UNIVERSITE DE MONTPELLIER 1
FACULTE DE DROIT ET DES SCIENCES ECONOMIQUES
SUJET
LES RELATIONS ENTRE CULTURES
DE RAPPORT ET CULTURES VIVRIERES DANS
LES ZONES DE SAVANE EN
COTE D'IVOIRE
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PRESENTÉE ET PUBLIQUEMENT SOUTENUE DEVANT ~ ~ i
L'UNIVERSITÉ DE MONTPELLIER 1 POUR L'OBTENTION U
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GRADE DE
1 r l',e.~''''
DOCTEUR 3EME CYCLE
SPÉCIALITÉ: ECONOMIE RURALE
PAR
Placide ZOUNGRANA
JURY
~.ROBERT BADOUIN
M.MICHEL LABONNE
M.FRANCOIS TASSIN
OCTOBRE 84

- 2 -
SOMMAIRE
AVANT PROPOS
6
INTRODUCTION
7
PREMIERE PARTIE
L'EVOLUTION DU SYSTEME PRODUCTIF
DANS LES ZONES DE SAVANE
CHAPI'IRE
l
COOIDERATIOO GENERALES DES ZONES DE SAVANE
21
1. Les zones de savane
Une diversité
21
2. Les zones de savane
Une diversité
27
3. Les populations de savane
31
4. Les activités économiques
3S
CHAPI'IRE
II
LE MOODE AGRICOLE DiWi LA SOCIElE 1RADITlOONELLE
- Etude de cas ••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••
47
1. Les cultures vivrières chez les Baoulé
47
2. La Société Sénoufo et la production vivrière
S6
3. Les femmes et la transformation des produits
64
CHAPI'IRE III
C(H)IDERATlOO GENERALES DU SYS'ŒME PROOOCI'IF
'ffiAI)l TIrnNEL
66
1. Le système d'exploitation, base de la production agricole
66
2. Les systèmes de culture et de production: les reflets
d'une technologie agricole cohérente
7S

- 3 -
CHAPITRE
IV
L'INTRODUCTION DES CUL1lJRES DE RAPPŒT DME
L'AGRICUL1lJRE VILLAGEOISE EN ZONES DE SAVANE
88
1. Café et Tabac: deux cultures très peu représentatives ..
88
2. Le coton: culture de rapport des zones de savane
91
CHAPITRE
V
LE DEVELOPPEMENr DES CENfRES URBAI~ ET LA
PR<H>TION DES PRODUITS VIVRIERS ''KDERNES''.............
99
1. Le riz: fer de lance du développement des vivviers ..
99
2. La SODEFEL et le développement des produits maraîchers
104
3. La production sucrière
107
4. Le soja: une nouvelle culture en voie de disparition?
108
CHAPITRE
VI
"LES VIVRIERS lRADITIONNELS" DME LE SILLAGE
DES PRODUITS ALIMENrAIRES "MODERNES' ,
114
1. Le maïs et l'arachide
deux cultures représentatives des
nouveaux assolements en agriculture moderne . .. . . . . . . . . . . . . . ... 116
2. L' igname et le manioc
des tentatives de modernisation ....... 119
3. Le mil et le sorgho : les "parents-pauvres" de la
modernisation des cultures vivrières
123
CHAPITRE VII
LE CHANGEMENr DU SYSlEME PRODUCTIF DME
L'ECONOMIE NOUVELLE VILLAGEOISE
125
1. La transformation du système de culture
125
2. L'introduction des nouvelles méthodes de production
130
3. Les nouvelles dimensions du système d'exploitation
137
PREMIERE CONCLUSION PARTIELLE
147
... / ...

- 4 -
DEUXIEME PARTIE
LES CULTURES VIVRIERES DANS LA PROBLEMATIQUE
ACTUELLE DU DEVELOPPEMENT RURAL
œAPI'ffiE VIII
LA 1lWEFORMATION REGIONALE DU SYS'ŒME DE CULlURE œ
L'OPPORTIJNIlE DE PROOUCTION ET DE C(MŒRCIALISATION ..
148
- Etude de cas à partir de monographies d'exploitations
1. L'arachide dans le secteur de BOUNDIALI
148
2. Le ri z inondé dans les plaines du Nord-Ouest
154
œAPI'ffiE
IX
PROOUITS VIVRIERS ET ENVIROONEMENf ECONOUQUE
164
1. Vers une complémentarité entre cultures vivrières
et cul t ures de rapport ?
164
2. Les principaux résultats de l'encadrement
167
œAPI'ffiE
1. Le goulot d'étranglement au niveau des vivriers
179
2. Les structures d'appui en milieu rural et le développement
des vivriers : des act i vi tés peu soutenues
193
œAPI'ffiE
XI
LE "PR<XilWf.tE D'AlJlŒUFFISMl:E ALIMENTAIRE"
A LA RECHERCHE D'UN EQUILIBRE
202
1. Les contours de la notion d'autosuffisance alimentaire et ses
incidences
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
202
2. Les impératifs de la modernisation de l'agriculture
vivrière: la transformation de l'exploitation
paysanne
207

- 5 -
CHAPlmE
XIl
POLITIQUE DE DEVELOPPEMENf AGRICOLE
ET DEVELOPPEMENf RURAL INTEGRE
225
1. Zones de savane et développement rural en C6te d'Ivoire
225
2. Le r6le de la C.I.D.T et de l'Etat dans la mutation
sociale globale des sociétés de savane
238
DEUXIEME CONCLUSION PARTIELLE
252
CONCLUSION GENERALE
. . . . . . . . . . .
253
BIBLIOGRAPlllE
. . . . . .
258
N.JNEXE. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
265
TABLE DES MATIERES. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
283

- 6 -
AVANT-PROPOS
Cette présente étude est l'aboutissement de deux précédents
travaux entrepris il y a quelques années, autour de la production cotonnière.
Aujourd'hui. notre sujet intéresse plutôt la production agricole globale du
milieu villageaois en zones de savane.
Ce travail qui a nécessité un sejour sur terrain en 1983 a été
précédé d'une recherche bibliographique et documentaire, d'abord à Montpellier
puis en Côte d'Ivoire, notamment à Abidjan et à Bouaké. De cette recherche
documentaire à la collecte effective des données et à la présentation maté-
rielle de cette thèse, nous avons bénéficié de l'aide appréciable de plusieurs
personnes et institutions ; nous ne pourrons les citer tous, mais nous leur
disons notre reconnaissance.
Cependant, nos remerciements vont particulièrement à M. Michel
LABONNE avec lequel nous avons discuté des grandes lignes de ce travail et
qui fut très souvent à notre disposition lors de sa rédaction. Nous remer-
cions également M. N'Guessan François KOUAKOU (Université d'Abidjan,
Département de Sociologie) dont les points de vue à propos de la dynamique
du monde rurale ont été, pour nous, appréciables. Quant à la CIDT (Compagnie
Ivoirienne pour le Développement des Textille) qui a mis à notre disposition
un certain nombre de documents et qui a permis de mener à bien cette collecte
des données grâce à un apport logistique, nous ne saurons, ici, omettre de
lui dire nos sincères reconnaissances; à ce propos, nous remercions parti-
culièrement M. Patrick BISSON (Directeur Général - Bouaké), les responsables
des directions de secteurs de Boundiali et d'Odienné, ainsi que les Chefs
de Zones de Gbon et de Tienko et leurs différents collaborateurs. Nous ne
remercierons jamais assez les paysans pour l'hospitalité qu'ils nous ont
réservée et surtout pour leur disponibilité lors de notre présence dans les
différents villages. Enfin, notre reconnaissance va à M. le Professeur Robert
BADOUIN à qui nous devons l'appréciation globale et finale de cette étude.
Notre approche au niveau des "Relations entre cultures de rapport
et cultures vivrières" ne se veut en aucune façon ni exhaustive ni définitive
la réalité rurale reste en effet assez diverse et assez complexe pour qu'on
ait la prétention de cerner toute cette dynamique sociale. Néanmoins, nous
espérons que cette contribution à la recherche sur le monde rural fera lever
quelques lièvres.

- 7 -
INTRODUCTION
l - SITUATION DU PROBLEME
On définit la Côte d'Ivoire comme un pays essentiellement agri-
cole, ou du moins, comme un pays où l'agriculture est le secteur de lancement
de la croissance économique, donc le secteur de prélèvement finançant cette
croissance. En effet, l'agriculture ivoirienne concerne directement plus
des 2/3 de la population, soit un peu plus de cinq millions de personnes
elle fournit une part importante de matières premières transformées par
l'industrie locale; enfin, elle joue le premier rôle dans les exportations
du pays.
Aussi, l' agricul ture assure-t-elle une part considérable du produit
national brut (P.N.B.) : les exportations des produits agricoles pour l'année
1978 s'élevaient à 417 938 millions de francs CFA, soit 70,7 % des exporta-
tions totales (1) ; ces exportations ont atteint 430 000 millions en 1980-
1981, un certain nombre de produits détenaient une place de choix: Cacao
(432.200 T), Café (215.300 T), Huile de Palme (40.330 T), Coton Fibre
(36.900 T), Sucre (53.050 T), etc. (2).
En dehors de cette agriculture d'exportation, on note aussi la
présence des vivriers, produits nettement moins importants dans l'agriculture
ivoirienne, du moins à première vue.
En effet, une rapide comparaison entre ces deux types de produits
permet
de voir que l' agricul ture vivrière,
dans l'ensemble,
occupe une
place relativement modeste; cependant, avant de nous attarder sur cet aspect
de l'économie dansles différentes parties de cette présente étude,
i l
semble nécessaire déjà de situer globalement, à travers un tableau comparatif
(1) Ministère du Plan: La Côte d'Ivoire en chiffres. Société Africaine
d'Edition - Abidjan - 1980-1981.
(2) Ministère de l'Agriculture: L'agriculture ivoirienne aujourd'hui.
Société d'Imprimerie Ivoirienne -
Abidjan Mai 1982.
. .. / ...

DECOUPAGE
ADMINISTRATIF
ABIDJAN
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- 8 -
concernant les principales cultures (nous nous en tiendrons ici uniquement
aux superficies qui leur sont consacrées), la place des unes et des autres
dans le milieu agricole ivoirien.
SURFACES AGRICOLES : CULTURES VIVRIERES / CULTlŒES D'EXPORTATION
(Riz - Mals et Cacao - Café en hectares)
-------An- 7 - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
II~clié~ 69-70
74-75
75-76
76-77
77-78
78-79
79-80
Il
11- -- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - Il
Il
Il
li RIZ PADDY
289 100 390 000 398 000 409 000 428 000
448 000
461 000:1
Il MAIS
327 600 506 000 518 000 538 000 564 000
584 000
600 000 Il
Il
Il
11-
_
Il
Il
Il CACAO
386 800 471 000 498 000 526 000 557 000
586 000
752 000
IlIl CAFE
652 000 863 000 901 000 921 000 950 500 1 010 000 1 045 800
Il
Il
=========================================================================
(Sources: Ministère des Relations Extérieures - France. Décembre 1982).
Ces différentes superficies octroyées à ces quatres cultures se
perçoivent plus nettement lorsqu'on fait allusion à l'évolution du pays en
matière de developpement agricole.
A ce propos, on peut dire globalement Que l'insertion de la
Côte d'Ivoire dans l'économie marchande s'est effectuée pendant la période
coloniale, dans le cadre du système économique de la traite. L'Agriculture
de plantation a largement contribué au développement de cette économie (1).
Le Cacao et le Café restent la dimension la plus représentative de ces cul-
tures de plantation introduites pour l'essentiel au début du siècle; mais
c'est surtout dans les années 40 que le Café et le Cacao vont faire partie
(1) Voir plus en détail l'histoire de cette agriculture coloniale
en Annexe l

- 9 -
d'une planification réelle de la France, en matière agricole pour ce qui
concerne ses colonies, et ceci avec un certain nombre d'investissements à
travers différents plans de développement. C'est ainsi que le café, le cacao,
le palmier à huile et
l' exploi tation du bois vont apparaître comme le
pilier de cette économie coloniale.
Quant à l'agriculture de la Côte d'Ivoire post-coloniale, quatre
périodes de développement peuvent aisément être distinguées : elles s'éten-
dent en gros de 1960 à 1980 et reflètent, pour l'essentiel, les différentes
politiques agricoles qui, à un moment où à un autre, ont présidé aux desti-
nées de l'économie nationale en matière de production agricoles, ces vingt
dernières années.
- 1960/1965 : c'est la consolidation et l'augmentation de la pro-
duction des grandes cultures d'exportation (café et cacao). Parallèlement,
commencèrent les études et les essais qui
devaient aboutir,
plus tard,
à une diversification des ressources agricoles ; un des objectifs de cette
politique agricole était de rendre moins vulnérable, en répartissant les
risques, une économie reposant pour l'essentiel sur l'exportation des produits
bruts et de ce fait, hypersensible aux nombreuses fluctuations des cours sur
les marchés internationaux. Cette période fut également celle de la mise en
place des premières structures d'encadrement en milieu rural.
- 1966/1970 : Ces années seront essentiellement consacrées à la
politique de diversification effective (coton, palmier à huile, banane,
hévéa, etc.) et à l'amélioration qualitative des principaux produits, avec
l'entrée en production des variétés nouvelles mises au point par les instituts
de recherches agronomiques ,avec l'appui important d'une assistance technique,
l'introduction de matériel végétal et de traitement, le tout accompagné d'ai-
des financières à la dimension de l'entreprise.
- Les années 70 : Cette troisième période est caractérisée , dans
les programmes à plus ou moins court terme, par les production5agricoles
destinées à la consommation (alimentaire) nationale. A cet effet, l'effort
en faveur
de la riziculture mais aussi au niveau d'autres cultures (canne
à sucre, légume, fruits, etc.) a été l'une des dominantes du Plan de
Développement Agricole 1971-1975. Cette orientation est consécutive à l'éle-
vation du niveau de vie et surtout à l'urbanisation rapide que connaît le
... / ...

- 10 -
le pays (1), avec tout ce que cela entraîne à la fois comme demande en denrées
agricoles et comme transformation du régime alimentaire transformation partiel-
le cependant,
comme on le verra ul téieurement)
: les catégories sociales
à haut revenu seront celles qui tendront essentiellement vers une modification
du mode alimentaire caractérisée par l'augmentation des produits importés dont
les fruits et légumes; mais, globalement, l'évolution de la demande alimentai-
re d'une population urbaine sans cesse croissante se fera plutôt en direction
des produits locaux, ou sensés l'être, comme le riz. Cependant, cette poli-
tique agricole sera greffée à une politique plus globale de développement
rural
; ainsi, la diversification des cultures à travers le pays devrait-
elle permettre,
entre autres , traditionnellement producJ.~t~t3~::~9fr~zultures de

• \\ '
. . ,
rapport et les zones de savanes, caractérisées essentkt.):-t~ r':'l~~}produc-
tion des vivriers.
De ce fait,
la culture du cot.err If,c ,,"çcess . -: ...\\. ent
li -r-.
'·r l1IJ
'.,\\
celle du tabac devraient
être substancielles : e' %,)1 ajo

a) rcduc-
\\~
~
tion rizicole
dont la commercial isation
se
ferai t~;O'l / chelle l}aionale,
.1<,
. ri'
on aboutirait à des revenus plus ou moins comparables à
~~e~ ysans de
forêt. Quant à la production de canne à sucre, les différents complexes créés
ou à créer à cet effet devraient offrir aux populations de savanes, un certain
nombre d'emplois salariés avec une possibilité de freiner l'exode rural. A
propos de ce déséquilibre régional,
i l est
important de notrer qu'en 1950,
la participation du Nord ne dépassait guère 7 à 8 % de la production totale
commercialisée au niveau de l'ensemble dupays
en 1965, cette proportion est
encore inférieure, de l'ordre de 6 % (2).
Vers la fin de la deuxième décennie trois structures d'encadrement
deviennent des sociétés de développpement rural, concourant ainsi au dévelop-
pement régional intégré. Aussi, en plus des activités relatives à la culture
ou au groupe de culture qu'elles ont la charge de promouvoir (étude préalable,
participation à
la
recherche
de financement,
production par elles-mêmes
ou par des planteurs qu'elles conseillent, usinage, transport, transformation
industrielle,
commercialisation
interne
et
externe,
etc.),
ces
sociétés
se voient confier la prise en compte globale de toutes les activités de produc-
tion agricole de leurs nouvelles zones d'influence: Basse Côte d'Ivoire, Moyen-
ne Côte d'Ivoire, Nord-Centre Côte d'Ivoire. C'est ainsi que depuis cinq ans
environ
(1) L'évolution de la ville d'Abidjan est caractéristique de cette urbanisation
rapide, avec un' taux de l'ordre de 8 % parr an depuf sunèHi ze ine d'année.
(2) AMIN(S) : Le développement du Capitalisme en Côte d'Ivoire -
Edition de Minuit - Paris 1967.

- 11 -
* La SODEPALM, "Société pour le développement et l'exportation du
Palmier à Huile", chargée dela conception et de la réalisation des plants
palmiers à huile et cocotiers, s'occupe aussi de toute la production vivrière
au Sud du pays ;
* La SA1MACI, "Société d'Assistance Technique pour la Motorisation
de l'Agriculture", chargée de l'encadrement des planteurs de café et de cacao,
prend en compte les vivriers produits dans son milieu d'action;
* La CIDT, "Compagnie Ivoirienne pour le Développement des Textiles",
voit aujourd'hui son action concerner l'encadrement des paysans pourle program-
me nat ional de la culture cotonnière et les cultures associées,
en zone
de savane. Ces cultures associées se rapportent uniquement aux vivriers
mais,
bien qu'étant cultivée en savane, la production sucrière relève, elle, de la
SODESUCRE (Société de Développement de la Production Sucrière).
Nous
insisterons
sur
les
différentes
cultures
vivrières prises
en compte par ces trois Sociétés de Développement dans la première partie de
cette étude.
Mais, à la fin de cette brève histoire de l'agriculutre ivoirienne,
apparaît une nouvelle donnée: c'est la création d'un Secrétariat d'Etat à
l'Agriculture; son objectif principal est la promotion réelle des produits
vivriers sur l'ensemble du territoire. Mais, on peut se demander pourquoi la
création d'un tel Secrétariat? Pourquoi seulement maintenant et pas beaucoup
plus tôt ?
En fait, on peut, sans grand risque de se tromper, avancer la thèse
de l'échec de1a politique de développement des vivriers entreprise depuis les
années 70. Cependant, ce point de vue, bien que non négligeable, ne semble pas
être suffisant. En effet, le problème vivrier s'est depuis longtemps posé, en
milieu urbain surtout, mais de façon beaucoup moins évidente; il s'agissait
pour l'essentiel, de ruptures de stocks au niveau du marché national, surtout
pour
les vivriers très périssables
(banane plantain et
igname par exemple).
A ce niveau, des situations de substitution étaient souvent possibles, avec par
exemple le riz dont les importations étaient très importantes : 78 800 tonnes
en 1970, 97 300 T. en 1971, 77 120 T. en 1972, 147 910 T. en 1973 (1).
Mais, de plus en plus, de façon générale, l'économie de la plupart des
pays importateurs de produits alimentaires (et non producteurs de pétrole) va
... / ...
(1) Ministère du Plan. La Côte d'Ivoire en Chiffre, 80-81, Op Cit.

- 12 -
se trouver dans une impasse : augmentation vertigineuse du prix des produits
alimentaires (environ du simple au double), "choc" pétrolier. Ce double
handicap, accentué par le bouleversement des termes de l'échange des pays es-
sentiellement exportateurs de produits agricoles, va donner le "coup de grâce"
à ces économies. En côte d'Ivoire, on repense la politique agricole sous un
nouvel angle; "c'est à cette époque, entre 1975 et 1980, que la notion d'au-
tosuffisance alimentaire est avancée, se développe
et est adoptée par de
nombreux pays en développement, notamment africains" (1) ; témoins, les nom-
breux débats d'organismes internationaux (FAO) et sous-régionaux (Accords de
de Lagos) et l'abondante littérature en rapport avec les programmes d'auto-
suffisance alimentaire (2) ; tout ceci concourant à la création d'une
"psychose de la faim".
Le livre Vert de l'Autosuffisance Alimentaire (3) est tout un pro-
gramme et en même temps le cheval de bataille du Secrétariat d'Etat à
l'Agriculture (4).
Aussi, l'étude des produits vivriers en Côte d'Ivoire revêt plusieurs
aspects aussi complexes et aussi divers les uns que les autres. Nous nous in-
téresserons, pour notre part, à un de ces aspects. Il s'agit des relations
existant entre deux types de cultures : d'un côté les cultures vivrières
auxquelles on veut donner de plus en plus une place de choix dans la nouvelle
politique de développement rural, de l'autre, les cultures de rapport qui
restent, somme toute, aujourd'hui comme hier, le fer de lance de l'économie
ivoirienne et dont
l'influence persiste au niveau des politiques de déve-
loppement.
En effet, comme on vient de le montrer un peu plus haut, la grande
partie des exportations du pays concerne
essentiellement les produits agri-
coles ou d'origine agricole; cette situation de l'évolution du commerce avec
l'extérieur reste dominée surtout par la continuation de la détérioration des
... / ...
(1) LABONNE (M)
Problématique de l'Autosuffisance Alimentaire in Séminaire
Régional sur la Planification Alimentaire - Brazzaville,
Congo, Ministère du Plan - Novembre 1983.
(2) Voir Bibliographie.
(3) PDCI-RDA : Le livre Vert de l'Autosuffisance Alimentaire - Fraternité
Hebdo Editions - Abidjan 1982.
(4) Depuis Octobre 1983, ce Secrétariat est érigé en Ministère du Développement
Rural.

- 13 -
termes de l'échange. Les emprunts à l'extérieur pendant ces dernières années
ont entraîné "une dette extérieure et un service de la dette en constante
augmentation depuis 1975". Cette dette publique a atteint environ 1 328 mil-
liards (CFA) en fin 81, soit un accroissement de plus de 36 % par rapport à
la fin de l'année 1980 (1). Aujourd'hui, le pétrole semble un moyen de relan-
cer l'économie du pays mais, les promesses de cette exploitation demeurent
encore les seules productions susceptibles d'''éponger'' les dettes et partant,
de ''vivifier'' l'économie ivoirienne.
Comment, dans cette perspective, peut-on poser le problème de la
recherche de l'autosuffisance alimentaire au niveau des relations entre
cultures de rapport et cultures vivrières? C'est principalement à cette
question que nous tenterons de répondre tout au long de cette étude, dans
une zone spécifique : les savanes ivoiriennes.
(1) République Française - Ministère des Relations Extérieures~Coopération
et Développement:
Côte d'Ivoire - Décembre 82 - Analyse et Conjoncture.

- 14 -
2 - DEFINITION ET APPROCHE DU SUJET
- L'APPROCHE CONCEPTUELLE
Si la différence entre les cultures de rapport etles cultures
vivrières était nette il y a une quinzaine d'années, aujourd'hui, certains
chercheurs, dans leurs différentes études, ne trouvent plus pertinent de
parler de cultures de rapport en désignant uniquement les produits tels que
le café, le cacao, le coton etc. ; Puisqu'actuellement, avec l'accroissement
de la demande en produits vivriers, le riz, l'igname, l'arachide, etc., peu-
vent rapporter des revenus importants aux paysans.
Ainsi donc, conviendrait-il plutôt de parler de cultures monétaires
comme étant celles assurant la fonction monétaire de l'expoitation agricole
par opposition aux cultures autoconsommées.
Cependant, en tenant compte des caractéristiques de l'agriculture
ivoirienne
(nous
verrons quelques unes
de ces caractéristiques au cours
de cette étude), cette différenciation traditionnelle existe, même si l'on
peut faire des réserves au niveau de quelques produits. En effet, aujourd'hui
encore,
la destination première des cul tures vivrières au niveau des ex-
ploitations paysannes se limite essentiellement à l'autoconsommation. La com-
mercialisation des vivriers à grande échelle (échelle nationale) dépend, dans
la majeure partie des cas, des structures qui s'offrent à ces produits. Dans
l'ensemble du pays, les taux de commercialisation des produits vivriers prin-
cipaux restent extrêmement faibles,
de façon générale
1,6 % de la
pro-
duction est commercialisé en igname, 3,2 % en manioc, 10 % en banane plantain
et 11,4 % en maïs ; quant au riz, le taux de commercialisation est beaucoup
plus important
(plus de 30 %)
(1).
Ceci
indique bien que les vivriers
sont commercialisés de façon accesoire par le producteur et donc ne peuvent
prendre le qualificatif de cultures de rapport.
Au total,
nous
pouvons définir
les
cultures vivrières comme
étant des produits destinés essentiellement à la consommation du ménage
agricole (autoconsommation) et en partie à celle des autres ménages (non
agricoles, principalement urbains) qui bénéficient généralement du surplus
de production, ce qui suppose une importation importante en denrées alimen-
taires.
. .. /'"
(1) Voir CIRES
Les cultures vivrières : Element Statégique du Développement
Agricole Ivoirien - Université d'Abidjan Mai 1982.

- 15 -
Par OpposItIon, les cultures de rapport ont une destination beaucoup
plus diversifiée, en plus d'être fondamentalement pourvoyeuses de devises
grâce aux exportations massives. On peut les répartir en trois formes, en
fonction de leurs destinations premières
- productions destinées directement à la consommation
bananes,
ananas, avocats, etc.,
- productions destinées à la consommation après transformation
industrielle: café, cacao, palmiste, noix de coco, etc.,
- productions destinées presque exclusivement à une utilisation
industrielle: coton (1), caoutchouc naturel, etc.
Aussi, cultures de rapport, cultures industrielles, cultures commer-
ciales et cultures de rentre sont synonymes.
Mais, la notion de culture de rapport peut s'adapter dans des cas
précis à certaines exploitations. Il est en effet évident que dans une écono-
mie domestique rurale, l'igname, le mals, etc., peuvent prendre le qualifica-
tif de cultures de rapport si, bien-sOr, ces cultures pourvoient, pour l'es-
sentiel ou pour une bonne partie, à la formation monétaire du ménage agricole.
C'est dans cet environnement global quele riz (irrigué surtout), vu son taux
de commercialisation, peut être considéré comme un "vivrier de rente" (2) car
se rapprochant des cultures de rapport par un certain nombre de caractéris-
tiques propres à ces derniers (infrastructures globales de production et de
commercialisation).
Cependant, lorsqu'on situe le problème au niveau de l'économie natio-
nale, cette notion de culture de rapport affectée à certains produits vivriers
des exploitations paysanes devient aussitôt caduque.
- LES CONTOURS DU SUJET
Ils se greffent autour de la notion de relation; en effet, on peut
d'abord chercher à inventorier les différentes relations qui existent au
... / ...
(1) De plus en plus, les graines de coton sont utilisées dans les industries
agro-alimentaires en vue de leur transformation en huile de table.
(2) Le terme "vivrier de rente" est un nouveau qualificatif introduit par cer-
tains chercheurs
i l
désigne de façon générale les cultures vivrières
dont la destination est essentiellement la commercialisation. Il s'agit ici
plutôt de l'orientation de l'exploitation.

- 16 -
ni veau
des
cultures vivrières et
des cultures de rapport.
Pour notre
part, ces relations peuvent revêtir essentiellement trois formes :
Il peut s'agir tout
d'abord des relations d'exclusion: on peut af-
firmer à ce propos que pendant longtemps, le développement et l'importance
des cultures de rapport dans l'économie ivoirienne
ont entraîné logiquement
un "oubli" de la promotion des cultures vivrières (1).
Il peut s'agir ensuite des relations de dépendance: ce niveau des
relations laisse entrevoir l'influence des produits de rapport qui étouffe
les différentes décisions prises par les pouvoirs publics dans le cadre d'un
réajustement du faciès agricole ivoirien, en faveur d'une politique de déve-
loppement des vivriers.
Il peut s'agir enfin des relations de complémentarité au niveau des
deux types de cultures où les vivriers s'inscriraient dans une dimension vrai-
ment nationale de l'économie. L'équilibre entre cultures vivrières et cultures
de rapport est recherché à travers la prise en compte globale des différents
produits pouvant apparaître au sein d'un développement harmonieux des zones
rurales.
Comment peut-on percevoir, de manière concrète, ces différentes for-
mes de relations entre les cultures de rapport et les cultures vivrières?
Il ~'agira, pour nous, de les situer d'abord au niveau des différents
systèmes productifs : systèmes de cultures, systèmes de production et sys-
tèmes d'exploitation; ensuite, au niveau de la politique globale du dévelop-
pement des infrastructures agricoles : politique de prix, structures de
commercialisation, conditionnement des produits, etc. ; enfin au niveau de la
politique de développement rural : encadrement et formation des producteurs,
réinsertion des actifs agricoles, etc.
. .. /' ..
(1) Cependant, il est nécessaire de faire la différence entre les vivriers
en effet, les produits alimentaires comme le sucre, les fruits et légumes
et parfois
le
riz sont dits vivriers modernes.
Les autres vivriers,
en général tous les féculents plus le maïs et les millets (mil, sorgho)
se rapportent plutôt aux vivriers traditionnels. De ce fait, cet "oubli"
dont il est question est relatif aux vivriers traditonnels.
Nous utiliserons quelquefois ces qualificatifs pour parler de l'un ou
de l'autre groupe de vivriers.

- 17 -
3 - LES HYPOTI-IESES DE RECHERCHE
Plusieurs groupes et sous groupes ethniques différents les uns des
autres appartiennent aux
zones
de savane en Côte d'Ivoire.
Ces peuples
ont développé au sein de leur économie (économie d'autosubsistance) tout un
ensemble de systèmes productifs, image de l'environnement écologique et sur-
tout du contexte socio-culturel. La recherche dans ce domaine pose le pro-
blème de la dynamique "naturelle" de ces sociétés de savane au ni veau
de la production et peut fournir, dans l'élaboration d'une économie nouvelle,
les bases d'une entreprise globale de développement rural, dans ces zones en
particulier et au niveau national en général.
L'introduction des cultures de rapport, phénomène colonial, dans
l'économie
villageoise
caractérise
ce
qu'on
peut
appeler
vraisemblable-
ment la régression du système agraire traditionnel. Aujourd'hui, la politique
de diversification des produits de rapport a accentué ce changement, déjà
plus ou moins profond, du système productif villageois. La recherche au ni-
veau du développement des vivriers ne peut se comprendre sans allusion à
cette "force en présence".
C'est autour donc de ces deux axes de réflexion (dynamique du monde
rural et transformation du système productif) qui constituent la base de notre
hypothèse de recherche que nous poserons le problème des relations entre cultu-
res vivrières et cultures de rapport dans les zones de savane en Côte d'Ivoire.
4 - ZONE D' ETUDE ET APPROCHE ME11IODOLOGIQUE
Globalement, et comme nous venons de le mentionner, notre étude
concerne les zones de savane, un milieu écologique couvrant plus dela moitié
du territoire ivoirien. La savane reste particulière de fait de la différence
qui existe entre elle et la zone forestière, et ceci à partir d'un double
Constat. En effet, d'un côté, il s'agit d'une zone qui demeure, au niveau hu-
main, la principale fourniture (nationale) de la force de travail du milieu
forestier
; de l'autre côté,
nous sommes en présence d'une agriculture
pour l'essentiel annuelle où les possibilités de réajustement de la dynamique
de l'occupation du milieu
(agricole) sont plus nombreuses et plus variées, sur-
tout aujourd'hui, en agriculture moderne. Face à cette situation d'ensemble,
la détermination des différentes potentialités dans les zones de savanes,
tant humaines qu'agraires est nécessaire.
. .. / ...

- 18 -
Aussi, la documentation (1) va-t-elle recouvrir, pour une grande
partie, l'ensemble des zones de savane, depuis les marges forestières du
Centre jusqu'aux savanes les plus septentrionales du pays; elle répond ainsi
à l'élaboration de notre hypothèse de recherche.
Cependant, pour cerner de plus près le problème, il nous a fallu
choisir parmi les différentes zones de savane, quelques régions agricoles
pouvant nous amener à traiter le sujet. Ce choix s'est particulièrement porté
sur les régions agricoles du Nord-Ouest du pays ; cette zone géographique pré-
sente, à notre avis au moins un double intérêt. D'abord il s'agit d'une zone
de cultures de rapport importantes faisant partie, très souvent, d'assolements
comprenant certains vivriers; ensuite, comme pour faire opposition à cet en-
vironnement, on remarque dans cette même zone du Nord-Ouest, des régions où
les cultures de rapport sont presque inexistantes et où, certains vivriers
restent les maîtres du paysage agricole. En plus, comme dans la plupart des
autres zones de savane, on y rencontre des cultures purement traditionnelles,
surtout au niveau de leur mode de production.
Pour ce deuxième niveau de l'approche, nous nous sommes d'abord inté-
ressé à établir des monographies d'exploitations dans la région de BOUNDIALI
(voir carte),
principalement
dans
les villages de BOYO (Sous-Préfecture
de KOUTO) et dans celui de TOUNVRE (Sous-Préfecture de GBON). Nous avons éta-
bli, pour ce qui concerne cette région, au total quinze monographies dont huit
dans le premier village et sept dans le second. Ces deux villages se situent
dans une des
zones de grande production de coton où les assolements coton
- vivriers (riz, mais, arachide) ne sont pas rares; le choix des paysans (et
donc des exploitations) a été dicté par le souci de recenser, par groupe, les
individus pratiquant des systèmes de production différents: il s'agit de la
culture manuelle, de la culture attelée et de la motorisation intermédiaire.
La représentativité de ces trois types de production ayant été à la base de
notre échantillon, il s'en est suivi la répartition suivante: 4 paysans pour
la culture manuelle, 2 pour la culture attelée et 2 pour la motorisation dans
le village de BOYO
dans celui de TOUNVRE la répartition comportait 3 paysans
en manuelle, 2 en attelée et 2 en motorisée. Au total, nous nous sommes
intéressé à 7paysans pratiquant la culture manuelle et respectivement à 4 en
culture attelée et en motorisation intermédiaire. Les principaux points concer-
nant cette monographie se rapportent essentiellement à la composition des uni-
tés d'exploitation, à l'identification des différentes parcelles de ces unités,
... / ...
(1) Voir bibliographie.

- 19 -
à la composition du cheptel et de la volaille, à la composition du matériel
agricole, à l'orientation dela production agricole et enfin à la disponibili-
té des revenus agricoles et à leurs destinations.
La seconde
approche
s'est
faite
cette
fois-ci
dans
le départe-
ment d'Odienné (voir carte), plus précisément dans le village de KABANGOUE
(Sous-Préfecture de TIENKO) et dans le milieu rural de la Sous-Préfecture
Centrale même d'Odienné. La caractéristique de ces deux zones agricoles est
l'importance de la riziculture par rapport d'une part aux autres productions
vivrières, d'autre part et surtout à la culture cotonnière. Pour l'établisse-
ment des monographies, des entretiens semi-directifs ont été nécessaires afin
de tenter de cerner cette spécificité agricole dans un département où la cul-
ture du coton demeure, somme toute, importante (1). Dans le village de
KABANGOUE nous avons retenu dix paysans au niveau de notre échantillon ; les
contours des monographies, en reprenant les grands axes dont il a été question
dans les deux premiers villages, se sont néanmoins orientés le plus souvent
vers la spécificité régionale. Nous n'avons pas établi de nonographie au ni-
veau de la zone d'Odienné ; notre présence dans cette région rizicole se
rapportait plutôt essentiellement à la connaissance et au fonctionnement d'une
exploitation semencière dont le propriétaire se trouve lié à la CIDT au niveau
de la production de semences, principalement de riz ; nous insisterons ulté-
rieurement sur cet aspect de la production.
Dans cette approche méthodologique donc,
nous avons utilisé finale-
ment un échantillon de vingt cinq exploitations;
à
ce
niveau
le
recours
à la monographie comme technique d'investigation nous parait être le plus op-
portun à plusieurs égards :
D'abord,
d'un
point
de
vue globale,
l'approche nonographique
nous permet aisément de remonter d'une étude micro-économique qui concerne
les exploitations paysannes en tant que telle (micro-environnement) à une
étude macro-économiqu~
faisant ressortir à différent niveau
de la politique
de développement agricole et rural, certaines logiques contradictoires. Ainsi,
peut-on percevoir réellement le processus de modernisation de l'agriculture
villageoise à travers les différents assolements pratiqués au sein des exploi-
tations.
. .. / ...
(1) En 80-81, ce département a produit 9 768 tonnes de coton-graine sur une
superficie de 9 432 hectares, avec en moyenne un peu plus de la tonne à
à l' hectare.

- 20 -
Ensuite, ces monographies permettent surtout de partir de la spécifi-
cité des ménages et des exploitations agricoles pour analyser les possibilités
de la recherche de l'autosuffisance alimentaire. Peut-on poser le problème de
l'autosuffisance en termes clairs sans tenir compte des caractéristiques de
l'agriculture vivrière? Peut-on poser le problème du développement des vi-
vriers sans tenir compte de la spécificité des exploitations agricoles pay-
sannes ?
Ces
différentes
questions
entraînent
logiquement la recherche des
différentes caractéristiques du milieu agricole: modernisation de l'agricul-
ture, charges, activités secondaires, division du travail, répartition du re-
venu agricole, exode rural, etc.
autant de problèmes aussi différents et
en même temps aussi liés les uns aux autres qui justifient en dernières ana-
lyses dans cette étude des relations entres cultures vivrières et cultures
de rapport, l'établissement de monographies d'exploitations.
Nous nous proposons, face à ces interrogations, d'adopter le plan
suivant
PRESENfATlOO DU PLAN D' EWDE
Cette étude se présente en deux grandes parties.
La première se rapporte à l'évolution du système productif dans les
zones de savane avec, après une présentation tant physique que socio-économique
des savanes ivoiriennes, d'une part une approche au niveau du système productif
traditionnel, d'autre part la transformation de ce système avec l'introduction
des cultures de rapport au sein des exploitations paysannes. Cultures de rap-
port dont le coton reste le plus représentatif, partageront lernêrne espace agri-
cole avec certaines cultures vivrières qui connaissent une promotion certaine.
La deuxième partie de l'étude concerne les principaux résultats de
cette agriculture moderne obtenus, pour une grande part, à partir de différen-
tes monographies d'exploitations effectuées dans le Nord et le Nord-Ouest du
pays et pose de ce fait la problèmatique actuelle du développement rural,
principalement dans les zones de savane. La promotion des cultures vivrières
qui reste l'une des dimensionsessentiellesde ce développement rural intégré,
se situe en droite ligne dans le programme d1autosuffisance alimentaire.

PREMIERE PARTIE
L'EVOLUTION DU SYSTEME PRODUCTIF
DANS LES ZONES DE SAVANE

- 21 -
CHAPITRE
1. LES ZOOES DE SAVANE
UNE DIVERSITE GEOGRAPHIQUE
1.1 LA SAVANE EN COTE D'IVOIRE - SITUATION GENERALE
La C6te d'Ivoire occupe une superficie de 322 000 Km2, grossièrement
inscrite dans un carré d'environ 600 kms de côt.é , entre le Se parallèle
au Sud et le 11e au Nord. On note généralement deux zones de végétation natu-
relle. Le 8e parallèle Nord marque la limite entre la forêt et la savane ; une
savane qui s'enfonce très profondément vers le Sud, à partir du Centre du pays.
Cette échancrure qui rappelle un triangle est communément dénommée le
"V Baoulé". Ce triangle de savane s'étire sur plus de 200 kms dans le sens
Nord-Sud.
Du point de vue des superficies, la savane reste lazone la plus
importante; en effet, la forêt occupe au Sud 112 000 km2, la savane au Nord
presque, le double, soit 210 000 km2 (1).
1.2 LE RELIEF ET LES SOLS
Le pays, qui a une configuration massive, est généralement plat,
donc reste peu marqué par le relief, sauf dans sa partie extrême occidentale
où les collines atteignent
quelquefois plus de 900 mètres d'altitude.
Dans l'ensemble, les plateaux sont le plus commun des spectacles en C6te
d'Ivoire, comme en général en Afrique de l'Ouest où le type le plus spectacu-
laire correspond, à ces étendues tabulaires et horizontales que l'on rencontre,
çà et là, dans les pays de savane. Ces plateaux dominent partout les savanes
ivoiriennes, surtout dans le Nord où leur altitude avoisine très souvent les
300 - 400 mètres.
Pour ce qui concerne le sol, la C6te d'Ivoire, dans son ensemble, se
définit comme un pays de socle; c'est "un vaste ensemble essentiellement
cristallin et métamorphique, zébré par les racines de plis datant d'avant le
Primaire" (2)
... / ...
(1) Contrairement à ce que pensent beaucoupd'individus (les Ivoiriens compris),
la C6te d'Ivoire est plus une zone de savane qu'une zone de forêt. Mais
l'histoire (coloniale surtout) nous a appris à connaître le territoire
ivoirien à travers sa forêt.
(2) ROUGERIE (G) : La Côte d'Ivoire - Que sais-je? PUF - PARIS 1967. P. 47

LES ZONES DE VÊGÊTATION
o SAVANE
• FORET

- 22 -
Mais. meuble pour l'essentiel de sa surface. le pays comporte aussi
des niveaux indurés. Les sols ferrallitiques occupent l'essentiel du territoire
ivoirien et
se
subdivisent
en plusieurs types,
avec une dominance des
sols
ferrallitiques
moyennement
ou faiblement
désaturés.
Dans les
zones
de savane les sols se répartissent
de la façon suivante:
- Centre Côte d'Ivoire
sols ferrallitiques moyennement désaturés
- Centre-Nord Côte d'Ivoire: sols ferrallitiques juxtaposés avec des
sols ferrugineux sensibles à l'érosion et à l'induration;
- Nord-Est Côte d'Ivoire
sols ferrugineux dans la plupart des cas
- Nord-Ouest Côte d'Ivoire
sols remaniés sur granites ou sur schistes.
1.3 CLIMATS, PLUVIOMETRIE, HYDROLOGIE
Située en zone intertropicale, distante de l'Equateur d'environ
400 kms sur ses marges méridionales, et du Tropique d'environ 1 400 kms sur
ses frontières septentrionales, la Côte d'Ivoire, en ses caractères climatiques,
est un des pays d'Afrique Occidentale qui assurent la transition entre climats
équatoriaux et climats tropicaux.
Aussi, le climat évolue-t-il du Sud au Nord, d'un régime équatorial
très humide (plus de 2 000 mm/an) à quatre saisons alternantes (deux saisons
des pluies et deux petites saisons sèches) avec une température variant entre
21° C et 33° C et un haut pourcentage d'humidité (80 - 90 %), à un régime
tropical à deux saisons.
Dans les zones de savanes, deux régimes climatiques se distinguent
- La zone tropicalahumide : c'est la partie méridionale des savanes,
avec une température variant entre 14 at 39 ° C. et un taux d'humidité avoi-
sinant 70 %. Cette zone est représentée par le "V Baoulé", zone de transition
entre la forêt et la savane où la pluviométrie maximale atteint en général
1 800 mm/an avec une alternance, comme dans le sud, de deux saisons des pluies
et de deux saisons sèches. Ce régime est aussi connu sous le nom local de
climat Baouléen.
... / ...

- 23 -
- La zone tropicale (sèche) : il s'agit des zones de savane à l'ex-
clusion de la partie méridionale. On est, ici, en présence d'une pluviométrie
croissante d'Est en Ouest, de 1 100 mm à plus de 1 700 mm (moyenne annuelle
maximale), avec l'alternance d'une saison des pluies et d'une saison sèche.
L'Harmattan, vent chaud et sec provenant du Nord-Est, soufle régulièrement
dans cette zone, entre décembre et Février.
A ces deux grands climats en zones de savane se rattachent des micro-
climats; nous résumons ici, à partir des données globales du climat en Côte
d'Ivoire (1), les caractères généraux de ces "pet i ts" cl imats.
FACIES
TROPICAL HUMIDE
TROPICAL
1
Sud
CARACTERES
Baouléen
Baouléen
Baou1éen Soudanien
1
Températures
1
annuelles
25 à 25,5
26 à 27,5
25 à 26
26 à 27
26 à 27,5
1
(degrés)
Précipi tations
1 300 à
850 à
1 200 à
1 150 à
1 350 à
Annuelles (mm)
1 750
1 250
1 300
1 350
1 900
Durée grande
saison sèche
4 à 5
4 à 5
5
5 à 6
6 à 7
(mois)
1----------------- ----------- ----------- ---------- ----------- -----------
1
Moyen
léger
Moyen
Moyen
Fort
Maximum
Pluvial
(Septembre)
(Juin)
(Septembre)! (Août-Sept)
(Août)
1
1-----------------
Petite saison
effacée
Marquée
éffacée
infime
1
absente
sèche
(l à 2 mois)
(2 mois)
(là 2 mois à nulle
1
1----------------- ----------- ----------- ---------- ----------- -----------
deuxième saison
1
Forte
discrète
discrète
Moyenne
Absente
des pluies
==========================================================================----
(1) République de Côte d'Ivoire: l'Encyclopédie Générale de la Côte d'Ivoire
N.E.A. Abidjan - Dakar - Lomé
Tome 1. Le Milieu et l'Histoire - Septembre 1978.

- 24 -
Quant aux cours d'eau, on note la présence de quatre fleuves prin-
cipaux, coulant dansle sens Nord-Sud du pays; il s'agit du Bandama, de la
Comoé, du Sassandra et du Cavally.
- Le BANDAMA : d'une longueur de 950 kms , ce fleuve traverse
le pays en son milieu et se jette dans l'atlantique à Grand-Lahou. C'est sur
ce cours d'eau qu'a été édifié le barrage de KOSSOU, utilisé pour la produc-
tion d'électricité et pour l'irrigation d'une partie des terroirs agricoles
du Centre (1).
- La C~10E : avec 900 kms de long, ce fleuve coule dans la partie
orientale du pays. Il prend sa source au Sud-Ouest de la Haute-Volta.
- Le SASSANDRA : le moins long des fleuves coulant en savane
(650 kms) , le Sassandra se jette dans l'Atlantique à Sassandra (d'où certaine-
ment le nom), dans l'Ouest du pays. Le barrage de BUYO (Sud-Ouest) qui joue
le même rôle
(Hydroélectricité et
irrigation des terres)
est construit
sur ce fleuve.
- Le CAVALLY : Ce fleuve coule essentiellement en zone de forêt ;
son cours (600 kms) sert, sur une partie de sa longueur, de frontière entre
le Côte d'Ivoire et le Libéria.
Il est cependant remarquable que le caractère extrêmement contrasté
des régimes pluviométriques porte probablement la marque des facteurs favora-
blesà l'écoulement, en périodes pauvres en précipitation. Ce caractère, s'il
détermine le reglme général des fleuves, le fait encore d'avantage pour les
rivières des zones de savane.
Pour ces rivières en effet, les débits moyens mensuels oscillent
entre, le plus souvent, moins de Im3/sec. et des valeurs qui peuvent s'éven-
tailler entre 50 et 150 m3/sec , dans les savanes Baoulé, le N'ZI et le KAN
en sont les exemples les plus représentatifs.
... / ...
(1) On
a tenté
en effet une modernisation de l'agriculture tout autour du
lac; cette recherche de l'amélioration de l'agriculture traditionnelle
fera l'objet d'une analyse dans le chapitre X du présent travail.

- 25 -
Il est bien évident que ces traits ne font que s'accentuer lorsqu'on
passe, dansle Nord de la C6te d'Ivoire,en milieu purement tropical. Là, se
rencontrent des branches du réseau supérieur du Bandama et de la Comoé, ainsi
que les cours d'eau appartenant au bassin du Niger, comme la BAGOLŒ près de
Boundiali et la BAOULE, dans la région d'Odienné.
Dans ces zones en effet, les régimes sont encore plus contrastés et
les hautes eaux restent concentrées sur un petit nombre de mois (4 ou 5 mois
axés généralement sur Septembre). Après Décembre, le tarissement est sévère
jusqu'en Juin et, dans beaucoup de petites rivières, la saison sèche se passe
avec des lits secs. En revanche, la concentration des pluies violentes et des
forts débits sur une période brève entraîne des épisodes d'inondations.
Ainsi, dans la reglon d'Odienné (Nord-Ouest), c'est à partir de
Juillet que les eaux montent rapidement ; la crue majeure a lieu en Septembre,
provoquant pendant quinze jours à un mois la submersion des plaines alluviales.
Certaines régions connaissent même des crues dévastatrices empêchant toute opé-
ration d'aménagement des bas-fonds pour la production du riz inondé, le plus
important système de production de la région, pour ce qui concerne le riz.
Aujourd'hui, beaucoup de ces cours d'eau servent à la confection de
petits barrages pour l'irrigation des terres agricoles, surtout au niveau de
la production de riz irrigué et de maraîchers.
1.4 UNE VEGETATION DISPARATE
En C6te d'Ivoire, deux mondes s'imposent d'emblée: celui où dominent
les horizons ouverts de la savane et celui des sous-bois de la forêt dense (1).
Les 210 000 km2 où règnent les formations végétales des savanes couvrent, nous
l'avons vu,
les régions où le climat ivoirien passe du type équatorial au
type tropical.
Mais, cette savane se subdivise elle-même en plusieurs types, cons-
tituant ainsi les différents niveaux de dégradations de la végétation. PELISSIER
et DIARRA nous résument ici, les grands traits de cette végétation disparate
... / ...
(1) La forêt en C6te d'Ivoire n'est plus ce qu'elle était au début du siècle;
l'exploitation du bois à grande échelle y est pour quelque chose, surtout
que la politique de reforestation reste pour l'essentiel très timide.

- 26 -
"une coupe particulièrement significative est celle que peut faire l'observa-
teur aérien qui part d'Abidjan en ligne droite vers le Nord. Après le survol
de la forêt ( ... ) puis la traversée des savanes guinéennes qui couvrent le
V Baoulé d'une mosaïque faite de la juxtaposition tranchée de forêts (galeries
dans les vallées et boisement denses sur les reliefs et les hauts de versants)
et de vastes étendues herbeuses piquetées de rôniers, le milieu végétal change
rapidement de nature et de structure. Au delà de la latitude de Katiola, le
paysage est tout entier envahi par des formations arborées, non plus la forêt
stratifiée et apparemment immuable du Sud, mais des boisements physiologique-
ment homogènes faits d'arbres à feuilles caduques et dont les visages changent
dans le temps et dans l'espace, au rythme des saisons et de la densité de l'oc-
cupation humaine. Il s'agit d'associations végétales (forêts claires, taillis
touffus, savanes herbeuses) où l'emprunte de l'homme est fortement imprimée"(l).
En effet,
la plupart du temps,
la majeure partie des régions de
savane est soumise, pendant la saison sèche, au phénomène des feux de brousse
dont l'une des conséquences est la dénudation du couvert végétal: les arbustes
y perdent la plupart de leurs rameaux, ce qui leur confine une allure buisson-
nante ; les écorces des arbres sont superficiellement calcinées ; les grosses
touffes de graminées sont sectionnées par l'incendie à quelques centimètres du
sol, etc. Cependant, chaque année, les premières pluies viennent généralement
rompre la monotonie d'un paysage rendu aride par la double action de la séche-
resse et des feux de brousse, en permettant la repousse du tapis végétal (2).
Cependant,la régénérescence de la végétation n'est pas totale puis-
qu'il faut aussi prendre en compte l'action authropique, tant du point de vue
de l'approvisionnement en bois de chauffe et de service que du point de vue du
système de production agricole.
En effet, le processus de savanisation prend une rapidité foudroyante
lorsque les défrichements systématiques et répétés entament la forêt sèche au
service de la production agricole. Nous insisterons sur les caractères généraux
de cette agriculture traditionnelle dans le chapitre III de la présente étude .
. . ./ ...
(1) PELISSIER (P.) - (DIARRA (S.) : L'Afrique Soudanienne - P.36 in UNESCO:
Aménagement des Ressources Naturelles en Afrique Stratégies traditionnelles
et prise de Décision Moderne. Notes Techniques du MAS. 9. UNESCO 1978
(2) Notons au passage que l'année 82-83 fut particulièrement éprouvante pour les
agents des Eaux et Forêts
et surtout pourles paysans (y compris ceux des
forêts) car la sécheresse, sévère cette année-là, a favorisé l'extension des
feux de brousse; Des milliers d'hectares de plantations furent brulés
par le feu.

LES REGIONS AGRICOLES DE LA lONE DE DEVELOPPEMENT
NORD
Limites des
Sou~- Préfectures
_ _
Limites agro-
Cl i moti qu e s

LES REGIONS AGRICOLES DE LA ZONE DE DEVELOPPEMENT
NORD OUEST
lOUBA

- 27 -
2. LES ZOOES DE SAVANE
UNE DIVERSITE AGRO-ECONOf\\1IQUE
2.1 LES APTITlIDES CULTURALES DES SOLS
Plusieurs études sur la pédologie au ni veau des
zones de savanes
ont permis en général de connaître plus ou moins précisément les aptitudes cul-
turales des différents sols. Sans entrer dans les détails de ces études, nous
retenons pour cette approche, les données générales de ces potentialités agri-
coles.
On considère que les sols ferrallitiques moyennement desaturés du
Centre-Côte d'Ivoire ont des propriétés physiques très variables et des pro-
priétés chimiques médiocres à moyenne. Ainsi, dans la région de BOUAKE-
TIEBISSOU, les plateaux offrent de meilleurs sols que les pentes appauvries
en argiles.
Dans le Centre-Nord ivoirien, la fertilité reste essentiellement
déterminée par les propriétés physiques et principalement par la teneur
en argile; ainsi les sols de la région de DABAKALA, ferrugineux, jeunes,
peu lessivés en fer sont favorables à la culture de l'igname.
Dans le Nord du pays, la reglon de KORHOGO a des sols érosifs à
fertilité médiocre, la zone dense ayant été surtravaillée (lessivée) ; alors
que les sols remaniés d'ODIENNE sont considérés comme ayant un potentiel moyen,
les sols remaniés, gravillonnaires et argileux de la région de BOUNDIALI lais-
sent apparaître une assez bonne potentialité agricole.
Au total. dans cette approche simplifiée de la pédologie, on
s'aperçoit de la variété des types de sols, ce qui laisse penser à des valeurs
agronomiques très variées.
Mais, d'une manière générale, les sols les plus fertiles augmentent
au fur et à mesure que l'on se situe dans les milieux moins peuplés; le cas
des zones denses autour de KORHOGO où les terroirs apparaissent comme ceux
présentant les potentialités les plus basses reste très significatif.
D'un point de vue pratique, on pourrait résumer ici les potentiali-
tés agricoles des sols en zones de savane pour ce qui concerne les vivriers,
... / ...

- 28 -
sur une étude de fond de Sinali COULIBALY dans le Nord de la Côte d'Ivoire (1).
Pour ce qui concerne donc l'adaptabilité des produits a~sols, il
est important de tenir compte du régime hydrique. Ainsi, les hauts des pentes,
les sols sableux, les sols graveleux ou gravillonnaires et en général tous les
sols à faible capacité de rétention en eau restent favorables au mil, au sor-
gho et à l'arachide. quant à l'igname, les sols à structures fines (sols limo-
neux, sablo-limoneux), donc à grande capacité de retention en eau (mais cepen-
dant bien égouttés) lui conviennent le plus, ce qui la fait apparaître finale-
ment comme une plante très exigeante (2). En revanche, le maïs se définit
comme la culture la plus tolérante, la culture "tout terrain" si on peut
s'exprimer ainsi; il s'accomode en effet aussi bien des sols égouttés des
pentes que des sols lourds et mal égouttés des bas-fonds
il en est de même
pour le manioc. Le riz pluvial, lui, prospère sur tous les sols mais exige
cependant une pluviométrie suffisante ; il est différent du riz inondé qui
lui, se développe essentiellement dans les bas-fonds, milieu où l'eau stagne
quelquefois plusieurs mois.
2.2 TYPOLOGIE DES PRODUITS ET SPECIFICITES DES REGIONS AGRICOLES
De manière générale, on peut affirmer que la Côte
d'Ivoire possède
une très grande proportion de terre arable dont la richesse en éléments orga-
niques et minéraux varie d'une zone à l'autre et confère au pays les bases
d'une agriculture diversifiée.
Aussi, dans l'établissement d'une typologie des produits agricoles,
peut-on remarquer la présence de plusieurs cultures? Nous retiendrons, ici,
celles des plus représentatives, du point de vue de l'importance au niveau
de la consommation globale. Il s'agit essentiellement de huit cultures: les
quatre principales céréales (riz, maïs, mil, sorgho), les trois plus impor-
tantes plantes à tubercules (igname, manioc (3), taro) et enfin banane plantain .
... /" .
(1) COl~IBALY (S.) : le Paysan Sénoufo - NEA Abidjan 1978.
(2) A cet effet, on constatera que, partout, en zone de forêt ou en savane,
au sein des différentes civilisations agraires qui la cultivent, l'igname
demeure toujours en tête d'association. Se reférer aux chapitres II et III
de la présente étude pour plus de précisions sur les systèmes culturaux
traditionnelles.
(3) On parle aussi de racine pour définir le manioc.

R f:CIO.NS AGR 1(;()/. E S 1)1·; COli',' 1)'1VOlHF
IDE5SA,·IRAT
ATELIER D'AGRONOMIE
Octobre 19/9
14 OC
l. ( .
Echell.: 111,400.000

- 29 -
La répartition de ces différents produits sur l'étendue du territoire
ivoirien répond, comme on vient de le voir, aux potentialités des milieux (sols,
climat, pluviométries, etc) les plus favorables pour leur croissance; ce qui
implique que ces cultures ne partagent pas toutes les mêmes aires d'extention.
En effet,
deux restent confinées au Nord du pays
: il
s'agit du
mil et du sorgho ; deux autres se développent essentiellement dans la moitié
sud du pays et sur les marges forestières de la savane: il s'agit de la banane
plantain et du taro. Quant à l'igname, au riz (pluvial) et au manioc, on les
retrouve sur la plus grande partie du territoire. Le maïs reste, lui, la cultu-
re la plus représentée en Côte d'Ivoire,
tant il est présent partout,
que
ce soit en milieu tropical, dans les savanes les plus septentrionales du pays
ou que ce soit en milieu très humide, le long du littoral, au Sud du pays.
Cependant, l'aire d'extention de ces cultures se double d'une autre
répartition liée cette fois-ci plus à un déterminisme humain qu'écologique:
le fait culturel (1).
Aussi, comme le fait d'ailleurs remarquer HAERINGER (2), dans la
moitié Sud du pays, l'igname pénètre la forêt, partout où il y a des Baoulé,
qu'ils constituent le fond autochtone (comme c'est le cas de OUELLLE ou de
DAOUKRO dans la zone forestière de l'Est du pays) ou qu'ils participent au cou-
rant migratoire Nord-Sud (comme c'est le cas d'ABOISSO, de SOUBRE ou de
SASSANDRA) .
On peut constater le même phénomène en plein monde AKAN, où le riz
fait de plus en plus son apparition du fait des "immigrés" MALINKE, YACOUBA et
SENOUFO. Mais, de même que les migrants Baoulé apportent avec eux "leur" igna-
me, les paysans du Nord et surtout les Maliens et les Voltaïques transplantent
dans les forêts du Sud "leur" maïs, à défaut de pouvoir en faire autant pour
le sorgho ou le mil (cultures pratiquées essentiellement dans la tranche sep-
tentrionale de caractère soudanien).
. .. / ...
(1) Nous reviendrons sur cett répartition "culturelle" des produits dans le
paragraphe suivant. Pour le moment, il ne s'agit simplement que d'une
observation agro-économique.
.
(2) HAERINGER (P.) : Une planche d'Atlas sur les cultures vivrières en Côte
d'Ivoire.
in Cahiers ORSTOM, série Sc. Humaine
Vol. IX N° 2 - PARIS 1972

- 30 -
Enfin, on retiendra pour l'essentiel, qu'au niveau des cultures de
rapport, le Sud de la Côte d'Ivoire serait plus favorable au développement
des cultures de plantation (cultures pérennes) tandis que le Centre et surtout
le Nord veraient plutôt le développement des cultures annuelles tels que le
coton et le tabac.
Au total, cette diversité agro-économique laisse deviner l'exis-
tence de nombreux systèmes de cultures, à la fois aussi variés et aussi com-
plexes les uns que les autres, dans les différentes sociétés agraires. Nous
insisterons sur certains d'entre eux dans les prochains chapitres (II et III
surtout).

CAR TE DES ETHNIES
®
o f.J
1: 0
o
100km
t
,
Mande du n.ord f1\\~
ou Ma"dlng ~
Limite de groupes
CROUPES MANDE
Mandé du sud ®
2
Subdivisions ethniQlles
® CROUPE YOLTÙQUE
o GROUPE KROU
® GROUPE UAN

- 31 -
3. LES POPULATlotE DE SAVANE
3.1 DIFFERENTS GROUPES ETHNIQUES
On note la présence de plusieurs types de populations dans les sava-
nes ivoiriennes; mais, généralement, on distingue quatre grands groupes etni-
ques : les Akan, les Mandé, les Anciens Groupes Voltaïque, les Nouveaux Groupes
Voltaïques (1). Au niveau des Akan, le sous groupe Baoulé est le plus représen-
tatif dans cette zone de savane ; il occupe tout le Centre du Pays. Les anciens
Groupes Voltaïques confinés dans le Nord du pays débordent pour toucher les
Baoulé du Centre ; ces groupes sont représentés par les Sénoufo plus au Nord,
les Tagbana et les Djimini plus au Sud; en général, Tagbana et Djimini sont
considérés comme issus de la branche Sénoufo. De part et d'autre de cet axe
central d'occupation Nord-Sud, on retrouve à l'Est les Nouveaux Groupes
Voltaïques avec du Nord au Sud les Lobi et les Koulango. Les populations
Mandés sont représentées à l'Ouest de l'axe par les Malinké touchant le
peuple Sénoufo et les Gouro, plus au Sud, voisins des Baoulé.
Ces populations, différentes cul turellement (les unes plus ou moins
forestière, les autres soudaniennes), ont développé au sein de leur société
respective, tout un ensemble d'activités qui caractérisent au bout du compte
le dynamique de ces peuples de savane. Aujourd'hui, l'histoire récente a cer-
tainement troublé ces caractères mais, le Sénoufo, le Malinké ou le Baoulé,
dans la transformation du milieu social ivoirien restent profondément tribu-
taires d'un certain nombre d'acquis; on peut citer par exemple les habitudes
alimentaires et la dynamique de l'occupation des terroirs agricoles.
La négligence de ces spécificités dans une approche socio-économique
serait une lacune malheureuse dans n'importe quelle étude de développement rural.
3.2 POPULATIONS RURALES ET URBAINES, MOBILITE SOCIALE ET EXODE RURAL
Il apparaît très malaisé de mentionner avec certitude les données
chiffrées de la population urbaine par rapport à la population rurale, telle-
ment la mouvance sociale est importante dans les zones de savane. Cependant,
... / ...
(1)
On distingue ces deux groupes en tenant compte de l'ère d'occupation de
l'espace défini aujourd'hui. Cependant, avouons que le qualificatif
"Voltaïque" n'est pas du tout pertinent dans la mesure où l'occupation des
terroirs actuels est antérieure à la mise en place des entités coloniales
qui ont abouti à la délimitation des frontières, il y a moins d'un siècl~
entre la Haute Volta (Nord) et la Côte d'Ivoire (Sud). Certes, on considère
que ces différents penales sont _'~desçendus" du Nord mais les historiens
< i r uerrt r:P.t_t_P. énonue aut our du nremier millénaire de notre ère.

- 32 -
POPULATION - ZeMS DE SAVANE
==============================-
Il
POPULATION 1980
Il
-=============================n
_
DEPARTEMENT
RURALE
URBAINE
ODIENNE
110 762
19 380
1
BOUND IAL l
114 384
36 988
1----------------------------- --------------
KORHOGO
244 500
65 810
FERKE
73 880
39 354
BOUNA
102 816
7 062
BONDOUKOU
376 073
41 900
--------------1
TOUBA
75 250
7 250
SEGUELA
147 683
22 660
KATIOLA
65 390
24 390
--------------1
DABAKALA
55 822
4 450
(Ville de Bouaké
BOUAKE
596 543
148 246
non comprise)
DIMBOKRO
451 697
143 417
roTAL (Savane)
2 414 800
560 907
r _ _ 11 __ - - - - - - - -_ -
- - - - - - - -
_
Il
Il
TOTAL re. 1.)
5 083 082
3 106 462
Il
=============================================================

- 33 -
globalement, on peut, à partir de certaines monographies départementales (1),
établir un tableau de la répartition de cette population d'après le recense-
ment de 1980 de la population ivoirienne. Certes, les chiffres ne sont certai-
nement pas les mêmes quatre ans après, mais, le tableau laisse apparaître des
comparaisons très intéressantes entre zone rurale et zone urbaine (Voir
Tableau page suivante).
Au total, on se rend compte que la population de savane est essen-
tiellement
rurale.
La Population urbaine,
si
elle est
représentative
dans certains départements (surtout les villes pré-forestières), reste insi-
gnifiante dans les villes comme BOlWA ou DABAKALA, régions purement rurales.
Il apparaît aussi, à travers cette répartition, que beaucoup de
zones rurales se caractérisent par leur relative faiblesse numérique alors
qu'autres zones se trouvent être des centres importants de présences humaines.
En fait, il faut voir dans cette répartition actuelle de la popula-
tion savanicole, une certaine mouvance et surtout un exode rural très poussé,
pendant l'ère coloniale avec la création des cultures de plantation et, aujour-
d'hui, le déplacement important des jeunes ruraux des savanes vers les zones
de forêt et les villes côtières (Abidjan surtout), à la recherche d'un travail
salarié. La zone préforestière (Département de Bouaké et Dimbokro) est déjà
une première région d'accueil de ce mouvement de population (2).
Cependant, il est nécessaire de s'attarder un peu sur les caractères
généraux de cette population à travers une perception plus régionale de la
répartition. Pour cela, nous allons nous intéresser essentiellement aux quatre
grandes zones des savanes ivoiriennes.
Le Nord-Ouest : Il comprend les départements de TOUBA, de SEGUELA
et d'ODIENNE. On peut caractériser cette zone comme une région sous peuplée
(envion 6 habitants/krn 2 ) où, la population, essentiellement rurale, reste
très fortement touchée par l'émigration vers les grandes villes .
. . . / ...
(1) Voir Ministère de l'Agriculture: Annuaire des statistiques rurales
Abidjan 1980.
(2) Nous reviendrons sur cet aspect dela mouvance de la population et tout
ce qu'il peut entraîner comme déséquilibre dans une politique globale
de développement rurale, dans le dernier chapitre de cette étude.

- 34 -
Le NORD: Les Départements de BOUND IAL l , de KORHOGO et de FERKE com-
posent cette région (il faut y ajouter les départements de Katiola et Dabakala).
On note ici une densité de peuplement de deux types : les zones denses autour
de KORHOGO (plus de 50 hbts/km 2 , approchant dans certains milieux la centaine
au Km 2 ) regroupent en gros la moitié de la population du Nord et, les zones
périphériques se caractérisant par une densité en dessous de la moyenne natio-
nale qui se situe autour des 20 hbts/km 2 • Dans cette région Nord, l'émigration
vers le Sud se fait surtout à partir des zones proches de l'axe Nord-Sud des
voies de communication (routes et chemin de fer).
Le NORD-EST: Il s'agit des départements de BONDOUKOU et de BOUNA.
Le taux d'urbanisation de cette région reste le plus faible des zones de savane
(environ 2 %). La densité démographique reste inférieure à la hbts/km 2 • La popu-
lation Lobi est très peu touchée par l'émigration que connaissent en grande
partie les différentes populations de savane. Cependant, il faut noter qu'on
assiste depuis quelques années à une "descente" des Lobi sur les terres
Koulango ; cette situation est peut-être due à l'introduction des Lobi dans
le vaste programme de développement intégré des savanes du Nord-Est ivoirien
avec la ClOT.
Le CENTRE : Il comprend le Département de BOUAKE et celui de DIMBOKRO
(plus au Sud). D'un point de vue général, on peut affirmer que cette région
est caractérisée par un peuplement danse et plus ou moins homogène. Cependant,
le Centre, au niveau des mouvements de populations reste très original ; on
remarque en effet un flux migratoire très important vers les zones forestières
plus au Sud (on parlerait même d'une véritable colonisation des terres des mi-
lieux forestiers) et vers les centres urbains de la "Basse côte". Mais, d'un
autre côté, cet important glissement de la population Baoulé vers le Sud
forestier se trouve être largement compensé par l'arrivée dans les zones ru~
raIes et dans les villes de la région de populations du Nord, y compris les
originaires des pays voisins (Haute-Volta et Mali). Il faut
noter aussi que
le déplacement de la population Baoulé s'est encore accentué avec l'édifica-
tion du barrage de KOSSOU ; l'extension du lac a entraîné en effet le dépla-
cement d'une grande part~de la population (environ 75 000 ruraux)
ces
paysans ont été réinstallés, les uns dans les zones forestières, les autres,
plus haut, autour du cours supérieur du fleuve.
Au total, on constate que toute cette mobilité sociale au niveau des
populations de savane a finalement donné une autre dimension aux différentes
activités socio-économiques.

- 35 -
4. LES ACTIVIlES ECONOHQUES
3.1 L'AGRICUL1LffiE : l~ ACTIVITE PRINCIPALE
Les populations de savane, tout comme en général l'ensemble des
populations rurales du pays, sont essentiellement agricoles; à travers les
statistiques rurales (1), on peut dresser un tableau de distribution de la
population rurale dans
les
zones de savane et se rendre aisément compte
de la prédominance de l'activité agricole dans l'ensemble des activités socio-
économiques.
===========================================================
Il
POPULATION 1980
Il
Il
DEPARTEMENT
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - Il
Il
RURALE
AGRICOLE
Il
Il - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - --------------- ---------------~
Il
Il
Il
ODIENNE
110 762
115 658
Il
Il
BOUND IAL l
114 384
115 940
~
Il
Il
Il
KORHœO
244 500
247 530
Il
Il
FERKE
73 880
89 685
Il
IlIl
BOUNA
102 816
99 912
"
Il
BONDOUKOU
376 073
363 295
Il
Il
rours«
75 250
75 925
Il
SEGUELA
147 683
152 389
Il
Il
KATIOLA
65 390
71 802
Il
55 822
53 623
il
DABAKALA
Il
BOUAKE
596 543
608 455
Il
DIMBOKRO
451 697
461 808
Il
~-------------------------
::
TOTAL (SAVANE)
2 414 800
2 456 022
La première constatation dans la comparaison des deux données est la
supériorité du nombre au niveau de la population agricole par rapport à la rurale
ceci démontrant encore la prépondérence de l'activité agricole car en fait,
beaucoup de citadins n'exercent pas des activités urbaines; en effet, on compte
dans la majorité des petites villes de savanes (et même au niveau des autres
villes du pays) un nombre non négligeable d'agriculteurs; en général ces
... / ...
(1) Ministère de l'Agriculture
Annuaire des statistiqu~Agricoles 1980 OP. Cit.

- 36 -
"paysans de ville" possèdent leurs exploitations agricoles dans les environs
immédiats de la cité. Dans les villes du Nord comme ODIENNE ou BOUND IAL l , cette
ceinture de cultures est très caractéristique.
En vue donc de cette grande représentativité de la population agrico-
le et en tenant compte de la répartition géographique des principaux produits
(voir Chapitre 1), on peut s'interroger sur les spécificités des différentes
populations dans le processus de production alimentaire. Mais, si le découpage
ethnique laisse supposer des disparités entre les principaux produits, il laisse
aussi apparaître des interférences entre eux.
Ainsi, en général, dans le Nord du pays, les sénoufo pratiquent-ils
une polyculture associant le maïs, le riz, et l'igname ou le mil et le sorgho
selon les conditions pédologiques et climatiques. Le riz est produit en culture
sèche ou en culture inondée dans les bas-fonds. Cette polyculture vivrière va
décroissante à l'Ouest, chez les Malinké, peuple considéré généralement comme
n'étant pas fondamentalement agricole (1). Aujourd'hui, la culture du riz inon-
dé, d'introduction récente, est devenue la principale activité agricole de la
population Malinké, surtout dans la zone d'ODIENNE, par rapport aux autres
produits locaux tels que le manioc, le maïs ou le mil.
Dans le Nord-Est, en pays Koulango et Lobi, ce sont les millets (mil
et sorgho) qui demeurent les céréales de base; l'igname et le taro (surtout en
pays Koulango) constituent ici un complément alimentaire important. Aujourd'hui,
ces populations se sont spécialisées dans la culture de l'igname orientée sur-
tout vers la commercialisation.
Dans le Centre du pays, l'igname reste l'aliment de base du peuple
Baoulé ; on y rencontre aussi le maïs et le riz ; en fait il faut remarquer ici
que Baoulé et Gouro qui participent de plus en plus du monde du riz, restent
sans doute influencés par les Malinké du Nord, les Bété du Sud et les Yacouba-
Wobé de l'Ouest, tous grands consommateurs de riz. Cependant, ce sont plutôt
la banane plantain et le manioc qui apparaissent comme les constituants essen-
tiels des aliments d'appoint, compléments des ignames, surtout en pays Baoulé,
et compléments du riz en pays Gouro dont le régime alimentaire reste très proche
de ses voisinsDAN (Ouest).
... / ...
(1) A ce niveau, se reporter aux autres activités (surtout commerciales),
dans le même chapitre.

- 37 -
Ainsi, la productioD agricole, à travers la présence de ces nombreuses
cultures, laisse apparaître une diversité et même une complexité des systèmes
productifs au sein d'une population somme toute assez diversifiée. Nous insis-
terons sur ces systèmes productifs dans la deuxième partie de ce travail.
Mais, avec l'avénement des cultures de rapport dans les zone5de savane
(forestière d'abord et tropicale ensuite), un nouveau visage de l'agriculutre va
apparaître
; c ' est ainsi Que la pratique des cultures sera le plus souvent
fonction de la contrainte d'autoconsommation d'une part et l'attrait pour les
cultures commerciales d'autre part.
Le coton, premier élément de diversification des cultures, développé
par la CFDT (Compagnie Française pour le Développement des Textilles) en milieu
paysan et le développement des périmètres maraîchers avec la SODE FEL (Société
de développement des
Fruits et Légumes)
seront les nouveaux produits de
la modernisation de l'agriculture villageoise.
Ainsi, en général, du Nord au Sud, de la savane septentrionale à la
savane préforestière, vivriers - coton et Quelquefois tabac cèderont le pas à
des associations du type vivriers - café - cacao.
Aujourd'hui, on définit, comme on l'avait fait naguère pour la
kola (1), une route du riz (Odienné - Touba - Daloa), une route du coton
(Tengrela - Boundiali - Mankono), une route de l'igname (Bouna - Bondoukou -
Dabakala - Katiola - Bouaké) Qui déterminent en dernière analyse l'importance
des activités créées autour d'une denrée. En fait, ces différents axes indi-
Quent bien Qu'il faut de plus en plus compter avec le coton dans la présenta-
tion générale de l'agriculture de savane.
4.2 L'ELEVAGE
On peut dire Qu'en Côte d'Ivoire, aucun peuple ne pratique à grande
échelle l'élevage bovin; la raison est certainement due à la trypanosomiase
Qui sévit dans la plupart des régions du pays et Qui décime le troupeau. Il
faut noter aussi ou peut-être en liaison avec le premier obstacle, le manque
de tradition de ces peuples pour l'activité pastorale. Cependant, il est pos-
sible d'affirmer en revanche Que tous les paysans s'occupent plus ou moins
... 1. . .
(1) L'époque pré-coloniale (et même coloniale) a connu dans certaines régions du
pays (Centre-Ouest, Centre et Nord-Ouest notamment une intense activité avec
la production et la commercialisation de la noix de kola entre le Sud fores-
tier et le Nord Soudanien et même Sahélien.

- 38 -
du petit élevage, un élévage essentiellement domestique caractérisé par la pré-
sence de volaille (poulets et pintades notamment), de quelques caprins, ovins
et porcins.
En général, ces animaux qu'on élève font partie d'un ensemble d'acti-
vités secondaires à destination commerciale: les pintades, les poulets, les
moutons, les chèvres, les porcs sont aussitôt vendus dans le village ou sur mar-
chés de la sous-préfecture lorsqu'on peut en tirer un bon prix. L'argent obtenu
à partir de ces ventes occasionnelles reste un complément non négligeable pour
le paysan, à côté des recettes des ventes des produits purement agricoles tels
le coton, le riz ou le café.
Mais, quelquefois, ces animaux sont une autre destination;
ils
servent aux compléments
des
paiements de dots lors des mariages.
Au total,
aussi paradoxal que cela peut paraître, l'élevage domestique entre
finalement très peu dans la consommation directe du ménage (sauf bien sOr lors-
qu'il s'agit de sacrifices propitiatoires (cérémonies réligieuses par exemple)
ou d'événements particuliers concernant la communauté villageoise toute entière
(naissances, mariages, décès, ... ).
Cependant, les zones lesplus septentrionales du pays peuvent appa-
raître comme des régions où l'élevage bovin est relativement important, même
si on est loin des grands élévages des zones soudaniennes ou sahéliennes, plus
au Nord.
En effet, en plus de ce petit élevage domestique dont on vient de
donner les caractères généraux, il apparaît, dans certaines exploitations, un
réel intérêt d'élevage bovin. En fait, depuis plus d'une dizaine d'années, la
vaste opération de développement
de la culture attelée (surtout au Nord
du pays) a donné à l'élevage bovin une autre dimension, cette fois-ci beaucoup
plus intéressante. On constate aujourd'hui qu'un certain nombre de paysans,
dans le processus de modernisation des cultures, achètent une ou deux paires
de boeufs aux possesseurs de bétail pour les utiliser comme animaux de trait
(après desssage) au sein de leurs exploitations. De ce constat, il apparaît
que l'élevage bovin entre en compte dans la formation globale du capital de
certains paysans grâce à la vente annuelle de quelques têtes de bétail et
aussi, grâce à la commercialisation des produits laitiers.
.../ ...

- 39 -
Ainsi, dans les villages de BOYO et TOUNVRE (1) à travers les données
que nous avons pu recueillir, l'élevage bien que modeste laisse transparaître,
dans certaines exploitations, la place du bétail, démontrant au bout du compte
l'importance de cette occupation.
Le tableau c~de§ous nous donne la répartition des animaux au sein
des exploitationsdans les deux villages.
Il
Af\\JIMAUX - NOMBRE (Unité)
Il EXPLOITATIONS
Il
BOVINS (2)
OVINS
CAPRINS
PORCINS (3)
VOLAILLE
11- - - - - - - - - - - - - -
1
1
5
6
2
7
3
5
3
TOUNVRE
4
12 (4)
2
20
5
2 (4)
8
24
6
14 (4)
25
7
50 (4)
10
5
30
______________________________________________________ - - -
1
8
4
9
2
3
4
10
11
- (2)
10
1
1
BOYO
12
9 (3
14
4
13
70 (4)
2
1
14
8 (4
15
9 (2)
1
1
4
===============================================================================-
Ce tabl-eau indique bien que, même dans le "Grand Nord", sauf quelques
exceptions, l'élevage reste plus ou moins à tendance domestique .
. . ./ ...
(1) Deux des villages du Nord (BOUNDIALI) dans lesquels nous avons effectué
nos recherches.
(2) Les boeufs de trait
(culture
attelée)
ne
sont
pas comptabilisés
dans
le total des bêtes mais sont représentés dans les parenthèses ( ).
(3) Les porcins ne sont pas consonmés dans lesmilieuxmusulmans. Il s'avère
que certains villages comme c'est le cas de TOUNVRE restent très isla-
misés; Sénoufo pour la plupart, les habitants de ce village on dû cer-
T~inaTTlanT tiTra
;nFllll::lnr.6.C'"
n~,... lnl1rC" '\\TA1C'lTlc-
,..ln.
1 'thl.nC-+
lnc-
M'':l1 ;nlr.6.

- 40 -
Au total, au niveau de cet échantillon, seulement quatre sur quinze
exploitations possèdent plus d'une dizaine de têtes de bovins. En général, même
dans le cas des paysans ayant plus d'une cinquantaine de bovins (dont une ex-
ploitation bovine relativement importante), la démarcation entre activité pas-
torale et activité
agricole est nette car le système cultural ne laisse pas
apparaître une réelle association à la base entre élevage et agriculture.
En effet, d'après ce que nous avons pu constater, l'agriculteur
confie ses boeufs à un éleveur-gardien (en général un peul) qui les prend en
charge en plus de son propre troupeau
; il peut arriver aussi que quel-
ques paysans du village confient la garde de leurs bêtes à un bouvier salarié
ou à un groupe d'enfants; il s'agit en général d'enfants relativement jeunes
dont la présence dans les champs n'est pas tout à fait indispensable. Cette
situation indique bien que l'élevage bovin se trouve effectivement en marge
des activités agricoles proprement dites car parler d'association suppose en
fait l'existence d'une mise en place d'assolement avec jachère fourragères
et aussi utilisation rationnelle de tous les sous-produits de cultures.
Cependant, dans la zone dense autour de Korhogo, il est apparu une
sorte d'association entre agriculture et élevage; en effet, dans cette zone,
la
fixation
des
cultures
s'est
progressivement
imposée
jusqu'à nécessiter,
dans certains villages, l'apport aux cultures de fumiers issus des parcs à
boeuf, enclos très souvent situés dans les environs immédiats du village (1).
Aujourd'hui, on peut parler de la présence d'un élevage moderne avec
la SODEPRA (Société de Développement pour la Production Animale). Il ne s'agit
plus de cet élevage de poulets qui picorent çà et là dans les villages ou des
moutons et chèvres errant autour des cases et qui se font très souvent écraser
sur les routes ; cela est peut-être
une caricature mais reste très souvent
caractéristique de l'élevage domestique. En fait, on ne peut pas parler de
modernisation à ce niveau sans faire allusion à l'encadrement de la SODE PRA.
Mais il faut faire remarquer ici que l'avènement de cette société
a été précédé par ce que certains ont appelé quelquefois "l'invasion peul"
dans le Nord du Pays. Cette immigration peul qui n'était pas un fait nouveau
s'est accru surtout à partir des années 1970 (année
de grandes sécheresses
... / ...
(1) Voir "La Société Senoufo et la production vivrière". Chapitre suivant.

- 41 -
dans les payssoudano-sahéliens : Haute-Volta et Mali). Il s'en était suivi
(on pourrait même utiliser le présent car le phénomène existe encore dans cer-
taines zones) un certain nombre de situations conflictuelles au niveau de la
coexistence entre autochtones et Peul dont la cause principale fut le dégât des
cultures lors des passages de bovins. Les pouvoirs publics ont tenté de résou-
dre ce problème en créant des postes d'entrée dans le pays au niveau des zones
frontalières et surtout en définissant des couloirs de passages à partir de
ces postes d'entrée jusqu'aux grands centres de commercialisation.
C'est à peu près à cette époque (1972) que l'encadrement de
l'élevage a réellement démarré en Côte d'Ivoire avec la SODEPRA.
Le but de cette société est essentiellement la réduction de la trop
forte dépendance en viande vis-à-vis de l'extérieur; certes, l'arrivée de mil-
liers de têtes de bétail des pays limitrophes du Nord a apporté pendant quel-
ques années une solution à court terme, mais l'avenir était moins prometteur.
Aujourd'hui, par exemple, la Côte d'Ivoire importe environ cinquante mille ton-
nes de viande de boeuf, ce qui équivaut à peu près à trois milliards de FCFA (1).
Aussi, depuis 1975, on assiste à la création de plusieurs centres
d'élevage au Nord et au Centre du pays, surtout pour les ovins; les exécutions
d'opérations de vulgarisation des pâturages et d'opérations intéressant la lut-
te contre les animaux domestiques font aussi partie des activités de la société.
Mais,
pour
notre
part,
des
associations
agriculture-élevage
dans
le cadre de cette modernisation de la production en milieu paysans nous sont
inconnues ; en revanche, les agents de la SODEPRA s'occupent, en collaboration
avec la CIDT, de la qualité des boeufs de trait pour les cultures.
4.3 L'ARTISANAT
La classification des activités est fonction de l'importance Que
leur accorde lamajorité de la population. Si on peut considérer Que l'artisanat
a eu pendant plusieurs siècles une place de choix chez les populations de sava-
ne, il apparaît aujourd'hui que cette activité est classée parmi celles défi-
nies comme secondaires; et, plus qu'une activité secondaire, l'artisanat peut
... / ...
(1) Voir "Faternité Matin" du 18 Avril 1983.
Bouaké et sa région; l'élevage du mouton P. II.

- 42 -
peut être qualifié d'activité à temps partiels. En effet, même le forgeron (1)
ou la potière (l'épouse du forgeron en général) qui, jadis, dans certaines
sociétés, se définissaient
à travers leurs activités, se sont reconvertis à
l'agriculture et retrouvent le travail du fer ou de l'argile après les travaux
champêtres, pendant la morte saison.
Cependant, il est mtéressant de s'attarder sur l'essentiel de cette
activité, aujourd'hui, dans la mesure où elle participe de l'environnement paysan.
D'abord, il yale travail de la forge. A ce niveau, onpeut affirmer
que la demande reste élevée; en effet, l'agriculture traditionnelle ne survit
que grâce à cet apport de la production du forgeron. Aujourd'hui encore, les
outils oratoires traditionnels (dabas, haches, matchettes, couteaux, faucilles,
racloirs, etc.) restent la base de la production agricole. Il existe certes, de
plus en plus sur le marché une production moderne de ces outils mais, beaucoup
de paysans continuent
d'adresser leurs demandes au forgeron du village
;
à cet effet, on pourrait penser à une sorte de continuité dans le but de sauve-
garder certaines institutions traditionnelles: il n'est pas aisé de répondre
par l'affirmative car un certain nombre de ces outils aratoires restent encore
exclusivement de confection traditionnelle. Par exemple, la grande daba Sénoufo
demeure essentiellement de fabrication artisanale ; après usure du matériel
(sutout la lame), le forgeron est à nouveau sollicité pour le rendre fonction-
nel ; il s'agit dans ce cas de souder à l'ancienne plaque, un autre morceau.
En général, le coût de l'opération revient environ à 2 500 FCFA, ce qui est
la moitié du prix de l'outil à l'état neuf.
Pour ce qui concerne le tissage, le coton reste la matière première
il était généralement cultivé en association avec les vivriers. Son aire de
répartition originelle coïncide avec les principaux foyers artisanaux où sont
encore confectionnés bandes de tissus, pagnes et couvertures selon des techni-
ques quelque peu variables d'une population à l'autre: pays sénoufo au Nord,
pays Baoulé au Centre, pays Dan à l'Ouest, etc. Si aujourd'hui les industries
textiles détiennent le monopole au niveau de la confection des pagnes et si ces
produits sont bien accueillis dans beaucoup de villages, il n'en demeure pas
moins que les tisserands continuent de confectionner les couvertures réputées
pour leur rusticité (durée du produit) et pour leur efficacité, surtout pendant
... / ...
(1) Le forgeron dans la société agraire traditionnelle est le symbole de la force
et de la puissance (en rapport avec la foudre) ; il est le seul habilité à
confectionner tout le matériel aratoire (en fer) prouvant ainsi son omnipo-
tence au sein de la communauté.

- 43 -
les nuits fraîches, en période d'Harmattan. Il est remarquable de savoir qu'au-
jourd'hui encore, des villages entiers s'adonnent et se sont même spécialisés
à cette activité de tissage.
Le travail de l'argile, s'il est considéré comme une activité secon-
daire, il représente néanmoins dans certaines régions, la principale activité
féminine. Ainsi, la ville de Katiola reste-t-elle toujours célèbre pour ses
poteries
; ce sont
les femmes MANGORO (1)
qui
s'adonnent essentiellement
à cette activité depuis semble-t-il plusieurs siècles. Ce travail de l'argile
couvre toute une gamme de poteries usuelles : jarres à bière (sorgho - maïs)
ou à eau, cruches, plats bols auxquels s'ajoutent toute une production essen-
tiellement décorative de cruches, de pots de fleurs, de cendriers, etc. Ces
poteries de Katiola se caractérisent par leur couleur rouge parfois vernis-
sée (2) et leurs marbrures noires obtenues par un badigeonnage d'extait végétal
qui se cristallise à la chaleur. Cependant, le mode de cuisson traditionnel (au
bois et dans les fours tout à fait sommaires) ne leur assure pas, la plupart du
temps une solidité suffisante. La création d'un centre céramique à Katiola n'a
pas encore intégré ces femmes Mangoro dans la production moderne de poteries.
Enfin, ajoutons à ces principales productions de l'artisanat tradi-
tionnel, le confection de beaucoup d'autres objets entrant particulièrement
dans le lot de matériels dont l'utilisation est courante au sein dela popula-
tion rurale. Il s'agit pour l'essentiel de tous les produits de tressage (en
liane ou en tige de raffia) dont se chargent hommes et femmes pendant leurs
temps libres : paniers, vans, corbeilles, cages à volailles, etc. ; les grands
paniers sont utilisés pour les récoltes et le transport des produits du champ
au village : coton, igname, riz, arachide, maïs, etc.
Aujourd'hui, on peut affirmer qu'une classe d'''artisans modernes"
est apparue; il s'agit en gros de tailleurs, de cordonniers, de menuisiers,
de maçons, de réparateurs de montres et de bicyclettes, de coiffeurs, de photo-
graphes, de blanchisseurs etc. Ces artisans modernes se rencontrent dans les
centres urbains et les gros villages et font de leurs travaux, des activités
principales.
. .. / ...
(1) Population Malinké qui serait arrivée de la région de Mankono (Centre-Nord)
et qui partage la site de Katiola avec les TAGBANA.
(2) Ces poteries de Katiola se distinguent de celles plutôt sombres de beaucoup
de régions, surtout en zones forestières.

- 44 -
4. 4 LE CCM\\1ERCE
Lorsqu'on parle d'activités commerciales en Côte d'Ivoire, on pense
tout de suite aux Dioula. Le Dioula est en fait l'appelation de commerçant en
langue Malinké. Cette appelation de Dioula pour dire Malinké remonte d'avant
l'ère coloniale. En effet, les Malinké sont reconnus comme d'habiles commer-
çants mais sont apparus, pendant longtemps, plutôt comme de piétres agricul-
teurs ou du moins comme une population s'intéressant très peu à l'agriculture.
Cette situation de l'agriculture Malinké est certainement due à la trop grande
place qu'on réservait aux activités commerciales.
L'importance des "Dioula" dans le commerce des produits au sein de
l'économie nationale (aujourd'hui donc) mérite qu'on s'étende un peu plus sur
le trafic qui les concernait jadis.
Deux étapes peuvent être dégagées au niveau de l'évolution générale
de cette activité: l'époque pré-coloniale et l'époque coloniale.
D'abord, avant la période coloniale, les commerçants Malinké étaient
omniprésents dans tout le circuit d'échange entre les zones de forêt et les zo-
nes de savane; ils participaient aussi à l'échange des produits arabes. En
général, les principaux produits échangés étaient l'ivoire et les noix de kola
du Sud forestier, les céréales et le beurre de karité des savanes, contre le
poisson séché de la région de Mopti (Mali), le sel gemme du Sahara, les bandes
de laine du Soudan et des
pays arabes.
Ce commerce très florissant a donné
naissance à de gros bourgs dont Séguéla qui fut baptisé le WORODOUGOU (la ville
de la kola) en liaison avec l'importance de cette denrée dans la zone et
Odienné qui prit la nom de KABADOUGOU ou ville du maïs en rapport avec l'intense
commerce céréalier qui caractérisait la zone.
Ensuite, pendant lapériode coloniale (à partir de la fin du siècle
dernier), on retrouve ces Dioula malgré la régression globale de leur activi-
té (1). En effet, dans l'environnement des grandes compagnies de commerce qui
s'étaient établies en Côte d'Ivoire dont la CFAO (Compagnie Française de
l'Afrique Occidentale), la SCOA (Société Commerciale de l'Ouest Africain), la
CFCI (Compagnie Française de la Côte d'Ivoire), apparaissaient les Dioula .
... / ...
(1) L'administration coloniale avait "officiellement" interdit la commerciali-
sation de l'ivoire et des produits arabes. Certainement d'une part pour
mieux contrôler la production d'ivoire, d'autre part pour permettre aux

- 45 -
Certes, ceux-ci ne jouaient plus les premiers rôles dans le commerce ni même
les seconds rôles car il y avait les moyens orientaux qui détenaient les bouti-
ques, compléments de factoreries du réseau des compagnies, mais leurs activités
ne demeuraient pas négligeables. En fait, ils représentaient essentiellement le
mac hé de détail; ils étaient revendeurs et s'approvisionnaient principalement
dans les boutiques des Libano-Syriens, offrant ainsi des articles de consom-
mation courante, alimentation et pagnes surtout. La grande caractéristique de
ce marché de détail était l'émiettement non seulement des produits mais aussi
et surtout des points de ventes; la présence de ces colporteurs (car c'est
comme cela qu'on les appelait) était remarquée même dans les villages les plus
éloignés des grands axes routiers.
C'est ainsi que, aujourd'hui, le plus logiquement possible, les
Malinké demeurent à la base de l'échange dans la plus grande partie du ter-
ritoire ivoirien. En effet, ils sont les plus nombreux au niveau des acheteurs
de produits agréés par l'Etat pour l'achat du café, du cacao et du riz; ils
apparaissent comme les plus dynamiques dans le commerce des vivriers tradition-
nels (igname, banane plantain, maïs, etc.) en desservant les grands centres ur-
bains depuis les zones de production, même les plus éloignés des lieux de dis-
tribution.
On retrouve aussi ces Dioula au niveau des transports routiers où ils
allient transports de passagers qu'ils contrôlent presqu'en totalité aux trans-
ports de marchandises dans les camions de dix à quinze tonnes.
En dehors du commerce qu'ils ont marqué et qu'ils continuent de
marquer, il faut faire remarquer que beaucoup d'entre eux ont été à la base
de la mécanisation de la culture du riz de bas-fond dans le Nord-Ouest du
pays (département d'Odienné notamment). En effet, l'utilisation de la moto-
risation a été introduite à Odienné bien avant l'encadrement de la CIDT
en 1977 et même antérieurement à la création de la SODERIZ (Société de
Développement de la Riziculture). Il s'agit en fait de gros tracteurs (en
général des FIAT 640) introduits par les gros commerçants reformés à l'agri-
culture ou la pratiquant à temps partiels; ils peut s'agir quelquefois de
paysans ayant obtenu le tracteur par l'intermédiaire d'un parent commerçant.
La région d'Odienné est celle qui détient le plus grand nombre de
tracteurs privés; on compte à cet effet plus d'une centaine de gros trac-
teurs autour de la seule ville d'Odienne.
... / ...

- 46 -
Au total, il conviendrait de retenir l'importance de la population
Malinké dans le commerce de vivriers en zone de savane en particulier, et
plus généralement sur la quasi totalité du territoire ivoirien, la présence
des autres populations à ce niveau restant négligeable dans l'ensemble.
Cependant, on peut noter, parallèlement aux commerçants Malinké,
l'existence d'un autre circuit de commercialisation: il s'agit des GVC
(Groupement à Vocation Coopérative). Ces groupements ont pour but essentiel
la commercialisation de leurs produits sans référence aux commerçants privés
(Dioula notamment). D'abord développés en zones de forêt pour le café et le
cacao, les GVC sont introduits depuis environ un peu plus d'une dizaine
d'années en zones de savane pour la commercialisation du coton. Cependant,
la place de la commercialisation des vivriers au sein de ces groupements
reste très modeste dans l'ensemble. Nous y reviendrons plus tard.

- 47 -
CHAPlmE
II
LE KlNDE AGRICOLE DAtE LA SOCIE1E 1RADITIONNEllE
- ETIIDE DE CAS -
Les systèmes agraires apparaissent aussi diversifiés et aussi com-
plexes que les sociétés agraires; ce qui suppose qu'il y a autant de systèmes
agraires que de sociétés agraires. Autant peut-on faire allusion aux systèmes
agraires Sénoufo, Malinké, Lobi, Koulango, Tagbana, etc, dans le Nord du pays,
autant le peut-on pour les Gouro, les Agni, les Abron ou les Baoulé dans la
zone préforestière et forestière du Sud. En fait, il y a autant de systèmes
qu'il y a de groupes ethniques ou même de sous-groupes ethniques; on peut,
de ce fait, recenser une multitude de systèmes agraires tant il apparaît des
micro-groupes sociaux dans ces zones de savane. Ainsi, le système agraire du
Sénoufo autour de Korhogo apparaîtra beaucoup plus complexe que celui du
Sénoufo d'une zone moins densément peuplée; celui du Malinké de Séguéla ou
de Mankono, localisé plutôt en savane humide se différenciera de celui du
Malinké de Tienko avec un climat à une seule saison des pluies ; on verrait
chez le Gouro de Zuénoula, en savane préforestière un système agraire assez
différent de celui du Gouro de Ourné en zone plutôt forestière.
Au total, plus on définit des micro-climats ou des micro-groupes so-
ciaux, plus il faut rechercher dans ces micro-climats ou dans ces micro-groupes,
des systèmes agraires caractéristiques.
Ainsi, pour notre part, il ne nous paraît pas d'un grand intérêt,
dans le cadre de cette étude, de faire le recensement de ces inombrables sys-
mes agraires dans les zones de savanes. En fait, notre souci est de retrouver,
dans cette savane ivoirienne, les caractères généraux de l'agriculture villa-
geoise. C'est donc dans cette optique que nous retenons principalement l'étude
de cas, et ceci à travers deux populations qu'on considère très souvent comme
fondamentalement agricoles. Il s'agit des Baoulé dans la zone tropicale humide
(Centre) et des Sénoufo dans le milieu tropical sec (Nord), deux zones écolo-
giques très représentatives des savanes en Côte d'Ivoire.
1. LES CULTIlRES VIVRIEREB
CHEZ LES BAOULE
Il faut rappeler que les Baoulé font partie du groupe AKAN et qu'ils
occupent tout aussi bien les marges forestières du Sud que les savanes du Centre
ivoirien.

- 48 -
Dans ces savanes, le bloc Baoulé représente un groupement paysan
particulièrement dense et profondément lié à sa terre
une terre qui apparaît,
comme on l'a dit, écologiquement ambivalente avec d'une part un milieu très ou-
vert fait de savanes plus ou moins herbeuses, d'autre part, de vastes savanes
préforestières. Tafissou, un village localisé dans la pointe du "V Baoulé" et
Béoumi, situé dans les limites Nord)sont caractéristiques de cette diversité
végétale des savanes Baoulé.
Ainsi, globalement, on peut retenir trois traits assez significatifs
qui caractérisent le pays Baoulé
- L'homogénéité culturelle d'une population mise en place pour l'es-
sentiel au cours du XVIIIe siècle (1) ;
- La forte densité de population comparée à la plupart des autres
régions, environ 30 habitants/km 2 (voir 1ère partie, Chapitre II)
- Enfin,
le pays Baoulé
se définit comme un mil ieu de transition
entre forêts et savanes.
Ces trois caractères réunis laissent percevoir une certaine aptitude
des populations Baoulé à tirer parti des ressources offertes par une mosaïque
végétale, à travers une importante diversité de plantes cultivées.
1. 1 L' IGNAME, RE lNE DES CULTURES
Dans l'agriculture Baoulé, l'igname se démarque fondamentalement des
autres produits vivriers car la place qu'elle occupe au sein de la Société lui
confère une position dominante ; elle reste la culture alimentaire de base du
Baoulé dans un environnement où banane plantain, manioc, riz, taro, maïs, etc,
apparaissent finalement comme produits secondaires. On dénote que la production
per capita au niveau de ce tubercule reste l'une des plus élevées en pays
Baoulé
; elle se situe par exemple autour de 960 kg p. c.
dans la région
de Bouaké, aujourd'hui (2)
En somme, en pays Baoulé, l'igname peut être définie comme le pilier
de l'agriculture dans la mesure où c'est autour d'elle que gravitent tous les
... / ...
(1) ROUGERIE (G.) : La CÔte d'Ivoire - Que sais-je? PUF PARIS 4e Edition -1977.
(2) SERPANTIE (G.)
Note sur le réseau traditionnel de commercialisation des
FILLONNEAU (C)
ignames à l'Ouest de Bouaké.
in CIRES - Les cultures vivrières op. Cit.

- 49 -
travaux agricoles. Certains auteurs ont déterminé l'agriculture Baoulé à tra-
vers son igname; d'autres en ont vu une véritable civilisation de l'igname
finalement, plus qu'une relation entre l'homme et la terre, on aboutit chez
le paysan Baoulé à une intime relation entre l 'homme et la plante.
En
fait, l'igname reste un phénomène social total dans lequel l'activité
écono-
mique du Baoulé demeure profondément tributaire. La "Fête des Ignames", céré-
monie propitiatoire chez les peuples de la forêt orientale du pays, Abron et
Agni, a fortement influencé les Baoulé de l'Est qui participent eux aussi au
monde de l'igname.
Aujourd'hui comme hier, cette importance de l'igname se caractérise
par une grande variété végétale. En effet, que ce soit en savane ou en zone
préforestière (milieu ambivalent), le paysan Baoulé sait déterminer l'habitat
préférentiel de ces différentes variétés. Il les répartit dans les zones éco-
logiques selon leur rusticité, leur cycle et quelquefois même leurs destina-
tions ; cette répartition montre de ce fait qu'on ne rencontre pas les mêmes
variét~partout
; selon les villages, les régions, les saisons, les rende-
mentsJles goûts, la facilité de conservation, certaines ignames restent beau-
coup plus appréciées que d'autres.
Ainsi, en général, on retient, dans la région de Bouaké, trois types de vari-
étés d'ignames. Le premier type est représenté par l'igname précoce, le LOKPA
igname très souvent cultivée pour la soudure, le Lokpa reste très apprécié
dans sa consommation sous forme braisée ; cependant très inadaptée pour la
conservation, cette variété occupe une superficie assez modeste. Le second
type de variété est le KRENGLE (SAHUE dans le Sud Baoulé) qu'on peut définir
au niveau du cycle végétatif comme une igname intermédiaire entre le cycle
court (7 mois) et le cycle long (9 à 10 mois) ; très tendre, cette igname
reste disponible pour la consommation entre Novembre et Décembre ; elle appa-
raît plutôt comme un produit pour les repas de fête. Quant au BETE-BETE (igna-
me tardive), le troisième type de variété, c'est à lui qu'on peut donner réel-
lement le qualificatif de culture alimentaie de base. En effet, sa relative
facilité de conservation le prédispose pour l'alimentation familiale dans la
plus grande partie de l'année.
cependant, avant de faire allusion au système de culture dans
l'agriculture traditionnelle (voir second chapitre) il est intéressant de
noter que ces différentes variét~sont plantées suivant un calendrier précis
qui permet généralement d'étaler les récoltes d'Août à Janvier .
. . ./ ...

- 50 -
Mais n'oublions pas que l'agriculture Baoulé, comme généralement c'est
le cas dans les sociétés agraires africaines, reste essentiellement caractérisée
par une polyculture vivrière .
1.2 LES ASSOCIATIONS CULTURELLES DANS L'AGRICULlITRE BAOULE
Malgré l'importance de l'igname, celle-ci n'est pas produite en cul-
ture pure: en effet, beaucoup de plantes lui sont associées, tant au pied des
buttes qu'entre elles.
Dans cette association de cultures, il est nécessaire de distinguer
les caractères généraux de la polyculture vivrière en zone préforestière où
savane et forêt font partie du milieu écologique, de ceux de la polyculture
vivrière en zone purement savanicole.
Dans la zone préforestière en effet, on assiste à une division du
terroir agricole; les ignames, venant toujours en tête d'assolement, seront
affectées selon leur variété (rusticité, cycle) soit sur les défrichements des
sous-bois, soit sur celui des terroirs plus herbeux.
En général, dans la savane herbeuse, après la mise en terre (dans les
buttes) des ignames, suivent respectivement le bouturage du manioc et le semis
des condiments (piment, gombo, aubergine, tomate, etc.) ; l'année d'après sera
exclusivement réservée au semis du maïs et à l'arachide (après récolte de l'i-
gname) .
Quant au milieu des sous-bois, après l'igname, viennent le bananier
et le taro, ensuite les condiments ; en deuxième année, le champ est ensemencé
en maïs et arachide.
En fait,
dans les deux cas,
le changement de plantes se situe au niveau de
la première année, entre d'une part le manioc, d'autre part le bananier et le
taro; si le premier s'accomode très aisément à tous les sols et à tous les cli-
mats ivoiriens, les seconds restent beaucoup plus localisés dans les sous-bois
assez humides.
Mais globalement, on peut schématiser le cycle cultural de la zone
préforestière de la façon suivante :
- Plantation d'igname sur buttes
... / ...

- 51 -
- Mise en place des cultures associées pendant la croissance de
l'igname
complantation de taro et de bananier ou de manioc, de légumes variés;
- Récolte des ignames et complantation de maïs et arachide en deuxième
année
Poursuite
de
la
récolte
des
plantes pluriannuelle (taro,
banane,
manioc).
Dans les milieux purement savanicoles, nous retrouvons les grands de
cette association culturale des Baoulé, mais avec cette fois-ci l'importance
des cultures céréalières dans la polyculture.
L'activité en première année concerne tout naturellement la confection
des buttes et la mise en terre des ignames ; viennent ensuite le semis du maïs
et des condiments (et quelquefois du coton) entre les buttes, au moment des pre-
mières grosses pluies. La deuxième année est caractérisée par le binage (ce qui
n'est pas réalisé pour la plupart du temps dansle Sud) et le semis du riz ou de
l'arachide.
Dans certaines régions, l'arachide et le cotonpeuvent être cultivés
en troisième année.
Cependant, on peut retrouver dans la région de Béoumi, le cycle cul-
tural caractéristique de l'agriculture traditionnelle Baoulé autour de Bouaké.
En effet, en gros, pour ce qui concerne les cultures principales, après l'igna-
me apparaît le riz ou le manioc.
Le champ typique d'igname contient
le manioc,
le maïs,
le gombo,
l'aubergine et le piment; un champ d'igname reste en général idéal pour le riz
l'année suivante. Le champ de riz peut lui aussi contenir du manioc) des condi-
ments (complantés l'année précédente avec l'igname) et de l'arachide.
Traditionnellement, le coton se plantait dansles champs d'igname,
dans les allées, entre les buttes ; on le retrouvait quelquefois avec le riz.
Au total,
on peut dire que,
dans les limites Nord du pays Baoulé,
c'est d'abord autour de l'igname puis du riz que les pratiques agricoles sont
les plus générales
en première année l'igname et ses associations de cultures,
en deuxième année, le riz et les siennes.
. .. / ...

- 52 -
Dans cette approche de l'agriculture traditionnelle Baoulé, il ne
faut pas oublier que les cultures vivrières font partie d'un ensemble de cultu-
res ; en effet, il faut noter que depuis plus d'une cinquantaine d'années, les
populations Baoulé (zones préforestières surtout) participent aussi du monde
du café et du cacao, cultures de rapport par excellence.
Aujourd'hui, on peut considérer que le système agraire traditionnel
dans le milieu préforestier a profondément transformé la dynamique de l'occupa-
tion du terroir agricole (1) ; cependant, il parait intéressant d'insérer dans
cette dynamique, les cultures de plantation afin de cerner la diversité de
l'association: cultures (annuelles) vivrières et cultures pérennes
de rente.
En effet, les cultures vivrières de forêt (sous-bois des milieux
préforestiers) sont toujours associées aux cultures de rapport café-cacao; en
général, cultures vivrières et jeunes plants cohabitent pendant les deux pre-
mières années; les cultures à cycle court sont abandonnées au profit du cacao
et du café qui partagent l'aire agricole avec les plantes à long cycle, repré-
sentées par les cultures pluriannuelles comme le taro et le bananier.
Mais, comme c'est le cas en cultures vivrières, l'association avec
les jeunes plan~de café et de cacao se fait toujours après la confection des
buttes et l'ensemencement des ignames; très souvent d'ailleurs, le café et le
cacao sont plantés lorsque tous les vivriers de première année sont mis en
terre: taro, bananier, condiments, etc.
BLANC-PAMARD (2) nous donne ici les trois principaux types de suc-
cessions des produits dans cette association entre culture vivrière et culture
de rente à Tafissou, un village Baoulé en zone préforestière :
1ère année
igname + bananier + taro + café + cacao + tro
(condiments)
2ème année
taro + bananier + maïs + café + cacao
3ème année
taro + bananier + café + cacao
... 1. . .
(1) Voir le chapitre V de la première partie et le chapitre X de la deuxième
partie de la présente étude au sujet de cette transformation.
(2) BLANC-PAMARD (C.) : contraintes écologiques et réalité socio-économiques.
l'exemple de Tafissou, communauté rurale du contact forêt-savane sur la
branche Ouest du "V Baoulé" - Côte d'Ivoire in Cahiers ORSTOM. Série
Sciences Humaines Vol. XV N° 1 ORSTOM PARIS 1978.

- 53 -
ou
- 1ère année
igname + arachide (ouré-ouré) + tro + taro + bananier + café
cacao
2ème année
taro + arachide + maïs + café + cacao
3ème année
taro + bananier + café + cacao
ou
1ère année
igname + bananier + taro + tro + café + cacao
2ème année
maïs + arachide + taro + bananier + café + cacao
3ème année
taro + bananier + café + cacao.
Dans le Nord du pays Baoulé, le milieu imposait les seules cultures
vivrières, avant le développement récent du coton à destination commerciale ;
mais dans les années 50, on entrevoit le passage d'une culture de coton associé
aux vivriers à une monoculture cotonnière (1). Cette situation est très peu in-
téressante pour cette étude dans le mesure où pendant très ongtemps, le coton
restera en marge de l'agriculture dans les savanes autour de Bouaké. Cependant,
on remarque dans cette même région des savanes Baoulé, la présence de cultures
de café (surtout)
dans les forêts-galeries et les boisements importants
;
en général l'association culturale ici reflète, dans les grandes lignes, celle
des zones préforestières plus au Sud.
1.3 PRODUITS VIVRIERS ET CONSa.1MATION ALIMENTAIRE
Comme on peut le voir, tous les produits associés dans l'agriculture
Baoulé entrent dansla consommation alimentaire, sauf bien sûr le coton qui
sert à la confection des bandes d'étoffes.
Ainsi, toutes zones confondues, nous retrouvons après l'igname qui
reste partout la base de l'al imentation chez le Baoulé (voir paragraphe I du
présent chapitre), la banane,
le manioc,
le taro,
le riz et le maïs, plus
ou moins consommés les uns que les autres. Pour la préparation des sauces
"accompagnant" les principaux mets, l'arachide et l'ensemble des condiments
(légumes frais ou séchés) sont retenus.
Au total, l'exploitation familiale traditionnelle a pour rôle fonda-
mental l'alimentation du groupe social (2) ; en général, toute l'alimentation
... / ...
(1) Voir chapitre IV
(2) Voir prochain chapitre

- 54 -
est produite à l'intérieur du groupe, ce qui entraîne une demande extérieure
très
faible,
presqu'insignifiante,
représentée
essentiellement
par
le sel
et le sucre (beaucoup plus tard).
Nous allons nous intéresser ici aux différentes orientations des
principaux produits dans l'alimentation du Baoulé.
- L'igname: alimentation de base du Baoulé, l'igname apparaît comme
la plante dont les différents mets sont aussi variés (sinon plus) que les varié-
tés. En général, aux différentes variétés correspondent plus ou moins les dif-
férentes formes de consommations. L'igname est consommée so~forme de ragoût,
de bouillie ou à la braise; l'igname braisée reste la forme consommée lorsque
l'on se trouve au champ. Mais, la principale forme de consommation reste de
loin le fout ou d'igname accompagné de sauce, le plat traditionnel du Baoulé;
c'est le mets principal de toute l'année, si bien sûr les réserves en tubercu-
les d'ignames attachées les unes aux autres (par de tendres mais solides lianes)
sur une claie verticale et recouverte de feuilles de palmiers; l'igname ainsi
protégée peut séjourner dans les champs mêmes ou faire partie de l'environne-
ment de l'habitat villageois.
Au niveau de la sélection des ignames pour la consommation (1), d'une
manière générale, les variétés de savanes (tous cycles végétatifs confondus)
sont préférées à celles de forêt, surtout pourla préparation du foutou ; ces
dernières ne sont pas consommées juste après les récoltes car elles doivent
séjourner plusieurs mois sur les claies afin d'acquérir la fermeté désirée.
- La banane plantain : on utilise généralement la banane plantain
pour faire une sorte de foutou, similaire au foutou d'igname; le manioc est
quelquefois associé à la composition du foutou de banane afin de lui appor-
ter une certaine consistence pour le cas où la banane serait trop mûre (le cas
le plus général est celui de la banane "douce"). Les régimes de bananes
généralement coupés au fur et à mesure que l'essentiel des fruits présentent
une certaine maturité. La conservation du plantain étant en général malaisée,
la constitution de stock s'avère plus ou moins impossible; à cet effet, la
consommation suit à peu près la cadence de la récolte ; lorsque la banane est
blette et qu'on ne peut plus en faire dufoutou, elle est alors découpée en
tranches et cuite à l'huile; ce plat est l'aloko et reste aujourd'hui très
sollicté dansles milieux urbains.
. .. 1. . .
(1) Voir aussi le premier paragraphe du présent chapitre.

- 55 -
- Le manioc : cette plante, malgré son importante
repésentat i vi té en
savane qu'en milieu préforestier Baoulé, est essentiellement considérée comme
une plante de réserve pour la soudure, avant la première récolte d'ignames pré-
coces. Du point de vue de la consommation, le manioc peut se présenter sous
forme de foutou, de ragoût ou aussi sous forme braisée ; présenté en foutou, le
manioc caractérise la période de soudure. En général le foutou-manioc n'existe
que seulement deux à trois mois; au delà de ce temps, une famille qui continue-
rait à en consommer serait taxée de très pauvre et surtout de paresseuse.
Cependant, de même que la banane plantain, le manioc apparaît comme
une plante très périssable (ce qui empêche aussi la création de stock important).
Les méthodes de conservation restent essentiellement la transformation de manioc
frais en pâte pour la préparation d'un plat traditionnel,
le "placali" ; cette
pâte peut être plus ou moins déshydratée et transformée en grains très fins pour
la préparation de l "'attiéké" dont la présentation rappelle celle du couscous.
Enfin,la conservation est plus durable lorsque la racine est fendue en plusieurs
parties et séchée pendant plusieurs mois; on n'en fait un plat, le "Ko'ngodé",
après avoir pilé
(écrasé) les morceaux. Ce plat reste aussi caractéristique
d'une situation de soudure.
Pour la récolte, on peut dire que le Baoulé a une liberté face au
manioc
la récolte, en effet, peut s'échelonner sur deux ans après la matu-
rité du produit, suivantles besoins.
- Le taro : la destination du taro ne se distingue pas de celle
du manioc
comme ce dernier en effet, il reste défini comme une culture de sou-
dure, à coté de l'igname et de la banane plantain. Il se consomme aussi en foutou
et en braisé comme les autres tubercules ; comme eux aussi sa conservation
demeure très délicate.
Le riz
généralement moins consommé que l'igname (même dans
Ie s Lirni.t es
septentrionales du pays Baoulé),
le riz reste cependant l'une
des cultures les mieux estimé~.Cette situation est certainement due à la grande
capacité d'engrangement (entassement après séchage des bottes) et de conserva-
tion pendant plusieurs années; cette estime pour le riz peut aussi s'expliquer
par le fait qu'il vient rompre la monotonie d'une alimentation à base de
féculents. Il est consommé en mets accompagné de sauce, en bouillie (sucrée ou
non) ou plus simplement sans assaisonnement particulier, mélangé à leau .
. . ./ ...

- 56 -
- Le maïs: en pays Baoulé. comme dans la majeure partie des régions
préforestières et forestières, le maïs peut être considéré comme une denrée de
"petite" soudure; il se présente très rarement sous la forme de plat cuisiné.
Cependant il reste très apprécié à l'état frais (épis de maïs) sous forme brai-
sée. En fait, on peut dire que pour beaucoup d'exploitations Baoulé. le mais de-
meure essentiellement un "calme-faim" ou un "amuse-gueule" si on peut s'expri-
mer ainsi.
- L'arachide et les condiments: à part la présentation braisée des
grains en coques, l'arachide est généralement considérée comme un ingrédient de
sauce, au même titre que tous les légumes (gombo, aubergine, tomate, piment,
etc.). Ainsi peut-on présenter des sauces arachide(grains grillés et écrasés,
transformés en pâte assez compacte), tout aussi pimentées les unes que lesautres.
- Arbres et cueillette: nous nous intéresserons à cette forme d'ex-
ploitation pour les besoins alimentaires dans le prochain chapitre au niveau
des systèmes de cultures et de production. Pour l'instant, on doit retenir que
l'exploitation de l'arbre et des produits de cueillette rentrent aussi dans la
composition de l'alimentation du paysan Baoulé. On peut citer surtout le palmier
à huile qui fournit d'une part l'huile de palme pour la préparation des sauces
et d'autre part le vin de palme, le "Bandji", une boisson alcoolisée très re-
cherchée naguère, moins aujourd' hui car concurencée par l'alcool européen
(Gin - Whisky - Rhum, etc.). le Baoulé n'est pas grand consommateur de kola mais
le kolatier fait aussi partie de cette agriculture de cueillette (1). On peut
citer ici l'arboculture fruitière car le paysan Baoulé a adopté quelques arbres
fruitiers comme le manguier et l'oranger.
Au total,
on voit
apparaître
le modèle de consommation alimentaire
du Baoulé traditionnel à travers l'importance de l'igname, suivie selon les zones
de la banane plantain et du riz ; le taro, le manioc et le maïs sont considérés
comme complémentaires. Aujourd'hui, le Baoulé "moderne" ne se démarque pas de
cette habitude alimentaire dont il demeure, somme toute, très tributaire.
2. LA SOCIElE SEMXJFO ET LA PROOOCTlOO VIVRIERE
Le monde Sénoufo, dans la partie la plus septentrionale du pays est
traditionnellement considéré comme le plus net représentant de la paysannerie
Noire, en Côte d'Ivoire. En effet, le paysan sénoufo reste, aujourd'hui encore,
très réputé pour
la valeur de ses traditions agricoles malgré quelquefois
... / ...

- 57 -
la présence d'une activité agricole sur des terroirs très souvent ingrats. Il
n'en demeure pas moins que ce peuple depaysans pratique depuis plusieurs siècles
la culture de l'igname, localement associée au maïs, parfois au riz et plus ou
moins supplantée par le mil et le sorgho dans l'extrême Nord.
Cependant, on a pris l'habitude, au niveau de la dynamique de l'oc-
cupation des terroirs, de subdiviser l'aire Sénoufo en une zone dense dans la
région du Haut Bandama, autour de Korhogo, et une zone moins dense, à la péri-
phérie.
Aussi, l'exploitation agricole apparaît-elle totalement différente
selon que l'on se trouve en zone dense ou en zone peu dense.
Dans les zones denses en effet, le terroir reste exploité à l'ex-
trême avec une répartition
systématique des cultures,
alors que tout autour,
le terroir agricole apparaît polarisé sur le village qui ouvre sur une savane,
autrefois largement conservée mais aujourd' hui, domaine des assolements moder-
nes (riz, coton).
Avant de faire
une approche de tout le système productif
(prochain
chapitre) il n'est pas médiocre d'intérêt de voir les différentes associations
culturales dans ces deux zones de peuplement que représente la population
Sénoufo (1).
2.1 LES ZONES PEU PEUPLEES
UNE ASSOCIATION CULTURALE TRES PEU DIVERSIFIEE
Du point de vue de la densité, cette région, par rapport à la
zone dense, peut être considérée comme sous-peuplée (6 à 20 h/km2 ) .
Du point de vue de l'occupation des terres, on peut la définir comme
un terroir agricole caractérisé par des
champs rayonants.
Avant même de nous
intéresser au système productif traditionnel, il nous parait important de dire
ici que l'occupation des terroirs agricoles répond essentiellement à deux déter-
minants
d'une part la recherche d'emplacements favorables aux cultures et suf-
fisamment vastes pour une agriculture caractérisée par l'extensibilité, d'autre
part, la nécessité d'éloigner les champs de l'aire d'extension des animaux domes-
tiques.
. .. / ...
(1) Voir COULIBALY (S.) Le paysan Sénoufo op. cit. (ouvrage à partir duquel
nous tirons une grande partie de cette approche).

- 58 -
Cette région est représentée par la "zone d'igname". surtout pour ce
Qui concerne le Sud Sénoufo. En général. l'igname reste présente dans la Quasi
totalité des associations de première année ; on retrouve en gros dans cette
polyculture. en plus de l'igname. le riz pluvial. le maïs. le haricot. l'ara-
chide. D'une façon générale. les associations culturales et les rotations cul-
turales se trouvent concentrées sur au plus Quatre produits la première année:
l'igname. le riz pluvial. le maïs et le haricot; la seconde année est identi-
Que à la première à part l'igname Qui est exclue de l'association; la troi-
sième année ne retient Que le haricot. à coté de l'arachide.
Mais.
dans les zones considérées comme les plus grandes productri-
ces d'ignames. en pays Kafibélé. Gbonzoro et Kouflo (sous ethnies au Sud du
pays Sénoufo). les associations sont encore beaucoup moins riches et les cultu-
res peu nombreuses; on pourrait même parler d'une petite monoculture avec
l'igname et l'arachide comme le montre le cas ci-dessous:
1ère année
igname
2ème année
riz pluvial + maïs
3ème année
riz pluvial + maïs
4ème année
arachide.
2.2 LA POLYCULTURE VIVRIERE EN ZONE DENSE
Cette zone est de loin la plus densément peuplée de toutes les zones
rurales du pays; en effet. la moyenne se situe autour de 70 à 80 h./km 2 •
La grande caractéristique de l'occupation du sol dans la zone dense
autour de Korhogo est le "continunm de champs". Cette répartition systématique
des cultures présente en général une multitude de petits villages et de hameaux
sur le haut des pentes ou sur les plateaux dominant les bas-fonds déboisés et
aménagés en menues parcelles.
La zone serait le point de départ de beaucoup de paysans Sénoufo vers
les zones relativement vides. en Quête de nouvelles terres colonisables. Dans
ce milieu dense. le mil fut le roi du paysage agricole; il occupe essentielle-
ment les hauts de pentes et les têtes de lignes de ruissellement. l'igname et
le riz seront adoptés au fur et à mesure; l'igname se verait affecter sur les
bas des pentes alors Que le riz serait cultivé dans les bas-fonds mis en valeur;
en fait, la culture du riz inondé était très peu pratiquée car les terroirs de
... / ...

- 59 -
bas-fonds étaient dédaignés par le paysan Sénoufo. L'exiguité du finage villa-
geois a finalement entraîné l'exploitation de cette culture aquatique.
Aussi, pendant longtemps les zones denses présentaient une allure de
bi-polarité des terroirs agricoles: d'une part ~a fixation progressive du mil
autour du village, de l'autre, l'introduction de l'igname au bas des pentes et
celle du riz dans les bas-fonds.
Mais la poussée continuelle de la démographie dans cette zone déjà
densément peuplée va entraîner une nouvelle dynamique de l'occupation du terroir
agricole.
Ainsi, d'une sorte d'assolement en cultures pures avec le mil, l'igna-
me et le riz inondé, on aboutit à une intense polyculture dont les associations
restent remarquables et complètement différentes de celles des régions voisines,
moins peuplées.
Chez les
Kiembala,
population Sénoufo
représentative
de cette
zone dense, les associations culturales très diversifiées laissent apparaître
des rotations de cultures non moins intéressantes :
1ère année
igname + mais, + mil + riz pluvial + haricot
2ème année
"
"
"
"
"
"
3ème année
maïs + mil + sorgho + haricot
4ème année
"
"
"
"
Sème à
7ème année
arachide + mil.
En plus de l'igname qui est maintenue en deuxième année de culture,
il
faut faire remarquer ici qu'un certain nombre de plantes tels que le manioc et
les condiments font partie de cette association culturale.
2.3 CONSERVATION ET CONSQ\\1MATION DES VIVRIERS EN PAYS SENOUFO
On peut dire que la situation du pays Sénoufo lui a permis de divers~
fier son matériel végétal; en effet, les Sénoufo se situent entre plusieurs
civilisations agricoles avec, au Nord une civilisation basée sur les millets
(mil, sorgho), au Sud et Sud-Est l'igname du pays Baoulé et Koulango, à l'Ouest
le riz du pays Malinké et même des Dan. Aujourd'hui, le Sénoufo allie plantes
... / ...

- 60 -
à tubercules et céréales dans la composItIon de son repas. Aussi, est-il dif-
ficile de déterminer une alimentation de base typique du paysan, comme c'est
le cas chez le BAoulé où le foutou igname reste le plat traditionnel.
Au total, pour l'alimentation du Sénoufo (toutes zones confondues),
il faudrait prendre en compte les principaux produits qu'on retrouve dans
la plupart des associations agricoles:
il s'agit du mil, du maïs, du riz
et de l'igname.
Il est intéressant de dresser à ce niveau une nomenclature globale
de l'alimentation du Sénoufo avec l'importance de chacune de ces cultures:
- Le mil: cette plante occupe une place de choix dans l'alimentation
du paysan Sénoufo.
Considéré comme l'un des premiers plats traditionnels,
le mil est consommé sous formes principales : la farine, le tô et la bière. La
farine, grains broyés et plus ou moins dilués dans de l'eau, est considérée
comme un breuvage "noble" pour désaltérer l'étranger qui arrive dans la famille.
Cette affectation de la farine de mil, répandue dans la plupart des régions du
Nord, en pays Soudano-Sahéliens, relève plutôt d'une pratique sociale. le "To"
ou pâte de mil est la forme la plus importante du mil pour la nourriture fami-
liale ; il est accompagné de ce fait de sauce. Quant à la bière de mil, le
"Dolo", c'est la principale boisson alcoolisée dans les pays de savane; le
peuple Sénoufo reste un des grands consommateurs de dolo en Côte d'Ivoire.
- Le maïs
si le mil peut être considéré comme une des plus ancien-
nes productions Sénoufo, le mais, lui, reste le plus représenté tant en milieu
dense que dans les périphéries; nous avons
d'ailleurs vu que toutes les asso-
ciations culturales portent généralement du maïs que ce soit en première ou en
seconde année. En fait, le maïs semble avoir surclassé le mil en pays Sénoufo;
de plus, le maïs est consommé sous forme de tô, de dolo mais également de ga-
lettes et de bouillie.
- Le riz : si le riz est cultivé dans tout le monde Sénoufo, il reste
néanmoins considéré comme un "bon complément" des produits cités plus haut.
En fait le riz n'est pas fondamentalement un produit entrant dans l'alimenta-
tion du Sénoufo traditionnel; cependant, son développement spectaculaire dans
les savanes Sénoufo (riz pluvial et riz de bas-fond) aujourd'hui va certainement
le maintenir au niveau des produits les plus consommés du pays Sénoufo.
- L'igname
développée surtout hors de la zone dense, l'igname entre
... / ...

- 61 -
pour une grande part dansla consommation des populations du Sud et de l'Ouest
Sénoufo. Comme chez les Baoulé, on y rencontre des variétés tardives
(le Tingara par exemple) et des variétés précoces à deux récoltes comme le
"Ouakrou" ; comme chez les Baoulé encore, l'igname peut être consommée en
braisé, en bouillie mais la présentation la plus importante reste le foutou
accompagné de sauce.
En dehors de ces principaux produits apparaît toute une gamme de cul-
tures secondaires comme le sorgho, le pois de terre, le haricot, l'arachide et
l'ensemble des condiments.
Le pois de terre et le haricot sont considérés esssentiellement comme
des cultures importantes pour les périodes de soudure de même que le manioc
qui apparaît piqueté à travers les champs, ce qui le différencie des champs
traditionnels Baoulé où sa présence reste remarquable. Quant au sorgho, con-
sommé réellement qu'en période de disette, il fut jadis le principal aliment
des chevaux; aujourd'hui il sert à nourrir la volaille, alors que les voisins
de l'Est des Sénoufo, les Lobi etles Koulango, lui vouent un intérêt particu-
lier autant qu'au mil pour l'alimentation humaine et pour la préparation du dolo.
Si l'arachide apparaît dans toutes les associations culturales, son
rôle reste cependant essentiellement limité à la préparation des sauces ; comme
chez les Baoulé et peut-être plus, l'arachide en pays Sénoufo est définie comme
un condiment au même titre que les légumes (gombo, aubergine, piment, tomate,
feuille de haricot, etc.) même si on rencontre l'essentiel de ces légumes dis-
persés à travers champs et quelquefois en dehors des cultures, en pleine savane.
Il faut ajouter les graines de coton qui rentrent aussi dans la composition de
certaines sauces.
En faisant mention des activités de cueillette: noix de karité, Néré,
feuilles de Tamarinier ou de Baobab, on se rend compte de l'importante variété
de l'alimentation du peuple Sénoufo.
Dans cette approche de l'alimentation chez le Sénoufo, il faut faire
cas de l'importance du grenier; en effet, sur les quatre principaux produits
cultivés, trois sont des céréales: le mil, le maïs, le riz. Des greniers sont
aussi affectés à l'arachide et aux noix de Karité; dans certaines familles,
l'importance de la production cotonnière a favorisé son stockage en grenier.
- ... / ...

- 63 -
- L'igname: la conservation de l'igname est fondamentalement diffé-
rente de celle des autres produits; les tubercules sont soit stockés dans une
hutte, au champ ou au village, soit carrément entassés dans un grand trou, au
champ même et recouverts de branchages. De toute évidence, la méthode de conser-
vation reste très peu efficace dans l'ensemble; en effet, dans le premier cas
le produit est exposé et des dégâts s'ensuivent avec les animaux (domesti-
ques, prédateurs) ; dans le second cas, une bonne partie de la récolte pourrie
car l'aération reste superficielle,
ce qui
implique une conservation effi-
cace seulement pour les couches supérieures.
La conservation des ignames précoces de deuxième récolte semble quasi-
ment impossible car le taux d'humidité en cette période (encore pluvieuse) est
important. Ces ignames sont entièrement et rapidement consommées (ou vendues sur
les marchés alentour) ; ce qui suppose une culture sur des superficies assez
modestes Cl).
Le séchage avant la mise en grenier reste valable pour la plupart
des autres produits: haricot, arachide,
pois de terre, noix de Karité, etc.
Au total, la conservation des vivriers en pays Sénoufo reste assez
efficace pour la quasi totalité des produits. Seule celle de l'igname demeure
problématique ; et il faut dire que même dansles "sociétés à ignames",
les mé-
thodes de conservation permettent généralement assez difficilement d'atteindre
sept à huit mois sans altération du produit. On pourrait même affirmer que
l'igname reste le seule féculent qui soit consommable après plusieurs mois de
conservation en état frais alors qu'il sont très peu consommés sous forme
séchée.
. . '/' ..
(1) Cette situation des ignames précoces se retrouve aussi, comme nous l'avons
d'ailleurs vu, en pays Baoulé.

- 62 -
C'est ainsi que, comme nous l'avons déjà mentionné dans la présenta-
tion globale des zones de savane, la présence de nombreux greniers reste l'un
des caractères principaux de l'habitat rural traditionnel du pays Sénoufo.
Sinali COULIBALY (1) nous apprend que le diamètre de ces gerniers varie de
1,50 à 2,25 mètres, que la hauteur atteint 2,50 et même 3 mètres, et que la
capacité de stockage reste aussi très variable, de 6 à 12 m3 •
Il apparaît nécessaire, au niveau de la conservation des produits,
de nous intéresser à la présentation générale du stockage de certains vivriers.
En gros, on assiste à deux étapes dansla conservation des produits; la pre-
mière commence auchamp, la seconde consiste au transport des produits plus ou
moins séchés au champ au village pour le stockage en grenier.
Le mil: d'abord séparés des tiges, les épis sont déposés en plein
champs, sur un tapis de tiges de mil pour le séchage. lorsque cette étape est
jugée suffisante, les épis sont alors battus, les grains transportés au vil-
lage et déversés dans le grenier. Il peut ainsi être stocké pendant trois ou
quatre ans (et même plus) ; il faut dire que le dolo est beaucoupplus appré-
cié lorsque le mil est "vieux'!
- Le maïs
: les épis récoltés sont soit transportés au village
soit demeurent au champ ; dans ce second cas, les épis sont suspendus à une
branche d'un arbre dansle champmême, à l'aide d'une solide liane. Le maïs sus-
pendu ainsi reste à l'abri des termites,de l'humidité du sol et hors de portée
des animaux. les champs en pays Sénoufo restent caractéristiques de cette
présentation en guirlande des épis de maïs.
- Le sorgho : les épis de sorgho sont en général présentés sous
forme de gerbe ; la conservation peut se faire au champ, sur une plate-forme
ou dans les greniers, au village. le sorgho ainsi stocké peut séjourner pendant
cinq ans sans que la qualité gustative ne soit affectée.
- Le riz : la présentation générale du riz pour la conservation est
la constitution des épis en gerbes et même en bottillons. après le séchage
(même processus que celui du sorgho), la meule est recouverte de chaume pour
protéger le paddy de l'humidité et des prédateurs. On peut conserver ainsi le
produit pendant trois ans.
... / ...
(1) COULIBALY (S.)
le Paysan Sénoufo op. cit.

- 64 -
3. LES ~S ET LA mANSFORMATION DES PRODUITS ALIMENfAIRES
Dans le milieu traditionnel, si la place de la femme dans la produc-
tion est importante (voir le prochain chapitre), celle de la femme dans la
transformation des produits pour la consommation de la famille est énorme
cette activité est caractérisée par une somme de travail considérable qui con-
cerne l'approvisionnement en eau, en bois de chauffe, le pilage du milou du
riz, la préparation des sauces, celle de la bière de mil dans certaines régions,
l'extraction du beurre de Karité ou de l'huile de palme selon le cas, etc.
Il ne s'agit pas, pour notre part, de recenser à travers ce travail
féminin (travail domestique ici) toutes les variétés et complexités des activités
de transformation des produits alimentaires. Cependant, à titre d'exemple, nous
retiendrons un certain nombre d'ouvrages qu'on peut considérer comme des plus re-
présentatifs, des plus longs et certainement des plus pénibles.
Tout d'abord, en retenant les activités les plus quotidienne
de la
femme, on se rend compte que la transformation des produits de base comme les
céréales absorbe plusieurs heures ; le décorticage au pilon (un des matériels
les plus importants en milieu rural), le vannage du mil, du riz, du maïs ou du
sorgho sont des opérations aussi longues que pénibles. En y ajoutant la fa-
brication de la bière de mil à partir de certaines céréales, on se rend aisément
compte que ce travail féminin reste un des domaines où l'économie de temps et de
peine est la plus importante.
Cependant, certaines activités féminines, sans être quotidiennes, peu-
vent néanmoins s'étaler sur une ou plusieurs semaines; c'est le cas de l'extrac-
tion de l'huile de palme ou du beurre de Karité.
Dans les zones de savanes sèches, en pays Malinké, Sénoufo et Lobi,
le beurre de Karité reste la première source lipidique dans l'alimentation (avant
l'arachide dont la production reste importante). Pour extraire la matière grasse
des noix, S. COULIBALY nous dit qu'il ne faut pas moins de neuf opérations dif-
férentes, deux passages au mortier et un passage à la meule. En effet, le tra-
vail de la femme à ce niveau commence par le ramassage (ou la cueillette) des
noix dans la savane ; il faut ensuite les mettre à fermenter pour détruire la
chair, puis briser les coques avec un pilon ou un caillou, griller les amandes,
les piler, passer le produit obtenu au rouleau de bois pour avoir une pâte, faire
bouillir celle-ci dans de l'eau, écumer les produits gras qui, en refroidissant,
donnent du beurre.
. .. / ...

- 65 -
La préparation de l'huile de palme en zone plus humide n'est pas moins
complexe, moins longue ou moins pénible: en gros, l'extraction de l'huile se
fait par fermentation facilitant la séparation de la pulpe ; cette dernière est
cui te et ensui te pilée
on obt i ent , après d' aut res opérat ions intermé-
diaires, une huite en pressant fortement la pulpe. Très souvent, les noyaux sont
repris, concassés; on fait griller les graines et, avec une technique plus ou
moins similaire à l'extraction du beurre de Karité, on obtient une autre huile,
cette fois-ci pas rouge mais noirâtre aux utilisations multiples.
En général, toutes ces activités de transformation des denrées alimen-
taires restent essentiellement des travaux manuels démontrant une fois de plus
la pénibilité de l'activité féminine. Nous reviendrons sur cette activité fémi-
nine dans le dernier chapitre eXllè) de notre étude.
Ainsi,
à
travers
la connaissance des vivriers en pays Baoulé et
Sénoufo, leur place respective dans l'alimentation traditionnelle, quelques-unes
de leurs méthodes de conservation et de transformation, il s'agira de savoir à
présent comment toute cette production est agencée, quels en sont les principaux
déterminismes. Pour cela, intéressons-nous au système productif global dans
l'agriculture traditionnelle dans ces zones de savane.
. .. / ...

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CHAPImE III
COOSIDERATIOOS GENERALES DU SYSlEME PROOOCTIF
l1WHTIOONEL
Si les populations de savanes et généralement les sociétés africaines
traditionnelles ont organisé leurs terroirs en fonction du milieu naturel, cette
organisation reste essentiellement liée à leur formation sociale; ainsi, la dy-
namique de l'occupation de l'espace n'est rien d'autre que la projection des
structures du groupe social
sur le sol.
Dans ce chapitre donc, notre approche concernera particulièrement cet
ensemble qui constitue le système productif traditionnel. Des exemples concernant
les différentes populations savanicoles éclaireront les deux paragraphes.
Cependant, il est nécessaire, pour la compréhension des fondements de
l'agriculture
traditionnelle,
de
nous
intéresser d'abord
au système d'ex-
ploitation qui laisse apparaître finalement l'importance de la formation sociale
dans le procès je travail. Nous nous attarderons par la suite aux systèmes de
culture et de production.
1. LE SYSlEME D'EXPLOITATIOO, BASE DE LA PROOUCTIOO AGRICOLE
Dans l'agriculture traditionnelle, l'importance du système d'exploi-
tation, mode de fonctionnement des unités de production (1), reste essentielle-
ment déterminée par le caractère de la gestion du sol et du groupe social.
1.1 LE REGIME FONCIER
LA NON ALIENATION INDIVIDUELLE DES TERRES
Dans l'établissement d'un~typologie des civilisations négro-africaines,
on se rend compte que beaucoup de peuples restent avant tout des civilisations
agraires; c'est donc sous le rapport homme-terre que les différents chercheurs
(sociologues, économistes, juristes, géographes, etc.) se placent pour faire
l'étude des sociétés africaines.
Cependant, si on admet la diversité et même la multiplicité du "fait"
foncier dans ces différentes civilisations agraires, on peut néanmoins y retrou-
ver les grands caractères qui déterminent fondamentalement, en Afrique Noire,
LA CIVILISATION AGRAIRE.
. .. / ...
(1) cf. La dynamique des systèmes productifs en Agriculture - Note de cours, DEA
Economie Rurale et Agro-Alimentaire - 1981/1982.

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En effet, toutes les règles qui régissent les droits fonciers tradi-
tionnels se déterminent en fonction de l'organisation de l'espace social et
politique. L'idée de communauté demeure le fondement de cette organisation.
Ici, seules ces communautés sont titulaires du droit foncier; l'individu,
simple élément inséré au sein de la communauté n'est pas représentat if, sauf
seulement dans le cas où il représente un pouvoir "administratif" au niveau de
la gestion du patrimoine foncier.
C'est ainsi que,
dans
la communauté,
chaque chef de famille étendue (voir prochain paragraphe) en tant que gestion-
naire du patrimoine (mais non propriétaire) répartit les terres entre les dif-
férents ménages qui constituent les cellules de base composant cette famille
étendue.
Mais, dans la quasi totalité de ces civilisations agraires, la terre
reste un objet de culte; en effet, premier support de toute activité de produc-
tion agricole (de même que pastorale et aquatique), cette terre est avant tout
un bien inaliénable et indivis (notion de collectivité), symbole du fondement
de l'héritage lignager ; de ce fait, elle apparaît comme divinité.
Ainsi, "chez les Baoulé, la terre, ASSIE, est l'objet de culte et les
génies de la terre, ASSIE-HOUSSOU, ont un rôle décisif à jouer selon les croyan-
ces dans la production. l'état des rapports entre eux et les humains affecte
les travaux agricoles. Il en est de même chez les Sénoufo où le TARFORO, "pro-
priétaire de terre", en fait grand prêtre chargé d'officier les cérémonies ri-
tuelles destinées aux divinités ( ... ), est une figure centrale dans l'organi-
sation de la production économique, surtout "agricole" (1). On retrouve aussi,
chez les Gouro, avec le TREZA, aîné des descendants de l'ancêtre qui noua le
premier un lien sacré avec le sol sur lequel réside le village, ce rôle d'of-
ficier les sacrifices protiliatoires dans le cadre de laproduction agricole (2).
Aussi, à travers ces trois exemples,aperçoit-on l'existence d'une
relation entre l'homme et la terre; il s'ensuit une telle emprise à partir des
différents aspects réligieux et sociaux de l'activité humaine que l'individu ne
peut aborder la terre qu'avec d'importantes précautions. C'est ainsi que ces
... / ...
(1) KOUAKOU (N.F.)
Procuction agricole et problèmes alimentaires en Afrique
- les conditions de production : la place prépondérante
de la femme - DOUALA (IPD) 1982
(2) MEILLASSOUX (C): Anthropologie Economique des Gouro - C.I. Ed. Mouton et
CO. PARIS
1970.

- 68 -
différents aspects ont amené à dire que la terre (dans la conception de l'éco-
nomie moderne) n'est pas un capital foncier, au sein de ces civilisations
agraires négro-africaines, ce qui entraîne une autre dimension implicite de la
terre, bien appartenant à la collectivité villageoise ne peut en aucun cas
faire l'objet de privatisation au bénéfice d'un individu quel qu'il soit, et
au pire, faire l'objet de transactions monétaires.
Au total, comme nous le résume ici KOUASSIGAN (1), "l'ensemble des
règles qui constituent les droits fonciers coutumiers représente un fait socio-
juridique à trois dimensions: elles règlementent les rapports de l'homme au
divin par la médiation de la terre qui par son caractère sacré, occupe une place
particulière dans la production ; elles désignent les titulaires des divers
droits qui s'exercent sur la terre et fixent les conditions et modalités d'exer-
cices de ces droits ; elles règlementent enfin les rapports de production en
organisant la distribution du pouvoir et des fonctions au sein des différents
groupes sociaux" (P. 21).
C'est donc, en nous situant au niveau de l'anthropologie africaine et
surtout autour du caractère d'appropriation collective de la terre, qu'on voit
apparaître la rationnalisation des tâches agricoles.
Ces tâches agricoles restent fondamentalement inscrites au sein d'une
division sociale dans le procès de travail pour talimentation
de la famille
étendue, voire de toute la communauté villageoise.
1.2 LA DIVISION SOCIALE DU TRAVAIL, BASE DE L'ORGANISATION DE LA PRODUCTION
Nous nous intéresserons respectivement à la formation sociale, à la
"spécialisation des tâches" et à la cohésion du groupe social , toutes, face
aux impératifs de la production.
1.2.1 FORMATION SOCIALE ET PROCESSUS DE PRODUCTION
Si en AFrique Occidentale on retrouve à peu près au niveau des dif-
... / ...
(1) KOUASSIGAN (G. A.)
Objet et Evolution des Droits Fonciers Coutumiers.
In Encyclopédie juridique de l'Afrique.Droit des Biens,
Tome 5 NEA - 1982
/
Abidjan - Dakar - Lomé.

- 69 -
férents groupes ethniques le même type de famille, la famille étendue (regroupe-
ment des parents consanguins et alliés au sein d'une même unité de résidence),
on peut cependant affirmer que le processus de formation de cette famille reste
très variable d'un peuple à l'autre.
Pour cerner plus étroitement les
réalités que recouvre la notion de la famille dans les sociétésnégro-africaines,
nous renvoyons le lecteur aux ouvrages plus spécialisés, notamment ceux de
KOUASSIGAN (1), de GOSSELIN (2) et de MEILLASSOUX (3).
Ainsi, la famille prise dans son sens large apparaît comme la base
essentielle de la société traditionnelle
cette base reste fondamentalement
représentative de la production agricole car elle joue, comme on l'a vu assez
rapidement dans le paragraphe précédent un rôle très important dans la tenure
des terres.
En gros,
il
apparaît
que l'ensemble des terroirs se trouve répar-
ti entre les chefs de familles (voir paragraphe précédent) ; ces derniers répar-
tissent ensuite chaque année, les terresà mettre en culture, entre les diffé-
rents membres de la famille. Dans cette répartition du patrimoine foncier ap-
paraît très souvent un champ collectif dont les récoltes couvrent certains
besoins de l'ensemble de la famille ou de la communauté villageoise ; il
s'agit en général de produits de base ou de produits très "appréciés" (comme
le riz en pays Gouro d'après MEILLASSOUX)
Alimentation du groupe social,
dépenses pour les fêtes rituelles, etc ... A côté de cet espace purement fami-
lial, tous les membres considérés comme adultes reçoivent un lot de terrain
qu'on peut appeler le champ individuel dans la mesure où la product ion de
ce champ se démarque de celle du lot collectif. Il est évident que ce système
de distribution des terres est sujet à de nombreuses adaptations suivant les
peuples et suivant les temps.
Ainsi, en considérant la parenté comme la base traditionnelle de toute
activité économique, le travail apparaît finalement comme une fonction sociale
... / ...
(1) KOUASSIGAN (G. A.)
L'homme et la terre - ORSTOM - PARIS 1966
(2) GOSSELIN (G.)
Développement et Tradition dans les sociétés Rurales
Africaines - BIT Genève 1970
(3) MEILLASSOUX (C.)
Anthropologie Economique des Gouro - op. cit.

- 70 -
fondamentale. A cet effet, et en citant longuement TERRAY Cl), on peut dire qu'à
travers la formation sociale
des peuples négro-africains ,"chaque procès de
travail s'accomplit C... ) au sein de rapports sociaux de production déterminés
et implique une répartition déterminée des moyens et agents de production.
Chaque unité réunit les différents facteurs de la production en quantités déter-
minées; elle est d'autre part pourvue d'une structure, définit l'ensemble des
relations qui lient les éléments constituants. Du point de vue de la force de
travail, l'unité de production se caractérise par la forme de coopération qu'elle
met en oeuvre. En effet, tout procès de production, dès lors qu'il demande le
concours de plusieurs forces de travail
individuelles,
implique une organi-
sation du travail, une répartition et une coordination des tâches C... ). D'autre
part, quelle que soient ces formes, tout travail collectif exige une certaine
division du travail parce que l'exécution d'un travail collectif suppose que
soient remplies des fonctions de liaisons et des décisions affurant l'unité du
procès. Aux formes de coopérations sont donc nécessairement liées des structures
de direction et de contrôle qui sont l'effet commun des contraites techniques du
procès et des rapports de productions dans lequel ce procès s'effectue" CP.1DD).
Au total, plus qu'une activité économique, l'activité de production
reste essentiellement tributaire des relations socio-politiques
qui se dégagent
de la superstructure; le travail de l'individu s'évalue donc dans le cadre même
de cette organisation sociale.
1. 2.2 LA "SPECIALISATION" DES TACHES
En nous situant une fois de plus au niveau de l'anthropologie, la
division sociale du travail dans les sociétés agraires laisse apparaître une
organisation basée sur des facteurs naturels tels que l'âge et le sexe et des
facteurs sociologiques tels que le statut et la condition sociale.
a) LES DETERMINISMES NATURELS
- Le sexe: il reste le déterminant essentiel de l'organisation du
travail,
organisation
fondamentalement
définie
à partir des références
... / ...
Cl) TERRAY CE.)
Le marxisme devant les Sociétés "Primitives'! François Maspéro,
Paris 1972
1ère partie : Le Matérial isme historique devant les sociétés
segmentaires et lignagères. Cà propos de l'Anthropologie Econo-
mique des Gouro de Meillassoux).

- 71 -
religieuses; en effet, l'homme en
tant qu'être mâle doit jouer un rôle
différent de celui de la femme. Ainsi, dans le partage des pouvoirs et des com-
pétences, l'homme est (ou sera) le chef de famille; de ce fait, il devient
automatiquement le gestionnaire des terres, le garant de l'autorité l ignagère ,
le responsable et pourvoyeur des biens de la collectivité. La femme, chargée
de la reproduction sociale (1) donc faisant partie des biens de cette collec-
tivité), participe à côté de l'homme à la production agricole.
Ainsi, dans sa fonction de
mâle, l'homme intervient spécifiquement au
niveau du défrichement, de l'abattage des arbres, du brulis, de la construction
d'ouvrages techniques (greniers, claies, habitatioasetc.). La femme assure le
fonctionnement ordinaire du ménage, travaille aux semis, aux sarclages, aux
transports et à la transformation de la récolte (voir chapitre l de la présente
partie). Cependant, il n'est pas aisé de faire une distinction précise à ces
différents niveaux d'interventions entre homme et femme. En fait, dans un pre-
mier cas, semer (par exemple) peut être considéré comme investissement (zone
céréalière par exemple) et donc fait par l'homme, dans un second cas on peut le
définir comme entretien (maïs par exemple dans les zones à tubercules) et dans
ce sens fait par la femme ; semer peut aussi apparaître comme une activité faite
en commun. Il faut aussi considérer la nature des terres : les jardins qui sont
semés surtout pour pourvoir à la confection des sauces sont généralement travail-
lés par les femmes. Les champs, pour le principal de la nourriture apparaissent
plutôt comme revenant aux homme.
- L'âge: à côté de cette division sexuelle du travail existe une autre
division sociale, cette fois-ci relative à l'âge; cette hiérarchie distingue en
effet les aînés des cadets, les adultes des jeunes, les vieillards des enfants.
En général, tous les travaux exigeant l'intervention d'une force phy-
sique importante (abattage des arbres par exemple) incombent aux adultes : par
opposition, les femmes accomplissent des travaux moins pénibles mais plus longs,
... / ...
(1) L'importance de la famille (sens large) transparaît à travers le nombre d'in-
dividus (force de travail) que peut compter le milieu familial (unité de ré-
sidence). La femme dans ce milieu jou~un très grand rôle car reproductrice
de cette force de travail.

- 72 -
plus monotones et exigeant de l'attention (1). Cependant, nous avons été sur-
pris, lors de notre passage dans le milieu rural Sénoufo, de constater que les
femmes n'étaient pas exemptées de certains travaux que beaucoup de sociétés
rurales réservent exclusivement aux hommes car considérés comme particulièrement
éprouvants
; c'est le cas des labours dans les rizières de bas-fonds aux
sols lourds et même de la confection des buttes et des billons pour certaines
cultures; d'ailleurs, comme on le verra, les femmes Sénoufo ont elles aussi
leurs grandes dabas.
Les jeunes sont quant à eux, plutôt mobilisés pour le sarclage des
champs, la récolte et le transport de la moisson (comme les femmes).
Pour ce qui concerne les enfants et les vieillards, les premiers inter-
viennent généralement dans la surveillance des champs tandis que les seconds (en
général les très vieilles personnes dont l'état ne permet plus une intervention
quelconque sur les champs) ontdes activités simplement domestiques telles que
la confection de paniers, de nattes, de chaume.
L'activité des aînés (chefs de famille) fait plutôt allusion à la
condition sociale.
b) LES DETERMINISMES SOCIOLOGIQUES
Comme nous l'avons mentionné au début de ce paragraphe, l'individu
mâle reste le chef de famille; ce chef ou aîné se réserve donc l'organisation
de la production, avec à ses côtés, très souvent, les cadets "en voie d'émanci-
pation" (comme le dit MEILLASSOUX). Il détermine les nouveaux terroirs à mettre
en valeur, il pourvoit à la fourniture du matériel aratoire, des semences, il
détermine également l'intervention de chaque individu ou de chaque groupe d'indi-
vidus dans le processus du travail, il intervient pour la distribution du produit
(récolte) au niveau des différentes cellules de la famille, etc.
Au total, le fait distinctif de la famille reste caractérisé par le
travail en commun sur les mêmes terres, avec l'ensemble des membres composant
... / ...
(1) Il est évident qu'à ce niveau, cette division du travail fait aussi allusion
au déterminant sexuel dans la mesure où on considère généralement que les
hommes apparaissent beaucoup plus forts que les femmes.

- 73 -
cette famille, regroupés soit par le sexe, soit par l'âge, soit par le statut
social.
Mais, ce n'est pas seulement au niveau du groupement familial que l'idée
de collectivité existe. Le travail collectif est aussi notable dans le cadre da la com-
munauté villageoise toute entière, ou même dans le cadre de plusieurs communautés
villageoises réunies, lors de certains travaux spécifiques.
c) LES GROUPES DE SOLIDARITE ET D'ENTRE-AIDE
En général, ces groupes, constitués essentiellement d'individus jeunes
et adultes (en pleine force de l'âge dirons-nous), contribuent à rationaliser
leurs moyens d'actions et à multiplier leur force de travail. LABOLmŒT (1) cité
par S. COULIBALY, nous donne ici un aperçu du caractère et de l'importance d'un
de ces groupes d'entre-aide: "le tableau agricole, conditionné par le climat et
les saisons, doit s'accomplir chaque année en temps limité, durant la seule péri-
ode qui soit favorable à cette activité. Or l'expérience a prouvé que
isolé,
le petit groupe familial réduit à ses possibilités ne saurait préparer son champ
de manière convenable, l'ensemencer, le nettoyer, l'entretenir, en tirer une
récolte suffisante pour ses besoins. Il est donc contrait de faire appel à la
collaboration des "fraternités d'âges", issue de son terroir et preuve vi vante
de la solidarité qui unit les habitants".
En fait, beaucoup de ces groupements rassemblant de nombreux "bras
jeunes et vigoureu~' pour effectuer aussi rapidement que possible les travaux
importants (défrichement, confection des buttes, sarclage, récoltes etc.) sont
de caractères plus ou moins réligieux ; c'est le cas des fraternités d'âges.
Chez les Sénoufo par exemple, les tyolo, jeunes intitiés au Poro (systèmeini-
tiatique), réservent leur force de tavail à leurs maîtres. Mais à côté de ces
fraternités d'âge existent plusieurs autres types de collaborations collectives
en général, dans les civilisations agraires, la présence de ces groupes de soli-
darité et d'entre-aide reste très fréquente.
1.2.3 L'IMAGE DE COHESION SOCIALE A TRAVERS LA PRODUCTION AGRICOLE
L'intérêt principal que la terre présente pour la famille ou la commu-
nauté toute entière est essentiellement politique et social dans la mesure où il
a pour objectif majeur le maintien de la solidarité du groupe.
. ../ ....
(1) LABOURET (H.)
Paysans d'Afrique Occidental Gallimard - Paris 1941 P. 173

- ·74 -
En effet, alors que la formation des groupes de travail à travers le sexe s'ins-
crit en général dans le cadre de la famille étendue, celle concernant les géné-
rations dépasse largement le cadre familial et laisse de ce fait
apparaître
toute la personnalité du village, traduisant ainsi la solidité des liens qui
unissent
les habitants entre eux. A cet effet, on pourrait citer les groupe-
ments de jeunes dans le processus de production
; ces travaux intéressant
toute la collectivité villageoise restent la meilleure illustration de l'esprit
communautaire.
Au total,
comme le dit MEILLASSOUX (1),
la cohésion sociale des groupes
reste très forte
autour des activités agricoles.
Toutes les équipes parti-
cipent au travail de chacunes d'entre elles; le travail de tous
s'enchevêtre
et la part de chacun se confond avec celle de tous.
Cette organisation du travail assure donc la sécurité matérielle de
de tous les membres de la communauté et' de ce fait, la consolide en exposant aux
yeux de ceux qui oeuvrent pour elle, l'image d'une solidarité rassurante. L'auto-
rité des aînés repose donc essentiellement sur cette spécificité du travail
agricole.
(1) MEILLASSOUX (C.)
Anthropologie Economique des Gouro de C.I. op. cit.

- 75 -
2. LES SYS'ffiMES DE CUL1URE ET DE PROOOCTIOO
LES REFLETS D'UNE 'ŒOJNOUXiIE
AGRICOLE COOERENIE
Comme le système d'exploitation (tenure des terres et organisation du
travail agricole) les systèmes de culture et de production s'inscrivent au sein
des sociétés agraires dont le but
premier est la cohérence entre le système pro-
ductif et la superstructure socio-politique.
2.1 LE MONDE VEGETAL ET LA SELECTION DES PLANlES DANS L'AGRICULTURE
TRADITIONNELLE
On peut affirmer, sans risque de se tromper, que l'alimentation
végétale des peuples d'Afrique et, pour ce qui concerne cette étude, des peuples
des savanes ivoiriennes est la résultante des faits climatiques et des faits eth-
niques. En effet, si le climat peut favoriser le développement de certaines cul-
tures ou créer des contraites pour certaines autres, l'histoire du peuplement,
les différentes migrations et les contacts entre peuples ont permis des décou-
vertes et des introductions consécutives d'espèces végétales utiles.
2.1.1 LES GRANDS TRAITS DE LA POLYCULTURE VIVRIERE
Il ne s'agit pas, ici, de nous étendre sur une anthropologie des
peuples de savane à travers l'étude de ces plantes mais plutôt de nous intéres-
ser à leur alimentation qui ne se distingue pas, dans les grandes lignes, de
celle des autres peuples, au niveau des fondements de la recherche du produit
pour la satisfaction des besoins du groupe social.
Ainsi la principale constatation est que l'alimentation de ces
peuples fait appel à un nombre élevé de plantes même si l'on est généralement
en présence d'une uniformité régionale pour les aliments essentiels; en effet,
comme on l'a vu à plusieurs reprises, la répartition de ces produits reste dans
l'ensemble assez nette en Côte d'Ivoire: plus au Sud le régime est essentiel-
lement à base de tubercules et de racines avec une place de choix pour l'igname
et la banane plantain : plus au Nord, on a affaire presque totalement aux céré-
ales; entre les deux, tubercules et céréales restent
complémentaires (1) .
. . ./ ...
Revoir le chapitre 1 (paragraphe 2) et le chapitre II.

- 76 -
Dans l'ensemble donc, on assiste à une polyculture dont la mise en place
reflète bien l'importance de certains produits dans le système de culture pratiqué.
C'est ainsi qu'on peut distinguer, d'une part les aliments de base qui
fournissent la quasi totalité de la ration énergétique, d'autre part les aliments
qu'on peut qualifier de produits d'accompagnement car adjoints aux précédents et
fournissant les autres éléments de la ration (sels minéraux notamment) en même
temps que des qualités gustatives indispensables. Cependant, il ne faut pas omet-
tre les aliments d'appoints qui, normalement d'importance accessoire, jouent un
rôle considérable dans les périodes de soudure; à cet effet, il faut faire remar-
quer l'existence de cette "petite disette" dans beaucoup de sociétés agraires,
certainement plus développée dans les zones où l'étalement des saisons pluvieuses
reste réduit.
On peut caractériser aussi cette agriculture à travers le travail de
l'homme dans le processus de production; dans ce cas, on distingue respective-
ment trois sources d'alimentation: les plantes cultivées, les plantes semi-
cultivées ou à développement spontané, les plantes sauvages.
Les plantes cultivées sont essentiellement représentées par les céré-
ales et les tubercules ; les plantes semi-cultivées ou à développement spontané
représentent généralement celles des cultures qui demeurent dans les associations
sans nécessiter d'attentions particulières: il peut s'agir aussi de plantes
utiles se développant çà et là dans les champs ou dans les environs immédiats du
village, autour des cases. Les plantes sauvages sont caractéristiques des pro-
duits de cueillette.
Ainsi, c'est donc principalement au premier groupe et accessoirement au second
qu'appartiennent les plantes vivrières fondamentales, constituant la base de la
ration alimentaire. Les produits de cueillette restent cependant très importants,
surtout ceux concernant les sources lipidiques (palmier à huile en zones préfo-
restières et Karité en savane sèche).
2.1.2 LA CONNAISSANCE EMPIRIQUE, BASE DE LA SELECTION DES PLANTES
Sans entrer dans les grands débats concernant l'irrationnalité ni ceux
faisant allusion au développement de la connaissance dans les civilisations de
... / ...

- 77 -
l'oralité, on peut se rendre compte que les civilisations agraires négro-
africaines ont
développé un savoir considérable autour de la plante. Cette
masse de connaissances précises est caractérisée par la diversité des espèces
végétales et la complexité des associations culturales.
Au niveau des espèces végétales, comme on l'a vu chez les Baoulé et
Sénoufo, on distingue en général pour certaines cultures, des variétés précoces,
semi-tardives, tardives.
Globalement, les reglons les plus sèches accueilleront surtout les
variétés les plus précoces, les tardives étant généralement incultivables (ou
difficilement cultivables) en raison de la brièveté de la saison humide. Dans
certains cas cependant, les variétés précoces interviendront surtout pour remé-
dier rapidement à certains problèmes alimentaires; c'est le cas chez les Baoulé
où certaines ignames précoces seront essentiellement cultivées pour "terminer
en beauté" la difficile période de soudure (c'est notamment le cas du Lokpa).
Les Dan et Wobé, à l'Ouest du pays, cultivateurs de riz aux aptitudes différen-
tes ; ils les sèment selon les qualités du sol et selon les besoins alimentaires
(riz précoce, riz tardif (1). On peut également trouver des formes adaptées à
des terrains divers, des cultures les plus rustiques (modestes) aux cultures les
plus délicates. Pour le riz par exemple, l'adaptation est très étendue: il peut
s'agir de culture sèche, n'ayant que de l'eau de pluie jusqu'au riz flottant
dont le cycle se poursuit dans l'eau. La classification en pays Sénoufo (zone
dense) est plus nette : on y rencontre en effet une succession et même une
superposi tion de plantes cul ti vées avec
leurs espèces et leurs variétés,
depuis la dune vouée au mil jusqu'au bas-fond avec le riz inondé; entre les
deux on note successivement la présence du riz pluvial, du maïs, de l'igname,
etc., autant d'exemples qui indiquent bien cette rationnalité dans la sélection
des plantes.
Cependant, la connaissance des plantes ne se limite pas à la connais-
sance des variétés et des espèces ; en fait, elle permet de pratiquer des asso-
ciations très pertinentes, chaque plante intervenant en fonction de ses exigences
et de l'état d'épuisement du sol. Nous avons vu dans le chapitre précédent les
... / ...
(1) Voir LACROIX (A.)
Les conditions de la Mise enValeur de l'AOF Université
de Paris - Faculté de Droit et des Sciences Economiques.
Doctorat en DRoit - 12 Mars 1958 - PARIS

- 78 -
associations les plus représentatives chez les Baoulé (Sud et Nord) et chez
les Sénoufo (zone dense et moins dense) ; à ce niveau, on peut déjà retenir une
constante: l'igname vient toujours en tête d'assolement, démontrant ainsi sa
très grande exigence en sol riche et meuble ; le taro, le bananier et le manioc,
cultures pluriannuelles en zones tropicales humides, supportent pendant tout
leur développement la présence des autres cultures; le maïs et l'arachide se
contentent de sols relativement appauvris ; culture de deuxième année (quelque-
fois troisième année) en pays Baoulé œropicale humide),
le maïs
et surtout
l'arachide en cinquième, sixième ou même septième année dans les zones denses,
autour de Korhogo.
Dans beaucoup de cas, au niveau de cette association, on remarque que la
mise en place est faite de telle sorte que certaines cultures ne prennent réel-
lement leur plein développement qu'après la récolte de l'espèce semée en premier
lieu; c'est le cas notamment de l'igname face aux autres produits comme le taro
ou le manioc.
Ainsi, ces différentes introductions de plantes dans les associations
culturales montrent la rationnalité des précédents culturaux et indiquent surtout
la satisfaction plus ou moins complète des besoins alimentaires de la famille,
au niveau des vivriers.
2.2 LES OUTILS DE PRODUCTION DANS L'AGRICl~TURE TRADITIONNELLE
Dans l'agriculture traditionnelle, on note la présence d'une grande
variété d'instruments aratoires; ces outils de travail de l'agriculteur se ca-
ractérisent, d'une part par un certain nombre de fonctions spécifiques, d'autre
part par une polyvalence dans la production. Cependant, d'un point de vue global,
dans les zones de savanes ivoiriennes, on peut récenser l'essentiel de ces ins-
truments de production (1) : d'un côté nous avons tout le matériel fabriqué par
le forgeron du village, de l'autre, un certain nombre de productions complémen-
taires utilisées tout aussi bien au champ qu'au village.
On distingue donc generalement, le matériel en fer très souvent em-
manché de bois tels que la daba, la matchette, la hache, la pioche, la faucille,
le couteau, etc. ; le matériel complémentaire comprend les calebasses, les pote-
ries, les paniers, etc., instruments aussi polyvalents que variés.
... / ...
(1) Voir aussi le chapitre l, paragraphe 4

- 79 -
Cependant,
i l
n'est pas médiocre d'intérêt de s'attarder sur les
grandes affectations des principaux outils utilisés lors des nombreux travaux
qui caractérisent l'agriculture traditionnelle.
- La daba : c'est l'outil le plus représentatif de cette agriculture
traditionnelle ; Ses fonctions sont des
plus variées, ses formes des plus
diverse~; mais en gros, on distingue les petites dabas des grandes.
La petite daba reste la plus caractéristique de cette polyvalence
des outils agricoles au sein des civilisatiomagricoles ; elle est utilisée en
effet pour toutes sortes de travaux: débroussaillement, semis (mil, maïs, riz,
arachide, etc.), sarclage, récolte (extraction des racines et tubercules), etc.
cette polyvalence fait de la petite daba l'outil affecté à la fois à l'enfant, à
la femme, à l'homme. S. COULIBALY le qualifie même de "compagnon du paysan
Sénoufo" Cl).
La grande daba se cantonne, quant à elle, essentiellement à la
confec-
tions des buttes et des billons; de ce fait, on la retrouve dans toutes les so-
ciétés pratiquant la culture de l'igname ou la culture sur billons; c'est-à-dire
sur la quasi-totalité des zones de savane. Cependant, c'est dans le
milieu
Sénoufo que cette grande daba présente des formes remarquables et des affectations
sexuelles distinctes (2). Au niveau de la forme et de la dimension de cet outil,
on voit distinctement une différence d'avec les grandes dabas des autres popula-
tions, surtout celles du Sud; en effet, la grande daba Sénoufo reste impression-
nante, tant par sa taille que par le travail que le paysan exécute avec elle ;
ainsi, autant distingue-t-on la daba du Sénoufo par rapport à celle des autres,
autant les buttes confectionnées à l'aide de cette daba sont remarquables et
caractéristiques du monde rural Sénoufo.
Pour ce qui concerne l'affectation de cette daba, on distingue net-
tement la "daba des femmes" (3) de celle des hommes. La différence relève essen-
tiellement de la dimension de chaque outil ; celui de la femme apparaît moins large.
En général, et comme nous avons pu le constater sur place, chaque
homme adulte possède deux grandes dabas pour la confection des buttes et autres
... / ...
(1) COULIBALY (S.) : le paysan Sénoufo, op. cit.
(2) Voir les différentes illustrations en annexe IV.
(3) N'oublions pas qu'en pays Sénoufo, les femmes participent à la confection des
buttes et des
billons.

- 80 -
travaux similaires; ainsi, le travail n'est pas interrompu lorsque l'une d'elles
n'est plus fonctionnelle et qu'elle est remise au forgeron pour la rendre à nou-
veau utilisable (1).
- La hache: elle intervient lors des travaux d'abattage et de
débitage des gros arbres; cet "outil de l'homme" devient celui de la femme pour
la coupe de bois de chauffe; la hachette joue le même rôle mais dans des dimen-
sions beaucoup plus modestes.
- La matchette : c'est le premier outil à utiliser lors de l'ouverture
d'un défrichement, surtout dans le milieu forestier ou même dans les sous-bois des
savanes sèches (savanes arborées ou forêt-galeries). De ce fait, il est beaucoup
plus représenté en milieu Baoulé ou Gouro qu'en milieu Sénoufo ou Lobi ; pour
paraphraser S. COl~IBALY, on pourrait dire ici, que la matchette reste le compa-
gnon du paysan Baoulé; son utilisation s'est d'ailleurs accrue avec les cultures
de plantations.
- La faucille intervient quant à elle au niveau de la récolte du riz
surtout, lors de la coupe des épis.
Chaque paysan ou chaque famille dispose, en plus de ces outils fonda-
mantaux d'un ensemble de petits instruments complémentaires auxquels nous avons
fait allusion au début de ce paragraphe.
Au total, la simplicité de cet équipement technique dans le milieu agri-
cole traditionnel laisse entrevoir l'importance des tavaux réalisés et laissent
surtout déviner l'énorme dépense d'effort physique des individus dans le proces-
sus de production alimentaire. En effet, on constate que tous ces outils sont
manuels ce qui suppose que le travail humain reste la seule source d'énergie dis-
ponible. Par exemple, l'édification des buttes caractérisée par l'assemblaglde la
terre entre les jambes avec la grande daba est un travail considérable; en effet,
plus que le défrichement(très laborieux cependant) ou le sarclage (très long), la
confection des buttes demeure l'activité la plus pénible du calendrier agricole.
Mais, c'est cependant avec ces instruments fabriqués par le forgeron du
village que le paysan doit faire la quasi-totalité de ses travaux de cultures .
.. ./ ...
(1) cf. Le travail du forgeron (chap. l paragraphe 4).

- 81 -
Avant de terminer, il est important de mentionner que le paysan, mal-
gré la si~plicité de ses intruments traditionnels, les manie avec une habileté
étonnante et, la matchette ou la daba, avec l'intervention du feu (comme nous
le verrons), peut venir à bout de n'importe quelle végétation.
2.3 LA CaNQUETE DE LA SAVANE ou L'IMPORTANCE DE L'AGRICULTURE ITINERANTE
DANS LES SOC !ETES AGRAIRES
2.3.1 LE FEU, COMPLEMENT TECHNIQUE OU BASE DE LA CaNQUETE
Dans les zones de savane, le feu apparaît comme l'allié le plus proche
et le plus utile de l'homme pour les travaux de défrichement. Dans les savanes
préforestières ou dans
les savanes plus sèches,
ce moyen technique de colo-
nisation de nouvelles terres apparaît différemment. Ainsi, dans le premier cas,
l'utilisation du feu intervient généralement après l'abattage des arbres et des
arbustes ; les branchages regroupés après séchage sont brûlés sur place (1)
les cendres sont, très souvent, répandues sur tout le terrain. Mais généralement,
le débroussaillement est facilité par la mise à feu préalable de l'emplacement
à cultiver; c'est le cas le plus fréquent dans les zones de savane sèche ou her-
beuse. Le feu apparaît ici comme l'agent essentiel du défrichement par rapport
aux zones préforestières où il n'est utilisé qu'en seconde position, après le
passage de la matchette et de la hache. Cependant, dans les deux cas, en savane
riche ou en milieu plus humide, les très gros arbres sont détruits par le feu
(en général après plusieurs jours). L'abattage (ou le séchage des feuilles) des
gros arbres répond au souci de faire bénéficier les cultures du soleil car une
ombre quasi-permanente n'est pas favorable à la croissance des plantes.
Au total, la culture sur des terrains défrichés par le feu ou avec
son aide et enrichis par les cendres végétales reste un procédé qui participe
totalementde l'agriculture traditionnelle.
Cependant, il est intéressant de savoir l'utilisation du feu dans
l'agriculture où l'abattage des arbres se fait avec un minimum de contrôle
en
effet, lors de ces techniques de défrichement, tout le monde végétal n'est pas
détruit; certaines essences sont sauvegardées. Il peut s'agir d'arbres cO;1Sidé-
... / ...
(l)Mais un certain nombre de branchages et de débris de défrichement sont
laissés sur le sol afin de limiter l'érosion.

- 82 -
rés comme sacrés et représentant en tant que tels les genles de la forêt ou de
la terre (même génitrice de toute la flore) ; c'est le cas en forêt et pré-forêt
des arbres géants de l'IROKO, de certains gros fromagers en savanes auxquels on
voue des cultes en leur faisant des offrandes. Il peut s'agir aussi et surtout
de certains arbres utiles dont les fruits, les grains ou les feuilles rentrent
directement ou indirectement dans l'alimentation de la population; ce sont ces
raisons qui expliquent l'abondance du palmier à huile dans tout le domaine fores-
tier et préforestier ; de la même façon, dans les zones de savane du Nord, l'a-
bondance de certaines espèces arborescentes utiles paraît bien être le fait de
l'homme; c'est le cas du Karité ou encore du Néré dont le fruit fournit un con-
diment appréciable, le "Soumbara" (1). Il peut s'agir enfin d'arbustes (ou même
quelquefois d'arbres) réservés essentiellement
pour le tuteurage des ignames
précoces.
Mais, en retrouvant ce système de production caractérisé par le défri-
chement à l'aide du feu et que beaucoup de techniciens aujourd'hui qualifient
de "particulièrement destructeur", on peut se poser la question suivante: face
à l'ensemble du matériel aratoire simple et archaïque, le cultivateur, avec sa
seule force de travail peut-il agir autrement qu'il ne le fait?
Certes, la méthode
employée ici est expéditive, mais, ne lui perrnet-
elle pas d'obtenir en peu de temps la terre dont il a besoin pour la reproduc-
tion du groupe social ?
Cependant, on ne peut comprendre en totalité la méthode sans son in-
tégration à cette grande caractéristique de l'agriculture de savane voire de l'a-
griculture africaine traditionnelle: l'extensivité et l'itinérance des cultures.
2.3.2 LE NOMADISME DANS L'AGRICULTURE TRADITIONNELLE
La place de l'igname dans les différentes association de cultures
reste l'exemple type du nomadisme agricole dans les sociétés agraires tradition-
nelles ; en effet, on s'aperçoit que la culture de l'igname, premier produit de
l' association,
nécessite
toujours
un défrichement
de nouvelles
surfaces
agricoles. Cette dynamique de l'occupation du sol caractérise assez bien l'agri-
culture itinérante à travers le déplacement des aires de cultures à un rythme
plus ou moins rapide.
. .. / ...
(1) Voir l'importance de l'économie de cueillette dans le chapitre précédent (II)

- 83 -
Ce système exige logiquement une disponibilité de très grande surfaces
cultivables. On peut résumer ou du moins caricaturer cette dynamique tradition-
nelle : après avoir brûler la végétation, on plante dans les cendres la ou les
produi ts nécessaires
l a première
récolte est magnifique,
la seconde l'est
moins, la troisième moins encore, la quatrième ne donne plus rien et on va faire
la même chose un peu plus loin. Cependant, il est important de souligner que
chaque année on crée un nouveau champ pour les cultures les plus exigeantes en
intégrant une association au fur et à mesure. Ainsi donc, lorsqu'on constate une
perte de fertilité du sol, le champ est laissé en jachère afin de permettre au
sol de se régénérer puisqu'il n'y a pas de fertilisation particulière à ce niveau
à part celle des cendres lors des premiers défrichements (voir paragraphe anté-
rieur). La durée de cette jachère dépend des potentialités disponibles et se rat-
tache très souvent à la densité du milieu humain.
Il est rare qu'une parcelle défrichée soit utilisée plus de deux ou
trois années de suite pour les cultures. La durée de la jachère est extrêmement
variable : on pouvait la situer en moyenne entre cinq et dix ans dans la région
de Bouaké vers 1960" (1). Notons au passage que cette date relativement récente
n'est pas génante
pour l'analyse dans la mesure où la région ne connaît pas
une grande exploitation des cultures de plantation et qu'en plus le développement
du coton reste plutôt postérieur à cette même date.
Certaines jachères, toujours en relation avec la disponibilité en terre
de chaque famille, peuvent durer plus de dix ans et atteindre même vingt cinq
ans (2). Mais, encore une fois, c'est le pays Sénoufo, avec ses deuxentités, qui
nous fournit les meilleurs exemples ; là, il reste évident que la jachère la plus
longue se retrouve dans les zones peu peuplées, à grande disponibilité de terres
arables ; les mêmes champs exploités pendant trois ou quatre ans le sont de
sept à huit ans dans la zone dense, avec de surcroît, comme nous l'avons vu, une
association beaucoup plus complexe.
... / ...
(1) CHEVREAU (B.) : Réflexion autour d'une exploitation Baoulé - Région Centre
Bandama - Moyenne Côte d'Ivoire 1960-1977.
(2) Nous l'avons constaté aujourd'hui encore, lors de l'établissement de nos mono-
graphies, dans certaines exploitations en milieu Sénoufo (Boundiali) et
Malinké (Odienné). Se référer aussi au dernier chapitre de la présente étude
(Chapitre XII).

- 84 -
En général, la mise en jachère s'impose quand certains significatifs
apparaissent; c'est le cas du chiendent (Impérata Cylindrica) ou d'autres plan-
tes dont le développement important est caractéristique de cette situation d'ap-
pauvrissement du sol. C'est le même processus, mais cette fois-ci dans le sens
opposé, qui amène le cultivateur à travailler à nouveau le champ laissé en repos
en effet, comme celui-ci reconnaît en général la valeur d'une terre à la nature
des plantes sauvages qu'elle porte, il sait d'emblée que l'apparition de telle ou
telle graminée indique que les potentialités de la terre se sont reconstitués et
qu'il peut être mis fin à la jachère. Il est inutile de préciser que la décision
du cultivateur pour l'abandon ou la reprise des cultures est fortement condi-
tionnée par les potentialités en terre.
Cependant, si la jachère répond au souci de permettre à la terre de
retrouver ses richesses organiques et minérales, elle reste, dans beaucoup de
cas, une technique culturale qui demeure un support de cet ensemble de matériel
aratoire dont la simplicité fait de l'homme la seule force de travail; en effet,
"si l'homme élimine tout recrû forestier, il doit alors lutter contre une véri-
table invasion de la savane pour maîtriser l'espace qu'il convoite d'occuper;
toute la stratégie du défricheur est commandée par la hantise de cette invasion
dont la menace constitue le frein le plus important au développement des cultures
et exige la mobilisation de techniques de labour qui assignent de strictes limi-
tes à la surface des champs. De même, la nécessaire répétition des sarclages ap-
paraît-elle comme une entrave redoutable à l'extension des exploitations et des
terroirs et à l'augmentation de la productivité de la main-d'oeuvre agricole.
De même encore, l'abandon et le déplacement périodique des champs sont-ils large-
gement dictés par la difficulté qu'éprouve uneagriculture manuelle à enrayer
le processus de savanisation, la jachère forestière spontanée étant, pour le pay-
san Soudanais l'allié le moins coûteux et le plus efficace dans sa lutte quoti-
dienne pour maîtriser l'invasion de l'herbe (1). Cette longue citation concernant
l'une des causes du nomadisme agricole dans la dynamique de l'occupation du ter-
roir en milieu traditionnel montre une fois de plus que la lutte contre les ad-
ventices s'inscrit dans le système de production ayant sa propre logique.
Au total, la culture itinérante sur brûlis associée à l'usage de lon-
gues jachères traduit avant tout l'extrême faiblesse des moyens techniques
... / ...
(1) DIARRA (S.) - PELISSIER (P.)
Stratégies traditionnelles et Prise de
Décision Moderne
L'afrique Soudanienne - op. cit. P. 36

- 85 -
confèrent en retour à la solidarité du groupe social une place fondamentale
dans la cohérence et la logique de l'organisation du terroir.
Cependant, cette indiscutable unité de l'extensivité et du nomadisme
agricole des peuples de savane et plus généralement des civilisations agraires
ivoiriennes et partant, noire-africaines n'empêche pas l'existence de sédenta-
risation et quelquefois d'intensification des cultures.
2.3.3 LA SEDENTARISATION DES CULTURES
UNE PRATIQUE PLUTOT CONJONCTURELLE
La sédentarisation des cultures se retrouve essentiellement autour de
trois types de terroirs agricoles: cultures de case (ou jardins de case), les
plaines alluviales, les champs autour des villages en milieu surpeuplé.
- Les jardins de case
Généralement, en pays de savane, le partage du terroir se fait
entre,
d'une part les "jardins de case" cultivés de façon intensive et quasi-permanente,
d'autre part "les champs de brousse" caractérisés, comme nous venons de le voir,
par les cultures itinérantes. Ces jardins de case, sur des terres sans cesse
enrichies par les déchets de l'agglomération (2ssentiellement les détritus ména-
gers), portent surtout les plantes que nous avons appelées plus haut les ali-
ments d'accompagnement: aubergine, tomate, gombo, pimen~, etc. ; ainsi,
l'intérêt de ce jardin est-il de fournir à l'alimentation du groupe social, la
variété indispensable, ce qui indique bien que ces "petits champs" soient exclu-
sivement entretenus par les femmes.
- Les plaines alluviales
Contrairement aux jardins de case caractérisés par une régénérescence
du sol grâce à l'apport de fumure domestique, les plaines inondées pendant cha-
que saison des pluies se trouvent exploitées en permanence grâce à l'apport
naturel des fertilisants (alluvions) ; ces terres limoneuses restent aujourd'hui
le grand domaine du riz inondé dans la région d'Odienné (Nord-Ouest du pays).
- Les ceintures de champs
Sur fond de sous-peuplement général, l'Afrique des savanes présente
cependant des situations d'entassement demographiques. Ici, la contrainte terre,
comme nous l'avons vu, apparaît à travers la diminution des friches et donc des
jachères ; cette contrainte créée par la pression démographique reste essentiel-
... / ...

- 86 -
lement à l'origine des formes d1agricultures intensives les plus remarquables
et les plus originaux. Ces différentes formes s'inscrivent dans une semi-
permanence des champs caractérisée par des associations culturales très savan-
tes; mais au fur et à mesure de l'accroissement de cet entassement humain, on
assiste à une utilisation presque totale des surfaces agricoles utiles (S.A.U).
Aussi, voit-on de plus en plus le passage d'une agriculture semi-permanente à
une agriculture intensive et permanente.
Dans les savanes ivoiriennes, les cultures Sénoufo de la zone dense
autour de Korhogo, caractérisent cette permanence et cette intensivité de
l'agriculture à travers une organisation d'un terroir surpeuplé. Nous avons
montré à différents niveaux de l'approche cette dynamique de l'organisation du
terroir agricole qui a exigé dans certains cas, l'intégration de l'élevage à
l'agriculture, la pratique de la rotation (très peu développée dans les autres
zones de savane) et l'exploitation des bas-fonds alors très négl igés
Il
faut aussi dire que lors des récoltes des cultures de premier cycle, il existe
un rebillonnage des cultures de second cycle) sont rabattus sur les billons et
les buttes puis enfouis sous terre; il s'agit ici d'une procédure permettant
au mil et au sorgho (2e cycle), alors en plaine végétation, de bénéficier d'un
complément de matière organique afin d'en augmenter les rendements (1).
Mais, le fait le plus remarquable reste le comportement du cultivateur
originaire de la zone dense, lorsqu'il se retrouve dans un milieu moins densé-
ment peuplé ; en effet, si la pression démographique oblige ce dernier à inten-
sifier ces méthodes de production par rareté de terre, il s'intègre très aisément
dans le système intensif avec itinérance et brûlis lorsqu'il se trouve en présen-
ce d'une savane plus ouverte: c'est le cas des habitants de la zone dense autour
de Korhogo qui vont s'installer dans les périphéries du pays Sénoufo ou même
beaucoup
plus au Sud, en zone préforestière ou forestière (2). Là, devant la
relative grande disponibilité des terres, ils négligent les environs immédiats
du village qui restent cependant assez fertiles, dédaignant quelquefois les
bas-fonds.
Au total, cette pratique de cultures intensives sur des champs perma-
nents ou quasi-permanents dénonce bien le caractère conjoncturel de la dynami-
que de l'occupation du sol dans les milieux où l'entassement humain reste élevé
... ! ...
(1) cf. COULIBALY (S.) Le paysan Sénoufo, op. cit.
(1) Voir Exode "Rural et Mobilité Sociale : Chapitre l

- 87 -
le paysan reste très peu attaché à cette technique culturale et préfère
retrouver, si certaines contraintesdisparaissent, la pratique la plus commune
et la plus représentative de la civilisation agraire traditionnelle : la daba
ou la matchette, le milieu ouvert des terres abondantes, l'extensivité.
Ainsi, plus qu'une étude des seules performances agricoles du milieu
villageois, c'est toute une psychologie du comportement qu'il faut réussir à
cerner et à dégager dans la recheche de la modernisation de l'environnement
paysan.

- 88 -
CHAPI1RE
IV
LI INfROOUCTION DES CULnJRES DE RAPPŒT DJW) LI AGRICUL1lJRE
VILLAGEOISE EN Z(ŒS DE SAVANE
Nous rappelons que les cultures de rapport sont ces cultures intro-
duites ou développées essentiellement à partir de l'époque coloniale et dont
l'objectif majeur était la satisfaction des besoins des populations de la métro-
pole (voir introduction et annexe 1). Mais, si certaines cultures se sont plus
ou moins rapidement répandues dans le milieu agricole ivoirien, d'autres en
revanche ont connu une expansion réelle vers la fin de la première décennie de
la Côte d'Ivoire post-coloniale.
1. CAFE ET TABAC
DEUX CULTURES TRES PEU REPRESENTATIVES
Ces cultures, si elles apparaissent en zones de savanes (voir le cha-
pitre 1 de l'Etude), restent marginalisées du point de vue de leur représenta-
tivité dans la majeure partie des savanes ivoiriennes. Leur développement est
déterminé soit par un milieu favorable, agronomiquement parlant, soit par l'in-
fluence d'une ou de plusieurs autres cultures de rapport. Dans les deux cas,
café et tabac restent plutôt localisés essentiellement dans quelques milieux.
1.1 LE CAFE, PLUS FORESTIER QUE SAVANICOLE
En plus des cultures de plantations qu'on rencontre sur les marges
forestières des savanes méridionales, certaines zones du Centre du pays connais-
sent la culture du café, et ceci dans les sous-bois et les forêts-galeries. Les
régions de Bouaké, de Sakassou et de Béoumi sont caractéristiques de ces îlots
de plantations de café ; certaines zones plus au Nord recèlent aussi de ces
quelques plantations de café; c'est le cas de la zone de Katiola et de celle
de Séguéla. Ainsi, dans la monographie départementale de 1980 (1), pouvait-on
remarquer la participation de certains départements du Nord à la production café-
ière
; participation modeste et même très modeste, mais qui mérite néanmoins
qu'on s'y intéresse: dans le département de Séguéla, 1 740 tonnes de café sont
produites sur environ 8 000 hectares ; le département de Katiola avec 1 300
hectares en produit 330 Tonnes; on compte 160 tonnes de café dans celui de
Dabakala sur une superficie totale de 1 000 hectares alors que le département
de Touba produit 240 tonnes pour 500 hectares.
. .. /' ..
(1) Ministère du Plan
Annuaire des statistiques Rurales - op. cit.

- 89 -
Aussi, dans ces régions plutôt seches, constate-t-on que même si des
îlots de plantations de café subsistent, la production reste très faible, de
même que la dimension moyenne des exploitations: 0,06 hectare à Touba, 0,46
à Séguéla, 0, 13 à Katiola, 0,13 à Dabakala ; cependant, le café reste pour
les quelques paysans qui le produisent, une source de revenus non négligeables.
Autour de Bouaké, l'importance des sous-bois a favorisé la culture
du café
; on peut se demander si cette pratique n'a pas influencé les plus
proches voisins du Nord bénéficiant du même régime climatique (Tagbana de
Katiola et Malinké de Séguéla), dans l'intégration de ce produit de rapport au
sein de leur système de culture.
Mais, c'est plutôt dans les zones de contact forêt-savane (1) que le
café peut réellement se définir comme une culture de rapport importante ; en
effet cela est d'autant plus vrai que c'est dans ces zones que le coton perd
son emprise sur le milieu agricole villageois (2).
Cependant, en considérant le café (et le cacao) comme une culture es-
sentiellement développée en milieu
forestier, il ne nous paraît pas pertinent
de retenir cette culture de plantation au niveau de notre analyse concernant
les relations entre vivriers et cultures de rapports dans les zones de savane
à cette première justification, il faut aussi ajouter que l'agriculture moderne
dans les marges forestières et préforestières présente une autre d)~amique tout
à fait différente de celle des cultures purement savanicoles, surtout qu'ici,
cultures vivrières et cultures de rapport sont en totalité annuelles.
1. 2 LE TABAC, UNE EMPREINTE TRES
PEU MARQUEE EN MILIEU PAYSAN
La culture du tabac est traditionnelle dans la plupart des régions du
pays; l'aire générale de cette culture se situe aux abords immédiats des vil-
lages, sur les détritus minagers. Pour aujourd'hui, on peut rencontrer le tabac
dans les exploitations, en culture pure ou en association.
Les semis sont effectués en Juin-Juillet et les repiquages en Août et
Septembre; la récolte qui se fait feuille par feuille a lieu d'Octobre à Janvier .
. . . / ...
(1) Voir l'approche physique des zones de savane. 1ère partie Chap. l
(2) Voir le paragraphe suivant : le coton, culture de rapport des zones de savane.

- 90 -
Cependant, cette culture n'a jamais occupé qu'une place très secon-
daire
dans
l'agriculture villageoise,
exclusivement
réservée à la consom-
mation des populations locales. Mais vers les années 1940, des actions ont été
entreprises pour accroître la production et améliorer la qualité du tabac (1).
C'est ainsi que la Compagnie Agricole et Industrielle des Tabacs en
Côte d'Ivoire (C.A.I.T.A.C.I) s'efforce de favoriser la vulgarisation de nouvel-
les variétés; ces dernières, associées aux variétés locales produites dans les
exploitations traditionnelles, sont utilisées pour la fabrication de cigarettes
le taux d'incorporation du tabac local dans les mélanges se situe entre 10 et
15 % dans l'industrie du tabac, représentée par la Société Ivoirienne des
Tabacs (2).
Par ailleurs, la CAITACI assure l'encadrement technique des planteurs,
organise la commercialisation et vend la production industrielle. Mais, l'enca-
drement des paysans dans les zones de production reste très localisé : 1 167
paysans dans la région de Bouaflé (18 villages), 231 autour de Bouaké (28 vil-
lages), 1 953 paysans dansla région de Korhogo (247 villages) et enfin 320
autour de Séguéla (26 villages) (3).
En fait, la culture encadrée du tabac en Côte d'Ivoire est surtout
envisagée comme une production d'appoint, susceptible d'augmenter le revenu moné-
tairp
ries paysans dans les zones de savane ; il faut dire que ce revenu reste
assez difficile à préciser car il varie considérablement selon la qualité du
produit et selon surtout que ce produit soit cultivé de façon systématique ou de
façon accessoire.
Mais, si le tabac apparaît a~ourd'hui dans un système de culture comme
plante d'assolement supplémentaire, cet assolement est celui aussi préconisé et
développé pour l'intégration de la culture du coton dans le système agricole vil-
lageois. Aussi, voit-on le tabac se heurter à la présence de la culture coton-
nière, au centre et au Nord du pays, étant donné qu'il ne peut s'imposer face
au café et au cacao dans le Sud forestier.
. .. /'"
(1) Voir l'encyclopédie Générale de la Côte d'Ivoire - TOME II, op. cit.
(2) Ministère du Plan - La Côte d'Ivoire en chiffres 80-81, op. cit.
(3) Idem.

- 91 -
Ainsi, malgré les tentatives de vulgarisation et de modernisation du
tabac par CAITACI, force est de constater aujourd 1 hui que ce produit continue
d'être une culture marginale, tant au niveau du nombre de producteurs total
qu'à celui de sa production globale, par ailleurs très modeste.
Au total,
seul
le coton reste pour nous la réelle culture tradi-
tionnelle de rapport dans les zones de savane; En effet, l'importance des super-
ficies cultivées dans la majeure partie des régions
de savane et la source
de
la plupart des revenus monétaires agricoles fontde cette culture de coton, la
plus représentative du monde paysan.
2. LE CaroN
CULTURE DE RAPPORT DES ZONES DE SAVANE
Si le coton a souffert d'un certain nombre de préjugés dûs à l'environ-
nement colonial et des difficultés rencontrées au début de sa vulgarisation, on
peut considérer aujourd'hui qu'il reste la culture la plus moderne des zones de
savane; en effet, bénéficiant d'une infrastructure importante et d'un encadre-
ment remarquable de la part de la CIDT, organisme d'appui à la vulgarisation et
à la modernisation, le coton peut se définir comme le maître du paysage agricole
de cette zone écologique.
2.1 DE LA CULTURE TRADITIONNELLE A LA CULTURE ENCADREE
Le coton, connu de longue date en Côte d'Ivoire, fourni la matière
première aux activités saisonnières de filage et de tissage. Son aire de réparti-
tion originelle coïncide avec les principaux foyers artisanaux où sont encore
confectionnés bandes de tissus et pagnes, selon des techniques quelque peu
variables d'un peuple à l'autre (1).
Nous n'allons plus revenir sur les méthodes culturales, traditionnelles
des produits secondaires comme le coton ; cependant, il est important de
savoir que pour ce produit, les semis se font après la mise en place des plantes
principales (vivriers) ; en général, la densité des arbuste reste faible et irré-
gulière. En fait, il n'y a pas d'autres soins culturaux à part ceux dont bénéfi-
cient l'ensemble des plantes associées; c'est ainsi qu'aucune protection sani-
taire ne préserve la plante d'un certain nombre de parasites. Quant à la récolte
... / ...
(1) Voir "l'artisanat" , Chapitre 1, première partie.

- 92 -
elle
se fait en général quatre ou cinq mois après le semis, pour ce qui a pu
parvenir à maturité ; dans ces conditions il est très peu étonnant que le rende-
ment atteigne la centainp de kilogrammes de coton-graine à l'hectare.
Mais avec la colonisation, on va
assister à une autre dimension de
la culture cotonnière.
En effet, le coton va apparaître, dès l'aube de la colonisation, comme
le produit par lequel certaines reglons du pays devraient contribuer à la prospé-
rité de la France. Ainsi, les autorités coloniales chercheraient-elles à intensi-
fier la production afin de couvrir d'une part les besoins de la colonie, d'autre
part et surtout d'alimenter les filatures de la métropole. Pour atteindre cet
objectif, la coercition devient le mode d'action le plus efficace de l'adminis-
tration ; à partir de 1930, les méthodes très contraignantes sont "appliquées par
les chefs de circonscription avec plus ou moins de rigueur selon les régions et
les périodes. L'appelation "champs du commandant" donnée par les populations con-
cernées pour désigner ces plantations de coton est caractéristique de cette
époque. La poursuite de cette ambition par tous les moyens et surtout pendant
"l'effort de guerre" (1) a laissé des cicatrices profondes, perceptibles aujour-
d'hui encore dans la réticence de certains paysans du Centre pour la culture du
coton, à côté d'autres souvenirs non moins marquants comme les attaques parasi-
taires importantes et la faible rentabilité de la culture par rapport au
travail exigé.
Cependant, à la fin de la guerre (1945), les recherches entreprises
par l'Institut de Recherche du Coton et des Textiles (IRCT) visaient un double
objectif : améliorer les rendements et la qualité des fibres en vue d'une utili-
sation importante en industrie et conserver à partir d'un matériel de base issu
des variétés locales une résistance suffisante en accord avec les conditions
habituelles d'exploitation
C'est ainsi que la diffusion en Côte d'Ivoire du
Mono, nouvelle variété mis au point après des recherches génétiques, s'opère
à partir de 1952 et connait un certain nombre de succès. En effet, le Mono devait
être assez largement adopté,
sans pour autant apporter de changements notoi-
res aux techniques culturales, mais son meilleur rendement et sa meilleure résis-
tance lui assuraient de plus nombreux débouchés que les variétés locales
précédentes. Au total, la production cotonnière, pratiquement nouvelle en 1950
atteindra 5 000 tonnes en moyenne dans les dernières années de cette décennie .
. . . / ...
(1) "L'effort de Guerre" est le mot d'ordre visant à associer les colonies pour
la réalisation de performances économiques pendant la Deuxième Guerre Mondiale.

- 93 -
Mais ne perdons pas de vue la situation antérieure : à la veille des
années 1960, les paysans de Centre nourrissaient une hostilité pl us ou moins
avouées envers la culture du coton et, de ce fait, n'étaient nullement disposés
à l'accueillir.
C'est de cette situation qu'héritera la Compagnie Française pour le
Développement des Textiles C.F.D.T.) lorsqu'elle décidera de se lancer en 1960
dans une phase active de vulgarisation. A ce niveau, il faut noter que, parallè-
lement à la diffusion du Mono, se poursuivaient des recherches avec les variétés
hybrides Allen appartenant au genre Hirsutum (1) ; ces sélections à partir du
Allen font preuve d'une supériorité évidente en rendement, en qualité et en lon-
gueur de fibre. Ainsi, à la fin de la décennie, le matériel végétal et les amé-
liorations techniques sont suffisamment au point pour entreprendre selon des
techniques nouvelles, une opération de diffusion massive du coton en zones de savane.
On peut, de façon très résumée, situer l'action de la CFDT sur ces
quelques principes de base :
- La variété Allen doit rester homogène dans toute la zone de diffusion
et provenir
des semences sélectionnées, distribuées au paysan avant chaque
campagne; aussi, dans l'évolution de la production cotonnière, constate-t-on
la disparition progressive de la variété Mono comme l'indique le tableau ci-
dessous :
PRODUCTION COTONNIERE ET DISPARITION PROGRESSIVE DU MONO
1
1
COTON-GRAINE (Tonne)
COTON- FIBRE (Tonnes)
1
1965
1970
1975
1980
1965
1970
1975
1980
ALLEN
5 500
52 000
95 000 143 000
2 300
20 500
38 000
57 200
MONO
6 900
3 000
1 500
-
2 000
1 000
500
-
TOTAL
12 400
55 000
96 500 143 000
4 300
21 500
38 500
57 200
(Source : La documentation Africaine - 1980)
... / ...
(1) Le genre Hirsutum serait d'origine américaine (Sud du Mexique et Guatema1aJ

- 94 -
- Des impératifs techniques rigoureux sont fixés afin de permettre
à la culture d'atteindre le double objectif de rendement et de qualité;
- L'initiation des paysans et la charge de faire respecter les consi-
gnes techniques sont confiées à un personnel formé par l'I.R.C.T ;
- Les récoltes sont achetées aux producteurs par l'organisme d'encadre-
ment (C F D T) à un prix fixe et garanti.
Ainsi, malgré le bouleversement qu'elle entraine par rapport aux métho-
des traditionnelles, l'opération
coton-allen connait un succès remarquable
pendant la decennie 1960-1970. Aussi, limitée en 1961-1962 à quelques
sous-
préfectures autour de Bouaké, la zone cotonnière couvre-t-elle en 1968, la quasi-
totalité des savanes du Nord et entame-t-elle les marges forestières du Sud. La
production de coton graine (allen) passe ainsi de 236 tonnes en 1961 à 41 740
tonnes en 1968.
2.2 PRODUCTION ET COMMERCIALISATION DU COTON
L'exécution matérielle du plan-coton confiée à la C.F.D.T par l'Etat
de 1963 à 1973 relève depuis cette date de la CIDT (Compagnie Ivoirienne pour le
Développement des Textiles), demeurée liée au Gouvernement Ivoirien par une con-
vention générale. Cependant, la Compagnie Française reste toujours présente
c'est en effet elle qui apporte à la CIDT tout l'appui technique (logistique)
nécessaire.
La CIDT concentre en son sein l'ensemble des pouvoirs requis pour
mener l'opération
cotonnière à bonne fin: de l'encadrement des paysans à la
fourniture des semences, des engrais et des pesticides; de l'organisation des
marchés pour l'achat du coton-graine à l'usinage en vue de l'extraction des
fibres ; de transport du produit semi-fini à sa commercialisation soit en Côte
d'Ivoire, soit à l'extérieur du pays.
2.2.1 SUPERFICIE ET PRODUCTION COTONNIERES
Les superficies cotonnières sont en accroissement quasi continue depuis
1969-1970.
.../ ...

- 95 -
En 1973-1974, au total, 12 départements, 59 sous-préfectures représen-
tant 150 000 KM2 et peuplés de 1 850 000 habitants étaient touchés avec plus de
66 550 exploitants.
La zone d'action de la CIDT s'étendait sur environ 190 000 Km2 en 1978-
1979, avec 16 préfectures concernées de façon très inégale ; on comptait
2 758 villages encadrés.
Le tableau ci-après nous montre l'évolution de la superficie globale
consacrée à l'opération cotonnière.
EVOLUTION DES SURFACES COTONNIERES
-
ANNEES
70-71
78-79
79-80
80-81
SURFACES SEMEES (ha)
58 868
107 254
122 983
126 310
(Source
Afrique Agriculture - Juin 1982)
C'est au mois de Septembre que l'on mesure le mieux l'emprise de l'Allen
dans les campagnes septentrionales. En effet, avec un rendement
moyen supérieur
d'une tonne à l'hectare, le Nord du pays s'est imposé comme la première zone
cotonnière en Côte d'Ivoire.
Cependant, ce sont dans les campagnes de Mankono, de Séguéla et de
Kani, la région cotonnière Ouest que les récoltes apparaissent généralement comme
des plus régulières.
Les cotonneraies restent moins regroupées,
moins étendues dans les
savanes de Katiola, de Béoumi et de Bouaké ; ce caractère est encore plus accen-
tué vers le Sud. En effet, dans les zones préforestières (Bouaflé, Dimbokro, ... )
le cotonnier perd son emprise sur le paysage au profit des cultures de plan-
tation. En fait, "son extension dépend tout aussi bien du prix garanti pour le
café, de l'irrégularité des pluies ou du bon vouloir des propriétaires coutumiers
dont les exigences en matière de location de terres s'élèvent avec le succès de
l'opération" (1).
Quant à l'évolution de la production cotonnière, elle a suivi étroite-
tement l'accroissement des superficies d'exploitations.
. .. / ...
Cl) SAWADOGO CA.)
L'Agriculture en Côte d'Ivoire. PUF Paris 1977 P.P 131-132

- 96 -
En effet, la production de la campagne 1973-1974 était de 58 465 T ;
deux années plus tard, elle s'élevait à environ 65 000 tonnes. Les rendements
seront ainsi, pour la quatrième fois (77-78) supérieurs à 1 000 kg/ha et ce,
dans toutes les régions (de 1 069 kg/ha pour la région d'Odienné
à 1 005 kg/ha pour le Centre). La production ivoirienne
fut cette année la seule à avoir progressé de plus de 19 % en Afrique Noire
Francophone. La production de coton-graine supérieure à 100 000 tonnes depuis
1977-1978 a encore progressé, de l'ordre de 18 % pour la campagne 1978-1979, se
situant ainsi parmi les premiers pays producteurs de la zone Francs, avec en-
virons 130 000 tonnes, soit plus du double de la campagne 1975-1976. Une année
après,
soit en 79-80,
la production totale atteignait à peu près 145 000
tonnes de coton-graine.
Depuis quatre ans, cette production cotonnière s'est plus ou moins sta-
bilisé autour de 140 000 Tonnes.
Sans nous attarder ici sur les grandes caus€$de
l'important dévelop-
pement de l'opération cotonnière dans les zones de savane ivoirienne, causes que
nous verrons ultérieurement (1), il est important de noter que la fixation d'un
prix d'achat uniforme pour l'ensemble de la zone d'activité et garanti par la
Caisse de Stabilisation des prix,
la certitude d'un bon résultat à condition
de se plier sans défaillance à la stricte discipline culturale exigée par la
C.I.D.T et l'aiguillon des besoins d'argent ont joué un rôle majeur dans le suc-
cès du cotonnier dont la culture est pourtant astreignante.
2.2.2 LA COMMERCIALISATION DU PRODUIT DES EXPLOITATIONS
Deux qualités de coton se présentent à la vente : le coton blanc,
bien trié et sec est la première qualité ; le produit de seconde qualité est
décrit comme le coton parasité ou mal trié.
Au niveau de l'achat du coton, il faut dire que les prix aux produc-
teurs ont très peu varié depuis une dizaine d'années; l'augmentation du prix au
kilogramme est de 20 FCFA pour cette dernière campagne agricole ; ce qui fait
passer le kilogramme de coton de 80 FCFA à 100 FCFA (2).
... / ...
(1) Voir le changement du système productif, chapitre 3 de la présente partie.
(2) Conseil des Ministres du 17 Oct. 1983 - Voir Fraternité Matin du 18-10-83.

- 97 -
Le tableau ci-dessous laisse entrevoir les différents prix du coton
depuis la campagne 1973-1974.
EVOLUTION DES PRIX D'ACHAT AU PRODUCTEl~ (FCFA)
Campagnes
73-74 74-75 75-76 76-77 77-78 78-79 79-80 80-81 81-82 82-83 83-84
1er Prix/Kg 45
70
70
80
80
80
80
80
80
80
100
2è Prix/Kg
-
-
-
70
70
70
70
70
70
70
90
Le coton en C6te d'Ivoire est entièrement acheté par la CIDT, direc-
tement ou indirectement; elle l'achète directement par son personnel commer-
clal avec la participation de manoeuvres recrutés les jours des activités
d'achats; ces derniers, en général des journaliers, ont pour tâche le charge-
ment des ballots de coton dans
les camions.
La Compagnie achète le coton
directement, en passant par les Groupements à Vocation Coopérative (G.V.C) qui
existent dans certains villages (mais sont maintenant de plus en plus représen-
tatifs) ; à ce niveau, les membres du GVC se substituent à l'équipe d'achat de
la CIDT et exécutent ensemble
les différentes
phases de cette commercialisa-
tion : pesée, comptabilité, chargement etc. (1).
L'opération-commercialisation est de grande envergure, témoin, l'in-
tense activité qui s'y dégage; en effet, les nombreuses équipes d'achat ser-
pentent toutes les zones rurales,mêmes les plus petits villages producteurs de
coton, pour la collecte du produit; c'est certainement à cette époque que
l'omniprésence de la Compagnie est la plus patente.
Pour ce qui concerne l'organisation du marché pendant l'achat du
coton-graine, la CIDT a la faculté d'agir par elle-même en utilisant ses propres
camions ou en ayant recours à des tiers, telles la Régie Abidjan-Niger (RAN)
pour le chemin de fer ou la Coopérative Ivoirienne des Transporteurs (C.I.T.)
pour les transports routiers.
Au total, l'opération cotonnière laisse percevoir une vétitable
... / ...
(1) Nous reviendrons dans la 2ème partie sur cette activité des G.V.C

- 98 -
intégration; en effet, la ClOT est la Société intégratrice si l'on se réfère
à ses activités: c'est elle qui fournit les moyens au paysan (facteurs de
production, encadrement technique)
c'est encore elle qui se porte garante
pour l'achat de sa récolte intégrale; aussi, peut-on à juste titre parler
d'une intégration du paysan au niveau de la filière coton.
Mais, il est important de souligner ou plutôt de rappeler que si
l'année 1973 a vu le passage de la CFOT à la ClOT, cette même année a donné
une nouvelle orientation au programme d'activité de la Compagnie. En effet,
en plus de la production du coton qui en est l'objectif originel, la ClOT
s'intéressera audeveloppement des cultures vivrières dans ses différentes
zones d'activités, objectif qui englobera toute la production du riz de savane,
avec la dissolution de la Société pour -le Développment de la Riziculture
(SODERlZ) en 1977.
Cette orientation nouvelle se situe à une époque où les pouvoirs
publics veulent donner à l' agricul ture traditionnelle,
une autre dimension
la modernité.

- 99 -
CHAPlmE
V
LE DEVELOPPEMENT DES CENrnES URBAUE ET LA PR(M)TlOO
DES PROOUITS VIVRIERS "~ERNES'I
Dans le présent chapitre, il s'agira de saisir le développement d'un
certain nombre de produits qu'on qualifie généralement de produits alimentaires
"modernes", par opposition aux "traditionnels" (voir introduction et prochain
chapitre). Ces produits apparaissent de plus en plus sur le marché national et
répondent plus ou moins à une demande urbaine sans cesse croissante en denrées
alimentaires diversifiées, que ce soit en produits de base, en produits complé-
mentaires ou même en produits de substitution. On note également la présence de
certains produiLs dont la destination est l'exportation, pour une bonne partie.
comment se situe alors cette nouvelle agriculture dans les savanes
ivoiriennes?
1. LE RIZ : FER DE LANCE DU DEVELOPPEMENT DES VIVRIERS
Dans la modernisation des cultures vivrières, si le riz a été l'un des
premiers produi ts ayant bénéficié de structures modernes de production et
même de commercialisation, la cause n'en est pas simplement un choix préférentiel
des Pouvoirs Publics. En fait, le riz retenait déjà une part importante des devi-
ses affectées aux importations des produits alimentaires car la production natio-
nale était bien loin de satisfaire les besoins : les deux tableaux ci-dessous
sont assez significatifs pour déterminer la situation du riz en Côte d'Ivoire.
Face donc à ces données, l'effort enfaveur du développement de la rizi-
culture a été J'une des domininantes du Plan de Développement Agricole 1971-1975.
PRODUCTION 1)1; PADDY
EVOLUTION DES IMPORTATIONSDE RIZ
(Tonne)
ANNEE
TONNES (millier
ANNEE
TONNES
ANNEE
TONNES
1960
160
1960
42 000
1966
82 800
1962
229
1961
50 000
1967
43 000
1965
250
1962
47 000
1968
46 000
1968
365
1963
33 700
1969
56 000
1969
303
1964
62 700
1970
78 800
1971
385
1965
58 800
1971
97 300
(Sources
La Côte d'Ivoire en chiffres 77-78)

- 100 -
1.1 LA SODERIZ ET LA MISE EN OEUVRE DE LA POLITIQlΠRIZICOLE
La Société pour le Développement de la Riziculture (SODERIZ) ne fut
pas la première structure à s'intéresser à la production rizicole; en effet,
dès 1963, la promotion de la riziculture pluviale était prise en charge par la
Société d'Assistance Technique pour
la Modernisation Agricole de la Côte
d'Ivoire (SATMACI). Ce programme de développement couvrant la période 1965-1971
fut plutôt marqué par des essais de modernisation de techniques rizicoles tradi-
tionnelles et surtout par les premières tentatives de rizicultures irriguées
intensives sur de petits aménagements hydro-agricoles avec notamment le premier
programme dans la zone dense de Korhogo.
Mais, c'est avec le Plan Agricole 71-75 Qui accorda une place de choix
à
la
riziculture,
option
immédiatement
concrétisée par la création d'une
nouvelle société d'Etat, la SODERIZ, que l'ensemble de la politique de dévelop-
pement rizicole se précisa et prit une envergure plus importante. Les actions
de la SODERIZ englobaient à la fois l'aménagement hydro-agricoles pour le riz
irrigué et l'encadrement du riz pluvial (riz de plateau et de bas-fond), la
commercialisation et l'usinage du Paddy. LesprL,cipales zones d'intervention
étaient
localisées surtout
dans
le Nord du pays,
avec la mécanisation de
la riziculture inondée dans les plaines de la région d'Odienné, et la rizicul-
ture irriguée, en bordure du Haut Bandama, dans la région autour de Korhogo.
Sans entrer pour le moment dans les détails de l'encadrement mis en
place par la SODERIZ (voir le prochain chapitre), il est intéressant de noter
que si les premières années de la modernisation de la riziculture n'ont pas été
à la hauteur des investissements ; en effet,
les importations, alors impor-
tantes comme on vient de le voir, commencèrent à baisser de façon sensible;
elles furent même insignifiantes car limitées essentiellement au riz de "luxe"
le tableau suivant le démontre assez bien.
SITUATION DES IMPORTATIONS DE RIZ (1970-1976)
ANNEE
1970
1971
1972
1973
1974
1975
1976
TONNES
78 800
93 300
77 122
147 910
72 955
1 636
2 315
(Source
La Côte d'Ivoire en chiffre
77-78)
... / ...

- 101 -
Ainsi, la SODERIZ a permis, avec 400 000 tonnes de Paddy en 1974,
la décroissance des importations de riz et surtout la satisfaction quasi totale
des besoins nationaux en 1975 et 1976, elle le doit à sa structure d'encadre-
ment: la fourniture de semences, la commercialisation du produit des exploita-
tions, l'assistance technique, etc. De ce fait, le producteur de riz, comme
celui du coton, restait très intégré au sein d'un organisme d'encadrement qui
lui permettait l'écoulement de sa production à des prix fixes et garantis.
Malheureusement, la dissolution de la SODERIZ en 1977 va donner à la
culture du riz un environnement incertain de commercialisation. Nous insiste-
rons sur les insuffisances de l'encadrement (surtout au niveau de l'écoulement
des vivriers sur les marchés urbains) dans les chapitres IX et X de notre Etude.
Ainsi, avec la disparition de la SODERIZ, le programme rizicole va
concerner trois organismes régionaux (nous en avons fait cas dans la partie
introductive de cette étude) : la CIDT, la SATMACI et la SODEPALM.
Pour ce qui concerne les zones de savane, c'est donc la CIDT qui héri-
tera de l'opération de la défunte SODERIZ ; son action va concerner l'intégra-
tion de la culture du riz pluvial dans les exploitations cotonnières et la re-
cherche de l'amélioration de l'utilisation des périmètres irrigués existants.
1.2 LA CIDT ET LE DEVELOPPEMENT DE LA RIZICULTURE EN SAVANE
On peut retenir ici les grands trai~des attributions de la CIDT
-
La production du Paddy,
- La production de semences,
-
La gestion des périmètres irrigués,
-
La participation à la collecte primaire du Paddy.
Au niveau de la production du Paddy, on s'efforcera d'améliorer l'uti-
lisation des terres
aménagées; on assistera ainsi à l'extension de la culture
pluviale dans toutes les zones favorables au développement des assolements
coton-riz ; ces assolements auront pour but la stabilisation des cultures et la
modernisation des exploitations. L'augmentation de la production de riz sera un
des objectifs de la CIDT dans le programme de développement rural des savanes
... / ...

- 102 -
du Nord-Est avec l'aménagement des bas-fonds et la création d'assolements moder-
nes donnant une place de choix au riz (1).
L'une des attributions de la CIDT est aussi la production des semences
de riz ; sans entrer dans les détails techniques de cette production que nous
verrons dans le prochain chapitre (le changement du système productif), il faut
noter que c'est la CIDT, en collaboration avec l'IDESSA (Instituts des Savanes)
qui fournit les variétés exploitées. La Compagnie possède quatre fermes semen-
cières (riz et maïs) ; le riz est cultivé en plusieurs variétés selon les dif-
férents types de cultures : riz irrigué, riz de plateau, riz de bas-fond.
Il existe aussi
des
parcelles de multiplication de semences
;
il
s'agit ici des paysans ayant été retenus par la CIDT pour la production de
semences ; en fait, les "paysans semenciers" possèdent en général une exploi ta-
tion relativement importante sur laquelle est utilisée une motorisation conven-
tionnelle (grosse motorisation). Ainsi, sur ces exploitations}les paysans
bénéficient de produits sélectionnés et d'un encadrement étroit afin de permet-
tre la multiplication des semences dans les meilleurs conditions; à la limite,
ces parcelles de multiplication jouent le même rôle que les fermes semencières
de la compagnie.
Pour ce qui concerne la gestion des périmètres irrigués, la poursuite
des actionsde la SODERIZ s'est caractérisée par l'aménagement de 10 875 hectares
de périmètres rizicoles. Ces aménagements ont pu se faire au fil de l'eau ou
avec l'édification de barrages et même quelquefois par pompage.
Au total, au ni veau de la modernisation de la riziculture, les opéra-
tions en zones de savane portent sur le développement des trois types de cul-
tures
la culture irrigué~/la culture inondée et la culture pluviale de
plateau
ce dernier type reste pour ·la CIDT la culture rizicole la plus repré-
sentative ; en effet le riz de plateau fait partie depuis une dizaine d'année
des assolements modernes où l'encadrement le retient à côté du coton et de
certains vivriers (2).
... / ...
(1) Le Nord-Est est la seule zone agricole des savanes où la culture du coton
est absente, du moins pour le moment.
(2) Voir le prochain chapitre.

- 103 -
En matière de collecte et d'usinage du Paddy, il est apparu indispen-
sable d'y associer les trois sociétés (SODEPALM, SATMACI, CIDT) afin d'assurer
la commercialisation de la production des paysans. C'est ainsi que la CIDT a
assuré la collecte dite primaire pour le compte de l'Office de Commercialisation
des Produits Agricoles (OCPA) , société qui après la SODERIZ gère les magasins
de collecte et les rizeries. Cette collecte primaire consiste à l'achat du Paddy
chez le paysan; la production est ensuite dirigée sur les magasins de collecte.
Mais, la Compagnie a eu à faire face à ses nouvelles attributions
sans qu'elle soit toujours à même de maîtriser l'ensemble des problèmes relatifs
à la production, à la commercialisation, à l'usinage. Ainsi, au niveau de la
commercialisation, la CIDT n'a pas participé à la collecte pour la campagne 1981-
1982 car le planning d'achat et de trésorerie n'avait pas pu être défini plus
clairement avec l'OCPA qui l'année précédente (80-81) n'avait pas été très
remarqué sur le terrain de la collecte.
Cependant, notons que le problème de la commercialisation du riz
relève d'une autre dimension,
plus globale,
de la si tuat ion générale de la
production paysanne.
En fait,
avec
la SODERIZ,
comme on l'a vu rapidement,
l'intégration du producteur était quasi complète dans la filière riz, depuis la
fourniture des facteurs de production jusqu'à la commercialisation du produit.
Certes, aujourd'hui, le riz irrigué bénéficie des mêmes avantages (ou presque)
que le coton mais, la superficie totale qui lui est octroyée reste dans l'en-
semble très modeste. Ainsi, dans beaucoup d'exploitations paysannes, le riz
redevient un vivrier d'autoconsommation
ceci étant principalement dO aux
incertitudes de la commercialisation du produit.
Nous tirerons les grandes conséquences de cette situation dans nos
futures analyses; néanmoins, pour le moment, force est de constater qu'après
la disparition de la SODERIZ, la production nationale a considérablement regres-
sé donnant par la même occasion, une dimension remarquable à l'importation:
IMPORTATION DU RIZ (1976-1980)
ANNEE
1976
1977
1978
1979
1980
TONNES
2 315
147 539
141 714
217 817
242 441
(Source
La Côte d'Ivoire en Chiffres - 81/82)
... / ...

- 104 -
2. LA SOOEFEL ET LE DEVELOPPEMENf DES PROOUITS MARAICHERS
La Société pour le Développement des Fruits et Légumes est l'organis-
me d'appui à la production des cultures maraichères en Côte d'Ivoire. En effet,
créée en 1968, la SODEFEL a depuis lors orienté ses efforts dans l'augmentation
de la production en vue de la satisfaction de la demande nationale en légumes
frais. Cette politique de développement des maraichers est inscrite dans le
cadre de la promotion des denrées qui doivent favoriser la composition d'une
ration alimentaire équilibrée, au sein de la population ivoirienne.
Mais, la création de la SODEFEL répond surtout au besoin de limiter
l'importation des
fruits
et
légumes dont
le tonnage et le coût croissaient
chaque année
; ainsi,
les importations de légumes frais sont passées de
13 553 tonnes en 1970 pour une valeur de 620 millions de FCFA à 16 865 tonnes
en 1974 pour 999 millions de FCFA (1).
Les principaux produits maraîchers restent la tomate, l'aubergine,
la pomme de terre, les choux et les oignons; cependant, la production de la
SODEFEL, toutes zones confondues, est diverse et variée, comme le montre le
tableau de l'essentiel des produits SODEFEL.
ESPECES COMMERCIALISEES - SODEFEL (1980)
ESPECES
QUANTITES
Tomates fraîches
1 697
Choux
444,5
N'drowa (aubergine locale)
336,6
Oignon
69,2
Gombo
67,2
Pommes de terre
65,4
Melons
19,4
Poireaux
7,3
Poivrons
5,7
Fraises
2,8
Pastèques
2,7
Divers (Carottes Courgettes ... )
3
TaI'AL (LEGUMES FRAIS)
2 720J B
TQ\\1ATES DE CONSERVE
2 675,9
lUfAL
5 396.7
(Source : Afrique Agriculture N° 82 - Juin 1982)
( 1) LA DOCUMENTATION AFRICAINE: l'Agriculture Ivoirienne - Vingt années de déve-
loppement agricole 1960-1980.
.../ ...

- 105 -
Les attributions de la SODEFEL au niveau de la production des légumes
frais pour l'approvisionnement d'Abidjan et des grandes villes du pays sont
définies à travers le vaste programme maraîcher ; les zones de savane détiennent
une place de choix dans cette opération; en effet. dans le programme 1975-1980
du développement des maraîchers, la SODEFEL reste largement et même essentiel-
lement représentée dans le Centre et le Nord du pays comme l'atteste le tableau-
programme ci-dessous.
LE DEVELOPPEMENT DES MARAICHERS - PROG~~ 75-80 SODEFEL
1
1
IMPLANTA-
SUPERFI -
EXPLOITA-
PRODUC-
OPERATION
MARCHE
STADE
1
TION
CIE
TION
TION
1
1
1------------- --------- ---------- ---------- ---------- ---------- ----------
1
FERKE
300 ha
Irriga-
4 500 t.
en cours
TOUBA
220 ha
tian et
3 500 t.
en cours
Zones
Marché
KOSSOU
600 ha
mécanisa-
8 000 t.
en cours
Maraîchères
National
\\
tion par
TOUBA
(1 000 ha)
-
étude
unités
(Extension
de 45-60
hectares
Petits péri-
Marchés
en cours
1
20 villes
200 ha
Irrigué
4 000 t.
mètres
locaux
+
urbains
étude
1
Marché
Irriguée
Nord
1 500 ha
Conserverie
National
très mé-
20 000 t.
étude
canisée
1
..
1
Une unité
Exportation
Europe
Centre
300 ha
4 000 t.
étude
1
moderne
1
1
1
================================================================================
Les opérations naguère à l'étude sont actuellement dans leur phase
de production ; nous avons vu dans la première partie de cette étude que la con-
serverie (concentré de tomate) de Sinématiali est entrée en production.
Mais. au niveau de la production pratique de la SODEFEL, on distingue
les grandes zones maraîchères par opposition aux petits périmètres maraîchers.
D'abord, de 1972 à 1977, sur la base de résultats expérimentaux, la
SODEFEL élabore un plan de développement des cultures maraîchères avec
les
projets de Ferké en 1973, de Touba en 1974, de Sinématiali en 75-77 et
... / ...

- 106 -
Marabadiassa en 1977. En général, ces zones de production sont caractérisées
par des unités irriguées et mécanisées, sur des superficies relativement
importantes.
Les petits périmètres maraîchers restent un autre type de production
de légumes frais, à côté des grandes opérations ; généralement produites sur
des superficies moins importantes, les légumes de ces périmètres sont essentiel-
lement destinés à approvisionner les villes de l'intérieur; la production
de certains périmètres était la suivante :
PETITS PERIMETRES ~~ICHERS - PRODUCTION SODEFEL 1980
--------------------------------------------------------------------------------
------------------------------------------------------------------------------
VALEUR BRUTE
CENTRES
SURFACES
PRODUCTION
(Millier FCFA)
1
--------------------- -------------- ------------------- ---------------------
N'DAKRO
27
ha
42,1 t.
8 994
1
NIAMBRUN
32,5 ha
418,3 t.
29 529
N'ZI-BANDAMA
10,5 ha
4,9 t.
367
Il
RUBINO
42,5 ha
615
t.
42 957
Il
Il
1
TOUBA
9
ha
67,5 t.
6 329
GAGNOA
12
ha
98,3 t.
10 031
1
1
===============================================================================-
(Source : Afrique Agriculture N° 82 - Juin 1982)
Cependant,
malgré
leur
superficie
relativement
modeste,
ces
péri-
mètres ne sont pas exempts d'une modernisation de la production; en effet,
comme dans
les
zones maraîchères plus
importantes,
ici aussi,
mécanisation
des cultures et irrigation des terres caractérisent le système de production.
Mais, dans cet environnement de production moderne de légumes avec
l'encadrement de la SODEFEL, apparaît le monde des maraîchers traditionnels
il s'agit de petites productions paysannes, essentiellement localisées dans les
ceintures urbaines. Actuellement, les interventions de la SODEFEL au niveau de
... / ...

- 107 -
ces petits jardins est notable, même s'il faut reconnaître Que cette assistance
reste très limitée dans la majeure partie des cas.
En plus de la production des fruits et légumes, la SOOEFEL s'occupe
de l'organisation de la commercialisation; en fait cette attribution est
récente car la vente des produits IDcombait à AGRIPAC avant sa dissolution (1) ;
les activités de commercialisation comprennent le groupage et le conditionnement
de la production, la création éventuelle de boutiques pilotes sur les princi-
paux marchés; il faut ajouter aussi Qu'en plus de ces différentes attributions,
la SOOEFEL assure la commercialisation de ses produits à l'extérieur de pays.
Aussi, comme la ClOT pour le coton et comme le fut la SOOERIZ pour
le riz, la SOOEFEL, avec les périmètres maraîchers dont elle assure l'encadre-
ment,
reste le seul
interlocuteur du paysan producteur de légumes,
tant au
niveau de l'acquisition des facteurs de production Qu'à celui de l'écoulement
de sa production; une fois de plus, le caractère intégrateur est des plus
évidents.
3. LA PROOUCTlOO SOCRIERE
LA SODESUCRE, Société pour le Développement de la Production Sucrière
en Cote d'Ivoire, est chargée de la promotion du plan sucrier entrepris il y a
un peu plus d'une dizaine d'années. Ce plan sucrier est entré en production
durant la campagne 1974-1975 ; mais en plus du premier objectif Qui concerne
la couverture des besoins nationaux (environ 65 000 tonnes en 1980), la
SODESUCRE oriente une partie de sa production vers l'exportation (2)
On compte aujourd'hui six complexes sucriers implantés, tous, dans
la moitié Nord de pays (3) ; ces complexes sucriers sont en fait de véritables
blocs industriels conçus pour l'exploitation de la canne à sucre produite sur
les domaines de la Société.
De ce fait, la production sucrière se différencie fondamentalement
des autres productions en zones de savanes; il ne s'agit p~en effet de
... / ...
(1) Voir "les structures d'appui en milieu rural", chap. X, 2e partie.
(2) Voir le chapitre IX à propos des principaux résultats de la production
agricole en zone de savane. (2e partie).
(3) Voir annexe III. Les Industrie de Transformation dans les zones de savane.

- lOS -
production paysanne mais de production étatique ; la part i c i pat ion des popu-
lations locales à la production de la canne et du sucre montre en effet que ceux-
ci n'interviennent seulement en tant que employés; les manoeuvres agricoles
restent les plus représentatifs de cette main-d'oeuvre des différents complexes.
Nous n'insisterons donc pas sur la production sucrière dans les
zones de savane étant donné qu'elle n'a aucune incidence agricole sur le
système productif paysan. Cependant, il n'est pas médiocre d'intérêt de situer
cette production sucrière dans l'environnement socio-économique des zones de
savane, notamment au niveau de l'impact du développement du programme sucrier (1).
4. LE SOJA
UNE NOUVELLE CULTlŒE EN VOIE DE DISPARITION ?
La culture de soja est l'une des "dernières-nées", si l'on peut
s'exprimer ainsi, de l'agriculutre moderne enzones de savane. Son introduction
répond plus à la recherche d'une alimentation riche en matières nutritionnelles
qu'à un besoin quantitatif pour l'alimentation de la population; les nutrition-
nistes affirment
sa très grande richesse en protéines.
4.1 LE SOJA, UNE PRESENTATION ALLECHANTE EN MATIERE DE DEVELOPPEMENT AGRICOLE
Pour assurer l'autosuffisance alimentaire (voir introduction), des
actions
précises
doivent
être
entreprises
par exemple,
l'intensification
de la production des produits azotés tels que les légwnineuses devrait faire
partie de ces actions à entreprendre: c'est à peu près l'une des orientations
de
la conférence du Secrétaire d'Etat à l'Agriculture (2) où le soja fut large-
ment cité en exemple.
Il
s'agissait,
entre autre,
de démontrer comment les
différentes transforrnat ions de cette culture pourraient about ir à une gamme
de produits alimentaires riches en protéines.
En fait,
il faut
situer le "phénomène-soja" dans un contexte bien
défini : avec ses nombreux avantages du point de vue nutritionnel et agronomi-
que, le soja est présenté comme l'une des plantes pouvant "révolutionner" l'agri-
culture moderne dans les pays sous-développés ; il apparaît comme une excellente
source de protéine (40 %) et peut être utilisé dans les régimes alimentaires
... / ...
(1) Voir Annexe III. Les industries de transforrnationdans les zones de savane.
(2) "Production et Valeur Nutritive". Conférence prononcée à Ourné le 17 Avril 82.

- 109 -
des hommes afin de réduire les déficits en calories puisqu'il contient près
de 20 % de matières grasses.
En gros, les potentialités dégagées par cette nouvelle culture sont
bien séduisantes: des graines de soja on extrait de l'huile comestible; on
peut l'utiliser pour la fabrication de savons, de peintures, d'engrais, de
produits pharmaceutiques ; après cette extraction, il reste le tourteau qui lui
aussi contient une grande proportion de protides, beaucoup de sels minéraux et
de vitamines
; ces tourteaux sont
recommandés aussi pour l'alimentation du
bétail; enfin. comme engrais vert, le soja est cultivé pour ses tiges et ses
feuilles. Pour conclure, on affirme que c'est une culture aisément mécanisable
(semis, entretien, récolte).
C'est
donc en
raison
de ces multiples possibilités
d'utilisation
qu'il a été décidé de promouvoir la culture du soja en Côte d'Ivoire. Aussi, dès
1974, les essais de production étaient-ils menés dans les régions du Nord, du
Centre et du Sud du pays. avec une quinzaine de variétés importées des Etats-Unis.
Les différents essais ont abouti à ce qu'on peut appeler le plan-
soja, avec pour la période 1979-1981 l'implantation de quatre fermes semencières.
Principalement orientées vers la production de soja avec l'encadrement technique
du BETPA (1),
ces fermes pourront
cependant contribuer à la multiplication
des semences de riz et de maïs. Aussi, sur une superficie totale de 8 000 ha,
la moitié sera prévue pour le soja.
Le projet concerne également la réalisation,
en collaboration avec
la CIDT,
d'expériences de prévulgarisation du soja en milieu paysan.
Cette
expérience devrait déboucher sur le développement à grande échelle de la culture
du soja qui ne devi~ndra opérationnelle qu'à partir de 1982.
Il s'agit donc de l'intégration du soja dans des programmes régiQ-
naux de développement au même titre que le coton et le riz.
Ainsi, dans un premier temps, la production dépassant les besoins,
des débouchés pourront être recherchés sur les marchés extérieurs ou les
... / ...
(1) Bureau d'Etude Technique des Projets Agricoles.

- 110 -
perspectives sont plus favorables (1).
Au total, la production paysanne reste entièrement encadrée par la
ClOT ; la Compagnie s'occupe également de la commercialisation et de l'éva-
cuation de cette production
; finalement,
la culture du soja bénéficie des
mêmes avantages octroyés au coton; gratuité des semences, de l'engrais et des
produits de traitement. Ainsi, pour l'opération-soja, on note les résultats
suivants
SURFACE
RENDEMENT
PRODUCTION
SECTEURS
(ha)
(kg/ha)
(t. )
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
- - - - - - - - - - - - - -
- - - - - - - - - - - - - - - - - - -
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Odienné
160
875
140
Boundiali
255
590
150
Korhogo
171
880
150
Ferké
227
615
140
Touba
35
715
25
Séguéla
79
1 020
80
Mankono
159
880
140
Bouaké
185
540
100
Yamoussokro
222
720
160
Bouaflé
84
895
75
Nord-Est
245
900
220
760
TOTAL
1 822
1 380
(moyenne)
Fermes
2 030
810
1 650
Semencières
(source : Afrique Agriculture N° 82 Juin 1982)
Cependant, malgré la présence de la culture du soja dans tous les sec-
teurs agricoles de la CIDT comme le montre le tableau ci-dessus , les résultats
... / ...
,(1) L'exemple Brésilien pour1a production de soja apporte, semble-t-il, une note
d'optimisme au niveau des Pouvoirs Publics. En effet, le soja et les produits déri-
vés représentent dans ce pays, depuis les années 70, plus du quart des exportations
agricoles et alimentaires.
Voir à ce propos l'étude de Jean-Pierre BERTRAND :
"Le Boum du Soja au Brésil" - In Economie Rurale W 147-148 op. ci t ,

- Hl -
escomptés sont loin de se rapporter aux efforts investis, et disons qu'actuel-
lement on peut constater une très grande déception, tant au niveau des Pouvoirs
Publics et des agents de développement qu'à celui des paysans, ceux-là même
qui sont directement concernés par l'opération-soja.
4.2 LES REALITES DU TERRAIN
UNE TRISTE EXPERIENCE
La campagne-soja de 1979 à 1983 a démontré, dans la quasi-totalité
des zones agricoles de savane, les limites de l'opération, tant au point de
vue de l'évolution des superficies que du point de vue de celle du nombre de
paysans cultivant ce produit. La production de soja à Odienné et Boundiali,
deux secteurs qu'on peut considérer comme relativement importante au niveau
de la culture de ce produit (voir tableau), laisse percevoir une diminution
régulière des surfaces d'une campagne à l'autre. Ainsi, dans le secteur d'Odienné
passe-t-on de 160,25 hectares pour la première campagne à 129 hectares la seconde
année puis à 63,75 hectares pour
la troisième année (1982-1983)
on passe
aussi de 262 paysans encadré à moins de la moitié, soit 127 paysans de 1981-1982
à 1982-1983 (1). Cette situation est
identique à Boundiali avec, elle aussi,
une baisse constante des
surfaces depuis les deux dernières campagnes ; la
baisse totale s'élève à 75,50 hectares par campagne, soit environ 29,5 % des
surfaces affectées au soja ; le nombre de paysans suit cette baisse générale,
passant de 455 en 1981-1982 à 178 en 1982-1983, soit une diminution de près
de 40 % en l'espace de deux années agricoles (2)
De même, au niveau de notre échantillon concernant l'établissement
des monographies d'exploitation (régions de Boundiali et d'Odienné confondues),
avec les 25 exploitations
recensées, seulement 2 ont cultivé le soja en 1981-
1982, un seul paysan en 1982-1983 : pour cette campagne agricole (83-84), le
soja a été purement et simplement abandonné.
Les explications des responsables de la vulgarisation et des agents
d'encadrement ajoutées à celles des paysans producteurs nous font retenir trois
raisons essentielles à cette baisse généralisée de la production du soja.
La première concerne la qualité des semences d'une part, et la dispo-
nibilité des semences pour les paysans dans les limites du calendrier de semis
.../ ...
(1) CIDT
Direction de secteur - Odienné - Rapport d'activités 82-83
(2) CIDT - Direction de Secteur - Boundiali - Rapport d'Activités 82-83.

- 112 -
d'autre part. En effet, généralement, les semences qui sont jusque là parvenues
aux paysans ont été reconnues comme étant de mauvaise qualité ; cette situation
est certainement due à l'inadaptation et surtout aux lacunes de conditionnement
de la semence sélectionnée ; elle pose aussi les limites de la phase expéri~
mentale de la \\~lgarisation. En plus, tous les responsables de la vulgarisation
sont unanim~pour reconnaître le retard prononcé dans l'arrivée des semences
au niveau de chaque secteur pour la distribution dans les exploitations. Dans
ce cas, le calendier cultural étant très peu respecté, la production finale
en sera touchée.
La seconde raison des limites de la culture
du soja rapporte plutôt
à la complexité et à la délicatesse de certaines opérations. Cet état de fait
s'explique d'abord par le caractère de nouveauté de la plante dans l'environne-
ment paysan; mais il faut y ajouter la réelle difficulté qu'à le paysan dans
l'exécution de certaines phases de la production. Ainsi, au niveau de la récolte,
on retient essentiellement
l'urgence de la tâche car la période de travail
reste très limitée dans
le courant de la journée : il est en effet consei l-
Ié de procéder à la récolte soit en début de matinée soit en fin de journée
car on constate une déhiscence naturelle des gousses en temps chauds ; la
manipulation en ces
moments-là accroît l'importance de cette dehiscence. On
peut aussi citer la difficulté de stockage du produit très "délicat" et donc
très périssable: on note par exemple que la chaleur, en plus d'être la cause
de l'ouverture des gousses, provoque très souvent une pourriture du produit
si le séchage n'est pas suffisant; cette situation apparaît pendant le moment
de la commercialisation, lorsque le paysan attend l'équipe d'achat de la CIDT.
Il n'y a certainement pas d'épreuve moins supportable que celle-ci.
La dernière raison reste pour nous la plus importante; il s'agit
des rapports entre le soja et le coton. En effet, comme culture de rapport,
le soja ne sort pas "victorieux" de la concurrence qui l'oppose au coton, cul-
ture de rapport "omnipotente" des zones de savanes ; ainsi, en plus des limites
agronomiques
et techniques de la plante que nous venons de voir, le soja ne
bénéficie par de l'atout économique car à ce niveau encore, le coton lui est
largement préféré. A ce niveau, on peut affirmer que le revenu brut des deux
cultures ne permet pas au soja de s'imposer; les résultats comparatifs dans
un des secteurs agricoles de la zone de savane révèle ce net avantage pour le
coton.
... / ...

- 113 -
BOUNDIALI - RESULTAT DE CAMPAGNE COTON-SOJA
1981-1982
1982-1983
COTON
SOJA
COTON
SOJA
Production
22 368 T.
54,5 T.
21 503,5 T.
35,7 T.
(tonne)
Rendement
1 095 kgs
317 kgs
1 119 kgs
343 kgs
Moyen kg/ha
Revenu brut
127 897 FCFA
7 198 FCFA
134 284 FCFA
12 040 FCFA
Moyen/paysan
Revenu brut
93 740 FCFA
19 041 FCFA
95 446 FCFA
20 607 FCFA
Moyen/ha
(source
ClOT - BOUNDIALl - 82-83)
On peut mentionner aussi le fait de la juxtaposition des cultures ;
nous allons nous étendre plus largement sur cette situation de l'agriculture
paysane dans le chapitre X de l'étude mais, il n'est pas médiocre d'intéret
de
souligner ici que le soja souffre de ce chevauchement des calendriers agri-
coles des différentes cultures; par exemple, cette récolte délicate dont nous
avons fait mention plus haut coincide avec celle des autres cultures : riz,
maïs, coton : le choix est en général facile à faire car le paysan tiendra
compte de l'importance de chacune de ces cultures.
Ainsi, aujourd'hui, il n'est pas du tout aisé de parler de l'opération-
soja en milieu agricole paysan; tout ce qu'on peut constater, c'est que le soja,
culture de rapport nouvellement introduite dans les savanes ivoiriennes, est déjà
à la recherche de son "second souffle".
On pense relancer beaucoup
plus positivement le plan soja vers
la fin de cette décennie ; les résultats expérimentaux et les données écono-
miques seront peut-être plus favorables au développement
du soja en milieu
paysan.
. .. / ...

- 114 -
CHAPITIŒ
VI
"LES VIVRIERS TRADITIONNELS" DANS LE SILLAGE DES PROOUITS
ALIMENfAIRES ''MOOERNES''
La modernisation de l'agriculture traditionnelle, comme nous venons
de le voir dans le chapitre précédent et comme nous l'avons vu dans l'introduc-
tion de la présente étude à propos de la brève histoire agricole de la côte
d'Ivoire, va concerner également la production des cultures dites "traditionnel-
les" car, celles-ci seront elles aussi très liées à la croissance démographique
principalement urbaine. Il est de ce fait, important de situer l'environnement
humain face à l'agriculture paysanne.
En effet, il y a peu de risque qu'on se trompe en disant que c'est
la campagne (ivoirienne ici) qui nourrit la ville, même s'il faut reconnaître
que pour
certaines denrées
al imantai re ,
l'apport
de la product ion importée
pour la satisfaction des populations des villes demeure encore très important,
dans la majeure partie des cas ; le riz (voir chapitre précédent) et le blé
sont les exemples les plus éclairants de cette situation.
EVOLlITION DES IMPORTATIONS DE BLE DE 1970 A 1981 (en milliers de tonnes)
CAMPAGNE
QUANrlTE
CAMPAGNE
QUANTITE
- - - - - - - - - - - - - - - - - -
------------------- -------------------- ------------------
1971-72
90
1976-77
125
- - - - - - - - - - - - - - - - - -
------------------- -------------------- ------------------
1972-73
99
1977-78
150
- - - - - - - - - - - - - - - - - -
------------------- -------------------- ------------------
1
1973-74
130
1978-79
168
- - - - - - - - - - - - - - - - - -
------------------- -------------------- ------------------
1974-75
96
1979-80
175
- - - - - - - - - - - - - - - - - -
------------------- -------------------- ------------------
1975-76
110
1980-81
194
(Source
Ministère de l'Agriculture, DSREA. Statistiques Agricules 1978 et
synthèse de la conjoncture agricole 1981).
Ainsi, en Côte d'Ivoire, l'importance de la population urbaine et
surtout l'urbanisation rapide de la population se traduisent logiquement par
une réduction sensible de la proportion
des ruraux dans l'ensemble de la popu-
lation. La conséquence de cette évolution reste inévitablement le problème
de l'alimentation de ces populations des villes.
A ce niveau.
i l ne s'agit
plus d'une production "moderne" entraînée par la transformation d'un régime
alimentaire assez diversifié, mais plutôt d'une demande en denrées alimentaires
... / ...

- 115 -
de base, représentées essentiellement par les féculents et les céréales ; ceux-
ci restent traditionnels étant donné qu'ils constituent, aujourd'hui encore, les
principaux mets (1) (y compris le riz) tant en milieu urbain qu'en zone rurale.
De ce fait, alors qu'on admettait encore qu'en 1975, 100 ruraux de-
vaient produire de quoi nourrir 50 urbains,
ce dernier chiffre est passé de
60 en 1980 ; la projection de la population montre que cette proportion attein-
dra 80 en 1990 ; en effet, sur une population de 10 092 737 habitants en 1985,
la population urbaine atteindra 4 256 424 habitants; elle sera de 5 663 173
en 1990 contre 6 904 839 ruraux (2). Ces différentes données indiquent assez
bien la part croissante de la consommation urbaine en produits vivriers; au
niveau de la consommation globale ; le taux de croissance des besoins en pro-
duits vivriers reste, lui aussi très élevé ; il est en effet estimé à environ
30 % pour la période 80-85 et à 31 % pour celle de 85-90 (3).
Ainsi, pour résoudre le problème de l'alimentation au niveau national,
il a été envisagé une modernisation de l'agriculture vivrière traditionnelle en
lui offrant des débouchés certains de commercialisation, donnant par la même oc-
casion une possibilité à la paysannerie d'élargir ses sources de revenus moné-
taires.
C'est ainsi qu'après le riz et les produits maraîchers, le maïs,
l'igname, le manioc, l'arachide, etc., vont fairepartie d'une sorte de program-
me visant à la modernisation de l'agriculture traditionnelle dans les différen-
tes zones du pays. Dans les zones de savanes, cette modernisation va surtout
se caractériser par l'apparition d'assolements de production vivrière à côté
du coton ; à la fin des années 70, la reconversion de la CIDT comme société.
de développement régional
(voir introduction) va donner une dimension impor-
tante à l'introduction des "vivriers traditionnels" sur
les soles modernes .
. . ./ ...
(1) Voir à ce propos le chapitre II et éventuellement le chapitre III (le partie)
(2) cf. Ministère de l'Agriculture: l'Agriculture Ivoirienne Aujourd'hui op.cit .
. (3) cf. "Le livre Vert de l'Autosuffisance Alimentaire". op, cit.

- 116 -
1. LE MAIS ET L'ARACHIDE
DEUX CULTIJRES REPRESENTATIVES DES NOUVEAUX
ASSOLEMENTS EN AGRICULTIJRE MODERNE
Sans appartenir au même type de produits, maïs (céréale) et arachide
(légumineuse) apparaissent généralement commes les plus fréquemment cités dans
les assolements modernes, à côté du coton et du riz.
En effet, dans les zones de savane, les cultures vivrières tradition-
nelles
(maïs
et
arachide
essentiellement),
seront progressivement
intégrées
dans
des
assolements
ces
cultures bénéficieront ainsi
d'une amélioration
technique dont par exemple l'arrière effet de l'engrais appliqué précédemment.
Mais de plus en plus, l'intensification des cultures va apparaître sur le maïs
et l'arachide avec l'introduction de semences sélectionnées et de fumure adaptée.
Ainsi, le programme maïs établi notamment en raison des perspectives
favorables de la demande (aliments de bétail, maïserie, etc.) va concerner les
différentes zones de savanes : dansles régions de Bouaké et de Séguéla en premier
cycle, avant le coton; dans la région de Korhogo (hors zone dense) en assolement
avec le coton ou le riz et d'autres cultures. En fait, la quasi totalité des
zones de savane feront partie de ce programme, surtout qu'elleJsont tradition-
nellement productrices de maïs comme le montre le tableau de la page ci-dessous.
PRODUCTION DE MAIS (GRAINS) DANS QUELQUES REGIONS DE SAVANES - 1980
SUPERFICIE
PRODUCTION
REGIONS
(ha)
(t , )
BOUAKE
55 000
22 500
------------------- ----------------- -----------------
KORHOGO
51 500
33 000
------------------- ----------------- -----------------
DIMBOKRO
40 000
16 000
------------------- ----------------- -----------------
FERKE
21 500
17 700
------------------- ----------------- -----------------
BOUNDIALI
68 800
15 800
------------------- ----------------- -----------------
BONDOUKOU
31 700
11 700
------------------- ----------------- -----------------
KATIOLA
7 000
7 700
------------------- ----------------- -----------------
DABAKALA
5 300
6 000
(Source
AGRI 82 - ~~I 1982)
... / ...

- 117 -
L'arachide dans la modernisation de l'agriculture paysanne apparaît
comme une culture présentant d'abord un intérêt économique sur le plan national,
en tant que produit complémentaire du palmier à huile et peut-être de substitu-
tion, compte tenu du vieillissement attendu des palmeraies industrielles. l'ara-
chide présente aussi, du point de vue agronomique, un intérêt caractéristique à
toutes les légumineuses: en effet, avec ses réserves d'azotes restituées au sol
après la récolte, l'arachide peut bien apparaître enfin d'assolement, sur les
sols appauvris.
Au total, on aperçoit dans cet environnement de modernisation des
cultures la présence du maïs et de l'arachide en assolement avec le coton, dans
le cadre de la stabilisation des exploitations; on verra aussi que ces deux
produits se prêtent assez bien, dans les assolements, à la culture attelée ou
motorisée (1).
Ainsi, l'évolution des surfaces encadrées par la CIDT en arachide
et maïs témpoigne du développement général de ces cultures.
Dans le secteur d'Odienné, l'évolution de l'encadrement des surfaces
pendant les six dernières années est significative pour le maïs et l'arachide,
comme le montre d'ailleurs le tableau suivant:
EVOLlITION DES SURFACES ENCADREE - ODIENNE - (ha)
77-78
78-79
79-80
80-81
81-82
82-83
MAIS
300,75
318
230,5
203
3 358
3 891, 5
ARACHIDE
2,55
55
47,5
28,5
1 807
1 991
(Source
CIDT - Odienné - 82-83).
Ces données laissent percevoir un véritable "bond" dans l'encadrement
des sutfaèes affectées aux deux cultures, à partir de la campagne 1981-1982.
Ceci s'explique par le fait que c'était à peu près à cette période que la poli-
tique
de
l'autosuffisance
alimentaire,
vaste programme du développment
des
... / ...
(1) Voir le chapitre suivant.

- 118 -
vivriers (1). avec la création du Secrétariat d'Etat à l'Agriculture. fut mise
en marche.
Dans le secteur de Boundiali, la situation n'est pas différente;
en effet. pour la campagne agricole 1982-1983 le mals était encadré à 43 % avec
Il 194 hectares et l'arachide à 79 % avec 9 948 ha. Ainsi, cette culture d'ara-
chide, au niveau des superficies totales encadrées dans ce secteur. occupe-t-elle
la troisième place après le coton (18 022 ha) et le Maïs. Le riz
encadré (riz
pluvial et riz irrigué confondus) n'occupe que 6 418 hectares: le riz. relégué
ici en quatrième position. entraîne un certain nombre d'interrogations; nous
nous attarderons ultérieurement sur cette situation.
Mais, si en gros. on peut affirmer que les conditions de vulgarisation
(voir le système de production, paragraphe deux. prochain chapitre) se trouvent
réunies pour le mals et l'arachide, celles qui concernent leur commercialisation
ne le sont pas,
du moins comparativement aux infrastructures de production
qui leur sont consacrées d'un côté et de l'autre, comparativement à toute l'in-
frastructure dégagée pour le coton et le riz. En effet, la commercialisation
de l'arachide et du mals n'est pas assurée: il s'agit ici de l'organisation
de la commercialisation par un organisme officiel. Le circuit de commercialisation
reste de ce fait totalement traditionnel (2) même si des débouchés certains exis-
tent avec la SODEPRA pour le maïs et TRITlffiAF (2) voir l'annexe III à ce sujet)
pour l'arachide.
Cependant. la CIDT est intervenue dans la collecte du mals pendant
les deux dernières campagne (81-82 et 82-83) à la demande de la SODEPRA (Produc-
tion Animale) ; pendant ces campagnes de commercialisation, d'énormes problèmes
de trésoreries entre les deux sociétés sont apparus. démontrant par la même
occasion le caractère circonstanciel et mal défini de cette collecte .
.../ ...
(1) Voir la partie introductive de cette étude à propos de l'avènement de ce
programme vivrier ; voir aussi le chapitre XI de la deuxième partie :
le programme de l'autosuffisance alimentaire.
(2) Voir "les circuits commerciaux", chapitre X (2ème Partie)
(3) TRITlffiAF : Société de Trituration de Graines Oléagineuses et Raffinage
d'Huile Végétale.

- 119 -
2. L'IGNAME ET LE MANIOC
DES TENTATIVES DE MODERNISATION
L'approche au niveau de la modernisation de ces deux cultures reste
fondamentalement différente de celle du maïs et de l'arachide. En effet, il
ne s'agit ici que de quelques transformations, en général très localisées.
2. 1 L' IGNAME
UN DEBUT DE MODERNISATION DE LA CULTURE ?
Nous avons vu en introduction de cette étude que le taux de commer-
cialisation de l'igname
reste particulièrement
faible
au niveau national
en effet, avec 1,6 % du total commercialisé, nous sommes en face d'une culture
d'autoconsommation à caractère très prononcé, ce qui indique par la même occasion
que la création d'un champ d'igname vise surtout la satisfaction alimentaire de
la famille.
Nous avons également vu (chapitre II) que l'igname est pour le Baoulé
(centre du pays) la culture alimentaire de base ; cette situation se caractéri -
sant par l'une des productions par tête les plus élevées du pays (960 kg p. c.).
Cependant, malgré la présence d'un centre de consommation proche et important
(la ville de Bouaké),
l'igname n'est
pas particulièrement orientée vers
la
commercialisation. Cette
situation reste fréquente dans la majeure partie des
zones productrices d'igname.
Cependant, on se trouve quelquefois enprésence d'exploitations caracté-
risées par une production significative d'igname destinée à la commercialisation
l'accroissement notable des surfaces et de la production
est représentative
de la transformation du système de culture.
Au niveau de cette transformation, deux cas se présentent généralement
il s'agit d'une part de nouvelles stratégies au niveau des exploitations tradi-
tionnelles ; d'autre part, d'exploitations ayant bénéficié d'un encadrement moder-
ne et dont fait partie la production d'igname.
La première situation est
surtout représentée dans
le Nord et
le
Nord-Est, en pays Sénoufo, Lobi et Koulango. Nous allons nous intéresser particu-
lièrement à l'igname du Nord-Est qui demeure, somme toute, la plus commercialisée
du pays. Ainsi, au niveau des ignames dites tardives, l'aire de production reste
plutôt localisée dans la partie méridionale, autour de la région de Bondoukou,
... / ...

- 120 -
chez les populations Koulango et Abron ; avec 16 000 ha, cette culture occupe
17 % de la superficie agricole de la région et reste représentée dans 25 % des
parcelles (1). Cependant cette production régionale se trouve être inférieure
à celle de l'igname précoce
; cette dernière est en effet plus étendue dans
le Nord-Est, avec 23 200 ha, 24 % de la surface régionale agricole et se ren-
contre dans 27 % des parcelles (2). Chez les Lobi, l'igname précoce apparaît
essentiellement en culture pure; modeste consommateur d'igname, le Lobi cultive
l'igname pour la vendre, ce qui définit le produit comme une spéculation de rap-
port, les céréales (voir introduction) constituant la base de son alimentation.
Quant aux Koulango et aux Abron (plus au Sud), ils cultivent l'igname précoce en
association avec l'igname tardive. Mais, que ce soit au Nord ou au Sud de la
zone, l'extension de la production d'igname sera pour l'essentiel très liée aux
infrastructures de commercialisation qui se sont développées au sein des dif-
férentes régions (voir chapitre X).
Mais, c'est surtout avec l'intervention des pouvoirs publics qu'on
peut réellement parler de modernisation ou du moins de tentative de modernisa-
tion de la culture d'igname dans certaines régions du pays, en particulier dans
le Centre et le Nord-Est.
C'est avec l'édification du barrage de KOSSOU (voir chapitre 1) qu'on
va ass ister à l'encadrement moderne de la culture d'igname,
dans le Centre
du pays; cette situation de la modernisation de l'espace agricole sera liée à
la restructuration de l'environnement rural, autour du lac. La nouvelle stratégie
de production va consister essentiellement en la création de blocs culturaux ;
l'opération sera au départ menée par l'Autorité pour l'Aménagement de la vallée
du Bandama (AVB - 1971-80) avant que la CIDT (dans la partie savanicole de
la région) ne prenne la relève après dissolution de l'A.V.B. Globalement, autour
du coton, prendront place certainement cultures vivrières dont l'igname; cette
dernière reste caractérisée par une production en culture pure au sein des soles
qui lui sont octroyés; l'accroissement évident des superficies et l'introduction
de labours mécaniques (tracteurs) seront les grands traits de cette modernisation .
. . ./ ...
(1) Ministère de l'Agriculutre - Direction des Statistiques Rurales et des Enquê-
tes Agricoles- Enquête Technico-Economique sur les Savanes du Nord-Est Août 82.
(2) Ministère de l'Agriculture - Direction des STatistiques Rurales et des Enquê-
tes Agricoles - Enquête Technico-Economique sur les Savanes du Nord-Est -
Août 1982.

- 121 -
En fait, la présence de cette culture d'igname à côté des parcelles de
coton, de riz et de maïs, produits dont la modernisation est plus ou moins rela-
tivement avancée, s'inscrit surtout dans un objectif de création de surplus en
vue d'une commercialisation significative
en effet, comme les autres cultures
assolées,
l'igname doit participer à la valorisation de l'exploitation, étant
donné les charges qui existent et le besoin d'argent des nouvelles colonies d'a-
griculteurs qui ont dû, très souvent abandonner leurs patrimoines pour de nou-
velles terres. Nous insisterons sur quelques contours de la modernisation des
cultures dans les "blocs-AVB" au niveau du chapitre X.
Le second aspect de cette modernisation de la production d'igname est
le plus récent ; il fait en effet partie du programme de valorisation des cul-
tures vivrières dans les zones de savane, avec la CIDT.
C'est ainsi qu'on va assister à une approche expérimentale pour ce
qui concerne l'igname du Nord-Est; en effet, pendant la campagne 80-81, des
boutures ont été distribuées par la Compagnie à certains paysans encadrés et
ceci dans le cadre du projet de développement intégré de la région du Nord-Est
du pays. De ce fait, les paysans Lobi qui ont ignoré la culture d'igname tardive
jusqu'au moment de la vulgarisation de cette variété semblent en être aujour-
d'hui les pionniers de ce développement au-delà des limites Nord de la région
originellement productrice. Les responsables de cette vulgarisation de l'igname
tardive dans cette partie du pays espèrent un succès significatif de l'opération
dans les années à venir,
afin que la région devienne véritablement la plus
importante productrice et surtout la plus grande source d'approvisionnement du
marché national de l'igname; ce qui suppose que l'igname serait, avec le déve-
loppement récent de la riziculture, le produit vivrier qui constituerait l'es-
sentiel de la production à caractère commercial de la région, étant donné que
le coton, culture de rapport par excellence des zones de savane (voir chapitre
IV), reste absent de l'environnement agricole.
On note également, dans les autres zones d'action de la CIDT, surtout
au niveau des paysans "semenciers" (voir la production rizicole, chapitre précé-
dent), une tentative d'introduction de certaines variétés d'ignames sélection-
nés ; la plus connue reste le FLüRIDü, caractérisé par un potentiel de production
... / ...

- 122 -
très important (1) avec en plus, des possibilités de récoltes mécanisables. Cette
variété "révolutionnaire" semble être pour le moment diffusée principalement en
zones forestières et en zones de savane à deux saisons de pluies (le Centre
du pays).
2.2 LE MANIOC
UNE MODERNISATION A TRAVERS UN COMPLEXE AGRO-ALIMENTAIRE
Le manioc n'avait jusqu'alors fait l'objet que de programmes restreints
en station, sans aucune diffusion importante au niveau de la production.
Aujourd'hui, une première expérience de culture moderne mécanisée est
en cours dans la région de Tournodi, la Sous-Préfecture la plus méridionale du
département de Bouaké (Centre). C'est en effet en 1976 que le projet manioc de
Tournodi est lancé
; il s'agit de tester les variétés les mieux adaptées au
sol, au climat et la culture mécanisée et de
les introduire en milieu villageois.
En fait, l'opération "manioc de rente" a démarré effectivement en 1977 ; deux do-
maines caractérisent cette opération. Le premier qui concerne la production est
confié à la SODEPALM alors que le second, celui de la transformation industrielle
relève de l'Institut de Technologie Tropicale (12 t.). Ainsi, comme on peut
le voir, nous sommes ici en face d'un complexe agro-alimentaire qui rappelle
celui de la production sucrière (voir chapitre V) dans les zones de savane. Nous
nous intéresserons particulièrement à l'aspect de la production dans le cadre
de la modernisation de la culture du manioc (2).
Pour ce qui est de cette production du manioc, trois objectifs essen-
tiels caractérisent le programme :
- La mise au point de la culture intensive et mécanisée afin de tester
les potentialités du produit
- La possibilité de permettre aux populations agricoles de la région
d'accroître substantiellement leursrevenus monétaires en faisant du manioc
une culture de rente ;
... / ...
(1) On situe la productivité du FLûRIDû entre 15 et 30 tonnes à l'hectare si les
conditions agronomiques de production sont respectées; quant à l'igname
traditionnelle, son rendement moyen se situe autour de 7,5 t/ha de tubercules.
(2) Voir Annexe III pour ce qui concerne la production du complexe agro-
alimentaire.

- 123 -
- La recherche d'une meilleure valorisation du manioc afin qu'un écoule-
ment régulier de sa production et un prix rémunérateur soient assurés au paysan.
Ainsi, avec l' opérat ion "production de manioc industriel" dans la région
de Toumodi, peut-on percevoir une modernisation et une intensification de la
cul ture du manioc ; cependant, en dehors du cadre villageois, nous ne pouvons
nous étendre sur cette expérience moderne de culture. Certes la création de
1 200 hectares de plantation villageoise est prévue, mais pour le moment, nous
ne pouvons qu'attendre les principaux résultats de ce projet de modernisation
de la culture du manioc en milieu paysan, d'abord dans la région même de Toumodi
et ensuite, plus globalement dans les zones rurales de savane, voire même dans
les milieux agricoles du pays.
Pour le moment, le production traditionnelle du manioc est de rigueur
sur tout le territoire ivoirien, de même que la commercialisation du produit.
3. LE MIL ET LE SORGHO
LES PARENTS- PAlNRES" DE LA MODERNISATION DES
CULTURES VIVRIERES
Il n'est pas du tout aisé de présenter le mil et le sorgho dans cet
environnement de transformation de l'agriculture paysanne car nous sommes réelle-
ment ici en présence de cultures des plus traditionnelles; en effet, on peut
affirmer sans risque qu'au niveau de ces céréales, presqu'aucune modernisation
n'est entreprise; l'encadrement est quasiment inexistante et, à ce niveau, si la
connaissance des superficies et de la production de maïs, d'arachide ou d'igname
se base très souvent sur des estimations, pour ce qui concerne le milou le
sorgho, cette estimation reste des plus hasardeuses tellement les données ici
sont très mal cernées.
Aujourd'hui, les tentatives de modernisation semblent apparaître
dans certains milieux agricoles, notamment dans le Nord-Est, en pays Lobi ; il
s'agit encore de phases expérimentales d'assolement avec un certain nombre
d'espèces variétales plus ou moins sélectionnées, surtout pour ce qui concerne
le sorgho car, au niveau du mil, l'on ne dispose encore que de variétés tradi-
tionnelles qu'on dit cependant bien adaptées à l'écologie et la pression parasi-
taire.
Mais, il faut dire que le caractère très localisé de ces deux millets
fait d'eux, des céréales plus ou moins marginalisées, surtout dans la moitié
... 1. . .

- 124 -
du pays ; c'est peut-être cette situation qui entraîne une sorte de négligence
de ces produits dans le processus globale de modernisation des cultures vi-
vrières dans les zones de savanes en particulier et au niveau national en général.
Cependant, l' accroi ssement de la populat ion urbaine et surtout l' hétéro-
généité de cette population devraient amener les responsables politiques et ceux
de l'agriculturp à développer ces cultures dans la mesure où on constate de plus
en plus que les différents axes de commercialisation ne se cantonnent plus
seulement dans les pays Malinké, Sénoufo et Lobi, mais concernent également les
grands centres urbains,
consommateurs non négligeables de mil et
de sorgho.
A cet effet disons que la demande de mil est très élevée en milieu urbain, pen-
dant les périodes de carême où la bouillie de cette céréale reste hautement es-
timée en milieu musulman, au début et à la fin du jeûne quotidien.
Ainsi, de façon globale, on peut affirmer que la commercialisation des
différents produits reste encore très traditionnelle; mais, il faut reconnaître
que celle de l'igname, surtout dans le Nord-Est du pays a connu une organisation
rarement retrouvée avec les vivriers traditionnels: il s'agissait, comme on l'a
dit plus haut, d'une production essentiellement commercialisée par les G.Y.C.
C'était un circuit de collecteurs qui draînait le produit vers les grands centres
urbains et spécialement vers Abidjan avec l'aide de l'AGRIPAC. Aujourd'hui, cette
organisation n'est plus qu'un reflet; en effet, elle a subi un contre-temps
après
la disparition d' AGRIPAC.
Nous
insisterons
sur cette organisation de
la commercialisation des produits vivriers dans la seconde partie de cette étude,
notamment au niveau des chapitres X et XI.
Au total, l'approche des produits vivriers traditionnels dans le pro-
cessus de modernisation de l'agriculture paysanne laisse apparaître au niveau
des trois groupes de produits que nous venons de voir, une sorte de dissem-
blance : le premier groupe qui concerne le mais et l'arachide est considéré
comme le plus avancé en matière de modernisation agricole, surtout d'assolement
avec les cultures dont le coton et le riz. Le second, avec l'igname et le manioc
reste pour l'essentiel encore traditionnel, avec néanmoins quelques îlots de mo-
dernisation sans que la situation ne laisse toujours présager une vulgarisation
importante au niveau national comme c'est le cas précisément de la culture du
manioc. Quant au dernier groupe, représenté par les millets (mil et sorgho), il
faudra certainement attendre encore quelques années avant de percevoir réellement
les premiers résultats d'assolements modernes dans les exploitations en milieu
paysan.
Cependant, l'agriculutre villageoise dans les zones de savane accuse
un changement notable, et ceci à différents niveaux.
... / ...

- 125 -
CHAPImE VII
LE CHANGEMENf DU SYSlEME PRODOCfIF DANS L'ECotDUE
NOUVELLE VILLAGEOISE
1. LA 1RANSFORMATION DU SYSlEME DE CULWRE
A part le soja qui apparaît finalement comme le seul produit effective-
ment nouveau dans le milieu villageois (1), toutes les autres cultures qui pren-
nent place dans l'exploitation moderne étaient déjà insérées dans les champ~
traditionnels aux multiples associations (voir les chap. II et III de l'étude).
Aujourd'hui, coton, maraîchers, tabac quelquefois et même riz occupent
une place de choix dans la modernisation de l'agriculture traditionnelle. En
effet,
d' abord
produits en monoculture
(coton), on assiste de plus en plus
à l'apparition d'assolement (coton-riz)
ainsi, cantonnées au niveau des acti-
vités agricoles secondaires (voi r chap.
II et III), ces produits sont devenus,
pour la plupart, des cultures principales autour desquelles sont conçues les
différentes phases de la modernisation de l'agriculture villageoise.
Le cas le plus spécifique, et que nous citons une fois de plus, est
celui de la culture du coton qui, en moins d'une quinzaine d'années. à conquis
presque tout le paysage agricole des zones de savanes en passant de la culture
associée à la culture pure.
Le développement du riz reste lui aussi tributaire des actions de
modernisation car ses aires d'extension étaient plutôt très localisées. du point
de vue régional ; les surfaces qui lui étaient destinées dans les différentes
associations culturales se caractérisaient généralement par leur petitesse. On
introduit la culture du riz irrigué dans certaines zones (autour de Korhogo par
exemple), on développe la culture du riz pluvial dans d'autres en créant des
assolements modernes pour ce quiconcerne le riz de plateau (dans toutes les
zones-coton)
alors que
le riz inondé, autrefois plus ou moins dédaigné (chez les Sénoufo par exemple),
fait partie de plus en plus d'un certain nombre d'arnéliorationsculturales
(aménagement des sols, semences, engrais, etc ... ).
... / ...
(1) En l'appelant "Haricot des blancs", les paysans montrent ainsi le caractère
extérieur de cette culture dans l'environnement agricole villageois.

- 126 -
Quant aux légumes, cultivés naguère autour des cases et que nous
avons qualifiés plus haut de "petits vivriers", ils ont pris avec la SODEFEL
une dimension de réelles cultures modernes
ainsi,
les jardins de case
sont devenus dans certaines zones de savanes, des exploitations agricoles à
part entière.
Il
est
cependant
nécessaire
de suivre rapidement ce processus
de modernisation global de l'agriculture dans les zones de savane.
Sans insister
ici sur la transformation de la culture cotonnière
il faut dire (ou redire) que le programme cotonnier s'est doublé, à partir
de 1973, d'une action visant à la modernisation de l'ensemble de l'agri-
culture paysanne des zones de savane. On remarquera de ce fait que le coton
sera progressivement intégré, pour les régions à deux cycles agricoles, au
sein d'un assolement comportant en premier cycle l'arachide ou le maïs; il
apparaîtra donc en second cycle. Dans les zones à cycle unique (Nord), l'as-
solement sera généralement celle-ci : coton pendant une ou deux années puis
riz ou autre culture vivrière (arachide ou maïs).
Aujourd'hui, on peut constater que ces assolements sont légion,
avec ou sans le coton (1). Dans les villages de Tounvré et de Boyo
(Boundiali), nous avons établi dans un certain nombre d'exploitations, les
différents précédents culturaux qui apparaissent et qui démontrent de ce
fait la présence d'assolements: voir le tableau à la page suivante .
. ../ ...
(1)
Le secteur agricole du Nord-Est ne produit pas du coton
le riz est
de plus en plus développé, avec d'autres vivriers.

- 127 -
QlŒLQUES PRECEDENTS CULTURAUX DES DIFFERENTES SOLES
CTOUNVRE - BaYa - 1983/1984)
EXP
MAIS
ARACHIDE
IGNAME
RIZ
~lIL
COTON
1
2 Igname
2 Maïs
Friche
-
-
2 Coton
1 Friche
1 Coton
2
2 MaLs
2 Arachide
Friche
-
-
2 Coton
1 Igname
1 Igname
1 Igname
3
-
2 Coton
-
-
-
2 Mais
1 Sorgho
1 arachide
4
2 Arachide
2 Naîs
Friche
-
-
2 Mais
1 Coton
1 Coton
1 Coton
5
2 Mais
2 Igname
Friche
-
2 Mais
2 Mais
1 Igname
1 Friche
1 Friche
1 Coton
6
Coton
Coton
Friche
Coton
-
2 Riz+Mais
1 Ma s
î
7
Coton
2 Igname
Friche
Coton
-
2 Coton
1 Friche
1 Coton
8
2 Igname
Coton
Friche
-
-
Coton
1 Friche
9
Arachide
Mais
Friche
-
Fonio
2 Coton
1 Friche
10
-
Coton
-
-
-
Arachide
11
Igname
Mais
Friche
-
Mais
Coton
12
Coton
Mais+Soja
Friche
2 Igname
-
Coton
1 Friche
13
Mais
Coton
-
-
-
Coton
14
Coton
Nai s
-
Coton
-
Riz+Arachide
+ Soja
15
2 Riz
Coton
Friche
Coton
Igname
Coton + Maïs
1 Coton
N.B.
Mil et Sorgho (et quelquefois arachide) sont très souvent associés à
l'igname.
1 = Année de culture 81/82
2 = Année de culture 82/83
.. . 1...

- 128 -
Les secteurs agricoles de la CIDT reflètent généralement l'évolution
de cette agriculture villageaoise où les vivriers sont assolés avec le coton ;
cet assolement est indicateur d'apparition de cultures pures. A cet effet, com-
me ce fut le cas pour le coton dans les premières années de vulgarisation avec
la CIFDT, l'encadrement des culutres déjà qu'il ne s'agit plus d'associations
culturales mais bien d'assolements en cultures pures.
C'est
ainsi
que,
dans
le secteur de Boundiali,
pour
la campagne
agricole 1982/1983, la surface totale encadrée s'élevait à 45 686 hectares soit
52 % de la surface totale cultivée, avec 18 022 hectares pour le coton (39 %)
et 27 664 hectares pour ce qui concerne les vivriers (61 %) ; ce qui indique
aussi bien que le coton, qui fut très longtemps l'unique culture développée par
la CIDT, est aujourd'hui inséré dans le même processus de modernisation que le
riz, le maïs ou l'arachide. Ainsi, dans le secteur d'Odienné, sur 87 % des sur-
faces encadrées en 1977/1978, le coton ne représente en 1982/1983 que 47 % des
surfaces en passant par 77 % EN 1979/1980 et 66 % en 1980/1981.
A travers ces données tant à Boundiali qu'à Odienné, on peut affir-
mer que les produits vivriers sont de plus en plus présentés en cultures pures
comme on peut
le voir au ni veau de quelques exploi tat ions dans "nos" deux
villages du Secteur de Boundiali (Tounvré et Boyo).
... / ...

- 129 -
LES DIFFERENTS ASSOLEMENTS RENCONTRES
EXPLOIT.
CULTLffiES PURES (HA)
CULTURES ASSOCIEES (HA)
1
Coton (2), maïs (0,5), igname (0,5)
Arach., fonio, sor.(2)
2
Coton (1), Maïs (0,5), Arachide (0,5)
Igname, mil, (0,5)
3
Coton (0,5), arachide (1,5) sorgho (0,5)
4
Coton (1), maïs (1), arachide (0,5), ig.(15)
5
Coton (0,5), maïs (1), arachide (1) ig.(0,5) Igname + mil (1)
6
Coton (1), arachide (0,5)
7
Coton (1,5), mais (1), arachide (0,5
8
Coton (2), mais (2), arachide (1), tabac(?)
9
Coton (4,5), maïs (2), arachide (1) ig.(l)
Mil + fonio (0,5)
la
Coton (1), mais (2), arachide (1), ig. (1)
11
Coton (3), maïs (2), arachide (1)
Igname + mil (2)
12
Coton(8) , riz(2), maïs(4), ara.(3,5) ig.(15)
-
13
Coton(8), riz(l), maïs(2), ara.(5), ig.(1,5)
-
14
Coton(6), riz(l), maïs(2,5),ara.(3),soja(0,5)
-
15
Coton(9), riz(l), maïs(4), ara.(l), igna.(l) Mil + maïs (1,5)
N.B.
On peut remarquer à travers ce tableau que l'igname apparaît dans cer-
taines exploitations en tant que plante produite en culture pure.

- 130 -
Au total, avec le coton et le riz, plus quelquefois d 'autres vivriers
comme le Maïs et l'arachide, cultivés au sein s'assolements modernes, les pla-
teaux, les plaines et les bas-fonds seront de plus en plus occupés ; les ex-
ploitations se verront de plus en plus agrandies ; les "bonnes terres" se
feront de plus en plus rares alors que les jachères seront plus ou moins
inexistantes dans certains cas ou se feront de plus en plus courtes : cet
ensemble de situations sera ainsi le premier aspect du changement de l'agri-
culture traditionnelle.
2 L' IN1ROOOCTION DE OOUVELLES MElHODES DE PROOOCTION
La modernisation de l'agriculture en zone de savane se caractérise
aussi par l'apparition d'un nouveau système de production. Dans le présent
paragraphe nous nous intéresserons essentiellement aux facteurs de production
et aux différents modes de production, les grands traits de l'encadrement de
la CIDT.
2.1 LES FACTEURS DE PRODUCTION;
PREMIERE PHASE DE L' l NfENS l Fl CATI ON DES CULTURES
Les facteurs de production concernent essentiellement les "imput"
comme les semences, les engrais, les pesticides et les herbicides. A ce niveau,
on peut affirmer que la recherche appliquée au sein des instituts a contribué
d'une façon remarquable au développement agricole en Côte dl Ivoire.
En effet, la vaste opération cotonnière a été possible grâce aux
résultats de l'Institut de Recherche du Coton et des Textiles (IRCT) installé
à Bouaké depuis 1946, avec la création de variétés sélectionnées à haut rende-
ment, l'élaboration d'une technique de protection phytosanitaire caractérisée
par le choix de pesticides adéquats, etc.
Quant à l'Institut de Recherches Agronomiques Tropicales (IRAT) avec
ses quatre stations expérimentales dont
deux en savane (Bouaké et Ferké),
dans le processus de modernisation de l'agriculture villageoiseJil s'est atta-
ché à l'amélioration variétale du riz et du maïs; il s'intéresse également à
la fertilisation des sols concernant les principales cultures vivrières ainsi
qu'à l'amélioration des herbicides pour ces différentes cultures.
... / ...

- 131 -
Aujourd'hui les interactions entre vivriers et coton (assolements,
intensification, ... ) sont étudiées de façon globale dans les zones de savane
au sein de l'Institut des Savanes (IDESSA) ; il s'agit ici d'un regroupement
(et donc d'une collaboration) des différents instituts concernés par le déve-
loppement agricole (dont la cellule de Recherche de la ClOT) dans la zone de
savane.
Ainsi, pour ce qui est de la vulgarisation agricole, la ClOT a mis en
place un circuit de fourniture de semences; la sélection variétale est conduite
par l'IDESSA pour l'ensemble des produits; cependant, l'Institut des Savanes
collabore pour ce qui concerne la production semencière de riz avec l'Associa-
tion pour le Développement des la Riziculture en AFrique de l'Ouest (ADRAO).
Au niveau du terrain proprement dit, à partir des données recueillies
auprès des paysans et des Agents d'encadrement, nous avons établi un certain
nombre de tableaux concernant l'application de ces différents facteurs de pro-
duction.
Le premier de ces tableaux (voir page suivante) se rapporte aux semen-
ces de vivriers et aux différentes doses qui peuvent être appliquées selon le
type de semis. Ces différentes variétés végétales ont fait, comme nous l'avons
dit plus haut, l'objet d'études expérimentales avant l'étape de vulgarisation.
C'est ainsi qu'en 1981, il a été testé 7 variétés de riz pluvial, 14 de riz
irrigué, 6 de mais, 3 d'igname, 2 de manioc, 6 de niébé (1).
... / ...
(1) Voir ClOT: Les Filières amont et aval des cultures vivrières en zone de
savane - in CIRES - Les cultures vivrières - op. cit.

- 132 -
APPLICATION DES SEMENCES SELECTIONNEES - CIDT
-
i
CULTURES
VARIETES
DOSE A L'HECTARE
Semis
DOURADO
à la volée
120 KG/HA
Semis en ligne
90 KG/HA
RIZ PLUVIAL
------------------ -----------------------------------------
lRAT-13
A la volé
90 KG/HA
IGUAPE CAT.
MOROBERE KAN
En ligne
60 KG/HA
A la volée
RIZ
90 KG/HA
INONDE
lM - 16
En ligne
60 KG/HA
Pépinière avec
IR-5
prégermination
50 KG/HA
- - - - - - - - - - - - - - - - - -
-----------------------------------------
RIZ IRRIGUE
JAVA
60 KG/HA
------------------ -----------------------------------------
CS-6
80 KG/HA
CJB
MAIS
30 KG/HA
TUX-PEND
ARACHIDE
RMP-91
120 KG/HA (coque)
IGNAME
FLORIDO
10 000 pieds/HA
(NORD-EST)
Pour ce qui concerne les autres facteurs de production, la CIDT, a
mis en place, comme c'est le cas du coton, une filière d'approvisionnement;
il s'agit essentiellement des engrais, des pesticides et de plus en plus des
herbicides. Cet approvisionnement se fait aussi en liaison avec l'IDESSA ; au
niveau de l'engrais, des données sont généralement les suivantes:
... / ...

- 133 -
EPANDAGE D'ENGRAIS - CIDT
CULTURES
ENGRAIS
DOSE A L'HECTARE
1
1
- NPK
- 200 KG/HA
COTON
- UREE
-
50 KG/HA
SOJA
- NPK
- 300 KG/HA
- NPK
- ISO KG/HA
RIZ PLLNIAl
- UREE
-
75 KG/HA
- NPK
- 200 KG/HA
MAIS
- UREE
-
50 KG/HA
1
ARACHIDE
- NPK
- 100 KG/HA
Quant aux herbicides, l'application se présente de la façon suivante
APPLICATION DES HERBICIDES - CIDT
CULTURES
HERBICIDES
DOSE A L'HECTARE
COTON
COTODON
4 LITRES
RIZ
RONSTARD
4 LITRES
MAIS
PRlMAGRAM
4 LITRES
Au total, on se rend compte de la définition stricte du dosage des
différents facteurs de production, caractérisant au bout du compte une rupture
nette avec les méthodes traditionnelles de cultures dont l'absence d'entretien
des plantes est manifeste, surtout dans les "champs de brousse" cormne on l'a vu
dans le chapitre III de l'étude.
. .. / ...

- 134 -
2.2 LES DIFFERENTS MODES DE PRODUCTION:
DE LA CULTURE ~~LLE A LA CULTURE ATTELEE ET MOTORISEE
L'apparition effective de la mécanisation en Côte d'Ivoire se situe
dans le milieu de la première décennie (1966) avec l'avènement de la MOTORAGRI
(Société pour
le Développement de la Motorisation de l' Agriculutre),
organisme d'Etat.
Dans les savanes ivoiriennes, environ 37 000 hectares de terre ont été
défrichés par la MOTORAGRI entre 1966 et 1979 (1). Mais parallèlement, diverses
expériences de promotion de la mécanisation et de la motorisation en agriculture
étaient menées en vue de moderniser les différents aspects du travail en savane.
En fait, ces innovations entrent en ligne de compte des attributions,
d'abord de la CFDT et maintenant de la CIDT. En effet, si la Compagnie intervient
dans la fourniture des facteurs de production, elle reste également présente
au niveau de la modernisation des exploitations paysannes par l'introduction de
la culture attelée et de la motorisation.
C'est ainsi qu'aujourd'hui, dans
cet environnement de la transformation du système de production, on note, à côté
des "cultures manuelles" (2), un certain nombre d'exploitations caractérisées par
des travaux mécanisés; il s'agit à ce niveau de culturesatteaéeset mot8risées.
De ce fait, ces trois modes de production apparaissent comme des in-
novations importantes dans le milieu villageois.
C'est ainsi
qu'on peut affirmer que la culture manuelle "moderne"
se distingue de la culture traditionnelle d'une part par la présence de facteurs
de production
(engrais,
semences
sélectionnées,
pesticides,
... ),
d'autre
part par l'introduction de nouvelles méthodes de travail (ensemencement en bonne
date, semis en ligne, densité régulière, ... ) : en fait, une transformation somme
toute notable malgré l'omniprésence de l'énergie humaine.
. .. / ...
(1) La MORORAGRI a défriché pour l'année 82-83 une superficie de 2 600 ha dans la
région de Bouaké, Katiola et Dabakala (voir Fraternité-Matin du 11/02/83).
(2) Cette appelation se rapporte au caractère du travail
; il s'agit ici
d'une prestation où l'énergie humaine reste l'élément dominant: la culture
manuelle s'oppose de ce fait à la culutre attelée et à la motorisation.

- 135 -
Quant à la culture atteléeJon compte actuellement près de la 000 plan-
teurs utilisant ce mode de production ; les données du tableau suivant sont assez
révélatrices de l'évolution de cette situation. En général, la pratique de la
culture attelée reste plutôt localisée dans la partie Nord des zones de savane
où on retrouve l'élevage bovin en milieu paysan (voir le chapitre l de la
première partie).
EVOLUTION DE LA CULTURE ATTELEE
-1
NOMBRE DE BOEUFS
AJ'JNEE
SURFACE
NOMBRE DE PLANTEURS
DRESSES
1975-76
5 583 HA
6 526
2 610
---------------- ------------------ -------------------- --------------------
1976-77
10 853 HA
11 582
4 730
---------------- ------------------ -------------------- --------------------
1977-78
14 817 HA
15 424
6 093
---------------- ------------------ -------------------- --------------------
1978-79
17 428 HA
19 546
6 918
---------------- ------------------ -------------------- --------------------
1979-80
2S 940 HA
22 SS2
8 341
---------------- ------------------ -------------------- --------------------
1980-81
28 217 HA
24 478
9 628
(Source
Ministère de l'Agriculture - Mai 1982).
Avec la culture motorisée, nous sommes dans la strate la plus moderne
de l'agriculture en zone de savane; cependant, on distingue généralement la
motorisation "conventionnelle" de la motorisation "intermédiaire".
La motorisation conventionnelle est une chaîne motorisée comprenant en
gros un tracteur de 60 à 6S CV, une charrue, un pulvérisateur, un semoir (riz et
maïs-coton), un gyrobroyeur. Cette motorisation conduite depuis les années 1970
dans certains secteurs agricoles des zones de savane se caractérise par une
prestation commune sur les blocs de cultures (voir le troisième point du système
d'exploitation; prochain paragraphe) ; en effet, chaque groupement de paysans
utilise en motorisation conventionnelle une rotation triennale du type maïs/
cotonnier ou cotonnier/riz pluvial en culture continue sans jachère (1). Mais
... / ...
(1) Voir l'étude de POULAIN (J.F) sur les "Systèmes culturaux dans les zones
tropicales semi-hurnides et sèches de l'Afrique de l'Ouest" idessa:irat,
Côte d'Ivoire. OCt. 1979.

- 136 -
ces actions ponctuelles de motorisation conventionnelle avec du matériel mis à
la disposition des paysans ont été généralement peu concluantes comme l'a montré
l'approche faite sur l'utilisation de la grosse motorisation à Mankono, une zone
agricole, grande productrice de coton (1).
Aujourd'hui, à part
l'utilisation de la motorisation conventionnelle
à titre individuel (gros tracteurs privés) sur laquelle nous reviendrons (voir
aussi le chapitre 1 de la première partie de l'étude), la présence de Tracteurs
genre FIAT 160 gérés par la CIDT est plus ou moins rare ; on assiste plut6t à
une substitution de plus en plus évidente.
En effet,
depuis quelques années, a démarré dans le Nord du pays,
la diffusion de chaînes de motorisation intermédiaire basée sur un matériel plus
simple, se sust i tuant à la grosse motorisation et susceptible de prendre la
relève de la culture attelée. Il s'agit du tracteur BOUYER, un petit tracteur
qui au départ se situait autour de 20 CV mais qui présente aujourd'hui une
puissance de 30 CV. Cependant, il est important de préciser que ce tracteur,
aux dires d'un certain nombre de techniciens rencontrés sur le terrain, reste
quelque peu limité au niveau de certaines prestations; mais, notons que les
recherches se poursuivent en vue d'une définition plus précise des systèmes de
motorisation,
techniquement
et économiquement adaptés aux exploitations
paysannes
; les tests sont effectués généralement
(du moins comme nous
l'avons constaté) par le Centre Ivoirien de Mécanisation Agricole (CIMA) en
collaboration avec la CIDT. Ces tests s'appliquent également à la culture atte-
lée.
Au total, facteurs et mode de production se combinent pour donner à
l'agriculture villageoise une dimension de modernité.
. .. / ...
(1) CIDT-IES : Attitude
et comportement d'un groupe de paysans de la région de
Mankono face à la mécanisation de l'agiculture - Exemple de GUMA - Mars/
Avril 1977.

- 137 -
3 LES NOlNELLES DIME~IONS DU SYSTEME D'EXPLOITATlOO
Si la transformation de l'agriculture villageoise est caractérisée en
premier lieu par son système de culture (passage de l'association culturale à
l'assolement en culture pure), le changement du système d'exploitation y est
le plus net et certainement le plus profond. Nous allons dans ce paragraphe
nous intéresser essentiellement au processus d'occupatio~ de la terre (priva-
tisation de la terre et blocs culturaux) et à la nouvelle composition de la
main-d'oeuvre agricole (familiale et salariée).
3.1 CULTURE DE RAPPORT ET PRIVATISATION DES CHAMPS
La privatisation des champs reste fondamentalement liée à l'affecta-
tion des terres. En effet, comme nous l'avons vu plus haut, l'homme est le ga-
rant du patrimoine de la communauté et donc de la terre; de ce fait, et dans
le contexte de l'économie marchande, l'homme va s'adjuger l'essentiel des terres
affectées aux cultures de rapport. Ce passage vers la privatisation a été faci-
lité par la présence des lopins de terres attribués aux cadets et à quelques
jeunes pour l'extension des cultures vivrières avec une éventuelle possibilité
de vente des produits sur les marchés locaux
clest ainsi que le lopin indi-
viduel est apparu comme la première image du passage des champs collectifs à
celui des champs individuels, domaines des cultures de rapport.
Cependant, il est important ici de situer historiquement ce phénomène
En effet, cette privatisation a provoqué un bouleversement de l'ordre juridique
coutumier (voir la deuxième partie de llétude) ; la substitution de l'économie
de traite à l'économie de subsistance a entraîné des incidences considérables
sur les droits fonciers coutumiers avec, il faut le dire, la "bénédiction" du
pouvoir colonial (1). Sans entrer dans les détails de cette mutation globale des
droits coutumiers (2), on peut cependant affirmer qu'on assiste à une transfor-
mation progressive de la souveraineté foncière en propriété foncière.
KOUASSIGAN (3) nous dit que la valeur économique de la terre tend à l'emporter
sur sa signification ontologique ; les domaines collectifs se fractionnent et
les patrimoines individuels se constituent.
... / ...
(1) Malgré leprincipe proclamé du maintien des institutions coutumières par
l'administration d'alors.
(2) Voir Encyclopédie Juridique de l'Afrique. Torne V op. cit.
(3) Idem.

- 138 -
Ainsi, assiste-t-on donc, comme on l'a dit plus haut, à une réelle
privatisation des terres, en général au bénéfice des hommes par rapport aux
femmes, des aînés et cadets par rapports aux jeunes: les femmes seront les
premIeres à être éjectées des circuits de distribution des revenus monétaires
des nouvelles cultures (1) ; la plupart des jeunes, mécontents de ne pas rece-
voir en retour l'équivalent de leur participation à la formation monétaire (ou
du moins une partie significative), trouveront leur salut dans l'abandon du
mileu rural pour les centres urbains.
La prolifération des champs individuels se présentera beaucoup plus
tard dans les zones de savane alors que les régions forestières seront caracté-
ristiques de cet état de chose. En effet, les cultures de plantation, produits
de rapport par excellence, seront pendant longtemps causes de conflits sociaux,
perceptiblesaujourd'hui encore chez certaines populations du Sud forestier.
Cette situation, nous le pensons, s'expliquera essentiellement par
le fait que l'occupation prolongée d'un terroir agricole donné va entraîner des
conséquences des plus significatives : le transfert de droit au profit de celui
qui met effectivement la terre en valeur. Ainsi, à une sorte de collectivisme
agraire, va se substituer un individualisme issu des transformations socio-
économiques de l'époque coloniale. Cette tendance va se développer très rapide-
ment sur la majeure partie du territoire ivoirien, surtout après l'époque colo-
niale ; "en Côte d'Ivoire, le nombre de titres fonciers s'est multiplié par qua-
rante en l'espace de quinze ans" souligne Albert REY à propos du régime fon-
cier (2).
En zone de savane, l'essentiel des cultures étant annuel, le
problème
de privatisation des champs est perçu de façon tout à fait différente
ici,
plus que la terre, il s'agit plutôt de la main-mise sur la production annuelle
dans les zones du Sud, on est en face de cultures fondamentalement de rente.
A ce niveau, la terre qui porte le champ reste importante et la valeur de la
(plantation est perçue tant à court terme qu'en moyen et long terme.
1
. . . / . . .
(1) Aujourd'hui, on note la présence des femmes dans la production de certaines
cultures de rapport ; elles se livrent en général au petit commerce (de
vivriers) comme on le verra plus loin.
(2) Revue Ivoirienne de Droit - N° 3
- 1971 P. 32.

- 139 -
Si aujourd'hui le paysan Sénoufo ou Malinké crée un verger (manguiers,
orangers, etc.) sur ses terres, il interdit cependant à celui dont il prête (en
général gratuitement) (1) un lopin de terre (et quelquefois une surface beaucoup
plus importante) pour la culture, de créer à son tour des vergers, ceci afin
d'éviter que ce dernier ne pérennise le droit d'usage. En général, en zone de
savane, la location des terres reste très peu représentative de la privatisa-
tion des champs, comme nous le montre le tableau ci-après.
Au total, rappelons que la privatisation des terres sera incontesta-
blement la dislocation véritable de cette unité d'exploitation où hommes et
femmes, vieux, jeunes et enfants étaient tous inscrits dans le même processus de
production; aujourd'hui, l'élément productif a subi une évolution très sensible.
EXPLOITATIONS AYANT UNE PARTIE DE LEUR SURFACE EN LOCATION %
MOTORISATI ON MOTORISATION
CULTURE
CULTURE
CULTURE
SECTEUR
INTERMEDIAI - CONVENTl ON-
MANUELLE
ATTELEE
IRRIGUEE
RE
NELLE
ODIENNE
0
0
0
0
-
------------ ------------ ------------ ------------ ------------ ------------
BOUNDIALI
0
3
7
0
0
------------ ------------ ------------ ------------ ------------ ------------
KORHOGO
0
0
-
0
0
------------ ------------ ------------ ------------ ------------ ------------
FERKE
0
0
0
-
-
------------ ------------ ------------ ------------ ------------ ------------
NORD-EST
0
0
-
5
8
------------ ------------ ------------ ------------ ------------ ------------
TOUBA
0
0
0
0
0
------------ ------------ ------------ ------------ ------------ ------------
SEGUELA
21
20
23
57
-
------------ ------------ ------------ ------------ ------------ ------------
MANKONO
0
6
0
0
-
------------ ------------ ------------ ------------ ------------ ------------
BOUAKE
11
0
0
8
0
------------ ------------ ------------ ------------ ------------ ------------
YAMOUSSOKRO
0
-
0
0
0
1------------ ------------ ------------ ------------ ------------ ------------
BOUAFLE
0
0
-
-
-
(Source : CIDT - Direction Générale - 81/82)
Remarque
Le
secteur de Séguéla se distingue très nettement de l'ensemble .
. . ./ ...
(1) Ce qui est différent de la situation de métayage en zone de forêt, démontrant
une fois de plus le caractère spéculatif de la terre dans le Sud du pays.

- 140 -
Cette situation s'explique par l'Importance de la présence de migrants
venant généralement des départements plus au Nord (Korhogo et Boundiali).
3.2 L'EVOLUTION DE LA MAIN-D'OEUVRE AGRICOLE
La culture du coton reste une fois encore l'exemple le plus
éclairant du changement de cet aspect du système d'exploitation.
En effet, le coton entant que culture associée de seconde importance,
était le domaine réservé presque exclusivement aux femmes ; mais lorsque le co-
ton devint réellement une culture de rapport,
i l eu un changement profond
la culture cotonnière revient uniquement aux hommes et de fait, préalablement
qualifié de culture féminine, le coton est aujourd'hui une culture purement
masculine, mais avec une participation importante de la femme.
En fait, l'introduction des cultures de rapport a considérablement
accru la charge des femmes : les superficies cultivées sont plus vastes, les in-
novations techniques exigent beaucoup plus de travail. Bref, on assiste à un
rallongement du temps de travail ; en effet, les temps d'ensemencement, de sar-
clage, de récolte, de transport du produit, etc, sont multipliés par deux ou par
trois, si on considère qu'en plus des cultures de rapports, les femmes doivent
de plus en plus s'occuper des vivriers, l'homme étant presqu'en totalité préoc-
cupé par "son" coton ou "son" café.
Lorsqu'on affirme qu'avec les innovations techniques les exigences en
travail sont plus importantes, à première analyse, c'est la situation contraire
qui serait la plus logique; mais en fait, notons qu'avec l'introduction de la
mécanisation dans l'agriculture, un certain nombre de prestations continuent de
se faire de façon manuelle. C'est ainsi que les femmes, dans cette modernisation,
travaillent toujours manuellement ; nous verrons les conséquences de cette
mécanisation partielle dans le dernier chapitre de notre étude.
Mais déjà, il est nécessaire de situer la femme dans la production au
sein de ce nouvel environnement économique. En effet, que ce soit en culture vi-
vrière ou en culture de rapport, la place de la femme est des plus déterminan-
tes: dans le vivrier, sa présence est primordiale; au niveau des cultures de
rapport, elle apparaît comme une aide fondamentale. Dans les deux cas, elle est
... / ...

- 141 -
Indispensable. Les données (suivantes) montrent bien l'importance de la femme au
niveau de la composition de la main-d'oeuvre familiale; il s'agit de tableaux
établis à partir des monographies d'exploitations dans notre zone d'investigation
(Boundiali et Odienné) : nous retiendrons pour ce cas précis la comparaison
homme-femme.
COMPOSITION DE LA MAIN-D'OEUVRE FAMILIALE (HOMME-FE~~)
Tounvré et Boyo (Boundiali)
Kabangoué (Odienné
- -
!-EXPLOITATION
HOMMES
FEMMES
EXPLOITATION
HOMMES
FE~1ES
1
3
5
1
4
7
2
1
0
2
1
3
3
2
2
3
1
3
4
1
3
4
1
4
5
1
1
5
2
2
6
1
1
6
2
4
7
1
1
7
1
1
8
1
2
8
1
3
1
9
2
5
9
1
3
10
2
4
10
3
4
11
1
2
12
6
4
TOTAL
17
34
13
2
5
14
4
7
N.B.
On note ici en moyenne un
15
7
7
homme pour deux femmes.
TOTAL
35
49
* Le paysan de l'exploitation N° 2 a
perdu ses deux femmes (décédées)
Mais la création de nouvelles terres de cultures, en plus de l'agran-
dissement des terres initiales, d'abord limité au coton puis au riz et mainte-
nant de plus en plus aux autres vivriers, conséquence de la modernisation
de l' agricul ture en zone de savane, va entrainer un besoin inévitable de
nouvelles forces de production, les jeunes étant "partis en ville" ou plus géné-
ralement "en basse-côte" à la recherche de travail salarié; de l'autre côté,
la mein-d'oeuvre familiale, essentiellement limité aux femmes, à quelques
hommes et enfants, ne peut plus répondre efficacement à l'accomplissement des
différentes prestations. C'est alors qu'on assistera de plus en plus à l'appa-
rition d'un nouveau type de main-d'oeuvre: les manoeuvres. Cette main-d'oeuvre
salariée,au départ plutôt localisée au Sud du pays pour la production caféière
... / ...

- 142 -
et cacaoyère, se rencontre
maintenant dans les savanes, comme le montre
le tableau suivant.
POURCENTAGE D'EXPLOITATION l~ILISANT DES SALARIES PERMANENTS
(nombre médian entre parenthèse)
-
CULTURE
CULTURE
MOTORISATION MOTORISATION
CULTURE
SECTEURS
MANUELLE
ATTELEE
INTERMEDIAI. CONVENTION.
IRRIGUEE
ODIENNE
4 (1)
19 (2)
57 (1)
20 (1)
BOUND IAL l
3 (1)
6 (1)
3 (1)
0
0
KORHOGO
4 (1)
4 (1)
-
-
0
FERKE
0
18 (l)
69 (1)
-
-
NORD-EST
31 (2)
29 (3)
-
32 (4)
31 (2)
TOUBA
0
0
0
14 ( 1)
0
SEGUELA
0
0
8 (9)
29 (7)
-
MANKONO
6 (2)
0
40 (3)
17 (1, 5)
-
BOUAKE
10 (1)
20 ( 1)
29 (3)
0
14 (2)
YAMOUSSOKRO
20 (1)
-
0
0
0
BOUAFLE
3 (4)
67 (5)
38 (5)
0
(Source: CIDT - Direction Générale 81/82).
On remarque qu'en passant de la culture manuelle à la culture mécani-
sée (attelée et motorisée), le pourcentage des salariés permanents s'accroit de
façon notable. Cette importance s'explique par le fait de l'agrandissement des
superficies de culture.
Ainsi, aujourd'hui, les manoeuvres remplacent plus ou moins les
jeunes de la famille ; leurs prestations deviennent nécessaires et même indis-
pensables pendant les campagnes de grands travaux ; à ce niveau, la main-
d'oeuvre temporaire reste plus représentative de la main-d'oeuvre totale
agricole ; le tableau de la page suivante montre les différentes prestations
de cette main-d'oeuvre temporaire (ou occasionnelle).
. .. / ...

- 143 -
TRAVAUX EFFECTUES LE PLUS SOUVENT PAR LA M.O TEMPORAIRE
-1
CULTURE
CULTURE
MOTORISATION MOTORISATION
CULTURE
SECTEUR
i MANUELLE
ATTELEE
INTERMEDIAI. CONVENTI ONN .
IRRIGUEE
ODIENNE
Récolte
Récolte
Sarclage
Sarclage
BOUNDIALI
Récolte
Récolte
Récolte
Récolte
Récolte
KORHOGO
Récolte
Récolte
-
Récolte
Labour
FERKE
-
Saclage
-
-
-
NORD-EST
Défrichement Sarclage
-
Déf. + Sémis Défrichem.
TOUBA
Divers
Sarcl.+Récol Sarcl. -Réco l Divers
Divers
SEGUELA
-
-
-
Récolte
-
MANKONO
Labour
Récolte
Sémis+Récol. Semis
-
BOUAKE
Défrichement Récolte
Récolte
Défrichement Divers
YAMOUSSOKRO
Butte+Semis
-
-
Isarc~age
Sarclage
BOUAFLE
Sarclage
Récolte
-
-
1
(Source
CIDT - Direction Générale 81/82)
Comme on peut le voir, ces différentes prestations sont exécutées
manuellement. Yves BIGOT nous spécifie ici ce travail manuel, selon les dif-
férents modes de production des exploitations à Niéllé, dans le Nord du pays.
JOURNEES DE TRAVAIL MANUEL ISSUES DES RELEVES (JOURS/ACTIFS/AN).
CEREALES
COTONNIER
TOTAL
Culture Manuelle
63
90 + 15
153 + 15
Culture Attelée
59
117+ 17
176 + 17
Culture Attelée + Culture
44
140 + 89
184 + 89
Motorisée
(Source : BIGOT - IDESSA - BOUAKE - 1981)
NB
L'addition (+) définit le nombre de jours detœN&lpar la main-d'oeuvre
supplémentaire à la main-d'oeuvre permanente pour la récolte du coton
essentiellement.
.../ ...

- 144 -
3.3 LES SOCIETES DE DEVELOPPEMENT ET L'AVENEMENT DES BLOCS CULTURAUX
Avant de nous intéresser à la création de ces blocs culturaux, il
s'avère nécessaire de nous pencher rapidement sur l'évolution du foncier,
car le bloc, patrimoine quasi-étatique semble se juxtaposer au patrimoine
villageois; il nous faut pour cela, remonter dans l'histoire du foncier.
En fait, la première retouche au niveau domanial en Côte d'Ivoire est
intervenue au début du siècle, à partir d'un texte qui fixait le domaine de
l'Etat à toutes les terres vacantes et sans maître; il faut dire à ce propos
que cette délimitation ou définition du patrimoine foncier était caractéristi-
que du pouvoir colonial dans la quasi totalité des nouvelles colonies, avec
quelques variantes (1).
Cependant,
l'expression "terres vacantes et sans maîtres", malgré
les contours ambigus du contenu (2), a néanmoins été maintenue même si l'on a
connu un certain nombre de relations conflictuelles avec les pouvoirs coutumiers.
Cette situation connaîtra quelques réjustements face à la tension
sociale sans cependant jamais s'éloigner des grands traits de la législation
des années 1900, notamment
le caractère flou des différents décrets.
Ainsi, en 1935, un décret stipule quela terre appartient à l'Etat
qui a la charge de le retrocéder. On verra alors réellement la main-mise de
l'Etat sur le foncier. Cette main-mise ne se fera certainement pas sans heurts
mais, elle s'attèlera à tenir plus ou moins compte du droit foncier coutumier
qui lui aussi, disons-le, était en pleine mutation (voir "culture de rapport
et privatisation des champs, le premier point du même paragraphe).
Aujourd'hui, on peut affirmer quele droit foncier ivoirien reste
fortement tributaire de ce droit colonial.
Par conséquent, la création des nombreux blocs culturaux dans les ter-
roirs villageois par ou pour les sociétés de développement s'inscrira dans la
... / ...
(1) Voir
ORSTOM : Enjeux foncier en Afrique Noire - Karthala - Paris 1982
- Encyclopédie Juridique de l'Afrique - Tome 5. op. cit.
- KOUASSIGAN (G.A.) : L'homme et la terre.
Op. cit.
(2)·Une terre mise en jachère est-elle vacante et sans maître? Ne fait-elle pas
plutôt partie d'un système de production non seulement répandu mais représen-
tatif du système productif traditionnel
? (Voir Chap. III de notre étude).

- 145 -
logique même de la détermination du patrimoine foncier dont l'Etat reste souve-
rain et dont il peut disposer dans le cadre d'une politique agricole.
C'est ainsi que la MOTORAGRI (voir le paragraphe 2 du présent chapitre)
est apparue avec ses travaux de défrichement au profit (surtout) des organismes
d'intervention en milieu rural.
Dans les zones de savane, comme on l'a vu rapidement, la CIDT et la
SODERIZ, dans le processus de modernisation des cultures, ont bénéficié aussi
de ces vastes terres de cultures.
Pour ce qui concerne la CIDT, elle était particulièrement liée à
l'OPE~ffiC (Opération Mécanisée) dont le but était de doter les blocs de cultures
de matériel mécanisé ; cette opération est à la base de la création de la plus
grande partie des bloc-coton, dans les savanes (voir nos travaux de Maîtrise et
de DEA sur le sujet).
Le bloc cultural, domaine de la motorisation par excellence, est un
groupement de parcelles; cette présentation des cultures répond à un problème
pratique
la relative facilité des prestations motorisées sur de grandes super-
ficies.
Il est également intéressant de souligner que les blocs culturaux ont
pour but la sédentarisation de l'agriculture villageoise; c'est ainsi qu'au-
jourd'hui, rencontre-t-on de plus en plus des blocs affectés à certains paysans
utilisant la charrue (culture attelée).
Nous nous attarderons sur les limites de ces blocs culturaux dans la
prochaine partie de l'étude; cependant, on peut déjà noter que le but premier
de ces blocs était l'accroissement de la production cotonnière. Ainsi, face à
cette orientation des blocs culturaux, on assiste à une nouvelle dynamique de
l'occupation des terroirs agricoles (villageois) : par exemple, tout individu
n'ayant aucun droit d'usage (droit coutumier ici) sur ces terres villageoises
affectées aux blocs de cultures peut, s'il le désire, s'installer sur le
ter-
roir, à côté des autres paysans, plus ou moins détenteurs originels du droit
d'usage. Seule la Compagnie est en mesure de sélectionner les volontaires (1) .
.../ ...
(1) Les conditions de sélection restent définies par la Société d'encadrement
"elles concernent entre autres les résultats agricoles (coton) antérieurs
du paysan volontaire, l'importance de la main-d'oeuvre familiale.

- 146 -
En plus, en travaillant sur le bloc, le paysan se voit assigner une
parcelle dont il ne conserve le droit d'usage les années suivantes que lorsque
les résultats qu'il obtientsont jugés satisfaisants: respect des données tech-
niques fournies par l'Agent d'Encadrement.
C'est justement ce caractère implicite du travail sur les blocs cul-
turaux qui amène certains à parler de l'aniénation de la terre par les Sociétés
de Développement dont les conditions d'accès restent une des plus fidèles illus-
trations.

- 147 -
PREMIERE COCLUSlOO PARTIELLE
Le milieu rural ivoirien, en présentant une diversité au niveau
agro-économique
doublée d'une population très hétérogéne, montre par ailleurs
des systèmes productifs tout aussi variés que complexes. Dans les zones de sa-
vane, à partir d'une approche de l'agriculture Baoulé et Sénoufo nous perce-
vons de façon globale les trois éléments constitutifs du système productif
(système de culture, de production et d'exploitation).
Mais l'intervention des pouvoirs publics avec l'introduction et le
développement des cultures de rapport, dont le coton, dans le milieu agricole
villageois va être le début de la juxtaposition de deux systèmes de culture et
de production ; cette situation va entraîner une nouvelle dimension du système
d'exploitation traditionnel avec entre autres, une redéfinition de la
composi-
tion de la main-d'oeuvre agricole.
Avec la tentative de modernisation de l'agriculture, la production
rizicole va bénéficier d'un certain nombre d'interventions dues à son caractère
de produit de grande consommation, surtout en milieu urbain. La conséquence
sera inévitablement le délaissement des autres productions vivrières qui cons-
tituent cependant une part importante dans l'alimentation des populations tant
rurales qu'urbaines.
Cependant, certaines productions alimentaires dites "modernes" ou de
luxe comme le sucre et les légumes retiendront particulièrement l'attention des
Pouvoirs Publics
qui
leur offriront
le cadre idéal de développement avec
la création de sociétés d'Etat en vue de leur encadrement. Une
autre produc-
tion en revanche, le soja, a, aujourd'hui encore, du mal à s'intégrer dans le
système de culture en milieu villageois étant donné que, d'une part, il est
d'introduction relativement récente dans les exploitations paysannes, d'autre
part, il apparait que le coton lui est largement préféré, tant au niveau des
performances agronomiques que du point de vue de la rentabilité du produit.
Au total, la modernisation de l'agriculture paysanne se présente
dans l'ensemble dans une situation de dualité réelle avec d'une part, le coton,
principale culture de rapport, d'autre part, les autres cultures, essentielle-
meot vivrières caractérisées par une production encore profondément tradition-
nelle où seul échappe le riz irrigué
ce dernier reste cependant très peu re-
présentatif des différents systèmes de culture.
... / ...

~ DEUXIEME PARTIE 1
LES CULTURES VIVRIERES DANS LA PROBLEMATIQUE
ACTUELLE DU DEVELOPPEMENT RURAL

- 148 -
CHAPI'ffiE VII 1
LA 11Wf)FORMATlOO REGlOOALE DU SYSlEME DE CULnJRE OU
L'DPPOR1lJNllE DE PRODUCTIOO ET DE C(M.ŒRCIALISATIOO
- ETUDE DE CAS A PARTIR DE MONOGRAPHIES D'EXPLOITATION -
La transformation régionale du faciès agricole par rapport à l'ensemble
d'une zone écologique, par rapport à l'ensemble de données d'une économie agri-
cole ou par rapport à une uniformisation de l'environnement rural à travers les
cultures qui y sont les plus représentées, répond à plusieurs critères
il
peut s'agir de critères purement techniques au niveau de la production
il
peut
s'agir aussi de la situation de la commercialisation globale dans
la zone; il peut s'agir enfin du développement d'un produit dû au fait que
d'autres produits n'existent pas dans l'environnement; dans ce cas, le premier
produit peut jouer le rôle des autres produits inexistants dans la zone.
C'est ainsi que, dans les zones de savanes, les stratégies de déve-
loppement de vivriers sont apparues : dans le Nord-Est du pays par exemple, on
s'apperçoit que l'igname est devenue une véritable culture de rapport; cette
situation a été facilitée par le fait que le coton reste absent dans toute la
région ; on assiste aussi à la création de surplus destiné essentiellement à
la vente lorsque la recherche de la rentabilité d'une exploitation se pose
c'est le cas des jeunes plantations en zones préforestières, encore improduc-
ti ves
et
remplacées momentanément par
l'igname ou le manioc au niveau de
la formation monétaire agricole.
Dans cette approche, nous nous pencherons justement sur deux situa-
tions de transformation localisée des systèmes de cultures: la première con-
cerne le secteur de Boundiali avec la culture de l'arachide, la seconde se
rapporte au riz inondé dans la région d'Odienné.
1. L'ARACHIDE DAlE LE SEClEUR DE SOUNDIALI
Nous nous intéresserons ici à la situation de cette culture dans la
zone agricole de GBON, au niveau des villages de TOUNVRE et BOYD, essentiellement.
Si la transformation du système agricole vivrier est surtout apparue
avec l'arachide, grâce il faut le dire, à l'existence d'opportunités de commer-
cialisation, il n'est pas médiocre d'intérêt de nous pencher d'abord sur la
... / ...

- 149 -
présence des différents vivriers gravitant autour du coton.
1.2 L'ARACHIDE FACE AUX AUTRES PRODUITS VIVRIERS
On se souvient qu'on avait vu antérieurement les différentes classi-
fications des produits au niveau de l'importance des superficies encadrées
dans le secteur de Boundiali. On avait pu voir également que l'arachide occu-
pait la troisième place après le coton et le mais, tandis que le riz qui,
dans les zones de savane reste très souvent présent dans presque tous les
assolements modernes, n'occupe que la quatrième place; cette situation d'autant
plus surprenante que l'arachide a toujours été considérée comme un "petit
vivrier", utilisé comme condiment pour la sauce.
Il faut aussi ajouter que l'arachide occupe une place de choix
face à l'ensemble des vivriers,
surtout au mais et à l'igname, principales
cultures alimentaires des populations (Sénoufo) de la région.
C'est ainsi qu'au ni veau de "nos" deux villages, on remarque que tous
les blocs motorisés contiennent de l'arachide; il en est de même pour toutes
les parcelles affetées à la culture attelée. On rencontre également au niveau
des exploitations "manuelles", que ce soit en culture encadrée ou non, des
champs d'arachides, souvent en culture pure, quelquefois en association avec
d'autres vivriers. Ici, les femmes ont
leurs parcelles d'arachide: en général,
ces parcelles sont caractér isées par les cultures associées dont l'igname, le
mil, le fonio et le sorgho dans certains cas.
Le tableau
ci-dessous,
établi
à
partir de notre échantillon de
quinze exploitations, reste néanmoins un témoin
assez fidèle de la situation
générale de l'arachide dans la région.
SUPERFICIE TOTALE (HA) SELON LES CULTURES ET LES MODES DE CULTURE
EXPLOITATION
MAIS
IGNAME
RIZ
MIL
ARACHIDE VIVRIERS
COTON
CULTURE
4
2,5
-
2,5
6,5
15,5
8,5
MANUELLE
CULTURE
8
3
1
4
17
10
ATTELEE
1
MOTORISATION
14,5
4
5
1,5
12,5
38,5
31
·INTERMEDIAIRE
TOTAL
26,5
9,5
6
5
23
70
50
... / ...

- 150 -
Il s'agit, dans ce tableau, des cultures les plus représentatives
du milieu agricole paysan. Ainsi, à part le maïs qui devance de peu l'arachide,
cette dernière reste au niveau des vivriers, la culture ayant les superficies
les plus importantes: plus cultivée que l'igname, le riz et le mil réunis, il
approche de la moitié des superficies octroyées à la culture cotonnière ; cette
comparaison est très significative dans la mesure où les superficies cotonnières
sont de loin les plus élevées sur la quasi totalité des savanes où la présence
de cette culture est notée.
Au total, cultivée de façon modeste dans presque toutes les zones
savanicoles, l'arachide est devenue dans la zone de GBON et même plus globale-
ment dans la région de BOUNDIALI (1) un produit intéressant à la fois hommes et
femmes, à la fois culture attelée et motorisée, dans des proportions qui peu-
vent laisser penser à une véritable culture de rapport ; en fait, dans ce cas
précis, elle en est une, même si le coton est omniprésent à ce niveau.
2. 2 L'ARACHIDE
SOURCE DE REVENUS MONETAIRES CQ\\1PLEMENTAlRES
On peut considérer que l'arachide, dans la reglon délimitée plus haut,
est la seconde culture de rapport, après le coton. De ce fait, les autres vi-
vriers restent essentiellement orientées vers l'autoconsommation; en effet,
maïs, igname, riz (pour ce qui concerne les principales cultures) sont, dans
presque toutes les exploitations, réservés à l'alimentation. En général, comme
on lia vu au niveau de l'ensemble des zones de savanes (voir le chapitre V
notamment), le riz est plutôt le complément du coton pour ce qui concerne la
formation monétaire. Mais, dans le secteur de BOUNDIALI, le riz pluvial semble
ne pas répondre à ce but. Cette situation s'explique surtout par le fait
que la plupart des zones du secteur sont éloignées des rizeries et ne bénéfi-
cient d'aucun circuit traditionnel de commercialisation. En effet, pour ce qui
concerne cette commercialisation (riz pluvial), elle a eu lieu seulement dans
la zone de Boundiali,
avec l'équipe d'achat de la CIDT pour le compte de
la SOPAGRI,
Société Privée chargée de la commercialisation du paddy dans
le Nord du pays (voir chapitre V et annexe II). Il faut dire cependant que cet-
te collecte se situait autour de 23 560 KGS de paddy (voir le rapport d'activi-
té 82-83 du secteur), rendant l'action très négligeable; les autres zones du
... / ...
(1) Yves BIGOT en parle aussi dans la zone de NIELLE (au Nord de KORHOGO) où
l'utilisation de la culture attelée sur les parcelles affectées à l'ara-
chide est spontanée.

- 151 -
secteur (Kasséré, Sanhala, Gbon et Tingrela) restaient en dehors des milieux
de collecte. C'est ainsi que le riz pluvial se voit essentiellement cantonné
dans l'autoconsommation presqu'intégrale, au même titre que l'igname et le maïs.
L'arachide bénéficie, elle, d'un circuit traditionnel de commerciali-
sation, et se rapproche de ce fait du coton qui lui, nous le répétons une fois
encore,
profite d'une
intégration complète,
allant de la production à la
commercialisation. Dans le tableau suivant, nous pouvons distinguer les princi-
pales orientations de cette agriculture selon les cultures.
PRODUITS COMMERCIALISES, EN TOTALITE OU EN PARTIE (X)
(TOUNVRE - BOYO - 1982/1983)
EXPLOITATION
MAIS
IGNAME
RIZ
ARACHI.
MIL
SORGHO
FONIO
COTON
1
a
a
X
a
a
X
2
a
a
0*
X
X
3
X
a
Culture
X
Manuelle
4
a
a
X
X
5
a
a
X
X
X
1
6
a
X
X
7
a
a
X
X
X
8
a
X
X
a
X
9
a
a
X
X
Culture
Attelée
la
a
a
a
X
X
11
a
X
X
12
a
a
a
X
X
13
X
a
a
X
X
Motorisat.
Intermédi.14
a
a
X
X
15
a
a
a
X
a
X
NB . *
L'arachide de cette exploitation n'a pas été vendue. La production a
servi à louer la main-d'oeuvre en compensation de l'équivalent en
argent.
.../ ...

- 152 -
On constate de ce fait qu'au niveau des trois modes de production
(manuel, attelé, motorisé), seuls le coton et l'arachide restent de réels sour-
ces de revenus.
Pour ce qui concerne l'arachide, même si les prix aux producteurs
sont variables, ils restent cependant suffisamment rémunérateurs, oscillant
entre 175 et 190 FCFA le kilogramme-grain, soit environ 15 000 F le sac de
80-85 kgs, comme nous avons pu le constater sur le terrain et selon même le
témoignage des paysans.
Cette situation de l'arachide va créer, dans certains cas, une sorte
de spécificité de la destination du produit selon les exploitations; l'arachide
produite par les ferr~es sera destinée en grande partie à la consommation fami-
liale,
alors
qu'on va assister à la vente presqu'intégrale (en dehors
de la part réservée pour les prochaines semences) de la production masculine.
Il arrive quelquefois aussi que la production arachidière soit plus
importante que celle du coton; ainsi, à un paysan à qui nous avons demandé
pourquoi continuer de faire du coton alors que l'arachide lui procure plus
d'argent, il nous fit savoir que malgré la relative pénibilité de la culture
cotonnière (contraintes techniques au niveau des différentes étapes de la
production - voir le chapitre IV et le chapitre VII - 1ère PARTIE), les condi-
tions de vente sont plus intéressantes ; en effet, la commercialisation inté-
grale du coton est immédiate après la récolte alors qu'avec l'arachide, même
si elle s'achète à un assez bon prix, la vente reste très souvent étalée sur
presque toute l'année: le coton résoud le besoin urgent d'argent après la ré-
colte et, n'oublions pas qu'on sort en ce moment-la à peine de la soudure.
Certains paysans affectent le revenu de la culture de l'arachide à
une fonction bien déterminée comme l'achat des fournitures scolaires pour les
enfants scolarisés ou à scolariser tandis que les revenus cotonniers restent
réservés aux dépenses plus importantes: charges de production (matériel d'atte-
lage ou de motorisation), investissement si possible et charges diverses.
Ces quelques exemples montrent une fois de plus que coton et arachi-
de sont, dans la zone, très complémentaire et que les deux produits se distin-
guent fondamentalement des autres cultures demeurées exclusivement dans le
cadre de l'autoconsommation. Le tableau de la page suivante reste significatif
de la situation générale.
... / ...

- 153 -
POIDS ET POURCENTAGE DES PRODUITS COMMERCIALISES *
(TOl~ - BOYO 1982/1983)
RIZ
EXPLOITATION
MAIS
i IGNAME
+ SOR-
ARACHIDE
COTON
GHO + FONIO
KGS
%
KGS
%
KGS
%
KGS
%
KGS
%
C. MANUELLE
0 0
0
0
0
0
2 575
83
9 790
100
C. ATTELEE
0 0
170
1
0
0
2 460
56
15 327
100
M. INTERMEDIAIRE
1 500
4,5
0
0
0
0
6 135 73,5 43 380
100
* estimation pour les vivriers
L'importance de l'arachide au niveau de la commercialisation en tant
que produit vivrier est, comme on peut le voir, assez remarquable; cette impor-
tance a favorisé, dans le milieu, l'émergence d'un certain nombre d'activités
secondaires.
C'est ainsi que quelques paysans de ces deux villages se sont trans-
formés en "collecteurs primaires" d'arachide ; ils rachètent aux autres pay-
sans leur produit pour le vendre à leur tour aux commerçants de la région qui
passent dans la zone. On peut même compter deux ou trois paysans qui sont en
passe de devenir de vrais professionnels de la collecte; il s'agit ici de
jeunes paysans dont les exploitations sont assez modestes.
Nous avons noté également que dans le village de TOUNVRE, deux
paysans se sont acheté chacun une décortiqueuse qu'ils louent aux autres pay-
sans désirant égrainer leur produit pour la commercialisation.
Au total, produit de seconde importance (mais non moins apprécié)
dans
l'alimentation
des
populations,
l'arachide,
au sein des
différentes
exploitations reste une culture de choix, surtout pour son caractère commer-
cial ; cette situation a entraîné comme on vient de le voir, la transformation
de tout un système de culture Qui, presque partout ailleurs réserve à
l'arachide une place relativement modeste.

- 154 -
2. LE RIZ INONDE DME LES PLAINES DU NOOD-OUEST
A la différence de l'arachide dans le secteur de BOUNDIALI, nous
avons affaire ici à un des produits vivriers les plus consommés tant au niveau
de la population locale (comme on le verra) qu'au niveau national, témoin
l'importance de l'importation de cette denrée (voir paragraphe I, chapitre V).
Nous allons nous intéresser particulièrement au système de culture dans un des
villages du secteur d'Odienné, KABANGOUE ; ce village reste caractérisé par l'im-
portance de la culture rizicole, surtout le riz inondé dans les plaines alentour.
2.1 LE RIZ INONDE
LE MAITRE DU PAYSAGE AGRICOLE
Nous avons pu voir dans la reglon de Boundiali que des transforma-
tions sont apparues lorsque certaines opportunités de commercialisation ont
existé; certes, ici aussi, l'opportunité de commercialisation n'est pas à ex-
clure (il est même très important), mais il faut dire qu'au
niveau des systè-
mes de cultures, la production du riz (inondé) a pris de l'ampleur puisque,
dans la majorité des cas, la création de surplus n'entraîne pas de grandes con-
traintes techniques: problèmes de fertilisation du sol, problème d'extension
des superficies agricoles, etc. C'est ainsi que, dans le village, la quasi to-
talité des paysans, encadrés ou pas par la CIDT produisent du riz inondé.
Ainsi, au niveau des quarante paysans encadrés pour l'année 1982/
1983, la répartition par culture fut la suivante:
-
18 paysans en coton
- 18 en riz de plateau,
- 16 en maïs,
7 en arachide,
-
40 en riz inondé.
En outre, ces paysans produisent l'igname, la patate, le manioc
(quelquefois) ainsi que le fonio et le sorgho ; ces dernières cultures, comme
on peut s'en douter, ne sont pas encadrés.
La différence entre le riz inondé et les autres cultures est encore
plus nette lorsqu'on se réfère au mode de production; en effet, si pour
le reste des cultures on assiste à la pratique de culture manuelle, le riz de
plaine, lui, reste caractérisé par la culture motorisée; il s'agit ici de
... / ...

- 155 -
motorisation conventionnelle (FIAT 640) sur d'importantes superficies
agrico-
les, d'où une réelle monoculture.
Le tableau suivant indique assez bien l'importance des superficies
octroyées au riz inondé dans un certain nombre d'exploitations (un échantillon
de dix exploitations).
AFFECTATION DES SURFACES AUX DIFFERENTES CULTURES (HECTARES)
(KABANGOUE - 82/83)
RIZ
RIZ DE
ARA-
EXPL
MAIS
IGNAME
COTON
MIL
FONIO
PATATE
INONDE
PLATEAU
CHIDE
1
12
2
1,5
2
-
1
1,5
-
0,25
2
9
1
1
1
0,5
0,5
0,5
0,5
0,25
3
6
1
1
0,5
0,25
-
0,5
0,5
0,5
4
10
12
1,5
-
0,5
1
-
0,5
-
5
1,5
0,75
1
0,5
0,25
0,5
-
0,25
0,25
6
4,5
0,5
2,25
0,5
0,25
-
-
-
-
7
3
0,75
0,5
0,25
0,25
0,5
-
0,25
-
8
1
1
0,5
0,75
0,5
0,5
-
0,25
-
9
5
2
?
-
0,5
-
0,5
0,5
0,5
10
8
2
2
2
1
-
0,5
-
0,25
TOTAI
61
23
11,25
7,5
4
4
3,5
2,75
2
%des 51,3 % 19,3 % 9,4 % 6,3 % 3,4 % 3,4 % 2,9 % 2,3 % 1,7 %
surf. -------- -------
cul t.
70,6 %
Ainsi, sur un total de 119 ha, le riz inondé occupe à lui seul un
peu plus de la moitié des superficies cultivées
avec le riz de plateau, on
arrive à plus de 70 % des superficies octroyées à la seule culture du riz.
Cette proportion est encore plus grande lorsqu'on s'intéresse, cette
foi~cià la production dégradée au niveau de chaque culture au sein des diffé-
rentes exploitations comme le montre le tableau ci-après :
... / ...

- 156 -
PRODUCTION DES PRINCIPALES CULTURES - (KGS) *
(KABANGOLΠ82/83)
l
ARACHIDE
1
COTON
EXPLOITATION
PADDY
MAIS-GRAIN
IGNAME
1
1
1
1
COQUE
GRAINE
1
1
1
1
40 720
280
8 000
-
904
2
la 800
1 530
4 000
180
210
3
8 000
1 300
2 000
300
-
4
24 000
1 700
-
300
1 459
5
2 400
960
2 000
300
461
6
6 160
1 120
2 000
90
-
7
5 120
510
1 000
150
684
8
480
425
3 000
210
511
9
9 200
385
-
240
-
la
13 600
1 500
8 000
600
-
TarAL
120 480
la 280
20 000
2 370
4 229
---------------- ----------- ----------- ----------- ----------- -----------
%
76,56 %
6,53 %
12,71 %
1,51 %
2,69 %
* Estimation pour les vivriers.
Ces différentes données indiquent largement la prédominance du riz
sur toute les autres cultures ; il faut dire néanmoins que cette situation est
essentiellement due au riz inondé dont la culture mérite qu'on s'y attarde un
peu.
Il est d'abord intéressant de savoir quele village possède un GYC,
non seulement de commercialisation comme d'ailleurs beaucoup d'autres villages,
mais aussi de production, assez rare il faut le dire en milieu rural (1). Ce
GYC s'est acheté deux tracteurs (FIAT 640) avec l'intervention de la SODERIZ,
en 1976 ; c'est à partir de cette époque que de vastes étendues de terres dans
les plaines ont été emblavées de riz. La gestion des tracteurs est faite par
... / ...
(1) On compte au total 270 GYC de production sur environ 2 608 groupements con-
cernant uniquement le secteur de l'agriculture; mais, Il de ces GYC sont
seulement représentés en savane. (Yoir D.M.C. rapport d'activités - 81/82
Op. cit.).

- 157 -
les responsables du GVC ; au niveau de la production proprement dite, chaque
paysan peut bénéficier des prestations motorisées, qu'il soit membre du GVC
ou pas.
Ces prestations ont
lieu uniquement sur les exploitations de riz
inondé; la location s'élève (pour tout le monde) à 30 000 FCFA par hectare,
payable endeux traites
: la première moitié avant le début
des travaux
les autres 15 000 F après la vente du produit. Mais, ces prestations ne concer-
nent uniquement que le labour des terres à ensemencer.
Il est important de préciser aussi que le GVC a encore quelques
traites à payer avant l'acquisition complète des tracteurs (environ
450 000 FCFA (1) ; le groupement s'occupe également des charges d'entretien
et du traitement des deux tractoristes.
Au total, la production du riz, que ce soit celui de plateau ou de
plaine, en bénéficiant de l'intérêt que lui porte toute la population agricole
va entraîner presqu'une marginalisation des autres produits
; le maïs et
l'igname seront
rejetés en second plan alors que le fon i o , l'arachide et
le mil seront, on ne peut plus insignifiants.
Mais,
la situation la plus surprenante est la place très modeste
qu'occupe le coton dans ce système de culture; les deux tableaux précédents
montrent assez nettement que le coton, maître du paysage agricole des zones
de savane, fait plutôt figure de "parent-pauvre" et partage de ce fait des
surfaces très négligeables avec certaines cultures qu'on a considéré et qu'on
considère encore comme des produits très marginaux tels le fonio et le mil ;
nous avons pu constater de ce fait que les surfaces affectées au coton pour
l'année agricole passée (82/83) se situaient autour de 3 % des superficies
totales affectées à l'ensemble des cultures alors que le secteur d'Odienné
fait partie des grandes régions productrices de coton (2)
Dans une étude concernant les potentialités agricoles dans les zones
de savane, BIGOT (3) montre que, dans la strate Ouest de la région Nord-Ouest,
... / ...
(1) Ce qui aurait dû être déjà fait si deux mauvaises récoltes successives en
culture inondée n'étaient apparues, nous confia le trésorier du Groupement.
(2) Voir la répartition des grandes zones de culture cotonnière - Parag.2 Chap.IV
(3) BIGOT (Y.) : Objectif et contraintes de développement des systèmes de pro-
duction - zone de savane.
Département des cultures vivrières - IDESSA Côte d'Ivoire 1981 -

- 158 -
les modèles techniques de diversification n'ont jamais été applicables à des
conditions où l'intérêt pour le riz l'emporte sur toutes les autres cultures;
en plus, sa grande importance dansles assolements rend les problèmes agrono-
miques de rotation et de succession difficilement solubles.
En effet, le coton souffrira de ce
rapport avec le riz
d'abord,
la
juxtaposition des
calendriers
culturaux sera défavorable au coton.
Au
ni veau de la récol te des produits par exemple,
en se rend compte que les
opérations se font au même moment
(Octobre-Décembre).
Ici,
on ne retrouve
plus les mêmes contraintes qui orienteront lechoix vers l a culture cotonnière;
en effet,
l'intérêt pourle ri z étant plus grand (on verra pourquoi),
les
travaux seront de ce fait dirigés vers cette production, avant toute autre cul-
ture dont notamment le coton. En second lieu, comme on l'a mentionné en début
de paragraphe, le surplus de production est relativement facilement atteint en
riz inondé: on peut faire labourer plusieurs hectares de terres; on n'est pas
tenu par les contraintes du déherbage (l'herbe étant plus ou moins étouffée par
l'eau; certaines plantes aquatiques ne sont pas génantes pour le développement
du riz) ; la régénérescence de la terre après chaque culture se fait naturel -
lement car nous avons affaire ici à des plaines alluviales. Ces différents
caractères recensés par les paysans expliquent en partie la préférence de
la culture rizicole à celle du coton où, on peut noter l'importance du sar-
clage, les contraintes des techniques modernes de production, sans compter
que pendant longtemps (jusqu'en 1977) l'engrais était payant.
Certains paysans ont ajouté le fait de la pénibilité des
tâches agricoles au niveau du coton, l'enherbement d'un bloc cultural cotonnier
qui entraîna son abandon il y a de cela une dizaine d'années; on a également
assisté à cette période à l'abandon de la culture attelée; les animaux ont
été vendus, d'autres sont morts pour cause de maladie, etc. De toute façon, la
cul ture
attelée
n'avait
aucun
avenir puisque,
devons-nous
l'apprendre,
le
village est caractérisé par un fort taux d'exode
il n'y a plus de jeunes pour
s'occuper de l'entretien des bêtes de traits et de la culture elle-même.
Pour notre part, il est assez difficile d'apprécier ces différentes
affirmations ayant entraîné la quasi disparition de la culture cotonnière qui,
à une certaine époque a été produite à une échelle non négligeable, témoin la
présence d'un bloc cultural et de parcelles de cultures attelées.
... / ...

- 159 -
En fait
l'abandon
de la culture
cotonnière par l'essentiel
des
paysans se situe à peu près à l'époque où la SODERIZ commençait son encadrement
pour la culture rizicole et surtout, à partir de 1976, année de l'introduction
des deux tracteurs pour la riziculture inondée.
Nous pensons qu'il faut percevoir à travers cet abandon, la possi-
bilité d'une substitution totale avec le riz. En effet, le riz va jouer un
double rôle à la fois : création de ressource monétaire assez intéressante et
autoconsommation pour une bonne partie ; le riz inondé par rapport au riz de
plateau pouvait jouer mieux ces deux rôles. par conséquent, tous les autres
produits que ce soit le coton ou les autres vivriers ne peuvent jouer des
rôles complémentaires: le coton pour le complément de revenu, le maïs, l'igna-
me, le mil, le sorgho, le fonio et le manioc pour le complément alimentaire.
2.2 LE RIZ
LA SATISFACTION D'UN DOUBLE OBJECTIF
Dans le premier chapitre de notre étude,
nous avons montré,
au
niveau de la spécificité agricole des régions de savane, que le Nord-Ouest du
pays, le pays Malinké, fait partie des grandes zones de production céréalière.
Le développement du riz semble avoir surclassé celui des autres cultures, sur-
tout le maïs qui, on se rappelle, avait donné à la région d'Odienné le surnom
de KABADOUGOU (le pays du maïs). Aujourd'hui, on constate que dans beaucoup de
zones de cette région, le riz est largement passé en tête pour ce qui concerne
l'alimentation des populations; comme ce fut le cas du maïs au détriment du
mil en pays Sénoufo (zone dense autour de KORHOGO) (1).
Produit le plus consommé,
le riz reste également le plus commer-
cialisé ; au niveau des exploitations de KABANGOUE, l'orientation de la produc-
tion rizicole est déterminée essentiellement par l'importance de la production
des autres principaux vivriers: plus l'igname et le maïs sont produits en
quantité importante, plus le riz sera vendu en très grande quantité ; il
sera, dans le cas contraire, orienté beaucoup plus vers la consommation.
Le tabeau de la page suivante indique que, dans tout les cas,
consommation et commercialisation ne sont pas négligeables dans l'ensemble
(KABANGOUE - 82/83).
. .. / ...

- 160 -
REPARTITION DE LA DISPONIBILITE EN RIZ SELON LES EXPLOITATIONS
(KG)
TOTAL UNI-
CONSOMMA-
EXPLOITA-
COMMERCIA-
DE CONSOM- PRODUCTION TION + SE-
% (A)
% (B)
TION
LISATION (B
MATI ON
MENCES (A)
1
21
40 720
20 720
20 000
50,88
49,12
2
12
10 800
7 120
3 680
65,93
34,07
3
11
8 000
4 800
3 200
60
40
4
18
24 000
8 000
16 000
33,33
66,67
5
9
2 400
1 200
1 200
50
50
6
20
6 160
2 710
3 750
43,99
56,01
7
14
5 120
3 330
1 790
56,04
34,96
8
10
480
240
240
50
50
9
la
9 200
4 000
5 200
76,92
23,08
10
13
13 600
8 400
5 200
61,76
38,24
TarAL
138
120 480KG
60 550KG
59 930KG
50,26
49,74
Ce taux de commercialisation élevé en agriculture villageoise pour
un vivrier (1) est atteint grâce à une structure de commercialisation assez
diversifiée; cette diversification des circuits de commercialisation a permis
notamment à l'activité de survivre après les disparitions successives de la
SODERIZ, de l'AGRIPAC et tout récemment de l'OCPA, qui en d'autres lieux ont été
préjudiciables à certains groupements de commercialisation et même à certaines
cultures (voir faillite des Sociétés d'Etat, au chapitre X de la présente
partie).
On distingue généralement trois principaux circuits de commercialisa-
tion du riz: le premier, plus récent, est considéré comme le plus moderne;
il s'agit de la SOCIDO (Société pour le Développement d'Odienné) qui a hérité
des infrastructures des trois défuntes sociétés de commercialisation ; les deux
... / ...
(1) Comparer avec les différents tableaux de production et de commercialisation
du maïs et du riz dans différents secteurs agricoles des zones de savane -
(chapitre X, présente partie).

- 161 -
autres circuits sont dits traditionnels et caractérisent l'activité des commer-
çants privés appelés généralement les "Oioula". Comme partout au niveau de la
commercialisation des vivriers, ici aussi, on remarque la présence de grossis-
tes et celle de petits commerçants des marchés ruraux ou locaux.
Ainsi, le premier interlocuteur du GYC du village est d'abord la
Société privée de commercialisation ; pour la campagne de commercialisation
passée (82-83), le Groupement a vendu environ 45 Tonnes à la SOCIOO. Comme on
le sait, le prix au producteur reste ici un prix officiel, dans l'ensemble res-
pecté par le circuit moderne
le kilogramme de paddy vaut 70 FCFA lorsque la
vente du produit s' effectue dans les magasins de collecte ; il est acheté
à 60 FCFA bord-champ et 75 FCFA lorsque le produit est acheminé directement
dans les rizeries (usines ou silo). Bénéficiant donc d'un magasin de stockage,
le GYC de KABANGOUE a vendu ses 45 tonnes à 70 F/KG ; le paddy se présentant
généralement en sac de 80 kgs lors de la vente,
le producteur parlera de
ce fait en terme de sac plutôt qu'en terme de kilo
c'est ainsi que la réfé-
rence du revenu avec la socroo est le sac de 5 200 F.
Cependant, quelques mois après le passage de la socroo, il devient
plus intéressant de vendre le riz aux commerçants Oioulas ; en effet de 5 000
à 6 000 F après la récolte, le sac de riz peut atteindre 6 500 ou 7 000 F.
La stratégie des producteurs est bien simple : tout de suite après
la récolte, on vend quelques sacs aus structures officielles de commercialisa-
tion afin d'obtenir rapidement de l'argent
; cet argent sert à payer les
dettes contractées lors des périodes "difficiles" ; le Prêt de Soudure dont on
fera mention dans le chapitre X est une de ces dettes ; il sert aussi à payer
les charges de production au niveau des exploitations en riz inondé; bref,
l'argent reçu de la vente du riz à la socroo résoud les problèmes les plus pres-
sants et les plus ponctuels. La grande partie de la production destinée à la
vente sera réservée aux commerçants d'Odienné et des Sous-Préfectures environ-
nantes. Ces derniers,
en achetant le paddy à un prix supérieur à celui du
nlarché officiel. arrivent, toujours et largement, à combler le manque à gagner
créé consciemment afin d'évincer les structures étatiques ou semi-étatiques de
la concurrence au niveau de la collecte du produit. En effet, lors de la commer-
cialisation du produit (en général tranformé en riz blanchi) les différents prix
par sac ou au kilo seront ajorés en tenant bien-sOr compte des difféentes char-
ges ; et celles créées pendant l'achat du paddy y feront partie. Oisons aussi
que le commerçant bénéficiera aussi de l'environnement traditionnel de la
... / ...

- 162 -
commercialisation dans le village (voir chapitre deux, présente partie) :
relations plus ou moins familiales, pesées plus ou moins fantaisistes, etc.
qui finalement ne feront qu'accroître cette marge bénéficiaire reconnue déjà
comme assez élevée au niveau des commerçants de vivriers.
Le dernier
circuit de commercialisation est représenté surtout par
les femmes; c'est un circuit moins important que les deux autres, sans cepen-
dant être négligeable. Il s'agit d'achat de quelques sacs de paddy (deux ou
trois) qui seront
transformés en riz décortiqué et vendu plus tard sur les
marchés locaux sous toutes les formes.
Ainsi, que ce soit avec la SOCIDO, les commerçants grossistes ou
les petits commerçants dont 12s femmes, les producteurs de riz sont assurés
de vendre leurs produits aux moments les plus opportuns. Cependant, il faut
faire remarquer que beaucoup de paysans réservent la production du riz de pla-
teau exclusivement à la consommation familiale; ceci parce que, disent-ils,
ce riz a meilleur goût ; de ce fait, la grande partie du riz inondé sera auto-
matiquement affectée à la commercialisation. On se rend compte ici que l'impor-
tance du produit dans le village a entraîné une sorte de spécialisation des
terres au ni veau de l'orientation générale
; dans ce cas l'origine de la
transformation du système de culture à KABANGOUE reste fondamentalement liée
à
la présence
de structures
de commercialisation assez importantes,
dans
l'ensemble.
Au total, la combinaison du système de culture et de l'opportunité
de la commercialisation, laisse se dégager la prééminence du riz sur toutes les
autres cultures, dont le coton qui reste, somme toute, le grand "oublié".
Le tableau suivant en est le témoin le plus expressif.

- 163 -
REVENU MONETAIRE PAR PRODUIT FCFA (REVENU BRUT) *
(KABANGOlœ - 82/83)
EXPLOI-
RIZ
MAIS
IGNAME
MIL OU
ARACHIDE
COTON
TATI ON
SORGHO
1
1 467 500
-
-
12 320
-
2
396 000
-
la 000
-
-
3
232 000
-
15 000
20 000
-
4
1 115 000
55 000
-
116 no
-
5
88 500
-
15 000
20 000
36 880
-
6
235 000
-
-
-
-
7
125 000
-
-
-
54 no
-
8
16 500
-
-
19 000
40 880
-
9
427 500
-
-
-
-
la
336 000
-
250 000
-
-
TOTAL
4 439 000
55 000
290 000
59 000
338 320
a
a
%
85,67 %
1,06 %
5,60 %
1,14 %
6,53 %
* Estimation pour les vivriers

- 164 -
CHAPITRE
1. VERS UNE C(J.fPLEMENfARI'ΠENffiE CULTIJRES VIVRIERES ET CULTIJRES DE RAPPORT ?
Dans la partie introductive de cette étude, nous avons vu l'évolution
de l'agriculture ivoirienne à travers un certain nombre de programmes d'ac-
tions (1) concernant les productions nationales. De façon globale, les années
60 allaient plus ou moins renforcer la production des cultures de plantation et
favoriser l'apparition ou le développement de certaines cultures de rapport sur
l'ensemble du territoire, dans le cadre de la diversification des cultures. De
ce fait, en refusant implicitement un programme de développement des produits
vivriers dans la première décennie (1960/1970), les Pouvoirs Publics se sont
retrouvés,
dans
les années
70,
devant
une situation plutôt alarmante.
En
effet, la négligeance de la production vivrière allait entraîner en quelques
années, une sorte de blocage au niveau de la satisfaction des besoins alimen-
taires ; cette situation était particulièrement ressentie dans les centres ur-
bains (voir Introduction et chapitres précédents) mais aussi quelquefois dans
certaines zones rurales.
On a noté en effet que le développement des cultures d'exportation a
conduit certaines régions à limiter au strict minimum leur production vivrière
et à devenir quelquefois même "importatrices" des produits alimentaires ; cette
situation se rencontre plutôt en zones forestières et s'explique par le fait
que les cultures de Café et de Cacao rémunèrent mieux le travail que les tuber-
cules ou les céréales. Au contraire, dans d'autres régions, les graves défi-
ciences dont souffre le système de commercialisation (difficulté d'écoulement
de la production) ne favorisent guère le développement des vivriers.
Aussi, face à cette situation et pour réduire les importations de plus
en plus importantes de denrées alimentaires (voir Introduction et Chapitres V
et VI notamment), décide-t-on de favoriser le développement de la production
vivrière
à travers quelques actions incitatrices au niveau du revenu global du
producteur
: dans les zones forest ières , à côté du Café et du Cacao,
les
complantations de produits vivriers pourront fournir des revenus complémentaires
aux paysans; dans les savanes, le coton, toute proportion gardée, va tenir la
... / ...
(1) Voir également l'Annexe 1 à propos de l'histoire agricole de la
Côte d'Ivoire

- 165 -
place du Café et du Cncao au niveau des sources de revenus; avec les
assolements coton-vivriers, les sources de revenus seront diversifiées.
On remédie de ce fait au déséquilibre qui existe entre le Nord et le
Sud forestier (1). la première action à ce niveau fut l'intervention conduite
à la suite de décisions des Pouvoirs Publics et concernant les terroirs dans
la zone dense autour de Korhogo, avec l'introduction du riz irrigué comme sour-
ce
de revenu monétaire pour
les producteurs
(voir le développement de la
riziculture dans le Nord du pays - paragraphe l Chapitre V ,1ère PARTIE).
Mais, disons une fois de plus que c'est au début de la deuxième décennie
(70/80) que les préoccupations gouvernementales pour les vivriers deviennent
plus évidentes, surtout dans les savanes. La culture du coton est désormais
bien amorcée dans le Nord et le Centre du pays, les actions d'encadrement au
niveau du coton (CIDT) et du riz (SODERIZ) sont de plus en plus incontestables
les assolements comprenant
les vivriers traditionnels à côté du coton ou
du riz sont l'image de la modernisation de l'agriculture, etc. Nous n'insiste-
rons pas sur cette agriculture des zones
de savane car c'est de cela dont
il a été question dans les chapitre V et VI de la présente étude.
Ainsi, la modernisation des cultures vivrières étant suffisamment
avancée,
la deuxième étape de
leur évolution devrait se situer au niveau
de
leur
commercialisation
il
s'agit
ici
d'une organisation rationnelle
des réseaux de distribution et de commercialisation afin d'assurer, principa-
lement aux citadins, un approvisionnement régulier des produits agricoles. De
l'autre côté, on élabore tout un ensemble de prix pour ces produits vivriers;
c'est ainsi qu'on aboutit à l'établissement de prix fixes et garantis pour les
uns, de prix seulement garantis pour les autres, pour d'autres encore, on par-
lera de prix "officiels, etc.
Comme pour répondre plus efficacement à cet programme global du déve-
loppement des vivriers, des structures d'appui aux sociétés d'encadrement tech-
nique déjà sur place (ClDT et SODERlZ principalement pour les zones de savane)
seront créées: il s'agira pour l'essentiel de structures concernant la forma-
tion des paysans, de structures ayant trait à la collecte et à la modernisation
des réseaux de commercialisation, des structures concernant le développement du
crédit agricole dans le milieu paysan, etc.
... / ...
(1) On situe le revenu monétaire du paysan Sénoufo, dans les années 60, à
environ cinq fois plus faible que celui du paysan du Sud.

- 166 -
Aussi, atteint-on l'objectif qui est de réduire le déséquilibre
entre le Nord et le Sud du pays d'une part, et entre les produits vivriers et
les cultures d'exportation d'autre part; les cultures vivrières bénéficient de
ce fait d'infrastructures modernes d'encadrement comme c'est le cas des cul-
tures de rapport ; elles obtiennent un prix établi officiellement et sont ren-
tables au même titre que les cultures de plantation en profitant par ailleurs
(en zone de savane) du produit complémentaire qu'est le coton.
Au total,
si les cultures industrielles sont dest inées essentiel-
lement à l'exportation, les cultures vivrières, elles, sont orientés vers la
satisfaction alimentaire de l'ensemble de la population. De ce fait, la complé-
mentarité est acquise, surtout que les deux types de produits sont maintenant,
tous deux, sources de revenus monétaires pour les producteurs.
Dans les zones de savanes, le développement des cultures vivrières
à travers le modernisation des exploitations paysannes va s'inscrire dans le
reéquilibrage de l'économie agricole nationale.
Mais, aujourd'hui, quels en sont les principaux résultats?

- 167 -
2. LES PRlOCIPAUX RESill.TATS DE L'EOCADREMENf
Il n'est pas aisé d'apprécier, au niveau de la transformation du
système productif, les résultats d'ensemble de l'encadrement en zones de sava-
ne ; ces résutats peuvent s'appréhender à travers plusieurs données, selon
plusieurs critères.
Nous retiendrons pour notre part un certain nombre de points qui,
somme toute, reflètent un changement notable et une évolution certaine dans la
production villageoise et nationale. Pour ce faire, il paraît nécessaire de
nous
reférer aux résultats agronomiques pour ce qui
est relatif au bilan
proprement technique ; nous nous pencherons également sur le bilan économique,
surtout au niveau de la production nationale y compris les différentes orien-
tations de cette production.
2.1 LE BILAN TECHNIQUE DE L'ENCADREMENT
Tout d'abord, pour ce qui concerne l'encadrement global de la CIDT,
on remarque une progression du nombre de paysans encadrés; à cet effet, les
résultats obtenus dans les secteurs agricoles du Nord et Nord-Ouest sont
significatifs et représentatifs de l'opération de modernisation.
C'est ainsi que dans le secteur de Boundiali, on comptait pour la
campagne passée (82/83), 15 179 paysans encadrés, soit autour de 13 % de la
population agricole. L'évolution de la population encadrée dans le secteur
d'Odienné laisse percevoir, dans le tableau ci -dessous , une si tuat ion crois-
sante au niveau de tous les vivriers.
NOMBRE DE PAYSANS ENCADRES -ODIENNE
1981/1982
1982/1983
EN coron
8 144
8 040
EN RIZ
2 501
3 551
EN SOJA
262
127
EN MAIS
2 822
3 125
EN ARACHIDE
2 112
2 338
... / ...

- 168 -
Ce tableau démontre en outre que le coton n'est plus cette culture
uniquement encadrée par la CFDT pendant les premières années de vulgarisation
il faut, aujourd'hui, compter avec l'apparition des vivriers dont l'encadrement
est évident, surtout au sein de ces nombreux assolements caractéristiques de la
modernisation de l'agriculture villageoise.
Pour les différents types de productions, on peut noter aussi que vi-
vriers et coton bénéficient à la fois de la culture attelée comme de la culture
motorisée, même si la culture manuelle reste la plus représentative, tant en
vivriers qu'en coton. Dans le secteur de Boundiali, la répartition des surfaces
par type de productions pour la dernière campagne est la suivante.
REPARTITION DES SURFACES PAR TYPES DE PRODUCTIONS - BOUNDIALI
COTON
VIVRIERS
HA
%
HA
%
CULTURE MANUELLE
10 763,5
60
17 053,75
62
CULTURE ATTELEE
6 176
34
8 752,25
32
MOTORISATION INTERMEDIAIRE
848,5
5
965
4
MOTORISATION CONVENTIONNELLE
234
1
789
2
(Source
ClOT - Boundiali 82/83)
Cependant, concernant l'intensification des cultures, l'utilisation
des facteurs de productions (engrais, semences sélectionnées, herbicides et
pesticides) reste très élevée sur le coton alors que sa faiblesse sur les vi-
vriers est remarquable. Dans les villages de Tounvré et Boyo, notre échantillon
de quinze exploitations laisse se dégager cette disproportion de l'affectation
des différents facteurs de productions ; le tableau de la page suivante il-
lustre assez bien cette place de choix dont bénéficie la culture cotonnière
au sein des assolements.
... / ...

- 169 -
AFFECTATION DES FACTEURS DE PRODUCTION AUX DWFERENTES SOLES
EXPLOITATIONS 1
PESTICIDE
HERBICIDE
ENGRAIS
82/83
1
1
1
COTON
-
COTON + MAIS
2
COTON
-
COTON
3
COTON
-
COTON
C M
4
COTON
-
COTON
5
COTON
-
COTON
6
COTON
-
COTON
7
COTON
-
COTON
-------------- --------------- ---------------------- ----------------------
8
COTON
-
COTON + MAIS
9
COTON
-
COTON + MAIS
C A
10
COTON
COTON
COTON + RIZ
11
COTON
COTON
COTON + MAIS
-------------- --------------- ---------------------- ----------------------
12
COTON
COTON + RIZ
COTON + RIZ
13
COTON
COTON + RIZ + MAIS
COTON + RIZ + MAIS
M l
14
COTON + SOJA
-
COTON+SOJA+RIZ + MAIS
15
COTON
-
COTON + RIZ
CM
Culture manuelle
-
CA
Culture attelée
MI
Motorisation intermédiaire
Avant de nous attarder (prochainement) sur cette faiblesse des intrants
au niveau des vivriers, il est nécessaire de noter ici que les engrais et les
pesticides restent gratuits pour le coton (et
le soja), ce qui
n'est pas
le cas des vivriers. C'est surtout en cultures mécanisées (attelée et motorisée)
que le paysan utilise quelquefois l'herbicide et surtout l'engrais pour seule-
ment son maïs et son riz.
C'est cependant au niveau de l'intensification des cultures que la
modernisation reste la plus perceptible car il s'agit là de la productivité et
de la rentabilité de l'exploitation. A ce niveau, seules les cultures du coton
et du riz irrigué méritent, dans le cadre de l'intensification des cultures,
qu'on s'intéresse à l'agriculture moderne villageoise.
... / ...

- 170 -
Aujourd'hui, on note que les conditions de cultures sont acceptables
dans l'ensemble, pour ce qui concerne l'opération cotonnière. En effet, 88 %
de la superficie affectée au coton est semée dans les dates limites préconisées,
50 % de la superficie est semée à une densité convenable, 99 % des surfaces
sont fertilisées, 95,5 % du coton est acheté en première qualité (coton blanc et
propre), etc. (1). Ainsi, et comme nous l'avons mentionné dans le second para-
graphe du chapitre IV (1ère PARTIE) la CFDT puis la CIDT ont mis en place toute
une structure d'encadrement pour cette culture de coton: un circuit d'approvi-
sionnement (semences, engrais, pesticides, crédit), un circuit de commerciali-
sation intégré (collecte, transport, stockage, usinage).
Au total, pour le paysan, il existe tout un ensemble de normes tech-
niques plus ou moins imposées qui déterminent en retour une garantie d'achat à
un prix fixé. Ces conditions de développement ont profondément transformé la
culture cotonnière, témoin, ces résultats sur une dizaine d'années.
EVOLUTION DES SURFACES ET DE LA PRODUCTION COTONNIERE
-
1970/71
1978/79
1979/80
1980/81
SURFACE TOTALE (HA)
58 868
107 254
122 983
126 310
- CULTURE MANUELLE (HA)
34 291
83 257
92 931
91 393
- CULTURE ATTELEE (HA)
78
17 428
21 561
25 940
- CULTURE MOTORI. (HA)
1 499
6 569
8 485
8077
PRODUCTION COTON-GRAINE
29 316 T.
114 886 T.
145 975 T.
136 603 T.
(Source
Afrique AGriculutre N° 82 - JUIN 82)
Pour ce qui concerne le riz irrigué, on peut affirmer que, comme le
coton, il est entièrement intensifié : semences sélectionnées, engrais, insec-
ticide, etc. De ce fait, il se différencie, comme nous l'avons vu, du riz plu-
vial et des autres vivriers dont l'intensification reste très localisée et très
limitée.
. .. / ...
(1) CIDT - Direction Générale: les conditions de diffusion de l'innovation
l'exemple des savanes ivoiriennes - Novembre 1981.

- 171 -
On peut aujourd ' hui définir les grands "tournant Sil de la modernisation
de cette culture; en effet, l'implantation de la riziculture irriguée en milieu
paysan s'est caractérisée par trois étapes dont nous résumons ici la stratégie(l) :
- La première concerne la transformation en rizière irriguée des rizi-
cultures inondées créées par les paysans dans les bas-fonds; la zone dense au-
tour de Korhogo reste l'exemple le plus représentatif de ces aménagements rizi-
coles ; il s'agissait en général d'aplanir les rizières, de créer des casiers
avec des diguettes, d'alimenter les rizières par des aménagements au fil de
l'eau, etc.
- La seconde étape a été la création de petits barrages en terres,
situés en amont des aménagements antérieurs et qui stockaient en saison plu-
vieuse, l'eau nécessaire pour une seconde culture.
- La dernière étape de cette modernisation de la riziculture irriguée
fut l'édification des grands barrages pour des surfaces beaucoup plus impor-
tantes
cette étape a plutôt concerné les autres milieux savanicoles en
dehors de la zone dense de Korhogo ; les 80 hectares de riz irrigué de Gbon
(Boundiali) est un des aspects de cette implantation moderne.
Les résultats au niveau de la production restent des plus intéres-
sants avec des rendements atteignant régulièrement 4 t/ha, soit une production
se situant autour de 8 t/ha par campagne (deux cycles culturaux). Il faut rete-
nir aussi que le riz irrigué est un produit largement subventionné ; certains
coÛts de production sont actuellement pris en charge par l'Etat (2) dont les
semences et les engrais.
Cependant, les superficies octroyées à cette riziculture irriguée
sont dans l'ensemble modestes; le tableau ci-après
est assez révélateur
de la situation :
... / ...
(1) Voir DIARRA (S.) et PELISSIER (P.) : l'Afrique soudannienne in UNESCO.
Aménagement des ressources naturelles en Afrique, op. cit.
(2) Voir "les Logiques contradictoires d'une politique de développement
agricole". Chap. X

- 172 -
SITUATION DE LA RIZICLQTURE - SAVANE 1980
-
SUPERFICIE
POURCENTAGE
RIZ IRRIGUE
6 646 HA
2,97 %
RIZ PLUVIAL ENCADRE
31 019 HA
13,88 %
1 RIZ
PLUVIAL NON ENCADRE
185 817 HA 1
83,15 %
2.2 LE BILAN ECON~1IQUE DE LA PRODUCTION AGRICOLE
On pourrait résumer ce bilan économique de la production agricole par
deux constats très significatifs de l'état actuel de l'évolution de la produc-
tion nationale.
Le premier constat concerne la production vivrière à travers la rizi-
culture qui paraît être, comme nous l'avons vu à plusieurs reprises, le produit
vivrier ayant bénéficié le plus de l'intervention de l'Etat dans le cadre de la
modernisation de l'agriculture paysanne.
Quant au second constat, nous retiendrons, au niveau des cultures de
rapport, celle qui, dans la zone de savane, reste la plus représentative: les
différentes approches au niveau des chapitres précédents indiquent bien que
seul le coton peut réellement être défini comme la culture de rapport.
Ce sont en effet. ces deux productions aux orientations fondamentale-
ment différentes qui peuvent refléter l'allure générale du résultat globale de
la production nationale.
2.2.1 Le riz et les autres productions vivrières
Au niveau de la production du riz paddy, on note que celle-ci
s'élevait à 315 000 tonnes en 1970 ; elle atteindra 496 000 tonnes pendant la
campagne de 1975. L'année 1981 verra la production augmenter d'environ 10 % en
six ans avec 546 000 tonnes (1). Comme on peut le constater, en valeur absolue,
... / ...
(1) République Française : Ministère des Relations Extérieures -
Côte d'Ivoire; Analyse et conjoncture - Op. Cit.

- 173 -
nous sommes ici en face d'une progression certaine de la production globale de
riz paddy. Cependant, lorsqu'on la compare par la même occasion à l'évolution
de la population on se rend compte que cet accroissement ne suit pas le second
en effet, pour la même époque, nous constatons que la population s'est accrue
de 28 %.
Cette situation apparaît également au niveau des autres cultures vi-
vrières qui, elles aussi, accusent depuis une vingtaine d'années un ralentisse-
ment effectif en production nationale comme le témoigne le tableau ci-après :
EVOLUTION DE LA PRODUCTION IVOIRIENNE DES PRINCIPAUX PRODUITS VIVRIERS
DE 1960 A 1980 (en milliers de tonnes)
PRODUITS
1960
1965
1970
1975
1980
MAIS
147
200
231
264
280
PADDY
160
250
316
496
511
BANANE
PLANTAIN
490
600
650
1 168
1 223
IGNAME
1 150
1 300
1 551
2 172
2 128
MANIOC
450
500
540
938
1 153
Source
Nini.st.ère de l'Agriculture - DSREA Statistiques Agricole (65-80)
L'évolution de la production des cultures vivrières se perçoit encore
plus nettement lorsque l'on se reporte sur deux années successives:
PRODUITS
78-79 (Tonnes)
79-80 (Tonnes)
Variation (%)
MAIS
275 000
280 000
+ 1,8
RIZ
534 000
511 000
- 4,3
MIL
45 800
46 500
+ 1,5
SORGHO
32 900
33 800
+ 2,7
IGNAME
2 068 000
2 128 000
+ 2,9
MANIOC
1 112 000
1 153 000
+ 3,6
ARACHIDE
51 700
53 000
+ 3
(Source: l'Agriculture Ivoirienne Aujourd'hui - Mai 82)
Ces différentes données laissent entrevoir que pour ces deux campagnes,
seule la production de riz accuse un taux de variation négatif (-4,3 %) alors
que les autres
productions se maintiennent avec de légers accroissements. Dans
... / ...

- 174 -
l'agriculture ivoirienne, il est étonnant de constater que la seule culture vi-
vrière ayant bénéficier d'investissements relativement importants (voir chap.
V et la première partie du présent paragraphe) progresse beaucoup plus lente-
ment que les autres cultures que nous avons en d'autres endroits qualifié de
traditionnelles, vu les contours globaux de leur production. Ainsi, à travers
ces sept cultures particulièrement représentatives des zones de savane, force
est de constater que leur acroissement général est faible (+ 1,6 %) va, de façon
notable, perturber l'offre en produits vivriers.
Nous rappelons que, dans l'ensemble du pays, les résultats observés
au niveau de la commercialisation des produits vivriers s'avèrent extrêmement
faibles: 1,6 % en igname, 3,2 % en manioc, Il,4 % en maïs, etc. ; seul le riz
a un taux relativement élevé (autour de 30 %).
Ce taux de commercialisation des produits vivriers va se répercuter
assez fidèlement au niveau de la consommation nationale, démontrant une fois
de plus le caractère d'autoconsommation de l'agriculture vivrière. Le tableau
ci-après laisse découvrir aisément cette situation d'ensemble.
TABLEAU REGIONAL DE LA CONSOMMATION DES PRINCIPAUX PRODUITS VIVRIERS
- LES SIX PREMIERS MOIS DE 1979 - (tonnes)
PRODUITS
ZONES RURALES
ZONES URBAINES
TaTAL
Riz décortiqué
101 451
112 119
213 570
Maïs en grain
71 618
31 696
103 314
Mil Sorgho Fonio
10 407
840
11 347
Manioc
215 678
63 285
278 963
Igname
395 409
63 302
458 711
Taro
25 253
4 061
29 314
Banane Plantain
122 692
81 578
204 270
Arachide (coque)
9 203
13 429
22 632
(Source
Enquête Budget Consommation 1979)
REMARQUE
Il aurait été plus intéressant d'obtenir également letableau de con-
sommation des six derniers mois de la même année. En effet, on aurait certai-
nement pu apercevoir une certaine substitution des céréales aux tubercules par
... / ...

- 175 -
exemple, un accroissement de la consommation de riz et une baisse notable au
niveau de l'igname ou de la banane plantain car la première moitié de l'année
caractérise
généralement
une grande
conson~ation des
féculents
alors
que
la seconde moitié marque plutôt une période où ces féculents
se font rares.
Cette situation est caractérisée par le fait que ce type de produits reste très
souvent difficile à conserver (voir chapitre II à propos de l'agriculture
traditionnelle), d'autre part par le fait que le modèle de consommation alimen-
taire dans les zones rurales présente généralement très peu de produits de sub-
stitution, ce qui va entraîner une très faible commercialisation de certains
féculents
(notamment
l'igname),
les producteurs
se
réservent
le reste du
stock avant les premières récoltes ; cette période est caractérisée par la
"soudure" (voir chapitre II) et s'étale généralement de Juillet à Septembre,
dans les zones de savane, principales régions productrices d'igname. Il faut
dire aussi que certains types d'ignames notamment les variétés tardives sont
consommées plusieurs mois après récolte afin de leur donner une consistance
plus appréciable au pilage; de ce fait, on se retrouve une fois de plus dans
la première moitié de l'année avec un taux de commercialisation relativement
élevé et une consommation d'igname également élevée en mileu urbain.
Le tableau de la consommation régionale montre en plus que le riz
apparaît
comme
la denrée la plus consommée en milieu rural ,
surclassant
assez sensiblement la consommation en zones rurales. Mais c'est à travers le
taux de consommation des principaux produits qu'on situe le mieux l'importance
du riz dans l'alimentation de la population.
% DANS LA CONSOMMATION DES MENUS
PRODUITS
MILIEU URBAIN
MILIEU RURAL
Riz
36,2 %
18
%
Maïs
8,5 %
11
%
Autres céréales
5,2 %
6,5 %
Igname
9,6 %
22,6 %
Manioc
12,8 %
22,4 %
Banane
8,9 %
14,3 %
Source
Livre Vert de l'Autosuffisance Alimentaire)
... / ...

- 176 -
Au
ni veau de la demande en produits vivriers,
une étude de la
CIERIE (Compagnie Ivoirienne d'Etude et de Réalisations Informatiques et
Economique) montre que 47 % de l'apport calorique journalier moyen en 1975
étaient couverts en milieu urbain par le riz et le blé, et que cette propor-
tion couvrait 6,4 % dans les zones rurales.
Nous avons vu plus haut que l'évolution
de la production rizicole
reste en général
très lente et accuse même certaines années une progression
négative
ce fait, face à l'importance de la consommation du produit, on ne
peut constater l'insuffisance de la production nationale à ce niveau. C'est
ainsi que cette même étude de la CIERIE (voir note (1)) montre également que
le riz importé représente 79 % des besoins en riz des villes et 7 % de ceux
des milieux ruraux.
Ainsi donc, à travers la production rizicole, on ne peut que consta-
ter, une fois de plus, la faiblesse généraliséede la production nationale
en produits vivriers. Nous y reviendrons dans les prochains chapitres.
2.2.2 Le coton et les produits industriels ou d'exportation
Nous ne reviendrons plus sur la production cotonnière dans les zones
de savane (voir les chapitres précédents, principalement le chapitre IV). Dans
ce paragraphe, il s'agit plutôt de situer cette production, d1abord au niveau
national, ensuite au niveau des cultures industrielles ou d'exportation de savane.
Ainsi, pour ce qui concerne l'importance de ces cultures dans
l'économie nationale, le coton occupe la troisième place des exportations agri-
coles après le Café et le Cacao. Ces trois productions connaissent également
une évolution quasi continue comme le montre le tableau suivant :
EVOLUTION DES PRINCIPALES CULTIfRES DE RAPPORT
CAFE-CACAO-CarON (Tonnes)
PRO-
74/75
75/76
76/77
77/78
78/79
79/80
80/81
81/82
82/83
DUITS
CAFE
270 397 308 400 291 339
*
195 565 277 048 249 609 366 622 245 000
-
---.Lvert)
CACAO
241 511 231 136 232 330 303 621 318 381 401 024 412 262 456
*
(fèves)
000
-
CarON
*
*
(graine
59 939
65 038
75 413 102 929 114 886 142 975 136 603 132 150 142 000
* Production provisoire
(Source: Ministère des Relations Extérieures - Côte d'Ivoire 82)
... / ...
(1) Cité par LEON (Y) : Les cultures vivrières etle problème alimentaire de la
Côte
d1Ivoire - in Economie Rurale N° 156 Juillet/Ao~ut 1983.

- 177 -
La production cotonnière a presque triplé en moins de dix ans ; au ni-
veau du revenu des paysans, on note également que plus de II milliards on été
distribués pendant la campagne agricole 79/80, ce qui représente la quasi
totalité du revenu monétaire paysannal sur culture de rapport en zone de savane.
Certes, ce revenu global est nettement moins important si on le compare à celui
représenté par le Café et le Cacao, témoin des données ci-dessous, mais il tend
de plus en plus à réduire l'écart qui existe entre le revenu du paysan du Sud
et celui du Nord.
VALEUR DE LA PRODUCTION AGRICOLE AU NIVEAU DES PRODUCTEURS (1)
(Campagne 79/80 - en milliards de FCFA)
- CAFE
75
- CACAO
111
- CarON
12
Au niveau des savanes proprement dites, la culture du tabac industriel
sera un complément de revenu monétaire pour les paysans; en effet, cette pro-
duction, sans être particulièrement importante, se maintient et a pu fournir
aux paysans producteurs (voir chapitre IV) environ 38 500 000 de francs CFA,
avec 247 000 KGS de f&uilles sèches, pendant la campagne 78/79. On voit là que
la production reste très faible dans l'ensemble des régions de savanes malgré
l'action de vulgarisat ion
de la culture du tabac industriel
; cependant,
on peut constater que la production du tabac traditionnel est en baisse régu-
lière,ce qui donne une note d'optimisme pour ce qui concerne le développement
de la culture moderne.
Mais, quand on se place au niveau de la destination des principales
productions industrielles et/ou d'exportation en zone de savane, seul le sucre
constitue avec le coton la production la plus représentative dans l'économie
ivoirienne ; on situe en effet le potentiel exportable autour de 150 000 Ton-
nes à partir de 1985. La valeur de la production en 1980 1981 atteint environ
23 milliards de FCFA dont 6 milliards venant de l'exportation (2). Quant à la
production cotonnière, on note une part importante destinée à l'exportation:
le total des exportations du coton fibre s'élève pour l'année 79/80 à 36 000
tonnes,
l'équivalent
de 17 770 millions de FCFA. Cependant
la production
... / ...
(1) Voir l'Agriculture Ivoirienne Ajourd'hui - ~~i 82 - Op. cit.
(2) Idem.

- 178 -
de l'industrie locale est de plus en plus importante avec, d'une part les indus-
tries des Textiles et de l'habillement (voir Annexe III), d'autre part l'indus-
trie des oléagineux qui a traité pour l'année 79/80, 15 000 tonnes d'huile de
coton et 34 000 tonnes de tourteaux de coton (1).
Au total, coton et sucre,sans ~tre les piliers de l'exportation ivoirien-
ne, restent pour autant des productions dont l'apport au niveau du Produit
Intérieur Brut constitue une part non négligeable dans l'économie nationale.
Ainsi, au terme de cette situation de l'agriculture vivrière dans
l'environnement économique, force est de constater que si les produits vivriers
demeurent toujours à la remorque de la production d'exportation; et si la valeur
ajoutée de l'agriculture a regressé de 4,2 à 3,4 %, la situation globale de
la production vivrière reste très peu encourageante. En effet, le taux de crois-
sance annuel de cette production par habitant a été négatif au cours de la der-
nière décennie (1970/1980), avec - 0,9 %, même si une augmentation notable en
volume est apparue (4,6 %).
Dans les zones de savane, nous avons mentionné à plusieurs reprises
qu'au sein de nombreuses exploitations, les cultures interviennent comme simples
éléments d'un système, l'élément moteur étant véritablement réservé au coton.
Ce caractère bicéphale de l'agriculture villageoise se voit une fois de plus
définie assez clairement : d'un côté, la culture cotonnière avec tout ce que
cela comprend comme modernisation,
de l'autre,
les autres, c'est à dire
les cultures vivrières dont la production n'arrive pas encore à se démar-
quer réellement de l'empreinte traditionnelle.
... / ...
(1) Voir l'Agriculture Ivoirienne Aujourd'hui - Op. cit.

- 179 -
CHAPI1RE
X
LES LŒIQUES CONIRADICTOlRES D'UNE POLITIQUE DE DEVELOPPEMENf
AGRICOLE
Il s'agit, dans ce chapitre, de nous intéresser à deux niveaux d'ana-
lyse : le premier concerne essentiellement les résultats techniques de la pro-
duction dans le cadre de cette modernisation de l'agriculture; quant au second
niveau, il s'agira de nous étendre sur l'action des différentes structures mises
en place par les Pouvoirs Publics dans le but de donner à la production vivrière
une dimension nationale.
1. LE GOULOT D'E'ffiANGLEMENf AU NIVEAU DES VIVRIERS
"Ce goulot d'étranglement" fait allusion aux contours de la modernisa-
tion des cultures vivrières et à ceux de la commercialisation de ces mêmes
produits.
1.1 UNE MODERNISATION QUI LAISSE A DESIRER
Trois aspects de cette modernisation retiennent particulièrement notre
attention: d'abord les assolements qui transparaissent au niveau de l'encadre-
ment, ensuite le problème concernant les calendriers culturaux au sein de ce
nouveau système de culture et enfin la situation inhérente à l'intensification
et à la motorisation de l'agriculture face à la rentabilité des investissements.
1.1.1 L'Intégration des vivriers
des assolements discriminatoires
La modernisation a entraîné, dans l'ensemble, la coexistance de deux
systèmes de cultures différents dans les exploitations paysannes; en effet,
d'un côté, on reste toujours en présence d'un système traditionnel caractérisé
pour l'essentiel par l'itinérence et l'association de cultures (voir les
chapitres II et III de la présente étude)
; de l'autre, une agriculture
encadrée avec apparition d'assolements modernes.
C'est avec les blocs culturaux, domaine de la modernisation par excel-
lence, que cette séparation des cultures est apparue. Aussi, au début de leur
création, assiste-t-on plutôt à une tendance vers une monoculture ou du moins
vers un système de culture très peu diversifié, ce qui amène à dire que le
... 1. . .

- 180 -
bloc culturillest essentiellement créé dans le seul but d'accroître la production
cotonnière; dans ce cas, on ne peut pas être amené à le considérer comme un
modèle d'assolement moderne; on pourraît plutôt penser que le bloc cultural
serait créé dans le but principal de séparer les différents types de produc-
tions : culture de rapport (ici coton) et cultures vivrières.
Cependant, comme on l'a vu, l'évolution de l'agriculture paysanne dans
le sens de la modernisation des cultures va entraîner la création de quelques
assolements au niveau des exploitations. Mais, la première constatation de
cette intégration des vivriers reste le caractère préférentiel de l'encadre-
ment de certains produits en assolement avec le coton. Les exemples à ce ni-
veau sont légion
; nous nous intéressons pour notre part à celui des
actions de l'Aménagement de la Vallée du Bandama (A.V.B.) (1) car les blocs-
AVB restent particulièrement caractéristiques de ces assolements discrimina-
toires (2). En effet les action5de cette société d'Etat concernaient entre autre,
un vaste programme de modernisation des cultures à travers la création de blocs
cul turaux ; dans le milieu savanicole,
i l
s' agissai t
de la mise en place
de cultures annuelles stabilisées et assolées. Les paysans vont cependant, au
fur et à mesure des années, s'intéresser aux cultures qui n'existent pas sur
les blocs; c'est le cas notamment de l'igname précoce qui; il faut le dire,
représente un produit de choix dans l'alimentation du Baoulé (surtout dans les
derniers mois de la soudure. Voir le chapitre II) ; c'est le cas aussi du
manioc, de l'arachide, du taro, des légumes et du bananier qui fait également
partie du système de culture représentatif de la zone préforestière baoulé :
bref, danscette modernisation, très peu de cultures du Baoulé sont présentes.
En fait, au sein de ces blocs culturau<, on remarque génè-al ementr la présenœ du
maïs, du coton, du riz (pluvial) et de l'igname tardive qui reste réellement
ici la seule culture traditionnelle importante du paysan.
En généralisant le problème de cette discrimination des cultures, on
peut aussi affirmer qu'au niveau de l'encadrement des exploitations, la même
situation préexiste avec la CIDT, malgré la prise en charge des vivriers
en zone de savane, une des attributions de la Compagnie depuis une dizaine d'an-
née(1973). Ici aussi, autour du coton on retrouve le riz pluvial, le maïs et
... / ...
(1) l'AVB est dissoute depuis 1981 ; c'est la CIDT qui s'occupe de la partie
savanicole de ses zones d'action.
(2) Voir à ce propos l'étude de Véronique LASSAILLY-JACOB : Colonisation planifiée
des rives du lac KOSSOU en Côte d'Ivoire Centrale: La Genène d'un échec -
in ECONOMIE RURALE N° 147-148 op. cit.

- 181 -
accessoirement l'arachide: les autres produits, à savoir l'igname, le manioc,
le mil et le sorgho sont réellement les "laissés pour compte", les produits en
marge de toute modernisation comme nous l'avons montré dans le chapitre VI de
notre étude.
Ce caractère de discrimination va entraîner ou plutôt accentuer un
certain nombre de contraintes au niveau des calendriers culturaux.
1.1.2 Le problème de l'ajustement des calendriers culturaux
Dans une précédente étude concernant la production cotonnière (1),
nous avons montré que la vulgarisation agricole dans une des zones de savane
a créé une situation de juxtaposition des cultures qui a entraîné à son tour
une raréfaction du temps disponible affecté à chaque produit ou du moins à chaque
groupe de produits. L'approche globale pour ce qui concerne les zones de savane
nous amène à généraliser ce point de vue, surtout lorsqu'il s'agit de grandes
zones productrices de coton ou même dans le cas d'une situation de modernisa-
tion, avec création de blocs culturaux pour les assolements, principale image
de la vulgarisation agricole.
Ainsi, au sein même d'une exploitation paysanne, on se trouve en face
d'une sorte de dualité: d'un côté, les cultures vivrières demeurées tradition-
nelles quant à leur système de culture, de l'autre, le coton et certains vi-
vriers, inscrits au sein d'assolements modernes. Cette agriculture à "deux
visages" va donner naissance à une nouvelle gestion du temps.
Il convient
cependant avant toute approche à ce niveau de situer l'aire de production de
ces différentes cultures.
D'un point de vue global, on distingue deux grandes aires de production
dans l'espace rural villageois; la première concerne ces cultures "tradition-
nelles", très souvent associées; à ce niveau, on remarque que la pratique de
la jachère (surtout lorsque l'igname fait partie du système) éloigne de plus
en plus ces champs du village: aujourd'hui, igname, mil, sorgho, etc. sont
quasiment des cultures de "brousse". A l'opposé, les nouveaux
terroirs agri-
coles réservés aux assolements modernes sont plutôt localisées dans les envi-
rons du village (sauf en cas de rareté de terres convenant à l'opération) .
. . . 1. . .
(1) La CIDT et la production cotonnière en Côte d'Ivoire; étude de la
portée
de l'opération dans la Sous-préfecture centrale de KATIOLA - DEA - Economie
Rurale MŒITPELLIER I Octobre 1982.

- 182 -
En fait, cette situation est très dépendante de la culture du coton qui, dès
les débuts de la campagne cotonnière, a été développé en général à proxi-
mité du village, le long des pistes, tant au niveau des blocs culturaux qu'à
celui des champs individuels. Pour les responsables dela CIDT, cette situation
des cotonneraies facilite l'accès des engins motorisés ou attelés et aussi la
possibilité d'évacuation rapide du produit; elle permet en outre aux paysans
de surveiller leurs expl oi t at ions , surtout en saison sèche,
lors des feux
de brousse. Il faut dire en plus que la situation le long des pistes facilite
également le déplacement des agents agricoles dans le cadre du suivi des opéra-
tions.
Au total, avec l'avènement des assolements modernes, la séparation des
parcelles et surtout l'éloignement des champs entre eux restent caractéristique
de cette dimension de l'agriculture des zones de savane aujourd'hui.
Ainsi, dans la gestion du temps de travail, faut-il tenir compte de
cette division de l'espace agricole au sein d'une même exploitation fami-
liale
; ce temps sera de pl us en pl us important dans la mesure où on est
en présence d'une juxtaposition de deux types de cultures. En général, on abou-
tit à une sorte de raréfactiondu temps et même très souvent à un goulot d'étran-
glement au niveau de l'ajustement des calendriers culturaux
il arrive quelque-
fois qu'on soit en face d'une totale inarticulation de ces différents calendriers
de travail.
Quelles sont de ce fait, les différentes situations qui peuvent se ren-
contrer sur le terrain? Globalement, deux cas apparaissent à ce niveau: le
premier s'inscrit dans le sens des relations entre les cultures associées tra-
ditionnelles ; le second fait plutôt allusion aux rapports entre les différentes
cultures au sein même de l'assolement moderne.
Dans le premier cas, la répartition annuelle des prestation)met en
évidence certains points de chevauchement entre les deux types de cultures,
chevauchement accentué également par la distance existant entre les deux aires
de production. Xavier LE ROY nous donne ici l'exemple du coton et de l'igname:
"le demariage du coton ainsi queles opérations d'entretien (épandage d'engrais,
désherbage, traitement) de cette culture, ( ... ) correspondant au défrichement
... / ...

- 183 -
et au buttage de l'igname, opération particulièrement longues et pénibles" (1).
Quant au second cas, le partage de la même aire de production n'exclut
pas cette situation de chevauchement des calendriers de travail; en effet, en
prenant l'exemple du riz et du coton dans le même temps cultural, on remarque
que le semis du premier est en compétition (pour les zones à cycle unique) avec
le labour, le bilonnage et le semis du second; il en est de même pour le
sarclage des deux cultures.
Au total, on peut affirmer que cette situation dualiste porte preJu-
dice à l'un ou à 11 aut r e des deux types de cultures; il est évident dans ce
cas que le paysan s'attèlera à privilégier l'un ou l'autre à partir de l'objec-
tif qu'il s'est fixé.
Cet objectif sera très lié à l'intensification ou à
la mécanisation et finalement à la rentabilité de l'exploitation, lorsque le
coton fera partie du système de culture.
1.1.3 Intensification et mécanisation
le coton et la rentabilité des
exploitations
Comme nous l'avons mentionné plus haut, la culture du coton reste le
premier critère d'encadrement; en général et comme nous avons pu le constater
sur le terrain, dans les zones cotonnières, le paysan non producteur de
coton n'est pas encadré.
Au
ni veau des
assolements modernes,
les
intervent ions concernant
les vivriers restent en général assez limitées
au moment des semis, il existe
plus ou moins un suivi (écart à respecter, semis en lignes, etc.) ; le moniteur
d'encadrement est très souvent présent lorsque le paysan veut employer certains
facteurs de production tels les engrais ou les herbicides.
Les interventions sont complètement différentes avec le coton puisque
le suivi se fait au niveau de toutes les phases culturales: labour, épandage
d'engrais de fon (N.P.K.), billonnage, semis, herbicide, démariage, premier
sarclage (s'il n'y a pas eu d'herbicide), deuxième sarclage, épandage d'engrais
... / ...
(1) LE ROY (X.) : Agriculture vivrière et culture de rapport. La juxtaposition de
deux types de production dans un village Sénoufo au Nord de la
Côte d'Ivoire. MONTPELLIER l - UER des Sciences Economiques 1980
P. 136

- 184 -
de couverture (urée), traitement insecticide (végétatif et fructifère), troi-
sième sarclage si nécessaire; les interventions se poursuivent avec la récolte
et la vente ( organisation des marchés).
L'intensification de l'agriculture se rattachant surtout à l'importance
des facteurs de production, nous nous intéresserons d'abord à la situation des
deux types de produits.
Pour ce qui concerne le coton, on sait depuis le début de l'opération
avec la CFDT que les semences et les insecticides sont distribués gratuitement
aux paysans ; la campagne agricole 1976/1977 a été le début de la gratuité de
l'engrais; cette date avait marqué également la gratuité sur le riz irrigué;
mais, tout les facteurs de production au niveau des vivriers restent payants.
Le tableau suivant laisse percevoir le coût à l'hectare de certains facteurs
de production pour le coton et quelques produits vivriers.
cour TarAL DES INTRANTS AL' HECTARE ET PAR PRODUIT FCFA
(engrais et herbicide)
-
MAIS
ARACHIDE
RIZ PLUVIAL
CarON
ENGRAIS
21 650
7 800
20 775
-
HERBICIDE
10 040
14 400
17 320
14 400
TarAL / HA
31 690
22 200
38 095
14 400
NB
Les insecticides sont ac~uis gratuitement pour le coton et le riz irrigué.
Seul l'herbicide reste payant pour l'ensemble des cultures.
Ainsi, défavorisés face au coton pour ces différents facteurs de
production, l'essentiel des cultures vivrières bénéficieront très modestement
de l'intensification. Il n'est pas superflu de redire ici que les vivriers "très"
traditionnels comme le mil, le sorgho ou l'igname sont quasiment exclus de cet
environnement. Dans le secteur agricole d'Odienné, pour le riz pluvial et le
mais, principaux vivriers sur lesquels l'assolement avec le coton reste le
plus fréquent,
on peut constater, à travers le tableau de la page sui-
vante, cette limitation des facteurs d'intensification.
... / ...

- 184'-
NIVEAU D'INTENSIFICATION DES VIVRIERS - ODIENNE (82-83)
r -
POURCENTAGE DES SURFACES AYANT BENEFICIE DE
1Semences
Engrais
Engrais
sélectionnées
NPK
UREE
Herbicide
RIZ PLUVIAL
11 %
7 %
16 %
0,4 %
MAIS
2 %
8 %
9 %
0,4 %
Cependant, l'Etat, dans le processus de modernisation de l'agriculture
villageoise , a annoncé la gratuité des semences sélectionnées (riz et maïs)
à partir de la présente campagne (1983/1984) ; mais disons tout de suite qu'à
ce propos, l'engouement des premiers jours a été très vite transformé en décep-
tion, du moins pour les paysans que nous avons rencontré à propos de ces semen-
ces sélectionnées.
En effet,
l'offre était dans la plupart des cas très
loin de la satisfaction de la demande dans beaucoup de villages. Par exemple,
pour 146 hectares de riz recensé, le village de KABANGOUE (secteur d'Odienné)
n'a reçu au total qu'environ une tonne de semence, ce qui nous ramène à quel-
ques 13 % de couverture.
Le deuxième point de cette modernisation concerne la culture mécani-
sée; à ce niveau, on voit que l'introduction de la traction bovine ou de la
motorisation assure, dansle meilleur des cas, une rapide croissance de la pro-
duction par actif avec l'augmentation des surfaces et des rendements. Nous
reparlerons, dans la dernière partie de cette étude de la spécificité de cette
mécanisation de l'agriculture en zone de savane; cependant, disons ici que,
s'il est évident que les vivriers, au niveau des assolements, bénéficient en
fait de cette mécanisation au même titre quele coton, les surfaces qui leur
sont destinées restent, dans la majorité des cas, relativement stables. En
effet,
les défrichements des
espaces agricoles a plutôt mobilisé la force
de travail pourle développement du cotonnier sans que soient modifiées de façon
notableles surfaces nécessaires aux cultures vivrières ; on constate de ce fait
que les surfaces de vivriers, même dans les blocs culturaux, se maintiennent
simplement en fonction des besoins d'autoconsommation. Cette situation cantonne
donc les cultures vivrières uniquement ou presque à l'entretien et à la repro-
duction de la force de travail, une force de travail somme toute mobilisée de
plus en plus par la culture cotonnière; ainsi, pour une estimation de la dis-
ponibilité brute (1) par tête en igname dans les villages de BOYO et TOUNVRE
... / ...
(1) La disponibilité nette reste à déterminer car il faudrait extraire les
semences, les prélèvements divers et surtout les pertes.

- 185 -
(échantillon de quinze exploitations) en 1982-1983, nous avons obtenu les
moyennes suivantes : culture manuelle : 382 kgs ; culture attelée: 354 kgs
motorisation intermédiaire: 436 kgs. L'évolution, en passant de la culture
manuelle à la motorisation intermédiaire est positive certes mais reste limitée
comme on peut le voir.
Au niveau de l'occupation des superficies agricoles, en enquête (1)
a montré que 26 % de la surface totale est occupée par le coton en culture
manuelle
; le pourcentage est presque doublé en culture attelée et moto-
risée (entre 41 et 45 %) alors qu'en vivriers, la surface est presqu'invariable.
Quelles sont les causes de cette situation?
Avant de répondre à cette question, disons que le système de produc-
tion moderne reste soumis à un encadrement dense avec des cultures pouvant
assumer une formation monétaire; en général, ces cultures seront caractérisées
d'abord par une facile commercialisation et ensuite par l'introduction d'inno-
vations techniques dont, pour ce qui nous concerne, la mécanisation.
Ainsi, comme nous l'avons vu antérieurement et comme nous le ver-
rons très prochainement, les cultures vivrières (du moins l'essentiel) ne peu-
vent valoriser les charges de cette mécanisation; c'est justement pour cette
raison que le coton, en restant le seul produit dont la commercialisation est
assurée, bénéficiera de l'accroissement des superficies avec l'introduction
de la culture attelée et de la motorisation. Ces charges concernent en général
les différents facteurs de production, les charges d'équipement et d'entretien
de la mécanisation (bêtes de trait, attelage, tracteur, carburant, etc.), les
charges de main-d'oeuvre; précisons aussi que les facteurs de productions et
de main-d'oeuvre se rapportant aux vivriers sont, dans la plupart du temps,
payés grâce au revenu cotonnier.
BOYO et TOUNVRE, le montant de la charge moyenne (toute production
confondue) par mode de culture s'élève aux pourcentages suivants: culture
attelée: 12,74 % du revenu brut total
; culture motorisée: 43,35 % du reve-
nu brut total; la charge moyenne enculture manuelle reste négligeable (1,67 %) .
. ../ ...
(2) Voir CIDT - Direction Générale -
Agriculture de rente en zone de savane
ivoirienne.

- 186 -
Certes le coton demeure le principal produit créant des charges mais
il est également la principale source de revenus monétaires dans les zones de
savane comme le montre le tableau suivant.
SOURCE PRINCIPALE DE REVENU MONETAIRE
-
CULTURE
CULTURE
~10TORISATION
REGIONS
MANUELLE
ATTELEE
INTERMEDIAIRE
Odienné
Coton
Coton
Coton-Riz
1
1
1
Boundiali
Coton
Coton
Coton
1
1
1
Korhogo
Coton
Coton
-
1
1
1
Ferké
Coton
Coton
Coton
1
1
1
NORD-EST
Riz
Riz
-
1
1
1
Touba
Coton
Coton
Coton
1
1
1
Séguéla
Coton
Coton
Coton
1
1
1
Mankono
Coton
Coton
Coton
1
1
1
Bouaké
Coton
Coton
Coton
1
1
1
Yamoussokro
Coton
-
Coton
1
1
1
Bouaflé
Coton
Coton
Coton
1
1
1
(source : CIDT - Direction Générale - 81/82)
N.B.
Le secteur du Nord-Est n'est pas producteur de coton.
Ce tableau laisse percevoir l'absence des vivriers au niveau de la
formation monétaire dans la quasi totalité des zones de savane. Cette situa-
tion reflète finalement l'orientation générale de ces produits au sein des
exploitations paysannes ; elle est également le fait d'un blocage de débouchés
réels vers la commercialisation, objet de l'approche suivante.
1.2 LA CQ\\1MERCIALISATION DES VIVRIERS : PROBLEME STRUCTIlREL
Nous nous intéresserons principalement aux deux aspects les plus im-
portants de cette commercialisation des vivriers : les prix et les circuits de
commercialisation.
. .. / ...

- 187 -
1.2.1 Le prix des produits agricoles
Comme nous venons de le voir au niveau de l'origine des sources de
revenus agricoles en milieu savanicole, la majorité du revenu monétaire reste
assurée par le coton et dans une moindre mesure par le riz (localisé) ; cette
situation est due au fait que ces deux produits présentent certaines caracté-
ristiques que les autres n'ont pas; en effet, coton et riz, en étant totalement
intégré au marché national, ont un prix garanti à la production.
Certes, les autres vivriers ont un prix officiel ; ce prix est cepen-
dant très peu observé et les cours fluctuent selon la date et le lieu, tout
au long de l'année. Il arrive parfois que, même pour le riz, on ne tienne pas
compte du prix officiel. Pour cette campagne de commercialisation, le prix
officiel du maïs est fixé à 40 FCFA au producteur et à 50 FCFA si le produit
est vendu à l'usine ou au silo; celui du riz est de 60 FCFA - bord champ,
70 FCFA dans les magasins de collecte et 75 FCFA à l'usine ou au silo; l'ara-
chide et l'igname ont également un prix officiel; mais, comme les autres vi-
vriers, celui-ci n'est pas du tout respecté. En fait, il faut reconnaître que
la présentation du produit à la vente y est aussi pour quelque chose ; aussi
rencontre-t-on des produits vendus en gerbes, en bottes, en épis, etc., le tout
dans un environnement de troc, où le volume et le poids sont généralement esti-
més (1). Dans le village de KABANGOUE, comme dans beaucoup de villages de sava-
ne du Nord, le maïs est très souvent vendu par "corde" ; il s'agit d'épis liés
entre eux et suspendus à la branche d'un arbre par une corde ; c'est ce que
S. COULIBALY dans l'agriculture traditionnelle Sénoufo a appelé un "essaim"
(voir les chapitres II et III de la présente étude). Comme on peut le voir,
seul le paysan peut estimer cette quantité en sac ; le sac de maïs-épis ou le
maïs-grain est aussi une autre présentation de la vente. C'est le même cas avec
l'arachide qui reste elle aussi vendue en sac (arrachide-coque et arachide-
grain). Quant aux tubercules, la mesure est encore plus difficile à évaluer
puisqu'ils sont présentés en tas; c'est la grosseur du tas ou de l'igname par
exemple qui va déterminer le prix ; le manioc sera quant à lui quelquefois ven-
du directement au lieu de production, c'est-à-dire au champ; il sera vendu
à l'acheteur par "pied".
. .. / ...
(1) Nous avons plusieurs fois évalué la production de certaines exploitations
par des estimations, elles-mêmes très difficiles à établir du fait de la
forme présentée.

- 188 -
En ajoutant en plus à cet environnement très traditionnel de la fixa
tion des prix, les considérations sociales, à savoir les relations familiales
et l'appartenance ethnique entre le producteur et l'acheteur, on se rend aisé-
ment compte de la portée réelle des prix fixés par les Pouvoirs Publics pour
la majorité de ces vivriers.
Mais, il faut dire que ce caractère de la commercialisation reste
plutôt dépendant du principal circuit de cette commercialisation.
1.2.2 Les circuits commerciaux
En gros, la commercialisation est le fait de circuits traditionnels,
avec une multitude d'intermédiaires pour certains produits et surtout lors-
qu'il s'agit de volumes importants. Il faut noter au niveau de ces circuits
commerciaux la présence de plusieurs types de commerçants. C'est ainsi qu'on
note la participation des femmes dans le circuit traditionnel; en général,
les femmes s'occupent très souvent des produits maraichers et de "gros-vivriers"
mais dont
la quantité reste plus ou moins réduite
leur action est sur-
tout caractérisée par la transformation puis la vente de ces denrées
séchage,
décorticage, transformation en farine de certaines céréales, en poudre de cer -
tains légumes séchés, etc. Mais, à partir d'un certain volume ou d'un certain
type de produits (les gros-vivriers), la commercialisation passe des femmes aux
hommes ; ces hommes sont soit
des transporteurs, des courtiers ou même des
commerçants professionnels faisant partie d'une filière de distribution dont
l'aboutissement est généralement le grossiste. Les grossistes qui se sont
"spécialisés" dans le vivrier restent en fait des "commerçants-Dioula" réformés
à la suite du monopole des grandes compagnies commerciales pendant l'époque
coloniale (voir le chapitre l, paragraphe 4). Cette filière qui aboutit au gros-
siste pour ensuite s'étendre avec l'intermédiaire des détaillants reste le
circuit le plus représentatif de l'approvisionnement des centres urbains en
vivriers de base: mais, igname, mil, sorgho, manioc, etc. Au niveau du pad-
dy les grossistes sont encore présents ; mais à ce niveau, seuls les grossistes
agrees par l'Etat sont autorisés à collecter le riz: on voit déjà la présence
d'une certaine organisation officielle de l'achat de ce produit, ce qui n'existe
pas avec les autres vivriers même s'il faut reconnaître qu'à une certaine épo-
que les Pouvoirs Publics se sont préoccupés de cette commercialisation des
vivriers traditionnels.
... / ...

- 189 -
C'est ainsi que l'approvisionnement des centres urbains en produits
vivriers a été marqué pendant les années 1970 par des tentatives de réorgani-
sation de la part de l'Etat, étant donné que le système privé de commerciali-
sation était qualifié de très traditionnel et de ce fait ne pouvait assurer
correctement la satisfaction des besoins alimentaires des populations urbaines.
Aussi, un circuit, cette fois-ci plus moderne s'est-il greffé au premier; ce
circuit reste surtout représenté par les Groupements à Vocation Coopérative
(GVC) et de ce fait, les producteurs directement liés aux structures étatiques
de commercialisation dont l'AGRIPAC et l'OCPA. Avant de nous attarder sur cette
modernisation de la collecte dans le paragraphe suivant, disons que si la for-
mule fut une réussite pendant un certain temps, les différents problèmes qu'ont
connus ses structures (organisation, finance ... ) n'ont pas été favorables à la
poursuite positive de cette commercialisation des vivvriers qui retombent, pour
la plupart, dans la filière traditionnelle caractérisée il faut le reconnaître
par un taux de commercialisation particulièrement faible (voir introduction).
Au total, les problèmes inhérents à la distribution des vivriers
comprennent à la fois l'irrégularité de l'approvisionnement des marchés, la
mauvaise organisation des circuits commerciaux, la prééminence d'une mesure
encore très traditionnelle (poids et mesures), une multitude d'intermédiaires
entraînant en fin de compte d'importants écarts de prix, etc. Cette situation
des vivriers ne favorise guère le développement de la commercialisation, té-
moins, les différents tableaux à la fin de ce paragraphe.
Finalement, chez la plupart des producteurs, on ne vend les produits
que seulement dans la mesure où les besoins de l'autoconsommation sont en
général entièrement satisfaits.
Cependant, la création volontaire de surplus envue d'un revenu moné-
taire existe ; nous avons fait mention de cette situation dans certaines régions
(chapitre VIII). Mais, concernant la politique de développement des vivriers,
quelles sont ou quelles ont été l'essentiel des actions des principales struc-
tures d'appui en milieu rural.

- 190 -
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- 193 -
2. LES S'IRocruRES D'APPUI EN MILIEU RURAL ET LE DEVELOPPEMENT DES VIVRIERS
DES ACTIVITES PEU SOUTENUES
Dans ce paragraphe, trois des principales structures d'appui aux dif-
férentes sociétés de développement feront l'objet de notre approche; il s'agit
respectivement du mouvement coopératif en milieu villageois, de la structure de
commercialisation étatique, de celle se rapportant aux crédits agricoles dans
le cadre des exploitations paysannes.
2. 1 LES STRUCTURES COOPERATIVES
UNE PARTICIPATION LOCALISEE DANS L'ECONOMIE
VILLAGEOISE (1)
La Direction de la Mutualité et de la Coopérative (D.M.C.) ayant
succédé à l'Office National de Promotion Rural (O.N.P.R), elle-même "construite
sur les ruines" du Centre National de Promotion des Entreprises Coopératives
(CENAPEC), s'est vu confier, depuis sa création (Juillet 1981), entre autres,
la formation et l'éducation coopérative en vue d'accélerer l'auto-
responsabilisation des coopérateurs: "l'objectif final de l'opération est
d'obtenir une structuration du milleu
rural en région de savane, grâce à une
participation accrue des paysans au processus de développement, par la respon-
sabilisation de ceux-ci au sein de Groupements précoopératives villageois de
type GVC (Groupement à Vocation Coopérative)" pouvait-on lire en substance,
dans le rapport d'activité de la DMC (1), à propos de l'entreprise dans le
milieu savanicole.
En fait, disons que l'avènement des organisations coopératives répond
au besoin des Pouvoirs Publics de faciliter la transformation socio-économique
et même politique du milieu rural à travers le regroupement des paysans; c'est
ainsi qu'on verra apparaître des coopératives ou plutôt des précoopératives de
production, de commercialisation, etc. L'évolution de ces groupements est remar-
quable car le nombre de GVC passe de 93 en 1963, année de la création des pre-
miers regroupements de paysans (en zones de forêt), à un peu plus de 2 170 en
1979 avec environ 133 300 membres, répartis sut toute l'étendue du territoire.
Les dernières années verront la création de GVC dans toutes les zones rurales,
avec, il faut le dire, la "bénédiction" des hommes politiques, des différentes
... / ...
(1) DMC : rapport d'activités - situation du mouvement coopératif en
Côte d'Ivoire. 81/82 - P. 87.

- 194 -
adminitrations régionales et en arrière plan le mot d'ordre du Partie (PDCI-
RDA) ; on aboutira finalement à ce que certains caractériseront de "véritable
fait coopératif" (2).
Cependant, en établissant une sorte de rapport entre les différents
groupes de produits, on se rend aisément compte, malgré l'expansion quantitative
des GVC, que les Groupements concernant les vivriers restent très limité en nom-
bre. Dans le tableau ci-dessous la répartition entres les différentes spécula-
tions est nette :
ACTIVITES
Na.1BRE DE G V C
1
Café - Cacao
1664
1
Bloc Café-Cacao
186
1
Coton
144
1
Vivriers
57
1
Riz
16
1
Divers
93
1
TOTAL
2 160
J
1
(Source
ONPR - DPCM - Rapport 78-79)
Ainsi, comme les données le laissent percevoir, la croissance numéri-
que des GYC est très remarquable dansle secteur du café-cacao et du coton ; ces
trois produits regroupent les 92,30 % de l'ensemble des GVC pour la campagne
1978-1979 avec près de 86 % de café et cacao, alors que l'ensemble des vivriers
(riz compris) se situe autour de 3,30 %
Le développement
des
GYC de coton a bénéficié lui aussi,
comme
le café et le cacao en zone forestière, de l'environnement économique; l'expli-
cation de cette situation est donnéedans le rapport d'activité de la DMC : "la
maîtrise de la commercialisation de la production cotonnière, fruit de toute une
année de labeur et principale source de revenu monétaire en région de savane, a
été considéré comme la fonction la plus apte à susciter la responsabilisation des
producteurs" (P. 87). Cet objectif va entraîner, dans presque toutes les zones
... / ...
(1) KOLI (K.L.) : La commercialisation des cultures vivrières par la coopération
limite et possibilité des GYC - in CIRES - les cultures vivrières, op. cit.

- 195 -
cotonnières du pays la création de G. V.C
alors que ceux de vivriers
seront presque inexistants. C'est ainsi qu'à BOUNDIALI, tous les GYC sont des
groupements de paysans autour du coton; on compte aujourd'hui 60 GVC contre
6 en 1975 ( 1). L'essentiel des groupements concernant les vivriers sont sur-
tout localisés, en zone de savane, dans le Nord-Est, autour de la culture de
l'igname; on compte cependant quelques unités de GVC de riz au Centre et au
Nord du pays.
Au total, on peut affirmer, comme dans beaucoup de cas, qu'il n'existe
pas de véritable politique coopérative ; certes, le nombre de groupements à
vocation coopérative s'accroit de campagne en campagne, mais, ces groupements
sont essentiellement concentrés autour des mêmes cultures, à savoir le café
et le cacao en zone forestière et le coton en zone de savane. Nous reviendrons
sur la portée de ces structures précoopératives dans le chapitre XI de notre
étude mais, déjà, on peut noter que la prédominance des coopératives de commer-
cialisation par rapport aux coopératives de production, la prédominance
des
GVC de vivriers, les lacunes au niveau du suivi (comme on peut le constater
sur le terrain), ne favorise guère le développement réel des entreprises coopé-
ratives, tant au niveau de la formation des coopérateurs qu'à celui de la cul-
ture et de la collecte des produits.
De plus, la création des structures modernes
de commercialisation
comme palliatif à la limite des activités de conmerci ali sat ion
traditionnelle,
n'a pas pu atteindre, avec les GYC de commercialisation, les objectifs fixés,
ainsi qu'on le verra à présent.
2.2 LES STRUCTURES DE COMMERCIALISATION DES VIVRIERS
LA FAILLITE DES
SOCIETES D'ETAT
Nous nous bornerons ici à deux structures de commercialisation, aujour-
d'hui disparues, mais qui pendant un certains temps ont été l'image de la moder-
nisation de la collecte des vivriers
d'un côté, l'AGRIPAC dont les activités
se situaient essentiellement au niveau des "vivriers traditionnels", de l'autre
côté, l'OCPA pour la commercialisation et l'usinage du paddy.
Pour assurer un contrôle plus efficace au niveau des besoins alimen-
taires liés à l'importante urbanisation du pays, une Société d'Etat, AGRIPAC,
... / ...
(1) Voir "Fraternité Matin" - 4 Mai 1983 - P. 13

- 196 -
a été créée au début des années 1970 ; la compétence de cette société s'appli-
quant aux produits agricoles en général très périssables (surtout les tubercu-
les), la construction d'installations destinées à la régularisation de
l'approvisionnement sera une des premières modifications de cet environnement
commercial des produits. Sans entrer dans les détails, on peut dire que cette
étatisation (partielle) de la distribution des vivriers a fait d'AGRIPAC un
expéditeur, un grossiste, un demi- grossiste et même un détaillant, surtout que
d'importants moyens étaient mis à sa disposition, dont les halles, les stations
de conditionnement, plusieurs camions, plusieurs points de vente dans le pays
etc. (1).
C'est ainsi que les GVC de commercialisation de vivriers ont
trouvé avec cette structure, toutes les garanties de regroupement des produits
(débouchés certains, prix prime de groupage, ... ). Ce sont surtout les groupe-
ments du Nord-Est (commercialisation de l'igname) qui traiteront le plus avec
AGRIPAC ; on aboutira à plusieurs regroupements de GVC donnant à l'activité,
une dimension particulière dans ces zones.
Malheureusement,
par
suite
d'une
série de problèmes financiers
et commerciaux ayant bloqué une grande partie de ses activités, les Pouvoirs
Publics ont dissout officiellement AGRIPAC ; il a été de même pour un certain
nombre de Sociétés d'Etat. "I'autonorni e de gest ion accordée aux Sociétés dl Etat
a été utilisée par la plupart des dirigeants avec laxisme ( ... ). Les pertes
énormes signalées dansla gestion des plus importantes sociétés compromettaient
gravement la poursuite des autres projets inscrits au plan, disait en l'occur-
rence le Chef de l'Etat lors du Conseil National du 12 Juin 1980, pour justifier
la supression de ses sociétés d'Etat (2).
Quelles ont été les principales conséquences de la disparition
d'AGRIPAC qui jouait, il faut le dire, un rôle primordial au niveau du marché
de certains vivriers. ?
... / ...
(1)
Voir à ce propos l'étude de TANO (K.)
: les conditions
d'adaptation du
système vivrier traditionnel à l'approvisionnement d'une population urbaine
croissante: le cas de la Côte d'Ivoire et de la banane plantain. MONTPELLIER
1. UER Sciences Economiques Oct. 1981.
(2) Voir "FRATERNITE-HEBDO" : Remise en Ordre ; les Sociétés d'Etat Ramenées
de 36 à 7. 20 juin 1980 - N° 1105. P. 9

- 197 -
On peut en retenir deux: d'abord cette suppression a nettement été
ressentie par les GVC et provoqué en outre la dissolution
de quelques groupe-
ments dont notamment celui de NAPIE (dans la région de Korhogo) et une baisse
notable du tonnage commercialisé par certains groupements comme l'UNIBO (Union
des GVC de vivriers de Bondoukou) ; ensuite, puisqu'avec la disparition
D'AGRIPAC disparaissaient aussi plusieurs supports logistiques, certains GVC
font appel à des transporteurs privés ou même quelquefois à des acheteurs privés
(grossistes) ; avec cette situation, on retombe une fois de plus dans le circuit
de commercialisation traditionnelle.
Le parcours de l'OCPA fut plus bref (1877-1981) mais dans les grandes
lignes, il recoupe l'évolution d'AGRIPAC. Une étude de Xavier LE ROY dans le
Nord du pays (1) résume assez bien cet aspect de la commercialisation du paddy
en Côte d'Ivoire; nous nous permettons d'en tirer ici les meilleures illustra-
tions de cette situation: la mise en place d'un circuit de commercialisation
par la SODERIZ (Société intégratrice comme on l'a vue plus haut) fut un élé-
ment de plus, ayant favorisé la production rizicole; le premier élément fait
allusion au prix du KG qui passa de 25 à 65 F. En 77-78,
l' OCPA remplace
la SODERIZ ; deux ans après, la baisse du prix du paddy (de 65 à 50 (plus les
incertitudes de collecte de l'OCPA) va entraîner une baisse sensible de la pro-
duction. Disons à ce niveau que, comme on l'a vu au niveau du développement du
riz dans les zones de savane (chapitre VI, paragraphe 1), l'OCPA ne fut pas
toujours au rendez-vous de la collecte du paddy.
C'est ainsi que, comme l'AGRIPAC en son temps, suite aux difficultés
rencontrées dans la commercialisation du paddy lors de la campagne agricole
1981-1982, avec la disparition de l'OCPA, de nombreux GVC de riz ont interrom-
pu leurs activités, les producteurs vendant individuellement leurs productions
au niveau des circuits traditionnels.
Avec la suppression de l'OCPA, les Pouvoirs Publics ont privatisé
la gestion des usines~assurée par six sociétés qui ont pour objet de collecter,
de stocker et d'usiner le paddy dans les zones de ravitaillement bien délimi-
tées à travers les conventions de l'Etat.
... / ...
(1) LE ROY (X.)
Effondrement des ventes de riz dans un village de la sous-
Préfecture de Boundiali - 1975/1981 in CIRES
Séminaires
sur les cultures vivrières, op. cit.

- 198 -
Au total, l'AGRIPAC et l'OCPA dont les actions avaient été essentiel-
lement orientées vers la collecte et la commercialisation des produits vivriers
ont, tour à tour, été supprimés: si la disparition du premier a entraîné le
desarroi des organisations coopératives qui retombent pour l'essentiel dans
des structures traditionnelles d'antan, le second, lui non plus, n'a pas pu
remplacer efficacement la SODERIZ, créant ainsi des incertitudes au niveau de
la collecte du produit, entraînant par suite une diminution sensible de la pro-
duction globale de paddy au niveau national.
2.3 LA BNDA
TRES PEU DE PLACE AUX VIVRIERS
L'organisme de crédits en milieu rural est la Banque Nationale pour
le Développement Agricole CB.N.D.A); son action se situe autour de la mobilisa-
tion et de la distribution de crédits agricoles accordés aux paysans par l'in-
termédiaire des Sociétés de Développement, des GVC ou des groupements informels
selon le cas.
La politique de la BNDA au niveau de la production vivrière est repri-
se dans le rapport d'activité de 1981-1982 ; on peut lire entre autres que
"l'autosuffisance alimentaire et l'installation des jeunes sont considérées
comme des actions prioritaires dans la politique actuelle de développement rural.
La BNDA s'est fixé comme objectif la contribution à l'accroissement des produc-
tions vivrières" CP. 6).
Cependant, à travers le rapport d'activités sur deux années, ces ob-
jectifs au niveau de la BNDA ne semblent pas des plus évidents, comme l'indique
assez bien le tableau ci-après concernant l'octroi de crédits par spéculation
au niveau de l'agriculture.

- 199 -
BNDA - OCTROIS PAR SPECULATION (AGRICULTURE - 1980/1982)
1980/1981
1981/1982
VARIATION
SPECULATIONS
PRETS
MONTANT
PRETS
MONTANT
PRETS
MONTANT
(nombre)
(FCFA)
(nombre)
(FCFA)
(nombre)
(FCFA)
AGRUMES
34
105 476
5
162 600
-
29
+
57 124
ANANAS
37
1 147 193
44
3 264 177 +
7
+2 116 984
BANANES
34
263 203
22
78 330
-
12
-
84 973
CAFE-CACAO
3011
26 776 827
3 740
28 278 248 +
729
+1 501 421
COCOTIERS
1
3 800
3
3 160 +
2
-
640
COTON
161
10 420 485
1 305
8 757 690 +1 144
-1 662 795
HEVEA
4
494 768
1
180 000
-
3
-
314 768
LEGUMES FRUITS
1
500 000
7
781 189 +
6
+ 281 189
PALMIER A HUILE
2
2 550 000
33
381 708
+
31
-2 168 292
RIZ
40
1 137 218
688
1 101 550 + 648
-
35 668
DIVERS VIVRIERS
55
207 127
87
125 948 +
32
-
81 177
DIVERS
-
-
10
372 320 +
10
+ 372 320
TOTAL
3 380
43 506 095
5 945
43 486 920
+2 568
-
19 175
(source - BNDA - Rapport d'activités 1981/1982)
On voit que les crédits au secteur vivrier
(riz et autres vivriers)
sont en diminution de 8,9 % sur ces deux campagnes alors qu'ils restent dans
l'ensemble très faibles (2,8 % des octrois du secteur agricole).
Il est cependant plus intéressant de nous attarder sur la présence
de la BNDA dans les zones de savanes afin de percevoir de plus près l'orien-
tation générale du crédit agricole dans ces milieux.
Le premier constat qu'on peut f a i re , c'est l'omniprésence de la Banque
dans les zones
cotonnières, à côté de la CIDT qui est maintenant l'intermé-
diaire entre l'institution bancaire et les paysans, contrairement à ce qu'elle
... / ...

- 200 -
était il Ya deux ans (1). Deux prêts au niveau du milieu
rural savanicole sont
à différencier: d'un côté, le Prêt de Soudure qui, comme son nom l'indique reste
un prêt au paysan pendant les périodes de soudure, moments les plus difficiles
de l'année, en attendant les prochaines récoltes
de l'autre côté, le Prêt de
Faisance-valoir Normalisé (PFVN) qui se situe au niveau du financement de la
production.
Le Prêt de Soudure reste le plus représenté ou du moins le plus fré-
quent dans le milieu rural
cette fréquence est peut-être due à la modicité de
la somme qui, s'élève à 40 000 FCFA, comme nous avons pu le constater dans cer-
tains villages ; ce prêt est majoré de 13 % ce qui fait 45 200 F à payer après
les récoltes, indiquant par conséquent qu'il s'agit de prêt à court terme et
même à très court terme.
Quant au Prêt de Faisance-Valoir Normalisé, il est plutôt relativement
récent; c'est un prêt à la production qui finance en général, pour la zone co-
tonnière, l'achat des facteurs de production, tant en culture manuelle, en cul-
ture attelée qu'en exploitation de motorisation intermédiaire; il finance
également la dotation en matériel de mécanisation et l'entretien de ce même
matériel (attelage, motorisation).
Mais,
i l est
important de noter que si le P. F. V. N se développe
de plus en plus en zone de savane, l'essentiel de ce crédit est plutôt orienté
vers la culture cotonnière
il peut éventuellement profiter aux autres cultures,
mais pour cela,
la culture du coton est nécessaire car pour le moment c'est
elle seule qui détermine l'octroi d'un prêt; ce qui veut dire en d'autres termes
que le PFVN
n'existe presque pas pour les exploitations concernant unique-
ment les vivriers. C'est ainsi que les paysans producteurs de riz inondé (prin-
cipalement) dansles plaines de la région d'üdienné n'ont pas droit à ces PFVN ;
seuls les Prêts de Soudure leur sont octroyés.
Il faut dire que cette situation du riz inondé s'inscrit surtout
dans un contexte caractérisé par le système de culture; en effet, la majorité
de ces exploitations est représentée par une monoculture dont la production
dans les plaines inondées ou dans les bas-fonds reste aléatoire. Pour les res-
ponsables de la Banque, ces exploitations ne présentent pas d'autres sources
... / ...
(1) La CIDT, Société intégratricQ
par excellence s'occupait aussi de l'aspect
crédit de l'opération cotonnière

- 201 -
de garanties pour le remboursement des créances. Dans ce cas, la condition de
financement de ces paysans est que ces derniers présentent des garanties autres
que leurs productions agricoles, en l'occurence, des garanties salariales ou
des biens à hypothéquer. Comme on le voit, on est bien loin du petit paysan.
C'est cependant ainsi que le financement des exploitations en riz inondé a été
abordé lors du Séminaire des Services Agricoles d'Odienné pour la campagne
1982/1983 ; ce point de vue reflète les grandes lignes de la BNDA pour ce qui
concerne le problème vivrier et son financement.
Au total,
cette somme de situations pour
le moins défavorable
aux vivriers, pose une fois de plus la réalité des liens qui existent entre
les cultures de rapport et les cultures vivrières.

- 202 -
CHAPI1lŒ
XI
LE "PRŒlWIoffi D'AUIŒUFFISAOCE ALIMENTAIRE" A LA REœERœE
D'UN EQUILIBRE
1. LES CONfOURS DE LA OOfION D'AUIŒUFFISAOCE ALIMENfAIRE
Dans la partie introductive de notre étude, il a été fait mention
de l'utilisation de cette notion au niveau des Pouvoirs Publics, dans la quasi
totalité des pays africains, notamment d'Afrique Noire; cette situation, nous
l'avons dit, s'inscrit dans un contexte économique générale.
Dans ce paragraphe, il s'agira de cerner la notion d'autosuffisance
alimentaire, d'abord dans sa dimension plus globale et ce qu'elle sous-tend,
ensuite, dans le cas spécifique de la Côte d'Ivoire, au niveau des incidences
de la recherche de cette autosuffisance en produits alimentaires.
Tout d'abord, disons que la notion recouvre l'ensemble des produits
alimentaires qu'ils soient d'origine végétale ou animale. Aussi, dans les dif-
rents pays, les responsables politiques et administratives mettront l'accent
sur le développement des produits végétaux et animaux selon les potentialités
que dégage chaque région. On s'intéressera ainsi au produit d'élevage lorsque
le milieu sera favorable à la production bovine ou ovine ; on en fera de même
pour les productions végétales. Les méthodes d'approche seront de ce fait plus
ou moins différentes selon qu'il s'agisse de tel ou tel produit, de telle ou
telle région agricole, et tel ou tel pays, etc. Aussi, la recherche de l'auto-
suffisance alimentaire va t-elle apparaître comme une démarche visant à l'ac-
croissement de la production nationale dans le but d'une réduction notable
de la dépendance alimentaire extérieure. C'est dans ce sens que M. LABüNNE (1)
dira que "l'autosuffisance alimentaire traduit la volonté des Etats de mieux
contrôler l'évolution d'un système alimentaire qui marque une tendance au chan-
gement rapide et non maîtrisé.
En général
la demande croît et se diversi-
fie rapidement, la production ne suit pas la demande et des importations crois-
santes deviennent nécessaires pour combler la différence, entraînant une sortie
précieuse de devises étrangères".
.../ ...
(1) Problématique de l'autosuffisance alimentaire. P. 2. Extrait de
Séminaire
Régional sur la Planification Alimentaire. op,
cita

- 203 -
Au total, l'autosuffisance alimentaire mettra surtout l'action sur
l'importance de la disponibilité de la production nationale par rapport aux
approvisionnements extérieurs, aussi, en amenuisant les apports alimentaires
extérieurs, la recherche de l'autosuffisance va t-elle tendre vers une sorte
de sécurité alimentaire. De ce fait, autosuffisance Indépendance et sécurité
alimentaire seront des expressions très liées à indépenance alimentaire. C'est
ainsi que Robert BADOUIN (1), à propos de la contribution de l'agriculture à la
réalisation de l'équilibre alimentaire, dira que cette notion (équilibre alimen-
tai re) "doit êt re entendue dans un sens re lat if. Aucune économie ne peut renon-
cer aux importations de produits agricoles pas plus qu'à leur exportation.
Aucune économie ne laisse grandir l'écart entre les approvisionnements d'ori-
gine nationale et ceux de provenance étrangère au-delà d'un certain pourcen-
tage. La dépendance vivrière paraît trop dangereuse, même si en raison de
l'évolution possible des termes de l'échange l'importation de produits alimen-
taires peut constituer une opération avantageuse, pour que le recours à des
approvisionnements étrangers ne connaisse pas de limites".
comment s'exprime de façon pratique cette démarche vers l'autosuf-
fisance en Côte d'Ivoire? Nous nous intéresserons, en rapport avec notre
sujet, uniquement à la production végétale.
A ce niveau, il est important de rappeler que le programme se rap-
portant à l'autosuffisance alimentaire pour ce qui concerne la production végé-
tale incombe précisément au Secrétariat d'Etat à l'Agriculture (voir
introduction) ; c'est en effet ce dernier qui définira les grandes orientations
du programme, avec la participation des différents services compétents. C'est
justement pour cette raison que nous insisterons sur le contenu de trois des
discours du premier responsable de ce secrétariat; il s'agit en fait de véri-
tables discours-programme (2) qui laissent percevoir les grands axes des actions
à mener dans le milieu agricole ivoirien.
La tâche du Gouvernement, dira le conférencier lors du discours de
Oumé, est d'assurer l'autossuffisance alimentaire; aussi, dans la recherche
... / ...
(1) BADOUIN (R.) : Economie Rurale - Collection U Paris 1971. P. 272.
(2) Secrétariat d'Etat à l'Agriculture: Conférence prononcée par le Secrétaire
d'Etat: - "Production et Valeur Nutritive". Oumé - le 17 Avril 1982
- "La Zone Forestière et la Politique d'Autosuffisance Alimentaire".
Gagnoa - Le Il Septembre 1982
- Contribution de la Région du Centre à la PolitiQue d'Autosuf-
fisance Alimentaire". Yamoussokro - le 18 Septenihre 1982.

- 204 -
d'une ration alimentaire, en plus de la production des céréales et des fécu-
lents, des actions doivent concerner l'intensification de la production des
aliments azotés tels que les légumineuses dont le haricot, le niébé, l'arachide
et le soja; des actions doivent concerner également la mise en oeuvre d'une
politique plus hardie de promotion des cultures maraîchères et fruitières.
Dans le discours de Yamoussokro, à propos de la modernisation de
l'agriculture, le Secrétaire d'Etat à l'Agriculture dira entre autres que "le
secteur vivrier a toujours été le parent pauvre du développement agricole.
C'est un secteur qui, après vingt ans d'indépendance, est resté dans le cadre
traditionnel; or, qui dit tradition C... ) dit cultures de subsistance C... ),
lesquelles ne sont plus en mesure de répondre au besoin d'aujourd'hui". Il met-
tra l'accent sur les efforts à fournir pour une contribution au développement
de la production vivrière dansle sens d'une modernisation globale de l'agricul-
ture paysanne avec le choix des cultures, l'introduction de la rotation et de
la fertilisation des exploitations, le respect de certaines normes techniques
de production, etc.
Les points forts de la conférence de Gagnoa vont concerner essentiel-
lement les différents aspects techniques de la production vivrière, notamment
celle de la région :
Relancer et intensifier le production de riz,
- intensifier et moderniser la production du manioc,
- revaloriser la culture du taro,
accorder une attention particulière aux vivriers pour ce qui concerne la
recherche agronomique.
Dans les différents discours précités, le conférencier fera mention
de l'évolution des besoins en produits vivriers dans les prochaines années afin
de démontrer l'urgence de la tâche.
Nous avons fait cas, au niveau des chapitres V et VI de notre étude,
de l'importante croissance des besoins alimentaires face à l'évolution non
moins importante des différentes composantes de la population ivoirienne (rurale
et urbaine) ; cependant, il n'est pas superflu ici de fournir des données plus
détaillées sur les principaux produits pour ce qui concerne les besoins globaux
... / ...

- 205 -
de la décennie
1980
1985
1990
1
PRODUITS
Alirnen-
A1imen-
Alimen-
tation
Totaux
t at i on
Totaux
tation
Totaux
humaine
humaine
humaine
RIZ PADDY
694
763
908
999
1 196
1 316
-
MAIS
188
236
218
322
254
455
AU1RES CEREALES
60
66
70
77
84
92
IGNAMES
1 195
1 314
1 357
1 492
1 534
1 687
MANIOC
1 030
1 133
1 225
1 347
1 450
1 594
BANANE PLANTAIN
1 085
1 193
1 203
1 432
1 300
1 689
TARO
207
228
247
265
274
301
(Source: Le livre-Vert de l'Autosuffisance Alimentaire)
N.B: Les besoins totaux comprennent en plus de l'alimentation humaine, les
besoins de L'{nrlust.r ie (braderie et aliments du bétail et de la volaille)
et les besoins ell semences.
En retrouvant le prograrmne d' autosuffisance alimentaire, il faut men-
tionner (voir introduction) que le "cheval de bataille" du Gouvernement et du
Secrétariat d'Etat à l'Agriculture est le fameux LIVRE VERT DE L'AUTOSUFFISANCE
ALIMENTAIRE, livre dans lequel se trouve confinée toute la démarche visant à la
satisfaction alimentaire de la population. C'est ainsi qu'au niveau de la pro-
duction végétale, pour ce qui concerne la "croisade pour l'autosuffisance
alimentaire" (voir page du livre précité), six grands axes se rapportant à
l'action nécessaire sont déterminés:
- La mise ail point de la vulgarisation d'urunatériel végétal à haut
rendement, adapté aux conditions de culture et aux habitudes alimentaires des
populations ;
- La modernisation des techniques de production par l'amélioration
de l'agriculture traditionnelle, l'introduction de la mécanisation et de la
motorisation ;
... / ...

- 206 -
La mise en oeuvre d'une assistance particulière aux jeunes et aux
femmes dans ce processus de modernisation ;
- L'organisation de la commercialisation, avec un accent particulier
sur l'organisation et la redynamisation des coopératives
- La mise au point des technologies de conservation et de transformation
- L'organisation de l'encadrement de la production par le renforce-
ment de l'action des structures de développement en direction du vivrier.
Au total, on peut affirmer que le vaste programme que comporte la
nouvelle politique de développement des vivriers est sans conteste la preuve
évidente que les tentatives antérieures n'ont pas répondu et ne peuvent pas
répondre réellement à l'attente des Pouvoirs Publics et des populations. En effet,
la tendance générale de la production vivrière dans le contexte du développement
actuel des produits alimentaires laissent percevoir un faible taux de couverture
au niveau des besoins nationaux, faiblesse se maintenant et même s'accroissant
dansles années à venir. Le tableau suivant reste assez significatif dela situation.
EVOLlITION DES DEFICITS PROBABLES (1 000 t)
ECARTS TENDANCIELS
PRODUITS
1980
1985
1990
RIZ PADDY
- 367
- 569
- 861
MAIS
-
30
- 101
- 230
AUTRES CEREALES
-
11
-
26
IGNAME
-
99
- 229
MANIOC
- 107
- 265
BANANE PLANTAIN
- 109
- 259
TARO
-
17
-
29
(Source
Le Livre Vert de l'Autosuffisance Alimentaire)
Ainsi,
au risque de maintenir ces écarts tendanciels dans les pro-
chaines années et donc de connaître les mêmes lacunes que les politiques agri-
coles précédentes, la recherche d'une autosuffisance alimentaire devra répondre
à certains impératifs.

- 207 -
2. LES IMPERATIFS DE LA tOlERNISATIOO DE L'AGRICUL1lJRE VIVRIERE
LA TRANSFORMATION DE L'EXPLOITATION PAYSANNE
Cette transformation se situe dans la modernisation de l'agriculture
vivrière dans toute sa diversité; il s'agira, dans ce paragraphe, de nous
intéresser de ce fait, à la fois aux systèmes de culture et de production et
aux contours de la commercialisation des produits dont le prix et les infras-
tructures globales. Ces différentes approches se situent, comme on peut le
voir, au niveau de la dimension technique de la production (1).
2.1 LA RECHERCHE D'UN SYSTEME DE CULTURE "EQUILIBRE"
Nous avons montré, dans les chapitres précédents, que la transforma-
tion partielle du système de culture a favorisé la coexistence de deux entités
l'une moderne (relativement), l'autre traditionnelle. La culture cotonnière est
la plus représentative du système moderne tandis que les vivriers (sauf quel-
ques exceptions) restent cantonnés encore dans le traditionnel. Nous avons vu
également que dans le système moderne, les vivriers ne bénéficient généralement
presque pas de l'augmentation des surfaces. Ainsi, dans les deux cas, nous
sommes en présence d'un réel déséquilibre du système de culture.
Cette situation de l'exploitation nous amène à dire que la diversifi-
cation de l'agriculture en terme de modernisation doit être fondamentalement
liée aux différentes cultures déjà produites traditionnellement; nous n'allons
plus insister sur certains des avantages du système traditionnel dont l'un des
principaux aspects reste la réduction maximale du risque alimentaire. Dans
l'orientation d'une agriculture vers l'autosuffisance alimentaire, donc d'une
agriculture moderne (voir le premier paragraphe du présent chapitre), la pro-
duction vivrière devra dépasser cet objectif du système traditionnel et abou-
tir à une régularisation importante de l'approvisionnement au niveau national.
Pour notre part, le développement des vivriers au niveau du système
productif doit répondre à un aspect essentiel du "réajustement" : l'assolement.
La première étape de la transformation sera le rapprochement des
... / ...
(1) Le prochain chapitre de la présente partie sera réservé essentiellement à une
dimension plus globale de la production : le développement rural intégré.

- 208 -
La première étape de la transformation sera le rapprochement des
différentes parcelles de culture; ce qui suppose qu'il faut repenser les as-
solements déjà développés dans la majeure partie des zones de savane (zones
cotonnières essentiellement). Ces assolements seraient d'autant plus judicieux
qu'ils éviteraient l'éparpillement trop important des différents champs dans
l'espace agricole villageois. Cette transformation de l'espace agricole aura
au moins un triple avantage. Le plus apparent est l'importante réduction des
longs déplacements d'un champ à l'autre, surtout des parcelles de coton et de
vivriers "modernes" aux vivriers traditionnels qu'on sait en général éloignées
des villages; à ce niveau, l'assolement "global" va permettre au paysan d'ac-
croître son temps de travail quotidien. Le second avantage est quant à lui lié
à la rationalité du travail: en effet, la concentration d'un type de presta-
tion sur l'ensemble des cultures (parce que toutes regroupées) au même moment
entraîne une économie de travail ; c'est ainsi qu'on passera des travaux glo-
baux de défrichements à ceux de sarclage ou de récolte. Il faut dire que l'é-
loignement des parcelles en réduisant le temps des travaux agricoles, reste
une des causes de la difficulté d'ajustement des calendriers culturaux; leur
rapprochement aura l'avantage de réduire en partie cette difficulté. A ce ni-
veau, on peut affirmer que dans le contexte de l'agriculture paysanne, même
"en voie de modernisation", la suppression des chevauchements des calendriers
agricoles ne peut être envisagée; en effet, cette situation est due essen-
tiellement à la diversité de cultures produites. La solution ne peut exister
que seulement dans le cas d'une monoculture et à ce niveau, nous sommes loin
de l'agriculture paysanne en milieu ivoirien qui demeure, comme on l'a vu,
liée à un système de culture dont la principale dimension restera la réduc-
tion du risque alimentaire.
Au niveau des avantages, on peut aussi ajouter que le regroupement
des parcelles de cultures serait pour le paysan la preuve que l'on s'intéresse
de plus en plus à l'ensemble de ses cultures et non à quelques unes dont on
impose plus ou moins la culture; cet aspect, sans recouper la dimension
technique de la production, reste cependant très important au niveau de
l'adhésion du paysan pour la transformation de son système de culture.
Quant à la sélection des cultures au niveau des assolements, elle
ne pourra que refléter les spécificités régionales, que ce soit avec ou
sans le coton selon le secteur agricole. Certaines études dont notamment celle
... / ...

C,,".. !t:r; vt< r ~R S CULTURAUX
---_ .._~---
U:CICN ~\\ORD -
BOUNDLU l
A BOU:\\.A
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M .
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= 120 j
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IGNAME
Prépa . 50
TARDIf
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(Nord)
-- ---- ------- !----
P antation
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1
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IGNAME
Prépa1.-. sa
PRECOCE
(Nord-
Bi lon
Est)
Plan ation
Sare lage
Sarcl ~ge
Récol e
V
V
"\\
V SAISON DES i'LUIES
1
~
~
- 1
\\ <,
000 1100 120 150 250 300 300 150 150
-
1

- 209 -
de J.F. RICHARD Cl) et certaines expérimentations en cours nous permettent
de dire qu'à quelques exceptions près, les différents assolements prenant en
compte l'essentiel des produits vivriers sont possibles dans l'ensemble des
savanes ivoiriennes.
Au total, la modernisation des cultures vivrières en terme de sys-
tème de culture commence par l'occupation du sol et la détermination de la
place que doit occuper chacune de ces cultures. Dans cette occupation de
l'espace agricole, cultures de rapport et cultures vivrières, au sein des as-
solements, devraient bénéficier, sans discrimination aucune, des mêmes cri-
tères de distribution. En plus, l'agriculture traditionnelle a démontré, dans
beaucoup de cas, l'efficacité de son système de culture avec la présence
d'une association très diversifiée; il restera à l'agronomie moderne de valo-
riser ce système dans les dimensions les plus positives.
Les blocs de culture étant généralement le domaine de cette moder-
nisation de l'agriculture paysanne, il sont d'emblée le lieu de cette opéra-
tion ; c'est à ce niveau en effet que doit se faire le premier dépassement de
l'entreprise.
2.2 LE SYSTEME DE PRODUCTION
2.2.1 L'Agriculture paysanne et le problème du surplus agricole
Le surplus agricole "désigne C... ) l'existence d'un écart positif
entre le volume de la production alimentaire et la quantité de susbsistance
nécessaire à ceux qui la réalisent" (2). Mais, le système de production en
agriculture paysanne, bien qu'ayant des avantages certains, permet générale-
ment difficilement de dégager des surplus. En effet, cette situation est prin-
cipalement due à la faiblesse de la productivité qui reste liée elle aussi
à la faiblesse des superficies cultivées par actif et donc au rendement uni-
taire. Cet environnement général est caractérisé, comme on l'a vu antérieure-
ment, par la faiblesse des moyens de production; nous rappelons néanmoins
deux points essentiels de cette agriculture paysanne qui sont d'une part,
... / ...
(1) RICHARD (J.F.) : Quelques observations sur précédents culturaux et les as-
solements en agriculture sèche d'Afrique de l'Ouest. lRAT-GES - fiche
technique N° II Décembre 1976.
(2) Une des acceptions du surplus agricole qu~donne Robert BADOUIN : Economie
Rurale, op. cit. p. 203

- ZIO -
l'importance de l'énergie humaine dans le procès de production, d'autre part
et corrélativement, l'outillage agricole réduit pour l'essentiel à la daba et
à la matchette (voir les chapitres II et III de la présente étude à propos de
l'agriculture traditionnelle dans les zones de savane). Ainsi, dans une étude
à propos des moyens de production, Yapi AFFOU (1) en montrant le caractère
polyvalent des outils traditionnels, indique par la même occasion que l'achat
des biens d'équipement ne préoccupe pas les paysans
leur revenu étant prin-
cipalement orienté vers la reproduction de la cellule familiale, on est de
ce fait enface d'une agriculture qui ne développe pas de politique d'équipe-
ment à moyen ou long terme, "les planteurs se contentant de remplacer les ins-
truments hors d'usage". Cette situation n'est pas différente dans les zones
de savane, même s'il existe quelques exceptions au niveau de l'acquisition de
matériels modernes de production (voir le prochain point).
Dans ces conditions, un certain nombre de blocages apparaissent
lorsqu'il existe une tendance vers l'accroissement des surfaces agricoles,
même pour les cultures considérées comme modernes : culture cotonnière et
vivriers produits dans les blocs.
Véronique LASSAILLY-JACOB (Z), à propos des blocs de cultures A.V.B.
(voir chapitre X paragraphe 1), indique que les rendements des différentes
cultures souffrent d'un entretien très souvent déficient, surtout que l'enherbe-
ment des blocs se densifie progressivement après plusieurs années de culture
continue. cette véritable corvée des sarclages dira t-elle, va amener les ex-
ploitants à sélectionner les différentes prestations selon les parcelles ; la
priorité sera donné d'abord à l'igname, ensuite au riz; le coton sera sarclé
en dernier lieu (3).
On se souvient aussi de l'abandon du bloc agricole affecté au coton
dans le village de KABANGOUE et dont une des causes fut l'important enherbe-
ment (chapitre VIII).
.../ ...
(1) AFFOU (Y.)
Le changement technologique dansles grandes plantations villa -
geoises est-il pour aujourd'hui? in Economie Rurale N° 147-148
Op. cit.
(Z) LASSAILLY-JACOB (V.) : Colonisation planifiée des rives du Lac KOSSOU en
Côte d'Ivoire Centrale. In Economie Rurale Op. cit.
(3 ) Actuellement, les blocs AVB sont quasiment abandonnés.

- 211 -
Cette situation n'est pas particulière aux vivriers car, en culture
cotonnière aussi, avec l'accroissement des surfaces, le sarclage et la récolte,
essentiellement manuels, sont les facteurs limitants de la productivité du
travail (1).
Ces différents exemples au sujet de l' agricul ture paysanne posent en
fait le problème du surplus au niveau de la production, ou plutôt le caractère
de ce surplus qui reste, somme toute, lié à cet environnement agricole; c'est
dans ce cadre que MichelLABONNE
(2)
dira que la commercialisation ne
porte que sur une partie limitéede la production et que de ce fait, le prix
de marché représente beaucoup plus la demande de monnaie de la part des paysans
plus qu'une offre de produits; ce qui démontre l'importance de l'autoconsomma-
tion.
Au total, on ne peut prétendre oégager un surplus de production si-
gnificatif pour la satisfaction des besoins des populations non agricoles, prin-
cipalement au niveau des produits de grande consommation, alors que les moyens
de production du paysan restent, pour l'essentiel, des plus archaïques: aujour-
d'hui encore, la plupart des paysans utilisent la daba et la matchette comme
moyens de production des vivriers.
Par conséquent, les superficies conservent (même dans les blocs cul-
turaux) des dimensions très modestes par actif, l'impératif pour le paysan res-
tant essentiellement l'autoconsommation; en effet, seuls seront commercialisés
le surplus (en général insignifiant) et (quelquefois) une partie réservée à
cette autoconsommation (peu importantes elle aussi) pour les besoins pressants
d'argent.
Dans ce cas aussi, il n'est pas pertinent d'agrandir les soles af-
fectées aux cultures vivrières.
Ce qui veut dire qu'à la transformation du système de culture doit
répondre la transformation du système de production, dans sa globalité .
.. ./ ...
(1) Voir à ce propos les travaux de Yves BIGar dont notamment "Les systèmes de
Production en Culture Pluviale Motorisée dans la Région Nord de Côte d'Ivoire"
- GERDAT/IEMYT, lRAT, IRCT. Bouaké Décembre 1975.
(2) LABONNE (M.) : Notion de Macrogestion des Ecosystèmes INRA - MONTPELLIER -
Août 1979 - P. 31.

- 212 -
2.2.2 Limite et possibilités de transformation du système de production
La transformation implique un élargissement de l'orientation des diffé-
rents facteurs de production, c'est-à-dire vers la totalité des produits les plus
consorrunés
: ces facteurs sont pour l'essentiel des semences sélectionnées,
les
engrais, les pesticides et les herbicides, le tout adapté aux différentes cultures
l'introduction et le développement des outils de production moderne ne seront
pas
exclus de cet ensemble car correspondant aux besoins d'extension des superficies
agricoles.
Nous n'allons pas particulièrement insister sur le développement des in-
trants en agriculture paysanne car nous pensons l'avoir fait plus haut (notamment
aux chapitres VII et X)
: cependant, en reconnaissant qu'un effort a été fait
à ce niveau pour le riz (irrigué ou pluvial) le maïs et l'arachide, corrune on a
pu
le voir pour une grande partie des i.nt rant s , on note aussi quelques limites au
niveau des autres vivriers que nous avons qualifiés de "marginaux" (par rapport
à la modernisation et non à la consorrunation). Pour ces derniers, quelques semences
plus ou moins améliorées sont en cours de vulgarisation ou en expérimentation (1).
Mais, le plus important n'est pas l'apparition de ces variétés sélectionnées
c'est
celui de l'introduction de ces plantes dans l'ensemble des zones rurales
nous
avons vu qu'à ce niveau aussi, beaucoup de paysans continuent d'utiliser les varié-
tés locales, moins product ives
; il en est de même pour les autres facteurs de
production (engrais, pesticide, herbicide ... ).
Toutefois, cette vulgarisation doits' inscrire au sein d'une modernisa-
tion globale dont un des aspects reste la mécanisation de l'agriculture paysanne
sur laquelle nous allons nous étendre un peu plus largement.
La culture intensive mécanisée, à l'instar du système de culture moderne
(voir l'approche précédente), a l'avantage d'accroître la production par actif qui,
elle même, reste déterminée par l'accroissement des surfaces et des rendements uni-
taires.
Cette culture, dans
l'environnement générale des zones rurales, surtout
des savanes ivoiriennes, se justifie amplement
dans la mesure où, comme
on l'a vu antérieurement,
le facteur
main-d'oeuvre est très souvent limitant
;
en effet, nous avons montré dans la première partie de cette étude que les zones
de savane ont historiquement été la région de prélèvement de la main-d'oeuvre
agricole pour la zone forestière ; nous avons montré également que ce processus
ne s'est quasiment pas arrêté puisqu'il a pris di verses formes
: exode rural ,
colonisation des terres plus au sud, etc.
.../ ...
(1) Voir le Livre Vert de l'Autosuffisance Alimentaire, Op. cit.

- 213 -
Ainsi, l'agriculture paysanne des zones de savane va souffrir de
cette absence de main-d'oeuvre; à cet effet, le tableau suivant reste assez
révélateur de la situation globale.
EXPLOITATIONS DECLARANT TROUVER DIFFICILEMENT DE LA MAIN-D'OEUVRE (POURCENTAGE)
CULTURE
CULTURE
MOTORISATION
MOTORISATION
CULTURE
SECTEUR
MANUELLE
ATTELEE
INTERMEDIAIRE
CONVENTIONNEL.
IRRIGUEE
ODIENNE
90
86
83
60
BOUNDIALI
74
74
52
50
100
KORHOGO
a
a
a
a
a
FERKE
91
84
83
-
NORD-EST
98
71
-
74
79
TOUBA
75
100
83
100
100
SEGUELA
92
64
100
88
MANKONO
83
83
75
58
BOUAKE
81
40
8
75
YAMOUSSOKRO
90
-
100
70
39
BOUAFLE
90
-
100
70
78
(Source
CIDT - DIRECTION Générale 1981/1982)
N.B.
Comme on peut le constater, seul le secteur de KORHOGO est celui où les
exploitants indiquent une facilité d'embauche de la main-d'oeuvre; la
région est caractéristique d'une densité de peuplement.
Aussi, si le problème de la main-d'oeuvre peut aboutir à un blocage
au niveau de la production, l'introduction de la mécanisation, elle au contraire,
favorise une économie de cette main-d'oeuvre tout en situant la production à
une échelle supérieure.
Mais, comme nous l'avons vu dans les précédents chapitres, que ce
soit en motorisation ou en traction bovine, la mécanisation de l'agriculture
en zone de savane, si elle favorise l'accroissement des surfaces cultivées,
elle reste néanmoins "consommatrice" d'une main-d'oeuvre importante. Ainsi,
nous retrouvons, comme dans uncercle vicieux, cette situation de blocage avec
la mécanisation partielle de l'agriculture; en effet, généralement, à part
le défrichement et les labours, l'essentiel des prestations (sémis, sarclage,
récolte, etc.) sont effectuées de façon manuelle. Le cas du sarclage reste le
plus représentatif de la situation: avec l'importance des surfaces cultivées
... / ...

- 214 -
et la rareté de la main-d'oeuvre, le désherbage manuel
n'est plus possible.
Yves BIGOT, à propos de la culture attelée à KASSERE et NIELLE (1), montre
qu'il n'y a généralement pas de stabilisation des cultures dans la mesure où
le contr6le de l'enherbement reste très mauvais sur les surfaces relativement
importantes et où les boeufs sont très peu utilisés aux sarclages.
Au total, on retrouve les même contraintes de sarclage et de récolte,
tant en culture mécanisée qu'en culture purement manuelle. De ce fait, la ten-
dance vers la mécanisation sera déterminée par la dimension de l'unité d'ex-
ploitation ; c'est ainsi que la propagation de la culture attelée va se faire
de façon préférencielle dans les groupes de grande taille. Notre zone d'inves-
tigation reflète
assez
fidèlement
cette
situation d'ensemble et démontre
le fait que, généralement, plus l'exploitation se modernise avec l'introduction
de nouveaux matériels de culture, plus les actifs agricoles augmentent, de
même que les outils aratoires traditionnels: on le voit d'ailleurs sur le
tableau ci-dessous
COMPOSITION ET NOMBRE DE MATERIELS AGRICOLES PAR EXPLOITATION (BOYO-TOUNVRE 83/84)
SURFACE
EXPLOI- NOMBRE
PETITES GRANDES MAT-
! BOEUFS CHAR-
TRAC-
REMOR-
TOTALE
TATION p'ACTIFS
DABAS
DABAS
CHETTES DE TRAI1 RUES
TE UR
QUES
CULTIVEE
1
11
5
ha
10
10
4
-
-
-
-
2
1
2,5 ha
2
2
1
-
-
-
-
3
5
2,5 ha
4
3
1
-
-
-
-
CM
4
4
3
ha
6
4
1
-
-
-
-
5
2
3,5 ha
2
3
1
-
-
-
-
6
2
1,5 ha
1
2
-
-
-
-
-
7
5
4,5 ha
3
4
-
2
1
-
-
1
8
5
7,5 ha
7
13
1
2
1
-
1
9
8
8,5 ha
6
11
1
4
2
-
1
CA
10
6
6
ha
5
4
1
3
1
-
1
11
5
5
ha
4
5
1
4
1
-
1
12
12
19
ha
10
14
4
4
3
1
2
MI
13
9
19,5 ha
8
11
1
4
3
1
2
+
14
15
13
ha
20
-
1
4
2
1
2
CA
15
17
17,5 ha
15
17
2
2
2
1
2
CM
Culture Manuelle.
CA = Culture Attelée.
MI
Motorisation intermédiaire.
. .. / ...

- 215 -
N.B.
Les remorques servent aux transports des facteurs de production, mais,
surtout à ceux de la récolte.
Face à cette situation, certaines études montreront que pour les
blocs culturaux, on ne pourra aller au delà de trente ares par actif car
il y a risque de saturation au niveau des calendriers culturaux (mise en place
des cultures, entretien, récoltes), si on tient compte des cultures hors-blocs.
Aussi, l'une des situationsde déblocage serait, peut-on penser, l'u-
tilisation des herbicides surIes surfaces agrandies, délivrant par conséquent
la main-d'oeuvre de la pénibilité du sarclage manuel. Mais, le problème reste
presqu'inchangé dans la mesure où l'emploi
de ce facteur n'aura aucune inci-
dence sur les récoltes tant que ces dernières continueront à se faire manuelle-
ment ; on serait en effet devant une situation où les superficies sont
plus importantes, où le problème de désherbage se trouve résolu, mais où celui
de la récolte reste entier : de ce fait, ce serait plutôt la possibilité de
récoltes qui déterminerait au bout du compte les superficies cultivées.
Par conséquent, l'opportunité de l'introduction de la mécanisation
dans l'agriculture ne peut se comprendre que dans la mesure où cette innova-
tion technique intervient également au niveau de la récolte.
Nous revenons de ce fait au problème déjà "classique" de la mécanisa-
tion de l'agriculture paysanne: quelle mécanisation pour l'Afrique des paysans?
Tout en mentionnant notre limite sur cet aspect de la modernisation
du système de production en agriculture, nous rappelons que certaines expérien-
ces en motorisation et en cultures attelées se poursuivent dans les savanes
ivoiriennes (voir le chapitre VII, paragraphe 2). Cependant,
il est important
de mettre l'accent sur la pO\\Y~d\\~occqui doit caractériser ces différents maté-
riels de production. BIGOT (1) propose une solution de déblocage avec l'utili-
sation du moissonnage-battage et de l'herbicide, pour ce qui concerne la moto-
risation
cette solution résoudrait à la fois le problème du désherbage
et celui de la récolte dans les exploitations de grandes dimensions. Mais,
comme un certain nombre de propositions dans ce sens sont à priori très oppor-
tunes, cette nouvelle dimension de l'agriculture paysanne va entraîner un autre
... / ...
(1) "Les systèmes de production en culture pluviale motorisée dans la région
Nord de Côte d'Ivoire". Op. cit.

- 216 -
problème: les charges d'exploitation. A ce niveau, il est nécessaire de reve-
nir sur le caractère actuel de la modernisation de cette agriculture paysanne
dans les zones de savane.
Nous avons vu antérieurement que certaines cultures (essentiellement
le coton plus quelques vivriers selon le cas) assurent la formation monétaire ;
ces cultures font l'objet d'intrants et de ce fait bénéficient généralement de
l'innovation technique. Mais, malgré le revenu tiré de ces cultures, l'acqui-
sition d'un capital d'exploitation demeure assez problématique pourle paysan.
En effet, les exemples de situation d'impayé des charges, ceux d'abandon des
blocs mécanisés, sont légion; ainsi, dans de nombreux cas, se rend-t-on compte
que les surfaces cultivées restent insuffisantes pour amortir les charges et
donc pour valoriser le matériel. Cette situation est d'autant plus réelle que
seul
le coton supporte généralement
toutes les charges, étant donné que
les vivriers sont principalement orientés vers l'autoconsommation (même quand
certaines de ces charges concernent certains vivriers).
Qu'en sera-t-il lorsque, dans la perspective d'une nouvelle dimension
de la modernisation de l'agriculture paysanne, les charges d'exploitation s'a-
vèrent être supérieures à celles qu'on connaît actuellement? Le paysan, dans
le contexte actuel de l'orientation générale des produits vivriers, pourra-
t-il supporter les différents coûts de productions inhérents à cette transfor-
mation du système de production ?
Les éventuelles réponses à ces deux questions restent plutôt des
plus pessimistes et reposent. de ce fait, les limites de la production vi-
vrière au niveau de l'echelle nationale.
Aussi, dans la recherche de l'autosuffisance, la situation globale
des vivriers devra être reconsidérée, car, si l'accroissement de la production
agricole est nécessaire pour gagner "la bataille alimentaire", on ne peut l'ob-
tenir que par la stimulation économique, un facteur qu'on ne retrouve pas
actuellement suffisamment dans les savanes ivoiriennes.
Il faut pour cela que le paysan s'aperçoive qu'il a quelque chose à
gagner dans l'amélioration de sa méthode de production, qu'il a quelque chose
à .gagner en assumant de nouveaux risques.
.../ ...

- 217 -
De ce fait, les innovations techniques "devront permettre au paysan
d'améliorer sa production, donc d'accroître le surplus de production à mettre
à la disposition de la société. Le surplus produit devra fournir une rémunéra-
tion correcte des facteurs de production additionnels mis en oeuvre et laisser
un profit suffisamment attratif au paysan pour qu'il désire innover, en sachant
que l'innovation ira de pair avec l'amélioration de la situation sociale" (1).
Pour cela, il faudrait élaborer une réelle politique de prix au niveau
national, ce qui sous-entend le développement d'une infrastructure globale de
commercialisation des vivriers.
2.3 LA POLITIQUE DE PRIX
UNE DIMENSION ESSENTIELLE
L'expérience a en effet montré que la commercialisation d'un produit
ne siest réellement développée que lorsque le prix affecté à ce produit était
suffisamment
rémunérateur.
Ainsi,
malgré
la culture
obligatoire du riz
dans certaines régions pendant l'ère coloniale, le produit ne s'est guère
étendue car, en plus des contraintes (sociales notamment), le prix restait très
peu rémunérateur ; il a fallu créer des primes à la production pour que le café
et
le cacao prennent
véritablement
pied dans
les
zones forestières,
vers
la fin de la première moitié de ce siècle (voir à ce propos l'Histoire Agricole
de la Côte d'Ivoire. Annexe 1). Le coton a subi le même sort pendant plus de
vingt ans avant de s'étendre dans la plupart des régions de savane et ceci grâce
essentiellement à une fixation de prix d'achat assez intéressant pour le produc-
teur. Autant d'exemples qui montrent au bout du compte l'importance de prix suf-
fisamment rémunérateurs dans toute politique de développement des produits.
Aujourd'hui, comme on a pu le voir au cours de cette étude, la quasi
totalité des vivriers souffre de cette politique de prix ; il faut en effet
reconnaître que l'établissement des prix officiels (s'ils existent) pour ces
cultures n'est guère respecté et la fluctuation reste, dans ce cas, de rigueur.
Dans cet environnement , seul le riz apparait par conséquent comme la denrée dont
la détermination du prix semble la plus nette et très souvent la plus respectée.
En effet,
dansle contexte actuel.
le riz peut se définir comme
le produit dont le prix à la production et à la consommation restent très lié
... / ...
(1) LABONNE (M.)
Notion de Macrogestion des Ecosystèmes. Op. cit. P. 33

- 218 -
aux actions des Pouvoirs Publics
ainsi, le produit qualifié de grande consom-
mation (1) va-t-il occuper une place de privilégié au sein des vivriers.
De ce fait, garanti à la production, le prix du riz sera légalement soutenu
à la consommation (2).
Quant aux autres cultures vivrières, déjà peu ou mal commercialiséc.~
il est difficile, d'une part, de faire mention d'un prix à la production,
~6L~rCf6~~, le caractère très fluctuant pour ce qui concerne l'offre et la
demande amène à négliger la dimen510n d'un prix à la consommation. De ce fait,
ces "vivriers traditionnels" ne peuvent que se percevoir au niveau d'une com-
mercialisation au sein d'un environnement purement traditionnel où, comme on
l'a vu, les prix (officiels) sont rarement respectés et plutôt fixés par les
commerçants traditionnels dans les conditions les plus "fantaisistes".
Cette situation des vivriers sera, dans l'ensemble, préjudiciable
au producteur
on va noter que dans certains villages, certaines cultures
seront plutôt laissées à l'abandon dansles exploitations mêmes (c'est générale-
ment le cas du manioc)
d'autres seront par contre vendues à des prix déri-
soires (maïs, arachide, mil notamment). L'igname n'échappera pas à la situa-
tion d'ensemble, surtout en période d'abondance. Nous reviendrons sur ce carac-
tère de saisonnalité des produits vivriers dans le prochain point, à propos
des infrastructures de commercialisation.
Ainsi, au niveau des prix agricoles, la différence est nette entre
le riz et les autres vivriers. Cependant, l'autosuffisance alimentaire ne pourra
être obtenu à partir de la seule production rizicole, même dans les meilleures
conditions de son développement. Ce constat nous amène à nous interroger sur
les actions concrètes à entreprendre pour les autres vivriers.
Globalement, le développement des vivriers doit nécessairement passer
par une politique de mise en place d'un système de prix, non seulement suffisam-
ment rémunérateur, mais aussi garanti. La rémunération satisfaisante sera, comme
nous l'avons dit plus haut, un véritable stimulent au niveau des producteurs;
quant à l'élargissement du prix garanti au bénéfice des vivriers traditionnels,
... / ...
(1) Voir la production et l'importation du riz, Chapitre VI.
(2) voir par exemple l'étude de TANO (K.) et EPONOU (T.) sur l'''Evolution et
Déterminants de la Consommation des Produits Vivriers". in CIRES: les
Cultures Vivrières - Op. Cit.

- 219 -
il restera tout à fait cohérent dans l'environnement villageois où le proces-
sus de modernisation de l'agriculture se déclenche (voir les deux précédents
paragraphes de chapitre) et où les principaux produits vivriers entrent dans
un assolement global.
Mais, si la modernisation de l'agriculture paysanne (systèmes de cul-
ture et de production) doit être liée nécessairement à une politique cohérente
des prix des produits agricoles, cette dernière ne peut être efficace que dans
le cas où elle s'insère dans la réorganisation du marché des produits vivriers.
2.4 POUR UNE INFRASTRUCTURE GLOBALE DE COMMERCIALISATION
Si le riz est devenu en Côte d'Ivoire une denrée privilégiée, c'est
qu'il a bénéficié et continue de bénéficier d'une politique commerciale dans
l'ensemble favorable : prix fixé et garanti
(voir plus haut), magasins de
stockage, usines de traitement, structures de commercialisation.
Pour la plupart des vivriers, la contrainte majeure va se situer au
niveau de ces mêmes infrastructures.
En effet, l'augmentation du volume de la production va entraîner de
sérieux problèmes de conservation des vivriers car leur caractère périssable
et même très périssable (surtout pour les tubercules et les racines), en ren-
dant la commercialisation assez difficile va plutôt orienter les produits,
comme on l'a vu à plusieurs reprises, vers l'autoconsommation. On estime à
20-25 % les pertes ou la non récolte enl~oam~; les pertes subies entre la
production et la consommation au niveau de la banane plantain sont énomes ;
elle sont estimées entre 35 et 57 %. Le pourcentage de perte au niveau des
céréales est, dans l'ensemble, assez réduit (1).
Dans la modernisation de l'agriculture, l'action de l'AVB (Autorité
pour l'aménagement de la Vallée du Bandama) se limitait à assurer les labours
sur les blocs culturaux ; à côté des parcelles de coton et riz, de maïs, prit
place
l'igname
dans
cette exploitation.
Mais,
au-delà de l'augmentation
... / ...
(1) Samir AMIN estime les pertes au stockage à 3 %pour le paddy, 10 à 12 %pour
les autres céréales (mil, maïs, sorgho). Ces estimations pour les féculents
sont nettement plus importantes : igname 4S %, plantain SS %, manioc 60 %,
patate 10 %. Voir "Le Développement du Capitalisme en C. 1." op. cit.

- 220 -
des surfaces, l'encadrement de l'igname et du maïs ne s'est guère orienté vers
le devenir de ces deux productions. Cette situation a entraîné une mauvaise
maîtrise de la production accrue d'igname de la part des paysans, situation
essentiellement
caractérisée
par
l'importante pourriture au stockage.
Le village d'ASSAKRA en 1980 fut un des nombreux exemples où la production
sur les blocs AVB a été entièrement détruite dans les silos (1).
Cette caractéristique de la difficulté de conservation des produits
vivriers va accentuer encore d'avantage la régionalisation du marché agricole
des denrées alimentaires, régionalisation que détermine ici Robert BADOUIN à
travers les interactions entre l'espace urbain et l'espace rural "chaque cité
et les campagnes environnantes forment un ensemble relativement clos. Les agri-
cult~urs
ne travaillent pas pour un marché indéterminé où la localisation
des acheteurs est incertaine et importe peu. Le débouché essentiel de cette
fraction de leur production qU"Ilç,
destinent à la commercialisation est consti-
tué par la ville voisine" (2). Ainsi, si les céréales auront de plus en plus
tendance à déborder le cadre originel de commercialisation, la plupart du sur-
plus agricole au niveau des tubercules et des racines continuera à être prédes-
tiné à l'environnement urbain immédiat.
Au total, l'offre
agricole de produits alimentaires étant liée aux
conditions de la production et au niveau général des infrastructures techniques
et commerciales, nous nous rendons compte qu'à l'exception du riz et des légu-
mes encadrés (voir chaptire V), les vivriers restent
caractérisés par une
quasi-absence de structures réelles de commercialisation ; cette situation,
nous l'avons vu, n'encourage pas les paysans à produire d'avantage et ne favo-
rise guère le développement d'un marché national de vivriers. Aujourd'hui
encore, les vivriers, demeurés traditionnels, commercialisés essentiellement
au niveau des rares surplus, ne peuvent répondre qu'à un certain circuit com-
mercial, évidemment traditionnel lui aussi. Dans cette dynamique d'adaptation,
il est impossible de taxer les commerçants traditionnels dont la pratique spé-
culative, très souvent abusive, ne fait que refléter l'allure de l'économie
des produits vivriers. On pourrait même dire que le circuit de commercialisa-
tion traditionnel est bien organisé: il s'adapte en effet à de petites quanti-
... / ...
(1) SERPANTIE (G.) : Note sur la Conservation des Ignames en Zones Centre: prin-
cipaux problèmes rencontrés dansle cadre d'une enquête en milieu rural.
In CIRES: Les cultures vivrières, Op. cit.
(Z) BADOUIN (R.) : Economie Rurale - Op. cit. P. 373.

- 221 -
tés et de ce fait reste très lié au caractère du surplus agricole actuel ;
Michel LABONNE parlera à ce niveau de filière artisanale en caractérisant
l'articulation la concernant de "local-national" (1). Mais, si l'importance
de ce circuit traditionnel n'est plus à démontrer, il est évident que dans le
contexte de la transformation du système globale de culture et de production,
la nécessité d'une modernisation du système de commercialisation reste des
plus opportunes.
L'exemple du riz dont la commercialisation est actuellement assurée
par six sociétés de la place couvrant le territoire national semble être,
du moins depuis la dissolution de l'OCPA (voir le chapitre X et l'Annexe III),
une formule adéquate pour l'achat du paddy, son conditionnement et son évacua-
tion sur les machés nationaux (riz blanchi).
L'enquête Budget-Consommation de 1979 (Direction des Statistiques)
montre une relative stabilité des habitudes alimentaires (voir les deux pre-
miers chapitres de la présente étude) et le maintien de la diversité régiona-
le (2). Par conséquent, la politique de promotion des vivriers devra, de ce
fait, tenir compte de l'ensemble des vivriers car, aucun des produits alimen-
taires ne fait l'unanimité nationale au niveau de la consommation.
Aussi, afin de parvenir à une évolution importante de la commercia-
lisation de l'essentiel des vivriers de base, un certain nombre de considéra-
tions doivent être prises en compte. On pourrait, entre autre, organiser la
collecte des produits vivriers sur le même système que celui du coton qui,
comme on l'a vu, reste somme toute asse? efficace. Ce qui veut dire en gros
que la modernisation de la commercialisation du vivrier devra être liée, non
seulement à une réorganisation de la collecte et du stockage de ces produits,
mais aussi à une rationnalisation des circuits de distribution dans les milieux
de grande consommation, notamment des centres urbains.
De manière pratique, comment peut-on poser le problème de l'écoule-
ment de cette production vivrière?
... / ...
(2) Voir les différentes interventions concernant le sujet dans l'étude du
CIRES à propos des cultures vivrières, Op. Cit, notamment celle de TANO
et EPONOU (Voir bibliographie).
(1) LABüNNE (M.)
L'approvisionnement des Grandes Villes Africaines Op. cit.
P. 11

- 222 -
D'abord, il s'agira d'améliorer ou de créer des pistes rurales dans
le but de faciliter la collecte et l'acheminement des produits vers les centres
urbains.
A cet effet.
les pouvoirs publ ics, dans la nouvelle pol itique du
développement des vivriers, reconnaissent"l'insuffisance du système de mise à
marché" du vivrier dont la principale difficulté qui est la collecte primaire
reste fortement déterminée par "l'état déplorable des pistes d'évacuation"
(1).
Disons cependant que les pistes rurales des zones cotonnières, déjà en assez
bon état car entretenues régulièrement par la ClOT (surtout en période d'achat
du coton), restent un acquis et favoriseront de ce fait l'évacuation des autres
produits (voir en Annexe II "les infrastructures routières").
Ensuite, il faudra mettre en place un certain nombre d'infrastruc-
tures de stockages aussi bien au niveau des producteurs qu'à celui des marchés;
les premiers permettront de faciliter les collectes primaires, les seconds con-
cerneront le conditionnement des produits dans les centres de distribution.
Dans ce cas, un grand pas serait franchi au niveau de l'offre et la politique
de prix des produits agricoles pourrait réellement suivre ce
processus de
modernisation de l'agriculture paysanne
on va de ce fait assister à l'étale-
ment de l'offre sur un maximum de mois en réduisant par conséquent le caractère
de primeur entraînant la hausse des prix et de l'autre cÔté leur effondrement
suite à l'abondance des récoltes. Cette situation montre que si les méthodes
de conservation restent plus ou moins acceptables au niveau de l'autoconsomma-
tion, elles ne sauraient être compatibles avec des cultures vivrières appelées
à jouer un autre rôle. Robert BADOUlN (2) dira à propos du caractère de l'offre
que, " ... pour les produits stockables, la saisonnalité de la période de pro-
duction est sans incidences sur le marché... Par contre, pour les denrées pé-
rissables, il existe une coincidence entre la période de la récolte et celle
de la commercialisation des produits". Au niveau de la maîtrise du stockage et
du conditionnement, le Ministère du Commerce se propose entre autres "de réali-
ser prochainement un système d'entreposage dont le Centre sera ABOBO et qui
rayonnera sur tous les grands centres de production à l'intérieur du
pays" (3). Tout en espérant quece système sera beaucoup plus complet que celui
de la defunte AGRlPAC (voir chapitre X. paragraphe 2). en prenant en compte
tous les principaux vivriers, disons que la démarcation de l'Etat au niveau de
... ; ...
(1) Voir le Livre Vert de l'Autosuffisance Alimentaire - Op. cit.
(2) BADOUlN (R.) : Economie Rurale Op. Cit. P. 425
(3) Voir le Livre Vert.de l'Autosuffisance Alimentaire Op. cit. P. 55.

- 223 -
la commercialisation des produits (1) devra se faire avec le maximum de pruden-
ce : en effet, l'Etat doit jeter les bases de cette transformation en finançant
un certain nombre d'éléments logistiques; le système de crédit agricole (BNDA)
doit être améliorer afin de favoriser les commerçants qui seront agréés pour
l'achat des produits; le développement de la participation des producteurs
aux opérations de collecte devra être redynamisé (nous y reviendrons dans le
prochain chapitre), etc.
Enfin, au niveau de la demande, la situation semble des plus promet-
teuses
; en effet,
nous avons vu en début de chapitre que les estimat ions
des besoins pour les prochaines années s'avèrent être importantes dans l'ensem-
ble, ce qui va entraîner pour la majorité des vivriers, un marché potentiel
très intéressant, tant du point de vu de l'alimentation des populations que du
point de vue de celle des animaux (volaille et bétail). Cet élargissement des
débouchés avec le développement des industries alimentaires va marquer une
étape très importante au niveau de l'offre agricole car, "si des débouchés
existent, le surplus est commercialisé et devient permanent" (2) ; le Ministre
de l'Agriculture a indiqué que des mesures seront prises pour la protection
des producteurs de maïs contre les importatIons
(3). Ce
fait, si les unités
de fabrication
d' al iments d'animaux sont
réellement
approvisionnées par la
production locale, le débouché au niveau du maïs sera acquis car on compte déjà
plusieurs usines agro-alimentaires à cet effet dans le pays (Abidjan,
Abengourou, Daloa , Bouaké, Gagnoa). En plus,
on sait que le maïs entre pour
une grande part dans la préparation de la bière ; le pays disposant par ail-
leurs de plusieurs brasseries, on pourrait utiliser à ce niveau une partie non
négligeable de la production nationale de maïs.
Pour ce qui concerne l'agro-industrie en matière d'alimentation
humaine, on sait que certains pays africains restreignent leurs importations
de blé par des mélanges de farines; ainsi, à la farine de blé, on ajoute soit
celle d'une céréale locale (par exemple le mil au Sénégal ou en Haute-Volta)
soit celle de certains féculents (le manioc en Centrafrique). Ces différents
mélanges ont,
non seulement créé des
débouchés au ni veau de l' agricul ture
... / ...
(1) "Non intervention directe de l'Etat dans les circuits commerciaux mais ani-
mation et encadrement du secteur privé de commercialisation des vivriers",
etc. : c'est le principe de base pour cette commercialisation. Voir le
Livre Vert de l'Autosuffisance Alimentaire P. 54.
(2) BADOUIN (R.) : Economie Rurale op. cit. P. 207
(3) Voir "FRATERNITE-MATIN" du 12 Août 1983.

- 224 -
paysanne, mais aussi et surtout permis à ces pays de stabiliser leur importa-
tions de blé
ce fut notamment le cas du Sénégal dans les années 70. En Côte
d'Ivoire, on n'en est pas encore là, du moins à notre connaissance: en effet,
le responsable des "Grands Moulins d'Abidjan" se vante d'avoir encore une des
rares minoteries en Afrique Noire à n'utiliser que le blé pour la fabrication
du pain (1). l'expérience des autres pays serait à tenter (2).
La modernisation de la transformation du manioc dans la région de
Tournodi (voir chapitre VI et Annexe III) pourra elle aussi donner à cette
culture une autre dimension au niveau de la production et de la consommation.
La recherche pour ce qui concerne l'igname a abouti entre autres à la création
d'une nouvelle variété, le FLORIDO, qui est entrain d'être testée et difusée
(voir à ce propos les chapitres VI et VII) ; mais déjà, si on lui reconnaît
une certaine aptitude au niveau du stockage et du conditionnement, on note
cependant son inaptitude au pilage après six ou sept mois de conservation ;
cette limite reste en fait très importante dans la mesure où, nourriture de
base d'un certain nombre de groupes ethniques (les Baoulé et certaines popula-
tions Sénoufo notamment),
l'igname se présente très souvent sous
forme de
"foutou" (voir le chapitre II de l'étude). Il y a quand même des espoirs au ni-
veau de la recherche sur ce produit car les expériences se poursuivent .
Ainsi, si la transformation peut constituer une solution au problème
très important de la conservation des produits qu'on sail assez périssables,
il n'en demeure pas moins important d'avoir à l'esprit cette dimension fonda-
mentale que sont les différents modes d'alimentation nationaux.
Au total, avec la transformation de l'agriculture paysanne, la re-
cherche de l'équilibre des différentes cultures en vue de l'alimentation des
populations ouvre les portes d'une nouvelle dynamique entre les cultures vi-
vrières et les cultures de rapport dans les zones de savanes et plus générale-
ment sur l'ensemble du territoire national. En effet, si le riz (irrigué prin-
cipalement) répond en grande partie à cette modernisation de l'agriculture
vivrière, celle des autres cultures, tant en amont qu'en aval de la production,
indiquerait cette foi qu'un pas serait réellement franchi et que, de ce fait,
la notion de culture de rapport devrait être repensée.
... / ...
(1) Intervention lors d'une émission radiodiffusée - été 83 - Abidjan.
(2) A propos des industries alimentaires en Côte d'Ivoire, au niveau de la bran-
che qui s'occupe du travail des grains et des farines, quatre vingt dix sept
entreprises (dont 92 de boulangerie) concernent essentiellement la produc-
tion de farine à partir d'un blé importé, la panification, la biscuiterie
et la ~roduction de pâtes alimentaires.
Voir 1 Encyclopédie Générale de la Côte d'Ivoire, Torne 2. Op. cit.

- 225 -
CHAPI1RE
XIl
POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT AGRICOLE
ET DEVELOPPEMENT RURAL INIEGRE
La modernisation de l'agriculture ne peut réellement se concevoir
sans que soit prise en compte la modernisation de tout le milieu rural, sup-
port du développement
agricole.
Dans ce cas,
le recensement de toutes les
potentialités susceptibles de favoriser cette transformation est nécessaire.
1 - ZONES DE SAVANE ET DEVELOPPEMENT RURAL EN carn D'IVOIRE
1.1 DES POTENTIALITES REELLES EN HOMMES
Il s'agira de percevoir au niveau de ces potentialités l'importance
de la population savanicole à travers, d'une part son évolution au sein de la
population rurale globale en Côte d'Ivoire, d'autre part sa place dans la poli-
tique de développement du milieu rural. Nous retiendrons pour notre part deux
situations très caractéristiques, à savoir le phénomène de l'exode rural et
l'introduction et le développement de la medecine rurale.
1.1.1
L'exode rural
un obstacle à la production agricole
D'une façon générale, on constate que les importantes migrations
internes qui affectent le pays se situent dans le mouvement Nord-Sud ; nous
avons vu dans le premier chapitre de cette étude qu'il s'agit en fait de mouve-
ments des zones de savanes vers les zones de forêt; on note aussi l'existence
non négligeable d'un exode à partir de ces mêmes milieux vers les villes, prin-
cipalement vers celles du Sud du pays.
Nous n'allons plus insiter sur ces
différentes dimensions de l'exode rural mais il reste cependant intéressant de
savoir que si aujourd'hui la densité démographique est deux fois plus élevée en
forêt qu'en savane (19,2 hbts/km 2 pour 9,3 hbts/km2 ) , cette situation est essen-
tiellement due à la migration Nord-Sud. De ce fait, la zone de savane qui reste
la zone écologique la plus étendue du pays, avec largement plus de la moitié
du territoire, n'abrite que seulement 36 % de la population totale (1) .
.. ./ ...
(1) République Française - Ministère des Relations Extérieures
Bilan
National de l'Emploi en Côte d'Ivoire - Mai 1982
Paris.

- 226 -
Les données globales de la population ivoirienne nous permettent,
dans le tableau ci-dessous, de nous rendre compte de l'évolution de la popu-
lation rurale des zones de savane.
EVOLUTION DE LA POPULATION PAR STRATE (SAVANE/FORET, RURAL/URBAIN)
ET PROJECTION POUR 1985
-
S
A V A N E
F
0
R
E
T
---------- ---------- ---------- ---------- ----------1----------
Urbaine
Rurale
Ensemble
Urbaine
Rurale
Ensemble
POPULATION
EN
1975
425 841
1 622 895
2 048 736 1 720 452
2 940 412
4 660 864
POPULATION
806 614
1 622 895
2 429 509
4 008 786
3 742 303
7 751 089
EN 1985
Ce tableau laisse ainsi apparaître l'importance de l'exode rural en
savane; l'augmentation de la population dans ce milieu pour la tranche des dix
ans (1975-1985) est nulle.
Cet exode est d'autant plus important qu'il concerne, pour la plus
grande part, la tranche de la population active et donc en retour influence la
production agricole. C'est ainsi que, "l'exode rural vidant de manière saison-
nière ou sur une période longue, la campagne de ses éléments les plus jeunes,
les plus dynamiques et les plus actifs, laisse une agriculture où la force de
travail croît moins vite que la population rurale et, bien évidemment moins
vite que la population urbaine. Non seulement chaque unité de force de travail
doit nourrir un nombre de bouches plus élevé d'année en année, mais encore la
force de travail est désorganisée par l'exode, de plus en plus de travail étant
accompli par des vieux, des enfants et des femmes" (1). Certes, les femmes
en milieu rural ont une place importante au niveau de la production agricole
(voir les chapitres II, III et VII de notre étude), certes l'apport des enfants
de moins de quinze ans aux travaux agricoles est loin d'être négligeable (mal-
gré le fait que cette tranche d'âge reste classiquement définie comme ne fai-
sant pas partie de la population active), certes les personnes plus ou moins
agées participent à la production alimentaire, mais il est évident que les
populations urbaines, de plus en plus importantes d'ailleurs, ne peuvent obte-
nir une couverture alimentaire suffisante à partir de la seule population
"active" amputé d'une de ses dimensions essentielles.
. .. / ...
(1) LABONNE (M.)
Problématique de l'Autosuffisance Alimentaire Op. cit. P.4

- 227 -
Actuellement, les milieux ruraux, toutes zones confondues, reflè-
tent pour l'essentiel les faciès d'un vieillissement des chefs d'exploitations.
On note par exemple que dans la zone forestière, un peu plus de 65 % des chefs
d'exploitation se trouvent dans la tranche d'âge de 40 à 60 ans et plus (1).
Dans le milieu savanicole, cette même tranche d'âge atteint dans certains dé-
partements plus de 80 % ; le tableau ci-après nous fournit assez clairement les
données plus explicites de cette situation dans un certain nombre de départe-
ments.
REPARTITION PAR AGE DES CHEFS D'EXPLOITATIONS DANS QUELQUES ZONES
GEOGRAPHIQUES (%) (2).
- de
30 à
40 à
50 à
60 ans
ZONE
TOTAL
30 ans
39 ans
49 ans
59 ans
et plus
BOUND IAL l
3,0
13,8
28,6
24,2
30,4
100
----------- ---------- ---------- ---------- ---------- ---------- ----------
KORHOGO
5,6
19,9
26,5
24,8
23,2
100
----------- ---------- ---------- ---------- ---------- ---------- ----------
FERKE
5,9
26,5
22,4
19,1
26,1
100
----------- ---------- ---------- ---------- ---------- ---------- ----------
TOUBA
4,4
16,3
16,4
30,6
22,4
100
----------- ---------- ---------- ---------- ---------- ---------- ----------
ODIENNE
3,9
21,6
19,7
22,9
31,8
100
----------- ---------- ---------- ---------- ---------- ---------- ----------
SEGUELA
5,7
20,2
25,0
25,9
23,2
100
----------- ---------- ---------- ---------- ---------- ---------- ----------
MOYENNE
4,7
19,7
24,8
24,6
26,2
100
Même si ce tableau ne nous permet pas de cerner la composition des
unités d'exploitation, il nous amène cependant à réfléchir sur les limites
de réceptivité de la plus grande partie de ces chefs d'exploitation dans l'a-
griculture
paysanne.
En effet,
généralement,
les
chefs d'exploitation
les plus jeunes sont aussi ceux qui sont les plus disposés à accepter plus
facilement un processus de changement de leur système productif (culture et
production). La tranche d'âge qui apparaît comme la plus âgée reste en général
très conservatrice et ne désire pas prendre de risques (économiques et so-
ciaux) ; de ce fait, à travers cet important pourcentage Que détiennent les
vieilles personnes au niveau des pouvoirs de décision en tant que chefs d'ex-
ploitation, on se rend aisément compte de l'un des blocages dans la modernisa-
tion de l'agriculture paysanne. Le déblocage ne peut être obtenu que seulement
... / ...
(1) Bilan National de l'Emploi en Côte d'Ivoire - OP. cit.
(2) Idem.

- 228 -
dans la mesure ou Jeunes et adultes deviennent plus représentatifs au niveau
de la destinée des exploitations. Nous reviendrons sur cet aspect de la trans-
formation du système d'exploitation à la fin du présent chapitre. Mais, déjà,
on peut dire que cette situation ne peut être possible que dans le cas d'un
ralentissement notable de l'exode rural; pour ce faire, le milieu rural se
doit de présenter une allure plus sécurisante afin d'amener les jeunes à se
fixer.
Le rôle de l'Etat à ce niveau est primordial et son action sur
l'homme doit recouvrir tous les aspects pouvant favoriser son épanouissement
dans le milieu.
1.1.2 Le développement de la medecine rurale: une dimension de la
tentative de sédentarisation des hommes
Les infrastructures sanitaires dans les campagnes sont essentielle-
ment représentées par la medecine rurale
; au départ,
le développement
de cette medecine devrait en fait donner la priorité au dépistage et à
la prévention (medecine sociale) mais de plus en plus celle-ci va s'orienter
surtout vers la medecine curative.
Cependant, même au niveau de cette medecine essentiellement curative,
les infrastructures sont loin de couvrir les besoins des populations rurales ;
c'est ainsi qu'on comptait en 1979 sur l'étendue du territoire, 309 dispen-
saires et 126 Maternités, plus ou moins vétustes et mal équipés: 40 % des
dispensaires et 31 % des maternités en milieu rural n'ont aucun système d'ap-
provisionnement en eau (1). En plus de cette situation d'ensemble de ces infra-
structures il faut noter également des carences au niveau du personnel,
carences essentiellement caractérisées par l'insuffisance en infirmiers et
en sages-femmes. L'activité des dispensaires et des maternités reste aussi
limitée à cause de la déficience des approvisionnements en produits pharma-
ceutiques, tant au niveau de leur adaptation aux besoins des populations qu'à
celui de la régularité des livraisons.
. .. / ...
(1) République Française - Ministère des Relations extérieures
carn D'IVOIRE
Analyse et Conjoncture - Décembre 1982
PARIS

- 229 -
Au total, ces différentes lacunes indiquent le côté plus ou moins
marginal de ces infrastructures sanitaires dans les campagnes ivoiriennes,
démontrant de ce fait la faiblesse de la médecine rurale. Cependant, force est
de reconnaître à ce niveau l'existence d'une réelle disparité régionale, les
zones du Sud étant nettement plus favorisées (nombre de dispensaires, infras-
tructures, personnel) que celles du Nord.
C'est ainsi que, au niveau de l'aménagement du territoire, l'atteinte
des objectifs du Plan 81-85, pour ce qui concerne le développement de la méde-
cine rurale, va se traduire par une réduction des disparités régionales, avec
une meilleure répartition des investissements, du moins selon les propositions
du Plan.
Il est important que l'on aboutisse à un réel développement de la
médecine rurale en zone de savane, surtout au niveau du dépistage et de la pré-
vention pour ce qui concerne les maladies endémiques ; ce sont en effet ces
dernières qui constituent l'un des obstacles les plus importants des politiques
de développement en milieu rural: le cas de l'onchocercose sur lequel nous al-
lons nous attarder semble être, à l'heure actuelle, celui qui doit retenir le
plus l'attention des Pouvoirs Publics.
En effet, du point de vue des effectifs affectés, l'onchocercose
constitue une endémie majeure dont les conséquences s'avèrent être considéra-
bles, tant au niveau purement sanitaire qu'au niveau social et surtout économi-
que. Aussi, peut-on noter que dans le milieu savanicole, en zone de transmission
intense, le taux de cécité atteint et même excède fréquemment 10 % de la popu-
lation, cette tranche pouvant atteindre 25 à 30 % chez les adultes et parfois
50 % chez les hommes de plus de 40 ans (1) ; cette situation laisse aisément
percevoir le côté invalidant des malades atteints de ces lésions oculaires et
notamment de cécité qui traduisent un des handicaps les plus graves affectant
le milieu socio-économique. DIARRA et pelissier (2) nous montrent que, de part
et d'autre de la frontière du Ghana et de la Haute-Volta, l'activité de l'en-
semble de la population reste profondément affectée par cette affection, 30 %
de la population active étant aveugle. Les données dans les savanes ivoiriennes
ne sont pas non plus moins alarmantes ; le village de TAOURA (Région de Korhogo)
... / ...
(1) Voir PHILIPPON (B.) : l'Onchocercose Humaine en Afrique de l'Ouest ORSTOM
Paris 71978
(2) DIARRA (S.) et
PELISSIER (P.) : l'Afrique Soudanienne
in UNESCO: Aménagement des Ressources Naturelles en AFrique op. cit.

- 230 -
peut être cité, de nlême que beaucoup d'autres communautés rurales, comme exem-
ple : sur 140 personnes soumises à la consultation, 89 % se trouvent être at-
teintes, avec environ 5 % de complications oculaires irréversibles (1).
Au total, en dehors de l'aspect sanitaire de la maladie, nous rete-
nons les conséquences socio-économiques de l'onchocercose puisque, les mani-
festations
invalidantes
les
plus
graves
(perturbations
physiques,
cécité,
surmortalité) affectent essentiellement les tranches d'âges les plus producti-
ves des communautés; ainsi, de sérieux déséquilibres sociaux et économiques
seront caractéristiques du milieu où sévit cette "maladie des rivières". Nous
retrouvons dans l'étude de PHILIPPON (2) une des dimensions à la fois des plus
émouvantes et des plus réalistes du milieu infecté : "L'impact psychologique
est d'autre part considérable: les villages les plus atteints semblent souf-
frir
d'une malédiction Cl' évolution de la maladie est lente et ses causes
inapparentes pour l'observateur non averti) et il s'ensuit une accentuation du
mouvement d'émigration hors de ces villages (départ des jeunes hommes vers les
villes, mariage des jeunes filles dans les villages moins atteints, refus des
femmes de venir fonder une famille dans les villages hyperinfectés, etc.). Le
déséquilibre social, du fait de la perte des éléments productifs, est le prélu-
de à l'extinction de la population ou à l'abandon des villages".
Par conséquent, il est important de noter que les manifestations de
l'onchocercose et ses conséquences ont une répercussion considérable sur le
peuplement humain. De ce fait, il est surprenant de constater que cet aspect
du phénomène de l'exode rural ou des limites de la production agricole soit
très souvent n~gligé dans une grande partie des études consacrées au problème
du développement des zones rurales.
Pour notre part, c'est certainement l'une des premières actions à
entreprendre car, amener le paysan de savane à se fixer à la terre ou à son
environn~menL reste le principal impératif pour tout processus de modernisa-
tion du milieu: l'homme et la terre sont deux entités indissociables dans le
monde rural.
.../ ...
(1) Voir FRATERNITE-MATIN: Les populations de TAOURA ménacées par l'onchocer-
cose - 9 décembre 1982.
(2) L'Onchocercose humaine en Afrique Occidentale - Op. cit. P. 106

- 231 -
1.2 DES POTENTIALITES REELLES EN TERRE
Ces potentialités sont essentiellement caractérisées par la faiblesse
de l'occupation du sol dans la grande partie des zones de savane. Cette situa-
tion d'ensemble reste très favorable pour la transformation du milieu, par rap-
port aux zones de forêt, mais nécessite cependant une option importante des
Pouvoirs Publics au niveau de la mise en valeur des terroirs agricoles.
1.2.1 La savane
Grenier de la C6te d'Ivoire?
La densité démographique reste très liée aux taux d'utilisation du sol
dans le milieu rural pour ce qui concerne les activités paysannes, notamment
l'agriculture; nous cernerons la dualité homme-terre à partir d'une double ap-
proche; l'une concernant les caractéristiques régionales différenciées, l'autre,
celles plus globales de la zone de savane par rapport à la zone de forêt.
Pour ce qui concerne la situation dans les savanes, on note en gros une
relative faiblesse de la contrainte terre dans la majeure partie des zones rurales.
C'est ainsi que dans le Centre-Nord (Katiola, Dabakala, Séguela,
Mankono), avec une charge démographique assez modeste, il s'en suit un faible
taux d'utilisation du sol; ce taux demeure d'ailleurs un des plus faibles du pays.
Dans les départements du Nord (Bouna, Ferké, Boundiali, Odienné et
Touba), la situation se rapproche de celle du Centre-Nord avec une contrainte
terre quasiment inconnue. A ce propos, notre échantillon reste assez représenta-
tif de cet aspect de l'occupation du sol avec l'importance de la longue jachère
comme le prouve le tableau de la page suivante :
... / ...

- 232 -
DUREE DE LA DERNIERE JACHERE POUR LES DIFFERENTES SOLES
(Villages de TOUNVRE et TIENKO - 1982-1983)
EXPLOITAT.
MAIS
ARACHIDE
IGANME
RIZ
MIL
COTON
1
35 ans
35 ans
+de 35 ans
-
-
34 ans
- ---------- ---------- ---------- ---------- ---------- ---------- ----------
2
25 ans
25 ans
27 ans
-
-
26 ans
- - - - - - - - - - -
- - - - - - - - - -
---------- ---------- ---------- ---------- ----------
3
-
?
-
-
-
?
- - - - - - - - - - -
---------- ---------- ---------- ---------- ---------- ----------
4
11 ans
11 ans
13 ans
-
-
7 ans
-----------
- - - - - - - - - -
- - - - - - - - - -
---------- ---------- ---------- ----------
5
?
?
?
-
?
?
- - - - - - - - - - -
- - - - - - - - - -
- - - - - - - - - -
---------- ---------- ---------- ----------
6
15 ans
15 ans
?
15 ans
-
15 ans
- - - - - - - - - - -
---------- ---------- ---------- ---------- ---------- ----------
7
20 ans
20 ans
24 ans
20 ans
-
20 ans
----------- ---------- ---------- ---------- ---------- ---------- ----------
8
33 ans
?
33 ans
-
-
?
----------- ---------- ---------- ---------- ---------- ---------- ----------
9
35 ans
35 ans
37 ans
-
-
?
----------- ---------- ---------- ---------- ---------- ---------- ----------
10
-
?
-
-
-
?
----------- ---------- ---------- ---------- ---------- ---------- ----------
11
?
?
20 ans
-
?
15 ans
----------- ---------- ---------- ---------- ---------- ---------- ----------
12
?
?
15 ans
?
-
17 ans
----------- ---------- ---------- ---------- ---------- ---------- ----------
13
10 ans
10 ans
-
-
-
30 ans
----------- ---------- ---------- ---------- ---------- ---------- ----------
14
?
?
?
?
?
?
----------- ---------- ---------- ---------- ---------- ---------- ----------
15
?
?
24 ans
?
23 ans
?
N.B.
La détermination de toutes les parcelles n'a pas pu se faire pour deux
raisons essentielles :
Les paysans concernés n'ont pas été en mesure de situer la durée
de la jachère pour certaines soles
- La terre n'appartenant pas toujours au paysan qui la travaille, il lui
est difficile de déterminer le temps de repos de cette même terre.
Dans l'ensemble ces différentes régions "bénéficient" en partie du
dépeuplement dû essentiellement à l'exode rural.
Cependant, deux régions se démarquent de cette situation: il s'agit
du milieu Sénoufo autour de Korhogo et du pays Baoulé ; le premier est caracté-
risé par une surpopulation à partir de l'existence d'une ancienne zone-réfuge;
quant au second, la contrainte terre est surtout apparuarelativement récemment
avec l'arrivée de migrants nordistes (voir premier chapitre de l'étude), ac-
centuée par l'édification du barrage de KOSSOU.
... / ...

- 233 -
C'est ainsi que le département de Korhogo et surtout la zone dense
(voir chapitre II, paragraphe 2) reste caractérisé par une forte dégradation
concrétisée par le raccourcissement des jachères et un important surpâturage
(la zone dense détient la plus forte densité de bovins au km 2 du pays). Il y
a une dizaine d'années cette zone comptait environ 80 hbts/krn 2 de surface agri-
cole utile (S.A.U.) (1) et malgré une migration importante, la situation demeure.
Dans le département de Bouaké, zone tampon entre forêt et savane, on
note également une saturation démographique guère différente, à certains en-
droits, de la zone dense autour de Korhogo ; en effet, avec la mise en eau du
barrage de Kossou dans le Centre-Ouest, on va assister au déplacement de
80 000 personnes environ et à une constitution de nouveaux terroirs (habitats
et surtout terroirs agricoles) à l'intention des "déguerpis". De ce fait la
contrainte terre en s'accentuant sera l'image même de l'émiettement des parcel-
les agricoles (y compris celles des blocs culturaux).
Mais lorsqu'on fait une approche comparative globale, on se rend
aisément compte que le milieu forestier, au niveau du taux d'occupation du sol,
se distingue nettement des savanes. En effet, à part la région du Sud-Ouest (qui
est de plus en plus en voie de colonisation et donc de densification), le
reste de la zone forestière caractérisé par une densité rurale élevée laisse
percevoir de réelles contraintes foncières et, comme nous l'avons vu au niveau
9u système d'exploitation (chapitre VII, paragraphe 3), des difficultés éviden-
tes d'accès à la terre.
Au total, les potentialités en terre au niveau des deux zones écolo-
giques du pays, donnent aux savanes beaucoup plus de possibilités (futures)
dans l'organisation (ou la réorganisation) des terroirs agricoles, du moins
lorsqu'on regarde de plus près les données globales du secteur agricole .
. . ./ ...
(1) Voir ANCEY (G.) : Modèles Régionalisés d'Occupation du Sol par
l'Agriculture familiale en Côte d'Ivoire.
In Ministère de la recherche Scientifique : Le dynamisme Foncier et
l'Economie de Plantation. ABIDJAN - Oct. 1978.

- 234 -
SCHEMA REGIONAL DU SECTEUR AGRICOLE (Savane/Forêt)
S A V A N E
FOR E T
INDICATEURS
1975
1985
1975
1985
Pop. agricole /Pop. rurale
93,0 %
93,0 %
89,4 %
89,4 %
---------- ---------- ---------- ----------
Superficie cultivée (1 000 ha)
668
891
2 582
3 896
- dont vivriers
468
590
618
1 014
- dont cult. industrielles
200
301
1 964
2 882
---------- ---------- ---------- ----------
Superficie cultivée/actif (ha)
0,98
1,31
1,99
2,39
- dont vivriers
0,69
0,87
0,48
0,62
- dont cultures industrielles
0,29
0,44
1,51
1,77
Taux d'utilisation du sol
25 %
34 %
47 %
74 %
(Sources
Ministère des Relations Extérieures
(France) - Mai 1982.
Ainsi, les différentes superficies cultivées et le taux d'utilisation
du sol démontrent assez bien que nous aboutissons de plus en plus vers une situ-
ation de blocage globale dans le milieu forestier alors que les zones de savane
apparaissent comme très peu marquées par une réelle contrainte foncière ; ce cons-
tat prend tout son poids surtout lorsque nous comparons, une fois de plus le
Nord au Sud; le premier avec un taux d'utilisation du sol de 16,5 % pour 1975
et 22,4 % pour 1985, le second avec respectivement 50 et 80 %.
Ces différentes situations concourent à donner à la zone de savane,
de réels atouts pour la recherche de l'autosuffisance alimentaire
; un de
ces atouts reste
la spécificité des cultures.
En effet,
nous savons qu'en
zone de forêt, la végétation naturelle est de
plus en plus clairsemée. Les
plantations prenant de plus en plus le pas sur la forêt ; "les rapports de for-
ce" étant à l'avantage du café et du cacao, les vivriers se verront de plus en
plus "acculés" et se retrancheront dans des bas-fonds plus ou moins malsains
où sur des terres en général peu (ou moins) fertiles. Nous avons vu que dans les
zones forestières ou préforestières, des combinaisons culturales peuvent exister
entre cultures de plantations et produits vivriers ; mais nous avons montré éga-
lement que ce système cultural est très transitoire car les combinaisons s'ef-
fritent après la première récolte de vivriers puis disparaissent presque
complètement deux ou trois ans plus tard. Ainsi, même à ce niveau, le processus
d'évincement des vivriers n'est pas arrêté mais simplement retardé.
.../ ...

- 235 -
La situation vivrière (future) est largement favorable dans le milieu
savanicole, non seulement au niveau des potentialités foncières comme on vient
de le voir, mais aussi au niveau d'un système de culture somme toute très "con-
ciliant". En effet, cultures vivrières et cultures de rapport (représentées
essentiellement par le coton) sont annuelles ; cette caractéristique va (ou
peut) favoriser la création ou le développement d'assolements très pertinents.
Nous en avons parlé plus haut pour ne plus insister sur cet aspect de l'assole-
ment moderne dans l'agriculture paysanne en savane.
C'est donc en tenant compte de cet ensemble de données qui lui est
favorable que nous pouvons définir la savane ivoirienne comme étant l'avenir du
pays en matière de production vivrière pour la satisfaction des besoins de la
population.
Cependant, le problème de l'aménagement des terroirs agricoles ne doit
pas être ignoré car les populations rurales dans les zones de savane (du moins
dans une bonne partie) ont en face d'elles un milieu naturel très souvent hostile.
1.2.2 Assainissement et mise en valeur des terres
une priorité
Dans les zones rurales, en savane ou en forêt, il existe des terres
presque jamais exploitées ou très vite abandonnées; ces terres sont en général
des endroits évités par les populations rurales, non pas qu'elles soient forcé-
ment ingrates ni qu'elles soient affectées à une quelconque orientation sociale
(bois sacré notamment). mais surtout à cause de leur caractère insalubre. Il
s'agit généralement de marais, de plaines très souvent inondées pendant tout le
cycle pluvial, de régions profondément infectées, etc., les moyens traditionnels
de luttes dans ces situations demeurant pour l'essentiel très limités.
Ainsi, comme le dit Robert BADOUIN Cl), "dans une économie de subsis-
tance à faible densité démographique il n'est pas certain que les terres les
plus riches attirent les populations. Elles peuvent, en raison de leur nature
et de la végétation qu'elles portent, être les plus difficiles à cultiver. La
volonté d'économiser la peine et l'effort peut détourner d'elles les popula-
tions". Cette situation reste plutôt caractéristique des zones de savane; nous
avons antérieurement vu que les bas-fonds dans le pays Sénoufo (zone dense)
... / ...
(1) Voir Economie Rurale op, cit. p. 267

- 236 -
avaient été pendant longtemps évités avant d'être finalement investis et cela
à cause de la contrainte terre; nous avons vu également que l'inondation totale
des pleines alluviales dans certaines régions de savane (Nord-Ouest notamment)
ne pouvait pas assurer la production agricole. Mais disons que ces situations
restent très peu comparables à celles, déjà mentionnées plus haut, des zones in-
fectées par les maladies endémiques ; nous allons nous intéresser essentielle-
ment à celle que nous considérons comme la plus contraignante: l'Onchocercose.
En effet, en savane, nous avons vu
que les cultures sont essentielle-
ment annuelles et correspondent, en général, à la saison des pluies
les acti-
vités agricoles à travers le travail où se rencontrent les terres les plus
humides et très souvent les plus fertiles. De ce fait, dans les régions rurales
où sévit le vecteur de l'onchocercose, la saison pluvieuse reste la période à
laquelle les femelles (cause de la maladie) sont généralement plus abondantes
et ont une aire de distribution maximale. Et, comme le dit justement PHILIPPON
(1), la désertion des terres riveraines des grands cours d'eau, considérée
comme correspondant au paroxysme de la transmission onchocerquienne, ne se ren-
contre que dans les zones de savane : "dans le Sud de la Haute-Vol ta et le
Nord de la Côte d'Ivoire, il (le dépeuplement) affecte un tiers des terres cul-
tivables et s'observe parfois sur une largeur de 10 à 20 kms de part et d'autre
des cours d'eau" (2). Ainsi, d'immenses terres alluviales se trouvent être
inexploitables; DIARRA et PELISSIER (3) parlent de six millions d'hectares
environ dans le seul bassin de la Volta.
Au niveau de la lutte contre l'onchocercose, certaines opérations ont
déjà été menées; c'est le cas des intervention5très souvent locales ou épisodi-
ques dans certaines zones de la sous-région (Nigéria, Ghana, Sierra-Léone,
Haute-Volta, Côte d'Ivoire). Des opérations de plus grandes envergures ont été
réalisées également dans cette même sous-région dont notamment dans le foyer
de Korhogo sur 30 000 km 2 , de 1965 à 1975 (4).
Cependant, on assiste depuis 1974 à la mise en place et l'exécution du
programme de lutte contre l'Onchocercose dans le bassin de la volta; placé sous
... / ...
(1) L'Onchocercose humaine en Afrique de l'Ouest. Op. cit.
(2) idem, page 107
(3) Voir: l'Afrique Soudanienne - in UNESCO
Aménagement des Ressources
Naturelles en AFrique - Op, cit.
(4) Voir la note (1) de la présente page.

- 237 -
l'égide de l'Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.), ce programme devra
s'étaler sur vingt ans. Il couvre 700 000 km 2 et comporte le traitement
14 000 km de rivières dans certains Etats de l'Afrique Occidentale
Haute-Volta, Est Mali, Nord Côte d'Ivoire, Nord Ghana, Nord Togo, Nord Bénin
et Sud-Ouest Niger (1).
Ainsi, l'onchocercose doit être considérée comme une maladie d'ac-
tualité, non seulement à cause de son caractère invalidant au niveau de l'homme
en tant que producteur, mais aussi à cause de l'obstacle qu'elle crée à la
colonisation (ou la récolonisation) des terroirs ruraux, essentiellement agri-
coles. Ce qui nous amène à dire qu'en zone de savane ivoirienne, dans le pro-
cessus de modernisation de l'agriculture paysanne,
toute opération de mise
en valeur de nouvelles terres et surtout tout déplacement de populations rura-
les dans les milieux à priori infectés doivent nécessairement être précédés par
des mesures de lutte contre l'Onchocercose; Ces précautions ne sont pas super-
flues car, en modifiant effectivement le milieu
dans le but d'aménagements
agricoles et hydrauliques (irrigation entre autres), l'action anthropique peut
permettre ou favoriser l'expansion du vecteur. Déjà, notamment à la faveur de
la multiplication des petits barrages de retenues d'eau dont les déversoirs en
cascades sont autant de gîtes potentiels
au vecteur.
Au total, l'assainissement des terroirs pourrait résoudre le problème
de l'occupation de l'espace rural, la plus rationnellement possible, non seule-
ment en sédentarisant certaines populations habituées à rechercher fréquemment
des sols plus sains, mais aussi en créant des zones de culture, peut-être plus
riches, plus vastes, en un mot plus productrices.
Pour ce faire, l'intervention de l'Etatà côté des Sociétés de
Développement est souhaitable et même nécessaire.
. .. / ...
(1) Voir la note (1) de la page précédente

- 238 -
2 LE ROLE DE LA CIDT ET DE L'ETAT DMf> LA MlITATH~ SOCIALE GLOOALE
DES SOCIE'ffiS DE SAVANE
2.1 LA CIDT
DE NOUVEAUX OBJECTIFS POUR LE DEVELOPPEMENT DES ZONES DE SAVANE
Comme nous l'avons vu, les activités de la CIDT ont plusieurs fois
été réorientées
de son activité originelle qui était le développement (exclu-
sif) du coton, la Société, au début de la deuxième décennie, dans le cadre de la
modernisation des exploitations, a introduit la culture vivrière en assolement
avec le coton; aujourd'hui, la CIDT, après réorganisation du Ministère de
l'Agriculture, se voit confier le développement intégré des savanes (voir la
partie introductive de notre étude).
Quatre
projets
apparaissent
au
niveau
des
savanes
ivoiriennes
il s'agit des projets NORD-EST (département de Bouna et le Nord du département
de Bondoukou), NORD (Ferké, Korhogo, Tingrela et Boundiali), NORD-OlŒST (Odienné
Touba, Séguéla et Mankono) et CENTRE (Katiola, Dabakala, Bouaké, Zuénoula,
Bouaflé et Dimbokro (1). Mais, si les projets de développement intégré sont en-
core au stade d'identification dansles autres régions, celui du NORD-EST est
depuis trois ans (80-81) en phase de réalisation. Le programme de développement
de cette zone du Nord, considérée comme la moins favorisée des savanes, va cons-
tituer
entre autres à l'augmentation de la production agricole (le riz surtout)
; ce qui devrait entraîner une amélioration du système de production dont l'une
des dimensions concernerait l'introduction et le développement de la traction
bovine.
Ainsi, il apparaît que la CIDT, par sa nouvelle orientation, n'est
plus une société de développement sectoriel mais plutôt une société de dévelop-
pement rural.
En effet,
la notion de développement intégré lui confère un
objectif plus complexe, dépassant le cadre même de la production du coton et du
riz, plus ou moins assolés avec les autres vivriers. Ce nouvel objectif mérite
une approche plus profonde dont la finalité reste la modernisation de la société
rurale des zones de savane.
De ce fait, les perspectives d'encadrement technique doivent tenir
compte à la fois de l'aspect agricole et de la dimension sociale; ce qui suppose
... / ...
(1) Voit CrDT
Rapport Annuel d'Activités 1980-1981 - Bouaké.

- 239 -
une rupture avec l'ancienne approche du milieu rural où les objectifs de déve-
loppement sont plutôt centrés sur le produit et pas suffisamment sur l'homme
dans ce même milieu: le paysan n'est pas seulement un producteur (surtout de
coton) ; il est d'abord et principalement un individu vivant dans un milieu
caractérisé encore, malgré tout, par un environnement familial, religieux, éco-
nomique, etc, bien spécifiques. C'est cette spécificité que la CIDT, dans les
différents projets
de développement rural intégré des zones de savane, devrait
cerner.
Aussi, les cbnnées les plus pertinentes tant au niveau agronomique quau
niveau du contexte sociologique et économique dans lequel s'exerce l'activité
de la communauté rurale toute entière, devraient-elles être exploitées le plus
rationnellement possible; ce qui suppose l'importance de la connaissance du
milieu humain comme base de la production.
Par conséquent, saisir la dynamique du milieu humain sur les diffé-
rentes activités de production, c'est réduire de moitié les éventuels échecs
des projets de développement car la réponse du paysan à la modernisation de
l'agriculture va dépendre de sa participation effective à la transformation
de son milieu. Quelques exemples nous permettent de percevoir l'importance de
certains facteurs dans tout projet de développement intégré.
Au niveau agronomique, certes la modernisation de l'agriculture
paysanne est indispensable dans le processus de transformation du milieu rural,
mais il faut se garder de détruire un système de production traditionnel si
l'on ne peut en proposer un autre, au moins aussi efficace, ou si l'on ne
peut contrôler toutes les implications qu'engendrerait la mise en place d'un
nouveau système (1).
Le facteur sociologique reste d'une importance capitale dans l'élabo-
ration des structures agraires ; il est de ce fait le support de tout change-
ment technique. Il appartient donc à la CIDT de connaître les réalités sociolo-
giques afin de mener à bien les opérationsde développement : connaître les zones
d'influences et les liaisons entre individus (si possible) ou groupes d'indivi-
dus pour aboutir à l'établissement d'un réseau d'encadrement cohérent; connaî-
tre aussi les modes d'appropriation et de tenue des terres en vue d'établir
... / ...
(1) Nous avons vu antérieurement (chapitre XI, paragraphe 2) comment une méca-
nisation sectorielle pouvait déséquilibrer la dynamique d'un système
traditionnel alors relativement cohérent.

- 240 -
des schémas de colonisation des terroirs agricoles, etc. Autant de spécificités
qui déterminent en dernier ressort toute la dynamique du milieu rural tradition-
nel.
Au niveau économique, l'économie de marché va influencer profondément
le système de culture; mais l'introduction ou le développement des produits
cultivés ne devrait pas être imposé, comme on l'a vu dans certains cas, mais
plutôt stimulé. L'adhésion des paysans au niveau de l'introduction d'un produit
ou d'un groupe de produits au sein de leur système de culture est la seule con-
dition de réussite de la vulgarisation. Au total, la réponse du paysan à la mo-
dernisation de l'agriculture sera déterminante du succès ou de l'échec de
tout projet de développement intégré dans les
zones rurales
; c'est en ce
sens que Michel LABONNE montre que "les sociétés africaines ont une vie cul tu-
relIe forte et originale qui se traduit par des échelles de valeurs nettes C••• ).
L'innovation technique devra en tenir compte. Toute technique nouvelle vulgari-
sée à une certaine échelle provoquera des répercussions dans les structures
sociales, qui risquent d'être "choquées" (1). Par conséquent, et au risque de
nous répéter, nous insistons sur le fait que les nouvelles dimensions de
l'orientation des actions de la CIDT ne peuvent être concluantes tant que la
dimension sociale en sera évacuée : ce qui veut dire que tout projet visant à
l'amélioration du cadre de vie des paysans, comme c'est le cas du développement
intégré dans les savanes ivoiriennes, devra tenir compte de leurs compétences,
de leurs opinions, de leurs désirs, si l'on veut s'assurer pleinement de leur
participation à la survie de l'entreprise.
Pour cela, l'intervention de l'Etat auprès des Sociétés de développe-
ment est souhaitable.
2.2 L'ETAT ET LA TRANSFORMATION DU SYSTEME D'EXPLOITATION
L'intervention de l'Etat dans cette modernisation du milieu rural est
beaucoup plus globale puisqu'il s'agit ici de la transformation du système
d'exploitation, transformation très importante et surtout très délicate dans
la mesure où nous avons affaire à ce niveau à une véritable mutation d'un
corps social dans un environnement traditionnellement caractérisé comme conser-
vateur. Certes, nous avons vu à certains niveaux de la présente étude que
... / ...
Cl) Notion de Macrogestion des Ecosystèmes. Op, cit. P. 33.

- 241 -
l'introduction des cultures de rapport fut la cause d'une transformation plus
ou moins profonde, selon les régions, du système d'exploitation. Nous allons
nous intéresser ici à l'importance de la femme et du jeune dans l'élaboration
d'une nouvelle orientation du développement rural, étant donné que ce sont ces
deux qui
ont particulièrement
souffert de la transformation du système
de
culture avec l'apparition et le développement du café et du cacao en zone
forestière, et du coton, pour ce qui nous concerne, dans le milieu savanicole.
2.2.1 La politique d'intégration des femmes et des jeunes dans le processus
de modernisation des exploitations.
2.2.1.1 Femme rurale et développement agricole
Si la partIcIpation de la femme à la production agricole est admise
comme
importante,
elle a cependant,
généralement,
été tenue à
l'écart des
efforts de vulgarisation et de modernisation dans le monde rural, tant au
niveau des cultures de rapport qu'à celui des vivriers considérés comme étant
traditionnellement le domaine de la femme.
Ainsi, dans le premier cas, café, cacao en forêt et coton en savane
ont-ils été rapidement accaparés par les hommes dès que la preuve était faite
de leur importance dans la formation monétaire; de ce fait, la femme était
aussitôt demeurée dans la production vivrière, très peu rentable au niveau
monétaire et essentiellement orientée vers la consommation familiale.
Dans le second cas, nous avons vu au niveau de certaines zones de
savane, l'omniprésence de l'homme pour la culture du riz, de l'igname (Nord-
Est) et de l'arachide (Boundiali), lorsque des situations monétaires très inté-
ressantes se dégageaient pour ces vivriers. Cette situation est très caracté-
ristique lorsqu'on considère le développement des produits maraîchers ; nous
avons en effet montré que dans les sociétés rurales traditionnell~Jseules
les femmes s'occupaient des "petits vivriers" ; c'était même "très mal vu" et
même humiliant pour un homme de s'occuper de tomate, de gombo, d'aubergine, etc.
Mais, comme ce fut le cas des "grands vivriers", lorsqu'une situation de deman-
de solvable est 'apparue, le développement et la vulgarisation des maraîchers se sont
trouvés déplacés vers les hommes : les ceintures urbaines de produits maraîchers
sont caractéristiques de cet état de fait ; avec la SODEFEL (Société pour le
Développement des Fruits et Légumes), les cultures se sont trouvées presqu'ex-
clusivement "masculinisées".
.../ ...

- 242 -
Aussi, face à ces différentes situations, la femme rurale va-t-elle
apparaître essentiellement comme une main-d'oeuvre considérable pour toutes les
prestations agricoles sans pour autant bénéficier réellement des retombées de
la product ion qu'elle permet
de dégager.
Nous avons vu antérieurement
que
la modernisation des cultures (innovations techniques et donc accroissement des
superficies cultivées) va augmenter considérablement la charge de travail de la
femme; dans les zones de savane, Yves BIGOT montre que le surplus de travail
dO au cotonnier, par actif, de 1962 à 1979 est de 18 % pour les hommes (de
160 j. à 180 j.) et de 83 % pour les femmes, soit de 90 jours à 165 jours (1).
Cependant, devant cette situation de "laissée pour compte", on peut
percevoir une tentative d'intégration de la femme (par la femme) dans le circuit
de distribution des revenus agricoles avec la production de cultures de rapport,
la transformation puis la vente de vivriers (arachide, riz, ... ), le commerce
de produits artisanaux, de produits d'élevage, etc.
Mais le contexte d'ensemble ne permet pas généralement aux femmes
d'être assez représentatives dans ces différents domaines puisque l'accès à la
terre, condition sine qua non du contrôle des produits, leur échappe dans ma-
jeure partie des cas ; le tableau ci-dessous est très révélateur de la place de
la femme dans le milieu agricole :
REPARTITION DES DETENTEURS D'ACTIVITE AGRICOLE SELON LE TYPE D'ACTIVITE ET LE
SEXE
-
AGRICULTEURS
MANOEUVRES
AIDES
SEXE
EXPLOITANTS
METAYERS
TOTAL
AGRICOLES
FAMILIALES
ET PECHEURS
MASCULIN
785 658
45 441
39 691
346 598
1 217 388
------------ ------------ ------------ ------------ ------------ ------------
FEMININ
327 576
2 212
2 213
795 897
1 128 398
------------ ------------ ------------ ------------ ------------ ------------
TOTAL
1 113 234
48 154
41 904
1 142 495
2 345 786
(Sources
Pré-enqête BUDGET-CONSOMMATION - C.I. 1978)
... / ...
(1) BIGOT (Y.)
Croissance Cotonnière, Travail et Evolution du Système de
Production Agricole dans le Nord de la C.I. Séminaire AASA/FORD
- Lomé - 1-5 Mai 1981. TOGO.

- 243 -
Cet environnement général de la situation démontre une fois de plus
que les programmes de développement rural continuent de marginaliser la contri-
bution de la femme ; il faut dire ici que les sociétés de développement ont une
grande responsabil ité au ni veau de la "mise à l'égard" des femmes dans le
processus de modernisation et de vulgarisation de l'agriculture en milieu pay-
san: tel est le cas du café et du cacao avec la SA1}~CI, le coton avec la CIDT
(y compris les cultures associées tant en zones forestières qu'en savane) ; les
maraîchers avec la SODEFEL suivent l'allure générale de cette rnarginalisation.
Au total, dans le cadre d'une opération cohérente de transformation
du milieu agricole paysan, les différents programmes de développement devraient
tenir compte de l'insertion des femmes; et, comme le dit Annette CORREZE (1),
la vulgarisation doit cesser de s'adresser aux seuls chefs de famille et recon-
naître les conditions réelles de la production.
A ce propos, BIGOT (2) montre que deux types d'intervention sur le
travail féminin peuvent être envisagées: d'un côté une intervention agricole
spécifique aux femmes, de l'autre côté une intervention basée sur l'évolution
générale des exploitations agricoles; mais il est important de noter qu'à par-
tir de certaines observations (voir BIGOT), la seconde hypothèse d'intervention
semble plus réaliste dans la mesure où l'équipement progressif des exploitations
a la possibilité d'agir sur les travaux féminins. Il nous paraît cependant assez
difficile d'apprécier objectivement la dimension technique de cette interven-
tion au niveau de la femme mais il nous semble nécessaire de délimiter avant
toute autre chose la qualité de cette intervention : doit-elle concerner un sys-
tème de culture restée pour l'essentiel très traditionnel où les associations
culturales sont légion? doit-elle concerner cette multitude de petites surfaces
affectées à la production familiale? dans l'objectif de modernisation, les ex-
ploitations seront-elles communes à l'homme et à la femme afin de permettre
l'efficacité ou la rentabilité du matériel
de production ? Quelles seront
les grandes conséquences de ces interventions ?
Les responsables de la vulgarisation devront répondre à ces quelques
questions et à beaucoup d'autres encore puisqu'elles détermineront la justesse
de l'opération à entreprendre envers les femmes, surtout que celles-ci apparais-
sent généralement au sein des unités familiales où l'homme (chef de famille) est
... / ...
(1) La Vulgarisation Agricole et les Femmes in Economie Rurale N° 147-148 Op. cit.
(2) Croissance Cotonnière, travail féminin ... Op, cit.

- 244 -
l'interlocuteur "naturel" ; c'est en effet avec lui que s'établit le contact
extérieur pour tout projet de vulgarisation: encadrement, dotation en facteur
de production, en capital d'exploitation, etc.
Mais, comme le dit justement KOUAKOU N'guessan (1), si les écrans
techniques peuvent être franchies par les infrastructures d'équipement, l'enca-
drement et les moyens financiers, l'écran idéologique, lui, est beaucoup plus
tenace
; aussi,
ajoute-t-il,
est-ce à un niveau de politique générale que
doit se situer une option sans équivoque de promotion rurale en donnant aux
groupes sociaux leur part de responsabilité.
C'est d'ailleurs dans ce sens que le responsable du Secrétariat d'Etat
à
l' Agricul ture affirmait
qu' "une place de choix sera réservée aux femmes
dans le programme d'autosuffisance alimentaire" et que ces dernières "bénéfi-
cieront de toutes les innovations scientifiques et techniques qui seront mises
en oeuvre dans le plan du Gouvernement pour lever tous les obstacles qu'elles
rencontreront dans la réalisation de cet enjeu" (2).
Mais, au-delà de cetenjeu politique, force est de reconnaître les dif-
ficultés de l'entreprise, surtout que cet objectif bouleversera sans aucun
doute les données sociologiques du milieu rural ; par conséquent, il serait
souhaitable et même nécessaire de procéder avec prudence.
Cependant, une note d'optimisme peut être relevée malgré la délica-
tesse de l'ouvrage, surtout que la production de l'essentiel des vivriers
incombe généralement à la femme et est susceptible de réorganisation.
2.2.1.2 L'insertion des jeunes ou la condition de modernisation du milieu
agricole
Nous n'insistons pas ici sur les causes de l'exode rurale (surtout)
des jeunes) mais il est nécessaire de rappeler que si dans certaines zones
rurales les résultats aléatoires de la production et/ou la rareté des terres
ont contraint à une émigration importante, les conflits de générations ont lar-
gement contribué au départ des jeunes (3). De ce fait, il s'en est suivi un
... / ...
(1) KOUAKOU (N. F.) : Les cultures vivrières et la division sociale du travail
- in CIRES. Les cultures vivrières, op. cit.
(2) Voir "Le Livre Vert de l'Autosuffisance Alimentaire". Op, cit. P. 84
(3) Voir le Chapitre VII (paragraphe 3) de la présente étude à propos du système
d'exploitation.

- 245 -
vieillissement généralisé de la population active rurale (surtout agricole)
entraînant, comme nous l'avons vu, un déséquilibre démographique, not amment le
déficit de main-d'oeuvre masculine. Cette situation d'ensemble aura par consé-
quent de fâcheuses répercussions sur les différents projets de développement,
étant donné le fait que l'omnipotence des vieux demeure, aujourd'hui encore,
et qu'il est généralement admis que cette classe d'âge reste le plus souvent
l'obstacle le plus important à la plupart des transformations du système produc-
tif; ces derniers ne voient pas en effet l'opportunité d'un changement du
système traditionnel dans la mesure où l'objectif de production est plus ou
moins atteint; en plus, il n'est pas évident qu'ils puissent contrôler tous
les contours de la production avec l'introduction de nouvelles données: à ce
ni veau, on peut parler de la "peur" du changement. Il faut dire aussi qu'en
milieu rural, les exploitations les plus importantes (superficies et nombres
d'actifs) sont généralement détenues par les plus âgés (les vieux) et que
c'est justement ces exploitations qui sont susceptibles d'adopter de nouvelles
méthodes de production, de prendre de nouveaux risques, ect. Le tableau suivant
nous indique la liaison entre le nombre d'actifs et l'âge du chef de l'unité.
NOîVJBRE MOYEN D'ACTIFS EN FONCTION DE L'AGE DU CHEF D'UNITE
NO~1BRE MOYEN
AGE DU CHEF D'UNITE
% D'UNITES
D'ACTIFS DE L'UNITE
Moins de 20 ans
5
%
2,7
------------------------- ------------------------- -------------------------
de 20 à 29 ans
21
%
3,1
------------------------- ------------------------- -------------------------
de 30 à 39 ans
28,9 %
3,6
------------------------- ------------------------- -------------------------
de 40 à 49 ans
25,3 %
4
------------------------- ------------------------- -------------------------
50 ans et plus
19,8 %
4,4
(Sources
pré-enquête Budget-consommation - C.I. 1978)
Ainsi t
à travers ces différentes données et compte tenu de ce que
nous venons d'affirmer plus haut, assistons-nous à un certain blocage au niveau
du processus de modernisation de l'agriculture paysanne puisque le chef de
l'unité est en même temps celui qui prend les décisions engageant l'exploita-
tion entière. La situation est encore plus vraie dans les zones de savane et
particulièrement dans le Nord du pays où la répartition par âge des chefs d'uni-
tés est d'environ 50,8 % pour la classe d'âge de 50 ans et plus et 75,6 %
... / ...

- 246 -
lorsqu'on y ajoute celle de 40 à 49 ans (1).
Au total, dans l'optique d'une transformation de l'agriculture paysan-
ne, il paraît nécessaire de s'appuyer sur la couche sociale qui semble être la
plus dynamique; il est donc important d'assurer l'avènement et la formation
d'agriculteurs aptes au processus de modernisation. Par conséquent et à travers
les potentialités qui peuvent se dégager dans le milieu rurale (voir le premier
paragraphe du présent chapitre), les jeunes apparaissent comme les plus récep-
tifs au changement ; ce qui nous amène à dire que le rajeunissement du paysannat
reste l'une des conditions nécessaires pour toute transformations du système
product if.
Actuellement,
on compte quelques tentatives
de mise en place de
jeunes agriculteurs dans le milieu rural
il est peut-etre trop tôt d'en
tirer des conclusions mais il n'est pas superflu de s'attarder sur quelques
points qui sont déterminants pour l'avenir de telles entreprises. L'exemple
le plus représentatif dans les savanes ivoiriennes (à notre connaissance) est
celui de l' installat ion des
jeunes à YABRA (Yamoussoukro) où environ 1 000
ha de terre sont mis à la disposition de 400 agriculteurs; il s'agit en fait
d'une experlence de culture irriguée (riz) semi-mécanisée. Mais déjà on peut
relever un certain nombre de lacunes inhérentes à ce genre d'entreprise. D'abord
au ni veau des modalités de remboursement
des prêts
(matériel,
facteurs
de
production, avances en numéraires ou en nature, etc.), le processus, très admi-
nistratif, crée des situations quelquefois très contraignantes pour le jeune
agriculteur qui vient à peine de s'installer; ensuite, il ressort que le
comportement de ces jeunes, dans la majeure partie des cas, est celui d'un
agriculteur attendant l'usufruit de son exploitation en fin de campagne, lais-
sant aux équipes techniques le soin de s'occuper de la bonne marche de l'entre-
prise
il existe de ce fait un réel désintéressement qui peut aboutir à long
terme à des situations préjudiciables à la production agricole. Il faudrait par
conséquent éviter, malgré l'urgence de la modernisation, de retomber dans
des situations semblables à celles rencontrées dansles blocs A.V.B. ou dans
ceux de la CIDT au début de l'Opération Mécanisée (aPEMEC) où des conditions,
objectives et quelquefois subjectives ont conduit à l'abandon des parcelles par
les paysans ayant bénéficiés de cette modernisation de l'agriculture. L'instal-
lation des jeunes mérite en premier lieu une formation d'agriculteurs modernes
... / ...
(1) Voir le 1er paragraphe du même chapitre à propos de l'exode rural.

- 247 -
où certaines normes doivent être respectées, notamment la rentabilité de l'ex-
ploitation, la participation réelle et pratique de l'exploitant au niveau de
l'essentiel des prestations agricoles; où certaines qualités doivent être en-
tretenues,
notamment l'esprit de créativité de l'individu, sa disponibilité
à prendre des risques, etc.
C'est certainement à ces conditions que les dispositions prises dans
le programme d'assistance de l'Etat à l'installation des jeunes à la terre (gra-
tuité des défrichements, des semences améliorées de riz et maïs, des engrais
pour le riz irrigué, l'aide à l'acquisition du matériel agricole par détaxation)
(1) pourraient répondre plus efficacement aux objectifs nationaux du développe-
ment et de la modernisation des cultures, notamment des vivriers.
2.2.2 Les G.V.C
une formule coopérative à réexploiter
Nous n'allons pas nous étendre ici sur l'action des Groupements à
Vocation Coopérative (G.V.C) dans le monde rural mais plutôt sur leurs possibi-
lités réelles dans un milieu où la mutation sociale est plus ou moins imminente,
si l'on se réfère aux différents programmes de développement concernant le pay-
sannat ivoirien.
Cependant, en tenant compte des lacunes rencontrées au niveau de ces
structures précoopératives (lacunes sur lesquelles nous reviendrons), on peut
prévoir que le recours aux G.V.C comme tremplin du changement économique et so-
cial, objectif mentionné par les Pouvoirs Publics, ne peut être atteint, même
avec l'accroissement numérique de ces institutions dans les zones rurales.
En effet, si la grande partie des primes de groupage des produits (2)
des coopérateurs a permis ou permet une dotation en équipement professionnelle
(bascule, magasin, ... ) et surtout, quelquefois, la réalisation d'infrastructures
socioéconomiques (écoles, dispensaires, puits, lotissement ... ) avec d'ailleurs
en fond de tableau la "bénédiction" des Pouvoirs Publics, il faut reconnaître
que la formation coopérative des producteurs reste purement et simplement mise
de côté, comme le témoignent les lacunes notoires des différentes structures
d'encadrement qui se sont succédées: CENAPEC, ONPR. DMC (Voir chapitre X•
. . ./ ...
(1) Voir le Livre Vert de l'Autosuffisance Alimentaire, Op, cit.
(2) Cette prime aux GYC s'élevait à environ 1 122 millions de FCFA en 1980 -
cf FRATERNITE HEBDO : La Relance du Mouvement Coopératif - 26 Fév. 1982.

- 248 -
paragraphe 2). Ces limites au niveau pédagogique sont greffées, comme on l'a
vue antérieurement, aux lacunes plus globales, des moyens matériels d'existen-
ce pour la plupart des Groupements. En mentionnant le fait que la prédominan-
ce des coopératives se retrouve au niveau des cultures de rapport (café, cacao,
coton) avec une marginalisation certaine des vivriers, et que l'importance de
la faiblesse de la participation féminine dans cette organisation paysanne (en-
viron 3,2 % de l'effectif total des GYC) reste caractéristique des tares de
l'action coopérative en milieu rural, nous sommes amenés à reconn~ître qu'on
ne peut en aucun cas prétendre faire jouer aux GYC le rôle qu'on veut leur assi-
gner, à savoir la gestion rationnelle de leur patrimoine. Pour preuve, nous al-
lons nous étendre sur quelques exemples, très significatifs de l'environnement
général de l'entreprise.
Au niveau de l'encadrement des paysans-coopérateurs, on peut se rendre
aisément compte que la lacune principale est caractériséepresque toujours par
l'absence du personnel pédagogique, et souvent, si elle existe, par la légèreté
de la formation: l'agent de coopération ne fait généralement "un tour" dans le
village que pendant l'achat du coton ou la distribution des primes de groupages.
Pour l'ûNPR puis plutard la DMC, au niveau du programme d'intervention
en milieu rural, toutes les activités (animation, alphabétisation, formation
coopérative, ... ) doivent s'inscrire au sein des villages ayant généralement
un G.Y.C ; de ce fait, le GYC serait la cellule de base pour le développement
du monde paysan. Mais,
si cette méthode d'approche est louable, une triste
constatation existe cependant : malgré ce programme élaboré depuis déjà plu-
sieurs années,
les GYC sont restés des groupements purement formels, n'ayant
aucune assise et dont l'activité, si elle existe réellement, ne dépasse guère
le cadre de la simple commercialisation de certains produits agricoles, regrou-
pant les paysans, seulement le temps d'une campagne de vente.
Ainsi, comme les autres structures qu'elle a remplacées, la DMC
apparaît-elle finalement comme un organisme d'appui aux sociétés de développe-
ment (agricole),
de telle sorte qu'il n'est
guère surprenant de constater
que la coopérat ive,
telle qu'elle se présente actuellement,
n'est ni plus
ni moins qu'une autre manière (certainement plus efficace) d'incorporer les pay-
sans dans une économie internationale dont ils ignorent totalement les rouages
du marché.
.../ ...

- 249 -
Certains responsables politiques et administratifs se plaignent de
la "mauvaise volonté" de certains paysans ou même des habitants de certains
villages par le fait que ces derniers empêchent la création de GVC au sein de
la communauté
en fait, l'adhésion des paysans au GVC
ne peut se faire à par-
tir de simple mot d'ordre, auquel cas il serait vain d'en attendre grand-chose.
Au total, les Groupements à Vocation Coopérative qui devraient être
une étape transitoire aboutissant à l'émergence de véritables coopératives (1),
demeurant depuis leur création (1969) au stade précoopératif et rien ne laisse
présager une quelconque évolution qualitative.
Cependant, les impératifs du changement dans le milieu rural méritent
qu'on repense le GVC en terme de dépassement de la formule classique de regrou-
pement des paysans. pour ce faire, ces structures coopératives doivent cesser
d'être de simples appendices de commercialisation des produits pour devenir
de réelles structures de développement du milieu rural; par conséquent, l'ap-
pui des Pouvoirs Publics (politique et administratifs) devra permettre aux
paysans de s'organiser en véritable coopérative et d'asseoir de ce fait une
structure de regroupement sur des bases saines et opérationnelles.
Comment, de façon pratique, peut-on envisager ce dépassement?
Pour notre part, trois points essentiels sont à retenir pour la
redynamisation de l'activité coopérative: deux de ces points concernent la
production et la commercialisation des produits et intéressent de ce fait
les coopératives de production et de commercialisation; le troisième, certai-
nement plus important dans le processus de la maîtrise de gestion du patrimoine,
se rapporte à la formation coopérative, une des grandes lacunes du système
coopératif actuel.
Le développement des coopérativesde production reste une nécessité
première dans une agriculture où le surplus
monétaire et partant la dotation
en capital de production restent des plus aléatoires; de ce fait,
i l est
évident que très peu
d'exploitations paysannes peuvent assurer l'acquisition
de moyens modernes de production à partir de leurs fonds propres. Nous avons
... / ...
(1) Théoriquement, et selon le statut, à l'issue d'une période minimum d'un an
et maximum de trois ans, le GVC peut demander son agrément comme coopérative;
c'est ce qui ressort de la loi du 1er Juin 1977 portant statut de la coopé-
ration après l'abrogation de celle du 5 AoQt 1966.

- 250 -
vu que la mécanisation partielle de l'agriculture est loin d'être opportune et
qu'il est nécessaire d'utiliser, dans le meilleur des cas, des engins polyva-
lents (matériel tracté ou motorisation). Mais, comme on vient de le dire, il
sera particulièrement onéreux et presque toujours impossible d'acquérir une
chaine motorisée à titre individuel (1). Ainsi, le regroupement des paysans au
sein d'une coopérative de production favorisera-t-il la présence d'outils de
production relativement complets et suffisamment opérationnels en permettant
à chaque coopérateur de dégager non seulement une production importante mais
encore de supporter plus aisément les différentes charges inhérentes à la méca-
nisation.
Quant à la coopérative de commercialisation, elle doit revêtir une
autre orientation
à cet
effet,
disons que l'intérêt porté sur plusieurs
produits n'est pas incompatible avec l'activité de commercialisation des G.V.C
au contraire, cette situation reflète les contours de la production (diversi-
fiée) du milieu agricole. Pour les GVC de savane par exemple, la commercialisa-
tion du coton et des vivriers pourrait permettre de dégager un chiffre d'affaire
et une prime de groupage suffisamment importants afin de pallier, entre autres,
le problème de survie économique des groupements.
Il serait même souhaitable de lier la production à la commercialisa-
tion en créant des groupements uniques pour ces deux activités ; ainsi,
assisterait-on à l'avènement de G.V.C à la fois de production et de commercia-
lisation avec une emprise effective sur les produits par les coopérateurs, ce
qui aurait certainement l'avantage de leur faciliter une maîtrise globale de
l'activité coopérative.
Enfin, la formation des paysans, base du développement harmonieux
de l'activité coopérative, reste la troisième dimension de la transformation
du mouvement coopératif en milieu rural.
Certes, le G. V.C participe ou est appelé à participer à des opéra-
tions de modernisation du milieu rural mais, il faut dire que le développement
du monde paysan ne se limite pas à ces changements partiels car, construire
... / ...
(1) En général, au niveau de l'utilisation de la motorisation (intermédiaire ou
conventionnelle), on ne compte presque pas, sinon pas du tout de paysan>pos-
sesseurs de toute la chaine motorisée (herse, semoir, charrue, remorque).

- 251 -
une retenue d'eau, bâtir des ponts, tracer et aménager des routes ou des pistes
ne suffisent pas à transformer la vie d'une région et à aboutir à la promotion
de ses habitants. Par conséquent, il est en même temps nécessaire d'informer,
d'animer, d'éveiller les populations à de nouvelles manières de faire dont, la
gestion commune du matériel et des infrastructures de commercialisation; bref,
l'encadrement pédagogique doit favoriser la participation réelle des paysans
aux différents projets de développement qui concernent leur milieu.
Au total, l'activité coopérative devra aboutir à l'avènement d'un nou-
veau type de paysans,
vraiment responsables de leur destiné et
de ce fait
pouvant effectivement définir les orientations inhérentes à la bonne marche
des
entreprises villageoises.
C'est
justement pour
cette raison qu'il
est
indispensable que le groupement se confonde à la superstructure du village afin
que tous les paysans se trouvent concernés par l'institution.
Aussi, à la fin de cette partie concernant le développement intégré,
nous pouvons constater que l'agriculture
ivoirienne,
dans le processus de
modernisation va nécessairement se trouver confrontée à une mutation qui n'ira
pas sans bouleverser la dimension sociologique du monde rural. Il appartiendra
à l'Etat et aux différents départements concernés, notamment les ministères
de l'Agriculture et du Développement Rural, de créer les conditions favorables
de la transformation.

- 252 -
DEUXIE ME CONCLUSION PARTIELLE
L'agriculture traditionnelle va connaître en certains endroits,
une
transformation évidente de son système de culture et quelquefois de son système
de production. Mais, le fait le plus original sera marqué essentiellement par le
développement réel de produits vivriers en défaveur du coton; c'est le cas no-
tamment du riz inondé dans les plaines du Nord-Ouest. On notera également une
situation de complémentarité au niveau des cultures de rapport avec le dévelop-
pement d'un "petit vivrier", en l'occurence l'arachide, dans le nord du pays,
un environnement où le coton reste tout de même le "maître" du paysage agrico-
le ; dans les savanes du Nord-Est, certains produits vivriers jouent le rôle de
cultures de rapport en l'absence du coton; c'est le cas de la production
d'igname sur lequel nous nous sommes moins étendu.
Cependant, cette situation reste, comme on peut le voir, très locali-
sée, car, en général, les produits vivriers vont souffrir de leur isolement
au sein de l'économie agricole nationale où les milleurs résultats restent can-
tonnés pour l'essentiel au niveau des productions industrielles et d'exportation
représentées par le café, le cacao et le coton.
Ainsi, toutes les politiques de développement envers les produits
vivriers seront plus ou moins étouffées par l'omniprésence et surtout l'omnipo-
tance des cultures de rapport. Cet environnement global sera principalement
caractérisé par des situations très discriminatoires : assolement, mécanisa-
tion, commercialisation, crédit, etc.
Au total, le programme d'Autosuffisance Alimentaire dont les princi-
paux objectifs restent le développement véritable des produits vivriers
nationaux et par conséquent la satisfaction des populations en produits alimen-
taires (de base), devra repenser
la situation globale de l'agriculture en
Côte d'Ivoire, auquel cas, aucun changement notable de l'environnement agricole
ne saurait être envisagé. Ce
qui
suppose
également
un regard
surIe milieu
rural, support de la production.

- 253 -
====================== Il
CONCLUSION GENERALE
11 ~=====================
CULTURES DE RAPPORT ET PRODUITS VIVRIERS A L'EPREUVE
Au terme de cette étude sur "les Relations entre les Cultures
Vivrières et les Cultures de Rapport dans les Zones de Savane en Côte d'Ivoire",
trois constatations s'en
sont dégagées.
La première concerne essentiellement la transformation de l'agricul-
ture avec le développement des vivriers qui, disons-le sont demeurés, pour la
plupart et pendant longtemps en marge de toute modernité ; seules ont pu échap-
per certaines productions vivrières comme les maraîchers avec l'encadrement plus
ou moins étroit de la Société de Développement des Fruits et Légumes (SODEFEL) ;
on peut y ajouter la production rizicole qui, si elle a bénéficié au départ des
actions de la SODERIZ, n'est plus qu'un pâle reflet de ce qu'elle était naguère;
le riz aujourd'hui ne profite que de quelques actions, non seulement ponctuelles
mais encore très localisées dans l'espace et même au niveau de l'espèce varié-
tale avec une préférence avouée pour le riz irrigué, le moins représentatif du
système cultural.
La deuxième constatation se rapporte aux lacunes de la modernisation
à travers le caractère discriminatoire des différentes politiques agricoles
(structures et infrastructures) encore très influencées, il faut le reconnaî-
tre, par les contours du développement agricole, d'abord colonial et ensuite
des années 60, alimentées très souvent par une idéologie en défaveur des vi-
vriers, surtout de ceux dits "traditionnels" dont essentiellement les féculents
et les millets. Ces vivriers vont effectivement pâtir de cet environnement
global qui va se concrétiser par le caractère lâche de l'encadrement dans
les différents assolements avec les cultures de rapport, principalement avec le
coton (zones de savane) ; la destination des facteurs de production reste l'ima-
ge la plus évidente de cette discrimination. La commercialisation des vivriers
est également timide dans l'ensemble et demeure pour l'essentiel particulière-
ment archaïque avec une main-mise quasi totale des commerçants traditionnels
sur un surplus agricole des plus aléatoire, pour la plupart des cas. Certes des
situations différentes peuvent apparaître mais elles restent très ponctuelles
ou très régionalisées: tel est le cas de l'arachide dans la région de Boundiali
... / ...

- 254 -
ou celui du riz inondé dans les plaines d'üdienné où sont effectivement dégagés
des surplus agricoles relativement importants pour le marché. Mais, comme on
peut le voir, ces situations restent très peu représentatives de la situation
d'ensemble des vivriers au niveau de la commercialisation.
La troisième constatation que nous avons pu faire se situe au niveau
des limites des liaisons entre production agricole et déterminisme social, une
dimension essentielle de toute politique en direction des zones rurales. La né-
gligence de cet aspect de la question a entraîné, dans certains cas, des résul-
tats catastrophiques: l'exemple du soja, "nouvelle culture de rapport" dans le
milieu rural, reste le plus patent, même si on peut mentionner en plus, les li-
mites de la culture de ce produit sur le plan purement agronomique.
Ces trois constatations réunies nous amènent à faire un constat : la
modernisation
de
l'agriculture
nécessite
non
seulement
une transformation
de tout le système productif mais également une prise en compte globale de l'en-
semble des politiques de développement orientées vers le milieu rural.
C'est ainsi que l'une de nos approches sur le sujet à consisté à
faire des propositions afin de cerner plus concrètement et peut-être plus
objectivement le problème vivrier et ceci, autant dans sa diversité que dans sa
complexité.
La première proposition nousa amené à poser le problème de dévelop-
pement agricole en terme de modernisation de toute la filière vivrière, à l'éga-
le de la production cotonnière dont l'intégration, avec la CIDT, est totale.
Aussi, avons-nous considéré pour ces produits deux niveaux d'inter-
ventions: l'amont et l'aval de la production.
Pour ce qui concerne l'amont de la production vivrière, nous avons
insisté particulièrement sur la modernisation plus ou moins complète des moyens
de production: il s'agit ici de la transformation et surtout de l'adaptabili-
té des outils agricoles dans le sens d'une maîtrise réelle de l'innovation tech-
nologique par les paysans, tant au niveau technique (pratique) qu'au niveau de
la gestion financière,
un des obstacles les plus fréquents de la vulgarisa-
tion de la mécanisation. De ce fait, le passage de la culture manuelle à la cul-
ture attelée ou/et à la motorisation (intermédiaire ou conventionnelle), si elle
... / ...

- 255 -
peut s'avérer nécessaire dans quelques cas, obligatoire dans certains ou simplement
souhai table dans d'autres cas encore, il reste néanmoins indispensable de cerner
étroitement les divers facteurs agronomiques et économiques susceptibles d'influen-
cer (positivement ou négativement) cette mécanisation. L'innovation devra également
concerner l'ensemble des principaux produits, recensés sur la base de l'alimenta-
tion générale de la population nationale, pour ce qui est de l'affectation des
différents facteurs de productions, essentiellement les semences et les engrais.
Quant à l'aval de la production, cette modernisation devra se situer au
niveau des circuits de commercialisation avec, d'une part, des interventions rigou-
reuses sur le prix de produits, d'autre part et surtout, des interventions sur l'en-
semble des principales infrastructures relatives au contrôle de l'écoulement de ces
produits. A ce niveau, la diversité des circuits de commercialisation devra entraî-
ner une diversité des interventions; par conséquent, la modernisation du circuit
traditionnel d'échange ne devra pas être négligée surtout que ce dernier a joué et
continue de jouer un rôle essentiel et même primordial quant à l'approvisionne-
ment des villes, étant donné que le circuit dit "industriel" a démontré une limite
notoire, à plusieurs reprises, pour ce qui concerne la satisfaction des populations
des villes, au niveau des denrées alimentaires locales. Aussi, est-il indispensable
d'intervenir à la fois sur les différents circuits d'approvisionnement des villes,
d'une part, en agissant sur les circuits traditionnels, certainement plus aptes
pour les échanges "primaires" au niveau des différents marchés locaux et aussi
plus efficaces pour l'évacuation, non seulement de l'essentiel des produits de base
(riz, igname, mais, banane, manioc, etc.) mais aussi des produits complémentaires
(légumes, fonio, patate, haricot, petit-pois, etc) ; d'autre part, le développement
de l'agro-alimentaire en laissant percevoir un marché potentiel très important au
niveau national devra entraîner une redynamisation réelle du circuit industriel
afin de dégager une quantité suffisante de produits pour la satisfaction d' une
d'une population (urbaine) sans cesse croissante.
Ainsi, la prise en compte de l'amont et de l'aval de la production vi-
vrière est-elle nécessaire si l'on veut tendre vers l'autosuffisance alimentaire.
Cependant,
celle-ci ne saurait en être une condition suffisante ; en effet,
le
développement rural concerne en tout premier lieu les hommes, et la modernisation
de l'agriculture n'est qu'un des nombreux corollaires de la transformation du mi-
lieu paysan ; par conséquent, sa prise en compte ne pourrait se faire en dehors
d'une intervention globale sur le monde rural.
. ../ ...

- 256 -
A ce niveau, deux propositions peuvent apparaître; elles concernent
d'une part le milieu physique et humain, d'autre part le milieu social:
- Nécessité d'agir sur le milieu physique et humain: ce milieu,
comme nous avons pu le voir, présente un certain nombre decarac~res très hété-
rogènes ; il reste encore assez "agressif" à certains endroits (lieu d'évolution
de certains vecteurs, cause de maladies endémiques dont l'onchocercose) ; il
est quelquefois dense et même très dense à d'autres endroits contrastant de ce
fait
avec des zones relativement ou quasi vide. Face à cette situation, la
mise en valeur des terres ne peut réellement se faire sans,
au préalable,
un développement des actionsd'asainissement ou/et sans repenser la dynamique
de la population rurale
(agricole)
: exode rural, mobilité inter et intra-
régionale, colonisation, "décolonisation" et recolonisation des terres, etc.
- Nécessité d'agir sur le mil ieu soc ial : il s'agit ici d'un mil ieu es-
sentiellement
caractérisé par la complexité
des
rapports sociaux,
avec
en
"toile de fond" l'influence des cultures de rapport qui va apparaître, le plus
souvent, comme un facteur de "régulation" de l'entité socio-économique ou de
"création" de conflits sociaux.
Il faudra,
à ce niveau aussi,
repenser la
société rurale, en terme d'insertion de toutes les forces productrices (actifs
agricoles) dans le processus de production et de distribution des biens, d'où
certaines ont très tôt été éjectées (les jeunes pourl'essentiel) alors que
d'autres bénéficient très peu, sinon pas du tout, des revenus qu'elles ont
aidé àdégager (les femmes). Pour notre part, la dynamisation des institutions
coopératives devrait permettre l'intégration des jeunes et des femmes dans la
nouvelle agriculture et plus globalement dans l'économie agricole moderne et
donc, de ce fait, dans l'entité sociale rurale en mutation. Pour ce faire, il
faudrait queles groupements à vocation coopérative (GVe) épousent les contours
de la superstructure villageoise afin que leur intégration au sein de l'écono-
mie villageoise se fasse sans grandes distorsions comme c'est le cas actuellement.
Ainsi, au-delà de la dimension agronomique qui laisserait présager,
dans le meilleur des cas, l'importance de la savane au niveau de la production
vivrière nationale et donc de l'alimentation de la population ivoIrIenne pour
les prochaines années et surtout les prochaines décennies, doit-on percevoir
le fait économique et le fait social, deux données fondamentales dans tout pro-
cessus de transformation sociale. Mais ces dimensions ne pourront aboutir à
des interventions positives dans le milieu rural que si les interdépendances
... / ...

- 257 -
majeures entre l'agronomique, l'économique, le social sont, à la fois, systéma-
tiquement prises en compte.
C'est ainsi que le développement des
zones de
savane dit "développement régional intégré", entrepris depuis déjà quelques an-
nées pour ce qui concerne le Nord-Est ivoirien et encore en projet plus ou
moins avancé pour les autres zones, devrait dépasser la simple promotion des
cultures.
Cependant, cette prise en compte systématique ne pourrait s'opérer
sans l'intervention réelle et totale des Pouvoirs Politiques et Administratifs
dont la responsabilité dans tout projet de développement n'est plus à démontrer.
Et le développement des zones rurales, notamment celles des savanes, la recher-
che de l'autosuffisance alimentaire à travers la promotion des produits natio-
naux restent situés, nous le pensons, dans les projets dont l'importance est
évidente, tant à court, à moyen qu'à long terme.
Au total, plus qu'un fait économique ou un fait social, le "rééquili-
brage" de l'économie vivrière au niveau national face aux cultures de rapport
reste un véritable choix politique, et nous dirons même un fait politique.
De ce choix dépendra également
la
révision ou non,
l'adéquation
ou non dela notion de cultures de rapport dans le milieu économique ivoirien,
car cette notion affectée aux cultures vivrières demeure,
pour nous,
très
peu pertinente, aujourd'hui encore.

- 258 -
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(Sous la direction de) : L'Agriculture Africaine et le Capitalisme
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TOME
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Le Milieu et l'Histoire
Septembre 1978
TOME
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L'Etat et l'Economie
Octobre 1978
TOME III
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Décembre 1978
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NEA
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Etat et Bourgoisie en COTE D'IVOIRE.
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12. A. LEY: La Logique Foncière de l'Etat depuis la Colonisation
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5. MINISTERE DE L'AGRICULTURE - SECRETARIAT D'ETAT A L'AGRICULTURE: Conférences
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fisance Alimentaire" ... GAGNOA 11/09/1982.
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Edition 80/81 - Société Africaine d'Edition.
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- CIRES - lES : L'Elevage Peul dans le Nord
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2. Y. BIGOT
Les systèmes de Production en Culture Pluviale Motorisée dans
la Région du Nord de la Côte d'Ivoire; Evaluation des Systèmes
de production pour les Nouveaux Défrichements de la Région
d'Odienn&.
GERDAT/IEMVT, lRAT, IRCT - Bouaké Décembre 1975.
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le Centre de la Côte d'Ivoire - lRAT/CI 1979.
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Le Rôle de l'Etat dans le Développement Agricole en
Savane Ivoirienne - Bouaké 16 Novembre 1981.
3. DIRECTION GENERALE
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Bouaké 17 Novembre 1981.
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6. DIRECTION GENERALE
Rapport Annuel d'Activités
Campagne 78-79.
.../ ...

- 262 -
7. DIRECTION FORMATION
Rapport Annuel - 1er Avril 78 - 31 Mars 79
Rapport Annuel - 1er Avril 79 - 31 Mars 80.
8. DIRECTION GENERALE
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9. DlRECTI ON GENERALE
Rapport Annuel d'Activités
Campagne 80-81.
10. DIRECTION DE SECTEUR
- BOUNDIALI
Rapport Annuel d'Activités
Campagne 82-83.
11. DIRECTION DE SECTEUR
- ODIENNE
Rapport Annuel d'Activités - Campagne 82-83.
12. DIRECTION FlNANCIERE
Prix de Cession des Engrais pour la Campagne
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3. J. DE BETTIGNIES
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in Cahiers ORSTOM, série sc. hum. vol. VI N° 2
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Mémoire de Maîtrise - Université d'ABIDJAN - lES Juin 1981.
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Mémoire de DEA. Université de MONTPELLIER l - Octobre 1982.

- 265 -

- 266 -
ANNEXE
l
BREVE HISTOIRE AGRICOLE DE LA carn D'IVOIRE
1.
L' ERE COLONIALE ET L' EVOLUI'Irn DES PRODUITS AGRICOLES
Les Européens, dans la deuxième moitié du siècle dernier ont introduit
de nouveaux plants au sein des différents systèmes de cultures des sociétés
africaines; ils ont, cependant, dès le départ favorisé l'exploitation d'un cer-
tain nombre de produits de cueillette; ces Européens ont mis également l'accent,
cette fois-ci un peu plus tard, sur la production particulière de denrées loca-
les alimentaires au détriment de certaines autres, etc.
Au total, ces différentes approches de l'administration coloniale al-
laient, en quelques décennies, bouleverser profondément les données économiques
des sociétés concernées : "nous nous proposons de faire accomplir aux indigènes,
en quelques décades, plus de progrès économiques qu'ils n'en n'ont réalisés au
cours des millénaires" disait en l'occurence le Gouverneur Général de l'Afrique
Occidentale Française (A.O.F.) en 1930 (1).
Dans cette approche,
nous
allons nous
intéresser,
d'abord,
à la
situation d'ensemble de cette exploitation agricole, ensuite, à celle spécifi-
que à la Côte d'Ivoire.
1.1 APERCU HISTORIQUE GLOBAL
A la fin du 1ge siècle, l'accroissement des besoins de l'économie
européenne va donner aux activités de cueillette (palmiste, noix de karité, etc)
une importance très marquée ; ces produits de cueillete formaient la plus grande
partie des exportations des territoires d'Afrique Noire, et surtout des régions
côtières. Mais déjà, l'arachide constituait plus de 50 % des exportations tota-
les au Sénégal (2).
Cependant, avec la crise économique de 1929, on imposa aux territoires
d'Outre-Mer (T.O.M.), la fourniture de produits que la France ne voulait plus
acheter à l'étranger. Cette situation laissera apparaître ou se développer un
certain nombre de produits considérés alors comme de nouvelles cultures ; il
s'agissait pour l'essentiel du café, du cacao, du coton, de la banane, étant
donné que l'arachide était déjà produite dans les pays soudano-Sahéliens dont
le Sénégal qui en reste le principal producteur. On assistera à l'augmentation
progressive de ces nouvelles cultures jusqu'à la deuxième guerre mondiale. Mais
en nous situant dans le contexte historique du développement de ces produits,
il nous semble important, une fois encore, de faire référence à cette célèbre
circulaire de 1930 concernant
l'intensification de
la production dans
les
territoires d'A.O.F car, en fait, c'est elle que donnera les grandes lignes de
la politique coloniale
en matière de développement économique; c'est ainsi
... / ...
(1) GOUVERNEMENT GENERAL DE L'AOF : Circulaire Relative à l'Intensification de
la Production Agricole et Pastoriale en A.O.F. 25février 1930 - GOREE -
Imprimerie du Gouvernement Général - 1930 - P. Il.
(2) PaqUIN (J.J.) : Les Relations Economiques Extérieures des pays d'Afrique
Noire de l'Union Française 1925-1955
Université de Poitiers - Faculté de Droit - Mars 1956.

- 267 -
qu'on pouvait lire à la page 22 de ladite circulaire cette note, très expres-
sive,
de l'objectif à atteindre:
"il ne suffit
( ... ) pas de produire,
il
faut savoir aussi ce que veut l'industrie, connaître et faire connaître les ca-
ractères qu'elle recherche, les qualités qu'elle désire trouver dans les pro-
duits dont elle a besoin. Portant la responsabilité de l'orientation et de l'im-
pulsion données à la production de la Colonie, les Pouvoirs Publics ne sauraient
se désintéresser des questions de cette sorte. Appuyés moralement et matérielle-
ment par les Groupements qualifiés de l'industrie et du commerce, ils ont en
premier lieu à déterminer les conditions marchandes auxquelles devront satis-
faire les produits, à éliminer ensuite des transactions et exportations, ceux
qui sont impropres à l'usage".
Il
s'agissait alors,
à travers ces objectifs,
de diriger toute
la production de ces régions concernées dans le cadre d'une vaste politique
agricole intéressant directement la métropole;
en effet, il fallait, pour at-
teindre ces buts, donner une autre dimension à l'exploitation, dimension spéci-
fiée d'ailleurs dans le même texte: "selon toute vraissemblance ( ... ), le gros
de nos exportations futures proviendra de l'exploitant indigène, vivant de
moins en moins de la production naturelle, de plus en plus des fruits de son
travail" (P. 6).
En général, au niveau de cette nouvelle planification de la produc-
tion, on assiste à une sorte de spécialisation des colonies: en Côte d'Ivoire,
la priorité est donnée au café et au cacao, la culture arachidière qui en 1946
représente en valeur 61 % des exportations de l'A.O.F est essentiellement con-
fiée au Sénégal, le Karité va au Soudan (actuel Mali) et à la Haute-Volta;
les autres oléagineux, produits du palmier à huil~, graine de coton et ricin
restent le domaine du Togo et du Dahomey (actuel Bénin), la Guinée et la Côte
d'Ivoire se partageant la production du Sésame (1).
Mais, pour ce qui nous concerne, il est intéressant de nous attarder
sur l'environnement colonial en Côte d'Ivoire afin de cerner de plus près les
conditions de développement des cultures introduites sur le territoire, les
différentes contraintes qui ont pu apparaître et surtout la présence des vi-
vriers dans ces innovations globales.
1.2 LES DIMENSIONS DE L'EXPLOITATION COLONIALE EN COTE D'IVOIRE
Globalement, on peut affirmer que l'introduction de la Côte d'Ivoire
dans l'économie marchande (capitalisme) s'est effectuée pendant la période colo-
niale,
dans
le cadre du système économique de la traite.
L'agriculture de
plantation, comme nous venons de le voir rapidement au niveau de toutes les ré-
gions méridionales de l'Afrique Occidentale Française, a largement contribué au
développement de cette économie. Cependant remarquons aussi qu'antérieurement,
l'exploitation de l'huile de palme et du bois a été pendant longtemps la prin-
cipale activité de la nouvelle colonie pour ce qui concerne les exportations
vers la métropole - Samin AMIN (2) nous dit que l'exploitation du palmier à
huile a commencé très tôt en Côte d'Ivoire et on comptait déjà une exportation
de 6 000 tonnes en huile et amendes vers 1895 ; cette production se situait
entre 15 et 20 000 tonnes, trente années après.
... / ...
(1) Voir AUBERTIN (C.) : Histoire et Création d'une Région "sous-développée".
Le Nord Ivoirien. ORSTOM - Petit Bassam - Abidjan Mai 1980
(2) AMIN (S.) : Le Développement du Capitalisme en C.I. Op. cit.

- 268 -
Le cacao qui a représenté (avec le café) le faciès agricole de la Côte
d'Ivoire reste le prototype même de la culture de plantation introduite au début
du siècle. L'histoire de son évolution mérite qu'on s'y attarde car elle est
l'image plus ou moins fidèle du processus de développement de la quasi totalité
de ces produits de rapport traditionnels.
Ainsi, en général, jusqu'au début de la Première Guerre Mondiale, la
production du cacao était surtout l'oeuvre de colons européens (Français essen-
tiellement). Après cette date, les Gouvernements coloniaux décidèrent d'intensi-
fier la culture cacaoyère ; à ce niveau, disons que l'Administration de la
Côte d'Ivoire connut un certain nombre de difficultés, plus ou moins importantes
pour
l' implantat ion du cacao sur son territoire.
La première réact ion des
autochtones concernés fut une oppositon très violente à l'encontre de cette nou-
velle culture de telle sorte que le Gouverneur décida d'appliquer la méthode de
la culture obligatoire. Sans insister sur cet aspect de la culture, il est cepen-
dant intéressant de noter que plusieurs années ont été nécessaires avant que les
populations rurales se rendent compte de l'importance des revenus qu'elles pou-
vaient obtenir de cette production cacaoyère; c'est à ce moment seulement que
le cacao fut cultivé sans aucune contrainte. Mais disons plutôt que la culture
du cacao a bénéficié de circonstances
très favorables dans l'ensemble. En ef-
fet,
la hausse des prix mondiaux,
provoquée par une certaine baisse de la
production sud-américaine face à une consommation européenne (et même mondiale)
de plus en plus importante, a permis, après 1945, une aide plus directe à la
production des exploitations paysannes, en particulier sous la forme de distri-
bution de plants et de primes à la production; c'est alors qu'on va assister
réellement à un engouement collectif qui se communiquera à l'ensemble de la
zone forestière et préforestière du pays.
En fait, cette situation du développement de la production cacaoyère
(et caféière) va s'insérer dans une vaste planification de la France au niveau
de ses colonies, après la Guerre. Cathérine AlŒERTIN (1) nous dit que la Côte
d'Ivoire a pu aussi bénéficier d'un certain nombre d'investissement à travers
les différents plans
de développement grâce aux Fonds d'Investissement pour
le Développement Economique et Social (F.I.D.E.S.), aux Fonds d'Equipements
Rural et de Développement Economique et Social (F.E.R.D.E.S.), aux Fonds
Routiers, etc.
Au niveau du développement de l'Agriculture, on remarque que les pro-
jets d'investissement pour le café, le cacao, le palmier à huile et le bois
obtiennent 15 % des engagements globaux, alors que les cultures vivrières res-
tent plus ou moins exclues des investissements, comme si on répondait ainsi aux
impératifs de cette fameuse circulaire de 1930 qui disait notamment que, "la
part faite, sur le plan économique, de l'impossible et du prématuré, il reste
ce qui peut être conçu, construit, exploité, ce qui, dès maintenant, peut pro-
duire. Gardons-nous de le méconnaître" (P. 5).
Au total donc, c'est plutôt les zones de savane qui seront les plus
défavorisées par ces différents plans de développement, avec à peine 1 % du
programme général d'investissement; de plus, ce fonds sera seulement affecté
au développement de l'exploitation des noix de karité et à quelques programmes
d'élevage.
Comme on peut aisément le voir, on se rend donc compte que cette sé-
lection au niveau des produits agricoles n'est rien d'autre qu'une marginalisa-
tion pure et simple des vivriers face aux autres cultures. Ici apparatt la dé-
marcation nette entre cultures de rente et culture vivrière dont l'orientation
... / ...
(1) Histoire et Création d'une région "Sous-développée", op, ciL

- 269 -
est presqu'entièrement l'autoconsommation. De ce point de vue, l'argent reste
le critère de discrimination car,
il
demeure l'élément
incitateur pour les
cultures de plantation comme on vient de le voir; il demeure p.~térieur à l'en-
vironnement du vivrier.
Cependant, certains vivriers ont intéressé l'Administration coloni-
ale ; ces produits ont été développés essentiellement pour un complément ali-
mentaire des colons de la place mais surtout pour les ouvriers coloniaux, requi-
sitionnés lors des grands travaux: construction des bâtiments administratifs
et sociaux, construction du port d'Abidjan, etc. A ce niveau, les produits les
plus recherchés
sont ceux dont
le stockage et la conservation posaient le
moins de difficultés; c'est ainsi que le riz et le maïs eurent une place de
choix (relativement bien-sûr !) au niveau de la production, très souvent obliga-
toire, dans les milieux villageois. De ce fait, plusieurs autres produits, s'ils
ne sont pas défendus, ils sont cependant loin d'être encouragés; en général,
les produits éjectés du circuit de sélection des plantes furent les tubercules
(ignames et manioc).
Ainsi, dans certaines reglons, cette situation a créé de profondes mu-
tations de modes de vie au sein d'une transformation de l'environnement agricole.
Dans une sorte de reconstitution du système agraire traditionnel,
CHAlNEAU
(1)
fait
remarquer
que
l'agriculture baoulé se
caractérisait par
une importante diversification régionale: avec l'igname, importante et présente
partout, jusqu'au coton plutôt développé dans les zones de tissage (Nord-Ouest
du pays Baoulé), en passant par le riz "rouge" dans la zone cotonnière, la bana-
ne en milieu forestier, le maïs, lui aussi cultivé partout, l'arachide dans le
Centre-Ouest et même le gros mil (sorgho) qu'on retrouve dans l'extrême Nord-
Ouest.
L'auteur montre qu'aujourd'hui, on est en présence d'une regression
de ce système agraire diversifié et l'une des causes de cette situation est
l'intervention de l'administation coloniale dans le réajustement des "princi-
paux" produits agricoles locaux
Le riz et le coton furent les cultures les plus caractéristiques des
pressions de l'Administration au niveau de leur adoption. Nous ne reviendrons
plus sur "l'histoire" de la culture cotonnière mais, pour ce qui concerne le
riz,
disons que la méthode de culture rappelle celle du coton avec tout ce
que cela peut avoir comme contrainte.
Par conséquent, comme le montre CHAlNEAU, on assiste à des réactions
de replis d~
cultivateurs Baoulé, caractérisées par des interdits de cultures
de consommation. En plus, le développement des cultures de plantation (café et
cacao) est venu parachever la quasi-disparition du riz, ce riz qu'on considère
actuellement comme un produit introduit par la colonisation alors qu'il a fait
partie de façon remarquable de cet ensemble diversifié de l'agriculture Baoulé
précoloniale.
Mais, comment va évoluer cette situation de l'agriculture vivrière
face aux cultures de rapport après l'époque coloniale.
... / ...
(1) CHAlNEAU (J.P.) : L'Image de l' Agriculture BAOULE et les "Développeurs"-
"Référent" précolonial et réalité historique.
in ECONOMIE RURALE - N° 147-148 Janvier - Mars 1982

- 270 -
2. CLASSIFICATlOO DES PROOUITS AGRICOLES DANS L'ECON().{IE IVOIRIENNE
LES SEQUELLES DE L'HISTOIRE
L'économie coloniale, exclusivement basée sur les cultures d'exporta-
t ion,
rest e,
dans
ses grandes lignes,
l'orientation générale de l'économie
ivoirienne; il s'agit ici d'une économie caractérisée par la consolidation et
l'augmentation de la production des cultures d'exportation (café, cacao, palmier
à huile, etc.). En effet, dès l'Indépendance, les besoins en devises seront pour
le nouvel Etat une exigence particulièrement prioritaire. Il est donc évident
qu'au tournant des années 1960, le système économique soit encore structuré et
fonctionne pratiquement comme un quart de siècle plus tôt; ainsi donc, au ni-
veau des produits agricoles, on sera très peu surpris de voir que les vivriers,
historiquement marginalisés (voir paragraphe précédent), soient dans l'ensemble
écartés au bénéfice des cultures d'exportation, source principale de devises.
Par conséquent, les zones de savanes, alors presque exclusivement pro-
ductrices de cultures vivrières, resteront marginalisées par rapport à l'écono-
mie ivoirienne.
Le pays
Sénoufo sera l'exemple le plus éclairant de cette
situation car, privé de la possibilité de participer à l'économie de plantations
sinon qu'en envoyant de la main-d'oeuvre en zone forestière, il est resté atta-
ché à une polyculture vivrière très diversifiée comme nous l'avons vu plus haut,
surtout qu'aucune réelle politique de développement ne les touchait de près.
Dans le tableau suivant, les grands projets de développement agricoles
à travers les actionsde la Caisse Nationale de Crédit Agricole (C.N.CA.A.) pour
l'exercice de l'année 1966, soit six ans après les Indépendances, restent la
preuve patente du délaissement des autres zones agricoles par rapport au Sud
forestier, domaine des cultures de plantation par excellence.
NOMBRE ET MONTANT DES CREDITS RELATIFS AUX
AIDES AGRICOLES REGIONALES - EXERCICE 1966
DEPARTEMENT
NOMBRE
MONTANT - FCFA
% MONTANT
-------------------- ------------ --------------------------- ---------------
SUD
3 345
232 145 138
76
CENTRE
1 165
23 412 000
8
OUEST
910
19 223 235
6
CENTRE-OUEST
715
14 421 684
4
EST
362
8 349 000
3
NORD
695
8 303 500
3
-------------------- ------------ --------------------------- ---------------
TOTAL
7 194
305 854 557
100 %
(Source: Caisse Nationale de Crédit Agricole - 1966).
Comme ort peut le voir, toutes les zones réunies n'ont pas obtenu,
cette anné, plus du quart de l'aide octroyé au seul département du Sud;
... / ...

- 271 -
Cathérine AUBERTIN (1) dira que ce rapport d'activité reste un témoignage acca-
blant d'une politique d'abandon des régions de savane.
Au total, le Sud et plus particulièrement le Sud-Est va apparaître en
Côte d'Ivoire comme une région très privilégiée de cette économie de planta-
tion. C'est en effet dans ces zones qu'on retrouve les exploitations importantes
allant quelquefois de vingt hectares à plus de 50 hectares; c'est ainsi que
certains auteurs parleront d'une "bourgeoisie de planteurs" dans le sud du pays.
CASTELLU et AFFOU (2) feront pour leur part une distinction entre ceux qu'ils
appellent les "fonctionnaires-paysans" et les planteurs villageois. Les premiers
seraient plutôt des planteurs-entrepreneurs et eux seuls mériteraient le quali-
ficatif de '~ourgeoisie de planteurs". Sans entrer dans cette polémique, disons
cependant que la notion même de planteur a créé un mythe, et reconnaissons
que les circonstances socio-économiques y ont largement contribué.
En Côte d'Ivoire en effet, le qualificatif de "planteur" reste chargé
de respect
(même si la réalité n'est pas toujours le cas). Aussi, seul le
producteur de café ou de cacao reste-t-il un vrai planteur ; le producteur de
riz, de maïs, d'igname ou de banane (plantain) est qualifié de cultivateur, ter-
me qui reste ici très proche de la notion de pauvreté. Par conséquent, l'opinion
publique ivoirienne fait généralement de cette différence, une catégorisation
sociale, avec tout ce que cela peut comporter comme préjugés: on préfère de ce
fait dire qu'on est issu d'une famille de paysans, certes (tout le monde n'est
pas citadin !), mais de planteurs, même si l'exploitation familiale n'a pas plus
d'un hectare de café ou de cacao. Le titre de l'étude de Benoît ANTHEA~œ (3)
reste très significatif de ce complexe et, s'agissant d'un aspect de la produc-
tion agricole au TOGO, l'approche permet de percevoir ce comportement d'ensemble
de la population et de ce fait,
l'étalement de cette fonne de pensée dans
les zones méridionales, productrices de café ou de cacao; l'auteur parle même
au niveau de la réalité de la production, de "faux planteurs" et de "vrais
agriculteurs" (terme proche de cultivateur). Yapi AFFOU (4), dans cette opposi-
tion, parlera plutôt d'agriculteur de seconde zone et marquera à partir de la
pensée commune la différence entre champ et plantation, cultivateur et planteur,
différence autour de laquelle fonctionne le couple opposé cultures vivrières
et cultures de rente.
Certes, l'une des causes de cette situation de classification ou du
moins de marginalisation des vivriers reste le caractère annuel de l'essentiel
de ces produits face aux cultures d'exportation qui sont en général des cultures
pérennes, des cultures de rente donc, en un mot des cultures de rapport par ex-
cellence. Cependant, nous pensons qu'il faut remonter le cours de l'histoire
afin de retrouver la cause essentielle de cette fonne de discrimination entre
les deux types de produits.
... / ...
(1) Histoire et Création d'une reg ion "sous-développée". Op, ci.t .
(2) Un mythe à décomposer : la "bourgeoisie de planteurs" in ETAT et BOURGEOISIE
en COTE D'IVOIRE - Karthala - Paris. 1982
(3) "Ne dites pas à mon patron que je vends des produits vivriers, il me croit
planteur de café". in Economie Rurale, N° 147-148. Op, cit.
(4) L'Organisation de l'agriculture et son impact. sue la production vivrière
- in CIRES - cultures vivrières, op, cit.

- 272 -
En effet, l'histoire de la C6te d'Ivoire agricole nous apprend que la
création du "mythe" de planteur reste fortement liée à l'avènement du Syndicat
Agricole Africain; ce syndicat, essentiellement animé par les leaders du PDCI-
RDA va amener ses membres à étendre leurs plantations afin d'obtenir une base
économique solide, ceci dans le but essentiel de bénéficier des mêmes avantages
que les exploitants européens. A ce propos, OUATTA N'DRI (1) nous dit qu'on a
tenté même de créer à la campagne une classe de petite bourgeoisie, les plan-
teurs ; si cela a en effet permis une augmentation réelle de la production glo-
bale des cultures de plantation et peut-être favorisé la création de ce mythe,
disons tout de même que le phénomène a finalement abouti à la dévalorisation
des produits vivriers.
Ainsi, comme nous l'avons mentionné plus haut, les années 1960 ne
changeront rien à cette image de l'agriculture ivoirienne, au contraire! En
effet, d'un c6té, c'est tout un programme de modernisation, de vulgarisation
des cultures de rapport; de l'autre on est en face d'une production vivrière
très traditionnelle que ne retient presque pas l'attention des Pouvoirs Publics.
Au total, les cultures riches et "nobles" coexistent avec les vivriers, cultu-
res pauvres et "roturières", simple appendice de cette agriculture d' exporta-
tion, situation démontrant une fois de plus que les cultures vivrières
sont
victimes de l'histoire.
... / ...
(1) Stratégies Foncières - Production vivrière à BACANDA
in Ministère de la Recherche Scientifique
le Dynamisme foncier
et l'économie de plantation - CIRES / IGT / GERDAT / ORSTOM.

- 273 -
ANNEXE
II
VOIES DE COMMUNICATION ET HABITAT EN MILIEU RURAL
- ZONES DE SAVANE -
Les zones de savane et particulièrement les reglons septentrionales
du pays sont longtemps apparues comme un milieu en marge de tout le processus
de modernisation du monde rural, au niveau des infrastructures socio-économi-
que. Il a fallu attendre les années 70 et plus précisément après la tournée
du Chef de l'Etat Ivoirien en 1974 dans le Nord pour qu'un budget spécial soit
alloué aux différents départements dans le but de pallier ce déséquilibre en-
tre zones de forêt et zones de savane. Ainsi, Korhogo, Boundiali, Ferkessédou-
gou, Odienné, Katiola, Séguéla reçurent au total 22 milliards de francs CFA (1)
débloqués par la Caisse de Stabilisation pour le Développement des différents
secteurs.
En général, ce "programme d'urgence" concernait essentiellement la
construction de lycées et collèges, d'hôpitaux, de dispensaires et de materni-
tés; la création ou l'amélioration de routes, de pistes; la transformation
de certains gros villages en sous-préfectures; l'édification de barrages et
autres équipements pour le secteur de l'agriculture et de l'élevage.
Cependant,
malgré cet apport,
on peut
affirmer qu'en général,
le milieu rural demeure encore fondamentalement traditionnel.
Nous retiendrons pour cette étude, quelques aspects du changement à
travers les voies de communication et l'habitat rural en milieu savanicole.
1. LES VOIES DE C(H.flJNICATION
Les voies de communication concernent essentiellement le chemin
de fer et les axes routiers.
La construction du chemin de fer démarra en Janvier 1904 d'Abidjan
pour atteindre Ouagadougou (Haute-Volta) en Octobre 1954. Il fut donc entière-
ment conçu et construit pendant la période coloniale. Le but premier de cette
voie fut bien sûr de relier les différents postes de l'administration coloniale
(Basse-Côte, Bouaké, Bobo-Dioulasso - Ouagadougou) afin d'en assurer aisément
le contrôle; cependant, le chemin de fer a permis de drainer une importante
main-d'oeuvre à partir des zones du Nord vers les zones forestières, domaines
des plantations de café et cacao qui se créaient.
Aujourd'hui, la Régie du chemin de fer Abidjan-Niger (RAN) (2)
apparaît comme l'entreprise de transport la plus importante entre la Côte
d'Ivoire et la Haute-Volta. Le réseau qui couvre une ligne de 1147 kms est
caractérisé par deux types de trafics : le trafic voyageurs et le trafic mar-
chandises ; si le train continue de drainer les populations de savane vers le
Sud (3), il joue aussi un très grand rôle dans le transport des produits de
certaines zones de savane (coton, sucre, etc.) vers Abidjan pour la distribu-
tion ou l'exportation; de même, le trafic à partir d'Abidjan vers l'intérieur
du
pays (Centre et Nord) et surtout vers la Haute-Volta reste particulièrement
dense car la capitale ivoirienne est en même temps un port.
. .. / ...
(1) Voir Fraternité Matin - Spécial AN 18 P. 25
(2) En fait, le projet de construction du chemin de fer envisageait aboutir
au Niger, d'où l'appelation RAN.
(3) Nous avons vu plus haut que les régions traversées par le chemin de fer
étaient celles des plus touchées par l'exode.

- 274 -
Quant aux infrastructures routières. elles se subdivisent en trois
principaux artères.
Le plus important reste l'axe de pénétration Sud-Nord; il est d'un
grand intér~t car il sert principalement de moyen de désenclavement des zones
les plus septentrionales du pays. Cet axe bitumé relie maintenant Abidjan à
la plupart des villes du Nord : KATlOLA - FERKE - KORHOGO - TOLŒA - OOlENNE ;
cet axe de pénétration s'emboîte aux grands axes des pays limitrophes (Haute-
Volta. Mali) ; il se trouve de ce fait soumis à un important trafic de mar-
chandises caractérisé par la fréquence des nombreux véhicules poids lourds.
Les routes secondaires: toutes en terres. plus ou moins aménagées.
elles relient
quelquefois les départements entre eux.
Les plus caractéris-
tiques sont les axes Katiola-Oabakala. Korhogo-Boundiali, Boundiali-Odienné.
Quant aux pistes, elles donnent principalement accès aux différents
villages et sous-préfectures. Ces infrastructures routières restent peu fré-
quentées. sauf pandant les campagnes d'achat de coton où les camions de dix ou
quinze tonnes de la ClOT (ou de particuliers mais loués à la ClOT) serpentent
toutes les régions. L'entretien de ces pistes n'est pas courant, ce qui entraî-
ne une situation d'isolement de certains villages, surtout en période de
pluies. En effet, l'accès à certains villages pendant les périodes pluvieuses
reste
une véritable entreprise.
Pour ce qui
concerne les moyens de déplacement dans les zones de
savane plus précisément et en milieu rural ivoirien en général, on peut affir-
mer que l'essentiel des transports est assuré par des camionnettes (TOYOTA par
exemple) et des camions (Super GOELETTE) ; en fait. les transporteurs prèfèrent
utiliser les voitures (PEUGEOT 504 ou 404) sur les axes bitumés. Cette activité
est centrée principalement sur le transport
des
personnes se
rendant dans
les gros villages ou en ville (sous-préfecture, préfecture) pour différents
buts: marché, soins à l'hôpital ou au dispensaire, établissement de papiers,
première étape pour long voyage, etc.
Mais le déplacement à l'intérieur même de la zone rurale se fait,
en général, en bicyclette, surtout dans les campagnes du Nord (et même dans
beaucoup de villes dont Korhogo).
A cet effet,
on peut compter en moyenne
une bicyclette par famille ; plusieurs paysans disposent de ce moyen de dépla-
cement pour se rendre au champ. En fait, la rareté des transports organisés,
les distances
souvent
longues à parcourir et
surtout la particularité des
voies de communication reliant les villages entre eux ou aux champs (il s'agit
là de sentiers dont
la largeur dépasse rarement les 50 cms) ont fait de la
bicyclette,
l' investissement privilégié par excellence.
Il faut
reconnaître
aussi bien les jeunes gens. les adultes que les vieilles personnes.
La présence de la bicyclette,
à côté de quelques mobylettes,
est
notable à BOYO et à TOUNVRE comme le montre le tableau ci-après :
... / ...

- 275 -
NQ1\\1BRE
DISTANCE
DISTANCE
N01\\1BRE DE
AUTRE MOYEN DE
FAMILLE
D'ACTIFS
VILLAGE
VILLAGE-
BICYCLETTES
LOCOMOTION (N01\\1BRE)
MASCULINS
S-P (KM)
--------- ------------ ----------- -------------------- --------- -----------
1
5
3
Mobylette (1)
5
1
~
2
1
1
-
"
3
~
3
2
-
Mobylette (1)
"
3
>
4
3
3
Mobylette (1)
"
5
z
5
3
2
Mobylette (1)
"
8
~
6
8
6
Mobylette (1)
"
7
0
7
4
6
Mobylette (3)
"
6
E-<
8
1
1
Mobylette (1)
11
6
9
1
1
-
"
6
0
10
1
1
-
"
2
>--
11
3
2
-
"
5
12
1
2
-
"
1,5
0
13
3
1
-
"
5
o::l.
14
11
4
Camionnette (1)
"
4
15
11
6
-
"
7
REMARQUES:
Nous avons retenu seulement les hommes au niveau des actifs
dans ce tableau car les femmes ne possèdent pas de bicyclettes ;
- La totalité des mobylettes a été acquise à occasion.
Les prix d'achat n'excèdent pas généralement ceux des bicyclettes neuves
- Le seul des deux villages dans notre échantillon à posséder
un véhicule (camionnette) est commerçant ;
- Le fait aussi qu'il y ait plus de possesseurs de mobylettes
à TOUNVRE qu'à BOYO ne signifie pas absolument que ceux-ci soient plus
riches que les autres. Nous pensons, pour notre part, que cette situa-
tion serait peut-être due à un comportement général d'imitation.

- 276 -
2. L'HABITAT EN MILIEU RURAL
L'approche de l'habitat en milieu rural mérite à elle seule une ana-
lyse à part entière. En effet, l'habitat rural reste essentiellement le reflet
du milieu écologique (contrainte climatique, rythmes saisonniers, matériaux du
site pour la construction, etc.) mais surtout le reflet de la structure sociale
qui en retour détermine finalement les caractères généraux de l'occupation du
terroir, non seulement humain mais aussi en rapport avec les activités agrico-
les, cynégétiques ou pastorales. En dernier lieu, ajoutons que l'habitat rural
peut garder la marque de l'histoire de l'occupation du terroir; à cet effet,
pendant plusieurs siècles, de nombreux villages se sont sans cesse déplacés
dans le souci de rechercher des sites beaucoup plus sécurisants afin de cons-
tituer une zone de défense face aux envahisseurs. Les sites les plus propices
étaient généralement les flancs des falaises ou les plateaux. C'est ainsi que
les opérations de Samory (seulement dans la deuxième moitié du siècle dernier)
dans la quasi totalité des régions de savane (Nord, Nord-Ouest, Nord-Est) ont
profondément transformé la dynamique de l'occupation des terroirs dans ces zo-
nes. Certes, nous sommes loin de cela mais, certains villages sont demeurés
dans ces sites défensifs.
Au total, il ne nous semble pas opportun, dans cette présentation
générale dans zones de savane, de nous étendre sur les déterminismes propres
à l'occupation du terroir villageois. Cependant, dans cette approche globale
des sociétés de savane, il nous paraît intéressant de présenter cet habitat
traditionnel de façon générale y compris le processus de modernisation entre-
pris depuis déjà quelques années en milieu rural.
Globalement, l'habitat traditionnel se reconnaît par le matériau
utilisé ; celui-ci reste essentiellement le banco (boue séchée) pour les murs
et le chaume pour le toit. Mais, la différence transparaît au niveau de la
forme de l'habitation. On peut classer
ces formes en deux types principaux:
la forme ovoidale et la forme quadrangulaire.
Le premier type est représenté par la case ronde à toit conique
c'est le type le plus présent dans le Nord du pays, avec une dominance chez
le Sénoufo. La concession sénoufo constitue un espace clos ; les cases sont
distribuées autour d'un espace central et reliée les unes aux autres par un
muret. Mais, toute concession sénoufo comprend parmi ses constructions, des
greniers en nombres variables suivant la production ; ces geniers, de forme
cylindrique, sont destinés aux différentes denrées: riz, mil, maïs, arachi-
des, coton, noix de karité, etc.
La forme quadrangulaire qui représente le second type d'habitat tra-
ditionnel se rencontre plutôt dans le centre du pays, chez les Baoulé surtout.
La maison traditionnel du Baoulé est essentiellement constituée par une arma-
ture de pièces de bois, assemblées et maintenues par des liens végétaux (lia-
nes). Cette armature est enrobée de banco; la charpente est quant à elle
recouverte d'herbes choisies pour leur qualité de conservation. La concession
Baoulé est beaucoup plus ouverte que celle du Sénoufo ; ici, les greniers sont
plutôt remplacés par des claies charchées d'ignames en périodes fastes.
On rencontre, en plus de ces deux types d'habitats, un troisième,
plus rare; c'est celui des maisons à terrasse. Il est représenté chez les
Malinké? mais reste plutôt caractéristique des régions très chaudes des pays
soudano-sahéliens.
... / ...

- 277 -
Cependant, l'interprétation des différentes civilisations laisse
apparaître au niveau de l'habitat rural, les traces d'influences extérieures
d'une région à l'autre, de sorte que les différents types d'habitats peuvent
se rencontrer tant en zone Nord qu'en zone Ouest ou Sud.
Mais, il faut savoir aussi, en dehors de cette présentation physi-
que de 1 'habitat rural traditionnel,
que les concessions sont habitées par
des familles étendues, m~me chez les Lobi ou l'habitat reste dispersé au sein
d'un village plutôt très ouvert (1). Ainsi, du point de vue de la production
agricole, se rend-on compte de la juxtaposition entre unité d'habitation et
unité d'exploitation. Nous en avons fait cas dans le chapitre III de ce tra-
vail, au niveau des caractères généraux du système d'exploitation dans l'agri-
culture traditionnelle.
Pour ce qui concerne la transformation de l'habitat rural tradition-
nel,
notons que la première phase de la modernisation du milieu rural fut
ce qu'on peut appeler "l'habitat amélioré". Cette amélioration est caractérisée
par l'apparition des toits de tôles d'aggloméré de terre joint de ciment;
cette phase s'est d'abord présentée, en milieu savanicole, au sein des villages
situés dans les zones relativement favorisées en cultures de rapport (café,
cacao et beaucoup plus tard coton).
Nous n'insistons plus sur le vaste programme d'équipement des zones
de savane après 1974 (2) mais plutôt sur le caractère général de la modernisa-
tion du milieu rural.
En fait, les problèmes d'équipement et d'habitats propres au monde
rural ont suscité la création d'institutions publiques. C'est ainsi que, créés
en 1970, les Fonds Régionaux d'Aménagement Rural (FRAR) assument, avec le con-
cours de divers services techniques, la programmation et la réalisation de tous
les équipements destinés aux agglomérations villageoises: lotissement, cons-
truction de maisons en "dur" (ciment), aménagement sanitaire de base, pro-
gramme hydraulique avec le concours de la Société pour la Réalisation de
Forages d'Exploitation en Côte d'Ivoire (FOREXI) pour l'adduction et l'assai-
nissement des eaux, construction d'écoles primaires, de logement d'instituteurs,
d'infirmiers et de Sage-femmes, construction de marchés couverts, etc.
Au total, tout un programme qui nécessite
un financement considéra-
ble ; en fait, les FRAR ont un financement double: d'une part, l'Etat, de
l'autre, les différentes populations concernées par l'entreprise; à cet effet,
sur le terrain, nous avons pu constater que les habitants de BOYO (Boundiali)
avaient cotisé pour l'année 82-83, une somme de 2 500 FCFA par tête pour le fi-
nancement du futur lotissement du village ; ce montant est perçu en même temps
que le montant de la carte du Parti (PDCI-RDA) qui lui, s'élève à 500 FCFA.
Actuellement,
i l y a un vaste programme de vulgarisation des
Groupements à Vocation Coopérative (GVC) et il semblerait que le but de ces
institutions serait essentiellement de permettre le financement d'équipements
ruraux, à partir de la marge bénéficiaire (notamment les ristournes) des pay-
sans regroupés
... / ...
(1) Chez les Lobi en effet, le village reste très ouvert et laisse apparaître des
habitats éclatés en grandes maisons familiales au centre des terrains decul-
tures.
(2) Date de la visite du Président de la République qui aboutit à la dotation
d'un budget spécial aux régions du Nord pour le développement d'un certain
nombre d'infrastructures (voir en début de paragraphe).

- 278 -
Pour en revenir au problème, notons que beaucoup de villages se
présentent aujourd'hui avec de nouveaux "visages" même si quelquefois, il
apparaît une sorte de dualité dans l'habitat, dualité caractérisée par la
présence d'entités modernes (écoles, dispensaires, etc.) inscrite au sein
d'un village resté la plupart du temps encore traditionnel.
Cependant, dans les petits villages n'ayant pas bénéficié de cet-
te infrastructure moderne, le problème se pose autrement: l'habitat moder-
ne est inexistant; quelques puits isolés, peu profonds en général, alimen-
tent toute la communauté en eau, si ce ne sont pas les marigots avoisinants
qui jouent ce rôle; le marché (s'il existe), simple emplacement non aména-
gé, au centre du village en général, reste hebdomadaire.
Quant aux campements de cultures, beaucoup existent seulement le
temps d'une année agricole ; ils sont généralement représentés par un amas
de cabanes, très rustiques, facilitant l'abandon du terroir pour des zones
plus productrices.
Ce perpétuel déménagement des campements et quelquefois même de
certains villages répond aussi (et peut-être surtout) à un besoin d'inves-
tir des zones plus saines, éloignés très souvent des cours d'eau; en fait,
ces endroits sont reconnus , pour la plupart très infectés par le vecteur
de l'onchocercose humaine. En Côte d'Ivoire, ce phénomène d'abandon de ter-
re
(potentiellement
riche
très
souvent)
et
de déplacement perpetuel
des populations (et donc de l'habitat) est caractéristique des zones sava-
nicoles, surtout dans le Nord.

- 279 -
ANNEXE III : LES INDUS1RIES DE TRANSFOOMATION DANS LES ZONES DE SAVANE
On ne peut pas dire que les zones de savane en Côte d'Ivoire sont
inscri tes au sein des "vieilles" régions industrielles. En effet, les différen-
tes industries ne sont apparues dans ces zones que seulement dans les dix ou
quinze dernières années (1).
Aujourd'hui, on compte dans le Centre et le Nord du pays, plusieurs
complexes industriels traitant pour l'essentiel quelques uns des produits agri-
coles spécifiques à ces zones.
Les plus importantes de ces infrastructures concernent d'abord les
industries textiles dont la matière première, le coton, reste le plus repésen-
tatif des produits usinés. En effet, le coton a donné lieu, en Côte d'Ivoire,
à une succession de transformation qui mènent, depuis les six usines d'égrena~
à l'impression et à la confection au plan national, et à l'exportation au plan
international.
Pour les six usines d'égrenage de la CIDT, trois restent localisées
dans le Nord (Korhogo, Boundiali, Ouangolodougou), deux sont représentées
respectivement à Bouaké et à Zatta (Centre) ; l'usine de Mankono est quant à
elle située dans
le Centre-Nord du pays.
Globalement,
l'activité de ces
usines consiste à séparer les fibres de coton des graines.
Quant à l'impression et la confection, se sont les villes de Bouaké
et de Dimbokro (Centre qui renferment les usines).
A Bouaké, les Entreprises Robert GONFREVILLE (ERG), les plus ancien-
nes et certainement les plus importantes usines de textiles du pays s'occupent
de la filature et du tissage (produits semi-finis) à côté d'une entreprise de
confection de sacs, FILTISAC, plus modeste, s'occupant essentiellement des sacs
de jute et de sisal destinés au marché de café de cacao et de coton.
Cette industrie textile est aussi représentée à Dimbokro par l'usine
UTEXI qui, de même que GONFREVILLE, est une unité de filature et de tissage.
Au total, de toutes les unités de transformation du coton en Côte
d'Ivoire, seule une n'appartient pas à la zone savanicole ; il s'agit de l'usine
de filature et de confection COTIVO localisée à Agboville, en zone de forêt, au
Nord d'Abidjan.
Pour ce qui concerne les complexes agro-alimentaires en zones de sava-
nes, nous en retiendrons six, les uns plus importants que les autres; mais il
est intéressant de noter la présence d'unités de production industrielles dont
la matière première est généralement qualifiée de traditionnelle.
Le complexe sucrier reste le plus remarquable de ces différentes indus-
tries agro-alimentaires. La Société qui s'occupe de la production du sucre en Côte
d'Ivoire est la SODESUCRE ; elle est représentée dans les zones de savane à tra-
vers six complexes (plantations et usines) qui sont : FERKE l et II, BOROTOU,
SEREBOU, KATIOLA, ZUENOULA. La présentation globale de ces six complexes sucriers
est la suivante (2).
. .. / ...
(1) Sauf, quand même les établissement R. GONFREVILLE ( Textilles) à Bouaké qui
furent au départ un complexe familial pendant la période coloniale.
(2) Voir pour plus d'informations le Ministère de l'Agriculture: L'Agriculture
Ivoirienne Aujourd'hui, Op, cit.

- 280 -
- Le complexe agro-industriel de FERKE l (Nord)
* Plantation : 6 200 ha irrigués
* Usines : sucreries, raffinerie, aggloméré.
- Le complexe agro-industriel de FERKE II (Nord)
* Plantations : 5 700 ha irrigués
* Usine : sucrerie.
- Le complexe agro-industriel de SEREBOU (Centre)
* Plantation : 5 500 ha irrigués
* Usine : sucrerie.
- Le complexe agro-industriel de KATIOLA (Centre-Nord)
* Plantations : 6 250 ha irrigués
* Usine : sucrerie.
- Le complexe agro-industriel de ZlœNOl~A (Centre-Ouest)
* Plantations : 4 200 ha irrigués - 1 000 ha (culture sèche)
* Usine : sucrerie.
- Le complexe agro-industriel de BOROTOU (Nord-Ouest)
* Plantations : 5 000 ha irrigués
* Usine : sucrerie.
Comme on peut le voir donc, tous ces complexes sucriers sont installés
exclusivement en zones de savane.
On note ensuite, au niveau des fruits et légumes, lexistence d'une
usine de transformation de la SODEFEL (Société pour le Développement des fruits
et légumes). Il s'agit du complexe agro-alimentaire de SINEMATIALI (entre Korhogo
et Ferkéssédougou) ; c'est une unité assez récente qui produit, pour le moment,
principalement du concentré de tomate, des tomates pelées et du jus de mangue ;
sa production de concentré était de 2 000 tonnes en 1981 (1) une production encore
modeste mais importante pour le marché ivoirien.
Pour ce qui concerne le conditionnement et l'usinage du riz, il existe
en Côte d'Ivoire et plus particulièrement en milieu savanicole, plusieurs rize-
ries. Ces usines ont appartenu naguère à la SODERIZ (dissoute depuis 1977) et se
trouvent actuellement aux mains des Sociétés privées de commercialisation de riz
l'activité de ces rizeries concerne essentiellement le conditionnement du paddy
(sélection et traitement du produit) et la production du riz blanchi.
Sur les six sociétés présentes en Côte d'Ivoire, quatre se partagent
les zones de savanes
: SOPAGRI (Korhogo), SüCIDO (Odienné), UGESCO (Séguéla),
SORIZCI (Yamoussoukro). Au niveau de chaque société, on compte une ou plusieurs
usines et un ou plusieurs silos (points de collecte) répartis à travers les zones
d'interventions.
Enfin, deux autres unités industrielles relativement récentes, traitent
respectivement le manioc et les graines de coton.
. .. / ...
(1) Voir AGRI 82
Cultures vivrières , nouvelles priorités
Fraternité-Matin Abidjan - Mai 1982.

- 281 -
La première, la Société l 2 T (société Ivoirienne de Technologie
Tropicale) s'intéresse à la transformation du manioc pour l'alimentation humaine
et animale, au sous produits du manioc pour la fabrication de colles et d'alcool.
Cette usine est
localisée à Toumodi,
la plus méridionales des sous
préfecture~du département du Centre (Bouaké).
La seconde est l'unité agro-industriel TRITURAF (Société de Trituration
de Graines Oléagineuses et de Raffinage d'Huile Végétale), située à.Bouaké. Cette
huilerie s'intéresse aux graines de coton et d'arachides pour la fabrication
d'huile de table commercialisée sur le marché national.
En résumé, sans être une région industrielle, les zones de savanes dé-
tiennent un certain nombre d'industries, certes pour la plupart relativement
modestes, mais notables tout de même au plan régional.
Actuellement,
ces
infrastructures
peuvent
se
définir
aussi
comme
des facteurs de ralentissement de l'exode rural, important dans les zones de sa-
vane, par la fixation régionale des populations, en leur offrant par la même oc-
casion des revenus réguliers. Par exemple, l'ensemble des complexes sucriers
possèdaient un effectif d'environ 12 000 agents permanents en 81-82 (1) ; cet
effectif peut se trouver doublé ou même triplé, surtout au niveau des manoeuvres,
pendant les périodes de pointe, lors des travaux de la coupe des cannes.
Cependant, s'il est vrai que la présence de ces infrastructures a
ralenti le mouvement de population des zones de savane vers le milieu forestier
du Sud, on peut affirmer aussi qu'elle a favorisé le déplacement d'une couche de
la population agricole vers un secteur non agricole; cette couche n'étant pas
forcément un surplus de la population agricole,
on peut penser à une baisse de
production au niveau régional, même si une partie de ces individus s'adonne au-
jourd'hui à une agriculture à temps partiel.
. .. / ...
(1) Ministère de l'Agriculture Ivoirienne Aujourd'hui Op, Cit.

- 282 -
QUELQUES REPRESENfATIONS DE L'AGRICULTIJRE mADITlOONELLE SENOUFO
Tirées de
"Le paysan Sénoufo" (Sinali COULIBALY)

Kokpèg'
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Echelle
Echelle
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- Les outils agricoles traditionnels.

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Pointe
Pointe
~ PréparatiDn du sol
~ TrilvauJ. d'entretien
,....
",.,
1
Semis Repiquge
Recolle
Calendrier agricole.

Association igname-maïs-haricot (sur les buttes) et riz pluvial dans les allées.

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l1liIl
======~..
Associ
"
iauon arachid
1 e (sur bil
1 Ions) et mil (sur petites butte)
s intercalaires

;
--- /;t~:~ -~
Un Iflnier
Mue,benne
H' dt dol gue
_=_--"iIOOl '"
Moyens de conservatiIOn des récoltes

- 283 -
T A BLE
DES
MAT 1ER E S
-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-
SOMMAI RE
2
AVANT-PROPOS
6
INTRODUCTION
7
1 - SITUATION DU PROBLEME
7
2 - DEFINITION ET APPROCHE DU SUJET
- L'APPROCHE CONCEPTUELLE
- LES CONTOURS DU SUJET
3 - LES HYPOTHESES DE RECHERCHE
4 - ZONE D'ETUDE ET APPROCHE METiiODOUx.aQUE
5 - PRESENTATION DU PLAN D'ETlIDE
PREMIERE PAlITIE
L'EVOLUI'ION DU SYS'I'EME PROOOCTIF DANS LES ZONES DE SAVANE.
CHAPlmE l : C(N)IDERATHHi GENERALES DES ZONES DE SAVANE
21
1. LES ZONES DE SAVANE : UNE DIVERSITE GEOGRAPHIQUE ....•..•.......•
21
1.1 LA SAVANE EN COTE D'IVOIRE - SITUATION GENERALE
21
1. 2 LE RELIEF ET LES SOLS •..........••...••.........•.......••..
21
1.3 CLIMAT, PLUVIOMETRIE, HYDROLOGIE .......•.....•....•..•......
22
1. 4 UNE VEGETATION DISPARATRE .......•.•..•••••......••....•.••..
25

-. 284 -
2. LES ZOOES DE SAVANE: UNE DIVERSITE AGRO-ECONOMIQUE
27
2.1 LES APTITlIDES CULTlmALES DES SOLS
27
2.2 TYPOLOGIE DES PRODUITS ET SPECIFICITES DES REGIONS AGRICOLES
28
3. LES POPULATIONS DE SAVANE
31
3.1 DIFFERENTS GROUPES ETHNIQUES..............
31
3.2 POPULATIONS RURALES ET URBAINES. MOBILITE SOCIALE ET EXODE RURAL
31
4. LES ACTIVITES ECONOMIQUES
35
4.1 L'AGRICULTURE: UNE ACTIVITE PRINCIPALE
35
4 . 2 L' ELEVAGE
37
4.3 L'ARTISANAT
41
4. 4 LE CCl-1MERCE
44
CHAPImE II : LE M(H)E AGRICOLE DlWi LA SOCIETE mADITIOONELLE
47
- ETIIDE DE CAS -
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . . . . .
47
1. LES CULTURES VIVRlERES CHEZ LES BAOULE
47
1.1 L'IGNAME. REINE DES CULTURES...................................
48
1.2 LES ASSOCIATIONS CULTURALES DANS L'AGRICULTURE BAOULE
50
1.3 PRODUITS VIVRIERS ET CONSOMMATION ALIMENTAIRE
53
2. LA SOCIE1E SENOUFO ET LA PROOOCfIrn VIVRIERE
56
2.1 LES ZONES PEU PEUPLEES : UNE ASSOCIATION CULTURALE TRES PEU
DIVERSIFIEE
57
2.2 LA POLYCULTURE VIVRIERE EN ZONE DENSE
58
2.3 CONSERVATION ET CONSOMMATION DES VIVRIERS EN PAYS SENOUFO
59
3. LES Fet4ES ET LA mANSFOOMATIrn DES PROOUITS ALIMENfAIRES .....•.•... 64

- 285 -
CHAPI'ffiE III
CONSIDERATIONS GENERALES DU SYSTEME PROOUCTIF
TRADITIONNEL
66
1. LE SYSTEME D'EXPLOITATION. BASE DE LA PROOUCTION AGRICOLE
66
1.1 LE REGIME FONCIER : LA NON ALIENATION INDIVIDUELLE DES TERRES
66
1.2 LA DIVISION SOCIALE DU 1RAVAIL, BASE DE L'ORGANISATION DE LA
PRODUCTION ...•.•..•........................................•...
68
1.2.1 Formation Sociale et Processus de Production
68
1. 2.2 La "Spéc ialisat ion" des Tâches
70
1.2.3 L'Image de Cohésion Sociale à Travers la Production
Agricole
73
2. LES SYSTEMES DE CUL1lJRES ET DE PROOUCTION : LES REFLElS D'UNE
TECHNOLOGIE AGRICOLE COHERENTE
75
2.1 LE MONDE VEGETAL ET LA SELECTION DES PLANTES DANS L'AGRICULTURE
TRADITIONNELLE •...•.••...•.....•.••••.•.•••.........••.••...•.•
2.2
2.1.1 Les Grands Traits de la Polyculture Vivrière
75
2.1.2 La Connaissance Empirique, Base de la selection des
Plantes
76
2.2 LES OUTILS DE PRODUCTION DANS L'AGRICl~TURE TRADITIONNELLE .•••••••
78
2.3 LA CONQUETE DE LA SAVANE OU L'IMPORTANCE DE L1 AGRICl~TURE
ITINERANTE DANS LES SOCIETES AGRAIRES •..•••.•••.....•..•••.•••••••
81
2.3.1 Le Feu, Complément Technique ou Base de la Conquête
.....
81
2.3.2 Le Nomadisme dans l'Agriculture Traditionnelle............
82
2.3.3 La Sédentarisation des Cultures; une Pratique Plutôt
Conjoncturelle
85
CHAPI'ffiE IV
L'INIROOOCTION DES CULTURES DE RAPPœT DANS L'AGRICULnJRE
VILLAGEOISE EN ZONES DE SAVANE...........................
88
1. CAFE ET TABAC : DEUX CUL1lJRES 'ffiES PEU REPRESENfATIVES ....•.•.••••.
88
1.1 LE CAFE, PLUS FORESTIER QUE SAVANICOLE •••..••.••••.•.••••••••..
88
1. 2 LE TABAC, UNE EMPREINTE TRES PEU MARQUEE EN MILIEU PAySAN......
89

- 286 -
2. LE C<J.l'OO" : CULTIJRE DE RAPPORT DES ZONES DE SAVANE
91
2.1 DE LA CULTURE TRADITIONNELLE A LA CULTURE ENCADREE
91
2.2 PRODUCTION ET COMMERCIALISATION DU COTON
94
2.2.1 Superficie et Production Cotonnière
94
2.2.2 La Commercialisation du Produit des Exploitations
96
CHAPI1lΠV : LE DEVELOPPEMENf DES CENIRES URBAINS ET LA PR<HYfION DES
PRODUITS VIVRIERS '~ERNES"
99
1. LE RIZ : FER DE LAOCE DU DEVELOPPEMENf DES VIVRIERS
99
1.1 LA SODERIZ ET LA MISE EN OEUVRE DE LA POLITIQUE RIZICOLE
100
1.2 LA CIDT ET LE DEVELOPPEMENT DE LA RIZICULTURE EN SAVANE
101
2. LA SODEFEL ET LE DEVELOPPEMENf DES PRODUITS MARAICHERS
104
3 • LA PRODUC'fION SUCRIERE
107
4. LE SOJA: UNE NOWELLE CULTIJRE EN VOIE DE DISPARITION?
108
4.1 LE SOJA, UNE PRESENTATION ALLECHANTE EN MATlERE DE DEVELOPPEMENT
AGRICOLE
108
4.2 LES REALITES DU TERRAIN: UNE TRISTE EXPERIENCE
111
CHAPI1lΠVI
"LES VIVRIERS TRADITIONNELS" DANS LE SILLAGE DES PRODUITS
ALIMENfAIRES "M<DERNES"
114
1. LE MAIS ET L'ARACHIDE : DEUX CULTIJRES REPRESENfATIVES DES NOlNEAUX
ASSOLEMENfS EN AGRICULTIJRE M<DERNE ...............•....................
116
2. L'IGNAME ET LE MANIOC : DES lENfATIVES DE M<DERNISATION
119
2.1 L'IGNAME: UN DEBUT DE MODERNISATION DE LA CULTURE?
119
2.2 LE MANIOC : UNE MODERNISATION A TRAVERS UN CrnPLEXE AGRO-
ALIMENTAIRE
122
3. LE MIL ET LE SŒGHO : LES "PARENfS-PAlNRES" DE LA K>DERNISATION
DES CUL1lJRES VIVRIERES ................•........•................••....
123

- 287 -
CHAPI1lΠVII
LE ~Nf DU SYS'lliME PROOOCTIF DANS L' ECONGUE
NOUVELLE VILLAGEOISE
125
1. LA TRANSFORMATION DU SYS'lliME DE CULTURE
125
2. L' INfROOUCfION DES NOlNELLES MElHODES DE PROOUCTION
130
2.1 LES FACTEURS DE PRODUCTION ; PREMIERE PHASE DE L'INTENSIFICATION
DES CULTORES
130
2.2
LES
DIFFERENTS MODES DE
PRODUCTION
:
DE LA CULTURE MANUELLE
A LA QJLTITRE ATTElEE ET MJTORISEE .....................••.............. 134
3. LES NOlNELLES DIMENSIONS DU SYSlEME D'EXPLOITATION
137
3.1 CULTURES DE RAPPORT ET PRIVATISATION DES CHAMPS ..••............... 137
3.2 L'EVOLUTION DE LA MAIN-D'OEUVRE AGRICOLE ......••..•••............. 140
3.3 LES SOC IETES DE DEVELOPPEMENT ET L' AVENEMENT DES BLOCS CULTURAUX .. 144
PREMIERE CONCLUSION PARTIELLE
147
==================
DElIXIEME PARTIE
LES CULTURES VIVRIERES DANS LA PROOLEMATIQUE ACI1JELLE
DE DEVELOPPEMENT RURAL
==================
CHAPI1lΠVIII
LA mANSFORMATION REGIONALE DU SYSlEME DE CULTIJRE OU
L' OPPORWNI'lli DE PROOOCTION ET DE Cc:M4ERCIALISATION
148
-
EnIDE DE CAS A PARTIR DE MOOŒRArnIE D'EXPLOITATIONS
1. L'ARACHIDE DANS LE SECTEUR DE BOUNDIALI
148
1.1 L'ARACHIDE FACE AUX AUTRES PRODUITS VIVRIERS •.••..•••...•.•....... 149
1. 2 LIARACHIDE : SOURCE DE REVENUS MONETAIRES CCMPLEMENTAIRES ..••..••. 150

- 288 -
2. LE RIZ INONDE DANS LES PLAINES DE NORD-OUEST
154
2.1 LE RIZ INONDE: LE MAITRE DU PAYSAGE AGRICOLE
154
2.2 LE RIZ: LA SATISFACTION D'UN DOUBLE OBJECTIF
159
CHAPITRE IX : PRODUITS VIVRIERS ET ENVIRONNEMENT ECONœIQUE
164
1. VERS UNE C(}.fPLEMENTARIlE ENrnE CULTURES VIVRIERES ET CULTURES
DE RAPPORT?
164
2. LES PRIM::IPAUX RESULTATS DE L'EM::ADREMENT
167
2.1 LE BILAN TECHNIQUE DE L'ENCADREMENT
167
2.2 LE BILAN ECONOMIQUE DE LA PRODUCTION VIVRIERE
172
2.2.1 Le Riz et les Autres Productions Vivrieres
172
2.2.2 Le Coton et les Produits Industriels ou d'Exportation
176
CHAPITRE X
LES LŒIQUES CONfRADICTOIRES D'UNE POLITIQUE DE
DEVELOPPEMENT AGRICOLE
179
1. LE GOULUf D'EmANGLEMENT AU NIVEAU DES VIVRIERS
179
1.1 UNE MODERNISATION QUI LAISSE A DESIRER
179
1.1.1 L'Intégration des Vivriers: des Assolements
Discr iminatoires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . ..
179
1.1 2 Le Problème de l'Ajustement des Calendriers Culturaux
181
1.1.3 Intensification et Mécanisation: le Coton et la rentabilité
des Exploitations
183
1. 2 LA CCNMERCIALISATION DES VIVRIERS : PROBLEME S1RUCTUREL
.
186
1.2.1 Le Prix des Produits Agricoles
.
187
1.2.2 Les Circuits Commerciaux .................................... 188

- 289 -
2. LES SIROC1lJRES D' APPUI EN MILIEU RURAL ET LE DEVELOPPEMENf DES
DES VIVRIERS: DES ACTIVITES PEU SOUTENUES
193
2.1 LES STRUCTURES COOPERATIVES: UNE PARTICIPATION LOCALISEE
DANS L'ECONOMIE VILLAGEOISE
193
2.2 LES STRUCTURES DE COMMERCIALISATION DES VIVRIERS: LA FAILLITE
DES SOCIETES D'ETAT
195
2.3 LA BNDA : TRES PEU DE PLACE AUX VIVRIERS
198
œAPITIŒ XI : LE l 'PR<XilWtofE D' AlJfŒUFFISM«::E ALIMENfAIRE" A LA RECHERCHE
D' UN EQUILIBRE
202
1. LES CŒfOURS DE LA NaflOO D'AlJfŒUFFISAK:E ALIMENfAIRE ET SES
Il'l:IDEJtl:ES ....•.......................................•...............
202
2. LES IMPERATIFS DE LA fO)ERNISATIΠDE L'AGRICill.TIJRE VIVRIERE :
LA TRANSFORMATION DE L'EXPLOITATION PAYSANNE
207
2.1 LA RECHERCHE D'UN SYSTEME DE CULTURE "EQUILIBRE'~
207
2. 2 LE SYSTEME DE PRODUCTI ON
209
2.2.1 L'Agriculture Paysanne et le Problème du surplus Agricole ...
209
2.2.2 Limites et Possibilités de Transformation du Système de
Production
212
2.3 LA POLITIQUE DE PRIX: UNE DIMENSION ESSENTIELLE
217
2.4 POUR UNE INFRASTRUCTURE GLOBALE DE COMMERCIALISATION
219
œAPITIŒ XII : POLITIQUE-DE-DEVELOPPEMEW'-AGR.ICOLE-ET DEVELOPPEMENf RURAL
INIEGRE .••............•..........•.........•....•...•.....
225
1. ZOOES DE SAVANE ET DEVELOPPEMENf RURAL
EN carn DINOIRE ..•...........
225
1.1 DES parENTIALlTES REELLES EN HQ\\1MES
225
1.1.1 L'Exode Rural: un Obstacle à la Production Agricole
225
1.1.2 Le Développement de la Médecine Rurale: une Dimension
de la Tentative de Sédentarisation des Hommes
228
1. 2 DES ParENTIALITES REELLES EN TERRE
231
1.2.1 La Savane: Grenier de la Côte d'Ivoire?
231
1.2.2 Assainissement et Mise en Valeur des Terres: une Priorité
235

- 290 -
2. LE ROLE DE LA CnIT ET DE L'ETAT DAtE LA MlJfATIOO SOCIALE GLOOALE
DES SOClE1ES DE SAVANE ................•................•..........
238
2.1 LA ClOT : DE NOUVEAUX OBJECTIFS POUR LE DEVELOPPEMENT DES
ZONES DE SAVANE
238
240
241
241
244
2.2.2 Les G.V.C.
: Une Formule Coopérative à réexploiter
247
DEUXIEME CONCLUSIOO PARTIELLE
252
COCLUSIOO GENERALE : CULTURES DE RAPPORT ET PRODUITS
VIVRIERS A L'EPREUVE.................................................
253
BIBLl <X.iRm-llE. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
258
ANNEXES
265
ANNEXE
l
BREVE HISTOIRE AGRICOLE DE LA COTE D'IVOlRE ....••••••••.
266
ANNEXE
II
VOIES DE CQ\\1MUNICATION ET HABITAT EN MILIEU RURAL -
ZONES DE SAVANE ••••..•••••••••••...•••..•••••••.••.•.•.•
273
ANNEXE III
INDUSTRIES DE TRANSFORMATION DANS LES ZONES DE SAVANE ••.
279
ANNEXE
IV
QUELQUES REPRESENTATIONS DE L'AGRICULTURE TRADITIONNELLE
SENOUFO •••....•.••.....••..•••.•••...•••...••.•.•••••...
282