UNIVERSITE DE PARIS-VIII
DEPARTEMENT D'ECONOMIE POLITIQUE
THESE DE DOCTORAT
EN SCIENCES ECONOMIQUES
l'INTEGRATION OE LA
COTE O'IVOIRE
O//NS LE SYSTEME
NIIT/ONlll/MONDlAl HIERARCHISE:
A LA RECHERCHE O'UNE
AUTONOMIE SOUS .CONTRAINTE
Soutenue par
:
Monsieur Tiêkoura KONE
Directeur de Recherche
M.
BEAUD Michel
Professeur,
Université Paris-VIII
Membres du Jury
M.
VERGOPOULOS Kostas
Professeur,
Université Paris-VIII
M.
HUGON Philippe
Professeur,
Université Paris X-Nar,.erre
M.
PAKDAMAN Nasser,
Professeur,
Université Paris-VII
- OCTOBRE 1989 -

L'UNIVERSITE DE PARIS-VIII n'entend donner
aucune approbation ni improbation aux opinions émises
dans les thèses ; celles-ci doivent être considérées
comme propres à leur auteur.

A TaneZZa,
Sarah,
Tainy.

REM E R e l E MEN T S
La ~édaction de la p~ésente étude est a~~ivée à
son te~me. Pou~ y pa~veni~,
j'ai dû su~monte~ de nomb~eux
obstacles d'o~d~e administ~atif, p~ofessionnel et social.
Cette tâche a été ~endue possible g~âce à tous
ceux qui m'ont encou~agé dans mon dési~ d'amélio~e~ mes
connaissances.
Je dois beaucoup à Michel BEAUD (Unive~sité
de
Pa~is-VIII). Ses conseils, son soutien et sa disponibi-
lité ont pe~mis et facilité la ~édaction de cette thèse.
Je ~eme~cie Bonnie CAMPBELL (Unive~sité de Mont~éal)
et Gilles DURUFLE (Bu~eau d'Info~mations
et de P~évisions
économiques -
Pa~is-Mont~éal) qui n'ont cessé de m'appo~te~
leu~ amitié.
Me~ci à Cathe~ine CHOQUET qui m'a accordé, par
l'inte~médiaire du GEMDEV à Pa~is, une .aide considérable
pou~ la documentation et la confection de mes travaus o
Enfin,
que soient ~eme~ciées Tanella,
Sarah et
Tainy qui ont su comprendre .••

Apprendre
-
"Tenez, vous voyez bien, nous volons à la
crête des grandes ondes de la montagne.
Encore quelques dizaines de mètres d'altitude
et il me faudra renoncer à hisser plus haut

ma vieille carcasse.
-
""Mais non, Jonathan,
tu peux t'élever davantage
encore, car tu as voulu apprendre.
Ton appren-
tissage élémentaire est terminé et il est temps
pour toi de passer à une autre écoleo"
Richard BACH,
Jonathan Livinaston le Goéland
Editions J'ai Lu, Paris, 1983, p.46.

• Mieux vaut s'entendre 1 •

1.
INTRODUCTION GENERALE
---------------------
---------------------
Analyser les contraintes liées au mode d'insertion
de l'économie ivoirienne dans l'économie mondiale. Et sur
la base de cette analyse, définir les voies à suivre pour
conquérir une marge de liberté dans l'organisation du
sys tème économique et les obj ecti fs qu' 0 n IP-!_.as si gne •
Mener une telle réflexion revêt un intérêt certain.
Car, pour chaque pays pris isolément, l'interdépendance
croissante des économies nationales rend urgente la néces-
sité de mieux cerner sa position sur la scène interna-
tionale.
Mais en m~e temps, la tâche n'est pas aisée. Cela
pour plusieurs raisons. Il y a, en premier lieu, comme
quelque chose d'utopique: regagner de l'autonomie et, en
. même temps, s'ouvrir à l'extérieur. L'expérience nous
enseigne que les pays en développement qui avaient misé à
fond sur l'intégration dans le marché mondial, par l'adap-
tation à la demande internationale, sont aujourd'hui
confrontés à des difficultés de croissance (chute des
recettes d'exportation par suite de la baisse des cours
des matières premières, poidse;du service de la dette
extérieure, ralentissement du processus d'industrialisation,
chômage). Il y a, en deuxième lieu, la dure réalité des
rapports d'inégalité et de dominatie-n entre "pays riches h
!"
et "pays pauvres". Si les relations entre ces deux groupes

2.
de pays se développent à travers une dynamique d'interdépen-
dance, force est de constater que c'est, avant tout, à
partir des contraintes auxquelles sont confrontés les
premiers que se structure l'économie mondiale.
On peut alors se demander si, pour un pays COID~e la
Côte d'Ivoire, l'ouverture sur l'extérieur va de pair avec
la reconquête d'une marge d'autonomie.
Notre hypothèse de travail est que ni les théories
conventionnelles du libéralisme, qui postulent le réajus-
tement automatique, à terme, des déséquilibres structurels
en économie capitaliste, ni les théories fondées sur l'ana-
lyse de la dépendance extérieure et invitant à la rupture
avec l'économie mondiale (1)
ne rendent pleinement compte
des dynamismes à l'oeuvre tant au sein des économies
nationales qu'au niveau de l'économie mondiale. Entre
l'optimisme des tenants de la "croissance transmise" et
le pessimisme de ceux qui nient toute possibilité de
développement en s'ouvrant sur l'extérieur, i l y a d'autres
voies à explorer en partant d'un fait qui nous semble
aujourd'hui incontournable: aucun pays ne peut penser son
développement en se passant des autres. La reconquête d'\\me
marge d'autonomie, c'est-à-dirè"la capacité de peser, au
plan national, sur les décisions qui orientent et donnent
un contenu au développement économique, ne saurait donc
être confondue avec l'autarcie.
Notre démarche s'inspire des travaux de François
(1) -
Sarnir AMIN, La déconnexion ~ ~our sortir du système
mondial, La Découverte, Paris~ 1986 ;
-
André GUNDER FRANK, Le DévelOppement du sous-
dévelOppement, L'Amérique Latine, Maspéro, Paris, 1970.

3.
PERROUX (1). Plus fondamentalement, elle s'inscrit dans une
nouvelle approche de l'économie mondiale, celle du système
national-mondial hiérarchisé (SNMH) proposée par Michel
BEAUD (2).
En rupture avec les discours éclatés qui nourrissent
une vision dichotomique de la réalité économique, l'économie
mondiale est saisie ici comme une réalité
qui intègre dans
un système d'ensemble les économies nationales. Avec, à la
base, une dynamique d'unification qui met en oeuvre trois
dimensions à la fois distinctes et interdépendantes des
relations qui se tissent entre les nation~ : l'internationa-
lisation des échanges, l'internationalisation de la
production, l'internationalisation des circuits financiers.
En même temps, l'économie mondiale est analysée en
termes de structures et de comportements des Etats-nations
qui agissent sur lui pour y développer leur influence. En ce
sens, elle apparaît comme un système diversifié et hiérar-
chisé, structuré en économies dominantes et en économies
dominées.
Dans ce jeu de rapports de forces, la SNMH agit de
manière différenciée sur le développement économique de
chaque pays. C'est une action d'expansion et de diffusion
qui peut s'analyser comme étant celle d'un modèle de déve-
loppement dominant, celui des pays, capitalistes avancés ou
économies dominantes.
----------------------------------------------------------
(1)
-
François PERROUX, L'Europe sans rivage, PUF,Paris,1954
- François PERROUX~ 'La Coexistence pacifique, PUF, Paris,
1958, 3 tomes.
(2) :..- Michel, BEAUD, Le Système national-,.mondial hié'rarchisé
(Une
riQuvellelecture du 'ca:pltalis'nierribridial), La
Découverte, Paris, 1987.
- Michel BBAUD, L'Economie mondi'ale dans les années 80,
La Découverte, Paris, 1989.

4.
cependant, il faut tout de suite noter que l'impact
des forces structurantes qui se déploient à travers la
dynamique du SNMH ne sont pas le produit de la seule
influence extérieure. Des forces sociales existent à l'inté-
rieur de chaque formation économique national, et qui cons-
tituent les supports de cette influence extérieure.
c'est pourquoi nous analyserons les modalités
d'intégration de l'économie i.voirienne dans le SNMH comme
la combinaison de facteurs internes et de facteurs externes.
Dès lors, l'analyse des contraintes liées au mode d'insertion
de la Côte d'Ivoire ne peut être réduite à l'appréciation
de la position de l'économie ivoirienne par rapport à
l'extérieur. Elle doit nécessairement prendre en compte, à
la fois, les stratégies des économies dominantes qui exercent
leur puissance au plan mondial et le rÔle des acteurs
sociaux qui déterminent, à l'intérieur de l'économie natio-
nale, l'orientation et le contenu du développement.
Pour conduire notre réflexion, nous tenterons, dans
un premier temps, de rendre intelligible la complexité du
SNMH. Il s'agira, à cette première étape de notre étude, de
comprendre la dynamique et la réalité du SNMH (PREMIERE
PARTIE) •
A partir des outils théoriques et des faits dégagés,
nous pourrons mieux analyser les modalités d'intégration
de l'économie ivoirienne dans le SNMH (DEUXIEME PARTIE).
Enfin, nous verrons dans quelle mesure, compte tenu
de son mode d'insertion dans l'économie mondiale, la CÔte
d'Ivoire peut accroftre sa marge de liberté afin de peser
sur l'orientation du développement national(TROlS1EHE PART 1E.).

5.
PREMIERE PARTIE
LE SYSTEME NATIONAL-MONDIAL HIERARCHISE
.
.
UNITE) DIVERSITE) HIERARCHIE ET MUTATIONS
DANS LA CRISE

6.
Face à la complexité et à la rapidité des mutations
qui s'opèrent aujourd'hui sur la scène internationale, i l
est nécessaire d'ouvrir des pistes de réflexion pour mieux
comprendre. Nous en proposons quelques-unes.
Proposition 1 : Le système économique mondial ne
peut plus être considéré comme une simple somme d'économies
nationales qui échangent entre elles, mais comme un
ensem-
ble
qui intègre, à travers une dynamique d'unification, les
réalités nationales, en même temps que les structures
nationales peuvent agir sur cette totalité pour y développer
leur influence.
C'est un
ensemble
caractérisée par une logique de
reproduction dominante, celle du capitalisme. Mais la domi-
nance capitaliste ne signifie nullement la "fin" d'autres
logiques liées à d'autres systèmes
: i l y a les logiques de
reproduction appartenant à la fois au passé et au présent,
et i l y a les logiques à venir.
Proposition 2 : C'est un système hiérarchisé,
structuré en économies dominantes et en économies dominées.
Cette situation traduit le caractère asymétrique des
rapports de production et d'échange à l'échelle mondiale.
Proposition 3 : Dans la crise, la dynamique de
mondialisation se poursuit et nous révèle la formidable
capacité d'adaptation du capitalisme.
La première partie de notre étude sera consacrée
au développement de ces idées.

7.
CHAPITRE 1 : UNITE PLURIELLE ET HIERARCHISATION DES
SYSTEMES PRODUCTIFS NATIONAUX
L'économie mondiale, en tant que moUVment qui
intègre dans un système d'ensemble les économies nationales,
est aujourd'hui une réalité incontournable. Cette réalité se
manifeste à travers une dynamique d'unification qui met en
oeuvre trois dimensions à la fois distinctes et interdépen-
dantes des relations qui se tissent entre les nations :
l'internationalisation des échanges, l'internationalisation
de la production, l'internationalisation des circuits
financiers.
Mais, en même temps que l'économie mondiale appa-
raît comme un système d'ensemble constituant un ensembJ.e ,
ce système ne fait pas disparaître les Etats-Nations. Il
doit être compris en terme de structures et de comportements
des Etats-Nations qui agissent sur lui pour y développer
leur influence. Et dans ce jeu des rapports de forces, il
appara1t comme un système diversifié et hiérarchisé, struc-
turé en économies dominantes et en économies dominées.
SECTION l
UNE TOTALITE PLURIELLE
L'économie mondiale se présente comme une totalité
plurielle fonctionnant selon la logique du tout dans ses
rapports aux parties : avec des points de suture qui constituent
lès liens qui ~attachent les _parties au tout, et avec des
points de" rupture à partir desquels se déploient des lignes de
1
• •

8.
comlX)rtements échappant à l' empriF'e du tout. C'est à partir de ces lignes de
comportements particuliers que l'on reconnaît les caracté-
ristiques des parties que sont les économies nationales.
(1)
Des points de suture.
C'est d'abord le marché mondial, avec le vaste
mouvement des flux commerciaux qui relie tous les systèmes
productifs nationaux. "Ouverture sur l'extérieur", "capacité
d'exportation", "prix mondiaux" sont aujourd'hui autant de
données à prendre en compte pour toute économie nationale
aspirant à la croissance.
C'est ensuite l'internationalisation de la produc-
tion, marquée par l'exportation du capital productif, avec
création de plus-value à l'extérieur à partir d'unités
productives structurées dans la stratégie des firmes multi-
nationales (FMN). Celles-ci exploitent tous les avantages
que peut ôtfrir les "pays d'accueil", et utilisent de la
main-d'oeuvre locale.
------------------------------------------------------------
(1) Sur la notion" à'éconorniés
Tlationales", nous retenons la
définition proposée par Michel BEAUD ; les économies
nationales sont définies comme des "articulations spéci-
fiques de modes et formes de production propres à des
Etats-Nations, soumises au contrôle, à la réglementation
de leurs Etats, et assurant, dans le domaine économique,
la reproduction des formations sociales conc ernées".
Voir Michel BEAUD, Le système National Mondial Hiérarchisé,
Editions la Découverte, 1987, p. 49.

9.
Avec l'internationalisation de la production, la
scène mondiale devient le cadre dans lequel se poursuit
l'accumulation du capital. Les firmes multinationales sont
ici, avec les investissements directs étrangers qu'elles
effectuent, les vecteurs du processus de mondialisation. (1)
C'est enfin l'internationalisation des circuits
financiers, contrôlés par les banques multinationales (BMN)
dont les activités sont étroitement liées à la production et
aux mouvements de circulation des marchandises.
Au total, exportation de capitaux et formation du
capital financier international apparaissent comme un seul
et même processus prenant la forme concrète du développement
conjoint des entreprises multinationales et des banques multi-
nationales. En combinaison avec la circulation internationale
des marchandises, ce mouvement d'ensemble va constituer ce
qu'il est convenu d'appeler l'économie mondiale.
Dans cette optique, le passage de "l'économie inter-
nationale" à "l'économie mondiale" correspond à la dynamique
de reproduction du capital à l'échelle mondiale, cette dyna-
mique se développant à travers l' unifica tion des ,. secteurs·
autrefois distincts, du capital industriel, commercial et
bancaire ... ". (2 )
---------~.------------------------------------------- -------
(1) - Sur l'ampleur du phénomène d'internationalisation de la
production, voir notamment :
- W. ANDREFF, Profits et structures du capitalisme
mondial, Calman Lévy, Paris, 1976, p. 8~
- W. ANDREFF, Les multinationales, Editions La Découverte,
1987, p. 15 à 21 ; 29 à 42 ;
- C.A. MI CHALET, Le capitalisme mondial, PUF, 1985, p.338
à 341.
(2) - fudolf HILFERDING, Le capital financier, Editions de Minuit: ,
1970, p. 407.

1 o.
Et du fait du développement du capitalisme/ dans un
nombre croissant de formations sociales nationales, la
cohérence de reproduction est assurée principalement sous
la dominance du capitalisme : avec une vision du monde et
un modèle de développement fondés sur la rationalité
marchande et la logique du profit ; avec une échelle des
priorités découlant des sociétés industrialisées d'occident. (1)
A travers l'organisation de la production par les
FMN, le capital devient rapport social de production autour
duquel se développent, à l'échelle mondiale, des rapports de
pouvoir et de propriété, des rapports de salariat basés sur
des modalités spécifiques de gestion de la force de travail.
Tout se passe comme si la "civilisation industrielle",
marquée par des techniques qui lui sont propres, s'étend à
des degrés divers à tous les pays de la planète, s'imposant
partout grâce à sa supériorité sur le plan matériel, tendant
à uniformiser les pratiques dans le travail et dans la vie
quotidienne
Choix des techniques de production et des
méthodes de travail en liaison avec la stratégie des FMN ,
diffusion d'informations de plus en plus homogènes; diffu-
sion de produits qui constituent les supports d'une "culture
de consommation planétaire" (la télévision, le poste radio,
le "Walkman", le "Jean" ... ).
(1) W.W.-ROSTOW, Les Etapes de la croissance économique,
Seuil, 1962. (Pour Rostow, la croissance économique peut
se ramener
à cinq grandes étapes qui se succèdent dans
un ordre unique déterminé : la société traditionnelle, les
conditions préalables au décollage, le décollage, la
marche vers la maturité, la société de consommation de
masse. )

11.
Dès lors, l'avènement de l'économie mondiale
consacre la fin de la dichotomie entre le "national" et
"l'international". (1). Le système économique mondial ne
peut plus être considéré comme une simple somme d'économies
nationales qui échangent
entre elles, mais comme une tota-
lité qui intègre et agit sur les réalités nationales,
en
même temps que les structures nationales peuvent agir sur
cette totalité pour y développer leur influence. Dans cette
toile tissée par de puissantes forces d'intégration,
" •.. national, international, multinational et mondial sont
indissociablement impliqués, puisqu'ils se constituent
mutuellement", écrit Michel BEAUD (2). On pourrait dire que
l'économie mondiale est le produit dialectique d'une logique
----------------------------------------------------------
(1) - "Le "national" se rapporte principalement à l'Etat-
nation et à la formation sociale nationale qui se cons-
titue en son cadre. "L ' international" s'applique aux
relations repérables entre deux Etats-nations". Dans
ses liens avec le phénomène de multinationalisation,
"l'international se décompose en deux: au sens strict,
il s'agit des relations entre deux agents distincts
situés dans deux Etats-nations; l'autre composante
correspond à des relations (entre Etats-nations) internes
à l'espace multinational d'une firme ou banque". Quant
au "multinational", il "s'applique aux espaces que les
firmes, banques, organismes financiers constituent sur
la base de (et à travers) plusieurs Etats-nations".
Enfin, le "mondial" s'applique à ce qui concerne le
monde entier, ou l'ensemble, la plus grande partie du
monde, en débordant à la fois l'espace des Etats-nations
et celui des firmes multinationales ... (voir Michel
BEAUD, op.cit.
p.5).
(2) - Michel BEAUD, ibid.
p. 7.

12.
d'accumulation qui unifie, à l'échelle mondiale, le
,1
"national" et "l'international".
(1)
Un ensemble' caractérisé
par une logique de repro-
duction dominante, celle du capitalisme, et dont les parties-
étroitement liées - sont constituées par les économies
nationales.
Mais sous la dominance de la logique capitaliste à
l'oeuvre à l'échelle mondiale se déploient d'autres logiques,
avec d'autres valeurs, qui donnent à chaque formation écono-
mique et sociale nationale sa spécificité historique, cultu-
relle, politique ••• Des points de rupture autour desquels
s'affiche le disparate des peuples, chaque groupe humain
ayant sa manière de vivre et de penser qui lui est propre,
éprouvant le besoin de se définir et de comprendre sa place
dans le monde.
(1)
- C.A. MICHALET considère l'économie mondiale comme
étant un "phénomène en voie de totalisation (qui) est
le produit de la dialectique entre les formes natio-
nales .'. et les fonnes rrn.l.ltinationales". Cf Lé ·capit;;alisme mondial,
PUF, 1985, p. 317 .
.
- Sur l'économie mondiale, voir également :
David DUFOUR, L'Economie mondiale comme système, Presses
Universitaires de Lyon, 1979.
I. WALLERSTEIN, Le systèmè du monde du XVème siècle
à nos jours, Flammarion; t.l, Capltallsme-etéconomie-
monde,1450-1640, 1980 ; t.2, Le mercantillsme et la consoli-
dation de l'économie-monde européenne, 1600-1750, 1985.

13.
Les réponses à ce besoins sont multiples.
C'est tout d'abord, avec beaucoup de bruits et de
fureur, l'affrontement des économies nationales sur la scène
internationale. Chaque économie nationale veut défendre ses
"intérêts nationaux", son "industrie nationale", son" rrarché
national",
sa "monnaie nationale" en même temps qu'elle veut
maintenir et accroître ses positions nationales/mondiales
acquises à l'échelle mondiale dans ses rapport s avec d'autres
économies nationales.
C'est aussi la quête d'identité telle qu'on la
retrouve chez N'gugi Wa Thiong'o qui veut " ... rendre l'enfant
kenyan à son environnement,
afin qu'il puisse le comprendre
pleinement pour le transformer dans l'intérêt de tous" car,
" ••• à partir de cette harmonie entre lui -même, sa langue et
son environnement, il pourra apprendre d'autres langues,
et
apprécier les éléments positifs, humanistes, démocratiques
et révolutionnaires des littératures et cultures d'autres
peuples, sans complexe,' à l'égard de sa propre langue, son
propre moi, son environnement." (1)
Cette quête d'identité, on la retrouve également,
au plan spirituel, avec les mollahs qui, en avril 1980, se
glorifient de la force que l'Iran puise dans la foi islamique.
------------------------------------------------------------
(1) N'gugi Wa Thiong'o, "Décoloniser l'esprit", Monde diplo-
matique, Août 1987.

14.
Et puis, pourquoi pas d'autres voies de développe~
ment, avec une autre échelle de priorités différentes de
celles du modèle de développement capitaliste: avec
l'exemple du "socialisme africain" ou Ajamaa en Tanzanie,
projet de société fondé sur la solidarité au sein des commu-
nautés villageoises africaines; ou tout simplement l'adop-
tion du système étatiste de. typé soviétique (Cuba, Ethiopie: ..);
ou encore, face à l'échec des modèles de développement
inspirés de l'occident, la recherche d'une autre rationalité
fondée sur l'impérieuse nécessité, de satisfaire les besoins
essentiels (eau potable, nourriture, équipement sanitaire,
habitat, éducation, santé).
Unité, diversité. Processus d'homogénéisation à
l'oeuvre sous la dominance de la logique de reproduction
capitaliste. Mais en même temps, diversité des situations
nationales, chaque formation économique nationale ayant son
Etat, sa population, sa société, son histoire, sa culture.
Et les disparités de rythmes et de modes de
croissance ne favorisent pas la dilution de cette diversité
des situations nationales. Au contraire, à travers ces iné-
galités, l'économie mondiale apparaît comme un système
hiérarchisé, structuré en économies dominantes et en économies
dominées.

15.
SECTION II
UN SYSTEME MONDIAL HIERARCHISE
Dans le jeu des forces d'unification à l'oeuvre à
l'échelle mondiale, les poids respectifs des différents pays
sont loin d'être identiques. Le SEM, en tant que totalité,
ne fait pas disparaître les Etats-nations. Il se comprend en
termes de structures et de comportement des Etats-Nations
qui agissent sur lui pour y développer leur influence.
Un système mondial hiérarchisé, à l'intérieur
duquel les places respectives des économies nationales dans
la DIT sont déterminées par des rapports de forces. C'est de
cet "... espace économique du monde ... " dont parlait
François PERROUX, le saisissant comme "... un réseau
d'échanges et de forces irradiés par les pôles économiques
de la vieille Europe, un tissu de relations compliquées et
mouvantes autour de ces pôles"· (1). Précurseur, il mettait
"déjà l'accent sur la nécessaire distinction à faire entre
"économies dominantes" et "économies dominées". Cette
démarche lui a permis de dégager les trois éléments consti-
tutifs d'une économie dominante :
- d'abord, un élément de dimension qui revèle la capa-
cité de peser de l'économie considérée à l'égard d'autres
économies "quant à sa participation aux offres et aux
demandes pendant une période et quant à son aptitude à
étendre cette participation pendant plusieurs périodes" ,
-------------------------------------------------------------
(1) - François PERROUX, L'Europe sans rivage, PUF, Paris,
1954, p. 34-35.

16.
- Ensuite, un élément de pouvoir de négociation qui
revèle ilIa capacité <... ) que possède l'économie de plier
intentionnellement ses partenaires à sa stratégie économique
particulière ll ,
- enfin, un élément relatif à la nature des activités
exercées qui revèle "l'aptitude intentionnelle ou ininten-
tionnelle de l'économie considérée à irradier plus d'influ-
ence qu'elle n'en reçoit, parce qu'elle contrôle les acti-
vités économiques-clefs, étant donné l'époque et le dévelop-
pement des techniques." (1)
Economies dominantes: des Il pô les économiques ll à
partir desquels se déploient des "forces" qui structurent
"l'espace économique du monde ll • En 1958, dans la "coexistence
pacifique", François PERROUX assimile ces économies dominantes
à des Il pay s-foyers" auxquels sont rat tachés des "pay s-
affiliés".
(2)
D'un côté, les pays exportateurs de produits manu-
facturés, créateurs d'industries nouvelles, soutenus par un
Etat actif, contrôlant l'information économique et jouant un
rôle décisif sur l'offre et la demande en tant que Il cr éateur
decentre~~d'approvisionnement et de débouchés", s'appuyant
sur de grandes places économiques et financières qui damnent
les marchés, utilisant des "bases extérieures ll comme lII po ints
territoriaux qui ont une valeur de position, qui sont des
espaces privilégiés pour exercer l'échange ou la puissance".
(3)
Ce sont les pays-foyers.
------------------------------------------------------------
(1) - François PERROUX, op.cit., p.86
(2) - François PERROUX, La coexistence pacifique, PUF, Paris, 1958
0) .- François
PERROUX, ibid; p.226--228, tome 2.

17.
De l'autre 'c~té, les pays qui subissent des spécia-
lisations asymétriques, des croissances dépendantes sous la
pression de forces structurantes extérieures, venue des
pays-foyers.
Ce sont les pays-affiliés.
C'est là une description des relations de domination
et de dépendance telle qu'on peut les observer encore aujour-
d'hui. Description d'une étonnante actualité qui, resituée
dans la dynamique de reproduction du capitalisme à l'échelle
mondiale, nous permet de comprendre le mouvement de hiérar-
chisation des systèmes productifs nationaux.
Pourquoi le contrôle des activités économiques clefs
peut-il conférer à une économie nationale une position de
force dans ses rapports avec d'autres économies nationales?
Comment, à partir de cette position de force acquise grâce
au contrôle des activités économiques clefs, peut-elle peser
à l'égard d'autres économies nationales quant à sa participa-
tion aux échanges internationaux ? Comment une économie
nationale, qui a acquis une position de domination, peut-elle
"plier intentionnellement ses partenaires à sa stratégie
économique particulière" ?
Dès lors que l'on admet la prédominance du système
capitaliste à l'échelle mondiale, la réponse à ces questions
oblige à prendre en compte, comme point de départ, la double
logique du profit et des contraintes de valorisation du
capital.

1 8.
En effet, dans les économies nationales capitalistes
dont le mode de fonctionnement est basé sur la propriété
privée des moyens de production, la finalité de la produc-
tion est la recherche du profit maximum. Celle-ci contraint
les firmes à s'associer à du travail salarié dans un
objectif de valorisation du capital. L'augmentation du
profit, qui implique une production croissante, rend néces-
saire la recherche de nouveaux procédés de fabrication et
de nouvelles technologies dans le but de réduire les coûts
et d'augmenter la productivité du travail. Cette nécessité
inexorable de croissance, en liaison étroite avec la pro-
duction de technologies nouvelles, renvoie en dernière
analyse aux conditions de la concurrence généralisée que se
livrent les capitaux : élargir sans cesse la production et
augmenter la productivité du travail, sous peine de perdre
des parts de marché.
Ainsi, sous cette double logique du profit et des
contraintes de valorisation du capital, la base du système
industriel mondial est aujourd'hui totalement
bouleversée
par l'émergence de technologies fondamentales comme la
microélectronique, la biotechnologie ou les développements
de nouveaux matériaux. Les progrès réalisés dans ces
disciplines s'ouvrent sur de nouvelles manières de produire
(automatisme, robotique, commande assistée par ordinateur .. ),
de nouvelles avancées dans des secteurs traditionnels

19.
(biotechnolcgies dans l'agro-alimentaire ou la chimie), la
maîtrise de nouveaux secteurs stratégiques (télécommunica-
tion, espace ••• ). Dans ce mouvement, la croissance écono-
mique en longue période s'accompagne non seulement de
changements technologiques des processus de production,
mais elle exige également une transformation profonde
des rapports sociaux.(l)
?arce que la capacité de réaliser ces changements
décide de la croissance à long terme et en fin de compte
de la place des économies nationales capitalistes dans
~
lahiérnTchie. mondiale, l'économie nationale qui parvient
à développer les secteurs nouveaux plus rapidement que
les autres ~cquiert une position de force dans le système
productif :mondial. Ces secteurs nouveaux sont en général
les secteurs à forte croissance~ créateurs d'emplois. Et par le
contrôle des nouvelles technOlogies, il est-possible d'orienter le
rythme de l'obsolescence technologique et par conséquence,.
imposer de nouvelles normes de production, créer de nouveaux
biens pour se positionner de manière avantageuse sur les
marchés.
(1) - Sur la technologie, les travaux suivants nous ont été
d'une très grande utilité :
- C. BROCHET, Hiérachie technologique entre économies
dominantes, SEDES, Paris, 1980.
- B. CORlAT, Sciences, technique et Capital,Editions
Techniques,-Par~1976.
- B. MADEUF, La notion de.dépendance technologique en
économie internationale, Thèse d'Etat, Paris, 1977.

20.
TABLEAU 1
ORDRE HIERARCHIQUE DE 6 PAYS OCCIDENTAUX POUR
9 TECHNOLOGIES DE POINTE (*) -
(1984)
Technologies
Etats-Unis
Japon
Allemagne Scandinavie Royaume FranCE
Uni
Inforrmtique
1
2
3
4-5
6
4-5
1
Electronique
1-2
1-2
3
4
6-7
6-7
Télécommmica-
tions
1
2
3
4
5-6
5-6
1
Biotechn:>logie
1
2
3
4
5
n.d
Produits
1
chimiques
1
2
3
4
5
6-7
Métaux/alliages
2
1
3
4
5-6
5-6
Ingénierie
1
2
3
4
5
6
1
Prad. manufac-
turés
1-2
1-2
3
4
5
6
Robotique
2
1
3
4
6
5
Moyenne
1,3
1,7
3,0
4,2
5,4
5,8
Source
I1Management and technology, A survey of European
Chief Executive l1 ,
1984, cité dans Ramses 86-87,
"Rapport annuel Mondial sur le système économique
et les stratégies".
(*)
classement établi par plus de 200 dirigeants d'entreprises
européennes qui ont indiqué, selon leur avis, l'ordre
hiérarchique des 6 pays considérés pour 9 technologies.

21 •
Dans l'analyse de la position relative des économies
nationales capitalistes au sein du système productif mendial,
le trait le plus marquant est la domination qu'exercent les
écpnomies occidentales à taux d'industrialisation élevé.
Du fait de leur position de force dans le système productif
mondial, on peut les qualifier "d'économies nationales capi-
talistes dominantes". Elles ont une plus grande maîtrise de
la technologie. Cette situation leur permet d'orienter leurs
structures productives vers les activités économiques clefs
de la période, c'est-à-dire celles qui sont à la base du
nouveau modèle d'accumulation qui est en train de se mettre
en place (électronique, informatique, télécommunication,
biotechnologie ••. ).
Et dans ce groupe des économie s nationale s
capitalistes
dominantes, .1' avance des Etats Unis est 2.-:testée par leur engage-
ment massif dans la production de technologies dans les
secteurs dynamiques à effets d'entraînement majeurs. C'est
le cas dans l'électronique et l'informatique, deux activités
clefs correspondant aux nouvelles spécialisations dominantes.
TABLEAU 2:ELECTRONIQUE : PRODUCTION ET CONSOMMATION (parts
du marché mondial en pourcentage).
Production
consommation
1978
1983
1978
1983
Etats-Unis
43, il
45,2
45,5
44,1
Japon
15,9
18,9
11,4
12,3
Europe
32,3
26,3
33,6
32,9
Reste du morne
8,5
9,6
9,5
10,7
Source
Ramses 85-B6, p.28 (voir étude sur les liens entre
nouvelles technologies et stratégies économiques).

22.
TABLEAU / INFORMATIQUE
LES VINGT PREMIERS CONSTRUCTEURS
MONDIAUX (en millions de dollars)
1984
Pays d'origine
C.A. Informatique
Résultat
-
1984
net total
IBM
Etats-Unis
39.050
1
6.580
Digital
Etats-Unis
5.840
329
Burroughs
Etats-Unis
4.440
245
NCR
Etats-Unis
3.900
342
Control
Data
Etats-Unis
3.756
32
Hewlett-
Packard
Etats-Unis
3.269
655
Sperry
Etats-Unis
2.825
216
Fujitsu
Japon
2.740
189
Wang
Etats-Unis
2.086
194
Honeywell
Etats-Unis
1.820
335
Hitachi
Japon
1.800
700
Bull
France
L550
-56
Olivetti
Italie
1.540
210
Apple
Etats-Unis
1.516
64
NEC
Japon
1.400
145
ICL
Grande Bretagne
1.219
75
Data
General
Etats-Unis
1.160
83
Siemens
R.F.A
1.150
375
Nixdorf
R.F.A
1.140
-
1
Commodore
Enats-Unis ~
1.120
144
Source
Ramses 85-86, op.cit., p.272

23.
Les filières électronique et informatique,
étroitement liées
, sont devenus deux secteurs clefs de
la hiérarchisation des systèmes productifs nationaux dans
la mesure o~ elles confèrent aux pays qui les dominent une
source de pouvoir immense par la capacité de contrôle de
l'information et des processus industriels. Elles occupent
une place stratégique dans les économies nationales du fait
de l'informatisation croissante de l'ensemble des branches
de production et des mutations technologiques qu'elles y
engendrent.
La domination technologique des Etats-Unis dans
ces deux secteurs est particulièrement forte, malgré la
percée remarquable du Japon. Cette position de force des
Etats-Unis est soutenue par une politique très active de
l'Etat américain en matière de R-D. Pour preuve, l'augmen-
tation forte et régulière des dépenses fédérales consacrées
à la R-D (35 milliards de dollars en 1981, puis 46,7 en
1984 ; en 1985, ces dépenses s'élèvent à 53,1 milliards de
dollars).
(1)
Au total, la capacité de peser d'une économie
nationale à l'égard
d'autres économies nationales est donc,
avant tout, liée à sa capacité de maîtriser la technologie et
de contrôler les activités économiques clefs qui, à chaque
époque déterminée, confèrent une position de force dans la
reproduction du capital à l'échelle mondiale. Sous la poussée
de la concurrence que se livrent régulièrement les capitaux
nationaux, cette dynamique de reproduction s'ouvre toujours
(1) - Ramses
85-86, op.cit, p. 283

24.
sur des modalités nouvelles de valorisation du capital,
entraînant chaque jour des transformations structurelles
dans le mode de produire lui-m~me ; renforçant aussi la
domination des économies nationales dominantes sur les
économies nationales dominées.
Parce qu'elles ont acquis une position de force dans
les spécialisations dominantes grâce à la maîtrise de la
technologie et des activités économiques clefs, les économies
dominantes peuvent structurer l'économie mondiale à travers
la stratégie de leurs firmes multinationales. L'implantation
de filiales-relais ou de filiales-ateliers permet, à travers
des conditions spécifiques de production, une domination
directe sur les structures productives des économies
d'accueil: choix technologiques subordonnés aux calculs de
la maison-mère qui impose les normes de production (1) ;
cela est possible dans la mesure où ce sont les FMN origi-
naires des économies dominantes qui sont le principal
vecteur des transferts de technologies vers les économies
dominées, c'est-à-dire qu'elles contrôlent et organisent les
transferts "des techniques, des méthodes, des moyens, c'est-
à-dire des techniques elles-mêmes - savoir-faire, savoir-@tre,
savoir-gérer - et tout leur environnement matériel - équipe-
ments, outils, matières - et immatériel - formation,
-----------------------------------------------------------
(1) - C.V. VAITOS, "Employment problems and transnational
enterprises in developing countries : distorsion and
inequality", BIT, Genève, 1976 (WEP 2-28/WP 11) : dans
cette étude, VAITOS. donne pour le Mexique un rapport
(KIL) de 2,5 pour l'ensemble du secteur industriel. En
général, les filiales de FMN utilisent des procédés
techniques à forte intensité en capital.

25.
informatio~, décision." Ci). En ce sens, l'organisation de
la production dans les économies dominées, sous l'égide des
FMN, peut se traduire par la diffusion d'un mode de produire
impulsé de l'extérieur, basé en priorité sur la rationalité
marchande à l'oeuvre dans les économies dominantes.
Rattachées aux FMN, les sociétés d'ingénierie
assurent la commercialisation du savoir technique dans le
cadre de la vente de licences, de know-how et de la fourniture
des moyens de production
(exemple des "usines clés en main").
Véritable pouvoir de monopole exercé par les économies domi-
nantes, ces sociétés-contrôlent et diffusent "l'ensemble des
méthodes et des structures d'organisation qui permet de
maîtriser les informations scientifiques, techniques, économi-
ques nécessaires à la conception et à la réalisation optimale
du capital en un ensemble productif cohérent. Il (2) Par ce biais,
elles assurent la suprématie des processus technologiques
mis au point par les grandes firmes. A titre d'exemple, le
cas de la production sidérurgique cité par J.L. REIFFERS.
Il rappelle comment les sociétés d'ingénierie impose à l'en-
semble de la
branche mondiale la technique dite de la
"sidérurgie sur l'eau", technique de production qui nécessite
des minérais à teneur de plus
de 60 %, des procédés nouveaux
(adéries à oxygène), des capacités élevées (5 millions de
tonnes).
(3)
-----------------------------------------------------------
(1) - D. CARRIERE, "Une erreur à dénoncer = le transfert pour
l'acquisition des techniques", Options méditerranéennes,
nO 27, p. 29- 30
(2) - J. PERRIN, "Un pas rvers la maîtrise du transfert des con-
naissances = la création de sociétés d'ingénierie dans
les pays en voie d' lndustrialisation", options méditerra-
néennes, nO 27, p. 8
- J.L. REIFFERS (sous la direction de),
sociétés trans-
nationales et développement endogène, les Presses de
l'Unesco, 1981, p.258-259.

26.
A travers la reproduction des technologies~ar les
grandes firmes est assurée par là-même leur domination.
Dépendance technologique que subissent les économies
dominées, directement à travers les choix de techniques et
les normes de production imposés par les filiales qui orga-
nisentet orientent la production industrielle, indirecte-
ment à travers les modalités d'acquisition des techniques
auprès des sociétés d'ingénierie.
Mais en même temps, il faut prendre garde. Cette
situation de domination exercée par les FMN et leurs
satellites_ne doit pas être comprise comme une _action
imposée exclusivement de l'extérieur. Elle doit être ana-
lysée comme mouvement d'ensemble produit par l'interaction
de facteurs internes et de facteurs externes. Car,
" ... dans son mouvement d'expansion à l'échelle mondiale,
le capital des pays dominants, loin d'être amené à tout
contrôler et à tout envahir, étend, à partir de quelques
implantations ou relations stratégiques, le réseau de ses
échanges et de ses influences à travers des relais locaux
privilégiés: capital local, appareil d'Etat ou secteur
étatique, communauté (ethnique ou autre) jouant un rôle
particulier dans les domaines marchands et bancaires •.• "(l).
(1) - Michel BEAUD, Le système national mondial hiérarchisé,
Ed. La Découverte, 1987, p. 96

27.
Des forces sociales internes existent dans les économies
dominées. Elles exercent un pouvoir politique auquel
correspond
un projet de société: modernisation, indus-
trialisation, adoption de modèles de consommation qui
ouvrent des marchés pour soutenir la production organisée
sur place (1).
Forces de diffusion des modes de produire et de
consommer"
les économies dominantes structurent "l'espace
économique du monde". Poussées par la concurrence et la
recherche de nouveaux marchés, elles sont amenées à déborder
les frontières nationales. Et, à partir de la position de
force acquise grâce au contrôle des activités économiques
clefs, elles pèsent à l'égard des autres économies nationales
quant à leur
participation aux échanges internationaux.
Ainsi, sur la période 1963-1984, les informations
fournies par le GATT nous revèlent que 64 % du commerce
mondial est assuré par les "pays capitalistes industrialisé".
Ces échanges sont pour leur plus grande part,
plus de 70 %,
des échanges organisés à l'intérieur même de la zone des
pays les plus industrialisés du monde capitaliste. Environ
le quart de leurs exportations est dirigé vers les "pays non
industrialisés" et 4 à 5 % seulement vers les pays de l'Est
-
, '
cf. TableauX ~~,~ ... 1\\.'.,1-.:..: .
1
-----------------------------------------------------------
(1) - Christian COMELIAU, Interdépendance et style de déve-
loppement, OCDE, 1985, p. 22-30
- Celso FURTADO, Le mythe du développement économique,
Anthropos, Paris, 1976, p.102 - Cet auteur définit la
"modernisation" des économies dominées comme un
"processus d'adaptation de modèles de consommation plus
sophistiqués (publique et privée) qui se produit en
l'absence du processus correspondant d'accumulation du
capital et de progrès dans les méthodes de production".
Ceci est illustré par la série de projets spectaculaires
d'infrastructures ou de complexes industriels dans les
plans de développement mis en oeuvre dans les pays 'dominés.

28.
Qlant aux pays non industrialisés
qui comptent pour
environ 25 % dans les échanges mondiaux, ils ont au cours
de cette même période dirigé, en moyenne, 70 %de leurs
exportations vers les pays capitalistes industrialisés et
environ 5 %vers les pays de l'Est. Une proportion relati-
vement faible de leurs échanges, moins de 25 %, a été
effectuée entre eux.
Cette situation traduit bien le caractère asymétrique
des relations de production et d'échanges qui existent entre
économies dominantes et économies dominées. D'un côté, des
économies nationales qui pèsent de tout leur poids sur
l'offre et la demande
sur le marché mondial, et qui entre-
tiennent entre elles des rapports de complémentarité et
d'interdépendance élevés. De l'autre côté, les économies
nationales vouées à une spécialisation
internationale
dépendante, essentiellement branchées sur les systèmes
productifs dominants pour la fourniture de matières premières
et pour l'achat de produits manufacturés.

29.
TABLEAU / VENTILATION DU COMMERCE MONDIAL DES MARCHANDISES
PAR REGION (*), 1963 - 1984
(Parts en pourcentage des exportations (X) et des importa-
tions (M) mondiales)
Connnerce
total
1
Comrœrce, non compris
les combustibles
1963 1973 1980 1984
1963 1973
19aO 1984
Régions
iniustrielles
X
64
68
61
62,5
68
74
74,5 72
M
64,5 69,5 66
65
64
68,5
62,5 63,5
Régions en
voie de déve-
loppanent
X
20,5 19
28
24,5
16
13
14,5 16,5
M
21
18
23,5 23
21,5
18,5
25
24
Pays de l'Est
X
12
la
9
11
12
la
8,5
9,5-
M
11,5 la
9
la
12
10,5
la
la
(*) -
La somme des parts de marché indiquées n'atteint pas
100 %, car celles de l'Australie, de la Nouvelle-
Zélande et de l'Afrique du Sud ne sont pas incluses.
Source: GATT, Le Commerce International en 1984/85.

30.
TABLEAU / ORIGINE ET DESTINATION DES EXPORTATIONS MONDIALES
PAR GRANDES REGIONS (*), 1963 - 1984
(en milliards de dollars et en pourcentage)
Règ:LOns
Pays de l'Est
Destination
~ào's en VDle de 1
1 industrie lie s
développEment
Origine
Valeur
%
Valeur
%
Valeur
%
Régions
industrielles
1963
70
70,7
22
22,2
4
4
1973
294
15
69
17,6
18
4,6
1980
845
69,4
284
23,3
59
4,8
1984
853
71,4
258
21,6
54
4,5
Pays en voie
de dévelop-
pement
1963
23
71,8
r{
21,8
2
6,2
1973
81
73,6
22
20
5
4,5
1980
388
69,9
138
24,8
21
3,7
1984
3u8
64,9
133
~8
25
5,2
Pays de
l'Est
1963
4
21
3
15,7
12
63
1973
16
28
9
15,7
33
57,8
1980
57
3~
31
17,4
89
50
1984
62
~9,3
42
20
106
50,2
(*) - Australie,
Nouvelle Zélande et Afrique du Sud non compris.
Source: GATT, Le commerce International en 1984/85.

31.
TABLEAU / VENTILATION DES EXPORTATIONS MONDIALES DE
PRODUITS MANUFACTURES PAR GRANDES REGIONS,
1970 - 1982 ( en pourcentage).
1970
1975
1982
-
~s développés à économie
de narC'hé
85,2
84,2
80, è1
dont :
- Europe
55,2
55,8
50,2
- Etats-Unis
17,7
14,8
13,9
- Canada
4,5
3,1
3,5
- Japon
8,7
9,3
12,0
- Australie, Nvelle Zélande
0,5
u,5
0,5
- Afrique du Sud
0,3
0,3
-
Pays en développement
5,2
6,7
10,9
.
Pays socialistes
d'Europe de l'E~t
9,1
8,6
7,2
Pays socialistes d'Asie
0,6
0,6
1,2
Source
Manuel de statistiques du commerce international
et du développement - Supplément, 1985

32.
Fait qui contribue à accroître encore leur pouvoir,
les économies dominantes contrôlent non seulement la
commercialisation des produits manufacturés, mais aussi
celle des ressources alimentaires par l'intermédiaire de
grandes firmes. C'est le cas notamment pour le marché
mondial des céréales, dominé par seulement six grandes entre-
prlses
qui totalisent à elles seules 8u à 90 % des ventes. ~1)
- Cargill Inc. (USA) : 17-28 % ;
- Continental Grain ~USA) : 17-25 % ;
-
LoU1S
Dreyfus tFrance)
: 13-15 % ;
- Bunge and Born Corp (Argentine/USA)
8-12 % ,
- André S.A (Suisse) : 8-10 % ;
- Toepfer (RFA) : 8-10 %.
Ce pouvolr des groupes multinationaux s'étend sur
les autres marchés des matières premières, où l'on retrouve
toujours un petit nombre de firmes contrôlant la commercia-
lisatlon des produits. Les données sont les suivantes pour
quelques produits (periode 1978-1982) :
- 63 % du commerce mondlal des bananes est dominé par
trois en~reprises ~United Brands Co, précédemment United
Fruit Company; Standar Fruit Co ; Del Monte Co). (2)
-----------------------------------------------------------
(1) - Philippe CHALMIN, Négociants et chargeurs, la sa~a du
négoce international des matières premlères, Parls,
1983, p. 191-
- Voir également, à propos des gains énormes que les
groupes multinationaux tirent du trafic des céréales,
Dan MORGAN, Les Géants du grain,
Paris 1980, pp.209 et
S.S
(2) - UNCTAD, Press Release TAD/Inf/1396 (1982).

33.
- 75 % des transactions boursières sur le cacao sont
effectuées par deux entreprises (Gill and wffus. ; S.W.
Berisford) (1) ,
- plus de 85 % du marché mondial du coton est entre les
mains de six entreprises tRalli Brothers , Gebr-Volkart ;
Mc Faden Valmac ; W.B.Dunavant ; Bunge and Born; Carglll) (2) ,
- 68 % du marché du café soluble dans les pays occlden-
taux se trouve entre les mains de Nestlé et de General Food (3).
Domlnation des marchés par le contrOle des circuits
de dlstribution et de commercialisation, mais aussi domlna-
tion des marchés en fixant les prix des matières premlères
qui sont déterminés dans les bourses de Lo~dres, New York,
Paris, Chicago, ot les princlpaux opérateurs sont les grands
trusts. Donc un marché qui fonctionne selon des règles qui
ne donnent pas toujours aux parties en présence une parfaite
égalité des chances. Car en fait, les règles en vigueur sont
lOln d'être celles de la "concurrence pure et parfaite'i.
Dans leurs rapports d'échanges avec les économies dominées,
les économies dominantes cherchent constamment à faire
-----------------------------------------------------------
(1) . (2) - Philippe CHALMIN, op.cit., p. 163
- Claude MOUTON, Philippe CHALMIN, Matières
premieres et échanges internationaux, Paris 1900,
Ed. Economica, pp. 292 ; 317
(3) - UNCTAD, Marketing and processing of coffee : areas of
international
cooperation,
TD/B/C.l! PSC/ 31 (1983),
pp.
22 S. S .

34.
accepter "la règle du jeu qui (leur) permet d'utiliser à
plein (leurs) moyens propres, de tirer tout le parti
posslble de
leurs supériorltés relatives sans compromettre
(leur) avenir. Ainsi, d'un sportif qui établirait et modi-
fieralt les règles d'un match pour faire déclarer impeccables
les passes où il excelle." (1)
Les accords multiflDres (AMF)
lllustrent bien cette situation que François PERROUX évoquait
déjà en 195~. Par nature, les AMF consti~uent une entorse
aux principes au Ilbre écnange. Ces accords donnent la
la~itude voulue aux économies capltalistes lndustrialisées
de recourir aux mesures
protectionnistes lorsqu'ils se
sentent ménacés par "l'lnvasion" aes produits textiles
meilleur marché des économies dominées. Leur fonction est
donc de limiter le taux de croissance des exportations
industrielles des économies domlnées, précisement dans un
secteur où la faiblesse des coûts de production peut avan-
tager celles-ci. (2)
Dans ce jeu des rapports de force, 11 faut tenlr
compte de la monnaie puisque seule une partie négligeable
du commerce lnternational s'effectue sur la base du troc.
Les relations de pouvoirs et de dominatlon sont au coeur
des problèmes monétaires, comme le soulignait si bien
Eugène PREOBRAJEN0KY:
" ... la dictature de la monnaie
a en général appartenu dans le cours de l'histoire au pays
qui a joué un rôle dominant à chacune des époques considérées
------------------------------------------------------------
(1 ) - François PERROUX, L'Europe sans rivage, PUF, Paris,
1954, p. 96
(2) - Depuis la signature du premier AMF (principalement
avec les Etats-Unis et la CEE) le 1er janvier 1974,
trois autres accords se sont succédés (fin 1977, fin
1981 et le dernier au 1er Août 1986). Voir Cahiers
Français
nO 229, janvier-Février 1987, consacré au
commerce international.

35.
dans le commerce mondial et dans l'économie mondiale.
A l'époque où les commerces grec et phénicien prédominaient
en Méditerranée, les talents grec et phéniciens jouèrent
un très grand r~le. Le florin régna pendant la période où
les capitaux marchands italiens dominèrent la Médlterranée.
Le rôle commercial de l'Espagne amena la piastre au premier
plan des relations monétaires internationales. La Hollande ne
régna pas seUlement avec sa flotte, son drap e~ son commerce
en général, mais aussi avec ses guilders. Lorsque le centre
de gravité mondial de l'économie et du commerce passa à la
"maîtresse des mers", le rôle de la livre britanique vint au
premier plan. Enfin, la domina~ion économique du monde par
l'Amérique a conduit à la domination du dollar." (1)
Pour résumer, on dira que la domination d'une
monnale nationale dans les rappor~s économiques internatlonaux
est l'expression de la suprématle économique, politlque et
militaire du pays d'origine de cette monnale. Ce fut le cas
jusqu'à la fin de la première guerre mondiale, période au
cours de laquelle le régime de l'étalon-or était entièrement
dominé par la puissance hégémonique de l'époque, la Grande
Bretagne aon~ la Banque Centrale dictai~ les politlques
monétaires des autres Banques Centrales. La guerre de 1914-
1918 porte un coup fatal à l'étalon-or. Au lendemain de la
première guerre mondiale, le dollar apparaît pour la première
fois comme monnaie de réserve et comme véhicule des 'transac-
_tions . internationales. Néanmoins, il faudra attendre la
------------------------------------------------------------
(1) - Eugène PREOBRAJENSKY, La nouvelle Economi~~ E.D.I,
Paris, 1966, p.
219
- Voir également: TCHUNDJANG Pouémi, Monnaie, servitude
et liberté, Editions Jeune Afrique, Paris, 1980.

36.
mise en place du système de Bretton-Woods en 1944 pour voir
la domination monétaire américaine se confirmer. En position
de force à la fln de la guerre, les Etats-Unis se présentent
à la fois comme une puissance politique, économique et mili-
taire qui a la capacité d'imposer au monde capitaliste ses
règles. ~t cela est possiDle d'autant plus qU'lIs sont
amenés à prendre en charge la reconstruction de l'économie
mondiale capitallste. C'est donc dans la position de
puissance hégémonique que les Etats-Unis imposent les règles
monétaires à Bretton-Woods. Ce système fait du dollar le
supplément dlrect de l'or. Ainsi, c'est désormals le dollar
que les autres pays achètent ou vendent sur les marchés des
changes lorsqu'ils doivent intervenir pour maintenlr le cours
de leur monnaie. C'est encore le dollar qui sera de plus en
plus utllisé comme moyen de règlement dans les transactions
lnternationales. C'est enfin le dollar qUl deviendra la
principale monnale de réserve à l'échelle lnternationale.

37.
TABLEAU / PARTS RESPt;CTlVES DE:::> MONNAIES NATIONALES DANS
LE TOTAL DES AVOIRS OFFICIELS EN DEVISES
IDENTIFIES, A LA FIN DES ANNEES 1976 à 1983
( en pourcentage) *
1976
1977
1978
1979
1980
1981
1982
1883
Ensanble des pays .
]»llar U.S
76,5
77,9
75,6
72,8
66,7
69,4
68,5
69,1
Livre sterling
1,8
1,7
1,7
2,0
3,0
2,2
2,5
2,6
Deutsche M:l.rk
9,0
9,2
11,0
12,6
1:>,1
13,ê
12,5 11,9
Franc Français
1,6
1,3
1,2
1,4
1,7
1,4
1,4
1,2
Franc Slusse
2,3
2,Lt
2,3
2,7
3,2
2,8
2,7
2,4
Florin néerlandais
u,9
0,9
u,9
1,1
1,3
1,2
1,0
0,8
Yen
2,0
2,3
3,2
3,5
4,2
4,1
4,2
4,2
M::mnaies non
spécifiées
5,9
4,3
4,2
4,0
4,8
5,7
7,2
7,8
100
100
1UO
100
100
1UO
100
100
Source
Jean-Pierre Faugère, La crise du système monétaire
International, Minerve , 1986,
p. 89
Ni la fin du système de Bretton-Woods en 1971
(inconvertibilité du dollar en or décrété unilatéralement
par NIXON), ni les accords de la Jamaique en 1976
("démonétisation" de l'or et changes flottants) ne mettent
fin à la primauté du dollar'.. Sa valeur cons'ti tue un des
enjeux fondamentaux de l'évolution de l'économie mondiale
dans la mesure où il reste la principale monnaie de factura-
tion, de règlemen't et de réserve.

38.
Ce pouvoir monétaire confère aux décisions améri-
caines un poids qui pèse sur toute l'économie mondiale.
Ainsi en est-il de la politique monétaire des Etats-Unis.
Un dollar surévalué, donc fort, favorise les exportations
de pays tiers vers les Etats-Unis, mais en même temps du
fait que le dollar joue un rôle important dans les trans
actions internationales, cette politique peut entraîner
pour les autres pays un gonflement de leur facture pétrolière,
la hausse du taux d'inflation encouragée par la hausse des
coûts de matières premières importées, des charges plus
lourdes de la dette libellée en dollars ; en attirant tous
les capitaux qui cherchent un placement rémunérateur, une
politique de surévaluation du dollar contribue également à
drainer vers l'économie américaine l'épargne réalisée dans
les autres économies nationales.
Quant à la politique du dollar faible, sous-évalué,
elle aura également des conséquences directes sur les autres
économies nationales : atténuation de la facture pétrolière,
possibilité de ralentissement de l'inflation suite à la baisse
des prix des importations, allègement de la charge de la dette
extérieure, mais exportations plus difficiles vers les Etats-
Unis.
A travers donc la force de sa monnaie, les Etats-
Unis font figure d'économie nationale hégémonique: une
économie nationale qui a acquis une position de domination
qui lui permet de "plier intentionnellement ses partenaires
à sa stratégie économique particulière". (1)
-----------------------------------------------------------
(1) - François PERROUX, L'Europe sans rivage, op.cit., p.86

39.
Mais en m~me temps, les rapports de domination
monétaire que les Etats-Unis entretiennent avec les autres
économies nationales sont des rapports changeants, complexes.
Car il y a aussi le Yen et l~ Deutsche Mark qui par leur
force, concurrencent aujourd'hui le dollar et attestent du
dynamisme des économies japonaise
et allemande.
Et puis,
il yale franc et la Livre sterling , des monnaies nationales
qui subissent les diktats du dollar, mais qui à leur tour
règnent sur des zones monétaires regroupant leurs anciennes
colonies (zone franc et zone sterling). Rapports monétaires
hiérarchisés donc à l'échelle mondiale.
Dans ces rapports, les économies nationales dominées
apparaissent, très souvent, comme des économies subordonnées,
avec des monnaies nationales directement rattachées à une
dévise-clef.

40.
CHAPITRE II
LA MONDIALIRATTON CONFRONTEE A LA CRISE
L'après-guerre, c'est la période de prospérité
marquée par une croissance soutenue des économies capitalistes
développées. Chantant les
"trente glorieuses"
, néo-clas s i-
ques et keynésiens, installés dans une superbe assurance,
promettent un avenir radieux aux nations lancées dans la
course
effrenée de l'industrialisation. Calmement, P.
SAMUELSON professe en 1971 : "l'ère post-keynésienne s'est
donné les moyens d'une politique de la monnaie et de l'impôt
permettant de créer le pouvoir d'achat indispensable pour
éviter les grandes crises ( ... ). Avec nos connaissances
d'aujourd'hui, nous savons assurément comment éviter une
récession chronique" (1).
1973-1974, la crise est là, frappant de plein fouet
l'économie mondiale. Et par sa dimension, elle
s'avère, être une
grande crise
, la "crise du XXème siècle" (2). Elle fait
voler
en éclats les certitudes d'hier. Les instruments de
politique économique qui avaient permis de juguler la crise
de 1929 se révèlent inefficaces pour contrecarrer celle qui
éclate à la fin des années soixante-dix.
(1) - Cité par Michel BEAUD, in Histoire du capitalisme,
Ed. du Seuil, 1981, p. 289.
(2) - J.H. LORENZI et al., La crise du XXème siècle, Paris
Economica, 1980.

41 •
Et c'est une crise qui dure. Annonce-t-elle la
fin prochaine du capitalisme? Est-elle susceptible de
remettre en cause le processus de mondialisation développé
par la logique d'accumulation capitaliste? Il semble que
non. Comme nous allons le montrer, conjointement au déve-
loppement et à la persistance de la crise, il y a un renfor-
cement du phénomène de multinationalisation.
SECTION l
UNE CRISE QUI DURE ...
La crise qui éclate dans toute son ampleur au
cours des années soixante-dix est en fait le débouché d'un
processus récessionniste qui a débuté au cours des années
soixante, période
pendant
laquelle les signes d'essouf-
flement des économies capitalistes développées se précisent.
A titre d'illustration, l'évolution des taux de profit,
marquée par une tendance très nette à la baisse.

42.
TABLEAU / UNE MESURE DES TAUX DE PROFIT DANS LES
PRINCIPAUX PAYS DEVELOPPES (Taux de profit bruts)
ETATS-UNIS
ROYAUME UNI
FRANCE
R.F.A
JAPON
1960
15,3
5,8
9,5
13,1
1961
18,9
5,4
9,3
12,6
1962
17,0
5,2
9,0
12,1
1963
17,4
5,6
9,1
11,6
12,5
1964
18,1
5,5
9,5
12,0
12,8
1965
18,8
5,4
9,2
11,7
11,9
1966
18,7
6,1
9,6
11,4
12,4
1967
17,6
4,8
9,6
10,9
14,0
1968
17,1
4,7
10,0
12,5
14,7
1969
15,6
4,2
10,4
12,9
14,3
1
1970
14,2
3,6
10,0
12,4
14,7
1
1971
14,7
3,7
10,2
11,7
14,2
1972
15,5
3,5
10,3
11,3
13,0
1973
14,7
3,1
9,6
11,5
10,9
1974
13,2
2,2
8,2
10,9
11,9
!1975
13,5
2,0
8,7
10,6
13,0
1
Source
A. GUNDER FRANK, cité par J.H. LORENZI et al.,
op.cit., p. 193

43.
Régulière
aux Etats-Unis de 1965 à 1970 puis de
1972 à 1974, la baisse des taux de profit frappe également
l'économie britannique sur toute la période 1960-1975 ;
en France, on note un léger déclin de 1960 à 1963 et de
1968 à 1969, puis une baisse régulière de 1972 à 1975 ; en
Allemagne, de légères baisses de 1960 à 1963 et de 1965 à
1967 précèdent une chute régulière qui va de 1969 à 1975 ;
9
au Japon enfin, il faut attendre 1972 et 1873 pour noter
'---'
deux baisses successives assez importantes du taux de profit.
A ce mouvement général de baisse des taux de profit
est liée une dégradation de la situation économique au cours
des années soixante-dix. C'est tout d'abord le taux d'infla-
tion qui ne cesse de croître. De 1973 à 1978, l'indice des
prix à la consommation passe de 114 à 156 pour les Etats-
Unis, de 128 à 249 pour la grande-Bretagne, de 120 à 183
pour la France, de 119 à 146 pour l'Allemagne, de 124 à 204
pour le Japon. C'est ensuite le nombre de chdmeurs qui croît
régulièrement de 1968 à 1977 pour l'ensemble des principaux
pays capitalistes. C'est enfin le ralentissement des taux de
croissance économique.

44.
TABLEAU / CROISSANCE, INFLATION ET CHOMAGE DANS LES
PRINCIPAUX PAYS CAPITALISTES
EI'ATS-UNIS
GRANDE BRETAGNE FRANCE R.F.A JAPON
r
Taux de croissance
annuel du .PIB (1)
1960-1970
3,8
2,8
5,6
4,7
11,2
1970-1973
4,7
4,3
5,6
3,9
8,1
1973-1978
2,4
0,9
2,9
2,0
3,7
Iniice des prix
à la consanrration
(2)
1973
114
128
120
119
124
1977
156
249
183
146
204
Nombre de
chômeurs (3)
1968
2,8
0,6
0,3
0,3
0,6
1973
4,3
0,6
0,4
0,3
0,7
1977
6,8
1,5
1,1
1,0
1,1
1979
6,2
1,3
1,2
0,8
1,1
(1)
P.I.B en volume. (2) Base 1970 = 100. (3) en millions

Source: Michel BEAUD, op.cit, p. 290

45.
Face à une telle dégradation généralisée de la
situation économique, le verdict du FMI sonne le glas de
l'optimisme caractéristique des années cinquante et
soixante:
"Au cours des années soixante-dix, il est apparu
que les mesures macro-économiques traditionnelles que les
gouvernements pouvaient mettre en oeuvre pour stabiliser
leur économie ne menaient à rien, semble-t-il. Auparavant
un resserrement de la politique budgétaire et monétaire
permettait de maîtriser l'inflation et de freiner l'emballe-
ment de l'économie, tandis que des mesures dé relance per-
mettaient de réduire le chômage et de faire repartir l'acti-
vité économique. A l'heure actuelle, la relance de l'économie ne
fait qu'accélérer l'inflation sans augmenter l'emploi, tandis
qu'une politique de rigueur aggrave le ch6mage sans diminuer
l'inflation'.
(1)
C'est que les conditions de la croissance au cours
des années soixante-dix ne sont plus les mêmes que les
conditions exceptionnellement favorables qui ont été à
l'origine des résultats économiques généralement bons des
années cinquante et soixante. La crise qui éclate au début
des années soixante marque avant tout l'épuisement d'un
modèle, celui de l'accumulation intensive de l'après-guerre (2).
------------------------------------------------------------
(1) - Bulletin mensuel du FMI, 14 janvier 1980.
(2) - Sur la crise, voir J.H. LORENZI, O. PASTRE, J.TOLEDANO,
La crise du XXème siècle, paris, Economica, 1980 ;
M. AGLIETTA, Régulation et crise du capitalism~, Paris
Calmann-Lévy, 1982, 2éme éd.
; R. BOYER et J.MISTRAL,
Accumulation, inflation, crises, paris, PUF, 1983, 2ème
éd. ; M. BEAUD, Histoire du capitalisme, Seuil, Paris,
1981 ; A. LIPIETZ, Crise et inflation: pourquoi ?,
Paris, F. Maspero, 1979 ; P. DOCKES, B. ROSIER,
Rythmes économiques - Crises et changement social : une
perspective historique, La Découverte, Paris, 1983.

46.
Ce modèle d'accumulation - le "fordisme"- a permis une
croissance régulière de la production grâce aux gains de
productivité obtenus par l'introduction du taylorisme dans
l'organisation du travail et par la recherche des économies
d'échelle dans la production industrielle. Conjointement,
l'équilibre entre l'offre et la demande a été assuré par une
croissance régulière de la demande solvable centrée sur les
biens de consommation de masse.
Glorieuse épopée des économies capitalistes déve-
loppées : le marché croît, la société de consommation fonc-
tionne, la main-d'oeuvre e st di sponible, la product i vi té
augmente, le contrôle des sources de matières premières et
d'énergie dans le monde permet l'approvisionnement des
systèmes productifs à bon marché, la rentabilité du capital
es t assurée.
Mais ces conditions exceptionnelles d'après-guerre
vont se heurter à la logique contradictoire de l'accumulation
capitaliste. Le FMI exprime cette réalité à sa manière:
~Les dirigeants politiques ont ( •.. ) été amèrement contrariés
par l'affaiblissement de l'autorité gouvernementale qui s'est
produit dans les années 70. De nombreux groupes d'intérêts au
sein des pays ont paru si divisés qu'il a été difficile, voire
impossible, aux dirigeants politiques de parvenir à un accord
général même sur les stratégies à mettre en oeuvre au niveau
national ( •.. ). Le tableau global qui se dégageait à la fin
des années 70 était celui d'une économie mondiale qui
ressemble à un navire en dérive. Somme toute,
la décennie 70
n'a pas été seulement une période d'instabilité au cours de
laquelle se sont posés de grands problèmes économiques.

l
47.
Elle a marqué la fin d'une ère - une grande cassure dans
l'histoire économique. Le "vieil ordre économique mondial" (1).
LiQrdre social n'est plus ce qu'il était. Et les
mouvements de refus qui se mettent en place, qui "contrarient
amèrement les dirigeants politiques", c'est tout d'abord, au
sein des économies capitalistes développées, l'expression de
la crise du fordisme. Elle se manifeste à la fin des années
soixante, période au cours de laquelle, de plus en plus, la
problématique se situe pour certains groupes sociaux plutôt
au niveau d'un choix de société. En France par exemple, Mai
68 va être le symbole de la remise en question de la société
de consommation de type américaine qui a depuis l'après-
guerre servi d'image de référence aux économies du monde
entier
(1). Les jeunes vont chercher dans le domaine social,
philosoph~ue ouspirituel autre chose que la satisfaction des
besoins matériel s. "Vivre autrement", c'est aussi le combat
que vont mener les mouvements écologiques et les associations
de défense des consommateurs. Plutôt que la quantité, on
exige la qualité : civiliser la croissance pour satisfaire
les besoins de l'homrrl~ tout en le reconciliant avec la
nature. En même temps se développent les luttes ouvrières.
Dans les usines, les travailleurs s'élèvent contre le taylo-
risme, refusent les condivions pénibles du travail parcellisé.
Il s'en suit une augmentation du taux
d'absentéisme (2) :
de 4 % seulement en 1966, il passe à 11 % en 1972 dans l'in-
dustrie allemande ; et dans les industries minières et métal-
lurgiques en France, de 6,5 % à 9,5 % entre 1964 et 1973 ;
------------------------------~----------------------- ------
(1) - Le problème de la domination culturelle américaine est
encore d'actualité chez certains auteurs. Voir, entre
autres, J. THIBAU, La France colonisée, Paris, 1980.
( 2) - M. BEAUD, op. ci t . , 1981, p. 292.

48.
chez Chrysler aux Etats-Unis, il passe de 7,6 %à 9,7 %
de 1970 à 1975. Dans ces conditions, la poursuite de la
croissance industrielle va se heurter, au cours des années
soixante-dix, à la baisse de la productivité.
TABLEAU / TAUX DE CROISSANCE ANNUELS MOYENS DE LA PRODUCTION
ET DE LA PRODUCTIVITE APPARENTE DU TRAVAIL DANS
LES SEPT GRANDS PAYS - 1963-73 et 1973-77
Croissance de' la TVariation de la Variation de
productivité
croissance de
la croissance
la productivité
de la produc-
1963-1973
1973-1977
tion
Etats-Unis
2,1
1,0
- 1,1
- 3,5
!
Japon
1
8,9
3,7
- 5,2
- 9,5
Allerragne
5,3
3,6
- 1,7
- 4,4
France
5,2
4,0
- 1,2
- 3,4
Royaurœ-Uni
3,9
1,3
- 2,6
- 3,6
Canada
3,6
0,8
- 2, 8
- 4,4
Italie
5,6
0,8
- 4, 8
- 4,1
1
Source
J.H. LORENZI et al., op.cit.
, 1980, p. 224-225.
Hausse des taux d'absentéisme, baisse de la produc-
tivité apparente du travail, accroissement des coûts de _
production pour améliorer les conditions de travail et la
qualité des produits et pour respecter les normes anti-pollu-
antes, autant de facteurs qui contribueront, pour chaque pays
capitaliste développé, à la baisse de la rentabilité du
capital. Cette situation est aggravée par l'apparition d'une

49.
saturation de la demande pour les biens provenant des
secteurs qui avaient autrefois joué le rôle de locomotive
(automobile, électroménager, construction ... ). En ce sens,
l'épuisement du modèle de consommation d'après-guerre
apparaît comme le signe révélateur d'une crise de surpro-
duction. Il y a surproduction du fait du déséquilibre entre
les capacités productives et la faiblesse
des possibilités
d'absorption des marchandises produites. Et la montée du
chômage ne fait qu'accroître cette tendance à la surproduc-
tion, un chômeur de plus étant un consommateur en moins.
Tout ceci se développe dans le contexte propre à l'accumu-
lation capitaliste, celui de la concurrence impitoyable
pour gagner des parts du marché de plus en plus réduit.
A ces facteurs explicatifs de la crise au plan
national, il faut ajouter les revendications du Tiers Monde
qui conteste l'ordre économique et politique hérité de la
période coloniale. Entre 1950 et le début des années
soixante, un grand nombre de pays s'est libéré du joug
colonial. Ces Etats veulent exercer leur souveraineté. Cette
prise de conscience atteindra son maximum en 1973, au moment
où se déclenche la "crise pétrolière". Les pays producteurs
de pétrole réussissent à relever leur part dans le partage
de la valeur produite. En fait, la "crise du pétro le" n' est
pas autre chose que la prise de conscience par les exporta-
teurs de pétrole d'une contradiction qui durait depuis
longtemps. D'un côté, un bien rare et une demande de plus
en plus forte; de l'autre, un prix réel qui se dégrade.
Ce qui est remis en
cause, c'est le vieil ordre économique
mondial qui permettait de s'approvisionner en énergie bon
marché.

50.
TABLEAU / PRIX COURANTS ET REELS DU PETROLE BRUT
(en US $/baril)
1953
1960
1970
1972
1973
Prix du pétrole en
US $/baril (1)
1,93
1,858
1,80
2,463
3,293
Prix réel du
pétrole (2)
2,24
2,13
1,80
2,16
2
1
,42
i
Source
International Financial Statistics, IMF, Annual Data
1951-1975, May 1976.
Cette crise qui dure
... et qui, pourtant, ne
remet pas en cause le processus de mondialisation développé
par la logique d'accumulation capitaliste.
------------------------------------------------------------
(1) - Prix d'Arabie Saoudite; (2) Prix courants du pétrole
US $ par baril déflaté par l'indice des prix à l'ex-
portation des pays industrialisés (base 1970).

51.
SECTION II
ET AVEC LA CRISE, L'AVENIR DU CAPITALISME
EST DEVANT NOUS.
Un constat: dans la crise, le phénomène de multi-
nationalisation se poursuit. Ce mouvement est tout d'abord
marqué par le rythme soutenu des investissements directs
réalisés à l'étranger par les principaux pays capitalistes
développés.
TABLEAU / CROISSANCE DES INVESTISSEMENTS DIRECTS ETRANGERS
REALISES PAR LES PRINCIPAUX PAYS INVESTISSEURS
(moyenne
annuelle)
-
Taux de croissance
1967~1971 1971-1975 1975-1978 1978-1982
du stock d'IDE
Total
10;2
11,2
12,0
6,4
dont:
Etats-Unis
10,0
10,6
10,7
8,0
RoYa.LlIlE-Uni
7,9
6,4
10,6
-34,8
Japon
30,8
37,9
19,0
2,4
R.F.A
24,9
21,8
25,7
6,3
France
15,1
12,5
9,4
15,8
1
Calculs effectués à partir des valeurs du stock en dollars
courants.
Source
w. ANDREFF, Les multinationales, 1987, Ed. La Décou-
verte, p. 19

52.
TABLEAU / CROISSANCE DES INVESTISSEMENTS DOMESTIQUES DANS
LES PRINCIPAUX PAYS INVESTISSEURS.
(moyenne annuelle)
IDElFOCF intérieuret*)
1967-1972
1973-1977
1
1978-1980
Etats-Unis
3,7
4,2
4,1
Royaume - Un i
5,7
8,4
7,7
Japon
0,5
1,1
0,8
R.F.A
1,9
2,3
2,4
France
1,1
1,6
1,8
(*) Flux d'IDE divisé par la FBCF intérieure convertie en
dollars.
Source : idem.
La croissance du stock total des investissements
directs étrangers montre que les actifs détenus par les FMN,
loin de régresser, augmentent pendant la crise. De 10,2 % en
1967-1971, le taux de croissance du stock d'IDE s'élève à
11,2 % en 1971-1975, puis atteint un pic de 12 % en 1975-1978 ,
en 1978-1982, malgré une nette réduction, ce taux reste positif,
traduisant donc l'accroissement continu des actifs détenus
par les FMN à l'étranger.
L'expansion de l'investissement à l'étranger offre
par ailleurs un contraste saisissant avec le fléchissement de
l'investissement domestique. Tout au long de la période 1967-
1980, les IDE ont représenté constamment des montants plus
élevés que ceux consacrés aux investissements domestiques.

53.
Cette évolution tient au fait que le rythme de croissance
des IDE s'est montré plus rigoureux ou bien a été moins
ralenti que celui de la FBCF intérieure.
Cette adaptation des FMN à la crise est aussi
révelée par le fait que leur rentabilité reste plus élevée
en comparaison avec les firmes qui ont seulement une dimen-
sion nationale. Julien SAVARY le montre bien. A partir d'un
échantillon de 372 entreprises françaises, il fait ressortir
que le taux moyen de rentabilité nette des FMN s'élevait.en
1971-1974 à 7,7 % (8 % si l'on ne considère que les 75 entre-
prises les plus multinationalisées, c'est-à-dire produisant
dans cinq pays au moins) contre 7,1 %pour l'ensemble de
l'échantillon (1). Wladimir ANDREFF fournit des informations
plus détaillées sur les taux de profit réalisés par les multi-
nationales américaines. (2)
En partant des calculs effectués par le "Survey of
current Business", il montre que le taux de profit du capital
américain investi à l'étranger, durant la période 1966-1985,
passe globalement de 10,2 % à 17 %, avec un pic en 1979 (20,3%).
La rentabilité des investissements directs américains est plus
élevée dans les "PVD" que dans les pays capitalistes avancés
au cours de la même période: elle est respectivement de 17,3 %
contre 7,6 % en 1966 et de 22,8 % contre 15,6 % en 1985.
------------------------------------------------------------
(1) - J. SAVARY, Les multinationales françaises, Paris, PUF-
IRM, -1981, p. 142-145
(2) Voir notamment: W. ANDREFF, Les multinationales hors
la crise,
Paris, Le Sycomore, 1982, p.73 à 77 ;
les multinationales, op.cit. , p. 97 à 101.

54.
A partir des chiffres fournis par "Fortune" relatifs aux
résultats d'un échantillon de 373 multinationales originaires
de 11 pays, W. ANDREFF a pu établir que le taux de profit des
multinationales américaines était en 1972 de 6,1 % contre
4,8 % pour les firmes américaines purement nationales; ces
chiffres étaient en 1980 respectivement de 7,6 % et 5,4 %.
Concernant le taux de profit des multinationales non améri-
caines de l'échantillon, il s'élevait en 1980 à 3,5 % contre
1,6 % pour les autres entreprises non américaines de type
uninational.
Rythme soutenu des IDE réalisés dans le monde,
trend croissant du rapport entre les flux d'IDE et l'inves-
tissement domestique, rentabilité plus élevée des FMN, autant
d'indices concrets montrant que les multinationales ont su
mettre en oeuvre, avec succès, des stratégies d'adaptation à
la crise. Tout se passe comme si les FMN avaient cherché à
échapper aux effets de la crise en accélérant leur dimension
multinationale.
Mais face à la persistance de la crise, on peut se
poser
des questions quant à l'avenir du phénomène de multi-
nationalisation et, partant, se demander si une nouvelle
expansion du capitalisme est encore possible dans le monde.
Si nous penchons pour le déterminisme et le tragique,
à ces questions nous pouvons apporter une réponse toute faite =
l'exacerbation des contradictions intercapitalistes, avec les
guerres économiques nourries par les égoïsmes nationaux,
conduit inéluctablement à une impasse. La régulation interna-
tionale de l'économie mondiale s'avérant impossible, c'est
bientôt le chaos. "Apocalypse now" ou la répétition de

55.
l'histoire: avec la crise, l'autoritarisme de repli national
va accélérer la course aux armements, dans la mesure où le
"libéralisme démocratique" est lié historiquement à des formes
impériales d'hégémonie mondiale. Et tout ça avec une troisième
guerre mondiale qui se profile à
l t horizon.
Il est vrai qu'avec la crise s'exaltent de nouveaux
élans patriotiques, aux allures quelquefois agressives ; (1) il
est également vrai que le capitalisme est confronté à des
obstacles ; mais qui ne sont pas nouveaux : chômage, inflation,
problèmes de débouchés •.. Et l'hypothèse d'une guerre comme
issue à la crise peut exister, surtout quand on sait que les
foyers de tension continuent d'être alimentés par les marchands
de canons; que l'industrie de l'armement constitue un secteur
clé de la recherche technologique et de la croissance économique
des économies développées; et que certains rêvent d'une Amé-
rique bonne à mobiliser pour la "guerre des étoiles".
Mais n'est-il pas vrai également que le capitalisme
a, jusqu'à présent, manifesté de notables facultés d'adaptation
et de transformation au regard des prédictions marxistes ortho-
doxes ? L'histoire nous enseigne que "dans chacune des grandes
crises précédentes, l'issue à la crise s'est opérée à travers
une transformation du capitalisme et à travers des évolutions
extérieures - parfois opposées - au capitalisme".
(2)
-------------------------------------------------------------
(1) - Pour réagir contre tous ceux qui croient constater
aujourd'hui le "déclin de la France", Paul-Marie COUTEAUX,
Président de l'Association France-Grande puissance, ne
rappelle-t-il pas, dans un parfait style militaire, que
"La France es"t une grande puissance" ? Cf. "Le Monde" du
27 juin 1987.
(2) - Voir à ce sujet l'article de Michel BEAUD "sur la spéci-
ficité de la crise actuelle" in "cahier du GEMDEV" nO 6
Mars 1986::- Numéro consacré à "La crise actuelle par
rapport aux crises antérieures".

56.
On ne saurait donc affirmer à l'avance que les
obstacles actuelles sur lesquels butent le capitalisme sont
incontournables. Car la crise, c'est aussi tout le vaste
mouvement de restructuration engagé, tant au plan des terri-
toires nationaux qu'à l'échelle mondiale, avec pour résultat
une profonde
mutation des systèmes productifs capitalistes
en vue de créer un contexte favorable à la mise en oeuvre
d'un nouveau modèle d'accumulation, pour une meilleure compé-
titivité.
Pour chaque pays capitaliste développé, l'impératif
de modernisation passe par
- la fermeture totale ou partielle des unités de pro-
duction jugées dépassées, non compétitives, ou par des opé-
rations de délocalisation vers certains pays du Tiers-Monde
(principalement les NPI) ;
- l'adaptation et la modernisation des industries de la
deuxième génération. A cet égard, l'évolution actuelle de
l'industrie de l'automobile est assez caractéristique des
mutations en cours. La production automobile, un indicateur
clé de la croissance économique dans les pays industrialisés,
exige aujourd'hui, face à la situation de tension concurren-
tielle extrême sur le marché mondial, l'introduction de
technologies de pointe qui marquent l'entrée dans l'ère de
l'après-taylorisme (1). La base de gain de productivité
------------------------------------------------------------
(1) Pour les mutations, en cours concernant les systèmes productifs, les
nouvelles techoologies et l'organisation du travail, on lira avec
intérêt:
- Benjamin CORIAT : ra Robotique, I.a Découverte, Paris, 1983 ;--
"Le grand laboratoire d'expérimentation de l'après-taylorisme",
in "Le M:m:le diplomatique", Aodt 1986 ;
- Patrick BESSON : L'atelier de derrain, les perspectives de l'auto-
mation flexible,
Presses Universitaires de Lyon, 1983 ;
- Robert BOYER (Eci), Flexibilité et transforrrations du rapport
salarial en Europe depuis une décennie, I.a Découverte, 1986.

57.
(travail parcellisé, répétitif, longues séries d'O.S.) que
constituait le taylorisme est aujourd'hui remise en question.
De nouvelles techniques d'organisation et de contrôle du
travail sont mises à jour. Les chaînes de montage sont
"cassées", morcellées en segments plus courts, avec un temps
d'opération plus allongé pour chaque ouvrier ; une "nouvelle
culture d'entreprise" se met en place, plus favorable à la
responsabilisation des groupes "autonomes" ...
Résultat = une nouvelle économie du temps qui
améliore les méthodes de contrôle social sur le travail
grâce à l'introduction de l'informatique qui a l'avantage de
"construire le réseau des liens qui fait progresser ensemble
l'information et l'organisation" (1). L'ordinateur permet
désormais un contrôle plus efficace des cadences de travail,
des taux de panne, des défectuosités, des arrêts, etc.
En outre, l'informatique transforme les moyens de
travail. On le voit, avec l'introduction en force des robots
ou des machines-outils à commande numérique dans les systèmes
productifs dominants.
(2)
Ces nouvelles familles de machines apportent deux
dimensions essentielles : gains de productivité et flexibi-
lité. Des gains de productivité grâce à une meilleure optimi-
sation des temps d'opération et de circulation; la flexibilité
------------------------------------------------------------
(1) S. NORA et A. Mine, l'informatisation de la société,
La Documentation française, ...
(2)
Michel BEAUD, Histoire du capitalisme, Ed. du Seuil,
1981, p.318.
OCDE, Robots industriels ~ leur impact sur l'industrie
manufacturière, Paris, 1984

58.
car désormais une même ligne de robots peut fqbriquer,
assembler ou souder une famille de produits, sans
qu'il
soit nécessaire de procéder à une quelconque réorganisation
ou reprogrammation.
De nouvelles techniques d'organisation et de contrôle
social du travail; de nouvelles familles de machines. Deux
révolutions auxquelles s'ajoute une troisième: la pénétration
directe des ompératifs commerciaux dans la production, avec
le système dit du "kaban" initié au Japon ("Méthode d'Appel
par l'Aval" ou MAPA en France). Avec le "kaban", "on ne met
en production que ce qui
a été vendu, et c'est le secteur
le plus en aval qui passe commande des pièces dont il a besoin
aux sections de production et aux postes en amont : plus de
production destinée à ~tre stockée et, surtout, plus de stocks
intermédiaires eux-mêmes" (1). Ainsi, avec la prise en compte
des impératifs commerciaux, le capitalisme en mutation
s'oriente peu à peu vers un système de gestion où ce n'est
plus l'offre qui crée la demande, mais le contraire.
- Enfin, l'impératif de modernisation passe aujourd'hui
par la promotion de nouvelles industries "porteuses", .celles
qui seront à la base du nouveau modèle d'accumulation qui est
en train de se mettre en place. Il y a tout d'abord toute la
gamme des énergies nouvelles : le nucléaire contesté par les
écologistes mais qui fait son chemin, la source inépuisable
du soleil, l'immense espoir fondé sur les supraconducteurs
dont la maîtrise technologique pourra permettre d'importantes
économies d'énergie; il y a les techniques nouvelles de
fabrication des matériaux (bio-chimie, bio-industrie, nou-
velles synthèses ... ) ; et puis les promesses de la biotechnologie
--------~-----------------------------------------------------------
--
(1) Benjamin CORIAT, article cité, Août 1986

59.
qui font rêver : dès maintenan~, elles permettent de produire
des antibiotiques, des vitamines, des hormones, des vaccins,
du sucre sans canne à sucre ni betterave, du carburant auto-
mobile sans pétrole. Grâce à elles, en un an, un seul plant
peut donner deux-cent mille rosiers, la même vache au cours
de sa vie peut avoir cent veaux. Elles ouvrent de vastes
horizons pour les industries agro-alimentaires, constituent
de précieux outils pour la chimie et pour la mise au point
des énergies de substitution (biomasse et nouveaux carburants),
enfin, pivot central de la recherche technologique, l'élec-
tronique et ses applications multiples,
allant de l'infor-
matique à la télétransmission. Au total, pour chaque pays
industrialisé lancé dans la course frénétique à la moderni-
sation qui tient lieu de politique de sortie de crise, les
activités traditionnelles ne représentent plus grand-chose
parce que non rentables et non compétitives ; en même temps
l'impératif de modernisation transforme les industries de
la deuxième génération dans le sens d'une meilleure adapta-
tion aux contraintes du marché mondial, et contribue à la
promotion de nouvelles industries "porteuses", pour un nou-
veau modèle d'accumulation.
A travers ce mouvement de restructuration qui
s'opère dans le sens d'un gain de productivité sur des bases
nouvelles, s'opèrent de profonds bouleversements dans les
modes de vie, avec la possibilité de relance de nouveaux
biens de consommation courante pour une nouvelle consommation
de masse.

60.
La crise nous r~v~le une certitude : ce n'est pas
pour demain la fin du capitalisme - Il est plutôt doué
d'une formidable capacité d'adaptation et de transformation.
Certes, des zones d'incertitudes s'ouvrent toujours
sur de nouvelles questions auxquelles on ne peut répondre à
l'avance:
- l'usine post-taylorienne, avec la fin du travail
parcellisé et répétitif, annonce-t-elle la libération des
hommes? La recomposition des tâches, à travers une nou-
velle organisation du travail, peut certes permettre des
gains de productivité et rendre les entreprises plus compé-
titives au plan international. Mais les moyens de cette
restructuration sont autant de pressions sur le monde du
travail: fermetures d'entreprises, chômage, suppressions
d'emplois suite à la réorganisation du proc~s de travail,
etc.
Pour. chaque pays capitaliste développé peut se
poser alors la question de savoir comment les chômeurs
accéderont au marché des nouveaux biens de consommation ,
et autour de quel nouveau compromis social se développera
le nouveau rapport salarial que le mod~le post-fordien
impose aux travailleurs. Le mouvement syndical pourra-t-il
se transformer pour affronter les mutations en cours, sans
pour autant sortir perdant ou accepter que soient exclus des
milliers de salariés qui seront désormais exposés à des con-
ditions de vie précaires? Ou va-t-on s'acheminer vers un
repartage négocié des gains de productivité, dans le sens
d'une réduction de la durée du travail, avec un acc~s de
masse aux biens de consommation nouveaux ?

61 •
Et puis, il y a les pays du Tiers-Monde pris dans
ce tourbillon. Certains constituent de nouvelles bases pour
le redéploiement mondial du capitalisme (Corée du Sud, Inde,
Brésil ..• ). Mais pour le plus grand nombre de ces pays, les
problèmes liés à la baisse des prix des matières et du poids
de la dette extérieure demeurent. Dans ces conditions, la
diffusion de nouveaux biens de consommation ne se fera pas
sans poser problème
à ces pays, qu'ils adoptent une stra-
tégie de substitution d'importations ou de promotion des
exportations pour financer l'acquisition à l'étranger de
biens d'équipement (1). A moins que, après le moratoire
accordé en 1982 aux pays les plus Bndettés pour contenir
les risques d'un crach financier, l'on s'achemine vers une
annulation de fait de la dette du Tiers-Monde, comme ce fut
le cas pour les dettes russes et allemandes dans l'entre -
deux guerres.
Enfin, au plan international restent à trouver des
formes nouvelles de coopération, dans le sens d'une régulation
à même de concilier les intérêts nationaux. Comment dégager
une forme viable d'articulation des divers Etats-Nations et
plus fondamentalement un régime d'accumulation à l'échelle
mondiale ?
Certitudes, incertitudes:
la liste des questions
est longue. Ce sont là des questions qui restent ouvertes.
Mais elles ne constituent pas des limites absolues. Et les
------------------------------------------------------------
(1) Robert BOYER, "La grande dépression de la fin du JaXème
et la crise actuelle: réflexion introducti ves", in
cahier du GEMDEV nO 6, Mars 1986 ; Alain LIPIETZ,
"La mondialisation de la crise générale du fordisme.
1967-1984", in "cahier du GEMDEV" nO 5, 1985-1986.

62.
obstacles sur lesquels bute actuellement le capitalisme
constituent peut-être les moyens de sa transformation vers
un nouveau "bond en avant" à l'échelle mondiale.
A la base de ce nouveau "bond en avant" se trouvent
à la fois l'Etat et les FMN. A travers le processus de
restructuration en cours s'accélère l'internationalisation
de la production qui prend la forme d'opérations d'implan-
tations sur les marchés les plus importants, accompagnées de
rachats, d'absorption, de prises de participations, de lance-
ment de nouveaux produits. Dans cette compétition, les FMN
déploient un effort sans précédent pour rationaliser la pro-
duction opérée dans un cadre planétaire : accroissement de la
spécialisation en vue d'une plus grande efficacité, recherche
d'économie d'échelle. Cet impératif de rationalisation de la
production à l'échelle mondiale n'entraîne pas forcément la
guerre économique. Elle peut inciter les FMN à passer entre
elles des accords de coopération industrielle et technologi-
que visant à des spécialisations intra-branches internationales.
Et les Etats favorisent largement ces nouvelles formes de
coopération entre FMN d'origines nationales différentes,
comme c'est le cas en Europe (projet EUREKA, conception de
l'Airbus par des firmes françaises en collaboration avec des
firmes britanniques, nouveau projet de construction d'héli-
coptères à partir de technologies de pointe conçues par la
RFA et la France ... ). Derrière le discours "libéral" qui fait
beaucoup de bruit, décha1né pour privatiser et "déréglementer",
c'est encore l'Etat qui constitue le support central de la
recherche technologique. Pour preuve, aux Etats-Unis, l'action
du secteur public s'est traduite en 19S3 par l'allocation de

63.
520 millions de dollars aux nouvelles biotechnologies (1).
De même, les secteurs industriels dynamiques sont pour
l'essentiel liés aux programmes fédéraux de défense et de
recherche.
(2)
Outre le soutien qu'il apporte à la recherche dont
les résultats profitent aux FMN, l'Etat prend en compte la
commercialisation des produits issus des activités de
recherche. Le Japon est en avance dans cette voie. Les firmes
japonaises sont d'autant plus compétitives qu'elles reçoivent
l'appui d'organisations étatiques dans le cadre d'une coordi-
nation stratégique organisée par le MITI. Le modèle japonais
se révèle donc particulièrement compétitif par le jeu de
l'alliance réussie des groupes industriels, commerciaux et de
l'Etat et, aussi, par le maintien d'un certain ordre social
contrôlé lui aussi par l'Etat.
Partout l'Etat! Les questions sur l'avenir du
capitalisme, dans ses liens avec les stratégies de restruc-
turation qui tiennent lieu de politique de sortie de la crise,
ne peuvent plus être posées en terme de choix exclusif =
l'Etat ou le marché. La logique capitaliste qui se déploie
à l'échelle mondiale est un mixte de la rationalité marchande
propre aux FMN et de l'appui des organismes étatiques. Avec
pertinence, W. ANDREFF souligne cette tendance du capitalisme
en mutation :
------------------------------------------------------------
(1)
(2) - B. STEINBERG, "Le reaganisme et l'économie améri-
caine dans les années quatre-vingt", in "Critiques
de l'Economie Politique" nO 31, Avril-Juin 1985.

64.
"L'articulation entre des Etats qui différencient
l'espace économique international et des multinationales qui
exploitent ces différences à leur profit, préfigure un véri-
table capitalisme mondial d'Etats, dans lequel la coopération
entre Etats et multinationales devrait devenir la base de
toute la régulation économique" (1). Un capitalisme mondial
d'Etats qui émerge peu à peu avec une nouvelle règle du jeu?
C'est là, comme nous l'avons vu, une hypothèse fondée sur
des tendances observables. Même si les configurations de la
nouvelle forme de coopération internationale ne sont pas
encore totalement maîtrisables.
L'objet d'étude, c'est la direction des mutations
en cours qui ouvrent un vaste champ des possibles, mais qui
comportent bien sûr des contraintes qui peuvent tout remettre
en cause. Les prophéties n'ayant plus cours, on s'en tiendra
à une constatation : le capitalisme traverse la crise et
continue son expansion à l'échelle mondiale en s'adaptant et
en se transformant, dans le cadre d'une stratégie concertée
des FMN et des Etats.
Mais s'en tenir uniquement à ce constat relèverait
d'un optimisme et d'une ferveur religieuse extrêmes pour la
voie capitaliste comme
seule
issue à la crise. L'histoire
fait son travail dans le sens de l'adaptation et de la trans-
formation des structures sociales, mais aussi dans le sens
des ruptures. Il n'est donc pas exclu qu'à côté des issues
capitalistes à la crise, il existe une issue non capitaliste
à la crise. "Quelque chose"
qui ne sera pas forcement le
-------------------------~----------------------------
---
(1) W. ANDREFF, Les multinationales, La Découverte, Paris
1987, p. 119.

65.
socialisme qui promet un avenir radieux dans une "société
sans classes". Plutôt une autre organisation de l'économie,
de la société, des rapports sociaux, "dont l'Etat est à la
fois la colonne vertébrale et le système nerveux" (1). C'est
l'hypothèse du "système étatiste", qui constitue la deuxième
voie de réflexion sur les évolutions futures.
Un système déjà
en oeuvre, mais "qui fonctionne encore comme système second,
souvent en articulation et d'une manière dominée par rapport
au capitalisme, et qui est donc loin d'avoir accompli toutes
ses potentialités" (2) ; une nouvelle société de classe,
dominée par une classe dirigeante qui se reproduit sur la
base de la maîtrise de l'appareil d'Etat; une nouvelle logi-
que économique, "axée moins sur la production marchande
porteuse de plus-value et plus sur l'accomplissement d'objec-
tifs définis en fonction de la collectivité nationale, avec,
sous l'apparence du salariat, la prise en charge de chacun par
l'Etat". Au total, un corps social réduit à l'état de "stata-
riat 1l (3) placé sous l'autorité d'une "statocratie".
(4)
------------------------------------------------------------
(1) (2) - Michel BEAUD, "Sur l'hypothèse du "système national/
mondial hiérarchisé", in "cahier du GEMDEV nO 5,
1985-1986;
"sur la spécificité de la crise", in
"cahier du GEMDEV" nO 6, Mars 1986 ; voir également
"Le système national/mondial hiérarchisé, La Décou-
verte, Parls, 1987.
(3) -Le "statariat" est défini comme étant d'un côté la fonc-
tionnarisation des actifs: tous fonctionnaires, c'est-
à-dire assurés d'un emploi stable jusqu'à la retraite
c'est aussi la prise en charge par la collectivité à
travers l'Etat (protection, assistance).
(4) - la "statocratie", c'est la classe qui a réussi à s'assu-
rer la maîtrise de l'appareil d'Etat et qui, sur cette
base, se constitue et se perpétue en classe dominante.

66.
Encore une fois, partout l'Etat. Et partout aussi
la tendance à l'élargissement des zones d'interférence entre
logique étatique et rationalité capitaliste. La Chine popu-
laire de DENG et l'URSS de GORBATCHEV ne sont-elles pas en
train de découvrir les vertus de la coopération avec les FMN
capitalistes pour réussir la modernisation de leurs structures
productives afin de mieux consolider les bases de leur souve-
raineté nationale ?
En fait, au-delà du capitalisme et des formes diverses
d'autoritarisme étatique, les voies existent, nombreuses, pour
libérer l'imagination créatrice.

67.
DEUXLEME.. PA RT lE
LES MODALITES D'INTEGRATION
DE L'ECONOMIE IVOIRIENNE DANS LE SYSTEME
NATIONAL/MONDIAL HIERARCHISE

68.
Un fil conducteur : à travers une dynamique à la
fois d'unification et de déstructuration/soumission, le SNMH
agit sur le développement économique de la Côte d'Ivoire.
C'est une action d'expansion et de diffusion qui peut s'ana-
lyser comme étant celle d'un modèle de développement damnant,
celui des pays capitalistes avancés ou économies dominantes.
Introduction de cultures marchandes et monétarisation, indus-
trialisation et "modernisation"., introduction de nouvelles
habitudes de consommation par la création de nouveaux besoins,
rôle accru des groupes bancaires internationaux dans le
financement du développement national sont autant de trans-
formations qui sont liées au mode d'insertion de l'économie
ivoirienne dans l'économie mondiale.
Mais ces transformations ne sont pas le produit de
la seule influence extérieure. Des canaux à l'intérieur de
la société ivoirienne servent de supports à cette influence
extérieure. Dès lors, l'impact des forces structurantes que
déploie le SNMH sur le développement national est fonction
non seulement du cadre mondial et international, mais aussi
des structures sociales internes.
C'est pourquoi, dans les lignes qui suivent, il
conviendra de comprendre les modalités d'intégration de
l'économie nationale dans le SNMH comme une combinaison de
et
facteurs internes.de facteurs externes.

69.
A partir de cette hypothèse de travail, nous
étudierons trois formes d'intégration - à la fois distinctes
et reliées - de l'économie ivoirienne dans le SNMH
- d'abord, l'intégration productive primaire, à travers
laquelle sont jetées les bases de la spécialisation dépendante
de la Côte d'Ivoire;
- Ensuite, l'intégration productive industrielle, à
travers laquelle se déploie la stratégie de marché des FMN
- Enfin, l'intégration financière, marquée par le poids
de la dette extérieure.

70.
CHAPITRE l
L'INTEGRATION PRODUCTIVE PRlr~IRE
UNE SPECIALISATION INTERNATIONALE DOMINEE.
La spécialisation internationale de la cate d'Ivoire
dans la production et l'exportation de produits primaires
est à la base de la croissance économique exceptionnelle
enregistrée après l'accession à l'indépendance nationale en
1960 (7,1 % en moyenne sur la période 1965-1973, puis 3,7 %
en moyenne sur la période 1973-1984). (1)
Ce "modèle" de croissance dont les bases ont été
jetées dès la période coloniale, et qui se présente après
l'indépendance comme le fondement d'une stratégie de dévelop-
pement national, est la résultante de deux facteurs importants
pour comprendre l'insertion de la Cate d'Ivoire dans la DIT
en tant que source d'approvisionnement des économies dominantes
en matières premières agricoles.
D'un point de vue historique, la spécialisation
internationale de la Côte d'Ivoire est étroitement liée à la
politique coloniale de "mise en valeur" des territoires sous
administration française. A travers cette politique, la
France entretient avec la Côte d'Ivoire des rapports spécifi-
ques : l'organisation des activités productives en Côte
d'Ivoire se fait non en fonction de la satisfaction des
besoins locaux, mais en fonction des besoins du système produc-
tif français en matières premières. Ce sont là des rapports
de domination de type classique qui se mettent en place et
qui amorcent un processus d'extraversion structurelle.
-------------------------------------------------------------
(1) Banque Mondiale, Rapport sur développement dans le Monde,
1986.

71.
De ce point de vue, l'insertion de: l'économie ivoirienne
dans la DIT apparaît comme le fait d'une contrainte imposée
par l'économie française dominante qui, par son action
d'expansion, transforme l'économie ivoirienne dans le sens
d'une nouvelle logique.
Mais en même temps, cet héritage colonial servira
de base aux planificateurs ivoiriens qui auront, lors de
l'accession à l'indépendance, la charge de définir une nou-
velle stratégie de développement économique national. Et
cela pour deux raisons essentielles. En premier lieu, la
place de l'agriculture d'exportation dans la stratégie retenue
correspond, pour l'Etat ivoirien, à un besoin. de financement
de la croissance : accroître le volume de la production agri-
cole destinée à l'exportation en vue d'obtenir des ressources
qui pourront être, dans une certaine proportion, affectées à
d'autres secteurs d'activités ainsi qu'aux dépenses d'~quipe­
ments socio-collectifs nécessitées par la croissance. En
second lieu, l'importance du secteur agricole exportateur
dans la stratégie du développement économique national peut
s'expliquer par le fait que les planteurs ivoiriens sont,
en 1960, les principaux acteurs économiques. Le choix du
secteur agricole exportateur comme moyen d'accession au déve-
loppement vient comme le prolongement du processus de monéta-
risation et d'intégration marchande déjà amorcé au sein de
la société ivoirienne au cours de la période coloniale :
la satisfaction de nouveaux besoins créés, en correspondance
avec l'intégration marchande des acteurs économiques etsœiaux
internes, exige de produire plus pour l'extérieur en vue de
se procurer les revenus monétaires nécessaires à l'acquisition
de biens nouveaux.

72.
Au total, il est donc possible d'étudier la specla-
lisation internationale de la Côte d'Ivoire en produits
primaires d'exportation comme le résultat de deux actions
combinées : une force contraignante extérieure qui, en se
développant à travers l'expansion des économies dominantes,
transforme les structures productives locales ; pris dans
ce mouvement, des acteurs économiques et sociaux internes
reçoivent et transmettent cette influence externe, qui peut
prendre la forme d'un choix de stratégie de développement.
Cette stratégie s'inscrit dans la logique de diffusion du
modèle dominant dans la mesure où elle permet à la fois
l' orientat ion de la product ion vers l ' approvi_sionnement de s
systèmes productifs dominants et la formation d'une capacité
d'importation en vue de satisfaire les nouveaux besoins créés
par la diffusion du modèle dominant (biens de consommation
courante, biens d'équipement .•. ).
C'est à partir de cette interrelation des forces
externes et internes que nous pouvons comprendre les problèmes
liés à la spécialisation internationale de l'économie ivoi-
rienne en produits primaires d'exportation. On examinera dans
un premier temps comment s'opère, à travers les modalités
d'insertion de la Côte d'Ivoire dans la DIT, la perturbation
des logiques économique et sociale qui étaient à l'oeuvre au
sein de s systèmes agraire s traditionnels. Nous verrons ensuite
pourquoi les nouvelles activités productives qui déterminent
la spécialisation internationale de la Côte d'Ivoire déve-
loppent et renforcent sa soumission à une logique de repro-
duction qui a sa dynamique à l'extérieur de l'économie
ivoirienne, plus précisément au sein des systèmes productifs
dominants.

73.
1 - De l'agriculture de subsistance aux cultures
commerciales d'exportation:
l'introduction d'une
nouvelle logique sociale.
Quand en 1893 la Côte d'Ivoire devient "zone d'in-
fluence et d'occupation francaise", en vertu des accords de
la conférence de Berlin (1885), les premières fonctions de
l'administration coloniale consistent à favoriser le déve-
loppement du commerce (1). Etablies sur la côte, les maisons
de commerce européennes assurent les importations de marchan-
dises: alcools, fusils, poudre pour les armes, tabac, tissus
et fils, savons, ciment, etc. En contrepartie, il est exporté
de la colonie l'huile et l'amande de palme, le bois d'acajou,
le caoutchouc naturel, les peaux de singe, la poudre d'or et
l'ivoire. Viennent ensuite
l'a~achide,
le bois de teinture,
le coprah, les fibres de palme,
la noix de coco, la cola,
la gomme de copal. Enfin on notait déjà, dans le rapport
d'inspection établi en 1895 sur la situation commerciale de
la Côte d'Ivoire, l'exportation du café vert provenant de la
plantation d'Elima.
(2)
Très tôt donc, c'est sur la base de l'exportation
des produits primaires que l'économie ivoirienne établit ses
rapports avec l'Europe (essentiellement la Prance), ce qui
permet en retour la formation d'une capacité d'importation
de produits nouveaux destinés à la consommation intérieure.
-----------------------------------------------------------
(1) Cf. "Rapport sur la situation commerciale
de la colonie
de Côte d'Ivoire", Ministère des colonies - Service de
l'Inspection, Paris, 25 avril 1895. Doc. Archives nationales,
section Outre-Mer, Paris.
(2) Cette plantation appartenait à la Maison de Commerce Verdier,
devenue plus tard la Compagnie Francaise de Kong.

74.
Par le contrôle qu'elles exercent sur les échanges,
les maisons de commerce structurent le marché local,
ouvrant la voie à l'extension progressive des circuits
marchands. On compte déj à, en 1895" douze maisons européennes
qui, à partir de la côte, ouvrent plusieurs succursales :
Lwanzy, de Grand-Bassam étend ses activités à Assinie,
Jacqueville et Grand-Lahou ; Verdier, installée également à
Grand-Bassam, contrôle des succursales à Assinie, Grand-Lahou,
Fresco, Béréby ; Rider and Son à Jacqueville, Lahou, Fresco,
Sassandra, Drewin ; la Société Coloniale Française de la
Côte dé Guinée à Grand-Bassam ; King sur tous les points de
la côte depuis Jacqueville jusqu'à Béréby ; l'Impérial West
African Co à Grand-Bassam et à Assinie ; Woodin sur la côte
Ouest depuis Drewin jusqu'à Tabou; A.Fraissinet et Cie à
Grand-Bassam ; Lucas sur tous les points de la côte, depuis
Grand-Lahou jusqu'à Drewin ; Clinton à Assinie ; Julio à
Tabou; enfin Molaret et Domergue à Grand-Bassam (1). Sous
l'impulsion de ces maisons de commerce européennes, les
échanges se développent rapidement en Côte d'Ivoire. Ainsi,
dès 1894, les exportations ivoiriennes étaient
estimées à 4.069.409 francs contre 3.124.052 francs pour
les importations.
(1)
Ces résultats témoignent de l'importance et du dyna-
misme des maisons de commerce. Mais la pénétration coloniale
fondée sur le développement des échanges commerciaux ne
s'appuie pas uniquement sur ces maisons d'origine européennes.
-----------------------------------------------------------
(1) "Rapport sur la situation commerciale de la colonie de
Côte d'Ivoire", op.cit.

75.
Ainsi on peut lire dans le rapport mentionné ci-dessus :
"Il ne faut pas .. omettre de mentionner ic i le s nombreux
commerçants indigènes qui constituent dans cette colonie,
un facteur très important du mouvement commercial, tant à
l'importation qu'à l'exportation. Ces traitants indigènes
ont payé, en 1894, la somme de 155.876 francs de droit de
douane. "
Au sein des structures sociales traditionnelles
des supports existent donc, qui contribuent à l'extension
des circuits marchands. C'est le cas des Appoloniens sur la
côte; c'est aussi le rôle que ~.nt les Dioula dans les
régions reculées de l'intérieur.
Avec l'introduction de l'échange contre argent, on
peut comprendre que les rapports sociaux soient peu à peu
chargés d'un nouveau contenu. Parce que les revenus moné-
taires issus de l'échange peuvent désormais être utilisés
sur un marché qui fournit des produits nouveaux, la voie
peut être ouverte à une intégration marchande progressive
de la société. Quand les nouveaux biens de consommation
acquis sur le marché ne font pas l'objet d'une appropriation
collective au sein de la communauté villageoise, ils peuvent
devenir signes d'enrichissement individuel, et donc de diffé-
renciation.
Mais il ne faut pas voir ici le développement d'une
économie marchande généralisée. Et cela pour une raison
essentielle: jusque-là, si l'on se réfère à la nature des
produits exportés, les échanges de la Côte d'Ivoire avec

76.
l'extérieur ne portent principalement que sur une partie
du surplus dégagé dans le cadre de l'agriculture de subsis-
tance. Puisque ce surplus est nécessairement limité du fait
du faible niveau de développement des forces productives,
les transactions qu'il occasionne vont être également limitées,
l'autoconsommation absorbant la plus grande partie de la
production agricole.
Le rappel des traits généraux communs aux systèmes
agraires traditionnels ivoiriens permet de comprendre
comment fonctionne la résistance au processus de monétarisa-
tion et de marchandisat ion.
Cr)
-----------------------------------------------------------
(1)
On consultera avec intérêt :
- M. DUPIRE, Planteurs autochtones et étrangers en Basse-
Côte d'Ivoire orientale, Mission du Conseil Européen des
Recherches Sociologiques Outre-Mer, 1960.
- MAZOYER M.L., "Développement de la production marchande
et 9è transformation d'une formation agraire en Côte
d'Ivoire", in l'Agriculture africaine et le capitalisme,
sous la direction de Samir AMIN, Ed. Anthropos
IDEP, 1975.
- C. MEILLASSOUX, Anthropologie économique des Gouro de Côte
d'Ivoire - De l'économie de subsistance à l'agriculture
commerciale, MOUTON, 1974.
- J.P. DOZON, La société Bété, KARTHALA-ORSTOM, 1985.
- G. ROCHETEAU, Les formes préindustrielles de coopération
en Afrique, ORSTOM, Dakar, 1975 .
- R. BADOUIN, Les agricultures de subsistance et le développe-
ment, Ed. A. pédone, Paris 1975.
- J.S. CANALE, Afrique Noire Occidentale et Centrale, Editions
Sociales, 1977 (notamment les tomes 2 et 3).

77.
En premier lieu f~ce aux contraintes liées aux
conditionsrrême de la production - moyens de production
peu nombreux et de faible niveau (couteau, machette, houe
à désherber, houe et "daba" à butter ... ) -
la société
s'organise en vue d'assurer en priorité la sécurité alimen-
taire. L'organisation de la production et la gestion des
récoltes sont toujours placées sous la responsabilité d'un
chef. L'unité d'exploitation se concrétise par le champ
commun et le stockage collectif de la révolte issu de ce
champ. Le chef de l'unité d'exploitation - l'homme le plus
âgé - est le chef de grenier. A ce titre, il assure la dis-
tribution des rations alimentaires, décide de l'affectation
des ressources (la terre, le travail) sur les champs de la
communauté villageoise. C'est sous son autorité que le sys-
tème de cultures à mettre en place est également décidé en
harmonie avec les besoins de consommation interne.
En second lieu, le reglme foncier basé sur la pro-
priété collective de la terre reconnaît à tous l'exercice
d'un droit d'usage à titre gratuit. Ce statut foncier, choisi
pour sauvegarder l'intérêt communautaire, interdit toute alié-
nation du patrimoine terrien.
Enfin, des formes de coopération sont établies dans
le sens d'une participation solidaire des membres de la com-
munauté aux travaux pénibles. G. ROCHETEAU les regroupe en
trois grandes familles :
"1 - la coopération communale : des associations de tra-
vailleurs le plus souvent constituées sur la base de classe
d'âge ou de groupes de fraternité réalisent des travaux béné-
ficiant à l'ensemble de la collectivité;

78.
2 - l'aide réciproque: plusieurs individus ou plusieurs
groupes s'apportent tour à tour une aide mutuelle;
3 - l'invitation autravàil collectif: un villageois
fait appel à l'aide d'autres villageois pour effectuer un
travail exigeant une nombreuse main-d'oeuvre" (1)
Autorité et responsabilité du chef de l'unité d'ex-
ploHation
chargé de l'affectation des ressources, propriété
collective de la terre et formes diverses de solidarité au
travail, telles sont les institutions à la base de l'organi-
sation de la production agricole en vue d'assurer la sécurité
alimentaire. Dans ces conditions, l'apparition d'un surplus
n'ouvre pas forcément la voie à une différenciation sociale
sur des bases antagoniques. Tout dépendra du mode de généra-
tion, d'appropriation et d'affectation de ce surplus. Tant
que le travail est organisé sur la base de la coopération -
solidarité mesurée par le temps de travail consacré aux
champs communs - et de la propriété collective de la terre,
vers une appropriation privée du surplus est freinée ou
ralentie. Car "la réussite économique, l'enrichissement indi-
viduel ne doivent pas devenir les éléments de promotion
sociale aux lieu et place de l'ancienneté, du pouvoir de médi-
ation, de l'aptitude à faire des références correctes à la
coutume ...
L'affectation du surplus répond à des normes
sociales et doit consolider les structures de la société" (2)
-----------------------------------------------------------
(1) G. ROCHETEAU, op.cit, p.4?
(2) R. BADOUIN,
Le développement ~~ricole en Afrique tropicale,
Cujas, Paris, 1985, p. 14, 15.

79.
A la, logique portée par la tendance à IJexpansion
des circuits marchands par les maisons de commerce et leurs
relais locaux.., s'opposent donc le s, logiques économiques et
sociales à l'oeuvre dans les formations agraires tradition-
nelles. Alors quels éléments nouveaux contribueront fonda-
mentalement à la déstructuration du système agraire tradi-
tionnel ? Pour répondre à cette question, référons-nous aux
objectifs assignés à la politique coloniale de "mise en
valeur" de la Côte d'Ivoire:
"Il est apparu très nettement que l'ère de cueillette avait
pris fin et que dans nos colonies.., la mise en valeur métho-
dique et raisonnée du sol devait être poursu~v~e...
On l'a compris, depuis longtemps déjà, en Côte d'Ivoire;
notre devoir est d'apporter à la métropole des matières
premières de plus en plus abondantes et les denrées de
consommation (café, cacao, bananes ... ) dont elle a besoin.
Loin de restreindre la production, la crise actuelle nous
commande de l.'accroître le plus possible. La baisse de prix
doit être compensée
par un apport sans cesse accru des
produits. La crise que nous subissons n'est pas une crise
de surproduction. C'est une crise de rajustement des prix.
Nous pouvons et nous devons doubler et tripler notre produc-
tion." (1)
-----------------------------------------------------------
(1) Cf. "Déclaration du gouverneur des colonies Reste à
Messieurs les chefs de service de l'agriculture et du
service zootechnique et à Messieurs les commandants de
Cercles", Bingerville, 4 Avril 1931, Archives Nationales
de Côte d'Ivoire.., Dossier v- 8-203 (3373).

80.
Le type de production dont il est question ici
introduit une nouvelle échelle des priorités dans la pro-
duction agricole: il faut avant tout assurer l'approvision-
nement de la métropole en matières premières. A la différence
du surplus qui était issu de l'agriculture de subsistance et
dont une partie seulement pouvait être commercialisée, le
reste assurant les besoins alimentaires internes, le surplus
créé à partir de l'introduction de cultures nouvelles (café,
cacao ... ) prend dans sa totalité une forme marchande (1).
Commandé par la logique de reproduction d'un système productif
dominant - celui de la métropole - l'accroissement de ce sur-
plus, destiné exclusivement à l'exportation, jette les bases
de la spécialisation internationale de l'économie ivoirienne
en produits primaires.
----------------------------------------------------------
(1) Voir Etude de J. POUCHEPADAS, "L'économie paysanne et le
marché dans l'Inde moderne", in sociétés paysannes du
Tiers Monde, Sous la direction de C. Coquery-Vidrovitch,
Presses universitaires de" Lilië 1980 : à juste titre,
il fait la distinction entre "surplus commercialisable"
et "surplus commercialisé" ; le surplus commercialisable
est le résidu des récoltes une fois satisfaits la consom-
mation familiale et les besoins de l'exploitation (
(semences ... ) ; le surplus commercialisé est la quantité
de produit effectivement vendue, quels que soient les
besoins familiaux et autres. Cette quantité peut excéder
le surplus commercialisable (quand celui-ci existe),
dans le cas où le cultivateur vend pour pouvoir effectuer
une dépense monétaire ou dans toute autre situation ana-
logue.

81.
Mais comment "libérer" la force de travail et
l'affecter à de nouvelles activités si, en l'absence d'une
amélioration notable des techniques de production, elle
reste largement retenue dans les structures de production
caractéristiques de l'économie de subsistance?
D'abord par la contrainte, avec l'instauration de
l'impôt de capitation. En 1916, cet impôt était fixé au taux
uniforme de 2,50 F par personne (1). Pour s'acquitter de
l'impôt, le paysan est obligé de consacrer une partie de son
champ à la culture des produits qui rentrent directement dans
les circuits marchands. Outre l'obligation de payer l'impôt
personnel, l'administration coloniale exige de chaque cercle
des "fournitures taxées", c'est-à-dire une quantité déter-
minée de produits _marchands,
en fonction des possibilités
supposées et des besoins des sociétés commerciales qui payent
à des prix fixés officiellement
. (2)
La quasi-totalité des nouvelles cultures introduites
se développent essentiellement dans les régions forestières
du centre et du Sud. Aux régions de savane du Nord sera
dévolu le rôle de ravitaillement en main d'oeuvre:
----------------------------------------------------------
(1) G. ANGOULVANT, La pacification de la côte d'Ivoire,
Editions Larose, 1916, p. 57.
(2) .l. SURET-Cl'oJ'JP_LE, Afrique noire occidentale et centrale,
l'ère coloniale (1900-1945), Editions Sociales, Paris,
1964, pp.
432-441.

82.
I l ,
Puisque l'administration coloniale exigeait le
paiement de l'impôt de capitation en espèces, l'accomplisse-
ment des prestations ou leur rachat en argent ; puisque les
produits nouveaux de consommation étaient introduits jusque
dans les endroits les plus reculés, de gré ou de force; les
populations des savanes du Nord descendaient dans le Sud
forestier et sur le littoral pour travailler soit dans les
plantations d'européens ou de "notables" autochtones soit
sur les chantiers d'abattage du bois ... ; contribuant ainsi
à créer un déséquilibre démographique entre les deux régions" (1)
L'approvisionnement
des zones forestières en .main-
d'oeuvre est assuré par le SIAMO (Syndicat Interprofessionnel
pour l'Acheminement de la filain-d'oeuvre). Sur la période 1951-
1958, le nombre total des migrants vers le Sud est évalué à
222.566 (voir tableau). Samir AMIN les évalue à 850.000 per-
sonnes de 1950 à 1965, un apport d'autant plus important pour
l'économie de plantation qu'il est composé d'hommes jeunes.
(2)
------------------------------------------------------------
(1) SEMI-BI-ZAN, La politique coloniale des travaux publics
en Côte d'Ivoire (1900-1940), Annales de l'Université
d'Abidjan, 1973-1974.
(2) S. AMIN, Le développement du capitalisme en Côte d'Ivoire,
Editions de Minuit, 1967, p. 32.

83.
TABLEAU
RECRUTEMENT DE MAIN-D.' OEUVRE DE 1951 à 1958
Années de
Nombre de travailleurs recrutement
Tot~
recrutement
Par le SIAMO
Par des particuliers
1951
-
-
50.0~
1952
27.347
12.513
39.860
1953
19.936
4.994
24.930
1954
6.564
1
22. 122
28.686
1
1955
12.737
14.580
27.31 7
1956
15.037
5.549
20.586
1957
14.267
3.163
17.430
1958
17.329
3.411
20.740
Source
Inventaire économique et sociale de la Côte d'Ivoire,
1947-195~, Ministère des finances, des affaire~
sociales et du plan, service de la statistique,
Abidj an, 195§.

84.
TABLEAU
ORIGINE DE LA MAIN~D'OEUVRE RECRUTEE PAR LE SIAMO
Années de
recrutement
·1
1954
1955
1956
1957
/1958
Centres
Bobo-Dioulasso
(Haute-Volta)
18.625
14.461
10.898
8.389
8.086
Ouagadougou
(Haute-Volta)
3.924
6.607
6.726
6.227
9.094
Koudougou
(Haute-Volta)
2.556
2.414
2.013
1. 778
1. 495
Ferkessédougou
(Nord Côte d'Ivoire)
2.733
1.849
798
736
614
Divers
821
1.986
151
300
1. 451
TOTAL
28.685
27 .317
20.586
17.430
20.740
Source
Inventaire économique et social de la Côte d'Ivoire,
1947-1958~ Ministère des finances~ des affaires
sociales et du plan, service de la statistique,
Abidjan~ 1959.

85.
A cette mobilisation importante de la force de
travail va correspondre une nouvelle utilisation de la
terre. Parce que le développement des cultures commerciales
d'exportation repose essentiellement sur les populations
villageoises, le droit coutumier sur la terre ne disparaît
pas (1). Mais en même temps, ce droit n'a plus le même
contenu. En premier lieu, parce que l'introduction de nou-
velles dispositions juridiques vont permettre l'octroi de
larges concessions aux exploitants forestiers européens -
en 1945, les concessions forestières localisées dans le Sud
de la Côte d'Ivoire couvraient plus de 2 millions d'hectares
répa+>:tis entre 1019 chantiers
(2); en secohd lieu, parce que
l'introduction de cultures pérennes comme le caféier et le
cacaoyer dans le système agraire va modifier les règles
d'attribution de la terre:
".•. alors que dans le système vivrier traditionnel, la
terre n'était attribuée que pour le temps où la récolte des
fruits du travail pouvait s'y poursuivre, avec les planta-
tions caféières et cacaoyères, l'attribution de la terre
prend de plus en plus un caractère définitif confinant à un
endroit de propriété privée sur le sol. Il y a donc un recul
important de la propriété collective de la terre au profit
d'une possession privée, pérennisée." (3)
-----------------------------------------------------------
(1) La Côte d'Ivoire n'a jamais été une colonie de peuplement.
La population européenne est évaluée en 1930 à 3.195
personnes contre 1.672.992 autochtones. Cf. Monographie
pour l'exposition coloniale de Paris, 1931 - Archives
"Nationales de Côte d'Ivoire - Dossier V.30-102 (5278).
~
(2) J.S. CANALE, op.cit, p.
(3) Voir étude de J. MAZOYER, op.cit., p. 159

86.
Introduites d'abord par la contrainte, les cultures
commerciales connaîtront une extension rapide.Ce n'est plus
une force de contrainte externe qui impose ces cultures.
Intégrées progressivement à la sphère marchande, les popula-
tions villageoises se consacrent de plus en plus aux activi-
tés qui leur procurent des revenus monétaires. Ainsi, dès
1939, on note que sur une superficie totale de 180.000 hec-
tares de cacaoyers, 172.000 hectares appartiennent aux plan-
teurs ivoiriens contre seulement 8.000 hectares aux colons.(l)
Il en est de même pour les caféiers qui occupent une super-
ficie totale de 74.000 hectares en 1939-1940, avec 55.000
hectares appartenant aux planteurs ivoiriens.
(1)
En liaison avec le processus de monétarisation qui
se développe, la finalité même de la production change sous
l'emprise d'une logique centrale, celle du marché. Avec
l'extension des cultures de café et de cacao, cë n'est plus
l'utilité sociale du bien produit qui importe, mais la
forme que prend ce bien, c'est-à-dire une forme marchande =
vendre en vue d'acquérir des revenus monétaires; ces revenus
monétaires servent à leur tour à l'achat de biens de consom-
mation nouveaux en vue de satisfaire les besoins nouveaux
créés; l'accroissement des besoins nouveaux, du fait de
l'intégration marchande de la société, appelle l'accroissement
de la production destinée à l'exportation, etc ....
-----------------------------------------------------------
(1) J.S. CANALE, op.cit., t.2 , p. 283-284.

87.
Cette spirale de marchand~sation doit· @tre comprise
comme l'action d'expansion et de diffusion d'un modèle de
développement dominant - impulsé par la métropole - qui
soumet toutes les autres fQrmes sociales de production à
sa propre logique de reproduction. Mais en même temps qu'il
se diffuse sur la base de rapports de domination, ce modèle
a un pouvoir de séduction sur les formations sociales locales
dominées. Entraînées dans le jeu de l'échange marchand, elles
contribuent largement à l'extension des cultures commerciales
d'exportation en Côte d'Ivoire. Et c'est à travers ce jeu que
vont être consolidées les bases de la spécialisation interna-
tionale de la Côte d'Ivoire.

88.
SEGrICN II
LE SECTEUR AGRICOLE. EXPORTATEUR COMpΠBASE
DE LA SPECIALISATION INTERNATIONALE DE LA
.
. .
.
COTE D'IVOIRE: CONTRAINTES ET DEPENDANCE.
Rappelons pour mieux comprendre. Il ya les pays qui
s'insèrent dans l'économie mondiale sur la base d'une spécia-
lisation internationale dominante, c'est-à-dire celle qui fait
apparaître, dans les échanges extérieurs, des positions fortes
dans les productions clés de la période (agricoles, industri-
elles ... ), ainsi que dans les activités déterminantes pour
l'avenir (notamment les activités scientifiques et technolo-
giques). Ces pays constituent le groupe des économies domi-
nantes.
Et il Y a les pays qui s'insèrent dans l'économie
mondiale sur la base d'une spécialisation internationale
dominée, c'est-à-dire celle qui fait apparaître des rapports
de dépendance, des contraintes, sous la pression de forces
et de logiques extérieures - qui trouvent au plan national
des canaux de transmission - émanant des économies dominantes.
Ces pays constituent le groupe des économies dominées.
Structurée au cours de la période coloniale en
économie primaire exportatrice, l'insertion de la Côte
d'Ivoire dans le système économique mondial est caractéris-
tique de celle d'une économie nationale dominée.
Cette situation explique, en premier lieu, la sou-
mission du système productif ivoirien à la logique de repro-
duction des économiesdominantes.

89.
Nous avons vu comment les cultures de rente ont
constitué la base de spécialisation internationale de l'éco-
nomie ivoirienne. Cet héritage colonial servira d'appui aux
planificateurs ivoiriens qui auront la charge de définir une
nouvelle stratégie de développement national :
" ••. l'agriculture, par les devises qu'elle nous procure
et par les revenus qu'elle distribue, demeure et demeurera
tout au long de la décennie le principal moteur de la crois-
sance.
Les perspectives des marchés de nos productions d'expor-
tation étant dans l'ensemble favorables, il nous appartient
de les mettre à profit, en particulier par une politique
active de promotion et par un effort permanent d'adaptation
aux exigences de la demande".
(1)
Résultat: d'abord une forte intégration de l'écono-
mie ivoirienne dans le commerce mondial, accentuant du même
coup sa dépendance vis-à-vis des marchés extérieurs.
----------------------------------------------------------
..,.,
(1) Ministère du plan, "Plan quinquennal de développement
économique, social et culturel 1971-1975",
Abidjan,
République de Côte d'Ivoire, 1972.,
~" __
,
1

90.
TABLEAU / TAUX D'OUVERTURE AU COMMERCE INTERNATIONAL -
(Côte d'Ivoire, France, Etats-Unis, Japon -
1965 ; 1985).
PAYS
PIB
..
Exportations
X/PIB (%)
(en millions $)
(en millions $)
. 1965
1985
. 1965
1985
1965
1985
Côte
D'Ivoire
760
5.220
15
273
1,9
56,9
France
97,.930
510.320
7.139
72.242
7,2
14,15
Etats-
Unis
688.600
3.946.600
17.833
213.144
2,58
5,14
Japon
90.970
1. 327.900
7.704
171.144
8,46
12,88
Source
Banque Mondiale, Rapport sur le développement dans
le monde, Edition 1987.
De 1,9 % seulement en 1965, le taux d'ouverture de
la Côte d'Ivoire au commerce international s'élève à 56,9 %
en 1985. Cette évolution, particulièrement rapide, montre
toute l'importance de l'extérieur pour le système productif
ivoirien. On note que sur la même période, les taux d'ouver-
ture de la
France, du Japon et des Etats-Unis évoluent moins
vite et sont moins élevés: 14,2 % pour la France en 1985
contre 7,2 %en
1965; seulement 5,14 % pour
les Etats-Unis
en 1985 contre 2,58 % en 1965 ; enfin 12,88 % contre 8,46 %
pour le Japon respectivement en 1985 et en 1965. Les Etats-
Unis en tête, le Japon en seconde position et la France ont

91.
des taux d'ouverture beaucoup plus faibles que la
Côte
d'Ivoire, car leur marché intérieur absorbe la plus grande
part de la production nationale. De ce fait, ils sont moins
dépendants que la Côte d'Ivoire de leurs marchés extérieurs.
Cette dépendance de l'économie ivoirienne est
étroitement liée à la structure même des activités producti-
ves qui déterminent la spécialisation internationale de la
Côte d'Ivoire (voir tableau ci-après).
Trois produits issus du secteur primaire - le café,
le cacao et le bois - continuent de représenter à eux seuls
en 1985, à l'état brut ou de première transformation, 67,24 %
des recettes d'exploitation (soit plus des deux tiers du
total). En prenant en compte les autres produits d'exploita-
tion d'origine agricole - coton, ananas, palmier à huile,
caoutchouc naturel, bananes, etc - le poids du secteur primaire
apparaît avec plus de poids, assurant à lui seul à l'exporta-
tion 77,83 %des recettes totales.
Malgré les progrès indéniables enregistrés depuis
1960 dans le sens d'une plus grande diversification de la
production nationale destinée à l'exportation, la part des
produits manufacturés dans les exploitations totales reste
donc encore relativement faible.

92.
TABLEAU / STRUCTURE DU COMHERCE EXTERIEUR DE LA COTE D'IVOIRE
SELON LA NATURE DES PRODUITS ECHANGES -
En %du total (1985)
PRODUITS EXPORTES
%
PRODUITS IMPORTES
%
- café vert
21,7
Produits alimentaires et
Café
assimilés ...............
20,8
.
- extraits
1,7
dont .- céréales
(5,7)
-cacao en fèves
30,23
dont : riz
4,1
pacao
-beurTe de cacao
blé
1,6
6,72
-cacao en nasse
- poissons frais
0,8)
-bois bruts
4,40
- boissons
(1,3)
-bois sciés
._. _.-
bois
- tabacs
(1,1)
-placages et
2,49
contreplaqués
Autres proo.uits de consom-
nation
25,3
Sous total cai'é-cacao-
dont :
bois
67,24
- vêtements
(0,4)
-coton fibre
- produits phannaceu-
2,53
Coton
tiques
(4,6)
-fils et tissus
1,09
- papier et papeterie
(1,4)
- produits en plastique
0,2)
-ananas frais
Ananas
1,94
- produits en caoutchouc
(1,5)
-jus de conserve
- automobiles
0,0)
0,54
-noix et amandes
M:itières premières et proo.uits
Palmier
-huile de palrœ
,2,33
semi-finis
~ 3?,0
à huile
-tourteaux
dont:
de
\\
palmiste
- produits pétroliers
(13,5)
- chimie
(2,5)
caoutchouc naturel
1,04
- fibres textiles,
tissus
(2,7)
Bananes fraîches
1,12
- produits sidérur-
giques
(5,0)
Noix de colas
-
- autre s produits
métalliques
(0,8)
fucres
-
- céramique s, verre,
pierres
(0,2)
- engrais
(0,7)
'lbtal prexiuits d' expor-
- matériaux de cons-
tation d'origine
truction
(2,1)
agricole
77,83
- papier carton
0,1)
-
~-

93.
TABLEAU (suite)
PRODUITS EXPORTES
%"
PRODUITS IMPORTES
%
Machines et matériels
Biens d'équipement
21,8
de transport
1,62
dont :
Autres produits indus-
- mécanique
(10,2)
triels
- électrique
(4,2)
dmt :
- transport
(6,2)
- prad. chimiques
(2,30 )
dont : routier
(5,6)
- art.manufacturés
(4,74)
- instruments de
dmt : fils et tissus
précision
(1,3)
de coton
(1,09)
produits non classés
ailleurs
0,83
Total
100
Total
100
Sources
- Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest-
statistiques économiques et monétaires - nO 358,
Mars 1987.
- Ministère de l'économie et des finances,..La Côte
d'Ivoire en chiffres, Editions 1986-1987.
A la base d'une telle structure des exportations
fonctionne une spirale infernale de consommation : pour
accéder au "développement", il faut produire des biens des-
tinés en priorité à la satisfaction de besoins extérieurs ;
Cette spécialisation internationale permet à l'économie
nationale de se procurer les devises qui serviront à importer

94.
les biens d'équipement qu'elle ne produit pas. Ainsi la pro-
duction pour l'extérieur fonde le choix du secteur agricole
exportateur comme moyen d'accession au développement, et ce
choix vient comme le prolongement et le renforcement du
processus de monétarisation et d'intégration marchande déjà
amorcé au sein de la société ivoirienne au cours de la
période coloniale. La création sans cesse croissante de
nouveaux besoins exigera donc de produire toujours plus pour
l'extérieur en vue de se procurer les revenus monétaires
nécessaires à l'acquisition de biens nouveaux.
Engagée dans cette course, la Côte d'Ivoire est
devenue, à p~rtir de 1978, le premier producteur mondial de
cacao - les superficies en âge de récolte ont pratiquement
doublé, passant de 497 milliers d'hectares en 1973-74 à 953
milliers d'hectares en 1983-84 (1) - et le troisième produc-
teur mondial de café, derrière le Brésil et la Colombie -
les superficies en âge de récolte passant de 674 milliers
d'hectares en 1970-71 à 1.078, 6 milliers d'hectares en
1983-84. (2)
Les recettes d'exportation perçues par la Côte
d'Ivoire ont permis, en correspondance avec l'intégration
marchande des acteurs économiques et sociaux internes, l'im-
portation de biens de consommation courante et de biens
(1) ; (2) - Ministère de l'Agriculture, Annuaire des statis-
tiques agricoles et forestières, Abidjan, 1984.
- Ministère de l'Agriculture, Annuaire rétrospectif
des statistiques agricoles et fores~ières, Tome II,
Abidjan, 1984.

95.
d'équipement qui représentent 47 % des importations totales
en 1985. Viennent ensuite les matières premières et produits
sémi-finis importés qui pèsent pour 32 %.
Outre le poids de ces deux postes, on note, à l'examen
de la structure des importations, toute l'importance de la
dépendance alimentaire de la Côte d'Ivoire vis-à-vis de
l'extérieur. En 1985, les produits alimentaires représentent
20,8 % des importations totales. Il peut s'agir de produits
que l'on ne produit plus en quantité suffisante au plan
national - c'est le cas du riz et du
poisson
frais qui
pèsent pour 7,9 % du total - ou de produits dont la consom-
mation croissante reflète plutôt les transformations survenues
dans les habitudes alimentaires - c'est le cas du blé (1,6 %
des importations) et boissons (1,3 %).
Prédominance de produits primaires à l'exportation,
prédominance de produits manufacturés à l'importation: la
structure du commerce extérieur de la Côte d'Ivoire explique
la forte concentration des échanges sur les économies domi-
nantes qui structurent le marché mondial, y exercent leur
puissance.
Cette domination que les économies industrialisées
exercent sur le marché mondial, à travers les rapports
d'échange, ne peut pas être considérée exclusivement d'un
point de vue global c'est-à-dire en prenant les économies
dominées comme un bloc homogène, face aux économies dominantes
prise également comme un bloc homogène. Elle s'accompagne
de phénomènes significatifs de polarisation - une économie
nationale dominée fait le plus souvent l'essentiel de son

96.
conunerce avec un "pays foyer" - et de régionalisation - des
espaces se dessinent au sein desquels les échanges sont plus
intenses qu'avec des pays n'appartenant pas à cet espace. (1)
Ainsi il est possible de repérer, à partir de
l'examen des flux d'échanges internationaux entre la Côte
d'Ivoire et l'extérieur, les capitalismes nationaux dominants
qui pèsent tant au niveau de l'offre que de la demande de
biens.
Statistiquement, on acceptera conune présomption de
polarisation le fait que, dans un espace considéré, un pays
est dit affilié à un pays foyer s'il fait avec celui-ci plus
de 3D %de ses exportations en même temps que de ses impor-
tations.
Les tableaux r ~=!)suggère plusieurs observations.
D'abord, on retrouve le phénomène de polarisation qui carac-
térise les liens entre l'Europe et l'Afrique en général -
----------------------------------------------------------
(1) - Un espace est dit "polarisé", selon l'expression de
F. PERROUX, quand il est décrit comme un réseau liant
divers ensembles économiques, les "pays affiliés", à
un ensemble économique moteur, le "pays foyer". (Voir
première partie).
- Pour les études récentes sur les phénomènes de polarisa-
tion et de régionalisation, voir Michel BEAUD :
* Histoire du capitalisme, op.cit. p.
* Le_système national/mondial hiérarchisé, op.cit., p.
* Les pays méditerranéens dans le "système National/
Mondial hiérarchisé", Revue Tiers-l\\Tonde, nO 96,
Octobre-Décembre 1983.

97.
plusieurs pays concurrents exercent des effets de polarisa-
tion d'intensité différenciée sur les pays africains -
entre la France et la C5ted'Ivoire en particulier. Ainsi
la CEE absorbait à elle seule 57,8 % des exportations
ivoiriennes en 1985 et lui fournissait au cours de la même
année 50,3 % de ses importations. Au sein de la CEE, la
France e st de loin
le principal
·partenaire commercial.
Elle absorbe 16,5 % des exportations de la C5te d'Ivoire
et lui fournit 32 % de ses importations. Ce poids de la
France s'explique par les liens spécifiques qui continuent
d'exister entre l'ex-métropole et ses anciennes colonies.
Dans le cadre de la zone franc, les échanges sont favorisés
par la libre convertibilité des monnaies nationales à un
taux de parité fixe (1 F.CFA = 0,02 FF). Mais surtout, il
y a la présence des anciennes maisons de commerce colonial -
SCOA, CFAO, CFCI, PEYRISSAC .•• - qui, par leur implantation
à l'échelle nationale, structurent le marché local. Etroite-
ment liées aux entreprises industrielles, elles jouent un
r5le de premier plan dans la fourniture de biens de consom-
mation courante et de biens d'équipement à l'économie
ivoirienne. Par leurs liaisons avec les sociétés de trans-
port maritime, elles jouent également un rôle non négligeable
dans l'acheminement de matières premières vers l'Europe.
(1)
---------------------------------------------------------
(1) On consultera avec intér~t les travaux d'Elsa Assidon.
Elle montre comment trois grandes sociétés commerciales
française, CFAO, SaOA et OPTORG, occupent dans la plupart
des pays africains de la zone franc, des positions hégémo-
niques au sein des structures de commercialisation, à
l'importation et dans les réseaux de distribution intérieurs.
Voir Elsa ASSIDON, la SCOA,.la CFAO, OPTORG, Sociétés fran-
çaises de "commerce captif", contribution à l'étude d'une
domination commerciale en Afrique sub-saharienne, thèse
de 3ème cycle, Université de Paris IX - Dauphine, Juin 1984.

98.
TABLEAU / .PART DES PRINCIPAUX PAYS. DANS LE COMMERCE
EXTERIEUR DE LA COTE D'IVOIRE - 1975 ; 1985 (%)
Exportations
Importations
1975
1985
1975
1985
EUROPE
67,5
66,7
66,0
57,8
C.E.E
57,6
57,5
59,0
50,3
dont ..
RFA
8,9
5,3
5,4
4,8
FRANCE
27,1
16,5
39,3
32,06
ITALIE
6,6
9,1
5,2
3,7
PAYS-BAS
10-,4
17,1
3,0
4,7
ROYAUME-UNI
2,5
4,3
3,5
2,1
UEBL
1,7
3,8
2,4
2,3
AUTRES PAYS EUROPEENS DE
L'ocœ
6,6
3,5
4
6,2
EUROPE DE L'EST
3,3
5,7
3
1,1
AFRIQUE
16,9
14,2
11,4
20,95
CEDEAO
11,9
14,4
UMOA
(6,9)
(9,4)
(1,9)
(2,4)
Burkina
-
2,8
-
-
Sénégal
-
1,5
-
1,9
Mali
4,5
2,8
0,2
0,2
Autres pays de la CEDEAO
-
2,5
-
12,07
Nigéria
-
0,5
-
11,1

AUTRES PAYS D'AFRIQUE
-
2,3
.-
6,55
AMERIQUE
10,9
12,1
9,2
10,06
Etats-Unis
10,2
11,6
7,2
6,8
ASIE
.
i
3,0
3,02
12,9
10,3
Japon
1,6
1,03
4,0
4,9
OCEANIE
-
0,05
-
0,03
PROVISICNS lE BORD-INDE'IER-
MINES
1,7
3,7
0,5
0,7
. IDrAL GENERAL
100
100
100
100
Sources
- BCEAO
L'économie Ouest Africaine, n0267,Déc.1978
- BCEAO
Statistiques Economique et Monétaires, n0358
Mars 1987.

99.
A travers ses rapports d'échange avec l'extérieur,
l'économie ivoirienne paraît donc irrésistiblement attirée
par les pôles de richesse et de technologie que constituent
les économies dominantes. Mais en retour, tant au niveau de
l'offre que de la demande, la Côte d'Ivoire pèse très peu
dans les transactions qu'elle effectue avec ces "pays foyers".
Pour la France, l'économie ivoirienne ne représentait en
1985 que 0,45 % de ses exportations et seulement 0,53 % de
ses importations.
Pour la CEE elle ne représentait, pour
la même année, que 0,12 %de ses exportations et 0,28 % de
ses importations.
TABLEAU / PLACE DE LA COTE D'IVOIRE DANS LE COMMERCE
EXTERIEUR DE LA CEE ET DE LA FRANCE - 1985 (%)
PAYS
Exportations vers la C. l
ImIX:>rtations en provenance de C.I
Exportations totales
Importations totales
C.E.E
0,12
0,28
FRANCE
0,45
0,53
Source
International Monetary Fund - Direction of Trade
ptatistics, Yearbook 1986.
Cette asymétrie signifie que les décisions commer-
ciales prises par la Cete d'Ivoire ne peuvent avoir que des
effets secondaires sur l'économie de la France ou celle de
l'Europe, tandis qu'au contraire, toute décision française
ou européenne à l'égard de la Cete d'Ivoire serait lourde
de conséquences. Si l'on ajoute, comme on l'a vu, que les

100.
exportations ivoiriennes sont constituées à près de 80 %
de produits primaires, il ressort que l'équilibre extérieur
de la Côte d'Ivoire repose sur une base fragile.
Une économie nationale
dont la spécialisation
internationale est déterminée en priorité par l'approvision-
nement des économies dominantes en matières premières agri-
coles ; par conséquent une économie fortement intégrée dans
le marché mondial et prise dans une zone d'échange sur
laquelle l'Europe, et plus particulièrement la France, exer-
cent leur puissance. Au total, une situation classique
d'extraversion structurelle qui explique la faiblesse du
pouvoir de négociation de la Côte d'Ivoire sur le marché·
mondial.
Une capacité de peser qui est faible parce qu'elle
est étroitement liée à la nature des produits qui sont à la
base de-la spécialisation internationale de l'économie ivoi-
rienne. Ce sont des produits à très faible valeur ajoutée,
c'est-à-dire exportés en grande partie à l'état brut (café
vert, cacao en fèves, bois ... ). Ces produits ne rentrent pas
dans la gamme des produits stratégiques qui confèrent une
position de force dans la guerre économique que se livrent
les économies nationales pour s'imposer sur les marchés.
Attestant de la maîtrise technologique dans les activités
déterminantes pour l'avenir (électronique, informatique,
télécommunication, biotechnologie.;.), les produits straté-
giques constituent aujourd'hui la base des spécialisations
dominantes.
Ils ouvrent le sentier qui conduit à une nou-
velle révolution industrielle.

101 •
La Côte d'Ivoire est encore loin de ce sentier.
Insérée dans. l'économie mondiale sur la base d'une spéciali-
sation internationale dominée~ elle ne ma1trise pas le prix
des biens qu'elle produit. Au-delà des querelles académiques
portant sur la pertinence des indicateurs couramment utilisés
pour traduire "l'échange inégal" ou la "détérioration des
termes de l'échange"~ on peut trouver les mots pour constater
la situation contraignante dans laquelle l'économie ivoirienne
se trouve :
"Il y a comme ça des gens qui estiment que ça ne peut
pas durer. Certains pour des raisons scientifiques~ des
questions de rentabilité des investissements~ d'épuisement
de la forêt~ de la baisse permanente des cours des produits
tropicaux - ce qui est vrai: vous savez peut-~tre que~ pour
les cinq dernières années~ les "dons" qu'ils ont reçus du
monde dit libre représentent à peine le tiers de l'argent
qu'ils ont perdu parce que le monde dit libre leur achète de
moins en moins cher leur café~ leur cacao et leurs bananes ;
parlez-en à vos amis cartiéristes~ si vous en avez~ et pensez-y
quand vous vous apercevez que votre paquet de café vient encore
d'augmenter de 10 % chez l'épicier de la rue Lépic." (1)
-----------------------------------------------------------
(1) - Jean CHA'IENET~ Petits blancs, vous serez tous mangé~~ Editions du
Seuil~ Paris~ 1970~ p.58 (Tcute la partie intitulée "Le récit
d'André Juvénal nous apprend beaucoup de choses sur les problèmes
éconaniques et sociaux de l'Afrique post-coloniale).
- Sur les débats portant sur "l'échange inégal" et "la détérioration
des termes de l' échange" ~ la littérature est particulièrement abon-
dante. On retiendra~ entre autres :
* PREBISCH~ R~ "Cc:mrnercial. policies. in the underdeveloped countries" ~
AER~ Papers and proceedings 71st Annual meeting~ Arnerican Association~
Mai 1950~ pp.251~273. ..
. .
* Ermm1uel~ A~ L'échange inégal, Maspéro, 1969.
* .AMJN s. ~ L' écha.rl?;e illégal et la loi de la valeur, la fin d' un déba!.~
Anthropos ~ 1973 •.
* Dockes~ P~ L'internationale du capital~ PUF~ 1975~ pp. 130-133.
;: \\'.BYf: M 4 U t - i < t . ) ·
.•
* de Bemis~ G. ~ Relations économiques internationales ~ Dalloz~ Parls~
1977~ pp. 460-480.

102.
A travers ce récit André Juvénal constate tout
simplement qu~, contrairement aux prix des produits finis,
ceux des matières premières subissent sur le marché mondial
de très amples fluctuations, à la hausse comme à la baisse.
Pour comprendre cette évolution instable des cours
des matières premières, il faut tenir compte de plusieurs
facteurs.
En premier lieu, cela tient au fait que les matières
premières exportées se négocient sur des marchés où les écono-
mies primaires exportatrices ont un très faible pouvoir de
décision et de contrôle.
TABLEAU / EVOLUTION DES COURS DES PRODUITS PRIMAIRES EXPORTES
PAR LA COTE D'IVOIRE - 1986 / Moyennes annuelles
(en F CFA/kg)
-
~ 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986
Produits
I\\.
Café Robusta
702,39
609,30
797,82
1042,69
1331,81
1199,35
1134,42
Cacao
530,17
514,85
520,35
763,83
1035,26
: 978,96
666,33
Coton
3tl4,67
447,12
483,85
659,06
746,77
576,06
361,25
Sucre
131,74 101,40
60,12
72,39
50,18
39,59
46,36
Eanane
143,91 157,27 184,66
210,65
225,89
245,18
242,94
Ananas
170,95
186,25
228,10
262,70
27él,44
237,70
237,14
Huile de palme
121,70 154,90
143,49
190,39
318,95
241,06
91,11
Coprah
94,74 101,94
102,34
187,10
309,37
178,75 " 67,09
.'
Caoutchouc
318,40
318,19
293,02
435,68
412,97
380,03
309,03
Sources
- Ministère de l'Agriculture: Annuaire des statistique~
agricoles et forestières, 1984 ; Bulletins des statis-
tiques agricoles et forestières (février 1987).

103.
C'est à Londres, New York, Chicago ou Paris que
sont né&ociés les prix des matières premières agricoles.
Ce sont des marchés spéculatifs dont le fonctionnement
détermine, à des milliers de kilomètres des plantations
de café ou de cacao, les cours de ces produits. Par des
opérations d'achat ou de vente "à terme" ou "au comptant,
des intermédiaires fixent à l'avance les prix (1). La Côte
d'Ivoire, tout comme les autres économies nationales expor-
tatrices de matières premières agricoles, ne peut participer
que de façon marginale à ces opérations.
En second lieu, on note que les quantités de matières
premières offertes sur le marché mondial tendent, le plus
souvent, à excéder les quantités demandées.
Cela peut être
dû au poids des stocks déjà existants. C'est le cas pour la
production du cacao dont les surplus mondiaux ne cessent de
peser sur les prix. Pour la campagne 1986-87, les stocks de
-----------------------------------------------------------
(1) Le fonctionnement des marchés,à
terme est assez révéla-
teur du pouvoir de décision des spéculateurs. Les matières
premières peuvent être achetées ou vendues à terme aux
bourses des matières premières. On peut acheter ou vendre
du cacao, du café, du coton avant même leur récolte. S'il
s'attend à une augmentation du prix, le spéculateur achète
à terme, en mars par exemple, pour une livraison en sep-
tembre, et il revend sa marchandise avant la livraison.
Il spécule à la "hausse" et fait un profit correspondant.
S'il s'attend à une baisse du prix, le spéculateur vend
sa marchandise à terme; c'est-à-dire qu'il promet, à un
moment convenu, la livraison de la matière première qu'il
ne possède pas encore. Avant le délai de livraison, il
achète sa marchandise à un prix bas et réalise un bénéfice
"à la. baisse". Voir Rudolf H. Strahm,
Pourquoi sont-ils
si pauvres? Editions
A la Bacconnière, 1986.

104.
cacao. étaient estimés à près de 650.000 tonnes, soit un
progrès de ioo.oOO tonnes par rapport à ceux de la campagne
1984/85, période au cours de laquelle ils avaient déjà
augmenté de plus de 130.000 tonnes par rapport aux stocks
de fin de campagne 1983/84 (1). Dans ces conditions, l'ex-
cédent est
devenu structurel. Au-delà des contraintes
directement liées au fonctionnement du marché mondial, il
y a donc celles, plus lourdes, qui sont liées à la structure
productive des économies primaires exportatrices. Très
dépendants de l'exportation d'un ou de deux produits de base,
ces pays ont une marge de manoeuvre faible quant à la possi-
bilité de contingenter les quantités qu'ils offrent sur le
marché. Pour faire face aux contraintes financières imposées
par des programmes d'investissement hardis (infrastructures,
développement d'activités économiques nouvelles, amélioration
du bien-être social de la population ... ), ils ont plutôt
tendance à accroître la production nationale de matières
premières destinées à l'exportation.
L'exédent de l'offre de matières premleres sur la
demande peut s'expliquer également par la mutation technolo-
gique des structures productives des économies dominantes.
D'abord, par une meilleure maîtrise
des processus de produc-
tion et par l'utilisation de machines mieux adaptées, les
unités de production industrielle. peuvent désormais réduire
sensiblement les chutes et les déchets. Ensuite, parce que
les matières premières "classiques" sont de plus en plus
concurrencées par les produits de substitution. C'est le cas
du cuivre,
concurrencé par la fibre optique. C'est aussi le
-----------------------------------------------------------
(1) Cyclope - Les Marchés Mondiaux 1986/87, Economica, 1987.
(Ph. Chalmin et al)

105.
cas de la gomme, face au caoutchouc synthétique, ou du
sucre concurrencé par les
édulcorants naturels (à base
de sirop de mais) ou chimiques (utilisation de l'aspartame
dont le pouvoir sucrant est au moins 200 fois supérieur à
celui du saccharose). Peu à peu, avec la maîtrise de la
technologie qui est à la base de la mutation structurelle
des économies dominantes, c'est toute la notion de matières
premleres qui est en train de s'élargir au concept de maté-
riaux nouveaux (composites, polymères, fibres de carbone,
céramiques ..• ). (1)
Une spécialisation internationale qui repose sur
des biens négociés sur des marchés que les producteurs ne
maîtrisent pas; des quantités offertes qui tendent à
excéder les quantités demandées. Au total, une position
inconfortable pour l'économie ivoirienne. Non seulement
par son extrème vulnérabilité, mais également par la diffi-
culté rencontrée dans l'établissement des prévisions,
l'élaboration de plans, la programmation du développement.

106.
CHAPITRE 4
L'INTEGRATION PRODUCTIVE INDUSTRIELLE:
UN PAYS POINT D'APPUI DANS LA DYNAMIQUE
D'INTERNATIONALISATION DU CAPITAL
Dynamique structurante à: l'échelle mondiale: par
la création d'espaces multinationaux qui traversent les
espaces nationaux, les groupes industriels et financiers,
les grandes entreprises et les banques des pays dominants
structurent l'économie mondiale, intégrant les systèmes
productifs nationaux sur lesquels ils exercent des influences
multiples. Extension du salariat avec la mondialisation de
la production, mais aussi extension des espaces de cnnsom-
mat:".on :....:marchandee.t . a
tendance
à
l'uniformisation des
modes de vie.
En même temps que cette dynamique structurante tend
à la création d'espaces homogènes de production et de modes
de vie à l'échelle mondiale, elle repose avant tout sur la
hiérarchisation des systèmes productifs nationaux.
Il Y a les économies nationales dominées, ces "bases
arrières" dont parlait François PERROUX pour marquer l~s liens
d'affiliation qui existent entre elles et les pays-foyers/
économies dominantes. Prises dans les emprises de structure -
indirectes à travers les flux de marchandises et l'emprunt
international; directe à travers les flux d'investissements
directs - par lesquelles s'exerce la puissance des économies
dominantes, elles s'insèrent de manière différenciée dans le
système de l'économie mondiale. Là encore, il faut donc faire
des distinctions. Car tout se passe comme si la
multinationali-
sation procédait par intégration sélective des espaces
nationaux



107.
de production en fonction des types de produits, le tout
étant en définitive relié à une stratégie d'ensemble.
Cette différenciation apparaît très nettement à
travers l'intégration productive industrielle des économies
nationales dominées. A un extrême, il y a les économies
nationales dominées marginalisées. Les apports d'investisse.,..,
ments directs étrangers (IDE) dont elles bénéficient sont
très faibles - seulement 4,1 % des flux d'IDE réalisés dans
les économies dominées au cours de la période 1978- 1980 -
ce qui explique la faiblesse de leur production industrielle. (1)
A l'autre extrême, il y a les économies nationales
dominées qui sont fortement intégrées dans la stratégie de
production industrielle des FMN. Leur intégration productive
industrielle est étroitement liée à la stratégie de segmen-
tation des procès de production opérée par les FMN - implan-
tations de "filiales atèliers" - ouà leur stratégie de délo-
calisation d'unités entières de production. Ce sont les
"nouveaux pays industrialisés" (NPI). Pays à forts taux de
croissance, ils ont reçu 59,7 % des IDE réalisés dans le
tiers monde sur la période 1978-1980. (2)
(1) (2) ONU, Les sociétés transnationales dans le développement
mondial - Troisième étude ; New York, 1983.
(Rapport du centre sur les sociétés transnationales).

108.
Dans une position intermédiaire, il Y a les écono-
mies nationales dominées dont l'intégration productive
industrielle relève beaucoup plus d'une stratégie de marché.
Les FMN y installent des "filiales relais" orientées princi-
palement vers le marché national ou vers le marché régional.
Ces pays ont bénéficié de 11,4 % des IDE réalisés dans les
économies dominées sur la période 1978-1980 (1). Il s'agit
de pays dont l'articulation avec les économies dominantes
répond à un schéma classique de division verticale du
travail - exportation de produits primaires, importation de
produits manufacturés - mais dont les échanges avec d'autres
économies nationales dominées mettent en avant une spéciali-
sation internationales dans les exportations de produits
manufacturés. Vellas les caractérisent de "pays-relais".
(2)
Ce faisant,
il met en évidence le rôle que jouent les
"filiales relais" dans la stratégie de conquête d'un marché
régional à partir d'une économie nationale donnée.
Dans les lignes qui suivent, nous voulons montrer
que ce type d'intégration productive industrielle est carac-
téristique de l'économie ivoirienne.
Nous empruntons à
Michel BEAUD le terme "pays point d'appui" (3) pour insister
sur le positionnement de la Côte d'Ivoire en tant que pôle
de différenciation économique qui sert de base productive
dans la stratégie de marché des investisseurs étrangers en
Afrique.
---------------------------------------------------------
(1) ONU, op.cit.
(2) - Francoi s VELLAS, "Les forrœs nouvelles de la spécialisation
internationale des. pays en développerrent et l'emploi", in
.
"Internationalisation et autonomie de décision" , OUvrage collectlf
sous la dlrection de Henri IDURGUINAT, Econc:mica, 1982, p.133.
- François VEILAS, "Ia Côte d'Ivoire: pays-relais entre le Nord et
le SUd", in Revue Tiers Monde
n085, Janvier-rlBrs 1981.
0) - Michel BEAUD, pj.stoire du capitalisme, op.cit. , P. 322.

109.
SECTION l
LA COTE D'IVOIRE: UN POLE DE DIFFEREN-
CIATION ECONOMIQUE EN AFRIQUE DE L'OUEST.
Positionnée au sein de l'UMOA (Union Monétaire
Ouest-Africaine), la Côte d'Ivoire se différencie des autres
pays membres en ce sens qu'elle apparaît comme un pôle
central de valorisation du capital étranger. On le voit, en
examinant le tableau
: les apports extérieurs de capitaux
à l'économie ivoirienne, en terme de flux d'IDE, sont
passés
de 8,9 milliards F CFA en 1976 à 18,3 milliards en 1~80, soit
le double. En 1983, ils atteignent 60,3 milliards F CFA.
TABLEAU / FLUX D'IDE REALISES DANS L'UMOA*
ANNEES 1976 ; 1980 ; 1983 ; en Millions F CFA.
PAYS
1976
1980
1983
BENIN
586
911
- 207
BURKINA FASO
490
6
755
COTE D'IVOIRE
8.900
18.300
bO. 300 **
NIGER
2.780
11. 473
- 845
SENEGAL
8.b46
2.730
-
TOGO
6.379
9.332
580
Source: BCEAO - Statistiques Economiques et Monétaires,
nO
369, Mars 1988 ; Avril 1988 ; nO 371, Mai 1988.
* Réintégré dans l'UMOA seulement en 1984, le Mali n'est pas
pris en compte dans ce tableau.
** Cumul IDE et autres capitaux privés à long terme.

110.
Seul le Sénégal bénéficie des flux d'IDE d'un montant
comparable à celui de la Côte d'Ivoire en
1976. Mais en
1980, on constate un net f~échissBment de ces apports
extérieurs de capitaux qui passent de 8,6 milliards F CFA
à seulement 2,7 milliards.
Viennent ensuite le Niger et le Togo. Les flux
d'IDE dans ces deux pays s'élèvent respectivement à 2,78
milliards et 6,3 milliards en 1976, puis montent à 11,4
milliards et 9,3 milliards en 1980. Mais en 1983, ils
tombent à 0,58 milliards seulement pour le Togo. La chute
est encore brutale pour le Niger, puisque les apports d'IDE
sont négatifs, soit -845 milliards F CFA.
Enfin le Bénin et le Burkina, avec des apports
d'IDE très faibles, apparaissent comme les pays les plus
marginalisés dans la stratégie d'intégration productive du
capital étranger.
Cette répartition très inégale des IDE entre les
six pays, marquée par leur forte concentration sur la
Côte d'Ivoire,
est à la base d'une hiérarchisation des
systèmes productifs nationaux à l'intérieur de la zone
UMOA. Hiérarchisation qui s'inscrit dans le processus de
multinationalisation de la production, et qui procède par
intégration sélective des espaces nationaux, avec une rela-
tion très étroite entre la croissance de la production et la
répartition géographique des flux d'IDE.

111.
TABLEAU /
TAUX ANNUEL MOYEN DE CROISSANCE DU PIB ET DU
SECTEUR MANUFACTURIER - PAYS MEMBRES DE L'UMOA
Période 1965-80 et 1980-85. (%)
PAYS
1965-80
1980-85
PIB
Sect.Man.
PIB
Sect.Man.
BENIN
2,3
·..
3,4
7,2
BURKINA
3,2
·..
2,4
·..
COTE D'IVOIRE
6,8
9,1
-1,7
·..
NIGER
0,3
·..
-3,6
·..
SEIŒGAL
2,0
4,0
3,3
5,2
TOGO
4,4
·..
-1 , 8
-3,4
Source
Banque Mondiale, Rapport sur le développement dans
le monde, 1987.
Parmi les pays membres de l'UHOA, c'est l'économie
ivoirienne qui a le plus bénéficié des apports d'IDE. C'est
aussi elle qui a enregistré les taux de croissance les plus
élevés au cours de la période 1965-1980, avec 6,8 % pour le
PIB et 9,1 %pour le secteur manufacturier. La Côte d'Ivoire
supplante ainsi le Sénégal qui a été, durant la période colo-
niale, le centre économique de l'ex-AOF (Afrique Occidentale
Française) •
Mais nou~quoi le capital étranger a choisi la
Côte d'Ivoire?

112.
La réponse vient d'abord avec la volonté d'ouver-
ture aux investisseurs étrangers :
"Les pays qui veulent se développer n' ont (--~) pA.S le
choix : ils doivent nécessairement faire appel à des finance~
ments extérieurs." (1)
L'appel aux investisseurs étrangers va donc constituer
un des moyens essentiels du financement de l'économie ivoi-
rienne. Mais du point de vue de la firme, la décision d'in-
vestir à l'étranger se fonde, entre autres critères, sur une
évaluation du risque encouru dans chaque pays hôte potentiel,
sur une analyse de son "climat d'investissement" et sur le
choix de la localisation minimisant les coûts (2). C'est pour-
quoi cet appel aux investisseurs étrangers doit être appuyé
par le choix politique d'un système économique en adéquation
avec "l'esprit" du capital
"L'Etat a choisi pour son développement la voie du libé-
ralisme économique et y restera attaché, quelle que soit
l'option politique à laquelle il pourra être conduit." (3)
(1) Henri Konan BEDIE (Ministre de l'Economie et des Finances),
"Les investissements, la balance des paiements et l'indé-
pendance économique", in Marchés tropicaux et Méditerra-
néens
nO 1563, 24 octobre 1975.
(2) Wladimir ANDREFF, Les Multinationales, op.cit. , p.23-25.
(3) Discours du Président de la République, in Fraternité
Matin, Abidjan, 6 juin 1960.

113.
Un système économique libéral qui s'appuie en
outre sur la stabilité des institutions et la paix sociale
rendues possibles grâce au "syndicalisme de participation"
"L'UGTCI (Union Générale des Travailleurs de Côte
d'Ivoire) n'est affiliée à
aucune organisation internatio-
naleG--]. Elle a opté pour un syndicalisme de dialogue lui
permettant, par une collaboration franche, de collaborer à
toutes les actions du gouvernement." (1)
L'accueil du capital étranger est seulement favo-
risé par la création d'un environnement politique et social
adapté, mais également par l'élaboration, dès 1959, d'un
code des investissements généreux (2). En exemptant les
entreprises agréées du paiement de l'impôt sur les bénéfices,
des impôts fonciers et des droits d'importation sur l'équipe-
ment de transport, les matières premières et les machines
servant dans le processus de production, le code des inves-
tissements garantit la rentabilité des investissements en
m~me temps qu'il réduit le coût du capital. Cela est confirmé
par une étude réalisée en 1983 par la Direction de l'Orien-
tation Industrielle. Cette étude montre que pour 130 entre-
prises agréées ou conventionnées, les exonérations fiscales
cumulées, de 1960 à 1982, s'élèvent à 117 milliards F CFA
répartis comme suit :
-----------------------------------------------------------
(1) Extrait du Discours de Monsieur Joseph Coffie, Secrétaire
Général de l'UGTCI, lors de la réception d'une délégation
de la C.G.T française le 13 Septembre 1974 à Abidjan.
Cité Henri Bourgoin et Philippe Guillaume, Côte d'Ivoire:
Economie et société, p.213, stock, 1979.
(2) Ministère de l'Economie et des Finances - Bureau du Déve-
loppement Industriel, "Les investissements privés dans la
République de Côte d'Ivoire", Abidjan. -1'359.

114.
Matières premières
93,966 milliards F CFA, soit
80 %du total ,
- Equipements
13,558 milliards F CFA, soit 12 % du
total ,
- Droit de sortie
9,939 milliards F CFA, soit 8 %
du total.
Au total, les avantages fiscaux concernant ces trois postes
ont représenté 29,3 % de la valeur ajoutée cumulée au cours
de la même période pour les 130 entreprises, qui s'élève
à 400 milliards F CFA.
(1)
Outre ces avantages fiscaux, la minimisation des
risques et la réduction: du coût du capital sont également
favorisées par la garantie que l'Etat offre aux entreprises
étrangères pour les prêts accordés par des banques locales
affiliées à .des banques étrangères ou par les investissements
qu'il réalise de concert avec le capital étranger. Quant aux
risques de non convertibilité, ils sont éliminés par le fait
que la Côte d'Ivoire est pays membre de la zone franc.
Initiative privée, liberté d'entreprendre, libre
circulation des capitaux et des profits, rentabilité des
investissements et capital moins cher, paix sociale bien
gérée, au total un système économique qui incite les entre-
prises étrangères à produire sur place en bénéficiant de
protections tarifaires les avantageant par rapport à la con-
currence internationale.
-------------------------------------------~----------
-----
(1) Direction de l'Orientation Idustrielle, "Bilan de 22 ans
d'application de la loi n059-134 du 3 septembre 1959
(Code des investissements privés)", Abidjan, 1983.

115 •
SECTION II
UNE BASE PRODUCTIVE / POINT D'APPUI DANS
LA STRATEGIE DES INVESTISSEURS ETRANGERS
EN AFRIQUE.
L'intégration de la Côte d'Ivoire dans la production
industrielle mondiale, par le biais des flux d'IDE qui sont
réalisés, marque le passage de la structuration indirecte qui
s'exerçait à travers les flux de marchandises contrôlés par
les anciennes maisons de commerce colonial (CFAO, SCOA,
OPTORG ... )
à une structuration directe qui s'exerce à
travers l'organisation de la production sur place par les
filiales des firmes des pays dominants.
A l'intérieur de l'espace de production ainsi créé
fonctionne une logique de reproduction qui est en relation
directe avec les stratégies élaborées par les maisons-mères.
Les anciennes maisons de commerce colonial s'adaptent
à cette nouvelle situation. Jadis exclusivement spécialisées
dans l'import-export, elles s'associent désormais aux entre-
prises industrielles et aux banques en vue de produire sur
place ce qui était autrefois importé. L'étendue de leurs
participations financières nous permet d'apprécier la diver-
sification de leurs champs d'activités (on donne ici pour
exemple la CFAO et la SCOA).

- - - - - - - - -
11 6.
TABLEAU / PARTICIPATIONS FINANCIERES ET ACTIVITES DE LA
. . . . . . . . . . . . . .
SCOA EN COTE D'IVOIRE - 1983
PARTICIPATIONS DIRECTES
PARTICIPATIONS
ACTIVITES
INDIRECTES
- CHAUDRON (SCI du) 65%
Production indus-
trielle
- CCDJMA-CI
99,8 %
Représentation
comnerciale
- EURAFRICAINE PHARMAŒU-
TIQUE
31,26 %
LAEûREX-CI 43,12%
Distribution de pro-
duits pharrœceutiques
- IVODIS 14,34 %
- HAMELIE-AF.
99,98 %
CIMATEC
99,99 %
Représentation conuner-
ciale
- LAGUNE (HStelière
de la) 24,26 %
H5tellerie
- OICI (CMNIΠInm::>b.)
99,68 %
Immobilier
- MAGASINS DE LA
RIVIEBE
1,14 %
- SEGRAM 99,95 %
IVODIS
16, 81 %
Distribution
- SIDECO
62,21 %
Négoce café-cacao
- TEFOBAT
82,39 %
Commercialisation
matériel climatisation
- TEXTILINlER 64,84 %
Produit s textiles
- SCAF
86,05 %
Scieries
- SOVINeI
29,88 %
IncL Boisson
- rorrvOIRIENNE
D'EQUIPEMENT 13,5 %
SIF* 10,7 %*
Crédit sur matériel
industriel et équipe-
~nt •
. Source : DAFSA : les liaisons fdnancières, Editions 1985 •
. (*) Cf "Répertoire des Industries et Activités de Côte d'Ivoire"
Edition 83-84

1 17.
TABLEAU / PARTICIPATIONS FINANCIERES ET ACTIVITES DE LA
CFAO EN COTE D'IVOIRE - 1985.
PARTICIPATIONS
PARTICIPATIONS
ACTIVITES
DIRECTES
INDIRECTES
- CFAO-GI 89,40 %
Import-Export
- CICA-AF 79,38 %
CICA-CI
99,87 %
Comrœrce
MIPA-BIC 19 %
Ind.produits plas-
tiques
SARI
89,71 %
Représentation
camnerciale et in-
dustrielle Peugeot
SA.
- AFRICYCLE 34,62 %
Fabrication maté-
riel de transport
- CNF
10 %
SAFRECI 50,84 %
Electricité ind.
et bâti.rrEnt
-.DOMAFI 99,95 %
Man1.f. Afric. du
cycle 18,57 %
Fabrication cycle
- ICODI
14,87 %
Impression tissus
- M.A.C
38,58 %
Fabrication cycle
- MœOPRIX-CI 50 %
Distribution
- SCHAEFFER
14,92 %
ICCDI 10,05 %
Impression tissus
- SOVINCI
59,96 %
Ind. Boisson
- 'IRANSCAP-CI
'Iransport Maritime
- SIF
15,5 %*
Crédit sur matériel
ind. et équipement
- SAFCA
20,3 %*
Crédit Automobile.
Source : DAFSA : Les liaisons financières, Edition - 1985.
(*) Cf "Répertoire des Industrie~ e~ Activités de
Côte d'Ivoire", Edition 1983-84~

11 8.
Par leurs participations directes ou indirectes,
la SCOA et la CFAO interviennent à trois niveaux distincts
mais liés par la stratégie de marché
1°) Continuer de jouer un rôle de premier plan
dans l'importation et la commercialisation de produits
manufacturés (articles électro-ménagers, matériel indus~
triel d'équipement, véhicules ... ). Les produits -importés
répondent à deux besoins. Satisfaire la demande des couches
sociales relativement aisées en biens de luxe non fabriqués
sur place. Fournir des biens d'équipement à l'économie
nationale dans la mesure où l'industrie locale n'en produit
pas ;
2°) S'associer au capital industriel pour pro-
duire des biens de consommation courante. L'interpbétation
du capital commercial et du capital industriel permet ainsi
aux unités de production
industrielles de bénéficier de
structures de commercialisation qui couvrent déjà le marché
national en m~me temps qu'elle assure aux maisons de com-
merce le contrôle des circuits de distribution des biens
produits. C'est le cas pour la MAC (Manufacture Africaine
du Cycle) dont 57,17 % du capital est détenu par la CFAO
(38,58 % directement et 18,57 % indirectement). C'est le
cas également pour AFRICYCLE où elle détient 34,62 % du
capital. Par l'intermédiaire de SCHAEFFER où elle contrôle
14,92 du capital, la CFAO a également des intérêts dans
l'industrie textile (ICODI). Enfin elle se retrouve dans
l'industrie de la boisson, avec 59,96 % du capital de
SOVINCI.

119.
Il est de même pour la SCOA qui a des intér~ts
dans l'industrie textile (avec 64,84 % du capital de
TEXTILINTER) et dans l'industrie de la boisson (avec
29,88 % du capital de SOVINCI). Elle contrôle en outre la
SCAF (Sciage, contre-plaqué ... ) en détenant 86,05 % du
capital;
3°) Enfin, participer à la création
d'établis-
sements financiers qui accordent des crédits à la consom-
mation. Car pour vendre, il faut trouver des consommateurs
qui achètent. La CFAO et la SCOA, en association avec
RENAULT, contrôlent 69 % du capital de la SAFCA, établisse-
ment spécialisé dans le crédit automobile. De même la SIF
(Société Ivoirienne de Financement), spécialisée dans le
crédit sur le matériel industriel et d'équipement, est
contrôlée à 55 %par l'association CFAO (15,5 %), CFCI
(filiale de Unilever 12,4 %), RENAULT (16,5 %) et SAFCA
(10,7 %).
Produire pour vendre sur place ce qui était
autrefois importé. Vue sous cet angle, l'organisation
de la production industrielle vise principalement le marché
ivoirien. L'examen du tableau
nous permet de repérer
les branches de production dans lesquelles les capitaux
étrangers sont investis en priorité, ainsi que la place
occupée par le marché ivoirien dans leur vente totale.
On note d'abord que les ventes sur le marché
ivoirien représente en moyenne 63 % du chiffre d'affaire
total réalisé en 1983.

120.
PRINCIPALES PRODUCTIONS INDUSTRIELLES IVOIRIENNES EN
1983.
CATTC*
Ventes en Côte
Poids du
BRANCHES
d'Ivoire
capital
En %des
étranger (en
Valeur
%
Valeur
ventes
%du capital
totales
social)
05. EXTRAGrION IE MlNERAIS Er
MINERAUX
:
35.616
3
35.616
100
-
- Pétrole brut
06. TRAVAIL DES GRAINS Er FARINES:
152.848
14
51. 829
34
47,5
- Farine de blé
- sons (issus de blé)
- café vert narchand décortiqué
- pain
- biscuits
- pâtes aliI1l:mtaires
07. IND. DE CONSERVATIONS ET DE
PREPARATIONS ALJ}ENI'AIRES :
93.499
9
12.162
13
55
- Ananas frais usinés
- conserves de tranches d'ananas
- jus d'ananas
- noix de cajou
- coco râpé
- concentré de tomates
- pulpe de IJ'l9l1gUe
- conserves de thon
- Nuoc-rœm (sauce de poissons)
- café torréfié
- café soluble
- cubes et assaisorJrements
- fèves de cacao traitées
- beurre de cacao
- masse de cacao (pâte)

121.
..
Ventes en Côte
Poids du
CATTC*
d'Ivoire
capital
BRANCHES
étranger (en
En ~ ges
Valeur
%
Valeur
ven e
%du capital
totales
social)
- 'Iburteaux et poudre' de cacao
- Couvertures de chocolat
- chocolat en poudre, tablettes
et ccnfiserie
08. BOISSCNS ET GlACE ALI1-JENTAIRE :
36.741
3
36.511
99
63,9
- Bière
- Boissons gazeuses
----"---- -
-.
_.-
- Glace
- Eau minerale
09. roRPS GRAS ALIMENTAIRES :
54.311
5
32.387
60
38
- Rég:irœs de paJ..rœ usinés
- huile de palme brute
- palmistes
- huile de palmiste brute
- huile de coprah brute
- Tourteaux de paJ..rœ, palmistes
et coco
- huiles raffinées (pa1Iœ, ara-
chide, coton ••• )
- M:l.rgarine et graisses
- Tburteaux de coton
"
10. AUIRES INDUSTRIES ALIMENI'AIRE3 +
TABAC :
50.340
5
44.037
87
1,9
- Produits laitiers
- Aliments pour animaux
..~.
- Cigarettes
- Cigares, Cigarillos
- Sucre

-
122.
Ventes en edte
Poids du capi-
CATCC*
BRANCHES
d'Ivoire
tal étranger
(en %du capi-
!En ~ des
Valeur
%
Valeur
~~mtes
tal social)
otales
.
1l. 'IEXTlIES ET HABILIEMENI'
129.010
12
90.541
70
56,5
- Fibres de coton
- Graines de coton
- Filés de coton
- Tissés de coton
- Couvertures de coton
- ~e de naison, de table et
de lit
- Tissus synthétiques
- Tissus de coton imprimés
- Bonneterie
- Confection
- Cordes et ficelles en sisal
- Sacs en jute
--
- Sacs en plastique
- Coton hydrophile, banies à
pansements, compresses
- Filets de pêche
.
12. CUIR ET ARTICIES CHAUSSANTS
7.772
1
6.031
78
99,6
- Chaussures, sandales
.
13. INDUS'ffiIES DU BOIS
54.683
5
27.789
51
77,6
- 'Sciages
- Déroulés
- Tranchés
- Contreplaqués et lattés
'0-
- Panneaux de parti cules
- Divers

123.
Ventes en Côte
Poids du capi-
CATTC*
d'Ivoire
Ital étranger
BRANCHES
(en %du capi-
Eh ~ des Ital social)
Valeur
%
Valeur
ventes
tot~lpc:::
o
.
14. RAFFINAGE DU PE'IROIE + DERIVES
176.200
17
83.163
48
18,2
- Essence oIÙinaïre (87)
- Essence Super (95)
- Carburant pour avions à . . -
1
réaction
- Gas-oil
- Diesel Distillat (DDO)
- FUel (180 et 380)
- Butane
- Illbrifiants
- Bitumes, distillats
.
15. OOU3rRIES CHIMIQtES
72.08:
7
63.868
89
66,5
.
- Engrais
. -
.
- Acide sulfurique
- Insecticides
- Peintures, vernis
- Savons, saVOIll'"ettes
- Hriles diverses
- Détergents, poudre à laver,
eau de javel
- Glycérine
- Articles de parfumerie
- Alltnnette s
- Silicate de sœde
,
- Oxygène
,
- Acétymène
- 002

124.
CATTC*
Ventes en Côte
Poids du capi-
BRANCHES
d'Ivoire
tal étranger
En%
(%)
Valeur
%
Valeur
ventes
totales
- Bougies
- Articles en plastique
- lfuiles essentielles
-Jus concentré de citron
- ~ citrus
- Colles
16. INDUSTRIES DU CAOUICIDUC :
8.590
1
1.267
15
47,5
. ,
- Caoutchouc naturel
- Rechapage de pneus
- Mltelas et coussins alvéolés
en latex
- r.bulages en caoutchouc
.
17. ~ft..'.IERIAUX DE OONS'IRUCTION .
26.963
3
25.113
93
65
- Mosaïque émaillée
- Carrelages (en faïence)
- Carrelages (cirœnt et granito)
- C:i.Iœnt
- Produits en béton manufacturé
- Béton prêt à l'emploi
- Granite et narbre
- Mltériaux d'étanchéité et
d'isolation
- Miroirs et vitrerie
- Persiennages
,
- M:l.rbre synthétique
...,~

125.
CATTC*
Ventes en Côte
Poids du
d'Ivoire
capital
étranger (%)
BRANCHES
En %ven-
Valeur
%
Valeur
tes tota:
les .
18. PREMIERE TRANSFORMATION DES
METAUX
828
-
828
100
0
- Fers à béton (lisses et tors)
19. CONS'lRUCTION ET REPARATION IE
MA'IERIEL DE TRANSPORr :
27.624
3
27.010
98
94,5
- Réparations navales
- Mentage de véhicules autaIDbile::
- Patteries d' accum.l1ation
- Mbn~ de bicyclettes et
cyclonoteurs
- Ehtretien et réparation de
matériel ferroviaire remorqué
20. ADrRES INDUSTRIES IoJ]ECANIQUES
.
ET ELECIRIQUES
47.578
4
42.820
90
79
- Machettes
- Charrette s, rerrorque s, brOU!'
..
ettes, essieux agricoles
- M:>bilier métallique
- Lits et sommiers métalliques +
rmtelas
- Tôles de ccuvertures et bacs
en aluminium
- Tôles ondulées et bacs en acier
galvanisé
- Clous
- Articles de ménage en aluminium
- Articles de IJÉnage en tôle
énBillée
- Boltes en métal
- Fûts métalliques
- Boîtiers aérosols

126.
Ventes en Côte
Poids du
CATTC*
d'Ivoire
capital
BRANCHES
étranger
En ~ des
Valeur
%
Valeur
ven es
(%)
~rlt:!:ll os
- Eponges métallique-s
- Buses métalliques, chemins de
câbles, faîtières
- Tubes soudés en acier et alumi-
nium
- Usinage de pièces mécaniques
- Lames de scie à ruban
- Décortiqueurs, batteuses,
broyeurs
- panpes à eau
- Groupes frigorifiques
- Piles électriques
- Fils et câbles électriques et
téléphoniques
- Rebobinage de moteurs
- Rectification
- Armoires électriques
- rJIontage de cl:i.matiseurs
- Compteur d'eau
.
21. INDUSTRIES DIVERSES
22.904
2
21.824
95
47
.
- Caisses et boîtes en carton
- Sacs en papier Kraft
- Cahiers
- Erweloppe s .
- Classeurs
- Papier hygiénique
- Inpri.Iœries
'.
- Balais, brosses
- Stylos à bille

1 27.
Ventes en Côte
Poids du
CATTC*
d'Ivoire
capital
BRANCHES
étranger
En ~ des
Valeur
%
Valeur
ven es
( %)
totales
22. ELECTRICITE - EAU :
68.612
6
68.612
100 %
20 %
- Eœrgie électrique (TI1ermique ,
Hydraulique)
- Fau potable
TOTAL :
1066160
100 %
671. 408
(63 %)
(49 %)
-
Source
- Chambre d'Industrie de Côte d'Ivoire, Abidjan, Juin 1984
-"C6te d'Ivoire en chiffres"
1986-87.
-
,
* CATTC : Chiffre d'Affaires toutes taxes comprises.

128.
La deuxième remarque concerne le poids du capi-
tal étranger dans la production industrielle. Elle atteint
une moyenne de 49 % pour l'ensemble de l'industrie.
Treize branches sont à forte participation de
capitaux étrangers, neuf se situant nettement au-dessus de
la moyenne de 49 %, quatre dépassant largement la minorité
de blocage de 33 %. Parmi ces treize branches à forte par-
ticipation de capitaux étrangers, dix ont un autre point
commun: les ventes qu'elles réalisent sur le marché
ivoirien représentent plus de 50 % du total de leurs
___ ve~t~s. En s.uivant l'ordre d'importance des ventes sur le
marché local, ces branches sont les suivantes :
- la branche des "boissons et glaces alimentaires"
réalise 99 %de ses ventes sur le marché ivoirien, avec
une participation des capitaux étranger à 63,9 % ,
- la branche "construction et réparation de matériel
de transport" réalise 98 % de ses ventes sur le marché
local, avec une participation des capitaux étrangers à
94,5 % ;
- la branche "matériaux de construction" réalise 93 %
de~ses ventes sur le marché ivoirien, avec une participation
des capitaux étrangers à 65 % ;
- la branche "autres industries mécaniques et électri-
ques" réalise 90 % de ses ventes sur le marché local, avec
une participation des capitaux étrangers à 79 % ;
- la branche "industries chimiques" réalise 89 % de
ses ventes sur le marché ivoirien, avec une participation
des capitaux étrangers à 65 % ;

129.
- la branche "cuir et articles chaussants" réalise
78 % de ses ventes sur le marché local, avec une partici-
pation des capitaux étrangers à 99,6 ;
- la branche "textile et habillement" réalise 78 %
de ses ventes sur le marché ivoirien, avec une participa-
tion des capitaux étrangers à 56,5 % ;
- la branche "industrie du bois" réalise 51 % de ses
ventes sur le marché ivoirien, avec une participation des
capitaux étrangers à 77,6 % .
Aux huit branches ci-dessus s'ajoutent les
deux branches dans lesquelles la participation du capital
étranger est supérieur à la minorité de blocage et dont
les produits sont principalement destinés au marché ivoi-
rien :
- la branche "corps gras alimentaires" qui réalise
60 % de ses ventes sur le marché local, avec une partici-
pation des capitaux étrangers à 38 % ;
- enfin la branche "industries diverses" qui réalise
95 % de ses ventes sur le marché local, avec une participa-
tion des capitaux étrangers
à 47 %.
C'est donc dans les branches de production in-
dustrielle orientée principalement vers le marché intérieur
que la participation du capital étranger est la plus forte.
Aux flux de
marchandises autrefois importées par les mai-
sons de commerce colonial, les filiales des FMN substituent
la production sur place, déployant une stratégie productive
de marché qui structure directement l'économie ivoirienne.
Le modèle de consommation induit par cette stratégie

130.
dét~ la structure de la production industrielle. Il
sfagit essentiellement d'une industrie légère d'impot-
substitution.
Mais dans un pays à population faible (10 mil-
lions dfhabitants et 70 % de ruraux), un tel processus
dfindustrialisation ne peut poursuivre sa croissance dans
le seul cadre du marché national, encore trop limité en
raison de la nature de la répartition des revenus qui
exclut une partie de la population de l'accès aux produits
industriels.
TABLEAU / DISTRIBUTION DES REVENUS ENTRE LE SECTEUR AGRICOLE
ET LE SECTEUR NON AGRICOLE (%)
Secteurs
1970
1980
1981
1982
Total secteur agricole
33 %
25,7 %
26,7 %
25 %
.
dont .
- producteurs de café,
cacao et autres
cultures de rente
-
14,3 %
15,2 %
13,5 %
- prcducteurs de produits
vivriers
-
11,3 %
11,5 %
11,5 %
Total secteur nan agricole
67 %
74,3 %
73,2 %
75 %
Source
- LECAILLON J., PAUKER F., GERMIDIS D., MORRISSON C.
Répartition du revenu et développement économique -
Un essai de synthèse, B.I.T, 1981, p. 55.
- "Marchés Tropicaux et Méditerranéens" nO 1941 du
21/1/1983, p. 129.

131.
La part du revenu national qui va au secteur
agricole a connu une baisse globale, passant de 33 % en
1970 à 25 %en 1982 (1). Et dans cette part, les
revenus
distribués aux producteurs de produits vivriers restent
régulièrement inférieurs à ceux perçus par les producteurs
s'adonnant aux cultures d'exportation (café, cacao, ananas .. )
L'inégale répartition des revenus montre que la croissance
économique en Côte d'Ivoire a été socialement différenciée.
La forte concentration des revenus sur le secteur non agri-
cole (en 1982 il représente 30 % de la population et béné-
ficie de 75 %du revenu national) traduit le fait que la
production industrielle tournée principalement vers les
marchés urbains. Une telle différenciation n'est évidemment
pas sans effet sur les conditions d'élargissement du marché
intérieur et donc de développement potentiel de l'industrie.
Situation classique dans les économies dominées: l'inégale
répartition des revenus limite l'expansion du marché inté-
rieur. Et les limites du marché intérieur peuvent être, à
terme, un frein à la poursuite de processus d'industriali-
sation
au plan national.
Les difficultés liées à l'étroitesse du marché
intérieur expliquent les nouvelles orientations de la poli-
tique industrielle ivoirienne au cours des années 70, avec
pour but de poursuivre la croissance à travers la promotion
des exportations. Cette nouvelle orientation est définie
par les planificateurs qui prévoient, "afin de retrouver les
forts taux de croissance de la décennie précédente, un
-----------------------------------------------------------
(1) Voir à ce sujet l'étude plus récente de Lee, E.,
'Export-Led Rural Development : The Ivory Coast", in Ghai,
D. and Radwan, S.
(eds), Agrarian Policies and Rural
Development in Africa, ILO, Gèneva, 1983.

132.
renforcement de l'agriculture d'exportation et l'essor
d'une industrie d'exportation" (1). L'objectif à
atteindre
est de "pourvoir le secteur industriel d'entreprises de
grande taille, capables de produire massivement au moindre
coût et d'exporter l'essentiel de leur production sur les
marchés étrangers" (2).
Annoncée comme prochaine étape de l'industria-
lisation de la Côte d'Ivoire, la politique de promotion des
exportations industrielles est donc définie comme un moyen
d'exploiter les "avantages comparatifs" de l'économie ivoi-
rienne :
"Devant la concurrence des pays à bas salaires du Sud-Est
asiatique, les pays d'Afrique Noire ne constituent-ils pas
une chance pour l'industrie française: celle de la créa-
tion d'une base industrielle compétitive, organiquement
associée au développement en France d'activités d'accompa-
gnement des unités de production installées dans les pays
africains ?" (3).
Il convient donc d'établir une correspondance
entre cette nouvelle option et la nouvelle rationalité de
l'économie mondiale: dans le cadre de la crise, comment
exploiter les possibilités de la Côte d'Ivoire, dans la
---------------------------------------------------------
(1) Direction Générale du Plan, "Evolution 1976-1980 et
problèmes majeurs", Abidjan, 1980, p. 45.
(2) Ministère de l'Economie et des Finances, La Côte
d'Ivoire en chiffres, Editions 198().~i,p. 123.
(3) Extrait du discours prononcé par Mr M. DIAWARA, Minis-
tre du plan de la République de Côte d'Ivoire, Président
du club de Dakar, lors
de la réunion des 2 et 3 juin
1977 à l'Abbaye de Royaumont avec les industriels fran-
çais. Cf_L'économiste du Tiers Monde, nO 19, Juillet-
Août 1977.

133.
perspective. d'une stratégie d'industrialisation d'expor-
tation fondée sur son potentiel de main-d'oeuvre et de
ressources naturelles, en conformité avec les formes nou-
velles de DIT qui se mettent en place, notamment sous
l'impulsion des mouvements de restructuration des systèmes
positifs dominants.
Dans cette optique, capitaux nationaux et étran-
gers se sont associés pour renforcer de vieilles industries -
c'est l'exemple de BLOHORN (huilerie, savonnerie) contrôlé
aujourd'hui par Unilever Ltd avec 80,57 % du capital, en
association avec des privés nationaux ; CAPRAL (café solu~·
ble, boissons chocolatées) contrôlé 62,3 % par le groupe
NESTLE ; la SAPH (caoutchouc détenue à 60,4 %par l'Etat
ivoirien associé au groupe SOFFO-SIPH - ou pour en créer
de . nouvelles - c'est le cas de CHOCODI créé en
1976 par
le groupe CACAO-BARRY qui détient 51 % du capital ; ou
encore de UTEXI (textile) créé en 1972 et contrôlé par des
capitaux étrangers associés à l'Etat par l'intermédiaire
de la BIDI (Banque Ivoirienne pour le Développement Indus-
triel) (1).
Résultat: De seulement 11,5 % en 1961, le chiffre d'affaire
réalisé à l'exportation par l'industrie ivoirienne atteint
24,6 % du total des ventes en 1970. Le "redéploiement" qui
s'opère au cours des années 70 permet de réaliser 37 %des
ventes à l'exportation en 1983. (2)
----------------------------------------------------------
(1) Pour plus de détails, voir tableau ci-après.
(2) - "Bulletins mensuels de statistiques de la Côte
d'Ivoire ll , série 1963 ;
- "Chambre d'Industrie de Côte d'Ivoire", Abidj an,
Juin - 1984.
.

134.
Quels sont les types de produits et quels sont
les marchés visés par cette stratégie d'industrialisation
ayant pour objectif l'accroissemeht de la capacité d'ex-
portation des unités productives qui s'implantent en Côte
d'Ivoire? Et à travers la logique d'internationalisation
du capital, quel type de spécialisation cela implique
pour l'économie ivoirienne?

1
!
REPARTITION DES VENTES DES PRINCIPALES ENTREPRISES EXPORTATRICES.
(Ann~e 198~ - en milliards de F CFA et en pourcentage).
CAHT
VentC's
Exportations
Répartition du capital
Entreprises par branche
(milliards
Répartition du capital
F CFA)
cr (%)
Privés
Afrique
Europe
Etran-
Aulres
Total
Etat
iVoiriens gers
Etrangers
Travail des gr,ains et farines.
-
- Sté Nvelle SIFCA (café,
cacao)
161
-
-
70
30
100
-
55 %
45 %
(Comafrique)
- Ets Jean Abile-Gal S.A
(café)
91,3
21,4
-
18,9
59,5
78,4
-
47,63
52,37
Groupe Abile-Gal 46,33 %; Divers
In:lust1'ies Aero-Alimentaires':
actionnaires 6,04 %.
- Nvelle SIACA (ananas)
2,6
5,34
5,25
89,41
-
94~66
- Chocodi* (ca~o, chocolat)
- 62,9
37
T.P.c (FClrJJDse) 35 % ; SOI'REF-CI 2 %
4,5
6
2
92
-
94
39
- tbvalim-Nestlé (cube Maggi,
-
61
cacao-Ban-y 51 %; Soëipec 10 %
Cérélac••• )
14,01
68,5
30,6
-
30,6
- Capral-Nestlé
-
-
12,2 .
fr7 ,8
(Groupe Nestlé)
17,2
15-%
32,3
52,7
-
85
-
37,7
62,3
(Groupe Nestlé)
- A.P.I." (café, cacao)
8,9
-
-
25 %
75% USA 100
33,3%
-
66,6
.. Groupe cacao-Barry 22,2 %; Socipec 33,3 %
- XODX (conserves de thon)
Comafrique 11,1 %
'
12
1
-
99
-
99
-
38
62
- PFCI, (ccnserves de thon)
(Capitaux français. Origine non
11
précis~)
0,5
-
99,5
-
99,5
-
34
66
(Capitaux francais. Origine non précisée)
Irx:lustries œs corys gras
dél'J.vés et â1:unentairEis
- BLOHOON-8A (huilerie, savori-
O81'ie, lipochimie)
45,2
81,4
18,5
-
-
18,5
-
19,43
80,57
Unilever Ltd
- Trituraf" (huiles)
5
75
-
25
-
25
n.p
5 %
n.p
Autres industries alinentaires
tabacs et Allunettes
- somoPAL (Allurœttes)
n.p.
75 %
25 %
-
-
25
-
90
10
n.p.
Industries des
textiles et·.
fi81)î11 ement :
- Ets R. Gonfreville •
24
61
22
17
,
-
39
49
17
34
Cie Optorg 7,5 % ; Thxunion 7,5 %;
1
,
- l11EXI
SFI 7,5 %; Privés
18
~ais 11,5 %.
r
70
-
30
-
30
12,26
-
87,74
Unitika 22,55 %; }bIlamo 22,55 %;
FMO 12,14 %; BEI 12,13 % ; IcmI 7,60 %
->
CFOM b ~b ~ • OTnT ~ ~~ _
U1
"u;;.y;,.,6,J, P ,;;w;;
Ct;
sz.
k , .;,"; "
~..J L.
J. L
QJ k
!W!fI!»EJIi!.4!Û4e;!lt!4..J, _$
M.• .mm ",. LI RU

*
.• - - - . - - - - - -
If 1.
~ · ' 1 1
O t t
tm 4"*lIl
1
CNfr
Ventes
Entreprise~ par branche
L'Cportations
(mil] j ilT'd,s
lRépartition du capitalJ
Répartition du capital
F CFA)
CI
(%)
-
..
Afrique
_ - -
Europe
Autre8
'lbtal
Etat
Privés 1Etrar.-'
Etrar'-i
1
ivoiriens gerll 1
Etrangers
- FlBAJ«)
1,5
l
-
70
30
-
-
30
1
- S.E.T.C.I.
-
55
~5
~5
1
1
Actionnaires franca
0,9
80%
20
-
- S.A.a
-
20
3,6
-
30
70
France
(non précis
66
17
17
-
34
-
3,32
96,68
Privés libanais
Industries du bois:
- S.I.P.C.I
4,5
10
-
90
- c.I.a
-
!Xl
n.p
n.p
n.p
~, 9
6,1
-
\\ 94,9
- Sté Ind. 'Ihanry
-
91l,9
-
100
Privés francais (n
16,9
6
4
75
15
9~
- Scier~e d'Agnibilékro
-
100
n.p
4,6
2
./
-
98
-
98
n.p
n.p
- S.I.T.B.A.I
n.p
1,9
3
-
92
5
97
100
Privés libanais
Rai'f~ du pétrole et
-
~:
- S.I.R (raffinage)
258
91,7
8,3
-
-
8,3
47,2
52,8
Etat, Burkinabé 5,
10,29 %; grOlpe B
8% i Groupe Texa,
'-:l'JObil oil C.I.
O,15~ % ; SNEA 5,
43
92
8
-
-
8
-
99,9
Groupe M:>bil (Eta
Industries chimiques :
'.
- Pechiney Ar. OJest
2
50
50
-
-
50
-
100
- H1ôœ Poulenc D..lest Af.
GrOlpe PUK 95 % ;
12,5
40
60
-
-
60
-
100
- seCI (CCl1ÇJCll.lOOS Vinyliques)
(Grrope Rhône POl
5,3
55
45
-
-
45
- Allibert (plastiques)
-
90
10
n.p
1,9
85%
15%
-
-
15
-
28,33
71,67
Sanrrer Allibert 5
17,5 % ; Divers a
- SIVENG (engrais)
1,66 %.
9,9
59,5
40,4
ï
-
~O,4
26,981
26,98
31,04
- S.T.E.P.C (engrais)
41,98
n.p
17,5
85
15
-
-
15
-
100
Cœptoir français
1
- Sté Afrique Shell-a-li1nÏe
SCPA 89 % ; Diver
7,2
55,5
44,4
' ,
-
-
44,4
- SOFA<X>-Rhôœ POller1c ,
-
100
(ShellPetroleum)
(pesticides, insectiaides •••
3,8
74,3
25,7
-
-
25,7
-
15
85
(Rhôœ Poulenc)
0'\\

'\\
'\\
CAHT
Ventes
E,xportations
Répartition du capital
Entreprises par branche
(milliards
Répartition du capital
F CFA)
CI (%)
Afrique
1
Europe
Autres
Privés
1Etran
: Total
Etat
ivoirienS,gers
Etraltgers
- Hoechst Ivoire S.A
5,2
90
10
-
-
1
,
iD
-
":
100
Hoechst A.G 99 % ; Sct~ francaise Hoechst
1
0,8 %;
Administration 0,2 %
- EvtIready (piles sèches)
8,07
85
15
-
-
J.5
-
-
100
(Groupe Ralston Purina)
- Mipa - Bic
2,7
61
39
-
-
39
-
-
100
(Groupes CFAo-crCA)
,
,
lroustries du Caootchouc :
- S.A.P.H (hévéa) .
9,76
5
-
90
5 (USA) .
60,~
38,7
(Oroupe SOFFQ - SIPH)
- C.C.P. (hévéa)
n.p
lj
6
90
-
96
-
98
2
(Divers actionnaires fiancais)
.
Extrntion et fabrication de
.
rœtér~aux de construcbon :
-.
- S.LC.H (ciment et IIB.tériaux
8
87%
13%
-
-
13
20%
80%
.
Holding Ot'igny - Desvroise 79,98 %
.
.
fonstruction, Ré!itZtion et
i=rtation de IlBt riel de
transport:
- S. I.F.M.A (m:>ntage auto.)
1,6
62,8
31,2
-
-
31,2
-
n.p
~9%
(n.p)
- SIDAF (véhicules DAF)
2,7
95
5
-
-
5
-
-
100
rnF - Pays Bas 95 % ; SIFF 5 %.
- ~IAC (cycle)
~
80
20
-
-
20
-
-
100
CFAO 38,5 % ; DOMAFI 18,57 % ;
Cie q,torg21,88 % ; autres 21,05 %.
Autres Industries mécaniques el
elect.• Construct~on métalliqUE
A.B.I (outill~ agricole .•• )
1,8*
~O
60
-
-
60
-
95
5
(francais n.p)
- ACB'~I (électroménager)
0,8
70
30
-
-
30
-
10
90%
(S.E.E.E)
- 5arACI (acier)
lj,3
55
lj5
-
-
lj5
-
n.p.
25
(Vallo.Jrec)
- T. LM (tréfileries, clouterie
1,1
75
25
-
-
25
-
-
100
(fran;ais n.p)
.
- 'I15les - Ivoire
~
92
8
-
-
8
-
23
77
IPS -Suisse 20 % ; capitaux japonais

27 % ; Divers 30 %•
- SIEM (emballages métal~iques)
9,2
80
20
-
-
20
10,lj2
10,~2
79,16
Qunaud S.A 73,83 % ; M3.ssieye et
, 1
Ferras 3,lj7 % ; Divers 1,86 %
;
-->
1..
--..J
~T'>ffili
HA.
4kQJ
4A

CAJrr
VenteB
Entreprises par branche
Exportation!!
(milli ardll
R~partition du capital
116partition du capital
F CFA)
CI (% )
Arrique
Europe
Autl'C'I!
Total
Etat
Privés
Etran
ivoiriens gerl!
Etrangers
- ~ŒMl (articles ménagers)
3~2
87
13
-
-
13
-
10
90
(Oroupes HOJl!; Kong)
- Ivoiral - l'échiney
3,1
80
20
-
-
20
-
-
100
Péchiney Aluminium 51 % j eo.fimer 20 % ;
Clovis Co 25 % ; Brossette 4 %.
- SICABLE (filets et câbles
électriques)
2,3
85
15
-
-
15
25
-
65
Grcupe Pirelli 51 % ; Ivoiral 9 % ;
Sidelaf 5 %.
- SI'ŒL (équipements électro.
1,5
90
10
-
..
-
10
-
-
100
(français n.p)
Imustries du papier et du
.....
~~
12,3
93,8
6,1
0,1
-
6,2
35
10
55
(Papeteries et cartonneries de I.uni:>res)
~ : Ministère de l'industrie: Répertoire des industries et activités de Côte d'Ivoire,
Rép,ublique de Côte d'Ivoire, Edition 1986 - 1987.
(*) Chiffres 83/84
,
n.p = non précisé.
,
->
W
co
)"(,"""-:>"'L
, ; : ' ; 1 + 1
Q,))44.o:;;;:;ep44 MM
,#$Ç.)fQU k*PM:::U!"Il.Jii!J:A.«".W.,L
·"W,LlJZ..4;
%
; JAL.
Ji).
t

139.
Dans le tableau
figurent les principales
entreprises exportatrices par branc~e (ne sont retenues que
celles pour lesquelles le "Répertoire des Activités Indus-
trielles" donne des informations précises).
Certaines entreprises produisent surtout pour
les marchés essentiellement européens. Il s'agit des indus-
tries tournées vers la transformation des matières premières
locales. C'est le cas dans le conditionnement du café et du
cacao avec la société Nouvelle SIFCA et les Etablissements
Jean Abile Gal, toutes deux créées à partir de capitaux
francais associés à des privés nationaux et qui réalisent
respectivement 100 %et 78,4 % de leur CART en Europe;
c'est le cas également dans les industries agro-alimentaires
avec la Nouvelle SIACA (ananas) créée à partir de capitaux
formosans associés à des capitaux nationaux privés, CROCODI
contrôlée à 61 % par des capitaux étrangers (dont 51 %
détenus par le groupe CACAO-BARRY) en association avec
l'Etat ivoirien, la CAPRAL (café), filiale du groupe NESTLE
(62,3 % du capital) associée à des privés nationaux, ou
encore API (café, cacao) fiont 66,6 % du capital est détenu
par CACAO-BARRY (22,2 %), SOCIPEC (33,3 %) et COMAFRIQUE
(11,1 %) associésà l'Etat ivoirien (25 % du CART en Europe
et 75 % aux Etats-Unis). Outre le café, le cacao et l'ananas,
il y a les conserves de thon avec la SCODI et la PFCI, toutes
deux contrôlées par des capitaux francais et réalisant 99 %
de leur CART en Europe.
Enfin, dans la catégorie des entreprises produisant essen-
tiellement pour le marché européen, il faut mentionner les
industries du bois (sciés, déroulés, contreplaqués) et les
industries du caoutchouc (produàtion de caoutchouc naturel
par la SAPR, filiale du groupe SOFFO-SIPH,:et par la compa-
gnie de caoutchouc du Pakidié).

140.
La capacité d'exportation des unités de produc-
tion ainsi créées est liée à des modalités nouvelles d'in-
tégration de l'économie ivoirienne dans la logique de repro-
duction des systèmes productifs dominants : la simple
collecte de matières premières agricoles à l'état brut,
caractéristique de la période coloniale, est en partie rem-
placée par la valorisation des produits agricoles en produits
semi-finis (extraits de café, poudre et beurre de cacao,
bois sciés ou caoutchouc naturel .•• ) qui seront utilisés
comme intrants dans les industries européennes.
Cette "spécialisation industrielle"
orientée
vers l'exportation se présente, en définitive, comme un
prolongement et un approfondissement de la spécialisation
dépendante en cultures commerciales d'exportation. Elle
permet, à l'exportation, l'obtention d'une valeur ajoutée
plus élevée. Mais elle exige, en retour, l'extension de
l'agriculture d'exportation afin d'approvisionner les unités
de transformation locales.
Au total, il faut néanmoins rappeler que les
exportations industrielles ivoiriennes vers l'Europe restent
faibles, les produits primaires représentant l'essentiel
des échanges avec les économies dominantes (voir le chapitre
relatif à l'intégration productive primaire). C'est donc
le marché africain, et plus particulièrement le marché
régional ouest-africain, qui absorbe la plus grande partie
de la production industrielle ivoirienne exportée. Pour
l'année 1985, la part destinée à l'Afrique de l'Ouest est
estimée à 23 %du total, dont 18 % pour la CEAO (Communauté
Economique de l'Afrique de l'Ouest) et 5 % pour les autres

1 41 •
pays de la CEDEAO (Communauté pour le Développement Econo-
mique de l'Afrique de l'Ouest).
(1)
Les entreprises qui, par leur capacité d'exporta-
tion, étendent le marché ivoirien à d'autres marchés afri-
cains appartiennent à sept branches : le textile, les pro-
duits issus du raffinage du pétrole, les industries chimi-
ques, les matériaux de construction, le matériel de trans~
port, les industries mécaniques et électriques et l'indus-
trie du papier et cart on. Il s'agit des industries tcumées
essentiellement vers la production de biens de consommation
courante, les acti vi tés de montage ou d'as semblage, la for-
mulation chimique et les produits dérivés du pétrole, les
travaux de construction et le conditionnement (emballage).
Dans ce groupe, l'industrie textile représente
un cas à part: en moyenne, les principales entreprises
exportatrices que nous avons retenues réalisent au total
30 %du CAHT à l'exportation. Mais si ces exportations sont
en grande partie destinées au marché africain, il n'en
demeure pas moins que l'Europe occupe une place importante
dans la stratégie de marché des firmes qui sont implantées
en Côte d'Ivoire (les parts respectives de ces deux sont de
17,8 %et 12,2 %en moyenne).
L'importance accordée au marché européen appa-
raît dans deux entreprises: UTEXI, contrôlée à 91,67 % par
des capitaux étrangers (UNITIKA, HOLLANDO, FMO, BEI, ICODI,
CFOM) associés à l'Etat ivoirien,; qui réalise la totalité
de ses exportations en Europe, soit 30 % de son CAHT ; et
la SAB (bonneterie), contr61ée à 96,68 % par des capitaux
----------------------------------------------------------
(1) Cf "La Cete d'Ivoire en chiffres", op.cit., EditionA'Sb'-2>t.
1986-87, p.

142.
libanais associés à des capitaux nationaux privés, qui
réalise à l'exportation 34 % de son CAHT répartis à part
égales entre l'Afrique et l'Europe.
Classés avant UTEXI dans la catégorie des in-
dustries dites de "troisième génération", les Etablissements
R. Gonfreville, créés par des capitaux nationaux (dont 49 %
à l'Etat et 11,5 % aux privés nationaux) en association
avec des capitaux étrangers (OPTORG, TEXUNION, SFI), réalise
22 %de ses ventes en Afrique contre 17 % en Europe.
Par contre, FIBAKO et SETCI exportent uniquement vers
d'autres marchés africains.
Devenue non compétitive dans les économies
dominantes, et plus facilement transférable vers les pays
à bas salaires parce que ne posant pas de problème parti-
culier d'adaptabilité de la main-d'oeuvre, l'industrie
textile a trouvé en Côte d'Ivoire un nouveau champ d'expan-
sion. A la faveur des mouvements de délocalisation opérés
dans cette branche, les capitaux étrangers - les groupes
multinationaux - associés à l'Etat ou à des privés nationaux
ont permis l'implantation de nouvelles firmes au cours des
années 70 ou l'extension d'autres qui existaient.
Projet national d'industrialisation - la poli-
tique de promotion des exportations industrielles - et
stratégie de marché des firmes multinationales s'articulent
dans une logique d'intégration productive industrielle qui
est différente de celle qui caractérise les branches tour-
nées vers la transformation alimentaire. Ce ne sont plus
les produits semi-finis d'origine agricole qui sont exportés
pour être incorporés dans la consommation intermédiaire des

143.
systèmes productifs dominants. A partir d'une matière
première locale, le coton, et d'une main-d'oeuvre
relative-
ment moins chère, des produits finis sont fabriqués sur
place, une partie de la production
étant directement des-
tinée à la consommation finale européenne.
En même temps, à travers cette stratégie de
marché, la Côte d'Ivoire sert de base productive qui
dessert d'autres pays africains. Cette extension de l'espace
de consommation marchande vers d'autres pays africains,
au-delà des frontières ivoiriennes, est le prolongement de
la stratégie d'import-substitution qui exige un marché de
taille suffisante pour justifier l'implantation des firmes
étrangères.
C'est dans cette optique qu'il faut situer les
entreprises appartenant aux six autres branches déjà men-
tionnées ci-dessus. Il s'agit, pour la plupart, de filiales
de firmes multinationales
créées par une association de
capitaux d'origines diverses (étrangers, Etat-ivoirien,
privés nationaux) ou contrôlées à 100 % par la société-
mère. Les types de produits fabriqués par ces entreprises
ne sont écoulés que sur le marché ivoirien et d'autres
marchés africains.
En choisissant la Côte d'Ivoire comme base pro-
ductive, les groupes BRITISH PETROLEUM, SHELL, TOTAL, MOBIL,
TEXACO et ESSO; en association avec les Etats ivoirien.
et
burkinabé, ont créé la SIR (Société Ivoirienne de Raffinage).
La part exportée des produits du raffinage (8,3 %du CART)
montre l'importance d'Abidjan en tant que port réceptionnant
et transformant:le pétrole à destination des pays voisins

144.
qui ne bénéficient pas d'ouverture sur la mer (Burkina Faso,
Mali .•• ).
Cette stratégie de marché des FMN, axée sur
l'exportation vers d'autres pays africains à partir
d'unités productives localisées en Côte d'Ivoire,
apparaît avec beaucoup plus de force dans certaines bran-
ches : les industries chimiques avec PECHlNEY AFRIQUE OUEST
qui réalise 50 % de ses ventes dans la sous-région, RHONE
POULENC OUEST-AFRIQUE (60 %), AFRIQUE SHELL-CHIMIE (44,4 %)
ou encore MIPA-BIC contrôlée par le groupe CFAO (39 %) ;
les activités de montage automobile et cycles avec la
SIFMA (31,2 %) et la MANUFACTURE AFRICAINE du
CYCLE (20 %);
les industries mécaniques, électriques et la construction
métalliques avec ABI pour l'outillage agricole (60 %);
ACEMCI pour l'électroménager (30 %), SOTACI pour l'acier
(45 %) ou IVOIRAL, filiale de PECHlNEY UGINE KUHLMANN pour
l'aluminium (20 %).
Outre ces trois branches où l'on retrouve les
principales entreprises à forte capacité d'exportation vers
les marchés africain, il y a la fabrication des matériaux
de construction avec la SICM (ciment et matériaux), filiale
du groupe ORYGNY-DESVROISE qui réalise 13 % de son CAHT en
Afrique; et l'industrie du papier et du carton avec la
SONACO (6,1 %).
Enfin, deux entreprises sont intégrées dans la
stratégie de marché orientée vers l'Afrique, sans pour
autant être classées dans les sept branches que nous venons
d'examiner. Il s'agit de NOVALIM, filiale du groupe NESTLE
(30,6 % des ventes en Afrique) et BLOHORN-SA, filiale de
UNlLEVER (18,5 %).

145.
Dans 'la hiérarchisation des systèmes productifs
nationaux, l'économie ivoirienne fonctionne comme une base
productive / point d'appui à partir de laquelle est organi-
sée l'extension de la sphère de consommation marchande vers
d'autres pays africains plus retardés dans leur industriali-
sation.
Dérivant de la stratégie commerciale des FMN,
ce type de "spéci~lisation" s'inscrit dans une logique
d'internationalisation du capital qui, au-delà des particu-
larismes nationaux, structure les comportements de consom-
mation et tend à la standardisation des modes de vie.
TABLEAU / LA CONSOMMATION EN MILIEU URBAIN IVOIRIEN
(Appareils ménagers et autres).
~aux de possession
Taux de possession (%)
Produits
~ Abidjan (% )
dans les ville de l' int
_.
Radio
86
71
Electrophone
46
32
Réfrigérateur
37
29
Ventilateur
34
19
Télévision
24
13
Automobile
14
11
Vélomoteur
13
23
Cui sinière à gaz
12
9
Bicyclette
3
18
Climatiseur
2
2
Cuisinière élec
trique
2
1
Source
Enquête Institut Ivoirien d'Opinion Publique et
Club Ivoirien d'Etudes et de Recherches Appliquées,
"Comportements de consommation et dépenses des'
ménages en milieu urbain, Abidjan, 1973.

146.
TABLEAU / DIFFERENCES DES TAUX DE POSSESSION SELON LES
CATEGORIES DE REVENU.
(Résultats relatifs à la ville d'Abidjan).
Produits
Moins de (% ) De 30.000 à (%)
Plus de 50. 000
30.000FCFA/mois
50.000 FCFA/mois FCFA/mois (% )
Radio
77
92
96
Electrophone
37
55
63
Ventilateur
18
43
61
Réfrigérateur
8
51
77
Télévision
4
28
61
Cuisinière à gaz
1
10
39
Cuisinière élec-
trique
-
2
4
Climatiseur
1
1
7
Automobile
2
13
46
Vélomoteur
14
16
6
Bicyclette
5
1
1
Source
Enquête Institut Ivoirien d'Opinion Publique et
Club Ivoirien d'Etudes et de Recherches Appliquées,
"Comportements de consommation et depenses des
ménages en milieu urbain, Abidjan, 1973.
Les problèmes que soulèvent ce processus d'indus-
trialisation sont connus.
L'organisation de la production industrielle,
subordonnée à une rationalité purement marchande, reproduit
un modèle de consommation importé qui, par sa force de
séduction, imprègne les populations locales. Dans ces con-
ditions, la publicité dont bénéficient les produits nouveaux
peut fausser les priorités nécessaires à un développement
équilibré. Celso Furtado souligne bien cette situation dans
laquelle se trouvent les économies dominées :

147.
"Celui qui construit sa propre maison y met tout
son art afin de se doter d'un environnement qui lui rendra
la vie plus agréable. On peut dire la même chose, en ce qui
concerne les vêtements, la nourriture et en général tout ce
qui est l'expression immédiate de la personnalité humaine.
Si ces objets sont achetés au marché, la participation de
l'individu dans l'aménagement de sa propre vie est réduite
au minimum ou prend forme du simple mimétisme social. La
possibilité de créer quelque chose pour soi-même ou dans le
cadre des relations personnelles diminue : la vie en tant
que projet original finit par être remplacée par un processus
d'adaptation à des stimulants extérieurs. L'individu pourra
réunir autour de lui une myriade d'objets, mais sa partici-
pation à la création
de ceux-ci sera nulle. Les objets qu'il
acquiert et remplace à chaque instant peuvent lui apporter
le "confort", mais manquent d'un lien profond avec sa propre
personnalité. La production de tels objets est subordonnée
au processus d'accumulation, qui trouve dans l'uniformisation
des modèles de consommation un levier puissant". (1)
Se pose donc le problème de la créativité locale
confrontée àde nouvelles normes techniques et à un nouveau
mode de vie véhiculés par "l'industrie moderne". L'expérience
a montré que dans cette confrontation, le savoir-faire
"traditionnel" tend à être rélégué à l'arrière-plan, au béné-
fice de techniques nouvelles importées, mais non maîtrisées
au plan interne. L'industrialisation vient avec une techno-
logie et des machines prédéterminées par le niveau de déve-
loppement industriel des économies dominantes.
(1) Celso FURTADO, Créativité et dépendance, PUF, 1981, p.68.

148.
Carlo BENETTI parle de "saut technologique" pour
caracté-
riser ce changement dans la base technique de la production
au sein des économies dominées (1). Ce changement se réalise
à travers l'incorporation dans l'accumulation de techniques
produites dans les pays dominants. Ainsi l'économie dominée
est contrainte d'absorber des techniques créées ailleurs,
en fonction d'autres impératifs que ceux dictés par les
exigences et les conditions particulières de sa croissance.
L'industrialisation, liée à la stratégie de
marché des FMN, est donc non seulement le véhicule d'une
nouvelle manière d'être, mais aussi d'une nouvelle manière
de faire. Des nouveautés qui peuvent s'avérer asservissantes
lorsqu'elles accentuent la dépendance vis-à-vis de l'exté-
rieur (dépendance technologique, dépendance culturelle).
(1) Carlo BENETTI, L'accumulation dans les pays capitalistes
sous-développés, Anthropos, Paris, 1974,
p. 172.

149.
CHAPITRE 5
L'INTEGRATION FINANCIERE
LE POIDS DE LA
DETTE EXTERIEURE.
Le recours à l'emprunt extérieur a eu pour consé-
quence une intégration accrue de l'économie ivoirienne dans
les circuits financiers internationaux. La forte augmentation
de la dette extérieure au cours des années soixante-dix en
est le résultat.
Dans une très large mesure, la formation et la
croissance de cette dette s'expliquent par la rencontre de
deux logiques: à la logique d'un projet de développement
national inspiré par le désir de "modernisation" va corres-
pondre celle de l'économie de crédit international.
Les contraintes de remboursement liées à l'endette-
ment expliquent pourquoi, à la fin des années soixante-dix,
le gouvernement ivoirien est forcé à des choix économiques
orientés prioritairement vers l'exportation en vue d'honorer
ses
échéances.
~~g~IQ~_I : 1~_EQ~~~~IQ~_~~_1~_~~~~~_~~~~~I~g~~
_IYQJJiIE~~A_~Y__~Q.~B§__l2.E;§_~li~E:~_~"'§QI~:~I~·
Outre le surplus issu du secteur agricole exporta-
teur et les flux d'investissements directs étrangers, le
recours à l'emprunt extérieur va constituer, au cours des
années 70, une des sources principales de financement de
l'économie ivoirienne.

150.
Les données fournies par la Banque Mondiale nous
permettent d'apprécier l'évolution de l'endettement exté-
rieur de la Côte q'Ivoire.
TABLEAU / EVOLUTION DE LA DETTE EXTERIEURE DE LA
COTE D'IVOIRE (valeurs en millions de dollars US)
1970
1975
1977
1978
1979
1980
1981
1982
1983
1984
Dette totale
427,7
1529
2191
3144
3966
4876
5151
6330
6140
6185
Service de
la dette (SD)
39,6
130,4
270
397
601
871
921
959
791
641
Exportations
(X)
565,7
1503,4 2779
3087
3292
3640
2915
2894
2503
3012
SD/X (%)
7
8,6
9,7
12,9
18,3
23,9
31,6
33,1
31,6
21,3
Source
World Bank, World Debt tables, Editions 1985-86
86-87 ; 87-=8'8".
La hausse de la dette extérieure ivoirienne au cours
des années soixante-dix s'est poursuivie au bébut des années
quatre-vingt, atteignant un pic de 6330 millions de dollars
en 1982 contre seulement 427,7 millions de dollars en 1970.
Cette évolution rapide s'est traduite par un alourdissement
du ratio service de la dette / exportation : de 7 % en 1970,
ce ratio passe à 24 % en 1980 ; il dépasse le seuil d'alerte
des 25 % à partir de 1981, année au cours de laquelle il
atteint 31,6 %, puis 33,1 % et 31,6 % respectivement en 1982
et en 1983. L'amélioration des recettes d'exportation en 1984.
combinée avec l'obtention du premier rééchelonnement de la
dette au cours de la même année, contribue à réduire le ratio
service de la dette/exportation à 21,3 %.

151.
Avec un tel rythme d'endettement durant les
années 70, la Côte d'Ivoire est devenue le principal débi-
teur de l'UMOA (l'Union Monétaire Ouest Africain),. repré-
sentant à elle seule 60,4 % de la dette totale des six pays
membres de l'Union en 1980. (1)
Comment peut-on expliquer la formation et l'évolu-
tion de cette dette ?
L'augmentation rapide de la dette extérieure
ivoirienne apparaît d'abord comme étant le coût d'une poli-
tique volontariste de modernisation de l'économie nationale (2).
Cette politique se précise au cours des années 70, à travers
les plans quinquennaux de développement 1971-1975 et 1976-
1980 qui font de l'industrie le moteur d'une croissance
forte. Les prévisions formulées par les planificateurs nous
donnent une idée des ambitions de l'époque. On peut ainsi
lire dans le plan quinquennal 1971-1975
"Le secteur industriel, qui ne ~eprésentait en
1960 que 6 % de la production totale, en représentera près
de 20 % en 1975 et environ 24 % en 1980, au sein d'une PIB
qui aura été multipliée par 4,6 au cours de la période." (3)
(1) World Bank, World Debt Tables, Dec. 1981.
(2) Voir notamment les études de :
- Bonnie CAMPBELL, "L'idéologie de la croissance: une
analyse du plan quinquennal de développement 1971-1975 de
1;!Frô~~12.'Ivoire", in RevU.!::.._ canadienne des Etudes Africé3:ines, VoeAl)
-J.P. FOIRY, D. REQUIER-DESJARDINS, PlanTIfication et
politique écon?mique en Côte d'Ivoire, 1960-1985, CEDA,
Abldjan 1986.
(3) Minist~re du plan, Plan quinquennal de développement
econornique, social et-Culturel 1971-1975, p. ~,----
Abidjan, 1971.
.

152.
Le plan quinquennal 1976-80 poursuit les mêmes objectifs
"Une croissance forte du secteur industriel qui
devrait au cours de la période sinon prendre le
relais de l'agriculture dans la croissance globale
et dans l'équilibre des comptes extérieurs, du
moins jouer un rôle de plus en plus marqué dans le
développement du pays." (1)
L'objectif de recherche d'une croissance industri-
elle maximum est donc exprimé avec clarté. C'est dans cette
perspective que le plan 1976-1980 prévoit les grands projets
If
de développement de l'économie ivoirienne j'i11s concernent,
entre autres : (2)
1
- la mine de fer et l'usine de pelletisation du Mont
Klahoyo qui représentent 260 milliards F.CFA, auxquels il
faut ajouter 70 milliards d'infrastructures (un chemin de
fer prévu) ,
- une usine de pâte à papier représentant un investis-
sement de 70 milliards F.CFA.
A ces deux projets nécessitant la mobilisation de
400 milliards de F.CFA, il faut ajouter 434 milliards
prévus pour les autres investissements industriels de la
période 1976-80 et 243 milliards d'investissements dans le
domaine de l'énergie électrique effectués par l'Etat.
----------------------------------- -----------------------
(1) Ministère du Plan, Plan quinquennal de développement
econ0mique, social et culturel 1976-1980, p. 31,
-
Abidjan, 1976.
(2) Ministère du plan, Op.Cit., p. 98-100 ; 328-335.

153.
Les autres grands projets concernent :
- six complexes sucriers, auxquels s'ajoutent des
usines de décorticage du café et du cacao, la production du
chocolat et du café soluble ;
- les industries textiles et les industries du bois ;
- les industries chi.r:Jj_ques- et parachimique-s",' _~vec -pour obj ec-
tif-le doublement de la capacité de raffinage-et. la création
d'une unité de pneumatique ;
- enfin, les unités de montage mécanique et électrique.l'I!
Un tel projet de développement a ses exigences. Et
elles sont prévues par les planificateurs
"La croissance rapide de la production intérieure,
tout au cours de la période, gonflera les importa-
tions de matières premières et de produits semi-
finis nécessaires au fonctionnement des entreprises,
mais elle développera très largement, en outre, les
importations de biens d'équipement pour les entre-
prises et les investissements d'infrastructure
économique et sociale." (1)
Pour produire, il faut importer des matières pre-
mières, des produits semi-finis et des biens d'équipement.
Ainsi, de 11,2% sur la période 1960-1970, le taux de crois-
sance annuel moyen des importations ivoiriennes passe à 25 %
sur la période 1970-1980 (2). Ceci explique l'augmentation
régulière du ratio importation/PNB qui passe de 42,6 % en
1970 à 48,6 % en 1975 pour atteindre 51,2 % en 1980. (3)
-----------------------------------------------------------
(1) République de Côte d'Ivoire, Ministèrâ du plan,
"Deuxième esquisse du plan quinquennal de développement
1971-1975", p. 24, Abidjan, Juin 1970
(2) Nations Unies, Manuel de statistiques du commerce
international et du développement, 1984 (supplément) et
1985 (supplément).
(3) World Bank, World Debt tables, 1986-1987.

154.
Exigence de consommation. Les premleres importa-
tions entretiennent ensuite un courant d'importations indis-
pensables au fonctionnement de l'économie. L'entretien des
infrastructures, l'installation d'unités de production
industrielle exigent en retour des importations annuelles
d'une proportion non négligeable
de l'investissement
initial.
La modernisation de l'économie nationale apparaît
comme un projet à la fois ambitieux et coûteux. Au total,
les investissements publics prévus sur la période 1976-1980
sont estimés à 1020 milliards F.CFA (1). Avec, directement
à la charge de l'Etat, 588 milliards F.CFA d'investissements,
auxquels s'ajouteront 87 milliards de francs de consolida-
tions consenties aux entreprises publiques, soit un engage-
ment financier total de 675 milliards de francs.' (2)
D'un quinquennat à l'autre, les planificateurs
prévoient un doublement des investissements publics totaux
qui passent de 512 milliards F.CFA au cours du quinquennat
1971-1975 à 1020 milliards F.CFA au cours du quinquennat
1976-1980. Ceci explique, compte tenu de la faiblesse de
l'épargne nationale, la nécessité de rechercher une part
de plus en plus grande des financements à l'extérieur.
-------~----------------------------------------------
------
(1) Ministère du plan, Op.cit., p. 624-625.
(2) A o~tte somme s'ajoutent les investissements que doivent
réaliser les entreprises publiques et les autres adminis-
trations.

155.
TABLEAU 1 FIN~CEMENT DES INVESTISSEMENTS 1976-1980
(en milliards de F.CFA).
1976
1977
1978
1979
1980
Epargne i11térieure
brute
221,2
390,0
351,4
313,7
267,4
Financement
extérieur
31,8
29,2
178,5
250,0
382,5
Financement
extérieur
(%)
21,6
7,0
33,7
44,3
58,9
.Financanent total
Source
République de Côte d'Ivoire, Ministère du plan,
"Plan quinquennal de développement économique,
social et culturel 1981-1985", p. 125, Abidjan, 1982.
L'emprunt extérieur va devenir, au cours des années
70, un des moyens de compenser l'insuffisance des ressources
internes afin de soutenir les programmes d'investissement.
Et cela est facilité par les nouvelles règles du jeu qui
caractérisent la montée de l'économie de crédit internatio-
nal, dans un contexte à la fois de crise et de surliquidités
monétaires qui ne trouvent pas d'opportunité de placement
dans les économies dominantes.
~
Palloix nous donne une explication de l'extension
~ de l'économie de crédit international vers les formations
sociales dominées. Il note que dans les économies dominantes,
"... la crise se manifeste par un~ ruptàre de la circulation
marchande, ce qui pose le problème de la validation du tra-
vail social avancé (financement) dans la circulation'

156.
capitaliste, qui ne peut être recherchée que dans la fuite
en avant par une pseudo-validation qui se développe au sein
de l'économie de crédit et est génératrice d'inflation. Le
rétablissement de la circulation marchande et de sa liaison
intime avec la circulation capitaliste est recherché au plan
mondial par le recours aux exportations de marchandises,
notamment de biens d'équipement".
(1)
En d'autres termes, c'est le lien entre l'exporta-
tion de capitaux et l'exportation de marchandises qui est
saisi comme dynamique de l'accumulation à l'échelle mondiale.
La demande intérieure tendant à la stagnation dans les pays
industrialisés, on cherche à créer, avec le capital de prêt,
une demande plus élevée dans les économies dominées.pf
Ce sont les groupes bancaires internationaux qui
deviennent le principal vecteur de l'internationalisation
du capital, contribuant à l'alourdissement de la dette au
sein des économies nationales dominées. Ils y parviennent
grâce à la forte augmentation des liquidités dont disposent
les pays de l'OPEP à faible population. Ces capitaux ne
peuvent plus être placés au même rythme qu'auparavant dans
les pays capitalistes avancés en raison de la crise. Dès
1974, il était devenu nécessaire de recycler les excédents
pétroliers des principaux pays exportateurs de pétrole qui,
de 7 milliards de dollars en 1973, sont montés à 69
mil-·
liards (2). Mais il n'y a pas que les pétrodollars recyclés.
A côté de ceux-ci, les groupes bancaires disposent d'autres
----------------_. ------------------------------------~---
(1) C. PALLOIX, "L'économie de crédit international nouvel
instrument d'assujetissement", in Monde Diplomatique,
Novembre 1978.
(2) Fonds Monétaire International: Rapport annuel, 1984.

157.
moyens pour ouvrir des crédits : 120 milliards de dollars
entre 1973 et 1980 pour les premiers contre 360 milliards
de crédits bancaires. (1)
Prise dans la dynamique structurante des banques
internationales, la Côte d'Ivoire s'est lourdement endettée.
L'origine des "prêts et conventions" signés par la CAA
(Caisse Autonome d'Amortissement) illustre bien cette
situation (2). Au titre de la "dette gérée", 73 % des prêts
provenaient en 1980 des établissements financiers privés,
soit 132,6 milliards F.CFA.
(1) P. ARNAUD, La dette du Tiers-Monde, Editions La Décou-
verte, 1984, p. 49.
(2) La CAA est chargée de la gestion d'une partie de la
dette publique, la "dette gérée" ; l'autre partie comprend
la dette publique extérieure "non gérée" par la CAA,
avalisée par l'Etat et représentant la dette des Etablis-
sements publics et sociétés d'Etat et des .sociétés privées.

158.
TABLEAU / FRETS ET CONVENTIONS SIGNES EN 1980.
EN % DU
ORIGINES
VALEUR EN F.CFA
TOTAL.
Gouvernements et Institutions
Publiques
-
Caisse Centrale de Coopération
Economique
10.202.000.000
-
Fonds d'Aide et de Coopération
350.000 000
-
Gouvernement Belge
720.000.000
Sous total
11.272.000.000
6,2
Organismes Internationaux
-
Fonds Européens de Développe-
ment
3.005 027.500
-
Banque Mondiale
2.125.152.000
-
Fonds Monétaire International
8.056.777.560
-
Conseil de l'Entente
836.496.000
+ - - - - - - - - - - - +
Sous total
15.023.453.000
8,3
Etablissements financiers
privés
-
Société Générale
44.668.408.000
-
Société Générale-Bank of America
25.000.000.000
-
Société Générale-BFCE
375.000.000
-
BNP
1.818.600.750
-
BNP-BFCE
4.544.517.500
-
Crédit Lyonnais
5.897.200.000
-
Morgan
Greenfeld
1.356.480.000
-
SAF International
4.000.000.000
-
Chase Manhattan
18.086.400.000
-
Marine Midland
4.521.600.000
-
D.G.
Bank International S.A.
2.373.840.000
-
Union des Banques Suisses
4.345.328.000
-
PARIBAS
9.585.792.000
-
Banque Louis Dreyfus
278.324.000
-
Chemical Bank
2.283.408.000
-
Westlbe International S.A.
3.504.240.000
Sous total
. . . .
132.642.138.672
73
Crédits fournisseurs
-
Elias Charbine
15.000.000.000
-
EJL XII
7.684.000.000
Sous
total ..
22.684.000.000
12 , 5
TOTAL SIGNATURES
1980
180.621.591.732
100'
Sourc e
:
Caiss e Autonome d' Amort i s s emen t
:
Rapport Annuel 198

159.
Le
recours aux banques internationales explique
la privatisation croissante de la dette extérieure ivoirienne,
en même temps que les conditions des prêts se faisaient plus
draconniennes. Prenant son essor au cours des années 70, ce
mouvement s'est poursuivi au cours des années 80. On note,
à l'examen des tableaux (
),
TABLEAU / STRUCTURE DE LA DETTE A LONG TERME DE L'ETAT ET
GARANTIE PAR L'ETAT, 1977-1984 (en millions de
dollars) .
Structure
he la dette 1970
1975
1977
t978
1979
1980
1981
1982
1983
1984 - .
Organismes
officiels
591
81 1
1073
1208
1 155
1440
1622
1987
- Multi-
latéraux
239
373
445
586
594
843
1000
1152
-B i latéraux
352
438
628
622
561
597
622
835
Organismes
Privés
1400
2020
2626
3138
3237
3507
3203
2848
- Fournis-
seurs
485
425
447
499
412
352
314
272
- Marchés
Financiers
915
1595
2179
2639
2825
3155
2889
2576
TOTAL ...
1991
2830
3700
4347
4393
4947
4826
4835
Organismes
!privés en %
~u total ..
70,3
71 ,3
70,9 72, 1
73,6 70,8
66,3
58,9
~ont :
I-F~urnisseurs
24,3
15
1 2
1 1 , 4
9,3
7 , 1
6,5
5,6
I-Marchés
lFinan~iers
45,9
56,3
58,8 60,7
64,3 63,7
59,8
53-,2
Source
Tableau dressé à partir de World Bank, World Debt tables, 1986-87.

160.
TABLEAU / TERMES MOYENS DE LA DETTE*
!
;
1
TERMES DE LA DETTE
1972
1974
1976
1978
1980
1981
1982
1983
1
1
Intérêts
(en %)
-
Organismes Officiels
5,4
5,0
6,8
5, 7
4,6
8,9
8, 7
1 0, 7
- Organismes privés
6,4
9,8
7 , 7
9,0
14, 2
16, 8
13,9
10,9
Délai d'amortissement
1
(en années)
1
- Organismes Officiels
17, ° 20,4
16,3
14, 9
1 5,5
20,7
18,51
16,5
- Organismes privés
9,5
9,9
9,0
8,7
9, 7
9,4
1 1 , 6
9,91
Différé d'amortissement
(en années)
1
-
Organismes Officiels
6,3
6,5
5,3
5,3
4,8
4,5
5,7
4,8
1
-
Organismes Privés
3,4
3,5
2,8
3,0
3,2
2,8
3,4
3,2
1
Source:
World Bank: World Debt
tables,
1982--83,1983-84,1984-85.
* Il s'agit des termes de la dette avant le premier rééchelonnement
obtenu en 1984.
une nette réduction de la part relative des prêts contractés
auprès des organismes officiels, relayés par les Etablisse-
ments privés
Ces derniers, qui représentaient moins de la
moitié de la dette totale en 1970 - avec 40,7 % - atteignent
53,9 %du total en 1975, puis culmine à 73,6 % en 1981 et se
maintiennent régulièrement au-dessus de 60 % jusqu'en 1983,
avant de retomber à 48,8 %. Cette tendance croissante à la
privatisation s'explique notamment par la part prépondérante
des emprunts effectués sur les marchés financiers qui repré-
sentent déj à 56,3 % de la dette totaLe à long terme dès 1978.

161.
Cette part croît régulièrement, passant à 58,8 % en 1979,
60,7 %en 1980 puis 64,3 % en 1981. Malgré la baisse que l'on
observe après 1981, l'apport des marchés financiers reste
toujours important au cours des trois années suivantes, avec
respectivement 63,7 %, 59,8 % et 53,2 % de la dette totale,
contre seulement 17,1 % en 1970.
Les crédits fournisseurs constituent la deuxième
source de financement privé. Entre 1970 et 1984, leur part
relative évolue dans un sens contraire à celui des prêts
contractés sur les marchés financiers : 23,4 % en 1970, seu-
lement 5,6 % en 1984.
Conjointement à la modification structurelle de la
dette dans le sens d'une plus grande privatisation, les con-
ditions de remboursement se font plus draconniennes (tableau
).
Si dans l'ensemble (crédits officiels + crédits privés) les
taux d'intérêt ont eu tendance à augmenter - exception faite
des années 1978 et 1980 pour les organismes officiels et des
années 1982 et 1983 - on note que pour les crédits privés
ils ont connu une hausse plus rapide, passant de 6,4 % en
1972 à 14,2 % en 1980, puis 16,8 % en 1981, contre respecti-
vement 5,4 %, 4,6 % et 8,9 % pour les crédits officiels. En
ce qui concerne le délai d'amortissement, la contrainte se
fait plus grande puisque l'échéance moyenne, sur la période
1972-1983, est de 9,4 années pour les crédits privés qui
représentent plus de la moitié de la dette contre 17,4 années
pour les crédits publics. Quant au différé d'amortissement,
il est fortement réduit pour les prêts contractés auprès des
organismes privés, en comparaison avec les
conditions
offertes par les organismes officiels (3,4 années contre 6,3
années en 197a et 3,2 années contre 4,8 années en 1983).

1 62.
Prise dans la dynamique structurante des groupes
bancaires internationaux, l'économie ivoirienne a donc été
de plus en plus assujetie à des conditions de remboursement
draconniennes.
Les banques prlvees internationales y gagnaient
parce qu'elles pouvaient prêter à des taux élevés. M. SCHIRAY
nous donne un exemple assez significatif du résultat de leurs
activités. En 1974, année au cours de laquelle les pays de
l'OPEP enregistrent un surcroît brutal de liquidités qui sont
placées en partie dans les grandes banques internationales
pour recyclage, la First National city Bank accordait 45 %
de ses prêts hors des Etats-Unis et retirait 62 % de ses
profits des opérations effectuées à l'étranger. Avec seule-
ment 7 % de ses actifs engagés dans le "Tiers Monde", elle
réalisait près de 40 %de l'ensemble de ses profits: plus
10 % en Asie, 10 % dans les Caraïbes, 9 % en Amérique du Sud,
et le reste en Afrique et au Moyen-Orient.
(1)
Les pays industriels à la recherche de nouveaux
débouchés y gagnaient. P. HUGON nous donne l'exemple de la
France où "les versements annuels de crédits à l'exportation
orientés vers le Tiers-Monde et garantis par l'Etat sont
passés (exprimés en dollars constants) de 714 millions en
1970 à 1800 millions en 1979. A la fin de l'année 1980,
l'encours bancaire de ces crédits à l'exportation s'élevait
à environ 60 milliards de F., l'encours des engagements de
garantie pris par la COFACE (Compagnie Française d'Assurance
------------------ ---------~------------------------------
Ci) M. SCHIRAY, "Tiers -Monde et monde industrialisé", in
Notes et Etudes Documentaires nO 4460 - 4461, 29 Mars
1978, La Documentation Française.

1 63."
pour le Commerce Extérieur) pour le compte de l'Etat étant
supérieur. Sur le total des 4 milliards de dollars de verse-
ments bruts de 1978, l'Afrique noire francophone et Mada-
gascar représentaient 761,6 millions et l'ensemble de
l'Afrique 2.135 millions" (1). A travers la CAFACE, le rôle
de l'Etat français a donc consisté à réduire les risques
des banques privées internationales grâce à une "socialisa-
tion" de ces risques. (2).
Si les économies nationales dominantes et leurs
banques gagnaient à ce jeu, il n'en était pas de même pour
l'économie ivoirienne qui voyait ses contraintes de rembour-
sement devenir plus lourdes. Les projets d'investissement
financés à des taux d'intérêt variables, et qui apparais-
saient rentables au moment où les taux réels étaient faibles,
se sont avérés très coûteux lorsque ces taux d'intérêt réels
ont commencé à augmenter fortement.
Le changement intervenu dans la politique monétaire
des Etats-Unis à partir de 1979, traduit par la hausse des
coefficients de réserves obligatoires qui contraint les
banques à conserver des liquidités auprès de la Banque Cen-
trale, a eu pour conséquence une diminution rapide de l'in-
flation dès le début des années quatre-vingt (de 13,5 % en
1980 à 6,2 % en 1982 et 3 % en 1983) (3). Etroitement liée
---- -------------------------~--------------------- ------
(1)
P. HUGON, "Le système financier mondial et l'endettement des Etats
afrieams", in Afrigue contemporaine, nO 130, Avril-M:3.Ï-Juin 1984.
(2) Voir S. de BRUNHOFF, "Dette et système monétaire. Le rôle de la zone
franc", in Monde Diplormtique, Novembre 1978.
(3) Pascal ARNAUD, la dette du Tiers-monde, Op.cit., p. 69-72.
-
OCD~, "L'endettement extérieur des pays en développement", Paris 1982,
-
Bulletin du FMI, Novembre 1982.
- Monique roUEr, "ra politique monétaire américaine et l'économie mondiale"
in Les cahiers français, nO 230, ~-Avril 1987.
- Paul FABRA, "ra révolution d'octobre 1979" idem.

164.
à une volonté de restriction du crédit, cette politique
a favorisé la hausse des taux d'intérêt tant sur le plan
marché financier américain que sur les marchés financiers
étrangers qui sont entraînés par les mouvements du "prime-
rate" américain qui devient le taux de référence dans les
contrats de prêts internationaux (1). Ainsi, après avoir
emprunté massivement à des taux d'intérêt réels négatifs,
les pays débiteurs doivent rembourser, à partir de 1980,
à des taux positifs: en moyenne annuelle les taux passent,
de -7 % à -11 % en 1973 et 1978, de 7% à 10 % en 1981, soit
un bond de près de 20 %.
~ A- la fin des années 70, la montée et la privatisa-
tion croissante de la dette extérieure ivoirienne ont eu
pour conséquence l'alourdissement des charges annuelles de
remboursement. Cette situation est aggravée par un environ-
nement international défavorable. Dès 1978, les cours du
café s'effondrent. De nouvelles difficultés apparaissent,
amplifiées en 1979 par le second choc pétrolier. Ces diffi-
culté ressortent à travers l'évolution de la balance des
paiements (2) : en 1977, un excédent de 45 milliards F.CFA ;
en 1978, un excédent modeste de 20 milliards ; les années
1979 et 1980, marquées par la chute des cours du cacao,
enregistre un déficit de la balance des paiements de 130
milliards F.CFA, puis de 135 milliards F.CFA. L'évolution
des réserves nationales suit le même mouvement, passant de
449,5 millions de dollars à 149,1 millions, puis à seulement
21,7 et 19,7 millions sur les quatre années de la période
1978-1981. (2)
------------------ -----_ .. _---------------------------------
(1) Plus que jamais, la politique monétaire américaine pèse sur la si-
tuation écono~que mondiale, confirmant le statut "d'économie nationale
dominante hégémonique" des Etats-Unis.
(2) Ministère~- de l'Economie et des Finances,
"ra Côte d'Ivoire en
chiffres~ Répu"blique de Cate d 'Ivoire, Editions 198'6-87.

165.
,n
TABLEAU / EVOLUTION DES RESERVES INTERNATIONALES DE LA
COTE D'IVOIRE (en millions de dollars et en
nombre de mois d'importations). Période 1978-81
Valeur en millions de dollars
Nombre de mois d'importatQ.
1978
1979
1980
1981
1978
1979
1980
1981
449,5
149,1
21,7
19,7
2,2
0,6
0,4
0,1
Source
Manuel de statistiques du commerce international et
du développement, 1984 (supplément), 1985 (supplément).
Comment la Côte d'Ivoire peut-elle faire face à
cette situation ? Face au poids des charges annuelles de
remboursement, le gouvernement ivoirien est contraint de
s'engager dans une politique de "restructuration" sous
l'égide de la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International.
SECTION II : LE POIDS DES CONTRAINTES DE REMBOURSEMENT AU
COURS DES ANNEES QUATRE VINGT
La menace d'une crise financière oblige les autorités
ivoiriennes à adopter une série de programmes économiques et
financiers à partir de 1920. Pour soutenir ces programmes qui s'ins-
crivent dans le cadre d'une véritable politique d'autérité, la
Côte d'Ivoire a bénéficié des concours financiers du Fonds Moné-
taire International (FMI) et de la Banque Mondiale. Mais les parti-
cipations financières des deux institutions sont assorties de re-
commandations strictes que les autorités ivoiriennes sont tenues
de respecter (1).
(1) Minstère de la Coopération,
Evaluations-Déséquilibres Structurels et pro-
grammes d'ajustement en Côte d'Ivoire, République Française, Juin 1986.
(Etude réalisée par G. DURUFLE, P. OOUGEROL, B. LESLUYES, J. C. MARTIN,
M. PESCAY).

166.
TABLEAU / MESURES DECIDEES DEPUIS 1978 (1978-1985)
ANNEES-MESURES
1978
Mesures concernant les finances publiques
- Annulation ou report d'investissements
- Mesures fiscales :
· Augmentation du taux de la TVA et de la TPS
· Augmentation de la TVA à l'importation
· Augmentation des taxes sur les tabacs
· Augmentation des taxes sur les carburants
Mesures concernant l'endettement extérieur:
Renforcement du contrOle de la Caisse Autonome
d'Amortissement sur les emprunts extérieurs des
entreprises publiques.
1979
Mesures concernant les finances publiques
- Annulation ou report d'investissements
- Mesures fiscales :
· Augmentation de la taxe additionnelle à
l'importation sur les boissons alcoolisées
· Augmentation des taxes sur les tabacs.
· Augmentation des droits d'entrée sur les
produits de luxe
· Augmentation de la taxe de développement
touristique
· Modification des taux et des exemptions de l'IGR
· Modification des taux et des exemptions de l'ITS.
Mesures concernant la monnaie et le crédit
- Contrôle des autorisations préalables
- Contrôle du refinancement de la Banque Centrale.

167.
ANNEES-MESURES
1980
Mesures concernant les finances publiques
- Plafonnement des dépenses d'investissements
- Mesures fiscales
· Augmentation des taxes sur les tabacs
· Augmentation des droits de douane sur les
boissons alcoolisées
· Augmentation des taxes sur les carburants
· Augmentation de l'IRVM-IRC
· Augmentation des vignettes.
Mesures concernant la monnaie et le crédit
Relèvement de deux points et demi des taux
d'intérêt.
1981
Mesures concernant les finances publiques
- Réduction des dépenses d'investissement
- Mesures fiscales :
· Augmentation des taxes sur les carburants (9%)*
· Augmentation des vignettes
- Mesures tarifaires
· Augmentation du prix de l'essence
(5%)*
· Augmentation des tarifs de l' EECI (électricité) (3,5%) *
. Augmentation des tarifs de la RAN (éhemin- de fer)
(2,1.%)*
· Augmentation des tarifs de la SODECI (eaux)
(0,9%)
. Augmentation des tarifs de la SOTRA
(transports communs autobus)
(2,3%)
Augmentation des tarifs AIR IVOIRE
(0,2%)

168.
ANNEES-MESURES
1981 (suite)
Autres mesures concernant les finances publiques
Augmentation du prix à la consommation du riz
et baisse du prix d'achat au producteur
(3,9%)
· Réduction des subventions aux engrais et
pesticides
· Alignement des salaires des organismes publics
sur ceux de la Fonction publique
· Economies dans le domaine de l'éducation
(4%)
Mesures concernant l'endettement extérieur:
- Pas d'emprunts d'une durée inférieure à 5 ans
(critère de performance)
- Limitation des emprunts d'une durée inférieure
à 12 ans (critère de performance)
- Renforcement du contrôle exante des avals.
Mesures concernant la monnaie et le crédit :
Limitation de la croissance des avoirs intérieurs
nets (critère de performance trimestrielle)
- Limitation des crédits au secteur public
(critère de performance trimestrielle).
Autres mesures
- Miseau point d'un compte consolidé de l'Etat
- Renforcement du contrôle des dépenses des
organismes publics
- Suivi mensuel des arriérés de paiement et
échéancier d'apurement des arriérés
- Création du comité de coordination financière
et de contrôle des investissements et mise au
point d'un tableau de bord mensuel
- Renforcement de la programmation et du contrôle
des investissements publics.

169.
ANNEES-MESURES
1982
Mesures concernant les finances publiques
- Mesures fiscales
· Augmentation des impôts et taxes sur les
salaires des expatriés
(1% )
Augmentation des taxes sur les boissons
alcoolisées
· Augmentation de la taxe sur les vins
· Création d'une taxe sur les boissons non
alcoolisées
· Augmentation des taxes sur les tabacs
(6,2%)*
· Augmentation des droits de douane sur
les boissons alcoolisées
· Augmentation de la taxe d'abattage
· Augmentation des droits d'enregistrement
· Augmentation des taxes sur les assurances
Augmentation des taux de TVA et TPS
(9%) *
· Augmentation des vignettes
(1,5%)*
· Transfert aux collectivités locales du
produit des impôts fonciers et des
patentes et licences.
- Mesures tarifaires
· Augmentation des tarifs de la SOTRA
(4%)*
· Augmentation des tarifs AIR IVOIRE
(0,3%)*
· Augmentation du prix du journal officiel
(0,15%)*
- Autres mesures
Augmentation du prix à la consommation du riz (6%)*
Augmentation du prix au producteur de riz
Augmentation du prix de cession du coton
(1,8%)*
· Economies en matière d'éducation
(5,3%)*
· Economies sur dépenses de matériel pour
engagement d'office
(2,4%)*
· Epuration du fichier de la solde
(2%)*
· Discount sur frais de transports aériens
(0,5%)*
· Relèvement du prix des engrais.

170.
ANNEES-MESURES
1982 (suite)
Mesures concernant la monnaie et le crédit
Relèvement de deux points des taux d'intérêt.
Autres mesures
Contrôle des arrleres de l'Etat
(critère de performance trimestrielle).
1983
Mesures concernant les finances__ publiques :
- Réduction du programme d'investissements
publics
- Mesures fiscales :
· Augmentation du forfait sur les bénéfices
industriels et commerciaux
· Augmentation des taxes sur les assurances
• Augmentation du droit fiscal d'entrée sur
les tabacs
Augmentation des droits d'enregistrement
- Mesures tarifaires
· Augmentation des tarifs de la SOTRA
· Augmentation des de l'OPT
· Augmentation des foyers de la SOGEFIHA
Augmentation des prix des produits
pétroliers de la SIR
- Autres mesures
Modification du régime du logement des
fonctionnaires
· Blocage des salaires dans la Fonction Publique
· Limitation du glissement catégoriel
· Limitation des recrutement dans la Fonction
Publique
· Economies en matière d'éducation
· Réduction du nombre des coopérants
· Affectation des ressources pétrolières et
des excédents de la CSSPPA.

171.
ANNEES-MESURES
1983 (suite)
Mesures concernant la monnaie et le crédit :
Baisse de deux points des taux d'intérêt.
Mesures concernant l'endettement extérieur·
Renégociation de la dette.
Autres mesures .
- Augmentation des prix au producteur du café,
du cacao, du coton et du tabac.
- Limitation des entrées dans les grandes
Ecoles et l'Université.
1984
Mesures concernant les finances publiques :
- Réduction du programme d'investissements
publics
- Mesures fiscales :
· Création d'une taxe additionnelle sur
patentes et les licences
(1,5%)*
· Augmentation des droits d'enregistrement
(0,75%)*
· Augmentation du droit fiscal d'entrée
(4,10%)*
· Exemption du droit fiscal d'entrée pour
la viande hors CEAO-CDEAO supprimée
· Création d'une taxe spéciale sur le
poisson importé
(4%)*
· Inclusion des taxes spécifiques dans la
base de calcul de la TVA à l'import
(20,3%)*'"
· Relèvement des valeurs mercuriales du
café,
du cacao et du boisservant au
calcul des droits de sortie
(1,8%)**
· Taxe sur les travaux d'équipement
contrôlés par la DCGTX
(2%)*
· Taxe d'embarquement
(4,02%)*'"
· Taxe spéciale sur le riz importé
(0,10%)*
· Droit d'importation sur les frippes
(1,80%)*
· Augmentation des taxes sur les carburants.

172.
ANNEES-MESURES
1984 (suite)
- Mesures tarifaires .
· Augmentation des tarifs de la RAN
(2%)*
· Augmentation du prix à la consommation
du riz
·(10%)*
· Augmentation du prix du pain
(6%)**
· Augmentation des prix des carburants
(5,7%)*
· Augmentation des tarifs de l'EECI
(15%) *
· Augmentation des tarifs de la SOTRA
(4%)*
• Augmentation des tarifs de la SODECI
(5,7%)*
- Autres mesures .
• Blocage des salaires Fonction Publique
· Economies sur dépenses de matériel à
engagement d'office.
1985
Mesures concernant les finances publiques
.
- Mesures fiscales .
· Amélioration des taux de recouvrement
· Paiement des arriérés nets des impôts dus à l'Etat
- Autres mesures .
· Blocage des salaires Fonction Publique
· Blocage des glissements catégoriels et des promotion
• Limitation des entrées dans les écoles spécialisées
· Réduction de l'assistance technique
· Réduction des bourses (secondaire)
· Alignement des salaires de 48 organismes publics
sur ceux de la Fonction Publique
· Transfert de 270 milliards de la CSSPPA au trésor et la CM.
Mesures concernant la monnaie et le crédit
· Suppres~ion de la rémunération des dépôts à vue
par les banques.
Source : Minist;re de la Coopération, "Evaluation - Déséquilibres
structurels et p~granmes di ajustement en Côte d'Ivoire", Op .cit.
(*) incidence prévue
(**) incidence effective.

173.
La présentation détaillée des mesures économiques
appliquées en Côte d'Ivoire à partir de 1978 est d'une grande
utilité pour notre étude. Car elle nous permet de comprendre
corrment le FMI - et dans une certaine mesure la Banque Mon-
diale - intervient au plan macro-économique.
Globalement, les objectifs poursuivis concernent
le rétablissement des équilibres extérieurs, la réduction du
déficit du secteur public, la stabilisation de la dette exté-
rieure. Si l'on s'en tient à ces objectifs globaux, il ·s'agit
donc, à terme, de retrouver les conditions d'une croissance.
Pour atteindre ces objectifs,- des mesures de poli-
tique monétaire et de politique budgétaires sont mises en
oeuvre, auxquelles il faut ajouter les mesures d'accompagnement (1).
(1) Voir entre autres :
- Marie-France L'HERITEAU, Le FMI et les pays du Tiers Monde,
PUF, Paris 1986 (un livre incontournable).
Gilles DURUFLE, L'ajustement structurel en Afrique (Sénégal,
Côte d'Ivoire, Madagascar), Karthala, Paris, 1988 (exposé très
technique qui permet d'apprécier l'impact des politiques
d'ajustement dans trois pays africains plongés dans le crise).
Pascal ARNAUD, La dette du Tiers Monde, Op.cit.
Bruno BEKOLO-EBE, Lâ statut de l'endettement extérieur dans
l'économie sous-développée - Analyse critique, Présence
Africaine, Paris, 1985.
J.C. SANCHEZ (Coordonnateur), Dette et développement,
Editions Publisud, Paris, 1982.
Tony KILLICK (Directed by), The quest for Economie stabilisa-
tion - The IMF and the Third World, H.E.B 7 ODI, -London, 1984.
Tony KILLICK, The IMF and Stabilisation - ~eveloping Countries
Expériences, HEB/ODI, London, 1984.

174.
En matière de politique monétaire, le FMI procède
par une approche monétariste: l'explication du solde de la
balance des paiements
passe par celle de la politique des
crédits de la Banque Centrale. Du fait d'une offre de crédit
intérieur trop forte, il y a baisse des taux d'intérêt avec
pour conséquence la fuite des capitaux vers l'extérieur, une
hausse des prix intérieurs et le déséquilibre de la balance
commerciale. Pour retrouver l'équilibre, il faut donc agir
sur l'offre de monnaie, par la restriction:
"Les agents n'ayant plus assez d'encaisses liquides,
vont reconstituer celles-ci en réduisant leurs
achats d'actifs réels et financiers, ce qui entraîne
une baisse des prix internes, et donc à la fois une
augmentation des exportations et une baisse des im-
portations, donc finalement un excédent de la
balance des paiements" (1).
Appliquée à l'économie ivoirienne, cette politique
monétaire a eu des effets immédiats. L'évolution des crédits
à l'économie est d'abord marquée par une relative stabilité
au cours de la période 1981-1984, puis une diminution en 1985,
année au cours de laquelle le mon~ant total tombe à 769,7
milliards F CFA contre 847,91 milliards l'année précédente et
864 milliards en 1983 (voir tableau
). Si nous décomposons le
total de l'offre de crédits à l'économie, il apparaît que les
deux tiers sont des crédits à court terme (la moitié de ceux-ci
étant des crédits de campagne café-cacao ... ).
--- . --------------------------------------------------------
(1) - M.F. L'HERITEAU, "Dette extérieure et modèle de déve-
loppement : la place du Tiers Monde dans le nouveau dispositif
impérialiste", in Revue du Tiers Mbnde, tome XX, nO 89,
Octobre-Décembre 1979.
- Voir également, à propos du monétarisme :
Pascal ARNAUD, "Ambiguïtés théoriques et ;ncohérences politiques
le monétarisme appliqué à des économies semi-industrialisées",
in Critique de l'Economie politiqUè, nO 18, Janvier-Mars 1982.

175.
Les crédits à moyen et long termes, qui servent au financement
des investissements, ont enregistré une chute régulière. Les
crédits consentis aux entreprises publiques et sèmi-publiques
ont été tout particulièrement visées par la politique de
restriction de l'offre de monnaie. Sur la période 1981-1985,
ils atteignent leur niveau le plus bas en 1984, avec seulement
70 milliards
F.CFA contre 218,77 milliards en 1981. L'augmen-
tation enregistrée en 1985 (123,89 milliards) ne permet pas de
revenir au niveau des années précédentes (154,27 milliards en
1982 et 140,38 milliards en 1983).
TABLEAU 1 REPARTITION DES CREDITS A L'ECONOMIE
(Milliards F.CFA)
1981
1982
1983
1984
1985
Crédits à court tenne
509,92
515,01
579,08
566,21
510,35
dont entreprises
publiques et semi-
publiques
60,12
40,63
43,36
18,78
45,70
Crédits à IIDyen terme
240,30
231,64
229,60
229,27
212,61
dont entreprisps
publiques et semi-
publiques
112,55
71,23
:64,70
39,23
53,54
Crédits à long terme
57,61
55,95
55,32
52,43
46,74
dont entreprises
publiques et semi-
publiques
46,10
42,41
32,32
12,34
24,65
Total général
807,83
802,6
864
847,91
769,7
dont entreprisps
publiques et semi-
publiques
218,77
154,27
140,38
70,35
123,89
Source: Ministère de l'Economie et des Finances, "La Côte
,d'Ivoire en chiffres", Edition 1986-87--Abidjan 1988.

176.
La politique de restriction du crédit se traduit
également par l'élevation du taux d'intérêt (2,5 % en 1980,
puis 2 % en 1982, suivi d'une baisse de 2 % en 1983). Cette
action se poursuit en 1985 avec la suppression de la rémuné-
ration des dépôts à vue par les banques.
Les mesures de politique monétaire s'accompagnent de
mesures de politique budgétaire. Celles-ci se situent sur les
deux volets que sont les dépenses publiques et la fiscalité.(l)
Il s'agit de résorber le déficit des finances publiques par
la réduction des dépenses de l'Etat :
- réduction du BSIE (Budget Spécial d'Investissement
et d'Equipement) qui passe de 312,84 milliards F.CFA en 1980
à 109,98 milliards en 1985. Au cours de la même période, on
observe une baisse régulière du BGF (Budget Général de Fonc-
tionnement) à partir de 1983, les dépenses de fonctionnement
passant de 435,31 milliards à 428,85 milliards en 1984, puis
à 418, 13 milliards en 1985 ,
- gel dessalaires, ou tout simplement leur réduction,
comme c'est le cas avec l'alignement des organismes publics
sur la Fonction Publique en 1981
,
- limitation des recrutement dans la Fonction
Publique (1983) ;
- économies en matière d'éducation. Ainsi, de 37,5
milliards en 1980, le poste "actions de formation" régresse
pour n'atteindre que 5,9 milliards dans la répartition des
emplois par programme majeur du BSI en 1985 ;
- suppression ou réduction des subventions publiques.
--_ .. _-------------------------------------------------------
(1) Les statistiques concernant la politique budgétaire sont
fournies par le Ministère de l'Economie et dés Finances
Cf. "La Côte d'Ivoire en chiffres", 1986-87, Op.cit.

177.
Aux mesures concernant les dépenses publiques il faut ajouter
celles concernant la fiscalité et les modifications des tarifs.
La série d'augmentation des prix touche aussi bien les produits
de premières nécessité (le pain, le riz, l'eau, les transports
publics) que ceux qui peuvent être considérés comme étant des
biens de luxe importés ou produits sur place ( c'est le cas
pour les alcools ou les vignettes automobiles). Ces augmenta-
tions peuvent intervenir de manière indirecte, par les accrois-
sements fiscaux.
Enfin, d'autres mesures concernent la gestion de la'
dette par le renforcement du pouvoir de contrôle de la CAA
(Caisse A_utQ.nome d'Amortissement ),- l'amélioration de la
gestion des Finances publiques. A cela il faut ajouter les
mesures visant à une une plus grande libéralisation de l'éco-
nomie (1). Par la réforme du 12 Juin 1980, l'Etat se désengage
et favorise la privatisation de certaines sociétés d'Etat,J1
notamment Ivoiroutil, Socatci (caoutchouc), Sonageci (Génie
Civil), BNEC (crédit immobilier) et Pac (commercialisation
des produits vivriers). Sur 33 sociétés d'Etat répertoriées
en 1979, 7 seulement conservent leur statut après la réforme
de 1980, 12 changent de statut (8 devenant des "Etablissements
publics à caractère industriel et commercial, 3 sont trans-
formées en "Etablissements publics administratifs") et les
autres sont dissoutes.
Restriction de l'offre de crédits à l'économie,
élevation des taux d'intérêt, réduction des dépenses publiques
avec pour conséquence une baisse des investissements, gel des
------------,~----------------------------------------
--------
(1) Ministère de l'Economie et des Finances: "La Côte d'Ivoire
en Chiffres", Editions 1980-81.

178.
salaires ou leur réduction dans certains cas, augmentation des
prix doublée d'un accroissement de la pression fiscale, au
total un arsenal particulièrement lourd pour "assainir" l'éco-
nomie ivoirienne.
Une remarque vient à l'esprit: ces politiques
"d'assainissement" appliquées à la Côte d'Ivoire reposent
uniquement sur des mesures qui n'ont aucune prise l'environ-
nement international (1).k6r c'est à ce niveau que sont
I l
déterminées, dans une très large mesure, les conditions de
rémunération des exportations ivoiriennes (café, cacao ... ).
A ce titre, on peut noter que plusieurs facteurs, non pris
en compte dans les politiques d'ajustement, jouent en défaveur
de l'économie ivoirienne aucours de la période 1978-85. Il Y a
d'abord les chutes successives des cours du café et du cacao.
Il y a ensuite les dévaluations successives du franc français
vis-à-vis du dollar américain et l'accroissement des taux
d'intérêt internationaux. Les effets négatifs de ces facteurs
liés à des logiques externes ont été accentués par la séche-
resSe de 1983 qui a lourdement pesé sur la production agricole
et l'activité industrielle (baisse des niveaux d'eau dans les
barrages hydro-électriques).
On peut donc comprendre pourquoi, malgré les mesures
de politiques budgétaire et monétaire préconisées, la Côte
d'Ivoire a dû s'adresser, pour la première fois en 1984, à ses
bailleurs de fonds pour obtenir le rééchelonnement de sa dette
extérieure. D'autres rééchelonnements seront accordés en 1985
et 1986.
(1) P. GUI LLAUMO NT , J. MATHONNAT, "Facteurs explicatifs des
différences d'endettement entre les pays en développemen~
Spécificités de l'endettement africain", in La crise de l'en-
.__ . ---.
det~è~nt
~ '-i '
international, (sous la dlrection de H.BOURGUINAT,
J. MI,TRAL) ECONOMICA, 1986, p.
229-230 ; 247-253.

179.
Les rééchelonnementspermettent, dans le court terme,
une économie de dévises. Mais outre les frais occasionnés par
de telles opérations et qui sont à la charge de l'économie
débitrice, les contraintes engendrées sont très fortes. Car
les banques soumettent tout nouveau prêt au respect des normes
fixées par le FMI qui sert de médiateur entre créanciers et
débiteurs. Sous le contrôle des "Clubs bancaires" (Club de
Paris, Club de Londres), ces normes fonctionnent comme une
artillerie qui oblige à des choix économiques visant en prio-
rité le rétablissement de la solvabilité de l'économie ivoiri-ô
enne (1). Dans ces conditions, les devises auparavant consacrées
aux achats à l'étranger ou à la consommation des produits
fabriqués au plan local doivent alors être consacrés en prio-
rité aux règlements des intérêts de la dette.
S'il faut faire un bilan - certes provisoire - des
politiques d'ajustement appliquées en Côte d'Ivoire, l'on ne
peut s'empêcher de constater: "l'assainissement" est coûteux,
car ses effets déclenchent une spirale de contraintes qui
mènent, à terme, à une véritable impasse économique, financière
et sociale (2) : la contraction de la demande intérieure
entraîne celle de la production nationale. Car compte tenu de
--------------------------------------------------------------
(1) M.F. L'HERITEAU, "Endettement extérieur et ajustement
structurel: la nouvelle canonnière", in Revue du Tiers Monde
nO 91, Juillet-Septembre 1982.
(2) - Gilles DURUFLE, L'ajustement structurel en Afrique,
Op.cit., p. 118 à 124.
- Giovanni Andrea CORNIA, Richard JOLLY, Frances STEWART,
Adjustment with a human face - Protecting the vulnerable and
promoting growth, Vol.1, Clarendon Press, Oxford, 1988 (Une
étude faite dans le cadre de programmes Unicef. Cette étude
propose des voies alternatives qui intègrent le social dans les
politiques de relance économique. Ainsi l'éducation ou la Santé
ne doivent plus être abordées en termes de coûts uniquement mais
surtout en termes de moyen d'accès au développ€ment.
Voir à ce
sujet les textes proposés par H. MOSLEY et R. ·JOLLY (p. 218-231)
et R. JOLLY (p. 232-240).

180.
l'importance relative de la masse salariale versée par la
Fonction Publique et de l'action d'entraînement économique
que constituent les investissements publics, l'Etat ivoirien
a un impact économique déterminant. Les mesures préconisées
ont une action dépressive puisque le levier constitué par
l'investissement public se trouve considérablement affaibli.
La hausse des taux d'intérêt, en réduisant la demande de
crédits, aboutit aux mêmes résultats. Et ce ne sont pas les
filiales des FMN qui en sont affectées, puisqu'elles peuvent
faire appel aux financements des maisons mères. Par contre,
une politique restrictive d'offre de monnaie peut signifier
l'étranglement des PME locales. Du fait même de l'étroitesse
de leur surface financière, elle&~~~pouvent dans l'incapa-
cité de soutenir la concurrence avec les entreprises étran-
gères. (1)
La chute de l'emploi est une conséquence directe de
cette politique d'austérité: entre 1980 et 1984, le nombre
total de travailleurs dans le secteur moderne est réduit de
7 %. Le secteur bâtiment et travaux publics connaît une chute
plus élevée, estimée à 50 % pour la même période. (2)
Pourtant, grâce aux rééchelonnements accordés en
1984 et 1985, ainsi qu'à des récoltes exceptionnelles dans
les cultures d'exportation et à l'amélioration des prix durant
ces deux années, il était permis d'espérer une reprise écono-
mique qui, à terme, pourrait "justifier" les coQts économiques
et sociaux. L'année 1985 est marquée par un renversement
--------------_._---- ---- -- --- -- -- ----
(1) Bruno BEKOLO-EBE, Le Statut de l'endettement extérieurs
dans l'économie sous-développée, op.cit., p.307.
(2) "La Côte d'Ivoire en chiffres", Editions 86-87.

181.
optimiste de la situation : les finances publiques passent
d'un déficit avant service de la dette de 200 milliards F.CFA
à un excédent de 367 milliards ; la balance des paiements
courants s'améliorent, passant d'un déficit de 386 milliards
à un excédent de 90 milliards.
(1)
L'amélioration de la conjoncture économique ivoiri~
enne redonne 'confiance aux créanciers publics et privés qui
acceptent de signer de nouveaux accords de rééchelonnement en
1986. Ces accords étaient basés sur un certains nombres d'hy-
pothèses économiques déterminantes dans la fixation des quo-
tités de la dette à rééchelonner : (2)
- le dollar a un cours moyen de 350 F.CFA (soit 7 FF)
de 1986 à 1990 ;
- un taux de croissance moyen de 3,5 % ,
- un prix moyen du kilo de café à 1250 F.CFA et du
cacao à 800 F.CFA.
Sur la base de ces hypothèses, l'évolution prévision-
nelle des ressources et des emplois devrait dégager un solde
disponible de 367 milliards en 1987 et 457 milliards en 1988.
-------------------------_ .. _----------------------------------
(1) - Gilles DURUFLE, l'ajustement structurel en Afrique,
Op • ci t ., P . 119 .
(2) - "Afrique-Relance", "Côte d'Ivoire: des temps difficiles",
Vol. 2, nO 1, Mars 1988 ;
- "BFCE Actualités", "La Côte d'Ivoire à nouveau en diffi-
cultés de paiement", nO 225, septembre 1987.
(Les données statistiques ci-après proviennent de ces deux
sources).

182.
Mais, à la fin de 1986, il est devenu évident que les
améliorations observées seraient de courte durée. La baisse des
prix des produits de base et la dépréciation du dollar par
rapport au franc CFA - qui se sont toutes prolongées en 1987 -
n'ont pas tardé à infirmer les prévisions sur lesquelles
reposaient les accords de rééchelonnement : le dollar plafonne
autour de 300 F.CFA au lieu des 350 F.CFA prévus, cette dépré-
ciation étant préjudiciable à l'économie ivoirienne dont plus
de la moitié des exportations sont payables en dollars ;
l'année 1987 s'achève avec un taux de croissance négatif de
- 1 % et pour la fin de 1988 le taux prévu
est de
+ 1,9 % ; le prix moyen du kilo de café est de 700 F.CFA en
1987 et 690 F.CFA début 1988 ; pour le cacao, il est
respec-
tivement de 638 F.CFA et 617 F.CFA. On comprend donc aisément
pourquoi, au lieu d'un revenu net prévu de 147 milliards F.CFA
pour 1987 et 160 milliards pour 1988, c'est plutôt un déficit
que la Caisse de Stabilisation de Soutien des Prix des Produits
Agricoles a enregistré. Ce déficit est estimé respectivement
à 100 milliards et 105 milliards.
C'est sur cette toile de fond qu'il faut situer les
déclarations des autorités ivoiriennes en 1987. Le 25 Mai, à
la veille de l'ouverture à Venise du sommet des "sept pays
les plus industrialisés", le gouvernement ivoirien annonce
aux clubs de Paris et de Londres qu'il suspend le paiement du
service de sa dette. En annonçant la suspension de ses verse-
ments, il rappelait à ses créanciers qu'il avait appliqué une
politique d'austérité rigoureuse depuis 1981 et que le renfor-
cement de cette austérité risquait de "mettre en danger la
stabilité politique et sociale du pays. La rigueur budgétaire
ne sera pas poussée assez loin ni assez longtemps pour mettre

183.
en péril la réalisation des objectifs visés par cette poli-
tique" (1). Dans sa déclaration, le gouvernement ivoirien
note que malgré le rééchelonnement de 1986, le service de la
dette, estimé à 230 milliards F.CFA, était la principale
cause de son déficit. Et la conclusion venait, rappelant que
"
face à une telle situation, il nous semble que la pano-
plie des mesures administratives disponibles est épuisée".
(2)
Quand le malade n'a plus foi en son médecin, et qu'il
en vient à suspendre la cure proposée, c'est peut-être le
diagnostic qu'il remet en question.
--------------------------------_.~------------- ------------
(1) Afrique-Relance, op.cit.
(2) ibidem.

184.
TROISIEME PARTIE
A LA RECHERCHE D'UNE AUTONOMIE
SOUS CONTRAINTE

185.
Autonomie: pour un pays, c'est la capacité de
peser, au plan interne, sur les décisions qui orientent le
développement national.
Face aux distorsions liées à la logique du dévelop-
pement dépendant, deux types de réactions se sont développés
dans les économies dominées.
La première attitude a été celle de l'adaptation à
la demande internationale, en recherchant une meilleure
intégration dans le marché mondial. Activement soutenue par
les experts de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire
International, cette proposition n'a pas fourni la preuve
de sa pertinence. On oubliait que le marché mondial est,
avant tout, le terrain d'affrontement des firmes multina-
tionales qui influencent les conditions de l'échange et de
la production.
La deuxième attitude a été celle de la rupture avec
la logique de fonctionnement du marché mondial. Confrontés
à d'énormes difficultés pour construire des normes de consom-
mation et de production indépendantes des normes interna-
tionales, les pays qui ont opté pour cette voie sont aujour-
d'hui obligés de réviser, plus ou moins brutalement, leur
politique de développement.
Et pourtant, la question d'une stratégie alternative
de développement reste toujours d'actualité pour les pays
dominés, car les problèmes à résoudre sont nombreux.

186.
Reformulée et appliquée à la Côte d'Ivoire, cette
question peut être posée d'une autre manière: compte tenu
de la dominance du mode de production capitaliste à l'échelle
mondiale, comment concilier la maîtrise de l'accumulation
au plan interne -organiser, investir, équiper, moderniser,
dégager un surplus- avec la gestion des relations externes ?
Dans quelle mesure "l'ouverture sur l'extérieur", nécessaire
mais actuellement en défaveur de la Côte d'Ivoire, peut-elle
être gérée dans un autre sens, plus favorable à la réali-
sation des objectifs que l'on assigne au développement
économique national ?
Dans les pages qui suivent, nous apporterons
quelques réponses à ces questions.

187.
CHAPITRE 6 - L'INDEPENDANCE ECONOMIQUE DE LA COTE D'IVOIRE
UNE VOIE ETROITE.
L'Etat ivoirien ne peut être réduit à un simple
rouage de la "domination extérieure".
Par sa politique
d'investissements publics, par les subventions qu'il
accorde aux différents secteurs d'activité, par les rachats
de sociétés ou par ses prises de participation, i l a pu
développer une capacité réelle de peser sur l'orientation
du développement économique national.
Mais, en même temps, parce qu'elle dépend avant tout
de la possibilité d'effectuer un prélèvement croissant du
surplus issu: du secteur agricole exportateur, cette capacité
de peser est circonscrite par les lois du marché mondial.
Dans ces conditions, la voie de "l'indépendance
économi.que" s'avère particulièrement étroite, surtout si
l'on prend en compte les contraintes liées au processus
d'industrialisation dépendante.
Et, au-delà des considérations purement économi.ques,
la question de l'indépendance devient plus complexe face
aux menaces écologiques qui introduisent une dimension fonda-
mentale de l'interdépendance des peuples, nous rappelant
notre communauté de destin.

188.
Les moyens d'intervention de l'Etat ivoirien dans
le processus d'accumulation qui s'opère au plan national,
et partant, la marge d'autonomie relative qui lui confère
une autorité pour peser sur les orientations du dévelop-
pement, repose avant tout sur le surplus issu du secteur
agricole exportateur.
En effet, grâce au contrôle qu'il exerce sur le
système de commercialisation des cultures d'exportation,
l'Etat peut s'approprier une fraction très importante de
l'excédent engendré par les principales activités écono-
miques agricoles. Les prélèvements ainsi effectués sont
gérés par un organisme public, la Caisse Centrale de
Stabilisation et de Soutien des Prix des Produits Agricoles
(CSSPPA). Ils constituent pour l'Etat la source principale
d'autofinancement du développement national (1).
(1)
Sur le rôle du secteur agricole exportateur en· tant que
source principale de surplus dans l'économie ivoirienne,
voir notamment :
-
Gérard GRELLET, Les structures économiques de l'Afrique
noire, PUF, Paris 1982, pp.
107 à 152 ;
Bonnie K.
CAl-1PBELL,
"The fiscal crisis of the State :
the case of the Ivory Coast", in Henry BERNSTEIN,
Contractions of accumulation in Africa, Sage, Beverly
Hi Ils-;- 1 9-85-;-
.
.
•,
Régis MAHIEU, nStabilisation des prix des produits
agricoles d'exportation et
financement du dévelop-
pement : l'expérience de la Caisse de Stabilisation
en Côte d'Ivoire", texte ronébt~pé, Faculté des
Sciences Economiques, Universit
d'Abidjan, 1984,
pp.
41 à 50 ;
Gilles DURUFLE, L'ajustement structurel en Afrique
(Séné al, "Côte d'Ivoïre,· Mada: ascar) ,Editions
Karthala, Paris, 1988, pp.
95
101.

189.
La relation entre le "système de stabilisation" et
le financement du développement apparaît à travers la contri-
bution de la CSSPPA au titre du Budget Spécial d'Investis-
sement et d'Equipement (BSIE).
TABLEAU /
CONTRIBUTION DU SECTEUR AGRICOLE EXPORTATEUR
AU FINANCEMENT DU BUDGET SPECIAL D'INVESTISSEMENT
ET D'EQUIPEMENT (1975 à 1987).

a ·
0'\\
.....
TABLEAU / EVOLUTION DES RESSOURCES DU BSIE DEPUIS 1975
(Ressources Intérieures et Ressources Extérieures en % du total)
~ 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986
Ressources
- Ressources Inté-
rieures
(Trésor + CSSPPA) 50,9
65,9
80,2
67,8
61,5
65,6
24,0
20,5
20,4
19,3
41,6
32,2
dont
i
:
Trésor
6,9
-'26,1
13,1
6,6
15,8
25,6
20,0
12,1
12,8
15,2
28,8
9,6
CSSPPA
44,0
39,8
67,1
61,2
45,7
40,0
4,0
8,4
7,6
4,1
1 12,8
22,6
- Ressources
Ext érieures
49,1
34,1
19,8
32,2
38,5
34,4
76
79,5
79,6
80,7
58,4
67,8
Source
.!-!inistère de l'Economie et de~:r .Finances ,Rap~ort de présentation du Budget Spécial
d'investissement et d'équipement,
1975 à 19 6,'Abidjan.

191.
Les transferts issus du secteur agricole exporta-
teur ont conféré à l'Etat, jusqu'à la fin des années soixante-
dix, des moyens d'intervention importants
(Tableau
).
De 1975 à 1980, la CSSPPA est ainsi devenue la principale
source d'autofinancement du BSIE (1), tandis que les res-
sources d'origine fiscale
(BSIE-Trésor)
n'ont cessé de
décliner au cours de la même période, après avoir atteint
un plafond de 90,5 milliards F. CFA en 1978.
Cela s'est traduit d'abord par une politique étatique
précise concernant les investissements.
(1) La CSSPPA a le statut d'une société d'Etat placée sous
la tutelle du Ministère de l'Agriculture et du Ministère
de l'Economie et des Finances. Elle organise et contrôle
au plan national, la commercialisation de huit produits :
café, cacao, coton, banane, produits du palmier à huile,
coprah, tabac , anacarde. En fait, deux produits
occupent une place de choix dans les activités de la
Caisse.
Il s'agit du café et du cacao.
La CSSPPA garantit chaque année un prix d'achat minimal
au producteur. Ce prix est différent de celui pratiqué
sur le marché international. Les ressources de la Caisse
sont c~nstituées par la différence entre le prix de
vente sur le marché mondial et le prix d'achat aux
producteurs
(plus les coûts de commercialisation).

'f'ABLEAU
INVESTISSEMENTS PUBLICS FINANCES PAR LA CSSPPA DEPUIS 1975 (Millions F.CFA)
.
N
0'\\
1975
1976
1977
1978
1979
1980
1981
1982 11983
1984
..--
1
1
l - Transferts de ressources :
- Affectation au financement du
BSIE-Trésor
7,000
50.000
58.798
II - Investissements Directs
- Développement agricole
15.938
34.692
51. 442
48.801 5~. 664·
8.129 12.384
726
- Développement industriel
et
minier
2.450
4.489
1.606
7.294
150
300
593
- Développement tertiaire
.
Extra-Administratif
5.·173.1
7.118
2~ 900
3.200
100
628
168
16
- Transports
20.023
30 .355
21. 532
21. 502 1.877
598
'860
- Postes et Télécommunications
167
- Energie
2.000
3 .280
5.850
2.122
650
- Urbanisme et Habitat
7.080
8.304
6.602
8.223
. 819
5.127
17
29
- Actions sociales
1.000
1.000
- Développement sanitaire
1.833
322
1.175
5.271 1.300
792
- Fonds Régionaux d'aménagement Rural
- Actions culturelles et de Prcmotion
1.896
1.284
400
598
.100
826
- Actions .de fornation
6.532
10.131
16.841
10.719 4..247
1.544 1. 499
690
- Etudes et Recherches Générales et
fon:iamentales
47:
472
- Administration Générale
4.687
10.096
14.983
11.701
5
862
2.255
- Défense
3.334
9.277
10.190
6.252
814
6.573 2.920 2.809
- Sécurité Intérieure
32
127
- Non répartis
16.788 47.015
TOTAL
23.. 788 47.015
119.227 178.758
135.405 118.002 15.574 25.338 17.288 10.068
Source
Ministères de l'Economie et des Finances, op.cit.

193.
Ces investissements sont destinés, en grande partie,
au développement agricole (au total, 177,7 milliards F.CFA
de 1977 à 1984). Ils servent à financer un "prograrrane majeur"
qui couvre les principales productions agricoles ivoiriennes
et, dans certains cas, leur transformation sur place (café,
cacao, palmiers et cocotiers, canne à sucre, fruits et légumes,
riziculture, élevage, pêche, forêts,
etc •.• ).
La conduite du "programme majeur" de développement
agricole a nécessité la création de sociétés d'Etat ou de
sociétés d'économie mixte: PALMINDUSTRIE et SODEPALM (déve-
loppement des plantations industrielles, encadrement des
productions villageoises,transformation)
; des sociétés spécia-
lisées comme la SAPH (Société Africaine de plantation d'Hévéa)
;
SATMACI (regénération des plantations de caféiers et de cacao-
yers)
; SODESUCRE (production de sucre à partir des plantations
de canne à sucre)
; CIDT, SODEPALM et SATMACI chargées
d'assurer également la production de r i z ; SODEPRA (encadrement
des éleveurs)
; SODEFOR (reboisement industriel et plantations
villageoises de bois d'oeuvre et de chauffe), etc •••
En plus des actions de développement par grands pro-
duits, la Caisse contribue au financement d'autres programmes
de développement. Parmi ceux-ci, i l faut tout
de suite noter
les transports qui représentent l'un des postes les plus
lourds
(96,7 milliards F.CFA de 1977 à 1984). Grâce aux
apports de la Caisse, complétés par des emprunts extérieurs,
de nombreux projets:routiers ont pu être réalisés.
A la différence des transports,
les autres programmes
financés par la Caisse n'ont pas de liens directs avec le
développement agricole.

TABLEAU
-
LISTE DES SOCIETES CREEES ET
CONTROLEES PAR L'ETAT IVOIRIEN
(Avant la réforme du 12 juin 1980).
DENOMINATION
Objet social
LES 'SODE 'A VOCATION AGRICOLE
1. Autorité pour l'Aménagement de la
Aménagement de la
vallée du Bandama (A. V. B. )
vallée du Bandama
2.
Autorité pour l'Aménagement de
Aménagement de la
la Région du Sud-Ouest
(ARSO)
région du Sud-Ouest
3. Société d'Assistance technique
Développement de la
pour la modernisation agricole
culture du café et
de Côte d'Ivoire (S.A.T.M.A.C.I. )
du cacao.
4. Société pour le développement
Promotion de la culture
de la production des fruits et
de fruits et légumes
légumes
(SODEFEL)
5. Palmindustrie
Développement des
plantations et huileries
de palme.
->
1.0
~
.

6. Société pour le développement
Développement de la
de la riziculture (SODERIZ)
riziculture
7. Société pour le développement
Développement et
et l'exploitation du palmier
exploitation du palmier
à huile (SODEPALM)
à huile, du cocotier et
des industries annexes
8. Société pour le Développement des
Plantation de cannes
plantations de canne à sucre,
à sucre et production
l'industrialisation et la commer-
de sucre
cialisation du sucre
S • 0 • D • E • SUCRE)
9. Société des caoutchoucs de CÔte
Création et exploitation
d'Ivoire (SOCATCI)
des plantations d' hévé.as
10. Société pour le développement des
Développement de
productions animales
(SODEPRA)
l'élevage
11. Société pour le développement
Reboisement
des plantations forestières
(SODEFOR)
. . . . . . .
. . -
~
LES -AurRES -SODE
12. Caisse de stabilisation et de
Achat et vente du café, du
soutien des prix des produits
cacao et -de quelques autres
agricoles
(CSSPPA)
produits agricoles
....
\\D
VI


J I - C f f ! "
i f
;=m"N-fi" j
. W""
,"~''''''''''''''_'''''-''''''"""""",,,=.__,
1 3. Société pour le développement de
Dé fri chement et
la motorisation de l'agriculture
travaux agricoles
(MOTORAGRI)
1 4. Société pour le développement
Recherche minière
minier en CÔte d'Ivoire (SODEMI)
15. Bureau Ivoirien de
Réalisation des études
Normalisation (B.I.N. )
de normalisation dans
l'industrie et l'agriculture
1 6. Soèiété ivoirienne pour la
Commercialisation des
commercialisation des fruits
fruits et légUmes
et légumes
(SICOFREL)
17.
IVOI ROurIL
Fabrication d'outils
agricoles
1 8.
PETROCI
Recherches pétrolières
1 9.
Institut pour la technologie et
Recherche sur les
et l'industrialisation des
produits agricoles
produits agricoles tropicaux
tropicaux
(I.T.I.P.A.T. )
20.
Société pour la réalisation de
Exécution de forages
forages d'exploitation e~ CÔte
hydrauliques
d'Ivoire
(FOREXI)
~
\\0
0'1
21-
SITRAM
Compagnie de navigation

22. SOTRA
'l''ransports urbains à
Abidjan
23. AIR IVOIRE
Transport aérien
24.
IVOI ROUTIL
Fabrication d'outils agricoles
25. SONAGECI
(Société nationale de
Exécution des travaux
Génie Civil)
publics
26. B.N.E.C.
(Banque Nationale d'Epargne
Crédit immobilier
et de Crédit immobilier)
27. P.A.C.
(Programme d'Action
Commercialisation des
Commerciale)
produits vivriers
28. LONACI (Loterie Nationale de Côte
d'Ivoire)
29. SETU (Société d'Equipement des Terrains
urbains)
30. SIETHO (Société Ivoirienne d'Expansion
Tourisme
Touristique et Hôtelière)
31- SOGEFIHA (Société de Gestion
Immobi li er
.....
Financière de l'Habitat)
\\D
'-J
.
Source
République de Côte d'Ivoire, Ministère de l'Economie et des Finances,
"La Côte d'Ivoire en chiffres", Edition 1980-81, pp.
81-87.


198.
Les contributions au titre de IIl'aide à la puissance
publique" correspondent aux progrannnes "Actions de Fonnation"
(constructions scolaires et universitaires, prestations
sociales aux étudiants), "l\\-dministration Générale Il et IIUrbanisme
et Habitat ll (constiI!'uction de bâtiments officiels, logements
sociaux, aménagements urbains •.• ),
IIDéfense Nationale ll ,
IIActions culturelles ll ,
"Développement Sanitaire".
Les financements au titre de la "diversification
non agricole ll concernent trois programmes qui ont une impor-
tance moindre. Il s'agit du "Développement Industriel et
Minier" (seulement 16,8 milliards F CFA de 1977 à 1984), du
-"Tertiaire Extra-Administratif ll
t19,3 milliards' F.CFA consacrés
à l'hôtellerie et au tourisme au cours de la même période) , de
IIl'Energie" (au total, 13,9 milliards F.CFA pour le finan-
cement de certains projets d'équipement électrique à l'intérieur
du pays).
Outre les contributions directs au titre du BSIE,
les autres actions de la Caisse de Stabilisation ont trait à
des prises de participation, à des subventions et à des
remboursements de dette.
Les subventions accordées par la Caisse sont destinées
en priorité aux sociétés liées à la production agricole
(Société pour l'Aménagement technique et la Hotorisation de
l'agriculture en Côte d'Ivoire, Banque Nationale pour le
Développement agricole, Office de Commercialisation des produits
agricoles, etc ••• ). Cependant, d'autres secteurs peuvent en
bénéficier (voir Tableau sur les
"Subventions accordées par
la CSSPPA depuis 1977").

TABLEAU
SUBVEN'I'IONS ACCORDEES PAR LA CSSPPA DEPUIS 1977 (En millions F. CFA)
.
1977
1978
1979
1980
·1981
1982
Développement ag~icole :
- SATMACI
3.500
12.269
3.500
300
- COFRUITEL
548
564
- BNDA
,500
- OCPA
300
300
Hôtellerie et Tourisme :
- HOTEL IVOIRE
270
- HOTEL PRESIDENT
164
- ICTA VOYAGE
.
150
Constructions ·et Travaux Publics :
- DCGT
1.690
1. 335
- BCET
1.200
672
- LBTP
683
- LOGEMAD
1. 200
Autres :
- EECI (Energie Electrique)
2.280
2.850
2.112
650
- ONFP (Formation Professionnelle)
1.000
- CNOU (Oeuvres Universitaires)
1. 293
623
- FNH (Fonds National de l'HydPaulique)
925
1.477
2.245
1. 885
961
~
- CAA (Caisse Autonome d'Amortissement)
966 . 8.984
\\0
.-
-"
---~~-
\\0
.
Source
République de Côte d'Ivoire, Ministère de l'Economie et des Finances, Rapports de
présentation du BSIE et Rapports d'activités de la CAA.
~..
.26
.fU
Rft!f.W! )5I"Al·
.:wac

200.
La Caisse de Stabilisation a assuré en partie, et de
manière indirecte, le remboursement de la dette publique en
accordant des subventions à la Caisse Autonomie d'Amortissement
(966 milliards F.CFA en 1979 et 8,9 milliards F.CFA en 1980).
Enfin, à partir des ressources de la Caisse de Stabili-
sation, l'Etat ivoirien a pu réaliser des prises de partici-
pation et des rachats de sociétés
(1).
Par sa politique d'investissements publics, par les
subventions qu'il accorde aux différents secteurs d'activité,
par les rachats de sociétés ou par ses prises de participation,
l'Etat ivoirien a développé une capacité réelle de peser sur
l'orientation du développement économique national.
Mais en même temps, parce qu'elle dépend de la possi-
bilité d'effectuer un prélèvement croissant du surplus issu
du secteur agricole exportateur, cette capacité de peser repose
sur des bases fragiles.
Tout fléchissement des cours des
matières premières entraine la diminution des ressources qui
influence inévitablement la marge de manoeuvre de l'Etat.
La réduction du niveau des prix du café et du cacao
depuis la fin des années soixante-dix -avec quelques remontées
---------------------------------------------------------------
(1) Par ses prises de participation, la CSSPA dispose aujourd'hui
d'Un portefeuille très diversifié. Les interventions les plus
récents concernent les prises de participation dans les
sociétés comme l'Hôtel Ivoire (1978),
la CIMAO, une multi-
nationale de la cimenterie (1979)
ou encore la SAHOTEL (1979)
c
et les rachats de la COFRUCI (1978)
et de l'Union des
Remorqueurs
(1979).

201 .
de courte durée- a eu pour conséquence d'une par, la chute
brutale des contributions de la CSSPPA au financement du
Budget Spécial d'Investissement et d'Equipement
(Tableau
),
d'autre part, un recours croissant aux sources extérieures de
financement.
Aussi, face aux difficultés économiques et financières
qui s'accumulent, la fin de la deuxième décennie de l'indépen-
dance nationale sera marquée par le retrait de l'Etat de
certains secteurs d'activité. Ce "désengagement", soutenu par
un programme de privatisation, se traduit par la dissolution
ou la réforme de la plupart des sociétés d'Etat.
Sept sociétés d'Etat seulement sont maintenues après
la réforme du 12 juin 1980, huit sont transformées en
établissements publics à caractère industriel et commercial
(EPIC), trois en établissements publics administratifs
(EPA),
les autres sont dissoutes ou privatisées.
Sociétés d'Etat ayant conservé leur statut
- Caisse de Stabilisation et de Soutien des Prix des
Produits Agricoles
(CSSPPA)
;
- PALMINDUSTRIE (Plantations et huilerie de palme)
-
PETROCI (Recherches pétrolières)
- SITRAM (Compagnie de navigation)
- SODEMI (Recherche minière)
;
- SODESUCRE ;
- AIR IVOIRE (Transport aérien).

202.
Sociétés d'Etat trans'fdrmées en établissements publics à
caractère ind'liStriel et cdIIimercial :
-
FOREXI (Réalisation de forage)
i
-
LONACI (Loterie Nationale)
i
-
SAT~~CI (Assistance technique pour la modernisation
de l'agriculture)
i
- SETU (Equipement des terrains urbains)
i
-
SIETHO (Expansion touristique et hôtelière)
i
- SODEFEL (Développement de la production des fruits
et légumes)
i
-
SODEPALM (Développement et exploitation du palmier
à huile)
i
SODEPRA fDéveloppement des--productions animales).
Sociétés d' Etattransforrnée-s en Etablissements publics à
caractère administratif :
- MOTORAGRI (Motorisation de l'agriculture)
i
-
SODEFOR (Développement des plantations forestières)
i
- SOGEFlHA (Gestion financière de l'habitat).
La réforme du 12 juin 1980 a été justifiée officiel-
lement par l'insuffisante rigueur de gestion qui a entra!né
des conséquences graves sur l'efficacité des sociétés d'Etat.
Bien qu'elle soit fondée sur des faits incontestables
-notamment les pratiques administratives favorables à
l'''enrichissement parallèle"-, cette raison n'est pas la
seule. Comprendre la réduction de la capacité de peser de
l'Etat ivoirien oblige à prendre en compte une contrainte
de taille que nous avons déjà signalée et sur laquelle nous
voulons insister : la nature de la spécialisation internationale

203.
de la Côte d'Ivoire réduit sa marge de manoeuvre, tant au plan
national qu'à l'échelle mondiale, parce qu'elle repose sur
des "produits régressifs". Nous empruntons ce terme à Gérard
LAFAY (1). Partant, comme François PERROUX, d'une représen-
tation globale de l'économie mondiale saisie comme un ensemble
structuré et hiérarchisé -avec, selon les étapes des révolu-
tions industrielles, une économie dominante- LAFAY analyse la
spécialisation internationale des économies nationales en
fonction de deux critères. Il compare, d'une part, la structure
de leurs productions, et de l'autre, la carte des taux
de croissance sectoriels de la demande mondiale. Sur cette
base
së dégagent deux types de produits
:
les "produits
progressifs", c'est-à-dire pour lesquels la demande mondiale
croît à un taux supérieur à la moyen-ne ;
les
"produits
régressifs" pour lesquels la demande mondiale diminue.
Dans cette optique, une insertion favorable dans les
échanges internationaux correspondra, pour une économie
nationale, à une spécialisation dans les produits progressifs
une insertion défavorable correspondra à une spécialisation
dans les produits régressifs.
Le raisonnement de LAFAY aboutit à la conclusion
que la nature d'une spécialisation détermine le degré
d 1 autonomie de décision d'un pays face à ses partenaires
extérieurs. Une économie nationale peut disposer d'une marge
------------------------------------------------------------
(1)
-
Gérard LAFAY, Dynamique de la spécialisation internatio-
nale, Economica, Paris, 1979 ;
-
Gérard LAFAY,
"Spécialisation française: des handicaps
structurels", in Revue d'Economie Politique, 11°5,
septembre-octobre 1985.

204.
de manoeuvre large si elle exporte des biens progressifs
et importe des produits régressifs.
Parce qu'elle réalise
des exportations qui tendent à croître plus rapidement que
ses importations, elle peut dégager un solde positif dans
les échanges internationaux, ce qui traduit une position de
force dans les rapports avec l'extérieur. Cette position
de force s'appuie sur la capacité de la production nationale
à fournir le marché intérieur (1)
en biens progressifs, donc
elle réduit le poids des importations dans ce domaine. En
outre, elle traduit la capacité dfadaptation structurelle
(2)
du système productif national.
A titre de comparaison, le Japon apparaît ainsi, au
sein des "pays industrialisés", comme une économie nationale
dominante qui a une grande capacité d'adaptafion structurelle.
Sa spécialisation dans les biens de l'électronique, par
exemple, explique sa position avantageuse dans cette branche
tant sur son marché national que sur le marché mondial.
On remarquera, en même temps, que si la spéciali-
sation internationale du Japon lui confère une telle position
(1) La capacité de la production nationale à fournir le
marché intérieur correspond au "degré d'engagement dans
la production" obtenu en rapportant la production natio-
nale à la somme de la production nationale plus les
exportations moins les importations.
(2)
Cet indicateur est calculé à partir de la formule
:
A
1 00
(Xr
_ Mr ) t r
= (XO + MO)
1
/2
r
r
avec xr et M
les exportations et les importations en produits
r. XO et MO les exportations; et les importations totales en
produits manufacturés, t r , étant le taux de croissance ten-
danciel de la demande mondiale en valeur réelle.

205.
de force dans les échanges internationaux, cela s'explique
d'abord par la maîtrise, au plan interne, des conditions
techniques de production qui lui permet de définir en son
sein les nouvelles normes de production.
La maîtrise de la
technologie, la production des biens d'équipement, créent
au sein de l'économie japonaise une dynamique de reproduction
interne favorable à une plus grande complémentarité entre
les activités économiques. Cette dynamique entraîne une
cohérence productive globale qui réduit sa dépendance vis-
à-vis de l'extérieur.
Appliquée à la Côte d'Ivoire, une telle démarche
révèle toute une autre réalité.
Nous l'avons vu, ce sont les produits primaires issus
du secteur. agricole exportateur (café et cacao principale-
ment) qui déterminent la spécialisation internationale de
l'économie ivoirienne. A l'exportation,
l'on sait que ces
produits ne sont guère compétitifs face aux produits manu-
facturés.
Le café et le cacao ne rentrent pas dans la
gamme des produits stratégiques qui confèrent une position
de force sur le marché mondial. Au contraire, ils sont à
la base d'une spécialisation dépendante.
Cela signifie que
la base productive qui détermine la spécialisation inter-
nationale de la Côte d'Ivoire ne s'appuie pas, au plan
interne, sur une cohérence globale de reproduction des
activités. Elle dépend, avant tout, de logiques externes qui
fixent les règles du jeu (que nous avons déjà évoquées)
:
logique de reproduction des économies dominantes, en étroite
relation avec des conditions techniques de production qui
changent sans cesse et qui peuvent réduire la consommation

206.
des matières premières;
logique de domination qu'exercent
les grands groupes sur la commercialisation des produits
primaires ; logique du marché "libre" qui pèse sur les
conditions de fixation des prix.
A la spécialisation internationale dépendante, corres-
pond donc une faible capacité de peser sur les décisions
qui orientent le développement national.
On peut alors se demander si, en Côte d'Ivoire, le
secteur industriel peut prendre la relève de l'agriculture
d'exportation basée sur le café et le cacao.
Un processus d'industrialisation est déjà en place.
Mais les contraintes liées à ce processus d'industriali-
sation sont nombreuses.
Il s'agit d'une industrie peu
intégrée, très dépendante de l'extérieur pour son approvi-
sionnement en biens intermédiaires et en biens d'équi-
pement.
Cette dépendance vis-à-vis de l'extérieur, qui révèle
en même temps les faiblesses structurelles de l'industrie
ivoirienne, apparaît à l'examen du tableau ci-après.

207.
TABLEAU
PART DES IMPORTATIONS DANS LES ACHATS SECTORIELS
DE MATIERES PREMIERES ET DE COMPOSANTS (1985)
Inférieur à 10 %
Fruits et légumes
1,6 %
Café - cacao
2,1 %
Huiles
4,2 %
Viande
9,7 %
Première et deuxième du bois
1,6 %
Entre 10 et 50 %
Sucre
27,0 %
Emballages fibres textiles
31,3 %
Editions
40,2 %
Céréales
48,3 %
Supérieur à 50 %
Tabac
78,1 %
Préparations alimentaires
62,8 %
Boissons
50,6 %
Conserves de poissons
81,8 %
Lait
54,4 %
Cuir
77,0 %
Gaz - Pétrole
53,4 %
Chimie agricole
67,4 %
Revêtements et adhésifs
50,1 %
Produits de beauté
58,9 %
Gaz industriel
87,3 %
Plastiques
61,4 %
Ciment
59,1 %
Autres matériaux de construction
84,5 %
Eléménts de construction en métal
59,9 %
Montage et sous-traitance
90,0 %
Autres produits mécaniques et électriques
92,0 %
Emballages ~apier-carton
93,3-%-
Emballages "métalliques
73,7 %
Emballages plastiques
82,9 %
Imprimerie
71,9 %
Source
République de Côte d'Ivoire, Ministère de l'Industrie,
Schéma Directeur du Développement Industriel de la
core-d'Ivoire, Abidjan, Mars 1988, p. 19.

208.
Dans un secteur industriel cohérent, chaque branche
achète une partie importante de ses consommations intermé-
diaires aux autres branches de l'économie nationale et leur
vend une partie non négligeable de ses produits produits.
La complémentarité des activités de transformation indus-
trielle contribue ainsi, au plan intérieur,
à réduire le
poids des importations.
Au contraire, la contrainte extérieure est très
forte pour l'industrie ivoirienne qui a de nombreuses impor-
tations incompressibles. Sur une trentaine de branches réper-
toriées dans le tableau ci-dessus, 21
branches
(soit plus des
2/3) dépendent, pour au moins 50 % de leur approvisionnement
en matières premières et en composants, des importations.
Une telle industrialisation, largement dominée par
les calculs de rentabilité des firmes multinationales,
s'inscrit dans une logique d'ensemble qui a une dimension
internationale.
Parler "d'indépendance", dans ces conditions,
s'avère irréaliste.
Un autre obstacle au développement industriel de la Côte
1
-
d'Ivoire réside, nous l'avons vu, dans l'étroitesse du marché
national confrontée aux seuils de production qù'impbsent les
économies d'échelles. Cette situation explique la sous-
utilisation des capacités productives.
Le tableau concernant l'utilisation des capacités
productives
(voir Tableau ci-après)
indique une reprise en
1985, mais i l n'en reste pas moins que les capacités de produc-
tion sont loin d'être pleinement utilisées
(sauf dans le trai-
tement du cacao, la confiserie, le savon,
les engrais, les
emballages-cartons, le ciment, les huiles végétales alimen-
taires, les conserves de thon et la minoterie).
Par rapport à 1981, on retrouve parmi les reculs impor-
tant~, les boissons gazeuses, le textile, les conserves
d'ananas, le raffinage du pétrole.

209.
TABLEAU
EVOLUTION DES TAUX D'UTILISATION DES CAPACITES
PRODUCTIVES
(*)
ACTIVITES
1981
1985
1985
(t aux)
(taux)
(L\\.. /81)
Minoterie
S
S
Décortiquerie de café
0,55
0,42
-0,13
traitement du cacao
0,74
0,94
+0,20
conserves d'ananas
0,51
0,27
-0. 24
,.
café soluble
0,71
0,79
-0 ,08
conserves de thon
AB
S
(+)
confiserie
0,79
0,94.
+0,15
Boissons alcoolisées (bière)
0,63
0,52
-0,11
Boissons gazeuses
0,66
0,37
-0,29
Eau minérale
0,26
Huiles végétales alimentaires
- B
S
(+)
Autres graisses végétales alimentaires
B
AB
Sucre
Cigarettes et cigares
B
S
(+ )
Filature
0,90
0,73
-0,17
Tissage
0,85
0,70
-0,15
Impression-teinture-texturation
0,80
0,68
-0,12
Sacherie (jute et sisal)
0,60
Confection
0,68
Déroulé
0,66
0,74
+0,08
Tranché
0,33
0,30
-0,03
Contreplaqué
0,28
0,21
-0,07
Latté
0,55
0,42
-0,13
Raffinage de pétrole
S
MO
(-)
Bitume
B
AB
(-)
Engrais
S
S
Savons (ménages et toilette)
0,76
0,79
+0,03
Peinture-verni-diluant
0,53
0,46
-0,07
Ciment
AB
S
(+ )
Tôle s -tubes-fer à béton-lllses
0,48
0,35
-0,13
Industries de construction des
matérie ls de transport
ME
ME
Autres industries mécaniques et électriques
ME
ME
Piles électriques
B
B
compteur d'eau
B
B
Climatiseurs
S
B
Frigidaires
IVK)
B
(+ )
Cables électriques
MO
M)-
(- )
Emballages carton
B
S
(+)
Energie électrique
AB
AB
(+ )
Source: Republlque de Côte d'Ivolre, Mlnlstere de l'Industrle
Schéma Directeur de développement industriel, ~it., p.22.
( *) Les données sur les taux d'utilisation des capacités de production pour
les produits se rapportant à moins de trois entreprises ne font pas
l' obj et de publication.
Dans ces cas précis, les taux sont représentés par des lettres :
S = t rès satisfaisant, taux supérieur à 0, 75 ; B = satisfaisant, taux
proche de 0, 75 ; AB = assez satisfaisant, taux proche de 0,60 ; MO+ =moyen
taux atteignant 0,50 ; MO- = IDJyen, taux proche de 0,50 ; ME = médiocre,
taux sensiblement inférieur à 0,50.

210.
Certes, la crise a aussi eu une part importante dans
la sous-utilisation des capacités productives. Mais ce qui
est déterminant,c'est l'insuffisance du marché interne, dont
la taille ne permet pas de faire des économies d'échelles.
Cette insuffisance ne signifie pas le blocage de l'industrie
ivoirienne, mais que celle-ci est contrainte à exporter, donc
à s'inscrire encore plus dans la dynamique de l'internatio-
nalisation. Et puisque, en général, les échanges entre les
pays africains restent encore très faibles,
la poursuite du
développement industriel national exigera, dans les conditions
actuelles, une politique audacieuse de promotion des exporta-
tions de produits manufacturés vers les marchés des "pays
industrialisés" et des "nouveaux pays industriels".
Face à une concurrence forte,
et aux menaces de protec-
tionnisme exacerbées par la crise, la marge de manoeuvre
de la cdte d'Ivoire s'avère particulièrement faible.
Enfin, pour l'économie ivoirienne, la contrainte
extérieure est forte à cause des besoins en technologies
modernes. Parcê qu'elles exigent de lourds investissements,
et parce qu'elles sont de plus en plus complexes, les
technologies modernes sont plus difficiles à ma1triser par
un seul pays. Elles obligent chaque économie nationale à
créer des alliances avec les autres, afin que son industrie
ne prenne pas de retard.
Pour preuve: la vitalité de l'industrie sud-coréenne
dont on parle tant, ne repose pas sur son autonomie mais
avant tout sur les liens qu'elle tisse avec les firmes améri-
caines et japonaises (1). Mitsubishi a une participation de
-----------------------------------------------------------
(n Voir "Science et Vie - Economie" , nO 50, mai 1989. (Dans
ce numêro, un dossier est consacré sur "la bâtaille mondiale
de l'automobile". Les informations sur l'industrie automo-
bile sud-coréenne proviennent de ce dossier).

211.
15 ~ dans le capital du premier groupe, Hyundai. Les deux
finnes coopèrent en outre sur le plan technique et Hyundai
participe au réseau Mitsubishi-Chrysler-Daewoo, second
constructeur coréen, est une filiale à 50 % de General Motors
avec qui i l a également conclu des accords pour l'approvi-
sionnement en composants. La Pontiac Le Mans de GM, dérivée
de l'Opel Kadett ,
est fabriquée par Daewoo. Cette même
finne collabore aussi avec Isuzu, affilié japonais de
General Motors, et avec Nissan pour la fabrication de~
vehicules utilitaires. Enfin, Kia est détenu à 8 % par Mazda
et à 10 % par Ford. Il produit des modèles Mazda commercia-
lisés principalement par Ford sous son logo
(c'est l'exemple
de la Ford Festiva).
Tout comme la Corée du Sud, les besoins de la Côte
d'Ivoire en technologies modernes peuvent la contraindre à
accueillir certaines firmes étrangères.
Celles-ci peuvent,
si elles sont inscrites dans le cadre d'une orientation stra-
tégique précise, être des vecteurs de diffusion technologique.
Spécialisation internationale dominée, marge de manoeuvre
étroite~ poids des importations incompressibles, étroitesse
du marché national, complexité et difficulté de maîtrise des
technologies modernes sont autant de contraintes qui prouvent
que la Côte d'Ivoire a besoin des autres pays.
Plus fondamentalement, au-delà des aspects purement
économiques, i l y a les risques majeurs face auxquels les
peuples de la planète ont une destiné~commune.

212.
Aujourd'hui, l'interdépendance couvre non seulement
la production, la population, l'énergie, l'alimentation, les
transferts financiers et la technologie, mais également, de
façon croissante, les bases écologiques du développement
(1).
Il Y a les problèmes liés à la pollution de l'environ-
nement :
-
L'augmentation dês concentrations de CO 2 dans l'atmos-
phère, principalement due à l'usage des combustibles fossibles
(charbon, lignite, dérivés du pétrole), pourrait provoquer
une tendance au réchauffement qui conduirait au cours du
siècle prochain à des modifications climatiques d'une ampli-
tude suffisante pour entraîner des bouleversements physiques,
économiques et sociaux importants à l'échelle mondiale.
-
Les recherches indiquent que les émissions continues
d'hydrocarbures chlorofluorés
(agents disperseurs dans les
bombes aérosols et dans la production de mousses ainsi que
comme solvants et comme réfrigérants)
provoquent un appau-
vrissement de la couche d'ozone. Or, cette couche joue un
rÔle important dans la protection de la terre contre les
rayons ultraviolets dangereux.
-
Les oxydes de soufre et d'azote et autres substances
susceptibles de se transformer en acides rejetés par les
sources de pollution peuvent être transportés sur de longues
(1f Sur les dangers écologiques, voir notamment:
René DUMONT, "La survie de l ' humani té en péril", in
"Monde Diplomatique", octobre 1988 ;
-
Groupe de VEZELAY,
Journées de vezelay sur les risques
technologiques majeurs
, mars1--9?8 ;
Commission Mondiale sur l'environnement et le développe-
ment, Notre avenir à tous, Editions du Fleuve et les
Publications du Québec, Montréal, 1988.
- OCDE, Interdépendance écononiigue et écologigue,Paris,1982.

213.
distances dans l'atmosphère, y subir des transformations
chimiques et revenir au sol sous forme de précipitations
acides. Il peut en résulter un accroissement de l'acidité
des masses d'eau et du sol, avec des conséquences désas-
treuses pour les écosystèmes aquatiques,
les récoltes et
les forêts.
- Enfin, la "gestion" des déchets toxiques nécessite
que soit mise au point, au plan international, une réglemen-
tation"rigoureuse qui protège toutes les populations de la
planète.
Aux problèmes liés directement à la pollution de
l'environnement, s'ajoutent ceux qui ont trait aux ressources.
L'une des menaces les plus sérieuses est la destruction des
forêts. La forêt'.tropicale,
notamment, est exploitée à un
rythme que les scientifiques considèrent insoutenables du
point de vue écologique et économique (1).
Un déclin rapide
de la forêt tropicale et de ses ressources génétiques aura
de graves conséquences écologiques, économiques et sociales
aussi bien pour les pays directement concernés
(disparition
d'espèces végétales et animales, destruction des pâturages
et dégradation des sols, désertification plus rapide), que
pour tous les pays de la planète.
On le voit donc,
les problèmes posés par l'environ-
nement ont désormais une dimension mondiale dans la mesure
où les productions d'une contrée peuvent avoir des réper-
cussions sur l'équilibre écologique et climatique à des
milliers de kilomètres.
---------------------------------------------------------
(1) René DUMONT est~me à 11 millions d'hectares en moins par
an le recul des forêts tropicales
(voir article cité
ci-dessus) •

214.
Une implication de cette interdépendance est que, de
plus en plus, des problèmes économiques, sociaux, énergé-
tiques et autres, bâsés sur l'environnement ou l'écologie au
sein d'un pays, ne se révèleront solubles que grâce à une
coopération internationale accrue.

215.
CHAPITRE 7 -
CONCILIER LA MAITRISE DE L'ACCUMULATION INTERNE
AVEC LA GESTION DES RELATIONS EXTERNES.
Mattriser l'accumulation interne: c'est la capacité
de peser, au plan interne, sur les décisions qui orientent
et donnent un contenu au développement économique
national.
Lorsque ce choix s'exprime clairement en faveur de
l'application d'une stratégie alternative de développement,
avec une logique de reproduction différente de celle du
développement dépendant, i l exige la présence d'un pouvoir
national prêt à travailler dans ce sens.
Et parce que tout projet de développement national a
sa propre finalité sociale, sa réussite implique l'adhésion
de toutes les forces sociales qui composent la société. Cette
adhésion doit se matérialiser dans la volonté commune de
vivre ensemble, c'est-à-dire de construire la nation.
Il faut ensuite assurer la reproduction de la formation
sociale nationale, donc maîtriser l'accumulation interne en
créant une nouvelle cohérence à l'intérieur de l'économie,
en rupture avec la logique du développement dépendant.
Enfin, compte tenu des contraintes liées à la dynamique
de mondialisation, la conduite d'une stratégie de développe-
ment économique, dans un pays comme la Côte d'Ivoire, doit
nécessairement s'inscrire dans lè~ 'sens d'une interdépendance
négociée.

216.
SECTION l - CONSTRUIRE UNE NATION
---------
---------------------
La nation, cette"
âme, un principe spirituel •••
Elle suppose un passé, elle se résume pourtant dans le
présent par un fait tangible : le consentement, le désir
clairement exprimé de continuer la vie commune. L'existence
d'une nation est un plébiscite de tous les jours" (1).
La nation, un mot qui désigne deux réalités : "la
communauté nationale d'une part, l'Etat-nation de l'autre" (2).
C'est au sein des nations que, au cours de leur histoire,
les formations sociales assurent leur propre reproduction
sociale : c~issance économique, croissance démographique,
industrialisation, destructurations ; et i l y a aussi les
affrontements, les divisions internes, les coups d'Etat
mili taires,les exclusions ••• Sous l'autorité de l'Etat,
les individus, les communautés tribales, les régions sont
pris dans un mouvement global d'intégration sociale. Mais
en même temps que la nation peut être vue comme un "vouloir-
vivre ensemble" qui a son identité (lé drapeau national,
l'hymne national, les frontières nationales, le tout
couronné par la carte d'identité nationale), elle se présente
comme un lieu d'expression pluriel. Et cette pluralité peut
être en divergence avec le mouvement d'inté~ration nationale.
-------------------------------------------------------------
(1) Ernest RENAN, cité par Alain LIPIETZ, "Gouverner l'écono-
mie, face aux défis internationaux : du développementisme
nationaliste. à la crise nationale" ,CEPREMAP ,'Couverture
orange ·Iio, '8815.
(2) z,,1ichel BEAUD, Les stenie Iiational/niondial hierarchisé ,
La Découverte, 1987, p.35. Dans ce livre, on notera avec
intérêa- ~e rappel des analyses faites par Yves BAREL,
Samir AMIN, François PERROUX).

217.
c'est là une-difficulté de taille que l'on doit
prendre en compte pour aborder la question de la construc-
tion de la nation en Côte d'Ivoire. La question fondamen-
tale, c'est celle d'une société polyethnique face au
problème de l'intégration nationale dont le parti un~que se
veut le principal facteur.
La difficulté vient d'abord du fait que la tribu est
encore une réalité vivante en Côte d'Ivoire, tandis que
la nation repose sur un ensemble de tribus regroupées à
l'intérieur de frontières territoriales qui n'ont aucun
sens pour les membres de ces tribus prises séparément. Les
paysans sénoufo ou malinké de Côte d'Ivoire partagent avec
ceux du Mali, du Burkina Faso ou de la Guinée, le même
fonds culturel. Le paysan agni d'Abaisso trav.erse régulière-
ment la frontière pour "aller chez lui", au Ghana, où i l a
des parents.
La référence à la communauté tribale est donc très
forte.
Et quand l'espace occupé par une tribu s'étend sur
pluSieurs pays, la vision des individus appar~enant à cette
tribue dépasse, le plus souvent,le cadre des frontières
nationales héritées de la période coloniale.
Lanciné SYLLA souligne bien les problèmes qui peuvent
résulter d'une telle situation, surtout lorsque le mot
nation veut signifier "le désir clairement exprimé de con-
tinuer la vie ensemble":
"Le tribalisme est un comportement, une
attitude positive ou négative qui crée,
dans un milieu social donné, un réseau
d'attractions et de répulsions entre les
membres de deux ou plusieurs groupes
composant ce milieu social. Les membres de
chacun de ces groupes se disent liés par le

218.
sang, mais ils le sont beaucoup plus par
l'idée qu'ils se font d'eux-mêmes par
rapport aux autres. En sorte que le triba-
lisme est une mentalité de groupe, une
illusion grégaire ou une disposition qui
détermine la conduite des individus apparte-
nant à un même groupe, et qui règle leurs
relations, souvent agressives, avec les
membres de groupes similaires. Ce groupe qui
se pose en s'opposant aux autres, et dont les
membres se croient liés par le' sang ,
est la
tribu, d'où le mot lui-même de tribalisme"
(1).
La difficulté vient ensuite du fait que c'est le parti
unique qui veut fonder la nation en forgent l'Etat. Pour
remplir cette tâche, i l se pose "comme guide clairvoyant
de toutes les consciences individuelles et collectives"
(2).
Cette clairvoyance est supposée représentative de l'opinion
publique. Cette forme de démocratie, que l'on retrouve éga-
lement dans le fonctionnement des partis communistes d'Europe
de l'Est et en Asie (Chine, Cambodge, Corée du Nord ••• ), est
généralement justifiée en Afrique Noire par l'argument selon
lequel le multipartisme va contre l'unité nationale, car le
risque est grand de voir chaque parti devenir un lieu de
cristallisation tribale avant d'être un organe qui rassemble
sur la base d'affinités qui s'élèvent au-dessus du critère
d'appartenance ethnique. L'autre argument,
en liaison avec
le précédent, c'est la référence à cette tendance à l'unani-
mité qui caractériserait la société traditionnelle africaine.
(1)
Lanciné SYLLA, Tribalisme et Parti Uni ue en Afri ue
noire" (Esquisse d 'urie Theorie "
ri raIe de "l'Iritegration
Nationale), Université Nationale de Côte d'Ivoire,
Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques,
1977, p.23.
(2)
Lanciné SYLLA, id., p.24.
-.

219.
"Mais l'unanimité à l'intérieur d'une communauté tradition-
nelle (dont les membres se croient liés par le sang) peut-
elle donner nécessairement, comme par extrapolation, une
unanimité à l'intérieur d'un assemblage de tribus diffé-
rentes que constitue la nation af:i:'i'caine actuelle ?" (1).
Enfin, une troisième difficulté: le projet d'inté-
gration nationale vient aveë celui du "développement" et
de la modernisation, favorisant l'émergence de nouveaux
groupes sociaux. Comment gérer les nouvelles relations qui
s'établissent entre les structures sociales traditionnelles
et modernes d'une part, entre la communauté tribale et le
projet de modernisation/industrialisation, d'autre part?
On le voit, la construction de la nation(en Côte
d'Ivoire, en Afrique Noire) exige la prise en compte de
plusieurs questions auxquelles il faut trouver une réponse
construire une nation plurielle, c'est~à-dire prendre en
compte la diversité des cultures et des systèmes de références
au sein d'un même espace territorial; s'ouvrir aux popula-
tions, donc s'ouvrir à leurs aspirations, à leurs besoins;
sur cette base, définir la finalité du développement.
Car, en fait, les populations ne se passionneront pour
la nation et pour le projet de développement national que si
elles s'y reconnaissent.
Construire la nation : définir un projet de société
auquel la population adhère parce gu' elle y trouve son
intérêt.
------------------------------------------------------------
(1) Lanciné SYLLA, op.cit., p.25.

220.
Et si, en référence à ce projet de société, les forces
sociales sont, en Côte d'Ivoire, porteuses d'une volonté
d'autonomie nationale, i l est possible de définir une stra-
tégie visant à conquérir une marge d'autonomie.
Il s'agit alors de prendre toutes les mesures visant
à créer une nouvelle cohérence à l'intérieur de l'économie
ivoirienne, en ruppure avec celle héritée de la période
coloniale.
ê~çt!Q~_!! - gE~~g_~~_~QQY~~~§_gQg~E~~g§_~_~~!~§E!~gE
Q~-~~§ÇQ~Q~!§-~~!!Q~~§.
Pour créer une nouvelle cohérence à l'intérieur de
l'économie ivoirienne, favorable à la reconquête d'une
marge d'autonomie, i l faut renverser la logique de la spé-
cialisation internationale dominée. Ce choix implique une
action vigoureuse de réorientation des activités produc-
tives, avec pour objectif la satisfaction des besoins
nationaux, à commencer par ceux qui sont essentiels
:
la
sécurité alimentaire et l'approvisionnement en eau potable
pour toutes les couches de rIa population,
l'accès aux soins
de santé, un habitat salubre, la formation
(1).
(1) Notre démarche ici doit beaucoup aux études critiques de :
-
Bonnie CMIPBELL, Henry BERNSTEIN, Ed., Contradictions of
accumulation in Africa : Studies in Economy and State,
Beverly Hills, London, New Delhi, Sage Publications,
1985 ;
- Michel BEAUD, Le Système National/Mondial Hiérarèhisé,
La Découverte, Paris, 1987 ;
... / ...

221.
Produire plus pour satisfaire des besoins qui croissent
avec la pression démographique, dégager un surplus
(c'est-à-
dire une capacité de financement), accumuler (investir,
équiper, moderniser).
Face à l'ampleur de la'tâche, i l importe
de savoir
distinguer les priorités.
D'abord, assurer la sécurité alimentaire en augmentant
la production vivrière pour satisfaire la demande intérieure.
Reléguée au second plan au profit des produits primaires
d'exportation (café et cacao notamment)"
l'agriculture vivrière
ivoirienne reste encore faible, .. en comparaison avec la
demande exprimée au plan national. Cet écart apparaît à
l'examen du tableau nO
• Cette situation explique le taux
de croissance très élevé des besoins en produits vivriers,
estimé à 30 % pour la période 1980-1985 et à 31
% pour la
période 1985-1990 (1).
--------------------------------------------------------------
.... / ....
- Jacques DEBANDT, Phillipe HUGON, Les ti'ers-nations en
mal d'industrie, Economica" Paris,
1988 ;
-
Charles-Albert MICHALET,Le défi du développementindé-
.Eendant~, ,Ed. Roche-Vignes, Paris, 1983 ;
Gérard GRELLET ,Les structures des économies de l'Afrique
noire, P.U.F., Paris, 1982 ;
-
Pierre DOCKES, Bernard ROSIER, "La.
question du dévelop-
pement aujourd 'hui face à l'histoire", in Dévelo~pement
endogène : aspects qualitatifs et facteurs strat~giques,
UNESCO, Paris, 1988 ;
- Samir AMIN, Le développement du capitalisme en Côte
d'Ivoire, Editions de Minuit, Paris,
1967.
- Albert TEVOEDJRE, La pauvreté, richesse des 'nations,
Editions Economie et Humanisme, Les Editions Ouvrières,
Genève , 1977.
(1) Fraternité HEBDO, Le livre Vert' de l ' au:t'osuffisance ali-
mentaire, Edition Spéciale,-=: 1982, p. 11.
( ,1.~.;...,l?\\~.) .

222.
TABLEAU
-
ECART ENTRE LA PRODUCTION ET LES BESOINS TOTAUX*
ESTIMATION 1985 et 1990 {en milliers de tonnes).
Ecarts tendanciels
Produits
1985
1990
Riz blanc
- 569
-
861
Mais
- 101
- 230
Autres céréales
-
11
-
26
Igname
-
99
- 229
Manioc
- 107
- 265
Banane plantain
- 109
- 259
Taro
-
17
-
29
Source
Fraternité HEBDO, Le livre vert de l'autosuffisance
alimentaire, Edition spéciale, Abidjan, 1982, p.14.
* Dans les besoins totaux, i l faut comprendre : les besoins
de l'alimentation humaine (autoconsommation rurale et
besoins des villes), les besoins de l'industrie (brasseries
et aliments du bétail), les besoins en semences:
TABLEAU
- PRISE EN OOMPTE DES CITADINS PAR LES RURAUX
(Estimation pour 1985 et 1990)
Années
1965
1975
1980
1985
1990
P.C.**
33
47
65
90
122
-
** Ce ratio exprime le nombre de citadins que devrait nourrir
chaque agriculteur dans l'optique de l'autosuffisance
alimentaire.
Source : Idem, p.13.

223.
TABLEAU
- PART RESPECTIVE DES DIFFERENTS ALIMENTS DANS LA
COMPOSITION DES MENUS EN MILIEU URBAIN ET EN
MILIEU RURAL.
% dans la composition des menus
Milieu urbain
Milieu rural
Riz
36,2
18
Maïs
8,5
11
Autres céréales
5,2
6,5
Igname
9,6
22,6
Manioc
12,8
22,4
Banane
8,9
14,3
Source
Fraternité HEBDO, 'Le livre vert de l'autosuffisance
alime·ntaire, Edition spéciale, Abidjan, 1982.
Parvenir à l'autosuffisance alimentaire s'avère diffi-
cile d'autant plus que l' urbani sation de la population,
nourrie à la fois par l'exode rural et l'évolution démogra-
phique, se fait à un rythme accéléré : de 23 % de la popu-
lation totale en 1965, la population urbaine est passée à
45 % en 1985 (1). Résultat: un agriculteur devra nourrir
en 1990 deux fois plus de citadins qu'il ne le faisait en
1980. En l."absence d'une augmentation de la productivité
(1) Banque Mond~ale, Rapport sur le développement dans le
monde, Edition 1988.

224.
agricole, une telle pression démographique ne peut qü'accentuer
l'écart entre la production et la consommation.
L'écart entre la production et la consommation du riz cons-
titue le cas le plus préoccupant. Le déficit prévu au niveau
de sa production est estimé à 861
000 tonnes en 1990. Rentra.nt
pour 36,2 % dans la composition des menus en milieu urbain,
et pour 18 % dans celle des menus-
en milieu rural, la consom-
mation du riz sera la source de dépendance alimentaire
la plus importante dans les années à venir, si les tendances
actuelles se poursuivent.
Une stratégie de développement qui vise à combler
le déficit vivrier en côte dlIvoire doit, avant tout,
réussir la réorientation des activités productives agricoles
vers la satisfaction de la demande intérieure. Pour atteindre
cet objectif, une série de mesures s'imposent.
En premier lieu, inciter la paysannerie à adopter un
système de production qui accorde plus de place aux vivriers
locaux. L'expérience a montré que les paysans ivoiriens sont
sensibles aux prix d'achat. Ainsi, en 1974, le relèvement
du prix du riz au producteur de 65,50 F.CFA à 152,50 F.CFA
le kilogramme a entraîné une augmentation de la prcduc-
tion (1). L1effet contraire s'est produit lorsque, en 1981,
dans le cadre d1une "politique d1assainissement", l'Etat
ivoirien a décidé de ramener le prix du kilogramme à
50 F CFA (2). D'une manière générale, le système des prix
d1achat actuellement ën
vigueur privilégie les cultures
------------------------------------------------------------
(1)
(2) Voir étude de François RUF, "Structures paysannes
hétérogènes: réponses aux prix diversifiés. Cas du riz
et du cacao en Côte d 1Ivoire ", Communication présentée
au Séminaire Economie Rurale du CIRAD, septembre 1984.

225.
de rente. En francs CFA le kilogramme,
les normes sont
les suivantes pour quelques produits
: 400 F pour le cacao,
200 F pour le café, 115 F pour le coton contre 80 F pour le
riz et 45 F pour le maïs. La modification de ces normes, par
le relèvement des prix d'achat des produits vivriers, cons-
titue le levier le plus efficace pour inciter la paysannerie
à accroltre les superficies consacrées à la production
vivrières.
L'orientation des types de production par le jeu des
prix relatifs des produits doit nécessairement prendre en
compte les problèmes liés à la commercialisation, en mettant
un accent particulier sur l'organisation et la redynamisation
des coopératives villageoises. Outre la production, celles-
ci peuvent en partie prendre en cha~ge la commercialisation
de leurs produits. L'objectif, à terme, c'est d'abord de
réduire le coût des intermédiaires qui pèsent sur les prix
de vente i
c'est ensuite de parvenir à une meilleure
diffusion du surplus agricole dans l'économie, allant dans
le sens d'une augmentation des revenus ruraux. Car, dans
la perspective d'une augmentation de la production agricole
vivrière, l'accroissement des revenus qui en résultera peut,
dans une certaine mesure, contribuer à la modernisation des
équipements qui restent encore archaïques
(principalement
la ndaba Il, la houe et la machette) •
L'amélioration de la productivité agricole va de pair
avec le freinage de l'exode rural qui vide la campagne de
ses forces vitales. L'encadrement technique,
la formation et
l'installation des jeunes agriculteurs sont ici des moyens
efficaces pour arrêter les mouvements de migration vers les
villes.

226.
Enfin, -toute action visant à assurer la sécurité alimen-
taire doit prendre en compte l'amélioration des pistes villa-
geoises, et faciliter la liaison avec les grands axes rou-
tiers qui désservent les principaux centres urbains.
La réduction de la dépendance alimentaire constitue le
pilier central de toute stratégie alternative de dévelop-
pement. Mais i l serait illusoire de penser que la Côte
d'Ivoire, dans la situation actuelle, peut se passer des
revenus issus du secteur agricole exportafeur. Source princi-
pale de financement de
l'économie, ce secteur occupera
encore longtemps une place importante dans les activités
productives nationales. Néanmoins, i l est possible d'envi-
sager une plus grande transformation des produits primaires
sur place. Il s'agira, dans cette optique, de réduire la
quantité de produits exportés à l'éta€
brut, et d'y substituer
davantage de produits semi-finis ou finis qui, à l'exporta-
tion, ont une plus grande valeur ajoutée.
Outre le fait qu'une telle orientation accroît les
gains en devises, elle réduit la vulnérabilité de l'économie
ivoirienne face aux fluctuations des cours des matières
premières exportés à l'état brut.
L'industrie constitue donc le deuxième volet d'inter-
vention en vue de l'application d'une stratégie alternative
de développement, avec comme axe central la liaison entre
la stratégie d'industrialisation et le développement agri-
cole. L'objectif visé, c'est d'abord la modernisation de
l'agriculture. Dans cette perspective, la recherche
scientifique et la mise au point de technologies appropriées
peuvent favoriser l'essor d'une industrie nationale des

227.
biens d'équipement agricoles, qui auront pour caractéris-
tiques
(1)
:
-
la simplicité, afin qu'ils puissent être réparés
facilement ;
-
l'indépendance à l'égard des importations étrangères,
afin d'être à l'abri des problèmes posés par le
manque de pièces détachées ;
-
la possibilité d'être utilisés sur une petite
échelle, à la différence des technologies sophisti-
quées importées et mises au point pour de grandes
séries de production ;
1
-
- -
- -un fort coefficient de main-d-' oeuvre , en adéquation
avec la structure sociale de l'agriculture tradi-
tionnelle.
On ne saurait oublier ici tout l'intérêt qu'il faut
accorder aux technologies dites traditionnelles, c'est-à-
dire au savoir-faire local (2). L'avantage des technologies
traditionnelles, c'est qu'elles permettent l'utilisation de
matériaux bon marché, disponibles et familiers au plus grand
nombre. Souvent délaissées au profit
des technologies
modernes importées en vue de la production à grande échelle,
elles ont pourtant prouvé leur efficacité dans les domaines
-----------------------------------------------------------
(1)
Gérard GRELLET, op.cit., p.166.
(2) Voir à ce sujet l'étude très intéressante de Hamed Ibrahim
EL MOUSLY,
"Valorisation de la technologie traditionnelle
et adaptation foncticnnelle de la technologie moderne
dans la perspective d'un développement endogène", in
Déve!oppementendogène : aspects qual'itatifs et facteurs
strat.égiques, UNESCO, Paris, 1988, pp.
109-175.

228.
les plus variés : travail du fer, techniques de construction
de l'habitat, fours de cuisson, extraction de l'huile,
techniques de fumage du poisson, etc •••
Les technologies traditionnelles ont certes leurs
limites, mais elles peuvent être améliorées. Revalorisées,
leur diffusion peut être d'une grande utilité dans la re-
cherche d'une voie alternative de dévelpppement.
Il s'agit de créer, à travers l'articulation harmonieuse
des secteurs agricole et industriel, une plus grande dyna-
mique de complémentarité entre les activités productives
nationales. Dans cette optique, le développement agricole
est le principal soutien du développement industriel :
l'agriculture fournit à l'industrie des matières premières,
et~industrie apporte à l'agriculture des biens qui lui
sont nécessaires.
Mais la création d'une telle dynamique de reproduction
d'ensemble n'est possible que si elle est liée à l'élargis-
sement du marché intérieur. A ce niveau, plusieurs points
sont à aborder.
L'étroitesse du marché intérieur dont nous avons déjà
parlé est certes liée à la faiblesse de la population de la
Côte d'Ivoire, mais nous avons signalé que la faiblesse du
marché intérieur ivoirien est aussi et surtout liée à
l'inégale répartition des revenus. Inégale répartition des
revenus entre villes. et campagnes d'abord, la redistribution
se faisant au profit des secteurs modernes et de l'adminis-
tration. Inégale répartition des revenus entre catégories
sociales ensuite, avec 61,4 % des revenus détenus pâr un

229.
cinquième des ménages (le quintile le plus riche) contre, à
l'autre extrême, seulement 2,4 % pour le quintile le plus
pauvre (1).
Une politique de répartition des revenus apte à élargir
le marché intérieur ivoirien supposera une redistribution
des revenus plus équitable et plus favorable à la paysannerie,
notpmment par l'adoption d'une politique de prix rémunéra-
teurs aux producteurs agricoles. Elle devrait en même temps,
au plan global, resserrer l'éventail des revenus entre les
différents groupes sociaux. L'expérience a montré que les
minorités sociales qui bénéficient de revenus élevés ont, le
plus souvent, des comportements de consommation extraver~is.
Leur demande de biens de consommation s'adresse principa-
lement aux marchés de biens de luxe non produits sur place,
favorisant de ce fait une fuite des devises vers les économies
dominantes.
Le chômage et le sous-emploi constituent l'autre
aspect des problèmes que pose l'étroitesse du marché inté-
rieur. Car il n'y a pas d'élargissement du marché intérieur
sans une politique de résorption du chômage.
On ne peut attendre de l'administration la solution
au problème de l'emploi.
Longtemps mises à contribution pour assurer les
créations d'emplois nécessaires à l'absorption de jeunes
diplômés; la fonction publique et les sociétés d'Etat ivoi-
riennes révisent aujourd'hui leurs politiques d'embauche en
-----------------------------------------------------------
(1) ces chiffres sont fournis par la ·Banque Mbndiale,Rapport
sur le développement dans lembnde, Edition 1988.

230.
raison de la diminution des recettes budgétaires, du poids de
l'endettement, et des sureffectifs que l'on constate dans
plusieurs services.
Quant au secteur privé étranger, sa capacité de créer
de nouveaux emplois est limitée par les effets de la
crise.
Face à ces difficultés, trois axes d'intervention
peuvent ouvrir des voies nouvelles. Le premier a trait aux
mesures à prendre en vue de freiner la migration des jeunes
vers les villes où ils ne trouveront pas d'emploi. Une
politique de prix rémunératel.lrs, favorable à l'accroissement
des revenus agricoles, et soutenue par l'encadrement techni-
que des jeunes paysans, constitue ici le principal levier.
Cette politique doit être accompagnée d'une amélioration
des conditions de vie à la campagne, notamment à travers le
lancement d'un vaste programme de travaux nécessitant une
demande intense de main-d'oeuvre (infrastructures routières,
électrification, construction de dispensaires et d'écoles,
etc ••• ). Dans le même sens, la revalorisation de l'artisanat
local peut contribuer à fixer les jeunes au village. Les
exemples à encourager sont nombreux : les potières de
Katiola ; les tisserands de Ouaraniéné déjà regroupés en
coopératives de production ;
les toiles sénoufo de Fakaha qui
permettent de découvrir une nouvelle technique de peinture.
Le deuxième axe d'intervention en faveur de l'emploi
concerne ce qu'il est convenu d'appeler le "secteur
informel", c'est-à-dire le secteur non structuré. L'exode
vers les villes se traduit par le développement de petites
activités qui permettent aux migrants ruraux n'ayant pas

231.
accès aux emplois du secteur moderne de vivre ou de sur-
vivre (1). La multitude de petits métiers ainsi créés
forment un réseau très diversifié dont la valeur doit être
reconnue,car i l s'agit d'activités de base qui offrent des
services et des produits simples demandés par le plus grand
nombre. Dans une étude originale, . Abdou TOURE a montré
l'esprit d'entreprise, d'organisation et d'innovations qui
caractérise ce secteur qui occupe une main-d'oeuvre
nombreuse (2). Albert TEVOEDJRE rappelle comment ces
activités, qui paraissent marginales, complètent l'économie
du secteur moderne :
"Dans les quartiers où les camions ne peuvent
pas pénétrer, les livraisons sont assurées
par charette ou pousse-pousse. Dans les
localités où aucune entreprise ne veut s'en
charger, les réparations de cycles, de machines
diverses se font quand même." (3).
Il conviendrait d'en faire un secteur essentiel où se
libère l'imagination créatrice de la population, en confor-
mité avec les nouveaux besoins qui naissent et que le secteur
"structuré" ne peut prendre en charge, parce que fonctionnant
selon une logique qui est souvent loin du vécu quotidien.
Plusieurs actions sont à entreprendre en vue de promouvoir
ces activités : aider les petites unités de production à
surmonter leurs faiblesses structurelles, leur ouvrir
l'accès au crédit à des conditions souples et moins onéreuses,
(1) Voir étude récente de Jacques OHARMES qui souligne l'impor-
tance du secteur informel en Afrique:
Quelles politiques
publiques face au secteur informel ? , Caisse Centrale de
COopératioIiEcononÜque-rNoteset Etudesno23 , Paris, avril
1989.
(2) "Abdou TOURE, Les petits métiers à Abidjan, Ed. Khartala,
Paris, 198'1.
(3) Albert TEVOEDJRE, La pauvreté, richesse des nations, Ed.
Economie et Humanisme,' Les Editions Ouvrières, Geneve,
1977, p. 97.

232.
de préférence sous la garantie de l'Etat, perfectionner les
employés, améliorer les techniques de production.
Le troisième axe d'intervention en faveur de l'emploi
concerne la formation professionnelle. En Côte d'Ivoire,
beaucoup d'efforts ont été faits en matière de création
d'établissements techniques, mais l'insertion professionnelle
des jeunes diplômés s'avère difficile faute de structures
d'accueil. Une des solutions possibles à cette situation
consisterait à définir, dans le cadre d'une politique de
promotion de la petite et moyenne entreprise, des aides
financières et matérielles facilitant l'installation des
élèves formés par les centres professionnels. Ces aides ne
seront efficaces qu'à certaines conditions: l'allègement des
formalités administratives à remplir, la souplesse des
conditions d'accès au crédit et des taux d'intérêts bas, des
biens d'équipement à des prix modérés grâce à la détaxe
fiscale, une assistance gratuite en gestion pour assurer le
lancement des projets. En ce sens, le rôle de conseil joué
actuellement par le CAPEN (Centre d'Assistance et de
Promotion de l'Entreprise Nationale) est d'une grande
utilité. Cependant, des moyens supplémentaires devraient être
accordés à cet organisme afin que son efficacité soit accrue
en matière de création d'entreprises.
Au total, la conduite d'une stratégie alternative de
développement exige, au plan interne, une réorientation
des activités productives dans le sens d'une plus grande
complémentarité, en vue de la satisfaction de la demande
inté"rieure. Car le point de départ, ce sont les besoins
fondamentaux dont parlait Han-Sheng LIN à la Conférence
du Club de Rome réunie à Alger èn octobre 1976 :

233.
"Nous voulons bâtir une économie ? Eh bien,
regardons nos peuples. Qui sont-ils? Ils'
sont nombreux, ils sont pauvres, mal
nourris, mal logés, sans éducation, malades,
réduits au chÔmage. Voilà notre point de
départ. Il ne saurait yen avoir d'autre." (1).
Dans cette perspective, développer de nouveaux rapports
sociaux basés sur la solidarité et la démocratie participa-
tive.
De nouveaux rapports sociaux, fondés sur la solidarité,
ne naltront pas de la marginalisation d'une partie de la
population, mais du partage commun des objectifs de produc-
tionet,derépartition des richesses créées. L'intérêt
général devient alors à la fois le produit de l'initiative
collective et de l'initiative individuelle, à travers des
formes de démocratie participative à concevoir et à conso-
lider dans la pratique. Car, pour rompre les soumissions
hiérarchiques -technocrates enfermés dans leurs bureaux
pour construire l'avenir à coups de modèles économétriques,
bureaucraties administratives autoritaires, experts qui
ploient sous le poids des études qui ne seront jamais
utilisées-, il faut être à l'écoute de "ceux qui sont en
bas et qui ont quelque chose à dire". Parce que la parole
n'est plus périlleuse, et qu'elle n'expose pas à la colère
des idéologues officiels, la création peut se libérer à la
base (2). La participation des populations est fondamentale.
Elle implique, pour réussir~ que soient remplies certaines
conditions : une volonté politique, avec un Etat qui devient
------------------------------------------------------------
( 1 ) Cité par Albert TEVOEDJRE ,op. cit . , p. 73.
l,i 2) Paulin HOUNTONDJI, La Philo'sophie africaine, Maspéro,
Paris, 1977, p.239.

234.
"la projection matérialisée et structurée des volontés
convergentes dês membres de la cité pour mieux assumer
leur finalité"
(1)
;
une volonté de la population qui,
parce qu'elle se reoonnait dans la finalité du projet de
développement national, est unie pour bâtir une oeuvre
commune;
l'éducation et la circulation de l'information
à tous les niveaux;
la confiance aux dirigeants qui se
mettent à la portée des populations
:
"... si les responsa-
bles politiques vivent simplement, sans s'isoler dans des
palais luxueux, sans entretenir une cour de dignitaires,
alors leur exemple aura pour les gens du peuple une
immense valeur. Ceux-ci s'apercevront qu'ils ne sont pas
les seuls à faire des efforts, des économies, mais que
véritablement la pauvreté est vécue ensem~le et partagée
par to us"
( 2) •
Ces conditions remplies, i l faut inscrire le changement
de la société dans le cadre d'une planification ouverte,
c'est-à-dire décentralisée, qui permet, au niveau local et
régional, la participation à la production, à la santé, à
l'éducation, à tous travaux d'intérêt collectif. La décen-
tralisation a l'avantage de rapprocher de la base les
centres de décision en même temps qu'elle peut permettre,
à travers des structures permanentes d'organisation,
d'évaluation et de contrôle, l'affectation du surplus écono-
mique en fonction des besoins qui s'expriment à la base.
Produire pour satisfaiJ.re des besoins essentiels. Un
marché intérieur à élargir en prenant les mesures adéquates
-----------------------------------------------------------
(1)
Albert TEVOEDJRE, op.cit., p.115.
(2) Albert TEVOEDJRE, op.cit., p.117.
_ J

235.
en matière d'allocation des ressources, de politique des
prix et de répartition des revenus, d'emplois ••• Promouvoir
de nouveaux rapports sociaux, plus solidaires.
L'obgectif visé, à travers la création d'une nouvelle
cohérence au sein de l'économie nationale, en rupture avec
la logique de la spécialisation internationale dominée,
c'est de pouvoir passer d'une situation de dépendance
passive, subie, à la reconqu~te d'une marge d'autonomie.
Mais la recherche d'autonomie ne signifie nullement l'autarcie,
le repliement sur soi qui ,conduit à la marginalisation. La
mise en application d'une stratégie alternative de dévelop-
pement doit nécessairement aller de pair avec la gestion des
relations externes.
La question est de savoir comment mettre les relations
externes au service du développement national pour atteindre
les objectifs que l'on se -fixe.
Des voies existent. La première est celle des organi-
sations économiques régionales susceptibles de mettre en
oeuvre des projets qui ne se justifient pas au niveau d'un
seul pays. Elle doit viser à renforcer la complémentarité
des économies nationales africaines dans le cadre des struc-
tures plurinationales d'intégration économique.
La deuxième voie, qui ne s'oppose pas à la première,
est celle d'une nouvelle approche de la coopération interna-
tionale, fondée sur la reconnaissance des intérêts réciproques
des partenaires. En s'inscrivant dans le sens d'une inter-
dépendance négociée, la Côte d'Ivoire peut exploiter de
nouveaux rapports de production et d'échange avec les
autres pays.

236.
~~~!Q~_!!! - ê~!~êfg!~_Q~ê_~~_ê~~ê_Q~~~
INTERDEPENDANCE NEGOCIEE
Soulignant toute l'importance des interdépendances qui
régissent les relations entre les économies nationales, Lanciné
SYLLA conclut
"Nous ressentons aujourd 'hui plus que jamais
la nécessité d'ensembles supranationaux plus
amples que les nations, dans un monde où i l
ne fait nul doute que les décisions essen-
tielles de la politique, de l'économie et-de
la culture ne peuvent plus appartenir à une
seule nation mais requièrent la· collaboration
.de l'ensemble des nations. Dans le monde
d'aujourd'hui, essayer simplement de résoudre
un problème politique, économique ou social
prend automatiquement un prolongement mondial.
Il n'est plus de solution nationale possible
à un quelconque problème national. Avec le
développement des techniques modernes, aucune
nation, prise isolément, ne peut donner l'assu-
rance de subvenir à sa survie en dehoÊs dù
reste du monde. Chaque nation vit en connexion
nécessaire avec les autres. Le mode de vie de
plus en plus complexe des temps modernes fait
que la survie de toute société partielle
-tribu, Etat ou nation- est inextricablement
liée au monde dans sa totalité" (1).
Paradoxe donc pour les nations africaines qui ne sont
qu'en voie d'intégration: consolider le socle national
mais, dans le même mouvement, avoir une vision d'ensemble
qui dépasse le cadre de l'Etat-nation.
(1) Lanciné SYLLA, op.cit., p.343.

237.
Compte tenu des contraintes liées à la dynamique de
mondialisation, un projet de développement national n'a de
chances de réussir ,pour un pays comme', la Côte d'Ivoire,
que dans un cadre plurinational.
A un premier niveau, i l y a la coopération économique
entre les pays africains. En général,
les échanges qu'ils
effectuent entre eux restent très faibles.
Une poli tique
d'intégration régionale favorable à l'accroissement de ces
échanges peut aider à la maîtrise des politiques de
croissance.
Des structures existent déjà :
la CEAO
(Communauté
Economique de l'Afrique de l'Ouest regroupant la Côte
d'Ivoire, le Burkina Faso, le Mali,
le Niger, le Sénégal,
la Mauritanie)
et la CEDEAO (Communauté Economique des Etats
de l'Afrique de l'Ouest regroupant, outre les pays-membres
de la CEAO, la Guinée, le Libéria, la Sierra Léone, le
Bénin, le Ghana, le Nigéria,
le Togo, la Guinée Bissau, la
Gambie, les Iles du Cap-Vert).
Mais l'intégration économique régionale ne doit pas se
limiter à l'échange. Ce que l'on constate aujourd'hui en
faisant un premier bilan des politiques d'intégration régio-
nale en Afrique de l'Ouest, c'est que le marché l'emporte
largement sur les projets communs de développement au
niveau de la production. C'est comme si l'intégration écono-
~ique régionale est d'abord vue comme une addition d'économies
nationales ayant chacune sa propre stratégie de développe-
ment;
cette addition d'économies nationales va s'inscrire
alors dans un projet d'élargissement de l'espace marchand
au niveau ouest-africain.

238.
L'exemple de la CEAO est assez révélateur (1). Dans
l'exposé des buts recherchés, l'accent est mis sur la stimu-
lation d'un développement économique harmonisé et équilibré
des pays-membres. Dans les faits,
l'idée de communauté se
confond d'abord avec celle d'un marché régional unifié. Les
principaux instruments utilisés pour la politique d'inté-
gration économique le montrent assez bien :
- établissement d'un tarif douanier commun extérieur
(T.C.E.)
i
- introduction du libre-échange pour les produits
d'origine locale (tels que le bétail, les pI:lôduits
agricoles, le poisson et les produits miniers) qui
n'ont pas subi de transformation industrielle i
-
l'institution d'un régime préférentiel spécial
d'importation, appelé la taxe de coopération régio-
nale (T.C.R.) pour les produits manufacturés échangés
en provenance des pays-membres. Ce régime préférentiel
implique que l'on remplace tous les droits d'impor-
tation qui auraient éfé'prélevés par une seule taxe
(la T.C.R.)
à un taux effectivement plus bas. De ce
point de vue,
la T.C.R. est un élément décisif dans
le fonctionnement de la CEAO.
(1) Voir:
-
CommUnauté Economique de l'Afrique de l'Ouest,
iiTraité et protocoles instituant la CEAO", Abidjan,
1 973 i
Peter ,ROBSON, Intégration, Développement et Equité.
L' intégrationéconom:ique en Afl:'ique de l "Ouest,
Economica, Paris, 1987, pp.
49-91.

239.
Cette intégration économique vue d'abord comme moyen
d'unification par le marché a certes son intérêt. Mais i l
est possible d'aller plus loin, en mettant l'accent sur les
autres formes de coopération.
D'abord définir, dans un cadre plurinational, une
stratégie de production dans les domaines où l'urgence est
la plus grande. En ce sens, la Côte d'Ivoire doit s'inscrire
dans les projets de développement agricole qui visent à
réaliser la sécurité alimentaire des populations africaines.
L'ADRAO (Agence pour le Développement de la Riziculture en
Afrique de l'Ouest) est un exemple de coopération régionale
à suivre et à multiplier, tant au niveau de la recherche
qu'au niveau de la production.
La production concerne également l'industrie. Toute
politique d'intégration économique régionale doit accorder
à l'industrialisation un rôle déterminant. Et cela pour
plusieurs raison : la satisfaction des besoins fondamentaux
dès populations, la valorisation des ressources naturelles
locales,.~la création d'emplois r la formation d'une base de
développement des autres secteurs économiques, la création
d'un cadre d' a.ssimilation et de promoti<D.n du progrès techno-
logique. En assurant l'harmonisation des actions de dévelop-
pement, la coopération industrielle entre pays africains peut
créer les conditions favorables à la reconquête d'une marge
d'autonomie à l'échelle de la région ou de la sous-région,
en même temps qu'elle offre un cadre au renforcement des
efforts de chaque pays.
Il s'agit, avant tout, de concevoir ensemble un autre
développement industriel, fondé sur le développement par

240.
étapes des industries de base qui sont essentielles pour
l'autonomie puisqu'elles produisent des intrants pour
d'autres _secteurs. Le Plan de Lagos retient huit industries
de base dont l'Afrique a besoin (1)
-
industries alimentaires et agro-industries ;
- industries du bâtiment ;
- industries métallurgiques ;
-
.
industries mécaniques ,
- industries électriques et électroniques
- industries
.
chimiques ,
- industries forestières ;
- industries énergétiques.
1-- •.•~--_._..
Vu le coût des investissements nécess.aires à la créa-
tion des industries (colits en ressources humaines et en biens
1
d'équipement), on comprendra aisément que seule une coopé-
ration industrielle régionale peut permettre à des pays de
petite taille comme la Côte d'Ivoire de jeter les bases d'une
industrialisation équilibrée. L'intérêt d'unetelle optique,
c'est aussi la prise en compte des problèmes que chaque
économie nationale, prise à l'inférieur de ses frontières
nationales, peut rencontrer au niveau de l'étroitesse du
marché intérieur.
Développement agricole en vue de réaliser, au plan
régional ou sous-régional, l'autosuffisance alimentaire des
-----------------------------------------------------------
(1) Organisation deI 'Unité Africaine,
"Plan de 'Lagos pour
le néveloppementEco·riOrriiquede l ' Afrique':::--1'980-2000",
Publié par les soins de l'Institut International
d'Etudes Sociales, Genève,-1981, p.25.

241.
populations africaines. Coopération économique favorable au
développement des industries de base. Mais i l n'y a pas de
développement sans recherche et sans maîtrise de la techno-
logie.
Pour les pays africains, i l s'agit à la fois de
concevoir des technologies plus adaptées à leur situation,
mais aussi de s'ouvrir aux innovations technologiques qui
sont en cours, et qui sont aujourd'hui à la base de la
mutation des systèmes productifs nationaux à l'échelle
mondiale. Car si l'on ne prend garde, la marginalisation
de l'Afrique noire sera encore plus grande en l'an 2000 face
aux innovations technologiques qui concourent à la mise en
place d'un nouveau modèle d'accUmulation. Et ces mutations
s'opèrent au moment où l'Afrique n'a pas encore réalisé sa
"révolution verte Il, où elle n'a pas encore créé en son sein
les conditions d'une industrialisation se développant sur
des bases viables.
Prendre en compte le retard accumulé au cours des
siècles, rattraper ce retard tant au plan scientifique,
technique, économique et social, en concevant des technolo-
gies adaptées, mais aussi en intégrant, dans une perspective
de long terme, les nouvelles technologies (informatique,
télécommunication, biotechnologies ••• ) qui vont s'avérer
incontournables pour toutes les économies nationales qui
veulent avoir une marge de manoeuvre dans la définition des
objectifs qu'elles se fixent.
Compte tenu du nombre réduit des chercheurs et de la
faiblesse des ressources financières disponibles, c'est à
la fois aux plans régional et continental que les pays
africains doivent définir des programmes de recherche

242.
scièntifique. On peut noter quelques axes de recherche
importants :
11 énergie solaire, qui peut constituer un domaine
de spécialisation pour les pays africains. Si les
techniques et les coÜts de production sont maîtrisés,
cette spécialisation comportera plusieurs intérêts
:
la réduction des coûts de 11 énergie ; en remplaçant
les bois de chauffe par des cuisinières solaires,
llénergie solaire peut résoudre un problème écolo-
gique de taille, celui du déboisement des forêts et
des savanes (d' aut"ant plus que la croissance démo-
graphique se tradüit, en Afrique, par une pression
accrue de Ilhornrne sur la nature)
; enfin, i l y a la
possibilité dlutiliser llénergie solaire pour llirri-
gation (pompes à eau solaires).
la recherche agronomique ;
-
la recherche médicale, avec un accent particulier
sur l'étude de la pharmacopée et de la "médecine
traditionnelle"
la recherche au niveau des techniques de construc-
tion et de llarchitecture, en liaison étroite avec
les contraintes climatiques ;
-
Ilhydrologie.
La liste sera nécessairement longue si nous voulons
inventorier tous les besoins des pays africains. Llidée sur
laquelle i l faut insister, clest llimportance stratégique
de la coopération entre les économies nationales africaines,
tant sur un plan régional que sur le plan du continent.

243.
Produire en se situant dans un cadre plurinational, soutenir
les activités de production par la recherche et la maîtrise
de la technologie. Sur cette base, accroître les courants
d'échange entre partenaires.
Et pUis, il Y a les problèmes d'équilibre écologique
qui, au-delà des frontières, concernent tout le continent.
C'est également dans un cadre plurinational que les Etats
africains doivent définir un plan de lutte pour arrêter
l'avancée du désert: coordonner. les programmes nationaux
de reboisement pour qu'ils soient plus efficaces, mais
aussi et surtout, mettre fin à l'exploitation forestière.
L'on sait aujourd'hui que la disparition de la forêt est
l'une des principales causes des perturbations climatiques
en Afrique.
Nous avons parlé de l'intégration économique de
l'Afrique de l'Ouest, et plus généralement de la coopération
entre pays africains. Mais une action qui se limite au
continent africain ne suffit pas, car i l faut replacer
l'Afrique elle-même dans le contexte mondiaL
Pour la Côte d'Ivoire, la voie à explorer peut être
celle du c6~développement (1). Fondée sur une conception de
la coopération internationale en rupture avec la logique du
développemenL.inégal, cette démarche consiste à prendre en
charge l'interdépendance entre le développement dans les
(1) Voir :
Michel BEAUD, "Pour le co-développement", texte ronéotypé ;
Albert TEVOEDRJE~' ·op.cit~., pp. 146-157 i
Albert MI CHALET " op. cit., p. 1 46.

244.
pays dominants et le développement dans les pays dominés.
Cela implique un nouveau type de partenariat, basé sur la
reconnaissance des intérêts mutuels.
Elle exige donc, pour
réussir, le repérage préalable des besoins et des contraintes
de chaque partenaire. Ainsi pourront être définies les
orientations qui permettent de déterminer
les objectifs qui favorisent l'instauration de
nouveaux rapports fondés sur la solidarité ;
-
les politiques de coopération en vue de réaliser
les objectifs en relation avec les besoins
exprimés ;
-
l'évaluation des moyens à mettre en oeuvre.
A travers les actions de co-développement tant au niveau
de la production que des échanges,
la multiplication de
contrats de solidarité peut apporter des solutions nouvelles
et originales aux problèmes que rencontrent les économies
dominées. Ces contrats peuvent couvrir les domaines les
plus variés, à commencer par ceux qui peuvent réduire
l'extraversion structurelle et la dépendance.
Un accent particulier doit être mis sur la coopération
au niveau de la recherche et de la production en vue de
produire des biens correspondant à des demandes spécifiques
(petites unités industrielles conçues pour les zones rurales,
dotées de machines faciles à réparer et à entretenir ;
équipements agricoles mieux adaptés, pompes à eau manuelles,
etc ••• ). L'effort d'innovation pour répondre aux besoins
d'une technologie appropriée devra aller de pair avec la
facilitation des transferts de savoir-faire,
et les échanges
d'information qui permettent de mieux maîtriser l'environ-
nement.

245.
En ce qui concerne les exportations, une voie consiste
à établir des contrats commerciaux pluriannuels fondés sur
des mécanismes de stabilisation des recettes d' ëxportation
des produits primaires. Mais une telle solution n'est durable
que si elle est soutenue par des initiatives plus hardies,
ooncrétisées par des opérations de coproduction associant
des firmes originaires des pays industrialisés et des entre-
prises ivolrlennes, en vue d'une plus grande valorisation
des ressources naturelles ou la définition conjointe de
nouvelles lignes de production industrielle. Dans cette
optique, les problèmes de débouchés, notamment cenx posés
par le protectionnisme vis-à-vis des économies en voie
d'industrialisation, trouveront directement leur solution
dans le cadre des espaces de concertation et de solidarité
qui animent l'esprit du co-développement.
La philosophie du co-développement, fondée sur une
approche alternative de la coopération internationale, pose
la question de l'autonomie nationale en de nouveaux termes :
la capacité, pour chaque partenaire," de négocier les inter-
dépendances dans un cadre multinational. Elle ne relève
nullement de l'utopie. Partant d'expériences qui existent
déj à mais qui restent à parfaire -exemple des rapports
ACP-CEE (1)-, elle veut aller plus loin en prenant appui sur
la conscience grandissante de l'unité du monde.
Une telle démarche peut, progressivement, donner plus
de chance à la recherche de décisions au niveau du monde :
(1) Cf. les rapports qui lient la Communauté Economique
Européenne aux pays d'Afrique, d'Asie et du Pacifique.

246.
gérer nos ressources nat~~elles communes, se mobiliser pour
maîtriser les grands problèmes d'équilibre écologique,
lutter contre la famine et les grandes maladies ; et face
au problème de l'endettement extérieur, reformer les règles
qui régissent actuellement le système mondial dè paiements,
afin de prendre en compte les besoins de financement du
développement.

247.
CONCLUSION GENERALE
Ce que l'on observe en Côte d'Ivoire est un dévelop-
pement dominé, marqué par des modalités spécifiques d'inser-
tion dans l'économie mondiale.
Spécialisation internationale dépendante d'abord,
à travers la production de matières premières agricoles
dont les prix et l'écoulement sont étroitement liés, à la
fois, aux conditions de reproduction àes économies domi-
nantes et aux lois du marché mondial qui se posent comme des
forces contraignantes externes.
Industrialisation dépendante ensuite, dominée par la
stratégie des firmes multinationales qui détiennent le
savoir-faire, contrôlent les techniques et imposent les
modes d'organisation de la production, orientent les normes
de consommation en structurant le marché national.
Intégration financière enfin, à travers les réseaux
tissés par les groupes financiers internationaux. Avec, à
terme, le poids de la dette extérieure et les contraintes de
remboursement dictées par les créanciers.
Economie dominée, la Côte d'Ivoire est prise dans un
jeu dont les règles sont définies par des partenaires plus
puissants. Son développement, largement déterroiné de l'extérieur,

248.
est insuffisamment orienté
vers la reproduction de sa for-
mation sociale nationale.
Inégalités. C'est là une réalité fondamentale de
l'économie mondiale: un système hiérarchisé, structuré en
économies dominantes et en économies dominées.
Face à une telle situation, qui se développe sous la
dominance du capitalisme à l'échelle mondiale, une volonté
de rupture peut se manifester : sortir du système mondial
pour accéder à l'autonomie.
Pour la Côte d'Ivoire, une telle démarche s'avère
___ aujourd'hui impossible. Système hiérarchisé, l'économie
mondiale est aussi un Itn~~mble
qui intègre, dans une dyna-
mique d'unification contraignante, toutes les économies
nationales. A travers cette dynamique, les groupes industriels
et financiers créent des espaces multinationaux qui traver-
sent les espaces nationaux, agissent sur les économies
territoriales en y exerçant des influences multiples :
extension du salariat avec la monc1.ialisation de la produc-
tion, extension des espaces de consommation marchande, ten-
dance à l'uniformisation des modes de vie.
Ce système, à la fois hiérarchisé et emmêlé, ren-
force l'interdépendance des peuples. Tant au plan agricole,
industriel, technologique, financier, monétaire, i l est plus
difficile pour un pays comme ]a Côte d'Ivoire de s'abstraire
du contexte mondial, de prétendre à une indépendance écono-
mique "totale".
Une voie moins prétentieuse serait celle d'une stra-
tégie alternative de développement qui s'inscrit, au plan
international, dans le sens d'une interdépendance négociée:

249.
sur la base de la solidarité et de la reconnaissance des
intérêts réciproques des partenaires, mettre les relations
externes au service d'un autre développement national, en
créant une nouvelle cohérence susceptible d'assurer la
reproduction de la formation sociale nationale, à commencer
par l'essentiel (alimentation et eau potable, transports,
santé, éducation. Capacité de dégager un surplus écono-
mique ••• ).
La définition d'une telle stratégie, visant à la
reconquête d'une marge de manoeuvre relative, exige, au plan
interne, que les forces sociales soient porteuses d'une
volonté d'autonomie nationale. Au plan international, elle
_implique une nouvelle conception des relations interna-
tionales, allant dans le sens de la philosophie du co-
développement, avec l'ouverture et l'extension de nouveaux
espaces de concertation et de solidarité.
Au-delà de l'économisme appauvrissant et de la suffi-
sance technocratique, i l faut apprendre à voir les choses
autrement. Et la question, la voici : accepterons-nous de
sortir de la barbarie préhistorique qui gouverne les relations
internationales actuelles ? Cette utopie peut devenir réalité.
A condition de vaincre les monstres de la peur -peur de
l'autre. Ces monstres que Jonathan a dû
vaincre pour
s'élever. Et i l "comprIt que l'ennui, la peur et la colère
sont les raisons pour lesquelles la vie des goélands est
si brève et, comme i l les avait chassés de ses pensées, i l
vivait une existence prolongée et belle"
(1).
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(1)
Richard BACH, op.cit., p.42.

250.
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la di::cection de ~s~::ci
BOCRGCI~AT, Econonica,
Paris,
1 982.
WALLERSTEIX =~~anuel,
Le systène du monde du Y:'}e siècle à riOS =:)~rs,
FlaDDarion, Paris
i
t.
1
Capitalisme et économie-monde,
1943-1960,
1980
t.2
: Le mercantilisme et la consolidation de
l'économie-monde européenne,
1600-1750,
î925.
Le capitalisme historique,
La Découverte,
Paris,
1 985.
WORLD BANK,
World Debt Tables,
Edition 1985-86
1986-87 ;
1987-88.

271.
A N N E X E S

272.
1. Réécriture de la Déclaration des Droits de l'Homme
par le groupe GEREMI
(version provisoire fin 1987).
(Extrait Thierry GAUDIN, Les Métamorphoses du futur.
Essai de prospective technologique, Economica-CPE,
Paris, 1988).
2. Pour les Etats Généraux de la Planète.
(Rencontres de Vézelay sur l'environnement, le dévelop-
pement et les droits de l'humanité -
Groupe de Vézelay).
3. Plan de Lagos pour le développement économique
de l'Afrique, 1980-2000, O.U.A., 1981.
Publié par les soins de l'Institut International
d'Etudes Sociales,
6, CH-1211 Genève 22
(Suisse).

273.
ANNEXE
Réécriture de la déclaration
des droits de l'homme par
le groupe GEREMI
(version provisoire fin 87)
Le groupe GE?..EM! 1 a d'abord ~é constir\\;é par le CP;:: pou; présen:er
une svnthese ""la vie ouotidienne en 2010", iers de la condusior, du colloaue
Eu:-oprospective, ré~.issant er. avril 87 1300 Fos;>ectivlstes europé~m
~dant trois jours à la V;]!e:te. Le grour-e es: formé de ned personnes, ayan!
entre 18 et 30 a....lS, de forreatbn u...-uvers::aire yO\\;J' la ph.:yart. En juin 87, il a
rencontré François Baroin. Celui-ci projetai: de faire pro~ul~uer par des
"jeu."les" ur.e no\\.!velle déclaration des à:oits de l'ho~me, ~ l'occasior. cl\\;
b1œntenai.ooe de la révolution fra:;ÇaiSé GERE:vfl s'est a1cr~ proposé d'en faire
Ul'le rédaction, que l'on trouvera d-a près, dans sa version provisoire de
décembre 87, suivie de la déd,i.ation o.-i&1:\\ale de '178? Ayant effeCtué ce
travail, GEREMI cor.sicère que les àwits de l'hom::ne n'appartiennent à
personne, à aucur, groupe, aucune r.atior., aueu.:.e insta..ce ir,ternatior.ale
parriC'.l1ière, mai!' q:.:e chacun gagne à tente: de réé-.:ri:e la déclaratiorl. Il
invite donc les jeu.,es - ~ le!- Inoir,s jeu..:.es - d ~ Inonàe ei:~ier à refaire ce
'f..'ü a fait. Il suggère aux enseigna.."';ts, et à tous les ho......nes de bonne volonté
d'orgaruser ce travail, dans tous les pays, comme prépa;-ation au troisième
.,. ,.
.
mlller.a1re.
Article 1 : Les hommes et les femme; naissent et èerne\\;re:'..t libres, Ils
sont et resteront égaux den!'!: le droi~. Aucune différence, qu'elle soi:
phpiquE:, poBtique, de sexe, de race, dE religion, dE' culture, de moe\\:rs,
d'appartenance ou de na~or.a1ité ne peut fonder quelque èiscri;nÏ:latior. ou
exclusion que ce soit.
~ les ~6'mbres e~ g:"o~:>ê '~E~EMl rr.aJ"1te~a;.~ co~stltué er: A.ssoc.a:lo~. S=,ro:i. pa· :::vo"e
al~~ti~",t! : 1oC':::'le: B~.RET. c."1r.S!lL"' BAUD''''::'''""'', ('!'hlll'l') GAUDIN;, Fab'll'\\ne GOUle. ..
BAUDIMENT, \\'éronic;"e LE GOA.ZIO'..l, Ca."O!1l RYCI<EWAERT, Lauren; TR:JCHON
SO;'1lf
lUïKO\\'CS. FrédéncWO?MS.

274.
Article 2 : Tout être conscient a droit à la vie, à la santé et à la séCUrité, au
respect de son intégrité physique, psychique et morale, et à la maîtrise de sa
procréation.
Chacun a le droit de décider du temps, du lieu et des conditions de Sol
mort. Nul ne peut être considéré comme coupable d'avoir aide à mourir celui
qui le sollicite.
Article ~ : La maternité, l'enfance et la vieillesse ont droit à une aide, à
une assistance et à une protection particulières. Tous les enfants, quelle que
soit leur origine et leur situation, jouissent des mêmes droits.
Article 4 : La société doit être solidaire de ceux qui sont démunis, en !l's
aidant à subsister, à se loger, à se procurer du travail, ou en assurant les
moyens d'exister à ceux qui sont hors d'état de travailler.
Article 5 : Il est nécessaire, pour l'exercice des libertés, que chacun
reçoive une instruction, obligatoire et gratuite, lui donnant accès au manie-
ment des techniques d'usage courant. Toute personne a droit à l'éducatllln, ~t
au libre accès aux connaissances.
L'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité
humaine, et au renforcement du respect des droits de l'homme et des
iibertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance,
l'amitié entre les individus, les nations, les groupes raciaux, religieux et
politiques.
Chacun doit pouvoir, selon ses aptitudes, bénéficier d'une qualification
professionnelle valorisante en harmonie avec les besoins sociaux, économi-
ques et culturels de l'humanité.
Article' : Nul ne peut être inquiété pour ses opinions, quelles qu'elles
soient (religieuses, philosophiques, artistiques, scientifiques, politiques...), ou
pour 50n appa'rence, pourvu que leur manifestation ne lèse pas les droits
d'autrui.
La libre communication des pensées et des opinions est un droit
inaliénable. Chacun peut donc parler, écrire, diffuser, manifester sa penst5c
librement par tous les moyens qu'offre la technique, dans les conditions
définies par la loi. Lorsque ces moyens permettent une diffusion de masse, ils
doivent être ouverts aux opinions minoritaires.
Article 7 : Nul genre de travail, d'activité, de commerce ne peut être
interdit à quiconque, sauf s'il porte aUt:inte aux droits de l'homme, à
l'héritage culturel ou naturel, à la santé ou à la sécurité publique.
La li~rté économi'lue est protégée par des dispositions législatives. En
particulier, la loi limite les ententes et positions dominantes.
Chacun peut engager ses services, son tl!mps ; mais il ne peut être vendu
ni prendre d'engagement irrévocable, car la personne humaine n'cst pas une
propriété aliénable. La loi protège les individ us contre toute forme d'oppres'
sion, notamment économique.
Chacun est également admissible à toute,; dignités, places et emplois,
sans autre distinction que celle de ses talents et de ses vertus.
Article 8 : Les personnes ont droit à ce que les contrats, par eux conclus
dans le respect des lois, soient observés.

275.
Toute personne physique ou mo/ale qui s'estime lé~ au regard de la loi
a Il! droit à ce que sa cause soit entendue équitabl~ment, publiqut:!mt:!nt et
dans un d~lai raisonnabll.! par un tribunal indépl!ndant et impartial établi par
1.1 loi, Ct à obtenir prote-::tion ou réparation.
Lès ju~ements sont rendus publics, Ct s'imposent au pouvoir e:..&:utii.
Articl~ 9 : Chacun a le droit de' vivre cans un environr:t:!ml.!nt sain et
resp,~.:tut:!ux des grands équilibres naturels.
Il a le droit d'~tn~ inÎorrn.! en temps utile d~s risqu~s que pr~s<!ntent les
pruduits d'usage courant, dés d~isions qui pourraient afflKter s·an milieu de
vie, dt:! participer à ces d ..\\Cisions et, si ses droit:; b.aient méco~:-,ws. de iormL'r
un re-.:ours.
Toute pt:!rsonne physique ou morale a It:! à~yoi. de respectêr l~ pJtrirnoinl!
n.1turel Cl culturel, et de veiller à ce qu'il soit transmis aux g.!n~r:ltion::
r.Jtures.
Article 10; La proprié:é est un des droits dê l'homml!. l\\ul ne pl!ut C:1
ê:;e privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légale:-:;e:-,t cons:;!t~e.
l'exiSt:! évidemm~nt. et 50US !a condition d'ur.e j1.:ste et pré3lab:e inèemnit.5.
Tout auteur, tout inter?r~e d'une oe:Jv:-e de l'esprit j01.:Ïe s;;r cette oe:J'::"e,
ou sur son intérprétatior" d'un droit de pro?r.~é qui doit être g:uanti P:Jr la
loi.
Article 11 : Tout homr..ê 01.: fe!:ï',me, conjoi:1:ement à ses droits civiques,
bé;;~ficie de droits inaliënables, dans les limites définies par la loi:
-le droit de circule: Jïcrc::1C:1t et dè se fixer e:1 tout lieu,
- le droit à nr:v:obb;li:~ dt? Xln dOr:".ici!e, au secret de son :ce;,tit~ <?t d" SJ
correspondance,
- le droit d'être prot~3é contre la diffamation,
-le droit de se réu:1ir, èe défiler librement s·.;r la voie publiSt.:e,
-lt:! droit d'obtenir asile en cas de violation des libertés garanties par la
pr~Sênte dédaration.
Article 11 ; le but de toute institution politique est la protection et la
promotion des droits naturêls et imprescriptibles de l'homme. Ces droits
5.Jr.t, en particulier, ceux. énoncés ci-<iessus.
Article 13 : la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qc.:i ne nuit pas J
autrui. Ainsi, l'exercice des droits de chacun n'a de bornes que celles qui
assurent aux. autres membres de la société la jouissance d~ ces mêmes
droits. Ces bornes ne ~uvent être détermir.~s que par la loi, pùur prvtéscr
les droits fonèam"ntJux d'autr..lÏ,
Tout ce qui n'est ?as d~fendll par la loi ne peut étre emF'::h~, ct nul n~
pè!Jt être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas. La loi est la même pour
tous
l'exercice de la libt::rté donne le droit dt:! èfvelùppèr sc,; Fotèntië.lit~s. dl..'
créer des personnes moral",s (associations, entreprises. fo;.dations ...). et
né..:essite celui d'avoir une personn:llité jur.dique.

276.
·
Article 14 : Nul n'est censé ignorer la loi. les institutions ont donc le
d~voir de faire diffuser les lois en vigueur et de veiller à ce que leur
compréhension soit accessible à tous.
L'interprétation des lois relève du pouvoir judiciaire, 1l...oquel est strictement
séparé du législatif, qui les élabore, et de l'exécutif. qui gère les services
publics. Le judiciaire ne se saisit pas des affaires qu'il traite, il est saisi.
Article IS : Le principe de toute souveraineté réside essentiellement
dans le peuple. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorit~ qui n'en
émane expressément.
La loi étant l'expression de la volonté générale, tous :eux qui ont atteint la
majorité ont le droit de concourir personnellement, ou par leurs représen-
tants élus, à l'établissement des lois qu'ils subissent.
Articlt 16 : La force publique doit etre la garantie des droits de l'homme,
instituée pour l'avantage de tous et non pour l'utilité parriculiere de ceux à
qui eUe est connée. Elle ne peut en aucun ca!> s'ériger en pouvoir distinct.
Nul ne peut are accus~, arrêté, détenu que dans des cas d~tèrminés par
la l~i, selon les formes qu'elle a prescrites et SOU5 contrôle du pouvoir
judiciaire. Ceux qui sol1icitent, donnent, exécutent ou font exécuter des
ordres arbitraires doivent être punis, mais tout individu se rend coupable en
résistant à l'application de la loi ou des jugements.
La lui ne doit établir que des peines strictement et évidelnrnent
nécessaires.
Nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée
antérieurement au délit et légalement appliquée.
Tout accusé étant présumé inno.:ent jusqu'à cc qu'il ait été d-'cl :ré
coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne ~cr~it
pas néœssaire pour s'assurer de sa personne dûlt être sévèrement réprimt.~'
par la loi.
Article 17 : La contribution commune indispenso1ule pour l'entretien .Jo!
la force publique et les dépenses des autres services public!> doit êu::
également répartie entre tous les usagers, en raison de leurs facultés et des
coûts qu'entraînent leur!> activités et leurs propriét~s. I.es contribLltions SOllt
établies dans leurs taux, leurs assiettes et leur dur&: par la loi.
Tous ont le droit de constater par eux mêmes ou par leurs ~présentants la
n&:essité de la contribution dont le détail deo; re.:ett~ et des dépenses et
d'cm suivre l'emploi.
Article 18 : Chacun a le droit de demander compte à tout élu et à teut
agent public de son exercice, de sa gestiun ou de son admll1istration, à
condition d'êlre personnellement concerné Oll en cas d'atteint~ aux droits de
l'homme. Ceux-ci doivent lui fournir l'information demandée dans les
meilleures conditions.
En outre, chacun doit être tenu informé de tout renseign~ment répertorié
le concernant, y avoir accès sur simple demande, et former un recours en cas
de refus de communication ou de contestation de sa part:

277.
Article 19 : Les décisions engagNnl l~ patrimoin~ culturd ou naturel,
l'éthique ou les générations future" doivent faire l'obj~t d~ campagn~s
d'information et de consultations populaires en proportion de leurs enjc.!ux.
Article 20 : La démocrati~ sera assuré~ par la garanti~ d~s droits d~
rhomme, la séparation des trois pouvoirs, et la désignation des respomabl~s
de l'exécutif ~ du legislatif - au suffrage universel - par des éiL'Ctions libres
et régulières, dans lesquelles l~s droits d~s t~ndanccs minoritaire& sont
protégés.
Article 21 : Nul ne peut être privé pour d~s raisons politiqu~s de la
jouissance des droits fondamentaux énoncés dans les art ides qui précèd~nt.
Article 22 : Le droit de revoir, de réformer et de chang~r sa constitution,
ses structures ~t ses institutions est le droit inaliénable du peuple. Une
génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures.
Article 23 : Chacun a l~ devoir de respecter, de faire connaitre ct
respecter la déclaration d~s droits de l'homme ~t la démo.:rati,! dans le
monde entier.
En cas de non respe.:t. tOlite personn~ physiqu~ ou moral~ a le droit d'en
appder d'abord à ia sanction d~s autorités territorialement compétente", gui
doi\\'cnt n&essairement dispoSt!r des moyens l.~gaux d~ ct:tte sanction. Puis,
si Id violation d~ droit n'èst pas sal\\ctionn~, un recours doit pouvoir être
formé auprès d'instanœs internatiùr•.!les indépendantes.
Quand les droits de l'homme sont violés, la résistance à l'oppr~ssion est
pour le peuple le plus Sclcré et I~ plus indispens.lble des devoirs.
\\

278.
Pour des Etats Généraux de la Planète
l'empriSé de rhor:;me Sû' la nature a radicale",,,! changé de d,méesi,n. Prod,ction in<ioslrie'le e! agricole. coc,·
sorr:mation d'éne~gie, transpor:s, ur:'a!'1:sation, déve!oppeTtent des bio-teçhno;ogies: les modes de vie dits "modernes'
car.! les aspects pos:ti:s son: :::,jé,,:ab:es. ont des effets - su' :'atmos'phère, les océans. les ri'.iè:es e! les lacs, les r,2:0e~
phréatrques. les forê:s, la ViE ve;è:a;= e~ ani;:;aie - qui trôversentles frontières et peuvent affecter les générations fu·
tures.
Pour la première fois dans l"histoire, l'activité humaine risque d'altérer de façon irréversible les équi,
libres fondamentaux nécessaires à la vie sur notre planète.
L'ave~ii reste ouvert, Le r:-,(J;,:e d'5p:,se d'C);, s2pitai sans présé:en: dE ccnr2S5ê'".:;;S i;;; ;;e:;-:-;=;:2'",; J.:: s.::
développer dans ie res;Jest ces v3;eJrs qu; !c~dent son huma:;ité. Le pire [i'es! pas cer:a>, rr,a:s ;E:S ~a:!2Jrs de déss::..: -
libre s'accumuleni co~~e !e2;; de~ii€~e ur.e digJe: le JOU: o~ :2 digue se rom?!, il n'es: plus SC;ff:S2~,t de ~a:~e cesser ie3 a',
rivées d'eau.
Les progrès teç:J;;iq~e~ s"acçé;èrert 2;,) po~nt c·é-:r-;2.pO~: à tO:.Jte ~::;L~;se Les 1ï:a~~aiités ~: !es i~stitL!~:o::s nO()r:
pas évoiiJé au même ry~:-'~e t~.:~ sJ':;f:é~ SiJf"~~ ~:'":tra~:léss :ar:s :.J:le C~U:SE =~~é"·:ée. Vsrs Q:Je' t·~~? Les: esse~i~ie! c"a9!,'"
à l'échelle du globe pOij~ repiendre les commaf'ldes dL: progrès.
EcMS vertig!r.e:.Jx de n:ve3i.iX 05 Vie e:.tre rég;J~s du monse et Pê,r.0:S a',.; sein d,Y': mér:-:e PêYS, ioiso:inEr,e~;:
de rinforma!ion el de ia corn:n\\.H':icahor qui :aci:i:enl ia d!~JSion des fi'lodèies e1 avivent ies frus:r2:iC'lS, 10:1! COrlcou1 pc;,;r
qu'expbse la demande d'évoi.;tior. ve's ces modes de Vie di:s "modemes·, Or leu: géné;ahsat:or" dans une pé;iode dE
croissance démog;aphique [apid~, conduit à des ruptures cl'éqJiiibr6 mer,açai1! la survie de l'hur:îanité !oJie e:itière, Il es!
donc urgent que ce modèle soil remis en cause par les pays riches eux-mêmes, et que se développent des formes
d'activité, modernes eUes aussi, mais non destr~ctri:::es dE's équiH!:>res lonàamentaux de la planète,
Avec son câ;:Ji:a: actJe; os c::i:;a'ss21ces, l'humanité peut· et donc doit· mettre au peint de telles formes
de développement.
Nol,;s affirmons qu'ur-: pri;lcipe s'II'npose: da;.:; U'1 r.londe pro;ondé:Ttent inleidépe:->~a,:, nul ne peut, en peur·
suivant son intérêt propre, contribuer à mettre en përii l'avenii de l'humanité.
Nous appelons ceux qui exerce;:\\ des responsabiliiés da:1s les 2ssocia:i::irJs, les entep;;ses. les cités. ies :iats.
les organisations internationales. no:.JS appe!or.s les cnoyels de toules les régions du monde, à tout metre e:, oeu....re Vol..;'
maîtriser ces risques planétaires,
Nous proposons que, deüx sikles après lé. [éclaratioii des Dro;t~ de l'Hcmme, des Etats Généraux de la
Planète, réunissant l'ensemble des forces vives, affirme,,; de façon solennelle les Droits de l'Humanité,
Ces Etats Généra;,)'!; serent l'occasio1 d'une réflexion colieciive . soürce de nouvelles impulsions· sur les saiu-
1!ons les plus efficaces ~our sauver les équilibres vitaux de la planète, sur les formes ::ie développemen: suscept:b\\es
d'assurer à tous les hommes et aux générations à venir les conditions d'une existence digne et harmonieuse ei su'
l'établissement de relations équitables entre les pays les plus industrialisés et les autres, Pa: lê prise en compte liée
.de ces trois enjeux, pourront être tracées de nouvelles perspectives pour l'aventure humaine.
Adopté aVézelay, le 26 mars' 988

l:'LM
Dr; 041\\\\303
t'OUR DE DbCELez z LiILElI
LOllrl.".IQ'lIifntWi'hUWIIIii
,DEL'·AFRXQUE, ·.1.980-:200o.;.O •.U;A. -: 1981
Préambule
1. Les effets des promes5es non réalisw de stratégies globales de dévelop-
pement ont été plus profondément ressentis en Afrique que dans les autres
continents du monde. Gn effet, au lieu d'apporter une amélioration dans la
situation économique du conlinent, les stratégies successives ont mis le conti-
nent dans un état de stagn.ltion el l'ont rendu plus vulnérable que les au Ires
régious aux crises sociales cl économiques dont souffrent les pays industriali-
sés. Ainsi l'Afrique s'cst Irouvée incapable d'atteindre Je moindre taux signifiA
catif de croissance ou un niveau satisfaisanl de bien·être général au cours de
ces vingt dernières années. Face à cette situation et déterminés à prendre des
mesures en vue d'unc reslrucluration des fondemenls économiques de noire
·conlinent, nous avons décidé d'adopter une approche régionale de grande
'portée, basée essenliellement sur J'autosuffisance collective.
2. Ainsi, à la suite d'une série d'examens des problèmes économiques du
continent par nos minislres et par des groupes d'experts, nous avons adoplé
lors de notre seizième session ordinaire tenue à Monrovia, Libéria, en juillet
1979, <<1a Déclaration d'engagcmcnt de Monrovia des Chefs d'Etat et de Gou-
verncment de l'OUA sllr les principcs dirccteurs à respecter et les mesures à
prendre pour réaliser l'alllosulTisance nationale et collective dans le domaine
économique et social cn vue de l'instauration d'un Nouvel Ordre économique
inlernational».
3. En adoptant la Déclaration, nous avons reconnu <<1a nécessité de pren-
dre d'urgence des mesures pour offrir l'appui politique indispensable au suc-
cès des mesures visant à réaliser l'objectif d'un développement et d'une rapide
croissance ~conomique aUlosuffisante et autocentrée')) et avons déclaré ce qui
suit:
i) «Nous nous engageons individuellement et colleclivement, au nom de
nos gouvernements ct de nos peuples, à promouvoir le développement
économique el social ct l'intégration de nos économies en vue
d'accroître l'aulodépendance et favoriser un· développement endo-
gène et auto-erllrelcnu.
IV
--..J
\\D

ii) » Nou!! 1I0US clIgageolls illdividul'llcllll'III loi COlil'clivCIIICul, au 11011I dc
, v) Nous avolls la Icrlllc cUllviCtJ6ii Que Cd CiigagCiiiLift!FIIlIJ IUn"ITT,e .. """'''' df"t!'''
1I0S ~lII1Vl'rlll'lIll'II'S cl de 1I0S J1l'IIi""~;, ;', 1""l1lClllvojr l'ill'égralilllll'Cllo
l'tdiliclllioll, :ItIX lIivcaux lIullolllll, !!ou!\\-rtgiollul cl .tgionul, d'ulle
nomique ue la région africainc pour 1adliler cl rcnforccr les rapports
économie africaine dynamique et interdépendante et prépareront ainsi
sociaux el économiques,
la voie à l'établissement ultérieur d'un marché commun africain, pré-
iii) » Nous nous engageons individucllellleul l" colleclivcmcnl, lIU nom
lude à une Communaulé Economique Africaine.
de nos gouvernements et de nos peuples, il crécr des institutions n.1tio-
vi) Ayant décidé d'accorder une attention particulière aux débats devant
nales, sous-régionales et régionales qui faciliteront la réalisation
avoir lieu sur les problèmes économiques à chaque session annuelle de
~e l'objcctif d'autosuffisance dans le cadrc d'un développcmcnt
notre assemblée, nous invitons ici le Secrétaire Général, agissant de
endogène.
concert avec le Secrétaire Exécutif de la Commission Economique
iv) » Plus particulièrement, nous 1I01lS eugal::l.:olls imlividucllcnlclIl ct
pour l'Afrique dcs Nalions Unies, à établir chaque nnnée des pro-
collectivement, au nom de nos gouverncments et de nos peuples:
grammes spécifiques et à prendre des mesures en vue d'instaurer une
a) à accorder une place importantc à toul ce qui touche au dévclop-
i
coopération é~onomiqueaux niveaux sous-régional, régional et conti:
pement des ressources humaines en comlllcnçant par l'éliminaI ion
i
nental en Afrique.
de l'analphabétisme;
4. En vue d'examiner les mesures concrètes pour la mise en œuvre de la
b) à mettre la science et la technologie au service du développement
Déclaration de Monrovia, nous avons décidé de tenir la présente Session
en renforçant la capacité autonome dc nos pays dans ce domaine;
Extraordinaire à Lagos, Nigéria, consacrée aux problèmes économiques de
c)
à atteindre l'autosuffisance alimentaire, en ce qui concernc la
notre c o n t i n e n t : ,
.
production et les approvisionnements;
5, En exammant ces problemes, nous sommes convamcus que le sous-
't
t 1
d
1
D'
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développement de l'Afrique n'est pas inévitable. En effet, c'est là un paradoxe
d) à exécu tel' comple emen
e programme
e
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ecenme
es
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·
U'
1
t
l
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lorsque l'on tient compte des Immenses ressources humames et naturelles du
Na tIons
mes pour
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ransports el
es communications en
'
'
,
"
Af '
Contment. Outre son réserVOir de ressources humames, notre Contment recele
f1que;
970/n des réserves mondiales de chrome et 85 % des réserves mondiales de pla-
e)
à réaliser un développemcnt illuustriel sOlls-régional ct régional
tine, 64% des réserves mondiales de manganèse, 25% des réserves mondiales
endogène;
d'uranium et 13 D'Jo des réserves mondiales de cuivre sans parler de la bauxite,
f)
à coopérer dans le domaine du contrôle, de la prospection, de
du nickel, du plomb, 20% du potentiel hydro-électrique mondial, 20% du
l'exploitation et de l'utilisation des ressources naturelles en vue du
pétrole commercialisé dans le monde (si nous excluons les USA et l'URSS)"
développement de nos économies et pOlir le bien de nos peuples, et
70% de la production mondiale de cacao, 33% de la production mondiale de
à mettre en place les institutions appropriées pour atteindre ces
café'et 50% de l'huile de palme, pour ne mentionner que ceux-là.
objectifs;
6, Cependant, l'Afrique en dépit de tous les efforts déployés par ses diri-
g) à développer sur le plan local Ics compétences nécessaires à la
geants reste le continent le moins avancé, Elle compte 20 des 31 pays les moins
dirçction des entreprises, la main-d'œuvre technique et les moyens
avancés du monde .• L'Afrique est exposée aux conséquences désastreuses des
téchnologiques afin de permeltre à nos peuples de prendre une
c,alami~és ~aturelles,etaux m~ladies endé~i~uesles plus, cruelles, et, victime ,de
part plus grande aux efforts entrcpris pour atteindre nos objectifs
1 explOlta~JOn ~olomale: v~stlge du coloma!lsme, du racisme ~t de 1apar,theld.
de développement sur le plan individuel et collectif;
En effet 1 Afnque a éte dIrectement explOitée pendant la pénode colomale et
h) à '
,
t'
'l'
l
'l'
au cours des deux dernières décennies; celte exploitation s'est poursuivie par
cooperer pour preserver, pro eger et aille IOrer e ml leu naturel;
1 b"
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uencer es
1)
à veiller à ce que nos polttlques de développement reflètent d'une
politiques et les principes dirccteurs des Etats africains,
maniè~e a~équate les valeurs socio-cullurelles pour consolider
7, Les faiblesses structurelles de l'agriculture africaine dans sa globalité
notre Identité culturelle; et
sont bien connues: faible production et productivité, techniques agricoles
j)
à tenir compte de la dimension prospectivc lors ue l'élaborai ion de
rudimentaires. Cette situation conduit évidemment à l'insuffisance de la crois-
nos plans de développement y compris Ics études et les mcsures
sancc agricole et spécialement la production alimentaire, face à la rapidité de
destinées à parvenir à une transformation socio-économique
la croissance démographique, Ceci a conduit à une malnutrition et à des pénu-
l\\,
rapide de nos Etats.»
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ries alimentaires grave!! sur le continent.
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8. Nous déplorons quc notrc Conlinl'ill lklllcllrc le 1ll0illS dé"e1uppé de
14.
tous les Continents et quc Ic produit intériclH brut lotal dc nos pays Ile rcpré-
i) Lcs immenses ressolllccs dc l'Afriquc doivent être miscs cn valclII
sente que 2,7 11/0 du revenu mondialmoyell par habitant dc 166 $EU,
principalcment pour salis faire Ics besoins ct réaliser Ics objcctifs dc ses
pcuplcs.
9, Nous sommes préoccupés par la Irop gr:tlllk dépcndancc dc l'économÎC
de notre Continent vis-à-vis de l'exp0rlatioll des lIIatières premi&res cl des
ii) Il convient dc mcllrc fin à la dépcmltlnce quasi totalc dt! "Afrique ou
minerais. Ce phénomène a rendu les écollolnics africaines très vulnérables aux
l'ère des exportnlions dCI; matièrcs premières. Ainsi donc, la crois-
influences extérieures ayant des elTets néfastes sur les intérêts du Conlinent.
sance et le dévcloppcmcnt dc l'Afrique doivcnt êtrc basés sur unt!
combinnison constituéc par Ics imporlantcs ressourccs nalurelles dc
10. Ainsi, au cours dcs vingt ans cntrc 1%0 ct 191W, le taux moyen de
l'Afriquc, scs ressonrces cn matière d'cntrcprises, d'administralion cl
croissance de tout le Continent n'a pas lll;Jlassé 4,llll/o, chiffre qui cache des
de techniques, cl scs marchés (rcstructurés et élendus) nlïn de scrvir
réalités différentes allant d'un taux de croissallcc dc 7'% pour les pays cxporta-
l'cnscmblc dc scs populalions. Par conséquenl, l'A friquc doit élaho-
teurs de pétrole à 2,9070 pour les pays Ics Illoins développés, Ccpendant, si la
rer sn proprc slratégic de développemcnt ct doit résolument s'atteler tt
prévision mondiale dans le domaine économique pour la prochaille Décenuie
sn mise en œuvrc.
doit être retenue, toute la maigre perforJmllh:c de l'économie nfricainc durant
les vingt dernières années semble être l'âgL' d'or par rapport au tnux de crois-
iii) L'Afriquc doil cultivcr lu vcrtu de l'autosuffbuncc. Ceci nc signific
sance de ('avenir.
pas que le Conlinenl doit fairc fi de toutcs les conlributions extt:rieu-
rcs. Néanmoins, ccs conlributionl; cn provenancc dc l'extérieur ne
Il, Cette situation nous a conduils, ;1 la pré.sl'nle Scssion Exlr<lOnli,wire
doivcnt scrvir qu'à soulenir nos proprcs efforts, el ne doivent pas
consacrée .. aux problèmes économiques dc l'A friquc, à une réapprécintion
constituer la principale partie de notrc développernenl.
angoissante mnis franche de la situation actncllc ct dc ln pcrspectivc dcs condi-
. iv) En raison de la nél.:cs.sité de réalisef une aUlosuffisancc accrue, l'A/ri-
tions économiques africaines, Ce faisnnt, nous n'oublions pas les contraintes
que doit mobiliser loulcs ses ressources matériellcs et humaines en vue
politiques sur le développement de nolrc Conlincnl dues li la dominaI ion el li
de son développement.
l'exploitation coloniales et racislcs. Nous c.spérons quc l'A friquc qui a survécu
aux brutalités de l'impérialisme, du racismc ct dc l'aparthcid est nsscz résis-
v) Nos Elals doivenl chacun cntreprcndre toutes Ics activités économi-
tante pour sortir du malaisc économique dam lequcl clIc se trouve.
ques, sociales ct culturelles susceptibles de mobiliser toutes les forccs
de nos pays et s'assurcr que tous Ics efrorls cOllsacrés au dévelop-
12. L'indépendance du Zimbahwé, nprl's des années dc lullc arllléc cnga-
pcment et tous les bienfaits qui cn résultcnt sont équitablement
gée par le peuple du Zimbabwé sous la dirc\\:lillll du Front Patriolique ct avec
parlagés;
le soutien actif de l'Orgnnisalion de ('Unilé Africaine, constituc la phnse
finale de la libération IOlale du Contincnt. Cet événcmenl a cu pour résuhat
vi) Il conviendrait quc tous les efforts visant à l'intégration économiquc
des tentatives répétées et désespérées du régimc dc Prétorin c\\'nrrêtcr le cours
de l' Afriq lie soient poursuivis avec une déterminalion rcnouvelée afin
de ('histoire et de pcrpétuer le stntu quo cn Namibic Cl cn Afriquc du Sud cl1e-
de créer à J'échclle coutinentale un cadrc pour la coopération écono-
même. La «Constellation» dcs Etals d 'Afriquc Aust ralc lJuc l'Afriquc du Sud
mique si nécessllire il ll/l développement rcposant sur l'autosuffisancc
envisage de créer fait parlic de ce plan diaholiquc, plan qui mcttrait dcs Elats
collectivc.
indépendants sous la même domination mililairc, économique ct politique du
15. Sur la base de ces principes directeurs, nous, Chefs d'Etat et de Gou-
régime d'Apartheid comme des bantoustaus. Nous nc cesserons pas dc pour-
vcrnement, réunis à Lngos cn notre Dcuxième Session Extraordinaire consa-
suivre avec vigueur la libération des dCl'l1icrs baslions de l'cxploilation du
créc aux problèmes économiques de l'Afrique, décidons d'adopter le plnn
racisme et de l'Aparlheid.
li 'act ion suivant ainsi qllc l'Actc final de Lagos. Cc faisant, nous sonllllCS
13. La même détermination qui a, pOlir ainsi dirc, virluel1elllcnl lihéré
conscienls dcs énormes clTOris qu'il nous sera nécessaire de déployer, aux
notre Continent de la domination poliliquc csl nécessaire pour sa libération
nivenux individuel comme collectif, pour alleindre les objectifs que nOliS 1I0US
économique. Notre succès dans la réalisation de noire unilé politique doit
sommcs fixés dans les pre.c;cnls documenls. Nous sommes convaincus quc
nOlis encourager à exploiler la force inhérente ù noIre unité politique. Nous
notrc détermination peut nous pcrmcllre de vaincre les obstacles que nous
décidons par conséquent dans le cadrc dc nolrc Organisation dc conjuguer nos
pourrions renconlrer sur noire chcmin et que noire Organisalion et son Sec ré-
efforts dans le domaine économique. A Cl'UC fin, il convient d'avoir tonjours
tnriat Général parviendront à ohtenir Ic soutien effectif dc la Communauté
rv
présent à l'esprit certains principes dircL'/l'IlIS fondamcnlaux:
Inlernalionale et des Orgallisalions 1nlernalionales jlltéressées.
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L $ ..,U ,)3kkLt.UM.tJ?;JU.
2.

C1IAPITRE PREMIER
Alimentation et agriculture
16. Au cours des deux dernières décennies, ct au 1lI0lllent où le cOlltincn'1
africain est confronté à IIIIC croissancc rapide dc la population ct de J'urhani-
salioll, la situation alilllclllairl' ct agricolc en Afriquc s'cst radicalemcnt délé-
riorée: la produclion cl la cnnsonllllalion alimcntaircs par habitant SOllt lonl-
hées en deçà dcs besoins lIulriliollncls.
17. Le déficit cn prodUClioll alimenlaire auquel il faut ajouler les perles
alimcnlaires post-messiales cl des famines périodiques ont conduit à ulle
l!l'pcndance rapidemenl clllissanlc vis-à-vis dcs importations dcs dènrées ali-
IlIelll~lircs qlli résultenl Cil lin Llrainagc dc rcssources cn dcvises étrangèrcs ct
créent de séricuscs cOlltraintes au financcmcnt du développement dcs écono-
lIIics africaines, I.e fin IOlld du problème alimenlaire en Afriquc cst le fail qlle
les Elats mClllbres Il'IHII pas généralcmcnl accordé la priorité nécessaire il
l'agriculturc, soit en allOC:llillll dc ressources, soil en donnant une allenlion
slll'fisanle aux politiqucs visalll à améliorcr la productivité et la vie dans le
1110llde rural.
18. Afin d'améliorer la siluation alimcntairc en Afriquc, la condition
préalable fondamcnlak' l'si la délllonstration d'unc fortc volonté politique
alïn d'oricnter lm volumc hl':lI1COIlP plus importanl de rcssources vers l'agri-
culture, de meller à biclI III\\(' réorientation csselltielle dcs syslèmes sociaux, dc
I\\Icllre cn œuvre des polil iqlles qui inciteront les pctits exploilants et lcs mCIII-
hres des coopératives agricoles ù allcindre des lIivcaux plus élcvés de producli-
vité ct de mettrc cn placc dcs ,lIIécanismes efficaccs pour la formulation des
programllles rcquis cl 11(111I km exéclltion. Le développcmcnt dc l'agricultllle
ne devrait pas nénnn\\lljn~ rlrc considéré en isolement mais plutôt inlégre au
Jlroce~slls tle développP\\lI\\'1I1 ('l'ollonliqlle cl sodal mcllant un acccnt part Ïl:1I-
Ikr, pour cc dernicr asped, sur le prohll:me de l'améliorat ion dcs conditiolls
de vie dans le milieu rlllai.
N
co
19. Pour qu'unc rt;\\'Ollllioll agricolc effcclive s'installrl' cn Afrique il l'"1
N
I\\~œssaire dc fairc p:ulit-ipl'I ks jl'lI11CS l'I de mcllre lin ù l'exode rUlul :ll'lul'!
vers les centrcs lIrhaim, 1 l'~ 1'Illiliq\\lcS doivent cOllslammcnl insistcr non sell-

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Jement sur la nécessité d'améliorer les cOlldil iOlls de vie dans les e,l(ploitatiolls
Sét'urilé IIlhncnluire
,
agricoles mais aussi d'augmenter les revcllus des exploilants comlne un moy(:n
22. Dans un premier temps, la plupart des pays africains devraient s'cffor-
de rendre l'activité agricole plus allrayallie cl pl liS rémUllératrice. Bien que la
œr de constituer au niveau national des réserves alimentaires stratégiques
coopération multinat ionale doit revêl ir des aspects nouveaux, la responsabi·
rl'lm~sentant environ 10 11/0 du lolal de leur production alimentaire.
lité d'une percée dans le domaine de l'alimellialion ct de l'agricullure incombe
23. Des mesures urgcnles devraienl être prises par dlaque Etat membre
au premier chef à chaque Etat membre agissanl dans son propre contexle
ariJt d'adopter une politique nalionale cohérenle en malière de sécurité ali-
national.
lIIelllaire. Les poliliques nationales doivcnl sc traduire par des mesures con-
20. Au cours de la période J980-llJH5, Ics objeclifs devraient être d'obtenir
crèlcs telles que la construction mpidc d'inslallations de stockagc, la constitu-
une amélioration immédiate de la situulioll alilllelllaire et d'établir une bilse
lion de réserve de céréilles, l'amélioralion de la geslion des stocks de céréales
afin de parvenir à l'autosuffisance Cil cc qlli concerne les céréales et les pro-
cl l'amélioration des syslèmes de prevision ct d'alerte.
duits de l'élevage et de la pêche. Des mesures prioritaires devraient être prises
24. Afin de parvenir à l'autonomie collective,· il faudra conclure des
afin d'obtenir une réduetion subslalllielle des perles de produits alimentaires,
a(:cords sous-régionaux en malière de sécurité alimentaire analogues à celui
de parvenir à un degré neUelllent pills élevé de sécurité alimentaire ct d'assurer
qui a déjà été conclu dans la zone sahélienne. En outre, il est recommandé que
un accroissement important ct SOUlClIl1 de la production alimenlnire, surtout
les Elals membres envisagenl lu possibilité de eréer un organisme ufricain de
en ce qui concerne les céréales tropicales. Une allenlionparticulière devrait
seCllurs alimentaire afin d'aider les pays membres en cas de grave pénurie
être accordée à la diversification de la production agricole. L'adoption de
al illIenlaire.
mesures urgentes est recommandée dalls chacllII de ces domaines.
Production alimentaire
25. Le développement alimcnlaire doil êlre promu d'une façon intégrée Cl
Pertes de produits alimentaires
devmit prendre en considéraI ion les prohlèmes relatirs au Iransporl ct à la dis-
21. L'objeclif devrait être de réaliser dl's progrès substanliels en vue de
Iribulion des produils au niveau des consommaleurs. L'aulosuflïsance ali-
parvenir à réduire de moitié les perles lIIessiales.
menlaire doit prendre en considéralion la vOl/CUI' nUlritionnelle des denrées ali·
, Les,mesures recommandées sonl nolamlllent les suivantes:
menlaires et résoudre en même lemps les problèmes de sous-nulrilion cl de
lIIalnutrit ion.
Une évaluation précise de l'étendue des pertes de produits alimentaires.
26. Le système de produclioll agricole devrait êlre basé sur les program-
La formulation de politiques nationales visant à réduire les pertes de
mes de réforme agraire adéquals en accord avec Ics conditions poliliques Cl
produits alimentaires.
socialcs prévalant dans les pays respeclifs. Une organisnlion de la produclion
L'organisation de campagnes gr:îce an'( moyens de communicalion de
agricole améliorée doit jouer lUI rôle prioritaire dans l'accroissemenl de la
masse afin de diffuser dans le public les méthodes permellant de
production agricole el de la producli\\'ilé.
réduire les pertes de produils alilllelliaires.
27. L'OUA, en coopération avcc la CEA, la FAO, le FIDA, le l'MA cl
La construction d'installations appropriées de slockage de lraitement
les autres organisations inlernalionales concernées, devrail enlreprendre des
et autres facilités.
éludes et présenter des recolllmandalions au prochain Sommel Economique
en vue de la créalion des organismes H;giolHllIX de commercialisaI ion ct dc
L'établissement de services techniques cent raux.
distribution des produits alimcnlaires.
La promotion (au moyen de la recherche, de ('améliorai ion des infra-
structnres et d'incitations cn favem des agriculleurs Cl des pêcheurs)
a) Cu/llires vivrières
de méthodes améliorées de séchagl', de conservation, de slockage, de
IV
28. Tous les Etals melllbre'i doivent prendre les mesures nécessaires en v\\le
co
traitement et de luite conlre les illsel'les nuisibles.
de ln mise en œuvre du plan alimcntnire régional pour l'A frique adoplé par les
w
L'amélioration des parcours d"rlevage l'/ des exploilaliolls.
Miliislres africains de \\'Agricul!ure. Le principal objeclif immédial devrait
La formation de personnellechnique pour la lulle contre les perles de
flre d'oblenir une amélioration quanlilulive ct qualilalive de la production'
produits alimentaires, de prérérencl' grâce à des instilulions sous-
vivrière (céréales, fruils, luhercules, oléagineux, légul11cs, etc.) alïn de rcmpla-
régionales ou régionales, des sélllinairl's et des slages.
cer !falls \\lne nronorlion cOl1sidérable les produils aClucllemcnt imporlés. Par
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ailleurs la production de ces lknrées dl'vlail ëln: cllcouragéc daus les pays qui
lioration des services ùe laboratoires et des systèmes de surveillance des
ont un potentiel pour ees cultures. Plus spécialement, alïll de réduire les
maladies.
importations croissantes du blé et de l'orge, unc attenlion particulière devrait
Sélection des races.
être portée à la culture des céréales tels qlle le mil, Ic maïs et le sorgho.
Prévention et éradicalion de la fièvre aphteusc.
29. L'adol'tion de mesures urgclltes esl recommandée notammenl dalls les
Développement des pacages.
domaines suivallts:
-
La promotion de pratiqucs agricoles améliorées, cn particulier l'utilisa-
Amélioration des infrastructures.
tion intemive de corn binaisons de facleurs de producl iOIl améliorés et
de mesures de protection dcs plallll·s.
c) Pêche
La modification des structures ledlllico-économiques de prodlletioll
31. L'objeclif devrait êlre d'accroître la production annuelle de poisson
afin de fÔllrnir aux petits exploitants ct aux membres des coopératives
pêché dans les eaux africaines d'un million de tonnes d'ici à 1985, ce qui per-
agrlcoles les incitations nécessaires :i un accroissement de la produe-
mettrait' d'augmenter d'un kilogramme le niveau de la consommation
"H'dh.
annuelle moyenne de poisson par habitant d'ici à 1985.
32. Les mesures recommandées sont les suivantes:
Une meilleure utilisation de l'cau pour la culture des céréales dans
le cadre des projets d'irrigation dé.iil entrepris, et le lancement de
-
La création de flottilles industrialisées de pêche côtière (lorsque cela est
nouveaux projets.
justifié par les ressources disponibles) et l'augmentation de la producti-
vité de la pêche artisanàle.
La conservation des sols et des caux.
L'expansion de l'aquaculture.
La lutte contre les inondations ct le drainage.
L'amélioration des méthodes traditionnelles de trailemellt.
L'intensification de l'utilisation de mcilleurs outils manllels el de meil-
leurs animaux de trait, et la promolion de l'agriculture mécanisée
L'amélioration des communications entre les points de débarquement
lorsqu'elle se justifie.
et les marchés, en parliculier grâce à la construction de routes peu con-
teuses desservant les communautés de pêcheurs.
L'amélioration des i~frastrllClllreS physique.s, y compris la construc-
tion de petits ponts, de barrages, de routes d'accès et de desserte, et
La réalisation d'investissements en faveur des installations à terre en
l'amélioration des services d'éducalion, de la santé et des aulres servi-
particulier les installations de stockage.
ces sociaux, la plupart de ces projets devant être au stade actuel entre-
L'expansion des échanges interrégionaux des produits de la pêche.
pris, autant que possible, en faisallt appel à une participation volon-
L'encouragement de la coopération sOlls-régionale afin d'évaluer le
taire fondée sur le principe de l'autosuffisance.
potentiel de ressources pour la pêche, surtout en ce qui concerne les
stocks de poissons communs à plusieurs pays ainsi que les ressources
b) Elevage
des lacs et des bassins hydrographiques internationaux.
30. Dans un avenir immédiat, il est recolllmandé d'accorder un appui plus
La formulation de projets communs en vue de l'exploitation ration-
large aux domaines suivants:
nelle et de la gestion des stocks de poisson à l'échelon sous-régional.
Formation: établissement de centres de formation sous-régionaux et
L'examen et, si nécessaire, la renégociation des accords de pêche en
organisaI ion de stages sur la production zootechnique, Ic fonctionne-
vigueur.
ment des abattoirs et le développement de l'élevage de la volaille et des
petits animaux.
d) Politique des revel/liS et des prix
Santé des animaux: établissement de services de lutte spécialisés contre
33. Il est fortement recommandé que les Elats membres entreprennent la
la trypanosomiase, amélioration de la productivité des races trypano-
formulation et la mise en application de politiques efficaces et cohérentes afin
1· ,
(:,,)
tolérantes et développement intégré des zones libérées de la mouche
d'assurer que les prix des dotations agricoles et des produits agricoles fournis-
A
tsé-tsé; établissement d'un centre de production de vaccins et d'un
sent des incitations suffisantes pour les agriculteurs, et en particulier les petirs
système régional efficace de quarantail1l~; créaI ion de ceritres sous-
exploitants, augmentent leur production alimenlaire, tout en préserva III h:~
régionaux de recherche sur les maladies lransmises par la tique et amé-
intérêts des consommateurs les plus pauvres. De même, les différentes activi-

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"}ft6!r{*"'-w"'·?i"":'bi,<;,;'~~~:
tés inscrites dans le programme d'act iOI1 Il:Clll1l1l1i1IH.lé dcvraient être couçues
dlllll;IÎUC de la recherche a~1 ouolllÎque, de pincer un m:cent particulier sur
et exécutées de manière à obtenir unc illl'il!l'lIl'C héuélï(jue de la répartilion des
1':lIl1diorntioll dcs races des bovins, des caprins el des oiscaux de basse-cour
revenus sur les populations les plus délullllks dcs lones rlImles. Un p'lrliculier
:linsi ljue sur l'nmélioration des semences sélectionnées, des engrais, des insec-
des efforts devraient être r'lil.~ pour ri'dui, (' l'l'l',II'' crois.~anl l'ni rc les revenus
li. ilks cl aulres produits chillliqucs appropriés aux conditions africaines.
rurélUX et ceux des centres urbuim aussi hien qll'Clllre les riches clics pauvres
J7. Ln recherche ngronolnique revêt une importance essentielle dans la
dans le monde ru raI.
Il:lmformation de l'agricullmc en I\\frique. Il couvienurait de renforcer les
inslillllS nalionaux de rechcrche ainsi que les programmes de coopération
illln·Etats de rccherche. Les aClivilés de reeherehe agronomique doivenl êlrc
Produetion forestière
01 iClllées
vers
la
réalisaI ion de
J'objcClif d'autosuffisllnce alimentaire
34. L'objectif devrait être d'inlégrer plu~ l'iroilelllcnt ln produclion fores-
l'l l'intégration de la rechcrche et de la vulgarisation doit être faite dl'
tière et l'agricuhure afin d'assurer uu apprnvisiollucllIcnl ndéquat en hois
In:llli~n: plus effective. En conséquence, les rccolllmandalions suivulltes sol11
de chauffage et d'accroître la contributioll dc~ ressolll'cCS roreslièi'l's dans lc
proposées:
processus d'industrialisai ion.
La recherche ngrollolniqlle doil mcllre d;lv:"lla~c 1',llxenl sur le dévc-
35. Les mesures les plus urgenles qu'il convicnl d'adoptcr pour le dévclop-
loppement et la diffusion de nouvcllcs tcdllliqlles,
pement de la production rorestière l'II Afriquc soul les suivanlcs:
Des iuuovations hiologiques, Iclles que la séleclion des plantes cl du
L'élaboration d'invenlaires des rl'SSClurl'CS foreslières natioll;l/cs.
hétail ainsi que la 11I1iC cOlllre les parasiles agricoles, pourraient accroî-
L'inlensificalion des programmcs visa ut il illlégrcr les lerrains hoisés Cl
tre considérablc/nell/ 1:1 producliou ct Je rendclllCUI ngrieolcs Cil I\\fri-
les arbres dans les plans d'utilisai ion (k~ sols ct les praliqucs agricoles
quc. Ccla fOllfllimil Ic.~ espèces dc planlCs, d'allilllaux cl de techniqucs
aux niveaux des vil/ages et des cxp(oÎtalious.
d'élcvnge plus prodliClivcs cl il cOllvicudrait d'y mellrc ('accelll dans h:s
prograllllllcs de n'cherche agronomique.
Un contrôle de l'érosion dcs lellTS.
La rccherche dans le passr s'esl orielltée vers un pclil rvel1tail de cul!u-
Une expansion de 100/0 par an jusqu'clI Il)X5 des zones iaisant l'objct
l'cs alimeutaires el a nl'gligé bOIl nombre d'autres cul!lIIes aUlOchloncs
de programllles de régénéralioll de~ rlll'êls, cn accorûant unc alt('nlioll
en I\\friquc. Cepcndant, l'elles-ci sou! cul!ivées par IUle grallde parlic dc
particulière aux terrains boisés COlllnlllllaulaires cl ft l'agrosylvÏl:ullurc.
la popula 1ion rura Ic ct cOllsl iluenl la proporl ion la plus i III porta nte dc
Une cxpansion dcs réserves roreslil'l'es dc l'ordre de 10"/0 au cours dcs
la diélétiqnc. 1\\ COllviclIl!rait de rcdrcsscr cellc silualion.
cinq prochaines nnnécs.
La recherche devrail l'galemenl êlre inlcnsifiée en cc qni concerne les
Une réduction progressive du niveall actuel des exportaI ions dcs
tubercules et le soja el l'nlllélioralion de la produclion et des niveaux
grumes brutes,
nutritionnels des produils agricoles vivricrs.
L'élaboralion el le Janccmcnl d'III! plan régional cn vue du développc-
La rcchcrche dcvrai! continucr aussi pOlir les produits agricok's
menl et ûe j'harmonisation des indnslries forestières.
d'exportai ions qui non senlemenl apporlcnt des dcviscs étntngèl cs
Le renforcement des organes régionaux exislanls qui s'occupenl de la
nécessaires au développcmcnt mais égalemcnt on rCllt des maliercs
prod~ction. forestière,
premieres pour nos induslries,
L'expansion de la forrnnlion dc spédalislcs el de technicicns de la sylvi-
1\\ conviendrait d'accnrdcr une allcnlion particulièrc aux phénomèues
culture ainsi que de gardes roreslïers aux niveaux natiollaJ el régional.
affel'lantla production alimcnlaire dùns les zolles scmi-arides en vue dc
L'expansion et /a coordination culrc lcs pays dcs programlllcs dc
slahiliser la production dans ccs fragiles écosystcmes.
recherche appliquée.
La rcehcrehe doil pcrlllellrc de mellrc au point des variétés adaplées cl
des systèmes de prodnclion qui assurenl unc ulilisaliou optimalc dcs
Ilcchcrche
n:ssources limitées l'Il Icrre el CU cau,
36. La science et la technologie joncnl un ni le essentiel dans le développc-
Sl'nil'l's dl' \\,1I1J.::lrisalioll
IV
Q)
ment dc l'agriculturc, et cn particulicr d:IIIS Il' domainc de la recherche, dc la
JH. Il csl Îndispensahk' dl' IIll:llre les conclusions des rechcrches:\\ fa dispo.
U1
formation ct dc la vnlgarisation agronniniqlll's. Il conviendrait dnnc, dans le
sil iOIl des ngrÏl:lIlteurs le plus 1a pidcmclll pmsihlc, Il cst dOliC reCOllllllandë:
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(#fer.ffm"!". -'t'''tèHttY-''i "'$' "-7_ '~di~-;..",,",~d.;~
D'établir des liens plus élroils ~'lIlle la rl'cherche el les srlviccs de vulga-
1" \\:Iique (AFPLAN), approuvé par les Ministres de J'Agriculture à Arusha,
risatioll,
l ,lIl1allie, en 1978 et entérillt: par les Chefs d'Etat ct de Gouvernement dans la
Aux services de vulgarisatioll d'accOIdt'r davantage d'importance à la
Il,'','I:lration de Monrovia en 1979. Des ressources supplcimentaires seronl
diffusion des technologies exislailles,
nl:t.:èssaires pour couvrir la deuxième moitié de la décennie qui n'est couverte
De renforcer les services de vnlgarisalion et de leur fournir des ressour-
cI:lIl'; ce plan d'action que pour la période 1980/85.
ces supplémentaires afin qu'ils pniswlll alteindre le gros dl' la popula-
o.l3. Les Etats membres réaffirment leur soutien au FIDA et au PAM. Ils
l:incent un appel à la conllllllllauté internationale pour qu'elle mette des rcs-
tion rurale au lieu de se conccnlrer slIr 1/11 groupe relativelllent petit
,purces accrues à la disposition de ces Organisations qui devronl accorder la
d'exploitations.
(lI iprité des priorités au,'!: denlHndes en provenance des Etats membres.
Les efforts de formation devrait'lIl pol"/er essenliellement slIr les agenls
o.l4. Il serait souhaitable d'avoir pour objectif un financement d'au moins
de vulgarisation qui devraienl, :i leur lour, concentrer leurs efforts sur
~lll/"o des investissements nécessaires au moyen <.les ressources intérieures.
le jeunesse rurale ct les femmes, L<'S institutions de vlIlgarisfllion et
en particulier les centres dl' rOllllalion d'agricul!eurs doivcnt être
renforcés,
1\\1isr en IIpplication ct contrêllc
45. Dans lin premier temps, les Etals membres devraient déterminer J;l
Services agricoles
Inaniére dont les recommandai ions susmentionnées devraient être appliquées
dans le conlexte spécifique de leurs pays respectifs, Afin de mener à bien celle
39. Il faut encourager l'exploitai ion cl la mise cn valcur rationnclle des
/;ÎChe, Ics gouvernements peuvent faire appel aux services des missions illler·
ressources naturelles, surtout des ressoun.:cs rorcstières, de la flore et de la
organisations d'examen dans le cadre de la stratégie, qui devraient être orga-
faune sauvage en vue d'améliorer les tlisllllllibilités alimentaires de la région
nisées à cette fin.
dans le cadre dès programmcs de dévcloppement rural intégré.
46. Il conviendrait d'accorder une haute priorité au renforcement des
40. Il f;ludrait créer des institUlions disposant de moyens solides pour la
capacités nationales en vue de l'identificalion. de l'élaboration, de l'exécu-
planification ct le contrôle du déveloPPl'llIl'll1 rllla\\, le rassemblcment des don-
lion, du conlrôle el de l'évaluation des projets de développemC'nt agricole. La
nées, la fourniture de crédit et de d(ltalions agricoles, l'amélioration des trans-
FAO. avec la collaboratioll de la CEA et des autres organismes compétents,
ports, la commercialisation, le développenlcnl des agro-industries, le stockage
dcvrait étendre ses progrannlles de formation dans ce domaine. 1/ faudrait
et le traitement.
également organiser des séminaires et des stages régionaux et sous-régionaux.
41. La mécanisation agricole a llli rÎlle prioritaire dans l'accroissemenl dc
47. Les pays africains devraient élargir leur coopération économique el
la production agricole et la Illoderllisalion tic,; exploilations. Néanmoins ce
tcchnique dans les domaines de l'alimentation et de l'agriculture grâce à
problème doit être étudié très allentivclI\\elll el devrait être lié ail développe-
('accroissement
des échauges commerciaux,
grâce à des échanges de
ment i nd lIstriel de façon que ccci Ile se 1rad ui\\(' pas pa r une plus gra nde dépcn-
nwin-d'œuvre et de technologie et à des programmes communs de développe-
dance des Etats membres à l'égard du nlOIHIt· indnstrialisé. Dans le processus
IIICIIt aux niveaux sous-régional et régional.
de mécanisation agricole, une altenrion parlÏt:lllière doit être accordée à la
48. Les Etats membres devraient se fixer des objeetifs annuels dans le
traction animale dans les pays qui n'(llli P:IS encore alleintun nive.lu de moto-
domaine de l'alimentaI ion ct de l'agriculture et créer des mécanismes effeclirs
risa tion approprié.
aux niveaux national et régional afin de contrôler les progrès effectués en vue
de la réalisatioll de ces objectifs. Au niveau régional, ce contrôle devrait cons-
Ressources
tilllcr une opération inler-organisations faisant intervenir l'OUA, la CEA, la
FAO, le Conseil Mondial de l'Alimentatioll et le PNUD.
42. Le total des investissements requis ml l'ours de la période 1980/1985
49. Dans le contexte de la nouvelle stratégie et objectifs en matière d'ali-
pour l'exécution des programmes proposés s\\;lève à environ 21 milliards 400
mentation ct de l'agriculture, il sera nécessaire de procéder à une évaluation
millions de dollars des Etats-Unis, aux prix de 1979. En outre, Ics dépenses
des projefs C'n cours d'exécution financés par des ressources extérieure.s en vile
consacrées aux dotations agricoles ;lur.mcnlelOnt d'environ 560 millions de
d'a~surer qu'ils contribuent cffectivcmellt à la réalisation de ces nouveaux N
dollars des Etats-Unis au cours de);1 mêllle période. Ce niveau de dépense for-
ohjectifs.
~
mera seulement une partie des dépellses nécessaires à "agricllliure pour les
années 80 comme contenu dans le doclllllcnl l'ian Alimentaire RégiOlwl pour
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CIIAI'ITlU: Il
lnduslrie
1. 1IIll"(I(ltiClioll
50. l.l' COlllinellt afl kain, hprès vingl ans d'indépelldallce poliliqne (k la
plnpart dc ses pays, ahmde la Déccnllic /lJHO·Il)l)O dalls nll état dc s(ln,·
dl~vcJ(lPPcllleul qui Cil fait le l"lllllillelllie moills développé dc la terre cl al/qnel
il a été réduit par plI/sieurs siècles de dominalioll cololliale.
51. COllsCÎellts de leur halldicap ct résolns de poursuivre leur aClioll dcsli-
nl;e fi les sorlir du sous·d(~veloppemelll, les Etals membres s'engagclIl à
n:nvrer, an niveau de chacnn d'eux ct du cOlllillent loul elllier, dalls le sells
d'nll développemenl écollolllique ef social glohal et accéléré.
52. Dalls leurs plalls dl' dévcloppemellt, les Etals memhres accordclIl ;\\
1'illdustri.J1isatioll UII rôle dl'terminant pour ses elTets sur la salisfaclioll des
hcsoills rondalllental/x dcs popl/lalions, l'intégration de l'écollomic cl la
llIodernisalion de la société. A cet elTet cl pour, d'une part, assurer à l'AI ri-
lJnc lIne part croissante de la productioll industrielle lIIolldiale CI, d'anlre pari,
parvcnir rapidement ù nll degré d'aulonomie collective sl/rlïsallle, les pays
a fricaills proclamellt les a IInées 1980-1990 Déccnllie du dévcioppelllelll illd ns-
triel en Afriqnc.
53. Afin de réaliser les objeclirs de déveloPPclllellt induslriel fi long,
l1Ioyen ct court termes, les Etats llIembres décidenl de toul mellre Cil œuvre
aux niveaux national, sons-régional cl régional, dans les dOlllaines des res-
.s(lurces humaines, dcs ressources lIaturellcs, des fillallcelllellts el des illsliln-
liolls de promotion pour aS'lIrer les conditions néccssaires ù la llIobilis'llioll
optimale de l'ensemble des énergies an scrvice de l'action gigantesque aius;
l'ni reprise.
54. Les Elats memhres enl.elll/eni déployer leurs elTorl!; en relalion avec
le rcste de ln Coml1lullallté inlernationale dont la coopération sous Ioules les IV
l'ormes est indispensable li Icur propre aclion.
~
55. A ce litre, les Elals membres considèrenl comme lellr dOla conlribll- •
lion massive el appropriée qlle les pays développés doivent apporler à l'œuvre

!!
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Tg
; Tt" et tlt'Ptf"mm':a'ttf
\\~.i,X~;;;
"'\\1 '·w'>
du développemcnl du Contincnt ArrÏl:ain donl Ic succès constitllc Iii cUlldition
"I~'S 'iont en train de raire pour accélérer l'industrialisation de la région. Cet
même de la poursuitc du développemcnl dcs pays avancés ct de la préscrvllliou
.:..II<:C a mis cn IUlIlière, cntrc autres, la nécessité de l'aulonomie nalÎollille cl
de la paix dans le mondc.
,,,'III:l'livc.
56. L'industrialisation du Conlincnt t\\frkain en général et dc dw'lUC Elal
(,O. Par aillcurs, ils tircnt dc nombreuscs Icçons, notamment:
membre en particulier constitue uuc opfioll rOl1llal1lCnlale dans "aclion glo-
a)
la néccssité de promouvoir aux cOlés des alltres pays en développelllenl
bale destinée' à sortir l'Arrique du sUlls-dévelopPclOCIII ct dc sa dépcudance
la rcconnaissllncc de Icur droit au dévelorpcmcnl;
économique. Le développement éconollliqlli: ct social intégré du Contincl1l
hl la nécessilé d'ullc coopération fruclueusc enlre les Etats memhres
Arricain exige la création d'unc indnsll il' dalls chnquc Etat IIlcmbrc conçuc
d'ulle rart, et d'mllre part entre les Elals membres et les autres régions
dans l'intérêt du pays et destinéc li sc n'llrOl'l'Cf dans Ic cadrc d'lInc complé-
cn dévcloppemcnl;
mentarité d'action au nivcau de la sous-régioll cl dt'I:l région. Cellc illdnstria-
cl
lisation contribue lIotamlllcnt à:
l'IIrgcncc du renforcement ou de la misc cn œuvrc pnr chaqne pays
d'une politiquc naliOll:llc de dévcloppcment l'ondée avant tout sur Il:
a) la satisraclion dcs besoins rOlld:llnCnlanx dcs populations;
recours à scs proprcs rcssources;
b) la valorisat ion dcs rcsson l'ces 11<1 t urellcs IOl':lIcs;
d) l'urgcnce dc la misc cn œuvrc d'Un plan collectif d'induslrialisalion de
c) la création d 'elllplois;
l'Afriqnc basé sur l'autosuffisance.
d) la rormation d'unc basc de dé,c1npJ!l'lIll'1I1 des aulrcs seclcurs écono-
miqucs;
Il. Objeclil"s dc dé"clullllclIlI:nt industriel :i lon~, lIIuycn ct court termcs
e)
la création d'ull cadre d 'assilllil;J1 ion cl dc promol iOIl du progrès
61. En arrlicalion dc la Déclaration dc Monrovia dalls sa partie rdalivc
tech nologiq ue;
:In dévcloppemcnl induslricl Cil Arrique el tcuanl complc des objectifs fixés
f)
la modernisation dc la société.
par la deuxième Conférencc (jénérale de l'ONUDI fi Lima ct dc la ré~(Jluti(Jn
57. En assuranll'harmonisation tks aCljollS de développemcnl cl l'IIlilis:l-
pnlincntc de la IroisièlllC Conférence Génér:Jlc tic l'ONU DI fi New Delhi rcla-
lion orlimale des ressources limilées dcs dillérl'nlS El:lts lIlelnbrcs, la coopéra-
livc:"r la Décennie du développelnclll induslric! de l'Afrique cl conformé/llcnl
lion industrielle crée lcs condilions favorables ;'1 la réalisalion de "aulonomic
:'1 la Déclaralioll Cl au Plan d'Adion dc New Delhi préscnlés par Ic Groupe tks
collcctive à "échelle de la région cl de la sous-région lout cn ollrant un cadre
77, les ellcfs d'Elal ct UC Gonvcrncmcnt arrêtcnl\\cs objcclifs de leur dévclop-
au renrorcemcnt des efforls de chaQn(' pay~.
pClncnt industriel à long tcrllle (an 2000l, il moyen tt~rmc 1. 1990) et il COl1l1
58. Conscients de cclle situation el de lu lIéccssilé u'œuvrer dans Ic sen,~ dc
Icrlne ((985). Cc fnisnnl, ils ,sonlignent la priorité accordéc il la création d'ulle
la concrétisation des objectirs dc déveloPPclllt'nt, les Chcl's d'Elal ct de Gou-
base indlJ.slriclle solidc cl ù scs aspccls pertillcnls conlcnus dans la lJécJ:ualil)1l
vernemcnl:réitèrcnl (cur soulien il (a résolution adoptéc par la troisièl1lc Con-
dl'~ Chefs d'Elal ct dc (;ouvcrllcmcnl adopléc ù l'..-Iollrovia.
rérence Qénéralc de l'ONU DI rcconllllandant ;'1 l'Asscmbléc (.énérale dcs
1. ()()ji'clifç Û
Nntions Unies dc proclamcr les annéc,~ 1\\0
(Olll'. (er/ll(' ((fil 2()(}(}}
1kccnnic du développement indus-
triel de l'Afrique. Ils ont pleine COII.~ci<.'nl:cqu'une lelle procl:lIlWlioll impliquc
(,2. Dam la misc CIl œuvrc de la stratégic dc développemenl :i long ICllne
des obligations pour Lous ceux qlli y allront souscrit, s'engagea nI ainsi ù
ç(JlTcspondant il l'horizon dc l'an 2000, "Afriquc sc fixc "obje<."lif d'assufcr
arporter une conl ribulion arpropriéc au'\\ cllorts néccssaircs au slIccès de
:llI lIloius 2% de la produçlion industricllc mondiale cl cc conformémcnt aliX
celle aclion. Pour Icur pari, ils sonl dl'lcllllinés ù prcndrc LOutes les I11CSIIICS
,'hjeClirs dc Uma.
nécessaircs pour assurcr le plcin sUCl:ès dl' CCltC Déccnnic.
(,3. La réalisalion dl' Cl't ohicclif impliqlle la mise en place d'unc slruclulc
59. Lcs ELHts IIlc/llbres cnrcgislrclI' a"cc III1C grandc déceplion les résllltuts
illllllslrieilc au niveau nalional dalls le cadrc d'lInc éCllllllllJic inlégrée.
négalifs de la troisièmc Confércncc Génl'rall' dl' l'ONUDJ. En premier lieu, ils
M. L'accellt doil êlrc lIIis sm ln Ill'L'essilé de créer ues liells cnlre l'indlls-
donncnt fi l'ct échcc, dont les cau<;c~ sonf par aillcurs COl1l1UCS, sa vérilahle
rric clics aulres sccleurs alls~i bien qn't'nlle les différcnls sous-sectcllrs indns-
signification, fi savoir l'impossihililé dans laquelle sc s01l1 Irollvés les p:!)s
triels afin de IH(JIIlOllvoil l'interdépendancc enlre cux cl parvenir :1 Ulle
développés dans leur tentativc persiSlanll' d'amencr \\cs pays cn développelllcnt
industrialisalion ct Ù 1111 tll;"cloPPc1llcnl écollol\\1ique ~Iohal har1ll0llie\\lx.
il renoncer à ICllr rcvendication lé!!ililllc d'un Nouvcl Ordre Economiquc
N
(15.
Dalls la for1ll1liatioll dl' la slrall'gie dc Iellr délo'cloppel1lellf illdnslrid,
())
Intcrnalionnl jnste el équitablc. L'allell/ioll dnit égalemcnt êlrc allirl'c Slll
k\\ pays africains doiVL'1I1 ;I\\oi'r préscnls fi l'cspril ln lIécessill' (Il' choisir 1IIIl'
())
l'allitude négative des pays développés Ù "l'!':ml dcs cfforts 'Ille Ics Elals /llC/ll-
red Illologie appropriée q IIi SCI:I ,~oçja lefllcfll ada pl':C, COI np:II iblc a vct.: l:l dol ;1'
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tion cn rCSSOlll'ces, réduisant rrogrcssi\\L'IIIL'1I1 l'excessivc dépendancc aeluclle
i) indllstrics alinleillaires et <lgl"o-illduslries
de l'Afriquc à l'égard des pays déVL'I0I'I'L"; l'II IIwlièrc de lechnohlgÏl'.
ii) indllslries du hiililnenl
Hi) industries IlIétaliurgiqul's
2. Objectifs à moyen terme (1990)
iv) induslrics mécaniques
66. Duranl la déccnnie 1980/11)90, les Flats membrcs se proposcnt
v) industrics électriques el électrolliques
d'atteindre 1,4% de la produclion induslriellc mondialc cl cn mc:me lemps de
vi) industries chimiques
mettre tout en œuvrc pour réaliscr l'uulosuITis:lIIce dans les SCl'leurs suivants:
vii) industries forcsl ièrcs
alimenlation, matériaux de conslruclion, hahillemcnl, énergie. A Cl'l erfet, ils
viii) industrics énergéliques.
ont arrêté les objeclifs suivanls: .
a) Créalion d'une basc solide pour lUI 11Il'CCS'iIlS d'industrialis;lIion aulo-
III. Conditions dc réalisulillll tics ohjcctil's tic tlé\\'clollill'Illl'nt intluslril'I
entrclenu aux nivcaux naliOlwl l'( 'iOtI'-rc.:,!!ional.
(
1
1
(,8. La réalisalion dc l'ensemblc dcs ohjeclil"s ù long, moyen et court ICI"'
b) Dévelorpement des ressources Inllll:lÏlles en vue de leur nwhilisalion
1
IIll'S fixés par les Elals nlcm!>res à leur développcmcnl indllstriel exige l'ndop-
optimale dans le proccssus de dé\\'l'Ioppcmenl indll'ilriel.
i
lioll ct la mise cn placc de condilions nllllliples aux nivc:llIx natiollal, sous-
l')
Prqduclion en quantité sulTisanh: d'inirallis flour l'agricullun~ lels qne
!
ré,!!iOlHlI, régionnl ct intcrn:lI iOllal.
1
les·engrais, Ics pcslicides, Ics ollliis cl ks nl:ldlÎncs agricoks,
1. ;tll 11Ï1/eC111 I/atio//al
d) 'Production d'une quantité sul1ïsanll' dl' nl:ltériaux dl' construclion en
1
(
!
vue de la construction dcs 10gel11cnls urb;lÎns ct ruraux (k\\:Cllls pour la
1
(,l).
I.e dévelopPclTlelll indllslriel de chaque Etal Illelllbrc l'sI conditiollné
i
populalion rapidement croissanle du Conlinent ct cn général pour
parles mcsurcs suivanles:
1
satisfaire les besoins de l'économie en matériaux dc conslruction.
1
il)
Conception d'unc polil ique nal ionalc d 'indust rialisalion précisant les
1
e) Développcmcnt dcs indnstrics dl' hiellS intermédiaircs et d\\;quipcmcnl,
priori lés, les objeclirs, les moycns humains, finallcicrs ct institulion-
1
notamment ceux destinés allx aulres induslries cl :i la cré:ilion des
nels nécessaircs.
infrastructures,
I-
h) Etahlisscmcnt de slruclurcs dc formation d'llll pcrsonnel tcchniquc
i
/) Transformation et valorisation local<:s d'unc panic dc plus cn plus
!
répondant aux bcsoius ft tous les nivcaux dc qualificalion.
grande des matières premières du t'llnlincllt.
i
c) Oclroi d'un rang élcvé dc priorité à la formation de cadres industriels
1
g) Satisfaction des besoins dc l'indnsl rÎl' en éncrgie par Ic dévc\\orpcmenl
a l'riea ins supéricu rs cl nloyens a fin de rédu ire la dépcndance de l'A fri-
de différentes formes d'éncrgic disponihk' sur le Continent.
quc ft l'égard dc l'expertisc élrangère en malière dc gcstion.
h) Satisfaction des besoins en produils ll'xlib.
d) L:lI1ccmcnl d'un programme dc prospcetion dcsliné à inventorier Ics
rcssources du pays cl ft définir les condilions dc leur exploitation.
,
~
3. Objectifs à COl/rt terme (ail 1985)
l')
Misc cn place d'inslitulions chargées de promouvoir "industrialisation
67, Dans la poursuite des objecti r.Oi dc Icur développement indusl riel à
sur le plan des éludcs, de la rcchcrche, de la normalisaI ion et des aulres
moyen et à long termes, les Etats memhrcs se proposent de réaliser Ics objec-
activités.
tifs à court terme suivanls:
f)
Misc en œuvrc d'inslilulions financièrcs favorisanl un proccssus de
a) Assurer au moins 1070 de la produclion induslricllc mondinle.
développemcnt indnslriel accéléré par dcs condilious el dcs procédures
b) Jeter les fondations du développcmellt par élapes dcs induslrics dc basc
cie financemcnl appropriécs et lcnanl compte de spécificilés d'un
scctcm induslriel naissan!.
qui sont cssenticllcs pour l'nulonomie puisqu'clics prodlliscnl des
intrants pour d'autrcs scctcurs, 1\\ e'i\\ dunc important d'cnlreprendrc
g) Déploiemenl dc tons le., efforls possihlcs pour que les bénéfices provc-
des études pour la créalion dc celle'> de ces industrics qui pcuvcnl êlrc
nant des aClivités indnslricllcs Cil Afriquc SOic1l1 réinvcslis dans la
mises en place à court terme sur IInc base lIalionnle ou sous-régionale ct
région.
cclles qui doiventl'êtrc à long lcnne el nlOyelln:1l11 la coopératioll sous-
l'V
h) Cré:lliOll de struclure de coorllin:ltioll el de prol1lolion de la coopéra-
co
régionale ct régionalc. Les Illodalilé.'i dl' lTl;alion dc.s industries de hase
lion indnsiriclll' du pays avcc les :IlIlr('s pays de la sOlls-région et de la
lD
suivanlcs doivcnl être él~ldiées cl élablil's:
régioll.

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'1ê"Üw)fWwt"U~i'ra 'sm~-'if ~ef'- '&1'". li) '}fi'ft{ nt
f t
'b
if
·;""'".\\b'i&;~
i)
CréaI ion de réseaux de petites cl l\\Ioyennes entreprises ainsi que la
relies communes. Les 1II0dalités de créntion de ces inslitutions doivent
promotion active el l'encouragement du secteur non industrialisé.
être déterminées par des consultations entre les pays;
j) Prendre des mesures et introduire de.~ slinlulanls pour encournger et
cl octroi d'un rang élevé dl' priorité à la création d'industries mul!inatio-
soutenir le développemenl de peliles cl l\\Ioyennes induSlries cn tcnant
nales dans la région africaine, notamment dans des domaines de base
compte des besoins de l'utilisolÎolI de ressources locales, de l'emploi el
tels que la métallurgie, la fonderie, l'industrie chimique, etc., qui sont
de la diffusion technologique,
caractérisés par des co(lts d'investissement élevés; élargir la coopéra-
tion industrielle bilatérale entre les Etats membres par le biais d'instru-
k) Contrôle des activités des sociélés trallsllalÎonales.
ments lels que les entreprises communes;
1)
Placement d'un accent particulier sur la nécessilé pour les pays afri-
d) renforcement des institulions existantes, notammenl:
cains d'uliliser les matières prcmières locales comme intranls pour
i) le Centre régional africain de technologie;
('industrie afin de réduire l'a(:tllelle dépendance excessive dl' l'Afrique
ii) le Centre régional africain de conception et de fabrication indus-
à l'égard des importations d'intrants industriels.
trielles;
m) Choix judicieux de lignes de prodllits, en accordant la préférencc il cel-
iii) le Fonds nfric"În de développement indUstriel;
les qui contribueront ft la satisfadion des besoins fondamentaux de
e) 1Ili.~e en place d'une slmC/llre pour suivre les progrès de l'iudustrialba-
leur population et aux besoins de kur développement.
tion au niveau sous-régional;
n) Formuler et mettre en œuvre de~ meslll'e.s poliliqucs pour arrêler le f101
de l'exode rural vers les zones urbail1l's pm la décentralis:llion dc peti-
f)
crénlion d'un centre régional africain de services d'ingénieurs-conseils
tes et moyennes industries basées sur les ressources locales vers les
cl de geslion industrielle;
zones rurales et le développemenl des infrastructures.
g) elll.'ouragelllent du commerce des produits manufacturés enlre les Etals
mcmbres; adoption de mçsures concrètes pour encourager la consonl-
';:0)
Former, encourager et soutenir le.~ ellireprcneurs africaills pour qu'ils
parlicipent effectivement dans la production industriellc cn vue dc
l1Ialion de produits industriels naliolJaIlX ct régiollaux;
contrôler progressivement la propriél(; de capital dans le secleur.
h) ren forcement et évcill uellement créaI ion d' inslil utions spécialisées
p) Utilisation de la recherche et délerminal ion du rôle dcs différenles
dnns le financement des projets industriels;
entreprises tant privées, semi-pllbliqlles que publiques commc instru-
i)
réforme des poliliques de crédits pratiquées par les instilutious l'jnan-
ments de la mise en œuvre dll plan d'acliOiI.
cières opérant d'1ns le.~ Etals membres en vue d'accroître le volume dcs
crédits allant au secteur industriel nalional lant public que privé;
j) création des zones de coopération industrielle dans lesquelles, en parli-
2. AliX niveallx sous-régional el régio//al
cu lier, seront supprimées les barrières douanières;
70. Les Etats membres sont convaincus du rôle fondamental de la coopé-
k) ndoption de lIleSlll'es concrètes pour assurer l'harmonisation des syslè-
ration industrielle intra-africaine dans IOllles ses formes multiples comme ins-
mes fiscaux iltiX niveaux sous-régional el régional en vue de faciliter la
trument d'autonomie et d'accélératioll du développement industriel pour réa-
coopération industrielle entre les pays africains;
liser l'objectif de Lima pour l'Afrique, compte tenu nolamment dl' l'atlitude
1)
créalion d'institutions multinalionales deslinées ù favoriser les flux
décourageante des pays développés el des progrès acluels lents de cette coopé-
financiers et l'acquisition de technologie vers "Afrique;
ration intra-africaine. Les Etats membres on\\ donc décidé de concréliser leur
111) prendre des mesures aux niveaux nalional, sous-régionnl et régional
volonté de coopération aux niveaux sous-régional ct régional par l'adoption
pour permellre l'lItilisation de l'excédent des capacités induslrielles cn
des mesures suivantes:
Afrique;
a) élaboration des plans sous-régionanx ct régionaux pour la créution de
n) démarrage aux niveaux sous-régioual ct régional des travaux de recher-
grandes unités'industrielles dont le co(ll de réalisation et le volume de
che porlant sur de nouvelles sources d'énergie;
production dépassent les capadlés de financement et d'absorplion
0) utilisation oplimale des infrastructures exislnnles dan~ le domaine de la
nationales;
formation avanl de s'alleler à la créalion de nouvelles inslitulions, (,(
b) création d'inslitulions multina'ionalc~ à caractère régional ct sous-
renforcemenl de centres de formalion exislants gr✠li leur ulilisalion
l\\.J
1.0
régional pour réaliser l'inventaire ct l'cxploilalion de ressources natu-
effective par les rcssorlissants de différents Etats membres;
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p) échangc d'infonnalions enlre Il-~ FIai" n\\l~lnbres snI' Ics sp0L"ilicalioll~
t:)
"adoplioll d'nlll"lICk dl' condnite illlcillali(lllili ~1I1 k' Ilall~lcrt dc lcdl
techniqucs el filwncières cl les wOls alTéranls LlIL'< conlrals <le réalisa-
nologie aillsi qlle d'lll1 L'ode de l'ClIldllill' des soeil'tés tr:llJsnaliollalcs
tion dl' projels indllstrids ;n'Cl' Jc~ pa}'s développés COlnllle lIIoyen de
préserva III les inlérêl~ dcs Etals Illellllnes;
réduire les surcOlrls ell deviscs l'lr:tIIgL'll's réslllllllll de la dilllilllllioll dl'
1)
1111 redéploiernenl ilJdllslriel il l'échelle lIIolldiale qui garanlisse au\\
ln eapacilé de négociaI ion dcs pays l'II \\oie de d0vcloppelnell/ dll fail de
Elals membres la réali:-.atiolT ues objeclifs de Li ilia ;
la lIon-circlllalion enlre ellx dcs Îllfollllalions relatives ù l'CS conlrals.
!!J "uccès plus Iihre all.'< IIJ:1rdlés ues pays développés pOIll' le~ PIOUllilS
3. A
induslrier~ en provellUIIl"C des Eluls membres gr:ke à la supprcssion dcs
li lIiveuu ill/erno/ionul
barrières larifaires et lion tarifaires prolcclionnistes.
71. Les Elats membres considèrellt <lm' la coopl\\ralion avec les allires
régions du monde esl indispensable ù la r0alisalion des objeclifs de leur déve-
74. En ce qui concC'rlle k's organisntions in/emuljonales c:/l:lrgées dl' plO-
loppement industriel. TOlllefois ils atTirrlll'I11 qllc celle coopéralion doil êlrc
mOllvoir le c/éve/oppernell/ illdllslriel, en particulier "ONUDI, les Etals Illelll-
mutuellement avantageuse el s'in.slnurcr dal1s le respecl des inlérêls vilaux dn
hrl's demundelll que leurs activilés :mienl orientées en priorilé vers les pays k's
continent et en particulier de la SOli vera iIICil' de chaqlle pnys sur .ses ressources
I\\loills développés et que ccs orgallismes soient dol0s de moyens tant lIIutéricls
naturelles.
que lïnanciers accrus pOlir leur pennettre de jouer un rôle effcclif dnns la pl'll-
72, Dans leurs rehll ions a vec les a \\II l'CS régions en développelllcnl. les
lIIolioll de l'induslrialisation des pays africaills. Eil parlicillier, il cOllvicll1
d'illviler Je Fonds d'Eqnipclllcnl dcs Nulions Unies, qlli ne rinunee pas ù
Etuts membres poursuivront notamnIL'nl:
l'hcure ac/uelle des projl'ls d'indllslries de lransfmlllalion ua\\ls le seclcm
a) la promolion des échanges dt' Il'chll(llo!!Îes induslrielles:
puhlic, :i modifier sa poliliqul' il ccl effct, en al'cordalll IIl1e imporlaule assi~­
b) la mise cn œuvrc des prograllllllcs l'tlnlll1UnS dc formation Icchniquc;
lancc aux pelils projcts d'int!lIslries de lransforlllation dans les pays africains
c) la conclusion d'arrangclIlcnls l'(Il1lnll'rdaux. lIIollélairl's l'l en nt:llièrc
les 1II0ins avancés SOliS IOl'lnc d'oclroi de sllhvcnliom loI dc prêls «sollples" à
de paiemcnls en vue de prolllouvoir !l's édwnges de produifs l'inis et
long lerme.
semi·finis entre eux;
75. I/s demalldclltt.II ollllC qllc des "Iesmes soiell! priSl'S pour asseoir Il'
~yslèllle de cOllsnllalio\\ls dl' l'ONUDI sur \\lne base jllridiqlle et pel'llHlllt'nle
d) l'oblenlion auprès des il\\slillliioll~ Iïlwlleière,s qlli, COlllllle la IlADEA,
cl conférer aux décisiolls qui y sont prises IInl'araCICle t:Xéculoire. Ces consul-
sont enlre les mains des pays t'n c!l\\velc1ppemcl1l, en par/iclliier des pays
lalions doivenl être orgallisél's aux nivcallx sOlls-rl'giollal, régional cl inlcr-
exportateurs de pélrole, de rcssolll'l'CS supplémentaires n0ressaires :III
n~ancemenr'
IwtionaJ.
de leur développcment illdllsl riel;
e) ',le renforcemenl de 'leur pouvoir dl' lI~gocialioll en se CO;lcerl:1II1 avcc
les aulres régions Cil développcmenl ct en hannonisalll lems posilions
avec celles-ci face aux pays développés,
73. Pour les Elals membres la cm1péral iOIl avec Ic~ pays d~vcloppés doil
permellre nolaml1lelll:
a) un lrallsferllllassif de rcssourl'C\\ c!<.'slilll'es il lïll:lIlœr les projels ilJdlls-
lriels évalués il leur eoùl véritable qui lienllenl cample des sllrcoÎlls dl'
toutes sOl'les subis par les indllStric~ dcs P:IYS africains;
b) acquisilioll de lechnologie ail 1I1Pilldre l'oÎll, eOlllple lellu des l'aclclll's
du cOlÎI social el de la dolaI iOIl Cil rcs~omCl'S;
e) les inventions, les brevels et le ~avoir-Iaire lechnique dcvnlll\\ êtrc mis
par les pnys inc!ll.slrialisc\\s il );j di,po.siljon des pays du (irllllJle dcs 77
salis frais, cornille cOlllrihllli(l1l (klillÎrivc' par les pay.' lk\\'l'Iopprs ;nl
développeme"l indusl riel de l'CS pays;
d) le eonl rôle des ael ivi lés des soeil~1é~ 1rans"a tiOlla les Cil vue de les
N
conformer aux inlérêls dc.s /:1:lls 1lll'lIlbrcs;
\\.0
-.1

T A BLE
L'INTÉGRATION DE LA COTE D'IvOIRE DANS LE SYSTÈME
NATIONAL/MONDIAL HIÉRARCHISÉ : A LA RECHERCHE
D'UNE AUTONOMIE SOUS CONTRAINTE
Pages
INTRODUCTION GENERALE
Ière PARTIE - LE SYSTEME NATIONALLMONDIAL HIERARCHISE:
UNITE, DIVERSITE, HIERARCHIE ET MUTATIONS
DANS LA CRISE.
5
Chapitre 1 -
Unité plurielle et hiérarchisation des
systèmes productifs nationaux.
7
Section 1 -
Une totalité plurielle
7
Section 2 -
Un sys~ème mondial hiérarchisé.
15
Chapitre 2 -
La dynamique de mondialisation confrontée
40
à la crise
Section 1 -
Une crise qui dure •..
41
Section 2 -
Et avec la crise, l'avenir du
capitalisme est devant nous.
51
2ème PARTIE - LES MODALITES D'INTEGRATION DE L'ECONOMIE
IVOIRIENNE DANS LE SYSTEME NATIONAL/
MONDIAL HIERARCHISE.
67
Chapitre 3
L'intégration productive primaire
= une spécialisation internationale
dominée.
70

Pages
Section 1 - De l'agriculture de subsistance aux
cultures commerciales d'exportation:
l'introduction d'une nouvelle logique
73
sociale.
Section 2 -
Le secteur agricole exportateur comme
base de la spécialisation internatio-
nale de la Côte d'Ivoire: une
production commandée par les contraintes
de reproduction des économies dominantes.
88
Section 3 -
Un pouvoir de négociation faible sur le
marché mondial.
Chapitre 4 -
L'intégration productivé industrielle
une stratégie sélective de marché.
106
Section 1 - L'économie ivoirienne : un pôle de
différenciation économique dans l'Union
109
Monétaire Ouest-Africaine.
Section 2 -
Une base productive dans la stratégie
de marché des investisseurs étrangers.
115
Chapitre 5 -
L'intégration financière
le poids de
149
la dette extérieure.
Section 1 -
La pratique de la dette
149
Section 2 -
Le poids des contraintes de solvabilité.
165
3ème PARTIE -
A LA RECHERCHE D'UNE AUTONOMIE SOUS
CONTRAINTE
184
Chapitre 6 -
L'indépendance économique de la Côte
d'Ivoire: une voie étroite.
187
Section 1 -
La capacité de peser de l'Etat
188
Ivoirien.
Section 2 - La voie étroite de l'autonomie de
décision.
200

Chapitre 7 -
? • -
-1:>
Sect':"o!'""~ !
-
:: Î 6
Section 2 -
220
Section 3 - S'inscrire
dépendance
236
CONCLUSION GENERALE
24ï
Bibliocra~:-.ie
230
;'nnexes.
271

vu
Le Président,
vu
Les Suffragants
M.
tv'M •
vu ET PERMIS D'IMPRIMER
LE PRESIDENT DE L'UNIVERSITE DE PARIS-VIII