après l'éclatement du grand Empire du Mali. En tant qu'ethnie Baoulé,
.--
èAb'if&D,
IIème siècle à la suite du déclin du
qu'ils parlent est un dialecte gouro. C'est ainsi que TAUXIER range ce groupe parmi les Gouro
du Centre, c'est-à-dire dans la tribu Bouavéré6 de Bouaflé. Kanga-bonou est un syntagme baoulé
voulant dire "esclave de la forêt"7. TAUXIER explique que les "Yohouré", qui sont des Baoulé,
venus du Ghana à la suite de la chute de l'Empire du Denkyira, se sont installés de l'Est du
Bandama blanc au Bandama rouge après avoir refoulé les Gouro, en isolant sur le plateau
1- On trouve kanga-bonou chez TAUXIER, mais kanga-bon0 chez WELMERS. WESTERMANN et BR YAN.
La transcription de TAUXIER semble plus correcte. car l2QnQy [bo : nt1] renvoie à "dans la brousse" en baoulé, ce
qui n'est pas évident pour ce qui est de hQn.Q.
2- JEUNE AFRIQUE. (1978) : Atlas de CÔte d'Ivoire. Paris, J.A. p.24-27.
3- Un royaume de l'ancien Ghana.
4- Achanti: un peuple akan du Ghana.
5- TAUXIER, L. (1924): op.cit.. passim.
6- Bouavéré : tribu gouro de Bouaflé.
7- Nous avons. page 9. note 4 supra, traduit par esclave de la brousse ce que TAUXIER traduit par esclave de la
mt.
10
intérieur un des sous-groupes de ceux-ci, les "Kanga-Bonou". Les "Baoulé-Yohouré" auraient
été réduits en esclavage. Bien que ceux-ci aient gardé leur langue, qui est un dialecte du gouro,
leurs coutumes et leurs moeurs n'ont pas été sans subir l'influence de celles de leurs "maîtres",
les Baoulé- Yaouré. On tirerait de cela que, les maîtres et les esclaves ayant formé désormais un
seul groupe, par une sorte de synecdoque, le nom des maîtres a servi à désigner le nouveau
groupe ainsi que sa langue ou ses langues. On serait aussi tenté de s'appuyer sur cette analyse
de TAUXIER pour expliquer le métissage culturel d'une très grande richesse qui caractérise les
Yaouré actuels.
De même, LAVERGNE DE TRESSANI considère que les Yaouré sont un sous-groupe
des Kwenu2 :
"Un îlot Kwenu est isolé parmi les Baoulé Ayahu3 à l'Est de la subdivision de
Bouaflé (Canton Yauré); les sujets parlants s'appellent eux-mêmes "Yauré" ;
ils sont appelés "Kangabonou" par les Baoulé (esclaves de la forêt ?). Leur
langage est plus archaïque que le kwendJ'é4 proprement dit."
André PROST5 ne fait qu'appuyer la thèse de TAUXIER :
"Un groupe isolé dans les montagnes du Yaouré, et entouré de tous côtés par
des envahisseurs Baoulé qui commandent le Canton Yaouré, a été désigné par
TAUXIER sous le nom de Kanga-bonou. Eux-mêmes s'appellent "Yauré".
Leur dialecte est du "guro" et pour le vocabulaire, il n'y a comme principale
différence que le remplacement des initiales douces par des fortes: ils auront
ainsi l au lieu de D, K au lieu de Q, etc.
Mais au point de vue grammatical, on verra que les Yauré ont conservé des
formes que les Gouro n'ont plus..."
"... Quand on demande aux Kanga-bonou de TAUXIER comment ils
s'appellent, ils vous répondent : ~.
Nous leur laissons donc ce nom de Yauré, ne pensant pouvoir mieux faire."
1- LAVERGNE DE mESSAN, M. de (1953): Op.Cil, p. 168.
2- Kwenu : une autre appellation pour Gouro.
3- ~ : un sous-groupe Baoulé de la sous-préfecture de Baouflé.
4- Kwendré : mot qui vient de ~ (= Gouro), et de dre (= langue), donc Kwendré = langue des Gouro =
gouro
5- PROST, A. (1953) : Op.ciL, p. 39 et p. 45.
11
L'histoire nous donne donc l'ethnie Yaouré, qui apparaît comme une ethnie de synthèse,
-
existe-t-il des ethnies pures? -
et la langue que nous appelons yaouré, c'est-à-dire la langue
majoritaire du Sud, est, dans une certaine mesure, une langue de synthèse. Même si le yaouré est
proche du gouro, même si l'on y trouve des aspects du baoulé au plan phonologique, lexical,
syntaxique et même au plan de la référenciation, c'est en tant que langue à part entière et
"autonome" qu'il sera décrit dans ce travail. Mais il faut souligner que les locuteurs du yaouré
ont du mal à asseoir son statut en tant que langue, et l'on est en droit de se demander s'il a des
chances de survivre à la lutte pour la vie que lui ont imposée la géographie et l'histoire, pour le
grand bonheur ... du politique.
1.3. LES DONNEES SOCIO·POLITIOUES ACTUELLES
L3.1. LA LANGUE YAOURE ET SON FONDEMENT SOCIO·CULTUREL
L'ethnie Yaouré, tout au moins le sous-groupe qui parle le yaouré, langue majoritaire du
Sud, a conscience d'appartenir à une même communauté. Elle a intériorisé la partie de son
histoire qu'elle connaît et à laquelle elle s'identifie. Elle a son organisation politique, au sens fort
du mot. Elle a sa conception des rapports humains et interindividuels; elle a sa vision ou ses
visions du monde et des choses. Les Yaouré ont leurs références culturelles: ils se reconnaissent
dans leur art, leur musique, leur littérature orale, même si toutes ces choses, qui forgent et
nourrissent l'âme d'un peuple, pour diverses raisons, commencent à mourir. Mais cet ensemble
de paramètres auxquels il faudrait en ajouter d'autres, déterminent les conditions de l'existence
d'une langue. On sait que la langue, c'est la mémoire d'un peuple, c'est la somme de son
expérience, bref c'est le sceau d'une culture. Mais le yaouré, tout comme les autres langues
minoritaires de Côte d'Ivoire, est menacé dans son existence.
12
1.3.2. LA LANGUE YAOURE ET LA LUITE POUR LA VIE
La menace que nous signalons n'est pas une prophétie. Elle vient pour une part d'une
certaine politique au niveau national. TI ne s'agit pas ici de soutenir que des actes concrets ont été
posés avec l'intention explicite de faire disparaître telle ou telle langue. Mais les voies de l'unité
nationale sont pour ainsi dire multiples, et pour l'infonnation de la population rurale et la
transmission des mots d'ordre du P.D.C.I. 1 et du gouvernement par la radio et la télévision, les
autorités politiques ivoiriennes ont retenu quelques langues; le yaouré ne fait pas partie de ces
langues élues. Cette situation s'explique par le fait que, pour les autorités du pays, les Yaouré
peuvent prendre, en baoulé et en gouro, les messages diffusés. C'est la traduction pratique de la
thèse selon laquelle le yaouré est un dialecte, le plus souvent un dialecte du gouro. Cette
conception va plus loin. Elle inspire depuis quelques années une certaine géopolitique (faut-il
dire ethno-politique ?). En effet, la répartition des postes de responsabilité politiques se fait aussi
par rappon aux grands groupes ethniques, et l'on ne peut s'étonner de constater une absence
totale des Yaouré dans l'appareil politique.
Quoi qu'il en soit, les Yaouré existent, et le yaouré vit encore en tant que langue, et c'est
en tant que telle que nous l'analyserons après avoir jeté un regard cursif sur ce qui a pu en être
dit jusqu'ici au plan scientifique.
1.4. L'ETAT DES RECHERCHES SUR LA LANGUE YAOURE
1.4.1. LES TENTATIVES DE CLASSIFICATION DU YAOURE
Nous voudrions rapidement signaler quelques classifications, qui sont, dans une large
mesure, de type intuitif puisqu'elles ne reposent pas sur des études approfondies.
1- P.D.C.I. : Parti Démocratique de Côte d'Ivoire.
13
Nous avons dit que le yaouré correspond à ce que Louis TAUX1ER appelle kan~a
bonou, une langue qu'il définit comme un dialecte du gouro. Bien que, dans la préface de Nègres
Gouro et Gagou TAUXIER annonce une étude "linguistique" des langues qu'il cite, il justifie sa
thèse sur la classification en se contentant de présenter un vocabulaire comparé du gouro et du
kanga-bonou, comparaison qui, le plus souvent, fait ressortir effectivement soit une identité
totale, soit une identité à un trait phonologique près.!
WESTERMANN et BRYAN classent le yaouré parmi les langues mandé. Dans la liste
qu'ils donnent de celles-ci sans aucune description sérieuse, voici tout ce que nous pouvons
lire2 :
"Kangabono (only the name is known).3
L'on sait que, abordant l'étude des langues mandé, Maurice DELAFOSSE , dans son
premier ouvrage4 , distingue entre les "mandé- tan" et les "mandé-fu", sur la base du mot utilisé
par les locuteurs pour référer au nombre "dix" (l0) ; c'est "tan" pour les mandé Nord et "fu"
pour les mandé Sud. Pour LAVERGNE DE TRESSAN5 , le yauré est un dialecte de la langue
kwendré6, laquelle, selon lui, représente l'un des 19 "sous-sous groupes" du sous groupe
mandé-fu Nord Est. Dans cette classification, l'auteur glisse quelque chose qui ressemble à une
contradiction, en soutenant que le yaouré "serait plus archaïque que le kwendré" après l'avoir
posé comme un dialecte de ce dernier.
Dans son ouvrage de 1953 déjà cité, Les lan~ues mandé-sud du groupe mana-busa,
André PROST7 , à la place des classifications faites par DELAFOSSE, WESTERMANN et
BRYAN, propose une classification tripartite. Le groupe "mandé-tan" devient le groupe "Nord".
Le "mandé-fu" se scinde en deux entités nouvelles: le groupe "Sud-Ouest", qui comprend le
1- TAUXIER, L. (1924): op.cit., p. 80-94
2- WESTERMANN, D. et BRYAN, M. (1952) : Op.CiL, p. 40.
3- Notre traduction :"(De cette langue) on ne connait que le nom".
4- DELAFOSSE, M. (1901): Essai de manuel pratique de la langue mandé ou mandingue, Paris, Leroux.
5- LAVERGNE DE TRESSAN (1953) : op.cit., p. 168.
6- Kwendré - gouro, voir p.ll supra, note 4.
7- PROST, A. (1953) : op.ciL
14
gbandé, le gbundé, le loma, le mendé, le soussou, et le groupe "Sud-Est" ou "mana- busa", qui
regroupe le bobofmg, le dan, le gban, le gouro, le mano, le mwan, le ngain, le toura, le wan, le
yaouré.
WELMERS, en 19581 ,reprend la classification de PROST. Mais il réunit les groupes
"Nord" et "Sud-Ouest" dans un grand groupe unique appelé "Nord-Ouest". Il divise le groupe
Sud-Est en un sous-groupe "Est", et en un sous-groupe "Sud" où nous retrouvons le dan, le
gouro, le mwan, le mano, le ngain, le toura. WELMERS ne mentionne ni le gban, ni le yaouré.
C'est en 19722 que, dans un article, il cite le kanga-bono tout aussi laconiquement que
WESTERMANN et BRYAN:
"kanga-bono : dialect of kweni or closely related language. "3
Si l'on écarte le problème du statut du bobo-fing ou sya, GREENBERG4 en 1963 et
LONGS en 1972 reprennent, pour l'essentiel, la classification de WELMERS, avec la
particularité qu'aucun de ces deux auteurs ne mentionnent le yaouré nulle part.
Enfin, en 1980, GALTIER6 qui, comme LONG distingue trois grands groupes mandé,
Nord-Ouest, Sud-Est et bobo-fing, cite le yaouré en l'intégrant au groupe Sud-Est comme l'ont
fait avant lui PROST et WELMERS.
Au total, si tous ces travaux ont conduit à un début de stabilisation dans le domaine de la
classification, ils demeurent pratiquement muets pour ce qui est de l'analyse du fonctionnement
du yaouré. Cependant, il convient de noter deux ou trois auteurs qui ont fait un effort de
description fort louable.
1- WELMERS, W.E. (1958) : "The Mande Languages", in Re,port Qn the ninth Annual RQund Table Meeting
Qn Lingujstics and Language Studjes, Washington, GeQrgetown University Press
2- WELMERS, W.E. (1972) : Qp.cit., Cf p. 9, nQte 1 supra.
3- NQtre traductiQn: "dialecte du Kweni, QU une langue qui lui est très proche".
4- GREENBERG, J. (1963) : The Languages Qf Africa. BloomingtQn, Indiana University Research Center in
AnthropolQgy, FQlklQre.
5- LONG, R. (1972) : A CQmparative Study Qf the NQrthem Mande Languages. BIQQmingtQn. Indiana
University, Ph.D.
6- GALTIER. G. (1980) : PrQblèmes dialectQIQgigues et phQnQgraphématigues des parlers mandingues. Paris,
Thèse Paris VII.
15
L4.2. QUELQUES DESCRIPTIONS DE LA LANGUE VAOURE
1.4.2.1. L'ETUDE DU REVEREND PERE ANDRE PROSTI
PROST répartit son étude en cinq (5) parties:
A. Pluriel des noms
B. Place des compléments
C. Pronoms personnels
D. Verbe être
E. Formes verbales
- Progressif, Présent, Futur immédiat, Parfait, Futur
- Formes négatives
- Formes inversées
- Infinitif
Pour ce qui est de la description du yaouré, PROST a été véritablement un pionnier. Son
étude, quoique superficielle et quelquefois anecdotique, est la toute première à aborder les
problèmes de morphologie, et de syntaxe à travers la structure des compléments. Sont aussi
examinés quelques aspects du système verbal. PROST cite également certaines formes de
diathèse qu'il appelle "les formes inversées."
1.4.2.2. L'ETUDE DE BRADLEY HOPKINS
Bradley HOPKINS a réalisé en fait deux études sur le yaouré en 1982, l'une sur la
tonologie , l'autre sur le système aspecto-modal.
Dans l'étude sur la tonologie2, l'auteur commence par un rappel des éléments
phonologiques proposés, dans un document inédit3, par l'un de ses collègues de la Société
1· PROST, A. (1953) : op.cil, p. 45-51.
2- HOPKINS, B. (1982a) : "Elude lonologique du yaouré", in Cahiers Ivoiriens de Recherches Linguisliques.
nO ll, ILA., Abidjan.
3- Nous n'avons pas pu avoir ce documenl dont le titre eSl rapporté par Bradley: Esquisse phonologique du
~.
16
Internationale de Linguistique d'Abidjan, Vernon FRANK. HOPKINS établit ensuite les
tonèmes et entreprend l'analyse et la distribution des tons ponctuels et des tons modulés. Il
termine son étude par l'examen du phénomène d'assimilation.
Quant à l'étude sur le système aspecto-modal, il s'agit d'un mémoire de maîtrise soutenu
à l'Université d'Abidjanl. Du point de vue de l'esprit et des outils techniques, cette étude s'inspire
principalement du Plan de description systématique des lan~es négro-africaines2. HOPKINS
introduit cette étude par ce qu'il appelle "schémas d'énoncés" à la suite de HOUIS. Vient ensuite
la présentation des structures des bases verbales, parmi lesquelles il distingue les "bases verbales
simples", et les "bases verbales complexes", c'est-à-dire dérivées et composées. On en arrive à la
description du système aspecto-modal. L'auteur analyse d'abord ce qu'il appelle les
"constructions simples", c'est-à-dire l'impératif, l'accompli, l'inaccompli; il analyse ensuite les
"constructions complexes", c'est-à-dire le progressif, le passé proche, le futur immédiat, le futur
proche, le statif, le "pouvoir". Le mémoire se termine par un paragraphe sur la description des
"adverbes temporels" et de la négation.
1.4.2.3. L'ETUDE D'ELISABElH HOPKINS
L'étude d'Elisabeth HOPKINS3 porte sur le système pronominal du yaouré. Elle se
fonde sur les concepts proposés par HOUIS dans le nO 7 de la revue Afrique et Langage auquel
nous avons renvoyé au paragraphe précédent. A propos des pronoms personnels, l'auteur
reprend la distinction "houissienne" entre "Fonctions premières" et "Fonctions secondaires".
Les premières sont réparties en une "série nominative", regroupant les pronoms pouvant occuper
une position de sujet syntaxique dans la chaîne, en une "série-expansion", regroupant les
pronoms pouvant occuper une position de complément d'objetl (ou direct) ou d'objet2 (ou
1- HOPKINS, B. (1982b) : Le système aspecto-modal du yaouré, Abidjan, Mémoire de maîtrise, Université
d'Abidjan.
2- HOUIS, M. (1977) : "Plan de description systématique des langues négro-africaines", in Afrique et Langage,
n07, Paris.
.
3- HOPKINS, E. (1982) : Aperçu sur le système pronominal du yaouré, Mémoire de Maîtrise, Université
d'Abidjan.
17
d'attribution)! . Les fonctions "secondaires", on peut les avoir dans deux types de syntagmes:
dans les "syntagmes qualificatifs", les pronoms apparaissent dans la chaîne avec un détenninant
contigu post-posé.
kfil
fli
d
ôb6
pron.
Dét.
pron.
Dét.
nous
deux
moi
même
Dans les "syntagmes complétifs", les pronoms apparaissent en position de détenninant
généralement préposé:
A
nà
pron.
nominal
moi
femme->
ma
femme
Elisabeth HOPKINS, dans cette étude, examine d'une façon fort intéressante les phénomènes de
fusion qui sont assez fréquents en yaouré, ainsi que les variations morphotonologiques dont elle
tente de dégager quelques règles, pour ce qui concerne les pronoms.
Ce sont là quatre études fort utiles dans la mesure où elles participent à l'effort de
défrichement du terrain vierge entrepris par André PROST en 1953 et interrompu (?) pendant
près de trente ans. Mais, on le comprend aisément, ce défrichement doit être systématiquement
poursuivi afin que nous parvenions à des études plus approfondies et plus solides sur le yaouré,
et ceci à cause des foules de problèmes qui surgissent à chacune des articulations, à chacune des
conclusions des travaux que nous venons de présenter brièvement. En effet, les esquisses
phonologiques suscitent tant d'interrogations ! Que de phénomènes mouvants, mais
passionnants quoique complexes au niveau du fonctionnement des tons!
Quant à la construction de la référence, pratiquement tout reste à comprendre. Alors que
l'étude de PROST, plus naïve et plus simple, recèle quelques intuitions que l'on peut
véritablement exploiter, l'analyse du système aspecto-modal et du système pronominal par les
HOPKINS est intéressante, mais on pourrait leur prêter le mot de DESCARTES : "larvatus
1- Il s'agit de distinctions terminologiques propres à l'auteur.
18
prodeo"l. Cette étude avance pour ainsi dire "masquée", Elle aborde son objet avec une méthode
et un appareil conceptuel qui débouchent inévitablement sur de véritables obstacles
épistémologiques. On en arrive ainsi à atomiser le fonctionnement des opérations, à dissocier
des faits identiques et à associer ceux qui sont dissemblables. Le défrichement que nous avons
salué découvre en fait le travail qu'il y a à faire et dont l'étendue nous oblige à préciser nos
propres objectifs immédiats.
1.5. LES OBJECTIFS MAJEURS DE NOTRE THESE
1.5.1. DEUX PRESUPPOSES
1.5.1.1. LE YAOURE, UNE LANGUE
Nous considérerons, dans cette étude, le yaouré comme une langue et non comme un
dialecte du gouro, et ceci pour des raisons autres que subjectives. On a souvent défini les
dialectes sur la base du concept d'inter-compréhension. Or, en fait, on s'est surtout fondé sur des
critères politiques, comme nous l'avons montré plus haut à propos de la non représentation du
yaouré à la radio et à la télévision pour la transmission des messages du P.D.C.I. La
prépondérance de ces critères non linguistiques est en effet clairement souligné par Antoine
CULIOLJ2 :
"On a cherché à poser en termes strictement linguistiques un problème qui est,
pour une large part, sociologique, et de façon plus précise, politique. Ainsi, on
a voulu fonder la notion de dialecte sur l'inter-compréhension: (....] à ce
compte, le sicilien et le vénitien ne seraient pas deux dialectes italiens. Au
contraire, pourquoi ne pas appeler dialectes slaves les langues slovaque, russe,
ukrainienne, entre lesquelles il existe un fort degré d'inter-compréhension ?"
1- Traduction du mot de DESCARTES: "J'avance masqué", mot repris ici dans un sens plutôt négatif.
2- CULIOLI, A. (1968) : Définitions de concepts linguistiques, in Encyclopédie Alpha, Paris, Grange Batelière,
article DIALECTE.
19
D'un point de vue théorique, quel est le seuil qui pennet de détenniner l'inter-compréhension?
En outre, à partir de quel degré d'inter-compréhension a-t-on des dialectes? Cela conduit à se
demander préalablement à quoi rétère le mot "inter-compréhension" ? Pour ce qui est du yaouré
et du gouro, faute de pouvoir répondre à ces questions dans la présente étude, nous préférons
dire que, à notre avis, le problème reste posé.
1.5.1.2. LE YAOURE, UNE LANGUE MANDE
Nous considérerons que le yaouré est une langue mandé. Sans aucune prétention de
notre part, cette position est pour nous une hypothèse, car la classification du yaouré dans ce
groupe ne repose pas sur des études suffisamment variées et approfondies. En fait, on se fonde
le plus souvent spontanément sur des intuitions venant de similitudes et ressemblances d'ordre
bases de classification hybrides, associant les critères génétiqu~s et les
déterminer un coefficient de pondération.
1.5.2. NOS CHOIX
1.5.2.1. LE PARLERjàà
Le yaouré a cinq parlers qui correspondent aux désignations suivantes: jàà, nM, klà,
W, 655 1. Le yaouré étant spécifiquement la langue du Canton Sud, chaque parler regroupe un
certain nombre de villages du Sud, les locuteurs yaouré du Nord s'exprimant dans l'un des cinq
parlers, avec des accents variés dus à la variété des situations plus ou moins complexes que l'on
peut aisément imaginer en pareil cas. Nous appuyant sur le critère traditionnel d'inter-
1- Normalement, on ajoute m qui veut dire "langue".
Exemples : ~ = langue j.QQ. ,~~ = langue 6:>:>.
20
compréhension, nous pouvons dire que nous avons affaire, dans les cinq cas, à la même langue,
car l'inter-compréhension avoisine 100%, tout interlocuteur disposant des moyens de faire les
ajustements nécessaires. Les dialectes du yaouré demeurent, bien entendu, tout un domaine de
recherche encore vierge. Le présent travail est consacré au parler j.Q,Q1 dont nous sommes nous-
même locuteur natif.
1.5.22. DE LA METHODE D'ENQUETE
Le présent travail n'a pu véritablement prendre corps qu'à partir d'un minimum de
données recueillies sur plusieurs années en Côte d'Ivoire: 2 500 termes lexicaux, 1 500 énoncés,
proverbes et syntagmes, 100 pages de combinaisons et de manipulations diverses, sans compter
les résultats de tests spontanés dans des situations variées.
Au cours de l'enquête qui a conduit à ce corpus ouvert que nous n'avons jamais
considéré que comme un laboratoire, nous nous sommes naturellement appuyé sur nous-même
en tant que locuteur natif ayant, dans une certaine mesure, un accès direct au parler jee ainsi
qu'au parler 633 qui est notre dialecte maternel.
Nous avons pu aussi, sans difficulté aucune, accéder aux autres parlers, c'est-à-dire le
ne5â. le klà et le taO grâce à la structure de la vie quotidienne en Côte d'Ivoire d'une part, et,
d'autre part par le biais d'activités diverses qui nous maintenaient en contact presque permanent
avec les locuteurs de tous les parlers yaouré, le jee y compris. C'est dire, sans craindre
l'emphase, que les informateurs ne nous ont pas du tout manqué, tant en quantité qu'en qualité.
Enfin, nous avons scrupuleusement veillé à ce qu'aussi bien notre statut de locuteur
natif que l'abondance d'informateurs ne nous dispensent à aucun moment de la vérification de
1- Les aires des 5 parlers yaouré sont les suivantes:
-jQQ: village de Yoho
- nÂ.Q villages de Bokassou, Tuyankro, Zégata
- laD : villages de Koffikro, Kouassipérita, Zagouta
-IM.: villages de Lohoutanzia, Pakogui, Thanglonbouita
-m: village de Patizia
21
nos données quelles qu'elles soient, afin de mieux en circonscrire les contours et d'en assurer la
fiabilité.
1.5.2.3. NOTRE CENTRE D'INTERET
L'objectif principal de cette thèse peut se résumer en quelques lignes : nous nous
proposons, en nous appuyant au mieux sur le modèle culiolien, de tenter de cerner d'un peu
plus près la structure de la référenciation en yaouré ; ceci nous conduira, après avoir examiné les
principaux processus phonologiques et morphologiques de cette langue, à étudier les opérations
prédicatives et énonciatives à travers la diathèse, la focalisation, la détermination, l'aspect et la
modalité, opérations le plus souvent indissociables. Cependant, le yaouré étant une langue très
peu étudiée, il nous est apparu utile, indispensable même, de livrer d'entrée de jeu, fût-ce sans
analyse, un minimum de données brutes à seule fin de fournir quelques repères au lecteur dès
les premières pages.
1.6. ~UEL~UES DONNEES REPERES DE LA LANGUE VAOURE
Dans cette section, nous nous contenterons de présenter brièvement, avant d'y revenir
pour une analyse détaillée, les structures de surface attestées des unités significatives minimales,
les registres tonals pertinents et, enfin, les différentes fonnes marquant les principaux processus
relevant respectivement des nominaux, du verbe, de l'adjectif et de l'adverbe.
1.6.1. LES SEQUENCES MINIMALES SIGNIFICATIVES
Si, au niveau de la surface nous retenons C pour "consonne" et V pour "voyelle", les
unités minimales significatives de base en yaouré ont les structures suivantes :
.cY: sa "arc"
V: i "tu"
CVV : sàâ "riz"
CVV :sye "dent"
CVCV : jiba "bois"
CVLV : j:>g:> "bambou"
CvLV : ktilè: "pierre"
CLV: fla "pays"
22
L6.2. LES NIVEAUX TONALS
Le yaouré a quatre (4) tons ponctuels pertinents de base: haut, mi-haut, mi-bas, bas.
Nous les noterons de la façon suivante:
ha1ll (H) : 1
pa "nid"
mi-haut (MH) : 1
pà "grappe"
mi-bas (MB) : -
pa "cadavre"
.l2M (B) : \\
pà "paroi"
Les schèmes tonals des bases lexicales sont issus de ces tons ponctuels. Quant aux autres types
de séquences tels que les dérivés, les composés et les syntagmes par exemple, leurs schèmes
sont définis ou calculés à partir des schèmes de base et en fonction de contraintes d'ordre
relationnelle plus souvent intelprétables.
l6.3.LFS FORMES DES PRINCIPAUX PROCESSUS MORPHQ.PHONOLOGllUES
1.6.3.1. AU NIVEAU DES NOMINAUX
A- LA DERIVATION
A l'aide du marqueur zéro (0'), on peut transformer un nom (N) en déterminant (Dét)
selon le processus suivant:
N+ 0' - ) Déterminant adjectival
Ex :
Jîba "bois - ) Jîba
k:5
bois
maison - ) une maison en bois
Dét.
N
B- LA PLURAL/SATION
Le pluriel se marque par le mOlphème 1na 1de la façon suivante:
N +
1nO /
- )
N
/ na /
23
.
Ex:
n~
"enfant"-)
n~
nO
pl. - ) les enfants
C· LEs PRONOMS ETLES FORMES AMALGAMEES
Les formes de base des pronoms sont les suivantes: g, "je" ( môci = forme tonique
"moi), i "tu" (mi =forme tonique "toi"), ~ "il", kàà "nous absolument inclusif', ~ "nous
partiellement inclusif' (~= forme tonique), Ki "vous" Ckii = forme tonique),.Q. "ils". Ces
pronoms de base fusionnent avec certains marqueurs selon un processus complexe que nous
expliquerons dans le détail au Chapitre III. Nous nous limiterons ici à indiquer les unités de
départ et le résultat de leur fusion.
al Les pronoms et le prédicatif de néeatÎon (kâl
. ,
1)
môëi + ka-)
mcici
je -NEG
je ne...pas
il)
î + ka
~,
- )
~
tu
tu ne...pas
III)
ë + ka
• • 1
- )
Jaa
il
il ne...pas
IV)
kàà + ka - )
kàa
nous
nous ne...pas
IV')
kGi + ka
- )
kwâ
nous
nous ne...pas
V)
ka + ka
- )
kaa
vous
vous ne...pas
_
1
VI)
6 + ka
- )
waa
ils
ils ne...pas
bl Les pronoms et le marQueur de focalisation IBlI
,
1
1)
XI
•
C. 1
moci + DE-)
mtt
je
FOC
c'est moi qui...
24
~.
II)
î +fi€
- )
~
tu
c'est toi qui...
., -
ID)
ë +fi€
- )
J€€
il
c'est lui qui...
, -
IV)
kàà + fie:-)
~
nous
c'est nous qui...
IV')
kG) + fie:
- )
kü€
nous
c'est nous qui...
,
V)
ka + fit
- )
œ
vous
c'est vous qui...
VI)
ô + fi€
- )
'
w€€ -
ils
ce sont eux qui...
c) Les pronoms et le localisatew Ilè 1
• l
,
1)
mOO + le - )
mM.
moi-LOC
mon/malmes
.~ 1
II)
i +lè
- )
~
toi
ton/taltes
., .
ID)
à + lè
- )
Jee
lui
son/salses
IV)
kàà + lè
'
- )
-
~
nous
notre/nos
IV') kch + lè
- )
KYi
ue
nous
notre/nos
v)
kà +lè
- )
"
~
vous
votre/vos
VI)
ô +lè
- )
wèé
eux
leur/leurs
d) Les pronoms et le localisateur litl
1)
mdd +lt - )
m~~
moi-LOC
à moi
25
...
il)
î + lt
->
~
toi
à toi
m)
à + lt
->
id
il
à lui
IV)
kàà + lt
'-
->
~
nous
à nous
IV)
kGl + lt
->
W.
nous
à nous
.,
V)
ka + lt
->
~
vous
à vous
VI)
0+ lé
->
witl€
ils
à eux
I.6.3.2. AU NIVEAU DU PREDICAT (= VERBE)
A- LA DERIVATION
A partir d'un verbe, on peut dériver un verbe, soit à l'aide du dérivatif &....
V =/-là/-> V
Ex :
~ "mettre" -> pà - hl -> plà "poser"
V
V
soit à l'aide d'une réduplication vocalique selon le processus suivant:
"
CV-> CV - V
Ex:
vi "dire" -> vi. - î "dire n'importe quoi"
V
V
On peut dériver un verbe à l'aide de /-là / et de la voyelle rédupliquée en structure Cv.
E
' "
"
'
t
l' "dO
"
x:
1lâ mettre -> pa - a - a
Isposer, mettre un peu partout
V
V
26
B- LEs MARQUES ASPECTUE1LES
a) L'accompli (ACC)
L'accompli se marque par un changement de schème tonal pour les dissyllabes, et par un
changement tonal ou non pour les monosyllabes.
Ex :
.cY :Ki "mourir"
ë
kà
il
mourir+ACC -> il est mort
CY::i. : jaa "faire mal"
ë
jaa
cela faire mal+ACC -> ça a fait mal
b) L'inaccompli ([NAC)
L'inaccompli se marque à l'aide du prédicatif! et du morphème I-w
SN + ~ (+Cl) + V -na
Ex :
zô
!
tà -na
Jean
Pred
venir+INAC -> Jean est en train de venir =Jean arrive
zô
kôô
6li -ni
maïs
manger+INAC -> Jean est en train de manger du maïs
c) L'aoriste
L'aoriste se marque à l'aide de 1=.iI pour les monosyllabes et 1- môl pour les dissyllabes.
Ex :
CV : tà "venir"
->
ë
tà - a
il
venir+AOR-> il vient
CYV : jaa "faire mal"
ë
jaa - md
cela faire mal+AOR -> ça fait mal/ça brûle
27
c- LES MARQUEURS DE MODALITE
al L'assertion positive
Elle se marque à l'aide du morphème zéro (lIS).
Ex:
ë
tà
il
venir+ACC - ) il est venu
b1L'assertion néeative
Elle se marque à l'aide du signifiant discontinu kà...di.
Ex:
Zll
kâ
cà-a
di
Jean
NEG venir+AOR
NEG - ) Jean ne vient pas
cl La visée (VIS')
La visée immédiate ou futur immédiat se marque par l'opérateur ta.
Ex:
zci
ta
kà
Jean
VIS
partir+AOR - ) Jean s'en va
dl L'interro~ation
Elle se marque, en fm d'énoncé, par un allongement vocalique marqué d'un ton bas (B).
Ex:
ë
tà
à
il
venir+ACC+INT - ) Est-il arrivé?
el L'in;Qnction
L'injonction positive se construit à l'aide d'un pronom sujet au ton MH suivi d'une base
verbale.
Ex:
1
tâ
toi
venir - ) Viens!
28
L'injonction négative se construit à l'aide de l'opérateur te et de la particule di.
Ex:
tt
kà
ta
~
INJ-NEG vous
venir NEG - ) Ne venez pas!
1.6.3.3. AU NIVEAU DE L'ADJECTIF
A- DERWATION PAR ZERO (g)
D'un adjectif on peut dériver un nom à l'aide du morphème zéro (0') :
Adj + 0'-) N
Ex :
~ "grand"
- )
dO
a
kpà
grand
Préd
bon
grand
est
bon - ) c'est bon d'être grand
B- DERWATION PAR REDUPliCATION
A partir d'un adjectif, on peut en obtenir un autre par réduplication:
Adj - ) Adj-Adj
Ex:
*tt "rouge" -) t~ - d~ "rouge"
*lY. "blanc" -) fu -vu "blanc"
1.6.3.4. AU NIVEAU DE L'ADVERBE
A- DERWATION PAR ZERO (.0')
D'un adverbe on peut dériver un nom.:
Adv +0'-) N
Ex:
mM
-)
mù~
n~
mM
je - jî
là-bas
là-bas c'est
je -le
aimer+INAC - ) c'est là-bas que je préfère
29
B - DERIVATION PAR REDUPliCATION
A partir d'un adverbe, on peut obtenir un adverbe par réduplication.
Adv-) Adv-Adv
Ex:
12i -) ~
loin
très loin
Comme nous l'avons annoncé au début de cette Section, le tableau que nous venons de
dresser n'est qu'un inventaire de l'essentiel des formes représentant les principales opérations
en yaouré. Celles-ci sont bien entendu sous-jacentes, et il s'agira, tout au long de ce travail, de
les identifier et de les décrire. Ainsi, nous commencerons d'abord par l'analyse des processus
ressortissant aux unités fondatrices non significatives, c'est-à- dire les processus
phonologiques.
30
CHAPITRE II
ELEMENTS DE PHONOLOGIE: LES PHONEMES DU YAOURE ET
LES PRINCIPAUX PROCESSUS PHONOLOGIQUES
31
Dans ce Chapitre nous nous proposons d'identifier les phonèmes vocaliques et
consonantiques du yaouré, et d'étudier certains des processus auxquels ils peuvent être soumis
par leur distribution. TI nous sera ainsi donné de constater que la nature et le résultat de ces
processus dépendent non seulement de la qualité des segments en relation syntagmatique, mais
aussi des types de structure syllabique sous-tendant les séquences impliquées.
n.l. LES PHONEMES VOCALIOUES
Cette Section a pour objet l'identification des phonèmes vocaliques. Mais nous
dresserons d'abord l'inventaire des sons vocaliques ainsi que celui de leurs contextes
d'occurrence en surface.
n.l.l. TABLEAU PHONETIQUE DES VOYELLES
TABLEAU 1
voyelles
voyelles
voyelles
antérieures
centrales
postérieures
orales
nasales
orales
nasales
orales
nasales
u
Q
i
i
r avancées .~.
i /
l _ J
u-?;
Q~
,,;
voyelles j
--flJ
...........flJ
",-WflJ
fermées l rétractées
(i)
~tt
t , / t ,
(i) y--y
~
~wflJ
e
0
b'i
r avancées eV
o?;
voyelles j
~aflJ
~:
ouvertes
flJ
l rétractées
a
ci
:>
:;
~f:.
t
a?~ ~i
tt
~t1
f:.
t~
aV
:J/Y
:J-'1
~flJ
...........flJ
~:
~ ~wflJ ~
32
n.I.2. LES SCHEMES DE SEQUENCE PHONIQUE
Nous ferons ici rapidement l'inventaire des schèmes de séquence phoniques attestés
comme contextes d'occurrence non seulement des sons vocaliques répertoriés ci-dessus, mais
aussi des sons consonantiques qui seront présentés et examinés plus bas;.c. représentera
"consonne et V "voyelle."
IT.l.2.1. SEQUENCES EOUIVALANT AU LEXEME
- séquence .cy
56
"cabri",
km
"partir
- séquence V
Il
a
''je'',
ë
"il"
l
,
- séquence ÇYJL
saa
"riz",
sea
"hévéa"
- séquence ~l
'
1
S)"€
"dent",
tite
"arbre sp."
- séquence CVCV :
kade
"arachide",
slga
"or"
- séquence CVLV
kolù
"cola",
j61ü
"grenouille"
- séquence CYLV
kitfi
"bagarre",
5iui
"vipère"
- séquence CLV
klô
"peur",
mH
"plaie"
IT.l.2.2. SEQUENCES SUPERIEURES AU LEXEME2
- séquence CV-CV
pâ-lâ
"mettre"
- séquence CV-V
tà-a
"(il) vient"
- séquence V-CV
à-If:
"lui (=objet2) à" = (à lui)
- séquence V-V
-
1
e-l
"il te (=objet})
1- Dans les séquences CvV et CvLV, y représente une voyelle postérieure ou antérieure haute et arrondie que
nous notons ~ ou ~ selon les cas.
2 - Comme nous l'avons résumé au point 1.6 et comme nous le verrons en détail par la suite, ces séquences
représentent soit des amalgames, soit des dérivations, soit des opérations d'ordre modal ou aspectuel.
33
- séquence çyy-CV
kàà-lë
"nous (=objet2) à" ="à nous"
. .
~
- séquence CVV-V
maa-1
"je te (=objet!)"
- séquence CYLV-CV
ktilà-m&
"ll(s)/elle(s) peut/peuvent"
- séquence CLV-CV
kIc!i-lâ
"traîner" 1
n.I.3. IDENTIFICATION DES PHONEMES VOCALIQUES
Nous identifierons les phonèmes vocaliques et les phonèmes consonantiques par la
méthode des paires minimales. Par ailleurs, les tons ayant une fonction éminemment distinctive,
nous partirons, dans la mesure du possible, et pour les deux types de segments cités, de paires
minimales ayant chacune un schème tonal identique.2
ll.l.3.1. LES VOYELLES ORALES
A- LE PHONEME Iii
Les rapprochements ci-dessous pennettent l'identification du phonème Iii :
aliil
li
pénis
li
femme à épouser
ii
un rituel
tL
qui?
bJ..ik
sëî
grelot
sëë
misère
.1
.1
JI
engager
Je
casser
1- Les processus qu'entraînent ces séquences seront analysés en temps opportun.
2- Nous reviendrons sur le système tonal en fin de Chapitre.
34
diLa
.,
.,
igname
J1
eau
Ja
1
SI
prendre
1
sa
se mettre à l'affût
fil.ilJJ.
di
nombreux
dù
tous ensemble
61
allumer
6ù
plier
Ii
pénis
lü
herbe
nressort de ces rapprochements que IiI est une voyelle antérieure, avancée, fermée et non
arrondie.
B- LE PHONEME ft!
Les rapprochements ci-dessous permettent l'identification du phonème /LI:
On se reportera au point II.!.3.!., A- al
fwi
s'ouvrir
fwé
effacer à l'eau
ti
grillon
té
si (négatif)
ti
qui?
tè
si (positif)
sï
graine de palme
sa
bavardage
,
,
pl,
fils
pa
paroi
35
li
femme à épouser
lü
herbe
li
femme à épouser
lé
année
pi
fils
bras
,
WL
mine
wè
sel
pL
fils
excrément
si
graine de palme
morceau de viande sp
qui ?
t<il
un
TI ressort de ces rapprochements que AI est une voyelle antérieure, rétractée, fermée et
non arrondie.
C-LEPHONEME lei
Les rapprochements ci-dessous permettent l'identification des phonèmes lei:
On se reportera au point n.1.3.1. B- b)
On se reportera au point n.l.3.1. A-b)
sa
flèche
sé
hamac
bouche
feuille
36
Ide
chapeau
Idü
van
wü
pleurs
wè
pou
lè
bouche
10
nom de fétiche
jéé
casser
j66
malaxer
fi ressort de ces rapprochements que leI est une voyelle antérieure, avancée, ouverte et
non arrondie.
D-LEPHONEME lei
se
ronier
si
route
sre
tisserin
sn
asticot
tre
demain
tri
saleté
On se reportera au point II. 1.3. 1. B- e)
pe
bras
pà
paroi
se
rônier
sà
discussion
té
feu
tà
marche
le
année
lü
herbe
fe
nourriture
fü
hannattan
37
tÈ
se mettre à
•
tu
déménager
~
,
,
pE
main
p:>
canari
6ë
épi
65
pousser, germer
tÈ
feu
tb
nom
TI ressort de ces rapprochements que lEI est une voyelle antérieure, rétractée, ouverte et
non arrondie.
E- LE PHONEME lai
Les rapprochements ci-dessus permettent l'identification du phonème lai :
On se reportera au point II. 1.3. 1. A- c)
On se reportera au point II. 1.3.1. B- c)
On se reportera au point ll.1.3.1 C- c)
là
feuille
16
nom de fétiche
6là
une maladie des yeux
61ô
jeune pousse
TI ressort de ces rapprochements que lai est une voyelle non antérieure, ouverte et non
arrondie.
38
F - LE PHONEME luI
Les rapprochements ci-dessous pennenent l'identification du phonème lui :
On se reportera au point II. 1.3.1 A- d)
On se reportera au point II. 1.3.1 B- d)
On se reportera au point II. 1.3 C- d)
fù
dix
fm
arbre sp
tù
arbre sp
tm
un (1)
ru
buffle
to
étang
lû
fille
lb
fétiche sp.
TI ressort de ces rapprochements que lui est une voyelle postérieure, avancée, fennée et
arrondie.
G-LEPHONEME leU
Les rapprochements ci-dessous pennenent l'identification du phonème IGl/:
39
tG)
temps
fi
singe sp
ttil
un
ti
un rituel
cheval
si
route
un
tL
qui?
ptil
taIn-taIn
pL
fils
On se reportera au point ll.1.3.1 F- d)
ptil
taIn-taIn
pà
paroi
61til
bêtise
61à
une maladie des yeux
6G)
ronger
65
arriver, atteindre
stil
margouillat,
s:)
pointe (d'un objet)
cheval
jtil
fétiche
j:)
propriété, domaine privé
TI ressort de ces rapprochements que IGl/ est une voyelle postérieure, rétractée. fermée et
non arrondie.
H- LE PHONEME /0/
Les rapprochements ci-dessous permettent l'identification du phonème loI :
40
60
cabri
61
gâchette
10
palmier
li
pénis
60
cotiser
61
allumer
16
nom de fétiche
1:'>
acheter
60
cabri
65
genner
On se reportera au point II.1.3.1 C- e)
On se reportera au point II.1.3.1 E- d)
TI ressort de ces rapprochements que /0/ est une voyelle postérieure, avancée, ouverte et
arrondie.
/- LE PHONEME /q/
Les rapprochements ci-dessous pennettent l'identification du phonème /~/ :
al..:J!j
lb
acheter
11
jadis
tr3
bagage
tri
colis
sd
abeille
sn
liqueur de vérité
On se reportera au point 11.1.3.1 H- b)
41
p:>
poisson
pa
cadavre
pl:>
forêt
pla
écureuil sp
cl
nom
tâ
marche
j:>
domaine
jù
fond d'une plaie infectée
61:>
cou
6lù
sexe féminin
TI ressort de ces rapprochements que /~/ est une voyelle postérieure, rétractée, ouverte et
arrondie.
n.1.3.2. LES VOYELLES NASALES
A- LE PHQNEME IV
Les rapprochements suivants permettent l'identification du phonème N :
Q)Jfi
11
régime (de bananes...)
li
rituel
d
souvenir
cl
intérieur
6-
parole
fi
singe sp
l2llLJl
11
régime (de bananes...)
tù
arbre sp
ti
parole
tü
buffle
iliLl
"
Cl
souvenir
c~
courge
42
chasser
p~
attendre
petit vin de palme exquis
pd
singe sp
Il ressort de ces rapprochements que Ii/ est une voyelle nasale, antérieure, fennée et non
arrondie.
B- LE PHONEME ISI
Les rapprochements ci-dessous pennettent l'identification du phonème Ifl :
p~
étranger
pè
bras
1
tf
pet
t~
feu
On se reportera au point n.1.3.2 A- c)
p~
étranger
p:i
ventre
st:
verser
s:i
piler
Il ressort de ces rapprochements que It.! est une voyelle nasale, antérieure, ouverte et
non arrondie.
c- LE PHONEME 141
Les rapprochements ci-dessous permettent l'identification du phonème lai :
43
Q.Wi
1
se5
égarer
sa
se mettre à l'affût
pa
chauve-souris
pà
paroi
sô
lumière
sà
discussion
1l1..M
tô
vendre
fi
suspendre
pô
donner à 1x>ire
pi
chasser
~
,
1
sa
égarer
s5
faire du feu
pa
chauve-souris
p~
ventre
dl.M
pô
chauve-souris
p~
étranger
.
1
pd
piège sp
p~
biche sp
.
,
nd
faire mal
n~
bébé
TI ressort de ces rapprochements que /d/ est une voyelle nasale, non antérieure, ouverte et
non arrondie.
D- LE PHONEME / al
Les rapprochements ci-dessous permettent l'identification du phonème /0/:
fa
tombe; butte
fù
dix
pa
singe sp
pi
petit vin de palme exquis
44
pO
singe sp
p:5
montagne
Il ressort de ces rapprochements que /QI est une voyelle nasale, postérieure, avancée,
fermée et arrondie.
E-LEPHONEME /5/
Les rapprochements ci-dessous pennettent l'identification du phonème /5/ :
al2&
~
boîte à souris
ma
grand lézard
p~
ventre
pa
chauve-souris
~
,
s:5
faire (du feu)
sâ
se mettre à l'affût
1
t5
étonner
là
planter
~
On se reportera au point II.1.3.2 D- c)
On se reportera au point II.1.3.2 B- c)
k:5
maison
kb
comment ?
s:J
piler
S:l
pointe (d'un objet)
Il ressort de ces rapprochements que /51 est une voyelle nasale, postérieure, rétractée,
ouverte et arrondie.
45
Par ailleurs, de toutes ces oppositions, nous pouvons tirer que le yaouré a neuf (9)
voyelles orales. i, L, e, E, U, (j), 0, :J, a et cinq (5) voyelles nasales. i, f, 0, :5 et d.
D.2. LES PHONEMES CONSONANTIOUES
Nous identifierons les phonèmes consonantiques après avoir dressé l'inventaire
phonique des consonnes.
D.2.l. TABLEAU PHONETIQUE DES CONSONNES
TABLEAUn
~ Bmtiab Labio- AM:>1aires Pré- PdlaIak=s Vélaires Labio-
Série
dentales
palatales
vélaires
k
scudes
p
t
C
k~
/kp
p/b
t / d
c/J
kp-gb
...........pw
...........tw
'cw
"-kw
"'-kpw
Ocrlusi\\es
b
d
~i
b~:b
d~~d
J~J
gb
scn:n:s
gY Ug
g~U9b
......... bw
...........dw
".Jw
'gw
'gbw
6
Ingressi\\es
6j-~6
/ ô
ô
......... 6w
........... ôw
f
, s
so.nJes
f / v
s / z
' f w
............. sw
FŒai\\es
/ v
z
scn:n:s
v-ltJv
z / oz
...........vw
~
m
n
Nasales
JI
(U)
v:
m/mw
n/nw
.rr:::::=JIW
1
I...al1ab
1/1
' l w
r
'ViI:rarœs
~r
rYr
'1'
SeInl-
J
"/'"
w
J-J
cmsoones
.............jw
46
ll.2.2.IDENTIFICATION DES PHONEMES CONSONANTIQUES
II.2.2.1. LE PHONEME Ipl
Les rapprochements ci-dessous pennettent l'identification des phonèmes /p/ :
QÙl1l2.
pi:
bras
bi:
(bien) posé
pà
paroi
bà
une prise (lutte)
pùù
abondamment
bùù
une partie
pl
franchement
hi
tout net
b)pI/qJ
p3
canari
kp3
route bitumée
pà
mettre
kp!
pâlir, blêmir
,
pa
essaim
kpa
piège sp
W2!i
pla
arbre sp
fla
ville, village
p15
mille-pattes
fl5
rameau
pÉ;
résidus (de graines
fÉ;
trace
de palmes)
p€
attendre
f€
pleuvoir
d1.Jl1J.
pil
excrément
til
un
.
pa
mettre
ta
planter
pi
chasser
6
suspendre
47
fi ressort de ces rapprochements que /pl est une consonne occlusive bilabiale sourde.
II.2.2.2. LE PHONEME Ibl
Les rapprochements suivants permettent l'identification du phonème Ib/:
bëë
ami
6ëë
quelque temps
b1à
devin
61à
une maladie des yeux
b1ù
herbe sp
61Ù
sexe féminin
On se reportera au point n.2.2.1 a)
bi
tout net
di
nombreux
bli
traduit plusieurs coups
dri
nom propre1
dl.121J!.
,
bà
prise (lutte)
va
colon
blù
brusquement
vlù
traduit une chute (dans le feu)
fi ressort de ces rapprochements que Ibl est une occlusive bilabiale sonore.
II.2.2.3. LE PHONEME It!
Les rapprochements suivants pennettent l'identification du phonème /tI :
1- Nous verrons dans ce chapitre que [r] et [ 1] sont deux allophones d'un même phonème, le segment /lI. La
transcription phonologique des deux unités de la paire minimale est donc /bW et /dW.
48
al.1l1J.
!:cl
toux
dr~
chéloïde
tri
colis
chi
nom propre de personne
ti
un rite
di
nombreux
bl11.s.
1:5:5
huile de toilette
s:5:5
bavardage
tri
colis
sn
liqueur de vérité
tri.
boeuf
sri
asticot
ctJk.
fi
singe sp
ci
intérieur
trâ
par terre
cni
furtivement
,
tt
pet
ct
de la veille
,
1
tf
s'appuyer
cf
couper
TI ressort de ces rapprochements que ltI est une occlusive apico-alvéolaire sourde.
II.2.2.4. LE PHONEME Id!
Les rapprochements suivants permettent l'identification du phonème Id! :
On se reportera au point 2.2.3.a)
.
dù
tous ensemble
JU
traduit un pas sourd
.
dù
tous ensemble
zu
en un tas
49
d~
pennanent
agression
d) dll- cfl
di,
particule de négation
11
femme à épouser
d€l
exprime une chute brutale
1€1
exprime un mouvement d'extension
dàgé
exprime une secousse
làgé
banane mûre
dàgà
une grande plaie
làgà
mou
TI ressort de ces rapprochements que Id! est une occlusive apico-alvéolaire sonore.
ll.2.2.5. LE PHONEME Ici
Les rapprochements suivants permettent l'identification du phénomène IcI:
On se reportera au point ll.2.2.3.c)
crà
ftutivement
~à
diapositive
traduit un bruit sec
k3
tige
c€
maladie
J€
nom de fétiche
.
cra
ftutivement
,Jrà
lion
fil.m
crà
ftutivement
srà
bruit d'un jet de liquide
cé
poil
sé
épi
1- L'ingressive /a/ est, à l'iniùale absolue, une variante libre de la latérale /1/. Nous verrons que cette variation
libre est soumise cependant à une petite restriction.
50
cÈ
maladie
sÈ
rônier
1
1
Cl
avoir pour totem
SI
prendre
TI ressort de ces rapprochements que Ici est une occlusive palatale sourde.
II.2.2.6. LE PHONEME IV
Les rapprochements suivants permettent l'identification du phonème IJ/ :
On se reportera au point II.2.2.5.c)
.Jrà
lion
glà
agression; teinture
·
.
JU
traduit un pas sourd gu
amas
dJLj
·
JU
traduit un pas sourd
jù
fond d'une plaie infectée
•
.,
p
(se) refroidir
p
fagot
•
.,
Ja
(se) mettre en travers
Ja
igname
·
.
JO
échassier
zo
intensif qualitatif
JÙ
traduit un pas sourd
zù
en tas
1
P
(se) refroidir lb
acheter
TI ressort de ces rapprochements que Iv est une occlusive palatale sonore.
51
II.2.2.7. LE PHONEME /kI
Les rapprochements suivants permettent l'identification du phonème /k/ :
On se reportera au point II.2.2.5.b)
b) klkP
kà
vous
kpà
bon
k3
tige
kp3
route bitumée
klu
torture
kplu
exprime une fermeture brusque
I l
kua
nom propre
gùà
place du village
clôture
g13
famille
klà
diapositives
glà
teinture; agression
il ressort de ces rapprochements que /k/ est une occlusive vélaire sourde.
II.2.2.8. LE PHONEME /g/
Le phonème /g/ peut être identifié par les rapprochements suivants :
On se reportera au point II.2.2.6.b)
gù
tas
gbù
bruit sourd
gl3
lieu indétenniné
gb15
bruit que fait un objet qu'on jette
glà
agression; teinture
gblà
bruit que fait un coup de machette
52
On se reportera au point ll.2.2.7.c)
ll.2.2.9. LE PHONEME !kW
Les rapprochements suivants permettent l'identification du phonème /kp/:
al IœlP
On se reportera au point ll.2.2.l.b)
bl kD/k
On se reportera au point ll.2.2.7.b)
ç) kplgb
kpù
traduit une extraction
gbù
traduit un coup sourd
kpà
traduit un petit coup
gbà
croc-en-jambe
nressort de ces rapprochements que /kp/ est une occlusive labio- vélaire sourde.
II.2.2.1O. LE PHONEME Igbl
Les rapprochements suivants permettent l'identification du phonème Igbl :
a) gb/1cp
On se reportera au point ll.2.2.9.c)
bl gb/b
gb aga véhicule de transport
baga
bouillie (mil,riz)
à Abidjan
gbà
croc-en-jambe
bà
prise (lutte)
53
c) gblg
On se reportera au point II.2.2.8.b)
cl) gblk
gblà
claie
klà
nom propre de personne
gblù
avec brusquerie et
klù
trou
violence
fi ressort de ces rapprochements que Igbl est une occlusive labio- vélaire sonore.
II.2.2.11. LE PHONEME Ifl
Les rapprochements suivants permettent l'identification du phonème /f/ :
On se reportera au point II.2.2.1.c)
fa
remplir
6a
donner des fruits, produire
fù
dix
6ù
amas
fil
rosée
611
foie
illJJ!.
fà
oiseau sp
và
européen, colon
fë
nourriture
vé
quelque chose
fi ressort de ces rapprochements que /f/ est une fricative labio- dentale sourde.
54
II.2.2.12. LE PHONEME Ivl
Les rapprochements suivants pennettent l'identification du phonème /vI:
On se reportera au point II.2.2.11.c)
vf
quelque chose
6f
épi
vo
franchement
60
cabri
vli
soi-même
6li
dépotoir
rl:t1l2.
,
va
européen, colon
bà
prise (lutte)
d1.J!1lf.
,
,
va
européen, colon
wa
"traduit un bruit de pas ferme"
"
V€€
"marque une ostentation"
' ,
W€€
éparpillé ; répandu partout
VL
dire (ACC)
1
WL
parler
TI ressort de ces rapprochements que Ivl est une constrictive labio-dentale sonore.
II.2.2.13. LE PHONEME /s/
Les rapprochements suivants permettent l'identification du phonème Isl :
,
sa
discussion
za
exprime une protestation
s~
sabre
z~
agression
55
sri
un cours d'eau
zri
tabac
du pays yaouré
On se reportera au point n.2.2.3.b)
On se reportera au point n.2.2.5.d)
fi ressort de ces rapprochements que IsI est une fricative prépalatale sourde.
n.2.2.14. LE PHONEME hl
Les rapprochements suivants permettent l'identification du phonème Iz/ :
On se reportera au point n.2.2.13.a)
zlè
homonyme
Jîè
un masque sacré
zù
traduit un arrêt
jù
fond d'une plaie infectée
zra
tabac
jra
visage
On se reportera au point n.2.2.6.d)
On se reportera au point n.2.2.4.c)
fi ressort de ces rapprochements que Iz/ est une fricative pré-palatale sonore.
56
II.2.2.15. LE PHONEME 161
Les rapprochements suivants pennettent l'identification du phonème /0/ :
oa
bâillement
pa
essaim
oa
prière
pa
cadavre
On se reportera au point II.2.2.12.b)
On se reportera au point II.2.2.2.a)
dl6lc(
06
cabri
ô6
palmier
oË
là
ôË
année
01
gâchette
di
pénis
n ressort de différents rapprochements que /6/ est une ingressive bilabiale sonore.
n.2.2.16. LE PHONEME 11/
Les rapprochements suivants pennettent l'identification du phonème IV :
On se reportera au point n.2.2.4.d)
On se reportera au point n.2.2.6.e)
57
lti
agouti (aulacode)
tti
fruit sp
On se reportera au rapprochement dJ6 du point II.2.2.15.d) ci-dessus.
TI ressort de ces rapprochements que /1/ est une latérale apico-alvéolaire sonore.
II.2.2.17. LE PHONEME li!
Les rapprochements suivants permettent d'identifier le phonème /j! :
On se reportera au point II.2.2.14.b)
jrû
dans la filiation patri-
wlù
mensonge
linéaire, statut de l'homme
dans sa famille maternelle
jèrt
nom propre de personne
wèrt singe
sommeil
li
verge
jüu
se faner
lüu
échouer
TI ressort de ces rapprochements que /j/ est une fricative palatale sonore.
II.2.2.18. LE PHONEME !w!
Les rapprochements suivants permettent l'identification du phonème /w/ :
58
On se reportera au point ll.2.2.17.b)
bl wlb
wèl
potasse
bèl
fois
we
sel
be
(bien) posé
wlù
mensonge
Idù
charognard
1 1
wei
mortier
6' •
el
come
wei)
enterrer
6ei)
effriter
el wlgb
we€
chercher
gbe€
jeu sp
wà
traduit un bruit
gbà
croc-en-jambe
de pas ferme
li ressort de ces rapprochements que /w/ est une semi-consonne labio-vélaire sonore.
Au terme de cette identification des phonèmes consonantiques, il convient de noter une
classification interne qu'on peut établir sur une base articulatoire, par rapport au trait de
coronalité, et qui semble jouer un rôle dans le fonctionnement (morpho)phonologique du
yaouré. Cette langue comporte en effet des consonnes coronales, dont l'émission s'accompagne
d'un soulèvement de la lame de la langue: il s'agit de t, ,d, .da.~, l, i, 1, Z" l, les labiales, les
vélaires et les labio-vélaires étant non-coronales. 1
1- Les consonnes coronales seront marquées [+COR] et les non-coronales [-COR]
59
Les segments consonantiques et vocaliques que nous venons d'identifier sont, à ce stade
de l'analyse, ceux que la méthode des paires minimales nous autorise à poser comme phonèmes,
et ceci sans ambiguïté aucune. Mais si nous confrontons ces unités identifiées avec nos deux
tableaux phonétiques, il apparaît que certains segments restent pour ainsi dire sans nom; c'est le
cas de llt1 ~, que nous ne citons qu'à titre d'illustration. On pourrait alors se demander si ces
lacunes ne viennent pas de notre corpus, qui est clos par nature. Nous pensons pouvoir écarter
cette hypothèse, étant donné que notre corpus, nous l'avons délibérément défini comme ouvert et,
surtout, que nos vérifications, manipulations et tests se sont étendus sur une période de temps et
dans un espace suffisants pour que nous soyons en mesure de conclure avec quelque certitude.
Nous pensons donc qu'à propos de ces unités, non définies, et qui forment une sorte de rebut
provisoire, il est indispensable de chercher à connaître leur nature et leur statut à partir d'une
étude distributionnelle conséquente; celle-ci ne peut avoir véritablement de sens qu'une fois
déterminées les conditions formelles d'occurrence des unités en cause, en particulier si sont
identifiées les structures syllabiques du yaouré.
Il.3. LES STRUCTURES SYLLABIQUES DU YAQURE
L'objet de cette Section consiste en la présentation des structures syllabiques du yaouré
et des schèmes tonals qui leur sont associés. Ceci suppose une identification préalable de la
syllabe yaouré, ainsi qu'une esquisse de son système tonal puisque le ton est l'un des paramètres
définitoires de la syllabe. On montrera parallèlement que tout cet ensemble de considérations ne
prend sens qu'à la lumière d'une théorie autosegmentale, en particulier celle du charme et du
gouvernement, dont nous rappellerons l'objectif principal et définirons quelques concepts
fondateurs.
60
II.3.1. LE PROBLEME THEORIQUE DE L'IDENTITE DE LA SYLLABE
Nous n'avons pas l'intention de nous engager dans le débat millénaire sur la nature de la
syllabe auquel aucune théorie phonologique n'a encore mis un point final. Nous voudrions
simplement rappeler brièvement en quels termes le problème se pose et dire à quelle conception
nous nous en sommes tenu pour la description du yaouré.
On sait que les différents essais de définition de la syllabe ont eu des fondements soit
acoustiques, soit articulatoires, soit fonctionnels ou une combinaison dosée de ces trois
paramètres. Pour ne pas faire un historique exhaustif de ces trois approches, on se souvient de la
position du Roumain ROSElTI, pour qui la syllabe est un assemblage minimum de phonèmes
ayant pour centre une voyelle, laquelle est précédée ou suivie de consonnes. Le Tchèque
HALLA, pour tenir compte de certaines langues comme le tchèque ou le polonais, ajoutait que ce
centre pouvait être une consonne.
Pour JESPERSEN, la syllabe est un groupe de sons ayant en son centre le son le plus
sonore.
SAUSSURE définissait la syllabe sur la base du degré d'apenure des sons, la syllabe
étant délimitée par une ouverture ou une fermeture.
Maurice GRAMMON défmissait la syllabe par la tension musculaire, celle-ci, faible au
début, atteint son sommet au centre de la syllabe pour chuter sur la fin.
A y regarder de près, chacune de ces définitions touche à un aspect de la réalité
syllabique. Pour ne pas être parvenus à synthétiser les différents aspects d'une même chose, des
linguistes en sont arrivés à des conceptions et à des définitions de la syllabe pour le moins
surprenantes. GREGOIREI pour le gouro et HOPKINS pour le yaouré considèrent comme
syllabe dans les langues mandé, des structures telles que V, CV 1VI,CV 1LV 1. CV 1V2,
CV1LV22• Ceci ne nous semble pas correspondre à la réalité en yaouré. Ce sont en effet de tels
1- GREGOIRE, H.-Cl. (l979) : op. cil pp 404-414
2- HOPKINS, B. (19813) : op. cil.
61
flottements qui conduisent cenains linguistes à créer des longueurs vocaliques, d'autres auteurs à
proposer une unité prosodique extérieure en vue de résoudre cenains problèmes tels que les
tons, la nasalité et l'harmonie vocalique. Il apparaît nécessaire de revoir ce concept de syllabe et
de l'ajuster à la réalité de la langue que l'observation minutieuse permet de dévoiler. Nous
proposons justement de procéder à cette révision dans le cadre d'une théorie autosegmentale, en
particulier celle du charme et du gouvernement , soutenue par Jonathan KA YE, Jean
LOWENSTAMM et Jean-Roger VERGNAUD, et que, à ce stade, nous jugeons utile de
présenter succinctement.
ll.3.2. LA THEORIE DU CHARME ET DU GOUVERNEMENT
On ne peut manquer d'être frappé, ces dix dernières années, par la convergence -
peu
impone à panir de quel(s) point(s) -
de la syntaxe et de la phonologie au double plan des
exigences théori.ques et de la méthode. Tout le monde s'accorde pour reconnaître que, pour saisir
le fonctionnement du langage, il faut en sonir; d'où la nécessité de construire une métalangue,
plus exactement un système de représentation métalinguistique qui permette, à partir
d'hypothèses fones et d'un minimum d'outils, d'expliquer les processus langagiers avec un
maximum de rigueur, d'homogénéité et de capacité de généralisation.
Pour la phonologie autosegmentale, la thèse structurale des traits peninents ainsi que les
règles de la phonologie générative ne décollent pas de l'objet qu'elles prétendent expliquer. Il
apparaît donc nécessaire de poser un cenain nombre de principes, d'êtres primitifs, et des règles
pour dériver les objets phonologiques, ainsi que des paramètres pour rendre compte des
spécificités des langues paniculières.
Un objet phonologique est essentiellement une construction à partir de plusieurs plans
ou ensembles autonomes de données dont la combinaison n'est pas nécessairement linéaire.
Le plan syllabigue, c'est le plan où se définissent formellement les structures syllabiques
en dehors de toute matérialité et en termes de relations d'ordre: l'attaque (A) et la rime (R) étant
62
les constituants syllabiques, A précède R, laquelle domine obligatoirement un noyau N. TI existe
entre A et R (ou N) une relation de prégnance, qui définit un rapport de gouvernement. La
direction du gouvernement intra-constituants est de gauche à droite, celle du gouvernement
transconstituants de droite à gauche. Rou N gouverne A, c'est-à-dire détermine ou oriente son
organisation matérielle et fonctionnelle.
Le plan syllabique ainsi défini se projetant sur le sQuelette y détermine des positions,
c'est-à-dire des lieux qualifiés qui vont pouvoir, en opérant un filtrage, structurer les objets des
plans segmental et tonal.
Les composantes ou éléments simples et complexes du plan segmental se projetant sur le
plan squelettal vont, de ce fait, se situer de façon homologique par rapport aux lieux qualifiés ou
lieux phénoménologiques défmis par les rapports de gouvernement des structures syllabiques,
c'est-à-dire s'ordonner en fonction de leur charme ou de leur capacité ou inaptitude à gouverner.
La projection du plan tonal et d'autres plans éventuels1 de la substance, mutatis.
mutandis, va se faire selon le même principe.
En retenant le plan syllabique, le plan squelettal comme projection du premier, en
retenant aussi le plan segmental, le plan tonal et un plan il représentant une autre dimension de la
substance, les processus phonologiques reposent sur une base architecturale qu'on peut
représenter par ce schéma qui s'inspire d'une proposition faite par Georges HERAULT.2
1- En effet, la phonologie autosegmentale est fondamentalement pluridimensionnelle.
2- HERAULT, G. (1989): "Les rections en soninké", in Revue LinguistiQue Africaine. n03. Paris. p. 45.
63
Schéma 1 :
Plan syllabique
A
R
A
R
1
1
1
1
1
1
N
N
1
1
1
1
Squelette - )
Plan segmental
Plan tonal
fi convient d'ajouter que, dans cette perspective, la dichotomie voyelle/consonne devient
caduque et les objets phonologiques sont définis comme constitués à partir d'un certain nombre
d'éléments représentant des matrices de traits dont on peut citer quelques uns à titre de
propositions non exhaustives et non définitives. 1
V
élément neutre ou voyelle froide
JO
représente l'antériorité
A+
représente l'aperture maximale
DO
représente l'arrondissement
IO
représente la cavité pharyngale maximale, c'est-à-dire le trait ATR
N+
représente la nasalité
RO
représente la coronalité
? 0
représente la constriction
cf!
représente le trait continu
L-
représente le ton bas
H-
représente le ton haut
1- KAYE, J., LOWENSTAMM, J., VERGNAUD, J.R., (1988) : "La structure interne des éléments
phonologiques: une théorie du charme et du gouvernement" in Recherches linguistiQues n° 17, Paris.
- KAYE, J., LOWENSTAMM, J., VERGNAUD, J.R. (1989) : "Constituent structure and government in
phonology".
64
Parmi ces éléments, certains sont channés positivement, c'est-à-dire- dire qu'ils ont une propriété
particulière qui les rend capables d'orienter leur propre combinaison avec d'autres éléments; il
s'agit de A+, 1+ N+. D'autres éléments, qui n'ont pas cette propriété, sont sans charme et ne
peuvent pas gouverner les premiers; c'est le cas de Va, la, Ua, Ra, 1 a dans la liste non exhaustive
qui vient d'être proposée.
A la base des segments, nous avons désormais, au plan de la substance, un continuum
dont on part pour définir les unités phonologiques discrètes, qu'elles soient "vocaliques" ou
"consonantiques". Quelques problèmes surgissent dont nous citerons quelques uns. Si les plans
sont autonomes, comment se fait-il que des éléments tonals entrent dans la constitution de
certains segments? Les plans tonal et segmental fonctionnent-ils à un niveau antérieur au plan
squelettal ? Quelles seraient alors les règles de cene composition, et quel serait le statut de l'entité
dérivée? A quoi renverrait alors le concept d'autonomie? Nous nous contenterons ici de ces
interrogations pour ne pas alourdir ce bref rappel de l'option théorique qui nous a guidé.
li reste sunout que ce qui caractérise les processus phonologiques dans ce cadre
théorique, c'est le mouvement interne à tout cet ensemble. Des éléments simples ou complexes
de channe différent vont pouvoir fonctionner selon des règles de prépondérance, c'est-à-dire en
fonction de leurs traits chauds! et de leurs statuts de tête2 ou d'opérateur; d'autres éléments
encore, selon les cas et les relations, vont s'effacer définitivement ou flotter3, avec la possibilité
ou non d'être récupérés. Des positions vont se vider ou se remplir, chaque opération
s'accompagnant d'un statut. Enfm, le phénomène de propagation, c'est-à-dire de l'extension d'un
élément au-delà de son propre domaine, va pouvoir expliquer, sur la base de relations de
gouvernement ou non l'influence des segments les uns sur les autres. C'est dans ce système
1- Le trait chaud d'un élément, c'est son trait pregnant, prépondérant. Parmi les traits de A+ par exemple,
[ HAUT] est le trait chaud.
2- De deux éléments qui fusionnent, l'élément qui est prépondérant et qui oriente la fusion constitue la ~,
l'autre étant l'opérateur. Ainsi, dans la fusion de 1° et de A+, le statut de 1° fait que nous obtenons lEI. Si A est
tête, nous avons plutôt /lei.
3- Un élément ~ quand il existe sans être, momentanément, inséré de façon concrète et objective dans un
domaine fonctionnel donné.
65
cinétique, dont la déformabilité, de façon apparemment paradoxale fonde la stabilité, que nous
avons pu trouver des éléments d'explication aux processus complexes que nous avons rencon-
trés tout au long de ce Chapitre. C'est aussi ce système qui nous a pennis de mieux circonscrire
l'identité de la syllabe yaouré.
II.3.3. LA SYLLABE YAOURE
Nous pensons qu'il est préférable de s'en tenir à une défmition qui pennette de rendre
compte des aspects soulignés plus haut de façon éparse, c'est-à-dire à une défmition structurelle
et phénoménologique solide qui soit en mesure d'interpréter la matière apparemment disparate et
hétérogène qu'offre la langue.
Pour le yaouré tout au moins, nous considérons que la syllabe repose sur une structure
composée d'une attaque (A) et d'une rime (R), de telle sorte que ces deux pôles se présupposent
mutuellement: l'attaque est l'attaque d'une rime qui est elle- même la rime de l'attaque. Comme
nous l'avons dit plus haut, c'est la projection de cette structure sur le plan squelettal qui y défmit
des positions ou lieux qualifiés, lesquels, à leur tour, investissent des êtres synthétiques hybrides
en vue de leur fonctionnement et de leur interprétation.
La syllabe elle-même est le résultat de la composition par filtrage de la structure
syllabique, être de raison, d'un contenu segmental et d'un contenu tonal. Cette conception donne
une figuration de la syllabogenèse que l'on peut représenter à l'aide du schéma1 ci-dessous:
1- Précisons les articulations de cette genèse:
- a : symbole représentant la syllabe
- AR : structure syllabique (Attaque-Rime)
- CV : syllabe (munie d'une structure, d'un contenu segmental, d'un contenu tonal). C. et V sont des
notations classiques; dans la perspective où nous nous situons, C. et y doivent être perçus comme une
combinaison d'éléments, ce qui tend à rendre caduque la définition de la syllabe comme l'union d'une consonne et
d'une voyelle.
66
Schéma 2
S
e
n
s
Plan tonal
d
e
s
p
r
o
j
e
c
t
1
o
n
Syllabe
Squelette
s
- - - """""-
-x-
C
V
La structure syllabique AR projetée (par projection syllabique), ne devient donc une syllabe,
donnée fondamentale représentée ici par CV, qu'une fois informée par la projection segmentale,
puis par la projection tonale. Le ton, on le voit, apparaît comme une composante constitutive de
la syllabe. Mais, en mettant provisoirement entre parenthèses le paramètre tonal de la syllabe, ne
retenant donc pour l'instant que sa dimension structurelle et segmentale, nous nous proposons
d'identifier les structures syllabiques du yaouré.
ll.3.4. LES STRUCTURES SYLLABIQUES DU YAOURE
Une observation attentive des processus phonologiques du yaouré conduit à un constat
simple. Le yaouré connaît essentiellement deux types de structure syllabique: les monosyllabes
et les dissyllabes. Nous les présenterons tour à tour en les caractérisant.
67
ll.3.4.I. LES MONOSYLLABES
a)
A
N
b)
A
N
1
1
1
1
1
1
1
1
x
x
x
x
1
1
1
s
~
"cheval"
è1
"je"
Ce qui est discriminant ici, c'est que la seconde structure a une attaque segmentalement vide.
Nous verrons que c'est essentiellement la structure de certains pronoms. Nous pourrons aussi
constater qu'en séquence, ce type de structure peut conduire à des propagations d'éléments dans
la position d'attaque vide et donner des formes intéressantes ()îâ, jaâ, etc.) sur lesquelles nous
aurons l'occasion de revenir plus longuement.
II.3.4.2. LES DISSYLLABES
Le yaouré connaît essentiellement trois types de dissyllabes que nous présenterons
d'abord dans leur ensemble avant de faire des observations.
A-
a)
Al
NI
A2
N2
b)
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
1
1
1
1
x
x
x
x
x
x
x
x
1
1
1
1
,
s
E
li:
s
~~a
"hévéa"
"riz"
c)
A2
N2
A2
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1
1
1
t
t1
E
"fil Sp"
68
/1.-
a)
Al
NI
A2
N2
b)
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
1
1
1
1
x
x
x
x
x
x
x
x
1
1
1
1
1
1
1
1
,
k
0
d
i
k
à
1
u
"dos"
"cola"
c)
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1
1
1
1
k
il
1
È
"caillou"
c-
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1
1
1
f
1
!
"village"
En A-, nous avons le premier type de dissyllabe. La seconde attaque A2
est vide, mais
les deux noyaux NI et N2 ne sont pas adjacents pour autant. La représentation ci-dessus
montre que deux réalisations segmentales identiques, comme dans sàa (b), équivalent à un
segment correspondant à deux unités temporelles en squelette. Sur un autre plan, nous verrons
que si VI est arrondie, V2 non arrondie et C coronale, VI a une réalisation brève, [v], comme
dans tut (c).
Dans le deuxième type de dissyllabe B, toutes les positions en squelette sont occupées.
La seule remarque importante à faire concerne l'attaque A2. En effet, si la consonne
intervocalique A2 est identique à /1/, les voyelles VI et V2 doivent être différentes, car si elles
sont identiques, nous obtenons, pour des raisons que nous préciserons tout à l'heure, le
troisième type de dissyllabe (C). Sur un autre plan, et comme nous l'avons vu pour le premier
type de dissyllabe, si VI a le trait [+RD], V2le trait [-RD] et que A2 est identique à /1/, donc
transparent, comme nous le verrons de façon détaillée plus tard, nous obtenons [v] alors
69
qu'avec une consonne différente de 11/ nous avons une voyelle V 1 pleine quelles que soient VI
etV2.
Enfin, le troisième type de dissyllabe apparaît en C-. La caractéristique de ce type de
dissyllabe, c'est qu'il comporte un premier noyau vide. Nous verrons de façon détaillée que dans
ce cas, VI est identique à V2 qui se projette en puissance en position NI grâce à la transparence
de/1/.
Si nous faisons le point de la situation pour ce qui est des structures syllabiques du
yaouré, nous pensons qu'on peut s'en tenir aux deux catégories et aux sous-catégories
présentées ci- dessus. Nous avons limité notre inventaire aux monosyllabes et aux dissyllabes
parce que la plupart des unités de plus de deux syllabes nous paraissent souvent comme des
dérivés ou des composés; ce sont autant d'intuitions que nous n'avons pas toujours des
arguments solides pour exploiter. Par exemple, il existe des unités dont on peut penser qu'il
s'agit de composés, sans pour autant être en mesure d'attester l'autonomie des composantes.
C'est le cas de ~ "un bon petit nombre de... ". A-t-on affaire à une base adjectivale
CVCVLV ? C'est aussi le cas de ~ "solliciter" et de flo611 "courir", qui comportent
respectivement -pâ "mettre" et M "course", sans que *~ et *nh correspondent, dans ce cas, à
quelque chose dans la langue. li n'est donc pas facile de trancher, surtout qu'il faut aussi tenir
compte des unités à base d'emprunt, des composés figés d'origine proverbiale et onomatopéique.
li convient de souligner que les entités qui peuvent être identifiées sur la base des
structures ainsi définies ne sont, au bout du compte, érigées en morphèmes authentiques du
yaouré que par leurs schèmes tonals. Pour définir ceux-ci, il convient de rappeler d'abord les
données essentielles du système tonal de cette langue.
Il.4. LE SYSTEME TONAL DU YAOURE
li s'agit de présenter une esquisse des faits essentiels du système tonal yaouré que nous
exploitons dans le présent travail.
70
llA.I. DEFINITION DU TON
Le ton est la variation de la hauteur mélodique à l'intérieur d'une même fonne et dont la
valeur distinctive permet d'opposer au moins deux unités de signifiés différents. Pour une
langue à deux registres tonals ou tonèmes, haut (lI) et bas (B), à partir de la même forme
théorique ]KA[, on aura par exemple deux unités distinctes de signifiés "A" et "B", soit :
ka "sens A" et kà "sens B"
Le cas du yaouré est moins simple, de par le nombre de tonèmes.
ll.4.2. IDENTIFICATION DES TONEMES DU YAOURE
Les rapprochements ci-dessous nous pennettront d'identifier les tonèmes du yaouré.
klû tortue
pa essaim
sa
arc
ka
pièce de "boîte à souris"
klû charognard
pà grappe
sâ
contaminer
kà
vous
klü famille
pi cadavre
si
cancans
ki
pièce de viande
klù trou
pà paroi
sà
discussion
kà
(la) mort
On constate que le yaouré a quatre hauteurs mélodiques pertinentes, c'est-à-dire quatre (4)
tonèmes ponctuels: haut (lI), mi-haut (MH), mi-bas (MB), et bas (B) que nous représentons
par les quatre signes conventionnels ci-dessous.
-Haut (lI)
: /
-Bas (B) : \\
-Mi-haut (MH) : 1
-Mi-bas (MB) : -
Selon les langues, les tonèmes ponctuels peuvent s'associer de façon diverse pour créer d'autres
catégories de tonèmes.
ll.4.3. TYPES DE TONEMES EN YAOURE
Les tonèmes que nous venons d'identifier sont ponctuels, au sens où seule la hauteur
relative constante assume la fonction distinctive. On peut se demander s'il existe en yaouré des
71
tons modulés. Un ton modulé ou mélodique est un ton pour lequel la fonction distinctive n'est
pas assumée par les hauteurs relatives, mais par le passage d'un palier à un autre, voire par la
direction même de ce passage. Ainsi on aura, pour ne prendre que quelques exemples d'ordre
général,
Ton montant: / ~
/
Ton descendant: /
~
/
Ton montant descendant: /
~ /
Ton descendant montant: /
~ /
ce phénomène pose le problème de la durée des sons ou phonèmes impliqués, et plus
exactement celui de la quantité vocalique. La longueur vocalique existe en yaouré, mais il n'y a
pas, au plan phonologique, de voyelles longues s'opposant, en tant que phonèmes, à des voyelles
brèves.
La longueur vocalique est déterminée par un segment vocalique occupant deux positions
en squelette et définissant ainsi un dissyllabe, comme nous l'avons vu lors de l'étude des
structures syllabiques. Donc, chaque fois que nous avons un ton modulé, il n'est, pour le yaouré,
interprétable que comme issu de deux positions squelettales. Ainsi, pour sn "enfler" et klcfl'
"chewing gum", nous avons les structures tonales suivantes:
A
N
A
N
A
N
A
N
1
1
1
1
1
1
1
1
x
x
x
x
x
x
x
.x
1
/
113/
~I
, ,
1
\\
1/
1\\
ifl
1
MB/(
l i f
,
/s
il
- ) [slî]
/k
1
û:J/
- ) [klcfl ]
D'une façon générale, la distribution des tons modulés ou des tons ponctuels identifie
pour chaque fonne une ou plusieurs réalisations appelée(s) schème(s) tonal(s).
72
n.4.4. DES SCHEMES TONALS
On appelle schème tonal l'une des structures tonématiques caractérisant une structure
morphématique donnée. Par exemple, pour une langue à deux tons, une structure telle que
]CVV[, si elle existe dans cette langue, aura les quatre schèmes tonals théoriques ci-dessous:
/ cvv/, / cvv /, cvv/, cvv/.
Ces quatre schèmes ne sont pas nécessairement tous attestés dans la langue en question. Par
ailleurs, au-delà de ces schèmes lexicaux, il faut tenir compte de ceux créés par les relations
syntagmatiques.
n.4.5. DE LA STABILITE DES TONEMES ET DU ROLE DES SEGMENTS
Les rapports syntagmatiques des morphèmes entraînent souvent des changements
combinatoires intéressants que nous nous proposons d'examiner pour la morphologie du
yaouré, et principalement autour de trois types de phénomènes: l'assimilation, la propagation et
la copie tonales. Ce sera l'occasion de nous interroger parallèlement sur l'attitude des segments
devant ce processus. Ont-ils un rôle catalytique, ou plutôt inhibitif? Peut-être ne pourrait-on pas
répondre par oui ou par non, mais en tout cas, l'analyse du problème impose que nous
précisions rapidement notre conception du rapport entre les segments et les tons.
D.4.6. DU PLAN TONAL ET DU PLAN SEGMENTAL
A la suite de LEBENI et de GOLDSMITH2, nous considérons que le plan tonal et le
plan segmental sont relativement indépendants et qu'il y a plutôt entre les deux un rapport
d'association autosegmentale. De ce fait, il ne serait ni faux, ni illogique de poser que le ton
1- LEBEN, W. - (1973) : "The role of tone in segmental phonology", in L.M. Hyman (Ed.), Consonant types
and tone, Linguistics Program, University of South Califomia.
- (1978) : "The representation of tone", in TQne : a linguistic survey, V. Fromkin ed, Ac. Press.
2- GOLDSMITH, J. - (1975) : "Tone melodies and the autosegmental", in R. Herbert (00), Proceedings Qf the
6th Conference Qn African Lingujstics, Working Papers in Linguistics, Ohio State University.
- (1976) : "An overview of aUlOsegmental phonology", in Linguistic Analysis.
73
concerne l'unité entière, le mot phonologique ou le mot tout court, fût-ce à travers une
composante de cette unité que représente la syllabe. Dès lors, on peut comprendre qu'il puisse,
dans la morphogénèse, intervenir indépendamment pour faire passer d'une forme à une autre,
d'un niveau morphologique à un autre.
Quoi qu'il en soit, intervenant au niveau de chaque syllabe de morphème, le palier tonal
détermine pour chaque unité significative une identité tonale propre qui constitue son schème
tonal. nnous apparaît utile d'inventorier ici les schèmes tonals principaux du yaouré.
II.4.7. LES SCHEMES TONALS DU YAOURE
Nous présenterons d'abord, à l'aide de tableaux, les schèmes tonals attestés par schèmes
de séquence, puis nous tirerons les conclusions qui s'imposent. Nous tiendrons compte de la
catégorie des bases considérées, c'est-à-dire selon qu'il s'agit de noms (N) ou de verbes (Yb).
nA.7.!. LES SCHEMES TONALS EN CV l
TABLEAU m : Les schèmes tonals en CV
,
N
Yb
~ma1s
H:
/
+
sa
arc
-
B:
\\
+
p3
canari
+
k~
partir
MH:
1
1
+
là
feuille
+
SG)
sauter
MB:-
+
s~
sabre
+
jï
voir
1- Les signes (+) et (-) dans les cases marquent respectivement l'existence et l'absence du schème tonal
correspondant
74
II.4.7.2. LES SCHEMES TONALS EN cyv
TABLEAU IV : Les schèmes tonals en CVV
1
-
N
Yb
Sdàrrsmals
HH:
/ /
+ faa
souris
+ j66
malaxer
BB:
\\ \\
+ kèè
maïs
-
BH:
\\ /
+
ci:S
tennite
+ wU
chercher
.,
MH-MH :1 1
+ saa
riz
-
MB-MB:--
+ saa
panier
+
6:5:5
fuir
MB-H: - /
+ wëi
queue
+
sd~
battre (riz)
MB-MH :-1
+ j'ye
oeil
-
MB-B: - \\
+ cS
pied,jambe
-
B-MH:
\\ 1
+
' .
sae
scandale
-
B-MB:
\\ -
+ m!ë
quelqu'un
-
II.4.7.3. LES SÇHEMES TONALS EN CVLV
TABLEAU V : Les schèmes tonals en CYLV
-
N
Yb
Sdlèrœs mals
HH:
/ /
+
61u
soeur
+
klâ
avoir peur
BB:
\\ \\
+
kulè: caillou
-
BH:
\\ /
+
klu
van
+
ku1a
pouvoir
MH-MH :1 1
+
kitl€
peau
-
MB-MB : - -
+
srd)
~azelle
+
pld)
(se) ŒshabiIIer
MB-H: - /
+
kld) , caoutchouc
+
sri
fondre
MB-MH:-I
+
nr~ langue
-
MB-B: - \\
+
mlô' nom propre
-
B-MH:
\\ 1
+
kà15 lampe
-
B-MB:
\\ -
+
koU: rein
-
75
nA.7.4. LES SCHEMES TONALS EN CVCV
TABLEAU VI: Les schèmes tonals en CVCV
(
~
N
Sdmrs l:na1s
HH:
/ /
+
s:5Q:5
louche
BB:
\\ \\
+
6ù6à
herbes
sauvages
BH:
\\ /
+
kùgû
cage
MH-MH:II
+ pàbch
pan de mur
MB-MB :
+
kâdô
sp
MB-H: - /
+
s~m6a
bâton
1
MB-MH:-I
+ p5dt
écureuil sp
MB-B: - \\
+ tôdà
lieu-dit
B-MH:
\\ 1
+ pèzi
ragoût
B-MB:
\\ -
+
m~ndâ banane
n.4.7.5. CONCLUSIONS ET INTERPRETATIONS DES TABLEAUX
Dans ce paragraphe sur les conclusions à tirer des tableaux ci- dessus, nos observations
porteront à la fois sur les structures syllabiques, que, pour simplifier, nous représenterons à
l'aide des C et V de la tradition, et sur les schèmes tonals.
Pour ce qui est des structures syllabiques, nous nous limiterons à deux remarques. Le
yaouré n'a pas de bases verbales de structure C 1VC2V (avec C2 "# /U). Ceci est une donnée de
la langue. Ce "déficit" est comblé, comme nous le verrons, par la composition et la dérivation.
D'un point de vue statistique, et toutes catégories confondues, 54% des unités de notre corpus
sont de structure CV, 29% de structure CVV, 14% de structure CYLV et 3% de structure
C1VC2V (avec C2"#L) qui ne sont que des nominaux.
76
Quant aux schèmes tonals, on constate les faits suivants :
- dans les structures CV, les nominaux ont les quatre (4) schèmes possibles, les verbes
trois (3), le schème /HI n'étant pas représenté;
- dans les structures CVV et CVLV , sur les dix (10) schèmes principaux possibles, la
catégorie nominale n'en manque aucun, alors que les verbes n'en ont que quatre (4).
Une observation rapide montre qu'une partie des six schèmes tonals absents dans la
catégorie verbale y assument une fonction aspecto-modale. Par exemple, au niveau des verbes
CV, le ton haut (H) est une composante de la marque de l'aoriste. Ceci est illustré par l'exemple
suivant:
base verbale: sâl "sauter" - )
e
s6
il
sauter+AOR - ) il saute
où l'aoriste est marqué par A±fIjj. De même, au niveau des verbes CVV, le schème MB-MH
marque l'accompli. Ainsi, pour j5:S "se cacher", nous avons à l'accompli,
e
• - 1
j:):>
il
se cacher+ACC - ) il s'est caché
On voit que la réduction du nombre de schèmes tonals dans les bases verbales par rapport aux
bases nominales est une stratégie de la langue qui permet de récupérer les schèmes libres pour
les destiner à des fonctions grammaticales.
Enfin, et sur un autre plan, tant au niveau des verbes qu'à celui des nominaux, les
schèmes tonals sont en général soumis à des variations de structure dans les enchaînements
syntagmatiques. li s'agit de processus qui obéissent à des règles dont nous nous proposons
d'illustrer quelques-unes.
77
ll.4.8. LES REGLES TONALES DU YAOURE
Nous nous proposons d'examiner tour à tour les cinq types les plus courants de variation
de schème tonal : la propagation tonale, le relèvement tonal, la dissimilation tonale, l'abaissement
tonal et la copie tonale.
1104.8.1. LA PROPAGATION TONALE
Suivons, dans les exemples ci-dessous, la genèse des schèmes tonals de [môo-f:5l
"remercier", [w€i:-mc1] l "(ïl(s)/elle(s» cherche(nt)" et [non&& nd] "les enfants". Ces formes
sont dérivées de celles qui apparaissent à gauche.
(1)
/mü6
+
f3/
- )
[müo-f:S]
merci
mettre
remercier
(2)
/wè€
+
mo/
-)
[wèè-mô]
chercher
AOR
(ïl(s)/elle(s) cherche(nt)
(3)
/non&ô
+
nô/
- )
[non&&-nû]
enfant
pl
les enfants
Dans les trois cas, il se produit un changement de schème tonal qui affecte les deux
composantes de chaque chaîne. Il s'agit d'une propagation tonale que nous expliquerons à l'aide
de l'exemple (3), le principe général étant le même dans les trois cas.
En (3), nous constatons une modification du schème tonal initial de nonM. Devant le
tonème H de la dernière syllabe de la base, le tonème MB du morphème du pluriel se trouve être
relevé au tonème H. En fait, il se produit une propagation tonale qui conduit le tonème B de la
deuxième syllabe du nominal à se substituer au tonème de la dernière syllabe, le tonème de celle-
ci franchissant ensuite la frontière morphologique du nominal pour se substituer au tonème MB
du morphème du pluriel n.Y.. et tout ceci, dans le cadre d'un même domaine phonologique
/non&ô-nô/.
1- Comme nous le verrons plus tard. ~_est le morphème d'aoriste des bases verbales CVV et C(YlLV.
78
n est intéressant de noter que l'ensemble du processus aboutit au flottement du tonème
MB, lequel peut-être éventuellement récupéré, par exemple, par n! "c'est", un présentatif portant,
en seconde position, sur le nominal. La séquence ci-dessous résume le parcours que nous
venons de décrire.
(1)
(2)
r--ï
nlnc\\c1 nO - ) nc5nc\\c\\ n\\1(-) - ) nc5nc\\c\\ n\\1 (-) n~
En (1) la propagation a eu lieu et le tonème MB de.nA est récupéré par .of en (2) : c'est en fait un
cas d'absorption tonale, le ton initial de n.Q. étant le même que celui de At. Ce flottement et cette
absorption se perçoivent mieux si do fait l'objet d'une emphase pour indiquer qu'il s'agit bien
des (=de les) enfants. L'emphase se marque par un redoublement du segment il de do, ce qui
donne nA.Q.. Dès lors, c'est la première occurrence de il qui va subit l'effet de la propagation et
être élevé au tonème H, alors que la seconde occurrence de i récupère le ton MB initial du
morphème du pluriel que la propagation a conduit à flotter, ce que montre le schéma ci-dessous:
r--ï
nlnM nO - ) nc5nc\\a n\\1(-)-) nc5nc\\c\\(-) n\\10
=les enfants, bien sûr !
Tout ce processus de propagation peut avoir la représentation suivante:
MB BH
MB
MB B
H(MB)_
1 I\\t"" t
1 ~
1
1
n ci n ci ci
''110
- )
nanaa na
a =noneina
n\\10
La propagation tonale consiste donc, pour un tonème d'une syllabe, à empiéter partiellement ou
entièrement sur le domaine tonal de la syllabe suivante.
II.4.8.2. LE REHAUSSEMENT TONAL
Partons des exemples suivants:
79
(1)
Isàl
- )
e
sa - al
guetter
il
guette AOR - ) il guette
(2)
Ik.àl
- )
e
ja
e
kà - enl
mourir
il
Pred
lui
mourir sit - ) il est mort
(3)
MI
1
- )
1
t~1
s'arrêter
toi+IMP
t'arrêter - ) arrête-toi!
(4)
Is~1
+
nul
- )
s~ nO
racine
pl
les racines
(5)
Inf
Bdi + nul
- )
nf - Bdi nO
enfant
mère
pl
les mères de familles
Dans ces cinq cas, un ton se trouve élevé à un registre supérieur par le ton qui le suit ou qui le
précède (2,3,4,5). C'est un cas de rehaussement tonal que nous expliquerons à l'aide des
exemples (4) et (5).
H
MB
H
MB
H
~
1
~
t
1\\"-
s fi
nO
- )
s f i n 0
- )
s fin 0 - ) s~ nO
racine pl
les racines
MH
H
MB
MH
H
MB
MHH
1
1
1
1
1 t
1 1\\
nf - BCil
nO - ) nf -
BCil
nO -)nf - BCil nO - ) nf-Bdi nO
mère de famille
pl
les mères de familles
Après un ton /HI, le ton MB de ~ se trouve élevé à /HI par la propagation de celui-ci, ce qui est
le résultat d'une assimilation progressive.
La propagation tonale et le rehaussement que nous avons décrits peuvent être, dans
l'ordre, traduits par les règles suivantes:
BH
MB
BH
MB
1 1
1
1\\F'-, t
cvv
CV-)
C V V C V,
soit BH+MB - ) BB+H
1- Nous verrons au Chapitre III que le morphème d'aoriste des CV est A:±I1:1L.. que dans la construction du statif,
le tenne de départ de la relation prédicative est reprise par l'anaphorique ~ de ton MH, et que, à l'exception dé la
1ère personne du pluriel, l'impératif (IMP) se construit à l'aide d'un pronom élevé au ton MH; enfin, SIT en (2)
renvoie à l'état ou à la situation où se trouve t "il".
80
H
MB
H
MB
H
1\\
1\\......, +
1
I~
cvv CV-)
cvv cv
-)
cvv cv, soitMB -) H/H-
Il convient de souligner tout de suite que l'élévation du tonème du morphème .n1 n'est pas
automatique. Tous les monosyllabes de schème /HI et une partie des dissyllabes à tonème final
/HI déclenchent le rehaussement à /HI des tonèmes /B/ ou IMB/. Il faut en général au moins
deux registres d'écart. Cependant, avec certains dissyllabes, il n'en va pas de même. Partons de la
liste de morphèmes ci-dessous:
6lu
frère
6WL
frère
klu6
oiseau
stt
perdrix
faa
souris sp
6la
chose
k6g6
taro
fl~
jumeau
kadt
arachide
klô
peur
s:Sg:S
louche
s1"1
injure
pula
rat
Si nous utilisons l'un quelconque des morphèmes ci-dessus avec~, ou le présentif n~ "c'est",
nous obtenons les séquences suivantes, Ua nd "les souris", 6WL nO (=/6dJL nO/)"les frères",
k6g6 nÛ "les taros", pula nÛ "les rats", et non *faa nl1, *6WL nl1, *k6g6 nl1. *pula nl1.
Nous constatons qu'après un ton H, le tonème MB de nY. ne change pas. Dans son ~
tonolo~il;lue du yaouré1 , HOPKINS propose deux explications que nous rappellerons
rapidement. Il postule une distinction entre tonèmes hauts "forts" et tonèmes hauts "faibles",
tous les tonèmes hauts des monosyllabes étant de fait des tonèmes hauts forts et déclencheurs
de rehaussement. Quant aux dissyllabes ou plurisyllabes, dans le cadre d'une première
hypothèse, l'auteur pense que le dernier tonème haut peut être un ancien tonème B ou MB élevé
1- HOPKINS. B. (19813) : op.cil. pp. 26-28.
81
à H, donc en fait un tonème haut faible, selon les deux types définis et qui ne peut donc,
contrairement aux tonèmes hauts "forts", provoquer une assimilation progressive. Ainsi 61\\1 na et
taa na ne peuvent pas nous donner "'~ et "'tac( nd parce que le deuxième tonème de chacun
des deux nominaux, c'est-à-dire les tonèmes:lY. et.:a. sont hauts mais "faibles", alors que nous
avons un rehaussement dans kÙgd nd "les cages", s'ha nd "les bâtons" ete.
La deuxième hypothèse de HOPKINS s'inspire d'une communication personnelle que
lui a faite un de ses collègues chercheurs, E. FLIK.. Selon cette hypothèse, il existerait dans la
proto-langue yaouré un système sous-jacent de cinq registres tonals. Les niveaux H et MH
seraient devenus H, avec la seule différence que le haut (H) venant de MH reste faible alors que
celui venant de H est fort. Ceci expliquerait que les tonèmes faibles précédant immédiatement nû
dans les deux avant-derniers cas cités ne puissent pas assimiler MB.
Nous proposerons une explication relativement différente bien qu'elle se situe un peu
dans l'optique de la première hypothèse de HOPKINS. Nous pensons que dans ces dissyllabes
à tonèmes hauts qui ne provoquent pas d'assimilation, le tonème initial de la deuxième syllabe
est un tonème non haut, soit MB, soit B. Ou bien il s'agit d'une base dissyllabique, et dans ce cas
la distribution tonale lexicale est telle que nous avons le schème cvcv, cvcv étant inexistant ou
rare; ou bien il s'agit d'un composé, nous avons alors une situation où la première syllabe est une
base à ton lexical haut (H) et la deuxième syllabe une base à ton lexical MB ou MH, ce dernier
tonème MB ou MH se trouvant élevé au tonème H par assimilation lors de la composition des
deux bases pour former une seule unité. En fait, qu'il s'agisse d'une base dissyllabique ou d'un
composé de même structure, nous aboutissons à la même situation et le processus d'assimilation
que nous allons décrire est le même.
Le ton haut de la première syllabe ou de la première base élève le ton MB ou MH de la
seconde syllabe ou de la seconde base; son énergie s'épuise et il ne peut plus étendre son
influence à une deuxième syllabe où à une deuxième base, qui se trouve être nû dans le cas que
nous examinons. Il semble donc qu'une double assimilation progressive successive soit
impossible. Si nous reprenons la base Ua. nous pensons que la distribution tonale lexicale
82
devait être !li ou !&i, schèmes tonals qui ne semble pas attestés en yaouré, comme nous l'avons
vu au point Il.4.6.; il s'en est suivi une assimilation de fait ut. Quant à tiilL "soeur",
conformément au deuxième cas envisagé, il s'agirait d'un composé, issu de 6c6 "mère", et lu
"fille", c'est-à-dire "fIlle de la mère", soit "soeur". La composition de ces deux unités pour la
formation d'un morphème unique a entraîné une assimilation qui apparaît dans 61\\1. Ainsi, fa- et
6c6- ayant déjà assimilé respectivement -â et -lu qui font donc écran désormais, ne peut plus
assimiler n:Y., qui conserve alors son schème initial. Nous pouvons schématiser ce blocage de la
façon suivante:
H~ MH
MB
H
MB
l ',:"t ~.~ _ 1
/ \\
cvcv
Cv
ct
- )
CV CV
61ù
nO
- )
61\\1
nO
- )
61\\1 nO
L'impossibilité de la propagation de H au delà de MH nous donne 61\\1 nÜ. On en tire que s'il
s'agit d'un nominal avec deux tonèmes lexicaux hauts, l'assimilation se fait dans des conditions
tout à fait normales. C'est le cas du lexème 1W,1"tortue", qui n'est pas un composé et pour lequel
nous retenons un tonème lexical H.
H
MB
/ ,,-...... r
H
/
\\~
C(V)L V
"CV
- )
C(V)L V
CV
kl\\1
n O - )
kl\\1
n6
-) kl\\1 n6 =les tortues
Le schème de @ se trouve être élevé à /HI sous l'effet du ton /HI précédent.
Dans le cadre de cette étude de l'incidence de la catégorie du nombre sur les bases et les
composés, on peut dire qu'un ton haut (H) devant un ton bas (B) ou mi-bas (MB), les élève à
/HI. Mais certains dissyllabes n'obéissent pas à cette règle pour des raisons qui nous semblent
être d'ordre diachronique et qu'il faudrait pouvoir trouver.
83
II.4.8.3. L'ABAISSEMENT TONAL
L'abaissement tonal, l'inverse du rehaussement tonal en tant que procédé d'assimilation,
n'est pas aussi fréquent que la propagation tonale ou le rehaussement par exemple. Aussi, la
séquence suivante suffira-t-elle pour nous en montrer le principe.
/ë
fa -là/
- )
ë
ft. -là
cela
tomber+Acc
c'est tombé
Si nous mettons entre parenthèses les transformations segmentales sur lesquelles nous
reviendrons longuement plus tard, la propagation du ton bas (B) de la base f2. "mettre"
transforme en B le schème MH du dérivatif la selon un processus très simple:
B MH
l'',J
"
"
f:l - la - ) f:l - la
- ) ftt - la
soit
MH
- )
B/B-
II.4.8.4. LA DISSIMILATION TONALE
L'assimilation d'un schème à un autre par rehaussement ou par abaissement a pour
inverse strict la dissimilation. Bien qu'à ce stade de notre connaissance du fonctionnement du
yaouré il nous soit difficile de définir les contextes exacts et exclusifs de la dissimilation tonale,
nous pouvons néanmoins dire que ce type de variation consiste à marquer un décalage de deux,
voire trois registres entre deux schèmes tonals adjacents dont la langue n'accepte pas soit
l'identité absolue, soit la trop grande proximité structurelle. Les dérivations ci-dessous sont des
exemples de dissimilation tonale.
(1)
/mM
koo/ -)
[mM k66]
là-bas
maïs
le maïs de là-bas
(2)
/flà
wi/
- )
[flà
wl]
affaire
village la tradition
84
(3)
Ikàà
mBI
- )
[kài
m1~]
nous+IMP
plonger
plongeons!
(4)
lë
ji
•
e
plà - dU
-)
[ë ji é pli - dt]
cela
Préd
lui
poser-Sit
c'est posé
L'identité (1,2,4) ou la proximité (3) structurelles des deux schèmes de chaque chaîne a conduit à
une dissimilation interprétable par les règles ci-dessous:
(1 ')
BB
- )
MB-MB/BB -
(2') et (4')
MR
- )
MB/MH-
(3')
BB
- )
B-MBI -
BR
Ajoutons à cette illustration deux exemples intéressants où nous ne considérerons pas
pour l'instant les transformations segmentales complexes.! li s'agit des formes WttlÉ "à eux,
leur" et id "à lui, lui", issues respectivement, comme nous allons le voir, de o+lt "eux+à" et
à+lt "lui+à". Les dérivations ont les formes résumées suivantes:
(5)
10
l€/
- )
wt1lt - )
[Wttl€]
eux
à
à eux (=leur)
(6)
là
., -
. ,-
l€/
- )
Jere
- )
Jre
- )
ure]
lui
à
à lui (=lui)
Dans ces deux séquences, nous voyons les schèmes tonals subir une dissimilation tonale qu'on
peut tenter de traduire par des règles. Pour (6) nous avons le processus suivant:
(6')
MB
- )
RIB -
Quant à (5), il nous semble que nous soyons en face d'une double dissimilation. La première
correspondrait à la règle:
(5')
MB
- )
B/-B
1- Nous les analyserons lors de la description des amalgames pronominaux.
85
qui donne
wittt,
suite que transfonne, comme en (6), la règle de dissimilation
(5")
MB
- )
RIB -
en la fonne finale
wittt
lIA.8.5. LA COPIE TONALE
La copie tonale consiste à affecter à une unité atone le schème tonal d'une syllabe
environnante. Presqu'aussi rare que l'abaissement tonal, elle ne concerne guère que le morphème
nO de l'inaccompli sur lequel nous reviendrons au Chapitre m. Comme on peut le constater dans
les exemples suivants,
(1)
1
w~
- )
ë
ja
wi - na
parler
il
Préd
parler-INAC - ) il est en train de parler
(2)
wei)
- )
ë
ja
wei) - na
flâner
il
Préd
flâner-INAC - ) il est en train de flâner
(3)
kà
- )
ë
ja
kà - nô
mourir
il
Préd
mourir-INAC - ) il est en train de mourir
le morphème nO reçoit le ton des bases verbales sur lesquelles il porte.
Les règles que nous venons d'énoncer appellent toutefois quelques remarques.
D'abord, nous pensons que ces règles doivent être distinguées des variations tonales
marquant certaines catégories aspectuelles et que nous considérons donc comme des marqueurs
grammaticaux. Tel est, par exemple, le cas du schème MB-MH de l'accompli des dissyllabes
CVV et C(V)LV.
86
Par ailleurs, à ce stade des études sur le yaouré, nous préférons considérer ces règles
comme une allure générale du fonctionnement d'un secteur du système tonal. TI ne nous semble
pas en effet prudent d'enregistrer dès à présent un fonctionnement systématique et automatique
de ces règles, le système tonal du yaouré apparaissant très complexe et l'influence des systèmes
des divers paramètres externes difficiles à maîtriser.
Enfin, il est des faits qui constituent en eux-mêmes une invite à la prudence. Par exemple,
si nous avons des séquences comme
•
n~
665
nO
enfant
mère pl
- ) les mères de famille
ë
fit -là
cela
tomber+ACC - ) c'est tombé
nous n'avons pas
*Wl
nO
animal
pl
*ë
sa
a -la
il
guetter + AÜR
respectivement pour "les animaux" et "il se met à l'affût". Alors que le morphème nu peut être
soumis au rehaussement tonal, ce n'est pas le cas pour le dérivatif verbal li ; à l'inverse, alors que
la accepte l'abaissement tonal, nu le refuse. TI semble donc y avoir une sorte de principe de
"directionalité" dans la variation des schèmes, et ceci en rapport avec la nature des unités. Cela
nécessite donc une analyse minutieuse des unités et des schèmes en vue d'une catégorisation
permettant, peut-être, une meilleure interprétation du fonctionnement tonal.
Le bilan que, plus haut nous avons esquissé quant à l'identification des phonèmes
vocaliques et consonantiques, a fait état d'un certain nombre de segments non définis. Ceci nous
a alors amené à souligner la nécessité d'une observation minutieuse et d'une analyse
distributionnelle rigoureuse de ces segments en vue de leur identification. Les structures
syllabiques que nous venons de déterminer, et qui sont en quelque manière enrichies par les
87
éléments du système tonal, nous mettent à présent en meilleure position pour examiner la
distribution des unités non encore identifiées en vue de leur interprétation.
n.;,LA mmœUfI)NDfS SEGMENTS ElItES PHENOMENES COMBJNAJl)JRES
n.s.l. DES SEGMENTS VOCALIQUES
Avant d'en venir aux phénomènes combinatoires proprement dits, nous examinerons
d'abord les types de contraintes qu'on peut observer au niveau des séquences vocaliques de
surface.
II.5.1.1. STRUCTURE DES SEQUENCES VOCALIQUES
A - LES FAITS D'ORDRE POSITIONNEL
Nous ferons ici simplement deux remarques. A l'exception de certains noms propres,
ainsi que de quelques pronoms dont nous examinerons ultérieurement la structure, les segments
vocaliques ne se rencontrent presque jamais à l'initiale de morphèmes. En position finale, il n'y a
pas de restrictions en dehors de celles qui pourraient être éventuellement imposées par des
contraintes séquentielles.
B- LES FAITS D'ORDRE SEQUENTIEL
Nous plaçant d'abord du point de vue du simple constat, nous tenterons de dresser
l'inventaire des séquences vocaliques attestées. li ne s'agit pas, à ce stade, d'une théorie de l'ordre
dans les séquences vocaliques -
une telle théorie ne pourrait, en tout état de cause, se concevoir
que dans le cadre de processus phonologiques globaux. Dans la présentation qui va suivre, nous
commencerons par limiter notre enquête au schème de séquence CVV. Cela réduira les risques
de confusion et nous mettra en meilleure position pour mieux interroger ensuite les structures
88
Cl VC,V (C2 =# L) en vue d'un jugement plus équilibré. Nous prendrons des séquences
mono-Iexématiques.
a) Les séquences çVl~l
10 les séquences orales
a' ) le segment lai
Ce segment nous donne la séquence
aa
Ex:
kàà
nous
b') les segments ATR 1
Nous avons les séquences ci-dessous:
11
ee
uu
00
Ex:
sn
reé
s'enfler
vomir
c') les segments non-ATR
Nous avons les séquences ci-dessous:
LL
Ex:
k55
sc5c5
se débattre
mâcher
2 0 les séquences partiellement ou entièrement nasales
a') le segment lai
Nous avons la séquence
cio
Ex:
sôd
s'égarer
l-Les segments ATR (avancés) seront représentés par ATR et les non ATR (rétractés) par non-ATR
89
b') les segments ATR
Nous avons les séquences suivantes:
..11
\\1Q
Ex:
sii
sauce
c') les segments non-ATR
:55
Ex:
13:5
puis
b) les séquences CV]Y2
1 0 les séquences orales
a') les segments ATR et /a/+ ATR
Nous avons les séquences ci-dessous:
ie
ia
uo
ua
io
Ex:
puo
latérite
ei
ou
au
ue
b') les segments non ATR et /a/+ non - ATR
Nous avons les séquences ci-dessous:
Ex:
• 1
sa€
affaire grave
c') les segments ATR et non - ATR
Nous avons les séquences ci-dessous:
i€
UCil
U:>
1:>
Ex:
füri),
f:)ü
se réveiller
inopiné
€i
:>u
u€
90
2 0 les séquences partiellement ou entièrement nasales
a') les segments ATR et laI + ATR
lei
Od
Ex:
këü
tèi
tiA
jeu sp.
scandale
encore
eiei
00
b') les séquences non-ATR et laI + non-ATR
..
Ex:
'
sot
piège
C') les segments ATR et non - ATR
1
lf
0:5
Ex:
sit
fè:1
désormais
étale
:50
Dans ces tableaux dont le but essentiel est de susciter la réflexion, nous n'avons noté que
les séquences attestées. Alors que certaines impossibilités s'expliquent par des raisons
relativement objectives -
c'est le cas de *~ et -'!ri. par exemple - , il n'en est pas de même pour
d'autres -
c'est le cas de *iY. et *~, par exemple. En effet, l'impossibilité des deux premières
séquences vient du fait que les segments de chaque couple appartiennent à des séries différentes;
par contre, les séquences *iu et *eu ont leurs couples de segments appartenant chacun à la
même série, mais elles ne sont pas attestées. On serait tenté de soutenir qu'une langue peut en
effet disposer d'une possibilité et ne pas l'exploiter, alors qu'il lui sera difficile d'exploiter une
impossibilité, à moins que cene langue ne s'engage dans la voie d'un changement qui, d'un point
de vue diachronique, aboutira à une transfonnation de tout ou partie de son système.
Nous avons dit qu'il ne sert à rien, tout au moins à ce premier stade, d'élaborer une
théorie de l'ordre dans les séquences vocaliques. Il nous semble en effet plus utile de situer les
phénomènes constatés dans le cadre de processus (morpho)phonologiques impliquant à chaque
fois le maximum de paramètres. C'est dans cet esprit que nous ferons les observations qui
91
suivent et qui ne sont que des suggestions pour une réflexion plus approfondie sur les
séquences vocaliques.
c) Les séquences vocaliQues et les contraintes multiformes
D'une façon générale, les séquences impossibles s'expliquent par des contraintes dont on
peut esquisser les contours.
Au point a),l 0 où nous avons affaire à des combinaisons de segments en tous points
identiques, toutes les séquences sont possibles. Nous ne rencontrons vraiment des
impossibilités que lorsque nous passons des séquences partiellement nasales, et aux séquences
CV 1V2 à deux voyelles distinctes. C'est la nature des segments qui déterminerait, peut-être de
façon non absolue, leur aptitude ou leur inaptitude à s'associer. Par exemple, l'agencement de
segments ATR et de segments non ATR aboutit souvent à des séquences non attestées telles que
*el., *O(i), *~ pour ne citer que celles-là.
Le point d'articulation peut aussi entrer en ligne de compte dans l'association des
voyelles. Il peut empêcher une séquence s'il ne provoque pas une assimilation. C'est ainsi que
des séquences CV 1V2 comme *iY et *~ par exemple sont pratiquement impossibles dans une
composition CV 1V2. En effet, la combinaison voyelle antérieure / voyelle postérieure est plutôt
difficile, et quand elle a lieu, elle se fait souvent de la voyelle postérieure (P) à la voyelle
antérieure (A). Ainsi, on trouvera plus difficilement *iY, *~, *eo que ui, ue, oe qui, elles, sont
des séquences phonologiquement attestées quelles que puissent être leurs réalisations par
ailleurs.
A un deuxième niveau, la composition peut dépendre de quelle voyelle antérieure
s'associe avec quelle voyelle postérieure, car l'une et/ou l'autre peuvent être fennées ou ouvenes
et, selon les cas, les contraintes peuvent varier. On voit donc que doit aussi être pris en compte le
degré d'apenure des segments. Qu'il s'agisse de la composition postérieur/antérieur (PIA), de la
composition antérieur/antérieur (A/A) ou de la composition postérieur/postérieur (Ptp),
92
l'association a tendance à se réaliser plus souvent dans le sens fermé-ouven (F-O), fermé- fermé
(F-F) ou ouven-ouven (0-0) que dans le sens ouven-fenné (O-F). C'est pour cela que, par
exemple, nous trouverons moins difficilement ~ .l!i ~ que *kl!. Nous sommes ici en face de
phénomènes dont seule une analyse fine dans chaque situation, dans le cadre de chaque
séquence et en rapport avec d'autres paramètres, peut pennettre une interprétation plus
rigoureuse des faits, c'est-à- dire une explication plus rationnelle de telle ou telle impossibilité.
Enfin, le trait nasal intervient aussi comme une contrainte dans les compositions
vocaliques; il n'est pas très fréquent d'avoir une séquence de deux voyelles dont une seule est
nasale. Ainsi, nous avons des séquences impossibles telles que *,Qg" *.Q.Q., la dernière posant le
double problème de la nasalité et de l'association ATR + non- ATR.
Au total il apparaît que les compositions vocaliques soient soumises à des contraintes
dont nous n'avons esquissé que quelques-unes. Cependant, on ne saurait parler d'une parfaite
régularité de componement.
En effet, le tableau b), 1°, c' nous montre des séquences pour le moins surprenantes
telles que i,t, UGl et i! pour ne citer que celles-là, et qui se trOuvent réalisées respectivement dans
ciË "tripes", fürii "réveiller" et fii "éléphant". Ces unités, fonnées de segments de séries
différentes (ATR et non-ATR), sont perçues par le sens commun en tant qu'entités
morphémiques homogènes. Mais, à y regarder de près, il semble que dans le verbe fürii par
exemple, ~ représente le suffixe dérivatif wrii "idée de FAIRE" que l'on trouve dans les verbes
comme ta-wrii "marcher", pà-wrii "payer"; ici, seul le statut de WGl en tant que suffixe ne faisant
pas partie du mot phonologique nous permet de rendre compte de ces séquences comme étant
des composés de morphèmes devant être notés fü-rii. ta-wrii, pà-wGl. Ce n'est là qu'une
hypothèse. Pour ce qui est de cît et de ru ces séquences demeurent à ce stade irréductibles, car
nous ne disposons d'aucun indice nous pennettant d'aller au-delà de ce qui nous est donné.
Peut-être s'agit-il de composés figés dont seule l'histoire pourrait nous révéler les aniculations
profondes.
93
Le paramètre du degré d'aperture des voyelles ne semble pas non plus jouer
régulièrement, puisqu'au point b, 1 0, a' et c' nous avons les séquences sa, &!, ei qu'illustrent fa
"champ", gàù "danse sp", ~ "inopinément".
Quant au paramètre de la nasalité, son fonctionnement n'est pas sans faille; ainsi, au point
b, 2 0, a' et c' nous avons par exemple les séquences ~ ~ qu'illustrent!èi "scandale"~ fè:l "étale".
Les irrégularités ou anomalies de fonctionnement que nous venons de souligner n'ont été
identifiées jusque-là qu'à partir des seules structures f::Dl que nous avions annoncées. Mais il
est intéressant de constater que dès que nous abordons les structures 'clYC,V (C2 =# L), les
réserves deviennent plus importantes et, mieux, même des séquences exclues en CVV se rangent
au nombre des structures attestées. Nous illustrerons ce changement simplement à l'aide de
quelques exemples.
Au niveau de la combinaison de séries vocaliques différentes, nous pouvons, en CVCV
avoir les séquences~, ,&2, ~, qu'illustrent parfaitement 1Wi "danse sp" b€co "colle forte", bË:cù
"un cours d'eau".
Pour ce qui est du point d'articulation, on peut avoir les séquences iO, âQ., illustrées par
CimO "nom propre", sato "écrevisse".
Pour ce qui est du degré d'aperture, nous avons ai, ae, oi illustrées par kàli "arbre sp",
salë "fronde", goll"nom propre".
Quant au paramètre de la nasalité, nous pouvons, en CVCV, avoir les séquences E€, à5,
àe, iQ., €:5 illustrées par O~z€ "canari", kâ15 "lampe", gadè "chaise", c1do "en boitant", penA
"élégance".
Devant tous ces faits, ce qui, au niveau des CVV pouvait après tout n'apparaître que
comme des écarts relativement isolés devient, avec les CVCV, un véritable problème quant à ce
qui pourrait être considéré comme règles de composition vocalique. On s'aperçoit que, outre la
nature des segments vocaliques, la présence et la nature des segments consonantiques influent
94
aussi sur les possibilités combinatoires des voyelles, ce qui implique qu'on ne puisse écarter les
structures syllabiques. Ces constats nous conduisent naturellement, pour le yaouré en tout cas, à
aborder la question de l'harmonie vocalique de façon moins dogmatique que ne l'ont fait certains
auteurs. 1
c- L'HARMONIE VOCALlQUE
Compte tenu de toutes ces données, la question qui se pose est simple: existe-t-il un
système d'harmonie vocalique en yaouré ? Notre réponse reposera bien évidemment sur le
paragraphe (B-) que nous venons de clore et qui a porté sur la structure des séquences
vocaliques, tant en CVV qu'en CVCV. Nous limiterons le problème d'harmonie vocalique au trait
ATR, au trait d'arrondissement et à la nasalité.
On ne peut pas dire que le yaouré connaisse une harmonie ATR. Ceci est suffisamment
illustré par les tableaux présentés plus haut. Les agencements rencontrent, bien sûr, moins de
problèmes quand ils impliquent des segments de la même série, c'est-à-dire des voyelles
avancées (ATR) ou celle des voyelles rétractées (non-ATR). Mais, malgré cette tendance à
l'harmonie ATR, nous avons noté des combinaisons pour le moins aberrantes, telles que füffi,
cÏË. fi1. Nous avons un instant évoqué le phénomène de jonction et d'homogénéisation de
domaines phonologiques distincts. Si cela semble correspondre à la réalité pour certains cas, il y
a des mOIphèmes tels que lli, f5ü "à l'improviste sid:3, "avec art", kü65 "éclipse" dont l'histoire,
peut-être, a fini par estomper les articulations de la structure morphologique; toujours est-il que
les données que nous avons sont bien celles-là. On pourrait étendre le nombre des cas aberrants.
Mais nous voudrions surtout, au regard de ces faits, faire une observation. Le yaouré a peut-être
connu une harmonie ATR, mais on est en droit de se demander si celle-ci, pour autant qu'elle ait
existé, n'est pas en voie de disparition progressive à travers les processus de composition et de
chute de frontière.
1- TRABI, M.,lERA, K., HALAOUl, N. (1983): op. cil. pp. 39-42.
95
L'harmonie d'arrondissement est pratiquement inexistant; nous avons en effet rencontré
des séquences comme nY1i "rat", KYi "fruit sp", iüi "arbre sp.", W "écrevisse", pour ne citer
que celles-là.
Quant à l'harmonie nasale, elle ne semble pas spécialement caractériser le yaouré. On a
pu en effet enregistrer des structures aberrantes telles que ill "jeu sp", ta "scandale", ~
"chaise",12.mi. "citron", ~ "écureuil", ~ "nom propre".
Nous pouvons conclure que le yaouré ne connaît pas une véritable harmonie vocalique.
On peut penser que ceci provient peut-être non seulement de la qualité des voyelles elles-mêmes,
mais aussi -
et nous en avons vu un indice -
de la présence et de la nature des consonnes
dont il est, à ce stade de l'analyse, prématuré d'exclure qu'elles aient une part active quelconque
dans la combinatoire qui stabilise des séquences segmentales licites. C'est ce rapport
d'interaction entre les segments dans une chaîne que nous nous proposons à présent d'interroger
particulièrement autour de quelques faits.
n.5.1.2. STABILITE VOCALIOUE ET PHENOMENES COMBINATOIRES
Cette section a pour objet l'étude de quelques phénomènes combinatoires dans les
séquences de segments. Comme domaine d'interaction, nous considérerons d'abord le lexème,
ensuite les entités supérieures au lexème.
A- PHENOMENES COMBINATOIRES DANS LES FBONTIERES D'UN LEXEME
Nous étudierons tour à tour quatre ensembles de faits : les réalisations [tt], [y, [y], et [w],
la réalisation zéro (0') et un cas de fusion interne.
al Les réalisations {fil. {yl. {yl et {wl
Le tableau phonétique des voyelles (Tableau nlaisse apparaître, entre autres, quatre sons
que nous voudrions examiner dans cette section: il s'agit de [tt], [y], [y] et [w]. Le segment [w]
96
correspond à la consonne labio-vélaire du tableau fi; mais nous ne retenons ici en particulier que
son statut dans les séquences CW; [y] se définit comme une voyelle haute, antérieure et
arrondie; [y] est un son vocalique haut, antérieur, arrondi, mais nous le percevons réellement
comme étant à la fois légèrement moins arrondi et légèrement moins haut que [y], mais
légèrement moins bas que ru]. Le rappon entre [y] et [y], toutes proponions gardées, nous
semble être identique au rappon entre [L] et [il. Enfin, quant à la réalisation ru], elle se définit
comme une voyelle haute, postérieure et arrondie. Si nous voulons approximativement visualiser
le rappon entre ru], [y] et [y], nous avons la configuration ci-dessous:
Voyelles antérieures
Voyelles postérieures
Voyelles
+ Hautes
n faut souligner que les segments [y] et [u] sont des voyelles quantitativement brèves, et qu'avec
[y], du point de vue de leur localisation structurelle, elles correspondent toujours à la première
voyelle de certains dissyllabes CYLV et CVV.
A partir de cette brève présentation, nous souhaiterions proposer un statut des segments
[u], [y], [y] et [w] qui puisse échapper à toute équivoque. Une analyse distributionnelle
rigoureuse s'impose donc, qui partira d'un assez large échantillon des contextes d'occurrence de
ru], [y], [y] et [w].
97
1°Les contextes d'occurrence de / tI), /~l, /y1et / w1
Notre analyse distributionnelle au point suivant se fondera sur une liste d'unités
construite à partir d'un corpus plus vaste et où, malgré le titre II.5.1.2,A-, nous nous sommes
permis d'insérer quelques unités transmorphématiques pour donner déjà une idée de la régularité
des phénomènes observés. L'analyse des structures syllabiques au point II.3. nous permet
d'exclure les structures Cl VC2V (C2 '# /l/) et CLV où aucun des segments en cause ici ne peut
apparaître. Au niveau des structures CVIi..V2 et CVI V2, nous faisons une subdivision selon le
trait articulatoire de la consonne initiale (Ci), [-COR] ou [+COR]. Enfin, la coronalité couvrant
une zone articulatoire assez large, il apparaît justement que le traitement de nos quatre segments
nécessite une distinction supplémentaire entre les coronales qui ont le trait de palatalité 1°, c'est-
à-dire ~,J, i...Z,j.que nous marquerons [+1°], et les coronales qui ne l'ont pas, c'est-à-dire 1, Q, l ~
que nous spécifierons [-1°]. Nous présentons donc l'échantillon de contextes d'occurrence suivi
de l'analyse distributionnelle.
98
TABLEAU vn :Les contextes d'occurrences de [u]t [Y]t [y] et [w]
C
VI
L
V2
C
VI
V2
Ci [+COR]
Ci [+COR]
Ci [+COR]
CI [+COR]
Ci [-COR]
Ci [-COR]
[_1°]
[+1°]
[_1°]
[+1°]
kula
ture
su-ra
6WL
tt'tê
SYE
"pouvoir"
"kaolin"
"arracher"
"frère"
"souris sp"
"dent"
fitli
ôitra
sêrd
kwë'
titë
8fL
"pourrir"
"faim"
"jeu"
"maigrir"
"fil sp"
':~erte!"
pitlë
tit-rà
'
,
cttra
fWL
ttU
CYL
"sop;msp"
"déposer"
d\\mlxni"
"s'ouvrir"
"préparer"
,
.)uêpe"
kitll
u1d
1
J'flE
kwî
tYi
.lYL
"bagarre"
"oreille"
"mardi"
"se faner"
"obscur"
''fiJnMnrnt''
mAU
tyn
cyri
Dwa
o/è-nf
"
ZYL
"souris"
"boeuf'
''nirnmJle''
"grossir"
"cuillère"
"ainsi"
, ,
s9Ii
• -
1
w:Qlé
ôyrè
kwd
ô}ri
lYE
"calvitie"
'~sp"
"totem"
"paresse"
"lit"
"oeil"
,
pmd
dàli
1
syre
kwa'
lwa-wl€
syi
'~'
"o:xnpqre"
"aparté"
"s~'
"liane sp"
"oiseau sp"
fitlÈ
' ,
syre
pwf
twa
- ,
ten
SYE
"biche sp"
''lmsal sp"
"plante sp"
"mousse"
"SI.D"\\eiJlar'œ'1
"IlClIlpqre"
wall,
tl-rà
' ,
mltd
n\\fd
' ,
JUra
SYE
''lmqœnrnt
"tomber"
"diaoula"
"Sl3iij m:n"
"esclave"
"misère"
-'
vitli
lërl
càlë
Dwë
t\\fa
swa
"tout noir"
"épine"
"veuve"
"ami"
seranDllir"
"serpillère"
. ,
mO-la
jolü
fwà
t\\fl
jwa
"s'aggrmer',
'I~"
"tabouret"
"t:iIe
sulteptil:xrent
witlë
zàle
kwa-nf
,~'
j1\\fa
"délation"
"piège sp"
"p,anthère"
tu-a
"dired:s
ftl11
salo
p\\fd
'}2Y+AOR"
sooîses+NJR"
"soir"
"écrevisse"
"6.lm:uil sp"
toü
jüa
Dit-là
1
1
C:JrCil
f\\fô
"souris sp"
"battre"
"sortir"
"ÎlS1lUlmltsp"
"blesser"
lëa
su-a
fit-là
jàle
pua
"aJ1ax:x:Je sp"
"mesurert
"tomber"
"pauvreté"
"latérite"
AOR"
wtlli
pou
sÉa
"pilon"
"noeud"
"hévéa"
gitlë
pùà
C1E
"IUIl~"
"d\\ml:m
"tripes"
pula
CDUp"
z'iè
"rat"
kùa
''lxnm~'
wu-ld
'ion~"
ciL
"se lever"
kuo
"passer"
ka-la
"comment"
, .
"se baisser"
gua
kùlà
'p.\\a:eœ
"gouro"
\\!liage"
IdlGS
ou-a
"noeud"
'pœr+NJR"
kalë
gàù
''félX:hesp''
"danse sp"
, ..
wen
wLL
tIIUIl~'1
"craqueler"
Bali
fëé
"dieu"
"vomir"
99
2 0 Analyse distributionnelle
Relevons succinctement quelques-uns des faits saillants qui apparaissent dans le tableau
ci-dessous :
- les structures Cl VI C2V2 (C2 * M et CLV sont absentes : en effet, elles ne sont pas
concernées parce qu'en CLV, VI a la valeur zéro et qu'en CIVIC2V2, aucun des segments qui
nous intéressent ici n'est attesté; nous reviendrons sur les raisons de ces constats;
- au plan quantitatif, on constate un déséquilibre frappant entre les colonnes, et ceci en faveur des
colonnes [-COR]; ceci, au stade où nous nous trouvons, ne peut être considéré que comme un
simple reflet du lexique;
-le segment [w] n'apparaît qu'en schème CVV;
- le segment [y] n'apparaît ni en CVLV ni en CVV avec Ci [-COR] ;
-le segment [-y] n'apparaît en CVLV et en CVV qu'avec Ci r+COR1
L +1° J
-le segment [tt] apparaît partout sauf en cvv avec Ci [-COR] et Ci r+COR1
L +1° J
Il convient à présent de cerner ces faits de plus près en dressant un tableau
distributionnel où, par rapport aux paramètres que constituent la structure syllabique, les traits
articulatoires de la consonne initiale Ci et la qualité de la voyelle V2 (± POSTérieure, ± RonD),
se trouve identifiée la voyelle V1 comme pouvant être une voyelle pleine ou plutôt comme ne
pouvant être qu'une voyelle réduite, le cas de l'identité avec V2 correspondant à VI =JlJ en CVLV
noté "()" et à une voyelle longue VIVI en CVV.
100
TABLEAU VIII: Tableau distributionnel de [tt], [,,], [y] et [w]
schèmes de
C
L
V2
~
séQuence
consonne
[-COR]
[+COR]
initiale (Ci)
[-1"]
[+1"]
~ voyelles voyelles voyelles voyelles voyelles voyelles
pleines
réduites
pleines
réduites
pleines
réduites
V2
1
-
1
-
1
-
L
-
L
-
L
-
e
-
e
-
e
-
-POST:
€
-
€
-
€
-
a
-
a
-
a
-
i, L, e, €
-
tt
Y
-
Y
-
-
tt
-
tt
-
Y
-
tt
-
tt
-
Y
-
tt
-
tt
-
Y
1
-
1
-
1
-
L
-
L
-
L
-
e
-
e
-
e
-
+POST,
€
-
€
-
€
-
()
()
()
()
()
()
-RD: a
u
-
u
-
u
-
-
tt
-
tt
-
tt
-
tt
-
tt
-
tt
-
tt
-
tt
-
tt
1
-
1
-
1
-
L
-
L
-
L
-
e
-
e
-
e
-
+POST,
€
-
€
-
€
-
a
-
+RD :
a
-
a
-
u
-
u
-
u
-
U, (il, 0, :>
(il
-
(il
-
(il
-
0
-
0
-
0
-
:>
-
:>
-
:>
-
~
101
TABLEAU VIII: Tableau distributionnel de [tt], [y], [y] et [w]
schèmesde
C
V2
~
séquence
consonne
[-COR]
[+COR]
initiale (Ci)
[_1°]
[+1°]
~ voyelles voyelles voyelles voyelles voyelles voyelles
pleines
réduites
pleines
réduites
pleines
réduites
V2
i
-
1
-
1
-
L
-
L
-
L
-
e
-
e
-
e
-
-POST:
€
-
€
-
€
-
a
-
a
-
a
-
i, L, e, €
-
W
y
-
y
-
-
w
-
tt
-
Y
-
w
-
tt
-
:y
-
w
-
tt
-
:y
i
-
1
-
1
-
L
-
L
-
L
-
e
-
e
-
e
-
+POST,
€
-
E
€
€
-
( )
()
()
()
()
()
-RD: a
U
-
U
-
U
-
-
w
-
w
-
w
-
w
-
w
-
w
-
w
-
w
-
W
1
-
1
-
1
-
L
-
L
-
L
-
e
-
e
-
e
-
+POST,
+RD :
E
-
€
-
€
-
a
-
a
-
a
-
U,Cil,O,:J
U
-
U
-
U
-
Cil
-
Cil
-
Cil
-
0
-
0
-
0
-
:J
-
:J
-
:J
-
~
~
Le Tableau VIII laisse apparaître clairement que les segments [tt], [y], [y] et [w]
s'excluent les uns les autres dans un même contexte; ils n'ont aucun environnement commun et,
102
de ce point de vue, sont donc en distribution complémentaire. Mais il convient d'aller plus loin
en tentant de définir l'identité de chacun de ces quatre segments.
1) L'identité de [tif
Ce segment apparaît dans les contextes suivants :
~/Ci[-COR] -V2[-RD]*-a
CVILV2
/
~/ Ci [-COR] -V2 [-RD],
[ti]
/ Ci r+cORl
- V 2 [-RD],
L -1° J
/ Ci r+CORl
- V 2 [-RD] *- a
L + 1° J
/ Ci r+COR1 -V2 [-RD] *- a
L -1° J
Examinons d'abord l'analyse que certains auteurs ont faite de ce son [ti] 1 que nous avons défini
plus haut, et qu'on retrouve par exemple dans le mot gouro ull: "calebasse" et dans les
morphèmes yaouré tels que mrl: "kaolin", ~ "souris sp.".
LE SAOUT part de l'intuition qu'il s'agit d'une voyelle antérieure, non arrondie, fermée,
qu'il note [il. Elle correspond à VI dans les séquences CVl V2. En conséquence,l'identification
de [il passe par l'identification de V I dans les séquences V I V2 possibles dans les structures
CVIV2 ou CVlLV2, et ceci en corrélation avec les consonnes apparaissant à l'initiale de ces
séquences VIV2. Un tel examen des faits du gouro amène LE SAOUT à proposer les tableaux
suivants, après avoir réparti les consonnes en consonnes postérieures (vélaires, labio-vélaires), et
consonnes antérieures (bilabiales, alvéolaires et palatales).2
1- La réalisation dont nous voudrions rendre compte est notée ri] par certains auteurs, [1f] par d'autres. Au-delà
de la désignation, l'important est de bien montrer ce qu'elle recouvre. Nous pensons qu'à la différence du chva
haut [i],la réalisation dont nous parlons est labialisée. Nous la représentons par [tt].
2- LE SAOUT, J. (1979) : op. cil. pp. 38-39. Nous reprenons les tableaux de LE SAOUT complété par TRABI
in IRAlll (1982), pp. 24-25.
103
TABLEAU IX: CVIV2
Consonnes antérieures et postérieures
Consonnes antérieures uniquement
i l. i .,...~
...-------~. umQ
il. i
•
• umü
""lIIIE:------:+---. 0::>5
• 0::>:5
•
•
ai
TABLEAUX: CVILV2
Consonnes antérieures et postérieures
Consonnes antérieures uniquement
il. î
•
•
UG:lG
• 0::>:5
•
aâ
aâ
A partir de ces tableaux qui sont l'interprétation d'exemples soigneusement choisis, LE SAOUT
pose que les voyelles antérieures s'associent uniquement à des consonnes antérieures dans les
combinaisons CVl V2 et CVlLV2. S'appuyant principalement sur le Tableau IX, et
présupposant toujours que la voyelle dont la réalisation est [i] est antérieure, et compte tenu du
comportement de /il qui se réalise toujours [i], notre auteur conclut que le phonème vocalique en
104
VI ne peut être que [1.] qui se réalise 1: devant une consonne ou devant une pause, et ri] devant
une voyelle.
Pour résumer nos observations, nous dirons que rien ne justifie les liens exclusifs des
classes de séquences vocaliques du gouro qui apparaissent dans ces tableaux avec les catégories
de consonnes postulées. Par ailleurs, qu'est-ce qui fonde le statut de ri] comme voyelle
antérieure? Enfin, il apparaît nettement que LE SAOUT s'est limité à quelques unités en laissant
de côté tout un amas de faits qui ne se plient pas, loin s'en faut, au système qu'il a défini.
GREGOIREI note [q] l'objet que nous analysons. Pour cet auteur, nous sommes en
présence de la réalisation semi-vocalique d'une voyelle. Plus exactement, il s'agit d'une voyelle
postérieure qui se réalise [q] (= i) ou [w] dans des conditions décrites par l'auteur1 et
synthétisées par mABJ2 à l'aide d'exemples dans le tableau de règles ci-dessous. La réalisation
de la voyelle postérieure V 1 [POST] est conditionnée par la coronalité [+COR] ou la non
coronalité [-COR] de la consonne initiale, c'est-à- dire selon qu'elle est alvéolaire, prépalatale,
palatale ou non, et par la voyelle V2, selon que celle-ci est postérieure ou antérieure. TI y a trois
cas:
a')
VI
)
w
Ic
- - V2
[+POST]
[-COR]
[±POST]
Ex : [gGle] - [gwe] "antilope royale"
b')
VI
)
w
IC
- - V2
[+POST]
[+COR]
[+POST]
Ex: [züo] - [zwo] "arrière"
c')
VI
)
Ic
- - V2
[+POST]
[+COR]
[-POST]
Ex : [s5É] - [siÉ] "sanglier"
1- GREGOIRE, H. Cl. (1979) : op. cit., pp. 275-277.
2-1RABI, M. (1992) : op. cit., p. 30.
105
Si, dans l'esprit d'une généralisation, nous prenons le cas du yaouré pour illustrer le même
phénomène, le système proposé par GREGOIRE laisse de côté un certain nombre de faits dont
nous ne citerons que quelques exemples :
vüli -viH
tout noir
vs
vIi
soi-même
f ciiIi - fin
pourrir
vs
tranquille, immobile
En effet, f1/ (V2) est une voyelle antérieure, lui (V1) est une voyelle postérieure mais Iv1n'est pas
une coronale. Dans le cas de fili. VI est postérieure et V2 antérieure, mais Ifl n'est pas une
coronale. L'analyse de GREGOIRE nous permet de mieux cerner le phénomène, mais elle nous
semble encore insuffisante.
TRABI, à côté de la réalisation [i], mentionne la variante nasale correspondante [1].
L'auteur reprend l'intuition centrale pour le traitement de ri], à savoir que c'est bien la réalisation
d'une voyelle postérieure, mais elle ne fait presque pas d'analyse, renvoyant à l'ANNEXE il de
son ouvrage où elle dresse une liste comparative des réalisations de cet élément telles qu'elles
apparaissent chez certains auteurs depuis André PROST en 1953. TRABI conclut que ri] et N
doivent être considérés comme de "nouveaux phonèmes" 1, c'est-à-dire des voyelles orale et
nasale, centrales, fermées et non arrondies, comme en peut le voir sur le trapèze ci-dessous:
TABLEAU XI
i i
u 0
L
of -1
Ci:)
a â
1- TRABI, M. (1982) : op. cil., p. 34
106
Ici encore, si l'intuition nous semble juste, l'explication fait défaut. En outre, pourquoi des
"nouveaux phonèmes" ? Nous pensons qu'une lecture attentive du tableau distributionnel ci-
dessus (Tableau XI) nous permettra de mieux identifier ce son ainsi que le processus de sa
réalisation.
En fait, nos trois auteurs confondent malgré eux deux sons, W et fil; celui qui retiendra
pour l'instant notre attention, c'est-à-dire [u], est, comme nous l'avons dit, une voyelle haute,
postérieure, arrondie. Elle provient de l'influence d'une voyelle non arrondie sur une voyelle
postérieure qui peut être /uI, /(JJ/, /0/ ou /:J/. On s'en rend aisément compte grâce à trois indices au
moins:
- d'abord, en nous référant au Tableau VIII, lorsque les voyelles postérieures que nous avons
citées n'apparaissent pas en tant que telles, on constate qu'elles correspondent à une autre forme
qui est, selon des circonstances qui restent à définir, l'une des quatre réalisations [u], [y], [y], et
[w] ;
- par ailleurs, dès qu'un lexème comportant [u] est émis avec une certaine emphase dans une
situation particulière d'énonciation telle que la reprise didactique, la chanson, l'élocution de colère
ou de joie, pour ne citer que ces cas, on se rend nettement compte que VI, distincte de V2,
s'identifie à l'une des quatre voyelles postérieures. Ainsi, de même qu'une prononciation
emphatique fait apparaître la voyelle VI [a] dans fa13. pour m "village", de même ce type
d'émission révèle les voyelles V1 arrondies de fttli "pourrir", kttla "pouvoir", tue "souris sp.",
c'est-à- dire respectivement fGili, k5lâ, tôè ;
- enfin, les structures transmorphématiques montrent à l'évidence que dans les schèmes CvLV et
CvV, nous avons bien une voyelle VI postérieure; ainsi 6tt-là "sortir" et WttlÉ "à eux" viennent
respectivement de 65 "arriver" et là (dérivatif verbal), et de Q"ils" et li "à"l
1- Ce cas est un amalgame que nous décrirons lors de l'étude des pronoms.
107
2) l'identité de [y-]
Ce segment apparaît dans les contextes suivants :
CVILV2 -
ICif+cORl -
V2[-RD]*a
. /
L +1° J
[y]
""'CVIV2
ICi f +CORl -
V2 [-RD] * a
L +1° J
Les trois voies d'enquête que nous venons d'illustrer montrent que la réalisation [y] vient
des voyelles postérieures, mais uniquement de /fiJ/, /2/ et /~ à l'exclusion de /YI; ainsi par
exemple, ~ "alerte".i2i "furtivement", m "dent" viennent respectivement de salt, jiU, s:Je.
3) l'identité de [y]
Ce segment apparaît dans les contextes suivants :
ICi [+COR] -
V2 [-RD] * a
ICi [+COR] -
V2 [-RD] * a
Ici, seul le tableau vm nous paraît constituer une référence solide permettant de conclure
que, dans les mots comportant [y], la voyelle V1 de base est /YI à l'exclusion de /fjJj, /2/ et /~.
4) l'identité de [w] dans les séquences CW
Le segment [w] apparaît dans les contextes suivants :
/ ' ICi [-COR] -
V2 [-RD] * a
[w]-CVIV2
' " ICi [-COR] -
V2 [-RD], lCi[+COR] -
V2 [-RD]=a
108
Les séquences CW existent en yaouré et en gouro, non exclusivement. Comme elles
nous semblent relever de la même réalité dans ces deux langues, nous rappellerons brièvement la
description qu'en ont faite trois auteurs pour le gouro. Nous en arriverons ensuite à l'analyse que
nous proposons pour les séquences CW en yaouré.
Pour LE SAOUT1, dans les séquences [kw] et [gw], nous avons affaire à deux
phonèmes authentiques, qu'on peut transcrire /kwI et IgwI pour bien montrer que, dans chaque
cas, à l'image des labio-vélaires /kpl et Igb/, les deux segments de chaque séquence forment un
tout indissociable. L'auteur illustre cette présentation à l'aide de quelques unités dont nous
citerons seulement deux:
9W È
antilope
LE SAOUT ajoute que, pour les séquences du même type dont la consonne précédant [w] est
différente de /k/ et de Ig/, le segment [w] est plutôt la réalisation d'une voyelle postérieure. Cette
remarque, qui repose sur la seule répartition des consonnes en deux classes, ôte toute force
réelle à l'analyse de l'auteur.
Henri Claude GREGOIRE2 fait pratiquement la même analyse et s'arrête tout juste avant
de se donner les moyens d'exploiter cette intuition pourtant intéressante qui consiste à
considérer [w] comme la réalisation d'une voyelle postérieure.
Pour Monique TRABI3 qui, de façon fort lucide décrit les tâtonnements et souligne les
incohérences de ses deux prédécesseurs, [kw] et [gw] ne sont pas des phonèmes; [w] est tout
simplement la réalisation d'une voyelle postérieure qui peut être IYI, lfiJ/, IQ/ ou 12/. Mais l'auteur
confine sa description à la seule intuition. Selon TRABI, c'est la "prononciation rapide" des
1- LE SAOUT, J. (1979) : Notes sur la phonologie du goura. Université de Nice, NO 1, p. 5.
2- GREGOIRE, H. Cl. (1979) : Etudes de la langue gouro, Paris, Université Paris Ill, pp. 276-281.
3- TRAB1, M. (1982) : Les constructions verbales en goura. Abidjan, Université d'Abidjan, p. 9-11.
109
voyelles postérieures qui donne la réalisation [w] dont la véritable identité "phonétique" nous est
révélée par une "prononciation lente". Ainsi, la prononciation rapide de /k5a/ "vieux" et de /g5€1
"antilope" nous donnerait respectivement [kwa] et [gwe].
Il nous apparaît difficile de considérer comme une explication cet argument qui est de
nature proprement phonétique et articulatoire. Il ne suffit pas, en effet, de montrer du doigt un
phénomène pour en dévoiler la nature et identifier le processus qui le fonde. li semble que l'on
puisse orienter l'explication des segments [kw] et [gw] dans le sens de l'intuition majeure de ces
trois auteurs: [w] est plutôt la réalisation d'une voyelle postérieure; ses conditions d'occurrence
dans le tableau VIII, la production emphatique et les unités transmorphématiques en sont une
preuve suffisante; le segment [w] des séquences CW est donc, dans tous les cas, issu de l'une
des quatre voyelles postérieures /yJ, /~, /Q/ et /~. Ainsi, swa "serpillière sp", 6wa' "(il/elle)
arrive à, atteint" viennent respectivement de s:ià, 65-a. le i. de la seconde unité étant le marqueur
d'aoriste de 65 "atteindre".
5) analyse comparée de {fi} {~}, {y} et {w}
L'identification des réalisations [v], [y], [y] et [w] ainsi que le rapprochement de leurs
environnements respectifs nous amènent à conclure qu'elles sont bien en distribution
complémentaire, et ceci du point de vue du trait [+ROND] des voyelles dont elles dérivent; ce
sont en un mot les allophones des voyelles postérieures arrondies /yJ, /~, /Q/ et /~. Leur
distribution en tant que voyelles arrondies est définie par la règle générale ci-dessous:
110
Les voyelles de base et leurs fonnes dérivées identifiées, il convient à présent d'expliquer
la genèse de ces transfonnations.
3° la genèse des réalisations [tlj, [y, [yj et [wj
1) le processus de la réalisation [ tlj
-Schème CV ILV2 :
Nous prendrons deux exemples, ill.. "bagarre", et ptilë "serpent sp", que nous
considérons comme issus respectivement de k.Wi et de . , sur la base des critères défmis lors
de l'identification des réalisations en cause. Les dérivations de ktill et ptilë correspondent aux
schémas (3) et (4) ci-dessous, où AR, RD, HTreprésentent [-ARRŒREJ, [+ROND] et [-HAU1],
1- Chaque chiffre renvoie simplement aux différents contextes d'une même réalisation.
111
Schéma 3 :
(1)
I
I
(ll)
I
1
1
1
AR
V· ----1-
Y::----- I-
I
1
1
1
RD
Y
1
->
U
1
1
1
1
1
HT
1
1
1
1
1
1
1
1
Al NI
A2
N2
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
1
1
1
1
x
x
x
x
x
x
x
x
1
1\\
1
1\\
1
1
1
1
1 /BI 1
I/BI
1
1
1
,
Ik
u
1
il
->
[k
tt
1
ïl
Schéma 4 :
(1)
(ll)
I
I
I
1
1
1
AR
V· - - - - 1-
'T·l
I -
1
1
1
1
RD
II
1
->
U
1
1
1
1
1
HT
1
A-
I
1
I~I
1
1
Al NI
A2
N2
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
1
1
1
1
x
x
x
x
x
x
x
x
1\\
1
1\\
1
1
I,MWI
I,MW
1
1
/p
0
1
ë/
->
p
U
1
e
->
(lll)
l
1
V·----- I -
I
1
U
1
1
1
1
A-
I
1
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1
1
1
1
[p
tt
1
ë]
112
Dans le cadre d'une phonologie non linéaire, et particulièrement du channe et du gouvernement,
ces deux dissyllabes ont une structure syllabique dont les positions d'attaque (A) sont occupées
par les segments consonantiques et les positons nucléaires par les segments vocaliques eux-
mêmes essentiellement issus, selon les cas, de la fusion ou non d'au moins six éléments
primitifs, JO, A+, llo, !+, N+, VO, ayant leurs caractères propres et représentant principalement,
dans l'ordre, les traits d'antériorité, d'aperture maximale, d'arrondissement, d'avancement de la
racine de la langue [A.T.R]1, de nasalité, de neutralité, cette dernière caractéristique définissant
une voyelle vide, sans trait chaud, c'est-à-dire une voyelle froide.
Les rapports de gouvernement étant des relations de domination, le schéma 3 nous
montre l'effet des gouvernements de IYI par Iii. Le segment IYI se trouve déstabilisé au point
même de pouvoir être totalement délogé de sa position NI s'il s'était trouvé une autre position,
libre et en mesure de le récupérer. Comme le fera clairement apparaître un peu plus tard la
comparaison avec la réalisation [.YiJ en schème CVV, nous pensons que IYI délogé, la seule
position théoriquement susceptible de le recevoir, c'est la position d'attaque A2. Celle-ci étant ici
occupée par I!/ en schème CV 1LV2, IYI reste rattaché à sa position NI, mais avec une forte perte
de substance due à son gouvernement par la voyelle V2 antérieure non arrondie Iii, ce qui,
matériellement, se traduit par une simple coloration par IYI d'une voyelle froide VO que l'on peut
lire sur le schéma 3. La fusion de IYI avec la voyelle froide VO ayant désormais le statut de "tête"
nous donne [il, réalisation vocalique postérieure brève, haute, labialisée. Etant donné que VO est
tête et IYI opérateur, la fonnule de la fusion est la suivante :
U* VO - ) [tt]
De même, le schéma (4) montre comment l'influence de la voyelle antérieure non
arrondie V2 I~ déstabilise et déstructure même la voyelle postérieure complexe VI
10/(=A+U+I), laquelle voyelle ne garde plus, au bout du compte, que IYI colorant une voyelle
froide, d'où la réalisation brève postérieure [~] que nous pouvons voir sur le schéma (4).
1- A.T.R.: Advanced Tangue Root.
113
Notons que dans les deux cas, la force réductrice de Iii et de I~ ne parvient à V1[+RD]
en schème CVILV2 que grâce à la transparence du segment intervocalique /li. En effet, à partir
du lexème I~ "jeune fille", on ne peut avoir *[mlbé] car Ibl n'est pas transparent et bloque la
propagation de la force réductrice de I~ sur I~. La transparence des consonnes coronales, que
nous exploitons ici en particulier pour le /li du yaouré, a été clairement analysée par un certain
nombre d'auteurs dont Jean-François PRUNET et Carole PARADIS)
- Schème CV IY2 :
Nous prendrons l'exemple de t~ "souris sp." issu de ItoM et correspondant à la
dérivation suivante:
Schéma 5 :
(1)
I
(II)
I
I
1
1
1
AR
V· - - - - I-
V·----- I-
I
1
I
1
RD
II
1
- )
U
1
- )
t
1
1
1
HT
A
A-
1
A-
I
1
I
1
Al
NI
A2
N2
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
1
1
1
1
x
x
x
x
x
x
x
x
1
1
1
1
1
1
l
ft
0
èl
- )
t
U
e
- )
(III)
l
1
-----::!iV· - - - - - I-
I
1
- - U
1
1
1
1
A-
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1
1
1
,
[t
tt
è]
1- PARADIS, C., PRUNET, J.F. (1989) :"On corona! transparency", Phonology, 6,2.
(1989) : " MarkOOness and corona! structure", in Proceedings of North Eastern
Linguistics Society, 19, GSLA 00. University of Massachussets, U.S.A.
114
Le schéma 5 ci-dessus fait apparaître la déstabilisation du segment complexe /Q/ sous
l'influence de la voyelle antérieure /~. On assiste à la rupture du lien &ll. Comme nous
sommes en schème CVV et que l'attaque A2 est vide, on aurait pu s'attendre à ce que /yJ soit
purement et simplement délogé puis récupéré par cette attaque, ce qui nous aurait donné la
séquence *~. Mais cette transformation est bloquée par la qualité de la consonne initiale /y et de
la voyelle V2/f:!. En effet, ces deux segments sont tous les deux caractérisés par leur trait
coronal; nous n'insisterons pas sur le cas de /y. Quant à~, c'est une voyelle d'avant; elle contient
l'élément 10 , tête de la fusion dont elle résulte. Cette composante 10 détermine donc la coronalité
du segment /f:!. Il s'ensuit que la consonne /y et la voyelle /f:!, toutes les deux coronales,
définissent un domaine coronal homogène qui maintient /yJ déstabilisé en NI avec un statut de
réalisation vocalique coronale, c'est-à-dire une réalisation vocalique non vélarisée et
nécessairement située en zone coronale.
C'est justement ce critère de coronalité qui explique qu'à partir d'une forme phonologique
telle que It5-a/, on ne puisse pas avoir Itu-a/, mais plutôt Itwal "s'arrêter+AOR"; en effet, bien
que /!/ ait, comme nous pouvons le constater, la capacité de déstabiliser /t5-a/, ce segment ne
contient pas d'élément 10 qui puisse en faire une voyelle coronale et déterminer ainsi avec /!/ cette
harmonie coronale qui est la condition du maintien de /u/ en NI et de sa réalisation en U!]. D'un
autre côté, il est intéressant de noter que, à partir de 165rJ, on a [6wi:(J "fiancé", mais [6tti:l est
impossible. En effet, si la voyelle V2 est coronale, /6/ est non coronale; nous avons donc un
domaine hétérogène, incompatible en CVV avec la valeur U!].
Il convient de faire ici quelques observations à propos de la condition de coronalité,
critère définitoire du contexte d'occurrence de [~ particulièrement en schème CVV. Ce fait
confirme l'hypothèse aujourd'hui largement admise selon laquelle la dichotomie
voyelles/consonnes constitue un obstacle épistémologique et que les contenus de ces deux
catégories traditionnelles de l'analyse phonologique doivent être restructurés selon les propriétés
partagées d'une catégorie à l'autre. On comprend par exemple que VAN der HULSTI puisse
1- Propositions rapportées par C. PARADIS et J.F. PRUNET dans Phonetics and Phonology, II : the special
status of coronals. PARADIS et PRUNET eds, Academie Press, Inc, 1991.
115
poser les voyelles comme bases des consonnes coronales, et même Iii comme une primitive de
certaines consonnes coronales; cet auteur postule une propriété commune aux consonnes
coronales et aux voyelles antérieures non basses. De façon plus précise, A. LAHIRI et V.
EVERSI , synthétisant et systématisant les analyses de E. SAGEY et G. CLEMENTS, posent
que les voyelles antérieurs non basses ont un trait coronal et sont par conséquent, dans une
représentation arborescente de dépendance, dominées par un même noeud de place que les
consonnes coronales, ce que l'on peut schématiser de la façon suivante:
Schéma 6 :
Nœud de place
~
~
Articulateur
Position de la langue
coronal
[+Haut]
1
Consonnes
Voyelles
coronales
hautes
Antérieures
Postérieures
coronales
"
/
Tout ceci revient à dire que voyelles antérieures non basses et consonnes coronales sont
dominées par le même noeud et partagent la propriété commune de coronalité.
Pour en revenir, en guise de conclusion, au cas de la réalisation [~ en schème CVV, on
comprend qu'une voyelle d'avant, coronale, gouvernant un noyau NI précédé d'une attaque
coronale (Ci), donne à ce noyau déstabilisé et substantiellement réduit, un statut permettant son
maintien dan un domaine phonologique homogène; ce domaine relève en effet d'un même noeud
de place, le noeud coronal, propriété commune dominant à la fois Ci, Vl et V2. A ce niveau,
comme nous l'avons dit, on est fondé à parler ici d'une véritable harmonie coronale.
1- LAHIRI, A. et EVERS, V. (1991) : "Palatization and Coronality", in Phonetics and phonology, II : ~
special staNs of Coronals, PARADIS et PRUNET, éds.
116
2) le processus de la réalisation de r~J
Nous partirons de deux exemples, cyrL "furtivement" et ~ "dent", qu'une émission
emphatique nous pennet de considérer comme issus respectivement de I~ et de Is6È/. Les
dérivations de c~ et ~ correspondent aux schémas (7) et (8) ci-dessous:
-SchèmeCYILY2 :
Schéma 7:
(1)
(II)
AR
Y· - - - - I-
V· - - - - - I -
I
1
1
1
RD
Y
1
- )
U
1
1
1
1
1
HT
1
1
1
1
1
1
1
1
Al
NI
A2
N2
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
1
1
1
1
x
x
x
x
x
x
x
x
1
1\\
1
1\\
1
1
1
1
1 lrJ/ 1
IlrJ/
1
1
1
.
le
(il
1
LI
- )
[c
y
r
L]
-
Schème CV1V2 :
Schéma 8:
(I)
(II)
AR
Y· - - - - I -
_ _--!t.V· - - - - - I-
I
1
I
1
RD
li
1
- )
- )
---u
1
f
1
1
1
HT
1
A
A-
A-
I
1
I
1
Al
NI
A2
N2
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
1
1
1
1
x
x
x
x
x
x
x
x
1
1\\
1\\
1
IMW
IMW
Is
~
~J
- )
s
u
- )
117
(III)
yo _____ I-
I
1
U
1
1
1
1
1
1
1
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1
1
1
[s
~
e]
Ces deux cas constituent l'illustration du processus de la réalisation de [ü] à un second
degré. Nous avons décrit le son [y] comme une voyelle haute, antérieure, légèrement arrondie.
Dans les deux formes qui nous intéressent ici, l'examen des consonnes initiales k et,S., des
voyelles Y2 AI et leI, montre que, comme dans le cas de ttte ci-dessus, nous avons une parfaite
harmonie coronale. Mais l'élément discriminant supplémentaire par rapport au cadre de la
réalisation [ü], c'est que nous avons ici deux consonnes qui, tout en étant coronales, ont en plus
le trait [+1°] et sont donc des palatales. C'est justement ce trait qui antériorise en le palatalisant le
[ü] pour en faire le son [y] que nous trouvons dans les deux morphèmes ~ et ~. On peut
donc dire que le segment [y] est un [ü] antériorisé par palatalisation.
3) le processus de la réalisation [yJ
On peut montrer le processus de la réalisation de [y] à l'aide de deux exemples, syre
"plante sp." et ~ "amie" dont la dérivation est traduite par les schémas ci-dessous:
118
-SchèmeCVILV2 :
Schéma 9 :
(1)
(II)
I
I
1
1
AR
1 - - - - - I -
I
I-
I
1
1
1
RD
U
1
- )
U
1
1
1
1
1
HT
1
J:.-
I
J:.-
I
1
1
1
Al
NI
A2
N2
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
1
1
1
1
x
x
x
x
x
x
x
x
1
1\\
1
1\\
1
1
1
1
IMW 1
IMW
1
1
1
Is
u
1
El
- )
[s
y
r
E]
-
Schème cy 1.Y2 :
Schéma (lQ) :
(1)
(II)
I
I
r<=:::i-
1
1
~i-
AR
1
1
RD
U
1
- )
U
1
1
1
1
1
HT
1
A-
I
J:.-
I
1
1
1
Al
NI
A2
N2
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
1
1
1
1
x
x
x
x
x
x
x
x
1
1\\
1\\
1
1
1
IJJI
I/lf
1
1
Icf
u
el
,
- )
[cf
y
é]
Dans les deux cas nous constatons qu'en contexte ATR [I], on assiste, non pas à une simple
influence transfonnatrice de traits, mais à une fusion de 1° avec lio, ce qui donne la réalisation
[y].
119
4) le processus de la réalisation [w] dans les séquences CW
Nous illustrerons le processus de la consonantisation d'une voyelle postérieure en
schème CV1V2 à l'aide des lexèmes Jœ,l "se faner, s'étioler", issu de Ikü(J et ~ mousse", issu
de~.
Schéma Il : [kwl]
(1)
(II)
1
1
1
1
AR
r - - - - - I -
I -
I
1
1
RD
U--I
1
- )
U
1
t 1 1
1
1
HT
1
1
1
1
1
1
1
1
Al
NI
A2
N2
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
1
1
1
1
x
x
x
,x
x
x
x
x
"
1
1\\
1
1"""
1\\
1
1
1 MB/1
l i f
1
1
/k
(u)
[w]
jj
- )
[k
w
i]
Schéma 12 : [pw~]
(1)
(II)
AR
r - - - - - I -
I-
I
1
1
RD
U--I
1
- )
U
1
or
1
1
1
1
HT
A - I - - P -
1
P-
I
1
1
1
1
Al
NI
A2
N2
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
1
1
1
1
x
x
x
x
x
x
x
x
1\\
1\\
1
1
I~
IfrV
1
1
/p
::>
El
- )
[p
w
~]
Comme nous pouvons le lire sur ces représentations, en (11), U délogé de NI sous l'influence
de la voyelle non arrondie fIl est récupéré en A2 où il se consonantise en [w]. En (12), la voyelle
V 1 en NI se déstructure sous l'influence de lEI, les éléments constitutifs de 1::>1 perdent la
120
position NI; cependant, U est récupéré en A2 et devient [w]. On obselVe exactement le même
processus lorsqu'il y a jonction de morphèmes. Ainsi, à partir de ~ "nous" +À "lui = objet!" et
de kro+6È (=focus), on obtient respectivement kwâ' "nous l'avons..." et kwi "c'est nous qui...".
L'analyse de la réalisation [w] dans les séquences cw nous amène, pour clore cette
analyse des transformations vocaliques en lexème, à faire une obselVation relative à un cas de
réalisation [u] en schème CVILV2. On obselVe que lorsque dans ce schème, nous n'avons pas
une harmonie coronale, c'est-à-dire lorsque la consonne initiale Ci et la voyelle V2 ne sont pas
des coronales, les réalisations [u ne se produisent et ne se maintiennent comme telles qu'en
raison de la non vacuité de la seconde position d'attaque du dissyllabe concerné. Autrement on
obtiendrait Ciw.
Cette remarque trouve une conftrmation dans des types particuliers de situations dont
nous citons deux cas. Dans le langage enfantin où -
nous nous en sommes rendu compte -
l'acquisition de la latérale N se fait un peu plus tardivement que les autres consonnes, le segment
/1/ ne se prononce donc pas. Ainsi, les morphèmes kttl1 "bagarre", kttH: "caillou", issus
respectivement kùl1 et k5t€.
sont prononcés kw! et kw€
par les enfants. Par ailleurs, on
s'aperçoit que lorsqu'une personne adulte, ayant en principe acquis tous ses phonèmes, émet ces
mêmes lexèmes en ayant de l'eau ou du tabac liquide dans la bouche, l'articulation de la coronale
N devient impossible - et pour cause - ; le résultat, c'est qu'on entend aussi kw! et kw€ pour
kttl1 et ôte.
Enftn, le schème CWV constitue, avec le schème CLV, les deux seuls cas de groupement
consonantique en surface, mais les analyses que nous venons de faire nous autorisent à
souligner qu'il ne s'agit que d'un groupement apparent; en effet, les deux structures sont des
dissyllabes, la différence résidant dans la nature des voyelles dans chacun des cas: alors que le
schème CWV est sous-tendu par deux voyelles VI et V2 nécessairement différentes, en CLV, au
contraire, comme nous l'avons déjà brièvement souligné et ainsi que nous allons l'expliciter à
présent, nous avons deux voyelles nécessairement identiques.
121
c) la réalisation vocalique zéro (g)
li s'agit de la réalisation que nous trouvons dans les schèmes dissyllabiques CLV. Nous
prendrons comme exemples les deux lexèmes [fla] "village" et [kHi] "van". On a pu montrer que
ces réalisations correspondent aux formes explicites fala, kùlu, qui n'apparaissent que dans des
situations d'énonciation que nous avons décrites plus haut. La séquence CLV que nous
examinons est sous-tendue par une structure qui a, pour klY. par exemple, la représentation
suivante:
x
1
1
/k
[kHi]
On s'aperçoit que lorsque la consonne intervocalique est transparente, la voyelle NI qui,
du fait de la transparence de /II reçoit sa substance de la voyelle identique en N2 par projection,
se réalise sous la forme [4" et ceci est vrai quelles que soient la voyelle et la consonne initiale, le
second paramètre ne pouvant que conditionner telle ou telle variante du segment transparent à
l'intervocalique.
On peut dire que la voyelle V2 en N2 se projette "en puissance" en NI grâce à la
transparence de /II, projection qui est impossible dans kaga "beaucoup", pâdâ par exemple, du
fait de la non transparence des segments Igl et Id! en yaouré. Nous ne pouvons en effet avoir
*[kgâ] *rpdâ]. Il faut noter aussi que le ton de VI est en attente; il s'associe à la position où se
réalise effectivement la substance qui lui correspond, d'où, comme on le voit dans l'exemple de
[JWU ci-dessus, une modulation tonale quand les schèmes tonals sous-jacents des deux
positions sont différents.
La forme zéro (0') est donc la réalisation de la voyelle VI dans toute séquence CVILVI
où les deux voyelles, identiques, sont séparées par une consonne transparente, c'est-à-dire /1/ .ou
ses variantes.
122
d) quelques cas de fusion interne
n s'agit d'un phénomène de fusion qui n'est qu'un aspect diachronique des processus
phonologiques du yaouré et que nous illustrons à partir de lexèmes ci-dessous:
m~i
"poulet"
p~i
"chaise"
t~1
"liane sp"
di
"pied; jambe"
A ces lexèmes du parler jOO correspondent les unités suivantes des parlers klQ.,.nM, et
toà.
man
"poulet"
poli
"chaise"
tàl1
"liane sp"
kali
"pied"
Si nous prenons les formes du parler jOO, le processus diachronique de la chute de /1/ n'est pas
ici notre centre d'intérêt, mais nous pouvons dire que c'est la transparence de /1/ qui, permettant la
mise en relation directe des deux noyaux, a conduit à la chute de /1/, puis à la fusion des voyelles
qui l'entouraient. Nous présentons cene fusion à travers l'exemple de di "pied".
Schéma 13:
(1)
N+
(II)
N+
AR
I--~-~I-
-1
/
............. 1-
1
1-----1
1
(------ 1
RD
1
1
1-
- )
- 1 - 1
I -
I
1
1
1
1
1
HT
1
A
1-
- I - A
I -
I
1
1
1
1
1
Al
NI
A2
N2
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
1
1
1
1
x
x
x
x
x
x
x
x
1
1\\
1
1\\
1
1
1
1
IMB/I
1MB!
1
1
1
..
/k
a
(1)
il
- )
[c
È
i]
123
Comme le montre le schéma ci-dessus, la chute de /1/ pennet à l'élément 1° de se propager en NI
pour former avec A le complexe A-Io, donnant ainsi /~, et en Al, transformant la vélaire /!;/ en
une palatale /ç}. Le processus est rigoureusement le même pour les trois autres lexèmes et, nous
pouvons le dire, pour des lexèmes similaires en jOà.
Le segment VI œ des formes dérivées est donc la réalisation issue de la fusion de 1°
avec A+ à la suite d'un processus historique.
B- PHENOMENES COMBINATOIRES TRANSMORPHEMATlOUES
Nous examinerons dans cette section quelques phénomènes combinatoires dépassant la
jointure entre deux morphèmes et impliquant donc au moins deux unités significatives. Nous
nous limiterons aux réalisations [il, Ui), ü), Œ.], dont certaines ont déjà été analysées dans le
cadre des lexèmes, et auxquelles nous joindrons quelques autres types de transformation trans-
joncmrelle.
a) la réalisation zéro (gl
A la fm du chapitre I, nous avons introduit, à titre de repère, le dérivatif verbal /-lâ./. Il se
produit un phénomène intéressant lorsque, à l'aide de ce morphème, on dérive un verbe à partir
d'un lexème verbal lui-même terminé par /âl. Partons par exemple de l2i "mettre". Pour obtenir
le verbe signifiant "poser", on procède par jonction de la façon suivante:
.
pa
+
la
-)
pala
mettre
Dérivatif
Compte tenu de l'identité de VI et V2 dans la séquence dérivée palà et de la transparence de /1/
que nous avons déjà brièvement expliquée, nous obtenons la séquence attestée
phi "poser".
124
On rencontre un phénomène semblable au niveau des pronoms où, comme nous le verrons au
chapitre ID, l'amalgame peut produire une séquence comportant une consonne transparente entre
deux voyelles identiques; c'est le cas de /à-IM "lui à =à lui =lui", qui donne la forme dérivée
j€r€
, donc jli. "lui / à lui"}
Il convient de souligner que dans le cas de certains types de réduplication à frontière
étanche, l'effacement de la première occurrence de la voyelle ne se produit pas malgré les
conditions qui peuvent sembler réunies; c'est le cas de lolo "ver de Cayor", hlla "argent", dont
l'histoire pourrait peut-être nous révéler qu'il s'agit effectivement de formes rédupliquées.
bl la réalisation [if!
Lors de l'analyse de la réalisation [~ en schème CVILV2 (Vl;tV2), nous avons pu
écrire la règle suivante:
VI [+RD] ;t/u/-> [\\i] / Tf ci- Tf V2 [-RD]
Cette règle nous permet, par exemple, à partir d'une forme phonologique comme /kcilla/,
d'obtenir le lexème [~ "pouvoir". Nous pouvons, à l'aide du lexème kcil "partir" et du
dérivatif /:Jjj, obtenir le verbe dérivé hi-là "cheminer", dont la forme phonologique est /kcil-Ia/,
le processus étant le suivant :
/kcil
+
là/
->
[hi-là] "cheminer"
partir
dérivatif
On constate que la dérivation verbale ici aboutit à un domaine phonologique qui obéit aux règles
de la réalisation d'une voyelle VI[+RD] en [\\i] une fois les conditions réunies.
}- Nous reviendrons sur les formes pronominales amalgamées au Chapitre ilI.
125
c) la réalisation [il
Nous rendrons rapidement compte des formes lJïé] "tu m'as... ", [jià] "tu l'as..,", rjëd] "il
m'a...'\\ [jëi] "il t'a...", On peut montrer, à l'aide des représentations qui suivent, que le segment
li] qui apparaît à l'initiale de chaque forme provient d'un noyau contenant au moins ID,
Schéma 14:
li "tu" + â "me=objet 1"/-)
exemple
jié
tÉ
tu m'as
tué
A
N
A
N
1
1
1
1
x
x
œ
x
x
,,,, 1\\
1\\
, 1 NBI
1 ,MW
,
[il
'J
é
jîà 1
1
- )
1
tu m'as/me...
1
Schéma 15:
li + à "lella=objet 1"/-)
exemple
jla
tÈ
tu l'as tué
A
N
A
N
1
1
1
1
x,
x
œ
x
x
,
l "
1 \\
1\\
,
" 1 NBI
1 fOI
,
[il
"1
a
- )
]la
1
tu l'asile...
1- Afm de ne pas alourdir l'exposé. l'amalgame produit des phénomènes d'assimilation et de propagation tonale
que je n'aborderai qu'au Chapitre III,
126
Schéma 16:
lè il" + à/-) exemple
• -
Ki
jeo
tÉ
il m'a tué
A
N
A
N
1
1
1
1
x
x
œ
x
x
,,, 1 \\
,
1\\
',1 MEl
1 BI
1
1
1
1
A
1
1
1
1
1
=
1
[j]
e
ci
- )
jed
1
\\
il m'a ..
1
N+
Schéma 17:
le + i "te"=objet 1tl/_)
exemple
Jet
tÊ
il t'a
tué
A
N
A
N
1
1
1
1
x
x
œ
x
x
,,
1 \\
1\\
",,1 MEl
1 MW
)
1
1
1
A
1
1
1
1
1
1
1
=
1
• -1
[j]
e
1
- )
Jet
il t'a...
Dans ces formes, on constate que dès la formation d'un nouveau mot phonologique par
amalgame, l'élément 1° du noyau sujet se propage dans l'attaque vide qu'il gouverne, et nous
obtenons un yod [j]. Il faut souligner qu'il existe des séquences comme celles- ci :
127
1
ka
tu
partir+NAC - ) tu pars
.
e
m~di
61i
il
banane
manger+ACC - ) il a mangé la banane
Ces séquences ne comportent pas de yod. Cela veut dire que celui- ci a une occurrence
conditionnée. Il n'apparaît que pour rendre un domaine phonologique créé, conforme aux
normes syllabiques du yaouré. Le yod rend licite une séquence morphologiquement illicite, *ici.
En effet, le yaouré a quelques monosyllabes en V, mais pas de dissyllabes en VV sans attaque. TI
nous semble que la contrainte majeure réside à ce niveau. On s'aperçoit justement que le
phénomène de yodisation ne se produit pas lorsque nous avons affaire à un pronom sujet qui
comporte une consonne initiale. C'est ce qu'illustre la séquence ci-dessous:
ka +
à
+
verbe-)
kià
+V
vous
lui (=objet)
vous l'avez
+V
Pour clore l'analyse de la réalisation [j], nous voudrions montrer que le yod peut même subir
une nasalisation dans l'une des variantes de l'amalgame (16) ci-dessus. La dérivation
correspondante a la forme suivante:
Schéma 18
(1)
(I)
1
AR
1-----1-
1
1
RD
1
1
- )
1
~
1
HT
1
A-
----~A
I
1
"
"
1
Al
NI
_-,---A2
N2
1
1
__
, - - - -
1
1
x
x--
x
x
1
1 \\
1 \\
1
1 ,MEl
1 .Ma!
lU]
(e)
cil
- )
128
(II)
~~+
-I~
1
1
1
1
1
1
1
1
A-
I
~I
A
N A N
1
1
1
1
x
x
x
x
1
1
1
[p
Ô
0]
Dans cette variante, l'objet 2. de l'amalgame s'allonge en occupant, en tant que segment, la
position NI, le yod se nasalise en [P] par la propagation de N+ en Al.
De façon générale, on peut retenir que, dans ce type de séquence, [j] apparaît comme la
réalisation de 10 en position d'attaque syllabique initiale vide.
dl la réalisation fwl
La réalisation [w] que nous examinerons rapidement dans cette section est, du point de
vue du processus, différente de celle que nous avons analysée dans les séquences CW. Ici, nous
avons encore affaire aux amalgames pronominaux. Deux formes seront retenues comme
exemples: [waà] "ils l'ont..." et [wël], "ils t'ont...". On peut les obtenir à l'aide des dérivations
suivantes:
129
Schéma 19:
10 "ils" + à "lui =objet} tli
-)
exemple:
waà
t€
ils l'ont
tué
(1)
1
1
AR
I -
I
RD
I-----U-
- )
1
-ta
HT
1
A-
_A-
--
I
1
1
__ ---1\\;
Al
NI
N2
--
1
1
1
1
x
x -- -- --
x
x
1
1 \\
1 \\
1
1 MEl
1
BI
/[w]
(0)
àl
(II)
-u
1
1
1
~~-
Al
N2
Al
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1
1
1
[w
a
à]
130
Schéma 20:
10+ 1lite = objet l "I
exemple: wëi
1
->
tE
ils t'ont
tué
(1)
I
I
1
1
AR
l -
,I-
I
,,,' 1
~
RD
,-----u-
e
/
1
.-
~
->
. 1
~ "
1
~
1
"
1
HT
A-
~
, ~
,
1
1
~
1
Al
NI
~
~
A2
N2
~
1
1
1
1
,
"
'"
x
x
x
x
1
1 \\
1 \\
1
1 IMB/
1 MW
!lw]
(0)
il
->
(II)
l
1
1
I-
I
1
-U
1
1
1
1
1
1
A
1
1
1
1
Al
N2
Al
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1
1
1
[w
ë
il
Dans les deux cas représentés ci-dessus, le lien A-U se trouve rompu sous l'influence de la
voyelle non arrondie en N2. En (19), l'objet i s'allonge en occupant la position NI, l'élément 1[0
délogé et récupéré en A l se réalise [w]. En (20), Uo éjecté se réalise [w] en Al, 1° se propageant
en NI fusionne avec A+, résidu de la déstabilisation de Q qui disparaît en tant que tel.
Dans ces deux exemples, llil est la réalisation de Uo en position d'attaque syllabique à
l'initiale d'un domaine phonologique créé par amalgame.
131
e) autres ty,pes de processus transmorphématiaues
Peut-être le terme de "réalisations vocaliques" ne convient-il pas pour désigner les
derniers exemples de processus que nous voudrions analyser et qui sont à rapprocher de la
dérivation (18) que nous avons vue plus haut. Mais, comme on peut l'observer sur le schéma
(18), il ne s'agit vraiment ni d'une réalisation sui generis comme [u]ou [y] par exemple, ni d'un
remplacement pur et simple d'une voyelle VI par une voyelle V2 gouvernante. On pourrait
soutenir qu'il y a un peu des deux opérations; en résumé, nous sommes en face de processus
complexes qui, en tout cas, changent la nature des données matérielles vocaliques de départ, et
auxquels nous préférons, à ce stade, donner le nom générique simple de "transformations". Pour
les illustrer, nous retiendrons trois formes: [jïi] "il t'a...", [mil] "je t'ai... ", [wëe] "(il dit qu')ils
l'ont". Ces séquences sont des amalgames obtenus par les dérivations suivantes:
Schéma 21 :
/ë "il" + i "te =objet}"/
- )
exemple:
J11
tÈ
il t'a
tué
(1)
l
l
1
1
AR
- - - - - 1 -
1
.- 1-
.-
1
1
1
RD
1
1
El;)
"
1
- )
.-
1
1
..- "
1
.- "
1
HT
1
(A}-
.- .-
1
:f.
1
.- "
Al
NI
.-
A2
N2
"
1
1
"
1
1
" "
x
x"
x
x
1
1 \\
1 \\
1
1 .MEl
1 MW
/m
(e)
il
- )
132
(II)
1
1
-1
I-
I
1
1
j
1
1
1
1
1
1
A-
I
1
1
Al
N2
Al
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1
1
1
[j
i
i]
Schéma 22 :
/môa "moi" + i "te = objeq "/
- )
exemple:
mii
tt
je t'ai
tué
(1)
N+
I
1
1
AR
1-
>1-
1
",,"
1
; '
1
1
RD
œ
- )
; '
,
1
; '
"
1
; '
HT
(A)....
; '
,
1
; '
~I
; '
; '
1
; '
Al
NI
A2
N2
; '
; '
A3
N3
; '
; '
1
1
1
1
;'
1
1
; ' "
x
x
x
x
x
x
x
x
1\\
1 \\
1
1MEl
IMW
1
lm
(ci)
(ci)
il
- )
N+
1
(II)
1
1
1
I-
I
1
1
1
1
1
1
1
1
1
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1
1
1
[m
a1
1]
133
Schéma 23 :
/0 "ils" + e"= objeq "/
- )
exemple:
wee
te
(il dit qu') ils l'ont
tué
(1)
1
1
1
1
AR
l -
I-
1
1
RD
1 - - - - (U)-
1
- )
1
~
1
HT
1
A-
A-
I
1
1
Al
NI
_----A2
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1
1\\
1 \\
1
I.MS/
1 MW
/[w]
(0)
el
- )
(II)
I
1
1
I-
I
1
-u
1
1
1
1
1
1
1
A-
I
1
1
Al
N2
Al
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1
1
1
-
[w
e
e]
Pour l'exemple (21), il existe une variante de [fu], c'est [je!]; dans ce cas, on peut dire qu'il n'y a
pas de rupture A-I; on a une jonction e+i qui nous donne la séquence [jeil référentiellement
équivalente. Dans tous les trois cas, au cours de l'amalgame, la voyelle du premier morphème est
délogé par le segment vocalique objet, qui s'allonge alors, comme le montrent les formes lJîi],
[mii], [wee].
Devant ces transformations, la question toute naturelle qui nous vient à l'esprit est:
pourquoi cette instabilité, relative dans certain cas, absolue dans d'autres? Il semble qu'il n'y ait
134
pas une réponse unique pour tous les cas. Si nous nous limitons à nos trois formes et que nous
prenons, pour commencer, la dérivation (22), nous sommes tenté de dire que la séquence ai
apparaît impossible parce que 1°, de charme négatif, ne peut gouverner A+, de charme positif; et
la solution du yaouré, c'est la substitution à A de 1° qui, dans la structure qui nous intéresse ici,
doit gouverner de droit, mais ne le peut par nature. Cette contrainte justifie par ailleurs que &
n'apparaisse pas dans les séquences vocaliques licites au point II.5.1.1.
Pour la dérivation (23), nous avons vu, lors de l'analyse de [tt], que l'ordre séquentiel
voyelle arrondie + voyelle non-arrondie est particulièrement instable en tant que tel, bien qu'il
soit licite au plan phonologique. Les segments non arrondis gouverneurs tendent à désarrondir
les gouvernés, ce qui conduit à une déstabilisation de ces derniers dans leur substance. Nous
avons montré que cette tendance est à l'origine des séquences f::Y:!... en schème CV 1V2.
Quant à la dérivation (21), on pourrait dire que l'élément A+ de ~ rend le gouvernement
de celui-ci par 1° difficile. C'est peut- être ce qui expliquerait une certaine tendance des locuteurs
à adopter la forme J1i. Mais nous ne pouvons insister sur cette explication, car ~, comme nous
l'avons vu au point II.5.l.l., est une séquence licite, et par ailleurs, il existe de nombreux lexèmes
en~. Quoi qu'il en soit, jii n'est qu'une variante de ill.
Tous ces exemples illustrent des cas de transformation résultant de l'amalgame de
morphèmes. Comme nous venons de le voir, une voyelle peut faire l'objet d'une fusion, ou
disparaître au cours d'un processus donné. Elle peut changer de nature en fonction de son statut.
C'est le cas de Iii et lyJ. Pour ce qui est l'apparition de [j] et [w] par exemple au niveau des
pronoms, cela s'explique par le fait que les formes à attaque vide ne se limitent, en yaouré, qu'à
quelques pronoms et quelques noms propres; en d'autres termes, la vacuité de l'attaque
syllabique est impossible avec une séquence [VV]. Il en résulte donc qu'une forme dérivée de ce
type, qui veut prétendre à une certaine autonomie, se créé une attaque, et cette épenthèse
"naturelle" est d'autant plus facile et réalisable qu'il existe un élément transformable dans
l'environnement plus ou moins immédiat du noyau sujet si ce n'est dans sa propre substance. En
somme, qu'il s'agisse d'un lexème ou d'une forme dérivée par amalgame, on s'aperçoit que les
135
voyelles peuvent être soumises à des phénomènes combinatoires identifiables. Nous nous
proposons, dans la section qui suit, d'examiner le comportement des consonnes en séquence.
II.S.2.DES SEGMENTS CONSONANTIQUES
Dans cette Section, quelques considérations générales précéderont l'analyse des
phénomènes combinatoires.
II.5.2.1. OUB.OUES OBSERVATIONS GFNFRAI FS SURIADIS1RIBUlIONDffi OONSONNffi
Nous voudrions faire ici quelques remarques d'ordre général et empirique dont certaines,
dans l'immédiat, n'auront d'intérêt que statistique.
Le yaouré n'admet pas de groupes consonantiques, ni à l'initiale, ni en milieu de mot, ni
en fin de mot. Nous avons vu, dans la section précédente, que le schème CLV est un dissyllabe
de type CYLV dont la première voyelle n'est réalisée qu'en puissance à partir d'une projection de
la seconde. Nous avons vu plus haut que la séquence CW n'est pas un groupe consonantique,
mais la réalisation conditionnée d'un schème de type CVV.
On peut noter aussi en yaouré le grand nombre de morphèmes de schèmes CV, CYLV,
CVV. Il semble que ceci explique, au plan statistique tout au moins, que la majorité des
consonnes apparaisse plus souvent à l'initiale qu'en milieu de mot, la position finale étant exclue.
Parmi les segments consonantiques, en tout cas ceux que nous avons identifiés comme
phonèmes, aucun n'est véritablement soumis à une quelconque contrainte quant à ses lieux
d'occurrence en morphème. La seule contrainte que l'on puisse relever concerne la latérale /1J et
elle est d'un autre ordre.
En effet, à l'initiale absolue, /li se réalise [1] en contexte non nasal, et cette réalisation a
une variante libre correspondante qui est l'injective alvéolaire /ô/ et qui, elle, n'apparaît qu'à
l'initiale. Ainsi par exemple, dans les morphèmes qui apparaissent avec /1J au point II.2.2.4, d),
136
on peut substituer lôl à /1/ sans aucune incidence sur le sens des unités. Nous pouvons donc
avoir :
li
ou
ôi,
femme à épouser
lea
ou
ôea
agouti
logo
ou
ôogo
banane mûre
logo
ou
ôogo
mou
Aux réalisations [1] qui apparaissent à l'initiale dans les autres rapprochement effectués au point
II.2.2.4, on peut substituer [ô]. Mais cene variation libre est soumise à une petite restriction que
la véritable réalité des faits ne nous autorise aucunement à considérer comme une contradiction
au point d'en déduire, soit une variation combinatoire, soit une neutralisation d'opposition entre
deux phonèmes distincts. Prenons en effet quelques exemples apparemment troublants. Nous
avons, en yaouré, des unités telles que
ôre
faire
et
ôra
faim
dans lesquelles il est impossible de substituer [l] à [ô] pour avoir *l!i et *lri. Ces séquences
sont inacceptables, bien que les segments [l] et [ô] soient strictement équivalents en yaouré du
point de vue phonologique. A l'analyse, c'est en observant la structure interne des segments
consonantiques en contact direct ou indirect que l'on peut esquisser une solution à ce problème.
Nous y reviendrons longuement dans ce Chapitre, mais nous examinerons d'abord d'autres
phénomènes combinatoires que nous avons déjà abordés sous un certain angle.
11.5.2.2. STABILITE CONSONANTIOUE ET PHENOMENES COMBINATOIRES
Cene Section est consacrée à l'étude des contraintes distributionnelles à l'intervocalique,
du statut de la nasalité consonantique et du phénomène de palatalisation.
137
A- LES CONTRAINTES DISTRIBUTIONNELLES A L'INTERVOCALIQUE
Nous nous intéresserons ici particulièrement au phénomène de voisement et aux
réalisations de la sonante N à l'intervocalique.
al le voisement cOnsonantique cl l'intervocalique
Comme le montrent tous les lexèmes de notre corpus et ainsi qu'on peut le constater
dans n'importe quel lexème du yaouré, tous les segments consonantiques à l'intervocalique sont
sonores. C'est une donnée de la langue. li s'ensuit que tout segment consonantique sourd qui,
au cours d'un processus se retrouve à l'intervocalique, se sonorise. C'est ce que nous
constaterons tour à tour au niveau des unités d'emprunt, des composés, des morphèmes dérivés
par réduplication et de certaines séquences dépassant le niveau du morphème.
Avant d'analyser ces faits de voisement qui participent tous du même processus, ils
seront d'abord simplement présentés dans leur ensemble.
1) le voisement en lexème
Nous avons affaire à des bases lexématiques ou des unités considérées comme telles; en
dehors d'une mutation d'ordre diachronique, qui aurait alors affecté tout ou partie du système
consonantique, et donc produit un état de langue de toute façon synchroniquement stabilisé, le
voisement ne peut se comprendre ici que dans le cadre d'une création ou d'un emprunt. C'est le
second cas que nous pouvons illustrer à l'aide de quelques exemples où le yaouré sonorise une
consonne sourde intervocalique d'emprunt. Dans le petit tableau ci-dessous, les langues
d'origine des mots d'emprunt sont classées dans une colonne, la forme originelle de ces mots
dans une deuxième colonne et, enfin, la troisième colonne présentera les unités dérivées
équivalentes en yaouré.
138
TABLEAU XII : Exemple de voisement à l'emprunt
Lexèmes d'origine
Equivalents yaouré
Lan~es d'origine
. -
nzàsa
"pagne sp"
nzaza
baoulé / agni
aklsî
nom propre
kizi
àbùsd
"métayer sp"
àbùzâ
djoula
tratra
"beignet"
tràdra
kasr:>1
kazrO
français
apHati
à{>l~d!
Jofœr
Salven
2) le voisement par la composition
Le voisement dans les composés peut être illustré à l'aide des unités ci-dessous:
ti-bà
parler, juger
Bl~-z~
(un) idiot
1
ce-gal
aujourd'hui
trÈ-bb
grenier
srù-vÉ
serviette de bain
Jî-dÈ
soleil
. .
PE-JE
aile
Ces lexèmes viennent respectivement de
ti
"parole"
et
1
pa
"mettre, dire"
cÈ
"jour"
et
kGl
"ici, maintenant"
,
trE
"terre"
et
p:>
"pot, canari"
srù
"laver"
et
fe:
"chose"
Ji
"jour"
1
et
tE
"feu"
.
.
pE
"bras"
et
CE
"poil, plume"
139
3 0 le voisement par réduplication
On peut proposer les unités ci-dessous, obtenues par la réduplication d'une base
tida
vite!
cÈJÈ
non!
rùvu
blanc
rava
léger
tàld~
un par un
pwi
très loin
kpîgbî
fragile
,
-
s:>z:>
ridicule
kagà
sec
A propos de ces fonnes rédupliquées, il faut dire que seul un travail de morphologie et de
lexicologie historiques pourront peut- être suggérer des voies pour l'identification des aires
sémantiques auxquelles doivent être rattachées la plupart des fonnes de base. Celles qui ne sont
pas ou plus attestées en tant que telles seront précédées d'un astérisque comme des fonnes
(re}construites. Ainsi, dans l'ordre,
. .
CE-JE
est à rattacher à
*CE
"idée de refus"
ruvu
est à rattacher à
*fu
"blancheur"
tàld~
est à rattacher à
t~
"un"
,
pwi
est à rattacher à
pt.
"loin"
kpîgbî
est à rattacher à
kpî
"un bruit d'une corde qui casse"
,
-
S:lZ:l
est à rattacher à
*S:l
"nullité"
kaga
est à rattacher à
kà
"sécher"
140
4) le voisement dans une chaîne
Dans un énoncé, on peut avoir un voisement au niveau d'une ou plusieurs séquences, qui
ne sont ni des composés ni des fonnes rédupliquées. Ces séquences ont des structures variées.
Prenons, d'un point de vue analytique, l'énoncé suivant:
lë
a
kcil
poàl
il
Préd
ici
tout à l'heure
En fait, la fonne attestée de cet énoncé est
•
e
je.
gCil
poà
ou bien
e
Ja
poo
gâl
il
être
tout à l'heure ici - ) il était ici il y a un instant
5) le processus du voisement à l'intervocalique
Nous constatons que, dans ces quatre cas envisagés, se sonorisent automatiquement les
consonnes sourdes intervocaliques dans les lexèmes d'emprunt, ainsi que les consonnes
sourdes des bases lexématiques qui se retrouvent à l'intervocalique au cours d'opérations
propres au yaouré. Le processus de sonorisation, qui demeure le même dans tous les cas, peut
être expliqué à l'aide de l'unité nî vlî "deux par deux" et dont la dérivation correspond au
schéma ci-dessous:
Schéma 24:
Al NI A2 N2
A3 N3 A4 N4
Al NI A2 N2 A3 N3 A4 N4
1
1
1
1
$
1
1
1
1
- )
1
1
1
1
1
1
x
x
x
x
....x,
x
x
x
x
x
x
x
x
x
1
1
1
-,,,,,,,
1
......
1
1
1
1
1
1
1
1
....
If
1
i ........
f
l'--"i/
[f
1
i
v
1
~
141
Qu'il s'agisse d'un nom propre d'emprunt (!dzi), d'un composé (srù-vÉ), d'une séquence
d'énoncé (...ja 9th) ou, comme ici, d'une forme rédupliquée (flivli), nous avons affaire à la
construction d'un domaine phonologique homogène; c'est à ce niveau, pensons-nous, que se
situe l'explication du voisement de la consonne sourde intervocalique, et ceci par rappon à un
principe morphophonologique de fonctionnement qui nous semble caractéristique du yaouré.
En effet, nous pensons que dans un dissyllabe CVCV yaouré, la seconde syllabe, gouvernante,
c'est-à-dire la syllabe qui donne sa raison d'être à la première, doit être fone; cela exige au moins
une attaque fone, c'est-à-dire auditivement perceptible au maximum de la vibration des cordes
vocales, en d'autres termes une attaque sonore!. Nous pensons que cette sonorité, qui ne
s'impose pas à la consonne initiale, est acquise, à l'intervocalique, par la propagation, sinon des
deux ondes sonores venant des deux voyelles qui encadrent la consonne sourde, ici Iii et Iii, du
moins de l'onde qui précède cette consonne. Ainsi, dans notre exemple, l'onde sonore venant du
segment Iii en position N2 à gauche se propage en position A3 sur Ifl qui se sonorise en [v] ;
l'onde sonore de N4, si elle intervient, traverse le segment transparent /11 pour atteindre If/.
Cette contrainte morphophonologique, nous en voyons une manifestation dans un
syntagme comme
ImU.
fel
ma
chose
dont la forme licite est
mH vë
"la mienne/1e mien"
On est ainsi passé de la sourde Ifl à la sonore [v].
1- Ici, nous employons "fort" dans un sens différent de celui de la phonétique classique où les consonnes
vois~s sont d!tes "faib.les"; quoi qu'il en so~t, les bases de définition ne sont pas les mêmes; la phonétique
claSSIque se sItue au nIveau de la constructIOn du son, nous nous plaçons, nous, au plan du produit et du
rapport matériel des consonnes sonores avec les sourdes.
142
Au total, le voisement est un phénomène assez fréquent en yaouré. Il repose sur la
création d'une entité phonologique à l'intérieur de laquelle se produit une propagation de
sonorité. Ceci exclut, bien entendu, les segments N, /rn/, /j/, et /w/ pour lesquels le problème de
sonorité ne se pose pas puisqu'ils appartiennent à la classe des sonantes. La conception du mot
phonologique comme critère déterminant, ou tout au moins comme condition nécessaire,
apparaît si bien fondée que le voisement est bloqué dès que le segment sourd se situe hors du
domaine de propagation défini plus haut. Ainsi, lorsque la réduplication se fait par détachement,
c'est-à-dire de façon discontinue par deux émissions non continues de la forme de base, le
voisement ne se produit pas; nous n'obtenons, au plan de la référence, qu'un effet d'emphase.
Ainsi, à partir de til "un", nous pouvons avoir
tàl, tàl "un par un"
mais pas
*tàl, dcil
Un dernier exemple nous montre un fait intéressant. Il s'agit de la séquence
•
1
mff
5Ô
mon
piège - )
mon piège
TI se trouve que nous n'avons jamais:
*mHzô
On s'aperçoit donc que, contrairement à ce que nous avons vu avec mH vË "la mienne (de
chose)", m~~ et 5Ô n'anivent pas à former un groupe phonologique, une unité homogène. Est-ce
dû ici à la représentation d'un type de rapport entre le possesseur et l'objet possédé? Sans que
nous puissions ici parler du genre de relation symétrique qui apparaît, comme nous le verrons
dans un syntagme comme d nô "moi femme = ma femme", nous pensons que la sonorisation
n'a lieu que lorsque, sur le plan morphophonologique tout au moins, nous avons un ensemble
qui est appréhendé comme unité.
143
hl Les réalisations du se~ment III à l'intervocaliQue
Le /1/ intervocalique a fait l'objet d'études variées pour les huit langues mandé-sud de
Côte dlvoire: le dan, le gban, le goum, le mwan, le ngain, le toura, le wan et le yaouré. Monique
TRABI a fait un large compte rendu critique de ces étudesl. En dépit de la relative diversité des
points de vue, il semble que le /1/ intervocalique, tout au moins en yaouré, obéisse à quelques
principes assez homogènes. Mais nous examinerons d'abord la position de quelques auteurs
sur la question.
1) l'analyse de GREGOIRE et LE SAOUT
Pour Henri-Claude GREGOIRE2, le /1/ intervocalique est tout simplement le phonème
/1/, milieu d'une syllabe ou initiale d'une syllabe selon qu'il s'agit d'une structure de type CLV ou
d'une structure de type CVLV.
Joseph LE SAOUT s'est penché de façon approfondie sur le problème3. Abordant les
structures où nous avons deux voyelles identiques, c'est-à-dire CV ILV 1, l'auteur pose que le
segment [1] intervocalique, totalement conditionné, est en fait la réalisation d'une unité
prosodique notée !LI, selon l'une ou l'autre des deux règles de réalisation suivantes.4
/Levl
- )
CVILVI
ou
.cYILVl serait "l'élargissement prosodique" de CV ou de CVIVI sous l'effet de !LI.
Quant aux structures componant deux voyelles distinctes, c'est- à-dire CVILV2, Le
SAOUT, après avoir suggéré la solution suprasegmentale de l'effet /L/, décide de retenir la
solution segmentale, c'est-à-dire de considérer [1] comme étant le phonème /1/.
1- TRABI, M. (1982) : op. CiL, pp. 60-67
- TRABI, M., al.. (1983) : op. cit., pp. 64-66 et pp. 85-87
2- GREGOIRE, H. Cl., (1979) : op. cit., p. 309, et pp. 406-413.
3- LE SAOUT, J. (1979): op. CiL, pp. 11-12, p. 18 et p. 40.
4- Effectivement, l'auteur ne tranche pas.
144
2) l'analyse de TRABfl et HOPKINS2
En fait, il s'agit ici moins d'une analyse nouvelle que d'un choix parmi les suggestions
faites ici et là. Pour ces deux auteurs, l'élément intervocalique [1] est bien le phonème /1/. A la
suite de l'étude de T. BEARTIi sur le toura, des études de M. BOLLI et E. FLIK sur le mwan,
de M. ORY sur le ngain, de Ph. RAVENHILL sur le wan, de J. LE SAOUT sur le gban, à la
suite des études de M. BOLLI sur le dan, de J. LE SAOUT et H.C!. GREGOIRE sur le goum,
nos deux auteurs soutiennent, à quelques variantes près, que [1], [r], [n] et [é] sont des variantes
conditionnées de ni ; les paramètres du conditionnement sont essentiellement le point
d'articulation de la consonne initiale et la résonance, orale ou nasale, de la voyelle suivant /1/.
Voici les réalisations de /1/ que proposent respectivement TRABI et HOPKINS.
TABLEAU xm : Proposition-synthèse de TRABI pour le gouro 3
voyelle suivante-)
voyelle orale
voyelle nasale
(allophone [1])
(allophone ln])
Point d'articulation de la
C
C
C
C
[+COR]
[-COR]
[+COR]
[-COR]
consonne suivante - )
CVILVI
r
1
t
n
r -u_i l
CVILV2
J 1 1
J n 1
t-o_e J L r J
1
L é
J
n
-o_a
r -u_i l
r 1 l
1
J
1
r n l
J n 1
CVILV2
t l t
-o_e
r ~
t t ~
-o_a
mJ
L m J
mJ
l m J
Dans ce tableau, C représente la coronalité qui, pour l'auteur, caractérise les consonnes
dont le point d'aniculation est alvéolaire ou (pré)palataI4. Le symbole mreprésente les cas
d'amuYssement, phénomène dont sont exclus les assemblages vocaliques ui, oe, oa.
1- TRABI, M. (1982) : op. ciL
2- HOPHINS, B. (1982 a): op. ciL
3- l'RABI, M. (1982) : op. ciL, p. 65.
4- TRABI, M. (1982) : op. cit., p. 29, note 1.
145
1
TABLEAU XN: Proposition de HOPKINS pour le yaouré
N
~e
alvéolaire,
Labiale,
dentale,
vélaire
Résonance
palatale
Contexte oral
1
r
Contexte nasal
n
r
On peut constater que, pour HOPKINS, la distinction structure CVILVI/structure CVILV2
n'est peut-être pas pertinente.
Nous pensons, comme TRAHI, que l'argument des facteurs prosodiques /L/ ne mène
pas loin. Nous n'en voyons pas la justification. En outre, les conclusions synthétisées par
TRAHI et HOPKINS semblent laisser de côté un certain nombre d'unités qui apparaissent dans
notre corpus et qui sont, comme nous le verrons, difficiles à classer. Enfin, il se pose une
question fondamentale: qu'est-ce qui explique le principe même du rapport de dépendance du
/li intervocalique par rapport à la consonne initiale? De façon plus spécifique, qu'est-ce qui
justifie le conditionnement de la réalisation [r] par les consonnes initiales coronales et la
réalisation [1] par les non coronales? Il nous semble que ces questions exigent que soient
affinés un peu plus les critères d'analyse en vue d'une meilleure interprétation du phénomène en
cause.
3) notre point de vue sur la question
Il nous paraît utile, à travers un échantillon de lexèmes, d'exposer les faits matériels
relatifs à la distribution du /li intervocalique. Ensuite, une analyse de ces faits nous permettra de
1- HOPKINS, B (1982 a) : op. cit., p. 13. Nous avons légèrement modifié la présentation du tableau.
146
réunir quelques régularités à partir desquelles nous pourrons proposer une hypothèse
d'explication.
a') les données du problème
Notre point de départ sera l'échantillon de lexèmes ci-dessous:
TABLEAU XV : Les contextes des réalisations de !JI intervocalique
CVLV
CvLV
CLV
..
pula
"rat"
jelü
"grenouille"
c~n
"ténu"
na
"village"
k:ilci
"noeud"
laIe
"grêle"
f~lè:
"biche"
61:>
"arbre sp"
fül:>
"vent"
salé
"écrevisse"
mtil~
"souris"
fB
"serrer"
kàlî
"arbre sp"
jàl€
"misère"
ttire
"kaolin"
né
"marché"
kùlà
"gouro"
wèri
nom propre
pitlë
"serpent sp"
sri
"un peu"
6ali
"Dieu"
6èrl
"guérir"
ktila
"pouvoir"
6lt
"manger"
Jûrà
"dioula"
zàlè
"piège sp"
stira
"jeu"
srGl
"gazelle"
,
r
c:>rGl
''insttur:œntsp"
làlà
'\\erœCaycr"
kitlé
"tout près"
J~
"visage"
sÙ'à
"maladie sp"
làliè:
"dlalxJepisse"
6itli
"vipère"
sre
"tisserin"
soolu "cinq"
lali
"poison"
wtilï
"pilon"
zra
"tabac"
lala
"argent"
wt11à "calvitie"
càlë
"veuve"
bjanarysedesdonnées
1) les constats
Au vu des données ci-dessus, on peut faire quelques constats simples:
-
il ressort assez nettement qu'à l'intervocalique, à une consonne initiale non coronale
correspond une réalisation [1], et à une Ci coronale une réalisation [r]; cette distribution peut être
traduite par la règle bien connue ci-dessous:
[1] / Ci[-COR] -
V (1)
. /
/11
-........ [r] / Ci[+COR] -
V (2)
147
-
on trouve cependant, dans la langue, un certain nombre d'unités qui ne semblent pas se plier
à cette règle de fonctionnement; c'est, par exemple le cas de sb6lu. jalü, lala, salé, jâlè, zàlè.
- ces écarts ne se trouvent qu'en schème CLVlY2 avec des voyelles pleines; on ne les trouve
donc ni en CVLV, ni en CLV.
-
on peut aussi noter, en particulier à propos de la branche (2) de la règle ci-dessus, un fait
relativement troublant: /11 et lôl sont deux coronales équivalentes à l'initiale de morphème;
cependant, si l'on a ôrâ "faim", on n'a pas *l&:!; on a m "faire", mais *1œ. est impossible. Cela
montre que des distinctions supplémentaires ne sont pas à exclure dans l'ordre même des
coronales puisqu'il semble que le statut de "coronal" tout seul ne suffise pas à une consonne
pour être autorisée à l'initiale et conditionner une réalisation [rl de /1/ à l'intervocalique.
A ces constats, il faut ajouter la question que nous posions plus haut. Qu'y a-t-il d'une
part entre les consonnes non coronales et [1], et d'autre part entre les coronales et [rl pour que
ces deux ordres de segments ne soient syntagmatiquement compatibles que deux à deux? C'est
une question fondamentale à laquelle la règle de réécriture ci-dessus ne répond pas, même si elle
traduit le fonctionnement général de la distribution de /1/ à l'intervocalique. Nous pensons qu'on
gagnerait à situer le problème au niveau où nous avons posé celui du voisement des consonnes
sourdes à l'intervocalique, car ces deux problèmes nous semblent intimement liés à la même
contrainte.
2) notre hypothèse majeure
Nous avons vu plus haut que, dans les dissyllabes, pour que la seconde syllabe,
gouvernante en théorie, gouverne effectivement, elle doit avoir au moins une attaque forte, dans
le sens que nous avons précisé; pour que celle-ci soit forte, elle doit être sonore, d'où le
voisement d'une consonne sourde dès qu'elle se retrouve à l'intervocalique; à cette première
condition, nous en ajoutons une deuxième: l'attaque ne doit pas être faible; en tout état de cause,
elle doit être structurellement plus complexe que /1/. Nous pensons effectivement que si l'attaque
de la syllabe gouvernante est /li, sa sonorité, naturelle, ne suffit pas, et ce segment,
148
structurellement faible, se trouve alors automatiquement pris en charge par la consonne initiale
dans la dépendance structurelle de laquelle, de fait, il s'inscrit; riche de sa sonorité, le segment N
s'appuie sur la structure de la consonne initiale afin de pouvoir être à la hauteur de son statut
d'attaque de syllabe gouvernante. C'est ce processus que, à l'aide de l'unité kolù "cola" et il!.
"village", nous représenterons par les schémas ci-dessous, où les pointillés ne traduisent pas un
rattachement réel et effectif à une seconde position, ce qui aurait donné des consonnes
géminées, que le yaouré ignore, mais la projection de la structure de la consonne initiale en tant
qu'appui deN.
Al
NI
~ N2
Al
NI
~ N2
1
1
1
1
1
1
1
1
x
x
x
x
x
x
.. x
x
..
1
.. '
1
;#,"'"
1
1
1
1
1
...
..
... ,
k.....
0
ù
f"
1
a
Ainsi, au-delà des deux chaînes linéaires kolù et flà, les structures de /kI et de Ifl se projettent en
A2 ; il se construit ainsi, dans chaque cas, une entité abstraite, kl ou fl, entre les deux
composantes de laquelle s'établit un gouvernement processif1 de type plutôt intra-constituant,
de gauche à droite. Tout se passe comme si, pour l'occurrence de /1/ dans les unités kolù et flà,
nous avions k+l et f+l, c'est-à-dire, dans chaque cas, une sorte d'attaque branchante sans que
cela en soit une, en d'autres termes sans que nous aboutissions à un groupe consonantique à
proprement parler. Nous pensons que la création d'une telle unité, fût-elle abstraite, ainsi que le
gouvernement intra-constituant qui l'accompagne, ne sont possibles que si la consonne initiale et
la réalisation intervocalique de /11 ne sont ni isomères ni hétéromères. Nous définirons
rapidement ces deux concepts avant de pouvoir les illustrer ensuite.
1- Nous le nommons ainsi parce que, issu d'un processus phonologique, il se superpose au rapport de
gouvernement du premier degré, qui est transconstituant et se fait de droite à gauche.
149
3) les concepts d'isomérie et d'hétéromérie
En nous inspirant de 1. KAYE, 1. LOWENSTAMM et 1.R. VERGNAUD (désonnais
KLV)I, nous appellerons segments isomères des segments dont les éléments ou (sous)
ensembles d'éléments constitutifs prépondérants sont identiques; les segments hétéromères2
sont alors ceux qui n'ont strictement aucun élément commun. Il convient de noter que les
éléments ou les ensembles d'éléments dominants d'un segment A peuvent varier
quantitativement et/ou qualitativement en fonction du segment B qui entre en relation avec lui.
Cela n'est pas incompatible avec le fait qu'il puisse exister des traits constants donnés entre deux
catégories ou sous-catégories de segments.
En fait, il semble y avoir une sorte de géométrie variable dans les rapports inter-
segments, en particulier pour les segments les moins marqués. Contre tout apriorisme,
l'isomérie est un rapport essentiellement phénoménologique. On comprend qu'en fonction des
éléments et des dosages du point de vue de la substance et de la fonne, un segment mette en
avant tel trait dans telle circonstance et tel autre trait dans telle autre circonstance. Mais -
et
c'est ce qui est important -
il en sort toujours un rapport phénoménologique stable, à savoir
qu'un segment est isomère de tel autre segment, à travers tel(s) trait(s).
Par rapport à ces deux concepts d'isométrie et d'hétérométrie, le rapport de
gouvernement intra-constituant entre la consonne initiale et la réalisation de /li à l'intervocalique
nous paraît être régi par un principe que nous appellerons principe des deux extrêmes et qui
peut être résumé en quelques mots. Deux segments ne peuvent pas entrer dans un rapport de
gouvernement processif dans les deux cas suivants: 1°, s'ils sont hétéromères ; 2°, si les
éléments constitutifs prépondérants qui les détenninent l'un et l'autre dans le cadre de leur seul
rapport sont identiques, c'est-à-dire si ces segments sont isomères. En d'autres tennes, la
compatibilité de ces deux segments exige qu'ils ne soient structurellement ni totalement
1- KAYE, J., LOWENSTAMM, J., VERGNAUD, J.R. (1989) : "Constituent structure and govemment in
phonology", in Linguistische Berichte, p. 114.
2- C'est nous qui proposons ce second concept.
150
différents ni pratiquement identiques. Ils doivent partager au moins un trait ou un élément qui.
dans leur rapport. n'est pas dominant ou définitoire des deux côtés à la fois. Cette loi.
suffisamment générale. englobe la coronalité et la non coronalité; elle nous permet de
comprendre non seulement le rapport de conditionnement entre tel type de consonne à l'initiale
et tel type de réalisation de /1/ à l'intervocalique. mais aussi qu'une coronale à l'initiale puisse
éventuellement être incompatible avec [r] ou une non coronale avec [1]. Nous verrons d'abord le
cas où la consonne initiale et la réalisation de /1/ ne sont ni isomères ni hétéromères. ensuite. à
l'opposé. la situation inverse.
4) les cas de non isomérie et de non hétérométrie
Prenons les unités ôr€ "faire" et ôra "faim" ; la consonne initiale /ô/ et le segment [r],
réalisation de /1/ à l'intervocalique. ont les structures suivantes} :
L'élément I.0 représente l'injection, RO la coronalité. Ainsi, bien que l'ingressive /ô/ soit une
variante libre de /1/ à l'initiale. elle ne s'identifie pas strictement à celle-ci; elle comporte en effet.
dans sa structure interne. cet élément que nous désignons par I.0 ; on constate que l'une des
fonctions assumées par NI, en plus de celles que lui définit son statut de phonème, c'est de
permettre un gouvernement processif avec, au moins, une réalisation de /1/ à l'intervocalique; et
c'est dans le cadre de cette fonction que l'élément JO de /ô/ se substitue à sa coronalité ROcomme
trait prépondérant. Il s'ensuit que, JO étant différent du trait dominant ROde [r], ô et r ne sont
donc ni isomères, ni hétéromères puisqu'ils ont au moins RO en commun; si. est compatible avec
r. et nous avons les séquences licites ôr€ et ôrà.
}. Pour toutes ces représentations, nous nous inspirons de KLV (1989), et aussi de la "géométrie des traits"
dans l'optique de G. CLEMENTS et ses disciples, avec, bien sûr, de modestes modifications quand nous les
jugeons nécessaires.
151
Prenons deux autres exemples: lill. "ver de terre", xi "tisserin". La consonne 12. et le
segment 1d'une part, la consonne ~ et le segment r d'autre part, ont, deux à deux, les structures
comparées suivantes:
1°
1
1
p:
U
- 1 :
1
RO
1
H-
1°
1
s:
RO --r:
RO
1
41
Dans ces schémas de structure, 1: représente la "constriction", UO la labialité, mle trait "continu,
H- le trait "sourd". Pour la séquence~, nous pouvons dire que 12. et 1, dans le cadre de leur
rapport, ont respectivement les traits prépondérants 1: et RO. Puisqu'ils ont 'fJ commun, ils ne
sont ni isomères ni hétéromères, ce qui définit leur compatibilité. Quant à la séquence m, ~ et r
ont, dans le cadre de leur rapport, les traits dominants respectifs 1° et RO; ayant RO comme trait
commun, leur non isomérie et leur non hétéromérie justifient leur compatibilité.
5) les cas d'isomérie et d'hétéromérie
Soit les séquences mi et krù. Les segments l2 et k d'un côté, et r de l'autre ont les
structures comparées suivantes, ou VO, pour}ç, représente la vélarité :
1°
1
p:
!~r: RO
k:
+/
H-
152
De la structure de 12 et de celle de K, aucune ne panage le moindre élément avec la structure de f-
12 et Kd'une pan, et r d'autre pan, sont hétéromères, ce qui explique que nous ayons en fait des
séquences non attestées, c'est-à-dire *wi et *m; les formes licites sont n1l "ver de terre" et
klY:'trou"; il suffirait de comparer la structure des segments n. et K avec celle de! pour
comprendre leur compatibilité.
Prenons deux autres séquences ôhi et slë. Comparons les structures de sr et ~ avec celle
de!.
JO
ô:
1
RO~
1°
1:
1
r/ RO
s:
RO
1
4l
Les segments g: et ~ panagent avec!, dans leurs rapports respectifs, l'élément ROcomme trait
prépondérant des deux côtés; d et ~ sont donc isomères de 1.1et donc incompatibles avec lui, d'
où l'impossibilité des séquences *.Qli et *slë ; comme nous l'avons vu, les conditions sont
plutôt remplies pour une compatibilité de sr. et ~ avec L
6) interprétation des cas atypiques
Ainsi que nous l'avons relevé dans l'introduction à l'analyse distributionnelle de
l'échantillon de lexèmes de schème C(V)LV, notre corpus comporte des unités qui,
manifestement, n'obéissent pas à la règle qui définit les réalisations de /I) à l'intervocalique.
Rappelons des exemples: 1à1à "ver de Cayon", hi1a "argent", hile "grêle", hili, "poison", soôlù
"cinq", jelü "grenouille", zàlè "piège sp., wèr'i (nom propre), fiên "guérir", sa16 "écrevisse", jalE
"misère", sàfiÈ "cabri sp", càlë "veuve", làl1È "chaude-pisse".
1- Nous avons vu d'ailleurs que [0] est une variante de [1]; malgré leurs structures qui ne coïncident pas de
façon absolue, le fait que ces segments ont, tous les deux, dans leur rapport, RO comme élément prépondérant,
signifie qu'ils sont pratiquement les mêmes.
153
A première vue, ces unités, qui associent des consonnes initiales coronales et [1], des
initiales non coronales et [r], peuvent nous surprendre. Mais il nous semble que l'on puisse
réduire cette zone d'incertitude.
On serait tout de suite tenté par un premier type d'explication. Il est manifeste que tous
ces cas anomaux ne relèvent que du seul schème CVILV2. avec deux voyelles différentes
pleines. Dans les structures à V 1 brève (CVLV2) ou zéro (CLV), bien que V 1 dispose d'une
position en syllabe, il y a comme un contact direct entre la consonne initiale et le segment N, en
d'autres termes, l'inscription de N dans la structure de la consonne initiale est plus manifeste et
le principe des deux extrêmes est plus strictement respecté. En schème CV ILV2 au contraire, la
présence d'une voyelle pleine V 1 semble créer une certaine opacité et laisser une relative
autonomie à l'attaque /1/ de la syllabe gouvernante dont la compatibilité avec la consonne initiale
apparaît moins comme une loi contraignante. Il faut dire que cette situation est souvent à
l'origine d'un flottement chez certains locuteurs; ainsi, par exemple pour le nom wèr'i et le verbe
6èri, on entend quelquefois wèl'i et 6èli, formes qui sont, bien entendu, plus respectueuses des
principes dégagés. Mais en dehors de ces cas de flottement dus, il faut le souligner, à la
présence d'une voyelle VI pleine, nous pensons que c'est l'histoire même de la plupart de ces
contre-exemples, apparents à notre avis, qui pourrait permettre de les interpréter plus
correctement.
En effet, à l'exception de salo "écrevisse", dont nous ne pouvons pas encore clairement
définir l'identité, sur les onze autres unités -
par rapport à celles que nous avons
répertoriées - , il nous semble que deux sont des formes rédupliquées qui, en général, ont
tendance à ne pas toujours respecter toutes les contraintes d'un mot phonologique: il s'agit de
lala "argent", 1010 "ver de Cayor"; cinq unités, d'origine gouro, nous apparaissent comme des
composés de morphèmes: il s'agit de làlL "poison" llilô "grêle", jôlü "grenouille", zàlè "piège
sp.", sb6lû "cinq". Pour donner une idée de ce qui n'est pas encore une certitude, nous
prendrons tout juste deux exemples. Dans llilô et jôlü, on trouve, dans l'ordre, là- "ciel", et -lu
"fille de", et il ne serait pas étonnant que, compte tenu des référents de ces morphèmes, l'autre
154
partie, .:l2. ou iQ, contribue à construire un commentaire relatif à une cosmogonie (pour li12.
"grêle") ou à quelque vertu rare (pour jëlii "grenouille"). Quatre unités sont d'origine baoulé:
jàlê:, sàl'iè, càlë, làliè ; ici, nous avons des séquences normales en baoulé où il n'existe pas le
type de contrainte que nous tentons d'expliquer ici.
Nous pensons donc que si l'on écarte les emprunts non (encore) adaptés, ainsi que les
fonnes rédupliquées, il ne reste, comme contre-exemples dans notre échantillon, que des cas de
flottement idiolectal ou dialectal dont wèà/wèli et 6cki/6eli sont des exemples.
Les contraintes dont nous venons d'expliquer le principe en lexème se retrouve aussi
dans certaines entités transmorphémiques. Prenons l'exemple de à+li: "lui à = à lui" qui donne
id. et celui de O+li: "eux à = à eux" qui donne wulé. La dérivation de ces deux formes
comportant! et 1à l'intervocalique correspond aux deux schémas ci-dessous:
Schéma 25: rjre]
(1)
AR
I -
I
RD
1
->
1
HT
A-
A-
I
1
A
N
A
N
1
1
1
1
x
x
x
x
1\\
1\\
1
BI
1 IMBI
1
a
el
->
155
(II)
(III)
AR -1-------- I -
- 1 1 - - - - - - 1 -
I
1 - - - - - 1
1
1------1
RD
1
1
1
- )
1
1
1
1
1
1
1
1
1
HT
l I A -
1
1
.---A-
I
I~I
1
1....___
1
Al
NI
A2
N2
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
1
1
1
1
x
x
x
x
x
x
x
x
1
1
1
1
1
1
1
1
[j]
[E]
1
j
r
E
- ) jrÈ
- )
[jre] par dissimilation tonale
Schéma 26 : [wttlÉ]
(1)
J
1
AR
1
- - - - - . 1 -
1
1
1
RD
- )
- - - - D -
I
1
HT - - - - . A -
- - - - A -
1
I
A
N
A
N
1
1
1
1
x
x
x
x
1\\
1
1\\
1 IMB/
1
I/MBI
- )
1
o
1
El
(II)
(III)
J
1
AR
1
I -
- - - - - - 1 -
I
1
1
- )
RD -l-=..=-U
1
---D--_..!...I-
1
1
HT
: +
~
-----!..I---A-
1
1
1
II~I
Al
NI
A2
N2
A
N A N
1
1
1
1
1
1
1
1
x
x
x
x
x
x
x
x
1
1
1
1
1
1
1
1
[w]
[0]
1
E
w
u
1
E
- ) wt11Ë
- )
[wttlÉ] par dissimilation tonale
156
En 25, l'isomérie deiet l entraîne la réalisation [r], d'où,i.W., puis.id puisque VI et V2 sont
identiques et que [r] est transparent. En 26, ~ et Wne sont ni isomères ni hétéromères ; ces
deux segments sont donc compatibles entre eux et nous avons wttlé au terme d'un processus
dont nous avons déjà décrit un certain nombre d'exemples.
Si l'on peut, à ce stade final, faire le point quant à la distribution de /1/ à l'intervocalique,
on peut dire que notre analyse est fondée sur la faiblesse structurelle de /li et la nécessité de son
renforcement par la consonne initiale. Il se crée alors un rapport de gouvernement processif qui
présuppose un certain type de compatibilité entre les deux segments. Nous avons ainsi été
conduit à proposer les concepts d'isomérie et d'hétéromérie; ceux-ci collent à la nature de leurs
objets, mais ils ont en même temps un degré d'extériorité et de généralité suffisant pour qu'en
retour, ils puissent permettre de saisir le comportement des segments à l'intérieur de leurs
catégories et sous-catégories; ils nous mettent ainsi en meilleure position pour dire, par exemple,
pourquoi, avec les coronales, une séquence telle que *lr est tout aussi irrecevable que les
séquences *.Q1 *~ *!L *i1 *cl, pourquoi on ne peut pas avoir *br, *vr, *fr, *gr, kpr alors que
bl, vI, glll, ml, wl sont licites.
Il faut souligner que les contraintes distributionnelles du /1/ intervocalique sont une
conséquence de son inscription dans la dépendance structurelle de la consonne initiale. Cette
prise en charge est, tout comme le voisement consonantique, une exigence de la force
gouvernante d'une syllabe. L'opération est rendue facile dans son processus même par le fait
que, comme cela est d'ailleurs désormais admis pour les coronales en général, le segment 1, ainsi
que sa variante L. apparaissent comme deux des consonnes les moins marquées en yaouré, c'est
ce qui explique leur adaptabilité aux consonnes initiales qui les prennent en charge et les
gouvernent en schème C(V)LV. Non marqué, le phonème /1/ en particulier l'est et le demeure,
tant qu'il n'est pas soumis à un processus de nasalisation qui, comme nous allons le voir, peut
changer sa forme et sa qualité.
157
B- DU STATUT DE LA NASALITE CONSONANTIQUE EN YAOURE
Au point II.1.1., à partir de l'inventaire phonique des sons vocaliques, nous avons pu
identifier les phonèmes vocaliques, dont cinq voyelles nasales, i,O, f, :) et ci, qui ont les
structures suivantes :
I
I
1
U
1
1
1
1
1
U
A
A
A
1
1
1
1
1
x
x
x
x
x
1
1
1
1
1
N+
N+
N+
N+
N+
1
1
1
1
1
i
0
ci
f
:)
L'inventaire des sons consonantiques nous a permis d'identifier les phonèmes
consonantiques parmi lesquels on ne relève aucune consonne nasale. Une chose doit être tout
de suite signalée ici cependant; bien que notre corpus disposât d'éléments fiables nous
permettant d'identifier le segment ID comme phonème, nous avons préféré surseoir à cette
décision afin de pouvoir examiner le statut de m dans le cadre global du problème de la nasalité
en yaouré. Nous reviendrons donc au segment m au cours de ce développement. Il reste que,
malgré tous nos recoupements et manipulations, un certain nombre de consonnes nasales n'ont
pu être identifiées comme phonèmes du yaouré : il s'agit de n" l, (, J1., 1, ~, et de tous les
segments prénasalisés de structure Ne.
Devant un si grand nombre d'unités fréquentes dans le fonctionnement quotidien de la
langue, mais apparemment "inclassables", il nous semble incontournable de procéder à une
analyse distributionnelle rigoureuse de ces segments. Nous commencerons donc par proposer
un échantillon de morphèmes suffisamment large pour qu'il nous permene de bien circonscrire
les différents contextes d'occurrence.
a) les contextes d'occurrence des consonnes nasales
Les segments non identifiés que nous avons cités apparaissent tous dans la liste ci-
dessous organisée selon des contextes explicités.
158
TABLEAU XVI: Les contextes de réalisations nasales
-Vif;
CV~-V~
C-V/v
ma
~féninin
nolè
chantfunebre
fla
village
m~
boîte
1
à souris
'
1
naag(i)
tout de suite
Sf€
tisserin
là
feuille
k:èH:
proverbe
kHi
obscurité
no
épouse
pêlo
malice
ml3
nom propre
. 1
Ja
igname
mê1~
souris
sr:)
abeille
.. ,
1
Jl~
sein
a~a
nom propre
k1:5
dos
wl
viande
s jiri
nom propre
tr:i
insecte sp
~~
' ...
vin
paJIn
spatule
mû
boire
bi
net
fëJlâ
beau
nfl
fleurir
b~
1
1
poids
•
awu
nom propre
nr::>
compter
60
cabri
d3wi
nom propre
nr~
tendre (piège)
dl
nombreux
gobé
jeune homme
nrô
plaire
d~
grand, gros
dùb~
petite maison
kwÉ
dépérir
,
va
européen, colon
z~b5
coriace
1
swa
serpillière sp
v~
force
kü65
assombrissement
k~o
paresse
zà
irJajnOOdedénégml
J4m60
l nom
m~o
scarification
z~
agression
J460
} propre de
,
fétiche
Jàmo
J personne
J~
gu
tas
6èdÈ
doucement
gà
malle
gàdè
l chaise,
g~à
croc-en-jambe
gàndè
} fauteuil
UO
nom propre
gànè
J
godt
IXIl1jnp'ede
persooœ
ridd
l n'importe
tindà
J comment
dàvà
IXIl1JXtPede
persooœ
sàv€
l fortement
s~!'J~€ J accroché
WOz€
IXIl1jnp'ede
persooœ
Jlhà
l malice
Jl~nzà
J
sozo
plante sp
baJ5
couverture sp
s~JÈ
l cependant
s~nJ€
J
fàJ~
papaye
logé
banane mûre
kâgâ
plaie sp
kpàg::>
l bicyclette
kpàUg::> J
kpâgbâ l pléthorique
keâ{)gbci J
dàgbà
nom propre
159
bl AnalYse distributionnelle
Nous ferons d'abord trois petites remarques:
-
le son an'est représenté dans notre corpus que par une ou deux unités d'emprunt isolées;
dans l'état actuel du yaouré, nous ne pensons pas que ce segment puisse figurer dans un
inventaire des phonèmes de cette langue;
- l e segment n n'apparaît en contexte non nasal que dans deux unités dont l'une (nèlè) est un
emprunt au baoulé. Cene donnée est insuffisante pour une conclusion quelle quelle soit ;
-
notre échantillon couvre les principaux schèmes de séquences que nous avons rencontrés:
CV, CVCV, CVLV, CVLV, CLV, CVV, CVV. C'est dire l'enchevêtrement et la complexité des
faits, même distributionnels, ici présentés. Nous pensons que seul un tableau distributionnel
détaillé nous permettra d'éviter un développement vague, confus et qui tournerait sur lui-même
parce qu'il ne collerait pas suffisamment aux données factuelles.
160
TABLEAU xvn : Tableau distributionnel des consonnes nasales
#-v #-v
cv-v
cV-v
cv-v
cv-v-)
ID
m
m
m
ID
m
m
ID
m
ID
~ ) n
1
r
1
r
1
t
1
t
j
J1
j
j
j
j
1
1
1
1
w
w
w
w
w
b
b
b
b
b
b
6
6
6
d 1
d 1
d 1
d 1
d
d
d
d
nd 1
nd 1
d
d
nd 1
nd 1
n J
n J
n J
n J
v 1
v
1
v 1
v 1
v
v
v
v
r1Jv J
r1JvJ
v
v
r1Jv J
r1Jv J
z 1
z 1
z 1
z 1
z
z
z
z
nz J
nz J
z
z
nz J
nz J
J
J
J
J
J
J
9 1
9 1
9 1
9 1
9
9
9
9
Ug J
Ug J
9
9
Ug J
Ug J
gb 1
gb 1
gb 1
gb 1
gb
gb
gb
gb
UgbJ
Ugb J
gb
gb
Ugb J
UgbJ
- )
161
C-V
C-'V
N-V
N-V
Q.(XR]
Q+CCR]
C[.(XR]
Cf+{XR]
C[.(XR]
Cf+{XR]
Q(XR]
Q+CCR]
-
-
-
-
-
-
-
-
m
1
r
1
t
1
r
1
t
~J
-
-
-
-
-
-
-
-
j
w
w
1/1
"fil
w
w
"fil
"fil
w
-
-
-
-
-
-
-
-
b
-
-
-
-
-
-
-
-
0
-
-
-
-
-
-
-
-
d
-
-
-
-
-
-
-
-
v
-
-
-
-
-
-
-
-
z
-
-
-
-
-
-
-
-
J
-
-
-
-
-
-
-
-
9
-
-
-
-
-
-
-
-
gb
De ce Tableau nous tirons un certain nombre d'enseignements importants:
1 -
il n'apparaît aucune contrainte quant à la distribution du segment m à l'exception des
contextes définissant un groupement consonantique. Celui-ci s'oppose par conséquent aux
autres segments qui ont déjà été identifiés comme phonèmes. Les oppositions ci-dessous nous
aideront à confinner le statut de m.
m/6
m15
nom propre
615
arbre sp
de personne
m/b
mài
pièce de jeu;
bàa
précisément
pièce de monnaie
m/k
mài
kài
cuvette en bois
162
Les données nous semblent claires. Dans la plupart des langues mandé-sud, les segments m, n,
.n et 'II sont considérés comme les réalisations contextuelles respectivement de /6/, /1/, Ijl et Iwl
devant une voyelle nasale. En yaouré, les faits nous permettent ici de conclure que lm! est un
phonème, précisément une nasale bilabiale;
2 -
la comparaison des contextes d'occurrence de n. 'L t.l et r est intéressante; nous avons déjà
vu que [r] et [1] sont, à l'intervocalique. et en contexte oral, les allophones du phonème /1/.
conditionnés respectivement par une coronale et une non coronale à l'initiale. ces variantes
deviennent [t] et [1] dans un contexte différent. c'est-à-dire quand elles sont suivies d'une voyelle
nasale; le tableau nous présente donc ensemble ces cinq (5) segments. n,l. t, l et r, qui n'ont
pas les mêmes environnements contextuels. On comprend aisément que le double
conditionnement. segmental et nasal du phonème N débouche en fait sur cinq variantes. qui sont
donc en distribution complémentaire. La règle ci-dessous résume les conditions d'occurrence de
chaque allophone de N :
en] 1 # - \\!
~ [l] 1Ci [-COR] (VI\\!) - \\!
/1 - cfl ~ [t] 1 Ci [+COR] (VIV) - \\!
r I#-v
[l] ~
\\
l ICi [-COR] (V/V) - V
Cr] 1 C[+COR] (V/\\!)-V
On note particulièrement qu'en contexte nasal, la réalisation [n] se produit à l'initiale absolue et
les autres réalisations nasales à l'intervocalique.
3 -
le Tableau nous donne à lire que les segmentsj,j et.fi. ne partagent aucun contexte; ces
segments, qui sont en distribution complémentaire, sont les allophones de la palatale Ij/; la règle
suivante définit leurs contextes d'occurrence:
163
[Pl 1 #-~
IY~ IJ] 1CV-V
~ I/#-v
m~II cv-v
En contexte nasal, la réalisation [n] se produit à l'initiale absolue et la variante IJ] à
l'intervocalique.
4 -
les segments w et Wsont déterminés par les contextes oral et nasal; ils sont en variation
combinatoire et identifiés comme réalisations du phonème /w/. La règle ci-dessous défmit leur
distribution:
~[w] I-~
/w/----~
- - - - [w] 1 ailleurs
Les segments [W] et [w] sont les allophones de /w/.
5 -
les segments /6/ et /m/ ont été identifiés comme phonèmes à part entière. Le tableau
distributionnel ci-dessus montre qu'en contexte nasal, plus précisément devant une voyelle
nasale, l'ingressive /6/ se réalise m. On constate donc que, dans ce contexte, l'opposition
phonologique 6/m se trouve neutralisée au profit de m, qui revêt alors un statut d'archiphonème,
archiphonème que nous noterons /MI.
Notons, que le phonème bilabial non ingressif Ib/ peut, facultativement, devant une
voyelle nasale, subir exactement le même phénomène.
6 -
enfin, un dernier examen de notre tableau nous montre les formes prénasalisées de 12, d, Y"
~, l, g, sm. qui n'ont pas le statut des réalisations contraintes que nous avons identifiées par
exemple pour /li et /j/ dans le contexte # -
~, et pour /w/ et /6/ dans le contexte - ~. Ces
fonnes prénasalisées de consonnes sont des variantes libres qui alternent avec les formes non
prénasalisées. On montrera que, bien entendu, cette prénasalisation est déterminée par une
voyelle nasale précédant la consonne. li faut tout de même noter que pour certains phonèmes
164
tels que Igbl, Iv par exemple, cette prénasalisation est plutôt rare, bien que théoriquement
possible. Sa règle générale est la suivante:
c-> NC /"Q' -
L'analyse distributionnelle à laquelle nous venons de procéder nous a permis d'identifier
les consonnes nasales n,l, [,,n, i, v:J ainsi que les séquences N~ comme des segments qui n'ont
pas en eux-mêmes une fonction distinctive, et qui ne sont en réalité que des réalisations ou des
allophones de phonèmes du yaouré dans des contextes bien défmis.
Nous nous proposons, dans la Section qui suit, d'étudier quelques aspects de ce
processus de nasalisation.
cl Les processus de nasalisation consonantique
Rappelons que le processus nasal est déclenché par un contexte nasal qui est celui de la
présence dans une chaîne sonore d'un segment vocalique nasal. Nous verrons tout à tour la
nasalisation de /Q/. de /I). de /j/, de l'ii./ et la prénasalisation contextuelle de quelques autres
consonnes.
10 la nasalisation de 161 en Iml
Dans la structure du segment /61, on peut postuler au moins deux éléments: 1° et UO ,
respectivement le trait "injectif' et la labialité, auxquels on peut joindre 1° car on observe tout de
même une certaine constriction faisant obstacle à l'air laryngé. Nous avons donc la structure
suivante:
JO
1
6:
'f
1
UO
165
Du point de vue articulatoire, l'injection apparaît, en yaouré, incompatible avec la production
nasale en tant que mode d'articulation. Or, l'élément nasal, noté N+, a une prépondérance sur 1°;
ainsi, dans la fusion de N+ avec le complexe JO -
'f -Uo, JO est éjecté au profit de la
neutralisation :
JO
N+
1
1
N+·
'f
- )
1°
=nasale labiale =ml
1
1
{JO
{JO
Nous obtenons donc /mI, c'est-à-dire une nasale bilabiale, qui, comme nous l'avons dit, a un
statut d'archiphénomène.
A la neutralisation de l'opposition 6/m il faut ajouter celle l'opposition b/m, mais celle-ci
n'est pas obligatoire, étant donné que nous n'avons pas de traits de Ib/ (de structure 1° - UO) qui
soit absolument incompatible avec N+. Le rapport entre Ib/ et N+ peut s'interpréter, pour le
yaouré, de la façon suivante :
=[mb](l)
Ici, contrairement au cas précédent, il n'y a pas de déterminisme absolu. On peut, au mieux,
parler d'une tendance de Ib/ à la nasalisation. Nous avons affaire à la teinte nasale que prend en
général tout segment dans un contexte nasal identique; c'est ce qui apparaît en (1). li arrive que,
1- Le point • représente un opérateur qui peut conduire soit à une fusion, soit à une simple modification de
traits.
166
Ici, contrairement au cas précédent, il n'y a pas de déterminisme absolu. On peut, au mieux,
parler d'une tendance de Ibl à la nasalisation. Nous avons affaire à la teinte nasale que prend en
général tout segment dans un contexte nasal identique; c'est ce qui apparaît en (1). fi arrive que,
en contexte nasal, l'élément N+ impose sa force au complexe et, dans ce cas, on obtient la
réalisation qui correspond à une neutralisation de l'opposition blm ; c'est ce que nous voyons en
(2) ; retenons donc qu'il n'y a rien de systématique ici. Ainsi, on peut avoir n'impone laquelle
des six formes suivantes:
zabe, zambe
ou
zame "nom propre"
k:5ba, k:5mbà
ou
k:5ma "mur"
2 0 la nasalisation de !li en [n} et [lit}
La réalisation de /lI en [n] à l'initiale absolue en contexte nasal a une explication
relativement simple. Nous reprendrons, avec une légère modification, la structure interne de N
proposée par KLV (1989), l'élément :Lreprésentant ici la constriction centrale, RO la coronalité,
soit :
A l'initiale absolue, contrairement à l'intervocalique, et comme nous le verrons plus bas,
l'essentiel de la substance de l'élément N+ se propage sur le segment initial /1/, précisément en
raison de la spécificité de ce site de propagation, celle d'être une frontière qui, par définition ne
peut être ici franchie. Or, à ce niveau, la réalisation maximale de N+, en d'autres termes
l'écoulement nasal maximum de l'air laryngé correspond logiquement à une constriction
maximale et ne peut se superposer à un échappement (latéral) de cet air. fi s'ensuit donc une
éjection de :Lau profit de 7°, une constriction plus franche favorisant une réalisation maximale de
N+ et donc compatible avec elle. La fusion de l'élément N+ avec /1/ à l'initiale absolue nous
donne la seule possibilité suivante:
167
N+
'JO
1
_ )
1
_ )
']0
=nasale coronale =[n]
RO
1
RO
C'est le processus qui sous-tend des unités comme na "épouse" nOÔ "plante sp."
On observe le même processus avec la variante [ô] de N, de structure JO - R0, soit :
N+
JO
']
1
N+ • 1
- )
1
-) 'f
=[n]
RO
RO
1
RO
Dans le cas de [l] intervocalique, le processus est le suivant :
- )
La réalisation ci-dessus appelle quelques explications. Nous sommes tenté de faire une
première hypothèse: la nécessité de l'éjection d'un élément (ici~) par un élément de plus grande
force (ici N+), est directement proportionnelle au degré d'incompatibilité des deux éléments.
Dans le cas précédent de N+ et JO (constituant de /6/ et de /ôl), l'incompatibilité est absolue,
tandis qu'ici, la production nasale paraît d'un degré d'incompatibilité moindre avec la
constriction. fi s'ensuit que N+ peut tolérer~, ce qui permet le maintien de ~ et la réalisation
N+_~_Ro, c'est-à-dire [1] ou [cl Mais alors, pourquoi cette tolérance se traduit-elle par une sorte
de détermination à l'initiale, avec l'impossibilité de *[#1 + V] et la nécessité de [# n+V] ? Cela
nous amène à une seconde hypothèse qui semble moins fragile: il s'agit d'un phénomène que
nous appellerons dilution de la propa2ation de N+.
1- Les formes [1] et Cr] sont, comme nous l'avons vu, déterminées par la nature de la consonne initiale du
morphème.
168
Il existe dans la littérature une hypothèse non encore bien fonnulée, selon laquelle
l'élément tonal pourrait appartenir à la structure interne des segments; pour ce qui est de
l'élément nasal N+, dans le cadre de l'assimilation nasale, il part du plan nasal pour s'associer
aux éléments segmentaux correspondant à une position nucléaire, la propagation, si elle a lieu,
se faisant de droite à gauche pour impliquer alors les positions non nucléaires. On pourrait
ainsi, à partir du concept de dilution de propagation, expliquer pourquoi N se réalise en] à
l'initiale absolue, et L1] ou [l'] à l'intervocalique.
Prenons les unités ka15 et w., Proposons-nous une représentation phonologique
autosegmentale :
Schéma 27 :
N+
_ ; 4 1
AR
r-
1
l -
I
1
1
1
RD
1
I--~U-
1
1
1
1
HT
1
1
~A-
1
1
1
1
#
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
#
x
x
x
x
1
1\\
1
1\\
1
1 lB!
1
I,MH/
/#
k
•
0
1
':JI
- ) [kàl:5]
_'1N+
- 1 1
...-
/
AR
r
(
I -
I
1
1
RD
1
~U-
1
1
1
HT
1
~A-
1
1
1
#
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
#
x
x
x
x
1
\\
1
1\\
1
IMB/ 1
1/rfI
1#
k
1
':JI
[k1:l ']
169
L'élément N+ associé à N2 affecte l'attaque A2, c'est-à-dire [1]. Comme A2, c'est-à-dire [1],
appartient à un ensemble phonologique avec tout un espace de propagation qui le précède et qui,
de surcroît, contient un segment nucléaire NI, un autre siège privilégié de la nasalité, l'élément
N+ a donc tendance à se propager dans cet espace de façon non déterministe, perdant ainsi
l'énergie substantiale qui lui permettrait de se concentrer sur le seul segment A2, d'où la dilution
ou la dispersion. A l'initiale au contraire, la propagation a lieu dans les limites du seul segment
initial Al ou [1] en ce qui le concerne. Or Al est une frontière absolue (marquée par le signe #
sur le schéma). Toute l'énergie, ou toute la substance de l'élément N+ se concentre donc sur A 1.
c'est-à-dire [1], et cela est suffisant pour que N+ impose sa force à ï, ce qui donne le processus
ci-dessous pour n:B "errer"
Schéma 28 :
N+
(---~I
AR
I -
I
1
1
RD
1
1
D-
I
1
1
HT
1
1
A-
I
I~I
#
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
#
x
x
x
x
1
1\\
1\\
1
I/MB/
1 MBI
/#
1
::>
::>/
- ) [n:B],
mais *l:B
Il est intéressant de noter que la transformation s'appuie sur le segment le plus proche, en
l'occurrence un segment homologue, [n], qui est une coronale aussi, alors que, comme nous le
verrons, /j/ n'a pas d'homologue qui soit aussi nasal.
Ce phénomène de dilution s'observe encore mieux dans les unités transmorphémiques.
Prenons le pronom Q. "ils" et le marqueur d'identification prédicative nl: que nous examinerons
au Chapitre IV. On peut avoir la prédication suivante:
170
o
nf!
eux;: Situation - ) ce sont eux!
Cette séquence peut être transformée en un domaine phonologique homogène 0 + nf, et, dans
ce cas, nous obtenons une forme particulièrement intéressante qui est:
wèl~! ce sont eux!
Dans la séquence à deux termes distinct W, /11 se trouve à l'initiale absolue en contexte nasal,
ce qui donne [n]. Dans la forme amalgamée wèlé, /li est à l'intervocalique et l'effet de dilution
nasale ne nous donne plus qu'un segment légèrement teinté, c'est-à-dire Ill.
A côté de la nasalisation de /lI en [n], on peut aussi avoir celle de Idl en [n]. Nous
inspirant de KLV (1989), nous pouvons proposer pour le segment Id! la structure interne RO-'fl.
Dans un contexte nasal, Id! se nasalise, de façon non déterministe, de la façon suivante:
Cette double possibilité exprimée par les deux branches (1) et (2) de la règle explique que l'on
ait:
m~da, m~nda (1)
ou
m~na (2)
Nous pouvons conclure que la nasalisation de Id! en [n] est beaucoup moins contrainte
que celle de /11 en [n] à l'initiale de morphème. Par ailleurs, la dilution de la propagation nasale
explique qu'on ne puisse avoir qu'une teinte nasale à l'intervocalique.
171
3 0 la nasalisation de Ij! en [ft] et [11
Le processus de la nasalisation de /j/ en [Pl peut s'expliquer à partir de quelques
données de base. Nous reprendrons les éléments constitutifs de /j/ que nous déduisons de KLV
(1989), en postulant, en plus, un élément ou trait RO. En effet, il apparaît clairement que, pour le
yaouré tout au moins, la coronalité ROest un trait défmitoire et des dentales, et des alvéolaires, et
des (pré-)palatales. Il convient de s'arrêter un instant sur cette proposition qui pourrait avoir
l'allure d'une véritable hérésie.
Voyons la définition que donne Jean MAROUZEAU d'une coronale : "[segment] dont
l'articulation est caractérisée par l'action de la langue dans sa partie appelée couronne [ou lame]
(comprise entre la pointe et le dos) contre la voûte du palais,...". La définition de CHOMSKY et
HALLE est encore plus précise : "les sons coronaux sont produits avec un soulèvement de la
lame de la langue au-dessus de sa position neutre; les sons non coronaux sont produits avec la
lame de la langue dans la position neutre". Cependant, il nous semble que CHOMSKY et
HALLE n'ont pas toujours tiré toutes les conséquences de leur définition, puisqu'ils tiennent
pour non coronale la semi-consonne /j/.
On peut pourtant dire, avec une certaine assurance, que /j/ est un 1°, dont l'articulation
s'accompagne, objectivement, d'un "soulèvement de la lame de la langue", contrairement à ce qui
se passe pour l'articulation de /w/ non coronal. On comprend aussi aisément que des palatales
comme /c/ ou !JI, qui comportent également un 1° dans leur structure interne, aient aussi un trait
coronal et soient par conséquent des coronales, ce que nous ferons apparaître dans leur
structure interne. Par contre, les labiales, les vélaires et les uvulaires, dont l'articulation laisse la
lame de la langue en position de repos, sont naturellement non coronales.
Pour nous résumer, /j/ est un 1° caractérisé par un double trait, antérieur et coronal. A la
place de sa structure interne synthétique
172
où 1° représente à la fois l'antériorité et la coronalité, nous adopterons, pour des raisons de clarté,
la structure analytique suivante où l'antériorité et la coronalité sont représentées respectivement
paraetRO :
ex
1
RO
/j/:
1
1
1
~
En contexte nasal, N+ fusionne avec ce complexe et nous obtenons [Pl. selon le processus
suivant:
N+
ex
1
1
ex
RO
1
N+·
1
RO
- )
=[P]
1°
1
1
1°
~
r~
On s'attendrait naturellement à observer les mêmes phénomènes qu'avec le segment N qui, on l'a
vu, selon sa position en morphème, ou se maintenait en se teintant légèrement, ou se réalisait [n].
Voyons ces deux cas pour ce qui concerne /j/.
a') Iji à l'intervocalique
Prenons l'unité fEj1& "beau" et proposons-en une représentation phonologique:
173
Schéma 29 :
N+
1
AR
l
I -
I
1
RD
1
1
1
1
HT
1
A-
I~I
#
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
#
x
x
x
x
1
1\\
1
1\\
1
I:/MBI
1
1
W
/#
f
€
j
al
- )
[f€j1ô]
b' Ij! à l'initiale absolue
La représentation phonologique de l'unité ~ "sein" est la suivante :
Schéma 30 :
N+
_" --1
AR
r-
I
1
1
RD
1
v-
I
1
HT
1
A-
I
1
#
A
N
1
1
#
x
x
1 \\
1
.MHI
1#
J
'JI
- )
[p:5]
Pour ce qui est du morphème fEnô, il faut noter qu'on entend des locuteurs dire f€jô, fEjô, voire
fEÔ. Nous pensons qu'en fait, nous avons affaire à un composé; considérons-le comme tel et
notons-le fi - nô. Même sous cette forme, les réalisations ou variantes !ij.Q, et!ij.Q, ne sont pas
rares. C'est que, concernant ce morphème, la conscience du mot phonologique fait son chemin,
et on assiste, dans ce morphème, à la naissance progressive du phénomène de dilution nasale
174
dont nous parlions plus haut. Quant au cas b'), on ne peut avoir ni ~~, ni *~, car l'attaque A est
la frontière absolue à gauche au-delà de laquelle N+ ne se propage pas. Cette attaque Ijl reçoit
donc toute la substance nasale, et nous obtenons [P~].
A l'opposé de la nasalisation, si l'on venait à constater une certaine résistance de Ijl à la
nasalisation, comparativement à N, cela pourrait trouver une justification. En effet, il y a entre N
et ln! une différence plus grande qu'il n'en existe entre /j/ et [Pl ; en effet, [Pl est tout simplement
un Ij/ en contexte nasal. On constate donc une plus grande stabilité de Ij/ dans la fusion avec
N+. Cette stabilité tient à plusieurs raisons: la complexité interne de /j/, car ce segment
comporte au moins les trois éléments que nous avons cités plus haut; il Ya un degré moindre
d'incompatibilité entre N+ et la constriction tout court (10) qu'entre N+ et la constriction centrale
(~ ; enfin, la coronalité étant prépondérante, c'est-à-dire dominante pour /1/, le glissement est
naturel vers un segment disponible qui est au moins coronal et qui, en plus, remplit les
conditions de nasalité, alors que pour /j/, il n'existe pas de segment disponible qui ait au moins
le trait prégnant de palatalité et qui remplisse les conditions de nasalité. Ces trois raisons réunies
pourraient expliquer une stabilité relative de /j/ sous N+.
4 0 la lisation de /w/ en {~J
Nous pouvons observer ce processus dans la représentation de l'unité w~ "vin".
175
De N, l'élément N+ se propage en A, et nous obtenons [~].
5 0 la prénasalisation des consonnes
Au point 2° ci-dessus, nous avons vu la prénasalisation de Id!. Ce processus, qui se
traduit dans les séquences telles que ~ m,y, lJSla peut être représenté par le schéma ci-dessous où
nous prenons l'exemple du nom propre ~nl.11i.
Schéma 32 :
N+
i
r ........
1
AR
1
'''1
1
1
1
1
RD
1
1
1
1
1
1
HT
1
~A-
I~I
#
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
#
x
x
x
x
1
1\\
1
1\\
1
1 /BI 1
1 MH'
#
/z
a
[m]b
el
- )
[z~mbè]
La propagation de N+ nasalise Ibl en [mb]. TI faut simplement ajouter que, de façon générale, la
prénasalisation peut s'accompagner de contraintes homorganiques, donnant à la nasale préposée
certains traits de la consonne qu'elle affecte; c'est ce qui explique l'indice labio-dental [flJ] de V,
l'indice vélaire [u] de i ou, comme dans le schéma ci-dessus, l'indice bilabial [ml de b.
En nous fondant sur ce que nous avons constaté au cours de cette enquête sur le statut
de m, 11...n, .oa.l, ta. , NÇ,., nous pouvons dire que les nasales ne font pas partie du système
consonantique originel du yaouré. Elles sont essentiellement des allophones de segments. D'un
point de vue diachronique, il peut se produire une phonologisation progressive d'allophones.
C'est ce phénomène qu'est en train d'illustrer le yaouré, une langue de synthèse vivante parmi les
langues mandé-sud de Côte d'Ivoire. Le segment lm! est peut-être ici un exemple concret de ce
176
processus de phonologisation et une illustration du caractère dynamique du système de toute
langue naturelle.
C· LES PHENOMENES DE PALATALISATION
Un seul exemple suffIra pour expliquer le processus de palatalisation en yaouré. Nous
partirons du pronom ka "vous" et de la particule de localisation ou de possession ~ "à, pour,
de". Pour construire la forme correspondant au possessif français "votre", on joint les deux
unités pour avoir la séquence kà + lè ; l'amalgame final effectivement utilisé est ceé "votre". On
constate donc un glissement de la vélaire k à la palatale sourde ~. Le processus apparaît dans le
schéma suivant:
Schéma 33 :
(1)
- - - - - - - - - - - - - - -
- - - I
1
1
AR
ï-----t-------------------I-
1
1- - - - - - - - - - - - - - - - - - -1
RD
1
l -
œ
1
1
1
1
HT
1
A-
>A-
1
~
1
Al
NI
_- - --"Ai
N2
1
1
1
1
x
x-
x
x
1
I \\
1
1
\\
1
IMW
1
1 BI
/k
(a)
(1)
el
->
177
(II)
r:=:=::::=~
AR -1
1
I -
I
1
1
RD
1
1
1
1
1
1
HT
1
1
A-
I
1
1
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
,
1
1\\
1-"
1\\
1
I/MW"'I
1131
k
e
- )
[cé è] 1
Un processus morphologique de fusion est accompagné par la chute de N de la particule de
localisation; il en résulte la séquence ka + è formant un domaine phonologique. Les éléments
1° etI (Am) du segment complexe r::A,+ en N2 se propagent sur l'élément A+ en position
nucléaire NI puisque l'attaque A2 est vide et ne peut donc faire écran à cette propagation. Nous
obtenons un second complexe I-Io-A+ en NI, c'est-à-dire lei; le 1° du noyau gouverneur se
propage également en Al sur la vélaire /kI qu'il antériorise en en faisant une palatale sourde [cl.
Si l'on se rappele la structure interne de /kI, on comprend mieux cette assimilation. Le segment
/kI renferme les éléments VO et 2. Le processus que nous décrivons a donc l'allure suivante:
Cette formule doit recevoir une forme plus explicite et plus complète. En effet, nous
savons que 1° a le trait "antérieur", noté 1° par convention, et le trait "coronal" c'est-à-dire RO. La
représentation complète du processus de palatalisation est donc la suivante:
1- Nous verrons qu'il se produit un relèvemenllOnal en N2.
178
JO
yo
JO
1
1
->1
-> RO
1°· 1
1
1
=[cl
'}O
'}O
']0
1
1
1
H-
H-
H-
On assiste simplement à l'éjection de l'élément vélaire VO auquel se substitue 1° avec son double
trait antérieur et coronal, et nous obtenons la palatale sourde k qui a pour description structurelle
Pour conclure, on dira donc que le segment k s'assimile en k devant un élément qui a les
traits [+antérieur] et [+haut], c'est-à-dire, plus concrètement
/k/-> [c]/ - 1°
Ce contexte est par conséquent celui où l'opposition k1c se neutralise au profit de ~ qui revêt
alors un statut d'archiphonème ICI. Ce statut, le segment k l'a dans le fonctionnement général du
yaouré puisque dans le contexte 1- i, 1,~, g, c'est lui qu'on trouve à l'exclusion de [k].
Avec l'analyse de la palatalisation s'achève l'examen de tous les segments qui
apparaissent dans notre inventaire des sons consonantiques au point II.2.1. Il nous reste
simplement à nous interroger sur le statut d'un son, la fricative palatale sourde III, que Bradley
HOPKINS intègre dans l'inventaire phonémique du yaouré.
II.5.2.3. LE YAOURE A-T-IL UN PHONEME Ir! ?
Dans l'Atlas des lan~ues mandé-sud de Côte d'Ivoire, 1 Monique TRABI mentionne
l'existence en yaouré d'une fricative palato-alvéolaire sourde III. Elle se réfère à une étude de B.
HOPKINS,2laquelIe s'appuie sur les conclusions d'un document inédit de la S.LL.3 A propos
l-mABI, M et al. (1983) : op. cil., pp. 62-63.
2- HOPKINS, B. (1982a) : op. cil., pp. lO-H.
3- Se reporter p. 21 supra, note 2.
179
de ce segment, qui n'aurait pas de contrepartie sonore /3/, il convient de noter la grande prudence
de TRABI quand elle écrit:
"Si la réalisation /II du yaouré constitue vraiment un phonème de cette langue,
la fréquence et la distribution de celui-ci sont probablement encore assez
limités".
On peut, devant les faits, dépasser cette réserve et dire que le phonème /I/ n'existe pas en
yaouré. A la suite de V.FRANK, H.BRADLEY transcrit de la façon suivante les morphèmes
correspondant à "dent" et "six" en français:
IÉ
dent
IEdcil
six
En fait, ce que l'on perçoit à l'initiale de ces unités, c'est la fricative post-alvéolaire sourde
/s/; l'illusion du son lf] vient de la réalisation antérieure haute, que nous avons notée [y], d'un
segment vocalique arrondi V1 qu'on peut trouver dans les schèmes de séquence CV 1V2 et
CV1LV2. Nous avons vu que cette réalisation [y] provient de l'interaction, régie par des règles,
des éléments fondateurs de VI, V2 et Ci. Nos deux unités ont donc en fait les formes
suivantes:
sYE
dent
et
sYE-dcil
SIX
A ces remarques nous ajouterons quelques faits d'ordre socio-linguistique. TI est en effet
frappant de constater que la fricative /I/ n'apparaît pratiquement jamais dans le langage des
adultes non alphabétisés. On l'entend dans le langage des jeunes vivant en ville et/ou ayant
appris à lire et à écrire. Nous pensons que c'est un phénomène bien connu qui s'amorce :
l'emprunt. Ces locuteurs jeunes, qui ont appris et assimilé la fricative /I/ des langues indo-
européennes, celle du français et de l'anglais en particulier, sont en train de la transposer en
yaouré. C'est ainsi que parallèlement, on peut noter l'introduction progressive de la fricative
180
sonore correspondante, 131 : vous entendrez cenains locuteurs prononcer ~M] un nom propre
de personne qui nonnalement se prononce ~y~].
En tout état de cause, il ne s'agit que d'une tendance toute nouvelle. Travaillant en
synchronie, nous conclurons en retenant que le système phonologique du yaouré ne comporte
pas de fricatives palato-alvéolaires sourde et sonore III et 13/.
En effet, un inventaire et une analyse systématique des sons du yaouré, au double plan
des voyelles et des consonnes, nous ont pennis d'identifier ceux de ces sons auxquels on peut
sans hésitation aucune, conférer un statut phonémique. Ainsi, nous sommes à présent en mesure
de dresser une liste globale des phonèmes du yaouré.
D.6. TABLEAU DES SEGMENTS PHONOLOGIQUES DU YAOUBE
D.6.1. TABLEAU DES PHONEMES VOCALIQUES
TABLEAU XVllI : Les phonèmes vocaliques
voyelles antérieures
voyelles centrales
voyelles postérieures
orales
nasales
orales
nasales
orales
nasales
! avancées
i
"1
u
Q
voyelles 1
fermées 1l rétractées
L
li)
1 avancées
e
0
voyelles 1
ouvertes 1l rétractées
E
t
a
a
:)
:5
181
U,6,2, TABLEAU DES PHONEMES CONSONANTIOUES
TABLEAU XIX : Les phonèmes consonantiques
~
Labio-
Labiales
Alvéolaires
Palatales
Vélaires
vélaires
Série
Soordes
p
t
c
k
kp
Ckdusi\\es
saxres
b
d
9
gb
J
ô 1
0Œtnmt:s
Injl1i\\es
6
1 J
Sourdes
f
s
FŒalÏ\\eS
saxres
v
z
~
m
~ ]
j
w
Au terme de cette analyse phonologique du yaouré, tous les résultats auxquels nous
avons pu aboutir montrent l'interdépendance de bien de domaines que nous avons dû souvent
dissocier pour des raisons soit pratiques, soit méthodologiques; on s'aperçoit bien vite qu'on ne
peut séparer processus (morpho)phonologiques et structures syllabiques, pas plus que
fonctionnement tonal et fonctions grammaticales, pour ne citer que ces domaines-là. Ce sont ces
superpositions, ces intrications et ces glissements, inhérents à la langue, qu'il faut avoir à l'esprit
en abordant l'analyse des principaux processus morphologiques du yaouré auxquels nous
consacrons le Chapitre qui suit.
182
CHAPITREill
ELEMENTS DE MORPHOLOGIE :DES UNITES SIGNIFICATIVES
MINIMALES DU YAOURE AUX PROCESSUS MORPHOLOGIQUES
FONDAMENTAUX
183
Ce Chapitre a pour objet l'identification des types de bases et de morphèmes, l'analyse
des structures des entités supérieures au lexème, en particulier les bases dérivées, les bases
composées, les syntagmes et les amalgames pronominaux; enfin, il examine, au plan formel,
l'incidence des opérations aspecto-modales sur les bases lexématiques, les bases dérivées et les
bases composées. Pour la suite, nous désignerons le plus souvent les bases lexématiques par
"bases" et les deux autres catégories respectivement par "dérivés" et "composés".
111.1. LES BASES ET LEUR CATEGORISATION
La catégorisation à laquelle nous voulons procéder nous conduira nécessairement à des
définitions, et cela appelle quelques remarques.
Nous sommes conscient des risques que court tout discours voulant s'ériger en
défmition ; en effet, par nature, une définition délimite son objet en lui donnant des dimensions,
à défaut de pouvoir ne faire que les lui reconnaître; or l'objet, ou plutôt les objets sont
précisément ici trop complexes pour qu'ils puissent se satisfaire d'une simple étiquette. Par
ailleurs, la terminologie de la tradition grammaticale est souvent trop chargée d'histoire pour
qu'elle nous mette à l'abri d'une fausse appréhension des phénomènes observés. Cependant,
notre but étant simplement de fixer quelques garde-fous provisoires pour notre démarche, nous
n'hésiterons pas ici à reprendre des termes même rendus suspects par les feux de critiques
souvent justifiées, pourvu que nous réussissions à circonscrire exactement ce que nous mettons
sous ces termes.
Nous donnerons donc une brève définition de la base avant d'en présenter, pour le
yaouré, les différents types.
184
llI.I.I. LE CONCEPT DE "BASE"
Un énoncé s'articule autour de constituants syntaxiques que l'on peut considérer comme
des construits théoriques s'identifiant à des places de schéma syntaxique. La base se définit
alors comme le support matériel ou lexical d'un constituant syntaxique.
Ainsi défmie, la base peut coïncider avec un lexème, unité lexicale irréductible; il s'agit
alors d'une base lexématique ; elle peut être un pronom, et nous avons affaire à une base
pronominale ; enfin, la base peut être dérivée ou composée, voire simplement complexe.
Examinons rapidement ces différents types de bases.
llI.I.2.LES BASES LEXEMATIQUES
On peut définir le lexème comme étant le support segmental ou matériel d'un domaine
notionnel, étant entendu que, comme nous le verrons en détail au Chapitre IV, une notion en tant
que représentation générale ne peut être justiciable d'une prédication que si l'on construit sur elle
un domaine défini par une classe d'occurrences et un espace topologique déterminant, en les
qualifiant, des zones d'occurrences hiérarchisées par rapport à une zone typique, une zone
centre. 1
Pour le yaouré, nous distinguerons cinq types de lexèmes définis à la fois
sémantiquement et surtout structurellement par rapport au rôle qu'ils jouent dans une formule de
prédication, primitive et pré-assertive que nous représenterons par la structure
<a,R, b>,
où R est le domaine d'une notion de relation, II et.Q des domaines notionnels qui ne sont pas
d'ordre relationnel, mais pour lesquels l'énonciateur peut décider un type donné de relation par
rapport à R.
1- Ces définitions s'inspirent largement des définitions de la tradition linguistique telles qu'elles ont été reprises
et ajustées par Denis CREISSELS dans ses deux ouvrages suivants:
- (1979) : Unités et Catégories grammaticales, Publications de l'Université Stendhal, Grenoble.
- (1991) : Description des langues négra-africaines et théorie syntaxique, ELLUG, Grenoble.
185
m.1.2.1. LES LEXEMES "VERBAUX"
A partir des définitions ci-dessus, le lexème "verbal" correspond à un domaine notionnel
renvoyant à une relation. Ainsi dans l'énoncé
pd
jîba
• -
1
jee
singe
bois
casser+ACC
- ) le singe a cassé le bois
constnlit à partir de la relation
<pd,jè,jîba>,
i "casser" est un lexème verbal1représentant la relation entre ~ et Jîba.
111.1.2.2. LES LEXEMES NOMINAUX
Ce qui vient d'être dit nous permet de poser que les lexèmes nominaux correspondent
aux domaines notionnels aptes à occuper les autres places du schéma primitif de telle sorte que
leur rapport dans la prédication puisse être exprimé à travers R. C'est le cas de ~ "singe sp" et
Jîba "bois" qui sont donc, de ce point de vue, des notions nominales.
m.l.2.3. LES LEXEMES ADJECITVAUX
On sait que la linguistique contemporaine a une certaine tendance à récuser les termes
"adjectif' et "adverbe", ce qui relève de ces deux catégories devant être purement et simplement
classé parmi les nominaux. C'est un débat dans lequel nous ne nous engagerons pas ici. Par
rapport à la présentation que nous adoptons, "adjectif' et "adverbe", dans leur acception
traditionnelle, ne sont certainement pas des termes heureux, mais nous leur donnons un contenu
par rapport au principe d'analyse que nous avons développé dans les deux points précédents.
1- On s'aperçoit tout de suite que, pour cenaines langues tout au moins, le terme "verbal" est inadéquat; en effet
une unité n'a pas besoin d'être "verbe" pour être relateur.
186
Le lexème adjectival, dont la place n'est pas explicitement représentée dans notre schéma
primitif, est un domaine notionnel dont le rôle des occurrences est de décrire qualitativement les
occurrences des domaines non relationnels de notre schéma <0, R, b>, c'est-à-dire ici ~ etjiba ;
ainsi, à l'aide de gg "grand" et ~ "long", on peut avoir l'énoncé
p.u
dà
Jîba
pl~O
jëë
si
mO~
smge
grand bois
long
casser+ACC
hier
là-bas
- )
le gros singe a cassé un long bois là-bas hier.
où dà et ~ sont des adjectifs qualifiant ~ et Jîba. Comme la qualification peut se faire à l'aide
d'un type de domaine autre que celui de l'adjectif, on peut dire que celui-ci est primitivement
spécialisé dans la qualification.
rn.1.2.4. LES LEXEMES ADVERBIAUX
Le terme d"'adverbe" est aussi contesté. Précisons-en le contenu.
L'adverbe est le support d'un domaine notionnel renvoyant aux circonstances d'un
procès, lesquelles circonstances peuvent être le temps, le lieu, la manière, etc., pour ne citer que
celles-là. Ainsi, dans l'énoncé ci-dessus, si "hier" et m..M. renvoient au temps et à l'espace. On
peut ajouter que, selon l'intention de l'énonciateur, l'adverbe peut porter plus ou moins
directement sur le lexème verbal ou sur l'ensemble de la relation prédicative.
III.1.2.5. LES LEXEMES PREPOSITIONNELS OU ADNOMINAUX
La dernière catégorie de lexèmes que nous citerons correspond à ce qu'on appellerait très
improprement "prépositions" et que nous désignerons par lexème adnominal. Comme leur nom
l'indique, il s'agit de marqueurs incidents aux nominaux et qui expriment des rapports spatio-
temporels divers. Ainsi, dans les séquences
,
(1)
k1ù
J1
trou
dans - )
dans le trou
187
(2)
k5
da
maison
sur
- )
sur le toit (de la maison)
(3)
kèvl
va
Koffi
chez - )
chez Koffi
lcil, Idal et va traduisent un certain type de rapport avec le trou, la maison, Koffi.
m.I.3. LES BASES PRONOMINALES SIMPLES
Nous examinerons ici les formes pronominales simples avant d'en arriver aux formes
amalgamées lorsque nous aborderons l'étude des unités complexes.
111.1.3.1. DEFINITIONS ET CATEGORIES FONCTIONNELLES
Les pronoms personnels sont des types particuliers de formes nominales qui renvoient
aux participants directs ou indirects à l'acte de communication; si cette participation est directe,
elle correspond à la 1ère et à la 2ème personnes (je/nous et tu/vous) ; si elle est indirecte, elle
renvoie alors à l'allocuté, c'est-à-dire à ce dont parlent les participants directs, ce qui correspond à
la 3ème personne ü.!.Lils), que E. BENVENISTE appelle la "non-personne" parce que cene forme
ne renvoie pas aux participants directs. Enfin, si les participants directs sont au moins au nombre
de deux, nous avons les 1ère et 2ème personnes du pluriel (nous et vous), si les participants
indirects ou allocutés sont au moins au nombre de deux, cela nous donne la 3ème personne du
pluriel ~).
En yaouré, les pronoms personnels simples se répartissent en trois paradigmes
morphophonologiques selon les fonctions qu'ils assument. Ces fonctions sont celles de ~
syntaxique, d'objet syntaxique et de déterminant. Nous présentons ci-dessous le tableau de ces
paradigmes avant de les commenter.
188
TABLEAU xx : Les 3 paradigmes des fonnes pronominales simples
S
SINGULIER
PLURIEL
Personne
1
II
ID
1
TI
III
Sujet
Objet
DétmJinart
Sujet
Objet
Détmlinant
1ère
ci/mcià
â
"
kcii/kciim
km
kch
a
personne
kàà
kàà
kàà
2ème
î/6îi
1
1
1
1
ka/kaa
kà
ka
personne
3ème
ë
à/è
àlf~
6
6/0
6/0
personne
ITI.l.3.2. LE PROBLEME DE LA REFERENCE PRONOMINALE
La plupart des pronoms ayant, d'après le tableau, une référence assez transparente pour
le lecteur, nous ne nous arrêterons que sur les fonnes Imcia/kmm, 6iilkàa, è/à.
A- LES FORMES TONIOUES m66/Jc@@. 6ii/kia
mcia et kmm sont les variantes toniques des premières personnes respectivement du
singulier et du pluriel que l'on trouve, par exemple, comme sujet d'une proposition elliptique(1),
ou dans certaines structures à sujets coordonnés(2). Les exemples ci- dessous illustrent cet
emploi.
(1)
t1-
€
ka
->
mM ! vs
qui
c'est
part
=qui part?
moi!
vs
nous !
(2)
mcici lèè 6ii, kü€
ka
vs
kàà
(666) lêè a(6:,b),
C€€
ka
moi
et
toi.
nous ~est putons vs
nous
même et
eux mêmes, nous ~est putons
=c'est toi et moi qui partons
=c'est eux et nous qui partons
De même, 6iî et kàa sont les variantes toniques des deuxièmes personnes du singulier et
du pluriel dans les mêmes conditions que les fonnes toniques des premières personnes. On les
trouve dans les exemples suivants :
189
1
(3)
tl.
è
k- ?
- )
o .
6ii
vs
kaa
qUI
c'est
part
=qui part?
toi!
vs
vous!
(4)
6ii
leé mdd,
küë
ka
vs
kaa léê a(6b~)
cee
ka
toi
et
moi
muséest patbIS
vs
'VOUS
et
eux: mêmes
éest pIt'Z
=c'est toi et moi qui partons
=c'est eux et vous qui partez
B- A PRQPOSDES FORMES OBJEfSINGUUEB EIPLURIEL e et 0
Comme cela apparaît dans le tableau, les formes normales des pronoms objets des
3èmes personnes du singulier et du pluriel sont respectivement i et .Q. • Mais il faut noter que
lorsque le sujet de la proposition principale et l'objet de la complétive correspondante sont
coréférentiels, nous avons respectivement ~ et .Q. , avec un schème tonal MH. Nous pouvons
comparer les exemples ci-dessous:
.
(1)
wèri
a
tè
Weri
lui
tué =Weri ra tué
-
1 1
teSta
0
tè
Tessiah
eux
tués =Tessiah les a tués
.
.
(2)
e
nel
wèri
e
te
il
dit
Weri
lui
tué = il dit que Weri ra tué
.
.
- "
0
nel
teSla
0
ci:
ils
disent
Tessiah
eux
tué =ils disent que Tessiah les a tués
C-A PROPOSDESPRONQMSDEfERMINANTSSINGUIJEREfPLURIEL é eta
Ici également, les formes normales des déterminants des 3ème personnes du singulier et
du pluriel sont i et .Q. • Mais elles sont" et Q si le pronom sujet de la principale est coréférentiel
du pronom déterminant de la complétive correspondante. Nous trouvons ces formes dans les
exemples ci-dessous:
(1)
à
tt
ta
eux père
venu - ) son père est venu
190
(1 ')
0
tt
ta
lui père
venu - ) leur père est venu
(2)
e
nO
e
tt
ci
il
dit
lui
père venu - ) il dit que son père est venu
-
(2')
0
nd
1
0
tt
ci
ils
disent eux père venu - ) ils disent que leur père est venu
D- A PROPOS DE LA REFERENCE DE k@ et kàà
Ces deux pronoms renvoient au français "nous". Mais il est de coutume, pour les
langues mandé et d'autres langues africaines, de faire une distinction entre un "nous exclusif' -
ce serait le cas de kGi - , et un "nous inclusif' -
ce serait le cas de kàà - , selon que, comme
on le sait, le locuteur exclut son vis-à-vis de la référence du pronom ou au contraire qu'il l'y
inclut. En fait, pour le yaouré, les faits sont tout autres. Rappelons en effet la référence respective
des deux formes pronominales citées.
kGi = Nous
(1) = moi et toi1
(2) =moi et lui
(3) =moi ~ eux
kàà = Nous (1) = moi et vous (= toi et lui, ou toi et eux, ou eux et vous)
(2) = nous (= lui et moi, eux et moi, eux et nous) ~ toi
(3) = nous (= lui et moi, eux et moi, eux et nous) et vous (= toi et lui, toi
et eux, eux et vous)
Nous nous apercevons que la distinction exclusif/inclusif est exagérée, voire erronée, car
ni kGi , ni kàà n'excluent systématiquement le second participant direct, c'est-à-dire le toi. Ce
qu'il faut dire, c'est que kàà, dans toutes ses trois interprétations, inclut toujours toi, alors que kGi
n'inclut toi que dans une de ses interprétations. Peut-être faudrait-il alors dire que kàà "nous"
est absolument inclusif, alors que kGi n'est que partiellement inclusif.
1- Nous prenons cet ordre pour que le point de repère apparaisse plus clairement
191
Si les lexèmes, les fonnes pronominales non amalgamées -
qui fonnent un type
particulier de lexèmes -
sont des bases simples, il n'en est pas de même pour les bases telles
que les dérivés et les composés par exemple. C'est pourquoi, avant d'aborder ces derniers, il
convient d'identifier rapidement certaines des unités qui contribuent à leur complexification: les
morphèmes.
ill.l.4. LES MORPHEMES
Nous désignons par "morphèmes" le support segmental ou matériel soit d'une opération
sur une base en tant que telle, soit, dans le cadre d'une énonciation, d'une opération sur une base
ou une relation entre bases.
Précisons tout de suite que nous nous contenterons de situer très succinctement les
morphèmes afin de permettre simplement la lecture de ce qui va suivre dans ce Chapitre
consacré à l'inventaire des fonnes ; en effet, la plupart des unités présentées ici sont sous-
tendues par des opérations très complexes que nous ne pouvons véritablement analyser avec
fruit qu'aux différents endroits qui leur sont destinés par la structure même de ce travail.
Nous distinguerons cinq types de support d'opérations: les dérivatifs, les marqueurs
nominaux, les marqueurs verbaux, les prédicatifs nominaux et les particules énonciatives.
III. 1.4.1. LES DERIVATIFS
A- LES DERlVATIFS NOMINAUX
li s'agit essentiellement de J?1. et di.
Le morphème zéro (0) peut servir à transfonner un adjectif ou un adverbe en nom.
Quant au marqueur di, que nous retrouverons dans d'autres fonctions, il sert à
nominaliser un verbe par suffixation.
192
B- LES DERIVATIFS VERBAUX
TI s'agit essentiellement de liLl:i, - Y + /HI, - V + /HI + la.
Le marqueur l!Lli , qu'on trouve par exemple dans le verbe Ikm-Ià/"cheminer" dérivé de
~ "partir", renvoie à un espace-temps abstrait.
Le morphème - V+/HI correspond à une réduplication vocalique accompagnée d'un ton
haut en schème CV ; nous en trouvons un exemple dans le verbe s3-3 "guetter" dérivé de ~ "se
mettre à l'affût".
Enfm, le morphème - V+/HI+la est une combinaison des deux précédents. On le trouve
par exemple dans le verbe s~-~-lil. "répandre", issu de s~ "verser".
ill.l.4.2. LES MAROUEURS NOMINAUX
TI s'agit ici de marqueurs d'opérations portant directement sur les nominaux. Ce sont [i!,
~ ~ morphèmes auxquels il faut ajouter tous les quantifieurs du type tm "un", ~
"beaucoup", ete., que nous verrons au Chapitre V consacré à la détennination nominale.
Le morphème zéro (0) marque soit la spécification comme dans
i
6lhê
n5
rnH
toi+IMPératif machette
donner
à moi -) donne-moi la machette
soit le générique, comme dans
6èze
a
kpà
machette
Préd
bon - ) la machette c'est une bonne chose.
Le morphème lè est un marqueur de spécification d'un nominal par rapport à un autre
nominal. Nous en avons une illustration dans
zô
lè
6èû
Jean
LOCalisateur
machette -) la machette de Jean.
193
Le morphème mi est le marqueur du pluriel comme on peut le voir dans
wi
nO
animal
pl-> les animaux.
III. 1.4.3. LES MARQUEURS OU PREDICATIFS VERBAUX
Ce sont des unités non conjugables qui marquent le point de vue de l'énonciateur sur un
aspect donné de l'énoncé.
TI peut s'agir d'un point de vue sur la relation entière en tant que lien entre deux bases ou
deux termes: nous avons alors des marqueurs de modalité, qui sont:
- i. , pour l'assertion positive,
- ka...dï , pour l'assertion négative,
- le ton MH , pour l'impératif positif,
- të ...dï, pour l'injonction négative,
- ta et ta tà-a ,pour la visée immédiate à un et deux repère(s).
Le point de vue de l'énonciateur peut être envisagé par rapport au déroulement du procès
; il s'agit alors de l'aspect, dont les principaux marqueurs renvoyant à différents types de
construction sont :
- a...néi ,pour l'inaccompli,
- variations tonales, pour l'accompli,
- variations tonales et/ou morphologiques CA+/HD en CV, mô en CCV) LV et CVV, pour
l'aoriste,
- si-a..,nô , pour le passé immédiat. 1
1- Toutes ces indications volontairement vagues et laconiques seront précisées plus tard.
194
111.1.4.4. LES PREDICATIFS NOMINAUX
Ce sont des unités non conjugables qui permettent un emploi prédicatif des nominaux:
il s'agit essentiellement de A, d, DÉ.
Le morphème i. qui a pour équivalent négatif ka...dï. marque la localisation,
l'identification, la description. Nous en avons une illustration dans
Dali
a
Dieu
Préd - ) Dieu existe.
Le morphème d , qui a pour équivalent négatif &f , marque la focalisation:
Wl
n~
viande
FOCalisation - ) c'est de la viande.
La particule De marque un type de focalisation que nous appelons focalisation
discordantielle parce que, comme nous le verrons au Chapitre IV, cette focalisation présuppose
que l'énonciateur s'attendait à un terme autre que celui qui est identifié par la situation. Ainsi,
pour l'énoncé
Wl
Dl:
viande
FOC - ) c'est de la viande
une interprétation rigoureuse serait: "C'est plutôt de la viande".
111.1.4.5. LES PARTICULES ENONCIATIVES
Nous retiendrons essentiellement DË, di, lË,,i, tè/té/të, lé, lE, Q, Dàà.
Liées directement ou non aux marqueurs que nous avons appelés adnominaux, ces
particules en tant que traces d'opérations énonciatives renvoient souvent à des représentations
complexes que, par souci de clarté, nous choisissons délibérément d'examiner dans les Chapitres
consacrés à l'analyse de la référenciation.
195
Nous nous limiterons pour l'instant aux brèves indications suivantes:
-le morphème ~ , lié au démonstratif ~ , est un marqueur de thématisation ;
- les particules li, lt" nl, Q, 6àà sont des supports du mode interrogatif ~
-le triplet tè/té/të renvoie à trois degrés dbypothèse;
- enfin, les particules di, li, i apparaissent souvent comme des images de référentiel
imposées par certains types d'énonciation que nous aurons l'occasion d'examiner longuement
afm de pouvoir définir le statut réel de ces marqueurs. L'énoncé suivant montre un exemple
d'emploi de ces particules :
zei
ka
kùlà
li
tà
di
à
dL I
Jean
NEG
pouvoir
Sit
venir
Sit
Sit
NEG -) Jean n'a pas pu venir.
Nous verrons que le type de représentation déterminé dans cet énoncé par la modalité et l'aspect
exige ces trois référentiels repères, li, di, i.
L'identification des morphèmes nous permet à présent d'examiner les formes comportant
plus d'une unité, à savoir les dérivés, les composés, les syntagmes et les amalgames
pronominaux.
ill.I.S. LES DERIVES
La dérivation désigne le processus de formation d'unités linguistiques par l'association
d'une base et d'un affixe appelé dérivatif. Le dérivatif est un morphème lié qui permet donc
d'obtenir des dérivés. Pour le yaouré, nous examinerons successivement les dérivés nominaux,
verbaux, adjectivaux et adverbiaux.
1- Sil est mis pour "référentiel" ou "situation repère".
196
111.1.5.1. LA DERIVATION NOMINALE
La dérivation des nominaux se fait à l'aide de deux suffixes dérivatifs, le morphème Qi,
qui renvoie au "fait de", et le morphème zéro (0').
A- LES DERWES A BASE VERBALE
Les dérivés nominaux à base verbale se forment à l'aide d'une base verbale et du dérivatif
il1 de ton MB que HOPKINS considère,à tort, comme la marque de l'infinitif1. La structure du
dérivé nominal se présente ainsi :
Base Verbale + di
Nous allons voir comment se comportent les différentes structures de la base verbale.
a) Les structures monosyllabiQues CV
La dérivation à base verbale CV n'entraîne aucune modification au plan morphologique.
1
(1)
Sei)
- )
sch-di
sauter
sauter-fait - ) le fait de sauter.
(2)
JL
- )
ji-di
voir
voir-fait - ) le fait de voir; la vue
(3)
kil
- )
kil-di
partir
partir-fait - ) le fait de partir
b) Les structures dissyllabiQues CW et CVLV
On constate au plan tonal une propagation tonale qui transforme le schème BH en BB et
le schème de suffixe en H(3). Ainsi nous avons:
(1)
jaa
-)
jaa -di
faire
fait
- ) (le) fait de faire mal
1- HOPKINS. B. (l982b) : Op.CiL passim.
197
(2)
655
- )
655-di
fuir
fuir-fait
- ) (la) fuite (récipient)
(3)
ftili
- )
ftili-di
pourrir
pounir+fait
- ) le fait de pounir
mais
(4)
pac1
- )
pM-di
crier
crier fait
-)(le)cri
(5)
k13
- )
k13-di
mâcher
mâcher fait
- ) le fait de mâcher.
Nous pouvons retenir que la dérivation nominale à base verbale ne produit pas d'autre
changement morphologique que la transformation des schèmes tonals de la base et du suffixe
lorsque la base a le schème BR ; il s'agit d'une propagation tonale.
B- LES DERIVES A BASE ADJECTIVALE
Le dérivatif est zéro (0), et il n'y a aucun changement de la base au plan morphologique.
Le schéma de la dérivation a la forme suivante:
Base Adjectivale + 0 - ) Dérivé nominal
Ce cas est illustré par les exemples ci-dessous:
,
(1)
kpa
- )
a
ti
lé
kpa
bon
lui
père
LOCI bon
-) la bonté de son père
,
(2)
cd
- )
a
ci
lé
cd
calme
lui
père
LOC
calme -) le calme de son père
,
(3)
fËj1â
- )
a
ci.
lé
fËj1â
beau
lui
père
LOC
beau
-) la beauté de son père.
1- LOC : abréviation pour "locatif' de possession.
198
c- DERWES A BASE ADVERBIALE
Le dérivatif est (lJ et nous n'observons aucun changement dans la base. Le schéma de la
dérivation est le suivant:
Base Adverbiale + (lJ -) Dérivé nominal
Nous avons les illustrations ci-dessous:
,
(1)
fé
- )
fé
a
kpa
entièrement
entièrement
est
bon
- ) c'est mieux que ce soit pour de bon
,
(2)
tra
-)
tra
a
kpà
en bas
en bas
est
bon
- ) c'est mieux en bas.
D- DERWES A BASE PREPOSITIONNEllE
Le dérivatif est (lJ et l'on n'observe aucun changement dans la base. Nous avons la
structure suivante :
Base Prépositionnelle + (lJ -) Dérivé nominal
Nous avons les exemples ci-dessous:
(1)
da
- )
da
,
a
kpà
sur
sur
est
bon
- ) le dessus est mieux
(2)
wlu'
- )
wlu
a
kpà
sous
dessous
est
bon
- ) le dessous est mieux.
rn.1.5.2. LA DERIVATION VERBALE
TI Y a deux procédés pour la dérivation verbale. On peut dériver par réduplication de la
voyelle finale à partir des monosyllabes, et cette opération a des implications d'ordre tonal. La
dérivation se fait aussi à l'aide du suffixe -la ou -ra, de ton MH ; par parenthèse, nous avons vu
au Chapitre II que dans les structures CYLV, le segment /li a plusieurs réalisations
199
allophoniques dont [1] et [r]. Selon HOPKINS, le dérivatif -là--ra "indique parfois l'intensité,
parfois la cause, parfois une relation de spatialité"l. TI nous semble que le suffixe -la traduise
souvent le conclusif, qui indique, dans le cadre des Aktionsarten ou ordres de procès, au niveau
des données primitives, qu'un procès atteint son terme. De façon générale, ce dérivatif semble lié
d'abord à la notion d'espace, et les différentes nuances des procès qui comportent -la reposent
sur la fonction de l'espace pour chaque procès: l'espace considéré peut situer ou circonscrire un
procès, soit pour fixer sa limite ou borne d'arrivée notionnelle, d'où le conclusif, soit pour définir
son lieu (géométrique) de déroulement, d'où quelquefois la prépondérance de la valeur spatiale.
Examinons de plus près les deux procédés de la dérivation verbale que nous avons annoncés.
A- LA DERWATION VERBALE PAR SUFFlXATlON
Comme nous l'avons indiqué, on peut dériver un verbe à partir d'une base verbale par la
suffixation de -là. à cette base. Ce procédé peut être représenté par le schéma suivant:
Base Verbale +18. (ra) - ) Dérivé Verbal
Nous nous proposons d'examiner l'incidence morphologique de cette dérivation par suffixation
en considérant les trois types de structures que nous avons retenus.
al Les structures cv-la
Observons les dérivations suivantes:
,
(1)
pa
- )
pa-la
- )
pla
mettre
poser
(2)
55
- )
55-la
- )
5t1-là
arriver,
sortir
atteindre
1- HOPKINS, B. (1982b) : op.cil. p. 41.
200
(3)
f:)
->
f:>-là->
ftt-Ià
mettre
laisser tomber
Compte tenu de la présence de N à l'intervocatique dans le verbe dérivé, et conformément à ce
que nous avons vu en phonologie, la voyelle de la base tombe si elle est identique à celle du
suffIxe, c'est-à-dire A; elle se transforme en [tt] si elle est arrondie. Enfin, le schème /BI de la
base assimile à B celui du suffixe.
hl Les structures ew -la et eVLV -lii
Nous avons les dérivations suivantes :
(1)
k66
->
k66-Ia
prendre
ramasser
(2)
k:B
->
k:>~-la
montrer
montrer la cachette de...
(3)
sre
->
srË-Ia
se gâcher
être là, disponible, mais inutile
(4)
klà
->
klà-Ia
tirer
traîner
Au niveau des CVV et CYLV, on ne constate aucune modification de la base.
Nous pouvons retenir que la dérivation verbale par suffixation entraîne des modifications
segmentales et tonales au seul niveau des CV. Au plan tonal, il s'agit d'un changement que
traduit la règle d'abaissement suivante:
BMB
BMB
B
1
1
1""
1
1 \\
""
...
...
CV
CV -> CV
CV -> CVCV -> CV CV
201
B - LA DERWATION PAR REDUPLJÇATION VOCALJQUE
A partir d'une base verbale CV, on réduplique la dernière voyelle pour obtenir un dérivé
verbal de structure CVV. TI s'agit d'un procédé qui entraîne une double modification, c'est-à-dire
segmentale et tonale. TI faut souligner que cette dérivation par réduplication ne s'applique qu'aux
bases monosyllabiques et ceci de deux manières différentes selon le schème tonal initial.
a) Le cas des monosyllabes à schème tonal MH
Lorsque le schème tonal de la base est MH, la voyelle de base et la voyelle rédupliquée
prennent toutes les deux le schème /HI, selon le schéma ci-dessous:
,
,
cV
->
CV -V
base
dérivé
Les exemples ci-dessous illustrent cette dérivation:
, ,
(1)
sà
->
sa-a
se cacher,
espionner
se mettre à
l'affût
(2)
lb
->
1:5-:5
acheter
vulgariser (en achetant n'importe comment, ici et là)
TI se produit une modification segmentale et tonale. Le changement du schème tonal se fait selon
une règle de rehaussement tonal qui a la fonne suivante:
MH
H
H
1
1
/
1
cv
cv
cv cv
202
bl Les monoSYllabes à schèmes MB et B
Lorsque le schème de la base est MB et B, la voyelle de la base garde son schème initial,
seule la voyelle rédupliquée prend le schème /HI. Ainsi nous avons les dérivés ci-dessous:
(1)
Vl.
- )
vi-\\,
dire
dire n'importe quoi
(2)
te
- )
tÈ-É
tuer
massacrer
(3)
cl
- )
cl-5
s'arrêter
se promener
Nous pouvons conclure qu'en structure CV, il ya un changement segmental et tonal
quand la base a le schème MH; la modification est uniquement segmentale quand la base a le
schème MB ou B.
Comme nous l'avons souligné au départ, les bases dissyllabiques sont exclues de ce
procédé de dérivation par réduplication. En effet, le yaouré, comme nous l'avons vu, n'a pas de
structures syllabiques canoniques plus complexes que les dissyllabes. Nous aimerions par
ailleurs ajouter, en passant, que les dérivés ainsi obtenus traduisent une itération qui peut, soit
rester une simple répétition du contenu de procès exprimé par la base, soit déboucher sur une
péjoration. Ainsi, si "prendre", peut donner un sens itératif en devenant sÎ-Î .
. .
~
51
- )
51-51
prendre
ramasser, transporter des objets en s'y prenant à plusieurs fois
Mais si nous avons l2. "acheter", comme nous l'avons vu plus haut, il y a, bien sûr, un sens
itératif dans le dérivé 15-5 . Mais la connotation, c'est que, acheter une marchandise "ici et là",
"n'importe comment", finit par discréditer l'acte d'achat, et partant, la marchandise qui en est
l'objet.
203
C· DERWES A DOUBLE DERWATIE
TI s'agit d'une dérivation où la réduplication est suivie d'une suffixation en =1i..
al Cas des bases monosyllabiques CV à schème MH
La voyelle est rédupliquée avec le schème Irn: du cas précédent, puis le suffixe :li suit,
ce qui donne le schème ci-dessous:
"
, , ,
CV-) CV-V - ) CV-V- +la
Ainsi nous avons l'exemple suivant:
,
pa
- )
pa-a
-)
pa-a-la
mettre
mettre un peu partout
poser un peu partout, disposer
bl Cas des bases CV à schèmes MB et B
Contrairement au cas précédent, seule la voyelle rédupliquée prend le schème tonal H.
Nous avons les schémas suivants :
cv
- '
- ,
- )
cv - V
- )
CV - V + là
..
.....,
.....,
CV
- )
CV . V
- )
CV· V + là
Ces dérivations peuvent être illustrées par les exemples suivants:
(1)
65
- )
65-:5
- )
65-:5-1a
arriver,
pousser
éclore en grand nombre ;
éclore
"ici et là"
pulluler
(2)
s~
- )
s~-~
- )
s~-~-hl
verser
verser "ici et là",
répandre
un peu partout
204
Comme on le voit, les modifications engendrées par la réduplication sont conservées; quand au
schème tonal global, on retrouve exactement les schèmes tonals des dérivés en CYV/CYLV-la,
ce qui apparaît normal, puisque, au bout du compte, on retrouve des structures identiques.
m.I.53. LA DERIVATION ADJECTIVALE
Nous ne retiendrons que le procédé principal de la dérivation adjectivale : la
réduplication. Une même unité est reprise en séquence de façon contiguë, de telle sorte que les
deux occurrences forment un seul et même morphème. C'est un procédé très productif qui
débouche sur une unité de sens pratiquement identique à celui de l'unité de base Nous
donnerons quelques exemples:
(1)
pl€
- )
pl€-bli:
fort
fort
(2)
td
- )
td-dd
froid
froid
(3)
fu
- )
fu-vu
blanc
blanc
(4)
ct
- )
tt-dt
rouge
rouge
(5)
ti
- )
tif-dii
noir
noir
(6)
sad
- )
sad-zàà
propre
propre
L'unité de base à gauche apparaît le plus souvent en position d'épithète alors que la
forme rédupliquée peut être épithète ou attribut. Ainsi, on a s5 t1 "pagne noir" avec une
caractérisation de type essentiel, mais pas *ë ja tf "il est noir", alors qu'on a s5 tîi-dii "pagne
noir", et ë ja tif-dif "il est noir". Il ne s'agit pas ici d'une liste exhaustive; nous avons dit en effet
que la réduplication est très productive. Nous aimerions cependant faire quelques observations.
A quelques légères variations près, telles que, par exemple, la réduplication supplémentaire de la
205
voyelle ft! dans l'exemple (5), le dérivé est issu d'une reprise de la même unité, avec, en général, le
même schème tonal. Le changement régulier qu'on observe cependant, c'est le voisement de la
consonne initiale, laquelle, dans le composé, se retrouve à l'intervocatique et subit le type de
voisement que nous avons déjà décrit Chapitre n. Dès que, par emphase, il y a une émission
discontinue des deux composantes, la nature première de la consonne, si c'est la non-sonorité,
disparaît.
m.1.5.4. LA DERIVATION ADVERBIALE
Le principe est le même que la dérivation adjectivale par réduplication. Illustrons le
processus par quelques exemples:
(1)
tra
-)
tra-dra
en bas
très bas (sens adverbial)
(2)
leu
-)
leu-leu
en haut
très haut (sens adverbial)
•
1
(3)
Ua
- )
ftÔ-vtd
entièrement
entièrement (sens renforcé)
Nous venons de présenter les caractéristiques formelles de la dérivation nominale,
verbale, adjectivale et adverbiale. On retiendra que c'est un processus très productif. Nous nous
proposons d'examiner à présent les processus de la composition.
ill.l.6. LA COMPOSITION
Nous étudierons la composition nominale, verbale, adjectivale et adverbiale.
111.1.6.1. LA COMPOSITION NOMINALE
Nous retiendrons les cinq procédés principaux de la composition nominale en yaouré,
selon la catégorie de l'unité spécificatrice, celle-ci précédant le plus souvent l'unité spécifiée.
206
m.1.6.1.1. Les composés nominaux à détenninant nominal
Nous appelons ici déterminant l'unité qui sen d'élément spécificateur dans le composé.
Le type de composé envisagé ici a la structure suivante :
NI (Nominal) + N? <Nominal)
Les exemples ci-dessous illustrent ce type de composition:
,
(1)
n~
+
ti
- )
n~-ti
enfant
père
père (de famille)
.
(2)
kidé
+
pro
- )
kidé-pro
arachide
pâte
pâte d'arachide
(3)
61ro
+
sei
- )
61ro-za
bêtise
propriétaire
un(e) idiot(e)
,
(4)
n~
+
6ro
- )
nf-6ro
enfant
mère
mère (de famille)
- ,
(5)
koo
+
puu
- )
koo-püu
maïs
poudre
poudre de maïs
Ce processus de composition peut s'accompagner d'une transformation segmentale et/ou tonale.
Ainsi, en (3), le passage des deux unités au composé entraîne d'une part le voisement, à
l'intervocatique, du segment consonantique Isl de l'élément détenniné sei , et, d'autre part, par une
règle d'abaissement tonal que nous avons vue, l'assimilation du schème tonal MB de cene unité
par le schème B précédent.
m.l.6.1.2. Les composés nominaux à déterminant verbal
L'élément spécificateur est un verbe. Nous avons la structure correspondante ci-
dessous:
V (verbe) + N (nominal)
Les exemples ci-dessous illustrent cette composition:
207
(1)
61L
+
na
-)
61L-nô
manger
lieu, partie
(une) part (qui revient à)
(2)
kil
+
sô
- )
kil-za
partir
propriétaire
celui qui doit partir =étranger
1
1
(3)
•
51
+
na
-)
51-na
quitter
lieu
nouvelles
(4)
trGi
+
fË
- )
trGi-vË
grandir
chose
un cabri, un mouton pour les cérémonies rituelles
(5)
JL
+
fË
- )
ji.-fË
trouver
chose
richesse
Nous constatons un voisement en (1), un abaissement tonal en (2), un rehaussement tonal en
(3). Nous observons qu'il n'y a pas de voisement de Ifl (fË) en (5). Comme nous l'avons dit au
Chapitre n à propos des phénomènes de voisement, un exemple comme celui-ci, ainsi que les
exemples (1) et (2) du paragraphe précédent, s'expliquent par le fait que les consonnes sourdes
concernées ne sont pas senties comme appartenant à une entité véritablement homogène,
phonologiquement unifiée.
m.l.6.1.3. Les composés nominaux à déterminant adverbial
L'élément spécificateur est un adverbe. La composition a la structure ci-dessous:
Adv (Adverbe) + N (Nominal)
Nous avons les illustrations suivantes:
(1)
n~
+
n:5
- )
n~-n5
avant
gens
(les) ancêtres, les anciens
.
(2)
li
+
n5
- )
li-n:5
avant
gens
les anciens, les ancêtres
(plus lointain)
208
m.l.6.1.4. Les composés nominaux à détenninant adjectival préposé
Le détenninant est un adjectif préposé. Ce type de composé a la structure ci-dessous:
Adj (AdjectiÛ + N (Nominal)
Les exemples suivants illustrent cette structure:
,
(1)
fùvù
+
CE
- )
fùvu-cf:
blanc
maladie
un type de maladie qui rend pâle
(2)
~wulî
+
d:
- )
tGlwulî-cÉ
seul
maladie
folie
En (1) et en (2), le schème tonal de d: subit une assimilation progressive et devient ~ et ~ .
III.l.6.1.5. Les composés nominaux à déterminant adjectival post- posé
Le déterminant est un adjectif et conserve sa place normale. Ceci correspond à la
structure ci-dessous:
N <Nominal) + Adj (AdjectiÛ
Nous avons les illustrations ci-dessous:
(1)
mi
+
dà
- )
mi-dà
homme
grand
un grand homme
..
(2)
d:
+
JI
- )
d:-jî
maladie
bon
variole
(3)
pwèi
+
dd:5
-)
pwà-t:5d5
coeur
sensible
susceptibilité
209
111.1.6.1.6. Les composés nominaux à structures complexes
A côté des structures qui viennent d'être présentées, il y a des composés de structures
variées et plus complexes dont nous nous proposons à présent d'examiner quelques-uns en les
illustrant à l'aide d'exemples:
A-N+ f± N
(1)
1ùgb1ù ±
pââ
+
sà
- )
1ùg:>hi-pââ-zd
école
montrer
propriétaire
maître d'école, professeur
B- N ± Peq;L ± N
.
(2)
SI
±
li:
±
sô
- )
s1-1f:-zd
route
devant
propriétaire
guide,chef
C- N ± Pern ± N + N
,
1
(3)
went
+
sru
+
w1à m~i - )
wèn~-srù-w1âmM
singe
derrière
oiseau
"pique-singe"
D- N ± CnZ ± N + y + N
,
1
(4)
went
+ le
+ p~
+
tè
+
Jn
- )
wènt-1é-p~-tè-jri
singe
pour
taIn-taIn
taper
bois
un genre de maïs aux gros épis
E-N ± N ± N
(5)
ti
+
6wi
+
nô
- )
ti-6wi-nô
père
frère
femme
un nom propre de femme
F- f + N + N
1
1
_
(6)
16
±
nà
+
fË
- )
b-nO-VE
acheter
lieu
chose
(un) bien (acquis en l'achetant)
1- Prép : préposition.
2- en : connectif.
210
Q- N + Adj + N + Prélz
(7)
sri
+
COJfO
+
6wî
+
da
- )
sri-coJfo-6wî-da
termitière
haute
savane
sur
un lieu-dit à Bouaflé
En (3), la composition entraîne une propagation tonale qui fait passer le schème tonal de.mi
"derrière" et de wlà-m~i "pique-singe" respectivement de BH et à BB et HH-BB. Dans ce
composé, il semble que wlà-mfi lui-même soit un composé, car mfi signifie "poule, poulet", ce
qui semble correspondre à la classe de l'animal désigné.
llI.1.6.2. LA COMPOSmON VERBALE
ill.l.6.2.1. Le processus de la composition verbale
nconvient de noter dès l'abord que les compositions verbales impliquent essentiellement
deux catégories, un nom (N) en position de domaine à spécifier, suivi d'un verbe ou d'un verbal
en fonction de spécificateur, de vecteur ou de foncteur cinétique, orientant le domaine notionnel
concerné vers sa réalisation.
Il est intéressant de noter que la plupart, sinon tous les verbaux servant de vecteurs de
réalisation se sont désémantisés au point qu'ils ne gardent plus du verbe que son potentiel
syntaxique et grammatical sans en avoir vraiment le contenu sémantique. Il s'ensuit que ces
vecteurs, grammaticalisés, fonctionnalisés, servent à former des verbes composés à partir de
nominaux de catégories diverses et couvrant des champs sémantiques hétérogènes. Sur les sept
vecteurs que nous citerons, il n'y a que cfrË "faire", ti: "tuer, taper" qui, dans leur fonction
cinétique, c'est-à-dire de verbes vecteurs, conservent souvent un lien perceptible avec leur sens
d'origine. Nous citerons les autres en indiquant le sens auquel on peut les rattacher, mais qui n'a
souvent rien à voir avec le sens des composés qu'ils contribuent à former. n s'agit de wei) "mettre
en enfonçant", 6ei) "terrasser, creuser, ronger", f3 "mettre dans ", ci "mettre"1, t3 "(s')arrêter", En
1-11 existe certains comJX>sés où le lien sémantique avec le verbe ~ est clair; par exemple, H:-pa : "mettre (de
côté) le repas de quelqu'un, c'est-à-dire "garder à manger", et aussi "servir à manger",
211
somme, ces verbes renvoient à "faire" dans son sens général, c'est-à-dire le moins spécifique
possible; "faire" voudra dire "faire ce qui tourne autour du domaine sémantique défini par le
nominal à spécifier". Les données culturelles contribueront à délimiter ce qui peut être dit ou
"fait" du domaine sémantique désigné, et à filtrer les valeurs de "faire" ; ainsi certaines
associations telles que "faire+mort", "faîre+sommeil" par exemple, seront, selon les cultures,
possibles ou impossibles.
Le fonctionnement de ces verbes vecteurs est tel que l'on est quelquefois tenté de les
ranger panni les dérivatifs, mais le pas est difficile à franchir du fait de l'autonomie effective de
ces verbes. La structure des composés verbaux formés sur la base de ces verbes se présente
comme ci-dessous:
N+V
Examinons en les illustrant les différents cas correspondant aux verbes opérateurs retenus.
III. 1.6.2.2. Les types de composés verbaux
A-N +6@
(1)
ci
+
ôd!
- )
tb-ôd!
nom
faire
saluer
(2)
tt
+
ôd!
- )
t~- ôcii
pet
faire
faire un pet
B- N + d'ré
(3)
d:
+
cfr€
- )
ce-cfr€
maladie
faire
être souffrant
C-N+l9
(4)
müô
+
f3
- )
müë-f:5
merci
faire
remercier
212
(5)
10
+
f3
- )
10-f3
palmier
faire
abattre des palmiers
(6)
st,
+
f5
-)
sL-f5
graine
faire
couper des régimes (de graines de palmier)
de palme
Do N + pa
1
(7)
fe
+
pa
- )
fe-pà
nourriture
mettre, servir
servir (garder) à manger
(8)
rt
+
1
pa
- )
rt-bà
parole
faire
parler, juger
(9)
~
1
Ji
+
pA
-)
Ji-pa
jour
mettre, poser
fixer une date
(10)
trcii
+
pà
-)
trcii-pà
mettre
demander pardon, solliciter
E- N + tè
(11)
s:5r&
+
tÈ
- )
sGrc5-tÈ
jeu
faire
jouer, s'amuser
(12)
pè
+
tÈ
- )
pÈ-tÈ
main
taper
applaudir
(13)
Ji
+
tÈ
- )
Jî-tÈ
sommeil
faire
dormir
Fo N + ci
(14)
ta
+
G
- )
ta-t6
marche
mettre
pousser
G-N + w@
(15)
tà
+
WCi:l
- )
ta-wcii
marche
faire
marcher
(16)
Sf:~
+
WCi:l
- )
sf:È-wc6
causerie
faire
causer
213
(17)
te
+
W(i)
- )
t€-Wal
feu
mettre, faire
mettre du feu
En (4) et (16), nous avons des compositions entraînant une transformation tonale par
propagation. Les schèmes de m et de mpassent respectivement à MB-MB et BB selon un
processus que nous avons déjà étudié.
En dehors de ces compositions avec des verbes vecteurs 1, il existe des compositions où
nous pouvons trouver n'importe laquelle des structures verbales déjà étudiées, c'est-à-dire CVV,
CVLV, CV-là qui sont les plus fréquentes. Nous avons les illustrations ci- dessous:
H-N+CW
(18)
fe-na
+ k66
-)
fe-n3-k66
lieu
enlever
balayer
/-N + CYLV
(19)
tri
+
klo
- )
tn-klo
"objet"
tirer
jouer à un jeu appelé "t1'1"
= jeu
J-N + CV-la
(20)
s1
+
p1à
- )
s1-phi
route
poser
tracer une route
III. 1.6.3. LA COMPOSmON ADVERBIALE
Le procédé principal de la composition adverbiale est la structure marginale suivante :
Adverbe + Locatif + Adverbe
1- Nous parlons donc de (verbes) vecteurs ou de foncteurs cinétiQyes pour caractériser ces verbes
monosyllabiques presque désémantisés et dont la fonction est de porter la notion nominale vers une
conceptualisation en termes de procès.
214
On rencontre cette structure dans les composés renvoyant à des repères temporels. Nous
la voyons dans les exemples ci-dessous :
(1)
rré
+
lé
+
sru
- )
rré-Ié-sru
demain
LOC
après
après-demain
(2)
1
SL
+
lé
+
srU
- )
sL-Ié-sru
hier
LOC
après
avant-hier
On peut noter qu'il existe quelques compositions du type Adverbe + Adverbe. En voici
un exemple :
cf:
+
kfil
-
1
- )
ce-gGl
jour
ici
aujourd'hui
La composition apparaît comme un processus complexe de détermination ou de
spécification d'unités qui crée d'autres unités de plus grandes dimensions. C'est une opération
qui s'accompagne généralement de modifications segmentales et/ou tonales. Cependant, ainsi
que nous avons eu à le constater dans de plusieurs exemples, un changement tel que le
voisement n'est pas automatique dans la composition. TI peut ne pas se produire; c'est que le
composé, dans ces cas, est senti analytiquement et non comme une entité linguistique et/ou
culturelle homogène
m.l.7. LES SYNTAGMES
Dans la mesure où le syntagme peut être défini comme un groupe d'unités formant une
entité fonctionnelle, il apparaît normal que l'on puisse s'interroger sur les principes de
structuration de cette entité au plan formel 1, comme nous l'avons fait pour les bases, les dérivés,
les composés. Nous nous intéresserons successivement à la structure des syntagmes nominaux,
des syntagmes adjectivaux, des syntagmes adverbiaux, des syntagmes prépositionnels ; le
problème des syntagmes verbaux stricto sensu sera largement examiné dans les Sections traitant
les constructions aspectuo-modales.
1- Les opérations qui sous-tendent les structures formelles de surface ne seront examinées qu'au Chapitre V.
215
111.1.7.1. LES SYNTAGMES NOMINAUX
Nous classerons les syntagmes nominaux en deux catégories. Cette classification, nous
l'établissons afin de mieux regrouper les phénomènes en vue de leur traitement. Elle ne revêt
aucun caractère universel, ni même de généralité et d'exhaustivité dans la langue que nous
étudions.
TI y a des syntagmes qui décrivent le référent d'un nominal du point de vue de l'espace,
de la quantité ou de la qualité. De tels syntagmes, nous les désignerons sous le nom de
synta~mes descriptifs. Il existe des syntagmes qui déterminent un nominal en le situant par
rapport à un repère, cette localisation pouvant signifier une appartenance, une identification ou
une différenciation1 ; dans ce cas, on a affaire à des syntagmes locatifs.
A- LES SYNTAGMES DESCRIPTlFS
De façon générale, il s'agit de syntagmes décrivant un nominal d'un point de vue
qualitatif ou quantitatif. Nous illustrerons cinq types de structures.
a) La structure .. Nominal1 + Nominal?
Jîba
k:5
bois
maison - ) (une) maison en bois
b) La structure .. Adverbe + Nominal
kch
plf
ici
chien -) chien local ; le chien des lieux
c) La structure .' Nominal + Numéral
rri
tcil
homme
un - ) un homme - ) quelqu'un
1- Nous reviendrons sur toutes ces distinctions dans les analyses que nous proposons au Chapitre V.
216
dl La Structwe l' Nominal + A4.;ectifindéfini
Jîbà
m'ië
bois
quelques -) quelques arbres
el La structure e' Nominal + A4.;ecrifqualitatif
Bèzè
da
machette
grande -) une grande machette
Il convient de noter que les phénomènes d'assimilation tonale que nous avons décrits
dans les pages précédentes se manifestent aussi au niveau des syntagmes. Partons des unités
suivantes que nous donnons avec leurs schèmes de base: wl "animal", wt "affaire", n~ - n",a
"vilain". Nous pouvons avoir, par exemple, les deux syntagmes ci-dessous:
..
(1)
Wl
animal
-) (un) vilain animal
(2)
Wl,
affaire
-) (une) sale affaire
On constate en (2) une assimilation progressive qui élève au schème MH le schème B de n~-.
Cette assimilation peut ne pas se produire dans certains cas, même si les conditions sont réunies
; nous en avons une illustration dans l'exemple suivant:
(1)
Bèze
dâ
machette
grand -) une grande machette
(2)
wL
da
affaire
grand -) une affaire grave
Nous constatons que l'adjectif da garde son schème B bien qu'il soit précédé d'un schème MH.
Il semble que ce soit là un vestige des consonnes dites abaissantes ou déprimantes dont Id! ferait
partie dans certains contextes. Il est intéressant de noter que ce schème avec Qvarie dans les cas
217
de réduplication sans que, à en juger par l'environnement tonal, cela puisse toujours être
considéré comme une assimilation. Ainsi nous pouvons avoir les séquences ci-dessous:
(1)
S:J
da
- )
s5 dd da
pagne
grand - )
de gros pagnes
(2)
wi
da
WLdd da
affaire
grand - )
des affaires graves
Peut-être faudrait-il plutôt dire que, en pareil cas, l'assimilation ne peut avoir lieu qu'en cas de
réduplication, ce qu'il faudrait alors être en mesure de justifier.
B- LES SYNfAGMES LOCATIFS
Les syntagmes locatifs situent un nominal par rapport à un repère, spatial ou non, et quel
que soit le sens de ce repérage. Nous distinguerons trois cas.
a) La structure .' Nominal + Adverbe
pl~
1
gGl
chien
ici - ) ce chien
b) La structure .. Pronom 1Nom + Nom
1
ci
6GÎ
je
mère - ) ma mère
wèii
6GÎ
Weri
mère - ) la mère de Weri
c) La structure .. Nom + lè+ Nom
- "
teSla
lè
f€
Tessiah
LOCI
nourriture - ) le plat de Tessiah
1- LOC : désigne la particule localive ~.
218
m.l.7.2. LES SYNTAGMES ADJECTIVAUX
A- LEs SYNTAGMES QUAliFICATIFS
Leur structure principale est la suivante : Adjectif + Adverbe.
On peut l'illustrer par l'exemple suivant:
da
pi.
grand
tellement - ) tellement grand
B- LES SYNfAGMES NUMERAUX
a) Le système cardinal
1 0 Les unités
Les cinq premiers nombres ont une forme simple et une forme tonique.
Fonnes simples
Fonnes toniQues
1 :
ttil
ttilwll
2:
fii
tllli
3:
• -
1
Jaa
jaa gà
4:
si~
s11 J~
5 :
I I
sou
soolù
6:
syèdtil
7:
sttra-vlî
.
8 :
-
1
sttraa
9:
sttra-si~
10:
fù
2 0 Les dizaines
De 20 à 90, les dizaines se fonnent sur la base de 10 en multipliant 10 par 2, 3, 4, etc. à
l'aide de l'opérateur pi "fois" qui se voise souvent en ba à l'intervocalique dans le mot
phonologique que constitue alors le nombre concerné.
219
10:
fù
dix
20 :
fù bà flî /fiilî
dix fois deux1
30 :
fù bà jaà / jaagà
dix fois trois
40:
fù bà si~ / siij~
dix fois quatre
50 :
fù bà soû / soolù
dix fois cinq
60:
fù bà sYèd~
dix fois six
70 :
fù bà sttra-vlî
dix fois sept
80 :
fù bà stiraà
dix fois huit
90:
fù bà stirà si~
dix fois neuf
100 : jà uii
=cent x un =une fois cent =cent
"cent un"
3 0 Les centaines
La base est ii "centaine", qui est multipliée par 1,2, 3, etc. sans opérateur explicite ou
multiplicateur. Le multiplicateur suit la base.
100:
jà tri)
cent
200:
jà flî /filî
deux cents
300:
jà jaà / jaaga
trois cents
400:
jà si~ / siiJ~
quatre cents
500:
jà soù / soàhi
cinq cents
600:
jà syed~
six cents
700:
jà sttra vIi
sept cents
800:
jà sttraà
huit cents
900:
jà sttra si~
neuf cents
1000: kp'i uii
= mille x un = une fois mille =mille
"mille un"
On remarque que jà tri) "cent" est fait de ii "cent", et de t~"un" qui voit son schème
s'élever de B à MB par assimilation tonale.
4 0 Les milliers
La base !mi "mille" est multipliée par 2, 3,4, etc. sans multiplicateur.
1- 2Q se dit aussi j~.
. 220
1000: kpi tG)
mille
2000: kpi fli/fiÜf
deux mille
3000: kp'ijaa/jaagà
trois mille
4000: kp'i sU/siiJ~
quatre mille
5000: kp'i soù/soolû
cinq mille
6000: kp'i sy€d~
six mille
7000: kp'i sttràvlî
sept mille
8000: kp'i stinïà
huit mille
..
9000
1
1
. . .
: kpl sttraS1t;
neuf mille
5° L'expression des unités
de 10 à 19 : les unités sont exprimées à l'aide de ci qui signifie "plus", "et" et dont le It/
se voise en [dl à l'inteIVocatique :
Il :
fù da t~
dix et un
dix et un
12:
fù da flî
dix et deux
13 :
fù dajaà
dix et trois
14:
fù da sU;
dix et quatre
15:
fù da sou
dix et cinq
16:
fù da sy€d~
dix et six
17 :
fù da sttravlî
dix et sept
18 :
fù da sttraà
dix et huit
19:
fù da sttràsit
dix et neuf
de 20 à 99 : les unités sont exprimées à l'aide de wtlle qui veut dire "pierre", "grain" et
qui renvoie en fait à l'étalon de mesure, donc à l'unité:
.
21 :
j5t~
wtile
t(il
vingt et un
vingt
et unité
un
22 :
j5t~
witle:
ni
vingt deux
ete
31 :
fÙ-bà-jaa
witle tdl
trente et un
32 :
fù-ba-jaa
witle ni
trente deux
ete
221
41 :
fù-ba-s'i~
wttl€ tcil
quarante et un
42 :
fù-ba-s'i~
witl€ flî
quarante deux
ete.
91:
fù-ba-sitràsi~ wul€ tell
quatre vingt onze
92 :
fù-ba-sitnlsi~ witl€ fli
quatre vingt douze
99:
fù-bà-sttnlsU wul€
sitrà-s'i~
quatre vingt dix neuf
A partir de 100 : les dizaines et les centaines s'expriment sans connectif. mais les unités.
par rapport aux dizaines s'expriment par les opérateurs met mtk dont nous avons déjà expliqué
le fonctionnement :
•
-
1
(1) 118 :
jà u5
fù
ta
sttraa
cent x un
dix et
huit
(2) 121 :
jà u5
fù ba fli
wtil€ tcb
cent x un
dix fois deux
unité un
(3) 3256 : kpi
jaaga
jà
fli
fù bà sou
witl€
sy€d~
mille x trois
cent x deux
dix x cinq
unité
six
En (1) nous notons la dissimilation tonale déjà soulignée quant au schème de tri) ; en (2). une
assimilation tonale fait passer le schème de tri) de B à MH sous l'effet du schème MH-MH
précédent: nous avons wtilé tdl au lieu de *wul€ tri).
6 0 La cardinalisation par groupements
de 1 à 10 : les unités sont rédupliquées sans connectif; la consonne initiale sourde se
voise quand elle est à l'intervocatique :
(1)
fli
vIi
deux par deux
deux
deux
(2)
si~
zi~
quatre par quatre
quatre quatre
les dizaines : on réduplique le nombre s'il est simple; pour les nombres complexes.
seuls les multiplicateurs sont multipliés:
222
,
(1)
fù
vu
par groupes de dix
dix
dix
(2)
fù
ba
sOU
zou
par groupes de cinquante
dix
fois
cinq
cinq
les centaines et les milliers : ce sont les multiplicateurs qui sont rédupliqués sans
connecteurs :
.,
(1)
Ja
ni
vIi
par groupes de 200
cent
deux
deux
(2)
kp'i
sU
zU;
par groupes de 4000
mille
quatre quatre
entre 10 et 100 : seules les unités sont rédupliquées :
..
(1)
fù
ta
1
•
sou
zou
par groupes de 15
dix
et
cinq
cinq
(2)
fù
bà
sU
wulÊ
soledcil sytdcil
par groupes de 46
dix
fois
quatre unité
six
six
à partir de 100. en dehors des centaines et des milliers: selon la constitution du nombre,
on réduplique,
- soit les unités :
kp'i
tG)
jà
nî
fù
bà
soolû witlÈ
soù
zbiJ
pI'~œl256
mille x un
centxdeux
dix fois
cinq
unité
cinq cinq
- soit les dizaines
kp'i
l ,
tcf)
jà
flî
fù bà
sou
zôù
par groupes de 1250
mille x un
cent x deux
dix fois
cinq
cinq
7 0 Les opérations
La multiplication se fait à l'aide de l'opérateur pà-ba "fois" que nous avons vu, mais on
réduplique le nombre à multiplier. Nous avons l'exemple suivant:
223
fù
fù
,
• -
-
1
pa
Jaa ga
dix fois trois
dix
dix
fois
trois
Selon les règles de groupement que nous avons définies, nous avons également :
jà
fli
vlî
pà
jaa ga
deux cents fois trois
cent
deux deux
fois
trois
Quant à l'addition, la soustraction et la division, elles sont plutôt exprimées à l'aide de
véritables énoncés descriptifs.
L'addition correspond à une glose large du genre: "si tu prends 10 et que tu y ajoutes 2,
cela donne 12".
Pour la soustraction,on aura une glose du genre: "si tu as ~ et que tu en ôtes y, il reste
1:.".
La glose de la division aura l'allure suivante: "si tu as fi mangues et que tu les répartis
entre 12 personnes, chaque personne aura !.mangues".
A ce niveau, nous pensons que nous sommes au-delà de la notion de syntagme que nous
avons définie.
h) Le système ordinal
Le numéral "premier" (ler) a une fonne particulière: tede. Voici un exemple de son
emploi:
pl~
tëde (zô)
chien
premier
- ) le premier chien
A partir du "deuxième" inclus, le syntagme numéral ordinal a la structure suivante:
Nominal + Cardinal + sô zô
224
L'unité met sa variante z.a. signifie "propriétaire" ; c'est le substitut du nominal au compte
duquel se fait la numération ordinale et qui apparaît en tête de syntagme; sa est facultatif pour
l'ordinal 1er. Nous donnons ci-dessous quelques exemples de la numération ordinale:
1
(1)
k:5
flî
zci
maison
deux
Substitut
la deuxième maison
.
.
(2)
k5
jii
zci
maison
trois
Sub.
la troisième maison
(3)
k~
sif
za
maison
quatre
Sub
la quatrième maison
1
1
(4)
k5
soû
zci
maison
cinq
Sub.
la cinquième maison
1
(5)
fu
•
k5
za
maison
dix
Sub.
la dixième maison
Nous notons en (1), (2), (4) et (5) une assimilation tonale progressive du schème B de za par
rapport aux schèmes qui le précèdent. En particulier en (2), il se produit une propagation tonale
à partir des schèmes initiaux jaa et zâ.
Parmi tous les numéraux, seul "premier" peut être modifié par un adverbe. Ainsi nous
avons:
,a
tËdË
bàa
substitut nominal
premier
net
-) le tout premier
Enfin, il faut souligner que la numération ordinale, théoriquement possible à tous les
niveaux du nombre, donne des syntagmes peu usités dès que l'on passe la centaine.
111.1.7.3. LES SYNTAGMES ADVERBIAUX
La structure principale est la suivante :
Adverbe + Adverbe
225
Nous en donnons deux illustrations:
(1)
kogo
kpa
près
bien
- ) tout près
,
(2)
kabli
pL
loin
tellement
- ) tellement loin, très loin
111.1.7.4. LES SYNTAGMES PREPOSmONNELS
La structure principale est la suivante:
Nominal + Préposition
En voici deux exemples :
(1)
6wî
Ji7*ji
<
6wî
+
c'i
savane
dans
savane dans =dans la savane
(2)
6wî
dâ
<
6wî
+
dâ
savane
sur
savane sur = en savane
Nous pouvons noter en (1) le voisement de la palatale sourde c en [j] à l'intervocatique dans le
mot phonologique /Ouî-c'il , ainsi que l'assimilation du schème B de c'i à H devant H.
111.1.7.5. L'ENONCE COMME SYNTAGME
L'énoncé peut être considéré comme un cas particulier de syntagme. Il peut être le siège
de changement de schèmes tonals, et ceci à plusieurs niveaux.
A- LE NIVEAU DE LA RELATION,' SUJET - OBJET
(1)
klu
+
fël
+
pa
- )
klu
fél
pa
tortue
champ
faire+ACC
la tortue a fait un champ
1
(2)
.. .!.
maa
+
mèda
+
61L -le-di
- )
môô mëda 6ll-l€ di
moi+NEG banane
manger+ACC-Sit NEG
je n'ai pas mangé de banane
226
B- LE NWEAU DE LA RELATION " VERBE - OBJETl
,
(3)
e
+
Cf
+
tô
- )
e ci td
il
poil
vendre+ACC
il a vendu des poils
c- LE NWEAUDE LA RELATION" NOMINAL - PRESENTATIF nt
,
(4)
Cf
+
n~
- )
ci
nf
poil
c'est
ce sont des poils
Nous avons pris ces énoncés pour montrer les modifications tonales, donc morphologiques au
niveau d'une structure plus grande que le morphème. Ces changements sont illustrés par
l'assimilation progressive que nous notons dans les séquences (1), (3) et (4), et par la
propagation tonale qui implique en (2) toute la séquence /mae5+m~da/. Comme nous l'avons
indiqué à plusieurs endroits, certains faits peuvent bloquer l'assimilation ou la propagation.
Nous avons par exemple vu que le présentatif d garde son schème MB s'il est précédé d'un ton
de forme assimilatrice mais qui est le résultat d'une première assimilation. Ainsi nous n'avons
pas:
*ci 6Iu nf,
mais
cl
6Iu
n~.
moi
soeur c'est
- ) c'est ma soeur
ID.I.S. LES FORMES PRONOMINALES COMPLEXES OU AMALGAMEES
111.1.8.1. LES PARADIGMES DES CATEGORIES FONCTIONNELLES
Les formes complexes se répartissent en quatre paradigmes morphophonologiques
selon les fonctions qu'elles assument et qui déterminent les unités avec lesquelles elles
fusionnent. Nous avons le cas de la fusion des pronoms sujets avec l'opérateur de négation ka ,
le cas de la fusion des pronoms sujets focalisés avec l'opérateur de focalisation 6E ; nous avons
le cas de la fusion des pronoms objets? 1 avec l'opérateur de localisation I€, le cas de la fusion
des pronoms déterminatifs avec l'opérateur de localisation Iè Nous présentons dans le tableau ci-
1- Nous appelons ~2 le bénéfactif, le détrimental, l'attributif par rapport à l'objet} dit "direct" ; nous
rappelons que l'opérateurde la négation est û......d1
227
dessous, quelques indications sur le sens de ces formes pronominales complexes avant que
nous n'abordions l'analyse des processus de fusion.
TABLEAU XXI : Les 4 paradigmes des formes pronominales complexes
~
SINGULIER
PLURIEL
Sujet
Objet1
Déter.
Sujet
Objet2
Déter.
1
II
III
N
1
II
ID
N
Sujet
Sujet
Objet1
Déter.
Sujet
Sujet
Objet2
Déter.
+ka
+6e
+lë
+lè
+kà
+6e
+lë
+lè
,
1ère
kUf:
ku€
kue
meià
m~~
m~fJm~ m~/m~~
kwa
jXl'S(Ilœ
kàa
'-
, -
, -
CEE
CEE
CEE
2ème
.. ,
.,
, ,
~,
~I
.1'
Jla
J1E
J1E
Jle
kaS.
-'
CEE
CEE
cee
3ème
._,
., -
,
, -
Jaa
JEE
jrt
jèé
waa
WEE
w\\ilé
wèé
Le paradigme 1 (sujet+opérateur de négation û.) correspond aux formes françaises "je
ne... pas, tu ne... pas, etc.", le paradigme II (sujet focalisé par W aux formes "c'est moi qui...,
c'est toi qui..., etc.", le paradigme III (objet2+ li) aux formes "à moi, à toi, etc.", enfin le
paradigme IV (déterminant+ ID aux possessifs "mon/ma/mes, ton/taltes, etc.
III.1.8.2. LES PROCESSUS DE L'AMALGAME PRONOMINAL
Pour comprendre l'analyse qui suit, on doit avoir constamment à l'esprit que l'amalgame
pronominal engendre un domaine morphophonologique homogène qui apparaît, de fait, comme
un lieu de relations particulières de gouvernement internuc1éaire, donc de rapports d'influence et
de conditionnement. Comme on peut le lire dans le Tableau XXI ci-dessus, l'amalgame a lieu ici
entre les pronoms et les marqueurs d'opérations monosyllabiques kà, .M.. le, lè ; ceux-ci en
réalité perdent leur consonne, c'est-à-dire, dans l'ordre, K, aet l, l'opération ne réunissant plus
228
alors que le pronom et le segment vocalique restant. En nous appuyant essentiellement sur des
schémas, nous nous proposons de rendre compte des différents processus d'amalgame
pronominal, dans l'ordre des paradigmes que nous avons définis.
La méthode d'analyse que nous adoptons est la suivante : nous donnons d'abord
l'identité d'une forme sous les espèces de ses constituants, puis, à l'aide d'un schéma, nous
présentons le processus sous-jacent qui l'a engendrée; vient ensuite l'explicitation de cette
représentation, que nous voulons très synthétique pour la limiter strictement à l'essentiel.
A- LE PARADIGME l " PRONOM SUJET + kti
a) 14 (orme rodq "je ne", vas"
Cette forme est issue de roda "moi"+ kà. c'est à dire de ka, marqueur de négation, et de
roda, forme tonique de la 1ère personne du singulier.
Schéma 34:
(1)
N+
1
AR
1
1
RD
1
->
1
HT
~f-
_ A-
-- 1
--
Al
NI
A2
N2
- - -' A3
N3
,-
1
1
1
1
1
1
.... -
x
x
x
x-
x
x
1
/
1\\
1\\
1 /MEl
I,MW
1 ,Ml:V
lm
a
al
->
229
(II)
N+
1
1
1
1
1
ft-
~I
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1 \\
1
1\\
11MB! 1
1 /MHI
m
a
a
- ) [mac5]
Bien que nous ayons ici affaire à des segments identiques au plan de la substance, l'analyse qui
suit est à rapprocher de celle que nous avons faite au point ill.3.1.2., B-e), schémas (12) et (13),
relative à la genèse des formes iii "il te..." et miÎ "je te...".
La constitution d'un domaine morphophonologique mod-à (1) crée en N2 et N3 une
séquence de deux segments phonologiques adjacents; l'effet OCpl est évité par la projection en
N2 du segment gouverneur ~ en N3 ; la projection de ~ en N2 est en même temps une projection
en NI, puisque les segments ~ en NI et N2 appartiennent au même auto-segment A2; les
conditions tonales et de nasalité sont réunies pour que nous obtenions en (II) la forme mâci, avec
un segment vocalique phonologique unique, A.
1- OCP : Obligatory Contour Principle =Principe du Contour Obligatoire.
2- Nous exploitons ici une proposition du Pro Jean LOWENSTAMM : en effet, selon M. LOWENSTAMM, le
Principe du Contour Obligatoire (OCP), qui interdit l'adjacence de deux segments phonologiques identiques,
permet en même temps de comprendre qu'une propriété X affectant en squelette un segment B puisse affecter aussi
un segment A dans la mesure où A et B appartiennent au même auto- segment. (Références: Séminaires de 3ème
cycle de Phonologie, Pr. Jean LOWENSTAMM, 1990-91).
230
hl La (orme kwi "nous ne", Pas"
Cette forme est issue de k@ "nous" + ka.
Schéma 35:
(1)
AR
----u...: - - - -œ- - - - --
RD
_-11...-
_
- )
1
!
HT - - - - - A -
_I:.....-
A_
1"
!
1
NI
A2
N2
1
1
1
x
x
x
_-_x
1
---
1 \\
---
1 \\
_ - -
1 JVIBI--- ---
1
1 Mf
/k
(ûl)
al
- )
(II)
- - - - - u - - -
1
l A -
I
1
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1
1 /1\\
1
I/MBII /MW
k
w
a
- ) [kwâ]
Dans le domaine phonologique kGl+à créé, l'attaque A2 est vide, VI a le trait [+RD] et V2le trait
[-RD]. Les conditions que nous avons longuement décrites aux points II.3.1.2. et 11.3.2.2.
relatives à la stabilité segmentale sont réunies pour que nous ayons kw~.
231
cl La forme kài "nous ne", pas"
Cette fonne est issue de kàà "nous" + kâ.
Schéma 36 :
(1)
AR
RD
e
- )
HT
A-
_A-
~I
:f:-
__ ... - - A3
Al
NI
A2
N2
N3
...
1
1
1
1
1
1
x
x
x
x-
x
x
/~I\\
1\\
1
1
/BI
1 /B/
I.MW
/k
a
al
- )
(n)
A
~I
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1
/~I\\
1 /BI
/BI 1 /MHI
k
a
- ) (kài]
Les réalisations segmentales obéissent au même principe qu'au point a) ; du point de vue tonal,
nous assistons à une sorte de simplification tonale par la fusion des tonèmes B et MH sur la
deuxième occurrence de il, ce qui nous donne kài.
232
d) La forme kas "vous ne", pas"
Cette fonne est issue de ka + ka.
Schéma 37 :
(1)
AR
RD
e
- )
HT
A-
A-
I
...-..",-
1
___ --A;-
Al
NI
N2
1
1
1
1
x
x- --
x
x
1
/1
1\\
1
J.1B/1
1 MW
/k
a
al
- )
(II)
-------:::-.P-
~I
NI
A2
N2
1
1
1
x
x
x
x
1
/
~
1\\
IMBI
~ 1 /MHI
k
a
- ) [kaa]
Nous avons un amalgame simple: le segment gouverneur il en N2 s'allonge pour pennettre la
conservation de la première occurrence il en NI.
233
el La (orme aa "tu ne", Pas"
Elle est issue de 'i "tu" + ka.
Schéma 38 :
(1)
1
1
AR
~-----I-
1
1
RD
1
1
- )
1
1
HT
1
1
A -
I
1
1
1
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1 \\
1\\
1 MEl
I.MW
/
1
al
- )
(II)
I
1
~I
1
1
1
1
1
1
1
1
A-
I
1
1
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1
1 \\
1\\
1
11MB!
1 /MHI
j
i
a
-) fJîa]
La propagation de i en A 1 nous donne un yod, et nous avons la fonne jli.
234
f) 14 (orme jaS "il ne", Pas"
Elle est issue de ë "il" + kil..
Schéma 39 :
(1)
l
1
AR
~-----I-
1
1
RD
1
1
- )
1
1
HT
_ P -
1
A-
I
~
-
1
Al
NI
__ - - - -;\\2
N2
1
1
1
1
x
x -
x
x
1
1 \\
1\\
1
1 ME/
1 MW
lU]
(e)
a
/
- )
(II)
-1
1
1
1
1
P -
I
________ 1
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1
1\\
1\\
1
I/MB/
IMw
J
a
a
-) (jaa]
Le segment gouverneur a en N2 déloge ~ en NI en tant que tel en le destructurant; i récupéré en
Al devientl, et nous avons l'allongement de a qui nous donne jaa.
.
235
~) La forme wi' "ils ne", pas"
Elle est issue de ë "ils" + kà.
Schéma4Q :
(1)
(I}
1
AR - - - - I -
I
RD
1 - - - - - V-
- >
I
1
HT
1
A-
-----::-~P-
I
;j:-
I
~-_ ...
Al
NI
-~- A2
N2
1
1
---
1
x- - -
1
x
x
_- - x
1
I \\
1\\
1
1 /1t1B/.- - - --- - -
I.MW
/[w]
(0)
al
(II)
-V1
1
P -
I
~I
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1
1\\
1\\
1
11MB!
IMw
1
W
a
a
-> [waal
Le segment gouverneur non arrondi il en N2 déloge le segment Q en NI en le destructurant; le
segment],l récupéré par l'attaque la plus proche, c'est-à-dire Al, se réalise w. Notons que, comme
au pointf) précédent, l'élément ATR ne se réalise pas puisqu'il ne peut s'associer à A+ qui a lui
aussi un charme positif; nous obtenons donc waa.
236
B- LE PARADIGME Il .' PRONOM SUJET + 6é
al La forme mU "c'est moi qui","
Cette forme est issue de mÔd "moi"+ 6t, c'est-à-dire du marqueur de focalisation M. et
de la forme tonique de la première personne du singulier.
Schéma 41 :
(1)
N+
1
AR
1
I -
I
1
RD
1
1
->
1
1
HT
A-
.A-
-4=-
_--- - ::t=
Al
NI
A2
N2
_---Â]
N3
1
1
1
1
.-- --
1
1
x
x
x
x-
x
x
1
/~I\\
1\\
1 IMB/
1 MW
I.MW
lm
(a)
e/
->
(II)
N+
1
I-
I
1
1
~f-
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1
/~I\\
1IMB/
1 MW
m
e
-> [m€~]
Cette forme, du point de vue de sa genèse, est à rapprocher des points A- a) et c) ci-dessus. Le
segment ~ gouverneur déloge de N2, et donc de NI le segment .a ; le segment ~ occupant
désormais deux positions, sous influence de N+ se nasalise, et nous obtenons mÛ.
237
b) La forme kw' "c'est nous Qui","
Elle est issue de kc5 "nous" + 6e.
- - - - - . 1 -
1
1
- )
1
----'~---A-
1
N2
1
x
1\\
1 MW
el
- )
(TI)
I -
I
U
1
1
1
1
A-
I
1
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1
1
/ 1 \\
1
1/MB/IMw
.
k
w
e
- ) [kwe]
Les conditions des réalisations segmentales et tonales sont identiques à celles du point A - b) que
nous avons vues plus haut. Nous n'y reviendrons donc pas. Nous voudrions simplement
1
signaler un fait d'ordre dialectal et quelquefois idiolectal ; il arrive qu'à la place de kwe l'on
entende kü€ ; certains locuteurs émettent très franchement cette seconde forme. Pour tenter une
explication, nous pouvons dire que si la séquence kc5-€
est perçue comme un domaine
phonologique homogène, elle est nécessairement réalisée kw~ ; si elle n'est pas sentie comme
238
1
telle, alors les locuteurs s'orientent vers la forme m que les conditions d'articulation et
d'aperture rendent moins difficiles que *~. Nous avons d'ailleurs, au Chapitre n, constaté
l'absence de la séquence *Q:.& dans notre inventaire de séquences vocaliques licites.
c) La (orme cU "c'est nous 'luL, "
Elle est issue de kàà "nous" + Dg.
Schéma 43 :
(1)
AR
- - - - - - 1 -
1
RD
1
- )
1
HT -------.A_
-----~A-
1
~+
Al
NI
A2
N2
_----;{3
N3
,
1
1
1
1
_-
1
x
x
x
x-
x
x
---
,
1 \\
1\\
_-
--- --
1\\
,
'/BI
'BI- - - - ---
1 MW
- )
/k
(a)
(a)
el
(II)
1---------1-
,
1
,
,
,
,
,
A-
,-------,
Al
NI
A2
N2
,
,
,
,
x
x
x
x
,
, \\
1
/1\\
,
, /BI
BI' MW
k
e
e
- ) [c€€]
Le segment g déloge .il en N2 et NI, ce qui permet à sa composante i de se propager sur la
vélaire k en A l en la palatalisant en ~ ; nous obtenons ainsi c€€
, où la fusion du ton B et du ton
MH donne MB sur la seconde occurrence de g, soit g.
239
d) La (Qrme fié "c'est tQi Qui","
•
Elle est issue de l "tu" + 6è.
Schéma 44 :
(1)
1
AR
1------1_
I -
I
1
1
RD
1
1
1
- )
1
1
1
,
HT
A-
~
1
1
1
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1 \\
1\\
1 ME/
1 ,MW
1
1
El
- )
(II)
l
1
-1
I -
I
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
A-
I
1
1
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1\\
1\\
1 IMB/
IMw
j
i
E
- ) lJîÉ]
La genèse de jli est simple; la constitution du domaine phonologique l+e déclenche la
propagation de i en A1 et nous avons un ycx:l.
·
240
e' La forme fié "c'est vous 'lui","
Elle est issue de ka "VOUS"+ 6Ê.
Schéma 45
(1)
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
1
AR
- - - - - - - -
I -
I
1
RD
1
œ
1
- >
1
1
1
HT
!
A-
P -
I
1
1
Al
~ __ --Â;
NI
N2
1
1
1
1
x
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x
x
1
1 \\
1 \\
1
1 ME/
1 Mlf
/k
(a)
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- >
(II)
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1
1
1
1
1
1
1
1
1
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I
I~I
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1
1\\
1\\
1
I/MB/
IMw
k
€
€
- > [CËE]
Le segment ~ déloge .a en NI; la composante i de ~ palatalise k et nous avons CËE,
241
oLa forme ;èE "c'est lui 'lui !II"
Elle est issue de ë "il" + 6Ë.
Schéma 46 :
(1)
(I)
AR
1------1_
I -
I
1
1
RD
1
1
1
- )
1
1
1
HT
1
A-
P-
I
1
_...
-__.-. ...... 1
Al
NI
-- -"'1\\2
N2
-
1
1
...
1
1
x
x--
x
x
1
1 \\
1\\
1
1 ME/
1 Ma'
/[j]
(e)
El
- )
(II)
-1
I -
I
1
1
1
1
1
1
P-
I
~I
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1\\
1\\
1 IMB/
IMW
J
E
E
- ) UËE]
- ) UÈË]
a)
b)
Au plan segmental, le segment gouverneur ~ en N2 déloge sr. en NI, i est récupéré en Al sous la
forme de 1; quant au schème final, le schème tonal attendu est MB - MH en a) ; mais il se
produit un abaissement d'un niveau tonal, et nous obtenons le schème B - MB, c'est-à-dire i.ê..:i.
Nous nous sommes longtemps interrogé sur les raisons de ce décalage de schème tonal. Nous
242
pensons que cet abaissement de schème permet en yaouré de marquer la différence entre la
focalisation du sujet jè€ et la focalisation de l'objet j€€
. La focalisation de l'objet part des
mêmes fonnes
ë "il" + 6€
Mais à la différence du cas que nous analysons, le marqueur M. est ici à la fois un anaphorique
de l'objet et un focalisateur de cet objet; il ne porte donc nullement sur le sujet ~ ; la forme
amalgamée résultante est~, dans un énoncé où l'objet est la reprise d'un terme thématisé:
kèè
6€
e
6€
61iI
maïs
THMil
?_bjet+FOC
manger+ACC -> quant au maïs, il l'a mangé
J€€
En d'autres termes, "le maïs, lui, a été mangé par ~ , c'est autre chose qu'il n'a peut-être pas
mangé". Donc 6€ reprend et focalise un objet thématisé2 , et c'est l'amalgame de ce 6€ avec le
pronom sujet non focalisé ~ qui donne jËÊ ; le schème tonal MB-MH correspond à un objet
focalisé Gëe) et le schème B-MB à un sujet focalisé G€€).
1- FOC : abréviation pour "Focalisation".
TIIM : abréviation pour "Thématisation".
2- Nous reviendrons pl us longuement sur les opérations de thématisation et de focalisation au Chapitre IV.
243
~, La fOrme wèë Ilce sont eux Qui", Il
Elle est issue de ë + 6Ê.
Schéma 47 :
(1)
(I)
1
AR
I -
I -
- - - - - - 1
1
RD
1
V-
I
- )
1
1
1
HT
1
A-
A--
1
1
-_,,.,,-' 1
Al
--
NI
,. ,--- 1\\.2
N2
--
1
1
1
,- ---
x
x
--
x
x
1
1 \\
1\\
1
1 MEl
1 Mff
/[w]
(0)
~/
- )
Le segment ~ , gouverneur, déloge Q en NI; le segment!! récupéré en A l se réalise [w] et nous
obtenons wÈË, Ici également, comme au point g) ci-dessus, nous avons un abaissement de
schème tonal, et pour les mêmes raisons; en effet, la séquence a) correspondrait à un objet
focalisé alors que la séquence b) traduit un sujet focalisé, les deux formes étant toutes les deux
issues de Q "il" + 6È, avec deux statuts différents pour 6i:,
244
c- LE PARADIGME III "PRONOM OBJET + If;
al La (orme mSS "à moi"
Elle est issue de m50+ li;, c'est-à-dire de "moi" et du marqueur de localisation lË
(renvoyant au bénéfactif, au détrimental, ete,),
Schéma 48 :
(1)
N+
1
AR
- - - - - , 1 -
1
RD
1
- )
1
HT - - - - - - A - -
-----_~-A-
1
1
A2
N2
N
1
1
---
1
x
x
x
x- -- --
x
1
1\\
\\""
1\\
1
1MBI
/MBI"'"
lM»'
- )
lm
(0)/
(II)
N+
1
- - - - - - - 1 -
1
1
1
- - - - - - = . A -
N~~
A
1
1
1
1
x
x,
x
x
I~'"
1
... 11\\
1/MBI
/Mf:V 1 /MBI
m
€
- ) [mi:i:]
La genèse de la forme mH est à rapprocher de celle de mÔd en A- a), et de mft en B- a) ; mais
ici, le schème tonal final est élevé à MH-MH par le ton MH initial de la seconde syllabe du
pronom môd "moi".
245
bl La (orme kwé "à nous"
Elle est issue de ~lË, c'est-à-dire de li et de nous "objet".
Schéma 49 :
(1)
AR
1 -
- - - -
1
RD
u-
œ
1
1
- )
1
1
1
HT
A-
I
1>-
1
1
"'"
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1
1 \\
1\\
1
IMw
1
1 MB/
Ik
(Gl)
[w]
el
- )
(TI)
I -
I
U
1
1
1
l>-
I
1
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1
/ 1 \\
IWVIMB/
k
w
e
- ) [kWE]
Cette dérivation est pratiquement identique à celle que nous avons vue en B- b) pour kWË' . Le
ton MB du marqueur li est élevé à MH par le ton MH du pronom objet k@. Il faut noter par
ailleurs que, comme nous l'avons vu pour kWË', des locuteurs utilisent la forme ku~ "à nous" à la
place de kw~. Dans ce cas, par rapport au schéma ci- dessus, il ne se crée pas de véritable
domaine phonologique; y. reste en position NI puisqu'il n'est pas de stabilisé ; il se réalise.y'
dans kue pour les raisons que nous avons suggérées au point B-b).
246
ç) La forme cU "4 nous"
Elle est issue de kàà "nous" + If:.
Schéma 50 :
(1)
AR
I -
I
RD
1
- )
1
HT
/ > -
;;A.-
1
__ ----Â3
1
Al
NI
A2
N2
N3
1
1
1
1
1
1
x
x
x
x~-
x
x
1
1\\
1\\
1\\
1
1 lB!
1i3/
1 MEl
/k
(a)
(a)
El
- )
(II)
1---------1-
1
1
1
1
1
1
1
ft-
1
1
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1
1 \\
/1\\
1
1
i31
,BI 1 MEl
k
E
- ) [d:Ë]
Le processus est identique à celui de la forme cÈË "c'est nous qui" en B- c). Ici nous n'avons pas
une fusion tonale mais un rehaussement du ton initial B de il en N2 à MB.
247
d) La forme /le "4 toi"
•
Elle est issue de i "toi =objet" + lË.
Schéma 51 :
(1)
1
AR
~-----I-
I -
I
1
1
RD
1
1
1
- )
1
1
1
HT
1
A-
A -
I
1
1
A
N
A
N
1
1
1
1
x
x
x
__x
1
1 \\
--- ---
1\\
---
---
1 JvfiV---
1
1 MBI
/[j]
1
El
- )
(II)
l
1
-1
1
I -
I
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
A-
I
1
1
Al
N1
A2
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1\\
.-
, '" 1\\
.-
.-
IMW
1 MEl
j
E
- ) [jiE]
Le processus est identique à celui de la forme J1i au point B- d). Cependant, le schème tonal MH
du pronom i rehausse à MH celui du marqueur lË.
248
,)La forme C#"4 vous"
Elle est issue de ka "vous =objet" + lë.
Schéma 52 :
(1)
AR [---------=====-----------1
1
1
1
RD
1
œ
1
1
- )
1
1
1
HT
1
A-
> A--
t
_-
1
1
Al
NI
_------A2
N2
1
1
1
1
x
x-
x
__ x
1
1 \\
_ - - - - - - - - - - -
1 \\
1
1 /MFI--- -
1 J.,1BI
/k
(a)
El
- )
(TI)
-1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
A--
1
1
1
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1
1\\
1\\
1
IJ&V
IJ.,1BI
k
E
E
- ) [cH]
La genèse de ceE est identique à celle de CËE au point B- eJ. Cependant, ici, on assiste à un
rehaussement du ton initial du marqueur li par le schème MH du pronom.
oLa forme ire "4 lui"
•
Elle est issue de à "lui =objet" + lë. Pour la dérivation de la fonne id, on se reportera
au schéma (25) du point 11.5.2.2.
249
~) La forme will, "à eux"
Elle est issue de ë "eux =obiet" + lè. La genèse de la forme wtil€ est décrite au point
n.5.2.2A- schéma (26).
Pour les schèmes tonals de wtil€ et jrt , nous pensons que nous avons, dans les deux
cas, un processus de dissimilation tonale, puisque nous passons respectivement de MB-MB à
BH, et de B-MB à BR.
D- LE PARAGDIME N " PRONOM DETERMINANT + If:
a) La forme mM "monlmalmes"
Elle est issue de môO+ lè ,c'est-à-dire de "moi" et de la particule locative lè .
Schéma 53 :
(1)
N+
1
1
1
AR
1
I -
I
1
RD
1
1
- )
1
1
HT
A - -
_A-
~I
-- 1
--
Al
NI
A2
N2
- --
A3
N3
1
1
1
1
1
1
x
x
x
x--
x
x
1
/~I\\
1\\
1 IMB/
IMW
1 13/
/m
(0)
el
- )
250
(II)
N+
1
- - - - - - - 1 -
1
1
1
------""'""',A-
.------1
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1
/ ~."'"
/ 1 \\
I/MBI
I/BI
m
E
- ) [mH]
Le processus est pratiquement identique à celui de la forme m.ti "à moi" que nous avons vue au
point C- a). La différence réside dans le fait qu'ici nous avons, au départ, un segment gouverneur
[+ATR], t, qui perd son trait [+ATR] au cours de la transfonnation ; par ailleurs, l'assimilation
du ton de la particule locative se fait de B à MH.
b) La forme kwé "notre.nos"
Elle est issue de kàl "nous" + lè.
Schéma 54 :
(1)
i
1
AR
I -
- - - -
1
RD
D-
e
1
1
- )
1
1
1
HT
A-
I
A -
....
1
1
A
N
A
N
1
1
1
1
x
x
x
_x
- --
1
1 \\
_-----t--
1\\
1 Ma'-----
1
1
1
i3/
/k
(Gl)
[w]
El
- )
251
La genèse de m est identique à celle de la forme m "à nous" que nous avons vue au point
c- b), la différence réside dans le fait que le segment gouverneur i est [+ATR] et conserve ce
trait au cours du processus ; en outre, le schème tonal de la particule lè est assimilé à MH à
partir de B. Enfin, comme nous l'avons dit pour kwë' "c'est nous qui..." et m "à nous", le
possessif m. "notre/nous" a une variante, ili ,qui est, sinon plus, du moins autant utilisée que
la forme la plus licite.
cl lA forme cèe "notrelnos"
Elle est issue de kàà "nous" + lè.
Schéma 55 :
(1)
l
1
AR - - - - - - 1 -
- - - - - 1 -
1
1
RD
1
1
- )
1
1
HT - - - - - - A - - - -
- - - - --
- J . -
1
- -A-
A
N~~
---
N
1
1
1
1
1
1
x
x
x
x-
x
x
1
/
1\\
1J3I
1 /B!
" "" " 1\\
1
131
- )
/k
al
e
252
(II)
1
1
I -
I
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
ft-
1
1
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1
/
I/BI ~I\\
1J3/
k
e
- ) cèè - ) [cèë] - ) cèë
a)
b)
c)
La genèse de œ est à rapprocher de celle de œ "à nous" que nous avons vue au point C- c).
Mais ici, dans le cas de "notre/nos", le schème généré est d'abord BB, c'est-à-dire œ (a), et c'est
par une dissimilation tonale que nous obtenons œ "notre/nos" (b). En outre, ce possessif a une
variante où le segment gouverneur, c'est-à-dire la voyelle de la particule ~, ne perd pas son trait
[+ATR] au cours de l'amalgame; il s'agit de la forme '"- (c), qui est plutôt une variante
individuelle que dialectale.
d) Lg. (orme iie "ton/taltes"
•
Elle est issue de i "toi" + lè.
Schéma 56 :
(1)
l
l
1
1
1------1_
1
AR
1
1
1
1
RD
- )
1
1
1
HT
1
1
A
N
1
1
... -
x
x---
x
x
1
1 \\
1\\
1
1 t&f
1 !dl
/[j]
e/
- )
253
(n)
I
/1
-1
ZZ
I -
1
I
1
1
1
1
1
1
1
1
1
A-
1
I
1
A
N A N
1
1
1
1
x
x
x
x
1
1\\
",'1\\
1
1MW,"
1 J3I
j
i
e
- ) [jie]
Le processus que nous observons ici est à rapprocher de celui de la fonne iii "à toi" que nous
avons vue au point C- d). Mais ici, nous avons un segment gouverneur de trait [+ATR], c'est-à-
dire ~, dont le ton B est assimilé à MH par celui du pronom déterminant i.
e) La (orme céé "votre/vos"
Elle est issue de kà "vous" + lè. Pour la genèse de la fonne amalgamée cee "votre/vos",
on se reportera au point n.5.2.2.C-, schéma (27).
oLa (orme ;èé "son/sa/ses"
Elle est issue de à "lui" + lè.
Schéma 57 :
(1)
____ -----------------II
r-----F------------------
AR
1
1
1
- - - - - -
1
1
1
RD
œ
1
- )
1
1
1
HT
1
A-
.A-
1
1
1
A
N
_---Â
N
1
1
1
1
x
x-
x
x
I \\
1\\
1
13/
1 13/
/[j]
(a)
e/
- )
254
(n)
/ f
- 1
z
1 -
:7
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
f t _
1
I~I
A
N A N
1
1
1
1
x
x
x
x
1\\
1\\
IJ!,!
1
J!,!
J
e
e
- )
jèè - ) [jèé]
a)
b)
A la différence de la fonne i!i. "à lui" à laquelle on aurait pu la comparer. la fonne jèé
"son/sa/ses" ne conserve pas le segment intervocalique N ; mais on aboutit à un schème tonal
BB qui. comme dans le cas de jre, nécessite une dissimilation tonale en BH. d'où jèé.
~j La forme wèé "leur/leurs"
Elle est issue de ë "eux" + lè.
Schéma 58:
(1)
i
i
1
1
AR
1-
- - - - - 1 -
1
------ 1
1
RD
1
- )
V-
I
1
1
HT
1
A-
----."....~ft-
I
1
1
Al
NI
N2
1
1
1
x
x-
x
x
I
1 \\
1\\
1
1ME/
1
13/
- )
/[w]
(0)
el
.
255
(n)
1
1
-------.1-
1
-u
1
1
1
1
P -
I
~I
Al
NI
A2
N2
1
1
1
1
x
x
x
x
1
/ ~
1\\
1 MBI
~I 131
w
e
- ) wëè - ) [wèé]
a)
b)
Le segment gouverneur ~ en N2 s'allonge en délogeant Q en NI ; .Y. récupéré en Al se
consonantise en w ; quant au schème tonal ïmal, on obtient MB-B (a), qui subit une
dissimilation en BH, c'est-à-dire wèé (b).
Avec la dérivation de wèé prend fin ici la description des amalgames pronominaux.
Nous aimerions cependant, par rapport aux données de départ de ces processus, revenir
brièvement sur la question du choix des fonnes de pronom.
Chaque pronom a en effet une fonne non tonique et une forme tonique, la seconde seule
pouvant constituer une réponse à la question classique:
tL
n~
qui
Préd
- ) qui c'est?
c'est-à-dire "qui-est-ce ?". Les deux catégories pronominales apparaissent dans le Tableau ci-
dessous.
256
TABLEAU XXII : Les deux formes pronominales
Formes non toniques
Formes toniques
t:>: Singulier Pluriel Singulier Pluriel
Personne
1ère personne
6
kàà
m60
kàà
2ème personne
î
ka
6ii
kaà
3ème personne
ë
ô
?
ô
A l'exception de la 3ème personne du singulier, tous les pronoms ont donc deux formes.
Etant donné qu'il existe ces deux catégories, on pourrait se demander pourquoi, à
l'exception de la 1ère personne du singulier, nous avons, presque toujours, systématiquement
pris la catégorie non tonique du pronom comme base des processus d'amalgame, surtout que les
deux catégories, même si elles ne coïncident pas, sont souvent morphologiquement semblables.
Nous avons été guidé par les faits. En effet, nous nous sommes rendu compte que pour les
pronoms qui ont effectivement deux formes amalgamées, c'est celle construite à partir de la
variante non tonique du pronom qui est pratiquement la seule utilisée, l'autre, quand elle existe,
apparaissant comme très marquée. Ainsi, alors que iii "tu ne... pas" est considérée et fonctionne
comme la forme normale dans une négation à la 2ème personne du singulier, 6ia "tu ne... pas"
résonne véritablement comme une variante individuelle, idiolectale. Le choix, par la langue, de la
variante non tonique du pronom nous apparaît d'autant plus vraisemblable que, pour cette
deuxième personne i"tu" que nous citons en exemple, elle va jusqu'à lui créer une attaque j ; ceci
garantit le statut d'unité autonome de la forme amalgamée correspondante, alors qu'il suffirait au
yaouré de se rabattre sur 6'11 qui a une attaque pleine au départ.
Ces observations nous amènent à nous poser une deuxième question liée à la première:
pourquoi alors, dans le cas de la première personne du singulier, le choix a-t-il porté sur la
forme tonique mc5d "moi" ? La réponse nous paraît simple. Pour ce qui est des pronoms autres
257
que la 1ère personne du singulier, nous avons pu noter que, ou bien leurs fonnes non toniques
ont une attaque pleine, ou bien, quand elles l'ont vide, les segments vocaliques qui les
représentent contiennent dans leur structure interne, soir 1°, soit uo, c'est-à-dire des éléments
susceptibles de se libérer ou d'être libérés en cours de processus pour une consonantisation. Or,
~,pour la 1ère personne non tonique 4 "je", ne comporte aucun élément consonantisable. La
langue a donc choisi de se tourner vers m, c'est-à-dire un segment qui, tout en étant une
consonne, remplit aussi les conditions de nasalité. Nous nous souvenons d'avoir identifié m
comme le seul phonème nasal du yaouré. Devant la fonction structurelle centrale que joue ici m,
nous en venons à nous demander s'il ne serait pas plus juste de le considérer comme un
phénomène original du yaouré que comme l'issue possible d'un processus diachronique de
phonologisation, ainsi que pourrait le laisser croire notre conclusion, au Chapitre II, sur le
problème de la nasalité.
Une autre idée que nous avons défendue dans cette Section est que, au cours de
l'amalgame, ce sont les voyelles des pronoms qui se trouvent déstabilisées par celles des
marqueurs d'opérations Ki, §i, It, li. Nous pourrions dire que cela correspond en effet à l'ordre
du gouvernement trans-constituant dont la directionalité est de droite à gauche. Mais ceci ne
serait pas un argument suffisant En observant les faits, on s'aperçoit que c'est bien dans ce sens
que s'opèrent les changements. Dans la fonne 6ia. variante tonique de iii "tu ne... pas", la
voyelle .il. de Ki a délogé la seconde occurrence de i dans mi "toi". De même, dans la fonne
amalgamée mll (issue de môa "moi" + i "toi = objet") que nous avons analysée au point
II.5.1.2.B-, schéma (22), ce sont bien les deux voyelles AQ de môd qui se trouvent délogées par i.
Enfin, une dernière question qu'on peut se poser est celle-ci: ces transfonnations ont-
elles une quelconque justification de type détenniniste ? Nous pensons que certaines d'entre
elles, ainsi que nous l'avons longuement montré au Chapitre II lors de l'analyse des phénomènes
combinatoires, sont tout à fait interprétables dans le cadre des rapports de contraintes et de
conditionnement entre voyelles VI et voyelles V2 en dissyllabes. TI y a aussi qu'un phénomène
de rupture comme la chute ou l'effacement intervienne comme la solution d'un conflit créé par un
258
qu'un phénomène de rupture comme la chute ou l'effacement intervienne comme la solution d'un
conflit créé par un gouvernement de fait qui ne s'appuie pas sur un rapport de gouvernement par
nature: c'est le cas de A et i dans mciO+i ci- dessus. Mais il faut souligner que d'autres
transformations se produisent alors que, au départ, nous avons affaire à des séquences
vocaliques apparemment licites. Ici encore, on voit que les choses ne sont pas si simples.
Cependant,
bien que
les amalgames pronominaux constituent des
processus
morphophonologiques complexes, on peut soutenir qu'ils obéissent à des principes assez
réguliers dont nous pensons avoir identifié quelques aspects. Par ailleurs, les processus
constatés ici ne sont pas, tout au moins dans leurs effets, fondamentalement différents de ceux
des dérivés, des composés, voire des transformations aspectuo-modales ; dans ces cas, nous
avons aussi affaire à des amalgames, même s'ils sont d'un autre genre.
Avec l'analyse des formes pronominales amalgamées s'achève l'identification des unités
simples qui, à un degré ou à un autre, donnent un contenu à cet objet construit que nous avons
appelé constituant syntaxique. Dans le cadre de cet inventaire morphologique auquel nous
procédons, il nous reste à examiner l'incidence des opérations effectuées par l'énonciateur sur les
entités ainsi définies et sur leurs rapports en prédication. Nous commencerons par un exemple
d'opération sur le constituant nominal avant d'aborder ensuite les opérations sur le constituant
verbal et la relation prédicative tout entière.
M2.1A OlJANTJOCATIlNNOMlNALEEfI ,fflPBOCESSUSMORftIOLOGDW
Nous nous proposons d'examiner l'incidence de la catégorie du nombre sur les
nominaux à l'exclusion des unités qui, comme le pronom, ont leur nombre déterminé par l'acte
d'énonciation, ou qui, comme le nom propre, sont définis de ce point de vue par un processus
circulaire. Nous considérerons d'un côté les bases radicales et les composés, et de l'autre les
dérivés, qui ont un comportement particulier.
259
m.2.1. LES BASES LEXEMATIQUES, LES COMPOSES ET LE NOMBRE
Au Chapitre V, nous reviendrons plus longuement sur les catégories nominales. Pour
illustrer le présent propos, nous nous en tiendrons pour l'instant à la catégorie du discontinu,
c'est- à-dire celle qui renvoie à une réalité perçue comme un ensemble d'unités ou d'éléments
discrets. Dans un tel cas, le singulier en yaouré se formera toujours à l'aide du morphème zéro
(0) , et le pluriel par l'adjonction, à la base ou au composé, du morphème ~ de ton MB. Si N est
un nominal, nous aurons donc
Singulier: N + flJ
- )
N
Pluriel: N + nO
- )
N nO l
Pour prendre un exemple concret, le pluriel de la base lrl "animal" et du composé mi-do "grand
homme" se réalise de la façon suivante:
singulier:
Wl "animal"
mi-do "grand homme"
pluriel:
Wl nt1 "(les) animaux
mi-do nO "(les) grands hommes"
Nous situant dans le cadre de la morphologie des bases et des composés, nous avons vu que si
nous prenons un morphème comme.n..Q.nM "gamin"2 , son pluriel aura la forme suivante:
singulier
pluriel
nonôô
- )
*nonoô nO
- )
nonoo nd
Alors que le schème de J1Y reste inchangé devant IBI comme cela apparaît plus haut dans wl nû ,
ici, devant /HI, il passe à /HI. C'est le seul type de changement que nous puissions noter dans la
pluralisation.
1- Bien évidemment, on tiendra compte du schème tonal réel de ce morphème dans une séquence concrète.
2- A propos de l'unité nAnM.. nous pensons qu'il s'agit d'un composé, mais nous ne disposons d'aucun repère
pour en isoler les composantes.
260
llL2.2. LES DERIVES NOMINAUX ET LA CATEGORIE DU NOMBRE
n convient de souligner tout de suite qu'aucune des séquences ci-dessous n'est possible:
*Base Verbale + dl. + na
- )
*sm-dï.-nO "les faits de sauter"
*Base Adjectivale + 0'+ na
- )
*kpa-nO "les bontés"
*Base Adverbiale + 0' + na
- )
*tra-nO "les bas"
*Base prépositionnelle + 0'+ na
- )
*wlu-nO "les dessous"
Comme nous le verrons dans le Chapitre sur la détennination, les nominaux sont liés à
des catégories dont les comportements ne coïncident pas toujours, loin s'en faut. La référence de
la nominalisation à base verbale n'est pas, en yaouré de l'ordre de l'individuable, du discrétisable ;
elle est plutôt du domaine du qualitatif, et cela est incompatible avec une pluralisation qui repose
sur les propriétés du discontinu. L'adjectif substantivé conserve la valeur qualitative de la base
adjectivale et ne se situe donc pas au plan du discret. L'adverbe et la préposition ont des
références topologiques d'ordre notionnel et, de ce point de vue, sont aussi de l'ordre du
qualitatif. Au total, on comprend donc que, renvoyant à du qualitatif soumis à un principe de
fonctionnement du tout ou rien, les dérivés nominaux ne puissent être compatibles en yaouré
avec la pluralisation conçue comme une évaluation quantitative.
Quant à la catégorie du nombre en tant que telle, nous pouvons retenir qu'elle n'implique
aucun changement au niveau des unités sur lesquelles elle porte, qu'il s'agisse des bases
radicales ou des dérivés. Elle peut plutôt conduire à un rehaussement du schème tonal du
morphème na dans la séquence qu'elle engendre. Dans les Sections qui suivent, nous nous
intéresserons aux opérations aspectuo-modales, particulièrement à leurs incidences formelles sur
la catégorie verbale. Nous commencerons par l'aspect verbal.
261
m.3. L'ASPECT VERBAL ET LES PROCESSUS MORPHOLOGIQUES
Dans un sens tout à fait traditionnel, nous appellerons pour l'instant "aspect"} l'angle
sous lequel le locuteur appréhende le déroulement d'un procès donné. L'aspect nous intéresse ici
dans la mesure où son expression repose sur des processus qui entraînent souvent des
variations morphologiques des bases verbales et/ou de tout ce qui participe du groupe verbal.
Nous examinerons donc successivement, et d'un point de vue essentiellement morphologique,
c'est-à-dire des marques formelles, l'accompli, l'aoriste, l'inaccompli, le statif et le passé
immédiat. Nous considérerons tour à tour les bases verbales, les dérivés verbaux et les
composés verbaux.
I1L3.!. L'ASPECT ACCOMPLI
L'accompli, c'est l'aspect d'un procès considéré comme achevé. La réalisation
morphologique de l'accompli varie en fonction de la structure syllabique et du schème tonal de la
base verbale ou du dérivé verbal, le comportement du composé verbal se déduisant directement
de celui des deux premiers.
ill.3.l.l. LES BASES VERBALES ET L'ACCOMPLI2
A- LES BASES MONQSYUABIOUES cy
Deux cas sont à considérer ici.
}- Nous voudrions ici donner une précision importante. Dans ce Chapitre, qui n'est destiné qu'a dégrossir les
phénomènes à décrire, nous emploierons volontairement un certain nombre de termes dans leur acception
traditionnelle. C'est sous cet angle qu'il faut comprendre ici notre usage des termes ~. adjectif, adverbe,
préposition,~, accompli, inaccompli,~, proKTessif, .wuif, modalité, futur proche/immédiat, ~
immédiat, pour ne citer que ceux-là. Dans les Chapitres consacrés à l'analyse des processus de référenciation
énonciatifs, nous reviendrons le cas échéant sur ces termes et les concepts qu'ils sont censés recouvrir, afin
d'opérer les ajustements qui s'imposeraient
2- Pour la suite, nous adoptons les abréviations suivantes :
- ACC : "accompli"
- AOR : "aoriste"
- INAC : "inaccompli"
- STAT: "statif'
- PIM : "passé immédiat".
262
a) Monosyllabes à tonèmes MN et B
Partons des exemples suivants :
(1)
là
- )
e
tà
venir
il
venir+ACC - ) il est venu
,
,
(2)
sm
- )
e
sm
sauter
il
sauter+ACC - ) il a sauté
r
.
1
WL
- )
e
w'L-L
parler
il
parler+ACC - ) il a parlé
1
(3) i .1
e
• -
1
Je
- )
Je-e
l casser
il
casser+ACC - ) ça c'est cassé
On constate une modification morphologique au niveau de certaines bases de schème MH. De
façon générale. si la base a un tonème B. celui-ci ne subit aucun changement à l'accompli (1) ; si
elle a un tonème MH. deux voies sont possibles: soit le schème initial ne subit aucun
changement à l'accompli (2). soit on assiste à une réduplication de la voyelle. la première
occurrence prenant le ton MB et la seconde le ton MH initial de la base (3).
b) Monosyllabes à tonème MB
Prenons l'exemple suivant:
.,
jL
- )
e
ml~
JL
voir
il
serpent
voir+ACC - ) il a vu un serpent
Si la base a un tonème MB. nous obtenons plutôt un tonème MH à l'accompli.
B- LEs DISSYlLABES CW ETCVLV
Partons des exemples suivants :
(1)
jaa
-)
e
jaà
faire mal
cela
faire mal+ACC - ) ça a fait mal
263
,
(2)
j:H
ë
• -
1
- )
a
J:>:>
(se) cacher
il
le
cacher+ACC - ) il l'a caché
,
(3)
n:5
- )
ë
a
n~
(se) serrer
il
le
serrer+ACC - ) il l'a serré
,
1
(4)
1d3
- )
ë
a
Id:>
mâcher
il
le
mâcher+ACC - ) il l'a mâché
L'accompli s'effectue par le changement des schèmes tonals qui passent tous à MB-Mlf.
On peut retenir que l'accompli se réalise par un changement du schème tonal de la base
en fonction de la structure syllabique; les règles ci-dessous résument le comportement des
bases àl'accompli :
r /B/
- ) [B]
CYV et CCY>LV : 'f;j schème tonal-) [MB-MH] 1
/MH/ 1
~ -) [MH]
1IMB/ J
On notera simplement qu'au niveau des CV, certaines bases de schème MH subissent une
réduplication vocalique,
,
-
1
/CV/-) [CV - V].
ill.3.1.2. LES DERIVES VERBAUX ET L'ACCOMPLI
A- LES DERIVES PAR SUFFIXAVON DE -w
a) Les structures Cv - 14
Prenons les exemples ci-dessous :
1· Symbole 'V: "quel que soit".
264
(1)
plà
- )
ë
pla
poser
il
poser+ACC - ) c'est posé
(2)
fv-Ià
- )
ë
fv-Ià
tomber
cela
tomber+ACC - ) c'est tombé
(3)
6v-Ia
- )
ë
6v-Iâ
sortir
il
sortir+ACC - ) il est sorti
A l'accompli, le changement est uniquement tonal: il n'affecte que le schème MB - MH qui
devient MH - MH (3).
h) Les structures CV V-la et C(V)LV -lti
Soit les exemples suivants:
(1)
Jldd-Iâ
- )
e
Jlc5c5-là
s'installer
il
s'installer+ACC - ) il s'est installé
(2)
k~~-la
- )
ë
à
k~B-Ia
montrer
il
le
montrer+ACC - ) il l'a montré
,
(3)
6lû-la
- )
ë
a
6lü-Ià
renverser
il
le
renverser+ACC - ) il l'a renversé
(4)
k1a-la
- )
ë
à
k1c5-la
traîner
il
le
traîner+ACC - ) il l'a traîné
A l'accompli, tous les schèmes tonals sont transformés en CVV-là et C (V)LV-la, soit MB-
MB-MH. On constate la transposition, avec un décalage à droite, du schème tonal de l'accompli
des bases CVV et C(V)LV, qui couvre alors la deuxième syllabe de la base et le suffIxe -là.
B- LES DERIVES PAR REDUPliCATION VOCAliQUE
Prenons les exemples ci-dessous:
(1)
sâ-â
- )
ë
sa-a
espionner
il
espionner+ACC - ) il a espionné
265
,
(2)
vt~
- )
ë
a
-
1
VL-L
dire n'importe
il
le
dire n'importe comment+ACC - ) il a déliré
comment
Nous avons vu que les dérivés par réduplication vocalique ont la structure CVV. En
conséquence, leur forme accomplie est identique à celle des bases CVV : leurs schèmes tonals
passent donc à MB-MH.
c- LES DERIVES A DOUBLE DERIVATIF
Prenons les exemples suivants:
(1)
.. ... l'
pa-a- a
- )
D
à
pi-i-là
disposer
ils
le
disposer+ACC - ) ils l'ont disposé, range
(2)
d:-t-là
- )
D
à
s~-f-la
verser
ils
le
verser+ACC - ) ils l'ont répandu
En fait, la double dérivation à partir des bases CV nous donne les structures CVV-la , qui ont les
comportements décrits au point b).
ID.3.1.3. LES COMPOSES VERBAUX ET L'ACCOMPLI
fi n'y a que la partie verbale des composés verbaux qui soit affectée par l'aspect et la
modalité. Ce sont donc les constituants verbaux des composés verbaux qui subissent les
transformations morphologiques lorsque les conditions structurelles se trouvent réunies. Il
s'ensuit que le fonctionnement d'un composé verbal tombe dans l'un des cas que nous avons
étudiés aux points ID.3.1.1. et ID.3.l.2. et qui expliquent le fonctionnement de l'aspect et de la
modalité dans les bases et les dérivés. Nous nous contenterons donc d'illustrer le comportement
des composés à l'aide de quelques exemples exprimant l'aspect accompli.
(1)
tb-6(i)
- )
ë
à
tb-6ch
saluer
il
le
saluer+ACC - ) il l'a salué
.
(2)
tti-kld
- )
D
tti-kla
jouer au tn "
Il
ils
jouer au "tti"+ACC - ) ils ont joué au "tri"
266
On constate. comme prévu. que le schème MB de m et le schème BR de ~ passent
respectivement à MH et MB-MH.
ID.3.2.L'AORISTE
Ce que nous conviendrons ici d'appeler "aoriste" correspond à une forme qui renvoie en
yaouré à plusieurs représentations du procès. Cette forme. en dehors d'un contexte
désambiguïsant. peut exprimer un procès projeté dans l'avenir. un procès permanent. un projet
itéré; elle peut également traduire la narration d'un procès passé et. à ce niveau. ce qui est visé.
c'est moins l'accomplissement du procès que le procès lui-même. Nous distinguerons donc
l'aoriste de l'inaccompli qui traduit un procès en cours. L'aoriste se réalise par des
transformations morphologiques de la base verbale, changements qui. eux-mêmes. varient en
fonction de la structure syllabique et/ou segmentale et du schème tonal initial.
ID.3.2.1. LES BASES VERBALES ET L'AORISTE
Deux cas sont à considérer selon la nature du segment vocalique.
A- LES MONOSYUABES CV
al Le se~mentvocaliQue est /t1
.
(1)
jL
- )
ë
a
jë
voir
il
le
voir+AOR - ) il le voit
.
(2)
WL
- )
ë
wé
parler
il
parler+AOR - ) il parle
Lorsque la voyelle est .If • elle devient ~ à l'aoriste. mais le schème tonal dérivé dépend du schème
tonal initial. Si ce schème est MB (1). il n'y a pas de changement. S'il est MH.le schème dérivé
est R (2).
267
h) Le sepu:nt vocalique est hil!
(1)
fil
- )
a
fà
rester
je
rester+AOR - ) je reste
(2)
6(i)
- )
ë
66
s'effriter
cela
s'effriter+AOR-) ça s'effrite
(3)
sm
- )
ë
50
sauter
il
sauter+AOR-) il saute
Lorsque la voyelle est ~, elle devient Q à l'aoriste, mais le schème tonal dérivé dépend du schème
initial. Si celui-ci est B ou MB ( (1) et (2) ), il n'y a pas de changement, mais s'il est MH, le
schème tonal dérivé est H (3).
c) lA vayelle est l'une des seDt suivantes J·4.Ï,e.e,Q,;z,U
(1)
kà
- )
a
kà-â
mourir
je
mourir+AOR - ) je meurs
(2)
6î
- )
ë
6î-â
allumer
il
s'allumer+AOR - ) ça s'allume
.. .
. 1
(3)
Je
- )
ë
Je-a
(se) casser il
se casser+AOR - ) ça se casse
(4)
ci:
- )
ë
à
' .
te-a
tuer
il
le tuer+AOR-) il le tue
(5)
fa
- )
ë
fa-â
se remplir
il
se remplir+AOR -) ça se remplit
(6)
60
- )
6 à
6wâ (=!6o+â!)
faire un
on le administrer par voie anale+AOR - ) on l'administre par voie anale
lavement
ou on en fait un lavement
(7)
ci
- )
ë
twa (=/ci-âl)
(s') arrêter
il
s'arrêter+AOR - ) il s'arrête
(8)
6u
- )
ë
6u-â
(se) plier
cela
se plier+AOR - ) ça se plie
268
Si le segment vocalique de la base monosyllabique est l'un des 7 voyelles ci-dessus, c'est-à-dire
s'il est autre que 1 et ~ , il s'adjoint i à l'aoriste avec un ton /HI quel que soit le schème initial. Il
faut noter que si celui-ci est MH, il est assimilé à /HI dans ce contexte.
D'une façon synthétique et plus générale, on peut conclure que dans les trois cas a), b) et
c), le morphème de l'aoriste pour les monosyllabes a la structure suivante:
A
N
1
1
x
x
1\\
1/fV
A+
Les réalisations de l'aoriste sont donc définies par les processus suivants:
+
-
en a), nous avons: IO+A - ) e ;
+
-
en b), nous avons: UO+A - ) 0;
-
en c), nous avons soit des segments complexes de traits [+ATR] ou [-ATR] (3,4,5,6), soit des
segments simples de trait [+ATR] (2,8), soit des segments identiques à A+ (1,5), et, dans les
trois cas, la fusion impossible se traduit par une simple adjonction de a. TI faut noter aussi que
la fusion en a) et b) se fait nécessairement en contexte [+ATR]. Il ne semble pas y avoir de
raisons apparentes pour que la fusion des segments", et ~ qui ont le trait [-ATR], avec le
morphème A+, donne des segments de trait [+ATR], c'est-à-dire k et Q; on aurait pu en effet
s'attendre à ~ et~. Nous ne sommes pas en mesure de suggérer d'autres explications que le
constat du fonctionnement de l'aoriste yaouré dans ces structures. Notons aussi que le schème
/HI du morphème A+ est abaissé en a)-(l), mais rehausse le ton MH de la base en a)-(2).
269
B- LEs DISSYLLABES CW El' CrVlLV.
Partons des exemples ci-dessous:
(1)
jaa
- )
e
jaa-ma
faire mal
cela
faire mal+AOR - ) ça fait mal
(2)
655
- )
e
655-ma
fuir
il
fuir+AOR - ) ça fuit
(récipient)
(3)
j:;:5
- )
e
j5:5-ma
(se) cacher
il
se cacher+AOR -)il se cache
, ,
,
(4)
wee
- )
e
a
wÈÈ-m6
chercher
il
le
chercher+AOR - ) il le cherche
(5)
klô
- )
e
klô-ma
avoir peur
il
avoir peur+AOR - ) il a peur
(6)
m13
e
ml~-mô
plonger
il
plonger+AOR - ) il plonge
Avec les structures CVV et C(V)LV, quelle que soit la nature des voyelles, l'aoriste se marque
par l'adjonction, à la base, du suffixe .m.Q. , de ton MB. Si le schème tonal initial de la base est
différent de BR, il ne change pas à l'aoriste. Mais si ce schème est BR, nous assistons au
processus qu'illustre l'exemple ci- dessous:
MBB
BR
MB
MB
B
R
,
,
1\\1> ............ 1 i ", 1.
1 \\
1 \\
1
w è: é :
m ci 6
w f f - m'6
- )
mcici wee-mci
moi+le
=
mcici wè:è:-mâ
je
le
cherche
La base K1Q "tirer", par exemple, donne aussi, à l'aoriste, kla-mâ "(je) le tire". Dans les deux cas,
il se produit une propagation tonale qui modifie les schèmes de la base et du suffixe mli de
l'aoriste. Il est intéressant de constater que, comme nous l'avons vu pour d au point II.4.8. le
schème initial MB de .m..Q.peut flotter et être éventuellement récupéré par la réduplication
270
emphatique de la voyelle de ce morphème, ce qui nous donnerait, pour les exemples wH et .k1Q,
,
, ,
c1 a" b'
"k:1~
c1 a" b'
A
A
Il
respecnvement wee-m
... len sur que... , - m
... len sur que... .
Nous pouvons retenir que l'aoriste, en tant qu'opération aspectuelle, s'accompagne d'un
changement morphologique des bases. Ce changement peut être résumé de la manière suivante :
Modifications
Morphèmes de l'aoriste
Segmentales
Tonales
A
N
V=L+a-)e
1
1
/BI, IMB/-) pas de changement
V= û) + a-) 0
CV
x
x
1\\
lM'
V~d et û) -) V - â
MH-) [Hl
A+
A
N
schème ~ /BHI - ) pas de
1
1
changement
CVV
x
x
et
1
1\\
llJ
C(V)LV
1
1 IMBI
Schème = /BH/-) propagation
m
A
1
BH + MB -) BB + H
N+
m.3.2.2. LES DERIVES VERBAUX ET L'AORISTE
Al LES DEBWES PAR SUFFIXATION DE -la
a) Les structures CV -lâ
Nous prendrons les illustrations ci-dessous:
,
(1)
pla
-)
ë
a
pa-a-la
poser
il
le
poser+AOR - ) il le pose
(2)
ftt-Ià
- )
ë
fwa-Ia (=/f3-a-Ia/)
tomber
cela
tomber+AOR-) ça tombe
271
La base du dérivé s'adjoint le suffixe j de l'aoriste, le dérivatif demeurant inchangé. Rappelons
que si le schème tonal de la base est MH, il est assimilé à /HI par le schème /HI de i. Nous
avons en fait affaire à une combinaison de l'aoriste des CV et du suffixe lA. En (2), il faut noter
la restauration du schème MH de li sous l'effet de i.
b) Les structures CW -la ct m'LV -la
Partons des illustrations suivantes :
(1)
koo-Ià - )
ë
à
koo-mla
ramasser
il
le
ramasser+AOR - ) il le ramasse
,
(2)
k~~-hl -)
ë
a
B~-mlâ
montrer
il
le
montrer+AOR - ) il le montre
1
(3)
kHi-là - )
ë
à
kHi-mlà
traîner
il
le
traîner+AOR - ) il le traîne
Nous avons une combinaison de l'aoriste des CVV et C(V)LV et du suffixe =li qui, ici, se
nasalise au contact du suffIxe de l'aoriste :...m.9. tout en gardant son schème MH. A la différence
de l'aoriste des bases CVV et C(V)LV correspondantes, il ne se produit pas de propagation
... ..
,
tonale pour le schème BH «2) et (3»), ce qui nous donne les structures dérivées CVV-mlci et
'"
,
1
. "
, , * " "
,
C(V)LV-mlà et non CVV-mlà et C(V)LV-mla.
B- LES DERIVES PAR REDUPUCATION VOCAliQUE
(1)
sa-a
- )
ë
sa-a-mà
espionner
il
espionner+AOR - ) il espionne
,
VL-L
- )
a
.
(2)
- .
ë
- '
VL-L-ma
dire n'importe
il
le
délirer+AOR - ) il délire
connnent
(3)
œ-É
- )
ë
6
œ-É-mô
massacrer
il
eux
massacrer+AOR - ) il les massacre
272
Nous obtenons les formes de l'aoriste des CVV. Le seul changement, par rapport aux autres
dérivés dissyllabiques, se situe au niveau du schème BR où une propagation modifie le schème
du dérivé et porte à /HI celui du suffixe m4.
c- LES DERWES A DQUBLE DERIVATIF
,
(1)
, , l'
pa-a- a
- )
ë
a
pa-a-mle5
disposer,
il
le
ranger+AOR - ) il le range
ranger
,
(2)
s~-~-hl
- )
ë
a
sM-mle5
répandre
il
le
répandre+AOR - ) il le répand
Ici également, nous observons tout naturellement le comportement des CVV-Ili et C(V)LV-là.
A l'aoriste, le schème tonal du suffixe -là des dérivés reste inchangé; les schèmes tonals
des bases des dérivés sont ceux des bases radicales à l'aoriste et ne changent pas, la seule
différence étant que les schèmes BR de structure CVV/C(V)LV -là et CV-V -là ne déclenchent
aucune propagation.
ID 3.2.3. LES COMPOSES VERBAUX ET L'AORISTE
Prenons trois exemples :
,
(1)
mOô-f:5
- )
ë
a
m06-fwà (=/..f?J-al)
remercier
il
le
remercier+AOR - ) il le remercie
(2)
trl-klà
- )
ë
trl-kla-m&
jouer au trl
il
jouer au "trl"+AOR-) il joue au "tn"
(3)
fË-nil-plà
- )
ë
f-E-n0 "1'
-pa-a- a
faire le lit
il
faire le lit+AOR - ) il fait le lit
Les bases!2 "dire/faire", kl.Q. "tirer" et pla "poser, faire" sont les seuls constituants à porter la
marque de l'aoriste. On notera ici l'indépendance fonctionnelle de la composante verbale qui, en
(1) par exemple, se libère de l'effet de la propagation tonale pour reprendre sa structure de départ
273
!11l afm de se soumettre aux règles morphotonologiques qui ressortissent à sa catégorie et sa
forme premières.
IIL3.3. L'ASPECT INACCOMPLI
Nous appelons "inaccompli" l'aspect d'un procès appréhendé comme inachevé et donc
en cours. TI s'agit de l'aspect appelé "progressif' et qui peut être rendu de façon explicite en
français par la tournure "être en train de". L'inaccompli se forme à l'aide du prédicatif i suivant
le sujet, et du suffixe n qui s'adjoint au verbe. L'inaccompli a donc la structure générale
suivante :
Sujet + 1 + (Objet}) + Base Verbale + 00
Si le sujet est un pronom représenté par un segment vocalique dont la structure interne comporte
l'éléments 1°, nous pouvons avoir, en position de copule, la forme.ii (= est), le yod provenant,
selon les processus que nous avons analysés, de la propagation de 1° dans l'attaque de i dans le
cadre de l'amalgame ë "il" + 1.
Quant au sufflXe JlQ, bien qu'il soit issu du nominal M signifiant "lieu", "endroit", les
nombreux recoupements que nous avons effectués nous ont conduit à la conclusion que cette
forme, en se délexicalisant, donc en se grammaticalisant, est devenu atone. Ainsi, on constate,
pour ce sufflXe, une distribution tonétique liée à la structure de la base à laquelle il se suffixe.
Nous envisagerons en tout cas son fonctionnement au niveau des trois types verbaux définis.
111.3.3.1. LES BASES VERBALES ET L'INACCOMPLI
A - LES MONOSYllABES CV
Prenons les exemples suivants:
(1)
wi
- )
ë
jl
1
.:.
w~-na
parer
Préd
parler+INAC - ) il est en train de parler
274
(2)
vi
->
ë
jâ
à
vi-no
dire
Préd
le
dire+INAC -> il est en train de le dire
(3)
kà
->
ë
jâ
kà-n~
mourir
Préd
mourîr+INAC -> il est en train de mourir
TI ne se produit aucun changement morphologique et le suffixe M reçoit le schème tonal de la
base par une copie tonale correspondant à la règle suivante :
lx Ixl
na
->
[na]/CV--
B- LEs BASESDISSYUABlOUES CW El C(Y)LV
Soit les exemples suivants :
(1)
j3:5
->
ë
jâ
j3:5-no
se vanter
il
Préd.
se vanter+INAC -> il est en train de se vanter
(2)
jaa
->
ë
jâ
jaâ-no
faire mal
cela
Préd.
faire mal+INAC -> "c'est en train de faire mal"
=ça fait mal
(3)
655
->
ë
jâ
655-no
fuir
cela
Préd.
fuir+INAC -> c'est en train de fuir (récipient)
=ça fuit
,
•
(4)
kl3
->
ë
jâ
a
kl3-na
mâcher
il
Préd
le
mâcher+INAC -> il est en train de le mâcher
,
(5)
tB
->
ë
jâ
a
f15-0l5
serrer
il
Préd.
le
serrer+INAC -> il est en train de le serrer
Pour les structures CVV et C(V)LV, le schème tonal du suffixe atone .n.Q. est MH après une base
de schème BH «1) et (4». Après les autres schèmes tonals, le suffixe.n.Q. prend le schème MB
«2), (3) (5».
C Le symboleÎx veut dire simplement "ton x".
275
Nous pouvons retenir que, à l'inaccompli, la base reste identique dans sa morphologie, la
variation n'étant constatée qu'au niveau du suffIXe JlA en fonction des structures syllabiques des
bases et de leur schème tonal. Ce fonctionnement peut être résumé de la façon suivante:
Morphème d'inaccompli
Schèmes tonals
Schème tonal
CY
=
Schème base verbale
nO
fX::l.
/,MHlBH-
et
Schème de ~ \\,
COOLV
MB/ailleurs
Il faut tout de même noter le fonctionnement des réalisations particulières de la copie tonale
observée. Nous n'avons pas ici affaire à une copie tonale comme nous l'avons vue dans le cas
des CV. Disons que, en dissyllabes, il se produit une sorte de simplification tonale où le suffixe
nO accueille une réalisation moyenne entre les tons des deux syllabes.
ill.3.3.2. LES DERIVES VERBAUX ET L'INACCOMPLI
A- LES DEBWES PAR SUFFlXATlON DE -id
a) Les structures CV -Id
(1)
fit-là
- )
ë
ja
fit-là-n6
tomber
cela
Préd.
tomber+INAC -) "c'est en train de tomber"
=ça tombe
.
(2)
phi
- )
ë
ja
a
pla-n6
poser
il
Préd.
le
poser+INAC - ) il est en train de le poser
(3)
flt1-là
- )
ë
ja
flt1-li-nô
sortir
il
Préd
sortir+INAC -) il est en train de sortir
276
A l'inaccompli, les dérivés en CV-la s'adjoignent le sufflXe M avec un schème tonal /HI ; le
schème tonal BB du dérivé reste inchangé; mais les schèmes MH-MH (2) et MB-MH (3) se
transforment en MB-MB, résultat d'une dissimilation tonale au niveau du sufflXe li qui prend le
schème MB. Cette dissimilation semble imposée par l'impossibilité des schèmes MB-MH-H
dans ce type de structure.
b) Les structures CW-14 et CrY)LV-14
(1)
koo-Ia - )
ë
jâ
à
koo-Ia-n6
ramasser
il
Préd.
Je
ramasser+INAC - ) il est en train de le ramasser
(2)
k~~-là -)
ë
jâ
à
k~~-la-n6
montrer
il
Préd.
Je
montrer+INAC - ) il est en train de le montrer
,
(3)
k1li-hi - )
ë
jâ
a
k11-hi-n6
traîner
il
Préd.
le
traîner+INAC - ) il est en train de le traîner
Le morphème nA prend le schème /HI mais on n'assiste à aucun changement au niveau du dérivé
lui-même.
B- LES DERIVES PAR REDUPllCATlON VOCALIQUE
, ,
(1)
sa-a
- )
ë
jâ
sa-a-no
espionner
il
Préd.
espionner+INAC - ) il est en train d'espionner
(2)
tt-É
- )
ë
jâ
ô
tÈ-É-nà
massacrer
il
Préd.
les
massacrer+INAC - ) il est en train de les massacrer
Nous retrouvons tout naturellement le comportement des bases CVV.
C- LES DERIVES A DOUBLE DERIVATIF
(1)
pa-a-Ia
ë
jâ
à
' , 11
~
- )
pa-a- a-na
ranger
il
Préd.le
ranger+INAC - ) il est en train de le ranger
,
(2)
s~-~-la -)
ë
Ja
a
s~-~-là-n6
répandre
il
Préd.le
répandre+INAC - ) il est en train de le répandre
Nous avons le comportement des CVV/C(V)LV-là.
277
III.3.3.3. LES COMPOSES VERBAUX ET L'INACCOMPLI
Prenons un exemple:
tri-klll
- )
ë
ja
tri-klll-nd
jouer au "tri"
il
Préd
jouer au "tri"+INAC - ) il est en train de jouer au "tn"
Seul le constituant verbal est concerné par le processus aspectuel.
ID.3.4. L'ASPECf STATIF
Nous désignons ici par le terme de "statif' l'aspect qui exprime l'état dans lequel se
trouve le sujet de l'énoncé, c'est-à-dire l'état résultant en tant qu'aboutissement du procès défini
par le verbe. Le statif est marqué en yaouré par le prédicatif i que nous venons de voir et qui suit
le sujet, et par di , suffIxe de schème tonal MB qui s'adjoint à la base verbale, au dérivé ou au
composé verbal et renvoie au "fait d'être".", à "l'état d'être".". Le statif correspond à la structure
générale suivante:
l
IMBI
IMiit
Sujet + i + Anaphorique du Sujet + BaselDérivé/Composé Verbal + dL
Notons que le sujet est nécessairement repris par un anaphorique de ton /MH/.
Examinons le fonctionnement du statif au niveau des base verbales, des dérivés et des
composés.
ID.3.4.l, LES BASES VERBALES ET LE STATIF
A· LES MONOSYLLABES cy
Prenons quelques exemples :
..,
+
(1)
kà
- )
ë
ja
e
*kà-dL
- )
ë
ja
ë/e
kà-dt
mourir
il
Préd
lui
IlDlrir+Bat
il
être
lui
mort - ) il est mort
278
(2)
.1
Je
- )
ë
ja
1
e
je-di
- )
ë
ja
ë/e
jè-di
casser
il
Préd. lui
œsfr+FJat
il
être
lui
cassé - ) c'est cassé
.
.
(3)
fa
- )
ë
ja
e
fa-dï
- )
ë
ja
e
fa-di
remplir
il
Préd. lui
l'OlJ'lir+&l
être
rempli - ) c'est rempli,
plein
Si le schème tonal de la base est /BI, il se produit une assimilation progressive par le schème
MH de l'anaphorique t du sujet de l'énoncé, et le tonème B de la base est élevé à MH (1). Cette
assimilation peut être suivie d'une dissimilation tonale au niveau de l'anaphorique lui-même, ce
qui explique la forme t, la variante t étant plutôt individuelle. Si la base a un schème tonal
différent de B, on ne constate aucun changement au niveau de cette base; comme en (1), on a
une dissimilation tonale sur l'anaphorique du sujet en (2) ; enfm en (3), la dissimilation tonale
n'est pas nécessaire, compte tenu du schème de la base qui est MB ; notons que dans ce dernier
exemple, les dialectes klQ et nàà par exemple, observent une dissimilation tonale en relevant au
contraire à MH le schème MB de la base, ce qui donne ë ja ë fa-dL
B- LES BASES DISSYILABIOUES CW El' C(Y)LY
(1)
fwl. (=/fcf/ti)
- )
ë
ja
ë
fwl.-di
ouvrir (fruit)
cela
Préd.
ouvrir+Etat - ) c'est ouvert
.-
(2)
,
p:l
- )
ë
ja
1
e
j5:5-di
cacher
cela
Préd.
cacher+Etat - ) c'est caché
.
(3)
s~H
- )
ë
ja
e
sôô-dl.
planter
cela
Préd.
planter+Etat-) c'est planté
(4)
11u
- )
ë
ja
ë
11u-di
détacher
cela
Préd.
détacher+Etat - ) c'est détaché
(5)
k13
- )
ë
ja
1
e
k1~-dl.
mâcher
cela
Préd.
mâcher+Etat - ) c'est mâché
On constate que le schème de l'anaphorique ~ subit une dissimilation tonale devant MH (Cf A-)
et devant /HI (1). Quant aux bases, les schèmes tonals différents de BH restent inchangés
((1),(2),(4». Si la base a un schème BH, il se produit une propagation tonale ((3),(5».
279
En résumé, nous pouvons retenir qu'au statif, les modifications morphologiques, lorsque
les conditions de structure sont réunies, n'affectent que certains schèmes tonals. Ces
changements se produisent selon les règles suivantes :
-> [MH] /MH (anaphorique de sujet) - -
-> [MB]/MH (anaphorique de sujet)--
_ _ _ _ BH -> propagation / --MB => BB-H
CYYICOOLv ----schèmes:;: BH-> pas de changement
W.3.4.2. LES DERIVES VERBAUX ET LE STATIF
A- LEsDERlVES PAR SUFFlXAVONDE -la
a) Les structures CV -Id
(1)
ftt-Ià
->
ë
ja
1
e
ftt-Ià-dt
tomber
cela
Préd.
tomber+Etat -> c'est tombé = c'est à terre
,
(2)
pla
->
ë
ja
e
pla-dt
poser
cela
Préd.
poser+Etat -> c'est posé
,
(3)
oil-Ia ->
ë
ja
e
&il-la-dt
sortir
cela
Préd.
sortir+Etat -> c'est sorti, c'est protubérant
TI est intéressant de constater que, contrairement au cas des bases fonctionnant en tant que telles,
les schèmes B et MH des bases des dérivés ont un comportement différent, se trouvant
respectivement maintenu (1) ou transformé (2) par dissimilation d'avec le schème du morphème
du statif qui, avec tous les dérivés, se trouve être porté à !HI, c'est-à-dire ~.
280
h) Les structures CW -Iâ et CN)LY -Id
(1)
k66-1a - )
é
ja
é
k66-1a-dt
ramasser
cela
Préd.
ramasser+Etat -) ça a été ramassé = c'est mangé
.
(2)
j56-1a - )
é
ji
e
j56-1a-dt
cacher
cela
Préd.
cacher+Etat - ) c'est caché
,
(3)
61i-la - )
é
ja
e
61i-la-dt
attacher
cela
Préd.
attacher+Etat - ) c'est attaché
A la différence des bases CVV et CYLV, on ne constate que la modification du schème du
morphème du statif; le reste demeure inchangé.
B- LES DEBNES PAR REDUPLICATION VOCAIJQUE
, ,
(1)
sa-a
- )
ô
ja
ô
sa-a-di.
se mettre à
ils
Préd.
eux
se mettre à l'affût+Etat -) ils sont embusqués
l'affût
.
(2)
kà-a
- )
ô
ja
0
kà-à-dt
périr
ils
Préd.
eux
périr+Etat -) ils sont tous morts
On retrouve le fonctionnement des CVV au statif.
c- LES DERWES A DOUBLE DERIVATIF
(1)
~
... 11
pa-a- a
- )
é
ja
é
pa-a-hi-dt
ranger
cela
Préd.
ranger+Etat - ) c'est rangé
(2)
s~-~-la
- )
é
ja
e
s~-~-hi-dt
répandre
cela
Préd.
répandre+Etat - ) c'est répandu
Nous retrouvons le statif des CVV -la et C(V)LV -là.
En résumé, pour ce qui concerne les dérivés au statif, on constate des changements de
schèmes tonals au niveau des CV -la et des dérivés par réduplication vocalique.
281
llI.3.4.3. LES COMPOSES VERBAUX ET LE STATIF
Prenons les exemples suivants :
..
(1)
51-pla
- )
51
a
1
e
pla-di.
traeerune
route
Préd.
~
tracer+Etat - ) la route est tracée
route
(2)
ft-nb-bla
- )
ft-nb
a
ê
kaa-dl
balayer
lieu
Préd.
~
balayer+Etat - ) le balayage est fait
Ici encore nous voyons nettement le verbal se détacher du composant nominal afin de pouvoir
prendre les nuuques du statif.
m.3.S. LE PASSE IMMEDIAT
Le passé immédiat se fOIme à l'aide, d'une part du verbe ~ "quitter" à l'aoriste, donc si-a,
premier élément du prédicatif suivant le sujet de l'énoncé, et, d'autre part, du suffixe atone no,
second élément du prédicatif affixé à la base, au dérivé ou au composé verbal. La structure du
passé immédiat peut-être résumée par la fonnule suivante :
Syjet + si-a + (Objet}) + BaselDérivélComposé Verbal + na
Le passé immédiat consiste donc, au plan fonnel, en la combinaison du prédicatif si-a et de la
fonne de l'inaccompli. Examinons le fonctionnement de cet aspect au niveau des trois types de
verbes.
llI.3.5.1. LES BASES VERBALES ET LE PASSE IMMEDIAT
Prenons les exemples suivants :
1
(1)
1
WL
- )
ë
si-a
WL-no
parler
il
~œtAORl
pRr+INAC-) il vient de parler
I-Pour la suite nous représenterons le passé immédiat par PIM.
282
(2)
v'i.
- )
ë
si-a
à
v'i.-na
dire
il
~de+-NJR
le
di'e+INAC-) il vient de le dire
. ,
(3)
kà
- )
ë
Sl-a
kà-n~
mourir
il
~de+-ADR
mur+INAC-) il vient de mourir
., ,
(4)
J:):)
- )
ë
si-a
j3:5-n6
se vanter
il
\\eI1i"de+-NJR
se'Bltr+INAC-) il vient de se vanter
(5)
jaa
- )
ë
si-a
jaa-na
faire mal
cela
~de+-NJR
fiiretœl+INAC-) ça vient de faire mal
1
(6)
1d:5
- )
ë
si-a
à
1d:5-nO
mâcher
il
~de+-NJR
le
l'Iâfu+INAC-) il vient de le mâcher
(7)
n~
- )
ë
si-a
à
n~-n6
serrer
il
\\eI1i"de+-ADR
le
scmr+INAC-) il vient de le serrer
On constate une reprise pure et simple des formes de l'inaccompli que nous avons identifiées au
point m.3.3., quelles que soient les structures et les schèmes de base.
m.3.5.2. LES DERIVES VERBAUX ET LE PASSE IMMEDIAT
Prenons les exemples suivants :
(1)
ftl-là
- )
ë
si-a
ftl-là-nd
tomber
cela ~de+-ADR
t:J:I:hT+-INAC- ) ça vient de tomber
. ,
(2)
6it-bi - )
ë
51-a
oo-lâ-nd
sortir
il
~de+-ADR
Dtir+INAC - ) il vient de sortir
(3)
kôô-la
- )
ë
si-a
à
kôô-la-nd
ramasser
il
\\eIlÏrde+-ADR
le
~+ INAC-) il vient de le ramasser
. ,
(4)
Idà-la
- )
ë
51-a
à
Idà-la-nô
traîner
il
\\eIlÏrde+-ADR
le
1raÎm"+INAC - ) il vient de le traîner
- )
.
(5)
sa-a
ë
si-a
"
sa-a-no
espionner
il
\\eIlÏrde+-ADR
espi:nœr+INAC-) il vient d'espionner
(6)
tt-é
- )
ë
si-a
6
tè-é-nd
massacrer
il
\\61irde+-AOR
les
nu;sa:rer+INAC-) il vient de les massacrer
(7)
s~-~-bi
- )
ë
si-a
â
s~-~-la-nâ
répandre
il
\\eIlÏrde+-AOR
le
Iipmre+-INAC-) il vient de le répandre
283
Nous avons ici également une reprise des formes inaccomplies des dérivés que nous avons
identifiées au point m.3.3.
m.3.5.3. LES COMPOSES VERBAUX ET LE PASSE IMMEDIAT
(1)
âré-f:5 - )
ë
si-a
âré-f:5-nô
chanter
il
\\mirœ+-AOR
dmtr+INAC-) il vient de chanter
. ,
1
(2)
tn-kld - )
ë
Sl-a
tn-kld-no
jouer au
il
\\mirœ+-AOR
~aJ"tti"+INAC-) il vient de jouer au "tri"
"tri"
Nous avons tout naturellement les formes inaccomplies des constituants verbaux de ces
composés. Le seul constat nouveau, c'est le ton bas B sur nQ. ; nous pensons qu'il s'agit d'un ton
non marqué, qui apparaît par défaut, parce que le schème /HI de erré "chant" a déjà assimilé /fM
"FAIRE" et ne peut par conséquent plus parvenir au morphème nA.. Celui-ci prend alors le
tonB.
Au terme de cette analyse de l'expression formelle de l'aspect, on peut dire qu'à
l'exception de l'aoriste qui entraîne aussi quelques changements d'ordre segmental, les
opérations aspectuelles se traduisent surtout par des modifications de schèmes tonals. Ces
transformations varient généralement en fonction des structures syllabiques. li arrive qu'on note,
ici et là, avec intérêt, cenaines identités de fonctionnement dues à des homologies frappantes de
structure. L'aspect a donc une incidence transformatrice. Examinons à présent celle d'un autre
type d'opération, la modalisation.
m.4. LA MODALITE ET LES PROCESSUS MORPHOLOGIOUES
1IL4.1. L'IMPERATIF
L'impératif se construit à l'aide du pronom sujet élevé au ton MH et suivi du verbe qui
est, le cas échéant, précédé d'un objet; la structure de l'impératif est donc la suivante, si nous
284
tenons compte du cas particulier de la 1ère personne du pluriel ili "nous" qui conserve son
schème tonal BB :
r MHl
Pronom au ton
~
~ + (Objetl) + Base/Dérivé/Composé Verbal.
l BB J
Examinons l'incidence de l'impératif sur nos trois catégories de verbes.
IITA.I.I. LES BASES VERBALES ET L'IMPERATIF
A - LES BASES MONOSYlLABIQUES cy
Prenons les exemples suivants :
.
,
1
(1)
Sei)
- )
1
Sei)
sauter
toi
sauter+IMP - ) saute !
,
(2)
vi
- )
1
vi
dire
toi
dire+IMP - ) dis-le!
.
(3)
cl
•
- )
1
to
s'arrêter
toi
s'arrêter+IMP - ) arrête (-toi) !
(4)
cl
- )
kàà
t5
s'arrêter
nous
s'arrêter+IMP - ) arrêtons (-nous) !
Si la base a un schème tonal MH ou MB, celui-ci demeure inchangé «1),(2». Si ce schème est
B, il est élevé à MH (3), sauf si le pronom sujet est le "nous" dit "inclusif' kàà, auquel cas il est
plutôt élevé à MB (4). Mais nfaut bien voir que dans l'exemple (3) il s'agit d'une assimilation,
alors que dans l'exemple (4) nous avons, au niveau du schème du verbe, affaire à une
dissimilation tonale qui peut être interprétée à l'aide de la règle suivante:
/B/-)
[MB]/B - : kàà t5!
Il importe de souligner que si un objet explicite, ou incorporé au verbe s'interpose entre le
pronom sujet et le verbe, l'assimilation progressive illustrée par l'exemple (3) est bloquée et la
285
base verbale conserve son schème tonal initial. Ces deux cas sont illustrés par les exemples ci-
dessous:
(1)
ci
1
->
1
cd-z4
ci
arrêter
toi
voleur
arrêter+IMP -> arrête le voleur !
(2)
ci
1
->
1
ci
arrêter
toi
arrêter (celui que tu dois arrêter)+IMP -> arrête-le!
li reste entendu, en outre, que l'objet implicite peut lui-même, en fonction de son schème, être à
l'origine d'une assimilation.
B- LES DISSYlLABES CW ET CN)LV
Prenons les exemples ci-dessous:
(1)
jii
1
., ,
->
1
Jaa
être gounnand
être gourmand+1MP -> sois gourmand!
.. ,
(2)
1
p:>
->
1
j:>:5
se vanter
se vanter+IMP -> vante-toi!
,.
(3)
fi:5
1
->
1
11:5
serrer
serrer+1MP -> serre (-le) !
,
(4)
kl:)
->
1
kl:)
mâcher
mâcher+1MP-> mâche (-le) !
On ne constate ici aucune modification. Notons simplement que si nous avions le pronom kàà
"nous", seul ce pronom subirait un relèvement tonal sur sa seconde syllabe devant le schème BH
comme nous pouvons le voir dans les exemples ci-dessous:
.. ,
(1)
j:>:5 :
*kàà
p:>
->
kàa
j:>:5
se vanter
nous
vanter+1MP
-> vantons-nous!
(2)
mB:
*kàà
ml:)
->
kàa
mB
plonger
nous
plonger+IMP
-> plongeons !
286
Cette transfonnation au niveau de kàà est une dissimilation tonale qui a la fonne suivante :
/BB!-) B - MB/ -
BR
De façon générale, nous retiendrons qu'à l'impératif, seul le schème B des CV subit une
modification. Les règles ci-dessous résument ce fonctionnement:
.......... [MH] /MH-
cy:
/B!
............ [MB] / B -
ÇYYIÇMLY : aucun changement
Ill.4.1.2. LES DERIVES VERBAUX ET L'IMPERATŒ
Examinons les exemples suivants :
(1)
pla
1
- )
1
pla
poser
poser+IMP - ) pose (-le) !
(2)
rti-Ià
1
- )
1
fti-Ià
rester
rester+IMP - ) reste!
(3)
j1c5c5-la - )
1
1
j1ôô-Ià
s'installer
s'installer+IMP - ) installe-toi!
(4)
kHi-la - )
•1
lc1à-Ia
traîner
traîner+!MP - ) traîne-le!
(5)
sa-a
1
- )
1
sa-a
espionner
espionner+IMP - ) espionne!
(6)
13-6
1
- )
1
t3-6
se promener
se promener+IMP -) promène-toi!
(7)
s~-~-la
1
- )
1
s~-~-là
répandre
répandre+IMP - ) répands-le!
287
Quelles que soient les strnctures, le seul changement que nous puissions noter se situe au niveau
du schème BB des CV-là qui est soumis au processus d'assimilation à MH-B (2) que nous
avons étudié pour l'impératif des bases.
III.4.1.3. LES COMPOSES VERBAUX ET L'IMPERATIF
Soit les exemples suivants:
(1)
cl-f)el)
1
- )
1
to-f)Gi
saluer
saluer+IMP - ) salue-le!
(2)
si-pla
- )
1
1
si-pla
tracer la route
tracer la route+IMP-)
trace la route !
1
l
,
(3)
si-cil
- )
1
S1-t:>
arrêter (barrer
arrêter+IMP - )
barre la route !
la route à...)
On constate que l'interposition du constituant nominal net l'assimilation de son schème tonal à
MH bloque l'assimilation du schème B du constituant verbal.
m.4.2. L'EXPRESSION DE "POUVOIR"
Nous nous proposons d'examiner l'incidence morphotonologique de l'expression de
"pouvoir" en tant que modalité traduisant en yaouré une capacité physique, morale, intellectuelle.
La constrnction correspondante se fait à l'aide de l'aoriste du verbe kithi "pouvoir", c'est-à-dire
kitlà-mc1 , du suffixe ~ adjoint à la base, au dérivé ou au composé verbal, et enfin de la particule
i de ton bas B : .di est un suffixe de nominalisation, proche du .di du statif que nous avons
étudié; quant à la particule postposée i, nous indiquerons ici provisoirement qu'elle représente
un anaphorique de situation servant de repère au procès dans son ensemble. Dans les Chapitres
consacrés à l'énonciation, nous reviendrons assez longuement sur toutes ces fonnes qui ne sont
1- Rappelons que dans le composé.à:ù, Ji =route, ci =arrêter; l'unité signifie "barrer la route à quelqu'un",
"empêcher quelqu'un de passer", "arrêter quelqu'un pour un réglement de compte. pour une rixe".
288
que les images d'opérations complexes de représentation. L'expression de "pouvoir" correspond
à la structure suivante :
Sujet + kitlà-rn4 + CObjetl) + BaseLDérivé/Composé verbal + dL+à
Examinons le fonctionnement de "pouvoir" au niveau des trois types de verbes.
ill.4.2.1. LES BASES VERBALES ET "POUVOIR"
Prenons les exemples suivants :
(1)
1
SQ
- )
ë
kitlà-m6
SQ-dL à
sauter
il
pouvoir+AOR
sauter-fait-SîtI - ) il peut sauter
(2)
ci
- )
ë
kitlà-m~
ci-dL à
s'arrêter
il
pouvoir+AOR
s'arrêter-fait-Sît - ) il peut s'arrêter
., ,
(3)
Jaa
- )
ë
kitlà-m~
jii-dL à
faire mal
il
pouvoir+AOR
faire mal-fait-Sit - ) ça peut faire mal
(4)
k:5:5
- )
ë
kitlà-m~
k:5:5-dL à
se débattre
il
pouvoir+AOR
se débattre-fait-Sit - ) il peut se débattre
.' ,
(5)
J::>::>
- )
ë
kitlà-rn6
j33-dt à
se vanter
il
pouvoir+AOR
se vanter-fait-Sît - ) il peut se vanter
(6)
flu
- )
ë
kitlà-rnd
flu-dtà
se détacher
il
pouvoir+AOR
se détacher-fait-Sît - ) ça peut se détacher
(7)
kli5
- )
ë
kitlà-rn6
kl3-dt à
(se) mâcher
il
pouvoir+AOR
(se) mâcher-fait-Sît - ) ça peut se mâcher
A l'exception du schème B des CV où nous n'avons pas ici d'assimilation élévatrice, nous
retrouvons les mêmes formes que celles que nous avons identifiées pour le statif au
point llI.3.4.
ill.4.2.2.LES DERIVES VERBAUX ET "POUVOIR"
Examinons les exemples ci-dessous:
1· Sil est mis pour "situation d'énonciation".
289
(1)
pla
- )
ë
kvlà-mc1
pla-dt à
poser
il
pouvoir+AOR
poser-fait-Sit - ) ça peut se poser
(2)
fv-là
- )
ë
kvlà-mc1
fv-là-dt à
tomber
il
pouvoir+AOR
tomber-fait-Sit - ) il peut tomber
(3)
k~~-la -) ë
kvlà-mc1
à
k~~-la-dt à
montrer
il
pouvoir+AOR
le
montrer-fait-Sit -) il peut le montrer
(4)
6lu-là -)
ë
kvlà-ma
6lu-lâ-dtà
se terrer
il
pouvoir+AOR
se terrer-fait-Sit - ) il peut se terrer
, ,
(5)
sa-a
- )
ë
kvlà-mc1
sa-a-di à
espionner
il
pouvoir+AOR
espionner-fait-Sit - ) il peut espionner
(6)
G-5
- )
ë
kvlà-mc1
G-5-dt à
se promener il
pouvoir+AOR
se promener-fait-Sit-) il peut se promener
(7)
, ... l'
ë
kvlà-mc1
à
' , l' d' "
pa-a- a - )
pa-a- a- t. a
ranger
il
pouvoir+AOR
le
ranger-fait-Sit -) il peut le ranger
Ici également, nous retrouvons les formes du statif.
llIA.2.3. LES COMPOSES VERBAUX ET "POUVOIR"
(1)
ft-na-k66
- )
ë
kvlà-mc1
ft-na-k66-di à
balayer
il
pouvoir+AOR
balayer-fait-Sit -) il peut balayer
(2)
pè-tè
- )
ë
kvlà-mô
pè-tè-di. à
applaudir
il
pouvoir+AOR
applaudir-fait-Sit-) il peut applaudir
Nous avons les formes du statif des constituants verbaux.
m,4,3. LA VISEE IMMEDIATE SIMPLE
Le yaouré conçoit plusieurs degrés dans l'avenir1. Nous en retiendrons ici deux dont
nous étudierons la structure et l'incidence sur les fonnes verbales: la visée immédiate à repère
~ (VRED.), et la visée immédiate simple (VIS) que nous analyserons en premier lieu. Celle-
ci pose le procès comme envisagé dans un avenir immédiat strict, ne comportant aucun décalage.
1- Nous reviendrons sur ce problème dans l'analyse de la référenciation modale.
290
La visée immédiate simple (VIS) se construit à l'aide de l'opérateur Li, de ton haut (H),
apparenté, pensons- nous, au verbe li "venir", et de l'aoriste du verbe principal. Cette opération
modale peut être traduite par la formule suivante :
Sujet + ta + (Objen> + BaselDérivé/Composé verbal à l'aoriste
Examinons le comportement de chaque catégorie de verbe en visée immédiate simple.
IDA.3.l. LES BASES VERBALES ET LA VIS
Panons des exemples ci-dessous:
(1)
1
WL
- )
ë
ta
wé
parler
il
VIS
parler+AOR - ) il va parler1
(2)
f~
- )
ë
ta
fè
rester
il
VIS
rester+AOR - ) il va rester
., ,
(3)
.1
je
- )
ë
ta
je-a
casser
cela
VIS
casser+AOR - ) ça va (se)casser
(4)
kà
- )
ë
ta
kà-a
mourir
il
VIS
mourir+AOR - ) il va mourir
., ,
(5)
jaa
- )
ë
ta
jaa-md
faire mal
cela
VIS
faire mal+AOR - ) ça va faire mal
,
(6)
wÈÉ
- )
ë
ta
a
wÈÈ-m&
chercher
il
VIS
le
chercher+AOR -) il va le chercher
,
(7)
f1~
- )
ë
ta
a
f1~-md
serrer
il
VIS
le
serrer+AOR -) il va le serrer
...
(8)
klo
- )
ë
ta
a
kla-m&
tirer
il
VIS
le
tirer+AOR -) il va le tirer
Avec la visée immédiate simple, nous retrouvons strictement les formes de l'aoriste.
1) Dans toutes ces traductions, souvent seulement approximatives, "va" signifie "être sur le point de.....
291
IIIA.3.2. LES DERNES VERBAUX ET LA VIS
Prenons les exemples suivants :
(1)
plâ
ë
ta
à
' , 11
- )
pa-a- a
poser
il
VIS
le
poser+AOR - ) il va le poser
(2)
fit-là
- )
ë
ta
fwi-lâ
tomber
il
VIS
tomber+AOR-) ça va tomber
,
(3)
kaa-la
- )
ë
ta
a
kaa-ml6
ramasser
il
VIS
le
ramasser+AOR -)il va le ramasser
1
(4)
kHi-hl
- )
ë
ta
à
kHi-ml6
traîner
il
VIS
le
traîner+AOR - ) il va le traîner
(5)
t:)-:)
- )
ë
ta
ci-:)-md
se promener il
VIS
se promener+AOR - ) il va se promener
,
(6)
s~-f-la -) ë
ta
a
s~-f-ml6
répandre
il
VIS
le
répandre+AOR - ) il va le répandre
Nous retrouvons les fonnes aoristiques des dérivés.
llA.3.3. LES COMPOSES VERBAUX ET LA VIS
(1)
ft-pâ
- )
6
ta
ft-pa-a
servir le repas
je
VIS
servir le repas+AOR - ) je vais servir le repas
(2)
si:i:-wcfi
Il
- )
a
ta
si:i:-wa
causer
je
VIS
causer+AOR - ) je vais causer
Seuls les constituants verbaux prennent la marque de l'aoriste.
DI.4.4. LA VISEE IMMEDIATE A REPERE DECALE (YRED)
La visée immédiate à repère décalé se distingue de la visée prospective générale dont
nous verrons plus tard qu'elle se rend par l'aoriste des bases verbales, des dérivés verbaux et des
composés verbaux. La VRED situe le procès aussi dans l'avenir immédiat, mais de façon
différée ou décalée relativement à la visée immédiate simple; elle le situe par rapport à un repère
292
non nécessairement contemporain de l'~nonciation du procès. Tout se passe comme si l'on
annonçait son ~nonciation, ou comme si l'on envisageait de l'~noncer, d'où le d~calage par
rapport à la visée simple. On a donc un double décalage par rapport au repère de l'énonciation,
décalage qui a pour traces deux auxiliaires ou un auxiliaire redupliqué, comme on peut le voir
dans la formule de cette visée immédiate à ~ décalé :
Sqjet + ta + tà-a + CObjett> + Verbe + lt
Cette structure est donc faite d'un premier opérateur, 11., d'un second prédicatif qui a la fonne
aoristique du verbe 'À "venir", c'est-à-dire là:&. Le dernier élément de la structure de cette visée à
double repère est le suffixe li, de ton MB, affixé au verbe, et qui semble avoir le même statut
que la postposition i que nous avons rencontrée dans l'expression de "pouvoir". Nous
reviendrons sur tous ces opérateurs dans l'analyse du système de référenciaton en yaouré.
Examinons à présent le comportement de nos trois catégories de verbes devant la visée à repère
décalé.
mAA.l. LES BASES VERBALES ET LA VRED
A- LES MONOSYLLABES CV
Prenons les exemples ci-dessous:
(1)
1
WL
- )
ë
ta
tà-a
wt-It
parler
il
VIS
VRED parler-Sit - ) il va bientôt parler
(2)
6Gi
- )
ë
ta
tà-à
6efi-It
s'effriter
cela
VIS
VRED
s'effriter-Sit - ) cela va bientôt s'effriter
(3)
f~
- )
ë
ta
tà-à
fefi-Iè
rester
il
VIS
VRED
rester-Sit - ) il va bientôt rester
(4)
.1
Je
- )
ë
ta
là-a
je-It
casser
cela
VIS
VRED
casser-Sit - ) ça va bientôt casser
(5)
Ici
- )
ë
ta
là-à
ka-Iè
mourir
il
VIS
VRED
mourir-Sit - ) il va bientôt mourir.
293
On note ici le changement des schèmes MB (2) et B «3) et (5)) lorsqu'ils sont précédés
directement par le prédicatif 1Ü. de schème BR. n se produit une propagation tonale qui
transforme le schème de tii en BB, d'où 1Ü" et le schème des verbes, d'où fu!i (2), ~ (3), ka (5)
; en (2) le ton MB de ~ chassé s'absorbe dans celui de lt qui lui est identique; en (3) et (5) le
ton B de!Q et Û. chassé se propage sur lt dont le schème MB est assimilé à B, d'où li en (3) et
(5). Nous avons ici le fonctionnement de la propagation tonale qui implique plus d'un domaine
tonal et que nous avons déjà décrite plus d'une fois.
B- LEs BASES DISSYLLABJOUES CW El C(VlLV
Examinons les exemples ci-dessous:
., ,
(1)
Jaa
- )
ë
ta
tà-a
jaa-Ie
faire mal
cela
VIS
VRED
faire mal-Sit - ) ça va bientôt faire le mal
(2)
6:5:5
- )
ë
tâ
' ,
ta-a
655-le
fuir
il
VIS
VRED
fuir-Sit -) il va bientôt fuir
., ,
(3)
J:>:>
- )
ë
ta
tà-a
j33-IÉ
se vanter
il
VIS
VRED
se vanter-Sit -) il va bientôt se vanter
(4)
f15
- )
ë
ta
' ,
ta-a
f1:>-lt
se serrer
cela
VIS
VRED
se serrer-Sit - ) ça va bientôt se serrer
(5)
kla
- )
ë
ta
tà-a
k1&-IÉ
(s'é) tirer
cela
VIS
VRED
s'étirer-Sit - ) ça va bientôt s'étirer
On note comme transformations le passage des schèmes MB - MB et BR respectivement à RH
«2) et (4)) et BB «3) et (5)). Ces modifications s'effectuent selon le processus de propagation.
La propagation tonale observée dans les monosyllabes et dissyllabes peut être traduite
par les règles ci-dessous:
294
.....-BH+MB+MB ->
BB+H+MB (2)
~H+B+MB-> BB+H+B «3) et (5»)
___BH+MB - MB+MB ->
BB+H - H+MB «2) et (4»)
cvvet CMLV~BH+MB-> BB+H «3) et (5»).
ill.4.4.2. LES DERIVES ET LA VRED
Le schéma de la visée immédiate à repère décalé se trouve ici légèrement modifié, et les
dérivés subissent une transformation plus importante que les bases que nous venons d'examiner
au point ill.4.4.1. Le suffixe:lî s'insère entre la base verbale et le dérivatif .:là. ce dernier perdant
sa latérale /11 pour devenir â,. ce qui correspond à la formule modifiée suivante de ce type de
visée:
Sujet + ti + tà-a + (Objetl) + Verbe + lë + hi->
Syjet + ta + tà-a + (Objet) + verbe + lE + à
Examinons les différentes structures.
A- LEsDER/VATIONS PAR SUFFlXATIONDE -la
al Les structures CY-Ia
Prenons les exemples ci-dessous:
(1)
pla
->
ë
ta
tà-a
pà-IE-à
poser
cela
VIS
VRED
poser-Sit-> on va bientôt le poser
295
(2)
fit-là - )
ë
ta
tà-à
f:5-IÈ-à 1
tomber
cela
VIS
VRED
tomber-Sit - ) ça va bientôt tomber
Comme on peut le constater dans la séquence ci-dessus, il se produit une transformation
segmentale, et un changement tonal, en particulier au niveau du schème BB (2) qui devient RB.
li convient de noter que, dans la séquence modalisée {6-lè-à. les schèmes MB et MH des
suffIxes lt et ma sont abaissés à B par le schème B de la base !i détaché du segment 2. par
propagation.
B- LES STRUCTURES CW ETCŒ)LY -la:
.
(1)
koo-Ià
- )
ë
ta
tà-a
a
koo-Ië-à
ramasser
il
VIS
VRED
le
ramasser-Sit - ) il va bientôt le ramasser
.
(2)
k16-la
- )
ë
ta
tà-a
a
k16-lë-à
traîner
il
VIS
VRED
le
traîner-Sit - ) il va bientôt le traîner
Nous observons les changements d'ordre segmental prévus par la formule de la visée à repère
décalé; au plan tonal, contrairement au fonctionnement des bases, les schèmes BR des dérivés
ne déclenchent aucune propagation (2).
Nous retiendrons que, à l'exception des CV-la de schème BB, les dérivés par suffixation
de -la gardent leur schème tonal initial même si celui-ci se trouve éclaté et rendu discontinu du
fait de l'éclatement segmental provoqué par l'insertion de lt par modalisation.
B - LES DERNES PAR REDUPliCATION VOCALIQUE
(1)
sa-a
- )
ë
ta
[à-a
sa-a-Ië
espionner
il
VIS
VRED
espionner-Sit - ) il va bientôt espionner
1- Au point II.5.1.2A, nous avons posé le problème de l'identité de la voyelle dont la réalisation est [~], [~). [y)
ou [w] dans les dissyllabes. Pour cette identification, nous nous sommes appuyé sur les critères définis au
Chapitre II. Nous avons, avec l'exemple de!it:Ji, un argument à la fois syntaxique et morphophonologique à
l'appui de notte thèse: la modalité de visée à repère décalé fait ressortir nettement ici que dans!i:li, la voyelle
VI est bien ~ ; de même, si nous construisons une visée immédiate avec l'exemple (2) du point 1lI.3.5.2. que nous
avons traité plus haut, c'est-à-dire ~ "sortir", nous avons, e t8 tà-à 6:5-1Ë-8 . Si nous y ajoutons un autre
exemple celui, de 1i:ri "décharger", nous obtenons la forme suivante e t8 tà-à t:5-1f:-à "on va bientôt le décharger".
Tous ces faits renforcent donc l'idée que [tt], [y], [w] sont les réalisations des voyelles postérieures U, G,!J,;j.
296
(2)
s~-~
- )
e
ta
tà-a
s~-~-l€
verser
il
VIS
VRED
verser-Sit - ) il va bientôt y en avoir un peu
panout
On retrouve le comportement des CVV.
c -US DEBNES ADOUBLE DERIVATIF
S~-~-hl -)
ë
ta
tà-a
s~-~-lë-a
répandre
cela
VIS
VRED répandre-Sit -) ça va bientôt se répandre par terre
On en revient au fonctionnement des CVV-Iâ.
ill.4.4.3. LES COMPOSES VERBAUX ET LA VRED
(1)
tn-lc1d - )
ë
ta
tà-a
tti-lc1a-l€
jouer
il
VIS
VRED
jouer au "tti"-Sit-) il va bientôt jouer au"tii"
au "tii"
(2)
ta-wai
- )
ë
ta
tà-a
ta-wai-lë
voyager
il
VIS
VRED
voyager-Sit - ) il va bientôt voyager
Seuls les composantes verbales des unités portent la marque de la visée.
A ce stade de notre interrogation sur le groupe verbal, il ne nous semble pas inutile de
faire très brièvement le point. S'il est un fait que les opérations aspectuelles laissent leurs
marques sur le verbe, nous venons de constater que la modalité aussi a une incidence
transformatrice. Nous voudrions, pour finir, voir quel peut être l'effet conjugué, d'abord de la
modalité et de l'aspect, ensuite de deux opérations modales quand elles ne sont pas
incompatibles. Au cours de la brève enquête qui nous permettra de proposer une réponse à ces
deux questions, nous nous limiterons aux seuls
bases et dérivés, étant donné que le
comportement des composés verbaux s'identifie pratiquement, nous l'avons constaté, à celui de
l'une ou l'autre de ces deux catégories.
297
m.s. LES COMBINAISONS ASPECTUO·MODALES
Nous nous intéresserons uniquement à la combinaison des opérations aspectuelles avec
la modalité négative.
La négation consiste à poser une relation prédicative comme non validable ou non
validée. Elle se construit à l'aide d'un prédicatif binaire kâ ... di. •et dont le ton mi-haut (MH) du
premier tenne (kà) provoque généralement l'assimilation à MH des schèmes tonals. B et MB
qu'il précède. Le schéma général de la négation est le suivant:
Sujet + kà + Verbe + dt
Nous considérerons ici la réalisation de la négation dans quelques constructions aspectuelles
présentant un intérêt réel du point de vue de la combinaison.
m.S.I. L'ACCOMPLI NEGATIF
L'accompli négatif s'obtient en introduisant dans le schéma de la négation ci-dessus le
marqueur ~ après la base verbale. La structure correspondante est donc la suivante :
Sujet + kâ + (ObjeU) + verbe + U; + di
Examinons le fonctionnement de l'accompli négatif avec les dérivés verbaux et les bases.
m.5.l.I. LES BASES ET L'ACCOMPLI NEGATIF
A- LES BASES MONOSYLLABlOUES CV
Prenons quelques exemples:
(1)
1
sm
- )
pû
kâ
1
sm - lë di.
sauter
singe
Nég
sauter-Sit Nég -) le singe n'a pas sauté
(2)
tà
- )
pû
ka
Là - H: di.
venir
singe
Nég
venir-Sit Nég - ) le singe n'est pas venu
298
Le seul changement qui se produise est d'ordre tonal: le schème B de y"-"venir" est élevé à MIl
par assimilation (2). Bien évidemment, l'interposition d'un objet peut, selon le schème tonal,
bloquer ou modifier l'assimilation qui apparait dans l'exemple (2). Ainsi, avec la base verbale tE
"tuer", nous pouvons avoir la séquence:
tè
-)
pd
ka
tü
tè - ri: dl.
tuer
singe
Nég
buffle
tuer-Sit Nég - ) le singe n'a pas tué le buffle
B- LEs DISSYlLABES CW ET ÇfY)LV
(1)
jaa
-)
jire
kà
jaa
- lë dl.
faire mal
médicament
Nég
faire mal-Sit Nég - ) le médicament n'a pas fait mal
., ,
(2)
j35
- )
pd
kà
J::>::>
-
lé dl.
se vanter
singe
Nég
se vanter-Sit Nég - ) le singe ne s'est pas vanté
(3)
klô
- )
pd
kà
kiô
-
lë dl.
avoir peur
singe
Nég
avoir peur-Sit Nég - ) le singe n'a pas eu peur
(4)
mB
- )
pd
ka
mH -
lé di
plonger
singe
Nég
plonger-Sit Nég - ) le singe n'a pas plongé
La seule modification observée se situe au niveau du schème BH qui se transfonne en BB par
propagation, le schème MB de ~ passant à H.
On peut conclure qu'au niveau des bases, seuls le schème B des CV et le schème BH des
CVV et C(V)LV subissent des transformations. En ce qui concerne les CVV et C(V)LV en
particulier, il faut souligner l'identité des formes observées ici avec celles générées par la visée
immédiate à repère décalé examinée au point illAA.
III.5.1.2. LES DERIVES VERBAUX ET L'ACCOMPLI NEGATIF
Le schéma descriptif de l'accompli négatif subit une légère transformation avec les
dérivés. TI prend la fonne suivante :
Sujet + ka + (ObjetO + Verbe + lE + il + dl.
299
Ainsi que nous l'avons constaté dans la visée immédiate des dérivés, l'insertion de :lt entraîne la
chute des III du suffixe dérivatif:lÀ. Examinons le componement des différentes structures.
A- LES DEBWES EN -la
Prenons les exemples suivants :
(1)
pla
- )
pO
ka
pa-IË - a di.
poser
singe
Nég
poser-Sit Nég - ) le singe ne l'a pas posé
(2)
ftt-Ià
- )
6èzè
ka
f6 - li: - à di.
tomber
machette Nég
tomber-Sit Nég - ) la machette n'est pas tombée
(3)
koo-Ià - )
p~
ka
koo - lË - a di.
ramasser
singe
Nég ramasser-Sit Nég - ) le singe ne l'a pas ramassé
(4)
kHi-là
- )
pO
ka
kla-IË - à di.
traîner
singe
Nég
traîner-Sit Nég - ) le singe ne l'a pas traîné
Si nous écartons l'assimilation du schème BB des CV :li. à MB-B (2), nous retrouvons les
formes des dérivés en -la générées par la visée immédiate à repère décalé.
B- LES DERNES A YOYEllB REDUPL/QUEE ETA DOUBLE DERIVATIF
Examinons les exemples suivants :
(1)
sa-a
- )
p~
ka
sa - a - lË di.
espionner
singe Nég
espionner-Sil Nég - ) le singe n'a pas espionné
(2)
s~-~
.1
- )
Ji
kà
s~ - ~ - lÉ di.
répandre
eau
Nég
répandre-Sit Nég - ) l'eau n'a pas été répandue
(3)
s~-~-la
.1
- )
Ji
ka
s~ - t -IË-a di.
répandre
eau
Nég
répandre -Sit Nég - ) l'eau n'a pas été répandue
par terre
par terre
par terre
Nous avons les formes des CVV et des CVV-hl à l'accompli négatif.
300
m.s.z. L'AORISTE NEGATIF
La structure de l'aoriste négatif est la suivante :
Sujet + ka + (Objeu) + verbe à l'aoriste + di
Examinons le comportement des bases et des dérivés.
m.5.2.I. LES BASES ET L'AORISTE NEGATIF
,
(1)
WL
- )
pa
ka
1
we
di
parler
singe Nég
parler+AOR Nég - ) le singe ne parle pas
(2)
fm
- )
pa
ka
fa
di
rester
singe Nég
rester+AOR Nég - ) le singe ne reste pas
,
(3)
Bi
- )
te
ka
Bi-a
di
s'allumer
feu
Nég
s'allumer+AOR Nég - ) le feu ne s'allume pas
(4)
tà
- )
pa
ka
' ,
ta-a
di
venir
singe Nég
venir+AOR Nég - ) le singe ne vient pas
(5)
. ; ;
Jaa
- )
pa
ka
jàà-m4
di
être gourmand
singe Nég
être gourmand+AOR Nég-) le singe n'est pas
gourmand
(6)
j56
- )
pû
ka
j:>:)-mô
di
se vanter
singe Nég
se vanter+AOR Nég - ) le singe ne se vante pas
(7)
fti1ï
- )
pa
ka
ftili-mô
di
pournr
singe Nég
pourrir+AOR Nég - ) le singe ne pourrit pas
(8)
m13
- )
pa
ka
mB-mô
di
plonger
singe Nég
plonger+AOR Nég - ) le singe ne plonge pas
On s'aperçoit que, quel que soit le schème tonal au niveau des bases, il est ramené ou maintenu à
MH pour les monosyllabes, à MH - MH pour les dissyllabes.
llI.5.2.2. LES DERIVES ET L'AORISTE NEGATIF
Prenons les exemples ci-dessous:
301
--.~
(1)
pla
- )
6èzé
ka
pa-i-lâ
di
poser
machette
Nég
poser+AOR Nég - ) la machette ne se pose pas
(2)
fit-là
- )
6èzè
ka
fwà-là
di
tomber
machette
Nég
tomber+AOR Nég - ) la machette ne tombe pas
(3)
koo-la - )
kave
ka
koo-mld
di
ramasser
café
Nég
ramasser+AOR Nég - ) le café, on ne le ramasse pas
(4)
6lu-là-)
wèri
kâ
6hi-mla
di
se terrer
Weri
Nég
se terrer+AOR Nég - ) Weri ne se terre pas
•
1
(5)
s~-~
.1
- )
JI
ka
sf-f-ma
di
se répandre
eau
Nég
se répandre+AOR Nég - ) l'eau ne se répand pas
(6)
s~-~-la -)
.1
JI
ka
sf-f-mla
di
se répandre
eau
Nég
se répandre+AOR Nég - ) l'eau ne se répand pas
par terre
parterre
parterre
On constate que le schème des dérivés CV-la est maintenu ou ramené à MH - MB - MH, et
celui des dérivés CVV-hi ,CYLV-lâ à MH - MH - MB - MH.
Nous retiendrons qu'à la négation, sous l'effet du schème MH de kib. tous les schèmes
des formes aoristiques positives sont modifiés.
ID.5.3. L'INACCOMPLI NEGATIF
La structure de l'inaccompli négatif est la suivante :
Syjet + ka + (ObjetÜ + Verbe + -na + di
Examinons le comportement des bases et des dérivés.
m.53.!. LES BASES ET L'INACCOMPLI NEGATIF
Partons des exemples suivants :
,
(1)
w\\..
- )
pû
ka
wi - nâ
di
parler
singe Nég parler+INAC Nég - ) le singe n'est pas en train de parler
302
(2)
kà
- )
pd
ka
ka
-
na
di
mourir
singe Nég mourïr+INAC Nég - ) le singe n'est pas en train de mourir
(3)
j56
- )
pd
ka
J~~ -
nO
di
se vanter
singe Nég se vanter+INAC Nég - ) le singe n'est pas en train de se
vanter
(4)
ml~ -) pd
ka
ml~ -
nei
di
plonger
singe Nég plonger+INAC Nég - ) le singe n'est pas en train de plonger
Nous constatons que, quelles que soient les structures,seul le schème B des formes
inaccomplies des bases se trouve modifié.
m.5.3.2. LES DERIVES ET L'INACCOMPLI NEGATIF
Soit les exemples suivants :
(1)
pla
- )
ë
ka
à
pla - nc1
dl,
poser
il
Nég le
poser+INAC Nég - ) il n'est pas en train de le poser
(2)
fv-là
- )
ë
kâ
ftt-là - nc1
di
tomber
cela Nég
tomber+INAC Nég - ) il n'est pas en train de tomber
,
(3)
kôô-lâ - ) ë
ka
a
kôô -la - nc1
di
ramasser
il
Nég le
ramasser+INAC Nég - ) il n'est pas en train de le
ramasser
,
(4)
kHi-hl
- )
ë
ka
a
kHi-li - nc1
di
traîner
il
Nég le
traîner+INAC Nég - ) il n'est pas en train de le traîner
- )
.
(5)
sa-a
ë
ka
sa-a
-
no
dl
espIonner
il
Nég
espionner+INAC Nég - ) il n'est pas en train d'espionner
,
(6)
s~-~-la -) ë
ka
a
s~-~-lâ - nc1
di
répandre
il
Nég le
répandre+INAC Nég-) il n'est pas en train de le
par terre
parterre
répandre par terre
Si nous écartons l'assimilation à MH - B du schème BB en (2), nous sommes ramené aux
schèmes tonals de l'inaccompli positif.
303
m,5,4. LE STATIF NEGATIF
La structure du statif négatif a la configuration suivante :
i
i
Syjet + ka + AnaphoriQ.Ue du Sujet + Verbe + dL + dL
Examinons le comportement de nos deux catégories de verbes.
m.5A.I. LES BASES ET LE STATIF NEGATIF
Partons des exemples ci-dessous:
(1)
kà
- )
ë
ka
1
e
ka
- dL dL
mourir
il
Nég
lui
mourir-fait Nég - ) il n'est pas mort
.
(2)
s~~
- )
ë
ka
e
s~~ - dt dL
planter
cela
Nég
planter-fait Nég - ) ce n'est pas planté
.
(3)
k13
- )
ë
ka
e
k13 - dt dL
mâcher
il
Nég
mâcher-fait Nég - ) ce n'est pas mâché
Nous retrouvons des fonnes identiques à celles du statif positif.
III.5A.2. LES DERIVES ET LE STATIF NEGATIF
Prenons les exemples ci-dessous:
,
(1)
pla
- )
ë
ka
e
pla - dt dL
poser
cela
Nég
poser+faît Nég-) ça n'est pas posé
.
(2)
fit-là
- )
ë
ka
e
fit-là - dt dL
tomber
cela
Nég
tomber+fait Nég - ) ça n'est pas tombé
.
(3)
s~~-la -) ë
ka
e
s~~-la - dt dL
descendre
cela
Nég
descendre+fait Nég - ) ce n'est pas tombé
,
(4)
6lu-la
- )
ë
ka
e
6lu-la - dt dL
se terrer
il
Nég
se terrer+fait Nég - ) il n'est pas terré
(5)
sa-a
- )
ô
ka
ô
sa-a
-
dL dL
se mettre
ils
Nég eux
se mettre+fait Nég-) ils ne sont pas embusqués
à l'affût
à l'affût
304
(6)
kà-a
- )
ô
kâ
ô
kà-à -
dt di.
se faner
ils
Nég eux
se faner+fait Nég - ) ils ne sont pas tous fanés
(tous)
(7)
5~-~-lâ -) e
ka
ô
5~-~-hl - dt di.
répandre
cela
Nég
répandre+fait Nég -) ce n'est pas répandu par terre
Nous retrouvons les fonnes du statif positif.
ID.S.S. LA NEGATION DU PASSE IMMEDIAT
Cette combinaison correspond à la structure suivante :
S·
k'
,.
V he
'
"Jet + a + Sl-a + JI'
+ DO + di.
Dans cette structure le schème llli du prédicatif si:a se trouve être assimilé à MH - MH sous
l'effet du schème MH de ka. Examinons le comportement des bases et des dérivés.
III.S.S.!. LES BASES ET LA NEGATION DU PASSE IMMEDIAT
Partons des exemples suivants :
,
l
,
(1)
kà
- )
pO
kâ
51-a
kà
- na
dt
mourir
singe Nég
PIM mourir+INAC Nég -) le singe ne vient pas de mourir
., ,
., ,
.
(2)
J::J::J
- )
pO
l
,
kâ
51-a
j::J::J
na
dt
se vanter
singe Nég
PIM
se vanter+INAC Nég-) le singe ne vient pas de se
vanter
- )
.,
(3)
ml:!
pO
ka
51-a
m13
1
- na
di.
plonger
singe Nég
PIM plonger+INAC Nég - ) le singe ne vient pas de
plonger
Nous avons une simple reprise des fonnes du passé immédiat positif.
III.S.S.2. LES DERIVES ET LA NEGATION DU PASSE IMMEDIAT
Prenons les exemples suivants :
30S
(1)
pla
- ) wèn
ka
si-a à pla - n~
di.
poser
Weri
Nég PIM le poser+INAC Nég - ) Weri ne vient pas de le
poser
(2)
k3:5-1a -) wèn
ka
si-a à k3:5-1a - n~
di.
montrer
Weri
Nég PIM le montrer+INAC Nég - ) Wéri ne vient pas de le
montrer
(3)
610-1a -) wèn
ka
si-a
610-1a - n~
di.
se terrer
Weri
Nég PIM
se terrer+INAC Nég - ) Weri ne vient pas de se
terrer
(4)
kà-a
- ) 66
nü ka
si-a
kà-a' - n~
dl.
périr
cabri pl Nég
PIM
périr+INAC Nég-) les cabris ne viennent pas
(tous)
de périr
(5)
s~-~-la -) ji
ka
si-a
s~-~-la - n&
di.
se répandre eau
Nég PIM
se répandre+INAC Nég-) l'eau ne vient pas de
par terre
se répandre par terre
Ici également, nous retrouvons les formes du passé immédiat positif.
D'une façon générale, on peut noter que la combinaison de la négation avec les
opérations aspectuelles a une incidence sur la plupart des formes verbales. Ces changements
sont variables selon les structures syllabiques et les schèmes tonals initiaux. Il faut souligner
que la présence dans la chaîne du schème tonal MIl du prédicatif de négation ka constitue le
paramètre déclencheur de toutes ces transformations, tout comme le prédicatif.ski au schème
assimilé limite le domaine de propagation du schème de kâ. C'est ainsi que peut être formulée la
réponse à la première des deux questions que nous avons posées à la fm du point 111.4.4.
Passons à la seconde question.
Dl6.J,&5 OOMBJNAEQNS MODAI,fflEIJ,ffl PROCfS5US MORPtIOLOGDUES
Nous examinerons tour à tour l'impératif négatif, la négation de "pouvoir", la négation de
la visée immédiate simple, et la négation de la visée immédiate à repère décalé.
306
llL6.1. L'IMPERATIF NEGATIF
L'impératif négatif se construit à l'aide d'un prédicatif à deux termes: të ...dL : le premier,
~ de ton MB, qui, comme nous le verrons un peu plus tard, sert à décrocher la relation
prédicative de tout système de référence, apparaît en tête d'énoncé; le second terme, .dl également
de ton MB, pourrait relever du même statut que celui que nous avons esquissé pour le ID: de
l'accompli négatif. Nous verrons, en temps opportun, les relations possibles entre ces marqueurs
d'opérations. La structure de l'impératif négatif est donc la suivante:
té + Sujet + (ObjetO + verbe + dL
Précisons que si le sujet est un pronom différent de la première personne du pluriel (kàà
"nous"), il prend le schème tonal caractéristique de l'impératif à la première personne du
singulier, aux deuxième et troisième personnes du singulier et du pluriel. Examinons le
componement des bases et des dérivés.
III.6.1.1. LES BASES VERBALES ET L1MPERATIF NEGATIF
Prenons les exemples suivants :
(1)
•
sm
- )
të
i
1
sm
dL
sauter
IMP-Nég
toi
sauter+Nég - ) ne saute pas!
(2)
kà
- )
të
î
ka
dL
mourir
IMP-Nég
toi
mourir+Nég - ) ne meurs pas!
(3)
jaa
- )
të
î
jaa
dL
être gourmand
IMP-Nég
toi
être gourmand+Nég - ) ne soit pas gourmand!
., ,
., ,
(4)
j:J:J
- )
të
1
1
j:J:J
di
se vanter
IMP-Nég
toi
se vanter+Nég - ) ne te vante pas!
(5)
mB
- )
të
•1
ml~
di
plonger
IMP-Nég
toi
plonger+Nég - ) ne plonge pas!
Au niveau de la base verbale elle-même, à la différence de l'impératif positif, seul le schème BH
des dissyllabes se transfonne en BB par propagation «4) et (5»), le marqueur ID: de la négation
307
récupérant le second ton (H) du dissyllabe pour devenir ~ . En outre, on note qu'alors que le
schème MH du sujet de l'impératif positif est maintenu devant le schème phonologique BH, il
est assimilé à MB partout ailleurs.
m.6.1.2. LES DERIVES VERBAUX ET L'IMPERATIF NEGATIF
Partons des exemples suivants :
(1)
pla
- )
të
ë
pla
en
poser
IMP-Nég
il
poser Nég - ) qu'on ne le pose pas!
(2)
rù-là
- )
të
ë
rit-là
dl.
tomber
IMP-Nég
cela
tomber Nég - ) que ça ne tombe pas!
(3)
k:>:5-la -)
të
•1
k:>:5-la dl.
montrer
IMP-Nég
toi
montrer Nég - ) ne (le) montre pas !
(4)
pli-la
1
- )
të
1
pU-la
en
se traîner
IMP-Nég
toi
se traîner Nég - ) ne te traîne pas !
(5)
sa-a
- )
të
i
sa-a
en
espionner
IMP-Nég
toi
espionner Nég - ) n'espionne pas!
(6)
b-:5
- )
të
•
, ,
1
t:>-:J
di
se promener
IMP-Nég
toi
se promener Nég - ) ne te promène pas!
1
(7)
s~-l-la -)
të
e
s~-l-lâ
dl.
se répandre
IMP-Nég
cela
se répandre Nég-) que ça ne se répande pas !
par terre
Nous retrouvons le même fonctionnement qu'avec les bases au point 111.6.1.1. ci-dessus : à
l'exception du schème BH (6), nous avons les mêmes formes qu'à l'impératif positif.
Retenons qu'en dehors des différences que nous avons soulignées, la plupart des fonnes
de l'impératif positif sont reprises à l'impératif négatif.
m.6.2. LA NEGATION DE "POUVOffi"
La structure de "pouvoir" au négatif est la suivante:
308
Sujet + ka + ktila - ma + (OQjeU) + verbe + di + à + di
Nous retrouvons la combinaison de la structure de la négation ka...dï avec celle de "pouvoir"
ktilà-mcL.di à, fusion de structures qui entraîne l'assimilation à MH-MH-MB du schème BB-H
de ktilà-m4. Examinons le comportement des bases verbales et des dérivés.
m.6.2.1. LES BASES VERBALES ET LA NEGATION DE "POUVOIR"
Partons des exemples suivants :
(1)
1
sm
-> pd
ka
ktila-ma
1
sm - dï à di
sauter
singe
Nég
pouvoir+AOR
sauter+fait Sit Nég -> le singe ne peut pas
sauter
., ,
(2)
J:>:>
-> pd
ka
ktila-ma
J:>:>
di à
di
se vanter
singe
Nég
pouvoir+AOR
se vanter+fait Sit Nég -> le singe ne peut
pas se vanter
(3)
ml3
-> pd
ka
ktilà-ma
ml~ -
di à
di
plonger
singe
Nég
pouvoir+AOR
plonger+fait Sit Nég -> le singe ne peut
pas plonger
Quelles que soient les structures, nous avons les formes de "pouvoir" au positif. On peut noter
que, comme tidans la négation du passé immédiat, kwà-mô fait ici écran et filtre la
propagation du schème MH de ki hors du domaine qui lui est immédiatement contigu.
m.6.2.2. LES DERNES VERBAUX ET LA NEGATION DE "POUVOIR"
(1)
pla
-> wèri
ka
killa-ma
à
pla, - di à di
plonger
Weri
Nég JXX1'OÏr+AOR le JXm'+faitSitNég-> Weri ne peut pas le
poser
(2)
ftilà
-> tësia
kà
ktilà-ma
à
ftilà
di à di
laisser
Tessiàl Nég JXX1'OÏr+AOR le ~nrhY+faitSitNég-> Tessiah ne peut
choir
Jm eœsert:JInl:x;r
(3)
kee-Ia -> tësia
ka
kilà-ma
à
kee-Ia - di à di
ramasser
Tessiàl Nég JXX1'OÏr+AOR le rarmsser+faitSitNég-> Tessiah ne peut pas
le ramasser
309
(4)
kla-la
- ) pd
ka
kula-m4
à
kla-hl-di. à dt
traîner
singe
Nég JXl1'Œ+AOR le rârrr+filitSitNég-) le singe ne peut pas
le traîner
(5)
sa-a
- ) pd
ka
ktilà-m4
sa-a
- di. à di.
espionner
singe
Nég pŒl\\Ci"+AOR esP:xuleC+faitSilNég-) le singe ne peut pas
espionner
(6)
st-~-la -) ji
ka
kula-m4
st-~-la - di. à di.
sen1DxJre
eau
Nég }XlNir+AOR seIquxhe+-faitSilNég-) l'eau ne peut pas se
répandre par terre
Nous obtenons les formes de l'expression de "pouvoir" au positif.
ill.6.3. LA NEGATION ET LA VISEE IMMEDIATE SIMPLE (VIS)
La visée immédiate négative simple se construit à l'aide de ka...di et de la forme
inaccomplie du verbe. On obtient la structure suivante :
Sujet + ka + (OQjeH) + verbe + nô + di.
On constate la disparition de la particule ta. Pour les bases et les dérivés, les formes sont les
formes inaccomplies correspondantes que nous avons décrites plus haut. Nous nous limiterons
aux deux exemples suivants:
.
(1)
1
Sei)
- )
ë
ka
Sei)
- nd
di.
sauter
il
Nég
sauter+INAC Nég - ) il ne va pas sauter
.
.-
(2)
pla
- )
ë
ka
a
pla - no
di.
poser
il
Nég
le
poser+INAC Nég - ) il ne va pas le poser
En fait, nous avons ici simplement l'utilisation modale de l'inaccompli. C'est une
opération dont nous étudierons le processus au Chapitre VII.
ill.6.4. LA NEGATION DE LA VISEE IMMEDIATE A REPERE DECALE
La négation de la visée immédiate à repère décalé (VRED) devrait logiquement
correspondre àla structure :
310
*Sujet + ka + ta + tà - a + (ObjeH) + Yerbe + If + di.
Mais cette structure n'est pas attestée. On lui substitue quelquefois une autre structure qui est à
peine acceptée :
? Sujet + ka + cl + tà - na + (ObjetIl + Yerbe + nO + di.
,, Nous illustrerons rapidementcette seconde structure de la visée immédiate qui peutêtre tolérée
et qui donne des énoncés généralement considérés comme recherchés, voire bizarres. Prenons
•
quelques exemples avec les bases verbales et les dérivés verbaux.
m.6.4.1. LES BASES VERBALES ET LA VRED
1
(1)
S(i)
- )
ë
ka
cl
tà-na
slb - nd
di.
sauter
il
Nég
VIS VRED sauter+INAC Nég - ) il ne pensera pas à sauter
(2)
j:H
- )
ë
ka
ta
tà-na
J:>:>
nd
di.
se vanter
il
Nég
VIS VRED se vanter+INAC Nég - ) il ne va pas envisager
de se vanter
(3)
jaa
- )
ë
ka
ta
tà-na
Jaa
nd
di.
meganmnl il Nég VIS VRED megœnmrl+-INACNég-) il ne pensera pas à
être gounnand
(4)
m13-)
ë
ka
ta
tà-na
m13 -
n6
di
plonger
il
Nég
VIS VRED plonger+INAC Nég -)il n'envisagera pas de
plonger
Par rapport à la structure positive correspondante, seul le schème BH initial reste inchangé
puisqu'il ne subit pas de propagation tonale pour passer au schème BB. Mais il faut noter que
nous avons ici une structure totalement différente.
III.6.4.2. LES DERIVES VERBAUX ET LA VRED
- )
.
(1)
pla
ë
ka
ta
tà-n~
pla - n~
di.
poser
cela Nég VIS
VRED poser+INAC Nég - ) ça ne va pas se poser
(2)
Bü-Ia - )
ë
ka
ta
tà-n~
Bü-Ia - nô
di.
sortir
il
Nég VIS
VRED sortïr+INAC Nég - ) il ne pensera pas à sortir
311
(3)
koo-la-)
ë
ka
tt
tà-na
à
koo-la - ne!
di
ramasser
il
Nég VIS VRED le
ramasser+INAC Nég - ) il n'envisagera pas
de le ramasser
(4)
pll-la - )
ë
ka
1
ta
tà-na
pll-la -
ne!
di
se traîner
il
Nég VIS VRED se traîner+INAC Nég - ) il ne pensera pas à se
traîner
(5)
sa-a
- )
ë
ka
1
ta
tà-na
sa-a
-
ne!
di
espionner
il
Nég VIS VRED espionner+INAC Nég - ) il n'envisagera pas
d'espionner
..
1
(6)
s~-~-là -) Ji
ka
ta
tà-na
s~-~-la - ne!
di
se répandre eau Nég VIS VRED se répandre+INAC Nég - ) l'eau ne se répandra
par terre
pas par terre
Comme fonne de négation de visée àrepère décalé, on utilise aussi la structure:
Sujet + kà + ltà 1+ (ObjetO + verbe + nO + di.
qui correspond à la fonnule précédente sans la particule m... On ne retrouve donc que le second
prédicatif, /tà/ "venir", qui est un verbe auxiliaire nonnalement conjugué. Cette fonnule nous
donne, pour les bases et les dérivés, les exemples suivants :
,
(1)
sm
- )
ë
ka
ci-na
sm - ne!
di.
sauter
il
Nég
venir+INAC sauter+INAC Nég - ) il n'envisage pas de
sauter
(2)
j36
-) ë
ka'
, "
-
d
ta-na
p:>
na
i.
se vanter
il
Nég
venir+INAC se vanter+INAC Nég - ) il n'envisage pas de se
vanter
(3)
mB
- )
ë
ka
ta-n~
mB - ne!
di.
plonger
il
Nég
venir+INAC plonger+INAC Nég - ) il n'envisage pas de
plonger
.
(4)
pla
- )
ë
kà
tà-n~
a
pla - nô
dl,
poser
il
Nég
venir+INAC le poser+INAC Nég - ) il n'envisage pas de le
poser
(5)
koo-hl-)
ë
ka
'
..
ta-na
à
koo -la - nô
dl,
ramasser
il
Nég
venir+INAC le ramasser+INAC Nég - ) il n'envisage pas
de le ramasser
(6)
s~-~-hi -) ji
ka
ta-nô
sl:-~-hi
- nô
di
se répandre eau Nég
venir+INAC se répandre+INAC Nég - ) l'eau ne va pas se
répandre par terre
312
D'une manière générale, pour ce qui est de la négation de la visée à repère décalé, dans la
pratique, l'on en revient le plus souvent à la structure de la négation de la visée immédiate simple
que nous avons vue au point m.6.3. ci-dessus. Il semble en effet qu'au niveau de l'avenir, l'on
assiste à une sone de phénomène d'aplatissement, la négation ramenant tous les degrés à un
seul. On constate une grande différence entre ces structures et les formes positives
correspondantes que nous avons étudiées.
A propos des combinaisons modales dont nous venons de voir un aspect du
fonctionnement, nous nous en tiendrons à une seule remarque : alors que dans le cas de
l'impératif négatif et de la négation de "pouvoir" nous obtenons des formes qui sont très proches
des formes positives correspondantes, au niveau des deux types de visée immédiate, nous avons
affaire à des structures totalement différentes correspondant à des représentations entièrement
autres.
C'est dire que nous entrons là dans une zone où le nombre, la finesse des paramètres
constitutifs des opérations, définissent un champ d'incertitudes qui offre au moins la certitude
que, de toute façon, une réflexion approfondie s'impose si l'on veut faire reculer les frontières du
non connu. nfaut dire aussi que les unités sur lesquelles portent ces opérations n'échappent pas
non plus toutes à cette zone du flou. C'est pour cela que, en clôture à cette tentative
d'identification des fonnes du groupe verbal, nous avons jugé utile de signaler, au moins pour
mémoire, le comportement particulier de certains verbes.
m,A PRQIDS DEOUELOUFS VERBES AUFQNcmNNEMENTATVPIlUE
Il existe en effet des unités de structures CYV, C(V)LV, CYLVCYLV qui, du point de
vue aspectuo-modal, fonctionnent comme des structures CV. C'est, par exemple, le cas de tri
"grimper", 61m "presser", 61L "manger", ni "respirer", 6eri "guérir", mli "boire", klL "manquer".
L'aoriste de ces verbes est, dans l'ordre, (mâà) tIÏ-a "Ge) grimpe (à quelque chose)", (ë) 016 "(ça)
se presse", (mcià).lli. "Ge le) mange", (ci) fl1-d "Ge) respire", (ci) oéri-â "Ge) guéris", (moà) mli-d
"Ge le) bois", (ë).k1i "(ça) peut faire défaut", alors que l'on s'attendrait plutôt, au schème tonal
313
près, et du fait de la structure C(V)LV de ces verbes, respectivement à *~, * 61@-rno, * 61l-
!da *f1l:m..4, * 6èo-rno, *rnll-rnd, *k1l-rnd.
A ces unités au comportement particulier, il faut joindre des verbes comme tilQ "jeter",
m"passer",.Wi. "faire", qui, non seulement ne se comportent pas comme des CVV, mais se
distinguent aussi des CV du fait qu'ils subissent, par exemple à l'aoriste, une transformation-
d'un type particulier- d'au moins une de leurs voyelles. Ainsi, nous avons, (mda) tù-a "(je le)
jette", (0) ~ "(je) passe", (rnda) m "(je le) fais" et non *tü@-mo, *ci\\.-mo, *d'rt-mo pour le
même sens. TI s'agit là de faits de langue; faut-il les prendre comme tels? Ou alors, peut-être,
des analyses d'ordre diachronique pourraient-elles nous aider à trouver les raisons de ce
comportement atypique.
C'est sur cette question que nous arrêtons, ou, plutôt, suspendons notre interrogation sur
la morphologie du yaouré en tant que telle, mais nous aimerions faire quelques observations
brèves d'ordre général.
Au cours de l'analyse des variations des formes, la constante recherche de la clarté a pu
parfois sembler nous conduire à une distinction entre la structure morphologique et la structure
tonale d'une forme. En dehors des variations tonales contextuelles, les bases, les dérivés et les
composés ont leurs schèmes tonals qui sont des éléments constitutifs de ces unités et
appartiennent donc à leur structure. Ainsi toute variation tonale qui transforme le schème tonal
initial en un autre est une variation morphologique. En d'autres termes, la morphologie, qui est
l'objet de ce Chapitre, couvre non seulement la structure segmentale interne des unités, mais
aussi la structure tonale en tant qu'élément constitutif.
Par ailleurs, l'analyse qui nous a conduit depuis les unités élémentaires que sont les
phonèmes jusqu'aux syntagmes en passant par les bases, les dérivés, les composés, les fonnes
aspectuo- modales et les amalgames, nous a révélé l'intrication profonde des processus
langagiers, la complexité des structurations, et partant le caractère nécessairement
multidimensionnel des fonnes engendrées. Cette analyse nous a permis de nous rendre compte
314
comment, pour signifier, des formes et des contenus sont amenés à se superposer, à se recouvrir
partiellement ou totalement, à s'imbriquer les uns dans les autres pour créer des ambiguïtés, des
ambivalences, bref des valeurs multiples, à la fois permanentes et fugaces. Autant de choses qui
ne peuvent manquer d'éveiller notre curiosité. C'est pourquoi, _et pour reprendre le mot d'un
grand homme de science, nous nous proposons d'aller au- delà de ce "visible compliqué" afin de
tenter d'appréhender quelques aspects de ce qui, concernant le système de référenciation en
yaouré, n'est peut-être après tout que de l'ordre de l"'invisible simple".
Ce dont il n'est plus permis de douter, c'est que, bien souvent, les formes que nous
venons d'identifier dans ce Chapitre, et qui sont individuellement complexes à la fois en elles-
mêmes et a fortiori dans leur enchevêtrement, ont un lien étroit avec les représentations des
locuteurs quand ils réfèrent. Et, référer renvoie à un certain nombre d'opérations telles que, par
exemple, le repérage aspectuo-modal, la détermination nominale. C'est au calcul de certaines de
ces opérations que nous consacrerons, pour le yaouré, les Chapitres qui suivent. Mais, à la fois
pour satisfaire un besoin personnel de clarification conceptuelle et surtout pour mieux faire
ressortir l'essence des opérations, nous voudrions d'abord, d'entrée de jeu rappeler en quelques
lignes les dimensions des paramètres centraux qui donnent fonne et contenu à ces opérations;
ces paramètres sont la prédication et l'énonciation, les deux actes fondamentaux ou constitutifs
de l'activité de langage, ontologiquement liés et s'impliquant ou se présupposant l'un l'autre.
315
UNIVERSITE PARIS VII
UFR de LINGUISTIQUE
QUElLQUES ASPECTS DES PROCESSUS PHONOlLOGKQUES,
MORlPHOlLOGKQUES ET ENONCKATIfS DE lLA lLANGUE
VAOURE
TOMEll
HENRIGADOU
Directeur de thèse : A. CUlioli
Membres du jury: J. Lowenstamm
'~:-----
CONSEIL AFRICAIN ET
A. Culioli
.
MALGACHE
C. Fuchs
POUR L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
S. Platiel
i C. A. M. E. S. -
OUA~~DOUGOU 1
J.-1. Franckel
Arrivée 07- JoU tN. :19.~o
i
G. Hérault
Enregistré sous n° .. '#0 .() 4· 6 8
..
JUIN 1992
CHAPITRE IV
PREDICATION ET ENONCIATION EN y AODRE
316
Ce Chapitre a pour objet l'identification et la description des paramètres essentiels du
processus de la référenciation. Ceci revient à rappeler en quoi consiste l'énonciation et la
prédication, les deux concepts auxquels s'identifie l'essence même de l'acte de langage et que
nous illustrerons à l'aide de quelques faits du yaouré, en attendant d'aborder ultérieurement, sous
leur éclairage, l'examen d'autres types d'opérations.
IV.I. BREF RAPPEL DE QUELQUES REPERES THEORIQUES
n importe de souligner dès l'abord que nous n'avons pas l'intention de faire ici un exposé
systématique et exhaustif de la théorie de A. CULIOLI, la Théorie des Opérations Enonciaùves.
Celle-ci, bien entendu, dans une optique qui n'a pas pour credo le fixisme, ne saurait être
identifiée à tel ou tel de ses états. Toutefois, outre les publications de CULIOLI lui-même, le
mcxlèle culiolien, de 1965 à 1990, a fait l'objet d'un nombre important d'exposés écrits et oraux
dont la liste des références serait trop fastidieuse à rappeler ici. Et nous pouvons dire que les
choix épistémologiques et théoriques de CULIOLI, quoique peu banals et d'une grande
exigence, apparaissent aujourd'hui clairs dans leurs principes, leur orientation et leur mise en
oeuvre pratique.
Pour ce qui concerne le présent travail, nous voudrions, au moins pour nous-même, nous
limiter à une clarificaùon conceptuelle, laquelle constituera un garde-fou permettant une sorte
d'auto-contrôle sur nous-même, et nous montrant à chaque pas où nous sommes et ce que nous
faisons. Les concepts fondamentaux que nous allons définir seront ensuite intégrés dans un
ensemble cohérent au point IV. 1.3. traitant les niveaux de l'acte énonciaùf.
317
IV.I.I. ENONCIATION ET PREDICATION
IV. 1. 1. 1. LA PREDICATION
La prédication est un acte langagier qui consiste à mettre en relation au moins deux
objets linguistiques de telle sone que l'un serve de repère par rappon à l'autre. Elle permet
d'obtenir une relation prédicative1.
IV. 1.1.2. L'ENONCIATION
Au plan métalinguistique, "énonciation" est un terme ambigu. Dans son acception stricte,
il renvoie au repérage d'un objet linguistique - un terme ou une relation - par rappon à la
situation d'énonciation définie par le sujet énonciateur So et le moment de l'énonciation To. Au
sens large, "énonciation" désigne la constitution globale d'un énoncé et renvoie par conséquent à
la fois au sens spécifique défmi ci-dessus et aux opérations prédicatives, puisque la constitution
d'un énoncé repose tout aussi bien sur le mise en place de relations prédicatives que sur le
repérage de celles-ci par rappon à la situation d'énonciation. De façon générale, l'énonciation en
tant qu'acte langagier est une opération qui établit donc des relations énonciatives.
IV.l.l.3. ENONCIATION ET PREDICATION
Prédication et énonciation sont donc liées : lorsqu'on énonce, on prédique
nécessairement, et lorsqu'on prédique, c'est en vue d'énoncer. TI s'ensuit qu'il y a une étroite
relation de nature entre ces deux opérations. Elles interagissent souvent. En fait, l'énonciation et
la prédication constituent les deux faces de cet acte énonciatif abstrait dont nous allons
brièvement passer en revue les éléments constitutifs.
1- Nous verrons un peu plus tard à quel niveau se situe la prédication dans la constitution d'un énoncé.
318
IV.I.2. LES PARAMETRES DE L'ACTE ENONCIATIF
Les paramètres essentiels de l'acte énonciatif sont les suivants :
-les objets à mettre en rapport, c'est-à-dire les termes1ou les relations,
-la relation primitive,
-la situation d'énonciation (Sc, To),
-l'acte constitutif.
fi importe d'examiner de près la nature de ces quatre paramètres.
IV.1.2.1. LES TERMES
Les termes à mettre en relation, dans le cas le plus simple, sont des objets linguistiques
tels que~, ~, construits eux-mêmes sur des notions. Une notion se définit en intension ;
elle est pré-catégorielle par essence, c'est-à-dire antérieure à toute spécification en nom. verbe,
ete. Si l'on veut proposer une formule qui la traduise, les deux objets ci-dessus, c'est-à-dire chat
et souris. sont issus des notions "( ) être-chat" et "( ) être-souris".
Se présentant comme un prédicat insécable, la notion est un système complexe de
propriétés physico-culturelles d'ordre cognitif. Le repérage d'une notion par rapport à une autre
passe par sa détermination, c'est-à-dire par la construction d'un domaine notionnelle (P)
correspondant, défini quantitativement par une classe d'occurrences individuables, et
qualitativement par un espace topologique; celui-ci distingue un intérieur, désignant tout ce qui
appartient au domaine (P), une frontière ou complémentaire linguistique désignant ce qui n'a pas
vraiment les propriétés définitoires du domaine (P), enfin un extérieur, qui est vraiment autre,
c'est-à-dire tout à fait distinct de (P) puisque nous n'y avons aucune occurrence de (P).
1- Nous emploierons ~ indifféremment pour les objets linguistiques ou métalinguistiques ; le contexte
permettra à chaque fois l'identification du niveau d'emploi.
319
Soulignons enfm que le domaine est muni d'un gradient, lequel représente un principe de
variation sur les valeurs, une échelle d'évaluation des valeurs des occurrences, pennettant de
situer le degré d'identité des occurrences avec le centre attracteur.
La construction de domaines notionnels crée donc des entités structurées correspondant
aux objets ou termes à mettre en relation, ici, ~ ~.
N.I.2.2. LA RELATION PRIMITIVE
Nous situant toujours à un niveau pré-énonciatif, nous dirons que la mise en relation de
deux domaines notionnels dépend de l'aptitude de ceux-ci à entrer dans une relation prédicative,
c'est-à-dire, en fin de compte, de contraintes sémantico-fonnelles définissant une relation
primitive, relation originelle1 ordonnée identifiant l'un des domaines comme source et l'autre
comme but. Ainsi, si en français nous situons klW et ~ par rapport au prédicat manger,
selon la représentation cognitive la plus courante, c'est le chat qui sera le "mangeur" et la souris
le "mangé", et non l'inverse.
N.I.2.3. LA SITUATION D'ENONCIATION
La situation d'énonciation est un système de repère complexe composé au moins: d'une
situation d'énonciation origine Silo (Sa. T02, d'une situation repère de l'instance de locution
Sill !.S.1....II1, d'une situation repère de l'événement auquel on veut renvoyer Sit2lSz....I21. Tous
ces repères qui, comme nous le verrons, sont centrés sur la situation origine, se composent aux
différents niveaux d'un opérateur binaire Sil agissant sur un couple c.s......D, point référentiel
fonné d'un index spatio-temporel l et d'un sujet énonciateur S.
1- Il faut rappeler que l'ordre de cette relation est imposé par le découpage physico-culturel ou par une
modulation de type rhétorique.
320
Comme nous le verrons, nous avons là les éléments des coordonnées énonciatives qui
forment le système référentiel par rapport auquel se calculent les valeurs référentielles et la
signification des énoncés.
IV.I.3. L'ACTE ENONCIATIF ET SES DIFFERENTS PLANS
C'est à cet ensemble que nous venons de décrire analytiquement que s'applique l'acte
présidant à la constitution des énoncés, acte qui se ramène à un système de repérages plus ou
moins hiérarchisés : d'abord, mise en relation, par un énonciateur, d'objets ou d'êtres
linguistiques construits sur des notions, puis repérage de la structure ainsi construite par rapport
aux paramètres de la situation globale d'énonciation.
Cet acte constitutif synthétique se compose de plusieurs actes se situant sur des plans
plus ou moins interdépendants. Nous nous bornerons ici à décrire brièvement la nature des
différents niveaux.
N.1.3.1. LA LEXIS
Le premier acte énonciatifl , c'est la constitution de la lexis. La lexis est une sorte de
proto-forme, la forme primitive qui est à la base d'un énoncé.
Etant donné d'une part une relation primitive définie par une notion de prédicat, et d'autre
part un schéma de lexis <ço, ÇI,7t> dont les places sont ordonnées2, la lexis, compte tenu de ce
que l'on veut dire, s'obtient par instanciation des places du schéma de lexis à l'aide de termes
construits sur des notions. La source et le but de la relation primitive deviennent respectivement
le point de départ et le point d'arrivée de la lexis en tant que relation. En guise d'exemples, si
nous avons en yaouré les termes Pba "bois", ~ "singe",.i "casser", la lexis correspondante sera
1- Enonciatif est à prendre ici au sens large.
2- Nous rappelons que 1t représente la relation dont Ço et Çl sont respectivement le point de départ et le point
d'arrivée. Dans ce schéma aux places pré-ordonnées, il faut souligner les couples significatifs de relation Ço-Çl,
Ça-1t, Çl-1t qui en résultent.
321
<pO, jîba, je> ou <pO, je, jîba>.
Une telle lexis est, comme on le sait, pré-assertive1, n'étant pas encore située dans un espace
référentiel. Elle ne s'engagera dans la voie de l'assertion que lorsque, de génératrice potentielle de
relations prédicatives qu'elle est, elle passe à un statut de relation prédicative spécifique.
N.l.3,2, CONSTRUCTION DE LA RELATION PREDICATIVE
Après la constitution de la lexis, la deuxième étape de la genèse de l'énoncé est la
construction de la relation prédicative. L'énonciateur doit orienter le prédicat2, ce qui revient à
choisir ce qui, en surface, sera le point de départ de cette relation. De ce choix résulte une
construction appelée relation prédicative. Si nous reprenons la lexis donnée ci-dessus, <pu, je,
Jïba>, le terme de départ (T,D) peut être soit ~ "gorille", soit Üba "bois, arbre", pour ne prendre
que ces deux exemples, ce qui nous donnera les deux relations prédicatives 'A.' et 'A." ci-dessous:
1
1
'A." :Jïba s.. < pO, je, ( ) >
Nous verrons plus tard que ces deux relations définissent respectivement les diathèses active et
passive4 que nous trouvons dans les énoncés
1)
pO
Jïba
jë-e
singe bois
casser+ACC - ) le singe a cassé le bois
1- La lexis est pré-assertive, dans le sens où elle se situe en de-çà de la prise en charge par un énonciateur en vue
de la construction d'un énoncé.
2- En dehors des usages particuliers que nous expliciterons le cas échéant, pour la suite, nous employons en
général "prédicat" dans le sens de "verbe" ou "relateur".
3- Il faut rappeler que, dans le modèle culiolien, ~ "epsilon" est un marqueur d'opérations primitives à quatre
valeurs: identification (=), différenciation (:;t), rupture (co: ni :;t ni =), valeur fictive (*), c'est-à-dire
composition des trois premières.
4- La diathèse sera étudiée au point IV.2.
322
2)
jïba
je-e
bois
casser+ACC - ) le bois a été cassé
N.l.3.3. LE REPERAGE PREDICATIF
Le repérage prédicatif consiste à construire le point de départ de la prédication au plan de
la représentation, c'est-à-dire le repère prédicatif, lequel est à distinguer du tenne de départ qui,
lui, est issu, comme nous l'avons vu au point IV.l.!.!., de l'établissement de la relation
prédicative. Il s'agit en fait du tenne autour duquel s'organise la relation prédicative. Il
correspond grosso modo à ce qu'on appelle traditionnellement "sujet psychologique" par
opposition au "prédicat psychologique". Si dans la séquence (1)
p~ jïba jë-e
nous prenons ~ comme point de départ, alors le second membre jîba je-è "a cassé le bois"
apparaîtra comme prédicat psychologique; si au contraire pba jë-ê est pris comme point de
départ, alors ~ aura logiquement le statut de prédicat. La différence d'interprétation résidera,
non pas au plan linéaire de surface, mais au plan de la représentation, dans le choix du point de
départ, qui est ~ en (l') et pb a jë-e en (2') :
(l')
~ jïba je-e
(2')
p~ Jïba jè-è
Dans l'ordre du repérage prédicatif, ~ est premier en (l ') alors que c'est le membre Jïba jë-e qui
est premier en (2'). Au-delà de cette présentation liminaire qui ne veut servir que comme
définition, nous reviendrons plus explicitement sur le repérage prédicatif en yaouré au point
N.3., puis au Chapitre VII lors de l'analyse de l'assertion négative qui donne tout son sens à ce
concept dont la pertinence n'est pas facile à percevoir.
323
IV.1.3.4. LE REPERAGE CONSTITUTIF
1
Le repère constitutif est, comme le note CULIOLI,
le "domaine organisateur de
l'énoncé". C'est le terme que pose l'énonciateur dans la chaîne comme étant le centre de son
propos ou de son énoncé. Ce repère constitutif est appelé, selon les linguistes, thème, topic ou
"referential point". En yaouré, on dira par exemple, à l'aide du marqueur de thématisation 5e,
(3)
mitèrc5
B€
ë
tà2
Mitterrand
TH
lui
venir+ACC - ) Mitterrand, il est venu
pour exprimer qu'on pose Mitterrand, et qu'ensuite on en dit quelque chose. Nous reviendrons
sur le fonctionnement de la thématisation au point IV.4.
IV.1.3.5. LE REPERAGE ENONCIATIF
Le repérage énonciatif consiste à repérer la relation prédicative construite par rapport au
système complexe de repérage que nous avons vu au point IV. 1.2.3. Les composantes de ce
complexe sont Silo (So, To), Sit2 (S2' T2) et Sitl (SI' Tl)' Il faut souligner que le repère de
l'événement est centré sur le repère origine par le biais de l'instance de locution, chaîne de
repérage que nous pouvons schématiser à l'aide de l'opérateur §..
Pour clore ce Tableau de présentation conceptuelle, il faut retenir que c'est par rapport à cet
espace référentiel aux paramètres multiples que la relation prédicative construite et prise en
charge par un énonciateur prend sens et contenu pour devenir un énoncé. L'acte énonciatif
apparaît donc nécessairement complexe, comportant des niveaux plus ou moins imbriqués et
superposés, mais entre lesquels il ne faudrait pas voir systématiquement un rapport de hiérarchie
simplement logique ou chronologique.
1- CULIOLI, A. (1982) : RÔle des représentations métalinguistiques en syntaxe, Paris, Collection ERA 642,
p.l6.
2- Pour la suite, nous désignerons la thématisation par TH et la focalisation par EQC..
3- Pour la suite, Â représentera la km et ~ la relation prédicative.
324
En effet, à examiner de près les repérages que nous avons appelés "construction de la
relation prédicative", c'est-à-dire la diathèse, "repérage prédicatif', c'est-à-dire le choix de
l'ensemble de départ au plan psychologique ou représentationnel, "repérage constitutif', c'est-à-
dire la thématisation, il s'agit d'opérations entretenant entre elles des rapports qui peuvent être
complexes et ambigus selon les domaines sur lesquels l'énonciateur les fait porter. Pour situer
rapidement le problème ici formulé en l'illustrant, avant d'y revenir plus bas pour une analyse
détaillée, nous prendrons deux situations distinctes à travers deux énoncés.
D'abord, prenons l'énoncé (4) suivant, que nous donnons avec une des descriptions
possibles1 des opérations prédicatives et énonciatives effectuées par l'énonciateur :
(4)
.kim.
a
mangé
la mangue
(4')
zQ
màgâ
6lï-i
Jean
mangue
manger+ACC
i
1Terme de départ
1 (T.D.)
1Repère prédicatif
1 (R.P.)
1Repère constitutif 1 (R.C.)
( 1Terme focalisé
1) (T.P.)
-le terme de départ (T.o) est manifestement.kan ;
- kan est aussi le repère prédicatif (R.P) au sens où on l'a défini plus haut: Jean est le sujet
psychologique; on pose d'abord kan et ensuite, par rapport à ce point de départ, on construit
man f:er la man ~e ;
-le repère constitutif (R.C) est ~: Jean est le centre du propos;
-
on ajoutera que kan peut faire l'objet d'une focalisation sans trace, au sens de "c'est Jean
qui...".
Ainsi, l'analyse de (4) ou (4') que nous avons choisie, ce qui n'est ici que l'une des
interprétations possibles de cet énoncé, correspond à une construction de l'énonciateur faisant
1- Nous disons "possible" : en effet, l'absence de marqueurs explicites fait que, hors situation, plusieurs
hypothèses peuvent être émises quant aux choix non révélés de l'énonciateur.
325
coïncider sur une même occurrence d'un domaine notionnelles trois repérages que nous avons
définis et auxquels on peut ajouter la focalisation qui, comme nous le verrons, présuppose un
"repère prédicatif' ou "sujet psychologique" ; la focalisation en effet se superpose à un prédicat
psychologique pour renforcer le choix d'un élément dans un paradigme d'éléments possibles.
Notons que c'est cette coïncidence des repères, renforcée par une absence de marqueur
ou par un marqueur zéro (0'), qui est à l'origine de certains types d'ambiguïtés dues à des
glissements de valeurs entre diathèse et thématisation, diathèse et repérage prédicatif, diathèse et
focalisation, repérage prédicatif et focalisation, pour ne citer que ces cas. Quand une opération
n'a pas de marqueur explicite en surface, l'ambiguïté s'explique par le fait que le co-énonciateur,
n'étant pas nécessairement dans le secret des représentations de l'énonciateur, peut envisager
plusieurs choix possibles. Ainsi, pour le repérage prédicatif par exemple, seule une explication
des situations d'énonciation permet, comme nous le verrons, de calculer les valeurs visées par
l'énonciateur.
A côté de la situation caractérisée par la coïncidence des repérages prédicatifs et
énonciatifs où toutes les traces sont réduites à zéro (0'), on peut avoir des cas où, à l'exception de
la focalisation, les domaines des différents repérages sont distincts, ce qui nous donne des
énoncés où, pour le yaouré tout au moins, certaines des opérations sont représentées par des
marques formelles comme nous pouvons le voir dans les exemples ci-dessous:
(5)
La mangue,
c'est Jean
qui l'a mangée
(5')
mage
6€
zo
6€
6lt-tl
mangue
TH
Jean
FOC
manger+ACC
Î
Î
Î
R.C.
1 T.D.+FOC 1
R.P.
L'analyse de cet énoncé est la suivante :
-la man~e est le repère constitutif, centre du propos (R.C) ;
1- On reviendra, bien entendu, sur les marqueurs de thématisation et de focalisation, ~ et Qi.
326
- dans la construction de l'énoncé, la relation "e) a man~" est l'ensemble de dépan, c'est-à-dire
le repère prédicatif (R.P) ;
- km est choisi comme tenne de départ (TD) à partir de la lexis <Jean, manger, mangue> ;
- km, tenne de dépan, est aussi le prédicat psychologique focalisé.
On voit donc que R.C est réalisé par Dé, T.D focalisé par ni, ce qui nous permet d'identifier ici,
par déduction, le repère prédicatif (R.P) <e) a man&é> ou <e) oli-t>. Chaque opération a ainsi
un domaine d'intervention distinct, à l'exception de la focalisation qui se superpose toujours à
une première construction.
La coïncidence des repérages étant un cas particulier des choix que peut faire
l'énonciateur, nous nous proposons, dans la suite de ce Chapitre, d'interroger plus profondément
ces repérages en privilégiant, pour certains d'entre eux et quand cela est possible, les seuls cas où
la dissociation des domaines d'intervention des opérations est traduite par des marques formelles
distinctives. Nous passerons donc en revue respectivement la diathèse, le repérage prédicatif, la
thématisation et la focalisation.
W.Z. DIATHE5E ET PREDICATION EN YAOUBE
Prédiquer, c'est (ré-)organiser la lexis en orientant le prédicat par rapport aux arguments.
La diathèse, c'est l'ensemble des orientations que, dans une langue, on peut donner à la relation
prédicative telle que nous l'avons définie aux points N.1.1.1. et N.1.3.2. Nous nous proposons
d'examiner le fonctionnement de la diathèse sous ses formes attestées en yaouré après avoir
d'abord rapidement défini les formes de mise en rapport du prédicat et des arguments ou, en
d'autres termes, les différents tyPes de prédication.
327
IV.2.1. LES TYPES DE PREDICATION
On retrouve en yaouré les deux formes classiques de la prédication : la prédication
verbale et la prédication non verbale.
N.2.1.1. LA PREDICATION NON VERBALE
La prédication non verbale se définit par la présence dans la chaîne d'un élément
prédicatif non conjugable. En yaouré; ce type de prédication correspond en général à
l'expression d'une équivalence, d'une appartenance, d'une ressemblance, d'une identité, d'une
inclusion ou d'une localisation-différenciation, pour ne citer que les principaux cas. Ces
différents rapports peuvent être ramenés à deux grands types : l'identification et la
différenciation. 1 Nous les examinerons brièvement.
A- LA PREDICATION DE DIFFERENCIATlON
La différenciation sera illustrée par la localisation.
a) La localisation situationnel1e ou prédication d'existence
On la trouve dans les énoncés ci-dessous:
(6)
Wl
â
viande
Préd.
- ) il Ya de la viande
(7)
rnff
kàà
â
moi+de maïs Préd. - ) - j'ai du maïs
- il Ya mon maïs (énumération)
En (6) et (7), le repérage de wl et rn ff kàà se fait par rapport à la situation d'énonciation Silo,
comme le montre la fonnule :
1- Dans leur ouvrage, Système de re,présentations linguistiQues et métalinguistiQues, 1981, Paris, A. CULlOU"et
al., montrent que les différentes relations que nous avons énumérées et dont la plupart correspondent aux valeurs
de "être" décrites par G. FREGE peuvent être rattachées à ces deux catégories.
328
,
Wl
~ Site-)
mff kàà
Les termes È.. et mH kàà sont identifiés par la situation d'énonciation Site qui, en tant que
repère, les pose en se distinguant d'eux dans un rapport de différenciation. 1
b) La localisation spatiale
Elle est illustrée par les énoncés suivants :
(8)
mi
d
flà
honme
Préd.
village - ) il Y a du monde au village
(9)
pula
a
gblà
da
rat
Pred.
claie
sur - ) le rat est sur la claie
Les rapports entre mi et;[li d'une part, et pula et gblà d'autre part peuvent être traduits de la
façon suivante:
mi
§...
flà
- ) mi
:1'
fla
pula
§...
gbla - ) pula:l' gbla
Ici également, nous avons un rapport de localisation-différenciation entre mi et ni, pula et gblâ.
B- LA PRED/CAVOND'IDENVFlCATION
L'identification est un rapport d'équivalence entre deux termes; il peut revêtir deux
formes.
1· Nous avons plus haut que l'opérateur ~ peut prendre la valeur des différenciation (:;t), d'identification (=) ou
de rupture (00).
329
a) L'identiJication directe
On la trouve dans les énoncés suivants :
(10)
e
â
wl
à 1
il
Préd. animal
Sit - ) il est bête
(11)
e
â
dà
il
Préd. grand
- )
il est grand (qualification)
(12)
ô
â
ru
ils
Préd. deux
- )
ils sont au nombre de deux (numéral)
Dans l'exemple (10), étant donné une situation Silo, on établit un rapport d'identification entre ~
"il" et È "animal" de la façon suivante :
e ~ \\\\i -) e = \\\\i
En d'autres termes, en Silo, t et È. se trouvent définis l'un par l'autre puisqu'ils sont identifiés
l'un à l'autre. Pour (11) et (12), il s'agit du même processus, mais étant donné que nous n'avons
pas la même catégorie de part et d'autre du prédicatif !, l'identification se rendrait mieux par les
gloses respectives "sa qualité" équivaut à la qualité 'grand'" (11), "leur nombre équivaut à 'deux'"
(12).2
1- Nous verrons au Chapitre IX que la particule i apparaît dès que nous avons coïncidence de deux systèmes
référentiels. C'est donc un référentiel synthétique que nous notons Sil.
2· Il convient de noter que le prédicatif a a une variante, .ki, qui, à la différence de a, est conjuguée mais
uniquement à l'aoriste ()cl + A-) bfa). EUe n'apparaît que dans les prédications exprimant le probable,l'optatif,
l'injonctif, le nécessaire. Ainsi, on peut avoir les énoncés :
(1')
mff
koo
kwa
mon
maïs
exister+AOR - ) je dois avoir du maïs
(8')
mi
kwa
flà
txxnme être+AOR village
- ) il doit y avoir du monde au village
(l0')
è
kwa
wî
à
il
être+AOR animal
Sil
- ) il doit être bête
(lI ')
ë
kwli
dà
il
être+AOR grand
-) il doit être grand
(lI ")
e
k5
dà
il+IMP être+0'
grand
- ) qu'il soit grand!
330
b- L'identification à partir d'un pré-construit
Cette identification se construit à l'aide du prédicatif ni qui correspond au présentatif
français "c'est".
(13)
w'i
n~
viande
Préd. - ) c'est de la viande
(14)
kâl
n~
ICI
Préd. - ) c'est ici
Prenons l'énoncé (13) ; on peut montrer que sa structure profonde est la suivante:
w'i n~
w~
1
--1'..
1
S'
(qnt) qlt e Wl S. < [ ] ~
lt o
L....a:::......J
L:..<l>..J
Dans la relation prédicative saturée sous-jacente en <1>, c'est-à-dire <w'i s.. Sito>, l'occurrence de
È.. s'accompagne de la catégorie (qnt, qIt) à prépondérance quantitative, donc qnt(qlt), la
prépondérance qualitative (qIt) prenant le dessus à une seconde étape, en <2> lors du vidage de
la place de w'i par antéposition de ce terme par rapport à la relation prédicative de départ <1>, la
catégorie primitive qnt(qlt) devenant donc (qnt)qIt.1 Dans l'énoncé (13) représenté ci-dessus,
l'occurrence de w'i, identifiée à la catégorie du qualitatif (qnt) qlt2 puis localisée ou repérée par
rapport à la situation repère origine Silo dont l'image est n~3, se trouve re-identifiée à la place
I·A. Culioli note en effet que toute occurrence d'une notion apparaît dans la prédication d'abord sous la fonne
d'une catégorie à deux pôles liés, le quantitatif (qnt) et le qualitatif (qIt). Lors de cette première occurrence, la
catégorie a le pôle WU prépondérant et se note qnt(qlt), le pôle qualitatif devenant prépondérant lors de la
seconde occurrence qui est en fait une reprise qualitative, ce qui se note alors (qnt)qlt.
2- Cette identification est représentée sur le schéma par un point (').
3- Notons tout de suite que la particule nt, que nous retrouverons lors de l'étude de la focalisation, comme on
peut le comprendre, a pour fonne phonologique llU. Nous verrons aussi plus tard que lt. est une panicule
adnominale qui signifie "à, pour", et c'est cette fonction abstraite de localisation qui se manifeste ici.
331
vidée en <1>. Du coup, la particule Al apparaît comme la marque de cette opération de re-
identification de la place vidée. Tout ce processus nous conduit à l'énoncé
Wl
n~ : c'est de la viande
qui peut avoir pour glose: "la quantité d'occurrence nominale constatée en <1> par rapport à Sil:o
est une occurrence qui, qualitativement équivaut bien à È., ou bien, "ce qui est identifié par
rapport à Siro. c'est bien 'm"'.
En (14), la même analyse et le même raisonnement nous conduisent à dire que "le lieu
qui est identifié par la situation Silo est bien 'ici"'. Il s'agit donc bien, dans tous les cas, d'une
prédication d'identification à partir d'une relation prédicative pré-eonstruite.
IV.2.1.2. LA PREDICATION VERBALE
Elle est illustrée par les énoncés ci-dessous:
(15)
pO
kil
singe partir+ACC - ) le singe est parti
.
(16)
pO
kàà
611-t
st.
singe maïs
manger+ACC
hier -) le singe a mangé le maïs hier
A la différence des cas précédents, la prédication verbale se définit par la présence dans la chaîne
d'un prédicat verbal apte à prendre toutes les marques aspectuo-modales. En (15) et (16), les
prédicats ~ et 211, conjugués, mettent ~ en relation respectivement avec ~ 1 et kàà.
On peut retenir que la prédication non verbale a pour structure générale
1· Nous expliquons plus bas ce type de fonctionnement.
332
r
f6
Adjectif
1
Syntagme nominal (SN)+Prédicatif+ ~
1
Adverbe
l
SN+Postposition (à)
et la prédication verbale la structure générale
r f6
SN+Verbe+ ~l SN
Chacun de ces deux types de prédication peut être spécifié par des circonstants dont nous
préciserons la nature et la hiérarchie au point N.6. relatif à la complémentation en yaouré.
En outre, il convient de noter qu'alors que dans la prédication non verbale le prédicatif ne
connaît que la seule orientation illustrée par les énoncés du point N .2.1.1., dans la prédication
verbale, au contraire, le prédicat verbal yaouré peut avoir plus d'une orientation. C'est donc
seulement dans le cadre de la prédication verbale qu'il apparaît intéressant d'étudier l'opération de
diathèse en yaouré.
IV.2.2 LA DIATHESE EN YAOURE
Ainsi que nous le précisions dès l'introduction à cette Section, la diathèse, au plan
proprement formel, renvoie à l'ensemble des choix possibles quant au terme de départ en surface
de la relation prédicative. En yaouré, si nous partons d'une lexis telle que <a,R,b>, le terme de
départ peut être g, 12 ou R, chaque cas définissant un type de diathèse. Comme nous l'avons
montré au point N.l.3.5, et comme nous le verrons de façon plus détaillée dans les pages qui
suivent, chaque choix de terme de départ peut s'effectuer parallèlement à d'autres choix
prédicatifs et/ou énonciatifs tels que le repérage prédicatif, la thématisation, la focalisation, par
exemple, et il en résulte alors des valeurs référentielles multiples et complexes. Cependant, dans
333
la présente section, nous nous limiterons à l'analyse du processus de la diathèse telle que nous
l'avons formellement défmie. Nous envisagerons tour à tour quatre cas selon le statut en lexis du
terme que l'énonciateur choisit comme départ de la relation prédicative qu'il construit.
N.2.2.1. LA SOURCE DE LA RELATION PRIMITIVE COMME TERME DE DEPART
On peut avoir une orientation de la relation prédicative où le terme de départ, en surface,
coïncide avec la source de la relation primitive. Ainsi, de façon générale, si nous avons une lexis
(À.) de la forme
À.: <a,R,b>
où R représente le prédicat, 2. et 11 les deux arguments du relateur R, le choix de la source Q
comme terme de départ définit une diathèse que la tradition qualifie d"'active" et que nous
pouvons représenter de la façon suivante :
Dans cette relation construite où g, tient sa valeur profonde de la parenthèse vide mais liée de la relation
saturée <1>, g, est choisi comme terme de départ, sujet en surface ou complément de rang zéro
(Co).1 Nous envisagerons deux grands cas pour l'analyse de la diathèse active selon que la
source et le but de la relation primitive coïncident ou sont distincts.
A) LA RELATION EXOCENTRIQUE oRB
La relation i l l est simplement une image, une représentation naïve de la surface. Elle est
la traduction de la construction exocentrique ou centrifuge où le procès part d'un sujet agent Q en
direction d'un objet ou cible 11 distinct de Q. Ainsi que nous l'avons dit dans la présentation
1- Nous reviendrons, au point IV.6., sur le concept de complémentation
334
générale de la diathèse active,à partir de la lexis <pd, je, jïba>, l'actif sera défmi par le choix ci-
dessous:
Ceci donnera par exemple, une fois effectués les choix modaux et aspectuels, l'énoncé (3)
•
1
(17)
pd
jïba
je-e
singe bois
casser+ACC - ) le singe a cassé le bois
B) LA RELATION ENDOCENTRIOUE " q Rq
Alors qu'avec i l l nous avons une cible objective, ce qui sous-tend oRo1, c'est l'identité
de la source et du but; il s'agit plutôt d'une relation endocentrique ou centripète. A partir d'une
lexis de la fonne Â: <a,r,a>, la diathèse active se traduira par le choix suivant
2
Â' :
>
choix qui correspond à deux distinctions de la tradition grammaticale que nous allons examiner
à présent.
a) La relatiQn en40centriqueprQjective aRa
Il s'agit de cette relation appelée traditionnellement "intransitive" et dans laquelle
n'apparaît aucun terme qui pourrait être considéré comme la cible objective d'un procès venant
d'un sujet agent) A partir des prédicats l l i "se débattre", ~ "crier" et ~ "partir", constituons
trois lexis associées à leurs relations prédicatives correspondantes :
1- Pour la suite, nous choisissons la représentation <a,R,a> pour bien indiquer que, dans ce type de relation, le
point de départ et le point d'arrivée sont identiques; une distinction éventuelle ne peut résider que dans le statut
de ce point d'arrivée,
2- idem
3- Pour le français, nous excluons le cas des transitifs dits naturels à objet absolu tels que man~er, bW,œ.
335
1
1
i
Â: <tü "buffle", k55, tü> - )
Â"
< tü ~ < (), k55, () > >
. 2
1
1 2
1
1
 : <pd, pbc1, pd>
Â': ~ 1
- )
pd ~ f (), pbc1, () > >
1
2
1
l
,
1
 : <z4, kcà, z4>
- )
Â"
< z4 ~ < (), kCil () >
. 2
>
1
1
2
Ces n'Ois diathèses actives nous donneront respectivement les énoncés
(18)
tü
k5:>
buffle se débattre+ACC - ) le buffle s'est débattu
1
(19)
pd
p4a
singe crier+ACC - ) le singe a crié
(20)
z4
kcà
Jean
partir+ACC - ) Jean est parti
Nous pensons que nous avons affaire ici à une diathèse active, puisque le tenne de départ
Co coïncide avec la source de la relation primitive. Par ailleurs, la relation reste transitive, mais il
s'agit d'une transitivité de type interne, dans la mesure où le procès part d'un sujet-agent -
ici tü,
p,Y., zg - pour revenir sur ce même sujet-agent. TI s'ensuit qu'à la différence de la relation oRb
qui nous montre une cible objective, distincte de 2" le dédoublement de g dans la relation oRo
donne à la seconde face ou occurrence a' de g un statut de cible, une cible qui doit être à ce
niveau toujours perçue comme un agent et non véritablement comme un objet agi. La transitivité
interne sera dite ici projective dans la mesure où la fenneture de la boucle du procès initié par g
relance ou projette g dans le même processus. On a donc affaire à un processus enroulé1 ou
circulaire. Mais au bout de cette circularité, il y a toujours un agent pour prendre le relais. C'est
ce que nous montre le schéma ci-dessous:
I-SCALIGER,JJ. (1610): Opuscula varia non edito. Paris, p. 119. Le tenne de "processus enroulé", employé par
JJ. SCALIGER, a été cité par A. CULIOLl, in Transcription séminaire de DEA, 1975-1976, p. 227.
336
a'
L'anneau <a, a'> représente J revêtu de ses deux statuts de point de départ et de point d'arrivée.
La relation R. partie de (a,a') en g, revient à (a,a') en g,', ce qui entraîne (a, a') dans le processus
que nous venons de définir. Ainsi, dans les trois exemples ci-dessus (18, 19,20), si le buffle se
débat, c'est de lui que part le procès "se débattre" et c'est lui-qui-se-débat ; si le gorille crie, c'est
de lui que part le procès concerné et c'est lui-qui-crie ; de même, si Jean est parti, c'est de Jean
qu'est parti le procès "partir" et c'est Jean-qui-est-parti.
bl La relation rQlécbie arq
Comme nous l'avons annoncé dans la transition au point d.: ci-dessus, il s'agit de la
seconde forme de réalisation de la diathèse active de schéma < à~ < (5 R ( ~ > >. Ici
également, nous avons une relation transitive interne, puisque le procès partant du terme de
départ source de la relation primitive revient sur ce dernier. Mais à la différence du premier cas
de transitivité interne que nous avons vu, ragent, dans ce processus enroulé, n'est plus sollicité
comme agent mais visé comme cible "objectivée", ce qui, logiquement, n'entraîne pas celle-ci en
tant qu'agent dans le processus défmi ; on n'a plus, dans ce second statut de g, un relais, mais un
récepteur. La relation réflexive correspond au schéma ci-dessous:
a'
R
337
La transitivité ici est plutôt de type non projectif. L'anneau (0, 0') est agent au départ en 20 et objet
ou patient à l'arrivée en 20'. Jl' et Jl sont, comme nous l'avons dit, les deux statuts du même tenne
2., Deux formes sont à envisager selon que nous avons ou non la marque de cette cible en
surface.
Dans un premier cas, l'agent se vise lui-même à travers le procès, et cette identité du point
de départ et du point d'arrivée se traduit en surface à l'aide d'un substitut formé du pronom objet
correspondant au Co et du déterminant Y1i "même". A partir des prédicats ~ "tuer" et 65
"respecter", on peut construire les lexis et les relations prédicatives correspondantes ci-dessous :
1
1
<ë "il", tt, ë>
- )
f ë ~ f (),tt,() ? ~
1
•
1
<ka "vous", 65, ka>
- )
< ka ~ f (), 6:>, ()
2
? ?
L'identité du premier argument et du second argument correspond dans les deux cas aux
énoncés suivants :
(21)
ë
~
vii
tÈ
il
lui
même tuer+ACC -) il s'est tué
(22)
ka
ka
vii
6:>
vous
vous
même respecter+ACC -) vous vous êtes honorés
En (21) et (22) les procès tÈ et 65 atteignent leurs cibles i et Ki sans que (comme en (18), (19)
et (20» celles-ci soient visées en tant que telles comme agents d'une seconde impulsion aux
deux processus 1& et ~ ; elles sont visées plutôt comme patients ou cibles objectivées.
Dans un second cas, la coïncidence des points de départ et d'arrivée de la relation
prédicative peut ne pas se traduire par une trace concrète en surface. Bien qu'il y ait ici une
ressemblance avec la relation endocentrique projective examinée au point a), celle-ci n'est
qu'apparente et nous pensons qu'il s'agit d'un fonctionnement différent. Le processus reste
338
enroulé, mais d'une manière implicite. Les prédicats ~ "se vanter". ~ "se cacher" et ~ "se
lever" nous permettent de constituer les lexis et les relations prédicatives ci-dessous:
1
1
i
1..'1 : <zo, ja::i, zo>
- )
< zo ~ < (), ja::i, () > >
2
1
1
2
.... 1.....
1
1..'2: <àzlè,j5::i, àz'iè>
- )
< aZle ~ < (), j5::i, (~ > >
2
1
1
2
i .... ....
1..'
, ..
Gl'
, ..
3 : <wen, w - 4, wen> -)
< wen ~ < (), wG-lci, ?) > >
2
1
1
2
Ces relations prédicatives soulignent une transitivité interne; l'objet interne, c'est-à-dire la
seconde occurrence du sujet-agent se trouve effacée en surface. Nous avons donc les
interprétations réfléchies
1..'1 : Jean vanter Jean
1..'2: Azié cacher Azié
1..'3: Weri lever Weri
qui correspondent aux énoncés ci-dessous où, comme nous l'avons vu en morphologie, ma et Q
représentent les morphèmes de l'aoriste :
(23)
zI
jaa-m&
Jean
se vanter-AOR - ) Jean se vante
(24)
àzlè
j5::i-mo
Azié
se cache-AOR - ) Azié se cache
(25)
wèiï
wO-&-là
Weri
se lever+AOR - ) Weri se lève
339
C- TRANSITWITE ET REFLEX/VUE
La nature de la relation prédicative dans la construction "intransitive" et dans la
construction réflexive traditionnelles fait apparaître clairement que, dans les deux cas, nous
avons bien une relation transitive avec un processus circulaire du fait de l'identité du point de
départ et du point d'arrivée. Si l'on écarte la notion de projection, c'est-à-dire la manière dont la
deuxième occurrence du premier argument est affectée ou concernée par le procès, on ne peut
manquer de souligner, à partir des fonctionnements constatés, la parenté profonde entre les
constructions transitives internes projectives et les constructions réfléchies. Si l'on n'examine pas
de près le statut du terme de départ au point d'arrivée S1' du procès, le risque est grand de
conclure à une identité stricte entre les relations "intransitives" ou transitives internes projectives
et les relations réfléchies implicites, car, dans les deux cas, la réflexivisation est manifeste,
l'enroulement du procès évident. Il faut dire qu'en général, lorsque la cible d'un procès n'est pas
explicite, le statut du terme de départ ou complément de rang zéro a tendance à être ambigu.
Ainsi, en français, bien que la séquence attestée je man~e comporte ce que certains linguistes
appellent "un objet absolu", le procès mane;e pourrait être appréhendé comme définissant autour
de.k l'enroulement que nous venons de décrire en Â:. et /l:., et par conséquent inviter à une
interprétation "intransitive" ou "endocentrique projective" de la relation impliquée.
TI faut noter enfm que, pour nous, la diathèse active renvoie aussi bien aux constructions
transitives centrifuges qu'aux constructions transitives centripètes. En effet, dans tous les cas,
nous avons bien un Co à valeur d'agent. Et c'est ce dernier paramètre qui distingue la diathèse
"active" de la diathèse "passive" que nous examinons dans la section qui suit.
IV.Z.Z.Z. LE BUT DE LA RELATION PRIMITIVE COMME TERME DE DEPART
L'orientation de la relation prédicative peut faire coïncider en surface le terme de départ
avec le but de la relation primitive. Cette construction correspond à la diathèse dite "passive". Le
passif est un choix que l'on peut représenter par la relation prédicative :
340
~bs.foR()~~
Cette relation indique que 12, tout en tenant sa valeur de la parenthèse liée, est choisi comme Co
en surface. Examinons à présent les principales réalisations de ce type d'orientation de la relation
prédicative que constitue la passivation.
A - LE PASSIF SANS AGENT
TI faut tout de suite noter que le passif en yaouré se présente généralement sans agent;
cette structure est la forme canonique du passif que nous illustrerons à deux niveaux. Nous
retiendrons un premier ensemble de situations correspondant à un agent qui est soit connu, soit
inconnu, et un second ensemble de situations correspondant à un agent qui n'est pas détenniné
de façon précise bien que l'énonciateur en détienne cependant quelques repères.
al L'aient est soit identifié. soit inconnu
Nous examinerons tour à tour le cas où l'agent est connu et le cas où l'agent est posé
comme inconnu ou comme non pertinent
Dans une première situation, l'énonciateur connaît l'agent du procès, ou, tout au moins, il
peut l'identifier. Mais la mention directe de l'agent dans une structure passive en yaouré étant
impossible, cet agent n'apparaît donc pas. Ce processus peut s'expliquer par la dérivation
schématisée ci-dessous, où le carré (c) représente une place vidée à un niveau sous-jacent et qui
doit se réaliser par une forme zéro en surface :
1
1
1
1
À : <0, R, b> - ) À' : <) b s. '1 0, R, () =t ~ -) <; b s. et [], R, () ? ? -) b R
Dans la structure passive dérivée bR, le relateur R ne porte ici aucun signe diacritique, mais nous
conviendrons que le prédicat, par le choix de 12 comme terme de départ, se trouve orienté de Q
341
vers SI., que SI. soit présent, ou effacé comme c'est le cas ici. Ainsi, à partir de la lexis et de la
relation prédicative suivantes
1
•
1
Â.: <p11,je,jîba>
- ) Â.': <2 jïba ~ <i p11, je, 0 ? ?
on obtient l'énoncé
(26)
jïba
' -
,
je-e
bois
casser+ACC - ) le bois a été cassé
Dans cet énoncé, par rapport à la situation que nous considérons ici, l'énonciateur sait qui a
cassé le bois, mais il ne mentionne pas l'agent, d'une part parce que la langue ne le lui permet pas
dans cette structure, et d'autre part parce qu'au fond, ce qu'il veut souligner ici, c'est ce qui est
arrivé au bois. Le propos est donc centré sur le complément de rang zéro qui se trouve ici être le
but de la relation primitive. Nous verrons en point IV.2.2.3. comment l'agent peut être cependant
introduit et quelles nuances cela implique ou crée.
Dans une autre situation, l'énonciateur peut, au niveau sous-jacent, ne poser aucune
source pour le procès, soit parce qu'il n'en connaît pas l'agent, soit parce que celui-ci est
référentiellement non pertinent. Tout se passe comme si, en lexis, la place ~o était absolument
vide (RI). C'est ce que représentent, à partir des prédicats ~ "casser", wl "casser", les lexis ci-
dessous, associées aux relations prédicatives correspondantes :
1
..
Â. : <RI, je,jïba> - )
'} jïba ~ '1 RI, je, h ? ?
1
~
~
Â. : <RI, wl, p:;>
- )
~ p:> S- i RI, Wl, O??
En dérivant, nous obtenons les énoncés :
.- ,
(27)
jïba
je-e
bois
casser+ACC - ) le bois a été cassé
342
(28)
p5
wl
canari casser+ACC - ) le canari a été cassé
Ainsi, en surface, que l'énonciateur connaisse l'agent ou non, les énoncés sont formellement
identiques.
11 convient de souligner qu'ici, le but de la relation primitive se substitue, en surface, à la
source zéro. La. relation prend alors l'allure de la structure transitive interne de type réflexif que
nous avons vue, mais à laquelle on ne peut l'identifier. Tout se passe alors comme si le but
devenait une source-agent qui, promue en origine du procès, faisait ensuite passer ce procès sur
lui-même par le processus d'enroulement déjà décrit. On retrouve donc, au plan formel, un
fonctionnement que l'on peut rapprocher de la réflexivation, ce que montre bien les équivalents
des énoncés (27) et (28) :
.
(27')
Jïba
jë-ë
e
vlî
à
bois
casser+ACC lui
même par - ) le bois s'est cassé de lui-même
(28')
pa
..
1
Wl
e
vlî
à
canari casser+ACC lui
même par - ) le canari s'est cassé de lui-même
Dans ces énoncés, l'énonciateur ne fait reposer l'accomplissement du procès sur l'intervention
d'aucun agent extérieur au terme de départ. Il Y a donc manifestement comme une
recatégorisation des inanimés en animés, ce qui leur permet ainsi de revêtir le statut d'agent, tout
au moins en surface. Notons qu'on peut retrouver ici l'interprétation atemporelle avec les
énoncés
(27")
Jïba
jé-a
bois
casser+AOR - ) le bois se casse
(28" ) '
.. ,
p:)
Wl-a
canari casser+AOR - ) le canari se casse
Ce qui fait la particularité de ces énoncés, c'est qu'ils ne présupposent aucun autre "agent" que
les compléments Co qui y apparaissent.
343
P) L'aeent est indéterminé
L'énonciateur sait qu'à l'origine du procès se trouve un agent ou des agents, sans plus:
c'est un cas d'indétennination parce qu'il est impossible pour l'énonciateur d'identifier de façon
précise cet agent ou ces agents. Nous envisagerons trois cas.
Dans une première situation, l'agent est assimilé à une seule personne, mais celle-ci
demeure non identifiée en tant que telle et correspond à ce que le français désigne par
"quelqu'un".! Si nous représentons "quelqu'un" par le signe (A), la dérivation théorique du
passif correspond au schéma suivant
1
I I I
Â. : <A, R, b> -)
Â.': ~ b ~ crA, R, () ~ ~ -) ~ b ~ cr [] ,R, ) ~ ? -) b R
Ainsi, à partir de la lexis et de la relation prédicative
on peut obtenir l'énoncé (27")
(27") Jïba
jë-é
bois
casser+ACC - ) le bois a été cassé,
la différence d'avec l'énoncé (27) se situant au niveau de l'identité de l'agent. Ici nous savons que
quelqu'un a cassé le bois, mais nous ne saurions identifier l'agent de ce procès.
Dans un second cas, l'énonciateur sait que le procès a été accompli par plus d'un agent,
mais il n'est pas en mesure de spécifier analytiquement ce groupe d'agents. Ici également, nous
1- Il s'agit uniquement du cas où l'on emploie "quelqu'un" pour dire qu'on ne sait pas de qui il s'agit; nous
savons que "quelqu'un" peut renvoyer à un animé humain précis mais dont on ne veut pas dévoiler l'identité.
344
aurons à la base le même type de schéma primitif que ci-dessus, c'est-à-dire <.A, je, Jïbâ>, et la
même dérivation aboutira à l'énoncé (27") Jïbijë-é.
Notons qu'ici l'agent peut être, soit un animé, humain ou non, soit une force quelconque
de la nature. Nous voudrions nous arrêter un instant sur le type de prédication auquel nous
avons affaire. Le fait que nous avons (~) en place l;o implique une indétermination totale quant à
ce qu'on peut envisager en l;o par rapport à l'échelle de la quantité et à celle de la qualité. fi en
découle souvent, selon les circonstances, une appréciation modale à valeur quantitative et/ou
qualitative. En effet, dire
.
(29)
Jïbâ
jë-ë
st.
bois
casser+ACC hier - ) on a cassé du bois hier
peut vouloir dire plusieurs choses. Ou bien il y a eu beaucoup d"'agents", et il y a de fortes
chances que l'on ait cassé beaucoup de bois si chaque "agent" a fait son travail; ou bien, il ya eu
peu d"'agents", mais des agents de qualité, et cela a pu permettre d'avoir beaucoup de (bons)
bois ; il faut noter que les deux cas ne sont pas incompatibles ; on peut avoir eu beaucoup de
bois de qualité avec peu ou beaucoup d'agents. Paradoxalement, quelle que soit l'importance de
~ inexprimé, c'est la relation .bR qui est soulignée à la fois quantitativement et qualitativement.
Nous nous trouvons là en face d'un procédé assez fréquent en yaouré. Ainsi, à partir des lexis
<.A, mli ''boire'', cfiv~ ''vin''> et <.A, 611, "manger", saa "riz''>
on peut avoir les énoncés
(30)
cfiv~
mli
si !
vin
boire+ACC
hier - ) on a bu beaucoup de (bon) vin hier
(31)
saa
6n
si!
riz
manger+ACC
hier - ) on a mangé beaucoup de (bon) riz hier
345
On peut associer à ce fonctionnement l'interprétation de certains prédicats à compléments
CIl incorporés comme ü.:6l1 "manger", d'rê-t6 "danser".2 Ainsi, à partir de
<A, ft-Bit> et <6, ôré-ta>
on peut avoir
.
(32)
ft-Bli
St
manger+ACC
hier - ) on a beaucoup mangé hier
,
,
,
(33)
ôre-ti
St
danser+ACC
hier-) on a beaucoup (et bien) dansé hier.
TI s'agit donc d'un procédé prédicatif courant en yaouré et qui s'apparente, au plan référentiel au
moins, à ce qu'on appelle "passif impersonnel" en français ou en allemand, comme nous
pouvons le voir dans les énoncés
(34)
il a été dit beaucoup de choses dans ce roman
(35)
Es wurde getanzt
il a été dansé -)
on a (beaucouplbien) dansé.
Enfin, l'énonciateur peut poser l'agent comme étant un membre quelconque de toute une
classe d'agents, humains ou non, agent que nous représenterons par le quantificateur universel
(v'). TI s'ensuit que la relation représentée par R est une relation de type serré, permanent. Les
prédicats œ "scier" et m"casser" nous permettent de construire les lexis et les relations
prédicatives suivantes :
1
1
 : <'V, J1c1c1, Jïba>
- )
f Jïba s. f 'V, J1c1c1 () 1> ~
 : <'V, wl, p~>
- )
1- Nous verrons, au point IV.6, que Cl correspond au complément d'objet direct de la tradition grammaticale.
2- Dans~, bll. veut dire manger, et ft. est mis pour "ce qu'on mange". Enfin, tt est un "filler" indéfini qui
occupe une place et auquel se substitue un nominal précis dès que le sujet agent est en face d'un aliment concret.
Dans~,tA veutdiredanser,etm "la danse".
346
Une dérivation ordonnée incluant les effacements là où il en faut nous donne les énoncés:
(36)
Jïba
Jldd-mci
bois
scier+AOR -> le bois se scie
(37)
p~
. wl-a
canan casser+AOR -> le canari (se) casse
Ces énoncés expriment des propriétés. Quel que soit l'agent ou le membre de la classe des
animés en charge dellM et lù, quels que soient le lien ou le moment, les relations ndd-Jiba ou
Jiba-n44 et w'i-p3 ou p3-wl se trouvent vérifiées. Le pot (se) casse, le bois se scie pourvu qu'il y
ait un quelconque "casseur" ou "scieur".
B- LE PASSIF AVEC AGENT INDIRECT
Nous avons vu plus haut que la forme canonique du passif en yaouré est caractérisée par
l'effacement obligatoire de l'agent en surface. Cependant, il arrive que cet agent soit introduit par
le biais d'une sorte de repérage différé, ce qui lui donne une allure d'agent indirect avec des
nuances variées. Le méta opérateur de repérage s.. se réalise le "à, pour le compte de". Dans la
formule théorique de la dérivation qui suit, la relation prédicative < ~ s. < 0, R (1) > > semble
former un premier ensemble, en bloc, qui se trouve ensuite repéré par rapport au terme Q.
~
1
j
1
 : <0, R, b> - ) ~ s. f 0, R, () ~ ~ -) ~ b s.. <f (,), R, () >1 1" s.. ~ -> bRs.o
Notons que, dans cette formule, la séquence E a correspond à le+o qui se réalise a+le par
projection linéaire. Prenons un exemple concret avec la lexis <zô, wl, p~>. Selon la formule ci-
dessus, nous avons la dérivation ci-dessous:
,
->p::>
Wl
zô - ) p~
wl
le
zô
(29) -> p~
w'i
zô
le
canari casser+ACC
Jean
à/par -> le canari a été cassé par Jean
347
Nous avons traduit p3 w'i zd U: par "le canari a été cassé par Jean". En fait, l'énoncé yaouré est
plus nuancé que cette interprétation. La relation prédicative dont 122. est le tenne de départ
présente un procès accompli qui n'est porté au compte de Jean que de façon différée, comme si
l'on disait que le procès w'i a eu lieu et qu'ensuite seulement on l'a énonciativement porté au
compte de Jean. Ceci crée entre Jean et la relation prédicative centrale une distance qui a une
interprétation nécessairement conative, de capacité confirmée à l'épreuve des faits. Ainsi, l'énoncé
p3 w'i za lë pourrait être mieux rendu par (29') : "enfin, Jean a réussi à casser le canari". Notons
que, à la place de lt, on peut avoir ~ et .d.i comme opérateur d'un repérage différé. Ces particules
signifient respectivement "dans la main de" et "sur", et expriment d'ordinaire la possession et la
localisation spatiale. Mais leur emploi qui nous intéresse ici relève d'une opération plus abstraite.
Ainsi nous avons les énoncés
(30)
p3
w'i
zo
15
canari casser+ACC Jean main - ) le canari a été cassé par Jean (par imprudence)
(31)
p3
w'i
zô
da
canari casser+ACC Jean sur - ) le canari a été cassé (par Jean), et Jean en est
responsable
En (30), le repérage de la relation prédicative p3 w'i par rapport à Jean se fait par 15, réalisation
de s.. Bien que Jean soit l'agent du procès, cette relation est presque entièrement occultée, et ce
qui est exprimé, c'est la responsabilité de Jean. On veut donc dire que Jean a cassé le canari,
mais cela n'est pas la consécration d'une volonté, d'une intention. On retient seulement que le
canari est cassé et que Jean en est le responsable malheureux.
Avec ~ c'est franchement la responsabilité de Jean qui est mise en avant, une
responsabilité teintée par ailleurs de regret, ce qui va de pair avec l'absence de volonté et
d'intention. La particule da repère un tenne, non comme agent, mais comme le support d'~n
348
détrimental. C'est cette idée qu'on trouve transposée telle quelle dans le français populaire
ivoirien avec l'énoncé
Jean est mort sur moi
qui est la traduction littérale de l'énoncé yaouré
(32)
zc5
kà
â
da
Jean
mourir+ACC Iœ
sur
Jean est mort et cela me concerne, de très près - ) J'ai perdu Jean, et cela m'affecte
Devant de tels exemples, on est tenté de dire que l'agentivité authentique, pour autant qu'il en
existe, est souvent liée à l'intention, la volonté, la téléonomie.
N.2.2.3. LE PREDICAT COMME TERME DE DEPART
L'énonciateur peut choisir le procès lui-même comme terme de départ de la relation
prédicative en surface. On a alors affaire à ce que nous appellerons une "diathèse de procès".
Nous désignerons par ce terme la diathèse qui, en yaouré, consiste à choisir comme terme de
départ la relation à constituer, le prédicat, le relateur lui-même. Dans ce cas, il faut
nécessairement, dans le schéma de lexis de départ, ou bien que les places ~o et ~ 1 soient
instanciées par un terme identique -
et nous sommes alors dans le cas des processus
circulaires ou réflexifs - , ou bien que seule soit explicitement instanciée la place ~l, tJ. et 'ti
étant à considérer comme des absences d'instanciation. Les lexis concernées ont les structures
suivantes:
Âl : <0, R,o>
Â3 : <'ti, R, b>
Â2: <6, R, b>
Â4 : <IlJ, R, b>
A partir des prédicats l l i lise débattre", ii "casser", ~ "casser", cl. "couper", on peut avoir les
lexis et les relations prédicatives ci-dessous :
349
1
Âl : <za,k55,za> --)
~ k55 ~ <i za, (), za ? l'
1..2 : d, jè, Jïba>
--)
,
i
Â3 : <Y, w'i, pa>
--)
~ w'i ~ ~ Y, (), pa ??
ÂA : <IlS, c~, 6ià>
--)
Une dérivation effacera les éléments non terminaux et nous donnera les énoncés ci-dessous
accompagnés de leur traduction littérale:
,
1
(33)
k55
Weil
za
lf
st.
se débattre+1lS FAIRE+ACC Jean
à
hier --) Jean a pu se débattre hier
1
1
(34)
jë
Weil
Jïba
lé
st.
(se)casser+1lS FAlRE+ACC bois
à
hier --) le bois a pu être cassé hier
,
(35)
wl
1
Weil
p:>
lf
(si)
casser+llS
FAlRE+ACC canari à
hier --) le canari a pu être cassé (hier)
,
(36)
d:
Weil
6ià
lf
(si)
se casser+1lS
FAIRE+ACC corde à
hier --) la corde a pu être cassée (hier)
Nous aimerions tout de suite rappeler ou souligner que tous ces énoncés qui
représentent une relation dont la source ou le but ne sont introduits que de façon différée (kan,
_
~ W> traduisent, comme nous l'avons déjà vu ailleurs, un aboutissement qui est le
résultat d'un effort soutenu par une certaine capacité réelle; on dirait donc, pour l'énoncé (33)
par exemple, que Jean a réussi à se débattre". Jïba, R2 et 6ià étant des inanimés, et le repérage
par ~ ici étant ambigu,1 c'est par le biais d'un procédé rhétorique et particulièrement par ironie
que l'idée de conation pourrait être perçue dans les énoncés correspondants. Autrement, ceux-ci
ne feraient ressortir que l'activité des agents non mentionnés, ou l'insistance sur le processus
défini par les prédicats examinés et dont les cibles postposées sont le siège.
1- h<an.~. W sont distingués ici comme agent non agi. en dehors de toute considération d'ordre sémantique.
350
Notons enfin qu'aucun des quatre énoncés que nous analysons ne serait possible sans la
présence de G, élément introduit par la prédication que nous avons appelée diathèse de procès.
On ne pourrait, par exemple, avoir
*k55
zd
lë,
*wi
p3
lë
L'élément w@ apparaît indispensable ici, et c'est autour de lui que s'articulera notre explication
du processus de la diathèse de procès.
La diathèse de procès correspond en fait à un refus d'orienter le procès, tout au moins
directement, par rapport à un argument, quel qu'il soit; en d'autres termes, il s'agit d'une
orientation du prédicat par rapport à lui-même en le définissant relativement à la seule situation,
que celle-ci soit réelle ou simplement représentée par décrochage. On y voit la manifestation,
pour le prédicat, d'une autonomie de fonctionnement. Cette construction ne concerne que le
prédicat lorsqu'il s'agit de montrer ce qui advient de lui quant à sa saisie quantitative et qualitative
spatio-temporelle par l'énonciateur ; il en découle souvent des constructions sans mention
d'aucun argument, c'est-à-dire des constructions absolues du type
,
(37)
fëë
Wei)
vomir
FAIRE+ACC - ) on a vomi
1
(38)
k55
Wei)
se débattre
FAIRE+ACC -) on s'est (bien) débattu
à partir des prédicats fëé "vomir" et k55 "se débattre". Cet emploi absolu du prédicat illustre
l'autonomie dont nous parlions plus haut On en vient à croire qu'il y a (qu'il y a eu, qu'il y aura)
du "vomir" ou du "se débattre", c'est-à-dire du procès, quelles que soient les situations, sans
spécification particulière d'éventuels protagonistes.
Comme le montrent les énoncés (33) à (36), la diathèse de procès apparaît le plus
souvent avec des constructions non absolues, c'est-à-dire avec l'introduction, en différé dans la
351
relation, du but du schéma primitif, soit ici km,} iiIzi, ~ et W,. Nous soutenons que, même
dans ce cas, le prédicat se trouve orienté par rapport à lui-même, puisque le but 12 de <oRb> est
dans la dépendance du prédicat dont il fait partie et qui l'affecte, à la différence de g,. Même en
(33), Jean apparaît avec son statut de cible dans le processus enroulé que défInit lli. De façon
générale, les lexis de (33) à (36) font ressortir le statut de cible des quatre arguments qui
apparaissent dans ces énoncés. Ces quatre arguments forment un tout avec le prédicat qui les
affecte; le procès, d'un point de we prédicatif, part de lui-même pour aboutir à lui-même tout en
étant repéré par rapport aux paramètres spatio-temporels. Nous voudrions montrer justement
que la diathèse de procès s'appuie sur un repérage nécessaire, lequel permet au prédicat
simplement mentionné comme notion de récupérer les éléments prédicatifs et énonciatifs qui lui
font défaut, et dont wm, opérateur de relation primaire, constitue la trace patente.
Au point m.3.2. traitant la composition verbale, nous avons dit que le métaterme w@ est
un opérateur désémantisé à emploi non autonome, mais correspondant à "FAIRE" ; en fait, il
représente un spécificateur, un foncteur cinétique qui oriente un domaine sémantique ou
notionnel vers sa spatio-temporalisation, c'est-à-dire vers sa quantification en terme d'occurrence.
Ce rôle de spécification, ~ le joue ici mais à un niveau énonciatif concret.
L'autonomie du prédicat par rapport aux arguments qu'il occulte ou dont il se prive, le
prive de facto des éléments indispensables à sa détermination, le faisant apparaître dans la chaîne
sous un simple statut de mention d'ordre notionnel. Les paramètres déterminant le prédicat
constituent son système référentiel, et sont essentiellement la situation de locution Sit} (S}, T}),
la situation repère l'événement Sit2 (52, T2), lesquels repères n'ont de sens que s'ils sont repérés
entre eux et par rapport au repère origine Sito (50' Ta). Ce référentiel indispensable aux
prédicats m, ji, È et ~ dans les énoncés (33) à (36) est donc Sit2 (52' T2) ~ Sil} (S}, T}).5.
Silo (50' Ta), complexe de paramètres où nous conviendrons ici que Sit} =Silo et que nous
}- .ù:ml est perçu ici dans son statut.ll' de cible par rapport à sa structure foncùonnelle en anneau bipolaire (o. 0 '),
cf. IV.2.21.
352
pourrons représenter par la formule synthétique Sit (S, T). Notre thèse est que w@ est, en (33),
(34), (35), (36) et (37), la trace de l'opération de repérage des procès fu, ~, ~" et 1tt par
rapport au référentiel défini par la situation. Mieux, D est l'image même de ce référentiel.
Ce type de repérage, nous pouvons le résumer de la façon suivante :
< R s.. < < Sit2 (S2, T2) > S. < Sil1 (Sl, Tl) > S. < Sito (So, To) > > >
TI convient de noter que, dans cette formule, le prédicat R, mentionné en tant que notion,
est ensuite identifié au prédicat représenté par l'événement Sit2' lequel est lui-même repéré par
rapport à l'origine Site.
Nous savons que la suite E «SitzlS2>-I2)>e <Silo (So,Jo»> décrit le repérage traduit
par le métatenne wc:ii "FAIRE". Nous avons donc la séquence attestée (38)
k55
wc:ii
se débattre+111 FAIRE+ACC -> on a pu se débattre
qu'est-ce qu'on s'est débattu !
Si, à la place d'une construction absolue nous avions
1
1
< k55 §. < < Sit2 (S2, T2) > s.. < Silo (S 0, To) > > ~ zci >,
cela nous donnerait par exemple l'énoncé (33)
k55
wch
zô
1€
se débattre+111 FAlRE+ACC Jean à -> Jean a pu se débattre
La valeur référentielle de cet énoncé peut être traduite par la glose large qui lui correspond: "la
notion de procès k55 est à considérer dans le cadre d'un événement Sil2 défini par une situation
de locution Sil}, et tout ceci dans un rapport de localisation-différenciation par rapport à un point
de repère origine Silo".}
}- Nous avons posé ici que Silo =Sit}
353
D'une manière générale, il est facile de montrer que la valeur référentielle de tout énoncé
ayant le prédicat comme terme de départ dépend du rapport conçu par l'énonciateur entre
l'événement (Sit2) et la situation repère origine Silo. L'événement Sit2 peut, dans le même plan,
être localisé par différenciation d'avec le repère origine, ce qui correspond à la représentation
i
< k55 5..1 < Sit2S2 Sit o > > -) < k55 SJ. < Sit2 * Sito > >
où 5..2 est réalisé dans le même plan, en tennes de différenciation, c'est-à-dire (*). Ceci donne
l'énoncé
(39)
k55
wch
za
Ië
partir+0
FAIRE+ACC Jean
a - ) Jean a pu partir
L'événement Sit2 peut être identifié à une classe (k) de situations repères décrochée Sit~ par
rapport à Silo1 qui définit le générique, lequel correspond à la fonnule
i
i
i
i
< WL 5..1 < Si2 S-2 Silo> > -) < wi 5.. < Sit2 =# (Si~ ) k Cl) Sit o > > 2
où 5..2 est réalisé à la fois par =et par *, et où k représente une classe de situations vérifiant le
procès m, ce qui nous donne l'énoncé
1
(40)
WL
wo
zei
Ië
parler+0
FAIRE+AOR Jean
à - ) Qu'est-ce qu'il peut parler, Jean
L'énoncé (40) dit que le prédicat wi est vérifié par toute une classe de situations et renvoie donc
à une relation permanente, à une propriété de Jean. C'est un présent gnomique.
Enfin, Sit2 peut être simplement visé à partir du repère origine Sito. Cette situation
correspond à la relation ci-dessous
1- Il peut y avoir, bien sûr, une identification simplement ponctuelle ou momentanée.
2- Nous pensons que le décrochage se traduit par une rupture entre Silo et S:il~, soit S:il~ Cl) Silo.
354
où ~ se réalise m, opérateur traduisant la rupture entre le plan repère Sit~ de la validation de la
relation prédicative <Sit2> et le plan d'énonciation origine Silo. Cela correspond à l'interprétation
"visée" de l'énoncé
(41)
k~
wo
tri
partir+16
FAIRE+AOR demain - ) on pourra partir demain
On se rend aisément compte que l'opérateur n
s'associe aux opérations aspecto-
modales pour déterminer les valeurs référentielles du prédicat antéposé comme notion de procès
par diathèse de procès. U. est donc un opérateur qui investit un prédicat antéposé en l'ancrant
dans une relation prédicative située dans un espace énonciatif muni d'un référentiel. La valeur de
l'ancrage dépend du type de relation qu'il y a entre les paramètres du référentiel.
fi faut noter que dans le cas des constructions absolues, le sujet -
agent ou non -
n'est
pas exprimé, bien qu'ayant un lieu défmi. Cela donne une interprétation quantitative et/ou
qualitative de l'énoncé obtenu, puisque rien n'est dit sur l'instanciation de Ça, ce qui élargit le
champ des instanciables par le jeu énonciatif du double point de vue quantitatif et qualitatif.
Pour ce qui est de l'opération elle-même, tout se passe comme s'il y avait une première
occurrence du prédicat en tant que notion et que celle-ci se trouvait implicitement inscrite dans la
relation prédicative Sit2 munie d'un référentiel Silo. Dans la mesure où U. reprend un prédicat
et représente un actant à lieu défini mais non spécifié, on peut dire que ce métaterme a
véritablement un double statut, celui de substitut et celui d'image.
L'orientation du prédicat sur lui-même nous permet de comprendre que nous ne
puissions pas avoir de diathèse de procès à partir d'une lexis telle que
Â.: <p"Û,jè,Jïbi>
355
où toutes les places sont instanciées par des termes appartenant à des domaines notionnels. En
effet, cette lexis, lors de la construction d'une relation prédicative, exigerait, de toute façon,
l'orientation du prédicat par rapport à ~; or, nous avons vu que la diathèse de procès est
précisément une non orientation ou une orientation à l'intérieur du prédicat lui-même. Ainsi, on
comprend qu'on ne puisse avoir
(42)
*.- -
1
Jee
Wei)
z6
1t
(43)
*. --
•
Jee
Wei)
z6
Jïba
li:
(44)
*jeë
1
Wei)
Jïba
z6
le
IV.2.2.4.LE TERME DE DEPART N'EST NI SOURCE. NI BUT
Il s'agit d'une construction où le terme de départ en surface est une occurrence de
notion nominale qui, par essence, ne peut être ni la source, ni le but du procès défini par le
prédicat. Nous abordons ici un genre de prédication qui ne nous apparaît pas facile à classer,
loin s'en faut. On pourrait penser que nous cédons à la tentation de postuler en yaouré des
catégories représentées assez nettement dans des langues telles que le grec et le latin par
exemple. En fait, il s'agit d'une réalité linguistique qui demande à être examinée de près. Si nous
prenons par exemple en français les prédicats mourir, puer, pourrir, sentir,1 pour ne citer que
ceux-là, le concept d"'intransitif' ne résout pas le problème de leur fonctionnement prédicatif.
L'instanciation des places du schéma de lexis <~o ~1 7t> par rapport à ces prédicats nous
donnera le type de schéma à fonctionnement circulaire que nous avons vu au point IV.2.2.1.,b.
En effet, nous aurions une lexis du genre
<Jean, mourir, Jean>.
Sans parler de transitivité interne au sens strict, on peut souligner que si, sur la base de cette
lexis, on constitue l'énoncé
1- Pour les deux derniers prédicats Wwm:ir et~. il s'agit de leurs emplois intransitifs.
356
(45)
Jean meurt
à partir de la relation prédicative : f Jcim s.. f Ô, mourir, Jeb ? ~ ayant kM comme
source et tenne de départ, c'est que le processus mourir sourd et se développe en Jean ou dans
sa sphère sans que, le moins du monde, Jean puisse être considéré comme l'agent de ce procès
qui le concerne cependant de très près.
Ce genre de prédication, construit à partir d'un type assez particulier de prédicat, et où
nous avons un terme de départ qui coïncide avec la source de la relation primitive sans pour
autant être ni l'agent ni le patient du procès, nous l'appelons diathèse moyenne, par opposition
aux diathèses active et passive décrites plus haut. Dans cette construction, l'agent semble être
dans le procès lui-même. On peut dire que meurt celui qui meurt. En d'autres tennes, tout
élément repéré par rapport au procès mourir devient un lieu dynamique mais affectif et affecté
du déroulement du procès.
Ainsi, en yaouré et en français, à partir des lexis <zo, kà, zO>, et <zo, kwë " ZO> et <Jean,
puer, Jean>, on peut avoir les énoncés
(46)
zo
kà-a
Jean
mourir+AOR - ) Jean meurt
1
(47)
zo
kwë
Jean
maigrïr+ACC -) Jean a dépéri
(48)
Jean pue
Les événements représentés par Ki. kwé et 12.ill peuvent être d'origine physique, physico-
chimique, biologique, psychologique, voire métaphysique. Ils ont kin. comme support de
déroulement. Celui-ci les promeut à l'existence sans toutefois pouvoir les contrôler en tant
qu'agent. On ne "pue" pas quelqu'un, on ne "meurt" pas quelqu'un et tuer n'est pas l'équivalent
transitif de mourir.
357
TI apparaît qu'il existe en yaouré une classe de prédicats débouchant sur la construction
de relations prédicatives de diathèse moyenne, ce qui n'est pas incompatible avec l'existence de
prédicats à fonctionnement double, voire multiple. L'inexistence de source en lexis pourrait nous
faire penser au fonctionnement du passif sans agent sous-jacent examiné au point IV.2.2.2., A,
bJ. Mais il y a une différence. Dans le cas du passif sans agent, la source a une place, mais non
instanciée,le terme de départ apparaissant à ce niveau d'abord en Çl, alors que dans la diathèse
moyenne, l'élément apparaissant comme terme de départ en surface est inscrit en l;o au niveau
sous-jacent, avec la différence que nous avons déjà notée d'avec la diathèse active pronominale
ou non pronominale.
IV.3. REPERAGE PREDICATIF ET PREDICATION
IV.3.1. LE CONCEPT DE REPERE PREDICATIF
Comme nous l'avons brièvement vu aux points IV. 1.3.3. et IV. 1.3.5., le repère prédicatif
est le terme ou le groupe de termes autour duquel s'organise la relation prédicative. Si nous
prenons l'énoncé bien connu
Socrate est mortel
celui-ci peut être la réponse à la question: "qu'est-ce qui caractérise Socrate ?". Socrate est alors
ce qui est d'abord posé dans l'esprit et dont on dit quelque chose; il constitue donc le repère
prédicatif ou le point de départ de la prédication. Si notre énoncé est plutôt la réponse à la
question: "qui est-ce qui est mortel ?", alors, ce qui est posé au départ, c'est-à-dire le repère
prédicatif, c'est est mortel, Socrate devenant, à l'inverse du premier cas, le second membre de la
relation dans l'ordre de l'organisation.
Nous retrouvons ici la dichotomie classique sujet psychologique/prédicat psychologique,
le repère prédicatif correspondant au premier membre de ce couple. Il convient ici de souligner
qu'à la différence de la diathèse, l'ordre linéaire de la chaîne n'est pas la copie de l'ordre
prédicatif. L'énonciateur se représente ce qu'il choisit comme centre organisateur de la relation
358
qu'il veut construire, et ce tenne choisi peut-être, dans l'ordre séquentiel, celui qui apparaît en
première ou en seconde position. Ainsi, dans l'énoncé examiné au point IV. 1.3.3.,
.- ,
pd
jiba
je-e
-) le singe a cassé le bois
la relation, à partir de la lexis <pd, je, jiba>, peut avoir été construite soit autour de ~ soit
autour de je-jiba. Avec ~ comme repère, on pose ce tenne et on construit la relation à partir de
lui; avec je-Jiba comme repère prédicatif, on pose d'abord ce membre dans l'esprit, et il est
ensuite mis en relation avec ~. Dans le premier cas on s'intéresse à ce QJle fait le sine;e, c'est-à-
dire "casser le bois" ; dans le second cas, le centre d'intérêt est l'agent de ce processus, c'est-à-
dire ~ ce qui implique, comme on peut le voir, une différence de référenciation et donc de
signification, fût-elle légère.
On s'aperçoit aisément qu'à la différence de la construction de la relation prédicative qui
est une opération d'orientation en surface, le repérage prédicatif tient à la fois de la prédication et
de l'énonciation puisque, outre le lien qu'il crée entre des tennes, il repose essentiellement sur
l'intention de l'énonciateur qui décide du point de départ, du centre organisateur de la relation
qu'il veut construire. Dans les lignes qui suivent, nous examinerons le repérage prédicatif à partir
des différents types de relations prédicatives que nous avons étudiées ; la diathèse moyenne a le
même fonctionnement que les diathèses active et passive; quant à la diathèse de procès, nous
verrons qu'elle a un repère prédicatif de type situationnel, du fait même de l'absence de repères
extérieurs d'orientation. Les grandes rubriques correspondront à la qualité du membre de la
relation prédicative choisi comme point de départ en surface de la relation prédicative.
1V.3.2. LE REPERE 8ŒDK:ATlF EST LE 1ERME DE DEPART DE LA RELATION
8ŒDI::ATlVE
IV.3.2.1. LE REPERE PREDICATIF EN DIATIffiSE ACTIVE
La relation prédicative a comme tenne de départ en surface la source de la relation
primitive. Dans ce cas, source, tenne de départ et repère prédicatif coïncident. Si nous prenons
359
~1 comme méta-opérateur de repérage prédicatif, celui-ci, à partir de la lexis <pd, jè, Jïba>, se
fera selon la genèse suivante, qui intègre l'étape intermédiaire de la mise en place de la relation
prédicative.
< pO, jè, jïba > -) <; pd ~ (i),jè, jïba ? l' -) < pd ~ < pd s.. < (i),jè, jîba > > >
l
2
l
Dans l'étape l de la dérivation, III apparaît à la fois comme point de départ de la relation
prédicative et comme repère de la prédication. Nous avons l'énoncé qui en résulte
.- ,
~
jïba
je-e
singe bois
casser+ACC - ) le singe a cassé le bois
où nous soulignons le terme repère, sans qu'il soit pour autant possible de marquer ce choix par
des procédés d'ordre prosodique. TI reste que c'est d que l'énonciateur pose d'abord dans son
esprit pour construire ensuite une relation à partir de lui. Un tel énoncé décrit simplement les
procès inscrits au compte de Co, Toutefois, w en surface, notre énoncé peut correspondre à
d'autres types de choix. De ce point de vue, seul le calcul des opérations permet de
désambiguïser les énoncés.
N.3.2.2. LE REPERAGE PREDICATIF EN DIATIlESE PASSIVE
La relation prédicative construite a comme terme de départ en surface le but de la relation
primitive. Pour le cas que nous envisageons ici, seul le terme de départ et le repère prédicatif
coïncident. A partir de la lexis constituée plus haut, nous avons ci-dessous la genèse du repérage
prédicatif en diathèse passive:
1- z. se lit "epsilon miroir" et est le dual de s....
360
- ) Jïba je è ~ pd -) iî12i
je-è
pd
lë
le bois casser+ACC singe
à - ) le singe a réussi à casser le bois
Ici, l'énonciateur pose i112J comme repère et le relie prédicativement à ce qui lui est arrivé.
lV.ll LE REPERE PREDI::AlF FSf LE SECOND MEMBRE DE lA RELATDN
PRED~TlVE
NJ.3.1. LE REPERAGE EN DIATHESE ACfIVE
TI s'agit, comme précédemment, du cas où la source de la relation primitive et le tenne de
départ sont identiques, mais ne coïncident pas avec le repère prédicatif. A partir de la lexis que
nous avons choisie plus haut, la génèse du repérage prédicatif aura l'allure suivante :
-)pd
Jïba
• -
1
Je-e
Etant donné que nous avons une diathèse active, l'ordre de la relation primitive ne change pas, en
surface, mais par rapport au point de vue de l'énonciateur, ce qui est posé au prime abord, c'est
Jïba je-e, lequel ensemble de tennes se trouve être ensuite relié à d du point de vue de
l'organisation. TI en ressort que ce qui marque particulièrement la référence ici, c'est ce que peut
traduire la glose suivante: "quant à la casse de bois dans le passé, nY fait partie des animés qui
ont rempli cette fonction, entre autres". C'est en effet une valeur de l'énoncé qui décrit une
énumération.
1- Il faut souligner qu'en fait le second membre de la relation n'est ni ~ tout seul, ni.JTh..i. tout seul, mais bien ii:
jihj "casser le bois".
361
IV.3.3.2. LE REPERAGE PREDICATIF EN DIATIŒSE PASSIVE
Ici. la source de la relation primitive. le complément de rang zéro (Co) et le repère
prédicatif sont distincts. La lexis <pd. jè. pba> nous donne le repérage suivant:
Cette dérivation nous donne l'énoncé
Jïba
je-è
(pd
le)
bois
casser+ACC singe à - ) c'est le singe (qui) a réussi à casser le bois
Ici. le repère est jë-è ; il en ressort la glose interprétative suivante: "Quant à 'avoir été cassé (par
le singe)'. le bois est concerné par le processus".
IV.3.4. LE REPERE PREDICATIF EST LE REPERE ORIGINE (Si~)
Nous examinerons ici le cas où aucun membre de la relation prédicative n'est désigné
comme repère prédicatif. Celui-ci s'identifie tout simplement à la situation d'énonciation que
nous avons synthétiquement représentée à l'aide de la formule Sit2 ~ Sito. Ce type de
prédication trouve son illustration avec toutes les diathèses. En particulier. c'est ce repérage
situationnel qui est la raison d'être des diathèses de procès où les prédicats. orientés par rapport
à eux-mêmes. n'entrent pas dans la problématique de mise en relation pondérée de termes
différents. TI s'ensuit que la seule mise en relation qui ait un sens et une forme ici. c'est celle de la
relation prédicative représentée par le prédicat avec la situation origine de l'énonciation. laquelle
par défmition apparaît comme une sorte de repère prédicatif absolu dans le cas de la diathèse de
procès. Envisageons donc les trois cas qui se présentent.
362
N.3.4.1. LE REPERE PREDICATIF SITUATIONNEL EN DIATIŒSE ACfIVE
Le repérage prédicatif situationnel revient à prendre comme centre organisateur de la
relation prédicative tout entière la situation d'énonciation origine. A partir de la lexis <pO, jè,
Jïba>, nous avons le repérage ci-dessous:
'A.': <pLO 5, < (\\je,jïba > >-2 -) < Sito B<pO 5, «),jê,jïba > > >
2
1
1
3
- 2
1
1 2 3
- ) pO jïba
jë-e - ) le singe a cassé le bois
Ni la relation prédicative, ni aucun autre de ses constituants ne se trouvent être privilégiés dans
l'organisation de l'ensemble. Nous avons une équipondération qui s'identifie au repérage en bloc
de toute la relation par rapport au référentiel origine. Ceci nous donne, pour l'énoncé ci-dessus,
la glose "il y a que le singe a cassé le bois". Le repérage prédicatif situationnel nous donne ce
que KURODA appelle un "jugement thétique".
N.3.4.2 LE REPERAGE SITUATIONNEL EN DIATIŒSE PASSNE
Nous avons déjà étudié la genèse du passif. Le repèrage prédicatif situationnel ici, à
partir de la la lexis <pO, jè,Jïba>, a l'allure suivante:
'A.': <jîba 5, <pu,je,() > > -) < 'Zjïba 5,f(),jé,(~ =t ~ 5, pu>
2
1
12
3
1
13
- ) jïba
jë-e
pO
l€
bois
casser+ACC
singe
à
- ) le singe a réussi à casser le bois
363
L'énoncé obtenu a la glose suivante: "il y a que le bois a été cassé, et c'est le prix de l'effort du
singe". TI s'agit de présenter en bloc cette relation prédicative par rapport à la situation
d'énonciation Silo.
IV.3.4.3. LE REPERAGE SITUATIONNEL EN DIATIIESE DE PROCES
C'est un cas, où, au plan des termes de la lexis, le prédicat est à la fois le repère et le
repéré du point de vue de la prédication. C'est ici en effet l'illustration par excellence du concept
de repérage prédicatif par rapport à la situation origine, car l'autonomie du prédicat ou de la
relation prédicative fait que le seul repérage possible du point de vue de l'organisation, c'est le
repérage situationnel. Ainsi, à partir des lexis <za, kil, za> et 4, WL, ID, nous avons les énoncés
(49)
kil
W(i)
zà
U:
partir FAIRE+ACC Jean
à
- ) Jean a pu partir
(50)
wl.
W(i)
SL
parler FAIRE+ACC
hier-) qu'est-ce qu'on a parlé hier!
Le repérage dans ces énoncés peut être de type global par rapport à Silo, ce qui donne
qui correspondent respectivement aux gloses: "il y a que Jean a pu partir" et "il y a qu'on
a beaucoup bavardé hier".
Au total, quelle que soit la diathèse, le repérage prédicatif, au-delà de la mise en valeur de
termes, construit à chaque fois une référence d'un type particulier. C'est en cela qu'il relève aussi,
pensons-nous, des opérations telles que la thématisation que nous allons examiner maintenant.
364
IV.4. mEMAIISATION ET ENONCIATION EN YAOIJRE
IV.4.1. LE CONCEPT DE THEMATISATION
Thématiser un terme, c'est le poser comme thème, c'est-à-dire comme repère constitutif
ou "referential point" de l'énoncé. C'est autour de ce terme posé comme centre que s'organise
l'ensemble de l'énoncé.
En yaouré, la thématisation s'effectue à l'aide des marqueurs 11., Q.t, gà "ce",.oj, auxquels
il faut ajouter le relèvement tonal /HI et /MH/. Ces marqueurs ont pour glose: "étant donné x
comme centre de mon propos... ". En particulier, ~ correspond à l'adverbial1i, ~ au déictique
"ce" ; quant à.oj, il est sémantiquement lié à l'adverbe ~ "là-bas" et peut avoir pour glose "et si
l'on parlait de x..." ; il coexiste avec les autres opérateurs, mais exclusivement dans les énoncés
non assertifs interrogatifs.
La thématisation délimite en fait le domaine notionnel à propos duquell'énonciateur
construit une relation prédicative. Nous considérerons tom à tour la thématisation des lexèmes et
la thématisation des pronoms.
IV.4.2. LE THEMATISATION DES LEXEMES
TI faut noter que les lexèmes et les pronoms toniques ont un fonctionnement identique.
Les marqueurs de thématisation sont ici /!,.Qt., gQ et nû. Nous nous limiterons d'abord à
l'examen du fonctionnement du marqueur ~ qui est de loin le plus représentatif. Nous
envisagerons deux grands cas selon la nature du rapport entre le thème ou repère constitutif et le
tenne de départ de la relation prédicative.
365
N.4.21.1ERB'fREmNS1IIUIlFfSTIE'ŒRMEDEDEPARTDEIARHAlIONPRIDlCA1IVE
A- LE REPERE CONSTITUTIF EST LA SOURCE DE LA RELATION pR/MaNE
A partir de la lexis <pd, je, Jïba> et de la relation prédicative correspondante
Â.' : ~d ~ < (), je, jïba >, la thématisation de ~ nous donnera la dérivation suivante:
=e
'S S~to .!!p'p .!! ~ (] ~ ~(),je,Jïba l' ~ ~
= pd 6€
Nous voyons que llY est l'objet d'un double vidage, en crochets <1>, puis en <2>, pour être enfin
repéré par rapport à la situation d'énonciation origine Sito. TI faut bien voir que les deux vidages
ne sont pas coplanaires, le premier se situant au niveau de la prédication, le second au niveau de
l'énonciation. Les crochets carré ([ ]) en <2>, de par leur identification avec ;p..Y. en Sito, se
réalisent par l'anaphorique ~ "il" ; quant à ~ lui-même, repéré par rapport à Sito, il peut être
glosé par "il y a~, et il est là où il est" ; ce repérage se rend en yaouré par ~ ou, de façon
plus explicite, par pO+6t. ti.t. apparaissant comme la trace de Sito. Dans le cas d'une situation
non atemporelle, sur la base des différents repérages et de leur correspondance, la fonnule de
dérivation ci-dessus nous donnerait l'énoncé suivant:
(51)
pd
6t
ë
jïba
• -
1
je-e
singe TH
il
bois
casser+ACC - ) le singe, il a cassé le bois
Remarquons que, si nous avions une situation atemporelle, c'est-à-dire une classe de situations
telle que "le singe, ça casse du bois", nous aurions un repère décroché Sit~ d'où l'on pourrait
envisager chaque occurrence concrète de situation. On aurait donc:
(52)
pO
6€
ë
jïba
jé-a
singe TH
il
bois
casser+AOR - ) le singe, ça casse du bois
366
B- LE REPERE CONSTITUTIF EST LE BraDE LA RELAUDN PR/MaNE
La même lexis <pd, je, j1ba> nous donnera la relation prédicative et la dérivation qui
suivent:
-ë
Le processus décrit au point précédent nous donne l'énoncé
(53)
pd
6i2
ë
jë-è
(pd
le)
bois
TIl
il
casser+ACC
singe
à - ) le bois, il a été cassé (par le singe)
C· LE REPERE CONSTITUTIF EST LE PREDICAT
C'est une forme de prédication que l'on ne rencontre qu'avec les relations transitives
internes et les relations à ~o non instanciée par un terme explicite. Le lien avec la diathèse de
procès est donc maDÜeste. A partir de la lexis <pd, kil, pd>, on a la dérivation ci-dessous:
=e
= wcii
c:; kil ~ <j pd, (), pd ?? -)"i ~ Sito~ ~~ ~ ~ [il ~
= kil6ë
L'identification des crochets [ ] liés en <2> avec ~ en Silo se réalise t "il". Mais la
thématisation de ~ équivaut à sa mention comme notion, laquelle notion, sous sa fonne
anaphorique ~ "il" ne peut être insérée dans la relation prédicative <1> que par son ancrage en
situation à travers l'image du système référentiel que représente l'opérateur~. La dérivation CÎ-
dessus, après les substitutions et les effacements, nous donne l'énoncé:
1- Les parenthèses ( ) représentent les vidages au niveau prédicatif, et les crochets carrés [ ] les vidages au
niveau énonciatif. Les deux niveaux doivent être soigneusement distingués.
2- Il s'agit de l'opérateur ~, de schème tonal MB ; ici. il subit un relèvement tonal par le schème /Hl précédent.
Nous n'examinons ce type de problèmes que lorsqu'ils sont pertinents pour le calcul de la référence.
367
(54)
km
I)ë
ë
wm
pO
Ië
partir TH
cela
FAIRE+ACC
singe à
quant à partir, le singe a pu le faire - ) le singe a réussi àpartir
N.422 lERBmE OONS1TIUl1F m D~ DU ThRME DE DEPART DE LA RF! AllON
PRIDlCATIVE
A-IERFJ'EBECŒSITIUl1F=SŒJRÇEDEIARELATf(JVPR/MlI1VE.IETFRMEDEDEPAKf-BlfffCZl
A partir de la lexis <pO, je, J'ba>, nous avons la dérivation suivante :
<; J'lba .5.1=PO,je,(i) ~? -) ~ ~to ~~9 ~'}jï~a it5~],je,()? ~ ~ s. ~
=pO 5t
Du fait de l'effacement obligatoire de l'agent du passif, l'agent pi, extrait et antéposé en tant que
simple mention notionnelle, ne peut apparaître comme telle dans la relation prédicative passive
<1>. Cependant, il peut apparaître sous la forme anaphorique 2.. hors de cette relation <1>
comme repère indirect de cette relation. La séquence t i donne lë+à, soit .B±lt par projection,
soit encore jtt confonnément à un processus de fusion pronominale expliqué au point Ill.3.2.2.,
B- b) 6 du Chapitre Ill. Au bout de la dérivation, nous avons l'énoncé:
(55)
pO
6ë
Jïba
jë-e
jrf
singe TH
bois
casser+ACC à lui - ) le singe, il a réussi a casser le bois
B-IERFPElŒCŒSlTJIlI1F- BurDEIARELATlCNPRIMJl1VE.IETERMEDEDfPAK[- :wRÇE('ol
La lexis <pù, jé, jîba> nous donne la relation prédicative et la dérivation suivantes:
,
=a
<) ~ù s. ~ (I),je,jïba ?? -) ~ ~ito~ jïbf ~ ~ pO s. 1: (), je, [~ ?? 3
=jïba 6t
368
Dans cette diathèse active. ~ est le point de départ de la relation prédicative. L'identification des
crochets carrés liés [ ] avec le but de la relation prédicative. iihl. antéposé et repéré par rapport à
Site. se réalise par l'anaphorique i "lui. le". L'ensemble de ces repérages nous donne l'énoncé
(56)
Jïba
6€
,pd
à
jë-ê
bois
TH
singe le
casser+ACC - ) le bois. le singe l'a cassé
C- LE REPERE CONSTITUTIF - PREDICAT. LE TERME DE DEPART - SOURCE (~l
La lexis <pd, km, pd> nous donne la dérivation ci-dessous :
à+WGl
L'identification de Ü en Site avec les crochets carrés liés en <1> se réalise par l'anaphorique i
de la notion de procès. lequel anaphorique. pour la validation de la relation prédicative <1> qui a
pour origine 12A.. va s'accrocher au référentiel ~ en vue de son propre ancrage énonciatif. Nous
obtenons ainsi l'énoncé
(57)
km
6€,
pd
à
WGl
partir TH
singe le FAIRE+ACC-) pour ce qui est de partir, le singe en a été
capable.
IV.4.3. LA THEMATISATION DES PRONOMS
TI faut distinguer la thématisation des pronoms personnels non emphatiques et celle des
substituts thématiques. Dans les deux cas. l'opération s'effectue par le biais d'un relèvement
tonal.
369
IV.4.3.1. LA TIiEMATISATION DES PRONOMS NON TONIQUES
Elle se fait par le relèvement des schèmes tonals des pronoms sujets à /HI. Pour être plus
précis, nous dirons que le marqueur de thématisation est le tonème /HI, qui relève à /HIle
tonème des pronoms monosyllabiques et le ton de la seconde voyelle des pronoms
dissyllabiques, ce qui nous donne le tableau suivant:
Pronoms sujets non
Pronoms thématisés
thématisés
je
a
cS
.
tu
î
1
il/elle
ë
é
nous
kàà
kàa
vous
ka
ka
.
ils/elles
a
0
Nous verrons l'incidence référentielle de cette thématisation dans le développement qui suit.
Soit l'énoncé
(58)
a
ka
je
partir+AOR - ) je pars; moi je pars
Si nous nous référons au cas de la coïncidence des repères énonciatifs évoqués au point
IV. 1.3.5., nous pouvons dire que, dans l'une des interprétations de cet énoncé, la thématisation se
fait autour de 2" mais sans marque explicite. Mais, si nous opérons une thématisation explicite à
l'aide de schème tonal /HI, nous obtenons:
(59)
cS
ka-a
je
partir+w~+AOR -) moi, je pars
L'énoncé (59) renvoie à "moi, je pars", qui peut vouloir dire "moi, je pars, sans plus", ou "moi, en
tout cas, je pars, des autres je ne dis rien, mais ce n'est pas impossible", ou "moi, entre autres, je
370
pars", ou encore "moi, je pars, quant aux autres, c'est plutôt incertain, voire exclu". Toutes ces
interprétations, on ne peut pas dire qu'elles sont absentes de (58), mais elles sont privilégiées en
(59), où nous avons un marqueur explicite de thématisation. Ces nuances s'obtiennent dans les
mêmes conditions, avec chacun des pronoms non toniques.
N.4.3.2, LES SUBSTITUTS THEMATIOUES
Nous nous intéresserons ici à la thématisation d'un terme de départ de relation
prédicative qui est lui-même l'anaphorique d'une unité thématisée. Ce substitut peut être f, g" Be,
,M" la différence de schème tonal produisant des nuances d'ordre référentiel que nous allons
examiner à présent.
Commençons cette analyse par l'énoncé
(60)
pu
B€
ë
ka
singe TH
il
partir+AOR - ) le singe, il part
Ici, on pose simplement ~ comme thème, puis on en dit qu'il ® part, sans plus. Mais si, dans la
relation prédicative suivant le topic, on substitue au schème tonal MB du terme de départ ® le
schème /HI, nous obtenons l'énoncé
.
(61)
pu
B€
e
ka
singe TH
lui
partir+wciHAOR - ) le singe, lui il part
Cet énoncé n'a pas la même signification que l'énoncé (60) ; il veut dire "le singe, lui il part", au
quadruple sens de "sans plus", "en tout cas", "entre autres", "les autres non". La thématisation
tonale du substitut g, nous ramène à la situation que nous avons vue en (59).
Prenons cet autre énoncé:
(62)
pu
B€
Be
ka
singe TH
lui
partir+AOR - ) le singe, lui il part
371
A la différence de (60) où le pronom t reprenait de façon neutre et non marquée le thème ~,
ici, ~ reprend~, mais en spécifiant qu'il s'agit bien de ce singe-là qui part et pas d'un autre,
d'où une spécification sur le thème, car avec ~, on pose que ce singe-là part, et que des autres
partants potentiels, ou on ne peut rien dire de bien certain, ou bien ceux-ci ne partent pas, ou
encore c'est exclu qu'ils partent. Nous n'avons donc plus le "sans plus" de l'énoncé (60).
Prenons enfm l'énoncé suivant:
(63)
pO
6t
6i
kô-ô
singe TH
lui+TH
partir+wcii+AOR - ) le singe, lui il part
Avec 6i de schème tonal /HI, l'énoncé (63) veut dire franchement: "d., lui, il part, quant aux
autres, rien n'est moins sûr" ; il s'agit d'une modulation forte sur le thème. Du fait de la présence
de 6é qui est non seulement la reprise matérielle de ~ mais aussi l'anaphore de la thématisation
en tant qu'opération de délimitation, nous avons un effet restrictif sur la classe des partants, au
point que nous débouchons pratiquement sur un chemin strictement unique, d'où la glose: "le
singe, lui, il part, pour les autres, c'est peu probable", ou, tout simplement, "ils ne partent pas".
Qu'il s'agit de 6€ ou de 6i, la place et le rôle de ces substituts dans ce type d'énoncé font
que l'on arrive même à leur voir une fonction de sélection au niveau de tout un paradigme de
relations prédicatives. En effet, dans l'énoncé (63) que nous examinons, on peut avoir le sens
suivant: "le singe, lui, part, mais c'est autre chose qui inenvisageable ou ne se produira pas". fi
ne s'agit plus alors d'une restriction sur un paradigme de termes, mais d'une délimitation dans un
paradigme de situations ou de relations prédicatives. Si le singe part, ce qui est à écarter, c'est,
par exemple, que le tonnerre gronde, que le chat miaule, qu'il y ait une éclipse du soleil, etc.
Les dernières observations que nous aimerions faire sur les substituts thématiques se
résument en une hypothèse sur la forme de nt et Qt,. Nous pensons que l'anaphorique de thème
a trois formes; il est t quand il reprend simplement le thème d'une façon neutre comme en
(60) ; il est 6i: ou 6É quand il est une reprise thématisée avec les nuances référentielles que nous
avons décrites en (62) et (63). C'est à ce niveau que se situe notre hypothèse morphologique.
372
Nous pensons que dans les deux cas, le substitut thématique est la combinaison de 6t. de
ton phonologique MIl et du pronom t, l'anaphorique résultant ne prenant le ton /HI que si le
pronom t sous-jacent se présente lui-même sous une forme re-thématisée. Ce processus peut
être représenté par les dérivations ci-dessous:
MBMH
l',
1
6'
6'
)~'
,
a)
E: e + E-) (e + 6E - ) 6E
MBMH
", .f'
b)
6é : é + 6i: - ) e +'6E - ) 6é
En a), on perd et le segment", et son ton MB. En b), on perd le segment"" mais son schème
tonal /HI est récupéré sur le substitut 6È qui devient 6.f..
IV.4.4. A PROPOS DES MARQUEURS Mo, .n.d. ET ~
Nous avons déjà évoqué le cas du marqueur zéro (0'). Dans le cas d'une non dissociation
formelle des repères prédicatifs et énonciatifs, tout terme de départ de relation prédicative peut
être considéré comme thème, qu'il soit lexème ou pronom. C'est là qu'on se heurte au problème
de l'ambiguïté ou de la multivaleur des fonnes que nous avons déjà longuement examiné.
Quant aux marqueurs ~ et g,@, comme gg, on ne les trouve que dans la thématisation des
lexèmes et des pronoms toniques, c'est-à-dire meid "moi", kàà "nous dit 'inclusif", kQth "nous",
ml. "toi", kii. "vous" ; il faut dire que, par rapport à §î, n.:!.et wl sont d'un emploi
quantitativement plus restreint. Par ailleurs et surtout, s'il est vrai que 9!!l. se rencontre
quelquefois dans l'assertion, comme en témoigne l'énoncé
(64)
pO
9th
e
kil
singe TH
il
partir+ACC - ) le singe, il est parti,
il s'agit en réalité de deux marqueurs qui s'emploient, en remplacement de ~, surtout dans les
énoncés non assertifs interrogatifs et interro-négatifs qui sont, en tout cas, les contextes
exclusifs d'occurrence de n6 :
373
,
(65)
pd
gG)
ë
ka
0
singe TIl
il
partir+AOR
INTER - ) le singe, il part ?1
(66)
pd
nl1
ë
tà-a
à
singe TIl
il
venir+AOR
INTER - ) le singe, il vient?
TI faut enfm souligner que nous retrouverons les reprises et les re-thématisations que
nous avons examinées au point IV.4.3., avec toutes les nuances référentielles correspondantes
que nous ne reprendrons pas ici.
(67)
pd
nl1/gGl ë
km
m
singe TIl
il
partir+ACC-INTER - ) le singe, il est parti ?
(68)
pd
nl1/gcil 6€
km
m
singe TIl
partir+ACC-INTER -) le singe, lui, il est parti?
(69)
pd
nl1/gGl é
klii
cil -
m
singe TIl
partir-wlii+ACC-INTER - ) le singe, lui, il est parti ?
(70)
pd
nl1/gcil 6€
klii
eb - m
singe TIl
partir-wlii+ACC-INTER - ) le singe, lui, il est parti?
IV.4.S. LES REPERES CONSTITUTIFS COMPLEXES
On rencontre quelquefois des repères constitutifs complexes, que ceux-ci soient distincts
ou non du terme de départ de la relation prédicative construite autour d'eux comme centres. On
comprend que ce genre de thème n'existe que dans les diathèses passives, actives et moyennes,
car si les arguments nominaux peuvent se complexifier à loisir par le biais de syntagmes
nominaux grâce à des déterminants et des connectifs de nature variée, la complexification des
prédicats verbaux est souvent d'ordre aspecto-modal et se fait à l'aide d'opérateurs en nombre
très limité.
1- IN:I:ER est mis pour InterrQ~atif.
374
Nous prendrons deux exemples dont le premier illustre le cas où le repère constitutif
complexe est identique au terme de départ de la relation prédicative (71), et le second cas où ils
sont différents (72) :
(71)
zc5
&t
à
&Wl, &t
ë
tà
Jean 1H
lui
frère 1H il
venir+ACC - ) Jean, son frère, il est venu
(72)
zc5
&t
à
lù
&t
Jiba jë-è
jrE
Jean 1H lui
fille 1H bois casser+ACC à elle - ) Jean, sa fille, elle a réussi
à casser le bois
Ces exemples sont l'illustration d'une thématisation éclatée où chaque constituant du complexe
nominal est thématisé en tant que tel tout en étant repéré par rapport à un autre constituant ou lui
servant de repère. Mais, ce qu'il faut bien voir ici, c'est que chaque nominal est repéré par rapport
à la situation Silo; le lien déterminatif est assumé par le déterminant anaphorique i, le tout
formant un syntagme complexe posé comme repère constitutif autour duquel l'énonciateur
construit son propos. A l'image des schémas dérivatifs que nous avons proposés plus haut, on
peut, pour (71) et (72), tenter les représentations provisoires ci-dessous:
~:
"il y a Jean,
il y a son frère,
il est venu
r--
~ f 6
_
(72')
'} <i ~ito~3ei l' ~'t ~ito~l} ? ~ ~ i ~
~ ~ [~,jè,()
Jiba
?? ~ 1?
= zei &t
= lù &t
~:
"il Ya Jean,
il Ya sa fille,
le bois a été cassé
par elle"
Cependant, cette mise en relief de chaque composante nominale n'apparaît pas dans les
exemples suivants:
375
un prédicat de type transitif interne, c'est à la fois le point de départ et le point d'arrivée de la
relation <aRa> qui se trouvent décrochés, laissant en quelque sone le prédicat sans aucun appui
argumentaI qui lui permette de s'ancrer dans un référentiel. w@ apparaît alors, ainsi que nous
l'avons vu ailleurs, comme un opérateur d'ancrage qui permet au prédicat de se stabiliser du point
de vue spatio-temporel.
On s'aperçoit qu'il faut au moins un point d'appui argumentaI à un prédicat pour
apparaître seul dans le genre d'énoncé que nous examinons. Dans la relation oRb où o:;tb, il
suffit que 12 soit représenté sous forme pleine au zéro pour que R soit stabilisable et n'ait pas
recours à l'opérateur d'ancrage. Ainsi nous avons :
,
.
(78)
e
V~
lui+111
dire+ACC - ) lui, il l'a dit
,
• ~ ,
1
(79)
e
J:l:l
WGl
lui
se cacher WGl+ACC - ) lui, il s'est caché
En (78) nous avons une relation <oRb> avec le terme 11 effacé, donc représenté, même si
c'est sous la forme Il; ce morphème zéro, parce qu'il constitue un appui argumental, empêche le
processus d'enroulement. En (79) par contre, nous avons une relation <'aRâ>. C'est un
processus enroulé, si bien que le décrochement de i qui le pose comme mention et non comme
prédiqué ou prédiquant ôte tout appui à i2i qui trouve alors son ancrage par le biais du
référentiel substitutif w@.
Pour clore cette analyse de la thématisation en yaouré, nous aimerions souligner au
moins deux choses qui doivent être retenues: la première est que, outre le processus même dont
nous avons esquissé le principe général, le marqueur par excellence de la thématisation est Dt ; la
seconde est relative au ton; en effet, qu'il s'agisse des pronoms non toniques ou des substituts
thématiques, que nous soyons dans le cadre de repères constitutifs simples ou de thèmes
complexes, le relèvement tonal est non seulement un marqueur de thématisation, mais il produit
en même temps sur le thème, des variations d'extension qui sont d'une grande subtilité et que,
pour résumer, nous pouvons appeler modulations thématiques. En tout état de cause, que la
377
thématisation s'accompagne ou non de modulations, elle constitue référentiellement une forme
de mise en relief, et c'est en ce sens qu'elle s'apparente à la focalisation, opération énonciative de
second degré que nous nous proposons d'examiner.
IV.5. FOCALISATION ET ENONCIATION EN YAOUBE
IV.5.1. LE CONCEPT DE FOCALISATION
La focalisation, au sens strict que nous retiendrons dans le présent travail, est l'opération
qui consiste à mettre en relief un terme ou une relation. Les marqueurs utilisés, à des niveaux
différents, sont nt et ~ le second avec un schéma tonal mi-haut MH, à la différence du
marqueur de thématisation~. Une des valelD"S de la focalisation est la valeur restrictive que l'on
trouve dans l'exemple français
(80)
C'est Paul qui intervient ce matin
où Paul est l'objet d'une focalisation.
En fait, comme nous allons le voir plus bas à travers l'analyse de son processus, la
focalisation est une (re-)identification. Ainsi que nous l'annoncions plus haut au point N.1.3.5.,
c'est une opération de second degré puisqu'elle se superpose à une préconstrution. Elle consiste
à ré-investir un terme ou une relation comme pôle valideur d'une relation prédicative pré-
construite. Etant donné un terme posé comme repère prédicatif ou sujet psychologique1 d'une
prédication, la focalisation intervient pour poser ou (re-)identifier un autre terme comme étant
celui qui vérifie cette relation par rapport au paradigme de tous les prédicats psychologiques
possibles.
Dès lors, on comprend aisément qu'en yaouré, les énoncés focalisés, que ce soit avec nÈ
ou Be, reposent nécessairement sur des préconstruits qui sont leur composante ontologique. Il
1· Les termes traditionnels de "sujet psychologiQue" et "prédicat psychologiQue" par rapport au repère prédicatif
sont à entendre dans le sens où nous les avons défmis aux points IV.1.3.3. et IV.3.
378
devient ainsi intéressant de constater que l'expression fonnelle de la focalisation est fonction du
contenu référentiel du préconstruit Ceci nous conduit donc tout naturellement à examiner cette
opération sous deux aspects : la focalisation discordantielle et la focalisation simple.
IV.5.2. LA FOCALISATION SIMPLE
Elle est, bien entendu, fondée sur un préconstruit qui ne concerne que la prédication en
tant que relation acquise. Aucun choix préalable n'est fait pour ce qui est de la nature ou de
l'identité effective du tenne valideur. Le marqueur est .nl dans tous les cas. Nous illustrerons
cette focalisation simple en prédication verbale et en prédication non verbale.
N.5.2.1. LA FOCALISATION EN PREDICATION NON VERBALE
Nous ne reprendrons pas ici l'analyse détaillée du processus sous-tendant ce type de
focalisation, puisque nous l'avons déjà décrit, au point N.2. 1.1. ; la focalisation simple équivaut
en effet à une opération d'identification à partir d'un préconstruit. Comme nous l'expliquions à
propos de l'énoncé (13), w'i n~ "c'est (de) la viande", la focalisation de w'i revient à dire que, dans
la relation prédicative [ ~ Silo, la place vide représentée par les crochets carrés est en fait saturée
et est bien celle de È., d'où la focalisation de :m et le statut de .nl comme trace de cette re-
identification. En d'autres tennes, l'occurrence de notion nominale vérifiant [ ] s. Silo est bien wl,
d'où la relation
1..
[Il
S'
1
Wl
~ <
~
Ito
N.5.2.2. LA FOCALISATION EN PREDICATION VERBALE
Trois cas sont à considérer selon le statut du terme focalisé.
1- On se reportera au schéma explicatif du point IV.2. 1. 1.
379
A- LE TERME FOCAliSE ESTLA SOURCE DE LA RELATION fR/MaNE
Si nous désignons le terme focalisé par F, cette situation peut être résumée par la
formule: F=l;o=Co. A partir de la lexis <pO, 51'1, saa>, nous obtenons, dans le cadre de cette
focalisation,l'énoncé
(81)
pO
saa
5r!
singe le riz
manger+ACC - ) le singe a mangé le riz
et non
(82)
*pO
of
saa
511
Les nombreuses manipulations et vérifications que nous avons effectuées ont conduit au constat
que cet énoncé (82) n'est pas attesté. L'explication s'en trouve dans la nature du focalisé. Il
resson clairement que si le terme focalisé est la source de la relation primitive, comme c'est le cas
pour ~ dans la lexis ci-dessus, la focalisation se réalise, si elle a lieu, avec la marque zéro ; mais
nous pensons qu'elle n'a pas lieu. Nous en tirons que, pour la focalisation simple, le yaouré
refuse la tautologie qui consiste à mettre en relief un terme dont le statut explicite est d'avoir
pleinement la charge du procès dans lequel il se trouve activement impliqué.
B- LE TERME FOCAliSE - BUIDELA RELATIONPRIMaNE
Le résumé de cette situation est F=Çl';t:Co=ço. A partir de la lexis <pu, 6ft, sàa>, nous
avons la dérivation suivante:
Le vidage de la place ç} en <1> et sa re-identification à saà par s... se réalise dans la chaîne
prédicative par l'anaphorique i,. Comme nous l'avons montré au point IV.2. 1.1., l'occurrence de
sàa dans la relation prédicative se fait sous la forme de qnt(qIt), catégorie qui prend un caractère
380
essentiellement qualitatif avec l'antéposition de œ Dans l'énoncé représenté ci-dessus,
l'occurrence de midentifiée à la catégorie du qualitatif (qnt)qIt est repérée par rapport à Silo par
le biais de l'opérateur .d, puis re-identifiée à la place vide du schéma prédicatif. Si.of demeure la
marque de l'opération de cette re-identification, celle-ci se traduit en prédication verbale par un
anaphorique qui est ici i. Nous avons l'énoncé résultant:
(83)
saa
n~
pO
à
B1t:
riz
FOC
singe Je
manger+ACC - ) c'est le riz que le singe a mangé
C- LE TERME FOCAL/SE EST LE PREDICAT
Ce cas est résumé par la formule F = R ~ Co. La lexis <pO, km, pO> nous donne la
dérivation ci-dessous:
km n~
- à
= k@·L~';';';""';';"';""I;::::::=::::;-111
> -) <; (~~t) qIt • kp ~ <i pO ~ 1= (), [ J, pO 1" ~ ~
= km n~
Les deux identifications déjà décrites nous donnent l'énoncé
(84)
km
n~
P,O
à
weil
partir Préd.
smge
le
FAIRE+ACC
c'est
partir que
le singe
a fait
- ) le singe n'a fait que partir
Notons que .tà n'apparaît dans la prédication présente que comme une mention, une notion
mentionnée ; il s'ensuit que son substitut i est aussi une mention hors référentiel, ce qui
nécessite la présence de l'opérateur W(Î) qui, en tant qu'image du référentiel, assume l'ancrage
situationnel du prédicat~.
TI convient de nous arrêter quelques instants sur les nuances référentielles des énoncés
(83) et (84). Bien que nous nous situions dans le cadre d'une focalisation simple, l'énonciateur
peut impliquer que "le riz a été mangé, sans plus", "le gorille est parti, sans plus", ou alors; il
381
peut souligner de façon restrictive que "c'est le riz et non autre chose que le singe a mangé", que
"le singe est parti et n'a pas fait autre chose".
Enfm, il faut noter par ailleurs que l'opérateur J1l, par transitivité, peut, à partir d'un
constituant, s'étendre à la relation prédicative tout entière. Ceci donnerait pour (83), selon que la
focalisation porte sur un tenne ou sur la relation, soit la glose "c'est le riz que le gorille a
mangé", répondant à la question "qu'a mangé le gorille?", soit la glose "c'est qu'il y a que le
gorille a mangé le riz", répondant à la question "Que s'est-il passé ?". Dans ce second cas, la
situation globale décrite par la relation prédicative tout entière s'oppose aux autres situations
membres d'un paradigme de situations imaginables.
IV.S.3. LA FOCALISATION DISCORDANTIELLE
A la différence de la focalisation simple décrite au paragraphe précédent, l'énonciateur
peut ici distinguer un tenne pour l'opposer à un autre tenne auquel lui-même et/ou son
interlocuteur s'attendaient. C'est ce type de focalisation que nous appellerons "focalisation
discordantielle". On peut dire que dans ces cas, il s'agit véritablement d'une attente déjouée, et le
marqueur est alors exclusivement gt. Notre analyse considérera tour à tour les deux types de
prédication.
IV.5.3.1. LA FOCALISATION EN PREDICATION NON VERBALE
Nous partirons de l'énoncé
(85)
wl
6€
viande
FOC - ) c'est plutôt de la viande
qui s'oppose à l'énoncé wl n~ (13) et correspond à la dérivation ci-dessous:
Wl 6€
=wl
1
(q~t) qÎt • ~1 s. < [] s. Silo >
382
A l'exception du marqueur d'identification ~, le processus est le même que celui de n~ que nous
avons décrit au point IV.2.1.1. et repris au point IV.5.2.1.
A la différence de (13) où le préconstruit ne porte que sur la relation prédicative x E Site
dont la place (x) du repéré reste indéfinie dans un premier temps, en (85), au contraire,
l'énonciateur, en plus de l'acquis prédicatif, instancie d'abord cette place (x) avec un premier
terme défini avant de lui substituer un second qui est le seul conforme à la réalité, d'où l'adverbe
"plutôt" dans notre traduction; en d'autres termes, "je m'attendais à ce que ce soit de la banane
(par exemple) mais c'est (plutôt) de la viande".
La focalisation discordantielle montre nettement une référence implicite à une attente
finalement non satisfaite. Ce procédé permet de comprendre par exemple l'effet comico-
dramatique de certains énoncés tels que (86) et (87) :
(86)
mi
6È
homme
FOC-) c'est (plutôt) un homme (=humain)
(87)
d
nd
6Ê
moi
femme
FOC - ) c'est (plutôt) ma femme
L'énoncé (86), par opposition à.mi..nf "c'est un homme", pourrait être produit par quelqu'un qui,
dans une cage de zoo, trouve un homme alors que, tout naturellement, il s'attendait à voir un
animal. De même, l'énoncé (87), par opposition à d na n~ "c'est ma femme", pourrait se
comprendre dans la bouche d'un amant qui attend sa maîtresse et qui, découvrant une réalité
différente, se confesse, tout déconfit, à un ami, ou à lui-même, in petto.
IV.5.3.2. LA FOCALISATION EN PREDICATION VERBALE
Comme dans la focalisation simple, trois cas sont à considérer.
383
A- LE TERME FOCAliSE EST Co
A la différence de la focalisation simple où la source n'est pas focalisée formellement en
prédication verbale, l'équivalence est ici la suivante : F=~=~l. A partir de la lexis <pO, 61\\.,
saa>, nous avons la dérivation suivante:
pO 6i:
= pO. 1
1
1
~O s. <( ), 61\\., saà > -) ~ (qnt) aIt •pO s. <2 [] s. ~ (), 61\\., saâ 1> ? ?
Ici, l'argument I!i a la charge de toute la relation prédicative à laquelle il se trouve identifiée du
fait qu'il en est le point de départ. Cette identification se réalise sous la forme zéro dans la chaîne
etnousavonsl~noncé:
(88)
pO
6e
sas.
61t
singe FOC riz
manger+ACC - ) c'est (plutôt) le singe qui a mangé le riz
Cet énoncé correspond à la glose "c'est le singe qui a mangé le riz, mais je ne m'attendais pas à
ce que le mangeur soit le singe". C'est la seule interprétation possible de cet énoncé du point de
vue de la focalisation. On note donc aisément une attente déjouée, d'où la discordance.
B- LE TERME FOCAliSE EST LE BUT DE LA RELATION PRIMITlVE
A partir de la lexis <pO, 61\\., saa>, nous avons la dérivation suivante:
saa fii:
= saa.
1
1
pO 50 < ( ), fil\\., sàà > -) i (cint) qIt. ~aa 50 ~ plO 50 "1 (), fi1\\., [] ???
Les deux identifications définies par la structure ci-dessus nous donnent l'énoncé:
(89)
•
1
saa
6i:
pO
6i:
61t
riz
FOC singe lui
a mangé - ) c'est (plutôt) le riz que le gorille a mangé
384
On s'attendait donc à ce que le singe ait mangé autre chose que le riz. ou qu'il se soit passé autre
chose que <singe - manger - riz>.
A partir de la même lexis. nous avons la dérivation suivante :
saa 6€
.. "'---~I~";";;"---I
= saa.
1
SiUl s.. < pO, 61i, () > -) 'S '5 (cint) qlt· ~aa s.. ~ []
~ (1)' 6lt, ()
Comme pi en (88). mfocalisé en <3> est en <2> terme de départ de la relation prédicative. Ce
second statut fait que. comme 124 en (88)• .ùi s'identifie à la relation prédicative. ce qui ne
débouche pas sur une reprise anaphorique et nous avons l'énoncé
, .
,
(90)
saa
6é
61i,
pO
le
riz
FOC manger+ACC
singe à - ) c'est le riz qui a pu être mangé par le singe
c- LE TERME FOCALISE EST LE PREDICAT
La lexis <pO, kfil, pO> nous donne la dérivation ci-dessous:
kfil 6è
=kfil
1
1
•
1
1
pO s.. «1), kfil, (~ > -) <J (qrit) qlt • kfil s.. <i pO ~ <i (), [], () ?1' 3
Les différentes identifications et l'insertion de l'opération d'ancrage w@ due à l'emploi notionnel
de k.Q nous donnent l'énoncé
(91)
kfil
6è
pO
6i:
wo
partir FOC
singe le
FAIRE+AOR - ) le singe ne peut faire que partir
385
La lexis du point a) précédent nous donne la dérivation
qui conduit à l'énoncé:
(92)
ka,
6è
wcà
pO
1f
partir FOC
FAIRE+ACC
singe à -) le singe n'a pu faire que partir
Comme nous l'avons w pour les énoncés (13), (83) et (84), la focalisation dans les énoncés (88)
à (92), au-delà de la particularisation d'un seul terme, peuvent renvoyer à un choix dans un
paradigme de situations, donc de relations prédicatives.
IV.6. LA IHEMAIISAIION FOCALISEE
Nous voudrions, à travers l'exemple ci-dessous, montrer que thématisation et focalisation
peuvent se rencontrer ou se superposer dans une même chaîne :
..
(93)
pd
6f,
jÈi:1
saa
61i
singe 1H
lui+FOC
riz
manger+ACC - ) le gorille, c'est lui qui a mangé le riz
(94)
pO
6f,
wèri
6è
6€
ci:
singe 1H
Weri
FOC le
tuer+ACC - ) le singe, c'est Weri qui l'a tué
En (93) par exemple, nous avons la thématisation de ml par ~ et la focalisation de son substitut
i dans la relation prédicative. On voit que, même si les deux opérations ne se superposent pas au
même point de la chaîne, elles se composent ou se croisent pour renforcer la partie commune de
leurs effets, c'est-à-dire la distinction d'un terme en tant que centre d'intérêt. C'est là une
1- Nous avons vu, dans l'étude des amalgames pronominaux, que ~ = à.±.üt..
386
constante que nous retrouverons au niveau des autres constituants de l'énoncé que l'on désigne
du terme général de "complément".
lV.7,1lJEMATtiAIDN,FOCAI,fiAIDNEfÇ0M8EMENfAIDNENYAQURE
Cette Section n'est ni une théorie des compléments, ni un discours sur les théories de la
complémentation. Nous nous proposons simplement d'identifier les constituants de l'énoncé que
l'on désigne généralement sous le vocable de "complément" afm de voir comment l'on peut
étendre à eux les deux opérations énonciatives fondamentales que nous venons d'étudier, à
savoir la thématisation et la focalisation. nimporte d'abord d'opérer une tentative de clarification
conceptuelle.
IV,7,1, LE CONCEPT DE COMPLEMENT
Force est de reconnaître que la définition des compléments en termes essentiellement
sémantiques tels que "complément de moyen", "de lieu", etc., conduit presque inévitablement à
des confusions ou, de façon générale, à une impasse. C'est pour cela que, à la suite de A.
CULIOLI,l nous retiendrons ici la définition des compléments en termes de rang.
Le prime actant et le second actant de Lucien TESNIERE, dans la mesure où ils
participent à la complémentation du prédicat, sont des compléments, le premier de rang zéro ou
Co, le second de rang 1 ou Cl ; il s'agit, on le voit, respectivement du sujet et du complément
d'objet direct de la tradition grammaticale.
Le complément d'attribution, au sens large, c'est-à-dire désignant, entre autres, le
bénéfactif ou le détrimental, s'appellera Complément de rang 2 ou C2. Nous désignerons par
Complément de rang 3 ou C3 divers compléments prépositionnels et adverbiaux de temps, de
1- CULIOLI, A. (1974): Défmitions de termes linguistiques. Paris, Alpha EncyclQ1!édie, article "Complément".
387
lieu, de manière, de moyen, d'instrument, pour ne citer que ceux-là, qui défmissent chacun un
repère de la relation prédicative, quel que soit le contenu référentiel de ce repérage.
Dans un énoncé ou il n'est recherché aucun effet particulier, l'ordre canonique normal
des compléments apparaît dans l'énoncé suivant:
(95)
zd
Jïba
j1dd
wèri
le
6èzè
a
si
fla
Jean
bois
tailler+ACC
Werl pour
machette
avec
hier village
Co
Cl
C2
C3
C3
C3
- ) Jean a taillé du bois pour Werl hier au village avec une machene
Ainsi que cela a pu apparaître ici et là dans les pages précédentes, à l'exception de Co qui, d'un
certain point de vue constitue un repère formel toujours présent en yaouré, les autres rangs de
complément peuvent connaître des sorts variables. Certains, selon les énoncés, peuvent ne pas
apparaître. C'est le cas des C2 et des C3. Quant à Cl, il apparaît toujours, soit explicitement, soit
implicitement dans les constructions transitives internes telles que les "intransitives"
traditionnelles et les constructions réflexives. Du point de vue du positionnement, l'ordre
canonique indiqué ci-dessus peut varier selon les opérations effectuées par l'énonciateur en
fonction de ses intentions. Nous allons voir quelques exemples de ces variations de position
sous l'effet de la thématisation et de la focalisation.
IV.7.2. THEMATISATION ET COMPLEMENTATION
A l'image du comportement de Cl déjà examiné, chacun des compléments C2 et C3
peuvent, en yaouré, faire l'objet d'une thématisation dans les conditions déjà décrites. C'est ce
que nous avons dans les exemples ci-dessous, de (96) à (99) :
(96)
wèrl
6ë
zd
Jïba
j1dà
jrÈ
6éze
à
si
flà
Weri TH
Jean bois
tailler+ACC àelle
machette avec
hier
village
- ) Weri, Jean lui a taillé du bois hier au village avec une machette
(97)
6èze
6ë zd
Jïba
j1dô
à
wèrl
le
si
fla
machette
TH Jean bois
tailler+ACC avec Weri
hier
village
- ) avec une machette, Jean a taillé du bois pour Weri hier au village
388
..
(98)
st.
6é
\\
zd
jïbâ
J1dd
wen
lé
6èze
1
a
flà
hier
TH
Jean
bois
tailler+ACC Weri
machette avec village
- ) hier, Jean a taillé du bois pour Weri au village avec une machette
...
.
(99)
fla
6é
zd
jïbâ
J1dd
wen
lé
6èze
1
a
st.
village TH
Jean
bois
tailler+ACC
Weri
machette avec hier
- ) au village Jean a taillé du bois pour Weri avec une machette hier
Ce qui est important à souligner, c'est qu'en (96) et en (97), avec les C2 et C3' seuls les
nominaux sont antéposés. Quant aux particules adnominales ~ et i, marqueurs de repérage de
relations prédicatives, elles conservent leur place et balisent les fonctions des nominaux sur
lesquels elles portent. Toutefois, le principe général de la thématisation demeure le même.
IV.7.3. FOCALISATION ET COMPLEMENTATION
Les compléments C2 et C3 peuvent être focalisés, comme en témoignent les exemples ci-
dessous:
(100) wèrl
lé
n~
ZO
jïbâ
J10d
si
Weri à
FOC
Jean
bois
tailler+ACC
hier - ) c'est pour Weri que Jean a
taillé du bois hier
.
(101) st.
n~
zo
jïbâ
poo
hier
FOC Jean
bois
tailler+ACC - ) C'est hier que Jean a taillé du bois
A la différence de la thématisation, les compléments, s'ils comportent une particule, sont
antéposés avec cette particule par focalisation. C'est ce qui apparaît avec wèrllé dans l'énoncé
(100) ci-dessus. Le principe de la focalisation reste inchangé. On retrouve l'ambiguïté
référentielle définie au point IV.5.2.2 et que l'on peut lever à l'aide de paramètres situationnels.
IV.7.4. THEMATISATION FOCALISEE ET COMPLEMENTATION
Nous terminerons cette Section par un exemple de thématisation focalisée :
389
(102) 6èzè
6E
à
à
nf
zd
Jïba
j1dO
machette
TIl
elle
avec
FOC
Jean
bois tailler+ACC
-> la machette, c'est avec elle que Jean a taillé le bois
(103) wèii
6ë
à
lÈ
nf
zd
Jïba
j1dÔ
Weri
TIl
elle
à
FOC
Jean
bois
tailler+ACC
-> Werl, c'est pour elle que Jean a taillé le bois
Dans ces énoncés, le marqueur de focalisation s'applique au substitut du syntagme focalisé, à à
(102) et ili (103). Ici encore, les deux opérations se rencontrent, selon le processus décrit plus
haut
IV.S. DU RAPPORT ENTRE THEMATISATION ET FOCALISATION
La thématisation et la focalisation sont deux opérations énonciatives qui, toutes les deux,
visent à distinguer un terme ou une relation, ou un groupe de termes. C'est pour cette raison que
nombre d'auteurs les considèrent comme des concepts identiques.
Nous devons en effet admettre qu'il y a des thématisations qui sont pratiquement
équivalentes à des focalisations dans la mesure où, en posant un terme comme centre
organisateur d'un énoncé, on le met en relief; d'un autre côté, il y a des focalisations qui ont
valeur de thématisation dans la mesure où, en mettant un terme en relief, on en fait en quelque
sorte le centre organisateur de l'énoncé, ou tout au moins un repère autour duquel l'ensemble de
l'énoncé semble graviter référentiellement. Cette confusion de valeurs, pour le yaouré en
particulier, semble favorisée par le fait que la thématisation et la focalisation, ne serait-ce qu'à
travers deux de leurs marqueurs, respectivement .6..& et .6..&, apparentés au déictique 6ë, signifiant
"là", semblent toutes les deux relever du phénomène général de la déixis.
Toutefois, l'acception stricte que nous donnons aux termes "thématisation" et
"focalisation" dans le présent travail justifie que nous ne les tenions pas pour des synonymes.'
En effet, en dehors des coïncidences de valeurs ou d'opérations, la thématisation et la
focalisation, même en se superposant dans une chaîne, gardent chacune, comme nous l'avons vu,
390
leur statut d'opérations autonomes tant au plan formel que référentiel. La thématisation est un
choix effectué directement par l'énonciateur ; la focalisation est une opération de second degré,
qui se greffe nécessairement sur un préconstruit dont l'origine peut être l'énonciateur, le co-
énonciateur, voire un non participant direct à la communication, c'est-à~ la non-personne.
Opérations distinctes, thématisation et focalisation restent cependant liées. Il arrive
qu'elles conjuguent leurs valeurs. C'est en effet la thématisation et la focalisation qui, ensemble,
et comme nous allons le voir dans le Chapitre suivant consacré au repérage nominal, déterminent
et identifient le nominal sujet de la relation prédicative principale des constructions adjectivales
dites relatives.
391
IDIlldVH::>
A
l6€
Ce Chapitre identifie les principaux modes de la détennination nominale en yaouré et
analyse en particulier les processus de quantification et de spécification ou fléchage. Bien que
ces opérations, dans leur essence, conservent partout la même fonction, à savoir celle de la
construction, en situation, d'occurrences de notions nominales, il convient toutefois de noter
qu'elles peuvent être infléchies par la nature profonde des nominaux. L'examen de toutes ces
questions à la fois complexes et liées requiert, on le voit, que soit d'abord brièvement circonscrit
le concept même de détermination.
y.l. LE CONCEPT DE DETERMINATION NOMINALE
Détenniner une occurrence de notion nominale, c'est la caractériser du point de vue de sa
quantité, ou de sa spécificité en tant qu'occurrence sui generis, ou encore de sa qualité. Ainsi,
définie, la détennination nominale se réalise à travers trois opérations fondamentales qui sont la
quantification, la spécification ou fléchage, la qualification. Dans cette Section, nous nous
proposons de donner brièvement les caractéristiques fonctionnelles de ces formes de repérage
tout en présentant un tableau succinct de la distribution de leurs marqueurs avant de procéder à
l'analyse détaillée de deux types d'opération: la quantification et le fléchage.
V.I.I. LA QUANTIFICATION
La quantification nominale, en dehors ou en plus de la quantification consubstantielle à
toute mise en situation d'une occurrence de domaine notionnel, consiste à indiquer la dimension
spatiale de l'occurrence nominale que l'on construit. De façon générale, la structure de la
quantification correspond au schéma ci-dessous:
393
NOMINAL
DETERMINANT
(quantifié)
(quantifieur)
On peut distinguer grossièrement trois degrés de quantification : le renvoi à la totalité, la
quantification indéfinie et la quantification numérale.
V.l.l.l. LA QUANfIFlCATION NUMERALE
Nous en avons une illustration dans les exemples suivants :
(1)
jïba
sou
arbre
cinq
- ) cinq arbres
(2)
•
1
suu
fli
cure-dents
deux
- ) deux cure-dents
Ces séquences traduisent un nombre précis d'arbres, de cure-dents; il s'agit d'une quantification
cardinale; mais la quantification peut être ordinale, comme dans les exemples :
(3)
jïba
ttde
arbre premier - ) le premier arbre
(4)
jïba
fli-ze5
arbre
deux-propriétaire - ) le deuxième arbre
Dans ce cas, on indique le rang précis d'un arbre par rapport à un ordre donné.
V.1.1.2. LA OUANTIFICATION OU EXTRACTION INDEFINIE
Cette quantification peut être illustrée par les exemples suivants :
(5)
jïba
nû
arbre
pl
- ) des arbres
(6)
Jïba
mië
arbre
~ -) quelques arbres
394
(7)
jïba
s6g1è
arbre
plusieurs
- ) plusieurs arbres
(8)
jïba
kaga
arbre
beaucoup
- ) beaucoup d'arbres
(9)
jiba
bGSGS
arbre
trop
- ) trop d'arbres
(10)
jïba
wfa
arbre
combien
- ) combien d'arbres?
Dans toutes séquences, nous n'avons que la référence à une quantité imprécise par rapport à une
détennination cardinale par exemple.
V.1.1.3. LE RENVOI A LA GLOBALITE OU PARCOURS
Nous avons une illustration dans l'exemple ci-dessous:
(11)
jïba
pf 01
arbre
tout/tous
- ) tous les arbres/tout arbre
On réfère ici à la totalité d'un ensemble donné d'arbres.
V.l.2 LA SPECIFICATION OU LE FLECHAGE
Etant donné un domaine notionnel défini par une classe d'occurrences, le fléchage
consiste à repérer ou à spécifier une ou plusieurs occurrences en tant qu'elles sont à distinguer de
toutes les autres occurrences. Le fléchage se fait essentiellement par deux procédés, la
relativisation par préconstruction et la localisation.
V.1.2.1. LE FLECHAGE PAR LOCALISATION
En attendant de revenir sur le détail des opérations de fléchage, nous dirons brièvement ici
qu'on peut localiser une occurrence notionnelle de deux façons au moins :
395
- on peut le faire par identification (=) du repéré au repère, avec une marque zéro (0') en surface,
comme dans les exemples suivants :
(12)
?
_> je
je
(13)
a
6c6
moi
mère -> ma mère
En (12), ~ est la trace d'une identification du sujet de l'énoncé au sujet énonciateur origine; en
(13), ainsi que nous le montrerons plus bas dans le détail, Wi se trouve dans un rapport
d'identification au repère.Q. ;
- on peut localiser un nominal par différenciation (~) d'avec le repère; c'est ce que montrent les
exemples ci-dessous:
,
(14)
1
Jïba
n~
toi+IMP
lx>is
donner -> donne le lx>is
(15)
zc5
lè
pl~
Jean
~
chien
-> le chien de Jean
En (14) et (15), les nominaux Jïba et ~ sont repérés respectivement par rappon à Silo et zg,. Au
lieu d'une identification, nous avons plutôt affaire à un différenciation, c'est-à-dire que les repérés
_ e t l21! sont rapportés à leurs repères tout en en étant distingués; les marqueurs en surface
sont ici Il pour (14) et pour li (15).
Outre ces deux cas qui sont les plus spontanément cités en illustration du fléchage, on
peut aussi localiser un nominal par rupture d'avec le repère; c'est le cas des pronoms t "il" / Q
"ils" , qui renvoient à des référents précis en situation d'énonciation; c'est aussi le cas des noms
propres, des noms à référent unique tels que Jïde "le soleil", te€: "la terre", etc.
396
V.l.2.2. LE FLECHAGE PAR PRECONSTRUCfIQN OU ACQUIS PREDICATIF
Il s'agit du fléchage qui accompagne les constructions dites relatives. Par les effets
conjugués de la thématisation (6ë) et de la focalisation (of). un nominal acquiert sa spécification
dans une première relation prédicative validée. Ce nominal ainsi identifié et investi est ensuite
repris sous une forme anaphorique dans une seconde relation prédicative correspondant à la
proposition principale. Le processus de fléchage lié à l'opération de relativisation sera analysé
plus bas.
V.I.3. LA QUALIFICATION
La qualification consiste à attribuer une caractéristique d'ordre qualitatif à une occurrence
de notion nominale. Nous en distinguerons deux formes.
Le premier type de qualification se traduit par la structure suivante:
QUALIFIANT
QUALIFIE
NI
N2
v
N
Adv
N
Le nominal qualifié N/N2 peut avoir pour qualifiant un nominal (N}). un verbe (V). un adverbe
(Adv). comme on peut le voir dans les exemples ci-dessous:
(16)
jiba
k5
bois
maison
- ) une maison en bois
NI
N2
(17)
ji-te
s:iba
dormir
bâton
- ) un bâton soporifique
V
N
397
(18)
tadâ
wï
vite
affaire
-) une affaire précipitée/bâclée
Adv
N
Le second type de qualification se traduit par la structure suivante:
QUALIFIE
QUALIFIANT
NI
NZ
N
Adj
Le nominal qualifié peut avoir pour qualifiant un nominal (NZ), un adjectif (Adj), comme le
montrent les exemples ci-dessous:
(19)
ni
1(j)m5
NI
NZ
enfant
fille
- ) une fille
(ZO)
jïba
616
NI
NZ
arbre
jeune tige
-) jeune plant
(ZI)
km
1(j)m5
NI
NZ
nous
femmes
- ) nous les femmes
(ZZ)
jïba
dei
N
Adj
arbre
grand
- ) un grand arbre
(Z3)
jïba
péé
vs
lei
N
. Adj. iÎuléfini
arbre
autre vs le même
-) un autre arbre / le même arbre
Les deux types de qualification ont àes structures totalement inverses l'une de l'autre. Au-
delà des structures formelles de surface, nous pensons qu'au niveau profond il ne s'agit pas du
même type de relation, mais de deux représentations différentes.
398
En effet, dans le premier cas où l'élément qualifiant précède le qualifié, la qualification
apparaît comme un jugement analytique, c'est-à-dire un dévoilement de la nature intrinsèque du
qualifié; de ce fait, elle est de nature tautologique, car elle dit du nominal ce qu'il est par essence.
Dans le second cas où le nominal qualifié précède le qualifiant, la qualification sous-
entend un prédicat d'identification ( ~ "être"), et c'est dans ce sens que les séquences (19) à (23)
ont pour équivalents les énoncés ci-dessous :
(19')
nf
à
(è)
IG)m~
al
enfant Pred
lui
fille
Sit
- ) l'enfant est du sexe féminin
,
(20')
jïba
a
1
e
610
a
arbre
Pred lui
jeune plant
Sit - ) l'arbre est (encore) jeune
.
(21')
kG)
â
e
IG)m~
a
nous
Préd nous
femme
Sit - ) nous sommes des femmes
(22')
jïba
a
da
arbre
Pred grand
- ) l'arbre est grand
(23')
jïba
a
e
pee
arbre
Pred lui
autre
- ) l'arbre est autre/différent
En d'autres tennes, nous avons ici une qualification qui apparaît comme un jugement extérieur et
qui ne peut être tautologique qu'accidentellement du point de vue de la construction.
Au total, nous pensons que la première construction à qualifiant préposé est une
qualification de type épithétique ou non prédicatif, et la seconde construction de structure inverse
une qualification attributive ou prédicative.
La détermination nominale se ramène donc à trois opérations essentielles, la
quantification, le fléchage et la qualification. On peut comprendre que, n'appartenant pas par
1- L'apparition de i dans les énoncés (19'), (20'), (21 J, (22') et (23') vient du fait que certains nominaux en
fonction d'attribut sont nécessairement précédés de l'anaphorique du sujet.
399
essence au même paradigme, ces trois opérations puissent s'associer sur le plan syntagmatique,
comme le montre l'exemple suivant:
(24)
za
lè
pl~
fùvû
ru
Jean
.2
chien blanc deux
- ) les deux chiens blancs de Jean
On voit que les "chiens", qui sont fléchés (spécification) par "km" sont non seulement blancs
(qualification), mais aussi au nombre de deux (quantification).
Pour clore cet inventaire, il faut·noter que les opérations de détermination semblent
soumises à quelques contraintes. En effet, si l'on a aisément
(25)
pfi
fli
chaise
deux
- ) deux chaises
(26)
pl~
soglo
chien
plusieurs
- ) plusieurs chiens
(27)
malt
nü
poussin
pl
- ) les poussins
(28)
pula
nü
rat
pl
- ) les rats
les séquences suivantes sont impossibles, à moins d'une opération intermédiaire supplémentaire.
*.~
Ji
fli
eau
deux
*w~
sèglè
vin
plusieurs
*klô
na
peur
pl
On se rend aisément compte que certaines impossibilités sont liées à la nature des notions
nominales déterminées. En attendant de pouvoir mieux circonscrire et exploiter les propriétés des
nominaux, nous pouvons d'ores et déjà retenir la catégorie nominale du discret qui, au contraire
400
de la catégorie du continu, renvoie à une réalité se présentant sous la fonne d'éléments discrets,
isolables. Gardant à l'esprit ces quelques traits ainsi grossièrement esquissés, et laissant
délibérément de côté la qualification nominale directe telle que nous venons de la défmir, nous
nous proposons d'analyser plus particulièrement les deux opérations de repérage nominal que
sont le fléchage et la quantification.
Y.2. LES OPERATIONS DE OUANTIFICATION NOMINALE EN YAOUBE
Nous nous proposons de décrire les différentes formes de quantification d'occurrences
nominales en examinant successivement le renvoi àla notion, l'extraetion et le parcours.
V.2.1. LE RENVOI A LA NOTION
On peut définir le domaine notionnel (P) 12 comme la classe ou le domaine p de tous
les êtres qui partagent la propriété (P). Ce sont donc des êtres qui sont caractérisables par la
propriété "être p". Il en découle que le domaine notionnel (P), le domaine des (p), ou, plus
exactement le domaine des "être-p", est un prédicat représentable par l'expression
< () p >1
où les parenthèses ( ) représentent tous les êtres vérifiant 12 ou, plus exactement ( ) être-p. Des
deux expressions équivalentes (P)p et « )p>, nous retiendrons la seconde pour la suite.
Le renvoi à la notion consiste à référer à tout le domaine notionnel en dehors de toute
désignation d'un élément ou d'une partie quelconque de la classe d'occurrences. Nous
construirons ce type d'occurrence à l'aide de l'expression suivante
< () p > s.. Sit
1- Pour être plus précis, l'expression complète est « ) p, p'>, puisque 12 est défini par 12 et son complémentaire 12'.
401
qui signifie que le domaine des tt( ) être-ptt (ou la classe des "( ) être_ptt) est repéré par rapport à
la situation d'énonciation que nous représenterons ici sans indice pour renvoyer à ses différentes
réalisations possibles: le repérage par rapport soit à Site, soit à Sitl soit à Sitt (k), etc... pour ne
citer que ces cas.
Le marqueur de ce renvoi à la notion est le morphème zéro (111).
Nous avons une illustration dans les exemples ci-dessous:
(29)
k1&
n~
peur
FOC - ) c'est la peur (pour le continu non quantifiable)
(30)
ji
n~
eau
FOC - ) c'est l'eau (pour le continu quantifiable ou dense)
(31)
p~
Bi:
chaise
FOC - ) c'est plutôt une chaise (pour le discret)
Pour les séquences que nous proposons comme illustrations, nous supposerons le plus souvent
que les conditions d'énonciation sont réunies. Cela évitera d'alourdir l'analyse avec des énoncés
entiers là où ils ne sont pas indispensables en tant que tels.
V.2.2. L'EXTRACTION
L'extraction consiste à référer à un élément, à des éléments ou à une partie d'un domaine
notionnel. Le processus de cette construction d'occurrence peut être résumé par l'expression
suivante:
•
<i () s- ~ <j () p ~ s- Sit? ?
402
Les parenthèses en <3> représentent l'élément ou la partie qu'on extrait dans le domaine
notionnel qui est lui-même repéré par rapport à Sil. Pour être plus complet, il faut ajouter que
l'extraction revient à poser une certaine quantité d'un objet que définissent par ailleurs
nécessairement un certain nombre de propriétés; cela signifie que cette opération s'accompagne
d'une quantification et d'une qualification représentées par (qnt qIt).1 La prise en compte de cette
catégorie nous pennet de fonnuler une expression plus complète de l'extraction:
< Qt c') ~ < <1 () p > ~ Sit > >
3
2
1
2 3
Lors d'une extraction, il faut s'attendre à une pondération des paramètres constitutifs de Qt,
c'est-à dire WU et Ql1. Nous envisagerons donc deux cas d'extraction selon l'importance de la
référence à la quantité.
V.2.2.1. LA OUANTIFICATIaN ou EXTRACTION PRIMAIRE
TI s'agit d'une simple extraction qui ne met pas en avant l'idée de quantité.
Disons tout de suite que ce genre d'extraction est incompatible avec le continu non
quantifiable (ou compact), si l'on se situe au niveau d'un domaine notionnel non réorganisé
conceptuellement On ne peut donc avoir les séquences suivantes:
*k1â
t~
pour
un
- ) une peur (en tant qu'élément distinguable)
*k1â
mië
peur
quelque
- ) quelque peur (en tant qu'élément distinguable)
1- La catégorie QIl1...Ql1 sera synthétiquement notée QI.
403
Prenons l'énoncé
(32)
ë
WL-L
klcS
dà
il
parler+ACC
peur
sur
- ) il a parlé par peur
Même dans une situation particulière telle que celle décrite par l'énoncé (32), c'est le domaine
entier qui apparaît; nous avons renvoi à ce domaine, et donc à la notion. li ne s'agit pas d'un
"bout" de peur, mais de la peur tout court qui se manifeste à une occasion précise.
Quant au continu quantifiable (ou dense), il supporte l'exttaetion et nous avons en surface
un marqueur zéro. li s'agit en fait d'un prélèvement dont nous avons un exemple dans l'énoncé ci-
dessous:
(33)
ci
jl
mli
je
eau
boire+ACC
- ) j'ai bu de l'eau
Si nous traduisons ici la formule de l'extraction, l'énoncé (10) correspond à l'expression suivante
1 Qt • ji () e ~ ~ () p ~ s. Silo ? ? 1
Nous voyons que dans cette expression, la pondération du couple lié de paramètres Qnt Qlt peut
se faire soit dans le sens qnt qlt - ) wu. (qlt), soit en faveur de qlt dans le sens qnt qIt -) (qnt)
Q11. Cela nous donne, pour (33), respectivement les gloses: "j'ai bu une cenaine quantité d'eau",
et "c'est de l'eau que j'ai bue, à l'exclusion de tout autre liquide ou assimilé".
Le discret, du fait de sa structure, est par excellence le domaine de l'extraction. Celle-ci
peut se faire avec des marqueurs tels que t~ "un quelconque", ~d~ "quelques", m'ië
"quelque(s)". Les exemples ci-dessous sont des illustrations de ce type de repérage:
1- Il faut bien noter que il en <1> a pour exacte fonnulation ( lêtre-ji. puisque c'est le prédicat qui pennet de
quantifier l'occurrence en <3>.
404
,
(34)
a
làml
~
cff
St
je
citron
un
cueillir+ACC hier
- ) j'ai cueilli un citron hier
.
(35)
a
lci)m~
~
of
Jt
St
je
femme
un
voir+ACC
hier
- ) j'ai vu une femme hier
La construction de 1Qm1 et de lci)m~ est traduite par l'expression suivante:
< Qt. JOM e -<: < {I) JOmI > e SiTo > >
2
3
14lm5 -
1
14lm5 1 -
2 3
Cette expression, en fonction de la façon dont la catégorie Qt est pondérée, peut donner une
interprétation quantitative WUl à (34) et (35) : "j'ai cueilli un quelconque citron dans la classe des
citrons", "j'ai vu une femme en tant que membre quelconque de la classe des êtres vérifiant le
prédicat '( ) être femme'" ; la pondération qualitative W1 peut être expliquée à partir de la structure
topologique du domaine notionnel que nous représentons ci-dessous:
Intérieur
Frontière
Extérieur
~
Centre attracteur
(point imaginaire)
point têlique
(dernier point imaginaire)
vraimentp
pas vraiment p
pas du tout p
sous-domaine
d'instabilité
1- A ce premier degré, Quantité est à entendre au sens de "occurrence non nulle". Il ne s'agit pas encore d'une
quantité évaluée, laquelle comporte déjà un jugement ou une appréciation, et implique souvent une spécification
implicite.
405
Sur ce schéma, il faut dire que, du fait de la définition de l'intérieur comme une classe
d'occurrences individuables, on peut s'attendre à ce que certaines occurrences soient plus ou
moins ramenables à l'occurrence qui a par excellence la propriété (P), ce qui justifie le statut d'une
frontière, une zone du "pas vraiment p", une zone de l'instable, de l'indécidable. Ces données
nous permettent de mieux rendre compte de la valeur qualitative de~ etB dans (34) et (35).
En effet, l'intérieur des domaines « ) lemi> et « ) lci)m~> a ici la structure d'un ouvert, et
les extracteurs ~ et ~ permettent à l'énonciateur, grâce au gradient associé à ces domaines, de
choisir un ou des éléments dans l'espace allant du centre attracteur au dernier point imaginaire de
la frontière. Il s'ensuit que l'extraction ici peut donner, soit une valeur quantitative neutre, soit une
valeur qualitative de haut degré soulignant une coïncidence avec la propriété typique, soit encore
le point télique avant la transition vers l'extérieur dans le "pas du tout p". Ainsi, on peut avoir
pour (34), respectivement "...un citron qualitativement quelconque", ou "un citron, ce qu'on
appelle citron", enfin "...un citron qui n'a pratiquement rien d'un citron" ; l'énoncé (35) signifiera
respectivement "j'ai vu une femme quelconque", "...une femme femme", "...une femme qui n'a
presque rien de ce qu'on appelle une femme". Ajoutons que dans chacun des cas, la suite de
l'énoncé peut permettre de mieux situer anaphoriquement le choix fait par l'énonciateur dans
l'espace du domaine.
V.2.2.2. LA OUANTIFICATION AU SECOND DEGRE
Ici nous avons une extraction, un prélèvement où l'énonciateur insiste particulièrement sur
l'idée de quantité. La quantité est posée et, comme à un second degré, elle se trouve (re-) repérée
comme quantité, ce qui introduit une certaine évaluation avec, souvent, une trace explicite. La
pondération de Qt se fait ici pratiquement au seul profit de Q,nt dont les quantifieurs sont une
trace. Deux cas sont à envisager.
406
A- LA REFERENCE A LA OUOTITE
L'énonciateur peut renvoyer à la quotité, c'est-à-dire à une quantité appréhendée
globalement avec une valeur non qualitative. Les marqueurs varient selon les domaines. Quelques
exemples illustrent cette référence à la quotité :
, ,
(36)
saa
kaga
riz
beaucoup
- ) trop de riz
(dense)
(37)
sàà - wvlE:
6ciSciS
riz
grain
trop - ) trop de grains de riz
(discret)
(37')
ji
6ciSciS
eau
trop
- ) trop d'eau
(dense)
(37")
k1&
6ciSciS
peur
trop
- ) trop de peur
(compact)
Notons qu'en (37"), le prélèvement impossible pour le compact fait que c'est le domaine entier
qui apparaît, mais avec une variation sur l'intensité et non sur l'étendue. TI s'agit d'une trop grande
manifestation de la peur et non d'une trop grande "quantité" de peur. Nous restons dans la
logique du fonctionnement du compact.
B- LA REFERENCE A LA CARDINAliTE
L'énonciateur peut renvoyer au nombre précis des éléments extraits. Dans ce cas, seul le
domaine notionnel du discret est concerné. Les opérateurs sont les cardinaux, sous leurs formes
simples ou sous leurs formes emphatiques lorsque celles-ci existent. Les énoncés ci-dessous
illustrent ce type d'extraction :
(38)
ci
PUbl
t6
(t6-wulî)
ji
mM...!
Je
rat
un
(un seul)
voir+ACC
là-bas - ) j'ai vu un rat là-bas...
1- Nous avons vu au Chapitre III que t@-wUli.Û:1i,j.ü,.:gi... sont les formes emphatiques de~. flî, jiÎ...
407
(39)
km
Imm~
fù
ji
mO~
nous
fennne dix
voir+ACC
là-bas - ) nous avons vu dix femmes là-bas...
Ces énoncés sont doublement ambigus. D'un côté, ils peuvent renvoyer à la simple extraction
représentée par les cardinaux tm. "un" et il!. "dix", c'est-à-dire "un (1) rat", "dix (10) femmes".
D'un autre côté, dans l'espace topologique représenté plus haut, l'élément ou le groupe d'éléments
extraits par les cardinaux œet tY. peuvent, soit coïncider avec la propriété (P), soit s'en éloigner
au point de se retrouver pratiquement à l'extérieur, dans le "pas du tout p". On aura donc pour
(38) et (39), avec une certaine modulation discursive, "un rat qualitativement quelconque", "...un
rat typique", "un rat qui n'en a que le nom", "...dix femmes quelconques", "...dix vraies femmes",
"...dix fennnes qui n'en sont pas".
L'espace topologique permet ainsi de mieux cerner les valeurs multiples de l'extraction
pour le calcul desquelles interviennent quelquefois des paramètres comme l'intersubjectivité.
V.2.2.4. EXTRACI10N ET INTERSUBJECTIIVITE
Nous voudrions dire un mot sur le cas d'extraction où, pour contester ou refuser la
construction même d'une occurrence en tant qu'occurrence formatée sur le centre typique,
l'interlocuteur So' efface le repère de l'occurrence pour en constituer un autre en la personne d'un
premier locuteur-énonciateur, ou en sa propre personne dans le cas d'une auto-ironie. Ainsi,
l'énoncé
(40)
zei
lè
pl~
6ë
ë
tà
Jean
LOC chien TH
il
venir+ACC
ce qui pour Jean est un chien est anivé
- ) le chien de Jean est anivé
peut être ambigu, mais nous n'envisagerons ici que l'interprétation qui correspond à l'idée que
nous voulons développer. Le fléchage de pl~ peut être une reprise simple de pl~ à partir d'une
extraction première: "Jean a un chien - ) le chien de Jean". Mais, Jean peut avoir extrait lllt du
domaine « ) lllt> pour construire un énoncé tel que
408
.
(41)
pl~
til
tà
gûl
chien un
venir+ACC
ici
un chien est passé ici
- ) il est passé un chien ici...
Construisant cette occurrence de chien dans une situation comme celle de l'énoncé (41), Jean, le
premier locuteur-énonciateur, ramène nécessairement cette occurrence au centre typique pour
investiture. Or, justement, cette identification au centre peut être refusée par l'interlocuteur-
énonciateur Sa' qui choisit alors Jean comme repère, d'où l'énoncé (40). On en déduit que si pl~
de (40) est un $, ce n'est pas du centre attracteur qu'il tient cette identité, mais par référence à
une représentation topologique dont seul Jean peut connaître et garantir le fonctionnement.
Notons, pour finir, que dans le cas d'une auto-ironie, l'énoncé (40) peut être
(40')
mU
pl~
5€:,
ë
tà,
mon
chien TH
il
venir+ACC
- ) mon chien, il est venu
énoncé qui a pour glose "ce que j'appelle 'chien' et qui ne l'est que de nom". Nous reviendrons
sur ce phénomène de décentrage après avoir examiné le fonctionnement de la quantification
maximale que constitue le parcours.
V.2.3. LE PARCOURS
Le parcours est le processus par lequel l'occurrence nominale construite coïncide avec le
domaine notionnel tout entier ou avec tout un sous-ensemble construit de ce domaine. Cela nous
conduit à envisager deux cas.
V.2.3.1. LE PARCOURS SUR UNE OCCURRENCE PRECONSTRUITE
C'est un cas qui ne peut pas être ramené au second que nous examinerons après. Mais,
pour être plus précis, il s'agit de construire une occurrence de nominal, de l'identifier puis d'y
référer globalement. On a alors en général une triple opération: une extraction qui prélève ou
extrait sur l'ensemble ou le domaine concerné, un fléchage qui identifie ou stabilise l'élément ou
409
les éléments extraits; et c'est à cette entité stabilisée que s'applique le parcours. Les opérateurs de
fléchage et de parcours peuvent apparaître ensemble même s'ils sont tous les deux
morphologiquement marqués en surface : c'est ce que nous voyons dans ces exemples du
français: tous les élèves, tout le monde, tout ton sucre. Prenons quelques illustrations en yaouré :
(42)
kl€j~
1
• _
1
ë
pën5
Jee
il
crayon tout
casser+ACC -> il a cassé tous les crayons
.
1
(43)
• 1
ë
JI
pën:5
mU
il
eau
tout
boire+ACC
-> il a bu toute l'eau
...
(44)
ë
Jee
prô
pën:5
sf
..a
da
il son
colère tout
verser+ACC moi sur -> il a déchargé toute sa colère sur moi
Si nous notons par le symbole (V) l'opération de parcours "tout" sur l'élément extrait .QLL}, le
parcours de (42) par exemple correspondra à l'expression ci-dessous:
1
i
< , r Qt • kl€J':)
E < < ()
klè~J:) > E Sîto > >
3
v
- 2 1
1 -
23
On renvoie donc en bloc CV) à l'entité définie Dt-klèj:5. En (42) et (43), à travers l'opérateur
pën5 (V), on parcourt l'entité déterminée kl€j:5. ou iL Si, en (44) on ne peut pas à proprement
parler de prélèvement, il s'agit de la colère telle qu'elle est manifestée sur le sujet~, dans un
espace-temps donné en tant que support déterminant ou qualifiant ou hypokeimenon.
V.2.3.2. LE RENVOI AU DOMAINE NOTIONNEL
Pour le dense, le compact et le discret, le parcours peut consister en un renvoi à la notion
avec un marqueur (lJ en surface. C'est ce que nous avons dans les énoncés
(45)
~~
ô
kpà
vin
Pred
bon
-> le vin est une bonne chose
(46)
ë
keil
klô
da
il
partir+ACC
peur
sur
-> il est parti dans la peur
410
(47)
pl~
ci
kpa
chien Préd
bon
-> le chien est bon
En dehors de ce procédé que nous appelons renvoi à la notion et qui est une fonne de
parcours, on peut, en yaouré, parcourir la classe des éléments à l'aide du curseur ~ qui, dans
ce cas, a la valeur de certains emplois du "tout" français et du "any" anglais. Ce type de parcours
ne s'applique qu'au domaine notionnel du discret. Nous en avons un exemple dans l'énoncé
suivant:
(48)
ci
pl~
pen~ si - a
je
chien tout
prendre+AOR
-> n'importe quel chien m'ira
L'énonciateur dit qu'il accepte n'importe quel (any) chien. Cela suppose n'importe quel
prélèvement défini 00 par n'importe quelle situation, (Sitt) Silo. L'énoncé (48) correspond donc
à l'expression ci-dessous:
~ 'ri Qt • pl~ S. ~ 'f () pl~? s. (Silo) k co Sito ~ ~
Cette expression signifie que le locuteur prendra n'importe quelle Ct) "quantité" de lllt, Pt· pl~,
prélevée et stabilisée sur le domaine 'î ( ) pli t. On se rend compte aisément que le fait de ne
rechercher qu'un élément pourvu qu'il réponde du domaine~, donne une valeur qualitative au
syntagme pl~ pen5.
A côté du curseur ~ dans sa valeur qualitative, on en a un autre, 6udu - 6édè
"n'importe quel..." qui implique ou traduit une plus grande liberté par rapport au rattachement de
l'élément repéré au centre attracteur; nous obtenons avec ce second curseur une extension du
domaine de la sélection, donc un plus grand doute quant à la qualité positive de l'occurrence
concernée.
Enfin, on rencontre un curseur qui, comme le "each" anglais, traduit un parcours par
individuation des occurrences d'un domaine. TI s'agit de l'opérateur t@, t@, tell... "un, un, un". On
le trouve dans l'exemple suivant:
411
(49)
~
o
tt-à
~
~
t,L,
je
les
tuer+ACC
un
un
un -> je les massacrerai tous l'un après l'autre
Y.3. L'OPERATION DE FLECHAGE
Le fléchage consiste à identifier de façon non ambiguë un ou des éléments d'un
ensemble, une partie d'une entité. C'est une opération de second degré qui présuppose une
extraction soit par la situation d'énonciation, soit par un procédé linguistique explicite. Nous
examinerons deux cas : le fléchage par préconstruction et le fléchage par localisation.
V.3.1. LE FLECHAGE PAR LOCALISATION
On peut flécher ou spécifier une occurrence de notion nominale en l'identifiant à son
repère (=),1 ou en le localisant par rapport à son repère dans une relation de différenciation (:;t),
ou encore en la situant, par une opération de rupture, hors du plan d'énonciation. Examinons tour
à tour ces trois cas de fléchage par localisation.
V.3.l.l. LE FLECHAGE PAR IDENTIFICATION DU REPERE AU REPERE
Partons des exemples suivants:
(50)
à
je
->Je
.
(51)
a
oCiS
lui
mère
-> sa mère
(52)
zei
nei
Jean
femme -> la femme de Jean
1- La panicularité de ce type d'identification que nous décrivons dans les pages qui suivent exige un meilleur
signe que le signe =. Cependant, faute de mieux, nous conservons provisoirement le signe =.
412
(53)
wèrï
wùlè
Weri
tête
-> la tête de Weri
.
(54)
SL
kèè
hier
maïs
->le maïs d'hier
(55)
tré
WL
demain affaire
-> l'avenir
(56)
flà
w'i.
village
affaire -> la tradition
Ces séquences ont les gloses suivantes: "la personne qui dit A" (50), "la mère de lui" (51), "la
femme de Jean" (52), "li! tête de Weri" (53), "k maïs d'hier" (54), "~ affaires de demain" (55),
"~ affaires/1~ savoir du village" (56).
(50)
Sito
ci
(51)
à~
(52)
$:
"
·Q._~~VvùJO
(53)
(54)
;n~2~:è
(55)
trt
(56)
t1B.
1
V\\.
Le méta-opérateur ~ a ici la valeur d'identification (=), ce qui nous donne les relations respectives
ë
S'
~,(-~
"
..
'1'
'~k"
. .
f.
. ft'
=lto, ~, oo=zo, wu o=wen,oo=Sk, WL=tC ,WL= a.
Nous pensons que les nominaux 9" 6c5. nô, wùlè. kèè et WL tirent leur spécification de
leur identification à leurs repères, le marqueur de l'opération étant zéro (0) en surface. Le pronom
413
g est l'image de l'identification du sujet de l'énoncé (S) au sujet énonciateur ; g est donc la trace
de la relation S=So. En effet, l'acte de parole crée et installe en lui-même l'instance qui le produit
et qui coïncide ici avec ~ "je" ; c'est ce que la tradition appelle "déixis indicielle" ; le pronom Q.
est déterminé au plus haut degré par la situation d'énonciation en tant qu"'auteur de parole".
De (51) à (53), fu!h J12.... et wùlà sont fléchés par identification à leurs repères respectifs,
i, z.g, et wèii, avecit équivalant à =. Par identification, nous voulons dire absence de dissymétrie;
nous retenons l'hypothèse d'une symétrie en représentation qui empêche qu'on appréhende le
repéré comme ce qu'a ou ce que possède le repère. En (50), (51), (52) et (53), les nominaux g,
fu!i.. n.9.a et wùlà sont respectivement perçus comme une partie de Silo. ~ "lui",~, wèd ; le repéré
est dans un rapport de continuité avec le repère, d'où absence de hiatus et donc une symétrie se
traduisant par un marqueur zéro (m).
De même, dans les séquences (54), (55) et (56), il s'agit du même type de repérage, bien
qu'en (54) et (55), les repères ll"hier" et.tm "demain" n'appartiennent pas à la même classe
distributionnelle que les repérés kàà "maïs" et WL "affaire". Pour les trois exemples, nous avons
les gloses suivantes: "k maïs de hier (54), "~affaires de demain" (55), "~affaires relatives/le
savoir relatif au village" (56). L'identification consiste ici à poser les occurrences de kàà et wi.
comme coïncidant avec les espaces-temps que définissent respectivement ~ et 0.&, TI ne s'agit
pas de soutenir que sémantiquement ou référentiellement, kàà et wi. signifient respectivement
hier, demain et village -
ce qui serait absurde; on oppose simplement que les occurrences
nominales en (54), (55) et (56) ne peuvent être interprétés que dans le cadre des espaces-temps
définis par les repères correspondants qui, sans aller jusqu'à la fusion, forment avec elles une
sorte de continuum, d'où le caractère symétrique de leur rapport. Tout se passe comme si on ne
pouvait appréhender kàà, WL, sans appréhender du même coup ~ teE, fla et inversement.
L'identification dont il est question ici a, en surface, la même structure formelle que la
qualification non prédicative que nous avons examinée au point V.l.3. Cela peut être une source
de confusion, et il faut justement souligner que les deux opérations correspondent à deux
représentations différentes. L'identification apparaît ici comme une proposition synthétisante qui
414
rapproche et unit deux objets dont les deux ensembles de propriétés définitoires sont posés au
départ comme autonomes l'un par rapport à l'autre. Au contraire, la qualification non prédicative
est une proposition analytique qui pose un objet donné en termes de ses composantes. Ainsi,
dans l'exemple (18) du point V.1.3., tida w'L "une affaire bâclée", lid.i "vite" est au départ une
des propriétés définitoires de l'occurrence l!i ; cela veut dire que le lri. dont il s'agit est par
essence "tidi", la proposition ne faisant ensuite qu'expliciter ou dévoiler cette propriété, d'où la
tautologie.
Cette différence entre deux types de représentation pennet de comprendre la multivaleur
ou l'ambiguïté des séquences (54), (55) et (56) que nous avons examinées dans le cadre de la
localisation par identification.
En effet, si nous considérons ces séquences comme une identification, nous obtenons les
gloses que nous avons données ; nous avons affaire à des occurrences défmies par rapport à !6.
tré, tâ., d'où leur spécification correspondante. Mais si ces séquences sont prises comme une
qualification, alors l'énonciateur veut simplement dire que !6. Irt., et ni, bien plus que des cadres
de définition d'occurrences nominales, font partie des propriétés défmitoires de ces nominaux;
nous n'avons alors plus affaire qu'à des propositions analytiques, et les trois séquences ont les
interprétations respectives: "le maïs rassi" (54), "l'avenir" (55), "la tradition" (56). En effet, il ne
s'agit plus d'un maïs repéré par rapport à "hier", mais d'un maïs qui comporte le trait "hier" en lui,
d'une affaire seulement relative à "demain" mais qui est (pré-) marquée du sceau de "demain",
d'une affaire ou d'un savoir seulement relatif au village mais qui est par essence marqué par le
trait "village".
La qualification non prédicative est donc de l'ordre de l'analytique, et l'identification de
l'ordre du synthétique.
415
V.3.1.2. LE FLECHAGE PAR PIFFERENCIATION D'AVEC LE REPERE
Prenons les séquences suivantes:
(57)
î
tu
-)tu
(58)
6èze
1
QG)
machette
ce...ci
- ) Cette machette-ci
(59)
6èze
là 6Ë
machette
ce... là
- ) cette machette-là
(60)
6èze
rndè
machette
ce... là là-bas - ) cette machette là là-bas
(61)
6èze
machette
- ) la machette
(62)
zd
lè
6èze
Jean
~
machette
- ) la machette de Jean
(63)
tré
lé
w'L
demain
~
affaire
- ) pour ce qui concerne les questions relatives à demain
On a les gloses suivantes: "la personne à qui je parle" (57), "la machette de 'ici'" (58), "la
machette de 'là'" (59), "la machette de 'là-bas'" (60), "la machette qui est défmie par la situation"
(61), "~machette de Jean" (62), "les affaires de demain" (63). On peut représenter ces repérages
de la façon suivante :
416
(57)
i
So
(58)
6èze, '\\
~ Sil...Sit>·
(59)
~z~~ pSi~'''Sit>
(60)
6eze
e ~ Silo"
(61)
6èze4-~Sito
(62)
6èze/ /
\\ ~ za
1
(63)
V\\.
tri:
Le méta-opérateur 5... a ici une valeur de localisation-différenciation (*) qui donne les relations
suivantes: î ~o, 6èzè*Sito, 6èzé*Sito', 6èzé~ito", 6èzé*Sito, 6èzé*Jean, wÎ#tré.
Les nominaux ia.~ et l!1 tiennent leur spécification, en tant qu'occurrences, de leur
localisation par différenciation d'avec leurs repères respectifs. A la différence de l'identification,
nous avons plutôt une relation dissymétrique entre le repère et le repéré ; l'opération de
différenciation investit le repère comme une balise, un support déictique mais adversatif par
rapport auquel on localise une occurrence nominale en l'en différenciant de façon contrastive. Le
support peut-être d'ordre spatio-temporel ou non.
En (57), nous avons la première illustration de ce rapport de différenciation à travers le
déictique indiciel i "tu". En effet, si l'acte de parole crée l'instance qui le produit, il pose pour ainsi
dire en même temps l'autre pôle, c'est-à-dire l'instance à qui et pour qui il est produit, en d'autres
tennes, le vis-à-vis de g, "je", le "non-je" dans la relation de communication hic et nunc, c'est-à-
dire i "tu", d'où le rapport de différenciation où i ne peut être saisi qu'à travers Q. "je" comme
support et par construction. Notons que ce cas de fléchage par différenciation se traduit par une
marque zéro en surface.
417
Dans les séquences (58) à (60), le fléchage par différenciation se fait par le biais d'un
support qui peut être l'énonciateur ou le co-énonciateur. L'énonciateur So peut référer à un objet
qu'il situe dans sa propre et seule sphère; il peut y référer également en le situant dans la seule
sphère du co-énonciateur; enfin la sphère-repère peut échapper aux énonciateurs1. Les trois cas
correspondent aux trois déictiques Oà-) g@ "ce... ci", ~ "(ce... là", Oà-) mU "ce... là là-bas"
que nous trouvons dans les séquences ci-dessous:
l
(58')
1
6èzè
Qt • 6è zè s.. < ( ) 6è zè > ~
../"':# Silo'
QG)
SitQ
- ) cette machette-ci
machette
ce ...ci
......... :# Silo"
Ji
QG)
Qt • li s. < (1) ji >~
:# Silo'
(58")
.1
•
Si~
- ) cette eau-ci
eau
ce ...ci
......... :# Silo"
i
:# Silo
(59')
6èzè
là-6Ë
Qt .6è zè s.. «)6èzè >s.
Si~
- ) cette machette-là
machette ce...là
......... :# Silo"
Qt •~cilt ~ <? )J1cil~ > ~
A"':# Silo
(59")
J1ci1~
là-6Ë
Silo'
- ) cette machette-là
~ ce...là
...........:# Silo"
i
:# Silo =Silo'
(60')
6èze
mÔ~
Qt • 6è ze E < () 6èzè > s.
Si~
machette là là-bas
..........:# Silo :# Silo'
Dans ces syntagmes, Silo est la sphère de l'énonciateur So, Silo' celle du co-énonciateur, Silo" une
sphère distincte de Silo et de Silo'. TI faut noter que ce qui est fléché en (59"), c'est l'espace-temps
support d'une manifestation particulière du compact "méchanceté" et non une méchanceté
individuée et distinguée d'autres occurrences discrètes du domaine notionnel "méchanceté".
En (61), l'énonciateur renvoie à un objet qu'il situe dans une sphère qu'il pose comme
commune à lui et au co-énonciateur. Le marqueur est llJ dans ce cas ; ce type de repérage peut être
illustré par l'exemple suivant:
1- Il convient de souligner que rien ici n'est immobile; ces repères peuvent fusionner, être neutralisés
paniellement, et ceci en fonction ou non de la pondération des paramètres du temps et/ou de l'espace.
418
1
(64)
1
Beze
n5
mff
tu+IMP
machette
donner moi+à
- ) donne-moi la machette
Il s'agit d'une machette précise, connue des deux énonciateurs puisqu'elle est située dans un
espace-temps considéré comme commun, soit
~ Qt • &èze f- f () Bèze ?5. Silo (80, To) ~ ?
La mise en cause de la communauté d'un tel espace-temps par So' peut entraîner, bien sûr,
un échange langagier de nature nécessairement polémique. Nous n'insisterons pas sur cet aspect
de la question.
Notons que, dans le même cadre, l'énonciateur peut flécher un objet et l'identifier au
centre attracteur; le paramètre Qt est alors pondéré en faveur de .Ql! et nous avons la valeur
qualitative typique qu'illustre l'exemple suivant:
(65)
Bèze
tà
machette
arriver+ACC
la machette
est arrivée
- ) la machette est là
li s'agit alors de la machette par excellence, la machette typique, la vraie machette.
En (62) et (63), le fléchage traduit une relation de dissymétrie entre repère et repéré et
dont la marque explicite est ici li. En particulier, il exprime une possession en (62) "la machette
appartenant à Jean". A la différence de ~ (56) où nous avions une identification, en (63) il
s'agit d'une localisation-différenciation correspondant à la glose "les affaires à considérer par
rapport à demain".
Si nous faisons un rapprochement entre à Bc;S (51) "sa mère" et zô lè Bèze (62) "la
machette de Jean", nous avons des relations qui relèvent de ce que la tradition grammaticale
désigne par "possession" ou "appartenance". Selon cette tradition, la première relation, qui est
une relation de marque zéro (0), exprime une possession "inaliénable", et la seconde, qui se
419
réalise par le locatif li. une possession "aliénable". C'est sur cette dichotomie
aliénable"l"inaliénable" que nous aimerions nous arrêter quelques instants pour montrer que
seuls les concepts dlllidentification" et de "différenciation" que nous venons d'expliciter
permettent de rendre compte du fonctionnement que représentent ces deux formes fl et ~.
V3.1.3. lA lOCAllSAlION ET lA DIŒIQIOMIE ''POSSffiSION AUBNABlE" l ''POSSESSION
INAUENABlE"
Les deux points précédents nous ont montré qu'en dehors du cas de la situation
d'énonciation Silo comme repère, la relation de différenciation a deux formes de réalisation
traduisant un rapport de "possession" ou "d'appartenance", pour reprendre les termes classiques.
Ici, un nominal sert de repère à un autre nominal. L'opérateur ~ peut être réalisé par le morphème
d'appartenance li que nous avons vu. C'est ce que nous avons dans l'exemple suivant:
... ,
(66)
aZle
Z
koo
- ) kàà * àiiè -) àiiè lè kàà
Azié
LOC maïs
LOC
LOC
- ) le maïs d'Azié
;0;
•
(67)
zei
Z
j101t
- ) j1eili: * zci
- ) Jean lè j1eil~
Jean
LOC méchanceté
LOC
LOC
-)la~de
Jean
L'opérateur §. peut se réaliser 0, comme dans l'exemple suivant:
(68)
àiiè
z
BliS
- ) BliS * àiiè
- ) àiiè BliS
Azié
LOC mère
LOC
-)la mère d'Azié
Dans ces exemples, nous voyons bien que la relation de "possession" ou "d'appartenance"
s'interprète en termes de repère ("possesseur") et de repéré ("possédé") et l'opération est
marquée, soit par li. soit par 0. Au niveau des noms propres par exemple, on peut, selon la
situation, avoir deux réalisations de §.. C'est ce que montrent les énoncés suivants:
(69)
kwàgu
§..
kwàzi - )
kwàzi z
kwàgu - )
kwàzi
kwàgu
LOC
0
- )
Kouakou fils de Kouassi
- )
Kouassi Kouakou
420
(70)
kwàgu
s..
kwàzi-+
kwàzi ~
kwàgu-)
kwàzi
lè
kwàgu
LOC
lè
- )
le Kouakou de Kouassi
- )
Kouakou, l'esclave de Kouassi
En (69), nous avons l'expression d'une filiation, avec un ordre linéaire pertinent, dont l'inversion
conduirait, pour le yaouré, à une véritable aberration biologique où le fils deviendrait le père de
son père (ou le père, le fils de son fils). L'exemple (70) exprime un rappon de maître (Kouassi) à
esclave (Kouakou) ou de possesseur à objet possédé qu'on trouve en (66). Le parallélisme entre
deux fonnes et quelques situations a fait dire à certains auteurs que la réalisation 1. de notre s..
exprime une possession inaliénable, et la réalisation li une possession aliénable. Nous voudrions
nous arrêter quelques instants sur cette dichotomie "possession inaliénable"l"possession
aliénable".
W. WELMERS 1, avant et après bien d'autres auteurs, exprime cette distinction de la
façon suivante, et nous résumons : la possession aliénable est une possession dont on peut se
séparer à volonté, contrairement à la possession inaliénable qui est inséparablement liée au
possesseur. On ne saurait soutenir qu'on n'est pas ici en face d'un véritable problème
philosophique, que les contraintes de notre thème de travail ne nous pennettent pas de discuter à
fond. Ainsi, nous nous limiterons à l'essentiel de nos interrogations sur la question. Nous
pensons qu'avant même la perception de l'aliénable et de l'inaliénable dont on peut dire en passant
qu'elle est liée aux cultures, ce qui est en cause, ce sont les tennes mêmes des défmitions. Que
signifient "aliénable" et "inaliénable" ? Que veut dire "(être) lié à", au plan spatio-temporel,
spirituel, moral, etc.? Que recouvre le mot "inséparablement" par exemple? Même la distinction
"relation contractuelle" vs "relation naturelle" de G. HERAULT2 se trouve interpellée par ces
questions, car, que veut dire "naturel" ? Que recouvre le tenne de "contractuel" ? A supposer que
nous soyons sûr des sens usuels de ces mots, "le contractuel" peut devenir "naturel" et coïncider
avec lui, faisant tomber, ipso facto, la distinction qu'on voulait établir. En fait, le problème
1- WELMERS, W. (1973) : African Laniuaie structures, Los Angeles, University ofCalifomia Press, pp. 2i2-
213.
2- HERAULT. G. (1978): Eléments de grammaire adioukrou, Abidjan, Institut de Linguistique Appliquée, p.82.
421
demeure entier. Toujours est-il que c'est sur la base de cette distinction "aliénable" vs
"inaliénable" que Elisabeth HOPKINS 1 fonde son analyse de la possession ou de l'appartenance
en yaouré.
Selon cet auteur, la possession "inaliénable" s'exprime sans localisateur explicite, donc
par une simple juxtaposition du possesseur et du possédé, comme on peut le voir dans l'exemple
suivant:
(71)
6
tî
moi
père
- ) mon père
La possession "aliénable", elle, se construit avec le localisateur li, comme on peut le voir dans
l'exemple (72) :
(72)
mf~
k52
moi+de
maison
-) ma maison
Cependant, dans le cadre de la distinction que nous examinons ici, on trouve des énoncés pour le
moins troublants. C'est le cas des séquences suivantes:
(73)
mff
n~
moi+de
enfant
-> mon enfant
(74)
6
fla
moi
village
-> mon village/pays
En effet, l'enfant serait-il "aliénable", et le pays ou le village moins aliénable que l'enfant? Il
semble que ce qui est en cause, pensons-nous, c'est le type de caractérisation choisie pour
distinguer les deux catégories de la relation d'appartenance ou de localisation.
nsemble en effet clair que nous ayons ici affaire aux deux types de localisation que nous
venons d'examiner et qui sont représentables par le méta-opérateur ~. Le premier est caractérisé
1- Hc;>pKINS, E. (1982) : op. c.it. P: 72. pp. 84-~9.
"
2- mll : nous avons vu que mll VIent de la fUSIOn de mM et lt
moi
localisateur
422
par le fait qu'il exprime un rapport symétrique dont les deux pôles, le "possesseur" et le
"possédé", s'impliquent et/ou se présupposent l'un l'autre,au point que s'établit entre eux un
rapport d'identification par projection que nous appellerons relation locative symétriqye ou
d'identification où ~ se réalise (=). Cette identification s'exprime en surface par une réalisation
zéro (lIS), comme on peut le voir dans l'exemple suivant:
1
(75)
1
srd
toi
mari
-> ton mari
Ainsi, ce qui est important dans les exemples (71) et (75), c'est le rapport phénoménologique de
II "père" avec.4 "moi", de d avec i "toi", rapport qui signifie, non pas que chaque repéré est une
propriété du repère, mais que le repéré dans chaque cas est en quelque sorte l'image ou la
projection du repère, et inversement; ainsi, dire A....ti "mon père", c'est dire "père est un autre
moi".
Le second type d'appartenance ou de localisation exprime un rapport plutôt dissymétrique
qui prévilégie le terme repère, ce qui rend plus difficile l'identification ou la projection qui sous-
tend le premier cas. Nous appellerons ce second type de localisation relation locative
dissymétriQue où ~ se réalise (:;i!:), avec le marqueur ~ en surface. Nous en trouvons une
illustration dans les exemples (72) et (73). Cette distinction ainsi établie nous permet de
comprendre l'exemple troublant (73) que nous reprenons ici pour les besoins de l'analyse:
(73)
m~~
nt
moi+de
enfant -> mon enfant
Nous pensons que ce syntagme ne doit pas être analysé et interprétée par rapport à la distinction
"aliénable" et "inaliénable", car c'est une dichotomie qui constitue un véritable obstacle
épistémologique. Ainsi que nous venons de le souligner, la structure avec lè permet simplement
de garder ici le rapport de fIliation entre la mère ou le père et l'enfant, sans pour autant les mettre
sur le même pied. Le localisateur exprime ce décalage, ce hiatus, et identifie le père ou la mère
comme le centre pondéré de la relation père/mère - enfant. Cette pondération n'empêche pas, loin
423
s'en faut, l'expression de toute l'affection que les parents peuvent porter à leur enfant. C'est la
même pondération qui explique le syntagme
(76)
rnff
nà
moi+de
village/pays
qui s'oppose à.Q..f.1i "mon village/pays", et qu'un chef de village ou d'Etat peut employer pour
souligner son autorité sur ce village ou ce pays, pour dire qu'il règne en maître absolu, en despote
sur ce village ou ce pays qui peut ne pas lui "appartenir" affectivement et auquel il ne souhaiterait
d'ailleurs pas s'identifier.
TI est, par ailleurs intéressant de noter que, dès que le décalage disparaît et qu'il n'y a plus
de pôle prépondérant, nous sommes ramené à l'identification sans localisateur explicite, comme
on peut le voir dans les syntagmes ci-dessous :
.
.
•
(77)
ci
pL
(78)
a
lu
mon
fUs
ma
fille
,
.
(74)
a
nà
(79)
ci
wùlo
mon
pays
ma
tête
On voit nettement que c'est le concept d'identification qui distingue le syntagme (76) mff fla
"mon village/pays" du syntagme (74) lli "mon village/pays", en dehors des schèmes tonals qui
ne sont pas pertinents ici. C'est également l'identification ou la projection que nous trouvons dans
des syntagmes très militants1 comme (80) et (81) :
(80)
à
~
no
ma
femme
- ) mon épouse
(81)
à
srà2
mon
mari
- ) mon époux
1- En effet, c'est plutôt l'identité que la possession qui est exprimée ici ; ceci se situe en dehors de ce qu'un
individu donné peut faire de cette relation.
2- Notons au passage, dans les exemples (77), (79) et (81), le changement, par assimilation progressive, des
schèmes tonals de ~,lriWl et ~ qui passent à MIl, MH-Mll et MIl.
424
A l'inverse, lorsque, dans les syntagmes à structure locative, on substitue à la réalisation fIJ
de s.,la réalisation lia il s'y introduit un hiatus qui nous ramène à une situation semblable à celle
que nous avons examinée au point V.2.2.4. sur l'intersubjectivité. Prenons deux syntagmes
définissant une relation intime d'identité entre localisateur et localisé:
.
(79)
o
wùlo
-> ma tête
,
.
(81)
1
1
seo
-> ton man
On peut comprendre qu'en (79) le repère ~ puisse considérer sa tête comme une partie de lui-
même qu'il ~ mais qu'il n'~ pas, qu'en (81) ~ puisse être considéré comme un autre 1. Mais si
nous substituons lt à m, nous obtenons les énoncés correspondants suivants:
•
1
(79')
wùlà 1
mff
moi+de
tête
-> ma "tête"
.. ,
(81')
Jle
src1
toi+de
mari
-> ton "mari"
L'introduction de li rompt l'identification par symétrie et pondère la relation en faveur des
repères À. et i qui deviennent des repères "absolus" et non plus relatifs. Il s'ensuit que dans
l'énoncé (79') par exemple, wùlà peut renvoyer à une tête de gibier qu'on a gardée pour un repas;
le même énoncé peut être l'invalidation d'une première occurrence typifiée, ce qui correspondrait
à la glose "ce que j'appelle tête et qui n'en est peut-être pas une". On se rend aisément compte
que dans tous ces cas, nous ne sonunes plus dans la désignation directe de parties du corps.
Quant à (81'), pour des raisons d'ordre sociologique, c'est la seconde interprétation qui
prime; elle correspond à la glose "ce que, dans ton espace de représentation, je construis comme
étant ramenable à la propriété 'mari', mais... à tort...". L'autre interprétation, que nous ne retenons
pas pour (81'), signifierait ici qu'il existe une classe, la classe des maris, à partir de laquelle
1-.m..Ü = 6 +lè
~=i +lè
425
pourraient être construites des occurrences pouvant donner lieu à la formation de syntagmes de
localisation possessive, au sens où on possède un objet; il suffIrait qu'un mari quelconque soit
extrait de la classe pour qu'il puisse être fléché par n'importe quel moi ou !Qi.
Un phénomène intéressant montrera encore mieux l'inadéquation des deux concepts en
cause. Comparons les exemples suivants deux à deux :
1
(71)
(i
tL
(71')
m~t
tf.
- )
mon
père est venu
moi, mon père...
1
(74)
a
fla
(74')
mM
fla
- )
mon
pays
moi, mon pays...
.
.
(75)
a
src
(75')
jié
sr&
- )
ton
mari
toi, ton mari...
,
(78)
a
lu
(78')
m~t
lu
- )
ma
fille
moi, ma ffile ...
.
(79)
a
wùlo
(79")
m~t
wu16
- )
ma
tête
moi, ma tête...
(80)
à
nei
(80')
m~t
"
no
- )
ma
femme
moi, ma femme...
Dans la colonne de gauche, .s.. se réalise flJ comme nous l'avons déjà vu. Dans la colonne de
droite, on voit apparaître le localisateur lè dans le même contexte, mais avec un schème tonal
différent. En effet,les repères des nominaux de cette colonne ont les structures ci-dessous:
(71')
meid+ lé
tL
1
(74')
meic + lé
fli
(75')
i + lé
-"
sro
(78')
~à +lé
lu
426
(79')
m4Ô + lé
wul6
(80')
maci + lé
n&
Le localisateur des nominaux lb nia ~ lib. ~ M est ici l'opérateur de différenciation lé de
schème tonallH/, qui peut apparaître sous une forme non amalgamée, comme dans l'exemple
(82) :
(82)
pl~
lé
wul6
chien ~
tête
- ) quant à la tête du chien...
On voit bien que /lè/ apparaît dans les relations dites de "possession inaliénable", comme peuvent
en témoigner au moins les séquences (71'), (78'), (79"), (82). Ce n'est pas la nature du repéré qui
détermine le type de construction, mais la représentation que l'énonciateur se fait de la relation
entre le repéré et le repère. Ce qui réapparaît ici en réalité, c'est le rôle thématisant du relèvement
tonal, le ton haut /HI sur le localisateur li thématise la relation entre le repère et le repéré, par
exemple entre J21i et wÙlà dans l'exemple (82). Ce ton /HI joue ainsi pleinement un rôle de
rupteur ou décrocheur, permettant ici, dans les séquences citées, de poser et d'appréhender le
rapport entre repère et repéré en représentation et non en situation d'énonciative effective. Cette
localisation en représentation par thématisation tonale introduit dans chacun des sept syntagmes
un hiatus dont la trace est lé. A la symétrie entre repère et repéré se trouve substitué un rapport
de différenciation au profit du repère. Au plan de la représentation, la continuité repéré-repère se
trouve rompue.
Prenons, pour finir, ces trois derniers exemples de localisation:
(83)
gàdÙ
gàwlÈ - ) GADOU GORE (nom propre)
1
(84)
1
tii-dH 6v-la
66565
toi
noir
sortir+ACC
trop
- ) ton teint noir ressort trop
427
(84')
jié1
tii-au 6ù-Ià
6GSGS
ton
noir
sortir+ACC
trop
-> ton teint noir ressort trop
Ces exemples appuient notre thèse. En (83), on traduit un rapport de filiation entre GADOU et
GaRE, et la réalisation 0 de 5.. traduit ici une relation de symétrie (=) : GaRE est un autre
GAOOU. Par ailleurs, il est intéressant d'opposer (84) à (84'). En (84), la réalisation 0 de ~ pose
le teint noir de i "toi" comme une partie de i ; par contre (84'), à travers li, exprime une relation
de distanciation qui aboutit à la mise en cause de la typification du noir de i.
Nous nous sommes un peu longuement attardé sur les concepts d"'aliénable" et
d"'inaliénable" parce que l'analyse qu'on en fait à propos des langues mandé commence, semble-
t-il, à revêtir un statut de théorie. Mais nous pensons que ces deux concepts ne permettent pas
une juste caractérisation des deux types de localisation qu'ils sont censés expliquer, mais qu'on
ne peut mieux comprendre qu'à travers une analyse rigoureuse de la relation complexe entre
repère et repéré, entre localisateur et localisé.
V.3.1.4. LE FLECHAGE PAR RUPTURE AVEC LE REPERE
Nous partirons des exemples suivants :
(85)
6âü
->Dieu
(86)
ml~
le
JïdE
lune
et
soleil
-> le soleil et la lune
, .. ,
(87)
aZle
tà
Azié
venir+ACC
-> Azié est venue
(88)
ë
k~
6wîdi
il
partir+ACC
lieu-dit -> il s'est rendu à Bouita
1- Nous rappelons que ~est un amalgame: W.
428
A un premier niveau, on notera qu'en (88), le pronom t "il" (ou sa forme plurielle
correspondante Q. "ils") est un cas de détermination par rupture. En effet, par rapport à une
situation repère Silo, f (ou 2) désigne un être (ou des êtres) bien précis, mais qu'on pose comme
totalement distinct(s) des "parties prenantes" de la structure de communication.2..:.i (=je-tu). On
a donc en (88) la relation de double rupture
r c5 "je" = So l
- "il" ro ~
~
e
l i "tu" *So J
avec t "il" renvoyant à un individu bien déterminé.
A un autre niveau, l'énonciateur peut flécher un objet en prenant pour repère implicite un
espace-temps permanent, donc (Sit~)k, qu'il pose comme commun à tous les existants à l'échelle
de l'univers ou aux membres d'une communauté, d'une société de façon générale, et qui est par
conséquent en rupture avec la situation d'énonciation hic et nunc (Silo). Ce cas est illustré par les
exemples (85), (86), (87) et aussi par l'énoncé (88) au niveau du lieu-dit~. Nous pensons
que dans tous ces exemples, une occurrence d'un domaine est construite. Cette occurrence, posée
et identifiée comme telle se trouve construite pour ainsi dire en permanence dans une classe de
situations k. Ainsi, le fléchage de ml~. Jïde et 6wîda s'effectue, à l'exemple de 6âlî. selon
l'expression suivante:
~ Qt • 6âÎî 5. ~ ~ () 6âli ?5. (SitÔ) k ro Sito ? ? 1
1- Il semble que dans ces fléchages acquis au niveau d'une communauté, l'opération, restant permanente au niveau
de cette communauté, se situe au-dessus ou en dehors de l'espace et du temps; nous avons ainsi une Sit
permanente, qui peut être notée (Sitl)k, ce qui nous donne un repérage du genre Dieu e (Sitl)k Cl) Silo ou
Azié E (Sitl )k Cl) Silo-
429
En (85) et (86), ti.ili et mU renvoient de façon pennanente, à des représentations définies
correspondant à "Dieu" et "lune". En (87), l'occurrence ~ est fléchée parce qu'elle renvoie, de
façon circulaire, à la personne qu'une communauté humaine a décidé ou convenu d'appeler Azié .
De même, en (88). 6widg est un lieu connu des habitants du village de YOHO: "'6wida', c'est un
lieu-dit qu'on appelle '6wida'" en toutes circonstances.
nest intéressant de noter que le repère décroché et pennanent (Sitt)k confère aux noms
propres et aux nominaux à référent unique tels que le soleil, la lune, la terre, une valeur nettement
notionnelle. Nous avons cependant affaire à des spécifications, à des fléchages. C'est pour cela
qu'un fléchage supplémentaire sur ces types de nominaux débouche sur une valeur référentielle
que nous appellerons décentrage.
V.3.1.5. LE DOUBLE FLECHAGE ET LE DECENTRAGE
Nous avons déjà abordé le problème du fléchage des noms propres qui sont en eux-
mêmes déjà repérés situationnellement. C'est ce qu'on trouve dans l'exemple
(89)
àtà
lè
zô
Ana
LOC
Jean
- ) le Jean d'Ana
qui correspond à l'expression «Sito)k ~ zô> s. àta.
Nous savons que Jean, en tant que nom propre de personne, est fléché, dans la mesure où il est
automatiquement repéré par rapport à la sphère commune à toute une société donnée. Mais le
second fléchage par Atm met entre parenthèses la sphère commune et crée une autre sphère
autour de Ana et par rapport à laquelle Jean est maintenant repéré. Nous avons noté qu'il se crée
un rapport de domination directe, une relation de maître à esclave entre Ana et .km dans ce cas.
De même, si nous prenons l'exemple
(90)
zô
lè
pàrî,
Jean
~
Paris - ) le "Paris" de Jean
430
Paris, autodétenniné, mais repéré par rapport à kml, tombe dans la sphère d'un seul individu-
repère. Le premier fléchage situationnel est remis en question, de même que le statut de Paris, et
ceci de deux manières: ou bien Paris reste Paris, et c'est son aire d'authenticité qui se trouve
réduite au seul Jean comme garant; ou bien on ne souligne que la représentation que Jean a de
Paris, et dans ce cas, c'est l'identification de cette représentation au Paris typique qui est remise en
question. Le second fléchage a pour effet soit de réduire la force du premier repère, soit de
décentrer l'occurrence par rapport au centre attracteur.
V.3.2. LE FLECHAGE PAR PRECONSTRUCTION
Comme nous l'annoncions au point V.1.2.2., le fléchage par préconstruction est une
opération de spécification qui s'effectue à partir d'une relation prédicative préalablement validée.
Examinons de plus près le processus en prenant les énoncés (91) et (92) :
(91)
•
n~
ë
tà
fit,
ë
kà1
ml
houme FOC lui
venir+ACC
TIf
lui
mourir+ACC
->
l'homme qui est arrivé est mort
(92)
•
1
saa
nt
pO
à
fin
fit,
ë
J1~
riz
FOC singe
lui
manger+ACC TIf
lui
fmir+ACC
->
le riz que le gorille a mangé est fini
Dans ces deux énoncés, nous assistons à la combinaison d'opérations que nous avons décrites
lors de l'étude de la thématisation et de la focalisation. A l'appui de l'explication qui suit, nous
proposons ci-dessous les représentations respectives des opérations sous-tendant les énoncés
(91) et (92) :
}. FOC =opérateur de focalisation
TH = opérateur de thématisation
431
= fit
,
.
(91')
< < Sito 9 < Qt • mi ~ < [] < 0, tà, () > > > >~ <
5 4
-
3
1 l i t 3 4 l,
-
~ , ~
Â2
).,'1
= fit
.
1
1
sU n~
= à
= sU.
1
(92' < < Sito 9 .< Qt • sàà ~ ~ 110 ~ < (1), 611., n >>->>~<
5 4
-
3
1:
1
?
------ 1)234 2,
~,
).,'1
).,'2
A partir de ces représentations, nous pouvons montrer que c'est la relativisation qui spécifie le
nominal. Ceci est aisé à comprendre si l'on garde à l'esprit le processus de la relativisation. On
peut le suivre par exemple dans l'expression (91'). Etant donné deux relations prédicatives 'A'1 et
'A'2, l'une 'A'2 est caractérisée par le fait que son terme de départ, non spécifié, correspond en fait
au terme de départ de la relation prédicative 'A'1, laquelle relation est déjà validée et représente un
préconstruil Le processus s'explique alors de la façon suivante.
Le terme de départ mi de la relation prédicative identificatrice est vidé, puis antéposé; est
aussi antéposée la catégorie QT qui accompagne toute première occurrence nominale. La
pondération de Qt en faveur de qIt dans cette seconde occurrence, puis son identification au
nominal ml antéposé et son repérage par rapport à Sito nous donnent mi n~, ainsi que nous
l'avons vu dans la focalisation. Le nominal mi ainsi identifié est présenté à nouveau comme
l'argument qui instancie la place vide du terme de départ de la relation identificatrice 'A' l, ce qui se
traduit par l'anaphorique ~l. Enfin, toute cette relation 'A'1, d'abord vidée de mi puis re-saturée par
ce même argument antéposé et spécifié par son identification à Qt puis par son repérage à travers
l'opérateur n~, se trouve présentée comme l'argument même qui instancie la place du terme de
départ de la relation 'A'2 qui doit être saturée; cette dernière saturation se traduit par
432
l'anaphorique~.l Le fait d'identifier le nominal ml et de le poser comme celui par qui la relation
prédicative est possible, définit les conditions de la thématisation, ce qui justifie l'apparition du
marqueur de thématisationM .
On ne peut ici s'empêcher de noter au passage cette relation manifeste entre thématisation,
focalisation et relativisation, qui demande à être étudiée de façon plus approfondie. On se limitera
ici à souligner l'identité ou, plutôt, la convergence des trois opérations, tout au moins dans leur
processus: elles servent toutes à poser un terme, puis à en dire qu'il est suffisamment spécifié
pour assumer ou saturer, d'un point de vue structurel et référentiel, une relation prédicative. On
comprend alors que la relativisation s'accompagne de ~ qui constitue une sorte de borne
d'identification réalisée donnant à un terme le statut de prédicable.
Pour ce qui est de l'énoncé (92), l'expression (92') correspondante nous permet de tenir le
même raisonnement que pour (91). La différence réside en ceci que, ce qui fait l'objet d'un vidage
énonciatif en Â.'I, c'est le second argument, cette situation nécessitant une identification en <1>
par .i , l'instanciation de la place de départ de Â.'2 se faisant en t comme précédemment. La
construction relative, on le voit, est donc la base du fléchage par préconstruction.
La description du processus de relativisation clôt l'analyse de la détermination nominale
que nous avons voulu centrer essentiellement autour de la quantification et du fléchage. Si nous
pouvons nous permettre de revenir brièvement sur quelques uns des faits qui, au cours de notre
développement ont surgi ici et là sans pour autant faire l'objet d'une analyse particulière, il faut
surtout noter que les nominaux ne semblent pas tous avoir le même comportement devant les
principales opérations que nous avons retenues, à savoir l'extraction, le parcours, le fléchage.
Pour prendre quelques exemples, si la cardinalité peut être exprimée avec 12li "chaise", 66
"cabri", comme dans les séquences
(93)
pfi
til,
chaise un
- ) une chaise
1- Dans ~1 et~, les indices marquent l'ordre linéaire; autrement él=é2
433
(94)
60
fù,
cabri
dix
-> dix cabris
ce type d'extraction est exclue avec il "eau",.nM "huile", d'où les impossibilités
(95)
*ji
teh,
eau
une (1)
(96)
*J1~ fu,
huile
dix
au sens de "une occurrence discrète d'eau" (95), "une occurrence discrète d'huile" (96). De
même, le fléchage que, entre autres valeurs, nous pouvons avoir en (97) et (98)
(97)
ë
p~i
jë-e
il
chaise
casser+ACC
-> il a cassé ~ chaise
(98)
.1
ë
J1
srâ
il
eau
renverser+ACC -> il a renversé l'eau
ne renvoie pas tout à fait à la même chose. En (97), il s'agit d'une chaise précise, opposable à une
autre, d'un objet discret, individuable et bien identifié, ce qui n'est pas le cas en (98). Quant à la
marque du pluriel comme marqueur de parcours, si nous pouvons la trouver dans les séquences
telles que
(99)
p~
nu,
chaise
pl
-> les chaises
(100) Jïba
nO,
arbre
pl
-> les arbres
les syntagmes suivants sont impossibles s'ils ne sont pas construits sur une opération
intermédiaire :
(101) *J1~
na
huile
pl
(102) *kwâ
nu
paresse
pl
434
Enfm. les opérations de détennination. quant elles sont possibles.ne s'appuient pas
nécessairement sur les mêmes marqueurs selon les nominaux. Ces quelques éléments
d'observation disent clairement la nécessité de penser les nominaux en termes de catégories si
l'on souhaite mieux comprendre leur comportement devant les opérations de détermination. Au
vu des faits du yaouré. nous jugeons donc nécessaire de proposer pour cette langue une
typologie nominale à trois termes.
y.4. LES CATEGORIES NOMINALES EN YAOUBE
L'essentiel de ce qui sera présenté ici repose sur la classification nominale en discrets.
denses et compacts proposée par Antoine CULIOLII. puis appuyée et illustrée par des
considérations d'ordre topologique à travers deux études de Sarah de VOGÜE.2 Nous
examinerons donc. dans l'ordre. les compacts, les denses et les discrets.
V.4.1. LES COMPACTS
Nous plaçant à un niveau lexical, donc pré-énonciatif, nous pouvons définir le compact
comme étant, au plan conceptuel, un domaine notionnel (f.J) défini par une classe d'occurrences à
un seul élément, donc par un singleton que caractérise la propriété unique (P). Ce domaine est un
ouvert, un simple intérieur que CULIOLI appelle un "point dilaté" et dans lequel l'impossibilité
d'une distinction entre le domaine (f.J)p et une fermeture ( ~ ( p ) invalide à l'avance toute
différenciation au sein de ce domaine ainsi que toute frontière en tant que complémentaire
linguistique. Nous avons donc comme structure topologique un intérieur unifié et homogène
coïncidant avec la propriété (p), un extérieur dépourvu de (p), et une coupure entre les deux
espaces hétérogènes. Le domaine du compact peut être représenté par le schéma suivant:
1- CULlûLI, A. (1983) : "A propos de QUELQUE", in FISHER, S. et FRANCIŒL,]J. (Eds), LinguistiQue et
énonciation - asPeCt et détermination, Paris, Editions de l'E.H.E.S.S.
2· DE VOGÜE, S.' (1987): "Aspect: construction d'occurrences", in T,A. InformatiQn, N° 1
- (1989) : "Discret, dense et compact: les enjeux énonciatifs d'une typologie lexicale", in La..
notion de prédicat, Collection ERA 642, Paris.
435
Intérieur (p)
Extérieur (p)
: · l . 1
coupure
Le domaine (p)p étant un singleton, on ne peut donc y concevoir une classe
d'occurrences distinguables. Il ne peut par conséquent comporter aucun format type
d'occurrence, aucun étalon qui puisse servir de modèle à des occurrences en situation afin que
celles-ci puissent être perçues comme des occurrences vraies.
Une telle structure du domaine notionnel laisse entrevoir pour les compacts une forme
particulière d'occurrence en situation. Prenons le nominal.k14. "peur". L'occurrence situationnelle
d'une telle notion, en dehors de toute manipulation conceptuelle sous forme de recatégorisation,
ne nous semble pouvoir être schématisée que de la façon suivante:
(p)p .,..;:r ~ ~ Sit 1
W "peur"
On voit que toute occurrence de k1i est une occurrence du singleton (10 )p, c'est-à-dire une
manifestation qualitative de ce domaine. Il s'agit de la peur tout court et non d'une peur par
rapport à une peur typique; toute modulation sur ce compact ne peut donc logiquement être
relative qu'au degré de la peur, donc à son intensité. Toute occurrence de peur est qualitativement
conforme et identique à elle-même et au singleton notionnel correspondant.
1- Ce schéma, qui n'est pas une fonnalisation, représente simplement une image pennettant la visualisation du
repérage du compact
436
Le compact offre donc un domaine continu. On comprend que cette homogénéité
première implique qu'aucune construction d'occurrence ne puisse se faire en référence à une
classe d'occurrences et par rapport à un centre attracteur. Le format d'une occurrence de ri
"honte", de.nM. "colère" ou de.kl!i "force", autant qu'on puisse parler d'occurrence pour un
compact, ne peut être déterminé que de façon extrinsèque par l'espace et le temps. Si cette
occurrence est fléchée, c'est tout le domaine notionnel qui l'est à travers son support spatio-
temporel.
Nous terminerons par quelques exemples de compact: kl4 "peur",.nml"méchanceté",
kwé "force", U
"bonté", fÙvÙ "blancheur", iJi "honte", W"paresse", sëë "peine", sYe
"misère".
V.4.2. LES DENSES
Avec le dense, nous avons un fonctionnement qui est, à peu de choses près, proche de
celui du compact. La seule différence réside dans le fait que, contrairement au compact, le dense
se prête à un certain type de prélèvement sous certaines conditions. On peut par exemple prélever
quelque part une certaine quantité d'eau. La construction d'une occurrence du dense se présente
comme ci-dessous:
50 Sit
ji "eau"
La propriété définitoire (p) est celle du domaine défini par un singleton. Il s'ensuit que, en dépit
de la possibilité de prélèvement, et quelle que soit la dimension de celui-ci, nous avons toujours
une occurrence (p)p. Si nous prenons le dense ii "eau", qu'il y ait beaucoup ou peu d'eau, il
s'agit toujours de l'eau. Il n'y a pas ici une occurrence d'eau qu'on ait à investir comme vraie
437
occurrence par identification à une eau typique. Ceci ne serait concevable que si nous avions ou
un domaine to défini par une classe conceptuelle d'occurrences distinguables, ou deux domaines
distincts et, dans ce dernier cas, nous aurions affaire à une situation tout à fait différente.
Nous avons donc ici, avec le dense, un domaine homogène. Nous montrerons que c~tte
absence de discontinuité première, de distance interne entre un prélèvement de n "sel", ou de
fèn "boue" et d'autres prélèvements de lÙ. ou de un, entre un prélèvement en situation et un
prélèvement conceptuel typique, implique que la détermination du format de toute occurrence
soit aussi de type extrinsèque; toute extraction ou tout fléchage renvoie à la quantité délimitée
par le support spatio-temporel correspondant et au domaine notionnel entier du point de vue
qualitatif.
Les unités suivantes sont des exemples de dense; il. "eau", ntd "huile", ~~ "vin", wÈ "sel", sii
"sauce", fd:; "poussière", kwèî "fumée", JU!t"mousse", là "liqueur de vérité", fèn"boue".
V.4.3. LES DISCRETS
A la différence du dense et du compact, le discret représente un domaine notionnel défmi
par une classe d'éléments discrets, individuables bien qu'indistinguables. Le discret, en tant que
domaine notionnel (to )p, comporte un étalon, un fonnat-type d'occurrence, un modèle de
l'occurrence type qui est le point de concentration par excellence de la propriété défmitoire (p). fi
s'ensuit qu'une occurrence situationnelle du discret est préfonnatée1 , et elle n'a que le statut
d'occurrence vraie qu'en tant qu'elle est membre d'un ensemble d'éléments discrets et qu'elle est
ramenable à l'étalon conceptuel d'occurrence ou centre attracteur du domaine. Du point de vue
topologique, (p) est véritablement un intérieur définissant un ouvert et ayant une fenneture p,
constituée par l'ensemble des occurrences adhérentes à (p). Le schéma suivant, qui s'inspire de
De VOGÜE, représente la structure topologique du domaine du discret (to)p.
1- Le tenne est emprunté à Sarah de VOGÜE.
438
wP'+ w~
(p)p-~••
&@Wè"POU"
s... Sit
""~_ ~Wë
we
centre
""
attracteur ou
étalon d'occurence
Les flèches centripètes montrent l'identification des éléments de la fermeture de (p) au centre
attracteur (p) ; c'est à travers cette identification que ces éléments acquièrent leur statut
d'occurrences vraies dans une situation d'énonciation donnée.
Cette discontinuité hiatale, qui est consubstantielle au discret et définit un autre type
d'homogénéité, implique que le format de toute occurrence soit pré-déterminé, lequel format ne
fait alors plus que recevoir son investiture dans l'espace et le temps.
Ce type de structure nominale explique, comme nous l'avons longuement illustré dans les
sections précédentes, que nous puissions construire des occurrences de n "pou" ou de ~
"poil" identifiables et opposées entre elles, que nous puissions en spécifier ou flécher certaines
sans en référer à l'espace-temps autrement que pour l'investiture en situation d'énonciation.
Nous terminerons par quelques exemples de discret : M "cabri", jibi "arbre", n "pou",
cf: "poil", Sf:f: "perdrix",.Ici. "maison", ID "asticot", nt "enfant", faa "souris", scil "margouillat".
On retiendra donc que la structure de nominaux permet de les classer en trois grandes
catégories: le discret, le dense et le compact. Cependant, s'il est un fait que le yaouré fonctionne
selon ces trois types, il ne faudrait pas voir entre eux une cloison étanche. L'énonciateur peut,
avec une régularité plus ou moins grande selon les cas, transformer une catégorie en une autre,
avec les implications correspondantes pour ce qui est des possibilités en matière de
détermination: c'est le phénomène de recatégorisation, auquel nous consacrons quelques lignes.
439
Y,S,LA DETERMJNAIDNEfLEmENOMENEDERECA1EGOR&TDNNQMlNAlrE
Le phénomène de recatégorisation est très courant en yaouré. Selon les situations en effet,
les frontières entre les catégories nominales que nous avons identifiées deviennent moins
étanches; une catégorie peut prendre le fonctionnement d'une autre en revêtant ainsi le statut de
cette dernière. Nous énumérerons rapidement les cas les plus fréquents.
V.S.I. RECATEGORISATION DU DISCRET EN DENSE
Cette recatégorisation est illustrée par l'exemple suivant:
(103) mi
tà
n~
homme
venir+ACC
endroit - ) il Yest arrivé du monde
Le discret.mi prend le statut du dense dans le sens de "du monde".
V.S.2. RECATEGORISATION DU DISCRET EN COMPACT
Nous avons l'exemple suivant:
(104) à
6li
à
dd5
lui
foie
Pred
sensible - ) il est irrascible
Le discret &l prend le statut de compact dans le sens de "tempérament".
V.S.3. RECATEGORISATION DU DENSE EN DISCRET
Nous en donnons un exemple:
(105) ci
~è
ta,
mlî
st
je
vin
un
boire+ACC
hier-) j'ai bu un vin hier
440
Nous avons ici un cas très fréquent de recatégorisation qui sert à définir des types d'objets, des
marques de produit, etc.
V.S.4. RECATEGORISATION DU DENSE EN COMPACT
(107) ~
wÉ
s~
j~è WL
mc5
toi+IMP sel
mettre ton affaire dans
mets
du sel
dans ton affaire
- ) fais valoir ta cause
Dans cet énoncé, wÈ "sel" désigne tout ce qui est immatériel ou peut avoir une interprétation
immatérielle, et est susceptible de donner de la valeur aux propos de quelqu'un dans une situation
donnée.
V.S.S. RECATEGORISATION DU COMPACT EN DENSE
Ce cas est illustré par l'exemple ci-dessous:
(106) zc5
lè
k~c5
à
sc5
à
tm
Jean
son
paresse
Pred panier
Pred un
la paresse de Jean est un panier entier
- ) la paresse de Jean est indéfinissable
La paresse se trouve ici revêtue d'un statut de dense.
Enfin, on aurait pu penser à une recatégorisation du compact en discret. En fait, plutôt
qu'une recatégorisation, nous avons l'illustration du formatage extrinsèque du compact, c'est-à-
dire de son "moulage" à partir de l'extérieur, ce qui n'est en fait qu'une manipulation spatio-
temporelle du domaine; l'occurrence du compact dans une situation n'est qu'une manifestation de
cette catégorie en tant que telle et non une réalisation d'une occurrence pré-formatée.
Pour ce qui est la détermination des nominaux recatégorisés, afin d'éviter tout
alourdissement inutile de l'analyse, nous dirons que, mutatis mutandis, un nominal recatégorisé
est justiciable des opérations de détermination applicables à la catégorie d'arrivée. Ceci ne fait que
441
confinner la réalité des types nominaux. Le principe de la catégorisation va d'ailleurs bien au-delà
des nominaux. Cenains auteurs l soutiennent en effet que les procès présentent une structure
relativement isomorphe de celle des nominaux. Dans le Chapitre suivant, consacré à l'analyse des
grandes catégories aspectuelles du yaouré, l'occasion nous sera justement donnée de nous
interroger brièvement sur l'incidence d'une typologie des procès.
1- de VOGüE. S. (1983), (1987), (1989) : op. cit:.
- FRANCKEL, ].J., PAILLARD, D., de VOGUE, S. (1988) : "Extension de la distinction: discret, dense,
compact au domaine verbal", in TenDes massifs et tennes comptables, Recherches LinguistiQues, XIT.
- FUCHS et al. (1991) : Les typologies de procès, Paris, Klincksieck.
442
CHAPITRE VI
LE REPERAGE ASPECTUO-TEMPOREL
443
Le Chapitre V introduisait au problème de la construction d'une occurrence nominale à
partir d'un domaine notionnel donné. Ce Chapitre s'attachera à décrire, du point de vue de la
représentation et de l'expression formelle en chaîne, les types majeurs de construction
d'occurrence de procès en yaouré. Mais nous identifierons d'abord les paramètres qui sous-
tendent cette construction en tentant de délimiter le concept d'aspect.
YlIe POUR UN CONCEPT UNIFIE D'ASPECT
Bon nombre de linguistes qui font autorité ont suffisamment, et bien souvent avec des
arguments décisifs, critiqué les définitions traditionnelles de l'aspect pour que nous n'ayons pas
à y revenir dans le détail. On retiendra cependant que, même dans les courants linguistiques
chronologiquement post-générativistes, se côtoient encore des conceptions diverses de la notion
d'aspect. Certaines ont un fondement fortement sémantique et retiennent comme canon les
ordres de procès (Aktionsarten), d'autres privilégient les marqueurs de surface qu'elles
identifient de façon biunivoque avec certains types de représentations telles que "durée",
"achèvement", ponctualité", ete. Enfin, d'autres conceptions encore ont du mal à se départir de ce
concordisme sclérosant qui consiste à ne prendre comme mcxlèle du fonctionnement aspectuel
que celui que semblent "offrir" les langues dites "à aspect".
Pourtant, il apparaît que ce que l'on peut convenir d'appeler, peut-être maladroitement, la
"réalité de l'aspect", se situe quelque part, dans un juste milieu aristotélicien, ce qui n'en rend pas
pour autant la défmition aisée.
Si l'on veut tenter de donner une définition synthétique du concept d'aspect, quitte à
l'expliciter ensuite, on peut dire que l'aspect, c'est le mode de construction d'une occurrence de
notion prédicative, opération qui repose sur un certain nombre de paramètres qu'on peut
identifier tour à tour.
444
TI Ya d'abord le paramètre de la notion prédicative. perçue comme un domaine notionnel
construit (P)p.lequel domaine est défini d'une part par une classe d'occurrences. d'autre part par
un espace topologique structuré pennettant de distinguer le vrai (p) du pas-vraiment (p) et du
pas-du-tout- (P).
Le second paramètre fondamental. c'est la classe ordonnée ou domaine des instants (T).
dont la structure pennet de rendre compte d'un réseau complexe de détenninations à travers un
certain nombre de repères primitifs dont on peut spécifier la conceptualisation de la façon
suivante. A partir de la classe des instants T. on peut concevoir qu'un procès p représentant un
événement se réalise à un moment qu'on appellera T2. Ce procès est saisi par l'énonciateur sous
un angle donné, à partir d'une situation repère de point de vue Sït3 défini par l'instant T3. Les
indices T2 et T3, ainsi que leur relation. tiennent leurs statuts respectifs de leurs rapports au
moment repère Ta qui définit la situation repère origine Silo.
A partir de ces deux ensembles de paramètres. on voit qu'une opération aspectuelle
consiste en l'articulation du domaine notionnel du prédicat et du domaine notionnel des instants.
De façon précise. une occurrence de notion prédicative se trouve sélectionnée par le sujet
énonciateur Sa dans l'espace topologique correspondant. A cette occurrence sont affectés un
indice T2 pennettant de situer le procès dans le temps chronique. un indice T3 pennettant de
définir l'angle ou le repère d'où est vu le procès du point de vue de son déroulement. ces deux
indices T2 et T3 n'ayant eux-mêmes de sens. bien sûr. que par rapport au repère origine Ta. On
s'apercevra aisément que les différentes fonnes de relation de repérage entre T2. T3 et Ta
défmissent les différents types de construction d'occurrence de procès que l'on peut interpréter à
l'aide d'intervalles.
La construction d'une occurrence de procès apparaît comme une opération de
quantification. Dans la mesure où. à un autre niveau. elle conduit l'énonciateur à choisir une
occurrence par rapport à un centre organisateur. nous avons affaire aussi à une opération de
qualification qui a une valeur modale. Cene valeur modale apparaît encore plus nenement. ou se
445
comprend mieux, si l'on retient que toute construction d'occurrence se fait à partir de T3, c'est-à-
dire à partir du repère de point de vue qui est celui de l'énonciateur-asserteur.1
En nous référant aux deux points ci-dessus, il apparaît que la catégorie de l'aspect
construit celle du temps qui en découle; on comprend aussi que modalité et aspect soient très
proches et quelquefois indistinguables dès lors qu'ils ont, tous les deux, trait à la perception d'un
procès. Cependant, le terme de modalité sera réservée à la validation du procès dans le cadre
d'une relation prédicative entière. Nous situant pour le moment au niveau du procès tel qu'il est
appréhendé dans son déroulement par l'énonciateur, nous consacrerons le présent Chapitre à
l'analyse des seuls modes de construction d'occurrences de procès. Dès lors s'impose un
inventaire des traces de ces opérations. Nous commencerons donc par identifier les marqueurs
des principales catégories aspectuelles du yaouré, c'est-à-dire l'inaccompli, l'accompli, l'aoriste, le
passé immédiat, le statif; à ces marqueurs, il conviendra de joindre les relais adverbiaux qui
peuvent intervenir comme procédés de renforcement du paramètre temporel de la catégorie
asPectuelle.
yu, 1tES CONSIRUCII>NS ASPFQ1JEI,I tES ; FQBMfS CANONDIJES El' JNYENTAJRE
DES MAROUEURS
La morphologie de l'aspect verbal a été examinée dans le détail au point 111.5 du
Chapitre Ill. En retenant comme paramètres les bases verbales, notées CV et CVV/C(V)LV, les
suffixes verbaux, les anaphoriques de sujet et les prédicatifs de certaines constructions, nous
pouvons, dans le tableau ci-dessous, présenter de façon synthétique les marqueurs segmentaux
et/ou tonals des constructions aspectuelles.
1- Le moment repère de locution sera noté Tl ; pour la suite, sauf pour des cas particuliers à spécifier, nous
considérerons que TI=To.
446
"
Sunxm
~
V
E
R
B
E
~
à Prédicatif
~
Modification
Base
Modification
Base CV
Suffixe
Suffixe
de sujet
tonale
CVVA'/'j.V
tonale
~
na
na
Inaccompli
b
Il
CV
na
CVV/C(V)LV
na
+
(Il
(lNAC)
flJ
+
·MH/BH-
Schème de CV
• MB/ailleurs
Jco
Schème de CV :
Schème de
~
CVV/C(V)LV :
Accompli
• /B/-> [B]
flJ
flJ
CV
flJ
CVV/C(V)LV
flJ
V Schème->
t
(ACC)
MB-MH
a
t
·C:~}-)[MH]
o
......
(Il
'-l
.
go
-8
ma
(voyelle de CV :
Schème de CV :
+
'<
~
Aoriste
V=1,->e
ma
•SchèIœ~JBH/->
(AOR)
~,
flJ
flJ
CV
V = (ij-> 0
·C:B}-)idem CVV/C(V)LV
Dm
V ~ 1, et (ij->
·BH~~:
V-a)
• /MH/-> [H]
BH+MB->BB+H
na
na
Passéinnllit
sÎ-a
CV
na
+
CVVIC{V)LV
na
+
(PIM)
flJ
·MH/BH-
Schème de CV
• MB/ailleurs
Schème de
Schème de CV :
CVVIC(V)LV :
Statif
•
Il
e
CV
dt
•C:H} -) [MH] CVV/C(V)LV
dt
··BH->~
~
• IMB/ -> [MB]
•SchèIœ~JBH/->
Dm
A ces marqueurs il faut ajouter les adverbes temporels ci-dessous:
~:
autrefois
~:
aujourd'hui
jigj :
ces temps-ci; de nos jours
li, . 1! "'...
, ~ .
autrefois; il Y a longtemps
mt.:
enfin; à présent
,
•
1
naa g<il :
tout à l'heure; tout de suite
nt:
avant-hier; il Y a un certain temps; autrefois
~:
tout à l'heure; il Y a peu de temps
.
n:
hier
désonnais
dà:
encore
,n4:
encore (uniquement dans une itération)
Il convient de souligner que ces adverbiaux sont utilisés comme traces d'une localisation du
procès par rapport au repère-origine absolu Silo. Cette localisation, selon le sémantisme de
l'adverbe, peut exprimer une relation d'identification (=), de différenciation (;t) ou de rupture (00).
Nous verrons que cette troisième valeur permet à certaines panicules adverbiales de servir
également de relais à certaines opérations modales.
Dans ce qui suit, les adverbes apparaîtront dans les énoncés selon les besoins des valeurs
aspectuelles à construire. Nous examinerons tour à tour l'inaccompli, l'accompli et les
constructions aspectuelles aoristiques.
448
YI.3. LA CONSTRUCTION DE L'INACCOMPLI EN XAODRE
Nous indiquions plus haut que la construction de l'aspect repose sur To, T2, T3,
paramètres désignant respectivement le moment repère origine, le moment repère du procès et le
moment repère de point de vue d'où l'énonciateur 50 appréhende le procès. Nous désignerons
par le terme de "inaccompli" (INAC) la construction d'un procès conçu comme étant en cours
de déroulement. C'est un cas qui correspond à une coïncidence du moment repère du procès
avec le moment repère de point de vue; nous avons donc la relation fondatrice: T2 =T3. Deux
cas sont à considérer selon la nature du rapport entre le repère de point de vue (T3) et le repère-
origine absolu To.
Vl3.LLEREPEREDE R>NfDE VUE COÏNClDE AVEC L'ORGNEAœoLUE
On a alors une coïncidence qu'on peut traduire par la relation T3 =To. Ainsi, dans
l'énoncé suivant,
•
1
(1)
zci
II
wL-nci
Jean
Préd
parler+INAC - ) Jean est en train de parler
qui peut être représenté par le schéma ci-dessous,
5chéma59 :
r
' :
1
WL - na
'1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1
- - - - - - - - - - -> --
L..
To
=
le procès en déroulement définit un intervalle ouvert dont la borne droite, ouverte, se situe en To
puisqu'ici, c'est en Toque le repère de l'événement T2 est vu comme coïncidant avec le repère de
point de vue T3. Le schéma montre que l'inaccompli se traduit ici par une triple coïncidence ou
449
identification, T2=T3=To, qui correspond, pour (1), à la glose "Jean est dans le processus de
parler".
Sur le plan formel, dans cet énoncé (l),les marqueurs de la double opération qui sous-
tend l'inaccompli sont i. et Ü. Dans un ordre logique, le marqueur ü 1 est le marqueur de
l'opération primitive qui identifie T2 à T3. Quant au marqueur i. c'est la trace de l'identification
du terme de dépan de la relation prédicative, z2., au prédicat nominalisé ~, ce qui explique
qu'il soit rendu par "être".
Vl3.2. I.EREmRE DE K>Nf DE VUE COÎNCIDE AVEC L'ORGNE1RANSLAlEE
On a une coïncidence de T3 avec une origine translatée To'~To' Cela correspond à
l'énoncé
1
1
•
(2)
zci
â
SI.
wL-nci
Jean
Pred
hier
parler-INAC -> Jean était en train de parler hier
Le procès exprimé en (2) peut avoir la représentation suivante:
Schéma 59 :
[~/~/~//~/~/~/~//~~~j~//~/-/-/~//~~-----~---------->--
To'
To
=
1- Nous avons vu au Chapitre III que /~/ est un emploi grammatical abstrait de l'unité nb. qui renvoie à la notion
de "lieu", "endroit", "place", d'où notre glose "dans le processus de parler". Il s'agit d'un lieu indéfini qui ne
prend contenu qu'implicitement dans une production verbale donnée. Ainsi l'énoncé d k.Q nA (= je-partir+ACC-
locatif), se rend par "j'y suis allé'.. c'est-à-dire "je me suis rendu au lieu dont il s'agit". Nous ne reviendrons pas
sur le caractère atone de la parucule .D4 dont le schème tonal, comme nous l'avons dit est déterminé par
l'environnement
'
450
Nous avons toujours un inaccompli avec T2=T3. La seule différence d'avec (1) est que le repère
de cette identification est le translaté du repère origine To, c'est-à-dire To', qui conserve les
propriétés essentielles de To, origine absolue. La relation générale est donc, T2=T3=To'~To'
L'adverbe n apparaît ici comme la trace d'une translation, c'est-à-dire la marque de la relation de
différenciation entre le temps-repère T2 de m"parler" et To.
YI.4. LA CONSTRUCTION DE L'ACCOMPLI
L'accompli (ACC) est la construction d'un procès conçu comme terminé. C'est une
valeur aspectuelle qui définit une localisation d'un objet par rapport à un autre, une altérité, donc
une différenciation entre T2 et T3 que traduit la relation T2~T3. Deux cas sont à considérer selon
la nature du rapport entre T3 et To.
Vl4~LEREPEREDEroNfDEVUECOINCÏDEAVEC L'ORGNEABSOLUE
On a donc la relation T3=To comme dans l'énoncé
(3)
zo
fëe
Jean
vomir+ACC -) Jean a vomi
qui peut être représenté par le schéma suivant:
Schéma 61 :
/1/1//1/1/1/
451
A partir de T3 coïncidant avec To•So conçoit le procès comme terminé. Le procès ut "vomir".
commencé avant To. a donc un dernier point qui est antérieur à To. ce qui définit un intervalle
fermé en T2. et une relation de localisation par différenciation T2;tT3. d'où l'on tire T2;tT3=To :
"Jean a vomi et ceci se situe avant maintenant".
Comme on peut le lire sur le Tableau xxm. le marqueur est ici tonal et affeete seulement
le verbe.
Vl4.2. LEREPERE DE IUNf DEVUE COÏNCIDE AVECL'ORGNEmANSLAlEE
On a une coïncidence de T3 avec To';tTo. Cela correspond à l'énoncé ci-dessous:
(4)
•
SL
fê11
(De)
të
zô
tà
t
t
hier
soir
TH
àcemoment Jean
venir+ACC
- )
Hier soir. Jean était déjà arrivé
Cet énoncé renvoie à un accompli qui peut avoir la représentation suivante:
Schéma 62
T2
;t
T3
~-------~-----~------->--
To'
;t
To
=
Nous avons. comme en (33), un accompli, mais la relation de différenciation entre T2 et T3 est
perçue à partir d'une origine translatée To' par rapport à To. La relation générale est donc,
comme en (3) mais à une translation près, T2;tT3=To';tTo.
Dans un accompli translaté comme (4), on peut facultativement fixer ou stabiliser le
repère translaté To' (=SLf't111) à l'aide de De, mais la relation prédicative, elle. doit nécessairement
452
être située par rapport à l'image du repère translaté qui apparaît sous la forme de la particule If
sur laquelle nous reviendrons plus tard.
Translaté ou non, l'aspect accompli délimite au moins deux espaces-temps dont nous
venons d'examiner le premier. Le second correspond au statif ou état résultant qui est l'objet de
la section qui suit.
VI.4.3. LA CONSTRUCTION DU STATIF OU ETAT RESULTANT
L'état résultant est une valeur aspectuelle issue de l'accomplil et qui souligne l'état dans
lequel se trouve la relation prédicative, non pas du point de vue de l'accomplissement du procès,
puisque celui-ci est un acquis défini par la relation T2~T3, mais du point de vue du résultat
"objectif' et comptabilisable de cet accomplissement TI s'ensuit que ce qui compte à ce niveau, et
comme cela apparaîtra dans les schémas que nous proposerons, c'est le résultat de
l'accomplissement sur le terme de départ et/ou le second argument de la relation prédicative.
Pour le cas où l'on n'a pas affaire à un processus résultatif, cela peut être simplement la situation
résultante, le bilan stabilisé de l'accomplissement du procès.
L'état résultant étant construit sur l'accompli, ou plutôt, puisqu'il en est un effet induit,
nous aurons les mêmes types de relation entre T2, T3 et To. La translation T0' l' T0 nous
conduit à envisager deux cas.
VI.4.3.1. T3 =To
Nous partirons de l'énoncé que nous avons déjà vu
(3)
zci
fëe
Jean
vomir+ACC -> Jean a vomi
1- Nous verrons qu'il peut être issu également du passé immédiat
453
et que, dans sa valeur aspectuelle d'état résultant, nous pouvons représenter de la manière
suivante :
Schéma 63:
T2
'*
T3
E-~.!:ii_-] 1111111111[------------>--
Ta
Comme nous l'avons vu pour les énoncés (3) et (4), la coupure introduite par la relation de
différenciation T2'*T3 ferme en T2l'intervalle du procès qu'elle pose comme accompli. Cette
borne fermée en T2 construit à sa droite un intervalle, qui est nécessairement ouvert parce que
complémentaire d'un fermé, et adjacent au fermé puisque la relation de différenciation exclut
toute rupture (co) avec le fermé. Cet intervalle court du dernier point du fermé à gauche jusqu'au
repère T3=To où se situe donc sa borne droite, qui est ouverte puisque rien n'est dit sur la fm de
cet état.
Ainsi, alors que dans l'interprétation d'accomplissement de l'énoncé (3), ce qui était visé,
c'est la partie en pointillé sur le schéma (63) ci-dessus, dans son interprétation d'état résultant, ce
qui est visé, c'est la partie en trait plein: "ça y est, c'est fait; nous sommes dans l'étape d'après
les vomissements".
Comme nous le disions, cet état résultant peut se répercuter jusqu'à l'intérieur de la
relation prédicative et en affecter concrètement les constituants. Ainsi, pour (3), on peut voir,
d'après l'état physique de ~ qu'il a vomi. La situation peut être encore plus nette dans le cas des
processus résultatifs par essence. Ainsi, à partir de l'énoncé
(5)
Jïbd
jëe
bois
casser+ACC -> le bois est cassé
on peut conclure que
454
Schéma 64 :
,
(6)
Jïb6
e
,.
t
bois
Préd
pronom
casser+Sit
- ) le bois est cassé
Les énoncés (5) et (6) disent resPeCtivement qu'il y a eu en T2 accomplissement du procès ~
"casser" et que, après T2, le sujet de l'énoncé _
est dans l'état résultant issu de cet
accomplissement; "Jïb6" non seulement n'est plus à casser, mais on peut voir concrètement sur
lui qu'il est affecté par la "casse", qu'il est cassé. Notons qu'un état résultant peut être positif
pour un sujet, par exemple dans le cas de l'acquisition d'une expérience par le fait de l'exercice
d'un procès. C'est ce cas que peuvent illustrer les énoncés suivants:
(7)
a
fël
pà
je
champ faire+ACC
-) j'ai fait des plantations
(8)
a
odro f3
je
voiture conduire+ACC
- ) j'ai conduit des voitures
Ces énoncés peuvent très bien, dans leur valeur d'état résultant, rendre compte de l'expérience
acquise par le sujet g "je".
nconvient de souligner à présent la fonction de W: qui apparaît en (6). Dans l'inventaire
des formes que nous avons établi au Chapitre III, W: est apparu, entre autres, dans la structure
que nous avons appelée statif, et qui correspond en fait à la forme marquée de l'état résultant que
nous analysons maintenant. En (6), l'apparition et la fonction de.dl s'expliquent de la façon
suivante. La première partie de l'énoncé (6), c'est-à-dire ... Jïba a, est repérée par rapport à un
référentiel précis, Silo, ce qui permet la référence: "le bois est" ; quant à la seconde partie de
l'énoncé, c'est-à-dire ...è je-dl "lui être cassé", le relèvement tonal de l'anaphorique de sujet (e)
fait écran par décrochement et empêche l'ancrage du procès ii par rapport au référentiel Silo
situant .l, donc la première partie de l'énoncé; du coup, ii n'apparaît plus que comme une simple
représentation absolue sans référentiel, et dl intervient comme la marque incontournable d'une
opération qui fixe et ancre dans le référentiel Sito, une valeur positive sur le parcours que
455
Qu'il s'agisse de l'accompli ou de l'inaccompli, nous avons affaire à des constructions
d'occurrences de procès dans le plan repère-origine, translaté (Silo') ou non (Silo) ; mais il
existe aussi des constructions d'occurrences qui s'effectuent sur un plan qui n'a aucun rapport
avec celui du repère-origine; il s'agit des constructions aoristiques que nous nous proposons
d'examiner à présent
YI.S. LES CONSTRUCTIONS ASPECTVELLES AORISTIOUES
L'aoristique est un concept proposé par A. CULIOLII. Certains auteurs2 le définissent
comme la détermination d'un procès en dehors de tout repère de point de vue. On pourrait
apporter un peu plus de précision à cette défmition en disant que l'aoristique représente une
construction d'occurrence de procès ou de relation prédicative par rapport à un repère de point
de vue décroché de (ou en rupture avec) la situation repère-origine Silo. C'est en ce sens que, par
exemple, nous pourrons par la suite exploiter ce concept pour l'analyse du "futur" ou, plus
exactement, de la visée en tant qu'opération modale. Mais, nous situant ici au seul plan des
constructions aspectuelles, nous examinerons tour à tour l'aoriste, le passé immédiat, l'aoristique
d'accompli et l'aoristique d'inaccompli; nous terminerons par une illustration de ce mode de
construction dans certains type de discours.
V1.S.!. L'AORISTE
Les marques formelles de l'aoriste ont été décrites en détail au point 111.5.1. du
Chapitre Ill, puis récapitulées dans le Tableau XXIII. Parlant de cette construction, Monique
TRABI3 dit: "lorsqu'aucun adverbe ou contexte ne vient [en] préciser la valeur [...], la
1- CULIOLI, A. (1978): "Valeurs aspectuelles et opérations énonciatives: l'Aoristique", in La Notion d'Asvect.
David, J. et Martin 005.
2- voir par exemple BOUSCAREN, J. et CHUQUET, J. (1987) : Grammaire et textes anilais pour l'analyse
liniJlÏstigue. Ophrys.
3- TRABI. M. (1982) : op. cit.. p. 77.
457
signification est ambiguë. Il peut s'agir d'un procès qui aura lieu bientôt, soit d'un procès qui se
répète habituellement, soit d'une vérité générale...". Pour Bradley HOPKINS 1, cette construction
renvoie à un processus "inachevé" ou "incomplet", au "futur", au "présent", à "l'habituel", au
"devoir". Ces avis, entre autres références, montrent bien la complexité de l'opération que
recouvre l'aoriste qui est la forme non marquée du repérage aspecto-modal. Cette construction
est la saisie d'un procès par rapport à un repère de point de vue disjoint du repère origine, que
celui-ci soit absolu (Silo) ou translaté (Silo '). Cela explique que l'aoriste soit, parmi toutes les
formes, la plus apte à exprimer des valeurs aussi multiples. Renvoyant l'analyse de la valeur de
visée de l'aoriste au Chapitre VII consacré à la description des opérations modales, nous nous
proposons d'examiner ici l'aoriste du révolu simple, de récit, de description, d'habituel et de
générique.
VI.5. 1.1. L'AORISTE DE REVOLU SIMPLE
Cette construction est illustrée par l'exemple suivant:
(10)
à
bGS
5:5
tà-ô
(1~)
lui
mère
pagne
vendre+AOR
autrefois
->
sa mère a (autrefois) vendu des pagnes
Le révolu simple s'oppose quantitativement au récit car, contrairement à celui-ci, il ne porte que
sur un seul procès. Au point de vue du repérage énonciatif, nous avons un procès tà "vendre"
qui n'est pas situé dans le plan d'énonciation, mais dont le repère indéfini Sito' est décroché par
rapport à Silo, comme le montre le schéma (66) :
1- HOPKINS. B. (l982b) : op. cit.. p. 68.
458
Schéma 66 :
Ita-üI
1
, " " " "
• " " "
co
To'
co
To
=
En pareil cas, la rupture du repère To' du procès d'avec To est généralement marquée en swface
par les adverbiaux qui sont essentiellement li et ~ signifiant "autrefois, jadis".
En (10), il est rapporté que, par rapport à un repère lointain dans le révolu lo' en rupture
avec lo, ~ "vendre" fut une activité de la mère de i dans une classe k de situations (Sit~.)k elle-
même en rupture avec T0' puisque renvoyant au permanent; mais ce repère s'est estompé, et,
dans tous les cas, il n'est plus identifiable en référence à To. Notons que dans le schéma (66)1,
nous avons des bornes neutres, non pertinentes au plan référentiel, mais l'essentiel est de poser, à
travers l'opérateur de rupture m, que cet intervalle indéfini n'a aucun rapport avec Silo.
VI.5.1.2. L'AORISTE DE RECIT
A la différence du cas précédent, le récit renvoie à une succession de procès relatant des
faits révolus. L'aoriste de récit peut être illustré par l'énoncé suivant:
1- Nous proJ)9sons ce type d'intervalle pour l'aoriste. Cet intervalle est un mixte de ceux de l'accompli [Hl, de
l'inaccompli [Hl et du statif (Hl. En voici la genèse :
Accompli
~î l
H
Inaccompli (
h ~ -)
Statif
[J
Aoriste
Cet intervalle montre que l'aoriste est un mixte de ces trois valeurs aspectuelles principales. C'est pour
cette raison qu'il pennet de renvoyer à un procès en dehors de tout début, de toute fin, de tout déroulement et
qu'il est compatible avec le révolu, l'actuel et le non-actuel, les seules spécifications référentielles se faisant par le
biais de marqueurs adverbiaux ou d'autres opérateurs assimilés.
459
(11)
zd
wO-6-1a,
ë
50,
ndnaa nû
paa-m6...
Jean
se 1ever+AOR
il
sauter+AOR enfants pl
crier+AOR
- )
Jean se lève, il saute, les enfants crient..
La valeur aoristique de (11) peut avoir la représentation suivante :
Schéma 67 :
[H H ...
W
Q l-;{ ... Q Q...J
l
W2...
1
2...
1
2 ...
. """/'~"'I,
,"",'/""'"
,"""/"','"
wO -lei
s~
pa6
'1IIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIl'1111111111111111171'1IIIIIIb
T2
#=
T~'
ro
Ta' ro Ta
=
Lorsque le récit est exprimé à l'aide de la forme aoristique pure comme en (11), le schéma ci-
dessus montre que les opérations sont plus complexes et les valeurs dérivées non uniques.
D'abord, nous avons une série de procès dont le repère est décroché de To. Mais la
représentation que traduit l'aoriste fait que nous avons à la fois une altérité et une non altérité des
autres repères, donc à la fois une non coïncidence et une identification avec ceux-ci, d'où la
relation complexe T2#=T3=T~' ro To' ro To.
Au niveau de chacun des procès, du fait de la relation T2#=T3, nous avons à la base un
intervalle neutre, que nous avons représenté par l'intervalle (I I), mais la borne droite se referme
nécessairement ou est systématiquement investi comme fermé du fait de la rupture du repère
([3) du procès avec To. Enfin, avec l'aoristique, chacun des procès se trouve en lui-même itéré,1
bien que cette itération ne donne, au bout du compte, que des procès perçus comme un tout. Et
1- Sur le schéma (67), l'itération est marquée par les initiales des procès de l'énoncé (11) : Wl W2..., Sl S2... Pl
P2 ..·
460
c'est chaque série de réalisations de procès perçue comme une unité qui est posée comme étant
en rupture avec To. Cela veut dire qu'en (11), ~ se réalise plus d'une fois, bien que cette
itération soit appréhendée comme une unité par rapport à T~. Il en est de même pour ~ pM.
En yaouré, l'aoriste de récit conduit à une itération de chacun des procès du récit.
VI.5.1.3. L'AORISTE DE DESCRIPTION
L'aoriste se rencontre aussi dans les énoncés présentant une activité couvrant toute une
série de procès. Cela renvoie en particulier à la description d'une activité pratique régulière.
Par comparaison, il s'agit du genre de construction aspectuelle que l'on trouve par
exemple en français, en anglais ou en allemand dans les descriptions d'expérience de laboratoire.
Pour le yaouré où, d'un certain point de vue il est difficile de parler de science -
au sens de
corps d'hypothèses conduisant à des expérimentations destinées à vérifier ces mêmes
hypothèses - , il peut s'agir simplement de la description d'une pratique de la vie courante telle
que faire une sauce, tendre un piège, activités où il est facile de percevoir la régularité gestuelle
correspondant à un corps de "lois". L'exemple suivant illustre ce type de discours:
(12)
î
cèri
s~-~
va,
î
wÈ
fwa
m~ è
î
tu pimtt rœllre+AOR œtms tu sel
rœllre+AOR mec
puis tu
- )
tu l'assaisonnes avec du piment, du sel, puis tu le mets à cuire.
La valeur aoristique de cet énoncé aura une représentation identique à celle de celle de l'aoriste
de récit, l'interprétation en différant cependant puisqu'il ne s'agit pas d'un décrochage de même
nature.
461
Schéma 68 :
s~ - &
1 1 1 1 1 1 1
1 1 1 1 1 1 1
1 1 1 1 1 1 1
,/////////////////////////////////////////// ////b
..
T2
#=
œ) k
=
"13
La différence d'avec l'aoriste de récit de l'énoncé (11) est qu'ici, puisqu'il s'agit d'une pratique
régulière, réglementée par une sone de corps de lois, nous avons une véritable classe de
situations (Sit1)k qui est nécessairement décrochée par rappon à Ta et dont chaque occurrence
constitue l'occasion singulière de réalisation des procès 1L a~. Seule la disjonction de cette
classe de situations d'avec Ta permet de concevoir chacune des situations garantissant les
occurrences effectives des procès apparaissant en (12).
YI.5. 1.4. L'AORISTE D'HABITUEL
L'aoriste est aussi caractéristique de l'habituel, c'est-à-dire l'aspect définissant un procès
qui a acquis une certaine régularité d'ancrage en situation, mais pas suffisamment pour que cela
débouche sur une propriété définitoire d'une relation permanente. Ainsi, la valeur d'habituel
exprimée dans l'énoncé suivant
(13)
za
div~
ml1-&
(jida)
Jean
VIn
boire+AOR
maintenant - ) Jean boit du vin (ces temps-ci)
peut avoir la représentation suivante:
462
Schéma 69 :
R
"J I l / (( {( 11111 ( I I I . ) l ' 1
A
('11111 (( {( J l,
T2
#=
(TJ) k
CO
To
=
T3
En (12), nous avons une réalisation non continue, non pennanente mais sporadique et régulière
d'un procès par rapport à une classe k de situations repères décrochée, (Sit~)k, repère qui est
donc en rupture avec T0' non pas en raison d'un rejet dans un passé indéfmi comme nous l'avons
vu précédemment, mais simplement parce que ce repère, véritablement panchronique, ne peut être
que disjoint de l'ici et maintenant pour que les instants ou les situations qui le composent
puissent à tout moment servir de cadre spatio-temporel de réalisation sporadique des procès qu'il
gouverne ou garantit. Ainsi, en (12), les occurrences mll. ne sont que des illustrations d'une
situation plus générale et pennanente (Sit~)k. Comme nous l'avons vu dans le cas du révolu
simple, l'ambiguïté doit être nécessairement levée à l'aide d'un adverbial, qui est ici Jldâ "ces
temps-ci".
VI.5.1.5. L'AORISTE DE GENERIQUE
L'aoriste est aussi caractéristique du générique, qui est une sorte de passage de l'habituel
au permanent, du sporadique au continu, d'où la ressemblance de la structure du générique avec
celle de l'habituel. L'énoncé
(14)
zci
cfivt
mlî-â
Jean
vin
boire+AOR
- ) Jean boit du vin
aura ainsi la représentation suivante :
463
Schéma 70 :
m1i - c1
. " " " "
.. "",
Tz
#=
(TJ) k
co
=
Nous avons un cas qui est proche de l'habitueL Mais on n'a pas ici besoin de spécificateur
adverbial puisqu'il s'agit d'une relation permanente. Nous sommes en présence d'une classe de
situations repères (Sitt)k, qui est pour ainsi dire hors du temps et, à tout instant, de façon
permanente et non discontinue comme dans le cas de l'habituel, nous avons une réalisation du
procès quel que soit T, d'où une situation qu'illustre mieux un intervalle ouvert en permanence,
un espace-temps hors bornage: "à tout instant T, mn "boire" se trouve vérifié pour Jean".
En dehors des cinq valeurs que nous venons d'étudier, comme nous allons le voir dans la
section suivante, l'aoriste intervient aussi comme support d'une autre construction aspectuelle, le
passé immédiat.
VLS.2. LE PASSE DIT "IMMEDIAT"
En yaouré, le passé "immédiat" consiste à construire un procès T2 comme inaccompli à
un moment indéfini T~ du passé proche, et à poser cette occurrence de procès comme décrochée
du repère origine Sito bien que, paradoxalement, il s'agisse d'un passé proche ou immédiat;
cette rupture, qui justifie le statut du passé immédiat comme construction aoristique, a justement
pour trace en surface si-a, c'est-à-dire, comme nous l'avons vu au point m.5.l. du Chapitre m et
sur le Tableau XXIII, l'auxiliaire si "quitter, venir" à l'aoriste. De toute façon, nous avons donc
464
T2=T3=T~ CO To. Deux cas sont à considérer selon que nous avons un repère origine, translatée
(1'0') ou non (1'0)'
VI.5.2.I. LE REPERE ORIGINE EST LE REPERE ABSOLU To
On a la relation T3=To, ce qui correspond à l'énoncé
(15)
zd
si-a
féé-nd
Jean
quiner+AOR
venir+INAC -) Jean vient de vomir
Cet énoncé, du point de vue de la valeur aspectuelle qu'il exprime, a la représentation suivante:
Schéma 71 :
T2
[~/_I_II_I_I_~_:_I_~/_n~_I_I_I_I_/~
~
To '
co
To
=
Nous avons ici une superposition de deux repérages. ns'agit d'un procès qui, d'un point de vue
passé To', est posé comme inaccompli, d'où T2=T3=To', et qui, du point de vue énonciatif
effectif où l'on se place, est conçu comme en rupture avec l'origine absolue To, d'où T2=T3=To'
co To ; cette rupture du repère du procès To' avec To, dont la trace est justement la forme
auxiliaire aoristique ~ ferme la borne droite du procès et la pose globalement comme un
accompli ponctuel à valeur aoristique par rapport à To. La relation complexe se formule ainsi :
T2=T3=To' co To. Par un paradoxe qui n'est qu'apparent, nous avons un ouvert mais qui est
justement posé comme un fermé du fait de son rapport particulier avec To qui n'est qu'un rapport
de rupture. Il s'ensuit que ce qui prime, c'est la borne fermée imposée par la relation T2 co T0 et
le procès est perçu de façon compacte, globale et ponctuelle entre ces deux bornes même s'il
465
peut subsister des effets de sens dus à l'opération sous-jacente T2=T3 : "Jean était en train de
ru, mais ce n'est plus le cas maintenant."
VI.5.2.2. LE REPERE ORIGINE EST LE REPERE TRANSLATE Ta.:
On a donc une identification deT2 avec T3=To" ro To';tTo. Cette relation -correspond à
l'énoncé
(16)
si
fti1î
(6ë)
te
zo
si-a
fëé-no
l'
t
hier
soir
(lH)
à ce moment
Jean
venir de+AOR
vomir-INAC
- )
hier soir, Jean venait de vomir
Cette valeur de passé immédiat translaté peut être représentée par le schéma suivant :
Schéma 72:
i
feé _ no
T2
1
1
~~/-'-I/-'-'-I/-'-'-I/-'-'-I/-'-'-/~-------l-------l------ ----~-
To "
ro
Ta'
;t
T0
=
,
SL
=
te
Nous avons un accompli d'inaccompli vu à partir d'un repère translaté To', ce qui correspond à la
relation complexe T2=T3=To" ro To';tTo. A la translation près, nous avons la même situation
qu'au point précédent.
Le passé immédiat renvoie donc à un procès achevé. On peut dire que c'est un
"accompli", mais un accompli d'une nature particulière. Cette parenté permet toutefois de
comprendre qu'un état résultant soit aussi concevable dans le cas du passé immédiat malgré la
relation de rupture T2 ro To qui le caractérise. C'est ainsi que, pour l'énoncé (15), on peut
proposer la glose suivante: "Jean vient de vomir; c'est fait, on le voit sur lui. à son apparence".
466
Du passé immédiat il résulte donc une sorte de situation-bilan plus ou moins visible sur le ou les
protagonistes du procès selon la nature de ce procès.
Si, à ce stade, nous faisons le point du fonctionnement aspectuel aoristique, nous
pouvons dire que seuls l'aoriste et le passé immédiat utilisent les marques fonnelles de cette
construction. Cependant, selon la situation d'énonciation, d'autres fonnes aspectuelles peuvent
avoir une valeur aoristique en fonction des représentations de l'énonciateur ; c'est
particulièrement le cas de l'accompli et de l'inaccompli, comme nous nous proposons de le
montrer brièvement
VI.S.3. L'AORISTIQUE D'ACCOMPLI
Nous considérerons quatre cas : l'accompli de description, l'accompli de générique,
l'accompli de récit et l'accompli de révolu simple.
VI.5.3. 1. L'ACCOMPLI DE REVOLU SIMPLE
Nous désignerons par ce tenne l'aspect d'un procès passé qui, à la différence de
l'accompli, n'est pas localisé directement par rapport au repère origine T0 ; il s'en trouve plutôt
décroché au point de ne pouvoir être situé que par rapport à un repère indéfini T~ en rupture
avec To, d'où la valeur indéfinie de cet aspect. L'énoncé ci-dessous illustre cette construction:
(17)
ë
kil
il
partir+ACC
- ) il est parti/il s'en alla
La valeur d'accompli de révolu simple de cet énoncé peut être représentée par le schéma suivant:
467
Schéma 73 :
IIIIIIIII~~ T2 ~3
1IIIIIIII
__ : __
T o'
Le procès accompli Ü est localisé par rapport à un moment T3=To' où un énonciateur a pu dire
"il est parti" à l'accompli avec T2:;tT3=To' ; mais le repère To' de point de vue de ce procès est
indéfini par rapport à To, d'où sa rupture avec To ; cela nous donne la relation complexe
T2:;tT3=To' CJ) T()o La glose de (17) serait "quant à partir, c'est fait, mais cela remonte à tellement
longtemps, en tout cas on ne saurait situer cet événement par rapport à maintenant". Il est
intéressant de noter que cet accompli de révolu simple en yaouré s'accompagne aussi souvent
des adverbes li ou 1Î11Q dont nous verrons dans certains types de constructions modales qu'ils
servent à éloigner le procès ou la relation prédicative de Silo. La forme li.tl. , quand elle est
employée, n'apparaît qu'au révolu, ce que montre l'énoncé
(18)
ë
kàl
1lbc5
il
partir+ACC
longtemps
- ) il y a belle lurette qu'il est parti!
VI.5.3.2. L'ACCOMPLI DE RECIT
C'est un accompli qui renvoie à une succession de procès relatant des faits passés. li peut
être rendu par l'énoncé suivant:
(19)
zc5
wO-ld,
ë
s~,
nanM n6
pôd...
Jean lever+ACC il
sauter+ACC
enfants+pl.
crier+ACC
Jean s'est levé, il a sauté, les enfants ont crié...
- )
Jean se lève, saute, les enfants se mettent à crier...
Cette construction, en tant que suite de procès révolus coupés de To, peut être représentée par le
schéma suivant:
468
Schéma 74 :
,
1
wO -la
SCil
111111111
111111111
.llllllllllllllllllllllllltlllllllllllllllllllllllll,
T2
=t
Ce schéma veut traduire l'accomplissement de procès révolus, décrochés de la sphère de
l'énonciateur. Bien que les procès ~, ~ et ~ se soient très certainement succédé dans le
temps, ce n'est pas pour autant leur succession qui est pertinente ici, mais plutôt leur repérage
par rapport à un indice-repère Ta' qui, lui, est indéfmi parce qu'en rupture avec Ta. Nous
pouvons donc indicier tous ces procès à l'aide de T2 parce qu'en réalité, c'est cet indice qui est
pertinent pour tous les trois procès du point de vue de leur rapport avec Ta. Du reste, leur
rapport de consécution est non pertinent, ou mis au second plan puisque les intervalles qui leur
sont associés sont des compacts, des fermés sans complémentaires ni entre eux, ni avec Silo; la
glose qui conviendrait à (19) est "à un moment du passé non repérable par rapport à maintenant,
il y eut lever de Jean, saut de Jean, cris d'enfants..."
YI.5.3.3. L'ACCOMPLI DE GENERIQUE
C'est une construction qui renvoie à une activité permanente passée, à une caractéristique
révolue. Elle est illustrée par l'énoncé suivant :
(20)
ë
s5
t~
Il
elle
pagne
vendre+ACC
autrefois
->
elle a vendu des pagnes/elle fut vendeuse de pagnes
qui peut être représenté par le schéma suivant:
469
Schéma 75 :
[ ]
Tz
=
(T~) k
co
To '
co
T0
La glose de (20) est: "dans une classe de situation (Sit~) k par rapport à un passé lointain indéfini To', el
a été vendeuse de pagnes, mais ceci est révolu, ce n'est plus le cas aujomd'hui en tout cas".
VI.5.3.4. L'ACCOMPLI DE DESCRIPTION
C'est la construction qui correspond à la description d'une activité qui se déroule en
même temps qu'on en parle. Nous l'illustrons par l'exemple suivant:
(21)
z~
b~H
sià,
jà
n~
kàë
lë,
kàë
e
Jean
ballon
prendre+ACC
+lui
donner+ACC
Kao
à
Kao
sa
- )
Jean prend le ballon, il le donne à Kao, tête de
wu10
n~
t:5,
bî,
baH
wü-1à
tête
donner+ACC puis
but
ballon entrer+ACC
- )
Kao, puis, but ! Le ballon est au fond du filet
Bien qu'aucun match de football n'ait encore été diffusé en yaouré, nous ne voyons pas d'autres
formes que l'accompli de description pour rendre l'aspect des procès qui apparaissent dans
l'énoncé (21). Quoi qu'il en soit, dans des situations semblables aux reportages de match de
football, c'est l'accompli qu'on emploie et non l'aoriste pur correspondant au "présent" français.
Ici nous avons une valeur aoristique très proche de l'accompli de récit,
470
Schéma 76 :
n~
n~
wüla
""'"
""'"
""'"
1
. / / / / / / / / / / / / / / / / { { {{ {/ { { { { { { {{ / { {/ { { { {{ { {/ { { {/ {// {/I,
y
=
TI est ici intéressant de constater qu'en yaouré, à la différence du français qui utilise le présent,la
description d'un événement comme celui que présente l'énoncé (21) n'est pas un rejet dans un
passé indéfini, mais un décrochage des situations particulières qui permet une mise en
perspective de l'ensemble des procès par l'énonciateur, lequel peut alors les saisir en les voyant
pour ainsi dire défiler devant lui.
VI.S.4. L'AORISTIQUE D'INACCOMPLI
Nous considérerons trois cas: l'inaccompli de générique, l'inaccompli d'habituel et
l'inaccompli de révolu simple.
VI.5.4.1. L'INACCOMPLI DE REVOLU SIMPLE
Cette construction est illustrée par l'énoncé suivant
(21)
à
6GS
a
55
t&-n&
lui
mère Pred
pagne
vendre+INAC - )... sa mère vendait des pagnes
qui, dans une situation pertinente, peut avoir la représentation suivante :
471
Schéma 77 :
Eta-na
=
Cte inaccompli peut traduire un fait passé. En effet, dans un contexte révolu, qui aurait été trop
long à transcrire entièrement en (21), cet énoncé peut avoir pour glose: "on trouva sa mère, en
train de vendre des pagnes, mais ceci se situe en un temps lointain Ta', il Ya bien longtemps de
cela", d'où la relation Ta' ro Ta. La borne droite ouverte du procès, traduisant l'identification de
T2 avec T3, s'appréhende comme fennée du fait de la rupture de Ta' avec Ta, ce qui définit ce
procès comme n'empiétant pas sur To.
YI.5.4,2. L'INACCOMPLI D'HABITUEL
Cette construction est illustrée par l'énoncé
(22)
zd
cï
divt
mU-na
Jïdâ
Jean
Préd. vin
boire+ACC
ces temps-ci -) Jean boit du vin ces temps-ci
qui peut avoir la représentation ci-dessous:
Schéma 78 :
[ mU-na [
[
mil-na
[
T2
=
T3
=
(T~)k ro To
472
Par rapport à la situation-repère T0' on envisage une itération de réalisations du procès mU
"boire", itération non encore stabilisée, d'où le décrochement de To de la classe (Sit~)k en cours
de constitution et la série d'inaccomplis saisis comme accomplis du fait de la rupture T2 Cl) To.
VI.5.4.3. L'INAccoMPLI DE GENERIQUE
Cette construction est illustrée par l'énoncé
,
(23)
a
6GS
a
5:5
tà-nô
lui
mère
Préd
pagne
vendre+INAC - ) sa mère est vendeuse de pagnes
qui, dans l'interprétation absolue envisagée ici, peut avoir la représentation suivante:
Schéma 79 :
Etô-nô [T2=T3=(T~)k Cl) Ta
Etant donné le rapport qui existe entre l'habituel et le générique, nous sommes ici en face du
cas précédent appréhendé à un degré absolu. Quelle que soit la situation, le procès tà-nô se
trouve vérifié, d'où le décrochement de To de la classe de réalisations (T~ k constituée.
Pour résumer cette analyse sur la rupture aspectuelle, on retiendra qu'à l'aoriste pur il faut
ajouter les valeurs situationnelles aoristiques de l'accompli et de l'inaccompli. Ceci ne fait
d'ailleurs qu'accroître la plasticité du repérage aspectuel. Par ailleurs, nous n'avons pas voulu
clore cette analyse sans souligner que la particularité de la construction aoristique, ou surtout le
type de représentation auquel elle renvoie, détermine son affmité avec certains types de discours.
473
VI.S.S. TYPES DE DISCOURS ET CONSTRUCTIONS AORISTIQUES
Nous aimerions consacrer un bref paragraphe aux constructions imaginaires dont nous
donnerons trois échantillons:
®
(24)
mOc)
si-a
vM
mc5Ô
ta-m4
kll~
t~ bëë
je+lui prendre+ACC droit
je+le
toucher+ACC+lui
homme un ami
- )
je vais tout droit
jusqu'à
la chose
l'ami d'un homme
kà;
jt
k~
à
cÈ
dà
6ë
të
mourir+ACC pendant qu'il
aller+G lui
obsèques sur: TH
AnaptnePIqœti:n
- )
est mort;
pendant
qu'il
allait
à
ses funérailles,
àce moment là
k1~m~ nO
6è
ci
wù-3-nÔ,
lciim:5 nO
homme+pl
FOC Pred
pleurer+INAC
femme+pl
- )
c'est les hommes qui étaient en train de pleurer; les femmes
tà-a
të
ô
ci-a
su:€-61L-dt,
à...
venir+AOR
anaph.prop.
elles
passer+AOR
rire + Sit + Sit
- )
venaient
et
elles
passaient
en riant
Traduction proposée
fi était une fois (= je vais tout droit jusqu'à la chose) un monsieur qui avait perdu son
ami ; quand il s'est rendu à ses obsèques, il a trouvé que seuls les hommes pleuraient;
quant aux femmes, elles venaient et passaient en riant...
®
.
(25)
mc5Ô
d'cg
lé
Q
kà.
i
tà-a,
jit
je+lui faïre+AOR
comme si je
mourir+ACC
tu
venir+AOR
pendant que+tu
je le
fais
comme si
je suis mon
tu
viens,
pendant que tu
e
.
k~
,
wù-3-nÔ
6ë
Q
fùcil ...
Préd.
pleurer+INAC
TH
cordin. je
réveiller+G
- )
es
en train de pleurer
alors je
mereveille
474
Traduction prQposée
Je fais le mort : tu viens, pendant que tu pleures, je me réveille...
©
(26)
...
4_......I.to.....
li'-l-wll:lO.._ ........._l_é
î
tà
km
i
km-na
je
rêver+ACC comme si
tu
venir+ACC
nous
Préd. partir+INAC
., .
- )
J81
rêvé que
tu es venu;
nous sommes en route pour
fël,
U
î
sa,
m~~
i
wèt
të
champ
puis tu
égarer+ACC quand+je te
chercher Anaphore Propos.
- )
le champ et
tu
t'es égaré,
pendant que je te
cherchais
lia
f~-cL.
pluie
tomber+AOR
- )
la
pluie
tombait
Traduction proposée
J'ai rêvé QJle tu es venu; nous nous rendions au champ lorsque tu t'es égaré ; au moment
où j'étais à ta recherche il pleuvait..
Ces trois discours, @, <ID, et © se rapportent respectivement à des situations de conte, de jeu
(d'enfants) et de rêve. Il est intéressant de noter que dans tous les trois cas, le discours
commence par une introduction presque rituelle dont le but est de défmir une situation
d'énonciation à part, c'est-à-dire une Sitt disjointe de Sito. En (24), dans la traduction littérale de
l'introduction, nous avons translittéré "je vais droit jusqu'à lui (la chose>' En fait, "prendre la
route et aller jusqu'à 'ça', 1ui', 'la chose"', c'est quitter Silo pour se rendre au type de repère requis
pour cet irréel de conte qu'on veut décrire, d'où un déplacement de Silo à Sitt , ce qui implique la
rupture fondamentale que l'on a en pareil cas : Sitt ro Silo.
C'est la même disjonction qu'opère le "comme si" du discours ludique en (25), et le
"comme (si)" du discours onirique (26).
475
Dans ces trois cas, la disjonction exprimée par la relation Sit~ 0) Silo est proprement, au
niveau du procès, un véritable aoristique que nous appelons "aoristique d'imaginaire". Dans ces
cas, Sit~ apparaît comme une origine absolue à partir de laquelle on peut bâtir ou reconstruire
tout un monde ; et il n'est pas étonnant que dans cette sorte de retour sur l'origine, nous
retrouvions toutes les formes que nous avons vues, à savoir l'inaccompli, l'aoriste, l'accompli où
l'on n'a plus à se préoccuper de la rupture avec Silo puisque l'on est désormais à un niveau où,
selon le mot de A. CULIOLI, "toutes les contradictions sont suspendues".
Au terme de cette enquête sur les constructions d'occurrences de procès en yaouré, le
bilan se résume en quelques mots : les principales opérations aspectuelles en yaouré sont :
l'inaccompli, l'accompli et les constructions aoristiques qui, à un second degré, impliquent aussi
l'accompli et l'inaccompli. Nous aimerions cependant clore ce Chapitre sur une interrogation.
Au Chapitre V, en concluant notre analyse sur les catégories nominales, nous nous
demandions si l'on pouvait émettre l'hypothèse parallèle d'une organisation interne typologique
des procès qui infléchirait en quelque manière le fonctionnement et/ou la valeur des opérations
aspectuelles. C'est précisément à cette question que tentera de répondre la dernière section du
présent Chapitre.
YJ,6,DUREmRAGEASPECDJELErDEL'lNCIDENCEDES 'IYPfS DEPRQCFS
Nous nous proposons de montrer qu'à la manière des nominaux, les procès forment un
ensemble ayant une structure typologique interne qui permet de mieux interpréter leur
comportement dans les constructions aspectuo-modales. Afin d'asseoir les bases d'éventuelles
conclusions, nous commencerons par étudier le comportement de quelques procès, et ceci
essentiellement autour de deux paramètres :
10 ) le premier paramètre est l'aspect accompli. Pour un procès donné, quand pouvons-
nous considérer que ce procès est accompli? En d'autres termes, à quel moment peut-on dire
476
qu'il a atteint son terme en tant que vraie occurrence construite parce qu'entière, étant entendu
que l'accomplissement d'un procès ne coïncide pas nécessairement avec sa cessation ?
2°) le second paramètre est l'aspect inaccompli. Etant donné un procès, quels sont les
types d'effets de sens qui sont susceptibles d'apparaître avec l'inaccompli ?
C'est par rappon à ces deux paramètres que nous suivrons de près le componement de
quelques procès. Nous formulerons ensuite les conclusions que les faits nous permettront de
retenir.
VI.6.1. L'ACCOMPLI ET LES TYPES DE PROCES
Prenons les trois procès suivants: tâ-wGi "marcher", j'irJî "aimer", S6:l "sauter". A
l'accompli, ces procès peuvent nous donner les énoncés ci-dessous:
(27)
àbu
zbi
jt-jî
Abu
Zinzi
aimer+ACC
-) Abu a aimé Zinzi
(28)
àbù
•
f
ta-WCil
Abu
marcher+ACC
-) Abu a marché
,
(29)
àbù
Scil
Abu
sauter+ACC
- ) Abu a sauté
Dans les énoncés (27) et (28), les procès j1.-jî et tà-wGi ont eu lieu; on peut dire qu'il y a eu
plutôt une manifestation qu'une véritable occurrence de ces procès qui aurait signifié que ceux-ci
ont été menés à leurs termes respectifs. Par contre, en (29), il est facile de percevoir le terme du
procès, donc une occurrence vraie, parce que totale. La différence, comme nous le verrons plus
en détail par la suite, réside en ceci : en (27) et (28), les notions de procès ji.-jî et tà-wGi
semblent définir chacune une classe où l'on ne distingue pas de membres, d'éléments
individuables ; en (29) au contraire, la définition intensionnelle de la notion SGl nous présente
une classe d'éléments individuables, discrets. Cette différence entre ces trois notions de procès,
que nous caractériserons plus bas, définit donc des domaines notionnels différents dont on
477
comprend aisément que leurs occurrences à l'accompli ne renvoient pas à la même chose au plan
quantitatif.
On pourrait dire que jï-ji et ta-wei) qu'on peut mettre dans le même groupe que ~ "faire
mal", iïdi "dormir", lri. "parler", ont un comportement de "continu" alors que ldL qu'on
rapprocherait plutôt de.ki "mourir", ~ "tuer", a un comportement de "discret". On constate
assez nettement qu'avec l'aspect accompli, les procès de type continu, à l'inverse des discrets,
n'impliquent pas nécessairement un tenne, c'est-à-dire une occurrence vraie, totale, pré-formatée.
VI.6.2. L'INACCOMPLI ET LES TYPES DE PROCES
Avec les mêmes procès qu'en (27), (28) et (29), construisons les énoncés suivants:
(30)
àbù
à
zb'i
jï-nà-ji
Abu
Préd
Zinzi
aimer+ACC
- ) Abou se prend à aimer Zinzi
(31)
àbù
à
ta-wlS-nà
Abu
Préd
marcher+INAC
- ) Abou est en train de marcher
(32)
àbù
à
5th-nô
Abu
Préd
sauter+INAC
- ) Abou est en train de sauter
On notera simplement qu'alors que le procès ta-wlS en (31) ne produit aucun effet de sens
particulier à l'inaccompli, jï-ji en (30) exprime soit une incohation, soit une manifestation
sporadique de sentiments nouveaux, avec un brin d'ironie dans les deux cas. Quant à 5ro en (32),
il traduit l'incohation, l'effort ou l'itération. Aussi bien au niveau des procès continus du type jï-ji
qu'au niveau des discrets, ces valeurs n'apparaissent qu'à l'aspect inaccompli.
L'exemple de l'accompli et de l'inaccompli nous montre que la nature des procès a une
incidence incontestable sur la valeur référentielle de certaines constructions aspectuelles.
De manière générale, de nombreux faits du yaouré, relatifs aux procès et que nous
n'avons voulu illustrer qu'à l'aide des quelques exemples ci-dessus, rendent nécessaire que, à un
478
niveau profond, soient retenues au moins les trois catégories définies pour les nominaux. En
effet, à la suite de voix autorisées qui ont donné sa place au fait énonciatif en linguistique, on ne
peut aujourd'hui s'empêcher de noter l'admirable identité ou rapprochement de structure des
domaines notionnels nominaux et des domaines notionnels des procès. C'est pour cette raison
que la typologie des procès que nous voudrions présenter sera très brève, les critères de
définition ou d'identification ainsi que les analyses les accompagnant étant, dans leurs principes,
les mêmes que ceux qui ont présidé à la détermination des catégories nominales au point V.4.
VL6.3. LES CATEGORIES DE PROCES EN YAODRE
On distinguera les procès discrets, les denses et les compacts.
VI.6.3.1. LES COMPACTS
Prenons l'énoncé suivant:
,
.1
. ,
(33)
z6
a
JL-Jl
Jean
lui
aimer+ACC
-> Jean l'a aimé
Si nous mettons entre parenthèses la prise en compte d'un référentiel dans cet énoncé, le
domaine notionnel du prédicat j'L-ji "aimer" a la configuration suivante:
(.f.J) p
jL - ji
C'est dire qu'il s'agit d'un domaine topologiquement indifférencié, réduit à un intérieur sans
frontière, défini négativement par son seul complémentaire strict, l'extérieur ou le vide. C'est un
prédicat qui, en dehors de son insertion dans un espace référentiel, n'a pas de bord, ne comporte
479
en lui-même aucun étalon-type, aucune borne intrinsèque d'accomplissement à l'aune de laquelle
on puisse identifier une vraie occurrence de iL-jl ; nous avons donc affaire à un prédicat
compact, continu, difficilement quantifiable. Il s'ensuit que l'énoncé (33) ne nous offre qu'une
manifestation situationnelle de ji-jl et non, en dehors de toute construction supplémentaire, une
vraie occurrence de ce prédicat puisque nous n'avons pas de modèle de référence au départ.
De même, dans l'énoncé
,
(34)
zc5
a
a
ji-nO-jl
Jean
Préd
lui
aimer+INAC
Jean
est en train de l'aimer
- )
Jean se prend à l'aimer
le prédicat jt-ji étant un compact, on peut le considérer comme définissant un état permanent,
donc se situant hors bornage. Et le fait de le munir d'un intervalle, même ouvert comme l'exige
ici l'inaccompli, ramène ce procès à une situation ou à des situations particulières produisant un
effet de sens qui décrit un comportement nouveau et pour le moins étrange de zg.
VI.6.3.2. LES PROCES DENSES
Soit l'énoncé
(35)
zO
Ji-tÈ
Jean
dormir+ACC - ) Jean a dormi
Ici, le domaine du prédicat jt-tè "dormir" a la configuration suivante:
(P) p
>
En dehors d'une possibilité relative de quantification, nous avons ici une situation qui peut ê~e
ramenée à la précédente. Hors prédication et énonciation, ~ définit un domaine indifférencié,
480
un singleton sans borne interne d'accomplissement. Ainsi, l'énoncé (35) dit simplement qu'il y a
eu une manifestation de jl-tè sans qu'il s'agisse là, en dehors de toute préconstruction
notionnelle, d'une occurrence discrète de ce prédicat en tant qu'elle serait ainsi définissable en
référence à une occurrence notionnelle type de iïdt. à un iJdi étalon, un vrai jl-W. Nous
sommes donc en présence d'un dense, sur lequel l'inaccompli n'a, comme nous l'avons vu, aucun
effet particulier.
VI.6.3.3. LES PROCES DISCRETS
Prenons enfm l'énoncé suivant:
(36)
zd
tl-rà
Jean
tomber+ACC - ) Jean est tombé
Le domaine notionnel du prédicat ti-rà "tomber" a la configuration des nominaux
correspondants:
(p}p
>
Le prédicat tl-rà est de type discret parce que toute occurrence de ce prédicat est notionnellement
définie par rapport à une borne interne d'accomplissement. On voit que ce type de prédicat
correspond à un domaine notionnel comportant un intérieur (I) et une fermeture (~) p
impliquant une frontière qui permet un jeu éventuel sur l'identification à l'étalon, c'est-à-dire à
l'occurrence type. Le prédicat discret indique en lui-même une fin, d'où le qualificatif de
"conclusif' qu'on lui attribue quelquefois, par opposition à jl-ji "aimer" et jî-tÈ "dormir" qui,
eux, sont des des procès "non conclusifs". Ainsi, en (36), on indique que non seulement il y a eu
481
une manifestation de ii:ri, mais il s'agit d'une manifestation totale et vraie du fait de son pré-
formatage sur l'étalon p de.ti:.ri.
Si, dans le cadre de l'inaccompli nous examinons l'énoncé
(37)
zo
li
kà-na
Jean
Pred
mourir+INAC - ) Jean est en train de mourir
ti. "mourir" est un procès de type discret, comportant en lui-même une borne
d'accomplissement; et le fait de le munir, au niveau énonciatif, d'une borne ouverte en To,
l'éloigne ou le maintient, ne serait-ce que pour quelque temps, en-deçà de ce point télique au-delà
duquel c'est le trépas. On voit que cette opération en Inal traduit une conation, donc un effort
(non nécessairement volontaire) pour ne pas atteindre la borne d'accomplissement interne, ce qui
traduit une lutte contre la mort. Si nous avons un énoncé comme
(38)
zo
li
s~-ncS
Jean
Préd.
sauter+INAC - ) Jean est en train de sauter
le procès ~ comporte une borne interne, mais il est de type non résultatif, ce qui fait que nous
pouvons avoir non seulement l'effet de conation si nous nous en tenons à une réalisation
sémelfactive, mais l'inaccompli du discret sm "sauter" peut ne traduire que l'itération de ce
procès.
Ces remarques sur les catégories des procès, que nous avons voulu brèves, nous
montrent, ainsi que nous l'avons vu au niveau des nominaux, que nous sommes en présence de
domaines qui, au plan notionnel, sont structurés de façon différente, ce qui permet la
caractérisation typologique des procès en discrets, denses et compacts. Mais ce sont des
domaines qui ne sont pas pour autant rigides, mais en permanence indéformables. Ils peuvent
être restructurés par le biais d'une recatégorisation, laquelle n'est qu'un maillon des constructions
et reconstructions multiples qui relèvent des seuls énonciateurs.
482
VI.6.4. TYPE DE PROCES ET RECATEGORISATION
Les recatégorisations de procès sont beaucoup moins faciles et courantes que celles des
nominaux. Et quand elles on lieu, elles consistent essentiellement en un passage du compact ou
du dense au discret. Nous illustrerons brièvement cette opération à l'aide de quelques exemples.
Malgré l'absence de borne interne qui caractérise le compact et le dense, on peut
concevoir, de la part de l'énonciateur, une opération qui attribue une borne à ces procès et qui
puisse désambiguïser leurs valeurs aspectuelles.
Cette opération peut se situer sur deux plans. A un niveau abstrait, l'énonciateur peut
notionnellement construire la borne d'accomplissement d'un procès comme Jï-tÈ "dormir" qui
n'en a donc pas en propre. Ainsi, à l'accompli, nous obtenons la réalisation d'un procès tel qu'il a
été conçu par Sa ; la glose de (35) deviendrait alors: "il a dormi comme il devait/voulait le faire",
"le dormir de Jean en T2 est identique au dormir typique que j'avais/il avait conçu ou visé" ; en
pareil cas, le procès peut être considéré comme ayant atteint son terme.
A un niveau structurel concret, l'attribution d'une borne peut se faire, pour certains
procès, de façon toujours externe, mais par l'adjonction d'un complément de rang 1 (CI). Ainsi,
le dense §fi "manger" peut se discrétiser à l'aide d'un objet dans l'énoncé
..
(39)
zâ
mff
kàà
6lï-t
Jean
mon
maïs
manger+ACC -) Jean a mangé mon maïs
et renvoyer ainsi, à l'accompli, à un procès qui, non seulement s'est manifesté en T2, mais a été
mené à son terme, terme défini de façon extrinsèque par l'objet kàà "maïs". Dans un certain
sens, bien que cela soit plus difficile dans l'énoncé (33)
.
zâ
a
ji-ji
Jean
lui
aimer+ACC
-) Jean l'a aimé
483
on peut cependant dire que l'objet constitue la borne extrinsèque du compact, encore qu'ici, la
borne extrinsèque la plus vraisemblable soit l'espace-temps qui a été le cadre de la manifestation
de ce sentiment: "il l'a aimé le temps qu'il l'a aimé". En effet, comme nous n'avons pas affaire ici
à un processus, on peut tout au plus dire que l'''objet'' délimite l'espace-temps de l'état défini par
iJdi "aimé".
Avec cette brève présentation des catégories de procès, s'achève l'analyse des opérations
aspectuelles que nous avons définies globalement comme des constructions d'occurrences de
procès. Nous aborderons à présent des constructions d'un autre type que nous annoncions
parallèlement dès le début de ce Chapitre et qui sont liées à celles-ci, les constructions
d'occurrences de relations prédicatives, c'est-à-dire les opérations modales.
484
CHAPITRE VII
LE REPERAGE MODAL
485
L'introduction et la conclusion du Chapitre VI introduisaient déjà au problème de la
construction de l'occurrence d'une relation prédicative tout entière. Le présent Chapitre s'efforce
d'étudier les principaux modes sous lesquels peut apparaître une relation prédicative en fonction
du repérage dont elle fait l'objet par rapport au référentiel origine Silo. Mais nous pensons qu'il
n'est pas inutile de délimiter d'abord notre champ d'investigation en précisant brièvement les
contours du concept de modalité.
YU.I. LE CONCEPT DE MODALITE
Nous nous limiterons à proposer une définition liminaire que nous étayerons par
l'identification des paramètres fondateurs de la catégorie de la modalité.
Vll.I.I. DEFINITION
La modalité peut être globalement définie comme le point de vue de l'énonciateur sur la
validation quantitative et/ou qualitative d'une relation prédicative. Notons que ce point de vue
implique donc, soit un choix entre le vrai et le faux, entre ces deux valeurs et des valeurs
intermédiaires, soit un renvoi à ce qui ne relève ni du vrai ni du faux. C'est l'ensemble de ces
représentations complexes qui retieridra ici toute notre attention. Mais dès l'abord, il nous semble
utile de mettre brièvement en relief les paramètres centraux sur lesquels repose le calcul des
valeurs modales.
VII.I.2. LES PARAMETRES DE LA CATEGORIE MODALE
La construction d'une occurrence de relation prédicative repose sur deux paramètres
essentiels.
486
D'un côté, nous avons le domaine de la relation prédicative, qui pan d'un centre attracteur
(1) représentant l'extremum d'occurrence, c'est-à-dire la relation typique, jusqu'au complémentaire
strict de cet intérieur, c'est-à-dire l'extérieur (E), via tous les statuts intennédiaires défmissant la
frontière (F) entre 1 et E. Il nous semble indiqué de retenir, comme composante du calcul des
valeurs du domaine p de la relation prédicative, un lieu d'observation et de décision qui se situe
en dehors de l'échelle dont nous venons de donner une esquisse, qui n'est donc ni l, ni E, ni F,
mais qui, en puissance, tient des trois puisqu'il est à la fois indépendant de ces valeurs et lié à
elles. A la suite d'Antoine CULIOLI,1 nous le noterons lE (E renforcé).
Le second ensemble de paramètres incontournables, c'est le domaine des instants. En
effet, toute validation de la relation prédicative se défmit par rapport au temps, quel que soit par
ailleurs la nature de ce rapport. Compte tenu de ce qui a été dit dans la définition liminaire ci-
dessus, on comprendra que la référence modale au temps couvre toutes les possibilités, y
compris le non renvoi direct à un instant précis de la classe des instants chroniques, c'est-à-dire,
en fait, un renvoi à un instant en pure représentation.
Ainsi que nous l'avons vu pour l'aspect, le mode sous lequel le sujet énonciateur articule
le domaine notionnel de la relation prédicative et la classe ordonnée des instants définit le statut
de la relation prédicative. C'est cela qui explique le chevauchement, l'intrication, bref la relation
souvent intime qu'entretiennent l'aspect et la modalité.
De façon générale, nous pensons que le repère de point de vue (lE) de l'énonciateur So
est par essence disjoint du domaine p de la relation prédicative, la coïncidence avec une zone de
ce domaine n'étant en fait qu'un cas (particulier) de l'acte énonciatif. Ce que nous proposons
n'est qu'une autre fonnulation du mot de KANT: "le 'je pense' doit nécessairement pouvoir
accompagner toutes mes représentations".2
1- CULIOLI, A. (1988) : "La négation: marqueurs et opérations", in Centre de Recherches Sémiologiques de
Neuchâtel, N° 5.
2- KANT, E. (1781): Critique de la raison pure, P.U.F.• Paris.
487
Si nous prenons l'espace topologique du domaine de la relation prédicative f.J (l, F, E), le
repère de point de vue lE (Silo) du sujet valideur et, bien entendu, le domaine des instants, les
conditions de la validation d'une relation prédicative peuvent être résumées par le schéma ci-
dessous:
Schéma 80:
Sit2 : Domaine f.J de la
Frontière
relation prédicative
E_
(Â)
F
~f----
Plan de validation
Plan repère de validation
De son repère lE, le sujet énonciateur-valideur donne, pour un temps T, un statut, quel qu'il soit,
à un objet du domaine f.J. C'est à partir de ce système de données représenté par le schéma (80)
que nous examinerons les repérages modaux. Mais il importe d'abord de dresser non seulement
l'inventaire des principaux mcxles de construction d'occurrence de relation prédicative, mais aussi
celui des différents marqueurs de modalisation afin de pouvoir mieux identifier les opérations
dont ils sont les traces.
488
YUeZe LES OPERATIONS MODALES; TYPES ET MAROUEURS
Au Chapitre m, l'illustration d'un aspect de la morphologie verbale nous a amené à
décrire quelques structures modales. Mais, afin de donner une vue d'ensemble de la catégorie
modale en yaouré, nous retiendrons dans ce travailles principaux types de modalité, à savoir
l'assertion, l'injonction, l'interrogation, la visée, l'hypothèse et, enfin, ce que nous appelons
"modulations modales" et dont l'expression de "pouvoir" est un exemple. Les marqueurs de ces
modalités sont regroupés ci-dessous dans un tableau que l'on peut lire en s'appuyant sur
quelques repères.
Les lignes horizontales représentent chacune un schème modal. l Les colonnes
définissent l'identité formelle de chaque point d'un schème. A ce niveau, il faut noter que les
marqueurs modaux sont des auxiliaires et/ou des particules. Afin de ne nous en tenir au départ
qu'à l'aspect formel des choses, les particules, définies sur la base de leur seule place en schème,
sont identifiées, de gauche à droite, par un indice d'ordre par rapport à un schème de référence à
six (6) particules notées Pl, PZ, P3, P4, P5, P6. Les cases correspondant à ces six particules sont
effectivement satisfaites ou non selon le type de modalité et la valeur aspectuelle impliqués. Dans
le schème de la dernière ligne, qui décrit, au fictif, la négation de "pouvoir" à l'accompli, nous
avons une satisfaction maximale des cases.
1- Nous appelons "schème modal" un schème d'énoncé représentant un type modal donné.
489
n
_
o
1
~ 0
CrnstdlmlS
~
p. ~
~ ~
cb schèms
mxhJx
Iii
Pl
Sujet
P2
Auxiliaire
P3
PrâIi3
P4
Ps
P6
~
(II
5 g.
S<fiIœs
::l
-
~~
mxJaux.
~
Assertion
~t't'
fil
SN
fil
fil
V
fil
fil
fil
positive
fil
ri>
(II
h
~~
Assertion
fi)
ri>
_.
fil
SN
kâ
fil
fil
V
fil
fil
dt
né~ative
§
j
ri>
","8
Injonction
SN
s::
g.e:;
fil
fil
fil
fil
V
fil
fil
fil
positive
Pronom
o
3'
~
'a=
InJonchon
SN
të
(II
fil
fil
fil
V
fil
fil
dt
Q.
~
_.
né~ative
Pronom
fi"
o
n
=
fi)
c
=
ta
V
fil
fil
fil
o
~, -
(11=
Visée
fil
SN
fil
(ta) tà-a
fil
V
le
fil
fil
'R,
1<
(ta)tà-i ta-tè
V
le
fil
fil
f:!
~
'a
g"
\\0
0
- "Pouvoir"
o
e:;
fil
SN
fil
kula
fil
V
dt
a
fil
fi)
<
- possible
maajë lé
SN
fil
fil
fil
V
fil
fil
à nt1
~
t
probable
ë k"c1lé
1
=
tèlté/të
tè
: compatible avec tous les schèmes sauf le schème interrogatif
fi)
IZ
Hypothèse
(lé nliA paal té et të : compatible avec tous les schèmes sauf les schèmes interrogatifs et injonctifs
"8e:;
• - V+/B/
(ablgmmt
InmogaOCn
(lé)
SN
fil
fil
fil
V
fil
fil
~tilae)
positive
• 6aà
,
· 0
(naa)
.l~
InmogaOCn
SN
(k5)
fil
kà
fil
V
fil
fil
n~
négative
Fictif de
" pouvoir"
,
1&
tè
SN
ka
kitla
le
V
dt
a
dt
"8
négatif
e:;
+ accompli
li"
'"
Dans ce Tableau, les fonnes ë k~O lé, n:O. et 6àà peuvent être rendues respectivement par
"il semble que", "là-bas", "ou bien". Quant aux particules ~ lé. ndO,~,.ki, dt, li,~, nous en
rendrons compte au fur et à mesure de l'analyse des différentes opérations modales qu'elles
accompagnent
Comme cela a été fait pour l'aspect au point VI.2., à ces marqueurs modaux identifiés il
faut ajouter quelques adverbiaux et/ou particules dont certains se trouvaient déjà dans les
constructions aspectuelles :
11; ~ :autrefois, il y a longtemps, un jour ai)
~
: tout à lbeure, il y a peu de temps
~
: encore
J1.4
:encore (itération)
~
: peut-être
If
: proche de la particule locative du Chapitre V, renvoyant ici à une situation
d'énonciation simplement représentée
li
:proche de la particule locative du Chapitre ID, renvoyant ici à une Sito
représentée
nMl~ :particulerenvoyant à une Siloreprésentée
liJ
Bon nombre des particules et adverbes que nous venons de recenser ne servent que de
relais de renforcement aux opérations modales. Certains le peuvent parce qu'ils définissent,
comme nous le verrons, un ailleurs énonciatif par rappon au repère origine Silo. C'est le cas de li,
)lad, nO ,li, ndd,.k2,. D'autres, tels que les adverbes tid et.n.4, semblent avoir pour fonction de
viser, en situation, de façon indirecte, une zone particulière d'un espace topologique donné, ce qui
justifie tout naturellement leurs liens avec la négation. En tout état de cause, nous nous
proposons de revenir sur le fonctionnement de ces relais à la fin de l'analyse des opérations
491
modales de base que nous abordons maintenant dans l'ordre suivant: l'assertion, l'injonction, la
visée, les modulations modales, l'hypothèse et l'interrogation.
VU,3, LA MODALITE ASSERTIVE EN YAOUBE
Nous définirons ce qu'est l'assertion, puis nous tenterons d'en examiner le
fonctionnement après avoir fait un choix délibéré.
VII,3.1. L'ASSERTION: DU CONCEYf ET DES TYPES
A partir du schéma (80) ci-dessus, nous pouvons dire que l'assertion est un choix
spécifique dans l'espace topologique du domaine notionnel d'une relation prédicative, entre trois
valeurs, le vrai, le faux et le vrai-faux, soit entre l'intérieur, l'extérieur et la frontière. Ce choix,
comme nous le verrons, a des conséquences auxquelles on ne fait pas toujours attention. Nous
envisagerons deux types de choix, c'est-à-dire deux types d'assertion.
VIT.3.!.!. LE CHOIX DU CENTRE AITRACfEUR 1 OU ASSERTION POSITIVE
Ce choix est illustré par l'énoncé suivant:
(1)
ZD
tà
Jean
venir+ACC
- ) Jean est venu
C'est un choix qui implique une distance zéro (0) entre le plan de repère lE, donc l'énonciateur,
et le domaine de la relation prédicative zia ~ < () tà. (1) >. La distance zéro entraîne
logiquement l'élimination du complémentaire E de I. Le gradient, c'est-à-dire le vecteur de
valuation, est orienté vers le centre attracteur I. Il Y a donc identification stricte du choix à
l'occurrence typique 1 de la relation prédicative qui est donc la seule validée par rappon à Silo.
Cela nous donne, pour l'énoncé (1), le schéma de dérivation suivant:
492
Schéma 81 :
Nous voyons que le plan repère de point de vue (lE) et le plan de validation sont confondus; E
est donc ramené à 1 et nous aboutissons à une boucle dans la relation dérivée. Cette opération
définit l'assertion positive appelée "affinnation" : "par rapport à Silo, on est en 1 quant à <Â.>",
c'est-à-dire "en Silo, il y a que Jean-est-venu est le cas". En surface, l'assertion positive n'a pas en
yaouré de marque différente de zéro, comme on peut le voir dans l'énoncé (l), sauf si nous avons
une emphase, laquelle pourrait se réaliser à travers des procédés variés.
VII.3.1.2. LE REFUS DE LA VALEUR 1 OU ASSERTION NEGATIVE
Nous considérerons d'abord la négation simple en prédication verbale avant d'examiner
les autres constructions négatives.
A- LA NEGATION SIMPLE EN PREDICATION VERBALE
En partant du cadre d'une prédication verbale, la forme de la négation classique simple
apparaît dans les énoncés suivants:
(2)
za
ka
ta-lè:
dl
Jean
Nég
venir+ACC
Nég
(3)
za
ka
tà-nô
dl
Jean
Nég
venir+INAC Nég
493
(4)
zc5
ka
ta-a
dl.
Jean
Nég
venir+AOR
Nég
Par rapport à l'énoncé (1), la négation fait apparaître en (2) la fonne IW, qui est liée à
l'expression de l'aspect accompli d'un procès (li) et sur laquelle nous reviendrons au Chapitre IX
consacré à la composition des opérations énonciatives. Quant aux fonnes .k!. et Qb elles
représentent les composantes du marqueur de la négation, identifiées P2 et P6 sur le Tableau
XXIV, et dont nous examinons le fonctionnement dans la présente section. Mais il nous semble
indispensable d'observer d'abord, à partir des énoncés ci-dessus, le processus même de la
négation. L'énoncé (2) par exemple dit simplement que la relation prédicative
n'est pas validée par rapport à la situation d'énonciation Silo. Le caractère non unique des
raisons de cette non-validation pennettra, un peu plus bas, de comprendre une autre dimension
de l'ambiguïté référentielle foncière de la négation. En tout état de cause, à partir du schéma (80)
représentant l'espace topologique du domaine d'une relation prédicative, nous pouvons dire que,
en (2), (3) et (4), la négation consiste à refuser l'identification des relations prédicatives
respectives à l'intérieur 1 des domaines correspondants et/ou à toute zone pouvant être ramenée à
cet intérieur. Nous envisagerons deux cas selon le chemin ou le faisceau de chemins qui se
trouve barré par l'opération de négation.
a) le barrage du faisceau de chemins lE - ; IFI
Cette situation correspond, pour l'exemple (2) par exemple, au schéma de dérivation ci-
dessous:
1- iF couvre le domaine de valeurs fonné par 1et F.
494
Schéma 82:
--~>
E
rlE:Sito
Nous avons ici une sorte de négation absolue, ou l'identification de la relation prédicative est
refusée et pour l'intérieur 1et pour la frontière F : "Jean n'est pas venu, et rien ne s'est passé qui
puisse ressembler à Jean-venir". Ce qui est rejeté, c'est l'intérieur 1 plein, qui est un fermé
puisqu'il contient sa frontière. Il s'ensuit que les zones du domaine de la relation prédicative qui
sont indirectement validées, ce sont soit le complémentaire strict de l, c'est-à-dire E "Jean n'est
pas venu, c'est autre chose qui s'est passé, soit lE "Jean n'est pas venu, il n'a même pas bougé".
On voit que la négation consiste ici, à l'aide du marqueur ti, à inverser l'orientation du
gradient du domaine de la relation prédicative. L'inverseur ki, qui est en même temps un curseur,
parcourt, depuis le centre attracteur 1 du domaine jusqu'au point télique ou dernier point de la
frontière F, c'est-à-dire jusqu'à la sortie en E, toutes les occurrences de la relation prédicative,
mais sans en retenir aucune, même pas la toute dernière. Ainsi, le marqueur ~ le relatif du
corrélatif.ki, correspondant ici à ce que DAMOURETIE et PICHON appellent le "forclusif'l,
apparaît véritablement comme une borne qui gèle le parcours effectué par Ki sur la toute dernière
occurrence de la relation prédicative qui se trouve aussitôt rejetée. Il faut dire que ce gel-rejet crée
ou est en lui-même une situation résultante dont di. est l'image. Il n'y a donc ni l, ni F ; comme
nous l'avons indiqué, nous sommes soit en E, soit en lE.
1- Pour ces auteurs,le "forclusif' ~ s'oppose au "discordanùel" .ti dans la structure négative.
495
h} le barra2e du seul chemin lE -1
Ce cas correspond, pour (2) par exemple au schéma de dérivation suivante :
Schéma 83 :
Ici, seul l'intérieur 1est écarté. La zone qui, indirectement, valide la relation prédicative, c'est le
,......,
complémentaire de l, c'est-à-dire E, qui est en réalité un fermé (FE) puisqu'il contient sa
frontière F. Le marqueur ki est toujours un inverseur, mais il joue ici le rôle de commutateur de
zone, faisant donc passer de zone à zone, particulièrement de la zone 1à la zone non-I. On en tire
qu'il n'y pas l, mais cela n'exclut pas les autres zones; nous pouvons être ou en F, ou en E, ou en
lE. Cela conduit, pour l'énoncé (2), aux trois possibilités suivantes: respectivement, ou "il n'est
pas venu, on n'appelle pas cela venir à proprement parler, bien que ça y ressemble", ou "il n'est
pas venu, c'est autre chose qui s'est passé", ou, enfin, "il n'a pas bougé". Nous avons donc trois
valeurs ici, alors que nous en avions deux dans la première interprétation.
La négation définit donc, en (2), (3) et (4), un champ relativement indéterminé de
significations. A la multivaleur inhérente à cette construction modale, se joint l'ambiguïté
introduite par une opération que, comme nous l'avons vu au Chapitre IV, n'a aucune trace en
surface; il s'agit du repérage prédicatif, dont nous allons à présent examiner l'incidence sur
l'assertion négative.
496
cJ. Prédication et pondération des valews de la néUltion.
On ne reviendra pas sur la distinction que nous avons établie aux points N.l.3.2.d'une
part, N.l.3.3. et N.3.l. d'autre part, respectivement entre le terme de départ, relevant de la
prédication, et le repère prédicatif, relevant à la fois des niveaux prédicatif et énonciatif.
Nous voudrions montrer que, qu'on le veuille ou non, la négation est une opération de
suspension de jugement débouchant sur des valeurs positives potentielles, celles·ci pouvant
s'équilibrer ou être filtrées en fonction du choix du repère prédicatif qui constitue un facteur de
pondération. Nous envisageons trois cas selon la nature du repère prédicatif.
1) Le repère prédicatifest Co
Ce choix est illustré par la relation et les énoncés ci·dessous :
(2')
~
ka
ta-lÈ
dl.
Jean
Nég.
venir+ACC
Nég.
- ) Jean n'est pas venu
(3')
z9.
ka
tà-na
dl.
Jean
Nég.
venir+INAC Nég.
- ) Jean n'est pas en train de venir
(4')
z.Q
ka
ta-a
dl.
Jean
Nég.
venir+AOR
Nég.
- ) Jean ne vient pas
Le repère prédicatif est.kan ; donc, on dit ce qui n'est pas arrivé à Jean (2'), dans quel processus
Jean n'est pas engagé (3'), ce que Jean ne fait pas (4'). Comme nous pouvons le prévoir, en nous
fondant sur la nature de la négation,! étant élimé, nous avons par exemple pour (2') : ou "Jean a
fait lest en train de faire/ fait F, c'est-à-dire quelque chose se rapprochant de 1 mais n'étant pas
tout à fait 1", ou bien "Jean a fait lest en train de faire/ fait autre chose, c'est-à-dire E, ou bien
"Jean n'a rien fait /n'est pas en train de faire/ ne fait rien".
497
2) Le repère prédicatif est le prédicat (Rel)
Ce choix est illustré par la relation et l'énoncé ci-dessous:
< tà a <: Iô L< (~ tà :> >- >-
3
- 2
1
1 2 3
(2")
za
ka
Ii:lt
- E
di
Jean
Nég.
venir+ACC
Nég.
- ) TI Ya Jean qui n'est pas venu
(3")
za
ka
li.:n.Q
di
Jean
Nég.
venir+INAC Nég.
- ) TI Ya Jean qui n'est pas en route
(4")
za
1
1
ka
ta-a
di
Jean
Nég.
venir+AOR
Nég.
- ) Il Ya Jean qui ne vient pas
Ce qui est posé au départ dans ces énoncés, c'est le second membre de la relation prédicative, en
l'occurrence <tà-(Jean». La négation apparaît alors comme le rejet de ce second membre dont
Jean ne constitue, à un second niveau, qu'un des objets instanciant la place du terme de départ.
On en tire la nuance suivante par rapport à l'énoncé (2") : "il y a des gens qui ne sont pas venus,
parmi ceux-là, il y a Jean" ; Jean se présente alors soit comme le spécificateur d'une relation
négative acquise, soit comme un élément d'une énumération, ce qui constitue une variété du
premier cas: "Quant à '( ) n'être pas venu', il y a Jean qui vérifie cette relation". On pourrait
greffer là-dessus une focalisation qui privilégierait et fixerait l'opération sur le seul Jean en
éliminant tous les autres assignables en tant que Co de la relation prédicative, ce qui bloquerait
toute énumération et donnerait l'énoncé
(5)
za
6È
ka
tà-l€
di
Jean
FOC
Nég.
venir+ACC
Nég.
- ) C'est Jean qui n'est pas venu
Que ce soit en (2") ou en (5), la négation consiste à retenir en tout cas Jean comme
vérifiant '() n'être pas venu'.
498
3) Le repère prédicatifest la situation origine Sito
Ce cas est illustré par la relation et l'énoncé ci-dessous:
(2"')
z4
kà
ta-li:
dl.
Jean
Nég.
venir+ACC
Nég.
-) il Ya que Jean n'est pas venu
(3"')
z4
kà
ta-na
dl.
Jean
Nég.
venir+INAC Nég.
- ) il Ya que Jean n'est pas en route
(4"')
zô
ka
tà-à
dl.
Jean
Nég.
venir+AOR
Nég.
- ) il Ya que Jean ne vient pas
Ici, aucun élément n'est prédicativement privilégié, en d'autres termes, tous les éléments sont
équipondérés et repérés négativement par rapport au repère origine Silo. Puisque c'est toute la
relation qui est globalement prise en compte, nous en tirons que pour (2"') par exemple, ou bien
"il s'est passé quelque chose qui n'est pas vraiment une arrivée de Jean", ou bien "il s'est passé
quelque chose définissable par un tout autre domaine de relation prédicative", ou bien "il ne s'est
rien passé du tout".
La description que nous venons de faire rend compte de la structure canonique simple de
l'assertion négative en prédication verbale. Nous terminerons cette analyse de la négation par
certaines constructions qui, quoique traduisant le processus référentiel général, présentent
quelques particularités au plan fonnel.
B- AUTRES CONSTRUCTIONS NEGATIVES
Dans la brève présentation qui suit, nous nous intéresserons particulièrement à la
négation en prédication non verbale, aux expressions à valeur négative et aux combinaisons
modales négatives.
499
La négation en prédication non verbale peut être illustrée par les énoncés suivants:
(6)
wl
ka
di
viande
exister+Nég
Nég
-) il n'y a pas de viande
.
(7)
ë
kà
gGl
di.
il
être Nég.
ici
Nég.
- ) il n'est pas ici
,
(8)
ë
kà
Wl
à
di.
il
être+Nég.
animal Sit Nég.
-) il n'est pas bête
(9)
tü
cé
di.
buffle
être+Nég.
Nég.
- ) ce n'est pas un buffle
Ces quatre énoncés sont les versions des quatre prédications positives non verbales qu'au
Chapitre IV, nous avons appelées respectivement prédication d'existence, localisation spatiale,
identification directe et identification par préconstruction. Le prédicatif positif, comme nous
l'avons vu au point IV.2.1.1., étant i dans les trois premiers cas et n~ dans le dernier, nous
formulons pour les énoncés négatifs ci-dessus les hypothèses suivantes quant aux processus
morphophonologiques sous-tendant les prédicatifs négatifs .k.L .kt et &t.
Nous pensons que pour la négation de la localisation et de l'identification directe, donc en
(7) et (8), outre la particule finale indispensable ~, le prédicatif de la négation est simplement la
particule .ki, et la structure sous-jacente est donc la suivante:
MH
MB
1
1
ka
+ a
Nég. être
On a alors un processus dont nous avons décrit des exemples ailleurs, aux Chapitres n et In.
500
AR
RD
- )
HT
A-
A-
I
-- 1
... ---
---
A
N
--A
N
1
1
--
1
1
x
x-
x
x
1
1\\
+\\
1
1 MH/
/MBI
Ik
a
al
- )
A--
1
A
N
1
1
x
x
1
1 \\
1
1 /MPI
k
a
-)kà
On obtient en (7) et (8) la fonne amalgamée.u. "n'est pas".
Pour ce qui est de la prédication d'existence et du préconstruit, le prédicatif négatif est la
particule k! affectée d'un ton haut (ID, ce qui, à un premier niveau, déclenche une assimilation
tonale débouchant sur Ki.
MH
__ -H
H
1
---
----
1
ka
+
- )
ka
-)
ka
La négation en (6) a alors la fonne sous-jacente suivante:
H
MB
1
-
_
1
ka
+ - - - a
501
Un processus identique au cas de (7) et (8) à un niveau tonal près nous donne la forme
amalgamée M..qui assimile à H le schème tonal de la particule finale dl. :
H
MB
H
MB
H
H
1
1 .........
~
1
1
ka
- )
ka
.... lit,-)
ka
dl,
- )
ka
dL
La négation en (9) traduit un processus plus complexe, mais que les amalgames étudiés au
Chapitre ID nous permenent de comprendre. La négation de l'identification par préconstrllction a
la structure sous-jacente
ka + fi:
issue de la chute de fi dans la séquence ka + nf où nous savons que nt. "c'est" est le prédicatif
d'identification par préconstruction. Cene structure déclenche le processus ci-dessous:
AR
- - - - - 1 . -
1
RD
1
- )
1
HT ------..A-
----_"..,P-
1
~-
1
--
- -- -A-
A
N
N
---
1
1
1
-----
x
x---
x
x
1
1\\
1\\
1
1frI/
IMf
- )
Ik
a
el
1- - - - - - - -I-
I
1
1
1
1
1
1
A-
I
1
A
N
1
1
x
x
1
1 \\
1
1
/PI
Ik
el
-) [ce]
L'amalgame entraîne la palatalisation de k et nous obtenons cé "n'est pas".
502
En ce qui concerne les expressions à valeur négative, nous retiendrons vi è là, dont la
forme réduite est vi dà, et ë fc5 w~n~. Ces expressions signifient toutes les deux "(il) a failli" ou
il s'en est fallu de peu que" et sont illustrées par les énoncés ci-dessous:
1
(10)
•
.
e
VL
e
tà
kà
l
lui
dire+ACC
lui
vemr
à mourir
1
~ il a failli mourir
,
(11)
ë
fc5
w~n~ e
ka
1
cela
rester+ACC
petit
puis
mourir
J
Notons que c'est la traduction littérale de la modalité construite en (11) que l'on trouve dans le
français populaire de Côte d'Ivoire: "ça reste un peu et puis il va mourir". Du point de vue de la
négation en (10) et (11), le gradient des domaines des relations prédicatives construites autour de
kà "mourir" parcourt les occurrences de ces domaines de l'extérieur vers l'intérieur, mais sans
franchir le point télique pour coïncider avec l'intérieur 1de ces domaines, c'est-à-dire le <ë, kà, ë>
typique. Il en découle que tout a pu arriver à ë "lui", y compris ce qui est presque la mort, mais
aucun de ces événements ne peut véritablement être identifié à la mort.
La dernière question à examiner a trait aux combinaisons modales négatives. Nous
indiquerons simplement ici que si, hormis l'incidence des opérations aspectuelles on retrouve
l'essentiel de la construction négative canonique simple dans la visée à double repère, les
modulations modales et l'hypothèse, on constate cependant quelques différences notables au
niveau de la négation de la visée immédiate simple, de l'injonction et de l'interrogation négatives,
comme nous aurons l'occasion de le constater dans les sections consacrées à l'étude de ces
constructions modales.
Au total, le processus et les valeurs de la négation montrent que cette opération est un
"épochè" langagier, ou, selon cet autre mot de HUSSERL, une "mise entre parenthèses", bref
une suspension de jugement qui enfante un autre jugement ou d'autres jugements. Par rapport à
l'espace topologique de la relation prédicative que nous avons représenté, la négation, tout en
503
délimitant le domaine de ce qui est la cas par l'élimination des valeurs 1 et/ou F, maintient
cependant une distance entre les sujets énonciateurs et ce qui est effectivement le cas, c'est-à-dire
la valeur exacte, vraie, puisque 1éliminé, nous avons encore à choisir entre F, E et lE. C'est dire
que la négation, hors pondération explicite, renvoie en yaouré à une pluralité de valeurs et
demeure donc référentiellement ambiguë.
La négation débouche en fait sur un refus de choix entre plusieurs valeurs d'une relation
prédicative. TI nous semble à ce niveau qu'au sens strict, l'assertion ne devrait renvoyer qu'au
certain positif, c'est-à-dire à l'opération assertive qui aboutit à une boucle parce qu'elle définit un
choix unique et non ambigu du centre attracteur 1. La négation est un non choix, ce qui conduit à
des valeurs indéfinies.
D'une façon générale, on peut dire que l'assertion, qu'elle soit négative ou positive,
consiste à poser un type de choix directement par rapport au domaine notionnel d'une relation
prédicative. Mais il peut arriver que l'énonciateur situe son choix sur un autre plan, ce qui
détermine un type particulier d'assertion que, dans un premier temps, nous illustrerons à travers
la modalité injonctive.
yn.4 L'INJONCTION EN YAOlJRE
L'injonction exprime un rapport inter-sujets. L'énonciateur, en tant que source de
pression, déontique ou non, exige que soit validée une valeur donnée d'une relation prédicative.
Nous nous limiterons à la fonne impérative de l'injonction pour analyser deux cas.
vn.4.1. L'INJONCTION POSITIVE
Nous trouvons un exemple d'injonction positive dans l'énoncé ci-dessous:
1
(12)
1
1
WL
toi+IMP
parler+0
-) Parle!
504
D'un point de we formel, l'injonction se réalise avec un tonème mi-haut (MH) sur les pronoms
sujets à ton lexical mi-bas (MB). Nous pensons que l'injonction exprimée en (1Z) a plusieurs
valeurs que nous voudrions passer en rewe en examinant le processus injonctif à partir du
graphe simplifié ci-dessous:
Schéma 84 :
<DO
A partir de ce schéma, nous comprenons que l'énonciateur, ainsi que le co-énonciateur
destinataire de l'ordre sont en lE, en tout cas dans un plan décroché du plan des choix des
valeurs pour que la visée-choix par rapport à ces valeurs ait un sens. Les chiffres entourés sur le
schéma (84) indiquent que l'acte de visée de la bonne valeur J, marqué par la flèche en pointillé
lE - - -) J, prend des sens variables en (TZ) selon la nature de la relation prédicative sous-
jacente.
D'abord, la relation prédicative en (1Z) peut être une relation saturée de forme
i .!. < (') vi > ; cela signifie que le sujet de l'énoncé Co (i) est en J (D, par conséquent
l'injonction ici voudra dire seulement "continue à parler", à travers la réalisation
Sd ~ <i .!. < (1) vi >. D'un autre côté, la relation prédicative de base peut être une relation non
saturée de fonne î ~ < ( ) WL > ; cela signifie que i est dans une valeur autre que J, soit en lE, soit
en E, soit en F. Dès lors, l'injonction viendra, à travers une source déontique (sd), viser la
saturation et la validation de la relation sous la forme
505
r-IMP,
,
sd .!! < i .!! < () WL >
En nous référant aux chiffres entourés sur le schéma (83), l'injonction voudra dire que soit le
sujet est en lE, ne fait rien, donc il faut qu'il soit en 1 et qu'il parle @, soit que le sujet est en E,
fait autre chose et il faut qu'il soit en 1 @, ou enfin que le sujet est en F et qu'il ne fait pas
exactement ce qui lui est demandé et il faut que ce soit le cas @. La valeur de l'injonction, bien
qu'elle consiste à viser la bonne valeur, a des effets de sens qui sont dus à la nature de la relation
prédicative à laquelle elle s'applique.
VIL4.2. L'INJONCTION NEGATIVE
Nous prendrons l'énoncé suivant:
(13)
të
i
wl
dL
IMP-NEG
toi
parler+RS
NEG
Signalons tout de suite que le marqueur de l'injonction négative se compose ici des corrélatifs
të ...d'L. sur lesquels nous allons revenir en présentant le processus de l'injonction négative à
travers le schéma suivant:
Schéma 85:
1 - - -
506
Ce schéma nous pennet d'expliquer le processus enjeu dans l'injonction négative en (13). Dans
un premier sens, comme nous l'avons vu pour (12), la relation prédicative de base peut être une
relation saturée de type i §. < {I} vi > et, dans ce cas, le sujet Co se trouve en I, la négation va
inverser le gradient d'attraction et l'orienter vers d'autres valeurs où il lui est donc demandé, en F,
CD de faire autre chose que "parler", c'est-à-dire de chuchoter par exemple, ou, en E ®, de faire
absolument autre chose. Dans un deuxième sens, nous pouvons avoir une relation prédicative
non saturée, ce qui veut dire que le sujet est soit en lE, dans ce cas, l'injonction refuse la
saturation et la validation de la relation «) wi> par rapport à i et, dans ce cas, le sujet reste en
lE et il ne doit pas "broncher" (ou même commencer à broncher) ®, ou bien, I lui étant interdit,
il fait autre chose, ce qui débouchera sur la valeur ® du premier cas.
Du point de vue du processus, comme on peut le voir, ~ apparaît ici, dans l'injonction
négative, comme l'équivalent de l'inverseur.Ki. dans l'assertion négative. tè est un inverseur de
gradient d'attraction qui agit comme un curseur négatif des valeurs puisque, rejetant I, il oriente
vers un choix multiple qui explique les valeurs CD ® et ® que nous venons d'identifier. Quant
à l'autre membre du marqueur d'injonction, c'est-à-dire ~, il a la même fonction que dans les
assertions négatives; il gèle le parcours effectué par tè en s'arrêtant sur la dernière occurrence de
la relation prédicative î s.. « ) wb, occurrence qu'il rejette par le fait même de la pointer en fm de
parcours, comme n'étant pas, de toute façon, une bonne valeur. Indiquer la mauvaise valeur ne dit
pas quelle est la bonne valeur. On s'aperçoit que la négation, même dans l'injonction, débouche
toujours sur une indéfinition, une indétermination irréductible.
VU.S. LA VISEE EN YAODRE
Nous nous proposons d'analyser l'opération de visée après en avoir défini le contexte.
507
VIT.S.I. LE CONCEPT DE VISEE
La visée consiste en la construction d'une occurrence de relation prédicative dans l'avenir,
quelles que soient la source et/ou les raisons de cette projection. Le plan de validation de la
relation est décroché du plan d'énonciation, c'est-à-dire du plan du repère origine Si~. Il s'agit
donc d'une occurrence idéalement posée et qui n'a pas de site objectif. Il faut préciser qu'à partir
de Si~, la relation n'est pas visée directement, elle ne l'est qu'à travers la visée du repère de point
de vue de So, soit T3=Sit~. Ce repère de point de vue, visé, est par conséquent en rupture avec
To, d'où la relation T3=T~ 0> To. C'est précisément par rapport à ce repère décroché, se situant
sur un autre plan, que peut se calculer l'occurrence projetée de la relation prédicative. Nous
verrons que c'est cette rupture qui permet à l'aoriste, et à un second niveau à l'accompli et à
l'inaccompli d'exprimer la visée.
Etant donné qu'on ne peut que difficilement avoir une rupture dans une rupture -
dans
ce cas, il y a un phénomène d'aplatissement des intervalles que nous avons vu dans le langage du
récit - , nous avons trois statuts possibles quant à l'occurrence de la relation prédicative visée en
représentation et qui peuvent être traduits par les relations suivantes : T2=#T3=T~ 0> T 0,
T2~T3=T~0> To ou T2=T3=T~ 0> To. Enfin, notons que du point de vue du domaine notionnel,
l'occurrence projetée sera construite en l, F, E ou lE ; on peut donc viser négativement ou
positivement, ou en dehors de cette dichotomie. Nous envisagerons deux cas, la visée immédiate
et la visée prospective.
VIT.S.2. LES DEUX TYPES DE VISEE EN YAOURE
VII.5.2.1. LA VISEE PROSPECTIVE
La visée prospective ou indéfinie consiste en la projection d'une occurrence de relation
prédicative dans l'avenir sans aucune balise formelle de repère de projection ou de visée. 1 TI en
1- Nous appelons rej)ère de visée Œ.Y) ou repère de projecùon l'espace-temps modal, ou le plan représenté du site
ou des coordonnées d'une occurrence de relaùon prédicative, tel que si l'on effectue la projecùon de ce site sur le
508
découle une visée indéfinie1 que peuvent éventuellement fixer des adverbes de temps tels que ~
"demain" ou li. "un jour". La visée prospective peut être formellement exprimée à l'aide de
l'aoriste, de l'accompli ou de l'inaccompli avec, comme nous allons le voir, des valeurs de volonté,
d'obligation ou de visée pure que nous expliquerons d'abord en tant que telles avant de revenir
un peu plus bas sur le processus qui les engendre.
A- L'EXPRESSION DE LA VOLONTE
ns'agit de la construction projetée d'une relation prédicative à partir de l'intention ou de la
volonté du sujet de l'énoncé. Ce type de construction se retrouve dans les énoncés suivants:
(14)
ci
kà
je
partir+AOR
- ) je suis décidé à partir
(15)
ci
k@
1
va
je
partir+ACC
déjà
-) je suis décidé à partir
(16)
ci
a/fi
km-na
je
Préd. partir+INAC
- ) je pars, c'est décidé
(17)
ci
kà
km-na
di
je
Nég.
partir+INAC Nég.
- ) je ne veux pas partir
L'interprétation de la volonté dans ces énoncés peut s'appuyer sur les schémas suivants où nous
écarterons pour l'instant volontairement l'explicitation de l'aspect:
plan de l'axe chronologique, le temps T2 de cette occurrence appartient nécessairement à l'environnement spatio-
temporel immédiat de Silo.
1- Ce caractère indéfmi explique que, lorsque le repère de point de vue ([3), le temps du procès (T2) et le repère
origine TofTo' coïncident ([2=T3=Toffo') - ce qui définit l'inaccompli -, l'on ait tendance à appréhender la
relation prédicative à travers To ou To', avec une valeur de visée immédiate; on comprend aussi que, comme
nous l'avons vu au point III.8.3. du Chapitre III, l'inaccompli négatif soit la fonne utilisée pour la négation de la
visée immédiate simple.
509
- affinnation
Schéma 86:
E_
F
J,,----
-né~ation
Schéma 87:
F
>[
~ E ou E
~
lE: Sito
lE: Sito
~lE:Sito
Pour ce qui est de l'assertion positive (schéma 86), si nous prenons l'énoncé (14), il est construit
sur la base d'une relation prédicative non saturée « ) k~ ( ) >, qui est repérée par rapport à.Q. à
travers la relation
d.~ <() k~ () >
510
sans identification, à ce stade, de.Q. à la place vide ( ). Le sujet énonciateur, en l, pour l'instant
T2=T3=T~ Cl) T0. effectue la saturation1et la validation de la relation non saturée par le biais de la
volonté ou l'intention de Co qui corncide ici avec So, ce qui nous donne
1
1
1
c5 ~ < () k6l () >
La validation de 1en T2 Cl) To est visée d'une façon privilégiée et renforcée, d'où la double flèche
sur les différents schémas; notons que, bien que 1 soit fortement sélectionnée, la valeur E n'est
pas écartée définitivement, car tout est à venir et rien ne peut être considéré comme définitivement
acquis. Enfin, pour le yaouré, ce type de visée n'a pas de marqueur explicite.
Quant à l'assertion négative (schéma 87), si nous prenons l'énoncé (17), nous avons à la
base la relation non saturée ci ~ «) k6l ( ) >. So vise en T2 Cl) T0 la non saturation et la non
validation de la relation en 1du fait de la volonté de Co, la marque de la non validation étant ici,
comme nous l'avons vu,l'inverseur !cà, d'où les valeurs possibles: "je ferai quelque chose de pas
tout à fait identique à 1", 'Je ferai autre chose", "je ne bougerai pas".
Notons par ailleurs que, cette construction étant fondée sur la volonté, cela implique des
contraintes sur la nature de Co. Pour l'assertion positive, Co doit être une première personne Q
"je" / Ü" nous" ou, à la rigueur, une troisième personne ~ "il" / Q. "ils". La deuxième personnel
"tu" /.kg, "vous" est exclue, car, engager, solliciter ou supposer la volonté de quelqu'un, comme
on le voit dans l'énoncé
(l8)
î
ka
tu
partir+AOR
- ) tu pars (tu dois partir)
revient à faire pression sur lui. Quant à l'assertion négative, la première personne exprime une
volonté fenne à travers un refus fenne, et, comme pour le positif, la deuxième personne
débouche sur une obligation forte, voire une interdiction comme le montre l'énoncé
1- Pour l'opération de saturation, on se reportera à CULIOLI, A. et DESCLES, J.P. (1982) : "Traitement formel
des langues naturelles", 2ème partie, in Mathématiques et Sciences Humaines, N° 78.
511
(19)
kd
kà
km-na
di.
vous
Nég.
panir+INAC Nég.
- ) Je vous interdis de partir
B- L'EXPRESSIONDEL'OBUGATION
La visée pression consiste à projeter la construction d'une occurrence de relation
prédicative sur la base d'une pression sur le premier argument. L'obligation est exprimée dans
les énoncés suivants :
(18)
i
kà
tu
partir+AOR
- ) tu dois partir
(20)
i
k~
tu
panir+ACC
- ) tu partiras
(21)
i
ja
k~-nà
tu
Pred
panir+INAC - ) tu dois partir
(22)
i
ka
kdl-nô
dl.
tu
Nég.
partir+INAC Nég.
- ) tu ne partiras pas
On peut partir des schémas qui ont servi de base à l'explication du processus de la visée volonté.
Pour l'énoncé (18), qui est une assertion positive différée, Sa vise en T2 co Ta la saturation ou la
validation de la relation prédicative non saturée ô ~ « ) k~> par le biais d'une source déontique
(Sd), origine de pression, laquelle peut être Sd=# Sa' d'où la relation
Sd~ <i~ <0 k~ 0>
En T2=T3=T~ CO Ta, cette relation est visée comme saturée puis validée par Sa sous la forme
i a < (') M) >. Notons qu'ici aussi, nous avons une double flèche marquant la force du choix
dans l'espace topologique de la relation. Pour ce qui est de la négation, en (22) par exemple, la
relation négativement visée pour une saturation et une validation est i ~ « ) k~> et suppose une
source déontique ; l'énoncé résultant a les valeurs déjà décrites plus haut.
512
Du point de vue des contraintes, le type de construction auquel nous avons affaire ici
suppose un terme de départ correspondant à une deuxième personne, à la rigueur à une troisième
personne, la première personne traduisant plutôt une volonté, une détermination comme nous
l'avons déjà souligné.
De façon générale, on note que la troisième personne apparaît aussi bien avec la volonté
que l'obligation. Cela semble pouvoir s'expliquer aisément. Dans un échange de type je-tu, il est
moins ambigu d'avoir à faire part à "tu" de la volonté d'une tierce personne que de jouer sur la
volonté du co-énonciateur ; il est tout autant moins risqué de transmettre un ordre à une tierce
personne en utilisant "tu" comme relais que d'avoir à le faire dans le cadre d'une relation directe
inter-sujets je-tu.
ç - LA VISEE PURE
La visée pure peut apparaître dans les énoncés ci-dessous:
(23)
a
kà
tré
je
panïr+AOR
demain
-) je pars demain
(24)
kG)
kcil
nous
partîr+ACC
- ) nous partirons
(25)
a
â
kcil-na
je
Préd
partir+INAC
-) je partirai
(26)
a
ka
kch-nd
di.
je
Nég.
partir+INAC Nég.
-) je ne partirai pas
En nous référant aux mêmes schémas que précédemment, nous dirons que ces énoncés sont le
résultat de la validation en T2 ro T0 des occurrences des relations prédicatives as.. « ) kcil >,
kG) ~ <() kcil >.
513
A la différence de la volonté et de l'obligation, la visée pure apparaît comme une
validation ou une non-validation projetée dans l'avenir en dehors de toute autre source que celle
qui consiste pour Sa à envisager une relation T2 CJ) Ta.
Pour ce qui est des contraintes relatives à la visée pure, retenons qu'on ne pourrait pas
avoir la deuxième personne comme Co, car cela ferait immédiatement resurgir les rapports Înter-
sujets avec une valeur déontique évidente comme en (21) î jl k@-nb et (22) î kà keh-nÔ dl.. Nous
en tirons que, selon la nature du terme de départ Co, et selon la valeur construite du domaine
notionnel de la relation, le sens de l'énoncé résultant peut basculer vers une volonté, une pression,
ou une visée pure.
VII.5.2.2. LA VISEE IMMEDIATE
La visée immédiate consiste, à l'aide d'une balise formelle de repère de visée, en la
construction d'une occurrence de relation prédicative dans un avenir très rapproché, sans que l'on
puisse exprimer cette proximité en termes véritablement métriques, -
cela n'aurait d'ailleurs
aucun sens. Il semble qu'à ce niveau, l'opposition volonté/pression, bien que non exclue, soit
souvent mise entre parenthèses au profit d'une simple visée en T2 CJ) Ta dans un avenir
"immédiat". La balise formelle du repère de visée est le marqueur ta qui, sans doute, partage avec
le verbe tà "venir" le fait qu'il renvoie aussi à un "mouvement". La visée immédiate, elle aussi,
privilégie soit positivement, soit négativement une zone du domaine de la relation prédicative.
Nous distinguerons deux cas selon le nombre de repères de visée.
A- LA VISEE A PARTIR D'UN SEUL REPERE IEo
li s'agit de ce que, au point III.6.3. du Chapitre III, nous avons appelé visée immédiate
simple (VIS). C'est le cas où le repère de visée est situé directement par rapport à Site. Il est
illustré par les exemples suivants:
514
(27)
a
ta
kol
je
AUX partir+AOR
- ) je suis sur le point de partir
(28)
a
kâ
keh-na
dL
je
Nég.
partïr+INAC Nég.
- ) je ne suis pas sur le point de partir
Les énoncés (27) et (28) peuvent être explicités à partir des schémas ci-dessous:
Schéma 88 :
(27')
(281
F
-3-
F
E
-3- E
En (27) et (28), So vise, en T2 co To, la relation prédicative ci « ) kcil> ; HIa vise en l, de façon
respectivement positive et négative, avec les implications référentielles que l'on sait pour (28).
B- LA VISEE A PARTIR DE DEUX REPERES lE 1J!llE.o
C'est la visée que, au point ID.6.4. du Chapitre ID, nous avons appelée visée immédiate à
repère décalé (VRED). Ici, le repère de visée lEI est décalé et en rupture par rapport à 1Eo. C'est
ce que nous avons dans les énoncés
1- En (27), l'auxiliaire ou le prédicatif Ii est le repère de visée. En (28), dans le cadre de la visée à un seul
repère, Il n'apparaît pas à la négation, et, comme nous l'avons dit au point III.6.3., c'est l'inaccompli négatif qui a
valeur de négation de visée simple.
515
(29)
d ta
ta-a
km-leI
je AUXI AUX2+AOR partir-Sit
- ) je vais bientôt partir
(30)
d ka
til-n&
kàl-n&
di.
je Nég. AUX+INAC partir+INAC Nég. - ) je n'envisage pas de partir dans l'immédiat
que nous pouvons analyser à partir du schéma ci-dessous:
Schéma 89:
lE 1 ro lE 0 : Sito
tà-â
(tâ)
De IEo, So vise un autre repère, décalé dans l'avenir d'où il vise une occurrence de la relation
prédicative Â, d < () kàl >, en T2= 1;tT3 = T~ ro To. Cela se traduit, pour (29) par exemple, par la
glose : "je vais bientôt être en situation (lE}) de pouvoir viser <Â> en 1 dans un avenir (T2)
proche". Notons que dans la forme positive en (29), le procès principal kàl, qui n'est que visé,
apparaît sans référentiel et trouve un ancrage situationnel dans la particule lE. On peut expliquer
cela par le fait que la présence d'un second repère de visée, tà-a. fait écran au procès kQ. et
l'empêche d'être visé comme aoriste *kQ.. Nous nous retrouvons donc avec une base qui n'a
aucun appui référentiel; la particule l€ intervient alors comme un point d'ancrage incontournable
et crée un site pour le procès kàl.
Par ailleurs, dans la forme négative (30), seul le second auxiliaire demeure et prend la
marque de l'inaccompli pour exprimer la visée.
1- Dans le complexe lâ..à.:i., on peut ne garder que Ii:i. en sous-entendant li; l'énoncé (29) a donc pour
équivalent 4 tà-à 1c.@-lÈ.
516
C-LA VISEE A PARTIR DE TROIS REPERES IE2~1E.J miEo
Ce cas illustré par l'exemple ci-dessous:
(31)
a
ta
tà-à
ta-le
kàl-l€
je
AUXI
AUX2 AUX3-Sit
partir-Sit
'Je vais bientôt envisager de partir"
- ) j'envisage de partir bientôt
Cet énoncé correspond au schéma ci-dessous:
Schéma 90 :
F
-3-- E
lEz.!! lEI co lEo
ta-l€
tàà
LW
Le procédé demeure le même, sauf que So se place à trois niveaux successifs, lEo, lEI. 1E2, le
premier niveau étant disjoint du deuxième, le troisième étant celui d'où la visée s'opère.
On peut noter que cet emboîtement de repères se rapproche un peu, dans la forme et dans
le résultat, de ce que nous examinerons au niveau des repères fictifs. TI semble qu'ici nous ayons
un résultat comparable: on aboutit en fait, de la part de So et/ou Co, du fait de ce télescopage de
repères de visée qui font écran à la visée, à une hésitation, une indécision, une incertitude; le plan
de la visée reculant, recule aussi la visée qui se décolore.
En exagérant, -
et cela relèverait d'une situation où l'on rechercherait des effets
particuliers - , on pourrait avoir quatre repères de visée; mais, avec un énoncé (?) tel que
517
(32)
??
a
ta
tà-à
ta-le
tà-le
km-le
je
AUXI AUX2 AUX3 AUX4 partir
on aura , pensons-nous, franchi les limites de l'acceptable.
Pour clore cette Section, il convient de noter que la visée peut être effectuée à partir d'un
repère passé quel que soit le type de visée. Nous sommes alors dans la visée translatée dont
nous donnerons un exemple.
VII.5.2.3. LA VISEE. TRANSLATION ET FILTRAGE
On constate qu'à partir d'un repère de point de vue (T3) antérieur à To, la borne droite
fermée, qui défmit l'accompli à travers la relation T2;tT3, ne peut plus exprimer une visée; il ne
peut donc pas y avoir de translation dans le passé pour la visée d'accompli. Par contre, avec
l'inaccompli et l'aoriste, on peut avoir une visée à partir d'un repère antérieur à T0' ce que
montrent les énoncés suivants :
1
(33)
St
(6e)
të
za
â
tà-n~
t
t
hier
(TH)
Anaph. Jean
Pred
venir+INAC
- )
hier, Jean envisageait (projetait) de venir
(34)
1
St
(6e)
të
za
,a
vë
1
e
tà-a
t
t
hier
(TH)
Anaph. Jean
cela
dire+AOR lui
venir+AOR
- )
hier, Jean disait qu'il viendrait
(35)
si
(6e)
të
zd
ta
tà-a
t
t
hier
(TH)
Anaph. Jean
AUX
venir+AOR
- )
hier, Jean était sur le point de venir
En nous référant à l'analyse de la visée prospective et de la visée immédiate, il apparaît que nous
les retrouvons respectivement en (33) et (34) pour le premier type, en (35) pour le second. Dans
une telle translation, comme cela apparaît dans les trois cas, le repère passé (ici .il "hier") est
nécessairement repris par un anaphorique qui est ~.
518
Enfm, il est intéressant de noter que la translation dans le révolu réduit le nombre de
repères de visée à un seul. Ainsi, on ne peut avoir
(36)
*zc5
à
.1
1
Jt,
st,
të
ë
ta
tà-à
kGS-IÈ
Jean
le
voir+ACC
hier
Anaph
il
AUXI
AUX2
partir-Sit
,
.
(37)
*zc3
• 1
a
Jt,
St,
të
e
ta
tà-à
ta-IÈ
km-IÈ
Jean
le
voir+ACC
hier
Anaph
il
AUXI
AUX2
AUX3
partir-Sit
Qu'il s'agisse de la visée prospective ou des trois degrés de la visée immédiate, qu'il y ait
translation ou non, il apparaît que la visée est le produit d'un décrochement comme nous
l'annoncions dès l'introduction à cette section.
Vll.S.3. LA VISEE COMME CONSTRUCTION AORISTIQUE
Si le décrochement est un trait définitoire de l'aoriste, on peut montrer que l'accompli et
l'inaccompli peuvent être construits en représentation et prendre alors les valeurs de visée que
nous leur avons reconnues dans les sections précédentes. Nous nous attacherons à expliquer le
processus de visée en oeuvre dans les trois cas:
VII.5.3.1. LA VISEE D'AORISTE
TI s'agit de la visée de l'intervalle neutre que nous avons appelé aoriste. Nous en trouvons
un exemple dans l'énoncé suivant déjà cité:
(14)
c5
kà
Je
partir+AOR
je
pars
- ) je suis décidé à partir
Cette visée a la représentation suivante:
519
Schéma 91 :
l
l
kà
.1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 "
.
-T~
~CJ)
Lr----slL-(-s0-'T-OY-)
-...,.
L'aoriste qui, par essence, construit toujours une occurrence de procès en dehors de tout
référentiel spécifique, donc par rapport à tous les types de référentiel, est l'aspect qui représente
le plus fortement la rupture de l'instance de l'événement (T2) avec le repère origine To par le biais
de la relation T~ CJ) To. On comprend que cette construction soit compatible avec l'adverbe li ou
Ü-pei "un jour à venir" 1 dont nous avons dit qu'il exprime le décrochement absolu, que ce soit
pour renvoyer au révolu Qi-l1bo) absolu sur l'axe du temps, ou à l'avenir le plus lointain
(ll-llpcH ), voire inaccessible.
La visée d'aoriste exprime une rupture; elle est donc un aoristique, qui a ici une valeur
modale de détermination ou de visée pure. Il convient de noter que la non spécification du
rapport de repérage entre T2 et T3, qui peut être T2=T3, T2;i!:T3, ou un mixte des deux, entretient
une ambiguïté quant à la représentation du choix entre l'accompli, l'inaccompli et le permanent,
ambiguïté dont il faut convenir qu'elle est fondatrice de l'aoristique absolu que nous avons avec
cette forme en (14).
1- Avec li-Il-pei en particulier, on a la glose significative: "à aussi loin que cela puisse repousser dans l'avenir".
520
vn.5.3.2. LA VISEE D'ACCOMPLI
On peut viser un procès comme accompli :
(15)
~
kG!
va
je
partir+ACC
déjà
- ) je suis résolu à partir
(38)
î
kà
ë
pei
bJ
mourir+ACC cela
fmir+ACC
tu es mon c'est fini
- ) tu mourras/tu es condamné à mourir
La visée exprimée dans les énoncés (15) et (38) peut avoir la représentation suivante :
Schéma 92 :
E J----~---{
kQ/kà
,""""""',
.
Tlo
n
Cl)
~II-~
Dans ces énoncés à l'accompli, ce qui est en fait visé à panir de T0' c'est un repère décroché de
point de vue T3=T~, par rappon auquel un procès est appréhendé en représentation comme
accompli avec pondération du processus (partie en trait plein) ou de l'état résultant (partie en
pointillé) selon l'intention ou le contenu de visée de l'énonciateur 50' La rupture entre To et T~
est, par transitivité, une rupture avec T2, le moment repère de l'événement, ce qui défmit ainsi un
aoristique d'accompli. Cette construction, comme nous l'avons vu, a essentiellement une valeur
modale soit de détermination fone, de volonté ferme, soit de projection pure et simple dans
l'avenir, d'où les valeurs "je suis décidé à partir" (15), "tu es condamné (à mourir)" (38).
521
VII.5.3.3. LA VISEE D'INACCOMPLI
On peut aussi viser un procès comme étant en cours d'accomplissement. Nous en avons
un exemple dans l'énoncé suivant:
(16)
d
i
kc5-na
je
Préd
partir+INAC
je suis en train de partir
- ) je suis décidé à partir
dont la valeur aoristique peut avoir la représentation suivante:
Schéma 93 :
=
Nous constatons aussi que la visée d'inaccompli est une rupture avec To. C'est un aoristique qui,
comme précédemment, a une valeur modale de volonté affIrmée, d'intention déclarée. Dans une
telle situation, malgré l'ouverture de la borne droite, le procès est saisi globalement comme un
point du fait de la rupture.
522
VII.5.3.4. LA VISEE TRANSLATEE
Les exemples (33), (34) et (35) analysés plus haut correspondent aux constructions
suivantes:
Schéma 94:
(33')
tà-na
"""""" T~
n
co
~II-------,
/sito<So,Toy
oF
(34') et (35')
l ~aI
""""""'
.
.
-T~~co
/---S-it-o'(~-o;-T-O?-7-"'7
523
A partir de Silo'. So' envisage le proc~s.li. comme visé. donc en rupture avec Silo'. le
repère translaté. Ainsi. le ~s envisagé comme validable est préw. à partir de n "hier". pour
avant To• pour To ou après To aussi bien en (33') qu'en (34'). La valeur aoristique demeure. ce
qui n'exclut pas la valeur modale de la construction.
L'analyse des énoncés (14) à (38) sur la base des différentes situations que nous avons
décrites montre que la construction des relations prédicatives sous-tendant ces énoncés est
fondée sur un hiatus entre le plan d'énonciation origine et le plan de validation de ces relations.
C'est ce hiatus ou cette distance qui définit la rupture engendrant la visée. Dès lors, il devient tout
à fait compréhensible que les constructions aspectuelles que sont l'accompli et l'inaccompli et
dont nous connaissons les paramètres fondateurs puissent. au même titre que l'aoriste pur.
exprimer la visée. le plus souvent d'ailleurs avec une plus grande force.
A ce stade de notre enquête sur les opérations modales. nous pouvons nous permettre de
faire le point sous la forme d'un simple constat: qu'il s'agisse de l'affirmation. de la négation. de
la visée. nous avons affaire. au sens large. à l'assertion. celle-ci pouvant apparaître sous une
fonne positive. négative. ou différée. Mais elle peut également faire l'objet d'un dosage de la
force de conviction qu'y met le locuteur par rapport à un couple de paramètres tel que le couple
vrai/faux. C'est ce qui aboutit aux modulations modales. que nous nous proposons d'examiner
avant d'aborder l'analyse des modalités hypothétique et interrogative.
VD.6. LES MODULATIONS MODALES
Il est des cas de validation de relation prédicative qui se traduisent par des degrés
variables de certitude. l'énonciateur ne pouvant garantir le rapport entre la relation prédicative et
la situation d'énonciation. ou ne pouvant le faire que par le biais d'un relais. tel que le sujet de
l'énoncé Co. C'est ce type de validation qui conduit à un genre de statut modal que nous
appellerons modulation modale et dont nous distinguerons deux types : les modulations sur le
non-actuel et les modulations assertives.
524
Vll.6.1. LES MODULATIONS ASSERTIVES
Les modulations assertives, au sens strict, relèvent de l'acquis que définissent le révolu et
l'actuel. C'est le domaine logique du certain, mais un énonciateur peut ne pas disposer de tous
les éléments lui permettant d'entériner, de valider l'ancrage absolu d'une relation prédicative dans
un référentiel. TI lui est alors loisible de prendre une certaine distance par rapport à cet ancrage,
et ceci débouche sur une modulation plus ou moins prononcée selon le degré de distance que
l'énonciateur croit devoir observer. Nous envisagerons deux cas selon le degré de la distance.
VII.6. 1. 1. LE CONTINGENT
Le contingent est illustré dans les exemples ci-dessous:
.
(39)
ë
tà
pt
il
venir+ACC
peut~tre
-) il est peut~tre arrivé
.
(40)
ë
ji
pt
tà-na
il
Préd
peut~tre
venir+INAC -) il est peut~tre en chemin
Ces énoncés, nous pouvons les interpréter à l'aide du schéma suivant:
Schéma 95 :
~_FJI--
525
En (39) et (40), on évalue les chances de validation de la relation prédicative en T2~T3=To (39)
"il est peut être arrivé" et en T29=To (40) "il est peut être en chemin". Dans les deux cas, la
modulation s'exprime ici à travers le possible bilatéral ou contingent, dont le marqueur est 121
"peut-être", et qui défInit une équipondération de 1et E, c'est-à-dire qu'il traduit qu'il y a autant
de chances pour que les relations concernées en (39) et (40) soient validées que de chances
contraires.
On peut trouver d'autres formes exprimant le contingent, comme on le voit dans
l'énoncé :
(41)
(tè)
ë
tà
01
Pl
il
venir+ACC
P6
-) Peut-être est-il venu
où le schéma suivant nous montre une opération intéressante
o
1 ------------------> E
(2)
~~
~
~
~
~
~
,,' ~
,
,
,
lE
Dans l'énoncé ci-dessus, la particule œ. apparaît facultativement. Mais ce marqueur, au-delà de
son statut spécifIque de marqueur de protase, est un marqueur d'opération de représentation. En
(41), il sert ainsi à décrocher la relation prédicative ê .!.. < {I} 113. > d'un référentiel objectif pour
1- En référence au tableau des marqueurs (Tableau XXIV), nous préférons noter ces particules énonciatives sur la
base de leurs indices, quitte à revenir ensuite sur l'analyse de leur référence.
526
n'en faire qu'une représentation en 1<D ;comme il s'agit d'une simple représentation, elle ne peut
être posée sans sa valeur complémentaire E ~, laquelle valeur est explicitement désignée par le
vecteur-opérateur Q; le tout débouche ainsi sm un paICOUI'S sur 1et E, ce qui nous ramène en lE
@, c'est-à-dire la position où nous ne pouvons pas trancher, et nous avons alors une
équipossibilité de 1et E, donc une contingence.
De même, si nous avons un énoncé assertif négatif comme
(42)
zc1
ka
pt
tà-If
di
Jean
Nég.
peut-être
venir+ACC Nég. -) Jean n'est peut-être pas venu
le processus de la modulation demeure le même puisque l'inverseur est appliqué au gradient
d'attraction, mais avec moins de force cette fois, d'où l'emploi de là "peut-être", ou encore la
construction avec le vecteur Q :
(43)
(tè)
zc1
ka
tâ-Iè
di
à
Pl
Jean
Nég.
venir+ACC
Nég.
P6 - ) Jean n'est peut-être pas venu
VII.6.1.2. LE PROBABLE
Le probable exprime qu'une relation a une plus forte chance d'être validée que de ne l'être
pas. On trouve le probable dans les énoncés ci-dessous :
(44)
zc1
tà
nO
Jean
venir+ACC
là-bas
- ) Jean est probablement arrivé
(45)
zc1
cï
tà-na
nO
Jean
Pred
venir+INAC là-bas - ) Jean est probablement en chemin
Nous ferons une analyse rapide à partir du schéma simplifié ci-dessous:
527
Schéma 96 :
1
On a la validabilité de la relation saturée ta ~ < 6 œ. > avec une forte pondération de l, d'où
une double flèche sur le schéma (96), qui n'écarte pas pour autant E, sinon on aurait une boucle,
donc une assertion stricte. Les gloses de (44) et (45) sont respectivement: "il est probablement
venu", "il est probablement en chemin". L'unité.o.A est un adverbe signifiant "là-bas". Mais ici, il
a un emploi abstrait, métalinguistique, car il est la trace de la distance que l'énonciateur maintient
entre le plan du repère origine et le plan de validation de la relation prédicative. On pourrait
même dire que n4 est l'image du plan de validation où, si So s'y trouvait, nous aurions une
assertion stricte avec une boucle: m.tà. "Jean est venu".
Enfin, les exemples suivants nous montrent d'autres procédés de distanciation avec valeur
de probabilité :
(46)
z4
k~a
d~
Jean
falloir-être+AOR
gros
- ) Jean doit être gros
(47)
m4~
jë
lé
z4
tà
Je+lui
voir+AOR
comme
Jean
venir+ACC - ) Je pense que Jean est anivé
En (47) le tour "je vois" ou "je pense" introduit nécessairement une distance qui exprime une
probabilité. Quant à (46), ainsi que nous le notions au point IV.2. 1. l.B, note 2, Chapitre IV, le
yaouré a un prédicat particulier,~, qui devrait être rendu en français par devoir+être, "devoir"
devant être pris au sens logique. On peut aussi dire que.kà a pour équivalent "falloir-être". Ce
prédicat yaouré traduit donc une exigence dont la nature peut varier et couvrir le moral, le
528
rationnel pour ne citer que ces deux domaines. Le sémantisme de ce prédicat permet qu'on puise,
à travers lui et dans le domaine du certain, poser une relation comme rationnellement,
moralement exigible, d'où la valeur de probabilité qu'on trouve en (46) et dans l'énoncé suivant
qui est à l'acquis :
(48)
e
kwl
lé
z4
tà
cela devoir-être+AOR Sit
Jean venir+ACC
falloir être+AOR
çà
"doit être"
que Jean est venu - ) il est fort probable que Jean soit venu
Nous retrouverons naturellement ~ dans le non-actuel.
Nous venons donc de voir que, à travers le probable et le contingent, on peut évaluer le
degré de validabilité ou d'ancrage d'une occurrence de relation prédicative en situation, et ceci
dans le cadre de ce qui appartient au domaine de l'acquis au plan aspectuel. nnous faut à présent
examiner les degrés de validabilité d'une relation prédicative projetée dans l'avenir.
VIL6.2. LES MODULATIONS SUR LE NON-ACTUEL
Ce type de modulation porte sur les relations prédicatives dont la validation est envisagée
dans l'avenir; il s'agit de modulations sur de l'incertain pour évaluer les chances de validation
qui, dès le départ, sont marquées par l'incertitude. Nous verrons quatre cas : le nécessaire, le
probable, le possible et le contingent
Vll.6.2.1. LE CONTINGENT
Le contingent, que nous avons déjà défini au point précédent, est illustré dans les
exemples suivants:
(49)
zc5
ci-à
pt
Jean
venir+AOR
peut-être
- ) Jean viendra peut-être
529
•
(50)
~
zc5
tà-a
è
Pl
Jean
venir+AOR
P6
- ) Jean viendra peut-être
L'aspect verbal à l'aoriste correspond bien à la visée qui est, comme nous l'avons w, une rupture
avec To. Du point de vue modal, dans ces ~nonc~s, si nous nous réf~rons au schéma du
contingent relevant du révolu, nous avons une visée de la valeur 1en T2#=T3=T~ CJ) To, mais il
n'y a pas élimination de E, et avec le marqueur ~ 1et E sont équipossibles dans l'avenir.
VII.6.2.2. LE POSSmLE
A- LE rOSS/BLE UN/LATERAL
Le possible qu'on appelle unilatéral se distingue du contingent ou possible bilatéral dans
la mesure où la source de la relation sur laquelle il porte privilégie un seul chemin, celui de la
validation en 1de cette relation. Ceci vient du fait que la modulation dépend du pouvoir effectif,
de la capacité effective ou supposée de Co, donc de la propriété de Co que l'énonciateur pose à
travers un opérateur ; il s'ensuit que, la propriété du terme de départ étant posée, la relation
prédicative dont Co instancie une place ne peut être, pour cette propriété, être conçue que comme
validable en T2 CJ) To, d'où la possibilité unilatérale, que nous trouvons dans l'énoncé ci-dessous
où dï et i, comme nous le montrerons tout à l'heure, n'ont pas de sens en eux-mêmes, mais sont
des appuis référentiels ou situationnels nécessaires dans ce genre de construction en
représentation :
(51)
za
kulà-md
WL-dï
à
Jean
pouvoir+AOR parler-Sit
Sit
Cet énoncé, nous l'expliciterons à partir du schéma suivant:
530
Schéma 97 :
1
E
1 E : Sito
La relation prédicative z4 ~ « ) WL> est une relation non saturée. mais repérée par rapport à
kùJ8.
Jean. A travers la relation lf ~ <[> vi >. l'énonciation pose sa saturation et sa validabilité en
T2=#T3=(T~ k co To. c'est-à-dire par rapport à un repère (T~ k qui est nécessairement en
rupture avec T0 du fait de son indéfmition fondatrice et du fait qu'il représente une classe de
repères. une classe k de situations dont l'actualisation de chaque occurrence constitue à chaque
fois une occasion pour la manifestation de la propriété « ) WL>. La validabilité passe donc par
l'affirmation d'une propriété. L'opérateur .ûlL. "pouvoir" représente cette validabilité
panchronique par rapport à une propriété et définit en même temps cette distance maintenue tant
qu'on a la rupture T2 co To. C'est pour cela que.kilt. dans le révolu. implique une validation
effective. puisque T2;1!:T0 implique un acquis et nous avons une distance zéro et une boucle.
Ainsi, dans l'énoncé
(52)
z4
kitlà
wl-di.
à
Jean
pouvoir+ACC parler+Sit
Sit
-) Jean a pu parler
nous avons une validation effective "Jean a pu effectivement parler".
La propriété qui est potentielle parce que suspendue à kitla est à distinguer de la
propriété définitoire qu'il y a dans l'énoncé
(53)
zo
wé
Jean parler+AOR -) Jean parle (propriété caractéristique =c'est un bavard/un tribun)
531
où nous avons une relation saturée iâ.!!. < 6 vi > qui exclut tout hiatus à combler entre Co et
«) wÎ>.
Pour en revenir à l'explicitation de met i de l'énoncé de "pouvoir" en (51) et (53), nous
dirons que l'auxiliaire W , qui signifie "pouvoir", apparaît comme une classe k de situations de
réalisation d'une propriété définie par un procès, en l'occurrence m, et cela a pour contre-partie
nécessaire une classe d'occurrences de ce procès à laquelle correspond aussi une classe de
points d'ancrage situationnel dont mest l'image contrainte. Chaque fois que la propriété WL se
réalise, elle a un site spati~temporel garanti par mcomme classe de repères.
De ce fonctionnement nous pouvons tirer que la validation de la relation prédicative,
appréhendée nécessairement à travers les propriétés du sujet de l'énoncé Co. est effective si nous
sommes dans l'actuel, c'est-à-dire le présent (rime) ou surtout le révolu; mais elle est en
représentation, c'est-à-dire simplement envisagée à un niveau notionnel si nous sommes dans le
non-actuel. Dans les deux cas, ce qui importe, ce n'est pas directement le caractère effectif de la
validation, mais l'investissement spati~temporel concret de la capacité de Co qui, lorsqu'il est
vérifié, correspond à une validation effectuée et effective de la relation prédicative comme en
(52). TI s'ensuit que, de toute façon, le procès est surtout saisi en représentation même si, dans le
cas du révolu, représentation et investissement objectif coïncident. En fait, il s'agit, en (52), d'une
relation prédicative validée par rapport aux propriétés de Co.
Quant à la particule i. on peut lui donner l'explication suivante. L'auxiliaire kithL
définissant en (51) et (52) une capacité du sujet km, donc une classe k de situations, garantit a
priori toute manifestation concrète du procès n. Cela veut dire que la classe de référentiels
(Sit~)k du modal .IWt coïncide avec, ou est concomitante de la classe de référentiels (Sit~)k de
WL et, dans ce cas, en yaouré, cette concomitance a nécessairement une image en surface qui est
i. On aura compris qu'en (5I) et (52), nous avons, avec i. affaire à l'image d'un référentiel
synthétique en représentation puisque, dans le cas d'espèce, .kilL "pouvoir" ne définit
532
directement qu'un non-actuel, lequel n'est, par définition, concevable qu'en tant que
représentation.
B- LA PERMIssION
La pennission peut être exprimée à l'aide de l'énoncé ci-dessous:
(54)
ô
kà
ils
partir+AOR - ) ils s'en iront
Compte tenu de l'aspect aoristique du procès, cet énoncé est ambigu, mais nous ne prendrons ici
que le sens de "ils partiront", "ils pourront partir". Ici également, So se situe dans un repère
décroché. A partir de la relation prédicative non saturée
ô~ <() kG»
l'énonciateur envisage en T2 co T0 la saturation et la validation de cette relation grâce à une
source déontique qui accepte de ne pas faire obstacle, car, selon le statut qu'on a dans un groupe,
on est susceptible, à tout moment, de bloquer la validabilité d'une relation ou de ne rien faire
pour que ce soit bloqué. La saturation et la validation de notre relation ici se présente donc ainsi :
1
l ,
Sd ~ < ô ~ < () kc.il>
La source déontique ne fait pas obstacle; nous avons une propriété conférée qui n'a pas ici en
(65) de marque en surface. Cependant, l'autorisation ou l'absence d'obstacle peut être exploitée,
mise à profit ou non par Co, nen résulte que, quoique 1soit pondéré, nous pouvons avoir 1ou E,
d'où le schéma :
533
Schéma 98 :
1
où la non exploitation de 1visée nous conduit à F et en E, donc en lE, avec, pour résultat, un
léger chevauchement avec la valelU' de contingence.
yn.6.2.3. LE PROBABLE
TI s'agit de la transposition dans l'avenir d'une forte chance de validation d'une relation
prédicative. On retrouve deux des procédés que nous avons étudiés polU' le probable au révolu et
à l'actuel (exemples (47) et (48», c'est-à-dire les constructions avec.ii "voir", ~ "devoir/falloir-
être le cas". Le probable projeté apparaît dans les énoncés suivants :
(55)
mcia
jé
lé
zci
tà-a
je+lui
voir
Sil
Jean
venir+AOR
- )
Je pense que Jean viendra / Jean viendra probablement
(56)
é
k~à
lé
zci
tà-a
Cela
devoir-être+AOR
Sit
Jean
venir+AOR
falloir-être+AOR
ça
doit être le cas
que
Jean viendra -) Jean viendra probablement
Nous voyons, dans ces énoncés, apparaître.lé... la trace de la représentation de la relation
prédicative, compatible avec "je vois que", "cela doit être le cas que...".
534
vn.6.2.4. LE NECESSAIRE
Ici, il s'agit du cas où la validation est exigée par des contraintes diverses d'ordre logique,
légal, naturel, ceci n'excluant pas que So se compone comme mandataire de l'une ou l'autre de
ces sources déontiques ou de pression. Le nécessaire peut s'exprimer à travers les énoncés
suivants :
(57)
0
là-a
ils
venir+AOR
-)
ils viendront, ils n'ont pas le choix
(58)
waiâ
ta-à
di.
ils+Nég venir+AOR
Nég -) ils ne viendront pas Ge ne vois pas comment ils le
pourront)
Ces énoncés peuvent être interprétés à partir des schémas ci-dessous :
Schéma 99 :
(57')
(58')
1
E
1
E
1 E : Sito
1 E : Sit o
Se situant en lE, dans le cadre de l'assertion positive (57), ou de l'assertion négative (58),
l'énonciateur pose que pour la validation de la relation prédicative sous-jacente, il n'y a qu'un seul
chemin (57'), c'est l, ce n'est pas possible que ce soit 1 (58'). Si nous prenons l'exemple (57), à
partir de la relation prédicative non saturée
oz<()là>
535
l'énonciateur dit que des forces ayant ou prenant un statut de source déontique font que, en T2 ro
T~, la relation donnée sera saturée et validée sous la fonne
i l "
ô~<()ta>
Ne coïncidant pas avec le plan de validatioo, la nécessité n'implique pas effectivité et le maintien
de <Â> en lE laisse toujours la possibilité qu'à l'instant T2, nous ayoos E, c'est-à-dire un chemin
autre que celui préalablement visé.
Au total, qu'il s'agisse du révolu, de l'actuel ou du non-actuel, la modulation de la
validation d'une relation prédicative est constante en yaouré, au moins autant que l'expression de
la coïncidence absolue de la relation prédicative avec un référentiel objectif comme dans le cas de
l'assertion positive stricte.
Nous aimerions à présent examiner une autre manière de présenter une relation
prédicative. Au lieu de moduler sa validation, on peut la poser comme validée, mais sur un plan
imaginaire.
YU.7. L'ASSERTION FICTIVE ET L'HYPQTUESE EN YAOUBE
Nous préciserons d'abord le concept d'assertion fictive avant d'étudier un cas particulier
de construction fictive, l'hypothèse.
VU.7.!. LE CONCEPT D'ASSERTION FICTIVE
L'assertion fictive consiste à construire une occurrence de relation prédicative par rapport
à un repère imaginaire que, à la suite d'Antoine CULIOLI, nous noterons Sit~ ; ce repère,
construit à partir de l'origine absolue Silo, est dans une relation complexe avec celle-ci, relation
notée Sitt*Sito. l'étoile (*) représentant le fictif.
536
Nous noterons bri~vement que la relation SitA*Silo est composite, puisqu'elle représente
plusieurs types de relations. En effet, nous pouvons dire : "imaginons-nous une situation-re~
qui soit 'maintenant' (Silo)", d'où une identité fictive SitA=Silo ; "imaginons-nous une situation-
repère qui soit dans le plan de 'maintenant' tout en différant de 'maintenant' puisqu'appanenant à
l'avant - maintenant", d'où la différence au fictifSit~Silo ; ce peut être: "imaginons-nous une
situation-repère que nous ne saurions situer que de façon non définie par rapport à hic et nunc,
donc en rupture avec 'maintenant"', d'où Sitl CI) Siro. Quel que soit le rapport de SitA à Silo dans
les trois cas, SitA demeure une situation fictive, et c'est par rapport à elle en tant que re~ que
sera repéré l'événement Sit2 représenté par une occurrence donnée de la relation prédicative. On
remarquera que le choix fictif sur le domaine notionnel étant fait par l'énonciateur, c'est bien
évidemment par rapport au paramètre temporel fietifT~ de SitA que se calculeront les T2 de Sit2
en tennes d'identité (f2=T~, de différence (f2i!T~, ou de rupture (To CI) T~, avec, bien entendu
le cas échéant, le filtrage que peut nécessiter ou impliquer tel ou tel type de relation entre SitA et
Silo·
Ainsi, à partir de Sitl on construit une assertion positive ou négative; on procède comme
si on était en Siro. En fait, nous sommes en présence d'une Silo simulée. De façon générale, la
construction fictive peut être traduite par la relation générale:
< Sito * SitA ~ ~ ~ e < <'> rb >:> > ou < ~ ~ e < {I} rb >:> E SitA * Sito >
3
2
- 1
123
32
- 1
1 2 -
3
Le repérage fictif se retrouve en yaouré dans toutes les constructions imaginaires, dans les
discours apparentés ou assimilables en tous points au discours des reportages de match, dans le
discours ludique, dans le langage de description de certains types d'activités coextensifs à l'acte
verbal de description etc. Pour l'étude du fictif, nous retiendrons le cas de l'hypoth~se classique
où nous aurons une proposition subordonnée antéposée servant de repère fictif à une principale
postposée.
537
Vll.7.2. L'HYPOTHESE EN YAOURE
Classiquement. l'expression de l'hypothèse en yaouré revient à construire une
subordonnée hypothétique antéposée ou protase qui sen de repère fictif à une principale qui la
suit et qui est appelée apodose. L'hypothèse est une assertion fictive dont nous trouvons un
exemple dans l'énoncé
(59)
tè
za
tà
e
ô-a
si
Jean
venir+ACC
il
mourir+AOR
- )
si Jean est arrivé il mourra
que nous expliquerons à partir du schéma ci-dessous :
Schéma 100:
F
E-~I---
Le schéma (100) montre la consnuction d'un repère fictif Sit~ à partir de Silo. un repère disjoint du repè
origine absolu. Le rapport entre Sit~ et Silo est représenté par la relation Sit~*Silo dans le sens
que nous avons expliqué plus haut. La protase de l'énoncé (59) correspond au repérage suivant:
< Sito co Sit~ ~ <:. ia e < {I} tà >:> >
3
2
- 1
123
538
vn7.3.L'IMUIHESE,FLUCIlJATDNET<DM8~DF.SRF.H;RF.S
vn.7.3.1. LES DEGRES DU FIÇfŒ
En yaouré, le fictif a trois degrés principaux. Ces degrés correspondent aux différentes
zones de l'espace topologique de la relation prédicative de 1à E. li faut retenir que, en tout état de
cause, quelle que soit la zone à laquelle on réfère, il s'agit toujours de sites non définissables
objectivement, c'est-à-dire non calculables ou repérables directement par rapport au repère
origine Silo-
A- LE FJC[IF EN tè
Avex; ,,", le fictif renvoie à une identification avex; le centre attracteur l, c'est ce que nous a
avons expliqué avec l'énoncé (59).1
B- LE FlCfIF EN té
Avec li, nous a avons l'orientation du gradient vers E; li présuppose en fait que 1 n'est
pas le cas, et c'est par rapport à cela que se construit ou se situe l'apodose. C'est ce que nous
avons dans l'énoncé
(61)
té
za
tà
té
ë
kà
si
Jean
venir+ACC
Anaph il
mourir+ACC
- )
si Jean était venu, il serait mort
Si cet énoncé renvoie à un quelconque choix, c'est plutôt à la valeur "Jean n'est pas venu". Nous
verrons au Chapitre vm que l'incidence aspectuelle de l'accompli nous conduit pour (61) en E :
"Jean n'est pas venu". C'est d'ailleurs cette orientation du gradient, donc son inversion vers E qui
donne souvent à certains énoncés sans apodose la valeur de souhait, souhait mêlé de crainte du
fait de la plus forte pondération de E par la situation. Ainsi, l'énoncé
1- Il faut noter que c'est ce li. de ton bas, qui, selon les paramètres énonciatifs en présence, donne aussi la valeur
"quand".
540
\\
(62)
té
ë
tà-à
6t-È•••
si
il
venir+AOR
TH
- ) si seulement il pouvait venir!
traduit un voeu dont on craint fort qu'il ne puisse être exaucé.
C- LE FlCIlF EN te
Avec ~ nous a avons une hypoth~se moyenne. On peut dire qu'on se situe pratiquement
entre I et E, avec une légère inclinaison vers I. Cest ce que nous avons dans l'énoncé
(63)
të
ë
tà
6e,
të/té
ë
jl
kpà
si
il
venir+ACC
(TH)
alors
cela
Préd
bon
- )
"s'il est-était venu, c'est/ce serait 1x>n"
L'expression "est-était venu" que nous proposons en glose dans la recherche d'une équivalence
montre que le contenu de cet énoncé est difficile à restituer de façon directe et précise.
L'énonciateur imagine le cas où il pose que Jean est venu, tout en posant le contraire, d'où une
situation intermédiaire presque équipondérée.
Dans le sens d'une plus ou moins grande vraisemblance de I, les degrés du fictif peuvent
être hiérarchisés par le schéma suivant:
Schéma 101:
I
E
541
li faut enfin souligner que, lorsque le marqueur du fictif dans la protase est ti ou R..
l'apodose est facultativement introduite par /tell •qui est l'anaphorique de la trace du repère fictif
Sitl Ave/:, une protase 1t nous avons le plus souvent une apodose en 1t :
(64)
tè
zc5
tà
télté
ë
ka
si
Jean
venir+ACC
alors
il
partîr+AOR
- )
si Jean est venu, il partira
(65)
té
zc5
tà
té
é
ka
si
Jean
venir+ACC
alors
il
partira
- )
si Jean était venu, il partirait
(66)
të
zc5
tà
téltë
ë
ka
- )
"si Jean "est-était" venu il partira/partirait"
Nous voyons que l'apodose peut ne pas être introduite par un anaphorique de Ite/. mais il faut
dire que cette structure n'est pas la plus fréquente. Quant au problème de la référence. plutôt que
des sens de li, 1t et lt, il faut plutôt parler des circonstances auxquelles renvoient ces particules
définies par leur ton: l'hypothèse "réelle" pour ti (valeur 1), l'hypothèse "irréelle" pour l!
(valeur E), "'- renvoyant à une zone assimilable à la frontière (F). Dans tous les cas, cette
fonction de décrochement qui est celle du fictif permet, comme nous le verrons dans les deux
derniers chapitres de synthèse, d'expliquer l'unité profonde des références des particules ltel qui
apparaissent dans des contextes variés, même non hypothétiques.
Par ailleurs, et sur un tout autre plan, on peut noter une contrainte sur le degré de ltel en
apodose; à l'exception du fictif en li, il apparaît que l'apodose n'accepte pas n'importe quel type
de Ite/. Nous rencontrons là un genre de contrainte sur lequel nous nous proposons de revenir
au Chapitre IX consacré, entres autres, aux relations interpropositionnelles. Cependant, au niveau
des trois degrés du fictif, il est un type d'association syntagmatique que nous aimerions
examiner rapidement.
1- h&I est ici une notation commode lorsque nous ne renvoyons pas à un degré particulier de fictif.
542
VII.7.3.2. LES COMPQSmQNS DE REPERES FICDFS
En effet, les trois degrés du fictif peuvent s'associer en protase, comme on peut le voir
dans les énoncés ci-dessous:
(67)
tè
té
z4
tà-a
télte
4
ka
.
•
si
Jean
venir+AOR
alors
je
partir+AOR
(68)
tè
te
z4
tà-a
té/té
4
ka
.
(69)
té
tè
z4
tà-a
té/té
4
ka
.
(70)
té
té
zci
tà-a
té/té
4
ka
.
(71)
te
té
z4
tà-a
té/te
ka
.
si
Jean
venir+AOR
alors
je
partir+AOR
(72)
tè
té
té
z4
tà-a
té/te
4
ka
.
Voici la traduction que nous proposons pour chacun de ces énoncés :
-
apodose en tt..: "si Jean venait, je partirais"
-
apodose en ~: "si Jean vient, je pars"
Les structures ci-dessus sont attestées, mais on ne les entend surtout que dans la bouche
de locuteurs d'un certain âge. li va sans dire que ces combinaisons de particules imposent des
contraintes tant au niveau de la protase qu'à celui de l'anaphorique en apodose. Les associations
retenues sont celles qui sont les plus spontanément acceptées. Parmi les nombreux problèmes
que peut naturellement poser ce type de structure, nous ne nous intéresserons qu'à deux qui
peuvent être formulés de la façon suivante : par rapport à l'espace topologique (I,F,E) d'une
relation prédicative, quel type de choix résulte de chacune de nos six combinaisons, et quel peut
être, au plan référentiel, l'incidence du degré de l'anaphore ?
543
Pour tenter une réponse à la première question, prenons l'énoncé (72), le plus complexe
structurellement. Voici comment nous pouvons représenter le repérage composite qui le sous-
tend:
Schéma 102:
~
G)
:
----------r~-----~E ~
"
1
I l
--Q}----
1 1
1 1
:~
1 1
1 1
1 1
1
lE
I
S' 1"
S' l'
S' 1
S'
: It o.!!. It o.!!. 1to * Ito
~
~
"
Cette composition de repères est un véritable télescopage d'opérations où les repères qui
suivent servent de repères à ceux qui précèdent. En pareil cas, il est difficile d'identifier ce qui
serait la valeur résultante. Toutefois, on peut essayer de décrire ce qui se passe en fait dans ce
genre de stratégie langagière. Le premier ~ est équipollent au gradient d'attraction et pose donc
1CD alors que If s'empresse aussitôt d'inverser le gradient vers E œ;enfm .m, prenant le relais,
vise le choix médian qui le caractérise ®' TI s'ensuit qu'aucun choix définitif n'est fait, ce qui
constitue proprement un parcours des valeurs nous ramenant vers lE @ ; c'est comme si l'on
retournait en lE ; on tend vers lE sans l'atteindre vraiment, d'où l'incertitude exprimée par un
énoncé tel que (72) et qui correspond comme à un refus du choix fictif bien que l'énonciateur ait
choisi une situation fictive. Nous nous transposons dans une situation irréelle Sitt mais nous ne
sommes pas en mesure de nous transporter en 1 ou en E ; c'est un flottement qui n'est pas
synonyme de contingence, car la contingence choisit de ne pas choisir, mais elle est ou en 1ou
544
en E, alors que, en (72), on ne peut même pas se permettre ce choix si ambigu soit-il; la glose de
(72) serait donc: "si on était en mesme de s'imaginer que Jean est venu".
Notons que pour tous les énoncés de (67) à (72), on a de toute façon un parcours sur les
différentes valeurs de réorientation vers lE (Sitl) qu'on n'atteint pas. Ce processus est résumé
par le schéma ci-dessous où les flèches en direction de lE représentent, pour chaque cas, le
résultat du parcours :
Schéma 103:
lE : (Sit~) n.!. SitÔ * Sito
Dans ce schéma, n représente le nombre de repères successifs après l'origine fictive Sit~ de
départ. On comprendra que l'on puisse avoir n =0, et nous revenons alors au cas le plus simple
avec un seul repère fictif.
Quant aux substituts-images ~ et ~ en apodose, on s'aperçoit qu'ils jouent un rôle de
filtres au niveau de la combinaison des zones de référence en protase, et ceci en fonction de leur
degré. Ainsi, si nous avons
(67')
tè
té
zô
tà-a
té
ci
.
ka
venir+AOR
alors
je
partir+AOR
- )
si Jean venait, je partirais
545
.,j,' 't"
lléj
(72')
tè
té
të
z4
tà-Il
té
ka
. ' - -
.. - - . . J '
-)
si Jean venait, je partirais
C'est la valeur E qui est visée en protase; il s'agit de l'hypothèse "irréelle" : il y a de fortes
chances que Jean ne vienne pas. Si. par contre. nous avons
(67")
tè
té
z4
tà-a
te
4
ka
.
venir+AOR
alors
je
partir+AOR
(72")
tè
té
të
z4
tà-Il
te
1
ka
.
..
.
on obtient la valeur"si Jean vient, je pars". On est donc tenté de conclure que. dans le cas où la
combinaison des zones en protase crée le flottement que nous avons décrit. c'est l'apodose qui. à
travers sa particule. fixe la valeur résultante en dernier ressort.
Pour clore cette brève enquête sur les compositions de repères fictifs. il faut souligner
qu'il serait imprudent de définir des valeurs fixes pour les particules prises individuellement ou
collectivement. Il nous semble préférable d'identifier les opérations qui sous-tendent ces
particules afin de pouvoir mieux prendre en compte l'influence d'autres opérations en situation
d'énonciation et circonscrire la valeur résultante.
Le dernier type de construction d'occurrence de relation prédicative qui reste à examiner,
c'est le cas où l'énonciateur, ne disposant d'aucun moyen pour asserter. ni directement en Silo, ni
fictivement, ni même en modulant. a recours au co-énonciateur : il s'agit de la modalité
interrogative.
YUe8e L'INTERROGATION
On distinguera l'interrogation positive et l'interrogation négative.
546
Vll.S.l. L'INTERROGATION POSITIVE
L'interrogation consiste, de la part de 1'6nonciateur, à demander au c0-6nonciateur, de
valider une des occurrences du domaine de la relation prédicative. Si nous avons la relation
l'interrogation consiste à demander si on peut la valider et avec quelle valeur, op6ration qui se
traduit par l'6nonc6
(73)
zc5
tà
à
Jean
venir+ACC
Inter
- ) Jean est-il venu?
avec un allongement vocalique en finale et un ton bas. En fait, à partir du sch6ma:
Schéma 104:
1 ------------------~ E
,
,
,
,
,
,
,
,
,
,
,
,
,
,
lE
on construit d'abord la relation positive comme devant faire 6cho à E. et c'est ce dont
l'allongement est la trace. TI y a donc un d6placement de 1à E. ce qui nous ramène en lE. devant
le choix à faire entre 1et E. C'est d'ailleurs cette situation qui est souvent explicit6e par certaines
tournures en yaouré telles que
(74)
.
Zu
. '
ta
6a'a"
JOo
tâ-l€
di
Jean
venir+ACC
ou bien
il+N6g.
venir+ACC
N6g.
- )
Jean est venu ou il n'est pas venu?
547
De même, dans l'énoncé
(75)
z6
tà
à
Jean
venir+ACC
P6
- ) Jean est venu?
la particule ~ renvoie à la valeur E par rapport à la valeur positive 1choisie au départ; on aboutit
ainsi à un non choix, donc à une interrogation.
On peut également exprimer l'interrogation à l'aide de la particule 1§ de ton MIl.
(76)
z6
tà-a
lè
Jean
venir+AOR
Sit
- ) Jean viendra-t-il
Ici, la valeur positive 1 est plus franchement choisie avant qu'on ne glisse vers E à l'aide de la
particule de localisation li dont la fonction abstraite ici et de renvoyer à une situation décrochée
où l'on représente la relation prédicative <z6, tà> en 1 avec la valeur E non éliminée, d'où
l'interrogation.
Nous aimerions, pour finir, revenir sur la question de la pondération des valeurs que
nous avons examinée au point vn.3.1.2. à propos de l'assertion négative. Nous ne reprendrons
pas l'analyse du processus du repérage prédicatif, et nous nous contenterons de souligner que
l'interrogation peut avoir des valeurs variables en fonction de la nature du repère prédicatif. Pour
nous résumer, à la lumière du point N.3., si en (74) nous avons mcomme repère prédicatif,
nous entendrons qu'on pose d'abord "Jean", et qu'on demande ensuite s'il est venu. Mais si nous
avons le prédicat li comme repère, nous obtenons la valeur "Jean fait-il partie de ceux qui sont
venus ?" Enfin si tous les termes sont équipondérés, il y a alors un repérage par rapport à la
situation repère origine Sito et nous avons "Est-ce le cas que Jean-est-venu ?"
VII.S.2. L'INTERROGATION NEGATIVE
L'interro-négation apparaît dans l'énoncé suivant :
(76)
zo
kà
ta-lè
n~
Jean
Nég.
venir+ACC
P6
548
où ~ est le relatif du corrélatif inverseur kI. ; ~ a une fonction différente de di dans l'assertion
négative; ce marqueur se rapproche plutôt du vecteur aque nous avons w dans l'expression du
contingent. Nous verrons mieux le fonctionnement de ~ à partir du schéma représentant le
processus de l'interrogation négative en (76) :
Schéma 105:
1 - - -
En fait, le processus de l'interro-négation en (75) est le suivant. L'inverseur .û. change
l'orientation du gradient vers E CD, et le marqueur ~ ® a pour fonction d'inverser l'inverseur
kà; .ni apparaît comme l'image d'un sas orienté qui pennet de viser à nouveau 1 ; ceci définit
entre 1 et E un va-et-vient instable qui nous laisse à mi-chemin entre 1 et E, en tout cas ailleurs
qu'en 1 ou E, donc dans l'indécision, ce qui nous ramène en lE par le trajet inverse @ de
l'interrogation positive. L'opérateur ~ est un inverseur second, un sur-inverseur qui pennet de
comprendre pourquoi l'interro-négation est quand même une interrogation; tout comme le ton
bas dans les énoncés (73) et (75), ou la particule a. que nous avons rencontrée dans la
construction du contingent au point Vn.6.1.1., la particule ~ est un vecteur qui renvoie toujours
à une valeur complémentaire de celle qui est posée; elle est de fait un curseur, ce qui justifie sa
place dans une opération telle que l'interrogation.
De toute l'analyse qui précède, il ressort que chaque opération modale est identifiable en
soi par un processus et des traces fonnelles. Mais, en dehors des marqueurs propres à chaque
549
modalité , il existe des adverbes ou plus généralement des particules qui peuvent apparaître dans
une chaîne avec un véritable statut d'éch6s d'opérations modales. Cest à ces relais que nous
consacrons la dernière Section de ce Chapitre.
VU.9. MODALISATION. RELAIS ET FILTRES MODAUX
Comme nous l'annoncions au début de ce Chapitre, il existe en yaouré des adverbes ou
des particules qui jouent un rôle de filtres ou de relais modaux. Bien que lxm nombre de ces
unités soient pour ainsi dire désémantisées, nous tenterons de les situer sémantiquement avant
d'aborder leur fonctionnement en chaîne.
TI est en effet intéressant de noter la fonction de certaines unités qui n'ont pas toujours un
emploi autonome en chaîne, mais dont le rattachement sémantique, si vague soit-il devenu du
seul fait de l'histoire, les fait apparaître dans certaines structures. TI s'agit de ~ qui existe en
tant que morphèmes dans le sens de "avant" chronologique, mais qui a un emploi abstrait au
sens de "en nous situant dans un repère autre que Silo" ; il existe aussi nM., d'emploi non
autonome, qui est sémantiquement apparenté à n.4 "lieu" mais qui, dans la construction que nous
étudions présentement, renvoie aussi à une situation simplement représentée. Nous avons aussi
lé, l'une des unités les moins autonomes, qui a un lien avec l'opérateur de localisation que nous
avons vu au Chapitre V, et qui renvoie aussi à une représentation décrochée de la situation "ici et
maintenant". Il faut également noter li "autrefois, un jour" et d "là-bas", qui peuvent renvoyer
respectivement à un temps indéfini, donc représenté, et à un "ailleurs" décroché. On rencontre
aussi la particule ~ pour laquelle nous ne voyons pas de rattachement sémantique mais qui
renvoie à une prédication seulement représentée. Enfin, nous pouvons citer les adverbes ~
A
•
'
.4-
"peut-etre", ll! "encore",llQ. "encore".
C'est la fonction de relais et/ou de filtres de ces adverbiaux et particules que nous
examinerons rapidement dans le cadre de la négation, de la visée, de l'interrogation, de la
modulation modale et de l'hypothèse.
550
Vll.9.1 NEGATION ET FILTRES ADVERBIAUX
n est intéressant de constater que certains adverbiaux jouent véritablement un rôle de
filtres dans cette opération de négation. n s'agit essentiellement de J1i et de.n4a renvoyant tous
les deux à "encore" mais avec des valeurs diffœntes.
Prenons d'abord le cas de J1À "...encore" dans l'énoncé suivant:
(77)
za
kà
d4
ta-lÈ
di
Jean
Nég.
encore
venir+ACC
Nég.
- ) Jean n'est pas encore venu
Dans cet énoncé, si nous nous référons à l'espace topologique que nous avons représenté plus
haut (Schéma 78), la valeur de M dans la construction négative en (77) peut avoir la dérivation
suivante :
Schéma 106:
(a)
F
>
1E: Sito
Le schéma dérivé (b) montre que, dans l'énoncé (77) "Jean n'est pas encore venu", M
fait apparaître un présupposé au départ, c'est que Jean visait, ou on visait pour Jean la valeur 1.
La négation par .ki élimine 1<D des zones qui peuvent valider la relation prédicative. On en tire
que Jean a pu faire autre chose (E) et (F), a pu ne rien faire du tout (lE). Mais ce que l'adverbe
t1d introduit, c'est l'idée d'attente: "En tout cas, quelle que soit la situation, Jean est en attente de
551
1, ou on est en attente de 1pour Jean". Se101ll'interprétation de la négation, il peut être en attente
de 1à partir de lE @ ou de E @. La fonction de l1b. ,c'est de définir une négation provisoire,
d'où le barrage de la flèche pleine suivi de la visée en pointillé à partir de trois positions
possibles: lE, E et F.
Quant à.aA, on le trouve dans l'énoncé suivant
(78)
zd
kà
Jld
tà-li:
en.
Jean
Neg
plus
venir+ACC
Neg
- )
Jean n'est plus venu
qui, à partir du diagramme de base (106, a) donne le schéma dérivé suivant:
Schéma 107:
sch. (l06a)
>
La valeur 1est visée au départ; Û. inverse le gradient d'attraction <D et nous sommes ailleurs
1
qu'en 1. Mais, ce que nous avons de moins par rapport à M , c'est qu'avec.0.4, So n'est pas en
attente de 1, de quelque position que ce soit @ et @. On peut dire, dans certains cas, que c'est
un chemin virtuel barré, ou simplement mis entre parenthèses dans la mesure où l'on ne se
préoccupe pas du problème de son choix.
Les adverbes ~ et,ng, on le voit, contribuent à rendre encore plus dynamique le schéma
de départ et permet de rendre compte des nuances multiples qui accompagnent la négation.
552
Vll.9.2. VISEE ET RELAIS MODAUX
Prenons l'exemple de la visée prospective illustrée par les exemples ci-dessous :
(79)
î
tà-a
tu
venir+AOR
- ) tu devras venir1
(80)
î
ôrâ
m\\
a
tu
faire+AOR
homme
Sit
- ) tu seras un homme
Ces visées peuvent être renforcées respectivement par I!M "tout à l'heme. il y a un instant; à un
moment donné" et li "il Y a longtemps ; un jour". comme on peut le voir dans les énoncés
suivants :
(81)
î
tà-a
paâ
je suggère que tu viennes
tu
venir+AOR
un moment
- )
{ tu devrais/aurais dû venir
(82)
î
ôrâ
li
mi
cl
tu
faire+AOR
un jour
homme
Sit
- ) tu seras un jour quelqu'un
On se rappellera. avec intérêt. le décrochement absolu que représente Il, que ce soit pour
renvoyer à l'avenir indéfini comme en (82). ou au révolu indéterminé comme nous l'avons vu au
Chapitre VI dans l'analyse de l'aoriste.
VII 9.3. INTERROGATION ET RELAIS MODAUX
L'interrogation apparaît dans les énoncés ci-dessous:
. ,
(83)
wèrl
wï
-
t
-
t
Weri
parler+ACC+Inter
-) Weri a-t-elle parlé?
.
(84)
-
l '
teSta
ta
à
Tessiah venir+ACC+Inter -) Tessiah est-elle venue?
1- Pour ces énoncés à l'aoriste, nous prenons bien sûr le sens qui convient ici.
553
L'interrogation exprimée dans ces énoncés peut être renforcée à l'aide de ~ et/ou n.M :
.,
- .
(83')
lé
n66
wèr'i
,
WL-L-L
- ) Weri a-t-elle (vraiment) parlé?
L......J
L......J
Sit~
Sit~
•
1
(84')
lé
n66
tësia
tâ-à
- ) Tessiah est-elle (vraiment) arrivée ?
L......J
L......J
Sit~
Sit~
On peut avoir un renforcement avec l i dans le seul cas d'une visée comme le montre l'énoncé
suivant:
.
(85)
(lé)
~n6~) k5
tësiâ
e
ta-à
L....J
Sit~
Sit~ 'Sitî Tessiah elle venir-Inter-) Tessiah viendra-t-elle vraiment?
Ici encore, aussi bien en (83), (84) qu'en (85), les particules ~ n60. k5 renvoient au site
décroché (Sit~) de l'occurrence représentée de la relation prédicative.
,
t
Vll.9.4. MODULATIONS MODALES ET RELAIS MODAUX
A l'aide de l!1"peut-être", n.G. "là-bas" et JlÀ.À, on peut renforcer la probabilité exprimée
dans les énoncés (55) et (56) du point VII.6.2.3. :
,
(86)
m6&
jë
pL
nO
lé
zo
tà-a
Pl
Pl
je+lui
voir+AOR
peut-être
là-bas
Sit~
Jean
venir+AOR
- )
Je pense que Jean viendra
..
(87)
ë
k~~
pt
lé
n66
zo
tà-a
Pl
Pl
Pl
cela
devoir+être+AOR
peut-être
Sit~
Sit~
- )
Je pense que Jean viendra
Les deux énoncés expriment une forte probabilité. Les particules l!1a d" 11M., li ne sont en fait
que les images du seul site décroché, celui de la relation prédicative <zo, tà>. Ce référentiel
décroché est construit par le biais des expressions m0& jë Qi) "je le vois comme =il me semble
554
que et ë !Q!O Oé) "ça doit être le cas que = il semble". TI est intéressant de souligner le statut
particulier du verbe it "vois". TI s'agit ici de l'activité de cet oeil métalinguistique qui pose le
repère décroché Sitt dont les particules sont les images renforçantes. On voit donc en particulier
que nA "là-bas" renvoie à un "là-bas" abstrait qui est indéfini parce qu'en rupture avec Silo.
Vll.9.S. L'HYPOTHESE ET LES RELAIS MODAUX
La plupart des particules citées ci-dessus peuvent apparaître dans le repérage fictif
suivant:
(88)
tè
(lé)
(n44)
(Pc5c5)
.
(n44)
zc5
tà-â
té...
:U
Jean
venir+AOR alors...
-)
si Jean vient, alors...
Dans cet énoncé, nous aurions du mal à trouver un équivalent exact en français. Nous dirions
simplement que toutes ces particules apparaissent comme des images, des anaphoriques spatio-
temporels de l'espace-temps fictivement représenté à l'aide de œ. et servant de repère au procès
fictif 1&. Relayant ou accompagnant ,,", ces sortes d'anaphoriques ont plutôt un effet tautologique
renforçant ayant tendance à consolider Sitt pour en faire une Silo absolue, vraie, mais sans
jamais pouvoir y parvenir en fait
Pour finir, nous voudrions noter que l'on peut avoir en protase une combinaison
remarquable d'une suite de marqueurs de repères fictifs avec une suite de relais qui se renforcent
réciproquement. Nous nous contenterons de donner un exemple, l'interprétation et l'analyse
reposant sur les mêmes principes que ceux exposés au point vn.3.3.2. ci-dessus:
(89)
tè
té të
lé
ndd pao lé
zo
è
ta
(6Ë),
té•..
. Pl
Pl Pl
Pl
Pl
Jean lui venir
(fIl)
alors...
si
Jean pouvait venir, alors...
Une glose acceptable de (89) serait "si (seulement) on pouvait s'imaginer que Jean arrivera...".
Quoi qu'il en soit, à ce niveau de construction, les opérations deviennent extrêmement difficiles à
555
synthétiser; il s'agit dans tous les cas des constructions à partir d'un repère décroché et les
différentes particules sont autant de balises qui représentent ce repère et qui se soutiennent les
unes les autres.
Cette interrogation sur les relais modaux clôt notre investigation sur les opérations
modales dont l'étude nous a par ailleurs révélé, ici et là, des impossibilités plus ou moins fortes
de construction dues à des contraintes qui, ne serait-ce qu'à un stade intuitif, peuvent être
attribuées à d'autres opérations, intimement liées aux opérations modales ou au contraire
absolument différentes d'elles. C'est pour cette raison que nous pensons qu'il serait utile d'ouvrir
un chapitre pour examiner certains aspects des contraintes qui peuvent présider à la composition
des opérations énonciatives.
556
CHAPITRE VIII
ANALYSE SYNTHETIQUE COMPARATIVE DES MARQUEURS
D'OPERATIONS:
CARACTERISATION PREDICATIVE ET ENONCIATIVE
557
L'étude de la prédication, de la détermination, des constructions aspectuelles et modales
nous a permis d'identifier un nombre limité de formes remarquables dont la régularité
d'occurrence et les conditions d'apparition alliées nous ont quelquefois amené à suggérer, pour
ce qui les concerne, sinon une identité, du moins une parenté de type énonciatif. Ces particules,
qui sont apparues ici et là dans les Chapitres IV, V, VI et VIT, nous nous proposons à présent de
les inventorier systématiquement et d'étudier leur rapport. Cela reviendra à reprendre, d'une
façon nécessairement synthétique, la définition de leur identité et la description de leur
fonctionnement, à montrer qu'elles peuvent, au moins pour la plupart d'entre elles, être rattachées
à de grandes catégories fonctionnelles, ce qui explique que, souvent, certaines opérations aient
des valeurs liées ou déductibles les unes des autres.
Dans un premier temps, nous rappellerons brièvement la répartition des marqueurs
d'opérations selon le type de valeur référentielle qu'ils représentent Ensuite, dans un deuxième
temps, étant donné qu'une valeur déterminée peut être sous-tendue soit par une seule opération
soit par deux, voire trois opérations qui ne sont pas nécessairement de la même espèce, nous
procéderons à une seconde classification des formes selon la nature profonde des opérations
dont elles sont les traces.
YUU,DmLOGJEREfERFNIEI.I ,Ems MARQUEURS D'OPERATIlNS
Les fonnes que nous nous proposons d'examiner correspondent soit à une seule unité,
soit à des corrélatifs à valeur référentielle unique. Nous considérerons tour à tour les marqueurs
de diathèse de procès, de thématisation, de focalisation, de fléchage, les marqueurs aspectuels et
modaux.
VIII.!.!. LE MARQUEUR DE DIATHESE DE PRQCES
TI s'agit uniquement du marqueur 0'....w@ que nous avons rencontré au Chapitre IV et qui
caractérise l'énoncé suivant:
558
(1)
wi.
wc
parler FAIRE+AOR
parler a/ama lieu
- ) on parle/parlera
Au plan sémantique, la particule l!.Q a un lien avec le verbe wcii qui signifie "mettre, enfoncer,
plonger, introduire dans..." et qu'on trouve, par exemple, avec son sens plein, dans l'énoncé ci-
dessous:
(2)
ë
sd
wCÎl
kavé sap ma
il
couteau enfoncer+ACC café
sac
dans
-)
il a enfoncé le couteau dans le sac de café
Mais l'emploi de wcii qui nous intéresse dans l'énoncé (l) est un emploi désémantisé, donc
grammaticalisé, que nous identifions à l'aide des méta-termes FAIRE ou SITCUATION),
La particule ~ en (l) apparaît dans une structure qui est l'illustration de ce que, au
Chapitre N, nous avons appelé "diathèse de procès", c'est-à-dire une prédication où le terme de
départ en surface est le prédicat lui-même. Nous avons vu en effet que cette construction se
ramène à une orientation du procès par rapport à lui-même, et que cette autonomie de
fonctionnement, en privant le procès de tout système référentiel, le fait apparaître comme une
simple mention notionnelle. La particule 9
"SIT" est alors introduite pour tenir lieu de point
d'ancrage au procès et garantir ainsi une construction effective de référence. TI s'agit donc d'une
image de référentiel nécessaire qu'appelle toute diathèse de procès.
VIII.I.2. LES MARQUEURS DE THEMATISATION
Si nous écartons le cas du morphème il, les marqueurs formels de thématisation sont:
~, DE, ~, et IH/. TIs sont illustrés par les énoncés ci-dessous:
(3)
pl~
gth
ë
ka
a
chien THM il
panir+AOR-Inter-> le chien, il part?
(4)
pa
DE
ë
ka
singe THMil
panir+AOR -> le singe, il part
559
(5)
kG)
6ë,
ë
wa
partir+ THM cela FAIRE+AOR - ) pour partir, on partira
(6)
sG)
nd,
ë
ka
a
cheval THM il
partir+AOR-Inter-) le cheval, il pan?
(7)
é
ka
ci
il+THM partir+AOR-FAIRE+AOR-) lui, il pan
(8)
pl~
6ë
6é
ka
ci
chien THM lui+/H1
partïr+AOR-FAIRE+AOR-) le chien, lui, pan
Les particules ~ et ~ des énoncés (3) et (4), au plan sémantique, sont à rattacher aux
unités lla-) g@ et lla-) 6ë, qui ont un emploi démonstratif, renvoyant respectivement à "ce...ci" et
"ce...là", et un emploi adverbial, renvoyant respectivement à "ici" et "là" et qui sont illustrés par
les exemples suivants :
(9)
pl~
(là-) gcb
chien
ce...ci
- ) ce chien-ei
(10)
ptl
(la-)6ë
chien
ce...là
- ) ce chien-là
(11)
•
pU
p~
1
1
gG)
toi+IMP chien
attendre
ici
- ) attends le chien ici !
1
(12)
1
pIf
p~
6ë
toi+IMP chien
attendre
là
- ) attends le chien là !
On peut dire que la fonction de thématisation des particules wb. en (3) et 6ë en (4) et (5)
qui consiste à poser une occurrence de domaine notionnel hors prédication avant de construire
une relation prédicative à son propos, est abstraite de leur valeur démonstrative, ou adverbiale,
mais en tout cas locative ; cette localisation a l'énonciateur pour repère avec ~ et le co-
énonciateur ou même la non-personnel avec~.
1- Nous entendons ici par "non-personne" un repère de localisation autre que ~ et 111.
560
En (5), la thématisation du proœs par K défmit une mention notionnelle et exige
l'apparition de Ü
qui est l'image condensée du procès, de la relation prédicative construite
autour de.km "partir" et du référentiel qui identifie celle-ci.
Quant à la particule 114 en (6), elle vient de l'adverbe .0.0., qui signifie "là-bas, vers toi" ; le
ton /HI confère à 114 un statut de lieu non ancré dans l'espace énonciatif concret hic et nunc, et
situant hors prédication une occurrence du domaine notionnel ~ "cheval".
En (7) et (8), le ton /HI, relevant les schèmes tonals des anaphoriques t "il" et ~ "lui"1
respectivement à i et .M.. les thématise de ce fait même, les décrochant ainsi de tout espace
référentiel précis, et décrochant aussi les relations prédicatives dont i et nt sont les termes de
départ et qui apparaissent dès lors comme de simples représentations absolues ou mentions de
relations prédicatives, d'où la nécessité de Ü
comme point d'ancrage.
Pour l'essentiel, nous retiendrons que, dans les six cas, les formes gQ, M. .ni et lf1I
saisissent et posent respectivement les occurrences de Rlt., d, m., Ü, t et ~ d'abord comme de
simples mentions hors prédication avant de construire, sur elles ou à leur propos, une relation
prédicative qui les introduit alors, sous un statut anaphorique, dans un espace énonciatif réel.
vm. 1.3. LES MARQUEURS DE FOCALISAnON
ns'agit de la particule .Il! qui a comme équivalent négatif&t, et de la particule ~, de ton
/MR/. On retrouve nf et 2i dans les énoncés suivants :
(13)
zo
nt
Jean
FOC - ) c'est Jean
(14)
lciSm3
ôè
femme
FOC - ) c'est WJ.uQt une femme
1- Notons qu'en (8), la reprise non thématisée du substitut du thème ~ serait 6i de schème MIl.
561
1
(15)
WL
6e
~I
Jle
wc
!oc l-tuM+6&..
parler+IiJ
tu+6e
FAIRE+AOR
c'est
parler
que tu
fais plutôt
- ) tu parles plutôt !
n est intéressant de noter que la particule Al est la réalisation de la particule locative 1t en
contexte nasal, donc de 11lJ. On soulignera par ailleurs le lien évident de œavec le déictique ou
l'adverbe ~ dont nous avons parlé un peu plus haut. Cette relation n'est pas à swprendre si l'on
comprend que la focalisation est une sone de localisation fone.
Nous avons vu au Chapitre IV qu'avec ~ on obtient une focalisation discordantielle
dans la mesure où, à la différence de (13), l'énonciateur s'attend au départ, par exemple en (14) et
(15), à autre chose qu'à "femme" et "parler". Dans les deux cas toutefois, c'est-à-dire avec nt. et
6e, la focalisation revient à dire que z4 et lémi respectivement en (13) et (15), sont bien les
occurrences du domaine notionnel vérifiant la relation prédicative
que nous avons décrite au point IV.2.1.1.B- b) du Chapitre IV.
Notons enfin qu'en (15), l'antéposition de n lui donne un simple statut d'occurrence
mentionnée, ce qui nécessite l'introduction de w@ à la fois comme image de ce procès et comme
référentiel de la relation prédicative construite sur ce procès.
VllI.l.4. LES MARQUEURS DE FLECHAGE OU DE SPECIFICATION
Les marqueurs de fléchage qui ont été identifiés au Chapitre V sont les déictiques !1i:l
sm. "ce...ci", (là-) 6€ "ce... là" et Oa-) mM "ce...là là... bas", la particule li et le morphème zéro
~). On retrouve ces différents marqueurs dans les séquences suivantes:
(16)
mi
1
QG)
•
homme
ce... Cl
- ) cet homme-ci
562
(17)
pl~
(là-) 6ë
chien
ce... là
- ) cet homme-là
(18)
61â
(là-)
mU
mouton
ce... là là-bas
- ) ce mouton là-bas
(19)
za
lè
ptê
Jean
9
chien - ) le chien de Jean
(20)
tëslà
6t5
Tessiah
mère - ) la mère de Tessiah
,
(21)
teE
terre
- ) la terre
(22)
mlf
lune
-)lalune
La spécification de mi, ~ etID,i en (16), (17) et (18) se fait par rapport à des repères qui
sont respectivement l'énonciateur. le co-énonciateur et un espace-temps différent de celui défini
par ~ et.tl!. En (19) et en (20), ~ et œsont spécifiés respectivement par différenciation d'avec
zei à travers lt et par identification avec Tessiah à travers fl. Enfin, en (21) et (22), nous avons,
dans le cas de ces signes à référent unique ri "terre" et m1l "lune", une identification par
rupture d'avec Sito puisque, en dehors des créations métaphoriques, nous avons affaire à un
domaine discret défmi par une classe à un seul élément.
Qu'il s'agisse de fl et lt, ou des déictiques ~ et ~, l'opération fondamentale demeure la
même et consiste à spécifier de façon précise une occurrence d'un domaine notionnel parmi
toutes les occurrences possibles.
VIn.I.S. LES MARQUEURS ASPECTUELS
Ce sont les marqueurs du point de vue de l'énonciateur sur le déroulement d'un procès. Il
s'agit essentiellement des marqueurs de l'inaccompli, ~ des marqueurs de l'accompli qui
consistent en des modifications morphologiques et surtout tonales que nous avons longuement
563
décrites au Chapitre III, des marqueurs de l'aoriste qui se réduisent, d'une pan, pour les
structures CV à des modifications tonales et morphologiques par adjonction de :i, et d'autre part
au morphème :.m1. pour les dissyllabes CVV et C(V)LV. n faut ajouter à cet inventaire
récapitulatif les marqueurs du passé immédiat, 5Î-IL,oO, et du statif, i e-di., les marqueurs de
fin de procès si - di. m4 "cesser de" et cf - di. m4 "finir de", Les exemples ci-dessous
illustrent l'occmrence de ces différents marqueurs.
(23)
pO
i
WL - 04
singe Préd
parler-INAC -)le singe est en train de parler
(24)
pO
1
wi - L
singe
parler+ACC - ) le singe a parlé
(25)
pO
• -
1
J:>:>
singe
se cacher+ACC - ) le singe s'est caché
(26)
pO
tà - a
singe
venir+AOR
- ) le singe vient/viendra...
(27)
ptt
j5:S - ma
singe
se cacher+AOR - ) le singe se cache/se cachera...
,
(28)
pO
51-a
WL - 00
singe venir de+AOR parler-INAC - ) le singe vient de parler
(29)
ptt
i
ë
kà - di.
singe Préd
Anaphore
mourir - ) le singe est (raide) mort
(30)
pO
1
51
WL - di.
ma
singe casser+ACC parler-Sit
Pan. Adn1 -) le singe a cessé de parler
(31)
pO
c~ - ~
WL - di.
ma
singe finir+ACC
parler-Sit
Pan. Adn. -) le singe a fini de parler
Si nous retenons les seuls marqueurs fonnels pertinents pour l'objet de cette Section,
nous ne nous intéresserons qu'aux formes de l'inaccompli, ~, de l'aoriste des monosyllabes
1· Part. adn. est mis pour "Particule Adnominale"
564
et des dissyllabes, =i et mA, du passé immédiat, si - a...nO, du statif, i è - dt ; enfin, retiendront
également notre attention les marqueurs de tin de procès, si - en m4 et cf - en mÔ.
Prenons le marqueur de l'inaccompli .i....aJ1A.. TI est formé de la particule .ni. qui est un
véritable embrayeur puisqu'elle signifie "là" et renvoie à chaque emploi au lieu dont l'énonciateur
parle au moment où il parle. Ainsi, l'énonœ
(32)
za
à
na
Jean
Pred
là
- ) Jean est là
rapporte que Jean se trouve à l'endroit dont il s'agit. Le corrélatif de d est le prédicatif!
correspondant à "être". En somme, en (22), le procès se trouve ancré dans la situation définie par
.n.Q. et c'est à cet ensemble wi - n4 que le sujet de l'énonœ ~ se trouve identifié; ceci nous donne
pour (23) la glose "le singe est engagé, au moment où je parle, dans le processus de parler,"
c'est-à-dire "le singe est en train de parler".
Le marqueur de l'aoriste des dissyllabes est~; la forme ~ de ton MB, est d'abord
une particule adnominale renvoyant soit à l'environnement spatio-temporel immédiat d'un objet
ou d'un être, soit au voisinage de cet être coïncidant avec son corps propre, soit encore à un
contact direct quelconque avec cet être. Nous voyons mieux la fonction de cette particule dans
les exemples suivants :
(33)
e
kÔ
ma
il
tenir+ACC
Pan. Adn. - ) il a tenu une machette
(34)
cè
à
za
ma
maladie
Préd
Jean
Part. Adn. - ) Jean est malade
(35)
padaH
a
za
ma
pantalon
Préd
Jean
Pred. Adn. - ) Jean porte un pantalon
(36)
e
wt-ï,
1
1
ma
il
parler+ACC
toi
Part. Adn. - ) il t'a répondu
565
Mais en (27). nous avons la marque d'aoriste mA. des dissyllabes dont la logique du lien
sémantique direct avec la particule mi de (33) à (36) ne paraît pas évident. Peut-être ce lien
réside-t-il dans le fait que. du point de vue spatio-temporel. mi en (27) apparaît comme un
référentiel indéfini. à la fois absolu et relatif, et qui détermine la multivaleur de la construction
aoristique dont le principe général a été analysé aux Otapitres VI et vn et qui renvoie au révolu.
à l'habimel. au générique et à la visée. entre autres valeurs. De ce point de vue. le marqueur .:.i de
l'aoriste des monosyllabes CV est aussi à interpréter comme un référentiel indéterminé.
Le marqueur du passé immédiat est si - Î ...aO. Il est formé de la particule nA. que nous
avons rencontrée dans l'inaccompli. et de l'aoriste du verbe Ji "quitter. venir de". ce qui donne.
pour ce marqueur. la glose "vient d'être en train de". soit, pour l'énoncé (28). "le singe vient d'être
en train de parler". c'est-à-dire "le singe vient de parler". On peut noter que. bien qu'il s'agisse
d'un passé immédiat. le procès. à travers cette fonne aoristique de.a. est posé comme coupé de
Silo. et ce qui compte dès lors. c'est son appréhension ponctuelle et globale en dehors de toute
considération de son développement
Le marqueur du statif. en (29). est i è - d'L. Outre le prédicatif i qui a ici une fonction
d'identification. nous avons nécessairement une reprise du sujet par ~. Le tonème /MH/ de
l'anaphorique i décroche ki "mort" de tout référentiel objectif. La particule ~ apparaît alors
comme le point d'ancrage incontournable de ti. ou. plus exactement. comme l'image de la
situation dans laquelle se fige le processus stabilisé après son accomplissement ; ~ ancre k.à
dans la situation ou l'état qu'elle construit et auquel est identifié ~ à travers le prédicatif i
"être".
Les marqueurs de fin de procès sont si - di. m6 et cf - di. mÔ. Dans ces deux marqueurs
de fin de procès. la particule.mi garde une valeur très proche de la valeur adnominale qui
apparaît de (33) à (36). Les verbes net ~ signifient respectivement "quitter. venir de" et
"couper" ; la particule s!1 dans les deux cas est l'image du référentiel du procès impliqué dans la
relation prédicative. car. pour que ce procès cesse ou finisse. il faut bien qu'il soit. au moins en
représentation. saisi comme ancré dans un espace référentiel. Mais. la différence entre ces deux
566
marqueurs réside dans le fait qu'avec si - di. m4. en (30) par exemple. le singe n'a pas
nécessairement fini de parler bien qu'il ait cessé de parler. alors qu'avec kt - di m4. comme en
(31) par exemple. cesser de parler et finir de parler coïncident nécessairement Nous verrons que
dans le calcul de ces valeurs. se trouve impliquée la borne notionnelle interne des procès telle
que nous l'avons conçue au Chapitre VI.
VIILl.6. LES MARQUEURS MODAUX
Ce sont les marqueurs du point de vue de l'énonciateur sur la validation de la relation
prédicative. Nous retiendrons essentiellement les marques de l'assertion négative. kà...di.. de
l'impératif positif. le ton MH, de l'impératif négatif. Lasfi.. de la visée immédiate à un repère et à
deux repères. li et (ci) tà-a..Jf. les IDaIqueurs de "pouvoir". de l'interrogation. -y+/BI. W ..2.lt..
kà...o~. de l'hypothèse. tèttétté ; enfin. à ces marqueurs il faut ajouter ceux du probable et du
possible. d. ~ maa jé lé (oOÔ), é Icwd lé (004). Ces marqueurs de point de vue sur l'existence
d'une relation prédicative peuvent être illustrés par les exemples ci-dessous:
(37)
za
kà
ka
di
Jean
Neg
partir+AOR
Neg
- ) Jean ne part pas
1
(38)
1
1
WL
toi+IMP
parler
-) parle!
,
(39)
té
é
WL
di.
IMP+Neg
il
parler Neg
- ) qu'il ne parle pas!
(40)
pu
ci
ka
singe AUX
partir+AOR
- ) le singe s'en va
(41)
pu
ci
tà - à
km
le
singe AUXI AUX2+AOR partir SIT -) le singe envisage de partir
(42)
pu
ka
kvla - ma
km - di.
à
di
singe Neg
pouvoir+AOR partir-Sit
Sit
Neg -) le singe ne peut pas partir
567
(43)
pd
wé
è
singe parler+AOR - Inter
- ) le singe parle-t-il ?
(44)
pd
wé
6ià
singe parler+AOR ou bien
- ) le singe parle-t-il ou non?
(45)
p.d
wé
à
smge parler+AOR
"est-ce le cas" - ) est-ce que le singe parle?
(46)
pd
wé
lE
singe parler+AOR Sit~
- ) - est-ce que le singe parle?
- le singe parle non ?
(47)
pd
ka
kà -à
n~
singe Neg
mourir+AOR ou bien - ) le singe ne meurt-il pas ?
(48)
tè /té /të
pû
wé
té
ë
jâ
kpa
~i
singe
parler+AOR alors cela Préd
bon - ) si le singe parlait, ce
serait une bonne
chose
(49)
pd
kà
nd
singe mourir+ACC là-bas
- ) le singe est probablement mort
(50)
pd
kà
à/pl
singe mourir+ACC peut-être
- ) le singe est peut-être mort
(51)
mda
jë
lé
pd
kà
je+le voir+AOR comme
singe mourir+ACC - ) je pense que le singe est mort
(52)
ë
k'Nd
lé
pd
kà
cela
devoir-être+AOR
comme
singe mourir+ACC - ) il me semble que le singe
est mort
Nous avons vu que dans le marqueur de l'assertion négative, le corrélatif ki. est un
inverseur de gradient qui parcourt toutes les occurrences du domaine notionnel concerné et le
relatif sfila trace d'une situation s'identifiant à un gel-rejet de la toute dernière occurrence. Ainsi,
en (37), aucune occurrence de Ü "partir" n'est retenue.
568
Le marqueur de l'injonction positive est le ton MH affectant le pronom sujet. fi est la
trace d'un appel à la validation de la relation prédicative. En (38), l'énonciateur exhorte son co-
énonciateur à faire en sorte que les conditions puissent être réunies pour une inscription en
situation de la relation prédicative <l "tu", WL "parler">, par rapport à la valeur 1 de l'espace
topologique.
Dans le marqueur de l'injonction négative~, les particules" et mont respectivement
les mêmes statuts que .û. et .d1 dans l'assertion négative. Ainsi, en (39), de toutes les occurrences
envisageables de la relation prédicative <ë, wi>, il est exigé qu'aucune ne soit retenue, même pas
la toute dernière avant le passage à la zone E.
Dans la visée immédiate simple (VIS) et la visée immédiate à repère décalé (VRED),
nous avons respectivement un seul repère, m, et deux repères (ta) là - a , construits tous les
deux à partir du verbe ~ qui signifie "venir". Dans le premier type de visée immédiate, le repère
du procès visé est pour ainsi dire dans la proximité immédiate de Silo auquel on peut dire qu'il
est coextensif; dans le second type, ce repère est décalé, voire en rupture avec Silo. Ainsi,
en (40), le départ du singe est pratiquement contemporain de Silo, donc imminent, alors
qu'en (41), l'immédiateté du procès visé est différée et ne se situe que de façon décalée par
rapport au seul second repère ti..:..i. Enfin, notons qu'ici, comme nous l'avons souligné au point
Vll.2.5,.-B, b), et comme nous le préciserons d'un point de vue contrastifloTS de l'analyse de la
composition des opérations énonciatives, apparaît nécessairement la forme IW, issue de la
particule adnominale de localisation lî qui signifie "à, pour" et qu'illustre l'énoncé ci-dessous:
1
(53)
•1
6ézè
n:5 za
lE
toi+IMP
machette
donner
Jean
à - ) donne la machette à Jean
Mais dans le cas de la visée à deux repères en (41), la particule fJsJ, même si elle conserve son
statut général de localisateur, a un emploi plus abstrait. En effet, comme nous l'avons vu au
Chapitre VII, le second repère de visée, li.:.i, prive le procès ~ de tout référentiel ; on assiste
donc à une stratégie de réparation énonciative par l'introduction d'un point d'ancrage sous la
fonne d'une particule locative qui est ici lî.
569
Le marqueur de "pouvoir", qui apparait en (42), a trois composantes: kila - <fi à. On se
souvient que 1W.I signifie "pouvoir", que sil est une particule d'ancrage nécessaire pour le procès
â posé ici par tili comme un simple possible alors qu'il doit remplir un minimum de
conditions pour satisfaire chaque occwrence concrète de la classe des ki1i, d'où la nécessité
d'un site, même en représentation, c'est-à-dire sil. Quant à la particule À, nous avons w qu'elle est
l'image de la concomitance des référentiels de l'auxiliaire ûlI. et du procès sur lequel il porte.
Lors de l'analyse de la composition des relations prédicatives au Chapitre IX, nous montrerons
que ce processus de coïncidence de référentiels s'inscrit en fait dans un cadre plus général.
Les marqueurs de l'interrogation, qui apparaissent en (43), (44), (45), (46) et (42) sont
respectivement =.è. (ou plus généralement :i),.,,6ü, 2, Ji, kà...n~.
Le marqueur -v est un allongement vocalique avec un ton bas /BI ; W correspond au
français "ou bien", ce qui lui pennet de renvoyer aux deux valeurs Jet E de l'espace topologique
d'un domaine notionnel donné, comme on peut le voir dans l'énoncé
(54)
ë
ta - a
6aà
jiâ
cà - à
dt
il
venir+AOR ou bien il+ka venir+AOR Nég - ) il viendra, ou il ne viendra pas?
La caractéristique commune à :i, W et ~ c'est d'être de véritables alternateurs énonciatifs; ces
marqueurs fIXent d'abord la valeur J de l'espace topologique, puis renvoient dans le même
mouvement à la valeur E, ce qui définit un parcours, donc un non-ehoix, donc un appel à la
décision, c'est-à-dire, au bout du compte, une interrogation.
Quant à k. nous reconnaissons derrière cette forme la particule adnominale de
localisation que nous avons déjà décrite. En (46), la particule lt localise la relation prédicative
<pu, wl> de façon absolue, c'est-à-dire par rapport à elle-même en tant qu'espace référentiel. Le
relèvement tonal en MH déconnecte, décroche ce repère lt de Silo et le situe au niveau de tout
l'espace topologique de <pO, WL> où nous retrouvons toute la réalité du jeu des choix entre J, F et
E. Il s'ensuit que, de dire (46) n'empêche pas du tout -
bien au contraire - que cela constitue
en même temps un appel implicite à F ou à E, d'où l'indécision et la valeur interrogative de (46).
570
Enfin en (47), dans le marqueur de l'interro-négation, kà...o~. la particule d se comporte
aussi comme un alternateur, mais dans le sens inverse des précédents; d désigne d'abord la
valeur E avant de nous orienter vers F et l, ce qui aboutit au même résultat, c'est-à-dire au non-
choix, à un appel au co-énonciateur pour décision.
Les particules ~ li, ~ en (48) renvoient, comme nous l'avons vu, à des repères fictifs,
décrochés, Sitl., les trois variantes définissant respectivement une hypothèse "réelle", une
hypothèse "irréelle" et une hypothèse "moyenne".
Les marqueurs qui peuvent renvoyer au possible ou au probable selon les cas
apparaissent en (49), (50), (51) et (52). TI s'agit respectivement des formes ni, 2, roda jë lé,,,
k\\fd lé. auxquels il faudrait ajouter d'autres circonlocutions et expressions à valeur modulatrice.
La particule nA en (49) est issue de l'adverbe nA désignant la sphère spatio-temporelle du
co-énonciateur. Cet emploi proprement adverbial est illustré par l'énoncé
(55)
ë
lm
ad
il
partîr+ACC
là-bas chez toi
- ) il est parti chez toi
Mais en (49), lIA a un emploi plus abstrait; il renvoie à un "là-bas" qui désigne tout référentiel
spatio-temporel pourvu qu'il n'ait pas de rapport direct avec Silo. C'est un référentiel décroché.
C'est un ailleurs énonciatif en pure représentation. Ainsi, en (49), le singe est posé comme mort,
mais le repère du constat se situe dans la représentation de l'énonciateur ; il s'ensuit qu'on n'a pas
prise sur lui, d'où la non-certitude et la valeur de probabilité.
Les valeurs de.Q dans l'interrogation en (44) et dans le probable en (50) sont liées. Cette
particule a tendance à renvoyer à la valeur F tout en désignant l, d'où la valeur de possibilité ou la
probabilité en (50) à côté de la valeur d'interrogation.
Enfin, les marqueurs m ca jë lé et ë k~d lé sont à rapprocher des tours français "je
pense que", "il semble que". En effet, l'expression m4Ô jë lé se décompose de la façon suivante:
571
maà à
jë
lé
moi
le
voir+AOR
comme (=Sitl)
Cela nous donne la traduction littérale "je le vois comme", le "le" dans la séquence renvoyant à
ce que l'énonciateur va dire. En fait, l'énonciateur "voit", mais il s'agit, en (51), d'une perception
avec un oeil modal, car il ne décrit que la façon dont il se représente la validation ou, plutôt, la
validabilité de la relation prédicative de référence. On se rend aisément compte que la forme li,
qui est issue de la particule de localisation li que nous avons rencontrée dans l'étude du fléchage
en particulier, grâce au relèvement tonal en /HI décroche de Silo le repère de validation de la
relation prédicative <~, ti>. Au marqueur m40 jë lé on peut ajouter la particule .DM qui est
aussi, comme nous l'avons vu, un relais de repère décroché Sit~ Nous avons noté aussi que,
dans les constructions hypothétiques et interrogatives, on peut avoir la particule G. comme
image de repère décroché.
Quant à ë k\\tO lé, qu'on peut aussi renforcer facultativement à l'aide de ill.. c'est une
expression fondée sur le prédicat .G. dont le sémantisme a pour trait définitoire le probable. On
comprend donc qu'elle puisse s'adjoindre à lé. et définir un repère décroché comme m4A jë lé.
Nous venons de procéder à la présentation des marqueurs des grands types d'opérations
et de faire le point de leurs principales valeurs référentielles. En jetant à présent une sorte de
regard oblique sur cet inventaire récapitulatif ainsi dressé, il est intéressant de constater des
similitudes de fonctionnement de certaines catégories à d'autres; ceci nous amène à procéder à
un second type de classification que nous tenterons ensuite d'exploiter.
YIDeZ. TypoLOGIE OPERATOIRE DES MARQUEURS D'OPERATIQNS
Ce second type de classification vise à un regroupement catégoriel des formes en
fonction de la nature des opérations qui les sous-tendent. Chacune des formes concernées par
cette catégorisation peut coïncider soit avec le marqueur d'une opération, soit seulement avec un
572
terme de marqueur dans le cas des corrélatifs tels que tâ",dt. pour prendre l'exemple de
l'assertion négative.
L'analyse détaillée des différentes ttaees d'opénltions ayant été faite aux Chapitres IV, V,
VI et VIT, et reprise synthétiquement au point vm.l. ci-dessus, nous nous permettrons de ne
souligner, dans ce qui suit, que la parenté fonctionnelle des formes en cause. Nous verrons tour
à tour les localisateurs, les marqueurs de rupture ou rupteurs, et les marqueurs de parcours ou
curseurs.
VllI.2.1. LES LOCALISATEURS
La localisation, prise ici dans un sens large, consiste à défmir, à identifier ou à
caractériser un tenne en le situant par rapport à un autre ou à un repère quelconque. Elle peut
être une différenciation, une identification ou encore une rupture. Les principaux localisateurs
qui ressortent de ce travail sont : d, œ, i, ~, .,. On les retrouve dans les séquences ci-dessous:
(56)
wèii
n~
Weri FOC
- ) c'est Weri
(57)
resta
B€
Tessiah
FOC - ) c'est plutôt Tessiah
(58)
wèii
i
wt - n6
Weri Préd
parler-INAC - ) Weri est en train de parler
, ..
(59)
wen
lè
odro
Weri
9
voiture
- ) la voiture de Weri
(60)
tesiâ
6di
Tessiah
mère
- ) la mère de Tessiah
.
(61)
tre:
terre
- ) la terre
573
Comme nous l'avons vu dans la prédication non verbale et dans la focalisation, les particules n!
(=/l~/) et Ü en (56) et (57), hormis la nuance qui les sépare, identifient une occurrence d'un
domaine comme étant précisément celle qui instancie une place donnée dans une relation
prédicative formellement validée.
La particule i en (58) identifie Weri au processus en cours, wi - oÔ, défini par la relation
T2=T3=To.
La particule li en (59) est la marque du fléchage par différenciation d'avec le repère,
c'est-à-dire la trace de ce qu'on appelle ordinairement relation de "possession", le morphème
zéro (RI) en (60) marquant plutôt un fléchage par identification ou fléchage symétrique.
Notons enfin qu'en (61), nous avons retenu aussi l'idée d'un fléchage par rupture d'avec
Silo, et ceci à l'aide de Il. dans le cas des domaines notionnels discrets à un seul élément auquel
renvoie n'importe quelle situation.
VIII.2.2. LES MARQUEURS DE REFERENTIEL
Il s'agit des particules ou des formes synthétisant des paramètres spatio-temporels et
pouvant servir de points d'ancrage réels, représentés ou fictifs aux procès, ou, de façon générale,
aux relations prédicatives construites sur ces procès. Nous considérerons les repères objectifs,
les référentiels décrochés ou fictifs, les images-repères contraintes.
VllI.2.2.1. LES REFERENTIELS OBJECTIFS
Ce sont les marqueurs du point d'ancrage d'un procès ou d'une relation prédicative
définie par rapport à la situation repère origine Silo, soit directement par identification ou par
différenciation, soit par rupture d'avec Silo. Soulignons que ces formes, en tant que telles, sont
des constructions qui peuvent coïncider ou non avec telle ou telle situation repère précise. Nous
qualifions ces référentiels dlllobjectifs" simplement pour les distinguer, d'une part des repères
574
fictifs, qui les contiennent, et d'autre part des repères contraints qui, comme nous le verrons,
sont prédicativement et énonciativement contraints. Les marqueurs de site que nous retiendrons
dont les suivants: le marqueur d'accompli, que nous ne notons pas ici parce qu'il a une
réalisation morpho-tonale variée, la particule d'inaccompli, .:.nA, les particules de l'aoriste des
monosyllabes et des dissyllabes, .:1. et ml. On retrouve ces formes dans les séquences ci-
dessous:
.
(62)
za
' -
J:):)
Jean
se cacher+ACC
- ) Jean s'est caché
(63)
za
i
tà
- na
Jean
Préd
venir-INAC
- ) Jean est en chemin
(64)
za
kà
a
Jean
mourir+AOR
- ) Jean meurt
(65)
za
k1â
ma
Jean
avoir peur - AOR
- ) Jean a peur
Dans les quatre énoncés ci-dessus, on dit bien comment, par rapport à Siro. se situent les procès
j:):5 "se cacher", li "venir", ti.."mourir" et W "avoir peur", ainsi que les relations prédicatives
qui en dépendent. Nous avons donc, en (62) une différenciation, en (63) une identification, en
(64) et en (65) à la fois une identification et une différenciation.
Vill.2.2.2. LES REPERES FICIJFS
fi s'agit de formes correspondant chacune à un repère fictif, décroché de Siro. que nous
avons noté Sit!, et à partir duquel on peut ré-envisager toutes les constructions particulières
définies par les repères objectifs du point précédent. Ces formes sont mac) jë lé, ë klfa lé, nO, Q.
pour le possible et le probable surtout, k, li, nM, tèltéltë, G. pour l'interrogation, la négation,
l'interro-négation, l'hypothèse, l'injonction, l'injonction négative, principalement. A ces
marqueurs, il faut ajouter le marqueur zéro (0), car en tant qu'énonciateur, on peut se transposer
sur un plan d'énonciation fictif sans avoir besoin de s'appuyer sur une marque formelle explicite.
575
En tout état de cause, les formes répertoriées doivent, en tant que telles et en contexte, être
soumises à une analyse plus fine que nous n'avons eu le temps de le faire ici. C'est à ce prix que
l'on pourra mieux cerner le fonctionnement de ces particules ainsi que leurs combinaisons à
divers niveaux. Toutefois, le fait important que nous tenons à souligner, c'est que toutes ces
formes représentent un repère fictif se situant ailleurs qu'en Silo quoi qu'en possédant les traits
principaux, et à partir duquel peut être envisagée une occurrence de procès ou de relation
prédicative. Un tel repère est à la base des énoncés ci-dessous :
(66)
mc5~
jë
lé
ë
tà
moi+le
.
voir+AOR comme il
venir+AOR - ) je pense qu'il est venu
,
(67)
ë
tà
nO
il
venir+ACC
là-bas
- ) il est probablement venu
Sit~
(68)
ë
tà
l€
il
venir+ACC
Sit~
- ) est-ce qu'il est venu?
(69)
lé
ë
tà
à
Sit~
il
venir+ACC-Inter
- ) Serait-il arrivé?
(70)
tè
ë
tà
të
ë
jà
kpà
si
il venir+ACC
alors
cela
Pred bon
- ) s'il est venu, alors c'est bien
Sit~
On se rend bien compte que, dans chacun des cas ci-dessus, c'est à partir d'un point de vue
décroché, fictif, que le procès ou la relation prédicative qui en dépend est envisagé; l'image de ce
repère est respectivement mM jë lé, llY, lt,~, œ.
VIII.2.2.3. LES IMAGES-REPERES CONTRAINTES
Cette catégorie regroupe les formes ou particules introduites dans la chaîne pour servir
d'appui référentiel indispensable à un procès du fait d'une autre opération définie généralement
576
par les formes que nous appelons plus bas "rupteurs". Dans cette fonction, nous avons
rencontré essentiellement sI1, i, U, D, que nous trouvons dans les exemples ci-dessous :
(71)
e
ji
e
kà - di.
il
Préd
il
momir-Sit (Etat)
-) il est mort
(72)
ë
kili
ta - di.
à
il
pouvoir+ACC venir-Sit
Sit
-) il a pu venir
(73)
ë
ta
tà - à
km "' lè
il
AUXI AUX2+AOR partir Sit
-) il va partir bientôt
(74)
zc5
kà
kà
li:
di.
Jean
Neg
mourïr+ACC-Sit
Neg
- ) Jean n'est pas mort
(75)
1
[5-:5
Wei)
se promener
FAIRE+ACC
- ) Qu'est-ce qu'on s'est promené!
(76)
Wl.
6f,
e
wo
parler ru
il
FAIRE+AOR
- ) Ah! ça! on parlera !
(77)
«1
km
1
ei)
je+TH
partïr+ACC-FAIRE+ACC
- ) moi, je suis parti (aussi)
En (71) et (72), comme nous l'avons vu, mapparaît nécessaire comme un point d'ancrage
pour Û. et~, procès référentiellement décrochés par t (= e+/HI) et W. En (73), le référentiel
lè est rendu nécessaire par la visée à deux repères; nous verrons au Chapitre IX que c'est un
type particulier de combinaison aspecto-modale qui explique la présence de U. en (74). En (75),
(76) et (77), le référentiel w4'i est appelé respectivement par la diathèse de procès, la
thématisation de procès et la thématisation du pronom .4 intégré directement dans la relation
prédicative. Enfin, nous avons vu qu'en (72), dans l'expression de "pouvoir", la coïncidence de
référentiels a nécessairement une image qui est la particule i.
577
VDL23.LESRUPTEURS
Ainsi que nous l'annoncions au point précédent relatif aux référentiels contraints, il s'agit
de marqueurs représentant un terme ou une relation predicative dans un rapport de rupture avec
le repère origine, ce qui, lorsque ces termes sont directement membres d'une relation prédicative,
nécessite une stratégie de réparation énonciative à travers l'une des particules m, a, ou U selon
les cas. Les rupteurs sont /HI, üt, ~, ~ pour la thématisation, i, mA, â.:..I "vient de", ~ "cesser
de", ~ "finir de" pour l'aspect, IMHlpour l'impératif, 11., (ta) ci - a pour la visée immédiate, kitla
pour "pouvoir". Les énoncés ci-dessous illustrent certains de ces marqueurs :
.
-
(78)
~
o
WL
0
ils+TH
parler-FAIRE+AOR
- ) eux, ils parlent
(79)
ë
sî
a
wi - na
il
venir de+AOR parler+INAC - ) il vient de parler
(80)
ë
cf - f
WL
- di
ma
il
finir+ACC parler Sit
cOIps - ) il a fini de parler
(81)
ë
ta
wé
il
AUX
parler+AOR
- ) il va parler
(82)
ë
ta
tà-a
wt. - l€
il
AUXI
AUX2 parler
Sit
- ) il va bientôt parler
(83)
î
kitlà - mc1
wt - di à
tu
pouvoir+AOR
parler Sit Sit -) il peut parler
En (78), (80), (82) et (83), la fonction de rupture de !HI, ~, ~ et kithi est manifeste et se
remarque par la stratégie de réparation qui est traduite respectivement par 2. (wo),.d1" lî, et !li.
Pour ce qui est des deux autres énoncés, une stratégie de réparation est rendue inutile en (79)
par la présence du référentiel =Il4 issue ici de la construction aoristique du passé immédiat, et en
(81) par la construction aoristique wé qui renvoie par essence à un référentiel indéfini, donc
panchronique et panspatial.
578
VID.2.4. LES CURSEURS
Les curseurs sont les formes ou particules qui renvoient à l'ensemble de la classe
d'occurrences d'un domaine, et donc en particulier ici aux différentes zones de l'espace
topologique de ce domaine sans en exclure aucune. TI s'agit des particules Ü. et " de l'assertion
et de l'injonction négatives, des marqueurs de l'inteITOgation que sont -y+/8/, tiü. ~ ~. Nous
les retrouvons dans les énoncés suivants :
(84)
wèrl
ka
tà-à
dt
Weri Neg
venir+AOR Neg
- ) Weri ne vient pas
(85)
të
ë
wi
dL
IMP NEG
il
parler Neg
- ) qu'il ne parle pas!
,
(86)
ë
tà - li
- a
il
venir+AOR - INV
- ) vient-il ?1
,
(87)
ë
tà - a
6lià
il
venir+AOR
INV
- ) il vient ou non ?
(88)
ë
tà
- li
à
il
venir+AOR
INV
- ) est-ce qu'il vient ?
.
(89)
1
Jaa
ta
- a
n~
il+Neg venir+AOR INV
- ) ne vient-il pas?
Comme nous l'avons longuement expliqué, les particules ti et ~ en (84) et (85)
éliminent, en les égrenant, toutes les occurrences des domaines respectifs sur lesquels elles
portent, y compris la toute dernière.
Quant aux formes -V+fBl, ti..ü., ~, ~ en (86), (87), (88) et (89), ce sont des alternateurs
ou inverseurs qui partent d'une valeur d'un domaine pour renvoyer aux autres, mais de façon
non définitive; ce sont donc des curseurs. C'est ici qu'il importe de souligner que dans
1- lliY est mis pour "Inverseur"
579
l'opération de parcours, et particulièrement dans le parcours sans issue de (86) à (89), le système
référentiel origine privilégié, en dehors du marqueur zéro, correspond souvent aux repères
décrochés examinés au point précédent, puisque ceux-ci, par définition, n'excluent aucune valeur
de l'espace topologique 1, F, E. Ainsi, à côté des énoncés (86) à (89), on peut, par exemple, avoir
les énoncés
(90)
Jïà
jë
lé
ë
tà -
i - à
tu+le
.
vois
comme il
venir-AOR- - ) tu penses qu'il viendra ?
(91)
lé
ë
tà - à
6ià
Si1~
il
venir+AOR
INV
- ) viendra-t-il ou non ?
(92)
tè
ë
tà - a
à
Si1~
il
venir+AOR
INV
- ) viendra-t-il ?
.,
(93)
n66
Jaa
tà - a
n~
Si11
il+Neg venir+AOR INV
- ) ne viendra-t-il pas ?
où, de (90) à (93), l'interrogation se construit à partir de repères décrochés dont les images
respectives sontJïà jë lé, li, œ.. nM.. Cependant, cette sorte d'harmonie énonciative ne signifie
pas du tout que les repères cités, Jïà jë lé, li. "' et aM n'acceptent jamais une valeur unique à
l'exclusion de toutes les autres. C'est précisément ce qui fait l'ambiguïté ou l'ambivalence de
certains de ces repères.
En effet, force est de noter que, dans l'absolu, les valeurs de l'espace topologique ne
semblent pas toujours équipondérées dès le départ selon les repères. Ainsi, certains repères
privilégient franchement une valeur, même si les autres ne sont pas défmitivement éliminées;
c'est le cas de la particule 1t de l'hypothèse, qui oriente vers la valeur l, et de la particule 19 de
l'interrogation, qui privilégie ou 1ou F ; ces cas sont illustrés par les exemples suivants :
(94)
tè
ë
tà
i
vi
si
il
venir+ACC
toi+IMP
parler+0'
- ) s'il est arrivé, dis-le!
Sit~
580
(95)
e
tà
lè
il
venir+ACC
Sit~
- ) il est venu, non ?
D'autres repères restent foncièrement ambivalents; c'est le cas de li et.nAA. Ainsi, alors que li et
.aM. dans leur statut de repères d'une seule valeur, peuvent s'associer aux énoncés (84) et (85)
définissant un parcours avec issue, pour dœner les énoncés équivalents,
(96)
e Jlli
li
lé
wèn kà
tà-a
cft
il rêve tuer+AŒ comme Weri Nég
.
venir+AOR Neg - ) il a rêvé que Weri ne
viendra pas
, .
(97)
n66
te
wèn
è
ta
cft
Sit~
IMP+Neg
Weri elle
venir- Neg
- ) que Weri ne vienne pas!
ces mêmes référentiels ne peuvent, dans leur statut de repères de zones équipondérées, permettre
que les fonnes interrogatives correspondantes définissant plus d'une valeur,
(96')
e Jlli
li
lé
' ,
wen
ka ta - â
n~
il rêve tuer+AŒ comme Weri Nég venir+AOR INV - ) a-t-il rêvé que Weri ne
vient pas ?
..
,
(97')
n66
te
wèri
e
ta
n~
Sit~
IMP+Neg
Weri elle
venir
INV
- ) faut-il que Weri ne vienne pas?
à l'exclusion des fonnes non interrogatives correspondantes (96) et (97).
L'examen des marqueurs au triple plan formel, référentiel et opératoire nous a amené à
identifier des réseaux de rappons complexes entre les formes auxquelles s'identifient ces
marqueurs ou les composantes de ces marqueurs lorsque ceux-ci sont constitués de plus d'un
terme. D'une façon plus générale, l'identité ou la ressemblance structurelle des constructions au
niveau profond fait que, bien souvent, et au-delà des marqueurs en surface, on assiste à ce qui
peut être considéré comme une superposition de fonctionnement au plan des opérations
énonciatives. C'est cette question de la fusion des valeurs ou de leur (con)jonction que, avant de
clore ce Chapitre consacré à l'analyse synthétique des marqueurs d'opérations, nous nous
proposons d'examiner dans la section qui suit.
581
VlIl3.DESCA~DEFURMESAL'fIOM)L()GEDESOŒRATDNSENONCIA'I'lVES
Nous voudrions montrer que la nature, la structure et le fonctionnement des opérations
qui sous-tendent les particules énonciatives font que les catégories que nous venons de définir
ne sont pas séparées par des cloisons étanches, ce qui explique une possibilité permanente de
glissement transeatégoriel et donc, souvent, une certaine plasticité des valeurs autour de la même
fOIme. Nous illustrerons ce phénomène à travers les opérations énonciatives que sont l'assertion
négative, l'interrogation, l'hypothèse, l'injonction et la thématisation.
VIII.3.1. LA THEMATISATION ET L'HYPOTHESE
Pour expliquer le glissement qui peut s'effectuer de la thématisation à l'hypothèse,
prenons l'exemple suivant:
(98)
jié1
wt
(6f), të
ë
jâ
tà - na
1Di+lH
.
il
Préd
venir+INAC
lar)er lH
J
anaphorique
étant donné toi parler,
alors
il
en train de venir
- )
si tu parles/pourvu que tu parles, il viendra (tout de suite)
D'abord, pour ce qui est de la construction de l'énoncé (98), notons simplement que la
thématisation de la première relation prédicative ~ i ~ 'f (1) vt ? ~ se fait ici par l'insertion
du marqueur ti.t nécessairement entre i et Jd et (facultativement) entre Jd et ~ le substitut de la
relation prédicative tête.
Quant au processus des glissements de la thématisation à l'hypothèse, on peut l'expliquer
de la façon suivante. La relation prédicative tête est, à travers la thématisation en ~ posée
comme le point par rapport auquel on construit la seconde relation prédicative
1- jjj vient de la fusion de i avec 6t. que nous avons expliquée au Chapitre m.
582
~ ê .!!.1 6 1à t ~. Ainsi, la premi~re relation prédicative ~ i ~ f h vi r ~ apparaît
comme le repère ou comme la condition de la construction de la seconde. On remarquera qu'ici
la relation prédicative repère représentant la protase est présentée sous une forme absolue, sans
aucun site, ni objectif ni fictif; en effet, nous n'apercevons dans la structure de l'énoncé (98)
aucune des traees de stratégie de réparation examinées au point VllI.2.2.3. Cette protase repère
est panchronique et peut avoir pour glose "l quelque moment qu'il y ait ~ i .!!. f 6 vi r ~,
i
1
1
"pourvu que" ~ i .!!. f () V1. r ~.
VID.3.2. L'INJONCTION ET L'HYPOTHESE
On peut avoir un glissement de l'injonction à l'hypothèse dans l'énoncé suivant:
(99)
•1
ft - 611
kpa
è
i
6wi
bi+IMP
.
~er bien J toi+IMP grossir
anaphorique
(tu)
manges
bien,
alors tu grossis
- )
si tu manges bien, tu grossiras.
On constate ici que la première relation prédicative i ~ < ( ) ft - 611 est posée comme repère ; elle
a donc le statut d'une protase par rapport à laquelle peut être située la relation
~ i .!. 1(1) 65li=r ~ qui a par conséquent un statut d'apodose ; la particule i apparaît alors,
ainsi que nous l'avons vu pour lt. en (98), comme l'anaphorique de la première relation
prédicative par rapport auquel la seconde est directement repérée comme conditionnée.
vm.3.3. L'HYPOTHE8E ET L'INTERROGATION
Ce type de glissement peut être illustré par l'énoncé suivant:
583
(100) tè
ë
ka
a
Sit~
il
partïr+AOR
INV
- ) Est-ce qu'il partira ?
Le processus représenté par (100) exprime un glissement et non une superposition qui serait
proprement impossible. Nous voyons ici apparaître la particule", qui traduit le choix fictif de la
valeur 1de la relation prédicative sous-jacente ~ , ~ 'f (I) kG) ~ ~; apparaît aussi le vecteur
inverseur 2 ; étant donné que de toute façon, quel que soit le type de choix nous sommes à un
niveau fictif de représentation, l'inverseur 2 a pour rôle de changer le sens du gradient
d'attraction de 1vers E, ce qui, comme nous l'avons vu, fait coexister 1et E ; cela aboutit à une
indécision qui est caractéristique de l'interrogation. On notera simplement que le glissement se
fait de plein pied, c'est-à-dire d'une représentation à une autre représentation.
vm.3.4. L'HYPOTHESE ET LA VISEE
La valeur de visée de l'hypothèse peut être illustrée par l'énoncé ci-dessous
(101) té
ë
tà - à
fiÉ -
è1
Sit~
il
venir+AOR
TH
INV - ) si seulement il pouvait venir !
Cet énoncé est marqué par la présence du repère ~ avec un tonème haut /HI dont nous avons dit
que, dans le cadre du fictif, et contrairement à~, il pondérait plutôt le complémentaire E de l,
mais sans éliminer 1 comme l'aurait impliqué la combinaison avec la valeur aspectuelle
d'accompli (té ë tà fit "s'il était venu"=il n'est pas venu). Nous sommes en effet en présence d'un
aspect aoristique incluant le non-actuel, l'avenir, qui maintient l "lui venir" comme non
impossible, ce qui, dans des conditions de téléonomie précisées par la situation, débouche sur la
valeur de visée de 1par rapport au non-actuel, à l'avenir; nous aurions plutôt obtenu une valeur
de visée non satisfaite, donc de regret si la relation était située dans l'accompli (té ë tà fit).
1- Ici i correspond bien à l'allongement vocalique en fmale ~ à valeur d'inverseur.
584
VIIl35.L'NIERROGA1DNEfIEIŒSIBIEBLA'lERALOU C<NI1NGENf
Ce processus du passage de l'interrogation au contingent, qui n'est concevable que
comme glissement et non comme superposition, peut être illustré par l'énoncé suivant :
(102) ë
ka
a
il
partîr+AOR
INV
il
part
ou
non
- )
il part peut être
Cet énoncé est un choix assertif de la valeur 1 de la relation 'f- 6 ~ f (') k4) ~ ~, mais la
fermeture de la boucle se trouve bloquée par le vecteur inverseur b. qui nous oriente vers le
complémentaire E de 1 ; on débouche sur une interrogation qui, selon le type de relations inter-
sujets en jeu, peut avoir un simple statut de supputation par rapport à deux valeurs, c'est-à-dire
une valem de contingence: "Peut-être partira-t-il" (102).
VIII.3.6. L'ASSERTION NEGATIVE ET L'INJONCTION
Le glissement de l'assertion négative à l'injonction peut être illustré par l'énoncé suivant:
(103) jià
ft
-
61ë
di.
tu+NEG
manger+AOR
NEG
tu ne
manges
pas
- ) j'ordonne que tu ne manges pas
Nous avons vu que la valeur injonctive d'un tel énoncé présuppose une source déontique(Sd) et
une relation prédicative non saturée, d'où une strocture de base semblable à celle-ci :
La saturation de cette relation prédicative pari repose sur l'intervention de la source déontique.
Quant au processus du glissement de l'assertion négative à l'injonction (négative), il
s'explique par le fait que dans l'une et l'autre opération, nous avons un décrochement de la
585
relation prédicative de Silo du fait de l'insertion de b et de ". Le parcours des occurrences de la
relation prédicative jusqu'au rejet de la toute dernière à travers met par le fait du seul sujet
énonciateur comme source déontique nous ramène aux fonctions de ~ et mdans le cadre de
l'injonction canonique.
Si nous pouvons nous résumer, nous constatons que le glissement transcatégoriel décrit
ici est dû essentiellement au décrochement, par le biais d'opérations diverses, de la relation
prédicative par rapport au repère origine Silo. ce qui conduit généralement à des représentations
où au moins deux valeurs coexistent. On assiste ainsi à une sorte d'osmose entre des opérations
énonciatives qui sont catégorisées différemment au départ sur le plan de la référence, mais qui
ont et conservent une certaine homologie d'ordre structurel et fonctionnel qui explique, tout au
moins en panie, l'élasticité de leur interprétation. C'est d'ailleurs sur la structure de ces
opérations représentées par des particules énonciatives que nous nous appuierons pour tenter de
mieux comprendre, dans le dernier Chapitre de notre étude, d'une part la forme et le sens de la
composition des opérations énonciatives ainsi que les contraintes qui les accompagnent, et
d'autre part la régulation des rapports inter-propositionnels.
586
CHAPITRE IX
REPERAGES PREDICATIFS ET ENONCIATIFS: COMBINATOIRE,
STRUCTURATION DES ENONCES COMPLEXES
587
Les Chapitres N, V, VI et VIT ont été consacrés respectivement à l'étude de la prédication,
de la thématisation, de la focalisation, de l'aspect et de la modalité qui, pour des raisons évidentes
de commodité méthodologique, ont pratiquement été présentés comme des opérations isolées,
sans aucun lien entre elles. Le présent Chapitre a pour objet de montrer de façon plus
systématique que, bien au contraire, elles sont inter-reliées puisqu'elles se composent et se
superposent même. C'est pourquoi, et en guise d'introduction à ce vaste et complexe problème de
la combinatoire des opérations énonciatives, nous nous proposons d'en retenir quelques-unes et
de tenter d'identifier les raisons de telle ou telle forme d'incompatibilité ou de compatibilité.
L'analyse que nous avons faite des opérations citées et de leurs marqueurs nous donne
également l'occasion de pouvoir interpréter les relations inter-propositionnelles. Nous
examinerons donc certains aspects de la combinatoire des opérations énonciatives et tenterons
d'identifier quelques-uns des principes généraux de structuration des énoncés complexes.
IX.I. DE LA COMBINATOIRE DES OPERATIONS ENONCIATIVES
Nous envisagerons les contraintes imposées par la modalité, puis celles découlant de
l'aspect.
JXJ.l. LA MODAUIEEI'~ OPERAIDNS ENONCIA'I1VFS ENYAOURE
Nous examinerons quelques-unes des contraintes relatives aux combinaisons modales, à
la composition de la modalité avec détermination nominale, la prédication et l'aspect
IX.l.l.l, LA COMPQSmON ASPECfQ-MODALE EN YAOURE
La modalité et l'aspect sont des constructions de l'énonciateur et, en tant que telles, ils
sont l'expression de son point de vue. Ce n'est pourtant pas un paradoxe que la superposition
d'occurrences de procès et d'occurrences de relations prédicatives s'accompagne quelquefois de
contraintes sérieuses. C'est précisément certaines de ces contraintes que, dans cette Section, nous
588
nous proposons d'examiner à travers la combinaison de l'aspect avec la visée. la négation. la "fin
modale" et le "possible unilatéral".
A- LA VISEE El' L'ASPECl
a) 1.4 visée proSPective
Examinons. tour à tour. la combinaison de la visée prospective avec les trois
constructions aspectuelles que nous avons défmies au Chapitre VI. c'est-à-dire l'aoriste.
l'accompli et l'inaccompli.
L'aoristique absolu. c'est-à-dire la construction qui, par essence. ne se définit pas
directement par rapport au repère origine TOt se trouve exprimé dans l'énoncé suivant:
(1)
zc5
ka
Jean
partir+AOR
- )
Jean partira
Un contexte de visée nous permettrait de rendre cet énoncé par "Jean partira/veut partir". Ce qu'il
faut noter. c'est que nous avons ici la combinaison d'une visée. d'une projection d'occurrence de
relation prédicative et d'une construction d'occurrence de procès dans l'avenir. Nous ne
constatons aucune contrainte formelle au niveau de l'énoncé (1). C'est la manifestation d'une
compatibilité de nature entre les deux opérations. En effet, la visée et l'aoriste représentent tous
les de~x des constructions se défmissant par le fait qu'elles sont en rupture avec le plan
d'énonCiation. Cette rupture d'avec Ta implique une indétermination. défInit leur identité de
nature et explique leur compatibilité. Dés lors. on comprend qu'il n'apparaisse. en (1). aucun
indice qui soit la trace d'une sorte de stratégie de réparation syntaxique.
L'accompli visé peut être traduit par l'énoncé suivant :
(2)
zc5
kcil
Jean
partir+ACC
- )
Jean est parti
589
Comme on peut le comprendre aisément, seuls le contexte ou les conditions de production
permettront d'obtenir, pour (2), le sens "Jean veut partir". C'est donc la situation d'énonciation
qui expliquera l'insertion d'un procès qu'on se représente comme accompli dans une occurrence
de la relation prédicative ia !!. < (1) M) > en rupture avec Silo. Et c'est justement cene rupture
refusant tout rapport direct du temps T2 de l'événement avec To sous la forme T2=To ou T2;tTo
qui crée une distance entre T2 et To et, par conséquent, cette visée de l'événement. Au
Chapitre VU, nous avons vu en effet que l'on peut viser un procès comme accompli, la valeur
résultante étant une forte détermination. n est intéressant de noter que cette volonté peut être
renforcée par un adverbe comme lib.4 dont le rôle dans le contexte accompli est d'insister sur la
relation de différenciation T2;tT3=T~. Cest ce qu'on peut voir dans l'énoncé
(3)
d
km
lÎbd
je
partir+ACC
il y a longtemps
- ) je suis résolu à partir
Dans un contexte de visée, cet énoncé correspond à la glose "je suis parti il Ya longtemps",
autrement dit, "au niveau de ma représentation, c'est déjà fait", "il n'y a plus de question à se
poser sur mon départ, c'est acquis", en d'autres termes encore, "ma volonté de partir est ferme: je
m'en irai".
On retrouve la transposition exacte de cette construction, dans ce qu'il est convenu
d'appeler "le français populaire de Côte d'Ivoire". Ainsi, pour exprimer une décision ferme, une
forte détermination à partir, quelqu'un vous dira
(4)
Je suis parti fini
au sens de "Je partirai, je suis décidé", le "fini" dans l'énoncé (4) appuyant l'accomplissement en
représentation et renforçant du coup la détermination de "je".
Quant à l'inaccompli, nous le trouvons dans l'énoncé
(5)
km
a
km - nô
nous
Préd. partir+INAC
- )
nous sommes en train de partir
590
que le contexte pennettra de rendre par "nous sommes décidés à partir". Cet énoncé traduit une
volonté que peut renforcer un adverbe tel que D "déjà" dans l'énoncé
(6)
kc:l
i
kc5 - n~
và
nous
Préd. partir+INAC déjà
- )
nous sommes déjà en train de partir
Ici, va "déjà" a le rôle que joue 1ib.4 "il Ya longtemps" en (3) : "nous sommes déjà en chemin",
"il n'y a plus lieu de se demander si partir aura lieu ou pas, nous coïncidons avec lui en T~", ce
qui revient à dire, étant donné la rupture avec la réalité en T0' que "nous sommes fermement
décidés à partir".
Au total, qu'il s'agisse de l'accompli (2) ou de l'inaccompli (5), il est question
d'occurrences de procès construites d'un certain point de vue, mais dans le cadre de relations
prédicatives visées, c'est-à-dire dans un plan en rupture avec Siro. fi s'ensuit que, par transitivité,
ces occurrences T2 en tant qu'occurrences sont en rupture avec To et donc définies par les
relations T2:;,T3=T~ Cl) T0 (2), T2=T3=T~ Cl) T0 (5). On en tire aisément que les valeurs de
l'accompli en (2) et de l'inaccompli en (5) sont de nature essentiellement aoristique. Quelle que
soit la nature de la borne droite des intervalles associées aux procès dans les deux cas, chaque
intervalle est appréhendé dans sa compacité, c'est-à-dire comme un tout. Cette valeur aoristique
explique que nous n'ayons aucune trace correctrice en surface, tant en (2) qu'en (5).
fi faut noter que la visée dont il est question ici peut avoir pour source la volonté de Co,
une pression sur Co, ou encore elle peut être une visée pure, projection pure et simple de la
relation prédicative dans l'avenir. Par ailleurs, la visée rend caduque toute distinction entre types
de procès, en particulier la distinction entre discret et dense. Tout est en rupture avec T0 et se
trouve appréhendé globalement comme un point. C'est ainsi qu'on ne fera pas la différence entre
les bornes associées aux procès dans les énoncés
(7)
î
wù - 3
tri
tu
pleurer+ACC demain
- ) tu pleureras demain
591
(8)
km
i
scb - nd
ui
nous
Préd. sauter+INAC demain
-> nous sauterons demain
Aussi bien en (7) qu'en (8), les procès sont saisis globalement
b) lA visée immédiate
Examinons la combinaison de la vis6e immédiate àrepère unique 1& avec les trois fonnes
aspectuelles que nous venons d'exploiter.
Nous trouvons l'aoristique absolu dans l'énoncé suivant:
(9)
zc5
ta
ka
Jean
AUX partir+AOR -> Jean s'en va
Dans cet énoncé, nous retrouvons 11., le marqueur de la visée immédiate, associé à l'occurrence
du procès ~ "partir" à l'aoristique absolu. Nous ne reviendrons pas sur l'explication; nous ne
ferons que noter la régularité de ce type de fonctionnement où la compatibilité de la visée et de
l'aoristique confirme une identité de nature qui ne nécessite pas une opération d'ajustement dans
un cas de superposition comme ici. Notons simplement que, quel que soit le type de borne
notionnelle interne au procès, la perception à l'aoristique reste de type global. C'est ainsi que, de
ce point de vue, nous ne ferons pas de distinction entre l'énoncé (9) et l'énoncé
(10)
zc5
ta
wù - li
Jean
AUX pleurer+AOR
->Jean est sur le point de pleurer
où wù -0 est, à la différence de~, un procès dense.
Si nous construisons l'accompli et l'inaccompli dans le cadre d'une visée immédiate, nous
obtenonslesséquences:
(11)
*zc5
ta
wù-O
Jean
AUX pleurer+ACC
(12)
*zcï
ta
km - na
Jean
RVo
partir+INAC
592
Nous aboutissons en fait à des séquences inacceptables en yaouré alors que, comme nous
l'avons vu, l'accompli et l'inaccompli sont possibles avec la visée prospective. Nous pensons que
cette différence de comportement s'explique à partir de deux concepts que nous proposons: la
"visée de l'acquis" et la "visée de l'à-acquérir". Dans le cas de l'accompli et de l'inaccompli en
visée prospective, nous avons affaire à la visée d'un acquis; le sujet se voit en T2 comme ayant
accompli ou étant en train d'accomplir tel procès ; en visée immédiate, il s'agit plutôt de la visée
d'un à-acquérir: le sujet se représente le moment où il accomplira tel procès, sans envisager de
distinction entre la non coïncidence T2~T3=T~ ou la coïncidence T2=T3=T~ entte l'événement et
le repère qu'il se construit; notons que dans le cas d'espèce, nous avons un mixte des deux
relations, d'où T2#=T3=T~ ro To.
En d'autres termes, il faut surtout noter que dans le cas de l'accompli et de l'inaccompli à
la visée prospective, nous avons la visée d'une relation saturée ; en nous référant à (2) et (5), nous
avons la relation saturée
(2')
dont l'opérateur ~ se réalise (~) ou (=) selon que nous avons affaire à l'accompli ou
l'inaccompli.
Quant à la visée immédiate, elle correspond en fait à une représentation renvoyant à la
visée d'une relation non saturée, c'est-à-dire pour (9), à la relation non saturée
zc5 ~ < () kil >
dont la perception se fait directement de façon aoristique par rapport à T0, alors que dans le cas
de la visée d'accompli et d'inaccompli, on peut dire qu'on a d'abord construction d'un procès par
rapport à To sous les formes T2~T3=To pour l'accompli et T2=T3=To pour l'inaccompli, puis
représentation distanciée, décrochée ou aoristique de ces constructions par rapport à To.
593
On comprend alors mieux qu'un acquis visé n'ait pas nécessairement la même
construction que la visée d'un à-acquérir qui caractérise justement la visée immédiate.
Considérons maintenant une visée immédiate avec plus d'un repère. Cela correspond à
l'énoncé
(13)
·za
18
tà - a
wù-a
Jean
AUXI
AUX2+AOR
pleurer+AOR
(14)
·z4
18
tà - a
wù-a
Jean
AUXI
AUX2+AOR
pleurer+ACC
(15)
·za
18
tà - a
wù - a - na
Jean
AUXI
AUX2+AOR
pleurer+INAC
On s'aperçoit qu'avec deux repères ou plus d'un repère de visée, ni l'aoriste, ni l'accompli, ni
l'inaccompli ne sont possibles. En revanche, au lieu de l'énoncé (13), on peut avoir l'énoncé
suivant:
(16)
za
18
tà - à
wu-:i
li;
Jean
AUXI
AUX2+AOR
pleurer+e
Sit
- ) je vais bientôt pleurer
Nous constatons l'apparition d'une marque IW dont nous indiquions brièvement dès le point
Vll.5.2.,- B, b) qu'elle est ici la trace nécessaire d'une stratégie de réparation syntaxique.
En fait, dans les visées immédiates, ce qui est directement visé, tout au moins d'un point
de we hiérarchique et/ou logique, c'est la première forme de procès apparaissant après ta ;c'est
donc ~ qui est visé en (9) et wù - 5 en (10). Ainsi, en (13) par exemple, c'est ~ "venir" qui est
directement visé, même s'il constitue le second repère à partir duquel le procès wù - a est ce que
l'on construit et projette dans l'avenir immédiat. Le fait que à en (13) est visé exige, pour sa
compatibilité avec cette visée, qu'il ait une construction aoristique, c'est-à-dire en rupture avec le
premier repère coïncidant avec Silo en To, d'où li..:.i1 ; alors que le second repère (tà - a) a un
1- Le schème BB ([tàà]) de/tà-âl n'est ici que le résultat d'une propagation tonale dont nous avons expliqué le
processus au Chapitre 1lI.
594
référentiel Sitl, même si celui-ci est décroché par rapport à Sito, ~ se retrouve sous la forme
d'une simple base, nue, sans point d'ancrage situationnel ou référentiel : IW apparaît alors
comme la trace d'une opération d'ancrage de lEi:...i, la trace ou l'image en surface d'un référentiel
en représentation pour lril..i.
On peut noter qu'ici également, les procès visés sont tous saisis globalement, et que
l'analyse faite quant à la relation entre la visée immédiate et la construction d'occurrence de
procès ne subit aucun changement quelle que soit la borne notionnelle associée au procès au
plan lexical.
D'un point de vue général, les exemples (1) à (16) montrent que le type de construction
de la visée détermine, sous une forme ou sous une autre, un type donné de construction
d'occurrence de procès. La combinaison de l'aspect et de la modalité s'effectue donc par filtrage
de leurs valeurs lorsqu'il le faut. Ce phénomène peut s'observer aussi au niveau de la modalité
négative.
B- LA NEGATION ET L'ASPECr
Nous examinerons la composition de la négation marquée par les corrélatifs ka...d1 avec
l'aoriste, l'accompli et l'inaccompli.
La négation de l'aoristique absolu est exprimée dans l'exemple suivant:
(17)
za
ka
ka
d1
Jean
Neg
partir+AOR
NEG -> Jean ne part pas
Ainsi que nous l'avons vu au Chapitre VII, le marqueur ta. est un inverseur et un opérateur de
parcours; mieux, nous pouvons ajouter qu'il ne peut jouer ce rôle que s'il s'en adjuge un autre,
celui de décrocher de tout référentiel objectif la relation prédicative dont il peut alors, en
représentation, parcourir toutes les occurrences pour n'en retenir finalement aucune.
595
Si nous regardons l'énoncé (17), nous avons effectivement.ta. qui parcourt toutes les
occurrences de la relation < z!.!. < (1) tcD > > ; il ne peut porter que sur du représenté, du
décroché par rapport à Silo. Or, cette relation pr6dieative, à travers l'aoristique t2 de.kQ "venir",
n'est rattaché qu'à un repère SitA indéfmi, décroché par rapport à Silo. n y a donc compatibilité
entre .tI. et l'aoriste qui opèrent tous les deux sur un même plan. n ne semble pas osé de dire
que, tout comme tL l'aoristique est une sorte de parcours du fait de son ancrage dans un
référentiel spécifique. Nous notons, pour cette combinaison où se traduit une compatibilité, qu'il
n'y a, tout au moins en surface, aucune trace d'opération de réajustement
Si maintenant nous associons la négation à l'accompli, au lieu de l'énoncé
(18)
*zc5
kà
klÎl
di.
Jean
NEG partir+ACC
NEG - ) [Jean n'est pas parti]
qui est inacceptable, nous avons plutôt, à l'image de (16), l'énoncé
(19)
zc5
kà
klÎl - lè
di.
Jean
NEG
partir+ACC-Sit
NEG
- ) Jean n'est pas parti
Ici apparaît, comme en (16), un marqueur d'opération de réajustement que nous pouvons
expliquer de la façon suivante. Nous savons que l'aspect accompli, à travers la relation
T2~T3=To, localise le procès par rapport à T0, et définit donc Silo comme le référentiel objectif
du procès ou de la relation, ce qui est effectivement la seule situation lorsque nous avons affaire
à un énoncé à l'accompli non négatif comme ~ "Jean est parti". Or en (19), il se trouve que
l'inverseur U. décroche la relation prédicative de son référentiel défini par rapport à Silo afm de
pouvoir parcourir et rejeter toutes les occurrences de son domaine. La relation décrochée et sans
référentiel doit cependant être niée en tant que référant nécessairement à un espace-temps défmi
par la relation T2~T3=To. Et, comme nous l'avons vu dans la visée immédiate pour des raisons
similaires, /l.iJ apparaît comme la trace ou l'image de la construction d'un référentiel en
représentation pour la relation ") ziâ ~ 'ï (1) ka) :r~. C'est à travers cette opération et sa trace
qu'on pose que la relation est niée, rejetée dans le cadre de sa construction comme accomplie,
c'est-à-dire conçue comme antérieure à To.
596
Ainsi, il ressort nettement qu'alors que l'aoristique absolu n'a pas besoin de stratégie de
réparation parce qu'il est lui-même un parcours, l'accompli a besoin d'une opération de
rééquilibrage qui aménage un site, lequel est abstrait parce qu'il n'est que la représentation du site
objectif du procès accompli.
Pour ce qui est de l'inaccompli, nous pouvons l'avoir dans l'énoncé suivant:
(20)
zc5
ka
kCiÎ - n~
dl.
Jean
NEG partîr+INAC Neg
- ) Jean n'est pas en train de partir
On se rappelle que IDA! est la trace de l'identification du repère de point de vue ([3) et du repère
de l'événement (T2), lesquels coïncident ici avec le repère origine. Les deux autres marqueurs
sont les corrélatifs kà...dl. caractéristiques du négatif. C'est dire que, comme en (17) pour
l'aoristique, et à la différence de (19) pour l'accompli, nous n'avons, en surface, la trace d'aucun
réajustement. Ceci s'explique à notre avis tout à fait naturellement. Le procès Ü, et à travers lui
la relation prédicative qu'il permet de construire, se trouve déjà plongé dans un référentiel dont la
trace est Ind/. Cette trace, comme nous le voyons, demeure, même lorsque, sous l'action du
rupteur-inverseur Ü, la relation prédicative en question n'existe plus qu'en représentation. n
s'ensuit que l1f.L ou toute autre forme d'image est superflue. Nous ne pouvons donc avoir un
énoncé du genre
(21)
*zc5
ka
kCiÎ - na
lÈ
où IW viendrait se greffer sur IDM pour la même opération. On peut penser par contre que les
choses auraient pu être différentes si nous avions eu une base référentiellement nue comme
c'était le cas au niveau de la visée immédiate où la solution a été d'opérer un réajustement par IW.
Nous allons voir, dans la section suivante, que le problème de l'image d'un référentiel en
représentation se pose pour d'autres types de modalité.
597
c- LE POSSIBLE UNILATERAL El L'ASPECT
Nous avons dit au Chapitre vn que le possible unilatéral s'exprime à l'aide du modal
ûli "pouvoir". Prenons des énoncés combinant ce modal avec les trois formes aspectuelles
retenues, puis avec la base verbale simple.
(22)
*ë
kù1à - m&
tà - na
il
pouvoir+AOR
venir-INAC
(23)
*ë
kù1à - m&
tà
il
pouvoir+AOR
venir+ACC
(24)
*ë
kù1à - m&
tà - ai
il
pouvoir+AOR
venir+AOR
(25)
ë
kù1à - m&
ë
tà - ai
il
pouvoir+AOR
il
venir+AOR
(26)
*ë
kù1à - m&
tà
il
pouvoir+AOR
venir+e
(27)
*ë
kù1à - m&
tà - di.
il
pouvoir+AOR
venir-Sit
(28)
*ë
kù1à - m&
tà - di.
1ë
il
pouvoir+AOR
venir-Sit
Sit
,
(29)
ë
kù1à - mô
tà - di.
a
il
pouvoir+AOR
venir+IiJ-Sit
Sit
-) il peut venir
On observe que seuls les énoncés (25) et (29) sont attestés. L'explication nous en paraît simple.
En effet, le statut de rupteur de W. "pouvoir" est incompatible avec un procès ayant un
référentiel objectif, c'est-à-dire l'inaccompli (INAC) et l'accompli (ACC) en (22) et (23). Quant à
l'aoriste, on comprend qu'il puisse être compatible avec le rupteur W, la seule contrainte étant
que le sujet de l'énoncé doit être repris par un anaphorique, ici t, ce qui rejette (24) au profit de
(25). Au procès apparaissant sous sa forme de base nue, il faut non seulement un référentiel
représenté formellement, c'est-à-dire 111, mais aussi, comme nous l'avons longuement montré au
598
point Vll.6.2.2.,-A. du Chapitre Vll, une image synthétique de la coïncidence de la classe k des
référentiels de W avec celle du procès~, c'est-à-dire A"SIT", conditions qui écanent, au profit
de (29), non seulement (26) et (27), mais aussi (28) qui, outre le handicap de l'absence de A,
comporte une image-repère contrainte Ü qui n'est pas un point d'ancrage synthétique.
On retiendra donc que le possible unilatéral défmit une classe de situations impliquant
une classe potentielle d'occurrences de procès, et la coïncidence de ces deux classes au plan
énonciatif se traduit nécessairement par une trace, A, distincte du référentiel contraint du procès
décroché par W.
D- L'HYPOTHESE ElL'ASPECl
Examinons le fùtrage qui s'opère sur les valeurs aspectuelles en fonction du type de
construction fictive, c'est-à-dire selon qu'il s'agit du fictif positif ~ ou du fictif né&atif~.
Ces types de fictif sont deux des trois que nous avons identifiés au Chapitre VII.
Prenons d'abord des énoncés associant le degré ~ avec les trois valeurs aspectuelles que nous
avons retenues au Chapitre VI.
,
(30)
te
ë
ka•..
si
il
partir+AOR - ) s'il part...
(31)
tè
ë
km...
si
il
partir+ACC
- ) s'il est parti...
(32)
tè
ë
jâ
k~ - nô...
si
il
Pred
partir+INAC - ) s'il est en train de partir...
Nous avons vu que ~ est la trace d'un vecteur équipollent au gradient d'attraction. Ainsi, dans les
énoncés (30), (31) et (32), nous avons une simple visée fictive de l'intérieur du domaine
notionnel représenté par chacune des relations prédicatives: "si c'est le cas qu'il part..." (30), "si
c'est le cas qu'il est parti..." (31), "si c'est le cas qu'il est en chemin..." (32). On voit que cette
simple représentation de 1effectif par le biais de ~ ne conduit à aucun glissement de référence
599
au niveau des valeurs aspectuelles de base, sauf àdire que nous sommes dans le fictif. Prenons à
présent des énoncés avec le degré fictif li.
(33)
té
ë
ka...
si
il
partir+AOR -) s'il partait..
,
(34)
te
ë
km...
si
il
partir+ACC
-) s'il était parti...
(35)
té
ë
jl
Iuà - neL.
si
il
Préd
partir-INAC -) s'il était en chemin
Nous avons w que", est un inverseur qui vise autre chose que I. TI s'ensuit que (33) nous dit
que, ce qui est le cas, c'est que "" ne part pas". Mais, comme le procès est à l'aoriste, la relation
prédicative, à travers le procès, n'est pas ancrée dans un espace référentiel bien défmi. Nous
sommes donc en présence d'une indétermination, ce qui fait que même si c'est la valeur non·1 qui
est visée, 1 n'est pas totalement perdue. On comprend que cette forme de représentation
té+aoriste soit utilisée pour l'expression du souhait, de la prière, comme on peut le voir dans
l'énoncé suivant:
(36)
té
ë
tà - à
6€ - è
si
il
venir+AOR
TIf INV
- ) si seulement il pouvait venir !
Par contre, en (34) et (35), nous sommes dans l'acquis non réalisé; nous avons des
relations prédicatives dont les valeurs sont bien définies, puisque les énoncés (34) et (35)
correspondent respectivement aux relations impliquées T2;tT3=T0 et T2=T3=To. Cet
enregistrement au plan chronique des réalités, joint à la visée de non-l, fait que nous obtenons
l'interprétation "c'est acquis, c'est E, puisque 1 n'est pas enregistré: il n'est pas parti" (34), "il
n'est pas en chemin, puisque ce n'est pas l'inverse qui est le cas" (35).
Il ressort donc que, selon le type de fictif, les occurrences de procès connaissent des
glissements de valeurs manifestes.
600
Enfm. et pour terminer sur un autre aspect de la question que nous examinons. nous
voudrions observer que le rapport entre opération modale et opération aspectuelle inclut certaines
dimensions particulières de la construction d'occurrence de procès telles que le début ou la fm
d'un procès. En particulier. il est tout à fait possible de montrer. par exemple. que la fin effective
d'un procès donné peut dépendre de l'existence ou non d'une borne interne d'accomplissement
ou étalon. caractéristique de ce procès ou simplement préconstruite par les énonciateurs.
E- LA FIN D'UN PROCES. LOCAliSATION D.'UNE REPRESENTATION
TI semble en effet utile d'opérer une distinction entre une fin de procès qui est la
coïncidence d'une préconstruction avec un repère temporel. et une fin de procès qui n'est qu'une
simple localisation temporelle par rapport au moment repère de point de vue.
L'analyse de cette distinction nécessite un bref retour à la typologie des procès que nous
avons annoncée au Chapitre V. et examinée au Chapitre VI. Nous retiendrons en particulier
l'opposition entre procès discrets et procès denses; les premiers comportent intrinsèquement
une borne d'accomplissement, les secondes non. Or. l'énonciateur peut doter d'un bord un procès
qui n'en a pas. Si nous prenons un procès comme ~ "pleurer". il appartient à la catégorie du
dense; il ne laisse percevoir aucun caractère ponctuel mais renvoie. au plan conceptuel. à un
déroulement spatio-temporel indéfini. Cependant - et c'est le point sur lequel nous voudrions
insister - . l'énonciateur peut. de l'extérieur et a posteriori, construire à ce procès une borne
d'accomplissement qui le discrétise. L'ayant construite. l'énonciateur la visera comme référence
pour l'identification en situation du vrai procès. Ainsi, à wÙ - 3 l'énonciateur peut fixer une borne
qui délimite, pour lui, l'extremum qualitatif du contenu de "pleurer" et qui lui pennettra, dans une
situation donnée, de dire si telle occurrence de wÙ - ;) correspond bien à cet étalon préconstruit
par lui.
A côté des bornes construites de l'extérieur, nous connaissons les bornes des procès
discrets, qui leur appartiennent intrinsèquement: c'est le cas de 1i..:..Li "tomber", ~ "sauter", kà
"mourir", li "venir. arriver" pour ne citer que quelques-uns. Mais, même pour ce type de procès.
601
l'énonciateur peut toujours, à un certain niveau, juger utile d'investir la borne d'accomplissement
intrinsèque pour que l'étalon qu'elle détermine puisse être considéré comme un vrai étalon et
servir de modèle aux occmrences situatiœnelles.
Ainsi, que les bornes soient construites par l'énonciateur dans le cas des denses, ou
qu'elles appartiennent en propre au procès et qu'elles ne soient que (ré-)investies dans le cas des
discrets, il demeure toujours qu'elles sont de toute façon évaluées par l'énonciateur comme telles.
TI s'ensuit que ne sera considéré comme un procès fini, achevé, c'est-à-dire mené à son terme,
qu'un procès dont la borne évaluée et investie comme borne repère par l'énonciateur aura été
atteinte.
Nous en tirons que tout procès qui n'a pas de borne d'accomplissement ne peut conduire
qu'à une simple localisation temporelle, alors qu'un procès comportant une borne évaluée pourra
conduire à une fin évaluée comme vraie fin, donc fm modale puisqu'il s'agit d'une fin dont la
forme, préconstruite ou investie au départ, aura été préalablement visée comme telle. Cette
opposition entre deux types de fin, entre une fin modale et une fm simplement temporelle
correspond en yaouré à une distinction d'ordre formel que nous allons brièvement examiner.
al $1+ Y-lm 41 ou la fin temporelle d'un procès
fi existe un premier type de fin de procès que traduit l'énoncé suivant:
(37)
zc5
si
wi - dt
mc5
Jean
laisser+ACC parler+Sit
- ) Jean a cessé de parler
Dans cet énoncé, wi - dt correspond à une structure que nous avons vue, et qui est formée de wt.
"parler", et de /sJJJ, trace ou image du référentiel représenté de m. Quant aux corrélatifs si.../m9I,
ils servent à marquer la fin du procès wi ; a est fonné à partir de à "laisser, quitter" ; /~ est
un opérateur non autonome renvoyant globalement, comme nous l'avons dit, à tout l'espace-
temps contigu à un objet matériel ou immatériel et faisant "corps" avec lui. Ainsi, en (37), les
corrélatifs si...mÔ permettent l'interprétation "Jean a quitté l'espace-temps de parler", c'est-à-dire
602
"Jean a ~ de parler". Dans le procès dense men (37), rien n'est dit, même implicitement sur
la préconstruction éventuelle d'une borne d'accomplissement extrinsèque. En pareil cas, on n'en
postule pas une, le procès reste non défini de ce point de vue, il n'a pas (nécessairement) de fin
ou, tout au moins, cette fm ne pourrait être à l'ordre du jour puisqu'elle ne peut être définie qu'en
référence à une borne construite et/ou investie et visée. Ainsi, en (37), Jean n'a pas
(nécessairement) fini de parler, au sens "parler, ce qu'on appelle parler" ; nous avons dans cet
énoncé une simple localisation temporelle du procès qui s'explique par le désengagement de Co
du processus lU qui, lui, n'est pas évalué par rapport à une borne dont on ne nous dit pas que ce
procès en est muni.
hl ci + V-lm 61 ou la fin modale d'un procès
On trouve le second type de fin dans un énoncé comme celui-ci :
(38)
zc5
c~~
wu -~ -dt
mc5
Jean
couper+ACC pleurer Sit
- ) Jean a fmi de pleurer
Le marqueur~, qui indique la fin du procès, est construit sur le procès d "couper". Alors que
si.../m4/ indiquait en (37) une simple cessation de procès, cL.lm4/ traduit en (38) une fm réelle,
une fin conforme de wÙ - :>. TI s'agit d'une fm que nous qualifions de modale parce qu'elle est
définie par rapport à une borne préconstruite et/ou investie. Il s'agit d'une vraie fin parce qu'il
était prévu que ce serait celle-là la fm vraie. C'est sous cette forme munie d'une borne qualifiée
qu'elle était visée comme possible fin. Ainsi, l'énoncé (38) se rendrait plutôt par "Jean a fini de
pleurer". Le wÙ - ;) qui s'est manifesté correspond bien à l'étalon wÙ - :> préalablement défini.
La différence entre (37) et (38) vient bien de la valeur modale qui sous-tend les procès WL
"parler" et wÙ - g "pleurer" : c'est elle qui détermine le type d'opérateur aspectuel à choisir pour
marquer la fin du procès. Ce dernier cas illustre assez clairement le rapport d'interdépendance
qui existe entre l'expression de la modalité et celle de l'aspect, lesquelles sont visiblement
soumises à un filtrage lorsqu'elles se superposent. Nous allons voir, dans la Section suivante,
603
qu'une opération modale peut être aussi soumise à un fùtrage lorsqu'elle est en relation avec
certains types de prédication.
IX.l.l.2. MODALITE ET PREDICATION
Au Chapitre VII. nous avons montré. à l'aide de nombreux exemples. que l'un des
paramètres essentiels du calcul des valeurs de la négation. c'est le repère prédicatif. Ce lien entre
négation et prédication est un indice qui ne peut que nous inciter à pousser plus avant notre
interrogation sur les rapports d'influence entre prédication et modalité. deux opérations
intimement liées au moins par leur caractère incontournable au plan énonciatif. Nous
examinerons donc. en guise d'illustration. quelques valeurs mcxlales en rapport avec deux
opérations de prédication, à savoir la thématisation et la diathèse.
A-MODALUE ECDJATHESE
Prenons trois énoncés qui traduisent ce que. au Chapitre IV. nous avons appelé
respectivement diathèse passive (39) et diathèse de procès (40) et (41) :
(39)
Jïba
kitlà - m~
je - di.
à
zc5
If
(tri)
bois pouvoir+AOR casser-Sit Sït Jean à
(demain)
le bois pourra
être cassé par
Jean (demain)
- ) Jean pourra casser le
bois (demain)
(40)
ôré - tâ
(si)
danser+ACC (hier)
il a été dansé hier
- ) qu'est-ee qu'on a dansé (hier) !
(41)
km
wo
zc5
lE
partir FAIRE+AOR
Jean
à
Partir peut être fait par Jean
- ) Jean peut/est capable de partir
En (39), il est aisé de constater que la postposition de l'agent "Jean" lui enlève la force
d'engagement que traduirait mieux la structure active correspondante:
604
(42)
zc5
Jïba
jé - a
ui
Jean bois casser+AOR demain - ) Jean cassera/s'engage à casser le bois demain
La construction passive, par nature, privilégie le but de la relation primitive ainsi que le procès
qui le concerne, ce qui fait écran à la source qui est ici Jean. Ainsi, la possibilité unilatérale, la
capacité, bref la valeur modale dont on peut faire l'hypothèse autour de l'agent "Jean", ne peut
être qu'atténuée du fait de cette diathèse passive, et nous n'obtenons au bout du compte qu'une
valeur de conation.
De même, (40) et (41) constituent un exemple de ce que nous avons appelé diathèse de
procès. Non seulement en (40) l'agent n'apparaît pas du tout - comme cela peut être le cas aussi
pour la diathèse passive - , mais ce qui ressort ici, c'est l'importance de l'événement représenté
par le procès, comme si celui-ci était son propre moteur, d'où une évacuation presque totale de la
source de la relation prédicative, et donc des valeurs modales de visée de volonté qui pourraient
être construites autour de cette source si elle apparaissait effectivement en position Co dans la
relation prédicative.
B- MODAIDE ET THEMATISAT/ON
Si nous plaçons le concept de thématisation sous la rubrique prédication, c'est
simplement parce que nous utilisons ici le concept de prédication dans une acception générale de
mise en rapport d'objets linguistiques en vue de la constitution d'un énoncé, cette opération
pouvant avoir un statut soit prédicatif, soit énonciatif, cette fois au sens technique strict de ces
qualificatifs.
Cette précision faite, le thème sera ici, comme nous l'avons vu, le point autour duquel on
construit un propos, qui sert de point de repère à ce propos. Nous ne retiendrons ici qu'un type
de thématisation, la thématisation tonale à l'aide du schème tonal haut (H). Nous en trouvons une
illustration dans les énoncés suivants :
605
(43)
i
tâ
wei)
tu+IMP+TH venir+s
FAIRE+II
"Quant à <toi, venïr>, viens"
- ) toi, viens!
(44)"
ka
a
je+TH
venir+AOR -FAIRE+AOR
"Quant à <moi, partir>, je pars"
-) moi, je pars (aussi)
L'énoncé sans thématisation forte correspondant à (43) est l'énoncé injonctif (43'), Lti "viens!",
où nous avons un ordre strict sans ménagement Le schème tonal H thématisant, nous l'avons vu,
décroche la relation prédicative < t .. < () 1à > > de son référentiel Sitl, et lUI apparaît
2
-
1
1
2
alors comme une image de ce référentiel qui fixe le procès. li se trouve que ce décrochage et ce
ré-ancrage de la relation prédicative diffère la prédication et crée une distance, un délai dans la
constitution de l'ordre, ce qui en atténue la force. li s'ensuit qu'un énoncé comme (43),au
contraire de (43'), devient presque une invitation, c'est comme si l'on disait "quant à <toi, venir>,
fais-le, on verra", et ce "on verra" laisse à entendre que quelque chose se passera peut-être qui
donnera à iJà "viens !" un statut autre que celui d'un ordre véritable : "viens, mais tu verras, tu ne
le regretteras pas".
Il en est de même de l'énoncé (44) dont l'équivalent sans thématisation tonale (44') ~
"je pars" est une version froide et directe conservant toute sa force de détermination et de
volonté. L'énoncé (44) au contraire, par le biais de la thématisation tonale, repose sur une
prédication différée, d'où "6 ka wa (=ka-a)". Cette distance, comme en (43), atténue la volonté
ferme que traduit (44'), et nous avons une prière, une suggestion, une précision supplémentaire
tout au plus: "je pars aussi", "moi, si ! je pars", "j'aimerais bien partir".
Il est intéressant de noter l'effet d'atténuation qu'exerce la thématisation tonale sur la
négation. On peut le voir dans les énoncés suivants :
(45)
të
i
ta
wei)
di
IMP+NEG
tu
venir
FAIRE NEG
"quant à <toi-venir>, ne le fais pas" -) ne viens pas, toi!
606
(46)
m4c!
kô - 0
di.
moi+NEG
venir+Sit
NEG
"quant à <moi-partir>, je ne le fais pas"
- ) moi, je ne pars pas
fi apparaît assez nettement que les énonœs (45) "toi, ne viens pas" et (46) "moi, je ne pars pas",
au-delà des traductions, des translittérations et des gloses qui ne peuvent pas prétendre toujours
bien saisir leur objet en pareil cas, sont loin d'exprimer la force de détermination que renferment
leurs équivalents sans thématisation forte, c'est-à-dire respectivement (45') té i ta enl "je
t'interdis de venir", (41') m40 kô di."je ne pars pas", énoncés qui, au contraire de (45) et (46),
traduisent un ordre stticl
La composition de la modalité et de la prédication est souvent l'occasion d'un filtrage de
valeurs. Nous verrons, dans la section suivante, qu'il en est de même de la combinaison de la
modalité et de la détermination.
IX. 1. 1.3, LA MODALITE ET LA LOCALISATION DETERMINATIVE
La localisation détenninative a été décrite au Chapitre V sous le titre de "fléchage par
localisation". Le filtrage de cette opération au contact de la modalité négative est illustré par les
énoncés que nous donnons ci-dessous. On constate que si l'on a naturellement l'énonœ
(47)
z4
lè
6èzè
kà
.1
Je
le
di.
Jean
B
machette
NEG casser+ACC Sit
Neg
- )
la machette de Jean ne s'est pas cassée
on peut aussi avoir l'énoncé
..
(48)
z4
lé
6éze
kà
Je
le
di.
Jean
B
machette
NEG casser+ACC Sit
Neg
- )
Jean n'a pas eu de machette cassée
}. L'abaissement du schème tonal de l "toi" en (45) et (45) est le résultat d'une propagation à partir du schème
MB delf..
607
On s'aperçoit qu'en (48), modalité et détennination s'associent pour étendre le champ des valeurs
de l'énoncé. En effet, le schème tonal (H) de l'opérateur de repérage li décroche ~ "machette"
de tout repère précis, lequel nominal renvoie alors en représentation à tout ce qui s'appelle
machette et pourrait avoir pour repère kan. Alors qu'avec li, en (47), il s'agit d'un repérage
effectif de ~ par rapport à m. en (48), li. instaure entre ~ et g
un type particulier de
repérage qui ne situe ~ que potentiellement, virtuellement par rapport à~, ~ renvoyant
alors à un parcours. Il s'ensuit que ce qui n'est pas cassé, ce n'est pas une machette précise de
Jean, une machette connue ou strictement identifiable - puisqu'elle serait alors effectivement
fléchée - , mais plutôt n'impone quel objet assimilable à "machette" et qui aurait été défini
comme pouvant avoir la qualité "propriété de Jean". Nous voyons là fonctionner à merveille le
phénomène d'homologie entre des opérations de nature superposable parce qu'identique. La
négation qui est un parcours par le biais de Û. s'associe ici au parcours sur ~ que crée le
schème tonal haut (H) sur l'opérateur IW. Il en resson que le rejet de toute occurrence de la
relation prédicative < 6èié e < (1) je > > correspond à un rejet de toute occurrence de la
2
-
1
1
2
classe des ~; en (47), puisque nous avons une machette bien définie et fixe, ne sont rejetées
que les occurrences de la relation prédicative.
Le phénomène observé peut être illustré à l'aide d'autres exemples:
(49)
z4
lé
wi
ka
di
Jean
9
viande
Préd+Neg
Nég.
- ) Jean n'a pas de viande
(50)
i
zâ
lé
wi
n~
tu+IMP Jean ~
viande donner
- ) donne de la viande à Jean
(et non pas "la viande de Jean")
(51)
WL
lé
VL - di
n~
parole ~
dire-Sit
FOC
c'est comme le dire de la parole
- ) c'est une façon de parler
608
Dans les énoncés (49) et (50), comme on peut le voir, il s'agit d'une détermination représentée, et
ce décrochement est en harmonie avec la négation en (49) "Jean n'a pas de viande", et l'ordre en
(50) "donne de la viande à Jean" ou "donne à Jean la viande qui est virtuellement la sienne". En
effet, il est difficile, tout au moins ici, de soutenir que "Jean n'a pas la viande qu'il a" (49), ou
d'ordonner que "l'on donne à Jean la viande qu'il a" (50). Nous voulons dire que le type de
repérage nominal que nous avons en (49) et en (50) demande que l'on opère en représentation, et
c'est ce décrochement du plan d'énonciation qui a ici pour image li, plutôt que 1'- qui amait référé
à une localisation effective.
L'énoncé (51) est presqu'une formule stéréotypée que l'on entend souvent. Nous l'avons
rendu par "c'est une façon de parler". En fait, cet énoncé correspond à la glose "je dis comme
pour dire, mais en fait je ne dis pas vraiment", en d'autres termes, "c'est une façon de simuler le
dire de ce que je dis". On est dans la simulation, donc dans le représenté par rapport au réel, à
l'effectif. C'est ici encore un décrochage du plan Silo et dont li est l'image.
En dehors de la négation et de l'impératif, on s'aperçoit qu'avec l'inteITOgation, on aboutit
aussi, à travers lè+/H/ à la superposition des deux parcours sur la classe des relations
prédicatives et parcours sur les nominaux repérés. Cest ce qu'illustre l'énoncé ci-dessous:
(52)
zd
lé
6ézè
(mlë)
Je - e
è
Jean
9
machette
(quelconque) casser+ACC-1NT
-)
Jean a-t-il eu une machette de cassée ?
TI est intéressant de noter ici l'emploi - facultatif- de ~ "quelque, quelconque", qui
est un curseur; nous voyons encore mieux qu'il ne s'agit pas d'une machette particulière, mais
d'une classe; c'est le statut de ~ comme classe qui définit le parcours et explique la présence
du curseur.lIlÎf.
609
Enfin, il convient de souligner que c'est dans ce cas de décrochage que l'on voit apparaître
l'opérateur de localisation là où nous avons constaté, au Chapitre V, que le rapport
d'identification et de symétrie entre repère et repéré se réalise par un marqueur zéro (III).
Ainsi, alors que nous pouvons avoir l'énoncé
(53)
zc1
lé
wul6
ka
wi
lè
di.
Jean
• t
tête
NEG casser+ACC-Sit
NEG
Jean n'a pas reçu un coup sur la tête
nous savons que l'énoncé
(54)
·zc1
lè
wùlà
kâ
wi
lè
di.
Jean
~ t
tête
NEG casser+ACC-Sit
NEG
[la tête de Jean n'a pas été cassée] =[Jean n'a pas reçu un coup sur la tête]
est impossible en dehors de situations polémiques particulières aisées à comprendre. Peut-être
pouvons-nous dire qu'avec les repérages d'identification comme en (53), l'opérateur de
localisation s. n'a une trace en smface que si la relation de repérage est mise en relief, c'est-à-dire
thématisée, la fonction de thématisation de lè+/H1 consistant alors à décrocher la relation
prédicative et à la hisser au plan d'une simple représentation avant de l'ancrer de nouveau dans un
espace référentiel; c'est ce qui pennet, pour (53), la glose "Quant à la tête de Jean, quoi qu'on en
ait dit, elle n'a pas reçu de coup". Les énoncés en 1f ont d'ailleurs une glose de la même allure.
Les exemples (47) à (53) nous montrent que le problème de la combinaison des
opérations énonciatives ne doit pas être perçu uniquement sous l'angle de la compatibilité ou de
l'incompatibilité; entre les opérations, comme nous venons de le voir, il peut exister un rapport
d'association et d'alimentation ou univoque ou réciproque. Nous voudrions à présent clore notre
interrogation sur la modalité en abordant le problème des combinaisons qui n'impliquent que des
opérations modales.
610
IX.1.1.4. LES COMBINAISONS MODAI,ES
Nous examinerons brièvement les cas de combinaison d'opérations modales entre elles.
Les modalités, en fonction des types de construction de point de vue qu'elles représentent,
peuvent se composer entre elles. Cela ne semble pas, pour le yaouré, un problème pertinent, mais
nous relèverons seulement trois cas d'incompatibilité.
A- L'BYPOTHESE ET LE CONIINGENC
On peut noter qu'un énoncé tel que
,
(55)
*tè
ë
tà
pL•••
si
il
venir+ACC
peut-être
- ) [s'il est peut-être venu...]
est, sinon impossible, du moins difficile à accepter. En fait, si nous avons dans cet énoncé un
contingent strict, nous ne pouvons pas avoir une protase en 1t ; si nous en admettons une, c'est
que, pour ce qui est de la relation prédicative, nous penchons vers le probable, le presque certain,
et dans ce cas, un marqueur tel que lÙt. ne peut plus apparaître car nous aurions une assertion
fictive ~... "s'il est venu".
B- L'lNTERROGATION ETL'HYPOTHESE
On comprend aussi aisément qu'un énoncé tel que
(56)
*tè
ë
tà-a
à
si
il
venir+AOR -Inter
soit impossible. En effet, l'hypothèse opère par rapport à un repère décroché Sitl mais à partir de
ce repère, elle fait un choix non ambigu entre deux valeurs, tout au moins pour ce qui est de
l'assertion fictive positive. Or, l'interrogation est un parcours sur au moins deux valeurs, 1 et E.
On ne peut donc choisir entre deux valeurs en les conservant, ce sont deux actes langagiers
antinomiques, ce qui explique l'impossibilité de (56).
611
C- L 'INlERROGATION El LE CONTINGENT
La combinaison de l'intem>gation et de l'hypothèse nous donne la séquence suivante :
(57)
*ë
tà - à
pt
1.
il
venir+AOR
peut-être Inter
- ) [viendra-t-il peut-être ?]
Nous savons que ce qui fonde l'interrogation, c'est le renvoi direct à une seule valeur (1
ou E) de l'espace topologique de la relation prédicative, l'interrogation consubstantielle à cette
valeur louE entraînant le surgissement du complémentaire 1ou E comme possible, ce qui nous
ramène en lE, donc au parcours comme nous l'avons vu. Or une relation pIédicative qui est
définie au départ comme renvoyant en bloc à deux valeurs unies et sans sas, bloque
l'interrogation qui, elle, procède par pur renvoi à une seule valeur à partir d'une première choisie
comme lieu d'interrogation. Ceci implique que nous ne puissions avoir une interrogation sur le
contingent qui, par définition, a une valeur double bloquée.
Ces brèves remarques sur l'hypothèse, le contingent et l'interrogation closent notre
enquête sur la modalité et ses rapports avec d'autres opérations. La seconde opération autour de
laquelle, dès l'introduction à ce chapitre, nous nous proposons de nous interroger, c'est l'aspect,
auquel nous consacrons la Section qui s'ouvre.
JX.L2.L'ASPECTDANS LES OmRATDNS ENONCIATlVES ENYAOURE
La Section IX.l.l. a été consacrée à l'étude du comportement de la modalité dans les
opérations énonciatives. La présente Section, centrée sur l'aspect, nous conduira à nous
interroger principalement sur les relations entre les opérations aspectuelles et les opérations de
détermination nominale ainsi que sur les compositions de valeurs aspectuelles.
612
IX.l.2.1. L'ASPEcr ET LA DETERMINATION
A- L'ASPECT. L'EXTRACT/ON. LE FLECHAGE El LE PARCOURS
Etant donné une valeur aspectuelle bien définie, nous nous demanderons quel type de
contrainte celle-ci fait peser sur le déterminant du complément de rang 1 (Ct> de la relation
prédicative. Dans l'optique qui est la nôtre et qui a été précisée au Chapitre N, Cl est soit
différent de Co. c'est le cas des transitifs explicites dans les structures <oRb>, soit identique à Co.
c'est le cas des transitifs internes de type réflexif ou non, où nous avons les structures <oRo>.
Notons, pour être complet, que l'aspect sera défmi par quatre paramètres : l'intervalle
associé au procès et défIni par le rapport entre le repère de l'événement (T2) et celui du point de
vue (T3), la nature du lien que représente le prédicat, selon que c'est une relation lâche (.), une
relation itérée (0) ou une relation permanente, statique (+), enfm le type de procès, selon que
celui-ci est résultatif ou non résultatif, c'est-à-dire selon qu'il implique ou non, dans son
déroulement, une transformation ou le passage, pour la cible, d'un état El à un état E2. On
observera, pour en tirer des conclusions, le type de détermination que l'aspect ainsi caractérisé
par ces quatre facteurs définit pour Cl'
Les déterminations impliquées sont l'extraction (E), qui consiste à prélever un ou des
éléments d'un ensemble composé d'éléments discrets, le fléchage (F), qui fixe un ou des
éléments préalablement extraits, enfm le parcours, qui consiste à égrener tous les éléments d'un
ensemble. Compte tenu des paramètres ainsi définis, nous proposons un Tableau des
combinaisons possibles où les opérations de détermination licites sont soulignées et où les
opérations bloquées sont marquées d'un astérisque. Une lecture résumée de ce Tableau viendra
ensuite.
613
Relations
Sémelfactif
Itératif
Permanent
(e)
Procès
(0)
(+)
Intervalles
.[]
[[ ], [ ]...]
[H]
E.E. *p
Et *F. *p
f. *E. *F
Résultatif
ACCOMPLI
(a)
(b)
(c)
~
E.E.f
E.E.f
E.E.f
Non résultatif
(1)
(a')
(b')
(c')
H
[H, H ...[ou[H, H ..{
] H[
E.F.*P
Et *F. *p
ft *E. *F
Résultatif
INACCOMPLI
(a)
(b)
(c)
~
E.E.f
E.E.f
E.E.f
Non résultatif
(2)
(a')
(h')
(c')
H
H
H
E.F. *p
Et *F. *p
f. *E. *F
Résultatif
AORISTE
(a)
(b)
(c)
:E-I
E.E.f
E.E.f
E.E.f
Non résultatif
(3)
(a')
(h')
(c')
fi convient d'intetpréter brièvement ce Tableau.
a) L'accompli et les apérations de détermination
(0)
IOle sémelfactif: [ ]
On peut avoir les exemples suivants à l'accompli :
(58)
za
Jïba
teS
cff
(E)
Jean
arbre
un
abattre+ACC
- ) Jean a abattu un arbre
(59)
za
Jïba
cd
(F)
- ) Jean a abattu l'arbre
Le parcours est impossible (l.a). car on ne peut à la fois une seule fois et en pennanence abattre
le même arbre, à moins que ce ne soit un type d'arbre dont il suffit d'abattre un exemplaire pour
devenir le spécialiste permanent de l'abattage de cet arbre.
614
(0)
20 l'itératif : [[ ) [ )...]
On peut avoir l'exemple suivant :
(60)
zc5
Jïba
teS
dm
c~~
(E)
Jean
arbre
un
un
abattre+ACC
-)
il est amvé à Jean d'abattre de temps en temps, quelques arbres
Ici, le fléchage et le parcours (l,b) sont impossibles, le même procès résultatif ne peut s'appliquer
plus d'une fois à la même cible.
(+)
3 0 la relation serrée [ H ]
On peut avoir l'énoncé ci-dessous:
(61)
zc5
Jïba
c~~
(P)
- ) Jean a abattu des arbres (=cela a été son activité)
Nous ne pouvons avoir qu'un parcours (I,c) sur jibi, un renvoi à la notion, car on rapporte une
activité pennanente de Jean dans le passé, laquelle, dans le cadre d'un résultatif, ne peut qu'exiger
la permanence de la cible, ce qui est un renvoi à une classe, à une notion, à un parcours.
b} L'inaccompli et les apérations de détermination
.J")
IOle sémelfactif R
On peut avoir les énoncés suivants :
(62)
zd
i
Jïba
teS
c~ - nci (E)
Jean
Préd
arbre
un
abattre+INAC
- ) Jean est en train d'abattre un arbre
(63)
zd
Jïba
cf - n6 (F)
- ) Jean est en train d'abattre l'arbre
Le parcours est ici exclu pour les raisons données dans le cadre de l'accompli.
615
(0)
(0)
2°1'itératif:[H H ...[ ou [H H ..{
Nous pouvons avoir l'exemple suivant:
(64)
zc5
i
Jïbai
teS
dm
cf - n4 (E)
Jean
Préd
arbre un
un
abattre+INAC+INAC
- )
(ces derniers temps) Jean en est à abattre quelques arbres
Le fléchage et le parcours (2,b) sont exclus pour les raisons données concernant le cas similaire
à l'accompli.
(+)
3 ° la relation se"ée IHI
Nous pouvons avoir les énoncés ci-dessous:
(65)
zc5
i
Jïbai
c~ - nei (P)
- ) Jean abat des arbres (=aetivité de Jean)
(66)
zc5
i
nf
Jïbai
teS
cf - na (E)
Jean
Pred
avant arbre
un
abattre+INAC
- )
Autrefois, Jean abattait des arbres (=activité de Jean)
L'énoncé (66) n'est que le translaté de (65). Les deux cas renvoient à un statif, une propriété, ce
qui exclut l'extraction et le fléchage (2,c) pour Cl'
c) L'aoriste et les opérations de détermination
(0)
1° le sémelfactif l
l
Nous avons l'énoncé suivant:
(67)
zc5
Jïba
teS
c~ - cS (E)
Jean
arbre un
abattre+AOR
- ) Jean abat un arbre
(68)
zc5
Jïba
c~ - cS (F)
Jean
arbre abattre+AOR
- ) Jean abat un arbre
On comprendra que le parcours soit impossible ici.
616
(+)
2 0 la relation itérée l
l
On peut proposer l'énoncé suivant:
(69)
z4
Jïba
uS
d~
cf - cS (E)
Jean arbre un
un
abattre+AOR -) Jean abat de temps à autres quelques arbres
(+)
3 0 la relation serrée l
l
On a l'énoncé suivant:
(70)
z4
Jïba
cf - cS (P)
Cet énoncé définit aspectuellement une propriété et exclut donc pour Cl une extraction ou un
fléchage sm iilli, à moins que, comme nous l'avons fait remarquer à plusieurs reprises, il n'y ait
renvoi à un type d'arbres.
On remarque donc qu'il n'y a de contraintes que lorsque nous avons un procès de type
résultatif impliquant une transformation de Ch cette transformation pouvant aller jusqu'à la
disparition ou la destruction totale; on comprend que ce soit un critère important pour la
détermination de l'itération ou la permanence d'un procès, toutes ces opérations étant, bien
entendu, compatibles avec un procès non résultatif qui conserve intacte sa cible, sauf accident -
ce qui n'est pas pertinent ici - , quel que soit le nombre de fois qu'il s'applique à cette cible Cl.
B- L'ASfECTEfLA LOCAL/SAVONDEfERMINATIVE
Le repérage que nous avons appelé localisation déterminative apparaît dans les énoncés
suivants :
(71)
z4
lè
6èze
jé - a
Jean
a
machette
casser+AOR -) La machette de Jean casse
(72)
z4
lè
6èzê
jë - e
Jean
a
machette
casser+ACC -) La machette de Jean s'est cassé
617
(73)
zc5
lè 6èzè
i
jé - nd
Jean Et machette Pred casser+INAC - ) La machette de Jean est en train de se casser
On s'aperçoit que tous ces énoncés sont acceptables. On peut les comparer avec les trois
suivants :
(74)
zc5
lé
6ézè
jé - li
Jean
•
machette
casser+AOR
(75)
*zc5
lé
6éze
je - è
Jean
B
machette
casser+ACC - ) [??]
(76)
*zd
lé
6ézé
i
jè - nd
Jean
Et
machette
Préd
casser+INAC - ) [??]
On note que l'accompli (75) et l'inaccompli (76) n'acceptent pas le repérage avec li. En
effet, l'aoriste renvoie à un repère non défini; il est donc compatible avec li dont nous avons vu
que c'est une opération de décrochage et de parcours. En (74), il s'agit de dire que quelle que soit
la machette qui sera amenée à être repérée par rapport à Jean, cette machette pourra à tout
moment casser. Au contraire, en (75) et (76), l'accompli et l'inaccompli ancrent le procès et la
relation dans une situation précise par rapport à Silo, ce qui est incompatible avec li, car cela
aboutit à des contradictions du genre *"quelle que soit la machette à repérer par rapport à Jean,
elle est cassée" (75), *"...elle est en train d'être cassée" (76). Une représentation ne peut pas être
en même temps un fait, un acquis, un réel objectif.
On s'aperçoit que ces mêmes énoncés deviennent possibles dès qu'on a une situation de
parcours avec une interrogation par exemple :
(77)
za
lé
6èze
mlë
Je
-
è - è
Jean
B
machette
quelque
casser+ACC-Inter
- )
y aurait-il une machette appartenant à Jean qui soit cassée?
(78)
za
lé
6ézë
mle
II
jé
-
na - a
Jean
B
machette
quelque
Pred
casser+INAC-Inter
- )
"Y aurait-il une machette appartenant à Jean qui soit en train de se casser"
618
TI ressort assez clairement que l'accompli et l'inaccompli ne sont concevables et possibles en (17)
et (78) qu'en tant que constructions représentées; c'est en tant que telles qu'ils sont compatibles
avec la détermination représentée de U
• travers le décrocheur li, et c'est le repérage décroché
de ~ qui permet l'insertion du curseur mit "quelque, un... quelconque" dans les structures
(77) et (78).
L'analyse que nous avons esquissée d'une part sur le fléchage, l'extraction et le parcours,
et d'autre part sur le repérage inter-nominal, nous a montré comment les opérations
déterminatives et aspectuelles se fùtrent réciproquement pour stabiliser la construction et la
référence d'un énoncé. Nous terminerons notre enquête sur l'aspect par un bref aperçu sur les
problèmes de combinaisons aspectuelles.
IX. 1.2.2. LES COMBINAISONS ASPEC1UELLES
Nous examinerons deux cas de composition d'opérations aspectuelles.
A- DEUX OCCURRENCES. DEUXREPERESDEPOINfDE VUE
Prenons l'énoncé suivant:
(79)
zc5
si - a
wù - a - na
Jean
venir de +AOR
pleurer+INAC
-) Jean vient de pleurer
TI est intéressant de noter que le "passé immédiat" se rend en yaouré par l'opérateur si - aqui est
une forme aoristique de n"quitter" et de la forme inaccomplie du procès, ce qui nous donne,
pour (79) "Jean vient d'être en train de pleurer". On ne peut donc avoir, pour le même sens, un
énoncé comme
(80)
*zà
si - a
wù-a
/
wù-a
Jean
venir de +AOR
pleurer+1II
pleurer+ACC
A ce niveau, le yaouré se distingue du français qui perçoit le procès comme un compact "je viens
de pleurer" et non "je viens d'être pleurant". Le yaouré préfère plutôt saisir le procès dans son
619
déroulement avant de le poser comme accompli et référentiellement compacifié. Ce faisant. il est
plus proche de l'anglais qui a une constnlCtiOil similaire que l'on trouve dans un énoncé comme
(81)
John has just ~n talki"
+
..
On serait tenté de dire que les procès dont le site est temporellement contigu à Silo sont
construits sur le modèle de (79). En particulier. on pourrait chercher. par analogie. à rendre la
visée immédiate correspondant à (79) par la séquence
(82)
*zd
ta
wù - :) - na
-) [Jean va pleurer]
Nous avons vu que l'on a plutôt
(83)
zd
ta
wù - li
Jean
AUX+
pleurer+AOR
Jean va pleurer
- ) Jean est sur le point de pleurer
Le yaouré construit la visée comme un aoristique. ce qui montre bien que. pour cette langue. la
visée immédiate n'est pas symétrique du passé immédiat par rapport à Silo bien qu'ils soient l'un
et l'autre en rupture avec Sifo.
Quoi qu'il en soit. le passé immédiat implique deux repères de point de vue. l'un
coïncidant avec Silo. l'autre. T3. se situant dans un repère translaté Silo'. en rupture avec Silo et
où on a la relation T2=T3=To' (co To) définissant l'inaccompli; c'est la différence entre les deux
repères de point de vue. la localisation de l'un par rapport à l'autre qui définit le contenu du passé
immédiat comme compact. C'est une situation qui se distingue du cas suivant où nous avons une
coïncidence de repères.
B- DEUX OCCURRENCES, UN REPERE UNlOUE DE POINT DE VUE
Nous tenterons ici de généraliser à d'autres structures le traitement d'un problème qui est
en fait une opération de combinaison aspectuelle et que nous avons abordé lors de l'analyse du
possible unilatéral au Chapitre VII. L'exemple analysé était le suivant:
620
(84)
ë
kvlà - m~
wù - a - dt
à
il
mourir+AOR
pleurerSit
SIT
- ) il peut pleurer
Et nous avons dit que l'apparition de i n'est que la manifestation de la coïncidence des deux
référentiels de procès que comporte (84), à savoir ûlI. et wù - a. Nous voudrions montrer que
ce phénomène de coïncidence de repères débouchant sur une image synthétique i se rencontre
dès que nous avons deux procès qui remplissent ces conditions. Nous partirons du tableau
comparatif ci-dessous:
.. .
.. .
(85)
0
et-a
WL-dt
à
(85')
·0
et-a
wL-dt lë
i;
JŒSO'+AOR pm-5i
srr
- )
ils passent en parlant
1
,
(86)
1
müo
ti-dt
à
(86')
ri
mm
\\CIli"-5i
srr
.'1 müo ti-dt lë
- )
merci d'être venu
1
1
(87)
1
müo
ka-dt
à
(87')
ri
mm
IInÙ'-5it
srr
.'1 müo ki-dt If:
- )
merci de mourir
(88)
0
kci)
wL-dt
à
(88')
0
kci)
wL-lë
i;
JlI1Ïr+Afr-
plb'Sit
srr
i;
plÛ'f-Afr-
pm-5i
- )
ils sont partis en parlant
- )
ils sont partis pour parler
(89)
0
tà
sm-dt
à
(89')
0
tà
sm-lë
ils
\\CIli"+Afr-
saulY-5i
srr
ils
\\CIli"+Aœ
SaJtr-5i
- )
ils sont venus en sautant
- )
ils sont venus pour sauter
(90)
0
ti
tà-a
wL-dt
à
(90')
0
ta
tà-a
wL-lë
i;
RVo RVI
pm-5i
SIt
i;
RVo
RVI
pm-5it
- )
ils vont venir en parlant
- )
ils vont bientôt parler
,
(91)
km
tà
ka
t:>6G)-dt à
(91 ')
kG)
tà
ka
tb6G)-lë
rr:m \\61Ïr+Aœ \\OOS saàrr-5i
SIr
rr:m
\\61Ïr+Afr-
\\OOS
sahrr-5it
- )
" nous sommes venus vous saluant "
- )
nous sommes venus pour vous saluer
- )
nous sommes venus vous saluer
621
Ce Tableau montre que pour les énoncés (85) à (87), il n'y a qu'une construction possible, alors
que dans les énoncés (88) à (91), il y en a deux.
Nous pensons que dans les énoncés (88) à (91), la seconde construction acceptable, (88')
à (91 '), est sous-tendue par une opération différente de celle qui sous-tend la première
construction formellement équivalente à gauche, (88) à (91). On pourra en tirer que dans les
énoncés (85) à (87), il n'y a qu'une seule opération sous-jacente possible.
Les énoncés (85) à (87) ont une structure semblable à celle de (84). En fait, ils sont sous-
tendus par la même opération. D y a tout simplement coïncidence entre les deux référentiels des
deux procès qui apparaissent dans chaque énoncé. D en est ainsi pour les référentiels de &il
"passer" et n "parler" en (85), de .m.iQ. "(dire) merci", et ~ "venir" en (86), de mü6 et Ki
"mourir" en (87). Cette concomitance se voit dans les gloses respectives : "ils passent en
parlant", "merci de venir", "merci de mourir" ; en fait, dans les deux derniers cas, on ne remercie
pas pour le résultat -
il n'y aurait alors pas concomitance - , mais on remercie pour l'acte; le
remerciement, plutôt l'acte qui l'exprime est, en représentation, concomitant de l'acte du procès.
Nous nous apercevons qu'à chaque fois que nous avons une coïncidence de référentiels, il en
résulte une image synthétique représentée par 1.. Dans les exemples (85) à (87), nous avons des
situations où il y a toujours cette concomitance, d'où l'impossibilité des séquences (85') à (87').
Par contre, dans les énoncés (88) à (91), le dédoublement possible des repères fait que
nous avons deux cas possibles. Lorsqu'il y a coïncidence, nous avons l'apparition de i (88 à 91)
avec des gloses comme "ils sont partis en parlant (88), "ils sont venus en sautant" (89), "ils
viendront en parlant" (90), "nous sommes venus vous saluant" (91) au sens de "nous sommes
venus, et ce déplacement est en même temps notre acte de salutation". Dès qu'il y a absence de
coïncidence, le procès principal, le second, apparaît comme une visée, donc en rupture avec le
repère de visée représenté par le premier procès, et nous avons l'apparition logique de l'image du
référentiel du second procès visé, à savoir IW. Les gloses correspondantes nous montrent les
différences de sens: "ils sont partis pour parler" (88'), "ils sont venus pour sauter" (89'), "ils
vont parler" (90'), "nous sommes venus pour vous saluer" (91'). Notons que dans ce dernier cas
622
par exemple (91'). l'acte de salutation n'est pas. comme en (91). subsumé par l'acte de
déplacement. C'est donc la coïncidence ou la non-concomitance des référentiels qui fait la
différence entre les énoncés (88) à (91) et (88) à (91').
On voit que la postposition qui apparaît dans les constructions dites équatives de
certaines langues mandé relève du premier cas et nous avons. là aussi. une coïncidence de deux
espaces référentiels. Cest ce qu'illustre l'énoncé suivant:
(92)
e
ji
mi
a
il
Préd
homme
Sit
- ) c'est un homme
où i est l'image de la concomitance du référentiel de f et de celui de ml.
Avec cette description de la coïncidence et de la dissociation des repères dans un énoncé
s'achève l'examen des combinaisons aspectuelles. Prend aussi fin l'étude des opérations
énonciatives majeures dont la détermination. l'aspect et la modalité qui. dans l'intimité de leur
intrication complexe. créent les valeurs multiples et fugaces. mais toujours reconstructibles des
énoncés. Le dernier aspect de cette étude sur le yaouré consistera à examiner rapidement la
structure des énoncés dits "complexes".
IX.2. OPERATIONS ENONCIATIVES ET ENONCES COMPLEXES
Cette dernière Section a pour objet d'introduire à l'étude des énoncés que l'on peut
qualifier de complexes dans la mesure où ils engagent plus d'une relation prédicative. Comme il
s'agit en fait de repérage de représentations les unes par rapports aux autres. il n'est pas
surprenant que l'articulation de ces constructions soit le plus souvent marquée. comme nous le
verrons. par certaines des fonnes que nous avons décrites au Chapitre précédent et qui. du fait de
leur élasticité due à leur nature profonde. voient leurs fonctions amplement accrues. Les
constructions relatives ayant été amplement décrites au point V.3.2. du Chapitre V comme des
focalisations thématisées à travers la conjonction des particules .nt et ~. les énoncés complexes
que nous examinerons ici seront principalement les constructions comportant des propositions
623
finales, consécutives, concessives, comparatives, interrogatives, hypothétiques, causales et
temporelles.
IX.2.1. LES CONSTRUCTIONS TEMPORELLES
Une construction temporelle consiste en le repérage d'une relation prédicative par rapport
à un autre au plan de leur occurrence chronologique effective, envisagée ou représentée. Nous
considérerons trois cas selon la nature des relateurs impliqués.
IX.2.1.1. mEMATISATION EN l6èl ET REPERAGE TEMPOREl ,
Prenons l'exemple suivant:
(93)
iit
(i + 6è)
k~
(~)
i
vi.
m~ (mdd + Iè)
toi+TIi (i + 6f)
partir+e
(TH)
toi+IMP dire+e moi+à
quand
il
s'agira
de
toi-partir,
toi
dis
à moi
-)
Préviens moi quand tu partiras
A travers le marqueur de thématisation IW, la relation prédicative sous-tendant la première
proposition, c'est-à-dire < t !!. < (1) M) », est posée comme étant le repère par rapport auquel
est chronologiquement située la seconde relation prédicative <i.!! « ) vi. ». Le repérage
impliqué ici est une identification ; le moment de l'occurrence de la seconde relation est
contemporain du moment de l'occurrence de la première; pour être plus précis, nous dirons que
les deux repères appartiennent à une zone temporelle homogène ou énonciativement unifiée. La
thématisation consistant pour l'énonciateur à poser une entité autour de laquelle il construit un
propos. on comprend que ce soit, pour cette opération, un glissement tout naturel que de pouvoir
aussi fixer une occurrence de relation prédicative qui serve de repère chronologique réel ou fictif
à une autre relation prédicative.
624
IX.2.1.2. LE DECROCHEMENT EN !te! ET LE REPERAGE TEMPOREl:
Prenons les énoncés suivants :
(94)
4
&\\tlà
ë
km
(va)
je
sortïr+ACC
1
J
il
partir+ACC
(déjà)
'....._._-anaphorique
je suis sorti à ce moment il
est parti
(déjà)
- )
au moment où je suis sorti, il était déjà parti
(95)
4
6ùlà
" ë jf km -na
,
T il
Préd.
partir+INAC
je suis sorti à ce moment il
être
en train de partir
- )
au moment où je suis sorti, il partait
(96)
i
tà - a
, ,
"
km
ta
ka
tu
venîr+AOR J
nous
AUX partir+AOR
1
tu viens à ce moment
nous
partons
- )
Nous partirons dès que tu aniveras
Dans les énoncés (94) et (95), à travers la particule h&/, les relations prédicatives sous-tendant les
propositions antéposées se trouvent posées comme repères des relations prédicatives respectives,
< ê .!. < h k.cï) »(94 et 95), < ~ .!. < <'> k.cï) »(96). En d'autres termes, par rappon à",
image de l'occurrence de la relation prédicative repère, en (94), "il était (déjà) parti", en (95), les
deux occurrences des deux relations prédicatives ont chronologiquement coïncidé, c'est-à-dire
"au moment où je suis sorti, il était en train de partir" ; enfin, en (96), les moments d'occurrence
des deux relations prédicatives sont décrochés l'un de l'autre : en effet, en dehors de la rupture
des plans de validation des deux relations prédicatives d'avec Sito, à un second niveau, la relation
repérée n'est située que d'une façon indéfmie par rapport à la relation repère; en d'autres termes,
l'énoncé (96) dit que "nous panirons à un moment indéfini par rappon au moment où tu
aniveras et qui est lui-même ici indéfini par rappon à Site".
625
Notons, pour terminer, que ce rôle de repère représenté, "' le joue dans la construction
absolue que l'on trouve dans un énoncé tel que
(97)
~
î
kà
en ce moment
toi
partir+AOR
- ) poursuis ton chemin en attendant
La traduction que nous avons proposée doit être étayée par une explication. La particule", est ici
l'image d'une proposition repère sous-entendue dont le moment coïncide avec celui de la relation
repérée < t !. < () ~»; ainsi, une glose plus complète de (97) serait: "pendant que je
fmis de faire ce que je fais, poursuis ton chemin" ; la particule", qui est la représentation
abstraite de "je fais ce que je fais" permet d'exprimer cette contemporanéité des deux
occurrences de relations prédicatives.
IX.2.1.3, TIiEMATISATION, RUPTIJRE ET REPERAGE TEMPOREl.
Les marqueurs de thématisation /6t./ et de rupture /tè/ peuvent s'associer pour donner un
repérage inter-prédicatif temporel relativement complexe, comme nous pouvons le constater dans
l'énoncé suivant:
(98)
(tè)
jÉÉ
kc5
(6é),
ê
vi.
mff
quand lui+TH
partir+1I1
(lH) il+IMP dire+1I1 moi+à
- )
il faudra qu'il me prévienne en partant
(99)
(tè)
jÉÉ
fé
611
"
ë
âré -fwa
quand lui+1H noumture-manger- F1
J
il
chanter+AOR
1
1
t
anaphore
au moment où
lui manger
à ce moment il
chante
(quand)
- )
il mange en chantant
En (98), la première proposition, par le biais de /6e/, est posée comme un repère avec lequel
coïncide chronologiquement l'occurrence de la relation prédicative <ë ~ « ) vi> ; en d'autres
termes, "il faudra qu'il me prévienne de son départ au moment où il partira". Le repère~, ici, ne
sert qu'à donner un statut d'occurrence représentée à la relation prédicative repère.
626
En (99) la proposition repère est antéposée ; la relation repérée ê ~ < (1) crré - ft> > est
située directement par rapport à l'image a du repère. C'est une structure dont la nature même -
on s'en serait douté -la fait souvent pencher vers une interprétation hypothétique comme le
montre l'énoncé suivant:
., ,
(100) (tè)
Jee
km
6ë
~ kil (ki+kà) kà -lÈ
n~
qUfld lui+ni putir+ lt Tjf. 1vous+NEG mourir+Acc-srr INV
f
In1er-Neg
anaphore
quand lui-partir
àcemoment
vous n'êtes
pas mort,
non?
- )
quand il s'en ira, cela ne signifiera-t-il pas votre ruine ?
Les énoncés (93) à (100) nous montrent que les marqueurs 16el et /tel, de par leur nature de
rupteur, permettent une possibilité de repérage entre des occurrences de relation prédicative, ce
repérage ayant une valeur temporelle puisqu'il concerne soit l'identification, soit la localisation,
soit encore la rupture, les uns par rapports aux autres, des moments des occurrences de relations
prédicatives imbriquées.
IX.2.2. LES CONSTRUCTIONS CAUSALES
Une construction causale consiste en le repérage d'une relation prédicative par rapport à
une autre conçue comme la raison d'être de la première. Nous pouvons avoir les illustrations
suivantes:
(101) î
wï - i.
è
wt:
nt
c5
wé
/wi. - il
jà
wi. - na
tu
parler+ACC cela pour Préd je parler+AOR ...+ACC
...+INAC
tu as parlé
c'est pour cela
je parle
lai parlé!
suE en ttaildepub"
-)
je ne fais In'ai fait que répondre à tes propos
(102) ë
kà
(và) §î
a
wù - a
/wù3/
jà
wu3 - nô
il
mourir+ACC déjà TH
je
pleurer+AOR
...+ACC
...+INAC
il est mort
(déjà) alors je
pleure
t'ai pleuré"l "suisentraindephm:r
-)
puisqu'il est mort, je ne puis que pleurer 1G')ai pleuré 1Ge) pleure
627
En (101), la séquence è wt d est la forme qui exprime habituellement la cause et
correspond au français "parce que" : la tournure complète décomposée est: è - wi. -lë - of "lui
- raison (cause) -pour- c'est = c'est pour cause de cela". Mais nous nous intéresserons
particulièrement à l'énoncé (102).
En (102) en effet, nous voyons réapparaître le marqueur /6ë/, qui pose une occurrence de
la relation prédicative < ê .!!. < b kf.i) », laquelle va servir de repère à une occurrence donnée
de < à .!!. < (I) vù -:) > > ; mais, à la différence des énoncés du point précédent, le rappon
entre les deux occurrences de relation prédicative n'est pas de type chronologique et temporel,
mais de type causal: "étant donné <Â.I>, on peut avoir et/ou on a <Â.2>, "puisque <e 5. «t) kà»,
on a (logiquement) < à .!!. < ~) vù - :) > >.
Nous voyons donc que, lorsque deux occurrences de relations prédicatives sont
imbriquées, l'indication d'une proposition repère donne à la particule l6ë/ la possibilité de
construire non seulement la temporalité, mais aussi la causalité.
Du point de vue aspectuel, en particulier au niveau des causales et comme l'indique la
possibilité des trois constructions (AOR, ACC, INAC) en Â,2 (101 et 102), on n'observe aucune
contrainte réelle. On peut même avoir, dans la proposition repère Â,l, les trois aspects cités et les
associer indifféremment à n'impone quelle représentation aspectuelle en Â,2 sans aucune
incidence sur la relation interpropositionnelle.
IX.2.3. LES CONSTRUCTIONS HYPOTHETIQUES
Nous avons vu que l'hypothèse consiste en la construction d'une occurrence de relation
prédicative dans un plan fictif. Les différents types de relation entre la protase et l'apodose
peuvent être illustrés par les séries d'énoncés ci-dessous:
628
Série a
(103) .~
ë
tà
~
a
ka
/km/
ji km - n~
si,
il
veDir,+ACC J je
partïr+AOR
/...+ACCI
...+INAC
T
aqioiJœ
(104) ~
ë
tà,
~
a
ka
/km ?/
'- ?k'
a
Ja
Ci) - n
1
T
t
partir+AOR
/...+ACCI
...+INAC
- )
s'il est venu
je m'en irai
t'suis parti"/ "suis en train de partir"
(105) ~
ë
tà
if
ka
/km?/
ji ?km - na
_._---.1'
TI-
_ 1
1 - '_
partir+AOR
/...+ACCI
...+INAC
- )
s'il est venu,
c'est que je pars
t'suis parti"/ "suis en train de partir"
Sérieb
(106)~
ë
tà
~
a
ka
/km/
ji km - na
si,
il
verJr,+ACC J je
partir+AOR
/...+ACCI
...+INAC
t
_
~
- )
s'il était venu,
je partirais
/serais parti! serais en train de partir
(107).~
ë
tà
~ a
ka
/ km /
ji km - n~
t....
1
...+AOR
/...+ACCI
...+INAC
(108) *~
ë
tà
~ a
ka
/ km /
ji km - na
t....
1
...+AOR
/...+ACCI
...+INAC
Série c
(109) *~ ë
tà
~ a
ka
/ km /
ji km - na
,
t....
1
...+AOR
/...+ACCI
...+INAC
629
(110)
.~ ë
tà
~ c5
,
ka
/ kàJ /
jl kàJ - na
f~
_ 1
...+AOR
I...+ACCI
...+INAC
(111)
~ ë
tà
"
c5
ka
/ kàJ /
ja kàJ - na
f~
l
...+AOR
I...+ACCI
...+INAC
- )
s'il était venu,
je partirais
lserais parti! serais en train de partir
Notons qu'à côté de ces schémas, on peut avoir, suttout avec les protases en~, de valeur positive
l, une apodose non introduite par une image de protase, comme l'illustre l'énoncé suivant:
?
(112) ~
ë
tà
Il
c5
ka
/ kàJ ?/
jl . kàJ - na
si
il
V8ntI,+ACC 1 je
...+AOR
I...+ACCI
...+INAC
1
t
s'il est anivé,
je pars
t'suis partitll "suis en train de partirtl
On a aussi des énoncés avec composition de repères fictifs, comme le montrent les exemples
suivants :
(21)
.~ té të ë
tà
"
c5
ka
/ kàJ /
jl kàJ - na
t......
T
...+AOR
...+ACC
...+INAC
?
(113)
ka
/kàJ?/
tè
té të ë
tà-a
" c 5
ja . kàJ - na
___,_i
il
...+INAC
_ - r -__
V8_Nr
_'_+...
pars+AOR I...+ACC 1
~OR J je
f
_
aqioiJœ
- )
s'il venait,
je partirais
t'serais parti"l "serais en train de
partir"
?
(114)
"
, ,
t i i "
ka'
/ k';' ?/
te
te
të ë
ta-a
~
u
....
ja . kàJ - na
+I.-
J je pars+AOR I...+ACC1
...+INAC
- )
s'il venait,
je partirais
t'serais parti"l "serais en train de
partir"
Nous avons un fonctionnement qui s'aligne sur celui des énoncés de la série a).
630
D'une façon générale, on note que dans les constructions hypothétiques, l'apodose est
repérée par rapport à l'image de la protase qui se trouve être Ite/. Mais on note certaines
séquences impossibles telles que (103), (107), (108), (109) et (110) pour lesquelles une
explication peut être proposée. En effet, le rejet de ces séquences vient du processus même de la
construction de l'apodose. Nous pensons que si la protase est une construction fictive, l'apodose
apparaît comme un décrochement au second degré; elle s'identifie à un plan où l'on peut se
représenter une occurrence de relation prédicative une fois validée l'occurrence d'une autre
relation prédicative en qualité de repère-eondition. u yaouré marque ce deuxième plan ou repère
fictif à l'aide d'un trait prosodique d'ordre tonal: l'image Itel de la protase qui sert de plan de
repère à l'apodose est toujours affectée d'un tonème haut (H) dont nous savons qu'il est souvent
caractéristique d'un décrochement. Cela nous semble venir du fait que l'apodose est une
construction fictive au second degré à partir d'une situation fictive qui est une construction au
premier degré, cette représentation décalée étant marquée par un décrochement tonal. Ceci
explique que nous ne puissions avoir des co-occurrences telles que .~ (103), .~ (107),
*~ (108), .~ (109) et .~ (110). La co-occurrence licite ~ que l'on trouve en
(106) et qui traduit ce qu'il est convenu d'appeler classiquement l'irréel du présent (ou du passé,
selon le cas) correspond à un phénomène d'aplatissement dû au fait que nous n'avons pas en
yaouré un registre tonal plus haut que H et qui puisse pennettre une différenciation lorsque la
protase est introduite par ~ avec un tonème haut (H).
La règle de dénivellement tonal différentiel rend effectivement compte du type de rapport
qu'entretiennent une protase et une apodose. On peut cependant noter une infraction àcette règle
dans l'énoncé (105). Nous pensons que, en fait, il ne s'agit là que d'une infraction apparente, et
ceci pour deux raisons. D'abord, le ton du 1J&1 de l'apodose est MB, par conséquent plus haut
que le ton bas (B) de la protase, ce qui représente tout de même un cas de décrochement. La
seconde raison, qui est d'ordre référentiel, c'est que le ton MB de ~ traduit ici une relation
particulière entre les deux propositions; en (105), l'énonciateur dit que poser la protase équivaut
à poser l'apodose ; il s'agit d'une sorte de "condition liée" ou d'implication qui correspond aux
631
gloses "son arrivée équivaut à mon départ", "s'il vient, c'est que je pars, c'est que je dois partir
(par obligation ou nécessité)", "son arrivée, c'est mon départ".
Ces quelques illustrations montrent que le statut de l'opérateur Itel permet le repérage
d'une occurrence de relation prédicative par rapport à une occurrence d'une autre relation
prédicative posée comme condition de la première.
Comme le laissent apparaître les exemples (103) à (114), en dehors de circonstances
particulières définies par des paramètres précis, l'aspect verbal ne semble imposer aucune
contrainte réelle quant à la relation entre protase et apodose.1
IX.2.4. LES CONSTRUCfIONS INTERROGATIVES COMPLEXES
Une construction interrogative invite le co-énonciateur à désigner une des valeurs du
domaine notionnel d'une relation prédicative. Nous envisagerons ici le cas de l'interrogation qui
engage deux propositions, la première servant à amener la proposition interrogative proprement
dite. De cette structure nous trouvons une illustration dans les énoncés suivants :
.
1
1
(115) 1
md
JlD.
ë
tà
à
1Di+1H
en1endre+ACC
,
J
il
venir+ACC • INV
,
t
tu as
entendu
que
il
est venu ?
- )
As-tu appris qu'il est arrivé?
.
(116) 1
jé
~
ë
tà
à
toi+TH
voir+AOR
Sit
il
venir+ACC - INV
tu
vois
que
il
est venu
- )
Est-ce qu'il est venu?
1- Cependant, les constructions 8SpeCtuelles marquées du signe? de (103) à (114) sont mieux acceptées en tant
que constructions aoristiques à valeur modale. Nous avons longuement examiné cette valeur au Chapitre VII.
632
En (115), le fait de poser une question implique, de la part de l'énonciateur, qu'il ne
dispose pas d'un espace référentiel objectif dans lequel il puisse ancrer la relation prédicative
faisant l'objet de l'interrogation, c'est-à-dire < ê ~ < (> 1à > >; il peut tout au plus représenter
un référentiel abstrait pour la validation éventuelle d'une occurrence de cette relation par le co-
énonciateur ; la particule JlA est ici l'image de ce référentiel dont l'existence est partie intégrante
de l'objet de la question; la glose de (115) serait : "existe-t-il un site (=n4) quelconque pour une
i l ,
occurrence 1de < ë .!. < { >•
> > 7"
En (116), nous avons une glose du genre "Vois-tu, te représentes-tu un site pour une
occurrence 1de < ê ~ < {I> 1à > > 7" Le site abstrait, représenté ou fictif de cette occurrence
en question a pour image en surface.lt. c'est-à-dire le rupteur par excellence que nous avons vu
et dont la nature de rupteur ou de décrocheur permet le genre de repérage abstrait auquel nous
avons affaire ici.
1X.2.S. LES CONSTRUCTIONS COMPARATIVES
Une comparaison rapproche des occurrences notionnelles pour évaluer la quantité ou la
qualité relatives de l'une par rapport à l'autre. Le superlatif n'étant pas marqué par une forme
spécifique, nous nous intéresserons, dans le bref exposé qui suit, particulièrement aux
comparatifs de supériorité et d'égalité.
IX.2.5.1. LE COMPARATIF DE SUPERIORITE
On ne peut pas dire que le comparatif de supériorité implique une relation
interpropositionnelle. Il faut noter que le yaouré ne fait pas, au plan structurel et formel, la
distinction entre le comparatif de supériorité et le comparatif d'infériorité. Les valeurs de
supériorité ou d'infériorité s'obtiennent par la lecture d'une structure prédicative dans un sens ou
dans l'autre, c'est-à-dire de gauche à droite ou de droite à gauche selon le degré de comparaison.
Le prédicat qui exprime généralement la comparaison est m1l "dépasser", parallèlement à toutes
633
les autres constructions équivalentes qui sont toujours possibles. Les énoncés suivants nous
donnent des exemples de comparatif de supériorité ou d'infériorité.
(117) za
pHO
mlt - cS
a
di
Dans ~
longueur dépasser+AOR
moi
sur
la taille de Jean me dépasse
- )
Jean est plus grand que moi.
(118) c1
w~ - ftf
mlt - cS
za
di
moi
9
petitesse
dépasser+AOR
Jean sur
-
ma petitesse dépasse Jean
- )
je suis plus petit que Jean.
Nous voyons bien qu'en (117) "Jean est Rl.Ja grand que moi" implique que "je suis mQÎM grand
que Jean" ; en (118), "je suis 1llils. petit que Jean" implique que Jean est ~ petit que moi".
IX.2.5.2. LE COMPARATIF D'EGALITE
Le cas qui nous intéresse particulièrement dans les constructions comparatives, c'est le
comparatif d'égalité dont nous trouvons une illustration dans l'énoncé suivant:
,
.
(119) za
ci
pl~O
li (nd)
e
6wi.
zm
Jean
Préd
long
connne
lui
frère
pareil
Jean
est
grand comme
son
frère
- )
Jean est aussi grand que son frère
Nous percevons bien le rôle de li dans cet énoncé au comparatif. La taille de Jean ne coïncidant
matériellement en aucune façon avec celle de son frère, même si celles-ci sont comparables et
superposables, ce n'est qu'en représentation que ces deux tailles abstraites1 de leur matérialité
objective peuvent être identifiées. D'ailleurs la comparaison ne présuppose-t-elle pas une altérité
essentielle que seule l'abstraction, caractéristique de la comparaison, peut réduire par
1· Au sens de "extraites ou tirées de" ; il s'agit donc ici du passif du prédicat "abstraire".
634
identification, ou maintenir par différenciation ? Le statut de li en tant que rupteur permet la
création de ce plan abstrait d'identification ou de différenciation.
IX.2.6. LES CONSTRUCfIONS CONCESSIVES
Une construction concessive fait valoir que l'agrément accordé pour l'occUITence d'une
première relation prédicative n'empêche pas l'occUITence d'une autre relation prédicative. Cette
construction peut être illustrée par les exemples suivants :
(120) l i i
ft
0
a
ka
pluie
tomber+ACC INV
je
partïr+AOR
il
a
plu
INV
je
pars
- )
qu'il pleuve ou non, je partirai
(121) ~
e
kà
0
maa
sf'~-ma
il
mourir+ACC INV
moi+lui
insulter+AOR
il
est mort
INV
je
l'insulte
- )
qu'il soit mort ou non, je l'insulterai
,
(122) ~
J1a (e + 6)
jë - jî
kb
a
ka
il+moi
aimer+AOR n~<XInœnt
je
partir+AOR
il
m'aime
n'impone comment,
je
pars
- )
Quel que soit l'amour qu'il éprouve pour moi, je partirai.
En (120), l'inverseur Q. permet d'orienter le gradient d'attraction vers la valeur E du
domaine de la relation prédicative JÜ .!. < (1) fé > ; ceci, comme nous l'avons vu, s'accompagne
d'une rupture, la particule n'ayant alors qu'à parcourir les valeurs l, F et E du domaine de la
relation prédicative correspondante, et l'on souligne alors, par l'ensemble de la construction, que
l'occurrence 1 de la relation prédicative < 5. .!. < 6 ka) > > est inévitable quelle que soit la
valeur posée de la première, d'où la concessive "Qu'il pleuve ou non, je partirai".
635
En (121) et (122) en particulier, le repère ~ nous place d'emblée dans un plan décroché
qui, avec l'appui des curseurs /91 et /bl1, nous fait parcourir toutes les valeurs possibles des
relations prédicatives respectives < ê ~ < () lui > > et < ê ~ < () ji. - fi, â > > d'où les
valeurs "Qu'il meurt ou pas, je leur dirai deux mots (121), "Qu'il m'aime ou non, je partirai" (122).
Le repère /ltJ, nous plaçant au niveau de la représentation, définit, crée les conditions du
parcours des valeurs d'une relation prédicative dont on dit qu'elles ne sont pas un obstacle à
l'occurrence d'une autre ou d'autres occurrences de relations prédicatives.
IX.2.7. LES CONSTRUCTIONS CONSECUTIVES ET FINALES
Une construction consécutive imbrique deux propositions dont l'une est la conséquence
de l'autre, et une construction fmale deux propositions dont l'une est le but de l'autre. En dehors
des tournures variées équivalentes, ces deux constructions se traduisent, comme on peut le voir,
dans les énoncés suivants, par l'insertion d'une particule" se présentant comme l'image de la
situation découlant de l'occurrence de la première proposition, et par rapport à laquelle la relation
prédicative consécutive ou finale se trouve repérée :
,
,
(123) •1
s~
e
~
ka
1Di+IMP
frapper
,
r il mourir+e
t
frappe-le
il meurt
- )
bats-le à mort.
,
1
,
..
,
(124) 1
wf
mli
~
1
WL
cl
toi+IMP
vin
boire
Sit
toi
parole (vérité)
connaître+e
bois du vin
pour connaître la (vraie) parole
- )
bois pour être sage
1- g veut dire en effet "n'importe comment/quel" ; dans l'énoncé (122), g renvoie à une valeur quelconque du
domaine de la relation prédicative correspondante.
636
La particule ~ apparaît comme l'image de l'état résultant du processus.mll "boire" par rapport
auquel se trouve repérée ou envisagée une occurrence de < { !. < (1) t) r vt > >.
Avec l'examen des propositions finales et consécutives s'achève l'étude du comportement
des particules énonciatives dans les énoncés complexes. Notre objectif n'était nullement de
procéder à une analyse exhaustive et détaillée de toutes les structures complexes qui peuvent
sortir de l'imbrication de relations prédicatives. n s'agissait uniquement d'évaluer le statut des
particules énonciatives, et les exemples que nous avons décrits, même rapidement, font apparaître
effectivement le rôle central de ces marqueurs dans les énoncés complexes.
On notera essentiellement que cette aptitude des particules énonciatives à pouvoir assurer
la jonction des relations prédicatives repose souvent sur leur statut de marqueurs d'opération de
décrochement; c'est en effet la rupture ou le changement de plan dont elles sont les traces qui,
leur conférant plus d'élasticité, expliquent le fonctionnement en came1 des systèmes de valeurs
où elles se trouvent impliquées et leur permet de servir de pivot à bon nombre de combinaisons
de relations prédicatives; la rupture et le changement de plan vus comme abstraction sont des
opérations créatrices de valeurs.
A ce niveau de notre étude, il n'est d'ailleurs pas inutile de souligner la place centrale de
l'abstraction dans l'activité langagière. Il est intéressant en effet de noter que ces particules
énonciatives, qui représentent en elles-mêmes déjà un haut niveau d'abstraction, s'associent entre
elles en un réseau d'abstractions et de repérages hiérarchisés qui sauvegarde, en l'adaptant
quelquefois, le statut originel de chaque particule.
C'est par ces quelques remarques sur les particules énonciatives, qui jouent un rôle
central de régulateurs et de stabilisateurs dans les processus énonciatifs, que nous allons clore
1- Le concept de "came" est exploité en linguistique par Antoine CULIOLI; il renvoie à un système structuré
d'au moins deux valeurs de telle sorte que la visée de rune (1) vous renvoie à l'autre (E), ce qui vous ramène au
point de dépan où 1et E coexistent en tant que couple défmissant le système.
637
notte étude sur le yaouré, tout en proposant au lecteur cet admirable énoncé où se retrouvent dix
(10) des fonnes que nous avons étudiées:
.,
...
(125) tè
lé
~
n44
wen
kà
é
kitlà-wcS
lë
wÎ.-di.
~
a
m13-m15 dîë
..
1
2
3
t
6
7
8
.
,
9
810
4
5
si.(~it~
''rDnp-.'' NB} nI pal\\(i'f-FAIRE Si pIter-Si Si œtllt
NB3+nI
të
tësîi
é
Wl. - WQ
en
di.
t
t
1
5
6
8
JMP+NB}
"nom pr"
TIl parler-FAlRE(=Si) plus
NB}
Il ne nous semble pas inutile de donner les clefs de cet énoncé en rappelant l'identité des
particules qui y apparaissent:
1. ~
repère fictif - ) hypothèse
2.1t
l~ anaphoriquesde tè
3.nü J
4. Ki
inverseur - ) négation
5. /HI
ton haut - ) opérateur de rupture
6. Ü
référentiel de relation prédicative « décrochage par /HI )
7. ~
référentiel de relation prédicative « accompli négatif)
8. .d1
référentiel de relation prédicative
9. à
référentiel synthétique de 2 relations prédicatives
10. 6e
particule de thématisation
Nous tenninons sur une glose possible de l'énoncé (125) : "S'il est avéré que Wéri, elle, n'a
absolument pas pu dire un seul mot, alors que Tessiah se taise pour jamais."
638
CONCLUS][ON
Nous arrivons au terme de cette étude globale du yaouré et, à ce stade, nous pensons
que l'étendue et la complexité des problèmes abordés, jointes aux analyses et conclusions
proposées aux différentes étapes, nous commandent d'être ici très bref. Nous nous
limiterons donc à deux observations.
A un premier niveau, la structure syllabique du yaouré, son système tonal ainsi que
diverses relations inter-syllabiques, divers rapports de gouvernement des segments les uns
par les autres, ou d'influence les uns sur les autres expliquent, pour l'essentiel, et selon des
règles, les phénomènes combinatoires que nous avons identifiés et examinés au plan
morphophonologique.
A un second niveau, pour ce qui est de la construction de la référence, qu'il s'agisse
de la prédication, de la détermination, de l'aspect, de la modalité ou de la combinaison de ces
opérations, elle apparaît comme fondamentalement faite de constructions souvent
imbriquées, voire superposées, dont les traces, le morphème zéro y compris, se ramènent à
un nombre limité de marqueurs constituant véritablement la charpente de la langue et
déterminant ainsi son algèbre combinatoire tant au plan des opérations elles-mêmes qu'à
celui de la compositon des relations prédicatives.
Toutefois, ces deux ensembles de remarques ne peuvent prétendre clore le grand
débat que nous ne faisons qu'ouvrir sur le fonctionnement général du yaouré. Même les
propositions concrètes que nous avons faites tout au long de ce travail sont appelées à être
soumises à des réajustements ici ou là. Quoi de plus naturel pour une démarche qui a pour
fondement un constant va-et-vient entre observations et théorie?
I~
~
"Mais oui!"
639
BID8LllOOlRAPHIlB
DOMAINE MANDE
BENOIST, J.P. (1969). "Grammaire gouro (Groupe mandé, Côte d'Ivoire)", Afrique et
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DELAFOSSE, M. (1904). Vocabulaires comparatifs de plus de soixante langues ou dialectes
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A cette bibliographie, il faut ajouter cette donnée du message scientifique
d'Antoine CULIOLI que lui-même a si justement appelé "la parole vive".
645
TABLJB DlBS MATIlBlRlBS
DEDICACE
1
REMERCIEldENTS
.11
EPIGRAPHE
III
PRINCIPALES ABREVIATIONS
N
CHAPITRE 1 : LE y AOURE : REPERES SOCIO-mSTORlQUES D'UNE LANGUE PEU
ETUDIEE
1
1.1. LES DONNEES GEOGRAPmQUES ET LINGUISTIQUES
4
1.1.1. Plusieurs graphies pour une seule structure phonique
4
1.1.2. Une réalité d'ordre ethnique
5
1.1.3. Une réalité d'ordre lingui&ti<J.lI~.~.t"
8
f).f
~r
:..~.
~
,'-v
"?
1.2. LES DONNEES DE Ltms:'u..- LoO /
• :lt...1,0
10
lOlO • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
J>
( j
:t
v~, ,
12
.s
IIldcmu::IR1l~.,.culturel.
12
c.,,~ç
:~~~
13
1.4. L'ETAT DES RECHERCHES SUR LA LANGUE YAOURE
13
1.4.1. Les tentatives de classification du yaouré
13
1.4.2. Quelques descriptions de la langue yaouré
16
1.5. LES OBJECTIFS MAJEURS DE NOTRE THESE
19
1.5.1. Deux présupposés
19
1.5.1.1. Le yaouré, une langue
19
1.5.1.2. Le yaouré, une langue mandé
20
1.5.2. Nos choix
20
1.5.2.1. Le parler jàà
20
1.5.2.2. De la méthode d'enquête
21
1.5.2.3. Notre centre d'intérêt
22
1.6. QUELQUES DONNEES REPERES DE LA LANGUE YAOURE
22
1.6.1. Les séquences minimales significatives
22
1.6.2. Les niveaux tonals
23
1.6.3. Les formes des principaux processus morpho-phonologiques
23
646
CHAPITRE II: ELEMENTS DE PHONOLOGIE: LES PHOMENES DU YAOURE ET
LES PRINCIPAUX PROCESSUS PHONOLOGIQUES
31
ll.l. LES PHONEMES VOCALIQUES
32
ll.l.l. Tableau phonétique des voyelles
32
ll.1.2. us schèmes de séquence phonique
33
ll.1.2.l. Séquences équivalant au léxème
33
ll.1.2.2. Séquences supérieures au léxème
33
ll.1.3. Identification des phonèmes vocaliques
34
ll.1.3.l. :Les voyelles orales
34
ll.1.3.2. us voyelles nasales
42
ll.2. ~S PHONEMES CONSONANTIQUES
46
ll.2.1. Tableau phonétique des consonnes
46
ll.2.2. Identification des phonèmes consonantiques
47
II.3. LES STRUCTURES SYLLABIQUES DU YAOURE
60
ll.3.1.:Le problème théorique de l'identité de la syllabe
61
ll.3.2. La théorie du charme et du gouvemement..
62
ll.3.3. La syllabe yaouré
66
ll.3A. :Les structures syllabiques du yaouré
67
ll.3.4.l. us monosyllabes
68
ll.3.4.2. us dissyllabes
68
ll.4. ~ SYSTEME TONAL DU YAOURE
70
ll.4.l. Définition du ton
71
llA.2. Identification des tonèmes du yaouré
71
ll.4.3. Types de tonèmes en yaouré
71
ll.4.4. Des schèmes tonals
73
llA.5. De la stabilité des tonèmes et du rôle des segments
73
IIA.6. Du plan tonal et du plan segmental
73
llA.7. Les schèmes tonals du yaouré
74
II.4.7.1.:Les schèmes tonals en CV
74
11.4.7.2. Les schèmes tonals en CVV
75
ll.4.7.3.:Les schèmes tonals en CYLV
75
IIA.7.4.:Les schèmes tonals en CVCV
76
llA.7.5. Conclusions et interprétations des tableaux
76
647
ll.4.8. :Les règles tonales du yaouré
78
ll.4.8.1. La propagation tonale
78
ll.4.8.2. :Le rehaussement tonal
79
ll.4.8.3. L'abaissement tonal
84
ll.4.8.4. La dissùnilation tonale
84
ll.4.8.5. La copie tonale
86
II.5. LA DIS1RmUTION DES SEGMENTS ET LES PHENOMENES COMBINATOIRES
88
ll.5.1. Des segments vocaliques
88
ll.5.1.1. Structure des séquences vocaliques
88
A- :Les faits d'ordre positionnel
88
B- :Les faits d'ordre séquentie1.
88
C- L'hannonie vocalique
95
ll.5.l.2. Stabilité vocalique et phénomènes combinatoires
96
A- Phénomènes combinatoires dans les frontières d'un lexème
96
B- Phénomènes combinatoires transmorphématiques
124
ll.5.2.Des segments consonantiques
136
ll.5.2.l. Quelques observations générales sur la distribution des consonnes
136
ll.5.2.2. Stabilité consonantique et phénomènes combinatoires
137
A- Les contraintes distributionnelles à l'intervocalique
138
a) Le voisement consonantique à l'intervocalique
138
b) Les réalisations du segment /1/ à l'intervocalique
144
B- Du statut de la nasalité consonantique en yaouré
158
C- Les phénomènes de palatalisation
177
ll.5.2.3. Le yaouré a-t-il un phonème III ?
179
ll.6. TABLEAU DES SEGMENTS PHONOLOGIQUES DU YAOURE
181
ll.6.l. Tableau des phonèmes vocaliques
181
ll.6.2. Tableau des phonèmes consonantiques
182
CHAPITRE m : E'LFMF.NlsDE ~OLOGIE : DES lN1ES ~GNlFICA~~DU
YAOURE AUXPR()(FSqSMORPHOLOGIQ~FONDAMEND\\.UX
183
Ill.l. LES BASES ET LEUR CATEGORISATION
184
m.1.1. Le concept de "base"
185
llI.1.2.Les bases lexèmatiques
185
llI.1.3. Les bases pronominales simples
188
m.1.3.l. Définitions et catégories fonctionnelles
188
648
m.1.3.2. Le problème de la référence pronominale
189
m.1.4. Les morphèmes
192
m.1.4.1. Les dérivatifs
192
m.1.4.2. Les marqueurs nominaux
193
m.l.4.3. Les marqueurs ou prédicatifs verbaux
194
m. 1.4.4. Les prédicatifs nominaux
195
rn.1.4.5. Les particules énonciatives
195
rn.1.5. Les dérivés
196
IIL1.5.1. La dérivation nominale
197
m.1.5.2. lAi dérivation verbale
199
A- lAi dérivation verbale par suffixation
200
B- lAi dérivation par réduplication vocalique
202
C- Dérivés à double dérivatif
204
m.1.5.3. lAi dérivation adjectivale
205
m.1.5.4. lAi dérivation adverbiale
206
m.1.6. lAi composition
206
IILl.6.1. lAi composition nominale
206
III. 1.6.2. La composition verbale
211
m.1.6.2.l. Le processus de la composition verbale
211
IIL1.6.2.2. Les types de composés verbaux
212
III. 1.6.3. lAi composition adverbiale
214
IIL1.7. Les syntagmes
215
m.1.7.1. Les syntagmes nominaux
216
A- Les syntagmes descriptifs
216
B- Les syntagmes locatifs
218
IIL1.7.2. Les syntagmes adjectivaux
219
A- Les syntagmes qualitatifs
219
B- Les syntagmes numéraux
219
a) Le système cardinal.
219
b) Le système ordinal
224
m.1.7.3. Les syntagmes adverbiaux
225
III. 1.7.4. Les syntagmes prépositionnels
226
III.1.7.5. L'énoncé comme syntagme
226
IlL 1.8. Les formes pronominales complexes ou amalgamées
227
IIL1.8.1. Les paradigmes des catégories fonctionnelles
227
m.1.8.2. Les processus de l'amalgame pronominaL
228
A- Le paradigme 1 : Pronom Sujet + ka
229
B- Le paradigme II : Pronom Sujet + 6€
237
649
C- :Le paradigme ID : Pronom Objet +li:
245
D- :Le paragdime IV : Pronom l)étenninant + lè
250
llI.2. LA QUANTIFICATION NOMINALE ET LES PROCESSUS MORPHOLOGIQUES
259
ill.2.1. :Les bases lexèmatiques, les composés et le nombre
260
ill.2.2. les dérivés nominaux et la catégorie du nombre
261
Ill.3. L'ASPECT VERBAL ET LES PROCESSUS MORPHOLOGIQUES
262
ill.3.1. L'aspect accompli.
262
ill.3.1.1. :Les bases verbales et l'accompli
262
A- :Les bases monosyllabiques CV
262
B- Les dissyllabes CVV et CYLV
,
'"
263
ill.3.1.2. :Les dérivés verbaux et l'accompli
264
A- :Les dérivés par suffIxation de - la
264
B- :Les dérivés par réduplication vocalique
265
C-:Les dérivés à double dérivatif
266
ill.3.1.3. :Les composés verbaux et l'accompli
266
ill.3.2.L'aoriste
267
llI.3.2.1. Les bases verbales et l'aoriste
267
A- :Les monosyllabes CV
267
B- :Les dissyllabes CVV et C(V)LV
270
llI.3.2.2. :Les dérivés verbaux et l'aoriste
271
A- :Les dérivés par suffIxation de -la
271
B- :Les dérivés par réduplication vocalique
272
C-:Les dérivés à double dérivatif
273
ID 3.2.3. Les composés verbaux et l'aoriste
273
llI.3.3. L'aspect inaccompli
274
ill.3.3.1.:Les bases verbales et l'inaccompli..
275
A -:Les monosyllabes CV
275
B- :Les bases dissyllabiques CVV et C(V)LV
275
ill.3.3.2. :Les dérivés verbaux et l'inaccompli
276
A- Les dérivés par suffIxation de -la
276
B- :Les dérivés par réduplication vocalique
277
C-:Les dérivés à double dérivatif..
277
ID.3.3.3. :Les composés verbaux et l'inaccompli
278
ill.3.4. L'aspect statif
278
650
m.3.4.1. !..es bases verbales et le statif
278
A- !..es monosyllabes CV
278
B- !..es bases dissyllabiques CVV et C(V)LV
279
m.3.4.2. !..es dérivés verbaux et le statif
280
A-!..es dérivés par suffixation de -la
280
B- !..es dérivés par réduplication vocalique
281
C- !..es dérivés à double dérivatif
281
m.3.4.3.!..es composés verbaux et le statif..
:
282
m.3.5. !..e passé immédiat
282
m.3.5.1. !..es bases verbales et le passé immédiat..
282
m.3.5.2. !..es dérivés verbaux et le passé immédiat..
283
m.3.5.3. !..es composés verbaux et le passé immédiat
284
IlIA. LA MODALITE ET LES PROCESSUS MORPHOLOGIQUES
284
m.4.1. L'impératif
284
m.4.1.1.!..es bases verbales et l'impératif
285
A- !..es bases monosyllabiques CV
285
B- !..es dissyllabes CVV et C(V)LV
286
m.4.1.2. Les dérivés verbaux et l'impératif
287
mo4.1.3. Les composés verbaux et l'impératif
288
m.4.2. L'expression de "pouvoir"
288
m.4.2.1. Les bases verbales et "pouvoir"
289
m.4.2.2.Les dérivés verbaux et "pouvoir"
289
111.4.2.3. Les composés verbaux et "pouvoir"
290
m.4.3. La visée immédiate simple
291
111.4.3.1. Les bases verbales et la VIS
291
111.4.3.2. Les dérivés verbaux et la VIS
292
mo4.3.3. Les composés verbaux et la VIS
292
111.404. La visée immédiate à repère décalé (VRED)
292
m.4.4.1. Les bases verbales et la VRED
293
111.4.4.2. Les dérivés et la VRED
295
IIIAo4.3. Les composés verbaux et la VRED
297
111.5. LES COMBINAISONS ASPECTUO-MODALES
298
111.5.1. L'accompli négatif
298
111.5.1.1. Les bases et l'accompli négatif..
298
III.5.1.2. Les dérivés verbaux et l'accompli négatif
299
m.5.2. L'aoriste négatif
301
651
llL5.2.1. Les bases et l'aoriste négatif
301
m.5.2.2. Les dérivés et l'aoriste négatif
302
llL5.3. L'inaccompli négatif
302
m.5.3.1. Les bases et l'inaccompli négatif..
302
m.5.3.2. Les dérivés et l'inaccompli négatif
303
m.5.4. Le statif négatif
304
m.5.4.1. Les bases et le statif négatif
304
m.5.4.2. Les dérivés et le statif négatif
304
m.5.5. La négation du passé immédiat.
305
m.5.5.1. Les bases et la négation du passé immédiat
305
Ill.5.5.2. Les dérivés et la négation du passé immédiat..
305
IU.6. LES COMBINAISONS MODALES ET LES PROCESSUS MORPHOLOGIQUES
306
UL6.1. L'impératif négatif
307
m.6. 1. 1. Les bases verbales et l'impératif négatif
307
m.6.I.2. Les dérivés verbaux et l'impératif négatif
308
m.6.2. La négation de "pouvoir"
308
m.6.2.1. Les bases verbales et la négation de "pouvoir"
309
m.6.2.2. Les dérivés verbaux et la négation de "pouvoir"
309
m.6.3. La négation et la visée immédiate simple (VIS)
310
m.6.4. La négation de la visée immédiate à repère décalé
310
m.6.4.1. Les bases verbales et la VRED
311
m.6.4.2. Les dérivés verbaux et la VRED
,. 311
UL7. A PROPOS DE QUELQUES VERBES AU FONCTIONNEMENT ATYPIQUE
313
CHAPITRE IV : PREDICATION ET ENONCIATION EN YAOURE
316
IV.1. BREF RAPPEL DE QUELQUES REPERES THEORIQUES
317
IV. 1. 1. Enonciation et prédication
318
IV. 1.2. Les paramètres de l'acte énonciatif
319
IV.!.3. L'acte énonciatif et ses différents plans
321
IV.2. DIATHESE ET PREDICATION EN YAOURE
327
IV.2.1. Les types de prédication
328
IV.2.I.I. La prédication non verbale
328
N.2.1.2. La prédication verbale
332
N.2.2 La diathèse en yaouré
333
N.2.2.1. La source de la relation primitive comme terme de départ
334
652
IV.2.2.2. Le but de la relation primitive comme tenne de départ
340
IV.2.2.3. Le prédicat comme terme de départ
349
IV.2.2A.Le tenne de départ n'est ni source, ni but
356
IV.3. REPERAGE PREDICATIF ET PREDICATION
358
IV.3.l. Le concept de repère prédicatif
358
IV.3.2. Le repère prédicatif est le terme de départ de la relation prédicative
359
IV.3.3. Le repère prédicatif est le second membre de la relation prédicative
361
IV.3A. Le repère prédicatif est le repère origine (Silo)
362
IVA. THEMATISATION ET ENONCIATION EN y AOURE
365
IV.4.l. Le concept de thématisation
365
IV.4.2. :La thématisation des lexèmes
365
IVA.2.1. Le repère constitutif est le tenne de départ de la relation prédicative
366
IV 04.2.2. Le repère constitutif est différent du terme de départ de la relation
prédicative
368
IV.4.3.:La thématisation des pronoms
369
IV04.3.1. :La thématisation des pronoms non toniques
370
IV.4.3.2. Les substituts thématiques
371
IVAA. A propos des marqueurs 0, nO et gG:l
373
IVA.5. Les repères constitutifs complexes
374
IV.5. FOCALISATION ET ENONCIATION EN y AOURE
378
IV.5.1. Le concept de focalisation
378
IV.5.2. :La focalisation simple
379
IV.5.2.l.:La focalisation en prédication non verbale
379
IV.5.2.2.:La focalisation en prédication verbale
379
IV.5.3. :La focalisation discordantielle
382
IV.5.3.1. La focalisation en prédication non verbale
382
IV.5.3.2. La focalisation en prédication verbale
383
IV.6. LA THEMATISATION FOCALISEE
386
IV.7. THEMATISATION, FOCALISATION ET COMPLEMENTATION EN y AOURE
387
IV.7.!. Le concept de "complément"
387
IV.7.2. Thématisation et complémentation
388
IV.7.3. Focalisation et complémentation
389
IV.7.4. Thématisation focalisée et complémentation
389
IV.8. Du RAPPORT ENTRE THEMATISATION ET FOCALISATION
390
653
CHAPITRE V: LE REPERAGE NOMINAL •••••••................•..•.......•......................................... 392
V.1. LE CONCEPT DE DElERMINATION NOMINALE
393
V.1.1. I...a quantification
393
V.1.2 I...a spécification ou le fléchage
395
V.1.3. I...a qualification
397
V.2. LES OPERATIONS DE QUANTIFICATION NOMINALE EN YAOURE
401
V.2.1. I...e renvoi à la notion
'"
401
V.2.2. L'extraction
402
V.2.3. I...e parcours
409
V.3. L'OPERATION DE Fl.ECHAGE
412
V.3.1. I...e fléchage par localisation
412
V.3.2. I...e fléchage par préconstrllction
431
V.4. LES CAlEGORŒS NOMINALES EN YAOURE
435
V.4.1. I...es compacts
435
V.4.2. I...es denses
437
V.4.3. I...es discrets
438
V.5. LA DETERMINATION ET LE PHENOMENE DE RECAlEGORISATION NOMINALE
440
CHAPITRE VI. : LE REPERAGE ASPECfU().TDfP()REL
443
VI.1. POUR UN CONCEPT UNIFIE D'ASPECT
444
VI.2. LES CONSTRUCTIONS ASPECTUELLES : FORMES CANONIQUES ET INVENTAIRE
DES MARQUEURS
446
VI.3. LA CONSTRUCTION DE L'INACCOMPLI EN YAOURE
449
VI.4. LA CONSTRUCTION DE L'ACCOMPLI
451
VIA.3. La construction du statif ou état résultant.
453
VIS LES CONSTRUCTIONS ASPECTUELLES AORISTIQUES
457
VI.5.1. L'aoriste
457
VIS1.!. L'aoriste de révolu simple
458
VI.5.1.2. L'aoriste de récit.
459
654
VI.5.l.3. L'aoriste de description
461
VI.5.l.4. L'aoriste d'habituel
462
VI.5.l.5. L'aoriste de générique
463
VI.5.2. Le passé dit "immédiat"
464
VI.5.3. L'aoristique d'accompli
467
VI.5.4. L'aoristique d'inaccompli
471
VI.5.5. Types de discours et constructions aoristiques
474
VI.6. Du REPERAGE ASPECIUEL ET DE L'INCIDENCE DES TYPES DE PROCES
476
VI.6.1. L'accompli et les types de procès
477
VI.6.2. L'inaccompli et les types de procès
478
V!.6.3. Les catégories de procès en yaouré
479
VI.6.3.l. Les compacts
479
V!.6.3.2. Les procès denses
480
VI.6.3.3. Les procès discrets
481
VI.6.4. Type de procès et recatégorisation
483
CHAPITRE Vll. : LE REPERAGE MODAL
485
VI!. 1. LE CONCEPT DE MODALITE
486
Vll.l.l. DéflIlition
486
Vll.l.2. Les paramètres de la catégorie modale
486
VII.2. LES OPERATIONS MODALES: TYPES ET MARQUEURS
489
Vll.3. LA MODALITE ASSERTIVE EN y AOURE
492
Vll.3.l. L'assertion : du concept et des types
492
Vll.3.l.1. Le choix du centre attracteur 1ou assertion positive
492
VII.3.1.2. Le refus de la valeur 1ou assertion négative
493
A- La négation simple en prédication verbale
493
B- Autres constructions négatives
499
Vll.4. L'INJONCfION EN y AOURE
504
Vll.4.l. L'injonction positive
504
Vll.4.2. L'injonction négative
506
VIT.5. LA VISEE EN YAOURE
507
VIT.5.l. Le concept de visée
508
VIT.5.2. Les deux types de visée en yaouré
508
655
VII.5.2.1. I...a visée prospective
508
VII.5.2.2. I...a visée immédiate
514
A- I...a visée à panir d'un seul repère IBo
514
B- I...a visée à panir de deux repères lE1 co IBo
515
C- I...a visée à panir de trois repères 1E2 ~ lE1 co IEo
517
VII.5.2.3. I...a visée, translation et filtrage
518
VII.53. I...a visée comme construction aoristique
519
VII.5.3.l. I...a visée d'aoriste
519
VII.5.3.2. I...a visée d'accomplï
521
VII.5.3.3. I...a visée d'inaccompli
522
VII.5.3.4. I...a visée translatée
523
VII.6. LES MODULATIONS MODALES
524
VII.6.1. Les modulations assertives
525
VII.6.1.1. Le contingent.
525
VII.6.1.2. Le probable
527
VIL6.2. Les modulations sur le non-actueL
529
VII.6.2.1. Le contingent.
529
VIL6.2.2. Le possible
530
A- Le possible unilatéral
530
B- La permission
533
VIL6.2.3. Le probable
534
VIL6.2.4. Le nécessaire
535
VII.7. L'ASSERTION ACTIVE ET L'HYPOTHESE EN YAOURE
536
VII.7.l. Le concept d'assertion fictive
536
VII.7.2. L'hypothèse en yaouré
538
VII.7.3. L'hypothèse, fluctuation et combinaison des repères
540
VII.7.3.1. Les degrés du fictif
540
A- Le fictif en tè
540
B- Le fictif en té
540
C- Le fictif en tê
541
VIL7.3.2. Les compositions de repères fictifs
543
VIL8. L'INIERRC>GATION
546
VII.8.l. L'interrogation positive
547
VII.8.2. L'interrogation négative
548
656
VII.9. MODALISATION, RELAIS ET FILTRES MODAUX
550
VIT.9.1 Négation et filtres adverbiaux
551
VII.9.2. Visée et relais modaux
553
VIT 9.3. Interrogation et relais modaux
553
VII.9.4. Modulations modales et relais modaux
554
VIT.9.5. L'hypothèse et les relais modaux
555
CHA81RE VIn: ANAL~ S\\'NlHEIQUE <n\\FARA1IVES DES MARQlEURS D'~'B~ :
CA.RACIERISA.'BONPREDICA.'UVE ~'IVE
557
VIII.l. TYPoLOGIE REFERENTIELLE DES MARQUEURS D'OPERATIONS
558
VIII.l.l. Le marqueur de diathèse de procès
558
VITI. 1.2. Les marqueurs de thématisation
559
VllI.l.3. Les marqueurs de focalisation
561
VITI.l.4. Les marqueurs de fléchage ou de spécification
562
VIII. 1.5. Les marqueurs aspectuels
563
VIII. 1.6. Les marqueurs modaux
567
VIII.2. TYPOLOGIE OPERATOIRE DES MARQUEURS D'OPERATIONS
572
VIII.2.1. Les localisateurs
573
VITI.2.2. Les marqueurs de référentiel..
574
VITI.2.2.1. Les référentiels objectifs
574
VllI.2.2.2. Les repères fictifs
575
<
VIII.2.2.3. Les images-repères contraintes
576
Vm.2.3. Les rupteurs
578
VllI.2.4. Les curseurs
579
VIII.3. DES CATEGORIES DE FORMES A L'HOMOLOGIE DES OPERATIONS
ENONCIATIVES
582
VIII.3.l. La thématisation et l'hypothèse
582
VIII.3.2. L'injonction et l'hypothèse
583
VITI.3.3. L'hypothèse et l'interrogation
583
VTII.3.4. L'hypothèse et la visée
584
VIII.3.5. L'interrogation et le possible bilatéral ou contingent.
585
VIII.3.6. L'assertion négative et l'injonction
585
657
CHAmRE lX : ~~PRmCA1IFS EfENNlA'DFS: OOMBlNA'JOIRE, SIROCIURA'IlON
DES~<X>l\\1PLEXES.
587
IX. 1. DE LA COMBINATOIRE DES OPERATIONS ENONCIATIVES
588
IX.I.I. La modalité et les opérations énonciatives en yaouré
588
IX.1.I.I. La composition aspecto-modale en yaouré
588
A- I..a visée et l'aspect
589
B- La négation et l'aspect
595
C- Le possible unilatéral et l'aspect
598
D- L'hypothèse et l'aspect
599
E- I..a fm d'un procès, localisation d'une représentation
601
IX.1.1.2. Modali té et prédication
604
A- Modalité et diathèse
604
B- Modalité et thématisation
605
IX. I. I.3. La modalité et la localisation déterminative
607
IX.1.1.4. Les combinaisons modales
611
A- L'hypothèse et le contingent.
611
B- L'interrogation et l'hypothèse
611
C- L'interrogation et le contingent
612
IX. 1.2. L'aspect dans les opérations énonciatives en yaouré
612
IX.1.2.I. L'aspect et la détermination
613
A- L'aspect, l'extraction, le fléchage et le parcours
613
B- L'aspect et la localisation déterminative
617
IX.I.2.2. Les combinaisons aspectuelles
619
A- Deux occurrences, deux repères de point de vue
619
B- Deux occurrences, un repère unique de point de vue
620
IX.2. OPERATIONS ENONCIATIVES ET ENONCES COMPLEXES
623
IX.2.1. Les constructions temporelles
624
IX.2.2. Les constructions causales
627
IX.2.3. Les constructions hypothétiques
628
IX.2A. Les constructions interrogatives complexes
632
IX.2.5. Les constructions comparatives
633
IX.2.6. Les constructions concessives
635
IX.2.7. Les constructions consécutives et finales
636
CONCLUSION
639
BIBLIOORAPHIE ..,
640
TABLE DES MATIERES
646
658
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