UNIVERSITE
DE
DAKAR
PleutrE on LETTRES Er SCIEftClS )JUMAI~IS
Département d"Hlstoire
LES SOCIETES INDIGENES DE PREVOYANCE
DU SENEGAL
DES ORIGINES A 1947
Thèse Pour le Doctorat du 3° Cycle
Présentée par
:
Abdoul
SOW
1
!
Sous la Direction du Professeur
r
Catherine
Coquery . VIDROVITCH
r oot,llf
[
Dakar. 198:3 . 84
r

AVANT-PROPOS
Dans ce travail, nous nous sommes heurté à plusieurs
obstacles : d'abord : nous avons manqué de temps,
du fait de nos obli-
gations professionnelles, car nous ne dispositions que de trois mois de
vacances pour travailler aux Archives et faire des enquêtes
; ensuite, les
moyens financiers nous ont beaucoup manqué.
En effet,
les frais élevés nous
amènent à croire que le troisième cycle risque de devenir un luxe à
défaut de subvention. C'est la raison pour laquelle nous remercions toutes
les familles qui nous ont hébergé lors de nos déplacements et tous ceux qui
ont participé de près ou de loin à la réalisation de cette Thèse.
Nous remercions de façon toute particulière El Hadj Yoro SOW
décédé en juin 1982 à qui nous devons tout et dédions ce travail,
HOUDA MASSOUD,
AMINA HACHEM (Kaolack), Mamadou Ibrahima SALL
(IFAN DAKAR), Amadou DIAW KAPLER (Mairie Kaolack)
qui ont contribué
gratuitement à ce travail. Nous n'oublions pas Fara Chimère DIOP,
Ousseynou GOUMBALA,
Malick CAMARA qui nous ont accompagné lors des
déplacements et Ndèye DIOP secrétaire dactylo.
Nous ne saurions terminer sans remercier sincèrement
Mme CATHERINE-VIDROVITCH,
Professeur à Paris VII qui a accepté de
diriger ce travail,
Iba Der THIAM, Mohamed MBODJ (Université de Dakar),
Charles DECKER, Moussa DIA et Baïdy DIENG (Kaolack) qui l'ont lu et
cor r Igé ,
...f ...

TABLE DES MATIERES
- AVANT-PROPOS
PAGES
- INTRODUCTION
1
-
PREMIERE PARTIE
LES CARACTERISTIQUES DE L'ECONOMIE SENEGALAISE
AU DEBUT DU XXè S.
I. SITUATION GENERALE DU SENEGAL
10
A.
Organisation politico-administrative
B. Situation économique
16
1.
Environnement agricole
2.
Impact de l'arachide
31
3. Politique d'accroissement de l'arachide
40
II.
LES MODES DE PRODUCTION DU PAYSAN SENEGALAIS
- -
--
AU DEBUT DU XXè S.
A.
Les techniques traditionnelles de culture
49
1. Les instruments de culture
2.
Calendrier des activités agricoles en zone
arachidière
B.
Les rapports de production traditionnels
57
1.
Structure de la communauté villageoise
2.
Tenure foncière traditionnelle
3.
La mutualité traditionnelle
III.
LES DEBUTS DE LA "PREVOYANCE" DIRIGEE
76
A.
Politique des greniers de réserve
B. Ap parition timide des SIP
DEUXIEME PARTIE
: LES SOCIETES INDIGENES DE PREVOYANCE : 1910-1930
1.
LES SIP
: ORGANISMES OFFICIELS PAR DECRET DU 29 JUIN 1910
98
A. Qu'est ce qu'est la SIP
?
B. Qualité des soc iétai res
II.
STRUCTURES ET FONCTIONNEMENT
A.
Structure et localisation
106
1.
Structure
2.
Localisation
.../ ...

B. Fonctionnement des SIP
108
1.
Les moyens mis à leur disposition
2.
Exemple de fonctionnement de SIP
-
fonct ionnement de la SIP de Kaolack
- fonctionnement de la SIP de Mat am
C.
Extension des SIP
125
III.
LES SIP
ET LA REALISATION
DU PROGRAMME COLONIAL JUSQU'A LA
CRISE ECONOMIQUE.
A.
Contribution des SIP aux
réalisations socio-économiques
132
1.
Rôle d'assistance sociale
2.
Participation aux travaux
d'intérêt général
B.
Le crédit agricole:
banque de financement des SIP
155
C.
La SIP
et la cr ise économique 1929/1933/35
162
1.
Climat social en milieu paysan
2.
Les causes des menaces
paysannes
3.
Les enjeux de telles menaces
a) • Répercussions
financières
c ) . Assainissement du secteur commercial
177
c) . Alourdissement des charges du paysan
181
4.
Les mesures imméd iates
185
TROISIEME
PARTIE
: REPRISE EN MAIN DES SIP DE LA FIN DE LA CRISE
A LA VEILLE DE LA 2è GUERRE MONDIALE
1.
LA POLITIQUE DE REDRESSEMENT A PARTIR DE 1933
191
A.
La loi du 6 août 1933 et ses conséquences
B.
Les SIP
recours
au fonds commun
197
C.
Nouvelle politique agricole
202
1.
Le conditionnement des
arachides
2. Défrichement de nouvelles terres
.. / ...

II.
ROLE GRANDISSANT DES SIP DANS LE COMMERCE
A.
Les SIP comme centres commerciaux
: Décret du
9 novembre 1933
211
B. Les problèmes posés par son application
215
1.
Les modalités de dépôt et de vente
2.
La soulte ou Ristourne
3.
Les
différents obstacles rencontrés
C.
Attitude des intéressés
225
1.
Les protestations non organisées
2.
Les correspondances du Gouverneur Général
avec des regroupements
3.
Les
incidents du Sine-Saloum de 1935
a).
La réaction des commerçants de Koungheul
b).
Les
incidents de Gossas
4. Scandales et abus de la SIP
du Baol 1935-1936
D.
Les SIP : régulateur des prix ?
.
237
III. ROLE DES SIP DANS LES TRANSFORMATIONS RURALES
A. Au niveau des moyens de production
242
B.
Les SIP et la dégradation du milieu
253
C.
Les SIP
:
adjuvant de d ifférenc iat ions sociales
257
QUATRIEME PARTIE
: EVOLUTION DES SIP DURANT LA 2è
GUERRE 1939-45
1.
LES SIP ET L'EFFORT DE GUERRE
265
II.
LES PROBLEMES LIES A LA GUERRE
A.
Difficultés de fonctionnement
B. Modification dans les opérations et gestions financières
274
III.
LES SIP
: NOUVEAU CREUX DE LA VAGUE 1945-47
A.
Deuxième bataille de l'arachide
282
1.
Appel aux Navétanes
2.
Effort mour ide
B. Les coopératives parallèles
292
CONCLUSION
299
ANNEXE
304
SOURCE
310

INTRODUCTION

Les ruraux qui représentent la majeure partie de la population
du Sénégal sont regroupés dans des coopératives créées au moment de
l'accession
à l'indépendance.
En réalité, ces coopératives
peuvent être rattachées à un
mouvement coopératif qui prit naissance en
pleine période coloniale, il y a
de cela plus de trois quart de siècle.
Ainsi le choix d'un tel sujet s'explique aisément parce qu'il doit
contribuer à la compréhension des problèmes des cultivateurs,
problèmes
qui ne laissent indifférent aucun Sénégalais. C'est ce souci qui nous
avait
amené à faire une première approche dans le cadre d'un travail de mémoire
de maîtrise (I), et nous
nous proposons après plusieurs années de recherche,
d' approfond ir davantage certaines questions.
Pourquoi les Sociétés Indigènes de Prévoyance de 1907 à 1947 ?
Il faut revenir un peu en arrière dans le temps pour mieux comprendre
ces limites chronologiques: à partir de 1900, c'est la phase d'organisation.
(Il n' y a pratiquement plus de conquête) avec la loi des finances du
13 avril 1900 et la création de l'AOF en 1904 ; c'est la période aussi
pendant laquelle le Lobby colonial, en tant que groupe de pression se
renforce dans les instances gouvernementales de la métropole et se bat pour
la mise en valeur des colonies.
1902-1907 correspond à une période de crise de
subsistance et de véritables famines
dans tout le Pays.
En 1907,
les différentes
mesures prises pour sortir la colonie de cette situation de crise, aboutirent à
la création des sociétés indigènes de Prévoyance ou SIP.
L'année 1947 marque une nouvelle étape dans
l'évolution du
Pays
: les populations viennent de sortir d'une longue et dure période
d'efforts de guerre et de promesses de libéralisation.
1947 c'est aussi
l'évolution des mentalités et la création de l'Union Française sur le plan
politique.
(1).
SOW (A)
Les SIP du Sénégal 1909-1936.
Université de Dakar
1977-78
... / ...

Autant de facteurs qui furent à l'origine de la dénonciation de
certaines pratiques.
Entre autres,
la prévoyance dirigée des SIP considérées
désormais par les élites locales comme des instruments d'exploitation coloniale.
En France, avec les changements politiques intervenus après la guerre,
une
nouvelle idée de la coopérative naquit avec la loi du 10 septembre 1947.
Au Sénégal, l'application de cette loi se concrétisa par la création un peu
partout de coopératives et par le fait que la prévoyance n'était plus dirigée.
Entre les deux dates limites,
plusieurs évènements auront un impact sur le
sujet étudié:
d'abord une longue période de prospérité et d'insouciance
(1910-1929/30)
interrompue par la Première Guerre Mondiale de 1914 à 1918
ensuite la crise économique de 1929-1935 qui marque un tournant dans l'évo-
lution des SIP et des maisons de commerce spécialistes de l'économie de traite
enfin la Seconde Guerre Mondiale de 1939-1945 qui allait entraîner une nouvelle
orientation des objectifs des SIP.
La problématique que pose ce sujet est celle de l' exploi-
tation économique de la colonie.
Nous nous
intéressons aux SIP
du Sénégal
car elles sont considérées à tort ou à raison comme instrument de cette
exploitation coloniale (1).
En effet,
l'arachide prenait de plus en plus
d'importance dans les exportations de l'AOF,
c'est-à-dire du Sénégal.
Tout part et tout tourne autour de l'arachide et son importance dans les
relations entre la métropole et sa colonie avait fait sentir la nécessité
d'organiser la production.
Le parti colonial,
défenseur des intérêts des
maisons de commerce et prônant la mise en valeur des colonies, allait
déployer des efforts dans ce sens.
AInsi, il a fallu recourir à un organisme
de production dépassant le cad re familial.
Une fois cette structure mise sur pied, nous analyserons
le milieu auquel elle s'adresse, afin de mettre un peu de lumière sur
l'existence d'une mutualité antérieure à l'apparition des SIP,
si on sait
que la colonisation avait voulu légitimer
(1).
KIZERBO : Histoire de l'Afrique Noire - HATIER-PARIS 1972
P.
433 : Il parle "d'engin d'escroqueries".
... / ...

l'action de ces organismes par une soi-disante inexistence de la
mutualité et de la prévoyance en milieu africain et sénégalais en particulier.
De ce fait,
pendant longtemps,
la prévoyance avait été dirigée,
voire
autoritaire.
Cette situation fait que les SIP sont considérées comme des
instruments para-administratifs plus que des coopératives, au service de
l'exploitation coloniale. C'est la raison pour laquelle le nom des SIP est
constamment associé à la culture spéculative de l'arachide. Maison peut
se demander. Si elles ne risquaient pas de devenir à leur tout des sociétés
d'imprévoyance en persistant dans cette voie.
Si les SIP ont trouvé sur place une communauté villageoise
qui reposait sur une mutualité traditionnelle et un système de solidarité
et qui travaillait avec des instruments rudimentaires,
il n'en reste pas moins
qu'elles ont transformé les techniques de culture traditionnelle. Cette politique
de vulgarisation du matériel agricole plus moderne n'est intervenue que
pendant la période de crise.
En effet,
les autorités avaient assisté en
"s pectateur" durant la période de pros pér ité commerciale car leur objectif
était d'accroître la production commerciale de l'arachide.
Pendant ce temps,
les maisons commerciales spécialistes de l'économie de traite ne cherchaient
qu'à réaliser des bénéfices, et le paysan inséré dans le système économique
mondial malgré lui, continuait à produire l'arachide avec des techniques
rudimentaires.
La crise économique et ses conséquences furent à l'origine
de cette politique de vulgarisation et les SIP seront utilisées comme
instrument pour sortir le pays de cette situation de marasme.
Ainsi c'est à partir de 1933 que se situe ce que nous
appelons la "Révolution" qui allait faire des SIP des centres commerciaux
rivalisant avec le commerce local pour l'achat des arachides.
En France, apparaissent de nouvelles idées
pour orienter la
politique
coloniale. C'est dans ce sens qu'il faut comprendre le nouveau rôle
attribué aux SIP dans le cadre de "l' heure de l'économie dirigée d'intérêt
... / ...

général dans les colonies" (I). Maintenant,
tout est bien organisé,
préparé
de telle sorte que les milieux commercants parlèrent de "complot" tramé
depuis des instances supérieures.
Malheureusement,
les SIP n'eurent pas le temps nécessaire de se
familia .riser avec leur nouveau rôle du fait de l'éclatement de la Seconde
Guerre Mondiale de 1939-1945.
Bien qu'elles
participèrent pleinement à
l'effort de guerre,
les SIP furent incapables de traverser sans dommages
cette nouvelle période de crise.
Elles connurent des changements très impor-
tants tant au niveau de leur objectif que de leur fonctionnement et de leur
gestion financière.
Après le second conflit mondial,
malgré toutes les tentatives
de réformes,
les structures des SIP
demeurent désuet, es et la nécessité
de mettre sur pied de nouvelles organisations se fit' sentir.
En 1947,
la
loi du 10 septembre marque le passage progressif des SIP aux véritables
coopératives qui commencent à être créées.
Les SIP ne
répondent plus
au changement politique, économique et social de la période d'après-guerre.
De J947 à 1957, les SIP changèrent plusieurs fois de noms,
preuve de la
période de flottement et de tatonnement dans laquelle se trouve l'idée
coopérative. Désormais,
il faut adapter l'idée de la coopération à la
nouvelle situation.
Avec l'indépendance,
malgré les promesses de changement,
les nouvelles structures d'encadrement du monde rural héritèrent des méthodes,
moyens et matériels de la défunte Société Indigène de Prévoyance.
Le problème est de montrer que toutes les mesures économiques,
politiques
et sociales ne servent plus à légitimer aux
yeux des paysans une oeuvre
coloniale. Ainsi nous verrons comment les
paysans perçurent les rapports
que les SIP avaient entretenus avec eux en tant qu'instruments politique,
économique,
voire social.
(I).
MERAT (L)
"L'heure de l'économie dirigée d'intérêt général dans
les colonies" Lib.
du Recueil.
PARIS
1936.
(2). TlGNOR (R.L.)
: Senegal 's cooperative experience,
1907-1960.
History Depar tment University of
Prince Ton N.H.
USA
, .. / ...

En rédigeant les pages qui suivent,
nous avons essayé autant
que possible,
de nous éloigner de tout esprit partisan qui consiste à prendre
des positions extrêmes.
Notre démarche et le plan adopté s'expliquent par
un souci de périodisation et par un respect de l'évolution des faits et de
leur interdépendance
L'anal yse des faits et certains arguments avancés
0
laissent au lecteur le soin de faire une comparaison avec les problèmes
actuels que connaît le milieu paysan
: endettement cyclique, commercialisation
de l'arachide,
détournements et fonctionnement des coopératives.
Ce travail de recherches a été fait à trois niveaux
:
L'étude bibliographique a porté sur des ouvrages généraux,
sur des ouvrages spécialisés à l'arachide (CHEVALIER - ADAM - GUIRAUD -
PEHAUT - Thèse de MBODJ sur l'arachide au Sine-Saloum.
- Au niveau des Archives Nationales du Sénégal où la documen-
tation sur les Sociétés Indigènes de Prévoyance est très abondante (série 5 Q) 0
Mais les Archives ne présentent la plupart du temps que
la vision du pouvoir colonial. Celle-ci est souvent paternaliste, partisane
et incomplète et on y rencontre des idées telle que "la paresse ou
11 indolence de 11 indigène" ou 111 1 incapacité du noi r" ou encore son
"imprévoyance".
- C'est la raison pour laquelle ce travail a été complété
par des enquêtes menées auprès des
principaux intéressés 0
A chaque fois,
des recoupements ont été faits,
mais les témoignages ne
concordent pas la plupart du temps
Il y a dès fo i s un grand fossé
0
entre ce que les administrateurs écrivent sur les rapports et les informations
recueillies
On peut citer le cas du montant des taux des prêts, les
0
incidents du Sine-Saloum de 1935 et même la manière de fonctionner des SIP 0
L'enquête sur le terrain constitue la partie la plus difficile
de ce travail de recherches
En effet, on peut avoi r la chance
0
de rencontrer des gens comme AMAD DIOUF de LATMENGUE
.. of .. 0

qui nous
a beaucoup parlé de l'ex pér ience de culture mécanisée
tentée par MAUNORY dans ce village,
des rapports entre ce dernier et
les villageois.
D'ailleurs,
il semblait très content de nous livrer ce
qu'il savait sur MAUNORY.
Par contre, il nous est arrivé souvent de parcourir
plus de 150 km et de nous
trouver en face d'interlocuteurs peu bavards
:
ce fut le cas à KOUNGHEUL dans le SALOUM oriental lors de l'enquête sur
les incidents du SINE-SALOUM de 1935. Durant tout le temps passé avec notre
informateur, il n'a fait que nier les faits
reprochés aux chefs de canton.
Une telle attitude s'explique par le fait qu'il était l'ami intime du chef
mis en cause par les maisons de commerce.
Donc en tant que bras droit,
il ne pouvait que défendre son protecteur parce qu'il était impliqué au
même titre que le chef de canton. Ce qui est intéressant dans tout ceci,
c'est qu'il affirme être témoin de tous les faits. Ce fut le cas aussi à
Colobane quand nous avons voulu enquêter sur le comité de propagande
mour ide.
L'interview s' ètait déroulée normalement jusqu'au moment où nous
avons posé la question : "Est-ce que le Khalife des mourides avait reçu
des ordres de l'autorité coloniale pour inciter ses talibés à accroître
la production arachidière",
notre interlocuteur, fervent talibé mouride,
mit fin à l'entretien.
L'enquête sur le terrain a été faite à partir de questionnaires
mais souvent les paysans ne répondent pas à la question et préfèrent
parler de ce qu'ils jugent plus intéressants et moins compromettants
devant le micro du magnétophone.
Par la suite, nous avons préféré prendre
des notes ce qui était plus rassurant pour les gens. Nous avons enfin, fait
une enquête sélective, c' es t-à-dire qu'elle a été menée auprès des populations
de différentes couches
sociales ayant été intéressées de près ou de loin
par les SIP
paysans, éleveurs, ancien chef de canton, agents de la SIP
en retraite, gardien de seccos, chef de village,
etc ... L'avantage d'une
telle méthode, c'est qu'elle permet d'avoir des témoignages
(différents ou
concordants)
provenant de personnes appartenant à des catégories sociales ou
professionnelles différentes. A parti r de ce moment,
les recoupements
avec
les documents d'Archives deviennent plus faciles.
...f ...

--.<,
\\
:>
..

,
.. 1
-
:>
"li
0
\\
l
o
10.
.. 1
.x
\\
. .....
• ,1
...
1
.j
\\
o
1
...
..
,
..lt
,
OC
..\\

.'

1
r...
1
....
1
-
t
.
..
t
1
,
,
\\
,
\\
1
,
,
1
..
.. 1
l
.-
1

\\

,
!
/ ....._-...'-'
r
,
/~;;...---',
0
1
,..
:~ 1
.. ,
..
..
..
,
..
1
\\
1
t - -.....--~i-----'
1
t
~--~...---_...
r--It---~-.
-...J
"
..,
;;-__ \\=-
1
o
...
1
,-
'"
~,--Ir--__'
t~
o
..
>
.,.
'U
\\'"
.. :r\\'"•(

PREMIERE PARTIE
LES CARACTERISTIQUES DE L'ECONOMIE
SENEGALAISE AU DEBUT DU XXe Siècle

10.
CHAPITRE 1
SITUATION GENERALE DE LA COLONIE
Etant donné que les
projets coloniaux ont pour objectif la mise
en valeur du pays,
il va de soi que l'administration mettra tous les moyens
pour justifier son oeuvre. Ainsi s'impose une organisation territoriale sous-
tendue par une organisation économique au seul profit des colons.
AI. ORGANISATION POLITICO-ADMINISTRATIVE
Au début du XXè siècle,
l'expansion territoriale était presque
terminée.
Il ne
restait plus à pacifier que certaines régions. Ceci est
confirmé par les différents
rapports,
selon lesquels la situation d'ensemble
du pays était caractérisée par "un calme et une sécurité"
(1).
Le signe
révélateur de cette tranquilité selon les autorités,
semble être d'une part
la récupération sans probléme des impôts, et d'autre part,
leur excédant
dans les cercles.
Mais une précision est nécessaire dans la mesure où cette
situation politique "calme" n'était pas valable pour tous les cercles.
Elle varie selon les régions et les périodes.
En effet, dans· le cercles de
PODOR et de MATAM, on signalait dès
1902 que des .dèrnarc hes furent entre-
prises par des
populations de l'autre rive auprès des commandants desdIts
cercles.
Elles demandaient une autorisation d'installation sur des terres
qu'elles pouvaient mettre en valeur.
Une telle démarche peut être certainement
expliquée d'une part,
par l'insécurité dans la rive opposée et d'autre
part par le calme relatif de ces cercles dont font état les rapports.
(I)
A.N.S.
Rapp.
d'ensemble sur la situation Polit.
écon • adm.
et
sur le fonctionnement de divers services en AOF.
1900-1908. Série 2G•
... / ...

11.
Dans le Sine-Saloum,
le Niani -Ouli,
et le cercle de NIORO,
il semble que "rien n'était à signaler".
Il en était de même dans
le cercles
de la ligne du chemin de fer
(THIES,
LOUGA, TIVAOUANE)
: la situation
était jugée bonne à tel
point qu'on décida de porter l'impôt à 4 francs en
1905. Cette augmentation fut étendue dans les cercles de BAKEL,
de MATAM,
de PODOR car "l'autorité des chefs ind igènes s' y est exercée sur les
populations soumises à notre protectorat sans aucune opposition"
(1).
Par contre,
en CASAMANCE, elle était tout autre car les adminis-
trateurs eux-mêmes reconnaissaient ne
pas y avoir d'autorité malgré la
colonne de 1900 cont re Fadé Kaba ,
En Basse-Casamance, les populations
avaient toujours manifesté leur hostilité aux Européens
; ce fut notamment le
cas des Floups,
des Fogny et des villages Bayout qui refusaient de payer
l'impôt, concept qu' ils ignoraient et qui explique qu'ils "n'admettaient
pas que l'on vint régulièrement leur enlever le riz (sous forme d' impôt),
fruit de leur labeur"
(2).
Cette philosophie faisait que, ces populations payaient
l'impôt avec la plus grande fantaisie, et passaient par des "alternatives
d'effervescence et de calme"
(3),
elle faisait aussi que,
l'administration
par mesure de prudence, ne
réclamait qu'un franc d'impôt par tête.
Ce climat était tel que dans le Fogny,
"Le Président ne
peut circuler qu'avec
une escorte de tirailleurs"
(4). Quant au
Balantacounda,
région très proche
de la frontière Portugaise, elle s'était déclarée indépendante.
(1)
A.N.S.
2 G 5 28 Rapp.
d'ens.
1905
(2) ROCHE (c)
: Les
résistances des pays Diolas NEA.
Dakar 1976 P.
285
(3)
Villard
(A)
: Histoire du Sénégal Maurice VIALE.
Dakar MCMXL III P.I71
(4)
A.N.S.
2 G 16-2 Situation politique du Sénégal.
... / ...

1
12.
1
1
VILLARD justifie cette hostilité et ce refus de payer l'impôt par le
fait que les Diolas ne voulaient entendre parler de rapports
réguliers
1
avec l'administration. Aussi il faudra attendre les rapports de 1905 pour
qu'on parle de résultats
positifs liés sûr ernent à une surveillance plus active.
1
Cette disparité dans le degréd 'occupation de la colonie
se reflétait dans son organisation administrative.
En effet le Pays était
1
divisé en zones
(1).
1
les terr itoires d'administration directe composés de communes,
étaient placés sous l'autorité d'un Lieutenant-Gouverneur et d'un conseil général.
1
- les pays de protectorats constitués par le reste,
dépendaient
de ce même Lieutenant-Gouverneur assisté d'un conseil d'administration.
Pour donner une idée de la différence de ces zones,
soulignons
par exemple qu'en matière de patente,
les tarifs variaient.
Il en était de
même pour l'impôt personnel.
L'Européen installé dans le territoire d' adminis-
tration directe le payait alors qu'il en était exempt une fois dans les pays de
protectorat.
Cette distinction fait qu'il existait deux
budgets
: un pour
la partie placée sous administration directe et un autre pour les pays de
protectorat.
L'inconvénient d'un tel système est que le budget des régions
productrices servirent plus pour les communes et les escales. Ainsi en
1921,
les deux
budgets fusionnèrent
pour mettre fin à ces abus.
(I)
A.N.S.
1 G 359
E.
SERE-DE RIVIERES
SENEGAL-DAKAR ed ,
Maritime et col.
Paris 1935 P.
53.
. .. / ...

OIVISIONaAOMINISTRATIV~COLONIALES 1925
(Sourcel ATLAS NATIONAL DU SENEGAL P. 63)
crt~~Hll~l"la~ç1~ 1'I1"~<l l'~a~cin,, .• .: .".
RUfiaqUa (18éb) ~akar"(18B7)'·
Oagana
Saint-Louia (1872) Gor~a (1872)
C) _ Communee mixte a
~
w
8ignon
~
........,~,.._... K0 1d a
ADOI(,...
-
.
-
. .
-.

1
14/
1
A partir de 1904,
les premières communes mixtes furent
1
créées à THIES,
TIVAOUANE, LOUGA dans le but nous dit-on,
d'associer
la population des escales au commandement
et à la vie commune en
1
s'adaptant à leur degré ct' évolution (1).
Ces communes mixtes étaient dirigées
par un administrateur-maire désigné et une commission municipale nommée
1
ou élue suivant le degré.
En 1904-25,
quelques onze communes mixtes
(en plus
des quatre communes de plein exercice) avaient été créées et la plupart d'entre
elles
se localisaient dans les
régions arachidières et épousaient les lignes
1
commerciales de la colonie. Il faudra ajouter à cette organisation territoriale
de la colonie, la création de la délégation de DAKAR en 1905,
qui va subir
de profondes modifications durant toute la période coloniale.
A partir de ce moment,
la politique et l'économie vont se
confondre dans l'oeuvre coloniale.
Le gouvernement avait compris que la
prospérité du
pays était liée au développement agricole et au climat de
tranquilité indispensable à toute mise en valeur. Ceci avait fait que très tôt,
des mesures très importantes furent
prises pour le développement économique
de ces cercles des pays de
protectorat qui étaient du
reste,
les plus
peuplés et les plus
riches.
Parmi celles-ci, on
retiendra la création
d'une société d'agriculture en DECEMBRE 1874 dont l'objectif était d'encou-
rager ceux qui ont le goût du
travail de la terre (2).
C'est dans ce contexte,
qu'il faut
placer les différents
essais tentés en vue du développement de l'agriculture:
des expériences
de cultures du mil et du mais à l'aide de la charrue furent tentées en
1987 dans le cercle de MATAM (3).
(i)
VILLARD (A)
op. cit.
p.
178
(2)
Annuaire du Sénégal et dépendances -
1902
(3)
A.N.S. R 3 Agriculture du Sénégal 1897-1906.
Note n°
1141 pour le
Couv ,
Cén ,
St-Louis 29 NOV. 1897.
.../ ...

15.
A la même période,
d'autres essais de cultures avec charrue
ont été faits à LOUGA devant les chefs indigènes du cercle qui réclamaient
ce matériel,
en vue de la prèparation de leurs champs.
D'ailleurs,
la
direction des affaires indigènes avait commandé en FRANCE 14 charrues
qui furent distribuées dans les cercles de LOUGA, CAYOR et THIES (1).
Le Gouvernement colonial avait créé une inspection de l'agri-
culture à partir de 1890 qui devait s'intéresser à toutes les questions
agricoles. C'est pour cette raison qu'elle mit sur pied des jardins
d'essai à Richard-Toll et à Sor,
des fermes d'expérience à TlVAOUANE,
BAMBEY,
KAOLACK afin de trouver le système de cultures le mieux
accepté pour le pays
: "on
y procédait à des expériences agricoles et
à la multiplication des plantes utiles " (2). Autre attribution : améliorer
les cultures indigènes,
alimentaires et industrielles,
par la politique de
graines sélectionnées et l'emploi d'instruments agricoles perfectionnés.
Il a été envisagé un moment donné,
d'enseigner quelques notions agricoles aux
fils de chefs.
Ainsi une bonne prise en charge -bon encadrement- d'indigènes
fournissant le travail,
aidée en celà par les chefs traditionnels,
devait
permettre à l'administration de promouvoir le développement économique
de la colonie,
du moins de certaines
régions des pays de protectorat.
Telle était la vision de ceux qui étaient chargés d'élaborer la politique
d'ex ploi ta tion coloniale.
(1)
A.N.S.
R 3 op. cit.
(2)
A.N.S. Annuaire du Sénégal et dépendances 1902
.../ ..·

16.
BI. SITUATlON ECONOMIQUE
1 ENVIRONNEMENT AGRICOLE
Au début du XXè siècle,
la colonie était dominée par l'économie
de traite.
Celle-ci exportait d'énormes quantités d'arachides dont la production
dépendait aussi bien des régions que des aléas du climat.
a).
Les diversités régionales agricoles.
La carte agricole (1)
du SENEGAL de 1900 révèle que la
culture spéculative de l'arachide,
bien que principale source de richesse
du
pays,
n'était pas encore généralisée.
-
Les cercles producteurs d'arachides commercialisées.
Ils regroupent la zone comprise de part et d'autre du chemin de fer
DAKAR-SAINT-LOUIS,
était limitée à l'Est par une ligne ST-LOUIS-LOUGA,
KAOLACK-KAFFRINE.
Ensuite, elle décrivait une courbe en direction du
Sud-Est reliant NIORO DU RIP à la Côte Atlantique.
Plus au sud, il existait
aux alentours de SEDHIOU un noyau de faible production d'arachides des-
tinée à l'économie de traite d'exportation.
Dans cette zone, on distingue le "vieux bassin" dont les deux
grands centres de commercialisation que furent RUFISQUE et SAINT-LOUIS,
exportaient en tant que ports,
les arachides dits de RUFISQUE et du CAYOR.
Mais ce vieux bassin déclina dès le début du siècle, à tel point que
ST-LOUIS "n'exporte plus que les maigres tonnages traités au Nord de
LOUGA"
(2).
(1) ATLAS NATlONAL DU SENEGAL.
Géographie économique. Dossier n° 5
Planche 37.
P.
91
(2)
PEHAUT (y)
: Les oléagineux dans les pays d'Afrique ccc i d , associés
au marché commun. La production -
le commerce - et la transformation
des produits.
T II
Ed.
HONORE CHAMPION PARIS 1976 P.
470
.. . 1. . .

ZONES DE PRODUCTION ARACHIDIERE DU SENEGAL 1 1900
.:.
(SourcetATLAS NATIONAL DU SENEGAL. P.90)
D Zone de forte production
':.': commercielis~e
...
E3 Zone de faible production
commercialis~e
8
~
-.J
.40~ K ....

18
La relève fut assurée par Thiès et T'i v aouane
qui fourni rent
plus de 50 % de l'arachide produite dans la zone du rail. A partir de
1903-04,
les superficies d'arachides diminuèrent dans le cercle de
Louga
(100.000 ha) alors que,
dans le même temps,
elles s'accrurent
dans celui de
Thiès (170.000 ha)
(1).
Cette baisse de la part de
Louga
dans la production,
peut être expliquée par les conditions naturelles
très
peu favorables:
un climat de type sahélien (l.P.A. 0,70)
(2),
une pluv iomét r ie et une popul ation très fai b les dans le 0 j oloff
fai saient
que tout le sol n'était pas cultivé. L'arachide était principalement produite
dans le Ndiambour
, favorisé par des sols fertiles
(marne) et le chemin de
fer,
dont l'ex ploitation avait permis le dévelop pement de l'arachide en
tant que culture d'exportation.
La culture spéculative de l'arachide était aussi développée
dans le Sine-Saloum, mais son extension ne concernait pas tout le cercle.
Ainsi,
le Sine intégré dans l'économie de traite d'exportation
dans la période 1887-1914, était le premier producteur du cercle.
(1)
PEHAUT. op. cit.
p.
467
(2)
Etudes Sénég.
n? 9 connaissance du SENEGAL.
Fascicule 3 : climats -
sols,
végétation.
J. G.
AOAMS-F.
BRIGAUO-CL. CHARREAU -
R.
FAUCK-
CROS ST-LOUIS 1955
I.P.A.
: indice de pluviométrie annuel ou indice d'aridité
1 (A).
1 (A)
0,25 - 0,50
zone sudésertique
0,51 - 1
~
zone aride
1
2
~
zone subhumlde
2
3
~
zone
humide
.../ ...

19
L'importante croissance de l'arachide entraîne la réduction de la culture
du coton.
Par contre,
les cultures vivrières ne souffrirent guère de l'ex-
tension de l'arachide : la culture du petit mil était prioritaire pour le
paysan du Sine et il lui réservait le tiers de la sole (1).
Dans
le Saloum,
la culture commerciale se limitait surtout dans
le Bas-Saloum et sa limite extrême orientale en
1900 était Kaffrine.
Ceci nous amène au constant suivant: une grande partie du Saloum n'était
pas encore intégrée dans l'économie d'exportation comme le Sine qui avait
fourni 76 % des exportations du cercle en 1907
; soit 26.000 T.
sur un
total de 34.000 T. Kaolack avait fourni le reste et le Saloum oriental
"n'avait alors rien produit pour le commerce" (2).
-
Les zones d'autosubsistance
Nous appelons zone d' auto sub s is tance , toutes les régions qui
n'étaient pas encore dominées
par la culture spéculative de l'arachide qui
devait les intégrer dans l'économie commerciale d'exportation (cf. carte
agricole). Il faut signaler que dans certaines d'entre elles,
l'arachide y
prenait de plus en plus d'importance, alors que dans d'autres,
soit elle
regressait,
soit sa production était insignifiante.
(I)
MBODJ (M)
: "Un exemple d'économie coloniale.
Le Sine-Saloum
(Sénégl)
de 1887 à 1940. Cultures arachidières et mutations sociales".
Thèse de llIè cycle.
PARIS VII 1977-78 p.
308.
(2)
PEHAUT. op. cit.
P.
476
... / ...

20.
Ainsi le cercle de NIORO (1),
localité dans la zone subhumide
(IPA:
1,22)
réputé très fertile selon l'Administrateur était dominée par
une économie d'auto-subsistance.
Les populations produisent mil et arachide
pour la nourriture, coton et indigo pour le tissage et la teinture.
Elles
recueillaient aussi du miel et de la cire pour certains usagers.
Le peu
d'échanges qui existait se faisait surtout avec les traitants gambiens.
La raison, c'est,
d'une part,
le fait qu'aucun traitant européen n'y avait
mis le pied et que d'autre part,
il était plus facile
pour le paysan
d'écouler sa récolte en territoire gambien.
Les frais
de transport d'une
charge d'arachide par les chameaux (IOO kg)
ou par les ânes
(60 kg)
lui
revenaient entre 5 F et 15 F du lieu de production au point de vente :
FOUNDIOUGNE-KAOLACK. De ce fait,
les faibles
revenus tirés de la vente ne
pouvaient l'inciter à accroître les superficies destinées à l'arachide.
En CASAMANCE,
on distingue trois zones aux conditions climatiques
et aux aptitudes économiques différentes.
La Basse-Casamance (Sud Ziguinchor)
a un climat subguinéen OPS
: 2,38 avec une pluviométrie supérieure à 1.500 mrn.:
On y trouve des terres d'alluvions avec Poto-Poto et des affleurements de
sols à certains endroits.
La culture du
riz y est de loin la plus importante
car étant l'aliment de base du paysan diola.
Les surfaces réservées à
l'arachide y sont restreintes:
en
1906 "(qu' )elle n'occupe que de très
faibles étendues en Basse-Casamance et dans le Combo et les quelques
villages wolofs
près de Carabane"
(2).
Elle n'était pas très cultivée, et,
aux environs de ZIGUINCHOR l'apport était très faible.
(1)
A.N.S.
1 G 343.
Monographie du cercle de Casamance 1911
(2)
PEHAUT : P.
488
... f ...

21.
Par contre,
la moyenne et la haute CASAMANCE ont un climat
Sud soudanien
(P.
1000 mm), et sont couvertes de terrains silico-argileux
favorables à la culture du mil très récoltés dans la région et de l'arachide
que les autorités cherchaient à développer,
ap rès qu'elle ai t connu une
longue période de crise (1880-1900)
(1). Au début du XXè siècle,
SEDHIOU
et sa région apparaissaient sur la carte agricole du SENEGAL en tant que
zone de faible production commercialisée.
D'une manière générale,
la production agricole de la CASAMANCE
était destinée à l'autosubsistance ,
par conséquent,
l'insertion de la
région dans l'économie marchande ne se fait qu'en 1906 avec la reprise
de l'arachide favorisée par "le retour des mai sons bordelaises, l' amélio-
ration des cours à partir de 1905 et l'effacement relatif du caoutchouc"
(2).
Le cercle du NIANI-Ouli se rapproche fort de la CASAMANCE
car la flore y est aussi riche que variée"
: la flore ne cède en
rien
comme richesse et variété à la flore du pays et le N.O. est sans exagé-
ration un merveilleux pays de chasse " (3).
Les sols silico-argileux
dominent partout (sauf sur les plateaux latéritiques) et permettent le 1
développement des cultures céréalières
: les superficies réservées au mil
étaient évaluées entre 10 et 12000 ha (4), en plus, on avait l'exploitation
(I)
Roche (c )
: conquête et résistance des peuples de Casamance
NEA DAKAR 1976 P.
191
(2)
PEHAUT P.
488
(3)
A.N.S.
l G 293 Cercle du Niani-Ouli par l'Adm.
LAURENS 1904
(4)
Ibid.
...f ."

22
du riz dans les marigots et plaines inondées, et du fonio très apprécié
dans le cercle. L'arachide y connut un grand essor,
même si au début sa
production n'était destinée qu'à la consommation. Selon LAURENS adminis-
trateur du cercle, son extension considérable (100 T. en 1986 à 3000 T en
1904) s'expliquait par l'impôt qui y a été établi. Mais dans ces zones
d'autosubsistance, son développement était limité par le manque de moyens
de communication et de débouchés.
Les
populations écoulèrent la plupart
du temps leurs graines en Gambie anglaise.
du fait de l'existence de
vastes paturages (sols latéritiques et plateaux ferrigineux
rendant les
cultures difficiles), et de l'existence de population (Peul h ) spécialiste de
l'élevage, les activités pastorales y connurent un grand essor.
Les cercles du fleuve constituaient un cas assez particulier
dans l'ensemble de la zone d'autosubsistance
si la culture de l'arachide
prenait de l'importance dans certaines zones,
par contre, elle regressait
dans cette région.
Les
raisons sont multi p Ies
: d'une part,
il Y a celles
qui sont liées aux conditions naturelles.
En effet,
une partie de ces
cercles (PODOR) se trouve dans la zone sub d és e r ti q ue (l.A.
: 0,43),
une
autre (MATAM)
dans la zone aride (l.A.
: 0,67). Elles sont caractérisées
par la faiblesse des pluies (hivernage très réduit) et la présence de sols
subarides (1). De telles conditions ne permettaient pas le développement
de la culture de l'arachide.
( 1)
Por tè re s , Fascicule l Mars-av.
1952 : Aménagement de l'économie
agricole et rurale du Sénégal p. 33 Chapitre Pédologie.
Pour l'étude sur les sols, on a consulté aussi J. DUBOIS
pour la recherche des terres à arachides du Sénégal
communication : 165.
Pédologie du secteur soudanais de
recherche agronom.
du compte-rendu de la conférence af r Ic , des
sols du 8-i6 Nov.
1948.
Bul. agricole du CONGO N"
l Mars 1949.
Voir aussi Esquisse des différents types de sols dans la
moitié sud du Sénégal du même auteur.
"Les sols à arachides
du Sénégal". Rapp. Mission.
1948.
.../ ...

23
D'ailleurs,
l'arachide en ce début du XXè siècle ne se cul ti v ait que dans
une province du cercle de MATAM (1)
: le Damga. Ce dernier qui fournissait
d'énormes quantités d'arachides au commerce avait vu la culture de l'arachide
regresser.
La concur renee du CAYOR et du BAOl,
les difficultés d'écoulement
liées à l'éloignement du chemin de fer,
en furent les principales causes,
Résultat : les populations développèrent les cultures viv rières, surtout le
mill et les haricots. Ces derniers étaient semés entre les épis de mil
et constituaient un élément très important dans l'alimentation de l'indigène
et du
bétail.
l'élevage n'était pas en reste, car dans des cercles comme
celui de MATAM,
les superficies destinées au paturage couvraient 10.000 km2 (2)
le développement de l'élevage y était tel que les autorités avaient attiré
l'attention sur la destruction du couvert végétal.
Ce qu'on peut retenir de tout ceci, c'est qu'en ce début du
XXè siècle,
le pays était divisé en deux zones aux activités économiques
différentes
: une première zone déjà pleinement intégrée dans l'économie
de traite d'exportation de l'arachide. Une deuxième zone regroupant le reste
du
pays, était le domaine de l'autosubsistance,
car on y cultivait l'arachide
soit pour la consommation, soit pour payer l'impôt.
C'est ainsi que dans
les cercles du fleuve,
les céréales étaient cultivées dans les sols argileux
du WALO inondés pendant l'hivernage.
En CASAMANCE, malgré la variété
des récoltes favorisées par les conditions naturelles,
l'accent était mis
sur la production céréalière,
principal élément de base de la subsistance
riz en Basse-Casamance et mil dans le reste de la region, Ailleurs,
dans
les cercles du Niani-Ouli ou de MATAM,
on avait développé les activités
pastorales sans perdre de vue la culture du mil,
du fonio, et du
riz.
Partout dans cette zone,
la plus grande partie du pays,
dominait
(1)
ANS 1 G 293.
Notice sur le cercle de Matam par l'adm. du cercle 1904
(2)
Ibid.
... / ...

24
une polyculture vivrière: culture des céréales complétée par une variété
de produits que sont les niébé,
haricot,
béref,
arachide,
etc •..
et les
cultures industrielles locales
(coton-indigo) en certains endroits.
Mais il faut apporter une nuance à la notion de "région d' auto-
subsistance".
Ces zones ne sont pas exclusivement autosubsistantes
.
En ce début du XXè siècle,
les
populations de ces zones participaient
de manière directe ou indirecte à l'économie de traite : soit elles échan-
geaient des produits avec le bassin arachidier,
soit les navétanes issus
de ces régions
y vendaient leur force de travail en participant à la
culture de l'arachide. Ainsi ce phénomène d'intégration des zones d' auto-
subsistance au système de l'économie de traite d'arachide allait se généraliser
avec la politique d'accroissement de la production,
la mise en
place des
voies d'évacuation et l'impôt de capitation.
Des
régions qui ne
produisaient
que pour l'autoconsommation en principe,
augmentèrent les surfaces d'ara-
c hides au détriment des autres cul tures
: cultures vivrières surtout.
D'ailleurs, l'accélération du processus d'intégration sera à l'origine des
plaintes de certains chefs indigènes,
plaintes contre "l'abandon des
cultures vivrières au profit de l'arachide".
b).
Les aléas climatiques et économiques
L'économie de la colonie dépendait et dépend toujours
des conditions climatiques et de ses conséquences.
La production variait
d'un hivernage à un autre. Ainsi,
une bonne saison des pluies entraînait
une prospérité aussi bien pour les
paysans que pour le commerce.
Par contre,
un mauvais hivernage était signe de misère paysanne et de
diminution des affaires du commerce.
... / ...

25
En effet,
de 1900 à 1903,
la situation économique était assez
acceptable.
Une progression des opérations par rapport aux années précé-
dentes,
de bonnes récoltes pour les cultures vivrières en furent les
baromètres (I). D'ailleurs,
la culture du mil,
principal élément de nour-
riture de l ' indigène, excepté en Basse-Casamance,
avait connu de bons
résultats entraînant une réduction du
riz importé
ie tonnage de 1903
avait baissé de 2900 T.
par rapport à celui de l'année précédente (2).
En ce qui concerne les importations,
la France avait fourni
les 3/5 de 1900 à
1902.
Elle avait acheté en contre partie 76 % des
arachides, la totalité de la productionn de la gomme et 85 % du
caoutchouc (3).
Mais il arrivait que cette prospérité soit perturbée. Ce fut
le cas notamment en
1901, année pendant laquelle un mauvais hivernage
avait fait
baisser la production d'arachides:
de 135.000 T.
en 1900,elle
tomba à 120.000 T. en 1901. L'année sui vante,
une bonne saison des
pluies
permet un relèvement de la production. Cette normalisation de la
production fut de courte durée car dès
1904-05,
la vapeur se renversa (4).
Le pays allait traverser une crise de subsistance et les cultures dont
(I)
ANS:
2 G 4-26 - Rapp.
d'ens.
sur la situation polit. adrn , financière
et économ. et sur le fonctionnement des divers services pendant
l'année 1904.
(2)
Ibid.
(3)
ANS 2 G 2-16. Situation économique de l'AOF.
(4)
ANS 2 G 4-26 op. c i t ,
.. ./...

26
dépendait la prospérité du pays furent touchées par les effets néfastes de
la nature. On signalait ainsi dans les différentes régions soit des pluies
tard ives dans le Sine-Saloum, compromettant les récoltes,
soit des inv as ions
acridiennes dans les cercles du FLEUVE.
Le résultat fut une avarie partielle
de la récolte,
entraînant une baisse des cours de l'arachide. Cette situation
fut agravée, car un faible relèvement des cours en fin de traite avait poussé
l'indigène à se débarrasser de ses graines d'arachide.
Cette crise de
subsistance avait déterminé l'administration à servir d'aval aux cultivateurs
pour la garantie des semences auprès du commerce, au taux de remboursement
de 50 %. AInsi,
le commerce distribua sous le contrôle de l'Administration
1
quelque 52.795 kg à la banlieue de SAINT-LOUIS et dans le Gandiolais.
Dans les cercles de DAGANA,
KAOLACK, THIES,
LOUGA,
TIVAOUANE, la
1
quantité avancée était de 1105 T.
(1).
L'année 1906 fut marquée par toutes sortes de calamités naturelles
1
à travers le pays
(2). Ce fut presque partout la famine dont l'intensité
var iai t selon les régions.
1
Les régions les moins touchées
: elles regroupaient les c
1
cercles de la ligne du chemin de fer,
le sud de la colonie, et le cercle
de MATAM.
Les cercles de la ligne du chemin de fer étaient partiellement
atteints
: si les récoltes étaient nettement mauvaises dans le NDIAMBOUR,
1
si une partie du CAYOR était envahie par les sauterelles, par contre,
dans le DJOLOFF,
les bonnes récoltes écartaient le spectre de la disette.
1
Dans les cercles de CASAMANCE, les récoltes abondantes mettaient les
populations à l'abri de la famine,
malgré quelques dégâts causés par les
1
fortes pluies. Alors que dans les cercles du Niani-Ouli de MATAM et une
partie de celui de THIES, les habitants se plaignaient des pluies tardives
qui causèrent des dégâts.
(1) ANS. 2G 5-28
: Rapp.
d'ens.
sur la situation polit. adrn,
financ.
et
èconorn ,
et sur le fonctIonnement des divers services
pendant l'année 1905.
(2) ANS 2G6-1 : Sénégal: service de l'agriculture-rapp. ann , agric.
1906 -
P.
44 Voir dans la même série le dossier
: rapp. agric.
premier
trimestre 1906.
... / ...

27
- Les cercles les plus touchés par la famine furent le
Sine-Saloum et le Fleuve. Le Sine-Saloum connut à partir de 1906 une
véritable famine (1)
dans certaines de ses provinces du Saloum oriental
et occidental. Quelque
59.261 individus étaient dans un état de famine
à tel point que nous dit l'administrateur : "dans un délai d'un mois environ,
ils n'auront plus pour se nourrir que les feuilles
des arbres et leurs racines",
En effet, ces régions étaient envahies par un insecte parasite venu de
l'Est appelé "colcolat". Il s'attaquait surtout au Bassi ou gros mil
d' hivernage en répendant sur les tiges un liquide ressemblant au miel.
Cette destruction de la récolte avait des conséquences sur la production
de l'arachide.
Le paysan, faute de nourriture, consommait s e s graines
d'arachides.
Ceci posait le problème des semences du point de vue quantitè
et qualité. Ainsi les exportations du Sine-Saloum en 1906 estimées à 25.000 T.
étaient inférieures à celles de
1905.
Les cercles du Fleuve furent aussi
durement atteints par la famine causée par les inondations dans les cercles
de BAKEL, par les sauterelles dans les cercles de PODOR et de DAGANA,
et enfin par les pluies tardives de DECEMBRE dans le cercle de MATAM (2).
(I)
ANS. cf.
Rapport de
1906 cité page précédente. Mais il existe un
dossier sur la famine dans le Sine-Saloum 1906. cf.
13G 3 (23)
Extrait du rapport trimestriel
1906 du cercle de
KK. 20 AV. 1906
Le FILLIATRE.
(2) Cf,
rapp.
de 1906 cité p.
précédente pour l'ensemble des cercles
On peut consulter pour le cas de BAKEL
: CHASTANET (M)
:
"Les crises de subsistance dans les villages SONINKES du cercle de
Bakel 1858-191+5 ORSTOM.
DAKAR SEPT.
1982 37 P.
.../ ...

CERCLES TOUCHES PAR LES ,LEAUX NATURELS, 1904 1 1907
-
Podor
mn-Cerclee touchde per la
femigetceuade per lee
1non a 1.0na
, .
.
o'1r>a1
Mt
'
\\: : ~I-'amine ceuede par aeu-
,
tereUee
"'1-1' '
[i'ïTl-ramine ceusde perlee
'" .ll-l.l.

• •
1 •
. ,
,

,
"1
..

I!..!..!.I pluiee terdivee et la

maledie du mil ou"miel"
,
.
,
,
,
, .


. ..
~-Rdcolte abondante mal-
• l.ouqa

~ grd QuelQuee deetructions
. ,
,
,

. ,
. . .
cauadee par les fortea
. . . ..
pluiea

8~*e
, l , ( 1
1 [ 1
1 1 1 1
1 1 1 1
~K~ol~Ck
1
1
1 1
1
, '1 "
1
r - - J~ .....
1
1
1
\\
L_-
,'- -
'-"\\. »<. .... "'\\." ". - -
,
""001(.... '
,

28.
Partout dans la région,
les récoltes du mil et
du maïs qui
devaient permettre aux paysans de renouveler leur stock de réserve,
mettant
ainsi fin à la disette de 1905, furent détruites par ces calamités naturelles.
Ce fut la grande famine dans tous les cercles du Fleuve. Les paysans
n'étaient pas au bout de leur peine, car si 1906 était l'année des fléaux
de toutes sortes,
1907 était celle d'une sécheresse "inaccoutumée"
(1).
Cette sécheresse eut une double conséquence dans le fleuve : la
rareté
des pluies et la faiblesse de la crue du fleuve compromirent les cultures
du Diéri et de crue . 11 en fut de même des récoltes de mil et du riz
du cercle de Niani-Ouli.
Cet état de famine commençait à disparaître dans le sine-Saloum
où une bonne récolte de mil mettait fin au cal vaire de la population (2).
Tout ceci montre clairement que les conditions climatiques
défavorables et les fléaux des années 1905-07 furent à l'origine de
cette crise de subsistance.
Mais
pour les autorités,
les paysans avaient
contribué à l'accentuation de la crise, car plusieurs villages n'avaient
pas créé de greniers de
réserve (3).
(1)
ANS. 2 G 7-1 Sénégal. Service de l'agriculture -
Rapport annuel
agricole 1907.
(2) Ibid.
(3)
LAVILLE {P}
: Associations rurales et socialisme contractuel en
Afrique noire.
Ed ,
ENJEIS -
1972.
.. ./ ...

1
29
f
1
Elles avançaient aussi l'argument selon lequel, certains groupes ethniques
-Peul h s et Toucouleurs moins prévoyants que les sérères, avaient tendance
1
à vendre toutes leurs graines dès que les cours furent élevés un tant
soit peu (1).
Mais
le fait de lier ces crises à "l'imprévoyance" des
indigènes ne fait pas l'unanimité. Il est certain que le paysan disposait
1
d'un taux de couverture alimentaire provenant de ses réserves familialies.
En effet, quand les calamités de 1904 s'étaient abattues Sur le pays,
les
réserves lui permirent de se nourrir jusqu'aux prochaines récoltes de mil.
Et un bon hivernage l'année suivante lui aurait permis de renouveler ses
1
stocks.
Malheureusement, la persistance des fléaux en 1905-07 l'entaina
dans un état de famine car son taux de couverture alimentaire était réduit
1
à néant.
Pour Suret Canale, les responsables de cette crise de subsistance
furent les autorités coloniales qui avaient réduit les populations dans
un "dénuement" qui en faisait les victimes de la "moindre crise d'ordre
naturel ou social"
(2).
La réalité, c'est qu'en remplaçant les greniers
de réserve traditionnels par une nouvelle politique sans tenir compte de
la réalité, en prélevant l'impôt de capitation malgré ces désastres sur les
réserves des paysans destinées aux périodes de soudure, les autorités
aboutirent au cycle suivant
de la disette périodique dont il était
victime,
l'indigène passait à la famine aux proportions catastrophiques (3).
(l)
ANS - 2G6-l Rap port agr icole annuel du
l e r tr imestre 1906. Selon ce
rapport,
les greniers de
réser ve sont constitués
pa rtout.
Le problème
c'est que certains indigènes mettaient plus ou moins d'empressement
selon leur caractère particulier.
(2) SURET-CANALE: Afrique Noire -
L'ère coloniale 1900-1945.
Ed. sociale MARS 1964.
P. 170
(3)
Ibid.
. .. ! ...

30.
En tout cas, cette période du début du XXè siècle était très
difficile pour les paysans
: d'une part les cultures vivrières qui lui
permettaient
de résister pendant la soudure étaient détruites.
La consé-
quence : le paysan devint dépendant sur le plan alimentaire alors qu'il avait
toujours pratiqué l'autosuffisance alimentaire;
d'autre part, cette famine
avait eu des répercussions sur la production de l'arachide. On a montré
plus haut les raisons qui poussaient l'indigène à se débarasser de ses
semences.
De toute façon,
l'arachide avait souffert de la famine,
car
durant ces périodes de désastre,
sa progression s'était considérablement
ralentie.
PRODUCTION 1
% DE PROGRESSION
(Base: 100;1900-02
1900-02
124.400 T-
100
1903-05
127 . 930
102,8
1906-08
133.830
107,5
1909-11
231. 930
165,3
Ainsi,
toutes les interventions administratives se justifiaient
par la volonté de sortir l'indigène de son état de famine pour qu'il
puisse cultiver l'arachide très importante pour l'économie de la colonie.
(I)
PEHAUT (y)
op. c it , p.
459
... ! ...

31
2° /.
Impact de l'arachide
L'arachide est la plus importante de tous les oléagineux dans
l'économie de l'Afrique de l'Ouest. Si on la compare avec l'amande de
palme ou l'huile de palme, on constate qu'elle occupe la première place
du point de vue tonnage ex porté.
Produits (1)
1904-08
1909-13
Arachide
127.415 T
213.609 T
Amande de
palme
28.628
43.437
Huile de palme
12.681
19.388
Cette arachide de l' AOF provenait essentiellement du Sénégal.
Le tableau ci-dessous donne l'évolution et l'importance de la part du
Sénégal dans la production totale de l'AOF (2).
1900-04
1905-09
1910-14
Ainsi,
très tôt,
l'arachide servit de boussole dans l'orientation
politique de la région, car elle était le fondement des mécanismes de
l'économie.
Part de l'arachide en valeur dans les exportations du Sénégal
(3).
ANNEES
Valeur totale
Arachide
Caoutchouc
Gommes
1900
28.712.874 F
84,42 %
7,43 %
8,13 ~
1901
25.136.048 F
84,01
9,40
11,57
1902
24.367.707 F
84,22
9,01
6,75
(l)
Bulletin mensuel de l'agence économique de l' AOF 1922-1939
(2) Le calcul a été fait à partir des chiffres tirés de l'ouvrage de
PEHAUT (Y)
: les oléagineux dans les
pays de l'At. occid.
associés
au marché commun - la production - commerce et transformation des
produits - T.
1 Edition HONORE CHAMPION -
PARIS P.
459
(3)
ANS - 2G2-6. op. cit.
... / ...

32
Le rôle déterminant de l'arachide du Sénégal s'explique par
les
besoins de l'industrie française,
et correspond à l'apogée de l' impé-
rialisme colonial
(1904-1930)
(1). Cet impérialisme est créateur d'économie
spécialisée dans les territoires coloniaux. Ainsi,
le Sénégal ne sera pas
épargné,
et tout l'effort allait y porter sur le développement de la culture
de l'arachide destinée à l'exportation. C'est dans ce sens qu'on parle de
"Révolution économique"
(2)
dans la mesure où il est créé dans les colonies,
une économie nouvelle. Sa caractéristique principale est son "insularité",
c'est-à-dire qu'elle n'est pas équilibrée (3).
Cette analyse est valable pour le cas du Sénégal,
car un seul
produit (arachide) y domine, et il ne
domine que dans certaines régions.
Au moins, à ses débuts. Tout ceci prouve la volonté des autorités d'insérer
la colonie dans la division internationale du travail (4) qui allait attribuer
à la colonie un rôle bien précis dans ses
relations avec la métropole.
En effet, les besoins de la métropole en arachides étaient énormes.
En 1905,
elle avait besoin de 200.000 T.
d'arachides en coques
(5). Si on jette
(1)
YACONO (X)
Histoire de la colonisation française.
PVF.
PARIS 1967
(2) Ibid.
P.
81
(3) Ibid.
P.
82
(4)
Bernard TCHNIGONA FOUNOU : fondements
de l'économie de traite
du Sénégal
(la surexploitation d'une colonie de 1850- 1960) Silex-Ed. Paris
(5)
CHEVANS
(H)
mise en valeur de l'At. occ i d , f r anç ,
Paris 1907, 280 P .
.../ ..

33
Un regard sur la production de l'AOF,
on se rend compte qu'elle est
très loin insuffisante.
La production moyenne était estimée à 127.415 T.
pour toute l'AOF, et la part du Sénégal s'élevait à plus de 95 %.
En [909-13,
l'Europe avait absorbé 90 % des importations mondiales
d'arachides,
dont 75 %, soit 671.000 T.
par la France (1).
Les principaux producteurs étaient l'Inde,
qui exportait
des décortiquées vers Marseille et l' AOF dont les arachides en coques
étaient traitées par les huileries de Bordeaux (2).
Les maisons borde-
laises qui achetaient la production de la colonie allaient faire du Sénégal
une zone spécialisée dans l'exportation d'arachides en coques (3).
Cette volonté, conforme aux objectifs de l'impérialisme
colonial,
avait fait que toute une littérature coloniale fut développée
pour justifier la vocation arachidière du Sénégal, en "faisant croire que
les terres (du Sénégal) n'étaient bonnes qu'à produire l'arachide"
(4).
Les arguments ne faisaient pas défaut et tout concourrait à spécialiser
le Sénégal dans la production d'arachides.
(I)
ADAM (J)
:
les plantes à matières grasses. Vol. III : "l'arachide".
(2)
L'AOF exportait ses graines vers Bordeaux,
Dunkerque,
Le Havre,
mais aussi Nice,
Rouen,
Strasbourg.
(3)
A.
SOW : "Les SIP du Sénégal 1909-1966" p.
14-17
(4) SAMIR-AMIN : "L'Afrique de l'Ouest bloquée.
L'économie politique
de la colonisation 1880-1970".
Edition de Minuit -
Paris 1971 p.
37
... / ...

1
34
1
On peut les regrouper en trois thèmes qui sont tous liés
1
Les arguments d'ordre humain étaient défendus par certains
1
administrateurs de cercle
: on peut citer NOIROT
commandant du cercle du
Sine-Saloum pour qui,
le développement de l'arachide devait lui permettre
1
de bien contrôler son cercle (1).
Il ne faut pas perdre de vue que la
colonisation avait causé la dislocation des sociétés traditionnelles.
De ce fait,
1
le gouvernement colonial, en prenant certaines mesures,
avait poussé tous
les hommes libérés vers "terres arachidières du Sénégal et de la Gambie
dans l'espoir d'une vie plus aisée qu'auprès de leurs anciens maîtres"
(2).
1
Dans tous les rapports que nous avons consultés concernant les
1
cercles, les autorités proposaient l'accroissement de la production de
l'arachide par des moyens plus perfectionnés.
1
Ahmadou Bamba avait trouvé la solution au problème des
tiédos wolofs en les "exhortant à se mettre au travail" car il était
1
plus facile à ces néophytes de défricher les terres plutôt que se plonger
dans des études coraniques
(3).
C'est ainsi qu'il faut comprendre l'intérêt
1
porté par les mourides à la culture de l'arachide.
1
(1)
NOIROT cité par M. MBODJ
: un exemple d' écon. colon.
Le Sine-Saloum
1887-1940. Thèse de 3è cycle -
Paris 1977-78.
(2)
Philippe DAVID. Les navétanes -
NEA.
Dakar,
1980 p.
(3)
Vincent MONTEIL : Esquisses sénégalaises.
Etudes Af r ic , n° XXI
Dakar 1966
... / ...

1
35
1
1
La notion de rentabilité de la colonie : avec la suppression
de l'esclavage, il fallait trouver une autre source de commerce.
Les com-
1
merçants s'étaient rabattus sur le commerce de la gomme qui, malheureu-s
sement,
n'avait donné que des "résultats profondément déplorables"
(1).
1
Le relais était pris par l'arachide dans la mesure où toutes les tentatives
pour relever la colonie par le trafic d'un autre produit (la traite de
1
la gomme a remplacé la traite des esclaves) échouèrent (2).
Ainsi,
l'arachide qui était cultivée partout par les populations
1
comme plante alimentaire, allait devenir une culture d'exportation.
Toute une littérature sur l'arachide et les conditions pédologiques et
1
climatiques nécessaires à cette plante était développée.
1
On peut lire dans un rapport du service agricole de 1910
qu'on "doit se féliciter qu'il existe une culture aussi bien adaptée au
1
climat et au sol du Sénégal que l'est celle de l'arachide"
(3).
Au congrès colonial de Bordeaux de 1907,
Fleury disait que "l'a venir
de ce pays est dans la culture de l'arachide, grâce aux conditions
1
climatiques qui permettent à l'arachide d'accomplir toutes les phases
de sa végétation en quatre mois"
(4).
1
(1)
PEHAUT (y)
: Les oléagineux dans les pays d'Afrique occidentale
associés au marché commun.
La production et la transformation des
produits. Tome I. Ed. HONORE CHAMPION PARIS 1976 P.
302
(2) Ibid.
(3)
A.N.S.
2 GIO-4 Rapport agricole annuel 1910
(4)
Fleury
L'arachide. Congrès colonial de Bordeaux 4-8 août 1907.
P.
145 Bordeaux.
inst. coloniale 1908
.. . f ...

1
36
1
1
Auguste Chevalier avait étudié les
principaux facteurs qui
conditionnent la culture de l'arachide et avait abouti à la conclusion
suivante:
(1)
que le climat idéal pour cultiver l'arachide serait un
1
climat chaud à saison de pluie courte et constamment humide ; que du
point de vue pédologique, la préférence se porte sur les terres silico-
1
argileuses,
ni
trop sèches,
ni trop argileuses.
D'ailleurs,
il existe au
Sénégal des sols exclusivement réservés à l'arahide qu'on appelle les
1
sols Diors et d'autres où on peut alterner la culture du mil et celle de
l'arachide,
appelés Dek. Toutes les conditions optima pour le dévelop-
1
pement de la culture de l'arachide,
son passage de culture d'appoint
à la culture d'exportation semblaient être réunies au Sénégal.
1
Mals il faut aller au-delà de ces considérations.
Durant la période coloniale,
le capitalisme qui cherchait à dominer
1
l'agriculture par l'intermédiaire de l'économie de traite,
s'était fixé
comme objectif le développement des cultures commerciales destinées à
l' app rov isionnement de la métropole.
D'où,
au Sénégal,
l'importance
des arachides en coques que nous avons expliquée dans un chapitre
précédent. Ces dernières servaient à alimenter les huileries françaises
et les savonneries comme par exemple celle de Saint Nazaire dont le
port recevait une portion non négligeable des ex portations de l' AOF.
La transformation de l'arachide en huile consistait à lui faire subir
une seule opération de pression après avoir décortiqué les graines et
broyé les amandes
; celles-ci sont pressées dans des appareils appelés
"PRESSE" et on obtenait ainsi une huile brute et des tourteaux contenant
4 à 5 % d'huile (2).
(l)
Chevalier
(A)
: Monographie de l'arachide au Sénégal.
Paris Museum.
Nationale d'histoire 1936,
166 p.
(2)
Entretien avec M. LAFON SEDEC Lyndiane Kaolack
... / ...

37
Les arachides entrent aussi dans l ' aiimentation du
bétail
sous forme de tourteaux.
lis sont vendus tels qu'ils sont et servaient
de base pour des aiiments composés
pour le bétail.
L'arachide servait aussi à la fabrication du chocolat et
1
du
beurre d'arachide. On parlait d'arachide de Rufisque ou du Cayor
et on vantait leur teneur en huile.
li y avait enfin les coques utilisées
comme cornbus ti bles dans les chaud i r es ,
è
1
Ce que l'on croit être à l'origine de la volonté de faire
du Sénégal une zone d'exportation d'arachides en coques, est que peut-
t
être celles-ci se conservent mieux et s'acidifient moins vite, contrairement
aux décortiquées. Celles importées de Coromandel avaient la particularité
d'être décortiquées,
ce qui faisait une économie de transport de 30 %
sur les coques
(1).
Mais el les arrivaient plus ou moins rancies et la
qualité de l'huile en souffrait.
(1)
Eugène Mathon :
rapport tendant au décorticage des arachides
du Sénégal.
Institut colonial Mar seille 1917.
p.
l à 14
Le rapport préconisait le décorticage des graines sur place avant
leur embarquement
: 1000 kg donnent 700 kg de décortiquées.
Il pense que le transport de 100.000 T.
d'arachides en coques
100 vapeurs et que iOO.OOO T.
de décortiquées
: 44 vapeurs.
D'où économie sur le Frêt de 56 s.
... / ...

1
38
1
1
Si la France avait développé la politique de décorticage
des arachides qui a pour conséquences de réduire les tarifs de
1
transport,
les commerçants y gagneraient et les
paysans verraient les
prix du kilogramme
augmenter (1.).
1
Dans tous les cas,
l'huile d'arachide commençait à prendre
1
une
place importante dans la consommation française,
et même à
supplanter l 'huile d'olive. Ceci devait nécessairement contribuer à
1
stimuler la production d'arachides.
Si la généralisation a été retardée,
cela est dû à un
manque de perfection dans sa fabrication
(2).
L' huile obtenue après
pression, n'était pas désodorisée, ce qui posait un problème de goût
et de conservation.
C'est comme qui voudrait aujourd'hui vendre l'huile
pressée par la technique traditionnelle,
qui consiste à écraser l'arachide
sans la chauffer, afin d'obtenir une huile vierge. Celle-ci n'est consom-
mable que par celui qui aime le goût de l'arachide. A partir du moment
où elle était raffinée,
rien ne s'opposait plus à Sa généralisation.
( 1) Mathon (E).
Il refait le même calcul que nous
rep r o dui sons
:
1000 kg de coques = même prix que 1600 kg de décortiquées.
Puisque 1000 kg occupent la place de 700 kg de décortiquées,
si on calcule au f r êt de 100 F.
par
1000 kg de coques,
les
700 kg de décortiquées = 1000 x 100 x 700 = 43,75 soit une différence
1.600
de 56,25 au profit des décortiquées.
(2)
Entretien avec M. LAFONT.
Président de la Chambre de commerce
de Kaolack,
Directeur de la SODEC.
Il a quitté depuis le Sénégal.
.../ ...

39
Tous ces facteurs faisaient que le Lobby colonial se
constitua en groupes de pression (1) à la Chambre des Députés et au
Sénat pour défendre "toutes mesures économiques ou législatives reconnues
nécessaires"
(2). Cela voulait dire en d'autres termes qu'ils useront
de leur influence auprès des autorités pour faciliter la mise en valeur
des colonies. D'ailleurs dès 1900,
une véritable campagne de presse
contre le protectionnisme fut organisée à la Chambre des Députés avec
des slogans tel que "mettez les colonies en état de produire.
Encouragez-
les.
Aussitôt que l'on saura que vous avez rétabli ce pacte colonial,
que la libre entrée est assurée dans
la métropole aux
produits coloniaux,
comme dans les colonies aux produits nationaux,
il Y aura dans ces
colonies un afflux de capitaux pour des plantations de tous genres"
(3).
(1) Sur cette question, on a consulté
: BRUNSCHWIG (H)
: Mythes et
1
réalités de l'impérialisme colonIal français
1871-1914. A.
COLLIN
1960 P.
97-120.
Hubert des champs : Méthodes et doctrines coloniales de la France
1
A.
COLLIN 1953 P.
151-153
Raoul Gi r ar d et : l'ère coloniale en France 1871-1962. Table ronde.
1
1972. P.
68-129
Les groupes de pression étaient ap pe lé l s à tort "Parti" colonial français
1
- le comité de l'Afrique française créé en
1890. Son but : développer
l'influence et le commerce français dans l'Afrique de l'Ouest du
centre et du Nord.
- Union coloniale
: 1893 Se présentait comme le syndicat des principales
maisons françaises ayant des intérêts dans les colonies.
-
Le comité de l'Asie française,
de l'Océanie français,
du Maroc
et de Madagascar.
(2)
Brunschwig (H)
op. cit. p.
116.
But de l'Union coloniale
(3)
Ibid.
p.
97
.../ ...

r
40
(
3° /.
POLITIQUE D'ACCROISSEMENT DE LA PRODUCTION
Cette politique est d'une part le résultat de l'importance
du rôle déterminant de l'arachide considérée comme un baromètre
commercial et d'autre part de l'existence de peste bubonique menaçant
la production de l'Inde qui
ravitallait la France en arachides décortiquées.
Ces éléments avaient amené l'administration à déployer tous les moyens
dont elle disposait pour développer la culture de l'arachide prometteuse
à plus d'un titre.
Parmi les facteurs qui incitèrent l'indigène à produire,
il y a lieu de signaler les cours élevés que l'administration cherche à
mainteni r à tout prix à leur ni veau.
En 1903-05,
les cours oscillaient
autour de 20 à 25 F. Autre moyen utilisé pour accroître la production,
fut de doter le pays de réseau de communication. Ainsi,
la route et le
rail furent les véritables levIers
pour une amélioration de la culture de
l'arachide : car une des conditions de développement de cette graine
est la proximité d'une voie d'évacuation.
Dans quelle mesure cette voie d'évacuation a-t-elle un
impact sur les
prix de l'arachide? La
raison est bien simple,
dans
la mesure où les routes et rails
peuvent influencer les prix payés au
producteur. Nous avons montré dans un autre chapitre les
prix exorbitants
réclamés
par les chameliers et les Iao bés • Ces pr i x étaient de 5 F à
17 FIes 100 kg dans le cercle de Nioro,
alor s que la charge des ânes
ne pouvait dépasser les 60 kg
(1).
(l) ANS 1 G 283 cercle de Nioro 1901.
Lt Chaud r on ,
.. ./...

1
1
41
1
Ces prix payés aux transporteurs atteignaient dès fois 30 %
1
de la valeur payée dans les escales. Vanhaeverbeke (1) les situait à
67 % du
prix au producteur avant l'apparition de la voie ferrée.
1
Avec le développement du chemin de fer et des routes,
les transports
du bât perdirent de leur importance. Ce taux fut ramené de 65 % à
8 %. Mais il faut préciser que dès qu'on s'éloignait des voies d'évacuation,
1
le paysans devenait tributaire des transporteurs indigènes (2).
1
En effet, dans le cercle de Matam, les prix non rémunérateurs
avaient poussé le paysan à abandonner cette culture et cela pour plusieurs
1
raisons
: coût élevé des frais
de transformation,
manque de débouché
commercial. Mais la raison fondamentale de cet abandon fut la Concurrence
des cercles du Baol et du Cayor qui bénéficiaient de la proximité du
1
chemin de fer.
1
Le Lieutenant commandant le Niani-Ouli signalait dans un
rapport que,
l'extension de la culture de l'arachide est retardée dans
1
Son cercle par "manque de communications rapides et de moyens de
transport (3)". Cet handicap faisait aussi que tous les cercles de la
Gambie écoulaient leurs récoltes en territoire anglais.
(1)
VANHAEVERBEKE : Rémunération du travail et commerce extérieur.
Essor d'une économie paysanne ex portatrice et termes de l'échange
des producteurs d'arachides au Sénégl.
Louvain 1970 p.
lOI
(2)
Ibid.
(3)
ANS 1 G 293 cercle de Niani-Ouli par l'Administrateur LAURENS 1904 .
.../ ...

1
42
1
1
Donc on voit que la proximité d'une voie d'évacuation pouvait
inciter le paysan à accroître sa production, car elle le libérait du
transporteur dont les tarifs élevés grevaient le prix qu'on lui payait
1
à l'escale.
D'ailleurs, c'est ce qu'avaient compris les autorités quand
elles développèrent dans la colonie des chemins bien entretenus, facilitant
1
le transport des produits de l'indigène dans les différentes escales.
Ceci permettait en même temps la vente des produits des maisons de
1
commerce.
1
Autant les voies d'évacuation influençaient les cours, autant
elles avaient un impact sur la production. Henry Chevans avançait dans son
ouvrage l' hypothèse selon laquelle chaque kilomètre de rail suscite une
1
production d'exportation de 300 T. d'arachides (1).
Il avait placé tout
son espoir dans la réalisation du chemin de fer THIES-KAYES pour accroître
1
la production.
1
A l'époque où la production n'était pas organisée par les
SIP et où le rail existait (ligne Dakar -St-Loui s },
la production du
Sénégal est passée de 123.000 T en 1900-01 avec des hauts et des bas,
r
à 140.000 T.
en 1907-08. Ceci avait fait dire à certains que: "sa pro-
duction (arachide) appelle le
rail, et le rail fait croître la production"
(2).
1
On peut en déduire que les voies de communication avaient apporté à
l'indigène l'arachide, car l'arachide suit le rail et permet de ce fait
une extension et un accroissement de la production. La preuve, c'est en 1890,
(1)
CHEVANS (H)
Mise en valeur de l'AOF.
PARIS Félix Alcan.1907,280 P.
(2)
VILLARD (A)
Histoire du Sénégal ARS AFRICAE. DAKAR MCMXLlIl
.. . f ...

1
43
1
1
Rufisque était considérée comme le centre de la région arachidière (1).
Quelques années plus tard, i l s'est déplacé avec le chemin de fer et la
1
route vers Diourbel et Kaolack.
Personne ne doute aujour d ' hui,
que le
tkn
coeur de ce qu'on appelle le bassin arachidi.ç1
entrain de Se déplacer
1
plus à l'Est.
1
Ce qu'il faut retenir,
c'est que les principaux bénéficiaires
de la politique d'accroissement de la production furent les maisons de
1
commerce et autres traitants.
Les transactions commerciales n'étaient
pas compliquées à certains ni veaux et elles reposaient sur les voies
d'évacuation. C'est ce qu'on appelle la traite dont "l'opération consiste
1
à rassembler et drainer vers les
ports les produits du pays qui sont
exportés bruts,
à répartir en échange les produits fabriqués"
(2).
1
Les traits caractéristiques de la traite ont été largement
1
étudiés
(J)
et on peut les résumer ainsi
elle anime un mouvement de
flux et de reflux,
mouvement qui se fait de l'intérieur vers la côte dont
le pilier est constitué par les moyens
(1)
HARROY
(J)
Afrique,
terre qui meurt.
BRUXELLES. Ed ,
Marcel hayez
1944 P.
147
(2)
DRESCH (J)
:
Les investissements en Afrique noire -
Présence
africaine n°
13,
1952 P.
232-241
(J)
FOUQUET (J)
: Traits
des arachides dans les
pays de Kaolack, et
seS
conséquences économiques sociales et jur id igues.
Etudes sénégalaise
n° 8 1958,
233 p.
SURET-CANALE. op. cit.
p.
203
.../ ...

1
44
1
1
de transport ; cette circulation des
produits ne peut se faire sans
une liberté politique
il y a l e fait que le commerce doit être libre
1
la commercialisation de la récolte est assurée par les maisons de commerce
soit directement,
soit en ayant recours à des traitants sénégalais ou
1
étrangers.
La dernière caractéristique et non des moindres, est qu'elle
est une économie de pillage (1)
dans la mesure où ce système de traite
1
ne s'accompagnait "d'aucun progrès technique".
Le fait même que l'économie de la colonie dépende exclusivement
1
des maisons de commerce peut expliquer l'allure à laquelle apparaissent
apparaissaient les nouvelles sociétés; ce fait permet aussi d'expliquer
1
l'arrivée de nouveaux traitants que furent les Libanais,
élément catalyseur,
déterminant la création des SIP.
Sans oublier la responsabilité des
maisons de commerce.
D'ailleurs, on assist a à une floraison de ces dernières:
entre 1904 et 1914, furent créées onze sociétés parmi lesquelles la
SCOA-PEYRISSAC.
Une telle floraison de sociétés ne
peut s'expliquer
que par une période de prospérité (1904-1930).
Leur installation
anarchique prouve que l'administration n'avait rien
(1) COQUERY-VIDROVITCH : L'Afrique coloniale française et la crise de
1930 : crise structurelle et genèse du sous-développement p.
386-424.
N° Spécial contenant les actes du colloque organisé à l'Université
de PARIS VIIK. COQUERY-VIDROVITCH et Hélène d'ALMEIDA-TOPOR
(9.IO.AVRIL 1976).
Edité par C.C.V. Société française d'O.M.
PARIS Revue Française d'Histoire d'O.M.
TLL XIII W
232-233.
3è et
4è trimestres 1976.
.. ./...

45
1
1
fait pour les contrôler. Cette complicité des autorités coloniales se justifie
par les rapports qui existaient entre autorité et commerce:
l'exploitation
1
coloniale reposait sur les maisons de commerce tenant des opérations
de
traite ; l'administration de par les effets économiques de la traite (au
niveau du paysan et du budget),
s'était mise au service du commerce.
1
C'est elle qui lui fournissait les produits d'exportation en usant de son
autorité sur le paysan avec les cultures forcées et leur cortège de livrai
1
sons obligatoires à des prix taxés (1)
au plus bas, ou à la recherche du
numéraire pour s'acquitter de l'impôt. Ces maisons commerciales, spécia-
1
listes de cette "économie de pillage",
ne s'installaient que là où la r ent a-
bilité était assurée,
et sans investir sur place.
1
1
(l)
Monique KAKROUM.
Le travail inégal.
Paysans et salariés sénégalais
face à la crise des années trente.
L'HARMATTAN.
Racine du présent.
1
Paris 1983.
Elle cite à l a page 84 l'exemple des indigènes du Sine-Saloum qui
1
fournissent à l'administration du mil pour le prix dérisoire de 30 F.
les 100 kg,
alors que la même quantité vaut dans le commerce 60 à 70F.
1
Ainsi,
il arrive très souvent que l'indigène dépourvu de
réserve de mil,
ou n'en ayant qu'une infime quantité pour la consommation de sa famille,
en achète dans les maisons de commerce pour le revendre.
Si cela peut
1
,
être appelé une vente à l'administration. Il subit une perte ainsi de
30 à 35 F,
trop heureux si un ordre ne lui enjoint pas de fournir une
autre quantité de mil dans les mêmes conditions.
Motion A. GUEYE Conseil colonial 17 octob re 1923.
. .. ! ...

1
46
1
1
Les maisons de commerce (NOSOCO-MAUREL ET PROM-PETERSEN
entre autres)
pour réduire les risques de perte et les frais,
préféraient
faire appel à des traitants.
Ils pouvaient être des traitants européens
1
appelés des "indépendants" qui signaient un contrat de vente avec une
maison ; ils pouvaient être des traitants sénégalais payés à la commission
1
ou bien des Li banais.
1
On s'apesentira sur l'implantation de ces derniers qui était
favorisée par "Iels facilités que leur donnent les négociants et commerçants
1
français " (1).
Ces
traitants libano-syriens se sont implantés pour deux
raisons: la première est d'ordre économique; c'est-à-dire que le Liban
avait vu sa superficie territoriale amputée de plusieurs villes du littoral
1
et de la plaine de la BEKAA. En perdant l' hinterland, ces populations
de tradition commerciale, optèrent pour la migration vers de nouveaux
1
horizons
; l'autre d'ordre politique,
fut le mandat français du Levant
que la S.D.N.
avait confié, et qui faisait des Libanais des ressortissants
1
français.
Ainsi,
on assiste à un afflux considérable de Libanais qui,
dès 1890, commencèrent à s'implanter dans le pays comme marchands,
ou agents de factoreries
(2).
En 1900, on comptai t 100 Libanais au
1
Sénégal. L'afflux s'es t accéléré après la guerre et dans la seule année
de 1919, on avait dénombré dans les cinq localités
(Thiès,
Khombole,
1
Bambey,
Diour bel,
Petite-Côte)
287 !français pour 67 Libanais patentés
dans le commerce.
1
(1)
FOUQUET (J) op. cit.
p.
51
(2)
GAYOT : Les Libanais et les Syriens dans l'AOF.
Compte rendu de la 30è session LISBONNE 1957 -
INCIDJ.
... / ...

1
47
1
1
1
A la veille de la crise économique,
on avait recensé 2088
Libanais sur 2422 étrangers (l).
1
Ces Libanais s'installaient là où les besoins se faisaient
sentir jusque dans les villages les
plus éloignées où les maisons de
1
commerce étaient absentes.
Ils ap prirent les langues nationales et
devinrent de ce fait les véritables intermédiaires des grandes maisons
(2).
1
Leur principal souci,
fut de faire des bénéfices qu'ils exportaient
ensuite dans leur pays d'origine.C'est pour cette raison qu'ils pratiquèrent
1
les prêts à usure,
les prêts d' hivernage et même les prêts sur gage avec
la complicité de certains administrateurs et des banques qui ne demandaient
1
qu'à être remboursées, d'où la nature des taux d'intérêt des prêts
d' hivernage qui atteignaient 300 % (3).
Même avec la règlementation des
prêts sur gages,
ils parvinrent à consentir à l'indigène des prêts
1
clandestins et à se
lier par divers moyens.
1
(l)
GEORGES GAYOT op. cit.
(2)
Desbordes : L'immigration libano-syrienne en AOF. Thèse de droit.
1
Poitiers 1938. P.
132
(3)
Ibid.
1
.../ ...

1
48
1
1
Leurs aptitudes commerciales et certaines faveurs dont ils
jouissaient en avaient fait de sérieux concurrents des traitants locaux,
des
1
"petits blancs" des régions
pauvres de la métropole venus tenter leur chance.
Certains soutiennent que l'administration coloniale et les sociétés métropo-
1
listes,
en favorisant l'implantation de ces commerçants étrangers,
avaient liquidé les traitants sénégalais dont le nombre était passé de 500
en 1900 à 100 patentes en 1920 (I).
Une fois installés,
ils acquirent
1
progressivement l'assiette économique qui leur permit de se tailler une
place confortable dans le commerce de la colonie.
Devenus indispensables
1
pour la collecte de la production de l'arachide, certains d'entre eux
avaient fini par traiter d'égal à égal avec les firmes commerciales à la
1
fin de la guerre (2).
1
La conséquence de cette prolifération de nouveaux intermédiaires
est double:
d'une part elle a retardé la création d'une bourgeoisie
commerçante locale dans les escales ; d'autre part en introduisant de
1
nouvelles méthodes commerciales, ces commerçants parvinrent à contrôler
l'achat des arachides au ni veau du producteur.
1
Ainsi la floraison de nouvelles maisons commerciales, l'arrivée
1
massive des Libanais et autres commerçants étrangers, l'introduction de
nouvelles pratiques dans le commerce,
voilà l'atmosphère contre laquelle
les premières bases de la mutualité furent jetées. C'est celà semble-t-il
1
selon les autorités,
que les SIP
voulaient enrayer.
(1)
L'idée a été avancée par Desbordes p.
131. On la retrouve dans
"Le Monde des affaires sénégalaises" de Samir Amin.
Elle est reprise
par Maïga Mamadou dans
"Capital-ex ploitation des ressources hydrauliques
du Fleuve Sénégal et développement des pays riverains
(Guinée,
Mali,
Mauritanie,
Sénégal). Thèse de Doctorat d'Etat ès Sciences économiques
14 avril 1976.
Paris 1 p.
221.
(2) Desbordes
: op. cit.
p.
134
.. ./...

1
49
1
1
CHAPITRE II.
LES MODES DE PRODUCTION DU PAYSAN
AU DEBUT DU XXè SIECLE
1
L'économie de la colonie en ce début du XXè siècle s'était
1
dominée dans certaines zones par l'agriculture d' autosubsistance et dans
d'autres par la culture spéculative de l'arachide.
Dans les deux cas,
1
les moyens de production étaient très simples.
AI. LES TECHNIQUES TRADITIONNELLES DE CULTURE
1
Ces techniques de culture du monde rural présentaient des
1
disparités régionales. Nous avons choisi d'axer notre étude sur des groupes
s'adonnant à la culture de l'arachide.
La raison est simple: les trans-
1
formations
rurales apportées par les SIP avaient porté plus sur les
techniques de culture de l'arachide que sur celles des céréales (mil-riz)
1
marginalisées.
1. Les instruments de culture
1
Pendant longtemps,
les paysans de la colonie avaient utilisé
1
une technique de culture rudimentaire pour exploiter leurs champs.
La simplicité des moyens de production dans le domaine agricole s'expliquait
1
par le fait même que la population produisait ce dont elle avait besoin
"à partir des
ressources naturelles directement à sa portée" (1).
Ainsi dans la zone productrice d'arachides,
et comme partout dans la
colonie, les moyens de production étaient composés d'une part des
outils qui sont le prolongement
(1)
MEILLASSOUX (C)
Economie traiditionnelle d' autosubsistance CEA N°4
1961 -
P.
43
... 1...

1
50
1
de l'énergie musculaire de l' homme (1) et d'autre part de la terre base
1
et source de la vie (2),
de la fécondité et de la fertilité (3).
1
Comme outil
(4),
on avait la daba (I) composée d'un fer et
d'un manche fourchu à l'extrémité.
Le paysan l'utilise lors des opérations
1
de défrichage,
de dessouchage ou de semis des arachides. Sa partie
fourchue permet de prendre des tas d' herbes épineuses.
Il est le plus
1
souvent utilisé pour des terres argileuses.
Comme instrument similaire à la daba, on peut signaler le
1
DOKOTON d'origine mandingue qui est un instrument oblong dont le manche
est de même longueur que la pelle (garnie d'un fer)
et fait un angle droit
1
avec celle-ci.
Il est utilisé pour le labour,
pour faire des billons pour
la culture du
riz
(CRETOIS),
pour les semis et pour déterrer les arachides
1
en
pays sérère et wolof. Selon CRETOIS,
cet instrument appelé Daramda
en pays socé, était surtout employé dans
le FOULADOU.
1
(1)
BADOUIN
: "Les agricultures de subsistance et le développement
économique".
Edition A.
PEDONE PARIS 1975
P.
101
1
(2)
COQUERY-VIDROVITCH : "Le régime foncier
rural en Afrique Noire".
ENJEUX FONCIERS EN AFRIQUE NOIRE -
ORSTOM -
KHARTALA
1
1983 p.
67
(3)
VAL Y CHARLES - DIARASSOUBA : "L'évolution des structures agr icoles
du Sénégal" Edition CUJAS PARIS 1968 P.
52
(4)
Sur les instruments de culture traditionnels on peut consulter
-
PELISSIER
: les paysans du Snégal.
Les civilisations agraires
du Cayor à la Casamance ST.
YRIEIX
1968
-
Boucar SOW Cahier n° 198.
"Les cultures au CAP-VERT".
SEBIKOTANE -
Ecole Normale William PONTY. Catalogue des cahiers
de W. PONTY.
Extrait Sénégal IFAN 1967
- CRETOIS,
dictionnaire Sereer-Français
(différentes dialectes)
CLAD -
1972-1973-1974-1975-1976-1977.
. .. ! ...

1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
4

1
52
1
Autres instruments de culture de l'arachide : l' ilère (1).
1
Il est formé d'un fer
(forme d'un croissant)
surmonté par un autre fer
conique et creux dans lequel se place le manche dont la longueur varie
1
entre l,50 m et 2 m.
Il est utilisé dans les sols légers et sert à "sarcler,
briser les mottes de terre,
préparer les trous pour les semis,
déterrer
1
les arachides,
arracher les
pieds des patates, etc .•• " (CRETOIS).
l'ilère
est d'origine indigène (H. DESCHAMPS)
(I)
contrairement à ce que certains
1
(PEHAUT) croient.
Pour ces derniers,
le créateur de cet instrument serait
HllAIRE PROM arrivé au Sénégal en 1830.
Le mot ILERE signifie en
1
sér re ,
hirondelle
KHELAR
et dans le Saloum,
épervier (DIAKHAYE).
è
Il existe une forme réduite de l' IlERE
: le SOKH-SOKH (3).
1
On le rencontre surtout selon Pélissier, entre le Saloum et la Gambie.
Deux
traits le différencienl de l' ILERE
le paysan l'utilise accroupi
1
ensuite son manche est plus court ce qui "lui assure une plus grande
solidarité (les sols étant relativement argileux et collants), et permet
1
un travail plus précis,
plus
profond,
mieux adapté"
(PELISSIER).
Le NGONSSI-NGONSSI (4) appelé souvent DABA (A.
CHEVALIER)
1
est formé d'un fer et d'un manche court et arrondi. On travaille avec cet
instrument dans la position courbée.
Il ressemble au LARMETTE (5)
qu'on
1
trouve en milieu Ièbou , On peut utiliser ces deux
instruments dans toutes
les opérations sauf pour dessoucher.
(I)
DESCHAMPS (H).
L'Afrique noire précoloniale. Q.S.J.
PUF.
P.
46
... / ...

1
53
1
1
Le KONKO (6)
: petite Daba à manche court (PELISSIER) ou
1
petite houe à manche court d'origine bambara, utilisé surtout par les
travailleurs sèr èr e , socié et wolof.
Le nom est identique pour tous ces
groupes.
Mais le KONKO ressemble plus à une petite hache et sert surtout
1
à faire des trous pour semer les graines d'arachides ou de mil.
1
Le BATHIOU (7) est un baton d'un mètre de long qui forme
un angle aigu
Comme son nom l'indique,
il sert à battre ou à séparer les
1
graines d'arachides des foins.
1
2° /. Calendrier des acti vilés agricoles en zone arachidière
Dans cette zone, le calendrier agricole est le même en
1
milieu wolof et sôr ère , ct se trouve influence par l'existence d'une courte
saison des pluies (2 à 3 mois) et d'une longue saison sèche.
1
[1) Ce chapitre a été écrit grâce aux informations fournies par Amad DIOUF
de Latrnengué , Thiébo DEME de Koungheul,
Fata ndiaye de Cnibi
1
et Demba SARR à Keur Yoro (Arrondissement de Keur Madiabel).
CASTELLU (J.M.)
: Organisation du travail agricole en milieu sérère
1
OLTl. ORSTOM NOVEMBRE 1969
11 est certain que ie calendrier agricole n'a pas la même durée dans
l'ensemble du pays et même à l'intérieur du
bassin ar ac h i d ie r ,
Le calendrier est fonction de l'apparition des pluies et de leur
variation.
... / ...

t
54
1
Ainsi,
les activités du paysan sé r re ou wolof débutaient
è
dès le mois d'avril avec les premières opérations culturales.
La préparation
1
du champ se fait souvent avec le feu
; à l'aide de la DABA, il dessouche
fa i
d
h
b
_.
d
-
à êt re b rûl és
.
.
et
ait
es tas d'
er es souvent epineux
estines
_ Le mOIS
suï vant ,
1
dès qu'il a terminé ce travail de défrichement,
il peut semer le mil.
Entre temps,
le chef de famille "emprunte" les semences auprès
des
1
commerçants
; mais s'il est assez prévoyant,
il peut disposer de ses
propres réserves de semences.
Les membres de la famille étaient chargés
du décorticage et du triage des graines.
1
A partir de la mi-JUin,
avec les
premières pluies,
débutent
1
les opérations de semis :
les hommes creusent des trous de quelques
centimètres avec leur lLERE,
leur DABA, ou
leur KONKO. Les femmes et
1
les enfants suivent derrière,
tout en déposant les graines
dans les trous
avant de les
recouvrir avec les
pieds.
Cette opération de semis durait
1
une ou deux semaines selon l'importance de la quantité des graines.
Par exemple,
un sac d'arachide décortiquées
de 120 kg nécessiterait
!
15 Jours
(I).
Une fois les graines sous terre,
on fait le RADOU ou binage
1
afin que les déprédateurs ne puissent localiser les trous et déterrer les
graines.
Quand elles commencent à germer,
les cultivateurs faisaient le
BEYATE ou premier sarclage ; opération renouvelée à plusieurs
reprises
le BALARGNI ou second sarclage dont le but est d'enlever les mauvaises
herbes
; le BOUDETTE qui consiste à arracher les mauvaises herbes
à la main est effectué par les femmes et les enfants.
Vers septembre-
octob re,
les
pa ysans récoltent le mil ha t if , Pod en sérère ou souna en wolof,
(I)
Fata NDIAYE cultivateur à Gnibi.
.../ ...

55.
avec un instrument appelé le GAUBOU qui sera remplacé par le couteau.
La dernière phase des activités du cultivateur se situait
aux mois d'octobre-novembre. On récolte le mil Sorgho ou mamatch en
sérère ; c'est aussi la période de DEKHI ou d' arachage avec toutes les
opérations annexes
formation des NAFFES ou petits tas d'arachides
exposés au soleil. Une fois
bien séchés, on les
regroupe en de grands tas.
Ensuite,
les graines sont séparées des foins à l'aide du
BATHIOU.
Le vannage, et de DIEKHATE ou recherche des graines perdues, étaient
réservés aux femmes, et constituaient les dernières activités du cultivateur
avant la traite (décembre-janvier). Cette commercialisation des arachides
dure jusqu'au mois d'avril: c'est une période de glanage (I) ou de
chomage déguisé, car elle est creuse du point de vue activité agricole.
Les paysans pratiquaient la jachère, afin de permettre au sol
de se reposer à défaut d'engrais minéral.
Ainsi,
pour fertiliser,
ils
res tituaien t au sol les tiges de mil ou la paille, qui avec le temps,
allaient Se décomposer
; ils répandaient aussi les cendres des tas
d' herbes brûlés. Il
existe une pratique traditionnelle qui a presque
disparu : les féticheurs donnaient aux cultivateurs des
racines de certains
arbustes.
Elles sont séchées,
pilées el répandues dans les champs.
En brûlant les tas d' herbes,
la fumée qui se dégage chasse les mauvais
esprits qui peuvent diminuer la fertilité du sol
(2). Ce dont on est sûr,c'est que
(I) CASTELLU (O.M.) op.
cit.
(2)
Boubacar Sow op. c i t ,
...f ...

56
l'engrais chimique était inconnu des
paysans dans la mesure où certains
nous ont parlé d'un sable blanc
(certainement de l'engrais)
que MAUNORY
avait utilisé à LATMENGUE en
1920. Ce fut la premièer fois qu'ils
voyaient l'engrais (1).
Entre le Lougan du
wolof et le champ du sér ère , c'est ce
dernier qui étaient mieux fertilisé,
car son terroir était divisé en
plusieurs soles avec un système de rotation (2).
La preuve que la
jachère était bien une
réalité, c'est qu'on donnait des noms différents
aux champs nouvellement défrichés
(KOD)
; les deux années suivantes, on
l'appelait POBIT et PONGIT respectivement avant la mise en jachère (3).
Quand au paysan wolof,
une fois sa terre épuisée,
il l'abandonne et va
défricher ailleurs.
Les rendements étaient importants et permettaient au
cultivateur de s'acquitter de Ses dettes ou de payer l'impôt.
ENFANTIN
avait estimé le rendement moyen d'une parcelle avec ILERE à 1400 kg
(4).
Un de nos informateurs affirme qu'il lui
(1)
Amath DIOUF cultivateur à Latrnengue affirme se souveni r de MAUNORY
comme si c'était hier.
Quelle a été sa surprise et sa joue quand
j'ai
prononcé le nom de MAUNORY, ou MANORY pour les paysans.
(2 ) PELlSSIER op. cit. p. 246
(3)
BOURGEAU (J)
:
Notes sur la coutume des sérères du Sine et
du Saloum BCEHS. AOF.
PARIS T.
XVI N" 1 P.
36
(4) ANS R3.
Pièces n" 51 PARIS 3 AVRIL 1899.
Extrait du rapport de M.
ENFANTIN
-
Parcelles avec ILERE : Rend.
mn
700 kg/ha
Rend.
max.
=
2100 kg/ha
-
Parcelles avec charrue = Rend.
mn = 3080 kg/ha
Rend.
max.
= 7000 kg/ha
.../ ...

57
arrivait de récolter 40 MBAME, tonnage obtenu avec 120 kg d'arachide
décortiquées
(i).
11 faut voir aussi que les terres étaient moins usées
qu' aujourd 'hui.
En tout cas,
l'évolution de ces
techniques traditionnelles
s'est fait sentir à partir du moment où on allait insérer la production
de l'arachide dans l'économie de marché.
Désormais,
pour les autorités
coloniales,
il faut amener l'indigène à changer de méthodes, car les rendements
obtenus sont faibles.
ENFANTIN à partir d'un calcul effectué sur une parcelle
avec ILERE, avait donné un rendement minimum de 700 kg/ha et de
2100 kg/ha au maximum (2).
La solution préconisée serait le remplacement des
instruments
traditionnels
([LERE,
DABA, etc ... ) par la charrue avec traction animale.
B/.
LES RAPPORTS
DE PRODUCTION TRADITIONNELS
L'administration coloniale dans le but de trouver un fondement
et une légitimité morale à son oeuvre, avait denié aux Africains
l'existence d'une quelconque mutualité.
L'étude d'un tel chapitre s'explique
par le fait même,
que les colons n'étaient pas en
présence d'un vide
socio-politique ; par conséquent,
rien ne légitimait la destruction des
structures sociales trouvées sur
place.
(l)
40 MBAME
: 40 charges d'ânes
: env iron 4 T.
800.
L'information
nous a été fournie
par Fata NDIAYE du village de Gnibi. Cette
production n'a rien d'extraordinaire à l'époque.
D'ailleurs,
Demba SARR de Keur Yoro soutient avoir la même quantité d'arachide
durant la période 1914-1918,
époque pendant laquelle il était un SOURGHA.
(2) ANS R3 agriculture du SENEGAL,
1897-1906.
Extrait du rapport de
M. ENFANTIN,
pièce n° 51.
PARIS 3 AVRIL 1899
... / ...

58
10 / .
Structure de la communauté villageoise
Il est certain qu'à leur arrivée, existaient au Sénégal des
communautés villageoises
bien structurées avec tout un système d' encadre-
ments et d' errtr ' aides.
L'élément moteur,
le ciment de la société traditionnelle, était
la famille
: unité de
production et d'encadrement. Ainsi, les personnes ne
sont définies qu'en fonction de leur ap partenance à une cellule familiale.
L'individu ne peut être isolé de son groupe familial dirigé par le chef de
famille (droit d' aines se ) sur lequel tout repose.
L'étude de quelques exemples
précis nous
permettra de voir que dans ces sociétés
traditionnelles, la
notion de famille et le
rôle attribué à son chef pouvaient varier d'un groupe
ethnique à un autre.
En milieu sérère, le village est constitué de
plusieurs concessions
(MBIND) de familles. A la tête de chaque concession,
se trouve un chef
appelé YAL MBIND.
Cette dernière à son tour,
est divisée en plusieurs sous-
groupes de case:'(NCAK)
dont les membres font la cuisine ensemble (1).
Quand on parle de famille en pays sérêre, il s'agit de la famille maternelle
ou NDOKYA. Dans ce cas,
le chef de famille était toujours l'oncle maternel.
C'est à lui que revenait la charge de gérer le patrimoine de la famille
troupeau, greniers de mil,
champs de culture. Le sérère travaillait non
pas pour augmenter la richesse de la famille paternelle, mais plutôt celle
de sa famille maternelle.
Par conséquent, l'influence du père sur ses enfants, et même sur le produi t de le
(1)
CASTELLU (J.M.)
op. cit.
p.
22-23
.../ ...

59
travail aux champs est réduite autant que possible. 11 ne profitait de la
récolte de ses fils
que si ces derniers avaient déjà contribué aux greniers
de l' oncle mate r ne l (l).
Ainsi tout se faisait au ni veau de NCAK dont le chef détermine
les champs à cultiver, c'est-à-dire la distribution des parcelles. 11 était
chargé auss i d ' organiser le travail agr icole (ent r' aide et aut res activités
agricoles)
dans les différents champs.
Les produits du champ familial
étaient stockés dans un grenier dont la responsabilité lui revenait.
Pour le
paysan sérère,
la seule "véritable communauté d'intérêts"
(2)
qui l' intéres-
sait était celle de sa famille maternelle.
Dans la société Diola,
par contre, on retrouve la famille
regroupant le père et ses femmes,
ses fils,
leurs épouses et leurs enfants.
lis cohabitent tous dans la même concession (HANK) et sont sous l'autorité
du père de famille (3).
La grande maison familiale est divisée en plusieurs
ménages comme en pays sê rè r e ,
La différence entre les deux groupes sociaux sérère et diola
c'est que d'une part, le bien commun est réduit seulement au troupeau
chez les seconds; d'autre part, l'individualisme est plus marqué dans la
famille diola.
Cette dernière est divisée en plusieurs ménages disposant
de parcelles rizières attribuées par le chef de famille.
Donc chaque ménage
a son grenier qui lui est propre.
(1) DULPY (C)
: étude sur les coutumes sérères de la petite côte.
Cercle de Thiès, Sénégal.
L'ethnographe.
Bulletin semestriel.
Paris 1939 - P. 8-57
(2)
CASTELLU op. cit.
p.
32
(3)
PELISSIER op. c i t ,
p. 683
.../ ...

60
Une nouveauté que l'on ne trouve pas en milieu s r èr e et encore moins en
ê
milieu wolof islamisé.
Le ménage a deux greniers
: celui de la femme
est consommé quotidiennement par le ménage,
alors que le grenier du mari
est stockè pour les périodes de disette.
Au cas où le mari serait polygame,
chaque femme nourrit ses enfants sur ses propres réserves
pendant la
moitié de l'année;
le mari devant fournir le reste des
provisions pour
les six mois à venir
(1).
Le milieu wolof plus marqué par l'influence de l'Islam
est dominé par la famille paternelle.
Elle est dite aussi "famille
glogale"
(2) et comprend le chef de famille et ses frères et cousins,
leurs enfants et petits enfants de ceux-ci.
Le chef de concession, le plus
âgé du groupe,
partage les terres aux différentes cellules en fonction
de besoins.
Il est garant du "pater familias",
c'est-à-dire les terrains
appartenant à la famille.
Il est aussi le gestionnaire du grenier familial
et de la récolte du champ collectif destiné à l'auto-subsistance alimentaire.
Cela n'empêche que les autres produits
(arachides et autres)
reviennent
à leurs propriétaires qui en disposaient à leur guise.
Que ce soit en
pays sé r èr e ,
diola ou wolof islamisé,
toute organisation de la communauté villageoise traditionnelle reposait sur
la famille
:
brigade de production dont chaque membre doit produire
pour la subsistance.
(l)
PELISSIER op. cit.
(2) DELAFOSSE cité par GEISMAR : Recueil
des coutumes civiles des
races
du Sénégal. Saint-Louis 1933 p.
130
.../ ...

61
2° /. Tenure foncière traditionnelle
En économie de subsistance,
le capital foncier constituait
la base de la production nécessaire à l' autosubsistance de la société.
L'importance de la terre et sa place dans la communauté traditionnelle
expliquent la complexité et la variété des formes
de tenure.
En effet chez les Sérères, la ter re appartenait à des
Lamanes
(caractère sacré et religieux)
dont le rôle était de distribuer
les terres de redevance. Quand le Sine était devenu politiquement plus
or gani s
(Bour à la téte du pays), la gestion de la terre fut du ressort
é
du Woi.
La propriété du sol appartenait désormais aux Bours qui
avouaient son caractère inaliénable et collectif : "Si nos
pères ne nous
avaient pas conservé la terre du Sine, nous n'aurions pu avoir les
moyens de faire nos cultures et nous
aurions dû abandonner notre pays.
Nous la transmettrons intacte à nos enfants"
(1). Ceci prouve que le
régime de la propriété sér r e est un régime collectif.
è
Puisque la terre appartenait à tous,
il suffisait à une famille
de sa tailler des champs dans la forêt en défrichant selon ses moyens.
La superficie ainsi mise en valeur deviendra propriété familiale, et son
attribution revenait au chef de famille.
Ainsi chaque membre de ce groupe
avait sur le domaine commun un "droit égal mais indivis"
(2).
(l)
DARESTE : le régime de la propriété foncière en AOF 1908,
p.
10
(2) DULPY (G) op. cit.
p.
39
... / ...

62
GEISMAR a étudié le régime foncier wolof (1) et a montré qu'il
variait d'une région à une autre.
D'une manière générale,
en pays
wolof,
la ter re ap par tenai t aux Lamanes qui par le d roi t de feu,
s'étaient
appropriés de grands domaines.
Ils pouvaient accorder à certaines familles
le droit de cultiver contre redevance, une partie de leurs domaines
laissés en triche.
C'est ce qu'on appelait le droit de hache ou de
défricher que ces familles ne pouvaient perdre tant que la redevance
était payée.
Avec l'évolution politique et l'arrivée des Damels au pouvoir,
la terre n'appartenait désormais qu'à ces derniers.
Cela n'empêche que les
Lamanes et autres chefs conservaient leurs droits et leurs terres.
Mais les
Damels distribuaient des terres à leur clientèle,
qui à ieur tour,
les
louaient aux familles contre le paiement de redevances souvent élevées.
Ce qui fait dire à certains que ce mode de production était tributaire (2).
A partir du moment où cette terre qui appartenait aux Bours a été dis-
tribuée aux différentes populations, celui qui avait le droit de les redis-
tribuer était le chef de village ou de famille (je plus âgé du groupe).
Ainsi c'est à lui que devaient s t ad r cs se r
les nouveaux
venus
qui n'avaient pas de terres, ou ceux qui n'en avaient pas assez,
ou
enfin ceux dont les
lerres étaient épuisées.
On a appris dans le Saloum,
lorsque quelqu'un en faisait la demande,
il n'avait à payer le prix de
la cola (symbolique) ou bien il donnait l'ASSAKA au propriétaire du sol
(3).
(j) GEISMAR : op. ci t.
(2) DIOP (A. B.)
La société wolof. Tradition et changement.
Les systèmes d'inégalité et de domination.
Ed , Karthala.
Paris 1981,P.
185
(3)
Entretien Amad DIOUF -
Latmengué
... / ...

63
Dans le cercle de Tivaouane, cette redevance est appelée
SABAROU-NDALOU (1).
En pays toucouleur où le régime foncier est le
plus complexe,
les terres étaient soit propriété de l'Etat, soit propriété
de la communauté musulmane, soit prop r iété famil iale ap partenant aux
grands maîtres de la terre (2). Ces derniers louaient leur sol aux paysans
qui devaient une redevance appelée NDODI (3). Une fois ce NDODI payé et
le terrain cultivé, le paysan en devenait propriétaire pendant toute la durée
période de mise en valeur.
Chez les éleveurs peul h s , la terre était considérée comme
appartenance publique, car le problème le plus urgent était de trouver
des paturages et des terrains de parcours.
Pour les éleveurs de la
région de Kédougou,
n'importe quelle partie de la
(i)
NDALOU : redevance s'appliquant aux culture d'arachides
SABAR : gerbe de mil (30-40 kg)
En 1907 : Réponses aux questionnaires sur le droit coutumier par
l'Administrateur adjoint du cercle de Tivaouane : Le SABAROU-NDALOU
redevance d'un ou 2 paquets de mil payés par le locataire.
(2) GEISMAR : op. cit. p.
149
(3) ANS. IG330 - coutume du Sénégal. Dossier n? 6379/7 Juin 1907.
Le NDOOI : une fois
payé, donnait le droit de cultiver pendant
toute la durée du DIOUM (jour de la domination du chef de terrain).
NDIOULI : est payé et signifie l'entrée en jouissance.
Ce qui paie l'embarquement. Cette redevance est liée aux terres
du Walo inondées.
Pour tous les autres terrains, Diéry et Walo, on payait l' ASSAKAL
ou 1/IOè de la récolte.
... / ...

64
paturage public (1)
qu'elle n'est pas culti véc , Toute superficie défrichée
appartenait au premier occupant. Ce droit d'occupation dure tant que le
terrain est valorisé et il ne doit de redevance à personne.
Autant c'était simple dans le cercle de Haute-Gambie, autant
c'était plus compliqué dans celui du Djolol.
Les
éleveurs devaient payer
le droit de parcours et de
paturage dans la mesure où les terres étaient
entre les mains de familles aristocratiques.
GEISMAR non dit que "tout
animal mort ou tué appartenait pour moitié au serigne qui en rétrocédait
les 2/3 au Bourba".
A partir de ces exemples, on peut essayer de dégager les
caractéristiques principales du régime foncier traditionnel
: partout la
propriété était collective et familiale,
elle était aussi inaliénable même
si on a des traces de propriété privée (3).
Cette dernière était précaire
car le paysan pouvait perdre ce
droit si le terrain est abandonné pendant
une période de dix ans.
(I)
ANS.
lG330. OP. CIT.
Dossier n° 97 du 30 juin 1907. Cercle de
Haute-Gam bie.
(2) GEISMAR. OP.
err . . 160
(3)
PELISSIER parle de
régime de la propriété privée des rizières en cours
d'exploitation avec la seule restriction du caractère inaliénable de ce bien
sur lequel la famille garde un droit éminent (p.
683 et suivantes).
- LAFONT (F)
dans le "Gandoul et les Niominkas" dit que le régime
de la propriété privée est la règle dans ces îles.
p.
418.
B.C.E.H.S.
de l'AOF année 1938
juillet-septembre TXXI W 3
- Chez les sérères de la petite côte,
seuls les biens personnels du
père revêtent la forme d'une p rop riété individuelle (cf .DULPY . (G).
OP. err.
P.
39.
. .. / ...

65
Tant que la société était une société de subsistance, le
capital foncier n'avait pas de valeur intrinsèque (1). Ce qui comptait
avant tout, c'était de trouver les produits nécessaires à la survie de la
population, et c'est la terre qui les produit. Donc chaque famille devait
avoir des terres pour les mettre en valeur. On n'avait pas tellement besoin
de s'approprier la terre mais plutôt de jouir de la terre (2),
d'exploiter
les possibilités de la terre par le travail.
Seul le travail a une
valeur
puisqu'il permet d'assurer la subsistance.
Le
rôle de la famille était
de contrôler que les bénéficiaires, c'est-à-dire ceux qui avaient "le jus
utendi" ou droit d'usage ne "dissiperont pas l'élément fondamental de
la production vivrière:
la terre"
(J).
Mais avec la colonisation, et le passage d'une agriculture
commerciale, on assiste à un morcellement des terres. Avec la colonisation
et la mise en place de l'administration,
les autorités coloniales prenaient
la place des chefs africains et devenaient maîtres des
(1)
E.
de latour DEJEAN : "Transformation du régime foncier
:
appropriation des terres et formation d'une classe dirigeante en pays
MAWRI
(NIGER)".
P.
185-230 dans "l'agriculture africaine et le
capitalisme collection Ahthropos.
IDEP 1975. SAMIR AMIN
(2)
COQUERY VIDROVITCH : Il faut parler de "jouissance de la terre à la
place de propriété de la terre même si le chef a réparti les terres.
P.
67-68.
"Le régime foncier
rural en Afrique Noire".
ENJEUX FONCIERS en Afrique Noire,
ORSTOM KARTHALA -
1983,
P.
65-83
(J)
BADOUIN : op. cit.
.../ ...

66
Cette spoliation "des terres vacantes et sans maîtres"
(1)
devait avoir
pour conséquence de déposséder le paysan africain de sa terre : désormais
il est dit que "nul indigène ne peut prétendre à un droit de
propriété,
s'il n'a obtenu de l'administration supérieure un titre régulier"
(2).
A partir de
1900, tous les cultivateurs devaient immatriculer leurs ter-
rains
(3).
(1)
Le décret du 23 octobre 1904 stipule que "le domaine est propriétaire
en AOF de toutes les terres vacantes et sans maîtres".
Est considérée comme terre vacante et sans maître,
toute terre ni
immatriculée, ni
possédée suivant les
règles du code civil français
par les autochtones
: la quasi-totalité du domaine colonial. Cf.
COQUERY-VIDROVITCH. OP. CIT.
P.
75.
FORGERON (J.B.) cité par SURET-CANALE. OP. CIT.
P.327
: Il n'y a
un pouce de terrain qui n'ait son ou ses propriétaires en Afrique
tropicale.
La vacance de terres s'explique par le jeu des rotations
de culture -
jachère et par l'utilisation intermittente des paturages.
Cette vacance est d'ailleurs momentanée,
périodique.
Mamadou WANE dans "l'espace et l 'org.
foncière Toucouleur (Sénégal-
Mauritanie).
Enjeux fonciers en AF.Noire, ORSTOM KART HALA 1938
P.
]]8-120 : Il soutient que dans le Fouta, il n'y a pas une parcelle
de terre qui puisse être revendiquée au titre de terres vacantes et
sans maîtres.
(2) DARESTE : Le régime de la propriété foncière en AOF.
1908 P.
1 à 24
(3)
COQUERY - VlDROVlTCH - OP. ClT.
P.
77 : Les modalités locales de
l'immatriculation sont promulguées en 1900 pour le Sénégal et le Dahomey.
Cf. aussi SURET-CANALE - OP. cn. P. 328
.../ ...

67

Ce qui est sûr, c'est que la politique d'immatriculation n'a pas
eu d'écho chez les ruraux indigènes (1).
Tout au plus dans les campagnes
ce furent les chefs de canton ou religieux qui en bénéficièrent. L' assouplis-
sement des mesures d' immatr iculation ne changera en rien le refus d' imma-
triculer les terres en zone rurale.
La raison principale est que les indigènes
avaient déjà un régime foncier fonctionnel;
qu'ils avaient "la conviction
inébranlable de posséder un titre supérieur (2)
à celui relevant
de
l'immatriculation
; enfin s'ils acceptaient l'immatriculation,
ils reniaient
les fondements
de la société traditionnelle à savoir la cellule familiale
traditionnelle,
les droits traditionnels de la terre,
l'entr'aide, etc .•.
(1) Si théoriquement l'immatriculation est ouverte à tous les Africains,
dans la pratique,
ils en sont exclus
: procédures très complexes et très
françaises
(de droit écrit)
: COQUERY-VIDROVITCH.
SURET-CANALE p. 329. La majorité des Africains était incapable
d'entreprendre les démarches nécessaires ou se trouvait dans l' impossi-
bilité de
payer les frais d'immatriculation ; sans compter les difficultés
de fait liées à l'inexistence du droit de
propriété à la manière romaine
ou bourgeoise,
individuel et absolu.
(2) Valy-Charles. DIARASSOUBA : l'évolution des structures agricoles du
Sénégal.
Ed , Cujas Paris 1968.
Il cite DARESTE page 257
.. . f ...

68
D'ailleurs, l'objectif du capitalisme est la décomposition,
voire la destruction de cette société traditionnelle et Son insertion dans
l'économie d'échanges.
C'est seulement en déterminant cette société à
caractère collectif qu'on parviendra à privatiser les moyens de production
la terre e,t les outils.
Le capital foncier doit être privé car pour les autorités
"toute promotion de l'économie africaine (agriculture urbaine)
passait
nécessairement par la privatisation de la tenure indigène"
(1).
La terre, en tant que moyen de production, ne produit plus
seulement pour la sus b s i s tance , mais aussi et surtout pour le marché
d'échanges. Seule la monétarisation de l' agricul ture traditionnelle pouvait
favoriser le développement de la propriété privée en milieu rural et le
morcellement des terrains entre les individus. Ce phénomène a été accentué
par les héritages,
les ventes des terres,
mais surtout par la dislocation
de la cellule familiale traditionnelle,
unité de base sur laquelle
reposait la communauté villageoise.
3° /.
La mutualité traditionnelle
La communauté villageoise traditionnelle était organisée
de telle sorte qu'aucun de Ses membres ne manquait de subsistance
pendant les périodes de soudure les plus dures.
( 1) COQUERY- VlDROVlTCH op. ci 1.
p.
80
SAM IR-AMIN : "Agriculture africaine et le Capitalisme".
Collection Anthropos - lDEP 1975
Taye Gurmu : Développement du capitalisme agraire au Ghana
avec mention spéciale du district d' Ejura" p.
349-377
.../ ...

69
Les différents chefs de famille en assuraient le fonctionne-
ment.
Tout reposait sur l'entr'aide familiale ou inter villageoise et
sur des systèmes de contrat.
a).
Les différentes formes de contrat
Le système de contrat concernait soit les animaux,
soit
les terrains de culture.
Le louage des animaux était très répandu dans
la société traditionnelle.
Les peulhs pouvaient louer leurs animaux de
bat:
(chevaux,
ânes par exemple)
pour des tâches bien précises durant des périodes
limitées.
Le prix de la location sera fixé aprés discussion et accord des
deux parties,
étant entendu que le loueur est responsable de l'animal (1).
On retrouve cette forme de contrat chez le sérère proprié-
taire d'animaux de bât aussi
; il réclamait comme rémunération les 2/3
de ce qu'avait rapporté son animal
(2) ou bien le prix à payer était
fixé en fonction de la distance et de la charge. Ce contrat s'appelait
le TONIT FAM (3).
Avec l'avènement du camion,
les villageois en louaient
un,
lors de la distrbution des semences aux seccos les plus proches (4)
par ce que tous les villages ne disposaient pas de seccos.
(1) ANS.
lG330.
Coutumes du Sénégal. Coutumes peul h , 27 sept.
1907
Hamdallahi
(2) ANS IG. 330 Dossier n° 635 1907
(3)
DULPY (C) op. cit.
p. 65
(4) Amad DIOUF chef de village Latmengue
... 1 .•.

70
Il Y avait ussi le louage des terrains.
On ne s'attardera pas sur cette
forme de contrat dans la mesure où,
on en a fait cas dans un paragraphe
précédent.
Néanmoins, on peut ajouter à cela quelques exemples de
locations
le paysan sérère (1)
louait son champ et le prix variait,
semble-t-il entre IF et lOF.
Dans
le Saloum et en Haute Gambie,
la terre
était prêtée contre redevance très légère,
redevance plutôt symbolique (2).
A Podor,
le contrat de location exigeait le paiement du NDODI
(3).
Autre forme de contrat : celui liant un travailleur saisonnier
à un père de famille.
Dans le fleuve par exemple,
les jeunes valides se
déplaçaient en période de récolte à la recherche d'un travail.
Généralement,
ils étaient pris en charge par les familles
(nourriture et logement) et la
rémunération des services se faisait en nature après la récolte (4).
Dans les cercles arachidiers du Saloum, cette pratique était
connue sous le nom de navétanat (5).
Cet étranger du village,
une fois
recruté,
fait momentanément partie intégrante de la maison. On lui donne
semences, champs et cases, en contrepartie, il met à la disposition de son
Ndiatigué sa force
de travail.
(1)
ANS. AG330. op. cit.
(2)
Ibid.
Dossiern° 97-30 juillet 1907
(3)
Ibid.
Dossier n° 6379.
7juin 1907
(4)
Ibid.
Dossier n° 382.
Bakel, février 1907
(5)
David (P) op.cit.
.../ ...

71
est dans son champ le l und i , le [eud l , le vendredi et les après-midi.
Le reste de la semaine,
il travaille pour son NDIATIGUE.
Il était de coutume
pour les chefs de famille de ne
pas aller aux champs le vendredi et le
lundi,
raison pour laquelle le SOURGA profitait de la totalité de ces
deux jours (1).
Cette forme de contrat entre les champs de famille et les
travailleurs agricoles saisonniers était rarement utilisée en pays sér èr e ,
Tout au plus,
le chef de famille pouvait recruter un berger qualifié
pour la surveIllance du troupeau familial.
Il devait, en outre, lui
assurer l' hébergement.
Le lait du soir revenait au
berger et celuI du
matin à la famille.
Il est remarquable de constater dans ce contrat que la
responsabilité du berger sur les animaux cesse avec la nuit (2).
Autant la
société indigène était régie par des contrats, autant les formes d'entr'aide
étaient poussées.
b ) . La solidarité en milieu rural
Cette mutualité est pratiquée entre les habitants d'un
même village, ou entre plusieurs villages.
On la retrouve dans tous les
secteurs d'activité du milieu indigène.
(1) Amad DIOUF - Latmengue
Fata NDIAYE - Gnibi
Demba SARR - Keur Yoro
(2)
DULPY (G)
- op. c i t ,
... / ...

72
En pays agricole : chez les cultivateurs wolofs
(1), on peut
citer quelques formes
d 'entr 'aide intervillageoise : le SAANTANE consiste
à regrouper tous les villageois
hommes,
femmes,
enfants et tam-tam ;
en contrepartie le propriétaire du champ prépare à manger pour tout le
monde.
Il Y a aussi le SAADA qui permet de louer l'effort de
quelqu'un pendant une demi-journée. Si le SAADA est rémunéré,
la parti-
cipation au SANTANE revêt par contre un caractère d'obligation morale.
On est tenu moralement de travailler dans le champ du voisin dans
l'espoir d'en profiter plus tard aussi.
L'organisation du travail des champs dans le Sine présentait
plusieurs formules.
Lorsqu'un villageois n'était pas en mesure de travail-
ler son champ, les
jeunes de la communauté à l'insu de tout le monde,
décident de lui porter secours.
Cette formule appelée ADMlLE ou aide-
secours-surpr ise est effectuée avec désintérêt.
L'autre formule ASlME se rapproche et ressemble au
SAANTANE des culti vateurs wolofs.
Le bénéficiai re convoque les gens,
prépare à manger,
et doit être prêt à répondre plus tard à une invi-
tation de ce genre.
(1)
ROCHETEAU : Les formes pré-industrielles de coopération en Afrique.
ORSTOM 1975
- Entretien avec Issa LOUM à Colobane. Aly BA à Sokone.
- ROCHETEAU : système mouride et rapports sociaux traditionnels.
Le travail collectif agricole dans une communauté pionnière du
Ferlo occidental.
Document de l' ORSTOM, P.
205
(2) DELPECH (B) ASlM : un modèle de coopération agricole chez les
paysans sérères du Sine. Travaux et documents de l 'ORSTOM N° 34
PARIS ORSTOM 1974.
P.I05-114
... / ...

73
Ces
pratiques existent aussi chez les
peuls éleveurs-cultiva-
teurs
(1).
Une de leurs coutumes permet à un chef de maison de convoquer
les jeunes de son village ou d'ailleurs,
pour exécuter des travaux dans
"
son champ.
L'initiative peut venir aussi des jeunes.
Ils voient les champs
ou "WUJUNGEL NGESSE", comme récompense,
le bénéficiaire (un oncle
ou un autre)
peut leur offrir dans les deux cas,
un ou plusieurs boeufs
selon l'importance du
travail.
Pour le pasteur âgé ou n'ayant pas de fils pour conduire
ses
boeufs,
la société peulh avait prévu un soutien
: les jeunes bergers
ont le devoir de faire praître ses animaux et à charge pour lui de leur
céder le lait tous les matins ou de payer un prix forfaitaire.
Les Diola sont divisés en
plusieurs sociétés (2)
(garçons,
adultes,
femmes-quartier)
qui sont de véritables sociétés de travail.
Ces associations d'entr'aide exécutent des travaux de défrichage,
de
labour,
de repiquage,
de moisson,
soit contre rémunération,
soit à tour
de rôle dans les différents champs des membres de la société. Cette for-
mule rotative se retrouve chez les Peulhs (on parle de NADTIRGOL) et
chez les Wolofs NAADANETE. Ces associations diolas sont aussi de véritables
organisations de secours mutuel, car elles peuvent travailler sans être
retribuées
pour n'importe quel villageois empêché par quelque motif que
ce soit: maladie,
âge,
accident, ou
pour lui manifester une
reconnaissance.
(I)
Mody BA éleveur à
Faylar
(Thiès)
Ciré BA éleveur à Faylar
Pathé KA Gardien secco en retraite Diourbel
(2)
PELlSSIER
: op. cit.
p.
683
.../ ...

74
Les coopératives traditionnelles de pêcheurs
: dans le
cercle de Bakel,
l'Administrateur faisait cas en 1907 de l'existence
d'association de
pêcheurs toucouleurs
(1).
Ces derniers cotisaient afin de
payer en commun le matériel de pêche.
Les aînés responsables du
fonctionnement de la société coopérative étaient chargés du partage des
fruits de la pêche.
Des associations similaires existaient chez les sérères
Niominkas (2).
La différence avec le premier cas cité c'est que chez les
Niominkas où le régime de la propriété privée est de règle, chaque pêcheur
vient avec son filet.
La pirogue est bien commun puisque tous les membres
de la société participèrent à sa construction. Le partage des produits de
la pêche est effectué par le chef qui a été élu par tout le monde.
La société traditionnelle était bien organisée dans
l'exécution des travaux que sa survie exigeait.
La raison principale
était d'ordre technique.
Toutes ces formes d 'entr 'aide,
surtout chez les
agr iculteurs,
présentaient plusieur s avantages.
D'abord, elles pe rmettaient
de surmonter les problèmes de temps liés au calendrier agricole.
Toutes les activités agricoles devaient se faire en mois de trois mois.
Ensuite, elles maintenaient l'esprit communautaire villageois face à
l'agression du capitalisme agraire : "Le paysan africain préfère le travail
en commun au coude à coude avec ses compagnons"
(3).
(1)
ANS. lG330 : op.cit.
(2)
LAFONT : op. cit.
p.
418
(3)
RAULIN 1967 - p.
185 cité par Bernard DELPECH dans son ouv rage
déjà cité p. 63
.. , / ...

75
N'en déplaisait à certains projets coloniaux, les indigènes
connaissaient une forme de mutual Ité , des contrats sociaux qui régissaient
la société. Certains colons mois dogmatiques.
avaient pris la position
interméd iai re qui cons i s te à dire qu'il s ont trouvé sur place une mutualité
mais ce sont eux qui l'ont perfectionnée,
l'ont rendue plus fonctionnelle (1).
En tout cas, les Européens en voulant imposer une mutualité calquée sur
l'Occident,
savaient pertinément qu'ils allaient échouer. Même si tous
les moyens étaient mis dans cette oeuvre.
C'est la raison pour laquelle d'autres personnes très averties
en matière de politique coloniale, avaient essayé d'ouvrir les yeux aux
autorités: "la majorité des indigènes dont nous avons la tutelle obéissent
en matière de travail à des règles précises que nous aurions tort de
vouloir négliger"
(2).
Faire autrement serait aller à contre courant et les présenter
aux yeux des indigènes comme une oeuvre imposée
car on aurait une
superposition de deux conceptions hétérogènes de la mutualité saus aucune
influence réciproque.
Le capitalisme ne pouvait y parvenir qu'en
détruisant la communauté traditionnelle et ses moyens de fonctionnement (3).
(1)
BOURDA1RE (P)
la mutualité. Di rect ion de la Revue indigène.
Mercredi 3 juin 4 h après-midi.
(2) ANS 6 Q 71-171.
Lettre du Ministre des colonies à Gouverneur Général
24 Juin 1936
(3)
L'agriculture africaine et le capitalisme - collection Anthropos.
op. cit.
p.
190-201.
.../ ...

76
CHAPITRE III - LES DEBUTS DE LA "PREVOYANCE" DIRIGEE
On a montré au début que le Pays,
victime des caprices de
la nature,
avait connu des périodes de prospérité et de misère. Ainsi la
pé r iode 1902-1907 fut très d ure pour ies populations. Des cond itions
climatiques défavorabies,
des invasions acridiennes répétées avaient
entraîné ia famine.
L'autosuffisance alimentaire n'étant pius assurée,
les
autorités aliaient prend re des mesures,
afin d'amener le paysan à être
plus prévoyant.
AI. LA POLITIQUE DES GRENIERS DE RESERVE
En 1897, i 'administration avait constaté une baisse de 29 96
de la production arachidière par rapport à l'année précédente.
Elie
conclut que cette situation était due à l'insuffisance de semences, car le
paysan avait tendance à se débarrasser de ses graines une fois les cours
relevés. Ainsi,
en rapport avec le développement de l'arachide, le
Gouvernement Général,
dans la circulaire du
18 mars 1897 (1),
demandait
aux Chefs de cercle de Louga,
du Cayor, et de Thiès,
de mener une
action en direction des indigènes en
vue de stocker une réserve,
pouvant
servir de semences. Cette recommandation resta lettre morte mais la
production évolua sensiblement.
(1)
ANS 1 Q 61 - institution des grenier s de réser ve au Sénégal.
Circulaire du 18 mars 1897 de M. G le Gouv.
Gén. CHAUDIE.
.. . 1...

rr r»
500.000
rnOIJUCTION Dt~Rr,-CHI~S~Y1LE..ÇJ',L._1_B95 - 191 B
(source voir annexe P. 305-307)
400.000
;
~
première guerre mondiale
lCH1.OOO
;
~
...--
,
,
mauvaises récoltes dues a des cBlemit~s
naturelles diverses
1
-..1
-..1
1
200.000
100.000
1896 -
q7
-98 -99 -1900-01
-
02
-
03 -04- 05- 05 -
07 -08 -09 -10 -
11- 1? -
13 -'4
-15 -
16 -17 -18

78
En 1900, éclata l'épidémie de fièvre jaune aux conséquences
multiples
: rapatriement de nombreux
Européens des maisons de commerce
surtout, arrêt durant tout le second semestre des transactions commerciales,
enfin diminution des
recettes de la colonie (1).
Devant une telle situation,
le Gouverneur Général accorda des secours en vivres à titre d'avances
aux
indigènes des cercles de Kaédi,
de Bakel,
du Cayor,
et de Kaolack.(2).
Quant à la production,
elle passait de 140.921 T. en
1900
à 123.482 T. en
1901.
Les cour s
bas qui en
résultèrent,
le mauvais
hivernage de 1901,
firent tomber les exportations à 110.224 T. en
1902.
Les secours furent étendus aux cercles de Dagana,
Casamance et Louga( 2).
Cette baisse de la production fut à l'origine de nouvelles
recommandations
par le canal de la Chambre de commerce de Rufisque.
Celle-ci tira sur la sonette d'alarme,
pour que les
responsables de la
colonie prennent conscience des
risques
incalculables et de leur
conséquence
Sur le commerce,
si toutefois les paysans ne seraient pas
assez prévoyants l'hivernage prochain.
C'est par circulaire du 3 février
1902
que le Directeur des affaires indigènes
recommandait aux Administrateurs de
cercles,
de "contraind re les chefs de village"
(3),
qui,
à leur tour,
(1)
ANS 2 G2-6.
Rapport d'ensemble sur la situation politique,
économique
et administrative et sur le fonctionnement des divers services pendant
les années
1900-1901-1902
(2)
Bulletin administratif du Sénégal
1900,
p.
481 et 656
(2)
Bulletin ad ministr atif du Sénégal
190 l,
p.
665-679-850
(3)
ANS 1 Q 61 - op.cit.
Circulaire du 3 février
1902 du Directeur des
affaires
indigènes aux adm.
commandants de cercles.
Circulaire du 18 oct.
1902
... f ...

79
devaient faire pression sur le paysan pour la constitution des
réserves
suffisantes, afin d'assurer les prochaines semailles.
Les autorités
justi-
fiaient cette contrainte parce que disaient-elles,
que "li v rés à eux -rnêrnes ,
les noirs étaient encore incapables à cette époque,
de mener à bien la
question d'une réserve quelconque de graines"
(1).
Le 18 octobre de la même année,
on décida d' Y inclure
les moyens de parer aux effets de l'inondation ou de toute autre calamité.
Un pas de plus venait d'être franchi
; cette institution qui ne s'intéressait
à l'origine qu'aux semences, allait très
vite chercher des moyens
pour
parer à toute autre calamité naturelle.
Mesure de prévoyance qui vient
à son heure.
En effet,
en 19011, la destruction des cultures due à la
sécheresse dans le Sine-Saloum,
aux invasions acridiennes dans les cercles
du Fleuve, avait des conséquences néfastes sur la population et le commerce.
De ce fait,
les autorités s'étaient portées garantes des semences empruntées
par les indigènes auprès du commerce.
En 1905-07 éclata la grande famine (cf. chapitre sur les
aléas climatiques),
et les
régions
les
plus touchées furent le cercle du
sine-Saloum et ceux du Fleuve.
Il ne s'agit plus de servir d'intermédiaires
ou d'aval aux
paysans de telle ou telle localité pour avoir des semences.
Le problème était beaucoup
plus complexe
: faute de subsistance,
l'indigène
ne saurait cultiver l'arachide dont l'impact sur l'économie est évident.
(1)
ANS -
13 G 3-23 -
Dossier famine dans le Sine-Saloum 1906
-
Rapport du 23 avril 11906 de l'Adm.
du cercle de Kaolack sur la
famine du Saloum Oriental et du
Nioro du Rip.
- cf.
pièce n° 92 Rapp.
Gouv.
du Sénégal à Gouv.
Gén. AOF du
6 mars 1906 - Saint-Louis.
... / ...

80
Mieux,
certaines
populations frontalières avaient commencé à
migrer en Gambie Anglaise où le Gouverneur Général venait en aide non
seulement aux autochtones,
maissi à "Tout indigéne étranger qui s' instal-
lerait sur son sol"
(1).
Alors que le FILLlATRE commandant du Sine-Saloum
tout en
reconnaissant la gravité de la situation,
ne
pouvait faire que des
promesses:
"je n'ai
reçu que plaintes et doléances en traversant ces
misérables cantons,
où je n'ai pu
que promettre à la population de les
soutenir énergiquement auprès de vous dans le but d'obtenir
des vivres
nécessaires en fin avril commencement mai"
(2).
Devant l'impérieuse néces-
sité d'une intervention, le FILLlATRE avait proposé l'achat de céréales
à distribuer gratuitement aux
indigènes.
Mais l'administration centrale était
réticente,
car selon elle,
une distribution gratuite des vivres "risquait
d'encourager
leur
paresse et leur insouciance"
(2).
Devant la persistance des fléaux et des conditions climatiques
défavorables,
et devant la nécessité de mettre fin au désastre causé par
la famine,
les autorités achetèrent en
1907 pour une valeur de 600.000 F
du mil,
du riz,
et des arachides.
Elles en firent des avances aux paysans
des différentes
régions.
Mais dans l'esprit du Gouverneur Général,
l'administration devait se "borner à une tutelle morale,
quelle devait
s'employer à stimuler l'initiative
des
indigènes, à leur faire comprendre
l'utilité de la prévoyance de l'économie et de l'assistance mutuelle"
(3).
(l)
ANS -
13 G 3-23 op. c i t ,
(2)
Ibid.
Pièce n°
291 D-AS
de la récolte du gros mil dans certains
cantons du Sine-Saloum,
21 avril
1906
(3)
ANS 1 Q 61 - SlP de secours et de prêts mutuels au Sénégal,
1910-1919
.../ ...

81
Il était hors de question pour
le pouvoir de "fournir des
semences aux cultivateurs,
de les secourir
pécuniairement"
(1). Son rôle
était de donner aux indigènes les "moyens de parer eux-mêmes aux consé-
quences des mauvaises
récoltes en encourageant
le développement des
Sociétés de Prévoyance"
(2).
L'administration qui
redoutait qu'une telle situation ne
se renouvelât,
avait multiplié les
recommandations et les mesures.
Malgré celà,
l'implantation de greniers telle que l'avait conçu l' adminis-
tration,
marqua le pas car "les indigènes mettent plus ou moins d'empressement
à s'acquitter de cette obligation selon leur caractère particulier"
(3).
Ainsi,
il faut décidé l'intervention directe des Commandants de cercle et
des Chefs indigènes dans la gestionl
des greniers de réserve.
C'est dans
ce contexte,
qu'il faut placer la circulaire du 25
janvier 1909,
rendant
obligatoire la constitution des greniers
de réserve dans chaque village.
Quelle est cette politique des greniers de réserve que les
autorités cherchaient à instaurer
?
Comment se présentaient-ils ?
Est-ce une nouveauté dans le milieu paysan ?
Les greniers de réserve étaient des magasins en
paille
ou en
pisé suivant les lieux où
ils étaient construits.
Les
premiers
qui sont en
paille,
se trouvaient généralement dans les cercles de la
ligne du chemin de fer,
dans
le cercle de Kaolack,
du Niani et de
(1)
ANS.
2G 7-1
Rapport agricole annuel du Sénégal
(2)
ANS.
2G 7-1
: op. cit.
(3)
ANS.
2 G 6-1 SENEGAL Rapport agricole du premier trimestre 1906
... f ...

1,
'>, ':.<: ...
,."-
.. .
, '

82
du Niani et de la Haute Gambie,
le second type de grenier fait en
pisé
ou en terre durcie au soleil,
était dans le cercle de Casamance et du
Fleuve.
Ils étaient construits de telle manière à ce qu'ils reposent sur des
pieds en
bois,
afin de protéger les
graines contre les
parasites, ou de
leur év iter d'être en contact avec le sol.
Quels sont les
produits destinés à ces greniers.
Ils
varient selon
ies
régions
: arachide dans le Djolof,
Thiès,
Baol,
Sine-Saloum ; mil dans
la circonscription du Fleuve,
Bakel,
Matam,
Podor,
Dagana,
etc ...
;
en Basse Casamance et dans les
prov inces de Bignona.
Cette institution ne connaît aucune règlementation de nature à
fixer
les modalités d'application du principe des
réserves collectives
"tout est laissé à l'initiative et à l'intervention du commandant de cercle
et des chefs indigènes"
(1).
Par conséquent,
leur surveillance était
assurée par les chefs de village,
sous
le contrôle du chef de canton ou
de province.
Ceci pose en fait le problème de l'efficacité des greniers
de réserve.
En tout cas,
à en croire aux autorités,
leur réussite dépendait
des
régions et des chefs indigènes.
Dans les cercles où l'Administrateur
disposait de collaborateurs "zélés et capables",
ces institutions connurent
un développement certain;
par contre,
elles
piétinèrent dans les endroits
où les chefs n'avaient pas assez d'emprise sur les
paysans"
(2).
Pareil
raisonnement est discutable dans
la mesure où,
même dans le cercle
( 1) ANS. 1 Q 61-1910- 1010
op. cit.
(2)
Ibid.
. .. / ...

83
de Kaolack ,
l'Administration avait
rencontré des
difficultés
pour instituer
ces greniers de réserve.
L'échec ou la réussite de cette politique des
réserves ne tient pas au fait que certains chefs indigénes Se soient
montrés inférieurs
(Fleuve,
Casamance,
Niani)
à leurs collègues de la
ligne du chemin de fer.
Cela s'explique plutôt par plusieurs facteurs.
Les
premières difficultés sont inhérentres à l'option même
de la politique des greniers de réserve.
On a vu
plus haut que ces
greniers sont des entrepôts confiés aux chefs de canton,
et que tous
les
villages n'en disposaient
pas.
Puisque les greniers étaient rares,
il est
clair que le chef de canton et son entourage pouvaient utiliser les graines
à des fins douteuses.
Il est certain aussi,
s'il arrivait que le chef
détournât une partie des
réserves,
les autorités ne s'en apercevraient que
plus tard;
le déficit n'était constaté qu'au moment de la distribution des
semences,
vu l'importance du
stock.
Autre inconvénient
c'est que
l'indigène n'a aucune possibilité de contrôler ses graines confiées à la
réserve du canton.
Les difficultés
pratiques tel
que le portage des
graines sur une dizaine ou une vingtaine de kilomètres explique en
partie l'imperfection de la mise en
place des greniers de réserves dans
les villages.
Le
paysan devait parcourir toute cette distance pour aller
confier ses
produits,
alors qu'il
pratiquait la prévoyance.
Pire encore,
au moment de la
récupération,
il n'est pas certain que les graines reçues
ne soient pas de qualité inférieure à celles qu'il avait déposées .
... / ...

84
En effet, chaque famille avait sa calebasse, ou un autre
instrument servant à mesurer des graines.
Les chefs traditionnels,
après
la récolte,
demandaient à tous
les
habitants du territoire de venir déposer
leurs semences pour les prochaines semailles.
L'opération s'effectuait sur
la place publique le plus souvent, ou chez les chefs de village ou de
canton.
Par la suite,
les autorités coloniales Introduisirent le système de
prêts des semences obligeant l'indigène à laisser cette pratique prévoyante (1).
Cela veut dire que la prévoyance existait dans la société indigène,
même si
elle est ignorée des autorités.
Les indigènes ont toujours constitué des
réserves
pour les semences et pour la consommation durant les périodes de
soudure.
On peut citer plusieurs exemples
:
L'exemple du paysan d io l a qui ne consomme Sa récolte de
l'année que les périodes à venir,
puisqu'il a suffisamment de stocks.
Il est de coutume en pays d io l a de "ne pas toucher à une récolte avant
d'avoir
réservé les deux précédentes"
(2).
Il arrive que les paysans d Io l a
en période de soudure "préfèrent subir des privations très dures"
(3),
plutôt que de consommer la prod uction der iz qui n'a pas fait deux ans
dans
les grenier s.
En milieu ouolof,
le SAKH dés igne la réserve de mil
(cf photo).
Devant la Case de chaque paysan,
Se trouvent suspendues des gerbes de mil
devant servir de semences pour le prochain hivernage.
(1)
Amad
DiOUF,
Latmengue
(2)
WIBAUX
(F)
: mouvement coopératif en AOF.
Thèse de Doctorat
Faculté de Droit -
Paris 1953,
p.
22
(3)
ANS. 2 G 24-4
: Sénégal.
Culture et colonisation.
... / ...

85.
En pays sérère, on
retrouve le même type de grenier collectif
avec des
réserves destinées à l'al imentation et d'autres aux semences.
Chez les sérères Ndiaye-Ndiaye de Fat ic k , on a appris que les greniers
de réserve étaient construits en dehors du village dans un espace décou-
vert appelé Tanne.
Le choix de cet emplacement prouve la prévoyance
de ces
paysans.
A la question,
pourquoi choisir les tannes pour y installer
les greniers de réserve,
on nous a répondu,
qu'en caS d'incendie du
village,
les greniers seraient
épargnés.
Quand on a posé le problème de
sécurité,
vu l'éloignement des greniers du village,
notre interlocuteur a
répondu que d'une part les sérères ne volent pas et que d'autre part
chaque famille protégeait ses greniers
par des gris-gris.
Il nous a même
affirmé que les voleurs étaient retenus Sur place jusqu'à l'arrivée du
propriétaire (1).
Tous ces exemples constituent la preuve comme quoi ces
paysans ont toujours dans le passé,
produit et prévu leurs semences,
tout
en s'assurant une couverture alimentai re.
La question se situe ailleurs.
C'est l'option de la politique indigène qui n'est pas conforme avec le
type de société dans la mesure où l'Administration ne tenait pas compte de
certains aspects
particuliers du milieu.
Elle refusait de voir que ces
gens avaient un système,
une structure économique qui obéit à des règles.
(1) Sémou NDIAYE de Ndiaye-Ndiaye Fat ic k . Il nous a montré fièrement
le grenier de réserve traditionnel construit dans Sa maison en pleine
ville.
Il
se déclare être le petit fils
du l er Dja r af du village de
Fat ick qui avait hébergé Pinet LAPRADE lors de son passage dans
ce village.
Pour lui,
les sérères seraient les fondateurs
des
premières SIP,
ce que ne confirment pas
les
ar ch iv es
... f ...

\\
.-
' .
ot •
.... .....
Un Silo de réserve d'une SIP(Photo prise à
Sokone
1983)

86
En fermant les yeux sur cet aspect et en refusant de faire
fonctionner ces institutions
par les principaux intéressés,
l'administration
ne pouvait pas mener à bien sa
politique des greniers de réserves.
Les différentes mesures qui
se succédèrent durant toute la
période coloniale constituent une preuve de leur échec.
D'ailleurs,
il
redeviendra plus tard aux SIP qui
seront créées,
le soin de constituer
des silos de réserves approvisionnés
pour au
moins une période de
trois
(3)
mois.
Ce qu'il faut
retenir,
c'est que la conception des greniers
de réserves constitue un pas vers la prévoyance dirigée et la forme
de mutualité que l'autorité centrale voulait instaurer.
...f . ..

87
BI. APPARITION TIMIDE DES SIP
L'idée de leur création est partie d'Indochine et d'Afrique
du Nord
(Algér i e , Tunisie).
Durant la conquête,
les Européens avaient
constaté dans les tribus algériennes "l'existence de réserve de graines
emmagasinées dans les silos"
(1).
Leur première réaction fut de les
supprimer car ils pensaient qu'elles
pouvai .ent servir à leurs adversaires.
Par la suite,
ils mirent la main sur ces institutions et créèrent des
sociétés à caractère mutualiste plus organisées.
Ainsi la loi du 1er avril' 1898
relative aux sociétés de secours et celle du 4 juillet 1900 (2)
concernant
l'agriculture,
avaient jeté les
bases d'une mutualité agricole avec création
de caisse professionnelle en France et en Afrique du Nord.
Il faudra attendre quelques années
pour que des mes ur es
semblables soient prises en faveur
des paysans indigènes de l' AOF.
La mutualité algérienne servira de modèle à l' AOF,
car on avait décelé des
similitudes entre les deux sociétés
: autorité du Chef indigène,
religion
musulmane,
existence de charité et d'aumone (3).
Au Sénégal,
les sociétés indigènes de prévoyance firent leur
apparition pour la première fois
d'une manière très timide dans le Sine -
Saloum et le Baol,
pour disait-on,
arracher les
indigènes aux usuriers
libanais.
Le
premier à tenter cette expérience fut le Filliatre commandant
du Sine-Saloum (4).
(I)
ADAM (J)
: aperçu des SIP de secours et de
prêts mutuels d'Algérie
et de Tunisie.
P.
177
(2)
Mutualité agricole 17-20 Sept.
1958.
DAKAR
(3)
ADAM
(J)
op. cit.
(4) ANC.
1 C381
LE FILIATRE AMEDEE CHARLES.
Il est né en 1971
à Grenoble.
Breveté de l'Ecole coloniale en
1896 et licencié en droit.
Nommé Adrn , adjoint en nov.
1896.
Il a été envoyé en service en
Côte d'Ivoire.
En 1900,
il est envoyé au Sénégal où il sera
nommé commandant du Sine-Saloum de juillet 1901 à juin 1909 .
. . . 1. . .

88
Il avait obtenu une avance de 20.000 F.
équivalent à 100 T.
cont rai rement aux maisons de commerce qui demandaient 200 Kg pour cent
prêtés
(1) , le Filiatre fit des prêts avec un taux d'intêrêt de 5 %.
Le succès de cet essai en était assuré,
puisque dès il année suivante,
une
section sera ouverte à Fatick.
Dès
le premier trimestre de l'année où cette
entreprise avait été expérimentée,
le commandant de cercle de Kaolack
avait distribué 186.275 Kg d'arachides à 1567 chefs de carrés
(2).
L'expérience s'étant révélée concluante, on décida de l'étendre.
Le Baal fut la deuxième région où les SIP se manifestèrent
après le Sine-Saloum ; l'initiative en
revint à l'administrateur THEVENIAUT
commandant de cercle qui mit sur pied une association d'indigènes en 1909.
Elle avait pour but de creuser des
puits et de toucher tous les domaines
de l'économie sociale.
La première remarque qu'on peut faire,
c'est que ces deux
administrateurs avaient créé ces associations de leur propre initiative et
dont les buts diffèrent afin de résoudre des situations spécifiques à
leurs régions
le problème de l'eau avec forage des puits pour le Baal,
la lutte contre les usuriers libanais
pour le Sine-Saloum.
Mais il faut aller au-delà de ces deux considérations pour
expliquer le contexte dans lequel elles apparurent.
La première
explication est liée à la crise conjoncturelle : en 1904,
le pays avait connu
des
(1) André YOU
: les SIP en Afrique du Nord et en Afrique Occidentale
dépêche coloniale Paris 1913.
(2) ANS 5 Q 61 SIP de secours et de prêts mutuels au Sénégal 1910-1919
... / ...

89
ca l arni tès natur el l es accompagnées
de f am ine
:
inond at ions des cercles
du
Fleuve,
présence de sauter el l es à Podor,
Dagana ,
LOUgd et enfin pluies
ta r d i v es d ans le Sine-Sdloum.
La conséquence de ces pluies tar d iv e s d ans
ce dernier cercle ava l t entr aîné
une f am ine pa r
suite de rnauv a i s e
récolte
céréalière.
Cette s i tuat ion al irnerita i r e depuis si longtemps p r èca l r e ,
dure
de 1905 à 1908 et ent r a îna un d êp l acement de popul at ions
vers les
régions
les moins touchées
: Bas -Sal ourn , Garnb i e ,
Devant une telle s i tuat ion ,
les auto r i tés adrn i n i s tr at i ves
av a i ent le devoir rnor a l
de venir en a i d e dUX
popul a t ions éprouvées qui
sont leurs sujets pour employer leur terminologie.
Ainsi des avances en mil,
riz,
a r ac h i d e selon les
besoins des
régions furent décidées et ceci pour une v a I eur de 600.000 F.
(1).
Ces as soc iat ions d'indigènes n'ont f a i t
que f r anc h i r le pas qui
r es tai t dUX
greniers de réserve,
à savoi ries
règlementer
(leur donner des stauts )
dans le but qu'ils
s'étdient fixé
(lutter contre les calaml tés
natur e l l es ) .
C'est pour éviter le retour de pa r e i l l es
s i tuat ions
dues en
par t ie à
L'Jrnpr évoyance des autor i tés ,
et pour se d éc har ger de cer talnes
p r éoccu-
pat ions sur les
pa y s ans eux-mêmes
(semences,
r av it ai l l ement ) que les
SIP ont vu le jour.
Ceci est surtout v r ai pour le Sfn e -Sa lourn
vêr l tab l e grenier
de réserve qui
éta i t
très
durement touché p a r Id farn ine , Si cette ar gu-
rnentat ion
éta i t
recevab l e , on peut dire que l "ap p ar it i ton des SIP dans
ces deux
régions est liée à Id conjuga is on d'un cer ta in
nombre de Iacteur s
(1)
ANS.
5 Q 61
SIP cr èat ion 1910-1919
... / ...

90
-
la mutualité ins taur ée (afin de p ar e r dUX calamités)
qui
s'était maté r ial Isée à l'époque Sur le te r r a in
par l'institution des gerniers
de
réserves
;
-
Id réussite de ceux-ci qui d ép end a i t du degré de zèle et
de ccl Iabo r at ion des chefs indigènes et de leur position géographique
favo r i s ée pa r le chemin de fer ou une aut r e voie d t év acuat ion ,
Mai s une question demeure :
pourquoi les SIP ap p a r ur ent
pour
Id première fois
au Sine-Salocrn et ensuite au
Baol ?
La
première e x p l ic at ion qu'on peut donner est qu'elles sont
apparues dans les cercles touchés
p ar Id f arn ine , Ceci est vala h Ie
pour le
Sine-Saloum dont les
popul at ions furent affamées
pa r les ca l arnit ês naturelles.
Mai s ce ne fut
pas
le CdS du Bao l , moins att el nt que les cercles du Fleuve.
En effet, au Sme-Salourn ,
l'étdt de famine qui y subsistait,
assoc ié
à Id pe r s onna l i t
et à Id
volonté du commandant le Ff Lll iat r e ,
é
peuvent expliquer pa r t i e l Iement Id c r éa t i on des SIP d ans ce cercle.
On ne r e v i end r a pas sur Id description de Id
f am ine .
Mai s on s Igna l er a
que le Pi l l i a t r e a v a i t
f a i t
preuve d' in i t i at iv e
: pour as sur e r dUX
indigènes
Id subs is tance , il
pr opo sa it à ce que l'impôt prélevé dans ces
régions
atteintes de f arn ine soit utilisé au
profit des sinistrés au
lieu de les
"Ia i s s er livrés
à eux-mêmes".
Il i r a plus loin,
en f ai s ant objection à Id
proposition du Gouverneur Général,
qui cons i s ta i t
à ne
p as distribuer
gr atui ternent les vivres,
rna i s
p luôt sous forme de prets.
. .. ! ..

91
D'ailleurs, ceci lui valut en
1907 de la part du Gouverneur
Général certainement le jugement suivant
: "fonctionnaire intelligent,
actif et énergique,
mais
passionné et
brouillon qu'il faut constamment
tenir en main"
(1).
Le Fi l l iat r e avait deux
préoccupations principales
D'abord,
des préoccupations hurnani tai res
: il fallait secour i r
rapidement les
populations des cantons affamés
pour qu'ils
puissent cultiver
l'hivernage prochain.
Cette préoccupation est en
rapport avec la préoccu-
pation économique que nous développerons
plus loin.
Ensuite,
il y a l e fait
que,
dans
la colonie voisine,
la Gambie,
le Gouverneur avait déjà aidé les
populations en leur offrant du mil.
Résultat
les
habitants du cercle du
Sine-Saloum migraient en Gambie pour
profiter de cette aide gratuite.
Donc
pour des
raisons
politiques,
et afin d'éviter une migration massive,
le Commandant du cercle proposait à ce que les
vivres soient gratuitement
distribuées.
(1)
ANS IC381
- op. cit.
Ce jugement a été porté par le Gouverneur du Sénégal Camille GUY
en avril 1907 lors de la nomination de le FILLIATRE au grade
d'administrateur de 2è classe.
Mais en avril
1908,
le Lt.Gouv.
p . i .
VAN VOLLENHOVEN le jugera différemment lorsqu'il fut
proposé
CHEVALIER de la Légion d'Honneur
: "Administrateur extrêmement
remarquable,
est depuis 6 ans dans le Sine-Saloum où il fait
preuve
des
plus rares qualités et obtenu les résultats les
plus heureux.
Beaucoup de sens
pratique,
très actif,
dévoué et irréprochable
de tenue,
M. le FILLIATRE est bien doué pour le Commandement" .
... f ..

92
Alors la question qui nous
vient à l'esprit est la suivante
est-ce que tous ces faits ne déterminèrent-ils pas le Commandant
le Filliatre à créer une société de prévoyance (1)
d'autant plus que
dans l'esprit de
la circulaire du 18 octobre 1902,
les
réserves collectives
devaient céder la place aux sociétés de prévoyance car "l'association,
l'initiative privée remplaceront désormais l'action officielle"
(2).
Encore que l'implantation des greniers ne connut pas de succès au
Sine-Saloum.
Leur apparition dans ces zones
peut être liée aussi à des
raisons d'ordre politique: c'est ce qu'on appelait "le régime de paix".
En effet,
il est bien évident que les premières SIP ne pouvaient être
créées que dans les
régions
relativement stables sur le plan politique
et social.
Par conséquent,
il est logique qu'elles apparaissent en premier
lieu dans la région du
(1) On peut lire dans
son bulletin individuel de notes du 16 AV.
1912
que le Filliatre est le fondateur
de la première société mutuelle
agricole à Kaolack,
société qui a servi de base au
dêcret instituant
les mutualités en AL Occ i d , Il sera nommé CHEVALIER du mérite
agricole en
1909 et aura acquis au Sine-Saloum
(1901-1909)
tous les
ses grades:
adrn , adjoint de 1ère classe,
adrn ,
de 3è classe,
adm.
de 2è classe.
(2)
ANS 1 Q 61 Institution des greniers de réserve au Sénégal.
... / ...

93
étaient moins favorables.
Jusqu'en 1917,
la Basse-Casamance est troublée et
il a fallu installer un peu partout de nombreux postes militaires pour assu-
rer la sécur i té (l).
Même la moyenne Cas amance n'était pas stable politiquement.
Roche considère la mort tragique de Fodé KA BA comme le dernier acte de
résistance armée des Malinkés. Cette disparition profite les autorités colo-
niales car les guerriers malinkés ont été orientés vers la culture, le commerce
et le proselytisme religieux (2).
Ainsi leur réussite et leur importance dans le cercle du Baol
s'ex pliquent également pour des raisons historiques
ce cercle faisait
partie de celui de Thiès donc avait bénéficié d'une certaine stabilité et
des avantages des moyens de développement comme par exemple le chemin
de fer.
Il fut créé par ar rêté du 17 mars 1908 (3) et était composé des
pr ov inces du Baol Oriental et Occidental détachées du cercle de Thiès.
En plus de ces conditions favorables,
il faut ajouter la proximité du cercle
du Sine-Saloum.
(l)
VILLARD (A) Histoire du Sénégal ARS. AFRICAE MCMXCIII.
P.
172
(2)
ROCHE (C)
Conquête et résistance des peuples de Casamance 1850-1920
NEA Dakar,
1976
(3)
ANS.
IG359.
Circonscription administrative du Sénégal.
Création et modification des cercles 1908-20.
...f ...

94
OÙ la
SIP existait depuis deux ans.
Un statut de la société sera élaboré dans un premier temps,
par The v ani aut commandant du cercle,
mais les autorités lui signifièrent
de surseoir à tout acte d'organisation étant donné que la SIP du Sine-Saloum
avait déjà servi de base au décret instituant les mutualités en AOf.
La dernière raison de leur apparition et non des moindres
est d'ordre économique.
On a eu à montrer l'importance de l'arachide,
et sa pla ce dans l'économie de la colonie car "vers elle vont toutes les
pensées des Gouverneurs soucieux de leurs budgets, celles des
paysans
soucieux de leurs gains,
v e r s elle les soucis de tous ceux qui vendent
ou achètent quelque chose au Sénégal"
(1).
Ainsi la part du Sine-Saloum
dans la production de l'arachide avait atteint 24 % dans la période
1902-03/1906-07. A pa rti r de 1910,
les cercles du Sine-Saloum et du Baol
fournirent 50 % de la production du Sénégal. C'est dans ces cercles
qu' ap parurent les premières sociétés de p révoy ance.
Les autorités les
utilisèrent en
leur attribuant un rôle précis
: celui d'un organe moteur
entre la colonie qui fournit main d' oeuv re et matières premières brutes
(arachide),
et la métropole qui
reçoit ces ressources
pour alimenter ses
usines.
Il fallait as sur er "l'indépendance économique"
(2).
Par l'intermédiaire de ses colonies,
les SIP représentaient un moyen de
la r éal is er , car elle permettait à lt adrmni s trut ion d'intervenir dans Id
production et même de la contrôler plus tard.
(1)
VILLARD (A)
op. cit.
p.
191
(2)
GIRARD ET (R)
- op. cit.
p.
31!.
Il cite Albert SARR!\\UT.
.../ ..

95
Du fait du caractère de la nouvelle économie créé par
l'impérialisme colonial,
le nom des SIP est associé à l'arachide. Cela
pour satisfaire les
besoins de la métropole.
11 n'empêche que dès le
début,
l'administration avait tenté de créer des SIP à vocation animale.
A un moment donné,
on a essayé de développer
l'élevage des
boeufs,
afin d'assurer l'approvisionnement en viande du pays et de la France.
Pour ce faire,
des foires
aux animaux furent organisées
rappelant ainsi
la traite des arachides.
La première tentative avait eu lieu du 23 au
31 octobre 1911 à Louga , mais les
résultats,
faute d'acheteurs,
furent
négatifs.
Les succès enregistrés lors de Id seconde foire du 10-16
décembre de la même année amena l' adrnin i s t r at ion à
parler de la
"traite des
boeufs"
(I).
Encouragé par ces résultats,
des mesures furent prises
l'année sui vante par le Service de l' agr icul ture,
parmi lesquelles
(1)
ANS.
R.
12
Voir aussi Moustapha SARR :
Louga et sa région
(Sénégal).
Essai
d'intégration des rapports
ville-campagne dans la problématique du
développement.
IFAN DAKAR
1973.
P.
116.
Dans le cercle de Louga ,
des hommes d'affaires avaient créé en 1905 un marché à bétail ou
MARBAT qui se pratiquait surtout pendant la morte saison.
Ce centre avait pris d'importance à p a r t i r de 1917,
année dU cours
de laquelle 5000 bovins et 17.000 ovins ont été vendus en un seul
trimestre.
En 1927,
les ventes étaient res pecti vement de 80.000
et 120.000 têtes.
C'est la crise économique de 1929 et la politique
de forages
et des puits dans la zone de parcours vers les centers
qui marquent le début de la chute du MARBAT de Louga .
... / ...

96
-
la sélection des taureaux rappelant fort
bien les sélectionnées
;
- la lutte contre les épizooties,
afin de développer dans certaines
régions des espèces non moins adaptées comme les chevaux en Haute-Gambie
-
la tenue de foires
régulières dans les cercles de Louga et de
Diourbel et la préparation des animaux pour l'exportation avec la recherche
d'une solution au problème fourrager.
Il s' a v èr a difficile de les réaliser dans la mesure où,
les
cercles de Louge et du Djolof qui sont les principales régions d'élevage
et de marché de bétail du Sénégal furent touchés par une peste bovine.
ALDIGE a étudié la propagation de cette peste bovine au Sénégal.
Tout a commencé en
1917 quand le cercle de Kacl ac k a reçu des boeufs
venus du Haut Sénégal-Niger et destinés à l'usine de Lynd Iane ,
La propagation fut favorisée par les déplacements des éleveurs peulhs et
prit de l'ampleur
: "Tout le territoire du Sénégal est envahi à l'exception
du cercle de la Haute-Gambie et des
provinces orientales du Niani-Ouli
situées hors des voies commerciales et défendues contre l'importation de
bétail zébu et métissé du Nord par la présence de glossines"
(1).
C'est l'occasion pour créer des SIP à vocation animale dans
certains cercles comme celui de Louga qui avait été choisi pour appro-
visionner les villes.
(1) ALDIGE (E)
: La
peste bovine en i\\OF.
Etude de l'épizootide
de 1915-18.
BCEHS de l'AOF W
3 et 4 juillet-décembre 1918
p.
337-404.
. .. ! ...

97
Ces mesures
prises
pour le développement de la population
bovine,
rencontraient un autre obstacle:
l'éleveur
peulh. Ce dernier
n'était nullement disposé,
ni
préparé à vendre ses taureaux qui repré-
sentent une partie de lui-même.
Il
préfère souvent
regarder son animal
mourir,
plutôt que de le céder à la SIP qui allait castrer les défectueux
pour améliorerl'espèce
(1).
Tout ceci fait que les SIP se voudront des
SIP à vocation arachidière car posant moins
de problèmes et intéressant
un nombre plus
important d'individus
donc les rendements
sont plus
intéressants et plus immédiats,
puisque les
récoltes et les transactions
se font chaque année.
L'organisation de l'ensemble des
sociétés sera reprise à
un niveau supérieur et mise au
point par le décret du 29 juin 1910
et du 4 juillet 1919
régissant et organisant la mutualité en AOF.
Les SIP furent comme nous
venons de le démontrer une
initiative personnelle,
voire même isolée.
Leur importance et leur rôle
dans le développement économique avaient amené l'administration coloniale
à en
faire des organismes officiels.
(1)
ANS R 12.
op. cit.
Mesure proposée en 1912 en même temps
que la création de ferme
d'élevage.
. .. / ...

DEUXIEME PARTIE
LES SOCIETES INDIGENES DE PREVOYANCE
1910 - 1930
JI

98
CHAPITRE 1 ; LES SIP
ORGANISMES OFFICIELS PAR DECRET
DU 29 JUIN 1910
AI. Qu'est-ce .Gu'est la SIP ?
On a vu dans le chapitre précédent,
que les autorités centrales
avaient demandé au Commandant de cercle du Baol de surseoi r à l' élabo-
ration d'un statut de sa société. Ainsi,
par décret du 29 juin 1910, toutes
les SIP sont devenues des organismes officiel s
(1).
Ce décret les définit comme
suit : "Les sociétés de
prévoyance indigène constituent essentiellement des
groupes d'individus ayant les mêmes intérêts économiques et librement réunis
pour les développer".
Il est dit dans ce texte,
qu'elles avaient pour but
"d'amener les populations d'un village déterminé
à se prémunir contre
les conséquences de la sécheresse,
des inondations
et en général de tous
les fléaux naturels,
vols de sauterelles) épizooties,
incendies, etc •.. "
(2).
Elles devaient aussi les aider à constituer des approvisionnements
de graines (prévision de semences),
à acheter des instruments agricoles
indispensables sous formes
de prêt.
Il entre dans leurs attributions de
venir en aide en cas de nécessité à leurs membres atteints de maladie ou
d'accident.
En un mot,
le but fixé aux SIP,
d'une manière générale, était
de parer à l'insuffisance de prévoyance des indigènes.
(1) ANS
: 5Q61-Décret du 29 juin 1910 autorisant création des SIP
1910-1919.
(2)
Ibid.
. .. 1•..

99
Par indigène, on voit nettement que seules les populations des
pays de protectorat devaient être concernèes
: par conséquent,
les citoyens
en étaient exclus.
Etait considéré comme indigène,
tout non citoyen ou
plus exactement "Tout sujet soumis au régime de l' indigénat qui consistait
à donner aux autorités administratives le droit de frapper les sujets de
sanctions pénales,
saris avoir à en justifier devant aucune autorité judi-
ciaire"
(1).
L'expression "d'amener les populations à se .... " montre le rôle
qui leur est attribué,
à savoir encadrer les paysans.
D'ailleurs GEISMAR
pensait que dans "les pays moins évolués
( ... ),
le contact des indigènes
avec les forces économiques modernes est encore trop récent pour quils
puissent les affronter sans guide"
(2).
Les SIP jouèrent ce rôle de guide
dont il fait cas. Mais elles ne le joueront cor recterncnt , que dans la mesure
où l'encadrement ne serait pas seulement technique,
mais aussi social.
II faut comprendre par là que le plus gros effort ne soit pas guidé par le
souci d'accroître la production arachidière
; il doit être aussi orienté vers
la promotion sociale,
l'amélioration des conditions de vie des paysans.
Contrairement à tout ce qui est proclamé,
le souci principal des administrateurs
était d'atteindre les prévisions fixées
pour la production. Aussi,
l'idée
première de leur apparition risquait de devenir un souvenir
pour les
adhérents qui ont participé à la création des SIP.
Si
les SIP ont eu à servir de guide aux
paysans,
il faut
voir aussi que l'idée la plus véhiculée pour leur mise sur pied a été de
les soustraire aux commerçants usuriers et de forer des
puits.
(1)
SURET-CANALE: At.
Noire ère coloniale.
1900-1945.
Ed , sociales
Paris,
1964,
p.
418
(2)
5Q61.
Pièce n° 8951 E-Exposé de GElSMAR ad rn , en chef aux futurs
enseignants de W. PONTY.
"Que sont et que veulent les SiP" .
.. ./ ...

100
En ce qui concerne la lutte contre l'usure et le forage des
puits, on peut avancer que pour la première fois se dessinent les bases
d'un conflit entre l'administration et les maisons de commerce. L' ap plication
d'une telle mesure aur a pour conséquence d'engendrer un conflit d'intérêt
entre deux secteurs qui ont toujours été complémentaires durant la coloni-
sation : le commerce avait aidé le gouvernement général à mettre sur pied
l'outillage économique de la colonie ; à ce titre,
il fut un des pionniers
pour la promotion de l'encadrement technique des SIP. C'est comme s'il
disait à l'administration, occupez-vous d'accroître la production en
encadrant les paysans techniquement, et nous nous chargerons de faire
des bénéf ices .
Quant au forage des puits, on peut y voir le souci de fixer
les populations. Creuser des puits, c'est,
d'une part, créer des villages
tout autour, et, d'autre part,
permettre aux habitants de ne plus perdre
une demi-journée pour aller chercher de l'eau. C'était fréquent de
rencontrer
les femmes en file indienne faire des kilomètres à la recherche de l'eau.
Il arrivait que le talibé mouride fasse 20 à 30 km dans une nuit pour
ravitailler en eau son dara (1).
La multiplication des puits permettait de
mettre à profit ces demi-journées en les consacrant aux travaux des champs.
L'idée très répandue selon laquelle, les SIP sont créées sur le
modèle métropolitain (2), c'est-à-dire sur le modèle des organisations de
crédit agricole nécessite une mise au point.
Les créer sur ce modèle pour lutter contre l'imprévoyance de l'indigène n'est
(I)
CO PANS (J)
Les marabouts de l'arachide. Le sycomore 1980-Paris,
p.
61
(2)
BAILLAUD (E)
: org. écon.
de l'AOF.
Les SIP.
P.
132-143.
Cahiers coloniaux n? 752-753,
juillet-août 1936.
...f ...

101
pas idéal.
En effet,
le milieu rural ne
présente pas les mêmes caractères.
Les modalités d'occupation du sol sont différentes et il se pose un problème
d'accès à la propriété individuelle.
Un chapitre a été consacré à l'étude
de la mutualité,
des différentes formes
de solidarité et de la tenure foncière
en milieu indigène.
La mutualité dont il est question dans l'article 1 du
décret,
devait nécessairement s'inspirer de celle que nous avons étudiée
plus haut.
N'oublions
pas aussi ce qu'est le statut indigène.
Il n'avait
même pas le droit de votre et il était considéré comme incapable dans
tous les domaines,
jusque dans la prévoyance pour sa propre survie.
Si les SIr devaient l'amener à être prévoyant,
c'est qu'il était imprévoyant.
Ceci est clairement défini dans l'article 3 du modèle de leur statut type.
La conclusion à tirer de tout ceci, est que toutes les idées
avancées pour leur naissance peuvent être acceptées.
mais avec des réserves.
Dans tous les cas,
il
reste à savoir comment celles-ci se matérialisèrent.
Dès
leur apparition,
il existait déj à des facteurs externes pouvant entraver
leur évolution normale.
En tout cas,
les premières sociétés apparurent dans
le Sine-Saloum et le Baol et les
raisons qui ont amené les autorités à les
créer ont été avancées.
Mieux,
elles connurent des succès très
rapides aussi
bien au niveau de l'implantation (9
sociétés entre 1910-12)
qu'au niveau des
adhérents.
D'une manière générale,
on
retiendra que les SIr ont vu le jour
pour trouver des solutions à des
problèmes ponctuels. tels que l'usure et
l'imprévoyance dans ces deux
régions citées.
Mais la raison la plus acceptable
est l'insertion du pays dans l'économie moderne entraînant le contrôle de
la production par l'Etat,
afin de satisfaire les
besoins de la métropole .
... f ...

102
BI. QUALITE DES SOCIETAIRES
Le décret constItutif des SIP
dit dans son article 3 que
sont membres, les habItants du cercIe qui y sont installés depuis six mois
et qui paient la cot is at ion.
Ces adhérents sont divisés en deux groupes:
-
les membres honoraires
paient la cotisation fixée,
mais ils
ne tirent profit (normalement) aux
bénéfices de la société.
Ils peuvent devenir
membres à part entière à la suite de revers de fortune.
- les membres participants.
On a l'impression qu'avec une
mesure si ambigue,
les autorItés voulaient manager la chèvre et les choux
en même temps.
Rien n'est plus ambigue que cette s i tuat ion de membre
honoraire.
Cet article pose le problème de l'adhésion pour devenir membre.
En effet,
au début, c'est le principe de l'adhésion libre qui était retenu
et cela s'explique du fait même que les SIP avaient été créées sur le modèle
européen.
Il se r ai t plus juste de dire que la création des SIP était influencée
par l'évolution de la t r ad it ion coopérative française que les officiers colo-
niaux s'efforcèrent d'implanter dans les sociétés africaines
(1).
(1)
Robert.
L.
TIGNOR : Senegal 's cooperative experience 1907-1960.
HISTORY De par tment , UNIVERSITY of Prince Town.
N. J.
USA.
Document ronétoypé.
Pour TIGNOR,
les coopér ati ves en France,
bien qu'elles
dépendaient de la tradition socialiste française,
leur ins t i tut ionnal i s at ion
était le résuItat du
radicalisme de gauche et du catholicisme appelé
solidarisme.
Ces
deux tr ad it ions furent à l'origine d'un puissant mouvement
coopératif en France à l'éclatement de la première guerre mondiale.
Mais il se pose la question de savoir laquelle des deux traditions était
la plus déterminante pour la création des coopératives dans les colonies
françaises
(Indochine, Algérie,
Tuni sie, Sénégal). Son raisonnement
penche pour l'influence solidarlste.
. . .1...

103
Mais, très vite,
Ie s autorités,
par deux décrets,
revinrent
sur cette décision pour la bonne et simple raison que les contextes diffèrent
sur tous les pians. Le premier décret est celui du 8 janvier i9i5 qui sera
abrogé et remplacé par ceiui du 1+ j ul l Iet 19 i 9. Dans les deux cas,
il était
précisé l'abandon de l'adhésion libre au profit de l'adhésion obiigatoire (1).
Cela vouiait dire que tous les indigènes du cercie étaient membres obiigatoires
de ia société de leur cercie.
En d'autres termes,
seuls sont considérés comme
cuitivateurs et éleveurs faisant partie obiigatoirement des SIP,
Ie s habitants
de statut indigène qui sont aptes à retirer ordinairement leurs principaux
moyens de l'existence des
ressources de l'agriculture ou de l'élevage ainsi
de l'exploitation des produits agricoles ou de cueiilette (2). Ceci devait
mettre fin à la situation de membres honoraires susceptibles de devenir
membres participants.
(1) Arrêté promulgant en AüF le décret du 8 janvier 1915 réorganisant
les SIP de secours et de prêts mutuels agricoles en AüF.
(2) Décret du 1+ juiilet 1919 modifiant le statut des SIP en AüF
cf. Article 1 : quaiité des sociétaires.
.../ ...

104
Plusieurs remarques s'imposent Sur cette nouvelle situation.
D'abord, on remarque l'extension de l'activité des SIP à d'autres secteurs.
Ce n'est plus comme indiqué plus haut,
mais leurs attributions ne doivent
plus se limiter à l'arachide ou aux
puits mais toucher tous les secteurs de
développement.
L'autre mise au point est liée au caractère obligatoire de
l'adhésion, et ceci nous amène à poser la question de savoir si ces sociétés
peuvent être considérées comme un mouvement coopératif.
En effet,
l'indigène payait une cotisation qui était perçue
comme s'il s'agissait "de centimes additionnels à l'impôt"
(I).
Cet individu
à qui on impose l'adhésion et la cotisation n'a même pas le droit de vote
car il est de statut indigène. Donc,
nous
rejetons à priori cet aspect d'obli-
gation ; on aurait pu le retenir à la seule condition que les cotisations
servent l'intérêt commun.
Mais tel ne fut
pas le cas.
Par conséquent,
peut-on
les considérer comme une société coopérative? Il est extrêment difficile de
les
prendre telles qu'elles, car "la coopération est une méthode d'action
économique par laquelle des
personnes ayant des
intérêts communs constituent
une entreprise où les droits de chacun à la gestion sont égaux et où le profit
est réparti entre les seuls associés au prorota de leurs activités"
(2).
Ainsi,
la notion de coopération,
de société coopérative,
doit
entraîner le principe de l'adhésion libre,
volontaire. Ceci était écarté par
les autorités car le statut réservé aux indigènes leur refusait l'égalité.
(1)
Les paysans parlaient de "FIFTINE BOPE Commandant"
mot à mot en
Français
: Tête-Commandant
: impôt.
(2)
Dictionnai re Robert.
... / ..

105
Autre fait marquant, c'est qu'une société coopérative doit être
constituée d'un nombre limité de membres,
afin qu'ils puissent se connaître
et apprendre à travailler entre eux.
L'avantage, est qu'ils sentiront qu'ils ont
les mémes intéréts à défendre. Ainsi, chaque membre sera responsabilisé.
Malheureusement, l'administration les jugeait incapables de mener à bien la
gestion de leurs propres affaires.
Dans le cas des SIP, tous les habitants
du cercle étaient obligatoirement adhérents.
D'ailleurs, ce fut un des gros problèmes que les SIP ne purent
résoudre. Ainsi, ce caractère cooercitif fait qu'elles ne pouvaient être
considérées comme des mouvements coopératifs
; elles furent plutôt une
transition entre une mutualité coutumière trouvée sur place et marginalisée,
et une mutualité moderne calquée sur le modèle occidental et qu'on cherche
à imposer.
Enfin, on peut signaler aussi que les SIP, en tant que "mouvement
coopératif", avaient privilégié le développement économique et encore, elles
ne s'intéressaient qu'à un secteur:
l' agricul ture.
Là aussi, les coopérateurs
auraient dû être normalement les principaux bénéficiaires en tenant compte de
leur participation. Au lieu de cela, ces coopérateurs avaient été "subjugués
sous la domination d'un appareil
étatique,
responsable du maintien et de
la rentabilité du monopole de la nation colonisatrice sur les marché des
marchandises consommées ou produites par l'indigène"
(1).
Les SIP ne sont pas
des coopératives et pour qu'elles soient considérées comme de véritables
mouvements coopératifs, elles devraient, en plus de l'aspect économique,
mettre l'accent sur le secteur social, ce qui est d'ailleurs stipulé dans les
statuts
: "défendre l'indigène et lui venir en aide".
(I)
Abdoulaye LY
: L'état et la production paysanne,
l'Etat et la
révolution au Sénégal.
Présence Africaine.
Paris XII,
p.
24-29
.../ ...

106
CHAPITRE II. STRUCTURE ET FONCTIONNEMENT
. AI. STRUCTURE ET LOCALISATION
1. Localisation
Il est constitué dans chaque chef lieu de cercle une société
indigène de prévoyance.
Elle peut,
à son tour, créer autant de sections
que de villages ou de tribus
L'action de la SIP était limitée au cercle
dans lequel elle se trouvait.
En choisissant le chef lieu de cercle comme siège de la
SP, on voit bien que tous les villageois n'étaient pas en contact direct
avec la société.
Le contact entre
la SIP et ses membres se faisait par
l'intermédiaire du chef de village ou du chef de tribus, et cela posait encore
une fois le problème du mouvement coopératif.
Autre remarque en ce qui concerne le choix du siège, c'est que
la plupart des habitants des points s'intéressaient le plus souvent à des
activités autre que l'agriculture.
Par conséquent,
une telle mesure peut être
soupçonnée d'avoir été prise dans le seul but,
de renforcer l'autorité du
Commandant de cercle sur ses sujets.
Il faut ajouter à cela que les membres honoraires du fait même
de ce choix,
allaient profiter de la société sans être membres participants
à plus forte raison paysans.
D'ailleurs,
ils auront à participer au fonctionnement
de la SIP sans pourtant en être des adhérents.
2.
Les st rcutu res
Les premiers textes structurant les SIP,
stipulent qu'elles devaient
être administrées par un conseil composé d'un président choisi par le
Lieutenant Gouverneur sur une liste de trois membres.
Le conseil est composé
par l'ensemble des délégués de différentes sections à raison d'un membre
.../ ...

PRESIDEHT
COMI1AHDAHT DU
CERCLE
(HOISI PAR LE Lt
DECISIONS
GOUVERHEUR
3 MEMBRES
DU
(OHSEIL
(OHSEIL
COHSEIL
UH DELEGUE PAR SE(TIOH
SAHS POUVOIR. IL A POUR
HONME POUR 3AHS PAR LE
ROLE DE FAIRE REPERCUTER
LIEUTEHAHT GOUVERHEUR
LES DECISIOHS DU COMMAH-
POUVOIR INDEFIHIMEHT
DAHT DE CER<:LE
REHOUVELABLE
DELEGUES
SO(IETAIRES
/
/
SECTIOHS / VILLAGES
SECTIOHS / VILLAGES
/
/
ADHESIOH
LIBRE
ADHESIOH OBLIGATOIRE
DECISIOHS
DE TOUS LES IHDIGENES
FOH(TIOHHEMEHT THEORIQUE D'UHE SIP
FOHCTIOHHEMEHT REEL
1910
1915

107
délégué par section.
Les membres du conseil étaient élus pour trois ans
avec possibilité d'être réélus indéfiniment.
La trésorerie était confiée au receveur régional ou à son
représentant,
et elle était la seule charge rémunérée. Ce dernier tenait la
comptabilité dans des registres de souscription pour chaque section : un
\\
registre pour les prêts et un autre pour la perception.
Pour leur assurer un
bon fonctionnement,
il faut institué une commission de surveillance chargée
de contrôler la gestion des finances et des greniers de réserve.
Cette commis-
sion est composée du commandant de cercle qui en était le président,
du
receveur régional, et d'un notable indigène choisi par le Lieutenant Gouverneur.
Une bonne application du décret constitutif des SlP aurait associé les
indigènes à la gestion, aux affaires de leur société. Malheureusement cette
situation n'allait pas durer,
car un décret du 8 janvier 1915 modifiant les
statuts, exigea que la présidence du conseil soit confiée au commandant du
cercle et non plus à un des membres délégués du conseil. Ainsi,
le fonctionne-
ment normal est faussé quelques années seulement après la création des SlP
qui deviendront la "chose" de l'administrateur. D'ailleurs, l'indigène choisi
par les délégués sociétaires
comme président ne pouvait accéder à ce poste
qu'avec l'accord du commandant de cercle.
C'est dire finalement que toutes les nominations dans les
différents postes de ces organismes ont contribué à leur alliénation auprès
de l'administration. Chose d'autant plus vraie qu'il est dit dans les statuts
que tout fonctionnaire-délégué avait droit de surveillance et de contrôle sur
les SlP. C'est la raison pour laquelle des fonctionnaires seront membres de
la commission de surveillance qui sera élargie à d'autres personnes,
afin de,
dit-on,
mener à bien la tâche qui lui a été confiée.
Ainsi,
l'Inspecteur des
affaires administratives,
le chef du service de l'agriculture et du service
zono-technique apporteront leur contribution à la commission de contrôle.
Par conséquent, on peut avancer que les SIP et l'administration ne faisaient qu'un,
... f . ..

108
ou bien qu'elles avaient choisi la voie de la bureaucratisation.
Ce qui sera confirmé par la suite avec l'évolution des faits.
BI. FONCTIONNEMENT DES SIP
101.
Les moyens mis ~ leur disposition
Les moyens mis à la disposition des SIP pour leur fonctionnement
furent de deux ordres : financier et matériel.
Sur le plan financier,
les ressources étaient composées des
prêts en nature donnés pour une période se situant entre deux récoltes.
Le taux d'intérêt ne devait pas dépasser 25 %. Il Y avait aussi les prêts
en argent limités à 50 F avec un taux d'intérêt de 5
% pour une durée
de 6 mois au minimum.
A Y voir de près, on assiste à une substitution de profiteurs
ou plus exactement d'exploiteurs.
En effet, cette pratique était propre aux
commerçants avec un taux bien sûr plus élevé.
Pour notre part,
nous assi-
milons ces prêts aux prêts d' hivernage que faisait le commerce. Si le commerce
prêtai t 100 kg et réclamait 150 kg à 300 kg,
les SI P,
de leur côté, ex igeaient
théoriquement 125 kg pour la même quanti té. Alors,
on se pose la question de
savoir où se situe vraiment la différence. Sinon,
un poids de 25 kg que les
SIP pouvaient facilement compenser pour diverses raisons que nous aurons à
étudier plus loin.
Elles pouvaient aussi faire des prêts spéciaux à un groupe de
sociétaires remboursables par annuités pour une période ne dépassant pas
dix ans.
Ces genres de prêts étaient rares.
...1 . ..

109
L'ensemble des bénéfices ti rés des
prêts
pouvait servir à
l'achat des grains ou de tout autre produit si le conseil d'administration
le jugeait nécessaire.
L'actif de la société était constitué aussi d'une cotisation
annuelle qui variait en nature:
argent,
mil,
arachide,
maïs,
niébé. Son
montant était fixé chaque année par le conseil d'administration.
Tout indigène
était tenu de s'en acquitter.
Ceci faisait qu'aux
yeux de certains d'entre eux,
il n' y avait aucune différence entre la cotisation et l'impôt prélevé,
du
fait même de son caractère obligatoire.
Mais du côté de l'administration,
cette obligation était néces-
saire,
voire normale.
Pour des gens comme GEISMAR,
il n' y avait pas de quoi
s'étonner de ce caractère obligatoi re des cotisations,
parce que "les indigènes
(peu d'entre eux) comprennent encore qu'ils ont besoin d'être aidés.
par
conséquent,
il ne faut pas les laisser libres d'adhérer ou non"
(I).
La société recevait aussi
du
budget local une subvention,
sans
compter qu'elle avait la possibilité de contracter des emprunts auprès d'autres
SIP exclusivement. Jouissant de la personnalité civile,
elle pouvait recevoir
des dons et des legs,
soit en nature,
soit en argent des
particuliers.
Ce qui est sûr et certain,
c'est que ce sont les cotisations
surtout qui alimentaient les caisses de la SIP permettant ainsi son fonction-
nement.
Les autres contributions devaient être d'importance secondaire.
(1) GEISMAR
op. cit.
... / ...

110
Les SIP fonctionnaient aussi grâce au matériel mis à leur
disposition,
à savoir des bascules,
hangars,
des silos ou greniers cons-
truits dans les villages.
D'ailleurs, on a dit plus haut que les SIP jouissaient
de la personnalité ci vile, c'est-à-dire qu'elles sont en mesure de posséder
des objets mobiliers et immobiliers nécessaires à leur fonctionnement.
Ceci fait que là où leur fonctionnement risquait de rencontrer
des problèmes d'infrastructure,
l'article 9 du décret modifiant le staut des
SIP dit que "les immeubles privés nécessaires au fonctionnement des SP et
qui n'auront pas pu être acquis à l'amiable pourront être expropriés par la
colonie selon la procédure ordinaire pour être introcédés ensuite à la société
intéressée"
(1).
Ceci en dit long encore sur les rapports entre les SIP et
l'administration.
Le personnel était très limité au début, car les liens étroits
ex i stant entre l' adm ini s t r at ion et ces sociétés faisaient qu'elles n'a v aient pas
besoin de
procéder à un recrutement intense.
Aussi,
toutes les fonctions
étaient gratuites hormis celle du Trésorier, et cela s'explique dans la mesure
où les fonct ionnnai r es occupaient la plupart du temps les postes les plus
importants.
Pour s'assurer du bon fonctionnement d'une SIP,
un bilan des
opérations devait être déposé auprès du Lieutenant Gouverneur de la
colonie au début de chaque année.
(l)
Décret du 4 juillet 1919 modifiant le statut des SIP en AOF •
.../ ...

III
ri. Exemple de fonctionnement de SIP (1910-1930)
a).
Fonctionnement de la SIP de Kaolack
La SIP de Kao l ac k est Ir une des premières sociétés à voi r
le jour au Sénégal.
Elle existe depuis 1907 pour des raisons déjà évoquées,
et elle est devenue organisme officiel
par décret du 29 juin 1910.
Le Ff l l i a tr e était le fondateur
de la société et Cournba Ndoffène
Diouf le Président du Conseil d'administration.
Le Chef-lieu de la société était à Kaolack et elle comprenait
19 sections
réparties dans tout le cercle.
Au début de sa création,
la société comptait 718 chefs de famille;
en
1911
leur nombre passait de
163.000 à 180.000 à la
veille de la
première guerre mondiale.
L'adhèsion
n'était
pas encore obligatoire à cette époque et pourtant le nombre des
adhérents correspond
presque avec celui des
habitants du cercle.
Chaque ad hérent s'acquittait d'une cotisation fi xée à 1F
et le taux de remboursement des semences
prêtées
par la SIP s'élevait
théoriquement à 5 % la première année d'expérience et de 25 1> les années
suivantes.
Durant les années
perturbées
par le premier conflit mondial,
le fonctionnement de la SIP
était assuré par les cotisations de ses membres
et le remboursement des prêts en nature.
Le tableau suivant
peut éclairer sur l'importance des
cotisations des adhérents de la SIP
de Kaolack
(1).
(1)
Ab doul aye LY : "L'Etat et la production paysanne".
Présence Africaine Paris
1958,
p.
40-41
-
Mbodj
(M)
: op. cit.
... 1...

112
Année
Adhérents
Cotisation
1907
718
1910
1.567
IF
1911
160.000
1912
187.000
1913
168.165
1914
180.000
1915
188. 000
1916
206. 000
Si les premiers prêts
portaient sur 186.725 kg répartis à
quelques chefs de famille,
il faut remarquer qu'en l'espace de deux à trois
ans, la SIr devait satisfaire plus de
180.000 paysans.
En effet,
dès 1914,
les efforts de mobilisation allaient freiner
le fonctionnement correct de la société : les avances faites courant 1913 avec
"légèreté et sans contrôle nominatif"
(I),
n'avaient pas été rem boursées.
Une telle situation résultait du fait que le nombre des adhérents s'était
fortement accru.
Devant les menaces, certains débiteurs s'acquittèrent de leurs
dettes alors que d'autres
(53 au total)
furent traduits en justice et emprison-
nés
(2).
Lors de ces condamnations,
les
paysans non débiteurs firent preuve
de solidarité : ils avaient défriché des champs dont la vente de la récolte
devait rembourser les dettes de ces malheureux.
D'ailleurs, certains seront
libérés pour participer aux travaux
dans ces champs spéciaux.
(I) ANS:
4G153.
Rapp.
d'inspection concernant les subdivisions du
Sine-Saloum 1917. Rapport NO 24
(2)
Ibid.
.../ ...

113
La SIP s'était lancée dans une
politique de développement
agricole avec,
comme résultat,
l'accroissement de la production et des
période d'avant guerre,
la société cherchait à améliorer les méthodes de
culture.
Des essais de culture avec herses canadiennes furent tentés et les
rendements obtenus intéressants.
La SIP avait aussi utilisé son budget à réaliser des travaux
d'intérêt général
: forer des
puits par exemple.
50 % des dépenses de
la société
étaient engloutis par les
puits
(1)
et des
sections comme celles
de Fatick et de Foundiougne contrôlaient respectivement 75 et 65 puits
(2).
Les premières années
de fonctionnement n'ont pas été faciles,
et les difficultés furent accentuées
par la première guerre mondiale.
C'est
ce qui explique d'ailleurs l'irrégularité des
réunions
des
différents organes
de la SIP.
Le conseil d'administration n'avait été réuni que trois fois
en six ans
(1910-1915)
de fonctionnement
(3).
La reprise normale de ses
activités ne se fera qu'après le premier conflit mondial.
Vu l'importance
prise par l'arachide durant l'effort de guerre,
les autorités avaient décidé
de réorganiser sa production.
Tel fut l'objectif fixé aux SIP du Sénégal.
(1)
Mohamed MBODJ
op. cit.
p.
455
(2)
ANS -
4 G 153
(3)
MBODJ (M)
: op. cit.
p.
447
... / ...

114
Celle de Kaolack,
pour atteindre cet objectif, créa dès
1920,
une ferme-école (1),
afin de vulgariser les méthodes agricoles modernes.
Elle acheta à cet effet des bourricots et des instruments
(houes-semoirs)
qu'elle distribua dans tous les cantons du cercle.
Ces essais de culture
attelée concluants avaient amené les autorités à souhaiter que les "SIP
achètent un certain nombre de ces outils et les distribuent gratuitement aux
indigènes, en commençant par les
régions de Diourbel et du Sine,
où l'expé-
rience semble la plus intéressante"
(2).
A partir de 1930, avec la généralisation de la politique de
vulgarisation du matériel agricole moderne,
la SIP de Kao l ack cont r ôl a i t
271 instruments sur 601,
soit 45 % de l'outillage distribué dans le pays (3).
L2. société av ai t
joué aussi le rôle de pionnier dans la politique
de sélection des semences: en 1907, elle n vav ai t
distribué que 186.725 kg;
en 1924 quelques 37T500 furent semées dans
des champs ap p ar tenant à des
paysans et chefs de canton de K2.o12.ck, Fatic k et Foundiougne (4).
(1)
LAVILLE
(P)
Associations
rur al es et soc i al i srne cont r actue l I en
At.
Noire.
Ed.
(2)
"L'O.A.
Pr ançai s".
sarned i 26 j anv Ie r
1929
(3)
ANS.
2G24-4 culture et colonisation 1924.
...f ...

]]5
Ces
graines sélectionnées furent multiples grâce au concours
et à la vigilance de la SlP.
Le stock passe. en 1925 à 3250 T et à la veille
de le. crise économique (1929) on
l'estime.it à 6325 T
ces
réserves suff Is antes
lui permirent d'ailleurs d'en vendre l'année sui v ante
( l ) .
Année (2 )
SlP Sénégal
SlP Kaole.ck
%
1925
5.636 T
3.250 T
57,66
1926
6.747
1927
8.460
4.852
57,21
1928
10.549
1929
13.203
6.323
47,89
1930
14.791
7.606
51,42
Avec ces graines sélectionnées,
le. SIP av ai t
réussi à obtenir
des
rendements qui v ar Ialent entre 2045
kg/ha et 2297 kg/he.,
alors que
le. moyenne chez le p ay s an ne d ép ass air j arna i s
avec des graines non sélec-
tionnées 900 kg/he. (3).
Autre moyen utilisé pour acc r o t r e le. production
: le nav ét anat (4).
î
En effet,
la SIP, en co l l abo r ati on avec le. c h amb r e de commerce s'éte.it lancée
d ans une
politique d'imple.nte.tion de v Lll age s nav êt anes . A par ti r
de 1923,
l'e.rrivée rnas s i v e des na v èt anes
(hommes
du Nave-t ou de l'hiverne.ge)
(1) ANS.
5Q57-77.
Rap p ,
sur le fonctionnement des SI P du Sénégal 1929
Dossier SP Kao l ack
2G29-105.
Rapp.
polit.
année
1929.
Kao I ack 29.1.1930
(2)
MBODJ
(M)
:
op. cit.
p.
423
(semences Sine-Saloum-
2G29-105
: 5Q32-74
(semences SIP du Sénégal).
(3) ANS.
2G29-105
: op.
cit.
(4)
David (P)
: Les Nav ét anes .
NEA.
Dakar,
1980,
p.
59-90
.. ./ ...

116
(hommes du Navet ou de l'hivernage)
avait permis d'accroître la production
arachidière du cercle.
On comptait dans le cercle de Kaolack quelques
56.000 travailleurs saisonniers
(navétanes)
à recevoir de la SIP 70 kg
de
semences.
Leur
rôle déterminant dans la production poussa "les commerçants
puissament motivés par l'intérêt de leur négoce"
(1)
à prendre des mesures
plus concrètes.
En 1929,
les navétanes avaient reçu 6400 T de semences de
la société et avaient produit les 3/4 de la récolte du Sine-Saloum selon
DENORUS Président de la Chambre de commerce de Kaolack
(2).
A partir de
ce moment,
le navétanat était devenu un des éléments de la politique d'ex-
pansion de l'arachide. Ainsi,
la SIP avait regroupé 1562 naténaves dans
78 villages et leur avait fourni
six
(6)
mois de rations financées
par la
chambre de commerce (3).
A la fin de la saison, tout navétane ayant bénéficié
des avantages accordés par
la SIP devait rembourser la somme forfaitaire
de 300 F.
(1)
Ibid.
Ces chiffres méritent une précision:
56.000 x 70 = 3.920.000 kg
soit 3920 T distribuées
par la SIP de Kaolack.
Cela paraît énorme du fait
que les SIP Sénégal avaient distribué les semences suivantes:
1920
: 1941
T
1921
2362
1922
4260
1923
4601
1924
5086
1925
5636
Par conséquent ou
bien la SIP de Kaolack avait distribué toutes ses semences
aux navétanes,
les sociétaires se débrouillant ou bien le nombre de navétanes
recensés dans le cercle avait été exagéré.
(2)
"L'O. Afric.
Franç.",
samedi 22 juin 1929
Phillipe DAVID.
op. cit.
(3)
2G29-105 -
La
ration journalière était de 600 gr de riz ou 250 gr.
de riz et 500 gr
de mil plus 0,50 F en espèces.
La somme prêtée par
la Chambre de commerce : 392.572 Frs.
.../ ...

117
En plus la société était chargée "d'assister,
de contrôler à
l'arrivée,
de répartir,
de rapatrier et de recenser les navétanes"
(1).
Malheureusement, cette implantation des
villages navétanes échoua en 1931-32
à cause des non rem boursements des l' réts.
Néanmoins,
le mouvement navétane
continua.
En ce qui concernait la réalisation des plans de campagne du
cercle,
la SIP s'était acquittée de sa tâche.
C'est ainsi qu'elle avait
dépensé en
1923, la somme de 97.500 F pour la construction de 13 puits.
L'année 1928 constitue une année exceptionnelle en matière de forage de
puits.
Tous les efforts furent
déployés
pour doter de puits les
villages,
condition primordiale pour l'implantation des travailleurs saisonniers.
En 1929,
la SIP contrôlait 671
puits terminés et quatre (4) en cours de
finition (2),
pour la campagne 1930,
il était prévu un crédit de 50.000 F.
pour de nouveaux forages.
Pour ce qui est des magasins de stockage construit en ciment
armé,
la société pour des raisons financières
(100.000 F par magasin)
(3),
avait préféré les magasins à ciel ouvert faits
de roniers et de tôles.
(1)
DAVID
(P):
op. cit.
(2)
2G29-105
(3)
Ibid.
... / ...

118
Jusqu'à la crise économique,
la situation financière de la société
était acceptable
: les dettes avaient été remboursées et la société elle-
même ne s'était p2S endettée. Ainsi,
en
fin de campagne 1929,
les finances
s'élevaient à 1.045.400 F répartis comme suit:
(1)
porte-feuille
707.969 F
espèces en dépôt
337.449 F
Sans compte que les opérations financières étaient toujours
excédentaires. Au 31 décemb re 1931, l'excédent des
recettes était de
160.072 F.
b/.
Fonctionnement de la SIr de Matam
La SIr de Matam fut créée le 8 décembre 1911
dans les conditions
que nous avons expliquées dans
le chapitre précédent : crise économique,
mais surtout crise de subsistance résultant des calamités naturelles.
Lors de
se. création, elle ne corn pt a it que 3037 membres
pour une population de
61. 516 habitants
(2).
Avec le décret ins t i tuant l' a d hé s ion obligatoire,
tous
les ind igènes du cercle de v inrent ad hérents.
(1)
ANS.
2G29-105. op. cit.
(2)
Abdoule.ye LY : op.
cit.
p.
40-41
.../ ...

119
Structure de la société : elle est divisée en cinq sections
correspondant aux différents cantons du cercle :
L2. section du canton de Oamga ét ai t 12. plus i mpo r tanre de
p a r le nomb re des ad hérents
: 27.053 sur 79.500 habitants,
les sections du
Nguenar et du Bos se a , le Fe r l o et enfin l'escale de Matam dont les membres
ne d êpas s aient pas 1215
(l).
Le conseil d' adrni nl s tr ation
ét ai t
dirigé par le cornrnand ant du
cercle et la Vice-Présidence assurée p a r Abdou Salam KANE chef de canton
du 02.mg2.. En plus de ces deux,
le conseil corn p ta lr dix autr es membres,
tous délégués ou chefs des différentes sections.
Ce conseil d t adm i ni s t r at ion
ét ai t loin d'être conforme 2.UX
s tatuts , Il
ét ai t
prévu p2.r les textes un délégué par section,
alors que
certaines comme le Nguenar y av a i t
trois
représentants. Ajoutons à cel a le
fait que les chefs de canton membres de ce conseil étaient inarnov i b l es ,
Ce conseil ne s'était réuni ap rè s le conflit mondial qu'une seule fois en
1927, trois fois l t année suivante,
sept fois en 1926 et 2 fois en 1927
(2).
L'assemblée générale composée des délégués des sections et des
membres du conseil d' adrnini s tr at ion de v ai t no rrnal ernent se réunir deux fois
par an ,
Malheureusement,
elle ne s t t ai t
j arnai s réunie jusqu'en 1927, et
é
était inefficace dans 12. mesure où elle ne disposait d' aucun pouvoir de
contrôle réel sur le compte de gestion (3).
Mieux les commissions de section
ne furent créées qu'en 1930.
(l)
ANS. 4G179.
Rap port n? 15. SP cercle de Mat am 6 octob re 1927 par
l'Inspecteur des Aff ai r es administratives.
Be r nar d ,
(2) ANS. 4G179.
Rapport n°
15
(3)
Ibid.
... / ...

120
Le fonctionnement de la société était assuré par un personnel
permanent réduit:
un secrétaire,
un trésorier
(Européen) et un chauffeur.
Tous les trois étaient des employés du cercle et touchaient une indemnité
mensuelle de
125 F chacun pour services
rendus à la société. Un tel personnel
se justifiait par la faible importance des activités de la SIP.
Elle avait essayé d'améliorer les cultures dans le cercle. Ainsi,
dès 1920, les autorités avaient créé une ferme école à Sornigho dans le but
d'enseigner les techni ques modernes de culture.
Pas pour longtem ps, car
quelques années plus tard, on peut lire dans un rapport que "la vulgarisation
de l'outillage agricole demeure entière et tout est à crééer" (1).
Les essais agricoles avaient porté plus sur le coton que les
autres produits.
En effet,
sa culture y est développée depuis 1816,
date
à laquelle SCHMALTZ disait que dans tout le pays depuis Saint-Louis jusqu'à
Galam,
le coton dit dargou croît abondamment et n'a pas,
pour ainsi dire,
pas besoin de culture pour donner de grandes récoltes"
(2).
En 1904,
le
coton prenait de l'importance à telle enseigne que l'administrateur avait
demandé une égreneuse pour Matam.
Les semences distribuées par la société
aux indigènes provenaient de l'usine.
D'ailleurs, ce furent les seules
réserves
qu'elle a pu constituer. De 1927 à 1930,
les paysans avaient produit 2300 T
de coton (3).
(l)
ANS. 2G90. Sénégal - ce rc l e de
Matam - SP.
Rap p. annuel 1930.
(2)
Ahmadou KANE : op. cit.
p.
335
(3)
Ibid.
Récolte vendue à la SIACOF installée finalement en 1925.
KANE (A)
: Matam et sa région.
Thèse de
doctorat de 3è cycle.
Université de Dakar,
1976-77
... f ...

121
L'importance prise par cette p l anre trouvait sa raison dans
le fait que,
la culture de 1'arachide pratiquée essentiellement dans le Damga fut abandon-
1
née à partir cc 1925
(1).
1
Elle avait réalisé aussi des travaux d'intérêt général:
abreu-
voirs et puits.
Dès 1923,
la société de Matam gérait 14 puits donc cinq dans
1
l'escdie de Matarn, Ces derniers lui revenaient à 6810 F,
Deux ans
plus tard,
il n'y avait pas eu de travaux d'intérêt général effectués. Mieux, le programme
1
de
1927 n'avait pas été réalisé faute de puisatiers qualifiés,' il faudra
attendre 1929-30 pour que les équipes de
puisatiers soient formées et le
forage reprendre.
Malgré cette situation difficile,
la SIP était parvenue à
1
forer 30 puits en 1930 sur les 34 prévus
par le programme de 1927
(2).
1
Mais elle avait du mal à récupérer les prêts en nature ou
en espèce
si en 1924 elle avait accepté de faire des
prêts en nature,
1
les trois années suivantes,
la société l'avait refusé.
La situation n'était la
même
pour les prêts en espèce. Ils étaient consentis à des chefs indigènes
1
qui, soit ne s'acquittaient pas de leur dette,
soit mettaient du temps à
rembourser.
1
L'inventaire (3)
fait en 1926 révèle que la SIP disposait de
deux magasins construits dans
le progre.mme de 1924 pour une
val eur de
1
31.000 F,
un grenier de
réserve,
une
bascule,
deux
poids et 62 sacs
vides
; elle avait acheté 83 fusils
à piston et avait un mobilier de bureau
1
composé de 2 tables et de 12 ch a l se s .
1
(1)
Ibid. On a trouvé néanmoins dans
les
rapports 2G-24-4
: culture et
1
colonisation que les superficies ensemencées étaient de 500 ha dans le
cercle de Matam.
1
(2) ANS. 2G30-98.
Extrait du
rapport général annuei 1930. Cercle de Matam
(3) ANS.
4G179.
1
... / ...
1
1
1

122
Le matériel roulant comportait un camion et sept pirogues achetés
entre 1923-25.
Le matériel agricole de la société de Matam est insuffisant et
ceci est à mettrc en rapport avec k
peu d'activités
de 12 société:
en 1924,
les superficies de l'arachide étaient estimées à 500 ha et étaient localisées
essentiellement dans un canton du cercle : le Damga.
En plus elle fut
abandonnée l'année suivante.
Ces pirogues et leur entretien revenaient chers
à la société,
alors qu'elles servaient plus au cercle qu'à la SIP elle-même.
En 1926, la valeur totale du matériel de la SIP était estimée à
79.498 F au 31 décembre (1).
immeubles
33.500 F
mobiliers
650
matériel
44.848 dont 13.600 pour achat camion et
4.400 pour celui de pirogues
armes
500
Le bilan financier n'était pas négatif,
mais était grevé surtout
des sommes englouties pour l'entretien
du
matériel roulant.
Les seuls frais
de
réparation du camion s'élevaient à 10.465 F pour l'exercice de 1927,
sans compter l'entretien des
pirogues et l'achat de carburant.
Dans
le même
temps,
les dépenses intéressant le secteur agricole étaient nulles
: 450 F
pour acheter des gr aine s de coton,
270 F pour les semences de pomme de
terre,
et 920 F pour les cultures po tagèr e s
;
rien pour l' achat des semences
d'arachide encore moins pour 12. constitution des stocks de réserve.
Tout ceci
nous amène à conclure que 12. SIP de M2.t2.m sernb l ai t
s'adonner plus aux
activités de tr ans po r t ,
(1)
ANS. 4G179.
Rapport n°
15
op.
cit;
... / ...

123
L'évolution de ces deux sociétés
(Matam-Kaolack) est différente
sur tous les plans.
La SIP de
Kaolack avait pratiquement réalisé les objectifs
fixés
par les autorités coloniales
: développer les cultures industrielles,
principalement l'arachide ; vulgariser le matériel agricole même si le début
avait été modeste ; enfin forer des puits et constituer des réserves suffi-
santes de semences sélectionnées.
Par contre,
la SIP de Matam n'avait pas stocké des
réserves,
ni
développé la politique des semences sélectionnées des arachides.
Elle
n'avait déployé aucun effort ni
pour la vulgarisation du matériel agricole,
ni
pour les travaux d'intérêt général, alors que dans le même temps,
d'énormes
sommes étaient dépensées à des fins
inutiles.
Autant la SIP de Kaolack
représentait la SIP modèle à vocation
arachidière,
autant celle de Matam n'avait pas "poursuivi les buts pour
lesquels elle a été créée"
(1).
Comprenons par là le développement de la
culture de l'arachide,
facteur dominant dans la réussite ou l'échec d'une SIP.
Que la SIP de Kaolack soit la plus importante de tous ces
organismes de prévoyance et qu'elle fonctionnait normalement,
cela est
tout à fait normal.
En effet,
créée pour produire de l'arachide,
la société
avait trouvé certaines conditions
réunies
: une stabilité politique,
des
popu-
lations s'adonnant depuis longtemps à la culture de l'arachide grâce à des
facteurs naturels favorables et enfin le déplacement du centre de gravité de
la zone du
rail
(vieux bassin)
vers le Sine-Saloum dont la part dans
(1)
ANS. 4G179. op.
cit.
... / ...

124
la production totale était passée de 24 % en
1902-07 à 34 % en 1925-30 (]).
Ainsi la SIP en tant qu'instrument de production de l'arachide,
avait permis
durant cette période d'accroître la participation du cercle du Sine-Saloum.
Si la SIP du cercle de Matam n'avait pas fonctionné comme
l'avaient souhaité les autorités,
cela est dû à la spécificité du cercle.
La SIP dont le but était de développer la culture de l'arachide,
s'était
implantée dans ce cercle à vocation autre que la production arachidière.
Mat am (2)
tire son nom de ses activités commerciales et aurait été fondé
selon la tradition orale par des
pêcheurs.
Avec la présence française,
il est
devenu un centre de traite de la gomme,
surtout,
mais aussi de coton qui
pous s ai t dans toute l'étendue du cercle.
Enfin,
dans le cercle Matam,
l'éle-
vage occupe une
place très importante avec ses 10.000 km' de paturages et
ses milliers de têtes de bétail
(3).
(1)
VANHAEVERBEKE (A)
: Rémunération du
travail et comerce extérieur.
Essor d'une économie p a y s annc .
Exportatrice et termes de l'échange des
producteurs d'arachides au Sénégal LOUVAIN 1970.
P.
16
(2)
KANE (A)
: Mat am et S2 région.
Thèse de doctorat de 3è cycle
Département de géogr aph ie - année universitaire 1976-77 Dakar.
(3)
ANS.
IG292.
Le cercle de Matam
Le bétail était évalué à 13.800 têtes de boeufs et 29.900 têtes d' ov ins
et de cap r ices.
...f ...

125
La SIP Ia i s ant fi
de tous ces éléments,
avait voulu accroître
les superficies destinées à l'arachide,
alors que les conditions étaient
favorables
à d'autres secteurs économiques.
En effet,
plusieurs facteurs ont
contribué à cet échec.
D'abord,
les conditions naturelles étaient peu favo-
rables au développement de la culture de l'arachide
: cercle aride,
faiblesse
de la pluviométrie,
sols subarides.
Ensuite,
l'insécurité qui
y régna un
moment avait ralenti sa culture (1).
Enfin,
avec la construction du chemin de
fer Dakar-Saint-Louis,
la concur r ence du Baol-Cayor et le manque de débouchés,
la production avait beaucoup diminué jusqu'à être abandonnée en 1925.
Ainsi,
la SIP
de Matam de par ses
résultats,
était loin de
ressembler au modèle type de société indigène de prévoyance.
CI. EXTENSION DES SIP
Au début de ce travail,
on avait avancé que les SIP avaient
connu des succès, surtout au ni veau des effectifs,
en ce qui concerne les
régions du Sine-Saloum et du Baol.
La
raison d'une telle réussite s'expliquait
par le caractère officiel de contrainte de ces dites sociétés coopératives en
mat èr e d'adhésion.
Donc l'importance des chiffres
des adhérents ne doit pas
î
amener les gens à parler "d'euphorie".
Mais
il est vrai aussi que les effectifs
ont beaucoup augmenté et la raison a déjà été évoquée.
C'est ainsi
qu'entre la date de création de la première SIP
(1907) et la dernière
(1928), ona eu à dénombrer 15 sociétés comptant 1.138.208 indigènes
adhérents.
(1)
KANE (A)
: op. cit.
p.
333.
L'insécurité qui a suivi le passage
d'El Hadj Omar (1857)
avait ralenti la culture de l'arachide .
.../ ...

-
126 -
[
,
1
r
1
c
c
o
,
e
...
...
....
~
....
c
0.
1
\\
u
::J
....
::J
1
o
'\\
"
"
Ln
e
..
..
m
0.
m
,
0.
1
m
1
"
m
....
o-i
m
,
..
.o
Cl
...
..,
,
o
m
...
L.-
L.-
tD
,
1
\\
.'... .,.

r-
.' " ill
1: 11
I
1
1
1
,
1
1
\\
1
1
\\
,
\\
,
1
~
~ ~ 1
1
,
1
l ~Ln
"
,1
1
W
a::
f n)
1
w
l-
l '
\\J}
1
a::
o
0.
"1
~
1
.. ~
1
::J
~
e
1
",
1
: . 0
" \\
1
~
f
1
w
'"
o
~
....
1
\\
:r
:z
u
w
J
1
\\
et
CI'
1
\\
et
.
\\
m
w
...
CI'
::J
::J
e
l-
~
.
~
....
::J
U
Ln
'"'
0
'J.l
-s:
...
c:"J
'" '"

127
La majeure partie de ces SIP fut mise sur pied entre 1910-1911. Quelques
années plus tard,
éclatait la première guerre mondiale avec toutes ses
conséquences
: départ des hommes et chute des prix entraînèrent une baisse
de la production ; le pays s'était contenté durant la période du conflit
d'une économie basée sur
l'arachide,
mais c'était une "économie aussi
imparfaitement organisée et contrôlée,
partant aussi irrégulière"
(1).
Ceci faisait que l'effort de guerre n'a pas été un facteur suffisant pour
inciter les autorités coloniales à multiplier le nombre des SIP.
D'autant plus
que celles qui existent déjà fonctionnent avec difficulté.
Entre 1912 et 1920,
aucune société n'a été créée au Sénégal
;
la reprise ne se fera qu'à la fin des hostilités et les derniéres verront le
jour en 1928. Cette rupture dans la création des SIP doit être liée à la
"situation de la colonie nulle part excellente ... en général médiocre"
(2).
Comment implanter des SIP si on n'arrive plus à produire de l'arachide
pour sortir le pays de cette situation.
Succès ou pas, on peut retenir comme principale cause de cette
"réussite" dont nous f a l s i ons cas plus haut,
le principe de l'adhésion
obligatoire,
sans oublier que le Commandant de cercle en devenant Président
allait mettre tout en oeuv re pour assurer un fonctionnement normal à "SA"
société.
(1)
DAVID (P)
Les nav tanes , NEA. Dakar,
1980,
p.
44
é
(2)
Ibid.
P.
44
... f ...

128
On comprend facilement cette volonté de réussir,
parce que
le mérite de tel ou tel autre était fonction des impôts ou de la production
industrielle. Ainsi le SlP devait fonctionner p ar tous les moyens,
même si
c'est nécessai re aux dépens
de la population ind igène ,
Leur imp lant arf on à travers le pays a connu moins de succès
que l'évolution des effectifs.
Les SlP furent p r i nc i p a Iement localisées dans
les zones arachidières laissant souvent de côtè les autres produits.
Mieux,
en s'implantant dans les zones à vocation autre que l'arachide, elles déplo-
yèrent tout leur effort pour y introduire et développer ce produit dont
l'importance pour la France et le Sénégal n'est plus à démontrer.
Ainsi,
si les SlP ne connurent pas de grands succès dans des
régions telles que celle du Fleuve où le lutte contre l'imprévoyance avait
débuté très tôt (les premières sociétés officielles) et malgré leur nombre
(Dagana,
Bakel,
Matam,
Podo r ) , cela s'explique par ce choix et par la
situation catastrophique de la région.
En jetant un regard sur la carte de la
page suivante,
on constate des
régions où aucun SlP ne s'était encore
implantée :c'est le cas du Djolof qui
présentant peu d'intérêts,
éloigné des
voies de communication,
n'aura sa SlP qu'en 1928 (1).
Cette période
correspond avec la mise en place du chemin de fer
du Djolof (1929-31).
(1)
La SP du Djolof devant bénéficier des
rapports de Louge ne fonc-
tionnera effectivement qu'en 1930.
ANS.
5Q57-77.
La SP du Djolof a été créée grâce à la suppression du cercle de
Dagana •
... / ...

129
N'oublions pas
qu'il est peuplé des Peulhs éleveurs nomades,
et que les auto r i tès s' y étaient heurtées à leur refus lors de la terrt at i ve
de création d'une société indigène de prévoyance à vocation animale.
En Casamance,
Ieur appar i t i on tardive (1920) ne les avait pas
empêchés de tout mettre en oeuvre pour
développer la culture de l'arachide.
D'ailleurs,
sur les sept nouvelles SIP créées entre 1920 et 1928,
quatre
étaient localisées dans cette région.
Si on sait que leur vocation est arachi-
dière, on comprendra facilement cette volonté manifeste de faire de ce
cercle un producteur d'arachide.
Mais il ne faut
pas perdre de vue que dés
1906 donc antérieurement à la création de la SIP en Casamance,
la maison
Maur e l et Prom avait fait propagande pour y développer cette culture.
Elle avait prêté des semences aux paysans,
et proposé des
prix très
élevés.
L'administration quant à elle,
avait envoyé des Mandingues chez
les Diolas,
pour leur montrer comment cultiver l'arachide (J).
L'évolution de leur nombre dépendait des changements adminis-
tratifs. C'est ainsi que la SIP de Ti vaouane créée en 1910,
deviendra une
section de celle de Thiès.
Sa liquidation a été approuvée par arrêté (2)
fixant la répartition
de son actif entre les SIP de Louga et de Thiès.
(J)
ANS.
2G6- 32.
Rès idence de Ziguinchor 1906
(2) ANS. 5Q57-77.
Dossier rapport sur le fonctionnement des SIP du
Sènégal en 1929.
Le cercle de Ti v aouane a été supprimé et rattaché à celui de Thiès.
L'arrêté de liquidation

1191
du
13 mai
1929.
...f ...

ZONE DE CULTURE DE L'ARACHIDE ( Sourcel PORTERES p. 73 )
• ••
ET LOCALISATION DES SIP EN 1937"
• ••
·.. ,orte production
,aible production
~
- -
- -
- -
St.Louie
Siège dee SIP

~
w
o
-
- -- - --
-
- -
-
-
- -.-.- -
-- ...~--=- ........
"
:ZIGÜÎN~M:
- .....
-_.- --.....,.,--
-;:.../
"
-

131
Le cercle de Dagana (1)
rattaché à celui du Bas -Sénéga l ,
avait subi le même sort que 12 société de TI v aouane et son actif réparti
entre Louga , le Bas-Sénégal et Po do r ,
Quant aux SIP de Bignone et Ziguinchor,
elles fusionnèrent
à partir de
1938. Tout ceci fait que leur nombre est passé de dix
(1907-
1920)
à quinze en 1937 avec 12 disparition de ce rt a ine s et 12 création de
nouvelles sociétés. A la veille de 12 gr ande dépression économique de
1929-30,
tous les cercles avalent leur SIP.
Leur fonctionnement se f a Is a l t
as s ez correctement,
car la colonie t r a ve r s a i t
une période de
prospérité
dont personne ne
pouvait imag ine r 12 fin
proche.
(1)
ANS.
5Q57-77. op. cit.
La suppression du cercle de Dagana a entraîné
la liquidation de la SP p a r ar r êt
1253 et 2069 du
Il mai et 19
é
20Ût 1929.
Dans les deux C2S (T'i v aouane , Dagana ) , les autor ités avaient
créé de nouveaux cercles
:
Bas-Sénégal et Djo lof ,
.../ ...

132
CHAPITRE 1Il.
LES SIP ET LA REALISATION DU PROGRAMME
COLONIAL JUSQU'A LA CRISE ECONOMIQUE
\\
Dans la réalisation du programme colonial,
les Européens
utilisèrent les SIP en leur confiant des
rôles
plus étendus.
A cet égard,
des facilités leur seront accordées afin qu'ils
puissent mener à bien leur
mission.
A.
CONTRIBUTION DES SIP AUX REALISATIONS SOCIO-ECONOMIQUES
- - - - - -
Considérées comme auxiliaires de l'administration,
les SIP
participèrent à l'exécution des
plans de développement des cercles où
elles furent créées.
1.
Rôle d'assistance sociale
L'idée première qui'
avait animé ces mouvements coopératifs était de
soustraire les
paysans des mains
des usuriers.
Dans ce domaine,
des actions
énergiques furent menées dans
toutes les
régions.
Elles
parvinrent à réduire
les taux exorbitants de remboursement réclamés
par le commerce.
Elles
cherchèrent à mettre fin aux abus
vis-à-vis des navétanes,
car on commençait
à s'interroger sur leur arrivée tardive
(Il en 1931.
Les
raisons
invoquées
sont multiples
: les abris augmentaient chaque année et le pauvre SOURGHA
était dépouillé de tout ce qu'il avait avant l'ouverture de la campagne.
Il était contraint de contracter des crédits d' hivernage,
car,
semble-t-il,
après le dernier sarclage (Août-Septembre),
le navét ane n'était plus
pris
en charge (2).
(J)
PARIS-DAKAR.
II
MAI 1931
(2)
Ibid.
. .. / ...

133
De ce fait,
Liché par son NDIATlGUE
(son employeur)
dans un
village où il ne connaissait personne,
à part son protecteur,
il ne
lui
restait que l'usurier.
L'enquête menée sur le terrain infirme de telles idées.
II
peut
arriver que des navétane s soient abandonnées,
mais tout dépend du compor-
tement du SOURGHA et de la réaction du NDlATlGUE.
Il est fréquent que des
saisonniers quittent le village pendant cette période,
pour n' y revenir que
pendant la récolte.
De ce fait,
son protecteur
peut lui
refuser la nourriture
à son retour
,
puisqu'il
Y a
rupture de contrat.
Ce sont de tels cas
parmi tant d'autres que ces journaux avaient
repris à leur compte.
Ce qui
est sûr,
c'est que les SIP à qui on avait demandé de protéger les nav ét anes
des usuriers,
firent tout pour trouver une solution à ce problème.
Dorénavant,
le SOURGHA pouvait disposer d'une carte.
Une fois en
possession
de 1" car te visée,
il
pouv a i t f a i r e des
prêts en vivres à par t i r du mois
d' aoùt-cse pt ernb r e , "u même titre que n'importe quel memb re.
L' avantage
est qu'il néte i t
plus obligé de coritr acte r des crédits d t h iver nage , étant
entendu que 1" SIP r écIamal t un taux
de remboursement de loin inférieur à
celui
du commerce.
Les SIP furent aus s i
à l'origine de 1" d i s p ar i t ion des prêts
à gages en
milieu rural,
pratiqués
par les maisons commerciales.
En effet,
celles-ci,
soutenues
par les
banques,
p r ta Ient aux traitants qui,
la plupart
ê
du
temps,
ne
disposaient d'aucun capital,
ni
d'aucune garantie.
(1)
Dernb a SARR et Iam i l l e -
Keur Yoro,
Arrondissement de Keur Madiabel
... / ...

134
Ces derniers venaient en aide aux
paysans sans aucune garantie
aussi,
sous forme d'avances de semences,
de prêts de soudure, ou de
prêts exceptionnels contre le gage des
bijoux
(1).
Le
remboursement se
faisait soit en nature,
soit en espèce et souvent à des taux excessifs.
En voulant mettre fin à cette pratique,
les SIP s'opposèrent au commerce.
Ce dernier,
pour contrecarrer leur action,
ne
prêtait aux
paysans qu'à
condition qu'il leur
réserve la totalité de la récolte hormis le rembour-
sement des semences dues aux SIP.
Une fois ces
problèmes
réglés,
les SIP se penchèrent sur
un autre plus épineux
: l'alimentation indigène.
A la veille de la
première guerre mondiale et même en plein conflit,
la situation économique
du pays était alarmante,
à telle enseigne que le Président de la Chambre
de commerce de Rufisque
avait envoyé le télégramme suivant au Gouverneur
Général
: "Vous signale que déficit récolte mil dans tout le pays laisse
entrevoir
une
période de véritable famine qu'il importe à tout prix de
conjurer. Sollicitant votre concours dans ce
but en vous assurant de •.. "(2).
La question est de savoir comment le pays en était arrivé à cette situation.
(1)
PEHAUT.
T 1 op.
c i t ,
p.
556.
Il a consacré un chapitre sur les
prêts à gages.
On y trouve les sommes
rapportées aux grandes maisons
de commerce (ex
: MAUREL & PROM)
par la vente des ob jets de
valeur gagés par les
paysans.
-
"L'Ouest Africain Français" du samedi 27 juillet 1929.
Prêts sur gages au Sénégal.
(2) ANS.
6Q40 Mfaires économiques
: note concernant les opérations de
ravitaillement du Sénégal du riz.
D!\\KAR 23 février
1922.
Télégramme du 29 Décembre du Président de la Chambre de commerce
de Rufisque et au Gouverneur du Sénégal et Gouverneur Général.
... / ...

135
Les
Européens av a i ent lié le r av It a i l l ement de l' AOF à Id
production du riz en
Indochine,
aut r e colonie Ir ança i se à tel
point que le
riz devint à "l'honneur dans l t a l i rnenta t ion indigène et sup p l anta le mil"(I).
Les indigènes étaient habitués à consommer du riz
(brisure de Sal gon ) et Id
quant i té
néces s a i r e à Id consornrnat ion de Id colonie tournait autour
de
25.000 à 30.000 T.
par an
(2),
Dur ant Id
première guerre mondiale,
le problème du r a v i t a i l lernent
s'explique par la s i tuat ion qui
p r èv a l a i t
en
France même.
Manquant de
denrées alimentaires,
elle fut dans l "o b l i gat ion d'importer le
riz indochinois
pour les Mét r opol i t a ins ,
Il f aut aj out e r à cel à le f a i t que le transport
p r èsent a i t
de sérieux
risques,
d'où une
baisse cons i d r ab l e de l' impor-
é
tat ion
:
pour Id
période 1910-1914,
le Sénégal avait importé une moyenne
de 26.000 T.
par an,
alors que,
pendant les
hostilités
(1914-19),
les auto-
rités n l a va ient
réussi à Iai r e venir que 5.400 T.
de
riz
(3).
Cette impor-
tat ion du riz indochinois constituait un
p a r adox e au Sénégal et surtout
(I)
FOUQUET
(J)
: op.
cit.
p.
36
(2)
ANS.
6Q40 op. cit.
(3)
Be r na r d
FOUNOU TECHNIGOUA
op.
cit.
p.
92
.../ ...

136
en Cas arnance ,
Pourquoi lié le r av i t a i l l ernen t
de l a colonie à l' irn por ta t i on
du riz ?
La
première
réponse c'est que L' auto r i té co loni a le se souc i ant
peu de
soudures,
p r éf ér a i t mettre l'accent sur l'économie de traite d t ar a-
chide beaucoup
plus rentab le ,
De ce f ai t
les cultures vivrières
ét a i ent
rnar gi na l i s èe s , ce qui ent r aînai t une regression,
voire une
st agnat ion de la
production de céréales.
Cette logique co lon i al e d e va i t amener l'indigène
à se désintéresser des cultures vivrières,
afin d t accr oî tr e les surfaces à
réservcr
à l'ôrachide.
Pour
FOUQUET,
"l'importation mas s i ve du riz
d'Indochine
(ô pour
but)
de reporter le t r av ai l ag r ico le plus sur l t a r echIde
que le mil"
(1).
D'où l a r e Ia t i on ar ac b idc-rni l ètudiée par FOUNOU
TCHNIGOUA dans son ouv r age
(2).
Il avance l'argument selon lequel,
une
augmentat ion de la production d t a r ac h i d e s av a i t
pour co r r o l l a i r e un accr ol s-
sernent des irn por tat ions du riz indochinois.
(1)
FOUQUET (J)
: op.
cit.
(2)
Be r na r d
FOUNOU TCHNIGOUr,
: Les fondements
de l'économie de tr e i t e
au Sénégal:
l a s ur e x p lo i ta t ion d'une économie de 1880-1960.
SILEX -
PARIS -
P.
78
.../ ...

137
Le calcul de l'indice de corrélation confirme cet argument avancé.
ANNEE
Production
~ de Progres-
Riz impor-
~ de Progression
arachide
sion indice

1=100=1900=04
100=1900
1904
1900-04
139.600 T.
100 %
14.000 T.
100 $
1905-09
192.000
137,5
16.000
114,2
1910-14
266.000
190,5
26.000
125,7
1915-19
232.000
166,1
5.400
38,5
1920-24
362.000
259,3
15.000
107,1
1925-29
638.000
457
48.000
392,8
1930- 34
482.000
345,2
35.000
250
1935-39
638.600
457,4
75.000
535,7
1940-44
361.000
258,7
18.000
128,5
1945-49
535.000
383,2
23.000
164,2
r
0,80
indice de correlation moyen.
La raison d'un
tel argument est simple,
puisque si
le paysan a une
bonne récolte vendue à un
prix
rémunérateur,
il va abandonner de façon
relative ou
diminuer les cultures vivrières,
augmentant de ce fait les surfaces destinées à l'arachide.
Avec l'argent
tiré de la vente de ses graines,
il
pouvait acheter soit du
riz,
soit
du mil qu ' il devait produire en temps normal.
La cause principale de la
regression des cultures vivrières
résulte d'un choix
économique.
En effet,
le
budget général avait
beaucoup à gagner dans cette politique d'expansion de la culture de
l'arachide avec le système de l'économie de traite.
Il percevait des
droits
d'entrée et le commerce y gagnait avec la vente de ses produits .
../ ...

138
On a eu à expliquer l'importance de la culture de l'arachide
dans un chapitre précédent,
et montrer que les plus grands
bénéficiaires
furent les colons,
mais surtout la métropole qui était amenée à "agir aux
colonies
pour le sa lut de la France (1).
Cette politique a été une catas-
trophe parce que les
résultats escomptés n'ont pas été atteints.
PORTER ES
Signale que l'importation rnas s i ve du riz devant entraîner le report du
travail ag r ico l e plus sur l'ardchide que le mil,
ne
pouvait être que
temporaire
(2).
C'est là où apparaît le paradoxe dans Id mesure où le
riz importé était surtout consommé dans les
villes où l'économie de traite
avait favorisé le développement d'activités non agricoles
(3).
Ainsi
l'augmentation de la quantité de
riz importé par la SIP de Ziguinchor
(4)
s'expliquait par la demande citadine,
rna i s n'était nullement destinée au><
riziculteurs d io l as trés
prévoyants.
(1)
SARRAUT (A)
: op. cit.
p.
277
(2)
PORTERES
: "Aménagement de l'économie agricole et rurale au
Sénégl.
Fascicule l,
Mars-Avril
1952
(3)
BERNARD FOUNOU TCHNIGOUA : "Les fondements
de l'économie de
traite au Sénégal
(la surexploitation d'une colonie de 1850-1960)"
SILEX Editions Paris -
173 p.
(4)
ANS.
5082-77.
Rapp.
W
24 SP Ziguinchor 18 juillet 1936.
En 1933, on a importé 731 T.
pour une
valeur de 623.526 F.
En 1934
le riz importé avait dépassé 4.500 T.
Pour le seul trimestre de 1936
(Te r },
l'importation d atteint 7.000 T.
pour une
valeur de 5 millions
de francs.
...f ...

139
Ce riz était importé aussi
pour satisfaire la demande céréa-
lière que nécessitait l'implantation des travailleurs saisonniers appelés
Navétane s
"originaires des zones où le mil à chandelle ne constitue
pas
le fonds
de l'alimentation"
(1).
C'est à ce titre que le cercle du Sine-
Saloum avait distribué les 8/l0è des avances en
riz de soudure (2)
et tout le monde sait que l'implantation des Navé tanes s'est faite en
majeure partie dans ce cercle grâce à la SIP.
11 est
paradoxal encore une fois
de constater tous les
efforts déployés
pour substituer le riz indochinois aux céréales locales.
Cela notamment dans le cercle de Casamance qui
pouvait jouer le rôle
de ravitailleur pour le Sénégal.
Il suffisait d'y créer une société de
prévoyance non
pas avec une "fonction graine" comme ce fut le cas dans
l'ensemble du pays,
mais à "fonction-riz".
Malheureusement on a assisté
plutôt à une
tentative d'extension de la culture de l'arachide au détriment
de celle du riz et de la conservation des forêts.
En Casamance,
le riz
n'est pas considéré comme une culture spéculative,
mais comme base de
l'alimentation,
mieux un signe extérieur de prestige et d'aisance et
source de tous les
biens matériel et spirituels
(3).
Le paradoxe que les
Européens voulaient propager la culture du riz sur terrain sec par
l'intermédiaire des SIP,
alors que les
paysans cultivaient dans les
rizières inondées.
La
raison
: les autorités
voulaient amener le Diol a
à associer l'arachide et le riz sur terrain sec, alors que ce dernier qui
(1)
FORTE RES : op. cit.
p.
68
(2)
PORTERES 1952
: op. cit.
p.
68
(3)
PELISSlER
: op. cit.
p.
709
... / ...

140
"n'ignore pas l'existence du
riz
sec n'accorde qu'un intérêt général.
tres
limité à cette forme de culture"
(1).
La conséquence serait un changement
du mode cultural,
puisque les Diolas ont mis "au service de la rizière
leur équipement technique,
leur expérience et toute leur science"
(2)-,
c'est dire donc que le paysan d io l a a élaboré une civilisation du riz.
Autre conséquence de cette politique de substitution du riz
aux céréales locales
: l'introduction de l'imprévoyance par les SIP et
de pratiques jusque-là i nconnnues sur le
plan social.
Les propos sui v ant s
en sont une confirmation:
"Si les progrès
(arachide)
ne s'arrêtent pas,
nous
verrons apparaître en Casamance le fléau jusque-là inconnu de crédits
d' hi ver nage qui feront du cultivateur le captif du commerce"
(3).
Tout ceci pour montrer que cette politique économique avait
entraîné et aggravé la situation désastreuse de la colonie.
La situation catastrophique du pays avait at te irit son
paroxysme avec la crise économique de 1929-30.
Des
régions entières furent
déficitaires en matière de cultures vivrières.
Ce fut le cas des cercles
de Bake l , Kédougou,
du Bds-Sénégal,
de Thiès,
de Louga et du Baol
pour n'en citer que ceux-là (cf.
carte de la situation al i rnerrta i r e de la
colonie) .
(l)
PELlSSIER
op.
c i t .
p.
79
(2)
Ibid.
(3)
ANS 5 Q 82 Dossier n°
24 Juillet 1936 -
Ca s arnance ,
. .. / ...

SITUATION ALI~ENTAIRE OE LA COLONIE PENOANT LA CRISE
ECONO~IQUE
ci1,
~Rdgi.ne ddficitairee. Recoure .f
~echat mil par lee SIP
'-
~R.gions où r~coltea nettement
~mauvaieee. Ravitaillement prdvu
OLI~
par le9 SIP
~RdgiOne non d~ficitairee
". ~ 111:
1 1•
•.,-
ol.I.J
tAlA

•-- 1
~
_1
1
l- Il
...~
- .~ 1. '.
.'.... 1.-
1
slINf- $AllolJ~
1

...
_ 1 - 1
, -1 ~ •••
1
-i 00 l(trl5 ,

142
Les SIP vinrent en a i d e âUX
popul at ions sinistrées en
ache tant , et d i s t r i buant quelque 1700 T.
de mil à leurs membres avec un
taux d'intérêt de 5 % (1). C'est là où apparaît le paradoxe dont on
faisait cas au début du chapitre:
apprendre à des gens
prévoyants à
devenir imprévoyants.
Parmi les mesures qui seront prises afin de
solutionner ces problèmes, on peut retenir entre autr e ,
la création de
l'Office de L' al Imente t ion indigène (2)
à partir de mars 1930. 11 est chargé
de donner des
renseignements
relatifs à la récolte et de f a i r e des
propositions aux autor i tès locales
pour
prévenir les disettes éventuelles.
D'âutres rnes ur e s de défense contre la famine et Id d i s e t te seront proposées.
Ainsi l'idée des greniers de réserve sera relancée.
Les SIP se char gèr ent
de constituer des
réserves de 3 mois de vivres au moins.
Ces organismes av ai ent pour tache auss i
de vulgariser les
cul tures soute r r a ines
(à l' ab r i des sauterelles)
et celles des cér èa l e s
hat i ves pour lutter contre la sécheresse.
Des
provisions de riz ou de mil
seront ache tée s au marché en gros et stockées ensuite dans des silos.
Une fois en p lace , les SIP firent
des avances à leurs adhérents qui en
av a ie nt
besoin,
prêts
r ern bour s ab le s en nature par la suite avec intérêt.
Ainsi,
les p a y sans ne s'endettèrent plus hors de leurs
possibilités
r a i sonnab l e s et leur seul créditeur fut dés o r rnai s Id société
dont ils sont membres.
Le cycle de l'endettement rural
comnençai t
(1)-
Dans Id
p r at i que , le taux
de remboursement était de loin supérieur
à 5 %. Les enquétes le confirment.
(2)
6 Q 40 Dossier Affaires économiques portant sur i nsuff i sance réserve
mil,
pièce n° 838.
25 Av.
1930 r e l at i v e à régression des cultures
vivrières.
.../ ...

143
avec les prêts d' hivernage
: les Libanais achetaient des quan-
tités importantes de céréales aux paysans à de très
bas
prix.
En période de
soudure,
ils sont écoulés à des prix prohibitifs à ces mêmes paysans
le sac de 100 kg qui
revenait à 300 F aux citadins,
était vendu en
campagne à 400 F.
Des attributions
beaucoup
plus larges furent données aux
SIP dans le cadre de la lutte contre la disette.
C'est ainsi que hormi la
constitution des
dépôts,
elles avaient mis en
vente du
riz au détail,
afin
d'en diminuer le prix sur le marché.
La SIP du Sine-Saloum était parvenue à faire baisser le prix
du
riz entre IF et 0,90 F le kilogramme (1).
En outre,
elle a distribué
en 1935 plus de 200 T de riz dans tout le cercle et treize autres tonnes
sous forme de semences
; du
mil sélectionné avait été distribué dans la
région des terres neuves et à Kahone , Quant à la SIP de Louga, on lui avait
fixé comme objectif dans le programme de 1932-35,
d'accroître et de
développer les cultures vivrières.
Elle devait aussi favoriser
la cueillette
du
béref,
car il
y était prévu l'installation d'une usine.
De toute façon,
dans la lutte contre la disette,
la SIP du cercle était parvenue à constituer
un stock de vivres au plus fort de la crise de 1931 à 1935 (2).
(1)
ANS.
5Q82-77. Sénégal
:
r ap po r t
d'inspection des inspecteurs des
Affaires administratives 1935-46.
Cette mesure ne dura que quelques
jours.
Elle avait été prise par la
commune mixte devant la gravité de la situation du cercle.
En effet,
des rapports médicaux signalaient des morts d' inanation à l t èpoque ,
(2)
ANS.
5Q72-77.
Dossier n° 28. SP Louga octobre 1936
/

l44
1931
78T669
1932
20T076
1933
46TJ51
1934
1935
52T522
1936
140 T
Quant à la SIP de Ziguinchor. elle avait tenté d'intensifier la
culture du manioc en distribuant 200.000 boutures.
Elle avait aussi développé
mais pas pour longtemps,
les cultures fruitières et en avait envoyé des
quantités appréciables sur Dakar de mangues,
d'oranges et de
bananes (1).
Pour cela, elle a eu à fai re d'énormes dépenses pour l'entretien du jard in
de
Magacounda,
à venir en aide à des jeunes (assurer leur formation de
jardinier) en leur accordant des primes pour le développement du
jardinage.
D'une manière générale, les SIP de la colonie avaient lutté contre
la crise et avaient aidé les populations touchées par une crise économique
dont ils ne percevaient que les conséquences négatives.
Ce qu'on peut
reprocher aux SIP dans ce cas précis, c'est qu'elles n'ont pas été ou
bien n'ont pas voulu être plus ambitieuses sur le plan social.
L'un des
objectifs que doit se fixer un organisme de coopération d'une telle importance,
devait être l'amélioration des conditions de
vie des paysans.
Des tentatives
très éphémères seront faites
dans ce sens. Ce fut le cas en matière de
logement,
avec la création d'une usine de br iq uetter ie à Kaolack,
mais les
résultats escomptés n'ont pas été atteints.
(1)
ANS. 5Q82.
Rapp.
n° 24 SP Ziguinchor,
juillet 1936.
L'envoi de
bananes sur Dakar est passé de
7T288 en 1933 à plus de
17 T en 1935. En plus la SI P a distribué 8959
bananiers,
4882 Noix de
co l at ie r s qui ont été mises à terre.
Essai de culture de caféie r par la
SIP. Les mangues envoyées sur Dakar sont passées de 6360 kg en 1931
à 20.040 kg en 1935.
... / ...

[45
étude sérieuse du milieu leur aurait montré que le paysan n'était pas
préparé psychologiquement d'autant plus la matière première avec laquelle
il construit est gratuite. Alors que la brique lui revenait très cher.
Ces sociétés auraient dû aider les indigènes à avoir accès
à la propriété individuelle,
puisque le système devait fonctionner sur
le modèle européen.
Au lieu de cela,
les autorités s'approprièrent les
terres par une série d'arrêtés et de décrets prenant ainsi la place des
anciens maîtres.
Ceux qui ont pensé,
puis élaboré les objectifs des SIP ne
s'étaient pas détachés de l'aspect économique qu'ils ont trop privilégié au
détriment de l'assistance médicale,
hygiénique et même
de la formation.
Pourquoi ces sociétés ne devraient-elles
pas être une structure à l'intérieur
de laquelle seraient développées les règles élémentaires de l' hygiène, où
la distribution des nivaquines pendant l'hivernage.C'est dire qu'on devrait
créer des sociétés de prévoyance médicales
pour les indigènes comme cela
a été fait en Côte d' 1voi re (l).
Venir en aide aux paysans ne signifie pas seulement leur faire
des
prêts en période de soudure;
la meilleure façon c'est de leur assurer
une parfaite formation dans des structures agricoles comme les fermes
pilotes ou écoles.
(1)
ANS.
5Q19-26
: Société de prévoyance médicale en Côte d'Ivoire,
création -
1934.
5Q21-74
Textes de création des SIP en Côte d'Ivoire 1930-33 .
.../ ...

146
Mais chaque fois que la vulgarisation d'une nouvelle machine
devait se faire,
les autorités locales feront les premiers essais dans les
champs des chefs indigènes. Ces derniers se chargèrent de
vulgariser ces
nouveaux instruments au niveau de la base qui ne
peut qu'imiter le "CHEF".
La leçon à tirer d'une telle pratique, c'est que le système
colonial qui considère ces SIP comme instrument de mise en valeur n'était
pas animé de l'intérieur.
En d'autres termes,
les paysans n' étant pas des
coopérateurs tirant profit des bénéfices de la coopérative, étaient considérés
plutôt comme des producteurs d'arachide à qui il fallait venir en aide pour
ne pas compromettre l'avenir économique de la colonie.
2" /.
Participation aux travaux d'intérêt économique
Les SIP avaient participé à plusieurs niveaux à ces réalisations
économiques. Il est bon de
rappeler qu'elles avaient permis une extension,
voire une généralisation de la culture de l'arachide et un accroissement
de la production. Si elles ont contribué à l'exécution et à la réussite des
plans de développement de la colonie, c'est qu'elles étaient considérées
comme une annexe de l'administration. C'est ainsi que tous les cercles
utilisèrent cet instrument mis à leur disposition pour la réalisation de
leurs plans quinquenaux de développement.
En ce qui concerne le fonçage des puits
(cette rubrique
figure sur tous les plans),
les résultats varient en fonction des régions et
de l'importance du problème de l'eau.
N'oublions pas que dès sa création,
la SIP de Diourbel s'était fixée comme objectif la solution du problème de
l'eau. Ainsi,
avait-elle terminé dès
1911 les trvaux de 13 puits en ciment
.\\/
armé,
sans compter
les 27 autres en cours de finition.
.../ ...

147
D'ailleurs,
plus de 50 % du montant
des cotisations estimées à 103.121 F était utilisés
pour ces travaux
(J).
C'est l'importance de l'eau qui explique la place de choix
réservée aux
puits dans le programme de développement des SIP de Louga
et de Thiès. Avant 1933, celle de Thiès a foncé 162 puits au total.
On nous signale dans les
rapports de 1936
qu'elle en a foré 55 nouveaux
et terminé pour l'année en cours 36 autres,
soit un total de 91 puits en
l'espace de deux ans
(2).
La SIP du Sine-Saloum (ct.
chapitre sur le fonctionnement de
la SIP de Kaolack 1910-1930) au 31 décembre 1936 contrôlait 849 puits
(3),
mais se plaignait de l'insuffisance du
personnel chargé de leur surveillance.
Un seul agent était nommé pour faire les tournées dans le cercle jusqu'à
cette date.
Il est aberrant de
voir des SIP comme celle du cercle de
Ziguinchor inscrire dans leur programme la question des puits au moment
où d'autres sont confrontés à ce même problème. Ceci simplement pour
dire que le problème des
puits
(de l'eau) est d'une question secondaire
en Casamance.
Le cercle du Sine-Saloum se plaignait de l'insuffisance du
matériel
destiné au fonçage des puits, tandis que dans celui de Louga,
le
nombre de puits forés
n'a presque pas évolué.
Pour l'année 1931,
la SIP
n'avait foncé qu'un seul puits et durant la période 1931-35, elle n'avait
guére creusé plus de 19 puits (4).
(1)
lQ61.
Lettre datée du 1er janvier 1912
(2) ANS 5Q82.
SP de Thiès
: r ap port na 27 du 29 s ep tern bre 1936 de
l'Inspecteur des Affaires administratives
(3)
ANS 5Q82.
SP Sine-Saloum:
rapport na 12 du 5 février
1936 P.
290
(4) ANS 5Q82,
Rapport na 28 sur le fonctionnement SP Louga octobre 1936
... f ...

148
En favorisant la culture de l'arachide,
les SIP permirent
le développement des voies d'évacuation,
un des
piliers sur lequel reposait
le système de traite. Ainsi,
la route et le rail
devinrent les véritables
lev iers de développement du bassin arachidier.
Quel était l'impact des
routes sur la production ?
Après l'apparition des sociétés de prévoyance,
et l'utilisation
d'une partie du tronçon Thiès-Kayes,
la production a évolué de la manière
suivante (1)
(cf.
graphique III).
On relève dans le journal "L'ARGUS" qu'il n'y avait pratiquement
pas de routes en AOF en 1916, alors que 13 ans
plus tard,
on y comptait
50.000 km(2) Le Gouverneur Général avait constaté en AOF et au Sénégal
dans la période de 1914-1918,
"l'absence à peu près complète d'automobiles
à part ceux employés par les administrations civiles et militaires
(3).
La production n'a cessé de croître à partir de 1920,
période
qui cor res pond au développement du
réseau routie r.
Par allèlement,
le parc
automobile sui viti' évolution et le tr ans port qui était une affaire per sonne l le ,
allait prendre une autre dimension.
(1)
ANS 3Q2I4
: Lettre du Président de la Chambre de commerce de Dakar
à l' adm.
de la circonscription de Dakar.
(2)
"L'ARGUS"
du 9 mai 1929
(3)
Ser igné Bamba NDIAY E : La mise en place du
réseau routier au
Sénégal 1900-1940. Mémoire de maîtrise 1977-78 p.
44 citation
du Gouverneur Génér al
... / ...

500.000
TONNAGES D' AR;1CIIIDES EXPORTES PAR LE SENE GAL 191 9 - 1935
(SOURCES DIVERSES VOIR ANNEXE p. 306
400.00lJ
!ILS
300.000
,-
~
1
~
...
mauvais hivernage
."
1
qualité des semlnces
mnind'oeuvre réduite
200.000
,
-----,0:'"'
crise économique
= baisse des cours de l'arachide
100.000
"o~n
'1fl
?1
! . , ' .."
??
'73
?tl
25
?6
"'7
28
29
'0
31
32
3:1
'::./i
''JS

150
Année
Automobiles importées
(1)
Production arachide (2 )
1919
100 %
100 %
1920
272,7
115
1921
100,7
105
1922
61
117
1923
126
110,6
1924
260,2
128,4
1925
694
179,2
1926
1131
195,2
1927
816,9
163,5
1928
1348
163,5
La correlation entre l'importation des voitures et de la
production de l'arachide est év idente.
Elle est de 0,88. Ainsi,
l' impor-
tation croissante des camions qui participaient à l'évacuation des arachides
montre l'importance de la production.
En 1904~1908, seul le chemin de fer
Dakar-Saint-Louis était en service,
la production moyenne était de 127 .000 T.
Elle va doubler (274.000 T)
pour les quinze années suivantes,
avec la mise
en exploitation du Thiès-Kayes et avec le début de mise en
place du
réseau
routier.
Vanhaeverbeke (3) estime la participation de la zone du rail
dans la production arachidière à 75 % à la fin du siècle dernier.
A partir
de 1924,
avec le développement des trans ports routiers,
la production
atteignait 318.000 T et dépassait souvent le cap des 500.000 T.
Désormais,
la zone du
rail n'a plus le monopole et des régions nouvelles se développent
grâce aux facilités apportées par les transports
routiers.
(1)
ANS:
4Q8-19
: Dossier transport automobiles Sénégal 1922
NDIAYE (S.
B.)
: op. c i t ,
p.
44-46
4Q23
: Voitures importées au Sénégal
(2)
Tonnage 1919-1922 tiré de l'ouvrage de Pehaut - op c it ,
i
celui de 1922-1928 : source ANS 4Q8-19
.... / ..

151
C'est ainsi qu'avec la création des SIP dans tous les cercles
de la colonie,
le développement de l'infrastructure routière et l'avènement
du camion,
le Sine-Saloum supplantera les anciens cercles arachidiers.
De 28 % en 1910-1915,
sa part fut de 34 % entre 1925-1930 et de 44 % à la
,
veille de la seconde guerre mondiale (1).
Ainsi,
là où le réseau routier était bien établi et doublait
le rail,
la production augmentait.
Dans le cercle du Baol où le développement
des transports routiers permettait de drainer les productions de l'intérieur,
la production était passée de 65.000 T en 1913-14 à 110.000 T en 1925-26.
Il en fut de même
dans celui du Sine-Saloum où la progression
pour la même
période fut de 80.000 T à 159.000 T,
presque du simple au
double. Si on sait que,
sur les 1289 km que comptait la colonie en 1912,
les 1000 km se trouvaient dans ce cercle, on comprendrait facilement
cette progression (2).
Ailleurs,
la production était généralement la même ou bien
elle regressait.
A Khombole,
Cossas et Tivaouane,
les routes n'étant pas
développées,
donc ne secondaient pas le rail,
la production avait tendance
à la régression ou à la stagnation.
En 1914,
Khombole avait produit 22.000 T d'arachides et à la
veille de la crise économique de 1929, la production stagnait autour de
23.000 T. A Tivaouane, elle fut égale en
1929 à la production de 1913
13.000 T (3).
(1)
Vanhaeverbeke
- op. cit.
P.
16
(2)
NDIAYE (S.B.) - op. cit.
p.
20
(3)
ANS 4Q8-19
... ! ...

152
Une autre conséquence de la réussite de
l'arachide dans le
bassin arachidier fut le développement des installations portuaires. En effet,
en dehors de Rufisque,
Foundiougne et Kaolack,
profiteront de l'arachide pour
devenir les ports les plus importants du Sénégal. Le port de Soboya n'était
pas si important, les entrées et sorties des bateaux devant évacuer la
production ne dépassèrent guère vingt.
D'ailleurs, elles se réduisirent dès
1927 à six bateaux.
Foundiougne,
autre ville du Sine-Saloum, était le port le plus
important.
Malheureusement,
sa position défavorable,
son enclavement,
jouaient en faveur de Kaolack qui n'était qu'une petite agglomération vers
les années 1900-05. Cette ville est située au carrefour de
voies terrestres
qui forment une sorte de toile d'araignée : routes Kaolack-Sokone,
Kaolack-
Nior o , Kaolack-Fatick,
Kaolack-Gossas,
Kaolack-Kaffrine,
etc ...
Un tronçon
de quelques
vingt kilomètres la relie au Thiès-Kayes qui,
du reste, traverse
le cercle en longueur avec d'importantes gares-escales. C'est dire que toutes
les conditions étaient réunies pour faire de Kaolack le
port du Saloum.
A partir de 1923, avec la création d'un bureau des douanes,
le port de
Kaolack prit la relève de celui de
Foundiougne.
Le tonnage évacué par les navires ayant fréquenté ces deux
ports est très éloquent (1).
On observe dans le graphique IV qu'avant
l'installation du poste de douane à Kaolack,
le port de
Foundiougne connaissait
une activité intense.
En 1922, ce port avait exporté trois fois
plus que celui
de
Kaolack,
soit res pecti vement 79.882 T pour 29.192 T.
Mais dès l'année
suivante, l'exportation du port de Kaolack doubla celle de Foundiougne et
cela fut ainsi jusqu'à la crise. L'activité du port continuera à progresser à
tel point qu'à partir de 1926,il deviendra le second en ce qui concerne les
arachides exportées.
(1)
AUJAS (L)
: Région du Sine-Saloum.
Port de Kaolack.
BCEHS n°
1-2
1929. Janv ier-Juin
.•• / .•

IV
.0
EXPORTATION D'ARACHIDES DES PORTS DE KAOLACK'. ,F"OUNDIOUGNE" RUrrSQUE 1921-34
(source 1 AUDAS\\ L •• r~9ion du sine-saloum 1 port de kaolack'. DCEHS No,'.2'. 1929)
znn . 'l'[JO
;----,
1
\\
l~l.l':l'l
1
\\
/
\\
1=KAOLACK
1
\\
2= F"OUNDIOUGNE
"6l. rlrJ lJ
~
U1
:3 = RUrrSOUE
;40.000
,
/
/
\\
W
---------
r--,.l<''-.
1

_
-
",.
"
,
......~..... ."
,
'
\\
'21J.OlU
\\
\\ 1
100.QOO
\\', 'î
,.... .r-, Cl
,-'", • . J d ' J
6] . 'J~:(:
40.8Q;]
2
:3
20.000
1921
1922
1923
1924
1925
1926
1927
1928 1929
1930
1931
1932
....... ',!." -,~

154
Rufisque qui fut le principal port des arachides de la colonie
est reléguée au troisième rang par celui de Kaolack. Ce qu'on peut retenir
de tout ceci, c'est que les grandes bénéficiai res furent les v illes du Saloum,
grâce au développement de l'arachide favorisé par la SIP du cercle. Il était
sorti des ports de ces centres,
139.712 T d'arachides en 1924 sur une
production de 310.368 T pour l'ensemble du pays.
En 1926, ils avaient
exporté 209.446 T sur 483.942 T, soit un peu moins de 50 %.
Si les SIP avaient contribué favorablement dans certains
domaines,
il est bon de signaler l'importance des échecs constatés dans
d'autres secteurs : par exemple,
la politique de
reboisement confiée à
ces organismes.
Malheureusement, aucun cercle ne parvint à l'objectif fixé
par les plans quinquenaux. Nous aurons à expliquer dans un autre chapitre
le pourquoi de cet échec.
Néanmoins, on peut citer déjà des cas d'actions entreprises
par les SIP qui n'étaient pas de leur compétence. Celle de Thiès (l)
par
exemple s'était lancée dans une politique de mise en valeur des Niayes
qui dépassait de loin le cadre de ses opérations. D'ailleurs, les résultats
obtenus furent négatifs dans l'ensemble,
dans la mesure où elle n'était
parvenue qu'à planter des cocotiers dans les villages de Mboro,
à
Kamaye (Niayes du Cay o r ) et à Thor (Diander occidental).
(l)
ANS. 5Q82.
Rap port SIP de Thiès 1936
'"/'''

155
Ces sociétés se sont souvent intéressées à des projets d' amé-
nagement ne présentant que peu d'intérêt pour l'économie de leur cercle.
Tel fut le cas du projet de mise en valeur de la vallée de Mbaba où la
culture du
riz fut tentée sans succès.
Les résultats furent aussi découra-
geants avec la tentative d'aménagement du Lac Tamna ; il en fut de même
avec les opérations de peuplement dattier entrepris par la société.
On comprend mal aussi l'argent dépensé par la SIP de Louga
pour la destruction des oeufs des oiseaux.
En effet,
le procès-verbal de
la séance d'octobre 1934 signale la destruction de 90.000 oeufs
: opération
financée par la société.
On a finalement l'impression que les SP ont voulutrop appliquer
les dispositions du décret jusqu'à devenir un "touche-tout". Ceci explique
souvent la médiocrité des résultats et le désespoir des adhérents.
BI. LE CREDIT AGRICOLE
BANQUE DE FINANCEMENT DES SIP
- - - -
Il a été institué par le décret du 23 mai 1926
(1)
son appli-
cation en AOF fixée par un arrêté.
Sont considérés comme faisant partie du crédit agricole,
les SIP,
les associations agricoles mixtes ou associations agricoles indi-
gènes,
les syndicats agricoles. Cela revient à dire que les membres de
ces associations peuvent bénéficier des avantages accordés par le crédit.
(1) ANS. 5Ql2 (26) Textes organisant le crédit agricole en AOF et
5Q7 (19) crédit agricole, fonctionnement en AOF.
1926-1936.
. . . 1. ..

156
Dans son article 3,
il est dit que les caisses du crédit
agricole ont exclusivement pour objet de faciliter et garantir les opérations
concernant la production agricole effectuée par leurs sociétaires individuels
ou collectifs.
Ici, ce qui nous intéresse, c'est la possibilité qu'ont les
membres des SIP d'avoir recours aux prêts de cet organisme. Ce sont, soit
des prêts d'argent à court terme (durée : campagne agricole), soit des
prêts à moyen terme pour achat de matériel et bétail pour une durée de
5 ans au maximum.
Le payement se fait par annuités et nécessite obligatoire-
ment un aval: une caution solidaire, un dépôt de titres,
un nantissement ou
autre ... Cette caisse du crédit agricole était alimentée par les différentes
parts souscrites par les sociétaires.
Mais pourquoi une caisse du crédit
agricole ?
L'explication,
semble-t-il, était de favoriser une autre forme
de crédit pour contrecarrer les prêts en liquide faits
jusqu'à présent par
les Libano-Syriens.
N'oublions pas le rôle joué par ces derniers dans les
structures économiques par le système des prêts à usure.
Usuriers contre
lesquels les SIP luttèrent par divers moyens.
Elles ont eu à intervenir dans le cadre de la lutte contre
la hausse prohibitive des prix.
Elles se sont opposées au système du
crédit d'hivernage pratiqué par les Libanais en cédant du mil et du riz
aux cultivateurs. Cette mesure tendant à briser toute spéculation sur les
denrées vivrières,
dev rait être bien accueillie par les ind igènes.
Dans la pratique,
le fonctionnement du crédit pose un problème,
à savoir celui d'une garantie,
voire d'un gage exigé de l'indigène.
Par conséquent, le paysan indigène bénéficiait très peu des avantages du
crédit dans la mesure où on exigeait un dépôt de titres,
un immeuble, etc ..•
avant tout prêt.
... / ...

157
Ceci est d'autant plus vrai que le cultivateur n'avait pas accès à la propriété
individueIJe. La terre était une propriété colJective et familiale,
même si
on trouvait des traces de propriété privée (1). Avec la colonisation, il
était dépossédé de ce capital foncier
par les arrêtés du 8 fév rier et du
l er mars 1907 dans lesquels,
il est bien précisé que le gouvernement
français qui a pris la place des anciens chefs est "seul aujourd' hui proprié-
taire de toutes les terres,
de tout le sol de ce royaume (Cayor)" (2),
qu'aucun indigène ne pouvait être propriétaire que sur autorisation de
l'administration.
En d'autres termes, il était un simple occupant. Dans ce
cas, un paysan dépourvu de sa seule richesse,
la terre, n'avait aucune
possibilité de faire des prêts si ce n'était par l'intermédiaire de la
société dont il était obligé d'être membre.
Parmi les particuliers pouvant recevoir des prêts, il Y a
lieu de signaler les agriculteurs français de statut métropolitain ou assimilé,
les agriculteurs de statut indigène membres d'une des sociétés précitées et
détenteurs de biens immatriculés.
Les
prêts étaient accordés aussi aux petits
artisans ruraux
(forgerons, ch ar r rons ,
réparateurs de machines) membres d'une
société de prévoyance. On n'exigeait d'eux que deux cautions sol v ables alors
qu'on réclamait aux paysans membres d'une SIP un gage. Mais ceux qui
profitaient le plus de ces crédits furent les indigènes détenteurs de biens
immatriculés.
Par conséquent,
n'importe quel indigène n'avait pas accès
à ces prêts.
Le taux des prêts laissé à l'appréciation du conseil d' adminis-
tration variait entre Il,5 et 8 %.
(1)
DARESTE : Le régime de la propriété foncière en AOF.
1908 P.I à 211
(2)
Cf. Chapitre sur la tenure foncière.
.../ ...

158
De portée très limitée, ce décret fut abrogé et remplacé par
celui du 26 juin 1931 (1). Ce dernier était plus avantageux.
En effet, il
accordait des prêts individuels à long terme destinés, soit
à la construction
de bâtiments d' habitation ou d'exploitation, soit à l'acquisition, à la cons-
truction ou à la mise en application d'un domaine familial.
Pour ces prêts
individuels pouvant atteindre 250.000 F,
le taux de remboursement devait
être inférieur de 1 % au moins au taux d'escompte de la banque de l' AOFo
sans pouvoir descendre au-dessous de 3 %. Ce taux pouvait même être
réduit de 2 % pour les anciens combattants
et les indigènes ayant fréquenté
une école agricole ou de labourage.
Autre avantage : les prêts collectifs dont la durée de rembour-
sement ne dépassait pas 15 ans,
voyaient leur échéance portée à 30 ans
par le nouveau décret. Ceci, lorsque les fonds étaient destinés aux opé-
rations de reboisement.
Les SIP eurent recours aux prêts à long terme du crédit
agricole pour effectuer cerraines opérations. Ainsi, face à des difficultés
de trésorerie, elles multiplièrent les prêts.
En 1932,
il Y eut deux
formes
d'emprunt:
l'emprunt colonial de 1932 et l'emprunt auprés du crédit
agricole. On reviendra sur le premier.
La caisse du crédit agricole avait prêté les sommes (2)
sui vantes aux différentes SIP
:
(1)
Décret du 26 juin 1931.
Bulletin officiel du Ministère des colonies
1931,
p.
1208
(2) ANS 5Q33. Pièce n° 4739 AE.
Dakar,
5 février 1937
... / ...

159
SIP
Prêts ~ moyen terme
Date des prêts
Thiès
150.000
24.4.32
Diourbel
150.000
"
Louga
98.000
"
200.000
7.8.33
En plus de ces prêts du crédit agricole,
les SIP dans le
cadre de l'emprunt de 1932,
avaient contracté une dette de 28.000.000 F
destinée à l'achat de semences (1).
La dette était répartie comme suit aux
SIP des cercles où l'arachide était très importante.
SIP
Total emprunt
Remboursement par annuité
- -
Kaolack
6.125.389
350.000
Thiès
8.921. 046
510.000
Louga
6.394.050
366.000
Tamba
128.854
7.000
Bignona
110.167
6.000
(1) ANS. 5Q82-74. SIP emprunts 1932.
Procès-verbal de la réunion
constitutive du C.
Nat.
intérêts du Sénégal.
14 février 1932.
Tous les cercles arachidiers furent intéressés à des degrés divers
par cet emprunt.
Les régions où l'arachide était moins cultivée,
ne souscrirent pas à cet emprunt : Ziguinchor, Kédougou, Bake l ,
Matam,
Podor
.../ ...

160
En 1934, les SIP,
pour se libérer de cette dette,
firent des
prêts au crédit agricole qui avait reçu pour la circonstance, une dotation
de 28.000.000 F équivalent à l'emprunt de
1932.
Désormais, elles l1e sont
débitrices que de la caisse du crédit agricole.
Les sociétés continuèrent à bénéficier des prêts du crédit
agricole. C'est aussi que en 1936,
il leur finança 2.350.000 F pour
"l'achat d'outillage et mesures propres à développer les oléagineux du
groupe" (1).
La SIP de Ziguinchor avait fait un prêt de 600.000 F pour
l'installation d'une rizerie (2). Ce prêt devait être remboursé en 15 annuités
au taux de 2%.
Elle devait aussi,
au titre de l'emprunt de 1932, la somme
de 111.671 F.
Malheureusement, cette caisse qui devait être la seule source
de financement des SIP,
faisait souvent défaut.
C'est ainsi que les SIP
s'adressèrent à d'autres organismes tels que les banques.
Lors de la
campagne de 1936-37, c'Ést la B.A.O.
(3)
qui avait assuré le financement
aux SIP et non la caisse du crédit agricole.
Il semble que la demande de
prêt avait été faite un peu tardivement. Un découvert de 7 millions leur
fut accordé par la B.A.O.
(1) ANS. 5Q82-74
: SIP emprunts
1932
(2) ANS. 5Q57. SP Sénégal: Rapport annuel moral et financier 1938-46.
(3)
B.A.O.
Banque de l'Afrique Occidentale
.. ./...

161
Somme jugée insuffisante puisque plus de 5.700.000 F iront à la SIP de
Kaolack,
500.000 à celle de Oiourbel, le reste aux autres sociétés.
Cette somme avait été obtenue difficilement car la banque exigeait un gage
des stocks
: "les graines sont déposées dans les seccos et détenues par le
cercle du Sine-Saloum pour le compte de la B.A.O en qualité de tiers
convenu"
(1).
C'est ce qui a été finalement retenu parmi toutes les
propositions.
0' ailleurs,
l'administration aura à se plaindre de ce contrat
en ce qui concerne le taux d'intérêts accordé. Selon elle, les SIP étaient
traitées au même pied d'égalité que les autres clients de la B.A.O., alors
qu'elles méritaient un "meilleur traitement",
vues leurs activités. Malgré
tous ces problèmes soulevés, il ne faut pas perdre de vue que le crédit
fonctionnait dans un contexte économi que très difficile. 11 est ar ri vé au
bon moment pour les populations puisqu'il devait normalement permettre de
relever le niveau de vie de la population indigène. On a vu comment ces
gens avaient subi les conséquences de la crise économique.
La SIP,
par l'intermédiaire du crédit agricole, obtenait
des prêts lui permettant de creuser des puits,
de faire des aménagements
agricoles et d'aider les paysans à résoudre le
problème vivrier.
(l)
ANS. 5Q33.
Moyens de financement utilisés pendant la tr aite 1936- 37
... / ...

162
S'il a été un stimulant pour la solution au problème de
l'endettement du paysan, le crédit agricole a malheureusement amené les
SlP à avoir recours à des moyens illégaux pour financer leurs opérations.
On a montré que les SIP devaient normalement faire des emprunts auprès
des autres sociétés de
prévoyance.
Mais leur possibilité de pr êt était
limitée vu la situation de crise.
Donc le seul moyen légal qui leur restait
était la caisse du crédit agricole.
Là aussi,
des difficultés ont fait que
cette dernière n'avait pas pu satisfaire à leur demande.
C'est ainsi que
s'ex plique l'intervention de la B. A. O.
consi dérée comme un mode de
financement illégal.
Cl.
LES SI P ET LA CRISE ECONOMIQUE
1929-1933/35
Les paysans du Sénégal n'étant pas
bien armés devant cette
nouvelle situation,
décidèrent pour plusieurs raisons d'abandonner la
culture de l'arachide;
d'ailleurs,
il est plus exact de dire de
réduire
les surfaces destinées à l'arachide.
Une telle attitude présentait des
enjeux réels tant au niveau politique qu'au niveau socio-économique.
101. Le climat social en milieu paysan
L'atmosphère sociale était inquiétante dans les régions produc-
trices d'arachides,
surtout en pays s è r r e , On signalait dans le bassin
è
arachidier une menace de désaffection de cette culture (1).
(1)
Lettre de l'Inspecteur des Aff.
ad m , à M.
le Gouverneur-Général
AOF.
Dakar,
14 octobre 1933
... / ...

163
Dans
le Sine,
les sérères avaient fait circuler l'idée de
développer la culture du coton,
si les prix n'étaient pas
relevés. Cette
décision n'était pas sans arrière pensée car en mettant en exécution leur
menace,
la principale victime serait dans un premier temps le commerce.
Tous les tissus et autres produits importés seraient invendus, faute de
clients.
Le coton produit pourrait être travaillé par les tisserands de la
région du Fleuve,
et ceci ne ferait que développer l'artisanat.
Les échanges
linter-régionaux en profiteraient aussi,
dans la mesure où ces artisans
seraient rémunérés en nature.
Les paysans avaient entre autre décision,
pris la ferme
résolution d'accroître les surfaces destinées aux cultures
vivrières
; celles du mil et du manioc par exemple. Ils avaient décidé de
refuser les semences des SIP. Chose d'autant plus
facile à vérifier,
puisque les paysans avaient ensemencé seulement les 2/3 des terrains et
ceci seulement sous la menace des administrateurs.
L'état d'esprit des indigènes allait de mal en pis, en 1933 et
on s'acheminait vers le mécontentement généralisé selon les propres
expressions des autorités. On peut citer l'exemple des paysans indigènes
qui avaient adressé des lettres de menaces au Gouverneur Général. Tous
semblaient avoir pris conscience de leur situation d'exploités.
Ces quelques
extraits
(1) tirés des correspondances le confirment davantage : "nous venons
vous demander de faire cesser cette différence entre nos produits et nos
charges,
de nous donner l'assurance que notre seul produit nous sera
payé au moins 80 F. et alors nous reprendrons la culture".
(1) Copie lettre à M. le Gouverneur Général par les cultivateurs de
Goumbo Guéoul 16 avril 1933
.../ ...

16~
Ailleurs,
on peut lire : "nous commençons à croire que nous
sommes victimes d'une injustice flagrante.
Demande d'être traités sur
le même pied d'égalité". Cette attitude des
paysans consistait à se
prémunir contre la famine voire même l'imprévoyance des SIP.
La preuve c'est que dans les différentes
régions,
les paysans
ne res pectèrent pas les consignes
(r alenti r les ventes)
données par les
administrateurs.
Ces
derniers parlèrent de "vente à cadence anormalement
rapide" .
Ce refus, cette forme de résistance,
met en relief l' affai-
blissement du pouvoi r de
pression des commandants de cercle et des
chefs locaux.
La situation était telle que certains pensèrent à une
"crise de confiance à l'égard de la colonisation française".
Pour mieux
percevoir cette inquiétude,
il faut savoir quel
rôle jouèrent ces autorités.
En effet,
durant cette pér iode de crise,
voi re désastreuse,
les commandants
de cercle avaient mené une véritable campagne de
propagande.
Le but
recherché était de
rétablir la production de 1931 déjà compromise.
Pour cela, ils avaient promis par maints discours aux paysans qu'un réta-
blissement de la production s'accompagnerait d'un relèvement des prix.
Mieux,
pour encourager l'indigène à semer davantage de graines,
les prix
de l'arachide furent relelvés à la fin de la traite de
1932. Donc c'est de
village en village qu'ils se rendirent,
aidés par les chefs de canton, afin
d'amener les paysans à revenir
sur leur décision.
Malheureusement,
pour
les paysans, les promesses n'ont pas été tenues.
... / ...

165
C'est ce qui explique que dès l'année suivante,
ils manifestèrent
leur mécontentement contre le non respect des engagements pris par les
autorités. Certains adressèrent aux autorités des lettres dont ce passage
très significatif : "Nous sommes d'autant plus dégoutés de cette culture
que l'an dernier,
pour nous
encourager, on nous a offert de nous les payer
80 F •..• Aujour'hui, on nous offre 25 F soit le prix d'avant-guerre"
(1).
r /. Les causes des menaces paysannes
Elles sont multiples,
mais sont toutes liées à la crise économique.
La première cause: la chute des prix qu'on peut constater dans le
tableau suivant:
(2)
ANNEE
Base Kaol ac k
Base Diour bel
Base Dakar
1929/30
95
85
95
1930/31
40
48
60
1931/32
45
40
52
1932/33
42,5
40
50
L'évolution du prix du quintal d'arachides dans les différentes
régions nous donnent une idée de l'état d'esprit des paysans,
voire du
choc qu'ils reçurent en pleine crise avec de tels prix. 11 nous sembl e
difficile de leur faire comprendre que les prix de l'arachide qu'ils produisent
(1)
Lettre des cultivateurs de la région de Louga à M. le Gouverneur
Général,
16 avril 1933
(2) VANHAEVERBEKE : op. cit. Voir tableau évolution des cours de
l'arachide.
.., / ...

166
était fixé en
Europe par des courtiers. Ces derniers tenaient compte de
la teneur en
huile,
du
poids des coques et du
pourcentage des avaries.
Mieux,
les prix étaient influencés par l'importance du tonnage des
arachides de Coromandel (33 % du marché mondial),
alors que celles
provenant du Sénégal ne
représentaient que 5 % (2).
Ils étaient aussi
fonction des cours en métropole qui,
à leur tour, étaient influencés par
la prédominance de VNILEVER qui contrôlait les 2/3 de la production et de
la transformation des corps gras.
En plus,
il Y avait une possible inter-
changeabilité des matières grasses.
Les cours pouvaient aussi
baisser du fait que les monnaies étaient
souvent dévaluées en période de crise (1).
Tout ceci est très compliqué
pour le paysan, car l'administration l'a obligé à cultiver l'arachide donc,
elle doit nécessairement le payer en conséquence.
(1)
Le Franc Germinal d'avant-guerre dévalué en 1928
: Franc Poincaré
soit 1/5 du Franc Germinal.
(l
F = 2 K 500 de Pain en 1914 ou
1 K 350 de sucre).
Il le sera de nouveau en 1936
(Franc Auriol)
et en 1937 (Franc Bonnet) = 1 F = lK de pain en 1920 ou 300 g de
sucre.
En 1938,
il ne
permet plus que l'achat de 370 g de pain ou
de 200 g de sucre.
(2) COQVERY-VIDROVITCH
L'Afrique et la crise de 1930
op. cit.
p.
397
... / ...

167
Les prix du quintal
pour la base Kaolack passèrent de 95 F
à 42,5 F Pour la période 1929-1933,
d'où une diminution de 50 % du prix
de vente de l'arachide. Cette situation se généralisera dans tout le pays
et ce ne sont pas les exemples qui manquent. A Diourbel,
le prix du
quintal de 1930-31
diminua de 37 F sur celui de la campagne précédente.
On a même constaté qu'à Kaolack,
Diourbel et Tamba,
des prix ont chuté
jusqu'à atteindre des taux inquiétants.
Au 27 décembre 1930,
les prix furent
respectivement de 35 F,
30 F et 10 F.
Ceci explique bien la menace des paysans et la conséquence
fut la réduction de la production.
Pendant ce temps,
le prix de l'arachide
exporté n'avait pas si baissé que ce l à ,
Le tableau suivant ou le graphique
VI en donne une idée (1).
ANNEES
1930
1931
1932
1933
1934
1935
1936
Dakar (FOB)
114
72
97
59
49
90
80
Marseille (CAF)
146
94.5
118
83
72
110
100
Kaolack
(2)
95
40
45
42.5
40
70
65
Le prix d'achat de l'arachide du paysan,
(base Kaolack) en
1932 s'élevait à 45F/lOOkg.
Cette même quantité pouvait être vendue à
Dakar au prix
(FOB)
de 97 F ou à Marseille au prix de 118.
(1) ANS 6Q.1975-77.
Pièce n°
1739 SE/3 9 nov.
1937.
Lettre du
Couv , Général à Monsieur le Ministre des colonies.
(2) VANHAEVERBEKE : op.
cit.
... ! ...

VI
EVoLUTIoN.DES COURS DE L'ARACHIDE 1929-1936
~ r.r, :
FnA~IC"
(sources diverses ~. 167)
coure de l'arachide
240
1= prix.100k9 -
marseille (CAF)
2= prix 100kg - Dakar
(F08 )
3. prix 100k9 -
Kaoalck
200
"',60
1
~
0\\
CD
1
""
1 20
" .... "',
1
80
2
3
40
"
1929
1930
1931
1932
1933
1934
1935
1936
.~NNEE5

169
Par conséquent,
les exportateurs avaient tout à gagner et les
paysans tout à perdre. C'est la raison pour laquelle les indigènes avaient
pris la décision d'abandonner cette culture "obligée".
La seule structure
(SIP)
qui devait les aider s'était métamorphosée en appareil d'exploitation.
A chaque fois que les cours baissèrent,
les paysans augmentèrent
les champs d'arachide pour se procurer l'argent nécessaire à l'achat du
riz. Cette spéculation arachidière se faisait au détriment des cultures
vi v r ièr cs ,
L'exemple du Sine-Saloum (1)
peut illustrer la place réservée
à l'arachide dans les soles.
En effet,
la spéculation sur l'arachide y a
évolué de la manière suivante :
ANNEES
Taux de spéculation arachidière
1907/1911
30 %
1912/1914
53 %
1915/1919
38 %
1920/1926
50 %
1927/1935
52 %
1936/1940
54 %
A partir du moment où la vente de ses graines qui occupaient
52 % des superficies ne lui permettait plus de compenser son déficit
céréalier,
il était tout à fait normal que les
paysans menacent de revenir
aux cultures vivrières.
(I)
MBODJ
(M)
: Sénégal et dépendance
: le Sine-Saloum et l'arachide
1887-1940 dans Sociétés paysannes du Tiers-Monde.
Publication du laboratoire connaissances du Tiers-Monde Université
Paris VII.
Textes réunis par Cathérine COQUERY-VIDROVITCH.
PUF Lille 154 p •
.../ ...

170
Autre
facteur ayant poussé les paysans à agir de la sorte :
la réduction de la production liée auss i à des éléments qu'ils ne contrôlaient
pas. Cette situation s'explique par le mauvais hivernage de 1931, mais aussi
par l'insuffisance des semences selon le Gouverneur Général (1).
11 est
v rai qu'en certains endroits,
les semences avaient manqué, mais cet
argument des autorités résiste difficilement à l'analyse. Cette justification
est trop légère, car ce qui avait le plus déterminé le paysan, c'est la
misère dans laquelle il se trouvait : les cours très
bas pratiqués avaient
accentué sa misère.
Raison fondamentale pour ne plus se tuer pour une
culture qui ne lui permettait plus
d'acheter le riz auquel il a été habitué.
En ce qui concerne les semences, la situation n'était pas si critique
qu'on le pensait.
Pour 1932, toutes les mesures avaient été prises pour dis-
poser des semences nécessaires
: les SIP avaient des
réserves évaluées
à 18.000 T.
et les greniers collectifs avaient réussi à stocker 7.500 T.
(2).
Sans compter les réserves individuelles,
il faut ajouter à ces quelques
25.500 T les 20.000 T achetées auprès du commerce grâce à un emprunt
de 28.000 F des SIP auprès de la métropole (3).
(1) ANS 5Q32.
Lettre avion AE/2 N" 254 du 6 mars 1932
Gouverneur Général à M. le Ministre des colonies
(2)
ibid
(3)
ANS 5Q32-77. SP.
Emprunts de 1932
Ces 28.000.000 (=27.816.090,20F)
devaient être remboursés en
50 annuités de 1. 590. 308 F.
Mais cette somme varie car certains
rapports l'évaluaient tantôt à 29.000.000 F, tantôt à 30.000.000 F.
(cf.
brochure "le rôle bienfaisant des SIP".
.../ ...

171
La question des semences s'était posée à un certain moment,
mais pas de façon si aigue comme on avait tendance à le faire croire.
Le problème est que les "paysans aux abois",
faute de vivres, avaient
consommé ou vendu une partie de leur arachide pour acheter,
soit du
riz,
soit du mil.
Le commerce qui était chargé de distribuer les semences fut
tenu pour responsable de cette situation.
On l'accusa en 1932 d'avoir
refusé de fournir des arachides nécessaires pour les semailles,
et les SIP
prises au dépourvu selon les pouvoirs, étaient incapables de prendre la
relève.
Mais accuser le commerce de vouloir saboter la récolte, c'est la
aller trop fort,
car il a tout à gagner quand la récolte est bonne.
La vérité,
est que durant la crise économique,
le commerce n'avait pas su, ou n'avait
l
.
pas voulu jouere/~~u la collaboration avec l'administration, voire les SIP.
Ce refus est utilisé contre les commerçants dans la mesure où les autorités
ne leur pardonnèrent jamais cette attitude passive que justifiait la
volonté de sauvegarder leurs intérêts.
En effet,
lors de l'achat des
20.000 T destinées aux semences,
le commerce n'avait pas rendu aux SIP
la tâche facile.
.../ ...

172
Il fallut négocier difficilement cet achat et les graines ne
furent cédées, d'une part qu'au prix de 140 F/q,
alors que six mois plus
tard (Nov.
1932), les cours moyens locaux étaient à 50F/q (1)
;
d'autre
part le commerce avait exigé un certain nombre de garanties en cas de
défaillance des SIr : la double assurance de la colonie et du Gouvernement (2).
Donc cette attitude constituait une menace pour la situation financière des
Sir. Elle était perçue aussi comme un danger,
un obstacle pour l'oeuvre
colonisatrice. Compte non tenu des autres griefs retenus contre les com-
merçants en période de soudure.
Afin d'éviter d'être pris au dépourvu la prochaine fois,
on
confia aux SIP le soin de regrouper et de distribuer les semences. Elles en
firent leur propre affaire et des instructions furent données en ce sens pour
que pareille situation ne se renouvelât.
Les 45.000 T de semences de 1932
devaient être renouvelée tous les ans.
(1) Durant la même période, les cours pratiqués à Marseille (CAF)
étaient de 188 F/q.
(2) Le commerce exigera dans les escales la formation d'une commission
spéciale qui répartirait les semences,
alors que ce rôle est celui des
SIP. Devant la réticence du commerce, les autorités envisagèrent
l'achat d'arachides au Nigéria, ce qui leur valut ce titre "carence des
SIr et imprévoyance des autorités" dans l'AOF du 17 mai 1928.
"La crise de la production".
.../...

173
Le Gouverneur Général mettait ainsi fin au rôle de distributeur
de semences par le commerce :
Semences distribuées par les SlP du Sénégal 1932-1939.
Années
Total distribué
1932
38.500 T
1933
41,736
1934
45,379
1935
47,635
1936
49,193
1937
45,476
1938
48,276
1939
48,476
Cette fonction est dorénavant du seul ressort des SlP. D'ailleurs,
Beurnier fut très explicite à ce sujet,
pour avoir déclaré : "elle (l' admi-
nistration) est légitimement amenée à prendre des mesures pour organiser
et assurer la production en dehors du concours du commerce" (1).
Le commerce était éliminé de certains secteurs et remplacé en tant qu'ins-
trument de colonisation par les SlP. 11 est clair qu'avec de tels propos,
les bases de la rupture étaient jetées.
Des mesures concrètes allaient
suivre pour les matérialiser.
(1) ANS Lettre de l'Inspecteur des Affaires administratives à
M. le Gouverneur Général - AOF Dakar,
14 octobre 1933
... f ...

174
3° /. Les enjeux de telles menaces
Une telle attitude ne pouvait avoir que des conséquences très
graves ; conséquence tant au niveau de l'indigène le principal intéressé,
qu'au ni veau de l'économie de la colonie en général.
a). Répercussions financières
Comme nous l'avons déjà indiqué,
la chute des prix a été
suivie d'une régression de la production arachidière. Celle-ci entraînant
une réduction du tonnage à ex porter ; on a constaté qu'avant la crise,
les prix élevés allaient de pair avec une forte production. Ce n'est pas
un hasard donc si la production était passée de 270.000 T en 1920-21 à
494.000 T en 1929-30. Les cours élevés durant la même période constituaient
un stimulant pour l'indigène. Le budget de l' AOF et du Sénégal en particulier
souffrirent beaucoup avec la nouvelle situation.
En 1931-32, le total des exportations d'arachides en coques
s'élevait à 194.101 T dont plus de 191.000 T pour le Sénégal, alors que
durant la campagne de 1930, les exportations de l' AOF étaient évaluées à
510.956 T dont plus de 55 % provenant du Sénégal. Cette réduction était
inquiétante pour la survie de la colonie.
Les causes de cette diminution de la production ont été
détaillées.
Il faudra seulement ajouter à cela les conditions climatiques
défavorables de l' hi vernage.
.../ ...

175
Une autre raison complétant les arguments avancés est celle
ayant trait aux problèmes d'ordre technique: le matériel agricole.
Nous avons déjà vu que les paysans cultivaient leurs champs avec des
instruments traditionnels.
Les rendements obtenus leur permettaient tout
juste de
s'acquitter de leurs dettes et de payer les impôts. A parti r du
moment où l'arachide entrait dans un système économique mondial (paysan
produit pour le marché mondial), il fallait nécessairement introduire de
nouvelles méthodes de culture. Ainsi,
le manque d'instruments agricoles
perfectionnés, la dépendance vis-à-vis du commerce pour les semences, et
des conditions climatiques souvent défavorables peuvent être retenus parmi
les causes de la réduction de la production.
Si la production avait baissé à ce point,
il est tout à fait
normal que le budget en souffre vu l'importance de l'arachide. En effet,
les ressources essentielles de ce budget étaient constituées par les recettes
douanières. Celles-ci dépendaient des droits de sortie pris sur les produits
exportés et des droits d'entrée sur les marchandises importées.
Par conséquent,
ce sont les droits de sortie que nous retiendrons du fait de l'importante
contribution de l'arachide.
Les droits de sortie pour 1926 furent de 29.400.000 F. et la
part de l'arachide s'élevait à 17.200.000 T. On peut la comparer à la
part de l'amande de palme qui venait en seconde position dans les recettes
avec 3.930.000 F ou l'huile de palme avec 3.000.000 F pour la même
période (1).
(1) Bulletin mensuel de l'Agence économique de l' AOF.
N° S' pécial,
1926
... ! ..

176
Aucun de ces deux produits n'était comparable à l'arachide.
Le tableau suivant montre l'évolution de sa contribution dans le budget (1).
Années
Part arachide (A)
Total droits de sortie
% AlB
G
1927
18.000 M
31.600 M
56,9
1928
18.600 M
31.200 M
59,6
1929
18.200 M
30.100 M
60,4
1930
21. 700 M
35.600 M
60,9
1931
10.000 M
20.680 M
48,3
1932
4.300 M
13.240
32,4
1933
7.800 M
14.800 M
52,7
Les autorités avaient cru que cette prospérité d'avant crise
durerait longtemps,
d'où une certaine insouciance de leur part dans la
politique commerciale. A parti r de 1930, on rernar queune nette régression
de la participation de l'arachide dans le budget général
: de 60 % en 1930,
elle passe à 50 % un an plus tard,
pour atteindre 32 %, le ni veau le plus
bas en 1932. Une légère reprise s'amorcera à partir de 1933. Dans la même
période, le total des droits de sortie
a diminué de moitié de
plus
35 Millions à 14 Millions.
(l)
Bulletin mensuel de l'Agence Economique AOF de 1927 à 1933
..../ ...

177
La comparaison peut se faire au ni veau du tonnage exporté
en 1929, la part de l'arachide dans les exportations était de 42 96 ; trois
ans
plus tard, en pleine crise,
leur
participation n'était plus que de 30 96,
alors que des produits comme le cacao doublèrent leur participation (de 7
à 14 96).
Même l'amande de palme qui venait très loin derrière avec une
faible participation, occupa en 1932 le devant.
Si ce n'était pas le Sénégal,
les droits de sortie des arachides
auraient disparu du budget depuis longtemps, car le pays avait fourni la
presque totalité de la production,
par conséquent, tous les droits de ce
produit. Sur une exportation de 455.232 T en 1931 pour l'AOF,
le Sénégal
avait fourni la presque totalité et en 1932,
il avait participé malgré cette
situation,
pour plus de 98 96.
b ) , Assainissement du secteur commercial
La période d'avant crise est caractérisée par une prospérité.
On peut en percevoir les manifestations par l'évolution des maisons de
commerce. Ainsi, des sociétés comme la SCOA ou la CFAO, sont parvenues
à multiplier leurs capitalisations en
bourses.
Le point noir, c'est que cette tendance à la prospérité ne
s'était pas accompagnée de réinvestissements, car les bénéfices réalisés
avaient été partagés. On a montré dans un autre travail (1)
l'allure des
investissements.
La part du commerce est passée de 32 96 en 1910 à 60 96
en 1930, avec, cependant, un maximum en 1926. Les autres investissements
régressent ou connaissent une faible progression. Tel fut le cas de l' agricul-
ture dont l'évolution presque stagnante passa de 9 96 à 15 96 ; alors que
dans l' industr Ie , les investissements
(pour la même période 1910-27)
degringolèrent de 53 96.
(1) SOW (A)
: Les SIP du Sénégal 1909-1936 Mémoire de maîtrise
Université de Dakar 1977/78
... / ...

178
Ceci reflète que les affaires du commerce marchaient bien. Nous
avons déjà expliqué les causes de cette réussite,
à savoir une bonne
production du Sénégal (du simple au double),
les cours élevés d'une manière
générale, et enfin la facilité d'écoulement des marchandises importées par
les maisons de commerce. Tous ces éléments déclenchaient un processus très
simple, et tout le monde y trouvait son compte.
En admettant que la récolte
soit bonne (le cas avant crise) et les cours élevés, les indigènes vont
acheter beaucoup.
Ces achats massifs incitaient les maisons commerciales à importer
plus d'articles de la métropole.
Le budget à son tour,
percevra davantage
de taxes,
droits d'entrée sur les marchandises importées. Les autorités,
vu cette situation, avaient cru que la prospérité allait durer,
d'où une
certaine insouciance de leur part dans leur politique commerciale.
Ainsi, on assiste à une véritable course aux investissements
des maisons de commerce qui ne pouvait faire rentrer les bénéfices escomptés.
Il n' y avait plus d' harmonie entre ces investissements et les affaires qui
devaient les rentabiliser.
Entre 1920 et 1927,
les capitaux investis augmen-
tèrent de 80 %, alors que l'évolution du commerce était estimée à 12 % (1).
D'où le déséquilibre dans leur évolution. Pour le Gouverneur Angoulvant,
il y avait une pléthore de capitaux,
alors que le même temps,
la production
stagnait et que le commerce s'était accru. Il cite le cas des patentés de
Diourbel qui passèrent de 50 en 1925 à plus de 600 quelques trois années
plus tard (2).
La conséquence de cette surcapitalisation, c'est d'augmenter
les intérêts à servir à ces entreprises qui allaient se trouver dans l'obli-
gation de produire davantage ou de voir leur nombre se réduire (3).
(1)
Dépêche coloniale. Mardi 23 juillet 1929. "Situation commerciale en AOF".
(2)
Le monde colonial Mai 1928
(3) Dépêche coloniale : op. cit.
.../ ...

179
Une
autre conséquence de cette absence de contrôle rigoureux
du commerce ayant entraîné une période de prospérité artificielle ou
période d'insouciance, fut un climat de marasme économique spécifique à
l'AOF qui se greffait sur la crise mondiale.
Cette situation désastreuse constatée à partir de cette période
avait amené les autorités à chercher une nouvelle politique commerciale qui
ne constituerait pas une menace à la colonisation. Cela, à juste raison, dans
la mesure où les droits de sortie constituaient un des piliers du budget
général et que la survie de l' AOF dépendait de l'édifice soutenu par les
recettes douanières.
D' où les mesures d'assainissement.
Celles-ci seront à l'origine de la remise en cause, voire de
la modification des pratiques de l'économie de traite.
Le nettoyage du
secteur commercial envisagé dès le début de la crise avait pour objectif
de faire disparaître certaines pratiques. Cette volonté de changement ne
pouvait aboutir qu'à une nouvelle politique commerciale selon le Gouverneur
Général. Ainsi, ces trois années de crise furent déterminantes dans l' orien-
tation politico-économique de l' AOF et du Sénégal en particulier.
Elles permirent
aux autorités de voir combien étaient faibles les fondements sur lesquels
reposait leur politique en matière d'exploitation économique.
.../ ...

180
MERAT fut un des défenseurs de la nouvelle orientation de
l'économie coloniale : "Une économie dirigée d'intérêt général aux colonies".
Pour sortir le pays de la crise,
il proposait deux idées. D'une part,
la
nécessité de débouchés métropolitains pour les territoires d'Outre-Mer.
et d'autre part. un développement d'une économie interne reposant essentielle-
ment sur les cultures vi vr ières complétées par l'artisanat local (1).
Désormais, nous dit-il,
"les exportations ne doi vent être env isagées qu'après
une organisation agricole mettant les populations à l'abri des famines"
(2).
Ainsi, le désaccord entre les autorités et le commerce éclatait
au grand jour. Le problème posé était celui de l'utilité des commerçants
en tant qu'intermédiaire:
"S'ils sont vraiment néfastes,
il n'est que de
les éliminer. •• Lorsqu'on perd de vue que la mise en valeur vise à
l'ascension de l'ensemble de la population,
le problème se simplifie et
on ne voit pas les scrupules qui empêcheraient l'administration de compléter
l' oeuv re d'économie di rigée qu'elle a commencée" (3).
(1)
MERAT (L)
: L'heure d'économie dirigée d'intérêt généraux aux
colonies.
Lib.
Recueil.
Paris 1936,
p.
33.
(2) IbId.
p. 33
(3)
Ibid.
p.
59
... / ...

181
c l . Alourdissement des charges du paysan
Avec la réduction des
recettes budgétaires (conséquence de la
crise), les autorités se tournèrent vers l'indigène comme palliatif de
l'insuffisance financière.
Ceci se manifestera par un alourdissement des charges pour
l'indigène.
En effet, devant la gravité de la situation économique (déficit
budgétaire,
réduction de la production),
les mesures les plus draconiennes
seront prises. Dans une lettre datée du 6 mars 1932, le Ministre des colonies
avait donné des instructions dans ce sens
: rétablir la production et atteindre
500 à 600.000 T (1).
En se fixant comme objectif une production de
500.000 T à réaliser, même en cas de pluv iométr ie défavorable,
le Ministre
ne se rendait pas compte de plusieurs choses : d'une part, c'est un effort
supplémentaire que cela demandait aux paysans, d'autre part que ce tonnage
représentait une récolte supérieure à la normale. Mais pour lui, il fallait
coûte que coûte revenir à la situation d'avant crise.
Une telle mesure ne
pouvait avoir pour conséquence qu'un alourdissement des charges et une
multiplication des abus et brimades.
Pareille décision équivaut à laisser les
mains libres aux administrateurs favorisant ainsi des pratiques abusives.
Cela se comprend,
puisqu'à l'époque, le mérite d'un administrateur colonial
était fonction des impôts collectés ou du tonnage produit. C'était la course
à la production pour être bien vu par la métropole, et cela se faisait au
détriment du paysan sur qui reposaient toutes les charges.
Autre palliatif à la récession budgétaire : les impôts.
Après avoir demandé à l'indigène de produire plus et en dehors des
conditions normales,
l'administration décida une augmentation des impôts
de capitation. Ils furent portés à 4F ou 5F selon les cercles, car "l'impôt
(1) ANS 5Q33.
Lettre avion AE/2 NO 254 du 6 mars 1932. AiS
Arachides
: Semences pour les prochaines cultures.
. . .1...

182
restait l'aiguillon unique qui contraigne l'indigène au travail" (1).
Les
paysans de Goumbo Guéoul dans une lettre adressée au Gouverneur
Général,
dénonçaient l'augmentation abusive des impôts qui passèrent de
5F avant la guerre à 20 F (2). Sans compter les nouveaux impôts sur les
animaux qui n'existaient pas.
Les indigènes de la région de Louga les
imitèrent.
C'est la bourse du pauvre cultivateur,
dont le pouvoir
d'achat
a baissé,
qui servait à combler le trou budgétaire. Il est clair que le
paysan était écrasé par les charges fiscales et que son pouvoir d'achat
avait encore diminué.
(i) COQUERY-VlDROVLTCH : L'Afrique coloniale française et la crise de 1930
crise structurelle et genèse du sous-développement p. 386-424 : op. cit.
Citation d'E.G.
D'ESTA1NG P.
400.
Pour MBODJ (M) l'impôt colonial n'avait obligé l'indigène à cultiver
l'arachide même si au début de la colonisation, cette obligation a dû
jouer. Cf. article Sénégal et dépendance : le Sine-Saloum et l'arachide
1887-1940. P.
140-142 dans sociétés paysannes du Tiers-Monde.
Publication du laboratoire connaissance du Tiers-Monde Uni v , Paris VII
Textes réunis par COQUERY-VIDROVLTCH.
PUF.
LILLE
(2) Copie lettre des paysans de Goumbo Guéoul op. cit.
.../ ...

183
D'ailleurs, ces propos d'un exportateur sénégalais nous le confirment:" lorsqu' apr è:
1a campagne commerciale et la vente de leur récolte, ils constatent la précarité
de leurs moyens pour rembourser la SP des semences qu'elle leur a avancées,
s'acquitter envers le fisc des impôts qui accablent leurs familles et dont
l'enfant qui vient de naître ne seront exclus"
(1).
Cela est d'autant plus vrai
que les prix de certaines denrées avaient baissé et que le pouvoir d'achat
était réduit à zéro par les impôts. Le tableau suivant nous en donne une
idée.
Prix kg riz (2)
Prix kg sucre (2)
Prix arachide
Années
indice : 100 = 1926
indice :
100 =1926
( quintal) 2
indice : 100=1926
1926
100 %
100 %
100 %
1927
101,8
131,9
96,5
1928
85,8
110,6
89,5
1929
86,1
87,2
63,3
1930
98,1
81,5
26,6
1931
76,6
66,3
29,9
1932
61,3
55,6
28,3
1933
50,9
49,6
39,3
En remontant plus loin,
par exemple en 1913, le paysan du
bassin arachidier vendait son quintal d'arachides à 22 F. Dans le même
temps, le kg de riz lui revenait à 0,29 F., soit 29 F. les 100 kg.
A la veille de la crise économique (1928),
le quintal était
(1)
Aricle de l'AOF et l'AEF. Républicain juin 1933
(2)
Bullet. mens. de la Agence Economique de l' AOF. op. c it ,
(3)
A. VANHAEVERBEKE op. clt , Le calcul a été fait à partir des
cours donnés par Vanhaeverbeke.
" " " + " " "

EVOLUTIO~_D.U ~OUVOIR D'ACHAT DU PAYSAN SENEGALAIS DE 1926 • 1933.
( sources diverses ~. 183)
FRANCS
14D
'~
(1)- RIZ
(2)- SUCRE
(3)- ARACHIDE
.
",
1
...
,
100
1
base R 100 = 1926
3
--
,
~
CD
:>
1
' ...... "~
50
- 1927
1928
1929·
1930
1931
1932
1933
ANNEES

185
vendu toujours dans le
bassin ar ac h i d i e r
suivant les années entre 130 F
et 166 F. Alors que les 100 kg de riz revenaient à 140 F.
Donc,
avec
un quintal d'arachides,
le cultivateur pouvait acheter 100 kg de riz et
il lui restait la somme de 26 F.
En pleine crise,
il
devra désormais,
pour
la même quantité de riz,
vendre
250 kg d'arachides, c'est-à-dire 2,5 fois
plus de graines.
Le sac qui coûtait 160 F en 1930 au
paysan du Sine-Saloum,
lui revenait en 1932 à 93 F, mais le quintal d'arachides
passait durant la
même période de 95 F à 42 r-, soit une diminution de 46 %. Les paysans
se plaignirent de cette dégradation de
leur pouvoir d'achat et qualifièrent
la situation d'intenable.
Ils constatèrent une augmentation des impôts, celle
des
prix de certaines denrées et,
dans le même temps,
les cours n'évoluèrent
pas.
Ils baissèrent plutôt : les cours
passèrent de l' ind ice
: 100 en 1926 à
26,6 % en 1930, année durant laquelle la chute fut
brutale.
Par contre,
1
le riz passa de l'indice 100 en 1926 à l'indice 98,1 % en 1930.
Le prix
du sucre, de ['indice 100 en 1926 tomba à 81,5 % en 1930.
C'est avec juste raison que les indigènes se laissèrent
aller au découragement.
L'administration coloniale,
pour sa part,
prendra
des initiatives afin d'enrayer cette menace.
4° /.
Les mesures immédiates
Elles concernent les initiatives prises en pleine crise par

tous les intéressés,
administration,
commerce,
afin d'en limiter les effets
néfastes.
Elles ne s'attaquèrent pas à la racine des maux,
mais cherchèrent
plutôt à redresser tant bien que mal une situation déjà catastrophique.
Ces mesures immédiates démontrent la volonté de sauvegarder la qualité
de l'arachide menacée.
II semble qu'elle avait connu une
perte de vitesse
à tel
point que les gousses à trois graines très célèbres au Sénégal.
commençaient à disparaître.
... / ...

187
le rapport BELIME les évaluait à 600 F/TOnne u i. Selon FOUQUET, les
autorités ne pouvant intervenir sur la fixation des prix en Europe, cherchèrent
plutôt à réduire les frais divers grevant l'arachide : frais de transport par
voie ferrée,
Diverses taxes,
etc ..•
Ils préconisaient aussi que les déficits des budgets entraînés
par ces réductions fussent entièrement comblés sous forme de subvention
par la métropole.
Blaise DIAGNE dans sa proposition cherchait à protéger
les arachides des colonies françaises et à relever le pouvoir d'achat au
paysan.
Proposition très intéressante, mais irrecevable pour certains indus-
triels qui voyaient leurs intérêts menacés.
En effet, ces arachides traitées
par Marseille dont "les besoins quadriplent ceux de Bordeaux (2)',
provenaient
essentiellement des Indes et du Nigéria.
En 1933, Marseille avait Importé
385.000 T d' ar achides décortiquées et 104.000 T d' arac hides en coques.
La part de l' AOF dans ces importations françaises était insignifiante (2)
pour1taernier trimestre de l'année
:
(1)
Extrait du rapport de BELIME sur l'arachide,
i5 mars 1931
Voir en annexe des deux tableaux sur les frais grevant l'arachide.
(2)
ANS:
3Q2i4.
Pièce n° 942. Lettre du Dr.
des A.E.
de l'AOF à
M. le Gouverneur de l'AOF.
24 février 1934.
.../ ...

188
Indes Anglaises
AaF
Autres pays d'Afrique
OCT.
1933
32.465 T.
399 T
8.107 T
NOV. 1933
20.438
663
3.225
DEC.
1933
23.016
7
Un contingentement des graines étrangères et le paiement de
droit d'entrée serait un coup dur pour les industries marseillaises qui
auraient à payer plus cher leurs graines.
Protéger les oléagineux. c'est sauver le paysan, mais aussi
l' AOF, car tout est lié. Ce qui fait que le Gouvernement était confronté
à un choix : continuer à favoriser le commerce avec toutes les conséquences
futures, ou bien aider l'indigène tout en récupérant l'oeuvre colonisatrice.
Autre mesure importante : la reprise des activités inter-
rompues depuis 1923 de la station expérimentale de Bambey créée en
1918 par les autorités administratives et les fonds du consortium d' huile-
rie (1). Tous deux trouvaient leur compte dans la réussite de la culture
de l'arachide. Les premières pour remplir les caisses du budget territorial
menacées par une tendance à une baisse considérable de la production ;
les seconds pour faire fonctionner leurs usines installées en métropole.
Il se trouve malheureusement qu'en cette période de déficit des semences
et de baisse de la récolte, la station qui devait aider le paysan ne
fonctionnait plus. Ainsi. les autorités décIdèrent de la relancer,
parce que
pour bien produire, il faut des quantités suffisantes de semences et de
qualité meilleure.
Par conséquent,
les objectifs qu'on lui avait fixés furent
la lutte contre les parasites (rosette,
wanx, etc .... ) et la recherche
(l)
ANS
R 18
op. cit.
... ! ...

189
des semences sélectionnées. La station avait créé des champs d'expérience
et de ferme-écoles à Louga,
Nioro du Rip, Sinthiou Malème et Bignona.
Les SIP servirent de voies d'évacuation pour les graines expérimentées dans
ces champs, afin de remplacer p rogressi vement les premières semences non
sélectionnées.
Dès la campagne 1931, la station de Bambey distribua les
semences sui vantes (1)
2.700 Kg de type Baol
1.700 kg de type Louga
300 kg de type Volette
9.963 kg de type Baol (semences de première multiplication).
Pour 1932, la station avait cédé aux SIP de Thiès,
Baol et
du Sine, 22!130 d'arachides sélectionnées, cultivées dans des champs sous
le contrôle d'agents de l'agriculture.
En 1933, elle avait produit 12 tonnes de semences de première
multiplication et 27 autres de deuxième multiplication. Le cercle du Baol
reçut 35 T de semences provenant directement de la station et 80 autres
tonnes des multiplications de semences sélectionnées. Quant au Sine-Saloum,
36T245 Lui furent livrées comme semences
(2).
Début modeste mais encourageant
tout de même. Le problème se situait au niveau de la multiplication. C'est-
à-dire que les graines,
une fois sorties de Bambey,
devaient être l'objet
de surveillance pour que les paysans res pectent les directi ves , Pour
(1) ANS 2G30. Service de l'agriculture. Rapport annuel 1930.
Dossier Station expérimentale de Bambey,
p.
55.
(2) ANS 2G33-55. Dossier Station expérimentale de Barnbey,
p. 8
.../ ...

1
190
1
1
empêcher leur consommation ou leur vente au commerce, on décida d' Y
1
asperger du bleu de Methylène.
1
Cette tendance à la généralisation des semences sélectionnées
fut poursuivie jusqu'à la veille de la seconde guerre mondiale. Les ins-
tructions données par le Gouverneur Général et détaillées plus haut en
1
matière de semences semblent nécessaires même en période de crise, ces
dernières évoluèrent favorablement dépassant même la quantité prévue pour
1
chaque année. C'est ainsi que lors des campagnes suivantes, les semences
sont passées de 44.000 T en 1937 à 48.000 T durant les deux années
1
suivantes. Parmi celles-ci, la part des graines provenant de Bambey,
semences sélectionnées, fut res pecti vement de 5.500 T et plus de 7.500 T
1
pour 1938 et 1939 (1).
La politique des semences sélectionnées sera comp lêtêer par
un effort de vulgarisation du matériel agricole plus moderne.
(1)
ANS. 5Q57-74 : SP Sénégal:
rapport annuel moral et financier
1938-46. Dossier: activités des SlP durant l'exercice 1938-1939
..'/ ...

I--~
TROl81EME PARTIE
REPRISE EN MAIN DES SIP DE LA
FIN DE LA CRISE A LA VEILLE DE
LA 2e GUERRE MONDIALE
il
'1
!I
1
1
!
1
L====~~=~~====~

191
L'épreuve subie et les conséquences qui en découlèrent
avaient amené les autorités à assainir le secteur économique. Dans cette
perspective, un certain nombre de mesures sera pris et le principal
perdant sera le commerce.
CHAPITRE 1
POLITIQUE DE REDRESSEMENT A PARTIR DE 1933
Après la crise (étudiée chapitre précédent), il f al l ai t
prendre
des décisions pouvant redresser la "barre" car la culture de l'arachide
dont dépendait la survie de la colonie avait subi de sérieux coups. Aussi
1
toutes les mesures arrêtées iront-elles dans le sens de la sauvegarde de
l'oeuvre colonisatrice.
1
AI. Loi du .§. août 1933 ill et ses conséquences
1
La situation économique du Sénégal était tellement catastrophique
1
que les autorités élaborèrent une politique de protection des arachides.
En effet, si la propagande de l'arachide a permis un redressement de la
1
production, il est regrettable de constater que les cours n'aient pas suivi
l'évolution. Pour s'en convaincre, il suffit de remarquer que durant la
campagne 1932, la colonie avait vendu 131.646 T.
pour une valeur de
1
162.350.000 F.
L'année suivante, les ventes portèrent sur 388.010 T pour
un montant de 188.275.000 F. De cette comparaison,
il ressort que, d'une
1
part, que les cours étaient très faibles,
alors que les autorités avaient promis
aux cultivateurs qu'une augmentation de la production entraînerait un relève-
1
ment des prix; d'autre part,
que la production,
bien qu'ayant doublé en
un an, n'a aucune incidence sur les prix. C'est même à un véritable
1
effondrement des cours de l'arachide que nous assistons, effondrement qui,
du reste, explique les mesures protectionnistes mises sur pied.
1
1
(j)
ANS. 3Q213-77. Dossier protection des oléagineux.
Pièce n? 2498 SE du 14 novembre 1933
1
.. .1. . .
1
1

192
Parmi celles-ci, la plus digne d'intérêt est la loi du
6 août 1933. Elle fut promulguée en pleine crise, et tendait à établir des
droits de douane sur les fruits et graines oléagineux, les matières grasses
et leurs dérivés, à leur entrée en France. Cette loi propose dans son
article 4 : "la suppression. des taxes de sortie et de réduction des tarifs
1
de transports intérieurs, l'allocation de subvention aux sociétés officielles
de prévoyance et organisations similaires et d'une manière générale au
1
financement de toutes mesures susceptibles d'améliorer la production et
de bénéficier directement au producteur local".
1
Les modalités de son application seront fixées en AOF par
1
des décrets et des arrêtés. Cette loi sera d'ailleurs complétée par le
décret du 22 janvier 1934 (I)
portant sur le contingentement en France,
1
des arachides et fruits oléagineux d'origine étrangère.
1
Une autre faveur accordée par ce décret, fut celle l,du
système de priorité d'admission : il faut comprendre par là que les
1
arachides coloniales sont prioritaires en France ; leur écoulement était
également gar ant i , Par conséquent, la quantité de gr aines étr angères à
importer dépendait de la production coloniale : en d'autres termes,
une
1
bonne production de la colonie avait pour conséquence une réduction du
pourcentage des importations étrangères.
1
Pour rendre le contingentement efficace, on ajoutera un arrêté
1
local (2) interdisant les opérations de vente et d' achat de l'arachide.
1
(I) ANS. 3Q213-77 : op. cit ,
1
(2) ANS. 3Q214.
Lettre du 31 janvier 1934. Note pour M.
le Directeur
des Affaires politiques et administratives portant arrêté du 30 janvier 1934
1
... / ...
1
1
1
1

193
Aussi, ser a-t'-Ll demandé à tous les commerçants de déclarer,
dans un délai de sept jours, tous les stocks d'arachides qu'ils détiennent.
Cependant, les avis étaient partagés sur l'arrêt des opérations de traite :
pour le commerce, une telle mesure est une bonne chose, vu le ni veau bas
des cours, car son enrichissement dépendait du pouvoir d'achat du paysan.
1
Les notables et autres chefs (piliers du système) trouvent de leur part
que cette fermeture de la traite est intervenue un peu tardivement
la
1
traite étant terminée aux deux tiers dans certains cercles. D'autres, enfin,
avancèrent l'argument selon lequel, les opérations étaient arrêtées, il leur
1
serait très difficile de récupérer les impôts.
1
Pourquoi une telle mesure ? La réponse est simple, car le
contenu de la loi est révélatrice à ce sujet : revaloriser les cours trop bas.
1
Mais il faut ajouter à cet argument que la France avait pris
1
cette mesure de protection douanière pour plusieurs raisons
d'une part,
les oléagineux rep résentent 60 % du commerce métropolitain et d'autre part
1
réagir face à l'attitude de ses voisins. Il se trouve en effet que durant
la même période, l'Angleterre avait pris des mesures protégeant ses produits
1
coloniaux en frappant de 10 % toutes graines oléagineuses provenant des
régions autres que ses colonies ou dominions.
L'Allemagne avait fermé
purement et simplement ses frontières aux corps gras étrangers ; l'Italie,
1
pour se part, augmentait les droits de douane sur les arachides qui passèrent
de 25 L 30 à 43 L 60
(l).
1
1
(1)
3Q2l4-77. Dossier revalorisation des arachides. Mesures prises par
1
le Sénégal.
.../ ...
1
1
1
1
1

194
Quant à la France, elle importait toutes ses graines décor-
tiquées des colonies anglaises. Sa réaction consistait à faire payer une
taxe de 8 F par quintai pour les arachides en coques (15 F plus tard) et
de Il F pour les décortiquées (la taxe sera portée à 21
F). Réaction donc
tout à fait normale.
Le tableau suivant (l)
justifie davantage la réaction de la
métropole.
EXPORTATION ARACHlDE
EXPORTATION ARACHIDE AOF
ANNEE
AOF VERS L'ALLEMAGNE
VERS ANGLETERRE
TONNAGE
%
TONNAGE
%
1930
46.792
9,25
5.700
1,12
1931
27.000
5,94
18.000
3,99
1932
-
-
-
-
1933
8.859
2,27
-
-
Ce tableau donne la quantité de graines exportées par l' AOF
dans ces deux pays. L'importance de ce tonnage fait que la France ne
pouvait guère acheter les arachides provenant des colonies britanniques,
leur assurant,
de ce fait,
l'écoulement de leur production coloniale. Celles de
ses colonies ne bénéficiaient pas des mêmes avantages
: soit, on leur avait
fermé les portes comme en Allemagne, soit elles étaient lourdement taxées
comme en Italie et en Grande Bretagne. De telles mesures ne pouvaient laisser
indifférentes les industries,
particulièrement les huileries. Ainsi les réactions
ne se firent-elles pas attendre ; certaines débutèrent même,
dès que furent
connues les propositions protectionnistes.
(1)
ANS. 3Q214-77.
Pièce n" 942 du 24 février 1942.
... / ...

195
En effet, le député Blaise DIAGNE avait proposé au Gouverneur
Général,
dès 1934, un train de mesures qui devaient "redonner confiance à
l'indigène"
; réductions des tarifs sur le chemin de fer,
suppression et
réduction des chiffres d'affaires (J). Ces propositions seront combattues,
puis abandonnées. Mais la loi du 6 août n'est qu'une reprise des propositions
du député sénégalais.
Cette opposition au protectionnisme est relatée par "l' AOF-
l'AEF républicain"
(2)
: on peut lire dans un extrait de ce journal l'avis
d'un exportateur sénégalais pour lequel une telle proposition ne saurait être
prise en considération; même si elle l'était, ce serait parce qu'on
cherche à ruiner certaines industries de la métropole.
11 ne nous semble pas intéressant de s' ape sant i r sur ces
polémiques, car cette loi sera promulguée contre vents et miOl rées. Ce qui
nous paraît plus intéressant, ce sont les effets de cette loi et nous y
reviendrons plus loin.
L'autre réaction défavorable enregistrée fut celle du syndicat
du commerce des huiles et tourteaux. Ce dernier s'était élevé contre les
conséquences du contingentement sur les activités du port de Marseille et
sur l'économie de la France : renchérissement du coût de la vie,
réduction
des exportations, augmentation du chômage.
(J)
Lettre datée du 19 janvier 1931 adressée à M. le Gouverneur Général
AOF.
F.
VEZlA en accord avec Blaise DIAGNE la remise au Président du
Conseil par les membres du syndicat de défense des intérêts de la COA
1
et la section de l' AOF de l'Union coloniale.
1
(2) Extrait de l' AOF et l' AEF Républicain juin 1933
(3) Lettre du 24 octob re 1933 de M. le Préfet des Bouches du Rhône
1
à M. le Gouverneur Général de
l' AOF.
.. ./...
1
1
1

196
Le budget de l' AOF va en souffrir, étant donné que les
droits de sortie étaient la principale source budgétaire.
Ces droits sur les arachides qui s'élevaient à plus de
10 Millions en 1931 ne seront pas perçus en 1934. On n'a pas tenu compte
du manque à gagner provenant du droit non perçu sur les autres oléagineux
tels que l' huile de palme ou l'amande de palme, etc ••• ).
Les ristournes qui devaient compenser ce déficit budgétaire
n'étaient pas versées; même s'il arrivait qu'on les paie, elles étaient
de loin inférieures aux recettes abandonnées.
Ainsi, en 1936, le montant
versé était inférieur de plus de 41 Millions
(1).
Il arrivait qu'elles soient
perçues avec un grand retard : les ristournes du deuxième semestre 1934
portant ur quelque 30 Millions n'avaient été versées au budget qu'en
juillet 1935.
Tous ces faits cités permettent de dire que la loi n'a pas
répondu aux espoirs placés en elle, car son efficacité était limitée.
Il est
regrettable de constater que ni les SIP,
ni l' AOF ne reçurent l'argent promis.
La preuve, c'est que les autorités rétabli rent dès 1934 certaines anciennes
taxes sur les oléagineux (2).
Le point sur lequel la loi sem ble avoir
réussi, fut la
tentative de revalorisation des cours
(3).
En effet, on a constaté,
après
l'arrêt provisoire des opérations de la traite et le contingentement que les
cours qui étaient tombés à 95 F (quelques jours auparavant),
remontèrent
entre 71 .F et 73 F.
(1) ANS. Dossier Protection des oléagineux.
Réf.
6412 du 25 Juillet 1935
Inspecteur Général des colonies.
COSTES
(2) Suppl.
Bulletin quotid.
du commerce n° 3-576-4 oct.
1938
(3)
ANS. 3Q2l4-77. Revalorisation des arachides 1934.
...f . ..

197
Il convient aussi de rappeler l'application tardive du
décret du 22 janvier 1934 portant sur le contingentement: il n'est entré
en vigueur qu'en fin de campagne. Seuls quelques indigènes, le commerce et
les SIP détenteurs de stocks d'arachides purent bénéficier des avantages
du contingentement.
Les effets bienfaisants des mesures protectionnistes nous
sont vantés par le commerce. Ce n'est pas pour rien que le commerce avait
demandé un prolongement de cinq ans la loi sur le contingentement (1).
Les raisons d'un tel voeu selon le commerce s'ex pliquent par les résultats
obtenus : la loi du 6 août avait permis une réduction de 74 % des tarifs
intérieurs par voie ferrée ; elle avait entraîné une augmentation de la
production de 50 % (400.000 T en 1933 en AOF,
759.000 T en 1937).
Ainsi, deux constats peuvent être faits
: d'une part, les
commerçants furent les principaux bénéficiaires de cette loi qui supprimait
les droits de sortie à l'exportation. Tant qu'ils ex-. portaient les graines,
ils seront les principaux bénéficiaires à cause de la suppression des droits
de sortie ; d'autre part, les
perdants furent l' AOF par ses moins-values
budgétaires non compensées, et les SIP qui ne reçurent pas les subventions
promises.
BI. Les SIP
recours au fonds commun
Le fonds a été créé à cause de la situation traversée par
les SIP de l' AOF : la conjoncture internationale avait mis à nu les faiblesses
(I)
La loi tire son échéance le 31 décembre 1938. En plus de ces
arguments avancés, il Y a l ' intention du Gouvernement de coordonner
la production de la métropole et celle des colonies. Il Y a enfin
le fait que l'arachide ne porte ombrage à aucune branche de l'agriculture
nationale.
. .. 1...

198
de ces institutions agricoles, faiblesses qui s'ex pliquent par des difficultés
de fonctionnement.
Pour leur faciliter la tâche,
il est créé, en AOF,
par
arrêté, un fonds commun (1)
qui a pour but de
venir en aide aux SlP
défaillantes.
Dorénavant, elles peuvent s'endetter par l'intermédiaire du
fonds,
ce qui constitue une manière très subtile de contourner les textes.
En effet, le fonds commun peut faire des emprunts "sous sa
seule responsabilité:' et ensuite, utiliser cet argent au profit des SIP, soit
sous forme d'avances remboursables,
soit pour l'achat de matériel collectif,
soit, enfin,
pour participer à tous les travaux dont le résultat visé est
le développement du secteur agricole et celui de l'élevage. Ce fonds commun
peut être assimilé à la banque des SIP, car il joue parfaitement ce rôle
d'instrument financier : accorder des prêts aux SIP nécessiteuses, distribuer
les subventions ou aides à ces organismes agricoles. Ce rôle amena le fonds
à participer, à plusieurs ni veaux, au fonctionnement des SIP. A cet effet,
il finança en 1938 l'achat de matériel (sacs,
bascules, etc ••• ) et certaines
opérations des SIP.
Le fond s débloqua en 1937 la somme nécessaire à l'achat
de 30.000 sacs destinés aux SIP.
11 en fut de même l'année suivante, car
le fonds passera une commande de sacs et 46 bascules en métropole.
(l) ANS. 5QIOO-I30.
Recensement mouvement coopératif.
Dossier SE/3 Arrêté local du 5 septembre 1936.
Le Gouverneur Général,
dans son discours prononcé à l'ouverture de la
session du Conseil de Gouvernement,
novembre 1937, parle d'un arrêté
de 1935.
. .. 1..•

199
Toutes ces luttes menées par les milieux commerçants et indus-
triels rendirent le contingentement inefficace. C'était pour éviter une telle
situation que Blaise DIAGNE avait attiré,
à l'époque,
l'attention du Président
du conseil des Ministres
et du Ministre de la colonie en demandant" que
soit trouvée une solution urgente de contingentement des oléagineux en
dehors de tout autre procédé qui ne serait qu'un moyen dilatoire au
bénéfice d'intérêts particuliers opposés à l'intérêt national" (1).
Il est bon de rappeler que ces "intérêts particuliers" dénoncés
par le Député du Sénégal ont tout fait pour empêcher cette loi, soit en
proposant à la colonie des subventions (90 Millions furent accordés), soit
en garantissant un régime de prix, soit en accordant aussi la priorité à la
production du Sénégal, si celle-ci n'excédait pas 400.000 T.
Cette loi du 6 août a-t-elle été efficace ? En d'autres termes,
les résultats escomptés ont-ils été atteints ?
En tout cas, elle pécha en ce qui concerne les subventions
dues aux sociétés de prévoyance et à l' AOF.
En effet,
l'une des conséquences
de la suppression de taxes à la sortie, fut nécessairement une dimuntion
des recettes budgétaires. Ainsi avait-on prévu que ce manque à gagner serait
compensé sous forme de ristourne prélevée sur les taxes à l'entrée en
France des graines oléagineuses.
Cette taxe, combattue par les industriels, a entraîné une
réduction des importations, celles-ci entraînant à leur tour celle des taxes.
( 1) Lettre de Blaise DIAGNE 1934.
On peut lire aussi dans "Le Midi" du 21 Novembre 1933 ces propos
de Blaise DlAGNE : "Il est absolument logique de soutenir un produit
colonial français dans la guerre économique mondiale actuelle.
Puisque durant la guerre, la France a fait appel en masse à nos
Sénégalais aux contingents de l' Afr ique".
.../ ..

200
Cette banque avait
participé au développement du secteur
agricole:
durant la campagne 1938-39, elle avait contribué à l'achat de
2T.500 de coton dans le cercle de Matam (1). C'est aussi grâce à elle que
la SIP de ce même cercle obtint un financement de 90. 000 F.
pour effectuer
ses opérations d'achat et payer ses divers frais.
On peut signaler d'autres services que ce fonds a rendus aux
SIP
: par exemple la création d'un insectarium (2)
pour défendre les
cultures contre les différents insectes s'attaquant aux graines, ou l'achat
sur ses propres fonds des insecticides destinés aux différents magasins
et seccos des SIP
; enfin le financement d'opération visant à obtenir une
race d'animaux de trait plus résistants que les ânes,
ceci, semble-t-il,
pour une meilleure vulgarisation du matér Iel agr icole ,
Il est certain que le fonds commun avait cherché dès sa
création,
à libérer les SIP des
prêts contraignants en se substituant aux
banques, donc à leur source de financement.
La
raison d'une telle mesure,
est que les SIP devaient payer des traites annuelles issues de l'emprunt
de 1932
(3).
(1)
ANS 2G38 -
126.
Fonds commun.
Extrait du compte rendu sur la
situation morale et financière.
(2) Cet insectarium a été édifié dans le jardin de Sor à Saint-Louis.
(3) ANS 5 Q 32-74 SP : emprunts 1932.
...f . ..

201
De telles annuités leur posent un problème de fonctionnement
:
c'est ainsi que la SIP de Kaolack payait,
depuis cet emprunt,
des traites
annuelles de 350.000 F. un simple calcul donne une idée des difficultés
de trésorerie:
306.812 membres en 1937 cotisant chacun 2 F. On voit bien
que la SIP utilisait les 50 96 de cette somme pour payer une
de ses dettes
compte non tenu des autres dépenses de fonctionnement.
On peut citer entre autre exemple, celui de la SIP de Louga dont
les traites sont évaluées à 366.000 frs
pour un montant total des cotisations
de 179.512. La somme théoriquement disponible en caisse ne représentait que
la moitié de la dette à payer.
Si les SIP avaient recours au fonds commun pour résoudre
certains problèmes auxquels elles se trouvaient confrontées,
il est encore
regrettable de constater l' hostilité du commerce à leur égard.
En effet,
on a eu à citer le soutien apporté par le fonds à l'achat de quelques
30.000 sacs. Ces derniers avaient été payés au commerce local à raison de
IIF l'unité (1). Cela nécessiterait une subvention de la part du fonds de
3.339.000 F.
L'année sui vante, ces mêmes sacs avaient été acquis à 8 F.
en métropole.
La réaction du commerce ne se fit
pas attendre : les com-
merçants protestèrent,
prétextant que le fonds commun (entendez par là
aussi les SIP) ne doit pas s'ad r csser à la métropole pour ses achats.
Cette hostilité du commerce v isait à entraver le fonctionne-
ment normal de cette institution et des SIP
; attitude compréhensible du
commerce,
dans la mesure où les intérêts n'étaient pas les mêmes.
L'un cherchant à faire des
bénéfices sur le dos du paysan,
puisque
(I) ANS 2 G 38-126.
. .. ! ...

202
la réussite de ses affaires dépendait du pouvoir d'achat de l'indigène ;
l'autre par contre, avait pour mission de défendre,
d'encadrer et de proté-
ger l'indigène tout en lui assurant un pouvoir d'achat correct.
cl. NOUVELLE POLITIQUE AGRICOLE
Cette nouvelle orientation de l'agriculture du Sénégal a pour
but d'assurer d'une part une
récolte suffisante et d'autre part une bonne
qualité de l'arachide.
En effet,
le
problème de la dépréciation des graines s'est
posé durant la campagne 1933-34. Ainsi,
les autorités prendront-elles des
mesures parmi lesquelles
: le conditionnement des graines et la mise en
valeur des terres neuves.
101. Le conditionnement des arachides
Une telle mesure se. justifiait par la dépréciation de l a
qualité de l'arachide : on a trouvé parmi les arachides exportées en
France que certaines étaient attaquées par des bruches (1). C'est la raison
pour laquelle, les autorités de la colonie avaient demandé à ce que l' appel-
lation "arachide de Rufisque" ne s'applique plus qu'aux graines produites
par le Sénégal qu'elles ont délimité (2).
Un certificat leur sera délivré à
cet effet pour s'assurer de leur bonne qualité.
(l)
Supplément-Bulletin quotidien n? 2238-11 Mai 1934= lutte contre les bruches.
(2)
L'appellation "arachide de Rufisque ou similaires" concerne le
Sénégal ainsi délimité : N et NE par le Fleuve Sénégal ; E par la
rivière Félémé ; Sud
par frontière N de Gambie.
Proiongé par la
limité S du cercle de Tarnba et la limite W du cercle de Kédougou •
... 1...

203
Dans
l'esprit des autorités coloniales,
le terme "arachides
du Sénégal" pouvait regrouper des graines pr o v enant soit du Soudan,
soit
d'autres
régions.
Il
'est bon aussi de signaler que,
dès le début,
les
autorités se rendirent compte de cette dépréciation; la preuve, c'est qu'on
avait constaté la rareté,
voire même la disparition des gousses à 3 graines
qui faisaient la célébrité des arachides du Sénégal.
La situation avait
empiré par suite de l'apparition en 1935 de la rosette dans le cercle de
.,
Kaolack,
principalement à Koungheul et dans le Niombato. C'est ainsi que
Chevanel avait envoyé à l'époque,. une circulaire à tous les commerçants,
pour attirer leur attention sur la qualité des arachides arrivées en France.
Il
leur signalait que 50 % des graines étaient atteints
; par conséquent,
l'action des SlP dans ce domaine,
n'a pas été positive,
puisque les insectes
ont pu se multiplier et faire de tels ravages.
Pour pallier une telle situation,
un nouveau règlement sera
institué au Sénégal.
Par arrêté (l)
il est créé au Sénégal un service de
conditionnement des arachides.
Pour la circonstance,
le pays fut divisé en
trois circonscriptions (Rufisque-Kaolack-Casamance) composées elles-mêmes
de postes d'inspections installés dans les
principales escales et des bureaux
de conditionnement dans les ports.
Le fonctionnement du service était assuré par le personnel
comprenant des experts,
21 inspecteurs à la tête de chaque poste, et
enfin des vérificateurs à chaque point de visite.
(1)
Arrêté du 20 janvier 1930 portant création au Sénégal
d'un
Office d' ins pection et de conditionnement des produits naturels •
... / ...

~
:b...~.a~......~
"•.~f
.-. ,

~':".)
~
.S
'"~
-c.,; .!?•..
• e
....
')
-"
t
-t
~
,
:l\\.l-,

205
L'importance d'une telle mesure est de veiller à ce que le
pourcentage d'impuretés contenues dans les arachides n'excèdent 2 %
au-delà de 3 %, il Y a infraction et des sanctions étaient prévues
une
amende de 50 à 200 F et une possibilité de saisie et de confiscation.
Ainsi, on était sOr que toutes les arachides devant faire l'objet de vente
à l'intérieur du
pays étaient nettoyées par les tarares ou cribles.
Le fonctionnement d'un tel système posait énormément de
problèmes ; ce qui pose la question de son efficacité. Un des problèmes
auquel est confronté le service du conditionnement est celui des achats
clandestins
: achat des graines dans les champs même, facilité par
l'apparition des camions
; achat avec la pratique des bascules volantes
déj à évoquée (1). Donc toutes ces graines n'étaient pas cri blées. Mais de
telles pratiques n'étaient pas exclusives au commerce, car les SIP achetèrent
des arachides en dehors des points de traite autorisés et causèrent les
incidents de Koungheul et de Somb relatés un peut plus haut.
D'ailleurs le commerce dénoncera l'achat des arachides non
conditionnées et proposera, à cet effet, des mesures afin de mieux lutter
contre cette pratique. Parmi celles-ci, on peut retenir la proposition d'une
règlementation portant sur la circulation des camions transportant les arachides.
Les chauffeurs de ces camions doivent être en mesure de présenter un ticket
(sacs trans portés-départ-arri vêe ) prouvant le conditionnement des arachides
transportées. Mais cela n'empêche que les gens continuèrent à violer
(1)
ABDOUL SOW : "Les SIP du Sénégal 1909-1936" p.
66. Retenons que
les commerçants avec cette pratique, ne payaient ni la patente, ni la
taxe additionnelle.
... / ...

206
la règlementation en vigueur, car on a trouvé des procès-verbaux dressés
à l'encontre des camionneurs trans portant des graines la nuit, cherchant
ainsi à éviter les postes de contrôle.
Un autre exemple peut illustrer tout ceci
dans la première
semaine du mois de janvier 1939, sur 14 p.
v. établis par le service du
conditionnement,
10 concernaient les impuretés.
Dans la semaine du
16 au
23 janvier, il est dressé 21 p .v .
dont 13 pour impuretés
(I).
Ces exemples
donnent la preuve que le service du conditionnement était sur le pied de
guerre.
Malheureusement,
il n'est précisé, dans aucun de ces rapports,
qui (des agents de seccos des SIP ou des commerçants traitants)
a été
sanctionné. Cela aurait été trés intéressant si on pouvait situer les
responsabilités.
Il se trouve que le paysan qui empruntait à la SIP des
semences, ne
recevait que des sacs d'arachides mélangés avec des déchets.
Certains de nos informateurs soutiennent qu'il y avait autant de poudre,
de saletés que de graines.
Pis encore, ces graines étaient à prend re ou
à laisser (2).
Devant une telle situation, le paysan ne pouvait que les
prendre.
Mais,
tenu de rembourser à un taux fort élevé,
il va,
à son
tour,
tout faire pour rembourser la quantité exigée
: arachides mouillées
pour augmenter le poids, graines pourries mélées avec d'autres arachides,
graines mélangées avec de la paille et du sable, etc .••
(I) ANS.
2G39-83 -
Service conditionnement
(2)
Information fournie par Aly BA Chef de village Talene Sokone •
.. ./ ...

207
A partir de ce constat, la responsabilité de la dépréciation
de la qualité de l'arachide, liée à celle des semences peut être située.
En effet, en distribuant des graines non conditionnées, les SIP ne devaient
pas s'attendre à recevoir des arachides de qualité meilleure de la part
des culti vateur s •
2° /.
Défrichement de nouvelles terres
Certains avaient pensé que pour sortir la colonie de la
crise, il fallait produire davantage.
Pour ceià,
la culture de l'arachide
doit être étendue dans les zones jusqu'alors considérées comme vierges.
Cette mission sera confiée bien entendu, aux sociétés indigènes
de prévoyance; les régions visées se situaient de part et d'autre de la
voie ferrée Dakar-Niger (région Nord et Sud de Guinguinéo à Kayes).
Le cercle de Kaolack et sa SIP constituèrent l'instrument de cette politique
de colonisation, surtout dans le Saloum oriental. En effet, des mesures
avaient été arrêtées afin de faciliter ces défrichements et l'administration,
pour réaliser ce programme, s'appuiera sur la SIP. Elle avait pour mission
de creuser des puits , et d'installer des colons dans des villages créés de
toutes pièces dans une zone jusqu'à présent inoccupée. Cette politique
débuta dans le courant de 1933.
Comment ont-elles contribué à la réalisation d'un tel programme ?
Facilement dans un premier temps,
puisqu'il était inscrit au programme des
sociétés de
prévoyance une
politique hydraulique.
Par conséquent les auto-
rités n'ont pas hésité à se tourner vers ces organismes pour creuser des
puits, condition préalable à l'installation des paysans colons.
Il semble que,
dès le départ,
quelques treize (13)
puits
aient été creusés dans les terres neuves.
Les premières arrivées corres-
pondaient avec l'achèvement des puits des villages de Nel be l et de Dambol
dans le courant du mois de mars.
.. ./ ...

208
Cette installation,
bien que tardive,
n'avait pas entravé le
défrichement de quelques 276 ha,
dont 162 réservées à l'arachide et 117
au mil.
En 1934,
quelques 277 colons furent installés sans problèmes. L'année
suivante, le programme sera ralenti,
dans la mesure où la venue des colons
dépend des points d'eau et que les constructions entamées en 1934 avaient été
arrêtées faute de pui sateur (1).
Il était prévu l'installation de
1000 à
1200 immigrants dans six (6) nouveaux villages ; malheureusement les
puisatiers n'avaient pas été payés.
Mais une fois les puits terminés, c'est aux SIP qu'il revient
d'assurer le tr ans pojtf des colons jusque dans les villages.
La SIP prêtait
ses moyens de transport au cercle pour les nouveaux colons de leur village
de départ,
aux villages d'accueil.
Il en était de même du matériel de cons-
truction. Il y a lieu de signaler que le voyage se faisait dans des conditions
très difficiles puisque "chaque voyage aux terres neuves est Une aventure
dont le camion ne se tire qu'en plusieurs jours"
(2). Que dire donc des
hommes,
des femmes et des enfants entassés avec leurs bagages dans des
véhicules dont l'état technique laissait à désirer! N'en doutons pas.
Les premiers colons volontaires comme on l'a vu plus haut,
sont
arivés entre mars et juin; par conséquent,
il a fallu leur assurer la
nourriture jusqu'aux prochaines recoltes.
Là encore, les crédits pour
l'achat des vivres seront prélevés sur les fonds de la SlP. La distribution
sera assurée par la SlP qui avait fourni à chaque chef de carré du mil.
(1)
ANS 2 G 34-82 Cercle du Sine-Saloum, Subdivision de Kaffrine.
Rapp.
polit. annuel 1934
(2)
Ibid.
.../...

209
Les adultes recevaient 500 g de mil par jour, les enfants
de dix ans quelques 250 g.
Les colons sérères du villages de Gnibi
affirment avoir reçu gratuitement des vivres pendant trois ans
(1).
Une fois
installés, la SI Pleur distr I buai t les semences et le matér iel néces sai re.
Mais pour certains paysans, les machines n'ont été distribuées que plus tard
parce qu'à l'époque,
la priorité était accordée aux champs des chefs
tr aditionnels.
Si la première vague de colonisation des terres neuves était
par rainée par l'administration, il en existait d'autres.
Il s'agissait de
l'arrivée en deux vagues de colons mourides dans le canton de Koungheul
la première était sous la direction d'un Serigne ; la seconde avait à sa tête
un chef de canton. Tous
deux,
appartenaient à la secte mouride (2).
On peut tirer deux leçons de ces arrivées de colons mourides :
d'abord, cette colonisation répondait aux voeux du marabout, fondateur du
mouridisme. Ce dernier avait prêché le travail à ses adeptes.
Ensuite,
il leur avait demandé de créer de
nouveaux colonats mourides pour répandre
sa pensée.
Donc il fallait faire d'une pierre deux coups:
produire et
étendre géographiquement la secte en touchant de nouveaux disciples.
Ainsi le pionnier de l'expansion mouride dans le bassin ara-
chidier fut Serigne Bassirou Mbacké.
Le premier village qu'il créa dans les
terres neuves fut : Darou-Salam, centre religieux et agricole autour duquel
gravitent plusieurs villages satellites.
(I)
Fata NDIAYE, Chef de village de Gnibi
(2)
ANS. 2G34-89 op.cit.
Le marabout mouride s'appelait Serigne Malick et était installé dans
le village de Si l l , Le chef de canton avait pour nom Mbakhane Ndiaye •
.../ ...

210
Les champs sont exploités par des brigades de
production
appelées Dar as , ces Daras sont composés de
10 talibés de 12 à 35 chacun.
Le chef de brigade ou Diawrigne est le seul du groupe à se marier.
Les
autres resteront célibataires jusqu'à la retraite (35 ans). Chaque Dara
s'occupe d'un terroir divisé en trois soles: arachide-mil-jachère.
Une partie en champs est exploitée directement par le marabout ; en plus de
celà, les villages environnants exploitent pour son compte les champs de
mercredi ou Toli Alarba.
Le reste revenait aux tal i bé s ,
Pour faciliter le fonctionnement de Ces gigantesques exploitations
(II Dara-10.000 ha pour certains), les autorités coloniales créèrent dans
chaque village-centre une société de prévoyance qui fournira le matériel
agricole et les semences sélectionnées nécessaires (1).
Cette politique de défrichement de nouvelles terres semblent
avoir atteint son objectif qui était d'accroître la production. En effet, elle
avait permis une augmentation considérable de la production et des exploi-
tations du cercle de Kaolack. De 60.000 T. au 30 avril 1935,
période des
premières installations, les ex ploitations atteignirent 283.000 T.
au
30 avril 1937.
Les participations les plus importantes venaient surtout des
terres nouvellement conquises (2).
(1) Exposé de Serigne Moustapha Mbacké fait le 24 mai 1980 lors de la
visite des professeurs d' histoire-géographie à Type.
(2) ANS. 2 G 37. Cercle de kaolack,
rapp.
écon ,
annueL
campagnes 1935/36,
1936/37 - 4 p. ce rapport signale que la progression
a été constatée particulièrement dans la région de Gossas-Colobane-
Guinguinéo-Keur Madiabel et toute la région Est sauf Koungheul où
on avait sévi la rosette.
.../ ...

211
CHAPITRE II.
ROLE GRANDISSANT DES SIP DANS LE COMMERCE
Au plus fort de la crise, on a montré le processus déclenché
dont le résultat permit un assainissement du secteur commercial. C'est ainsi
que,
par de nouvelles mesures,
les autorités cherchèrent à substituer les
SIP aux maisons de commerce dans les transactions arachidières.
AI. LES SIP COMME CENTRES COMMERCIAUX
- - - -
DECRET DU
9 NOVEMBRE 1933
C'est par le décret du 9 novembre 1933
(1)
que les SIP sont
amenées à jouer ce nouveau rôle : celui de centre commercial.
Ce décret,
dans son article l er , accordait aux SIP le droit d'or-
ganiser la vente des produits de leurs adhérents.
II est précisé (art.
IV)
aussi que,
seuls les cultivateurs et éleveurs de statut indigène en sont
obligatoirement membres.
L'autre mesure prise par ce décret en faveur de
ces sociétés
: la possibilité d'exproprier certains immeubles nécessaires
à leur fonctionnement et qui n'ont pas pu être acquis à l'amiable.
II est certain que toutes ces mesures, ces avantages accordés
aux SIP au détriment du commerce ne pouvaient être appliqués sans réactions.
Ceci pour plusieurs raisons sur lesquelles nous reviendrons plus tard dans
notre analyse.
Pour comprendre cette mesure,
il faut la replacer dans son
contexte, à savoir la période de crise que le pays venait de traverser.
En effet,
devant les conséquences entraînées par cette crise, dont le com-
merce était pour une large part tenu pour responsable, on ne doit pas
s'étonner de la mise en application du décret.
(1) Bulletin mensuel de la Chambre de commerce de Dakar.
Décembre 1933 p.
400-402
.../ ...

212
Au plus fort du marasme économique,
les administrateurs
n'avaient pas caché leurs intentions et avaient combattu le commerce.
Ce décret entre dans la logique des évènements, car le commerce était
tenu pour responsable de cette situation et il fallait aux autorités un bouc
émissaire.
Par conséquent; l'application de ce décret
est le couronnement
de la politique de redressement,
d'assainissement du secteur commercial.
Mais,
si on l'étudie de plus près, on verra que le divorce
entre les autorités et les milieux commerciaux n'est pas total, Car
le
principe du décret,
laisse une chance au commerce,
puisque les SIP ne
prirent pas position de vendeur sur les marchés extérieurs. Cela veut dire
que l'élimination du commerce dans les transactions de l'arachide ne se
fit que sur le plan intérieur.
Les sociétés de prévoyance se chargèrent de
rassembler leurs dépôts pour les vendre en demi-gros ou en gros au commerce.
Le système arrêté pour la vente par ce décret, avait consisté
à déterminer des dates fixes et régulièrement espacées dès avant l'ouver-
ture de la campagne ; ensuite,
le tonnage à mettre en vente à chacune de
ces dates devait être sensiblement égal.
Les avantages de cette mesure pour le paysan étant
multiples
il pouvait écouler son arachide quand
il le jugera nécessaire,
puisque les
dates d'adjudication des dépôts étaient échelonnées. Cette mesure lui per-
mettait d'avoir un prix moyen des arachides
; enfin,
le paysan avait la
possibilité d'échapper à la spéculation. Donc pour le cultivateur, cette
mesure peut apparaître comme une bonne chose que le fond du problème lui
échappe.
... / ...

213
Pour le commerce, l'article 4 permet aux SIP non seulement
d'acheter la totalité de la récolte ar ach i d i r e , mais aussi de vendre du mil.
è
L'autre mesure prise par ce décret, est la limitation des loca-
lités de
vente, ceci, dans le but de superviser les opérations. La raison
d'une telle mesure s'ex plique par le souci d'assainissement déj à entre pris.
Durant la période de crise, les commerçants avaient fait
apparaître des pratiques telles que les bascules volantes qu'on installait
au carrefour des voies pour attendre le passage des paysans
; ou bien
l'achat dans les champs même avec l'apparition des camions qui facilitaient
les déplacements.
Par conséquent, en limitant les points de traite,
les
autorités mettaient fin à ces pratiques et à la fraude fiscale occasionnée par
les bascules volantes qui réussissaient toujours à échapper à la patente et
à la taxe additionnelle.
Sur les 15 sociétés de prévoyance que comptait le Sénégal
à l'époque.
seules 6 (des cercles de Sine-Saloum, Thiès,
Baol, Louga,
Djolof,
Kolda) furent autorisées à recevoir des dépôts et à en organiser les
ventes. Leur choix s'expliquait certainement par le fait qu'elles étaient
parmi les premières SIP et devaient disposer de moyens matériels pour de
telles transactions.
Le point faible de cette mesure, fut que les indigènes des
autres cercles étaient défavorisés par rapport à leur voisin. Ils ne béné-
ficiaient en aucune façon des avantages de ce décret et restaient confrontés
toujours aux problèmes de la spéculation (1).
(I)
BakeI et Ziguinchor n'eurent leurs premiers dépôts qu'en 1936-37.
Kolda et Tamba attendront jusqu'à la campagne 1938/1939 •
.../ ...

214
Le divorce n'étant pas consommé, on peut parler de séparation
de corps entre les milieux d'affaires et les autorités, ou bien de sépa-
ration de zones d'action.
Mieux encore, si tous les cercles n'étaient pas
choisis, on constate que même dans ceux désignés, certains villages n'en
profitaient pas. Dans le Sine-Saloum,
par exemple, seuls sont concernés
:
Kaolack, Gossas,
Malem-Hoddar,
Khombole,
Bambey, furent désignés pour ces
opérations, tandis qu'à Louga,
seuls Kébémer et Louga furent choisis.
Les autres localités concernées étaient Linguère et Dahra dans le cercle du
Djoloff,
Vélingara et Lingering pour la SIP de Kolda (1).
Le commerce avait la possibilité d'évoluer librement dans
les 9 autres cercles tout en concurrençant les SIP dans les six cercles où
le décret était en vigueur. Sans compter que, la quantité à commercialiser
était limitée.
En effet, les dépôts lors de la campagne 1934-35 ne devaient
porter que sur une partie très fai ble du tonnage à ex porter 5,66 % soit
20.450 T.
sur 361.000 T.
Le souci de ne
pas faire faillite,
sera un mot
d'ordre déterminant diffusé aux commandants par Beurnier pour qui, ce
choix limité des points de vente devait leur permettre de mieux suivre et
contrôler les opérations : "Vous savez bien et mieux que moi,
peut-être
jusqu'à quel point serait exploitée dans certains milieux la moindre faute,
la moindre irrégularité, la moindre erreur que l'on pourrait constater dans
la conduite de ces opérations, dans la gestion des graines confiées par les
indigènes aux SIP en vue de la vente"
(2).
(1) ANS. 5Q33 - Pièce n° 1411. Organisation de la vente des produits
de leurs adhérents pendant la traite 1934-35.
(2) ANS. 5 Q 33 op.ciL - Pièce n° 4739 AE.
Elles devaient s'inspirer
de l'expérience antérieure tentée dans le cercle du Sine-Saloum •
.../ ...

215
A partir d'une analyse de tous ces éléments,
le commerce devait
bien saisir les véritables intentions des administrateurs.
D'ailleurs,
la mise
en application d'une telle mesure ne pouvait se faire sans
problèmes.
BI. LES PROBLEMES POSES PAR SON APPLICATION
101. Les modalités de dépôt et de vente
Elles devaient s'inspirer sur celles qui furent mises en
v igue ur dans le cercle du Sine-Saloum. A cet effet,
le Lieutenant-Gouverneur
avait convoqué tous les commandants de cercle,
pour éviter les erreurs de la
campagne précédente.
En effet,
les
résultats obtenus à Gossas,
Malème-Hoddar
et Koungheul furent peu convaincants lors de la campagne 1933/34.
Les instructions données
pour la campagne sui vante (1934/35)
furent que les dépôts fussent individuels,
le tonnage miminum 100 kg,
et
le maximum illimité. Le pesage des graines sera effectué par l'agent
européen chargé du secco qui devra faire le bilan en fin de semaine.
Le Secrétaire-trésorier était chargé de payer les avances
aux déposants,
tandis que l'agent européen délivrait des reçus.
Pour une bonne réussite de cet essai,
il faut aussi demander
aux commandants de cercle de mener une propagande active auprès des
cultivateurs, afin de les inciter à faire des dépôts.
D'ailleurs celle-ci semble
avoir réussi dans la mesure où les autorités s'appuyèrent sur les chefs
indigènes.
...1 ...

216
Le Gouverneur Général abondera dans ce sens (1).
Afin de
faciliter la tâche aux SIP, il avait
proposé que les dépôts soient effectués
par les chefs de village qui recevront à cet effet un récépissé collectif.
Le nom des chefs de famille et la quantité déposée seront détaillés dans
le reçu.
C'est ainsi que dans le cercle de Baol,
214 producteurs
déposèrent plus de 237 tonnes.
On peut lire dans les rapports que parmi
"les adeptes et les propagandistes de l'idée de coopération, le plus précieux
(avec les chefs de Ngoye, du Mbayar,
du Diet Salao et du Gueoul) a été le
grand marabout des mourides Mamadou Moustapha Mbacké qui a mis à la
disposition du commandant de cercle 100 T ....
" (2).
On voit par un calcul très simple qu'un seul individu a
déposé plus de 42 % de ce tonnage.
Il en sera de même un peu partout
ce fut le cas dans le Djolof où seuls les chefs de canton avaient participé
à ces opérations en déposant 21. 760 kg.
Une fois ces graines achetées aux paysans,
la société les
regroupait en vue de leur vente par lots. Ces ventes se faisaient par
adjudication publique.
Lors des essais,
la SIP du Sine-Saloum avait fixé,
dès avant l'ouverture de la campagne,
les dates de vente du début à la fin
de la traite,
ensuite la quantité à écouler sur le marché à chacune de ces
dates.
(I)
Cabinet du Gouv. Secrétariat Général n°
140/SG.
18 Juin 1934
(2) ANS 5Q33.
Extrait du J.O. Sénégal du 28 juin 1934.
Discours de M.
le Gv.
BEURNIER à l'ouverture du Conseil colonial.
.../ ...

217
Al' exemple de la SIP de Thiès, on avait retenu la vente
des graines par mois, et par secco , Puisque le tonnage devait être limité
(mesure de prudence en attendant leur généralisation), il fut décidé dans ce
cercle, la vente de 200 T/mois.
Durant la campagne test (1933-34°,
toutes les ventes par
adjudication connurent partout des cours supérieurs à celui du détail.
Ce fut,
notamment,
le cas à Kaolack où des dépôts faits au cours de 63 frs
et 68 frs furent vendus respectivement à 72 frs et 75.08 frs.Dans le cercle
de Thiès (Nd Iagagnao ) des dépôts faits à 55 frs ou 60 frs connurent des
prix de 7l, 50 frs.
Les ventes des graines déposées au cornrne r ce se faisaient
par voie d'adjudication et les prix offerts par 100 kg.
Les graines étaient
considérées comme marchandise en vrac.
Un délai de 15 jours était accordé
pour l'évacuation, et le paiement
s'effectuait en deux temps : une moitié à
la signature et le reste après évacuation.
Nous avons vu que les graines étaient achetées par la SlP aux
paysans, ensuite regroupées et vendues au cornrne r ce ,
Le problème est de
savoir maintenant, quel avantage l'indigène pouvait tirer dans ces transactions.
En tout cas, en prenant une telle décision,
l'administrateur pensait pouvoir
donner aux paysans un prix plus rémunérateur.
Au moment de déposer (le mode de paiement avait posé beaucoup
plus de problèmes que celui des dépôts),
le paysan devait percevoir les
3/4 du prix du détail pratiqué dans l'escale le jour même de la livraison.
Ensuite le reste sera versé plus tard,
après la vente des graines.
C'est Ce qu'on appelait: la soulte ou ristourne.
.../ ...

218
2° /.
La Soulte ou Ristourne
Celle-ci fit son apparition pour la première fois et était
inconnue des paysans jusqu'à cette campagne. Elle représentait la différence
entre l'avance déjà versée aux déposants et le cours de la vente,
diminuée
des frais de gestion s'élevant à 1 % du montant total de la vente (1).
Exemple pris sur la base Kaolack
Dépôt
Cours jour dépôt
3/4
Vente au commerce
100 kg
68
51
72
21-1 % = 20,79
Le paysan qui aura déposé ce
jour, devrait normalement
recevoir la somme de 71,79 frs,
c'est-à-dire les 51 f r s avancés,
plus
20,79 frs pour les 100 kg vendus à la SIP. S'il les avait écoulés au
commerce, il n'aurait perçu que 68 frs,
représentant le prix du cours,
le jour du dépôt.
Le point faible de ce
système était : si le prix de vente
au commerce se trouvait inférieur au prix du cours, à qui reviendrait la
charge des pertes ? En admettant que les cours baissèrent,
le Gouverneur
Général avait proposé que le manque à gagner soit à la charge de l'ensemble
des sociétaires, ou bien à la charge de la SIP qui pouvait s'en sortir
par le biais des bénéfices tirés à l'occasion de la vente des arachides.
L'autre problème
c'était de leur faire comprendre le
manque à gagner immédiat.
(I)
ANS. 5 Q 33 op. ci t , pièce n° 1411.
.../ ...

219
Soient deux paysans Modou et Samba qui auraient fait des
dépôts le même jour ; le p r ernle r confie ses arachides au commerce et le
second à la SIP. Il est cl ai r que dans l'immédiat, Modou touchera plus que
Samba, d'autant plus que le payement de la r i s tour ne nc se tai salt qu'cn
fin de traite, ou pendant l' hivernage.
Il pouvait ar ri ver que les avances
Ia i tes par la SIP soient égales au
prix payé par lc commerce. Ce fut le cas
dès l'ouverture de la traite de
1935. Selon le Gouverneur Général,
les
déposants reçurent,
au moment des dépôts,
des avances égales au cours du
détail pratiqué dans l'escale et les
ristournes atteignirent 10 frs par
quintal.
A partir du moment où la SIP et le commerce payaient le
même prix aux cultivateurs,
et qu'en fin de campagne les sociétés versaient
un surplus à leurs déposants,
la question des influences exercées sur les
paysans ne devait plus se poser.
Les cul ti vateurs eurent tendance à confier
leurs récoltes aux sociétés indigènes, ce qui,
du
reste, ne devait pas plaire
aux commerçants.
Ces
derniers entreprirent une contre propagande, en instaurant
le PIKINI MBAAM ou sueur du propriétaire de l'âne. Celui-ci pouvait être
en nature (quelques morceaux de sucre) ou en argent comme l'indiquait son
nom.
Cette pratique doit être placée dans le cadre de la lutte entre le
commerce et les SIP.
Elle consistait pour le commerce à recruter les
bourricotiers laobés ou d'autres propriétaires d'ânes qui devaient lui
fournir obligatoirement un certain quota. Ces derniers,
à leur tour, pour
transporter les graines des paysans, leur posaient comme condition de
vendre chez les commerçants de leur choix, donc avec qui ils avaient
signé le contrat.
... / ...

220
Les SIP dénoncèrent le PIKINI MBAAM pour plusieurs raisons
la première, c'est que le paysan ne peut pas profiter des avantages de la
société s'il vend chez le commerçant.
Ensuite, les autorités y voient une
entrave à l'achat des graines par les SIP dans la mesure où les indigènes qui
ont décidé de vendre à la SIP ne trouvent pas de bourricotiers ou bien
s'ils en trouvaient, on leur réclamait des prix très élevés. Les autorités
reconnurent l'influence de cette pratique sur les dépôts,
puisque les graines
achetées par la SIP étaient "celles des cultivateurs habitant à moins de 2
ou 3 km du secco et apportant les sacs sur leur dos".
Mais la soulte ne s'était pas généralisée et son payement se
limitait à quelques localités. C'est ainsi que,
dans certains cercles, on
continuait à pratiquer l'ancien système.
La ristourne est la preuve que les SIP n'étaient pas des
coopératives et qu'elles étaient en train d'évoluer dans ce sens.
Par consé-
quent, la mise en application de ce décret ne pouvait se faire sans problème.
3° /.
Les différents obstacles rencontrés
Le premier obstacle à surmonter, était l'application tardive
du décret.
Il est apparu le 9 novembre,
alors qu'il ne restait que
2 à 3 mois pour la campagne. Le peu de temps qui restait aux autorités pour
déclarer la traite ouverte ne permit pas une bonne application.
(1) ANS. 2G34-89
op. cit.
.../...

221
Ainsi,
son expérimentation se limitait au seul cercle du
Sine-Saloum.
La minutieuse préparation et la campagne d'explications entre-
prise auprès du Lieutenant Gouverneur du Sénégal et de ses administra-
teurs des cercles, avait pour but,
d'éviter la répétition des erreurs de
la première expérience. Une fois ce problème résolu,
pour la campagne
1934-35,
surgissait un autre,
cette fois-ci,
d'ordre technique : l'installation
des seccos . Afin d'éviter les nombreux frais de manutention, on demanda
aux responsables d'aider à l'installation de seccos dans le voisinage des
gares de Thiès, Diourbel,
Bambey et Mbacké.
Le commerce pourrait bénéficier
des avantages qu'offrait cette mesure,
à savoir le chargement direct sur les
wagons,
la suppression des tarifs des seccos-ville à la gare qui atteignait
à Diourbel 6 francs par tonne.
Mais les SIP rencontrèrent des difficultés
pour construi re ces magasins.
En effet,
pour les deux seccos de Bambey et de Diourbel,
la location s'élevait à 3 francs le m2 ; ce qui devait constituer une
charge annuelle très lourde. D'ailleurs, les autorités n'acceptèrent pas
ce prix, car pour le Lieutenant-Gouverneur,
"il est paradoxal de constater
que ce terrain qui a été autrefois mis gratuitement par la colonie à la
disposition du chemin de fer,
soit loué par celui-ci à un taux nettement
disproportionné avec la valeur du terrain situé dans le voisinage de la
gare et de la ville elle-même"
(1).
Devant une telle situation, le décret
d'expropriation tant décr ié prenait toute son importance.
(l) ANS. 5Q33 op. cit.
Il semble que la location du terrain devait
revenir annuellement à la SIP
: 6600 francs
(2200 x 3)
... f ...

222
Le dernier problème à régler fut celui du financement des
opérations. Pour ce premier essai, on décida que les SIP fonctionneraient
avec leur propre trésorerie, étant donné qu'elles étaient en train de
rembourser l'emprunt de 1932.
Pour ne pas s'endetter davantage, les SIP
vendirent dès le début de la traite une partie des graines récupérées.
Ensuite, elles organisèrent des ventes échelonnées pour les graines
récupérées, afin de disposer d'un fonds
de départ,
pour pouvoir payer les
avances.
Mais il faut voir que ceci est possible, tant que les dépôts
étaient limités aussi bien du point de
vue tonnage,
que des localités choisies
pour cette première opération. Le jour où les différentes sections des
quinze SIP
du Sénégal seront intéressantes, cet argent ne suffirait plus pour
leur assurer un fonctionnement normal.
Ensuite, il ne faut pas perdre de
vue que les ventes n'étaient
pas très rapprochées pour permettre un fonctionnement correct,
dans la
mesure où il a été retenu une vente par mois.
Par conséquent,
les SIP
abandonnèrent ces moyens de financement en recourant dès 1936 à d'autres
sources de financement.
11 était prévu pour les sociétés de prévoyance la possibilité
de faire des emprunts à d'autres sociétés pour alimenter leurs fonds.
Là aussi, il faut remarquer qu'elles étaient toutes confrontées à des
difficultés financières,
même les plus importantes (SIP Baol et SIP
Kaolack) eurent du mal à consentir des prêts.
Un autre moyen de financement légal de CeS opérations
les prêts du crédit agricole.
Malheureusement,
le crédit saisi
.../ ...

223
un peu tardivement,
ne fut pas en mesure de
résoudre les difficultés
de trésorerie des SIP. C'est ainsi que les sociétés indigènes de prévoyance
eurent recours à des moyens non conformes aux statuts
: prêts de la
B.A.O.
(1).
Un crédit de 7 millions sera débloqué par la banque et
réparti comme suit : (2)
SIP Kaolack
5.700.000
SIP Diourbel
500.000
SIP Louge
300.000
SIP Linguère
150.000
RESTE
350.000
Ces prêts illégaux furent accordés à des taux "ni plus ni
moins avantageux"
(3)
par rapport aux autres clients. Cela veut dire
que B.A.O. considérait les SIP au même titre que n'importe quel client.
Ensuite,
il fallait trouver des gages pour les prêts
: la SIP de Kaolack,
pour ne citer que cet exemple,
qui reçut le montant le plus élevé, utilisa
ses graines comme gage, en les déposant dans des seccos pour le compte
de la B.A.Q. Ainsi se pose le problème du statut juridique des SIP.
Sont-elles
des associations privées ou des établissements à caractère
public? Pour la cour d'appel de l'AOF,
"les SIP, si elles sont créées
par un acte administratif émanant du Gouverneur,
prov iennent néanmoins
de l'initiative privée,
puisque les cultivateurs et éleveurs indigènes du
cercle sont qualifiés pour fonder la société en votant les statuts qui sont
soumis à l'approbation administrative"
(4). Alors qu'on ne s'étonne pas
donc que le BAO consi dère les SIP comme n'importe quel client privé.
(1)
B.A.O. Banque de l'Afrique de l'Ouest
(2) ANS 5Q33 : op. cit.
moyens de financement utilisés pendant la
traite 1936
(3) Ibid.4
(4)
Wibaux (F)
: le mouvement coopératif en AOF.
Faculté de droit
Thèse de Doctorat Paris 1953.
P.30.
La cour d'appel de l'AOF s'est
prononcée sur cette question le 2 juin 1935.
- LAVILLE (P)
: Associations rurales et socialisme contractuels
en Afrique noire.
Ed. Cujas 1972 p. 33
.../ ...

-224-
EVOLUTION DES DEPOTS DES ADHERANTS DES SIP DU SENEGAl 1933-34/41-42
TONNES
(source voir annexe P. 30S)
42.GOO
'
36.000 ,
30.000 -,
,24.000
18.000
12.000 )
6.000
1~~Y34 - 34/35 _35/36_36/37_37/38_38/39_39/40_40/41_41/42
ANNEES

225
Est-ce que les dépôts évoluèrent dans le sens voulu par
les autorités ? Ce qui est certain, c'est qu'au début,
ils ne connurent
pas de succès, avec juste raison
leur expérimentation avait coïncidé
avec l'ouverture de la campagne.
Pour la traite 1933-34,
le total des
dépôts n'excédait pas 384 T.
950 •
Mais ils connurent une véritable progres-
sion dès la campagne prochaine.
En 1934-35,
les paysans déposèrent
1643 T.217, alors que pour les trois premiers mois
de la traite 1935-36,
3.000 T. avaient été confiées aux sociétés indigènes dont 2.470 T.
fournies par le cercle du Sine-Saloum.
Devant une telle évolution des
dépôts,
le commerce se sentit
menacé.
Dans un dernier sursaut,
les milieux d'affaires décidèrent de
protester contre les autorités compétentes,
protestations qui se traduisaient
souvent par une véritable rèvolte selon les lieux.
Cl. ATTITUDE DES INTERESSES
Dès que fut connue la tentative d'application du décret du
9 novembre 1933,
di verses
réactions furent enregistrées tant au Sénégal
qu'en France. Au début,
de simples protestations furent envoyées par
les défenseurs des intérêts des commerçants: ensuite,
les réactions
devinrent violentes, et on évita de justesse le pire.
...1 . ..

226
lOf.
Les protestations non organisées
Le ton fut donné à Thiès,
dans une pétition,
par 40 commerçants
pour protester contre le projet arbitraire des achats de la SIP. Ils deman-
daient l'abandon immédiat des réparations en vue de son expérimentation
à Thiès et le report des dispositions du décret du 9 novembre 1933
(1).
Ils avançèrent l'argument selon lequel les commerçants,
vu les frais
(d'employés,
de loyers,
de
patentes,
d'impôts divers), ne
pouvaient
réaliser dans l'offre des prix et que,
d'autre part, le mérite du
développement des cultures commerciales et celui de la colonie (installa-
tions commerciales et édifices) leur revenait.
Le problème c'est qu'on ne demandait pas au commerce
de
rivaliser avec la SIP. On lui avait simplement conseillé de respecter
les prix fixés et d'effectuer des achats avec ce tarif.
D'ailleurs, il leur
était impossible de concurrencer les SIP dans la mesure où les employés
de ces dernières étaient des fonctionnaires
de l'Etat.
La réalité était que
le commerce n'acceptait pas de
perdre son exclusivité dans les opérations
commerciales.
Au niveau individuel,
des actions étaient menées aussi
par
certains commerçants, en vue de leur incorporation dans les services des
SIP.
Dans une correspondance adressée au Lieutenant-Gouverneur du Sénégal,
quatre Français (2)
demandèrent aux autorités de faire appel à eux,
soit
pour l'achat des arachides pour le compte de la société,
soit de les
embaucher.
Dans le premier cas, ils pourront recevoir une commission, en
tenant compte des services effectués.
(1) ANS. 5Q78 Plainte des particuliers de Thiès.
Lettre datée du 25 janvier 1934.
(2)
Ibid.
Lettre datée du 29 janvier 1934
... f ...

227
Ceci devait leur permettre,
selon leurs
propres termes,
d'assurer les subsides de leurs familles,
Il est clair que ces derniers
posent là un problème de
survie, Car il leur est très difficile de rivaliser avec les SIP
: on a
montré plus haut comment le Commerce participa au développement et à
l'exploitation économique de la colonie
: comment elle finança aussi le
budget avec les diverses taxes.
Un extrait de "L'action Française", circulant à Dakar, sous
forme de tract,
venait s'ajouter à la liste.
Il
ressort de la lecture de
cet article,
que les
pouvoi rs
poli tiques "avaient enregimenté obligatoi rernent
tous les cultivateurs dans les SP chargées de la fourniture annuelle des
semences"
(1),
On leur donnera l'autonomie commerciale et la charge de
gérer les organismes revenait aux commandants de cercle,
du fait que les
paysans étaient illettrés.
Par conséquent,
ils mettaient la main sur la
totalité des récoltes.
L'auteur du tract faisait un rapprochement entre les
SIP et les Sovkhozes et n' y voyait aucune différence.
Mais vouloir rappro-
cher les SIP de l'époque coloniale aux Sovkhozes,
c'est,
d'une part,
comparer deux choses très différentes et d'autre part,
franchir
un
grand fossé séparant deux systèmes politique et économique diamétralement
opposés. On pourrait accepter cette comparaison,
si elle était faite avec
la station expérimentale de Bambey,
car les activités des Sovkhozes
à une exception près, correspondaient à celles de Bambey
: c'est une
grande ferme modèle d'état.
Il possède des laboratoires,
des champs
(1)
ANS 5Q6 Pièce n° 9 de la Direction de la Sûreté à M.
le
le Gouverneur Général,
l e r février
1936.
Extrait de
"L'action Française" du
16 décembre 1935.
...f ..

228
cultures à grands rendements.
Il joue auprès des Kolkhoziens le rôle de
ferme pilote en introduisant des cultures et des méthodes
de travail
nouvelles,
en fournissant semences et cheptel
rep roducteur.
C'est également
une ferme-école qui forme des agronomes,
des conducteurs de machines et
des mécaniciens.
Outre ces pétitions isolées, il Y avait un échange de corres-
pondances entre les autorités et les syndicats des commerçants.
2°/. Les correspondances du Gouverneur Général avec
des Regroupements
Certains d'entre elles dataient de
bien avant la promul-
gation de la loi du 6 août 1933. Ce fut le Cas à Marseille où le syndicat
du commerce des huiles et tourteaux s'était élevé contre ses conséquences
sur l'économie de la France et sur l'activité du port de Marseille.
Ce syndicat protestait aussi contre une augmentation du coût de la vie,
la réduction des importations et la ruine définitive de tous ceux qui
vivaient du commerce et d' ins dus tr Ie , conséquence de la loi sur les
contingentements des arachides
(1).
Mais c'est avec l'Union Coloniale Française que la corres-
pondance avec le Gouverneur Général fut plus importante.
Dès le début,
elle protestait contre le droit octroyé par ce décret
(2),
à savoir
l'organisation de la vente des produits des déposants,
et l'ex prop riation
des immeubles pri vés nécessaires à leur fonctionnement.
(1)
Lettre du Préfet des Bouches du Rhône adressée à
M. le Gouverneur Général,
Marseille,
24 octobre 1933.
(2) ANS. 5Q36.
Lettre du l e r décembre 1933 de l'Union Coloniale
Française à M. le Gouverneur Général BREVIE.
... / ...

229
Pour le Gouverneur Général,
il n' y a pas eu de
procédure
d'expropriation engagée,
voire envisagée et il s'étonne au nom de
"quel principe on interdisait aux producteurs indigènes de se regrouper
pour mettre en commun le fruit de leur travail s'ils y trouvent avantage"(I).
L'Union Coloniale
ira plus loin dans ses protestations en
faisant cas des dangers d'ordre financier,
des frais avec la mise en
application du décret que le Trésor public aurait à supporter. Pour
rendre cet argument plus solide,
l'Union Coloniale écrira au Gouverneur
Général que les commerçants sont qualifiés pour faire du commerce,
les
administrateurs pour l'administration.
Les Chambres de commerce échangèrent avec les autorités
des correspondances dont les tons devinrent de
plus en plus menaçants.
Ainsi,
dès que fut connu le décret,
une réunion fut convoquée à la Chambre
de commerce. Après avoir évoqué les risques,
les dangers d'une telle
politique coopérati ve,
d'une éventuelle étatisation du commerce (qualifiée
de politique d'aventure),
l'assemblée émit le voeu pour que soient
reportées les dispositions du décret du 9 novembre 1933.
Elle demanda
aussi à ce que les SIP se limitent à leurs activités premières; que le
commerce ait des représentants au sein du conseil d'administration de ces
organismes. Seul le dernier voeu sera satisfait, car on leur accorda la
possibilité de se faire représenter à cond i t ion que ce dernier soit
désigné par le Lieutenant-Gouverneur. Ce que le commerce refusa.
(1) ANS. 5Q76.
Pièce n? 481 SE/3 du 23 mars 1934
... / ...

230
C'est à la suite de tout ceci que des lettres de
protestations
signées par les commerçants des différentes localités de la colonie seront
adressées au Gouverneur Général. Toutes protestaient contre l'acte
commercial des SIP.
Ainsi les revendications des maisons commerciales, aidées
par l'Union Coloniale, les Chambres de commerce, le syndicat corporatif
économique du Sénégal, se matérialisèrent sur le terrain par des manifes-
tations ant i SIP souvent violentes.
Ce fut le cas dans les cercles
les plus ar ac h i d i r es .
è
3° /.
Les incidents du Sine-Saloum de
1935
a).
La réaction des commerçants de
Koungheul
Si les commerçants s'étaient révoltés
d'une manière
aussi violente à Koungheul,
village situé environ à 150 km de Kaol ack ,
cela est certainement dû à leur importance numérique.
Il semble que
toutes les grandes maisons commerciales y étaient installées, sans
compter les Li bano-Sy r Iens ,
On a dénombré 17 bâtiments tout au tour du marché
disposant d'un magasin, une arrière boutique, et d'une cour intérieure,
caractéristique des maisons de traite. Si cette implantation avait atteint
une telle proportion, c'est qu'on avait commencé la mise en valeur des
terres neuves avec l'arrivée de colons sérères.
L'avancée du front ara-
chidier le long de la voie ferrée et la proximité des villages de la
Gambie qui s'y ravitaillaient, constituaient d'autres
raisons pour faire de
Koungheul un centre. C'est de Ce village que le 23 janvier 1935
... / ...

231
des commerçants mécontents
de la mesure
prise,
se rendirent à Saly,
lieu de dépôt des arachides.
Ils arrachèrent les accessoires de
la bas-
cule,
paralysant ainsi les opérations.
Leur objectif était de protester
contre la société qui achetait dans
des lieux non autorisés,
donc contre
l'acte commercial. Trois jours plus tard,
le même
peseur, un certain
Lalbas,
devait se rendre à Cuenthe Pathé,
pour continuer les dépôts.
Courtois et Tend e l ,
représentants des maisons Maurel et Chavanel,
menacèrent de venir, cette fois-ci,
armés si les opérations reprenaient
à Cuenthe Pathé.
Pour les autorités, ces manifestations ne furent ni spontanées,
ni
l'oeuvre des
petits commerçants.
Si elles ont eu lieu, c'est qu'avec
mesure,
la principale source de profits du commerce commençait à tarir
la présence d'un secco coopératif dans un village menaçait le
profit
sup plémentai re que les commerçants
réalisaient en sui vant tard i vement
l'évolution du cours. Car là où il n'y avait pas de secco , on ne
respectait
pas les
p r i x fixés
qu'on transmettait par télép hone ,
Tout cela est v rai,
mais il ne faut
pas
perdre de vue que si le Commerce avait manifesté
c'est que Saly et Cuenthe Pathé n'étaient pas des
points de traite
autorisés.
D'ailleurs,
l'administrateur en Chef Louveau, commandant
le cercle du Sine-Saloum,
avait reconnu les abus
dénoncés
dans un rapport
"en effet,
la société ne
reçoit les graines
de ses adhérents que dans
quelques localités en dehors
des
points
de traite,
encore les opérations
n'ont-elles lieu dans chaque centre qu'une ou deux fois
par suite du
personnel restreint dont elle dispose"
(1).
Un aveu et en même temps
une tentative de justification.
(i)
ANS.
5Q78.
Rapp.
sur les incidents
de Koungheul et de Cossas
du 29 janvier 1935 de M.
l'Adm.
en Chef Louveau commandant
le cercle du Sine-Saloum.
... / ...

232
Cette reconnaissance des faits
par l ' administrateur ne
faisail!' qu'accroître ia déto rrnlnation des miiieux commerçants de lutter contre
ces abus, contre l'acte commercial des SIP.
L'achat des arachides dans quelques localités en dehors des
point-s de vente comme Saly el!' Guenthe Pathé, équivalait à un non condi-
tionnement des arachides;
ce qui était contr al re aux arrêtés en vigueur,
car le service étant installé à Koungheul.
Les commerçants reprochaient
à la SIP l'aide que lui avait apportée le Chef de canton Ibrahima BA,
en usant de son influence sur les paysans. Ce dernier refutera les accusations
portées contre lui. Il avait déclaré n'avoir jamais fait pression sur les
indigènes.
Il ne ieur av ai t
fait entrevoir que les avantages que leur
offrait' la société, c'est-à-dire la soulte à percevoir. Dans tous les cas,
il apparaîT que si le Chef n'a pas fait pression sur eux, il a néanmoins
joué le rôle que les pouv oi rs publics at1'endaient de certains chefs.
Ne serait-ce que d'une manière indirecte, le chef de canton de Koungheul
était pour quelque chose dans la réussite des dépôts dans ce village.
Il est clair qu'en effectuant des dépôts auprès de la SIP, tous les hommes
de son canton l'imiteraient.
Quelles sont ies conséquences que l'action de Tindel et Courtois
pouv a ië entraîner ? Leur révolte portait un coup dûr à l'autorité adminis-
trative, car le différend avait opposé deux Européens
: Lalbas, un forie-
fionnaire de i' Etat, et les représentants des deux plus importantes maisons
commerciaies, et pour témoins,
des suj et s indigènes.
Mieux, le village
où s'était déroulée ia manifestation est située à 7 km de ia frontière
gambienne, et en pius des spectateurs sujets français,
il Y avait ies
sujets britanniques, ce qui ne devait pas faire piaisir aux autorités •
... / ...

233
Ceci explique certainement la gravité de la situation signalée
dans tous les rapports de la gendarmerie,
à tel point qu'un effectif de
10 hommes armés de revolvers,
carabines avec baïonnettes,
de munitions
de sûreté, fut alerté et envoyé en direction de Koungheul (1).
Un de nos
interlocuteurs,
témoin occulai re des évènements de
Saly, affirme qu'il n' y avait pas de
violence de la part des commerçants
et que l'affaire a dû être exagérée (2).
D'ailleurs, ces paysans semblaient
étonnés, lorsque je leur ai parlé du détachement de la gendarmerie qui
n'est jamais arrivée à destination (3).
b).
Les
incidents de Cossas
A Cossas, la réaction des commerçants fut moins violente.
Il n' y avait pas d'incidents à déplorer,
mais seulement une manifestation
devant le secco que dirigeaient les commerçants accompagnés
de 200 indigènes
environ. Ils
dénonçaient la substitution de la SIP au cornrne r ce et à l'achat
des arachides dans des endroits non autorisés comme par exemple à Sornb ,
Dans ce village,
les manifestations réagi rent Comme à Sai y.
Le 24 janv ier,
ils se rendirent à Somb,
village situé à quelques kilomètres de Cossas,
et envahirent le seCCo vers 18 heures.
Toujours,
selon le rapport de la
gendarmerie,
ils dérobèrent la bascule dans le but de protester contre
la hausse des prix provoquée par la société et la réduction de leur marge
de profit.
(I)
ANS. 5Q33.
Pièce n°
141/2 du 27 janvier 1933.
Rapp.
du capitaine
Merlhe commandant du détachement de la gendarmerie de l' AOF.
(2)
Entretien avec Tiébo DEME demeurant à Koungheul.
.../ ...

234
La rapidité avec laquelle les incidents de Koungheul firent
tâche d' huile et la ressemblance des évènements permettent d'avancer
qu'il Y avait une organisation de ces manifestations. De plus,
l'existence
d'un télégramme ou d'une dépêche envoyée à Gossas pour inciter les
commerçants à se soulever n'est pas à écarter,
parce que les évènements
s'étaient déroulés
le 23 à Koungheul et le 24 à Gos s as , soit une distance
de 200 km séparant les deux localités.
Dès le 28 janvier,
dans un télégramme d'état
adressé au
Gouverneur Général
(1),
les commerçants de Kaolack protestèrent contre
les achats effectués par les SIP d'une manière générale et illégale en
dehors des points de traite.
Ils lui lancèrent un ultimatum,
comme quoi,
si les SIP insistent dans leurs opérations illégales,
ils les imiteront et
renouvelèrent leur solidarité aux commerçants de
Koungheul et Cossas.
Aussi,
faut-il
voir dans la mobilisation de tous ces gendarmes,
un souci de faire front au risque de contagion, et la volonté de reprendre
"la face" en
punissant sévèrement si les choses atteignaient une proportion
inquiétante. Ceci,
pour éviter des
répercussions graves dans la colonie.
Cette gravité se reflétait dans un autre télégramme envoyé le 27 janvier
par le Procureur sur la situation à Koungheul
(2)
; il est dit dans ce
télégramme que si la situation tendait à empirer, en raison des menaces
des Européens qui avaient l'intention,
semble-t-il,
de tirer sur la force
publique en cas d'opposition.
Après le Sine-Saloum, ce fut la SIP du Baol de connaître
le scandale.
(1) ANS.
5Q78. op. cit.
Pièce n°
727
du 28 janvier 1935.
(2)
Ibid.
Rapp.
du Procureur de la République,
Tribunal de
l èr e
Instance de Kaolack,
2 févrierl935.
... / ...

235
c) . Scandale et abus de confiance de la SIP au Baol
1935-1936
Le 25 décembre à Bambey, l'agent de la société,
aidé de
policiers, arrêtait les charges d'arachides dès leur sortie du contrôle du
conditionnement situé à l'entrée de l'escale.
Les commerçants dénoncèrent
ces abus dans une pêt it Ion adressée au Gouverneur Génèral,
dans laquelle
on pouvait lire "nous sommes approchés de la bascule sur laquelle étaient
pesées les arachides et nous avons constaté qu'elle n'était placée sur
aucun socle, et qu'elle portait par une ficelle à l'extrémité du fléau,
côté des
poids une pierre de la grosseur d'un oeuf de canard"
(1).
D'après une enquête (2)
menée par l'Inspecteur des affaires
administratives Aubert, ils ressort de ce rapport que la SIP n'était pas
en mesure de livrer au commerce les lots d'arachides
vendus par adju-
dication,
soit 500 T.
Le détourneur qui n'était personne d'autre que l'agent
de la société,
devait se marier avec la fille du
Président de la société
quelques jours après avoir été mis à la disposition de la justice.
La manière dont il se comportait,
dénoncée par les milieux commerçants,
à savoir en grand maître et en opérant à des achats sur les points interdits,
s'ex pliquait par ses liens.
Dans le secco de Bamba Garage,
on parlait de 200 T.
de
déchets. Ceci est d'autant plus vrai que la SIP n'était plus en mesure
de
remplir son engagement même avec les
paysans.
En effet,
à la veille
de l'hivernage,
la moitié de la quantité nécessaire pour les semences
n'était pas encore distribuée.
(1)
ANS.
5Q84.
Pièce n°
520 du
13 Juillet 1936.
(2)
Ibid.
. .. f ...

236
Les commerçants profitèrent de ces pratiques occultes des
SIP
pour mieux les dénoncer.
Ils les qualifièrent de
"école de chapardage"
(1).
Leur preuve
: c'est le scandale de la SIP
du Sine-Saloum ; celui
du Baol viendra confirmer leur conviction.
En effet,
le comportement de certains agents véreux (cas
d'Arnaud qui est un ancien agent commercial) ne pouvait que ternir
davantage l'image de la société. C'est ce même Arnaud qui s'était permis
le luxe d'embaucher des traitants indigènes, violant ainsi les statuts
et les instructions.
Le commerce sera plus déterminé,
quand il se rendit
compte que les ristournes facilitent les détournements.
C'est ainsi qu'on
avait découverT à la société de Diourbel,
lors du paiement de la soulte,
des certificats fictifs établis à des noms
imaginaires. Les autorités décla-
rèrent que les bénéficiaires étaient soit décédés,
soit des navétanes
retournés chez eux. Au total,
dix sept bulletins fictifs ont été établis
dans cette société de prévoyance et aucune trace des intéressés (2).
Les dépôts furent aussi l'occasion de malversation ; dans le secco de
Mbacké, il existait des récépissés établis,
mais n'appartenant à personne,
ou bien établis au nom de
personnes n'ayant pas versé la quantité men-
tionnée sur le certificat de dépôt (3).
Face à cette levée de boucliers, le problème est de savoir
si les sociétés indigènes de
prévoyance ont joué pleinement leur nouveau
rôle: contrôler l'évolution des cours de l'arachide et les maintenir à
un niveau profitable à l'indigène.
(1) ANS. 5Q84.
Pièce n° 520 du 13 Juillet 1936.
(2) ANS. 5Q84-77.
PIèce n° 2139 du 17 juillet 1936.
(3)
Ibid.
Ely Manel FALL avait déclaré que sur les 17 non représentés,
le premier était décédé,
le 3è était un navétane et le 6è
certificat était égaré.
.../ ...

237
DI. LES SIP
REGULATEUR DE PRIX ?
Si l'administration a décidé de faire des SIP des orga-
nismes d'achat et de vente, il semble que c'est pour défendre le
produc-
teur indigène. Ce rôle de contrôle des prix, s'il est renforcé,
doit
permettre au paysan de bénéficier des cours plus ou moins stables.
Cette nouvelle attribution de la SIP contraint le commerce à respecter les
prix en cours. Donc, elle les fixe;
car en vendant à des prix inférieurs
à ceux pratiqués par les sociétés, le commerce s'en sortirait difficilement.
Ainsi, à l'intérieur du pays, ces sociétés jouent et peuvent jouer parfaite-
ment ce rôle de régulateur des prix, ce qui explique la lutte entre les
maisons de commerce et les sociétés de prévoyance.
D' ailleurs, un compromis sera trouvé en ce sens, afin que
soit réservé aux seuls commerçants français le commerce des arachides.
Ce compromis devait apaiser les esprits, après les incidents du Sine-Saloum
et de Diourbel. Malheureusement,
si les SIP
jouent assez correctement ce
rôle à l' intér ieur du pays,
il est fort regrettable de constater que tel
n'est pas le cas à l'extérieur du pays. On a expliqué plus haut que
c'est en métropole que les prix étaient fixés,
après spéculation à partir
des critères déjà cités.
Est-ce que l'espoir placé dans les dépôts, afin d'influer
sur les cours a-t-il été atteint? La réponse est positive, si on se
réfère à l'évolution des dépôts, aux réactions du commerce et à celles
des autorités locales.
...1 . ..

FRANCS
300
COURBE D'EVOLUTION DES PRIX LOCAUX DE L'ARACHIDE~
1913-1945
(sources diverses)
240
200
160
"
1
'"'"
CD
1
120
BD
40
1913 -26 - 29- 30- 31- 32~ 33J-334 - 35 -36 -37 - 3B -39 -40 - 41 -42 -43 - 44 -45
ANNflES

239
En étudiant la courbe d'évolution des dépôts, on constate
qu'elle est croissante; ensuite, après les différents incidents, on
assiste à une explosion des dépôts et de la vente des graines en excédent
(cf. graphique VIII).
Par conséquent, les ristournes augmentèrent. Cette
tendance croissante des dépôts, entraînant celle des graines en excédent
vendues, s'était maintenue jusqu'à la veille de la seconde guerre mondiale.
Ceci avait contribué pour beaucoup à l'augmentation des budgets des SIP.
La participation des graines en excédent vendues sur les finances de ces
sociétés, était passée de plus de 280.000 F. en 1933-34 à 15.000.000.
en 1938-39 (1).
Ce qui est sûr, c'est quà partir de 1934-35 (cf. graphique VII),
les cours qui avaient commencé à baisser depuis 1929-30, avaient repris
leur ascension en même temps que la production qui avait amorcé un
nouveau virage, grâce à la politique de propagande. Malheureusement, ce
relèvement des cours, cet accroissement de la production et leurs résultats,
ne durèrent pas longtemps. La colonie allait traverser une nouvelle période
avec l'éclatement de la seconde guerre mondiale. Ainsi, à la veille du
second conflit mondial,
surtout à partir de 1937, les prix et les dépôts
commencèrent à décliner.
Les résultats obtenus lors des dépôts (durant
ces quatre années) et des ventes des graines, leur impact sur l'évolution
des cours, amenèrent plusieurs personnes à réagir et à proclamer leur
soutien aux SIP. Soutien pour le maintien des nouvellels fonctions attri buées
à ces organismes,
par le décret du 9 novembre 1933.
(1) ANS. 5Q57-74
op. cit.
... / ..

240
La question est de savoir s'il fallait, face aux pressions
reporter les dispositions du décret comme le demandaient les Chambres de
commerce et leurs membres ou soutenir les SIP
dans leur nouveau rôle?
Ainsi, Moutet, Ministre des colonies, estimait à l'époque que
les SIP sont nécessaires et qu'elles jouent parfaitement le rôle de régu-
lateur des prix. C'est grâce à elles, ajoute-t-il,
que "les prix de l'arachide
ont pu être assez réguliers pour le travailleur agricole" (1).
Le fait même d'être combattues par le commerce,
détermina
les autorités à créer à partir de 1936, un office de l'arachide. Son but
généraliser l'achat de l'arachide des indigènes par les SIP.
La réponse à notre première question sera positive, si on
se réfère aussi aux propos des chefs locaux sur lesquels les sociétés de
prévoyance s'appuyaient pour fonctionner. C'est ainsi que le Chef de
canton qui a été mis en cause lors des évènements de Koungheul,
soutenait pour sa part, qu'il n'avait fait qu'aider les paysans à tirer
profit des avantages que leur offrait la SIP
(2).
Il est clair que cet
avantage dont il parlait n'est rien d'autre que la soulte ou ristourne.
(1) ANS. 5Q175-77 coupure du
"courrier de l'Ouest Africain".
31 octobre 1936. Marius Moutet répondait à la question suivante
Que pensez-vous des SIP ? Doivent-elles continuer à fonctionner
sous la même forme ?
(2) ANS. 5Q78.
Pièce n? 35/2.
Rapp.
du gendarme Denis Albert
de la Brigade de Kaolack.
.../ ...

241
D'une manière générale, l'attitude des Chefs était favorable
aux nouvelles attributions de ces organismes. Galandou DIOUF dans un
discours avait précisé à qui voulait l'entendre, que sa récolte irait,
à la SIP
dans la mesure où ses graines étaient achetées par la société au
cours de 63F.
revendues ensuite à 72,50 F, ce qui lui donnait la possibilité
de toucher plus tard une soulte donc un bénéfice. Le soutien et la confiance
qu'il apportait
à ces sociétés sont bien définis dans la déclaration
sui vante : "Nous cultivons, nous trouvons un organisme qui nous aide.
nous y déposons volontai rement nos
récoltes. C'est tout ce que nous
demandons ••• Détruire les sociétés de prévoyance, ce serait un assassinat
et je ne serai pas cet assassin" (1).
De même, Abdou Salam KANE délégué
des chefs siégeant au conseil colonial s'était associé aux paroles du
député Galandou DIOUF.
Il avait ajouté que les SIP restent ce qu'elles
sont et doivent continuer à recevoir les graines de leurs adhérents.
Ainsi on peut dire sans risque de nous tromper,
que tous les
chefs indigènes étaient unanimes à reconnaître cet aspect bienfaisant des
SIP. Ils demandèrent tous,
à ce qu'elles poursui vent leur opération de
dépôt, car elles jouent un rôle bienfaisant d'une part, et que d'autre
part, elles permettent aux cultivateurs de ne plus passer par certaines
opérations.
Le Président du Conseil colonial, lors de cette session, avait
déclaré que les représentants des indigènes cultivateurs soutiennent les
SIP dans leur nouvelle attribution.
Par conséquent,
ils ne peuvent accepter
que les maisons de commerce soient un obstacle au rôle de régulateur des
SIP. D'ailleurs, avec l'éclatement du second conflit mondial, l'Etat et les
SIP achetèrent la totalité de la récolte, éliminant de ce fait,
le commerce
dans les opérations de traite.
(I)
ANS. 5 Q 33 Lettre n? 44 SE/9 du 16 JANV.
1936.
. .. / ...

242
CHAPITRE III
ROLE DES SIP DANS LES TRANSfORMATIONS RURALES
En permettant le contact entre les paysans et les techniques
modernes, les SIP apportèrent des transformations dans un monde (village
traditionnel) qui vivait presque en autosuffisance.
En effet, l'unité de
production constituée par la famille,
fonctionnait dans des structures aux
objectifs bien déterminés : l'autorité du chef sur lequel tout reposait ;
une production destinée surtout à la consommation,
des échanges économiques
au niveau villageois, etc ...
Tout ceci sera bouleversé par les SIP pour avoir arraché le
paysan de son univers presque fermé et pour l'intégrer dans un système
économique mondial et modernisé. Ces transformations se sont faites à
plusieurs niveaux en milieu paysan.
AI. NIVEAU DES MOYENS DE PRODUCTION
Vu l'importance prise par l'arachide, on avait fixé aux
SIP,
dès leur création,
de tout mettre en oeuvre pour une amélioration
de la production de l'arachide.
Etant entendu que, c'est l'arachide qui
fait la prospérité du Sénégal.
C'est ainsi que les procédés culturaux furent retenus parmi
ces moyens. Des es sais seront tentés bien avant la création de ces sociétés.
Malheureusement, les résultats ne furent pas encourageants : les instruments
n'étant pas adaptés d'une part, et les prix étant élevés d'autre part.
Par la suite, une expérience de mécanisation de la culture
de l'arachide sera tentée à Latmengue (1). à partir de 1920.
(1) Ces
domaines sont situés dans une localité appelée campement à
quelques kilomètres de Latmengué.
Cette question a été traitée grâce
à Amath DIOUF, chef de village de Latmengue.
On peut consulter aussi GUIRAUD:
(x)
: p. 88 : "L'arachide du Sénégal"
monographie d'étude coloniale -
Paris 1937. IR93-l58 : Société sénégalaise
de culture de Latmengue (Kaolac k, Sénégal).
.../ ...

243
Un certain Maunory, agent commercial, en fut le promoteur.
Ainsi, il se tailla de grands domaines qu'il défricha et dama avec
d'énormes machines inconnues jusqu'à ce jour dans cette région.
Il
ferti-
lisa le sol avec des engrais, et avait ses propres semences. Maunory
recrutait les vieillards du village pour le décorticage de ses graines et
les
payait à la tâche.
Pour effectuer ses travaux, il avait embauché
des travailleurs temporaires à côté des permanents. Les champs étaient
ouverts avec un système de rotation (mil-arachide). Les arrachages des
pieds d'arachide étaient faits
par des hommes rémunérés à des prix
convenus. L'intervention des machines se faisait de nouveau durant l' opé-
ration de battage: séparer les graines d'arachide des foins.
Ces derniers
étaient mis en tas et exportés certainement dans les régions avoisinantes.
Le tonnage récolté annuellement était très important,
semble-t-il
(1).
Mais pourquoi cette expérience (culture d'arachide dans des
plantations) n'a pas réussi ?L' explication
la plus simple (mais à ne pas
négliger) c'est que les rapports sociaux avec les paysans n'étaient pas
des meilleurs (2). Qui avait cédé ces hectares à Maunory ? L'autorité
villageoise ou administrative? Dans ce dernier cas, les paysans ne voyaient-ils
pas en lui un sérieux concurrent,
puisqu'on leur avait imposé sur leurs
propres terres, ce voisin.
L'autre explication de l'échec de ces grandes
fermes agr icoles d'arachide est liée à la rentabilité. En effet,
de telles
exploitations nécessitaient des moyens financiers colossaux :
(I)
GUIRAUD : op. c it , p. 88. Il estime les rendements à 1500 kg/ha
(2) Selon Amad DIOUF,
Maunory ou Manory pour les indigènes, était moins
ouvert que son successeur Costard. Ce dernier avait abandonné la
culture de l'arachide au profit du manioc.
... / ...

244
employés permanents et temporaires, achat de carburant et entretien des
machines, transport des graines et des foins,
etc .•• Sans compter le
problème de la maind 'oeuvre. Ces employés étaient souvent des vieillards,
des femmes et des enfants,
d'où le problème de rendement.
Les hommes
valides répugnaient à se faire ouvriers agricoles,
préférant exploiter leurs
champs avec leurs familles.
Il Y a aussi que l'arachide est cultivée au Sénégal par des
familles : la maind' oeuv re ne se pose pas ; toutes les opérations depuis
le décorticage jusqu'à la vente sont effectuées par les membres de cette
unité de production qu'est la famille.
Point de rémunération. Quant à
Maunory, il devait payer toutes les opérations. C'est, nous semble-t-il,
l'une des raisons principales de l'échec de cette tentative. C'est pourquoi
aussi, le remplaçant de Maunory préféra cultiver le manioc à la place de
l'arachide, car étant une
plante moins exigeante.
En tout cas, il se pose désormais la question de l'emploi
d'un matériel agricole modernisé pour pallier l'insuffisance de la produc-
tion. Mais la solution ne passe pas par les grosses machines,
puisque
la maind 'oeuvre ne fait pas défaut.
Il faut une mécanisation simple, adaptée
au milieu rural et i
tri
prix abordable,
pour que l'indigène puisse
s'équiper. C'est ce qui fera dire à Blaise DIAGNE que "c'est à la
charrue maintenant qu'il nous faut habituer l'indigène, à la charrue qui
épargne la moitié de sa peine en doublant sa production" (1).
(1)
L'Ouest Africain Français, Samedi 28 février 1931
.. ./...

245
Par conséquent, il fut décidé la vulgarisation intensive du
matériel agricole, afin de supprimer les instruments traditionnels jusque-là
utilisés par l'indigène.
Depuis 1930, les SlP distri buèrent aux cult i v ateurs quelque
2803 houes,
1542 semoirs et 4142
harnais pour une valeur de 115.800 F rn .
Tout ce matériel avait dû être remis aux intéressés si l'on en croit les
autorités qui avaient passé une autre commande de matériel estimée à
370.000 F et ré partie comme suit:
houe
465
semoirs simples
843
semoirs doubles
12
harnais
625
L'introduction d'instruments plus perfectionnés permettait
d'une part d'obtenir des rendements supérieurs et d'augmenter, d'autre part
les superficies à cultiver, tout en diminuant la maind 'oeuvre. Celle-ci,
une fois libérée,
pouvait être employée dans les nouveaux champs.
D'ailleurs,
de 5000 ha en 1933, les surfaces atteignirent 7000 ha un an
plus tard.
Pour ce qui est des rendements aussi, il a été prouvé l'influence
de ces techniques sur leur évolution.
En effet,
Enfantin montre dans un
rapport (2) que les rendements obtenus dans une parcelle avec charrues,
peuvent tripler,
voire quadrupler ceux des champs cultivés avec instrument
traditionnel
: (ilère par exemple).
La distribution de ces instruments et
leurs essais se firent dans les champs des chefs de canton,
puisqu'en
1929, les fermes-écoles avaient été supprimées. Cette vulgarisation au début,
se limita à la seule région de Kaolack ; ainsi,
48 instruments et les
ânes nécessaires à la tractation furent fournis par la colonie. A ceci,
s'ajoutait une subvention de 70.000 F.
(L) ANS. 2G30 Station expérimentale de Bambey
Rapp. annuel et technique 1930,
p. 30
.../ ..

246
La réussite de ces essais avait fait que plusieurs chefs
demandèrent à ce que des démonstrations pareilles aient lieu dans leur
circonscription l'année suivante.
Pour 1930, les instruments de culture (1)
étaient répartis de la sorte
:
Cercle de Louga
54 instruments
232 ha
Diourbel
59 instruments
95 ha
Sine-Saloum
274
"
475 "
Thiès
141 "
197 "
Joloff
30 Il
56
Il
Matam
20
36 "
Kolda
13 Il
25 "
Pour la campagne de vulgarisation de 1931, les commandes feront
passer les instruments disponibles à :
2050 houes Fabre
75 hilaires Bajac
745 semoirs Beauvais
250 semoirs Bajac
Ceci portait les surfaces intéressées par ce matériel à
1800 ha pour le Sine-Saloum,
700 pour Th Iès , 410 pou r Baol et 400
pour Louga.
Quel avantage en tirait le paysan en dehors de l'augmentation
des surfaces et des rendements dont nous avons déjà parlé?
(l)
ANS 2G30 Station ex pér imentale de Bambey
Rapp. annuel et technique 1930,
p. 30
.../ ...


248
Selon des études faites à Bambey, le paysan pouvait, en
travaillant avec ses instruments, gagner du temps, et diminuer l'effort
à fournir. Ainsi,
pour les semis, un cultivateur avec sa daba, mettait
2 Jours et demi pour 1 ha,
alors qu'avec les semoirs Beauvais et Bajac,
le même ensemencera par jour et par appareil environ 1 ha et demi.
S'il s'agit de la houe al louette , un homme mettait un jour et demi par
hectare (1).
Pour le binage, un homme mettait avec la houe attelée
3 à 4 jours sans fatigue excessive pour 1 ha,
alors que le même en
travaillant 6 à 7 ha, consacrait 5 à 6 jours avec les efforts pour la même
superf Ic ie ,
La houe allouette fut essayée pour la première fois dans des
champs appartenant à Mawa DIOUF de Kahone qui avait défriché 20 ha,
Silman SOUMARE de Birl<elane (23 à 24 ha), Mahécor DIOUF de Dial<hao
(20 ha),
Ibrahima BA de Koungheul
(20 ha),
pour ne citer que ceux-là.
Mais le plus actif de tous fut Sidy NDIAYE dans le cercle de Linguère qui
travaillait avec la houe al louette sur trois champs d'une superficie totale
de 35 ha (2).
La question est de savoir maintenant,
puisque les chefs
semblent accepter ces instruments, si ces nouvelles techniques agricoles
ont été acceptées par l'indigène sans aucun problème.
(1) ANS 2G31. Station expérimentale de Bambey. Rapp. annuel et
technique 1931
(2) Prolongeau (M.G.)
: Rapport sur l'état des cultures au Sénégal.
Extr ait du
bulletin des matières grasses 1931 n? 7,
p.
189-210
.../ ...

249
La réponse semble être positive dans la mesure où, selon
les rapports,
les résultats prévus ont été atteints d'une manière générale.
Dans les cantons du cercle de Louga, on a constaté sur le tableau d' honneur
réservé aux plus méritants, les noms
de plusieurs cultivateurs indigènes.
Ce succès peut s'expliquer par toutes les raisons évoquées plus haut.
Sans compter les moyens utilisés par l'autorité pour vulgariser ces
techniques.
C'est par un calcul très simple que les autorités agirent de
la sorte : expérimenter les instruments modernes dans les champs des
chefs. Elles savaient qu'en accroissant d'une manière considérable les
rendements des champs de ces derniers, elles trouveront en eux les
meilleurs propagandistes pour la diffusion du nouveau matériel. Ceci est
aussi valable pour les marabouts qui auront à jouer ce rôle d'une manière
plus efficace auprès de leurs talibés.
L'influence dans ce cas était plus
grande,
d'autant plus que le talibé a "confié sa personne sur terre et
dans l'au-delà à son marabout". Donc il n'est qu'un exécutant.
Si le succès peut nous paraître général, on a trouvé par
contre des SIP quui marquèrent le pas dans la réalisation de cette politique
de vulgarisation des procédés mécaniques de culture.
En effet,
dans le
Sine-Saloum, il paraît que les SIP avaient commis des erreurs qui leur
valurent des problèmes. D'ailleurs, elles supprimeront une commande de
houes, instrument, sem ble-t-il,
ct' un maniement plus difficile et peu
employé (1).
(1)
Un article de "l'AOF" du 31 janvier 1931 soutient que l'énorme
quantité de stock s'explique par les compétitions menées par les
différentes maisons de commerce. L'auteur de l'article défendait le
matériel Bajac qu'il trouve comme le mieux adapté au Sénégal.
Les autres marques qu'on trouvait sur le marché: Fabre et Beauvais .
.. . /+ •.

250
Ainsi, en 1934, il existait un stock d'instruments dans les
magasins du cercle : 204 semoirs et 628 houes.
Ils seront gratuitement
distribués aux paysans pendant la campagne de 1935. Les modèles plus
récents, datant de 1935, seront, quant à eux, cédés,
voire liquidés aux
paysans.
Et encore que trouver les acquerreurs ne fut pas chose facile.
C'est pourquoi pour la campagne 1938-39, la SIP
de Kaolack ne céda que
71 houes, alors que celle de Diourbel n'en distribua que deux.
Devant une
telle situation, certaines autorités pensèrent que pour en sortir les SIP,
la seule solution est "que l'on ne veuille pas faire des statistiques et
que distributions massives, champs officiels de démonstration, de vulga-
risation, etc... où les indigènes cul ti vaient de force sans aucun profit,
restent prohibés" (1). Ceci est une autre preuve de l'instrument d'exploi-
tation que furent les SIP. 11 fallait non seulement introduire, mais vul-
gariser (peu importe les moyens) ces instruments modernes pour accroître
la production arachidière.
Une telle politique eut des conséquences, surtout sociales,
au niveau de la communauté villageoise.
Elle entraîna des changements dans
les mentalités des gens.
En effet,
les rapports entre paysans évoluèrent
d,..~
avec l'éclatement de la cellule familiale
; on a maintenant vrnolns en moins
besoin de bras des autres, la machine étant là pour les remplacer.
Par conséquent, le groupe se disloque et ces éléments s' indi v idualisent.
Chaque cultivateur peut maintenant dis poser d'une charrue et des animaux
pour les ti rer. Donc dis par ition de l' entr 'aide v illageoise sur laquelle
(1- ANS. 2Q82 Colonie du Sénégal, Cercle du Sine-Saloum
Rapp. économique 1935
.../ ...

251
reposait le système tr ad it ionne l , c'est que malheureusement, nous avons
aujourd 'hui constaté la rareté des différentes formes de mutualité étudiées
dans le chapitre précédent.
Avec ces instruments modernes, allait disparaître la forge du
village où les cultivateurs se rendaient pour
réparer leur ilère ou leur
dab a , Maintenant, c'est la société qui fournit aux paysans les pièces
de rechange.
Le forgeron,
rarement sollicité,
dut changer d'activités.
Il en était de même des laobés qui fabriquaient à partir du bois les
manches
de tous ces instruments traditionnels. Tous ces gens étaient
bons pour l'exode.
Nous avons parlé plus haut de la famille, comme unité de
base d'une structure économique,
sociale,
juridique. C'est juste, car
c'est elle qui détermine toute forme d'organisation en Afrique.
Elle, non
plus, ne sera épargnée par l'évolution introduite par les SIP en milieu
paysan. Le père de famille qui avait bien en main la situation familiale,
voit son autorité s'affaiblir avec la dislocation de cette unité de base.
Par exemple, ce n'est plus lui qui détermine les champs à cultiver,
ou qui emprunte à son nom auprès de la SIP, les semences familiales.
Même si la famille est dans la concession, le grenier contenant le mil
peut ne pas être collectif. Tous les membres contractent maintenant des
prêts à titre individuel auprès de ces coopératives agricoles et les SIP
oeuvrèrent dans ce sens. Ce n'est pas pour rien qu'elles avaient créé les
fermes-écoles, où l' indiv idu acquiert de nouvelles connaissances techniques.
Ainsi, en développant et en généralisant l'utilisation des instruments
attelés modernes, les SIP n'ont fait qu'accélérer le processus de
désinté-
gration de la société traditionnelle.
... / ...

252
Les SIP sont à l'origine de l'exode rural. On a expliqué comment
elles entraînèrent la disparition de la forge villageoise.
En libérant
certains membres de la communauté villageoise et en exigeant de moins
en moins de bras pour les travaux champêtres, les SIP amenèrent l'indigène
à s'orienter vers d'autres activités.
Par conséquent, on peut les tenir
pour responsables en partie du phénomène de prolétarisation urbaine,
jusque-là inconnue au Sénégal.
En effet, en agrandissant les surfaces à
cultiver jusque dans les régions restées intactes, elles permirent un
développement des échanges à tous les niveaux. Avec l'avènement de
l'automobile,
des villageois pouvaient voyager plus rapidement et atteindre
des centres dont ils avaient ignoré l'existence.
En entrant en contact
avec d'autres gens, fréquentant le plus souvent les centres et les escales,
les paysans élargissaient leur connaissance du monde par de nouvelles
découvertes ; ils cessaient, à partir de ce moment,
de croire que le
monde s'arrêtait au village.
L'administration prendra des mesures en vue
de sanctionner ces départs qualifiés "d'abandon fréquent de villages" (l)
par l' ind igène.
De toute façon,
les SlP ont favorisé,
même si c'est indirectement,
cette situation, car le surplus de paysans ne peut que venir augmenter la
population urbaine. Sans oublier que cette culture n'est plus rentable
pour la plupart d'entre eux.
(1) ANS. 5Q18.
26 Politique indigène collective. Second projet de
création - correspondance 1938-40. Direct.
des Aff.
polit. et adrn ,
n° 393 AP/3 cv. Général OK. 18 avril 1940.
Les décrets sont : décret du 29 mars 1923 portant sur le
vagabondage et celui du 24 avril 1928 sur la circulation des
indigènes.
.../ ...

253
Ainsi, apparaît une nouvelle classe qui est celle des prolé-
taires urbains avec le phénomène de l'exode. Cet exode massif correspond
avec la période où l'industrie n'était pas développée en Afrique,. à cause
du pacte colonial.
Si au moins les SIP n'étaient pas des sociétés s'orientant
exclusivement vers la production d'arachide, on aurait pu utiliser ces
gens à d'autres travaux.
BI. LES SIP ET LA DEGRADATION DU MILIEU NATUREL
Les SIP, avec leur politique d'extension de l'arachide, sont
responsables de la régression des forêts,
avec toutes les conséquences que
cela entraîne. Dans le cercle de Louga,
par exemple, la régression des
forêts était telle que,
dans tous les plans, il est demandé à la SIP
de
donner une place importante au reboisement, car la conséquence CO est la
régression de la nappe souterraine,
posant ainsi un problème d'eau.
L 0 exemple du Cayor est là,
pour inciter les gens à mener une
lutte contre la destruction des arbres ; la forêt y a été
remplacée par les
dunes de sable. Cela est vrai,
parce que l'arachide y avait atteint son
extension maximale.
Dans une telle situation, les autorités auraient dû prôner une
politique de rendement,
basée sur la vulgarisation d'une technologie
efficace ; au lieu de cela, malgré la vulgarisation d'un matériel agricole
moderne, on assista par contre à une rapide progression de cette culture
d'exportation qui,
parallèlement, entraînait une
régression de la forêt •
. . . 1...

254
Cette régression a été constatée en Casamance et elle s'explique
par une politique agr ico le mal pensée. Nous parlons d'une mauvaise politique
agricole dans cette région,
parce que les Européens avaient trouvé sur place
une tradition de culture de riz très développée dans les rizières existantes.
Au lieu de chercher à améliorer cette technique,
ils ont voulu coûte que
coûte favoriser la propagation de la culture du riz qui poussa sur terrain
sec,
technique que les Diolas n'ignoraient pas (1). La conséquence fut que
l'extension de celle-ci, presque inconnue dans la région,
s'accompagnerait
inévitablement de l'abattage des arbres pour trouver les terrains nécessaires.
La même critique est valable pour tous les efforts déployés
par les SlP pour une extension de la culture de l'arachide. Ce furent
des voix très écoutées, mais le plus souvent ignorant la réalité,
qui étaient
responsables des errement et des aberrations de la politique coloniale.
Comment le Directeur de l'agriculture du Sénégal pouvait-il proposer que
la Casamance devienne une région à arachide de bouche, le Sénégal, une
zone destinée à la culture de l'arachide pour l'industrie de l' huile et
le Soudan pour les plantes vivrières tels que riz,
mil, coton? (2)
C'est v r airnent ignorer les capacités économiques de la Casamance.
C'est pour parer à de telles situations que l'administration et le service
forestier favorisèrent la constitution des réserves forestières dans
certains cercles.
(1)
(2)
PERROT (E)
Où en est l' AOF.
Lar os e 1939 p. 336
.../ ...

255
Les responsables du Sine-Saloum semblaient l'avoir compris,
en accordant des primes aux cultivateurs qui planteraient soit des arbres
fruitiers,
soit des arbres de futaie (cailcédras,
dimbes, etc ••• ).
Aujourd' hui, toutes les villes et même les routes départementales sont
jalonnées de cailcédrats, preuve de cet effort de reboisement.
Mais cette
politique de reboisement a échoué. Cet échec,
selon les autorités, est
imputable aux musulmans qui, serqb le-r-Ll , détruisent la forêt env ironnate
là où ils s'installent (1). Ces réserves devaient servir aussi (vision des
autorités coloniales) à contrecarrer les influences musulmanes par l' implan-
tation de colons sérères. C'est ainsi qu'on expliquait à l'époque la création
de la réserve forestière de Beghé, située entre l'avancée mour ide à partir
du canton de Colobane à l'ouest et les terres neuves. Une politique basée
sur l' hypo crisie ne peut aboutir, c'est la raison pour laquelle nous
pensons que l'explication donnée par les responsables est trop simpliste,
dans la mesure où ces musulmans dont il est question ne sont rien d'autre
que des cultivateurs d'arachides.
Il ne faut pas oublier de plus que la
culture de l'arachide est une agriculture sur brûlis, et que l'Européen a
poussé le paysan à produire plus sans pour autant l' habituer à faire cette
production sur une même surface. Ces paysans sont toujours à la recherche
de terres neuves, car ils pratiquent,
selon Adam,
une "culture minière"

et quand le filon est tar i , quand la fertilité est épuisée, on passe à un
autre filon,
à d'autres ter res neuves (2).
(l) ANS. 5Q82 Rapp.
n? 28 sur le fonctionnement de la SlP de Louga 1936
(2) ADAM cité par Fouquet: op. cit.
.../ ...

256
L'exemple typique est symbolisé par les cultivateurs mourides,
wolof-
musulmans,
dont les villages jalonnent le chemin de fer.
Le front pionnier
qu'ils ont constitué a atteint le S. E.
du Sénégal.
Une autre explication de l'échec du reboisement, c'est que les
autorités avaient trop demandé aux SIP. Le reboisement est et doit être
du ressort du service forestier,
et non pas des sociétés de prévoyance.
Malheureusement, les agents forestiers étaient le plus souvent mobilisés
non pas pour faire leur travail,
mais plutôt celui des coopératives :
participer à la campagne de récupération. Cette volonté de tout faire par
l'intermédiaire des SIP explique en partie les échecs. Elles ne devaient
pas se substituer à certains services. D'ailleurs, on abandonnera plus tard
cette pratique qui consistait à faire participer tous les services à la
distribution et à la récupération des semences.
Ce qu'on a retenu malheureusement, c'est que l'extension
de l'arachide semble négative pour le Sénégal. C'est pourquoi nous sommes
d'accord avec Camas quand il parle d'une politique de profit immédiat
et sans lendemain (1). On peut résumer ce profit ainsi
- ce profit immédiat se fait au détriment agricole du sol ;
- au détriment des cultures vivrières: l'augmentation des
surfaces en arachide correspond à une diminution de celles destinées
aux cultures vivrières.
Le nombre des travailleurs, s'il n'est pas cons-
tant,
baisse avec le phénomène de l'exode dont sont responsables les SIP.
(1) Camas (Pl
: Quel est le prix de revient de l'arachide?
Revue de la porte océane 5è année n? 46 février 1949
... 1•..

257
- enfin au détriment des valeurs forestières par l'écobuage
là aussi, nous pensons avoir mis l'accent sur la responsabilité des
sociétés de prévoyance.
Finalement, on peut dire que le vrai prix de revient de
l'arachide est une menace de stérilité du territoire. Conclusion pessimiste
mais difficilement acceptée à l'époque où les productions atteignaient des
tonnages importants. Mais actuellement, les conséquences de cette mauvaise
politique agricole se font sentir avec le problème de l'avancée du désert.
Cette désertification qui date du Néolithique selon Toupet (1), a dû être
accentuée par un phénomène historique : la colonisation et l'introduction
de la monoculture d'exportation dont l'extension a été l'oeuvre des SIP.
Il fallait coûte que coûte, quelle que soit la conséquence,
produire d.avan-
tage pour mettre en marche les huileries de la métropole, et remplir aussi
les caisses du trésor de l' AOF.
Cl. LES SIP
ADJUVANT DE DIFFERENCIATION SOCIALE
Consciente des limites de l'impact qu'elle avait sur les
paysans, l'administration coloniale s'était appuyée sur les autorités tradi-
tionnelles (chef de canton, notables)
pour mener à bien sa politique
agricole. C'est par l'intermédiaire de ces derniers que les SIP touchèrent
l'indigène. Ceci explique la place de choix que leur réservent les statuts.
En effet, les SIP fonctionnent normalement en ayant recours aux notables
et chefs de village. C'est ainsi que les greniers de réserve, créés dans
les différentes sections des SIP étaient sous la surveillance du chef de
village. Parmi les membres de la commission de surveillance de ces
sociétés, on note la présence d'un notable indigène, mais pas celle d'un
membre issu de la base. D'ailleurs, ce notable, comme on l'a dit plus
haut, était désigné par le Lieutenant-Gouverneur sur proposition du Comman-
dant de cercle.
(l)
"ENVIRONNEMENT AFRICAIN" n" Spécial sur la sécheresse
Volume 1 n? 2 avril 1975
... 1...

258
Associés à la gestion des SlP, ces chefs profitèrent de leur
situation au détriment des organisations. Ils manifestèrent leur influence
grandissante par des abus.
Des chefs de canton tel que Meissa Codou,
agissaient en tyran (l),
parait-il. Ce dernier,
aidé d'un certain Cremoux,
agent de la SIP, aurait fait fustiger le chef de village Ndi agne et distribué
une cinquantaine de coups de cravache. Le village,
semble-t-il,
devait
une redevance en graines à la société. De pareilles actions qui ne peuvent
que terni r I ' image de la SIP aux yeux
des indigènes, n'étaient pas des cas
isolés. Le fait de saupoudrer les paysans et les enfermer dans les maga-
sins, ou bien les ex poser au soleil, était monnaie courante (2).
Il ar r i vait
souvent dans le Niombato
que le chef de canton exigeait des paysans ne
pouvant rembourser,
de faire du charbon que les camions de la SIP viendront
charger ; ensuite on les écoulera dans les ville au profit bien sûr de la
société.
Les
différentes actions des SIP étaient sous contrôle du chef
de canton, car le comptable se trouvait être un homme de son choix, son
neveu
la plupart du temps, ou bien le fils
d'un de ses sujets ou protégés.
De ce fait, on lui ouvrait les caisses de la société dans lesquelles il
pouvait puiser à sa guise.
Dans un rapport du 16 mars 1939, on signalait dans le Sine
des cas où le chef de canton faisait établir des bons fictifs de récupération
afin d' accroitre le pourcentage de sa remise.
Il arrivait aussi qu'il
exigeât des membres de la SIP de payer plus de grains qu'ils n'en avaient
empruntées.
(l)
ANS. 5Q6-l9 - Copie télégramme d'état.
Paris 25 février 1935
n? 56 à Gouv , Général
(2)
Tous nos interlocuteurs sont unanimes sur ce point. Pour eux,
il
était inimaginable de ne pas rembourser les semences. On confisquait
dans le cas de non remboursements,
marmites, animaux,
lits en
plus de la chicotte.
... / ...

259
En effet,
pendant longtemps, c'est le système de mensuration
des graines au volume qui était pratiqué. L'instrument de mensuration ou
"boussele'"
(1)
était l'objet de controverse, car il favorisait les fraudes
et abus. Le représentant de la SIP pouvait remplir le fût au maximum
quand le paysan devait rembourser à la société ou bien le remplir juste
sur les bords quand la société lui prêtait des semences. En plus le
"bous sel e"
n'était pas posé à même le sol, mais plutôt sur le tas des
graines,
donc toujours incliné selon les circonstances.
Pour mettre fin à de telles pratiques, les autorités avaient fait
une commande de 70 bascules,
afin de remplacer ce système de mensuration
par celui de la pesée (2). On essaya de les familiariser aux bascules,
pour qu'ils puissent se rendre compte,
de visu,
du poids des graines
qu'ils remboursaient ou recevaient,
sans avoir besoin de savoir lire.
Mais cela n'a pas empêché ces pratiques de continuer, car de nouvelles
méthodes de fraude seront introduites lors des pesées. C'est ainsi que
certains peseurs préparaient à manger (riz-viande) à midi pour tout le
monde ; ainsi l'après-midi, les opèrations de pesage s'effectuaient sans
problème. Le peseur gagnait doublement : les gens le remerciaient pour sa
gentillesse (I ) et priaient pour lui ; ensuite, il pouvait voler ces pauvres
sans qu'ils réagissent.
D'autres moins souples, empêchaient purement et
simplement aux paysans de s'approcher de la bascule.
(1)
Boussele : la moitié d'un fOt.
Un demi-boussele s'appelle raille en
ouolof. Au début du siècle, certains traitants fabriquaient eux-mêmes
leur instrument de mensuration : une caisse carrée faite de lambrins
de sapins sans aucune uniformité de dimension.
(2)
ANS. 5Q80-77.
Pièce 1 à 8 corresp. entre Lr-Gouv , et Président
de la SIP octobre 29 décembre 1934.
.../ ...

260
Ces fraudes étaient favorisées par l'irrégularité des vérifi-
cations des bascules, et par le système de l'offre des cadeaux, le gérant
les posait sur la bascule au moment des opérations. Une telle fraude sera
dénoncée par 8 commerçants de Barnbey dans une pétition ad ressée au
Gouverneur du Sénégal
: le peseur de la SIP avait, semble-t-il, une
bascule qui ne reposait sur aucun socle.
Ils ont constaté qu'elle portait,
suspendue, une "ficelle à l'extrémité du fléau,
côté des poids, une pierre
de la grosseur d'oeuf de canard"
(1).
Paradoxalement, les plus mauvais payeurs et les détournements
de fonds se trouvaient être ces chefs et notables et dans le seul but
de s'enrichir.
Plusieurs chefs de canton furent compromis dans des affaires
de détournements. Ce fut le cas de Mawa DIOUF qui avait détourné,
de
décembre 1931 à janvier 1934, une quantité de graines évaluée à 15 tonnes (2);
il sera condamné à 3 ans de prison,
500 F d'amende et au remboursement
intégral. Massène SENE chef de canton,
détourna des sommes à la construction
de l'école de Gossas et achèta même des chevaux avec des arachides
prélevées dans les seccos de la SIP.
Autres affaires à signaler : celles concernant Macoumba NlANG
et Matar Ngouye DIOUF.
Le premier, fils du chef du Gandiolais, était
impliqué dans une affai re de détournement.
Le second s'était quand à lui,
approprié 47 tonnes appartenant à la SIP de Toul.
Le rôle qu'on faisait jouer à ces gens, fut celui d'un auxiliaire
de la politique économique de la colonie. Tout le pilier du système reposait
sur eux, ce qui explique les avantages dont ils profitaient. Mais pour
l'indigène, ils ne sont pas des collaborateurs et celà l'administration en était
consciente.
(I)
ANS. 5Q74-77. op. cit.
(2) ANS. 5Q80-77.
. .. ! ...

261
D'ailleurs, Brevié avait défini leur rôle dans une circulaire
" les chefs de canton sont à la fois les représentants des collecti vités
ethniques dont les tendances et les réactions éventuelles ne sauraient
les laisser indifférents et les mandataires d'une administration à laquelle
ils sont tenus d'obéir"
(l).
Pris encore entre le marteau et l'enclume, ils
défendirent plus les intérêts de l'administration, leurs intérêts que ceux
des indigènes.
Cette nouvelle structure d'encadrement que représentait la SIP
devait être l'appareil par lequel les colonisateurs pouvaient aider le
paysan à s'émanciper sur le plan socio-politico-économique. Mais tel ne
fut pas l'objectif du colonisateur, car il préféra "officialiser" cette forme
d'exploitation du paysan à partir du moment où son choix~porta sur les
chefs. En effet, les rapports entre les membres indigènes d'une SIP et
les employés, n'étaient rien d'autre que ceux d'un chef avec ses sujets.
Par exemple, le chef de village, chargé de la surveillance d'un grenier
de réserve, utilisa sa fonction comme moyen de pression sur l'indigène.
Il en profitait pour accroître son autorité en plus de celle qu'elle avait
sur les habitants de son village. Ce pouvoir constituait un obstacle
à
l'épanouissement des sociétaires, et un frein au fonctionnement de ladite
société. Ce que nous venons de dire est valable aussi pour les notables.
A parti r du moment où le chef de village n'était même pas un
sujet comparable à un quelconque membre de la SIP, pourquoi donc lui
confier des postes de responsabilité ? C'est si vrai que le décret du
18 novembre 1903 leur laissait quelques pouvoirs en matière de pénalités
et que les notables assistaient le Chef de canton dans ses fonctions de
Président du tribunal de premier degré (2).
(1) Circulaire du 22 septembre 1932. Rôle des Chefs de canton.
(2) Suret-Canale. op. cit.
.../ ...

262
Mais pour l'administration, la nomination de ces chefs et
notables répondait à un objectif précis
: ces derniers pouvaient exercer
leur influence,
voire leur autorité sur les paysans au moment des rembour-
sements des semences et de certaines dettes contractées auprès de la SIP.
Par conséquent, ce choix n'a fait que sui v re la logique coloniale, à
savoir contrôler le pays par l'intermédiaire de ces autorités autochtones,
ensuite les amener à favoriser l'exploitation de la colonie au profit des
Européens par les subsides versés. Ainsi c'est la course à la production
au détr iment des indigènes qui, en contrepartie, subissaient toutes ces
charges.
La conséquence sera une attitude de méfiance de la part des
autochtones.
Les SIP,
par leur comportement, firent que ces chefs naguère
respectés, écoutés et même craints par leurs sujets,
soient considérés
comme des auxiliaires de l'exploitation du paysan. Ainsi, allait se poser
le problème de l'exploitation du paysan. Ce sont eux qui accompagnaient
les commandants de cercle lors de leurs tournées. Ce sont eux aussi qui
cautionnaient toutes les promesses faites à l'indigène (augmentation des
prix de l'arachide par exemple)
par les autorités coloniales. Ils étaient
les garants du système aussi bien politique qu'économique. Cette place de
choix qu'occupaient les chefs dans le système, explique l'influence, voire
la faiblesse manifestée par l'administration, quand il s'agit de limiter les
abus ou de p rendre des sanctions contre les chefs.
Pour les autorités,
une certaine influence s'imposait et "qu'il
y avait intérêt dans un but d'apaisement, et pour ne pas entretenir
indéfiniment dans nos rapports avec les chefs une atmosphère de défiance
et de suspicion, à tirer un trait sur les faits
déjà anciens qui leur ont
été reprochés et au sujet desquels il est impossible d'avoir des preuves
formelles"
(l).
(l)
ANS.
5Q80-77 op. cit.
.../ ...

263
Cette attitude de l'administration trouvait sa raison dans
le contexte suivant : engager de nouvelles poursuites,
aurait pour consé-
quence de réduire le pouvoir de pression des chefs sur les indigènes.
Ceci se répercutera forcément au moment de la récupération des semences
et des dépôts,
car toute l'ossature des opérations reposait sur l'influence
du chef de canton.
L'exemple de Macoumba NlANG illustre mieux la faiblesse des
autorités. Ce dernier,
puni pour avoir détourné au préjudice de la SlP,
s'en était sorti avec,
bien sûr , l'aide de Ngalandou DIOUF en "menaçant
et en insultant les autorités"
(L) ,
Dans une lettre adressée au Lieutenant-
Gouverneur du Sénégal,
le Président du Conseil colonial dénonçait la
complaisance de l'administration qui favorisait les détournements cités plus
haut : il voyait dans l'application de certaines peines,
une sorte de prêt
consenti à un voleur (cas de Matar Ngouye DIOUF)
à qui on avait donné
tout le temps nécessaire pour rembourser les 47.000 F détournés à la SIP
de Toul. Cette complaisance,
voire cette faiblesse des autorités constitue
un encouragement, un exemple pour les autres chefs de canton,
au détournement.
Les autres chefs ne se feront pas prier,
puisqu'ils sont conscients que
l'administration tient à leur sécurité politique.
L'exemple illustrant cette mentalité fut l' histoire sui vante
qui nous a été racontée par un de nos interloctuteurs (2).
(i)
"FRANCE Coloniale" du 13 juin 1929
(2) Entretien avec Doudou MBODJ ancien chef de canton
Thiadiaye, Cercle de Thiès.
.. .! ...

264
Il
paraît que le Commandant de cercle de Thiès avait convoqué
un jour un des chefs de canton pour lui notifier que son fils avait détourné
les fonds de la SIP. Pour toute réponse.
le père lui fit savoir que son
seul regret c'est que son fils était trop gourmand puisqu'il a "mangé sa
part". Par conséquent. il faut lui retirer sa qualité de membre dans la
mesure où il n'a plus de part dans la société.
... / ...

1
,1
Il
l'l,
il
l'
Il
il
Il
Il
,
EVOLUTION DES SliP DURANT
LA 2e GUERRE 1939 - 45
1
1
1

265
Avec l'éclatement de la seconde guerre mondiale, le Sénégal
allait connaître une économie fermée.
Ce nouveau contexte entraîna des
modifications dans le fonctionnement et la gestion des SIP.
CHAPITRE l
LES SIP ET L'EFFORT DE GUERRE
La métropole ne pouvant plus communiquer avec la colonie, tout
se fait maintenant par la force des choses, au ni veau local. La vie économique
de la colonie s'en trouvera modifiée et les SIP
vont y jouer un rôle de
plus en plus important. Elles devinrent les véritables auxiliaires de l' écono-
mie, en participant d'une manière ou d'une autre à l'effort de guerre.
C'est ainsi que pour les causes de la défense nationale, on avait demandé
à la SIP de Ziguinchor de fournir de l' huile de palme. Malheureusement,
cette demande ne sera pas satisfaite, malgré l'abondance de cet arbre
dans la région,
parce que la SIP est une société à arachides. Tout est mis
en oeuvre pour le développement de cette graine au détriment des autres
possibilités de la région.
Vu la nouvelle conjoncture, les SIP s'orientèrent vers l'exploitation
des produits demandés par les maisons de commerce. Des actions étaient
menées en faveur des produits susceptibles de remplacer certains autres
qui faisaient défaut. Grâce à ces sociétés, leurs ad hérents exploitèrent
le bentanarré et je jiguis qui sont des substituts du café, le laydour qui
est une gomme beaucoup plus utilisée en pharmacie (1). Elles développèrent
aussi le ramassage du DAH.
(Il ANS 5Q57-74. Rapp. sur activité des SIP Sénégal 1940-41.
BENTANARRE : CASSIA occidentalis.
JIGUIS
: PILIOSTIGMA RECICULATUM.
... / ...

266
et du BISSAP (1)
par les indigènes pour la fabrication de sacs
: les sacs
qui servaient au transport de l'arachide avaient été importés et revenaient
chers aux SIP.
Par exemple, en 1928, la colonie avait imposé des sacs
pour une valeur de 19.500.000 F. Avec la situation de guerre, les SIP
ont été amenées à trouver une solution locale à cet épineux problème.
L'avantage c'est qu'elle a permis aux SIP
d'économiser.
La guerre a fait également que tout un programme de dévelop-
pement avait été entrepris.
La SIP de Thiès s'était fixée comme objectif à partir du
1er janvier 1941, de trouver toute aide,
pour l'amélioration et la vulga-
risation du produit de l'indigène. Ainsi,
avait-elle créé, avec ses propres
fonds, une station d'ostreiculture à Joal (2)
pour exploiter et vendre des
huitres.
Les indigènes viendront mettre leurs huitres en dépôt à la station
la SIP se chargera après sélection,
de l'emballage et de l'expédition pour
la vente. La SIP de Kaolack quant à elle, fut la seule à tenter des actions
en faveur de l'élevage. Elle avait acheté pour sa ferme
de Bongré des
géniteurs sélectionnés et fabriqué du sérum antipesteux
(3).
(1) DAH : DETARIUM MICROCARPUM
BISSAP : HIBISCUS SABDARIFFA
(2) ANS 5Q57-74
: op. cit.
(3) ANS 2G40-135
Les animaux achetés par la SIP
de Kaolack
4 étalons
Il Juments
2 Bandets marocains
7 taureaux
23 boeufs
On signale dans les rapports des années 1941-42 que seule le lutte
contre les épizooties n'a pas été négligée.
Mais pour les autres sous-
produits de l'élevage (cuirs,
peaux) le programme a été abandonné •
.../ ...

267
On a montré dans un autre chapitre comment les autorités
coloniales avalent habitué l'indigène à consommer du riz indochinois. Avec la
guerre,
il se trouve qu'elles ne pouvaient plus en importer d'Asie. Ainsi,
la culture du riz sera développée par la SIP de Thiès qui,
par la même
occasion, avait distribué des semences dans les Niayes et sur la Petite Côte.
Il en sera de même pour la SIP
de Ziguinchor qui. en 1939-40, avait créé
une traite de Paddy (1) et avait acheté quelques 457 tonnes.
A Tambacounda,
le chef de canton du Kalankadougou (Koupentoum) avait
passé une commande de 200 kgs de riz de marais pour ses semences.
La SIP
du Sine-Saloum chercha aussi à développer la culture de cette
céréale,
surtout dans le Bas-Saloum, où les surfaces passèrent de 3000 ha
en 1938- 39 à 6500 ha l'année sui vante.
Des essais de développement de la culture du coton et du
tabac seront tentés par les SIP de Matam et de Ziguinchor. Cette dernière
avait réussi à mettre sur pied des plantations de tabac (variété américaine)
mais les résultats ne furent pas encourageants (2).
A la veille du conflit mondial, les autorités avaient élaboré un
projet pour la culture de l'arachide de bouche (3).
En pleine guerre
(1940). le Gouverneur avait demandé à ce que des essais furent tentés
(1) ANS 2G40-135.
SP SENEGAL Compte rendu annuel 1939-40
(2) ANS 5Q57-74
(3)
ANS 6QI75 Pièce n? SE/2/5 - 24 MAI 1937. Arachide de bouches
Rôle des SIP
.../ ...

268
par les SIP dans la mesure où le débouché était assuré par le marché
,
Nord Africain qui en importait de Chine. Ainsi, les SIP se chargèrent du
choix des cultivateurs et de leur encadrement,
de mettre à leur disposition
des graines sélectionnées, afin de leur assurer des cours rémunérateurs.
En contrepartie, la totalité de la récolte des paysans devait être écoulée
par les seccos des SIP.
La guerre a eu pour conséquence d'élargir les champs d'action
des SIP, à savoir l'exploitation et la mise en valeur des produits
délaissés au profit de l'arachide (l). Mais cette situation n'était que
conjoncturelle. Il est vrai qu'il
avait cherché à exploiter tous les
produits utiles pour la guerre,
mais cette politique, à notre avis, était
mal entreprise.
En effet, c'est en même temps que toutes les SIP développèrent
la culture du coton, du riz ou de tel autre produit. C'est dans ce contexte
qu'il faut placer les efforts déployés par les SIP pour promouvoir les
cultures vivrières durant la seconde guerre mondiale.
En effet, avec la
guerre, la colonie avait des difficultés pour se ravitailler; ainsi les
autorités décidèrent-elles de substituer le riz indochinois par les cultures
vivrières locales. Tous ces facteurs avaient amené les administrateurs à
demander à ce que l'action des SIP soit dirigée vers d'autres activités
que la seule culture de l'arachide.
(l) L'intervention des SIP
dans le domaine de la pêche était nulle.
Ce que reconnaissent les autorités quand elles disaient que "point
n'était besoin jusqu'à présent d'intervenir dans cette activité en dehors
de l'aide matérielle (achat de pirogues et de filets)
que certains
d'entre elles n'ont point manqué de donner aux pêcheurs. Mais les
nécessités du moment imposent une politique toute différente et
l'industrie du poisson sec va retenir tout spécialement l'attention
des mutuelles intéressées (cf. ANS 2G40-135).
.../...

269
Mal heureusement , cette tentative de
réorienter l'action des SIP
échoua pour deux raisons
: d'abord cette politique d'extension des cultures
vivrières a été entreprise un peu tardivement; ensuite, elle n'est que
conjoncturelle car avec la fin de l'isolement en novembre 1942, elles rede-
viennent des SIP à arachides.
Ce qui est intéressant de retenir durant cette période de
conflit, c'est que les SIP étaient les véritables auxiliaires du développement
économique. C'est la période aussi durant laquelle elles furent le plus
menacées à tel point que,
les autorités proposèrent à toutes les SIP
d' inté-
resser davantage les indigènes (en les associant) à une participation de
plus en plus effective à la gestion de leurs "intérêts communs". Ces quatre
années de guerre furent marquées par des pratiques abusives à tous les
niveaux, mais surtout au détriment des paysans. D'ailleurs, le. Gouverneur
Général avait dénoncé de telles pratiques dans un discours
: "Si nous
devons exiger du travailleur un rendement correct, nous devons lui assurer
un traitement équitable" (1).
(1) Discours du Gouverneur Général p. Cournarie au Conseil du
gouvernement -
déc.
1943
.. ./...

270
CHAPITRE II. LES PROBLEMES LIES A LA.
GUERRE
Devant la nouvelle conj onctur e , deux const-ats peuvent être faits
:
d'abord,
un mauvais fonctionnement des SIP, ensuite, un risque de dévia'!'ion.
A. Difficultés de fonctionnemenT
Celles-ci s'expliquent par la coupure des liens entre le Sénégal
et la métropole. Toutes les entreprises,
réalisations économiques de ce fait,
sont ar rëeêes , faute de matériel ou de personnels qualifiés.
Pour preuve,
la société de Ziguinchor connut un problème de personnel, car l'agent-
européen était mobilisé et envoyé à Dakar. Ainsi, la SIP avait fai'!' appel
à des personnes non qualifiées, comme par exemple les mécaniciens lettrés.
On les utilisa pour effectuer le travail d'un agent de la SIP, sans pour
autant être recyclé.
L 'essentiel, pour les autorités , c'est que la société
doi'!) fonctionner.
D'ailleurs, en pleine guerre, c'est aux chefs de canton
que revenaient la charge de distribuer et de stocker les semences. De tels
problèmes [ustff latenr la fusion des SIP de Ziguinchor (1). Mais toutes les
SIP n'étaient pas confrontées à ce problème: celle de Thiès, par exemple,
n'avait pas besoin de l'aide de l'administration pour effectuer ses
opérations. Autres causes des difficultés de fonctionnement des SIP
: la
qual Irê du personnel ainsi que la méthode de recrutement de ses agents.
Parmi le personnel, on retrouvait les épaves du commerce reconvertis en
Administrateurs ou autres, les protégés et recommandés politiques.
Ce qui explique la traduction du sigle SP par "Soupe Populaire"
(2).
(1) ANS. 5Q60-7~. Dossier n° 73 SP-Ziguinchor.
(2) ANS. 5Q82.
P.
290/AE. Rapp. n°
12-5 Fêv , 1935.
.. ./ ...

271
Il Y a aussi l'isolement de la colonie qui s'ex plique par le pas
marqué dans la réalisation des programmes de
développement. Ainsi, l'action
de la SIP de Ziguinchor pour le développement du riz,
s'était avérée peu
rentable,
parce que le matériel qui devait servir à l'installation d'une
usine n'avait pas été livré. Il en était de même de l'exploitation des palmistes:
toutes les machines, concasseurs ne fonctionnent plus, faute de
pièces de
rechange.
Dans le programme des SIP où la politique de l' hydraulique
agricole occupait une place importante, un seul puits n'avait pas été foncé
faute de matériel, et de ciment notamment. Ces travaux ont été interrompus
dès juin 1940. Pour l'ensemble des SI P,
on relève une réduction très sensible
des dépenses de construction ou d'achat de matériel
: en l'espace d'un an,
elles tombèrent de plus de 5.700.000 à 4.900.000 F. Cette baisse s'accen-
tuant d'année en année. La conséquence fut l'abandon momentané de l' implan-
tation des paysans dans les terres neuves qui avait pour objectif de développer
et d'accroître la culture de l'arachide. Si on n'a pas foré de nouveaux puits,
le problème demeure entier pour la maintenance de ceux qui étaient déjà
fonctionnels.
En effet, avant la fin de l'isolement,
surtout en 1941,
le pro-
blème d'entretien se posa avec acuité, le ciment et le fer faisant défaut.
Tous les efforts des SIP et de l'administration se réduisirent à néant.
Les
installations se détérioraient faute de matériel.
A ces difficultés de fonctionnement,
s'ajouta la diminution
des adhérents. Pour l'exercice 1940-41, ils étaient au nombre de 1.115.000,
soit une diminution de 25.728 âmes par rap port à l'année précédente (1).
Il faudra ajouter, à ce chiffre,
les membres de leur famille qui sont
mobilisés ou qui ont migré vers des régions plus éloignées pour échapper
à l'enrôlement. Ceci, eut des répercussions sur la production qui atteignit
son ni veau le plus bas :
115. 000 T en 1943.
(1)
En 1940, avec la suppresion du cercle de Sakel et son partage entre
les cercles de Matam et Tamba,
disparaissait la société de prévoyance
dudit cercle.
.../ ..

272
~"
'.
Cette faiblesse de la production, hormis la situation
de guerre,
peut être expliquée par plusieurs facteurs.
On peut citer
entre autre le mauvais hivernage de 1940-41, l'invasion acridienne de 1943
qui eut pour conséquence, la destruction des récoltes de mil surtout.
Le paysan consomma son arachide, et le problème des semences et de leurs
qualités se reposa.
Durant la campagne 1942-43, sur les 55.000 T.
de semences
distribuées, une
bonne partie était composée de graines non sélectionnées.
Le paysan ne peut rembourser que ce qu'il avait, c'est-à-dire des graines
mélangées. Cette tendance à la dépréciation de la qualité de l'arachide,
liée à la rareté des semences sélectionnées, s'était dessinée dès le début
du conflit. En 1939 par exemple, sur un total de 48.876 T.
distribuées,
seules 5.500 T.
provenaient de la station de Bambey, alors qu'elle s'élevait
à plus de 7.500 T.
pour la campagne précédente. La situation était d'autant
plus catastrophique que,
sur les quinze sociétés que compte le pays, seules
huit reçurent en 1939 les semences ; la quantité avait diminué dans certaines
comme celle de Kaolack: 2.000 T. en moins par rapport à l'année 1938.
Sur un total de 48.474 T. en 1939, la répartition était
la sui vante (l)
Kaolack
20.705 T.
42,71 %
Thiès
8.600 T.
17,74 1'l:
Diourbel
7.738 T.
15,96 %
Louga
4.586 T.
9,46 %
Parmi toutes ces sociétés, seules celle de Diourbel avait reçu
un surplus de semences, soit plus de 300 T.
Sur un total de 7738 T.,
les semences sélectionnées représentaient 32 %.
(1) ANS. 5Q57-74.
op. cit.
.../ ...

273
Par contre,
des SIP comme celles de Kolda,
Linguère et Podor
recevront respectivement 1T. 400,
1T .100 et 540 kg de semences sélectionnées.
Malgré toutes ces difficultés rencontrées,
les SIP,
pour ne pas échouer dans
leur politique,
devaient soutenir l'indigène. Ainsi, sera-t-il procédé à
l'achat massif de vivres en 1940-41 pour une valeur de plus de 17.000.000 F.
contre 5.800.000 durant l'exercice précédent. Si l'indigène ne produit pas
assez, s'il n'a pas de quoi nourrir sa famille,
il est certain qu'il ne pourra
rembourser ses dettes. D'ailleurs, le nombre des impayés s'accrut d'année
en année et atteignit dans certaines régions (cas du Bas Sénégal) 30 %.
Cette difficulté de trésorerie était due aux mauvais payeurs que sont les
citoyens mais surtout les chefs autochtones.
Ils ont toujours confondu ces
prêts (de semences ou es pèces ) à des dons dans la mesure où ils ne sont
jamais inquiétés quand ils ne remboursent pas.
Et pour cause ! On peut citer
entre autre exemple la SIP du Sine-Saloum à qui on devait en 1935 un total
de plus de 462 T. de semences prêtées durant les deux campagnes prédé-
dentes. Les débiteurs n'étaient autres que ces chefs indigènes et ces citoyens.
Puisque ces prêts représentent l'une des principales ressources
des SIP, on cornp rend aisément les difficultés qu'elles rencontrèrent et
toutes
les mesures prises pour relever la production. Un autre obstacle nuit au
fonctionnement correct de ces organismes
: la chute des dépôts des paysans.
Ils diminuèrent d'une manière spectaculaire,
passant de 41.293 T.
en
1940-41 à 3.959 T.
un an plus tard.
Ajoutons à cela le pas marqué par les SIP
dans leur effort
de vulgarisation de l'outillage agricole : de 1500 semoirs (moyenne annuelle),
leur nombre tomba à 758 en 1942-43, soit une diminution de 50 %.
Très inquiétant pour l' aveni r de la colonie.
.. ./ ...

274
BI. Modifications dans les opérations et gestions financières
Dès leur création, on a expliqué de quoi étaient constituées
les finances des SIP. On retenait,
dans l'actif de ces sociétés, les cotisa-
tions dont l'importance était liée au nombre d' habitants du cercle.
Des SIP comme celle de Kaolack, comprenaient en 1911 quelque 160.000
membres répartis dans 19 sections. Si on calcule au taux de IF.
de
cotisation par membre, elle d é t e n a i t .
dans ses caisses la somme
de 160.000 F.
De son côté,celle du Baol avait plus de 80.000 membres à la
date de sa création.
Elle avait mis tout en oeuvre pour rassembler la
Somme nécessaire à l'exécution des travaux.
D' ai l leur s , eUe détenait en
caisse la somme de 103.211 F et avait dépensé les 50 % à la réalisation
de son programme de 1911 (1)
13 puits terminés et 27 autres en construction.
Il est certain que la gestion des finances des premières
sociétés était très impie. Les opérations financières étaient limitées soit
à l'achat de semences ou de matériel agricole, soit à celui du matériel
destiné à l'exécution des travaux de forage des puits. Les prêts en espèces
à des particuliers de même que les dons étaient rares ; par conséquent,
leur bilan ne pouvait être que positif.
Mieux
: la totalité de la somme disponible ne pouvait être
gardée par le trésorier de la SIP, si ceUe-ci dépassait 2000 F,
le surplus
devait être déposé à la banque. Toutes ces mesures pour éviter l'usage de
cette somme à des fins particulières n'intéressant aucunement les SIP.
(1)
ANS.
lQ61-
op. ci t ,
...1...

275
A partir du moment où le décret du 9 novembre 1933 leur permet
de prendre position de vendeur et même d'acheteur de graines, les problèmes
de gestion apparurent.
Ils seront accentués par la situation de guerre.
Les cotisations qui constituent la principale source des finances
ont été relevées au maximum à 5F
(1).
Parmi les
SIP,
les plus riches à
la veille de la guerre
(1937), on peut signaler : la SIP de Kaolack avec
théoriquement en caisse (306.810 x 5)
= 1.534.050 F. et celle du Baol
qui disposait de (121.518 x 5)
= 607.590 F.
à la banque.
Parmi les moins riches, on a la société du Bas-Sénégal qui
fonctionnait avec la somme de (17.655 x 5)
= 88.275 F.
Pour l'ensemble des SIP du Sénégal,
les cotisations s'élevaient
à (1.183.208 x 5) = 5.916.040.
La deuxième source la plus importante des recettes est
constituée par la vente des graines en excédent et des intérêts des sommes
prêtées aux sociétaires.
Sur un total en caisse de plus de 18 Millions durant la campagne
1938-39, la part des ventes des graines représentait 15 Millions,
soit
78 % des recettes des SIP.
Pour l'exercice 1942-43, elle ne représentait
plus que 42,6 % ; alors la nécessité du
redressement financier
de ces
organismes de coopération se fera sentir, car on assiste chaque année à
une augmentation des opérations non
rémunératrices.
(1) ANS. 5Q57-74. op. cit.
Les cotisations sont passées de 4 à 5 F.
à Kaolack.
De 3 à 4 F. à Diourbel.
De 2 à 3 F à Kolda,
durant
l'exercice 1940-41.
.../ ...

276
En effet, les finances des SlP étaient absorbées par des
dépenses non bénéficiaires telles que celle des frais administratifs.
Elles dépensaient souvent pour un personnel pléthorique et étaient aussi
limitées par leur caractère bureaucratique.
Par exemple, la SlP
de Louga
avait dépensé pour le salaire de son personnel la somme de 130.000 F
alors que les cotisations de ces membres s'élevaient à peine à 170.000 F.
Celle de Thiès était dans la même situation : son fonctionnaire européen
à l'efficacité douteuse, avait un salaire estimé à 17 % de la valeur des
300 T. entreposées dans les seccos de la société.
Cet as pect bureaucratique fait que tout l'argent était dépensé
soit au paiement du personnel, soit à l'achat d'imprimés et d'équipements
de bureaux ou enfin à l'achat de carburant pour les véhicules.
Les- frais administratifs
qui représentaient 34 % des dépenses
des SlP,
passèrent res pect i vement à 53 % en 1939-40 à 86 % durant la
campagne 1941-42 pour atteindre le maximum 107 % pendant l'exercice
suivant. Ce rapide diagnostic montre que les SlP qui fonctionnaient tant
bien que mal
jusqu'à présent,
sont maintenant déficitaires.
L'administration ne pouvait pas supporter de telles pertes,
car en 1942-43, les recettes des SlP s'élevaient à un peu plus de 19 Mil-
lions, alors que les dépenses effectuées étaient estimées à plus de 45 Mil-
lions, alors qu'au début du second conflit, leur bilan était positif, car
on relevait un excédent de quelque 8 Millions de francs(l).
La cause d'une
telle situation est que certaines dépenses effectuées devaient normalement
être faites par le budget local.
(l) ANS. 5Q57-74.
Rapp. annuel moral et financier 1938-39.
.../ ...

277
C'est ainsi que la SIP de Kaolack avait financé, avec ses
propres ressources,
la construction d'une école et d'un dispensaire à Gossas
pour une valeur de 140.000 F. Dans le cercle de Louga , le parc automobile
des SIP servait plus au cercle qu'à la société. Il en était de même de celui
de Thiès qui eomprenait à partir de 1937, cinq véhicules dont un seul
camion. 'Cec i nous amène à conclure que ces voitures étaient utilisées à
d'autres fins.
On nous signale même dans les rapports des factures
de
télécommunieation demandées par le cercle, mais payées sur le compte de
la SIP.
La soe iété de Thiès, jusqu'en 1937, n'avait pas de locaux et son
secrétaire avait reçu l'hospitalité à la résidence. Ceci est d'autant plus vrai
que les locaux de la SIP
de Koungheul ont abrité les bureaux du Chef
d'arrondissement jusqu'àprès l'indépendance.
La SIP
du Baol dont le budget était excédentaire au début,
va, elle aussi, s'embourber dans des magouilles.
Elle aura à régler,
sur
sa propre trésorerie, la somme de 39.000 F.
pour payer les impôts du
canton de Ngouye, le Chef n'ayant pas pu en récupérer qu'une infime partie.
Il y a aussi que le bilan des SIP sera difficilement positif avec les
détournements qui se font de plus en plus nomb reux,
détournements favorisés
par le non respect des statuts.
En effet, ce non respect des textes se
manifeste par le fait que certaines sociétés acceptaient des cotisations des
gens qui ne sont pas des cultivateurs.
Ces citoyens habitant les escales profitèrent de cette
situation pour faire des emprunts qui ne seront jamais remboursés. On peut
citer le cas de la SIP de Louga où des gens prenaient des quantités de
graines dépassant leur besoin ; certains faisaient de l' huile avec des graines .
.../ ...

278
L'autre exemple qu'on peut signaler c'est celui de la société
de Thiès qui faisait payer à tous les contribuables la cotisation. D'ailleurs
l'administrateur du cercle accordait des prêts de semences aux citoyens sur
intervention du député du Sénégal. Ceci est loin d'être conforme aux statuts.
La SIP par son système de recrutement des fonctionnaires euro-
péens, creusait sa propre tombe. On a vu que toutes les opérations, les plus
importantes en tout cas,
devaient être effectuées par les Européens et il est
vraiment étonant de constater avec quelle légèreté on les embauchait. Ils
l'étaient souvent sans cur riculum v i tae , Cette légèreté ex plique le détourne-
ment du gendarme Marysh en service à Khombole.
Il est parvenu à établir
des certificats de dépôts fictifs pour une valeur de 1. 219 F. Si l' adminis-
tration n'a pas porté plainte, c'est, semble-t-il,
parce qu'il était déjà
poursuivi pour avoir vendu une caisse de babouches tombés d'un véhicule
sur la route de Diour bel. Des Marysh, il Y en avait beaucoup et au lieu de
les cornbattr e , ce sont souvent les autorités qui les protègent,
violant ainsi
les textes.
Blaise DIAGNE agira dans ce sens en imposant un certain Roche,
licencié de son poste, ancien commerçant et membre de la Chambre de commerce
de Rufisque.
Il interviendra en sa faveur et Roche finalement sera affecté aux
seccos de Rufisque et de Sébikhotane, soit un total de 210 T.
placées sous
sa responsabilité. Sa présence n' y était pas indispensable vu la somme qu'il
coûtait à la SIP. En effet, malgré son "inefficacité, son manque de rendement",
il revenait à la société 30.000 F de salaire annuel,
répartis comme suit
24.000 F. + 2.250 F.
pour le logement + frais
de voyage avec sa femme en
deuxième classe (1). Si on calcule les 210 T ..' qu'il gère au cours de 71 F.
les 100 kgs,
il prendra les 20 % de ce total qui s'élevait à 149.100. F.
(I)
ANS. 5Q82. Rapp. n° 27 du 27 septembre 1936. Dossier Thiès .
.../ ...

279
D'autres Européens se sentant bien protégés, allaient manifester
leur caractère d'indépendance par des mesures n'ayant aucun intérêt pour
l'indigène. C'est ainsi que Reynier (1),
Président de la SIP du Sine-Saloum,
avait sollicité de la maison Pe rte r scn quelque 330 T. d'arachides remboursables
au taux de 12,5 %. Il semble qu'il était à court de semences, alors que
normalement,
dans ces cas, il aurait dû d'abord s'adresser à d'autres SIP.
Pour n' a voir pas res pecté les statuts,
pour effectuer les opérations. les
SIP étaient condamnées par leur mauvaise gestion. On a montré qu'avant. leur
gestion était saine et qu'elles fonctionnaient avec leurs p rop res finances.
Maintenant, tel n'est plus le cas
: non seulement, elles sont déficitaires, mais
encore, elles sont débitrices des banques,
du crédit agricole et plus grave
encore du commerce.
Il est clair qu'avec de tels résultats, les SIP vont se trans-
former par la force des choses
: des budgets déficitaires, un fonctionnement
rendu impossible malgré les efforts d'assainissement.
Cette modification des opérations financières des SIP est
confirmée par une circulaire du Gouverneur Général.
Elle donnait instruction
aux SIP de se cantonner dorénavant dans les "activités de production écono-
mique conduisant à des activités purent commerciales " (1). C'est ainsi que,
les autres secteurs qui faisaient la raison d'être de ces organismes seront
relégués au second plan,
voire même abandonnés purement et simplement.
Par exemple, pour ce qui est de leur contribution sur le plan social, aspect
sur lequel ils ont échoué et de leur participation au développement agricole
(amélioration agriculture et équipement rural), les autorités décidèrent de
(1)
ANS. 5Q91. Circulaire 26 juillet 1941 portant sur transformation des SP.
(2) ANS : 5Q80-77. Rapport sur les irrégularités commises à la SP du
Sine-Saloum relevées depuis août 1934.
. .. / ...

280
les enlever des programmes de SIP. A partir de ce moment, ces secteurs
seront à la charge du budget des cercles. Une telle décision était prise,
semble-t-il,
pour diminuer les charges des sociétés de prévoyance,
réduisant
ainsi les dépenses.
La question est de savoir maintenant si les SIP, en se limitant
aux "seules opérations commerciales", ne deviennent des maisons de commerce
qu'elles ont longtemps combattues,
si elles ne sont pas entrain de faire un
pas en arrière par rapport à tout ce qui a été fait jusqu'à présent. En d'autres
termes, ne risque-t-on pas de revenir à la situation d'avant les sociétés
indigènes de prévoyance. De toute façon,
on constate que :
-
les SIP appareils de production et d'encadrement se sont
transformées progressivement en de véritables appareils d'exploitation; elles
n'ont plus de programme social et les paysans sont insérés dans un système
d'encadrement à l'intérieur duquel tout est fait pour qu'aucune lueur n' ap pa-
ra i s se à l' horizon de l'émancipation socio-politique du monde rural.
- Les maisons de commerce n'avaient pas tort,
quand elles
disaient que les SIP cherchaient à les évincer des opérations.
Pour cela, il
faut revenir un peu en arrière sur les incidents entre les maisons de commerce,
les SIP et les différentes campagnes de dénigrement.
.../ ...

281
Bien que l'intention des autorités ne fut à aucun moment
avouée dans ce domaine,
une telle accusation est difficilement réfutable,
quand on sait que des instructions sont données pour que les SIP ne fassent
plus que des opérations commerciales. Encore, faud rait-il qu'elles soient
rentables.
Au terme de ce chapitre, le diagnostic,
bien que sévère, donne
le résultat suivant
les SIP sont atteintes d'un mal incurable : c'est l' en-
semble du système qui est atteint de ce mal.
L'échec est patent,
parce
qu'elles ont sombré sous le poids de leurs charges, parce qu'elles n'ont pas
su assurer le fonctionnement correct de ce gigantesque appareil qu'elles furent.
D'ailleurs, c'est ce qui explique l'hostilité des paysans à leur endroit et
le combat que le commerce avait mené contre elles, qu'elles se soient sabordées
par leur mauvaise gestion et leur politique hasardeuse qui consistait à vouloir
tout faire
: développer toutes les cultures, exécuter les programmes de la
colonie, être considérées comme des vaches laitières (annexe de l'administration)
mises à la disposition des autorités locales qui confondaient les fonds des SIP
aux budgets des cercles.
. .. ! ...

282
CHAPITRE III
LES SIP
NOUVEAU CREUX DE LA VAGUE 1945-47
Ce constat d'échec que nous
venons de faire avait amené les
colons à tirer les leçons qui s'imposaient,
et à chercher une solution au
problème de l'arachide.
Solution très difficile à trouver
: à plusieurs reprises,
on avait essayé de sauver les sociétés de prévoyance en rénovant et en
réajustant leurs objectifs. Sans résultat positif,
puisque le mal s'était
généralisé.
Il se trouve qu'on ne pouvait plus abandonner la culture de
l'arachide pour un autre produit : le pays vit grâce à l'arachide.
Que restait-il aux autor ités maintenant comme solution ?
A.
DEUXIEME BATAILLE DE L'ARACHIDE
Vu la gravité de la situation,
les autorités cherchèrent des
stimulants pour récupérer le mouvement coopératif ; leur objectif était de
relever la production qui avait atteint un niveau alarmant.
Pour y parvenir,
elles se tournèrent vers les navêtanes et les agriculteurs mourides.
10 / .
Appel aux navétanes
La participation des navétanes à cette bataille de l'arachide
n'est pas une nouveauté.
En effet, avant la crise,
les autorités avaient
constaté dans le Sine-Saloum,
que leur arrivée en grand nombre avait permis
une augmentation considérable de la production.
Il en venait annuellement
10.000 à 15.000 (I). C'est cette pratique que les administrateurs voulaient
utiliser pour relever la production qui était à son niveau le plus bas.
(I)
AUJAS (L)
: Région du Sine-Saloum.
Port de Kaolack.
BCEHS n°
1-2
1929. Janvier-juin 1930
.../ ...

1
283
1
1
Toute une série de mesures sera prise pour attirer "es hommes
du Navet (hivernage) ou Nav êtanes (I).
La mesure la plus immédiate et
1
concer nant tous les p roducteur s , fut le relèvement du prix de l'arachide
à un niveau raisonnable. Les prix étaient de 1,70 F/kg en 1943-44 dans les
1
régions grosses p roducrr Ices de l'ara"hide. Donc, il fallait coûte que coûte
les relever,
afin de donner une nouvelle impulsion à l'agriculture.
1
Ainsi,
dès 1943, il sera accordé aux Navérene s des facilités de
transport consistant en une r êduct.ion des tarifs de chemin de fer.
Les SIP
1
accordèrent des prêts en espèces aux principaux producteurs et aux chefs de
collectivités indigènes afin de les inciter à recruter assez de Navétanes.
1
D'ailleurs, un crédit d'un million avait été débloqué dans ce sens durant la
campagne 1943-44. Ces efforts semblent porter leur fruit, car pour les deux
1
campagnes précédentes, le nombre des Navéranes dépassait à peine 20.000
arrivées ; mais à partir de ce crédit, on a constaté deux fois plus de
Navêtanes , environ quelque 43.000 venus.
Devant la nécessité d'augmenter le nombre de Navétanes,
les autorités leurs accordaient davantage de privilèges : le ravitaillement
était assuré à tel point qu'en 1944-45, les vivres disponibles sont jugés
suffisants pour les cercles concernés par l' ar r i vée de ces travailleurs
saisonniers. Mieux, les prix de vente aux paysans de certains produits
comme le mil ou le riz étaient abaissés. Dans la même période, les SIP
relevèrent le cours de l'arachide payé aux cultivateurs, cours qui passa
de 1,70F à 3F le kilogramme dans la région productrice d'arachide.
(I) ANS. 5Q54-74.
Pièce n? 33/10 SE/P. Direction Générale des services
économiques.
... / ...

1
284
1
1
Est-ce que, tous ces efforts déployés ont donné satisfaction ?
Le but visé a-t-il été atteint? Ce qui est certain, c'est qu'ils permirent
1
à la production de
remonter la pente ; si la production avait atteint les
560.000 T. au début de la guerre, on constate qu'elle tournait autour de
1
200.000 T. à 300.000 T.
en plein conflit ; il faudra attendre la fin des
hostilités pour qu'elle se stabilise à 430.000 T.
pendant des années.
1
Il faudra retenir aussi que l'arrivée massive des Navétanes
1
durant cette période n'a duré que quelques années. C'est en 1939 que se
situent les plus importantes arrivées avec quelques 64.000 Navétanes.
A partir de cette date charnière, on constate une véritable évolution en
1
dents de scie avec des chiffres trois fois inférieurs à celui de 1939.
La rep rise ne sera entamée qu'à la fin de l'isolement sans que soit atteint
1
le nombre de travailleurs d'avant guerre.
Dans la même période,
les semences distribuées par les SIP
avaient sensiblement évolué,
passant de 48.000 T en 1939 à 56.000 T
à la fin des hostilités.
L'analyse de ces trois éléments nous permet de constater
sur le graphique de la page suivante que :
-
les périodes de fortes productions correspondent avec
l'arrivée massive des Navétanes. Ce fut le cas en 1939 avec une production
record de 560. 000 T.
à chaque fois que le nombre des Navétanes avait
baissé, la production en subit les contre coups. C'est ainsi qu'en 1941,
la récolte n'est que de 200.000 T. et les Navétanes avaient diminué
jusqu'à atteindre le 1/3 des arrivées de 1939.
. .. / ...

- - - - -- - -- - - - - - - - - - -
x
TONNES
70.000
couneE D'EVOLUTION DES NAVETANES ET DES SEmENCES DISTRIBUE6S PAR LES SIP
-
,
baisse navetane maintenuB, augmentation semlnce
60.000
~ relèvement ~roduction
" , ...
'" '"
--,
,,'" '"
- ,
1
,
#'--
/
1= SEMENCES
50.000
--
--
,,-
--------/'"
2 = NAVETANES
arrivlle massiv'
navetane. sem.nc~s
40.000
normal es ~ fort e
production.
IV
co
Vl
30.000
20.000
baisse semences. baisse arrivée
arrivéa nabetanes~ faible ~roduction
2
10.000
1939
1940
1941
1942
1943
1944
1945
1946
1947
ANNEES

286
Ces
données doivent être traitées avec précaution, car on
sait que les Navétanes venaient en deux principales vagues : la première
pour participer aux cultures,
donc installée dans les villages bien avant
les pluies ; la seconde,
pour partici per aux récoltes.
- Cette analyse permet de constater que les semences se sont
accrues et qu'elles ne sont jamais descendues à un seuil inquiétant.
Au contraire, les SIP ont rempli avec succès leur rôle de fournisseur de
semences depuis l'élimination du commerce. En effet,
depuis l'endettement
de 1932 estimé à plus de 28 millions de francs
pour la reconstitution du
stock sernene ie r , les SIP
distribuèrent chaque année les graines provenant
soit de leur propre réserve,
soit que le déficit a été comblé par achat.
De toute façon,
les semences ne firent plus défaut.
- La dernière remarque c'est qu'après la guerre, il venait de
moins en moins de Navétanes pour diverses raisons
; ce qui explique que
les SIP aient mis l'accent sur l'accomplissement des semences pour compenser
le déficit de bras supplémentaires, afin que la production soit maintenue
à un niveau acceptable. S'est n'est venu au Sénégal en 1945 que 35.000
Navétane s , les SIP par contre,
ont distribué plus de 56.000 T de semences.
L'année suivante, avec 12.000 arrivées (chiffre le plus bas depuis
la guerre), les semences prêtées étaient évaluées à 60.000 T.
A partir de toutes ces données,
on peut avancer sans risque de
se tromper que les SIP avaient réussi à atteindre les objectifs qu'ils
s'étaient fixés même si la production n'a pu être égalée : la récolte record
de 1939 par exemple ne sera jamais réalisée, ceci malgré tous les efforts
consentis, tous les moyens mis en oeuvre.
... / ...

èijij':bDo;,,,, ,
, lD ~Hli\\4_~;:;i[J'A HA CHIO ES ~X~ORT[S G~R LE
5EH1E GAL 1935' -
~-q-:"'
1
- -t'
- ::(sou1::cès 'diverse~ '../a1.,t' arme x e P. 305-307)
-iècJi:;ci:,-,
l'
1
~
ct:hiJIi i .
sèc~ncJBi que r r a mondicüe
----- _.. --! ..-;[.
:-;._;~!::··:_Ç:·l
-L, _
.._~
.
i·-
1
1
'!
,
,;~F~~'T
,
--1---
t~f;:-~~-l'
1
-f
--:~-;-::t-:::-.~: -
-
- -, -i-
,
~~t:~(:L
.:;-.-_:.:~.~_!_-.:..-_---.::_-_---....:-....:.........'---;.:-~
_~;~:~:r:;~.>, t'~

.
.
.
- ~.
.-:
~~é~.luation de 1937
'.)
!400c; 000 1_
,- .J- ,,-- ._-- "
.
_. ,-- i
....:...::..:
-, -i'
1
,
",Ji J9;l_BJ ..0lff'o nd rem ent
,
.•. :.... -- -1'
- - - - - - - . _ .. _._-
de slcoub s mondi aux
:L~'-
.;-:~ - I-:'-j
~ _o. -
1
. , .. .
. .
,
~
----._~------
_ _
-,_-_-,_":..L
i~' .
--
__
- - - - - -_.- -
._--,--
-~'.-.
"-1
-
'
. _ .
0 _ ••
,
-i
, .
.-
.}.
.
, . - -
.
- - ~ ~ - - - ,
- -:---.-._----:
'-,
•. .l-__ .'---f
,
1
_..:.-+-----.:- -:-"
1
:tOJl ;~OQO "
'0
-+
-CD
f
.i-
"
-J
!
1-
--J'
- - -
_._------_._-~.~.
-r-:
i ."
l_
I
- -f
t-:
i
1
,l,'
1
'-1
---,---~---
-'----~-+:,
j
- '
\\
-'--- .
!
.-.:.1__ , ..~~-_- '"~,_~~
1
1-
,
,
-------!-
',-- ---
1
!
1~
~ --
- - 1
~ 1
-+":
i:-
1935-37
38-:-"':
-] ';
4 (}L4-1-'-'_ .}?
I:j~
4lj
td
li~
(i.,7---
~ T: ~. Î
-r--
i
' 1 -
!
-~.-;.j._-
_ _ _ _ _1.
_
l'
J
~

288
2° /.
EFFORT MOURIDE
L'autre contribution recherchée en vue de gagner la bataille
de l'arachide fut l'effort mouride.
Pour remédier à cette situation,
les autorités coloniales
exigèrent un effort supplémentaire ; il le sera d'ailleurs de tous les
cad res autochtones,
les notabilités religieuses mettront tout en oeuv re
pour surproduire.
Un comité de
propagande agricole (l) avait été créé
à cet effet dans tous les cercles.
Les prédispositions de la secte mouride feront que l'adminis-
tration coloniale l'utilisera pour accroître la production, compte non tenu
qu'elle s'était lancée bien avant,
dans la colonisation des terres neuves.
Sans oublier aussi que ses adeptes -talibés- se révèlèrent gros producteurs
d'arachides.
Par conséquent, les autorités voyaient le mouridisme comme un
instrument économique à récupérer,
coûte que coûte,
dans la mesure où
il a déjà permis une augmentation de la production arachidière durant
(l)
Le comité de propagande agricole est dirigé par le Président de la SIP
aidé de ses collaborateurs. Il a permis en 1939-40 un accroissement des
semences distribuées. Selon les sources, le comité de propagande agricole
de Thiès avait dépassé les estimations.
En effet, en 1947, on avait
collecté 58.123 T. au 31 janvier, alors que les prévisions étaient de
50.000 T.
(cf. "PARIS-DAKAR",
jeudi 13 février 1947).
... / ...

289
la première guerre mondiale (l). Cette période avait correspondu à l' exten-
sion géographique de l'influence. Ceci s'appelle : co1onsation agricole et
spirituelle.
L'administration était consciente des limites de cet effort,
car l'indigène fournit déjà le maximum durant les 90 à 110 jours que dure
1'hivernage. 11 y a aussi que cette période de guerre,
par le recrutement
va diminuer sensiblement la main-d'oeuvre. 11 ne restait que les navétanes
pour sauver le pays et atteindre l'objectif fixé,
à savoir la surproduction.
(l)
Cheikh T. SY : Odysée extraordinaire du SOUFI. Ahmadou Bamba - congrès
international des Africanistes - Seconde session Dakar. 11-20 décembre 1967.
Présence Africaine p. 160 : la récolte est passée de 223.000 T. en 1910
à 303.067 en 1915.
- CO PANS (J)
: les marabouts de l'arachide. Le Sycomore 1980
Paris - publié avec le concours du CNRS.
P. 96
il reprend les courbes de croissance de Vanhaeverbeke et montre
que les rythmes les plus rapides d'augmentation sont ceux qui sont
antérieurs à la migration mouride
1885-1914 = 8,8 %
1918-1940 = 2,7 %
11 en déduit qu'il faut relativiser la place mouride dans la
production arachidière.
. .. ! ...

290
Malheureusement, malgré tous les efforts,
leur nombre va
en diminuant. Certains étaient mobilisés chez eux ; le relèvement du prix
de la graine contribue à les fixer ; enfin, les abus dont ils sont souvent
1 'object ne les encourage guère à veni r après un hivernage de déception et
d'exploitation éhontée de la part des "vautours aux becs crochus"
(1).
Puisque les mourides ont l' habitude de créer des villages de
cultures pendant l' hivernage, que l'administration cherche à accroître la
production, il est tout à fait normal qu'elle profite de ce moyen de production
en s'adressant aux marabouts influents de la secte.
Aussi des faveurs leur seront accordées : les SIP aidées par le
budget local, vont essayer de réaliser leur programme d' h yd raulique agricole
car le manque d'eau constitue un frein à l'installation des colons. Ces orga-
nismes assureront le transport des émigrants par camions comme ce fut le
cas lors de la colonisation des terres du Saloum oriental. En plus,
"ils
seront installés dans des paillotes construites par l'administration,
dotés
d'un certain stock de vivres et dispensés d'impôt pendant un an" (2).
C'est la raison pour laquelle l'année 1943-44 fut marquée par
"une vigoureuse action de propadande des marabouts mourides"
(3),
car
elle correspond à une période agricole catastrophique : seules 275.000 T.
ont pu être commercialisées sur une
production que les prévisions avaient
fixées à 400.000 T. Cela est d'autant plus vrai que le Calife des mourides
de l'époque, avait demandé à ses disciples d'augmenter les superficies et
de cultiver tous les produits dont ils pourraient tirer profit.
(1)
"PARIS-DAKAR" - 25 mai
1938
(2)
PELISSIER : op. c it , p. 307
(3)
Ibid.
p. 310
.../ ...

291
Un de nos informateurs confirme que les recommandations n' étaient
pas exclusi vernant destinées à la culture de l' arachi de.
D'ailleurs, il nia
catégoriquement cette propagande des autorités religieuses et a manifesté
un certain énervement devant notre insistance. Néanmoins, il a reconnu celle
des autorités administratives. 11 nous a cité l'exemple d'un commandant de
cercle qui ne saluait jamais les gens par leur nom. A chaque fois qu'il
devait serrer la main à quelqu'un,
il lui disait soit SALEMALEKUM GUERTE
(Bonjour arachide), soit SN"EMALEKUM DOUGOUPE (Bonjour mil)
(1).
Le mouvement récupéré par les autorités pour certains, collabora-
teurs pour d'autres,
avait permis en tout cas de relever la production.
Mais par pour longtemps car la tendance à la baisse allait reprendre
après 1945.
Par conséquent, il est normal que les mourides attendent des
SlP et des autorités le prix de leur effort.
Pour Pelissier, ils bénéficieront
de l'appui des autorités officielles pour développer leurs affaires. On peut
ajouter à cela que cette collaboration SlP-mouride a donné naissance à un
capitalisme agraire rnour i d e ,
En s'appuyant sur les marabouts des sectes mourides,
les SlP
leur accordèrent toutes sortes de facilités
semences non remboursées
dons d'énormes quantités de mil ou de riz revendues sur le marché ;
prêts
de matériel agricole ou prêt en espèces avec souvent l'aval de la SlP,
(1) lbra LOUM - Colcbane ,
.../ ...

292
si les sommes proviennent d'ailleurs que des caisses de ladite société.
De ce fait,
par l'intermédiaire des daras et des v illages de cultures
d'hivernage (1),
le marabout va s'enrichir de la vente de sa récolte;
il va
thésauriser et ensuite développer ses affaires en ville. D'où la naissance
d'une bourgeoisie maraboutique dont la puissance est fondée sur la culture
de l'arachide (2).
B/.
LES COOPERATIVES PARALLELES
Cette tendance à la création de mouvement coopératif autre
que les SIP date de longtemps.
En effet,
dès 1919, époque de floraison
des SIP,
il sera créé une société d'agriculteurs et d'éleveurs au Sénégal.
Son importance était très limitée car elle ne comptait que quatre vingt seize
(96) membres aussi bien Européens qu'indigènes. Son siège se trouvait à
Saint-Louis et son capital s'élevait à 519 F.
(3).
11 est remarquable de
signaler que cette association n'a à aucun moment entravé le fonctionnement
normal de la société de prévoyance du cercle ; mieux elle se trouve localisée
(1) Serigne Moustapha Bassirou MBACKE déclare être propriétaire de trois
centres religieux et agricoles
: Type autour duquel gravitent 7 villages
(1000 têtes imposables chacune ; le centre de Dar ou-Minarne (10.000 ha
et 11 Dara)
; enfin celui de Prok hane ,
(2) Serigne Cheikh MBACKE avait des quantités si importantes qu'il les
exportait. Certaines graines étaient même décortiquées par ses propres
machines avant d'être vendues.
(3)
ANS. 5Q100-130.
Recensement coopératif.
Dossier SE/3.
..'/ ...

293
dans la reg ion la moins avantagée pour le développement des SIP :
elles avaient souvent recours à l'aide de l'office de l'alimentation pour
combler ses déficits alimentaires. Après la crise économique (surtout à la
veille de la seconde guerre mondiale), le problème SP se fait au grand
jour. Les contradictions deviennent de plus en plus aigües, accentuées par
une mauvaise gestion. Aussi,
à partir de 1935, l'apparition d'institutions
parallèles aux SIP a amené le Gouverneur Général de l' AOF à proposer aux
colonies de lutter contre cette tendance en élargissant et en développant
les attributions et champs d'action des SIP. Cet appel sera entendu au
Sénégal, car aussitôt après, il sera procédé à une nouvelle orientation des
sociétés de prévoyance.
Parmi les sociétés qui furent créées, on peut signaler entre
autres, l'amicale des agriculteurs et maraîchers de la région de Saint-Louis
et la coopérative agr icole de Guinguinéo. Ceci ne peut s'expliquer que par
la faillite des SIP qui ont de tout le temps contrôlé le monde paysan.
Elles ont échoué dans leur politique générale car elles ont
pri vilégié le développement de l'arachide au détriment des autres
secteurs. Ce qui explique que malgré les différentes batailles, les SIP
ont manifestement échoué. Mais
le Sénégal est malade de l'arachide ; donc
il faudra tout faire pour relever la colonie, car on peut tout y abandonner
sauf la culture de l'arachide. Elle est souveraine au Sénégal. La preuve
"pas de récoltes (d'arachide),
par d' ar gent chez le culti vateur,
pas de
tractations commerciales"
(1).
(I)
"L'Ouest Africain Français"
Samedi 21 mars 1931.
.../ ...

294
A la fin de la guerre, on a constaté qu'il n'y a pas eu de
résultats concrets malgré tous les efforts ; les structures ne fonctionnent
plus comme on l'espérait. La nécessité de changer se fait sentir.
C'est la période où les hommes politiques vont s'acharner
sur les SIP qui seront objets des critiques très sévères. C'est toujours
durant ces années d'après guerre que les intellectuels et autres hommes
politiques utilisèrent les SIP pour combattre les autorités co loniale s .
On dénonçait à tous Ies ni veaux Ie s exactions de ces or ganisrnes à te l le
enseigne que ce r tains abus av a ient disparu. Ce l a se cornp r end car les poli-
t ic iens avalent commencé l e combat pour l' indépendance et les SIP consti-
tuaient un te r raîn fav or ab l e (regroupant tous l es paysans) où chacun pouvait
semer ses Idées pol iti ques , Pour la cause , on leur promettait une autr e
forme de coopération moins di rigiste ~t où ils seront moins exp lo i'tês ,
Il faut voir aussi qu'à la fin d e la guer r e , la métropole
était dl r igée par un gouvernement p rogr es s i ste aux tendances
égal ital r es
et qu~ dans l es colonies on assitait à un bouillonnement politique intense (1).
Ainsi, en 1947, apparaît au Sénégal la première loi sur les
coopérati ves , C'est la loi du 10 septembre de la même année qui n'est rien
d'autre qu'une transposition d' une loi métropolitaine (réalités européennes)
en milieu rural africain.
(1)
KIZERBO (J)
: Histoire de l'Afrique Noire d'hier à demain.
HATIER -
PARIS 1972 p.
502
.../...

295
Il
paraît que les premiers résultats obtenus furent satisfaisants
adhésion massive des paysans dans ces nouvelles coopératives, car on a vu
que les intellectuels noirs combattent dorénavant l'idée coopérative des SIP
accroissement considérable du nombre des coopératives depuis la loi.
C'est ainsi que pour la seule année de 1947, on a constaté
la création de plusieurs coopératives dans le bassin arachidier (I).
Malheureusement, elles échouèrent pour plusieurs raisons
:
La première c'est qu'elles devaient jouer les mêmes rôles
que les SIP,
sans pourtant bénéficier des mêmes avantages et encadrements.
Ensuite, certains pensent que cet échec est imputable à la loi même qui
a instauré dans le monde rural un "libéralisme intégral", voire un "Iaisser-
faire".
Il faut remarquer que ces coopératives coexistent avec les sociétés
de prévoyance. Il y a enfin la cause qui nous paraît essentielle: c'est
qu'elles n'ont pas été adaptées encore une fois,
aux réalités africaines.
Il ne s'agit pas de trans porter intexto une loi métropolitaine dans les
colonies.
(I)
Voir Karim GAYE: Histoire du mouvement coopératif au Sénégal.
Note d'information de la BCEAO n? 97-98. Août-Sept.
1969.
Les premières coopératives sont apparues dès fin 1947 dans les
régions de Mbacké, Diour bel,
Kaolack,
Kahone , Diakhao.
En 1948-49,
on a dénombré 27.
En 1949, une cinquantaine et 1952 : 214 avec
200.000 adhérents.
.../ ...

296
Les autorités essaieront de le rectifier par la création
d'abord de l' ENCOOP (l) mais surtout par le décret-loi du 2 fév rier 1955
abrogeant et remplaçant la loi sur les premières coopératives. Les objectifs
visés par cette nouvelle mesure : d'abord,
revoir les structures d' encad re-
ment du monde paysan et les adapter au milieu : ensuite transformer
progressivement les SlP en sociétés mutuelles de développement rural
(SMDR) par le décret du 13 novembre 1956.
Les SMDR comme les SlP sont constituées par tous les
agriculteurs, éleveurs,
pêcheurs et artisans imposables dans le ressort
territorial. Leur but : faciliter la production, la circulation et la vente
des produits agricoles, notamment par l'exécution des travaux d' aménagement
et par l'octroi de prêts à leurs sociétaires. Leurs nouveautés par rapport
aux SlP sont purement théoriques. Ces sociétés mutuelles sont dirigées par
un conseil d'administration composé pour les deux tiers (2/3) au moins des
membres élus par les sociétaires
l'autre tiers est composé des fonction-
naires choisis. Autre nouveauté : la reprise de l'idée des sections spécialisées
qui rappellent les sections ethniques des premières SP. Ces sections aux
activ ités différentes, pouvaient dis poser de ressources propres provenant
de cotisation spéciale. Mais cela est purement théorique.
Point de véritables
nouveautés. On ne fait que changer les sigles (SIP-SMDR),
mais les
structures demeurent. On continue à s'appuyer sur les marabouts et autres
féodaux et les payans, ces laissés pour compte, sont exploités.
(1) Entente coopérative créée en 1952. Elle sera di visée en six secteurs
coopératifs pilotes installés dans les cercles de Thiès, Kaolack,
Louga ,
Diourbel.
- Son objectif
réorganiser les ruraux dans un système coopératif rationnel.
.../ ...

297
Il n' y a même pas un signe d'autogestion des sociétés mutuelles
alors que les nouveaux textes parlent de responsabilité paysanne.
Tel fut le fonctionnement de ces nouvelles institutions. Le résultat
des millions de francs engloutis,
une multi plication des détournements, un
non remboursement des prêts contractés par les marabouts et autres.
A Iii veille de l' Ind épendance , un ambitieux p rogr arnrne de
développement et une réforme de ces or gani srnes furent proposés par
ceux qui étaient appelés à nous di riger dur ant les deux décennies qu'existe
la République.
Pour le rapporteur (1),
il f al l al t
régler d'abord la question
politique qui constl.tual t à ses yeux un gr and préalable à une
politique
économique et sociale et cohérente.
Une fois l'indépendance acqul se , le Bloc Populaire Sénêgal ai s
(BPS) avait proposé (2) aux populations rurales au bas niveau de vie dO
à l'ex ploitation colonaie
- d'encourager toutes les formes coopératives,
- de collectiviser l'agriculture par l'extension des cultures
en association.
(1)
M.
Assane SECK, ancien Ministre et actuel Vice-Président de l'Assemblée
nationa le fut le rapporteur lors du congrès constitutif du BPS à Dakar
les 22, 23 et 24 février 1957.
(2)
Voir le programme proposé dans "PARIS-DAKAR" 30 mars 1957.
" ' / " .

298
-
de moderniser l'ex ploitation pastorale,
- d'orienter dans un bref délai la pêche vers la pêche
industrielle.
En un mot, on avait promis au monde rural la fin de tous
leurs maux par l'instauration d'un socialisme. Un "socialisme autonome et
ouvert"
(1),
une fois les ren: es
du pays entre nos mains.
(1)
Assane SECK, op. cit.
... / ...

CONCLUSION

299
Au terme de cette étude, nous sommes amenés à répond re
à un certain nombre de
questions.
Les SIP ont été créées pour trouver des solutions à des
problèmes ponctuels : l'usure pratiquée par les commerçants, facilitée
par une soi-disante imprévoyance paysanne. Mais par la suite, elles
seront détournées de leur but initial
; par conséquent, l'idée première
qui expliquait leur apparition sur la. base de la philanthropie doit être
dépassée, sinon nuancée. On a expliqué plus haut, les raisons qui ont fait
que les autorités ont eu à créer ces organismes. Une fois créé, il se pose
la question de savoir si les SIP ont répondu aux espoirs placés en elles ?
Il ressort de cette anal yse qu'elles n'ont pas entièrement rempli leur
contrat. En effet, elles mirent plus d'accent sur le secteur agricole que
sur ceux de l'élevage et de la pêche. Si on sait que les textes leur
avaient fixé comme objectif d'aider au développement de tous les secteurs
économiques de la colonie.
Nous avons essayé de prouver que la réalité
fut tout autre, car à aucun moment, elles n'eurent à se pencher d'une
manière efficace (comme ce fut le cas pour la culture de l'arachide) à
l'amélioration des autres branches de l'économie.
N'empêche qu'elles ont
timidement et d'une manière anarchique essayé de diversifier durant la
seconde guerre mondiale leurs acti v ités. L'arachide restant maître absolu
au Sénégal, tous les autres projets de développement agricole seront les
parents pauv res du point de vue financier,
encad rements et efforts.
La raison d'un tel choix est d'ordre économique et nous y
avons mis l'accent : le budget est financé .
directement ou indirectement
par les différentes taxes prélevées sur l'arachide et ses déri vés.
Furent-elles efficaces une fois déviées de leur but initial ? Nous le
pensons fermement, car
:
.../ ...

300
- comme instrument politique, les SIP avaient permis au
système colonial d'asseoir Son autorité.
La nomination des chefs de cantons
et autres privilèges aux plus importants postes de direction de ces organismes
peut être compris dans ce sens.
Les pleins pouvoirs du commandant de
cercle sur les SIP font qu'elles furent assimilées à une annexe de l'admi-
nistration, compte non tenu du concours apporté par tous les fonctionnaires
pour leur fonctionnement.
Il faudra ajouter qu'elles ont été utilisées par les intellectuels
noirs comme instruments de propagande politique et un moyen pour combattre
et dénoncer certaines pratiques des autorités coloniales.
- En tant qu'instrument économique, elles permirent d'assainir
le milieu commercial, d'enrayer les effets de la crise et d'introduire au
Sénégal des changements très importants dans les méthodes culturales.
Malheureusement, cette situation de monopole du marché de
l'arachide ne dura pas longtemps. Les SIP,
bien avant la fin de la guerre,
traverseront une nouvelle crise qui leur sera fatale cette fois-ci.
D'où la période de flottement,
d'incertitude que certains n' hésitent pas
de qualifier de période de
"laisser-faire"
(1)
;
les sociétés de prévoyance
coexistent désormais avec d'autres coopératives avec qui, elles partagèrent
le marché (2).
(1) GAYE (K)
: op. cit.
(2) Les coopératives ont commercialisé en 1948/49 quelques 14.000 T.
Ce tonnage est passé à 61.592 T. en 1949/50. La campagne suivante,
elle sera de 80.000 T.
sur un total de 342.934 pour l'ensemble du pays .
.../ ...

301
Autant elles avaient réussi à traverser les crises, à venir
en aide aux paysans dans la période d'avant-guerre, autant elles avaient
lamentablement échoué après.
La preuve : les différentes réformes des SIP
avec changement de noms à chaque fois.
-
Enfin, en tant qu'instrument pour une amélioration des cond itions
de vie des paysans,
pour une promotion sociale, leur action fut négative.
En ce qui concerne l'alimentation ind igène , nous avons dégagé les causes de
cet échec imputable à l'introduction de l'arachide, culture commerciale et
forcée au détriment des cultures vivrières. Mieux à certains moments, et ceci
en pleine crise, les autorités avaient interdit aux SIP de faire des opérations
non rentables
; entendez par là que les vivres et autres n'étaient plus
distribués aux nécessiteux sans de forts surplus. Une telle mesure les devie
de leur objectif qui était d'aider les paysans, de les éduquer et d'en faire
de véritables coopérateurs. Mais il est clair désormais "que leur but réel
n'était point d'éducation, mais surtout de dressage"
(l).
Ceci ex plique le
fait que les paysans n'étaient pas associés directement à la gestion des
affaires de la SIP. Cela constitue une garantie pour la continuité du
système et un obstacle à l'épanouissement des indigènes.
Pour ce qui est des crédits, elles remplacèrent les commerçants
(suppression des prêts et des gages),
mais on peut se demander, si cela
ne leur permettait pas de s'aliéner les paysans car ces prêts pouvaient
être élargis à d'autres produits.
Pour certaines personnes, ce sont les
SIP qui "ont curieusement développé le goût de l'endettement"
(2) chez
les paysans. Tout le monde sait que le paysan contractait des dettes pour
(1) DIA (M). Contribution à l'étude du mouvement coopératif en Afrique
noire.
1951,
p. 24
(2) Ibid.
KI-ZERBO (J)
: Histoire de l'Afrique Noire - HATIER.
PARIS p. 433
Les SIP issues d'un bon principe coopératif,
se tranformèrent en un
engin d'escroquer ie.
... / ...

302
l'achat de matériel
remboursable en trois annuités.
L'obligation d'en prendre
pour pouvoir bénéficier de certains avantages et leur prix coûteux,
sans
compter qu'il est souvent détenteur de ce même matériel qu'on lui prête,
entraînèrent le paysan dans un cycle infernal d'endettement et de dépendance
dont il ne sortira plus. Ce matériel est revendu à un modique prix devant
la société même puisque son usage n'est pas nécessaire.
Ce bref diagnostic nous permet de mieux saisir le malaise
que traverse le monde agricole du Sénégal.
Il est clair que depuis les
premières sociétés jusqu'à la SONAR, en passant par les SMDR, les CRAD
et les ONCAD (1),
il n'y a pas eu une véritable refonte,
une véritable
réadaptation des structures léguées
par le colonisateur. Les structures sont
les mêmes, même si les noms changent
; le fonctionnement est le même à
quelques variantes près.
Cela nous permet de parler de l'échec de la socialisation
du milieu paysan : l'instauration d'un v rai socialisme ne peut et ne doit
s'appuyer sur une base féodale,
voire maraboutique.
Le problème rural ne
sera et ne peut être résolu que par une socialisation des moyens de
production,
par la création de véritables coopératives où les paysans sont
intéressés,
responsabilisés à leurs propres affaires, et où tous les inter-
médiaires (marabouts et autres profiteurs)
sont supprimés.
(1)
SMDR
Société Mutuelle de Développement Rural créée en 1957.
CRAD
Centre Régional d'Assistance pour le Développement en 1960.
ONCAD
Office National de Coopération et d'Assistance pour le Développement.
SONAR
Société Nationale d'Approvisionnement pour le Monde Rural,
a vu le jour en 1981 après dissolution de l'ONCAD.
...f ...

303
Par conséquent, il faudra relancer,
donner du sang neuf à la
politique agricole. Nous pensons que pour atteindre ces objectifs, il
nous faudra d'abord réhabiliter et développer les cultures vivrières comme
par le passé,
donc un retour à l'autonomie, à l'autosuffisance vivrière,
mettant ainsi fin à la dépendance alimentaire dans laquelle nous nous trouvons
ensuite, il faut donner la parole aux paysans par l'instauration d'une
politique d'autogestion (sans hypocrisie et sans bureaucratie) dans le monde
rural.
Pour cela, les autorités disposent
de la mutualité coutumière, des
différentes formes d' entr' aide traditionnelles
sur lesquelles peuvent
s'appuyer les sociétés de prévoyance,
de secours et de prêts mutuels
pour fonctionner.
Enfin, c'est une fois ces deux étapes franchies,
qu'on
devra développer les cultures de rente ou d'exportation et payer aux paysans
des prix corrects. Ce ne sera que justice.
Un vrai regrrne socialiste, pour être viable, doit tenir compte
dans la pratique, des réalités du
pays et s'appuyer pour le cas du Sénégal,
(dont la majorité de la population est paysanne) sur la masse rurale.
Tout le reste n'est que théories et paroles sans lendemain. Seule une
politique agricole nationale et honnête, une attitude sincère, pourront sortir
le pays de son état de sous-développement. Les colonisateurs, à chaque fois
que le besoin se fai sa i t sentir, s'étaient appuyés (différemment bien sûr),
sur les paysans pour sortir des crises. S'ils ont réussi,
pourquoi PâS nous?
.../ ...

ANNEXES

DÉCRET DU 29'JUIN 1910
AllTOlIlSANT
I.A
·CRÉATION DE SOCIÉTÉS INDIGÈNES
'...
DE PRÉVOYANCE, DE SECOUHS
ET DE
PR~TS MUTUELS AGRICOLES
ET
' . ! '
.~; ' ..
MODÈLE DE STATUTS-TYPES
'~ .r
"
W 80'2. -
An n.:'l'É promu.ly uant cr; Af'/'ilI'te occideuùü«
, '
française le décret dl! ':t[J juin 1 [JI 0, anturisun; 1([
création, dans les Colonies de l'Afr'l'Jlle occiitcniale
française, de Sociétés ùulùjènc» de !)1'r!UOY(//ICC, ile

secours et de prêts mutuels ayricules,
LE üOUVEIINEUIl o1ÎNj,nAl. Ill' [;A["l\\Il'lJE OCCIJJENTALE
FIIANÇ1\\ISE,
O~'FJCIEI\\ DE . l,A LÉGION u'uoxxxuu ,
Vu le décret du 18 octobre 1904, portant réorganisation du
Gouvernement géuéral de I'Afrique ocoidontn lo ù-ançalsc ;
Vu le décret du 29 juin HliO. autorisant la orr-nt.ion , rlu ns les
Colonies de l'Alriquo oucideutalc française, do Soeiét('.s de 1',,(,-
voyance, de SOCOUI'H ol de prèts mutuels a~t'ieule)';,
,;\\'
ARRÈTE :
r,
Articlé premier. -
Est promulgué en Afrique occidcn-
taleIrançaise le décret du '2!:l juin 1910, autorisant lu
création, dans les Colonies de l'Afrique ovcldcntulc fran-
çaiso, 110 Sociétés indigoncs de prévoynucc. <10 secours
et de. prêts mutuels agrh-olcs.
Art, 2. -
Le présent arrêté sera enregistré. publié ct
t~:'., .
communiqué partout où besoin sera.
Da-kar, le '21 juillet 1910.
,.
w. PONTY,

'.
Admi.nisiration,
MOD~LE DE STATUTS-TYPES
~ .
. .. :> ..
','
.
'.
Art. 6. -
La Scètèté est a dmillistl'6e P,\\I' un Consctl ;tin~i
D~' S'QèIÉTÉ I:"JDWÈ:":.E LE PIIEvn\\'.\\.NCIl; g_'l' •.Î?~ cnsorr
composé: un president, choisi pn~ le Lleutennnt-Gcuverneu r ,
après avis de 1 Aduii nistrntcur- commandnut le cercle, sur uuc
."'Gn~COLE_ ~S AfI\\IQI"E O\\;C!lH:~TALE FBANÇAI5l';
liste de trois .mo mbros présentés. par le Conseil; les sociétaires
"
délégués par les sections, ohnquu.section ayant droit à. Ull délé-
gué élu pour les sociétaires dont elle· est formée. Le .déléguè
peut être choisi en dehors de la section; le receveur régional
(OU son représentant), secrétaire-trésorier.
.
'
"
Création.
'Poctcs les fonctions admin ist rativeason t gratuites, à I'excep-
tïon de celle du rrèsortcr qui pt-élèver-a 0 ft; 75 'c
sur toute
':" j
(
pcrcep tiou en argent.
.
. Article prcmtci-. -cLrne ~'1(~il·~t,'· il!di';l;lic'ue prévoyance: ct de
,
credit agricole cs e créèc ;~.
Art. 7: -
Les meui ln-es du Conseil sont nommés pour. trois
. Son siège social cs] il, ....
ans, par arrêté du' Llcutcnan t-Gouver-neur, Leurs-pouvoirs sont
,b:\\le pcirt-cr-ccr une sccuou diH\\'i chuquo villugc-ou tr-ibu du
lndèfiuiment ruuouvclables. Us peuvent être suspendus ou révo-
cercle dè : ...·.·;,--mais son uctton 111:' peut s'étendre en dehors
qués par lu même autorité, pour négligence ou faute g rnve, sur
dù-dif cercle.
la proposition de l'Aduiinietrnteu r coriim andnnt le .cCl,Je,
Art'. 2; -:- Les préscu ta statuts ..seront déposés. en double
exemplaire, aux .nrchivcs du Gouv orficrnen t de la Coloute.
La. Sociétè ne pour-ru commencer ~l. fonctionner qu'après leur
RessourCes, -
Fonctionnement.
approbation par le Licutcnnu t-Gouverncur ct leur- publication
a~ Journet officiel de la Colonie.
Art. S: -
L'actif (Je la Société se compose:
1(1 D'une cotisntlon annuelle en ar-nchidcs, maïs, mil, ntèbée ,
ou autre produit agricole de conser-vation facile.
But.
.~ Cette cotisation est détct-miuèc, chnque année, par le COll~dl
'J
d'ndminiatra.tion.
Les membres honoraires peuvent toujours
Ad; 3. -
Le but de la Société est d'auu-ucr los pçpulutiou s
r emplucc rcet te cotisation Cl) nature par une co tlsariou en argent
de ." ..
il. SE' prém uui r con trr- los l"I)Ji':'H::lIL1(~Jl(;e:i de la secheresse.
dont le montant sera. fixé par le- Conseil d'udrninistrntton. La
des inondations, et. en i!'ull{Tal, dt' tou- I('~ Ilénux naturels, vols
même (acuite peut ~re accordée' aux membres participants qui
de sauterelles, ('\\)\\zooti'es, Iucoudics , ete,; de (-.on~qtueL' des
cu. feront la detuunde au Oonscü d'ndmln iatraticu ;
1
approvisionnements de graill:'i Cil vue de pourvch- aux.scmuillcs
~ll Des objets mobificrs et immobiliers néccs snu-cs à :SO.1l feue-
aux époqncs couvenablos : duchctcr-, pour les sociétulres , lus
tiouncmcnt. tels qu~; bascules, hangurs, silos, greniers. abrcu-
instruments ugt-icoles ludlspcu-ublcs ct 1.1c lem' en faire l'avance
vof rs, puits, etc.;
à titre de prêt.
t,
'30 Des fonds qui .proviendront de lavente clos graine» formant
Elle a aussi pour but de vonir '~'11 aide, en cas de nécessité, à
l'excèdent des greniers de réserve après chaque 1l0UVCfLU verse-
ses nclhérents attelnts p:\\r l" :1\\;,I",li,' ')\\1 les uccidcut s.
meut; L'avoir de cee greniers doit tcujou rs ùtru maiutenu au
complet au commencement deJa saison sèche;
4" De tous les dons et legs, en argent ou en nature. offer-ts par
COt;, ooai t.ion.
les souscrl pteura ou par tes personnes é trangèroa ft. la Société .;'
50 De l'Intèrèt annuel ces prêts eonscntis ;
Art. 4, -
Ln Secrete est 1"
: :(> de- lous les indigèucs liab i- .
60 Des subventions remboursables qui peuvent être accordees,
tant dans le cerele cil.'.
;)1\\
molus aix mois ct qui
à titrc d'nvnnccs , par le budget local, Ces eubventtons se rcu t, en
s'obligent ~\\ vci-sr-r 1111\\' cou-
:.)' ,',;~d \\ d,
principe, remboursées par annultcs : mais il nppnrficnd rn au
Art. 5. -
Les mum Lrr-s
,l;'. . Iii '11 JiI'~I:l!}I'CS honoraires ct
Licu tcnan t-Gouvcrucur de la Colonie de fixer, s'il le juge ~l pro-
membres pul'tidp;\\I\\'.';.
,
pos, d'autres modahtès de remboursement;
Les mcmhros ll'llIOI';l~l"'-: ',j":ü ,:1 cori-ci tb.n fixe ou font des
7° S'Il y <.1. lieu, de lu. subvcnttou de 100 rmnc., prevue il l'ar-
dons ;\\ l'n8>-;{wh:;(I:l ,;aI1, iJ: 'iic1l'Cl aux l.ru cüccs attribués ;lUX
ticle Il d n décret du '!9 juin 1910;
.
.
membr-es pl\\ILi'-':l\\:I~lh
~d i"'llVl'lIt, uèuumoius , h. la suite de
8<) Des emprunts qu'elle aura dû autorisée à eOlltr(lc·tûl' aupl'l:s
revers de fortuit,:, l:t,·c ;\\,(m i-, GOlTlille melllbre.5 participants.
d'autres SOclütC:-; iudigènes de prévoyance exclu,-;in'llll.iIlt.

'~c'
~
,
. '.
'-- 15 -
-·'·t'>'
.~.. '
-
l-i -
.
,.".-(~' :.
.
.::Al·t; . t7.':...o:..'.Lee ~prêts '~n nature ne seront" consentis' que pour
-:./~~irt~· ~~;"..: L~ vcrserucut dès cotisatlons e: i\\r~~ntou cri' nature . -:
'. '\\'l~;'"
'":!1~e, pét-îoda a!,lant d'une récolte à l'autre. A'prè.s lao.récolte, 'un
-Ô:
'._,:s-'cITcctuc, an nucllcmcut aux ùpoq ucs Cl ul 'sont fixées p'ar le pré-
,~";..:
' "
joui-ecea. déetgné pour que les membres -,d'une meme section
, "
_,-, -:~ . aident de laSoctété, aur q\\tittnn"cc tirée .d'uu carnet i~·goudrc. '.
",~ 'r" -
J,
puissent ,[~intégrer les quantités prêtées; plus ,un .taux ûxé pnr
..
, - '
.,
'
- '
";:2' ~,,::,).
L~. Conàèll. d'administration; mais ne pouvant. dépasser 25 °Jn•
.--:-:~~s:·,{}\\rt;; {'O:''':':':· Le. vcrsomcn t- ,·n 'll'g'cnt. est' fnit clfrectcmunt par
.,.,J;:~.
., ,.al.~,:i.,que..I,.a.,qu?tité rcprésent~nt l~"cotisa.tion~a~n1!:e:l!,~:':'
.'
..
<l'Intéruésé.en treIcs mains du tresor-ier ..'
" ...... :
',.'"
.
, .';.. :' --:':::.><~:.\\ . ~.;:':::'; ,,:-:.:~..,: .'
-
- .', < -. - ~> -.
.
:i~j.'
c-
:'... A.rt.18,·"~ Les prêts -en ·ar.ge·nt n~e 'po~rr~nt d.épassèr 5(t.fr~~~"s..
.'
. _··:·,'/:;.:~.l:ArVl.L_·~~Cc·,verscJllellt. ea uut nre aux .eüoe ou gl:enicrs cet. ~ ._
"..";'.'; .
, , : Ils: ne.·ser()nt"e.onsentïs qu'en c cas d'accident- ou' de. mala die,' et.
-"<·f'. :,t'-~'?·~~ait··p~r I'tntérèseé en préscuce clc deux membr.cs de li\\..secuçu- ..
~t·~-~·.:_~'-.'· :;et 501,15 le"'èÇ>ntrôlç du président ou deson délégué.. ~ '- ~,,_.
.'
·:"~~~·J_\\:ttèji.lt((rrati"dé.:6u'tenlntiye 'de Iraude.aur lë oids ou la qualité
·\\?:<~i:;l"· ··'i;;;~•.~!~:~,iJ~rL:U;~~~::àiS~I!~~~1:[~;~·~~~::L:,NJ::~hlfs. d~
- ~: des- deitréé's'vers,écs cutruiuvru l'exclusion:~ sociétaire. Cctte
.-,._..,~,~tt"
"..:__,'" ..' ~:lrconstane?~..,exc:?~tlOnnelles dont;-.r?" Conséil d'adminlstraüan.
'exclusiol)- 13cr'a"pfononcée pal' le
-\\ _.."
Con~ciI"~'adrç.inistratiç)B il. l~.
,·:'~.-.:~,.~~ra',lc'"scul"Ju-g~"r·ex~lusion.:du.débtteurscra prononeéoet le
majorité des votxLs, sociétnirc ainsi exclu perdra.tous ses droits,"
~-au::c,\\ayatitagcs-~ociaux. S'il ...~t cléhtteu r c1cla.:Société! celle-ct.' c, •.
i ' ;·'.pourr:ll, se. récupérer- par tOIL'l te s moyens de
droit,' _~.
'.',~, ,~ "', _ . "'....
..
~':o,~tl:;~i~h}"i~f{i1t}~f~7J~?:t~;~~~\\l~ti~ift~1~rt~~~rtJ}!t~:l~~:~~tZ~;.'
. " .• J.'
"- .
.'<;.~,' ;:0-',':_ ;..- -o--.
nànt , des . oonsaüonset ~ des autres ..ressoufe~s"' dé'la"So~:aeté~ a .
::",:.~'~Ji~":ù~.i:~:,·D'a'nr:èhacunc des' section~, '1~':,S~~~été:'ëû"fistru{rn
~~ /~l" ::~:..~.
',.;' un.-ji'ombrc,:,ùe· allos, magfl$\\1t,'l ou ~rcllicrs'''proportionnel a.la
., ". ~,-' <
l'exclusion '~e' ceux qui: .auront .. été ' réâllaéa pàr,}~.;.::..:~,nte:~~~s·.:>
population et à J~ rlchcsse ugr-icolc uc ladite section. Le chef-de
;:.}!.'.
., '_ .:
grains .des s11os~e réserve..et. q~l s~rçm t,speCl.~.!e,~:~n~. eO,~.~.acre.s,:
.'
,,'0
1
village ser-a charge de la su rvcillnuec tics ,silos, magasins' Olt
.~'
.a\\l~ prêts, rcmbouraables., '/~ ":;"~':;:,> "~:r\\.'; .: 1 ~ •
'-<" -;"
greniera. Il CH aura la rcsportsnhi li tè. En cas d'absence, il devra
.; !
"'- ,Ai·t., 2L >'·.. Les rornboursementsen a~i~nt,s~'rcéonrentre les
toujours sc faire remplacer pal' un membr-e de la Société dést-. -
(
ln ains du' trésorier' aux _êdiéances indîquées~,,'_ -1.~' '_.", " ,,:'
,~ ,', '
gn_ê· par le C~nseil d';;uLministr:l.tion.
".~
>'
,:,-.- Les rentrées ~n"nature..aü'ro:nt·.I~eu:d(\\ns:·.<?ha,c(uè _~eetion e'n
.. '
"'-··'_'A.rt: t3':
.- présence du déleg.ué de la' section·, ,":';'"
_;:.".'
,:' ',:, 'I...
~, '. '._ ~'.
.
,':/ .
ors~lue dans unc sectloll Ull iudigèue aueu, il.
'"':
:,
:-~",.-" ....:.,-".. ,.,.
-.:
:-':::"':,"
;;
. '
·'o'·~ ,--.-,;',.!
, . ''',. ~';"'"
.
. s'adre8scr â .la Sociétt~. il :::;oumcttra :;<\\ dcmande au déltigué de
ArL 22. ~. Le d'éléguê. de la: section examinera immédiatc'-
lri.· section qui s' <Lfjsurcra de .1'?,~ê.H;tiL ulle dcs f~it~.ayallcés ,p~r I<?
,.,~: 'rrient les propositl~ri5 qui li.ti..seront· soumises' et les transmettm
demandeur, de son honoloflhtllll' et de "a solvll:blht~. Lc'delegue
. fera des' propositions pOilr le mo Il tan t du prét etJransmettra scs
····1
;'h\\,~~ r~tard,~.~~CL?fls~il,~d.'a~minJstfation:::-,,~.
' . '~_
renseignements au pr(;sidcnt (l(~ !:l. Sodé té qui s'oulI1ettra IC:i-
····1·
~,_~,~/~~.,,:~,'/','!,-rt'~.~'23,-":::;.-Ti:)~ie~··~cs:.~:~~an~~s'cle<préts e('de .seeours. soy ~
.dites propositions au t'(Hl~ci1. Celui-ci statuera définitil'ement.
'-. " :'~'/~"'--"'-<ml:;Jes,' au QonseIl' d.admlIils.tr~hon..seront vote~s ,& la. majoritc
.,', . ."
: .;.",-~::;_-:;..... )·:.;'des ,:oix;, en:9\\'s 'd.~, p~rtage.. la\\":.o.i~ Œu':présiden,t sera preponcré.~
~~;:~. .~. Art.- 14.. - Da~s les années nOI'males, les' grains ne ser6~lt
.,
pré€és que pour Ics-sem('nec5 ct pour la nourriture. Ils ne seront
::'~-':'~,'-.-; ~ ;~,~~ :è~'~.~n~~:-..~, :~',; ;k~:~~._~~~.~;.~~{~;;:< ~:~~,; '.~~ ·o>~ ..-:,' .~-.":" ': ~~, ;.: .:,:,:,>;':~'::'; ."
jamais donnés. Au mOHl'~llt des cultures, le delég"ué de cliaque '
"~:
.•~.:.,"'':;:.,'''~''''~ '>'.,> '.';AIt:: ~.:i,..-,~: C.h,.que--an.nee.'.. '.p..resla recolte'du p. rlOClp.al pro.ct. Ult-
section
présentera
1,1
ti:-;tt~ de,,; cnlti"nteurs sollicitant des
· .. ,"
.~-~.. -/i ,>. de-;la,:régfolrf lé,~, Conàeil-:d'a'dmfni~trationse· ~éunira .poui: fa)re
sèmenees.
··I:~
. '0.-"",-' ~.;,.:-: ·..·.Tiriventaire· annuel et:fi~èr'I~'ql'!Hfrétotal.des prèts à eonsent~r
La liste sera vcritléc' :,:::1' ll~ COllsc'il d'aùministration qui s'as~
.-
.'\\ '-
. ~ur les fonds provenantde la vente dureltquat, de la réserve ;..11
surera qu~ les cl::nal':(:'·" ;I):lt .\\II.Mifiéc:3 par un besoin réel, et.,
'A
; ',vérifiera les opérations;des sections'; il délibérera SUr les' modi-
s'U y a lieu, ordonnel':: :,' .;''''1'.
.
· i
. neati6ns· et les'aùléliorations: susceptibles d'êtt'e întrodüites
r
• dans le fonctionnement, des statuts.
.
.
Art; f5. -
Oan8 11'-': I!:' . ::li"I'" ~llllti~tl~ et d'après IC.i rensei-
gnements pris aup,re~ ,I,'~ .h·l(':~·ucs des sections;: on dressera des
',' ( ,
,,:< ArL 25.,-' Da~s l~~'s'o'li' il".y aUl'aihntérét pOlir la 'Sociétë à
-)i:;:teg nOùlinatives do:::; I:Ulllllc:- It's plus nécefl,sitellses a"'eé indi:
,:~),
,
" :i:-:cmploj'cr une 'parfie"d~;son~:'capital~erlachats. de·.grain,s ou de
cation des quantité!'; d,~ '.~;·f':IlS qu'îl r aûra lieu'oc léur distribuer.
-:: ,,! 1,
'.':;-.'toute~·
, 0 .
-
• .
autre.a .Qenr.ées,-'~a- tr<,Lnsrormation de son avoir, aeraopé":
Les plus gloandes fadl ,'> "':11" :-;'-~rOnt donnée.s pour ra remboul'-
")'
, '.
·':.-réesllr lâ proposition d,li,Conseil d',admini!:itration et approuvée,
semen.t. A titre tout à ,';!lJ",,':qJtionnel,-le Conseil,d'administra-
... ~ ~
s'il y a,liel~. ·sur,.le... rappo~t d~. J.'A!Î.ministratCl~r. çom",:andant- du
tion pourra même <1('c-i'rd.'I· ""misl.:' des prêts' L'embour:'<nbles de
:' t
'cercle:'
::",--~:' ".~":",~:~",
0
"
; " ,
' .
. . ,
• •
'
.,vivres et de 8eln(~IIi;(;,~ {'!:ll~,1 !il ~Ullati()11 prèca.ire des débiteur:,;
lui pnraÎtl'ajustifier i..·(J:k 1;t\\(:LLr.
'~
~_''-' 'Âr~ 28. - I.e ·t~·~~br-i~r "je-·la.·S~èlété ne pourra garder dnns
;1
... '
, sa caisse qu'une ,somme, de 2,0.00 francs, Les sommes .dépassant
..;..
-ce chiffre seron'L'emploYées' eli aeh(\\t de valeurs frnni;aïses fac!.,..
Art. W. -
Les pJ'~";':; eH n:ttUl'e lh~ dé'passero"nt l'amnis .. " ..
kîlogramnll:':':: d'i\\ra(,llicl'~i:I, , .... !<i!ogr<lll) mes, de m; ou de maL').
\\.è.
lement rëaHsables;'de,·préférê'nee dês obligations des emprunts
et ., ... ldlo,g'raJll11lP'5 de niébés. Pour les autres produit!'; nllil
ir,'
de l'Afrique occidentale', françaisè" Ces valeurs i:il'l'ont déposées,'
""~
,
dans la ,succUl·salel,a:,plus,.rapporâchçc de ln U;\\nqu(', de l'Afrique-
dénommôs dan~ IC'~ ~H't!Serits statuts, la quantité,. pou,v<lnt f<lire
l'objet ùu prêt, ~era 1txée par le. Conseil d'administration.
.J .
.
"'i}:~?~~:2~.~:~":':':;~ ;.
\\\\.
;:.:'
~.,,''. ..~.",.,'
·l
"<:S~t~5ff~~~j~:i(

,-
è,~~~:i};~;"~~g:~::;,,, .
.
·{l~~f'~~:~-:.r:~~)~~~~~d~~idc~t,ale-._
-16-,:;,,'j'{< ..
..';-'1.'::;:':.,
L:a Société devra, eli-':ou~rè';avoir. un ~ompt.e~.c~':l-.
. ..
",_,._,_
-'~~, '''-.:'..
:
·'{~1·33~~-':~mOi'd~
':,"...: ~;·~;:~<~~.~::r;t-~n~~
~1-.',;' "~ènd~ 'dc;~opératioit:J sera j:v:~r'd~~h.q~~
C!~ns Icdtto
adrcss6c
succursale_de
~nr le
~n~ée,
raç~.~ ,4}l:VOlf.
C9n5~,1_~"
~U_CO~lpte
des
d~ ~dm.lIlbtru.tlûll
dlSp~>n~bl~~~s
;'_;"~ .:"~ ." .~::::'_ ;-..':L~·;'.:;:'S" au',Licutcnnllt:-Gpu'V~rn'c~r .d_~ l~ .~?l_~~i,e..~,::.<_~:~'\\~::;:_'>'-';'.~'
~W~;~~'i'~Z~~~:;~::·:,::::"::b·:1:r;;~:::~:;~::~:···i
:: t'.....: •.;.;:. ~ ,,"l..':':::~!~' !',!';,\\~~:r~g{st~~
:
. .À
",)o-.,-...
~<?l;lche.polll' la
,~J'.":. ~,,1,:;........
~rcc~tlon;.
"t-~~ë'f"eg·\\"tre{'doitct
~\\.'
av j
~
r , - :
!ii

.
',,'
-
·'L-.f
/',-:"

....
-
~;
_ . -
t
:1" -
<. ·L):iA.~- i~t~~i:'\\~~~1"3f.:~!ti~;rJ~~9~~~~f~,:~~
..
;
::,;\\~::~:~~~:~-:,:,::·.,:;::·etr,e'p'rononci"~ed
",-~.;\\:>c~<'\\.w..
'~~"J'~"A~-"t~,.
.".,-->:.:r~·f
19__
~
'>, ',",';' «:

0
.... , •.
r,
.·}l;:";,~:
<"lI"':"",~~~f"r'__
'
_·~:·
A
..
q~le. PJt\\ïn.~...
""":':'
.
.·.·-;-_·_;-',,:.!;;;:;::~:'~,~~cct
~~sJèS socré~aÎres·.ct'8.
-.
-
clfctsur,.a
.
"
.",.-
...
.là~maJQrité
-.[,
l
'~J
_ . ,
~ •
'1
,'::'v"~'" •
!-~
' . ;
-~
',-
e.~!1i.l.~_.,~._",:~:~~e...
.
'-;-'>~"""'~.'.;'
.
'
-".~"..l.",;A"-"61.·'-·'·';·abso·lue·de.
_,.~·,-,",'>.~~;·T.~,.> ~J~:;:,.,..f.~;'_,.1~::':~ ..
•• ,.:.,.
Hr-1~~~-';l-l'':'-·
. . . .
~
.....
,.
~
-"'-
r=:7~'''.·,·cof!lPte
'''''''''''~':-:}:'''Il.'''''~~';;'::<'~"1"':",,~,'',J'':''.
VO..
;_''i~~,~~
IX'~·'I' ..'
".-"...
ouvert
o(;~:E.;."
poue cs
" -
~.~__
, "
pr~ts.;.,
"
.~ ••
,··.·,·"
:.1:".~,..,p,,,','Tii.·'.:t'".,
" . '
:../~
" '.
-,
~.'
·,~~,..;.,;.-;·'.·
~._"I...
;";:,'
~:',..
.....
,'.,~.,.. j{."
F~ ,..-.
~.
~'_,:'. ""'';;'':1'"''''
"'-:,,~·.~~":
,.~
••
: ; .
J
·..
• ..... J.., 'lî",Ji:~:':'-~~.;,·~·;.~~,,:par
'
".),-<
t Î . '

" ...c.::"•• ,
"~:';;·f·.:.','p1:;;'~
~~I-.-:,.;;.:.'...;;:....
........ ' • •..•.' ,·(_."
·:·~·';:~·'~-'-":~'«~""""\\...-'~~':::;·'··"~·<:~·"<;-;'~:··d··"··~?d·>t
~,'':',... ,;:
...-·~··:l·v·. ~
section
.• ;>.' -- ~
, - - . " ,
' . .
··{ ··I·:'!"O'-··
Indiquant IS'
-"",.:'~..:;.,.v·.:e"?~:.~~'t~~
ecuscrtpnons
Iaao

..,;t\\:.*
..
U
·v'.o·l'o·n'-I'·lre-,,~olt~

:
1 lt~·
rorcée~·-..la
:;
..-::~~.
'.'.'
',,~
"'..
_-
.:., ',"'\\.,
~ .....,.,~,,~,,':,...,
~
-.,., 'é.",t,
~~
.'
'it:;~:
.
.~.·:::'~*~~:g':,;..~:·
"::..<.:•.::..
...
t·::.

'-.
.,~'~;.·:-:;,IjL.':·.\\'fr':I~·.~:t';\\··\\rl-::·
~d~';.;13~Q..;..
";~ ~<'"
,.?,.,,~I\\: co'
~:.:.:.t-i:~~~~~~jt~~"A:rt~f~--=;.
IqUl.alOu-:-.sel.a.p t~rs·~'u7v.:
......
L:a
" ie>sot.i~.;"l:ir·Bûrv·éilriiti.ë.p.
..
Société
,,, -."".:.......
j.Ot1Jt de la
$'~., •
·.d·ùrï~Uél.çgu:,~..
:,"'*~',.,;,.;x~:,..:' ·":'?';'''.'d
~
1 --;' _::",;~1 _" ,:,..
i?~rs0!1l1<l.lité c,ivile
'~~~:~~!l's:
·","~T
..t,-IiiI1lfe&,clpâprës
,dlms;le~~d.;~ -,
déterminées
~:~,;<}:V~
:
~r;!V;~~~~'/l'~~~d~
ii v ·:·
'~".":;
.
..
.
.,.o.(.:".,-~,
..
...'f!~-''''\\
tr
.... ~~
. . .'''
~
,
», r-:r. r
r,
,. -,
~~p~t~~~.9~-:;gç>~~.~rR-'~~~J1lt~i:it~~~T~~;~:~1;:"'i/{''':
',- t " :
~r
p'
.-
.
."
.",
.--~-:: .
.
,;<;'7':'-;;"'~~
J
. '
, . . •
.,~."(,,,~,":,!
~
'
'e
.~
-..
~~!:,;:·'t:"'~'-'·A··~: ";,;:3'
1
~.'
-
~:;..;' ~':. k"'··!/--'~:l':~{;
>. 'i
""'"Elle'peut
', ....:~..i..... '",:'t'.:(
6":~:'::' '~~A""p''''r''e'
posseder
::,:";:::";;~~-<~~':lS.:.e-·j;;.-:'
~"I'e'~'·p'··hie·~ènt7dè9:~éiiga."'elIüfnts-
les obJf't~ ruobilleraet
r~.'
'..':~~'. <:J••'
.
Qontr~ç.té~:
.
Immoblllcrs
:"",."~ .1..
p~r·'
•.
nécos-
1 _:.
.~.; 'r\\ .~::'..-~t';':::r:zr:·~l~sAÎ~,,~'8;,~S.OÔ
>
.~( ..'
'?"·l·'~
'~;~ .i;'.~":''JJ:.
:à;:"'c·stituer'a.ux
";--'-;-.;":{·;{.'....'·ri:ç ,·~-:·..'1~:·:· là." Soêiété~·~l'liotft-'.·s6oÎ<\\1-
f0l1ctiOTt",:lHe!1
eervtra
L;
en
recevo~r des
·p1=et~l.lE~r~~
do~s et legs
~ell,<-:.
en
..,.!'~ le"C" .
'~", :" ...~:~: .:;)~.~
nat~r? .'.. "
l~
; :"
.f}:::-:~~.;;:',;.(.,fS·~.;t?,u :en-
;.,\\::-'(~E-.\\f~~:'F>g;~t;j;,;'~·~~~.~·sqQiétaLr_ê~~.ac;tuel~~
l1rgentq.cs partlcultel'8 ?t, des· subv.entJ~ll,s
:So~f.:i.ntégra'e~~.c~t ..·..
d~ lA: qolonle.;.·.:::·,_
~olt~~~t):a,M1'~l
'.'
<:,.:.;
.,.:,.
..'
;'
~:',:1;~~~~;-:,.~::,:~~.;
':QJ.;~
":t~a!~~.' Le
''';;;:'3,::~~!~,::·:~·:,,>J.::-:; monta1').t'
êo~traçt~~:del3
dc.leurs-
'em{irunts au
vo·l's~~ent~..
pre~ d'au~r,es_
resp~c~I.r~. ,çnlqu..
Soçlét~s
:..
l.ndlge~es
8:a~s
:.: :':__'·)
d~> '
~ ,.]e..:
':.:':.'
ùt;.~
..':·.'.:··~.(.,.'..[~r'~·p~~.yoyance
.,::.;:~~ :;~~:':':~'i,:::~__:,;:<~,.ëA':~;
.e~c~uslv.en.lCn
3urplus/s'·il:.e~..;exï5~~
t, .1euF
:un,-
ou V~l~ ~es ,cl'édl
'ser::(.atT~c:te)~;
ts Jusqu'a: 9Qn.-:,".:
l.ex,,~cl:i~~n!.
-.~ '",
:::::.:'::
:
.dlil:~.~ :.~h,~ -.:'.'
:'-:,,'?:''-': ",::-;;:,-':;~~u~l~e~ce-du,dl~l~me
"i'~ Z :',,:,7 ~'~::'~":,"':':~:~:';::~~~~{sectiQn~~
dIS~~Ul~lc;
do.:tra"au~·
cont.r~ctcr
utiles:~.~:~~r!cult~"re
avec.
...
:.;~.:{.:"
eI!~~ des
",_.•::
~ssu.-
o~;;~.:~ ..;e.~~~.~:, -: ;:: '.
',~(,.;:'.',:::":<:'
'-:":.
""..,lt1'ances. mutuelles
':::~,.'
"::~"
~<-->~ .~.
contre
:... ~~"-~ ~
l'lI~enùlc,
.~ : :
la seeher:esse,
--::; ',~", :..
les.l.nondatlOns·,
~," ~: d~ .·f cÜô{meinent-, IriS présents
.
~.
.
.r._
::";'h~;'
'-j:"'

":',
-<'~·';:::'''~~::~'J~:S'.?:les
Ait.
,épLzqotiËS;'
37-;- -'<-Apres une
e~ ;1utrc.i fléau x naturels,
al~nee. e-
'ester
9a~rêté,;du'
en justice·
r~leutenant:GI)U-
ta.nt ef) .._.
,-~ ,,'.
.
.
~,'Ç:.'.":,:,,: ~J, '''':'~:::':. action
~ .... -.;. ,.
r
qu'~n'
~ ':.~ statuts
defense;
pouno~t
clic. peut
étr~
vnl:'lbler:tent.
.mQ..~lrrtS'
contraeter
P~cï d'ltdmintstration. TouteroiS",
r~
. .
~;,'
. .
pour_,,:
" - ; ' -
i
_' ~ tO\\lt ee qlll concernc la gesllol!
}~:~ .~,~:.-;t.:.
de
:~~.
ses
,.ver~l~u!,,~urla'proposl.ttdn~
afTIll
II
res. ""
~
ton~s~ affectèr" la
"~....~~ .~.. :.;:;_ ;';~~-"':7::
.,..
çar~.ctèi-e de la
'i.:,,'~ .'( 'Le
~,.,:_~.,;., .;c,
Conseil
.::~~:..tj ceS"
d'administration
·modlfl(':~tIons_.,,~nç ...
de fa
~ ..
SOclétê
~\\:_r.?~ ;..J>.'.;~~,,·h..
est seul
_.~....
juge
;;;-,~;..:\\\\.--,,;~,., :..;;'. :>,'.,':-,,, .'.'
de'
~ .. "': :"~'.;:...,1 ~ >~:
"'·::::':'~:/:,-.·~·'::-~;;·Sbèï~té,';":{:-i\\?~';f?;·
';-!~::: --;".:'?-'b.:.: .l:opportunitê d,es actes
~;,'~/:'i;~":.~r;-Ti.~~~,~t:>;~:;~::~":"~;..:r:;·~I'>·~':':~':":~>:;.~_,>:':;,'
de cette gèstion;
.<.",:'
~lIe peut, en outre,.
~Jol:c:':?-';;':
pla--
'.) •.,,, ";. !\\~.; cer ses fonds lIbres en compte-courant disponible.
~
...
"
;'
l~:\\g?;i\\";';'~1~~:',;~t:::~~~,Elle..~str~présentécpourtouasesactes~pal'son,préSIdent. ,
~~~,:.~ 'J :;'~f~';'~:~_<;,:<:'>< Art. 29. - Il est interdit ~ la ::;o~lété de s'~ssocier avee unC ou
~!:.-;..../t·<~ :." t ~...':'~ -~ ...~:: <Po plusieurs Qutres.
:;f§:\\; ...~~ ...
• ..... ". ~ , ",._
~
~
.
!:T-lf'!;;ZI>'< _". ,~~':. ,':, ::~...;::-~.~'~'~'::~~"i;":' Art.- 30...- Les. afi$Ur,lflCCS l!lu~l;'-e!Ies .qu'elle· peu~ contracter.
·,'''''':~'<C''''';'-/'··',·~,,·... >·,avee une ou plUSieurs alltre. ";orlele••el·onte.lrulee. <lan. les
,''-'L.·,'
>'~·s" '",', ~.J"."~"'·'r''':;:;-'~"·=~;'''''~''~~·''''_i:'~'.
,
·l''::~;:'~{'·''~''·'"'··"''' :""",,.~:~"........
··;"i'l;'~\\;Ç~~~f~~;~~ji'~;~'
~'~':;:':"":":".
. . '
. Art. 31. -
Lü:"> Ill'.. ~l'~' :':IIr.~ r['..!~
.
~;()lOnteS
"
.~
et,lès InspeCteurs
'.
ue
~~j.~li'!H·~:~·.<;::~,;:----::":~·.: ,; ..· c~rcle cn tournce. aiu:-d qtlC les fonctionua.ircs ·délégu.és par le
"~.;;;.~'f,-'~~;. ',:,::~,;:,::..>~, :>,
Lleu~enant-Gou Ver!ll'1.1.1· .d ..••• ,
",".
.ont
," ~ :~~~~~;~~:····~l~:~g~·.:,;
1l~9r~)tt.·de
.
sur.velllal~c~ et
~)'t'::':L<,. .'~-'; -=:'!:.;:~.~-:'~':;'.'::,,: de eontz:<'tle s.u~ la S<),.,~·,[".II:-: (l~)tvcnt s aS,surer. notamment,
'.
que
-:-',
.~"-::'-"'<'::'."'- ';" ~."~ ..'.::--:',,~.<"'-
...~ ~~,',..;'
~~
la'comptabihtc-Ill;""'~':
"',t lllcn tenue,Ja·garde des gremers
·~..~;}T·~·"
:'-.:;:?~':';;:.:::
bien assurée, 118 P'·I'.\\·" 'l ,;,' (ait·u I"cprês.entcr'tous
•.
les eompte5.
1:t,~~~].,.
:..;>::,(;~ ..., :.; .. ,
;(,-",,~.':".;...
'/'
' .
-'.
Art. :n. -
Il ~,')t cri I.II/re, ln~tîtllë dans t'e-"cercle de ".,."
....J
'.
. , .
'.
une eomlObdoll ,k .~lIn,ill;lI1C(' ctl) fa SocIété: Eilc comprend
.:".'";.
l'AdmjHji'lotrat(~lIl" dll cerck. p('{~~iclellt. le receveur rL'gionnl ou
un repn":-jl;ntaut ..llI 'J'rûsol' ct un Îmlig-ene ·notétble·dt~:;igné par
le Lif'utcll:1.ot-1jou1·'·l'IIeu(· de ..... ;-oUI' ln Pl'opositiofl deL\\rl1l1i-
.nîstratcli r·. e~)Jll m:'IIHlant le L·en·le.
·r-?;;::<:~c ..,~::ip~4r'S"-::~""~'}"F""~==::;o;;;:;;:---'--'--;-
.:.
;~1~>'
';'.".,;"
..-::.~."
;~~;~ji .,,·,:;~:','êr:.:-
,~~~.--''''-'
·~·'~i.h~~t

304
Liste des groupements à forme coopérative existant
au Sénégal au 31 décembre 1937
SIP
CREATION
ADHERENTS
HABITANTS
BAKEL (BAKEL)
8 DECEMBRE 1911
30.635
BAOL (DIOURBEL)
8 DECEMBRE 1910
121.518
192.537
BAS-SENEGAL
(ST.L.)
12 FEVRIER 1912
17.655
BIGNONA (BIGNONA)
20 NOVEMBRE 1920
55.349
DJOLOFF ( LINGUERE)
29 SEPTEMBRE 1928
29.937
HTE GAMBIE-KEDOUGOU
17 MARS 1911
19.048
KAOLACK (KAOLACK)
8 DECEMBRE 1910
306.812
424.122
KOLDA (KOLDA)
20 NOVEMBRE 1920
54.780
LOUGA (LOUGA)
14 MARS 1911
89.756
112.919
MATAM (MATAM)
8 DECEMBRE 1911
78: 362
PODOR (PODOR)
17 MARS 1911
68.841
SEDHIOU (SEDHIOU)
20 NOVEMBRE 1920
49.854
TAMBA (TAMBA)
13 JUIN 1912
37.408
THIES
31 OCTOBRE 1911
-
.t.t.I .i .L..t'H
ZIGUINCHOR (ZIG.)
20 NOVEMBRE 1920
33.856
Source
ANS: 5QIOO-130. Recensement mouvement coopératif.
DOSSIER SE/3
PORTERES-FASCICULE 1. MARS-AV.
1952 - op. crt ,
... 1...

305
Campagne de dépôts des graines des ad hérents
des SIP du Sénégal et les résultats obtenus
CERCLES
1934/34
1935/36
1936/37
1937/38
1938/39
KAOLACK
1186 T 668
5455 T 675
14782 T 887
13314 T 796
12538 T 741
DroURBEL
275 T 685
1690 T 647
2642 T 626
3308 T
3267 T 764
THIES
86 T 609
189 T 795
587 T 907
881 T 331
1521 T 350
LOUGA
89 T 911
176 T 159
584 T 394
1134 T 118
2061 T 106
Source : 5Q57 (74)
: SP Sénégal. Rapport annuel moral et
finanoier ....
1938/49
Dossier : Activités des SP durant l'exercice 1938-39
--------_
_-------
VENTES GROUPEES DES ARACHIDES DEPOSEES PAR LES
ADHERENTS DES S. 1. P. SENEGAL
ANNEES
TONNAGE
1933-34 •••••••••••••••••••••••••••••••••••••
385 T
1934-35 ••• • • • • • • • . • • • • • . • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •
1646 T
1935-36 ••••••••••••••••••.••••••••••••••••••
7655 T
1936-37
.
19054 T
1937-3g~
..
19088 T
1938-39
..
20012 T
1939-40 •• • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • .
34403 T
Source
2G40-135
SP SENEGAL.
Compte rendu annuel 1939-40
... / ...

306
PRODUCTION ARACHIDIERE DU SENEGAL
ANNEES
PRODUCTION
1896 ••••••••••••••••••••••••••••••
63.666 T
1897 ••••••••••••••••••••••••••••••
48.122
1898 ••••••••••••••••••••••••••••••
95.955
1899 ••••••••••••••••••••••••••••••
85.543
1900 ••••••••••••••••••••••••••••••
140.921
1901
..
123.462
1902 ••••••••••••••••••••••••••••••
110.224
1903
..
148.842
1904 ••••••••••••••••••••••••••••••
137.783
1905
..
96.174
1906
..
100.475
1907 ••••••••••••••••••••••••••••••
154.446
1908 ••••••••••••••••••••••••••••••
144.139
1909 ••••••••••••••••••••••••••••••
224.326
1910 •••••••••••••••••••••••••••••••
227.799
1911
..
164.907
1912 ••••••••••••••••••••••••••••••
184.762
1913 •••••••••••••••••••••••••••••••
229.881
1914 ••••••••• 00000• 00000•••• 00• 0••
280.526
1915
..
303.067
1916
..
124.142
1917 •••• 0••••••••••• 0••• 0•• 0• 00000
175.578
1918 •• 0••• 0•••• 0•••• 00••• 0•• 0000• 0
120.121
1919 • 0•• 00•• 00000• 0••• 0• 00••• 000• 0
247.663
19200 • 00• 0• 00•• 00• 0000• 00000• 00000
285.053
1921 •• 0••• 00•• 0••••••••• 00••••• 00•
262.217
1922
..
289.908
1923 •• 000• 00•• 0000• 000000• 0• 0• 0•••
277 •999
1924 0•• 00• 0• 00• 000000• 000• 00000000
310.368
1925. 00•• 0•••• 0000000• 0•••••• 0•• 0•
446.231
1926
..
483.942
1927
..
405.349
1928
..
413.165
1929 •••• 0•••• 0•• 0• 0• 0000• 0• 00• 00• 0
406.666
1930.0.0 ••• 0• 0.......... 00• 0• 000..
508.195
PEHAUT - OP. CIT.
Po 456
.. of .. 0

307
ARACHIDES EXPORTEES PAR LE SENEGAL
ANNEES
TONNAGES EXPORTES
1909-13.......
..•.
206.251 T
1914-18...........................
197.920 T
1919.....
325.000 T
1920..........
286.000 T
1921.....
346.000 T
1922...
331.000 T
1923.....................
354.000 T
1924. .. .. •. .. .. .. .. .. . . . .. . . • .. . ..
430.000 T
1925.........
390.000 T
1926..............................
460.000 T
1927........... ..•• ..•....... ..•.•
380.000 T
1928..... ..•...•........... .....•.
390.000 T
1929...............
385.000 T
1930..............................
480.000 T
1931..
439.000 T
1932...............
191.469 T
1933..
390.000 T
1934...........
.•..•
522.000 T
1935........................
379.000 T
1936..............................
460.000 T
1937.....
574.000 T
1938 •...•.......................• ,
600.000 T
1939..........
425.000 T
1940.........
542.000 T
1941..............................
415.000 T
1942..............................
191.000 T
1943........... ...•.....• ... .••...
115.000 T
1944..............................
275.000 T
1945.....
.••..
233.000 T
1946..............................
377.000 T
1947...............
350.000 T
NB
Les chiffres varient selon les sources. Cette différence doit être liée
au fait que dans certains documents. on met : Production au Sénégal
à la place de tonnages exportés ou arachides en coques commercialisées.
Sources
:
- Bulletin mensuel de l'agence êcon ,
de l' AOF années 1922-1936
-
PARIS-DAKAR 30 JUIN 1940
- ANS - 5Q32-74 Dossier : SP Emprunts 1932
- 5Q57-74
VANHAEVERBEKE (A)
- Les grands produits de l' AOF OP. ctt ,

308
IMPORTATION ARACHIDES EN COQUE PAR LA FRANCE
ANNEES ARACHIDES EN COQUE (A)
PART DE L'AOF (B)
- - -
-
% B/A
- -
1913
255. lI3 T
Ill.080 T
69,79
1920
217 .049 T
198.662 T
91,52
1921
233.639 T
109.158 T
89,52
1922
239.866 T
202.158 T
84,27
1923
241. 864 T
191.636 T
89,23
1924
293.258 T
226.005 T
ll,06
1925
333.557 T
273.112 T
81,87
1926
326.689 T
288.644 T
88,35
1927
338.892 T
285.365 T
84,20
1928
290.814 T
258.259 T
88,80
1929
305.463T
286.857 T
92,70
1930
375.438 T
344.000 T
91,62
Source
"les grands
produits de l' AOF"
: l'arachide in exposition
coloniale internationale de Paris Commis.
de l'AOF.
1931
IMPORTATION ARACHIDES DECORTIQUEES PAR LA FRANCE
ANNEES
ARACHIDES DECORTIQUEES ( A)
PART DE L'AOF (B)
%B/A
- - -
1913
237.754 T
1920
176.477 T
60.746 T
34,42
1920
176.477 T
24.153 T
15,59
1921
154.822 T
24.153 T
15,59
1922
217.483 T
6.458 T
2,96
1923
265.305 T
8.816 T
3,32
1924
215.503 T
4.568 T
2, II
1925
232.412 T
11.287 T
2,85
1926
241. 464 T
6.508 T
2,69
1927
213.834 T
132 T
8
1928
329.805
28 T
0
1929
365.259 T
3.505 T
0,95
1930
341. 730 T
6.600 T
1,93
Source
"Les grands produits de l'AOF'' op.
eit.
.../ ...

309
Extrait du rapport de BELINE sur l'arachide 15 mars 1931
On peut évaluer à plus de 500 F/Tonne,
l'ensemble des
dépenses résultant cette année des opérations de commercialisation de
l'arachide.
-
Frais en fonction du poids
425,50
- Transport par voie ferrée (Khombole-Dakar)
=
93
-
Manutention à Dakar
=
20
-
Taxe douanière statistique
110
Sacherie
=
25
Ficelle
=
2,50
-
Mise en gare
15
- Manutention à la factorerie
(pesage-mise en
dépôt)
10
- Conditionnement et vérification
=
5
-
Frais divers à l'arrivée en France
(pesage-expertise)
10
Prêt
a
= 135
Frais en fonction du prix de vente
79
Assurance
=
5
roté rêt et agio
19
Courtage
=
5
Déchet (port-trajet maritime)
l~
-
Bonification pour corps étrangers
=
20
Perte pour vente en tonne Angl.
17
-
Frais en fonction de la valeur d'achat
(déchet à la factorerie et t r ans port
chemin de fer)
=
7
**** *** *** ... *- ******- ** *****-* * *** ... * *
Frais qui grevent les arachides à partir de leur achat aux producteurs
1.
Frais d'achat (factorerie-transport sacs-
agios-courtage)
40 F
2. Tarif chemin de fer
= 90
3.
Frais dans les ports y compris poids
conditionnement
32,50
4. Droits et taxes
= 66,50
5.
Exportation
=153
6.
Réfaction
= 58
Source
Louis CHAVANEL : Du commerce des arachides en AOF.
p.
155-164
in congrès international.
Les oléagineux octobre 1931
.../ ...

SOURCES

310
A - DOCUMENTS D'ARCHIVES (Archives Nation-Sénégal)
SERIE
E
Les dossiers de cette série portant sur le conseil de
gouvernement (6E) se trouvent sous la côte po Ill.
po
III 8° 248 = AOF conseil de Gouvernement : Discours
prononcé par le Gouverneur Général de l'AOF J-Brevié à l'occasion de
l'ouver'Vure de la session du Conseil de Gouvernement 1930. Gorée,
91 p.
po 111 8° 251
AOFconseil de Gouvernement session nov,
1931 91 p.
po III
8° 250
AOF conseil de Gouvernement session nov,
1932 Brevié 81 P.
po 111 8° 251
AOF conseil de Gouvernement par Brev ié session déc.
1933 71 P.
po 111 80 252
AOF conseil de gouvernement par Brevié session déc.1934 80P.
po 111 48 01431 AOF conseil de gouvernenement par Brev ié session déc.1935 60 P.
po 111 80 253
AOF conseil de gouvernement par Gouv. Général session
déc.
1936 34 P.
po 111 80 254
AOF conseil de gouvernement par Gouverneur Général nov.
1937
po 111 80 255
AOF conseil de gouvernement par Gouverneur Général nov.
1938
po 111 40 2849 AOF Conseil de gouvernement. Discours par Léon CAYLA •••••
session nov.
1939 17 P.
po 111 8 0 43
AOF Conseil de gouvernement par Gouverneur Général,
session déc.
1943 Rufisque imprimerie 17 P.
po 111 8 0 44
AOF conseil de Gouvernement par Gouverneur Général
session déc.
1944 Rufisque imprimerie 25 p.
po 111 80 45
AOF Conseil de Gouvernement par Gouverneur Général,
session déc.
1945 Rufisque imprimerie 18 p.
SERIE G
SOUS-SERI E IG
IG283
Etude sur le cercle de Nioro du Rip 1901.
Lieutenant CHAUDRON
IG289
Notice sur le cercle de Louga par l'Administrateur MANETCHE 190L
... f ...

311
IG292
Notice sur le cercle de Matam par l'Administrateur du cercle de 1904
IG291
Notice sur le cercle de Louga par FORTGE 1904
IG293
Monographie du cercle de Niani -Ouli
par l' Administr ateur LAURENS 1904
IG294
Monographie du cercle de Podor par l'Administrateur 1904
IG330
Coutume au Sénégal S feuillets
19337
Monographie du cercle de Thiès
IG343
Monographie du cercle de la Casamance
IG359
Circonscription administrateur du Sénégal
cr éation et modifi-
cation des cercles 1905-1930.
SOUS-SERIE 2G
a).
Rapport d'ensemble sur ensemble Sénégal
2G4-16
Rapport d'ensemble sur situation po l ivi que économique,
adminis-
tr attve et sur le fonct ionnernent des divers services
: 1900-01-02-03
2GS- 33
Si'tuation générale de l' AOF 1905
2G9-6
Sénégal Rapport d'ensemble:
chemin de fer Thiès-Kayes
Situation politique agricole.
2Gll-6
Sénégal rapport d'ensemble
2G15-4
Sénégal service agriculture élevage-rapport ensemble annuel
2G17-1
Sénégal:
rapport d'ensemble
2G22-1
Rapport annuel
: agriculture-forêt-culture-colonisation
2G30-35
Recueil renfermant les rapports des années 1930-40
2G35-69
Sénégal agriculture : cercle de Kaolack-rapport hebdomadaire
du cercle 1935
2G3S-7S
Rap port économique de l'année 1930. Cercle de Kaolack
2G37
Sénégal cercle de Kaolack
:
rapport économique annuel.
Campagne 1935-36,
1936-37,
4P.
2G34-S9
Cercle de Kaolack.
Saloum oriental.
Rapport politique annuel 1934
.../ ...

312
b l , Services agriculture et élevage
2G39-58
Service de l'agriculture Sénégal.
Rapport annuel
2G39-80
Service des eaux et forêts et chasses.
Rapport annuel.
74 feuillets.
2G40-87
Service des eaux et forêts - chasses.
Rapport annuel 88 feuillets
2G41-40
Sénégal service agriculture.
Rapport annuel,
378 p.
2G41-68
Sénégal service eaux et forêts - chasse.
Rapport annuel 68 p.
3 cartes.
2G44-40
Sénégal service de l'élevage et des industries animales.
Rapport annuel,
230 p.
2G44-65
Sénégal. Service agricole : rapport agricole annuel,
Saint-Louis,
16 mai 1945,
223 p.
2G44-80
Service des eaux et forêts - chasses. Rapport annuel,
32 P.
2G45-27
Service élevage. Rapport annuel.
2G45-43
Service agriculture.
Rapport annuel.
2G45-75
Service agriculture. Centre expérimental de Guérina (Casamance)
Rapport annuel.
2G45-76
Service agriculture. Service des eaux et forêts - Ziguinchor.
c ) • La station expérimentale de Bambey
2G27-32
Rapport semestriel et annuel -
Bambey
2G30-38
Station expérimentale de Bambey - Rapport annuel technique
1930
2G30-43
Station exp. de Bambey - Rapport annuel technique
1930
2G31-55
"
1931
2G33- 53
"
1931
2G34-57
"
1934
2G38-47
"
1938
d ) , Les S. P.
- - - - -
2G36-123
S.P.
Note du D.G. des services économiques sur activités
des S. P. exercice 1936.
...f . ..

313
2G19
SP.
Rapport annuel. Activités des SP 1938-39.
2G41-129
SENEGAL SP : Rapport annuel sur l'activité des
SP
130
Fonds commun des SP rapport annuel sur fonctionnement du
fonds
1940-41
127
SENEGAL : crédit agricole mutuel.
Rapport annuel.
2G42-62
SENEGAL service agricole = rapport condition d'ensemencement
des cultures d'arachides et vivrières.
DAKAR 23 Août 1942
"64
SENEGAL Rapport économique: SP
:
rapport d'examen des
comptes de gestion pendant exercice 1941-42
"99
SENEGAL
crédit agricole mutuel sur activité des
.. 101
SENEGAL
SP.
Rapport annuel sur ac'lJivités des
.•. 1941-42
"102
SENEGAL
Fonds commun des SP Rapport moral et financier
1941-42
2G43-121
SENEGAL
SP.
Rapport annuel activité SP.
1942-43
"122
SENEGAL
fonds commun des SP.
Rapport annuel et financier
du compte de gestion du fonds commun des SP. exercice 1942-43
2G44-159
SENEGAL: SP
:
rapport annuel financier sur activité des
SP. SAINT-LOUIS,
3 Août 1944.
2G45-147
SENEGAL: SP.
Rapport moral et financier annuel sur
activité des SP. exercice 44-45 SAINT-LOUIS,
20 Juin 48.
"148
SENEGAL: fonds commun des SP.
Rapport sur activité du fonds
SAINT- LOUIS,
20
juin 48.
2G44-148
SENEGAL: fonds commun des SP.
Rapport sur activité du
fonds SAINT-LOUIS,
20
juin 48
SERIE .9.
SOUS-SERIE 1.9.
lQ53-19
Les investissements des cap ioaux privés 1930-31.
lQ55-19
Economie coloniale et économique de la métropole 1930-33
lQ63-19
Crise économique en AOF.
1930-33
lQ64-26
Crise économique et ses
répercussions
influences politiques
à travers les groupes de territoires 193
... / ...

314
SOUS-SERIE i ç
3QI9
Chambres de commerce-affaires diverses
3Q27-74
Campagne 1930-31
: cours locaux des arachides
Chambre de commerce de Rufisque
: procès-verbal et
réunions
1902-24.
3Q28
Chambre de commerce de Rufisque
: PV réunions 1925-31
3Q34
Chambre de commerce de Kaolack:
PV des
réunions 1912-51
3Q204-77
Traite au Sénégal 1930-33
3Q2I3-77
Protection des arachides 1934
SOUS-SEIRE 4Q
4Q8-19
Moyens de transport AOf.
1919-36
4Q28-19
Recensement des automobiles 1925-29
SOUS-SERIE 5Q
a).
LES SIP
5Q2-2
Ext r ait du rapport de présentation des projets de budget ••••
de surveillance des SIP 1923
5Q3-2
Création et fonctionnement des SP du Snégal 1924-29
5Q4-2
Troubles ap portês au fonctionnement de la SP du
Sine-Saloum 1933-35
5Q5-2
Sine-Saloum : mise en valeur des ter res neuves 1937
5Q6-I9
Correspondances et rapports
1932-37
5Q6-19
Sociétés et coopératives
: élection au conseil
5QIO-21
Création des SP en Côte d'Ivoire 1916-29
5QII-26
Documentation sur le statut juridique et fiscal
des
sociétés coopératives-agricoles .•• création et fonct ionnemerrt
des différentes coopératives en AOf -
1919-39.
5Q14-26
Rapport de l'Inspecteur des A.A.
de la ROCCA sur
l'activité des SP - Sine-Saloum 33-34.
.../ ...

315
5Q16-26
SociéTés de secours mutuels
: documentations et principe à la
création et fonctionnement 1935-43 ..•
5Q18-26
Pol itlques indigènes - collectivités secondaires -
projet de
création-correspondances 1938-40.
5Q19-26
Société de Prévoyance médicale indigène en Côte d'Ivoire,
cr éat ion 1934
6Q33-74
SP Sénégal = financements-ventes groupées-organisations corres-
pondances - incidences 1933-34
5Q54-74
Bul Iet ins mensuels de renseignement économique concernant
les produits d'exportation 1937-49
5Q57-74
Sénégal rapport sur activités des SP 1938-40
5Q60-74
SP Sine-Saloum rapport n° 64 -
16 mars 1939
SP Ziguinchor dossier n° 73
SP Thiès Dossier n° 57
5Q61
SP Création 1910-1919
5Q78-77
SP P laintes-incidences-correspondances di verses 1933-1937
5Q80-77
SP Kaolack - détournements 1933-1937
5Q82-77
SP Sénégal
rapport d'inspection des Inspecteurs A.A.
1935-1946
5Q84-77
Baol : détournement doléances des commerçants.
Interventions de Galandou DIOUF
BI. CREDIT AGRICOLE
5Q19-19
Crédit agricole fonctionnement en AOF
Document sur les autres colonies et le "colonial développement
FIND" 1922-1936
5Q12-26
Textes or gani s ant le crédit agricole en AOF
5Q30-74
Commission consultative:
rapport au sujet de la situation
du crédit agricole mutuel en AOF-1932
5Q36-74
Procès-verbal de la réunion de la commission consultative
du crédit agricole 1934
5Q55-74
P.V. de la commission consultative du crédit agricole 1938-40
5Q86-130
Organisation comparée dans les LO.M. crédit agricole à
Madagascar - AEF -
USA - France - Algérie -
Rapport caisse nationale du crédit agricole.
. .. 1••.

316
5Q94-130
Crédit agricole mutuel du Sénégal
5QIOO-130
Recensement c mouvement coopératif en AOF.
1937-1950-1956
5QI03-130
Coopératives Sénégal
: avals-principe et procédure aval
budget
général de 900 Millions en faveur
des coopératives agricoles
du Sénégal.
5QIl0-130
Document sur coopér atives
ét r angères en Afr Ique-Carner oun-
Gold Coast-Nigéria.
5QI08-130
Influence des coopératives agricoles
(statut-programme-financement
contrôle-renseignements généraux-personnalités).
5Q136-130
Documentation générale sur le paysannat.
SOUS-SERIE.§. ç
6Q37-19
Limitation des centres commerciaux des
points de traite 1936-37
6Q38-19
Cours communiqués
par l'agence 1936-37
6Q39-19
Coût de la vie 1920-36
6Q40-19
Cultures vivrières
riz 1920-32
cultures vivrières = mil 1934/35 -
1929/30.
1920/1932.
6Q41-19
Situation alimentaire et cultures vivrières 1919-1933
6Q49-19
Arachides et oléagineux 1918-28
6Q50-19
Arachides -
prix et cours 1930-32
6Q51-19
Rapport sur l'arachide 1931-33
6Q52-19
Protection oléagineux
loi de 1933/1944
6Q52-19
Protection oléagineux
documentations diverses 1933-34
6Q54-19
Oléagineux et arachides
: contingentement -
p r oduction
protection 1933-35
6Q56-19
Traditions commerciales de l' AOF.
1934
6Q71-74
Documentations relatives à l' acti v ité des sociétés et
compagnies commerciales -
d' ent r ep r ises di verses
de l'AOF
1925-41
.../ ...

317
6Q125-77
Répertoires commerciaux - Fiches de renseignements concernant
les maisons et entreprises commerciales en AOF.
1929-35
6Q138-77
Office de l'alimentation - correspondance -
politique alimen-
taire -
1932/33
6Q151-77
Listes des Syriens commerçants 1933
6Q162-77
Instructions sur les importations et exportations en temps
de guerre 1935/38
6Ql71-77
Alimentation - principes - réserves de vivres - greniers
de réserves - mesures contre famine et sous-alimentation 1939/40
6Q175-77
Exportation des arachides de bouche sur l'étranger.
Rationnement de la production 1937-39.
6Q237-150
Tableau des cours des produits d' AOF sur les marchés
européens - documentation sur le prix de revient des principaux
produits d'exportation 1933-41.
SERIE R
a). L' AGRICUL TURE
R3
L'agriculture au Sénégal
: correspondances
missions
agronomiques ENFANTIN au Sénégal 1897-1906
R12
Rapport agricole de M. ADAM chef du service de l'agriculture
du Sénégal 1912
Rl3
Rapport de M. YVES HENRY Inspecteur de l'agriculture AOF
Essai de culture du cotonnier à R.
To l l ,
ETude sur le riz
Rapport station agricole de SOR
Rapport sur Mais africain 1911/14
R16
Agriculture de l'AOF 1912-18
R18
Arachides et oléagineux - NOTe du Gouverneur Général
ANGOULVANT relative à la production des graines oléagineuses
et corps gras d'origine végétale (1918)
Création d'un institut de l'arachide à Bambey (1918-19)
.../ ...

318
RIO
R19
Elevage et épizooties au Sénégal et Soudan 1826-1904
R20
Elevage en AOF 1904-1913
Enquête sur le bétail et son al irnerrtaeion au Sénégal (1905)
R21
Ep izoot'h ie de peste bovine en AOF
Rapport de mission de DEVANELLE.
Vétérinaire 1915-16
BI. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Joucla (E)
: bibliographie de l'AOF
Géographie Maritime et coloniale 1937-704 P.
Porges
(L)
: "Bibliographie des
régions du Sénégal"
Dakar 1967,
655 P.
****************
ADAM (J)
"L'arachide".
Les grands
p r oduits
végétaux de colonies
françaises,
Paris,
Larose 1915 p.
335-363
"L'arachide. Culture.
Produits commerce. Amélioration de la
production".
Paris A.
CHALLAMEL.
Librairie Maritime et
coloniale 1908 -
P.
147-173.
ALDIGE (E)"Peste bovine de 1915-18 en AOF".
BCEHS 1918
AMIN (S)
"Le monde des affaires sénégalaises"
Edition Minuit Paris 1969
"L'Afrique de l'ouest bloquée"
: l'économie politique de la
colonisation 1880-1970.
Edition de Minuit Paris 1972
"L'agriculture africaine et le capitalisme. !DEP 1975"
AUJAS (L)
"La région du Sine-Saloum le port de Kaolack".
BCEHS N° 1-2 1929 Janvier-Juin 1930.
...1 ...

319
Auguste
(A)
commercialisation et conditionnement des arachides juin 1956
BAILLAUD (E)
: Note de voyage. Organisation économique de l'AOF.
"Les SIP"
p.
132-143. Cahiers coloniaux n°
752-53. Juillet-Août 1956.
PATUDE (J)
"L'arachide au Sénégal".
Librairie du Recueil SPIEY Paris 1941
BELINE
(M)
Extrait du
rapport sur l'arachide 15 Mars 1931
BOURGEAU (J)
:
"Notes sur la coutume des sérères du Sine et du
Saloum" BCEHS AOF Paris TXVI N" 1
BOYER (M)
: "Les SIP de secours et de prêts mutuels agricoles"
en AOF.
Thèse de Doctorat Paris
1935
BRUEL (M)
: "Production et commerce des arachides".
Exposition coloniale
lnte rnatfonale Paris 1931-
11P.
CAMBOULIVES (M)
"L'organisation coopérati ve au Sénégal"
Thèse de Doctorat en Droit,
26 février
1966.
Paris Edition PEDONE
CHEVALIER (A)
: "Monographie de l'arachide au Sénégal",
Paris Museum
naturel d' Histoi re -
1936/1960
COQUERY-VIDROVITCH (C)
:
"L'impact des intérêts coloniaux -
SCOA
et CFAO dans l'OUEST Africain" 1910
COQUERY et MONIOT
"L'Afrique noire de 1800 à nos jours".
Paris,
PUF,
1974? P.
462
COQUERY-VIDROVITCH (C)
:
"Le régime foncier
rural en Afrique Noire".
ENJEUX FONCIERS en Afrique Noire ORSTOM Kar tal a 1983 -
P.
65-83
L'Afrique coloniale française et la crise de 1930 : crise
structurelle et genèse du sous-développement" p.
386-424.
Revue française
d'hisToire d'Outre-Mer, Tome LXIII N" 232-233.
3è et 4è t r irn ,
1976
COSNIER (H)
: "L'OUEST Africain français"
: les ressources,
son organisation
économique" Paris Larose 1921,
253 p.
COUTY (P)
: "Maintenance sociale et changement économique au Sénégal
docnr ine du travail chez les mourides"
p.
67-83.
"L'économie sénégalaise et la notion de dynamisme diffentiel".
Travaux et documents de l 'ORSTOM N" 15.
PARIS
1972
.../ ...

320
DAVID (P)
: Les Navéranes , NEA.
Dakar,
1980
DELPECH (El) : "ASIM:
un modèle de coopération agricole chez les
paysans sérères du Sine". Travaux et docurnerrns ORSTOM ND 34 Paris
1974. ORSTOM.
DES BORDES : "L'immigration libano-syrienne en AOF" Poitiers Regnaul o 1938.
DESSERTINE (A)
: "Un port secondaire de la Côte Occidentale.
Kaolack"
Ed ltô par Chambre de commerce de Kaolack
(Sénégal)
p.
125-181.
DES de Droit
DIA (M)
: "Contr i bution à l'étude du mouvement coopératif.
1932
DlAGNE (B)
: "Le drame de l'arachide". Appel de l'AOF 1933
DIOP (A.
B.)
: "La société wolof.
Tradition et changement.
Les
systèmes d'inégalités et de dorni nati on , KARTHALA.
PARIS 1931
DUBOIS (J)
: "Pour la recherche des terres à arachides du Sénégal".
Communication n? 165. Compte rendu de la conférence africaine des sols.
P.
16 Novembre 1948. Bulletin
agricole du Congo W
1
EDMONDSERE DE RIVIERES
: Sénégal.
Dakar.
Edition Maritime et coloniale
Paris 1953
Etudes sénégalaises n? 9. Connaissances du Sénégal.
Fascicule 3.
Climats,
sols,
vègètat ion,
J.
ADAMS -
F.
BRIGAUD - CL. CHARREAU -
R.
FAUCK. CROS Saint-Louis 1965
Exposition coloniale internationale de Paris. Commissariat de l' AOF. K
MDCCCCXXXI
: "Les grands produits de l' AOF:
l'arachide".
FLEURY : "L'arachide principalement celle de Sénégam bie",
FERET et fils.
Bordeaux 1900.
64 p.
"L'arachide. Congrès colonial de Bordeaux 4-8 Aoüs 1908.
Bordeaux
Institu~ colonial 1908. P.
145.
FOUQUET (J)
:
"La traite des arachides dans le pays de Kaolack.
Etudes sénégalaises n? 8 1958.
233 p.
GAMAS :"Quel est le vrai prix de rev Ient de l'arachide"'.
Revue de la porte océane 5èA.
W
46- Fév rier 1949.
.. ./ ...

321
GASTELLU (J .M.)
: "Organisation du travail agricole en milieu sérère.
OL.
T.
1 ORS TOM Novembre 1969
GAYE (K)
: "Histoire du mouvement coopératif au Sénégal" note d'information
de la BCEAO NO 97-98. Août-Sept.
1963
GEISMAR : "Recueil des coutumes ci viles des races du Sénégal,
Salne-Louis , 1933, 217 p.
GIRADET (R)
"L'idée coloniale en France 1871-1962". La table ronde
Paris 1972,
p. 68-129
GUIRAUD (X)
: "L'arachide au Sénégal" monographie d'étude coloniale
Paris 1937.
P.
113-206 : "LES SIP"
GUYOT (5)
: "L'économie de l'arachide au Sénégal: les problèmes
humains" oléagineux
: revue générale des corps et dérivés.
7è A.
NO 1 Janvier 1952 P.
15-19.
NO 2 Février 1952-P.
75-80
HARDY (Gà : "Nos grands problèmes coloniaux".
Paris A. COLIN.1929-219 p.
HARROT (J)
: "Afrique terre qui meurt".
Bruxelles. Marcel Hayez 1944
HENRY (C)
: "Mise en valeur de l'Afrique occidentale française"
Paris,
Félix Alcan -1907 - 280 p.
KANE (A)
: "Mat'arn et sa région". Thès de 3è cycle Université de Dakar 1976-77
KIZERBO (J)
: "Histoire de l'Afrique Noire" - Hatie r Paris 1972
KOOP
: Etude sur l'arachide - Rapport Koop préparateur au laboratoire
d'agronomie coloniale de l'Ecole des Hautes Etudes
,
Paris 1922
LABOURET (H)
: "Paysans de l'AOF" Gallimard 5è
Edition 1941 P.284-290
LAFONT (R)
: "Le Gandoul et les Niominka" p.
418.
PCEHS de l' AOF
année 1938 Juillet-sept. T.XXI NO 3
LAKROUM (M)
: "Le Travail inégal.
Paysan et salariés sénégalais face
à la crise des années trente".
L' harmattan.
Racine du présent
Paris 1983 -
183 P.
LAVILLE (P)
"Associations rurales et socialisme contractuel en Afrique
Noire".
ENJEIS 1972
LAVILLE (P) et BELLONCLE (G)
: "Le mouvement coopératif au Sénégal"
Bilan et pe r s pect.lves" Septembre 1964.
PARIS.
... / ...

322
LY (A)
: "L'Etat et' la production paysanne (l'Etat à la révolution au
Sénégal" Présence Africaine- Paris XII.
1958 - 79 P.
MAIGA (M)
: "Cap ical i srne ,
Exploitation des ressources hydrauliques
du Fleuve Sénégal et développement des pays riverains (Guinée,
Mali,
Mauritanie, Sénégal)". Thèse de Doctorat d'Etat ès-sciences écon,
14 avril 1976. Université - Paris 1
MATHON (E)
: "Rapport tendant au décorticage des arachides du Sénégal"
Institut colonial Marseille 1917,
p.
1 à 14
MEILLASSOUX
(C)
: Economie traditionnelle d'autosubsistance.
CEA. N° 4 1961 p.
43
MBODJ
(M) : "Un exemple d'économie coloniale: le Sine-Saloum 1887-1940.
Cultures arachidières et mutations sociales". Université Paris VII.
1977-78. Thèse de 3è cycle.
MONTEIL (V)
: "L'heure de l'économie dirigée,
d'intérêt général dans les
colonies",
Paris,
1936,
90 P.
NDIAYE (A)
: "Société de prévoyance, Société de production rurale,
soc lété du développement rural",
ENEA. Dakar,
mai
1965
NDOYE
(E)
: "Migration des pionniers mourides wolof vers les terres neuves"
Rôle de l'économie et du religieux".
NDIAYE (S.B.)
: "La mise en place du réseau routier au Sénégal
1900-1940" Mémoire de Maîtrise Dakar,
1977/78
PELLISSIER (P)
: "Les paysans du Sénégal.
Les civilisations agraires du
Cayor à la Casamance, ST YRIEX 1958
PEHAUT (Y)
: "Les oléagineux dans les pays d'Afrique occidentale
associés au marché commun.
La production, le commerce et la transformation
des produits. LU.
Paris 1976. P.
459
PETER
(G)
: "L'effort français au Sénégal",
Paris 1933, 383 P.
PERROT (E)
: "Où en est l'AOF 7" Larose 1918,
p.
334-337.
PEDRUCHOT
"Moyens d'augmenter la production et le rendement de
l'arachide au Sénégal". Journal d'agronomie Tropicale n? 3 1901- P. 62
... f ...

323
PORTERES : "Aménagement de l'économie agricole e~ rurale du Sénégal".
Mars-Avril 1952. Fascicules l,
2,
3
PROLONGEAU (P. G.)
: Rapport de...
l' Hat des cultures d'arachide au
Sénégal. Extrait.
Bull. matières grasses n? 7 1931 P.
199-210
RAMBERT er SEGUELA : Compte rendu des travaux de la stat-ion expéri-
ment-ale de l'arachide.
1922-1926. Saint-Louis, 1921-!-
RENAUL T (F)
:" L'abolition de l' escla v age au Sénégal" 1845-1905
REMON LXVIII W 210 1er trimestre 192!.
ROBIN (R)
: "La grande dépression vue et vécue par une société
d t Imporv-ex port
dans l'empire français
(AOF -
1924-38)". Les anciens
établissements chartes.
Peyrissac. Colloque "L'Afrique et la crise de
1930" Paris RFHOM TLXIII.
N° 232-233.
3è et 4è t r irn , 1976
ROCHE (C)
: "Conquêtes et résistances des peuples de Casamance"
NEA. Dakar,
1976, 391 P.
ROCHETEAU : "Les formes préindustrielles de coopération élargie en
Afrique". ORSTOM 1975
"Système mouride et rapports sociaux traditionnels.
Le travail collectif agricole dans une communauté pionnière
du ferlo occidental".
ORS TOM 1975.
ROUSSEAU (R)
: "Les pluiesau Sénégal" BCEHS de l'AOF 1887-1927
P.
157-182.
Paris,
1932
SARRAUT (A)
: "La mise en valeur des colonies françaises",
Paris,
PAVOT
1923, 676 P.
SAUVY (A)
: "Histoire économique de la France errtr e les 2 guerres"
GAYARD 1972
SURET-CANALE (J)
: "Afrique noire occidentale et coloniale.
L'ère
coloniale 1900-1945" Paris 1971
SY (C. T.)
"Odyssé extraordinaire du Soufi Ahmadou Bamba".
Congrès Inter naeional des Africains,
11-20 décembre 1967.
Présence Africaine p.
148-165.
.../ ...

324
TIGNOR (P.L.)
"Sénégal 's cooperative experience 1907-1960"
Document r énéo , University of Prince Tomn N.J.
USA
VAL Y-CHARLES - DIARASSOUBA "L'évolution des st ruceur cs agr icoles du
Sénégl" Paris 1968
VANHAEVERBEKE (A)
: "Rémunération du travail et commerce extérieur.
Essor d'une économie paysanne ex portati ve et '!'ermes de l'échange des
producteurs d'arachide au Sénégal.
LOUVAIN 1970,
253 P.
VILLARD (A)
: "Histoire du Sénégal".
ARS-AFRICAP.
MAURICE VIALE
Dakar MCMXLII
WIBEAUX (F)
: "Le mouvement coopératif en AOF".
Thèse de Doctorat
Facul tê de Droit Paris 1953
XAVIER (Y)
: "Histoire de la colonisation française".
PUF 1968. W
452
III/.
BROCHURES ET PERIODIQUES
Anonyme : "Les grands produits de l' AOF.
L'arachide".
Exposition
coloniale.
Paris, comm. AOF.
1931
Arrêté 1156 SE du 20 mai 1935 déterminant les conditions d'organisation
et de fonctionnement des fonds communs des SIP.
Bulletin de l'Agence économique de l' AOF 1922-1939.
Bulletin administratif du Sénégal 1900-1907
Bulletin de Chambre de commerce de Kaolack-Dakar,
GIA.
Année 1929 W
19-9èA./1930 W
20-10è A.
Année 1931 N° 20-11èA.
/1932 W
28-12è A.
1937 W
48-17è A.
/1938 W
52-18è A.
Bulletin Chambre de commerce de Rufisque n° 38 du 9.1.1926
Bul Ietln Chambre de commerce du Cayor-Baol 1939-45
Bulletin mensuel colonie du Sénégal, Saint-Louis,
Irnp , Sénégal,
avril-mai 1938.
La qualité des arachides au Sénégal en 1937
La situation économique agricole
Bulletin mensuel colonie du Sénégal,
juin-juillet 1938
Oeuvre forestière au Sénégal
Arachide de bouche au Sénégal
Agriculture.
.../ ...

325
-
Décret du 29 juin 19iO autorisant création des SP ••. et modèie de
structure-type Gorée 1910.
- Décret du 4 juillet 1919 modifiant statut des SIP en AOF.
Gorée 1919.
- Décret du 23 mai
1926 sur le crédit agricole.
Décret du 26 Juin 193i abrogeant et remplaçant le décret du 23 mai i926.
Bulletin officiel du Ministère des colonies.
1931.
P.
1208
- Rapports et études concernant ie rôle commerc.
des SP en AOF.
Chambre de commerce de Rufisque.
Dakar,
1935,
20 p.
IV.
JOURNAUX
-
"Le monde colonial",
mai 1928
-
"L'Ouest Africain", mai 1929
-
"Le mois colonial",
octob re 1929
-
"L'économie coloniale"
1929
-
"Dépêche coloniale",
mardi 23 juillet 1929
- Un extrait de "La GAZETTE coloniale",
10 avril 1930
- "AOF et AEF Républicaines",
juin 1933.
-
"AOF" - écho de la COA journal socialiste na 1900 du
samedi
3 août 1935
le conditionnement au service des politiciens professionnels.
-
HL' AOF" na
1962 du samedi 13 mars 1936
na 1963 du 27 mars 1936
na
1975 du
11 septembre 1937
du 29 septembre 1937 et du 9 octobre 1937.
-
PARIS-DAKAR de 1947 et de 1957.
cl. LES SOURCES ORALES
- Aly BA : chef de village à Talène,
60 ans
- Mody
BA, éleveur à Faylar,
94 ans
- Ciré BA, éleveur à Faylar,
74 ans
- Sara BOYE, ancien gardien de la SP demeurant à Keur Chef à Koungheul
- Thiébo DEME
: ami intime du Chef de canton Ibrahima BA à Koungheul.

326
- Amad DIOUF : Chef de village à Latmengue.
Il déclare ne pas connaître
son âge exact,
mais a participé à la première guerre mondiale.
-
Pathé KA : ancien gardien de secco,
demeurant à Diourbel,
66 ans.
- Georges LAFONT : Président de la Chambre de commerce d'industrie et
d'artisanat du Sine-Saloum. Il a quitté aujourd' hui le Sénégal.
- Ibra LOUM : cultivateur et talibé mouride demeurant à Colobane,
70 ans.
- Doudou MBODJ : ancien chef de canton cercle de Thiès. Il est installé à
Sandiara.
- Fata NDIAYE : chef de village, cultivateur à Gni b i , 70 ans.
- Birame NDIAYE, 70 ans,
quartier Ndiaye-Ndiaye à Fatick ,
- El Hadj Yoro SOW : ancien chef de section -
de secteur de la SP et
chef de service des transports de l 'ONCAD du Sine-Saloum en retraite depuis
janvier 1974.
- Demba SARR, cultivateur à Keur Yoro,
80 ans.
. .. / ...