UNIVERSITE
DU WISCONSIN,
MADISON
P O U R Q U O I
T~A FOR"MATION
F...loROFESSIONNEI.I:LE
N E
R E U S S I T
P A S
rIOI~SQUE Y~ES REY..... ATIONS
INDUS·rRIEI_~Y_
.. E S
S O N T
CONFLICTLIELI~ES
E T
L E S
S Y N D T C A T S
A F F A I B L I S ..
'(.JNE
ETl:..IDE
D E
C A S
D E S
I N D U S T R I E S
F R A N C A I S E
E T
A"Ml:~RICAINE DE
L A
"MACHINE
A
OUTTY_~S
A U
C O U R S
D E S
ANNE:ES
1 9 8 0 ..
par i\\II.Ssimu TffiJ.oo
""D, 1991
(RELA'l'IOIlS IIIDUSmFUES!
(Vcrsi:l~ FrançaÎi:: 1993)
So~ '01 diredixI de
Il,!iI!':el1f 'jD\\r~il.n~ S'l'mn
Prolcssear à['UniIHSilé
du li'jsl'On!in.lIadisQ~
Dé~art~menls de SOlÎlliogie, et
p.elaliJns Industrielle.>
Rap((lrtcurs
i.lunsicur lee 'i, HAilSEIl
Prolnseur àl'U~jmoilé
du Wi:ioonsill, WadiSil~
O~partemenls iJ'Ewnr.lllie, et
Relaliu~s InduslrieUes
Professeur àl'Unil'tr~ité
Ju jucnsh, Wauison
Oéparte5ltillS de Génie lndu~lriel, t(
~elal~)ns lnuuslrielles
"Re.ulm"
Uonsieu Jœl Rogers
Professeur 11'Universi~
du ii~l))nsin,lludisorl
D~parttiflelils ~c Soc·iologie, et
~d.llJns lnJuslridki

RESUME
1.. 8 pl"éserlle ~tude essare lIe nl(lrltr~r pourquoi
l'existence de
rela t i on s
industrielles conflictuelles
(par opposition aux
r cln t ion,
i n d u s tr i el l es basées sur
le c o n s e n s u s ) , qu'elles soient
cIe
rluture ~cullllrnisrne COrlllTle aux Etats-Unis ou politiqtle CUlllme en
France,
et
la
présence de syndicats
faibles,
limitent
les
pos si ui Li t é s
de mise en place de
politiques de
I o rme t i o n
pro J e s si onn el l e
per I o rma n t c s . Ces dernières qui
font
pu r t i e des
stratégies de d6velopperrlerlt (lu
persoTITlel
de
ln
fil"nle,
constituent
url 61Glrrerlts central
de
la gestion des
ressources
tlullltlines.
La
pI"éserlle étude pal"t
de
la proposition selon
laquelle un
accord SUI" un
cadre de base entre
l'Etat,
les
employeurs,
et
les
trava i Ll e u r s ,
c on s t i t u e une condition au succès d'un système de
formation p r o f e s s i o n nel l e .
L'absence d'un
tel
accord conduit à:
une
inaùéqllatio~ entl"e les qualifications produites dans le~
c e n t re s de
fo rma t ion
eL
cel l c s dont
les
entreprises ont
besoin
("skill-m.isrrratch")
-
un c
fragmentation des
systèmes de
I o r-rua t i o n -
Id mise en
place de
plans de
formation à
court-terme
rlllrls
la
firrrre
-
ct
urlU irlsuffisarlce (le
travElilleurs qualifiés
sur
les nl/ll'ellés du
trltvail
illterrles
et
exterrles.
Dans
les
pays
cornnle
la Frallce et
les Etats-Unis
(USA),
Clll·ilcl~!·i~6s par lies
relllti(lflS
industl"iclles
conflictllelles,
un
tel e c c o rd est
difficile à
atteindre dans
la mesure où
j'Etilt,
les
elrlployeUI"S,
et
les
syndicaLs
terlJ~nt a s'eXC1UI"e
'élllbIJI"lltiOll lies
politiYlles de
flJrlnation.
Les
péri od e s de crises
eo nomi q ue s el
de changements
technologiques
é
t cl l c s
que celle", des u n né c s
1980
compliquent
encore plus ces

I"lIIJp()rts en IneLtarlt
les p&l"terlaire~ sociaux face à des choix
contr~dictoires. En effet,
sous de
telles
cOllditions,
bien que
COlnpl"erluTlt
'importance d'Lltl
tel
fICCOI"d
sur un
cndre de base pour
la Slll'vie de
l'industrie,
les différents partenaires sociaux
feront
des choix rati()Ilnels clJnsistant
à
prc)léger
leurs
intérêts
individuels ou collectifs particuliers,
éloignant
les
possibilités de
réalisation d'un équilibre des
intérêts
d i v e rg e n t s •
De
telles attitudes de
lu part d e s
p[lftenaires sociaux
tl"(Juverlt
leul"8 ()rigines en partie (Jarls
les
i n c e r t i tudes créées
par
les p~riode~ ùe crise éconofnique. Ces attitudes d'auto-
lléfensc exisLent
églllemenl
(lans
les pays
caractérisés par des
re l a t i o n s
industrielles basées
sur
le consensus,
Cependant,
l'existence darlS ces pays de nlécunislnes d'échange et
de
cOllcertatiOll entre partenflire~ sociallx,
permet
d'éviter une
crislallisutioTl de
[elll"S attitudes
C(Jfltrail"ement à
ce qui
se
passe dans
tes pays à
l"elaticlns
illdustrielles conflictuelles.
Dans ce~ derni~rs, les
rigidit6s
illstitutionrlelles
issues Jes
périodes d'émergence des
systèmes de
formation professionnelle et
des systèmes de r"elutions
inrlustl"iulles constituent
les
;J["inciplluX facteurs
de blocage.
Cependant,
en période de crise,
\\8 déclin d'une
industrie et
l'aiguisement dt-
la
co ncu r ro n c e nationale et
internationale,
peuvent arrleneJ"
les p~rtenairus sociallx A coopérer et à loettI'e sur
pied des rnécflnisrrles de cOIJr-r!irlBtiofl viSflrlt à
nllgnlerJter"
l t e f Li c a c i t é
d c s s y s t ème s de
formation,
et
à
transformer
la
rlfllllI"e (les
l"elations
irl(lustl"ielles.
~lais, de tels changelrleTlts rie

pro n n c n t
place 411e t r ës
l c n t cme n t
el
d e
façon
i n c r é me n t al e , à
»art ir d'expériences d t n c t i v i t é s
c o o p é r-a L f v e s à
court
terme.
AlI CUllrs des ullnées
1980,
les
industries de
la maclline à
GUli
frunçaise et
arrlériclline ont
fait
l'expérience ù'une crise
aigue ct
ùe cllullgenlents
techrlolugi4ues
importants,
Dans
les deux
pays,
les gouvernements et
les employeurs
considérèrent
que
le
munquc de
travailleurs qualifiés
co n s t i t u a i t
l'une des causes
les
plus
irII!)(:lrtarltes du
déclin de
l 'irlllustI"ie.
Les ConstI"llctelrrs Je
IJ\\Mchines à
uutils ne ùisp()saicllt
pas Je
la main-Ù'Oe\\IVre
Ilécessail"C au h(Jrl f(lrlctil)nrlC[llerrl
,les
systèlnes <le pruùuctif)T)
irlfurlnrltis6s"
Arirl Je
tl"OIIVer tl[le soJlJlion à
cette pénurie~
Is
,-ecrlltèrent
ùes
tectlnicierls
t·t
ingénietll"s
irlvestis Je
la
r e spon s abi l i Lé
de
formel"
les ou v r i e rs aux nouvelles
t e c hn i qu e s
d e
pruduction.
En outre,
co n t r n i r eme n t
i'\\ l ew r s
homol o g n e s
français,
les
corlsll'ucteurS anléricuins
ne
l'éUssiJ"ent
pus
initie)' collectivenlent
ùes /lctions ùe
fO]"lnatiorl permettilnt
ùe canlbler
les
faiblesses
du
systè[lle fIe
fornrati()Jl.
Ceci
~tait dO ~
leur
faible niveau
ll'fl~~üciilti(Jn. Ils (Ifll dO ]'ec(lul'ir" fi II débauctl;lge pell(!ant que les
CI)rISl!'lICleurs
fraflçllis
rétl~sissaient i'\\ d6velc)ppel" un l'éseau privé
de centre ete Lo rma t i o n professionnelle.
A la
fin des
Rllr16cs
1980 el all début
des années
1990~ aUC\\lne
Ile
ce',
initiatives,
que ce soit
en F t-n n c e ou aux USA,
n'avait
j)erJTIIS (Je CUflstl"llire
la mnil1-1]'OetlvJ'e 411aliriée nécessaire à
l t u t Ll j s n l j on des nouvelles
t e ch nol o g i e s .
Les
stratégies
ut 11 i!iées plI T'
les
C(JflSlt'lICle\\[["s
6tflierJt
llcs
SC)]utiorls à
court-
ternIe 41li
Ile
per'![leLtlliclll
pas Je
CI"6CI' un pal"leJ1MI"ial

("IJ~lrtllCI"stlirs") aYlinl des 1:llljectifs lie satisfaction (les besoins
en
rorma t i ons allant HU delà du coui-t terme, et évitant une
f ru gmc nta t Lo n des
s vs t ème s de
Lo rme t Lo n p r-o Lc s s i o n n e l l e .
En
outre.
la
Lai b l c s s e dcz,
syndicats
c t
leur
i n e apa c i lé il
pr o po s e r
d c s
s t i-u t
g i c s
de
forma Li o n co hé r-e n t c s • ré d u i r en t
les
chances
é
ll'ÜCCiJl"(1
tri-pal'lite
erltro
'Etnt,
les e mp l o y e u r s
et
l c s
travai lieurs.
NIJtl"e
étu(l~ lIes IJél"j()Jes d'élllel'gerlce (les systènles (le
formation
proI c ss i on ncl l e
et
de
i-e l a t i o n s
industrielles
des deux
pays
ré v
l u
une
certaine
con t i n n i té
(ou
r i g i d i tél
ô
institutionnelle
évidente au
COLI rs
des
années
1980.
11
fallut
titlerllll"e
liL fin
rles
années
1Q80 pOLir
vrlir
les
pal'tellaiT"eS sociaux
s'erlgager'
dans
un
début
lle
reillise
ell
4uestiofl
(le
celte
Ci)Cltinllité
institutionnelle il
cause des
rl s qu es
de d i s p ar i t.ii on ou de rachat
par
des
c nt rc p ri s es
étrangères
de
l' incl u s tri e de
III
ma c h i n e
à
o ut i l s dans
les
deux
pays.
La
réduction nu
l'élimination de ces
j'isques étlLient
IléccSSiliI"CS CI)IIlpLe
terlU (le
l ' ilnplJl"tllflce
stratégique J~
'inLlllstrJe
en Fl"anCe
et
allX USA.
EnLr e
la
rupture
l ns Li t u t i on n cl l e
c cnd u i s a n t
à
une
r é I orme
p rcLoud e
des
s y s t ème s
d c
f o rma t i o n p ro f e s s Lo n n e l l e el de
re la t i ons
i n dus t r i cl Le s
du n s
les
deux
pays,
ct
une
lente
vol ut io n
vers
une
plus
g r and e
col t u bo rat i on
en
ma t l
r e
de
é
è
fO'lIldtioll
p ro f e s s l o nn cl l e ,
les
partenaires
sociaux. choisirent
la
clellxièrne
S(lluli(ln.
ALIx. (JSA,
(les contrats cIe fOT"nlatiofl
tri-partite
Ü
CULII t
t e rme
virent
l c
J(lUI'.
En
l'rance,
les
re p r
v
é
s e n ta n ts
de
l'Etat
l c s
as so c i a t i on s
dtemp l o ye urs .
les
syndicats,
e t
les
experts
en mo ti orc de fo r-ma t i on E;C
r c t rou vê re n t
dans des

Stl-llCLlll'CS {le CC)T1CerLatjoll.
l.cs
j-ésu\\LiILs cie
telles
initiflLives
ue
son t
ob s e rv u b l c s
que
s ur
le
IOIll!
t e rmc .

1
[ N T R 0 0 U C T ION
L'utilisation des systèmes de production illformatisés au
COllrs des années 1980 a fait de
l'adaptation des qualifications
des travailleurs à ces nouvelles technologies un aspect important
de la gestion du personnel
et des
ressources humaines
(GPRH).
Notre
travail de recherche vise quatre objectifs:
les premier et
deuxième en constituent
les objectifs centraux,
les deux autres
sont des sous-objectifs. Premièrement,
il consiste à comprendre
et à expliquer
les obstacles à
la "construction"
d'une main
d'oeuvre qualifiée et compétente par la formation professionnelle
dans des contextes caractérisés par des changements
techniques,
un accroissement de
la concurrence, des relations industrielles
conflictuelles. et des syndicats relativement
faibles.
Le deuxi~me objectif vise à mettre en relief
les conditions
internes et externes à
ln firme pouvant conduire dans de
tels
contextes à une transformation des relations industrielles et à
des politiques de formation permettant de répondre à
la demande
en travailleurs qualifiés. Troisièmement,
ce travail
est une
contribution au débat des années
1980 sur
les politiques de
formatiorl professionnelle dans
les pays industrialisés: notre
recherche faisait ainsi partie du Projet sur
les Qualifications
dans
l'Etat du Wisconsin ("Wisconsin skills Project"). Enfin,
sur
le plan scientifique,
nous entendons par ce travail
participer au
développement d'une approche intégrée de
la GPRH en examinant
les

2
facteurs
internes et
externes qui déterminent
les pratiques de
la
forletion.
Les
techniques de production informatisées ont provoqué au
cours des années
1980 des
changements
dans
la composition des
qualifications
(skill-mix) des ouvriers,
dans
l'environnement du
travail,
et dans
les
formes d'utilisation de
\\a main-d'oeuvre.
L'importance croissante des compétences
cognitives et
sociales
a
ouvert de plus grandes possibilités d'utilisation du potentiel de
la force de travail. L'utilisation optimale de ce potentiel était
rendu nécessaire par
j'incertitude des marchés
liée à
l'intensité
de
la ConellI"TenCe,
et par
les changements de plus en plus
fréquentes
darls
la demande des
consommateurs.
Tout ceci a conduit à un accroissement des
tensions sur les
lieux de
travail,
a forcé
les entreprises à raccourcir leur temps
de réponses ~ la demande et à améliorer
la qualité de leurs
produits.
Bien entendu,
tous ces changements n'ont
pas eu lieu de
la même façon dans
tous
les pays
(ni dans
toutes
les
industries).
Toutefois,
ils étaient suffisamment présents dans plusieurs
d'entre eux pour être analysés comme des éléments nouveaux de
l'environnement économique et
technologique de
la firme dans
les
pays industrialisés.
Si
la formation professionnelle a été au cerltre des
préoccupations des politiques
industrielles mises en place dans

3
ces
pays,
c'est
parce que
l'absence d'une main-d'oeuvre qualifiée
capable d'assurer
le
passage des
systèmes conventionnels vers
les
systèmes de production informatisés comportait
le risque"d'un
impact négatif sur
leurs performances économiques.
La possession
d'une main d'oeuvre qualifiée et compétente est une nécessité
quelque soit
le moment
historique considéré.
Cependant,
son
importance stratégique augmente durant
les périodes de crises
économiques et de changements technologiques.
Au cours de ces
pél"iodes,
les politiques de
formation deviennent une source de
conflits entre
les différents partenaires sociaux (notamment
l'Etat,
les employeurs,
et
les travailleurs),
et par conséquent,
un élément déterminant des relations
industrielles.
Notre choix de
la France et des Etats-Unis comme exemples de
pays caractérisés par des relations
industrielles conflictuelles
et comme objets d'analyse,
est parti des considérations
suivantes. Les
travaux de recherche conduits au cours des années
1980 sur
les relations entre
les politiques de formation
professionnelle et
les relations
industrielles ont privilégié
les
pays dans
lesquels
les rapports entre partenaires sociaux
suivaient
la logique consensuelle des
régimes corporatistes
(dans
la plupart des cas,
il
s'agissait de
l'Allemagne,
du
Japon,
et
des pays scandinaves).
Les cas des pays à relations
industrielles
conflictuelles n'étaient analysés que
très superficiellement.
Plusieurs raisons étaient à
la base de cela.

4
Les régimes corporatistes avaient été
les plus capables de
construire
la main-d'oeuvre qualifiée permettant
la transition de
leurs
industries vers
les systèmes de production informatisés.
Ils enregistrèrent également
les performances économiques
les
plus élevées.
Ainsi,
un rapport était
fréquemment
établi entre
l'existence de relations
industrielles conflictuelles,
la
faillite des politiques de formation professionnelle, et
la
faiblesse des performances économiques. Cependant,
contrairement
à
ce qui a été fait
dans
te cas des régimes corporatistes,
les
analyses n'ont
pas permis de comprendre et d'expliquer
les
origines et causes de
L'échec des pays à
relations
industrielles
conflictuelles,
et encore moins d'envisager
les possibilités
d'évo~ution de ces
pays vers des stratégies de
formation plus
qualifiantes.
L'étude des
industries de
la machine à outils française et
américaine nous permettra de contribuer à combler cette
lacune.
Le choix de la France et des USA était également
lié au fait que
bier! que possédant
tous
les deux des systèmes de relations
industrielles de nature conflictuelle,
ces systèmes sont
différents
(de la même façon que
le corporatisme japonais est
différent du corporatisme scandinave). Alors qu'en France,
les
relations entre partis politiques et syndicats ont politisé
les
relations
industrielles,
aux USA,
les pratiques de "business
unionism"
ont données aux relations
industrielles une orientation
plutôt économiste.
Ces variations permettront
la réalisation

5
d'analyses comparées qui devraient contribuer à accroître
la
"robustesse"
de
nos
résultats.
Au cours
des
années
1980,
la
tendance dominante était
d'analyser
les problèmes de qualifications professionnelles comme
des
questions
techniques.
Une
telle
tendance était
particulièrenlent visible dans
le secteur de
la machine à outils à
cause de
la nature
très technique et sophistiquée du produit
final
et des moyens de production.
Ainsi,
en se reférant au
journal
"The American Machinist",
probablement
J'un des meilleurs
journaux spécialisés dans
l'étude des
industries de
la
métallurgie américaine et étrangère,
il est difficile de trouver
des articles allant au delà d'arguments
techniques pour expliquer
(ou pour trouver des solutions à)
la présence ou
l ' i n s u f f i s an ce
d'une main d'oeuvre qua! ifiée dans
l'industrie de
la machine à
out ils aux USA.
Une
logique similaire se
trouve à
la base des
tra.vaux de
Hillau et Podevin
(1985),
et de
la l'Machine Tooi Task Force,,1
sur
l'examen et
les propositions de restructuration des
industries
française et américaine de
la machine à outils. Une
approche simplement
technique,
au
lieu d'Une approche à
la fois
technique,
politique et sociale des problèmes de qualifications
et de formation professionnelle, n'est
pas totalement erronée.
Pour
des
détails
sur
les
analyses
et
conclusions
de
la
Machine Too l
Task
Force
concernant
l'industrie
américaine,
voir
Thoolson (1980),
et Sut ton (1980).

6
Seulement.
elle est
insuffisante pour expliquer
les performances
des
politiques et
des
systèmes
de
formation
professionnelle dans
un
pays ou dans
une
industrie donnés.
Une
approche
politique/technique/sociale,
contrairement à
une
approche
technique/déterministe,
tient
compte
non seulement
des
rapports
qui
existent
entre technologies,
demandes
de
qualifications,
et mise en place de politiques qualifiantes, mais
également des divergences d'intérêts entre partenaires sociaux
qui
créent
des
ruptures
ou des
accords
qui
débouchent
sur des
coalitions dans
les systèmes de formation.
}{istoriquement,
comme
nous
le
verrons
en détail
plus
tard,
les débats sur la réforme ou
l'ajustement des systèmes de
formation professionnelle ont eu
lieu dans des contextes de
réorganisation économique,
et de changements technologiques. De
telles transformations économiques et
technologiques entraînent
souvent des débats entre partenaires sociaux sur:
les
modifications dans
l'organisation du
travail qui en découlent,
J'attribution de nouveaux rôle~ et
responsabilités aux
travailleurs,
les transferts géographiques des
travailleurs.
la
formation continue et
la répartition de ses coûts entre
les
partenaires sociaux,
les conséquences de
l'acquisition de
nouvelles qualifications
sur
l'identité professionnelle des
travailleurs,
le contrôle de
l'organisation du
travail,
et
les
moclifications dans
la structures des salaires,
entre autres.
si

7
les
origines de
tels
problèmes
sont
économiques
et
techniques,
par
contre
leur
solution dépend des
rapports
de
force
entre
partenaires
et
des
pressions
qui
s'exercent
sur eux.
Ainsi.
dans
le cas particulier de la formation
professionnelle,
bien que
les
besoins
d'ajustement des
qualifications
des
travailleurs
proviennent
des
changements
Lec)lno!ogiques,
la nature des
réponses
à
ces
besoins dépend
des
relations entre
l'Etat,
les
employeurs,
et
les
travailleurs
(et
autres
groupes
tels
que
les
formateurs),
chaque groupe de
partenaires sociaux défendant ses
intérêts particuliers.
Dans
le chapitre sur les systèmes de production informatisés
et
leurs
impacts
sur
les qualifications dans
le
secteur de
la
machine à
outils,
il
est
démontré qu'au cours des
années
1980,
l'adoption de
ces systèmes
par
les
constructeurs
les
obligea à
se
pencher sur
la mise en place de politiques
de
formation
continue.
Cette démonstration,
une
fois
faite,
il
reste à
comprendre et à
expliquer pourquoi
et
comment
certains
constructeurs
(les
Japonais et
les
Allemands,
par exemple)
réussirent
mieux que
d'autres
(les
Français et
les
Américains)
la formation de
leurs
travailleurs à
l'utilisation des
nouvelles
machines,
sachant
qu'ils
ont
tous
fait
face
à des
pressions
technologiques
similaires.
L'argument
de base de
la présente étude
est
le
suivant.
Au

8
cours du processus d'introduction des
technologies
informatisées,
les
relatlons
qui
prévalaient
entre
l'Etat,
les employeurs,
et
les
travailleurs
(et
Leurs organisations
respectives)
à
l'intérieur du système de relations
industrielles,
et
la façon
dont elles
influencèrent
le fonctionnement du système de
formation professionnelle, déterminèrent en dernière analyse
la
capacité de chaque
industrie nationale à construire
la main-
d'oeuvre qualifiée dont elle avait besoin.
Ainsi,
la faillite
relative enregistrée par
les constructeurs américains et
français
dans
la mise sur pied des politiques de formation permettant de
répondre à
teurs besoins,
était
liée à
leur
incapacité à
trouver
un accord avec
les structures de formation.
et
les
travailleurs
sur un cadre de base pour
l'acquisition des qualiFications
nécessaires.
Ainsi,
la Formation proFessionnelle comprend deux aspects
liés.
Elle est
technique parce que
les
travailleurs doivent
pouvoir utiliser
le matériel de production mis à
leur
disposition.
Cependant,
elle est politique dans
la mesure où
la
nature des
relations
industrielles déterminent dans
une
large
mesure les ressources en formation mobilisables,
et
la Façon dont
elles sont mobilisées.
L'importance de
l'analyse de
la présence ou de
l'absence
d'un accord sur un cadre de base dans une étude sur les
interactions entre Formation professionnelle et relations

9
industrielles.
réside dans
la nature conditionnelle d'un tel
accord.
En effet,
ni
l'Etat
à
travers
ses
centres
de
formation,
ni
les employeurs et les syndicats par le biais de centres de
formation privés ne peuvent chacun de
leur côté, assurer la
formation
initiale et
continue des
travailleurs.
Aucune
expérience nationale ne vient remettre en question un tel
constat.
En outre.
en
l'absence d'un
tel
accord,
la
formation
professionnelle échoue dans
l'un de ses objectifs centraux qui
est de l"épondre à
la demande en travailleurs qualifiés venant des
entreprises à cause de
l'impossibilité de bâtir des mécanismes de
coordination entre
les centres de formation et
les entreprises.
En outre,
les travailleurs étant
les receveurs des programmes de
formation,
leur consentement est nécessaire pour que ces derniers
soient exécutés.
Dans
les contextes caractérisés par des
relations
industrielles conflictuelles,
il est difficile de
parvenir à un tel accord , car chaque groupe de partenaires
sociaux tente de contrôler l'élaboration et
l'exécution des
politiques de formation au détriment de
l'intérêt des 8utres
partenaires.
Dans un pays donné,
les relations
industrielles
conflictuelles,
une fois établies,
sont-elles transformables? Si
non,
les politiques de formation exécutées dans des cadres
conflictuels sont-elles condamnées à
la contre-performance? Si
oui,
qllelles sont
les conditions qui
peuvent mener à cette

10
transformation.
et
créer un environnement
favorable
à des
accords
sur des cadres de base et à des politiques de formation
performantes?
Le deuxième objectif de notre
travail
consiste à répondre à
ces questions.
Vers
la fin
des années
1980,
aux USA,
des
contrats à
court
terme entre employeurs,
centres de
formation publics,
et
travailleurs et
leurs syndicats,
pour un "partnership"
en matière
de formation ont
été
signés.
En France,
les employeurs et
leurs
associations,
l'Etat,
les
travailleurs et
leurs
syndicats,
et
des
experts
en matière de
formation professionnelle,
se sont
retrouvés ensemble dans des
structures de concertation pour des
discussions dont
l'un des aspects centraux était
la formation en
alternance.
Dans
les deux pays,
ces formes de collaboration était
absentes au début des années
1980.
Il a donc fallu attendre
plusieurs années,
(plusieurs décennies si
l'on retrace
l'histoire
des systèmes de formation américain et
français),
pour voir les
partenaires sociaux initier des actions collectives en matière de
formation des travailleurs.
Cette
lenteur dans
l'évolution des attitudes et des
comportements étaient probablement
liée aux phénomènes suivants.
Les
intérêts
jeu étaient
importants pour chacune des
parties. Les

J [
travailleurs se méfiaient d'une formation qui
risquait de
déboucher sur une perte de
leurs
identités professionnelles et un
affaiblissement de
leurs organisations syndicales.
Les employeurs
n'étaient
pas
prêts à
s'engager dans des
investissements
en
formation compte tenu des menaces de débauchage (par les
concurrents)
provoquées par
la pénurie de
travailleurs
qualifiées.
Les centres de
formation publics hésitaient à adapter
leur programmes de formation aux besoins immédiats et spécifiques
des entreprises,
au détriment de
leur programmes traditionnels et
de
leur mission plus générale d'éducation. Les intérêts étaient
trop divergents pour qu'un consensus
puissent
être
trouvé
rapidement.
Ceci était d1autant plus vrai qu'en période de crise
économique,
dans
les pays caractérisés par des relations
industrielles conflictuelles,
le problème des choix rationnels se
posent aux partenaires sociaux avec plus d'acuité que dans
les
pays à régimes plus consensuels ou corporatistes. En d'autres
termes chaque groupe de partenaires sociaux tend à
défendre ses
intérêts particuliers, même lorsqu'il semble évident que seule
l'action collective,
grâce à
la recherche d'un équilibre des
intérêts divergents,
pernlet d'assurer la survie de
J'industrie
(ou de
la firme).
Ainsi,
l'apparition des premiers éléments d'un consensus en
France et auX []SA vers
la fin des années
1980,
oblige à étudier

12
en quoi
et
comment
les pressions
concurrencielles,
les
rapports
de
force
entre partenaires sociaux
liés à
leurs
capacités
organisationnelles au sein et
hors de
l'entreprise,
et
les
caractéristiques
particulières de
l'industrie étudiée,
se
sont
combinés
pour rendre possible ce qui
ne
l ' é t a i t pas au début
des
années
1980.
C'est
par
l'analyse des
effets de cette
combinaison
que nous avons essayé d'atteindre notre objectif de développement
d'une approche
intégrée des
pratiques de gestion du
personnel
et
des
ressources
humaines.
Il nous a semblé que
la meilleure façon d'atteindre
Les
objectifs discutés
ci-dessus
était
le recours
à
la méthode
d'étude de
cas et
à une approche pluridisciplinaire combinant
des
connaissances
en GPRH,
en analyses
industrielles,
en
sociologie l
en sciences politiques,
en histoire,
en économie,
et
en génie
industriel.
La présentation de notre
travail
est
organisée de
la
façon
suivante.
Nous
commençons par un exposé de
la méthodologie utilisée au
cours de
ce
travail
de
recherche.
Le
premier chapitre présente
l'univers de
la recherche,
à
savoir
Il industrie de
la machine à outils,
les
transformations
technologiques et
les
crises
économiques qui
l'ont marqué au
cours des
années
1980,
ainsi
que
leurs
rapports avec
les
problèmes de qualifications
rencontrés
par
les
fabricants.

1 3
Le
deuxième chapitre porte sur une revue de
la
littérature
concernant
les liens entre formation professionnelle et relations
industrielles en mettant
l'accent sur deux approches.
Le
troisième chapitre présente
J'ensemble des cas étudiés
aux Etats-Unis et
en France.
Le quatrième chapitre fait
le point
sur
les origines
historiques et
les
caractéristiques des
systèmes de
formation
français
et américains.
Le
cinquième chapitre établit
la relation qui existe entre
qualification des
travailleurs,
performances économiques,
et
strat~gies de formation dans les industries américaine et
française de
la machine à outils.
Le
sixième chapitre approfondit
l'examen de cette relation
et
l'explique à partir des
interactions qui prennent place entre
la formation professionnelle et
les
relations
industrielles.
Le septième chapitre est
une partie réservée à
la formation
par
l'apprentissage.
Dans
le dernier chapitre figurent
les conclusions et
la
contribution de ce travail
de recherche à
l'étude de
la gestion
du personnel
et des
ressources humaines.

14
METHODOLOGIE
Introduction: Aux origines de notre recherche
En 1989, à l'Université du Wisconsin, à Madison, le "Wisconsin Skills Project"
démarra sous la direction des professeurs Wolfgang St reeck et Joel Rogers, tous
deux spécialistes en sociologie des Organisations et en Relations Industrielles.
Quatre départements de I'Urrieer-aité furent impliqués dans le projet. Il s'agissait
des départements de Sociologie, de Relations Industrielles, de Gestion, et de Génie
Industriel. En plus de sa pluri-disciplinarité, l'équipe du projet était caractérisée
par sa diversité nationale. Les nationalités américaine, sénégalaise, coréenne, et
allemande y étaient représentées, et donnaient donc à la réflexion une dimension
comparative. Le projet, financé par le LaFolette In st.itu te (spécialisé en "Policy
and Admin ist rat.ion"}, dura plus de deux années universitaires, et visait les
objectifs suivants:
1. impliquer les chercheurs de l'Université dans l'étude des difficultés
économiques que rencontrait l'Etat du Wisconsin et dans la recherche de solutions
2. choisir le secteur de la métallurgie comme objet d'analyse
3. montrer en quoi le fonctionnement du système de formation
professionnelle était à la base des problèmes de qualifications que rencontraient

15
les employeurs américains du secteur de la métallurgie dans une période de
changements technologiques
4. voir les liens qui existaient entre les problèmes de qualification et les
performances économiques et financières du secteur de la métallurgie
5. enfin, faire des propositions concernant le fonctionnement du système de
formation de l'Etat du Wisconsin en mettant l'accent sur la nécessité
incontournable d'une collaboration ("partnershi p 1t ) entre I'Etat, les employeurs, et
les travailleurs.
Selon Ker lin ger- (986), il existe deux conceptions non opposées des
fonctions de la recherche scientifique. Il y a celle qui se fixe pour objectif
d'améliorer l'état des choses, et de réaliser des progrès; et celle qui cherche à
établir des lois générales à partir des phénomènes et comportements observés. Le
"Wisconsin Skills Pr-oject " se situait sans aucun doute du côté de la première
conception. Notre travail de thèse, comme nous le verrons plus tard, essaya de
combiner les deux conceptions.
Le "Wisconsin Skills Project" eut lieu au cours d'une période de débats
intenses sur les forces et faiblesses du système de formation professionnelle de
l'Etat du Wisconsin, et de réflexion sur les rôles des partenaires sociaux dans la

16
formation des travailleurs. Ainsi, le La Follette lnstitute (qui finança le projet)
organisa au cours de l'année 1989 un symposium sur le rôle du marché et de l'Etat
dans la formation ("State and Market Failure in Training"), Bien que cela ne fut
jamais clairement dit, ce symposium avait les allures d'un bilan de la théorie du
capital humain de Becker ("Human capital t heo r y"; 1975). Le Département
d'Economie mit en place un cours intitulé "Education and Training", dirigé par le
professeur Lee W. Hansen.
Outre les articles écrits, et les conférences animés sur la base des résultats
obtenus, le projet réussi une chose essentielle qui était au centre de ses objectifs:
non seulement contribuer à démontrer la nécessité de repenser les méthodes de
formation des travailleurs aux responsables du s y stêrne de formation
professionnelle du Wisconsin, aux employeurs, et aux syndicats, mais surtout
réussir à amener tous ces partenaires sociaux autour d'une table pour discuter
des réformes à envisager.
Après le secteur de la métallurgie, celui de l'imprimerie fut l'objet d'analyse,
avant que l'équipe ne se lance dans un projet beaucoup plus ambitieux d'étude de
j'économie régionale qui démarra au moment où notre travail de thèse prenait fin.
Ce travail qui a porté sur l'industrie de la machine à outils débuta en réalité
avant le "Wisconsion Skill s Pr-oject" par une monographie sur l'organisation de la
formation professionnelle dans l'Etat du wisconsin. Cette monographie constitua le

17
premier thème de réflexion de l'éq uipe du projet. Notre t ravail de thèse consista à
approfondir l'étude d'une industrie, ta machine à outils, dont seulement deux cas
avaient été sélectionnés dans le cadre du projet. Les raisons de l'extension de
l'étude à la France seront expliquées dans la suite de cette présentation sur la
méthodologie de notre recherche.
I. Le Contexte et son impact sur notre recherche
Il s'agissait d'un contexte de crise économique et de changements
technologiques. Les détails de ce contexte, notamment en ce qui concerne le
secteur de la machine à outils, seront donnés au cours de la présentation de nos
résultats et analyses. Dans le domaine de la recherche, ce contexte qui
correspondait aux années 1970 et 1980 eut des conséquences importantes.
Ces années ont été marquées par une remise en question des paradigmes
néo-clas siq ue et marxiste. Des phénomènes matériels étaient à l'origine de cette
remise en question: il s'agissait de la crise des économies de marché, et plus tard
la chute du modèle soviétique. Ces paradigmes classiques ont cédé la place à des
paradigmes intermédiaires résultant d'emprunt réciproques. Les néo-classiques
commençè rent à reconnaître l'importance et le rôle des institutions. De leur côté,
les ins tit u tionnalist es intégrèrent les choix rationnels faits par les individus.
Sur le plan méthodologique, le contexte de crise annonçait des changements
de direction qui ont effectivement eu lieu. La crise économique étant mondiale, la

18
plupart des pays étaient engagés dans des processus de restructuration pour
lesquels il n'existait aucun modèle préétabli. Personne ne pouvait dire avec
certitude s'il existait ou pas pour les pays industrialisés un modèle de
restructuration meilleur que les autres. Dans un pays donné, l'adoption d'une
stratégie de restructuration était souvent plus le résultat d'un rapport de force
que d'une pr-euve quelconque d'efficacité. La seule hypothèse qui semblait
rencontrer l'adhésion de la majorité des chercheurs était que les pays dans
lesquels les rapports entre partenaires sociaux étaient consensuels s'en
"sortaient" mieux que les autres.
Ainsi, les questions que les chercheurs se sont posés au cours des années
1970-1980 prenaient souvent les formes suivantes:
- Pourquoi les processus de restructuration se sont-ils mieux déroulés dans
certains pays que dans d'autres?
- Quels rôle doivent jouer les partenaires sociaux dans ces processus de
restructuration?
- Comment tel pays (ou te lie firme) a-t-il réussi à mobiliser ses ressources
institutionnelles pour s'adapter au nouvel environnement technologique?
- Quels types de coalition, mécanisme de coordination et de concertation,
doivent être mis en place pour réussir la restructuration d'une économie en crise?
Toutes ces questions concernaient des choix de politiques industrielles à

19
faire. L'absence d'études exploratoires due il. la nouveauté des phénomènes
observés eut des conséquences méthodologiques importantes. En de nombreuses
occasions, l'étude de cas et la méthode inductive furent préférées à la modélisation
et à la méthode déductive. L'utilisation de la méthode comparée devint
déterminante dans l'identification des raisons pour lesquelles certains pays
réussirent leur restructuration mieux que d'autres. Les conditions de
construction et de succès des coalitions ("successful coalition building") furent au
centre de nombreuses études.
Selon Ca p pe ll i (1985), la méthode inductive est supérieure à toutes les
autres méthodes lorsque la mise en place de politiques économiques et sociales
constitue l'objet d'analyse, et lorsque le chercheur est plus concerné par
"explication de cas particuliers que par des tests d'hypothèses.
II. Question de recherche et définitions conceptuelles
Notre recherche avait pour objectif d'étudier pourquoi la formation
professionnelle ne peut pas être efficacement organisée dans des pays ou
industries caractérisés par des relations industrielles conflictuelles et des
syndicats faihles, Les pays choisis ont été la France et les Etats Unis. L'industrie
analysée a été celle de la machine à. outils. La période étudiée était celle des
années 1980. Deux concepts (ou groupes de concepts) étaient au centre de notre

20
recherche. Il s'agissait des "relations industrielles conflictuelles" et de la
"formation professionnelle".
11.1. La formation professionnelle
On parle souvent de formation professionnetle par opposition à la
formation générale. La première diffère de la seconde par son aspect pratique, et
son orientation vers l'industrie ou vers la production en général. Cette
différenciation a priori évidente, a cependant été à l'origine de nombreuses
divergences comme nous le verrons d'ailleurs dans l'analyse des périodes
d'émergence des systèmes de formation français et américains. D'un côté. il y a eu
ceux qui, tout en reconnaissant l'orientation pratique de la formation
professionnelle, étaient pour lui donner un contenu théorique permettant
l'acquisition d'une culture générale en plus des connaissances techniques; c'est ce
que les Français ont appelé la formation de "l'ouvr-ier complet". De l'autre, il y
avait ceux qui étaient pour une adaptation de l'enseignement professionnel aux
besoins spécifiques de la production.
Il existe trois types de formation professionnelle: la formation initiale, la
formation sur le tas et la formation continue. Le premier type porte sur
l'acquisition des connaissances de baser il s'agit donc de préparer l'individu à
entrer dans la firme. La place accordée à la théorie et à la pratique dépend du
type de formation initiale dont il est question. Par exemple, dans la formation des

21
app rentis, la. pr-atiq ue occupe une place beaucoup plus importante que celle qui lui
est donnée dans les autres types de formation initiale. Cette dernière est en
général organisée de façon formelle dans des écoles ou centres de formation, et est
sanctionnée par un diplôme.
La formation sur le tas a lieu dans la firme au cours des activités de
production de biens et services. Elle peut être formelle ou informelle. Elle ne
débouche presque jamais sur un diplôme. Par contre, elle peut se traduire par une
promotion salariale ou par le poste.
La formation continue vise essentiellement deux objectifs. Elle est organisée
soit dans un objectif de promotion des travailleurs, soit dans un objectif
d'adaptation de la force de travail à des nouvelles formes de production pouvant
être liées à des changements technologiques. Elle peut être organisée de façon
formelle en collaboration avec des centres de formation, ou informelle sur le tas.
A priori, ces trois formations semblent complémentaires. En effet, l'individu
est embauché sur la base de sa formation initiale sanctionnée par un diplôme (et
sur la base d'autres critères bien entendu): compte tenu du fait que la formation
initiale ne prépare jamais exactement aux tâches de l'entreprise, (sauf dans le cas
de l'apprentissage et lor-que la firme dans laquelle l'apprenti est formé l'embauche
en fin de formation), la formation sur le tas vient compléter la formation irut.ialet
enfin, la. formation continue s'inscrit dans la. logique des activités de
développement du personnel et de son adaptation aux nouvelles formes de travail.

22
En fait, cette continuité est loin d'être automatique surtout dans les pays à
relations industrielles conflictuelles comme cela est le cas en France et aux Etats
Unis. L'analyse de ces deux cas montrera que l'existence de rapports conflictuels
entre les partenaires sociaux peut conduire ces derniers à s'exclure
réciproquement, éliminant ainsi toute complémentarité possible entre ces trois
types de formation, et débouchant ainsi sur des systèmes et des stratégies de
formation fragmentés.
Notre étude s'intéressant à la façon dont les fabricants français et
américains de machines à outils ont réussi à former la main d'oeuvre qualifiée
nécessaire à l'utilisation des systèmes de production informatisés, ce sont à la fois
les questions de formation initiale, de formation sur le tas, et surtout de formation
continue qui étaient au centre des pr éoccu puttons de ces fabricants.
1[.2. Les relations Jndust r-ielles
Dans son ouvrage "Indu st rtal Relations Systems", Dunlop (1958) explique
que partout où il existe des rapports de travail (formalisés ou informa1isés), on
peut identifier un système de relations industrielles, bien que dans son ouvrage il
mette l'accent sur les systèmes qui ont atteint un niveau d'organisation formelle
relativement avancé. Selon lui, tout système de relations industrielles est composé

23
des acteurs ou partenaires sociaux (l'Etat, les employeurs et leurs associations, les
travailleurs et leurs organisations), des procédures d'établissement des règles et
lois relatives aux rap port s entre ces partenaires (par exemple, les procédures de
résolution des conflits), et du contexte à l'intérieur duquel les acteurs ont des
interactions.
Parmi ces trois composantes, la deuxième est la plus importante parce qu'elle
est, en dernière analyse, la traduction concrète des rapports de force entre les
acteurs. Par exemple, l'existence de syndicats ayant un pouvoir de négociation
élevé, ou d'un gouvernement favorable aux travailleurs, conduira certainement à
des règles et lois protégeant ces derniers.
Cependant, selon Dunlop, tout système de relations industrielles est
structuré par le contexte dans lequel les acteurs opèrent. Ce contexte, comprend
trois éléments qui sont: les caractéristiques technologiques de l'environnement
économique, le marché et les contraintes budgétaires auxquelles les firmes font
face, et le contrôle et la distribution du pouvoir nu niveau de sociétal,
Les caractéristiques technologiques influencent les marchés internes du
travail (c'est à dire la firme) et les rapports employeurs/travailleurs. Le marché et
les contraintes budgétaires déterminent les limites et le potentiel économiques
d'un pays ou d'Une firme donnés. Enfin, le contrôle et la distribution du pouvoir
au niveau sociétal influencent les rapports entre travailleurs, employeurs et
gouvernements.

24
Concernant ce del-nier élément du contexte, Dunlop insiste sur le fait que le
système de relations industrielles peut refléter totalement ou seulement
partiellement le contrôle et la distribution du pouvoir qui prévalent au niveau
sociétct. Ceci est dû au fait que tout système de relations industrielles, bien
qu'étant inf'Iuencé par d'autres systèmes, fonctionne selon une dynamique qui lui
est propre.
Compte tenu de ce qui précède, on s'attend donc à ce que d'un pays à
l'autre, les systèmes de relations industrielles diffèrent le long d'un continuum.
Aux deux extrêmes de ce continuum, on trouvera les systèmes de relations
industrielles de type consensuel (cas des pays scandinaves et du Japon), et les
systèmes de nature conflictuelle (cas de la France et des Etats Unis). Les conflits
entre l'Etat, les employeurs, et les travailleurs existent quelque soit le type de
système.
Cependant, les systèmes consensuels sont ceux à. l'intérieur desquels les
acteurs ne s'excluent pas systématiquement des processus de décisions aux niveau
macro et micro, et où il existe des mécanismes de concertation in s titu tionaliaée
c'est à dire reconnus par tous les acteurs. Dans ces systèmes, les syndicats et les
organisations patronales regroupent en général respectivement la majorité des
travailleurs et des employeurs.
Par contre, dans les systèmes conflictuels, les acteurs s'excluent
réciproquement des processus de décisions, dans le but de les contrôler

25
totalement. Les mécanismes de concertation sont soit inexistants, soit partiellement
reconnus ou non reconnus par tous les acteurs. Dans ces systèmes prévaut un
pluralisme organisationnel caractérisé par des syndicats de travailleurs et des
organisations patronales faibles et divisés.
Tl existe des variations à J'intérieur de chaque type de système. Parmi les
systèmes consensuels, on peut faire la différence entre la centralisation des
relations industrielles de type scandinave (caractérisées par des syndicats et des
organisations patronales cen tr-aliaées}, et leur décentralisation comme dans le cas
Japonais (caractérisé par des syndicats-maison). Parmi les systèmes conf'lict uels,
la différence peut être faite entre les systèmes politisés (cas français) et les
pratiques de "business unionism" concernés exclusivement par les intérêts
économiques des travailleurs (comme aux Etats Unis).
II.3. Formation professionnelle, relations ind ust r-ielles, gestion des
ressources humaines
11.3.1. Place de la formation professionnelle et des relations
ind ustrielles dans le modèle général de gestion des
ressources humaines
Dans leur modèle général de gestion du personnel et des ressources
humaines, Bencman et alii. (1986) distingue quatre éléments centraux:

26
, - - - - -
~------_.
MODELE GENERAL de la GESTION du PERSONNEL
1
,
~de~_RESSO~~CES HUMAINES
~
,
, SITUATION
MARCHES
LOIS
SYNDICATS
;
.du
cl
; ECONOMIQUE
,
TRAVAIL
REGLEMENTS
,
,
f...--
. -
. -
. -
- - J
,
ACTIVITES
RESULTATS
de
de/a
G]_RjI
Actiyités
Attrail
iNDivmus
!k
support
CAli'AC][TIES
- analyse des indiv idus et
Performance
postes
MOTJIVATiONS
- évaluation des résultats
-prévisions
Conservation
~
~
Actiyités
Assiduité
Fonçtionnell~
II'OSTES
- recrutement externe
EXiGENCES
- recrutement interne et
satisfaction
développement
GAiNS
- relations professionnelles J
Autres
- environnement du travail
)01lrce: llencntan, Scliwab, F OSSUIl1 and Dyer (1986), PersonneltHuman Ressource
l1allagemenf IRWIN

27
l'environnement extérieur, les ncti'vitôs de la gestion des ressources
humaines (GRH), les performances de la GRH, et la relation entre les individus et
leurs motivations d'une part et les postes et les rémunérations qui sont attachées
à ces postes de l'autre (voir le schéma du modèle général ci-dessus).
L'environnement externe de la GRH comprend entre autres le système de
relutions industrielles qui influence les relations professionnelles internes à la
firme. Les activités de la GRI:! peuvent être divisées en deux groupes.
Premièrement, i.1 ya les activités de support qui influencent indirectement les
résultats de la GRH par l'intermédiaire des activités fonctionnelles. Ces dernières,
par contre, ont une influence directe sur les résultats de la. GRH qui comprennent
essentiellement l'attraction des travailleurs sur les marchés externes du travail.
leur conservation, leur développement, et les performances qu'ils réalisent sur le
plan professionnel. L'ensemble des activités de GRH vise à trouver un niveau de
cohérence optimal ("matching") entre les postes et les capacités des individus qui
y sont affectés, ct entre les outils de rémunération et les attentes du personnel
dont la satisfaction est supposée déboucher sur une motivation élevée.
Dans le modèle général de He neman et e lii., la formation professionnelle tout
comme les relations professionnelles (t'tabor relations" qui constituent l'aspect le
plus central des relations industrielles) sont considérées comme des activités
fonctionnelles influençant directement les résultats de la GRH. La formation

28
contribue au développement du personnel de la firme. Les relations
professionnelles ont un impact plus central dans la mesure où elles déterminent le
climat social de la firme, donc le contexte interne de la GRI-l.
Comme le précisent Heneman et ant., [es différentes activités fonctionnelles
s'influencent réciproquement. Notre travail de recherche est ainsi parti de la
proposition selon laquelle l'existence de relations industrielles conflictuelles a des
incidences négatives sur les activités de formation de la firme. Ce travail a porté
sur une étude de l'industrie de la machine à outils en période de crise et de
changements technologiques, et 6 tenté d'expliquer pourquoi l'existence de
relations industrielles conflictuelles a empêché l'ajustement des qualifications des
travailleurs à ces changements. PaT conséquent, en partant du modèle général de
la GRB, il s'agit d'une étude des rapports entre l'environnement externe (relations
industrielles, crise économique, changements technologiques), les activités
fonctionnelles de la GRB (formation et relations professionnelles), et les résultats
de la GRH (développement et performances professionnelles de la force de travail
et leur impact sur les performances de la firme).
Il.3.2. Trois modèles spécifiques de la gestion des ressources
humaines et les raisons de notre choix
Dans son ouvrage intitulé "Repenser la GRB", Brabet (1993) distingue trois

29
modèles de GRH: le modèle instrumental, le modèle de l'arbitrage me nagêr-ial, et le
modèle de III gestion des contradictions (voir tableau ci-dessous).
Trl)i~ Modèles de Gestion (es Ressources ll uma i u e s
"le modèle
"le fllodèle de
"le modèle de
la
instrumental"
l'arbitrage
ge:'> t Lon
des
mallu~éri.al"
c()ntradictions"
-
c Lf i c a c i Lé
-
e f f Lc a c i lé
-
efficacité
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éCOTWIIl i que
#
é
c o nom i q ue
# ,1
efficacité
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l'efficacité
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l "o Lr l cu c i té
suciale
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vnl uu t i o n mu!ti-
-
critiques de
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v a t uut. i o n
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écollomique
pnr
acteurs.
mul t i
J'évaJlIntinn
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expert
SUIIJ"ccs,lIlu!li-
éeorJomique,
méthodes
rroblèmes
d~
Lin a l i tés
-
env', ro n n emcn t
-
environnement
-
environnement
"nn t u r cl "
con s t ru i L
construit:
{m n rc hé
et
c e p i ta JI sme
démucral je)
-
en t rc p ris c
-
cnlrepri;<>c
-
entreprise
u rg au i ."IIIe
co n s t ru i le
cons t r-u i le:
système
psycho-
politique
historique
-
a c t e u r
-
acteur
po Li t Lq uc
-
n c r e u rs
conditiunnl-lble.
et
il. po t cn t i e l
de
r a t i o n e l s Z
u t i Li t u r i s t e
u
vel o
l r r a t l ou n el s ,
é
p p em en t
positif
El'os/Thanatos,
s o c La I is a t i on
-
CI)11VCJ"gerlce
(les
-
COTlvcrgeTlcc8 -
-
COTIV€I"gellces
-
intérêts et
dive l""gences
divergences
harmonie
n r-b i t r ab l e s
à
"e.ssentielles"
l ou g
terme,
i\\
gérer en
ha rmo n i e à
pe r-rn a n e n c e
construire
Gestion
des
S(Jlll"Ce"
nlnllet.
JulIenne.
1993.
Repenser
la
ReSSOllrces IlumilÎnes? Gestirln Eco n omi ca .
Paris.

30
Le modèle instrumental est basé sur l'existence d'une convergence totale
entre succès économique et financier de la firme d'une part et succès social de
l'autre. Il n'existe donc pas de divergence d'objectifs entre la firme et son
personnel.
Le modèle de l'arbitrage managérial reconnaît l'existence de divergences
entre les différents partenaires sociaux. Cependant, l'intervention des dirigeants
de la firme permet toujours de trouver des solutions aux conflits qui naissent de
ces divergences.
Le modèle de la gestion des contradictions considère les conflits d'intérêts
comme une donnée permanente de la firme. Cette dernière est donc perçue comme
un lieu où: les rapports entre facteurs de production internes et externes sont
continuelJement renégociés. Compte tenu du fait que notre travail porte sur
J'étude de deux systèmes de relations industrielles conflictuelles, le modèle de la

31
gestion des contradictions semble le plus approprié.
En fait, notre approche est une combinaison du modèle de gestion des
contradictions et de l'approche sociétale. Les meilleurs tests de l'approche
sociétale sont les travaux de Maurice et a lii. (1986) sur les systèmes d'éducation et
de formation professionnelle en France et en Allemagne, et de Lane (1987) sur la
formation des employés du secteur financier en Allemagne et en Angleterre.
La contribution majeure de l'a p p roche sociétale réside dans sa capacité à
étudier les questions relatives à ta formation professionnelle à partir des liens qui
existent entre trois institutions qui sont analytiquement séparables, mais en
réalité dépcn dun tes , à. savoir, le système de formation professionnelle, la structure
socio-fec hnique de la firme, et le système de relations industrielles. Selon
l'approche sociétale , les interactions entre ces différentes institutions sont
influencées par les caractéristiques particulières de l'environnement externe de la
firme. Dans ce processus interactif, le rôle de l'Etat et de ses structures, celui des
employeurs et de leurs associations, et celui des travailleurs et de leurs
organisations (en particulier les syndicats) constituent des éléments centraux.
Elle se fixe pour objectif de comprendre et d'expliquer comment les institutions
naissent, fonctionnent, et interactent. Dans l'analyse de ces différents processus,
elle met l'accent sur le rôle joué par les différents individus et groupes défendant
des intérêts spécifiques, ainsi que les résultats ou performances qui en découlent.

32
L'approche sociétele est par définition pluridisciplinaire et longitudinale.
Dans ses méthodes d'investigation et d'analyse elle utilise les outils des disciplines
telles que l'histoire, la sociologie, les sciences politiques, l'économie, et la gestion.
Selon cette approche, une telle combinaison constitue le seul moyen de saisir les
cas de discontinuités dans la configuration des forces sociales dans un cadre
institutionnel particulier, les changements et ruptures historiques dans la vie des
institutions. les variations d'attitude et de comportement individuels et collectifs,
la dynamique à long terme des changements technologiques et économiques, et les
conséquences de tous ces évènements duns J'élaboration des politiques
économiques, industrielles, et sociales.
Ce qui importe donc le plus à l'approche sociétale, ce sont les processus, les
changements qui interviennent dans ces processus, les conditions sous lesquelles
ces changements ont lieu, ainsi que leurs effets sur les résultats attendus des
politiques mises en place. En cela, elle constitue une approche critique des
phénomènes observés ("critical t heor y ap p roac h"] par opposition aux méthodes
conservatrices. Ces dernières considèrent l'environnement institutionnel comme
une donnée, et s'intéressent plus à des test d'hypothèses ("hypothesis tes ting") à
partir d'échantillons représentatifs d'une population donnée.

33
La méthode comparative est au centre de l'approche sociétale. Cette méthode
met l'accent sur l'identification des similarités et des différences plûtot que sur
les équivalents fonctionnels. En effet, dans les analyses comparatives ce qui
importe c'est l'analyse des phénomènes observés à partir des arrangements
institutionnels spécifiques à chaque cadre national. L'analyse comparative peut
donc être assimilée à une recherche de cohérences internes.
Parce que la complexité des interactions entre institutions et entre les
membres qui les forment ne peut pas être saisie par des modèles qui sont par
définition des simplifications de la réalité, nous utilisons une méthode d'études de
cas appliquée à un nombre limité de firmes des industries française et américaine
de la machine à outils. Selon Yin (1989), l'étude de cas est la méthode préférée
lorsque le chercheur se pose des questions de recherche commençant par
"Comment" ou "Pourquoi", lorsque le chercheur a très peu de contrôle sur les
phénomènes analysés, et lorsque le "Focu s" est mis sur un problème contemporain
qui existe dans un contexte réel. Yin explique également que l'utilité de l'étude de
cas découle du désir de comprendre des phénomènes complexes à partir d'une
investigation complète des facteurs qui en sont à la base.
L'étude de cas n'est pas forcément qualitative (Yin, op.cit.}, Cependant, elle
le devient (comme dans te cas de notre recherche) lorsqu"'elle utilise une large
variété de sources d'informations et de données qui ne peuvent pas être

3"
exprimées ou mesurées quantitativement, et qui sont relatives aux structures
organisationnelles, aux attitudes et comportements humains, et aux contraintes
sociales" (Cray po, 1986; p.Lâ}.
III. Notre proposition théorique
Notr-e étude de cas est semi-explor-atoire et semi-explicative même si elle
pose la question de savoir pourquoi la formation professionnelle ne peut pas être
organisée efficacement dans les pays et industries où les relations industrielles
sont conflictuelles. Elle a un caractère exploratoire dans la mesure où très peu
d'études approfondies ont été réalisées au cours des années 1980 et 1990 sur les
rapports entre formation professionnelle et relations industrielles de nature
conflictuelle, contrairement aux nombreux travaux réalisés sur les systèmes de
formation des pays possédant des relations industrielles consensuelles.
Elle a un caractère explicatif dans la mesure 01) les nombreuses études
portant sur la formation dans les pays à systèmes de relations industrielles de
nature consensuelle (dans lesquels les syndicats sont relativement forts) ont
permis de faire la proposition centrale (ou proposition théorique) selon laquelle les
st re tég ies de formation des travailleurs ne saurait être performantes lorsque les
relations industrielles sont conflictuelles et lorsque les syndicats sont affaiblis. Il
s'agiL donc d'une proposition déd uite de la Jittérature existante sur les rapports

35
entre formation professionnelle et relations industrielles dans un contexte de crise
et de changements technologiques.
La proposition centrale part de la log iq ue suivante. La formation
professionnelle est une activité collective par nature qui implique trois acteurs
principalement: l'Etat qui intervient par le biais des centres de formation publics
et qui contrôle l'application des règles relatives à la formation, les employeurs qui
souvent contribuent au financement des centres de formation publics ou privés et
s'attendent à ce que ces centres répondent à leurs besoins en qualifications, et les
travailleurs qui reçoivent la formation et s'attendent à ce que cette dernière leur
assure une promotion par le poste ou par le salaire.
Les acteurs ont donc des intérêts et des attentes qui ne sont pas toujours
convergents. Ainsi, les divergences d'intérêts qui apparaissent à l'occasion de
l'élaboration d'un plan ou d'une stratégie de formation donnent lieu à des
négociations. Cependant, ces négociations ne seront bien menées que s'il existe
entre les partenaires un accord sur un cadre de base pour la formation des
travailleurs.
Les caractéristiques d'un accord sur un cadre de base sont les suivants:
1. le partage des responsabilités d'élaboration et de gestion des politiques
de formation entre les trois partenaires
2. la reconnaissance par ces trois partenaires de leur rôle mutuel dans le

36
système de formation des travailleurs
3. et l'existence dans ce système de mécanismes de concertation ou/et de
structures de cogestion tripartites (au niveau national) ou bipartite (sur les lieux
de travail) que tous les partenaires reconnaissent et utilisent pour l'élaboration
des politiques de formation et pour ajuster le cadre de base aux changements
économiques et technologiques.
Dans un pays ou une industrie caractérisés par des systèmes de relations
industrielles conflictuelles, la réalisation d'un accord sur un cadre de base pour la
formation est très difficile à cause du principe d'exclusion réciproque qui est à la
base du fonctionnement de ces systèmes.
La première sous-proposition qui accompagne la proposition centrale
(t héo riq ue ) est donc la suivante. Les difficultés d'organisation de la formation des
travailleurs dans un environnement conflictuel sont dues à l'absence d'un cadre
de référence commun liée à la volonté de chaque acteur de contrôler le processus
décisionnel au détriment des intérêts des autres acteurs. Cela signifie que dans
un système de relations industrielles conflictuelles, les firmes dans lesquelles les
rapports employeurs/travailleurs et leurs syndicats seront les plus consensuels
rencontreront moins de problèmes dans la "construction" de leur force de travail
qualifiée. Ces firmes auront également des performances économiques plus élevées

37
si, comme c'était le cas dans l'industrie de \\a machine à outils au cours des années
1980, la maîtrise des nouvelles technologies est un facteur clé de succès.
Dans une entreprise donnée, la première proposition sera supportée s'il est
possible de démontrer: 1) l'existence de relations industrielles conflictuelles
2)
l'absence d'un accord sur un cadre de base liée à Pexis tence de relations
industrielles conflictuelles 3) une insuffisance de travailleurs qualifiés due à
J'absence d'un tel accord, et 4) un impact négatif de ce manque de travailleurs
qualifiés sur les performances économiques de la firme.
Se poser des questions sur les difficultés d'un accord sur un cadre de base.
conduit à envisager un examen des conditions pouvant mener à une évolution des
rapports conflictuels vers des rapports plus consensuels sans lesquels la survie
de la firme serait en danger. Ceci est d'autant plus nécessaire que comme l'affirme
yin (op.cit I. dans la méthode d'étude de cas les phénomènes observés ne peuvent
pas être séparés de leur contexte. Au cours des années 1980, dans les industries
américaine et française de la machine à outils, la survie de la firme était une
question centrale compte tenu des risques réels de disparition des fabricants des
deux pays à cause des menaces venant du Japon et des autres pays européens.
La deuxième sous-proposition est donc la suivante: au cours des années
1980, la limite dea divergences d'intérêts entre partenaires dans les industries
française et amér-Icaine de la machine à outils et de leur refus de trouver un

38
accord sur un cadre de base pour la formation résidait dans Je fait que aucun des
acteur-a, que ce soit l'Etat, les employeurs, ou les travailleurs, n'avait intérêt à
laisser l'industrie de la machine à outils disparaître. En d'autres termes, même
dans les systèmes de relations industrielles de nature conflictuelle, les périodes
de crises aigues peuvent amener les acteurs à adopter des comportements et
attitudes coopératifs.
Les résultats obtenus supporteront donc la deuxième proposition s'il est
démontré: 1) qu'au cours des années 1980, la crise économique des industries
françaises et américaines de la machine à outils a conduit l'Etat, les employeurs, et
les travailleurs à des "partnerships" (qui n'existaient pas auparavant) sur les
questions relatives à la formation, et
2) que cette tendance au partnership était
d'autant plus présente que les performances économiques de la firme étaient
mauvaises. En d'autres termes, cette tendance devait être plus présente dans les
firmes où les relations industrielles étaient les plus conflictuelles, car ces firmes
devraient, selon notre proposition centrale, rencontrer les problèmes de
qualification les plus sévères et les performances économiques les plus faibles.
Il convient de préciser que l'orientation de ce travail vers la recherche de
la relation spécifique qui existe entre l'absence d'un accord sur un cadre de base
et l'échec des stratégies de formation mises en place par les fabricants français et
américains ne signifie que nous pensons que l'absence d'un tel accord est la cause

39
exclusive des problèmes de formation rencontrés par ces fabricants. Comme le
souligne Ker-lin ger (1986; p.IO), "de nombreux travaux de très bonne qualité dans
les sciences sociales et en éducation sont préoccupés par l'identification de
relations spécifiques; le simple fait de découvrir une relation entre phénomènes
observés fait partie de la science". Le fait que la découverte d'une relation
spécifique ne conduise pas forcément vers la généralisation et la prédiction
n'enlève rien à la valeur scientifique d'une recherche, dans la mesure où
généralisation et prédiction ne constituent qu'une partie de l'activité scientifique
[Ker-Iin ge r , op.ctt.}.
IV. Le choix des cas étudiés et des unités d'analyse
La méthode d'étude de cas n'a pas un objectif de généralisation statistique
("statistical generalization") mais de généralisation analytique ("analytical
gener-alization"} (Yin, op.cit ). Le premier type de généralisation se trouve au
centre de la méthode déductive ("hypothesis testing") qui consiste à sélectionner
un échantillon représentatif d'une population et à généraliser les résultats
obtenus à l'ensemble de cette population. Le deuxième type de généralisation
concerne le chercheur qui propose une théorie qu'il essaie de vérifier à partir de
l'étude approfondie de un ou plusieurs cas; la généralisation n'est pas
automatique j, elle n'est obtenue qu'au bout d'une accumulation d'études de cas qui
permettent de vérifier la théorie.

40
La différence entre généralisation statistique et généralisation analytique
justifie les procédures de sélection des cas et des unités d'analyse dans la
méthode d'étude de cas dont le nombre ne détermine pas la qualité du travail de
recherche. Le critère de sélection est simplement la capacité des eus et unités
analysés à contribuer à confirmer ou à infirmer la théorie. Notre étude porte sur la
formation professionnelle dans les industries de la machine à outil en france et
aux USA. Dans les deux pays, nous avons choisi des aires de concentration de
l'industrie: la région Ile-de-France pour la France, et l'Etat du Wisconsin aux
Etats Unis.
La Région IIe-de-France qui inclut Paris, possède les structures
éducationnelle et industrielle les plus développées de France. Dans l'industrie de
la machine à outils, la région Ile-de-France a le nombre de fabricants le plus élevé
au niveau national. Les autres aires de concentration de l'industrie sont les
régions du Rhônes-Alpes, le Centre, l'Alsace, et la Haute-Normandie.
De son côté, l'Etat du Wisconsin détient l'un des systèmes de formation les
plus anciens et des plus avancés des Etats-Unis. En ce qui concerne l'industrie de
la machine à outils, cet Etat fait partie du groupe de tête en ce qui concerne le
taux de concentration des constructeurs par état, avec la californie, l'Illinois,
l'Ohio, et le Connecticut.

41
Le critère utilisé pour la sélection de l'Etat du Wisconsin et de la Région Ile-
de-France a donc été l'existence d'un nombre relativement important de
fabricants. La restriction de l'étude à des espaces géographiques bien délimités
(par opposition à une sélection des cas dans des espaces géographiques variés)
devait permettre d'éviter l'influence des variations des facteurs
environnementaux tels que le taux de chômage et la qualité du système de
formation professionnelle qui peuvent avoir un impact décisif sur les politiques de
formation des firmes. (Par exemple, un fabricant opérant dans un espace
géographique ayant un taux de chômage faible et un système de formation peu
performant rencontrera plus de difficultés dans la construction de sa main-
d'oeuvre qualifiée qu'un fabricant opérant dans un espace à taux de chômage
élevé et doté d'un système de formation perfor-ma nt.)
Dans chaque pays, six firmes spécialisées dans la fabrication de machines à
outils ont été sélectionnées. Pour chacun d'eux, les six firmes comprenaient: deux
de petite taille (effectifs de 10 à 90); deux de taille moyenne (de 91 à 200), et deux
de grande te.ille (plus de 200). Chaque paire de firmes devait en inclure une dans
laquelle les travailleurs étaient syndiqués et une dans laquelle ils ne Pétaient pas.
En principe, les cas sélectionnés devaient exclure les unités de production de
machines à outils intégrés dans des ensembles spécialisés dans la fabrication
d'autres produits ("captive machine tool firms"), les fabricants d'outils ou
d'accessoires destinés aux machines à outils, les firmes qui font plutôt de la

42
distribution de machines à outils, les fabricants de machines à outils à tailler le
bois, et les firmes spécialisées dans la réparation et la maintenance des machines à
ou tits.
L'introduction de la taille et de la syndicalisation des travailleurs comme
critère de sélection des cas à étudier répondait à la logique suivante.
Premièrement, plus l'entreprise est petite, plus les chances de syndicalisation des
travailleurs sont faibles, moins les relations industrielles sont conflictuelles car
totalement dominées par les dirigeants de la firme, moins les problèmes de
qualifications sont sévères dans la mesure oü l'élaboration et J'exécution des
politiques de formation sont sous le contrôle de ces dirigeants. Deuxièmement, cela
signifie que entre deux firmes de même taille, celle qui fera face aux plus grandes
difficultés dans l'organisation de ta formation de son personnel sera celle dont les
travailleurs seront synd iq ués ou celle dans laq uelle les syndicats sont
relativement plus puissants.
La France et les Etats Unis possèdent deux types différents de relations
industrielles: syndicalisme politique dans premier cas, et "business unionism"
dans le second. Compte tenu du fait que, contrairement au "business u nionism", le
syndicalisme politique se manifeste plus à l'extérieur qu'à J'intérieur de la firme,
nous nous attendions à ce que les dirigeants des firmes syndiquées américaines
rencontrent plus de difficultés que leurs homologues français s yn diq ués dans

43
l'élaboration de leurs politiques de formation professionnelle.
Cependant, il
n'était pas possible dès le début de l'étude de nous prononcer sur des
comparaisons croisées entre firmes américaines syndiquées ou non-syndiquées et
firmes françaises syndiquées ou non syndiquées. Au cours de la présentation des
résultats de not re recherche et de leur analyse, cela a été d'autant plus impossible
que nous n'avons pas pu trouver de firmes françaises de machines à outils sans
syndicats de travailleurs.
Ainsi, Comme le suggère la méthode d'étude de cas, chaque cas sélectionné
constituait un cas unique pouvant soit confirmer, soit infirmer la proposition
centrale.
La Sélection des cas
Dans l'Etat du Wisconsin, le Classified ntrector y of Wisconsin Manufacturers
de 1989 a été utilisé pour des interviews téléphoniques avec des fabricants de
machines à outils. Les villes ciblées ont été Milwaukee (la capitale industrielle de
l'Etat) et les villes environnantes, notamment Racine, Menomonee Falls, et
Waukesha.
En 1989, plus de 43% des fabricants de l'Etat du Wisconsion étaient installés
dans ces quatre villes; 26% d'entre eux étaient localisés dans la ville de Milwaukee.
En termes de chiffres, en 1989, sur les 72 firmes de fabrication de machines à
outils installées dans l'Etat du Wisconsin, dix-neuf étaient à Milwau kee, six à
Menomonee, cinq à Racine, et une à. Waukesha.

44
Une première sélection Il été faite sur la base des interviews téléphoniques
à partir de deux critères: l'intérêt que les fabricants manifestaient pour le travail
de recherche entrepris, et leur disponibilité à fournir des informations et des
données sur leurs stratégies de formation.
La deuxième étape consistait à procéder à un pré-interview très bref avec
les fabricants sélectionnés après l'entretien téléphonique. Les informations
collectées devaient permettre de connaître les caractéristiques particulières de
chaque fabricant, avec un accent particulier mis sur les technologies utilisées et
les problèmes de qualifications et de formation que ces technologies posaient ou ne
posaient pas.
A partir des pré-interviews, les cas intéressants ont été retenus. Trois
critères ont été utilisées pour la sélection finale. Premièrement, les fabricants
devaient posséder des technologies nouvelles dans leur équipement de production
(par exemple, machines A commandes numériques, organisation juste-A-temps,
systèmes de contrôle informatisés, etc.). Il faut préciser que, en fait, toutes les
firmes qui ont été soumises au pré-interview possédaient des technologies
nouvelles. Nous avons choisi celles qui étaient le plus avancées dans ce domaine.
Deuxièmement, les questions relatives aux qualifications et A la formation
professionnelle devaient constituer une des préoccupations importantes des firmes
sélectionnées. Enfin. une attention particulière a été donnée à la composition du
personnel. Nous avons donné la priorité aux firmes qui possédaient le plus grand

45
nombre de travailleurs (en pourcentage du personnel de la firme) impliqués dans
les activités de production car l'ët ude portait sur eux.
Vingt-quatre fabricants ont été contactés par téléphone dans l'Etat du
Wisconsin. Dix-huit ont été retenus sur la base de l'interview téléphonique et ont
donc été pré-interviewées. six fabricants ont finalement été retenus sur la base
du pré-interview. Parmi les six, trois étaient de la ville de Milwaukee, un de
Racine, un de Menomonee Falls, et un de Fonds-du-Lac.
Une procédure différente fut utilisée dans le choix des fabricants français
pour les raisons qui suivent. Notre travail de recherche ayant été mûr-i dans le
cadre de l'Université du Wisconsin, il nous était impossible de procéder à des
interviews téléphoniques des fabricants français compte tenu des coûts élevés que
cela aurait entraîné. Nous avons utilisé la liste des membres du SYMAP (le syndicat
des producteurs de machines A outils) de la région Ile-de-France, plus une autre
liste des fabricants français de machines A outils obtenue par un canal informel.
La première Hste nous a été envoyée par le SYMAP même et comprenait 25 membres.
La première étape de sélection des fabricants français a donc consisté à
envoyer le questionnaire pre-interview à tous les membres du SYMAP de la région
lIe-de-France. Le taux de réponse a été très faible en dépit des rappels par lettre,

46
par téléphone et par télécopie. Des 25 membres, seuls cinq ont répondu. Ce faible
taux de réponse nous obligea à procéder à des pré-interviews téléphoniques une
fois en France pour notre travail de recherche. Ainsi, les pré-interviews furent
réalisés par téléphone et non dans la firme comme cela avait été le cas dans l'Etat
du Wisconsin.
Nous avons fait face à quatre problèmes au cours de la sélection des
fabricants français. Premièrement, le nombre de fabricants parmi lesquels choisir
était plus limité que dans le cas des USA parce que nDUiS avons accéléré le
processus de sélection faute de temps. Ceci était surtout vrai dans le cas des
firmes de grande taille; nous avons choisi deux d'entre elles parmi les trois
premiers cas contactés. C'est ce qui nous amené à choisir une unité de fabrication
de machines à outils intégrée à un grand fabricant d'automobiles ("captive
machine tools firms"), alors que nous prévoyions d'exclure ce genre de firme.
La priorité donnée à la liste du SYMAP signifiait implicitement que nous
supposions que tous les fabricants français de machines à outils étaient or-ganisës
par cette association, bien que nous nous soyons rendu compte par la suite que
cela semblait être la réalité. Troisièmement, toutes les fir-mes inclues dans
l'échantillon avaient un personnel syndiqué. Il était donc difficile de constituer
des couples de firmes "personnel syndiqué/personnel non syndiqué". Enfin, il
s'est avéré impossible de trouver dans la région Ile-de-France des firmes ayant

47
entre 10 et 30 salariés et préoccupés par les questions relatives à la formation
professionnelle ou tout simplement inté res s ée s pur notre recherche.
V. La Collecte des données et informations
v.t, Les Guides d'm tervicw
Nous avons utilisé la méthode des interviews pour la collecte des données et
des informations. II y avait un guide d'interview pour les dirigeants de
l'c nt rep rise (directeurs du personnel. directeur de la p roduction , superviseurs,
propriétaires ... ), un pour les syndicats ou au tr-es représentants des travailleurs,
et un pour les centres de formation privé", et publics (les questionnaires en
annexe).
Etant donné que notre proposition théorique avait pour élément centr-al
l'existence d'un accord sur un cadre de base pour la formation entre l'Etat, les
employeur-s. et [cs t ruvailleu r s , ces trois questionnaires semblaient indiqués pour
la collecte des données et informations devant nous permettre de connaître
l'attitude et le comportement des principaux acteu rs vis à vis des questions
r-elatives il la formation. Ils semblaient ôg alcrnen t indiqués pour constater
J'existence DU l'absence d'LIn nccoru de base.

48
Cependant, lorsqu'au cours du travail de recherche, il apparaissait
important d'interviewer des institutions particulières (publiques ou privées) ou
des personnes intéressantes impliquées ou qui ont eu à l'être (par exemple, des
responsables de programmes de formation retraités) dans la formation
professionnelle, des interviews spécifiques (sur mesure) étaient préparés. Cela ft
souvent été le cas avec les institutions et le personnel du Ministère de l'Education
Nationale en France et le Wisconsin vocatione l Training and Adult Education aux
USA, et avec les nouvelles institutions de formation créées dans les deux pays.
Notre connaissance des institutions et structures pour lesquelles des
interviews spécifiques étaient bâtis était fonction de l'évolution de notre
recherche. En effet, c'est au cours d'interviews (planifiés) que nous étions
informés de l'existence de structures et d'institutions impliquées dans
l'apparition, l'évolution et la vie des phénomènes observés, ou que nous étions
informés de l'existence d'individus qui avaient joué un rôle fondamental dans la
formation des travailleurs. Par exemple, dans le cas de la France, c'est au cours de
notre séjour au Centre d'Etudes et de Recherches sur les Qualifications (CEREQ)
que nous avons appris que Hillau et Podevin avaient fait des travaux importants
sur la machine à outils française. C'est à partir de cette information qu'il nous ft
été permis de savoir que Hillau jouait un rôle important dans les CPC (Comités
Professionnels consultatifs) du Ministère de J'Education Nationale, et que nous
avons décidé de l'interviewer.

49
Nos sources d'information ont donc été très variées. Selon Yin (op.cit.},
l'une des forces de l'étude de cas c'est sa capacité à s'appuyer sur une grande
variété de sources: les documents, les interviews, et l'observation.
V.2. Données et informations collectées
Nos sources ont été de trois types: la recherche bibliographique,
l'observation et la participation à des cours dispensés dans les centres de
formation professionnelle (surtout aux USA et une fois en France), et les
interviews qui ont constitué la source d'information de loin la plus importante.
Notre collecte d'information et de données sur le secteur de la machine à
outils a débuté à partir d'un travail bibliographique intense (six. mois dans la
bibliothèque du Département de Génie Industriel de l'Université du Wisconsin), et
une participation aux cours théoriques et aux travaux pratiques dispensés au
Madison Technical Ccllege (MATC). L'objectif était d'atteindre un niveau élevé de
familiarisation avec les aspects techniques de l'industrie de la machine à outils, et
d'en retirer une bonne compréhension des processus de fabrication. de l'impact
des technologies nouvelles sur l'établissement des programmes de formation et sur

sa
les nouvelles qualifications nécessaires à leur utilisation.
Ce premier stade a inc1u des interviews (formels et informels) avec les
formateurs du centre de formation (MATe), les étudiants, et les responsables
administratifs. Les syndicats (au niveau de l'Etat et non de la firme) furent
également interviewés dans le but de connaître le rôle qu'ils jouaient dans la
formation professionnelle des travailleurs. Des rencontres furent organisées avec
l'AFL/CIO (American Federation of Labor zCong reas of Industrial Organizations),
PIAM (International Association of Machinists devenue International Association of
Machinists and Aeroapace wor ker s}, the AIW fAllied Industrial Workers), et le USA
(United Steelworkers of America).
A ce premier stade, les personnes interviewées l'ont été plus d'une fois.
Tout en nous permettant de nous familiariser avec les aspects techniques de
l'industrie, ces interviews devaient également nous aider à reconstruire le
système de formation de l'Etat du Wisconsin. A partir de ce premier travail
d'investigation, nous avons rédigé une monographie de ce système qui comprenait
différentes parties sur son histoire, sa philosophie de base, son organisation, son
fonctionnement, son financement, et le rôle des acteurs dans son fonctionnement.
Ces premiers interviews n'ont pas été sélectifs. Il s'agissait de collecter le
maximum d'informations sur l'industrie de la machine à outils et sur le système de
formation. Au cours de cette première phase, nous étions donc sur le terrain

51
américain.
Cependant, simultanément le même travail était réalisé pour la France, mais
d'une manière différente. La collecte d'information a été réalisée grâce à des
correspondances envoyées aux structures gérant la formation professionnelle en
France, aux associations d'employeurs, aux syndicats, au CEREQ, et grâce à une
recherche bibliographique. La qualité de la bibliothèque de l'Université du
Wisconsin, l'un des dix meilleurs centres de recherche aux Etats Unis, offrait la
possibilité de trouver une documentation assez fournie sur Ja France. Tout ceci
fut complété par les interviews lors de notre séjour en France. Il faut dire que
grâce à la centralisation par l'Etat du système de formation professionnelle
français, et à la bonne organisation des employeurs et (bien que dans une moindre
mesure) des travailleurs français, des documents permettant d'avoir une vue
relativement complète du système de formation français nous étaient parvenus par
correspondance.
Le second stade de la collecte d'information comprenait donc des interviews
sélectifs dans les deux pays avec les institutions de l'Etat concernées par les
questions d'éducation et de formation professionnelle, les fabricants de machines à
outils, les centres de formation privés ou publics, et les syndicats. A ce stade, les
syndicats interviewés n'étaient plus les représentants régionaux ou nationaux,
mais le .s sections syndicales présentes dans les firmes interviewées.

52
Aux Etats Unis, les syndicats interviewés ont été l'IAM et le UAW (United
Auto wor-ker-s). En France, nous avons interrogé les trois syndicats les plus
importants, en l'occurrence la CGT (Confédération Générale du Travail), la CFDT
(Confédération Française Démocratique du Travail), et Fa (Force Ouvrière). Les
centres de formation publics et privés interviewés étaient implantés dans la même
aire géographique que les firmes étudiées.
Dans les firmes de taille moyenne et de grande taille. les directeurs des
ressources humaines étaient interrogés en premier. Ces interviews étaient
toujours clôturés par une visite des ateliers. Ensuite, les responsables des
ateliers de production étaient interviewés. Le passage dans les ateliers de
production était particulièrement important duns le cas des firmes américaines où
une bonne partie de la formation était faite sur le tas.
Pour les petites fir-mes, nous avions pensé au départ que compte tenu d'une
certaine tradition de centralisation des responsabilités entre (es mains du
propriétaire, la séparation entre le statut de propriétaire, les fonctions de
responsable du personnel, et quelque fois de superviseur, ne serait pas évidente.
Ainsi, il ne serait pas nécessaire d'aller au delà du propriétaire. Dans les faits,
ceci n'a été valable que pour SAI, une petite unité de fabrication américaine sans
syndicat. La deuxième firme américaine de petite taille était originellement une
firme de taille moyenne qui était tombée en faillite, et qui avait par la suite été

53
rachetée par un gr-and groupe. Elle n'avait donc pas les caractéristiques de la
petite firme. Les cas français de petite taille ne fonctionnaient pas sur un mode de
gestion familiale.
En ce qui concerne les institutions gouvernementales concernées par la
formation professionnelle, les questionnaires étaient brefs et contenaient une
partie ajustée aux spécif'ités de chacune d'elles. Ceci était dû au fait que dans
plusieurs cas, les interviews avec ces institutions avaient pour but de vérifier des
arguments développés par les syndicats, les employeurs, ou les formateurs.
VI. La. vérification de notre proposition théorique
et l'analyse des données
Notre revue de la lit tér-atu re, réalisée lors de la rédaction du projet de
thèse, apporta une indication importante. Toute analyse des systèmes de formation
professionnelle et de relations industrielles au cours des années 1980 exigeait une

55
à MATe servaient plusieurs objectifs: 1) noter les changements technologiques qui
avaient eu lieu dans l'industrie de la machine à outils, et surtout 2) identifier les
exigences en matière de qualifications provoquées par l'adoption des nouvelles
technologies ainsi que les problèmes d'adaptation que cela posait au sein des
différentes firmes.
Les données collectées à partir des interviews auprès des institutions de
l'Etat, des employeurs, et des travailleurs étaient à la base de l'analyse des
rapports entre le système de formation professionnelle, le système de relations
industrielles, et la firme. L'industrie de la machine à outils représentant un
élément stratégique dans les politiques industrielles des gouvernements français
et américains, nous avons débuté notre analyse des rapports entre formation,
relations industrielles, et performances économiques par une discussion autour
des plans élaborés par ces deux gouvernements dans un but de restructuration de
l'ind u strie.
Dans l'analyse des résultats, nous n'avons pas voulu, dès le départ, être
rigide dans les choix d'unités d'analyse. Il s'avéra par la suite que bien que la
firme individuelle était l'unité d'analyse centrale pour la collecte des données et
informations, elle ne J'était pas toujours concernant l'explication des phénomènes
observés. Nous avons par exemple remarqué les chose s suivantes au cours de nos
analyses. Là où les fabricants de machines à outils étaient bien organisés, les

56
organisations patronales qui centralisaient leurs actions collectives étaient
préférées à la firme individuelle pour l'explication des phénomènes observés. Par
contre, là où les fabricants cherchaient des solutions à leurs problèmes de
formation par le biais d'fn tiat ives individuelles, la firme était l'unité d'analyse
adéquate aussi bien pour la collecte des données et informations que pour
l'explication des phénomènes observés.
Ainsi, outre les chapitres sur la présentation détaillée des cas étudiés et la
revue de la littérature, l'analyse des données et informations collectées a été
organisée selon la logique suivante:
1, analyse des changements technologiques dans l'industrie de la
machine à outils et de leurs impacts sur les qualifications des travailleurs au
cours de années 1980
.
2. analyse de l'évolution historique des rapports entre formation
professionnelle et relations industrielles dans les deux pays
3. analyse des rapports entre qualifications et compétences des
travailleurs d'une part et performances économiques de l'autre dans les industries
française et américaines de la machine à outils. Cette analyse débuta par les
politiques gouvernementales dans le secteur

57
4. analyse des rapports entre formation professionnelle et relations
industrielles dans l'industrie de la machine à outils des deux pays.
VLI. Les critères d'interprétation des données et l'opérationalisation
des concepts
L'ojecttf de cette recherche était de démontrer pourquoi la formation
professionnelle ne peut pas être organisée de façon efficace lorsque les relations
industrielles sont conflictuelles et les syndicats affaiblis. Dans la proposition
théorique, l'absence d'un accord entre les principaux partenaires sur un cadre de
base pour la formation a été considérée comme la cause la plus importante de cette
inefficacité.
Le choix des critères d'interprétation des données devait donc permettre en
même temps d'opér-ationafiser- les concepts (ou groupes de concepts) suivants déjà
discutés (voir section IIl): 1) l'existence de relations industrielles conflictuelles et
de syndicats affaiblis dans les firmes interviewées 2) le fail que ce type de
relations constituait un obstacle à J'existence d'un accord sur un cadre de base
pour la formation, 3) en quoi l'absence d'un tel accord faisait partie des facteurs
qui étaient à l'origine des problèmes de qualifications rencontrés par les
fabricants, et 4) l'impact négatif de ces problèmes de qualification sur les
performances économigues de la firme.

58
Opér-at.ionaliaer- un concept c'est identifier des caractéristiques ou critères
(quantifiables ou non) qui permettent au chercheur de démontrer l'existence ou
l'inexistence d'un phénomène (Nachirrria s et Nachimias, 1976).
VI.l.I. L'existence de relations industrielles conflictuelles
Elle se trouve essentiellement dans l'attitude et le comportement des
partenaires sociaux les uns vis à vis des autres, notamment dans leurs stratégies
d'exclusion réciproque sur toute les questions relatives à la gestion de
l'entreprise.
Du côté des employeurs, cela se manifestera par des pratiques antt-
syndicales: tentatives d'exclusion des syndicats des lieux: de travail -
formalisation des rapports employeurs/travailleurs - défense et protection de
toutes les prérogatives des employeurs dans l'organisation de la firme - création
de structures de participation impliquant syndiqués et non syndiqués afin
d'affaiblir les syndicats - tendance (très marquée au cours des années 1980) A
privilégier les négociations individ ualisées contre les négociations collectives -
non-application des règles et lois relatives aux relations industrielles - tentatives
systématiques d'exclure les travailleurs des processus de décision finale - et,
lorsque les syndicats sont absents , créer les conditions pour que les travailleurs
ne perçoivent pus leu r nécessité.

59
Du côté des travailleurs, l'existence de relations industrielles conflictuelles
se manifeste par des actions suivant une logique purement revendicative et
distributive (par opposition à une logique participante et productive) et, une
attitude de méfiance permanente vis à vis des employeurs.
Du côté de l'Etat, J'existence de relations industrielles conflictuelles se
manifeste par des difficultés à faire respecter les lois et règlements et à faire
fonctionner les structures tri-partites.
VI.1.2. L'absence d'un cadre de base
Premièrement, elle se constate dans les stratégies de formation adoptées par
les différents partenaires.
Du côté des employeurs, il y a: le rejet des centres de formation publics et
de leurs structures consultatives ou décisionnelles et la préférence pour des
accords ponctuels ou à court-terme - le recours de plus en plus marqué à des
centres de formation privés - le refus de principe de voir les travailleurs avec ou
sans leurs syndicats participer à l'élaboration et à l'exécution des politiques de
formation.
Du côté des travailleurs et de leurs syndicats, l'absence d'un accord sur un

60
cadre de base se manifeste bien entendu par leur exclusion des structures
d'élaboration et d'exécution des politiques de formation. mais également par leur
perception de la formation professionnelle comme étant l'affaire des employeurs et
de l'Etat avant tout. Une telle perception est directement liée à la logique
distributive et revendication des syndicats opérant dans des contextes
conflictuels.
VIol.3. Les liens ent re l'absence d'un accord, les problèmes de
qualification, et les performances économiques
L'identification de ces liens se fera de deux façons. Elle se fera d'abord par
les comparaisons entre les cas étudiés qui permettront de voir en quoi les
problèmes de qualification et de performances économiques sont moins sévères
dans les firmes où les rapports entre dirigeants et travailleurs sont les moins
conflictuels.
Ensuite, compte tenu de notre approche évolutive, et de notre
caractérisation des années 1980 comme un contexte de transformation radicale,
nous avons prêté une attention particulière aux changements qui intervenaient
dans les relations industrielles, dans les stratégies de formation et dans la
résolution des problèmes de qualifications dans les firmes étudiées.

61
Notre recherche a donc été une combinaison des trois modes d'analyse, à
savoir:
1. l'analyse basée sur l'identification de "pattern" (" pattern-matching"
mode): c'est le débat autour des rigidités institutionnelles des systèmes de
formation et de relations industrielles,
2. l'analyse centrée sur la vérification d'une proposition centrale à partir
d'une recherche et d'une explication des liens complexes qui existent entre les
données et informations collectées ("explanation-building mode"): c'est la question
des rapports entre relations industrielles, politiques de formation, et
qualifications. C'est également le mode d'analyse qui a déterminé la structure et
l'organisation des arguments dans la thèse, et,
3. l'analyse centrée sur l'identification des variables contenues dans les
différents stades conduisant à une pratique donnée ("time-series analy sis"): c'est
ainsi que nous nous attendions à ce que le contexte radicalement différent des
années 1980 conduisent à des pratiques plus coopératives de la part des acteurs.
Ces trois modes d'analyse ont bien entendu été utilisés à des degrés divers.
La priorité a été donnée à méthode d'''explanation-building''. Les deux autres
modes ont servi de supports importants dans la construction de notre argument.

62
VU. Questions de confiance et de validité
L'une des particularités de la méthode d'étude de cas est que les questions
de confiance et de validité trouvent leurs réponses au cours du processus de
recherche. contrairement à la méthode déductive.
VII.!. Validité interne
Elle concernait la cohérence de l'organisation de nos arguments au cours de
notre explication des impacts négatifs des relations industrielles de nature
conflictuelle sur la formation professionnelle. Démontrer l'existence d'une relation
de cause à effet n'était pas facile compte tenu du fait, comme nous l'avons annoncé
auparavant, que la nature conflictuelle des relations industrielles n'était
probablement pas la seule cause des problèmes de qualification rencontrés par les
fabricants français et américains. C'est donc en complétant la construction de
notre argument ("explanation-building") par une analyse des phénomènes
répétitifs ("pattern-matching") et des évènements particuliers ("time-series") qui
ont marqué l'évolution des rapports entre formation professionnelle et relations
industrielles dans les deux pays que nous avons essayé d'atteindre un bon niveau
de validité interne.
VII.2. Validité des concepts et confiance
Dans la méthode d'étude de cas, la validité des concepts est assurée par le
recours à des sources multiples d'informations et de données. C'est donc au cours

63
de la collecte de ces dernières que cette validité est atteinte. L'utilisa.tion de
sources multiples permet non seulement de faire des recoupements, mais également
de repérer les contradictions qui conduisent A la recherche d'informations
complémentaires. Dans l'analyse des critères d'interprétation, nous avons indiqué
les trois concepts qui étaient au centre de notre étude, à sevoir-, des relations
industrielles conflictuelles, l'absence d'un accord sur un cadre de base pour la
formation, et les insuffisances de travailleurs qualifiés qui en ont découlé.
Les informations relatives à ces concepts ont été d'origines diverses. Pour
les relations indu st rfelles , nos sources ont été les centrales syndicales, les
sections syndicales d'entreprise, les dir-ig eants de la firme; tout ceci a été
complété par une recherche documentaire lorsque cela était possible. Pour l'accord
de base, une grande importance a été donnée aux documents relatifs aux
structures tripartites des systèmes et des centres de formation. eux structures
bipartites de la firme, et aux points de vue des trois principaux acteurs sur la
nécessité d'un "par-tner-s hip" sur les questions de formation. Nos sources
d'information concernant les insuffisances de travailleurs qualifiés étaient les
interviews conduits auprès des fabricants, les analyses de l'industrie produites
par les gouvernements français et américains, et nos discussions très importantes
avec les responsables de production au cours de nos visites d'ateliers.
Ces visites permirent de discuter de questions qui ne pouvaient être

64
abordées qu'à partir d'une observation directe des processus de production et de
l'organisation des ateliers de fabrication. Les visites d'atelier étaient
intéressantes également dans la mesure où elles permettaient d'avoir d'autres
interlocuteurs (les responsables de la conception et de la production et les
ouvriers eux mêmes), et éventuellement de prendre des rendez-vous pour d'autres
interviews.
Il existe une relation entre validité et confiance (Du nbam, 1984), En effet, la
qualité de l'information recueillie dépend de celle de l'instrument utilisé. Les
questionnaires d'interview utilisés avaient été élaborés collectivement dans le
cadre du "Wisconsin S'kilts Pr'oject" présenté au début de cette partie
méthodologique. Ils avaient été testés dans deux firmes par deux équipes, chacune
étant dirigées par l'un des deux professeurs responsables du projet. Les autres
questionnaires avaient été testés au niveau des dirigeants d'une centrale
syndicale et dans un centre de formation.
Un phénomène pouvait contribuer à réduire le niveau de confiance. Il s'agit
de l'effet de maturité qui consiste pour le chercheur à devenir plus compétent au
fure et à mesure que la recherche progresse (Campbell et Stanley, 1963; Smith,
1975). Ainsi, les informations et données collectées vers la fin du travail
d'interview ont tendance à être plus fiables que celles collectées au début. Ce
problème a été partiellement réglé par les possibilités qui existaient d'organiser

6S
un second round d'interviews sur des questions qui n'avaient pas été
suffisamment abordées ou Qui avaient été moins bien abordées dans les premières
firmes.
VII.3. Généralisation des résultats
Cette question a déjà. été discutée. Notre étude était concernée par la
vérification de notre proposition centrale (généralisation analytique), et non par
l'extension des résultats à toute une population (généralisation statistique).

66
CHAPITRE 1:
L'UNIVERS DE LA RECHERCHE: L'INDUSTRIE DE LA
MACHINE A OUTILS EN FRANCE ET AUX U.S.A.
AU COURS DES ANNEES 1980
Introduction
L'Association Nationale des Fabricants de Machines A Outils
américains
(National Machine TODI Builders' Association, NMTBA)
définit
la machine à outils de
la façon suivante.
Il
s'agit

d'une machine équipée d'une force lnotrice.
non manuelle,
utilisée
pour
la coupe,
le formage,
ou
la finition du métal"
(The Economie
Handbook of The Machine TODI
Industry,
1989-90,
p.l).
La présente
étude se référera essentiellement aux deux catégories
industrielles du Manuel Américain de Classification des Standards
Industriel
(American Standard Industrial Classification Manual,
SIC)
qui
regroupent
les deux
types
les
plus
importants de
machines
à
outiLs,
en
l'occurence
les
"Machines A outils A couper
le métal"
qui
figurent
sous
l'indice de classification 3541.
et
les "Machines A outils à
former
le métal",
qui
sont classés sous
L'indice 3542.
La première catégorie regroupe
treize différentes
sous-catégories de machines avec
des
fonctions
spécifiques.
La
deuxième comprend seulement quatre sous-catégories
(Directory
1989, NMTBA,
19891.
Dans
l'ensemble,
beaucoup plus d'études ont
été
réalisées sur
les machines à couper que sur
les machines A
former
le métal.
L'industrie de
la machine à
outils occupe une
place

67
stratégique dans
les économies nationales où elle existe. Cela
est essentiellement dû au fait que
la plupart des
innovations
réalisées dans
les autres
industries passent paT
l'utilisation de
machines
à outils.
Ceci
est
d'autant
plus
important que sont
concernés des
secteurs aussi
stratégiques que
les
industries de
l'automobile,
de
l'aéronautique,
et
J'industrie militaire.
En dépit de
la place stratégique qu'elle occupe dans
les
économies nationales,
le chiffre d'affaires de l'industrie de
la
machine à outils est faihle
lorsqu'on le compare à celui des
autres
industries.
En
1980,
elle
réalisa 0,094% seulement
du
produit national
brut en Suisse,
entre 0,05% et
0,06% en
Allemagne,
0,043% au
Japon,
entre 0,012% et 0,018% aux USA,
et
entre 0,013% et 0,015% en France
(Venin,
1985).
Cependant,
malgré
cette
faible
contribution au produit
national,
l'industrie de
la
machine ~ outils constitue l'une des préoccupations
industrielles
majeures des gouvernements.
En
effet,
son contrôle est
synonyme
d'indépendance
industrielle,
militaire,
et
technologique.
L'industrie est
également
caractérisée
par
la petite
taille
de
ses unités de production.
En
1982,
le nombre moyen de
travailleurs dans
l'industrie
française de
La machine à outils
s'élevait
à
115j
aux USA,
il
était
de
77j
en
Italie,
de 69;
en
Suisse,
de 94;
en Allemagne,
de
225j
et de
215 en Grande-Bretagne
(Venin,
1985).
Son produit
final
est
caractérisé par sa diversité
technique
liée à
un
souci
d'adaptation du produit
final
aux

68
besoins des clients,
et par une gamme étendue de prix.
Outre
la distinction traditionnellement faite entre machine
l
couper le métal et machines à former,
le produit final
peut
être différencié sur
la base d'autres critères.
Parmi
ces
critères.
le plus
important est celui de la taille des séries
fabriquées qui
permet de faire
la différence entre les machines
relativement standardisées, mises à
la disposition du
client par
J'intermédiaire de catalogue
(l'catalogue-machine tools"), et
les
machines taillées sur mesure sur la base des spécifications
demandées par le client
("customized machine tools"). Les
premières sont produites en série relativement grandes,
ciblent
les gros marchés,
et permettent de
réaliser des économies
d'échelle.
Les secondes sont
fabriquées en petites séries,
souvent à
la pièce,
et ciblent
des marchés restreints.
Ce
travail
est
une étude empirique du secteur de
la machine
à outils en France et aux USA.
Une présentation des deux
industries,
des mutations qu'elles ont
connues et des difficultés
qu'elles ont
rencontrées au cours de ces dernières années
s'impose donc.

69
J.
Performances Economiques dans
les
Industries Américaine
et Française de
la Machine à Outils au cours des Années
1980
1.1. Le cas de
J'Industrie américaine de
la machine A
outils
La structure de
l'industrie américaine de
la machine à
outils est caractérisée par J'existence de quelques
établissements de grande
taille,
et une majorité de petites et
moyennes unités.
En
1977,
il
existait
1343 constructeurs aux USA,
dont 874
(65%) avaient un personnel de moins de 20 membres.
Seuls
10 constructeurs détenaient un personnel
égal ou supérieur à
1,000 membres
(Machine Tool
Panel,
1983).
En
1982,
85% de
la production de machine à outils était
réalisée par 12 établissements
(De r t o uz o s
et aIiL,
1989).
Depuis
la deuxième moitié du 20ème siècle,
l'industrie américaine de
la
machine à outils est
passée d'une
structure très
fragmentée à une
structure relativement concentrée et verticalement
intégrée.
Géographiquement,
la plupart des unités de production de machine
à outils sont
regroupées dans
les Etats du Wisconsin,
de
l'Ohio,
du Connecticut,
du Michigan,
de Californie,
et de
l'Illinois.'
Avant
de s'orienter vers des
stratégies de
production
standardisée sous
la pression de
la concurrence au
cours des
années
1970 et
1980,
les constructeurs américains s'étaient
Concernant
la
distribution
géographique
des
uni tés
de
production de machine à outils au début du
20ème siècle,
voir Roe
(1916).

70
garanti des niches sur le marché grâce à
la fabrication de
produits taillés sur mesure
("customized machines"), En outre,
"la prise en charge de toutes
les activités de production,
de
formation,
de développement des produits,
et de gestion
commerciale,
était assurée par le biais de pratiques totalement
internes aux
firmes"
(He r r i g e l ,
s.d.;
p.
14).
Cette stratégie qui
déboucha sur un niveau d'indépendance élevée des constructeurs
notamment vis à vis des autorités publiques,
limita cependant
l'expansion de
l'industrie
(De r t ou z o s
et
a l i i . ,
op v c i t v j
Machine
Tao 1 Pane L,
op. c i t . ) .
Le déclin de
l'industrie américaine de
la machine à outils
1
débuta au cours des années 1970.
En 1978, pour la première fois
de son histoire,
les USA importèrent plus de machines qu'ils n'en
exportèrent. De 1978 à
1988,
le déficit de la balance commerciale
négative de
l'industrie fut multiplié par onze. De 1980 à
198B,
la part des importations dans
la consommation américaine de
machines à outils passa de 23% à 50%. L'augmentation la plus
importante concernait
les
importations de machines à commandes
numériques.
(Ceci était une indication claire du passage des
systèmes de production conventionnels aux systèmes de production
informatisés. )
Ainsi,
alors qu'au cours des années 1960,
les exportations
annuelles de machines américaines s'élevaient à 6% de
la
l Sauf
indication contraire,
les chiffres
sont
tirés de
"The
Economic Handbook
of the Machine Tool
Industry"
(1989-1990).

71
consommation mondiale, cette part tomba à 2% au cours des années
1980. L'impact de ce déclin sur l'emploi dans l'industrie a
atteint
des niveaux
très élevés.
De
1980 à
1987,
le nombre de
travailleurs dans
l'industrie passa de 108,000 à 63,000.
Les
catégories ouvrières (cols bleus) ont été les plus touchées.
On assista également
à une chute des profits
de
l'industrie.
De 1980 à
1987,
(sur
la base d'un indice de
100 en
1982),
les
profits
passèrent de
l'indice
134 à 45.
Au cours des années
1980,
considérée comme urie
industrie en phase de maturité par de
nombreux
investisseurs nationaux,
la machine à outils américaine
fit
l'expérience d'une réduction de
la contribution de ces
derniers à
l'apport de capital
nouveau.
Ainsi.
de
1980 à
1986,
les
investissements dans
le secteur enregistrèrent
une chute de
241 millions de dollars US à 97 millions.
rI
s'agissait d'une
porte ouverte aux
investisseurs
étrangers,
notamment
japonais et
européens
(Allemands et
Italiens).
1.2. L'Industrie
française de
la machine à outils
La structure de
l'industrie
française
ressemble à
celle de
son
homologue américain:
peu d'unités
de grande
taille et une
majorité de petits et de moyens
établissements.
Cependant 1 la
France possède beaucoup moins de
constructeurs que
les USA.
A la
fin des années
1980 1 à peu près sept ans après le début de
l'exécution du Plan de
la Machine à Outils élaboré par
le
Gouvernement
eTI
1981,
il
n1y avait
plus que
108 unités de

72
fabrication de machine à outils en France. La plupart d'entre
elles étaient localisées dans les régions Ile-de-France, Rhône-
Alpes,
dans
le Centre,
en Alsace,
et
en Haute-Normandie.
Tout
comme
leurs homologues américains.
historiquement,
les
fabricants
français
se sont
positionnés
dans des niches,
ont
produit des machines
sur mesure,
ont
défendu
leur
indépendance
industrielle,
et ont considéré
leurs unités de production comme
base exclusive de
leurs décisions
stratégiques.
Cependant,
il
existe une différence
importante entre
les USA et
la France.
Alors que
les
fabricants
américains ont
toujours écoulé
leur
production d'abord sur
les marchés des pays
industrialisés,
les
Français ont produit
un nombre
important de machines de qualité
inférieure pour
les marchés des pays de
l'Est
et
des
pays
économiquement sous-développés.
Au cours des années
1980,
cette orientation
limita
les
capacités des
fabricants
français
à
débuter
très
tôt
(par rapport
à
leurs
concurrents
japonais par exemple)
la production de
machine à
commandes numériques.
En
fait
un
regard sur
l'histoire
de
l'industrie
française montre qu'elle n'a
jamais occupé une
position de
Leadership sur
le plan mondial.
Cette
tendance demeura au cours des années
1980.
Les
fabricants
français
étaient
classés derrière
leurs concurrents

73
européens,
américains,
et
japonais.] En 1984,
le rapport
entre
la valeur (en million de dollars) de
la production de machine à
outils en France d'un côté et au
Japon.
en Allemagne,
en ex.
USSR,
en Italie,
et aux USA de
l'autre,
était respectivement de
4
0.104,0.166,0.167,0.467,
et 0.590.
En
1988,
le même
rapport
s'élevait respectivement à 0.098.
0.124. 0.188,
0.303, et 0.583.
Etant donné que
la valeur produite par
les constructeurs français
augmenta de
1984 à 1988,
il
est possible de dire que cette
augmentation était
inférieure à celle constatée dans
la plupart
des autres pays
industrialisés.
La même tendance était visible en
ce qui concerne la consommation de machines à outils en France.
Comme me n t i on é
auparavant,
les
fabricants
français
se
lancèrent
trop tard dans
la production de machines à
commande
numérique.
En
effet,
bien que cette dernière augmenta de
576 à
1295 unités entre
1976 et
1983,
cela était
faible
par comparaison
avec ce qui
se faisait
chez
les concurrents.
Par exemple,
le
nombre de machines à
commande numérique produit
par
la France
était équivalent à
la production de
seulement
trois producteurs
japonais durant
la même période au cours de
l'année
1983
(Bruggeman,
1985).
3 Pour
les
données
présentés
par
la
suite,
sauf
indication
contraire,
voir SYMAP,
Statistiques,
1988.
4 Le ration est
le suivant:
Production française de machine à
outils en million de dollars US/Production de machine à
outils en
million de dollars US pour chaque autre pays.

74
L'industrie française enregistra un déficit dans son
commerce avec le Japon,
l'Italie et
l'Allemagne. De 1984 à 1988,
La part
des
importations dans
la consommation de machine à outils
en France
augmenta de 58% à 67% (SYMAP Statistics.
1989),
Comme
aux USA,
le déclin de
l'industrie en éloigna
les
investisseurs.
Cela réduisit
ses opportunités d'expansion.
Sur
le plan social,
de 1970 à
1988,
le nombre de
travailleurs dans
l'industrie chuta de 50% à
64%.
En France
également,
les plus concernés ont été les ouvriers.5
Ainsi,
au cours des années 1980,
les deux industries ont
présenté des caractéristiques similaires.
Elles
traversaient
une
période de crise
très aigue,
et
accusaient
un
retard
considérable
par rapport
à
leurs
concurrents,
en particulier
les Allemands et
les
Japonais.
Dans
les deux pays,
les
industries avaient atteint
un certain niveau de maturité.
Rien dans
leurs performances ne
permettait
de dire que sur
le court
ou
le moyen terme e~les
seraient
capables de
rattraper
leurs concurrents des
pays
industrialisés.
En
fait,
elles
couraient
même
le
risque de se
voir dépasser par certains pays
sous-développés
(par exemple,
la
Corée du Sud et Taïwan).
Dans
les deux pays,
les
concurrents acquérirent
une part de
plus en plus
importante du capital
des
entreprises de machine à
outils.
Malgré cela,
il
n'y avait
aucun signe d'abandon total
de
5 SYPAP,
statistiques
Industrielles Machines à Métaux,
s.d.

75
l'industrie, notamment de
la part des gouvernements. En fait,
à
cause de son importance stratégique dans
les deux pays, son
déclin constitua une préoccupation majeure au cours de
l'élaboration des politiques
industrielles.
En
1980,
le Gouvernement américain mis sur pied
la "Machine
Tool Task Force"
(op.cit.) qui produisit un
rapport en cinq
volumes,
contenant des recommandations SUT tous
les aspects de
l'industrie, aussi bien du point de vue des fabricants que du
point de vue des utilisateurs de machine à outils. En 1981,
le
Gouvernement français
initia le Plan Machine Outils dont
,
l'objectif était de restructurer l'industrie toute entière grBce
à
l'intervention directe des autorités publiques. Le fait que les
deux rapports virent dans
l'insuffisance de travailleurs
qualifiés capables d'utiliser les machines à commande numérique
une des causes centrales de la crise de l'industrie exige une
discussion sur les changements technologiques qui ont eu lieu
dans
l'industrie au cours de ces dernières années ainsi que leurs
conséquences sur
Les qualifications des travailleurs.
II. Technologies Nouvelles et Qualifications dans
l'Industrie de la Machine à Outils
selon Porter (1992; p.65),
"pour être compétitive sur
les
marchés internationaux,
la firme doit continuellement innover et
améliorer ses avantages comparatifs. Cette capacité à
innover et
à améliorer dépendent de plusieurs
facteurs don.t
les plus

76
importants sont:
les investissements physiques, mais également
les investissements immatériels tels que les qualifications des
travailleurs et
le maintien de bonnes relations avec les
fournisseurs".
Les facteurs mis en relief par Porter correspondent aux
contraintes auxquelles ont fait
face
les fabricants de machines à
outils au cours des années
1980. Ces années ont été celles des
changements technologiques
les plus importants de l'histoire de
t'industrie. L'apparition des
systèmes de production informatisés
ont été à }lorigine de deux challenges auxquels devaient faire
face
les constructeurs de machines à outils:
premièrement,
développer leurs capacités à
investir pour passer d'un mode de
fabrication conventionnels aux systèmes informatisés: cela était
à
la portée de
la plupart d'entre eux; deuxièmement,
soit adapter
les qualifications de
leurs travailleurs aux nouvelles
technologies,
soit recruter sur
les marchés du travail
les
travailleurs les plus aptes à assurer la transition vers les
systèmes informatisés.
Si
l'accent est mis sur les changements technologiques qui
ont vu
le jour dans l'industrie, c'est parce que ces changements
constituaient
l'un des deux facteurs contextuels les plus
déterminants de l'évolution de l'industrie au cours de
la période
examinée (le deuxième facteur étant
la concurrence). Dans les
sections qui suivent, nous analyserons successivement la nature

77
des
changements
technologiques dans
llindustrie,
les
rapports
entre fabricants et utilisateurs de machines à outils comme
éléments déterminants des
stratégies de production choisies par
les premiers. et
l'impact des technologies nouvelles sur les
qualifications des travailleurs et sur l'organisation du
travail.
II.1. Développements Technologiques dans
l'Industrie de
la Machine à Outils
Sur les plans technique et financier,
l'industrie de la
machine à outils comporte plusieurs caractéristiques
intéressantes. Les machines à outils sont à
la fois moyens de
production et
produit
final.
En outre,
la prospérité de
l'industrie de la machine à outils dépend dans une large mesure
de celle des utilisateurs de ces dernières.
Leurs demandes
déterminent
la structure et
les
fonctions
des machines produites.
Il
faut
noter également que si
l'industrie de
la machine à
outils
influence
la dynamique d'innovation des autres
industries,
les changements
techniques qu'elle
connaît
trouvent
souvent
leurs
origines dans
les
progrès
techniques
réalisés dans
les autres
industries.
Par exemple,
les systèmes à commandes numériques
viennent des découvertes
réalisées dans
l'informatique qui
déterminent
de plus
en plus
les
capacités
innovantes des
fabricants
de machines à outils.
De
la même
façon,
les analyses
structurelles qui
sont
à
la base de
la conception des machines à
outils viennent de
l'industrie aéronautique.

78
Cependant,
cela ne signifie pas que
les inventions réalisées
dans
les autres
industries sont
les seuls facteurs
influençant
le
développement
technologique du secteur de la machine à outils.
cela ne veut
pas dire non plus que ces
inventions font
l'objet
d'une utilisation efficace chez
les fabricants de machines à
outils une fois qu'elles ont été réalisées.
Dans chaque paYSI
il
faudra tenir compte des rapports qui
existent entre
les principaux acteurs économiques et sociaux,
en
l'occurence,
les travailleurs,
les employeurs, et
l'Etat. Une
attention particulière devra également être accordée aux modes
traditionnels d'ajustement
technologique,
à
la position
concurrencielle des fabricants nationaux.
aux qualifications des
travailleurs. aux politiques nationales en matière de taxes et de
promotion des
investissements
industriels,
et aux stratégies de
marché et d'investissement mises en place par les firmes.
Au cours années 1980,
plusieurs études ont été menées sur
('industrie américaine de
la machine A outils,
et ont montré
qu'il existait un
rapport entre
l'utilisation efficace des
nouvelles technologies par les fabricants et
la qualité du
produit final à
laquelle les clients attachent beaucoup
dt importance
(Sutton,
1980; Thomson,
1980; Machine Tooi Panel,
1983; Dertouzos et alii.,
1989;
Jaikumar,
1986). Dans son étude
sur
l'industrie de
la machine à outils anglaise et allemandct
Parkinson (1984)
trouve que
les acquéreurs de machines A outils
ont
tendance A accorder en général plus d'importance aux

79
attributs
techniques des produits qu'à
leurs avantages
économiques. En particulier,
la fiabilité,
la précision, et
la
flexibilité sont considérées comme plus
importantes que les prix.
Ces derniers
ne deviennent un
facteur déterminant
dans
le choix
des clients qu'une fois que
les capacités techniques des machines
ont été prouvées.
c'est parce que la qualité technique des machines à outils
était aussi centrale pour
les acheteurs que pour
les fabricants
que
l'utilisation efficace des nouvelles technologies par ces
derniers a constitué un élément essentiel de
la concurrence
qu'ils
se sont
livrée au cours
des
années
1980.
L'intégration de
l'informatique dans
les systèmes de
production de
l'industrie mondiale de
la machine à outils a été
sans aucun doute
le fait
plus marquant de son évolution récente.
Les technologies auxquelles
l'on se réfère en termes de machines
à
commandes numériques correspondent à
l'apparition sur
le marché
de machines à outils
informatisées, équipées de systèmes
électroniques capables de contrôler
la qualité du
produit à
chaque stade du
processus de fabrication.
Selon Adler (1986),
sur
le long terme,
ces développements devront normalement déboucher
6
sur des unités de production entièrement automatisée.
6 En
1968,
les
participants à
un séminaire organisé
par
[es
syndicats dans le cadre de l'Organisation pour la Coopération et le
Développement
Economique
(OCDE)
tiraient
déjà
les
conclusions
suivantes: "L'innovation la plus
importante qui a influencé toutes
les branches de
l'industrie de
la métallurgie depuis environ 1950

80
Ces tendances technologiques qui ont débuté dans l'industrie
de
la machine à outils au cours des années 1970 sont appelées à
continuer. Les processus de fabrication seront de plus en plus
basés
sur des
systèmes
intégrés.
Les
fabricants
seront
appelés à
mettre de
plus en plus
l'accent
sur
la précision dans
la
fabrication de composantes de plus
en plus
complexes,
sur
les
systèmes de contrôle
intégrés,
sur
la flexibilité,
et sur
la
maintenance. La flexibilité des machines sera mesurée par les
possibilités de ré-outillage rapides,
de déclenchement des
mécanismes d'auto-contrôle,
et
de réponse rapide aux changements
de plus en plus
fréquents
dans
la demande des clients.
La section suivante présente
la nature des
relations entre
fabricants
et
utilisateurs de machine à
outils
et
souligne
le
l
rôle
joué par ces derniers
dans
les
avancées
technologiques
de
l'industrie.
II.2.
Les Rapports entre Utilisateurs et Fabricants
Afin de montrer
le rôle
central
joué par
les utilisateurs de
machines à outils dans
le développement
technologique de
l'industrie,
les
cas américain,
allemand,
et
anglais
seront
est
le
concept
de
contrôle
numérique
Le
développement
des
industries
européennes
de
la
machine
à
outils
au cours
des
douze
prochaines années reposera
très certainement
sur
l'utilisation de
systèmes de
contrôle
numérique
et
sur
l'intégration
des
systèmes
d'analyse
de
données
dont
les
conséquences
se
feront
sentir
au
niveau
de
la
flexibilité
des
processus
de
production
et
des
performances"
(Simon,
1968;
p.32 et
37).

81
utilisés comme exemples.'
Les résultats d'une enquête conduite en 1988 par
le Service
Américain du Recensement
(U.S.
Bureau of Census)
montrent que
durant
les vingt dernières années,
la tendance dominante chez
les
utilisateurs de machines à outils a été un recours croissant aux
machines
à commandes numériques
(Ne/CNe),
et
aux méthodes
de
"design"
et de fabrication informatisées
(Computer-aided Design,
8
CAO;
and Computer-aided Manufacturing,
CAM) •
D'un pays à un autre.
ou d'une firme à llne autre dans
Je
même pays.
i l
ya eu des variations dans
l'utilisation de ces
nouvelles
lechnologies. Certains utilisateurs ont eu plus recours
que d'sutres aux machines à commandes numériques.
D'autres
étaient suffisamment avancés pour investir dans des systèmes CAD
et CAM. D'autres ont préféré acquérir des machines qui permettent
un conlrôle des processus de productioll dans
les ateliers par
les
ouvriers de production,
plutôt que par
les col-blancs.
Texas Instruments
(Tl) est un cas de firme américaine qui
insiste particulièrement sur
les caractéristiques
techniques des
machines acquises
(Emerson,
1986). Dans
ses procédures d'achat de
machines à outils,
cette firme applique des
tests de précision et
Pour
l' A ~ 1ema g n e
et
l'Angleterre,
l'étude
comparative
de
Parkinson (1984)
sur les industries de la machine à outil des deux
pays est utilisée.
8 Pour des détails sur l'enquête, voir Bureau of Census, u. s .
De pa r t me n t
of
Commerce,
Current
Industrial
Reports,
1989.
"Manufacturing Technology 1988"
SMT (B8)
-1, Washington D.C.

82
d'erreur à
chacune d'elles, et se documente de
la façon
la plus
complète possible sur
leurs performances.
Les résultats de ces
tests sont ensuite montrés &llX fabricants-fournisseurs.
Pour ses
tests
techniques, TI
utilise deux
instruments:
un
système de
support et de contrôle
(Equipment Support and Control
System,
ESACS),
et
un outil
de mesure de
la durée d'utilisation du
matériel
entre deux pannes
(Period of Time Between Failure,
PTBF).
Ainsi,
tous
les
fournisseurs de machines à outils qui se
situent en deçà des standards
fixés par TI
sont exclus d'office.
En outre, TI exige des fournisseurs
l'utilisation des standards
fixés
par le NMTBA pOlir
les autres caractéristiques
techniques
des machines achetées,
afin qu'elles puissent être facilement
évaluées.
Ces exigences sont en général acceptées par
les fabricants
dont
les processus de production sont ainsi directement
influencés par les clients qlli ont
l'envergure de TI.
En effet, à
cause des contrats qu1elle a signé avec
le gouvernement
fédéral,
et
son appareil de production qui
comprend de 265 machines à
commandes numériques, TI
est un client clé sur le marché de
la
machine à outils.
Bien entendu,
tous
les clients n'ont pas
l'importance de TI.
L'autre exemple vient de
l'étude comparative de Parkinson
(1984)
qui
trouve que les
firmes allemandes ont
tendance
(comme
TI) à mettre
l'accent sur les qualités techniques des machines à

83
outils qu'elles achètent. alors que leurs homologues anglaises
prêtent beaucoup plus attention aux aspects financiers.
Selon
l'auteur.
cette différence est due au fait que dans
le système
anglais.
les comptables jouent un rôle fondamental dans
les
décisions d'investissement.
Ils ont
tendance à s'intéresser à
ce
que
la firme dépense plutôt qu'à ce qu'elle produit.
Par conséquent,
les firmes allemandes jugent
leurs
fournisseurs de machines à outils en fonction de
leur capacité
technique.
Par contre.
les firmes anglaises
jugent en fonction de
la capacité des
fournisseurs
à
proposer des
prix
intéressants.
Donc,
en Allemagne,
les fabricants de machines à outils mettront
en place des stratégies de production et de marché basées sur
la
qualité
technique du prodllit, alors qu'en Angleterre,
ils
essaieront de
trouver un compromis entre
les performances
techniques du produit
final
et des stratégies de minimisation des
coûts.
Ceci dit,
en dépit de ces différences dans
leurs décisions
d'achat,
tous
les utilisateurs s'attendent à un
certaiIl niveau de
performance quelque soit
le coOt de machines acquises.
Selon
Dominak (1984),
ils s'attendent
tous au moins à ce que ces
dernièreg soient
fiables,
faciles à
utiliser par
les
travailleurs.
coupent et
forment
bien,
produisent
le moins de
déchets
possible,
et simplifient
les
tâches de maintenance.
Ainsi,
même si
les prix peuvent être importants dans
les

84
décisions d'achat des
utilisateurs,
'pa r-on de au
(1981)
constate que
taUs acquièrent de moins en moins une machine,
mais plutôt des
performances,
c'est à
dire de
la productivité,
de
la qualité.
et
de la flexibilité.
Ainsi,
les
stratégies de pl'oduction des
fabricants de
machines à
ou t I Is
sont
largement
déterminées
par
les
besoins des
utilisateurs. Au cours des années 1980.
ceci a été relativement
mal
compris
(ou compris tl"OP tard)
par
les fabricants
français et
américains,
contrairement à
leurs concurrents
japonais et
Allemands.
Les demandes
imposées aux fabricants par
leurs clients ont
été à
la base des
changements
intervenus dans
le mix des
qualifications des
travailleurs de
l'industrie.
II.3.
Nouvelles Technologies et Qualificrtions dans
l'Industrie de
la Machine à Outils
Pour conlprendre
l'impact des nouvelles
technologies et
formes d'organisation du travail
(machines à comnlandes
nunlériques,
systèmes de production cellulaires,
et
systèmes de
production flexibles)
sur
les qualifications des
travailleurs,
9 Cette
section
est
essentiellement
basée
sur
les
sources
suivantes:
une
recherche
bibliographique,
plusieurs
mois
de
participation
en
tant
qu'observateur
à
des
cours
de
formation
organisés
dans
le
cadre
du Madison
Technical
College,
plusieurs
interviews
avec
les
enseignants
et
les
administrateurs
du
"College",
les
interviews d'entreprises,
et plusieurs discussions
avec
des
consultants
du
système
de
formation
professionnelle
du
Wisconsin, spécialisés dans le domaine de l'industrie de la machine
à
ou t i Is.

85
une brève présentation de
leurs structures de
base est
nécessaire.
Les systèmes de contrôle numérique constituent
la composante
technique de base des nouvelles
technologies
(Suttan, op.cit.
Thomson.
op.cit.l.
D'après
les documents du NMTBA
(n.d.~
p.2l
"lorque
les fabricants de nachines à outils utilisent des moteurs
là où
ils avaient
préc6demment
recours à des nléthodes manuelles,
et par
la suite relient ces moteurs à des unités de contrôle
électronique,
ils obtiennent ainsi
un système de contrôle
numérique. Un tel
système peut ensuite être programmé afin de
permettre
la fabrication de pièces
identiques à celles fabriquées
manuellement".
Les systèmes de contrôle numérique deviennent
systèmes de
contrôle numérique inforomatisés par " ... l'incorporation d'un
élément
informatique programmable et d'une mémoire ..•
cela permet
d'accéder à dellx alltres niveaux de performance techIlique:
un
système d'Buto-diagnostic et un
système d'aide à
la
programmation"
(Hatschek,
1982;
p.161). La possession de machines
à commande numérique permet aux fabricants d'introduire
directement
(par manipulation d'un clnvier) des modifications
dans
les spécifications du
produit
final,
et ainsi de s'adapter
rapidement à
la demande variée des clients.
Avec ces machines,
les activités de production peuvent être

86
organisés sur une base cellulaire.
L'organisation cellulaire de
la production débouche
en principe sur des
changements dans
les
rapports de
travail qui exigent
de
la part des
travailleurs
la
possession de qualifications sociales
(travail
collectif),
et une
aptitude à communiquer.
Un niveau d'automatisation supériellT peut !tre atteint grâce
à
l'introduction de systèmes de fabrication flexible
(flexible
manufacturing system,
FMSI. Un FMS est
"un ensemble
de postes de
travail
associés,
ou
reliés entre eux par un system de contr6le
commun qui permet
la production automatique d'une famille de
composantes.
Le FMS inclut également un système de
transport
intégré utilisé aussi bien pour
les composantes
fabriquêes que
pour l'outillage"
(Sutton,
op.cit.;
p.62).
Les FMS sont
souvent associés à d'autres
types de
technologies,
cn
l'occul-ence,
les processus de contrôle de
qualité,
le diagnostic du fonctionnement
interne des circuits,
et
la m~thode du juste à
temps.
En réalité,
peu de fabricants de
machine à outils utilisent
les FMS qui
cOl-l-espondent à uo niveau
de sophistication technologique supêrieur. Par exemple, aux USA,
sur
le plan de
leur utilisation dans différentes
industries,
les
systèmes de
contrôle numériqlle sont considérés comme une
technologie mature,
l'organisation cellulaire est
perçue comme
une
technologie émergente,
alors que
les FMS sont
considérés
comme étant dans
leur phase de développement.

87
L'une des
conséquences
importantes des
nouvelles
technologies (notamment
les systèmes cellulaires et
les FMS) a
été d'exiger des
travailleurs
la possession de compétences
sociales et communicationnelles,
en plus de nouvelles compétences
techniques.
Il existe des différences entre ces deux groupes de
compétences. Les qualifications qui
sont à
la base des
compétences
techniques
(par exemple,
l'outillage de la machine,
la maintenance)
peuvent être acquises par le biais d'une
instruction formelle,
ou sur
le
tas.
Par contre,
les
compétences
sociales et communicationnelles ne peuvent être acquises que sur
le tas,
et
sont deverlues particulièrement
importante dans
la
mesure où les systèmes de production informatisés exigent de
nombreuses interactions entre travailleurs.
Ces compétences sont devenues si
importantes que dans
certaines firmes,
les décisions de promotion ne sont pas
seulement basées sur l'acquisition des qualifications techniques
nécessaires;
les
travailleurs doivent avoir de bonnes capacités
dans
le (lomaine des relations
interpersonnelles
(Helfgott,
1988).
Notre travail de
recherche met
l'accent sur les qualifications
techniques dans
la mesure où sans elles,
il
est
inutile de parler
de compétences sociales et communicationnelles. Cependant,
ces
derni~res ne sont pns ignorées car elles facilitent
l'acquisition
des premières.
L'utilisation des systèmes de production
informatisés au

88
cours
des années
1980 provoqua des
changements
aussi
bien au
niveau des caractéristiques des
tâches de production que de
la
com~osition de la force de travail. La nature intégrée des
systèmes de production a rendu plus difficile
la division
traditionnelle du
travail.
Ainsi,
certaines
opérations qui,
avant,
étaient
réalisées par plusieurs personnes
sont maintenant
regroupées dans
la description d'un seul
poste.
Bien que
les opérations
de base nécessaires à
la
construction d'une machine à outils soient restées
les mêmes
(tournage,
broyage, moulage
... ), une
logique
informatique s'est
substituée à
la
logique des systèmes de production
conventionnels.
En effet,
les
technologies
informatisées ne
consistent pas simplement à reproduire
les séquences
traditionnelles des processus de fabrication à partir d'un
support différent
(Hillau et Podevin,
1985).
tes différences sont
telles que
les opérateurs de machines
ont
tendance à ne plus
intervenir manuellement comme
ils
l'ont
fait
auparavant. Cependant,
les
rapports entre nouvelles
technologies et
techniques conventionnelles sont
t e l Le e que
les
travailleurs ont
besoin de certaines qualifications
techniques
traditionnelles pour mieux comprendre et manipuler
les nouvelles
machines.
Par conséquent,
selon Hillau et Podevin
(op.ciL),
11introduction de
l'informatique dans
les méthodes de production
des machines à outils n'a pas débouché sur une remise en question

89
de certaines
connaissances de base
classiques,
dans
la mesure oü
les principes et
les connaissances de base du
métier sont restées
les mêmes.
Néammoins,
les nouvelles technologies ont débouché sur des
exigences spécifiques en ma~ière de qualification des ouvriers de
production.
Selon tlillau et POdevin (op.cit.),
l'utilisation des
équipements
de
production
inrormati~~s exige de bonnes
connaissances en fabrication mécanique et en construction
mécanique.
Les connaissances en fabrication mécanique concernent
la
capacité du
travailleur
à
décomposer
le
processus de
production,
et à définir et réaliser
les séquences de ce processus.
Les
connaissances en construction mécanique sont
relatives à
la façon
dont
la machine fonctionne et
à
sa structure interne.
A un niveau
optimal d'utilisation de la force de
travail,
un ouvrier
s'impliquera non seulement dans
la fabrication des composantes et
dans leur assenlblage (fabrication mécaniquel. mais également dans
le déhlocage des appareils de production en cas de pann~ et dans
les
tâches de maintenance préventive
(construction mécanique).
Alors qUe
les connaissances en faDrication m~canique peuvent
être acquises sur
le tas,
celles en fabrication mécanique doivent
faire
l'objet d'un apprentissage formalisé et
théorique.
Par
conséquent,
la formation d'un ouvrier qualifié dans
le secteur de

90
la machine à outils exige
la combinaison d'un apprentissage sur
le tas et d'une instruction formelle.
Cette combinaison a été
réussi
dans
un pays
comme
l'Allemagne
(Maurice et
Sarge.
1989),
mais a échoué en France et aux USA comme nous
le verrons plus
tard.
Les études réalisées dans
le domaine des
rapports entre
technologies
informatiques et qualifications révèlent qu'avec
l'utilisation croissante des systèmes à commandes numériques,
des
FMS, et des cellules de production,
certaines occupations sont
préférées à d'autres.
D1autres sont même appelées à disparaître.
Selon Roherts
(1982),
l'impact
le plus
important des nouvelles
technologies sur
les
travailleurs a été l'élimination de certains
postes,
la redéfinition du contenu du travail,
les exigences
nouvelles en matière de qualification,
et
les changements
importants intervenus dans
l'organisation du travail.
Helfgott
(198B)
propose des conclusions similaires. Avant
eux,
Cowan (1968)
prévoyait déjà que
l'effet principal du
développement technique sur
les travailleurs serait
l'élimination
des
tâches traditionnelles.
Il
s'attendait à ce que de plus en
plus
les travailleurs aient pour tâches essentielles
la
surveillance des opérations de production,
et soient disponibles
pour décharger et rééquiper
la machine en cas d'erreurs,
pour
démarrer ou arrêter
les processus de production en cas de besoin,
et pour d'autres activités mentales.

91
Pour
les prochaines années,
l'GECD prévoit pout
les
industries
investissant dans
les technologies nouvelles,
une
réduction du nombre de
travailleurs
sous-qualifiés,
des
employés
du bas de l'échelle, des contre-maîtres et des superviseurs
(Sarfati et Cove,
1989). Dans son étude Concernant
l'impact des
FMS sur la structure des occupations, Ebel
(1985)
trouve que
les
firmes
ont
tendance à
se débarasser de
leur personnel
noo-
qualifié ou sous-qualifié à cause du déclin des activités de
production au profit
des activités de
support.
Blumberg et Gerwin
(1985)
trouvèrent
que
les nouvelles
technologies ont contribué à
l'amélioration du statut des
travailleurs affectés au dépanage et
la maintenance. En les
comparant aux autres catégories de travailleurs,
les deux auteurs
constatèrent qu'ils avaient atteint un niveau supérieur de
satisfaction en ce qui concerne le degré de variété de leurs
tâches,
leur niveau d'identification à
leur fonction,
l'importance de
leur travail dans la réalisation des objectifs de
la firme,
leur degré d'autonomie,
le f ee db a c k reçu dans
l'exécution de leurs tâches,
leur niveau de responsabilité, et
leur connaissance des résultats de leur activité. Pour HiJlau et
Podevin (op.cit.),
l'utilisation optimale des nouveaux
équipements dépend de la capacité des
travailleurs à maîtriser
les techniques informatiques.
En fait,
il est plus facile de s'entendre à un niveau
théorique sur tes effets potentiels des nouvelles technologies

92
que sur ce qui
se passe réellement
une
fois
que ces
technologies
sont introduites dans
les ateliers de production.
Dans leur étude sur l'industrie de
la machine à outil
française, Hillau et Podevin expliquent Que
l'introduction des
systèmes de production informatisés dotés de plus d'une fonction
oblige
les employeurs à assurer une formation polyvalente
continue à
leurs
travailleurs
jadis spécialisés.
Ils
continuent
en disant que cette dé-spécialisation est rendue possible par le
fait que
les nouvelles qualifications ne viennent pas
systématiquement se substituer mais plutôt compléter
les
qualifications traditionnelles. Au niveau de
l'assemblage par
exemple.
les auteurs voient se dessiner une tendance vers
l'élimination de la séparation entre les tâches d'assemblages
mécanique et électrique.
Cependant, entre les stratégies de formation que les
nouvelles technologies devraient ou pourraient provoquer et ce
qui se passe réellement une fois Qu'elles ne sont
installées dans
l'atelier,
il ya un fossé que Hillau et Podevin reconnaissent
sans toutefois l'expliquer.
Ils ont constaté que chez plusieurs
fabricants français de machines à outils parmi ceux qu'ils
avaient visités,
les machinistes n'étaient pas polyvalents. En
outre, machinistes et assembleurs avaient des fonctions
différentes et clairement séparées.

93
L'un des exemple
les plus
intéressants concernant
l'impact
des nouvelles technologies est probablement celui de la
programmation de la production des composantes A partir de
systèmes informatisés. Avec ces systèmes,
la programmation est
devenue l'une des qualifications
les plus nécessaires, et
J'un
des éléments
les plus centraux des systèmes de production avancés
C"advanced manufacturing processes").
Elle a
également été A
l'origine d'un débat sur la catégorie de travailleurs devant
l'assurer
(cols blancs ou cols bleus?).
On peut définir la programmation des composantes comme le
processus détaillé par lequel
les différentes étapes de
fabrication d'une composante qui
doivent être exécutées sur une
machine à
commandes numériques,
sont
prévues à
l'avance
(Hatschek,
1980). Elle permet également de sélectionnner à
l'avance
les outils A utiliser au cours de
la production,
ainsi
que
La façon de
les utiliser
(vitesse,
profondeur par exemple).
La programmation des composantes peut être assurée soit
manuellement,
soit par ordinateur.
Dans
les deux cas,
les
spécifications mécaniques sont
les mêmes. Cependant,
l'addition
de
l'ordinateur introduit une dimension planification et
contrôle
qui augmente
l'efficacité des activités de production. Les
schémas 1 et 2 montrent en quoi
la programmation manuelle et la
programmation par ordinateur diffèrent.

94
Schéma
1:
Etapes de Programmation
Manuelle des Composantes
Première ébauche
'1
("blue-prints")
Programme manuscrit
(liste des
instruc-
tions)
Perforation des
cartes et vérifica-
tion
,
Introduction des
cartes dans
la
machine pour exécu-
tion

95
Schéma 2:
Etapes de Programmation par
Ordinateur des Composantes
1

PremIère ébauche
("blue-prints")
l'
1
Programme
manuscrit
Entrée des
ins-
tructions et véri-
fication
Introduction des
données
et
infor-
mations dans
l'ordinateur
L'ordinateur en-
voie
les
instruc-
tions aux machines
à
commandes
numé-
riques

96
Dans
les deux caS
les opérations
les plus
importantes se
l
situent au niveau de
la préparation du programme. La
programmation manuelle n'est pas très différente des pratiques
traditionnelles des machinistes dans
la mesure où elle ne fait
qu'ajouter une certaine continuité dans
le processus de
fabrication en établissant
les
tâches à exécuter d'avance.
La programmation manuelle est avantageuse tant que
la
géométrie des composantes est simple. En réalité,
même les
composantes complexes peuvent être programmées manuellement grâce
à
leur décomposition en parties plus simples. Cependant.
cela
n'est pas efficace pour plusieurs raisons.
Il en découJe une
démultiplication des bandes de support, ainsi que des procédures
comple~es d'entrée et de sortie de l'information par séquences ou
par séries. Ceci signifie que
l'obtention d'une information
quelconque exige que toutes
les
informations précédant
l'information recherchée devront être appelées d'abord. Ainsi,
outre
les cas de composantes simples,
la programmation manuelle
est avantageuse lorsque le nombre de bandes de support n'est pas
très élevé.
Il en est de même lorsque le nombre de machines à
outils à utiliser n'est pas
important.
Sinon,
la programmation
par ordinateur est préférable.
Le
tableau 1 donne une
liste des qualifications requises
pour des activités de programlnation manuelle. Le
programmeur doit
établir un code pour chaque mouvement de
la machine à outils.
Par

97
contre,
lorsqu'un ordinateur est utilisé,
le programmeur a à sa
disposition des
séquences
pré-établies d'évènements qui
peuvent
être mises en marche par une simple commande, et ensuite
transférées à
la machine à outils pour exécution. En outre,
les
séquences d'évènements sont organisées dans
l'ordinateur par
blacks de
tâches que l'on retrouve dans
les processus de
fabrication classiques. L'existence de ces blacks libère le
programmeur de la complexité de certaines activités de base.
Contrairement à
ce qui
se passe dans
le système manuel,
la
mémoire de l'ordinateur permet de retrouver une information sans
avoir à passer par toutes celles qui
l'ont précédé. Ceci permet
une plus grande flexibilité
et des gains de
temps qui
constituent
tous
les deux des avantages concurrenciels
importants.
L'utilisation de
l'ordinateur permet également
la
fabrication des
composantes complexes
tout
en
réduisant
le nombre
d'erreurs ainsi que
les pertes de
temps pouvant découler de
la
programmation manuelle.
Le
tableau
2 donne un
résumé des
différences
les plus
importantes qui
existent entre
la
programmation manuelle et
la programmation par ordinateur.

98
Tableau 1:
Programmation Manuelle et Oualifications Recuises
Etapes du Processus
Nature des qualifications
Requises
1. Sélection et
justification
Connaissance théorique et
des composantes A fabriquer
pratique en fabrication
mécanique
2.
Processus général
de
Connaissance des différentes
plannification
opérations de productionj
comprendre
les
processus
3. Design de l'outillage
Connaissance en algêbre,
géométrie. et
trigonométrie
4.
Planning étape par étape
Connaissance des processus de
de chaque opération de
fabrication
fabrication
5.
Préparation d'une
liste
Savoir lire et écrire
d'instruction spécifiques
appelée programme manus-
crit
6.
Conversion du manuscrit en
Connaissance du
système
bande
métrique
7.
Vérification du programme
Capacité à déceler des erreurs
attention, capacités
intellectuelles
8. Modification des programmes
Aptitudes en .tproblem-solvins,
en cours de
fabrication
prise de décision,
capacités
afin d'améliorer les
intellectuelles,
socialisation
processus
facile
Sources: La liste des différentes étapes vient de Hatschek. R.L ••
1980.

99
Tableau 2:
Comparaison entre Programmation Manuelle et
Programmation Informatisée
Charactéristique
Programmation
Programmation
Manuelle
Informatisée
Géométrie des
Relativement simple:
Plus complexe
composantes
lignes droites -
mouvements en arc
Préparation des
Utilisation de
La même chose
manuscrits
"blue-prints" et
manuscrits écrits
par un programmeur
Stockage des
Utilisation de
Utilisation de
la
données et
bandes qui
mémoire de
informations
augmentent avec la
l'ordinateur
complexité des
composantes
Utilisation des
Données et
informa-
Données et
infor-
données et
in-
tions sont utilisées
mations
peuvent
forma t ions
dans un ordre
être utilisées
stockées
séquentiel.
L'infor-
au hasard en fonc-
mation ne peut pas
tion des besoins
être obtenue au
hasard
Contraintes de
Processus
longs et
Economie de
temps
temps
fastidieux
surtout
lorsque
les
compo-
santes
sont
complexes
Contraintes pour
Tout
faire
sur
le
Cycles de produc-
les programmeurs
manuscrit:
séquences
de base déjà
ins-
et
calculs
tallés dans
la mé-
moire.
Calculs
complexes faits
par
l'ordinateur.
Uti-
sation de commandes
pour générer des
blocs d'information
Flexibi 1 Hé
Réduite
Grande
Sources:
Hatschek.
R.t.
1980;
NatIonal
MachIne Tooi
BUIldIng
Association,
sans date.

\\00
Au niveau des
relations professionnelles,
l'une des
nombreuses questions qui découlent de
l'utilisation de
l'ordinateur dans
les systèmes de production consiste à
se
demander qui doit assurer
la programmation, ou qui doit être
formé
pour assumer
les
tâches de
programmation.
Selon
le NMTBA (s.d.;
p.ll),
"L'opérateur d'une machine est
un ouvrier de métier hautement qualifié capable d'optimiser les
phases d'outillage de
la machine,
et de sélection de vitesse;
et
capable également de manipuler
la machine pour
la production de
composantes acceptables.
L'opérateur de
la machine exécute
également des tâches auxilliaires telles que
la lubrification de
la machine,
et
les opérations de dépannage mineures.
En effet,
l'opérateur est une personne qui
à elle seule constitue une
équipe qui
fait
tout
ce qui
est nécessaire pour produire
les
composantes du produit
final.
C'est
à cause de cette polyvalence
que
les opérateurs sont
particulièrement qualifiés
pour des
tâches
relatives à
la définition des méthodes de fabrication,
pour
la programmation des
composantes,
la maintenance,
et
le
contrôle de
la
production".
Cependant,
les
résultats empiriques montrent que dans
de
nombreuse~ unités de production américaines,
la fonction de
programmation est
détachée des ateliers et exclue des
responsabilités de
l'opérateur de
la machine
(Hatschek,
1980;
Rieben,
1984). Ceci est également vrai de
la France où
les

\\ 0 1
responsabilités des opérateurs ne comprennent
qu'exceptionnellement
la programmation des composantes
(Hillau et
Padevin,
1985). Les employeurs français ne souhaitent pas que de
telles responsabilités
leur soient attribuées;
ils estimaient que
la connaissance de
la machine et de son environnement étaient
suffisant pour
l'ouvrier.
Au cours de nos
interviews en France, un grand constructeur
de machine à outils affirma que "le travail d'un machiniste est
de couper
le métal et non faire de la programmation. Cette
dernière est prise en charge par
les
ingénieurs et
les
techniciens;
les
tâches à exécuter qui découlent de cette
programmation sont ensuite envoyées aux opérateurs de machines",
En France comme aux USA,
lorsque
les ouvriers-opérateurs
participent à
la programmation,
ils ne peuvent qu'apporter des
correctifs aux programmes de production établis par
les
techniciens et
les
ingénieurs.
Il
en est ainsi en dépit du fait que
les ouvriers qualifiés
semblent mieux indiqués
(d'après
le NMTBA)
pour
la programmation
des composantes.
Il n'est pas
surprenant qu'au cours des années
1980, dans ces deux pays,
les fabricants de machines à outils
aient mis
l'accent plus sur la recherche de techniciens et
ingénieurs
(qui existaient en nombre insuffisant sur
les marchés
du
travail), que sur
la formation continue de
leurs ouvriers afin
de leur permettre de s'adapter aux nouvelles technologies. Mais

102
ceci ne constituait que
l'une des caUses de
la pénurie de
travailleurs qualifiés qui
prévalait.
Dans une étude sur "l'implémentation de
J'automation
programmable dans
le secteur industriel"
aux USA. Kelley (1989;
p.2B)
trouva que "la structure des marchés du
travail
internes,
les caractéristiques des produits
finaux,
la nature des relations
industrielles,
et
le degré de complexité de
l'organisation de
la
firme"
étaient des facteurs déterminants dans
l'exclusion ou non
de
la programmation des
responsabilités des ouvriers affectés à
la production.
Au cours des années 1980,
la place relativement
importante
accordée à
la programmation des
composantes et
à
la catégorie de
travailleurs à qui
elle devait
incomber,
était
liée à deux
causes.
Premièrement,
une bonne maîtrise des tâches de
programmation faisait
partie des
facteurs
de
succès des
firmes
utilisant
les
technologies nouvelles.
Deuxièmement
et surtout,
d'une entreprise A l'autre,
les objectifs de
réalisation optimale
des
tâches de programmation ne
semblaient
pas déboucher sur
les
mêmes choix en ce qui
concerne
les
catégories de
travailleurs à
responsabiliser et
à former.
Cette discussion sur
la
programmation des composantes constitue donc une
introduction
intéressante aux chapitres suivants sur
les
rapports entre
relations
industrielles et
stratégies de formation dans
les
industries française et
américaine de
la machine à outils.

103
Conclusion
Il Y a accord sur
le fait que
les processus de production
informatisés ont été à
l'origine de nouvelles exigences en
matière de qualification,
et des changements dans
l'organisation
du travail. Les nouvelles exigences en matière de qualifications
sont venues essentiellement de la capacité des systèmes de
production
informatisés à
intégrer dans une même machine des
tâches
jadis séparées,
de
la nécessité pour les travailleurs de
savoir non seulement utiliser les machines mais également
connaître
leur fonctionnement
interne et
pouvoir programmer
d'avance
les différentes
étapes de
la fabrication des composantes
du produit final.
Concernant
les postes de travail,
on devrait
théoriquement assister à une disparition progressive du
travail
sous ou non-qualifié.
Avec les nouvelles technologies, augmentent également
les
possibilités de
réalisation de performances supérieures:
une plus
grande flexibilité,
plus de précision et moins d'erreurs dans
la
fabrication des composantes grâce à
leur programmation,
une
réduction des risques de pannes et d'arrêts des machines, une
meilleure productivité,
pour ne citer que quelques exemples.
Cependant,
le potentiel des nouvelles technologies n'a pas été
également expJoité par tous
les pays,
toutes
les industries, ou
toutes les entreprises. Dans
l'industrie de la machine à outils
par exemple,
les fabricants américains et
français font partie de
ceux qui y ont
le moins réussi. L'objectif central des chapitres

104
suivants est de montrer le rôle des relations industrielles dans
les difficultés rencontrées par les fabricants français et
américains au niveau de
leurs stratégies de qualification qui
devaient conduire à une adaptation de
leur personnel aux
nouvelles technologies.
Il convient avant cela d'examiner l'état de l'art concernant
les rapports entre formation professionnelle et relations
industrielles. Cette revue de
la recherche permettra de préciser
le paradigme sur
lequel s'appuie
la présente étude.

105
CHAPITRE
II
DEUX APPROCHES DANS L'ANALYSE DES RAPPORTS ENTRE FORMATION
PROFESSIONNELLE ET RELATIONS INDUSTRIELLES
Introduction
If
Y avail un paradoxe dans
les
travaux effectués S\\lr les
nouvel les
technologies
au cours des
années
1980:
Il importance
stratégique des qllalificaliorls nécessaires à
l'utilisation de ces
lectlflfl\\agies ~lait en contl"adiclion avec
la place
limitée
accordêe aux questions
relatives à
la forlnation professionnelle.
Surtout,
trop
peu de
clloses
ont
été
écrites
à propos des
rapports
entre systèmes
de
r e l a t i o n s
l n du s tri e l Le s
et
systèmes de
forma t i cn
profess i on n e II e .
IJ8
tentative d'analyse
la plus avancée des relations qui
existaierll entre ces deux syslêltleS à
travers une étude des rôles
de
I~Etat. des employeurs. et des syndicats a été faite par le
Ccrltru EUI"uJJéell tle Développelllent et
de formation
Professionnelle.
Ce centre a produit urie s~rie de
tI"UVaUX basés sur
les
expériences nationales de
la plupart
(les pays européens.
Cependnrlt,
ces
travaux consistaient beaucoup plus en une
description des
systèmes
nationaux de
formation professionnelle
qu'en une
tentative de comprendre et
d'expliquer
leurs
perfor~ances. Des
tentatives
similaires ont
eu
lieu au niveau du
Buu r eu u International
du Travail.
Il
faut
dire que ces
travaux
(lescI"iptifs
sont
rl~alnDloins ilnportarlts dans la mesure ob ils
repI"6sentaient
la pI"emièl"e étape SMns
laquelle une bonne

\\06
compréhension du fonctionnement
et des performances des systèmes
de formation est
impossible.
Les économistes du travail
("labor économists")
sont
certainement ceux qui ont
le plus étudié
les performances des
systèmes de formation.
Mais,
la non prise en compte dans
leurs
analyses des contraintes institutionnelles et des actions
collectives menées par
les partenaires sociaux rend impossible
toute appréciation de
l'impact
des
systèmes
de relations
industrielles sur
les politiques de formation.
En effet,
la façon dont
les ressources
institutionnelles ont
été mobilisées et
celle dont
les partenaires sociaux se sont
organisés
étaient
des
facteur-clés
dans
les
processus de
restructuration économique des pays
industrialisés au cours des
années 1980. Trouvant une relation entre
les formes
d'organisation du
travail,
les qualifications de
la force de
travail et
les pratiques de formation professionnelle,
et
les
performances économiques, Boyer
(1989) propose une typologie des
systèmes de formation performants.
Selon lui,
sous
le modèle dit "Toyotisme",
les travailleurs
sont formés sur le tas dans de grandes unités de production. Les
relations
industrielles sont basées sur
le compromis ou le
consensus.
L'adaptation aux changements du marché des biens et
services est rapide.
L'organisation de
la formation

107
professionnelle est décentralisée.
Les unités de production se
caractérisent par
la présence d'un seul
syndicat qui
est en
général un syndicat maison.
Sous le modèle "Saturnien",
l'organisation du travail est
proche du travail à
la chaîne malgré l'utilisation de méthodes de
production flexibles.
La formation est externe. Les relations
industrielles sont gérées de façon décentralisée.
Enfin,
l'accent
est mis sur la sécurité de
l'emploi.
Le modèle "Kalmariste"
a recours à une organisation du
travail similaire à celle du modèle Toyotiste. Les différences se
situent dans
le haut degré de centralisation de la gestion des
relations
industrielles,
et dans
l'utilisation de structures de
formation externes à
l'entreprise.
Enfin,
le modèle "Uddevalliste"
combine
la centralisation de
la gestion des
relations
industrielles du modèle Kalmariste,
et
un haut degré de décentralisation de la formation professionnelle
similaire à
celle du modèle Toyotiste.
Ceci correspond à
l'introduction de pratiques de formation décentralisée~ dans des
systèmes corporatistes centralisés.
Il n'est pas toujours évident d'établir une relation
systématique entre formation professionnelle et performances
économiques. Cependant,
le fait que
les firmes qui ont utilisé

108
l'un des quatre modèles dont
les caractéristiques ont été
résumées
ci-dessus évoluaient dans
des
cadres corporatistes,
dans
des systèmes de relations
industrielles non conflictuelles, et
ont
le mieux réussi
l'adaptation de
leur force de travail au
nouvel
environnement
technologique ainsi
que
leur ajustement
économique,
suggère
l'existence d'une
relation entre
la nature
des systèmes nationaux de relations
industrielles,
les
performances des systèmes de formation professionnelle,
et
les
performances économiques.
Les pays qui
ont
réussi
leur
restructuration économique présentaient une autre particularité:
ils étaient
équipées de mécanismes de concertation centralisés ou
décentralisés que
llEtat,
les
employeurs,
et
les
travailleurs
reconnaissaient,
et
utilisaient
pour atteindre des
consensus SUr
les politiques de
formation professionnelle.
L'utilisation de
tels mécanismes
suscita un
intérêt
particulier dans
les pays o~ les possibilités de coalitions ou
d'accord entre
les partenaires sociaux étaient
limitées.
Le débat
sur
la nécessité de coalitions et
de partnerships était
difficilement
évitable dans
la mesure où
la nature de bien public
des qualifications devint plus évidente vu
les
conditions de
crise économique qui
augmentaient
les risques de débauchage.
Ces
risques étaient d'autant
plus
présents que
les
systèmes de
production
informatisés
tendaient
vers
la standardisation,
et
exigeaient donc de plus en plus des qualifications
et
compétences
transférables d'une entreprise à
une autre.
Ceci constitua un

109
challenge pour la théorie du
capital humain.
et une opportunité
pour
l'approche institutionnaliste.
1. Les problèmes de la théorie du capital humain
Les fondements de
la théorie du capital humain se trouvent
dans
les
travaux de Becker
(1975).
Cette théorie met
l'accent sur
l'existence d'un marché du travail où les employeurs et
les
travailleurs se rencontrent en tant qu'individus.
Ce qui
importe
le plus pour chacun d'eux,
c'est
la maximisation de leurs gains.
Les travailleurs y parviennent en accroissant
leur capital humain
(ou qualifications).
L'acquisition des qualifications est définie comme un
investissement qui prend
la forme d'une "accumulation de capital
humain à partir d'un processus qui s'étale sur toute la durée de
vie de
J'individu.
Durant
la période suivant
la formation à
l'école,
la plus grande partie de
l'accumulation de capital
humain se fait
sur
le tas"
(Mincer,
et Polachek,
1974; p,S77).
Ainsi, ce qui compte
le plus dans
l'approche néo-classique,
"ce
sont
les aspects financiers qui
sont
totalement séparés de la
façon dont
la formation est assurée"
(Ryan,
1984; p.194).
L'un des aspects centraux de la théorie du capital humain,
la distinction entre
les qualifications spécifiques à
l'entreprise d'une part, et de
l'autre qualifications générales
ou transférables, peut être décomposé de la façon suivante.

110
L'employeur investira dans
la formation des travailleurs qui
acquièrent des qualifications spécifiques à
l'entreprise en vue
de réduire leur mobilité.
Ils n'investiront donc pas dans
l'acquisition par
leurs
travailleurs de qualifications générales
transférables. dans
la mesure où, selon la théorie du capital
humain,
cela augmente
les risques de débauchage par
les
concurrents.
En effet,
" .
s i
les salaires sont déterminés
concurrenciellement et si
la mobilité du travail n'entraine aucun
coût,
les qualifications transférables deviennenet un bien public
qui ne sera pas financé par une firme ayant des objectifs de
maximisation de ses profits."
(Gliek and Feuer,
1984;
p.9S). La
théorie du capital humain suppose que la formation générale des
travailleurs est du ressort des centres de formation publics. Les
employeurs n'investiront dans
les qualifications transférables
que s'ils peuvent rémunérer ces derniers en dessous du produit
marginal. En outre,
les employeurs ne stimuleront
la formation
continue que si
les qualifications acquises par
les travailleurs
sont utilisables immédiatement.
Il est
intéressant de constater qu'en partant de la théorie
du capital humain, Glick et Feuer
(op.cit.) et Feuer et alii.
(1989) obtiennent des résultats qui
sont en contradiction avec
les conclusions de l'analyse néo-classique sur
la distinction
entre qualifications spécifiques et qualifications

I I I
générales/transférabLes.
Ils trouvent en effet que
les employeors
sont prêts à investir dans
la formation générale
lorsque les
travailleurs acquièrent des qualifications spécifiques A la firme
soit simultanément, soit
avant.
Ils trouvent que cette combinaison réduit
le taux de
turnover.
En outre,
leurs résultats
prouvent que
les employeurs
qui
n'investissent que dans
la formation spécifique ne sont pas A
l'abri des risques de débauchage. Enfin, à partir de leurs
études,
il ressort que rien ne prouve que les
travailleurs dont
les employeurs supportent
le coOt de
la formation générale ont
des salaires inférieurs à ceux reçus par les travailleurs qui
supportent
eux-mêmes
le coOt d'acquisition de
leurs
qualifications générales.
D'autres auteurs ont
remis en question
la distinction entre
qualifications générales et qualifications spécifiques.
Selon
Stern et Benson
(1989),
cette distinction n'a jamais pu être
mesurée empiriquement.
En outre,
les qualifications considérées
comme spécifiques
(ou générales)
par une firme peuvent
revêtir un·,
caractère général
(ou spécifique)
pour une autre
(Bishop,
1989).
L'introduction des systèmes de production
informatisés et
les qualifications requises
pour
leur utilisation ont également
permis de souligner
les
insuffisances de
l'analyse néo-classique
en matière de formation professionnelle.
Les défenseurs de
la

112
théorie du capital humain pouvaient avoir raison au cours de la
période marquée par
le travail à
la chaîne. Durant cette période,
les travailleurs n'avaient besoin que de qualifications
spécialisées pour l'exécution de leurs tâches. En outre, ces
qualifications n'étaient pas
très
transférables vu une
prédominance de la formation sur le tas et de l'utilisation de
matériels de production fabriqués
sur mesure dont
la
configuration variait d'une entreprise à
l'autre. C'était
le
temps où
les
fabricants de machines à outils produisaient de
grosses machines à
l'unité.
Au cours des années 1980,
l'arrivée des systèmes de
production informatisés,
exclut
toute possibilité pour
les
employeurs visant un certain niveau d'efficacité et de
compétitivité de
limiter
leurs
investissements en formation aux
qualifications spécifiques. Dans
l'industrie,
les équipements de
production furent
dans une grande mesure standardisés et
remplacèrent
le matériel
de production sur mesure
("customized
machines").
En
fait,
la nature transférable des qualifications
augmenta non seulement à
cause de cette tendance vers une plus
grande standardisation,
mais également à
cause de
la nécessité
pour
les
travailleurs de posséder des qualifications générales
pour une bonne utilisation des nouvelles
technologies.
En effet,
une utilisation optimale des systèmes de
production informatisés exige des
travailleurs une bonne

113
connaissance
théorique de
la structure et du
fonctionnement
internes des machines afin d'assurer
les
tâches de maintenance
préventive,
et de dépannage
technique qui
permettent de réduire
la durée des arrêts de
travail
qui
sont
devenus un élément
de
la
compétitivité des
firmes.
Dans
l'un des chapitres qui
suivent,
nous verrons qu'au cours des années
1980,
les fabricants français
et améri,cains de machine à outils qui
tous acquérirent du
matériel
informatisé
se mirent
activement
(mais
souvent
en vain)
1
à
la recherche de
techniciens
et d'ingénieurs qui
généralement
possèdaient ces
compétences.
Dans
la mesure o~ les tâches de maintenance préventive et de
déblocage
technique ne peuvent pas
être anticipées avec
précision,
les
connaissances et
compétences qui
sont à
la base de
leur exécution ne
saurait être spécifiques.
Ainsi,
théoriquement,
l'approche néo-classique devrait
exiger que
les employeurs
refusent
de s'engager dans
le
financement
de
toute
formation
visant à
l'acquisition de
telles
connaissances à cause de
leur
transférabilité.
Cependant,
sur
le plan pratique,
la survie des
firmes
imposent
à ces dernières
le
financement
de
la formation
générale de
leurs
travailleurs.
Donc,
étant donné
la concurrence du marché.
les
employeurs
font
face à des
choix complexes
si
on part
de
la
logique néo-
classique:
le risque de perdre
leur position sur
le marché
s ' i l s
n'investissent pas dans
l'acquisition par
leurs
travailleurs de

114
qualifications transférables, ou faire face à des risques de
débauchage par les concurrents s'ils financent
l'acquisition de
telles qualifications.
Il Y a un moyen de résoudre cette équation complexe. C'est
celui qui consiste à susciter la réalisation d'un accord entre
les employeurs
(au niveau d'une
industrie ou au niveau national)
qui
permet d'éviter une distribution
inégale des
coOts de
formation grâce à
la création d'un mode de régulation ou de
moyens coercitifs limitant ou éliminant les pratiques de
débauchage.
Ceci
passe par la création de coalitions
(en vue de
mener des actions collectives) qui peuvent prendre la forme
d'associations qui
regroupent
la
large majorité des employeurs
concernés. Cependant, dans
la mesure ou de telles associations
créent forcément des imperfections au niveau du marché, elles
vont forcément du paradigme néo-classique qui considère le marché
pur et parfait et
l'individu comme ses unités d'analyse.
Parce qu'ils considèrent
les institutions comme des
obstacles au bon fonctionnement du marché,
les néo-classiques ne
peuvent pas être partie prenante d'un débat sur les rapports
entre relations industrielles et formation professionnelle. Pour
eux,
les systèmes de relations industrielles sont des
institutions dans
lesquelles
l'Etat,
les employeurs, et les
syndicats opèrent en tant que groupes d'intérêts qui créent des
imperfections sur les marchés de la formation et réduisent

115
l'efficience des
stratégies de formation.
Selon les néo-classiques,
il n'est pas besoin de créer des
pressions sur les marchés de
la formation ou de tenir compte des
rapports de force entre partenaires sociaux dans
les systèmes de
relations industrielles pour comprendre les performances
réalisées en matière de formation. En effet,
selon Altonji et
Spletzer
(1991;
p.162),
"plus
les gains
rapportés par
la
formation sont élevés, plus il y a de chances qu'elle ait
lieu."
En outre,
plus elle rapporte,
plus
les individus en réclameront
afin d'accroître leur pouvoir de négociation sur les marchés du
travail par le biais d'un capital humain élevé.
Si Altonji et Spletzer avaient raison,
il serait impossible
de comprendre pourquoi aux USA par exemple, plusieurs firmes
firent face à des pénuries de
travailleurs qualifiés au cours des
années 1980 en dépit du fait que les employeurs exprimèrent leurs
besoins en qualifications nouvelles créés par les nouvelles
technologies
et les nouvelles formes d'organisation du travail.
Il serait également
impossible d'expliquer pourquoi
les
employeurs mettaient fin à leurs programmes d'apprentissage alors
qu'ils reconnaissaient en même temps qu'il s'agissait de la
meilleure méthode de formation à
l'utilisation des nouveaux
systèmes de production.
Prenons un exemple. Un symposium (largement dominé par des
chercheurs utilisant
l'approche néo-classique) sur le rôle de

1 16
l'Etat et du marché dans
la formation fut organisé dans
le cadre
de
l'Université du Wisconsin en 1989. 1 L'objectif de ce
symposium était d'expliquer l'échec aussi bien de
\\a régulation
par le marché que par l'Etat de
l'organisation de la formation
professionnelle aux USA. Malheureusement,
les présentations ont
mis
l'accent beaucoup plus sur les performances résultant des
pratiques de formation de
l'Etat et des firmes,
que sur
le cadre
institutionnel
contraignant qui était à
l'origine de ces
2
prat iques.
Le cas de ce symposium ft été choisi parce qu'il s'est
déroulé au moment de ce travail de recherche.
et parce qu'il
constituait une illustration des problèmes de l'analyse néo-
classique concernant
ses capacités à expliquer les performances
des systèmes de formation.
Ce symposium permettait de constater
également combien
les néo-classiques s'étaient exclus du débat
émergeant
(aux USA y compris)
sur
la gestion des contradictions
et
la recherche d'équilibre des
intérêts divergents dans
les
systèmes de formation professionnelle. Au centre de ce débat,
il
y avait
l'analyse des stratégies et outils utilisés par llEtat,
les employeurs,
et
les travailleurs pour la mise en place de
nouveaux arrangements
institutionnels
tels que
la création de
'vo l r dans 11 introduction de la partie sur la méthodologie le
cadre dans
lequel ce symposium fut organisé.
2Le
symposium
avait
été
organisé
en
1989
par
le
Robert
M.
LaFollette
Institute
of
Public
Affairs
de
l'Université
du
Wisconsin-Madison.

117
consortiums,
de centres technologiques, de centre de formation
localisés
sur
les
lieux de travail,
et
de structures spécialisées
dans
la formation sur mesure,
tous orientés vers
la mise en place
de méthodes de qualifications efficaces.
Contrairement à ce que
la plupart des participants à ce
séminaire ont affirmé,
au Cours des années 1980,
les firmes
américaines n'ont pas fait
face à des pénuries de travailleurs
qualifiés à cause d'une faible propensité à
former sur le tas, ou
à
cause d'une certaine
inadéquation entre
les qualifications
acquises dans
les centres de
formation et
les besoins des
employeurs. Utiliser un tel argument revient non seulement à
prendre les conséquences pour
les causes, mais également à dire
que l'Etat et
les employeurs auraient pu former différemment.
Ceci revient de ce fait à
ignorer
les contraintes
institutionnelles qui,
dans une
large mesure,
les ont
forcé à
recourir aux stratégies de formation qu'ils ont utilisées.
En fait,
les défenseurs de
la théorie du
capital humain
reconnaissent de plus en plus que
la seule maximisation
individuelle des gains financiers ne
saurait expliquer les
performances en matière de formation.
Dans son travail
remarquable sur "Les Fonctions de Gains du capital Humain",
Willis (1986)
souligne
L'importance des "pratiques
institutionnelles". Selon
lui,
les progrès à venir dans
l'étude
du capital humain dépendront de la "recherche d'informations qui

1 18
lient
les caractéristiques individuelles des travailleurs et de
leurs familles à celles relatives à
leurs firmes"
(Willis,
op v c i t v r p.S9B).
En outrc,
de plus en plus de défenseurs de
la théorie du
capital humain reconnaissent que les facteurs suivants doivent
être pris en compte dans
l'analyse des performances des
politiques de formation:
le type d'occupation,
la taille des
firmes,
la nature de
la formation suivie
(Bishop,
1989),
la
nature des relations professionnelles et
leur impact sur
les
marchés
internes du
travail,
les caractéristiques du marché des
produits,
les processus de production,
et
les changements
technologiques (Stern et Benson,
1989), et
la capacité des
employeurs à
limiter
les conséquences négatives de
la nature de
bien public des qualifications
(Glick et Feuer, op.cit.).
Cependant,
dans
la mesure o~ tous ces auteurs ont conduit
leurs travaux en utilisant
le cadre théorique de base fourni
par
la théorie du capital humain,
aucun d'eux ne réussit
véritablement à expliquer
tes performances des systèmes de
formation professionnelle.
Leur échec est dO également au fait
qu'ils utilisent des méthodes d'analyse quantitatives dans
lesquelles
la réduction des variables
institutionnelles telles
que
les syndicats,
les marchés,
les processus de production,
et
les technologies à des chiffres,
ne permet pas de saisir leur
interactions complexes.

119
Le
fait que la théorie du capital humain s'intéresse plus à
l'aspect
financier
de
la formation
professionnelle qu'à
la façon
dont
les qualifications sont acquises entraîne plusieurs
conséquences.
Ce sont
les performances en matière de formation et
non pas
leurs causes qui
les
intéressent.
Ils sont plus
préoccupés par une quantification descriptive des relations entre
variables
indépendantes et dépendantes que par une explication
des performances observées.
Leur approche est
conservatrice
("conservative approach")
dans
la mesure o ù
dans
leurs analyses,
le
système de
formation
professionnelle est
perçu comme une variable donnée et
neutre.
En
d'autres
termes,
les systèmes de
formation n'échouent
pas.
S'il y
a mauvaise performance,
il
faut
en chercher
les causes dans
le
comportement
inefficient des agents
(en
l'occurence
les
dirigeants des
centres de
formation,
les employeurs,
et
les
travailleurs)
qui
opèrent
dans
ces systèmes.
Au contraire,
les
institutionnalistes,
bien qu'ils ne
négligent
pas
l'évaluation des performances,
se concentrent
beaucoup plus sur
les processus de
formation et
sur
leur
environnements.
A la base de ces processus,
il
y a
les
interactions entre
les systèmes de relations
industrielles,
les
systèmes de
formation professionnelle et
les
firmes.
Une
compréhension de ces
interactions
permet
d'e~pliquer les
performances en matière de
formation.

120
L'approche
institutionnaliste,
à
l'opposé de
l'approche néo-
classique, révèle la dynamique historique de ces inter-actions,
et apprécie
les
ruptures
systémiques
et
les
réponses
contingentes
qui
y.sont
apportées
par
l'Etat,
les employeurs,
et
les
travailleurs. Une telle approche souligne les changements qui
interviennent dans
les rapports de force. Enfin, elle utilise une
démarche critique
("critical
theory approach't)
dans
l'étude des
systèmes de
formation.
En d'autres
termes,
au cours du débat
sur la formation
professionnelle des années
1980,
les
institutionnalistes étaient
mieux équipés que
les néo-classiques.
Ils ont
mis
l'accent
sur
l'étude de
la façon dont
différents
pays ont
mobilisé
leurs
ressources
institutionnelles pour
répondre à
la demande en
travailleurs qualifiés venant
des
entreprises.
Dans
le cas des
pays qui
l'ont
fait
de
façon
efficace
(Allemagne,
Japon,
Suède
par exemple),
il
s'agissait d'expliquer
leur succès.
Dans
le cas
des pays qui
n'y ont
pas
réussi,
il
s'agissait de démontrer
la
nécessité d'une
transformation des
systèmes de relations
industrielles et de formation
professionnelle.
II.
Les
institutionnalistes et
le débat
sur
la formation des
années
1980
Quelles sont
les conditions
institutionnelles d'une
stratégie de formation efficace? Quel doivent
être
les
rôles de
l'Etat,
des employeurs,
des
travailleurs,
et de
leurs
organisations
respectives? Y-a-t-il
un modèle d'organisation de

121
la formation des
travailleurs meilleur que
tous
les autres?
Ce sont

les questions
les plus
importantes que
les
institutionnalistes
se sont posés
au
cours
des années
1980.
II.1.
L'institutionnalisation des
systèmes de formation
Un système de formation est
institutionnalisé
lorsque ses
normes et
régulations
sont
reconnues
et acceptées
par
tous
les
partenaires sociaux
(Campinos-Dubernet.
et
Grando,
1988).
Cette
reconnaissance dépend de
ln nature des
systèmes
de
relations
industrielles
(Gaeonna et Valcavi,
1986).
Wallace confirme en argumentant que "les politiques de
formation ne
sauraient
être
isolées
des
pratiques
qui
ont
cours
sur
les marchés
internes du
travail
et
dans
les
systèmes de
relations
industrielles
Elles
font
donc partie d'un système
plus
large de pratiques
institutionnelles et organisationnelles"
11988;
p.5l.
On peut
donc affirmer que
les
systèmes de
formation
reflète
la société qu'ils
reproduisent
(Maurice et
a1ii.,
1986;
Lane,
1987; Weiermair,
1982).
rIs
sont
intégrés dans un réseau de
pratiques
institutionnelles,
organisationnelles,
et
sociétales
qui
constitue un
terrain sur
lequel
les
partenaires sociaux ont
des divergences
et
des
convergences,
constituent
des
coalitions
et
scissionnent
pour
la défense de
leurs
intérêts
respectifs.
Les
questions
relatives au pouvoir occupent
une place centrale dans
ces
interactions.
Par exemple,
comme
cela sera discuté plus
tard,

122
l'émergence de systèmes de formation dominés par
l'Etat et par
les employeucs respectivement en France et aux USA eut
lieu dans
des contextes caractérisés par des relations industrielles
conflictuelles. Aux USA,
les employeurs dominèrent
l'Etat et
les
syndicats. En France,
l'Etat exclut
les syndicats et
les
employeurs de la gestion du système de formation.
Les relations entre l'Etat,
les employeurs,
et
les
travailleurs, déterminent dans une large mesure les capacités de
chaque pays à mobiliser leurs
institutions de formation dans le
but de répondre aux transformations économiques et
technologiques.
Au cours des années 1980,
l'adaptation aux
nouveaux processus de production a été facilitée par J'existence
de relations
industrielles non conflictuelles
(Bamber,
1988;
Serfati and Cove,
1989; Cressey et Di Martino,
1989; Boyer,
1989). Ainsi,
l'analyse des possibilités de coopération et de
coordination entre partenaires sociaux est devenue un élément
important des stratégies de relations industrielles
(Deutsch,
1986,
1987),
Dans
les pays oD 1es employeurs contrôlent
les systèmes de
formation,
cette dernière suit
les tendances du marché, consiste
en
J'acquisition de Qualifications spécifiques et est organisée
sur la base de programmes à court
terme lCampinos-Dubernet, et
Grando, op v c Lt , ; Adams,
1985). Au co u r s des années 1980,
le
contrôle par les
employeurs des systèmes de formation avait été

123
rendu possible dans plusieurs cas par le fait que
t'l'initiative
et
les rapports de force étaient
largement en faveur des
employeurs. L'augmentation très forte du chômage contribua à
discipliner les travailleurs"
(Boyer,
1989; p.24).
Dans
les pays oü
l'Etat
contrôlait
les
systèmes de
formation,
cette dernière était sujette à des manipulations
politiques qui débouchaient non pas sur
la satisfaction des
besoins en travailleurs qualifiés mais sur des méchanismes de
réduction temporaire du chômage. La France représentait un cas
typique d'introduction de programmes de formation pour
les
jeunes
permettant de réduire le chômage
(Germe,
1988; Wilensky et
Turner,
1987).
Cependant,
il existait des cas de pays dans
lesquels le
contrôle de
la formation par l'Etat ou par les employeurs ne
constitua pas un obstacle à
la formation de travailleurs
qualifiés. Comme leurs homologues japonais,
les employeurs
amé r i ca i n s
contrôlent
les lieux de travail. Cependant,
la
priorité donnée par ces derniers à
la maximisation de leurs
profits sur
le court
terme, ainsi que
leur recherche permanente
d'une flexibilité maximum sur
leurs marchés internes du travail
où les
licenciements sont utilisés comme outil de réajustement de
la force de travail aux changements économiques, ont fortement
limité leurs capacités à s'engager dans
la formation de leur
personnel.

124
A partir d'une étude du
système japonnais de formation,
Dore
et Sako (s.d.) obtiennent
les résultats suivants. Les relations
entre entre centres de formation et
firmes ne sont pas nombreuses
au Japon. Le Ministre de l'éducation contrôle
les écoles et
universités,
et écarte
les employeurs de
leur gestion.
SUT
la
base d'une comparaison avec d'autres pays industrialisés,
ces
auteurs trouvent qu'au Japon,
i l existe moins de
liens entre
centres de formation professionnelle et
industries.
Selon Dore et
Sako,
plusieurs raisons sont à
l'origine de
la décision prise par
le gouvernement
central de s'imposer comme le seul
"gérant"
et
preneur de décisions du système de formation professionnelle.
Ces
raisons sont:
la protection de
l'intérêt public,
la nécessité
d'avoir des programmes de formation certifiés par l'Etat afin de
guarantir
l'harmonie du
système de formation,
et
le souci
d'uniformisation des qualifications acquises par
les travailleurs
au niveau national.
Sur un plan comparatif,
ii
faut dire qu'en dépit du fait que
les
institutions de formation françaises sont également
contrôlées par l'Etat,
et en dépit de
la réthorique de ce dernier
depuis
la Révolution sur les
idéaux d'harmonie,
de
justice,
d'égalité,
et de démocratie politique dans
le système
d'enseignement et de formation professionnelle,
les travailleurs
japonais sont mieux formés que
leurs homologues français. Deux
raisons permettent d'expliquer cela.

125
La première est contenue dans
la nature des relations
industrielles au Japon où on constate
l'absence d'un conflit
idéologique explicite entre partenaires sociaux,
contrairement à
la France où les relations industrielles sont
très politisées.
Il
existe également au Japon des syndicats maison et une certaine
capacité des employeurs à
communiquer et à
faire
accepter par
leurs travailleurs
la nécessité d'nSSUI"er
le succès de
la firme
(Shirai,1983).
La deuxième raison
(qui apparaît dans
les travaux de Dore et
Sako)
réside dans
l'existence d'un accord
implicite sur un cadre
de base entre
l'Etat et
les employeurs selon lequel
le premier
assure la formation
initiale des futurs
travailleurs alors que
les seconds ont
la responsabilité de
leur formation
professionnelle une fois qu'ils sont embauchés par
la firme.'
Dans
les
débats sur la formntion professionnelle des années
1980,
l'accent n été souvent plutôt mis sur
l'Etat et des
employeurs qui,
il est v r a L,
jouent
les premiers rôles dans
la
formation des
travailleurs.
Cependant,
ces derniers peuvent être
déterminants dans
le succès ou
l'échec des politiques de
formation. En effet,
l'opposition des syndicats aux stratégies de
formation élaborées par
les employeurs pour des raisons
liées aux
changements de classification, de l"émunération, d'autorité, ou de
taux de syndicalisation que pourrait entraîner
l'acquisition de
) Sur la relation entre l'Etat et les employeurs en matière de
formation,
voir
Lev i ne
et
Kawada
(1980)
(pour
une
approche
historique), et Koike
(1988).

126
nouvelles qualifications,
peut conduire à
l'échec de ces
stratégies.
Quel a donc ~té le rôle des travailleurs et de leurs
syndicats dans
le débat des années 1980 sur les nouvelles
technologies et
l'acquisition des qualifications nécessaires à
leur utilisation?
II.2.
Syndicats et formation professionnelle
L'un des éléments sans doute
les moins discutés par les
travaux réalisés sur la formation professionnelle au cours des
années 1980 a été
le rôle des syndicats dans
les décisions
d'acquisition des nouvelles technologies, mais surtout dans
l'élaboration et
l'exécution des politiques de formation.
Comme
cela a été mentionné auparavant,
les études menées par le Centre
Européen de Développement et de Formation Professionnelle
(CEDEFOP) ont constitué
l'exception.
A la base de
l'exclusion des syndicats du débat sur la
formation,
il y avait probablement une réalité:
leur déclin et
leur faible capacité à faire des propositions en matière de
stratégies de formation.
En général,
les syndicats ont adopté les
attitudes successives suivantes vis à vis des nouvelles
technOlogies: d'abord une opposition à
leur introduction, ensuite
un ajustement,
finalement
une acceptation (Kennedy,
1982;

127
Roberts,
1982;
Deutsch,
1982) ,.
L'opposition
initiale des
syndicats à
l'introduction des
nouvelles technologies r~sultait dans tous
les cas d'une sous
information concernant ces dernières,
et d'incertitudes
liées à
l'acquisition de nouvelles
qualifications,
le démantèlement des
structures de négotiations
("bargaining units"),
l'emploi,
et
la
structures des
postes.
Selon slichter et
a l Li ,
(1960),
les
syndicats acceptent
l'introduction des nouvelles technologies sur
leurs
lieux de travail
lorsque cela entraîne peu de changements
dans
la nature des qualifications requises et
limite les risques
de
licenciements.
Cependant,
selon Slichter et
a l i L.
(o o c c t t , },
lorsque les
licenciements sont
inévitabes,
l'introduction des
nouvelles technologies peut être' acceptée par
les syndicats à
partir du moment où
ils peuvent négocier des salaires plus élevés
pour les travailleurs qui ne sont pas
licenciés.
La question que
l'on peut poser est
la suivante:
si
la
tendance est que
les syndicats finissent par accepter
les
nouvelles technologies,
pourquoi sont-ils exclus dans certains
cas,
et pas dans d'autres,
de
l'élaboration et de
l'exécution des
politiques de formation?
Il
faut
dire
que
ces
trois
auteurs
ont
été
précédé
par
Slichter et
alii.
(1960)
qui
trouvèrent
il
y
a de
cela plus
de
trente
ans
que
la
réaction
des
syndicats
au
changements
technologiques
pouvait
prendre
cinq
formes
non
exclusives:
l'acceptation
volontaire,
l'opposition,
la
concurrence,
l'encouragement,
et
l'ajustement.

128
Cela est probablement
lié à
l'existence,
selon les pays, de
traditions différentes de participation (ou d'exclusion) des
syndicats aux politiques de formation. L'influence des
caractéristiques historiques est
soulignée par Levine et Kawada
(op.cit.) dans leur étude sur la gestion des ressources humaines
au Japon et
la transformation des entreprises
japonaises en
centres d'apprentissage voyant une participation importante des
syndicats-maison. L'importance des origines historiques des
systèmes de formation dans
l'explication du
rôle des syndicats
dans
les activités de formation professionnelle est aussi
soulignée par Streeck et alii.
(1987) dans
leur étude du
cas de
l'Allemagne,
et par Wilensky et Turner
(1987) dans
leur examen du
cas de
la Suède. La persistance de ces
influences historiques au
cours des années
1980 a été confirmé par Boyer
(op.cit.) dans
l'étude mentionée au début de ce chapitre.
Dans les cas de
la France et des USA,
il
était
intéressant
de constater que
les
institutions
les plus avancées sur
les
questions de formation professionnelle,
soit restées plutôt
silencieuse sur le rôle des syndicats dans
l'organisation de la
formation professionnelle.
Ainsi,
en dépit d'un nombre
impressionant de publications,
le CEREQ (Centre d'Etudes et de
Recherche sur
les Qualifications,
structure financée par
l'Etat)
ne dit presque rien sur le rôle des syndicats dans
la
construction de
la main d'oeuvre qualifiée nécessaire aux
industries.

129
Cette omission n'était
pas due au fait
que les syndicats
français
n'avaient
pas de position sur
la question,
même s'il
faut
souligner
J'absence en
leur sein d'un programme bien
structuré pour
la formation de
leurs membres. En effet,
les
points de vue de
la CFDT et de la CGT sur plusieurs aspects de la
formation abordés
par
le CEREQ existaient
respectivement
dans
"CFDT-Aujourd'hui"
et dans "Emploi Formation, Courrier Confédéral
CGT-FMS" .S
Le CEREQ peut être critiqué
pour
le même type d'omission
dans ses études sectorielles.
C'est ainsi que dans
leurs études
(basée sur des études de cas)
sur l'importance des qualifications
dans
les processus de restructuration de
l'industrie de la
machine à outil
française,
Hillau et Podevin
(op.cit.)
et Hillau
(1985)
ignorèrent
presque totalement
le rôle des syndicats. Même
si
le secteur de
la machine à outils n'était
pas celui où les
syndicats français étaient
le mieux organisés,
une mention par le
CEREQ de
leur position dans
le débat national
sur
la nécessité de
former plus de
techniciens et d'ingénieurs était de rigueur.
Surtout que
le CEREQ considérait que ces qualifications étaient
cruciales pour la restructuration de
J'industrie.
La CGT par
exemple s'opposa à
la formation de plus de techniciens et
ingénieurs;
elle vit en cela
le reflet d'une nouvelle orientation
universitaire
inutile imposée au système de formation
professionnelle.
CFDT:
Confédération Française et Démocratique du Travail
CGT:
Confédération Générale du Travail.

130
Les critiques faites au CEREQ sont valables pour
l'un des
centres
les plus réputés en matière de travaux sur
la formation
professionnelle aux USA, en
l'occurrence
l'ASTD (The American
Society for Training and Development", subventionnée par
l'Etat
Fédéral) et qui
travaille en collaboration avec
le "Department of
Labar"
et
le l'Employment and Training Administration", En 1989,
les
travaux
(réalisés dans
le cadre de
l'ASTD et devenus très
populaires)
de Carnavale et Geiner,
"The Learning Enterprise",
ignorèrent
les syndicats,
et centrèrent
leur étude sur les
employeurs,
les éducateurs,
et
le Gouvernement. Dans une étude
plus complète,
"Training in America", Carnavale et alli.
(1990)
utilisèrent
la même démarche dans
leur étude sur "La firme et
le
Rôle Stratégique de la Formation".
Ces
critiques ne doivent pas faire oublier cependant que
les
syndicats ont contribué à
leur exclusion du débat sur
la
formation.
Leur participation dépendait de leur aptitude à être
présents aux différents stades du processus de décisions
concernant
l'introduction des technologies nouvelles. Dans
les
pays caractérisés par des relations
industrielles basées sur
le
consensus, cela a été possible
(ex.
Japon,
Suède).
Par contre dans
les pays caractérisés par des relations
conflictuelles,
les syndicats ont préféré conserver leur démarche
traditionnelle revendicative:
ils négocièrent sur
les
conséquences de
l'introduction des nouvelles technologies plutôt

131
que sur
les processus de
leur
introduction (Kassalow,
1987).
Cependant, même dans
les contextes conflictuels,
les syndicats
finirent par adopter des attitudes plus proches de celle qui
caractérise les syndicats évoluant dans des cadres consensuels,
lorsqu'ils percevaient
la relation qui
existait entre
les
changements technologiques,
l'intensité de
la concurrence,
et
la
stabilité de
J'emploi et des rémunérations
(Landsburry et Bamber,
1989;
Kanawaty et a l i i . ,
1989;
Rainbird,
1988j
Ebel
et
Ulrich,
19871 •
Selon Kennedy (1982),
les syndicats auraient dO se
débarasser de leurs réflexes anciens,
et abandonner leurs
hésitations, dans la mesure oü,
contrairement aux périodes
précédentes,
les
investissements des années 1980 n'étaient pas
motivés par des stratégies managériales visant à contrôler le
processus de production,
à
réduire les coOts de main d'oeuvre, et
à maximiser les profits. A la base de ces
investissements,
s e
trouvait
la nécessité de répondre à
la concurrence, même si
l'expérience prouva que ce sont
les syndicats qui en ont
le plus
souffert à cause de
la réduction des effectifs
liée aux
licenciements massifs induits par
les nouvelles technologies.
Ainsi,
pour Roberts
(1982),
les syndicats devaient définir
leur contribution aux réponses managériales à apporter à
la
concurrence internationale.
Par contre,
selon Deutsch (1982),
les
solutions aux problèmes posés par les nouvelles technologies et

132
la concurrence devaient être politiques:
il fallait plus de
régulation gouvernementale en ce qui concerne l'introduction des
nouveaux systèmes de production,
plus de protection
légale pour
les syndicats,
et plus de formation sur
les nouvelles techniques
de production en direction des délégués syndicaux afin de leur
permettre de mieux assumer leurs
fonctions.
Revenons un peu sur l'implication des syndicats dans
le
processus décisionnel
relatif à
l'introduction des nouvelles
technologies,
implication sans
laquelle toute participation à
l'élaboration et à
J'exécution des politiques de formation est
illusoire. L'introduction des nouvelles
technologies comprend en
général
trois étapes:
le planning,
la sélection,
et
la mise en
oeuvre
(Cressey et Di Martino,
1989).
Parmi ces
trois étapes,
la
première est
la plus
importante parce que
les décisions prises à
ce niveau sont généralement
irréversibles.
Donc,
la capacité des syndicats à participer à
la définition
des politiques de formation dans
leurs firmes dépend de leur
implication dès cette première étape. L'argument est
très bien
développé par Kochan et Tamir (1989;
p.72) qui expliquent que "la
façon dont
les questions relatives à
la formation professionnelle
sont
introduites dans
les négociations collectives varieront
selon que
les syndicats et
les employeurs utiliseront une
approche consultative concernant
les nouvelles technologies au
niveau stratégique des relations industrielles, ou
que les

133
employeurs chercheront à
contrôler et à
s'accaparer du pouvoir en
limitant
l'accès des syndicats à
l'information et A la
consultation au
COUTS des premières étapes du processus de
décision concernant
l'introduction de ces nouvelles
technologies",
Cependant,
la plupart
du
temps,
les
travaux sur
les
nouvelles
technologies et
la formation professionnelle omettent
de préciser en quoi
devra consister
le rôle des syndicats dans
les politiques de formation.
De telles
précisions n'existent que
dans
travaux
relatifs aux cas de
succès
(Suède,
Japon,
Allemagne). Ceci est probablement dû au fait
que
l'existence
antérieure aux années
1980 de mécanismes
bien établis de
concertation entre
l'Etat,
les employeurs,
et
les syndicats,
rendit
la tâche des chercheurs moins difficile que lorsqu'il
s'agissait d'examiner le cas des pays dans
lesquels de tels
mécanismes étaient absents (France. USA).
En quoi
la nature des syndicats était-elle une variable
déterminante dans
leur attitude face aux nouvelles technologies
et à
la formation?
Les syndicats de métiers ("craft unions") agissent-ils
différemment des syndicats
industriels
("industrial unions")?
La plupart des
travaux ignore cette variable.
Selon Slicther
et aiii
(op.cit. j
p.34S),
l'attitude des syndicats face au
changement technologique est déterminé par "la nature du

134
syndicat.
les conditions de
l'industrie ou de
la firme,
la nature
des changements technologiques, et
]e niveau de progrès de ces
changements".
Des arguments
similaires ont
été avancés par
Landsburry et
Hamber
(op.cil.),
et
plus explicitement
par Roberts
(1982).
Les syndicats industriels et
les syndicats de métiers
diffèrent aux niveaux de
leur composition et de leurs actions.
Les premiers sont
inclusifs alors que
les
seconds
sont
plutôt
exclusifs dans
la mesure où
ils n'organisent
que
les travailleurs
qui possèdent
les qualifications du métier. Par conséquent,
les
syndicats de métiers sont
plus concernés que
les
syndicats
industriels par
la défense des caractéristiques particulières de
leur profession,
par la protection de leurs métiers grâce à une
restriction du nombre de candidats qui
y sont admis,
et par les
cllangements pouvant
intervenir dans les structures de
négotiations ("bargaining units").
En outre.
les membres des syndicats de métiers
jouissent
d'une plus grande flexibilité sur
les marchés externes du
travail
compte tenu de
l'uniformisation de
leur formation qui conduit à
l'acquisition de qualifications transférables. En défense de
leurs métiers,
les membres de ces syndicats
("craftworkers") sont
plus enclins que
leurs homologues des syndicats
industriels à
imposer certaines rigidités sur les marchés
internes du
travail.
Ceci est
lié au fait que
les qualifications des
travailleurs

1 35
organisés par métiers sont définies socialement alors que celles
des "travailleurs industriels"
sont définies par les technologies
utilisées
(Gulowsen,
1988).
Ces différences entre syndicats de métiers et
syndicats
industriels ont des
conséquences
importantes
SUT
les
réponses
qu'ils apportent
à
l'introduction des nouvelles
technologies et
sur
la façon dont
ils définissent
leurs responsabilités en
matière de formation. Lorsque les travailleurs sont organisés par
des syndicats
industriels,
l'existence d'une flexibilité des
marchés internes du
travail et
le rôle déterminant des
technologies dans
la définition des qualifications,
rend plus
aisée
la réorganisation fréquente
(par
les dirigeants) des
processus de production dans
la mesure où les qualifications
deviennent obsolète avec
l'évolution technologique
(Gulowsen,
op.cit.).
Ceci est
lié au fait
que
la réponse des syndicats
industriels à une telle réorganisation consiste souvent à
demander des augmentations de salaires,
l'application des règles
d'ancienneté,
la guarantie de
la sécurité de
l'emploi, et des
restrictions en matière de sous-traitance
(Slichter et alii.,
o p s c i L, ; Kennedy et al.,
1982).
Donc,
les syndicats industriels ont du mal à s'opposer aux
conséquences des changements technologiques une fois que ces
derniers auront été introduits. C'est donc au cours des premières
étapes de ces changements qu'ils doivent s'impliquer.
Cependant,

136
la centralisation des négociations collectives au sommet, entre
les mains des confédérations (comme cela arrive souvent dans
le
cas des syndicats industriels),
augmente les chances
d'acceptation par
les
travailleurs,
au niveau de
la
firme,
des
conséquences résultant des changements technologiques
introduits
6
par
les dirigeants de
la
firme.
En effet,
selon Bamber,
il est plus facile pour quelqu'un
qui se situe au sommet d'accepter
l'introduction des nouvelles
technologies et ses conséquences sur les
lieux de travail que
cela ne
('est pour
les travailleurs qui sont directement
concernés. Ainsi,
la nature et
les stratégies des syndicats
industriels
limitent
leur capacité à
jouer un rôle central dans
les décisions
relatives au nouvelles technologies et à
la
forma t ion,
L'attitude de départ des syndicats de métiers vis à vis des
nouvelles technologies est une attitude de rejet,
à cause des
risques de modification de la composition des qualifications
("skill-mix") qui
peut déboucher sur une transformation de la
nature des métiers.
Cependant, une fois que
les nouvelles
technologies sont
introduites,
les syndicats de métiers ont
tendance à exiger une définition précise des postes.
]ls exigent
également des accords collectifs sur la signification pratique
6 Voir
le
cas
des
travailleurs
de
l'automobile
et
de
la
communication (Kennedy et a t Lt • ,
1982).

137
des nouvelles qualifications,
et sur
le type de formation
nécessaire à
J'utilisation des nouveaux investissements.
Rainbird (1988;
p.ISO-lBI) explique que "c'est parmi
les
travailleurs de métiers que
les composantes politique et
organisationnelle
(du débat
sur
la formation) ont été les plus
apparentes,
et
ont
été à
la base des
critiques des employeurs qui
se plaignaient de
la rigidité des maTchés
internes du travail
créées par
les
syndicats
...
parce que
la tentative des
employeurs de former des
travailleurs polyvalents remettaient en
question les caractéristiques de base du métier de chaque
syndicat",
En outre,
le recours par
les syndicats de métiers à
des structures de négotiations décentralisées, augmente leur
capacité de résistance à
l'introduction des nouvelles
1
technologies.
Pour toutes ces raisons, au cours des années 1980,
les
syndicats de métiers étaient plus
impliqués dans
le débat sur la
formation
professionnelle que
les syndicats industriels.
1 V .
aIr
le
cas du
syndicats
de
la métallurgie
(International
Association of Machinists,
IAM) dans
les travaux de Nuit y,
1982.

138
II.3.
Centralisation versus décentralisation dans
les
systèmes de formation professionnelle
Le
fait
que
les Français et
les Américains aient
échoué dans
la construction d'une main d'oeuvre qualifiée au cours des années
1980 avec
leurs
systèmes de
formation
respectivement
centralisé
et décentralisé,
et que
les Japonais et
les Suédois aient
par
contre réussi avec
leurs systèmes respectivement décentralisé et
centralisé
indique que
la question ne se situe pas exclusivement
l
à
ce niveau.
Elle se situe au niveau des conditions dans
lesquelles
la décentralisation et
la centralisation sont
organisées.
L'une des caractéristiques des années
1980 a été
le nombre
croissant d'accords collectifs
relatifs à
l'introduction des
nouvelles
technologies et à
la formation des travailleurs non pas
au niveau national ou de
toute une
industrie comme cela se
passait auparavant,
mais au niveau de
la firme
individuelle. Ce
phénomène était particulièrement visible dans
les firmes où le
rapport de force était
largement en faveur des employeurs donnant
même lieu dans certains cas à une substitution des accords
collectifs par des accords
inviduels
(entre un employeur et un
travailleur)
(Kochan et a l t i ; ,
1986).
Cette transformation des relations industrielles,
fréquentes
dans
les pays à contexte conflictuel,
correspondait dans
les
faits à
l'introduction d'éléments de décentralisation
(par
exemple en France) et de dé-régulation (par exemple en Italiej

139
voir Garonns et Valcavi,
1986) dans
les
rapports entre
les
partenaires sociaux. Un examen superficiel de ces changements a
conduit de nombreux auteurs à
conclure
l'avènement d'une période
d'expansion
irrésistible des
forces
du marché ou de dé-régulation
généralisée.
Ainsi.
pour Cressey et Di Martino
(1989),
au cours des
années 1980,
les lois et règlements organisant
les relations
industrielles constituaient des obstacles à un véritable dialogue
entre partenaires
sociaux à cause du dynamisme et
des
incertitudes
liées aux nouvelles
technologies.
Suivant
une
logique similaire,
d'autres auteurs ont
conclu que
la négociation
des ajustements nécessaires aux nouvelles
technologies produisait
de meilleurs
résultats
lorsqu'elle était organisée au niveau de
la firme
individuelle que
lorsqu'elle
l'était au niveau d'un
secteur
industriel,
ou au niveau national
(Ebel,
1985;
Kassalow,
1989;
Jacobi,
1988;
Kochan et Tamir,
1989;
Kanawaty et a l i i . ,
1989),
Cependant,
ces
partisans de
l'instauration de
relations
industrielles décentralisées n'ont
jamais réussi
à
démontrer
clairement
les obstacles à
une
combinaison de négociations au
niveau de
la firme
individuelle et
de négociations
centralisées.
A partir d'une étude du cas
hollandais au cours des années
1980,
Akkermans
et alii.
(1986)
ont montré
comment
un
système
corporatiste centralisé a
réussi
à
s'ajuster au nouveau contexte

140
économique et
technologique en intégrant des mécanismes de
négociation décentralisés dans son système de formation,
sans
pour autant abandonner ses institutions centralisées.
La relation souvent faite entre système de formation
centralisé et régulation stricte (Ryan,
1984} suppose que
le
contrôle
(en vue d'une certaine homogénéisation) de l'élaboration
et de la mise en oeuvre des politiques de formation doit
nécessairement se faire par
le biais de lois et règlements.
Cette
conviction est
par exemple présente parmi
les
employeurs
américains qui se sont
traditionnellement
tenus à
l'écart du
système de formation géré par
l'Etat afin de protéger
leur
indépendance dans
la mise en place de
leurs politiques de
qualification.
En fait,
contre
les arguments du courant décentralisateur
des années
1980 discuté ci-dessus,
il
faut dire que
le système de
formation américain, avec son haut niveau de décentralisation,
constituait un cas d'économie de marché qui,
abandonnée à sa
propre logique,
était
incapable de guarantir
la qualité et
la
quantité de travailleurs qualifiés dont avaient besoin
les
employeurs.
II
y avait deux raisons à cela.
Premièrement,
les qualifications sont un bien public
(Streeck,
1989).
Deuxièmement. au cours des années
1980,
les
risques de débauchage opportuniste
("free riding t' )
augmentèrent

141
d'autant
plus que
les coûts de formation d'une main-d'oeuvre
qualifiée étaient difficile à supporter
individuellement par
chaque firme,
compte tenu de
la crise économique.
En effet,
dans
les économies de marché,
des mécanismes de régulation sont
nécessuires à
la guarantie des
investissements
en
formation
(Mason et
Russel,
1986),
Ces mécanismes ne prennent
pas
forcément
la forme de
lois comme cela a été suggéré pur Ryan
(op.cil.). Ce
qu'il faut
c'est"
J'existence de
ressources collectives. de
valeurs et d'objectifs communs que des individus agissant
rationnellement
(c'est à dire en fonction de
leurs
intérêts
individuels] ne peuvent généralement pas créer.
susciter, ou
protéger. même lorsqu'ils en reconnaissent
l'importance vitale"
t s t ee e c k ,
1989:
p.89).
Ces ressources collectives,
valeurs et objectifs communs,
doivent nécessairement être construits à
l'intérieur du
système
de relat ions
industriel les,
et exigent
(en vue de
leur
institutionalisation) une dynamique de concertation,
d'échange,
et de reconnaissance mutuelle entre partenaires sociaux. Les
actions concertées sont en général
facilitées
par
l'existence de
syndicats de
travailleurs et d'associations patronales
centralisées et
regroupant
la majorité de
leurs membres
potentiels
(Boyer,
1989).
En effet, de telles formes d'organisation permettent
la
création d'une discipline interne
imposable à
tous
les membres,

142
et guarantissent
l'homogénéisation et
le contrôle des accords
issus des négociations entTe
les partenaires sociaux.
SUT le plan
de
la formation des
travailleurs,
elles permettent deux choses.
Premièrement,
elles stimulent
la mise en place de stratégies de
formation au niveau d'une industrie au détriment de stratégies
(plus coûteuses) au niveau de
la firme
individuelle. Ensuite,
elles réduisent
les risques de domination des systèmes de
formation par l'un des partenaires sociaux.
III.
Synthèse:
identification des
facteurs
fondamentaux
permettant
de comprendre
les performances des
stratégies de formation professionnelle
L'analyse précédente des
travaux réalisés sur les questions
de formation professionnelle,
et sur
les rapports entre
stratégies de formation et relations
industrielles permet
d'identifier trois catégories de critères d'analyse fondamentaux.
La première catégorie est celle des "critères structurant"
qui déterminent
les formes
institutionnelles d'un système. Elle
comprend
les éléments historiques relatifs aux périodes
formatives des systèmes nationaux de formation professionrleIle et
de relations industrielles.
La deuxième catégorie est celle des "critères contextuels"
qui
inclut
les facteurs déterminants de J'environnement de la
période qui est
l'objet de la recherche.
Ces critères
jouent un
rôle déterminant dans la nature des
intérêts défendus et des

143
objectifs
poursuivis
par
les
partenaires
sociaux.
La dernière catégorie est celle des "critères discriminant"
qui
permettent d'expliquer
les performances variées de systèmes
similaires. Ces critères peuvent être définis comme
les moyens
(matériels ou
immatériels,
objectifs ou subjectifs,
institutionnels ou individuels) utilisés par
les partenaires
sociaux pour
(a satisfaction des besoins en qualifications,
et
qui varient d'un pays à un autre,
d'une
industrie à une autre, ou
d'une firme à une autre.
Ces moyens
constituent
les ressources
mobilisables des systèmes de formation professionnelle. Leur
absence ou
leur présence aura un
impact direct sur
les
performances de ces
systèmes.
111.1. Les crit~res structurant
Deux facteurs
structurant ont été retenus à partir de
la
revue de
ta
littérature.
Ce sont
l 'histoire,
et plus précisément
les périodes
formatives des systèmes de formation et celles des
systèmes de relations
industrielles.
111.1.1. Les syst~mes de formation
Un système de formation est une institution dotée d'une
structure et d'un mode d'organisation. Toute institution a une
histoire dont
le moment
le plus
important est
la période de
formation.
C'est au cours de cette période que
les composantes de
base de sa structure et de son organisation sont établies.

144
Une fois établis.
ces éléments de base démontrent une
certaine capacité de résistance au changement qui est à
la base
de leur reproduction dans
le temps.
Cette capacité de résister au
changement
est due au fail
que
toute
institution est
caractérisée
par de~ pratiques,
un
système de valeurs,
et
des moeurs qui
sont
à
la base de
son
fonctionnement,
et
de
ses rapports avec son
environnement.
Le niveau d'acceptation de ces pratiques,
valeurs,
et moeurs par
les parties prenantes à
l'institution détermine
leur degré d'identification à elle,
ainsi que
la qualité des
performances qui
résulte de
leurs
interactions.
Donc, une institution peut être performante ou ne pas
l'être.
Par conséquent,
un
système de formation professionnelle
sera capable au
incapable de produire
les qualifications
nécessaires au bon fonctionnement des
industries et
services.
Il
sera également en mesure ou non de satisfaire
les besoins de la
société au sens
large du
terme
(par exemple,
besoin d'intégration
et de citoyenneté par
l'acquisition d'une formation
professionnelle socialement reconnue).
A un moment donné,
ta question que se pose le chercheur
consiste à se demander pourquoi certains systèmes de formation
ont été plus efficaces,
et continuent à être plus efficaces que
d'autres dans
leurs aptitudes à répondre à
la demande en
travailleurs qualifiés et aux attentes de
la société.
Les débuts
de réponse se trouvent souvent dans
l'étude des périodes

145
formatives. C'est ce qui
justifie l'importance d'une étude des
origines historiques des systèmes de formation comme
facteurs
structurant et contraignant
sans
lesquels
il
est difficile
d'expliquer et de comprendre
les méthodes de formation utilisées
dans
un
pays ou dans
une
industrie
SUT
une
période de
temps
étendue.
Comme spécifié ci-dessus,
les
périodes
formatives
sont
les
moments
les plus déterminants de
'histoire des
institutions. En
effet,
au
cours de
ces
périodes,
les débats
permettent
aux
différentes parties prenantes de préciser
leurs positions,
et
d'en améliorer
la
logique et
la cohérence
interne.
Egalement,
les
textes
juridiques et
réglementaires qui
doivent
être à
la base de
la gestion des
institutions concernées sont élaborés.
Enfin,
les
rôles sont distribués ou conquis,
la manière dépendant de
la
nature et du contenu des débats.
Il Y aura distribution par consensus,
et accord sur un cadre
de base pour
la formation si
les débats
n'ont
pas été
conflictuels. Dans ce cas,
il y aura de fortes
chances qu'il en
résulte un système de formation performant. Par contre,
il y aura
conquête,
et
recours à un
cadre imposé,
si
les débats ont été
conflictuels au cours de
la période de formation.
De tels débats
résultent en général des systèmes fragmentés et peu performants.
Les périodes formatives constituant
les moments
les plus

146
importants de
l'histoire des
institutions.
les années qui
les
suivent sont souvent des moments de renforcement,
de réformes,
ou
d'affaiblissement partiel des systèmes existant.
Cela signifie
que
les
institutions et
leurs structures ne sont pas d'une
rigidité absolue.
Elles changent
lorsque
les
facteurs qui ont été
à
la base de
leur établissement changent, même s'il
faut
reconnaître que
toute
institution acquiert
progressivement
un
certain niveau d'autonomie vis à vis de son environnement
interne
et e~terne une fois qu'elle a été créée.
Les processus de
transformation des
institutions sont de
deux natures.
Ils sont soit
incrémentalistes
(par
t'apprentissage),
soit brusqlles
(par rupture).
Les
transformations qui découlent de ces processus sont
soit
irréversibles.
soit
temporaires. Tout dépend de
la profondeur des
changements qui
sont à
l'origine de ces
transformations,
et des
niveaux de convergence ou de divergence d'appréciation que
les
partenaires sociaux ont de ces changements.
En effet,
les processus de
transformation
(par rupture ou
apprentissage)
seront plus
faciles et
rapides
lorsque
les
partenaires sociaux auront une compréhension similaire de
la
nécessité d'une
telle transformation.
C'est donc parce que
les changements technologiques qui ont
eu
lieu dans
les secteurs de
la machine à outils
français et
américain au cours des années
1980 semblaient ouvrir une époque

147
nouvelle,
notamment
en ce qui
concerne
les
stratégies de
qualification des
travailleUl"S,
qu'il nous a semblé
important de
remonter aux origines des systèmes de formation des deux pays,
afin de mieux comprendre
leurs difficultés d'ajustement au cours
des
années
1980.
111.1.2. Les
systèmes de relations
industrielles
Les systèmes de
relations
industrielles étant des
institutions au même titre que
les systèmes de formation
professionnelle,
les
logiques de création,
d'évolution,
de
transformation (et éventuellement de disparition)
décrites ci-
dessus s'appliquent à
eux.
En d'autres
termes,
les origines de
leur fonctionnement
et de
leur structure actuels se
trouvent dans
leurs périodes de formation.
C'est au cours de ces périodes que
sont établies
les règles qui
régissent
les rapports entre les
différents acteurs.
{.es caractéristiques de ces
fonctionnement
structure,
et
l
rapports ne sont cependant pas
irréversibles. Elles sont
susceptibles de changements par le biais de processus variés. Les
années 1980 ont constitué une période de
transformation des
systèmes de relations
industrielles français et américains. La
nature de cette tl"ansformation sera discutée dans
l'un des
chapitres suivants.
L'intérêt d'une prise en compte des relations
industrielles

148
dans
l'analyse du fonctionnement et des performances des systèmes
de formation a été discuté dans
l'introduction à ce travail de
recherche, et
surtout dans
les deuxième et
troisième sections du
présent chapitre.
Il a été précisé que si
les débats autour des
questions de qualification sont en général
d'origine
technique et
économique.
les performances des
stratégies de
formation mises en
place pour
répondre aux besoins de
l'industrie dépendent
dans une
large mesure de
la nature des
relations
industrielles.
Les relations
industrielles sont donc au centre des
stratégies de
formation.
Elles
sont
également au centre de
la
construction des
systèmes de
formation.
En effet,
les
positions
adoptées par les partenaires sociaux
lors des débats sur
la
création des systèmes nationaux de formation,
les conflits ou
consensus qui
surgissent à
l'occasion de ces débats,
les rôles
distribués ou conquis,
les accords ou désaccords sur
la mise sur
pied d'un cadre de base pour
la formation,
sont
toutes des
questions de relations
industrielles.
Elles
le sont dans
la
mesure où 1) elles sont directement
liées à
l'organisation du
travail
et à
la gestion de
l'un de ses aspects fondamentaux,
les
qualifications,
et
2)
elles mettent en jeu
les
intérêts sociaux
et professionnels des différentes parties.
Une étude combinée des
trajectoires historiques des systèmes
de formation et de
relations
industrielles dans un
pays donné,
permet -
de voir comment
les règles de fonctionnement,
et
la

149
structure des systèmes de formation ont été influencés par la
nature des relations
industrielles au cours des périodes
formatives -
de voir en quoi
les changements
intervenus dans
les
rapports de force entre partenaires sociaux au sein du
système de
relations
industrielles ont
contribué aux
transformations des
systèmes de formation,
ct -
de voir si
les changements constatés
dans
les systèmes de relations
industrielles des années
1980, ont
permis
(ou
pouvaient
être
considérés
comme
les
signes
précurseurs)
une amélioration ou d'une détérioration des
performances des systèmes de formation
français et américain.
Ce sont
tous ces éléments qui
font
de
l'histoire des
systèmes de relalions
industrielles et des systèmes de formation
des facteurs
structurant des stratégies de qualification.
III.2.
Les critêres contextuels
Ces critères regroupent
les
technologies et
la concurrence,
les deux étant dans une large mesure
liés. En effet,
llapparition
de nouvelles
techniques de production ouvrent souvent des
possibilités de prospérité qui aiguisent
la concurrence
inter-
firmes.
Les critères contextuels diffèrent des critères structurant
par
leur degré plus élevé de variabilité dans
le temps.
Les deux
critères considérés,
la technologie et
la concurrence
sont
1
d'origine externe. En cela,
ils constituent des formes de
spécificité faible.
dans
la mesure où leurs caractéristiques

ISO
existent sous
la forme d'une information dont
tous les
partenaires sociaux,
surtout
les employeurs,
peuvent
disposer.
(Ils s'opposent ainsi aux critères discriminants discutés dans
la
section suivante,
qui sont d'origine interne,
et qui
COTlstituent
des
formes de spécificité forte dans
la mesure où ils sont par
nature propres à
chaque groupe de
partenaires sociaux,
à
chaque
pays,
ou à
chaque firme).
Cette différence entre formes de spécificité
faible et forme
de spécificité forte est
importante du
point de vue des
performances des systèmes de formation.
Les formes de spécificité
faible que sont
la
technologie et
la concurrence
influencent mais
ne déterminent
pas
les capacités des systèmes de formation à
produire
les qualifications nécessaires.
Par contre,
les formes
de spécifité
forte
jouent un
rôle déterminant dans
la façon dont
les systèmes de
formation s'adaptent à
un nouvel environnement
technologique et concurrenciel.
111.2.1. Le
critère technologique
Le
fait
que
les changements
technologiques soient souvent à
l'origine des débats sur
l'ajustement ou la réforme des systèmes
de formation en font
un
facteur contextuel
important.
Les
changements technologiques qui conduisent à
la transformation des
systèmes de formation sont en général de nature
"révolutionnaire". Cela
fut
le cas de
la mécanisation des
systèmes de production et de
l'avènement du Fordisme à
la fin du

15 l
19ème siècle. Cela ft été
le cas de
l'apparition des systèmes de
production informatisés au cours des années 1970-1980.
Une discussion pourrait s'instaurer sur
le fait de savoir si
la stabilité sur une
longue période des
techniques de production
résultant de telles révolutions technologiques, ne
fait
pas de
ces dernières des
facteurs structurant
(plutôt que des facteurs
contextuels)
au même titre que
les caractéristiques historiques.
La différence se situe dans
le fait que
les changements
technologiques sont extérieurs aux systèmes de formation, alors
qu'il
n'est
pas possible de séparer ces derniers de
leur
histoire.
En outre,
l'un des traits particuliers des technologies
informatisées qui
prévalent aujourd'hui
réside dans
la rapidité
de
leur obsolescence,
contrairement à
l'expérience relativement
longue de
la mécanisation des processus de production.
Enfin,
l'aptitude des
industries à contrôler
les rythmes d'obsolescence
des nouvelles technologies,
afin de stabiliser
leur évolution.
est
souvent considérablement réduite par
le fait
que ces
innovations viennent
fréquemment d'une autre
industrie. Ainsi, au
cours des années
1970 et
1980,
l'informatique a été à
la base de
la plupart des changem~nts technologiques.

152
111.2.2. La concurrence
Sa nalure contextuelle est indiscutable.
Ici, elle est
perçue comme un moyen de pression
(dont
l'intensité varie en
fonction du' moment)
sur les systèmes de formation et sur
les
partenaires sociaux.
La concurrence concerne surtout
la firme qui
est une organisation tenue à une certaine efficacité dont dépend
sa survie.
Cependant!
elle concerne aussi
les deux autres acteurs
principaux que sont
l'Etat. ainsi que les travailleurs et
leurs
organisations.
Pour les
travailleurs, une concurrence
intense contient des
risques de
licenciements,
surtout
lorsqu'elle est combinée à des
changements technologiques. Pour l'Etat, elle constitue un test
de sa capacité à créer l'environnement
institutionnel nécessaire
à un bon positionnement des firmes.
Compte tenu du
fait que
la concurrence peut être une menaCe
pour tes
intérêts de tous
les partenaires sociaux, elle constitue
un facteur qui
peut conduire à un meilleur fonctionnement des
systèmes de formation par le biais d'un changement dans
les
attitudes et comportements des acteurs de ces systèmes dans
le
but d'assurer
la survie de
la firme ou de
l'industrie.
111.3. Les critères discriminants
Ce sont
les critères qtli expliquent
les variations de .
performances d'une firme à une autre,
d'une
industrie à une
autre, ou d'un pays à un autre,
au cours d'une période donnée.
Les critères discriminants choisis sont
rangés dans deux

153
catégories.
La première
catégorie
concerne
les capacités
d'organisation de chaque groupe de partenaires
sociaux.
et
plus
particulièrement celles des travailleurs et des employeurs.
La
deuxième catégorie porte sur
la nature des
interactions entre
les
partenaires sociaux,
et
surtout
sur
les
canaux utilisés pour
ces
interactions. Dans
l'analyse de ces canaux,
l'accent est mis sur
l'existence ou non de mécanismes
d'échange et de
concertation
entre
les partenaires
sociaux.
L'importance des facteurs discriminants choisis part de
l'argument
déjà développé
selon
lequel
si
les
besoins et
stratégies de formation partent des changements
technologiques et
économiques,
le succès de ces stratégies dépend de
la façon dont
les partenaires sociaux défendent
leurs
intérêts 1 et des rapports
de force politiques qui
s'instaurent entre eux.
En effet,
la
formation étant par nature une action collective
impliquant Etat.
travailleurs,
et employeurs
(ou au moins deux partenaires parmi
les
trois),
ce sont
les relations qui se créent entre eux qui
seront déterminantes (lans
llexécution des stratégies de
formation.
A moins que
l'organisation collective des partenaires
sociaux ne soit
interdite ou impossible,
ce sont
les syndicats de
travailleurs,
et
les associations patronales qui constituent
les
meil leurs outils de mesure du potentiel politique des partenaires
sociaux.
Et.
c'est
la façon dont ces syndicats et associations

154
patronales percevront
la défense de
leurs
intérêts dans
les
débats sur
la formation qui déterminera
l'existence ou
l'absence
de d'échange et
de
concertation sur
les
questions de
formation.
111.3.1. Les capacités d'organisation des
travailleurs
Pourquoi
les capacités d'organisation des travailleurs,
en
particulier à
travers
tes syndicats,
constituent-ils un critère
qui
fait
la (lifférence en matière de stratégie de
formation,
d'une
entreprise à une autre,
d'une
industrie à
une autre,
ou
d'un pays à un autre?
(Il est
important de reconnaître que
les
syndicats ne représentent
pas forcément
les meilleurs canaux
d'expression collectives des
travailleurs notamment
lorsque
les
périodes de crises conduisent à
leur affaiblissement. Au cours de
cette recherche,
il sera tenu compte des autres formes de
regroupements auxquels
les
travailleurs ont eu recours au cours
du débat sur
la formation des années 1980).
Il
existe deux cas extrêmes.
Il y a celui dans
lequel
les
capacités d'organisation des
travailleurs sont nulles.
Il ya
ensuite
le cas des capacités d'organisation très élevées du type
du syndicalisme scandinave des années
1960 et
1970, dans
lequel
un seul
syndicat regroupe
la presque totalité des travailleurs.
Dans
le premier cas,
les
travailleurs seront
incapables de
défendre collectivement
leurs
intérêts dans
le domaine de la
formation.
Les négociations en mati~re de formation auront
tendance à se dérouler entre
l'employeur individuel et
le

155
travailleur individuel.
Le rapport de force politique étant en
faveur de
l'employeur,
les stratégies de formation seront
étroitement adaptées aux besoins immédiats du système de
production.
Une
telle tendance sera particulièrement visible au cours
des périodes de crise,
dans
la mesure on les parterlaires sociaux
auront
tendance à privilégier
leurs
intérêts rationnels.
L'approche par les
individus de
la formation professionnelle est
à
la base de
l'analyse néo-classique.
Elle est
cependant
très peu
réaliste dans
la mesure où même en J'absence de syndicats,
les
travailleurs adoptent des formes d'organisation
informelles ou
implicites qui
influencent
le comportement des
travailleurs
individuels.
Dans
le deuxième cas,
les travailleurs défendent
leurs
intérêts collectivement.
Leur syndicats constitue une force que
l'employeur ne peut paS
ignorer dans
l'élaboration des stratégies
de formation.
Il existe donc un certain équilibre des forces
divergentes. Dans ce cas,
l'employeur a
intérêt à stimuler
la
participation des syndicats pour plusieurs raisons.
Leur
exclusion peut déboucher sur
(eur opposition à
l'exécution des
stratégies de formation.
Ensuite,
compte tenu du fait qu'ils
regroupent
la majorité des
travailleurs,
leur acceptation des
stratégies mises en place constitue une garantie pour
l'exécution
de ces dernières.

156
Les capacités d'organi,sation des
travailleurs ont donc un
impact direct sur
l'existence ou
l'absence d'échange et de
concertation sur
les questions relatives à
la formation
professionnelle.
111.3.2. Les capacités d'organisation des
employeurs
Le schéma de
raisonnement
est
le même que
celui
qui
a
été
utilisé dans
le cas des
travailleurs.
La prise en charge des coOts de formation par
l'employeur
individuel
risque de déboucher sur une sous-optimisation de ses
gains.
Le risque
le plus
important auquel
il
s'expose est
le
débauchage de ses travailleurs qualifiés {dont
il a supporté
les
coûts de formation}
par
les concurrents qui
préféreront ne pas
investir dans
la formation,
mais proposer des salaires
relativement élevés aux
travailleurs qualifiés dont
ils ont
besoin et dont
la formation a été assurée par d'autres
(c'est
le
phénomène du
"free rider").
Ces risques sont
largement atténués par
l'existence
d'associations
fortes d'employeurs, à cause des engagements
implicites ou explicites pris par ces derniers
les uns vis à vis
des autres.
Ceci a été discuté dans
l'une des sections
précédentes. Ces risques sont également atténués par
le fait que
l'existence d'organisation patronales fortes contribue à une
répartition des coOts de formation entre
les employeurs.

1 57
Dans
les contextes
caractérisés par des
relations
industrielles conflictuelles qui conduisent à une certaine
instabilité des engagements pris par les partenaires sociaux,
la
présence d'associations patronales
fortes a
une autre conséquence
sur le plan de
la formation professionnelle. A cause de leur
statut de dirigeants,
ou de propriétaires, ou de
dirigeants/propriétaires,
les responsables de la firme ont une
capacité d'organiser des activités de
formation privées (et de se
substituer ainsi aux centres de formation publics) que
les
travailleurs n'ont
pas quel que soit
leur niveau d'organisation.
Ainsi, en cas de faillite des systèmes de formation due à
des blocages
liés ~ des conflits entre partenaires sociaux (Etat
vs.
employeurs; employeurs vs.
syndicats; Etat vs.
syndicats),
des organisations fortes d'employeurs peuvent prendre
l'initiative d'organiser collectivement
la formation de Jeurs
t r-ave i t Leu r s .
Ces initiatives,
certes,
ne constitueront pas un
,substitut efficace à une participation des trois partenaires
Isociaux à
l'élaboration et à
l'exécution des stratégies et
!POlitiqUeS de formation.
Elles permettront cependant de réduire
1
f ·
d'
Iles conséquences néRatives découlant des dys onctlonnements
un
bystème de formation.
Tout comme
l'existence d'organisations fortes de
,travailleurs,
la présence d'associations patronales fortes ft une
ncidence directe sur les possibilités d'échange et de

158
concertation entre partenaires sociaux.
111.3.3. L'Existence de mécanismes d'échange et de
concertation
Notre revue de
la littérature a montré que les systèmes qui
ont
le mieux réussi
l'adaptation de
leur personnel au nouvel
environnement
technologique et économique sont ceux dans
lesquels
ces mécanismes étaient présents. Ces derniers sont un facteur de
succès
incontournable dans
la recherche d'un accord sur un cadre
de base pour la formation des
travailleurs.
c'est précisément parce que de
tels mécanismes sont à priori
incompatibles avec
les systèmes de relations
industrielles
conflictuelles
(qui caractérisent aussi bien
la France que les
USA), qu'ils constituent un facteur discriminant
important. En
d'autres
termes,
entre deux pays caractérisés par une
tradition
de conflits entre partenaires sociaux,
le plus performant dans
la
formation des
travailleurs sera celui dans
lequel ces partenaires
auront réussi à mettre en place de
tels mécanismes.
Dans un contexte de relations
industrielles conflictuelles,
les partenaires seront
tiraillés entre d'un côté
le maintien des
avantages acquis dans des structures institutionnalisées
(critères structurant),
et
la nécessité d'une adaptation aux
changements technologiques et de l'environnement
(critères
contextuels).
Si
les partenaires sociaux sont plus préoccupés par
. ,

159
la défense de
leurs avantages acquis que par une adaptation au
contexte dont dépend
la survie de
leur firme ou industrie,
les
mécanismes d'échanges et de concertation ne verront pas
le jour.
La suite de
la présentation et de
l'analyse des résultats de
cette recherche tiendra compte de ces différents critères.
Il
convient cependant de commencer par une présentation des douze
cas d'entreprises étudiés.

160
CHAPITRE III
LA PRESENTATION DES CAS
Introduction
De
1989 à
1991.
au
total
douze constructeurs de machines
à outils ont
été
interviewés aux USA et
en France.
Le détail
des modalités de sélection de ces constructeurs est discuté
dans
le chapitre sur
la méthodologie.
La présentation qui
suit
sera faite par pays.
Pour chacun d'eux,
les cas seront
regroupés selon leur taille. Pour chaque firme,
les données et
informations seront organisées de la façon suivante:
1.
historique
2.
stratégie commerciale et concurrence
3.
stratégie de production
4.
performances économiques
5. acquisition des technologies nouvelles et problèmes de
qualification du personnel
6.
stratégies de construction d'une main d'oeuvre
qualifiée
1.
relations industrielles
Afin de maintenir L'anonymat,
les noms
suivants ont été
donnés aux différentes firmes
interviewées. Pour
les firmes de ,.
petite taille: SAI, SA2, SF3,
SFA4.
Pour les firmes de taille
moyenne: MAI, MA2, MF3, MP4. Pour les firmes de grande taille:
LAI, LA2,
LF3, LF4. Dans chaque groupe figurent deux firmes
américaines et deux firmes françaises.
Les noms comportant la
lettre "A" désignent
les firmes américaines, alors que les
noms comportant
la lettre "p"
désignent
les firmes françaises.

161
La première version de
cette
thèse ayant
été rédigée en
Anglais,
la
lettre
"s" est
l t abb r é v i e t i o n de
"small";
la
lettre "M"
celle de
"medium";
et
la
lettre
"L"
celle de
"large",
Ainsi,
par exemple,
SAI
désignera
la première
firme
américaine de
petite taille,
alors que SF3 désignera
la
première firme française de
petite taille. LAI désignera la
premiêre firme américaine de grande taille alors que LF3
désignera
la première firme
française
de grande taille.
J.
Les Cas Américains
1.1.1.
Les firmes
de petite taille
Le cas de SAi
Historique
SA! est une petite unité familiale sans syndicat ayant un
effectif de 12 personnes. Elle fabrique des machines à outils
à
usage manuel,
s em i e-eu t oma t Lq ue ,
et automatique.
Ces machines
sont utilisées
pour
la fabrication de rideaux métalliques.
SA!
fut
créée en 1980.
Ses premières commandes venaient
de certains amis du propriétaire.
L'affaire démarra dans
le
garage de
ce dernier.
En
1981,
il
s'installa dans une zone
industrielle.
Au départ,
SA!
était
spécialisée dans
la
fabrication de rideaux métalliques.
Ce n'est
qu'à
la suite de
son déménagement qu1elle se
lança dans
la construction de
machines à outils utilisées pour
la
fabrication de ces
rideaux.

162
Stratégie commerciale et concurrence
SAI ft 250 clients
localisés sur
le
territoire américain.
Parmi eux,
il y ft ceux qui
fabriquent des rideaux en petites
séries et qui
se contentent de machines à usage manuel ou de
machine semi-automatiques.
Par contre,
les machines
automatiques qui représentent
le haut de gamme,
sont vendues à
des clients de taille plus
importante qui
fabriquent des
rideaux en grande série.
Dans sa stratégie commerciale,
SAI met
l'accent sur
la
qualité (elle possède l'un des meilleurs produits sur Je
marché américain),
le service au client
(elle possède un
service après-vente).
Ses prix ne constituent pas un avantage'
compétitif dans
la mesure où ils sont parmi
les plus élevés du
secteur.
SA!
fait
face à
quatre concurrents sur
le
territoire
national,
mais seulement en ce qui
concerne
les machines à
usage manuel
et
les machines semi-automatiques.
Pour les
machines automatiques qui
constituent
l'essentiel
de sa
production,
SA!
possède 80% du marché.
La concurrence
d'origine étrangère vient essentiellement de Taïwan et
concerne
les machines à usage manuel.
Stratégie de production
La fabrication des machines se fait
sur commandes des
clients.
Cependant,
la production de
la plupart des
,
composantes
(70~l est standardisée,
et
comprend de petites

[63
séries de 10 unités pour les composantes
les plus chères,
et
de 50 à
100 unités pour
les moins chères.
Les stocks sont peu
importants.
L'augmentation du nombre de machines automatiques
fabriquées à conduit
la société à acquérir de nouveaux
équipements dotés de systèmes
informatiques.
Il
s'est agi en
l'occurrence d'un centre de fabrication automatisé
("machining
center") d'origine
japonaise,
et de deux machines à bobinage
d'origine américaine.
Ces machines ont exigé de la part des
travailleurs
la possession de nouvelles qualifications.
Performances économiques
Jusqu'en 1987, SAI connut une croissance régulière qui se
stabi 1 Ls a
en 1989.
Au début
de
1990,
elle redémarra.
Ainsi,
SAI ne fit
pas
l'expérience des difficultés économiques et
financières
plupart des fabricants rencontra.
Acquisition des technologies nouvelles et problèmes
de qualification du personnel
SA1 acquit ses premièrs équipements informatisés au cours
de l'année 1984. Elles sont devenues
les pièces centrales de
son système de production. Deux raisons ont été à
l'origine de
ces
investissements.
Premièrement,
il s'agissait pour SAI d'améliorer sa
position vis à vis de ses concurrents.
Le nouvel équipement
permis ainsi un accroissement de la production de 70% avec la

164
même force de travail. Deuxièmement.
SAl
trouva moins coOteux
d'utiliser de nouvelles machines que de recruter des
travailleurs pour les former ensuite. Lors de notre interview
avec
le propriétaire, ce dernier semblait en effet convaincu
que
le niveau de sophistication de ces nouvelles machines
était
tel
que "tout ce que vous avez à
faire
c'est
de
leur
dire ce qu'elles doivent
faire pour qu'elles
le fassent
exactement de
la même façon à chaque demande. Avec ces
machines. on a moins de problèmes".
Le propriétaire déplorait de
l'incompétence de son
personnel.
Selon lui,
les travailleurs étaient
incapables de
manipuler
les systèmes
informatisés;
ils utilisaient une
approche par "essai et erreur"
("trial and error"). Cependant,
le propriétaire reconnaissait en même temps qu'il
n'en savait
pas plus que ses subordonnés.
Il était en effet
incapable
d'identifier
le niveau de qualification nécessaire à sa force
de travail pour une bonne utilisation des
techniques de
production
informatisées. Néammoins,
il
se disait prêt à
recruter des personnes compétentes dans
l'utilisation des
softwares,
un bon concepteur,
et des machinistes plus
qualifiés. Cependant, de
tels niveaux de qualifications
étaient difficiles à trouver sur
le marché du
travail.
En dépit de tous ces problèmes,
SAI était
l'une des
firmes
les plus performantes parmi
toutes celles qui ont été
interviewées. Ce succès semblait en grande partie
lié au fait
que SAI
s'était créée une niche sur le marché de
la machine à

165
outils.
Stratégies de construction d'une main d'oeuvre
qualifiée
SAI tenta de résoudre ses problèmes de qualifications de
deux
façons
au cours des années
1980:
le débauchage et
la
qualification par le haut.
Cinq des neuf ouvriers affectés aux activités de
production (machinistes.
assembleurs)
venaient
d'autres
firmes.
La
formation.
lorsqu'elle avait
lieu,
était assurée
par les travailleurs-clé ("key-workers").
Ces derniers étaient
des machinistes ou assembleurs envoyés dans
des centres pour
quelques semaines de formation sur mesure
("customized
training") sur la base d'un contrat à court
terme entre SAI et
le centre choisi. Les travailleurs-clé avaient ensuite pour
responsabilité de former
leurs collègues.
Dans
l'avenir,
SAI prévoyait de recruter plus de
techniciens,
ou d'élever
le niveau de compétence de certains
ouvriers à un niveau technicien par
le biais d'une formation
de longue durée. A la base de cette option,
il y avait que les
dirigeants étaient convaincus que
les techniciens étaient
les
plus aptes à s'adapter rapidement aux changements
technologiques.
Relations industrielles
Il n'y a
jamais eu de syndicat dans
la firme,
ni aucune
tentative d'en créer de
la part des travailleurs.
Selon le

166
propriétaire,
18
présence d'un syndicat aurait été
préjudiciable aux travailleurs. En partant du constat que
la
majorité des ouvriers étaient qualifiés,
le propriétaire
explica que
les syndicats n'étaient utiles qu'aux travailleurs
non qualifiés.
ces derniers
ayant besoin d'un certain
"encadrement
technique'!
pour comprendre et
surveiller ce que
font
les dirigeants de la firme.
En outre,
selon
le propriétaire,
les syndicats ont
tendance à oeuvrer pour
l'homogénéisation des salaires.
Ils
étaient
par conséquent
inutiles dans
SAI où
les salaires
étaient fonction des qualifications et surtout du rendement de
chaque travailleur. Enfin,
le dernier argument utilisé par le
propriétaire pour expliquer
l'absence d'un syndicat était que
Les organisations de travailleurs ne sont nécessaires que dans
les firmes de grande taille, dans
la mesure où des procédures
formelles et un mode de régulation particulier sont
indispensables
lorsque
les effectifs de
la firme dépassent un
certain nombre.
Ainsi,
le propriétaire permettait aux travailleurs
d'aller le voir individuellement
lorsqu'ils étaient confrontés
A des problèmes pI"ofessionnelles.
Selon lui,
cela n'aurait pas
été possible avec des effectifs importants.
Sur
le plan de la
gestion du personnel,
le propriétaire trouvait que
l'absence
d'un syndicat permettait une grande mobilité (flexibilité) du
personnel à
l'intérieur de
la firme.

167
Derrière tous
les arguments du propriétaire apparaissait
nettement une volonté de contrôler
la force de travail.
Le cas de SA2
Historique
SA2 est
une petite firme de 28 personnes

J'origine
familiale)
dans
laquelle
les travailleurs sont syndiqués.
Elle
fut
créée
il y a
64
ans.
Son activité démarra avec
la
fabrication de composantes entrant dans
la
fabrication de
machine à outils.
Il y a 25 ans,
lorsque SA2 conçut sa
première machine,
elle avait un effectif de 400 personnes. Au
cours des années 1970, elle se retrouva au bord de
la faillite
à
cause de la concurrence japonaise. Elle fut ainsi rachetée
par un holding.
Ce changement dans
la propriété du capital permit
le
maintien de SA2 dans le secteur de
la machine à outils,
l'amélioration de
la qualité de ses produits, et
Je maintien
de sa marque.
stratégie commerciale et Concurrence
Son marché se situe presque exclusivement aux USA. Outre
les japonais, SA2 fait
face à Un concurrent américain qui
importe des machines de Singapour pour
les revendre en
l'état.
Les changements intervenus dans
l'activité de SA2 et qui ont
été mentionnés ci-dessus conduisirent à une perte de
compétitivité,
et surtout à une transformation fondamentale du

168
processus de fabrication.
Stratégie de production
Au cours des années
1980,
suite aux mauvaises
performances économiques et
financières,
les dirigeants de
la
firme décidèrent de transférer la presque totalité des
activités de production en Chine, et de ne maintenir que
leur
conception aux USA.
Parce que
les dirigeants de
SA2
considéraient que
le niveau de qualification des
travailleurs
chinois était
inférieur à celui des
travailleurs américains,
les machines
fabriquées en Chine étaient démontées une fois
qu'elles arrivaient
aux USA,
revues,
et
reconstruites.
Ensuite,
elles étaient équipées d'un système de contrôle
informatique.
Le transfert de la production des machines
déboucha bien entendu sur un désinvestissement
important.
Pour chaque machine,
la reconstruction exigeait 100
heures en travail de construction mécanique, et
100 heures en
construction électrique. De temps en temps,
SA2 envoyait ses
contrôleurs de qualité en Chine pour superviser
les activités
de fabrication.
L.es machines venant de Chine représentant 90%
du produit final,
c'est donc par le biais de
l'installation
des systèmes de contrôle que se faisait
l'adaptation du
produit final à
la demande des clients. En d'autres termes,
le
caractère spécifique du
produit final
résidait dans
les
systèmes de contrôle.
SA2 possédait
trois modèles de machines
produits par séries de 20 unités.
Afin de pouvoir supporter tous ces changements,
la

169
société procéda à des
licenciements massifs,
et ne conserva
Que ses travailleurs
les plus qualifiés.
Performances économiques
Au moment de
l'interview,
la société voyait sa situation
s'améliorer et prévoyait une augmentation importante de son
chiffre d'affaires. Deux éléments étaient à
la base de cette
prévision:
le réinvestissement des deux
tiers de
leurs profits
pour
l'introduction d'un nouveau modèle à
construire sur
place,
aux USA.
avec
la collaboration de
fabricants européens.
Acquisition des
technologies nouvelles et
problêmes de qualification du personnel
Avec
le transfert des activités de production en Chine,
seule
la fabrication des composantes électroniques avait été
maintenue aux USA.
Ainsi,
les ateliers de production visités
disposaient d'un nombre
limité d'équipements. On y
trouvait
quelques machines à
commandes numériques.
Les problèmes de qualification de SA2 avaient été réduits
par le transfert de
la production en Chine.
En effet,
les
licenciements qui avaient
suivi ce transfert avaient épargné
les
travailleurs
les plus qualifiés.
Ces derniers
(pour
la
plupart des électriciens et des
techniciens) étaient également
ceux qui étaient
les plus capables de s'adapter à
la nouvelle
formule de production adoptée par SA2 qui consistait à
améliorer les machines sous-traitées en Chine,
et à y
installer des composantes électroniques.

170
Cependant,
le problème
le plus
important auquel
faisait
face SA2 au moment de l'interview concernait
la recherche
d'une main d'oeuvre qualifiée
sur
laquelle
s'appuyer pour
mener à bien son projet d'expansion qui était déjà en cours.
Stratégies de construction d'une main d'oeuvre
qualifiée
SA2 avait
une conception de
la
formation de ses
travailleurs
traduite par
les explications suivantes de son
directeur du personnel:
"avec la crise économique et
les
licenciements qui en ont résulté.
il existe sur les marchés du
travail de nombreux travailleurs hautement qualifiés.
L'objectif de notre firme est d'aller A la recherche des
meilleurs d'entre eux '"
Nous n'organiserons ni ne
financerons
aucune activité de
formation au delà de ce qui
existe déjà,
parce que
nous avons
trop de choses à
faire",
La firme n'était
donc
pratiquement
impliquée dans aucune
activité de
formation.
Les origines
de son personnel
se
passent
de
tout
commentaire:
quatre des
huit assembleurs
venaient
d'Europe de
l'Est où
ils reçurent
leur formation -
deux des
six électriciens avaient
été débauchés chez des
concurrents américains
-
quatre des
cinq
ingénieurs venaient
soit de
pays
étrangers
(deux des quatre)
ou d'autres
firmes
américaines par voie de débauchage.
Compte
tenu de ses projets d'expansion,
SA2 projettait de
doubler
Je
nombre de ses
ingénieurs.
Pour celaI
des
contacts

171
avaient
été pris Rvec
les
centres de formation pour
la
signature de contrats sur mesure
("customized training").
Relations industrielles
Cela faisait plus de 40 ans que
le International
Machinists Association (LAM) organisait
les travailleurs de
SA2. Au cours des années 1980,
les
licenciements massifs ont
considérablement affaibli
le syndicat. Les travailleurs ont
été obligés de
faire des concessions
importantes aussi bien en
ce qui concerne leurs salaires que
les formes d'expression de
leurs revendications. Ce sont ces concessions que les
dirigeants de SA2 caractérisaient comme "la prise en compte
par
le
syndicat de
l'état actuel
de
la
firme",
Les formes d'expression des
revendications avaient changé
car, malgré
la présence de
l'IAM sur
les
lieux de
travail,
les
travailleurs allaient voir
les dirigeants
individuellement
pour toute solution à
leurs problèmes professionnels.
Concernant
les s y nd i ca t s ,
la position de SA2 était
la
suivante:
les syndicats sont utilesj
SA2
accepte
leur présence
dans
la firme,
mais ne
tient pas à être submergée par eux.
Pour
le responsable du personnel.
les syndicats sont
acceptables tant qu'ils ne constituent pas des obstacles all~
décisions prises et actions menées par les dirigeants de la
firme.

172
1.1.2. Les firmes de taille moyenne
Le
cas de MAI
Historique
MAI est une firme familiale de taille moyenne avec un
personnel
de
165 membres.
Elle a
été
créée en
1947 et est
spécialisée dans
la fabrication de perceuses.
MAI est
composée
de 4 unités de production qui
furent
regroupés
en une
seule en
1980. Ce regroupement avait pour but de réduire
les coOts de
production et de simplifier
la gestion de la firme.
Les problèmes
rencontrés par
la société au cours des
années 1980 {lont contraint à rechercher le soutien des
institutions financières.
Ces dernières exigèrent en échange
de
leur aide
le recrutement d'une équipe de
jeunes dirigeants
afin d'atteindre une plus grande efficacité dans
les processus
de décision. Malgré
tout,
MAI
conserva son caractère familial.
Stratégie commerciale et concurrence
Les clients
les plus
importants de MAI
sont des firmes de
grande taille qui évoluent dans
les secteurs de
l'agriculture,
de
l'automobile,
et de
la marine.
Ces clients présentent
les
caractéristiques suivantes:
une forte
intensité
capitalistique,
un haut niveau de sophistication de
leur
produit
final,
et des prix élevés. Ainsi, MAI a une stratégie
commerciale basée sur la qualité de ses produits,
et
sur une
adaptation des machines fabriquées aux demandes spécifiques de
chaque client
("customized machine tools").

173
Stratégie de production
Au cours de
la seconde moitié des années
1980,
MAI
s'engagea dans une nouvelle stratégie de production qui
consistait à passer à une plus grande standardisation de ses
produits,
tout en maintenant
la qualité de son produit
final.
Selon MAI,
ce changement ne devait
pas entraîner une perte de
sa part de marché compte tenu du
nombre réduit de concurrents
SUT
le marché des perceuses.
Les
raisons avancés
par
les dirigeants de
la firme
pour
expliquer
leur orientation vers une plus grande
standardisation étaient
les suivants:
-
une réduction des
coûts -
une meilleure planification de
la production et des
achats - une meilleure programmation de
la formation des
travailleurs - une augmentation de
la taille des séries
fabriquées -
une plus grande simplicité dans
les
tâches de
maintenance et d'entretien des produits vendus.
Performances économiques
Au moment de
l'interview,
les performances de MAl étaient
stables. après une période difficile. Ces améliorations
avaient été possibles,
d'après
les dirigeants,
grâce au
recrutement d'un nouveau président, d'un directeur du
personnel, d'Un contrôleur de gestion, de spécialistes de
la
comptabilité analytique, d'un directeur-adjoint de
la
production,
et à
l'acquisition d'un matériel de production
informatisé.

174
Acquisition des
technologies nouvelles et
problèmes de qualifi~ation duu personnel
Au cours des années
1980.
MAI
fit
l'acquisition
de
trois
centres de fabrication qui devait permettre plus
tard une
organisation cellulaire des activités de production.
Insatisfaite par
les performances de ces machines,
elle en
acheta une quatrième.
Il avait
un
projet d'achat d'une machine
permettant de
tester
la qualilé du
produit
final
comme
l'exigeaient
les clients.
Selon
les dirigeants,
MAI avait
besoin d'un système
juste a temps
(just-in-lime
system);
ils
étaient
convaincu que
son absence
leur coûtait
trop d'argent.
Avec ce matériel, MAI prévoyait d'introduire sur
le court
terme une organisation du
travail
cellulaire.
A la base des décisions d'investissement de
la firme
il y
avait semble-t-il des raisons financières
plutôt que
stratégiques. En effet,
elle avait pu obtenir ces machines à
un
prix relativement bas.
Il
slagissait d'une occasion à ne
pas manquer.
Selon ses calculs,
cela devait
lui permettre de
réaliser un "pay back"
sur trois ans,
même dans
le cas o~ les
machines ne seraient pas utilisées à
leur pleine capacité.
L'achat de ces machines ayant été réalisé pour des
raisons d'économie de coUts,
les difficultés qui en ont
surgi
n'étaient pas surprenantes.
l.es
travailleurs S'y opposèrent
parce qu'ils ne virent pas
leur utilité sur le plan technique.
En outre,
selon eux,
ces
investissements n'avaient pas été
planifiés car les difficultés financières de MA]
n'avaient pas

175
été prises en compte dans
la décision d'investir.
Enfin l
ces nouvelles technologies exigeaient des niveaux
de qualifications que
les travailleurs de MAI ne possédaient
pas. Cette insuffisance de
travailleurs qualifiés avaient
certes des origines externes
(la rapidité des changements
technologiques), mais était également
liée à des décisions
internes, notamment
les
licenciements massifs auxquels avaient
procédé MAI,
des investissements en formation faibles,
et
J'absence d'Un plan de formation pour
les
travailleurs non
qualifiés recrutés au cours des
années
précédentes.
Stratégies de construction d'une main d'oeuvre
qualifiée
Jusqu'à ces dernières années,
MAI n'avait presque
jamais
eu recours aux centres de formation publics.
C'est ce qui
explique que de nombreux
jeunes
travailleurs étaient
recrutés
sans jamais avoir
l'occasion par
la suite de suivre une
formation quelconque. Cependant,
l'attitude de MAI avait
commencer à changer au moment de
l'interview.
Quelques
travailleurs suivaient des cOUrS de formation sur
la base de
contrats à court
terme entre MAI et ces centres. Cependant,
les coûts de formation n'étaient pris en charge par MAI que
lorsque cette dernière était
liée aux
tâches du
travailleur
dans
la firme.
Traditionnellement.
la firme avait
largement eu recours
au débauchage et à
la formation sur
le tas pour construire sa

176
force de travail
qualifiée.
Par exemple,
la plupart des
ingénieurs de conception et
de
fabrication avaient
été
débauchés.
Relations industrielles
I.es travailleurs ont
toujours été organisés par le United
Auto Workers (UAW). Le climat des relations industrielles
était paisible et
familial
jusqu'à la deuxième moitié des
années 1980. A l'origine de la détérioration il y ft eu
la
crise économique dans
le secteur de
la machine
à outils.
Selon
les dirigeants,
la conséquence en a
été une baisse
de rendement en dépit d'une augmentation de
la force de
travail après
la période de
licenciement, et de l'acquisition
de nouvelles machines. Celle baisse continua malgré la mise en
place de programmes
incitatifs grâce auxquels
les
travai11eurs
recevaient
une
rémunération additionnelle égale à
6% de
leurs
salaires
lorsqu'ils atteignaient
tes niveaux de production de
l'année précédente.
Cependant,
ces
programmes
furent
rejetés par
le
syndicat
qui
les considéraient comme une
réponse
insuffisante à
leur
demande d'augmentation de
salaires.
L'attitude des dirigeants
a
été d'adopter une attitude
ferme vis à vis du
syndicat.' Par
exemple,
les politiques de
couverture médicales
furent
révisées à
la baisse.
Pour
les dirigeants de
la
firme,
il
L'interview avec
les
représentants
syndicaux
n'a
pas
pu
avoir
lieu dans
la
firme à
cause des
risques de répression.

177
n'était
plus question d'accorder des
avantages sans qu'il
y
ail au départ une demande formelle ou des revendications de
la
part du
syndicat,
et une procédure de négotiation.
Le cas de MA2
Historique
MA2 est une société de taille moyenne,
sans syndicat.
Elle fut
créée en 1955. Elle a un personnel de 130 membres et
est spécialisée dans
la fabrication de robots et de machines à
couper équipées de systèmes
informatiques. Depuis 1973,
la
société est
filiale d'une compagnie allemande spécialisée dans
la fabrication de robots,
de machines à couper et de
mouleuses. Par l'achat de MA2,
l'objectif principal de la
compagnie allemande était de pénétrer le marché américain de
la machine à outil.
Stratégie commerciale et concurrence
MA2 est
limitée par sa société mère dans sa stratégie
commerciale. En effet,
la mission qui
lui a été assignée est
de couvrir le marché américain.
Ce n'est que récemment qu'elle
a été autorisée à vendre sur
les marchés étrangers
(Corée du
Sud,
Singapour,
et Taïwan). Le marché des robots représente
25% des ventes de MA2; il est cependant appelé à décroître. Le
marché des coupeuses représente 75% de ses ventes. La gamme
des coupeuses comprend aussi bien des machines fabriquées sur
commande uniquement
("customized machine toots") que des
machines standardisées vendues par catalogue
("catalogue

178
machine tooIS 11 ) .
Le produit
final est d'une haute qualité technique et
d'un prix élevé.
Contrairement à
la plupart des fabricants
américains, MA2 met beaucoup l'accent
sur sa stratégie
commerciale.
Elle possède une équipe de
B vendeurs
régionaux
et un système de données
informatisé qui
fournit des
informations aux clients sur tout
le territoire national.
Ses
principaux concurrents
sont américains et
japonais.
Stratégie de production
La production des robots se fait à
la pièce et est moins
standardisée que celle des coupeuses. La fabrication d'un
robot
s'étale SUT six à huit mois. La
production des coupeuses
se fait
par série de neuf à douze pièces. Au moment de
l'interview. MAI
prévoyait d'augmenter
le niveau de
standardisation des coupeuses.
Les raisons données étaient
les
suivantes: -
cela permettrait de réduire
le prix du produit
sur le marché -
les heures de travail
s'en trouveraient
réduites -
les profits augmenteraient car les commissions aux
vendeurs seraient plus élevées dans
la mesure où ils
vendraient plus de machines.
MA2 a recours à
la sous-traitance.
En fait,
dans
la
production robots,
elle agit
plus comme un assembleur que
comme un fabricant.
En effet,
les composantes de base des
robots sont acquises en Australie,
les parties électroniques
étant fournies par des sociétés américaines. Récemment, MA2 a

179
envoyé une équipe de
travailleurs
chez son
fournisseur
australien pour une formation devant
lui permettre dans
le
futur de fabriquer ses propres composantes.
Dans
le cas des
coupeuses,
la sous-traitance n'est utilisée que
lorsqu'il
y a
une forte demande du marché
(t'capacity subcontracting").
Performances économiques
Les performances économiques ont été relativement
bonnes
au cours des années
1980. Elles ont été
très élevées de
1987 à
1989.
Selon les dirigeants,
cela était dû aux plus grandes
responsabilités données aux
services marketing et ventes,
ainsi qu'aux contrôleurs de
la qualité.
Acquisition des technologies nouvelles et
problèmes de qualification du personnel
En ce qui
concerne son équipement productif,
MA2 acquit
!
sa première machine à
commande numérique en 1981-82.
En
19&9-
90,
elle en avait
six.
En
investissant dans
ces équipements,
la société recherchait
une plus grande vitesse de production,
plus
de précision,
et
un niveau supérieur de productivité.
Au moment
de
l'interview,
la plupart des équipements
conventionnels avaient été éliminés.
Cela avait entraîné une
réduction négligeable de
la force de travail.
Seuls deux
travailleurs
furent
licenciés.
l.'introduction des nouvelles machines
précéda
le
recrutement
de
travailleurs
capables de
les utiliser.
Ceux qui
avaient
les
niveaux d'ancienneté
les
plus élevés étaient

IBO
potentiellement en mesure de
le faire,
mais n'en voulaient pas
à cause des
incertitudes liées aux nouvelles classifications
qui découleraient de
la modification des modes de production.
MA2 dut proposer une augmentation significative des salaires
et avantages en nature pour que
l'un de ces
"anciens"
accepte
les nouvelles classifications
liées à
l'utilisation de
nouveaux équipements.
Selon les dirigeants de la firme.
la pénurie de
travailleurs qualifiés n'était
pas
liée à des facteurs
internes à
l'entreprise. Elle provenait plutôt de
la
détérioration des centres de formation professionnelle qui,
il
y a de cela quelques années,
transmettaient
des connaissances
théoriques à
leurs étudiants,
et
les envoyaient
ensuite en
entreprise pour
l'acquisition d'un savoir faire
(formation en
alternance).
Stratégies de construction d'une main d'oeuvre
qualifiée
La firme avait
une politique de remboursement
à 80% des
coOts de formation
lorsque cette dernière était
liée aux
activités de production.
Cependant 1
l'interview permis de
constater que
très
peu de
travailleurs eurent
l'occasion d'en
suivre une.
Le
recours
fréquent
au débauchage était
sans doute
l'une des principales raisons de
la sous-utilisation des
centres de formation.
En effet.
MA2 avait
pour tradition de ne
recruter que
les

181
ouvriers qui
présentaient
le profil suivant:
ils devaient être
titulaires d'un diplôme de formation professionnelle - et
avoir eu une expérience dans une unité de production
(petite
ou moyenne de préférence).
Selon
le directeur du personnel,
MA2 "n'avait
pas
l'intention de
jouer un rôle de
formateur
en
courant
le risque de recruter et de
former des
personnes dont
le seul objectif serait d'apprendre la profession de
machiniste et ensuite d'aller travailler ailleurs", En outre,
pour répondre aux fluctuations
de
la demande, MA2 avait
recours à des
travailleurs temporaires dont certains
finissaient
par être embauchés.
Lorsque
le besoin d'ajuster
les qualifications du
personnel apparut
(par exemple pour
la programmation des
composantes),
la formation du personnel de production fut
assurée par
les
ingénieurs de
la
rirme.
Afin que cette
formation
se passe dans
les meilleures conditions,
MA2 avait
besoin de plus d'ingénieurs.
Alors qu'au cours des années
précédentes,
les dirigeants avaient
essayé de promouvoir A un
niveau
ingénieur,
grâce à
une formation
supplémentaire souvent
faite
sur
le
tas,
les membres
les plus capables de son
personnel
de production, au cours des années
1980,
une option
fut
prise pour
le
recrutement de personnes
titulaires de
diplômes d'ingénieur.
Cette nouvelle orientation qui
accordait
plus de crédit A
une
formation acquise dans un cadre universitaire qu'à une
formation acquise sur
le tas était.
selon
le
responsable du

182
personnel,
lié à
la nature des nouvelles technologies. MA2
pensait également que
la présence de ces diplômés apporterait
plus d'efficacité dans
la formation du personnel de
production.
Le groupe auquel appartenait MA2 possédait un centre de
formation dans un autre état américain. Mais ce centre était
surtout spécialisé dans
la formation des cadres.
Relations
industrielles
Il n'y a jamais eu de syndicat dans
la firme.
Il ya
cependant eu deux tentatives d'organisation de la force de
travail dans
le passé. La dernière date d'il
ya sept ans.
MA2 utilise une politique de portes ouvertes vis à vis du
personnel. Cela signifie que les travailleurs ont
la
possibilité de rencontrer les dirigeants individuellement et à
tout moment bien qu'il existe sur le pLan interne une
procédure de résolution des conflits du travail. En outre,
tous
les six mois,
une rencontre a
lieu entre le directeur de
la firme et
les représentants du personnel.
Au cours de ces rencontres,
les discussions portent sur
Je climat des relations
industrielles. Mis à part
le
directeur,
les autres dirigeants n'assistent pas à
la
rencontre afin que
les représentants des
travailleurs puissent
exposer
leurs points de vue sans crainte de sanctions.
Les dirigeants considèrent
les syndicats comme des

183
institutions sans intérêt dans la mesure où ils limitent
les
possibilités de collaboration entre partenaires sociaux.
Selon
le responsable du personnel,
"il y a quelques années,
les
syndicats avaient
leur place sur les lieux de travail
pour
plusieurs raisons.ZII
n'en est plus de même aujourd'hui. De
plus en plus de firmes essaient de se débarasser de
leurs
syndicats qui,
généralement, n'existent que
là où les
travailleurs ne sont pas correctement
traités",
La stratégie de relations
industrielles utilisée par MA2
consistait à éviter la syndicalisation de son personnel grâce
à
l'utilisation de bonus,
à des innovations en matière de
gestion des
ressources
humaines
(par exemple,
la politique des
portes ouvertes), et à des améliorations dans
les processus de
socialisation (par exemple par le développement de rapport de
travail
plus étroits et
informels entre
les ingénieurs et
les
ouvriers).
Pour le directeur du personnel,
seul un environnement de
travail sans syndicat permet
J'instauration de relations
informelles et d'un niveau de socialisation tel que celui qui
prévaut dans MA2. En plus des politiques visant à rendre le
syndicat superflu aux yeux des travailleurs, MA2 était en
contact permanent avec une association (le MRA) dont
l'une des
fonctiorls était d'informer les employeurs sur
le redéploiement
des syndicats dans
"Etat du WiScorlsin.
1
.
f
Ces raIsons ne
urent
jamais précisées.

184
1.1.3.
Les
firmes de grande
taille
Le cas de LAI
Historique
LAI
fut
créée en
1860.
Elle a
un personnel de
1,100
membres. Entre 1920 et 1930,
elle perdit son statut de société
de
société familiale.
La croissance de LAI
s'est
faite
grâce à
l'acquisition d'autres unités de production,
soit
par
intégration verticale. En 1983,
la société fut
rachetée par un
holding,
avant de redevenir
indépendante à nouveau en
1989,
à
cause des problèmes financiers
rencontrés par le holding. Elle
est spécialisée dans
la production de centres de
fabrication
intégrés et de
tourneuses.
Selon les dirigeants,
SUr
le plan de
la gestion,
le
retour à un statut plus
indépendant offrait plusieurs
avantages.
Entre autres,
il
permettait un meilleur contrôle du
processus de décision,
moins de bureaucratie, une capacité de
réponse plus
rapide aux changements du marché,
et
la
distribution de dividendes
plus élevés aux actionnaires.
Jusqu'en 1976,
les
travailleurs de LAI
étaient
syndiqués.
L'affaiblissement du
syndicat,
puis sa disparition firent
suite à un conflit autour de questions
liées aux salaires et
autres
avantages sociaux.

185
Stratégie commerciale et concurrence
La ciientèle de LAI est composée essentiellement de
grosses
firmes
présentes dans
les secteurS de
la métallurgie,
de
l'aéronautique,
de
la construction,
de
l'agriculture,
et de
,'automobile.
Cette clientèle est aussi
bien américaine
qu'étrangère.
Vingt-cinq pour cent de
la production de LAI
est
exportée en Europe et
en Asie.
La
firme
travaille
également
pOUT
le Gouvernement Fédéral.
LAI
ne possède pas sa propre force de vente pour la
distribution de ses produits. Elle utilise un réseau de
distributeurs répandu à
travers
le monde.
Dans sa stratégie
commerciale, elle met
l'accent sur les qualités techniques de
son produit,
son service après vente,
et
ses prix élevés.
La
société
fait
face à une concurrence qui
vient des
constructeurs américains.
mais surtout des
japonais.
Stratégie de production
LA1 était certainement,
parmi
toutes
les
firmes
interviewées,
celle qui
possédait
le
processus de production
le
plus
intégré verticalement.
Les composantes de base,
les
systèmes de contrôle,
(de même que 85% des équipements
productifs utilisés pour
la fabrication de machines à outils)
étaient
conçus et
construits par
la firme elle même.
La gamme
des
produits
comprenait aussi
bien des machines produites sur
commande à
l'unité
("customized machines"), que des machines
standardisées
("catalogue machines").
Selon les dirigeants de
LAI,
bien que le coOt des machines produites sur commande

186
était élevé,
ils continuaient à les fabriquer car le marché
des machines standardisés montrait une tendance à
la
saturation.
Acquisition des nouvelles
technologies et
problèmes de qualification des
travailleurs
LAt
joua un rôle de pionnier dans
J'utilisation des
machines à commande numérique dans
l'industrie de
la machine à
outils américaine. Elle acquit sa première machine du genre au
cours des années
1950.
Ce
fut
à
la suite de
la fameuse étude
conduite par le MIT et
financée par
le Gouvernement Fédéral
pour le compte de J'industrie aéronautique américaine. Des
années 1970 au début des années
1980 ,
la société augmenta
sensiblement
le nombre de ses équipements informatisés à
la
suite d'une croissance de
la demande des clients.
Contrairement auX firmes de
petite taille et de taille
moyenne qui acquérirent de telles équipements au cours des
années 1980, LAI
le fit sur une grande échelle, au cours des
années 1970. La firme s'appuya beaucoup sur une organisation
cellulaire de ses activités de production au cours des années
1980.
Les avis étaient partagés au sein de l'entreprise
concernant
les qualifications nécessaires à
l'utilisation des
nouvelles technologies. Pour le responsable du personnel,
les
qualifications mécaniques (ou traditionnelles) étaient
devenues inutiles pour la fabrication des nouvelles

187
technologies,
compte tenu des
capacités des
systèmes de
production informatisés. De l'avis des contremaîtres,
tes
qualifications mécaniques constituaient
la base des autres
qualifications nécessaires à
l'utilisation des nouvelles
machines.
La plupart des investissements avaient été induits par
les demandes des clients. LAI rencontra moins de difficultés
lors de l'introduction de ces nouvelles machines que la
moyenne des
firmes
interrogées.
Ceci
était
dO à
la présence
d'une main d'oeuvre qualifiée qui était
le résultat d'une
stratégie de formation par
l'apprentissage que LA!
avait
cependant abandonnée depuis quelques années.
Les contremaîtres
interviewés avaient
très bien
compris
qu'ils
étaient
la dernière génération de
travailleurs capables
de diriger une équipe d'ouvriers avec
la compétence requise
parce qu'ils étaient
le produit
des
programmes d'apprentissage
de LAI.
Contre
J'avis de ces
contremaîtres qui
étaient
pour
le
redémarrage de
ces
programmes,
J'argument
des dirigeants était
que
la formation des apprentis
revenait
trop cher.
Stratégies de Construction d'une main d'oeuvre
qualifiée
Au moment
de notre recherche,
LAI
faisait
face à une
insuffisance de
travailleurs qualifiés capables d'assurer
les
projets de restructuration et
d'expansion en cours.
Les
besoins en personnel
de production
tels que présentés par
Je

188
responsable du personnel
pouvaient
être résumés de
la façon
suivante: des travailleurs capables d'utiliser
les nouveaux
équipements.
qui savent
lire et
interpréter les schémas de
fabrication établis par les ingénieurs de conception, qui
savent
penser,
et
sont
capables de produire une composante
avec un maximum d'initiative personnelle et un minimum de
d'instruction venant des supérieurs.
1.fi firme était
installée dans une aiTe géographique oa
elle était
le deuxième employeur le plus
important. Depuis la
quasi-destruction de son programme d'apprentissage, LAI ft
surtout eu recours au débauchage pour
la "construction"
de
son
personnel
qualifié.
La grande majorité
(à peu près 90%)
des
travailleurs qualifiés
nouvellement embauchés venait de
petites unités
(situées dans
la même aire géographique) où ils
avaient acquis une certaine expérience professionnelle
indispensable à
leur recrutement
par LAt.
Cependant,
à
cause des changements
technologiques et de
ses projets d'expansion,
LAt
s'orienta plutôt vers
la
recherche d'ingénieurs et un recours plus marqué aux centres
de
formation professionnelle au cours des années 1980.
En
effet,
auparavant,
la firme produisait
ses
propres
ingénieurs
sur
la base de programmes de
formation
internes. Deux raisons
ont été à
la base de
l'abandon d'une
telle pratique et d'un
recours allX centres de formation,
selon
le directeur du
personnel.
Premièrement,
LA!
trouva ses
programmes de formation
trop

189
chers
lorsqu'elle
les comparait aux coOts de
la formation dans
les centres qui étaient capables d'assurer aux travailleurs
l'acquisition de qualifications similaires dans des délais
plus brefs. Deuxièmement,
d'après
le responsable du personnel,
"en tant que payeurs de taxes dans
l'Etat du Wisconsin,
les
employeurs participent amplement,
mais seulement
financièrement,
au
fonctionnement
des centres de formation.
11
est donc de leur responsabilité de s'assurer que ces écoles
répondent A leurs besoins en qualifications",
Cette déclaration ressemblait A un mea-culpa.
En effet,
au cours de
l'interview,
le responsable du personnel
reconnut
que
l'échec des centres de
formation de
l'Etat du Wisconsin
était dû à
la non-participation des employeurs à son
fonctionnement.
1\\ était donc nécessaire de
favoriser une plus
grande coopération entre centres de
formation et
firmes.
Pour
qui
connaît
l'histoire du système de formation professionnelle
américain
(que nous examinerons plus tard),
une
telle prise de
position constituait un tournant dans
l'attitude et
le
discours des employeurs vis A vis de ce système.
Relations industrielles
La fin des années 1970 et
le début des années 1980 furent
marqués par des conflits professionnelles et des stratégies
anti-syndicales dans LA1 o~
les
travailleurs avaient été
organisés d'abord par un syndicat
indépendant et ensuite par
l'IAM de 1930 à
1976.
En 1976.
eut
lieu une grève
très dure contre
le système

190
d'incitation mis en place par les dirigeants de
la firme.
Cette grève dura 13 mois.
Six mois après
le début de la grève,
~es dirigeants de LA2 remplacèrent les grévistes. Ce sont ces
remplaçants qui votèrent contre
leur représentation par l'IAM
("decertification"), La grève pris fin en 1977, bien que en
1976,
le syndicat
fut
déjà hors des
lieux de
travail.
En
1978 et en
198],
l'IAM
tenta un
retour mais en vain.
Il
réussit
plus ou moins à assurer à nQuveau sa présence dans
la firme en
1983,
mais
pour une courte durée.
Depuis, LAI
a
réussi à maintenir un environnement de travail sans syndicat.
Selon les dirigeants,
l'exclusion de l'IAM a permis une plus
grande flexibilité dans
l'organisation des activités de
production.
En
l'absence de syndicats,
la mise sur pied de
politique industrielle devient
possible selon
les dirigeants.
Afin de maintenir un envîronnement sans syndicat, LAt a
mis sur pied un programme de participation des
travailleurs.
et a
instauré une politique de portes ouvertes. La
participation des
travailleurs a lieu dans des structures ad-
hoc sur des questions particulières.
Les dirigeants de la
firme étaient convaincus que
les structures de participation
permanentes mènaient vers une certaine "sclérose
insitutionnelle".
Les représentants du personnel
rencontraient
les dirigeants de la firme
tous
les moîs pour examiner
les
livres comptables et
les prévisions de production.

191
Le cas de LA2
Historique
LA2 est une société de grande taille,
avec un personnel
de 1,000 membres.
Elle a été créée en 1898. Elle est
spécialisée dans
la fabrication de broyeuses.
Les difficultés
économiques
rencontrées
par LAt
au cours
des années
1980
la poussèrent
1) à
transférer une
partie de
ses activités de production dans
le Sud des USA (avant de
revenir sur son site initial après
la fermeture de certaines
unités de production),
et
plus
tard
(fin
1991, après notre
interview)
et,
2)
à une fusion avec un autre constructeur
américain.
Cette fusion,
bien qu'ayant
contribué à
la survie
de LAZ,
ne put
empêcher un déclin de ses
performances
économiques.
Stratégie commerciale et
concurrence
Sa part
de marcllé est
constituée essentiellement de
larges firmes dont de nombreuses se sont engagées dans
la mise
en place d'une organisation cellulaire de
leurs activités de
production. LA2 est également
fournisseur en machine à outils
du Gouvernement Fédéral.
Dans sa stratégie commerciale,
la
société met
J'accent
sur
la qualité et
la précision de son
produit.
Elle a pour projet de renforcer sa politique
commerciale afin de pénétrer
le marché européen.
Ses
principaux concurrents sont Américains,
Japonais,
et
Allemands.

192
Stratégie de production
La société produit
plusieurs
types de broyeuses
par
séries de
huit
à dix pièces.
Les années
1980 ont
été marquées
par une
réorganisation
du
travail
en cellules de production et
par
l'introduction
d'un système de
juste à
temps.
A la base de
tous
ces
changements,
il
y avait
selon
les dirigeants,
trois
facteurs:
l
la nécessité d'améliorer
la qualité du produit
final,
la
recherche d'une plus grande
flexibilité dans
les
processus de
fabrication,
et
la satisfaction de
la demande des
clients.
Selon
les dirigeants de LA2,
le
changement
est
également
venu
de
la direction du
holding
(auquel
appartenait
LA2)
qui
tenait
à
introduire des
stratégies
plus
participantes
(basées sur
les
principes de
l'américain Demming)
dans
seS différentes
unités
de production.
Le produit
final
de LAI
demeurait
encore
largement adapté
à
la demande des
clients,
bien que
la firme
sembla s'orienter
verS une standardisation de
sa production dans
le but
de
réduire ses
coGts.
Pendant
longtemps,
LA2 a
adopté une
stratégie d'intégration verticale comme
la plupart des gros
fabricants
de machines à outils.
Cependant,
elle s'est au
cours de
ces dernières années de
plus en plus orientée vers
la
sous-traitance de certaines
composantes.
Performances économiques
Les
années
1970 et
1980 ont été difficiles
pour LAZ.
Les
pressions des
concurrents qui
ont
débuté en réalité à
la fin

193
des années 1960 obligèrent
la société à abandonner une partie
de ses activités vers
la fin des années 1970. Cette pression
venant surtout des concurrents
japonais continua au cours des
années
1980,
et déboucha sur des
licenciements massifs.
Ainsi,
les effectifs connurent des fluctuations
considérables durant
cette période,
passant de 2,000 à 800,
avant
de remonter à
l ,000.
Acquisition des technologies nouvelles et
problèmes de qualification du
personnel
Tout comme LAI,
LA2 a
joué un rôle pionnier dans
l'industrie a mé r i c a i n e de
la machine à outils.
cependant,
au
cours de ces dernières années.
elle a perdu une bonne partie
de sa compétitivité.
Ainsi,
la stratégie d'investissement de LAZ était
différente de celle adoptée par LAI
pour des raisons
essentiellement
financières.
Alors que LAI
s'était
lancée au
cours des années
1980 dans
l'achat dtéquipement nouveaux,
la
première
(bien qu'ayant acquis de nouvelles machines)
s'était
plutôt orientée vers un recyclage de son matériel existant,
et
vers une réorganisation de ses ateliers de production. Ainsi,
au moment de
l'interview
le capital machine de LA2 était une
combinaison de vieilles machines auxquelles des composantes
électroniques avaient été adaptées et dont certaines dataient
des années
1950, et de nouveaux systèmes
informatisés.
Au cours de la réorganisation des ateliers de production,

194
la direction de LA2 s'était en fait
plus
intéressée aux gains
de production immédiats qui pouvaient en découler qu'à la
construction d'une main d'oeuvre qualifiée capable d'utiliser
les nouvelles machines ou les machines recyclées. En fait,
elle était convaincue que cette main d'oeuvre émergerait du
personnel
existant par
le biais d'une promotion interne.
Cet espoir fut déçu par
le refus des
travailleurs
les
plus anciens
(qui étaient également
les plus qualifiés) de
changer leurs vieilles habitudes eTI occupant de nouveaux
postes. Cette résistance fut
l'un des facteurs qui ont été à
l'origine de
l'échec de l'introduction de
la programmation de
la fabrication des composantes dans
les ateliers. Cette
programmation a été finalement
confiées aux cols blancs.
La
perte d'un nombre
important de
travailleurs qualifiés au cours
de la période de
licenciements massifs contribua également à
llinsuffisance de
travailleurs qualifiés.
Selon
le directeur des
ressources
humaines,
llhistoire de
LA2 prouve que
les stratégies de qualification mises en place
ont
toujours étroitement dépendu de
la personnalité du
directeur général. Cependant.
il
sera démontré plus tard, dans
un autre chapitre,
que
les insuffisances de
travailleurs
qualifiés auxquelles LA2 a fait
face au cours des années
1980,
étaient
le résultat direct des stratégies de formation mises
en place par
les directions précédentes considérées par
le
directeur des ressources humaines comme
les plus sensibles aux
questions relatives à
la formation des
travailleurs.

195
Stratégies de construction d'une main d'oeuvre
qualifiée
LA2 aurait eu recours au débauchage pour
la construction
de sa main d'oeuvre qualifiée si elle en avait eu
les moyens,
selon son directeur des
ressources
humaines.
Le fait
que LA2
offrait des salaires
inférieurs à ceux de ses concurrents
rendit cela impossible.
Avec
l'introduction des nouuv e l Le s
technologies,
le
ratio
ouvriers/cois blancs
(y compris
les
ingénieurs)
passa de 60/40
à
40/60.
Les
ingénieurs de conception comme de
production
étaient recrutés dans
les structures de formation car, de
l'avis du directeur du personnel,
ils doivent être diplômés
bien que ce dernier soulignait
leur faiblesse sur
le plan
pratique. En outre,
pour
les d i r i g e e n t s de
la firme,
le
recours de plus en plus marqué aux techniciens et
ingénieurs
était
lié au fait que
la plupart des ouvriers n'avaient pas
le
potentiel
indispensable à une promotion au niveau
ingénieur.
LA2 était connue dans
l'Etat du Wisconsin pour
la qualité
de son programme
interne d'apprentissage et pour son centre de
formation
interne. Cependant,
au début des années 1980,
pratiquement
touteS
les activités de formation d'apprentis
ainsi
que
le centre disparurent.
Au cours de
l'interview,
les
dirigeants affirmèrent
leur volonté de redémarrer leur
programme d'apprentissage.
Le centre de formation n'existant
plus, LA2 ne
recrutait

196
plus de jeunes travailleurs sans qualifications pour les
former ensuite. Les centres de formation publics constituèrent
donc
le dernier recours pour
l'obtention d'ouvriers qualifiés.
Mais,
la faiblesse des salaires offerts par LA2 constitua un
handicap.
L'insuffisance de travailleurs qualifiés
sur
les
marchés du
travail
était telle que
les
futurs diplômés des
cenlres (le formation étaient recrutés par
les plus offrants
avant même la fin de
leur formation.
Comme nous
l'expliqueront
plus
en détail
dans
l'analyse
des cas
interviewés,
ce sont en fait
ces besoins pressants de
travailleurs qualifiés qui amenèrent LA2 à
introduire une
organisation celllliaire de ses activités de production.
La
firme espérait que
la présence de facilitateurs dans
les
cellules contribuerait à
l'élevtl.tion des qualifications du
personnel
de production. Comme nous
le verrons plus tard,
cette tentative se solda par un échec.
Relations
industrielles
Les travailleurs LA2 sont syndi4ués depuis
les années
1930.
Ils
l'ont été d'abord par un syndicat
indépendant et
ensuite par l'IAM.
Le responsable du personnel trouvait que
les relations
industrielles étaient bonnes tout en
reconnaissant
la nécessité d'une plus grande coopération entre
le syndicat et
les dirigeants.
Selon lui,
le syndicat était en
train d'adopter une orientation trop politique.
En fait,
le responsable du personnel reprochait au

197
syndicat
sa résistance aux nouvelles formes d'organisation du
travail.
Il cita en exemple
le rejet par
les travailleurs du
" COOp system"
qui consistait pour
les dirigeants de
la firme à
avoir temporairement recours à des étudiants en formation dans
des
lycées
techniques pour des
tâches de production.
Le
syndicat considéra ces étudiants comme (les
travailleurs
temporaires et demanda par conséquent
l'application des
clauses contenues
dans
les accords
collectifs.
L'introduction des nouvelles
technologies au cours des
années
1980 constitu~ un autre point
de divergence entre
dirigeants et
travailleurs. Lorsque
les machines à
commandes
numériques furent
introduites,
le syndicat rejeta les plans
d'ajustement des qualifications proposés par
la direction de
ta firme.
Cette dernière eut
finalement
recours à des
travailleurs recrutés S11T
les marchés externes du travail.
Selon
la direction de
la firme,
ces blocages venaient du fait
que
le syndicat
continuait à être contrôlé par une vieille
génération de
leaders qui avaient décidé de rester le plus
possible à
l'écart des nouvelles technologies pour
l'utilisation desquelles ils n'avaient pas
les connaissances
en informatique requises.
Selon
le responsable du personnel,
certains des problèmes
de qualification rencontrés par
la firme,
notamment
la
réduction du nombre d'apprentis étaient
liés à
l'attitude du
syndicat.
En effet,
au cours des séries de
licenciements des
années 1980,
le syndicat exigea
l'application des clauses

198
d'ancienneté contenues dans
les accords collectifs. Cela
conduisit au
licenciement des
jeunes apprerltis.
Les
conséquences négatives de ces
licencienJents sur
les processus
de production ont
d'ailleurs
par
la suite conduit
les
deux
parties
(dirigeants et délégués syndicaux)
à
introduire de
nouvelles clauses permettant
d'éviter au maximum
les
licenciements d'apprentis en cas de difficultés économiques.
Il
apparaissait
donc que,
en dépit des déclarations du
responsable du
personnel
sur
l'existence de relations
industrielles
saines,
les
travailleurs
et
les
dirigeants
étaient en conflit
sur
la plupart des questions relatives à
la
gestion de
la
firnle.
Il. l.es Cas Français
La
particularité des cas
français
résidait dans
la
difficulté à
trouver des constructeurs dont
les
travailleurs
n'étaient
pas
syndiqués.
même si
les syndicats rencontrés
étaient
en général
faiblement
représentés dans
les
firmes
interviewées.
Il
était également difficile de
trouver des
firRles ayant
la taille des petites unités américaines
(moins
de 20
personnes).

199
II.J.I.
Les
firmes de petite
taille
Le cas de SF3
lIistorique
SF3 esL une petite unité de
fabrication de machine à
ou t i Is.
Elle
fut
créée en
1908 sous
forme de
société
familiale.
Au moment de
J'interview,
elle n'existait plus
en
tant
que
telle.
Elle avait été récemment
rachetée par un
grand
groupe à
la suite de difficultés économiques.
Elle ft. un
personnel
de 85 membres.
Les
travailleurs
sont
syndiqués.
La
firme a démarré ses activités dans
le secteur de
la
machiTle à outils à hois qUI
continue à
représenter environ 30%
de ses activités.
C'est en 1968 qu'elle commença à
s'orienter
vers
la production de machine ~ outils à
couper
le métal qui
constituent actuellement
son activité principale.
Stratégie commerciale et
concurrence
Avant
la crise des ann~e~ 1980,
SF3 s'~tait spécialisée
dans
la production de machines ~ur mesure destinées
essentiellement ù
l'industrie automobile.
Entre 1980 et
1985,
elle d i ve r s i f i a
sa clientèle en se retirant partiellement du
secteur de
l'automobile pour se
lancer dans
la production de
machines
standardisées pour
les secteurs de
l'aéronautique et
de
la construction.
Elle écoule envir()n 20% de sa production
sur
les nlarchés étrangel·s.
La crise (Ie~ anTlées lQgO a égalelneJ1L condllit
la société à

200
devenir un distributeur de mac)lines à outils italiennes. A lin
moment
do n né .
en
l t o c c u r e n c e au milieu des
années
1980,
la
distribution de machines
italiennes par SF3 a représenté
jusqu'à 40% de son clliffre d'affaires.
Stratégie de production
I.a sClciété produit
quatre
types de machines:
des machines
à
peI"forer,
des systèmes de prodllction flexibles,
des machines
à
transfert circulaire et
linéaire,
toutes équipées de
systèmes
informatisés.
Comme
précisé
auparavant,
les machines
étaient produites à
l 'unilé sur
la base des spécifications
requises
par
les clients.
Les d6lais de production étaient de
10 à
15
mois.
J,'accenl
était
mis
sur
les
qualités
techniques
{lu pI"o(lllit.
Cependant.
j 1 semble
qlle SF3
s'orientera Sllr
le
Illoyen
terl~c vers llrle certaine standardisation de ses produits
étant donné son
intention de produire des
familles de
compo~antes qui
pourront être utili~ées sans aucune
modification technique dans ses processus de fabrication.
La
sous-traitance,
uLilis~e darls
la fabrication de certaines
IllactliTles.
représente 20% à 30% du
produit
final.
Performances économiques
La fin des années
1980 fut marquée par une croissance des
activités de SF3,
aussi
bien en cc qui concerne ses pTe,fits
q~\\e son chiffre d'affaires. Selon
(es dirigeants
interviewés,
ces perfnrmances étai8nt
liées à
l'adoption de nouvelles
méthodes d'organisation du
travail,
de commercialisation, et
de recherche/d6veloppement.
Ccperl<lant,
aucun détail
rIe
fut

201
donné en ce qui concerne le contenu de ces nouvelles méthodes.
Acquisition de
technologies nouvelles et
problèmes de qualifications des
travailleurs
SF3 a
introduit des machines à
commandes numériques dans
ses ateliers de production en 1983-1984. La firme
possédait
deux centres de production pour
1a fabrication des composantes
et une tourneuse. L'introduction des nouvelles machines créa
de nombreux problèmes: difficulté à
les faire marcher,
incompétences dans
la création des programmes pour
la
fabrication des composantes et dans
la sélection de
J'outillage.
Ces problèmes,
bien qu'identifiés,
ne furent
pas
résolus car au moment de
l'interview, SF3 n'avait
toujours pas
établi une stratégie de formation définitive pour les
travailleurs qui utilisaient ces machines.
Les nouvelles machines avaient été acquises dans
le but
d'accroître
la productivité, et
la qualité du produit final.
Cependant,
selon les dirigeants.
il s'agissait également d'une
solution aux problèmes liés à
l'insuffisance de travailleurs
qualifiés à laquelle SA3 était confrontée. Très rapidement,
les dirigeants se rendirent compte que
les systèmes de
productiorl informatisés ne pouvaient pas des substituts à une
main d'oeuvre qualifiée.

202
Stratégies de construction d'une main d'oeuvre
qualifiée
SF3.
comme bon nombre de ses concurrents nationaux,
a eu
recours aux marchés du
travail externes pour le recrutement de
diplômés.
Après
leur embauche.
ces derniers étaient soumis à
une formation sur
le tas en vue de devenir opérationnels.
Cette formation était
informelle,
continue, et assurée par les
ingénieurs également chargés de former les clients.
L'obstacle
le plus important à cette formation continue venait de
la
résistance des travailleurs qui y étaient soumis, dans
la
mesure où,
selon eux,
l'acquisition de qualifications
nouvelles ne débouchait pas sur une promotion.
La formation formelle était exclusivement réservée à ceux
qui devaient accéder à
un statut d'ing~nieurs ou de
techniciens. Elle était externe et organisée en alternance
soit par
les centres de formation publics,
soit par des
centres privés gérés par
les employeurs.
Au cours des années
1980,
SF3 a préfér~ collaborer avec ces derniers,
compte tenu,
selon elle,
de
l'inefficacité des centres publics. La solution
devait passer,
selon les dirigeants de SF3, par l'instauration
de plus de relations entre centres et firmes.
Relations industrielles
Selon le président,
le syndicat avait
une orientation
trop politique.
Il
reconnut néammoins que sa présence permit
d'avoir des débats sur des questions centrales de gestion de
la firme.

203
Le président blâmait
le syndicat pour son désintérêt vis
à vis des aspects économiques et
financiers de
la firme.
Selon
lui,
"les syndicats français n'agissent pas sur les questions
économiques et
financières.
ris
les subissent. Ainsi,
ils ne
jouent pas
leur rôle d'avant-guarde.
Par exemple,
le syndicat
n'aidera jamais la firme à développer une stratégie de marché.
Il ne s'intéresse guère à nos objectifs".
Cependant,
toujours
selon
le président,
on assiste à
une
transformation des relations industrielles avec la retraite de
la vieille guarde de dirigeants.
En outre,
l'évolution de
la
situation économique est en train de forcer
les syndicats à
adopter des
stratégies d'action diifférentes.
Le cas de SF4
Historique
SF4 est
une petite unité de production de machine à
outils.
Elle
fut
créée au début
des années
1960 sous
forme de
société familiale.
Au cours des années
1980,
elle perdit
ce
statut à
la suite de son rachat
par un holding.
La cause
principale de ce
changement
de propriétaire était
l'incapacité
du
président-propriétaire trop âgé à s'adapter aux
transformations qui
prenaient
place dans
l'industrie.
Avec ce rachat,
SF3 passa d'une activité plutôt
basée sur
la sous-traitance de composantes
pour
J'industrie de
l'automobile à une activité
centrée sur
la production sur

204
mesure
("customized") de machines à outils.
La société a un
personnel de 90 membres.
Les
travailleurs
sont syndiqués.
Stratégie commerciale et concurrence
Bien qu'au cours de
l'entretien SF3
refusa de communiquer
sa stratégie de marché,
il
était possible de conclure à partir
de l'entretien, que ses objectifs consistaient à réaliser une
grande partie de son chiffre d'affaires à
l'exportation.
Ses
clients les plus importants étaient dans
les industries de
l'automobile,
la production de machines
lourdes,
l'aéronautique, et
l'équipement ménager.
En France,
ses
concurrents principaux étaient
les producteurs d'automobiles
qui possédaient
leurs propres usines de fabrication de
machines à outils
("captive machine tool
plants").
La
concurrence étrangère venait des Italiens,
des Espagnols, des
Suisses.
et des Allemands.
Stratégies de production
SF4
produisait une gamme relativement
large
(cinq types)
de machines
(perforeuses, broyeuses,
... ),
la plupart étant
équipées de systèmes
informatisés. Elle était
très orientée
vers
la production de machines à outils sur mesure
("customized machine tools"). Son personnel
de production a
toujours été constitué d'une majorité de travailleurs
hautement qualifiés parmi
lesquels on trouvait peu de
techniciens et d'ingénieurs.
Le président était
le seul
ingénieur de
la firme.

205
Parmi
tous
les
fabricants
interviewés,
SF4 était
probablement celui qui utilisait
la démarche
la plus
traditionnelle dans
la production des machines à outils.
En
effet,
SF4 était
favorable aux stratégies d'intégration
verticale (bien qu'elle n'en avait pas
les moyens)l à un
moment où on notait dans le secteur une tendance à
la
standardisation et à
la modularisation.
En fait,
l'une des caractéristiques essentielles de SF4
résidait dans
son recours de plus en plus marqué à
la sous-
traitance au cours des années
1980.
Pour certaines machines,
les 80% du produit
final
étaient
sous-tratées.
Performances économiques
A partir de
1985,
SF4 avait
enregistré une croissance de
ses activités.
Ses
performances avaient été faibles
au cours
de
la première moitié des années
1980.
SF4 faisait
partie du
groupe de
fabricants
de machines à outils
sélectionné par
le
Plan Machine Guti 1s mis
en place par
le Gouvernement
français.
L'échec de ce plan,
déboucha sur UTle
intégration de SF4 à un
grand groupe,
et à un changement de son statut
juridique:
elle
perdit
son statut de
société familiale.
Acquisition des
technologies nouvelles et
problêmes de qualification des
travailleurs
Les premiers systèmes
informatisés furent
introduits en
1983-84.
L'objectif de
leur
introduction était d'améliorer
la
qualité des machines fabriquées.

206
Stratégies de construction d'une main d'oeuvre
qua I if iée
SF4 était
sans
doute
le cas
le plus proche des méthodes
traditionnelles de formation dans
l'industrie. Alors que le
nombre d'ingénieurs et de techniciens diplômés variait entre
10% et
20% de
la totalité du
personnel dans
la plupart des
firmes
françaises.
SF4 n'avait
qu'un ingénieur sur un total de
90 employés.
La plupart des ouvriers avaient été formés sur le
tas et de façon
informelle.
Les activités de formation
n'étaient
pas planifiées.
Selon
le
président,
ceci
correspondait à
la philosophie de
la firme,
et el]e avait été
maintenue.
Cependant, bien que
le président n'avait pas selon lui
beaucoup de
temps à consacrer à cela,
une planification de la
formation était prévue,
et devait avoir lieu dans des
structures externes.
D'après
le président,
cela constituait
la
meilleure méthode d1acquisition des qualifications dans
la
mesure où elle permet aux travailleurs d'entrer en contact
avec d'autres,
et de tirer ainsi profit de
leurs expériences.
SFA comptait utiliser occasionnellement
les centres de
formation gérés par
les employeurs, mais était convaincue que
les centres publics donneraient satisfaction.
Relations
industrielles
Le syndicat était faible.
Le
président considèrait que
les relations
industrielles "n'étaient
pas mauvaises".
Cependant,
il ajouta que
les syndicats ne constituaient pas sa

207
préoccupation majeure,
et
que ses
politiques n'étaient
pas
basées sur ce que faisaient
les syndicats, mais sur les
travailleurs qui ne
sont
pas
tous
syndiqués.
ri
semblait au moment
de
l'interview que
la firme
s'orientait vers des relations
industrielles plus
conflictuelles. Pour le président,
la gestion des conflits sur
un mode familial devait prendre fin.
II.1.2. Les firmes de
taille moyenne
Le cas de MF3
Historique
MF3 est
une sociétf de
taille moyenne et
de création
récente.
Elle est
née en 1984-85
SUT
les
cendres d'un autre
fabricant de machine à outils. Elle a un personnel de ISO
membres dont
les
travailleurs
sont
syndiqués.
La société est
spécialisée dans
la fabrication de coupeuses équipées de
systèmes
informatiques
très
sophistiqués
(électro-érosion et
laser),
et
fabriquées
à
l'unité.
La gamme de produits
inclut
également
la
fabrication de machines à
commandes numériques
standardisées en grandes séries.
Stratégie commerciale et
concurrence
La production est
écoulée aussi
bien sur
le marché
national
que sur
les
marchés étrangers.
Pour ce qui
est de
J'Europe.
ces marchés
incluent
l'Allemagne,
l'Espagne,
la
Belgique,
et quelques
pays de
l'Est.
Sur
le continent

208
américain,
i l y a
les USA et
le Canada.
Compte
tenu du
fait
que
le matériel produit par la société est utilisé par un
nombre restreint d'entreprises,
MF3 dit
posséder environ 80%
du marché national.
Si MF3 n'a pas beaucoup de concurrents sur le plan
national par contre sur le plan international, elle doit faire
face à
la concurrence japonaise pOUT
les machines à
éJectro-
érosion, et à
la concurrence suisse pour les machines
standardisées. Pour ses ventes, MF3 utilise un réseau de
distributeurs
indépendants.
Stratégie de production
Bien que les machines à électro-érosion et à
laser
étaient fabriquées A l'unité sur commande, elles comprenaient
une partie standardisée. Les délais de production étaient de
trois à
six mois.
La fabrication de certaines composantes
était sous-traitéei
ces dernières pouvaient
représenter
jusqu'à 50% du produit
final.
Les machines standardisées
étaient
fnbriquée~ à Taiwan, et en séries qui pouvaient varier
entre 150 et 200 pièces.
A cause de
l'accent mis
sur
l'électro-érosion et
le
laser,
MF3 s'identifiait,
selon
le président,
à
un producteur
de "processus de production non-conventionnels".

209
Performances économiques
Depuis sa création,
certes récente, MF3 8
eu une activité
profitable.
Acquisition des
technologies nouvelles
et
problèmes de qualification du personnel
A cause du
type de produit qu'elle fabriquait.
MF3
disposait d'équipements
tous
équipés de systèmes
informatiques.
I l y avait parmi
ces équipements des centres de
production,
et des machines à commandes numériques. ELle
utilisait également un système de contrôle statistique à
trois
dimensions.
Ces
équipements
étaient
équipés
de
techniques
très
sophistiquées de
laser et d'êlectro-êrosion que nous n'avons
rencontrées chez aucun autre fabricant,
certainement à cause
de
leur complexité.
La
raison principale qui
avait
été à
la base de
l'acquisition de telles
techniques
était,
selon
le président
de MF3,
la recherche d'une meilleure gestion des processus de
production.
Bien que MF3 disposa d'une main d'oeuvre
qualifiée,
elle
rencontrait
des
problèmes d'adaptation.
Elle
n'avait
pas
pour
tradition de promouvoir ses ouvriers A des
postes de techniciens ou d'ingénieurs.
Ces qualifications
étant
perçues
comme nécessaires
pour
la manipulation des
nouvelles machines,
MF3 devait
recourir aux marchés du
travail
externe où elles n'existaient
pas
en nombre suffisant.
Cela
constituait un problème d'autant
plus
important qu'au cours
des années
1980,
les dirigeants
avaient
opté pour une

210
stratégie de remplacement des machinistes et
assembleurs
traditionnels par des
techniciens et des
ingénieurs.
Stratégie de construction d'une main d'oeuvre
qualifiée
MF3 était
un cas rare de coopération étroite entre
les
centres de
formation et
la
firme.
Le président
de MF3 était
non
seulement
membre du corps enseignant
du centre de
formation où
i l
recrutait
le plus,
mais
i l
avait
également
fait des dons d'équipements sophistiqués
(par exemple des
machines
à
laser)
à
la division métallurgie
du centre.
Ces
équipements permirent en fail de mettre sur pied un nouveau
programme de
formation.
En
échange,
MF3 bénéficiait d'une
priorité en ce qui
concerne
le
recrutement des diplômés.
Ces
derniers étaient ensuite soumis à une formation sur
le
tas,
organisée à
partir d'un passage sur
les différentes machines.
MF3 était un fervent
défenseur des centres de
formation
publics qui,
selon
le président,
sont
injustement
critiqués
par
les employeurs.
La
formation
continue du personnel
était
égalelnent prise en charge par des structures externes à
la
firme:
il
s'agissait
soit
de centres publics,
soit
de centres
privés dirigés par
[es employeurs.
I.e
président avait une
philosophie
très simple:
"llOUS
envoyons liaS
travailleurs
suivre des programmes de
formation continue autant que
possible car nous payons des taxes pour cela".

211
Relations
industrielles
Aucune
information ne put être obtenue sur le climat des
relations
industrielles.
Le cas
de MF4
Historique
MF4 est une société de
taille nloyenne créée en 1953. Elle
a un
personnel de 200 membres.
Les
travailleurs sont
syndiqués. Mise sur pied par un groupe de
techniciens et
d'ingénieurs pour
la vente de services aux fabricants de
machines
à outils.
la société racheta
par
la suite un
groupe
de
petites unités qui
ne
possédaient
pas
suffisamment de
personnel
de
conception,
mais disposait
d'un
bon
potentiel
de
production.
La
société est
spécialisée dans
la production de
machines à
former automatiques
et
de
robots.
Stratégie commerciale et concurrence
En dépit
du
fait
que
seulement
20% du produit
final
ne
soit
pas
standardisé,
la société
se
considèraît
comme un
producteur de machines non
standardisées,
répondant à
la
denlande spécifique des
clients
individuels.
Ceci
est
da au
fait
que
les dirigeants de
la société
considère
la conception
et
la
réalisation des
composantes
informatisées,
et
leur
assemblage
(toutes
étant
des activités
réalisées dans
ses
services et
ateliers,
et
suivant
la demande des
clients),
comme
les aspects
les plus
importants
dans
la
fabrication des
machines à outils.
Ce
n'est
pas
pour
rien que
la
recherche et

212
le développement
étaient
au
centre des
préoccupations de MF4.
l.a
société possèdait
une
gamme de
produits assez
large
(huit
types
de machines
à
outils).
Ses
clients
principaux
étaient dans
le secteur de
l'automobile
(ils achètaient
70% de
sa production).
Le reste de sa clientèle venait
des secteurs
de
l'équipement ménager,
de
l'aéronautique,
de
la défense,
et
de
la
construction.
La plupart de
ses clients
étaient
français
190%1.
La
société
possède
sa
propre
force
de vente qui
est
en
contact
permanent
avec
les
clients.
Ces
derniers
ont
fait
montre d'un niveau de fidélité élevée vis à vis du
produit.
En France,
MF4
fait
face à
quatre
concurrents.
En Europe,
les plus
importants
sont
les Allemands.
Ensuite viennent
les
Italiens et
(es Anglais.
Strat~gie de production
MF4 utilisait
des machines à commarldes numériques.
Elle
avait
également
recours à des techniques de pl"oduction
sophistiquées
telles que
les
systèmes de desigrl et
de
producti()n assistés pal" ordinRteul-
(CAD/CAM),
et un système de
C()Jlll"6Ie à
trois dimensions.
I_a plupRrt
(les
investissements avaient été entrepris en
répc)nse à
la demande des
corlsonlmateurs.
Ceci
n'était
pas
SUl"pl"enant
compte
tenu de
l'orientation "sur mesure"
de
la
stralégie de
Fabrication dc MF4.
l.a conséquence majeure de ces

213
investissements 11 été
la
réalisation d'un niveau
supérieur
d'intégration du cycle de production. et
le regroupement
dans
un
nombre
limité de
postes des
tâches
exécutées
auparavant
par
un grand nombre d'ouvriers.
Performances ~conomiques
MF4 était pTI)bablement
le cas
le plus stable sur Je plan
des
performances
économiques
parmi
toutes
les
firmes qui
ont
été
interviewées.
Au cours de
la crise de
l'industrie des
années
1980.
son cllifCre d'affaires et
ses profits ont connu
une croissance régulière.
L'explication donnée à cette
crois~ftnce régulière était qu'elle était
liée à
la propension
des clients il
s'équiper au cours des
années
1980.
Acquisition des
tcchrlologies nouvelles et
problèmes
de qualification du personnel
Lorsque MF4 acquit
ses nouvelles
machines,
la
formation
fut
assurée
par
les
vendeurs.
Ceci
n'était
bien entendu
pas
suffisant.
Les
problèrnes de qualifications étaient
essentiellement
liés à
des
problèmes d'adaptation.
MF4 avait
besoin de plus de
techniciens,
et
de
spécialistes en
informatique capables de
travailler Sllr
les
processus de
p r-odu c t ion automatisés.
Stratégies de construction d'une main
d'oeuvre
qualifiée
Comme MF4 mettait
plus
l'accent
sur
la conception que
sur
la
p r-odu c t ion,
elle
insista
sur
le
recrutement
de
techniciens

214
et
dt i ng é n i eu r s
diplômés,
en choisissant
ceux qui venaient
des
meilleures
structures de
formation,
pour ensuite
leur
faire
suivre une formation sur le tas.
Les
choix
faits
par MF4 étaient
b a s é s
sur
les.
considérations suivantes.
Les dirigeants de
la firme
considéraient
qu'avec
les
nouvelles
technologies,
les
qualifications
traditif/noelles
(par ex.
machinistes)
avaient
perdu une bonne partie de
leur prestige et de
leur utilité.
Les dirigeants de
la firme
pensaient également que
les petites
unités à
faibles capacités
financières
(telles que la leur) ne
devraient
pas
se
hasarder à
prendre en
charge
la
fOI"mation de
leurs
travailleurs de
façon
interne,
notamment
lorsque
leur
pe r s on ne I réduit
ne
leur permet pas d'affecter certains
travailleurs qualifiés à
la formation des autres.
Pour MF4,
la
formation
pI"ofessionnelle doit être confiée aux centres de
format Ion. Même si
ces centres n'ont
pas toujours donné
satisfaction, MF4 c o n s i d r a i t
leurs programmes
é
(partictllièrement erl électricité et électronique)
comme
recommandables.
Relations industrielles
Il y avait
plusieurs syndicats dans
la firme.
Cependant l
ils étaient
tOtlS
faibles Cl)ffime cela arrive souvent en cas de
concurrence
irlteJ"-syndicale
("compétitIve unionism").
Cette
faiblesse e x p J ique probablement pourquoi
les t r a va i lieurs
évitaient
le plus possible de parler de leur appartenance
syndicale.
En effet.
selon les dirigeants de la firme,
ce

215
silence des
travailleurs
n'était
lié à aucune action
répressive de
leur part.
Les conflits professionnels étaient
I"ares.
J.e dernier en (Iate avait
eu
lieu,
selon
les dirigeants,
il
y
fi
16 ans et avait dur6 cieux
jours.
Selon
les
responsables de
la
firme,
le
nombre
réduit
de
conflits était
lié au niveau
de qualification élevé de
la
force
de
travail,
à
son
intelligence.
et
à
l'acceptation par
les
travailleurs de
la politique du
personnel mise en place.
nien que
le climat des
relations
industrielles n'apparaissait
pas conflictllel,
tes dirigellots affirmèrent clairement qu'ils
n'avaient
p~s besoin de syndicat "du t'Jut"
lors de
l'élflboI"ation Iles stratégies
internes de
la
firme.
TLI. 3.
Les
Li rme s
de grande
tai 1 le
Le
cas de LF3
Historique
LF3 constitlle un cas particulier parmi
tous
les
fabricants
interviewés.
I.a
fabI'ieation de machines à outils
était assurée pal' une unité
intégrée
("captive machine
tooI
plaTlt")
à
un grand producteur de voitures.
L'unité visitée
utilisait
900 pel"SOnnes.
I.es
travailleurs étaient
syndiqués.
LF3 était spécialisée dans
la
fabrication de machines à
transfert.
En
fait.
la
fabrication d'automobiles ne dém a r r a qu'au
mi 1 i e u des a n n é e s
1950.
Créée avant
la p r emi è r e Guerre

216
Mondiale,
et
spécialisée dans
la
fabrication d'outils et de
composante~ destin~s aux producteurs de machines à outils (en
plus de
quelques
contrats
signés
avec
le Gouvernement),
ce
n'est
que
plus
tard
que
LF3
s'orienta vers
le
secteur de
l'autorriObi le.
En
1955,
l'expansion de
l'industrie cie
J'automobile,
t t e x t s t en c e d'un secteur de
la machine à outils
faible en France,
et
les
risques
ùe dépendance vis à vis des
constl'ucteurs étrtlflgers.
poussèrent
I_F3
à
s'orienter vers
la
fabrication cIe machines à outil~.
L'lloité
visitée est
la plus
importante
{par
la
tai Ilel
des q u a t r e s
usines
de
fabrication
de machines à
ou t i l s
que possède
le constructeur de voitures.
Stratégie commerciale et
concurrence
Traditionnellement,
l'unité visitée a
surtout
ravitaillé
l'usine Je
fabricatic)o de vl)itures.
Cependant,
aU cours des
années 1960,
est appal"U une demallde externe.
Aujourd'hui,
20 à
30% cIe ln production en machines à outils est verldue à des
cl i e n t s externes dont
la grande majorité évolue dans
le
secteur de
la construction au t cmob i le.
Stratégie de production
Le
système de pruc\\uction de
l'unité visitée a été
automatisé dans une certaine mesure depuis
1983 avec
J'achat
d'un ~ystènle de production flexible.
Bien que LF3 ait acquis
son premier outil
de production informatisé
il y a plusieurs
années.
un certain nomhre de
travailleurs
(environ 20 à
25%)
continue à
utilisel- UTl matériel
(le IJroduction plutôt
conventionnel.

217
En plus des Inachines à
transfert
qui
constituent
la
spécialité de
l'unité visitée,
cette dernière
fabrique
également des
l'chots)
et
des
prototypes permettant une
cerliline stan(larc\\isatiIJO de sa production.
Pour
les machines à
transfert,
la production se fait
par
séries de une à dix
unités avec des délais de fabrication de six à dix-huit mois.
Pour
les
rohots,
les quantités par série
sont plus
importantes.
L~ fabrication de certaines composantes est sous-
traitée,
L'unité vi~itéc se réserve
l'exclusivité de
la
conception,
de
l'installation des
systèmes
informatiques,
et
de
l'assemblage.
Performances économiques
En ce qui
concerne ses performances économiques,
l'unité
visitée n'a pas
renc(lntré de difficultés BU cours des années
1980, Ceci
est
norrnal
compte tenu de sa position d'unité
int~grée.
Acquisition des nouvelles
technologies et
problèmes de qualification du personnel
L'utilisation des machines à commandes numériques dans
les l)j'OCeRSUS de prclduction datent
comme mentioné ci-dessus
d'jl y a plusieurs années.
Le
système de production
aut()maticlue aCQllis récemment est
très sophistiqué.
A l'origine
de cette acquisitiofl
il
y a eu:
la concurrence de plus en plus
aigue dans
le secteUI" et
les besoins de modernisation de
l'appareil
de production
induits par
l t Lnd u s t r i e de
l 'autumobi le,

218
LF3
fit
face
à des
problèmes de qualifications. Ces
pr()blèmes étaient
liés aux
licenciements des périodes
précédentes,
à
la
retraite de
plusieurs
travailleurs
qualifiés,
aux
incertitudes
liées
à
leur remplacement,
et
au
besoin urgent d'un nombre
relativement
important de
machini~tes très qualifiés.
Ces
pr[)blèmes ont
été atténués
par
les
[ReleuTs
discutés
dans
la ~ection qui
suit.
Stratégie de construction d'une main d'oeuvre
qualifiée
Le
groupe allguel
appartient
I~F3 possède son propre centre
de
formation.
Ce dernier constitue il
lui
tout
seul
une
activité
industrielle par sa
tai Ile,
son
indépendance
relative,
et
ses programmes qui
ciblaient
au m(lmcnL de
l'enquête
la p ré pa r-u t l o n des
travailleurs à
l'utilisation des
ulachines à
cornmandes numériques.
l.'interview mené auprès de deux
responsables du centre de
formatj()n a révélé que certains
problèmes de qualifications
étaient
liés au manque de coordination entre
le
timing des
nouveaux
investisselllcnt5 et
la planification de
la
formation
des
travaillellIs qui devaient
les utiliser.
L'insuffisance des
t r av a i Ll e u rs
qualifiés était
également partiellement
liée aux
licerlciements massifs qui
avaient
eu
lieu au c()urs des années
Ina.
LF3 était
convaincue qu'un déplacement
remarquable des

219
besoins en machinistes
traditionnels vers des besoins en
techniciens avait
eu
lieu dans
l'industl·ie.
L'objectif
principal
à
long
terme de LF3
consistait à
"élever le niveau
intellectuel
de ses ouvriers" dont
la
formation
serait assurée
par cles
ingénieurs et des
techniciens qu'elle s'apprêtait à
recruter.
I.e
centre de
formation de LF3
servait à deux choses.
Premièrement,
il
servait
à rendre
les
travailleurs
nouvellement
recrutés opérationnels.
Deuxièmement,
il
s'agissait
également d'un centre de
formation continue,
répondant aux demandes
spécifiques des différentes unités du
groupe,
ou
informant
ces dernières de
l'existence de
programmes de
format ion continue organisés par des structures
pub l i q u e s ou privées
IOI",':;qu' i 1 n'avait
pas
les moyens de
satisfaire ces demanc!es.
Les dirigeants de LF3
considéraient que
les
centres
publics de
formation étaient
incapables de mettre à
la
dispc)sition cles
firmes des diplômés opérationnels.
Ils étaient
à
IH traine du
dével(]ppemerlt
technologique.
Les centres de
fl]rmaticln
internes flUX
firmes
devraient donc être perçus comme
(les
strllctures complémentaiT"es aux centres publics.
Ouirlze ans Rllparavant,
le centre possédait une
formation
d"I!lpreTltis.
L'élimination d~ cette
forrnation avait
été une
erreur,
de
l'avis Ile
l'lIn des dirigeants du centre.
En effet,
selon
lui,
l'apprentissage demeure
la meilleure
façon de

220
pro(\\uire une mai,! d'[)euvre hautement qualifiée.
Relations
industrielles
I.F3
est
un
exemple type de
la façon dont
les débats
id60lclgiyues orll affecté
les
relations
indust]-ielles en
Frunce.
Les travailleurs étaient orgllnisés par plusieurs
syndicats.
J.a
particulfll"ité de LFJ
résidait dans
J'existence
sur
les
lieux de
travail
d'Un
syndicat
pro-employeur
("yellow-
clog
union") qui
était
protégé par
les dirigeants de
la firme
contre
les autres syndicats.
l.es
responsables de
ln
fil"me voyaient dans
les
syndicats
non seulenlent
des obstacles à
l'~xéclltinn rles politiques
industrielles.
mais également
des organisations
révolutionnaires.
A travers
la CGT,
ils
voyaient
la
présence
du Parti
Communiste Français
sur
les
1 i c u x de
travail.
Même
la
CFDT qui
IJOllrtant
avait opéré un
tournarlt
à
la
fin des années
1970 qlli
signifiait
plus de coopération avec
les employeurs,
était perçue CIJlnnle une organisaticln l'évolutionnaire
liée au
Parti
Socialiste.
La
stratégie de collaboration de
la CFDT sur
les
i e u x de
travail
(contrairement
à
[a CGT)
était
analysée
par
les dil'igeants de
la firme
comme llne volonté de
la CFDT de
favorise)"
l'émergence d'une paix sociale qui devait
pernlettre
au G.)uvernement
socialiste en place d'appliquel' ses politiques
industrielles,
Le
tnanagemerlt de LF3 était convaincli que
l'objectif des
syndicats
~tait de "se débarrassel" des employeurs"
et de

22 l
détruire
la
firme.
En
o u t r e ,
le
fait
que
les
s yn d i c a t s
ne
représentaient
pas
tous
les
travai 1 leurs l'eneleil
leurs
stratégie~ inacceptables.
C'est
pour
toutes
ces
raisons que
les dirigeants cIe LFJ
préféraient
négocier aveC
le syndicat
pro-employeur.
Ils
étuient
également
contre
les T.ois AurOllX cIe
1982, et
pensaient
que
la cr6atilJn d'url climat de relations
industrielles sain
dépenc!ait
cIe l'acceptation pflf
le
syrlclicat des objectifs
é
t ab l i s
par
la
firme.
Le
cas de LF4
His torique
LF4 est
une société de grande
taille créée en 1912.
Elle
a
un
personnel
de 650 melnbres qui
sorlt
syndiqués.
En
1986,
à
c aus e du déci in de
ses
performances
économiques,
elle
fut
('achetée par
un
constructeur
japonnais
qui
en fait
produisait
déjà ilvec un brevet de I.F4.
Cette dernière est
spécialisée
dans
ln construction ùe
~resses, ùe
tailleuses,
et
autres
tYlles de ITlactlines à outils.
Stratégie commerciale et
concurrence
La
phi l o s o phi e
de LF4 est
ln suivante:
elle vend un
service,
non IIIl produit.
Elle
s'identifie également i\\
une
stl"Ucture uyant eles
responsabilités de formation vis à vis de
ses clierlts.
Cette
fonctil)n est mieux assurée vi~ à vis eles
petites unités
(moins ele 50 salariês)
qui
représentent
80% de
ses cl i e n t s .

222
La
politique coolmerciale de LF4
constitue donc
l'aspect
central de son activité.
L'accent mis sur
le marché
local
lui
confère un haut degré d'indépendance vis à vis de
la société
mère
,jap()naise.
IJF4 vend égaleOlent
en Afrique et dans
le Moyen
Orierlt.
l.es concurrenls de LF4 sont
avant
tout
les Allemands;
erlsuite viennent
les Belges.
Stratégie de production
I.e
transfert de propriété qui a eu
lieu en 1986 conduisit
au
pnssage d'une production de machines sur mesure à
la
fabrication ,le machines
standardisées.
En VendaIll
ces machines
stan(lardisées à
url grand nombre de clients.
"objectif de LF4
est
de
réaliser des éccJnoITlies d'échelle.
La
société LF4
est
C()nlpIJsée de cieux llsines.
Au sein de
ces
cJeux usines,
aussi
bien
la
fabrication des
composantes que
l'assemblage
sont
réalisés
sur
le
plan
intern~, alors qlle
la
fabrication des
parties
électrorliqLles
est
sous-traité~.
Perfc)rmances
économiques
D~puis 1986,
la
soci6té a
atteirlt
à
nouveau
un
niveau de
performance élevé el
est
devenue
profitable.
Au
cours de notre
tI"avail
de
recherche,
nous
n'avons pas
réussi
à obtenir <les
informations
sur
les autres aspects de
LF4,
à
savoit":
sa stratégie de
productin,
ses problèmes de
qualification,
et
ses
choix
stratégiques en matière de
formation des
travailleurs.

223
Relations
industrielles
Les
synclicats
étaient
faibles
nllm6riquement.
Ceci
était à
mettre en relation avec
la.
p é r Lode
difficile que
la
firme
avait
traversé all COUI"S (les années
1980.
Certains syndicats
n'existaient
llraliquemcnt
plus.
Au mOlnent
de
l'interview,
seul!; qUelqlles
trllvail1eurs avaient
nlaintenu
leur appartenance
syndicales,
~lVCC un niveau d'inactivité assez
l ev
é
é

l_es
tlirigeants de
la firme
ne voyaient
pas
la
nécessité
de
syndicats
sur
les
lieux [le
travail,
surtout
lorsqu'il
s'agit
des
syndicats
français.
Selon eux,
lorsque
les
représentants syndicaux rejettent
les
politiques de
la firme,
ce n'est
pas
parce qu'ils
les
trouvent
mauvaises,
mais
c'est
parce qu'ils
veulent
faire croire aux
travailleurs qu'ils sont
en
tI"ain IJe défenl]I"C
lourN
intérêts dans
le but d'être
réélus.
P(JUI"
les reS1JI)nsables de LF4,
"ie rôle des
syndicats
françilis
n'est
pas de construire mais de détruire
ln firme tt •
Ils
étaient également
convaincus que bien que
les
syndicats
étaient
faibles.
leur seule présence sur
les
lieux de
travail
amenait
les
travailleurs à
adopter des attitudes
négatives vis
à vis des décisions managériales.
C'est
la raison pour
laquelle,
Il'S
r e s ocn s ab l e s
de
j'entreprise
r-e j e t t
r e n t
les
è
Lois Allroux;
ces
lois
imposaient
des syndicats dans des
firmes

i 15 n t a u ra i e nt
jamais pu
s'implanter seuls.
Ceci.
me t
fin à
la présentation des
cas sélectionnés.
Comme nous
l'avions annoncé dans
le chapitre

224
méthodologique,
nous
avons
adopté une présentation qui
part
des CilS sélectionnés pOLir ensuite déboucher sur une analyse
détaillée des facteLITs qui expliquent pourquoi
(a formation
professionnelle des
travai 1 leurs
est
diffici le
lorsque
les
relations
industrielles
sont
con Ll ic t ue l l e s .

225
CHAPITRE IV
ORIGINES HISTORIQUES ET CARACTERISTIQUES
DES SYSTEMES DE FORMATION AMERICAIN ET FRANCAIS
rnLroduction
Un s y s t ême de
formation professionnelle est
une
i n s t Lt u t i on •
Le
fonctionnement
et
l'organisation d'une
institution sont
l n
l u e n c s
par son histoire.
Les
l n s
î
ô
t j t u t Lon s
opèrent
des
mutations afin de s'adapter aux nouveaux environnements
économique.
technologique,
social.
et
politique.
Cependant,
ces
InutBtions ne se
font
pas
du
jour
ElU
lendemain.
Ain:->i
sauf dans
les cas de
révolutions,
['histoire a
tef\\(\\an(:e à
influencer
les pratiques actuelles. Cette
rigidité
fait des systèmes de
fClrmaticln des
facteurs
structurant
les
stratégies et politiques de qualifications.
De cela découle
l'irnp(-lftance (['une etude des péritJdes d'émergence des
systèmes de
formation américain et
français.
Une
telle étude permet
d'identifier
('origine et
l'évolution des caractéristiques de
base des deux s y s t ème s a i n s i
que
les rôles
joués par
"Etat,
les
employeurs,
et
les
travai lieurs a u cours de ces périodes.
Elle
permet
égaleOlent
de rnieux comprendre
le
fonctionnement
et
les
performances des dellX systèmes nu
cours des années
1980.
Dans
les sections qlli
suivent,
les évènements historiques
majeurs qui ont
été
à
l'origine de
l'émergence d'un système de
formation ce n t r-a l i s é
et contrôlé par
t'Etat en France,
et d'un

226
système relativement (Iominé par
les employeurs aux USA,
sont
examinés. La
priorité sera donnée à deux évènements qui
ont
caractérisé
le
t[)urnant
du siècle:
1.
la
structure dominante d~
l'économie et
t'apparition de nouvelles
technologies de
production et,
2.
les caractéristiques du débat
sur
ln formation
professionnelle et
la façon dont
il
a été
influencé par
la nature
des relations
industrielles.
I~es objectifs poursuivis dans ce chapitre sont
les
suivants:
1.
Montrer en quoi
les changements économiques et
technologiques de
la fin du 19ème siècle et du début
du
20ème
siècle ont
influencé
les débats
sur
la construction,
l'()rganisation,
et
la loodernisation des systèmes de
formation
professionnelle en France et
aux \\JSA.
2.
Expliquer c()mment
l'existence de relations
industrielles
conflictuelles a débouché sur une cI"istallisation des positions
des différents partenaires sociaux dans
la défense de
leurs
intérêts et
sur
l'émergence de systèmes de
formation
fragmentés
dans
les deux pays.
3.
Montrer
le
rôle déterminant des rapports
de
force entre
partenaires sociaux dans
la structuration des
systèmes de
fClrloation am6ricain et
français.
4.
Utiliser
l'analyse historique des {Ieux système~ de
formation comme
p()int de départ
de notre examen des questions de
formaliol\\ dans
les
industries de
la machine à outil
française et
américaine.
dans
la mesure où comlne
nous
le montreront plus
tard,

227
la plupart des caractéristiques des
périodes
formatives de ces
systèmes étaient
encore présentes au début des années 1980.
1. Le Cas des Etats-Unis
1.1. Caractéristiques Dominantes de l'Ecnnnmie
SellJn Kantor,
"Durant presque
tuut
le 19ème siècle,
l'éducation
Lo r-m e l f e
j o u u
LIll
rôle mineur dans
la préparation des
citoyens à occuper des po s i t ions spécifiques dans
l'économie.
La
plupart des
jellnes
fl'6quentaient
l'école pendant cinq ou six ans.
Ils quittaient J
l'âge de ùouze ou
treize ans pour ensuite
entamer une
formation professionnelle sur
le
tas"
(Kantor,
]982;
p.14).
Ainsi,
il
y avait
u ne s
pa ra t Lon nette entre
l'éducation
é
générale et
la
f o rmu t i o n p r o f e s si on n e ll e , La première était
formelle.
La seconde avait
1 ieu s u r
le
tas,
En outre,
la prise en
charge de
la
format ion p r of e s s i o nn e l Le par
les employeurs
guarantissait
la cohérence des
stratégies de
formation et
t'existence d'une convergence elltI"e
les objectifs de
la
formation
et
les besoins des employeurs dans
la mesure où ces derniers
étaient
à
la
fois
formateurs et utilisateurs.
Le
tournant du siècle fut
une période de changements dans
l'é(~(lnL)mie américaine.
"Entre
1880 et
1920
une économie
fragr~entée, régionalisée,
et
peuplée de petits ateliers et de
fcrr~es fut tr11nsformée en un réseau insdustriel urbain de plus en
plus d omi n
par de grosses
firmes"
(Kantor,
o p
é
c
c i t , :
p.16).

228
C'était
Je
début
de
la période
fordiste.
Les économies
d'échelle furent à
la base des stratégies de production et
cl)nstituaient
les premiers pas vers
le système du
travail
à
la
chaine.
Sur
le plan
technique,
les processus de production
devinrent plus mécanisés.
L'intêgratiorl verticale des activités
de productioT\\ devint
lIn
aspect domjn~lnt des stratégies de
la
firlne.
La spécialisation et
la division du
travail
prévalurent
dalls
l'organisation du
travail. Tout ceci correspondait à une
période de rationalisation dont
le ryttlme était beaucoup plus
accéléré aux USA que partollt ailleurs.
Les possibilités de
prospérité stimulèrent
la concurrence inter-entreprise et
la
croissance de
la
firlile.
I~es effets cIe ces changements économiques et
technologiques
sur
les qualifications et
ln
formation des
travailleurs étaient
importants.
Pratiquement,
aucun secteur économique ne
fut
à
['abri
de ces changelnenls.
Compte
tenu des opportunités qui
existaient
et afin de s'assurer un corltr61e maximum de
leurs
activités,
les employeurs oeuvrèrent au déclin des métiers
("craft-workers"),
dont
les membres étaient
connu pour
leur bonne
connaissance des p"ocessus de production;
conrlaissance qui
leur
donnait un certain pouvait" de décision sur
l'organisation et
J'exécution des
tictles sur
les
lieux de
travail.
Même dans
Je
secleur (le
la lnactline à outils qui
n'adopta
jamais totalement
l'organisation forcliste du
travail,
et
s'appuya
toujours sur une
main-d'ncllvre hautement qualifiée,
la rationalisation des

229
IlTocessus de
production donna
lieu à
des stratégies de
déqualification des
travailleurs,
et
fut
facilitée
par une
spécialisation dans
la
production d'une gamme
réduite de machines
et par
]'acquisitlofl d'équipements
très spécialisés
(Haydu,
1988).
l.a spécialisation du
travail
qui
a accompagné
l'avènement
du
fordisme
ne constituait
pas un phénom~rle inéluctable.
La
préférence manifestée par
les employettfS américains pour une
telle main d'oeuvre résultait d'un choix stratégique.
En fait,
le
recours à des
stratégies de
production basées sur des
économies
d'échelle n'est
pas
incompatible avec
l'utilisation d'une main
d'oeuvre qualifiée.
Selon Lequin (1989),
la mécanisation des
processus de production ne conduit
pas
nécessairement
à
la
déqualification.
Ce
sont
cc~ I)o~sibilités de choix divers qui expliquent
la
nature du débat américain au
tournant du siècle sur
la création
et
l'organisation de centres de formation
professionnelle,
et
plus
spécialement
les divergences entre ceux qui
étaient
pour une
spécialisation croissante de
la force de
travail,
et
ceux qui
étaient
pour
la
formation de
travailleurs
hautement qualifiés
avec de solides connaissarlces générales.
Ainsi,
à
partir de
l'émergence d'une nouvelle structure
écononliqlle et de nouvel les
formes de production débuta un débat

230
sur
la créRtion d'lin système de formation professionnelle.
A
cause de
leur
importance stratégique,
les politiques de
qllalification devinrent
causes de conflit
entre
l'Etat,
les
employeurs,
les travailleurs
et
leurs syndicats,
les
formateurs,
et
les réformistes
("social
reformers").
I.Z.
Le Débat sur
la Formation
Vers
la fin du
19ème siècle,
les employeurs américains
étaient
à
la
recherche d'une main d'oeuvre
capable de
soutenir un
processus d'industrialisation rapide stimulé par la mécanisation
des systèmes Je production.
Ils
étaient
conscients de
leur
incapacité de créer
tous seuls une telle main d'oeuvre,
bien que
certains d'entre
eux possédaient
leurs propres centres de
formation
(Kantor,
1982).
Les exigences de
la production ainsi
que
la compétition
internationale étaient à
J'origine d'une
pénurie de main d'oeuvre qui
ne pouvait
être éliminée que par
la
création et
le renforcement
des centres de formation publics.
Le
recours aux
travailleurs
irnrnigrés démontra très vite que ces
derniers ne pouvaient
pas remplacer
la mise sur pied d'un système
de
formation structuré.
Dans
le système Je relations
industrielles,
le rapport de
force~ était en faveur des employeurs. L'association des
entrepreneurs
industriels,
le National
Association of
Manufacturers
(N.A.M. l
créé en
1895, dirigeait
un front anti-
syndical
organisé autour d'un programme refusant aux syndicats

231
existant
l'exclusivité de
l'organisation des
travailleurs
t ue r-b e r , 1984).
Shonfield (1965)
caractérisa cette période comme étant un
tournant dans
l'industrialisation des USA.
Jusque
là,
les
entreprises pllbliques avaient
joué un
r61e déterminant dans
l'économie arrléricaine.
Ce rôle
fut
considérablement réduit
par
la
montée de
l'entrepreneur privé.
Ce dernier avait au fi 1 des
années accurllulé suffisamment de richesses et de pouvoir pour
gagner son indépendance,
et ne
recourir à
l'Etat qu'au cours des
périodes de crises.
Alors que
les employeurs étaient organisés,
les syndicats de
travailleurs étaient encore en train de consolider
leurs bases.
La Fédération Américaine du Travail
(American Federation of
Labor,
A.F.L.),
était en train de se débarasser de son
orientation politique pour entrer dans
le syndicalisme purement
revendicatif
("business unionism").
Le débat autour de
la
formation professionnelle créa des divergences au sein des
t r a va J lieurs
entre
les s ynd i c e t s de métiers et
les syndicats
regroupant
les
travailleurs non qualifiés.
Vers
la fin du 19ème siècle,
le NAM était
le plus ardent
partisan de
la création de centres de
formation financés
par
"Etat.
En 1905,
sa commission sur
la Formation Industrielle
pro(]uit un rapport dont
les aspects
fondamentaux étaient
les

232
suivants:
un c()nstBt de
la faillite des
lycées
traditionnels dans
leurs activités de formation
industrielle -
la nécessité de créer
un
système de
formation
professionnelle
indépendant de ces
lycées,
et administré par
les elnployeurs et non
les éducateurs -
l'importance de
la mise sur pied de programmes de
formation à
court
terme -
et
la nécessité d'aCCOI"der
la place qu'elle mérite
à
la
formation
sur
le
tas.
La demande exprimée par
les employeurs de promouvoir
l'acquisition de qualifications spécifiques et étroites qui
viendraient
remplacer
la
formation par apprentissage constituait
un autre aspect
important du
rapport
de la commission du NAM.
Ceci
constituait
une
façon d'affaiblir
le
rôle des
syndicats de
métiers dont
les membres
étaient
formés
par
l'apprentissage
(Cu b a n ,
1982j
Kantor,
1982j
x e t t ,
1982;
Wirth,
1972).
Les
demandes du NAM cOf\\stituèrent
plus
tard
les aspects
centraux du
programme de
la Société Nationale pour
I~ Promotion de
la
Formation
Industrielle
(National
Society
for
the Promot ion of
Lndus t r i a I Education,
NSPTE)
c.o n c e r nu n t
la création et
l'organisation des
centres de
formation.
Créée en
1906,
la NSPIE était une coalition d'employeurs,
de
1
réformateurs
sociaux,
de
s ynd Lc e t s ,
et
d'éducateurs.
Ce s
ILe
fait
que
les
intellectuels
radicaux
furent
exclus
de
la
coalition
donne
un
certain
p o i d s
aux
arguments
de
Kantor
selon
lesqllels
les différents groupes
d'intérêts
s'étaient mis d'accord
sur "le désir d'améliorer les
conditions de
vie et
de travail
sans
s'attaquer directenlent aux fondements
du
système
capitaliste
et à

233
différents groupes avaient des divergences en ce qui concernait
les buts
et
l'organisation du
système de
formation
professionnelle.
La
coalition ne
fut
possible que parce que
toutes
les
parties
prenantes étaient
convaincues de
la nécessité
de centres (le
[ormatioIl publics.
Les activités de
lobby de
la
NSPIE avaient
lieu au sein de
la Commission Nationale sur
la
Formation Professionnelle
(National
Commission on Vocational
Training)
mise sur pietl par
les autorItés
fédérales.
Les activités de
la NSPIE débouchèrent
sur des résultats
positifs. Grâce au passage du Smith-Hughes Act en 1917,
la NSPIE
reçut
un support
financier
de
la part
de
l'Etat
Fédéral
pour
la
création de centres de
formatiaIt.
Le Smith-Hughes Act constitue
jusqu'à présent
probablement
la réglementation
(a plus
importante
ùans
l 'histoire du sy~tème ùe formation professionnelle
américain.
En effet.
il
autorisa
l'allocation d e fonùs pour la
créatiorl ùe prograrnmes ùe formation dans
les branches de
l'industrie,
dans
les a r t s ménagers,
et dans
le domaine de
l'agriculture.
Il déboucha également sur la mise en place de
la
Direction Fédérale de
la Formation Professionnelle
(Federal Board
of Vocational Education, FRVE) à qui
revenait
la responsabilité
de veiller à
l'application du
Smith-Hughes Act.
cepenc]ant ce dernier ne l'éussit pas à mettre
fin aux
divergences que
les membres de
la coalitiofl avaient à
propos des
la structure sociale"
(Kantor,
1986;
p.403).

234
objectifs et
de
l'organisation des
centres
à
former.
Ceci
constitua
l'un des
points
faibles
de
la NSPIE,
car ces
divisions
allèrent
en s'approfondissant.
D'un côté,
il
y avait
le NAM
soutenu par
les
réformistes
pro-employeurs et
qUelqlles éducateur"s.
De
l'autre,
il y avait
les
réformistes
"lliimarlituires",
les dirigeants syndicaux,
et
les
éducateUI"S,
tous
concernés
par
la mise en avant
des
valeurs
démocratiques de
la
société américaine.
Pour
le
second groupe,
la
séparation entr"e
formation
professionnelle
et
enseigrlement
général
allait
renforcer
la division de
la
société
en classes.
En
effet,
tes
jeunes d'origine ouvrière allaient être
systématiquement orientés vers
les écoles professionnelles.
En
termes
philosophiques,
il
s'agissait
d'un débat autour de
la
question de savoir si
"les centres et
écoles de
fornlation
devaient seulement
servir
les besoins de
l'industrie,
ou s'ils
devaient
s'atteler à
protéger
la condition humaine sous
le règne
de
la
technologie"
{w i r t h ,
1972;
p.l).
En
termes politiques,
il
s'agissait d'un débat
sur
le contrôle de
la structure et de
l'admiflistration du système énlergeant de
formation
professionnelle.
La NSPIE fut
créée dans
un contexte conflictuel. Le
sentiment cIe méfiance que
les organisations de
travailleurs
avaient vis à
vis du
programme de
la NSPIE partait d'une
expérience.
Elles avaient
jusqu'ici été quasiment
exclues de
l'élaboration des
politiques de formation mises en place par
les

2J5
centres cIe fOl'ulHtion dirigés par
les employeurs.
Ces
centres
avaient
tendaflce A former des briseurs de grève.
Ainsi,
les
syndicats vuulaient un système de
formation administré par
l'Etat.
formant
d c s
travailleurs hautement
qualifiés,
et dont
les
processus de d é ci s i on verraient
la p a r f i c i pn t i o n des
r ga
t f
«
t
i
lQ26).
o
n i s n
o
n
r h :
r a
v
a
l
L c
u
r s
( C u
r o e
,
En cléllit
de ces divergences,
les
syndicats
furent
parties
prenantes de
la NSPIE.
La raison en était
que
la NSPIE avait
besoirl cl'elrx afin d'accroitre ses capacités (le
pression sur
Je
Gouvernenenlt.
c'est aiftsi
qu'en 1907,
le
secrétail'e pro-employeur
du NSPIE
Inte]'vint à
tIlle
COflvention cie
l'AFl. afin (le convaincre
ses
dil'jgeants (le
les l·ejoindl'e.
Lil
ce/ltrale syndicale
intégra
le
NSPIE. Illais maintirlt
ses jloints (le vue sur
l'organisation dll
système de
format ion.
Il appal'ait donc clairement que de nombreuses questiorls se
tl'ouvaie/lt ~
III
base du débat arnéricairl sur
la fornlation
professlclnslelle (lui
a
eu
liell au
tournant
dll
siècle.
Ces
questions étaient
relatives:
à
la
coordination entre centres de
I'ormn t t o n el
firmes
- il. la définition des objectifs des
centres
de
fo rmn t i on
(ou
en d t a u t r c s
termes,
à
savoir si
le s ys t ème de
forrnation devait
se contenter de répon(lre à
la
delnall(le des
8nlploycurs Oll llierl
fOI"mer une "clflsse"
de
travailleur's qualifiés
malgré
)'(Il"ierltation for-cliste cl II systèm8 de pr'ldllction
émc r g e a n t l ,
et
-
au rÎ1 J l' d e
'J~tllt,
des employeurs,
et des

236
travailleurs dan~ l'administration du système de formation.
Le
Smith-Hugues Act a-t-il
permis un accroissement de
la
population de
jeunes accédant au~ centres de
formation? Les
histl)ciens (Jnt
des (Iivergences en ce qui
concerne
les réponses à
cette question
(Kett,
o p c c i f , :
Kantor,
op.cit.;
Cuban,
1982).
Cependant,
ils
sont
d'accord sur deux faits.
Le Smith-Hugues Act
permit
de
légitimer
l'idée s e t o o laquelle
les
centres
permettaient de préparer
les
jeunes à
leur entrée sur
les marchés
du
travail.
Le deuxième accord porte sur
le
fait qu'au niveau de
sa mise en oeuvre,
le Smith-Hugues Act
n'avait pas été un
succès.
Les
raisons de cette fail lite étaient
les
suivantes.
I_es
emp!rlyeurs,
bien qu'ardents partisans ,le
leur création,
consirlérdiellt
les centres comme des
institutions rle
jouant
rien
de plus qtl'un rôle d'appoint dans
la
formation,
non pas comme des
structures pouvant
se substituer à
la formation
sur
le
tas
très
largenlent employée par
les
firmes.
Cela constituait une équation
à
résoudre pOLIr le FnVE qui dirigeait
le système de
formation.
En
effet,
d a n s
la pratique,
dès
leur création,
les centres
répondirent à
la demande des employeurs,
et
ne suivirent pas
les
directives fédérales
Comme cela devait être
le cas compte
tenu de
j'origine fédérale de
leur financement.
Egalement,
les centres de
formation
attiraient
de moins en moins de
jeunes car
leurs
diplômés se
rendaielll
compte que sur
les marchés du
travail,
les
emplrlis et
les salaires qui
leur étaient offerts après
leurs

237
études n'étaient
pHS
rfleilleurs qLle ceux obtenus pltr
les diplômés
de
l'enseignement
général.
Apt"ès cIeux décennies cIe mise en oeuvre du
Smith-Hugues Act,
on
a s s i s t u à une t r an s I o rma t irm d e s
rapports de
force.
Le
contrôle du FBVE passa entre
les mains des éclucateurs all
d é t r tm c n t
du
lobby prnc emp I oye u rs . ceci
conduit i1
un changement
darls
les
strflt~gies de formation.
I.'nttcntion
jadis accordée par
Jes eefltres de fCII"Jnatiarl aux clemiindes de qualifications venant
des
empluyeurs
fut
réduite.
La
formation professionnelle à plein
temps organisée sur
le modèle de
j'enseignement général
devint
la
règle.
Selon Kett
(op.cit.;
P.IOS),
"plus
la formation
professionnelle partagea
les buts de
l'enseignement général,
plus
elle s' i s o t n clu monde de
L'<c nt r c n r- j s e?".
Cette flouvelle orientation plus
théorique des
centres
renforça
les employeurs dans
leurs
convictioilS que
la fOI"malion
clevait
se fnire
sur
le tas.
Cependant,
cela ne pel'mettait
pas de
répondre aux b e s o i n s en travailleurs des
firmes.
Ainsi,
malgré
leur
rejet de
l'urielltation non pratique des centres,
les
employeurs continuèrent à
exer~~r rIes pressions sur
les atltorit6s
pu b l i qu e s du
système de
formation.
L'intensité de
l e ur s
pressions variait avec celle de
leurs
besoins
immédiats en
t r av a i Ll eu r s .
Ainsi,
les employeurs
participaient il. la vie dc s centres cie formation
lorsqu'ils

238
avaient des
besoins en qualificatic)ns.
et
s'en retiraient llne
f()i~ que ces besoins étaient satisfaits.
Cette
stratégie Je
retrllit
("avoidance
strategy")
était
plus
permanente dans
le dOlfiaine de
l'apprentissage où
le mode de
régulation était
plus
stricte qlle dans
les Blltres J()maines de
la
forlllillion perrUBllente à
cause des
procédures d'enregistrement
obligatoires
précédent
lit
formation des apprentis.
Ce
retrait
plus
pernlanent
constaté dans
te domaine de
la forlnation
par
apprer\\tissage était
égalemeTlt
lié A l 'anti-syrldicalisme des
employeurs anléricftins,
étant
donné [Ille
la présence des
organisatilJns de
travtlilleut"s étilit de
loin beaucoup plus
forte
dans
le système d'aPPl"entiss;lge (lue dans
les autres dom11ines de
la forlnlltion professionnelle
(Douglas,
1921).
Dilns IJne étude sur
les
"rondatioTls Légales des Marcllés du
Capital
lillmain",
Jacoby
(1991;
p.229-2311
explique que
"les
terltatives de revitalisation de
l'apprentissage entreprises à
la
fin du
19ème siècle
furent
iTlcapables d'anléliorer
les
per"f()rmances du
système de
formation américain.
C()mprendre cet
échec revierlt à flnalyser
les
tensioTls entre
les exigences des
l()is cClntl"tlctuel les et
les méthodes de gestion du
personnel
au
sein de
la
firme.
En
substituant
l'apprentissage non-réglementé
au contl"at
d'apprentissage,
les ernploycurs
réussirent à éviter
t(lUt c(lntrôle
légal
SUI' leurs
investissements en forrnation et à
créer tllnsi
les UlaI"chés rllCJdernes du
travail
(L'ellregistrement
de~ apprentis étHit
irlacceptable pour
les ernployeurs)
dans
la

239
mesure où
i l
les obl i g eu i t
à prendre
"engagement
d'assurer un
emploi
et
un
salaire aux apprentis
pendant
la durée du contrat,
à
réaliser des
investissements significlltifs en formlltion,
et
s u r t ou t •
à
se conformer à
un
corpus
de
lois
q u i
limitait
les
prérogalives des employellfs
lors (les conflits glli
pouvaient
surgir à
J'occasion (le
,'exécution du
contrat d'apprentissage".
Slichter et
al.
(1960)
distinguèrent
sept
méthodes
pour
la
constructioTl dlune nlain d'oeuvre qualifiée dans
les lJSA de
l'époque,
en
l "o c c u ru n c e ,
l'immigration,
la
formation dans
les
centres,
la
formation
dan",
"armée,
la promotion b a s ée sur
l'expérience,
l "a p p r e n t i s s e g e ,
la progression par suivi
sur
les
1 i c u x de
t r av a i 1,
et
la formation
sur
le
tas.
Leur analyse
les
amen~l·ent à conclure que
les (Ieux dernières Jnéthodes étaient
les
plus utilisées par
les ell\\ployeur~ IIJnéricllins.
Cetle corlclusion ne
fail
que confiJ'mer une attitude que
ces derniers avaient déjà
~dopt& lor's de
la mise Cfl place du
systènle de formation
américain.
Ainsi,
R\\lX USA émergea un système de formation
fragmenté
(décentralisé)
qui
résulta de
la
c omb i n a i so n de plusieurs
facteurs:
1.
les capacités lie
l'Etat Fécléral
et des Etats à
imposer
le
respect de
III
légisJ~Lian en matière de formlltiarl étaierlt
faihles;
cel~ fHcilita
la stI"atégie tle
retrait des emplllyelll's
("avaidarlce stratégie")

240
2.
la
formation des
travailleurs
sur
te
tas
non seulement
renforça
la décentralisation du
système de formation.
mais permit
aux employeurs d'être
indépendants des
centres
de
formation gérés
par
l'Etat,
tout
en maintenant
leur capacité à
imposer
leurs
points de vue à ces centres
lorsqu'ils avaient
besoin de
travailleurs
formés
3.
enfin,
au niveau des
relations
industrielles,
les
organisations de
travailleurs étaient
trop faibles
pour contrer
j'orientation des
employeurs qu'elles ne partageaient
pas.
La
période d'émergence du
système de
formation américain
permit donc d'établir
les éléments de base de ce qui devait
devenir sa
structure au
cours des décennies
suivantes.
La
loi
de
1963
(the Vocational
Education Act
et
son Amendement
de
1968)
en
promouvant
d'une
part
la création de centres de
formation de
niveau
supérieur,
et
en mettant
l'accent
d'autre
part
sur
la
nécessité de
programmes
destinés aux personnes déshéritées,
ne
changea en
rien cette
structure.
En fait,
la séparation entre
la
firme
et
les
centres de
formation alla en
s'approfondissant,
provoquant
<tes débats
très
intenses au
cours des années
1980,
entre employeurs,
autorités
du systèmes de
formation,
et
travailleurs.
Avec
le Vocational
Education Act,
les centres de
formation
de niveau supérieur se
sont vus attribués deux fonctions.
Ils
devaient
en même
temps assurer
l'entrée de
leurs étudiants
sur

241
les marchés du
travail,
et
permettre à
ceux. qui
le désiraient
d'accéder à
l'université.
Ainsi,
il devint de plus en plus
possible à
ceux qui
n'avaient
pas
réussi
à
s'inscrire à
l'université après
le
lycée,
de
le
f a i r e après quelques années de
formation dans ces centres qui
leur permettaient d'améliorer
leUl"S
notes.
La
croissarlce
très
forte
des diplômes
associés
(Associate Degrees)
au cours des nnnées
1970 et
1980 était
la
mei Ileure preuve de l'utilisation de cetle voie de passage
(voir
WVTAE Unpub I i s he d Data Fi t el .
Les années
1960 et suivantes virent sc multiplier des
programmes de formation pour pel"SOnnes déshéritées financés par
l'Etat Fédéral.
Le prc,nier déjà rnentionné vint avec J'amendement
de 1968 du Vocational Education Act. Le dernier en date fut
le
Job Training Partnership Act
(JTPA) des années
1980. Ces
prograrnmes n'eurent aucune
influence sur
l'organisation du
système de formation américain dans
la mesure où ils concernaient
des personnes qlli se situaient à
la périphérie
(marché du
travail
secondairel du marctlé du
travail
primaire.
En résurné. à
1ft fin des
trois prernières décennies du
20ème
siècle,
la structure et
le macle de fonctionnement du
système de
formation américain avaient été établis.
Ils ne fUrent
pas remis
en question par
les
lois et nouveaux programmes introduits au
cours des années suivantes. Comme nous
le verrons plus tard,
la
fin d e s années
1980 vit
pour
la première fois,
l'Etat,
les

242
employeurs et
les
travailleurs s'engager vers des modes de
structuration et de fonctionnement différents.
1.3. Les Syndicats Américains et
le Débat sur
la Formation
Ce n'est que dilTIS
la seconde moitié du
19ème siècle,
avec
les Knights of Labor que
les syndicats américains commencèrent à
développer un
point de vue sur
la formation professionnelle.
Cependant,
c'est avec l'AFL qu'ils mirent en place une approche
cohérente de
la formation.
Avant cela, de
leur naissance en 1828
à
la fin de
la première moitié du
19ème siècle,
l'attitude des
organisations de
travaillellrs consistait essentiellement à
faire
de
l'agitation {Cu r oe ,
1926).
Dnu s
le courant de
la première moitié du
19ème siècle,
les
syndIcats américains se contentèrent d'amene."
leurs membres à
prendre conscience de
l'importance de
l'éducation,
de
la
nécessité de réformeI"
le système d'enseignement et d'assurer
démocratie et citoyenneté à
tous
les
travailleurs grâce à une
bonne éducation.
En fait,
la demande d'égalité,
de démocratie, et
de citoyenneté par
ln formation {Iemeurera un élément central du
disc(,UI"S syndical dllrant
tout
le 19ème siècle, ainsi qu'au cours
du tlébat autour de
l'organisation du
système de formation.
Dès
le départ,
l'opposition des syndicats au contrôle de
la
formation professionnelle pal"
les employeurs et à
l'allocation de
fonds
publics aux
institutions de formation privées ne fit
pas
('ombre d'Un doute.
POUl"
les syndicats,
l'enseignement qu'il soit

243
général ou
professionnel devait être administré par
l'Etat. Ceci
était également valable pour
la formation des apprentis que
les
employeurs avaient,
dans une certaine mesure,
réussi à organiser
de
façon privé~.
A la fin des années
1930,
les syndicats adoptèrent
une
orientation plus
é
co nomi s t e
en donnant
une
priorité à
,'amélioration de
leurs conditions de
travail
(salaires et
emploi)
au
détriment
de
la
formation
de
leurs membres,
à
l'exception (le
la formatiol} par apprentissage qui demeurait un
aspect
fondanlental
de
leUI"S activités.
Cette orientation
éC(lnOrniste,
connue plus
tard sous
le nom de "buniness llnionism",
devinl
par
la suite
lu principale caractéristique du
syndicalisme
américHin.
Ainsi,
avant
l'APL, aucune organisation de
travailleurs
n'avait été capable d'élaborer et encore moins de mettre en
oeuvre Ilne approche de
la formation
professionnelle articulée sur
le
lnn g terme. Outre
l'opposition des employeurs à une
participatiorl des syrl<licllts à
la définition des politiques de
format Lon,
trois autres facteurs
internes et externes étaient à
l "o r i g i n e de cette
incapacité.
Preluièrement,
lu stabilisation des syndicats au COllrs de
leur période de f()rmation représentait
une tâche difficile non
pus seulement à cause de
l'opposition des employeurs, mais

244
également
à
cause des
conflits
internes qui
prévalaient
parmi
les
tr 'ft v a "
1 J ] e u r s
(Curoe 1 op • c,"t .), Deux,'èmement,
les Knights of Labar
n'organisaient que
les
travailIetlrs non-qualifiés;
(plus tard
le
succès de
l'AFt
résidait
dans
le
fait
qu'elle
s'était dotée d'une
plus grande capacité politique à
intervenir sur
les questions de
formation dans
la mesure où elle organisait
à
la
fois
les
tl"avail leurs ~\\ualifiés et non-qualifiés. Cela permit de minimiser
les l"isques de conflits entre différentes catégories de
travailleurs).
TJ'oisibmcment,
la formation {les
travailleurs ne faisait
pas
l'obje(
d'une
prise en charge ol"ganisationnelle;
(par contre,
plus lard
l'AFf. créa en son sein urie commission dynamique sur la
fornlatJon que
les Knights n'avaient
pas).
Finalement,
le contexte
à
l'intérieur duquel
évoluait
l'AFL était plus favorable que
celui des Knights.
En effet,
la création de l'AFL coincida avec
la mécanisation des processus de production,
le débat sur la
spécial i s a t i on croissante de
la force de
travail et sur
la
structuration du système de formation.
En fait,
jamais
le
contexte n'~vait été aussi
favorable à
la participation des
t r avu i l Lc u r s
au début
sur
leur format ion.
l.'AFL avait
un
poirll de vue clair sur le type de formation
dont
les
travailleurs avaient besoin. Elle était pour
la
formation continue des adultes qui devait
permettre à ces
derniers d'acquérir
les conTlaissances qu'ils ne pouvaient pas

245
acquérir
sur
les
1 i e u x de
t r av a i 1 à
cause de
leur
implication
peI"manente dans
les activités de production. Afin de renforcer sa
demande.
l'AFL proposa
te
vole d'une
loi
sur
la
formation à
temps
partiel.
En ou t r-e ,
la
formation
des
jeunes devait,
selon elle,
être financée par
les employeurs.
CClntre
le contrôle de
1 'apPI"entissage par
les employeurs,
('APL demancla la création de programlues de formation des
apprenli~ basés sur des contrats tri-partite entre l'Etat, les
employeurs,
et
les
syndicats.
La
centrale
s'opposa
également
à
toute
r é d uc t ion de
la durée
de
J 'apprent i s s a g e .
Certaines de ces
positions
étaient
cc)ntenues
dans
les
programmes des
syndicats qui
ont
pr6cédé
}IAFL.
CepcndRIll
c'est
l'expression organisée des
demanc!es de
l'AFL,
ainsi que ses exigences pour une plus grande
participation des synllicats aux décisions prises dans
le système
de formaticlfl,
qui
la {lifférencièrent <le ses prédécesseurs. Ainsi,
l'AFL exigea
la présence des
représentants des
travailleurs sur
une base paritaire dans
les structures d'administration de
la
formati(ln pr"ofessionnelle aussi
bien KU niveau
fédéral
qu'au
niveau (les ~tats. et dans celles des universités fonctionnant sur
fonds
publ i c s .
Après avoir 11ésité à supporter
la bataille pour le Smith-
Hughes Act de 1917,
l'AFL finit
par joindre
le NSPIE,
comme
mentioné auparavant.
Pillsieurs
raisons ont été à
l'origine de ce
changement d'attitude.
Il a été llientioné que
la mise sur pied du

246
NSPIE avait été renclue possible par
le fait que,
en dépit des
divergellces qlle
les
partenaires sociaux avaient quant aux buts et
à
l'organisation du système de formation,
ils s'entendaient sur
une chc)se:
le besoin de cerltres cIe formation
fin~flcés par
l'Etat
F6déra 1.
En outre,
l'AFL n'entendait
pas se contenter du rôle
d'observateur dans un débat qui
risquait de voir
les employeurs
prenclre des décisions qui
allaient déterminer
l'avenir du
système
de formatil)n am~f·icaifl. EJlfill, dUIlS
la mesure où
les centl"es à
créer devaient êtI"e financés
pB.r le Gouvernement Fédéral,
l'AFL
pensa qu' i 1 serait d'autant
plus facile de
faire accepter
la
préserlce des
représ~ntants des travai lieurs dans
les structures
de directioll.
Cela n'était
pas possible dans
les centres de
formation dirigés par les employeurs.
La strat6gie de
l'AFL se solda par des
résultats positifs.
La centl-Ille fllt
représentée nu
sein (iu FBVE créé par
le Smith-
IIugtles Act.
Plus
tllr(1,
les syndicats
furent
représentés dans
toutes
lcs structures ùe gestion de
la formation professionnelle,
aux niveaux
fédér~l(, des états et des centres de formation.
Malgré ces gains,
les
employeurs résussirent à exclure
les
travai lieurs et
leurs o r-ga n i s a t ions des décisions en matière de
formation
prises sur
les
lieux de
travail. Même dans
le domaine
(le
la fOl"lllation des appI"entis où les syndicats avaient réussi à

247
négocier
l'établissement de règles,
ces dernières
furent
contcltlrn6es par
les enlptoyeurs.
Il y avait à
la base de cela
la
volonté de ces derrJiers {le
fOT/ller
des
tr"availleurs
spécialisés,
stratégie qui
Allait
à
l'encontre de
l'apprentissage.
Il
y
avait
égaleRLent que
la capacité des eRlployeurs à adopter une
telle
orierltation était
liée au
fait
que
le
rapport de
forces était
en
leur faveur dans
le systènle de relations
industI"ielles.
Ceci explique probablement
pourquoi
la bataille des
syndicats s'est
située essentiel lement au niveau de
leur
représentalioTI au
sein des
instances d'administration du
système
de
fOTfnation,
et
nCln sur
les
lieux de
travail
qui
restaient
la
chasse gar(lée (les efllpltlyeurs.
Cette
forme de repl"ésentation
présentait
des
inconvênierlts loajeurs.
En effet,
très
rapidement,
elle prit une
tournure bureaucratique dans
la mesure où
la base
des syndicats était
peu
impliquée dans
les débats qui avaient
lieu clans
ces
instances,
et qui erl
fait,
affectèrent
très peu
la
fnlse en place des
stratégies de fornlation dans
les
firmes.
re s(lnL
Lous
ces
facteUI"S qlli
ont
éLé ft
l'origine de
la
p~l-ticip~lLiorl Lardive des syndicats amél"icairls au débat sur la
formaLion )lrofessiorlnelle,
lorsqu'on
la compare à
celle de
l'organisation des
inclustriels américains
(NAM) qui
très
tôt a
posé
le problème de
la création des centres de formation.
Ainsi,
la premièl'e p()sition publique de
l'AFL sur
la formation
p,"ofessionnellc n'arriva qu'en
1910 avec
le Rapport de Mitchell

248
("Mitchell Report").
A ce moment,
le débat
sur
l'organisation du
système de forlnation américain avait débuté depuis plusieurs
années. En outre,
ce rapport était défensif:
il
portait surtout
sur
la stratégie dont
les
travailleurs avaient besoin pour se
protéger contre
les politiques de forroBtion mises en place par
le
p r a t r o n a t •
En résumé,
l'AFI. gagna
la bataille de représentation au sein
des structures d'administr"atiorl du systèroe de forroation,
mais fut
exclue <le
l'élaboration des politiques de formation de
la firme.
Ainsi,
la format i c n professionnelle était exclue des né g o t i e t i on s
collectives sauf en ce qui concerne
l'apprentissage qui
cc n c e r nei t
un nombre
limité de
travailleurs.
Au cours des années
qui suivirent, même les gains obtenus par
les travailleurs dans
le doroaine de
l'apprentissage eurent
tendance à disparaitre. Le
cas de
la machine à ou t i l s discutée plus tard constituait Un
exemple en
la matière.
II. I.e Cas de
la France
II.1. Caractéristiques Dominantes de
l'Economie
Le débat sur
la création du système de formation
professionnelle français
s'étendit sur une
longue période malgré
le
fait qu'avant
1850,
la France avait déjà la formation
d'ingénieurs
la mieux structurée d'Europe
(Edmonson,
19B1;
Art,
1966).
Le débat débuta avec
la Révolution et
l'aboJition des

249
corporations
de métiers
par
la Loi
Allarde de
1791,
s'intensifia
au cours du 19ème siècle,
el
continua au cours du 20ème siècle.
Selon T'e r r o t
(1983).
il
a
fallu
cent
ans à
la France pour
stabiliser son
système de
f o r ma t. i o n .
Etant ÙC)flné
la nature des évènemerlts qui ont marqué
l'histoire politique et
sociale de
la France du 18ème au 20ème
siècles
(la
Révolution,
l'Empire,
la
Restauration,
la Commune 1
le
Front
Populaire,
le Régime de Vichy,
et
plus
tard Mai
1968).
le
débat sur
la formation professionnelle ne pouvait qu'être
très
politisé. Cependant
ce haut niveau de politisation ne doit
pas
corlduire à
urle nlininlisation des
liens qui ont existé entre le
d é b a t
sur
la formation et
le développement
industriel.
En effet,
L' é vol u t i on
lente du dé ha t
sur
la formation ne fit
que suivre
la
lenteur du pl"[Jcessus d'irldustrialisation en France.
Caron
(1981)
identifia trois périodes
importantes dans
le
processus d'industrialisation de
la France:
une période de
crclissBnce mrJdérée des années
1820 aux années
1870;
un
raientisserrlent dans
le (terniel· quart dll
19ème siècle;
et,
une
cr(JiSsallcc I"arille au C(Jurs de
la IJériode de
la première guerre
rnolldl;IJe.
Cette dernière pério(le dllra jusqll'en 1929.
En dépit de
tous
les
efforts d' i ndu s t r i a l i s a t ion déployés principalement
par
l'Etat au COllrs de ces
trois périodes,
la France ne redevint
jamais ce qu'elle était durant
une bonne partie du
18ème siècle:
un pft)'S rictle avec une strllcture écononlique et des
performances

250
égale::;
(et quelquefois supérieures)
à
cel tes de
l'Angleterre
(Hall,
19S6j Caron,
o p c i
c
t . :
Lash et Ur r y ,
1987).
Selon Cal'un (up.cit.),
les éléments précurseurs de cette
perte de
pouvoir économique étaient apparents avant
la
Révolution. Cette dernière accéléra ce processus en provoquant
des
tr"ansferts de capital à
l'étranger par
la Noblesse,
un
taux
élevé d'inflation qui contribua à
la destruction de
l'épargne,
et
une
tendance à
la spéculation financière au détriment des
investissements pro(!llctifs.
A la base de
tout ceci,
il
y avait
la résistance des
structures économiques
traditionnelles à une
transition vers
la
grande industrie.
Il y avait également
l'existence d'un marché du
travail
"peuplé" de travailleurs hautement qualifiés qui
S'(]ppos~rent à la mécanisation des techniques de production.
Enfin,
il y avait
les centres d'enseignement
techniques qui
formaient des générations de scientifiques incapables de
trarlsfor"nler leurs connaissances en
innClvations
technologiques
utilisables (lans
les
indllstries.
Ce n'est qu'au cours de
la troisième période
identifiée par
Caron que
ln France s'orienta résolument vers
la création de
grandes entre[lrises.
Pendant
longtemps donc,
elle souffra d'une
versiun extrême du syndrome britannique -
trop de petits
ateliers,
un excès de
travailleurs hautement qualifiés,
et des

251
marchés de consommateurs
trop
localisés
(Lash et Urry,
op.cit.).
piOTe ct
Sabel
(1984)
caractéI"isè]"ent
la structul"e économique de
la frarlce du
19ème siècle conlnlC une forme de
"municipalisme"
ou
un système d"'ateliers collectifs".
Cette structure était encore
présente vers
la fin de
la première moitié du
20ème siècle.
Selon
Hall
(op.cit.;
p.129),
"vers
la
fin des années
1940,
la France
était enC(ITe UT} pays de petits producteurs
...•• malgré
la
création d'un nombre croissant de grandes
firmes.
I.e passage d'une économie spécialisée dans
La fabrication de
produits cie haute qualité par des ateliers à
une économie
fu\\)ricant
(les
produits
standardisés
permettant des
économies
d'échelle et des machines à outils
indispensables à
son
i nd u s t r i u I i s a Li o n , n t é t a i I pas aisé pour
la France.
Selon La s h et
Urry (op.cit.;
p.5B)
"la faible
propension des entrepreneurs
français à emprunter,
due à
leur volonté d'indépendance et de
cOlltinllité familiale qui
faisait
partie de
leur
identité"
cc n s t i tua
J'une
des causes de
la persistance de petits ateliers
de p r o du c t i o n spécial i s é s , alors que dans
les autres
pays
eur(Jp6cn~ et aux USA la mécanisation des prl)CCSSUS de production
dans
les firrnes de grande taille était devenue une réalité.
Etant donné que notre recherche
pOI·te sur
la formation
professionnelle,
l'accent sera plutôt mis sur
les rapports entre
les n.éthodes de qUfllification et
la mécanisation des
processus de
production.
L'argument de Curan selon
lequel
l'industrialisation

2S 2
de
la France
(contrairement à ce qui
s'est passé en Angleterre)
était basée sur une accumulation de capital humain mérite
quelques considérations.
Pour comprendre
les relations entre
la
lenteur du processus
d'industrialisation
français
et
les qualifications des
t r avn i lieurs,
un
retour au
18ème siècle est
nécessaire.
Sous
l'ancien régime,
les corporations constituaient
la source
la plus
importante de
travailleurs qualifiés.
Durant cette période,
le
nombre de
travailleurs indépendants
(n'appartenant pas aux
corporations)
déclinaient
constamment
(Coornaerd,
1970).
Coornaeru explique même que malgré
la Loi Allarde qui
les a
aboli.
les corporations continuèrent à
se développer.
Puisque
leurs membres défendaient
leur statut,
la mécanisation des
processus (le production n'était
pas à
leur avantage dans
la
mesure où elle risquait de déboucher sur une spécialisation du
travail
(Priee,
1981). Ceci ne fit
que renforcer
la volonté des
entreprenellI"S frarlçais de maintenir une structure économique
t r nrf i t i o n n el l e •
] 1 n'y avait certes pas unanimité au sein des entrepreneurs.
En effet,
de grandes
firnles existaient au cour5 du 19ème siècle.
Elles se
lancèrent dans
la mé cu n i s a t ion de
leurs apparei l s
productirs,
et furerlt à
l'clrigine de
l'émergence d'une force de
travail
s em i e-qu al i Li
e .
Selon Priee
t o o
é
v c i t . ! ,
entre 1893 et
1897,
un
tieI"S de
la main d'oeuvre de ces grandes firmes était

253
composée de
travailleurs semi-qualifiés.
Cependant,
ces
firmes ne
constituaient qu'une minorité des unités de production.
Les obstacles à
l " introduction des
processus mécanisés ne
venaient pas uniquement des
travailleurs hautement qualifiés.
Ils
étaierlt aussi
liés à
la nature du système
français d'enseignement
et de recherche.
En général,
l'innovation et
le progrès techniques découlent
de
l'application des découvertes et des connaissances
scientifiques,
ou du passage de
la
recherche au développement.
Au
cours du 18ème siècle,
la France était en avance sur
les autres
-pays européens grâce à une formation d'ingénieurs bien
structurée.
Cependant,
ce potentiel ne fut
jamais pleinement
utilisé d an s un o h i e c t i f
de développement
industriel
(Caron,
op.cit).
En effet,
"le nlythe du
travailleur de métier, génie et
inventeur,
a persisté durant
tout
le
t aëmc
siècle"
(Caron,
op.cit.; p.41l. La c1lnséquence en a été que la recherche
scientifique a été earactérisée par
la prolifération de petits
laboratoires dans
lesquels les possibilités de recherches étaient
limitées par
les faibles capacités financières de chacun d'eux
pris
individllellement.
En outre,
ces
laboratoires mirent
plus l'accerlt
sur des

254
expériences orientées vers
l'eT\\seignement que sur des découvertes
orientées
vers
l'industrie qui
exigeaient
plus de moyens que
le
caractère fragmenté de
J'économie française ne permettait pas
d'acquérir.
En outre,
en France,
la
recherche était
considérée
comme un exercice
réthorique qui
ne
fit
qu'approfondir
la
séparation entre
les grandes écoles
(type polytechnique) et
Je
monde de
la
firme.
Donc,
trois
facteurs
1 i é s expliquent
pourquoi
les
entrepreneurs n'ont
pas
pu
tirer un maximum d'avantages des
découvertes ~çientifiqlles. Il
s'agissait de
la structure
fraglnentée du système de production,
de
la résistance des
ouvriers hautement qualifiés au changement
technologique,
et du
statut de
la science et des activités de recherche dans
la
société française.
Selon Caron
(p.42),
"la France du
19ème siècle
ne réussit
jamais à résoudre
la contradiction entre son désir de
construire une ind\\lstrie moderne basée sur les découvertes
scientifiques,
et
son souhait de protéger
le petit atelier
spécialisé dans
III p r o rf u c Li on de biens destinés à une clientèle
riche, ainsi qu'une ùrganisation de la production et de
la
rectlerctle ()rientée vers
la satisfaction d'objectifs
individuels!!.
Cet citation résume parfaitement
le contexte du débat
SUI'
la
formation professionnelle qui
fait
l'objet de
la section
suivante.

2SS
Il.2.
I.e Débat
sur
la Formation
Si,
comme
le
pense Artz
(1966;
p.1-2)
"la formation
dispensée
aux
apprentis
et
aux
travailleurs
sous
le
régime
des
corporations était
suffisant aussi bien pour l'acquisition des
qualifications nécessaires et pOliT
leur amélioration quelque soit
les
postes de
travail
concernés
(y compris pour
les
ingénieurs,
et
les officiers
de
'armée)",
pourquoi
les corporations oot-
elles été officiellement abo I ies?
La première raisl)n réside dans
les rapports de
force entre
la Noblesse
et
les
révolutionnaires.
Les corporations
représentaient
l'une des bases
sociales et
économiques
les plus
impcJrtantes de
l'Ancien Régime. Elles ne pouvaient pas être
créées sans
l'accord d e s
pouvoirs
publics
(Coornaerd,
1970).
Elles
faisaient
ainsi
partie de
l'ordre féodal.
Leur destruction
s'inscrivait donc dans
le
processus d'éradication de
la Noblesse
entrepris
par
la Révolution
(Terrot,
1983).
r.'est
parce que
la Noblesse avait
une orientation
me r c e n t i Li s t e
et
expansionniste dont
le
support
essentiel était
l'armée et
la marine,
et
c'est
parce que
le personnel
de ces deux
corps était
formé dans
les
corporations que
ces dernières
représentaient
de~ institutions ~ociales à maintenir (Artz,
op c i
i
t v ) ,
Les
rapPorts de dépendance entre
les
corporations et
la
Noblesse montrent,
comme nous
le verrons
cl-dessous,
que
la
Révolution ne
fil
qu'approfondir un
phénomène qui
existait déjà,

256
et qui allait se reproduire au cours des décennies suivantes, à
saVOlT
le contrôle du système de formation français
par
l'Etat.
Le
pT()jet
de
formation
et
la
philosophie
sociale des
révolutionnaires ~ont deux autres raisons qui ont été à la base
de
1 'abolition de~ corporations. Parmi
les objectifs de
la
Révoiuti()rl.
il y avait
la rationalisation de
la production des
ingénieurs.
urIe
plus grande centralisation du
système de
formation technique,
et
la mise en place de programmes de
formation
s'adressant
plus aux ouvriers afin de
rompre avec une
certaine orientation élitiste
(Edmonson,
1981). Cela devait
pas~er par la création de centres publics, et par
l'affaiblissement du
rôle des employeurs
(très présents dans
les
corporations) dans
le domaine de
la formation.
Sous
l'Ancier} Régime existaient des centres de formation
(par exemple,
l'Ecole Royale du Génie, et
l'Ecole des Ponts et
Chaussées).
Ces centres étaient une solution à
l'incapacité des
corporatirJns à
forrrler
le nonlbl"e d'ingérlieurs nécessaires pour
faire
face aux pressions militaires venant des pays voisins.
Cependant. non seulement ces centres n'arrivaient pas à
satisfaire
la demande,
mais
ils négligeaient également
la
formation (les
travailleurs pour
J'industrie.
Les Ecoles d'Arts et Métiers créées pour
la première fois à
la fin du
18ème siècle devaient
remplacer
les corporations
(Artz,

257
op.cit.). I~es écoles d'ingénieurs furent restructurées; de
nouvelles écoles telles que
l'Ecole Polytechnique furent créées.
Derrières
tous
ce~ changements entrepris par les
révolutionnaires,
il y avait des objectifs politiques,
industriels,
et sociaux.
Politiquement,
comme mentioné auparavant.
il
fallait
détruire les hases sociales de
la noblesse. Au niveau industriel,
les
progrès économique~ de
l'Angleterre constituaient
une menace
pour
la france.
SUT
le plan social,
les
révolutionnaires
voulaient
élever
le niveau de
scolarisation des
travailleurs
oubliés par
les corporations.
{Par exemple,
en 1827.
plus de 50%
des
personnes
entrant dans
l'armée et
la marine
ne
savaient
pas
lire,
d'après Caron,
19B1}.
IJn niveau de scolarisation élevé
pouvait être considéré comme un signe de
justice sociale et
d'extension de
la citoyenneté à
la majorité de
la population
(TerrI3t,
19831.
Cependant,
l'efficacité des structures mises en place par
les révoJutioTlnaires
fut
linlitée Ilar
le fait
que Ill e s
cOlnpétences
et connaissances
techniques continuèrent à être
la propriété des
ateliers,
lesquels étaient
logés dans
le secret
des métiers et
des corpol"ations.
Ainsi,
les artisans
frustrèrent
les
tentatives
entreprises par
l'Etat de codifier et de rationaliser
les
processus de production"
(Edmonson,
op.cit.;
p.53).
Ainsi,
les
centres de formation créés ne
furent
pas en nlesure de

258
concurrerlcer
les structures traditillnnelles.
Les
c o n f I i t s
entre
l'Etat
et
les
employeurs
s'intensifièrent
dans
la deuxième IO()ilié du
19ème siècle.
Les
centres
créés au
cours de
cette p6riode étaient
plus orientés vers
la construction
d'une "classe"
de
travailleurs dotés
de vastes connaissances
théoriques
("le
travailleur
complet")
que vers une
formation
orientée vers
l'industrie
(Bruey,
1989).
Certains employeurs
réagirent en créant
leurs propres centres de
formation.
Ces
divergerlces qui
continuèrent au cours du 20ème siècle ne
permirent
p~s d'organiser
le
système de
formation
français.
De ce conflit de domination entre
l'Etat
et
les
propriétaires d'ateliers résulta un divorce entre centres de
formation et
firmes.
La
formation pratique en entreprise fut
éliminée du curriculum des centres;
priorité fut donnée à
la
formation théorique.
Ces changements ne furent
pas discutés avec
les empl()yeurs dont
les besoins étaient
ignorés.
Les réformes
introduites vers
la
fin des années
1930 et
le début des années
1940 mirent
fln
formellement à
la participation des employeurs
aux
instances de (lécision des centres de formation
(Edmonson,
op.ciL) .
Les
liens entre centres et
firmes furent quelque
peu
réétablis vers
la fin des années 1940, mais pour une durée
courte.
Ainsi,
ce divorce s'il ne fut
pas continu,
demeura.

259
L'Etat
voulait
!imiter
le pouvoir des employeurs dans
la
formation dans url but de
rationalisation et de centralisation. De
leur côté,
les employeurs voulaient maintenir la philosophie des
corpllrations qui
répondaient
mieux à
leurs besoins.
Dans
le domaine de
l'apprentissage,
vers
la
fin des années
1940 et nlême au
début
des
années
1950,
la France n'avait
toujours
pas stabilisé son système malgré
les Lois Astier de
]919 qUI
devaient
réorganiser
les
programmes et
diplômes d'apprentissage
(ainsi que
les autres
types de formation)
en fixant des normes
nationales
t T'e r-ro t ,
o p v c i t vl . Selon Brucy (op.ciL),
après
la
Deuxièrrle Gue'"re Mondiale,
Il
était
impossible d'identifier avec
précision
les cBr"actéristiques fondamentales de
l'apprentissage
cn France.
Deux positions s'affrontaient donc au sein du système de
formation des apprentis. D'un côté,
il y avait
les employeurs
qui.
bien que reconnaissant
l'util ité d'une certaine
homogénéisation et coordination dans
J'organisation des dipJômes
et des programmes,
réçlamaiellt un
système répondant aux besoins
locaux des firmes.
C'est donc
très
logiquement qu'ils demandèrent
la suppression des normes nationales au profit de normes
locales
pour
la fCJrmatiofl des apprentis.
Les employeurs exigèrent
également urIe
forlnati[)n en alternance au cours de laquelle
les
personnes formées passeraient
la plus grande partie de
leur temps
de formati(ln sur
les
liellx de
travail,
ainsi qu'une
réduction de

260
la dllrée du cycle (le
fornlaLi()n A deux ou
trois ans.
Enfin,
pour
eux,
j'Etat rIe devait
hénéficier que d'une
représentation
miflfJriLaire (Iuns
les
Slr\\lctllfes organisant
les
programmes et
dipl6rnes d'apprentissage,
et
se
limiter à aider et à
stimuler la
fOfrnation.
De son côté,
l'Etat avait
des objectifs contraires à
ceux
des employeurs.
Il
voulait unifier et
centraliser
le système de
formatioTl.
y compris
l'apprerltissage.
Il mit en avant
une vision
hurnanltaire de
la formation qui devait assurer
la citoyenneté à
tOllS
grâce à
l'émancipation économique et
intellectuelle des
travailleur"s.
Au bout de
tout
ceci
se
trouvait
"le
travailleur
complet". Enfin,
l'objectif de
l'Etat était de structurer
la
formation
professionnelle suivant
le modèle de
l'enseignement
gérléral. Duns
les
iTl(lustries 00 les employeurs s'étaient dotés
d'organisations patronales fortes,
l'Etat
fit
des concessions.
C'était
le cas des industries de
la métnllurgie et du
textile
(Brucy,
1989).
l.cs deux posiliuns fIC
tI"ouvèrcnt
jamais Un terrain
d'erltente. L'Etat
irnposa son contrôle sur
le système de formation
professionnel le. J~es employeurs rejettèrent ce contrôle et
tenlèrent, à
chaque fois que cela était possible,
de créer
leurs
prlJpr"eS centres tle
formation.
Il
apparail (ICI[IC clairement après ce rést1mé historique que

261
la domination du système de formation par l'Etat n'était pas une
nouveauté du
20ème siècle.
Elle commença avant
la Révolution,
et
se
renforça au cours des années
suivantes.
Au début
des années
1980,
la structure de base du système
français de fOl"matinn professionnelle resta
la m~me. Certes,
le
changement qui
pris place en
1971
avec
la
loi sur
la formation
continue ouvrit une brêche que
les employeurs exploitèrent
surtout au cours des annnées
1980. En effet,
bien que cette
loi
ne rnodifia pas
la structure de base dtl système,
elle a conduit à
une certaine réduçtion du
rôle de
l'Etat dans
Ja formation,
et à
un accroissement
(Je celui d~s employeurs. Ces questions seront
discutées en délai!
lors de
l'analyse de l'industrie française de
la nlachin~ à outils.
Au cours du débat sur
l'organisation du système de
qualification français,
des
trois
principaux partenaires sociaux,
les
travailleurs et
leurs syndicats ont été
les moins actifs.
Il
convient d'analyser les raisons de cette
inactivité.
Il.3. Les Syndicats Français et
le Débat sur la
formation
Les syndicats
français ont peu influencé
le débat sur
la
structuration du
système de formatioTI professionnelle.
Les
raisons en ont été à
la fois
internes et externes.
Après
l'abolition des corporations par
la Loi Allarde,
la
Loi Le Ctlapeller vint
interdire toute forme d'organisation par

262
les travailleurs et
les employeurs. Ainsi,
les formes modernes
d'organisation des
travailleurs, en l'occurence les syndicats,
n'apparaîtront
en France qu'en
1895 avec
la Confédération
Générale du Travail
{CGT).
L'interdiction des organisations de travailleurs et
d'employeurs
s'inscrivait dans
la défense par
l'Etat
des
principes d'individualisme et de laissez-faire dans
J'économie
française
(Reynaud,
1975). La défense de
J'individualisme passait
par
la suppression de
toute
forme d'association
secondaire qui
pouvait
s' interposer entre
le citoyen et
l'Etat.
Le
principe du
laissez-faire était
fondé sur
l'exclusion de toute
(orme
d'actions concertées qui puissent constituer un obstacle au
fonctionnement du marché du
travail,
et à
la concurrence inter-
entreprise.
Cependant,
selon Reynaud (o p c c t t v ) ,
dans son application,
la
loi
était beaucoup plus sévère à
l'égard des
travailleurs que des
employeUl"s. Certaines
formes d'organisation d'employeurs
(par
exemple
les chambres de métiers)
survécurent aux
interdictions de
la loi.
Selon Hall
(1986) et Terrot
(1983),
l 'histoire des
relations
industrielles en France montre que
l'Etat a toujours
cherché à neutraliser
les tentatives d'organisation des
travailleurs.
Cette attitude répressive explique dans une large
mesure la
lente émergence des syndicats français.
Jusqu'aux années
1930,
les syndicats se méfièrent des

263
centres de formation.
Ils Vil"eut en eux des
institutions
tranSlnettant aux travailleurs des
sentiments aoti-syndicaux
concluisant à
un abandoll de
leurs
identités pr"olétariennes
(Troger,
19B9).
Cette altitude des s ynd i c a t s
avait
sans doute été
le
produit
des
positions sur
la
furmation adoptées
par
1"'TnteI"nationale COlomurliste",
dont
le PaI"li Ouvrier Français,
cré~ en 1882,
était membl"e.
AlI COllrs de ses ~llatre premiers congrès
tenus de
1866 à
]869,
l'Internationale prit
position contre
le contrôle du
système
de
formation
par
l'Etat.
pour
la
liberté
dans
l t cn s ei g n eme n t ,
pour
la
prise
en charge de
l'éducation de
leurs
e n f un t a
p<1.J"
les
t ra v u i Ll e u rs
o u x cm ême s ,
et
contre
toute
s é pa r c r ion entre
"enseignement général
et
l a
formatiun
p r-of e s s ionn e l Le .
(Bien
q u e
le d ëb e t
SHI'
le rôle des
travailleurs
daTls
la
forrriation prit une forme
plus organisée avec
la création
des partis (Iuvriers et des syndicats,
les défenseurs des
intérêts
d e s
travailleurs
en matière de
formation ne manquèrent
pas de
faire
ellLcJI(lre
JeuJ's v[)ix au dtbllt du
lYème siècle grâce à des
pc r s o nn al i t és
t e l Le s
que Bu onn ro t t i ,
Ca be t ,
St Simon,
et
PI'oudilon. Tl)llS éLaient pour plus
d'édllcation populaire et de
forlrlaLi.)n puur
les
travailleurs adultes.
Voir Terrot,
1983).
A la fin du
19ènle siècle.
les
syndicats orgallisèrent des
cours dll soir.
Au début du 20ême
siècle,
ils possédaierlt des
centres de
formaLion.
Cependant,
leurs moyens étaient
LI'Op

264
1 i ru i tés
pou r
leur permet t r e de
former un grand nombre de
travailleurs
l Le q ui n ,
1989).
Selon Le qu i n ,
l'objectif de
telles
initiatives était
plus
de prouver
l'indépendance politique d'un
nlouvernent
ouvrier organisé émergeant
qu'une solution aux
problèrnes de
formation qui
existaient.
Après
la Libération,
pour des
raisons que
les
travaux
cllnsultês ne précisent pas,
la positiüIl de
la CGT sur
la
fornlation professionnelle changea.
Elle commença
à
voir dans
la
Lo r ma t l o n professionnelle un moyen d'émancipation des
travailleurs,
et
dn n s
la
firme
un
lieu
idéal
de
f o r-mu t i o n
(1 'ateJ ier-école)
à
séparer de
l'enseignement
général
(Troger,
1989).
Ce121 raj)prllchll
IOllT p(lsitioTI de
celle (les elnployeurs qui
exigeaient
une l:l!"ientatiIJrl pI"utique pour
la
formatic)rJ
professionnelle.
Lu différence entre elnployeurs et
travailleurs venait du
fait
que
l c s s ynd i c a ts
tenaient
à
ce que
le système soit
sous
le
con trôl d e de
t t g t a t .
Cependant,
ils ne partageaient pas
tous
la
meme pos i t Lo n . En effet,
il
y avait
l e s
travailleurs qui
étaient
pour une
fonctionnarisation dll
personnel
des centres de
forlnation
qui
allait dans
le sens d'un contrôle plus marqué de
la
forlnation
par
l'Etat.
Ce (Iébat
fllt
résolll pal"
la
scission qui
intervint
dans
la CGT en 1947, et qui
donr18 naissance à Force Ouvrière
(FO)
et
la Fédération de
l'Education Nationale
(FEN).
Il
s'agissait

de
J'une (les multiples scissions ayallt marqué
l'histoire du

265
rnouvemerlt
syndical
français.
Au cours des années 1980,
ces
divisions
internes étaient
toujO\\lrS
présentes.
Conclusion
Les périodes
forlnatives
des
systèlnes de
formation
français
et Hlnéricairl
font
ressol-tir des différences et des
resselnbJances
intéressantes.
i.e
rythme des débats autoUl' de
l'organisatioll des
systèmes
de
formation et de
la philosophie qui
devait
en constituer
la
base était beaUC()\\IP plus élevé aux USA qu'en France.
Cette
difféI"ence pruvenait
des
caractéristiques différentes de
l "é vol ut i un économique des deux
pays.
ALIX USA,
la mécanisation
ilccGlérGe des
pr1jcessus de proclucti()n ~xigea une solutiorl rapide
illlX PI'ublèlrles de
formation.
Au contraire,
la
lenteur du processus
d' industriHl i su t ion en France due en grande partie à
la
persistflTlce d'une strllctt!re économique
fragmentée,
explique
la
longueur du
débat
sur
la
formation professionnelle.
A
la
fin du
19ènle si~cl~.
(us
Français éta.ient
encore en
train de ((iscuter de
]'(jpportunité d'un
pa s s a g e
du
petit atelier vers
la grande
indus l rie.
Dans
les deux pays,
le débat
porta
sur:
-
les
caractéristiques professionnelles de
la
force de
travail
nécessaire pour mener à bien
le processus d'industrialisation -
le choix de
la méthode
la plus efficace de
formation -
et
le

266
contrôle du système de formation.
Les systèmes qui
virent
Je jour
dans
les deux pays étaient différents en ce qui concerne
les
caractéristiques de
la force de
travail
et
le contrôle du
système,
et
similnircs en ce qui concerne
le choix de la méthode
de
fo rma c i on .
Alors qu'aux USAI un système admiJlistré par
l'Etat mais
largement
influencé
par
le:'> employeurs
vil
le
jour,
en France
apparut
un
système dominé
pur
l'Etat.
Aux [JSA,
la mécanisation
des
LectlTliques de Pfl)duction corlduit
les emlJloyeurs à donner
la
o r i o r i t é
à
la
formation de
travailleurs
spécialisés au détriment
de la formation d'une nlain d'oeuvre llautement qualifiée,
avec des
v a r i u t I o n s
selon
les
secteurs.
Par
exemple,
l'industrie
de
la
machine à ou t Ll s
n'adopta
jamais
totalement
la
logique
f o r d i s t e ,
De
leLIT
cOtG,
les centres
continuaient
à
croire
el1
la Tlécessité
d'une
formation complète.
En France,
contre
l'avis des
employeurs,
l'Etat
s t o r Le n t a
vers
ln
f u r-ma t Lo n du
"travailleur
complet",
l.e s deux
s y s t êmc s
é
t ai e n t
si mi laires du n s
leur
mode de
fonct i o n nem e n t
en
ce sens qu' i t s
étaient
caractérisés PdI" une
absence de rn6Cltrlismes de
coorclirlBtion entre
les
centres de
I o rma t i on et
les
lieux de
t r a v a i l .
Dans
les deux
cas,
il
a été
noté que des
stratégies d'exclusion avaient
été lltilisées.
Ces
strilt6gi~s ont J"crldtl irnpossible toute forlne de cogestion des
systèmes de
formation par
les
employeurs,
l'Etat.
et
les

267
syndicats.
Les
relations
industrielles conflictuelles qui
prévalaient clans
les deux pays constituaient
l'une des causes
les
plus
impor-tantes du
recours
à
de
telles
stratégies.
En
(]'~utl·es tel'nles,
les
économies des
deux
pays
ont
çUflstilué
les hases matérielles llu (lébat sur
la création et
l'organisatiorl des
systèlnes Ile
fornlation.
Cependant,
les
cnrflctéristiques
finales de ces deux systèlnes ont
été
le produit
d'un débat politique,
des capacité d'organisation des clifféreTlts
partenaires sociaux,
et des
rapports de flJrCe
qui en ont
résulté.
De cela clécoll!e
l'importance d'une analyse des relati(jns
industI'ielles dans
l'explication des
performances des systèlnes de
forma t ion.
AlIX IJSA.
les
employeurs et
le1lrs partisans
insistèrent
sur
la nécessité d'un système de formation
séparé de
l'enseignement
général,
centré
sur
l'entreprise,
basé Sllr des
programmes de
formation
COUI"ts,
ct
qu'ils contrôleraient.
Au cours de ce débat,
le N"A"~l. et
la N.S.r.I.E.
constituaient
leurs armes.
Cependant,
plus
tard,
l s
perdirent
le
co n t r ô l c de
la direction
adrninistrative et
politiq1le du système de formation en
raveur des
partisarlS (l'un sysLè,ne de
formation organisé sur
les mêlnes
principes que ceux de
l'enseignement général,
avec une priorité
donné à
'instI"Uction
théorique.
En r ra n c e ,
par
contre,
non seulement
l'Etat
était de
loin
le

268
plus orgarlisé des
trois principaux partenaires
SOCi~lIX au cours
du débat sur
la formatil]n pT(lfessionnelle,
mais
il bénéficiait en
plus (J'une
longue exp6ricncc (le
contrôle de
l'appareil
de
formati()[l.
Cc contrAle débuta aV~lnt la Révolution,
et alla en
s'appr()fOrldi~sant au CI)UrS des années qui suivirent.
Dans
les deux pays,
les syndicats
jouèrent un
rôle qui
était
en deçà (le
celui
joué PRI"
les autres partenaires.
Les
raisons
étaient à
lu
fois
inteI"neS et externes uux
syndicats.
Aux lJSA.
il
fallu atLer\\{ire
la n~issance de
]'AFL pour voir
les syrldicats articuleI" une position claire sur
la
flJrrnati,on
professillTlrlelle.
En
fait,
l'AFI. raSSll plus de
temps à essayer
J'assurer
la
représentation des
tr'availleurs au niveau des
instflrlces u(!ministrEltives du syslème de
formation,
qu'à essayer
de
participer à
l 'éiabrlration des politiques de formation
sur
les
liellx de
travail.
A la base de cela,
il y avait
l'opposition
des elnploy~uJ"S à
tl]ute participation des syndicats aux processus
(le déci~i\\)ns
internes à
la
firme.
Il
y avait également
la
logique
!"evcfldiclttjve el <Iislrjbulive
("busifless tlflioflislTI")
lili
syndical jsme arrléricain.
rctte
logique consistait à
laisser aux
dil"igeants <Je
la
fil"nle
la
responsabilité des décisions
managériales,
et A fie
revendiquer que
lorsque
les
intérêts des
membres du
syndicat
étaient menacés.
En rrElnce,
l'exclusion des
syndicats du débat
était
lilariifesle.
l~e premier syndicat n'apparut qu'en 1895, alors que le

269
d éb a t
sur
la
format in" a va i t
démarré depuis
longtemps.
Cette
naissance
tarliive,
leurs divisions internes,
leurs orientation
socialiste et
an t i e-men a g eme n t ,
rendirent
leur
participation au
déb e t
p l u t ô t
difficile,
no t ammc n t
sur
les
lieux de
travail.
Il
apparait dClnc claiI"Clnent
qu'~u cours de
la pél'iode de
formation des systèmes ar~éJ'icain et français,
l'Etat,
les
employeurs,
et
les syndicats n'ont
pas réllssi
à
s'entendre sur un
cadre de base pour
la
format il]" des
travailleurs.
Leurs
clivergences COTltinuèrerlt
ail
COUI'S (les anrlées
suivantes.
Le
présent
challitre
constitlle
le contexte historique qui
perlflet
lIe mIeux comprendr"e
l'attitude des
partenaires sociaux vis
à vis des quostions (t~ f[)rmHtion au COlII'S des années
1980.

270
CHAPITRE V
QUALIFICATIONS, PERFORMANCES ECONOMIQUES,
et STRATEGIE de FORMATION PROFESSIONNELLE
dans les INDUSTRIES AMERICAINE et FRANCAISE de la
MACHINE à OUTILS
Introduction
Dans le premier cha pit r e nous uvo n s montré en quoi J'introduction des
processus de production in lormat isés combinée à des changements au niveau des
besoins des u t ilisate u r-s 1:l. débouché sur de nouvelles exigences en matière de
q unlif'Ications des t ravaüle u i-s. La p rés e nte t Ion des cas Iaite dans le troisième
chapitre il montré qu'au cours des années 1980, tous les fabricants américains et
français de machines à outils interviewés, quelque fut leur taille, disposaient de
technologie s informatisées. Afin de maintenir leur compétitivité, ces fabricants,
comme leurs horuolog ues des autres pays, devaient adapter les qualifications de
leurs travailleurs à ces nouvelles méthodes de production.
En partant de ces cas, l'ob ject if du présent chapitre est d e fournir une
exp licat ion détailléc des stratégies de formation mises en place et des résultats
obtenus dans les deux: pays. Ces s t r-atég ies ont été le fait principalement des
Iab rican t s et de l'Etat. Dans la mesure où le débat des années 1980 sur la
fonnation dans le secteur de la machine il outils était inséparable des mauvaises
performances économiques de cette industrie, le présent chapitre incluera une
analyse des t-el.s uons qui exis teien t entre formation profe.....vion nelle et

271
performances économiques. Enrin, compte tenu du fait que dans les deux pays,
l'industrie de la machine à ou t ils bénéficiait du statut d'industrie protégée, ce
chapitre débutera par une analyse des plans de restructuration mis en place pSI'
les gouvernements français et américains pour assurer sa survie.
r. Pénurie de Travailleurs Qualifiés et Performances Economiques
La crise économique des industries américaine et française de la machine à
outils débuta au début des années 1970 et atteint son nlveau le plus élevé au
cours des années 1980. L'importance stratégique de l'industrie dans les deux pays
fit de cetle crise l'une des préoccupations majeures des gouvernements. Aux USA,
le Gouvernement Fédéral créa la "Machine Tocl Te sk Force" (MTTF) qui produisit
en 1980 un rapport en cinq volumes.IU s'agissait du rapport le plus complet
jamais écrit sur J'industrie américaine de la machine à outils. Il contenait des
analyses sur l'organisation, la formation, les technologies, et les performances
économiques du secteur.
En 1981. dans ses réponses à la perte de compétitivité de l'industrie
française de 1<:1 machine à outils, et face aux r-is q ues de domination de cette
dernière par des capitaux étrangers, le Gouvernement français mit en place le
1 Pour plus de détails sur les rapports de (a Machine Tool Task Force, voir
Thomson (1980), et Sutton (1980).

272
"Plan Machine Outils" (PMü) étalé s nr trois ans. Ce plan mis l'accent sur des
aspects similaires à ceux qui constituaient les préoccupations de la "Machine TODI
Tus k force"; il constituait le niveau d'intervention gouvernemental le plus élevé
dans l'bistoir-e de l'fndust rto française de la machine fi outils.
Vu que les initiatives des Gouvernements r rançais et américain eurent lieu
au cou r-s de la même période dans deux industries faisant f'ace à des difficultés
similaires, nous présenterons les principales analyses, recommandations et actions
contenues dans le rapport de la "Machine T'col Task Force" et dans le "Plan
Machine Outils".
Dans son rapport, la MTTF insista sur les changements technologiques qui
p renaien t place dans l'industrie. Selon elle, les systèmes de production tendaient
vers une plus grande intégration et sophistication. Dans les ateliers, cela devrait
se traduire par une urganisation cellulaire du travail. Avec les nouvelles
technologies, les constructeurs américains devaient
pouvoir bénéficier des possibilités suivantes: un meilleur contrôle des activités de
production. une meilleure maintenance des machines , de nouveaux processus de
f'ab r-ic.uion des composantes, un inventaire plus efficace des outils et autres
matériels de f'abr-ication , des systèmes de transmission de "information technique
plus efficients , et des sou s-ep rog r-arnrnes performants pour la sélection de
l'outillage.

273
Le rapport de la MTTF souligna l'existence d'autres formes d'intégration
découlant de l'utilisation des nouvelles technologies. Ces dernières devraient
Iacilitc r les interactions entre les ateliers de fabrication et les autres divisions de
la firme (par exemple: la comptabilité, les services achats, expédition, et
inspection). Selon le rapport, les utilisateurs continueront à influencer les
orientations technologiques des fabricants. Enfin, la MTTF prévoyait l'apparition
d'une plus grande coopération entre f<lbricants, u t ilis ateur-s , universités et autres
instituts de recherche. La coopération avec les universités et les centres de
recherche contribuerait à faciliter le transfert des technologies des laboratoires
vers les at elier s de production.
A travers ce ra p por-t , le Gouver nemen t américain tenait i\\ démontrer son
inté rêt pour, el son soutien il. l'industrie de la machine à outils. Cependant, le
rappor-t se contenta pour l'es sentlel de faire des recommandations. Le caractère
v ita l de ces dernières pour la survie de l'industrie était en contradiction avec
l'ab seriee de propositions de mécanismes précis permettant leur implémentation.
Par exemple, l'une des recommandations portait sur la nécessité d'une amélioration
par (es fabricants de la qualité de leurs produits grâce à un niveau supérieur de
précixion el de tolérance, et sur la fabrication de petites séries. Afin d'atteindre
cel obicctif. le rapport recommanda Une meilleure collaboration entre
constructeurs. travailleurs, gouvernement, et in .atit ut ion s de formation, dans les
domaines au s si variés que la p rod uctivité , tes politiques d'investissement, l'emploi,

274
et la formation. Mais, le rapport resta silencieux sur les moyens d'y parvenir dans
le contexte conflictuel des relations In d u s t r ielle s qui prévalait.
Dans son analyse de 1<\\ situation de l'industrie de la machine à outils
francaise, le gouvernement identifia une tendance vers des changements similaires
à ceux mis en relief par le MTTF. Cependant, le plan d'action qu'il mit en place
avait un caractère interventioniste direct et décisif. Par la précision cie ces
objectifs. le PMO tranchait nettement avec le rôle limité que le Gouvernement
américain s'était assigné clans la recherche d'une solution à la crise de J'industrie
américaine de la ntechine à outils.
Les objectifs principaux du Gouver-nement Fr-ançais étaient les suivants:
- multiplier par quatre la production nationale de machines à outils à
commandes numériques
- réduire la production de machines conventionnelles et stabiliser
celle de machines spécialisées
- réduire de façon substantielle la pénétration des machines
étrangères (de 60% à 30% du marché interne des machines à tourner à commandes
numériques. et de 70% à 35% du marché des centres de production)
- exporter respectivement 50% et 30% de la prod uct ion des machines à
tourner à commandes numériques et des centres de production
- augmenter les capacités ind u s t r ielle s du secteur traditionnellement
orienté vers la Ia br icatinn de machines sur mesure ("customized machine tools"),

275
et caractérisé par t'existence d'une technologie et d'un mode d'organisation du
travail dépassés
- toutes ces améliorations devaient réduire le niveau de chômage dans
l'industrie.
Les rôles joués pal' les Gouvernements français et américains dans leur
recherche d'une solution à la crise de J'industrie était une répétition de leurs
modes d'intervention traditionnelle dans les économies des deux pays. Selon
Shonfield (1965; p.196), en France, " •.. tous les chemins ... semblent conduire vers
une certaine forme de planification" et vers une intervention sélective du
oouvernement.? Par contre. aux USA, il y a une tendance populaire à crier "stop!"
dès que le Gouvernement Fédéral essaie d'intervenir dans la vie économique sauf
lorsqu'il y a crise économique. Cependant, selon Shonfield (o p.cir.: p.17), "la
théorie n'a pas empêché le Gouvernement d'intervenir avec des effets très positifs
au cours des récessions d'après guerre. Mais, ces interventions ont créé des
inb ibition s qui ont ralenti les temps de réaction initiale, et ont bloqué la
formulation de politiques économiques cohérentes à partir d'un centre de décision
unique".
Les [orme.'; d'intervention gouvernementale qui ont eu lieu duns les
industries de la machine à outils des deux pays doivent également être compris à
- _ . " . _ - - - -
Voir auasi Hall (1986) en ce qui concerne le cas de la France.

'276
partir des liens historiques qui ont toujours existé entre les marchés financiers et
les industries dans chacun des deux pays. Aux USA. l'existence d'un système basé
sur les marchés financiers ("capital-market based system") où les ban ques , les
firmes, el les gouvernements agissent comme ùes partenaires totalement
au tonomes , a toujours constitué un obstacle à l'intervention des gouvernements
dans la firme. Selon Zysmun (1983), cela il conduit les employeurs li adopter des
stratégies d'adaptation aux changements de l'environnement technique et
économique qui sont sou s -opthnales dans la mesure où elles sont basées
essentieilement sur le potentiel des employeurs individuels, donc sans ingérence
d'outsiders.
Au contraire, l'existence en France d'un système basé sur le crédit à
l'intérieur duq uel Ie gouvernement joue un rôle central duns la distribution des
ressources financières aux différents secteurs économiques et firmes, confère à.
l'Etat un rôle promotionnel de premier plan dans J'économie nationale (zysma n,
op.cit.}. Ce rôle promotionnel devint encore plus important sous le gouvernement
socialiste des années 1980 qui nationalisa le secteur financier aussitôt après sa
victoir-e électorale en 1981.
Dans les deux pays, l'industrie de la machine à outils était une illustration
parfaite des explications de Shonfield et Zy sman. Il était clairement mentionné
dans le rapport du MTTF, en ce qui concerne le secteur de Ie machine à outils, que

2 , ,
"
le financement de la recherche el du développement par le gouvernement ne
devait pas être étendu aux domaines marketing et fabrication tels que le
développement de nouvelles machines. Par contre, le governement devrait aider
les fabricant:'; à obtenir de:'> financements privés.
Or, c'était justement dans les domaines marketing et production que les
constructeurs amér icai ns avaient le plus besoin d'aide afin de reconquérir leur
position sur le marché. Dans leur étude sur l'industrie de la machine à outils
américaine, le Mas sachu s set t s Institute of Technology Commission expliquait que
"vu la structure fragmentée de l'industrie, son caractère cyclique, et sa 50U5-
capitalisation, et étant donné l'importance stratégique du secteur. les partenaires
sociaux autres que les fabricants individuels devaient s'engager à développer Une
insf rus tructu re plus efficace que celle qui existait. Au contraire, les constructeurs
furent abandonnés, et durent faire f'ace lous seuls à la volatilité des cash flows,
aux tâches de formation professionnelle, à la mise en place des moyens permettant
la rétention des travailleurs les plus qualifiés, et à une réduction de la demande
de nouvelles machines par les utilisateurs •.. Ces tâches allaient au delà des
capacités individuelles de chaque fabricant" (Der-touzcs et alid., 1989; p.3! l.
En fait, historiquement, les gouvernements américains sont intervenus dans
le secteur- de I~ machine à outils. Mais, cela a essentiellement eu lieu par le biais
des marchés que constituait l'industrie militaire. Les conséquences en ont été

278
négatives pour plusieurs raisons. Les progrès technologiques qui ont eu lieu dans
le secteur de la machine à outils ont été traditionnellement t rop dépendants de
l'évol ution des besoins de J'industrie mili t ai r-e (Di Filipo).
En outre. les commandes venant de cette dernière étaient si importantes que
les fubr-Icant s individuels en firent des niches. Ces der nièr-es leur permirent
d'isoler leurs produits finaux des contraintes concur-rencielles , et les poussèrent
vers des politiques de prix et de profit à court-terme (Melman, 1983). Ceci
déboucha su r tin faible taux de renouvellement des équipements, et donc sur une
vétusté croissante des moyens de production.] Ceci constitua un inconvénient
maieure avec l'e p parition des techniques de production informatisées.
La plus grande différence entre le rapport de la MTTF et le PMO résidait
dans la création par- te Gouvernement français de plusieurs structures dont le rôle
était d'appliquer tes recommandations contenues dans son plan} Cependant, on
J Vers la fin des années 1970, et le début des années 1980, parmi les sept pays
les plus industrialisés, les fabricants américains avaient le pourcentage le plus
faible de machines à outils âgées de moins de 10 ans. Ces sept pays sont: les USA,
l'Allemagne, l'Angleterre, le Japon, la Ir-ace, l'Italie, et le Canada (The Economie
Handbcnk of the Machine Tool Industry, 1989-1990).
• Par exemple, la DIMME (Direction des Industries Métallurgiques, Mécaniques,
et Electriques) devait prendre en charge la restructuration de l'industrie en
stimulant la fusion de plusieurs firmes.
La MECA (Machines et Equipements de Conception Avancée) devaient aider les
constructeurs à acquérir des technologies nouvelles.
Dans la région Ile-de-France qui avait le taux de concentration d'unités de
production le plus élevé de l'industrie de La machine à outils, un "Groupe de

279
pourrait également dire que l'échec du PMO a été due à l'intervention excessive de
l'Etat français dans la définition des stratégies des fabricants individuels. Par
exemple, il les torea à fusionner afin de constituer des ensembles plus puissants,
parce qu'il vit une relation positive de cause à effet entre taille et compétitivité
dans le secteu r,
S'appuyant sur une stratégie de restructuration de type keynésien, l'Etat
français essaya de stimuler la demande de machines à outils en investissant de
très grosses sommes d'argent dans le renouvellement des équipements des
structures de formation professionnelle. TI mit également en place une politique
d'innovation technologique en créant le NUM à qui il attribua unilatéralement une
part importante du marché des composentex électroniques utilisées dans la
fab rlca t ion des machines à outils à commandes numériques. L'Etat français était
par conséquent I'acteu r central aussi bien en ce qui concerne J'élaboration,
I'exécu tion , le financement, le contrôle, et la gestion du PMO. Cela le conduisit à
fixer des objectifs irréalistes, et à se substituer aux fabricants pour des actions
que ces derniers auraient dû entreprendre soit individuellement, soit
collective men t.
Cependant, les différences constatées dans les stratégies de sauvetage et
- - - - - - - -
Réflexion Machine-Outil en Tle-de-France" fut créé et était dirigé par une
institution de l'Etat, la Direction Nationale de l'Industrie et de la Recherche d'T1e-
de-France.

280
de res t r u cr u ra ticn de J'industrie de la machine à outils adoptées par les
gouvernements français ct amér-ice in s , n'ont pas produit des résultats très
différents. naos les deux pays, les fabricants de machines connurent les baisses
de performance les plus profondes de leur histoire, même s'il faut reconnaître
qu'en France, le FMO permit d'éviter la mort de J'industrie nationale de la machine
il outils en stimulant des changements dans l'organisation du travail, et clans les
stratégies de production des fabricants (Venin, 1985).
Prenons quelques exemples. Entre 1981 et 1985, la quantité de machines à
outils produite par les constructeurs français passa de 32% à 65% du marché
5
français. En outr-e, vers la fin des années 1980, plusieurs Iabr-icant s français
possédaient un outil de production moderne. Cependant, en général, les
performances économiques de l'industrie étaient largement en deçà des objectifs
fixés par le PMQ.
Ainsi, au cours de années 1980, la france et les USA continuèrent à être à la
traîne vis de leurs principaux concurrents en ce qui concernait la production et la
consommation de mach ines à outils (The Economie Handbook of the Machine Tool
In d us tr y, 1989-1990; SYMAP Statistiques, 1988j Bruggeman, 1985). Cette crise
conduisit à un désastre social: dans les deux pays, l'emploi dans l'industrie de la
machine à outils connut une baisse très forte au cours des années 1980. Les
. . . . . ._
.. _ - -
~ Ainsi les fabricants français se hissèrent au niveau de leurs concurrents
allemands; mais ils étaient encore loin des Japonais.

28l
performances des deux industries ont été analysées en détail dans le premier
cha pit.re.
Parmi les douze cas étudiés, sept connurent des changements plus ou moins
impcr-tan t s dans la propriété de leur capital. Ces changements étaient tous liés à
des performances économiques faibles. Les succès enregistrés par les
constructeurs japonais dans la production et la commercialisation des machines à
outils standardisées (voir Ashburn, 1988), poussèrent les fabricants français et
américains vers l'introduction d'un certain niveau de standardisation
("modularization") dans leurs produits finaux comme voie de sortie de crise. Parmi
les douze C<l5 étudiés, il n'yen avait que trois (SF4, MF4, et LF3, tous f'rançais )
qui ne s'étaient pas orientés de f'acon notoire vers la standardisation de leurs
produits.
Les avantages d'une standardisation tels que perçus par les fabricants
français et américains étaient: une réduction des coû ts , des gains de temps de
production, des profits plus élevés, des commissions plus élevées pour la force de
vente, des coûts de formation plus faibles, des économies d'échelle compte tenu
des possibilités de production en grande séries, moins de complexité dans les
activités de réparation, moins de diversité dans les composantes qui entrent dans
la fabrication des machines, et enfin plus de possibilités de sous-traitance des
activités de production.

282
De ces avantages perçus ne découla pas une amélioration sensible des
performances des fabricants dans les deux pays. Au cours des interviews, il
n'appar-ut jamais que ces fabricants étaient réellement prêts à opérer la transition
vers une p roduction plus standardisée. En erret , cette transition ne semblait pas
faire par-tic d'une stratégie industrielle planifiée, y compris de la part des
constructeurs français qui avaient été sélectionnés pour faire partie du PMO.
Quantitativement, il est difficile de mesurer avec exactitude combien les
pénuries de travailleurs qualifiés ont négativement affecté les performances
économiques dans les industries françaises et américaines de la machine à outils
au cours des années 1980, bien qu'aucun doute n'existe sur l'existence d'une telle
relation comme nous ten teron s de le montrer ci-après.
Les besoins de qualifications nouvelles dans l'industrie étaient reconnus
par tous les. fabricants interviewés. Tous les responsables du personnel.
directeurs des ressources humaines, con t remaît res , et directeurs de production
interviewés ont affirmé être à la recherche de travailleurs connaissant bien les
soft wa res , et capables de faire fonctionner les machines à commandes numériques.
11 leur fallait donc, selon eux, des techniciens, des ingénieurs, des programmeurs,
des machinistes et assembleurs très qualifiés.
Les problèmes liés eux qualifications figuraient parmi les priorités de la
MTTF et du PMO.
Le rapport de la MTTF souligna (es faiblesses du système américain de

283
for-mation par l'apprentissage. Selon ce rapport, la priorité donnée i\\
l'apprentissage informel par les employeurs a conduit à (a formation de
t ravaâteu r-s spécialisés, et non polyvalents comme cela u u Tait dû être le cas.
Malgré la réduction de la dur-ée de la formation des apprentis considérée comme
trop longue et coûteuse pal' les employeurs, un nombre insuffisant de candidats
6
ont suivi les programmes relatifs au secteur de let machine à outils.
Selon la MTTF, les problèmes de qualifications auxquels ont fait face
l'industrie américaine ne la machine à outils ont des origines historiques. Il
ressortait de son rapport qu'au COurs des trois ou quatre dernières décennies, les
Etats toi s ont négligé la formation de candidats destinés à l'industrie de la
machine à outils. Cette pratique tend d'autant plus à SP. per-pétuer- qu'à ce jour
aucun centre de formation américain n'organise des formations spécifiques aux
techniques de production utilisées dans la fabrication des machines à. outils. En
partant d'interviews qu'elle a conduit dans plusieurs unités de production de
machines à outils, la MTTF trouva que de nombreux responsables du personnel et
con t remart res liaient les baisses de production enregistrées, les pannes de
machines ou autres outils de travail, et les faibles niveaux de qualité et de
~ Les problèmes liés à la durée de l'apprentissage sont importants dans la
mesure où au cours des interviews, de nombreux employeurs l'ont dé comme cause
de la faillite de la formation des apprentis aux USA. Selon eux, dans les autres
pays, européens notamment, la durée de la formation n'excède pas trois ans, alors
qu'elle varie entre quatre et cinq ans aux USA. C'est ce qui la rend coûteuse selon
eux.

284
productivité, au bas niveaux de qualificat inn de la force de travail.
Il est également très intéressant de constater que les interviews réalisés
par la MTTf révélèrent que de nombreux fabricants s'attendaient à un futur
marqué par la présence sur les marchés du travail de générations de travailleurs
de moins en moins qualifiés. Pour ces fabricants, la sclu tion se trouvait dans une
exclusion progressive des machinistes des processus de production au profit
d'une automation croissante. Le résultat final espéré devait être l'utilisation
d'équipements très sophistiqués qui n'auraient besoin que d'un contrôleur au
cours de leur fonctionnement. Ainsi, l'utilisation de telles machines devrait
permct t r e non seulement de r-édui re le niveau de qualification des travailleurs,
mais également de réduire leur nombre.
Enfin, les interviews ont révélé qu'en l'absence d'un pool de travailleurs
qualifiés, les fabricants se sont engagés dans une pratique aujourd'hui très
ré pand ue qui consiste à rejeter les demandes des clients qui vont au delà des
compétences de leur personnel. Dans son rapport, la MTTf mentionne qu'une
enquête menée au cours du Printemps de l'année 1979 par le National Toolmg and
Mac h in in g Association, révéla que les équipements de l'industrie américaine de la
machine à outils était sous-utilisés.
Selon la MTTF, face à une offre de travailleurs qualifiés inférieure à la

285
demande. les constructeurs ont eu recours à une main-d'oeuvre moins qualifiée
que celle dont ils avaient besoin. D'autres travaux de recherches corroboraient les
conclusions de la MTTF. Dans son étude sur l'industrie de la machine à outils
américaine, le Mas suchu s set ts In stitu te of Technology Commission (Der touzos et
al., op.cit.) déplora le fait que des travailleurs non qualif'iés occupaient des postes
normalement rése rvés à des travailleurs qualifiés à cause d'une pénurie de ces
derniers.
Selon le rapport du PMO, en France, les centres publics de formation
professionnelle et les employeurs étaient responsables de la pénurie de
t ravallteu t-s qualifiés (Venin. op.cit.}. La formation professionnelle et la recherche
n'avaient jamais pris en considération les besoins des fabricants de machines Il
outils. Le rapport reconnais sait toutefois que la pénurie de travailleurs qualifiés
constatées après l'application du PMO était liée à une sous-estimation par ce
dernier de l'importance des nouvelles technologies (Venin. op.ctt.}. Comme leurs
homologues américains, les fabricants français de machines à outils
reconnaissaient que le matériel de production disponible était sous-utilisé parce
que les travailleurs ne savelent pas manipuler les machines à commandes
numériques.
Compte tenu de tout ce qui précède, il devient facile de comprendre
l'accroissement des importations de machines à commandes numériques dans les

286
deux pays au cours des année.') 1980. Au USA, de 1980 à 1988, le pourcentage de
ces importations par rapport à la con sommation nnt ionnle passa de 23.4% à 54% (The
Economie hand book of the Machine Toc] Indu st r-y , 1989-1990), En France, plus
qu'au USA, J'Etal essaya de limiter les importations. Malgré cela, entre 1982 et
1985, le nombre de rauchines venant du Japon, notamment les tourneuses et les
centres Je production, e ugmen tê r en t respectivement de 215 à 335, et de 04 à 240
(SYMAP Stnt ie t Iq u es , 1939).
L'augmentation des importations, stg ne d'une plus grande pénétration des
concurrents étrangers dans les deux pays, Hait due à plusieurs facteurs
largement, hien que non exclusivement, liés à une insuffisance de travailleurs
q uallf'ié s. Ces facteurs étaient l'efficacité supérieure des machines étrangères, les
délais de livraison plus cou r ts des fabricants étrangers, et l'absence fréquente
des constructeurs Fr-an cals nt amér-Icains des marchés les plus porteurs. Le fait
que tous ces facteurs dépendent de la qualité de la main d'oeuvre disponible dans
les unités de production renforce J'idée selon laquelle l'insuffisance de
tr-a vailleurs qualifiés ri été l'une des causes les plus importantes des difficultés
rencontrées par les f'a b r-icants américains el français dans leur transition vers
l'utilisation d e x systèmes Je p rod uc tion informatisés et dans la mise en place de
nouvelles formes d'nrganis.atioTl d u travail.
Ainsi. les insuffisances Je t ravaflleu rs qualifiés auxquelles ont fait face les

287
fabricants américains et français de machines il outils n'étaient certes pas la cause
exclusive de la faiblesse de leurs performances économiques. Cependant, elles ont
joué un rôle important dans le déclin du secteur de la machine à outils des deux
pays. Il est difficile de ne pas admettre l'argument selon lequel, au cours des
années 1980, la compétitivité des fabricants de machines à outils dépendait en
grande partie de la capacité de leurs ouvriers à manipuler les nouvelles
technologies. Ceci a été démontré par Jaikumar (I9861 dans son étude comparée de
l'utilisation des machines à. commandes numériques au Japon et aux USA. Selon lui,
les niveaux de qualication et de compétence des travai1leurs, Ja qualité et le
nombre des composantes produites étaient trop favorables aux Japonais pour que
les Américains puissent compëtir avec eux.
Au cours des années 1980, les constructeurs américains et français
détenaient donc la technologie adéquate pour la fabrication de machines à outils
de haute qualité. Ce qui faisait défaut, c'était la présence de travailleurs capables
de les utiliser efficacement.
Dans la mesure où les pénuries de travailleurs qualifiés dépendent des
stratégies de formation utilisées par les employeurs, une analyse des choix
réalisés par les fabricants français et américains pour la construction d'une main-
d'oeuvre qualifiée au cours des années 1980 s'avère nécessaire pour mieux
expliquer les problèmes de qualification auxquels ils ont été confrontés.

288
II. Choix Pait.s par les Eabr-icanta Français el Arnôricains de Machines à
outils pour la Construction d'une Main d'Oeuvre Qualifiée
En France comme aux USA, l'Iru roduction dc.s nouvelles technologies el les
pénuries d'ouvriers qualifiés donnèrent lieu il ce que l'on pou rra it appeler le
mythe du technicien et de l'ingénieur comme su b st.itut à ta formation de
travailleurs qunlifiès , La majorité des Fab ricant s interviewés avaient pour objectif
d'augmenter le nombre de leurs ingénieurs et techniciens, et si possible
d'améliorer le niveau i n telleot uel de leurs ou vrie rs . te tableau 1 résume la façon
dont cet ob jectif a été exprimé par chaque fabricant.
Le mythe <le J'ingénieur et du technicien était mieux théorisé par les
Français que par les Américains, mais ses conséquences pratiques étaient visibles
chez. les fabricants des deux pays. Ces fabricants en étaient arrivés à la
conclusion que la main d'oeu v rc qu'ils pos sédaien t était incapable de mener à bien
la transition vers les systèmes de production informatisés. Dans plusieurs firmes,
les nouvelles technologies avaient été perçues comme un substitut à la présence

289
Tableau 1: Besoins en Quali,fications
Nom
de
la
firme
Qualifications
SA]
techniciens en électronique
,
), - ~
SA2
doubler le nombre d'ingé-
nieurs
SF3 (a)
SF4 (a)
MAI
embaucher plus d'ingénieurs
capables de jouer le rôle de
"leadmen"
dans
la future
organisation cellulaire
MA2
augmenter les niveaux de
qualification de la force de
travail et embaucher plus
d'ingénieurs diplômés
MF3
réduire
le nombre de machi-
nistes
MF4
embaucher les candidats
ayant
les diplômes techniques
les plus élevés
LAI
embaucher plus d'ingénieurs
LA2
utiliser plus d'ingénieurs
et de techniciens comme
facilitateurs dans
les
cellules
LF3
augmenter le nIveau
" " '
intellectuel des travailleurs' :
en e cc r o i s s an t
1e nombre"
d'ingénieurs et de
techniciens
LF4 (a)
Source:
intervlews des fabricants françaIs et américains
(a) Les
lignes vides indiquent que les firmes n'ont pas répondu
,

290
dou v r-icr-s q ua lif'iés , Ce raccourci s'avéra très rapidement inefficace. La
possession de machines sophistiquées n'élimlna pas le besoin de machinistes
ca publes d'utiliser les s ystèmes de production informatisés.
C'e::;l cet échec qui donna lieu il ce que les Français appelèrent "Ia remise en
question par le haut des filières d'accès à l'emploi" (que nous avons appelé "top
clown app roach" ou ap pr-oc ho par le haut).7 Les éléments de base de cette
approche étaient les sui vunt s.
Les investissements en formation et en recrutement devaient cibler les
ingénieurs et les techniciens. Ces derniers devaient constituer le support
essentiel pour la transition vers les systèmes Je production informatisés,
notamment en t ranstnett a nt aux ouvriers les qualifications nécessaires à
l'u tilisatic.n des nouvelles technologies. Aux USA, ces ingénieurs et techniciens
étaient appelés facilitatcu r s (t'Facilit a tor-s") ou "leadmen". Dans certaines
ent r-cp rlscs (cas de MA 1 et LA2), l'approche par le haut était accompagnée par la
mise en plucc Je cellules Je p rod uction , chacune ayant un facilttateur dont la
res pon sabllité était de coordonner lea ac tiv it s de production, et de répondre aux
é
insuffisances techniques des ouvriers par le biais d'une formation sur le tas.
Ain si. clans chaque cellule, le leadman ou facilitateur était sensé être à la fois un
producteur, un formateur, el un contrôleur de l'organisation des activités de
,'Sur la remise en question par le haut des filières d'accès à l'emploi, voir
Hillau ct PodcvIn (1l)R5).

291
p rodu ction.
Pour réussir cette stratégie, les fabricants étaient prêts à recourir à un
recrutement externe en s'appuyant essentiellement sur le s centres de formation,
les universités, et le débauchage. Il s'agissait là d'une attitude facile à
comp rend re dan,") deux pays où l'amélioration des qualif'ication s des travailleurs et
leur p romotion catégor-Ielle par la format ion continue n'était pas généralisées.
Cependant, le recour-s il des sources externes de recrutement n'était pas facile à
réaliser compte tenu de toute l'histoire de séparation et d'absence de coordination
entre firmes et centres de formation professionnelle qui prévalaient dans les deux
pays. L'analyse de cette histoire a déjà été analysée dans le quatrième chapitre.
Les difficultés rencontrées par les fabricants américains constituaient donc
un héritage de la période d'émergence du système de formation professionnelle. II
a été démontré dans le c hnpit re sur l'histoire de ce système que sa période
formative avait. été caractérisée par: une priorité donnée par les employeurs à la
for-mation sur le tus - ct par des relations entre centres de formation publics et
employeurs qui con s istuie nt pour ces derniers à éviter les premiers, et à ne les
utiliser qu'en cas de besoins ponctuels tout en refusant de respecter les
régulations établies en mat.ièr-e de formation. Au cours des années 1980, des
stratégies similaires étaient visibles parmi les fabricants américains, démontrant
ainsi la rigidité des institutions de formation et des attitudes des partenaires
sociaux au cour-s du temps,

292
Cependant, le déclin de l'industrie amër icaine de la machine à outils força
les partenaires sociaux il as sou plir- leurs attitudes dans le but d'assurer la survie
de leurs f'ir-me s, L'introduction par les constructeurs américains des nouvelles
technologies et leur conviction de la néces sité de recruter des techniciens et
d'ingénieurs pour la bonne utilisation leur équipement. les amenèrent à percevoir
l'urgence d'une modification de leurs relations avec les centres de formation. Cela
était J'autant plu x nécessaire qu'aucun d'entre eux ne disposait d'un centre de
formation interne.
La déclaration faite par le directeur du personnel de LAI était une parfaite
illustration de la volonté des f'ab t-icant s américains de modifier leurs rapports avec
les centr-es de formation. Selon lui, (es employeurs doivent utiliser les ressources
des centres de formation, ces derniers étant partiellement financés par les taxes
que eux employeur-s vcrsent à l'Etat. Bien entendu, ces taxes ne constituaient pas
un fait nouveau. La réalité, d'ailleurs reconnue par le directeur du personnel de
LAI, était que J'échec du s ystème de formation professionnelle américain était en
grande par-tie lié au désintérêt q ue les employeurs manifestaient il. son égard. Les
origines de ce déaintérê t ont déjà été discutées.
Cont s-ah-ement il leurs homologues américains, en dépit de leur critique du
s ys tème de formation professionnelle contrôlé par l'Etat, les fabricants français
avaient conservé une ccrtaine tradition de recrutement de leurs travailleurs dans

293
les centres d e formation. Ainsi, alors que chez les constructeurs américains, la
Io rmat.ion des travailleurs avait été dans une très large mesure interne, informelle,
et or-g a nisée sur le tu x, chez leurs homologues français, le ["eCOUTS aux centres de
formation continuait à faire partie de leur stratégie, bien que non exclusive, de
construction d'une main d'oeuvre qualifiée.
Au cours des e rméos 1980, il Y eu t quelques changements dans la façon dont
les Iub r-ica n ts Irançais turent recours aux centres de formation. Les origines de
ces changements dont les as poct s fondamentaux seront discutés plus tard se
trouvaient dans hl loi de 1970 qui fit de la formation continue un droit pour les
travailleurs et une obligation pour les employeurs. Avec cette loi, ces derniers
étaient obligés d'allouer chaque année un pou rcente ge de leur masse salariale
brute à la Jorma tion de Jeur personnel.
Cependant, parce que la loi sur la formation continue stimula l'apparition de
ccn t res de formation privés gérés par les employeurs, au cours des années 1980,
les constructeurs Ir'ançais de machines à outils eurent le choix (contrairement à
leurs homologues amér-icains} entre l'utilisation des centres de formation publics
et des centres gérés par les employeurs pour l'amélioration des qualifications de
leurs t ravntf leu r-s. Dans la plupart des cas, ils combinèrent les deux possibilités.
Ainsi. lorsqu'ils décidèrent de recruter ou de former plus de techniciens et
d'fngé nicu rs, ils avaient à leur disposition un nombre de possibilités supérieur à

294
..... "",,~
,'1
celui dont disposaient leur-s homologues américains.
,
Les s t rat égies de formation par Je haut reçurent le soutien des centres de
Formation publics dam; les deux pays. En France, un nombre plus important de
CAPs (Certificat d'Aptitude Pt-ofessionnelle ) poursuivirent leur formation en vue
d'obtenir un diplôme de technicien au lieu d'aller à la recherche d'un emploi comme
cela devrait être le cas. Entre 1975 et 1987, le nombre de personnes titulaires d'un
rAP et cherchant un emploi passa de 87% i'I 58% (Ministère de l'Education Nationale,
Tableau de Bor-d, 1987-198R). On retrouvait une tendance similaire aux USA. DAns
l'EtaL du wisconsin où l'enquête 1:1 été menée, les programmes de formation pour
l'obtention du diplôme d"'Associate Degree" devinrent plus populaires que les
programmes t rud ition ne!s en deux ans (Wisconsin Board of Vocational and Adult
Education, u n pub lis hed data file).8
Le sou tien apporté par les Gouvernements des deux pays aux st ratégies de
formation par le haut ap paru iasaien t également dans le rapport de la MTTF et dans
le PMO, hien que leur-s np proches respectives furent différentes. La MTTF se limita
8 Les diplômes d'Associate Degree forment des techniciens. Ils permettent
également cl. leurs titulaires d'avoir- accès à des programmes de formation
d'ingénieurs dans les universités. Les programmes à court-terme ("customized
training p rcg rems") sont des contrats de formation sur le court-terme entre les
centres de formation et les employeurs ayant pour objectif l'apprentissage de
qualifications spécifiques pur un nombre restreint de travailleurs sélectionnés par
les employeurs. Les programmes de formation en deux ans représentent la
formutlon traditionnelle.

295
à faire des rccommandutionx. Le PMO fit des recommandations et créa des comités
pour leur exécution.
Le fait que la MTTF se souciait peu rie la mise en pratique rie ses
recommandations lui donna la liberté de proposer treize méthodes pour la
formation des travailleurs. Nous nous cont ente ron s de citer certaines de ces
rnét hodes: la formation sur le tas, l'organisation de cours par les firmes pour
l'acquisition de qualifications spéciales par leu r s travailleurs, l'auto-formation, les
cours par correspondances, l'apprentissage, la formation organisée par les
organisations patronales, la formation par les syndicats de travailleurs, les cours
du soir cr-ge ni sés dans les lycées, III formation des adultes, la formation
professionnelle il. l'université, la formation dans les communautés, et les séminaires
autour de t hèmes spéciaux.
Cette multitude de méthodes traduisait également l'absence d'un cadre
clairement déf'ini pour la formation professionnelle. Le seul engagement pris par le
Gouvernement Fédéral a été son soutien partiel à 13 formation initiale des
travailleurs. Il pr-évoyait son or-ganisation SUT la base de taxes dont l'origine
n'était pas précisée, et. à travers la création de programme fédéraux pour les
handicepés , pour les personnes démunies, et pour les "minorités raciales". Ainsi,
cette batterie de méthodes était une véritable illustration de la confusion qui
régnait dans la déf'inition des stratégies de formation dans l'industrie américaine
de la machine à outils.

296
Pourtant, dans son rup por-t , la MTTF avait bien bien mis le doigt sur l'un
des mE.LUX centraux de la Iortna tion professionnelle dans le secteur de la machine à
outils lorsqu'elle précisa, il. partir de son dlag not ic, que les interactions entre les
différentes structures impliquées dans la formation des travailleurs étaient
complexes, et souvent inadéquates et fragmentées. Les recommandations qui
découlaient de ce constat méritent d'être citées. Elles suggéraient une plus grande
intég rution de J'université et de J'industrie de la machine à outils. Ceci constituait
une répon sc à la demande des fabricants pour plus de techniciens et d'ingénieurs.
La MTTF proposa également l'introduction de changements dans la formation par
l'apprentissage, en l'occu rencc l'addition de programmes de for-mation pour
l'acquisition de qualifications concernant la maintenance, la programmation, le
cent rôle des coût s lie production, et la réduction des programmes de formation en
mécu niq lie.
Comme autre recomma ndat ion qui mér-itaient l'attention il y avait
J'améliorn tion de la coopération en matière de for-mat ion entre les employeurs et les
syndicats de travailleurs duns le but d'améliorer la productivité des unités de
fabrication des machines à outils. Enfin, la MTTF en appelait à plus de coopération
entre les partenaires sociaux, les utilisateurs de machines à outils, les universités,
et les structures de recherche et de développement, afin de déboucher sur la
création de consortium. et de pools de financement d'activités de formation et de
transfert de technologie. Cependant, pour toutes ces suggestions, la MTTF resta

297
silencieuse sur lu manière de les concrétiser.
Le Plan Machine Outil (PMO) était différent du rapport de la MTTF par son
intervention directe dans Ja formation des travailleurs de l'industrie française de
la machine à outils. Le PMO exigea une formation orientée vers la reconversion des
ouvr-ier-s de I'In du st r-Ie. Au centre de ses préoccupation il y avait la nécessité de
for-mer- des ingénieurs. des techniciens, et des spécialistes dans J'utilisation des
s y stèmcs de p rod uction infor-mutisé s,
Pour que ces objectifs puissent être atteints, le PMQ souligna la nécessité
de l'action gouvernementale. L'Etat initia un vaste programme de mise à jour des
équipements techniques utilisés dans les centres de formation professionnelle.
Ou t r-o ses obiect if's pédugog iq ue s, cc programme avait également pour objectif
d'uu gmen ter la demande de machlne s il outils. Selon le Gouvernement, la formation
des ingénieurs devait passer par une plus grande collaboration entre les
in s tit u tionx de recherche et les écoles d'ingénieurs.
Ainsi, le Centre d'Etudes et de Recherche.') sur la Machine il Outils
(e.EoR.M.O.) devait collaborer avec J'Ecole Nationale des Arts et Métiers
(E.N.s.A.~L), l'urt des centres français de formation proression netle les plus
impo rtunt s (Groupe de Réflexion "Machine Outil en Ile de France", 1985). La
f'ormation de:;; techniciens devait être le fruit d'une coopération entre l'Agence

zn
Nationale pour le Développement de la Productique Appliquée à l'Industrie
(A.D.E.P.A.l et l'Ecole Nationale Supérieure cie l'Enseignement Technique
(E.N.S.E.T.l (Groupe de Réflexion "Machine à Outils en Ile de France, op.ctt.},
L'efficacité d'un système de formation se mesure entre autres à sa capacité
à former en nombre et qualité suffisants les travailleurs qualifiés dont les
employeurs ont besoin, Or, il la fin des années 1980, les fabricants français et
Amé ricains étaient toujours à la recherche des travailleurs capables d'utiliser les
processus de production inforiuatisés comme l'ont prouvé les interviews. Ni les
centres publies de formation, ni ceux gérés par les employeurs n'avaient été
capables de répondre à la demande des fabricants. Les méthodes de qualification
par le haut n'avaient pas été concluantes non plus. En d'autres termes, les choix
stratégiques faits par les fabricants pour la construction d'une main d'oeuvre
qualifiée n'avaient pas apporté les résultats escomptés.
Co ncl u s ion
Au cour-s des années 1980, les fabricants américains et français avaient des
opinions convergentes sur le type de q uaf iftcation s nécessaires à l'utilisation des
nouvelles technologies. Selon eux, la transition des systèmes conventionnels vers
les systèmes de production informatisés exigeait un autre type de travailleur
qualifié. el la présence d'un plus grand nombre d'ingénieurs et des techniciens.

299
C'était le prix à pa ye r p a r les deux industries de la machine à outtts oour Ie
maintien d'un haut rriveau de co.apét.it ivité. Cette nécessité avait été bien comprise
et acceptée par les gouvernements des cieux pays.
l.e Plan Machine OuLil (PMO) initié par le Gouvernement français, aussi bien
que le rapport de la Machine Tool Ta sk Force (MTTO) créée par le Gouvernement
Fi:ùél"al mirent en avant des arguments qui n'étaient pas en contradiction avec ce
que proposulen t les Jab rican ts de machines à outils. En fait, les deux
gouvernements sont allés plus loin. Ils posèrent comme préalable à la satisfaction
des demande:'> en q ualif'ication des constructeurs, la réforme des systèmes de
Jorma tion.
Le PMO proposait la re s tr-uct ur-at lon de l'appareil de formation devant
conduire à un renforcement du potentiel de chaque st ructu re. Le gouvernement
français Iinunca le renouvettetuen t des équipements des centres de Iorrnat ion. La
MTTF adopta des position s plus radicales compte tenu de ce qu'elle considérait
comme un échec du système de formation, et surtout parce que selon elle, il ne
faisait aucun doute que les mauvaises performances économiques des fabricants
américains étaient liées ft l'absence d'une main d'oeuvre qualifiée. Parmi ses
propositions, il y avalt la création de programmes de formation orientés
exclu s ivcme nt vers la formation de travailleurs destinés au secteur de la machine
à outils. Il y avait également la nécessité de faire revivre l'apprentissage

300
industriel.
Cependant, autant les moyens mis en oeuvre par les deux gouvernements
que les stratégies de construction d'une main d'oeuvre qualifiée utilisées par les
Iab rlcant s américains et français étaient dif'Jé re nt s , Alors que la MTTF se
contentait de faire dea recommandations, le PMO était basé sur l'intervention
directe du Gouvernement français dans ln réorganisation du système de formation.
Du côté des fabricants, alors que les Américains avaient très largement recours au
débauchage et avaient de plus en plus recours aux centres de formation publics,
leurs homologues français utilisaient presque tous les structures de formation
externe." privées el publiques.
Il faut rapprocher ces différences des caractéristiques particulières des
deux systèmes de formation; caractéristiques qui trouvent leurs origines dans les
période!'> de formation des deux systèmes. L'existence en France d'un
environnement économique et financier- largement contrôlé par l'Etat permet
d'expliquer sen rôle largement interventionniste dans l'élaboration et l'exécution
du PMO. En outre, la cent ralisat ion du système de formation français a permis
t'instauration d'une certaine discipline en son sein. Ces traditions ont été plus ou
moins maintenues au cours des années 1980, montrant ainsi les capacités de
résistance des facteurs structurant que sont les institutions.
Par contre l'existence aux USA d'un système de formation très décentralisé,

301
et dans Icq ucl le pou voi r de contrôle de l'Elat est largement en deçà de ce qu'il est
en France, nbligen la MTTr à se contenter de recommandations malgré ses analyses
pertinentes de ..... ru ppur-tx entre stratégie.'> d e formation, qualifications des
truvaillcurs , el pcr-Forruu nces économiques dans le secteur de la machine à outils.
c'est fi partir de la désorganisation relative des p rutiques de formation
p rof'cs sion ncllc aux USA qu'tt faut comprendre te recours des fabricants
amér-icain s au débauchage. En effet. la désor-ga n isat ion d'un système de formation
ccnd uit Forcéuron t à une impossibilité de définir ch; façon précise les rôles et
rcsponsab ilités des différents acteurs, el à une insécurité des investissements en
formation due aux risq ues cie débauchage dont la pratique provoque des
in suffise nces de t r-avutlleur-x qualifiés. Cette question a été largement discutée
dans notre H.:VllL: de la lit térnt u re.
Les rigiditfs ins t it u ticn nelle s des systèmes américains et français de
formation n'ont pas empêché l'ap pur ition au cours des années 1980 de deux
p hénoruè nes nouveaux dans l'ntt it udu des partenaires sociaux, notamment de l'Etat
et des employeurs. Aux USA où les employeurs avaient traditionnellement rejeté
tes centres de Formations p u blics à cause de leur incompétence au profit d'une
frn-mation sur le las, un assista à un reCOUL'> 11 ces centres de formation. A la base
de cc t t c nttit nde, il y avait la reconnaissance par les fabricants que seuls ces
cen t rcs étalent cnpablcs du Iou r-n ir les techniciens et ingénieurs dont ils avaient
besoin.

302
En France où l'Etat séta lt toujours opposé à la création de centres de
Io rmat ion privés gérés par les employeurs, la brèche ouverte par la loi sur la
Iorruutlon conti n ue de 1971 mis en place les conditions d'apparition à une échelle
impor-tante de tels centres, uin si q uc leur plus grande utilisation par les
fab rica nts de machines à outils.
Ces deux phénomènes auxqu als il fu ud r-ait ajouter le fait que les
gouvernements ain si que de nombreux fabricants mettaient l'accent sur la
nécessité d'une plus grande coopé t-ation entre centres de formation et firmes,
con st lt uuie nt des pas en evunt impnrtant compte tenu de l'histoire conflictuelle
des systèmes américains et français de formation.
A la base de ces changements d'attitudes, il y avait une préoccupation
partagée par tous les par-Lenu irea sociaux. Il s'agissait de la nécessité de mettre
fin au déctiu de l'industrie de la machine à outils grâce entre autres à
J'amélioration Lies qualifications du per-sonnel de production pour une utilisation
plus, efficace des technologies nouvelles. Pour cela, il fallait trouver un point
d'ôq uiflh rc des intérêts divergents.
Ainsi. un facteur contextuel, en l'occu rence la crise économique, le déclin de
l'Ind ust r-ic de la machine à ou t ils dans les deux pays, et les menaces que ce déclin
faisait peser sur les intérêts des pat-tcnair-es sociaux, vint s'opposer aux rigidités
institutionnelles caractérisant les deux systèmes de formation.

303
Celle convergence éme r-gea ntc était-elle une simple coincidence? Etait-elle
le r-é sult.at de stratégies opportunistes de la part des employeurs aux USA et de
l'Etal en France? Les fabricants américains auraient-il interpellé les centres
publics de formation s'Hs avaient eu les mOYL'n~ de former leurs travailleurs?
Quelles on t été les limites de cette cunvet-g.e nce?
Dans IH p.n-tic in t roductive de cette thèse, nous proposions certaines
conditions do succès des stratégies de formation. Il s'agit notamment de:
l'existence d'un accord sur un cadr-e de base entre les employeurs, l'Etat, et les
travailleurs - la reconnaissance mutuelle du rôle de chaque partenaire social dans
les activités de Iormn tio n - el l'existence de mécanismes de coordination et
d'écllHnges c n trc !l's pe r-tenc ir-es sociaux.
Aus s l bien dans le rapport du PMO que de la MTTF, les syndicats de
t ra vaillcu r-s ont été les institutions oubliées. En France, les syndicats
participèrent aux premières discussions autour du PMO pour ensuite être exclus
de sa mise en oeuvre {Venin, 1985). Le rapport de la MTTF accorda plus de piace
uu x s yn d icat s que ne Je fit le PMO. A deux reprises, elle recommanda un certain
mveuu de coopérution entre les s yndicats de travailleurs, les fabricants, et les
instit utions p u bliq uc x de formation dans le but d'urnéllo re r les performances de
l'{nd u st r!e. Rien de xitnilah-e n'apparaissait dans te PMO. Ce n'est qu'au stade de
l'évaluation de ce der nier- que le gouvernement reconnut qu'à l'avenir "il serait
bon q utu nc concertation ait lieu entre les acteurs sociaux et économiques, et que

304
les possibilités de dialogue social ouvertes par les lois Auroux soient utilisées"
(Venin, lf)R5~ r.12)'
En parlant des p réoccu putions de cette recherche, on peut dire que tout ce
gui précède ramène à deux questions auxquelles les chaptt res suivants
apporteront des réponses: 1. Dans quelle mesure les relations industrielles qui
prévalaient au cours des années 1980 ont-elles favorisé (ou contraint) les choix
faits par les fabricants de machines à outils pour la formation de leurs
travailleurs:' 2. Quelles ét aic nt les limites de ces choix et en quoi constituaient-ils
néuuunoin s des pas import an t s vcrs la réalis at ion des conditions de succès des
s t r-atégies de Iurmation p rofe s sion nelle?

305
CHAPITRE vr
FORMATION PROFESSIONNELLE el RELATIONS
INDUSTRIELLES
dans
Jes
INDUSTRIES FRANCAISE el
AMERICAINE
de
la MACHINE à OUTILS au COURS des ANNEES
]980
rntrodu~tion
L'lJ\\ljectif de ce ctlupitre est
d'I\\llulyser CDlnment
les
re l a t ions
i ndusi ri cl l es qui
prévalaient
dans
les
industries
f["allçilise el
alo61-icairlc (le
la mactline à Ilutils au cours des
années
1980 onl
influerlcé
les CllOix stratégiques
faits
par
les
constructeUl"S en lnutièl-e cIe
formation.
En partant de
l'analyse
tléjA
faite que
[cs ctll)ix de stI"utégies de qualification sont
Je l"tsulltlt
Iles
J"ilPp(JI"ts
(le
force
pillitique entre pal'tenaires,
tl'ois G16rrlcTIls des
sysL6nlcs <le l"clatic)JIS
industI"ielles
rcp rés c n t u t Lfs
du ces
l'apports de
foree
sont mis en
relief.
Il
s'agit
des capilcités d'oI'ganis~tion des
fabricants,
de celle
des
tl"aV~Lilleurs. et de
,'utilisation ou non de mécanismes
d'écllarlges et (le
concert~tion pl]Ur les pl"ises de décision en
Illatièl"U de
f[]l"nlation.
Ces
trois éléments
sont
considérés comme
les filcteUl"S discriminflTlts (lans notre analyse.
En
pal"tllnt
des développements contenus dans
les chapitres
précédents,
l'argument
du présent chapitre est
le suivant. En
FT"anCe uL llUX Etats Unis,
les
périodes d'érnergence des
systènles de
forlrlution ont
strLlcturé
les relations que
les
partenaires
sociaux entretiennent
à
l'intérieur de ce système.
Ces
rcla t i ous ont
été essentiellement conflictuelles.
Cepelld~lnL. les cl111ngelnents techTlulogiques,
l'aiguisement de
la
concurrence,
el
l c déc! in des
industries dans
les deux pays,
ont
ctJn(luit
les consll'ucteUI"S et
les autorités

306
gouvernelnentales vers des
stratégies de formation qui
semblent
plus
COOpéI"alives.
Il
c(lnvient
de voir à
présent:
-
en qUOl
los stratégies de fOflnation mises en place
ôtaient
intvitables corllpte tcrlu des relations
industrielles
conflictuelles qui
prévalaient
dans
les deux industries
-
pourquoi
ces
["elations
industrielles constituaient un
IJbslacie à
la mise en oeuvre de
stratégies plus coopératives
-
et
comment
les variations dans
les
formes
d'organisation des
partenaires
sociaux ont
conduit
~ des
performances différentes
(bien que sOlls-optimales dans
tous
les cas) d'un pays à
l'autre ou bicn d'une firme à
l'autre à
l 'jntdricur" (J'LITI münle llays.
T.
J.cs Rulati()ns
Industrielles dans
les
Industries
Am6f"icaine et
ft"ançaise de
la Machine à Outils
l.es
interviews ont
révélé qu'entre
la France et
les USA,
il
y ~vait des différences au niveau des caractéristiques de
base des
relatil)[ls
industrielles dans
le secteur de
la machine
à outils.
Cependant,
il
e x l s t a i t
également des similitudes,
rlotalnllient
en ce qui
concerne
le rejet de
la participation des
syndicals ~IIX décisions stratégiques de
la
firme.
Les
raisons
qui
font
de
la participation des
travailleurs un élément
esserltiel
dll
processus de décision en matière de
quai i Li c a t i o n ,
ont
déjà été discutées.
I.es
incertitudes écon()miques au~quelles faisaient
face
les
fabricllnts
fl"arlçais
et
américains
renforcèrent
leurs
peI"ccpti<lns des sYTldicats comme
obstacles à
la r6alisation de

307
Rerfo'lnances éconORtiques élevées.
Dans
les firmes américaines

i l n'y avait pas de syndicats,
les dirigeants expliquèrent
leur ahserlce par
le
fait
que
le personIlel
n'en avaient pas
besoin 118rce qu'il
y était
bien
traité et
satisfait par ses
COTII)iliuTIS de
travllil.


les
syndicats existaient,
les
fabricants <iéploraient
leur politisation excessive et
leurs
altitudes
Ilflli-rllllrlagclnenL.
En FI"anCe,

les
synllicats étaient
présents dans
pratiquelllcnt
toules
les
rirnles
interviewées,
les constructeurs
pal"tageaient
la mŒme opinion rIes
syndicats.
Selon eux,
le rôle
des organisations de
travail leurs avait
toujours été de
détrllire
Iii
firme non de
la
construire.
nier. que
les cOTlstructeurs américains et
français
désI1PI,rouvaicnt
I i i
présence {les
SYTldicats
SUI- les
lieux de
travail,
Ils utilisèl"ent
des stratégies différentes pour
s'inlposer.
Les fabricants américains eurent
recours à
une
ol'proctle pragulatique qui
partait
des
rapports de
force
Sllécifiques qui existaient dans chaqlle
firme.
D'une entreprise
à
l'autre,
il
y avait dunc des différerlces dans
la façon dont
les 4uestirJrlS
similaires,
en
l 'occurreTlce
la
formation,
étaient abo,-d6es
et
éventuellement
J-ésoiues.
Par c()ntre
du côté
fl"onçais,
les rapports entre
l
fabl"icarlts
et
syndicats étaient quasi-i(lentiques d'une firme à
j'/lutre et
pOllvaient
être résumés en une phrase:
la norl-
recoTlnaissance par
les I,remiers des
syndicats comme

308
partenaires (lU participants sur
les
lieux de
travail.
Pilisieurs Ti\\isons étaient à
ta base de cette différence entre
la Frarlce et
les Etats [lnis.
Mais,
toutes
partaient des
différences
tlistrJriques erltT"C
les pratiques de "business
uniollism"
aux [ISA et
le syndicalisme politique en France.
Premiêl"elnent,
les constructeurs américains étaient
faiblement ()rganisés.
Ainsi,
la quasi-absence d'associations
patrorlales
fortes dans
l'industrie américaine de
la machine à
outils fait
de chaque firlne
individuelle
le chalnp des
décisions de pl]litique
irldustrielle.
PilJ" COlltr'e,
bien que
la firme
individuelle constituait un
charnp (le (lécisiun
impurtant cltez
les c()nstructeurs français,
ces derniers se
retr<Juvaient dans des organisations patronales
puissante~ avec les autres employeurs du secteur de la
métallurgie.
Ainsi,
le
rôle centralisateur en matière de
politiQtle économique et
sociale de
l'Union (les
Industries
Métallul"giques et Minières
(UIMM),
du Groupement des
Industries ~Iétallurgiques (GlM),
et
du Syndicat de
la Machine
à
Outi Is
(SYMAP),
fuci lita
l'établissenlent de stratégies unti-
syndicale~ collectives contrairement à
la démarche
individualiste {Jes
constructeurs américains.
En outre,
face aux actions collectives des employeurs,
les syndicats frRnçais
semblent avoir adopté des
stratégies
similaires en dépit
de
la division
idéologique historique du
mouvemerlt ouvrier françllis.
Ainsi,
la plupart des syndicats

30l")
français ont
t r ad i t i o n n el l eme n t
considéré
toute coopération
entre
le pu t r o nu t
ct
les
t r a va i Ll eu r s
comme de
la
collaboration de classes,
et ont
privilégié
l'action politique
u u n i v e a u muc r-o s o ci a I au détriment de
Iii défense de
leurs
e
membres
sur
les
lieux de
travail.
Cette approche syndicale
cuntinue à ]Jr6vH!oil" bien que
les années
J980 aient
vu
l 'apPI.J.I"itiOll de nouvel les stratégies syndicales plus
tournées
vers
les
J ieux de
t r a vu i 1.
c'e~t pour toutes ces raisons que les relations
industrielles (lans
les
industries aluéricaine et
française de
la rnachine ~ outils peuveflt l"espectivenlcnt Etrc caractérisées
comme
relationnelles et
structurelles.
En d'autres
termes,
aux
Et u t s unl s .
d'une
Li rmc Ù une autre,
les vu r i a t i o n s dans
le
r61e des
ruhl-ieants et {les
travailleurs en ce qui
concerne
les
décisiorls de
la
fil'me dépendait
plus des rapports de force
existant dans chaqlle llnlté de production que des
résultats de
quelconques négociations Rlenées à
un niveau macro,
ou de
reconllnandations venant
d'une direction nationale ou régionale
d'oI'ganisation patronale ou syndicale.
Ce sont donc
les
sectirlns syndicales de
la
firme
(non
le~ dit"eelions nationales
ou
régionales)
et
les
fabricants
individuels qui
étaient
les
pl"incipallx pal"tenaiJ'es sur t(lutes
les qllestions relatives à
la
g e s t i o n de
la firme.
En Frllnce,
le fait
que
les fnh)"icants voyaient
en
leurs
organisations 11stronales
leurs rept"ésentants nationaux dont
les recommandations étaient mises en application,
donnait un

310
rôle secondaire aux rappoI"ls de
force entre sections
syndicales présentes sur
les
lieux de
travail
et
fabricants
indivi{Juels.
Cela explique
le niveau élevé de similarité
corlstaté (lans
,'attitude des constructeurs
français
concernant
Je
rôle des syndicats dans
la firme.
C'est
ce qui
confère un
c a r u c t
re
structurel
aux
relations
industrielles
en France.
è
Ces tlifférences exigent donc
le choix d'unités d'analyse
différents dans
l'analyse des
rapports entre relations
industrielles et
formation professionnelle aux Etats Unis et
en France.
Dans
le cas des Etats Unis,
la firme
individuelle
et
le syndicat d'entrepI'ise constitueront
les unités
d'arlalysc.
Par" contre,
duos
Je cas
français,
les unités
d'anoly~e SeI"Clnt des institutions opérant à un niveau Inacro,
1111,i9 {10rlt
les décisi{)ns en matière de
fornlution ont un
impact
sur
les stratégies de
la
firme,
à
savoir:
les organisations
patronales,
les centrales
s ynd i cn l e s ,
et
les structures de
négutiations nationales
tripartites ou bipartites.
ALI
Clllirs des unIlées
1980,
des changements apparurent dans
les
relations
industrielles du
secteur de
la machine à outils
aux USA.
Les plus
importants portaient sur
la nature des
revendications et
sur
les fUI"meS
de
leur expr"ession,
nlême si
certaines elcs
l"evendications
traditionnelles continuèrent à
figure," cn bonne position dans
les activités des
syndicats.
Parnli
ces (\\ernièl"eS,
les
salaires et
la sécurité cie
l'emploi
furent
encor'e à
('ol"igine de nonlbreux conflits du
truvail.
A
la hase
il
y avait q\\IC
les constructeurs profitèrent de
la

311
crise de
J'industrie pl)Ur inlposer (les coupures de salaires et
l"éduire
(a séCllrité de
l'emploi.
Des
licerlciements massifs eurent
lieu,
et
atteignirent
leur" niveau
le plus élev6 darls
les
fi,rmes (10 les
tJ"availleurs
étaient
syn[liqués.
Presque
la moitié de
la force de
travail
fut
l i c e nci
c dans LA2
(grande
taille)
et
dans
SA2
(petite
é
taille),
et
tl"ois
séries de
licenciements eurent
lieu dans
la
firme ~IAl au cours des années 1980.
Pour
les constructeurs,
ces
licencielilents COflstituaient
les
premiers pas vers
la mise
en place d'une force de
travail
flexible.
De
telles séries de
licenciements n'existuierlt
pas dans
Jes
firmes dont
les
travllilleurs n'étaient
pas syndiqués.
DilflS
ces
firmes
stlns
syndicats,
l'absence (le
restrictions
contractuelles aux
les pI"ér()gatives marlagériales
facilita
le
r e c t-u t eme n t
de
t r ava i l l eu rs
temporaires
par
le biais d'agences
privées.
Elle permit
égalemerlt
aux
fabricants d'avoir
librClllent
recours au "système des coopératives
("coop system")
qui
con s i s t e i t
à
utiliser des
lycéens
sous-payés pendant
une
11éri()(le de
tcnlps
limitée
(cette pratiqlle existait
chez MA2
s u r t o u t ) ,
De telles pratiques n'existaient
pas dans
les
firmes
améI"icaines ob les
syndicats existaient et
étaient
relative~lent forts. Dans ces firmes,
ils demandaient en effet
que ces
lycéens soient
considérés
CO~lnle des travailleurs à
temps par"tiel.
Par exemple
le syndicat de LA2 exigea

Jl2
l'application à ces
lycéens des clauses de
la convention
collective
relatives
aux
travailleurs à
t e mps
partiels.
Ceci
(léc()urH~ca Je
l'ecrutclncnt (Je ces derniers.
1"3
résistance des
travailleurs aux cllangements
t e cbno l o g i qu e s
était
plus
forte
dans
les
cas où
i f s
t a i e n t
é
I"epr"ésentés pal" des
syndicats de métiers
("craCt unions"
comme
dans LA2l
que dans
les
cas où
ils
l'étaient
par des
syndicats
irlduSll"iels
(exelnple de MAI).
DallS
la
firme LA2,
le syndicat
des n18chirlÎstes
(lnternaticlnal Association of Machinisls,
1AM),
un
syndicat
de mé t i e r s ,
s'opposa à
l'introduction de
la
programmation des Lomposüntcs dans
les
tâches des ouvriers
affecté." à
li:!. p r-o du c t ion dans
le
but
de ma i n t e n i r
la structure
(le nég()cJfltiorl
("bargainirlg unit")
intacte.
I.es travailleurs de LA2 craignaient que
l'introduction de
la progrlLmlnation dans
les responsabilités de certains d'entre
eux ne débouche SUI"
leur passage à un niveau de classification
supérieur (par exemple technicien) qui allait
les exclure du
domaine de r e c r u t em e n t
des syndicats.
En agissant de
la sorte,
les
travailleurs et
leur syndicat
laissèrent aux dirigeants
l'entière r c s pon s a b i Li t é
de
la redéfinition de
la structure de
la
force d c t r a vail .
Le
résultat a été que
le ratio cols bleus/cols blancs
passa de 60/40 à 40/60 au détriment du syndicat,
dans
la
meSUlC où
les travailleurs recrutés
par LA2 pour assurer les
tâches de programmation appal"tenaient à
la catégorie des cols

313
blancs
non ()rganisables
par
les
syndicats.
Les dirigeants de
I.A2 qllalifièrent
l'attitude des
travailleurs comme une "peur
des nouvel les
techrlologies".
Dans MAI,
le United Auto Workers
(UAWI,
un
syndicat
indLlstriel
était
restê passif face BUX
ctlill"lgements
introduits IJLI A introduire dans
la s(ructure de
La
force (le
ll"llvuiJ
conséclltifs â
l'acquisition des nouvelles
tectlnologie~.
I~cs cllungeloents qui
ont
eu
lieu dans
lu nature de~
reverldicatiuns et
la
forme de
leur expression étaient de
plusieurs S(ll"tes.
Premièrement.
les revendications étaient
plus
irl(lividlIRlisées,
ct
faisaient
l 'ob,jet d'une négotiation
directe entre
te
trilvailleur concerrlé et
l'employeur.

aD
Je~
!'0verldiculi(Jns I-elatives llUX salaires et
à
la
SécuI-jté de
l'el1111loi
cllntinuèrenl
à dominer
l'activité des syndicats,
il
y
en ~vail Inoins qu'avant.
Enfin,
travailleurs
et
employeurs
eurent de
plus en plus
recours à
une approche préventive
(apllelée pCllitique de portes ouvertes,
ou
"open door
policies")
qui
c(lnsistait
pour
les
travailleurs
individuels à
Ji~cuter (le
leurs pJ"oblèrllcs avec
les dirigeunts
sans passer
par
les l'ellré~entaTlls syndicaux.
avant que ces
problèmes
n'atteignel"lt
le slade de
la
("evenJicaLic)n.
I.es
firllles
sans
syn([ical
n'avaient
pas à
faire
face à
ce
genre de calculs.
En effet,
les
relalilJI1S
illdustriel (es
avaielll
élé
reTldlles aussi
informelles que possible grâce à une
politique syslénlatique de pOI"tes ouvertes.
Ce
sont
également
ces
firnles qui ne possédaient
pas de structures de

314
participation des
t r a v a i l Leu r s .
Pilfrni
les entreprises américairles,
celles qUI ont
connu
les problèmes
de qu al i Li cu t i o n
lei> moins
sévères
(mis à
part
les
firmes
cie
petite
taille).
s on t
également
celles
qui
on t
réalisé
les meilleures
performances
économiques
et
rirlarlcières.
Enfin.
ce sont
également
celles dont
les
t r av a i l f e u r s
n'étaient
pas
syndiqués,

le:'>
rapports de
force
étaient
largenlcnt en
faveur <les employellrs,
et où
les
relations
industrielles étaient
les
moins
conflictuelles.
ce c i
con du j t
11
une
p r o po s i t ion.
En
J' absence de
s ynüi c a t s ,
l c s
re l u t io n s
industrielles o n t
tendance à
être
consensuelles.
Sous
de
tel tes
co n dl t ions,
l'existence d'un
t-u ppo rI
d c
force
largement
f a vo r a b l e aux
dirigeants de
la
fjl"rne ciéhouctlC Sllr
leur contrôle de
la
totalité des processus
cie décisil)T1S.
Ce rapport de force quasi-unilatéral
semble
atténue]"
les prlJlènleS (le
qllalifications et
COTltribuer à une
stabi lisatirlfl des perforrnitnces écunouliques nlêlne dans un
e n vi ron n cmc u t
é
c on omi que
i n s t ubl c . On peut anticiper que dans
un
environnement
confl i c t uel ,
Iii
présence cie syndicats
lléboucllU("~ Sll}"
III
cl"éation de strllcture de nég(ltiation ()\\I de
purt i ci pa t i o n qui
ru l e n t i rcn t
(au
lieu de
faciliter)
les
prises de d6cision et
influcnceront
négativenlent
les
]lerfoJ"CrlaJ-\\CCs écoTlorniclues cie
la
firme.
l.es variatic)ns cClnstatées parmi
les
fabricants anléricains
llarls
leurs
}"ilppfJl"ls avec
les
syrl~icats contrnstaient avec
le

] 1 5
niveau
é
Lc v é
de
similitude constatée püfllli
leurs
homologues
français.
Ces derniet·~ l"ejettèr"ent
tOlite
fornlc de négociation
avec
les
x y ndi c a t s
s u r
l e s
1 i e u x de
t r avu i 1 en
dépit
des Lois
Au roux de
19R2.
P a c c a u déci in des
syndicats,
ces
l o i x
i n t r-od ui t e s
sous
le Gcu ver-n cme n t
Socialiste,
obligèrent
les
elllployeUl'S
[I"illlçais à accepte)'
la
préserlce des
syn<iicats erl
tarll
(Ille \\laf"lenaires
sociaux
sur
les
lieux de
travail.
Il
S'llgisSl1it ll'lille <lécision
politiqllC sans véritable but
industriel
Les Lois Auroux
rendirent
o bl i gu t o i r e
l'éjection des
dél6guGs syndjcaux,
(les d61égllés dl\\
pers()nrlel,
et des conseils
rl'l:nL]'(:pri,;c
("y",rks
cou n ci ï s"} .
Scl on
ces
lois,
tous
les
~yrl(ijcat~ lJtl1 Glilicrll f"cpr6serltatifs SUI" le pliln n~ltiollal
po uvui cn t
t r c
au t oma t Lqu emc n t
représentés sur
les
lieux de
ê
lravail.! Ainsi
l 'un (le~ I)bj~ctifs centraux des l.ois AUI'CIUX
~titjl de !lCI"lnettre l'implantation des syndicats dans des
firmes où celle ci
a u ra i t
été
impossible compte
tenu des
l"UP!lOJ'ls de
fc)rce
favo["able~ allX
employeul"s.
11isllJl'iquclncnl,
les
syn(licats
frarlçajs
'l'onl
j;~m;lis Cil
u nc
J1 r ôs c ncc
Lort c sur
l e s ] jeux
de
t r-uv a i 1.
La
r-n r so n
f o ndamcn t nl c CH H été
l e ur haut
niveau de
politisation qui
fi
entl"uillG
les
CI)rls~querlces sllivarltcs:
lellr l'cjet
pal"
les
Il
e x i s t a i t cinq sy ndi c a t s représentatifs de travailleurs
~ll Fj"ilrlce.
Ce
sont:
la Conj"édératil~fl Gérl6rale des Travail1eul"s.
CGT~
1[1
CClllfédération
l;J"ilnçaise DélRocratique
(les
Travailleurs t
rFDT;
FrJrce
ouvl'ièI"e,
FO;
lfl
Conféciél'ation
Frarlçaise
des
'tr uva i fl c ur s Chr-ô t i e n s ,
la CFTC; et ln Confédération Générale des
Cad r-e s •
C(,(' ,

316
employeurs,
un inlér&t plus grand accordé par
leurs dirigeants
aux revcrldicatlon~ A C<.ll'uctère national
(par exemple
l ' i nd c x a t ion
des
salai l'es
au
coût
de
la
vie)
qu'aux: questions
directement
1 iées aux
lieux de
travail,
un certain sectarisme
vi ...
it
vis
d ca
travailleurs ayant
d'autres
orientations
idéologiques,
et
une
subordination
aux
partis
politiques. 2 Ce
n'est
qu'en
1968,
gefice aux
accords
de Grenelle que
les
syndicats
français commencèl-ent à être présents dans
ta firme.
Cependant,
cette pr~sencc n'a
jamais entrain~ leur
['ecunn~lissance par
les emp\\oyeuJ"s sur les
lieux de
travail.
Toutes
les
firmes
françaises
interviewées avaient un ou
plusieurs syndicats.
l.a présence de
ces derniers
était
souvent
d'un
ruible
rliveau.
Cela
constituait
l'une des
raisons pour
l e s qu cl l e s
les
cmpl o y e u rs
ne
les
co n s i d é r ai e n t
pas
comme des
parteTluires
repr6sentatir~ SUI' les lieux de travail. Dans le
seul
cas où
ils
étaient
co n si dé ré s
comme
tel
(le cas de LF3),
leur présence était
contrebalancée
par
cel le d'un syndicat
maIson.
La rOT était
le
syndicat
le
plus
représenté dans
le
secteur de
la machine à ou t I l s .
Elle avait
également
l t o ri cn t a t Lon
la
plus
anti-ernployeur,
ct était également
la
cible préférée des
constructeurs.
Elle
fut
exclue de certaines
firmes
(exemple LF4),
se
repositionna dans certains cas après
- - - - - - - - - -
Sur
la pnlitisation des
syndicats français,
voir Sellier,
1934;
el
Nou rl a u x ,
1985.
Tl
est
connu que
la
CGT
est
proche
du
Parti
Comrnu ni s t e
Lr a n cu i s ,
qu e
la
CFDT
est
proche
du
Parti
Social ls t e ,
alors
que
les
membres
de
FO
sont
d'appartenances
pcl i t i qu es
plus diversifiées.

3 1 7
n vuir
t
exclue
(exemple
de
SF4),
ou
bien
f u t
a Lf a i bl i e
dans
é
ô
ù'uutrus
CdS
(exeJ'lple cie l.f3l
Ainsi,
vers
la
fin cles arlnées
1980.
FO el
l~t CFDT tendaient ~, êtl"C plus représentatifs que
If!
r:GT
dans
l t i n d u s t ri c de
la
machine
il out i Ls •
Oe pe nd a n t ,
dn nx
L' c ns cu.b l c ,
ce
son t
[IHL'>
Je,')
syndicats
p ré s c n r s
du n s
le
s~clellr qLli
~vajent dlé affaiblis.
les d()TIT16cs
prl)clllitcs pELr
le GIM (1990)
relatives à
l'[ICtivJté des
syndicats clarls
le
secteur de
la métal!ul"gie de
la R~gi()n Ile-clc-FciJncc où les
ririlles
orlt
été
sélectionnées
donnaient
une
i d ée d u déclin des capacités de mobilisation des
organisation,')
de
t r a vul Ll e ur s
HU
cours
de
la
p
r i o d e
étudiée.
é
De
1980 ;'1
1 1)g9,
le
nombre
d t he u r es
de
grève pn s s n de 795,000 à
seulefncnt !l0,OOO ilvec llil Illllxinlllln lIe
1,225,000 en
1083,
el
url
temps
fort
de
71)4,000
en
19RR.
Le
plus
remarquable
é
t a i t
que
lie
IQ80 ;~
1989,
le
nlJlllhrc {l'Hctions revendicalives eTlgagées
pill
les
tr"avtli [[Clll"S
~iUl'
l'irlitiative des
syrldiculs passa de
43"4~ ~ O~. Ces ctliffl"es exigenl certninelnenl un miniTluln (ie
l'6sel"\\'C:S crJ[IIIJLe
lerlLl
<le lelll- uJ'igine patronale.
Néammoins,
ils
Ln d l qua i c n t
un c
t o ndan c c
nette,
en
1 "o c cu r c n c c
l'érosion du
po u voi r
s ynd i cu I da n s
le u e c leur de
la métallurgie.
En rll au t re x t e rme s ,
les Lois Auroux avaient
formellement
g uura nt i
la présence dcs syndicats dHIlS
l n
firme.
Cependant,
c ct t c g unru n t i c ne
signifiait
rien
face au
r e I'u .s
t ratl Lt i o n n e l
liéS
el1llJlrJycLlr's du
secleUI' (le
lu nlétallurgie lie 116gr1cier avec

3 ] 8
](;"S
svndi c a t s
sur
les
1 i c u x de
t r-u va I I.~
Parmi
ses
diverses
fonctions,
l'UTMM Et r
u s s i
à
contrôler
é
l~ l)lf)CeS~ll:i (Je négociation dans
le secleu," de
la rnétatlur"gie
fl"llnçflisc dCllllis
ln
jlreillière Inaltié cl li 20ème siècle.
I_'lln des
aSjlects
les
plus
rernuT"qllables [les chuTlgernents
illtervenus dans
les
stl"atégies (Je Ilégociation de
l'UIMM (Iepuis
sa
naissance a
été
srln
jldssage d'urIe ]l,"éféT"CI1Ce ]'I)Ul" des
négociations
cClilectives
fragrnentées
par sous-secteur à
une préférence pour
eles
c(]nverltions CI:)] lectivcs à
cal'actère national.
Même
l o r s qu t el Lc était
pour
une
fragmentation
des
n é g oc i a ti on x
col Le c t Lv es ,
('UIMM
n'était
pas
pour
des
go ci
t
d é
tral i
é
au niveau
la
Jusqu'en
n é
n
i u n
s
c
e
n
s
c
s
d e
L i
r - m
e
,
19)("
elle
reconnut
l v homo g é né i t é
de
c e r t u i n s marchés
du
tl"avail
C(lmme strllcture (le base pOlir
IR
signatllre (\\'acc()rds
col l e c t i Ls
régionaux,
départementaux,
locaux,
et même au
niveau de
la ville,
entre or g a n i s a t i nn s
patronales
et
centl'~lles syrldica]es.
CCIJCIldllnt,
les Accure\\s cie MatignlJTI eTI
1936,
~ll ceIUI"S [lesquels
les
ernlll()yeurs
se
fireIlt
remlll'quer par
ItLlr" d6~;oI·gilnis~til)TI
fllce il
Lln 111()UVement OlIVr"ie]" puissant
dans
SClfl urlit6.
fUI"C~I"erlt l'lIJMM A s'(lricTlter velOS llne
c e n l ra l ii
" j
"
sa t t o n [C ses u c t t v li t é
j
,
t
s c e
n c go c lr ua t it o n . 4
lVuil"
Sellier (1984)
IJl)llr unc discussil)n plus C(lnlplète
su r
] ' a [ t i t li d c
d e ] ' U 1MM
f Clc c
aux syndicats de
travailleurs.
, I.c:i Accords cie Mtltigncln furent signés sous le Gouverllemerlt
ùu
Fro nt
Populaire.
Pour
les
travailleurs,
ces
accords
débouchèrent
s ur
les gains
les plus
importants dans
l'histoire
du
mo uvc me n t
ou v r i e r
f r a n ç ais ,
en
l t o c cu r e n ce
le
droit
de
s'urganiser
en
syndicats,
les
négociations
collectives,
la
seilloinc 11c 40 tleure~, les cOIlgés allllllCls payés. La plupart de ces

319
Les Accords de Matignon annonçaient un changement
d'orientation dont
le tournant
intervint au cours des années
S
1960 3vec
la
signature d'accords
nationaux.
L'IUMM ne
tenait
donç
ntus
à
Cl)ordonner des
négociations
décentralisées.
Son
objectif
6tait
de
les
éviter.
Au
cours
des
années
1980,
cette
orientation fllt maintenue. Des accords nationaux furent
signés
darls
le secteur de
la métallurgie.
Quelques uns furent
signés
au niveau départemental.
Il
n'y eut que de très rares cas
d'accords signés au niveau de
la
firme.
II
faut
dire que
la non reconnaissance des syndicats
comme
partenaires
dans
l'entreprise
n'était
pas
l'exclusivité
des emp)(lycurs de
la métallurgie,
et de
la machine à outils en
particulier.
DarlS
son rejet des Lois Auroux,
Je Conseil
National
dLI Patronat Français
(CNPF)
expliquait que,
en
plaçant
le dialogue entre
travail leurs
et
employeurs
sous
la
responsabilité des syndicats,
ces
lois s'exposaient à un échec
dans
leur application
(CNPF.
Liaisons Sociales.
1982).
Selon
le CNPF,
d'une part
ces syndicats ne représentaient
que 20% (à
la fin des années
1980,
ils étaient à
12%) des
travailleurs
français
et ne pouvaient donc pas
parler au nom
de
leuI" majorité.
D'autre part,
comllte tenu de
leurs divisions
gains
constituent
des
éléments
du
système
de
relations
industriel les en France.
S Tous
les accords nationaux signés par l'UIMM n'ont pas
la
même autorité vis à vis des employeurs individuels.
Ces derniers
sont théoriquement
tenus d'appliquer
les accords nationaux dits
"parfaits" sans aucune modification ou adaptation, par opposition
aux accords nationaux "imparfaits" qui peuvent ~tre adaptés à la
situation particulière de chaque firme.

320
historiques,
les syndicats français
ne s'entendaient pas sur
les formes d'expression des
travailleurs et de démocracie
industrielle.
Alors que certains syndicats étaient pour la
création de conseils d'entreprise
("warks councils") au niveau
des atel i e r s ,
d'autres
les
r e j e t t a i e n t .
Selon
le CNPF,
l'expression des
travailleurs devait être avant
tout
individuelle.
Si
on
rapproche
le cl i ma t
des
relations
industriel les de
chaque firme prise
individuellement de ses performances
économiques, on ne retrouve
pas
la relation qui a été
identifiée dans
le cas des firmes alnéricaines, à savoir que:
moins
les
relations
industrielles
sont
conflictuelles,
moins
les problèfnes de qualificatiun sont sévère,
et plus
les
performances éconolniques sont élevées. Les
firmes françaises
semblaient avoir des problèmes similaires.
En résumé,
l'étude des
relations
industrielles dans
les
industries de
la machine à outils française et américaine a
fait
ressortir
les différences et
similarités suivantes.
1. Les fabricants
français aussi
bien que
leurs
homologues américains rlésapprouvaient
la présence des
s ynd i c a t s sur les
lieux de
travail,
et n'étaient pas prêts à
les reconnaître comme partenaires sociaux ayant
leur mot à
dire sur
les décisions concernant
la gestion de
la firme.
Cependant,
le rejet des syndicats était plus fort
parmi
les
fabricant::;
français que parmi
leurs homologues américains.

321
2.
Nous
avons
lié
ces différences à
la
nature
relationnelle des
relations
industrielles dans
lt i ndu s t r i e de
la machine à outils américaine. alors qu'en France elles
étaient
structurelles.
Leurs
caractéristiques respectives
étaient
les
suivantes au
cours
des
arlnées
1980:
à couse de
leur faible niveau d'organisation,
les
fabricants
arrléricains avaient
vis
à
vis
des
syndicats une
attitude déterminée par
les rapports de force qui prévalaient
au
sein de
la
firme
individuelle.
Ainsi,


les syndicats
étaient relativement
puissants,
ils pouvaient
jouer un
rôle
dans
la g e s t i o n de
l'entreprise.
Par contre,
avec
leurs
hornolo~ues des autres secteurs de la métallurgie,
les
constI"Ucteurs
français
étaient organisés dans des associations
rejetant
la présence cles syndicats sUr
les
lieux de
travail.
Ces associations étaient
Cortes et centralisées sur
le plan
national;
leurs membres tenaient compte de
leurs
recommandations.
C'est ce qui expliquait
les variations parmi
Cabricants américairls,
et
les ressemblances parmi
leurs
homologues français en ce qUI concerne
leurs attitudes vis à
vis des syndicats
-
ainsi.
la résolution des divergences
liées à
la
gcstiorl (le
l'entreprise suivait des pl"océclures de négociations
et d'accor(ls centralisées chez
les fabricants
Crançais,
alors
que chez
leurs hornologues américains ces procédures étaient
plutôt décentralisées all niveau de
la firme,
donc variées.
-
comme flOUS
le verrons plus tard en détail,
ces
différences dans
les relations
industrielles expliquent
pourquoi,
au cours du débat
sur
la formation des années
1980,

322
les propositions
faites par
les syndicats
français de la
machine à outils se situaient au niveau macro-économique
(bien
la firme
tendait à devenir cie plus en plus
importante dans
le
discours syndical), alors que celles des syndicats américains
étaient beaucoup plus orientées vers
la
firme
- compte
tenu des attitudes de rejet des syndicats
adoptées
par
les
fabricants
américains
et
français l
on ne
pouvait pas s'attendre à
l'existence de mécanismes d'échange
et de concertation efficaces entre employeurs et
travailleurs.
Les quelques paragraphes qui
précèdent ont permis d'avoir
une idée de
la configuration des
relations
industrielles qui
prévalaient dans
les secteurs de
la machine à outils français
et américain.
Il
convient maintenant de voir avec beaucoup
plus de détails commenl ces relations
industrielles ont
affecté
tes choix de stratégies de formation faits par les
fabricants des deux pays.
Ces
choix ont été présentés et
discutés dans
le chapitre précédent.
Les sections suivantes
permettront également d'apporter plus de précisions sur le
rôle des syndicats dans
le débat
sur
la formation.
Nos
premières analyses des
interactions entre relations
industrielles et
formation professionnelle conduisent aux deux
propositions suivantes:
1. dans
le cas des Etats Unis où les relations
industrielles ont un caractère relationnel,
moins
les
relations
industrielles sont conflictuelles,
plus
les
problèmes de qualification des travailleurs sont
réduits, et

323
plus
les performances éconumiques
sont
élevées
~
llilrl~
le
cas
(je
ltl
Jll'~llce aD
les
relations
l nd ux t r l cl l cx
n nt
un
cu r-a c t
r c
structurel,
::d
o n
rapproche
le
è
cl i rua t
des
ra p po r t s
entre
partenaires
sociaux
il.
l
intérieur de
chaque
fil'loe
Je
ses
pCl"formilnces économiques.
(ln ne retrouve
pas
la
relation
qui
H
(Lé
identifiée
dans
le
cas
des
Et a ts
Uni~.
DBIlS les
secti(JflS qui
suiveTlt,
nous verrons de
façon plus
p r ô c is c
les
processus
par
lesquels
les
relations
industrielles
ont
influencé
les
stratégies de
f o r-nra t i o n dans
le.'> deux
pays
au
co urx
clcs
années
lCJgO.
II.
Forlnation Professionnelle et Relations
Industrielles
dans
les Industries Française el Am6ricaine de
la
Machines à Outils
L'objectif de cette
section est d'examiner
les relations
entl"e
les
stratégies de
formation,
les
relations
industrielles.
et
l t i n s u f Ll s a n c e (le
travailleurs qualifiés
da n s
l c s
industries de
la machine cl outils
française et
a~16ricHinc au cours des années 1980.
NIJUS OlettJ"ons
l'acce/lt
sur
l'analyse des capacités
dt or gu ni s a t i on des employeurs et des
travailleurs,
et
sur
l'uti liStltic)n ou non de mécanis"lcs de concertation et
11'6cllilngc enlre pn,"tenaires
sociaux dans
la d6finitiun et
l t c x cn t l on des stratégies de
f o rmn t i o n .
é

.124
II.1.
l,e
Cas des C()Jlstructeurs Americains
6
JJ.l.1.
C()116rence sociale et
6C()IIOlnique
Le
tableau
ci
dc ss ous montre que
les
f i rm e s
de gra n d e
c
taille
é
t ui c n t
plu s
impliquées
dans
d e s
a c r i v l t é s
associatives
que
celles de petite
taille.
Cependant,
quelque
fut
leur
taille.
les
CI)nstructeLlrs iln16ricllins
étaient
Sllrtout
nlcnlbres
d'associations
l o c al c s
indépendantes,
sans
structures
c ent ral i s a t r i c c s ,
La
x eul c
structure nationale qui
voyait
la
paI"ticipfltirJJI de
18
Inaj()rité {tes
fllb,"icants
interviewés
était
le NMTn,\\
("National
Machine Tooi
Bu i i d e r s '
Association").
Mais"
l'llllhésirln Iles
Cl)flstructeurs
au NMTBA
se
faisait
sur
u ne hase
individuelle.
Ccci
rc ndui t
toute activité de
c c n t ra l i s a t t o n
i mpo s si ble .
I l
n'y avait
aucune différence
d t a d h ési o n entre
les
firmes
dont
les
t rav a i l Le u r s
étaient
syndiqués
et
celles dont
les
travailleurs ne
l'éta:ient
pas.
Le
concept
de
"cohérence
économique
et
sociale"
a
été
emlJI-Ulllé à liilttlrJLlt
et Grandr)
(1984) qui
expliquent
que (lans
un
scctellr lllJnflé,
les
rapports
erltre employeurs
(Iépen(!ent
de
leur
nlveall (le
pratique associative.
Ce
(ternieI"
est mat61-ialisé
pal"
de s
institutions
{o r g a n i s a t i o n s
professionnelles,
accords
col l e c t i Ls ,
ce n t r c s
techniques . . . ,etc).
Ces
institutions
I"eflètent
le
niveau
cJe
c[lhél"etICe
sociale
et
économique
du
secteur.
I.e...,
auteurs
appliquerlt
ce
COrlCC[lt
aux
qllestiollS
relatives
fi
l'emploi.
Nuu s
l'A.ppliquons
ici
aux
questions
de
Fo rma t l nn
professionnelle.

32~
Tableau
1. Activités A~~ociatlves des Fabricants Américains
Nom de
As s o c i a t ions
As s cc i a t ions
Preslations
1a
locales
nu t i onu l c s
re çu c s en
firme
en t l
r c
de
è
formation
SAI
aucune
(lucune
SA2
aucune
NMTBA
aucune
MAl
Toul
and
Die
aucune
a uc une
As s o c i a t ion
MA2
/liRAi
NMTAA
MRA:
séminaires
Association o f
mais plutôt
HUrui:ln Rcsnurl;CS
réservés
au x
IASIIR)
cadres
ASHH:
uu c u nc
l'resta L i o n
LAI
M!~A;
Lo ca t
NMTDA
MRA:
séminaires
Personne 1 A.'is'ü-
pou r
c a d r e s
c i a t [on;
Ar e a
Les autres
Metal l'rade
associations
Group;
Local
ne
font
pas de
As s o c i a t i o n of
formation
Commerce;
Big
16.
LA2
Milwaukee
NMTBAj
MRA:
séminaires
Charnher of
American
pour cadres;
Commerce;
Society for
Les autres
Big
16;
MRA
Ou al i t y ;
associations
Americl.1n
n'ont
pas
Society for
d'activité de
Training and
formation
Development
So u r cc s :
1 n t c r v t ews
l~es interviews unt dénl[lntré que les constrllctellrS
anl6ricains adlléI"aient aUX associations pour défendre
leur"s
intérêts privés et
sUrto~lt pOlir protéger l'indépendallce de

326
leur
firme,
non pour
la défense des
intérêts collectifs de
l'industrie.
En outre,
ces
Lab r l c a n t s
ne percevaient
pas
leurs
ass[lciations comme des outils de dialc)gllc ou de négocifltion
cn t re
t r a v a i J leurs
ct employeurs,
mais comme des
instruments
de protection contre
l'action des
syndicats. 7
Supposons que
les USA soient un pays
trop grand et
diversirié pour quc
les activités de elnployeuI's
de
la "tachine
à outils puissent
être efficacement centralisées par des
associations
telles que
Je·NMTIM.
On devrait
donc s'attendre à
ce que cette centralisation soit prise cn charge au Iliveau
loc;!l ()Ll niveau de
J'Etot,
Darls
l'Etat
du
Wisconsin où notre
t'"IIViLil
(Je rectlorctlc a 6t6 mefl6,
rien de semblahle Il'existait.
t,es
fah,"icllrlts
étaient
dispers6s dans plusieurs associatiurls
différentes qui
n'avaient pas de
rappor"t
les unes avec
les
autres.
Aucune de Ces associations n'avait pour pr-éoccupation
centrale
la
formation des
travailleurs de
l'industrie.
Au
niveau national,
te NMTBi\\ se
limitait à
(a publication et à
la
verIte de Illlttériels de
fornlution
(livres,
cassettes vidéo,
Li lm s } . De
temps en
temps,
des
séminaires étaient organisés,
fnais pllltGt à
l'intention (les cadres.
1\\
rl'existait
aucune
vûlont6 de CréeI" des contI'es de
formation à "lettre à
la
dislJOsitirJn des constructeurs.
Au rliveau
local,
outre
l~
- - - - - - - - -
L'une
de
ces
associations
(le
MRA),
avait
parmi
ses
missions essentielles
d t Ln o rme r
les employeurs
de s
tentatives
î
entrel,rises par
les
syn(licuts d'organiser les
travailleurs dans
leur aire g6ogl-~ptliqLle.

327
bataille contre
III s y ndi cnl I s a t i o n de
leurs
travailleurs,
les
préoccupations majeures des assclciations d'empl(lyeurs allaient
vers
l t u s s u r a n c c maladie des
travailleurs,
les questions
de
productivité,
cl
les
salaires.
Ainsi,
les
fahl"icants amél-icains n'éluiellt
pas
Inorgarlisés en
termes absolus.
T.fi 111upart ll'entre eux
appartenait
au m(lirlS à Urle association lJ'enlplllyeUl"s.
Cependant,
la pluralité de ces associations conduit
à
une
certaine dispersion qlli a
toujours été un élémerlt
de
leur
ITlflrquc d'identité
(Herrigel.
s.d.l. D'ailleurs,
le
fait que
ceLLe di s p c rsi ou
persista en dô p i t
de
la
crise de
l'industrie
au
cours des
années
1980,
indiquait
qu'elle avait
des origines
qui
dé pa s s ai t
la
simple défense co n ti n g c n t e d' i n t é r ê t s
êconoliliques pal"
les
rabI"icarlts.
Cette dispersion avait des
cause~ profondes qui étaient:
1" v(JII)nlé des
fubricants de
protéger à
tout
prix
leur
indépendance -
et
leur perception de
l'industrie de
la machine
à
uutils cumlOC une S(Jmme {l'unités {le pI'o(luction.
chacune
se
suffiSil(lt à elle olême,
toutes étant
erlgagées daIls
une
C(lnCllrrence aigue
sur
t{Jlltes
les questions relatives à
la
g e s t ion de
la
f Lrme .
Cet
i nd i v l d u a I i sme des
fabricants
alTléricairls 6tilit visible à
propos des qllestions (le
formatioTl
permanente.
Ils ne voyaient
pas
la nécessité d'actions
co Il c c t i v e s
pour
la
f o r-ma t l o n des
travailleurs dont
ils
avaÎent
besoin.

328
Scion llatlloul et Grando (1984)
les organisations qui
composent un secteur économique ne sont pas
liées
l'llne à
l'autre
à cause de
leurs
s i mi l a ri t é s
(exemple:
similarités
concernant
le
produit
final),
mais
puree qu'elles
font
face
au
nl6m~ erlvil-onnemerlt.
La crise éCOO(lmique des années
1980 aurait
donc dû
stimuler des
a c t i on s
collectives
parmi
les
fabricants
amé r i c ai n s .
c(~ci
é
t n i t
surtout
vrai
en mal1ère de
formation
professionnelle dont
11:1
prise
en
charge était
jugée coûteuse
malS
inc!islJensable à
la survie de
leurs
firmes par tous
les
fabricants.
Cependant,
trois
în r-c e s
centrifuges empêchèrent
la
ré al i sa t io n
d c
telles
actions.
Premièrement,
il
y a v ait
!'#lbscrlcc (l'une
trfillitil)n {le constructil)II de réseaux
("n~twl)I'I~~I') dans
le secteur.
Deuxièulement,
la peur que
nourrissaient
les
fabricarlts
vis à vis de
toute possibilité
cl'acti(JII collective pour
la
formation des
travai!leurs
provenait (l'tlne
longue expérience cie débauchages
(qui par
ai lIeurs continuèrent au cours de s années
1980) dans
le
secteur.
'~irl~lemerlt, C(llnpte tcnu de
la crise écollOmique,
les
fahricarlts illflé'"icairls
fil"Cnt
lu ctJIJix rationnel
de déferldre
leurs
intérêts
individuels à un moment où
les
initiatives
collectives u p pa r a i s s a Lc n t
connue
te meilleur moyen d'assurer
une provision suffisante cie travailleurs qualifiés.
Les
,-éponses données par
les constructeurs anlé,'icaills aux
questions sur
la relation entre l\\ction collective et
forll.DticJn,
étaierlt
sans amhiguité dans
la p]upal"t cles cas;

329
SA.I:
"Je
ne
peux
pas
dire que
les associations
d'enlp!oyeurs Ile sont pas une bonne chose.
Mais,
je n'en VOIS
I)a~
la (lécessité.
NIIUS
sonlmcs capllbles de
nous
Uccuilcr de
notre persc:lrlnel
Slins ilicle".
MAI:
Pour
lu
[o r-ma t i o n des
travailleurs,
la
firme
préférait
Ilv()ir (les
J"elations particulières SUI' une buse
individuelle avec des amis
travaillant
dans
'industrie de
la
nl8chine à outils ou dans d'autres
industries.
MA2:
Elle étai t
la
seule
Li rrne américaine qui
affirmait
la nécessité d'une col l ubo r-u t i on
entre
constructeurs
dans
le
but
de
trouver une
s ol u t i o n sur
le
l o ng
terme li. )' insuffisance
de
travailleurs
qualifiés.
LAI:
"ri
n'y
a e u cun besoin d'amélioration des
re l a t i on s
el111'e
fabricants
pour nlettl"U
fin à
la pérlllrie de
LravailleUI's
qualifiés.
I~e prnhlèrne revêt une dimension purenlent
lucale
pour ChilqUC const/"ucteur.
Des actions
collectives ne
1.1\\2:
Elle ne v o yn i t
pas
la n é co s s i t é
cJ'une collaboration
e n t r c c on cu r rc n ts .
Selon elle,
"il
n'y a
j ama i s
eu
~uffisarnrllerll (le
Lravail leurs qualifiés
sur
le marctlé du
travail.
Les employeurs du
secteur de
la rnétallurgie ont,
d e pu i s
10 an s ,
eu recours ft
la même population de
t r a v a i l I eu r s
qualifiés qui
ne
f(Jnt
que passer d'une entreprise à
une autre
selon
les offres qui
leur sont
faites".

330
l.' attitude des
fab]'icants
américains vis l
vis de toute
action
collective,
et
leur volonté d'indépendance dans
la
gestion de
leurs affaires
consti tuaient
les
éléments
clés de
la
faihle cClllérence 6conolnique el
sociale du seCleUI".
Ces
élénlenls unt
également été à
la base (le
leurs
choix cie
stratégies
individualistes (en
1 '()ccurence
le déballctlage)
POUl"
la
formation de
leurs
t r a vu i Ll cu rs ,
A défaut
de p()uvoir analyseI" en (Iétails
les CliS de
toutes
les firmes anléricaines
intel"viewées,
nous choisiront à
titre
i l l u s t r a t i f
les
cas de MAI
(une
unité de production de
tai Ile
moyenne dn n s
t uqu el f e
les
t ra va i l leurs
sont
syndiqués),
el
de
LA2 (une uni lé de grande
ta i Ile où
la
force
ùe
t re v a I 1 est
égaienlcnt
syndiquée).
Ces deux cas nous pel"mettrons également
de mettre en relief
le rôle des syndicats dans
J'élaboration
et
l'exécution des
stratégies de
formation.
Aucun exenlple de firme
sans
syndicat
n'a été choisi
car,
comme cela a
été précisé auparavant,
dilOS
ces
firmes,
les
empl oy e u rs contrôlaient
toutes
l e s décisions de
formation.
Compte tentl du
fait
que nolre recherche visait à
expliquer
pou r q uo i
la
formation des
travailleurs n c pouvait
pas être
efficacement organisée
lorsque
les
relations
industrielles
sont
conflictuelles,
les cas de MAI
et LA2 étaient
lout il. fait
indiqués pour une cxplicaticln de nos propositions.

33 1
II.1.1. Le cas de
la firme MAl
La
plul1arl des caractéristiques de MAI
ont déjà été
présentées Jans
le
troisième
ehapitre.
Nous
nous
contenterons
de
les
résumer:
il
s'agissait
d'une entreprise
familiale -
ses mauvaises performances économiques
provoquèrent
l'intervention d'institutions
financières qui
imposèrent des
changernent~ clans
la gestion et dans
la composition du
pel"sonnel dirigeant -
la firme s'orienta vers une plus grande
stan<lardisatirln {lu prclduit
final
comme Inoyen de sortie de
crise -enfin,
on pc)uvait
corlstater une orientation plus
conflictuelle des
relations
industrielles
(ou selon
les
termes
[les dirigeants
une
rationalisation de
ces
relations
par
opposition à
l'orientation familiale antérieure). Les
travailleurs ùe MAI
étaient organisés par un syndicat
inùustr'iel qui
n'avRit
pas une perception claire du type de
formation qu'il
fallait
pour ses membres.
Pal'adoxalement,
c'est au cours ùe
la rationalisation des
relations
industrielles que
les
travailleurs et
les dirigeants
s'entenclirent
sur une certaine forme de participation des
premiers A la gestion de
la
firule.
Cette participation se
faisait
b plusieurs niveaux:
la définition des objectifs à
long
terme,
l Lo r ga n i s a t i on de
lu production,
et dans une
ce r t a i ne mesure
les dé c i s i on s d' invest i s s eme n t s en
technologies nouvelles,
et
leurs conséquences sur
les
qualifications des
travailleurs. A l'origine de ces
ctlangeijlerlts
il y avait
la venue de nouveaux dirigeants.
Sous
l'ancienne Gquipc cIe direction,
les suggestions
faites
par les

332
t r a va i lieurs
étaient
tout
simplement
ignorées.
Avec
la
nouvel le
direction.
les
choses
s'améliorèrent.
I.a
dEfirliti')ll des ubjectifs a
long
terme devait
(Iorérl~vanl être Dri~e en charge par un comité mis S\\lf pied par
les dirigeanl~. Ce COITlité comprenait deux représentants
syndicaux.
deux
ingénieurs,
un vendeur,
et
un représentant
de
la direction.
Les
recommandations
faites
par
le comité
devaient
jll"ises en
compte par
la direction générale.
Concernant
l "o r g e n i e a t i on de
la
production,
les
t r a va i Ll e ur s
devaient
p a r ti c i pe r
au
contrôle de
la qualité,
et
à
la d6firlilioll des
st'111dards
de production.
En
outre,
à
j'intêrieu]" ,les dêpt'lrlements directement
impliqués darl5
les
activités de
p r od u c t Lo u ,
de s
réunions
qui
permettraient
aux
travailleurs de
faire
des
s ug g e s t i o n s à propos des stratégies
de
production,
devraient
avoir
lieu.
c'est
tlU
niveau
des
clécisions d'investissements dans
les
t e cbnol o g i e s
nouvelles que
la
participation des
travailleurs
serllblait
6tre
la plus
faible.
Cependant,
selon
les dirigeants
de
la
firme,
certains
t r a v a i lieurs
commençaient
à
assister à
dirf6rellts salons cIe Iii machine à outils dans
le but de
con t ri b uc r
de
plus
en
plus
à
l'achat
de nouveaux
équipements.
Conlpte tenll du
fait
que ces
formes de participation venaient
juste d'être
mise:')
en
place,
il
était
difficile au moment
de
t'interview de
por- t er
un
jugement
sur
leur
fonctionnement
et
sur
l e ur
efficacité.

333
Cc pe n d a n t ,
sion de va i t u t il i s e r
l' é l a bo r a t ion des
po] i t i q u e s
de
formation
comme un
b a r om
t r e
de
la
participation
è
d c s
t r av a i lieurs
et
de
leurs
syndicats
à
la gest ion de
l'erllrepl"iso,
orl ùeVflllt
c[lnclure que
les choses n'avaient
pas
h e a u co u p chu ng
Au cours d e s années
1980,
le débauchage et
la
é

f o rma t i o n sur
le
tHS
demeurèrent
les méthodes
les
plus
u t i l i s é e s
pour
la construction d'une main d'oeuvre
qualifiée.
bierl que
les dirigearlts
pril'ent (le nouvelles
initiatives.
Ils
prévrlyaierlt ù'env()yer bientôt dans
les
centres de
formation
p nb l i c s
un groupe de
jeunes
recrutés depuis
la
première moi t i
c s
années
19:~O, mais jamais formés.
Dans
les
é
ü
ateliers,
les dirigeants
i n tr od u i r-e n t d e s
l e a dme n
(ingénieurs
et
tectlniciens)
41li
avalerlt
des
responsabi lités en matière de
rl)rl~atioll et de suivi des activit6s de production. Ceci
correspondait à
l'application de
la stratégie de formation
par
le bas.
I.'introductioll eles
[ellclmen devait
également
permettre
dt Ln s t u u r e r
s u r
le
long
terme une organisation cellulaire de
la produ c t inn,
bien que
les dirigeants n'étaient
pas
très
précis
sur
les
f()rmes qu'uI\\e
telle organisntion devrait avoir.
Ces
nOllvelles
illitiatives qui devaient
remettre en
questioIl
les
ralJpOI"ts antérieurs entre tlirigeants et
travaillellI"S ~
l'occasioll eles rapports de proelllction,
n'étaient
pas ment l oné s dans
l'accord collectif qui
les
liaient.
En
rait,
les dirigeants avaient
d e u x discours.
Le
disc(lllrS
p)"ivé
(celui qu'ils
tenaient
lors de
l'interview)
portait
sur
l c s
stratégies de
Lo r-ma t i o n à
long terme.
Les

334
(!écisiIJT1S concernant
ces
stI"otégies 6taient
exclues des
n é go c ia Li o n s
entre
les
travailleurs
ct
les dirigeants.
Le
discours
publ i c
port ai t
~UI" les objectifs de formation à court
tel"llle.
Ces [Jo.jcctifs 6laielll par contre
inclus dans
les
a c cor-ds
co fl e c t i fs .
Cette Jichotorrlie cor"r"cspc)ndait
à
une exclusion des
SYlll1iCé.llS
de
'élaboration des
politiques
de
formation,
et
sigrlifiail
j,nJ" cons6quent
"lhsence d'un accord entre
travai lleul's
ct
diJ'igcant~; SL!r" tIn cadre de base pour la
f o rmn t i on dc s
p r cmi crx .
Les
u c t i v l t
s
de
f o r ma t i on
inclues
é
dans
les
n c cords
col l c c t ifs
mettaient
l'accent
SUI'
1<.1
f(Jj"lOlllicln (j'Ull gr(Jupe
restreint
(J'ollvricI's
pour
l'acquisition
d c qual i Li cu t i o ns don t
la
firme avait
immédiatement
hesoin.~
TI
s'agissait
d'une
formnticln en alternance sur une courte
période cleslirlée à quelques assembleurs et machirlistes.
II
ressortail (les accor(ls qlle non seulement
les
COlltours de cette
[Ilrmatirln Il'élait
pas clairelnent
établis,
mais
également
que
ses rrjéctlanisnles (le cOlllrôle étaient
entre
les maills des
di ri g cu n ts .
Ccci
élait
en corllrn(iictil)n avec (l'autres aspects de
l t u c cord col l o c t i f
à
travers
lesquels on pouvait
percevoir une
certaine volonlé des dil-igeflnts de s'orienter vers plus de
c oopé r a t ion en mat i
re de
format ion.
Ainsi,
l'article XI de
ê
l t a c cor d
prévoyait
la
création
future d'lin "comité sur
la
aVoir
les détails concernant cette format ion dans l'accord
col l c c t i f
contenu dans
l "An n e x e
2.

335
f orma t i on et
l'éducation c ompo s ô
de deux
r ep r
s e n
ô
t a n t s
de
la
firme.
el rie
dellX
repr6sentarlts
syn{lieaux qUI
se
re n co nt rcrai e n t
mensuellement
pour
t ab l i r
et
mettre à
jour
é
c on t. i n u cl t e mc n t
un programme de
formation,
et
pour améliorer
les
standUI"ds de
formation".
Au nlonlent
de
l'irlterview,
il
était
imprlssible de (lil"e si
cette nouvelle approche allait
être appliquée ou pas.
f.e
cas de MAI
montre comment
(les
relatiolls
industrielles
conflictuelles
rendent difficile
toute
tentative de
cuupératillil erl loatière de
fl-Irlnation,
mêrne
lorsque des
engagements
concernant
la participation des
travailleurs
sont
p r i s • Ce c i
dit,
il
La u t
dire que
le contrôle quasi-total que
les {lirigeants exerçaient
SUI"
l'organisation de
la
formation
était
en granrle partie
lié à
l'attitude du syndicat
vis à
vis
des pl-r:lblèrrles
liés à
la qualification de ses membres.
Les
dil"jgeallts de
la fil"me CllX mêmes
reprochait
au syndicat de ne
se préoccuper que
très
rarement
de
la
format ion des
t r e v a i J leurs.
Les
interviews nlenés auprès des
responsables
syrldicaux
ont
révélé
que pour eux
la
formation n'était
pas une question
clé.
l.'un (le
ces
responsables
estimait qlle
le
futur de
la
f o rma t i on dans
la
Li r-me était
l'affaire des dirigeants,
et non
du
syndicat.
I l
affirma également
qu'il
voyait
les choses de
la
La çon
suivante:
"Nuus
les
travailleurs
suivront
les
prograrnnles <le formatioTl qui
sont offerts suns cependaTlt
nous
puser
la Yllestion de sav(lir si
cela débouchera sur Ufl
travail

336
plu~
int6r·essünt.
1.(Jrsque VlILJ~ 6te~ satisfait
par votre
emploi
V(JUS n'avez
pas à V(Jl]S préoccupez de
formation
sauf si
voll'e pl]SLe cllllnge.
Erl ce Inolnenl,
nuus Ile
prévoyons pas de
lei!;
Cll[lngclllcnts".
~cs 1'6flexions 6lRicnt surprenantes dans
UTle urlité de jlrlJductiorl ua
les dirigeants étaient
en
train
d'investir (Jans
l t a c ha t
de nouvelles machines,

les
r eln t i o n s p roI c s s i o n n cl l es avaient été r a t i o n n a l i s é e s ,
et

pilisiclirs séJ"ies de
liccncicmerlts avaient (Iéjà eu
lieu.
Ai ns I
ell clépit
(l'UrlO certairle vllionté de
la part
des
dirigeants d'impliquer
les
travailleurs dans
l c s
politiques de
f o r-ma t lnn ,
a uc un accord sur un
c a d re de base po u r
la
formation
de';
t rsvu i
leurs ne
fut
trouvé.
Les bl o c a g e s étaient
mul t Lpl c s .
r ! y u vai t :
le
rc I us des dirigeants eux-mêmes de
(lisClller
leur' stratégies de
formatiofl avec
le syndicat
même
s'ils en pe r-c cv ai e nt
la nécessité -
la von l on t é
de ces
(!irigearlts (le
Cf)ntrfiler tous
les aspects de
la formation -
et
la place
faible acc(jI'dée à
la
formation par
le syndicat dans
la défense des
intérêts üe s e s membres.
Celte attitude
s yn d i c al c
é
t a i t
un
ho r l t.e g e du
"business u n i o n i sm'".
En fait.
comp t c
tenu de
la détérioration du cl i ma t
des
r-e l ut.i ons
i n du s t ri ct Les duquel
on a s s i s t a i t
au moment de
l t c nq u ê t c ,
les
chances d'application d'une stratégie
c(J()jléJ"ative 6taierlt
tf"ès
flljble~. Tl élait 11éanlmoins i~lportant
(le
note]" clellx cflilngeloents ilU rliveau du discours et de
la
pralique des dirigeants de ~lAl. l~e prenlier résidait dans
la
vulon t
rlex
cl i r i g eu n t s
d'utiliser
j e s
centres de
formation
é

337
pub l i c s auxquels
Is tlvaient
très pcu eu reCO\\lfS allparavant.
Le
deuxièr~e 6lnit
[CU," disc(IUrS
coopératif en matière de
politique de
formation;
discours qui
allait
jusqu'à
la mise
sur pied de structures pOl"itaires.
Ceci
cl)nstituait
des
pas
imporlarll~ ([arls
le ~ontexte aln~ricain.
L'impact
négatif des
relations
industrielles
conflictuelles- sur
IEL
formation
p r o Ee s s i o nn el Le
é
t a i t
encore
plus
net
dans
le
cas
de LA2.
11.1.2.
Le
c a s
de LA2
T.A2 pr~sentait
les cnraclér"istiques suivarltes décrites
dans
le
troisième
chapitre:
des
activités
économiques
en
dé c l in qui
d é bou c hè r-en t
sur un changement
de
propriétaire -
{les
licenciements massifs
liés à une chute des activités de
production -
une si t ua t i cn financière à
la d
r i ve qui
força
é
les <Iirigcants à
recycler <les
équipements anciens en y
a.ioularll d~s cf)rnp(ISantes électroniques à (lé faut de pouvoir
aCCjU61"ir Je r,ouvellcs lnachines -
une fermeture du cenlre de
I o rma t I on
interne
liée à
ces mêmes difficultés
financières-
des relati(ITIS
industriellc5 (le
plllS en plus conflictuelles -
el
la présence d'un syndicat
de métier.
le
IAM,
qui
avait une
longue ilisloire de
lutte pour
la protection de ses membres
dans
le s e c t e v r de
la métallurgie américaine.
Les
chflngeplerlls
inlrCI(iuits dans
l'Ol"ganisation du
travail
pal"
l~s clirigcants (clllrirne
irlitiateurs)
et
les
travailleurs
résullaierlt
(le
l 'inlrodllction (le
nOllvelles
techncllogies.
Ces

333
chflngetllerlLs qllC
les dil"igeaTlls carflctérisaient de "new world
lllürluflicturing erlvironment"
correspondaient en
fail à
L' o r g a n i s a t i o n du
travail
en cellules de
production.
II
fallut
au
moi nx
un
u n au
s y nd i ca t
pour accepter
l'idée d'un
changement
de
J'oTRètnisation du
tra v a i 1.
SUI'
le
plan Je
la
participation des
travailleurs,
l'innovation vint
de
la
dé ci s i cn des dirigeants de
In i r e
contribuer
les
comités de
cellules il
j'organisation des
activités de production.
Par exemple,
le
com i t é
d'Une des
cellules
de
L' a t e Li e r
de
Irlécarli4llu COlllpr"erlait url rnemlll-C tlu
ser"vice personnel,
un
eller
de p rod uc t ion,
deux u.a chi ni s t c s
u ynn t
s t a t u t s
de
t
i
l'atelier
l q
et
cinq
c
o
n
r c m a
r r c
x
,
u n
c o n t r ô l e u r
d e
m é
c
a
n
u e
,
rc nré s cn ta n t s
syndicaux.
Le
comi t é
se
réunissait
selon
les
b c s oi n s .
ch a q u c
ccl Iule
comprenait
un
f a c i J i t e t e u r
qui
était
soit
un
ingénieur,
soit
un
technicien,
et
qUI
transmettait
au
comité
les beSI)ins
de
sa celllile.
Les cellules
soumettaient
leurs d6cisions à
la
diJ"ecti[)o générale avant
toute exécution.
De
tc us
les
s yn di cu t s ,
c c Lu t
de
LA2
é
t u i t
le
plus
puissant.
I l
j o u n un
rôle duo s
l'introduction des
nouvelles
t o ch nol ogl es .
En
effet,
di r i g c a n t s
et
t ravn i Ll e u rs
s'étaient
enterlclu:; Sllr
les
pr[lcédllres sllivantes
en cas de nouvel'
investissement.
l,es
PI-opositilJnS
initiales
venaient
de
la
dll"ectilJn gén~r~le. Ces prl)positions étaient évaluées par les
représentants
de
la cellule co n ce r né c .
Ces
représentants
se
l"enllaient
ct\\Sllitc
C\\\\CZ
le vcn(leur POUl" ]lrendre connaissance de
L'
qu i p e.nen t
et
cb s c r v e r
.ses
performances.
Finalement.
la
é

3J9
décision d'investir
r a i t
prise.
é
I.e
rlivelJ\\1
de pllrlicÎpatioTI des
travailleurs auX décisions
cl' investissement
chez
LA2
é
t u l t
u n i quc
parmi
les
fabricants
alrl~l·icains. Duns tOLites les Ilutres firmes,
les
travailleurs
étaient soit
excllls,
soit
filiblelnent
impliqués.
La
participation des
relJrésentants de
travailleurs aux
décisions
relatives aux politiques de qualification était
ég/llenlent
la plus 61ev~e chez LAZ.
Plusieurs évènements
i mpo rt an t r,
avaient
el!
i e u dans
la vie de LAZ.
Le
centre de
formation
interne avait
f e rmé
ses
portes.
L'introduction d'une
o t-g e ni s a t i o n cellulaire de
la production était
supposée
favorisel- llne
formatiorl IJRf "crosstrainirlg't
(ou
formation
réciprOtlue).
Cette dernière devait
fonctionner de
la
façon
suivante,
Par exemple,
d~Lrls une cellule composée on avait cinq
Illacllines et
cirlq ouvriers,
ctlBcun étant
spécialisé dans
L' u t i Li s a t i on d e
l'une d'elles.
Ces ouvriers avaient
la
r-e s po n sa bi Li i
de se f o rme r
réciproquement
à
J'utilisation de
é
t ou t c s
les machines,
selon un
timing fixé
par
la cellule el1e-
même.
Duns chaque cellule,
les
t ra va i l Leu r s
voyaient
leurs
salilires flllginentés
118J"
les (Iirigeants
tOLites
les
treize
s emu r n e s .
Cette augmentation était
basée sur
l'hypothèse selon
l e qu el Le
les memb r e s de
la cellule étaient
engagés dans un
IlroceSSllS
CIJrlllnu d'accUllllllalion de capital
humain pendant une
certlLine périolle de
temps,

340
Tout
ccci
a v a I
rai l
'objet d'llne clause dans
J'accord
co l l e c t i f
s i g n é
par
les d i r i k c a n t s
et
les
représentants
s ynd i c a u x .
Cette
clause obligeait
indirectement
les dirigeants
.
,
non
~elJlcment i1. S assurer quc
les nlembres des cellules étaient
effeclivelncrlt
fllrmés,
nIais également
à utiliser all maximunl
les
q unl l Li c a t i o n s
qu'ils a c qu é ra i e n t • Toute attitude contraire de
la PliI"t des 11irigearlls aurait
été un
investissement
CIl
rC~S(_JllrC~s hllffiElines pel",lll C(lnlple Lentl du fait que
L'au gm e n t a t i on des s ul a i r c s
qUI
avait
lieu
tous
les
treize
nlois étitil automatique.
Cependant.
comme dans
le
cas de MAI,
les
p r a t igues de
i mmé cli a t s de
IH
firme.
Dans
l'accord
collectif,
il
était
pr6cisé CI:lfIS
Je "Mem(lrnfldllln of Understanding of Cells"
que
le
t im i n g clc s
«c t i v i tés de
formation
dans
les
cellules
" •.. pOUVal
être
inLerl"C)rnpll OLt sllspendu,
de
temps
en
temps,
en
forlction
Iles
exigences (les activités
de production . . . "
(voir
Annext: 2).
Quelques
commentaires
i mpor t a n t s
s'imposent
en ce qui
concerne
les
prat igues de
c ros s t rai ni n g dans
LAZ.
Nous avons
déjà
exp) i q uc r- po u r quo i
1(\\ présence de
t ra va i lieurs
qu a l i î i é s
~tilit
inrlislJcllSable à
Llnc bonne
Llti lisation des
systèmes de
p rodu c t i on
i n I o r-mu t i s és . C'est
en
l'absence d'une
telle
force
de
t ra v a I 1 que
LA2
s'engagea
dans
Ill. mise sur pied d'une
o r ga n i s a ti o n
cellulaire.
En
effet,
la
présence de
cinq
ouv ri crs n v e c dc s
spécial l s a t Lo n s
différentes dans u ne même

341
cellule était
un
s ub s t i t u t
à
IR possession d'une main d'oeuvre
po l yv al e n t e que 1.1\\2
pensai l
pouvoir
p r odu i r e
sur
le
long
terme
a râ c e Il
l'utilisatiOll d c s méthodes
de c ro s s t r-u i n i ng •
Cepenclant,
parce qlle LA2 avait
priltiquement détruit
son
prclgrarnule de
formation par
'apprentissage en vue d'affaiblir
le
syndicat,
ses
travailleurs
quu Li Ll é s
n'avaient
pas
les
c(Jrlnaissilnces (Je hase
("CI"art
plLraclignl"l
nécessaires à
une
aCqllisitilln I~J11 à un
transfert (les nOllvelles qualifications au
COUI'S
dll
l'I"()Cessus de l'I·(:)lll1CtioIl.
[,'intrIJduction (les
filCilitkllclll"S
llalls
cllaqlle
ccl IllIes
étflit
pel"çUe
C(lmme
une
s o l u t i on .
Il
s t n g Lssai t
d'une application de
la méthode de
qu nl i Li cu t.i on
par
le haut
pur
laquelle
techniciens et
ingénieurs &lliierlt
supplJs6s apporter
les 4ualificRtions dont
les rJllvriers uVflient
llesoin.
~'f\\is.
le (jirectelll' (tes
ressources humaines reCClnnut que
ni
la méthode du c ro ss t r a i n i ng ,
ni
les procédures de
qu a l i Li c at inn par
le haut ne débouchèrent
sur
les
résultats
tlttcrldLls.
r.es ubstacles existaient
aussi
bien au
niveau des
fl]rmalelll'S
qlle (les
pel'SC]nnes
formées.
Ces dernières ne
possédaierlt pas
les C(lnnilissarlces de base permettant
d'acqllérir
les qllulifications nécessaires à
l'utilisatic)n des
techrlfJ!rlgies
n(Juvelles.
{.es
formateurs
n'avaient
pBS
les
c(lfnpétences rlécessaires pOLit"
fr)J'mer.
I.e
temps 00
les mBitres
f(Jrlflllierll
les a!J\\lrefllis seolblaient
bien révolus.
l.es
f a c i 1 î t a t e u rs ne po uva i c n t
p e s
remplacer
les maîtres;
les
bc s e s de
leurs
connaissances ainsi que
leurs
rapports avec
les

342
processus cie pro du c t i on
é
t a i e n t
t ro p
théoriques.
l.es ()bsl[lc)es
sont aussi
ventiS des partenaires sociaux.
L~~ i n no vn t i on s
introduites en ma t l è re de
formation,
en
l t o c c u re n c c
ILl méthode du
cr o s s t r-a i n i ng et
celle cie
quai i Li c u t ion par
le
haut,
sont
venues des dirigeants de LA2.
I.e syrlelicilt
i!(!opta tlne Ilttituc!c plutôt {lélensive.
Dans url
premier
t cmps ,
il
re j c t t a
tnu t c
forme de
formation
c on t i nu e
qui
prlllVltit (lélJOllctlcr sur
le passage de ses membres lIe
leur"
c a t
g o r i c pro f es s i on n e l le a c t ue l l c v c r s des
catégories
(cols
é
blancs)
qui
traditionnellement
ne sont
pas organisées par
les
s yn di cn t s cl t ouv ri e r s .
En
plus,
pour
le s ynd i ce t ,
la
formation
des
t ra v a i J l c u rs
de va i t
être prise en charge par
le
grIUVCJ"11Clllcrlt, et non IJRr
lt~s employeurs (ILl les syndicats.
Si
le
syndicat s'est
finalement
al igné
sur
les
propositions des dirigeants,
c'est
parce que
1e
r app o r t
de
force n'étilit
pas en sa
favetll',
Les
raIsons
invoquées
par
les
]'epl"éSerltllllts syrlllicaux
étaieTlt
dJffé,"cntes.
Selon eux,
ils
l v a va l cn t
Lai t
a Li n d'assurer
la survie de
la
firme,
et
parce
que
le s)'rlclicul ne
tenait
pas à aller à
cOfltre-courant d'une
terll!arl(;C Vl:!"S
la
Pl)}yvit]erlcc l{étr\\S
la
fil"lne américlline.
LA2
t u i t
donc lin
cn »
les
po s si b i Li t
é
é
s d'accord sur un
Ctll!l"e (le IJtlse pr)ur
Iii
[IJl"Olitti<Jn entl'~
les
pHrtenaires sociaux
ovaicrlt 6tG
l"Geluites (Jal' plusieul's
facteur"s.
Les dirigeants
ClJllll"fiielicrlt
10s
activités erl ciépit d'une certaine ouverture
vis ù v i« du
syndicat.
Les activités d e f o rma t i o n étaient

3~3
sul)IJrdlJTlnées
aux
besc:lirls de
productilJn
irllmédials,
Etant
donné
tout
un
passé de
relations
industrielles conflictuelles,
les
t r-u v a i 1 leurs
se méfiaient
des
innovations
i n t ro d u i t e s
par
les
diJ"Îgeanls.
mêrlle
si
ces (Iernières devaient
contribue]" à
rendre
Quelles
était
le
rôl c des centres de
formation
publics
dans
les
stratégies de
fornlation mises en place
par MAI
et
LA2'? Les
deux
firmes
eurent
recours
aux
centres de
formation.
Pour MAI
il
s'agissait
d'une
I,ratique
flouvelle.
Dans
les deux
cas,
ce
recours aux
c c n t r c s
de
format ion
pris
la
forme
de
p rog r nuuuc
de
format ion
sur mesure
("Cllstomized
training")
Ainsi,
clans
les
faits,
l'Etat,
les
employeurs
et
les
syndicats
étaient
d'une
façon
ou d'Une autre
imp l l quô s
dans
les
straté~ies (le furmatin!l [Jus deux firmcs.
Cependant,
cette
collabcJraticJn n'était
pas
le
résultat
d'une
négociation
t r i pa r t i t e
formelle
qui
avait
eu
lieu entre
les
trois
pa r t e ne ires.
Il
n'y avait
donc
pas
d'accord
sur un cadre de base
pour
la
fllI"nlatirlrl l'I~me si
les
c(lnditJons d'lin
tel
accord étaient
en
train de
voir
le
jour.
Ni
les
syndicats,
ni
les dirigeants des
deux
firmes
n'étaient
impliqués
de
façon
permanente dans
les
stl"Uctlll"CS C(lrlsliitalives
("AdvisUl"Y Committees")
des
centres
9
de
Lorma t Lo n au niveau
local
ou au
niveau de
l'Etat.
Ces
9 Il
faut préciser
n é aramo i n s qu'an moment de
t t l n t e r v t ew
le
directel\\l' (I~s r'e.ss(}urces humaifles de 1.A2 commençait à participer
allX
trllV~luX
lIes
stl"llctures
parLicipatives
d'un
centre
de
f orrna t i on au niveau
local.

.144
a d v i vo r y
commi t t e es
po u v a i c n t
ne
pas
être
tes
structures
les
plus a(lé4uat~s pour CréeI"
les
conditil)rlS devant
pernlettre
la
signature
ct t a c c nr-d .....
tripartites
SUI"
l n
formation,
étant
donné
la
m Lia n c c
t r-a di t i o n n el l c
des
employeurs
amé r i c a i n s
v i s
à vis
è
des
centres de
formation
publics.
Cc pe n da n r • en
J'absence de
strLlctUJ"es loci
leures.
ces aùvisory cc)mmittees pouvaient
constituer un
point
de
départ
intéressant,lO
Il.2.
I.e Cas des C(lnstructeurs Français
Il.2.1.
Co hô r cuc c
Sociale ct
Econumique dans
la
Po rma t ion Professionnelle
I,e cas des
crlnstl'uctellrs
frarlçais
fera
développement
plus
long pour deux
raisons qui
sont
liées.
prclnièrelilerlt l les fabricants français étaient mieux organisés
que
leuJ"s ll(lme)!ogllcs arnéricains.
J.a
table
2 montre que
tous
les C()nstI'uctellrS
fl'arl~ais interviewés appartenaient aux mêmes
organisations
pu tro nul es . Deuxièmement,
avec
les autres
c mpl oye u rs d u secteur de
ln métallurgie,
j 1,<;
avaient
r éu s s i
à
Incttre SUl" pied lIT]
r"éseau (le
CCIltres de
fornlation
p ro I e ssi un n el l e qu' j ls g é ra I e n t
eux mêmes et
qui
n'avait
pas
son 6quivalerlt
parmi
les constructeurs américains.
Une analyse
d é ta i l l é e de ce réseau est
nécessaire.
1n llne deSC1"iption l..iu foncti{)nnement des advisory committees
figllrent
(lill).'>
l'Annexe 3.

345
'fableau
2:
Activités associatives des
fabricants
français
Nom de
la
Associations
As s oc i a t ions
Prestations
firme
locales
nationales
reçues
en
matière de
format ion
SF3
GIM
SYMAP-FJMTM
aucune
UIMM
SF4
GIM
SYMAP-FIMTM
u t i l i s a t i on
UIMM
des ASFQ pour
la
formation
des apprentis
MF3
GIM
SYMAP-FIMTM
u t I l i s a t i cn
UIMM-CETIM
des CFAI
POUT
la
formation
des
appprentis
MF4
GIM
SYMAP-FIMTM
aucune
UIMM-GEE
LF3
GIM
SYMAP-FIMTM
ut i 1l s a t i on
U!MM
des
ressources
externes
en
complément
du
centre de
formation
interne
LF4
GIM
SYMAP-FIMTM
ut i l isat ion
UIMM
des ASFO
Source:
interviews

346
C'esL
üu Tliveall de
ICUI"
activité associative que
les
fhhl"icttl1Ls
fr'flrl~fli~; sc (ji~tiflgLlaicnt le l,lus des am~l·icains.
C'est
la
raison
po u r
l a q ue l l e dans
le cas
de
la France ce
sont
les centres de formation el
les organisations d'employeurs, et
non
la
firme
et
l'employeur
individuel,
qui
doivent
constituer
les unit6s d'analyse. 1.e schéma
montre comment
les
enlployeurs fI'ançais du
secteur de
la métallurgie étaient
organisés. Les constructeurs
français étaient membres du
SY~IAP,
l'association
frallçaise des
rabI"ieants
de machines
à
o u t j ls .

347
Schéma 1 : Organisation des Employeurs
francais dans l'Industrie de la Métallurgie
Conseil National du
Patronat Francais
(C.N.P.f.)
1
Fédération de Branches
Union des Industries
-
Métallurgiques et Minières
(e.g. F.I.M.T M.)
(U.l.M.M.)
1
Structures Territoriales
Associations régionales,
f-
départe men laies el locales
Syndicats Patronaux
t-r-
(e.g. G.t.M.)
(c.g. S.Y.M.!\\.P.)
lntérets
Intérets
Unions
Economiques
Sociaux
Patronales
Source: Interviews, JIjl)J

348
l.'l!,-garlisali()n des emplllyeurs dans
le
secteur de
la
métallurgie
française
est
telle que
l'appartenance au SYMAP
<lébollchc ~ut('JrllntiquetnerIL SUI" une ap!Jartenilnce ~u GTM (Groupe
dcs
Industries
ué t at t urg t qu c de
la
Région
Ile-de-France),
à
la
FI~1'I'~1 (F~d~laLiOll lies Intlustries Mécaniques et
'frarlsforrnaLricus ,les M6LOlIXI,
et
à
l'UTMM (Union des
l ndus t r Le s M6tallurgJques
el
Minières).
Ainsi,
alors
que dans
le
SYMAP,
les
constructeurs de machines
à o u t i 18 sont
ol"ganisés sur une base exclusive,
dans
les autres associations
(UTMM.
GIM,
FJMTM)
i l s
le
s o n t
avec
les
autres
employeurs
de
la métallurgie
Lr o nçui s c .
Ainsi.
les
fabricants
français
de
ma chi n c s a nu t l Ls so n t
orguni s é s
CIl
tant q u c
fabricants de
mu chi nes il. o u ti Ls ,
cn
tant
qu t cnrpl o yc u r s
dans
le secteur de
la
métallurgie,
et en
tant que
patronat
au niveau national
dans
le CNPF (Coflseil
NatioTlal
du
Patronat François).
Grâce ft
cette pluralité organisationnelle,
la prise en
charge des
intérêts des employeurs
français
de
la métallurgie
~ur le plafl économique eL
sur
le plafl (le
leurs politiqlles
s()ciille~ fl'est pas concentrée eTltre
les moins d'une
seule
assuciatioTI.
I.ell)'S
intérêts 6conomiques
le sont
par des
as s o c i a t i ons nationales
créées par activité
(voir
la partie
gauche ({II Sctléma
lI.
Les activités
similaires
forment
une
br~nche; les ass(lciations nationales qui composent
la branche
forment
une
f é d é ra t i on de
b ran c h c
par
le biais de
laquelle
les
Rcltlér-erlts devieT1Tlerit
olelobres du
CNPF.
Par exemple,
la prise en
charge des
jntér~ts éCOn{Jflliqlles des
fabricants de olachine à
out i l s est
assurée PUI'
le SYMAP en
tant qu'association

349
n a t i onal e qui
fait
partie de
la FIMTM qui
est
la
fédération
de
brf1nche.
Les Ilo!iliques sociales des employeurs {le IR métallurgie
incluent
les
solaires,
les
négociations
collectives,
la
formation
professionnelle
sur
laquelle nous mettrons
l'accent,
pour Ile citer que certains des aspects
les
plus
importants
(voir
Li
partie
centrale du
Schéma
1).
Au niveau national,
ces
politiques sor\\l défendues par
j'UTMM dans des structures ob
elles négocient
uvee
les
syndicats.
Au niveau
local,
elles
le
sonl
dans des
strllctu,"CS
l()cales
(ou territoriales)
sous
la
c oo rd i n a t Lon de
l'tJJMM.
Dans
la région
Ll e
d e e-F'r-a n c e où
les
v
i nt
i
w-,
t
é
t
és .
el
é
e r v
o
o n
m e n
l e
G J M
é t a i t
l a
s t r u c t u r e
l
c
c
e
.
La
logique de
l'organisation de
la défense des
intérêts
des employeurs
français
de
la métallurgie es t
la suivante
(Martin,
1983).
Les
employeurs qui
exercent dans
le même
secteur d"lctivité
forlt
face
à
des contraintes écon()miques et
techniques
similaires quelque soit
leur
lieu d t Lm pl an t a r i o n
géogr&ptIJqtle.
PiII"
cOllséquent,
lellI's
intérêts économiques sont
l~ieux repr6sentés par des flssociations nationales. En ce qlli
c cn c e rn e
les
politiques
so cl al e s ,
les employeurs
implantés
dar18
la loame ~lire géagraptlique SeI"Ont soumis auX mêmes
contraintes sociales.
Compte
tenu du
fait
que
la nature des
clébHts soclallx vfLrient
d'llne aire à
l'autre,
la défense de
ICLIJ"S straté~ies
soei1lles est mieux prises eri
charge par des
slructulcS
IIJcales (Ill territoriales.

350
Les
fabricHnts de mactlines à outils de
la Région
Ile-de-
France cicvicnnent nlembres dLl GTM par
le biais de la FIMTM et
du
SYMAf',
lis l)evierlnerll rrICrnl)I'~s cie
l'lJ'MM IJHr
le biBis clu GTM
et
(le
la FIM'rM. Fjllalement,
j ls
devicnrlent Inelobres du CNPF par
le biais
de
leur appartenance à
l'UIMM et
à
la FIMTM.
La
partie d rc i t e
du graphe met
en
relief
J'existence de
structures
industrielles aux llivenllx régillnnl.
départemental,
et
local.
J.'Rllllési(Jn des constructeUl'S de machines à outils
interviewés ,HI SYMAP,
au GlM,
à
l'UIMM,
et
au FIMTM,
ne doit
pas ô1,"c
inLcl"pr6t6e CI)mJlle un
sigrle de
satisfflclioll
lotale de
la
pal"t
des
c()nstructeurs
vis
i
VIS
des
services
rendus
par
ces associations,
En
r~jt,
les (legrés de s~tisraction étaient
différents
SOlfIC]
les
fnbric8Tlts,
Les avis allaient de
"nous
SU[llmeS d~ns
le SYMAP par
tradition"
(SF4) à
Ille SYMAP marche
vraiment
bien"
(MF3)
à
"le SYMAP nous est
inutile car
il
est
domiTlé j)Hf
les
firlilcs
qlli
sont plus
grosses que
la natre"
(LF41.
Cu p e nd a n t ,
en dépit des différences d'appréciation
(en
fait
inévitables)
qui
existaient
p c rm i
les employeurs en ce
qUI
concerne
l'efficacité de
leurs associations,
il
y avait
la
c(lmpr'étleclsion paI'tagée que
les aclions collectivement menées
1)0.1"
l' irllerlné(liaire llc ces associatioJ1S permettaient
Il'atLeicldre des objectifs qll'aucurl employeUI"S ne pouvait
atleindI'c
toul
seul.
Selon
les
fabricants
intel"viewés,
parnli
ces abject ifs
1 y n vui t :
la
formation professionnelle,
la

351
conrlaissance des
prclcéciures d'exportations,
la préllarution des
s a l o n s
de
la ma c h i n e à outils,
la
publicité
pour
l'exportulion,
l'analyse
des
marchés du
travail,
l'information
sur
les politiques
i ndu s t r i cl Lc s
complexes de
l'Etal,
ct
l'apprentissage des
procédures de demande de crédit.
Cette
compréhension commune n'existait pas parmi
les
fabricants
américains.
Elle COflstituait
conlme nous
le
verrons dans
les
sections qui
suivent un
facteur discrinlinant
important dans
les st{"atégies de formation mises en place dans
les
industries
de
la machine à outils française et américaine.
I.'(JIMM ct
ses
structul'es
territoriales
sont
impliquées
depuis
les années
1940,
et
l'ont
été encore plus au
cours des
a nné c s
1970 et
1980,
dans
la création et
le renforcement des
institutions de fornlation professionnelle gérées par
les
employeurs.
Contrairement
à
leurs homologues américains,
les
fabricants
français
interviewés ont
utilisé ces
institutions
au cours des années
1980 pour
la
construction de
leur main
d'oellvre qualifiée.
En principe,
tous
les chapitres
locaux de
l'UIMM gère
chacun un CFAT
lCerltre pour
la F()rnlation des Apprentis
Industriels)
pour
la
formation des apprentis,
et un
centre de
formation continue,
ASFO (Association pour
la
formation).
A la
fin des 8nTlées
1980,
les
structures
locales de
l'UIMM géraient
enserllhl~ 73 CFAI et 70 CenlI"eS de fornlatioJl continue.
l.es
stt"Uclures
IIJC~lles de l'tJINM ont une autre foncti(ln:

352
elles
c o ll e c t en t
au niveau des
emp l o ye u r s
de
la métallurgie
la
taxe d t a pp r e n t i s s a g e
et
la
taxe
relative à
la
formation
continue.
Ces
taxes sont
enSllite
redistribuées aux structures
de formations
publiques et
privées.
Dans ce processus,
le rôle
de
1 'UIMM a ~té de mettre à
la disposition de ses
structures
locales url cadre de base IJour
l'organisation de
la
formation.
Vers
IlL
fin (les arln~cs 1980, dans
la Région
Ile-de-
France,
le GIM gél'ait:
quatre structures de formation
organisées
en AFORP
(Association
pour
la Formation
Professionnelle)
-
deux structures orgaIlisées en AFORTEC
(Association pour
la Formation aux Techniques
Industrielles)
impiiqu6es dnn~ des activit6s de forlnation continue et
rép()n(lant
cllaquc année allX elemandes de 2,000 employeurs en
melyenne -
ct
(Jeux
JfERP
(Irl~tituts de fornlation
pour
les
Entreprises (le
la R6gi[)n
parisienne)
impliqués dans
la
furrllatiorl des cadres et
des ouvriers.
Le GIM gérait
également
un progralilme flommé Gestion Sociale de
l'Entreprise
(GSE)
qui
s'occupait de
la
formation des dirigeants.
AillSi,
les
fabricants
français
de machines à outils et
les autl"eS er~ployeurs de
la nlélallurgie démontraient
un niveau
élevé de cotlérence économique et
sociale.
Le
SYMAP,
le OlM,
et
l'IJIMM aV'11t lIes
fonctions
centralisatrices
inlportantes.
En ce
qu t
c o n c c r n c
la
formation
permanente,
le haut niveau
d t o r g a nisa t i on lies employeurs de
la métallurgie se
traduisait
(lans
leur capacité ft Créel" des centres de
formatioll qu'ils
géraient
eux même s . Ainsi,
lorsque
les nouvel les
technologies

353
furent
iIltroduites dUIIS
l' irldustrie de
la machine à outils,
les constructeurs
français
purent
faire
ce que
leurs
hODlologues américains
n'avaient pas réussi,
à
savoir s'appuyer
sur
leur propre network de cerltres de
formation en plus de
leur u t i l i s a t i o n des centres de
formation publics.
Né a nnnoi n s ,
les
fabricants
français,
comme
leurs
horrlologue~ américains,
fiI'erlt
face à des
irlsuffisances de
travailleurs qualifiés bien que à un niveau moindre.
Les
raisons en ~taient que alors que d'un côté
le renforcement de
leurs centres de
formation augmentait
la
cohésion et
la force
des eroployellrs de
la loétallurgie
française en matiêre de
qualification,
d'un autre côté
il
provoquait
plus de
tensions
entre
les employeurs ct
l'Etat eII ce qui
concerne
le contrôle
du systbrne (Je formaticln.
Ceci
étllit
particulièrement visible
dans
le débat
sur
la
formation continue.
Ces
raisons
sont
discutées avec plus de (Iétails dans
les sections
suivantes.
II.2.2.
Les Employeurs Français et
la
formation
professionnelle
Le Schéma 2 montre comment
les employeurs de
la
métallurgie sont
impliqués dans
les activités de
formation à
travers
leUI'S différentes associations.
I l
existe
trois
niveaux d'implication:
celui
du CNP,
celui
de
l'UIMM,
et
celui
du o Hl.
I.e CtlPF représente tous
les elnployeurs dans
le Haut
Coulité puur
l'Education Nationale,
et
traite des question de

354
forroatilJn
CUnlllJUnes à
tUllS
les
secteuI's écoTlomiques.
Sur
le
plar)
irllerrle,
le CNPf a des commissions de formation dans
lesquelles
les employeurs de
la mé t a l l u r g i e
sont
représentés
par
l'UIMM.
Le domu i ne d'intervention de
l'UIMM en matière de
formation
inclut
la
I o rma t t on
initiale,
l'apprentissage
(discuté (Jllrl~
le (Jernie)' cllapitre),
el
surtout
la
formation
continue.
POLIr
les
trois
types de
formation,
l'UIMM
représente
les
employeurs de
la métallurgie dans
les
instances de
l'Etat.

355
Schéma ~ Formes d'implication des Employeursl-rancais de la
Métallurgie dans la Formation Professionnelle
C.N.P.F.
Haut Comité SUT
Cornisslons de Formation
r -
j'Education Nationale
Comission Nationale
sur l'Emploi
U.I.M.M.
1
c.r.c.
Ministère du Travail
1
C.P.c.
Ministère de
l'Education Nationale
Comission Régionale
90 Structures Territoriales
sur l'Emploi
1-
(c.g. G.I.M.)
1
1
Collecteur de la taxe
73 A.S.F.O.,
70 C.F.A.I.,
d'apprentissage
Source: tntervlcws, 1991

356
Les structures
les plus
importantes du Ministère de
l'Education dans
lesquelles
siègent
l'UIMM sont
les cpe
J,
(Commissions
Professionnelles Consultatives).1l
Dans
les CPC,
les représentants de
l'UIMM expriment
les besoins en
qualification des employeurs de la métallurgie. Au moment de
notre recherche,
l'UIMM assurait dans ces CPC la gestion de
200 diplômes
relatifs aux différents métiers de
la
métallurgie. Cette gestion comprenait essentiellement
la
création,
l'abandon, ou
la révision des diplômes.
En ce qui concerne la formation continue,
les employeurs
, -'.;
-'t,
de
la métallurgie sont représentés dans
l'AFPA (Association
pour la Formation Professionnelle des Adultes), une structure
rattachée au Ministère du Travail. LIAFPA sloccupe de
questions relatives à
la r e l oc a t i o n des chômeurs, au r e c yc l ag e v.r.
des t r av a i lieurs,
et à
l'entrée des jeunes sur les marchés du
travail. Les mécanismes de consultation dans
l'AFPA
ressemblent à ceux utilisés dans
les CPC du Ministère de
l'Education. Les employeurs expriment
leurs besoins en
diplômes et en programmes de formation à
leurs représentants
de
l'UIMM qui ensuite les soummettent aux CPC.
Etant donné que l'Etat continue à contrôler la formation
initiale,
les initiatives des employeurs français de la
métallurgie se développèrent surtout dans
le domaine de
la
formation continue au cours des années 1980. Cependant, vu que
Il V '
01 r
en annexe l'encadré sur les fonctions des CPC dans 1e
système français de formation professionnelle.

357
ces
initiatives étaient
liées à
la faillite de
la formation
initiale.
il
n'est
pas possible de discuter de
l'une
indépenduillment de
j'autre.
La section suivante analyse
la
façon dont
les employeurs se sont
investis dans
la formation
continue.
II.2.2.1.
La Formation Continue
Il
est
néeessaire d'avoir une
image des
rapports de
force
dans
l'environTlement
écunomique
frarlçais
des années
198D,
et
de retourner brièvement aux origines de
la
loi sur
la
formation COfltinue pOlIT cOloprendre
la nature et
les objectifs
de
J'engagement ,les employeurs dans
la formation de
leurs
travailleuI"s.
Au cours
(les années
1980,
les
employeurs
de
la
nlétallurgie avaient
atteint un niveau d'Ol"ganisation jamais
atteint aupal"aVant.
I,'(JJMM était
la composante
la plus
puissante (lu CNPF.
Deux ans après son élection,
le
GOllvernelllerlt
Socialiste montrait des signes de faiblesse et
fit
des cOTICessi[)ns
importanteR allX employeurs
(Hall,
1986).
Certaines de ses politiques
industriel les
les
plus
importantes
(par exernple
le Plan Machine Outils)
se soldèrent par des
écllecs.
I.e~ ~yrldicats de
travailleurs avaient perdu (le nombreux
~ler~bI'e5, ct étaierlt
tClujours diviséR
(Groux et Mouriaux,
1990;
Noblec(lurt.
1990). Au niveau des
relations
in(!ustrielles,
les
['apport~ de force étaient largement en faveur des employeurs.

3SR
Cela était
enc()re plus évident
dalls
J'industrie de
la machine
à outils où
te"
syndicats avaient
atteint
une
léthargie quasi
totale dans ceI'laines
firules.
L~l fUJ'malion c()ntinue était au centre du débat sur les
qualifications
étant
donné
les besoins
d'adaptation des
t rav a i l l e urs
aux
nouvelles
technologies.
La Loi
de
1970 s u r
la
f o rmu t t o n continue,
amendée
en
1971,
1976,
el
1978
par des
accords cl-llleelifs nfltionaux,
signifiait llne chose parnli
d'autres.
En permetlal\\t
aux cillployeurs d'être partie prenante
aux e c t i v i t é s
de
f c r ma t t o n continue,
l'Etal
pour
la première
fois dans
J'histoire (lu
système de
[I)l'mation français,
r e conn ai s s a i t
exp! i c i t cmc n t
"échec de ce dernier
(Berton et
al.,
jg91).
Le
système de
formation
professionnelle
origiflellement
structuré pour contribuer au développement
industr"icl
s'avéra
incapable de
reolplir ses
fonctions
Hprès
pillsicurs J6cerlnies d'existence sous
le contrôle de
l'Etat.
Ce
C0rlstat (l'~chec stimula
la création de centres de
îc r-mu t i u n privés par
les employeurs.
De
telles
initiatives
étaient particulièl-elrlent visibles dans
la olétallurgie.
Selon
Martin
(19831
la
loi
Sur
la
formation continue stimula
la
l
créatiorl (\\'lln JéparteDlent
sp6cialisé Jans
l'orgigramme de
l'UIM~1 llonl
les structures Je
formation
professionnelle
étaient d c e n t ral i s
é
é
o s et
d i r-e c t eme n t
rattachées à
ses
repr6senLatil!nS
lerritlll-iaies
(par exemple,
le GJM dalls
la
régiurl
Ile-(Ie-Frallce).
Ces derllières orgariisilierit
des
activités cie
fllfillaticlil ~
l'intention de
leurs membres.
Ces

359
zlctivit&s
se c16veloppbrellL
beallCOUp au cours des années en
réponse aux
illsuffisarlces de
travailleurs qualifiés. Vers
la
[i[1 lies années
1980,
l'UIMM disposait
de
70 centI'es (le
for"rnation IJerlflanente.
Ces (:entres présentaient des caractéristiqlles
irlt6l'cssarltes.
Ils
étaient
g6rées
par des
associations
d'enlployeurs.
Leurs activités étaient destinées en priorité à
leUI"S rll~rrlhres. La
forrllitlion 6lait
souvent organisée en
alternance. {.es enlpluyeurs étaient également
les formateurs.
Les
syndicats de
travailleurs
participaient aux Conseils de
Perfectionnenlent de ces centres,
mais avec seulement
une voix
consultative.
1.1:1
réul i t é
é
t n i t
4UC
l'émergence des
ce n t r e s de
formation
gérés pal"
les
employeurs allait
contre
l'esprit
et
la
lettre
Qui
a vai e n t
été 1\\ ]'origjne de
la.
Lui
rie
1970 sur
la
formation
continue.
Lc r s que
l a
loi
fut
proposée pour
la première
fois
après
les
jours
turbulents de Mai
1968
l'importance du rôle
1
(les employeurs
(fans
le~ activités de forrllation avait été
s o ul i gn
En
f ai t ,
l'objectif de
l'Etat
était
de contrôler
é

autant
41le
]Jossible
les
denJandes des
empl0yeUI"S
pour un
systèfile
(le
farmotioll
plus efficace
permettant
d'exploiter
les
opportunité'.'> de p ro spé r i té qui
existaient.
La
stratégie Ile
['Etat
c()mprenait
plusieurs éléments.
La
f(Jrmation
contirlue devait
être
financée à
la
fois par
les
pouvoirs publics
et
surlollt
par
les employeurs.
I~a firme

360
fut
d si
ô
gn é e
t:omm~
le
Li c u
de
formation
indiqué;
il
s'agissait
d'ufle concession qui
devait
conduire à
un
r61e
plus
important
cle s emp l o y e u r s dans
la
formation.
Mais,
~ côté de ces
conce~sion~,
'Etat
avait
intI"ocluit
un
ensernble de règles
administratives ftyant
pour (lbjcctif de Ultljrllerllr son contrôle
sur
Id
formation,
bien que
le principe d'une concertation
entre pn r t c o a Lre s sociaux pnu r
le s ui v i
de
l'application de
la
loi
avait
61ê affll'lUé
(I.uttI"jrlger,
1986).
l.a r6p()n~e des elnployeurs a été de créer
leurs
propres
Centres de
f(trmation en utilisant
un
rapport
de
forces qui
leur était
ffIV()rable.
Face à cela,
'Etat
n'eut d'autre
sQlutir]rl Clue cl'es~ayer de c(lnlrôleI" ces centres par
le biais
d'un flrticle (lu Code {Ill Travail.
Erl réalité,
cet
article
n'était que vagueJuent
applicahle aux centres
gérés I)ar
les
ellll,llIYCUI's.
Ces cerltrcs ~taient officiellement
reconnus par
l t a r t i cl e L.411--;! du Code du Travail.
Cet article en fait
concel"nuit
plus
'orgarlisati(ln
libre des ernployeurs pour
la
défense de
l cu r s
i n t é r ê t s .
Il
était
intéressant
d'ailleurs de
constater HU cours des
interviews condui t s dans
les
c e n t r e s de
f(]I-ulation cIe l'UIMM,
que
les
resllonsables de ces centres sc
r
Lé r a i e n t
toujours à
la
loi
de 1901
concernant
la création
é
d'organisation à
but
non
lucratif,
ct
j ama t s
à
l'article
1.• 411-2 (lu Clille (lu Travail.
Oes ct\\angeolents
[rrtportants furent
introduits dans
les
lois
sur
la
formation au cours de
la
période de renforcement
des centre::l (le
f()rOlatiofl gérés par
les employeurs.
La
réforme

. _ - - - - - - - -
361
de
la
lui
sur
lit
formation
continue de
1984,
'extension en
19R7 de
"ap p r e n t l s s n g c à
tous
les
p r o g r amme s
de
formation
p r o I c s s Lo nn el l e
Jans
le
secondaire et
le supérieur.
la
loi
J'orientation Je
1989
rendant
la
formation
en alternance
ob l i g e t c i r e
pour
toutes
les
formations
professionnelles,
visaient
toutes
implicitement
au explicitemellt
à reconnaitre
le
d'ile des
employeurs dans
la
formatiun
des
travailleurs.
J.'6vèrlerllcrll
rll'ob~bleillerlt le plus
important
par son caractère
innovateur,
fi
6té
la cl"étltioll de structLlres de concertation
sur
les q u e a t i o n s
relatives
à
la
qualification des
t ravn I lieurs.
En effet,
la
création en
1984 de
la Mission
Educatic)n/Entreprise.
el
la
c r-éu t i o n par décret
en
1985
du
HI.llt
COfllit6 Educfltil-lrl-Economie
fllrent
des
temps
forts
du débat
5Ul-
la
formation
p r-o Les s i on ne l l e en France.
Dans un pays
connu
pour
l e x clé su c c o rds
entre
partenaires sociaux
sur
l t or gu n i s a t i on de
III
formation
p ro f e s s i on n e l Le ,
la
création de
stl'uctUl"CS [lui
I"egrclllpaient
les
syndicats,
les
représentants
de
l'Etat,
les
o rg a n i s a t i on s
patronales,
des experts,
el
d'alltres organisations [le
la
société
civile,
constituait
un
touI'nant.
Cela était
d'yutnrlt
plus
vrai
que
la Mission
EliucaticJJ1/Ec[)nc:lmic et
le 11811t
Comité Educati()n/ElILlcation avait
ptiu t-
r cs pon sa b l lités
de
s t lmu l c r
le débat
sur
la
nécessité de
pa r t nc r sh i p s
entre
l e s
centres (le
formation
ct
la
firme dans
le hut
de
p r-omo u volr
la
formation
en
alternance et
de
créer
une certaine
cohérence ft
l'intérieur du
système de
formation
entre
les
activités de ces
centres et
les besoins du
système

362
de
p ro du c t ion.
1.11 InajrJrité cles
pllrticipllnts 11CCCpt11 ces [)bjectifs.
Les
s yndi cu t s •
plus
pa r t i c u l i ê r-eme n t
la
CGT,
FO,
et
la
FEN
(Fédération de
j'Education Nationale)
s'y opposèrent
et
rej~t~l'erlt [(lute possibilité de cuopératiorl avec les
em pl o yc u r s
français.
Né anuno in s ,
ils
continuèrent
cl participer
au
débat.
LL' Haut
Comité
Education/Economie c t t e i n t
un
niveau
s up
r i e u r
d'institutinnalisation avec
la création de
son
ô
l'l"OIJ(]j-e
jOllJ"llai
"E(lllcatir.lrl Ecorlonlie",
Avec
le flaut
C()mité et
le
.jrllll"nlli,
les ptlrterlflil-es sociallx dispclsuient d'un forum
l,el"nlellant
aux experts Cil nlutièl"e de
formation professionnelle
d'influencer
les ccn t r c s de décisions par
l'apport
de
nouvelles
i dé e s .
Pal"
eXCffllJle,
certains nlcmbrcs du Centre d'Etll(les et de
Recbercllcs
5111"
les qualifications
(CEREQ).
une
structure
financée
par
le Gouvernement,
étaient
dans
le Comité.
Le
fait
que
le rTREQ
fut
inrp l i q u é
il
ce moment
là dans des études
C[)fRparées lie systèfBes de
formation nationaux.
fit
de ses
membres présents dans
le Comité des agents
importants et
i n c.on t o u rnnbl c s du
p r o c e s su s d'innovation
intellectuelle
corlcernallt
la
réOI"gllnjsatiorJ du
système de
formation
français.
1.a
cr61ltil"ln et
le ]'enforcement des centres de
formation
IJT'ivês était
la str'atGgie
la plus
importarlte utilisée par
les
ernIJ!I:lYClll"S français,
el
plus particulièrement
cellX de
la
[ijétallul'gie,
pour satisfaire
leuJ's besoins en
travailleurs

J63
Qualifiés.
Il
s'agissarlt
(l'Llne stJ'utégie de débordement
dont
les c(]mposantes de b~sc étaient
les
suivantes:
-
il
s'agissait
de créer autant
de centl'es que possible
-
ces cCTllres,
en prenant
en cllarge
la
formation (les
travailleurs ,les
firmes membl"cs des organisations patronales
qui
g
r a i e n
è
t
ces centres,
devaient
réduire
le niveau de
déjlenllancu (Je ces
fiI"llleS
vis à vis des centres de
formation
c(Jntl'Qlés
pflr
l'Et~t
les performances de ces centres devaient
constituer un
moyen (le
pr'essi(]n sur
l'Etat
par
la démorlstration que
tes
empIC)ycUl"S ul
lellrs ()rganisations
sont des acteurs
incont[lul'Ilahius du système (le
f(lrmation.
Ces
pressions
(Ievaiellt
conlinuer dans
les différentes
structures cIe
concertation mises sur pied,
en particulier tians
le Comité
Education Economie.
Une analyse des débats qui
rivait
lieu dans
le (:(]~ljté Inontre que
les elllployeurs avaierlt
l'initiative et
Ilvfiicnt llne attitucle offensive,
alors que
les syndicats
étaient
Sllr
la défensive.
Compte
tenu du
fai t
que
les employeurs
français
ont
traditionnellement
rejeté
le contrôle du système d e
formation
par
l'Etat,
cette str~tégie de
fOl'mation visait
lin clouble
ob j e c t t f".
Il
s'agissait de démon t r e r
la qualité supérieure de
la
I o rmu t ion dispensée p a r
les centres de formation privés et
de 18mettrc !ll'ogr'essjvcIIlerlt en question
le contrôle de
l'Etat.
Il
s'agissait
là (l'llne qtlcrelle ancienne
(voir chapitre
sur
l'histoire (Je
III cc)nstruction du
sysLême de
forlnaLiorl

364
fl·~rlçai~). CupenlJuTlt,
Cll/lll"uireIIJ8nt
aux pél"iuLles pJ'écédentes,
au
c o u rs des
années
19F1O
la
capacité
politique de
l'Etat
à
contrfilcT" T11.ln
seulClllcnt
l 'éllley"gellec rrlals égalemerlt
le
[rJTlcticJllnelncrlL Ile ces centl"eS de
[LJI'malian créés par
les
enlploycurs avait été CIJl1SidéI"ableUlerlt
réduite.
l,'existence
d'un
rapport
de
force en
faveul" des
employellfs,
l'échec de
l t c x né ri c n c e
socialiste,
et
les
demandes
pressantes des
cm pl oy c u rs
po ur un e
format ion de
t r a va i lieurs
quai i Li é s ,
fo rc è r-c n t
j'Etat à
i n t r o d uire des
c b a ng erne n t s
significatifs
devant
permettre
u n c
plus grande
impl i c a t i on de
la
firme dans
le s y s t è mc de
format Ion.
La
création de centres de
formation
privés par
l e s
employeurs
français
(par
]'IJIMM Jans
le cas de
la
métallurgie)
ne débouclla cepenJarlt
pas
SUl'
url accord sur un
cadre (le base
pour
la
I'orma t ion
entre
les différents
partenaires
sociaux.
Au
contl"aire,
on vit
se clévelopper cIeux systèmes relativement
i nd épc n d a n t s
et
xo u v e n t
confl l c t uel s
qui
c e p endun t
l'eC(Jnnfli~stlient
IOLlj"
(11'()it
r~cipr"uquc cl'exister.
La
création
de
Sll"Uctllres de corlcertati(Jrl
telles qlle
le Haut Comité
Edllcation/Ecunomie COTlstituait
un
premier pas vers
la
résolution d e
ce conflit.
Dn n s
Iii
s e c t i(HI
suivante,
nous présenterons
le
f()rlcti()rlrl~rrlerlt d'UflC
st)"llcturc privée de
[clrmatioll POUl"
iIJ'llstrUI"
'flh!;erlCC d'llfl acc()ftl Sll]" UI\\ cndrc ùe base ~nt]"e les
empl o yc u r s,
de
la métallurgie et
l'Etat RU cours de s années
1980 .

365
J1.2.J.
Le Cas
de
l'IFERP
J_'IFERP est
une
sLructllTe spécialisée clans des activités
de
format i o n .
JI
a
été
créé
en
1985
par
le GIM en
colluburuti{Jfl avec C!'fllllres orgarlisations patronales.
Il
fonctionne CO"lme une rrtutuelle:
les employeurs qui y
participent
contl'ibllent
un pOllrcentage
(le même pour
tous)
de
leur masse salariale;
cependant,
les services en
formation
qu t f I s
reçoivent
sont
fonction
de
leurs besoins,
non
de
leur
ceJnlril,utioTI
firlurlc[èrc.
Par corlséquerlt.
un elnployeur membre
pellt 11él16ficier de services qui
sont
supél"ieurs
(ou
inf6rieurs) à
su cçJntl-jlluticJn.
Depuis
sa
c r ée t i cn
en
1985,
l'IFERP
s'est
engagé dans
la
signatuI"e de
plus
Ile
50,000 crlrltrats de qualification et
d'adaptlltion.
Il
s'agissait
de
corltrats à
court
terme de
f o rrn a t j n n con t i nu e
entre
les
employeurs
et
l t Ln s t i t u t
ayant
puur o b j o c ti f
cl t ncln p t e r
les qualifications des
travailleurs à
de nouvel i cs
f o r me s de
production,
ou de
recycler
les
carllljltlltS.
La
formatitJn
r,'était
pliS
fOl·c6rnent
sanctionnée par
un
diplôme d'Etat.
Lo r s qu t el l e
ne
l'était
pas,
les
syndicats
et
les emp!()yeurs
PClllvfiient
d'lin commlln accord donner un
titre
,lUX postes
c c c u pé s
par
les
t r ave i I Lc u r s
dans
leurs
firmes
à
la
fin
de
leur cycle de
formation
(IFERP,
Statistiques,
1988),
L'IFERP il égalcmerlt
perrnlS à
de nomhreux
jeunes diplôlnés
v c n a n t
clc s
centres
de
format ion
professionnelle g é r é s
par
('ELat
de
se
I a mi 1 La r i s c r
avec
le monde de
la
firme
par
le
biais
d e s
"StHges d'Initiation ~I
la Vie
Professionnelle",
En

::Ifin
Dutl'e,
ctluque arlnée.
CTIViI"Cln 8.000 candidats ~lliYent des
programmes
de
formation
c l a s s i q ue s .
L'IFERP utilise une
mé t hod c
de
Lor-ma t i o n L:f1 al t e rnu n c c .
Théoriquement,
les
différcrltes
6tilPL:S de
III
fornl~ltiuTI, l'ecOflslruites sur la base
(les
irltcl"views.
6taieTlt
les
SLliYllntes
(VOil'
le Scl\\éma 3):

367
Schéma 3 : Organisation de la Formation à
l'I.F.E.R.P
Participants venant
Comission professionnelle
des centres de
régionale ou nationale
formation
sur l'emploi
1
3
Validation des
quali fications
4
Qualifications validées
5
envoyées à l'I.F.E.R.P.
2
1.
7
Individus
Demande
F.
Controle de
Direction du Travail
Organisations et
Information
E.
l'Etat
ct de l'Emploi
Comités d'Entreprise
Contribution
R.
P.
6
Financement de la
Formation
Instruction Formelle
(cn classe)
Centre de
Formation
Formation sur le tas
Source: Interviews, /991

- - - - - - - - - -
J.
les
pHrtic]IJUrlLs
ilUX
prr,grl\\mnlCS
~taient des personnes
rJip!îJlllues
(}lOS centres
de
formn t Lc n
publics.
Il::;
a vu i e n t
été
recrutés
par
dL'S
cmpl c y curs
Illois
ne
oos s é d ai e n t
pas
les
q ua Li Ll ce t iuux
nécessaires
il
'exécution de
leurs
lâches.
Ces
participal11s étaient
la
prellve de
l'échec des centres de
formation gérés
par
l'Etat.
Parmi
eux,
on
trouvait
des
tri1vaillcurs qui
venaient
se recycler
2.
l cs
cmploy e urs
avaient
la
ro s pc n s u b i l Lt é
J'identifier
les qual i Li c a t i o n s
dont
l c s
travailleurs avaient
besoin,
Sur
les
lieux rIe tl"aVili l,
lh 0[1 CClii 6tllit
f"aisal1le,
les
s t r u c t urc s
d e
r c p r és e nt u t i o n des
travailleurs
(introduites
par
les
Lo i x
AUI"ULlX)
étaient
consultées
sur
'opportunité pour
le s
empiclyelll's de s'ellgager clHrls
la
sigrlfttllre lie contrats
d t a d ap t ar ion et
de
quai i Li cu t i on
3,
ltllt:
fois que
les 411nlificatiuns nécessaires avaient
fi/il
L'ub j c t d'un accord entre
les employeurs et
les
rcrr6Scllt~lr\\ts cles tI'flVMillellrs clans
la
rirme,
elles étaient
SIJUII11Ses p()llr acceptatioII à
llne
structure
locale d'elltployeurs
Ile GIM en
l 'occurJ"cnce dans
le eus (le
Ilotre recherche).
1.'fICCupliltiIJn était
cUII~jgnée dans (les accord cullectifs
écri t s qui
con t cna i e n t
également
les
titres à
donner aux
niveaux de qua! i Li cu t f on u t t e i n t s
par
les
t r av e i lieurs
à
la
fill (le
lCIII" fl-JI'olalion
!(:II'sqlle cette (Iel'ni~re n'était pas
sarlctj(lrl'I~e p'ir url clirlônlc 11'Etllt,
La
s t r u c t u r-e t( laquelle était
soumise
l'acceptation

369
pou v a J t
t rc
unc
structure officielle de
'Etat
(par exemple,
ê
la Commissi on
P.. r i talrc
sur
l'Emploi
dans
J'industrie de
la
mé t e l Lur g i e ) .
Duns
ce cus ,
les
niveaux de qualification qui
faisaierll
l'objet J'un itccord entre
les
emp!(]yellrS
et
les
lrHvililleUI"S (\\onrlaierlL
lieu à
un
diplôme (l'Etat.
4.
les qualificatioflS ~lccept6es au niveau
Il)Cal
étaient
ensuite
soumises
il
l'UIMM
pour a c c c p t a t i on ,
modification,
ou
rejet
lor s qu t c l Le s avaient
f ai t
l'objet
d'un accord
collectif.
Elles étaient
soumises à
u ne Commission Nationale Paritaire
SUI
L' cmp l o i
d.HIS
les
CfI.':;
uù el les avaient
d'abord
été
s oum i s c s ci
un e
c otnmi s s i on pnr i t a i r-e
locale
5.
u nc
fo i s
celle p r-o c dur c
terminée,
les
q ua Li f i c a t i o n s
ê
étaient
s oum i s e s à
l'IFERP.
Son Comité Paritaire de
r'eTf~ctjurlrlement auquel
participaient
les
syndicats,
dé f i n is s ni t
l'organisation de
la
f o rma t i on prévue par
le
CllTltrat.
OllrlS
cette COllllnlSSlurl,
les
syndicats n'avait qu'une
voix C(,nsll!Liltive
6.
Ilprès
tc,ut
cela,
1 'IFERP devait
jouer un rôle
d'interface.
Il
recevait
les contributions financières
des
einployelll-s
individuels.
Ces corltributions comprenaient pour
clluque enll)}[)yeurs
le supplémerlt
à
l~ taxe d'apprentissage de
0.1%
ct
les
taxe de
0 • .1% pour
la
I'o rmu t i o n continue.
Ensuite,
sur
la
base
de
la
l s t e
d e s
demu nd e s
de q u a l Lf Lcu t i o n s
e x p ri mé c s par
les empl oye u r s ,
l'JFERP organisait
les
frlTrtlntil)flS (.IU bien PI-llpl.lsalt des centrc~ avec
lesquels
il

370
travaillait
lorsqu'il
n'avait
pas
les
compétences
nécessaires.
Les elnplrlyeurs étaient
1 ihres de Cl10isir
les centres qu'ils
désiraient.
L'IFERP
finançait
donc
les
furrnations
avec
les
contl"ihutions des employeurs,
ct
recherchait
un
niveau de
cohérence maximum entre
les
programmes de
formation et
les
hesoins (les emplnyellrs
7
{leux m6canismes avaicTlt
été mis en place pour
le suivi
et
le
cuntr6le du prucessus décrit
ci-dessus.
Le
premier était
illterne:
le
sceoncl étllit
exterrle.
Sur
le plan
interne,
les
performances de
l'TFERP 6tllierlt
rnesurées
par:
le Tlombre de
c on tr e t v signés
III qUlll ité des contrats signés mesurée elle
r~ême par le succès des pal"ticiparlLs - et
la capacité de
l' IFERP ,i
i n f o
sur
J
r-rne r
les
.
emp
ç
l o y eel' s
les opportunités de
I'o rmu t i on qui
existaient.
Sur
le plan externe.
il
y avait
le contrôle de
l'Etat
mar s seulement à
la
fin du
processus
lorsque
la
liste des
personnes
fornlées
était
envoyée à
la Direction Départementale
du Tra va i l
pour enregistrement,
et
pour vérifier que
la
loi
sur
Ja
formation permanente avait
été respectée
(par exemple:
l'fige ,les
participant~, le nombre d'heures de formation,
la
consultation d e s
représentant des
travailleurs
sur
les
lieux
de
tra vu i l ) .
L'accomplissement
de cet enregistrement
permeLtait aux employeurs cIe bénéficier de
'exemption de
cel·tain~ coOts sociaux. Par contre,
lorsque cette procédure de
contrOle externe n'était
pas exécutée
la Direction
Départemerltale Ilvait
le droit
de rejeter
les
contrats.

371
Pf us i cur s
comme n t ui r c s
s'imposent
à
présent.
1.
Les différelltcs
étapes
des
pT"ogrammes de
formation
orgürlisés PUI"
l'IFERP montf"~rlt que
les
centres gérés
par
les
employeurs
sont des
i n st î tut ions dont
'Url des
l'files
consiste
ê
Lo ru.e r
des
t r a v a i l l e u r s
r e c r u t ôs
pur des
firmes
et
qui.
ét~ierlt sllpposés avait" ~cquis les qtlfllifications nécessaires
dun s
les
centres g
ré s
par
l'Etut.
Mais cela n'ayant
pas été
é
le cos
à
CEluse de
l '(]J"ganisutiun de ces derniers,
les centres
de
J'o r-ma t ion
pT"ivés
conslittlaient dans
les
faits
un
pont
entre
la
formation
initiale (les centres publics
et
la
firme.
2.
I"'intr;rvenliun de
l'Etat
dons
les
activités de
Lo r-ma t ion de
'IFERP a v a i t
1 i eu il
ta
fin
du processus
pour
s t a s s u r-e r que
la
loi
avait
été
respectée.
Cependant,
il
était
absent \\le
l'administl"Htilln (les
pl"ogrammes
de
formation.
Les
syndicflts
pHrticipaient
à
la
n6gociation et
à
l'administration
d c s
co n t ra t s
de
fo r ma t ion
respectivement
à
travers
les
~lrucllll'OS {le ['cpI"ésentation des travailleurs internes à
la
firme
cl
;'1
travers
le Co ml t
Paritaire de Perfectionnement.
é
Durls
C~ (lel"nier,
ils
fl'avaierlt
qu'urie voix consultative.
3.
Le
c a s de
l ' I f ERP montrait
l'absence d'un accord
sur
un cadre de base pour
lu
formation
entre
l'Etat
et
les
employeurs.
L'Etat
contrôle
la
formation
initiale.
POUl'
j'épOrl()I"e 11U c(lnlrôle (le
l'Etat
SUl-
Je système de
forlnatic)n,
les c mpl oyc u r x de
l a mé tu Ll u rg i c dë ve Lo pp r en t
leur propre
ë
n c t wo r k de centres d o n t
l t adm i n i s t r a t i o n excluait
les
a u t o r i t é s p u b l l que s • Lv
contrôle était
encore plus
faible
dans

372
le~l cas o~ les C(lntr"ilts de qualificatioTI et d'fldaptation
étaicrlt négociés
el
faisaierlt
l 'clbjel d'accords
coll'ectifs
crllre
travilillcllI"S
cl
ernpl()yeurs.
L'illi lisalion des accords collectifs
serrlblaient
d'ailleur's êtl'C
la stratégie pl"éférée par
les employeurs
(interview avec FORMErA,
1991).
Cela
leur permettait d'éviter
l'Etat
puisqu'ils n'avaient
plIS
à
sanctionner
leurs
formations
I)BI" des diplômes nationaux.
Firlalenlerlt,
cela permettait
plus
de
flexibi lité clans
"ex6cution Iles contl"ats dans
la mesure aD
le suivi
ne c(lncernait
que
les enlployeurs et
les
sYlldicaLs,
et
non
la bureaucracie <le l'Etat.
4.
En T"enfor"çant
son lletwclrk de centres cie formation,
l'UIM~1 inslitutionnaiisii la séparation entre la formati()n
initiale aSSll1"ée par
l'Etat
et
la
forlnaliorl
continue qui
lencl~lit de plus en plllS à devenir l'affaire des empl(Jyeurs.
5.
Il exisle urie certlline iflCoh6r"ence darls
le système.
[.'{JrM~l repl'6sente
les crllployeurs (lans
les COfflrnissions
PrrlfesNionnelles ConSllllatives
(CPC)
(111
Ministère de
l'Educalicln avec vuix consultative.
A l'irltérieur de cette
struclUl"e,
l'UIMM participe aussi bien à
la créaticln de
cliplGmes professionnels ql\\'à
la définition des éléments de
hase des
programmes de
formatir)fi corlcernant
chaque diplôme.
r.cs canlij(l;lt:S
sont
frll"m6s
SUI"
la base de ces
programmes.
Cependant.
apI"ès
leur
fOI"IDation et après avoir été elnbauchés,
ils dClivenl
suivl"e une
fClrmatinn
supplémentaire darls des

373
Sll"llClllres
cl'é~es par
l'UTMM QUI auparavant ft
eu à
participer
à
l 'élabornllclTI des pr<)grammes
suivis par ces
candidats.
T.es
raisons ri L' cc processus
résident dans
lt t n s a t t s f a c t i un des
empl o y e urs Je
la métallurgie un ce qui
concerne
l e s
qUfllificilti<Jfl!; Iles dipl6ln~s qui
S(lJ"tent
(les centres
publics.
6.
La
persistance tic cette
i n co hé r-c n c e
ne saurait
être
s épu r
e de
l'existence Je relations
industrielles
é
c on Ll i c t u c l l c s qui
conduisirent à une suspicion réciproque et
à
(les (16silcclJrds enll"C employeurs et
gouvernements à pl"OpaS de
l t o rgu ni sa t i on du
sys t èmc de
formation professionnelle.
De
ceLle Sll'i.picillfl et
rlc
C8~ (\\~Silcc<Jr(ls sont fiées (tes stJ'atégies
d t c x clusi o n
ré c lp rcq u cs . n'ull cillé.
]'UIMI'-I
ne co-administre
p.IS
Vél'illlbll:fIIClll
les
l!iplGrrles cl
pr(lgl"llrnme~ Je
fOI"malif)n clans
les rpc dan ...
la mesure où
el le n'y fi qu'une voix
co n s u l ta t i v c ,
et
2)
l'Etat
e s t
le seul
preneur de décision.
D'url aullou cnt~,
l'Etat
Tle participe pas à
l'administration
des cerill-es de
formation g6rés par
les employeurs qui y sont
les décideur5
firlnux.
On !tssiste dorlc à l!ne l"econnaissance mutuelle de fait
du
rôlc lIe ctl~lqlle pllrterlaire clans
le systèlne de
formation,
sans
qu' i 1 existe un accord e x p l i c i t e sur un cadre de base pour
la
l o rma t i on . Cc t t c
r e conn a is s e nc e mutuelle certes
réduit
les
rl s que s de conflits. Cependant,
elle est
signe d'inefficacité.

374
III
Les
Syndicats et
la formation
Sur
les
i c u x de
t r av a i l,
l'opinion des
f e b r i c a n t s
frllllçais
en ce qui
concerne
le rôle lies syndicats dans
la
f o rma t i on des
t ra va i lieurs
ne
souffrait
aucune ambi gu i t.é ,
Il
rl'avaient
11a~ IJesoin des syrldicats dans
l'élaboratiorl ct
la
mise en oe u v re de
leurs
poli tiques de
formation.
Leurs
réponses
aux
qu e s t ions
sur
le
rôle des syndicats
le
mo n t r ai e n t .
Pour SFJ.
"les syndicats n'ont auctlne influence sur
la
formation.
N'JUS ne llcrrillnclons pas
leur pal"ticipation".
r-o n r
SF4.
"1<-1
f o r-ma t i on
ne
fait
pas
partie des
Pl'~(JCCUllrlli(Jns lIes syndicats.
Nc)us avons
tout
fait
pour
stirnuler
leur participatif)" (lans
l'élaboration des politiques
de
I o rmn t i on ,
,
,
"
malS en Vélin.
Paradoxalement,
cette réponse qui
était
la plus
favorable de
toutes venait du président qui
corlsidéJ-uit que "les syndicats ne
faisaient
pas partie de ses
p r-é oc cupa t ions".
MF4 ne vClyait
pas
"
.Cl:'
que
les
syndicats pourraient
« p port c r au d é b a t
interne sur
la
f o rmu t i o n .
Ici,
la
formation
e s t
l t a f f a i r e des dirigeants".
Pour LF3,
"les syndicats ne
participent pas à
l'effort de
forrlraLic.lll.
Tc)ul
ce qu'ils
font
c'est de se saisir du
plan de
fOl'mation à
la
fin de
l'année afin de s'assurer qu'un volume
co r r e c t
d'heures de
f o rma t inn a été
réalisé.
Ils ne

- - - - -
- - - - - -
375
s'intéressent
ni aux méthodes de
formation,
n i
à
la
disL["ibution (les heures
ùe
formati(ln".
POUl"
I.F4.
"il
n t e x l s t utt
aucune contribution positive des
syndicats?\\
l a
Lo rma t ion.
Les
s yn d i c a t s ne
sont
pas
préoccupés
par
la
Lorma t i o n professionnelle,
mais par
la collecte des
cotisations des membres et
par
les
l c c
é
t i on s
des
représentants
des
t r u vn i lieurs.
Nous
n'avons
pas
besoin de
la participation
des
syndicats
li
l a
formation,
surtout
lorsqu'il
s'agit
du
type
de
SYTldicat
que fl(lliS
avons
en France.
Lorsque
les
représerltflTlts
syndicallx
rejettent
un
plan de
forrnatioTl,
ce
n'est
I]H~ Jlllrl'C qu' i ls ne ~J(lrlt pa~ d'accoT'd avec SUll curltenu,
mais parce qu t Ll s
veulent
montrer qu t f t s défendent
les
intéI'êl~ ,Je
letlI"S ITleITlbT"US
eTI VU8 (le
lcLtr
J"é-élection".
Tout
ceci
était
d'alitant
plLIS
surprenllnte que
les Lois
Auroux cxigeaiellt
la
participati()n des
représentants des
travailleurs
à
la définition des plans de
formation à
long
t e rure
sur
les
Li e ux de
travail.
Le cas
de
J'industrie de
la
machine à
uu t
l s ne:
J u i s a i t
que
confirmer
le gap qui
existe
e n t r c
Id
loi
et
la
pratique dans
le
système
français
de
r c la Li o nx
industrielles.
Lc s
réponses
des
fabricants
mon t ra l c n t
Ll.u'ils
n t a va i e n t
pas
l'intention de
s'engager dans
de s
né g o c t u t i o n s
avec
les
syndicats
sur
les
politiques de
formation;\\
mc t t r-e en
place.
lit:
p r ô I é r a i c n t ,
en c o Ll u bo re r i o n
avec
les [(lltt"eS
enlployellrs
de
la métallurgie ou d'autres
secteurs,
se
[imiter à
la signature d'accords globaux au
niveau nat i o n a l
avec
les
confédérations
syndicales.

376
Au cuurs de~ année~ 1980,
le~ accords nationaux inter-
industriels
les plus
inlpclrt8Tlts ont
été la rncldification de
la
loi
sur
la
formation
continue,
ct
l'accord
d e Décembre
1986
sur
la
formation en alternance.
Le s
accords
les
plus
Lmpo r t c n ts
s i g n s
dans
le
secteur de
la métallurgie
furent:
é
j'ajustement
du droit de
congé
formation au
secteur de
la
rnétallurgic -
et
l'accord de Janvier 1985 sur
les objectifs et
les
stratégies de
rClrolatilln dans
le secteur.
I.es
accords
nationaux correspundniellt parfaitement à
la
stratégie de
négociation de
]'lJJMM discutée auparavant,
qlli
consistait à
exclure [(lute possibilité J'utiliser
la firme conlme unité de
réf~I'er\\Ce ("collective baJ"gninillg uIllt")
pour
les négociations
avec les
travailleurs.
Pour
les
syndicats affaiblis,
c'est
la
firme q\\l~ devllit constitue}" la cible de leurs activités
col l e c t i ve s •
Ainsi
les
syndicats
français adoptèrent une stratégie à
deux composantes qui différait de celles utilisée par
leurs
homolo~ues iln161'icains.
Prelni~remcnt, contrairemeflt auX
SYfldicats illllél"icairis de
la maclline à outils qui étaient plutôt
impliqués da ns
les débats sur
ta
formation
sur
les
lieux de
t r a v a ! l,
j l s
i è r e n t
l cu r s
revendications en matière de
qualil"icatilJII à (les
pr(lplJsitions
in(lustrielles globales visant
à
résou(lre
la crise de
la maclline à outils
frarlçaise.
Deuxi~memerlt, ils c()llsidérèrent de plus en plus les lieux de
travail
comme
le
terrain de
lutte à privilégier.
Comme nous
l'avons vu auparavant,
Jes
employeurs de
la métallurgie
préféraient
les discussions aLI Illveau 118tional.

377
Le~ interviews menés auprès de FO, CGT,
et CFDT,
ont
montré que c'est
la profondeur de
la crise de
l'industrie qui
a
forcé
les
sYlldicats à adopter une
telle
stratégie.
Jusqu'ici,
l s avaient mis
L' o c c e n t
sur
les salaires et
l'emploi.
Avec
"t n trodu c t i on
de s
nouvelles
technologies
aCC 1Jnlpagn6es par des
challgements dans
l'organisation du
t r a va i l ,
l e chal Jenge auquel
ils
faisaient
face consistait à
aller 11llX 11e!à des
revendications
sur
les conséquences de ces
nouvelles
technolclgies,
el d'intervenir sur
les mécanismes qui
étaiellt à
III
base de
leur
intrO(!llction.
N(IUS
BVons d6jA rrlonlré Llue
ta
l'éaction des syndicats
nll16ric~lins aux llouveaux rilppllrts de travail prit
la fornle de
clJrlcussjrllls el
d'urie paT'ticillatiorl aux sll"uctures
interne
mises ~UI' piClj par
les
fabricants
(voir ci-dessus
l'analyse
des cas de MAI
et
I.A2l
Aucune proposition
industrielle
portant
SUI'
III
restl"Uctllrati()n de
l'industrie américaine de
la
machine il outils ne vint des
syndicats.
Dans
le cas de
la
France.
les direction~ syncjicales nationales firent
des
11I"C)posilions
industrielles.
Certaines soutenaient
les
p r o po s i t i o n s
de
r e s t r u c t u r a t l on
faites
par
l'Etat contenues
clans
le Plilil Muciline Outils illors que d'autres ~taient contre
ct:
plHn.
I.es pr(lpilsiticlns lies
syndicats couvraient
tOllS
les
aspects de
l'industrie:
le"
technologies,
la
formation,
les
changements dHns
Ifl clflssification cles postes de travail
et
l'organisation d u tre va i L,
pour ne citer que
les aspects
les

378
plus
importants.
En
1972 et
en 1982,
la
fédération Fa du
secteur de
la métallurgie
publ i a
deux documents
sur
l'Etat
de
J'industrie
françai~e de la r~achine à outils et sur les
Inesures nécessaires à
son
redI"eSSement.
En
1990,
la
fé{16ration
CG'f de
la métallurgie
rédigea un document
radical
sur
la
nécessité de
restructurer
l'industrie de
la machine à outils.
En
outre.
contre
la
stratégie des
employeurs qui
consistait à exclure
les
travailleurs des décisions de gestion
sur
les
lieux de
travail
et
à
privilégier
les accords
collectifs au niveau national.
les
syndicats démontrèrent
un
intérêt
pa r ti cu l ier et
surtout
inhabituel
pour
la
firme
comme
Lerrain de
leurs
luttes.
Cependant,
dans
le maintien de
leurs
t r ad i t l on s ,
ils
Ls u r t ou t
Iii CGT)
subordonnèrent
systématiquement
leurs revendications sur
les
lieux de
travail
à
des cJbjeetifs de
transformation de
la société
française dans
son ensemble.
Dall~ SI_ln document
relatif à
l'industrie
française de
la
machine à outils,
la CGT souligna
l'urgence d'un arrêt de
l'entreprise de destruction du
tissu
industriel
français par
le Gouvernemellt et
les enlployeurs
français.
La
CGT précisa en
Olltre qlle
les
rapports de
force devaient être construits dalls
la
firrrle.
Sa c(Jnviction était que
les différentes
luttes
seraienl
coordollées,
convergeraient,
et
se développeraient
e s s en t iellemenl en partant de ce qui
se passait dans chaque
firme
(CGT,
1990).

".. - - - - - -
379
I.e l"apport de
la CGT sur
J'industrie
française de
la
machine à ou t i l s
r e p r é s en t a i t
une évaluation sévère de
la
politique (lu grJUVernellterlt
(1llrlS
le secteur.
Le
syndicat analysa
cette pl:)litiqlle CI)lnm(! IJne verite de
l'industrie aux concurrents
é
t r a ng e r s, ,
(en particulier aux Japonais),
une
internatiorlR!isation de
1 'industrie au détriment des
intérêts
natiorlau~, urie concentratiorl du secteur entre les mains de
quelques constrl&cteurs,
et
une exportatioTl (les activités de
production au <Iétrinlent de
l'elnploi des Français.
Cepen([ant.
la CGT fit
également
des propositions.
Pour
elle.
la dé f e n s c du cu ra c t
re national
de
è
1 industrie
était
une priIJrit~. Elle appela à plus (le netwllrk erllre
les
fabricllrlts et
les eloployeUl"S des iltllI"eS secteurs
industriels.
c'est au niveau de
l'emploi
et des qu a l i f i c a t l o n s que
la CGT
fit
ses prl:)positions
les plus
importantes.
Elle était
pour la
création de conditions d'emplois
stail/es poUr
les
jeunes dans
J'industrie -
une augmentation de 50% de
la contribution des
enlployelll"S A la
forlnation
continue,
et
la nécessité de
perme t t re aux
t r e va i l Leu r s
de consacrer au moins
10% de
leur
t empl s
d c t r a vn i 1 annuel
ft la formation -
la nécessité
d'amerlel"
les ernllloyeuJ"s à
percevoiI"
lu
forillation
non pas comnle
un
coût mais comme un
investissement
obliger
les employeurs
à
r c c o nnu i t r c
l c s qualification!'; acquises par
les
travailleurs
cla n s
les centres de
f or-ma t ion
pu b l l c s -
et une augmentation
des salaires
en
rapport
avec
le
fait
que
les nouvelles
générlltillns cie travailleurs étaient
plus
instruites que
leurs
ain6s,
aVilierlt
un niveau de qualification
supérieure,
et

380
élaicrlt
polyvalentes.
I.e rapport
de
la CGT constituait
Ufl
chongemenl
important
de SOlI (]isc()urs
syrldical
Elle était
connue pour ses
stratégies qui metLltient
plus
l'accent
sur
les revendiciltions
larges,
a)'ont
une dYflamique politique,
et
capables de
r e s s emb l e r
la majorité des
travailleurs
(par exemple,
augmentation des
salaires),
que sur
les
revendications
spécifiques aux
liellx de
travai 1.
Avec
ses PI"oposilions
industrielles,
la CGT réalisa probablement
ses
premiers vers
une orientation plus
participante et
productive par
laquelle
el le seraiL
811lenée
à
assumer des
responsabilités managériales,
p a r- oppos i t i o n fi.
s on o r i en t a t i on
revendicative et
défensive
t r ad i L i o nn el Le .
Dans son analyse de
J'irlclustrie de
la machine à outils,
fO
fit
les choses
s u i va n t e s .
Elle souligna que
le début de
la
crise Ile
l'industrie datait
des années
1970.
Selon elle,
cette
CI"ISe avait
été
le résultat de
l'individualisme des employeurs
q u i
déboucha sur une concurrence
intense et
i n u t Î le -
l'isolement de
l' industrie de
la machine à outils vis à
vis
des ilutl"eS
irl{lllstJ"ies -
l'incapacité des
fabricants
français à
s'ajuster aux nouvelles
lecllnologies et aux changemerlts de
l'écono/nie
interrlationale -
la faiblesse des
investissements
réalisés dans
les autres
industries clientes de
la machine à
outi l s -
l'invasion des concurrents étrangers
-
et
la
lenteur
de
l 'adlJIJt ion (les machirles à
commandes Tlulnériques par
les
fahricants.

381
["es
pr(lpl)siti(lnS de FO n'étaient
pas
(contrairement à
celle de
la CGT)
très di f Lé r e n t e s de celles qui
étaient
C{IIltenuus
([aTIS
le rlan Machirle Outils du GouVCI"nement.
Il
était
iIIIPI.ll·tUfIL
de
Cl)nstater
que
dalls
SOfl
rapport
de
1972,
FO
nieLLait d~jà l'accent
SUT'
les
pr()blènlCs
(le qualifications dans
)'jnclustrie en appelant
les
fabricants
à
insister sur
la
formation
continue comme source d'adaptation de
la
force
de
travai 1 et COffilne seul
moyer} d'accroître ses qualifications.
Conclusion
Ce
cllapitr"e aVflit
pour objectif de montrer comment,
dans
la pratique,
des
relations
industrielles
conflictuelles
eml)êctl~rlt urlu I:lrgarlisati.l efficace de la formation des
t ra v ai Lt e u rs ,
Nous s omme s
p a rt i s de
j'idée selon
laquelle ce
qUI
fait
la
force d'un système de
I'o rme t i o n professionnelle,
c'est
sa cohérence.
Nous avons
consiciér6 que cette col1érence était
présente
lors4u' il
existait
un accord sur un
cadre de base pour
la
formation entre
l'Etat,
les employeurs,
et
les
travailleurs.
A
un niveau plus (lp6rbtiurlnei,
Lin accor(i sur un cadre de base se
traduit
par
la création
(dans
les
systèmes de
formation)
de
IllécllniMrncs ct de slructLrres cie coor(lirlation
(notamnlent entre
la
fil'me
ct
les centl'es de
formation)
reconnus et
utilisés par
les
tr"()js pT"incipaux partenaires sociauX.
NOLIS ilVOTIS égalemerlt corlsidéré que
le degré de cohérence

382
des systèoles de
forlnation <Ians des contextes conflictuels
dépendait des rapports de
force entre partenaires sociaux.
Ces
rapports de
force ont
été Inesurés par
les capacités
d'organisation et de n é go t i u t i on de
l'Etat,
des
travailleurs,
et de~ employeurs.
Les résultats
suivants ont été obtenus:
].
l.es
système~ de relations industrielles français et
américains
répondent
effectivement à deux
logiques
différentes.
En France,
existe une
logique structurelle alors
qu'aux Etats Unis,
elle c s t
relationnelle.
2.
cc s
logiques différentes
font
de
la firme et du
fabricarlls
irl(llviduels
les unités d'analyse aux USA,
et du
centre de
fo,"matiorl et <les OI"garlisations
patronales
les unités
(l'analy~e en France.
Dans
Je cas de USA,
3.
Les
firmes
dans
lesquelles
les
travailleurs n'étaient
pas
synlli4uées avaient
les
I"eJations
industrielles
les moins
co n f ! i c t u el l c s . Ce sont
également
ces
firmes
(en
l'occurrence
MA2 et LAI)
qui
avaient
les problèmes de qualification
les
moins
sévères et qui
avaient
réal i s é
les meilleures
é
con omi qu es •
4.
Par contre.
(Ians
le firmes
00
les
travailleurs étaient
syndiqués
(en
l'occurrence MAI
el LA2),
les
relations
in(lllstl'ielJes étaient
très
conflictuelles. Ces firmes
avaient

383
fait
l'expérience
de problèmes de Qualification aigus,
et
avaient enregistré de faibles
performances économiques.
5.
Dans
les
Li rme s
sans
s yn d i c a t s ,
le
rapport
de
force
était
largement
du
côté d e s
employeurs
et,
il
n'existait
pas
de
structures de p a r t i c i pu t i on des
travailleurs.
Ces
structure~ existaient paf cuntre clans
les
firmes dont
les
travailleurs
étaient
syndiqués.
C'est
également
dans
les
firmes
syndiquées que
l'Ofl
retrouvait des accords collectifs
incluant
la mise en place de structure de négociation
bipartite
(employeurs/syndicals) pour
J'élaboration des
politiques de formatinn.
Cela confirme
l'argument
selon
luquul,
url
6quilibj"c des
rapports de
force entre partenaires
sociaux cst urIe cc)nllilion à
l'existence de mécanismes de
coordirlution darlS
les syslèmcs de
relations
industrielles
conflicluellcs.
6.
Dans
le secteur de
la machine à outils américaine,
il
était
impossible de
repérer des structures ou des mécanismes
de cuordinati(]n tripartite.
I l
n'existait donc aucun accord
SUI"
un Cadl"e de hase de formation entre
les partenaires
sociaux.
Dans
le cas de
la France,
7.
Peu de variations onl
été constatées dans
les
stratégies de forlnution et dans
le type de relations
industriel Je d'une entreprise à
l'autre. Cela s'expliquait par
le caractère structurel des
relations
industrielles en France.

384
Ainsi,
les employeUl"S
interviewées utilisaient à peu près
les
marnes
stratégies de fornlatiorl
(centt"es publics et privés),
et
ilvuierlt
la nler~e ftttitude vis à vis (les syn[liclltS.
8.
I.e
d~bat SUI'
la
fOI"nlation
s'est déroulé plus à
'extêrieUl" qu'à
l'intérieur de
la firnle.
q.
l,a
persistence des divergences entre
l'Etat et
les
empll)yeurs a (lébouché sur
la
fragmentation du système de
formation
traditionnellement
connu
pour
son haut
degré de
centl'alisatiun.
Les originies ,le cette
fragmentation
se
t r nu v a i c n t
essentiellement dans
(a
création de centres
de
formatif)ll
privés
PHl"
les (JI"garlisations d'employeurs.
10.
A la
fin
des
années
1980,
il
n'existait
t o u j o u r s
pas
(!'acc()rc! sur un cadre de base p()ur
la
formation entre
l'Etat,
les employeurs et
les
t rav a i l leurs.

385
CHAPITRE VII
POURQUOI
les FABRICANTS FRANCAIS et AMERICAINS
N'ONT-ILS PAS EU RECOURS il L'APPRENTISSAGE?
Introduclion
Etlinl
donné
la nature sophistiquée du
travail dans
J'industrie de
la mu c h i n e
à outils.
nous nous
attendions à
voir un gl"and nombre d'apprentis dans
les
firmes
rrançai~es et
américaines
interviewées.
I l n'en
fut
rien.
Le
faible
nombre
d'apprentis
l'encontrés dans
les deux
industries était à
n'en
pas doutel-
l'une des
raisuns centrales de
l'insuffisance de
travail ieUI's qualifiés JOlIS
lu tllesure (JÙ
il
reflétait
l'absence du
savoir-faire
("crart
pa r-e d i gm'")
indispensable à
Ufl ajuslu~lenl
Tllpi(lc aux nouvelles
tecllnologies.
En uutr"e compte
tenu de
leurs connaissances aussi bien
tlléal'igues que pratiques,
des apprentis en grand nombre
auraient
peJ'nli~ une plus grande efficacité dans l'utilisation
de
la s t r a t é g i e de
formation
par
le haut.
En effet,
les
ma t r e ca p p rc n t i s o n t
un
atout
que ni
les
ingénieurs,
ni
les
î
techniciens ne possèdent:
il
s'agit Je
leur expérience des
s y s t ê rne s de
production et
le
fait
que
la
formation des
jeunes
apprerll"is
fait
norma\\elnent
partie de
leurs responsabilités.
La disll'ibuti()n des appl"erltis parlrli
les
fabricants
français et
artl~rjcairls était
lu suivante:
1.
ellsemble,
les douze constructeurs arnéricains et
français aVilielll
selllelllent
23
apprentis
2.
les COllslrucleurs
français
en avaient
dix-sept;
leurs

386
hOij\\o[c)gues a[lléricains en avaient
six
3.
le rlornhre ll'apprentis augmentait avec la taille des
firrnes
interviewées
4.
le futur de
l'apJ)J"erltissage en France et llllX USA
apparaiSSI1it
incertairl.
P'lrmi
les
constructeurs
irlterviewés,
certains ["Hvalent
jarllais eu de
programme de
fOI"nlution
d'apprentis
et
ne
p r ê vu ya i e n t
pas
rJ'en avoir:
c'était
les cas
de SAI
et MA2.
Certains,
cornRle SA2 et
SF3,
avaient
arrêté
leurs
progrulllnles et
ne prév()yuient
pas de
les
redémarrer.
Dans
la firlne I.F3.
la fornlation par
,'apprentissage avait été
interrOlllpue
15 ans auparavant,
IRais
les diI"igeants prévoyaient
de
1:-1
recommencer.
LH
firme
LAI
avai t
un
programme mais
s'apprêtait
il
Y mettre
f .
1 1
ln.
Je
r es t e
des
construcleUl"S
i n t e rvl cwô s
(SF4,
MAI,
MF3,
MF4,
LA2,
LF4)
formaient
des
ilppl-erltis niais à
un Tliveau très faihle.
Ils avaient
l'intention de
les développer.
Ce c i
dit,
au
sein de ce dernier
groupe,
en {lépil
des bonites
irltenlions,
le nombre d'apprentis
n'avaient
guère augrnenté au cours des années
1980.
Le
pa ra d ox e
r-é si da i t
dans
le
fail
que,
en général,
les
fahl'i~arlls fr"ançais el ilfnéricains reconnaissaient que
l'flppreTlli~sage re)}]"éSe'llait
la meilleure méthode de
- - - - - - - - - - _ .
III
nl y avait pas toujours unanimité sur
la suppression des
programmes d'apprentissage parmi
les dirigeants de la firme. Dans
LAt
par
exemple
le
débat
continuait.
Le
haut
de
la
hiérarchie
était coutre
l'apprentissage.
Cependant, dans
les
ateliers,
les
superViSeUl"S et
les directeurs
~e production étaient convaincus
que
le
futur
appartenait
à
l'apprentissage.
Ils voyaient
t r-o l s
problèllies
llans
sa
suppression:
le
nombre
de
travailleurs
qualifiés
de
LAI
diminuait
continuellement;
il
y
avait
donc
de
mo i n s e n moins de
t ru va i Ll e u r s
quu l i f Lé s c a p ab l e s
de
former
les
plus j eu nes : a cause (le cela la force de travail devenait de plus
en
plus
spécialisée.

387
formation.
Qu'est
ce qui
expliquait
donc
le
fait
que
si
peu
d'apprenlis soient
fornlés
et
l'arrêt des programmes
d'apprelltissage par
les
fllhricarlts à
un moment ob
ils
en
a v ai c n t
le
plus besoin?
J.
Insuffisances d'Apprentis aux USA ct
cn France
Au cours
des
u n né e s
1980,
aux USA.
l'insuffisance
(l'apprentis n'~lHil pas un phénomène exclusif à
J'industrie de
la InachirlC à outils.
Dans
l'Elat du Wisconsin qui
constituait
notre
tel"l"ain (le recllerche,
cIe
1970 à
la
fin des années 1980,
le
nnmb r-e d t a p p r-e n t i s
{Lc u t e s
activités
industrielles
co n I o nd u c s } connut
un déci in
remarquable.
Cependant.
ce déclin
é
t u i t
plus
fort
d a n s
Je Wisconsin que dans
le
reste du pays.
Du n s son
rapport de
1986,
le "Wisconsin De pa r t me n t
of
Ln du s t r y ,
l.a bo r
and Human Relations"
(DILHR)
no t a i t
que entre
1979 el
19R3,
le nombre d'apprerltis dans
l'Etat diminua de 40%
alors 4ue
la llloyenr,e nalic)rlale étail de 22%.
En France,

la
formation par
l t app r-e n t i s s ag e a
été
aussi
instable 4u'aux USA,
le n(lmbre d'aPllrenlis
forfilés dans
les Cenll"eS pl'ivés et
publics C(lnnlll
une baisse de 20% de
1970
ft
la
fin des années
1980
(Ed uc a t l on el
p o r ma t Lo n , Numéro
Spécial.
1983;
Repères et Références
St a t i s ti qu e s ,
1989). Dans
les deux
pays,
les baisses
les plus
importanles eurent
lieu
darls
la deuxièlue rnoiti6 des années
1980.
Erl FT'ance comale aux USA,
l'apprenlissage représenlail au

388
cours des années
1980 une partie flégligeahle des activités de
formation rrofessi(Jnnelle.
Dans
l'Etat du Wisconsin, moins de
5~ des ~tudiarlts irlser"ils en forulutiull professionrlelle
~uivaient llne formation d'apprentis
(Vocntional.
Technical
and
Adult Education Files,
unpublished).
En France,
durant
la même
périllde,
ffil)ins de
10% des
jeunes suivant
une
formation
pr"ofessi(lnrlelle
initiale faisait
de
l'apprentissage.
Selon
les
resp(lnsables du système de
formation de
l'Etat
du Wisconsin,
plusieurs
raisons étaient
~
la hase de ce
déclin.
Il y avait (l'aborcl
la récessi()Il économique qui avait
l"édLlit
la
cupncil6 (Je:~ eroJ,luycur"s à
firlancer
la
frll"Rlalion des
apprentis.
Deuxièmemerlt,
le (léclin des
syndicats étail
assimi16 à
1'6r"osic)n (l'Ull
:~ulllien irlstituti(lnnei
important
(Junt a
tl:Juj()ur"s bén6ficié
l'apprentissage.
TI"oisièmemenl,
de
l'ilVis (le
Jlllllibreux e"lpluY~UI"S et
éducateurs,
t'utilisation
cl"oisSflnte (les nOllvelles
technologies et
l'importance des
capacités cugnitives nécessaires à
leur utilisation,
contribua
à
fIOll)irlllril"
l'importaTlce stratégique des qualificati()ns
acquises
PBI- le biais cIe
"apprclltissage.
Erl F'"flllCC.
la réduction de
la durée des
programmes
d'~Plll-erltissugc, l'augrnentatic)n de
l'âge de début de
scolflrisi1licJn.
el
le rejet de
l'apprentissage pal"
les
jeunes,
constituaierlt
les raisons
le plus
souvent avancées
pour
expliquel"
III
faiblesse de
l'apprentissage au niveau national
fEducatic)n el For/llation,
1983).
La
réduction de
la durée de
l 'apP("Ulllissage de
trois à deux ans avait
pour but d'attirer

389
le~ candidaLs qui
lenlJuicnt (le plus en plus à aller vers
d'auLI"cs programmes de
r()rnlation qui duraient au m8ximuln deux
11 n s .
Dans
les deux
pays,
les
raisons d()nnées 8\\1 déclin de
l'apprentissage
é
t ai e n t
insuffisantes
parce qu'elles
laissaient (le cnlé deux é16mcrlts fondalnerltaux:
les callses
institutionnelles et
leurs
o ri g i ni e s
historiques.
Dans
le
cas
des USA,
les
r<-lisons
~nvoquécs aUl'aient été suffisantes si ce
déclin avait
débuté au
cours
d e s années
1980.
En
fait,
il
cumnlença au cours du
19ème siècle
(Elbaum,
1990).
En france,
il
démarra a v e c
l a
Ré vul u t iun
el
la destruction des
CO,"pol'oLiuT1S.
Depuis,
la
rornlali()n pal"
l'apprenlissRge n'a pas
retrouvé Sil
f o r-c e dt u n t a n dans
les deux pays.
Dans
les
s e c t i c n s qui
suivent,
l "o r g a ni e a t ion de
l'apprentissage en FI"once et
aux USA est discutée.
Ensuite,
dans
le cas des USA,
la fjrnle LA2 il été sélectionnée pour une
étude détaillée dans
la mesure où elle concentrait en elle
la
plupart cles prclblèlnes soulevés
lors des
interviews par
les
agents des
institutions fédérale et
locale
impliqués dans
1'(Jl"garlisation de
l'upprerltlssage.
En France,
le cas de
!'AFORP (As~ociati{Jrl P(IUl" la Formation et
le Perfectionnement
du
Persorlncl
(le~ Entl'epri~~s Industrielles de la Région
Parisierlne)
est
chclisi
pour une étude de cas.
La
logique du
choix de LA2 et de
l'AFORP est
la même que
celle qui
Cl
été u t j Li s é e dans
le chapitre précédent
pour

390
,'étude de~ rapports entre flJrmatiofl professionnelle et
relations
industrielles.
En effet,
aux USA., malgré
l'existence
de
s t r-uc t u r-e s
it
vocal ion
central i sa t r i c c au
niveaux
fédéral
et
local,
1 "ep rire n t i s s a g c
est
très d é c c n tra l l s é
et
financièrement
dépc[]{],lfll
{ll~s elflpllJyeurs.
PUI'
ClJflS6yuCfll,
pOUl'
comprendl"e
tes
p ro bl êmc s
liés
il
la
formation
des
apprentis,
la
firme
c()nslitue
la lncilleUI"e UTlilé d'analyse.
Fn FI"arlCe,
plllS de 70% (les programmes de
formation des
appI"entis sont orgarlisés
par
les
centl"es privés gérés par
les
flss(]cialions
1!'Crnjl!oyclII"S cl
les
ctlambres de commerce sur
la
hase {l'url 11CcrJI"d sigrlé uvec
le Ministre de
l'Education
(Repères
cl
Références Statistiques,
1989).
(Les
centres
de
Lo rmu t i on
des
ap p r c n Li s
s on t
a ppe l é s
CFA,
Centre de
Formation
d c s
Ap p rc n t i sl . Donc,
e n France.
t t u n Lt é
d'analyse doit
être
le c e n t r e de
I'o rmu t i o n ,
non
pas
la
firme,
même
si
la décision
de
formel' des a p p r-c n t i s
vient
d'elle.

391
TI.
Apprentissage el
Insuffisance de Travailleurs
Qualifiés ~ans les
industries américaine et
française
de
la machines à outils
Il.1.
I.c C.us
dc s
USA
I.e Schélll~l 1 mUTltrc
la
stl"Ucture du
système
d t a p p r c...u t i s s a g c aux USA.
Au niveau
fédéral,
,'outil
de base du
GouvcrnClllen[
est
le Nati(lTlal Apprenticeship Act ou Fitzgerald
Act de
1937.
l,'objectif de ce
texte
légal
est de promouvoir
\\'élah()J'ation des
starillarcls et
leur respect à
partir d'une
collaburatiun
e n t r e
l'Etat,
les
structures de
formation,
les
travailleurs.
cl
(cs employeurs.
Cc
~ctl~lrja
irldiquc {~ualJ'c rliveaux dUTIN
la structure du
le
niveau de
t'Etat,
le niveau
l o c al ,
ct
Je
niveau de
ta
Lt rme
individuelle.
L'absence de
ligrlcs d'alltl)rit6 clairenlent définies entre ces différents
niveaux (lOnT1C au systèole aOléricain
les apparerlces d'un non-
~ystèJl1e.
I.c
Bureau of Apprenticeship Training
(B.A.T.)
est
la
structure pI'incipale du système américain de
formation des
a p p r c n t i s .
l l administre
l'apprentissage au niveau national
et
est
SflUS 1'1Iutl)rité du Secrétaire atl Travait
(Secretary of
l.aborj
q u i
r c p ré s c n t c
le
Gouvernement
fédéral.
Cependant,
le
DAT fl'a qu'tlTle
faihle autlJl'ité SUI"
l'oJ'ganisatioll de
l "a p p r e n t i s sa g c déHIS les différents Etats malgré sa
présence
darlS
ctlBClJIl ll'~llX en
tant que strtlctul'e 11ctive du Département
du TI"avail
("Depnrtlllerlt of Labor").

392
Schéma 1: Structure du système Américain de Formation des Apprentis
lJ.S.
Department of
1--
Secretary of Labor
Laber
Bureau of
Federal
Apprcnticeship
-
Comittee on
Training
Apprenticeship
29 Ela ts ayant des
22 Etats ayant une
sIructurcs
strucr Il re
indépcndantes
représentative du RA.T.
StmcnIres locales
Structures locales
pour la formation
pOUf la formation
des ilpprentis
des apprentis
Employeurs
Employeurs
SUU!: hr.iWj /}]J

393
Le RAT 61ablil
Il:S
normes nalionoles pour
la
fOI"malion
des BllpI"erltis
et
S';lssure de
leur
resp~ct au niveau des Etats.
Cerendarll.
ces normes Sl)rll
&1
g~n~l'ales
qu'elles
permettent
loul~ slJrle d',ljusLemenl au niveau (les Etats. Dans ceux où iJ
n t e x i s Lc p a c d'institutions
responsables de
l'organisation de
l'apPI"elltissage,
c'est
le BAT qui
s'en occupe.
Vingt-deux
Etals ertll"ent dans celte catégorie.
La
réalité est que dans de
tels eus,
le r6le dll BAT est
symbolique dans
ta mesure où il a
très pell d'influence SllT
les progranlmcs d'apprentissage en
général ()l"ganisés par les errlployeurs
iTldiviJuellernent.
Dans
les ~t'lts ()~ il
existe un système d'apprentissage,
te BA'j' n'irltor"vient
pratiqucrllent
I)as.
Vingt-Ileuf
états peuvent
êtl'C cll\\~is6~ J'lns cc grl)UIJC (Junt
fllil
pllrtie
l'Etat {lu
WiSCIJrl~irl IJÙ
l'enquête a
été nlen6e.
Les
illterviews menés auprès des
responsables du BAT dans
J'Etflt <Ju Wiscl-lnsin ont
révélé que au
cours des dernières
antlées,
s()n l'ôle a
ét~ {le stimulel' la cr~ation de structures
ind6pcflJ/lfrtes capl!bles d'a(]lllirlistl"er
l'apprentissage au niveau
(los états et Je rélluire
J'implication (léjà faible des
aut ori t c s
f é d é i-ul c s .
Ainsi,
de
1<:178 à
1984,
le s t a f"f employé
pal"
le RAT Jans
les (liffél"Crlts étals a cunTIU des
réductil]TIS
allant de
IO~, tt 75% (interview avec
le BAT,
1989).
I"c Sl;tl~llla 2 irltrl)Juit
la structure (lu systè,ne
d ta pp r e n t i s s a g e de
l'Etat du Wisconsin.
Le Bureau or
App rc n t i c c s h i p Standards
(BAS)
établit
les normes et décide

394
(les rr16tiers qUI
peuvent ou qui
ne
peuVeIlt
pas
faire
l'objet
d'une
format ion par
l t a p p re n t i s s a g e ,
sur
la
bases des demandes
qui
peu\\'ent ~Lrc int'"oduiles pal"
les
syn<!icats,
les
ernp l oy c u rs, ,
o u
d o s
x t r-u et urcx
imp l i qu é es
dans
'administration
de
111
format ion
p r o Le s s i onnelj e •
En
aULT"C,
le BAS
assure
le
suivi
de
1 "a p p re n ti s s n g c
grâce à
une procédure
formelle
ù'enl"cgist'"CIIICnl
("jnllentu,"e proccclure").
Le BAT,
en
tanl
que
slrucluT"C
reclél"ale,
n'intervient
ni
dans
les décisions
concernant
les
a u t o ri s a t i o n s d'utilisation de
l'apprentissage
pour
les métiers,
III
lors des
procédures d'enregistrement.
Le
système de
format io n p r o I c s s i o n n cl Le de
l'Etat
du
WiSCC)rISin
esl
(livjsé crI
16 (ljstrjcts qlli
lléfjnissent
leurs
besoins en
format ion et opère avec u n e grande autonomie vis à
vi~ des irlstitutilJns cerltl"ules (Put'is,
1975).
Une
fois que
les
nOI"mCS corlccrnant
la
fOrtllaticln des apprentis sont
établies par
le RAS,
chaque district a
la resp[)nsabilité d'organiser ses
formatiorlS
en pal·tant (les besoins
locaux qui
sont déterminés
par
les employeurs.
T'héo r t quemc n t ,
les besoins en apprentis doivent
être
c x prlmé s
pur
les
empl o y eu rs
à
'irltérieur des
"aclvisol"Y
CUIIJJllittces"
qlli
:iorlt
(les
structures paritaires
pOI"ticipatives
2
i n t e r'ne s aux centres de
formation
pu b l ics.
Dans
(a
pratique,
,'l.t.' s ys t ê me de formation professionnelle de l'Etat du
Wiscurlsin est
(livisé efl
16
districts qui
bénéficient d'un
haut
degré dt n u t onom i e
vis ù vis des
structures
centrales de
'Etat
(voi,- Pill'is,
lq75).
Sur
le
fonctionnement
des
"AdvlSOl"Y
Committees",
voir
l'I1nnexe.

395
tes el~pIIJyeul's qui ont en général
rejeté
toute participation à
ces "advisory corllrnitLees",
SIJUmettent
indivi(luellenJent
leurs
beSl)ins aux (Iirecteurs
des centres de fOI"maticln,
ou
(en allant
plus llftul 11;IOS
la 11i6rllrchic) aux
responsables (lu système de
'Flat,
(Jll
(lll
BAS.
Tl
n'y a que dans de
très
rares
s~clellrs éCOn()Oliques comme ceux du
bâtiment et de
l'irnpI'iuI81-jc,
que
les
bcsoirls erl
appreTllis
des
firmes
sont
syslérllotiqlJCment
centralisés PHI" des comités
("joint
apprenlicestlip comnlittees")
qui
existent
aussi
bien au niveau
de
l'Etal
que ùes districts,
et ensuite
transmis aux centres
de [ornJatic)n.

Schéma 2 : Organisation de la Formation des
Apprentis dans l'Etat du Wisconsin
Dcpartmcnt of 1ndustry,
Laber and Human
Resourccs (D.I.L.H.R.)
Apprcnticcship
Bureau of
Advisor
f--
Apprcnticeship Standards
Concil
(BAS.)
16 districts
Secteur
Autres Secteurs
du
(y compris l'Industrie de
Baûment
la Machine Outils
Joint
apprcnticcship
ln-plant Cornrnittecs
ccmminces
Sources: interviews, /98U, /990

397
I.e
crlfltr"61e qtlU
tus errlpl[)yeurs arn6ricains exercent sur
Je
sysl~nle (le forlnRtion est li6 A SOll caractèl"e décentralis6.
I.eur"
r~le est bier! I"6slJmé par les llropos sujv~nt d'url melnbre
de
l t u dmi n i s tre t i on
du
système
de
Lo r-ma t i on :
"Nous
faisons
ce
que
les emp l n yeu rs veulent
que nous
fassions",
Cette capacité
de ~c)ntr61e des elnplclyellrS est également
lié au fait
qu'ils
a s s u r-e n t
la rnajnri lé' du
financement
de
la
formation
des
apprentis.
Il
faudrait
même
ajouter que,
dans
le but
de
réduir'~ HLI IllBxirrlum
l'irlgérence de
'Etat
la
formation de
leurs
app rcn t i s ,
ils
évitent
toute dépendance
financière
vis à vis
de ce clernit:r
AillsÎ
l'Etat
fixe
les
normes.
Les districts élaborent
l c u rs
p r op re s
programmes
t héo r Lq ueme n t
sur
la base de ces
IllJrlfiCS.
fIl
g&né]"al,
ces
prrlgrllmmcS n'ollt
pas
été
'objet d'une
né g oc i a t i on préalable entre
les
employeurs et
les
travailleurs.
Ils
sont
élaborés
par
les
employeurs en
fonction
de
leu]"s besoins.
Pourqucli
donc
les employeurs américains,
et
ceux (lu
s~ctellr de la machine à outils en particulier, n'ont
ils
pas
profité de
leurs
capacités à
contrôler
le
système pour
forlller (lc~ allprûntis en nombre suffisant?
,'En 1989, l o rs d'une con f é r ence qui portait sur la formation
des
apprentis
dans
le
secteur
de
la
construct ion,
les
représentants du
système de
format ion de
l'Etat
suppl i a i e n t
les
cmpl o y e urs
de
déposer"
leurs
cu nd i d a t u re s
pour
l'obtention
de
fonds p r
v n s par
les
institut i o n s pour
L' u p p r e n t i s s a g e . Au cours
é
du débat,
pas
un seul
employeurs
ne
répondit
à
cet
appel.
Ceci
constituait
un
cas
typique
d'exclusion
de
l'Etat
par
les
employeurs.
Rn
effet,
pour
les
employeurs,
accepter cet
argent
signifiait
j"especter
les
pr()cé(lures
d'enl"egistrernent
des
apprentis,
et
le
r e s pe c t
d e
la
loi
sur
1'''Equal
Emp l o yme n t "
qui
exigeait
Ir:
recrutement
d'un
po u rc e n t a g e
précis
de
Minorités
(Non--Blllncs)
dans
tous
les
prl)granlmes d'UppI"entissage.

398
Deux I"uisuns éLaient à
la base de
leurs attitudes.
Pr emi è r-cme n L.
L'u p p r e n t t s s a g c étant
le
domaine de
la
formation

i
ts
été
t
cl
t
és
t
l e s
s y n d
c
a
o n t
r a
d
L t
L o
n n
L c t n c
n
l e
p l u s
p
r
e
n
s
,
une rél1uetiCln du
nombre d'apprentis
correspondait
en même
temps
a leu!" a f La i bl i ss emc n t • Deuxièmement, comme nous le
verrelns ci-après,
le non-respect
lies narInes,
lois
et
r~glenleflts, pCT"nlis aux employeurs de réduire leurs coOts de
format ion.
l.'absence (le
contrflintes et
de sanctions obligeant
les
emp l o y c ur,... il n p p l i q u cr
les
règles
relatives
à
l'apprentissage
&tabl ies au niveuu lies Etats ct aLI niveau f6d6ral
c()nstitue un
(les tlarldicaps rnajeurs (lu systO,ne d'alJprenlissage américain.
Ce
handicap c x i s t ai t
d&jil uu
cours du
l ûèm c siècle
(Ef b a um ,
]990;
.Ia cob y ,
1991).
DflllS
l'Elal
du Wisconsin,
le BAS était
incapable d'amener
les emplrJyeUI"S à
respecteI"
les principes élablis.
Trop
d'Clllployeurs ntitutarisaient
pas
leurs apprenlis à assister aux
CfJUIS de
Furma t i on
t h éo rLq u c s
qui
avaient
lieu dfUIS
les
Cenll"eS Ile
flll'rliation,
J"emellant ainsi
en question
l'UTl des
prlrlClpcs (Je
lllise {le
\\'allcrTlance.
Lc s
î
orma t i on s d'apprenlis qui
avaient
lieu au moment de
c e r t e
recherche
t e ndn i e n t
à
Ile
pas
faire
l'objet d'un
c n rc g i s treme n t ,
tel
que cela était
exigé par
la
loi.
Cela
<tonnaienl aux eml,\\oyeUI"S une grande marge de
liberté dans
1 "o r gu n i sn t i cn des
f o r-mn t ions.
Selun
les enseignants d'un

399
centJ-e.
(Je
nombreux apprentis recevaient des rémunérations qui
étaient
inférieures all nlirlinlUII\\ prévll par
les
textes.
Ce
lilinililulii
,levait
atteindre 50% (iu
salail"e d'un ouvrier qualifié
ayüIll
lel-nlirl~ sa
fUI'nlllliall
d'upprerlti
Ce t le
tendance à
la
S()uS-l"érlllln61"llliOII (les apprerltis était
favorisée au cours des
années
1980
par
'affaiblisselnent
des SYTldicats qui
perdirent
une
bonn e
part le de
leur
ca pa c i té à
contrôler
l "c xé cu t i nn des
clauses corltenues darlS
les accords collectifs
(interview avec
l'lM!.
1990).
En
Le i t ,
"érosion du
rôle ries
syndicats
dans
'adnlinjstr~tioT\\ de
'flpprentlssage n'u
fail
qu'augmeTlter au
cours de années
1980.
El le commença au
tournant
du siècle avec
la nl6callisation {les
pl'ocessus de
p,"oduction,
la spécialisation
c r oi s s an t e des
t r e v ai l l eu rs ,
et
les s t r a t
g i e s man a g
é
é
r i a l e s
visant <i
remettre e n q u e s t i on
le contrôle des
syndicats
sur
la
formation (les
travailleuI"s qualifiés.
Au cours des années
1980,
dans
le secteur de
la
métallurgie,
l o e employeurs américains préféraient
recruter
dans
leul's PI"ogI"anImeS d'apprentissage des candidats qui
aVI~ient déj~ qllelques connaissllnccs techniques et une eertaine
expérience p rc Lc s s i o rm c Il e .
Ainsi,
de
plus en plus,
les
c~lndidals fl l'Ilpprenlissagc élaiellt déj~ soit (Jétenteurs d'un
diplôme
pI'IJfessiollTlel,
rJu de certaines conrlaissances
techrliques.
DtlTls
l'EtAt (lu Wisconsin,
environ 80% des
candidats à
une [ormiitirJTI d'apprentis daTls
le secteur de
la
métallurgie av a i e n t
déjà suivi
une
formation
professionnelle

400
(interview avec
le BAS,
1990).
Sur
le court
terule,
une
telle politi4ue de recrutenlent
des apprentis
réduisait
flan
seulelnent
la durée de
l'apprerllissage,
mais également
tes
investissements en
formation des cnlployeurs.
En effet,
les
candidats
recrutés
étaierlt
libél"és de certaines contraintes dans
la mesure où ils
étaient autorisés à suivre seulement
144 heures de cours
théoriques au
lieu des 400 heures normalement
requises.
Ceci
corlstitllait
un
problènle dans
la mesure où de
tels candidats
n'Etaient
en
fait
que partiellenlent
formés en
tant
qu'apprentis.
Au
cours
des
années
1980,
des
emp]()yeurs Llti! isaient
égalerrlerlt des métllodes de
job-posting pour recruter (les
candidat~ à l'apprentissnge ensuite formés sans
enregistl"ement.
Enfin,
les empillyeurs
cOTtfrontés à des
difficultés
financières essayèrent
(avec succès dans certains
cas)
de r"emett)"e en question
le principe de
la rémunération
des heUI"es passées par
les apprentis lians
les centres pour
leut"
forlnatiorl
théori4ue"
Ils
trouvaicTlt que
les
salaires
payés aux apprentis étaient
trlJ!l élevés.
En (l6pit cIe
l~ur abilit6 à
COlltourneI"
les
règles
organis~nt la forlllati{)n des apprentis,
les emplr)yeUl"S
continuaient à
irlsister sur
la nécessité de
1 inliter
l'influence rIes syndicats
sUT
cette
f{)rmation.
De
l'avis des
constructeurs de Inactlines à outils
interviewés,
ces derniers

401
étaient
trup
impliqués dan:'>
l es
décisions
concernant
la
formation (les apprentis.
1 l est vr~i Que dans
les
firnles oa
il-;
6laicflt
présents,
les
synrlicats avaient
,"6lISsi à
faire
figurer
dans
les a c co r ds collecUfs
(mais
pas
toujours à
faire
respecter)
le
ratio
travailleurs
qualifiés/apprentis.
Au niveall
fé(lérfl!,
les centrales
syndicales étaient
repré~cntées dans
le Federfll
Comnlittee on Apprenticesllip qui
est lifte sL\\'uclure pal'ituire.
Ali
niveau de
l'Etat
du Wisconsin,
les cenlrtlles ainsi que
les SYfldicats de branches étaient
représentées dans
le Apprenticeship Advisory Council à
structure également
pari laire.
Sur
les
J i e u x de
t r a va i l ,
les
syndicats étilient
supposés participer aux conlités
internes
("in-plaflt
cf1nlnlittees")
S'(ICCupant
des questions
relatives à
l'apprentissage dans
la
firme.
Que
f,tisaient
les représentants
syndicaux dans ces
(lifrG,"entcs structllres?
Leu]" 1-6)e y était
en
fait
très
Iinlite.
Il
n'jncluait
aucune !Jarticipation aux décisions ou aux activités de
formation;
il
était
essentiellement
co n s u l t a t i f.
Le
Federal
Committec Ofl Apprenticeship
jlJuait norlilalement un
rôle de
c{)nscil 1er vis à
vis 11u directeur du
BAT.
Cepenclant,
ail cours
des dix c!crfliùl"eS tlflllées ce clJmité n'a eu aucune
influence sur
les activités du BAT.
l l se réunissait
seulement une
fois
l'an
(interview avec
le BAT,
1989).
Dans
les états,
comme cela se
passait
(lilf'S
le cas du Wisconsin,
le Apprenticeship Advisory
Council
joualt
le
rôle de conseiller auprès du
directeur du

402
BAS.
Au niveau de
la
firme,
il
existait plusieurs obstacles à
une
influence des syndicats sur
l'apprentissage.
Premièrement,
la majurité des
firnles
(plus de 68% selon
les responsables du
BASl
impliquées dans
]'apPI"enlissage n'avait
pas de syndicats
(intcI'view avec
le AAS,
1990).
Dellxièmement,
la
création de
cornit6s
irllel-Jle~ Tl'était pas obligatoire. Ces comités étaient
sensés prenc]re en charge
toute négociation relative à
la
fOI'lllulion des apprentis.
lnais
n'étaient
pas
reconnues par
le
BAS.
Pal"mi
toutes
les
firmes
interviewées,
seule MAI
prévoyait
d'introduir'e une stl"uelure paritaire
(dirigeants/représentants
syndicaux)
sur
l'apprentissage.
En I"ésurné,
au cours des années
1980,
les employeurs
étaieTlt
essentiellement
préoccupés
par une réduction des coOts
de
formation des apPI"entis.
Ils avaient
les moyens de
le faire
à
cause de
J"absence de mécanismes
les
forçant
à
respecter
les
règles d'organisation de
l'apprentissage,
et
à
cause de
la
faiblesse des syndicats.
J.{)rsque
les apprentis 6taient
formés,
ce qui
irltéressait
les employeurs
par dessus
tout
était
de
savoi~ s'ils seraient capables après leur formation de remplir
une positioTI sl,6cifique.
Le
cas de lJA2 discut6 dans
ta section
suivante est
une bonne
illustration de
l'argument
scIon
[e4ue1,
(]~lrl~ les systè~les Ile relations industrielles
c(Jrlrlictu~[:j, lu d{)loinlltion (le
la
formation par
les employeurs
conduit à (ies stratégies de Qualification planifiées sur
le
COllrt
terme et
ajust6es aux
fluctuations
[Ju nlarché.

403
Le ens Je
la firme LA2
Er\\ ce qui
cancer"ne srln llistorique,
ses activités.
ses
dé c i s i on s
d'investissement,
ses
problèmes de qualifications,
et ses Cll(lix Je strat~gies de
formation,
le lecteur est prié
de
se
re po r t e r au c ha p i t re
sur
la présentation délai 1 l ée des
cas.
Au rlébllt
Je ses uctivit~s, I"A2 avait un programme
d'apprentissage. Les nlécanismes de pl'Ise des décisions
relatives à
la formation des apprentis étaient
très
rudimentaires.
l.es JiJ'igeanls déterminaient
intuitivemetll
le
nombre d'apprentis (iont
la
firme avait
besoin.
Ensuite,
[es
travailleurs
qualifiés
les
plus
âgés
se
voyaient confier la responsabilité de farrner
les apprentis sur
une durée déterminée.
Cela consistait
essentiellement à
faire
passer
[cs flpprentis
dans
les différents ateliers de
productiofl.
I.'()bjectif était
d'ameneI"
les apprentis à
se
f a mi l i a ri s e r
plus ou moins avec
les différents équipements de
produclion afin d'atteindre une certaine polyvalence.
Cepenclant.
la
I"otation des apprentis dans
les différents
aleliers était ()rganisée plus en
fonction des espaces
libres
dans ces atcliet"s qu'en
fonction d'une organisation
rationnelle des
programmes de
formation.
En outre,
il
Il'existait aUCllne prrlcé(lure d'évaluati()n des connaissances
acqllises pal'
les apprentis.
AlI C()llrs des années 1960, après une
i{!entificalion des

404
raibles~es du système, de rlouvelles procédures furent
introduites.
El les consistaient en une meilleure planification
des
PI"IJgI"8InmeS,
et url Slluci de
répondre aux besoins de
chaque
apprentis.
Egalement,
les
formateurs
furent
sélectionés de
façon plus stricte.
et des outils d'évaluation des programmes
furent
mis en place.
La deuxième moitié des
années
1960
fut
caractérisée
dans
le secteur de
la machine à outils par un accroissement
de
l'ernplui
inrluit par une [(}rte demanr!e de
la clientèle.
Cette
période fut celle de
la deuxième transformation de
la
stratégie (le
fl)rrnation de LAZ.
Les dirigeants de
la firme
considéraient
que
la
formation
des apprentis
en quatre ans
était
trop rigide et
longue pour satisfaire ces besoins
ilnmédiats erl
travailleurs qualifiés,
compte
tenu des
pressions
du
marellé.
En effet,
durant
cette période de booln dans
le
secteur,
le recrutenlent
se
faisait
A un rythme si
intense que
les
travailleurs
sélectionnés devaient
être
formés
très
rapidenlent.
Il arrlva un moment où LA2 embauchait
toutes
les
trois
sernaines.
En réponse à
cette situation,
la
firme
développa un
programme de
formation spécifique par
lequel
chaque
travailleur était
forlné pendant quelques semaines à
l'uti lisuti(]n (J'une
seule machine.
,"'apprentissage orienté
vel"S
la polyvalence devint un objectif secondaire.
Les
apprentis étaient dorénavant
formé pour un seul
poste el avec
des responsabilités bien délimitées.

405
l,es ()bjectifs de
POlyvlllence
fur~nt abandonnés car les
(lil"igeaTlts estimaient que chaque travailleur
formé aurait à
travuil 1er à
plein
temps
sur un aspect
spécifique du processus
de
production ClJlnple
tenu
de
la demande pressante des
clients.
Au
cours
de
cette
période,
LA2
forma
donc
une génération
d'apprentis spécialisés.
Cela constituait un exemple
type
cl'adllpllllian de
la
f(Jrmation des apllrentis aux fluctuations du
rnal"ctI6.
Le
ccrltre de
fornlutiun de LA2
fut
créé au
cours de
cette
période.
Ce centre étilil
plus ou
rnoins
isolé des activités de
prodllction C()UI"llnte et
équipé de vieilles machines.
La durée
de
la
[ol"lllation dans
le centre
était
subordonné au
processus
(Je recrulenlent.
Ainsi,
penflant
la période de prospérité du
secleur,
tes
travailleurs nouvellernent
recrutés passaient
quelclues seln~ines dans
le centre de
formation pour être
ensuite J"elllplac6s Pill" de nouveaux emb~uchés. Au cours de ces
quelques selnaines,
seuls
les
connaissances minimum nécessaires
à
l'exécutilJn {les
tâches étaient
enseignées à
savoir,
la
lecture des schémas de machines à
fabriquer,
l'outillage des
m~chines, et quelques autres techniques de base. Dans
la
mesure o~
les dirigcHllts considéraient que
la firme disposait
en son sein des
fOl"rIIRteurs,
des mllchirles,
et des salles de
classe Ilécessaires à llne bonne fornlRtion des
travailleurs,
ces
derniers TI'étaient
pas envoyés dans
les
centres de fornlation
publics.
Ail cours des années
1970 et
1980, on assista à
un déclin

406
de
la demande de nlBchines à OLltils.
La production de LA2
suivit
la même
tendance.
Le
centre de
formation
ferma
ses
portes en
1982.
En outre,
la
fOI"mation des apprentis
fut
consiclêr"ableOlent
r6duile. l.es dirigeants
s'appuyèrent
sur une
clause de
l'accord collectif signé
par
les
syndicats pour se
désengager
de
l'apprentissage.
Selon cette clause,
en cas de
l i c e n cl eme n t ,
ce
s o n t
les
travailleurs
qui
ont
le moins
d'arlcierlnelé qui
devaient
êtl"C ciblés en premier.
Parmi
ceux-
ci.
11 y avait
bien entendu
les apprentis.
Ce n'est
qu'à
la
fin
des années
1980 que
le
syndicat
et
les dirigeants
de
la
riTnle.
tirarll
un bilan négatif des cons6quences de
l'application de ce t t e clause,
modifièrent
l'accord collectif
en
intro(\\uisant
une clfluse par
laquelle
les apprentis devaient
êt'"c prolégés cn cas lie
licenciements
liés à une baisse des
performance."> de
la firme.
L'introduction de cette nouvelle
clause 6tllil également
1 iée à
l'arrivée d'une nouvelle équipe
de dirigeants qui
croyaient
cn
la
formation et voulaient
en
faiI'e
urie priOI"ilé.
Après
Ifl
fermeture de son centre de
formation et
pour
réduire
ses coûts de formation,
LA2
introduit
une méthode de
formation
individualisée ct
informelle.
Cette méthode basée
sur un
prlJCeSSUS
inter-actif a déjà été discutée.
Ici,
nous en
pr6serltlJflS
les grands
trflits:
-
des
I"eeommandations étaient
faites par
les supérieurs
pour chaqllc
lravailleur à
former
Ics
travailleurs devaient apprendre par eux-mêmes en
conlmUllicant
entre eux au eOUI"S des activités de
production,
et

407
le~ ]"essources 11umaines permettant (]'assllrer le bon
déruuiernent de cette formation devaient venir des
ingénieurs
l
d
t
c o m m e
e
a c l m c n
,
e
s
c o n
r - c - c m u
î
t r e s ,
e t
d e s
c
o
l
l
è
g ue s
-
ce prucessus
intel"-actif devait avoir
lieu dans
le
cadre {j'une organisatIon cellulair~ {lu travail.
Cette
nouvelle approche appelée cross-training avait
pour
objectif de
confier aux
travailleurs,
en
plus de
leurs
tâches
de pl"oductilln.
un
r61e de
rorlnateur.
En plaçant des
travailleurs ayant des savoir-faire dirférents dans une même
cellule de production.
les (lirigeants attendaient d'eux une
cerlaine coclpératiutl dans
le cadre du
travail qui déboucherait
sur lin apprerltissage sur
le
las
et
sur une
force de
travail
polyvalente.
Au moment de
l'intervÎew,
lu méthode du crOS5-
tT"uinirlg ne dUllnait
pas encore de résultats satisfaisants. Les
travail leurs ne savaient pas comment
S'y prendre.
Lursque
la rnéthude du
cross-training fut
introduite,
LA2
avait déjà l!ffaibli
sa
forrnation d'apprentis.
Avec
l~échec de
cette nouvelle méthode,
les dirigeants réalisèrent que
les
qualifications et cO~lpétences qui
l'~sultaient d'une formation
par
l'apprentissage en quatre ans ne pouvaient pas être
assur&es pllr llne simple formation pdr cross-training.
De ce
cons lat vinl
111 d~cision de redémarrer
l'apprentissage. Au
momen t de
la recherche,
cela n'avait
toujours
pas commencé.
Quelle a été
la response du syndicat à ce que
l'on
pourrait appeler
la quasi-~limination de
la formation des

408
apprentis (Jans I.A2?
1"0 syn{licat,
l'IAM,
contribua probablemerlt"
i n v olrm t a i r-e me n t
à
c e t t e destruction.
Dans
son
document
interne sur
l'apprentissage,
le
syn<licat s'opposait
à
toute
utilisation des apprentis sur
la base des principes de
Ll e x i Li t
de
la
force -de
travail.
Il
était
pour que
les
é
a pp r e n t i s
soient
placés à des
postes de
t r av a l 1
fixes
et
bien
définis sans rotation.
Le manuel
sur
l'apprentissage du
syrll]icuL
("Apprenticeship Poliey ManuaI!')
disait en effet
ceci:
"Nous
SOlnmes convaincus que nous devons autant que
possible -
tout
en respectant
les nornles de
l'apprentissage -
aider
les employeurs à
réduire
les coUts de
formation.
Une
formation spécifique de s
travailleurs pour
l'exécution des
tâches pt"ésentes de
la
firme
constitue une
façon de
le faire l l
Is.d ..
p.17).
En flc!l)pLant une
telle orientation,
le syndicat avait
pour
objectif {Je linliter
les
capacités de
la direction à
contrôler
l'()rganisHLion du
travail
par une rotation
fréquente du
personnel.
cependant,
une
telle attitude de
la part du
syndicat
]-emettait en question
l'un des objectifs
fondamentaux
de
l'apprentissage,
à
savoir
la
formation de
travailleurs
polyvalents. Donc,
dans
les
faits
le syndicat
et
les
dil-igearlts s'ÛI"ierILèrent vers urie l"enlise ~n question de
l'apprentissage
traditi()nnel
bien que pour des raisons
totalement di f f é r-e n t e s • Pour
les dirigeants de LA2,
la
spécialisation des apprentis devait
permettre d'exploiter au
Inaximum
les opporturlités qu'offrait
le marché et de réduire

409
les
c uû t s
de
formation.
Pour
le
syndicat.
elle avait
pour
objectif d'éviter
le
cun t r-ôl e
de
l'organisation du
travail
par
les dirigeants Je
la
firme.
Ainsi,
l ' introduct-ion de
la méthode du
cross-training
fut
combinée à
un
projet
pour
une
nouvelle
forlne
J'apprentissage.
Les dirigeants de
la
firme
s'apprêtaient en effet à
introduire
un
apprentissage pur module qui
devait s'étaler en principe
sur (Jeux ans.
Il
s'agissait par cette nouvelle
formule de
{livisel"
le pfclgrumme (les
flPPI"enlis
plusieurs parties
(Inodules),
chacllne (t'entre
elles devarlt
correspondre à
une
corrlpétencc (lU ê
une fUlni Ile de
compétences.
La progression des
apprentis
serait donc basée sur
l'assimilation de ces nlodules
selorl urIe séquence donnée.
Avec cette formule
l'essentiel
de
la
formation d e s apprentis devait avoir
lieu sur
les
lieux de
travail
jllllt6t que JarlS
les
centr~s <le formation.
I_e syn([iEat
s'oppo~a à
cette nouvelle
formule en
laquelle
ils Vil"Cot
un
renforcement du
contrôle des dirigeants sur
la
fûrlnatil~n Iles ~pprentis. Selon
le syndicat,
cette
formule
donnerait aux employeurs
la
liberté d'ajuster
la
formation des
apprentis ~
leur planning de
production.
En effet,
compte
tenu
<lu
fait
qlle
la durée J'un programme de formatiorl d'apprentis
ne serail plus
fixe.
mais dépendrait de
la réalisation des
nloJules
(bien qu'une Jurée de deux ans soit
prévue),
les
dirigeants de
l n
firme auraient
la possibilité de ralentir ou
d'acc~16J'er cette formation à leur guise, et de bénérier ainsi
de
la présence d'une force de
travail
qu a l i I i é e et bon ma r c hé ,

410
Cependant.
le syndicat
était
trop faible
pour
imposer son
point de vue.
Selon
les
représentants
syndicaux
interviewés,
il
était
fort
probable que
la firme
s'orienterait
bient6t vers
une
formation des
apprenti~ par la méthode des modules,
si
l'apprenti~sage était
relancé.
Le ca~ de I.A2 Rlantre comment
le contrôle de
la formation
des apprcrltis
par
les dirigeants a conduit à une subordination
de celle-ci aux pcrfornlances à court terme de
la firme et à
l'exclu~ioIl du
syndicat dCfi décisions concernant
l'apprentissage.
La stratégie des
dirigeants de LA2
a
également 6té llnc callse de pénurie de
travailleurs qualifiés.
I.e
cas de LA2
n'était
pas unique bien que
le
plus
intéressant
ne
serait-ce qu'~ cause de
la capacité de ses
dirigearlts A retracer
l 'histoire de
la forlnatiorl des
tl'üvailleurs darls
la firme.
l,'évolution de
l'apprentissage
dans I.AI
était
similaire à ce qu'elle avait
6té dans I.A2.
La
différence était
qu'à
la fin des années
1970,
LA1 avait
été
capable d'exclure
le syndicat,
l'IAM,
des
lieux de
travail,
é
I im i na n t
nin s i
l'obstacle
le plus
important à
un arrêt
total
de
l'appi-cntissage.
Un certain nonlbre de questioT1S s'imposent
compte
tenu de
ce qui
précède.
Si,
au cours des années
\\980 et
compte tenu des nouvelles
tecllrlologies,
les
fabricants américains
reconnurent en
}'apPI"entissage
la mét~lode la plus complète de formation des

4 1 1
LI"C1Viti lieurs.
pourquoi
n'en
ont-Î 15
pas
formé
plus?
P()urqu()i
les syndicats et
Ics employeurs américains ont-
ils été
irlcapables depuis plusieurs décades de résoudre
leurs
divergences à
propos des questions
relatives à
l t ap p r e n t i s s a g e ?
Enfin.
pourquoi ct
comment
les syndicats ont-ils réduit
ou augmenté
les
possibilités d'une relance de
l'apprentissage?
Au cours (Ill 19ème siècle,
et
plus particulièrement au
cours de
la période d'industrialisation.
le débat
américain
SUI"
l'apprentissage opposa
la demancle des employeurs pour un
contl"ale exclusif de
l'tlpprellLi~sagc à celle lies syndicats qui
étaient p our une
impl Lc e t i o n de
l'Etat dans
l'administration
du système.
Des délai 15 co n c e r ne n t
cette opposition
figurent
dans
le Cllllpitre sur
l'émergence des systèmes français et
amé r i c al n de
formation
professionnelle.
Au COUI'S de
la
deuxièlBe (lécennie du 2(lème siècle,
la Téalisation (l'un accord
entre
l'Etat,
les emp l o ye u rs ,
et
les
syndicats sur
la co-
adlrlinistl"cltilJII de
ln fllrnlatiun des apprentis ne mit pas
fin
aux divel"gences erltre enlplüyeurs et
syndicats.
l.es eillployeurs pr(lposèrent
le
recTutelnent d'un nombre
illimité d'apprentis.
avec
la possibilité de réduire
la durée
de
leur format ion et de
l c u r
enseigner seulement certains
aspects du pI"(Jcessus tle pT"(Jduction.
l.es
syn(jicats de
leur côté
e x l g è r en t
le
re s pe c t
des principes de
l'apprentissage.
Pour
chaque lflétiet",
la (Iurée de
la formatiun devait être
fixe et

412
dé t e rm i n é e à
l'avance.
Ll s
s'opposèrent
à
t o u t e
tentative de
réduction de cette durée par
les employeurs et
exigèrcrlt d'eux
le
rc s pc c t
d u ratio
t ra vui l f c u r s
qualifiés/apprentis.
Ils
défendirent
la
formation de
travailleurs polyvalents,
et
le
respect
pal" obi i g a t i on
légale de
l'enregistrement
("irldenlurc")
de tous
les programmes.
J.'6ttitude claire des synclicats concernant
l'upprentiss6ge
(contrRirement à
l'Rttitllde qu'ils avaient
en
ce 4ui
c(lncernait
les aUlT"CS aspects (le
la forrnatiorl
profe~siorlnelle) provcllail du fait
que
la "v()lonté de
régule}"
l'apprerllissage
fut
l'une lJes causes premières de
la création
el de la cl"oissance cles syndicats am~ricains" (Douglas,
1921).
C'est
également
dans
le dOlnaine de
l'apprentissage que
les
syndicats OIlt
le Illieux réussi
ft
amener
les eRlployeur-s à
signer
des acc()l'ds cllllcctifs corlterlant
des
clauses précises.
(.'opp()sition entre employeurs et
syndicats
sur
les
questions
rel e t i v e s
à
l'apprentissage existait dans
la plupart
des secteurs
industl"iels
(Douglas,
o p v c i t • }.
Avec
le
temps,
lualgré
j'(lp!)()sitioli des syndicats,
les
employeurs américains
ont été capables d'utiliser
l'apprentissage comme un moyen
d'ohtenir" des
tr~lvl.jllelJI·s hautement qualifiés à un moindre
CULlt
grâce fi
leur capacité il. contourner
la
loi.
Ils
r éu s s i r e n t
11
Li ml t e r
la
formation des
jeunes apprentis à
un minimum,
et
util i~~I'elll ces llerniel-S pOLir (les
tfiches normalClllent
exécutées
par d e s
t ravu i Ll eurs
ayant
terminé
leur formation.
C'est
la
raison pour
laquelle,
l t a pp l i ca t i on du ratio ouvriers

413
qualjfié~Japprenlis a touj(]urs ét~ au centre des
pr"6CICCUpllLilJrls des
syndicats
en "IBtière d'apprentissage.
CUlnlllC cela il 6tG
Je cas au cours des années
1980,
au
COUI"S de~ p6ri{Jdes ant6rieul'es.
les B(llninistraleurs dtt système
cl'upp'"erltissagc,
lll~"le dans les étaLs o~ cette formation était
bien org/lnisée (exemple
l'Etat Jl\\ Wisconsin),
avaient été
souverll
incapables (Je fllire
respecter
les
règle~ et
lois,
plus
pu r r.i c u Li crcm cn t
cc fl c s
relatives
il. l'enregistrement
("inJentul"C").
Or,
ce n'est
que
par
ce biais que
les autorités
publ i qu cv
pouvaient
contrôler
ce qui
se
f a i s a i t • Cette
c a pa c i té
imitée des au t o r i t é s
à
exercer
leur
contrôle
fit
des
enlplrJyeUI"S el des
syn{\\icats
les principaux acteurs de
l'apprentissage aux USA.
De cela découla
le
fait
que
]'ol"ientatl(Jn (J(Jrlnée A III
forlnati011 des apprentis découlait
plus (Je
l '6volutioll tIcs
lappUI"ts de
force
entre syndic~ts et
em plov e urs que de
l t ap p l i c.a tio n des
lois et
règlements en
vigueur.
Tl
Y avait une différence essentielle entre
les années
antGrieur"es et
les nrlftées
1980.
Au C()UJ"S des péi"iodes
11récédelltes,
bieTl que
la Inécanisatirlrl eles
processus de
pi"rJdllctjrJfl
jJ"lJvrJqua
Llne 6r"IJsion de
la positiorl stratégique des
t ra va i l l c u r s
q ua l i fiés
dans
les systèmes de p r-od u c t ion,
la
force
l'elaLive des
synclicats enlpêclla un
trelp gI"and
a I'f a i bl is s cm e n t
de
l t npp r c n t i s su g e . En d'autres termes,
les
syndicat~ ll'~taient p,-clbablenlerlt 1'8S c/lpables d'arl"Gter le
déci in <Il'
l'apprentissage aux USA,
mais
ils pouvaient
le

414
ALI cours (les années
1980.
la
plupart des divel"gences
enlJ-e elrlployeurs et
syndicats qui avaient marqué
les périodes
préc~(lentes étaient encore préserltes. Ceperldant,
la
faiblesse
des
syrldicats pet'lnit
aux emp!oyellTs d'imposer
leur point de
vue.
Ces derniers mirent
fin aux programmes (Je formation des
apllT-erltis
là (lÜ ils avaient
réussi à
exclure
les syndicats des
lieux cIe travail.
Ils
réalisèrent
les premiers
pas devant
mener" à une institutionalisation de
leurs pratiques,
en
l'occurence
la réc!uction de
la dUI"ée de
l'appl"entissage et
la
frJrmatiurl d'urie "classe"
C!'ilpprerltis
sp6cialis6s.
IJes enip][)yelITs bénéficiaient dll soutien des autl)rité5
publiques dans
la lnise en place de
leur stratégie.
En effet,
"Apprerlliceship 2000",
un {1ocumerll
paru en 1989 et
réalisé
par
le "Departmenl
of l.abol"',
le "Employment and Training
AdminiRtl"ntion"
et
le
"Bureau of Apprenticeship Training"
constitullit
un
résumé du
débat
sur
la nécessité d'introduire
de~ l"éfo'"llleS (Ians le système arnéricain de formation des
üpprentis.
L'un des
aspects
les plus
importants de ce document
était
relatif à
la
forrnation
par module.
C'est
la méthode que
la
fillile LA2 envisageait de mettre en pratique vers
la fill des
années
1930 afin (le
fail"e
revivre son apprentissage
(voir
pl"éselltation du
cas 1.A2 ci-dessus).
Le:; divergences qui ont
existé entre
les
syndicats et
les
employeurs donnent
l'impression d'une certaine confusion

415
lorsque
l'un compare
leurs
d é c l a ra t i o n s
à
leurs
p r a t i qu e s .
En
effet,
au Jelb des conflils d'oricntl\\tion qui (lot marqué
leurs
["elntiIJfIS llüCIS
lu sYNt~lrlC (le [III"malir)11 des Hilprenlis,
s ctnbl c
4U' i 1 .Y
ai l
eu
conve rg e n c c da n s
leurs
pratiques.
En (IClnunl!urll
urie sp6cialisation des apprerltis eL
une
r
d uc t i o n de
la durée de
leur
Lo rma t i on ,
les
employeurs
é
6taierll
cor\\(;ernés par Ulle ,"éduction de
leurs coUts de
forlnation.
En exigeant une lltilisation des apprentis sur des
postes clair"elnent
défirlis,
les
SYTldicats
favorisèrerlt
d'une
certaine
façon
la
s p é c i l I sa t Lo n d e s
apprentis.
Cep e rula n t ,
cette
convergence de
fait
n'était
qu"lPllU("crILe.
l.es CnllJ!oYCUI"S
ct
les synclicats arnéricains ont
~t~ pl"esqLle tOlljrJUI"S
irlCn[lUbles de
tl"OUVeI" des accords Sllr
la
durée des
programmes,
sur
la nature des quai ifications des
a pp r e n t j s ,
et
sur
le r e s p e c t
du
rat io ouvriers
quuliriés(apprentis.
T.'absence (l'accords sur ces questions est
r~véll1teul' de deux caraClel"istiques' du système alnéricain de
formation des apprentis.
T.a pl"Crrlièl'c est
l'absence d'un accord entre employeurs et
syndicats
sur url cadre de base pour
la
fu ["IlIa t ion des
apprentis.
C'est
cc qui
e x p l l qu e
leurs dé su c co r d s
sur
les
ratios,
la durée
et
la nature de s qualifications.
L'()rganisalion (le
('apprentissage par
11alternance a été
le
sellt
pl"lrlCipe de base ayant
fnit
l'objet
d'url accord,
Inême si
ce principe il souverll été vieJlé
pal"
les ernployeurs.

416
La deuxi&me carnclél-istique est que
les perfornlances du
systGllle J'apPI"eIllissage américain ont historiquement
été
b e a u co up
plus
le
r ô s u I t a t
de
rapports
de
force
entre
em pl o ye u r s
ut
t r a vu i l Le u r s
al i me n t é
par
les
p r es s i on s
du
me r c hé
que d'une appl l cn t ion des
l ois et
règlements o rga n i s a n t
la
Lo ruru r i o n dc s
a pprc n t is .
Le
contexte de
ces
rapports
de
été
L o r
c c
il
t o u j o u r s
c o n
L l
l
c
t uel .
La
pr é s en c e
de
.... ynd l c a ts
relativement
puissants au cours
des anllées
pr6céc!elltes a augillenté
les
chances de voir
les
employeurs
respecter
ln
régulation.
Par contre,
durant
les
r~l'iodes (l'ilffaiblissement des SYTldicats (tel qu'au CI)UrS des
années
1980),
les
em p l o y cu r s
se
s o n t
orientés
vers
la
s pé ci al i s a t i o n des ap p r e n t t s ,
ct ont
subordonné
l n formation
de c e s dernier'; aux
Ll u c t un t i o n s à
court
t e rme
du marché.
Aux
USA.
les
syrldicats ont
toujelul's
ClJl1Stitué
le dernier obstacle
à
liL su)prCSSiorl de
"il)lprel"ltissnge,
ou à
sa subordination aux
intér~ts CXCltlSifs (Jes employeurs.
11.2. Le Cas de
la France
C(llOlne cela a été corlstaté pour
les autres aspects de
la
Forma t i on
p r-o f cs s i onnc Ll c ,
dans
le domaine de
l'apprentissage,
les dirr~l·cnces entre
les systèmes amél'icains et
français
se
situent au
n l v e au du
["DIe
centralisateur de
l'Etat,
et
de
l'implication des employeurs dans
les activités de
formation.
En FI"arlC~,
plus de 75% des apprentis
Sl)nt
inscrits dalts des
centl"eS dt~ formation (l'apPl"cntis
(Centre de Fnl"mation des
Apprerltis,
CFA)
g61'6s
soit
par des organisations patrorlales,

417
soit
Jl~r des chlllnbles de rrlétiul"S (RelJères et Références
Statistiques,
1989).
De
]973-74 à
1987-88.
le
pOllfcentage
d'apprentis
fornl6s
par ce biais passa de 70% à 80% de
['ensclrlble des apprentis formés
en France.
Cependant,
en dépit
d'un tlBUt degré d'inlplication de
la part des employeurs et
a u t r e s
institutions.
l'Etat
contrôle
l'apprentissage.
L'apprentissage en France
fait
partie de
la
formation
initiale.
Il est sous
l'alilorité à
la fois dll Ministre de
L' Ed u c a t i on Nationale el
du Ministre du Travail.
Il
est
o r g a n i s
par
la LoI
de
Jui
é
J let
19B7 qui
a
remplacé
la Loi
de
.Juillet
1971 qUI
avait
rerlLlLI obligatoire
l'utilisatil~n des
CfA.
Ln
197(;,
la p re s q u e
totalité des
institutions
impliquées
ddns
J 'appl·erltis~age
6taient des cFAs
(Repères et
Références
Statistiques,
1989).
La Loi
Je
1987 CI)uvre
tous
les aspects de
l'apprentissage,
à savoir
les conditions à
remplir par
les
ernployeur~ pOLIr jouir dll droit J'organiser une
formation
d'apprentis,
le droit
des employeurs d'ouvroir des centres de
formation (l'apprentis,
le rBle des employeurs et de
Jeurs
organisations ainsi
que celui
des
travailleurs et de
leurs
syndicats tians
le fonctior~nement du système,
J'organisation
des dip16nles et des examens,
pour ne citer que
les éléments
les
p l us
importants.
Les employeurs
ne peuvent
cl"éer des centres
d'apprentissage qu'oprès
la signature d'une convention avec

413
l'Etat.
res
centres doivent
s u l v r-e
les
directives
é
t ab l les par
l'Etat cn Cd qlli
COTlcerne
notamment
les <lip16mes et
le contenu
des
programme s ,
d ans
la mesure

A \\<.1
fin
de
leur
formation
les
apprenti'>
sont
t cnu s
de
passer un
c x a me n n a t i on a L.
Le
s e c t e ur de
la mé t nl l u r-g
e
co n v t i t u e un cas
i n t
î
é
r-e s san t
d'iJ~plical;(Jn des cm pl o ye urs d a n s
la
formation des apprentis.
Le
rô l c de
l '\\lIMM dans
l'organisation de
l'apprentissage en
Fr"lince a
toujeliifs été l"eOlarqllable.
ALI COllrs du développement
du
s)'stèrne
rl'unçai~ d'al)pI'etlti~sage, après sa ]"éorganisation
pltl"
III l.oi
Astier",
il
existait tlne relation nelle entre
la
CflJ1SS<:iT1CC
(le
l'upprentissilge et
les besoins erl qualifications
tl e x
erupl ov e urs
de
la métallurgie
(Troger,
1(39).
J1 1u s i e u l' s
déccnrlics
plus
tal"ll
l'UTMM continue à
jouer un
rôle clé
CUHllllt.:
no u s
le
verrons
ci-après.
La demande
d'une
réforme de
l'apprentissage
fut
i n t r-o du i te en 1986 par lS
organisfltiuns p~llronales. Celte demallde comprenait:
une
a dup t a t.i o n de
la
formation
de.'!
apprentis
a u x besoins des
cmp l oyc u rs ,
1111
c o n t r
I c du nombre d
ô
t ap p r e n t i s
formés,
1,1
111"éll/II'illilln du haccal/IUt"dal
pl"ofessiollnel
et
(Ill Bl"evel
de
T'c c hnl c i c n Supérieur
pa r
l'II\\1prentissage,
t.:l
un e meilleure
co l la bo ra t ion
entre
le Gouvernement
et
les
régions
duns
le but
d t a ssu r cr
la o r-omo ti on de
l'apprentissage clans
la
formation
p ro Le s si o n ncl l c
{Combe s ,
1986),
re oon d a n t ,
ce
sont
les
prat i qu e s
de
"UIMM dans
le
(Jolnaine (l~
j'Ilpp,-eritissilge qui (lnt
accéléré
la
ré[ornle du

419
s y s t èmc .
ui e n avant
q u e
la Loi
de
1987
ne voit
le
jour.
l'UIMM
poss~dail ses pr()pl"eS cerltl"eS de rornlatioll.
SOli
prelnier centre
avait
été
créé à
Paris
i l
y
uvn i t
trente ans de
cela.
Au
moment
o
la
loi
étendait
l
ù
t
u t i t l sn t Lon de
l'apprentissage à
tous
les
aspects de
la
Lc rmn t l o n p r o Le s s i o rm el Le ,
l'UIMM avait
déjà 1"6alisé cette oxterlsion.
Au nlonlent
de not]"e
recllerche,
ses
stl'uctur"es
IClcales géraierlt
7J CFAf
(centre
pour
la
Formation des
App r e n r i s
Industriels).
Quatre d'entre eux
était:nl
situés dans
1a
région p a ris i e n ne et
gérés
po r
1e OlMo
Dans
1a
s e c t ion 4ui
sui l
nous étudierons
1e
cus
des AFORP quj
sont
des
s t r u c t u r e s
gérées
pal"
le GIM et
qui
s'occupent
de
la
formation
des
u pp r e n t i s
destinés
au
secteur de
la métallurgie.
Le Cas des AFORP
Les Associations pour
ta Formation Professionnelle
(AfORP)
sont
les CFAJ
c r é ée s
par
le GTM
il
y a
trente a n s pour
r é po nd re aux besoins de
travailleurs
qualifiés que
les centres
de
formation
publiques n'arrivaient
pas à
satisfaire.
La
c a pe c i té des employeurs
de
la métallurgie à créer des CFAI
était
l i
c il
leur
haut
degré d'organisation.
Avec
les AFORP,
é
ces
enlpllJyeurs
influencent
lit qualité et
la quantit6 des
apllrcrltis
f(Jrm~s puur }'ill(lustrie.
Darls
ces centres.
le nombre (l'apprerltis
formés
(Iépen(} des
demalldes
irltroduites
pal"
les employeurs,
avec une
priorité
donnée aux memb r-c s
de
l'UTMM.
Sur
le
plan de
l a qun l i t é ,
tout
indiquait
au
cours
de
l'interview que
la
f o rma t i o n a s s u r ée par
les centl"eS gérés
pal"
[es Ilrganisations
d'enlployellrs
était

420
mc i l Leu r e que celle des
centres de
Fo rma t i on gérés pHI'
l'Etat,
Les
pr"enliel"S
~rII·cgistl"llient (les taux (le succès
sup[l"ieu\\":;.
~el·L8irlS (:fAl
g61"6s pttr
les organisatiollS
paLl"/)rlales flVilicflL
(les
taux (le
réussite auX
examens natioI18UX
de
100%
(illterview ilvec
l 'IJIMM).
(.a (lirréJ"cnce entre
les
ce n t rc s de
Lo r-rna t i o n publics et
privé,') venait de
la meilleure
i n Lra s t r u c t u rc do n t
disposait
les
seconds ainsi
que d c
les
conlll6tellces SUllé]"ieures dD leurs
rl)l-nlilteurs.
En erret,
dans
la
lllesurc où ceS centl-es étaienl gél"és
par
les employeurs
("qui
sont
Sllr" le
lerl"uin")
les
prJssibilit6s de mise à
jour des
~4ujl)emcnls pél\\llgOgi4U~s étllierlt
supéJ"icures â
celle (les
c e n t rc s publics q u i
ê
t a i c n t
largement
coupés de
la réalité de
la
Li rm c .
En uuLr e ,
les centres gérés par
les organisations
d t emp lo y cu rs exigeaient
de
la pu r t
de
leurs
formaleurs
la
po s s e s s i on d t un c e xpér i e nc e pratique dans
l'industrie.
Dans
l'AfORP que nous avons visit6e, une expérience professil:lnnelle
de dix ans ~tajl l"e4llise pOlI 1" êlre sélectioIlné comme
fo rma t e u r.
I.e
rail
4UC les AFORP 6laicIlt créées par
les employeurs,
tr)ul
en ~tilIll S(_lUrJIIseS à tlnC
I"6gullltion mise en place pi\\'"
l'Etal
fflisilit
d'clIcs (los slructures de
fait
parties
pl"erlalltc~ (l'Url ellsumble COmpl"enllnt d'autI"CS
inslillltions de
f o rma t l o n (par exemple,
l'If ERP),
les apprentis,
\\'Etat,
et
les s y nd i c a ts .
cnmme cela est
indiqué pa r
le Schéma 3.
Ce
s chéma mon t re que
les AFORP étaient
i rn p l i qué e s d a ns
trois
t ype s
d'activités de
f ormn t i o n .

42 1
En matière
LIe
formation
continue,
clles
o pè r a i e n t
en
tant
que SI>Us-tl"HitHnts Dr)ll!'
le
compte tl'a\\lti"eS
institutions (le
f o rma t i nn
(ex.
IFERP,
ou
l'FORTEe,
As s o c i a t i on pour
la
FI-)f'111Hliu[1 iJllX 'fectlniqLlcs
Tn(llistrielles.
Les AFORP assuraient
lu
formation
d es
clients de
leurs
mcmb r-e s .
C'esl
ainsi
yu'elles
c s s ur a i e n t
la
formation des
acquéreurs
de ma ch i n e s
à outils.
Cependant.
l'apprentissage
constituait
leur a c t i v i t é
principale;
chaque
AFORP
s e r-v u i t
les
ernp l o y e urs d'une aire géographique déterminée.
Celle qui
a été
interview6c était en CI)rllacl
régulier avec 200 elllployeurs (lans
la
région pa ri s l c nn c .
nrâ cc à ces c o n t a c t s
fréquents.
les
,A.FORP étalent
Cil
mesure,
clun s
le
c a d re
de
la
f o rma t i ou en
ul t c rnun cc d cx apprc nLj v ,
de
p l a c e r
c ex
derniers
Jans
d c s
fil'nles
solgncuserllcrll
s61ectirlnnées
parmi
les memhres
du OTM.

422
Schéma 3: Relations Institutionnelles dans le système français d'apprentissage.
VIMM/GlM
Taxes d'apprentissage
Adhésion
distribuées aux
structures de formation
Rapports
arec
UIMM/GIM
Autres
structures
rn
de
formation
formation
AFORD
~
formation
continue
el/ alternance
r-
0
( e.g,
-<
rn
IFERPI
:;<l
AFORTEC)
Avis des représen-
Autorisation de
tants des
travailleurs sur les
J'étatpour la
demandes de forma-
création de centres
tian d'apprentis
d'apprentissage
introduites par les
employeurs
Représentants des
ETAT
travailleurs sur les lieux
de travail
La loi 1987 autorise les
1
re wésentunts des tra-
vaitteurs à se prononcer s/lr les programmes de
formation d'apprentis initiés par les employeurs

423
L'Etat
intervenu;
(lans
cet
enselnble par
le biais de
la
Loi
de
1')87 el de
SOI\\ soutien
Ll n a n c i e r il
la
f o r-ma t i o n des
apprentis.
I.es APORP recevaient
des
fonds
provenant
d ti n s ti t ut Lo n s p u bl i quu-,
régionales,
et
qUI
servaient
à
subventionnel'
'aellal
de mnl6riel
pé(lagogique.
Ces
fonds
pouvaient
lIaTIS
eerlairls cas
représenter
jusqu'à 50% de
la
valetll' du
malériel
à
Dcheter.
CepeTldant,
l'essentiel
du
firlancelTlerll
(lu
forlctionrlenlent
des AFORP était
assuré par
la
taxe d t ap p re n t i s s a g e • collectée par
le OlM,
et
r e d i s t r i bu é e
aux AFORP ainsi
qu'aux autres
structllres de
rormation.
Dans
ceL
ensemhle,
les
travllilleurs
intervenaient
th6uriqu~lllurlt sur
les
ieux de
trtlvail.
Dans
les
textes de
la
Lui
rie
IfJp,7,
esl
6crit qu'un employeur [le
pouvait organiser
ulle
frJ!"lnatj(Jn tl'apprentis qu'après accord donrlé
par
les
i n s t i t u t l on s gouvernementales
spécial i s é e s en
la matière.
Cet
accorrl n'6tait
accr)rdé qu'après v~rification que
l'employeur
pos s éd a i t
les compétences,
les moyens
Li na n c i o r s ,
la
technologie,
et
autres
conditions de
travail
i nd i s p e n s a b l e s à
u n e bo n n c
Foruru t i o n des apprentis.
En outre,
ce n'est
qu t e p r-è s
une recollnaissance de
'existence lie
conditiorls de
travail
adéquates pllt"
les
représentants des
travail leurs dans
la
Li rurc ,
que
l v cmpl o yc u r obtenait
te droit
lie
former des
apprentis.
Comp t e
tenu de
ce qui
précède,
il
semblait que
les
structures,
procédures,
et outils
légaux nécessaires à
un
foncti(Jnnell~ent efficace de
"apprentissage existaient en

424
FrnriCC.
Il
~lili t
ll(,nc pnr"tl(ioxal
de C()(lstaLel-
la
pl"ésence d'un
n OHI b r e
inlilé d'apPl-entis dalls (les
firoles
qui
ell aVtliCJlt
POlll"Litlll
hcs(jin.
CrJn)I(IC (Jfln~
le cas des
fllhricflnls anléJ"jcaills,
c el u
d[~L'()lll;lil
probu bl curc n t
des
c hoi x x t ra t
g i qu es
faits
par
é
IC:i
fll!ll"it;llnts
fl'lllJÇlli:i ,Je ne pHS
s'appllYCI' sllr (les apprentis
d a ns
ICUI"S
a c t i v i t é s
d e production.
Mais,
e x is t ui t
une
n u t r c
c xp l i ca t ion
au ncnnb r c
re l n t i vemc n t
faible d'apprentis
d en s
les
Li t tue x
interviewées.
En
effet.
bien qu o les cmp l oy e u rs ,
les
s y nd i c a t s ,
et
'Eli.lt
i-c conn ai s s ai e n t
LlJUS
la
formation en alternance comme
6l1lrlt
la 111Ci 1 lel1re In6t])(Jclc d'acqllisitiorl des qualificatiolls au
cours
des
ann
e s
1980,
l s
uvu i e n t
t c ommc par
le passé)
des
é
Iloirlts (j(l VIle (!ivel-gcnls
sur'
son ()cganisalion et
ses
ob j c c t i f s .
l"'llistrlil"(~ tle
l'apprelllisSitge en France il été une
t.ist()il"e (le
C(JfOlll'O~ljS
inachevés erltrc
les employeurs,
les
s yncli c a t s .
el
J'Elal.
Lc s
employeurs ont
toujours eu une
atlitu(l~ tl'acceplalion et (Je ['ejet sinlultanés vis à vis de
l t i n t o r-ve n t i o n de
'Elal.
De son côté,
l'Etat a ell au cours du
lelOIJS une altitu<Je (le 116st!Tlgagenlellt
et
lle
contI'Ble simultanés.
Enfin.
l'attitll{ie (l~s syndicats a
été <Je reconnaitr"c
"a pp rcn tis s a g e ,
mais
seulement
lorsqu'ils
avaient
Iii
glltll"arltie qlle
les
elllplrlyeUrs Ile
contl'61flient
pas
son org an i S<l t i on .
l,'cxistellce de cl)ulpr"omis
inachevés a également

425
c a r a c t é r i s
le secteur de
la mé t nl f u r-gi c dont
les
employeurs
é
ont
r)CCUr~ une place cerlt,"nle (Inns
\\e développeoluTll cie
l'apprentissage:
en
france.
DHUS
la
d o u xi êmc
moi Lié
du
19ème
siècle.
Ici
cri s c
de
"u pp rc n t Ls sa g e
stimula
lu
création
de
cenil-es 1!'iLllprcntissllgc par
les
f}lbl"icarlts
de machines à
outils
(Edmon s on ,
1981).
Les
îu b r i c a n t s
de grande
taille
formaient
leurs
t r a v a I lieurs
dans des
centres
internes
fI la
firme.
Les
p e t i t s
f nb ri cu n t s ,
compte
tenu
de
leurs
faibles
captlcilés
firlancièl"es.
combirlèrenL
leurs
efforts
et
O\\lVI"irent
des
c cn t rc s
de
J o r-mu t ion au
niveau des municipal i t é s .
Il
y avait
101 Loi
de
1851
s ur
"apprentissage, mais elle
nt a vui t
aucune nu t ori t
r-é cl l c .
Ceci
était
en partie
lié a u x
é
til-aillurrlcnls ellLrc Cl'tlile
P~\\l"t
le Ministre de
l'Eduention qUl
re v e n d i qua i t
Je contrôle de
la
Iormu t i o n des apprentis et
exigeüit
SCJI) ()rganisRticJn
dans des
centres
contrôlés
par
['Etat.
et
d'autre
part
le Ministre
du
Commerce qui
voulait
égalemellt
le
~()rltr6Ie cie celte formalilJn mfllS sur
la base
d'une co udmi n i s t ra t i cn
eu t r c
l'Et.:lt
et
les
emp l oy c urs .
e
Le
c on Ll i t
d t s u t o r i t
entre
l'Etat
(el
sa
loi
sur
é
"a pprcn t i s s a g c ) d'un
côté et
les
employeurs
de
la métallurgie
de
j'autre
Lco n va i n c u s de
la nécessité de créer
leurs
propres
centres)
clJlltinua IIU
COUl'~ dLl 20ème siècle maIgI"é la Loi
Astier de
1919 qui
réclrganisa
l'flpprentissage
en France
LSel Li er,
1984).
Er\\ effet,
cette
IlJi
C()llstiluait
urie autre
tentative d e
contrôle de
la
I c rma t i o n
des apprentis
pur
l'Etat.

426
Le vole de
la Lui
Astier avait
été
justifiée par
les
faiLs
suivants.
I_Ol"sqlle
le CAP fut
inlrorluit en 191],
de
L'a pp r cnt i s sa g c co nd uis i t
t1.
u n c
certaine anarchie.
Dc s
d i pl ùmcs
d'appruntls
étaient
créés
au
n i v ea u d e s
d
pu r t eme n
é
t s ,
des
v i Ll c s
el
même
des
villages.
L'objectif
était
de
répondre
<.lUX
besoins
ium.é d i n t s d cs employeurs
{Hru c y ,
1989).
Il
y avait
dune
c o n Ll i t
entre
les objectifs
centralisateurs de
'Etat
et
la défen~e IJ81" les elllpll1yeUl"S de
lu nlise sur pied de
pl"ogramll1es
ll'fll)pI'entissEl~C [l(lftptés à
ieuJ's
besoins
locaux.
La
Loi
As ti cr ne
parvint
pux à
ré s o ud r-e
le
conflit.
n;HI:,
le
s c c t e u r
LIe
111
métallurgie,
il
fallut
attendre
le
mil i c u du
20èfllc
siècle
pu u r
voir
les
s t ra t é g i e s d e d ébo r d eme n t
(les ellllll(Jyeul':~ (pIII'
[~ cr6iltion de
cerltres
irld6pendarlts rIe
l ' Et a t
(1011ouctler sur des n6gotiatielllS
entre
l'Etat
ct
l'UIMM
l!evarll
c(ln(luire à
Lille cogestil)n rie
l'apprentissage dans
le
secteur.
Ces n g o c i a t ions débouchèrent
sur des accords
é
qUI
prouvaient 411e l'Elat
n'était
pas pI'êl
à
faire des
C(lrlC~s~i(Jrl~. 1.'11IMM é.lcyuit
la respr)IIsabilit6 d'organiseI" la
[llrrllatjl)ll ries apprentis aLI
niveRLI rl6pilrtemcIltal.
Les
erup l o y eurs,
ob t i n rc n t
la présidence de s
jurys d'examens.
CCI)enll~nl. ces cxanlcrlS (ievaicilt avoir
ietl sous
le
cr)rltrnle de
J'Ftat.
En IJut,-e,
les lliplônlcs délivl"és
(le CAF)
devaient
respecte]" (les IlflJ'lneS nHlioJlales établies par
'Etat
(Br-u c y ,
opi c i t • )
(Des n
1 i e u dans
les
é
g oc i a t ions
s i mi l u i re s eurent
~ectelJJ"S (Ill texlilcs et de
l'tlectroniqlle).

427
Ces
négociat~r:lT1S n~ IllilfCluèl'cnt pas 1ft fiTl du déhilt erltre
'Etat
et
les
~lnlll()yelJl'S Jans la nleSUl"e o~
les
partenaires
n v aic n t
cons ci c n c e de
la n é c e ss i té
d'un
a c co r d
sur
un c a d r c de
hase 1)IJUI"
1'~PI)I"eJltjsSilge. reperlljllflt,
lin
tcl
aCCQf'ù
n'était
réu l l sabl c q ut uu eus o
l'Etill
accepterait
de don n e r
plus de
ù
r e spon s ab i 1 i lés
a cx
employeurs dans
la
format Ion des
apprentis.
La
Loi
de
1959 qui
fut
à
l'origine de
la création
des rFA llPI10l"ta de nouveaux
élénlerlts 'lU débat
Maintenant
leur
refus cie
laisser H.
l'Etat
l'exclusivité de
l'organisation de
t t a pp re n t i s s a g e ,
les employeurs
Je
I i i
métallurgie créèrent
lellrs pl'ùpres
CFA.
La
LIli
de
]CJ87
constitua
un
a u t re
compromis
i n a c h e vé • Le
Syst~liJC <les cOTlventions (corlterlu dans cette ICII) entre l'Etat
e L les
e mpl o y e u rs dont
il
a
été question au p a r av a n t
était
une
condition au dr(;it
de
ces derrliers
(le
frlrlner
des
apprentis.
Il
constituait
un m6cRIlisme de
cOlltr61e PUI"
l'Etat
de
la
comp é t i t i cu "lue
se
i v ru i e n t
les CFA pu bt i c s
et
les CFA
pri v és ,
ces derniers a ya n t
jusqu'ici
étant
plus
performants
qu c
les
p rcmi c r s
dans
le
secteur de
la mé t al l u rg j e .
I.e
syst&me (l'apprentissage erl France hénéfici~ de
1&
dYllalllique du
d6bat
sur
Jo
forfllutiun
en
alternallce qui
avait
lieu
llarls
le cRclre <lu flaut C()mit6 Edllcation/Economie.
T.'[JIMM
~t
le GIM y avaient
tenté de mettre
l'accent
sur
l t u pp r e n t i s s a g e .
Cependant,
à
la
fin
des années
1980,
l e e
ré s ul t u t s
de
l e ur s
c f fo rt s
f urcn t
faibles
l o r s qu t on
les
compare ü
ce qu'ils
o n t
réalisé dans
le domaine de
la

428
forillatiofi
CUfltirlue,
ALI ni~e8ll
fllltic)TIUI.
les rI:AT
lIe
l'UIMM forlilaient
5,000
j e u nc s
chu q ue u nn
e
(UTMM/r.PAI,
19lJO).
Selon
l e s
responsables
é
de
l'tlIMM.
ceci
constituait Url progrès
p nr'
rapport
aux années
précédentes,
Il
s embl ai t ,
cependant,
compte
tenu du
faible
nomhre d'üpprciltis
préserlts llflTIS
firmes
interviewées,
qllC
l'industrie (le
la UlBclline à
C)lltils n"lvait pas été
positiverllent
llffcctée pal" ce prclgrès enregistré dans
la
f(JI"1111Itie)rl cles iIPPI"Crltis.
Quel
h ~t6
le 1"61e cles
synllicllts au cours ,lu
dêhl~t Sllr
l'ilIJpl'crlti,ssllge
lies ilfl[IGes
]lJ80?
T.c~; svnr!icllts
j"estèrent llarls urie
très
large In~sure crl
ma rg e du
dé bu t •
Pourtant,
les d i s c u s si on s
sur
la
formation
pro Le s s i onn el l e
des années
1980 constituait
une opportunité
pour eux de
jo ue r
u n rôl e
important
dans
la
formation de
leurs
membres,
Le
Haut Comité Educatiun Economie qui
était au centre dcs
d é ba t s sur
la
format ion envoya son
r a p po r t
de
1988 aux
o r g a n i s a t l on s dl empl o y c urs ,
aux CInq syndicats
l c s plus
I"C!11"éscTlt11tif,s,
et
allX
l'cpT"~Sentflllts ele l'Etut pour évaluation
lIe
Sl)fl contentl.
1.es
trois Illis,sieJrlS du Mallt Comité c(lnsistaient
à
J'(Jlnp1'8 lu séparation tra di t i onne Ll e entre
les
centres de
f o rma t i o n p r n Le s s i o n n c l le et
la
firme.
il
reconnaître
l ti mpo r t c uce du
rôle des employeurs dans
la
formation,
et à
stinlu[cr
lit lilise
Sll'- piell ele mécanislllcS de conceT"tatiotl elltre

429
Comme
f)OU,<;
l t a vons
expliqué
u u p a r a vn n r ,
les
employeurs
a c c o p t
r c n
è
t
le
rapport.
Trot.')
s y nd i cu ts
p a rm t
les
plus
importants
(FO,
r:GT,
FEN)
Je
rejetèrent
li cause de
leur
défiance vis
à vis d e s
employeurs.
réduisant
ainsi
l c s
capacités (les
lr"availlcllfS A influencel"
la
[()l'malion
professionnelle.
Ceci
était
J'autant
plus
important
qu'nu
ccntl"C de ce ,lébal
il
Y avait
la nécessité d'llne
g é n é re l i sa t i o n
cie
'alternance
(centI'~ de
forlnatiorl/fjl'~\\e)
dans
les mé t hodc s
de qualification des
travailleurs.
Les
pos s i b i Li t
s
o uvcr t c .....
par
la
Loi
de
1987 qui
faisait
é
de
'aCC(lfl!
des
repr"ésentants (les
travailleurs
une condition pour
l'organisation d'une
formation d'apprentis
dans
la
firme Ile
furent
pas exploitées par
les
syndicats.
Ils
étaieIlt
tl"OI' faiblement
implantés
Sllr
les
lieux de
travail.
Ainsi,
l'impossibilité d'un a c co rd entre partenaires
sociaux Sll/" url cadre LIe base POUl"
l'al]prcrltis~uge
provenait
LIe:
la crainte qtl'avaient
les syndicats LIe vl)ir
les employeurs
c on t rôl e r
la
formation LIes apprentis -
du
fait
que,
en dépit
LIe
lellr accrll'LI pOlir une participation des syndicats aux
L1~cisions C(Jncel'/IUI\\t
l'apprerltissugc,
lcs emp!oyeUI"S ont
t()Uj(IUl'~ exclu ces (Icrnicrs des
lieux de
travail
-
et
de
(a
préféI"CnCC nJunifestc des ctnp!oyeurs
pour
le développement de
leul"s pruIJ/"es
centres de
fortnatilln.
TOlites ces causes étilient
en
fai t directement
i é es à
ln
longue
t rad i t i on
de r e l a t i o n s

430
i n du s t r i c Ll c s conflictuelles entre
l'Etat,
les
employeurs et
les
travailleurs.
Conclu~ion
Erl FrllrlCC ~omlne aux USA,
j'apprentissage est
l'aspect
le
plus
ré g l enre n t
de
la
f u rma t.i on professionnelle.
Dans
les Jeux
é
pays,
les
l o i s
s u r
1 'apprent i s s a g e
suppose
'existence d'un
Hccc)rd
erltr-e
les
partenaires
sociaux
sur
un
cadre de base
pOlIr
la
fOI"nlutiorl tles apprentis.
Il
est
apparu que
les employeurs
et
les
travailleurs
ct
leurs
syndicats
n'étaient
d'accord que
sur
la définition de
l La pp rc n t i s s e g e ,
à savoir qu'il
devait
corsb i ne r
formation
t hé o rj quc dans
les
centres
de
Lo rmu t i on et
f o rmu t.iun
p r a t Lqu e
dans
la
firme.
Vu
superficiellement,
'absence d'accord sur un cadre de
base en d6pit Je
l'existence de
lois clairement
établies amène
à
se poser" des questiollS sur
les processus d'élaboration de
ces
lois.
Ces d e rn i
re s ont-elles été
le résultat de
ê
né g oc i a t i o n s
tri-partite entre
l'Etat
les eITlployellrs et
les
t r-u v a i 1 l c urs ?
NeJtre
l'uctlerctle n'avait
l'as
pour objectif de r6pondrc à
cette 4UesLi()TI.
Ceperldarlt,
les argUITlcnts histuriques
d6vcloPllés Jurls ce chapitre cl
particulièremellt
la
[()ngllc
tradition de conflits entre
l'Etat,
les employeurs et
les
travailleUl'S
sur
les 4~lesliol1S relatives à
l'apprentissage,
pe t-mc t t e n t
de comp r-c n cl re p ou r-q u o i
l'apprentissage a été
affaibli
en FraTlce et
ftllX USA.
Ils perrrlettent 6glLlerllent

431
d'expliquer
les différences
rencontrées pllT
les
fahricants
américains et
françai~ yui avaient
"intention de
relancer
l ' up p r c n lissage.
Il
Y u va i L des
différences
entre
les deux
pays.
Les
fabricants
français
avaient
dans
l'ensemble plus d'apprentis
(trois en nl(]ycnne par
fabricant)
que
ieuJ's homologues
améI"icains
(en moyennnc un
par
firme).
Quel le
était
'origine
de ces différences?
Il
semble qu'ellc
se
trouve dans
l'importance plus
stratégique qu'occupe
l'apprentissage dans
les
rapports
entre
l'Etat,
les
employeurs,
et
les
syndicats
aux USA qu'en France.
Aux tJSA,
Ilistnriquement,
le développement de
l'apprentissage a
été pOUI"
les
travailleurs
et
leurs
syndicats
un moyen de contrôle des processus de production.
Cette
capacité (le
contrôle a ét6
liée à
plusieurs
éléments qui
sont:
l'accès en général
contrôlé à
l'apprentissage combiné
au niveau élcv6 de yuulification des apprentis qui
en
font
des
travailleurs difficilement
remplaçables,
et
leur confère une
position stratégique sur
les
lieux de
travail
-
de
là découle
leur c a pa c i té à déterminer
les
performances de
la
firme
par une a cc é l é r-u t ion,
un
ralentissement,
ou un arrêt du cycle de production sans courir
le rl s qu c
immédiat de se
faire
remplacer comme cela est
le cas
pour
l e s
travailleurs non ou
peu qualifiés
-
pal' conséquent,
darls
le contexte de relations

432
industrielles conflictuelles qui
caractérise
les USA.
plus
le
nOlubl'e d'apprentis est
grand dllrls
une entreprise,
plus
les
empl oy e u rs
perdent
le
contrôle des
p roc e s s u s
de
production.
Le
fa i t
que
l ' u pp re n tissage
a u x USA
cons t i lue
une
prér,cCllpalilJn
cerlLru[e
1)IJl1r
les
~YIldicats a été pI"ouvé
]CJfS de
notre recllel'cllc:
[IJUS
les six apPI"eotis étaient
dans
les
firrlles
syncliqLlées.
En ù'aulr"es
termes,
la prolnotion de
l'Elpprl:nLissiq~e est
J'affaire d e s
s yn d l c a t s
aux USA.
Pour
les
employeurs
a mé ri c ai n s ,
L' u Lf a i b Li s s em e n t
ou
la
suppression de
l'ilpprentissuge ~ donc [(lU,jOIITS constitué un outil onti-
syndical.
Plus
l e » o ro c c ss u s
Je p rcnlu c t i on
sont
complexes
et
I o n t
appel
il. une mai n-id t oe u v re bu u t emc n t
lilial i Li é e ,
plus
l e s
a]lprentls Y (Jcellpent
LIlle pInce stl'llt~gique, et
plus
] "upp r e n t i s s ag e sera
L' ob j e t
de
c o n î ! it
entre
les cm p l c yeu r s
ct
les syrl(Jicllls.
C'est
ce qu'a prouvé
l'expérience de
l'industl'ie 811léricaine de
la machinl:! à outils.
Cette
irldustl"ie n'~1 jar~flis totalement adopté
le modèle
Fo r di s t e comme nous
J'avons mentionné auparavant.
Né a mmo i n s ,
uu
(Iéhllt (lu
si~cle,
lc)]'s (le
Ifl mécllnisatic)n (les processus de
pr(]cjuctiufl.
les
fabricallts aUJ61"icairlS se sont
engagés dans un
processus de
rationalisation q u i
s'est
traduit
par une plus
grande spécial i s a t i o n du
personnel.
Les apprentis Je
\\'indllstrie,
(Jrganisés par
l'rAM,
le
syndicat
des machinistes,
avaient à cause de
leurs qu a l ifications élevées,
un certain

433
contrôle (Ill pl"ocessus cIe PI"(Jlluctic1fl.
Ce contl"ale constituait
un (11)slacl~ hllX stfut6g1es de rationalisation des fabricants
a u x q u ct l c s
les
apprentis
s t
t ui cu t
opposés
{Hu y d u ,
1988).
é
Dans
le
but
de
réduire
l'influence
des
t r avu i l l e u r e
q u a l i Li é s ,
L' As s o c i a t l on Nationale des Employeurs
de
la
Métalllirgie (NatioIlal MetlJl Trade Association,
NMTA)
forma une
cOalition aoll-syndicale aVée
l'Association Nationale des
Employe u r s
(National
As s c ci a t Lo n of Manuf a c t u r e rs ,
NAM).
et
d'autres ~ssociutiorlS d'cmpl()yeurs flLltOUl" d'une plateforme de
rcr~ise en questilJn du système du "cl()sc(\\-shop"
qui
perlilettait
aux
syndicats
de
restreindre
l'embauche des
travailleurs
qualifiés
par
lu
firme.
Au système du
"cl o s e d
shc p? •
les
r
emp/c)yeurs fJI)posèJ"ent
une
jJolilique d"'open-slll:Jp"
[lll
r c c r u Leme n t
libre
(Hu r r i s ,
19CJI;
Ha ydu ,
op.cit.;
De r-b e r ,
1984) •
J.es
synrlicllts
l"épandirent
par des mOuvemellts (ie
grève
répé t
s ,
e x i g
é
ê
r c n t
l e
respect
s t ri c t
d e s
règles
sur
l t upp r c n t i ssn g c ,
et
la
p ro t e c t i o n des
e mplo i s occupés par
les
t rav a i Ll e urs
qu a l Lf Lé s .
Cependant,
le
rapport
était
en
faveur
des
employeurs.
Aucun compromis
ne
ful
possible
entre
ces
derniers
et
les
syndicats
(Ha ydu ,
oov c i r r l .
Dans
certaines
fil"rues.
les
synclicats
~eI'lJnt excilis des
liellx de
travail.
c t e s t depuis ce temps, selon Ha yd u , que les apprentis ont
perdu
la position stratégique qui
était
la
leur dans
l t i ndu s t ri c
urséri c ai ne de
la machine à
outils.

434
Ainsi,
(10 cOfilprerl(\\
raieux POUI"qUOI
COlnpte
Lenll du
fait
que
le
rapport
lie
force,
comme
c'était
le cas
au
début
du
20~nle si~cle, était
erl
faveur
des
eOlp!OyeuI's
au
C1JUrS
des
Bnrlées
1980 l les fabI"jcunts arrlé]"ictlins ne se sarlt pas engagés
d a n s
la
format ion
d t up p r-e n t i s .
Ce
Fu c t cu r
s'ajoutait n u coût
élevé qu'aurait
représenté une
telle
formation.
En p runce ,
historiquement,
le débat
sur
j'apprentissage a
opposé
l'Etat
et
les
emp l o y o u r s .
Rien que
le
nombre
d'apprentis
rencontrés dUIIS
les
firnles
inter"viewées était
faillIe,
il
~tait largement supérieur all nombre d'apPI'I~ntis
présents chez
les
La b ri c au t s
américains.
En outre,
['évolution
de
"appre n t i s s a g e ,
notamment dans
la métallurgie.
montrait
d e s s i g n c s d t
vol u t i cn po s l t j v e ,
ce 4U1 n'était
pas
le cas aux
é
USA.
I.'ajlprerltissage en France ft
probablement h6néficier du
,[ébat
SUl"
la
formation
erl alternance.
Deux autres
facteurs
semblent avoil' contribué a une cCI·taine stabilisation de
l'apprentissage en Fru n c c .
nretn i è remen t •
le
fait
q u
il
ait
toujours été c(]ntr6Ié
par
['Etat a conduit à
8l)rl
institutionn;tlisalion
forcée malgré
l es c r i t l q u e s de
erllp!()YClll"S. DCllxièrllcment,
da\\lS
leur
tentative (le
reluise erl
q ue s t. i on du
con t rôl e de
l'Etat
SUl'
la
formation d e s apprentis,
les carpl o y e u r s ,
surtout
ceux de
la métallurgie.
se sont
eTlgagés dans
IR constI"uctio[\\ de centres de
formation.
I.'é4uivnlent n'existait
pas a\\1 USA.
Cela aurait été

435
ilnpossible en France si
les employeurs ne displlsaierlL pas
d'organisations patronales
fortes.
Ici dOIlC,
connue dans
le cas
<le
[fi
f o rrna t i o n
c o n t i n u e ,
l ' a c t i o n
collective'l
oe rm i s
HUX
employeur.') d'atténuer
la
s é vô r i t é
dc s
pénuries de
t ra va i l Le u r s
qu a Li Li ê s .

436
CHAPITRE VIII
RESUME, CONTRTnUTTON de J'ETUDE, et CONCLUSIONS
J. Résumé des Résultats de la Recherche
Ce travail de recherche était une étude: 1) de la façon dont les travailleurs
sont formés dans les pays car-actér-isés par des relations industrielles de nature
conflictuelle et par des syndicats faibles, ct
2) des conditions internes et
externes pouvant conduire à des rapports plus coopératifs entre partenaires
sociaux et à des politiques de Io rmation performantes. Plus spécialement, il
s'ngis sait de comprendre et d'expliquer 1) pourquoi, nu eou r-s des années 1980,
dans un contexte de crise et de changements technologiques, les stratégies de
formation utilisées par les fabricants français et américains de machines à outils
ne leur ont pa!-; permis de répondre aux besoins de travailleurs qualifiés auxquels
ils faisaient face, et 2) comment les pressions technologiques et les menaces qui
,
{
pesaient sur les indu st r-ic..., des deux pays ont influencé les comportements de
'l
l'Etut. des employeurs, et des travailleurs dans le domaine de la formation.
!1
j
Il est ap pa t-u que les changements technologiques qui ont eu lieu dans
l'industrie de la machine à outils ont été à l'origine des débats sur les besoins en
t ravailleurs qualifiés en France et aux USA. Cependant, les processus qui ont été à
i
la base des stratégies de Formation mises en place par les fabricants français et
f
américains ont résulté de phénomènes et dtin teruutions complexes.
1

437
Lf , Relations industrielles conflictuelles et échecs des politiques de
formation
De l'analyse des cas français cl américains découlent les résultats suivants
(voir Tableau ci-dessous).
Les Etats Unis et la France possèdent des systèmes de formation
p rof'e ssion nelle qui présentent des dif'fér-en ces et des similarités. Dans le premier
cas, le s ystème est décentralisé et influencé dans une large mesure par les
employeurs. Dans le deuxième cas, il est centralisé sous le contrôle de l'Etat.
Les cieux systèmes partagent de nombreuses caractéristiques historiques.
fis furent tous les deux mis en place dans des contextes dominés par des relations
industrielles conflictuelles. Dans les deux pays, le débat sur la mise e n place des
s ys tèmcs de formation fut essentiellement caractérisé par des s tre tég ies
d'cxclu ston ct de contour-nement de la loi. avec comme principaux acteurs l'Etat et
les employeurs. L'objectif de cen acteurs était le contrôle unilatéral de la
formation des truvailleu r-s. Dans les deux pays les syndicats jouèrent un rôle
relativement secondaire dans IR création des systèmes de formation. La
conséquence Fine le de tout ce q u i précède a été qU'RU cours des périodes
formatives des deux systèmes, l'El<1t, les employeurs et les travailleurs ne
réu as iren t jamais à atteindre un accor-d sur un cadre de base pour l'organisation
de la Iorrnation. La réaüsction d'un lei accord a été considéré au cours de cette
recherche comme l'une des conditions de succès des stratégies de formation.

438
Résumé comparatir des
résultats de
la
recherche
ELEMENTS
ETATS UNIS
FRANCE
Caractéristiques
-
mécanisation
- mécanisation des
des
périodes
rapide des
proces-
processus plus
d'émergence des
sus de
productilJn
lente qu'aux USA
systèmes
de
formation
-
spécialisation
-
la spéciali-
du
t r av a i I
sation du
travail
est moins avancée
-
l e gouvernement
-
Je débat sur
la
joue un
rôle
rela-
rormation est
t i veme n t
faible
l'affaire de
dans
l'élaboration
l'Etat et des em-
des
politiques
ployeurs
industrielles
-
relations
indus-
-
les relations
triel les
conf! i c-.
industrielles sont
tuelles:
les
conflictuelles,
et
fabricants de
marquées par des
machines à outils
divergences
u t i lisent
des
idéologiques entre
stratégies de "open
l'Etat 1
les
s hop "
contre
les
employeurs et
les
syndicats de machi-
syndicats;
nistes et
contre
contradictions
les
travailleurs
entre
l'Etat
qua l i f i é s ;
les
et
ses objectifs
r"apports de
force
de centralisation
sont en faveur des
de
la
formation
employeurs; les
p r-o f e s s i o nne Ll e
employeurs
d'Une part et de
Li n i s s c n t
par
l'autre
les emplo-
rejeter toute
yeurs de
la
possibilité
métallurgie qui
d'accord avec
les
sont contre
syndicats sur
la
formation
et
1 'or-
g a n i s a t i on du
travail
-
résultat du débat
-
résultat:
sur
la formation:
émergence d'un
émergence d'un
système de
système de
formation contrôlé
formation fragmenté
par l'Etat
et dCloliné par
les
employeur!'>

439
Situation de
-
p()sition concur-
-
position concur-
l'industrie de
la
rencielle en déclin
rencielle en
machine à outils
déci in
au cours des
années
1980
-
plusieurs
Firmes
-
moins de change-
de
l'industrie
ments de proprié-
changèrent de pro-
taires
1 i é e aux
priétaires à
la
contre-perfor-
suite de mauv~ises
mances économiques
performances
que dans
le cas
économiques
des USA
le déclin de
la
-
le déclin de
la
position compétj-
position compéti-
live de
J'industrie
t ive de
I" indus-
était
1 i é e à
une
trie était
liée A
insuffisance de
une insu f f i sance
travailleurs quali-
de
travai lieurs
fiés
qualifiés
Rapports de
force
les employeurs
-
les employeurs
dans
l'industrie
avaient
avaient
de la machine à
l'initiative
l'initiative
ou t ils a u cou r s
des années
1980
les SYndicats
-
les syndicats
avaient
été
avaient été
affaiblis
affaiblis
-
au niveau
-
au niveau
national,
le
national,
gouvernement avait
l'expérience
une orientation
socialiste était
pro-employeur
en train d'échouer
et
le gouvernement
s'orientait de
plus en plus vers
une politique pro-
employeur
Choix faits par
-
débauchage -
-
recrutement dans
les fabricants de
acquisition de
les centres de
machines A outils
machines sophisti-
formation publics
pour répondre aux
quées comme substi-
-
développements
iJlsuffisances de
tut à une main
de centres de
travailleurs
d'oeuvre qualifiée
formation privés
qualifiés
-
Cllntl"ats de for-
gérés par
les
mation sur mesure
organ i sa tians
avec
les centres de
patronales -
formation publics -
formation par
le
format ion par
le
haut
haut

440
Formation des
-
affaiblissement/
-
affaiblissement
Apprenti~
élimination des
des programmes de
programmes
forma t ion des
d'apprentissage
apprentis,
bien
que dans une
mesure moindre
qu'aux USA
-
résultat:
absence
-
résultat:
~u "cl"aft paradigm"
absence du "craft
indispensable à
p a r adi gm"
indis-
l'acquisition
pensable à une
rapide des
acquisition
qu a 1 i fi cat ions
rapide des
néces~aires à
quai i f i c a t i o n s
l 'uti lisation des
n
ce s s a i l'es à
é
nouvel les
technolo-
l'utilisation des
gies
nouvelles
technologies
Caractéristiques
-
strlltégies à
-
centres de
des choix de
court
terme et
formation créés
stratégies de
ajustées
aux be-
par
les employeurs
formation
faits
50ins de production
de
la métallurgie
par
les fabricants
immédiats
-
exclusion
(bien
-
e x c l us i o n des
que moins marquée
syndicats de
4u'en France) des
l'élaboration des
travai J leurs
de
politiques de
j'élaboration des
formation dans
la
pol itiques de
firme
f o rma t l on dans
la
firme.
sauf


les
syndicats
avaient encore une
certairle capacité
de négociation
-
stratégies de
-
combinaison de
formation
i n d i v i d un
stratégies de for-
<Li s ée s :
aucune
mation
indivi-
action
collective
duelles et collec-
entreprise par
les
tives par
les em-
employeurs
ployeurs
-
plus grand usage
(par rapport au
pilss61
de~ centres
(le
formatiofl Pll-
bl ics,
mais seule-
nIent sur
la base
d'accords à
court
terme

441
Facteurs explic8nt
-
organisations
-
organisations
les choix de
palf"onales
faibles
patronales
fortes
stratégies de
sans
fonctions
avec des fonctions
formation des
cent,"alisatriccs et
c e n t r a J i s a t r i c e s
rahricBnts
sans a c t i v i tés de
en matière de négo
format inn
ciation et
forma-
t ion
-
relatiClllS
inelus-
-
relation~
indus-
t r l e l l e s
conflic-
trielles conf! ic-
tuelles;
syndicats
tuelIes;
syndicats
perçus
par
1es
perçus PAl"
les enl-
employeurs
comme
ployeurs comme po-
des obstacles à
litiques et anti-
leurs
performances
men a g eme n t;
1es
économiques;
employeurs r'efu-
exclusion des
sent de voir en la
travailleurs des
firme un
1 i eu
processus de
d'activités syndi-
ü
é c is i o n
finale
cales
-
synr!icats affai-
- syndicats affai-
hlis et
sans
agenda
hl i s
ayant une
de formation
pour
tradition d'acti-
leurs membres;
vités hors des
voient
la
formation
1 ieux de
t r-ava i J i
comme étant
ne voient aucune
l'affaire des
em-
possibilité de
ployeurs
et
de
concertation avec
l'Etat
les employeurs sur
les questions de
formation
-
une tradition de
-
une
tradition de
désaccords entre
désaccords entre
les employeurs,
les
l'Etat,
les em-
syndicats,
et
l o yeu r s , et
les
l'Etat
sur
les
syndicats sur
questions relatives
l'organisation de
à
la
format ion
1a forma t ion des
professionnelle
travailleurs
1,

442
Conséquences des
-
pas
d'accords
sur
-
pas d'accord sur
choix de
sur un cadre de
un cadre de base
strat~gies de
ba~e entre
l'Etat,
entre
l'Etat,
les
formation
faits
l e s
La b r i c an t s ,
et
I e b r i c a n t s ,
et
les
par
les
fahrictlills
l e s
travailleurs
t r a va i J leurs
uu cours des
années
1980
-
1 es
li ccords
-
les
init i e t i ve s
étaient
étaient
prises
par
les
hi latéraux
employeurs débou-
(fah,"icants/Etat;
chèrent
sur deux
fabricants/syndi-
systèmes de
cats),
et
servaient
formation
quasi-
à
répondre fi. des
indépendants:
bes()ins erl
f<)rma-
celui
de
la
forma-
t i on
immédiats
tion
initiale
contrôlé par
l'Etat,
et
celui
de
la
formation
continue où
j v au t o ri t é
de
l'Etat
a
été
rela-
tivement
remise en
question
par
la
création de
centres
de forma-
tion privés
par
les employeurs
-
ces stratégies
-
les
stratégies
se
soldèrent
par
de
formation
(les é~llecs car"
les
choisies
par
les
problèmes de
différents
qua! i f i c a t i on s
dans
partenaires
l'industrie de
la
débouchèrent
ainsi
machine à outils
sur une
exigeaient des
fragmentation du
solutions à
long
système de
terme
formation
- à l a f i n d e s
-
l e s
insuffisan-
u nné e s
1980,
les
ces
de
travail-
Iu b ri c a n t s
de
leurs qualifiés
machines A ülllils
persistèrent
dans
faisaient
tOlljours
l' industrie de
la
face h des
insuffi-
machine à
outils
sances
(plus
imp()r-
tantes qu'en
FI"anee)
(le
travail-
leurs 4uulifiés

443
Les critères de mesure de I'ab senoe d'un tel accord ont été: le manque de
mécanismes in atit u t ion nn lisô s de concer-tu t icn entre les différents partenaires
1
sociaux. et la Jaib les se des moyens de coor dination , notamment entre les centres
1
de formation el ta I'lrure, Au cours des années li180, la plupart de ces
!!
ce racté r-ietlquc s hist,)ri411tèl:> étaient encore présentes dan s les systèmes de
Io ruraticn Irunça is et amé r-icain s.
1
Etant donné le rôle centra! qu'elle joue dans le transfert et l'utilisation des
1
nouvelles technologies, J'industrie de la machine à outils constituait un test
intéressant d'u cl a p tat ion des qualifications des travailleurs aux techniques de
\\
1
1
p rod uction info rmatisées , Deux facteurs faisaient l'unanimité dans le débat sur les
'1,
quatificatkm s qui. eut lieu dans cette industrie. p remiêrement., il y avait eccor d SUl'
1
l'up parition d'un déclin des postes q u i faisait appel il une main-ed'oeu vre :,;OU8-
q ua lifiée. Deuxièmement, il y avait accord sur la nécessité de p rog rammes de
for-mation per-met tan t aux t rava illeu r s de "industrie d'acquérir les connaissances
en con st ru cticn mécanique indispensables à une utilisation efficace des systèmes
de production informatisés.
Au cour-s des années 1980, les industries française et américaine de la
machine il {Jul;h connu rent les crises économiques les plus profondes de leur

444
histoire. eL devinrent de ce Iu it l'une des préoccupations majeures des
gouvernements qui reconnurent avec les fabricants que J'insuffisance de
travailleurs qualifiés avait joué un rùle central dans le déclin de l'industrie. Les
constructeurs américains et français avaient tous investi dans l'acquisition de
t echnolog ies nouvelles quelque fut Jcu r taille. Dans les deux pays, nombreux
étaient les con st r ucteur-s qui virent en ces technologies des substituts à une main
d'oeuvre qualifiée. Très rapidement, cette stratégie s'avéra erronée.
Concernant la composition de leur force de travail. tes firmes des deux pays
étaient caractérisées par le faible nombre d'apprentis en leur sein. Ensemble, les
douze fabricants n'avaient que vingt-trois apprentis qui pos sèden t généralement
une aptitude élevée à s'adapter aux changements technologiques. En outre, dans
les douze Firmcs interviewées, il n'existait aucune pratique courante de promotion
de la force de travail à des niveaux de technicien et ingénieur qui correspondaient
aux q uulif'icutton s dont les fabricants français et américain s avaient le plus besoin.
Ceci Fur-ça les fabricants lies deux pays à utiliser des méthodes de qualifications
par le haut. Ces méthodes consistaient à recruter des techniciens et des
ingénieurs dans les centres de formation et ensuite à leur confier la. responsabilité
de former la force de travail présente à J'utilisation des nouvelles technologies.
En plus de cette méthode de qualification par le haut, les constructeurs
américains s'appuyèrent sur le débauchage, et (seulement vers la fin des années

445
1980) su r la signature de contrats de formation sur mesure et à court terme
("cu~tolfJjzed training cont rect s") avec les centres de formation publics. En
d'au t re s tenues, les constructeurs américains utilisèrent des st ratégies de
const ruct ion de lcu r main d'oeuv re qualifiée qui faisaient appel à leurs ressources
individuelles (ettructicn des diplômés des centres de formation et débauchage par
des propositions sule r-iules intéressantes). et rejettëre nt toute forme d'action
collective. P<'H contre. les constructeurs français combinèrent actions collectives
et individuelles. Ils continuèrent à recruter dans les centres de formation gérés
par t'Etal malgré leur critique de l'efficacité de ces derniers. Ce qui les
dif'Fér-enciait le plus de leu rs homologues américains c'est qu'ils sa ppu yè re nt sur
un réseau ("nelwlJr\\:.") hien organisé de centres de Formation gérés par les
or-ga nisution s patronales regrou pa nt les employeurs du secteur de la métallurgie.
Dans les deux indu st ries , les syndicats de travailleurs furent exclus des
p roccs s u-, de décision relatifs à l'élaborut ion et à l'exécution des politiques de
format ion s u r les lieux de travail. Cette exclusion était plus totale dans le cas des
firmes f rancai ses.
Les stratégies de construction d'une main d'oeuvre qualifiée u ttltsées par
les Iahr-icant s français et américains ne permirent pas de répondre à leurs besoins
en qualifications. A 11'1 fin des années 1980, les pénuries de travailleurs qualifiés
étaient toujours importantes dans les deux industries. Les politiques de formation
mises en plnce par les fnb r-ican ts français et amér-icains ont certes été le résultat
de choix st ratégiques, cependant, ces choix ont été réalisés dans un cadre

446
institutionnel donné dont les Jeux éléments centraux étaient les systèmes de
for-rne tion p rofes sion nclle et de relations industrielles.
Tl ue s'agit clone pas de nier le degré d'autonomie dont les Fab ricent s
f rançai s el umér-icain s disposaient dans l'élaboration de leurs politiques de
Ior-ruatiou. Cepcndan t, nos analyses ont permis de mont re r que le ... choix faits par
les Iab rican t s des deux pa y s au cours des années 1980, les échecs enregistrés
dans I'exécvtion des politiques de for-mation, et J'exclusion des travailleurs des
o rcccs su s de décisi.on finale, s'expliquaient dans une large mesure par le
carnctè re conflictuel des relations in du st r-ielles et par ta persis tence des
caructér-istiquus de base de,') deux sys tèmes de Io rme tion.
Les USA et la France constituaient cependant deux types différents de
rclation s Ind u st rielles conflictuelles. Dans le premier cas dominaient des pratiques
de "business u nionism'' où les fonctions des s yndicats étalent Ihnitées à la défense
des intérêts économiques de IC\\1 rs membres. La firme, plutôt que la société en
génér-al. constituait le terrain d'aff ro ntement et de négociation des divergences
entre par-tenair-es sociaux. Ainsi, dans le cas des USA, la firme a constitué notre
unité d'analyse aussi bien pour la collecte des données que pour l'explication des
phénomènes observés.
Dans le cas de la France, les relations industrielles étaient politisées. Les

447
organisations de truvailleu rs avaient non seulement des fonctions revendicatives,
mais également des objectifs de changement de la société française. Ainsi, la
société en général plus que III firme, constituait le terrain dtaffrontement et de
négociation des partenaires sociaux. L'unité d'analyse était la firme individuelle
pour la collecte des données; {Jar contre, l'analyse des activités des structures
représentatives des employeu rs, notamment les organisations patronales
permettaient de mieux comprendre et expliquer les stratégies de formation
des
fabricants français.
Pour toutes ces r-aisons, les relations industrielles aux:
Etats unls el en France ont été respectivement qualifiées de relationnelles et
structurelles.
Dans le cas des USA, la proposition selon laquelle la formation des
travailleurs ne pouvait pas être organisée de façon efficace dans des contextes
cu rnct.ô risé s pd!" des rele tlon s industrielles conflictuelles a été confirmée par les
résultats suivants. Les Iub rican ts américains s'appuyèrent SUT des stratégies
individuelles à cause de leur faible niveau d'organisation due à une longue
tradition d'indépendance et de concurrence. Parmi les six fabricants interviewés,
un seul percevait la nécessité d'actions collectives pour la formation des
t ra v aillc urs , Cette Iaiblcs sc orge nisatjonuclle expliquait également Je recours au
débauchage pHI' les fabricants américains.
Le nombrc limité d'apprentis dans les firmes américaines s'inscrivait dans

448
une logique ancienne de r-erruse en q ues tion de l'apprentissage par les employeurs
amér-icain s. L'un des buts de celte remise en ques ticn a été d'affaiblir les
sv ndicat s qui ont toujours constitué le support institutionnelle plus important de
l'apprentissage. Les premiers éléments de cette logique ont été mis en place au
tournant du siècle. Depuis lors, j'apprentissage n'a pas été relancé aux USA. Donc,
au cours des années 1980, le métier et la polyvalence ("craft par-adigm") qui
auruient pu faciliter et accélérer I'acq uis ition de nouvelles qualifications par les
t r-evalllcu rs ôtaient. absents. LH. main d'oeuvre des firmes américaines était
spécialisée. L'embauche de techniciens et d'ingénieurs à partir des centres de
formation dans le but de leur confier la formation du personnel affecté aux
ect ivités de production ne constituait pas un sub st itu t valable à l'absence de ee
"cr-aft parurtigm". La raison essentielle de cette absence était qu'une longue
histoire de uranque de cocrdinu tion entre les centres de formation et la firme avait
conduit à ln "production" de techniciens et ingénieurs possédant de nombreuses
connaissances tbéot-iq uc s, mais une connais sance insuffisante des ateliers de
prod uct ion. Ainsi, leur intégration dans les activités de fabrication avec des
res ponsub ilités (le Formateur s ne pouvait que conduire à l'échec.
Dans les Iirmes américaines où les travailleurs n'étaient pas syndiqués:
- les rclation s industrielles étaient moins conf'Hctuelles que dans les firmes
où il y a vuit des s yndlcat s, Elles étaient basées sur une politique de portes
ouve r-tes. Derns certains cns , cos relations n'étaient pas du tout confIict uefles (bien

449
que non consensuelles) parce que les employeurs dominaient entièrement les
processus décisionnels. Ainsi, il n'y existait aucune structure de participation des
travailleurs ft la gestion de la firme
- les besoins en t ruvn illcu r-s qualifiés étaient moins impor-tant s que dans les
firmes où il y avait des syndicats. Ceci était lié au fait que les stratégies de
formation mises en place de façon unilatérale par les employeurs ne faisaient
l'ob jet d'aucune négociation avec les travailleurs. Ce résultat suggère que les
polit iques de formation peuvent conduire à des performances élevées aussi bien
lorsque les relations industrielles sont consensuelles que lorsqu'elles sont
totalement dominées par l'un des par-tenair-es sociaux. Notre proposition théorique
n'avait pas anticipé un tel rés ulte t
- cnfin, les perforruan ces économiques étaient meilleures que dans les firmes
où les t ruvaillcu r-s étaient syndiqués.
Dans ces dernières (toujours aux USA):
- les rapports de foree éta ient en faveur des employeurs. On as si stait à une
détérioration des relations industrielles. Dans la. firme où les syndicats étaient les
plus faibles, les relations industrielles étaient basées sur une politique de portes
ouvertes similair-e à celte utilisée dans les firmes sans syndicats

450
- les représentants clcs t ruvailleu r-s participaient au processus de décision
bien qu'à Url niveau aS.'i:ez limité (dans les faits celle pe rt iclpation était
con s ult.at ivc ) coru pte tenu de ..... rapports de force favorables aux employeur-s
- les accords collectifs contenaient des clauses sur 10. formation. Cependant,
ces clauses Illon traient que celte dernière ne concernait qu'un nombre limité de
travailleurs, qu'elle était très spécialisée dans le but de répondre à des besoins
numédiat s , cl que les fabricants sc ré ser-valent Ie droit quasi-exclusif de
l'Int errourp re l'Il fonction des exig enccs de la production
- e nfin , ce sont ces firmes qui avaient les performances économiques les
moins bonnes.
Aux USA, il existait donc une relation positive entre la présence d'un
syndicat relu tiveme nt fort, el l'implication des travailleurs dans les décisions
concernant les politiques d'investissement et de Ior-mat.ion dans la firme.
Cependant, celle relation étuit affaibli par le contrôle des dirigeants de la firme
sur les décisions finales, el par "incapacité des syndicats à formuler des
st ratégies de formation cohérentes. Pour les organisations de travailleurs, la
formation devait être l'affaire dû l'Etat et des employeurs. Il existait également
une relat iun positive ent re la présence d'un syndicat r elativement for-t et le
niveau conflict uel des rela tiou s industrielles. En Jait , la participation des

451
travailleurs il l'élaboration des politiques de formation ne semblait pas constituer
un acquis. Cela, plus le Iu it que les mécanismes de coordination entre les centres
de formation et les fabricants étaient soit très Iatbles , soit inexistants,
conduisaient à l'ub sence d'accords sur un cadre de base entre partenaires
sociaux.
Les fabricants français eurent recours à des initiatives collectives. Ceci
était essentiellement lié à la puissance des organisations regroupant les
employeurs de la métallurgie française, et à leurs capacités à créer des centres de
formation quettes géraient ellea-même s. Tous les fabricants français appartenaient
aux mêmes »ssociaticn s, (l'existence d'or-guntsetion s patr-onales aussi fortes et
centralisatrices que l'UIMM n'est pas fréquente dans les systèmes de relations
industrielles de nature conflictuelle). Cinq des six firmes interviewées avaient
recours aux services des centres de formation gérées par les organisations
patronales. Les prestations de services de ces centres comprenaient la formation
continue, l'apprentissage, el des programmes de formation sur mesure.
La création de structures de formation gérées par les employeurs a toujours
fait partie de l'histoire du système de formation français. Les raisons historiques
en ont été les suivantes. Les employeurs et l'Etat n'ont jamais atteint un accord
sur un cadre de buse pour la formation. Face à ces dif'ficu ltés de réalisation d'un
accord, la réponse des employeurs de la métallurgie a toujours consisté à
s'orienter ven; la const r uct ion de structures alternatives permettant de répondre

aux besoins en travailleur.'> qualifiés de leurs membres. Au cours des années 1980,
la crise économique. l'existence d'un rapport de force favorable aux employeurs,
créèrent ks ccndirlons d'un renforcement de la capacité des employeurs à créer
des centres de formation privés concurrençant les centres publics.
En France, les firmes interviewées démo n t ra icnt unc homogénéité
remarquable en ce qui concernait l'exclusion des travailleurs et de leu r s syndicats
de l'élaboration des politiques de formation. Les Iubr-icant s français ne
manisfest aicn t aucune intention de modifier leurs rapports a ve c los organisations
de travailleurs dans la fi l'Ille. Les Lois Auroux de 1982 dont les objectifs étaient
d'assurer la préscnce des syndicats sur les lieux de travail et de faire participer
les re prés cnt.an ts de truvuillcu rs aux décisions stratégiques ne modifièrent en
t-ien l'att it ude des Fab ricun t s français.
Cependant, les syndicats avaient une
part d e rusponsabiüré dans leur exclusion. Ils r-ejet t èr-e nt les possibilités de
participation aux déciaion s de la firme car ils voyaient en eela de la collaboration
de classe. Ils con t in uèren t donc à agir beaucoup plus comme des groupes
revendicatifs s u r- les ques tlona de Ior me tion que CUIIlITlt: des agen ts contribuant au
développement des stratégies ue Iorrnation de la rb-me.
L'utilisation d'une méthode de qualification par le haut posa des problèmes
similaires à ceux rencontrés na r les Fab rtcants nmé r-icaf ns , rtnsemble. les firmes
Ir-a.nçaises interviewées n'avaient que dix-sept apprentis.

453
Le renforcement de la capacité des employeurs à créer leurs propres
centres de formation éloigna les possibilités d'un accord sur un cadre de base. Il
débou ch« en effet sur la création de deux systèmes de formation relativement
indépendants:
- un s y stème centralisé, dominé par l'Etat qui contrôle tout ce qui concerne
la Fur-mation initiule
~ ct un système dans lequcl Ies employeurs jouaient un rôle de plus en plus
important ut qui était surtout concerné par la formation continue des travailleurs.
Compte tenu des initiatives collectives des employeurs dans le domaine de la
formation. les fabricants français avaient moins de besoins en travailleurs
qualifiés que leurs homologues américains. Cependant, les centres de formation
gérés par les employeurs n'avalent pas les moyens de se substituer totalement aux
centres de for-met ion publics pour former en nombre suffisant les travailleurs
qualifiés dont les fabricants de machines à outils avaient besoin.
Il ressort de l'examen des industries française et américaine de la machine à
outils au cours des années 1980 qu'aucun accord sur un cadre de base pour la
formation ne fut atteint. Cela rendit difficile toute tentative de partnership sur le
long terme dans le domaine de la formation. Aux USA, on assista à la signature de
contrats cl court terme pour des programmes de formation sur mesure. Cependan t,
ces contrats étaient des réponses sur lo court terme à des besoins qui allaient

454
s'étaler sur le long terme et qui existaient déjà depuis pluaieu res décennies. En
France. la création de centres cie formation gérés par les employeurs eut des
con sé quences Ù la fois positives et négatives. Du côté positif il y a eu une
réduction du contrôle de l'Etat sur l'appareil de formation. Ou côté négatif, il ya
eu la création c1'un système <le formation fragmenté dans lequel l'Etat contrôle la
Ior-rnarion initiale alors que les employeurs contrôlent la formation continue, et.
assurent en mêrne temps la formation "complémentaire" des diplômés des centres
de formation publies à cause de l'inadéquation qui existe entre les qualifications
acquises dans ces cent res et celtes dont ont besoin les firmes.
Dans les deux puys, les stratégies mises en pratique dans l'industrie de la
machine il outils ont été sources d'In s uffisunces de travailleurs qualifiés.
Cependant, en France comme aux USA, la crise éco-nomique et les pressions
t ech notogiques ont forcé les partenaires sociaux à accepter de plus en plus l'idé~
de par tners hip dans la formation des travailleurs. Ainsi, au cours des années 1980,
dans les cieux pays, l'Etat, les employeurs, et les travailleurs ont atteint un niveau
d'accord de principe ("jùeational convergence") jamais atteint auparavant sur la
néces sité d'une meilleure coordination entre les cen t res de formation et les lieux
de travail.
Cependant, les changements d'attitudes ("bebaviond convergence") Que de
tels accords cie principe exigeaient ne se manifestèrent Que timidement. Il y avait
deux obstacles à cela. premièrement, la crise économique obligea l'Etat, les

455
employeurs. et les t ravnillcur-s à adopter un comportement rationnel en
privilégiant la défense de leurs intérêts particuliers /lU détriment de l'intérêt
collectif. Deuxièmement, un accor-d tripartite sur un cadre de base pour la
formation exigeait que les organisations de travailleurs commencent à comprendre
l'Irnpor-tc nco de leurs responsabilités dans la formation de leurs rnemb re s.
Ain si, bien qu'il n'existait dans aucune des deux industries un cadre de
base tel que nous l'avons défini, il apparut que le contexte de crise et les
pressions de ta concur-rence avaient été à l'origine des débuts de par-t ner-s hip en
les d If'Ié re nts partenaires. Cette conclusion vient supporter la deuxième
propoaition de notre recherche selon laquelle, même dans les industries ou pays
car-actér-isés par des relations industrielles conflictuelles, les pressions de
l'en vironneme nt interne et externe peuvent mener les partenaires vers des
comportements coopératifs en matière de formation.
Quclle s sont donc les. pos sib ilttés d taccnr-d sur un cadre de base pour la
formation dans les pays, industries, ou firmes caractérisées par des relations
industrielles conflict uelles et par des syndicats affaiblis?
1.2. Possibilités de par-tner-s hip
La survie des firmes 'constituait la limite des divergences possibles entre les
partenaires sociaux su r les questions relatives à la formation des travailleurs dans
le secteu r de la machine à ou tils , vu que ces qualifications représentaient un

456
élément central des performances économiques et de la compétitivité de chaque
firme. Ainsi, au cours des années 1980, duns les industries française et américaine
de la machine li outils, l'Etat, les employeurs, et les travailleurs ont maintenu leurs
divergences sur les politiques de formation à mettre en place, tant que les
tensions q u i en découlaient leur permettaient de défendre leurs intérêts sans pour
autant menacer- la s u r-vic de leurs firmes.
ETl effet, il est une chose de dire que dans les deux pays, l'Etat, les
fabricants et les travailleurs furent incapables de réaliser un accord sur un cadre
de base pour lu construction de la main d'oeuv re qualifiée indispensable à une
bonne utilisation des nouvelles technologies. Il en est une autre d'uffir-mer
qu'aucun p rog rès n'a été réalisé vers la réalisation d'un tel accord dans les deux
pays. La première est vraie. Ln deuxième est discutable.
Aux USA, le fait que les fabricants comprirent la nécessité de s'appuyer sur
les centres de formation, et le fait qu'ils s'engagèrent avec ces derniers dans la
signature de contrats de formation à court terme sur mesure constituaient un
signe de prog rès vers u nc melllcu re collaboration entre les structures de
formation et la Ilrme. Dans le contexte amé r icain , ces réalisations pouvaient être
inter p rétécs comme des in itiutives à court terme qui permettront de s'acheminer
vers des accords ft long terme sur un cadre de base entre les fabricants. les
centres de formation pu hlics et les travailleurs.

457
D;U1S l'Etat du Wisconsin, hien qu'ils existaient auparavant, les programmes
de formation sur rncsu re furent r-écllemen t développés au cours des années 1980.
En effet, avec les programmes d'''Associate Degrees" dont l'objectif était de former
des techniciens qui pouvaient ensuite s'orienter vers une formation d'ingénieur,
les formations sur mesure litaient de loin les programmes les plus populaires
offerts pa r les centres publics au cours des a nnées 1980 (VTAE unpublished data
files; interviews avec les centres de formation, 1989).
En outre, dans l'Etat du Wisconsin, la fin des années 1980 vil l'émergence
d'accords tripartites entre les syndicats, les employeurs et les centres de
Io rmat ion publics pour la création de structures de formation sur les lieux de
travail, y compris dans le secteur de la métallurgie. De telles expériences
n'existaient pas encore dans l'industrie de la machine à outils au momen t de notre
recher-che.
Le premier" centre fut créé en 1988 dans une aciérie et fut initié (chose tout
à fait unique) par le syndicat de branche, le "Steelwor k e rs" union". Vers la fin de
J'année 1991, dans l'Etat du Wisconsin, onze accords pour la création de tels
centres avaient été signés. Le Gouvernement Fédéral et l'Etat du Wisconsin en
étaient les p rincipeles sources de financement.
Dans les firmes sans syndicat,
les choses allèr-ent plus vite, mais prirent une forme moins in st it u tionaltsée. Ainsi,
à la fin des années 1991, plus de soixante programmes de formation en entreprise
firent l'objet de cont rat s entre l'Etal el des employeurs opér-ant dans des

458
branches diverses. Contrairement à ce qui se passait dans les firmes dont les
travailleurs étaient syndiqués, ces programmes n'étaient que partiellement
financés pa r- le ûouver nement Fédéral et l'Etat du Wisconsin.
Les acco rd s tripartites pour la création de centres de formation dans les
firmes où les t roveiueu r s étaient syndiqués avaient des limites. En effet, ils ne
faisaient pas J'objet de clauses dans les accords collectifs. Ainsi, chacune des trois
parties avait le droit de mettre fin à sa participation au contrat sans risque de
sanction. L'exclusion des centres de formation des accords collectifs avait été
acceptée par les syn dicat a, à cause de leur faiblesse.
Ils ne voulaient pas avoir à choisir entre l'intégration d'une clause sur les
centres de formation dans les accords collectifs et des réductions sur d'autres
avantages, car- c'est cela (ce "trade-off") que les employeurs leur proposèrent. Il
n'y avait donc aucune g uarn nt ic que les contrats sur la création des centres de
formation dans la firme continueraient au cours des années 1990. Cependant, la
donnée la plus importante est que de tels accords aient vu le jour dans un
système de formation qui n'avait jamais connu de telles initiatives dans le domaine
de la formation des travailleurs.
En france, la réforme du système de formation constitua l'une des
préoccu pat ions majcu res du Gouvernement au cours des années 1980. Les
nouvelles luis su r la for-mation professionnelle et surtout Je Haut Comité Education

459
Economie 'J u i visaient la généralisation de la formation en alternance constituaient
des signe.'> de changement. Etant donné le contrôle traditionnel de l'Etat sur le
s y stème de Formation, toute réduction de ce contrôle devait être analysée comme
un progrès dans l'organisation de la formation professionnelle en France. Or, la
série de lois des années 1980 sur la formation professionnelle contribua
effect ivement à réduire le rôle centralisateur de l'Etat, et à augmenter le rôle des
employeu re, dans le système de formation français.
En quoi un changement des stratégies syndicales peut il favoriser une
évolution vcrs plus de coopération entre partenaires sociaux sur les questions de
formation?

460
1.1. Possibilités pour une Meilleure Implication des Syndicats dans la
Formation des Travailleurs
L'idée de base de notre recherche est que la formation professionnelle
constitue un domaine de politique industrielle dont les performances sont
négativement affectées par l'exclusion de l'un des principaux partenaires sociaux
qui sont l'Etat, les employeurs et les travailleurs. En effet, tous seuls les
employeurs sont incapables de financer la forma tien de leur personnel surtout en
pér-iode de crise financière. Les systèmes de formation dans lesquels il existe une
rupture (ou une absence de partnership) entre les centres de formation et la firme
sont ~oues à l'échec. Les programmes de formation rejetés par les travailleurs ne
sauraient être mis en oeuvre. En outre, lorsque la faiblesse des syndicats permet
aux employeurs de contrôler l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques de
formation, ces dernières risquent d'être planifiées sur le court terme, et d'être
adaptées aux besoins immédiats de la firme. Tout ceci a été démontré par notre
étude des ind us tr-les f'rnncaise et américaine de la machine à outils.
Au cours des années 1980, les syndicats ont été les pJus exclus des
décisions relatives à la formation professionnelle. Outre leur exclusion par les
employeurs, l'incapacité des syndicats à participer pleinement au débat sur la
format.ion professionnelle correspondait à l'échec de deux formes de syndicalisme.
Il s'agissait des échecs du "business u nionism'' américain où les syndicats sont
cs aen tlellemen t des agents revendicatifs, et du syndicalisme politique français où

461
les cr-ganisat ion s de travailleurs sont également des agents revendicatifs, mais
servent en plus de "cour-roie de transmission" aux partis politiques. Pour les
syndicats amér-ica ins , les employeurs et l'Etat devaient avoir l'entière
responsabilité de l'organisation de la formation professionnelle. Les syndicats
français maintfren t leurs stratégies macro en dépit de leurs déclarations sur la
nécessité po u r les travailleurs de transformer les lieux de travail en terrains de
luttes.
Les pratiques de business un ion lsm, parce qu'elles mettent l'accent sur Je
rôle distributif des syndicats contr-Ibuèrent à maintenir ces derniers en dehors
des processus de décision. Le syndicalisme français en mettant trop l'accent sur la
nécessité de changement politiques et sociaux radicaux a conduit les travailleurs à
voir dans toute concertation entre employeurs et travailleurs de la collaboration
de classe et du réformisme. Au moment de cette recherche, ces points de vue
étaient encore fermement défendus par la CGT et FO.
Au cour-s des années 1980, dans les deux pays, c'était comme si les questions
relatives à la formation avaient perdu la place qu'elles occupaient jadis dans les
prog rammes revendicatifs des syndicats. Bien que l'AFL-CIO dispose aujourd'hui
d'un Département Education {Education Depe r tment ) plus sophistiqué que celui
dont il disposait vers la fin du 19ème siècle et au début du 20ème siècle, il lui
manquait la déter-mi nation de l'ancienne AFL/CIO qui se battit pour la
repréxent ation des travailleurs tians les structures d'administration du système

462
de îurmution profcs sionnellc.
Pa r exemple, au cours des années 1980\\ les représentants de l'AFL/CIO de
l'Etal du Wisconsin n'avait aucun budget pour la formation. Le poste de Directeur
de la formation n'était en fait qu'un titre (interview avec un membre de la
direction, 1(89). La conséquence en a été qu'au cours de ces années, les activités
de formation les plus significatives de l'AF'L/CIO dans l'Etat du Wisconsin
concernaient les p rog rummes de tor-mat ion d'importance secondaire financés par le
Gouvernement Fédéral ou par l'Etat du Wisconsin.
La plupart de ces programmes ne concernaient pas les travailleurs actifs,
mais les travailleurs licenciés et les personnes désavantagées. En tant que tels, ils
ne pou valent pe s être considérés comme des programmes de formation, mais comme
des éléments du "welf'are system". Le programme le plus populaire était le Job
Training Pnrt ncrs hip Ad (JTPA) financé par Je Gouvernement Fédéral (Os terman,
19901.
Ainsi. en ne s'impliquant pas dans des activités de formation concernant la
main d'OCUVl"e li! plus stratégique, celle dont dépendait la compétitivité de la firme,
les s yndicat s américains restèrent à la périphérie du débat sur la formation
professionnelle. Ce n'est qu'avec la création. vers la fin des années 1980, des
centres de formation sur les lieux de travail basés sur des accords tripartites. que
lu rôle des synd icat s commença à changer d'une façon significative.

."1
En France, bien que les syndicats s'impliquèrent (dans presque tous les cas
d'une manière plus conflictuelle que contributive) dans le débat sur la formation,
ils étaient loin de l'engagement pratique de J'ancienne CGT qui vit dans les centres
de Format ion des structures d'aliénation des travailleurs, et créa. ses propres
structures pour la formation de ses membres.
Au cours des années }980. les critique s adressées pur les s y n dicnts
I re nçais <lUX st rutég ies de Format ion proposées par l'Elat et par les employeurs
étaient pertinentes, mais elles ne débouchaient pas sur des propositions, mais sur
des revendicat ion s , Lorsque les critiques étaient constructives tel que cela li été
le CaS avec le rapport de la CGT sur l'industrie de la machine il outils, elles ne
débouchaient pa:'; su r des aerions SUl" le .s lieux de tr-avail,
Les prospectives pnu r une meilleure participation des syndicats au débats
sur la Iot-matlon sent elles meilleures qu'elles ne l'étaient aupe rava nt dans les
deux pays?
Il existe deux réponses à cette question qui ne sont pas exclusives.
Premièrement, des changements dans les attitudes des employeurs et de l'Etat vis
à vis des syndicats pourraient conduire à un rôle plus important des syndicats
dans ln. Iorumtion professionnelle dans et hors de la firme. La réforme des
syndicats et de leurs stratégies de défense des intérêts de leur-s membres
constitue la seconde solu tion.

464
La persi st.mce de la nature conflictuelle des relations in du str-ielles en
France et aux. USA rend la deuxième solution plus plausible. Les pressions pour un
changement des stratégies s yn dicales viendront des membres des syndicats. Une
telle dynamique a vu le jour en France avec les "coordinations" qui sont des
structures ad hoc de mobilisation des t r-availleu r s en dehors des syndicats
traditionnels.
L'importance centrale des coordinations dans ta restructuration du
mouvement syndical français résidaient dans l'accent qu'ils mettaient sur les
questions relatives aux lieux de travail au dét rirnen t des questions sociétales,
Selon Rozenblatt (1991), une bonne compréhension des coordinations ne saurait
être réduite li la crise des syndicats et aux questions de démoc racie syndicale. Elle
exige égalemen t une analyse de la manière dont les coordinations ont abordé les
p roblèmcx liés il la transformation de l'organisation et de ta division du travail
dans la Fi rmc au cours des dix dernières années. Les coordinations émergèrent à ln
fois de la suspicion que les travailleurs nourrissaient vis il. vis des efforts de
modernisation des employeurs et de l'incapacité des syndicats traditionnels à
défendre les intérêts des travailleurs face à ces tendances modet-nise n tes,
En mettant l'accent sur les problèmes relatifs aux lieux de travail, les
coordi nution s Forcè re nt les syndicats à modifier leurs démarches. Dans son
re ppor-t sur 1<.1. machine à outils, la CGT répondit à ces pressions en écrivant que
c'était SUI les lieux de travail que les mobilisations les plus importantes devaient
aVIJÎ"
lieu.

465
Il est difficile de dire uvee. préciaion si les coordinations constitueront les
Ion demen ts de la crée tien des nouveaux syndicats dont les travailleurs ont besoin,
ou si. elles vont forcer les syn dicat s traditionnels à modifier leurs stratégies en
intégrant l'expérience des coordinations dans le but de donner naissance à un
nouveau syndicalisme. Duns tous les cas, ce nouveau syndicalisme devra passer
par deux t ran sfurmat ion s rnd icules des pratiques traditionnelles.
La pr-erniè r-e est la fin de la subordination des syndicats aux partis
politiques. La deuxième est la construction d'un mouvement ouvrier plus unifié.
Ces Lran sf'cruiat ions ne ser-ent pas facile:'> dans la mesure où l'orientation politique
des syndicats f ren çeis remonte à Ieui-s origines. ct a toujours été leur
caructéris tiq ue Ion dament ale. Ces transformations seront également difficiles dans
la me su re où les syndicats fr-ancais connurent leurs succès revendicatifs les plus
importants au cours des périodes de coopération proche avec les partis politiques
cie gauche, en l'occu r r-encc au cour-s du Front Populaire et des évènements de Mai
I96R. ccpcndunt , les cff'ets négnt ifs de cette orientation politique ont été: des taux
de s yndicalisut ion faibles, des divisions parmi les ouvriers, la concurrence inter-
syndicale. une déser-tion des lieux de travail dans l'activité syn dicale, et une place
secondaire réservée aux syndicats dans l'élabore tien des politiques industrielles.
Les syndicats américains n'ont pas eu l'équivalent des coor-dinations, Même
si histor-iquement la recomposltion du mouvement syndical américain après les
pér-iodes de: cri scs li été st.imulée par l'activité des travailleurs en dehors et contre

466
les, s yndicuts t ruditlonncts (Hcckscher-, 1986). il n'existe aucune base réelle
pe rutct tan t de prévoir quelquechose de similaire (ce que Heck sche r appelle le
syndicalisme as socle tif', "associational u nion ism") au cours des prochaines années.
Le syndicalisme as socie tif', tel que théor-isé par Hec k sber- (198B), correspond
à la réalisaticn d'un certain niveau d'intégration entre l'activité syndicale et
l'activité des autres or gan isatlons de la société civile, afin d'engager des actions
qui ne sont pas forcément directement en rapport avec la firme. Urie telle stratégie
ne risque-t-elle pas d'être défavorable aux syndicats à un moment où ils ont
besoin de se repositionner dans la firme, compte tenu du contrôle que les
employeurs unt sur cette dernière:
Aux USA, il y a eu au cours des années 1980, des tentatives d'émergence de
nouvelles di rection s sy nd icales C'New directions for lubor") parmi les travailleurs
déçus, pa r leur!'; directions traditionnelles. Sous le gouvernement de Reagan,
certains syndicats ont affirmé leurs intentions d'avoir une or-ien tation plus
politique. Parmi ces syndicats, il y avait en particulier l'IAM, le syndicat le plus
rep ré senta tif dans l'industrie de la machine à outils. Dans son journal, "The
Mach i ni s t " (No.5, Se ptember 1986; p.3), l'IAM fit des décle rat.ion s qui méritent
quelques couuue nta.it-e s.
En 19Rfi. HU cours d'une conférence organisée par l'lAM à laquelle
pe r-ticiperit des syndicats présents dans l'industrie de la machine à outils et de
l'ndrnnau tiq uc, la question qui p réoccu pait le plus les délégués était la suivante:

467
"COTlJlIJcnt redevenir des par-tenair-es sociaux capables de renégocier à armes
égales av cc le patronat?". Pour les délégués présents, deux instruments devaient
y conduire et permettre en même temps de relancer l'économie. Il s'agissait de
j'action politique et du recrutement de nouveau membres pour le syndicat.
Selon ces délégués, "il fut un temps où les employeurs respectaient l'esprit
et la Iet t re des accords collcct.ifs une fois qu'ils étaient signés. Aujourd'hui, les
emplo yuu r-s se sont donnés les moycn s, compte tenu d'un rapport de forces en leur
faveur. d'exiger la renégociat ion d'uccor-cl s déjà signés en passant directement par
le National La bor- Relations Board" (The Machin.ist , op.cit.; p.3). Pour les
responsables de l'lAM, les syndicats américains devaient ê tr-e présents sur le
ter-rain politique pour renverser le rapport de force en leur faveur.
En réalité, l'L'lM n'a jamais précisé en quoi consisterait la présence de l'IAM
sur le terrain politique et en quoi cela serait différent de ses pratiques
t rnd it ionnelles, Car, en fait, comme l'affirment Delaney et Maslers (1991), "les
s yn d icat s ont clcs orientations qui sont à la fois politiques et économiques et de
notnb reux syndicats sont politiques par nature. Bien que la négociation collective
soit en général considérée comme t'activité centrale des syndicats, la capacité des
gouvernements à intervenir dans la société force les syndicats, mêmes les plus
économistes, à en gu ger- des actions politiques" (1991; P.313).
Pendant que les discours sur J'orientation politique des syndicats avaient
lieu au Cf Jurs des années lqSO, la réalité était que la transformation des relations

468
industrielles aux USA qui CUIllT\\ICnç,'l il la fin des l'Innées 1970 et continua au cours
des années 19RO était en tr-c in de se faire sous le contrôle des employeurs. Il fi été
démontré que dans l'industrie américaine de la machine à outils, même si la
présence de syndicats relativement forts augmentait les chances d'une
pc r ticipution des travailleurs aux proces su s de décision, les fabricants
réu s slxsaient ,'1 conserver le cent rôle de ces p rocess u s,
A un moment où les qunliflcations et l'expertise tendaient à devenir des
avantages compétitifs (su r-tou t dans des secteur-s aussi techniques que la machine
à outils), les syndicats auraient dû utiliser la formation professionnelle comme
outil de remob if ise t ion de leurs bases et de recrutement de nouveaux membres.
Aucune stratégie syndicale ne semblait adopter une telle orientation jusqu'à Ja fin
des années IQ80.
L'''FL/C10 en tant que ccn t ralc. ne fit rien pour pr-omouvoir- une telle
o rien tation. Par exemple, en 1988, le Human Rer-sou rces Developmen t Institute
(mmn et le Depart.ruen t of Education de l'AFL/CIO en collaboration avec le George
Mea nc y Center for Labat' St u dies démarrèrent un projet appelé "Maater-ing Basic
Skills in the wor-k place" avec l'objectif politique de renforcer la place des
s ynd icut s dans le débat sur la formation professionnelle lAFL/CIO, n.d.). En même
temps , la centrale r-ecommanda à ses différentes compose ntes de s'impliquer dans
tous les prog rarume s de formation élaborés sur les lieux de travail. Cependant,
cette recurrunandatton était accompagnée de tant de conditions à la participation
des syndicats q u'clle constituait plutôt un facteur de blocage à la participation

4fi9
des t ruvailleu rs aux act lvités de formation de leur firmes. Parmi ces conditions il y
avait la nécessité pour les travailleurs de s'assurer des engagements à long terme
des emplcyeu l's.
Une telle préoccupation était légitime. Cependant, était-il correct de lier la
pa rticipation des travailleurs h une telle condition dans un pays où le respect par
les employeur-s de leurs engagements vis à vis de leur force de travail a toujours
élé l'exception"
Comme leur-s homolog ucs f'runcais , les syndicats américain a besoin de deux
transformations. La p reruièrc devra consister à se séparer des pratiques du
"business u nionism'' en intervenant au niveau de la source plutôt que des
conséquences des décisions Je g estion de la firme. Il é1 été démont ré au cours de
celle roche rehe que ceci était essentiel en ce qui concerne la formation
professionnelle. Les périodes au cour", desquels les di rtg ean ts s yndicaux tels que
Oeorgc Meu n y demandaient aux or-g anisa tion s de travailleurs d'éviter d'être partie
p rena n tc de ..., pn,(;L::SSUS de décision Je la firme sont dépassés. La seconde
t ran sformation importa nt e porte sur la nécessité de construire LIn mouvement
ouvrier plus ccntr-alisé,
II. Cont rib u tion de l'étude
Les exemples français et américelns montrent donc que le chemin q u i mène
ver-s la rénii satlon d'un accord sur un cad r e de base est très difficile dans tes
PRYS caruct.ér-isés par des relations industrielles de natur-e conflictuelle. Comment

470
les emploveur-s el les travailleurs umér-icai ns et français peuvent-ils en effet
aborder les q ues tion s relatives à la gestion de la firme sans suspicion et sans se
rappeler des décennies de conflirs (souvent violents) qui ont conduit à des
Ie ruret ures d'usines, à des Hcencictuen ts , à la destruction de communautés
entières. et même il des mor-Ls d'hommes? Les travailleurs américains pouvaient-ils
ig nore r Il: fait qu'au cours dc's années 19RO leurs employeurs firent tout leur
pos s ible puur exclure leurs syndicats des lieux de travail?
TI semble que tant que les relations in du st t-ieltes conserveront leur nature
conflictuelle dans les deux pays. toute évolution vers plus de coopération dans les
sy stèmes de Io rmut.ion sera inc rémentule. La question consiste à savoir si les
chan gemen t s il introduire dans les s y stême s de relations industrielles afin de les
rendre moins conflictuels doivent p t-écôder- l'évolution des systèmes de formation
Vers plus de part.nor-s hi p , ou si ce sont les expériences de par-tner-s hips en matière
de formation let dans d'autres domaines de la gestion de la firme bien entendu)
su r- des d urécs plus ou mOITI!;; lon g ucs qui entraîneront l'évolution des systèmes de
relation,') ind u st t-ielles ver-s moins de conflits.
Au Cours des a n née s 1980, seulles USA ont vu l'apparition de scénarios qui
ont quelq uerois d'ailleurs présenté des évidences contradictoires. Dans le cas
Fr-ançai s , la mise en place de structures de concertation telles que le Haut Comité
Ed ucatiou f.CUrl(IIIlÎe n'a pas débouché I1.U cout-s des années 1980 comme aux USA,

471
s u r des cxpér-Ie nccs de part ner s hip pour la formation des travailleurs de la
machine à outils. Cependant. ces structures représentaient une évolution positive
dans les relations entre par-tenai res sociaux.
Voyons le cas des USA. Nous avons montré que vers la fin des années 1980,
Je t-ecou rs aux contrats de formation à court terme sur mesure ôtait devenu une
pratique cour-antc chez les fabricants américains. Au cours de nos interviews, il
n'a jamais été question d'une amélioration du climat des relations industrielles
résultan t d'une implémentation de ces contrats à court terme.
Par contre, une dynamique différente découla des centres de formation
basés sur des accords tripartite qui furent mis en place dans certaines Fir-mes-
appartenant il des secteurs autres que l'industrie de la machine à outils.
Selon
un res pon suble de l'AFL/CrO qui participait à l'administration d'un de ces centres,
la c réa tion de cex der-nier-s provoqua u ne amélioration des relations sur les lieux
de travail (interview, 1991). Les membres du syndicat des "Steelwor ker-s", qui
avaient été à l'origine de la création du premier centre du genre, tenaient des
propos similaires.
Tl sc pourrait que le fonctionnement des comités internes composés des
représentants syndicaux et des dirigeants de la firme, prévus dans les accords
collcctifs de MA 1 ct LA2, ct chargé s de discuter des questions relatives à la
For-metInn. débouche sur des améliorations au niveau des relations i nd u s t r'ie l.les ,

472
Cet optiruisure doit cepcn dant êt re relativisé Jans le eus de MAI où les projets de
mise sur pied rte comités sur lEI formation sont apparus au moment où les relations
in du st r-ielles sont devenues plus con rlictuelles-
li n'existe donc pas suffisamment d'évidence permettant de dire si les
c hangeme n ts oécc s salrcs dans les systèmes Je rclation s industrielles conflictuels
doivent prôcéder uu suivre les changements dans les pratiques de formation. Il
est donc impossible cie se p rononce r de façon définitive sur les rythmes de ces
changements.
TT.l. Contribution au débat sur la. formation
Cd te recher-che était une cont r-Ibu tion au débat sur la formation du capital
h uma!n. Elle avait pour objet d'n nalv se les pays car-actér-isés par des relations
lnd u s trJcllc s conflict uelles, Les Etats Onis et la Frunce ont deux types diffé rent s
de rctntion s industrielles couf'Iict ueües. Dans le premier cas ces relations ont une
or-ieutation éccnomist e ("business u nionisrn"} alors que dans le second cas ces
rulution s I)llt toujou r-s été polltisées (".-;yndicalisme politique").
-vu cours du temps , de ces deux systèmes de relations industrielles
fonction na n t chacu n su r u n mcd e par-tlcu lier, émer-g èt-en t des résulta ts similaires,
"
en l'occurrence des systèmes de Formation professionnelle caractérisés par
t'ab sc nec [l'accords entre partenaires sociaux sur lin cadre de base pour la
frn-rna t Inn des travailleurs. Seuls de tels accords permettent denv isagcr des

47.1
actions collccti ve s xur la bu se Je pn rt ne r-eh ip s,
De lit période de Iorme tion des systèmes américains et français de formation
prof'e s sion ncllc à la fin des années 10S0, l'Etat, les employeur-s et les travailleurs
fu rent confronté s <iUX mêmes problèmcs, Pat-mi ces problèmes, il y avait la
n~cessjt~ (k définir la mission des deux systèmes de Ior-ruation el leurs rapports
avec Ia Fi r ruc. Il fu llnit également décide r si les centres de formation devaient
simplcmcnt répondrc à la demundc en travailleurs q ual ifiés à cour-t terme des
eurptoveu rs. ou ~;'il.s devaient avoir- tics ob iect if s allant au delà des programmes de
formation ajustés aux besoin s spécifiques des employeurs. Enfin, les rôles de
l'Etal. d~~; ccnployeurs et des travailleurs dans la formation et l'exécution des
pofitiq uc-, dl' for-mution devalent êt re clarifiés.
1\\ la fin des HnfH':e~; jt')flO, ces problèmes n'nvaicn t toujours pus été résolus.
L'Etat. lc , cu.ploycu rs el le-s t ruvalllcu r-s étaient toujours il. IH. recherche d'un
accor-d permct tant u ne o r-gan isn tion Je la formation en partnership allant au delà
de cont rat s
court terrue. l.a persistance Je relations industrielles conflictuelles
ù
au cours clc., a nuées 1980, et le fait que les s yn dicat s continuèrent à jouer un rôle
négligeable dans la fo rma tion de leurs. membres éloignèrent les chances J'un tel
accord. snn s pour au tun t !e rendre impossible. Toutes ces questions ont été
discutées uupa ru va nt ,
La ~,il211alLJl"e d c con t rat s de Iormut lon à court terme ct la cr-éation de
centres dl' Irnur.rt ion i ntcrnes cl la firme aux U~A, ainsi que la mise sur pied de

st r-uct.ures de cuncer-tution en France, exige le développement de quelques idées
pré-théoriques sur les conditions fi. remplir POUl- que le pa rt ner s hip en matiê re de
formation soit possible dans des puys, tnd u st r-ics ou firmes car-ac tér-isé s par des
r-elu tions industrielles conf'Iict uelle s et LIes syndicats Iai ble s. Elles exigent
ég alvmeut une discussion sur la For-ce de ces coalitions.
Le tour-naut du siècle était une période d'expansion économique alors q ue
les années tc)SO rm t ét.é une période de crises économiques. Cependant, les deux
périodes étaient caructé risées par des changements technologiques qui exigeaient
une aclup tntiou de IiI. force de t ruvail.
!\\Il tour nnnt du siècle, les pos sibllité s de prospérité économique et des
11IHI'Ch~s du trav.ril caructérisés pHI' une dumu n de supérieure l1 I'offre nu tor-isaient
Ic-, pur-tcnnirc« SfJCÜLHX fi re lcter toute Forme d'action collective ou de pa r-tner s hip
et h ud o pt cr des strutég ies Inclivid ua listes et indépendantes. Les ef'Iet s né gatifs
de telles s trnté gics ne se faisaient pas immédiatement sentir. Les employeurs
pouvaient s'appuyer sur une main d'oeuvre non qualifiêe. Les travailleurs, mêmes
les moins qualif'iées , avaient de nombreuses opportunités d'emploi. Par contre, au
cours ùe..., a nnéos Jfl80. les opportunités et les possibilités de prospérité étaient
limit.écs.. Deux For-ces contrndictoi res étaicn t présentes. Etant donné la crise
éccucmiquc e\\ uuc histoirc de l'dations couffictu elles , l'Etat, les employeurs et les
t re valtleurs dllW, les deux puys, êtaien t préoccupés pur la protection de leurs

Int é rûts pnrticulicr«. Cependant, ifs avaient tous accepté vers la fin des années
1980 le principe de la néces sit
de pa r-t ne r-xhi p s da n s l'élaboration et la mise en
é
oeuvre de ...; politiq ucs de formation.
Dans les s y stèrnes de relations industrielles conflictuelles, certains facteurs
con stituc roru des obstacles à la résol utlon d'une telle cont rud ict ion, alors que
d'au tt-cs y contribueront.
Les ob s taclcs viendront des altitudes et comportement liés aux incertitudes
qui accompag nent tou jou r-s les innovations ("liabiHty of newness"). La signature
d'acC(Jnls de pnrt ner-s hip su r le long terme partant d'un caure de base constituent
de s innovations dans les contextes amé t-ica ins et français. Ce sont les incertitudes
contenues da n s de tels accord s qui ont amené les par-tenair-es sociaux cl se limiter à
des contrats cle Iorme tion Il court terme aux IlSA et à la mise sur pieu de
st ru c tu rc-, de con ce rtu ticn en Pvancc. Les origines de ces incertitudes se trouvent
clans la pcrvistnn cc d e« caructér-istiques fnndumentule s des systèmes de formation
o rofcs sion nel!e et de re.. lu tiens industrielles. C'est ce que nous avons appelé au
début de cette recherche le poids des r-ig idités ln stit u t ion neltes dans les
stratégie -, de Forumt ion.
Connue Fucteu rs contribuant il résoudre la contradiction, il y a la nature et
le 1IJ()de d'ncq uisf tlon de.'i q ualif'Icutions néces sait-es fi une utilisation efficace d'une
tcch nologic u.u ticuliè rc. En ef'Fct , Cl:S deux facteurs (la nature et le mode
d'ucqui sitiou) peuvent déterminer la propension de l'Etat, des employeurs et des

476
tr-avcilleu r-s à s'engager dan!'; des pu r-t ne r-s hips , Au cours de la période Je
mécanisation des processus de production qui a caractérisé le tournant du siècle,
le recour-s Ù une main d'oeuvre spécialisée permit aux employeurs de former leurs
t ruv a illc u r-s sur le las. et il réd u ir-o au maximum leur dépendance vis à vis des
centres de Io rmation pu hl ics. Par con t re, au cours des années 1980, les
q uulificntio ns uéccs snircs à une bonne u tilisution des systèmes de production
inlor-ma tis s ont rendu le recours il ces centres indispensables. c'est ce qui força
é
les emptoveu i-s à collaborc r avec eux, même dans les cas où ils pos sédaient leurs
p ro prex cent.rex de formation comme en France.
Ccpc ndan t, en pa rtan t des résultats de cette recherche, il semhle que dans
les sv s tèmcs de relations industrielles dans lesquelles l'Etat, les employeurs et les
tr-avsilleu r s n'un t cu que des rapports conflictuels, les changements d'attitudes et
de comoort.e.ucn ts des par-tenuires sociaux seront possibles il deux conditions.
Pr-erniè r-cmcn t , ces chun gement s suivront une logique incr-êmen tale qui sera basée
xu r une accumuîation d'uxpér-icnces sur les lieu x de travail. Ces expériences
devront démontrc r sur le court-ve rrne qu'eues sont géné rat r-ice s de performances
qui sont plu s p rofitnble s aux employeurs el aux t ra valllcu rs que les performances
qui découlaien t des p rn t iq ue s antérieures.
Deuxfèmement , ces expériences doivent êt re accompagnées de la mise en
place rie méca nixmcs pe rmett a»t leu!" inst.it u t ionalisation (une fois qu'elles ont été
concluantes) par leur in té g re t ion duns le s yatème de formation professionnelle qui

- - - - - - -
~7'1
exlste. En d'autres ter-me s, une combinaison d'initiatives au niveau micro (par
exemple, c réution de centres internes à la firme) et macro {in stit u tionalise tion par
intégration de ces centres au système de Jormarion ) s'avère nécessaire.
l l existe un deuxième fucte u r pouvant contribuer à la résolution d e la
con t r-adlctlon entre la défense des inté rôt s particuliers el la nécessité d'accords
entre lex ou rt cu.urcs sociaux. Les pos sibilités J'actions collectives augmenteront
dans les systèmes de r-elat ion s industrielles de nature conflictuelle lorsque les
nou veaux rapports de force réduiront les capacités politiques des partenaires
sociaux qui ont traditionnellement con t rôlé le système de formation
professionnelle. Cela a été le cas des fabricants de machines à outils aux USA (bien
qu'ils aient conser-vé l'initiative) affe iblit par la crise. En France, cela a été le cas
du Gou vcrucmcn t qui a été nffnibli par la crise et par J'échec de l'expérience
socialiste, et qui a été amené pur les employeurs surtout à reconnaître l'échec du
systeme de Formation contrôlé pHI' l'Etat.
Il apparaît donc que la crise économique el l'introduction des nouvelles
technologies étaient au cours des années 1980 les éléments qui ont le plus
déterminé les nouvelles orientations prises par les partenaires sociaux en ce qui
concerne leu rs interactions dans le domaine de la formation professionnelle. Ces
élérucn ts (mt con s tit né les c ritè rcs contextuels qui ont forcé les partenaires
Sf.H.:iaux;\\ t rouver- un équilibre de leurs intérêts divergents af in d'assurer ln
survie de leurs Itrtne s,

178
Cependant, les expériences de par-tner-s hip et de concertation qu i ont lieu
dans les s y s tême s de relation s industrielles conflictuelles et qui sont supposées
déboucher sur des accords SUl" Je long terme. conserveront leur caractère limité si
duns leurs ob ject if s elles ne combinent pas la néce s sité de répondre à des
in s uffisnncc-, de truvnitlcurx qualiriés à la rccue rche de relations industrielles
consensuelles. 1,;( vitesse i'.l luq uclle cette comb inatsun sera réalisée dépendra de la
JYTlami4U~ interne: spécifique des systèmes de relations industrielles il orientation
con îlictuellc. el du niveau d'organisation des travailleurs et des employeurs. Dans
la mesure (ILL les relations industrielles sont plus décentralisées et le degré
d'exclu ston des s yndice t« LIes lieux de travail plus différencié d'une firme à
l'au t re aUX USA qu'en France, les expériences de pa rt ner s hip seront plus faciles à
réa liser aUX USA qu'en France où, en général, les syndicats ne sont pas reconnus
sur les lieux de tr-a vait. Cependant, ces expériences une rois réalisées tout en
ava nt prou vé tes avantages su pér-icu rs que peuvent en retirer les partenaires
sociaux. seront plus difficiles à ins t itution nalise r et à imposer à tous les
eruplnyeu r-s !-lUX USA qu'en France. Les raisons en sont: la décentralisation du
système de relations p rofes sion nelle s el la faiblesse des organisations patronales
[lUX USA. En Prun ce , les processus d'In stitut ionnnlisnt ion seront plus r-apides à
cause de la cent ralf sut ion du système de formation et cie l'existence
cl'on;!,on i sa tien s pat renales fortes,
II s'agit Ir1 des facteurs discriminants q ui permettent d'expliquer les

479
différences de performances en matière de formation entre plusieurs pays qui
possèdent des s ystêures de relatton s industrielles conflictuelles.
JI.2. ConlribuLion li I'ômcr-gencc d'un nouveau paradigme dans la.
recherche L'ri Gestion des Ressources Humaines
Dans la partie portant sur la méthodologie de notre thèse, nous avions
identifié un modèle général de GPRH (celui de Heneman et alü., 1986), et trois
modèles spécifiques (proposés par Bt-abet , 19931 à savoir, le modèle instrumental,
le modèle de l'arbitrage managér-ial , et le modèle de ta gestion des contradictions.
Dans la mesure où notre élude portait SUI" l'étude des questions de formation dans
une industrie en perte de vitesse. et dans un environnement caractérisé par des
relations ind u striclles ccnflictuellox, des changements technologiques remettant
cn question des avantages acquis, et un aiguisement de la concurrence, le modèle
de la gestion des con t r-adiction s sctnblait le plus apte à comprendre et à expliquer
la nature des interactions des diffé rent s partenaires sociaux lors de l'élaboration
et de l'exécution des stratégies de Jormu tion dans les f irmes étudiées.
En ou t rer, dans l'analyse des déterminants des attitudes et comportement
des partenaires sur- te I/IB.l'ch6 de la Forma tien, nous avons préféré le paradigme
institutionnel au par-adigusc néo-clas siquc. Une étude dé tuillée de leurs
diffé rcnces figure dans le premier chapitre. A 18 buse de notre préf'é rence il y
avait ICi raison suivante: elor s que les néo-classiques sont essentiellement

480
préoccupés par J'individu mnximise nt ses gains sur le marché de la formation. les
in stit u tionelis tes s'intéressent uu sxi bien aux choix q tn sent Iutts par [cs individus
qu'à l'action collective ou en d'autres termes. à la façon dont les institutions
(orgunisut ions patronales. s y ndicat s, s tr-ucturu de l'{ndu vt r!c par excmplc}
influencent les décisions des partenaires. Ainsi, pou r les iust it u tionalis tex, la
recherche du gain maximum est loin d'être le seul uc.tenninanl de la nat ure des
rapports ent.re l'Etat. les employeurs, ct les travailleur!'; da ns les systèmes de
Jorma tion p rcfcs sicnnelle. Lc:-. résultats de notr-e l'ludp S\\.Il' les ind u s t rie s de la
machine 6. outils en France et aux Etals Unis ont très lar-gement démont.ré que sur
ce point. ils avaient r-aison.
Au centre de notre rné t hode d'fn vest.ige uon se trouvait l'approche sociétclc
qui Inclut 1;1US:)1 bien le modèle de la ges tion des contradictions que t'approche
Inst.itu tionetiste. En ertet , dans notre partie sur la méthodologie, il est mentionné
que cette approche se fixe pour ob jecttf de comprendre et d'expliquer comment les
institutions naissent, Ionction nen t , et sont en internet ion. Dans l'analyse de ces
uifférenls p roce s sus , elle mel l'accent sur les r-ôles joués par les différents
individus et groupes défcn dant des intérêts spécif'Iq ucs. Or, les systèmes de
formation p tofe ssionnelle, les systèmes de rel.uions industrielles, et 111 firme sont
tous les Lruis des in st.itut.ions dont les int.eructions par J'intermédiaire de leurs
membres const it.uuient not.re ob jet d'rmaly se.

481
l.e fait que l'approche sociétale nous ait permis de mener à bien notre
rccbct-chc constitue un pas non négligeable dans le domaine de la recherche en
gestion des rexsou rccs b uruuines. Parmi les res sour-ces principales de la firme, à
savoir les res sou rces financières, les ressources technologiques, et les ressources
humuines , ces dernières ont été probablement
les IIHlins anal y sôc x (Des rcu mau x, 1993; T'hiéta r-d. 1993; Martinet, 1983). Cele est du
à la combInaison de plusieurs phénomènes: le caractère récent de la recherche
Jans la discipline; le fait que la GPRH est une fonction par-tagée de la firme
(Bosquet. 1980-81); et, leu r nature immatér-ielle.
L'école des relut ions humaines est née au cours des années 1930-1940 avec
Mayo, Cepen dant , ce n'ost qu'au cours des années 1960 que la GPRH, en tant que
discipline ut fonction de la Fi rrne , est devenu un sujet de recherche. Elle se trouve
jusqu'ici da n s u ne phase exploratoire dominée par le modèle instrumental. Selon ce
modèle. cf'Iicacité sociale et efficacité économique vont ensemble (Brubet , op.cit.}, à.
cause de la convcrg ence, de l'hal'lllonJe, et de la dépendance systématique qui
existent entre les intérêts de la firme et ceux de son personnel.
Le modèle in strumc nta l repose s ur un poat u lat. En effet, l'existence d'une
unité ent rc s uccè s social et succès économiques n'a jamais été véritablement
démnutrôe empiriqueme nt. Mais, xu rtout , un t el postulat, acceptable en période de
xtub ilit é ou de prospérité économiq u es , montre très vite les limites de sa valeur
explicative e n périodes de crise et de c hang emen ts tech nologfqu ee comme cela était

-IP.2
le cas da ns le.':'; industries f ru nçuixc ct aruér-icaiue de la machine à ou ti!s. (Dans un
s y stème de relations in d u str-ieflcs conflictuelles . un tel postulat n'a pas de sens).
Ces périodes mettent à IlU le.'> diverg e nces d'Inté rêt s entre les différents
partcnuircs socia u x compte tenu de leurs choix rut.ionnef s, Avec ces divergences,
la Fi rtuc devient un terrain où les relations entre partenaires sociaux ainsi que les
difFé ruut s ]JllIL't.:SSUS sont sans cesse renégociés. C'est de cela que découle la
capacité explica t ive supérieure de l'Hpploche sociérale, du modèje de lei gestion
des contradictions, et de I'ap oroche institutionnelle. On voit donc que ce qui fait
la force duuu approchc , c'est sa capacité à expliquer des phénomènes observés
dans un contexte donné. Il est ain ai possible q utune étude de la formation en
péricdc de prospérité démontre les mér-ites de l'approche néo-classique. Il est
~galc1\\JenL pll,;);ible qu'une analyse d'un phénomène de GPRI-I aut re que la formation
pro lcs smnnclle ft'l'j'jL' apparaître une eut re cunfig wret ion des rapports cn tre
pn rt.e nul rea :'OCitlll)(.
JII. Conclusion générale
Dan s les pays nu industries cn t-actér-isés pa r des relations professionnelles
conflictuelles, la ruise en place de stratégie de fo rmation per-For-mantes s'avère
difficile dans hl \\\\\\c,;ure!)ù les principaux partenaires que sont l'Etat, les
employeurs. et le:, t r-availleu rs pu r vic nne nt
ifficilement il trouver etes accords
ü
s u r un cadre de bus e puu r la For-mation des travailleurs. L'absence (ou la

~83
pr-ésence) d'un tet accord ne saurait être considérée comme une cause exclusive
d'échec (OLl de s uccès l d'une stratégie de formation. Il existe p robab lement
d'nut rcs rul sun s pouvant mener 1'l L1e:-; résultats similaires.
ccpendant , si [es principaux partenaires sociaux ne parviennent pas à
sten tcndr-e sur les méthodes de formatlon à utiliser. ou en d'autres termes ont des
conceptions cpposées de la façon dont doit être organisée la formation, il est fort
PI"ObHbJc que les qunlification s des travailleurs en souffriront quels que soient les
moyens mis Cft oc uv re par ailte ur s. En effet, des conceptions opposées débouchent
forcément 'sur des s ys tème s ct des stratégies de formation fragmentées, sans
cohérence, essentiellement à cause <l'une absence de coordination entre les
besoins de la firme et les programmes des centres de formation.
L'ét udc de l'industrie de la machine à outils en France et aux Etats Unis au
cours des u nnées 1980 supporte nos propositions de départ. Ce sont en effet les
Firmes clans les quelles les rclation s industrielles étaient les plu') conflictuelles qui
ont rcncon tr-é les rn-cblèmcs de q ua lificn t ion les plus sévères, et qui ont eu les
niveaux de pe r-Fcr-mn nce« économiques les muins élevés. Ces d if'Ftcult.és découlant
de l'absence d'un cadre de base pouvaient être atténuées (mais pas éliminées) par
l'organisation de struct.ures de formation en remplacement des structures
traditionnelles qui avaient fait la preuve de leur inefficacité.

484
En mettant l'accent su r It~ rôle Central Je lu for-mation d'HIS les performances
économiq ues d c la Fir-me, la préscn tc élude u en lfIê~lIe tcmp s démontré I'Impor-ta nca
de la gestion du personnel et des ressources humaines comme facteur clé ne
SUCCl:S dans un cnv ironnemcnt caractérisé par des changements technologiques el
une concurrence aiguisée pilr des crisos économiques continues. En montrant que
1<-1 formatton pj"nfessionllulle Il'était pas liée de Inçon déter-minist.c à l'uppa rttion de
nouvelles lL'l~hrr(Jl(wjl~'<;, IIlHi,c; q uct!c était I'ob jct de divergences dtl ntérêt s entre
(es uur-tenaircs sociaux. les résultats de la p ré sente étude su g zè re n t plusieurs
choses, notuuuuen t:
- la néccs sité d'un dêpas scmcnt du modèle instrumental (normatif) dominant
dans lu recher-che en gestion des res sour-ces humaines, et d'une orientation vers
ce que Hrabct (lt)'H) appelle le modèle de la gestion des contradictions
- ltu ti lit é d tune prise en compte des variables inst itut.lonnetle s dans
l'analyse des
différentes ucriv ités de la gestion des res ecu rces humaines, et
- la néces sité de considérer l'extension de la prise en compte des vartab les
in stitu tiun neile s à l'ét.ude de tous les aspects de la gestion de la firme.
Comme tout t ravail de recherche, le nôtre comprend certaines
insuffisill\\cl:s. liées il. la nature de l'étude. 11 n'est pus facile de mesurer avec
pr-écision l'impact d c I'ub ee ncc d'un accon) sur Ull cad re de bas e sur les
quullf'icatk.n s des tra vailleu rs. De la mê me façon, ôvalue r l'influence d'une
ins ufFtxa ncc de travailleurs qualifiés su r lee performances de la firme n'est pas

<R5
chose évidente. LC1 méthode compar-ée ut ilfsée tout au lonz de cette étude à permis
dans une certaine mesure de réd u ir-e les effets négatifs de ces difficultés sur les
rés ultat.s de la rec hc rchc. Ceci dit, I'u t iliaaticn d'outils de mesure qualitatifs
n'enlève rien à la valeur d'une étude. surtout lorsqu'il s'agit d'attitudes et de
compor-tements qui ne .snu reicnt faire l'objet d'une évaluation précise.

486
A
N
N
E
X
E
S

487
APPENDIX
1:
AGREEMENT BETWEEN MAS AND THE UNION
MAV 1,1989 -
APRIL 30,1992
Article XI - Apprentices & Trainees
~ectL.9ll-..1.
The Company agrees
te malntaln
t t s present
a p p r e n ti ce s hlp p r o s r am as
estabJ [shed
by agreement with
the
Union and the appropriate governmentaJ
agency.
~~_~tL9l:L2.
It
is agreed b e t we en the Company and the
Union that
i t
s h at t be the dut y,
p r i vl t eç e
and rlght
of
the
Union te inspect and check the progress reports of apprentlces
and/or
t r alnee s
at
ail
reasonabJe
times,
to assure
l t s el f
and/or the apprentices or tra\\nees that the Intent of the
apprenticeship and/or trainee agreement
Is being carrled out
the be s t of
the Company's and
the
l nd l vl du a L' s ablilty.
seç t i OJ1_~.
It
is agreed between the partIes that the
Company w\\ 1 1 pay for necessary books and tultlon for
app r en t t ces.
;;~G.tJ~_..1.
The company agrees to malntain Its present
training pr-oq r am as outllned
in Exhlbjt
"B" attached herewlth.
Section 5.
With the advfce and participation of the
Union,
the Company will
e s t ab l lsh a mut ueï t v-uar eeo ta program
of written no l f cle s and procedures for
the education.
training
and a dvanc emen t of al r employees.
The cost of ail
Job-related
education and training courses under thls program will be pald
for by the Company upon satisfactory completlon of the course
of courses.
A training and edUcation committee conslstlng of two (2)
Company representatlves and two (2) Union representatlves wl l 1
meet at
least monthly to establlsh and contlnually update a
vr t t t eu cr oqr am for
training,
education and
l mpr o vemen t s of
training standards.

4B8
Exhlblt
"8"
MA1 Training Program
Be c au s e of
the
l ac k of
ski lied persans able ta perform
such work as
is avai lable for
La bo r
Grades 5 and 7
in
the
basic contract between the Company and the Union:
The Company will
e s t abll s h Tralnee Programs
for
these
Labor Grades consisting of two (2) basic parts:
1.
On-the-job
trainitlg
2.
Technlcal
Scboo l
training
The
i n t en t
of
t h e s e or'oq r ams
l s
ta upgrade a persan who
has not had prior experience ln arder ta quallfy hlm/her for
the machining and assembly ski 11 specified
in these Labor
Grades.
Training
s h al l
be
in
two
(2)
Labor grades,
Labor Grades 5
and 7 wi th
the
fol lowlng provisions:
~ectL~l.
This training will
be on-the-Job during the
regularly scheduled work week and w\\ 11 be on actual
production
mat e r i al ,
if possible.
Training wi Il c on sl s t of ope r a tl nq the
machine and maklng set-ups with the assistance of a "skilled"
op e r a t o r of the pa r tlcur a r mac h l ne selected.
The "ski lied"
ope r a t o r need not stand by durlng an actual
production run.
~~LÇJ...LQJL_2.
Complet ion of the training program will be
mandatory for a tralnee to be consldered for advancement
Into
a higfler labor grade or for progressive advancement wlthln a
labor grade.
s.!:l.c;..t.LQJ1_~.
The Company retains the rlght to decrease the
training period of a tralnee,
if the tralnee shows an
extraordinary rate of progress.
If the trainIng perlod
is
decreased,
the trainee would be placed at the minimum of the
bracket.
Then follow general and oa r tlcul e r c ondl t l on s for the
organization of training programs (section 4 ta section 9).

489
Labor Agreement between LA2 and the Union
1988-1992
This memorandum de f l ne s cells and
t hei r
o r s ani z e t l on :
s t a t r t nç and Po s tl nq , 'r r et n t nq ,
and de t a i l s on
Unit Assembly
Cel l s
a nd Machining Cel l s .
He r e l n , ont y the chapter on
Training is presented.
Employees entering a ce!1
agree to be
trained for their
Job Categol"Y.
and agree
to
train other employees.
ThIs
training may inctude on-thE-Job training, class-room traIning,
reading of
relevant
\\ iterature and documents,
and academic
education where
auo t l c a ble .
Employees wi t hin a c e l ! are
ex p e c t e d to perform work of al l s klt t s wlthln the cell,
provided are quai ified to do 50.
Once a c el!
r s e s t ab l ished and staffed,
mernbe r s of
the
Cell
and
the
f ac l 1 i t e t o r
s b a t 1 e s t ab I ish
a
t r a t n t riq s cne dul e ,
This sChedule,
subject
ta
rev/sions by
the
group. may be
interrupted or suspended,
from time-to-tirne,
due ta production
r equl r eme n t s ,
but s hal j
be
u t l l l z ed
as
the
qu t de t l ne
for
training within the Cel!.
Training wl t hin a c e ! l
shall
c on s l s t
of adequate
instruction by a qu at Lft ed
employee,
f ac fl Lt a t o r , or
t r e l ne r
011
the
job.
Requl r ed
or a s s i qne d
training shall
be durlng
working hours.

490
APPENDIX 2:
The Vocatlonal Consultative CommissIons
( "Cornm l 55 i ons Prof ess j onne Iles Cansu 1 t at j ve s '",
CPCs)
The CPCs were created
ln 1948.
Since then they have been
subject to many changes
in thelr composition and mode of
functioning.
"The
cr-e a t t on of CPCs
Is
recommended to ail
mJnlstrles
that
have
training
responslbi 1 t t t e s ... "
(Bou yx ,
1990).
Tc date,
three ministries have cpes.
The Mlnistry of
Agriculture has one CPC.
The Mlnlstry of Labor has four CPCs.
The Ministry of National EducatIon has 17 CPCs.
Each CPC has
four
"col l e qe s?:
one
for employers,
one
for wo r k er-s ,
one f or-
public au t ho r t t t es ,
and one
for qual l f t ed experts.
Moreover,
each CPCs is competent
in one specifie economlc branch.
Branche& are broadly defined.
Employer and wor-k e r col I e qe s have ten r epr- e s en t a t l ve s
each.
They do not participate as
lndlvlduals but as
representatives of employer associations and unions.
Employer
representatlves are selected from employer associatIons
involved
in the branch for which a diploma has been proposed.
Employer associations choose thelr representatlves,
but seats
are al l oc a t e d by the Ministry of the CPC concerned.
Thus,
associations are not equally t-ep r e s e n t e d ln CPCs.
During the 19805, the participation of unions to CPCs was
r-equla r .
Only unions r-e pr-e s e n t a t l v e at the national
level slt
ln the CPCs;
they are: CGT, CFDT, Fa, CFTC, and CGC.
Once the
first five seats are al rocated the remainlng flve are
dlstr'buted to the same unions based on thelr
level
of
representation
ln wor k s counci Is ln
t he l r- branch.
Thus,
the
CPCs e xc l u de small unions.
The co fl e qe of public au t hor-Lt l e s s e e s the par t l c l oa t l on
of competent ml ni s t r-y representatlves.
The co t l eqe of
quallfied experts 15 the most heterogeneous.
It
Includes
va r l ous
l n d i vl du al s from union membe r s ,
to parent
representatives,
representatlvBs of chambers of trades,
commerce, and
inctustry.
A CPC has about 40 members.
CPC members slt for four
years.
Each CPC is alternatlvely preslded over by a
representative of employer and worker colleges.
Sources:
Bou y x ,
1990; Interview wl t h Hl! lau, member of the
Direction of High Schools and "Collèges", 1991.

491
APPENorx 3:
Occupatlonal Advlsory Committees
The Advlsory committee i5 a structure of particIpation
ln
the administration of voc a t l on a l
col l eqe s
ln Wisconsin.
In
pr\\nciple there
is one advisory committee for each occupation
e x i s tlnq
ln colleges.
The e s t abl I s hmen t
of
a dv t so r y
c ommi t t e e s
Is
of
the
r e s pon slb l 1 i t y
o f
col t eçe s •
The
same
l s
true of the recruitment of members of advlsory committees.
Advisory commlttees have technlcal
functlons.
The mas!
important functlons of advlsory commlttees
spelled by
the Board of
the VTAE are:
"e qulpmen t
selection and
pr-ocu r eme n t ;
pub l le relations;
r ecr-ut t ,
r e t et n ,
and placement;
program evaluation;
raie models; mentorship; program
own e r s h l p : community service; o r t de".
But,
in
thelr functlons
advisory commtttees onry provlde advlce and assistance to
district ccl l e qe s .
"The comml t t e e need an e qu a l splIt between empl o ye r s 'and
1employees from the program career field target.
The cornmittee must roeet a minImum of four (4) tlmes per
year to be effective.
Members are selected by referral
and by personal contact
by the program Instructor or 1 iaison member from the advlsory
corom i t tee ... "
However,
employers and workers do not represent their
a s so ci a t ions and unions.
The system of r ep r e s en t a t l on
ln
adv t so r y commlttees
i s
l ndf vt duel l z ed .
80, nel t he r emp t ove r s ,
nor wo r ke r s have a pol Lt l c a l mandate.
The
r e el Lt y of advl s o r y committees
Is different from the
text.
Very few advJsory committees have a parlty
representatlon of emptoyer-s and workers.
Employers are much
more represented than workers.
Few commlttees roeet four tlmes
a year.
The fact that the creatIon of commtttees and the
search for members depends on the staff of each col lege makes
the dynamlsm of committees dependent on how weil
the schoal
wor ks .
Only good colleges have good advl s o r y comrnl t t ee s ,
Sources:
Interviews wJth VTAE,
1989,
1990;
Vocatlonal Study
Center, n .».

492
APPENDIX 4:
QUESTIONNAIRES and INTERVIEWS
On-Site Ln t er-Lvew Guidellne (Flrms)
[1.0]
Company,
Product Markets,
Product strategy
Company:
Interviewee:
Interviewers:
Date of Interview:
Closing date of Interview notes:
Code:
[1.1]
Ownershlp
[1.2]
Production.
CommercIal
strategy,
Strategie
Problems
[J.3]
Markets, ProductIon Strategy
[I.4]
Economie Fundamentals
[1 .5]
Misee 1 \\ eneous
[11.0]
Technology
[11.1]
Programmable machIne tools
[1 I. 1. 1] Wha t , Why,
How , Who.
When 1nt roduced
(11.1.2) Appl l c a t Lon
(11.2J
JIT and SPC (Quallty and Del Ivery)
(11.2.1] What, Why,
How, Who. When Introduced
[IL 2.2]
App 1 1ca tian
[11.3]
Introduction Problems
Lr-el a t e d to ski Ils and
technology)
[11.4] Mlscellaneous
[111.0]
Personnel
and the Procurement and FormatIon of Skills
(111.1]
Descriptive Demographies of Flrm (slze,
structure, c ycl e s , trends)
(III .2]
Sk i 1 1 Need s
[II1.3J
How Satlsfy Ski Il
Needs
[111.3.1] Constraints due to Ski 1 1 Neads
[111.3.2] Ski 11 Procurement
[111.3.2.1]
External AcquIsition
(poach, ads, hlghar wages)
Lr r r a z z
c
c
c
j r n t er n a r Development
(In-
house training, 6Pprentlceshfps,
wo r kpl ac e
Iiteracy, cu s t oml z ed
traIning programs, equlpment vendors)
[111.3.2.2.1)
Cooperation wlth
other flrms
in training
(special
emphasls on VTAE)
[111,3.2.2.2] How protects
employees from other flrms

493
[1I1.4J
Miscellaneous
t iv .o
Associative Action
ï
[IV.1] Memberships
(IV.2]
Formai
and Informai
Network Linkages
[IY.3]
Service
in, or
linkages to public bodies
[rY.4-] Would Stable
1 inks help (regarding
sk l t l s )
[IV.5]
Miseel Janeous
[v.a]
Industrlal
relations
[Y.1)
unionization
(V.1.1] Non-run l onlz e d ;
hlstory,
unlon-
avoidance
[V., .2] Why management prefers non-unIon
[V.2]
(Y.2.1)
Whlch un t on ,
general
t one of
relations
[V.2.2J
How union affects sk l r Is
[V. 3]
Warker participation programs
[V. 4]
Mj sce 1 1anecu s
[VI.D]
Hypotheticals
[VII.D]
Anything to be added by
Interviewee
[VIII.a]
Documents
[VIl1.11
Personnel
oo t t ct e s manual
j vr r r c a j
Collective bargaining agreement
[VrII.3]
Annual
report,
memo s
[VIII.4] Job descriptions dtfflcult to fill
[VIII.5] Curricuta,
teachtng materlals
[VIIL6] Miscellaneous
[IX.Dl Insightful Comments by Interviewers

494
Interviews wlth Unions
[1.0]
Changes ln IndustrlaJ
relations durlng the 1980'g
[1.1]
At
the workplace
lever
types of changes:
when? why?
consequences on union organlzlng actlvlty
consequences on
collective barga\\n\\ng
consequences on relatlonshlp with
international
unions
(more or
t e s s decentral t z a t t on)
consequences on
relationshlp wlth management
[11.0]
Union Participation
[11.1]
Union
perr.eption of economlc performance of
the flrm
[11.2]
Union role ln the deflnitlon of objectIves
of the flrm (consultative volee,
participation
in final
decislon-maklng,
representation
ln company boards ..• )
(11.3]
Union raie ln the organlzatlon of production
(al location of
jobs,
job rotation,
promot Ion,
quai i t y and o r oduc t l v l t y
control ... )
[11.4]
Rel a tion s h l p b e twe en
industrial
relations
and economlc performance
[11.5)
Union raie
in declslons ta
lnvest naw
technologIes
(dIscussion
at planning stage
Or
t at e r ,
j cb r e s t r uc t u r I nq ,
de fl nl t l on of
skill-mlx ... )
[111.0]
UnIon perception of ski 1 1 problems of
the
flrm,
and
initIatIves
[II1.1]
Forms of union pe r t l cl pa tl on
ln the
provision of
skilis
(cooperative efforts
wlth management; unions'
trainIng ceo t e r s ;
app r-an t l c e ahl p ;
r e t r alnlna ;
cooperation wlth
other unIons •.. )
[111.2]
Important of
training
ta unions compared ta
Issues of wages,
s en l o r l t y , health c ar-e
be ne tl t s , .•.
Why?
Tlme do you spend on
training
issues?
Functlons of
stewards
ln
matters of traInIng?
[111.3]
How do unions devp.lop their training
strategy (pol Icy recommendatlons coming from
internatIonal
union or dec e n t r a l ized
declslon-making process; mention cases where
t b e r e
l s no strategy be c au s e
l t
Is
in
t ac t
a
s t r a t e qy :
relatlonshlp training and
collective b e r qal nl n q ,
trainIng and unl on
o r q anlz l n q •••

- - - - - - - - - -
495
t r v .o j
Union perception of management response to new ski 1 1
reQuirements
[v. a]
unt on
involvement
in public
Institutions of
v oc a t l ona l
training
[vI.al
Long term strategy of union
ln
training
[VII.O]
Addl t t on a l
comments b y
Interviewee
[VIII.D] Documents on union structure, organlztng strategy,
technology strategy. ca strategy,
traInIng strategy
at
the State and national
levels

496
Interview wlht Technlcal Schools
[I. a]
Mission and phi losophy of
vocations!
schools wl t h a
particular emphasis on the metalworklng and the
machine t oo l
l ndu s t r y
[11.0]
The provision of
ski \\ ls
ln voc a t l ona l
s choot s
[11.1]
Type of ski Ils p r-ov l d ed
Ïmac hl nl s t s ,
assemblers,
techniclans, englneers ... );
changes
ln
the type of
s kl l I s p r ov l ded and
causes of changes
[II.2]
Labo r
market
targeted
(local.
regional,
national)
[11.3]
Process of
evaluatlon of
ski Ils needed b y
economy
local.
reglonal. national)
[111.0]
Relationship between vocatlonal
schools and other
industriel
r e l a t l on s ec t o r s (p r l ma r-! Iy employers and
their associations; workers and theïr unions)
[IrI.1]
In the voce t l one l
training system
bu r e auc r ac y
[III.2]
In
internai
administrative structures of
vocatlonaJ
colleges
(flnanclng,
program
definltion,
updating teachlng equlpment,
definltJon of s k ! Ils needed,
creation of new
courses and dlplomas .•. )
(III. 3]
Others
t t v .o j
Changes
ln voc a t I on a l
training
[IV.1]
Changes
ln methods of
training
(program
duration,
contlnuing
training vs.
initial
training,
a pp r en t l c es hl p , customlzed
trairling,
consortium ... ) and causes
[IV.2)
Changes
in
relation wlth emp t o ye r s '
associations and unions
(more or
l e s s
oar t ne r sb i p , tripartite agreements·... )
[IV.3]
Obstacles
to changes
ln vocatlonal
training
(Industrlal
relations,
t undl ns
c a o ac i t \\ es ... )
[V • a ]
Relatlonship between vocatJonal
schools on one slde
and university,
general
education,
on
the other slde
[V.1)
Structural
r e l a t l on s bl p
[V.2J
Programmatic relatlonshlp

497
[VI.D]
Type of attitudes expected fram employers, and unions
(more or
less cooperation. more training
responslbl 1 ities for employers and unions ... )
[VII.D]
Ask
If there
is anythlng else
[VIII.D] Col leet data and information on programs, graduates.
structure and orgBnization,
funding sources,
regulatlons ... )

498
Interviews Conducted fram 1989 to 1991
in
the State of Wisconson and
in the Region
Il e-r de-T'r an ce
in Par 1s
Interviewee
u. s .!
France
firms
6
6
5 personnel/human
- 4 pe r s onne Lyuuman
re~aurccs directors
resources directors
-
1 owner
-
1
owner
-
1 plant supervisor
-
1 president
-
2 production
-
1 plant supervisor
managers
-
2 plant training
center managers
Unions
4
3
-
) state officiais
-
5 local sectoral
-
2 business
representatives
representatives
-
2 stewards
s t a t e r
-
1) agents involved
- 7 agents involved in
government
in variOllS areas:
vario:.:ls 3r-eas:
vocutional
apprenticeship,
ather
r-esearch on skills
agenc':'El5
vocational programs,
issues,
funding of
Legislative issues,
vocational programs,
diplomas and program
creation oi diplomas
creation
and vocational
pr-ograms
Federa l
-
1 agency involved in
vQcatlonal
apprenticeship issues
aqencl.es
1 In the U.S. case, severa! people were interviewed more
than once.
This occurred
ln France only once.

499
,
Vocational
2
schools
6 teachers and
- 4 teachers and
administra tors
administrators
involved in regular
involved in regular
vocational programs
vocational programs
- 4 teachers and
administra tors
[nvo Ived
in
apprenticeship
,
Employers
associations
-
l
repr~sentative of
the national inter-
industry association
-
J
metalworking and
machine tool
employ~r associations'
officiaIs involved il1
training issues
,
Employer-
-
1 apprenticeship
run tra.ining
center
centers
-
J
continuing training
c!;!.nt~r5
Total
number at
interviewee~
~ The smat 1er number of Interviewees ln the French case (due
to time constralnts) was supplemented by an
Intense
correspondence wlth government agencles,
unions,
and employers'
associations before tlle f\\eld-worK
in Paris.

500
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Change.
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SOMMAIRE
RESUME
INTRODUCTION
1
METHODOLOGIE
14
tnt.rod uct.ion
14
l , Le Contexte el son impact sur not r e recherche
17
II. Ouest.ion de recherche et définitions conceptuelles
19
II. L La forma Lion professionnelle
20
n.2. Rela tions industrielles
22
11.3. For-met ion urcfession nefle. r'clat.ions industrielles,
gest.ion des ressources humaines
25
III. Notre prcposit.ion tbéoriq ue
34
IV. Le choix (les cas étudiés el des unités d'analyse
39
1/,
Lol. collecte des données el iuformatious
47
v.f . Les guides d'Irtter-view s
47
v.z. Données el inrormations cctlect ées
49
VI. La vét-iftcaticn de not re proposit.ion thôcr-ique et
J'analyse des don nêe s
57

VII. Oue st ions de validité
62
VII.I. vulid ité interne
62
VII.2. Validité des concepts
62
VIL3. Oénérulise tion des résultats
65
CHAPITRE 1. L'UNIVERS DE LA RECHERCHE: L'INDUSTRIE DE LA MACHINE
A OUTILS EN FRANCE ET AUX ETATS UNIS AU COURS DES ANNEES
1980
66
l ntrod uct ion
66
1. Pcrfor-munces économiques
69
1.1. Le cas de l'tnd u st r-Ie américaine de la machine à
outils
69
1.2. Le cas de l'In du s tr-ie française de la machine à out ils
71
II. Technologies nou velle s el qualifications dans l'industrie de la
machine à out ils
75
ILl. Développements technologiques dans l'industrie de
la machine à outils
77
11.2. Les l'apports entre utilisateurs et fabricants
80
11.3. Nouvelles t eclmologies et qualificat.ion s dans I'Iud u st r-ie
de la machine à outils
84
Conclusion
103

CHAPITRE II. DEUX APPROCHES DANS L'ANALYSE DES RAPPORTS ENTRE
FORMATlON PROfESSIONNEl.LE ET REl.ATIONS INDUSTRIELLES
In trod u ction
105
1. Les p rob lèmes de la Lhéru-ie du cnpital humain
109
Il. LC:3 insLitllliunalisles el le débat sur la formation des années
1980
120
Il. 1. L'j n s tit utinna Iis at Ion des s y s tèmc s de formu t iou
I2!
lJ.2. Sv ndicat.s et Iormution professionnelle
126
11.3. Centrulisation vs. clécen tralisat ion dans les
sy s tèmes Je formatiun professionnelle
138
TT!. Synl hê se: Identification des Fe.cteu re Iondameruuux permettant de
comp reud re les performances des st raté g ics Je formation
professionnelle
142
TILl. Les critère,') et r-uctu runt
143
Ill.2. Les cr-itèr-es contextuelles
149
HI,3. Les critè res d iscr-iminan ts
152
CHAPJTRE lIT. LA PRESENTATION DES CAS
j n t rod u ct.ion
160
I. Les cas américains
! 6!
TI. Les cas français
198

CHAPITRE IV. ORIGINES lJISTORIQUES ET CARACTERISTIQUES DES
SYSTEMES DE FORMATION t\\MERICt\\lN ET FRANCAIS
tnt.roct uctton
225
1. Le cas des Etals Unis
227
L 1. Carnctéristiques dominantes de l'économie
227
1.2. Le débat sur la formation
230
T.3. Les syndicats américains et le débat "ur la formation
242
II. Le CHS d e la Pt-a nce
248
TLL Ceractér-Istlq ues dominantes de l'économie
248
11.2. Le débat sur Id formation
255
IL3. Los syndicats fr-ançais ct le débat sur la Io rtuation
ZGI
Conclusion
265

CHAPITRE V. QUALIFICATIONS, PERFORMANCES ECONOMIQUES, ET
STRATEGIES DE I~ORMATION PROFESSIONNELLE
lntrod uc t ion
:no
J. Pénurie de travailleurs qualifiés ct pcr-Iormances
écon umic..j u cs
271
Te. Choix Ie its par les Iub r icant s français et amér-icains de
machines à outils puur la const ructlon d'une main d'ceov r e
li uatifiée
288
Conclu sion
298
CHAPITRE Vi. FORMATJQN PROFESSIONNELLE ET REl.ATIONS
IN})USTRIELI,f,S DANS LES INDUSTRIES FRANCAISE
ET AMERiCAINE DE LA MACHINE A OlJT1LS AU COURS
DEs ANNEES 1980
Int.rod uct.Ion
305
[. Relations ind u st.rielles dans les industries françaises el
américaine de la machine à outils
306
l l , Formation professionnelle et relaticn s ind ustriclles
323
II. t . Le cas des const ructeur-s américains
324
11.2. Le cas des const ructeurs français
III. Les syndicats et la formation prof'es sionnel!e
374
381

CIIAPTTRF, VII. POURQUOI LES FABRICANTS FRANCAIS ET AMERICAINS
N'ONT-ILS PAS EU RECOURS A L'APPRENTISSAGE?
In t rodu ct ion
J85
I. Insuffisance d'apprentis aux USA el en France
387
II. Ap pren tis sag e et Insuffisance de t ravaiileur-s qualifiés
dans les ind u stries françaises el américaines de la
machine i'J outils
391
ILL Le cas des Etnt s Unis
391
n.2. Le cas de la France
416
430
CHAPITRE VU!. RESUME, CONTRIllIJTION DE L'ETUDE Ej CONCLUSION
1. Ré::iUlllé des résultats de la recherche
436
1.1. Relations ind ust.r-ie lles conflictuelles et
échec des polltiq ues de formation
437
L2. Possib ilités de "pn rtne r-ship"
455
Ll. possibillt.és pour une meilleur-e implication des
s y ndicnt.s dans la Iormation des trnvailleu r s
460
II. C· .nt rtb u tion de l'Elude
469
II.t. Contr-ib u tion au débat sur la formation
472
11.2. Cou t r-ibution à l'émergence d'url nouveau
pal'[Hlig\\\\\\(:'. dans la recherche c n gestion des
res.sources humaines
479

Ill. Conclusion génér-ale
482
486
ANNEXES
REfERENCES B1nLlOGRAPlIlQUES
500