UNIVERSITlj DE BORDEAUX II
U. F. R. des Sciences Sociales et Psychologiques
Département des Sciences de l'Education
CONTE ET LECTURE
A L/ÉCOLE PRIMAIRE SÉNÉGALAISE
Thèse pour le Doctorat (Nouveau Régime)
par
MOR TALLA DIALLO
Titres : D.E.A. d'Histoire Contemporaine
DESS en Gestion ~des
Re~sources Humaines.
-i
CONSEIL AFRICAIN ET MALGACHE 1
POUR L'ENSEiGNl:MENT SUPERŒun ,
C. A. M. E. S. -
0H~5ADOUGOU 1
1 ~r~,ivé~ ~. JU\\No"~ .. TI"L; O' J 1
1 en. eç~~~tr.~so~s-on__~~~~.~,,~~_~~~_, 1
MEMBRES DU JURY
MM. Jacques WITTWER, Professeur Emérite Université de Bordeaux II
,
Président
Papa IBRAHIMA SECK, Chercheur au GR.D.A. de Paris
Daniel CORMIER, Professeur Université de Bordeaux II,
Directeur de Recherche

1
TABLE DES MATIERES
A\\1iII1tJI'(I)()S
..
..
........
...... . ...
7
~
10
TERE PARTIE· CONIE. ENFANCE. AFRICANITE
,.
48
Chapitre 1:
fu1teet~
49
1 - Essai de définition................................................................................ 49
2 - ~ conte convient à l'enfance
53
3 - :La pratique pédagogique............ .. .. ...... ...... ...... ............ ...... .... ..
. 58
4 - ~ correctifpsycho-pédagogique
62
71
ChapitreU:
B-
e - Le conte traditionnel dans le contexte africain
.
ilild.usion
,
.

2
UEME PARTIE • LE CONIE A L'ECQI,E PRIMAIRE SENEGALAISE
90
Chapitre ID :
Le contexte sroJaire actuel au Sénégal
91
1 - L'éducation préscolaire
91
II- L'enseig:nem.ent élémentaire
92
Chapitre IV :
Le conte iqztituÜonnalisé
98
A - Le conte au préscolaire
99
B - Le COIlte au priIn.aire
106
Chapitre V :
Les fonctions du conte; guestionnaire et entretien •................... 108
A - :Les functions
108
B - Le questionnaire
110
C - Exploitation des entretiens directifs: analyse par item
111
D - Analyse des cassettes (les entretiens non directifs)
114
E - <::OIllIlleIltaire des résultats
116
Qxxiusion
117
IllEME PARTIE· CONTE LUE!' CONTE RACONrE
119
Chapitre VI :
l\\fétJvvJo1ogie
120
A - Passation des épreuves
120
B - Correction et cotation des réponses au test de lecture
127
C - Réponses aux épreuves de closure F2.............................
128
Chapitre VII :
La compréhension du conte lu et du conte raconté
130
('{llldQ~on
..... ..
...... 144

3
IVEME PARTIE· UNE APPROCHE DE LA COMPREHENSION EN LECTIJRE 146
IntroductiOIl
147
Chapitre VITI :
Observations etrMIgxjoDS pédagogimws
149
A - Au gré des définitions de la lecture
149
B - I..a lecture à haute-vOÎX.
152
C - I..a lecture silencieuse.......................................................... ... ...... ..... 153
D - TI faut en arriver à la lecture silencieuse
155
Clymitre IX :
~
157
- la démarche.. .. .. ....... ... ... .. .... .. .. .. ....... .. .. .. .... .. .. ... ... .. ... .. .. .... .. .. .. .. .. .. .. ...
158
- Questions et cotation des réponses.....................................
163
- Tableau des scores maxiIna........ ...... ..... ........... ... ................................ 164
CbapitreX:
Commmtaires <les résultats.
165
- Lectures à haute-voix et silencieuse en milieu urbain
167
- Lectures à haute-voix et silencieuse en milieu rural.................. 170
- Lecture silencieuse :
comparaison entre les milieUx urbain et rural....................
171
A - L'approch.e linguistique..
....
.. .... .. ........... .. .... .. ... ........................ 175
B- TJ'approche pédagogique
190
c- L'approche psychologique
199
ilirlusion.
209

4
VEME PARTIE· PROBLEMATIQUE DE L'UTILISATION DU CONTE ORAL EN
q~........................................................................................................
213
Chapitre XI :
L'u!ilisationW1aPPBicme du ronte................
214
A - PréseIltation du récit......................................................................... 215
B - lB narratiOIl du conte.........
..
.... .......
....
220
C - ExploitatiOIl du conte......................................................................... 225
Chapitre XII :
Contes proposés par les enfants.........
229
- Analyse des récits d'élèves................................................................. 230
- Explication des limites
236
Chapitre XIII :
Pour une lecture ethnolingnistigp.e du conte africain
243
A - Pour une ethnologie de la communication
243
B - Pour une linguistique du conte africain...................................... 246
<;ond.usion.
253
Cœt<iusiOD@rlérale......................................................................................................... 255

5
mmJ()(]IJAf'EJIE
264
l -
I.e conte............................................. .................. ................................ 264
l l - I..a.lecture....•........•......•. ....................................•...........••....•................ 272
ANNF;KfS.
..
....
....
. ....
..............
279
1-
Contes proposés par les enfants.................................................... 280
II - Entretiens avec les enseign.ants.................................................... 318
ill- Textes de lecture de contes
340

6
A ma femme,
et à mes enfants,
qui me sont chers,
en témoignage de toute mon affection.
Je tiens à rendre ici un hommage particulier à mon père et à ma mère qui ont su
cultiver en moi l'esprit d'abnégation et de persévérance.
Qu'ils trouvent par ce travail l'expression de ma profonde gratitude.

1
1
7
1
AYANT·PROPOS
1
Nombre de travaux sur un ou plusieurs aspects du système éducatif tel qu'il
1
fonctionne au Sénégal convergent, malgrè des approches différentes, pour dénoncer
l'état de crise de ce système. TI est vrai que l'optimisme qui prévalait au moment de
1
l'indépendance
en
ce qui
concerne le rôle moteur
de l'école
dans les
1
transformations sociales laisse place actuellement à un pessimisme plus ou moins
prononcé.
1
Pour les uns, au-delà du caractère relativement ouvert de son recrutement,
1
l'école ne fait somme toute que reproduire les inégalités sociales masquées par une
structuration en classes sociales moins prégnante que dans les pays dits
1
développés.
Pour d'autres, la crise proviendrait de l'extraversion du système éducatif et
du caractère marginal de l'éducation traditionnelle, expression d'une identité
culturelle à sauvegarder.
Toujours est-il que ces discours sont également tenus par les autorités
politiques qui, sur plusieurs registres, ont pris des décisions aussi bien au niveau
du fonctionnement général qu'au plan pédagogique, notamment avec l'introduction
du conte dans l'enseignement.
Le conte aurait comme fonction d'augmenter la capacité de compréhension
du monde et de préparer l'enfant à accomplir d'une manière satisfaisante sur le
plan affectif (des motivations) et cognitif (de la connaissance technique) ses divers
rôles d'adulte. Il reste que cette expérience telle qu'elle est énoncée ici demeure un

8
objectif bien vague. D'où la nécessité, au plan expérimental, de nous diriger à la fois
vers les enfants eux-mêmes qui reçoivent et étudient les contes mais aussi vers les
enseignants qui les utilisent comme instruments ou procédés de socialisation et
d'intégration.
Un premIer objectif de ce travail a donc été de saisir les images et les
représentations des contes de ces deux pôles d'acteurs.
Un deuxième objectif a été de mieux comprendre sur le terrain, la «crise de
l'éducation»
dans le contexte sénégalais en analysant les échecs d'enfants, de
l'école élémentaire, dans la compréhension de lecture de contes.
Un troisième objectif a été d'apprécier au contact du terrain toujours, les
efforts louables faits, à partir du conte sénégalais, valoriser dans l'école primaire
l'éducation traditionnelle et contribuer à préserver et développer <<l'identité
culturelle»
dans le cadre spécifique du Sénégal actuel.
Cette recherche n'aurait jamais pu être entreprise sans la bienveillance et
l'aide des directeurs et des enseignants des établissements suivants: la télévision
scolaire du Sénégal CT.S.S.), le cours d'enseignement secondaire CC.E.S.) Ahmed Sy
Malick de l'avenue Blaise Diagne à Dakar, le C.E.S. Colobane du Boulevard Général
de Gaulle et le groupe scolaire nO 1 de Pout dans la région de Thiès.
ils ont fait plus que nous donner les autorisations nécessaires; ils ont participé à
notre travail et supporté patiemment la perturbation que nous apportions dans
leurs activités quotidiennes.

1
1
9
1
Elle n'aurait pas également été poursuivie au long des années sans le
concours des membres de l'équipe. S'ajoutant aux tâches ordinaires, le travail de
1
chacun s'est accompli dans des conditions difficiles à tous égards.
1
Pour leur persévérante bonne volonté, je remerCIe les amIS et collègues
1
Doudou NDoye, Papa Abdoulaye Conté, Ahmadou Bamba NGom, Saliou Faye,
Ibrahima Guèye, Iba Wade.
1
Mes remerciements vont au Professeur Daniel Cormier, Directeur de ce
1
travail, à Bassirou Dieng, maître de conférence université Cheikh Anta Diop de
Dakar, à Mar Tall, sociologue, Directeur de l'ARICE et à Michel CAID, université
1
de Bordeaux II, qui m'ont beaucoup aidé sur les plans bibliographique et
1
méthodologique.
1
Enfin, tous mes remerciements, à tous ceux qui de loin ou de près, d'une
manière ou d'une autre, m'ont apporté une contribution à ce travail.
1
1
1

10
INTRODUCTION
La présente recherche touche un point qui à notre avis est central: il s'agit
des relations entre le conte et la lecture à récole primaire sénégalaise.
Ces relations posent des questions que, éducateurs d'enfants, nous nous
sommes posées dans notre pratique quotidienne avec deux préoccupations :
l'identité culturelle et l'efficacité.
Notre première idée, en tant qu'instituteurs, idée guidée sur le plan culturel
par le sentiment d'appartenance à un univers traditionnel, est le rêve d'une école
réconciliée avec la tradition: d'où l'étude des aspects pédagogiques du conte oral
traditionnel à l'école élémentaire.
L'étude des contes eux-mêmes n'est pas l'objectif de notre travail. On peut
certes:
- faire leur classification et parler de leur description (voir morphologie du conte de
Vladimir Propp. Edition du Seuil, 1965 et 1970).
- valoriser le «conte Rfricain»
en étudiant tous les différents types de contes
convenant à de jeunes enfants (voir Paulette Lequeux : l'enfant et le conte. Edition -
Pédagogie concrète).

I l
- montrer comment les contes aident .les enfants à régler les problèmes
psychologiques de la croissance et à intégrer leur personnalité (voir Psychanalyse
des contes de fées - Bruno Bettelheim - Edition Pluriel etc... ).
Nous nous efforcerons simplement, dans ce contexte, de parler du conte en
général, comme moyen de communication dans le cadre d'une psychologie des
langages, incluant la position de l'oral par rapport à l'écrit.
D'autre part, nous nous intéressons aux contes dans le cadre sénégalais.
Pour être plus précis, les contes auxquels nous nous réfèrerons, se situent dans
l'ethnie Wolof. Pour que le lecteur cerne davantage cette société, une présentation
historique s'impose.
Les Wolof constituent aujourd'hui, l'ethnie numériquement la plus
importante du Sénégal (voir carte page suivante), leur culture et leur langue en
particulier, se répandent
bien au-delà de leurs limites ethniques: elle assimile
ainsi d'autres groupes et représente de ce fait, un facteur important dans la
constitution de la nation.
Nous ferons brièvement, quelques rappels, pour informer le lecteur sur
l'origine des sources que nous avons utilisées pour élaborer la deuxième partie de
l'introduction (l'éducation traditionnelle WoloO.
L'abondance relative de la documentation écrite qui existe depuis le XVème
siècle, grâce aux premiers voyageurs portugais dans la région, et s'est développée,
surtout à partir du XVIIème siècle, début de l'implantation des comptoirs
commerciaux français et anglais, ainsi que la richesse de la tradition orale ayant
ses spécialistes comme les griots et, aussi, ses tenants tels les ressortissants des


12
anciennes dynasties royales, peuvent permettre d'avoir une assez bonne
connaissance de l'histoire et de l'anthropologie des Wolof. Mais beaucoup
d'incertitudes et de lacunes subsistent dans cette découverte et les insuffisances de
cette tradition, non encore explorée, d'ailleurs, de manière systématique,
nécessitent un travail long et délicat.
Les études scientifiques actuelles, qu'elles soient historiques, géographiques,
linguistiques ou sociologiques, souvent remarquables, faites sur cette société,
permettent de mieux la connaître aujourd'hui, dans son passé et son présent, mais
elles sont peu nombreuses.
C'est ainsi que notre ignorance reste grande sur la plupart des aspects de la société
Wolof: et sur l'éducation traditionnelle en particulier.
Jusqu'à l'heure actuelle, l'étude la plus complète, concernant l'éducation
dans la société Wolof, et dont nous nous sommes largement inspirés, reste à notre
avis, celle de Roland Colin! ...
Le berceau traditionnel de l'ethnie Wolof est la région sénégambienne où ils
sont présents depuis très longtemps. ils y constituent très tôt des systèmes
politiques centralisés qui ont favorisé l'organisation et l'expansion de l'ethnie...
La légende rapportée par Yoro Diaw, ancien élève de l'école des otages de
Faidherbe et fils de Fara Penda Aram Dièye, de la famille royale des «logar», est
pratiquement la source essentielle de toute la tradition touchant l'origine des
Wolnf2
1 Colin - (Roland): Systèmes d'Education et Mutations Sociales, le cas du sénégal.
Tome 1 - Thèse présentée le 17.12.77 à Paris V.
2 Yoro Diaw a écrit cœs cahiers, en français, relatant la tradition historique cœs Wolof, à partir du Walo, telle qu'elle
lui avait été léguée par son clan. Ces cahiers ont été exploités par CADEN (1912) et Rousseau (1929), puis ont
disparu des archives. Amadou Wade, élevé par Yoro Diaw a donné à son tour la chronique du Walo publiée par V.
Monteuil in Esquisses sénégalaises. Dakar IFAN, Initiations Africaines, 1966.


13
NDyadyane NDyaye, fondateur du royaume du Walo, pUIS de l'empire du
Dyolof, serait d'origine berbère (selon Yoro Diaw, il descendrait des Almoravides).
Quittant son clan d'origine, après avoir failli se noyer, il ressort, tel un génie des
eaux (Djinné), dans le pays du Walo.
Là, les habitants du village de Mengeny (près de l'actuel Saint-Louis)
s'émerveillent de sa sagesse muette, (car il refuse de prononcer un seul mot) qui lui
permet de trancher un litige concernant un partage de poissons entre pêcheurs.
L'homme génie est étrange : presque nu, hirsute et blanc, il intrigue à tel point que
les gens du cru envoient des messages auprès du roi du Sine qui jouissait d'une
haute réputation de voyant (gissaané-kat) pour lui demander son interprétation. Ce
dernier, Meïssa Waly Dione, à l'audition des faits, s'exclame: «li dey NDiadiane
NDiaye», ce que l'on aurait interprété comme étant le nom du djinné (et qui voulait
dire en sérèr : quel signe de malheur D.
Ainsi est baptisé l'homme extraordinaire, qui bientôt parle, prend femme
dans le pays, se voit confier la chefferie, puis, à la suite de dissensions, va aller
régner sur le Dyolof qui englobera ensuite dans sa mouvance le Walo, le Kayor,
leBaol, et fera sa suzeraineté sur les royaumes de Sine et Saloum, sans toutefois
véritablement les annexer.
D'après la tradition aussi rapportée, c'est autour de NDiadiane NDiaye que se
serait forgé le noyau initial de la culture Wolof: un nouveau mode de parler, bâti à
partir des parlers antérieurs, lié à un nouveau système de pouvoir. Donc, dans un
premier temps, langage de cour et d'appareil. Amadou Wade dit:
«Les gens de Mengeny, ceux du Sine du Walo, sous la direction de
NDyandyan, composèrent un dialecte, qui est la langue des Wolofs (dafar

1
1
14
1
sen wakh, moo di wakh-u wolof). Un état était né, il deviendra plus tard
un grand empire, l'empire du grand Wolof...»3.
1
L'empire du Dyolof, en fait, se constitue comme un grand ensemble dont les
1
parties s'articulent assez mal. Autour du noyau central, où le Bourba Dyolof
1
(empereur du Dyolof) domine, les liens sont assez lâches avec les provinces
périphériques: Kayor, Baol, Walo et aussi avec les royaumes qui, un temps, doivent
1
reconnaître la suzeraineté du Bourba : le Fouta et le Sine.
1
Au milieu du XYlème siècle, les provinces côtières Kayor et Baol
s'enrichissent et s'émancipent sérieusement grâce au commerce atlantique,
1
inauguré par les portugais, peu après les premiers voyages de découverte4 . C'est
1
l'heure des révoltes et des émancipations.
1
Le Kayor et le Baol, les premiers secouent le joug du pouvoir central. Détié Fu
NDiougou, nous dit la tradition rapportée par Yoro Diaw, <<1amane»
(gouverneur)
1
de Palène Dedd et délégué du «Bourba», à la tête de la coalition, remporte la
1
bataille décisive de danki où l'empereur Lélé Fuli Fak est tué.
1
Ceci se passe toujours selon Yoro Diaw, vers 1549. En fait, le processus
d'émancipation a probablement été davantage étalé dans le temps et a commencé
1
plus tôt. Le Walo se libérera quelques temps après et le Sine rompra lui aussi son
allégeance plus lointaine.
1
1
Le monde Wolof est alors divisé en quatre états qui survivront jusqu'aux
poussées ultimes de la conquête coloniale, à la fin du XIXème siècle. Après ce bref
1
3 Monteuil (V) - Chronique du Walo par Amadou Wade - Op.cit.
1
4 Voir le travail remarquable de Jean Boulegue. La Sénégambie du milieu du XYlème siècle. Thèse
de doctoral - Paris - 1986 - 319p.
1
1

15.
rappel historique, nous pouvons nous intéressr au deuxième volet de notre
introduction : l'éducation traditionnelle en milieu Wolof.
Dans la société traditionnelle Wolof, l'éducation doit conduire un être humain
à acquérir et maîtriser les instruments de communication qui le «socialiseront»,
l'intègreront à un groupe social déterminé, comme participant situé dans le
système de production et de consommation d'une part, de pouvoir et de régulation
de ce groupe, d'autre part.
Le langage et l'expérience corporelle (en production et communication) sont
au centre du processus éducatif. Ce dernier tend à s'organiser par étapes. Nous
avons donc choisi de conduire notre investigation et notre analyse au rythme des
étapes marquant la progression d'un être humain dans son développement et sa
socialisation.
Ceci nous conduit à dresser le tableau du groupe culturel que nous étudions,
en notant les points de contact avec les systèmes proposés par les psychologues
généticiens engagés dans une démarche scientifique de type occidental.
Les stades du développement de l'enfant chez les Wolof
1 - La prime enfance jusqu'au sevrage
oà 2 ans
nouveau-né
liir
pUIS
perlit ou perantal (ou tyepantal).
2 - La petite enfance
de 3 à 7 ans
- gune (garçon et fille).

16
3 - L'enfance
de 7 à 15 ans
garçon
khalé
fille
khalé ou ndiagamar
4 - L'adolescence
de 15 à 20 ans
- garçon:
jusqu'à la circoncision: Aat
au moment de la circoncision : ndyouli
puis juste après: beurlott
et ensuite, jeune homme pubère
célibataire: wakhambané.
- fille:
jusqu'à la puberté: seukhlou
puis, jeune fille pubère
célibataire : diankh.
5 - L'adulte marié
- homme: borom keur
- femme: diek.
6 - L'ancien
- homme: kilifa et mak5
5 D"après Sadji (Abdoulaye) - Education africaine et civilisation. Dakar, S.A.F.E.P., 1964 - 92p et
Marone (oumar). Essai sur les fondements de l'éducation
à la lumière des métaphores aqueuses de
la langue Wolof in Bulletin de l"IFAN, T.XXXI
- Série B, n "3, 1969, pp 787 - 852.

17.
Ce système de découpage rejoint assez bien la périodisation du
développement de l'enfant et de l'adolescent telle que l'établissent les psychologues
occidentaux. Ainsi, Piaget distingue quatre stades de développement principaux de
la prime enfance à l'adolescence :
1. La prime enfance, de 0 à 2 ans (le nourisson jusqu'à l'époque du
sevrage). Prédominance de l'intelligence «sensori-motrice».
2. La petite enfance, de 2 à 617 ans. Phase de développement du langage,
de l'intelligence des situations orientées vers le concret, «intelligence
pré-opératoire>>.
3. L'enfance, de 7 à 12 ans. Apparition et développement des opérations
concrètes réversibles; possibilité de définir des objets et d'établir des
classements logiques.
4. L'adolescent, au-delà de 12 ans. Le jeune accède au «stade des
opérations formelles»
et à l'intelligence abstraite proprement dite6 .
Comme on a pu le constater, la concordance des systèmes formels de découpage en
«classes d'âge»
ou «groupes de développement socialisé»
est frappante.
Nous nous proposerons donc d'étudier successivement: l'éducation pré-initiatique,
l'éducation initiatique et l'éducation post-initiatique.
6 Nous nous référons ici au schéma piagétien dans ce qu 'il a de plus général et généralement admis,
en faisant ressortir les convergences de périodisation avec l'évolution des systèmes éducatifs
africains.


18
1- L'éducation pré-initiatiQJle et les débuts de la socialisation
a) La phase pré-natale
Même si les Wolof ne suivent pas les chinois en procédant au décompte de
l'âge à partir de la conception et non de la naissance, ils n'en attachent pas moins
une grande importance au temps de la grossesse de la mère.
Dès le départ, il faut noter chez les Wolof, la prise en compte du caractère
«imprégnable»
de l'enfant à naître déjà vivant, qui exige un contrôle relationnel
soutenu, de la part des parents. Ousmane Diallo, dans un entretien d'auto
biographie éducative nous relate le fait de cette manière:
«Je me SUIS rendu compte que, plus qu'on ne croit, au Sénégal, on
commence déjà à considérer le gosse, quand il est dans le ventre de sa maman. Les
études, en principe, jusqu'à présent, partent depuis la naissance; mais moi, j'ai
toujours pensé que cela venait avant. Une fois que la maman était en grossesse, et
que le papa en était conscient, on commençait déjà à préparer un gosse, parce qu'on
considérait déjà, à partir de ce moment-là, le gosse qui était dans le ventre de sa
maman comme un disque vierge.
D'où tous les conflits entre père et mère influaient là-dessus; on en a
conscience dans la société traditionnelle. C'est la raison pour laquelle, quand une
femme est enceinte, le papa fait très attention de ne pas la choquer...»7
Le capital de force vitale résurgente que représente d'ordinaire l'enfant
doit être protégé par les gestes culturels appropriés. L'enfant à naître est déjà dans
7 Interview autobiographique de Ousmane Diallo, novembre 1974.

19
le clan, en fonction d'une puissante chaîne de continuité, mais menacé par des
contre-forces pouvant rompre cette continuité.
b) De la naissance au sevra~e (Q à 2 ans)
La première semaIne de la VIe de l'enfant est marquée par un grand
déploiement de rituel. La mère est recluse, dans sa case et n'en sortira que lorsque
viendra la cérémonie de baptême. Cette cérémonie est fort importante. C'est l'un
des temps forts de la vie sodo-familiale qui verra un gros rassemblement des gens
des lignages maternel et paternel et du voisinage. Le rite du huitième jour varie par
les détails, mais le sens profond est le même: on vient connaître et reconnaître celui
que l'on va nommer. C'est aussi la célébration de la mère qui tire honneur et
prestige de la foule rassemblée des cadeaux reçus et donnés, avec la présence
inévitable et puissante des griots et de toute la clientèle du clan en raison de son
rang social...
Nous pourrIOns parler de puériculture s'agissant de cette phase de
l'éducation. L'enfant reste toujours au contact de sa mère. TI est allaité au sein, la
mère le porte sur le dos pendant le travail, pendant le sommeil, il reste près du sein
de sa mère.
A travers ces différents contacts physiques permanents, tout un message
à portée éducative est transmis à l'enfant. Par les soins attentifs que prodigue la
mère toute une éducation s'opère. La sensibilité, l'affectivité de l'enfant sont
développées au maximum ...

20
c) Le sevrage
Le sevrage, féral en Wolof, vient de la racine fèr, dont Oumar Marone
traduit ainsi le champs sémantique :
«D'abord fèr signifie marée basse; ensuite il indique le degré atteint par
la cuisson d'un aliment quand l'eau de cuisson est complètement
absorbée par lui ; enfin l'action qui consiste à arrêter définitivement
l'allaitement de l'enfant à un moment donné de sa croissance8 .
Les techniques de sevrage apparaissent fort brutales aux yeux des
observateurs extérieurs qui ne prêtent attention qu'aux faits ponctuels. Les seins de
la mère étaient attrayants, source toujours disponible. «Mère-nourriture», at-on
dit. TI s'agit d'arrêter tout net cette voie alimentaire qui est en même temps une voie
relationnelle. On va alors transformer
nourrissier en
l'image d'un objet repoussant.
A la date choisie, avec l'accord du
ie (il s'agit d'un rite)
souvent un vendredi, jour faste pour les
a mère se rend chez
l'opérateur rituel avec l'enfant. L'opérateur a préparé une galette de mil sur
laquelle il a prononcé ou tracé des «formules de puissances», versets du coran.
Dans le même temps, on enduit le bout des seins de la mère, soit avec un mélange
de boue et de fiente de poulet, soit avec du piment, ou bien
«on peint en rouge le bout du sein maternel et on lui fait croire que c'est l'oeuvre
d1J di::lhlp»9
8 Marone (0). Essai sur les fondements de l'éducation sénégalaise à la lumière des métaphores
acqueuses de la langue Wolof in Bulletin de l'IFAN, T.xxxXXXI, série B, n 0;],1969.
9 Droùf (Babacar Sedikh). L'éducation de l'enfant sévère - Cahiers de William Ponty. Dakar,
archives de l'IFAN, XV - SE - 568.

21
Cependant, l'appel à cette force de répulsion n'implique pas, tout au
contraire, brutalité et violence. La mère, dans son image sociale la plus positive,
doit user de patience, de persuation, tout en maintenant le nouvel interdit avec
fermeté, afin d'éviter le «sang aigre», (en Wolof, naxadi dérèt). TI faut noter
également deux faits importants mis en lumière par Simone valantin et par
Jacqueline Zempleni-Rabain : le sevrage, comme rite, vient clore une période assez
longue d'alimentation mixte, où l'enfant se partageait entre la nourriture au sein et
la nourriture de droit commun de la cuisine familiale.
Ainsi, lorsque le marabout lui fera manger la galette chargée d'efficience
magique, le goût ne lui sera pas étranger. Jacqueline Zempleni-Rabain met en
valeur également le fait que le système alimentaire d'après sevrage lui assure
«une liberté d'initiative et des gratifications très larges»lO se traduisant par un
accès libre et sans imposition des bonnes manières au repas des adultes et aussi à
tous les repas supplémentaires qu'il désire, à partir des restes, enfin de
nombreuses friandises d'appoint, réduisant au minimum les discontinuités de la
«trame alimentaire».
Enfin, d'autre part, le sevrage ne modifie en rien d'essentiel les modalités
de relations, de contacts physiques avec la mère et les gens de l'entourage, qui
jouent un rôle si important dans le schéma de la sécurisation de l'enfant.
Mais, malgrè ces atténuations et ces compensations, il n'en reste pas
moins que le sevrage fait opérer à l'enfant son premier glissement vertical dans
ce glissement, le champ libre pour un cadet et pratiquera le début d'ouverture de
10 Zempleni-Rabain (Jacqueline). L'aliment et la stratégie de l'apprentissage de l'échange avec les
frères chez l'enfant Wolof, in psycho-pathologie africaine, vol.IV, n "2, 1968 - pp 298.299.

1
1
22
conSCIence élémentaire pour que l'enfan~ sevré apprenne progressivement à se
r
percevoir, comme aîné, tout en étant <;adet lui-même.
1
La nouvelle phase ouverte sera marquée par l'apprentissage très actif des
premières démarches de socialisation tendant à la constitution de l'association
1
d'âge informelle, posant, cependant, les premières règles qui engendreront la
véritable classe d'âge.
1
d) La petite enfance (de 2 à 6/7 ans)
r
[
Au lendemain du sevrage, l'enfant reste très lié à sa mère, tout d'abord et
nous avons vu l'importance de la relation de contact corporel. Dans son contexte
social, la mère sera jugée, pour partie, dans la qualité de sa fonction éducative, par
la disponibilité qu'elle offre à prendre, tenir, porter l'enfant. Le proverbe Wolof dit:
»
Poc-u-ndey, lu mu lax lax, doom tooy ci»
: <<la cuisse de la mère, quelle que soit
sa fatigue, l'enfant s'assoiera dessus»ll .
Personnage central, la mère n'en est pas moins, substituable, les
substituts employant un code de relation très unifié, tant dans le geste que dans la
parole. Jacqueline Zempleni-rabain, analysant ces protocoles d'observations
régulières d'un groupe d'enfants Wolof à l'intérieur de l'univers familial, note:
«il apparaît C..) que l'apprentissage de la réponse aux stimulants
humains au cours des premières années est l'apprentissage d'une
relation faite pour être mobile, à savoir que les stimulants humains
doivent être interchangeables, de même que l'enfant apprend à considérer
toute une série de personnes comme des mères. des frères, des pères»12·
Il
Cité par Jacqueline Zempleni-Rabain (J) - Modes fondamentaux de relations chez l'enfant
Wolof, du sevrage à l'intégration dans la classe d'âge in psyhologie africaine, voU!, n "2, 1966,
p.148.
12 Zempleni-Rabain (J) - Op. cil.

23
Il se constitue ainsi de très longues séquences de contact physique. Le
travail d'observation psychologique, dont vient de faire état Jacqueline, relate à peu
près une période de deux heures où le jeune enfant observé, âgé de trois ans, ne
reste pas plus de quelques minutes hors contacts physiques, tout en se déplaçant
entre cinq partenaires - supports: oncle, père, mère, femme de l'oncle, grand frère,
la séquence entière ne révèle qu'une très faible verbalisation, le langage est avant
tout, corporel, gestuel, positionnel.
Sur ce plan précis du langage, il est remarquable que l'univers du réseau
de communication établi autour de l'enfant Wolof proscrive de façon à peu près
complète le recours, si général en occident, aux «parlers-bébé». On s'adresse à
lui dans le lexique et la syntaxe de l'adulte, avec, en plus des paroles, une gamme
de stimili sonores, sifflés, roulés, modulés, qui traduisent des impressions
physiques, et qui n'appartiennent pas, comme catégories, à l'univers spécifiques de
l'enfance.
Les linguistes connaissent bien ces «adverbes descriptifs»
si répandus
dans les langues africaines et qui constituent des images émotionnelles sonores à
fonction sémantique: c'est la traduction des bruits de l'univers des êtres et des
choses (ainsi, on prolongera le qualificatif «nyu1»
qui signifie «noir», par
l'image sonore «kuuk»
qui renforce et «sensualise»). Ces images sonores
sinifiantes sont codifiées (comme ces cris de chasse qu'emploient les pygmées).
Nous sommes là bien en dehors du monde occidental. La sensation liée au
sentiment
8ff10nre
de'
toute
part
ct «prend corps»
dans
un
mode
2 r
communication permanente. L'enfant en est imprégné dès l'âge le plus tendre.

24
Le langage corporel ou somatisé sera complété par le jeu des échanges
alimentaires: «recevoir de la nourriture de ... », «donner de la nourriture à ... »,
«partager de la nourriture avec...». L'aliment est un signifiant social d'une
portée singulière puisqu'il touche la vie. C'est pour une bonne part dans
l'apprentissage des relations d'échange alimentaire que l'enfant découvrira sa
fratrie. 11 expérimentera la puissance acquise par le don en gratifiant son cadet. TI
découvrira aussi par l'expérience du don, au-delà du système d'égalité et d'inégalité
dans la trame des conditions sociales entre les nobles et les castés (guer, nyenyo,
dyam... etc).
L'enfant n'est ainsi jamais situé en marge de l'univers social. TI est au
coeur des rapports sociaux à tous moments, comme un acteur direct, en profonde
communion avec les autres acteurs sociaux qui forment le système social inscrit
dans son espace vital. TI faut rattacher, semble-t-il à cette situation essentielle,
comme le note J.Zempleni Rabain, le fait que l'enfant africain (à la différence de
l'enfant occidental), ne parle pas d'abord de lui à la troisième personne mais
s'intègre très vite dans l'univers du «je».13
TI y a là un élément fondamental pour saisir l'éducation africaine dans
son intériorité et les objectifs qu'elle se fixe. L'enfant des civilisations occidentales
industrialisées doit construire sa personnalité et mériter sa participation sociale
par la réalisation d'un modèle de performances. Réaliser le score le plus important
possible dans les échelles de performances de ce modèle représente l'idéal social par
lequel on conditionne l'enfant dès son plus jeune âge. Andras Zempleni dit fort bien:
13 Zempleni-Rabain (JJ - Ibid.
L'auteur note une remarque concordante du Dr. Geber, qui a travaillé en Ouganda. Dans le système
occidental, l'enfant acquiert la «conscience de soi»

individuelle vers 8-9 ans, sans rompre avec
la marginalité de l'enfance où chaque enfant «parle pour soi», hors des rapports sociaux. Jean-
Paul Sartre a fort bien marqué cette accession à une catégorie universelle qui est aussi une sorte
d'entrée en soliture : «cette intuition fulgurante est parfaitement vide; l'enfant vient d'acquérir la
conviction qu'il n'est pas n'importe qui, or il devient précisément n'importe qui en acquérant cette
conviction». (Sartre J-PJ Baudelaire
- Paris, NRF, 1947.

25
«Il n'en est pas de même au Sénégal. L'affirmation de soi passe moins
par la réussite dans les tâches, les actions, les réalisations que par la
connaissance de son statut par autrui, par ses égaux d'âge. Etre reconnu
dans ce que l'on fait compte moins que le témoignage du regard d'autrui
de ce que l'on est».14
Mais certains observateurs ont tiré de cette non-compétition des
conclusions discutables. On parle d'une «carence de stimulations»
chez l'enfant
de 2 à 6 ans, s'accompagnent d'un ralentissement du développement psychomoteur
et mental. Mais, il n'est pas admissible de conduire de la sorte à partir de mesures
psychométriques qui ne permettent en aucune façon de rendre compte de la place de
l'enfant dans le processus socio-éducatif global.
Nous sommes d'accord avec la contre-argumentation de Zempleni qui met
en avant la différence entre les stratégies d'intégration sociale occidentale et
africaine. Toutefois, il semble accorder que
«l'impression d'ensemble est alors celle de la pauvreté des échanges
verbaux avec l'adulte et que la rareté des intéractions qui redoublent
verbalement les actions orientent l'organisation du temps énoncent des
causes et des conséquences».lS
En fait, la verbalisaiton est très forte, mais à l'occasion de temps et des
rapports bien spécifiés. Ceci concerne surtout les relations avec les grands-parents,
et tout particulièrement la grand-mère. Les grands parents sont avec leurs petits
enfants, en relatjon de «libre parler», de parenté à plaisanterie. Mélange:
d'hostilité feinte et de tendresse réelle, d'indulgence se voilant sous les dehors de la
menace facile, mais qui ne dupe personne.
14 Zempleni (A). Op-cit.
lS Sempleni (A). Op-cit.

26
Dans ce type de rapports, l'enfant est affranchi de la règle du respect,
respect dans la tendresse pour la mère, respect dans une admiration chargée de
retenue pour le père. Vis-à-vis des grands parents, la barrière du respect formel
une fois levée, la verbalisation mènera bon train...
Pour recouper l'analyse du processus éducatif traditionnelle en milieu
Wolof avec notre objet d'étude le conte. Essayons de voir comment par ce dernier on
transmettait aux enfants le capital culturel nécessaire à leur formation dans
l'enfance.
Birago Diop sait marquer sa dette vis-à-vis de sa grand-mère dans les
contes d'Amadou Koumba 16 • L'apprentissage culturel de ces heures de la nuit
marquera profondément la personnalité de l'enfant, le nantira d'un bagage,
considérable de références et d'explications qui donnent la clef des codifications et
des comportements et donc prépare l'insertion dans les rapports sociaux, à partir
de l'univers et du système des rapports socio-familiaux, matrice initiale de tout
système.
L'analyse des contes éclaire peut-être en termes nouveaux, un problème
auquel les psychologues étudiant l'enfant africain ont recherché des solutions
contestables : la rareté des questionnements de l'enfant africain qui semble
échapper à l'âge des «pourquoi»
(et l'on trouve l'explication dans la
prédominance écrasante de la «phase orale»
sur la «phase anale»).
16 Diop (Birago). Les contes d'Amadou Koumba ... Paris, Fasquelle, 1947.
«Dans la trame solide de ses contes et de ses sentences me servant de ses lices sans bavure, j'ai
voulu, tisserand malhabile, avec une navette hésitante, confectionner quelques bandes pour coudre
un pagne sur lequel grand-mère, si elle revenait, aurait retrouvée le coton qu'elle fila la

première... »
(p. 12).

1
1
27
1
Or, la majorité des contes Cà laquelle il faut joindre les chaînes
interminables de devinettes) constitue l'immense capital de réponses aux
1
<<pourquoi>>.17
Les contes sont précisément construits dans une maïeutique de
t
questionnement. Le conte requiert l'établissement d'une relation entre le conteur et
l'auditeur qui place ce dernier en situation d'attente active et participante.
1
1
En fin de compte, on a toujours réponse à un problème. En VOICI un
exemple Wolof qui répond à la question:
1
«Pourquoi les femmes ont-elles tort de dédaigner souvent, comme elles font, leur
amant de jeunesse»
:
«Une fille, nommée Sala, avait pour amant pendant sa jeunesse un pic-
vert qui lui était dévoué. Arrivée à l'âge de se marier, Sala dédaigna le
pic-vert et même tout mortel ayant des cicatrices. Quiconque demandait
sa main était obligé de se baigner avec du lait; puis on examinait son
corps. Si on y trouvait la moindre cicatrice, Sala le renvoyait
ignominieusement. Cela dura des années. Mais un boa apprit la chose, se
transforma et devint l'homme le plus beau de l'univers, sans cicatrice
aucune, car les serpents n'en ont jamais. TI se présenta; on procéda à
l'examen habituel et l'on ne découvrit rien.
«sala s'adressa à son père et dit: «Papa, voici l'époux que je souhaitais
avoir». Le père décida le mariage, qui fut célébré pendant trois jours. Le
quatrième jour, les deux époux s'en allèrent vers leur future demeure,
mais sans escorte. Arrivés devant une mare, le boa posa cette question à
sala: «voudriez-vous prendre un bain avec moi ?».
17 Rolland Collin a étudié la valeur éducative des contes et des proverbes dans deux ouvrages
précédents:
- les contes de l'ouest africain. Paris, présence africaine, 1957.
- littérature africaine d'hier et de demain. Paris ADEC,
1965... 192p.

28
- «Volontiers», lui répondit-elle. ils se plongèrent dans l'eau de la
mare. Hélas! C'est là la demeure du boa. Un moment donné, le pic-vert,
qui était perché sur un arbre, non loin de là, entendit les cris plaintifs de
Sala. Celle-ci implorait son secours et disait: «Cher, pic-vert, veuillez
venir me délivrer de ce diable; je ne vous dédaignerai plus». Le pic-vert
refusa d'abord, puis consentit, après l'avoir laissé languir pendant des
heures entières. Sala, revenue à la maison paternelle, se maria avec le
pic-vert.
C'est là qu'est né le dédain des femmes envers leur amant de jeunesse, ce
qui leur porte souvent préjudice. 18
Cette chaîne de contes qui commence vers 5/6 ans, s'étendra jusqu'aux
épreuves de l'initiation, qu'elle préparera dans une progression constante, en
ouvrant l'esprit de l'enfant à la démarche symbolique, enracinée à la fois dans la
cosmologie, la vie sociale et l'environnement écologique.
Les contes à travers le travestissement et le grossissement de
l'imagination du conteur, arriment solidement leurs messages aux réalités
sociales et aux rapports sociaux. C'est le même réalisme 19 qui régentera les jeux
d'enfants. Dans la prime enfance, avant le temps des grandes incursions en
brousse, qui intègrent le jeu dans une pratique technique et sociale effective et
efficiente, les jeux d'enfants sont déjà inscrits dans la simulation réaliste des
fonctions de l'adulte. Robert Sarr marque toute l'importance de l'intervention de la
grand-mère, comme animatrice et régulatrice des jeux de l'enfant sérèr (1a
deuxième ethnie sénégalaise après le Wolof) dans la période d'après le sevrage et
18 In Bulletin de l'enseignement de l'ADF, n °13, dakar, mars-avril 1914, pp415-416.
19 CF. La préface de L.S.Senghor : le réalisme d'Amadou Koumba, à l'ouvrage déjà cité: Collin2-
Les contes noirs de l'ouest africain.

29
d'avant l'entrée dans l'association d'âge (3 à 8 ans). Il rattache à cette période les
jeux qui permettent
«d'apprendre par imitation, sans devoir, a priori, assimiler des principes», et
l'on est frappé de mesurer la somme d'informations sur la vie sociale dont dispose
l'enfant à cet âge:
«Ainsi, l'on verra trois ou quatre enfants, et même plus passer toute une
journée à discuter sur les formes de l'organisation ainsi que le travail
qu'exige d'eux le troupeau constitué à l'aide des morceaux de bois et de
cailloux: ils font eux-mêmes une répartition du nombre des bêtes pour
chacun, le nombre de veaux, le lieu d'implantation du troupeau en vue de
l'utilisation du fumier...»20
Ce temps de prime enfance ainsi que l'ont observé G. Balandier et P.
Mercier en étudiant l'enfant Wolof, marque la prédominance de l'univers socio-
éducatif féminin. Même, le garçon y pratique une sorte d'expérience de la féminité,
dans cette condition d'ambivalence sexuelle à laquelle la circoncision mettra un
terme:
« ... Jusqu'à l'âge de neuf à dix ans, l'enfant vit au milieu des femmes. Il
prend ses repas avec elles ; il les aide dans leurs travaux; il accède de
même en curieux, à la réalisation de leurs rites qui sont formellement
interdits à la curiosité et au contrôle des hommes.
il reste souvent dans la cour de la «concession», endroit où bavardent
les femmes, et il prête bonne oreille aux moindres commérages ; il
apprend beaucoup en les écoutant et en les regardant».21
20 SARR. (R) - Société sérèr et problèmes d'éducation traditionnelle et moderne. Thèse pour le
doctorat de II/ème cycle - Paris, Université de Paris V, juin 1973.
21 Balandier (G.), Mercier (P.) - Particularisme et évolution: les pêcheurs lébous du sénégal. Saint-
Louis du sénégal, centre /FAN, études sénégalaises n "3, 1952.

3D
On ne peut s'empêcher de penser que l'absence des «pourquoi»
dans la
vie quotidienne de l'enfant Wolof vient aussi pour une bonne part de l'absence de
censure de son accession à un univers adulte transparent pour lui, de plain pied:
celui des femmes dont fait partie sa mère.
C'est à travers ces réseaux et ces expériences multiples que l'enfant Wolof
arrivera, au bout de peu d'années vers l'âge de 6 à 8 ans, à la conscience complète
de sa situation dans la constellation familiale élargie et dans sa fratrie. TI est alors
mûr pour entrer plus formellement dans le système des groupes d'âge. Sa grand-
mère et sa mère, tout particulièrement l'y ont préparé.
e) L'entrée dans la vie du groupe d'âge et l'enfance autonome ( de 7 à 13/15 ans)
Vers l'âge de 7 ans, l'enfant entre dans une nouvelle catégorie : khalé,
(Wolof). Trois séries de forces vont s'exercer sur lui: une force de différenciation
sexuelle ; une force d'intégration socio-économique ; une force poussant à la
constitution d'un «groupe d'âge». Le jeu de ces forces s'opère conjointement.
C'est en commençant à prendre possession de son statut de sexe, à travers sa classe
d'âge en gestation, que l'enfant inaugure son rôle dans l'appareil de production.
- la différenciation sexuelle est liée à l'insertion dans l'espace social. Il y a
l'espace social des femmes et l'espace social des hommes. Dans la période initiale,
les enfants, garçons et filles étaient situés principalement dans l'espace social
féminin.
Dorénavant. ils pop scinnent en garçons et filles, qui se rattacheront à l'espace social
de leur sexe avec des points de convergence. L'espace social est inscrit dans l'espace
matériel
de
l'éco-système.
La
différenciation
s'exprime
également
par
l'habillement.

31
- les groupes se forment par classe d'âge et par sexe et il existe une sorte
d'«encadrement»
des groupes et classes d'aînés par rapport aux plus jeunes.
Abdoulaye Bara Diop nous décrit la constitution du fedde (groupe)
toucouleur (ou poulaar : la 3ème ethnie sénégalaise) en ces termes:
« ... TI y a le fedde des garçons efcelui des filles qui sont correspondants
et souvent réunis dans des manifestations... Au départ, ce sont les jeunes
de même âge, habitant le même village, où le même quartier, qui ont
l'habitude de se rencontrer pour jouer, et constituent par là un groupe, de
fait, qui finissent par s'organiser en association quand ils ont atteint l'âge
de 6 ou 7 ans... Le fedde est donc un groupement de fraternité d'âge,
passant du stade du groupe de fait à celui de l'association volontaire».22
Il semble que chez les toucouleur, la structuration de l'association s'opère
plus explicitement et plus précocement que chez les Sérèr et les Wolof, où le groupe
ne s'institutionnalise véritablement qu'après l'initiation circoncision...
Chez les Wolof, l'association s'établit dans une première phase, sur une
base moins formelle. Le facteur structurant de cette période semble être davantage
l'entrée dans la responsabilité économique : économie surtout agraire (agro-
pastorale) pour les garçons, avec une sérieuse différence pour les fils d'artisans
«castés», qui accompagnent dès lors les gestes de leurs pères: les petits griots
chantent et battent le tam-tam à l'instar de leurs parents mâles plus âgés; les petits
forgerons manient le soumet de la forge paternelle, etc...
22 Diop (AbdouZaye bara) - Société toucouZeur et migration - Dakar, [FAN, 1965 - 232p.

32
2 • L'éducation initiati<pre
L'initiation des Wolof dont il subsiste aujourd'hui que des formes très
édulcorées, présentait des analogies plus grandes encore avec le rite animiste
sénégalais. On peut y voir la conséquence d'une islamisation plus tardive des Wolof
et aussi, du fait que l'initiation est un phénomène socio-culturel du niveau
populaire, touchant donc la strate de l'ethnie Wolof restée proche de la tradition où
l'influence animiste demeure la plus évidente.
Les sources disponibles ne sont pas nombreuses, si l'on veut saisir le rite
dans sa forme ancienne, avant le grand nivellement de la période récente.
Chez les Wolof, il faut remonter, si l'on en croit Abdoulaye Sadji dans son essai sur
le thème: Education africaine et civilisation, aux années 1910 pour trouver le rituel
initiatique sous sa forme entière et non édulcorée. Sadji, qui demeure la référence
principale, s'y était référé par la tradition orale directe.
Deux articles complèteront les données d'ensemble établies par sadji :
Thiam Abdoulaye Gallo, dans un texte de deux pages des notes africaines de l'IFAN
de dakar, datant de 1952, donne des indications quelque peu hâchées, qui
concernent une forme du rite intermédiaire entre sa plénitude ancienne et sa
décadence récente.23
Oumar Marone, dans un texte beaucoup plus long, consacré à
l'interprétation de l'éducation Wolof, à partir de réflexions d'ethno-linguistique,
touche de façon intéressante la circoncision et les rites associés.24
23 Thiam (Abdoulaye Gallo) - La circoncision chez les Wolof - In notes africaines. Dakar, IFAN,
avril
1952 - pp.49-50.
24 Marone (Oumar) - Essai sur les fondements de l'éducation sénégalaise à la lumière des
métaphores acqueuses de la langue
- Wolof, pp.834-839.

33
a) La phase préparatoire
Cette période s'ouvre par une parade qui se nomme Gomar.
Les jeunes gens de la classe d'âge des «~» avaient aux alentours de
18 ans. Le Gomar se tient une semaine avant l'opération. Les Aate avaient déjà
défriché un coin de la forêt pour y édifier leur abri «mbar». Pendant la parade, on
retrouve les grandes scènes d'exhortation a.u courage et d'exaltation du lignage. Les
jeunes s'aguerrissent déjà en se flagellant jusqu'au sang.
b) La circoncision
Selon Abdoulaye sadji, le grand jour arrivé, les postulants dès le matin
s'habillent de longs boubous et sont coiffés de bonnets en «crête de coq». Les gris-
gris ne manquent pas autour du cou. Ils vont d'un pas ferme, le visage impassif,
vers le «sacrificateur». Chacun à son tour chevauche le mortier renversé. Tout le
village est là. L'opérateur tranche vivement. Les griots de famille et les tantes
paternelles entonnent la louange du jeune courageux. On tire des coups de fusil.
Aate a cédé la place à «NDjouli»
(circoncis).
c) La retraite d'initiation
Le groupe des «ndiouli»
va vivre sa retraite d'initiation dans le
«mbar». D'après Sadji, l'autorité spirituelle protectrice est détenue par le
«Botal», tandis que l'autorité quotidienne sur les circoncis est dévolue aux
«selbé»
qui manient les <<lingue». deux baguettes de bois très dur.

34
Comment se passe l'éducation au «mbar»
? Sadji la décrit ainsi:
« ... Pendant ces séances nocturnes d'initiation, se poursuivait
l'éducation intellectuelle des «NDjouli». Cette éducation n'avait pas
pour but de lui apprendre à lire et à écrire, mais de rendre son esprit vif et
alerte, capable de deviner la réalité, la fiction, de faire des
rapprochements et d'en tirer des conclusions logiques. En somme, cette
éducation intellectuelle était basée sur la valeur des associations d'idées
sur la signification de certains symboles résumant des vérités éternelles
qui sont révélées et confirmées chaque jour par l'expérience humaine et
sur la force de l'intuition...»25
d) La fin de la retraite et le retour à la vie du village
«Le lendemain, après le dernier repas pris en commun, les «NDjouli«
étaient rassemblés face au camp qui les avait abrités pendant trois ou
quatre mois. Dans ce camp, étaient entassés tous les objets qui de près ou
de loin, avaient touché leur vie de «NDjouli». Après un émouvant chant
d'adieu répété plusieurs fois, on mettait le feu au camp et les circoncis,
faisant volte face, s'enfuyaient éperdument dans la direction opposée pour
ne pas voir monter les flammes qui consumaient à jamais leur jeunesse
et leur innocence».
(Abdoulaye Sadji : page 48) .
Les Wnlofnomment «Berlot»
ou «Berlor--..> le circoncis ql1i est guéri de
ses blessures. Après un bain rituel, vêtu de nouveaux habits, il fera le tour des
25 Sadji (AbdoulayeJ - Op.cit.

35
parents et des amIS pour receVOIr congratulations et cadeaux. Il aura accès
désormais au conseil des hommes.
3 . L'éducation postdnitiatigye
En revenant au village, le jeune «Beurlot»
devient un homme.
Reconnu, comme tel par la société, il y prend sa place comme membre actif et
participe à la vie socio-économique par son travail.
Cependant, on lui reconnaît d'ordinaire, moins de sagesse; son avis est
donc à priori, moins considéré dans la mesure même où l'on se réfère aux normes
traditionnelles mieux connues des anciens. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'est pas
écouté, surtout quand il fait preuve d'intelligence. Le frère aîné de la famille occupe
une place de premier plan. TI est le deuxième personnage de la famille dont il prend
la tête à la mort du père. Mais, il a moins d'autorité que l'oncle paternel devant ses
frères cadets qui sont de la même génération que lui, et quel que soit son âge, sa
sujétion est plus grande vis-à-vis du chef de famille ...
Ces trois phases successives que nous venons de décrire forment un tout.
Le découpage est artificiel et n'a d'intérêt que théorique pour une meilleure
compréhension de l'action éducative dans nos sociétés africaines traditionnelles. Ce
découpage nous aide néanmoins à mieux saisir le cheminement par lequel l'enfant
accède au grade d'homme grâce à l'éducation qu'il y reçoit.
!VIais cette éducation est permanente. Ce serait une erreur de (,1'01"-('
qu'elle s'arrête avec l'accès au monde des adultes. Après l'enfance, l'adolescence,
l'individu ne devient homme que pour se préparer à l'étape ultime: la mort. La

36
mort qui lui donne accès au monde des ancêtres dont il vient. «Vieillir, c'est
monter l'échelle non la redescendre».
Mais cette éducation s'est dégradée du fait même que la société qui lui
servait de support a été ébranlée, sapée dans ses bases par la colonisation...
La société Wolof traditionnelle, piétinée dans tout ce qui fait l'authenticité,
l'originalité de sa culture a été affectée à plusieurs niveaux: sur le plan social,
économique, politique...
De nouvelles façons de VIvre, de nouveaux schémas de pensée, de
nouveaux modèles de société s'introduisent. Nous assistons à un bouleversement
notoire de l'ordre établi.
La nouvelle école
Nous ne nous étendrons pas sur les différents aspects de cette rencontre
de la société Wolof et d'autres civilisations, sur les résistances farouches de grands
chefs Wolof à l'implantation étrangère. Nous porterons plutôt notre attention sur un
des moyens d'implantation de l'occident pendant la colonisation.
Nous voulons parler ici de l'éducation dispensée pendant la colonisation et
son cheval de bataille l'école...
Nous verrons tour à tour l'implantation de l'école, ses objectifs, l'accueil
manifesté par les autochtone~ NC)1]C: pssaierons ensl1ite de tirer les leçons de ('pttr'
école coloniale.

37
La société pré-coloniale Wolof ne connaissait pas l'école, certes, malS
celle-ci n'était pas nouvelle dans sa présentation. Depuis le Xlème siècle, avec la
pénétration islamique, les écoles coraniques existaient un peu partout au Sénégal.
Une école qui rassemblait plusieurs disciples autour d'un maître pour une
instruction basée sur le livre.
Mais l'école implantée par le colon se remarquera de par les objectifs visés, les buts
pourSUIVIS.
En 1817, la première école officielle est ouverte à Saint-Louis au Sénégal.
Par la suite, les missionnaires prendront en main l'organisation de l'enseignement
primaire. Des écoles s'implantent dans les centres administratifs du Sénégal et un
peu partout en brousse, les missionnaires ouvrent des écoles. Les objectifs qui
guident l'implantation de ces écoles sont de deux ordres:
- l'un propre à l'administration coloniale,
- l'autre propre aux missionnaires.
Ces objectifs plus ou moins avoués vont de pair. C'est aInSI que pour
l'administration, on visera la formation de cadres autochtones, subalternes qui
serviront d'agents d'exécution entre dirigeants colons et populations indigènes. Ces
auxiliaires devront comprendre les intentions civilisatrices de la France pour
ensuite les divulguer, les propager.
Ils ont aussi pour rôle implicite de faire admettre la légitimité de la
domination coloniale. Légitimité qui passe par la dépréciation des traits de cultures
propres aux africains et par une ignorance profonde des valeurs de civilisation de
n0~ rnl1nle~. Le préfet apostolique de Salnt-L01Jic: ocrlvélit B CP titrp en 1848.
<<l'enfant sénégalais est livré à des négresses corrompues et à l'ignorance la plus
profonde, la plus grossière ... Il grandit sans aucune idée d'ordre, ni de vérité, ni
par cela même de civilisation.

38
Il faut donner des moeurs à un peuple avant de lui apprendre des
connaissances humaines, car l'orgueil ne donne pas de vertu tandis que la morale
inspire l'amour du travail, de la vertu, de la science».26
Ces lignes du préfet apostolique Maynard sont assez claires et assez
explicites elles-mêmes et se passent de commentaires. Par là, se dégage le
deuxième objectif plus ou moins avoué des missionnaires concernant la
scolarisation: la conversion au christianisme. En ouvrant les esprits aux lumières
de la civilisation, on compte ouvrir les coeurs à la parole divine. La scolarisation n'a
donc pour but que de préparer le terrain 'pour l'annonce de la bonne nouvelle du
salut aux peuples d'Afrique.
L'enseignement dispensé dans les écoles coloniales sera donc sciemment
déprécié et jusqu'en 1944, les programmes seront d'un niveau inférieur à ceux de la
France pour éviter l'irruption d'une classe d'intellectuels mécontents et assez
conscients pour tout remettre en question. Ou bien aussi parce qu'un enseignement
au même niveau que la métropole est jugé inutile parce que hors de portée des
peuples indigènes et n'aboutissent à rien de concret comme le note l'abbé Maynard.
«Quand à l'éducation intellectuelle, elle doit viser des résultats d'allure
modeste, mais profonde: elle doit regarder des programmes trop vastes copiés sur
les plans d'études de nos écoles européennes et se mettre en harmonie avec les
premiers besoins de la population qui, sous le rapport de la civilisation, est dans un
état d'enfance et n'a jamais eu une seule idée du progrès.
A de tels peuples, il ne faut pas de sciences, mais des principes religieux,
une morale pure, sévère, les premières notions des connaissances utiles et
26 Les portes de la vie - Sénégal. Edition Burin - p.209.

39
l'application des professions industrielles qui répondent aux premières nécessités
des sociétés civilisées et qui assurent le bien-être et quelquefois la fortune de ceux
qui s'y livrent. TI faut donc leur apprendre la nécessité et la morale du travail afin
que personne n'ignore que le travail est une condition du bonheur, matériel et
moral de l'homme».27
C'est donc un enseignement volontairement au rabais ayant pour but
essentiel de former des auxiliaires dans l'administration et le commerce,
permettant une meilleure conversion au christianisme qui se dispense.
Comment cette école coloniale est-elle accueillie par les populations indigènes?
Nous assistons d'abord à un refus systématique de l'implantation de
l'école coloniale; refus compréhensible et qui se manifeste à plusieurs niveaux
refus de laisser à des institutions étrangères le soin d'éduquer les jeunes du pays.
Le premier et pas le moindre, se manifeste par les anciens, les
patriarches. Ces derniers jouent souvent le rôle de protecteur, de tribun. Détenteurs
du savoir, du pouvoir, ils incarnent la science des morts donc garants des lois,
gardiens, des coutumes et des traditions.
L'école coloniale va à l'encontre des coutumes. Les anciens sentent que
son implantation n'est pas bonne pour eux. Si les jeunes vont à l'école, ils risquent
d'être «perdus»
pour la société et vont s'écarter du chemin des ancêtres.
Un équilibre social jusqu'alors bien établi risque de se rompre. Les pires
calamités s'abattront alors sur le grouDe. POllrrmol envover ces jeunes à 1'école ? Les
ancêtres n'ont-ils pas assez montré tout ce qu'il faut savoir, tout ce qui est
27 Les portes de la vie - Op.cit.

40
nécessaire à la vie? Eux les anCIens, ne transmettent-ils pas aux nouvelles
générations tout ce qui est nécessaire, indispensable pour vivre?
Envoyer à l'école les enfants, c'est aussi perdre une main d'oeuvre utile à
la famille. Décidément cette école coloniale n'a aucune raison d'être fréquentée. Les
anciens refusent donc d'y envoyer les enfants, ils les cachent ou les poussent à fuir
une école qui ne peut que leur attirer des ennuis, leur amener des catastrophes.
Ajouté à ce refus des anciens dû à des raisons d'ordre traditionnel, nous
assistons au refus opposé par l'islam à l'implantation de l'école coloniale. Pénétré
au Sénégal depuis le Xlème siècle, l'islam s'oppose à l'installation de l'école pour
des motifs religieux. Celle-ci est vue comme élément néfaste, destructeur de la foi
en Dieu.
Cette vision est relevée par Cheikh Amidou Kâne 28 : «Si je leur dis
d'aller à l'école nouvelle, ils iront en masse. Ils y apprendront toutes les façons de
lier le bois au bois que nous ne savions pas. Mais, apprenant, ils oublieront aussi.
Nous refusions l'école pour demeurer nous-mêmes et pour conserver à Dieu sa
place dans nos coeurs».
Ainsi s'exprime le maître dans l'aventure ambigüe montrant bien là, les
préoccupations de beaucoup de marabouts.
Ceux-ci vont pousser les populations musulmanes surtout les régions
fortement islamisées à refuser d'envoyer les enfants à l'école du «blanc».
28 Kâne (Cheikh Amidou) - L'aventure ambigüe - Julliard, 1964, p.4S.

41
Ce refus des anciens et de l'islam sera plus manisfeste quand il s'agira
d'envoyer les filles à l'école. Ils s'opposeront catégoriquement à la scolarisation des
filles.
L'éducation des filles dans la société traditionnelle Wolof n'est certes pas
absente mais elle se limite beaucoup plus à l'acquisition du bagage nécessaire pour
être une «bonne mère»
et une «bonne épouse». Etre une «bonne mère»
et
une «bonne épouse»
ne nécessite pas alors la même éducation pour la fille et le
garçon. L'école décerne la même éducation sans distinction de sexe et pour la
tradition il ne saurait en être ainsi.
Devant ces multiples refus à l'implantation de l'école, comment va réagir
l'administration coloniale?
Comment s'opère le recrutement dans l'école coloniale?
Le recrutement est d'abord forcé. On passe dans les villages et on ramène
les enfants par la force, une scolarisation contrainte va s'en suivre. Ce recrutement
pour profiter à l'administration coloniale va d'abord se diriger vers les fils de chefs,
de notables.
Ce faisant une classe de jeunes administrateurs, à la fois partie prenante
dans l'oeuvre coloniale et ayant la confiance coloniale va ainsi voir le jour.
Le gouverneur général Roume montre bien dans le journal officiel de l'A.a.F., les
buts poursuivis: «Puisque nos moyens actuels ne nous permettent pas encore
d'atteindre la masse pt restrei.e-nent nos ('fforte: 8 lln(' minorité, choisissons
judicieusement cette minorité...

42
Choisissons nos élèves tout d'abord parmi les fils de chefs et des notables.
La société indigène est très hiérarchisée. Les classes sociales sont nettement
déterminées par l'hérédité et la coutume. C'est sur elles que s'appuie notre autorité
dans l'administration de ce pays, c'est avec elles surtout que nous avons un
constant rapport de service.
Le prestige qui s'attache à la naissance doit se renforcer du respect que
confère le savoir».29
L'école des otages créée en 1847 à Saint-Louis, qui deviendra par la suite
l'école des fils de chefs va aider à remplir ces desseins clairement exprimés par le
gouverneur général Roume.
Mais les chefs et les notables ne restent pas passifs. Ils ne veulent pas
envoyer leurs enfants à l'école et ils vont user d'un stratagème pour ne pas se plier
aux desseins du colon. Ils présentent de jeunes captifs, de jeunes esclaves à la place
de leurs propres enfants. Cette substitution va permettre aux chefs et aux notables
de garder leurs enfants et leur donner ainsi l'éducation qu'ils désirent.
Cette attitude des chefs, des notables compréhensible à plusieurs niveaux
dans le contexte de la colonisation va néanmoins avoir certaines conséquences sur
le plan social. De jeunes esclaves, paysans vont se voir confier des responsabilités
qu'ils n'auraient espéré obtenir dans le cadre de la société traditionnelle. Méis, cela
ne se fera pas sans bouleversements. Nous verrons plus loin, les boulevers.ements
qu'opèrent l'école et une telle sl1hstitlltion
29 Journal officiel de l'AOF n °1024 du 10 mai 1924. Arch.Nat. du Sénégal.

43
Après le refus opposé à l'école, une autre phase va s'amorcer. Certains
chefs et notables comprennent que tout est compromis, que peut-être cette école
qu'ils redoutent peut les servir. Cette attitude de compromis est adoptée par Cheikh
Amidou Kâne. «Si je ne dis pas aux Diallobé (une famille toucouleur) d'aller à
l'école nouvelle, ils n'iront pas. Leurs demeures tomberont en ruine, leurs enfants
mourront ou seront réduits en esclavage. La misère s'installera chez eux et leurs
coeurs seront pleins de ressentiment. Il faut aller chez eux, apprendre l'art de
.
. .
VaIncre sans aVOIr raIson...
L'école étrangère est la forme nouvelle de la guerre que nous font ceux qui
sont venus. Il faut y envoyer notre élite en attendant d'y pousser tout le pays».30
Cette attitude de Ch.H.Kâne est un engagement conscient dans la voie de l'école. Le
nouveau combat se situe sur ce terrain. Les enfants sont envoyés à l'école pour
acquérir le savoir nécessaire, les moyens qu'il faut pour combattre la domination
étrangère. Les nouvelles armes se trouvent dans cette école, il faut y aller...
Cependant, cette prise de conscience ne sera pas le seul motif d'envoi des
enfants à l'école. Certains parents comprennent que la réussite sociale peut se faire
par l'école. Les dangers d'assimilation, d'acculturation ne sont plus vus sur le
même angle. Cet attrait de l'école sur le plan purement lucratif sera beaucoup plus
marquant dans l'entourage des cadres auxiliaires. Un poste, dans la fonction
publique signifie un salaire mensuel régulier, on est à l'abri de certaines
controverses.
Avec l'école, c'est donc le débouché, c'est l'assurance d'une vie tranquille.
L'école n'est plus cette chose dangereuse que l'on Dercevait au déhut. Elle est
devenue la garantie de la réussite sociale. Les parents n'hésitent plus et poussent
eux-mêmes leurs enfants à l'école.
30 Cheikh Amidou Kâne - Op. cil.

1
1
44
1
Mongo Betj31 illustre bien ce revirement dans l'attitude des parents:
«vous rappelez-vous l'époque? Les pères menaient leurs enfants à l'école, comme
1
on pousse les troupeaux vers un abattoir. Des villages de brousse, éloignés de plus
de cinquante kilomètres, arrivaient de très jeunes enfants conduits par leurs
1
parents, pour s'inscrire à une école, n'importe laquelle.
1
Population pitoyable, ces jeunes enfants ! Hébergés par de vagues parents
1
autour de l'école ou de vagues relations du père, mal nourris, faméliques, rossés à
longueur de journées par les moniteurs ignares, abrutis par les livres qui leur
1
présentaient un univers sans ressemblance avec le leur, se battant sans cesse. Ces
gosses-là, c'était nous. Vous rappelez-vous? Et, ce sont nos parents qui nous
1
poussaient».3 2
1
Cette description de Mongo montre à plus d'un titre, les drames vécus par
1
les enfants sur les chemins de l'école. Drames individuels qui auront marqué
l'aventure scolaire de beaucoup. Déracinement géographique, déracinement
1
cultureL.ne sont pas de vains mots pour dire ce qu'ont vécu maints enfants à
1
l'école.
1
Cependant, cette politique d'assimilation liée au développement progressif
de la scolarisation au climat sOcÏo-polititque des colonies va avoir d'autres résultats:
1
avec l'école, un univers plus vaste est ouvert aux élèves. Une conscience de leur
1
identité d'africain va voir le jour.
[
Témoin, les théories sur la négritude développées par Aimé Césaire et
Léopold sédar Senghor, alors étudiants en France (nous y reviendrons dans la
1
première partie). A cette prise de conscience de leur identité d'africain s'ajoute une
[
31 Mongo Beti - Mission terminée - Buchet - Chastet, 1957, p.131.
32 Mongo Beti - Ibidem.

45
prise de conscience nationale que Bernard Dadié décrit dans l'itinéraire de Climbié
de l'école primaire à l'école normale William Ponty : «ce sera une compétition
entre des régions et non plus entre des élèves, des individus. Malgrè lui, il se sentait
un poids sur les épaules. A Gorée, chacun défendait son pays voulait imposer son
pays»)3
Une prise de conscience politique donne alors lieu à des revendications
menées par les mouvements d'étudiants et les partis politiques. celles-ci appellent à
un renversement de situation, à un changement authentique. Et bientôt, la plupart
des états africains dont le Sénégal, accèdent à l'indépendance en 1960.
Mais depuis l'indépendance, les carences du système éducatif sénégalais
sont évidentes. La vie paysanne est absente de l'horizon scolaire, les fallacieux
jugements de valeur, comparatifs sur les «manuels»
et les «intellectuels> ne
sont pas combattus; la coupure avec le monde traditionnel est aggravée par l'aspect
des connaissances et des techniques où l'on enferme l'accès au monde moderne.
L'échec de l'école moderne (officielle), reconnue aujourd'hui par la très
grande majorité des enseignants qui n'ont pas vu sans inquiétude leur rôle et leur
influence diminuer au cours de ce siècle, provient surtout de son manque
d'adaptation. Or, on voudrait que cette école soit nationale.
C'est la raison pour laquelle, nous affirmons que l'école occidentale est en
position de porte-à-faux; dès lors qu'elle cherche à faire assimiler des valeurs et des
techniques, à une population dont le contexte culturel bien qu'il ne cesse d'évoluer,
demeure dans une large mesure de t:,-rpe traditionnel.
33 Dadié (Bernard) - Climbié - Seghers - 1966.

1
1
46
1
C'est pourquoi, l'école moderne apparaît comme l'antithèse de la culture
tradititonnelle. Il y a antagonisme entre culture moderne et culture traditionnelle.
1
Et l'école moderne représente la culture moderne. En plus, cette école moderne
avait pour fonction d'assurer des emplois dans l'administration et un statut social
1
élevé.
1
Or, ceci n'est plus le cas. Cette fonction trouve sa limite dans l'expansion
1
scolaire elle-même. Sur ce fond de crise culturelle et sociale, se greffe une crise
pédagogique. L'enseignement, notamment en primaire va rencontrer un double
1
problème:
1
D'abord d'efficacité
Et ensuite d'identité culturelle.
1
C'est dans ce contexte, que le législateur sénégalais a introduit une
problématique du conte: on attend du conte qu'il apporte à la fois cette identité et
cette efficacité: c'est pourquoi, d'un côté, il faut africaniser l'école en y introduisant
le conte africain traditionnel et de l'autre, scolariser le conte ; d'où le conte va
devenir un moyen d'apprendre à lire et à écrire.
Ce procédé, malgrè son intention louable, soulève à notre aVIS, deux
grandes interrogations :
- Est-il bon de réduire le conte oral traditionnel à une forme écrite? Que garde-t-il
- Sert-on vraiment l'apprentissage de la lecture en s'appuyant sur des contes?

47
Notre hypothèse générale de travail est que :
Le conte oral traditionneL complètement scolarisé Qe conte écrit> n'a plus guère de
rapport avec l'identité traditionnelle et ne sert Pas véritablement à l'apprentissage
de la lecture.
Nous ne sommes pas parvenus d'emblée à formuler cette hypothèse de travail.
Convaincus de la valeur éducative du conte et du rôle central que devrait jouer le
conte traditionnel africain dans l'école moderne sénégalaise, notamment dans les
classes élémentaires, nous avons voulu comparer l'efficacité du conte écrit et celle
du conte oral, et le pouvoir respectif du conte lu et du conte écrit.
De nos espérances, et après enquêtes sur le terrain, de nos désillusions, est né le
travail ici présenté.

48
1ère PARTIE
Conte - Enfance - Mricanité

49
Chapitre 1
Conte et enfance
1 . Essai de définition du conte
D'après les théories sur l'origine des contes, il existe une parenté entre conte
et mythe. C'est pourquoi, les spécialistes qui s'occupent de la littérature consacrée
au conte, définissent ce dernier non seulement par rapport au mythe mais aussi
par rapport aux autres genres proches (légende, fable, etc... ) qu'on confond
généralement avec le conte.
En général, voilà ce qu'ils disent:
- Le mythe, selon Mircéa-Eliade, est un récit qui «raconte une histoire sacrée,
relate un évènement qui a lieu dans le temps primordial, le temps fabuleux des
«commencements»»
34 .
- D'après Propp 35, <<le conte procède du mythe qui est le récit premier».
- Pour Pierre NDak 36 , <<les légendes et les mythes ont des affinités ; les légendes
prolongent et vulgarisent le mythe. Les légendes en se dégradant peuvent devenir
des contes».
- Quand à Senghor enfin 37 , «dans la fable, contrairement au conte, il n'y a pas
de merveilleux en principe». Et c'est dans ce sens qu'il a dit que <<la fable, elle,
nous promène dans le monde réel des faits ...».
34 Eliade Mircéa, Aspect du Mythe - Gallimard N.R.F., p 15.
35 Propp Vladimir - Morphologie du Conte - Edition. Point-Seuil.
36 Pierre Ndak - Le Conte Africain et l'Education - Edition Harmattan.
37 Léopold.S.Senghor. In Prefaces à «les nouveaux Contes d'Amadou Koumba». Paris,
Présentation Africaine, 1962, p 8.

50
Et il poursuit : <<le conte est un récit dont les héros sont des génies et des
hommes, et qui est sans portée morale. Il nous introduit dans le monde surréel du
merveilleux, où l'âme vit d'émotions essentielles; il participe du mythe».
Le mot «conte», chez les sénégalais ne recouvre pas partout les mêmes
réalités, et les différents mots sénégalais traduits en français par «conte»
ne sont
pas nécessairement des «contes»
au sens français du terme ; c'est pourquoi il
s'agit d'un genre spécifique dont les contours sont difficiles à cerner. En effet, la
classification académique ne correspond pas toujours avec la classification
autochtone du conte.
Ainsi, lorsqu'on parle de conte, rien qu'en Wolof, il peut s'agir de 3 sortes de
textes: le leeb, le mayé et le lawaan ; et si l'on prend l'un pour l'autre, on peut se
tromper complètement quant à son sens profond et sa destination.
Ce que le Wolof appelle conte, c'est précisément le <<leeb». Le «mayé»
et le
<<1awaan»
sont des récits anecdotiques ayant plusieurs traits de caractère
communs aux contes, mais n'ont pas les mêmes objectifs.
Le «mayé»
par exemple est un récit anecdotique à caractère mensonger qui peut
se dire à n'importe quel moment de la journée mais n'a aucune visée morale ou
éducative, c'est un récit fait uniquement pour distraire.
Sans compter les récits qui ont allure de conte et sont en réalité des mythes
(cosaan) devant être considérés comme «histoires vraies»
au regard du monde
traditionnel.
C'est pourquoi, avant de proposer une définition du mot «conte», dans la
tradition africaine, il convient d'abord de comprendre ce dernier dans ses éléments
de forme et de fond et dans ses fonctions.

51
Dans le conte africain, la forme n'est pas transmise avec rigueur : du
moment que le sens est compris intégralement, peu importe les mots qui sont
choisis (à la différence des proverbes ou des devinettes où la transmission de la
forme est plus stricte).
Cependant, certains éléments de la forme sont constants et il faut les définir
suivant les régions et les langues.
- formule d'introduction: «11 était une fois»
, «voici un conte», etc...
- formule finale: «C'est là où le conte se jette à la mer»
, «c'est la fin du
conte», etc...
- formules intermédiaires répétées, formules magiques, onomatopées, etc...
- chants: les contes entièrement chantés sont rares, mais les contes comprenant
un refrain chanté (chantefables) sont extrêmement répandus en Afrique.
Quand au fond, le conte apparaît comme un récit organisé dans lequel, à une
situation de départ répond une situation finale différente, après de nombreuses
péripéties. Ces péripéties ou séquences peuvent se reproduire plusieurs fois. Elles
font appel à des éléments merveilleux : objets magiques, transformation d'un
animal en homme, pouvoirs surnaturels, etc...
Le récit met en scène une société fictive, des animaux aussi bien que des
hommes. Mais tout le monde sait bien qu'à mots à peine voilés, le conte parle de la
société actuelle. C'est ici qu'il faut souligner la dialectique très spéciale qui existe
dans le conte entre la tradition et la vie.
Cette dialectique est le résultat de la communication entre l'émetteur,
l'épicentre et le récepteur lors d'une séance de conte traditionnel africain. Elle met
en jeu la valeur artistique du conte. La tradition est souple.

52
Elle permet des variantes et l'art du conteur est justement de jouer sur les
détails pour rendre son récit plus vivant ou pour insister sur tel aspect ; afin
d'assurer la maîtrise et l'emploi efficace et productif de la parole.
Hormis sa valeur artistiquet le conte traditionnel africain a un but à la fois
éducatif et ludique.
TI Y a une fonction éducative sur le plan intellectuel et affectif: en traitant des
problèmes humains à travers les aventures et prises de position des personnagest il
montre ce qu'il faut faire. Il propose souvent une morale sur un point précist ou une
explication etnologique «<C'est pour cela que t depuis ce tempst nous agissons
ainsi») mais en faitt sa morale est beaucoup plus large et englobe toute la société.
Il en est de même de la fonction ludique. Tel ou tel trait nous divertit. Mais il y
a une interférence plus large du jeu et de la philosophie: on philosophe avec bonne
humeur. On ne prend pas les choses au tragiquet mais on regarde les gens vivre.
On philosophe en riantt on philosophe ensemble. Chacun peut comprendre à sa
manière.
Comme on a pu le voirt il est semble-t-ilt plus raisonnablet d'admettre une
définition moins étriquée et de considérer comme «contes»
les récits fictifs à
caractère à la fois artistiquet ludique et didactique que t traditionnellement les
villageois font au cours des séances de contes, ainsi que les récits recueillis auprès
des populations villageoises t perçus par elles comme des contest traduits et écrits
par des intellectuels, occidentaux ou africains.

53
2 • Le CONIE convient à l'enfanœ
Une des caractéristiques de notre culture qui se veut rationnelle, mais qui est
encore encombrée de présuppositions métaphysiques et morales, a été et reste la
méfiance à l'égard de l'imaginaire, décrit comme ce qui n'est pas et qui pourtant
prétend être, autrement dit comme erreur ou mensonge. Dans cette perspective, la
réalité est l'être, l'imaginaire le non-être ou le moins-être, et l'imagination
«synthèse spécieuse»
38, une maîtresse de fausseté.
Cette mentalité pré-scientifique est, aujourd'hui encore, largement répandue
dans le sens commun. Persuadés de vivre dans le réel, nous n'apercevons pas
l'imaginaire dans nos croyances religieuses ou superstitieuses, posées à priori
comme réalités absolues et nous ne le supportons que dans nos rêves, nos désirs et
nos plaisirs, domaines dont nous sommes bien obligés d'admettre l'existence mais
que nous nous efforçons par tous les moyens de minimiser.
Autre secteur «irrationnel»
où nous sommes contraints de supporter
l'imaginaire: nos enfants. ns s'obstinent en effet à ne pas être des adultes en
miniature. Ils sont et à la fois ne sont pas là où ils sont, ils vivent dans un univers
étrange, nourri d'images et de repères empruntés à notre réalité, mais recomposé
dans un ordre dérisoire, à mi-chemin entre l'apprentissage et le jeu.
Le grand tournant méthodologique, on le sait, se situe à la fin du XIXème
siècle, lorsque Charcot, puis Breuer et Freud cessent de considérer l'hystérie
comme entreprise frauduleuse par laquelle le malade tenterait de duper son
entourage et son médecin. L'imaginaire commence alors à se découvrir comme le
double réel de la réalité, donc à devenir une réalité à part entière.
38Telie est par exemple la position de Kant, dans la critique de la raison pure.

54
Il n'est pas pour autant plus aisé à cerner. Son statut, comme celui de
l'inconscient39 , est ambigu. Si l'imaginaire est image, comment s'intègre-t-il, et
s'impose-t-il à la conscience qui est effort de conceptualisation et d'analyse? Quel
rapport entretient-il, avec les signes et les symboles qui structurent le courant
psychique?
Comment l'imaginaire qui est, par définition, le reflet du monde sensible
peut-il acquérir par rapport à lui une autonomie, au point de mettre en péril notre
adaptation au réel? On se souviendra ici de la célèbre analyse de Sartre40 sur la
contradiction dans les termes que suppose par exemple le vertige.
On pourrait croire que chez l'enfant, être en gestation, cet imaginaire est plus
accessible. Or, c'est tout le contraire. Nous n'avons accédé à l'état adulte qu'en
renonçant à l'ivresse de jouer et, qui plus est, en oubliant jusqu'aux règles du jeu.
Aussi la voix des enfants nous apparaît-elle plus souvent comme venue d'une autre
planète. Ils nous parlent dans une langue qui paraît semblable à la nôtre et qui
pourtant est très étrangère.
Nous sommes la plupart du temps réduits à reconstituer leur imaginaire en
utilisant les méthodes qui nous permettent de décrypter ou de soupçonner le sens
des inscriptions et des mythes de civilisations très différentes de la nôtre, par l'effet
du temps ou de l'espace, celles par exemple de l'ancienne Egypte ou de telle ou telle
peuplade amazonienne.
D'où la tentation bien naturelle de nous tourner vers le répertoire des contes
qui ont plu et plaisent encore à nos enfants. Ne disposons nous pas là d'une sorte de
39 Le «conscient», L'«inconscient», Le «préconscient»
voir définition dans le
dictionnaire de la Psychanalyse. J.Laplanche et J.B. Pontalis. Edition P. U.F.
40 Jean-Paul SARTRE, L'imaginaire.Edition FOLIO ESES N° 47.

55
mine, qui correctement exploitée, nous permettrait de mIeux interpréter les
éléments dégagés dans les psychotérapies individuelles ou de groupe, ce qui
permettrait une percée décisive vers l'imaginaire de l'enfant?
L'enfant dans ses premières années, jouit d'un privilège exceptionnel :
l'animisme dans lequel il se sent fondu. 11 s'agit pour lui d'un univers agissant et
vibrant et qui est fait à son image.
Par ce don merveilleux, l'animisme qui s'atténue peu à peu à partir de trois
ans, quand survient la crise de personnalité qui l'oppose aux êtres et aux objets le
jeune enfant dote ce monde avec lequel il vit en participation des mêmes réactions,
des mêmes sentiments, des mêmes intentions que lui: il frappe la table contre
laquelle il s'est heurté comme si elle avait voulu lui faire mal ; il console le
parapluie qu'il fait tomber, il arrose un caillou.
Rien d'étonnant donc que dans des contes les héros les plus divers: animaux,
fleurs, éléments parlent, pleurent, jouent, s'ennuient après leur maman. Entre ces
êtres réellement animés ou non il n'y a pas plus de barrière qu'entre lui et eux et
toutes les aventures sont possibles. Lui même peut espérer devenir l'un d'entre eux.
«Si je suis gentil, je sera un mouton»
déc1are-t-il. N'avons nous pas des exemples
journaliers de cette attitude dans tous ses jeux symboliques, ses jeux de «faire
semblant»
où il est le cosmonaute et le carton vide la fusée?
Mais l'aspect de ce lien qui marie tous les éléments de la création est toujours
fonction des situations dans lesquelles ils se trouvent. Et leur groupement défie les
lois de la logique, car il est dû au syncrétisme de la pensée enfantine. Le petit unit
entre elles les choses parce qu'il les a perçues en même temps dans un dessin la
lune ne se sépare pas des chemins noirs, de l'auto, des yeux brillants d'un chat
(tout ce qui a été vu en un instant) ou parce qu'elles ont provoqué des émotions

56
identiques ou pour tout autre raison qui a crée entre elles, un voisinage dans la
conscience de l'enfant où elles se sont amalgamées.
Ce qui explique en particulier que dans ses histoires comme dans celles de
l'enfance des peuples, les rapprochements les plus surprenants sont réalisés, les
explications les plus bizarres sont données, les aventures les plus irrationnelles
sont vécues, dans un certain climat.
L'affectivité de l'enfant se révèle ~lors, car il appréhende les choses en
fonction du plaisir ou des ennuis qu'elles lui donnent: il les classe longtemps selon
ce critère qu'il projette dans ces contes. Les contes sont révélateurs de sa sensibilité,
de ses difficultés, de l'image qu'il se fait de lui.
Deux points nous sont déjà acquis:
1°) Tout ce à quoi l'enfant pense, ce qu'il vit et lui même participent de la même
existence pendant une certaine période de sa vie.
2°) Tout est lié de la manière la plus subjective et tout peut arriver.
Ces deux points connus nous entraînent naturellement vers une troisième
question que voici :
Pour lui, qui dirige ces rapports, ces actions, ces évènements? Une volonté.
Nous sommes en pleine mentalité magique. Centré sur lui-même (égocentrisme),
livré à ses problèmes qu'il projette, privé des catégories mentales qui permettent
«d'unir ou de distinguer les choses afin de les ordonner entre elles et de les

57
construire pour les substituer aux perspectives subjectives d'où elles sortent»41 ,
l'enfant a foi en la réalité, en l'exactitude de tout ce qu'il pense, de tout ce qu'il croit.
«L'individu a un singulier pouvoir de croire en ses propres idées»42 .
Que d'adultes sont restés à ce stade de développement! De là une grande
confiance en ses pouvoirs qui permettent une action directe sur les choses et les
évènements. Le tout jeune enfant agit sur le monde par ordre et prière.
Ce pouvoir magique peut donc, lui aussi, appartenir à tous les objets, à toutes
les personnes des fictions que l'on crée ou que l'on écoute (mots: sésame, ouvre-toi;
objets: baguette, botte, bague, poudre, lampe,...).
L'univers qui entoure le petit lui apparaît donc comme chargé d'intuition,
soumis à des souhaits, à des désirs, à la volonté. N'est-ce pas l'atmosphère des
contes?
Même quand se produit le choc avec le réel (êtres, objets ou matériaux) vers 3
ou 4 ans ou à l'entrée à l'école maternelle, et que l'enfant le pose face à lui, il passe
alors de l'animisme, à l'artificialisme (jusqu'à 7 ou 8 ans), c'est-à-dire qu'il croit
que tout alors est produit artificiellement et est dû à l'activité rassurante d'un
artisan : il yale «faiseur de pluie», «le conducteur de la lune», comme on
trouve dans les contes <<la mère des vents», «la mère des soleils», toutes causes
très personnelles qui sont un nouvel essai pour familiariser la nature.
41 H. Wallon: les origines de la pensée chez l'enfant - Edition P.U.F.
42 J. Piaget: la construction du réel chez l'enfant, 2ème Edition. Delachaux, ET.Niestlé - 1950.

58
3 • La PraÜQ]1e PédagogiCJ]le
al Choisir les contes en fonction des enfants
Nous devons choisir les contes en Jonction des enfants. Prises dans leur
ensemble, les différentes sections de nos écoles sont très distinctes : l'âge, le
développement, les besoins, les intérêts des enfants qui les composent diflèrent ;
mais chaque classe n'est pas homogène. L'écart d'âge varie, le développement est
inégal, les milieux familiaux hétérogènes.
D'autre part, l'évolution des enfants n'est pas linéaire, elle est sujette à des
périodes de confusion, de régression, elle procède parfois par bond. La brève étude
que nous proposons ici est donc schématique.
Le petit de 2 à 3 ans n'a aucun repère dans le temps et conquiert peu à peu l'espace
dans lequel il se meut, donc les histoires qui lui conviennent se passent au présent
et dans des lieux qu'il fréquente: une maison, un jardin, un chemin, une cour.
Son expérience du monde se limite à sa famille, à l'école. TI connaît quelques
adultes, quelques animaux, des objets. il aime en manipuler des miniatures et il les
retrouve s'ils sont bien caractérisés dans les images imprimées ou projetées; ne
vivront donc dans les contes que des bêtes qu'il a regardées, touchées, caressées
qu'elles soient vivantes ou naturalisées; se seront les chats, les chiens, les lapins,
les petits oiseaux et bien entendu des membres, des petites collectivités qui
l'encadrent.
Le petit de 3 à 4 ans surmonte peu à peu cette rupture d'équilibre qui l'a rendu si
pénible ; il joue à faire semblant, il se complaît avec des êtres imaginaires, ce qui
correspond chez lui au besoin intérieur «d'un compagnon», de quelqu'un à

59
surpasser, à respecter, à servir, à commander, cependant il reste fixé à son
environnement familier auprès duquel il cherche sécurité et affection. C'est
pourquoi il est bon que dans les contes qu'on lui propose, tout le monde se retrouve
au dénouement dans un même endroit.
L'enfant de 4 à fi ans. Il se socialise et se personnalise en même temps. L'imitation
joue un grand rôle dans ses jeux... Comme il sait se mettre à la place d'un autre, il
est possible de lui raconter sans les mimer comme on doit le faire avec les plus
jeunes, des histoires où les animaux les plus faibles gagnent contre les plus forts.
Tous les contes des bêtes lui conviennent.
L'enfant de 6 ans et plus. C'est entre 3 et 7 ans qu'une certaine indécision entre le
réel et l'imaginaire demeure et c'est pourquoi il faut être d'une grande prudence,
quand on croit voir mentir l'enfant... il fabule souvent. Cette ouverture à la fiction
règne dans les jeux jusqu'à 7 ou 8 ans puis ne survit que dans le domaine verbal.
Or, c'est précisément ce dernier qui nous intéresse. Ce qui explique le goût
que l'enfant garde pour les contes et son aisance à en composer jusque vers I l ou 12
ans, âge où l'expérience, la socialisation ont organisé la pensée objective.
b) Respecter la sensibilité enfantine
D'après certains spécialistes, les contes adressés aux enfants ne remplissent
leur but éducatif que dans les conditions suivantes:
1°) L'élimination de la violence: Ils veulent qu'on élimine des contes adressés aux
enfants, la violence, ce qui fait peur (les ogres, les fées, etc...), ce qui est barbare et
cruel. «L'univers des contes de Perrault est imprégné d'une profonde angoisse...

60
Les enfants qui y sont lâchés ne savent jamais où s'arrêtera la cruauté ou la folie
des adultes parents ou étrangers»43 .
Que d'aventures plaisantes, que d'évènements surprenants dans de nombreuses
histoires, disent-ils, sans que se produise la situation dramatique prolongée ou le
drame auquel l'enfant est si sensible! TI est souhaitable et le plus souvent possible
de supprimer l'épisode dangereux et traumatisant, sinon on cherchera un autre
conte !
2°) L'élimination de la vulgarité; c'est en c.e sens que le conte est moral. 11 dilate, il
grandit celui qui l'écoute. Ainsi, on élève les enfants, en leur donnant un sentiment
de puissance, d'extension d'eux-mêmes.
3°) L'élimination de tout ce qui peut troubler et ceci est fonciton des individus qui
composent la classe et qui peuvent subir chez eux des traitements regrettables
(toutes les misères de certains foyers) ou dont la sensibilité est particulièrement à
vif; cette élimination est ausi fonction des répercussions profondes que certains
contes peuvent avoir sur l'enfance en général.
4°) L'élimination de la mièvrerie qui est souvent le fait des historiettes «pour
enfants»
où l'on bêtifie à plaisir, où ~out est exquis, délicieux, fondant de
gentillesse, de bons sentiments, de joliesse ou par trop adhérent au réel.
En application à ces propos évoqués ci-dessus, Paulette LEQUEUX déclare par
exemple : «Le petit chaperon rouge : conte épouvantable dans son sens évident est
à supprimer, absolument de notre répertoire malgré l'habilité de sa composition et
43 Marc Soriano : les Contes de Perrault - Edition Gallimard.

61
le charme de l'expression. C'est un conte de mise en garde, voulu comme tel, ce qui
explique le dénouement malheureux unique dans nos contes traditionnels»44 .
Pour Marc SORIANO : «Nous assistons avec le petit poucet, à un vrai
«festival
d'horreur»45, à la suite duquel, on distingue deux thèmes
psychanalytiques:
le thème de la castration
L'ogre veut trancher la tête des enfants au bonnet rouge pointu. Nous
touchons là une peur ancestrale qu'il ne faut pas réveiller: celle de la mutilation
(n'entend-on parfois dire aux enfants, je te coupe le nez, la langue, les oreilles:
termes qui éveillent une angoisse profonde...)
le thème du seuvra~e lié à l'abandon
Si paradoxal que cela puisse paraître, l'abandon des enfants dans la forêt
touche nos petits plus profondément que le repas de l'ogre. Pensons à ce phénomène
moderne: le manque de respect de certains parents pour l'état d'enfance lorsque
l'enfant est considéré comme un adulte et donc tenu au courant de tous les soucis,
livré à la solitude affective et parfois physique.
Si l'on comprend bien ces spécialistes, le conte de fées mérite une réflexion
avant d'être utilisé en classe avec des jeunes enfants; car utilisé sans précaution, il
risque, disent-ils, d'être inadapté au jeune auditoire ou même de le troubler, de
l'inquiéter. Or l'important, c'est que l'audition d'un conte le maintienne en joie.
44 Paulette Lequeux : l'enfant et le Conte - Edition Ped. concrète.
45 Marc Soriano : les Contes de Perrault - OP - Cit.

62
4· Le CoITeCtifPsycho-PMagQgig.ue
Aujourd'hui comme jadis, la tâche la plus importante et aussi la plus difficile
de l'éducation est d'aider l'enfant à donner un sens à sa vie. Pour y parvenir, il doit
passer par de nombreuses crises de croissance. A mesure qu'il grandit, il doit
apprendre à se comprendre mieux, en même temps, il devient plus à même de
comprendre les autres et finalement, il peut établir avec eux des relations
réciproquement significatives.
D'après Bruno BETTELHEIM: «c'est grâce aux contes de fées que l'enfant
peut découvrir cette signification... Ces histoires, qui abordent des problèmes
humains universels et en particulier ceux des enfants, s'adressent à leur moi en
herbe et favorisent son développement, tout en soulageant les pressions
préconscientes et inconscientes.
Tandis que l'intrigue du conte évolue, les preSSIOns du ça se précisent et
prennent corps, et l'enfant voit comment il peut les soulager tout en se conformant
aux exigences du moi et du surmoi...»46 .
Pour pouvoir régler les problèmes ps~chologiques de la croissante (c'est-à-dire
surmonter les déceptions narcissiques, le dilemmes oedipiens, les rivalités
fraternelles; être capable de renoncer aux dépendances de l'enfance; affirmer sa
personnalité, prendre conscience de sa propre valeur et de ses obligations morales),
l'enfant a besoin de comprendre ce qui se passe dans son être conscient et, grâce à
cela, de faire face également à ce qui se passe dans son inconscient.
46 Bruno BETTELHEIM : Psychanalyse des contes de fées - Edition Pluriel.

63
Il peut acquérir cette compréhension (qui l'aidera à lutter contre ses
difficultés) non pas en apprenant rationnellement la nature et le contenu de
l'inconscient, mais en se familiarisant avec lui, en brodant des rêves éveillés, en
élaborant et en ruminant des fantasmes issus de certains éléments du conte qui
correspondent aux pressions de son inconscient.
En agissant ainsi, l'enfant transforme en phantasmes le contenu de son
inconscient, ce qui lui permet de mieux lui faire face. C'est ici que l'on voit la valeur
inégalée du conte de fées: il ouvre de nouvelles dimensions à l'imagination de
l'enfant que celui-ci serait incapable de découvrir, seul.
Chez l'enfant comme chez l'adulte, l'inconscient est un déterminant puissant
du comportement. Quand il est refoulé, le conscient finira par être en partie envahi
par des dérivatifs, faute de quoi l'individu sera contraint d'exercer sur ces éléments
inconscients un contrôle si rigoureux, si compulsif, que sa personnalité se
retrouvera gravement handicapée.
Mais si le matériel insconscient peut à un certain degré accéder au conscient
et être livré à l'imagination, son potentiel de nocivité, pour nous-mêmes et pour les
autres, est alors très réduit ; une partie de sa force peut-être mise au sevice
d'objectifs positifs. Cependant, la majorité des éducateurs croit que l'enfant doit être
mis à l'abri de ce qui le trouble le plus: ses angoisses informes et sans nom, ses
fantasmes chaotiques, colériques et même violents.
Beaucoup pensent que la seule réalité consciente et des images généreuses
devraient être présentées à l'enfant pour qu'il ne soit exposé qu'au côté ensoleillé
des choses. Mais, ce régime à sens unique ne peut nourrir l'esprit qu'à sens
unique, et la vie réelle n'est pas que soleil...

64
La mode veut que l'on cache à l'enfant que tout, ce qui va mal dans la vie vient
de notre propre nature et du penchànt qu'ont tous les humains à agir
agressivement, associalement, égoïstement, par colère ou par angoisse. Nous
désirons que nos enfants, croient que l'homme est foncièrement bon. Mais les
enfants savent qu'ils ne sont pas toujours bons; et souvent, même s'ils le sont, ils
n'ont pas tellement envie de l'être. Cela contredit, ce que leur racontent leurs
parents, et l'enfant apparaît comme un monstre à ses propres yeux.
La culture dominante, en ce qui concerne particulièrement les enfants, veut
faire comme si le côté sombre de l'homme n'existait pas, et elle affecte de croire en
un «méliorisme»
optimiste.
La psychanalyse elle-même est censée avoir pour but de rendre la vie facile ...
Ce qui n'était pas du tout dans les intentions de son fondateur. Elle a été créée pour
rendre l'homme capable d'accepter la nature problèmatique de la vie, sans se
laisser abattre par elle et sans recourir à des faux-fuyants. Le précepte de Freud est
que l'homme ne peut parvenir à donner un sens à son existence que s'il lutte
courageusement contre ce qui lui paraît être des inégalités écrasantes.
Tel est exactement le message que les contes de fées, de mille manières
différentes, délivrent à l'enfant: que la lutte contre les graves difficultés de la vie est
inévitable et fait partie intrinsèque de l'existence humaine, mais que si, au lieu de
se dérober, on affronte fermement les épreuves inattendues et souvent injustes, on
vient à bout de tous les obstacles et on finit par remporter la victoire.
Les histoires modernes qui sont destinées aux jeunes enfants évitent avant
tout d'aborder ces problèmes existentiels qui ont pourtant pour nous tous une
importance cruciale.

65
L'enfant a surtout besoin de receVOIr sous une forme symbolique, des
suggestions sur la manière de traiter ces problèmes et de s'acheminer en sécurité
vers la maturité. Les histoires sécurisantes d'aujourd'hui ne parlent ni de la mort,
ni du vieillissement, ni de l'espoir en une vie éternelle. Le conte de fées, au
contraire, met carrément l'enfant en présence de toutes les difficultés
fondamentales de l'homme.
Par exemple, de nombreux contes de fées commencent avec la mort d'une
mère ou d'un père ; dans ces contes, la mort de l'un des parents crée des problèmes
angoissants (c'est ce qu'on appréhende ou ce qui se passe dans la vie réelle).
D'autres contes parlent d'unpère ou d'une mère vieillissant qui décide de
passer le relais à la nouvelle génération; mais auparavant, le successeur doit
prouver qu'il est capable et digne de prendre la relève. Le conte des frères Grimm,
<<les trois plumes»
commence ainsi: il était une fois un roi qui avait trois fils ...
Le roi, en vieillissant, sentant ses forces décliner et songeant à sa mort, ne
savait pas auquel de ses trois fils, il devait laisser le royaume en héritage. Pour
pouvoir se décider, le roi confie à chacun de ses fils une tâche difficile; celui qui
réussira le mieux, «ce sera lui le roi après sa mort».
Les contes de fées ont pour caractéristiques de poser des problèmes
existentiels en termes brefs et précis. L'enfant peut ainsi affronter ces problèmes
dans leur forme essentielle, alors qu'une intrigue plus élaborée lui compliquerait
les choses. Le conte de fées, simplifie toutes les situations. Ses personnages sont
nettement dessinés ; et les détails, à moins qu'ils ne soient très importants, sont
laissés de côté. Tous les personnages correspondent à un type ; ils n'ont rien
d'unique.

66
Contrairement à ce qui se passe dans la plupart des histoires modernes pour
enfants, le mal dans les contes de fées, est aussi répandu que la vertu.
Dans pratiquement tous les contes de fées, le bien et le mal sont matérialisés
par des personnages et par leurs actions, de même que le bien et le mal sont
omniprésents dans la vie et que chaque homme a des penchants pour les deux, c'est
ce dualisme qui pose le problème moral ; l'homme doit lutter pour le résoudre.
Le mal est présenté avec tous ses attraits-symbolisés dans les contes par le
géant tout-puissant ou par le dragon, par les pouvoirs de la sorcière, la reine rusée
de Blanche-Neige-et, souvent, il triomphe momentanément. De nombreux contes
nous disent que l'usurpateur réussit pendant quelques temps à se tenir à la place
qui appartient de droit au héros (comme les méchantes soeurs de Cendrillon).
Ce n'est pas seulement parce que le méchant est puni à la fin de l'histoire que
les contes ont une portée morale ; dans les contes de fées, comme dans la vie, le
châtiment ou la peur qu'il inspire, n'a qu'un faible effet préventif contre le crime;
la conviction que le crime ne paie pas est beaucoup plus efficace, et, c'est pourquoi
les méchants des contes finissent toujours par perdre. Ce n'est pas le triomphe final
de la vertu qui assure la moralité du conte mais le fait que l'enfant, séduit par le
héros, s'identifie avec lui à travers toutes ses épreuves.
A cause de cette identification, l'e~fant imagine qu'il partage toutes les
souffrances du héros au cours de ses tribulations et qu'il triomphe avec lui au
moment où la vertu l'emporte sur le mal. L'enfant accomplit tout seul cettf=
identification et les luttes intérieures du héros impriment en lui le sens moral.
Les personnages des contes de fées ne sont pas ambivalents; ils ne sont pas à
la fois bons et méchants, comme nous le sommes tous dans la réalité. De même-

67
qu'une polarisation domine l'esprit de l'enfant, elle domine le conte de fées. Chaque
personnage est tout bon ou tout méchant. Un frère est idiot, l'autre intelligent. Une
soeur est vertueuse et active, les autres infâmes et indolentes.
L'une est belle, les autres sont laides. L'un des parents est tout bon, l'autre
tout méchant. La juxtaposition de ces personnages opposés n'a pas pour but de
souligner le comportement le plus louable, comme ce serait vrai pour les contes de
mise en garde (il existe des contes de fées amoraux où le bien et le mal et la beauté et
la laideur ne jouent aucun rôle).
Ce contraste des personnages permet à l'enfant de comprendre facilement
leurs différences, ce qu'il serait incapable de faire aussi facilement si les
protagonistes, comme dans la vie réelle, se présentaient avec toute leur complexité.
Pour comprendre les ambiguïtés, l'enfant doit attendre d'avoir solidement établi sa
propre personnalité sur la base d'identifications positives.
TI peut alors voir que les gens sont très différents les uns des autres et qu'il
doit lui-même décider de ce qu'il sera. Cette décision fondamentale sur laquelle
s'édifiera plus tard l'évolution de la personnalité, est facilitée par la polarisation des
contes de fées.
En outre, les choix de l'enfant ne se fondent pas tellement sur le bien opposé
au mal, ni sur le personnage qui éveille sa sympathie et celui qu'il trouve
antipathique. Plus le personnage bon est simple et direct, plus l'enfant s'identifie
facilement avec lui et rejette le méchant. TI s'identifie facilement avec le bon non pas
en raison de sa vertu, mais parce que la situation du héros trouve en lui un écho
profond. L'enfant ne se demande pas: «Est-ce que j'ai envie d'être bon?»
mais
«A qui ai-je envie de ressembler?». Il décide de son choix en commençant pas se

68
projeter de plein gré dans le personnage. Si celui-ci est bon, l'enfant du même coup
veut être bon lui aussi.
Les ~ontes amoraux, où le bon n'est pas opposé au méchant, ont un tout autre
but. Le Chat botté, par exemple, qui triche pour assurer le triomphe du héros et
Jack (héros d'un cycle anglais de contes de fées), qui vole le trésor du géant, ne
proposent pas un choix entre le bien et le mal, mais font croire à l'enfant que les
plus faibles peuvent réussir dans la vie.
Après tout, à quoi bon décider d'être bon alors qu'on se sent si insignifiant
qu'on a peur de ne jamais arriver à rien? Ces contes n'ont aucune intention morale;
ils veulent donner l'assurance que l'on peut réussir. Ils répondent ainsi à un
problème existentiel très important; faut-il aborder la vie avec la conviction que l'on
peut venir à bout de toutes les difficultés ou.avec une mentalité de vaincu?
Les conflits intérieurs profonds, qui ont leur origine dans nos pulsions
primitives et dans nos émotions violentes, sont ignorés dans la plupart des livres
modernes pour enfants qui n'aident donc en rien, ceux-ci à les affronter. Mais
l'enfant est sujet à des accés désespérés de solitude et d'abandon, et il est souvent en
proie à des angoisses mortelles.
Très souvent, il est incapable d'exprimer ces sentiments par des mots, on ne
le fait que par des moyens détournés: il a peur de l'obscurité ou d'un animal
quelconque, ou il est angoissé par son corps. Comme les parents se sentent mal à
l'aise quand ils observent ces émotions chez leur enfant, ils ont tendance à les
négliger ou ils les amoindrissent à partir de leurs propres angoisses, croyant ainsi
calmer les peurs de l'enfant.

69
Le conte de fées au contraire, prend très au sérieux ces angoisses et ces
dilemmes existentiels et les aborde directement: le besoin d'être aimé et la peur
d'être considéré comme bon à rien; l'amour de la vie et la peur de la mort.
En outre, il présente des solutions que l'enfant peut saisir selon son niveau de
compréhension. Les contes de fées, par exemple, posent le problème du désir d'une
vie éternelle en concluant parfois: «Et s'ils ne sont pas morts, ils vivent encore à
l'heure qu'il est». D'autres, qui se terminent ainsi: «Et ils vécurent toujours
heureux», ne font pas croire un instant à l'enfant que la vie peut durer
éternellement; ils indiquent qu'il n'y a qu'une façon de moins souffir de la brièveté
de la vie : en établissant un lien vraiment satisfaisant avec l'autre.
Quand on a réussi cela, dit le conte, on a atteint le point culminant de la
sécurité affective de l'existence et on dispose de la relation la plus permanente dont
puisse disposer l'homme ; et cela peut di'ssiper la peur de la mort. Le conte dit
aussi, que quand on a trouvé le véritable amour adulte, on n'a pas à désirer une vie
éternelle, et c'est ce qu'exprime la conclusion d'autres contes de fées ; «Et ils
vécurent désormais pendant de longues, longues années de bonheur».
Les éducateurs mal informés peuvent voir dans ces conclusions de contes de
fées une façon irréaliste de satisfaire les aspirations de l'enfant ; c'est rester
aveugle au message important que délivrent ces fins de contes. L'enfant apprend
qu'en formant une véritable relation interpersonnelle, il échappera à l'angoisse de
la séparation qui le hante (c'est le thème principal de nombreux contes et leur
conclusion est toujours heureuse).
Ces contes disent aussi que cette conclusion est impossible si l'enfant
(contrairement à ce qu'il croit et espère) s'accroche éternellement aux jupes de sa
mère.

70
Le héros de conte de fées (l'enfant) ne peut se trouver qu'en explorant le
monde extérieur; et, ce faisant, il découvrira l'«autre»
avec qui il pourra ensuite
vivre heureux, c'est-à-dire sans avoir jamais à connaître l'angoisse de séparation.
Le conte de fées est orienté vers l'avenir et sert de guide à l'enfant, dans des
termes que peuvent saisir son conscient vu son inconscient; il l'aide à renoncer à
ses désirs infantiles de dépendance et à parvenir à une existence indépendante plus
satisfaisante.
Les enfants de nos jours, ne grandissent plus dans la sécurité d'une famille
extensive, ni dans les communautés bien i~tégrées. Il est donc important, beaucoup
plus qu'à l'époque où les contes ont été inventés, de procurer à l'enfant moderne des
images de héros qui doivent s'aventurer tout seuls dans le monde et qui, sans savoir
au départ comment leurs aventures finiront, découvrent des endroits où ils se
sentent en sécurité, tout en suivant le droit chemin avec une confiance solide.
Comme l'enfant moderne, qui se sent souvent isolé, le héros de contes de fées
poursuit parfois sa route dans la solitude ; il est aidé par les choses primitives avec
lesquelles il est en contact : un arbre, un animal, la nature, toutes choses dont
l'enfant se sent plus proche que ne l'est l'adulte.
Le sort de ce héros persuade l'enfant que, comme eux, il peut se sentir
abandonné dans le monde comme un hors-la-loi, il peut tâtonner dans l'obscurité,
mais que, comme eux, au cours de sa vie, il sera guidé pas à pas et recevra toute
l'aide dont il pourra avoir besoin. Aujourd'hui, plus encore que par le passé,
l'enfant a besoin d'être rassuré par l'image d'un être qui, malgré son isolement, est
capable d'établir des relations significatives et riches en récompenses avec le monde
qui l'entoure.

71
Conclusion
Comme on vient de le constater, la question de la violence dans les contes
destinés aux enfants, est loin d'être tranchée; les uns sont pour la violence, les
autres pour la non-violence.
Pour notre part, nous parlons du conte en général, comme moyen de
communication dans le cadre d'une psychologie des langages.
A partir de ce constat, nous estimons que; quel que soit le camp dans lequel
on se situe et le type de conte utilisé, l'essentiel est que soient résolues les attentes et
les angoisses de l'enfant et de l'adolescent; et que le conte exerce sur eux une
fonction éducative et thérapeutique en informant des conduites à prendre, des
épreuves à venir et des efforts à accomplir.
Platon, qui a sans doute compris en quoi consiste l'esprit beaucoup mieux que
ceux de nos contemporains qui ne veulent exposer leurs enfants qu'aux gens
«réels»
et aux faits quotidiens, Platon, donc, savait ce que les expériences
psychologiques peuvent apporter à une véritable humanité.
11 proposait que les futurs citoyens de sa république idéale fussent initiés à
l'éducation littéraire par le récit des contes et mythes, plutôt que par les faits bruts
et les enseignements prétendument rationnels. Aristote lui-même, le maître de la
raison et de l'expérience, disait «L'ami de la sagesse est également l'ami des
contes et mythes».
Les Penseurs contemporains qui ont étudié les mythes et les contes de fées à
la lumière de la philosophie et de la psychologie parviennent à la même conclusion,
quelle qu'ait-été leur conviction initiale. Mircéa Eliade, par exemple, définit ces

72
histoires comme «des modèles de comportement humain, ce qui leur permet de
donner, par le fait même, un sens et une valeur à la vie».
Traçant des parallèles anthropologiques, lui et bien d'autres suggèrent que
les contes de fées dérivent ou sont l'expression symbolique de rites d'initiation ou
autres rites de passage, par exemple la mort métaphorique d'un ancien moi
inadapté afin de renaître sur un plan d'existence supérieure. Eliade sent que, c'est
pour cette raison que ces contes répondent à un besoin fortement ressenti et sont
riches d'une signification aussi profonde.

73
Chapitre II
Conte et arncanité
A • L'IDEOLOGIE AFRICANISTE
1) Le mouvement de la némtude
A la suite de la lutte idéologique des intellectuels africains pour affirmer leur
identité noire; il se produisit une véritable vogue de «l'africanisme».
Pour mIeux saisir la portée du mot «africanisme», faisons une brève
rétrospective des revendications culturelles «nègres»
dans lesquelles il a vu le
Jour.
C'est dans les années 30 que, sur les bords de la Seine se tient, ce qui pourrait
passer pour les Etats Généraux de la diaspora négre. En effet, les fils des nègres
qu'une histoire particulièrement défavorable a dispersés aux quatre coins de
l'Univers, avides de savoir, se retrouvent à Paris. Antillais, Américains, Mricains,
se découvrent et décident d'affirmer, par tous les moyens, leur solidarité. Leur
situation politique est sensiblement la même. On leur dénie tout droit à la
citoyenneté pleine et entière.
Partout on ne veut voir en eux que des citoyens de seconde zone, partout ils
sont victimes de la discrimination raciale, et toujours placés en état de dépendance
parce que tenus pour d'éternels mineurs. Ils prennent nettement, conscience de ce
qui les unit, de leur commune origine culturelle.

74
Il faut reconnaître que leur situation politique leur fait un devoir de se
détourner, ne serait-ce qu'en une première étape, d'un monde qui les rejette, ou
dans lequel ils ne se sentent pas à l'aise, pour exalter leurs civilisations et cultures
d'origine.
La première réaction en France, contre les tentatives d'assimilation de
l'occident vient des Antillais regroupés autour de la trop éphémère et agressive
«Légitime Défense»
qui eut le mérite d'ouvrir la voie de l'affirmation de soi à cette
diaspora. L.Kesteloot47 retrace dans sa thèse l'évolution de ce mouvement dont
l'esprit persista longtemps après la disparition.
Par la suite, Antillais et Africains, grâce à l'action de Cesaire et de Damas,
s'étaient retrouvés. Le combat des uns deviendra progressivement celui des autres.
Ensemble, ils lanceront et feront vivre «l'Etudiant Noir». il n'y aura pas, comme
le montre fort bien . Kesteloot, une sucession de «Légitime Défense»
que
«l'Etudiant Noir»
aura à prendre en charge purement et simplement. Le
nouveau mouvement ne sera pas co~muniste et n'acceptera pas tout le
surréalisme français.
Le rôle des Noirs Américains qui établissent des relations durables avec les
étudiants africains commence à être mieux connu48 . ils sont parmi les véritables
pères de la négritude. L'idée existait chez eux depuis la première guerre mondiale,
elle n'avait cependant pas été formulée avec le même bonheur, ni lancée dans un
milieu aussi libéral et réceptif que la France de <<1'entre-deux-guerres».
47 L. Kesteloot : les écrivains noirs de langue française - Naissance d'une littérature.
Thèse de 3è cycle pp. 69-82 - Université de Dakar.
.
48 Jean Wagner: les poètes nègres des Etats-Unis - Paris, [sra 1961, pp 161-207

75
Les Américains apportaient leur longue expérience de la lutte pour les droits
civiques. Avant tout autre, las d'attendre indéfiniment leur intégration dans la
société américaine, ils s'étaient tournés vers le passé de la race, vers l'Mrique. ns
avaient déjà ouvert la voie dans laquelle s'engageaient les étudiants noirs en
France.
Devant l'échec de la lutte en faveur de leur assimilation pure et simple dans
la civilisation américaine, ils avaient découvert qu'ils devaient imposer à leurs
interlocuteurs blancs leur qualité de nègre.
A Booker-T-Washington avait succédé Du Bois, c'est tout dire. TI se produisit
une véritable vogue de l'Mricanisme. On eut raison de parler de «Renaissance
Noire», de «New Negro Movement». L'heure était aux sources. A la civilisation
technicienne, on opposa les civilisations tr~ditionnelles africaines.
La découverte de l'art nègre eut une immense répercussion dans les milieux
intellectuels américains. 11 se constitua des sociétés d'histoire pour trouver les
éléments objectifs permettant d'anéantir les arguments des théoriciens de
l'infériorité congénitale du Noir.
Jamais la place de l'Afrique n'avait été aussi grande dans la poésie et dans
l'art négro-américain. Langston Hugues chanta «Mother Africa», Countee
Cullen composa son émouvant «Héritage». Tous seront au rendez-vous de
Paris.Langston Hughes, Countee Cullen, Claude Mackay, Mercer Cook, Jean
Toomer. Ils apporteront aux Africains et Antillais, entre autres choses, la
conviction que leur qualité de Noir leur crée le devoir de combattre l'assimilation
d'exalter leurs valeurs propres49 .
49 Libyan Kesleloot , op cit, pp 101-110, évoque ces évènements et l'impression durable suscitée parmi
les intellectuels noirs.

76
C'est pendant cette période que les travaux des Mricanistes sont portés à la
connaissance du public. Ces Africanistes, dégagés de tout préjugé, uniquement
préoccupés de vérités, scientifiquement établies, vont aider à la réhabilitation
culturelle de l'Afrique. Leur curiosité embrasse tous les domaines. Ce sont eux qui
donneront à la jeune intelligentsia noire, réunie à Paris et désireuse d'affirmer son
africanité, les raisons de fierté qui faisait défaut.
L'action bénéfique des ces Africanistes et négrophiles français se lit dans le
soutien apporté aux jeunes écrivains et se traduit par de nombreuses préfaces. ns
ne leur ont ménagé ni encouragement, ni conseils ; mieux, usant de leur influence,
ils ont permis à certains d'accéder au publIc.
En contrepartie, la littérature africaine de l'époque se ressent nettement de
leur influence. Elle continue dans une large mesure, la littérature coloniale
française et ne sort pas des ornières du témoignage et de la description exotique.
Dans cette entreprise de redécouverte de l'Afrique, l'écrivain, sans
expérience, sans tradition littéraire devint vite l'allié de l'Mricaniste, comme plus
tard, il s'engagera dans la lutte politique.
Il faut cependant, rendre justice à ces chercheurs et négrophiles des
premières heures, pour avoir, par la promotion d'écrivains africains, porté un coup
mortel à la littérature coloniale et donné la preuve tangible de la spécificité des
cultures africaines.

77
2) Le mouvement littéraire :
La Poésie de 1948 à 1960 -
En 1948, l'Anthologie de Senghor (qui regroupe les poèmes les plus violents,
les plus douloureux, les plus non français des écrivains négres et malgaches : Guy
Tirolien, Paul Niger, Briago Diop, David Diop, J.J. Rabearivelo, Flavien Ranaïvo),
constitue un manifeste de la révolution nègre. C'est l'affirmation qu'une culture
nouvelle vient de naître et c'est aussi un acte d'indépendance culturelle, vis-à-vis de
l'Europe.
L'Anthologie a eu beaucoup d'influence sur la génération suivante en
particulier sur René Depertre, Espalongue Epanya et Keïta Fodéba.
La Prose de 1948 à 1960 -
Elle est constituée de romans et de nouvelles. Ce sont les Antillais qui se font
remarquer les premiers avec «Gouverneur de la Rosée»
de Jacques Roumain.
Les Africains s'exercent d'abord aux contes. En 1947, paraissent les contes
d'Amadou Coumba de Birago Diop50 .
Les premiers romans paraissent en 1953 : dont «l'enfant noir»
de Camara
Laye et «ville cruelle»
de Mongo Béti. En 1955, apparaît «Nini»
d'Abdoulaye
Sadji.
A partir de 1956, paraissent de nouveaux auteurs : Ferdinand Oyono écrit:
«Une vie de Boy»
et «Le vieux négre et la médaille>, Sembène Ousmane écrit:
50 Birago Diop: les Contes d'Amadou Koumba - Les nouvelles Editions africaines.

78
<<le Docker noir»
et <<les Bouts de Bois de Dieu». Bernard Dadié publie :
«Climbié»
et Olympe Bhely Quenum «un piège sans fin». Peter Abrahm
(anglophone) est de la même génération que ces auteurs. TI a écrit «Je ne suis pas
un homme libre».
En même temps que se développe cette littérature romanesque, on assiste à
une extraordinaire activité des intellectuels africains qui publient des essais, des
articles qui ont le même but: favoriser la révolution culturelle nègre.
Chez des romanciers comme Kenyatta, Fanon, Khrumah et Cheikh Anta
Diop, on parle du colonialisme et des problèmes qu'il a suscités : (ségrégation,
humiliation, préjugés, misère matérielle et morale). Ils font la caricature des
colonisateurs. Ces livres sont pleins de menaces, pleins de cris de révolte et tous
parlent de l'espoir d'une libération prochaine.
En résumé, 1'«Mricanisme»
a été le générateur d'une prise de conscience
évidente et générale. Tous ces récits se caractérisent par leur réalisme parce que la
plupart reflètent la réalité quotidienne des masses populaires auxquelles ils
s'adressent.
Certains fustigent avec une ironie cinglante la société où l'ignominie du
colonisateur n'a d'égale que la bêtise du colonisé. D'autres font apparaître de façon
lumineuse ce que sera le monde qui naîtra de l'émancipation sociale.
En fait, tous visent à un même but: provoquer la prise de conscience des
masses populaires pour les conduire à leur libération.
Tout le sens de l'action africaniste repose dès le départ sur le postulat suivant:
si les populations négro-africaines ne peuvent secouer le joug de leurs exploiteurs,

79
c'est que ceux-ci les maintiennent dans un état de misère physique et morale dont la
cause profonde est l'ignorance source de tous les maux du prolétariat et principal
obstacle à leur prise de conscience.
Dès lors, ils considérèrent qu'il n'était pas de prise de conscience possible des
populations noires sans une étape préalable d'éducation et d'instruction.
L'action éducative s'orienta naturellement vers une présentation didactique
de l'idéologie africaniste elle-même visant à mettre celle-ci à la portée des africains.
L'utilisation du conte comme mode de diffusion des principes africanistes relève de
cette démarche.
B • LA REHABILITATION DU CONTE TRAPIDONNEL AFRICAIN
Pour les premiers africanistes européens, les contes étaient dénués de toute
valeur réelle; c'étaient de simples passe-temps. Ainsi Golbery a écrit après un
voyage en Mrique : «Des cotteries de nègres passent des journées entières à fumer,
à jouer, mais surtout à causer et à faire des histoires ...
Car les contes les plus absurdes, les histoires les plus mensongères sont le
souverain, délice et le plus grand amusement de ces hommes qui parviennent à la
vieillesse sans être sortis de l'enfance»51 .
Equilbecq, administrateur colonial, a écrit à son tour et de façon catégorique :
«les fables indigènes sont des récits exclusivement destinés à l'amusement des
auditeurs et n'ont nullement pour but d'enseigner une morale fut-elle uniquement
pratique, ni de dénoncer les abus sociaux»52 .
51 Golbery <<Fragments d'un voyage en Afrique»
- Paris 1802 - Tome 2.
52 Equilbecq «Essai sur la littérature merveilleuse des noirs»
Maison Neuve.

80
On comprend dès lors que lorsque le moment vint pour certains intellectuels
africains de prendre part à l'entreprise de réhabilitation culturelle de l'Afrique,
qu'ils se soient tournés vers le conte qui continuait, plus que tout autre genre, à
faire partie intégrante de la vie de l'Africain.
Pendant très longtemps, on a voulu convaincre le nègre que tout ce qu'il
possédait était frappé de désuétude et d'anachronisme, qu'il devait se dépouiller de
ses attributs propres pour accueillir la civilation de l'occident.
L'histoire ne nous permet pas de supposer qu'il ait existé un peuple
privilègié, ayant reçu la mission d'inventer les contes dont devrait à perpétuité
s'amuser l'humanité future. Elle nous montre, au contraire, que chaque peuple a
créé ses contes qui lui appartiennent : les Bretons, les Germains, les Slaves, les
Indiens. Puisque chaque peuple a le pouvoir de créer des contes ethniques, il est
naturel de supposer qu'il a pu aussi inventer des contes plus généraux qui, étant
plaisants et très inoffensifs en leurs données, voyagent indifféremment de pays en
pays.
Il est certain que les peuples dans le passé, placés dans des conditions
particulières, ont répondu avec les moyens du bord à certaines exigences
intellectuelles, esthétiques et morale. La similitude des situations a fait la
similitude des thèmes et des techniques des contes.
Du reste, en dépit de l'énorme étendue du fonds universel, nombreux sont les
contes qui, reflétant la sensibilité et la mentalité d'un peuple donné. ne peuvent que
procéder du génie propre de ce peuple.
Cela n'exclut nullement pour nombre de contes, l'identité des sourCf:$. TI
s'agirait alors ni plus ni moins d'une survivance de la période précédant les

81
migrations des peuples. Ou bien alors, le primitivisme prenant presque partout,
dans ses formes extérieures du moins, les mêmes aspects, certaines conceptions
esthétiques et morales se retrouveraient toutes choses égales d'ailleurs, d'un peuple
à l'autre.
On comprend ainsi l'erreur des tenants de la théorie de l'origine orientale des
contes. Les sources écrites des contes les plus anciennes sont indiennes. Ce n'est
pas dire pour autant que l'origine de ces contes soit indienne. L'Inde a pu les
accueillir et les fixer par l'écriture après les avoir adaptés au goût de ses habitants.
Du fait que les contes africains sont oraux, on s'est appliqué dans le passé à
en contester à l'Afrique la paternité, arguant à cette fin de l'extrême mobilité des
contes. On sait, cependant que l'existence dans plusieurs pays de contes bâtis sur
les mêmes thèmes et techniques ne permet nullement de déterminer l'origine de
ces contes.
Il est évident que le contexte dans lequel la recherche africaniste a reçu
l'impulsion qui devait la conduire à son développement actuel n'était pas
particulièrement favorable à un travail objectivement conduit. Trop de préjugés sur
les Noirs et leurs cultures sur l'inexistance de ces cultures avaient cours pour que
les travaux qui devaient contribuer à leur anéantissement à long terme ne
commençassent pas par se ressentir de leur emprise...
Birago comme les autres conteurs africains, s'appliquera à retrouver dans
ses contes, les sources profondes de l'africanité, pour èndiguer les tentatives
assimilationnistes, et mettre en valeur les raisons pour les Noirs d'y résister et de
vouloir rester eux-mêmes. Dans cette démarche, le conte s'adresse aussi à
l'Européen pour le convaincre que le nègre est loin d'être aussi démuni,
culturellement qu'on le dit.

82
Cette action du conte recoupe l'analyse donné par Césaire du combat des
tenants de la négritude qui eurent vite fait ~e comprendre que le noir n'était tenu en
état d'infériorité que parce qu'on le privait de sa personnalité culturelle53 . TI fallait
le présenter au monde tel qu'il est véritablement, lui restituer sa personnalité dans
toute sont originalité, pour changer en tout ses rapports avec les autres. Les
«contes d'Amadou Coumba»54 reflètent cet effort de réhabilitation culturelle de
l'Afrique.
Il est évident que ces critiques de l'époque coloniale n'ont vu que l'aspect
extérieur des contes et n'ont pas compris leur fonction réelle, ni la logique de leur
pédagogie. Aujourd'hui, grâce aux recherches et travaux sur la tradition et la
littérature orales, l'on ne peut plus tenir ce langage fondé consciemment ou non sur
des préjugés raciaux. L'on s'accorde désormais pour affirmer, au contraire que le
conte africain est d'une valeur capitale, il est un des modes d'expression de la
pensée africaine, un reflet de la civilisation traditionnelle, un moyen privilégié
d'éducation, en même temps qu'il est un art.
C • I.E CONIE TRADIDONNEL DANS LE CONrEXTE AFRICAIN
En Mrique, comme dans d'autres continents, les contes se disent la nuit,
après les occupations journalières, après le repas du soir. Ils se situent ainsi, à un
moment où les gens n'ont plus de crainte et ne pensent plus qu'à passer une fin de
soirée agréable, et il est absolument interdit de dire des contes en plein jour. Un
malheur guette, ceux qui transgressent cet interdit.
53 A. Césaire: conférence donnée au colloque sur l'Art Nègre - Dakar - avril 1966
54 Mamadou Kâne
: «les Contes d'Amadou Koumba»
- Les Nouvelles Editions Africaines.

83
En réalité, le conte perdrait de son emprise sur l'auditoire s'il avait lieu le
Jour ; la nuit qui s'abat sur le village constitue un moment d'insécurité qui
conditionne énormément le cercle du conte.
Il n'est pas rare de voir des enfants obligés d'attendre la fin d'une longue
veillée de conte, afin de se faire raccompagner. Le conte participe au mystère de la
nuit. Les lieux où se déroulent les veillées de conte dépendent de la saison et des
participants. Si le conte se tient souvent à l'entrée de la concession familiale, il
change vite de lieu, dès lors que le nombre grandit.
Ainsi, en saison sèche, on assiste à de grandes veillées de conte loin des
concessions, dans les aires réservées à la moisson. A ce moment, un grand feu est
allumé autour duquel s'assèyent les participants. Ce feu est d'autant bien alimenté
qu'on puise le combustible dans les tiges de maïs à portée de main. Les contes se
disent aussi dans les concessions, dans un cadre plus restreint. A ce moment, les
personnes âgées viennent s'ajouter et interviennent de temps en temps, soit pour un
conte inédit ou pour rectifier certaines erre,urs des conteurs.
En règle générale, les participants à une veillée de conte sont disposés en
cercle autour du feu. «L'ombre est propice et le feu qui éclaire la veillée, aide au
travestissement multiple des personnages, à la transmutation des hommes en bêtes
de la brousse, et les forces se libèrent la nuit, patrie du rêve et des maléfices»
Roland Colin55 .
Dans le cercle du conte, tout le monde a droit à la parole: jeunes gens, jeunes
filles, femmes, enfants, etc... Seulement une sélection de fait règne car celui qui
prend la parole doit être en mesure de tenir un récit cohérent.
55 Roland Colin: littérature africaine d'hier et de demain. Paris ADEC... 192p.

84
Du coup, plusieurs personnes préfèrent écouter et lorsque leur tour de dire un
conte arrive, ils passent leurs tours. Celui qui dit un conte doit présenter son récit à
l'oreille, à l'oeil et être capable de faire grandir les passions de l'auditoire par le
geste et la parole. Le bon conteur doit avoir la mémoire fertile, être un bon acteur,
un bon pédagogue. Tout membre du cercle du conte aspire à devenir un homme
capable de ces prouesses, car si écouter est passionnant, être écouté procure aussi
un plaisir.
Les enfants font partie de l'auditoire et se passionnent en écoutant les beaux
récits: les mêmes contes peuvent leur être répétés, ils n'en seront pas mécontents,
car ceci leur permet de mieux comprendre les détails restés dans l'ombre. Dans le
cercle du conte, il y a plusieurs contes qui reviennent et cette répétition n'est pas
superflue mais aide à la compréhension totale.
A travers ces répétitions cycliques, on touche à chaque fois une nouvelle
frange de l'auditoire qui se renouvelle.
L'auditoire joue plusieurs rôles clés ; il ne doit pas se contenter d'écouter
passivement mais d'exprimer son enthousiasme. Le conteur, l'émetteur sont donc
simultanément les réactions par «feed-back»
composés d'acquiescements, de
refrains chantés, de rires et des «oui, vas-y».
Plusieurs jeux précédent généralement le début de la séance du conte, il y a
surtout de l'animation au moment de pleine lune. Les épreuves physiques comme
la lutte, les compétitions par équipe, dominent et rappellent la gymnastique
institutionnalisée de l'éducation moderne. Ces jeux servent à regrouper les gens et
une fois un nombre appréciable réuni, le cercle se crée. La fin d'une séance de conte
n'a pas d'heure fixe; le cercle du conte peut se quitter à tout moment et en toute
liberté.

85
Certaines personnes s'y laissent surprendre par le sommeil. Au fur et à
mesure que le nombre de participants diminue, il y a un relâchement qui entraîne
la fin de la veillée. Le dernier conte véhicule souvent un message qui invite tout le
monde à partir, le cercle comprend et s'exécute. Il existe aussi des contes «à
suivre»
qui laissent les gens sur une telle faim, qu'on est sûr de les retrouver à la
veillée suivante.
Dans le contexte du conte, les instruments de musique ont leur importance et
servent d'intermédiaire aux récits. Le silence est également un aspect important
dans le contexte du récit. S'il est permis de rire aux éclats, de réagir spontanément,
il n'est pas autorisé de troubler l'atmosphère du cercle. Ainsi les «messes
basses», les bruits superflus sont proscrits, il y a un temps pour écouter et un
temps pour parler. Le silence est si évocateur que à tout moment, les autres
réactions lui cèdent le pas, dictées même par l'évolution du récit; «
le récit est le
support d'un message qui mûrit, qui a été reçu ou qui doit être émis»
(Roland
Colin).
L'organisation du conte est ainsi sous tendue par diverses articulations toutes
aussi importantes les unes que les autres. Les gens s'y habituent et les respectent
machinalement; c'est le «rogon miki»
ou les noyaux durs qui ont toujours existé.
En plus de ces éléments, les contes au-delà de leurs aspects ludiques, véhiculent
toujours d'autres messages, qui entrent dans la formation du jeune africain. Ces
messages l'imprègnent de plusieurs principes de son milieu, qui le guideront
durant toute sa vie.
L'origine des contes se perd dans la nuit des temps, les anciens du village
vous répondront toujours: c'est «rogon miki», c'est-à-dire qu'ils l'ont eux aussi
trouvé à leur naissance.

86
Les contes sont des récits d'auteurs anonymes qui ont su «inventer»
une
histoire qui se tienne. Dans les cours des souverains africains, il y a eu d'illustres
conteurs, véritables locuteurs aux milles prouesses. Leurs récits pleins de morale
étaient bien connus et contribuaient à instruire les jeunes.
Le conte est une propriété commune et chacun peut le rapporter à condition
de respecter les règles du bon usage, la part d'invention personnelle restant limitée.
Il n'y a pas d'histoires tabou dans le cercle du conte, ceci permet ainsi de régler des
conflits, de critiquer les abus du pouvoir du chef, avec toute la liberté d'expression
possible.
Conclusion
Pour lier le conte à l'enfance, une double démarche nous est offerte:
D'une part, nous les aidons à appréhender le monde, nous les soutenons dans
cette conquête lente et difficile ; nous leur apprenons à savourer les quali t-és des
choses ; nous les encourageons à vivre en .sympathie avec les êtres ; nous youlons
qu'ils abordent la vie avec lucidité et confiance. Nous souhaitons que le monde soit
pour eux «une tâche ouverte»
et qu'ils puissent exercer sur lui leurs pouyoirs et
exalter ainsi leur créativité.
D'autre part, nous essayons de développer en eux leur goût pour la féerie.
Nous leur offrons des contes qui font d'eux des «être imageants»
libérés dé toutes
les obligations qui freinent l'activité et invités à se glisser entre les difficult.és ou à
les vaincre. Nous poussons les enfants à s'affirmer dans ce domaine yar des
créations verbales personnelles ou collectives.

87
Y a-t-il incompatibilité entre ces deux attitudes?
Jean-Paul Sartre répond: «Tout imaginaire paraît sur fond du monde mais
réciproquement toute
appréhension du réel comme monde implique un
dépassement caché vers l'imaginaire»56. Nous favorisons le développement de
l'esprit logique et de l'esprit d'observation qui aboutissent à la connaissance; mais
cette compréhension nous amène à pénétrer profondément dans les choses pour en
sentir l'essence ou l'âme et en découvrir le mystérieux et le merveilleux.
Nous avons une preuve récente que la découverte scientifique ne tue pas
toujours l'imaginaire avec les explorations lunaires. C'est d'ailleurs l'animal qui
passe le plus aisément de l'univers rationnel à l'irréel et c'est aux contes qui
l'utilisent que nous donnons la priorité avec les enfants de moins de 6 ans.
Car la tâche est particulièrement délicate avec la petite enfance.
C'est le moment où se forme progressivement la séparation fluctuante entre
la rêverie et la pensée objective. Les études les plus diverses montrent que ce divorce
est inévitable pour l'adaptation à l'existence. Les mythes du péché originel,
l'ouverture au monde, en traduisent bien le caractère de malédiction qu'exprime
l'expulsion d'un Paradis Terrestre. La séparation homme-femme symbolise celle de
l'objectif et du rêve.
Il faut préserver celle du rêve comme d'égale importance et préserver aussi le
souvenir de l'unité; celle d'une existence dans un environnement de chaleur et
d'amour. Ce sera là la mesure des béatitudes et des dépassements possibles à
l'adulte, le fond secret de son équilibre devant les expériences les plus
traumatisantes.
56 Sartre (Jean-Paul) - L'imaginaire Op. cil.

88.
Le but de l'éducation doit être de montrer comment unir les parts de l'objectif
et du rêve dans toutes les activités de façon harmonieuse et libératrice et de montrer
qu'on peut percevoir le réel, dépasser toute fiction dans le fantastique et le
merveilleux.
En développant les deux faces de l'homme, nous aidons l'enfant à se
construire et à s'accomplir dans le plus parfait équilibre...
Quant aux rapports du conte à l'africanité, il faut rompre avec cette mentalité
qUI véhiculait l'idée selon laquelle l'Afrique n'était pas un «producteur»
de
culture mais un «consommateur»
de culture.
Nul besoin de ressusciter une querelle aujourd'hui dépassée, qu'il suffise
simplement de souligner que les auteurs d'une telle pensée, se trouvaient, par la
force des choses en contradiction flagrante avec le principe invoqué par eux de
l'universalité des contes. Parce qu'on relève le thème des «courses de Mbam-Hal57
un peu partour en Afrique, dans l'oeuvre de la Fontaine, dans des «Fabliaux»,
dans l'oeuvre d'Esope, doit-on conclure à l'origine africaine, française ou grecque
de ce thème?
Rien ne justifierait, comme nous l'avons montré au début du chapitre II,
pareille déduction. Rien, de toute façon, ne permet de rejeter à priori l'hypothèse
d'une origine africaine.
Ce n'est certes pas parce que quelques peuples plus fortunés que les autres
l'ont fixé par l'écriture qu'ils pourraient en revendiquer la paternité. Ce problèmE:
57
Phacochères.

89
paraît insoluble lorsque l'on sait que le même conte avec les variantes d'usage, a été
recueilli en Afrique, en Europe, en Asie, parmi les Indiens d'Amérique.
Ce serait trop simple d'expliquer l'universalité des contes par des échanges
culturels qui n'ont jamais été aussi suivis que le supposerait le volume du fonds
universel. 11 faut revenir à notre première déclaration, à savoir que bien souvent les
hommes dans les pays les plus éloignés les uns des autres, placés dans des
conditions semblables, ont réagi et suppléé à leurs besoins intellectuels de la même
façon.

90
IIème PARTIE
Le Conte à l'école primaire
Sénégalaise

91
Chapitre III
Le contexte scolaire actuel au Sénélm!
1· L'éducation préscolaire
Le législateur assigne à l'éducation préscolaire une mission de protection et
d'éducation des enfants qui n'ont pas atteint l'âge minimum de la scolarité
élémentaire. En fait, l'éducation préscolaire comporte trois aspects : le
gardiennage, la protection et l'éducation des enfants.
Le premier de ces aspects revêt une importance grandissante à mesure que
les parents sont de plus en plus accaparés par leurs obligations professionnelles, et
ne peuvent plus assurer leur rôle de gardiens, de leurs enfants. TI s'agit de l'aspect
élémentaire du rôle de protection, de l'éducation préscolaire.
Plus complexes, plus difficilement réalisables, sont les missions de protection
nutritionnelle, sanitaire, affective et spirituelle.
Reste une mISSIon complémentaire, qui est la plus importante, c'est la
mission éducative. Il s'agit de préparer l'enfant à la rupture que va provoquer son
entrée à l'école élémentaire, et de développer en lui les mécanismes indispensables
à l'acquisition des connaissances ultérieures.
Tout d'abord, il faut signaler que l'éducation préscolaire est l'élément le
moins démocratique du système éducatif sénégalais. Le déséquilibre en ce domaine,
entre le public et le privé (68 écoles privées sur 92, soit 92% de l'effectif), le petit

92
nombre d'écoles publiques fait que jusqu'à présent, l'éducation préscolaire est
réservée uniquement aux enfants, issus de familles favorisées.
'Cette situation est aggravée par la disparité entre les zones rurales et les
zones urbaines : 60% des enfants en âge préscolaire, bénéficiant d'une éducation
appropriée, se trouvent dans la région du Cap-Vert.
II . L'Enseignement élémentaire
A· Brefnumel bistorigpe
L'enseignement élémentaire au Sénégal, à partir de la fin de la seconde
guerre mondiale, était organisé par l'Arrêté Général nO 2.576/IP du 22 août 1945.
Après l'accession de nombreux pays africains à la souveraineté, une conférence
réunissait les Ministres de l'Education des Etats nouvellement indépendants; ce fut
l'occasion de dévoiler les insuffisances des systèmes scolaires hérités de la
colonisation, en insistant particulièrement sur:
- la faiblesse notoire des taux de scolarisation dans les différents pays ;
- l'inadaptation et l'inédéquation des contenus et méthodes, eu égard aux
besoins de formation de cadres.
Aussi, se révèle-t-il la nécessité de repenser les systèmes scolaires, afin de
mieux les adapter aux nouvelles réalités nationales.
Au Sénégal, la circulaire ministérielle n° 11.450 du 8 octobre 1962 révisa les
contenus des programmes de 1945 de l'enseignement élémentaire dans le doublé
souci d'insérer plus intimement le jeune sénégalais à son milieu socio-culturel et
de l'ouvrir aux valeurs africaines.

93
Ainsi, dès 1968, furent mises sur pied des commissions nationales de réforme
chargées de réfléchir sur les missions et objectifs de l'école à tous les niveaux.
TI fut confié à un groupe de travail institué par la note de service nO 12/MEN/BRE du
12 janvier 1970, le soin d'élaborer un avant-projet de textes fixant les programmes,
horaires et méthodes de l'enseignement élémentaire.
Le décret nO 72.862 du 13 juillet 1972, portant réforme de l'enseignement
élémentaire, fut le résultat des conclusions de ce groupe de travail.
B • Caractéristig,ues de la réforme de 1972
1. Pro~ramme :
L'on s'est efforcé à révéler à l'enfant le milieu naturel dans lequel il évolue,
pour une meilleure prise de conscience et une connaissance plus approfondie de ce
milieu.
2. Méthodes:
L'horaire hebdomadaire est ramené de 28 heures pour les élèves maIS
maintenu à 30 heures pour les maîtres. TI est prévu aussi pour les maîtres 2 heures
hebdomadaires d'animation pédagogique le mercredi.
3. A~e de recrutement pour les classe d'initiation
Pour être admis dans une classe d'initiation (CD, l'enfant devait avoir atteint
six ans révolus au 31 décembre de l'année d'inscription.

94
4. L'enseignement
Le Français est reconnu comme une langue étrangère et seconde.
L'initiation à la langue française, considérée comme une langue de travail, se fera
parallèlement à l'introduction de l'enseignement des langues nationales, dans le
souci de préserver la personnalité des peuples africains, par une réelle promotion
de leur culture.
L'enseignement élémentaire comprend six cours:
CI (cours d'Inititiation), CP (cours Préparatoire), CEl (cours Elémentaire
1ère année), CE2 (cours Elémentaire 2ème année), CMl (cours Moyen 1ère année),
CM2 (cours Moyen 2ème année).
L'enseignement élémentaire est sanctionné par le Certificat d'Etudes
Primaires Elémentaires (C.E.P.E.).
Il demeure encore un critère de recrutement à certains emplois publics et
privés. Le passage de l'enseignement élémentaire à l'enseignement moyen général
dans le public s'opère par voie de concours (concours d'entrée en sixième). Le
candidat admis serait orienté par une commission nationale qui se fonderait sur les
indications fournies par la fiche et le livret scolaire.
5. Recrutement et titularisation
Le Personnel Enseignant du Primaire se compose d'instituteurs et de
moniteurs.

95
Les instituteurs sont recrutés parmi les titulaires du Certificat d'Aptitude
Pédagogique (CAP). Les candidats non fonctionnaires doivent être âgés de 18 ans au
moins et de 30 ans au plus au 1er janvier de l'année de l'examen du CAP.
Les instituteurs adjoints admis au C.A.P. seront nommés dans le corps des
instituteurs au 1er janvier de l'année suivante celle au cours de laquelle les
épreuves de l'examen C.A.P. ont été subies avec succès.
Les instituteurs stagiaires sont recrutés parmi les titulaires du baccalauréat
ou du brevet supérieur d'études normales. Leur nomination intervient pour
compter de la date de prise de service. La titularisation des instituteurs stagiaires
est subordonnée à l'obtention du Certificat d'Aptitude Pédagogique (C.A.P.). Elle
intervient au 1er janvier de l'année suivant celle au cours de laquelle les épreuves
de l'examen du C.A.P. ont été subies avec succès.
Les instituteurs adjoints sont recrutés parmi les titulaires du Certificat
Elémentaire d'Aptitude Pédagogique (C.E.A.P.). Les candidats non fonctionnaires
doivent être âgés de 18 ans au moins et de 30 ans au plus au 1er janvier de l'année
de l'examen du C.E.A.P.
Les moniteurs ayant obtenu le C.E.A.P. seront nommés dans le corps des
instituteurs-adjoints au 1er janvier de l'année suivant celle au cours de laquelle les
épreuves de l'examen du C.E.A.P. ont été subies avec succès.
Les instituteurs-adjoints stagiaires sont recrutés parmi les titulaires du BE
ou du B.E.P.C., du certificat de fin d'études secondaires, du certificat de probation,
de la première partie du baccalauréat. Leur nomination intervient pour compter de
la date de prise de service. La titularisation des instituteurs-adjoints stagiaires est
subordonnée à l'obtention du Certificat Elémentaire d'Aptitude Pédagogique

96
(C.E.A.P.). Elle intervient au 1er janvier de l'année suivant celle au cours de
laquelle les épreuves de l'examen du C.E.A.P. ont été subies avec succès.
Les moniteurs stagiaires sont recrutés parmi les élèves ayant terminé les
études du premier cycle de l'enseignement du second degré et remplissant les
conditions requises pour se présenter au C.A.M. (Certificat d'Aptitude aux
fonctions de Moniteur). Leur titularisation intervient au 1er janvier de l'année
suivant celle au cours de laquelle les épreuves de l'examen du C.A.M. ont été subies
avec succès.
6. La formation
La décision d'accroître la scolarisation devait aboutir à l'augmentation des
écoles de formation des maîtres, ainsi qu'à l'amélioration des écoles de formation:
1) Création du collège normal de MBour.
2) Création des C.F.P. (Centre de Formation Pédagogique) et C.F.P.S. (Centre de
Formation Pédagogique Spécialisé).
Déjà en 1959, l'arrêté n° 1453IMECIDTI du 10 février 1959, portait sur la
création des centres de formation pédagogique qui devraient accueillir des éléves-
maîtres titulaires du B.E.P.C. ou du Baccalauréat et les former pendant un an.
Les élèves-maîtres titulaires du B.E.P.C. seront admissibles au épreuves du
C.E.A.P. après un an de stage.
Les élèves-maîtres titulaires du BAC seront admissibles aux épreuves du
C.A.P. après un an de stage.

97
Le premier arrêté cité sera modifié par le 8038 MENIDTI du 8 mai 1962. Le
décret nO 63.643 structure l'organisation du centre pédagogique supérieur qui
deviendra l'E.N.S. (Ecole Normale Supérieure) où l'on forme les formateurs et les
enseignants du supérieur.
Le décret nO 64.477 du 26 juin 1964 portant sur la création des E.N.R. (Ecoles
Normales Régionales) qui accueilleront des élèves-maîtres titulaires du B.E.P.C. et
qu'elles formeront pendant quatre ans à l'issu desquels, ils seront titulaires du
B.S.E.N. (Brevet Supérieur d'Etudes Normales) qui leur accordera l'admissibilité
au C.A.P.
Les stages annuels de recyclage et de perfectionnement des maîtres sont
organisés dans les E.N.R. (circulaire nO 1853/MEN/S-GIDEP) du séminaire de
Rufisque en 1975.
A ces maîtres n'ayant pas reçu de formation professionnelle et aux autres
aussi, il fallait prévoir une action pour une promotion professionnelle, un maintien
ou une réadaptation. Ce sera le but de la fonnation permanente qui comprend : les
stages de recyclage, les séminaires, les conférences pédagogiques, le suivi des
maîtres par les inspecteurs de l'enseignement primaire, les revues et journaux
spécialisés ...
Le suivi, le recyclage des maîtres et l'animation pédagogique incombaient
aux directeurs du secteur scolaire à partir de l'arrêté du 22 août 1945.

98
Chapitre IV
Le conte institutionnalisé
La vogue de l'«africanisme»
poussa comme nous l'avons déjà expliqué
dans la première partie, certains écrivains africains (Birago Diop - Jean Meilongua
etc... ) à adopter le conte, genre engagé dans la vie africaine et que le législateur
sénégalais va accomoder aux intentions didactiques les plus marquées. TI s'agit
d'après ce dernier, de mener des enseignements à partir du conte : lecture,
écriture, chant, etc...
Traditionnellement, le conte apparaissait dans les livres de lecture sous
forme de pièces détachées. TI présentait à l'enfant des récits isolés, sans aucun lien
qui les rattache les uns des autres. Ce procédé, d'après les rénovateurs de
l'enseignement, finissait par tuer la vie et le mouvement dont l'imagination de
l'enfant noir anime ces récits.
Pour trouver ce lien, le législateur veut d'une part qu'on enseigne aux enfants
le français, c'est-à-dire une langue riche et nuancée qui tend à l'abstraction; et
d'autre part, qu'on adapte cet enseignement au milieu africain et à la psychologie
profonde de l'enfant noir. C'est à ce double souci que répondent les manuels de
lecture «Contes de Leuk le lièvre»
et «Contes d'Amadou Koumba», destinés
aux élèves des cours élémentaire et moyen (C.E. et C.M.).
Notons au passage qu'au Sénégal, leur utilisation n'est pas générale et qu'elle
reste dans la pratique facultative.

1
1
99
Le conte au préscolaire
1
1
C'est dès le début de l'école maternelle que se situe la première nécessité
d'introduction de la <<littérature orale»
traditionnelle. Mais peut-on parler de
1
<<littérature orale»?
1
Le petit Robert définit la littérature, comme <<les oeuvres écrites dans la
mesure où elles portent la marque de préoccupations esthétiques».
1
«Ecrites», les oeuvres que nous voulons étudier ne le sont pas originellement ;
1
elles sont orales et transmises par les générations jusqu'à nos jours, où on tend à
les transcritre, à les écrire. Mais a-t-on le droit de désigner par littérature, le mode
1
d'expression d'une communauté qui est caractérisée essentiellement par l'oralité?
Le même petit Robert donne une autre définition : «Tout usage esthétique du
1
langage, même non écrit». Nous voici donc rassurés.
Joseph Ki Zerbo définit la littérature orale comme étant l'ensemble de tous les
types de témoignages transmis verbalement par un peuple sur son propre passé58 .
C'est d'après l'expression de certains sociologues, «un message légué par
les ancêtres»
sous diverses formes: chants, légendes, récits historiques, épopées,
poèmes, proverbes, contes, etc...
La plus grande partie du patrimoine culturel de l'Afrique est fondée sur la
puissance et la beauté de la parole. D'après Amadou Hampâté Bâ <<les peuples de
la savane, où la voix porte haut et loin, étaient, sont encore peut-être, des peuples de
chanteurs et de poètes, sensibles on ne peut plus au rythme du beau langage. Les
58 Joseph Ki Zerbo - La tradition orale: une source de l'histoire de l'Afrique in Drogème n CY;7, p 127 à
142.

100
«maîtres de la parole», habiles à les faire vibrer, avaient presque tout pouvoir su
eux»59.
La race noire, n'étant pas une race d'écriture, a développé l'art de la parole
d'une manière toute spéciale. Selon les circonstances, on attend de la parole qu'elle
fasse rire ou verser des larmes, qu'elle soulève l'enthousiasme au point que les
auditeurs en sont enivrés ou extasiés comme s'ils buvaient de l'hydromel.
L'un des éléments essentiels de la littérature orale était constitué par les
contes et légendes qui permettaient de préserver et de transmettre à la postérité, à
travers les âges, les éléments de la sagesse acquis par les sociétés sans écriture.
Racontés par les aèdes ou traduits sous forme de Kotéba (théâtre populaire),
les jeunes en tiraient beaucoup d'enseignements sur les rapports humains et pour
leur formation spirituelle et morale. Ces récits imaginaires permettaient aussi de
corriger les moeurs lorsqu'elles tendaient à se déterriorer.
Aux contes et légendes s'ajoutaient les proverbes, maXImes, satires,
sentences qui permettaient de découvrir les solutions des problèmes qui se posaient
aux anciens. Les poèmes et chants faisaient aussi partie du patrimoine culturel,
dans la mesure où ils appuyaient les conte où étayaient l'histoire de la famille, du
clan ou de la collectivité.
Dès la maternelle, cet apprentissage demande par le biais des contes,
l'adaptation des textes de la littérature orale, à la portée d'enfants de deux à six ans.
Actuellement, il est prévu en petite section, une séance de 15 mn de conte par jour et
d'une autre de 10 mn en moyenne section (voir emploi du temps).
59 Amadou Hampâté Bâ - Préface in notre librairie - n "75 - 76 - juillet - octobre 1984.

1
1
101
1
1
EMPLOI DU TEMPS
PETffE SECTION
Horaires
Matin
1
Bh
-
Bh30
Accueil
Bh30 -
Bh50
Chant
1
Bh50 -
9h10
Langage (ler groupe)
1
9hlO -
9h30
Langage (2ème groupe)
9h30 - 10h
Psychomotricité
1
10h15 - 10h45
Récréation - Goûter
10h45 - 11h05
Perceptivo -moteur
1
(ler groupe)
11h05 - 11h20
Travail manuel
1
(2ème groupe)
1
11h20 - 11h35
CONTE
11H35 - 11H45
Rangement - Appel.
1
Horaires
Soir
15h
- 15hUl
Accueil
1
15h15 - 16h
Sieste
1
16h
- 16h15
Goûter
16h15 - 16h35
Récréation
1
16h35 - 17h
Rangement - Appel.
1
1
1
1
1

102
Moyenne Section
Emploi du temps
Année 1983 ·1984
Horaires
Groupe 1
Groupell
-
8h
-
8h30
Accueil
Acceuil
8h30
-
9h
Passage aux toilettes - Chant
Passage aux toilettes - Chant
9h
-
9h3ü
Psychomotricité
Psychomotricité
9h30
-
9h5C
Langage
Atelier
9h50
-
lOh
Rangement
Rangement
lOh
-
10h15
Goûter
Goûter
10h15
-
10h45
Récréation
Récréation
10h45
-
10h55
Appel
Appel
10h55 . -
11h15
Atelier
Langage
11h15
-
11h30
ILM ou Ex perception moteur
Atelier
11h30
-
11h45
Atelier
ILM ou Ex perception moteur
11h45
-
12h
Rangement - Sortie
Rangement - Sortie
Soir
Soir
15h
-
15h15
Accueil - Passage aux toilettes
Accueil - Passage aux toilettes
15h15
-
15h45
Graphisme
Atelier
15h45
-
16h
Atelier dirigé
Atelier dirigé
16h
-
16h15
Goûter
Goûter
16h15
-
16h35
Récréation
Récréation
16h35
-
16h4f'
Comptine - Appel - Conte - Poésie
Comptine - Appel - Conte - Poésie
16h45
-
17h
Rangement - Sortie
Rangement - Sortie

103
Conduite d'un moment de conte à la maternelle
L'heure du conte représente un moment privilégié où l'enfant est très réceptif
et extériorise toutes sortes de sentiments, la peur, la joie, la tendresse, le plaisir...
Ce moment magique se situe en général pendant le dernier quart d'heure de la
journée de classe. TI produit un moment de détente, un climat de joie lorsque les
enfants sont fatigués. C'est aussi un moyen efficace de les calmer lorsqu'ils sont
agités.
Le déroulement du moment du conte, commence par:
1. La mise en confiance
Il n'y a pas ici de formule stéréotypée, chaque éducateur use de ses astuces
pour l'assurer. L'essentiel est ici de savoir libérer les enfants, les décrisper en les
faisant chanter, danser ou en usant d'autres recettes ...
2. Le rappel du conte précédent ou la récitation par les enfants de contes qu'ils ont
connus chez eux ou dans leur environnement social, ce qui permet à l'éducateur
d'accéder au conte du jour.
3. Le conte du jour
TI commence toujours par des formules magiques.
al Les formules magiques
Elles sont diverses et varient selon les milieux socio-culturels et les comptoirs
linguistiques. Son but est de capter l'attention de l'auditoir.

104
Exemple de formules magiques en Wolof/Français
- leebon (un conte) - lipoon (on lécoute)
- amoon nafi (il était une fois) - daana am (il en était ainsi d'habitude)
- yeena fekkec (lorsqu'il en fut ainsi, étais-tu présent?) - yaawax nùdegg (c'est de toi
que je l'ai appris).
hl Le récit
Le récit doit être bien raconté : voix, attitudes, gestes, grimaces, ton,
expression etc... avec parfois l'usage de matériel didactiques si possible. Après avoir
clairement enoncé le conte, l'éducateur, par souci de clarification du message,
explicite les mots difficiles et les différents séquences du conte, avec la participation
des enfants. Pour ce faire, après avoir expliqué le conte; il procède par question-
réponse pour voir si le message est bien appréhendé par l'auditoire.
cl La reformulation ou la restitution du conte
Elle permet à l'éducateur de mesurer le degré de mémorisation de ses enfants
et devoir si le conte a été bien compris. De même, la restitution du conte permet de
voir si la chronologie des évènements est respectée. En outre, il sera aisé pour
l'éducateur, de voir si quelques uns de ses objectifs ont été ou non atteints...
dl La leçon de morale
C'est la règle de conduite qui émane du drame vécu par les protagonistes du
conte. Si le conte est bien choisi et bien conté, les enfants tireront facilement eux-
mêmes la leçon de morale. C'est à cette étape que sont dégagés les principes
moraux à partir du récit.

105
el La fin de la séance
Pour tenniner le conte en beauté, le maître demande aux enfants de lui livrer
des contes humoristiques. En fin de séance, on anime, on danse.
Prolongements possibles du conte
1. La bande dessinée
Si en moyenne et petite section, on écoute les contes, il est par contre possible
en grande section d'utiliser des contes très longs ou contes à épisodes. Il est ici
intéressant de noter qu'en grande section, le conte peut faire l'objet d'une bande
dessinée que réalisent les enfants eux-même. Chaque épisode est dessiné et collé au
tableau mural, ainsi de suite jusqu'à la fin du conte.
2. La dramatisation du conte
C'est l'un des baromètres du niveau d'assimilation du conte. C'est le moment
d'interprétation sur scène, du conte par les enfants.
Elle comprend différentes phases :
- le rappel des différents épisodes et le contrôle de chaque personnage
- la préparation, la présentation et la discussion sur le choix du matériel
- l'aménagement du cadre
- la répartition des rôles et enfin
- la prestation sur scène.
Les problèmes majeurs de la conduite de cette activité sont:
- la reconstitution et le changement des faits

106
- la division logique du conte en épisodes
- la compréhension du message avec le blocage qui constitue le français en
grande section
- la précision dans l'imitation des rôles de chaque personnage.
B . Le conte au primaire
Etant donné que beaucoup d'enfants qui entrent à l'école primaire ont reçu
pendant quatre ans, des éducateurs de la maternelle, un enseignement oral par le
biais des contes (éléments principaux de la littérature orale), il serait logique,
d'après le législateur que les enfants ne rencontrent pas de difficultés majeurs dans
le cadre primaire en apprenant à lire et à écrire dans un manuel, composé de récits
déjà entendus par l'enfant dans sa langue maternelle et déjà vécus de lui. Ainsi, ils
feraient graduellement le passage de l'oral à l'écrit.
Les auteurs de manuels de contes ont regroupés les récits autour de plusieurs
personnages dont les principaux sont «Leuk, le lièvre»
et «Bouki, l'hyène». Ce
n'est pas par hasard qu'ils ont choisi ces personnages. Dans les contes et fables de
l'Afrique noire, «Leuk, le lièvre»
jouit avec «Diargogne, l'Araignée»
du même
renom que le renard dans les contes et fables de l'Europe.
Il représente l'intelligence qui triomphe partout et toujours dans les
situations les plus difficiles. Mais il fallait pour renforcer l'intérêt des récits, faire
de l'ensemble un vaste drame. D'où en face de «Leuk, le lièvre», son antagoniste,
«Bouki, l'hyène»
stupide et méchant dont le rusé lièvre fait l'éternel trompé.

107
Présentation d'un manuel; l'exemple de «Leuk. le lièvre»
Le livre dont l'auteur est Léopold S.Senghor, comprend 84 textes de lecture,
c'est-à-dire que chaque texte doit servir pour deux journées de classe, soit quatre
séances de lecture (voir annexe, page 340).
La première journée de lecture peut être consacrée à un «démarrage», sous la
conduite du maître avec l'aide du tableau noir. Commencer par des exercices de
prononciation et de diction, d'où l'accent du terroir sera rigoureusement
pourchassé.
A la seconde séance les interrogations du maître seront moins fréquentes et les
enfants feront eux-mêmes connaissance avec les difficultés du texte.
La seconde journée de lecture sera partagée entre la lecture courante et les
exercices oraux ou écrits. Bien entendu le maître est seul juge de l'opportunité
d'accorder à la lecture plus ou moins de temps qu'aux exercices. TI faut que les
enfants comprennent bien le texte et le lisent de façon satisfaisante avant de passer
aux exercices de français qui permettront de contrôler les notions acquises.
Dans la rubrique, "Que signifie ?"", les auteurs ont expliqué les termes les
moins usuels. Ils leur ont d'abord conservé la forme sous laquelle ils se
présentaient dans le texte. Progressivement leurs explications sont devenues plus
générales, tout en essayant de «coller au texte»
(voir annexe).
Les exercices, consistent en exercices oraux d'observation de prononciation, de
vocabulaire et en exercices écrits de grammaire.
Tous les quatre jours, un exercice d'écriture est prévu, qui sert en même temps de
récitation. C'est le plus souvent un passage du texte même.

1
1
108
Chapitre V
1
Les fonctions du conte: questionnaire et entretiens
1
1
Les fonctions
1
TI y a deux fonctions du conte (celle de divertissement et celle d'éducation) qui
1
sont les mieux connues maintenant, mais les opinions divergent quand il s'agit de
1
primauté ou de priorité.
1
Pour les uns, la première fonction du conte, c'est de divertir; pour les autres,
la fonction essentielle du conte, c'est d'instruire, d'éduquer.
1
1
Voyons un peu les points de vue. Mohamadou Kane écrit : <<la fonction
première du conte est de divertir. S'il instruit en divertissant, c'est tout simplement
1
parce que, dans la société traditionnelle, aucune conception de la gratuité de l'art
n'a cours; toute occasion est mise à profit pour illustrer l'enseignement dispensé,
1
ou achever la formation de l'individu»60 .
1
Se répétant plus loin, il dit encore : <<le conte ne doit pas le jour à une
1
quelconque nécessité didactique mais plutôt à l'intention de «tuer»
agréablement
le temps. Que la morale y trouve son compte, pas toujours d'ailleurs, il ne faut voir
1
là qu'une question de rencontre»61 .
1
Ce n'est pas la position de Senghor, auteur de «Leuk, le lièvre», qui É:crivait
1
dans sa préface aux nouveaux contes d'Amadou Koumba : «Encore une fois, la
1
60 Mohamadou Kane «les Contes d'Amadou Koumba»
- Op- cit.
61 Idem.
1
1

1
1
109
fable et même le conte sont des genres gnomiques: ils visent à l'éducation C.'). Mais
1
pour éduquer, le conte et la fable doivent charmer»62 .
Si l'on examine bien les deux positions, on constate en fait, qu'elles ne sont
1
pas fondamentalement contradictoires et irréductibles. Mais, l'on se fait une
1
mauvaise querelle parce qu'on ne se situe pas exactement sur le même plan.
1
Ceux qui insistent sur l'aspect didactique du conte ont le souci de montrer que
le conte africain n'est pas un simple jeu, un passe temps, encore moins «des
1
histoires absurdes et mensongères», mais qu'il participe à la formation de
1
l'homme étant le véhicule de l'éthique et de la philosophie africaine.
Ceux qui insistent sur l'aspect ludique du conte, se placent d'un autre point de vue
1
et se demandant pourquoi dans les villages les gens se réunissent le soir pour faire
des contes63 .
1
Selon eux, les gens se retrouvent avant tout pour se divertir, se recréer après
1
la dure journée de travail, et non poussés par le désir de s'instruire. Le conte
1
appartient au genre ludique. Il est un des divertissements possibles le soir au
village. C'est un jeu même s'il n'est pas cela simplement.
1
Les tenants de cette position ne récusent nullement la fonction didactique du
1
conte, mais la relèguent au second plan.
1
Le conte est bien un jeu instructif, comme l'affirme Comoé Krou, «La séance
de contes est d'abord un jeu organisé, un jeu oral, qui doit intéresser, amuser,
1
délasser avant d'instruire et former»64 .
1
1
62 L. S. Senghor, préface aux nouveaux contes d'Amadou Koumba - Présence Africaine.
63 Remarquons qu'on peut poser la même question à propos des spectacles modernes tels que le
cinéma, le théâtre ou le concert.

1
64 Comoé Krou : les gens de la société traditionnelle Agni ? Thèse de doctorat d'Etat Université René
Descartes
- Paris Sorbonne 1977.
1
1

110
Enfin, la double fonction d'éducation et de distraction du conte que l'on sépare
par souci de clarté et pour le besoin de l'analyse est en fait indissociable.
Voyons maintenant, comment s'organise cette double fonction du conte à
l'école primaire.
Avant de répondre à cette question, nous essayerons de voir dans la 2ème
partie méthodologique, par le biais des questionnaires adressés aux maîtres, quelle
utilisation du conte privilégient-t-ils à l'école élémentaire?
Le distractif ou l'éducatif? Ou les deux à la fois?
B . Le QJlestionnaire
Pour éviter de laisser dans l'ombre, des informations qui pour la thèse
paraissent importantes, notre première tentative sur le terrain, a été de faire une
pré-enquête au niveau de quelques enseignants (instituteurs, professeurs du
secondaire) pour sonder leur opinion sur la place qu'ils accordent au conte à l'école
primaire sénégalaise (voir annexe page 318).
L'entretien faisait l'objet d'enregistrements au magnétophone et de
questionnements directs, en situation de communication où subsistent les
hésitations, les longueurs .. où peut à la limite s'établir un dialogue entre
l'expérimentateur et le questionné.
Le canevas de la grille d'entretien se déroulait de la manière suivante:
Les enseignants (Instituteurs-Professeurs etc... )
1
Est-ce qu'il y a des contes à l'école?
si oui pourquoi?
si non pourquoi ?

1
1
111
2
Que représente pour vous un conte ?
1
1
3
Avez-vous appris des contes dans votre vie?
1
4
Etes-vous d'accord avec l'utilisation des contes à l'école primaire?
pourquoi?
1
5
Quels sont les contes (scolaires) pour lesquels vous avez des préférences?
1
1
6
Qu'est-ce qui vous intéresse dans ces contes?
1
7
Les faîtes-vous lire aux enfants?
si oui comment réagissent-ils ?
1
1
8
Pour vous un conte est-il apprécié par les enfants s'il est lu ou raconté?
1
9
Quelle est votre opinion en ce qui concerne l'exploitation des contes?
1
10
Sous quelle forme (oral ou lu) souhaitez-vous que l'enseignement du
1
conte soit dispensé?
1
C • Exploitation des entretiens directifs ;analyse par item
1
1. Y a-t-il beaucoup de contes à l'école?
1
Ceux qui répondent «non»
sont des professeurs de faculté. Il y a chez
1
eux une mauvaise appréciation de la question 1 surtout destinée aux professionnels
de l'enseignement primaire.
1
1
1

1
1
112
2. Les raisons de l'enseienement des contes
1
1
a) ils renvoient au merveilleux qui constitue un support pédagogique de 1er
ordre.
1
b) ils permettent de cultiver les vertus morales.
c) ils permettent de véhiculer la culture traditionnelle.
1
d) L'enfant jusqu'à à un certain âge vit dans un monde fortement marqué par
l'imaginaire. Le conte de ce point de vue en s'inspirant de son univers
1
culturel, contribue à libérer son expression.
1
e) Les enfants trouvent les contes amusants et intéressants. il y a attraction à
partir de la dimension ludique. Les enfants écoutent et lisent attentivement.
1
3. Appréciations vis-à-vis de l'importance de l'enseignement des contes
1
a) il Y a très peu de contes.
1
b) Leur enseignement est négligé.
1
c) il y a très peu de manuels.
1
4. Appréciations personnelles sur la fonction des contes
1
a) Une fonction psycho-culturelle: il plonge l'enfant dans un autre monde:
1
celui du merveilleux.
b) il a un rôle éducatif.
1
c) il prépare l'enfant à la maîtrise de la parole.
d) Il développe l'imagination chez l'enfant.
1
e) il permet de transmettre et de véhiculer les réalités de la culture africainE:.
f) L'enfant aime écouter les histoires d'animaux.
g) il faut amener l'enfant à aimer la vertu.

1
1
113
h) Les contes lus avec expression existent et entretiennent la sensibilité des élèves
1
qui apprennent à être curieux.
1
5. Les contes les lus
1
Les contes d'Amadou Koumba
I8In
1
Leuk-Ie lièvre
IZI
La cuillère sale
n
1
Le pagne noir
n
1
Le petit Dan
n
Le conte de mille et une nuit 1
1
La brousse et la forêt
1
Le lièvre et le porc et pic
1
1
1
6. Faîtes-vous pratiquer le conte?
non
0
1
7. Appréciations des réactions des enfants
a) ils réagissent d'une façon émouvante, triste et gaie: ils sont émus.
b) ils apprécient surtout le conte raconté.
c) ils se mettent toujours dans la peau des personnages.
d) ils vivent intensément les différentes péripéties.
e) ils rient tout en étant attentifs à la lecture.
fJ Ils s'étonnent que 10n i:.isse pu.rlcr lèS u.nimu.L..x,
g) L'enfant tend à s'identifier au héros à cause, de ses qualités humaines et
rejettent tout ce qui paraît contraire aux références du héros (fourbure, échec,
misère, ... ).

1
1
114
8, Comment doit-on exploiter les contes? .
1
1
a) Les enfants apprécient le conte raconté surtout dans leur langue maternelle.
b) De manière orale dans la civilisation africaine qui est une civilisation du verbe,
1
ce qui permet une meilleur appréciation, critique de la société par l'enfant.
1
9, Pourguoi user du conte?
1
a) Favoriser la conversation et la communication entre l'élève et l'enseignant
b) Pour éduquer moralement et intellectuellement l'enfant
1
c) Le conte prépare à la narration, au dialogue écrit ou oral.
1
1
ID, Comment le dispenser?
a) TI faut qu'il ne soit fait qu'oralement: n
b) Sous forme de lecture essentiellement:
1
c) TI doit rester dans le cadre de la littérature orale traditionnelle
d) TI doit être lu et raconté.
e) TI faut user de l'image, cela fascine et intéresse l'enfant
f) TI faut savoir lire un conte (geste, mimique, intonnation de voix, etc .. ,).
g) TI doit d'abord être oral puis écrit.
D . Analyse des cassettes fies entretiens non directifs)
Dans les cassettes, un problème central revient; une société soumiSE: à unE:
triple pression :

115
1) sa recherche d'autonomie culturelle
Pendant longtemps, on a enseigné le conte à l'école élémentaire. Depuis plus
de dix ans, les spécialistes de l'IFAN (Institut Fondamental d'Afrique Noire)
travaillent sur la question. Ils ont à l'heure actuelle rassemblé un très grand
nombre de récits, à partir desquels, ils ont fait certains ouvrages.
- la T.S.S. (Télévision Scolaire du Sénégal) a réalisé beaucoup d'émissions sur le
conte. Elle a mis en scène des contes où l'expression orale s'est remarquablement
manifestée avec beaucoup de succès
- l'Unviversité quant à elle essaIe de sauvegarder la culture africaine. C'est
surtout de la recherche fondamentale que l'on y fait. C'est en prolongeant les
travaux des africanistes que la faculté de lettres essaie de réhabiliter le conte, sans
pour autant évacuer l'aspect enseignement. On dit suvent qu'il y a une relation
conte-enfant, ce qui n'est pas forcément vrai, mais qui expliquerait pourquoi en
Europe le conte est considéré comme un genre mineur, alors qu'il est un des genres
qui spécifient le mieux la production populaire.
2) ses origines orales
L'Afrique est une civilisation orale où le conte est encore pratiquée dans son
contexte de production traditionnelle; c'est à travers le conte que l'on s'arrange
pour éduquer l'enfant en lui transmettant les valeurs de la culture, l'amour de la
bravoure, la morale, etc... Mais aujourd'hui, cette production traditionnelle est
doublée par une société d'écriture. C'est pourquoi, parler de la pédagogie du conte
en Afrique devrait tenir compte de cette double situation. Il faut mettre en exergue
sa fonction de communication sociale qui ne peut être la même hier et aujourd'hui.

116
Hier, la compétence linguistique, le dialogue au sein du groupe permettait de
mieux former les individus. Aujourd'hui, dans nos sociétés les données ont quelque
peu changé.
3) l'institutionnalisation coloniale de l'écrit peut-elle s'appuyer sérieusement sur le
conte?
La pratique textuelle est une des meilleurs démarches pour la maîtrise d'une
langue. Il faut faire marcher l'oral et l'écrit. Il faut raconter le conte à l'enfant, le
lui expliquer et ensuite lui demander de le reproduire par écrit. Il faut démontrer à
l'enfant qu'un texte compris peut être transcrit. Cette finalité aujourd'hui est
nécessaire car l'école dans sa conception actuelle est une école qui repose sur une
question de l'écriture et la pédagogie devrait en tenir compte.
E . Commentaire des résultats
1) L'échantillon n'est pas représentatif.
2) Par conséquent, les conclusions ne peuvent qu'être approximatives.
3) On remarque cependant qu'elles se complètent.
4) 11 faut retenir que le conte est important sur les plans psycho-culturel (stabilité
mentale, créativité, imagination, socialisation, individualisation des valeurs) et
socio-culturel (transmission des connaissances, épanouissement social futur de
l'enfant, apprentissage de la parole.. .)
Pour cela, les différents individus (sondés) accepteraient que le conte soit
dispensé oralement d'abord et par écrit ensuite. Chez certains, cela a pour but de
plus africaniser l'enseignement, chez d'autres cela va avec le fait qu'un conte bien
dit fascine, imprime une marque qui va avec la nature de l'enfant. L'écrit n'a pas

117
toute l'expressivité de celui qui sait conter et captiver l'esprit d'un enfant, susciter le
rire chez celui qui suit et écoute.
Conclusion
Ce qui compte d'abord sur le plan pédagogique, c'est l'authenticité qui vise à
enseigner à l'enfant sa propre culture. Si on veut "ré-enculturer" les enfants, il faut
enregistrer le conte directement auprès des conteurs traditionnels qui sont la
plupart du temps de vieilles femmes.
A l'école primaire, il faut sélectionner car il y a des contes qui ne sont pas
destinés aux enfants. On dit souvent que le conte est moral mais il y a des contes qui
sont immoraux. Les conteurs s'amusent, il y a des grossièretes etc... , cependant il
faut faire attention avec les petites classes, car cela risque d'être une occasion
d'identification à des personnages cruels. Il faut expliquer même au CM2, la portée
significative du conte. Il convient pour l'occasion de préciser que dans la culture
traditionnelle, on distinguait les contes courts pour enfants et les contes longs pour
adultes.
On disait aux enfants des contes d'enfants. Cela prouve que le conte se
déroule dans une société qui le produit pour cause. Il y a beaucoup de contes
d'enfants orphelins, de contes de tromperie, d'éducation. Le fameux conte des deux
soeurs65 pose un problème d'éducation. Dans ce conte, il faut remarquer qu'il est
initiatique. Il faut expliquer aux jeunes de quoi il s'agit. Si la fille ne réussit pas les
épreuves d'initiation, elle est bonne à jeter. TI faut expliquer aux enfants que cette
mort est symbolique, ce qui n'est pas facile ...
65 Contes et mythes Wolof - Op cit.

118
Il faut réhabiliter le conte et que les enseignants prennent l'habitude de le
raconter aux enfants. Cela permettra de remettre en valeur la culture
traditionnelle. TI faut aussi à l'école intégrer beaucoup plus de contes prenant en
compte la vie réelle. Bref, l'enseignement du conte devrait amener les enfants à
mieux connaître leur culture traditionnelle, mais aussi à mieux connaître leur
société actuelle.

119
IIIème PARTIE
Conte lu et conte raconté

120
Chapitre VI
LA METHODOLOGIE
Pour renforcer l'entretien précédent et approfondir notre travail de
recherche,
nous avons procédé à
une approche
statique pour tester la
compréhension à partir de textes de lecture tirés du manuel de Maria Kosava,
intitulé: contes africains - Arund Paris 1973.
Il s'agit de deux textes regroupant deux contes qUI serviront de test aux
enfants.
Le test sera scindé en deux situations (support écrit et support oral) que nous
testerons ensuite en milieu urbain (10 garçons - 10 filles) et en milieu rural (10 filles
- 10 garçons).
Les deux textes utilisés pour le test sont identiques:
- sur le plan de la longueur
- sur les difficultés du vocabulaire
- sur les difficultés de syntaxe.
A· Passation des épreuves
Nous avons eu à faire passer deux épreuves, dont la première est basée sur la
compréhension avec une évaluation et la deuxième épreuve dite de closure avec une
évaluation de la maîtrise des structures et du vocabulaire.
Ci-joint, les deux épreuves en question soit:
série FI =la compréhension
- notée/20
série F2 = la closure
- notée/20.

121
NOM:
ECARTS
Ecole:
PRENOM:
EVALUATION
Ville:
CLASSE:
SERIE
NOTE:
120
FI
Date de naissance :
COMPREHENSION
LES DEUX FRERES
Il était une fois un pauvre homme qui avait deux fils. Il était si pauvre qu'il
n'arrivait plus à les nourrir, de sorte qu'un jour il leur dit:
"Mes fils, vous êtes grands à présent, et comme je n'ai pas les moyens de vous
entretenir, il faut partir de votre côté et vous débrouiller seuls".
Ayant ainsi parlé, il leur donna à chacun douze quignons de pain de la taille
d'un poing et un morceau de viande et les garçons partirent. Après avoir marché
peu de temps, l'aîné arracha les yeux de son jeune frère et l'abandonna dans la
forêt ...
Peu après, deux femmes passèrent par là et attirés par ses soupirs et ses
gémissements, demandèrent à l'aveugle pourquoi il pleurait.
"Vous pleureriez aussi si votre frère vous avait rendu aveugle pour ne pas
vous donner à manger, puis vous abandonnait dans le bois... "
:,
< d'un
'_, ,.
donner quelque chose qui te rendra la vue".
Elles allèrent à la lisière du bois et cueillirent une plante qui poussait là. Elles
en pressèrent le jus et le répandirent sur les yeux du garçon. Mais cela le fit souffrir

122
davantage et la douleur fut si grande qu'il s'évanouit. Quand il revint à lui au bout
d'un moment, ses yeux ne lui faisaient plus mal et il voyait aussi bien qu'avant. Sa
gratitude fut immense et il remercia les deux femmes du fond du coeur. Avant de le
quitter, cependant, elles lui donnèrent un conseil:
"Suis ce sentier jusqu 'à un village où vit un roi riche et puissant. Lui aussi
est aveugle. Va vers lui et redonne lui la vue avec cette plante. Tu en seras bien
récompensé"...
Après les SOIns du jeune garçon, le roi a recouvré la vue. Il remercia le
garçon et lui donna deux bâteaux à vapeur, deux bâteaux à moteur, deux maisons
meublées, trente armoires, pleines de vêtements, quatre chevaux et un somptueux
trône royal. il lui donna également la main de sa fille et une moitié de son royaume.
Sa fille reçut une grosse somme d'argent en dot, une maison, cinq chevaux, deux
servantes et cinq armoires pleines de robes. Le garçon eut aussi cinq serviteurs
pour veiller sur les bâteaux à vapeur. Alors, ils s'embarquèrent tous pour faire un
voyage sur la mer...

123
QUESTIONS
A.
Dans chacun des cinq groupes de trois phrases qui suivent, il y a une
phrase qui est fausse par rapport au texte que tu viens de lire.
Tu mets une croix devant cette phrase qui n'est pas vraie.
1.
2.
c=J Il était une fois un homme
[:::=J Ils s'embarquèrent tous pour
qui avait trois fils.
faire un voyage.
c=J Le garçon eut aussi cinq
CJ Suis ce sentier jusqu'au
serviteurs.
village.
c=J Peu après, deux femmes
CJ Sa fIlle reçut beaucoup de
passèrent par lA.
cadeaux.
3,
4.
c=J Elles pressèrent le jus.
CJ Elles allèrent à l'intérieur
du bois.
CJ TI était une fois un homme
très riche.
CJ Sa gratitude fut immense.
CJ "Ne pleure pas", dirent les
[:::=J Elles lui donnèrent un
deux femmes.
consei 1.
5.
CJ Il revint à lui au bout d'un moment.
[:::=J Le roi a recouvré la vue.
c=J L'ainé arracha la tête de son jeune frère.
B.
Dans chacun des cinq groupes suivants, il ya une seule réponse qui est
exacte par rapport au texte que tu viens de lire. Tu mets une croix devant
cette réponse vraie
C8:J
6.
8.
c=J L'alné n'arracha pas les
CJ La joie fut si grande qu'il
yeux de son jeune frère.
s'évanouit.
c=J Le garçon eut aussi dix
CJ Tu en seras bien remercié.
serviteurll.
CJ Mes fIls vous êtes grands
CJ Quand il revint à lui.
à présents.
7.
9.
c::J Sa fIlle reçut un gros cadeau.
c::J Nous allons te donner
quelque chose.
c:=J Une plante qui poussait là.
c:=J Il gronda les deux femmes.
CJ Elles ne lUI donnèrent p#~
CJ Le rOI n a pa~ recouvre la
un conseil.
vue.
10.
c=J Elles lui donnèrent un conseil.
c:=J Ses yeux lui faisaient toujours mal.
CJ Le roi punit le jeune garçon.

1
1
124
1
NOM:
ECARTS
Ecole:
1
PRENOM:
EVALUATION
1
Ville:
1
CLASSE:
SERIE
NOTE:
120
1
F2
1
Date de naissance :
CLOSURE
1
1
LA FILLE QUI AVAIT PEUR DU SOLEIL
1
11 était une fois un chef de tribu qui n'avait pas d'enfants. Cela le rendait très
malheureux et son épouse encore plus. Si bien qu'un jour, elle alla trouver le
1
sorcier qui lui dit: «Je vais te donner une potion et tu mettras au monde une fille.
1
Mais prends garde qu'aucun rayon de soleil ne l'atteigne. Sinon elle mourra.»
1
Tout se passa comme le sorcier l'avait prédit. Une fille leur naquit et ils lui
donnèrent le nom de Dakh, ce qui signifie «beurre, la fille qui craint le solei1».
1
Elle devint bientôt une belle fille mais nul ne la connaissait car elle ne quittait
1
jamais la hutte de ses parents.
1
Dans le village VOlSlIl \\'1'. ;.üt un Jeune homllle j;..: nom Cc.: :'lJ::3ik. 11 0t'-'.1l 1l' f ~
du chef et voulait se marier mais ne pouvait se trouver une épouse qui lui convînt.
1
Un jour, ses sujets lui dirent: <<le chef du village voisin a une ravissante fille
1
1
1

1
1
125
appelée Dakh, mais nul ne veut l'épouser car elle ne peut sortir, autrement le soleil
1
la tuerait».
1
Mais Masilo ne peut être convaincu. Finalement il épousa Dakh et l'amena à
1
sa hutte sous le couvert de la nuit...
1
Quelques semaines après les noces, Dakh prit une calebasse et alla chercher
de l'eau. Mais au moment où elle mettait le pied dehors le soleil s'assombrit et elle
1
se transforma en fourmilière ...
1
Pour ramener Dakh à la vie, le sorcier versa de la potion magique sur la
1
fourmilière et la recouvrit d'une peau de mouton.
1
«Maintenant nous devons attendre ce qui va se passer»
dit le sorcier. ils
1
attendirent un long, long moment. Soudain, la peau de mouton commença à
remuer et Dakh sortit de la fourmiliè"re.
1
«Cours à la hutte, vite 1» cria le sorcier et Dakh courut à toute allure dans
la hutte de Masilo.
1
Là, le sorcier lui fit de nombreuses coupures sur le dos des mains, y versa de
1
la potion magique et lui dit:
1
«Maintenant, prends une cruche et va chercher de l'eau».
1
«Non! je ne laisserai pas mon épouse sortir sous le soleil 1»
cria Masilo en
lui barrant le chemin de la porte.
1
1
Mais le sorcier le poussa à l'intérieur et Dakh sortit. Chacun regarda le coeur
battant, mais il ne se passe rien.
1
Et désormais, Dakh, n'eut plus jamais peur du soleil.
1
,

126
TEST DE LECTURE:
LACLOSURE
NQM:
VILLE:
~ :
ECOLE:
CLASSE :
NOTE :
La fille qui avait peur du Soleil
11 était une fois ... 1. .. chef de tribu
1
qui n' ... 2... pas d' ...3.... Cela le rendait
2
3
très .. .4... et son ...5... encore plus. Si bien
4
5
qu'un ... 6... elle alla trouver le ...7... qui
6
7
lui dit: "Je ...8... te donner une ...9... et
8
9
tu mettras au monde une ... 10.... Mais
10
prends ... 11 ... qu'aucun rayon de ... 12...
11
12
ne l'atteigne. Sinon elle ... 13...".
13
Tout se passa ... 14... le sorcier l'avait
14
prédit.... 15... fille leur naquit et lui
15
donnèrent le nom ... 16... Dakh, ce
16
qui signifie "la fille qui ... 17 ... le soleil.
17
Elle ... 18... bientôt une ... 19... fille mais
18
19
nul ne ...20... connaissait car elle ne
2J
quittait jamais la hutte de ses parents.

1
1
127
Comme lors de l'épreuve du pré-test qui a été effectué dans le but de donner
1
aux élèves les automatismes nécessaires au bon déroulement de la passation du
test, nous avons demandé aux élèves de se munir d'un bic rouge et d'une feuille de
1
brouillon. Nous avons toujours commencé par l'épreuve FI.
1
Nous leur avons expliqué qu'à notre signal, ils devaient lire attentivement le
1
texte en ayant à la fois le souci de bien le comprendre et de ne pas s'attarder trop
lontemps.
1
1
Dès qu'ils avaient fini la lecture, on leur demandait de commencer aussitôt à
répondre aux questions relatives au texte et sans le regarder.
1
Après quoi, nous ramassons les épreuves FI.
1
Pour l'épreuve F2, nous leur avons demandé d'inventer le mot qui d'après le
1
sens du texte serait le bon et de le placer dans le carré blanc où il est sensé figurer.
Comme instruction, ils devraient ne commencer à lire le texte qu'après le signal.
1
B . Correction et cotation des J'é.ponses au test de lecture
1
1 - Calcul de la compréhension
1
1
Compter un point par croix, correctement placée par groupe de 3 phases.
Les bonnes réponses sont lorsque la croix est en :
r
1
1-1
6-3
2-3
7-2
On obtient ainsi le score de
1
3-2
8-3
compréhension: F1 maximum = 20
4-1;9-1
5 - 3 ; 10 - 1
1

128
2 - Epreuye de c10sure
Compter un point par bonne réponse. La liste suivante présente les seules réponses
qui seront acceptées. Pour rendre les résultats comparables à d'autres, il est
nécessaire d'appliquer scrupuleusement cette consigne,
Epreuve F2 : maximum = 20.
Pour
calculer
l'efficacité
compréhension,
additionnons
les
deux
notes
(compréhension + c1osure) divisées par deux,
Efficacité - Compréhension = Compréhension + Closure
2
c .Ré,vonses aux épreuves de closure F2
Test:
1 - un
2 - avait (accepter les temps présent et passé simple)
3 - enfantes)
4 - malheureux
5 - épouse
6 - Jour
7 - sorcier, marabout, féticheur, guérisseur etc...
8 - vais (accepter: peux - veux. Mais exiger l'orthographe)
9 - potion
10 - fille
12 - soleil
13 - mourra - meurt (exiger l'orthographe).

129
Remarque: on n'exigera pas l'orthographe sauf pour les réponses 8 - 13 (qui seront
notées chacune sur 4). Les autres réponses seront notées sur 1, sauf la 11ème qui
sera notée sur 2.
Nota: la technique d'enquête et la cotation que nous avons adoptées dans cette
recherche n'étaient pas entièrement subjectives. Pour saisir les pourquoi et les
comment, des procédés utilisés, nous renvoyons le lecteur aux travaux sur
l'organisation nouvelle de l'école élémentaire (Institut National de recherche
pédagogique 29, rue d'Ulm 75230 PARIS CEDEX 05).

130
Chapitre VII
LA COMPREHENSION
DU CONTE LU ET DU CONTE RACONTE
Résultats de l'enguête statistigue en milieu urbain - Conte lu
épreuves
Efficacité de
Garçons
sujets
Compréhension/20
Closurel20
compréhension/20
1
14
Q5
9,5
2
00
04
2
3
04
04
4
4
08
04
6
5
12
17
14,5
6
14
14
14
7
16
18
17
8
16
13
14,5
9
10
15
12,5
10
16
14
15
Filles
Il
14
14
14
12
18
15
16,5
13
16
19
17,5
14
10
17
13,5
15
18
Il
14,5
16
16
20
18
17
18
14
16
18
14
18
16
19
16
Il
13,5
20
02
06
4

131
Résultats de l'enquête statistique en milieu urbain - Conte raconté
épreuves
Efficacité de
Garçons
sujets
Compréhension/20
Clossure/20
compréhension/20
1
16
19
17,5
2
18
17
17,5
3
14
15
14,5
4
20
17
18,5
5
18
18
18
6
18
15
16,5
7
20
20
20
8
12
18
15
9
16
17
16,5
10
20
19
19,5
Fi Il es
Il
14
09
11,5
12
06
15
10,5
13
18
20
19
14
18
18
18
15
12
04
8
16
18
20
19
17
16
15
15,5
18
18
18
18
19
20
15
17,5
20
1
12
15
1
1
13,5
1

132
Histogramme de l'Efficacité -Compréhension du Conte lu en milieu urbain
15
8
6
18
....----If--~
I----If-----.
ID
19
5
17
13
3
9
14
11
10
12
7
16
o
10
Mini
Moyenne
Maxi
Pour le Conte lu en milieu urbain, la classe semble d'un bon niveau avec 15 bonnes
notes (9, 5, 6, 7,8, 10, Il, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19), une assez bonne note (1) et
quatre notes en dessous de la moyenne; dont une fille (20) et trois garçons (2, 3,4).
Remarque : les meilleurs notes sont réparties entre les filles.
Histogramme de l'Efficacité -Compréhension du Conte raconté en milieu urbain
- 18
19
14
16
17
9
2
5
13
rl5l
12
ni
1
1 ID
1
1 3
8
6
1
4
10
7
1
1
1
1
1
1
,
1
aJ
o
10
:v1axi
Mini
Moyenne
Pour le Conte raconté en milieu urbain, la classe est d'un niveau meilleur que la
précédente. Une seul élève (le 15) est en dessous de la moyenne. C'est une classe très
b01!)()glollt_'
. luutes les noles sont soudées de 13 à 20 et éga1cml.'lll :'C:pani '; c cnt:_
filles et garçons.
Conclusion: le Conte raconté a de meilleurs résultats que le conte lu en milieu
urbain.

133
1 - Efficacité de Compréhension en milieu urbain - Conte lu - Effectif 20 élèves
ni
Xl
nlXI
xi2
nixi2
1
2
2
4
4
2
4
8
16
32
1
6
6
33
33
1
9,5
9,5
90,25
90,25
1
12,5
12,5
156,25
156,25
2
13,5
Z7
182,25
364,50
2
14
28
196
392
3
14,5
43,5
210,25
630,75
1
15
15
225
225
2
16
32
256
512
1
16,5
16,5
272,25
272,25
1
17
17
289
289
1
17,5
17,5
306,25
306,25
1
lB
lB
324
324
ID
252,50
3634,25
(252,50)2
L nixi = 252,50
u = 3634,25 -
20
= 23,49
ml = 12,6
19
~.!)2,5 = 1~.G
0= '.'23.49 = 4.?
ID
n=20
/'

1
1
134
II - Efficacité de Compréhension en milieu ùrbain - Conte raconté - Effectif 20 élèves
1
1
nI
Xl
nixi
xi2
nixi2
1
1
8
8
16
16
1
10,5
10,5
110,25
110,25
1
1
11,5
Il,5
132,25
132,25
1
1
13,5
13,5
182,25
182,25
1
14,5
14,5
210,25
210,25
r
1
15
15
225
225
1
15,5
15,5
240,25
240,25
1
2
16,5
33
272,25
544,50
1
3
17,5
52,5
306,25
918,75
3
18
54
324
'J12
1
1
18,5
18,5
342,25
342,25
2
19
38
361
722
1
1
19,5
19,5
380,25
380,25
1
ID
ID
400
400
1
ID
324
5396
1
1
ŒW2
1:nixi =324
u =5396 -
20
=5,68
m2 =16,2
1
19
m2 = 324 = 16,2
cr ="';5,68 =2,38
cr =2,38
1
?Il
n=20
1
1
1
1

135
Test de différence de moyennes entre les contes lu et raconté pour l'épreuve
efficacité - compréhension en milieu urbain
Nous avons affaire à de petits échantillons indépendants: c'est-à-dire que la taille
de NI et N2 est inférieure à 30. Nous devrons donc introduire une complexification
en appliquant un test F de SNEDECOR qui consiste à dire que si les deux variances
sont proches l'une de l'autre, c'est qu'elles sont homogènes.
Ho: ml (12,6) =m2 (16,2)
F = (4.8)2 = 23M = 4,07 Fc ~ VI: 20 - 1 = 19
(2,38)
5,66
V2 : 20 - 1 = 19
Au seuil. 0,5 =2,08 Ft < 4,07 Fc
Donc, l'hypothèse Ho n'est pas acceptée.
Appliquons le test (T)
cr = ...; (20 - 1) 23.04 + (20 - 1) 5.66 = "';30,29 = 5,5
20-2
te = 12.6 - 16,2 = --..=3,=6......,..-_ 3.6 = 2,77 ~ (NI + N2) - 2 = 18
5,5"'; 1 + 1
5,5 "';2-
1,3
20 20
10
au seuil. 05 = 2,10 tt
tc (2,77) > tt (2,10) ~ L'Ho n'est pas acceptée donc les moyennes ml (12,6) et m2 (16,2)
ont une très grande différence. Ces résultats permettent d'affirmer que
l'enseignement du conte sous sa forme orale influe mieux sur les capacités de
compréhension. Au niveau du conte raconté, les enfants ont eu de bien meilleures
performances.
On peut supposer que cela provient de l'habitude, d'un
comportement plus familier avec une civilisation orale qu'écrite.

136
Résultats de l'enqyête statistiQ.ue en milieu rural - Conte raconté
épreuves
Efficacité de
Garçons
sujets
Compréhension!20
Clossure/20
compréhension/20
1
14
18
16
2
12
18
15
3
18
15
16,5
4
18
18
18
5
14
10
12
6
10
16
13
7
16
16
16
8
16
16
16
9
14
18
16
10
16
18
17
Filles
Il
20
14
17
12
14
13
13,5
13
16
17
16,5
14
16
17
16,5
15
10
13
Il,5
16
16
15
15,5
17
16
17
16,5
18
16
13
14,5
19
18
19
18,5
[
20
10
18
14
1
1

137
Résultats de l'enQ.uête statistique en milieu rural - Conte lu
épreuves
Efficacité de
Garçons
sujets
Compréhension/20
Clossure/20
compréhension/20
1
œ
10
œ
.
2
20
06
13
3
16
10
13
4
16
14
15
5
20
I l
15,5
6
12
14
13
7
16
03
09,5
8
10
08
09
9
10
Il
10,5
10
04
I l
07,5
Filles
I l
12
08
10
12
14
15
14,5
13
10
12
I l
14
06
15
10,5
15
12
08
10
16
18
07
12,5
17
14
10
12
18
15
10
12,5
19
17
12
14,5
1
20
14
12
1
13

138
Histogramme de l'Efficacité -Compréhension du Conte lu en milieu rural
r - - -
r - - -
15
ID
8
14
18
6
7
11
17
3
19
5
1
1
flOl
1
1
1
1
1
9
13
16
2
12
4
1
1
1
1
1
1
a

1
2)
la
Mini
Moyenne
Maxi
Pour le Conte lu en milieu rural, la classe est d'un assez bon niveau avec I l bonnes
notes (16, 17, 18,2,3,6,20, 12, 19,4, 5), 5 assez bonne note (13, 9, Il, 14, 15) et quatre
notes en dessous de la moyenne; dont quatre garçons (1, 7, 8, 10). Tandis que les
meilleures notes (12 à 15) sont également réparties entre garçons et filles.
Remarque : les filles sont dans leur ensemble en situation de réussite.
Histogramme de l'Efficacité -Compréhension du Conte raconté en milieu rural
17
14
13
9
8
7
12
al
16
3
11
19
5
6
18
2
1
la
4
a
la
al
Mini
Moyenne
~axi
Pour le Conte raconté en milieu rural, la classe est d'un excellent niveau. Tous les
élèves ont des notes largement au dessus de la moyenne. Ils. sont en situation de
réussite.
Remarque: toutes les notes (11 à 18) sont également réparties entre filles et garçons.
Conclusion: comme nous l'avions constaté en milieu urbain, le conte raconté a
également de meilleurs résultats que le conte lu en milieu urbain.

139
l - Efficacité de Compréhension en milieu rural - Conte lu - Effectif 20 élèves
ni
Xl
nlXI
xi2
nixi2
1
7,5
7,5
56,25
56,25
2
9
lB
81
162
1
9,5
9,5
90,25
90,25
2
10
ID
100
ID)
2
10,5
21
110,25
220,50
1
11
11
121
121
1
12
12
144
144
2
12,5
25
156,25
312,50
4
13
52
165
660
2
14,5
2J
210,25
420,50
1
15
15
225
225
1
15,5
15,5
240,25
240,25
ID
235,5
3852,25
(235,50)2
L nixi =235,50
\\) = 3852,25 -
20
= 6,43
ml =11,7
19
ml = 235,50 =11,7
0" ="';6,43 = 2,53
0" = 2,53
ID
n=20

140
II - Efficacité de Compréhension en milieu urbain - Conte raconté - Effectif 20 élèves
nI
Xl
nIXl
xi2
nixi2
1
11,5
11,5
132,25
132,25
1
12
12
144
144
1
13
13
165
165
1
13,5
13,5
182,25
182,25
1
14
14
196
196
1
14,5
14,5
210,25
210,25
1
15
15,
225
225
1
15,5
15,5
240,25
240,25
5
16
00
256
1280
3
16,5
49,5
272,25
816,75
2
17
34
289
578
1
18
18
324
324
1
18,5
18,5
342,25
342,25
al
309
4836
(30922
L nixi = 309
'U =4836 -
20
=3,26
m2 =15,45
19
m2 = .aœ =15,45
cr = ..J3,26 = 1,80
cr =1,80
20
J.i.
~ .... v

141
Test de différence de moyennes entre les contes lu et raconté pour l'épreuve
efficacité - compréhension en milieu rural
Comme dans le test précédent (milieu urbain), nous avons affaire à de petits
échantillons indépendants: c'est-à-dire que la taille de NI et N2 est inférieure à 30.
Nous devrons donc introduire une complexification en appliquant un test F de
8NEDECOR qui consiste à dire que si les deux variances sont proches l'une de
l'autre, c'est qu'elles sont homogènes.
Ho: ml (11,7) =m2 (15,45)
F = (2.53)2 = M = 1,97 Fc::::) VI: 20 - 1 = 19
(1,8)
3,24
V2: 20 - 1 = 19
Au seuil. 0,5 = 2,08 Ft> 1,97 Fc
Donc, l'Ho n'est pas à rejeter. La différence n'est pas significative. On peut affirmer
que la différence est certainement due à une erreur d'échantillonnage, l'erreur
qu'on commet étant de 5%.
Appliquons le test (T)
cr = -.J (20 - 1) 6,4 + (20 - 1) 3.24 = -.J10,17 = 3,18
20-2
te = 11,7 - 15,45 =
3,75
=
3.75
=-.3...15. = 5,28::::) (NI + N2) -2 =18
3,18-.J 1 + 1
3,18 -.JI + 1
3,18 -.JB.
0,71
20 20
2)
2)
40
au seuil. 05 = 2,10 tt
tc (5,28) > tt (2,10) ::::) L'Ho n'est pas acceptée donc les moyennes ml (11,7) et m2
(15,45) ont une très grande différence. Ces résultats permettent d'affirmer que
l'enseignement du conte sous sa forme orale influe mieux sur les capacités de
conlpreilen::>WIl. Au lllveau uu CUIlLe raCUIlLe, le::> elllallL:::i UIlL eu ue uiell lueilleure:::.
performances. On peut supposer comme nous l'avions déjà dit dans le test
précédent (milieu urbain), que cela provient de l'habitude, d'un comportement plus
familier avec une civilisation orale qu'écrite.

142
Comparaison des moyennes (conte lu) entre milieu rural et urbain au niveau des
histo~ammes
.---
(l) milieu urbain
15
ID
8
14
lB
6
7
11
17
3
19
5
flOl
1
1
1
1
1
1
1
9
13
16
2
12
4
1
1
1
1
1
1
t
1
o
al
10
Mini
Moyenne = Il,7
Maxi
(2) milieu rural
15
8
6
lB
....---l-----l
I--~I-----.
ID
19
5
17
13
3
9
14
11
10
12
7
16
o
al
10
Mini
Moyenne = 12,6
:Maxi
Pour le conte lu, le taux d'échec est le même pour chaque milieu. En milieu urbain=
4 élèves (2, 3 , 20,4) dont 3 garçons (2, 3,4) et une fille (20). En milieu rural = 4 élèves
(l0, l, 7, 8) dont tous des garçons. Mais le taux d'échec du milieu urbain est dans
son ensemble très proche de la moyenne, tandis que celui du milieu rural s'en
éloigne très dispersé.
Par contre, si les deux milieux enregistrent le même taux de réussite, les scores
sont différents: les meilleures notes du milieu urbain s'étalent de 12 à 15, réparties
entre Il élèves, tandis que celles du milieu rural s'étalent de 12 à 18 réparties entre
15 élèves.
Le milleu urbain semble plus homogène (dlSperslOn des notes autour de la
moyenne). Le conte lu a de meilleures performances dans ce milieu. Cela s'explique
peut être par sa spécificité très favorable à la prolifération des formes de lecture
occasionnée par le milieu socio-économique et professionnel.

143
Comparaison des moyennes (conte raconté) entre milieu urbain et rural au niveau
des histo&ITammes
(1) milieu urbain
lB
19
14
16
17
9
2
5
13
3
8
6
1
4
10
7
o
al
10
Mini
Maxi
Moyenne = 16,20
r - - -
17
f - -
14
f - -
13
f - -
(2) milieu rural
9
f - -
8
f - -
7
12
ID
16
3
11
19
151 5
6
lB
2
1
10
4
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1

1
1
t
1
o
al
10
Mini
Moyenne = 15,45
Maxi
Pour le conte raconté, le taux d'échec est presque nul. Un seul élève (15) est en
situation d'échec en milieu urbain ou l'on enregistre des performances nettement
meilleurs (17 bonnes notes qui s'étalent de 13 à 20) que celles du conte lu (11 bonnes
notes s'étalant de 12 à 15)
En milieu rural, on enregistre aucun échec. Toutes les notes s'étalent de Il à 18.
Au-delà de la moyenne (à partir de Il), toutes les notes sont soudées les unes contre
les autres ce qui signifie ljue C bt, Ulle classe très homogène. Le conLe rdcollLe d ùe
meilleures performances que le conte lu, dans les deux milieux (urbain et rural).
Cela s'explique sûrement par le support oral qui a été à la base de l'exploitation.

144
Conclusion : toutes les approches (sondages d'opinions, enquêtes statistiques) que
nous avions menées dans ce chapitre pour élucider la meilleure forme
d'enseignement du conte traditionnel-africain aboutissent toutes à la même
conclusion: le conte oral a de meilleures performances que le conte lu à l'école
primaire sénégalaise.
Lire et expliquer un conte en classe de français n'est certes pas une nouveauté.
La plupart des manuels destinés à l'étude de texte dans le primaire comme dans le
premier cycle de l'enseignement secondaire en offrent un certain nombre: Conte de
Leuk, le lièvre - d'Amadou Coumba ou le Pagne noir ; contes de Grimm, de
Perrault, d'Andersen ; Contes du chat perché, etc... Ces oeuvres cependant, dont il
n'est pas question d'ailleurs de contester la valeur, ni en tant que textes littéraires,
ni en tant qu'objet d'études scolaires, risquent de donner une fausse idée du conte
tel que nous l'entendons ici, c'est-à-dire du conte de tradition orale populaire, et par
là même d'occulter les problèmes réels que soulève l'exploitation pédagogique de ce
dernier.
Qu'ils soient en effet nés entièrement de l'imagination de l'écrivain, tels ceux
de Marcel Aymé, ou qu'ils soient inspirés par une traditon populaire pré-existante,
tels ceux de Birago Diop, les contes les plus souvent étudiés en classe sont le résultat
direct d'une écriture qui autorise à les utiliser ainsi qu'on le fait pour tout autre type
de récit écrit, roman ou nouvelle.
Le conte africain traditionnel, lui, est avant tout un texte oral, émanan t non
pas d'un créateur unique, mais d'une collectivité dont il reflète le statt:t, les
croyances, les aspirations, non pas figé une bonne fois pour toutes sur le papier,
mais mouvant, évoluant sans cesse, en un mot continuant de vivre. Au moment où
nous voulons l'utiliser en classe, nous sommes donc contraints de l'immobiliser, en
le faisant passer de l'oral à l'écrit.

145
Cette transposition se double encore d'une autre distorsion, celle du passage
d'une langue africaine au français. Nous y reviendrons.
La problématiQue de l'oralité
Nous ne détaillerons pas ici tous les traits propres à l'oralité qu'une
transcription fait inévitablement disparaître: improvisation, expression par le ton
et le geste, participation active de l'auditoire à la narration, etc... Nous savons tous
que l'écrit fixe et fige.
La question se pose donc de savoir si l'on peut concevoir une pédagogie orale du
texte oral. Nous reviendrons plus en détail sur la transmission d'un conte dans la
classe. Mais nous préciserons déjà qu'il est essentiel de préserver à ce moment
particulier son caractère oral. Le conte doit être tout d'abord raconté, par un
conteur, par l'enseignant, par un élève ou même par le biais d'un enregistrement.
Après cette audition du conte, l'élève doit pouvoir à son tour s'exprimer oralement,
soit à partir de questions destinées à vérifier la compréhension, soit librement afin
de créer à son tour des parties du conte ou un conte. Il peut alors être enregistré de
façon à s'écouter, se juger, se corriger, individuellement mais aussi collectivement
avec l'ensemble de la classe.
Après cette vérification partielle de l'hypothèse générale (Primauté du conte
oral sur le conte écrit), nous allons dans une quatrième partie, approfondir notre
analyse à partir d'une approche de la compréhension en lecture tirée de contes.

146
IVème PARTIE
UNE APPROCHE DE LA
COMPREHENSION EN LECTURE

147
INTRODUCTION
A l'école élémentaire, la lecture apparaît comme la discipline-clef puisque
sans elle, les autres disciplines ne sont plus pour les élèves que des domaines
fermés. Et à une époque où évoluent si rapidement les techniques et les structures
économiques et sociales, notre premier devoir est de donner à l'enfant le moyen
quand il aura quitté notre école, de se tenir au courant. Or, ce moyen c'est de savoir
lire ...
Cependant, il est nécessaire de se mettre tout d'abord d'accord sur le sens qui
va être donné au mot lecture à l'expression «savoir lire».
Il existe en effet un risque de malentendu. On dit couramment qu'un enfant
sait lire, quand il est capable de reconnaître les signes que sont les lettres, de les
assembler et de prononcer les mots qu'elles formeront, ce n'est qu'un aspect de la
lecture: nous le nommerons «déchiffrage».
La lecture fait partie de l'ensemble d'un système de transmission de la
pensée. L'histoire nous montre que les sociétés humaines, parvenues à un certain
degré de développement, ont ressenti l'insuffisance de la parole, qui nécessite la
présence simultanée de celui qui parle et de celui qui écoute, de celui qui émet une
pensée et de ceui qui la reçoit. Ayant ainsi constaté l'effet très limité de la parole,
dans le temps et dans l'espace, les hommes ont inventé l'écriture qui est un moyen
de fixer la pensée et de la communiquer en dehors même de la présence de celui qui
l'a émise ...
Il n'était pas sans intérêt de rappeler la place qu'occupe la lecture dans ce
processus. On voit ainsi que le déchiffrage, la simple prononciation des mots écrits

148
n'est qu'une étape, qu'il faut franchir pour obtenir l'essentiel qui est de découvrir le
sens du texte lu, de recevoir fidèlement la pensée de celui qui a écrit ce texte.
Cette constatation doit intervenir dans notre conception de l'enseignement de
la lecture: le déchiffrage n'est qu'un moyen à mettre à la disposition de l'élève pour
parvenir au but de cet enseignement: rendre l'enfant capable de comprendre ce
qu'il lit.
Pouvons-nous considérer que ce résultat est généralement obtenu dans nos
écoles?
Deux formes de lecture sont habituellement pratiquées dans nos classes: la
lecture à voix haute et la lecture silencieuse.
Par rapport à la lecture silencieuse, la lecture à haute voix occupe, dans les
classes de l'école élémentaire une place prépondérante, tout au moins de fait, sinon
d'intention. Or, l'objectif à atteindre n'est pas, pour l'avenir de la majorité des
enfants de devenir un excellent lecteur à haute voix, mais d'abord, un excellent
lecteur silencieux.

1
1
149
Chapitre VIII
1
1
OBSERVATIONS ET REFLEXIONS
PEDAGOGIQUES
1
1
A· Au gré des définitions de la lecture
1
Peut-on enfermer la lecture dans une définition?
1
Définir est un exercice délicat surtout quand on a affaire au verbe lire, qui
1
comme le remarque Roland Barthes, est un mot «saturé». En effet, on peut lire
des textes, des images, des objets, des gestes, des visages, des scènes, des
1
paysages ... En linguiste, Roland Barthes montre «qu'il n'y a pas d'unité dans ces
1
objets autre que l'intention de lire». Ce verbe <<lire»
est donc une clef, un passe-
partout, une voie d'accès, un passage. Oui, il y a une origine de la lecture
1
graphique: c'est l'apprentissage des mots, des lettres, mais où sont les
apprentissages de la lecture des images, des gestes, des paysages?
1
La recherche du sens de lire est donc incertaine, floue. Les techniciens de la
1
lecture, les philosophes, les pédagogues, les littéraires ont joué avec les mots pour
1
aider chacun de nous à se retrouver dans une définiton en tant que «sujet lisant».
y ont-ils réussi ?
1
Madame Borel Mazonny, en 1949, constate que <<lire, c'est devant un signe
1
écrit, retrouver sa sonorisation». En 1960, elle précise que <<lire oralement, c'est
1
devant un signe écrit, retrouver sa sonorisation porteuse de sens».
1
1

150
Gaston Mialaret, dans son livre l'apprentissage de la lecture, définit la
lecture ainsi: «Savoir lire, c'est être capable de transformer un message écrit en
un message sonore, suivant certaines lois bien précises, c'est comprendre le
contenu du message écrit, c'est être capable de le juger d'en apprécier la valeur
esthétique».
Pour le philosophe Alain, <<1a lecture est un regard d'exploration qui va de
l'ensemble aux détails car enfin toute page est vraie en même temps et il assure
souvent que la fin explique le commencement... et si j'avais coutume d'examiner un
visage par parties : le menton, le nez, les yeux, jamais je ne reconnaîtrais un
visage».
Robert Gloton, du groupe français d'éducation nouvelle, attribue le pouvoir de
lire à «celui qui sait faire de la lecture une opération éminemment active, qui sait
prendre cette attitude de recréation d'une pensée étrangère, ce qui suppose que l'on
sait écouter et s'écouter. Sartre a raison qui voit dans la lecture la synthèse de la
perception et de la création. Celui qui possède ce pouvoir d'engagment total à la
recherche du dialogue aura nécessairement le goût de lire et la richesse de la
production littéraire sera une excitation permanente à son désir».
Le Littré reconnaît une dizaine de sens du verbe lire. Connaître les lettres et
savoir les assembler en mots; prononcer à haute voix, ce qui est écrit ou imprimé;
prendre connaissance du contenu écrit; connaître en parcourant des yeux une
musique notée, les sons que les notes figurent et les modifications que ces sons
doivent recevoir; expliquer; comprendre ce qui est écrit ou imprimé dans une
langue étrangère; suivre une certaine leçon dans un texte qui en a plusieurs;
reconnaître, discerner quelque chose par une espèce de travail que l'on compare à
la lecture «<ces tristes vêtements où je lis mon malheur», Corneille, Cid, IV, 1),

151
Plus près de nous le Robert, cite trois sens propres pour le verbe lire (suivre
des yeux en identifiant, prendre connaissance d'un contenu, énoncer à haute voix
un texte écrit).
Michel Lobrot, en psychologue, donne de la lecture, une autre définition, c'est
un travail de structuration d'ordre intellectuel, une implication affective, un désir
de communication. En «lisant»
ces définitions, on prend conscience des pièges de
l'exposé technique ou d'un certain lyrisme culturel.
Pour notre
part,
nous
donnons
pour y
échapper,
une
définition
«organique»
du «sujet lisant»
: placé devant des signes écrits composant un
message le lecteur coordonne le mouvement des yeux pour suivre les lignes de
gauche à droite et ce mouvement s'interrompt plusieurs fois par ligne pour
permettre aux yeux de percevoir pendant qu'ils sont immobiles un ensemble de
signes compris entre plusieurs lettres et plusieurs mots. Cette activité perceptive
conduit le lecteur à donner une signification au texte écrit en associant entre eux et
avec l'ensemble de ses expériences passées les éléments perçus et à en garder un
souvenir sous forme d'impressions et des jugements d'idées.
A notre avis, c'est une définition qui prend en compte l'aspect physiologique,
mental et psychologique de la lecture.
Aspect, qui rappelons-le, doit être le point de départ de toutes recherches sur
l'apprentissage de la lecture à l'école primaire.
Hormis la poésie qui exige la diction à haute-voix, hormis quelques rares
métiers où l'on est amené à lire quotidiennement à haute-voix, la situation de

1
1
152
lecture la plus fréquente et la plus fructueuse pour un adulte est celle où la lecture
1
est silencieuse.
1
Il semble que chez l'adulte, c'est ce type de lecture qui assure la meilleure et
1
la plus rapide compréhension. Qui n'a vu, qui n'a lui-même expérimenté cette
situation où, lisant à d'autres un texte, la voix ralentit et même s'interrompt; la
1
tête, les yeux reviennent en arrière, un instant, puis la voix repart, avec une
1
intonation rassurée.
1
Le lecteur à haute-voix surpris par un sens auquel il ne s'attendait pas, a
suspendu momentanément une modalité de lecture devenue insuffisante, pour
1
passer à une autre, la lecture silencieuse, jugée plus propice, pour mieux préciser
le sens.
1
1
B • La lecture à haute-yoix
1
C'est la plus répandue dans nos classes et cela se comprend aisément. Elle
oblige l'élève à une lecture attentive de tous lee mots du texte dont il se doit de n'en
1
«sauter»
aucun. Elle le contraint à une discipline salutaire du regard et de la
1
voix. La prépondérance que le maître accorde à la lecture à haute-voix est sans
doute liée d'une part à la facilité de son contrôle, et , d'autre part, à la difficulté
1
d'appréciation de la qualité de la lecture silencieuse.
1
La lecture courante est le but à viser dès le Cours Préparatoire. Au Cours
1
Elémentaire, et surtout au Cours Moyen, l'objectif est d'atteindre la lecture
expressive. Ces deux genres de lecture se font à haute voix. Il ne peut êtrE:
1
autrement, car seule la lecture à haute voix permet un entraînement sérieux dE:
l'apprentissage de la lecture. Elle est en même temps un moyen de contrôlE:
1
indispensable au maître. La poésie, les vers exigent également une lecture à haute-
1
1

1
1
153
VOIX, car le texte ne prend toute sa valeur qu'avec l'aide de la mélodie des mots,
1
spécialement choisi dans ce but. Et il en va· de même pour un texte chargé d'émotion
1
et d'action auquel seule une lecture à haute voix permet de donner tout le sens et
toute la force.
1
C • Ta lecture silencieuse
1
Pendant très longtemps, l'école a ignoré l'enseignement de la lecture
1
silencieuse.
1
«Jusque vers 1920, on s'est inspiré d'une conception très étroite, en s'occupant
essentiellement de mécanisme d'identification des mots».
1
«Savoir lire signifiait être capable de reconnaître des signes et de les reproduire à
la façon dont l'enfant reproduisait tout ce qu'il étudiait à l'école ; c'est-à-dire,
1
transférer ces signes dans une récitation orale. Tout d'abord, la lecture ne pouvait
[
guère consister qu'à appeler par leurs noms des lettres, des syllabes ou des mots.
1
Au bout de quelques temps, l'élève devait dire ces noms plus rapidement et
avec moins de fautes de prononciations. Le degré ultime toutefois, était de «lire
1
avec expression»
et les élèves les plus avançés dans les exercices de lecture étaient
entraînés à s'arrêter plus ou moins aux virgules et aux points, à élever et à laisser
tomber la voix».
Simon et Vaney (Epreuves de Lecture-Soc, A. Binet nO 116, n'écrivaient-ils pas
en 1917 :
«Savoir lire, c'est l'aptitude à transformer les signes graphiques habituels en
images d'articulation. C'est être capables de traduire en sons des symboles visuels.
On peut lire du latin sans en comprendre un traître mot. On peut connaître les
caractères grecs et déclamer des vers de l'Iliade sans savoir aucunement ce que
signifie ce qu'on lit».

1
1
154
Cependant, nous croyons que c'est là une position extrémiste qui ne fut
1
jamais acceptée par la plupart des pédagogues. Si l'attention était portée sur la
1
lecture à haute-voix, c'est parce qu'on ne s'imaginait pas qu'un contrôle de la
lecture mentale fut possible, et aussi parce qu'on supposait qu'un texte bien lu était
1
par le fait même compris. Le lire intelligemment à haute voix faisait croire qu'il
était interprété intelligemment.
1
Aujourd'hui, personne n'oserait mettre en doute l'importance de la lecture
1
silencieuse.
1
Si nous consultons le Plan d'Etudes de 1936 et le Programme des Etudes et
1
Directives Pédagogiques des Ecoles Catholiques, nous voyons préciser sa place à
chacun des deux modes de lecture, c'est-à-dire que, sans rejeter la lecture orale, ces
1
programmes montrent l'importance d'un enseignement rationnel, se préoccupant
1
avant tout des exigences de la vie. Or, dans la vie, c'est la lecture mentale qui
importe, et c'est elle qui sera le plus fréquemment usitée.
1
C'est donc la compréhension personnelle des textes lus silencieusement qui
1
dès le premier degré, constituera l'objectif essentiel de l'enseignement.
1
«Dès la fin de la première année d'études, on aura entraîné les élèves à lire des
yeux avant de prononcer le texte, lisons-nous dans le Plan d'Etudes.
1
De plus, on aura recours aux exercices spéciaux qui consistent à faire lire
1
mentalement des ordres à exécuter, C.. ) ou encore à compléter des textes ou à
répondre à des questions écrites. Par tous ces moyens, l'élève s'habituera à la
1
lecture silencieuse, il saura user du livre et la lecture qui apparaîtra comme «un
1
moyen d'apprendre quelque chose».
1

155
Aussitôt que possible, l'enfant doit être entraîné à la lecture courante pour ne
songer qu'au sens du texte. Car le but à poursuivre, c'est d'amener les élèves à
comprendre ce qu'ils lisent pour la première fois et à les habituer à diriger leur
pensée sur l'intelligence du texte.
«Entièrement libéré du mécanisme, il s'habituera à ne plus faire attention qu'au
sens du morceau pour découvrir les idées .essentielles et saisir la charpente de la
composition».
«A la fin de la 6ème année d'études, l'écolier doit savoir lire aisément et savoir
«lire des yeux».
Ayant indiqué le but à poursuivre, le Plan d'Etudes formule ainsi les raisons de
cette préoccupation constante au cours des six premières années :
«La lecture silencieuse ne permet pas seulement de tester les acquisitions et les
aptitudes des élèves, elle constitue une des meilleurs disciplines pour le
développement intellectue1».
«Mettre les enfants en état de lire, et de plus leur donner le goût de la lecture, c'est
peut être leur fournir le plus essentiel qu'ils doivent emporter de l'école primaire».
D . fi faut en an;.ver à la lecture silencieuse
Au CM2 et en classe de Fin d'Etudes, il faut en arriver à la lecture
silencieuse, la seule qui soit vraiment une lecture personnelle. Les étapes
précédentes sont nécessaires pour une initiation méthodique à la lecture, mais la
lecture silencieuse doit être leur couronnement. En libérant l'esprit du corps, elle
permet une meilleure compréhension et fait goûter ce qu'on lit.
N'est-ce pas du reste le but de l'école
nous avons à former des lecteurs
réfléchis et non des speakers à la radio.

156
Plusieurs exerCIces scolaires, sans qu'on y prenne garde comprennent une
partie de lecture silencieuse. C'est le cas en particulier des problèmes pris dans le
livre et que l'élève doit lire silencieusement et s'efforcer de comprendre. C'est
également de la lecture silencieuse que de transcrire sur le cahier un texte écrit au
tableau noir.
L'exercice de la lecture à haute voix, bien qu'excellent et indispensable, au
point de vue de l'évolution n'apporte pas à l'enfant, butant sur les mots et trop
préoccupé de lire correctement, aucun véritable enrichissement de pensée.
Lecture silencieuse, au contraire, en respectant son rythme visuel et son
rythme de compréhension, lui permet la concentration d'esprit et le temps de
réflexion indispensable à sa véritable formation intellectuelle.
Cependant, nous devons reconnaître que malgré l'importance accordée à
l'une ou l'autre de ces deux formes de lecture, les recherches en ce qui concerne des
comparaisons entre les effets des deux modalités de lecture n'aient guère été
poussées.
C'est pourquoi, la recherche proposée ici, consiste à étudier le problème des
effets de compréhension sur une lecture (basée sur deux textes: l'un s'appuyant
sur un conte et l'autre sur un fait ordinaire) selon qu'elle s'est effectuée à haute-
voix (ou «des yeux»
(silencieusement).

157
Chapitre IX
METHODOLOGIE
Notre hypothèse de travail est Que :
L'enfant qui lit à haute-voix de manière courante et expressive ("intelligente")
ne comprend pas forcément ce qu'il lit (ne lit pas intelligemment).
L'Etude sur le problème des effets de compréhension, cernant ces deux modalités
(lecture à haute-voix et lecture silencieuse), s'appliquera d'une part sur deux
populations différentes :
1) une population rurale
2) une population urbaine
et d'autre part sur deux textex différents:
-
le premier relate une situation ordinaire de la vie courante
le deuxième décrit un conte.
On voudrait voir si effectivement une habitude culturelle comme la pratique
très fréquente de la lecture à haute voix est caractéristique du système éducatif
sénégalais.

158
. La Démarche
TI s'agit de faire passer individuellement deux textes de lecture à 20 enfants
(10 pour le milieu urbain et 10 pour le milieu rural) de deux classes différentes et de
même niveau (CM2 urbain/CM2 rural), ensuite d'alterner lecture à haute-voix et
lecture silencieuse (10 enfants <<le voilier»
à haute-voix, 10 enfants <<les 2
frères»
à haute-voix, 10 enfants <<le voilier»
en lecture silencieuse et 10 enfants
<<les 2 frères»
en lecture silencieuse).

1
1
159
1
1
MODALITES
VOILIER
LES 2 FRERES
1
LECTURE
10 urbains =10 notes
10 ruraux = 10 notes
SILENCIEUSE
CA)
(B)
1
10 x 6 réponses
10 x 6 réponses
J
LECTURE
10 ruraux =10 notes
10 urbains = 10 notes
1
A
CC)
CD)
HAUTE-VOIX
10 x 6 réponses
10 x 6 réponses
1
1
MODALITES
MEMOIRE
COMPREHENSION
1
CA)
noté sur 15
noté sur 15
10 réponses
10 réponses
(B)
noté sur 15
noté sur 15
10 réponses
10 réponses
CC)
noté sur 15
noté sur 15
10 réponses
10 réponses
(D)
, '
- "
~~ :'."' '" .. - , r-::
10 réponses
10 réponses

160
Nous comparons globalement les 60 réponses en (A) et les 60 réponses en (D).
Puis les 60 réponses en (B) et les 60 répo.nses en (C). Autrement dit, nous allons
comparer les deux textes de lecture selon leur spécificité et en fonction de leurs
modalités : lecture silencieuse et lecture à haute-voix et distinguer ensuite les
résultats sur la mémorisation et la compréhension.
- Nous regardons si les enfants un échec en (CID) sont aussi en échec en (AIB)
- Dans (CID) et (AIB), voir le pourcentage d'échecs.
Réussite
(A - B)
(C ID)
--- - -
Echec
Echec
(A - B)
(C ID)
Textes de lecture proposés aux enfants
a) Il s'agit de deux textes regroupant deux histoires. Ces deux textes ont des
identités en :
-
difficultés sur la longueur.
Les structures sont les mêmes : début, action et fin.

161
b) Dans les deux cas, on a une situation paradoxale.
Premier texte :
LE VOll..IER
Pierre est en vacances au bord de la mer. il se rend comme chaque matin, à
la plage, pour se baigner. Près du rivage, deux petits voiliers semblables reposent
sur le sable, mouillés par les vaguelettes qui les contournent au rythme de va-et-
vient de la marée. Un jeune homme est là, en survêtement bleu, préparant l'un des
deux bateaux. Le temps est beau, le soleil brille et une brise agréable lui promet une
belle promenade.
Pierre l'observe en silence et se dit:
«11 a bien de la chance d'avoir un si joli bateau et d'aller faire de la voile !».
Interrompant les réflexions intérieures de Pierre, le jeune homme lui demande:
«Veux-tu m'aider à pousser mon bateau jusqu'à ce qu'il flotte ?».
Pierre l'aide à pousser le petit voilier. 11 entre ainsi dans l'eau jusqu'à mi-
cuisses, ce qui lui procure une agréable sensation de fraîcheur: le bateau frémit, le
jeune homme saute dedans, saisit la barre, et voilier et jeune homme s'éloignent du
rivage. Pierre, toujours dans l'eau, les regarde avec envie. TI soupire, se retourne et
revient sur la plage. Stupéfaction ! Le jeune homme est là, en survêtement bleu
préparant le second bateau...
Deuxième texte: LES DEUX FRERES
Il était une fois un pauvre homme qui avait deux fils. Il était si pauvre qu'il
n'arrivait plus à les nourrir, de sorte qu'un jour il leur dit:
"Mes fils, vous êtes grands à présent, et comme je n'ai pas les moyens de vous
entretenir, il faut partir de votre côté et vous débrouiller seuls".

162
Ayant ainsi parlé, il leur donna à chacun douze quignons de pain de la taille
d'un poing et un morceau de viande et les garçons partirent. Après avoir marché
peu de temps, l'aîné arracha les yeux de son jeune frère et l'abandonna dans la
forêt ...
Peu après, deux femmes passèrent par là et attirés par ses soupirs et ses
gémissements, demandèrent à l'aveugle pourquoi il pleurait.
"Vous pleureriez aussi si votre frère vous avait rendu aveugle pour ne pas
vous donner à manger, puis vous abandonnait dans le bois... "
"Ne pleure pas", disent les deux femmes d'un ton consolant, "nous allons te
donner quelque chose qui te rendra la vue".
Elles allèrent à la lisière du bois et cueillirent une plante qui poussait là. Elles
en pressèrent le jus et le répandirent sur les yeux du garçon. Mais cela le fit souffrir
davantage et la douleur fut si grande qu'il s'évanouit. Quand il revint à lui au bout
d'un moment, ses yeux ne lui faisaient plus mal et il voyait aussi bien qu'avant. Sa
gratitude fut immense et il remercia les deux femmes du fond du coeur. Avant de le
quitter, cependant, elles lui donnèrent un conseil:
"Suis ce sentier jusqu'à un village où vit un roi riche et puissant. Lui aussi
est aveugle. Va vers lui et redonne lui la vue avec cette plante. Tu en seras bien
récompensé"
Après les soins du jeune garçon, le roi a recouvré la vue. Il remerCIa le
garçon et lui donna deux bâteaux à vapeur, deux bâteaux à moteur, deux maisons
meublées, trente armoires, pleines de vêtements, quatre chevaux et un somptueux
trône de son royaume. Sa fille reçut une grosse somme d'argent en dot, une maison,
cinq chevaux, deux servantes et cinq armoires pleines de robes. Le garçon eut aussi
cinq serviteurs pour veiller sur les bâteaux à vapeur. Alors, ils s'embarquèrent tous
pour faire un voyage sur la mer.
Stupéfaction! En montant sur la passerelle, le gendre du roi vit sur le pont
du bâteau, son grand frère au milieu de l'assemblée royale.

163
Questions et cotation des ré,ponses
«LE VOILIER»
1ère question:
A quel endroit Pierre passait-il ses vacances?
2ème question:
Que demande le jeune homme à Pierre?
3ème question:
Pierre prononce-t-il à haute-voix:
«11 a bien de la chance d'avoir un si joli bateau et d'aller faire de
la voile»
?
4ème question:
Quel est le désir de Pierre?
Sème question:
Qu'y a-t-il de surprenant dans cette histoire?
6ème question:
Comment expliques-tu cela?
<<LES DEUX FRERES»
1ère question:
Pourquoi le pauvre homme conseilla-t-il à ses deux fils de partir se
débrouiller seuls ?
2ème question:
Quel malheur arrivera-t-il au jeune frère? Pourquoi?
3ème question:
Comment qualifié le frère aîné?
4ème question:
Quelle récompense le jeune frère a-t-il eue?
Sème question:
Qu'y a-t-il de surprenant dans cette histoire?
6ème question:
Comment expliques-tu cela?

164
. Tableau de scores maxima Auplicables à la fois Aux 2 textes
Maxi: xl = 15
Maxi x2= 15
Mémorisation = 15
Intelligence du texte = 15
Questions
Récits
q1
q2
q'3
q4
c{J
cjj
Le voilier
Les 2 frères
2
4
5
4
5
10
J::!.J:l1JJ..: les pourquoi et les comment de la cotation sont résumés dans le tableau des
scores maxima situé ci-dessus.
Il a semblé que (C. F Méthode d'Approche de la Compréhension en lecture,
J. D. Gaiga, J. Lapalu, J. Witner), les quatre premières questions consistant en un
rappel de certains détails du texte faisaient essentiellement intervenir la capacité de
mémorisation du sujet, alors que dans les deux dernières, on demande à l'enfant de
comprendre la totalité du texte, sa signification générale et de tirer des inférences à
partir des données. Pour schématiser, nous dirons que xl évalue plutôt la capacité
de «mémorisation»
et x2 plutôt <<l'intelligence du texte».
Sans entrer dans les détails, notons néanmoins que la cotation n'était pas
entièrement subjective. Des critères précis ayant été établis pour la modulation de
l'estimation.

165
Chapitre X
COMMENTAIRE DES RESULTATS
1) Résultats des tests de compréhension en lecture silencieuse et à haute yoix.
effectués sur deux groupes d'élèves différents:
Milieu urbain (20 élèves dont 10 garçons et 10 filles)
Milieu rural (20 élèves dont 10 garçons et 10 filles).
MILIEU URBAIN
MILIEU RURAL
Les deux frères
Le voilier
Les deux frères .
Le voilier
Scores
LECTURE
LECTURE
LECTURE
LECTURE
Sujets
H. VOIX
SILENCIEUSE
SILENCIEUSE
H. VOIX
1
15
12
8
al
2
15
14
8
9
3
al
11
6
12
4
8
6
13
al
5
al
14
12
13
6
al
13
9
10
7
al
13
10
10
8
al
al
7
14
9
15
13
10
13
10
15
12
8
9

166
Résultats de lecture à haute-voix avec 10 élèves urbains
nI
Xl
nlXI
xi2
nixi2
4
15
00
225
900
5
al
100
400
2000
1
8
8
64
64
10
43
168
289
2964
(16822
Lx2 = 689 ; LxI = 43
u = 2964 -
20
= 15,73
nI =10
9
ml = 168 =16,8
cr = ..J15,73 = 3,96
10
.22 Résultats de lecture silencieuse avec 10 élèves urbains
..
nI
Xl
nlXI
xi2
nixi2
2
12
24
144
288
2
14
28
196
392
1
11
11
121
121
3
13
:E
169
fJJ7
1
6
6
:J)
36
1
al
al
400
400
10
76
128
1066
1744
(12812
Lx2 = 1066 ; LxI = 76
u = 1744 -
10
= Il,73
n2=10
9
m2 = 128 =12,8
cr = ..Jn,73 = 3,42
10

167
Comparaison des IDOYMnes de lecture à h;;tute-yoix et lecture silencieuse en milieu
urbain
Ho :ml =m2
F = <3.96)2 = 15.68 = 1,34Fc ~ VI: 10 - 1 = 9
(3,42)
Il,69
V2: 10 - 1 =9
Au seuil. 0,5 =3,23 Ft> 1,34 Fe
Donc, l'Hypothèse Ho est acceptée. La différence n'est pas significative. On peut
affirmer que la différence est certainement due à une erreur d'échantillonnage,
l'erreur qu'on commet étant de 5%.
Appliquons le test (T)
cr =..J (lO - 1) 15.68 + (lO - 1) 11.69 = ..J30,79 =5,54
10-2
te = 16.8 - 12.8 = _ _4"",,:-_ = _4_ = 2,28 ~ V = (NI + N2) - 2 = 18
5,54..J 1 + 1
5,54 ..J2
1,75
10 10
ID
au seuil. 05 =2,10 tt
tc (2,28) > tt (2,10) ~ L'Ho n'est pas acceptée donc les moyennes ml (lecture à haute-
voix: 16,8) et m2 (lecture silencieuse: 12,8) ont une très grande différence.

168
Résultats de lecture silencieuse avec 10 élèves ruraux
nI
Xl
nlXI
xi2
nixi2
3
8
2A
6i
192
1
6
6
33
33
1
7
7
49
49
1
9
9
81
81
2
10
ID
100
200
1
12
12
144
144
1
13
13
169
169
10
65
91
6i3
871
(.9J.}2
~2 = 643 ; ~1 = 65
u = 871 -
10
=4,76
nI =10
9
ml= .9.l =9,10
cr = --./4,76 = 2,18
10

169
Résultats de lecture à haute-voix avec 10 élèves ruraux
nI
Xl
nixi
xi2
nixi2
2
9
18
81
162
2
10
ID
100
200
1
12
12
144
144
2
13
al
100
388
1
14
14
100
196
2
ID
40
400
800
10
78
130
1000
1840
(002
Lx2 =1090 ; LxI =78
u =1840 -
10
=16,66
n2 =10
9
m2= 100= 13
0" ="16,66 =4,08
10

170
Comparaison des moyennes de lecture silencieuse et lecture à haute-yoix en milieu
rural
Ho: ml (9,10) =m2 (l3)
F = (2,18>2 = ~ = 0,28Fc => VI : 10 - 1 = 9
(4,08)
16,64
V2: 10 - 1 =9
Au seuil. 0,5 =3,23 Ft > 0,28 Fc
Donc, l'Hypothèse Ho est acceptée dans les mêmes conditions que nous l'avions
énoncées pour le milieu urbain.
Appliquons le test (T)
cr = ~ (IO - 1) 4,75 ± (IO - 1) 16,64 = ~ 42,75 ± 149,76 = ~24,06 = 4,9
10-2
8
te = 9,10 - 13
=
-3,9
=
3,9
= 2,53 => V=(NI±N2)-2=18
4,9~ 1 ± 1
4,9~2
1,54
10 10
ID
au seuil. 05 = 2,10 tt
tc (2,53) > tt (2,10) => L'Ho n'est pas acceptée donc les moyennes ml (lecture
silencieuse: 9,10) et m2 (lecture à haute-voix: 13) ont une très grande différence.
Commentaires:
Si l'on compare les résultats de la lecture à haute-voix par rapport à ceux de la
lecture silencieuse, entre les milieux urbain et rural, ils permettent d'affirmer que
le mode d'entraînement scolaire à la lecture influe sur les capacités de lecture.
L'élève (urbain ou rural) va avoir de bien meilleures performances dans l'activité
privilégiée à l'école (la L.H.V.). On peut supposer que cela provient de l'habitude
d'un comportement plus familier, mais aussi de la valorisation préférentielle pour
tel type de lecture de la part du maître. On peut supposer que cette valorisation de la
lecture à haute-voix risque d'avoir des conséquences sur la capacité future à lire
vite. Si des tests de vitesse avaient été effectués, on pourrait supposer qu'ils
entraîneraient une meilleure rapidité pour les élèves (urbains ou ruraux) en lecture
à haute-voix et qu'ils les bloqueraient au niveau de la capacité de lire vite en lecture
silencieuse, donc empêcheraient les enfants d'être de bons lecteurs pour le futur.

171
Compamison des moyennes de lecture silencieuse entre les milieux urbain et rural
Ho: ml (12,8) = m2 (9,10)
F = <3.42)2 = 11.69 = 2,46Fc ~ VI: 10 - 1 = 9
(2,18)2
4,75
V2: 10 - 1 = 9
Au seuil. 0,5 = 3,23 Ft > 2,46 Fc
Donc, l'Hypothèse Ho est acceptée dans les mêmes conditions que nous l'avions
énoncées dans le test précédent.
Appliquons le test (T)
cr = -.J (10 - 1) 11.69 + (10 - 12 4.75 = -.J18,49 = 4,3
10-2
te = 12,8 - 9,10 =__----,,.....- =
3,7
= 2,70 ~V=(NI+N2)-2=18
4,3 -.J 1 + 1
4,3-.J~
1,35
10 10
ID
au seuil. 05 = 2,10 tt
tc (2,70) > tt (2,10) ~ L'Ho n'est pas acceptée donc les moyennes ml (lecture
silencieuse en milieu urbain: 12,8) et m2 (lecture silencieuse en milieu rural: 9,10)
ont une très grande différence.
Commentaire:
Si l'on compare les résultats de la lecture silencieuse entre les milieux urbain et
rural, on constate que les élèves urbains ont des notes supérieures en lecture
silencieuse que les élèves ruraux
Pour des enfants de même âge, les différences constatées entre capacités en lecture
silencieuse ne sont pas dûes à des méthodes d'apprentissage différentes (YU
l'activité de lecture priviliégiée à l'école primaire sénégalaise), mais à la différence
ùes milieux \\.urbaul - rural).
En effet, le milieu urbain où les conditions socio-économiques sont plus élevées, est
plus favorable à une variété de mode de lecture tout autant que de textes ou de
supports à la lecture (manuels, affiches, bandes dessinées, etc,... ).

172
Comparaison mémorisation et compréhension
MILIEU URBAIN
MILIEU RURAL
~ Scores Lect. H. Voix Lect. Silencieuse Lect. Silencieuse Lect. H. Voix
SUjets~ Mémoire Compré Mémoire Compré Mémoire Compré Mémoire Compr
/15
/15
/15
/15
/15
/15
/15
/15
1
15
0
12
0
8
0
15
5
2
15
0
14
0
8
0
9
0
3
15
5
11
0
6
0
12
0
4
8
0
6
0
13
0
15
5
5
15
5
14
0
12
0
13
0
6
15
5
13
0
9
0
10
0
7
15
5
13
0
10
0
10
0
8
15
5
15
5
7
0
14
0
9
15
0
13
0
10
0
13
0
10
15
0
12
0
8
0
9
0
m1=14,3
m2=2,5
m3=12,2
m4=O,5
m5=9,9
m6=O
m7=12
mS=1
Mémorisation
Compréhension
Mémorisation
Compréhension
m9 = 13,25
m10 = 1,5
mIl = 10,95
m12=0,5
Notre hypothèse de travail est confirmée : les notes en compréhension sont trop
faibles autant pour les élèves urbains que ruraux.
Que la lecture soit basée sur un texte ordinaire ou sur un conte, le facteur
compréhension n'est toujours pas résolu: en d'autres termes, le conte traditionnel
complètement scolarisé (le conte écrit) ne sert pas véritablement à l'apprentissage
de la lecture.
Par contre, l'étude a pu mettre en évidence la liaison entre mémorisation,
compréhension et apprentissage scolaire. Ce qui est privilégié par l'école, la lecture
à haute-voix donne de meilleurs résultats au cours des exercices.

173
Les élèves (urbains et ruraux) ont tous de bons résultats suite à une lecture à
haute-voix, les difficultés viennent avec la lecture silencieuse. Elles correspondent
parfaitement à la pédagogie de la lecture dans le système pédagogique sénégalais.
Les méthodes pédagogiques imposées entre autre par les gros effectifs imposent ce
mode de lecture (l'oralisation).
Tout adulte qui lit, lit des yeux· et l'on ne saurait assimiler cette activité à
celle, qu'il met en oeuvre lorsqu'il communique à d'autres ce qu'il vient de lire. 11
s'agit ici de deux activités totalement différentes : l'une est solitaire, personnelle et
silencieuse; l'autre correspond à une situation de communication orale dont le
référent est une lecture personnelle préalable.
En fait, on peut dire que:
- lire, c'est construire pour soi le sens d'un message dont on a besoin dans un
projet donné (lecture silencieuse) ;
- lire à haute-voix, c'est communiquer oralement à des auditeurs qui en ont
manifesté le désir, sa propre lecture d'un texte.
La lecture à haute-voix est donc une variante de la communication orale. Ce
n'est pas une situation de lecture ; c'est une communication qui porte sur la
lecture. Il ne faut d'ailleurs pas oublier que dans une telle situation, ce n'est pas le
texte que l'on communique, mais la lecture que le lecteur adhère, ou non au texte
qu'il lit...). TI s'ensuit donc que la lecture à haute-voix ne peut être dans l'itinéraire
d'apprentissage d'un enfant que seconde par rapport à la lecture. Pour lire à haute-
voix, il faut savoir lire, c'est évident.
De plus, lire à haute-voix est une activité difficile, qui exige non seulement la
compréhension préalable du texte lu, mais une prise de conscience de cette

174
compréhension et une décentration de celle-ci, indispensable à la mise en oeuvre de
techniques spécifiques nécessaires à la communication.
Lire à haute-voix est une activité intéressante, riche, difficile, qui doit, à
l'évidence, faire l'objet d'un apprentissage spécifique dès le second cycle du
primaire - mais dont la présence est inopportune au niveau des apprentissages
premiers parce que tout à fait impossible. A ce niveau, quand on demande à un
enfant de <<lire à haute-voix», il ne peut mettre en oeuvre qu'une activité
d'oralisation, c'est-à-dire la transformation mécanique des signes écrits en signes
sonores.
Il est aisé de reconnaître la lecture à haute-voix de l'oralisation : dans la
première, le lecteur dit ce qu'il a compris. On observe donc une dissociation entre la
diction et les mouvements oculaires, ceux-ci précédant nettement celle-là.
D'ailleurs, au moment de la diction, le regard se porte sur l'auditeur à qui l'on dit
ce que l'on a lu une fraction de seconde plus tôt. Un lecteur qui garde le nez dans
son livre, ne sait pas lire à haute-voix.
L'oralisation, au contraire, consiste à dire ce qu'on voit au moment où on le
voit : mouvements oculaires et diction sont indissociables et, se gênant
mutuellement, produisent une énonciation hachée caractéristique de la lecture
scolaire. Oraliser, activité scolaire par excellence, n'est ni lecture, ni lecture à
haute-voix. C'est un mécanisme sans aucun intérêt, et dont nous avons vu
précédemment qu'il constitue un obstacle majeur à la compréhension en lecture.
D'après Jean Focambert, <<la compréhension en lecture»
ne fait pas appel à
la parole intérieure ni à la l'oralisation, ni à son instrument (le déchiffrement)66.
66 Jean Focambert : la manière d'être lecteur - Edition: Hatier.

175
Dès lors, comment guider l'enfant dans le chemin de la maîtrise globale des
textes et de l'écriture?
L'école se base souvent sur des méthodes dite «anciennes»
comme le
déchiffrage qui consiste à faire acquérir une combinatoire. Ne faut-il pas faciliter
l'accès au sens du texte, lui même lié à l'affectivité de l'enfant en prenant en compte
ses émotions? Ce constat interroge les différentes solutions pédagogiques et
rééducatives proposées à l'élève en difficulté.
Pour notre part, nous estimons que la compréhension dans le domaine de la
lecture, en milieu scolaire sénégalais, nécessite avant tout une étude linguistique
pédagogique et psychologique en abordant l'apprentissage.
A· L'APPROCHE LINGUISTIQUE
La situation linguistique et pédagogique du système éducatif sénégalais se
caractérise par l'application d'un modèle pédagogique de type occidental, dont
l'unique langue d'apprentissage est une langue étrangère le français ignoré par la
quasi-totalité des enfants d'âge scolaire.
Il se produit dès lors, une rupture entre la vie scolaire et la vie extra-scolaire
et qui va à l'encontre «d'un développement harmonieux de la personnalité
respectueuse de la sensibilité en continuité avec l'éducation familiale»;
Le petit sénégalais, dès les débuts de la scolarisation, entre dans une
discontinuité.

176
Ceci se manifeste dans trois domaines :
1 - La langue de l'école est différente de celle de l'enfant
A l'école primaire, le petit sénégalais doit apprendre une langue nouvelle, à
la différence de l'enfant français qui, face à la nouveauté scolaire, n'en reste pas
moins dans la discontinuité. L'enfant sénégalais a en moins le bain culturel grâce
auquel la tâche du petit français est facilitée. Confronté dès les premiers jours au
système déroutant d'une langue étrangère, l'enfant subit passivement cet
apprentissage et finit par acquérir les rudiments d'un langage qui le limite sur le
plan de la pensée. Maurice Houis pointe bien ce déséquilibre quand il dit «quand
l'école se déroule en français, il y a une rupture entre l'éducation scolaire et
l'éducation familiale, en ce qui concerne la langue comme moyen physique de
transmission, mais aussi, étant donné que la langue est transparente fonctionnelle
de la pensée, comme support de la pensée»67 .
2 - Les supports matériels pédagogiques sont différents.
L'enfant africain, imprégné d'oralité a, face à la réalité, un contact
directement perçu, et il en reçoit un commèntaire oral qui l'intègre dans son milieu
social et culturel. Mais que faut-il entendre par oralité? Toujours, selon Monsieur
Houis, «l'oralité n'est pas l'absence ou la privation d'écriture. Elle se définit
positivement comme une technique et une psychologie de la communication».
A l'école, il est astreint à la lecture et à l'écriture et il se réfère dès lors à la réalité, à
travers l'image, d'autant plus que cette réalité ne lui est pas toujours accessible.
67 Maurice Houis - Anthropologie linguistique de l'Afrique Noire - Paris, PUF, coll, <<le
linguiste», n°
11, 1971.

177
3 - L'enfant appréhende son univers, culturel, celui-là même qui a formé sa
compréhension et son organisation du sens, par sa famille et tous ceux du village
ou du quartier. A l'école, cet univers, non seulement s'élargit, mais va comprendre
des situations qui lui sont difficiles à percevoir. L'enseignement par son véhicule
implique qu'une nouvelle réalité se supperpose à l'univers culturel originel.
Cette discontinuité débouche souvent sur une position conflictuelle, face à
deux modes. Sur elle, va se greffer, se polariser des clivages, des différences de
registre, des antagonismes, tels que : tradition-modernisme, oralité-écriture,
authenticité-aliénation, etc
L'enseignement en langue non maternelle rompt donc avec les habitudes
socio-culturelles que l'enfant a reçues de son milieu familial et social, dans ses
premières années.
L'enseignement dans une langue initialement inconnue des élèves est une
«anti économie et par là même une antipédagogie», car on refuse de tirer profit
de l'acquis préscolaire et parascolaire de l'enfant: «on instaure une discontinuité
radicale qui dépasse l'aspect strictement linguistique».
Toute entrée à l'école, est un passage brutal entre un milieu familial et un
milieu scolaire. Comparativement dans les écoles de France, il y a continuité aussi
bien en ce qui concerne la langue utilisée, qu'en ce qui a trait au comportement
global des enfants en tant que locuteurs confrontés qu'ils sont, et très tôt aux
techniques de la communication visuelle (lecture) et manuelle (écriture) et surtout à
la maternelle.
Un enfant français qui va à l'école française, un enfant anglais qUI va à
l'école anglaise, sont confrontés à leur langue à tout instant de leur vie. En fait, ils

178
n'apprennent pas le français ou l'anglais à l'école, ils l'approfondissent, acquièrent
d'autres niveaux de langue ; c'est aussi à la maison, dans la rue, face à la
télévision, aux affiches, bref aux médias dans leur totalité, qu'ils trempent surtout
dans un bain linguistique français ou anglais.
Il en va bien entendu de façon différente en Afrique en général et au Sénégal
en particulier où le petit sénégalais est confronté à une double difficulté. TI lui faut
d'une part apprendre la langue en tant que médium d'apprentissage et d'autre
part, assimiler les connaissances qu'elle véhicule.
Dans l'apprentissage d'une langue seconde, un des obstacles tient au fait
qu'il s'agit d'un deuxième apprentissage. L'apprentissage de la première langue
est en effet contemporain de la découverte du monde et du développement cognitif,
perceptuel et mental de l'enfant. Lors de l'apprentissage d'une seconde langue,
donc le terrain est déjà occupé. Et il est difficile de faire l'impasse sur cet acquis
premier: il devient de plus en plus évident que la langue maternelle n'est pas un
vêtement que l'enfant peut quitter le jour où il endosse son uniforme scolaire: elle
fait partie de la substance même de son esprit; elle exprime les idées et les attitudes
qu'elle tient de son entourage; c'est la langue par le truchement de laquelle il a fait
les premières expériences de sa vie et c'est celle dans laquelle il rêve, il pense, il
aime, il crie et apprend.
Il est une autre observation qui découle de cet état de fait, qui est que les
corrélations du bilinguisme fournissent le cadre où doit être situé le phénomène des
emprunts et des interférences :
- Interférences - Néologismes - Transferts d'habitudes
Le français, langue seconde au Sénégal, comporte, et c'est normal, des
particularités qui surprennent au premier abord le locuteur francophone non

179
africain. Ces particularités sont susceptibles, dans certains cas, de gêner
l'intercompréhension, voire de l'empêcher totalement. Tous les niveaux du système
de la langue française sont concernés.
Willy Balle, cité par L. J. Calvet, évoque comme élément explicatif de
l'apparition de ces particularités la façon dont la langue française a été introduite
en Afrique en général. Il souligne que cette introduction se caractérise par deux
faits:
«importation»
et «superposition». C'est-à-dire que la langue coloniale a
assumé un certain nombre de fonctions considérées comme «supérieures»
(administration, politique, enseignement) et il en découle deux traits spécifiques:
- D'une part, sur le plan sociologique, le français a été, est toujours une langue de
pouvoir en Afrique, une clé sociale nécessaire pour occuper ou postuler tel ou tel
poste,
- D'autre part, la langue introduite et imposée à une partie de la population, était
en fait une langue très particulière, ne présentant que deux registres: le registre
administratif et le registre scolaire.
Dès lors, un grand nombre de tournures spécifiques au français d'Afrique
trouvent leur explication.
La situation paradoxale à laquelle nous assistons, est que l'enfant sénégalais,
qui possède sa langue maternelle avant son entrée dans le cycle scolaire doit
assimiler ou tenter d'assimiler le système linguistique d'une langue étrangère (le
français) si ce n'est d'autres (anglais, espagnol, portugais.. .).
Et il peut s'estimer heureux si l'on ajoute pas à tout cela le latin et le grec.

180
Il résulte de cet état de fait, une maîtrise parfois peu satisfaisante de la
langue française, au niveau du lexique, et de la réalisation des structures
morphosyntaxiques.
«La langue française au Sénégal, même si elle est fortement identifiée à
l'excellence d'une norme et d'une culture, se parle et se vit au contact des langues
sénégalaises, parfois même par référence à elles, en fonction d'elles et du milieu
sénégalais»
68 .
L'élève sénégalais vient à l'école avec une langue, sa langue maternelle, avec
une sémantique, avec une attitude de locuteur. Il reçoit le français à travers son
optique.
Pour cet enfant, le passage de la première langue, à la seconde n'est pas
simple. En passant d'une langue à l'autre, l'enfant arrive mal à se débarasser de ce
que Jacques Champion appelle son «langage viscéral».
Prenons l'exemple au nIveau phonologique. On remarque des réalisations
défectueuses dans la langue seconde surtout quand ces phonèmes sont absents du
système phonologique de la langue première.
La situation que l'on rencontre est que, dès l'instant que ce phonème n'existe
pas dans la langue maternelle, il est mal perçu par l'enfant, et partant mal,
reproduit et il a tendance à l'assimiler à un phonème, qui, dans sa propre langue
s'en approche le plus.
68 P. Dumont: le Français et les Langues Nationales - CLAD n° 51 - Dakar 1974.

1
1
181
1
En d'autres termes, l'élève essaie de substituer au son étranger, un son connu.
1 Exemple: "8" pour "Ch"
du français
(S)
cheval... (S)
soit "Seval"
1
(S)
chef... (S)
soit tISer'
(G)
fromage ... (Z)
soit "Fromaz".
1
1
De là, s'explique toutes les difficultés qu'ont les élèves du primaire, et même
certains adultes, à prononcer les phonèmes que le système phonologique de leur
1
langue maternelle ignore.
1
Dans l'acquisiton du système de la langue maternelle, tout ce qui est non
pertinent est ignoré. Le grand Jacques l'assimile à un «crible»
: <<le système
1
phonologique d'une langue est semblable à un crible à travers lequel passe tout ce
qui est dit. Seules restent dans ce crible les marques phonétiques pertinentes pour
1
individualiser les phonèmes...»69.
Autrement dit, la maîtrise du système de sons d'une langue s'accompagne de
la mise en place de ce que Legrand appelle des «barrages destinés à isoler ou à
écarter les éléments étrangers au système en voie de constitution, chez
l'individu»70. L'écart parfois énorme entre les systèmes phonétiques de deux
langues (français et wolof), explique à la fois l'accent particulier et les
prononciations visciées. Au niveau du lexie apparaît un autre phénomène.
Supposons que la réalisation phonétique de chacun des phonèmes d'un
fragment de chaîne parlée soit correcte, que l'accent et l'intonation soient sans
défaut et les structures morphosyntaxiques rigoureusement respectées ; il reste que
69 Jacques Legrand: Publication - CLAD 1975 - n° 66.
70 Ibidem.

182
le dit fragment de chaîne parlée sera totalement inintelligible pour un locuteur
francophone non africain si les particularités portent sur le lexique.
Exemple : C'est samedi, je porte ma «nékhation», je cherche de l'essence à
l'«essencerie,», puis je monte sur ma mobylette pour la «dibiterie».
Quelle est donc cette langue? C'est du français, langue seconde parlée au
Sénégal par les locuteurs sénégalais ayant fréquenté l'école. C'est ce que certains
appellent «français d'Afrique», d'autres «français régiona1».
Quand on possède la clé de ce lexique particulier, tout devient clair.
«C'est samedi, paré de mes plus beaux habits, je pars payer de l'essence à la
station service, j'enfourche ma mobylette direction le lieu où l'on grille et vend la
viande».
Une autre «traduction»
peut être proposée, d'où la difficulté SInon
l'impossiblité de fournir une lexie du français standard correspondant exactement
à la lexie du français, langue seconde au Sénégal. Fréquemment, on est contraint
de conserver la lexie originale : «essencerie», ou d'utiliser une périphrase
«dibiterie»
pour «lieu où l'on grille et vend la viande».
Par ailleurs, nous constatons à l'usage, que les lexies du français standard
ont subi, en nombre assez important, un glissement sémantique «<connaître»
pour «savoir-faire») quand, ce n'est pas un changement total de signification
«<descente» pour «sortie de travai1»).
Les particularismes du français, langue seconde au Sénégal, autrement dit
les néologismes reflètent en général les. réalités socio-culturelles du pays. Ces
néologismes indispensables pour exprimer les dits réalités sont vraisemblablement

183
l'une des pierres d'achoppement pour l'intelligibilité des messages, transmis à
l'aide de ce français, pour un auditeur non natif.
Il Y a aussi, plus nombreux, toujours au nIveau du prImaIre, des
transpositions de structures. Autrement dit, il y a un tranfert des «habitudes
audio-phonatoires, morphologiques et syntaxiques», de la langue source, le wolof,
dans la langue cible, le français. L'élève sénégalais du primaire, qui dit : «Fatou,
il est parti à Dakar demain»
fait la transposition d'une structure wolof, puisque
pour le verbe, il ne fait aucune différence entre : «part», «partira»,
«partais» ... C'est ce que Pierre Dumont nomme «l'aspect zéro à valeur
neutre».
On remarque qu'ici, dans cet exemple, c'est la logique interne du français qui
est bouleversée. Une langue est généralement définie, comme un système de signes
articulés permettant la transmission de messages humains. Elle doit être en
mesure de permettre la communication des réalités du monde dans lequel se meut
le locuteur. Et comme les réalités du contexte socio-culturel du Sénégal ne
correspondent pas à celles qu'exprime le français standard, les particularités sont
donc inévitables...
L'utilisation de la langue française à l'école contrecarre l'épanouissement de
l'enfant sénégalais. Elle le fait se replier sur lui-même dans l'attitude de
résignation qu'on lui impose, et par voie de conséquence, on atrophie son potentiel
d'idéalisation. L'élève sénégalais des classes primaires a un «défaut», constatent
les enseignants : il ne parle pas en classe. Alors qu'en dehors de la classe se
libèrent des élans d'expressions spontanés qui interrogent.
Cet état d'enfants acculés au silence en classe, s'explique par l'incapacité
d'exprimer toutes les pulsions d'une vie intérieure féconde au moyen d'un outil

184
étranger. Le défaut de la maîtrise du médium linguistique est à la base de ce
mutisme.
A la discontinuité linguistique, que nous évoquions au début de ce chapitre,
s'ajoute celle psychologique. A l'école, la liberté physique est strictement
réglementée.
Les habitudes équilibrantes du milieu familial, les statuts particuliers acquis
au cours d'activités ludiques, tout cela perd de son importance à l'école. Tout
apprentissage antérieur est proscrit, sinon dévalorisé par les normes que véhicule
l'institution scolaire.
Or, la langue, c'est connu, est une manière d'envisager le monde, de se situer
vis à vis de lui. Elle prépare l'enfant à certaines constructions qu'il privilégie à
d'autres. Avec son arrivée à l'école, une nouvelle façon de percevoir le monde, va se
superposer à un édifice déjà existant.
L'utilisation de la langue maternelle permet sur le plan psychologique, à
l'enfant d'intérioriser sans désarroi, les apprentissages scolaires et de verbaliser,
sans grande difficulté, ses premières observations et investigations sensorielles. Du
même coup, on évite cette rupture brutale entre le milieu social et familial de
l'enfant et le milieu scolaire, cette «discontinuité fondamentale»
décriée par les
pédagogues et qui a des conséquences graves à la fois sur l'expression et sur la
pensée.
Mais, c'est quand on envisage la relation d'échange entre le maître et l'élève
que l'on saisit pour ce dernier les difficultés qu'il rencontre, parce que confronté à
une situation de bipolarité qui, sur le plan psychologique, est vivement et
douloureusement ressentie.

1
1
185
En exprimant un ensemble de valeurs, de croyances, d'attitudes, selon les
1
modes d'expression et de raisonnement de sa langue maternelle, l'enfant
1
sénégalais court le risque certain de mal utiliser la langue seconde, donc de
s'écarter sûrement de l'objet pour lequel il est interpelé.
1
En s'appliquant à l'emploi correct de la langue seconde, l'enfant risque d'être
1
totalement mobilisé par le désir de se conformer aux cadres de celle-ci et ainsi de ne
1
plus exprimer sa pensée authentique. La cùmmunication se bloque.
Dans les deux cas, la tentative de communication est vouée à l'échec.
1
Ce passage difficile, l'enfant doit pouvoir le franchir en étant confronté dans
1
l'usage de sa langue maternelle qui met à sa disposition les outils verbaux capables
d'exprimer en toute authenticité son besoin fondamental de connaissance et de
1
créativité. C'est ce que dit fort justement J. Poth : «il faut considérer que les
1
pouvoirs d'intériorisation, ceux qui s'identifient avec la pensée et la conscience
réfléchie, s'exercent au premier stade du développement de l'enfant, à travers sa
1
langue maternelle du fait précisément qu'elle constitue la seule possibilité de
verbalisation active»71 .
1
1
L'utilisation d'une langue étrangère fait porter l'effort d'abord sur la maîtrise
du véhicule d'enseignement, ensuite sur la maîtrise du contenu. C'est à cette
1
double difficulté qu'élèves et enseignants sont quotidiennement confrontés. Cela fait
souvent dire aux enseignants que les élèves sont incapables de comprendre ce qu'on
1
leur enseigne.
1
Avec l'emploi d'une langue déjà pratiquée par l'enfant, on fait l'économie de
1
l'apprentissage du médium pour faire porter le gros des efforts sur les contenus.
1
71 Poth (J): Publication - CLAD 1975 - n °66
1
1

186
L'apprentissage de la lecture en milieu scolaire sénégalais est une
illustration de l'impact de la langue maternelle sur une meilleure acquisition des
connaissances.
La lecture, nous ne cesserons de le répéter, est fondamentale, car elle
constitue un préalable à l'acquisition des autres contenus scolaires. Son
apprentissage présente de la part de l'élève, beaucoup de difficultés et mobilise un
effort énorme.
Pour J. Poth, cet apprentissage passe par «trois paliers»
distincts qUI
présentent autant d'objectifs à atteindre.
la reconnaissance matérielle, ainsi que la discrimination des signes et
des assemblages graphiques,
la lecture naturelle de textes élaborés à partir de vocabulaire connu,
la compréhension du sens associé au déchiffrage du texte.
Si l'élève accède à la lecture par le biais d'une langue étrangère, il devra
surmonter d'emblée trois grosses difficultés qui correspondent à ces paliers, cités
plus haut:
difficulté psychologique due au médium lui-même. La communication
écrite est impersonnelle, distarite, différée dans le temps, alors que la
communication orale implique un interlocuteur physiquement présent,
qui renforce le sens du message par son comportement général,
difficulté due au décodage des graphies,
difficulté due à l'incompréhension du sens des mots qu'il doit
déchiffrer. Ces mots n'ont aucune signification pour lui.

187
TI est évident qu'on éliminera pas totalement, ni la première, m la
deuxième difficulté, si on remplace la langue seconde par la langue maternelle.
Mais on peut réduire très sensiblement la troisième difficulté, celle qui
constitue un obstacle majeur lorsque l'acquisition des connaissances liées à la
lecture se fait par le truchement de la langue maternelle ou visuelle de l'enfant. TI
est en effet entendu que le déchiffrage ne peut s'exercer valablement que sur les
mots ou les phrases dont le sens est connu de l'enfant.
A ce propos, voilà la démarche technique que nous proposons pour
l'enseignement de la lecture à l'école primaire sénégalaise par le truchement de la
langue maternelle de l'enfant (le wolof).

188
WOLOF· FRANCAIS

189
C'est une stratégie adoptée dans le cadre d'un enseignement bilingue. Elle
consiste à se servir d'une part de la langue maternelle de l'enfant comme langue
d'étude (objet) de la langue elle-même, et d'autre part, comme langue
d'enseignement (moyen) des autres disciplines (langage - lecture - écriture - calcul -
Ed. sensorielle).
Mais, avec une introduction progressive de la langue étrangère (le
français) appelée à devenir la langue d'enseignement pour toutes les disciplines:
1ère année:
l'enfant a six ans. Tous les enseignements se font en langue
maternelle. Mais la priorité, c'est d'asseoir les mécanismes de la
lecture et du calcul dans la langue maternelle de l'enfant.
2ème année: même démarche qu'en 1ère année.
3ème année: même démarche qu'en 1ère et 2ème année.
Avec des séances du français oral 7h/28h.
4ème année: la langue maternelle Wolof, continue à être enseignée aussi bien à
l'oral qu'à l'écrit et sert de support pour l'enseignement du calcul et
de l'étude du milieu.
Et une inovation en français: c'est l'introduction de la lecture en
français, basée sur une progression tenant compte des
ressemblances et des différences : en gros des interférences.
Par ailleurs, le français oral sera un français fonctionnel qui non
seulement permet l'acquisition d'un bagage linguistique courant,
mais aussi et surtout il s'agira d'une langue fonctionnelle en
prévision de l'enseignement du calcul en français en 5ème année:
(maîtrise de la terminologie spécifique au calcul).
Comme on a pu le voir, la 4ème année se caractérisera pas un rôle
presque identique au niveau des 2 langues (Wolof - Français). C'est
un équilibre du volume horaire entre les deux langues.

190
5ème et
6ème année: les rôles changent: la langue maternelle devient une discipline et le
français devient objet et moyen d'apprentissage.
Une telle démarche dans l'apprentissage de la lecture est
fondamentale et se justifie dans la mesure où l'enseignement, dans
le système éducatif sénégalais est toujours véhiculé par le français.
B . L'APPROCHE PEDAGOGIQUE
L'Ecole Primaire sénégalaise, comme tous les systèmes éducatifs n'est
pas elle aussi, en matière de lecture, épargnée du «syndrome de la Méthode».
Avant les Indépendances, elle a pratiqué toutes les méthodes: depuis la méthode
syllabique jusqu'à la «globale»
en passant par la «mixte».
Juste après l'indépendance (1963), il fut créé par décret, une méthode
«pour parler français»
couramment appelée «méthode CLAD (Centre -
1
Linguistique - Appliqué de Dakar»>.
1
La méthode «pour parler français»
a fait couler beaucoup d'encre.
1
Nous n'évoquerons pas dans le détail la méthode, nous nous limiterons à brosser
1
son contenu et à relever ses insuffisances.
1
a) Le contenu de la méthode
1
CeLLe liu;UWJe :) l11::>lJHe ùe W 111eLHuùuwgie eL Ge:) Lecnnlques en vIgueur
1
dans l'enseignement des langues étrangères. Il s'agit en étudiant les diverses
langues en présence de dégager les difficultés spécifiques d'apprentissage du
1
français par les jeunes sénégalais afin de définir les progressions phonétiques,
1
1

191
lexicales, syntaxiques. Cela revient à enseigner le français selon un type contrastif,
c'est-à-dire en tenant compte de la situation sociolinguistique.
La méthode utilise des techniques audio-visuelles, privilégie l'apprentissage oral et
établit des fiches pédagogiques.
L'importance accordée à l'oral, découle du fait que le français étant une
langue étrangère, pour sa maîtrise, l'expression orale doit être encouragée. Par la
répétition, on espère arriver à la mémorisation et à l'intériorisaiton effective des
processus linguistiques grammaticaux et lexicaux, ceci à partir d'une situation de
langage.
Des fiches pédagogiques détaillées sont mises à la disposition des maîtres.
Elles constituent de véritables «bréviaires»
qui indiquent le cheminement et la
progression des leçons.
b) Critiques ~énérales de la méthode
Les critiques dont la méthode est l'objet de la part des enseignants, des
inspecteurs et des parents d'élèves ne sauraient être mises au compte d'une simple
résistance au changement, ni d'un quelconque «bouleversement d'idées
solidement implantées»
; elles traduisent parfois des positions tout à fait justifiées.
Le carcan méthodologique : la contrainte que constitue la méthüdologiE: est
rejetée par les enseignants, conscients du rôle de formateur, qu'ils ont à jouer. Cette
position est légitime puisqu'un bon praticien doit avoir la possibilité, en fonction du
niveau de sa classe, de personnaliser son enseignement.
Les faiblesses de l'écrit: la constatation a été faite et les productions
écrites des élèves le prouvent éloquemment que l'écrit présente des faiblesses

192
notoires. TI y a un déséquilibre entre l'oral et l'écrit d'une part et d'autre part le
passage à l'écrit est insuffisamment préparé (exercices peu nombreux, textes de
lecture peu variés et en nombre insuffisant).
Enfin, il Y a que les exercices structuraux proposés aux enfants font plus
appel à la mémorisation qu'à l'imagination et à la créativité.
Le psittacisme: on a repproché à la méthode de favoriser le psittacisme.
Reconnaissons que ce reproche est fondé à certains égards :
- d'une part les exerCIces de fixation pour les trois premières années (cours
d'initiation, cours préparatoire et cours élémentaire 1ère année) sont exclusivement
des exercices de répétition et ne font donc pas appel à l'intelligence de l'élève;
- d'autre part, les textes de lecture fabriqués pour les deux premières années, sont
trop proches des dialogues présentés, exploités, puis fixés au cours de la leçon de
langage et privilégient donc la mémoire.
La libération de l'expression orale dont on a parlé à propos de cette
méthode est une illusion. La réalité est que l'enfant, enfermé dans un cadre factice
et restreint et auquel il se sent étranger, répète fidèlement les dialogues qu'il a
appris par coeur et n'arrive pas à une expression personnelle et originale à partir
du modèle qui lui est proposé.
Pour Arame Diop Fall, <des techniques utilisées et qui visent à
l'acquisition de réflexes et d'automatismes linguistiques par la répétition et la
réutilisation peuvent jouer valablement leur rôle lorsqu'elles sont conçues comme
un enrichissement et une consolidation de l'expression libre et spontanée de

1
1
193
l'enfant». Et aussitôt, elle ajoute : «mais lorsqu'elles fonctionnent à vide,
1
autrement dit lorsque le support que devrait constituer l'expression originale de
1
l'enfant est inexistant. C'est le cas de l'enfant sénégalais dont il est fait table rase de
l'expérience antérieure acquise au sein du milieu, elles peuvent freiner le
1
développement de l'enfant par le blocage inévitable qu'elles entraînent72 .
1
Voilà les raisons pour lesquelles, le reproche fait à la «méthode CLAD
est bien établi.
1
1
Ceci obligea le législateur sénégalais, de revemr à l'issu des Etats
Généraux de l'Education et de la Formation en février 1981, sur les méthodes dites
1
«anciennes»
(les méthodes syllabique, globale, mixte),
1
c) La méthode ~lobale
1
Sans entrer dans la querelle des méthodes, nous pensons qu'un
1
pédagogue doit s'imprégner de l'idée que toute méthode façonne le psychisme d'un
enfant.
1
1
Les méthodes syllabiques fonctionnent sur un pari: l'enfant doit seul
effectuer le rétablissement du sens entre l'enchaînement des syllabes qui forment la
1
phrase.
1
On a perdu de vue la fonction symbolique du langage. Le sens est «dans
1
le mot, dans la phrase». Si on les casse, si on travaille sur des fragments (to, te, ti,
ta, nini, dodo; popo), on apprend autre chose que lire, on apprend à déchiffrer.
1
Finalement la capacité de lecture de l'enfant a été trop souvent jugée à sa capacité
1
72 Diop Arame FaU - CLAn juin 1977 - Langues nationales au Sénégal: réalités et perspectives.
1
1

194
d'accélérer la vitesse de déchiffrage en lecture orale. La faiblesse de la lecture
expressive chez de nombreux enfants prouve bien que l'effort porte sur la
reconnaissance du son lié à une forme, plutôt que sur un sens lié à une forme.
Ecoutez et regardez un enfant lire la phrase: «j'ai reçu un joli cadeau»
et vous saurez s'il déchiffre (lecture ânonnée et hachée) ou s'il lit (lecture
expressive). «Jo»
n'a pas de sens, «li»
non plus, «joli»
en a un ! Pour revenir
sur le façonnage du psychisme de l'enfant par une méthode, il faut admettre aussi
que c'est toute l'image et la fonction de la lecture qui sont en jeu dès l'apprentissage.
La lecture ne peut pas être synonyme de pratique scolaire...
Sinon elle disparaîtra dès la sortie de l'école. Quand elle est amenée à
l'enfant essentiellement sous la forme d'une gymnastique de déchiffrage, quand
elle a laissé pour seuls souvenirs les épuisantes séances de déchiffrage ...
La lecture disparaît avec l'école. L'adulte ne lit pas, ne lit plus. La lecture est
devenue aussi le mode de communication le plus rébarbatif!
Avec Claparède, la notion de syncrétisme prend un sens pédagogique:
«Ce fait de la «vision de l'ensemble», de la perception de la physionomie générale
des choses est si marqué chez les enfants qu'il mérite un non spécial. J'ai proposé
de lui appliquer celui de syncrétisme»
sous lequel Renan désigne cette «première
vue, générale compréhensive mais obscure, inexacte»
où «tout est entassé sans
distinction»
qui est celle de l'homme primitif.
«Notons en passant que cette perception syncrétique et confuse du tout n'a rien de
commun avec la perception du «complexe».
« ... Nous avons dit que l'esprit procède du simple au complexe; le fait que l'enfant
perçoit le tout avant de percevoir les parties ne détruit pas cette affirmation. Pour

1
1
195
lui, en effet, le tout n'étant pas un assemblage de parties mais au contraire un bloc,
1
une unité; aller du simple au complexe, c'est remonter du tout à la partie.
1
«Cette remarque est importante au point de vue éducatif; «ce qui est simple pour
nous n'est pas ipso facto simple pour l'enfant»
; prenons garde de juger la
1
perception de l'enfant à notre propre mesure d'adulte et de ne pas le faire aller du
complexe au simple en traitant les matières dans un ordre qui «pour nous»
(qui
1
avons effectué ce travail d'analyse) procède du simple au complexe.
1
«C'est ce contresens que l'on connaît dans l'enseignement de la lecture ;
1
assurément, pour une personne qui a saisi le mécanisme du langage écrit, la lettre
est plus simple que la syllabe, la syllabe plus simple que le mot. Mais ce n'est pas du
1
tout le cas pour l'enfant qui voit pour la première fois un texte écrit. Pour celui-ci, le
mot ou même la phrase forment un dessin dont la physionomie générale le captive
1
bien davantage que le dessin de lettres isolées, qu'il ne distingue pas dans
1
l'ensemble; aussi y a-t-il souvent davantage à apprendre à lire aux enfants en
commençant par les mots au lieu de commencer par les lettres isolées» 73 .
1
Claparède exploitait l'apport d'Ernest Renan que l'on trouve dans l'avenir
1
de science.
1
En effet, selon Renan, trois actes composent la connaissance humaine,
1
quand elle s'applique à un objet:
1
«la - Vue générale et confuse du tout;
1
20 -
Vue distincte et analytique des parties ;
30 -
Recomposition synthétique du tout avec la connaissance que l'on a des
1
parties, de même l'esprit humain, dans la marche, traverse trois états qu'on
1
73 Edouard Claparède in MetJwdes en lecture de Lionel Bellenger - P. U.F. n° 1787.
1
1

196
peut désigner sous les trois noms de syncrétisme, d'ànalyse, de synthèse et
qui correspondent à ces trois phrase de la connaissance».
La perception syncrétique perçait donc en psychologie.
«Le sujet s'impose à notre esprit avant que nous commencions à examiner le
détail». Decroly en déduira la fonction de globalisation qui allait bouleverser les
habitudes d'apprentissage.
Piaget en 1923, dans le langage et la pensée chez l'enfant, adhère à ce
nouveau courant d'idée:
«La perception syncrétique exclut donc l'analyse mais diffère d'autre part de nos
schémas d'ensemble en ce qu'elle est plus riche et plus confuse qu'eux. C'est grâce
à l'existence de ce phénomène du syncrétisme de la perception que Decroly a réussi
à apprendre à lire aux enfants par la méthode «globale», c'est-à-dire en leur
apprenant à reconnaître les mots avant les lettres, en procédant donc selon la voie
naturelle, du syncrétisme à l'analyse et à la synthèse combinées et non de l'analyse
à la synthèse».
Pour notre part, les étapes d'un apprentissage de la lecture doivent
nécessairement s'opérer à partir d'un véritable enseignement inductif concernant
la méthode globale pure. Cinq «moments»
jalonnent l'apprentissage.
a) On doit partir du «vécu»
de l'enfant, l'amener à s'exprimer par la mime, le
dessin, le modelage.
C'est le début de l'apprentissage des conduites symboliques. L'idée est
présente dans une forme. Progressivement, on amène l'enfant à l'expression
verbale. TI faut mettre en place, alors une motivation : l'écrit est moyen de

197
communication à distance. Donc le désir de communIquer (écrire à son petit
camarade, recevoir une lettre) induit le désir de lire.
L'écriture à ce stade est présentée comme l'expression de «dessins»
signifiants. On présente donc quelques phrases à l'enfant. C'est le temps de la
préparation aux acquisitions globales.
b) Les premières lectures se font dès l'origip.e sur des phrases.
Comment est-ce possible? Il s'agit d'une lecture expressive qui s'appuie sur
la mémoire auditive et visuelle de la phrase écrite. Ce n'est pas tout à fait la lecture:
en effet, cette lecture n'est que la prononciation d'une phrase déjà connue (souvent
issue du discours de l'enfant). L'enfant apprend aussi plusieurs phrases. On mène
de front la prononciation et la reconnaissance de la forme (orthographe correcte).
L'essentiel, c'est que la lecture ait un sens puisqu'elle «fonctionne»
sur des idées.
C'est le temps des acquisitions globales, des premiers mots de la classe
préparatoire. On y retrouve le souffie des théories sur le syncrétisme et le respect
des principes de Decroly.
c) Un «capital»
phrases existe dans la classe.
Le maître est libre de l'orienter, de le diriger tout en partant du «vécu»
de
l'enfant. Il s'agit d'exploiter ce capital phrases. C'est l'entrée dans une phase
délicate : celle des exercices de substitution des mots dans des phrases, des jeux
questions-réponses, des déchiffrages de mots «noyés»
parmi d'autres. On vérifie
que l'enfant repère les similitudes de forme ou de structure. C'est le temps des
premières initiations grammaticales.

198
A ce stade, l'enfant doit être capable de lire des phrases connues (sens, sons,
formes sont assimilés).
d) L'étape suivante travaille l'enrichissement du capital «phrases et mots».
C'est le moment de l'analyse et du déchiffrage des mots nouveaux.
On procède par rapprochements et comparaisons. Il faut classer les formes
et les sons. On travaille sur les «segments»
de mots.
C'est le temps de la perception du détail. Pour «faire lire> râteau, on
rapproche râteau de gâteau et rabot. On a le «teau»
de gâteau et le «ra»
de
rabot. Si gâteau et rabot sont connus, on «peut»
lire râteau. Cette gymnastique
exige déjà une capacité de structuration: l'enfant doit comprendre les efforts de
juxtaposition, d'analogie, de substitution. Il faut raisonner pour retrouver les
éléments d'un mot. On est en pleine technique de déchiffrage. Cette étape est
aujourd'hui contestée par les partisans d'un apprentissage purement visuel de la
lecture (le déchiffrage n'a rien à voir avec la lecture, c'est un autre apprentissage).
Au sortir de cette étape, l'enfant possède donc une technique de
déchiffrage... qui ne lui servira que le temps de l'apprentissage des mots nouveaux.
e) Cette dernière étape exploite les produits de l'analyse.
Au-delà des segments de mots (les syllables), il y a les lettres. En descendant
au niveau de la lettre, on travaille la précision des formes, c'est-à-dire l'orthographe
et la grammaire en tant que règles exceptions...

199
Finalement, ce processus d'apprentissage dit «purement global»
est
surtout «purement inductif»
dans le sens, où il part de la phase pour aboutir aux
lettres.
TI est le chemin inverse des méthodes syllabiques qui partent de la lettre et
finissent à la phrase. Mais dans le fond, y a-t-il remise en cause du principe même
de l'apprentissage? Non, puisque le déchiffrage reste la voie de l'apprentissage.
On y fait appel plus ou moins tôt ... L'apport de cette façon d'aborder la
lecture tient essentiellement à l'intention de lier le sens à la forme dès l'origine... et
de perdre en chemin, cette intention pour (très vite, parfois) emmener l'enfant sur
le long chemin du déchiffrage ... où le sens perd la face au profit du seul objectif
d'oralisation des mots qui deviennent le support de sons... et rien d'autre!
C • L'APPROCHE psxCHOWGIQUE
a) L'enfant. être de sens
Lorsqu'on travaille en milieu scolaire, en qualité de psychologue, on
observe quotidiennement que
certains enfants éprouvent des
difficultés
d'apprentissage, de la lecture et que ce fait n'est pas seulement le résultat, des
attitudes alarmistes du milieu éducatif qui les stigmatise.
L'étude du problème montre généralement qu'il y a rencontre entre la
problématique individuelle de l'enfant (et dans sa famille), la problématique, tout
autant individuelle, de l'enseignant ou de l'éducateur appelé à y faire face, et la
problématique de l'institution mise en échec dans sa mission pédagogique et qui doit

200
s'attribuer soit des fonctions réédicatives et psychopédagogiques, soit une fonction
thérapeutique en s'adjoignant ou non les services d'autres institutions.
C'est, bien entendu, dans la plupart des cas, au moment du cours
préparatoire, que se déclenchent les alarmes face à certains enfants qui ne
répondent pas aux attentes de leur enseignant par rapport à un apprentissage que
l'on nomme <<lecture»
mais qui n'est pas nécessairement de la lecture. Car, de
quoi s'agit-il?
Encore aujourd'hui, au niveau des cours préparatoires, très souvent,
apprendre à lire, c'est apprendre à déchiffrer. A l'issue de la maternelle, on met
systématiquement fin à l'activité, somme toute naturelle et spontanée, d'un enfant,
qui consistait à décoder l'univers qui l'entoure, activité qui commence déjà à l'état
foetal, pour l'introduire dans un type d'exercices particulier: associer des éléments
perceptifs formels pour produire des groupements appelés improprement sons ou
syllabes et associer ensuite ces groupements pour en faire des mots.
A aucun moment, ces exercices n'ont valeur de messages porteurs
d'information,
étant simples exercices (pas
si simple
que cela 1. .. ) de
correspondance entre productions sonores et signes écrits, avec application de
«règles d'association»
(P et a. ça fait Pa, d et u, ça fait du, et même 0 et i, ça fait
oi... ).
Ces acquisitions une fois assurées, de nombreux enseignants disent que
l'enfant a «le mécanisme de la lecture», qu'il sait «déchiffrer», et ils
considèrent cela comme une étape préalable, nécessaire pour pouvoir aborder la
lecture compréhensive. TIs disent parfois de leur élève:
- «
TI sait lire mais ne comprend pas encore ce qu'il lit...»

201
Ce qui traduit bien une croyance, assez cuneuse, que l'accès au sens
serait une étape ultérieure dans l'apprentissage de la lecture.
Or, le psychologue sait que l'enfant, quel que soit son déficit présumé, est
essentiellement un «être de sens». Et il sait aussi que les difficultés à lire
naissent généralement chez les plus sensibles, chez ceux, par exemple, qui
conservent de leur sensibilité originelle la connaissance des agressions dont sont,
ou ont été, l'objet, ou chez eux pour lesquels la réussite mettrait en péril l'économie
du système relationnel réglant leur rapport à la mère ou au père etc...
Au travers de cet apprentissage dit «de la lecture», mais qui n'est pas
LA LECTURE, la plupart des écoliers vont quand même s'en sortir. S'ils sont assez
bien adaptés dans leur corps et leur psychisme, ils donneront ce que l'on attend
d'eux, parviendront aux «déchiffrage». Certains, même, deviendront lecteurs.
Ils seront l'illustration de la boutade, déjà ancienne d'un certain auteur qui
remarquait qu'un
enfant apprend à lire, non pas grâce à une méthode, mais
malgré une méthode...
b) Quand il y a un problème dans l'univers socio-affectif de l'enfant
Il faut remarquer que l'enfant n'est pas dupe, face à cet enseignement
d'un mécanisme combinatoire qui pourrait l'éloigner de la vraie lecture, celle qui
est PRISE DE SENS et mise en contact avec l'univers affectif des significations.
Il sait qu'il va à la grande école pour apprendre à lire, que parents et
enseignants attendent cela de lui. Avec le décodage des messages écrits, il aborde
un second degré de la communication avec son monde, un second degré qui
coïncide avec une prise de distance d'avec la mère, avec une accession à
l'autonomie, avec un investissement de l'ordre social et symbolique de la loi écrite.

202
S'il y a une problématique au niveau de son UnIvers socio-affectif, les
problèmes vont apparaître (ou réapparaître), à l'occasion de ce nouveau décodage, à
travers ce que symbolisent les éléments lexiques découverts, tels par exemple :
«maman, papa», le propre prénom de l'enfant, le prénom du petit frère non
accepté, etc...
Ainsi, certains enfants vont se trouver en difficulté d'apprentissage au
C.P. parce que l'univers signifiant auquel la lecture leur demande d'accéder leur
est problématique, ou franchement hostile, dangereux dans l'ordre du sYmbolique,
ou tout simplement étranger à leur propre milieu socio-culturel (d'où l'échec global
des populations d'enfants de cultures ou de·modes de vie différents des autres... ).
c) Les réponses aux difficultés de lecture : un hiatus dans la réponse pédagogiQ.ue
Voulant simplifier la tâche de l'enfant en difficulté, le maître reprend
pour lui ce qu'il croit être les «bases»
de la lecture. Il lui présente des formes
graphiques de plus en plus morcelées, de plus en plus abstraites et insignifiantes.
L'obsession du «déchiffrage avant tout»
recommence. Et l'élève se trouble
davantage, oublie le peu qu'il savait. Le maître a alors l'impression que plus il
diminue ses exigences, plus l'enfant diminue son efficience. Que se passe-t-il ? ..
Ici commence le hiatus dans les réponses aux difficultés de lecture.
La lecture, comme tout acte perceptif, ne nécessite pas l'analyse des
différentes composantes de l'objet à identifier. Un monde perçu dans l'infinité de
ses lignes n'aurait plus aucun sens pour nous.
L'analyse est un obstacle à l'identification. L'objet est reconstruit à partir
de quelques unes de ses qualités. Et ceci est vrai pour toute perception: visuelle,
auditive, tactile...

203
Curieusement, ce fait n'est pas contesté quand il s'agit de la perception
auditive : on n'exige pas d'un enfant l'étude des éléments phoniques pour lui
reconnaître la capacité de comprendre un message oral et de parler. La
compréhension du message précède l'analyse de ses formes.
Pourquoi en serait-il autrement quand le message est écrit et qu'il y a simplement
substitution d'un récepteur sensoriel à un autre?
En pensant simplifier la tâche de son élève, le maître l'éloigne du sens du
texte, c'est-à-dire de l'acte perceptif qui ne peut donner une signification à un objet
qu'en sélectionnant un minimum d'indices agissant comme signaux. Par ailleurs,
en réclamant de l'enfant la reconnaissance de formes visuelles élémentaires, à un
âge où la structuration fine de l'espace n'est pas achevée, on lui impose une tâche
beaucoup plus difficile que la lecture elle-même.
Mais, voilà : le message écrit est étalé sous nos yeux ; la tentation est
grande, en vertu de nos habitudes intellectuelles, d'en analyser ses divers
composants. L'attirance des théories associationnistes est telle que nous nous
obstinons à penser que le message n'est que la résultante de l'addition de ses
parties. Nos habitudes de penser ainsi vont jusqu'à opérer une distorsion de nos
souvenirs d'enfance, nous donnant l'illusion, de croire que nous avons appris à lire
par reconnaissance et association des lettres de l'alphabet: on nous a enseigné
comme cela, nous n'avons pas appris comme cela...
Et au lieu de mettre l'enfant en contact, par la médiation de l'écrit avec le
monde des significations, explorant avec lui ce monde lorsqu'il pose problème, nous
lui proposons la tâche, indubitablement plus difficile, de saisir des formes abstraites
et de les associer selon des règles qui, quelquefois, défient toute logique (telle que: a
et i, çà fait è.. J.

204
Dans l'acte de compréhension intelligente que représente la lecture,
l'émotion est autre chose de plus qu'un facteur tantôt parasitaire, tantôt
facilitateur: elle est texture même de l'intelligence.
Comme l'a mis en évidence Wallon, le premier rapport du bébé au monde
se fonde sur l'émotion. L'émotion est matière première dans le fonctionnement
psychologique des individus et l'intelligence s'en nourrit.
Examinons la théorie Wallonnienne de l'émotion : pour Wallon,
<<l'émotion fait le trait d'union entre le mouvement qui lui pré-existe et la
conscience, qu'elle inaugure... ».
D'où le schéma suivant:
Automatisme (niveau modulaire - action)
Emotion (le mouvement de l'émotion interrompt le déroulement des automatismes)
- - - Représentation (elle se réalise quand il y a interruption
motrice, au moment de non automatisme.
C'est un travail psychique.

205
D'après Wallon, <<la représentati~n nécessite un travail cortiqua1. Chez
l'enfant, l'émotion en bloquant les automatismes autorise le travail de la
représentation (le cognitif).
La théorie de l'émotion chez Wallon est une condition, c'est-à-dire qu'elle est
nécessaire pour expliquer la connaissance dans le domaine de l'enfant
(contrairement chez l'adulte où elle est bloquante: c'est-à-dire qu'elle n'autorise pas
le travail de la représentation).
C'est pourquoi, supprimer l'émotion, c'est suppnmer du même coup, tout
apprentissage et tout développement cognitif. Ce qui ne vibre pas d'abord au niveau
des «tripes»
ne s'allume pas ensuite au niveau du cortex...
De l'enfant à l'adulte, les conduites dites «intelligentes»
portent la marque de
leur profonde parenté avec les émotions qui les créent.
Qu'en est-il au niveau de la lecture?
Chez l'enfant qui apprend à lire, l'émotion se canalise, s'inhibe ou se
diffracte, en quelque sorte se domestique pour donner naissance à la signification de
ce qu'il lit et qu'il retrouve en lui. Chez l'enfant en difficulté de lecture, l'émotion se
détache du matériel signifiant (qui n'a plus d'autre sens pour lui que son échec et
sa culpabilité... ) et se libère en actions immédiates parasitaires. Elle se libère
comme un moteur qui débraye et s'emballe!
Nous avons bien affaire à une émotion sans objet, fixée sur des formes sans
signification.
C'est ainsi que les difficultés s'installent durablement, parce qu'un hiatus
s'interpose entre la demande d'un enfant en conflit avec son univers affectif et la
réponse du pédagogue.

206
d) Un hiatus dans la réponse psychopédago~CJ.ue
Ce hiatus risque bien d'être renforcé par l'intervention de la psychopédagogie.
Cette dernière va procéder à l'analyse fine des concomittents instrumentaux, au
niveau du langage, de l'organisation du temps et de l'espace, de la latéralisation, de
la motricité, des stades opératoires, etc.
Elle sera tentée d'établir des liaisons entre ces différents aspects du
développement et l'«aptitude»
à apprendre à lire et elle parlera de pré-requis, de
pré-acquis,
d'équipements
divers
perçus
comme
indispensables
à
cet
apprentissage. Il paraîtra bien commode quelquefois d'établir entre l'un et l'autre
des biens de causalité linéaire et de se risquer à des pronostics, bien commode
d'évoquer des «dysfonctionnement», des difficultés spécifiques qui présentent
l'avantage de donner une explication de l'ordre du mécanique, parfois du
neurologique, voire de la transmission génétique.
e) Le contexte socio-affectif n'est pas une cause: il est un sens.
Peut-on maintenant donner une explication aux alarmes et à la perplexité du
monde éducatif face à la lecture? Lorsque l'on examine de près les enfants qui ont
du mal à apprendre à lire, on s'aperçoit souvent, se penchant sur leur histoire,
qu'une difficulté à vivre affecte le cours de leur développement affectif, perturbe les
identifications parentales nécessaires ou, souvent, l'identification culturelle.
On est surpris par la fréquence d'un problème d'identité : enfant dont le nom n'est
pas celui de son père, ou dont le père n'est pas celui de son nom, enfant placé chez
un tiers ou en institution éducative, qui n~a jamais connu le sourire d'une maman
et à qui on demande, plus tard, de lire «maman»etc...

207
Ce sont là les observations quotidiennes de la psychologie scolaire confrontée
aux enfants qui n'apprennent pas à lire. Les premiers messages à lire sont
nécessairement les mots, caractéristiques de la culture ambiante ou de la classe
sociale de référence (comme nous l'avions précisé dans l'approche linguistique... ),
et ensuite les mots désignant le plus proche univers: le nom, le prénom, papa,
maman, le frère, la soeur.
Entre un contexte socio-affectif et des compétences à décoder l'écrit, il ne
convient pas, cependant, d'établir des liens de causalité. Nous sommes dans le
domaine psychologique, où les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets.
Pas seulement parce qu'il est impossible d'isoler une cause ou d'isoler un effet,
mais surtout parce que l'objet d'étude n'est précisément pas un objet, qu'il est en
continuel devenir, que le simple regard qu'on lui porte est susceptible de le modifier,
d'une
manière
imprévisible,
que
l'observateur,
lui-même,
se
trouve
personnellement impliqué, modifié par son «objet d'étude» ... L'accès au monde
de l'écrit est indéterminé, comme est indéterminée la qualité des rencontres de
l'enfant avec les adultes qui se proposent de l'aider. Et l'histoire de ses progrès, c'est
l'histoire de ses rencontres.
Le contexte socio-affectif n'agit donc pas comme une cause, mais comme un
sens: il signifie quelque chose pour l'enfant sujet et charge symboliquement les
mots écrits de teintes émotives qui lui sont particulières. C'est pourquoi, pour
l'aider, il faut pénétrer avec lui dans ce domaine des significations affectives, non
pas pour y déceler les éléments d'un diagnostic, mais pour lui permettre de renouer
un dialogue avec ce qu'il perçoit jusqu'alors comme étranger ou interdit, voire
dangeureux.
Quand l'enfant sera réconcilié avec son univers, il s'autorisera alors à LE
LIRE. Par une espèce d'aberration pédagogique (mais cette aberration doit avoir

208
elle-même un sens ... ), l'école a considéré la lecture comme un enseignement
particulier prenant sa place parmi les disciplines, la <<leçon»
de lecture se
glissant entre la leçon de calcul et celle de géographie...
Mais la lecture n'est pas un enseignement, même si, manifestement, elle est
un apprentissage. Elle est bien autre chose, qui déborde du cadre de l'école. Elle
prend place dans l'acte perceptif qui consiste à saisir le réel, en lui donnant un
sens, grâce à la sélection d'un nombre limité de signaux. La sélectivité de la
perception est absolument nécessaire, car, répétons-le un réel perçu dans l'infinité
de ses éléments n'aurait aucun sens pour nous. La lecture est un décodage d'un
réel, d'un réel subtil car étant lui-même représentation symbolique, décodage aussi
naturel et aussi artificiel (usage de conventions) que ne l'est le décodage d'un
message oral.
La <<leçon»
de lecture est plutôt un obstacle à la lecture comme le serait à la
compréhension d'un discours l'étude des sons émis ...
Certains pédagogues avisés saisissent la difficulté lorsqu'ils constatent qu'on
apprend pas à lire à un enfant, que c'est l'enfant qui apprend, qui apprend à lire:
ou encore lorsqu'ils avançent l'évidence souvent oubliée qu'on apprend à lire EN
LISANT...

209
Conclusion
Quoique l'on dise, l'enseignement du français en général et celui de la lecture
en particulier ne peut s'opérer véritabl~ment sans soulever de problèmes de
compréhension, si les jeunes élèves, à qui, il s'adresse, ne sont pas d'abord instruits
dans leur langue maternelle.
En effet, de quelle utilité peuvent être les mots français répétés par un jeune
sénégalais quand il ne peut comprendre ce que ces mots signifient dans sa propre
langue? Alors il est découragé et souvent le premier mois d'étude n'a servi qu'à le
dégoûter de l'instruction pour toujours.
Il importe à partir de cet instant, de définir, en fonction des besoins
spécifiques de l'école sénégalaise, un nouveau système éducatif, profondément
enraciné dans le patrimoine culturel des enfants auxquels il est destiné et ouvert, à
l'apport de la linguistique, de la psychologie et de la pédagogie.
L'utilisation des langues sénégalaises dans les activités de l'école, ne suppose
nullement l'abandon du français. Quand les autorités nationales auront fait le
choix du bilinguisme ou du plurilinguiste scolaire, il deviendra possible d'assurer
au français une place plus équilibrée et en définitive plus stable dans les
programmes.
Le problème du Sénégal n'est pas d'éviter le bilinguisme dont l'un des termes
est une condition d'ouverture vers d'autres horizons. Le problème pour lui, est que
ses propres langues, du fait qu'elles sont celles de l'usage courant et populaire, et
que, pour cette raison, elles participent au développement, soient reconnues comme
telles au niveau même de l'organisation de ce développement.

210
Les langues sénégalaises sont passées du stade oral à l'écrit. Il s'agit, pour
l'enfant sénégalais d'entrer dans une nouvelle technique de communication. Même
si l'on choisit de privilégier la langue parlée sur la langue écrite, il n'en reste pas
moins que l'enfant s'installe dans une relation avec le monde de référence qui est
médiatisé par l'image et le texte écrit;
Quant à sa relation avec l'émetteur des messages écrits, celle-ci apparaît
souvent marquée par l'anonymat, en ce" sens que la source des messages est
inconnue et physiquement absente. Ces conditions sont radicalement différentes de
celle où se déroule l'éducation que reçoit l'enfant dans son milieu familial et même
dans toutes ses relations publiques.
En entrant dans le milieu scolaire, le jeune élève doit faire face à une
adaptation qui n'est pas seulement technique, mais aussi psychologique; il s'agit de
recevoir des informations par la lecture et par l'image, donc de saisir une réalité à
travers une médiatisation qui supplée la perception directe et qui annule l'émetteur
vivant. Certes le maître peut s'y substituer et rejouer une situation par son propre
discours, mais la communication a néanmoins changé quant à celui qui parle et
quant à ce qui est dit.
Le langage, comme on le voit, n'est donc pas absent et, pour ce qui concerne
l'accès à la technique et à l'usage de l'écrit, il est évident qu'ils doivent s'opérer
dans la langue où l'enfant est le plus compétent, donc dans sa langue maternelle.
L'enseignement des langues sénégalaises doit se faire à notre avis, de façon
progressive en partant de la base, c'est-à-dire du préscolaire. Cet enseignement
progressif, doit (comme nous l'avions expliqué à la fin de l'approche linguistique)
concerncer les quatre premières années du cycle primaire, et céder ensuite petit à
petit la place jusqu'au CM2 à l'enseignement du français.

211
En d'autres termes, un véritable apprentissage de la lecture ne peut
commencer à l'école primaire sénégalaise qu'à la fin du cours élémentaire 1ère
année; c'est-à-dire au moment où les jeunes élèves auront suffisamment élaboré
dans leur langue maternelle, les outils intellectuels de base leur permettant de se
prémunir face à l'apprentissage de la lecture par le biais d'une seconde langue ...
Tout ce qui vient d'être dit, dans ce chapitre, sur la lecture, conduit à affirmer
que l'enfant apprend lors de-et par-l'exercice de l'activité dans une situation
fonctionnelle, c'est-à-dire dans une situation où toutes les conditions sont réunies
pour que la véritable activité puisse s'exercer. L'enfant que l'on fait rouler sur une
bicyclette avec une petite roue de chaque côté; il n'apprendra à rouler, à bicyclette
que lorsqu'il roulera à bicyclette. Ou qu'il essaiera, ce qui revient au même, car
essayer de rouler, c'est rouler quand on ne sait pas. L'activité que l'enfant produit
est celle qu'il peut produire au stade, où il se trouve, mais il ne se peut pas qu'il
apprenne en exerçant une activité qui ne soit pas fondamentalement de même
nature et de même forme que l'activité qu'il veut apprendre.
Ce point est capital, évident et négligé: pour apprendre à lire, l'enfant doit
être placé dans des situations qui réunissent les conditions d'une lecture véritable et
dans lesquelles il exerce une activité de lecture véritable pour lui.
Apprendre à lire, c'est lire; on apprend parce qu'on lit. En d'autres termes,
dès la première fois, si la situation est une situation de lecture, ce que l'enfant
exerce, c'est un comportement de lecteur, au niveau d'une réponse qu'il est capable
de donner et qui évoluera, et n'arrêtera pas d'évoluer tant qu'il lira. Si la situation
n'est pas une situation vraie de lecture, l'enfant n'apprendra pas une lecture 'I,-raie :
une situation d'apprentissage ne peut être une situation tronquée : elle est une
situation de vie, sinon, elle ne permet qu'un apprentissage tronqué.

212
C'est vrai non seulement de la situation, malS de l'activité que l'enfant
exerce; l'adulte sait que l'enfant apprend à parler, mais l'enfant lui, n'apprend pas,
il parle; son activité n'est pas une activité d'apprentissage mais une activité de
parole; et il n'apprend que parce qu'il parle...
Dans le système pédagogique sénégalais, l'erreur consistait à croire que la
compréhension serait facilitée si on tirait les textes de lecture des centres d'intérêt
complètement africanisés. L'enquête a pu montrer que quel que soit le type de texte
utilisé (conte ou récit ordinaire), le facteur compréhension, dans le domaine de la
lecture, reste entier. Ce facteur (déjà évoqué en début de chapitre) ne sera résolu au
Sénégal, qu'à partir d'une parfaite connaissance de l'activité de lire (résultant
d'une analyse linguistique, psychologique et pédagogique...).
C'est parce que l'enfant lit qu'il apprend à lire et son activité est de lire, non
d'apprendre à lire. D'où l'importance de bien connaître l'activité de lecture pour
définir l'ensemble des situations d'apprentissage...
L'école, dans la conception actuelle de l'éducation au Sénégal, est une école
d'écriture, calquée sur des techniques occidentales d'apprentissage. Voilà ce qui
explique l'inadaptation du conte traditionnel africain scolarisé (le conte écrit).
L'enseignement en langue étrangère rompt avec les habitudes SOCIO-
culturelles que l'enfant, dans ses premières années, a reçu de son milieu familial et
social. L'enseignement du conte doit à notre avis, se faire au début de la scolarité
sous la tutelle de la langue maternelle avec toutes les techniques d'oralité qu'un tel
enseignement nécessite. Cela permet non seulement la continuité dans la
formation, mais en plus, favorise l'émergence d'une fonction essentielle: le lien de
l'école et le milieu.

1
1
213
1
1
1
1
1
Vème PARTIE
1
1
Problématique de l'utilisation
du Conte Oral en classe

214
Chapitre XI
L'UTILISATION PEDAGOGIQUE DU CONTE
Introduction du conte traditionnel en classe
Etant donné que la réconciliation tradition-école moderne ne peut pas avoir
lieu, la préoccupation qui va être maintenant la notre dans cette Vème partie est
d'introduire la tradition dans du modernisme; c'est-à-dire ressusciter le conte à
l'école élémentaire dans sa forme la plus traditionnelle.
Notre hypothèse de travail est la suivante :
A défaut d'améliorer la lecture et de préserver la tradition, le conte
pourrait servir au moins à développer l'imagination et la créativité des
élèves à l'école élémentaire.
Il s'agit de faire ici de la recherche action avec le griot. Au lieu d'emmener
les enfants au théâtre, on va introduire ces conteurs à l'école.
Après le départ de ces artistes, on passe à l'exploitation pédagogique qui,
consiste à faire faire des contes aux enfants, en instaurant un spectacle de
marionnettes ou de jeux dramatiques dans l'école elle-même.
A la fin de l'exploitation pédagogique, les élèves feront sous forme de
rédaction la suite du conte.

215
A· PRESENTATION DU RECIT
Le récit est extrait du recueil de contes publié par Lylian Kestloot et Chérif
MBodj : Contes et Mythes Wolof édité par les Nouvelles Editions Africaines eN.E.A.).
Il s'agit de textes bilingues dont la transcription est faite par des spécialistes
et la traduction revue et corrigée par les auteurs qui ont pour souci d'être le plus
proche possible du texte Wolof.
TI s'agit d'un conte tiré de l'aire culturelle Wolof à laquelle appartient la majorité
des élèves du milieu urbain.
Le texte en francais : le mariage imprudent 74
- un conte!
- on l'écoute
- 11 était une fois ...
- TI en était aussi d'habitude...
- Lorsqu'il en fut ainsi, étais-tu présent?
- C'est de toi que je l'ai appris
- De nos jours les nouvelles ne méritent pas d'être retenues
- Surtout quand elles sont de toi
- Mais une nouvelle, quelle qu'elle soit, ne mérite pas d'être négligée.
Certes Wolof NDiaye surajoute mais n'invente jamais. Tout ce qu'il avance repose
sur un fond solide !
TI était une fois, un grand nombre de jeunes filles; elles se rendirent sur la place du
marché et annonçèrent que quiconque voulait une épouse, pouvait venir choisir
parmi elles.
74 Il serait plus exact de traduire: le mariage ambigü, pas clair.

216
La plupart des hommes vinrent et choisirent une épouse.
Le roi lui-même choisit et en emmena une.
Le lendemain, les filles proposèrent d'aller aux champs. C'était le moment où l'on
grillait les épis de maïs et elles voulaient y prendre part. Pour cela, elles
préparèrent tôt leur dîner. (L'épouse du roi) devait partir avec elles. Les femmes se
rendirent donc chez elle et dirent: «Mais tu ne viens pas ?».
Elle leur répondit: «Ah !, moi, je ne peux pas aujourd'hui à cause de mon mari.
Je cuisine d'abord, je partirai demain».
Elles dirent alors: «Nous partons, tu nous rejoindras».
Le lendemain, elle nettoya proprement sa jarre, la remplit d'eau et se rendit aux
champs. En chemin, elle se déshabilla complètement. Un maure la regardait.
Elle resta debout et dit «Njabba Cuuti ! Njabba Cuutu ma cuuta mbelangal !.
Si je savais que la récolte du mil était si proche ma cuuta mbelangal !.
Je ne me serais pas mariée avec le roi NDiaye, ma cuuta mbelangal 1».
Elle s'approcha des épis de mil et entonna:
« ...»
(même chant).
Le maure la regardait toujours (mais elle ne l'avait pas vu).
Elle se dénudait, commençait à se métamorphoser en oiseau. Après quoi, elle se mit
à manger (des grains de mil). Quand ~lle en eut assez, elle reprit sa forme
humaine, se rhabilla, mit sa jarre sur sa tête et rentra à la maison. Le maure la
suivit et vint dire au roi:
- Roi, ta femme est un oiseau.
- Toi, fit le roi, tu mens et je te ferai fusiller aujourd'hui même.
- Je ne mens pas, et si vous doutez de mes paroles vous pouvez venir demain, nous
irons ensemble.

217
Le lendemain la femme retourna aux champs.
Elle se déshabilla et dit: «Si je savais »
(même chant)?
Elle se fit oiseau, puis se percha sur les épis et dit: « ...»
(même chant).
Elle mangea, mangea, mangea. Le roi et le maure étaient dans les hautes herbes à
la regarder. Finalement le maure dit au roi: «Tu l'as vu maintenant, ta femme
est un oiseau! laissons-la comme cela jusq~'à ce qu'elle aille à la maison».
Elle rentra, elle s'occupa à brasser la farine de mil. Ils arrivèrent, le roi chanta :
- «Ma cuuta mbelangal».
Elle lui dit :
- Ah ! Oncle ne chante pas cet air, je te donnerai tout ce que tu voudras ... mes
bracelets, mes boucles d'oreilles en or, tout ce que j'ai.
- Moi, un chant qui me vaut or et tout, je ne me lasserai pas de le chanter!
Et il chanta encore. Elle fit sortir ses pattes d'oiseau. 11 chanta. Elle sortit ses ailes
d'oiseau. 11 chanta, elle sortit toutes les affaires d'oiseau.
Le roi alla chercher un bâton pour la frapper, mais elle s'envola et le laissa seul.

218
Le texte en Wolof: Scy bu woorol
Lééboon
Lippoon
Amoon na fi
Daan na am
Ba mu amee yaa fekke ?
Yaa wax ma dégg.
Sa yos a ci raw
Waaye dégg dégg matul a xeeb
Waawaaw, nde wolof Njaay day yokk waaye du sos.
Lu mu wax am na daliU !
Dafa amoon ay jànq yu baree bari, noo fi newoon, dem cib maise-né : ku bëgg jabar
na daldidikk. Nitni daldi dikk, ku nekk jël jabaram, buur it dikk, daldi jël jabaram.
Ca suba sa noom itam, nu daldi né danuy xëy catoolya. Nu tula togg seeni reer-
ndaxte ni naa ngiy mboolu - danuy mbooluji, noom itam. Jabaru Buur itam war na
and ak noom ; nu daldi cay dem néko : «Ha yow doo demam ?».
Mu né leen :
- Aa ! mandé, sama jëkk.ër dafa ma moonloo tey jü, te dama koy moonal ! Damay
togg ba pare. Bu subaa dinaa dem.
Noom itam nu daldi néko : «koon dé noo ngi dem, bu subaa nga dem».
Ca suba sa, mu daldi raxas njaquam ba mu set, daldi tang ndox, daldi, dem ba ca
aU ba, daldi ta xaw - summééku ba set - daldiné :
- njabba cuuti ! Njabba cuutee maccuuta mbelangal !
Su ma xamoon ne dugub nor na, m accuuta mbelangal !
Duma seyag baay Buur Njaay, maccuuta mbelangal.
Naar ba diko xool rekk ; moom, ndaw si, gisu ko.
Mu daldi dem ba ca mbool ma, daldi nuti :
- Njabba cuuti ! njabba cuutee maccuuta...

219
Mu daldi dem, def taati neen, soppeeku, am picc, di lekk, di lekk ba mu yagg. Mu
soppekuwaat : solaatmbuk barn, daldi yenu waat njaquam, daldi nibbi.
Naar ba yit daldi cay topp, daldi dem né Buur :
- Yow mü dey sa jabar, am picc la !
Mu néko : «yow dangay fen, tey jü, dinaa la feta!».
Naar daldiné - Man dey fenu ma te boo, ko wedee, suba, nowal nu ànd. Ca suba sa
mu xëyaat, dem. summeeku ba set, daldi né :
- Su ma xamoon né dugub nor na, maccuuta mbelangal !
Duma séy ag baay Buur Njaay, maccuuta mbelangal ! daldi dem ba ca gittax ga,
mu daldi yeegati, daldi nekk picc, daldi yéég ca kow daldi né :
- Su ma xamoon né dugub nor na... (woy wi wépp).
Daldi taxaw di lekk, di lekk : Buur a nga ca nag ba rekk moog naar ba. Ba mu yagg,
naar ba né ko :
- Yow mü déy - sa jabar jaa nginée, gis ngako, picc la !
Nu bayyi ba nu dem ca kër ga ; moom itam (ndaw si) mu nibbi, daldi sumbag
moonam, di moon... Buur daldiné :
Mu né ko:
- Ay nijaay, bayyil woy woouru te ma may la 100 bëgg, sama jaaroy wurus yug,
sama yépp dinaa la ko may.
Buur néko - Man, woy wu nu may maye ay jaaroy wurus ag yépp, duma ko bayyi
kat!
- Daldiné : (woy wi wépp).
- Ndaw si né yuréét tanki picc !
Buur woy (woy wi wépp)
- Mu daldi génné, yëfu picc, yépp...
Buur dem nag wutuw yat doon ko bëgga door, far mu naaw wocc ko fa !

220
B . LANABRATION DU CONTE
Pour la circonstance, nous avions faIt appel à un conteur professionnel et à
un griot muni d'instruments de musique (tam-tam - balafond, etc... ).
La séance se déroulait dans le grand hall de l'école primaire de l'Avenue
Blaise Diagne à Dakar. Comme en milieu traditionnel, les enfants (quarante élèves
de CM2) s'affalaient sur des nattes, en se taquinant et se bousculant, chacun
souhaitant grignoter sur la place de l'autre. Le conteur occupe l'angle, au même
niveau que les enfants rassemblés devant lui en plusieurs arcs de cercle: ils
peuvent tous capter son regard qui les cherche et les enveloppe. Quand au bateur de
tam-tam, il se place derrière le groupe d'enfants, prêt à servir d'épicentre ou à
jouer. Le conte est un jeu et c'est dans cette perspective qu'il est organisé.
Dans cet esprit de jeu, il s'instaure une situation égalitaire entre les
participants (élèves et personnel de l'école) ; le clivage entre vieux et jeunes,
hommes et femmes, cadets et aînés, s'estompe, et chacun a droit à la parole au
même titre qu'un autre.
A ce propos, Jean-Paul Eschlimann a noté judicieusement que <<la première
caractéristique de la séance et conte consiste à créer un «ailleurs»
où le
téléscopage du passé et du présent et l'égalité fondamentale des participants
deviennent possibles»75.
Dans cet ordre nouveau qui dure le temps de la séance de conte, il s'agit tout
en éduquant, de détendre et d'amuser. C'est pourquoi, la séance se passe dans une
75 J. P. Eschlimann, Araignée chez les Agni-Bona, thèse de doctorat de cycle - Paris E.P.H.E.S.,
1975.

221
atmosphère décontractée; on parle, on écoute, on rit, on applaudit, on danse même
parfois, on fait des commentaires de toutes sortes.
1 . La séance d'OUVerture
Le préambule ouvre le conte par une sagesse populaire :
un conte !
on l'écoute
Il était une fois ...
n en était ainsi d'habitude
Lorsqu'il en fut ainsi, étais-tu présent?
C'est de toi que je l'ai appris
De nos jours les nouvelles méritent d'être retenues
Surtout quand elles sont de toi
Mais une nouvelle, quelle qu'elle soit, ne mérite pas d'être négligée.
Certes Wolof NDiaye surajoute mais n'invente jamais. Tout ce qu'il avance
repose sur un fond solide!
Après le préambule, qui rappelons-le varie d'une région à l'autre ; notre
conteur qui a pris la parole prononce la formule d'introduction, quasi universelle
qui, situant le conte, dans un passé révolu, veut faire oublier le présent et la réalité:
«Il était une fois».
L'introduction débute donc par cette formule qu'attendent les enfants
suspendus aux livres et aux gestes du conteur.

222
2 • La dynarniQl1e du conte
Après la formule d'introduction, le conteur commence le conte à proprement
parler. Son but ici, est de distraire, d'émerveiller, d'émouvoir, d'instruire, mais
aussi de briller, de faire preuve d'éloquence, de culture, d'intelligence et
d'imagination.
Bref, il veut se faire apprécier par l'auditoire. Comme l'a remarqué Pierre
Erny: «L'éloquence et les arts de la parole en général, revêtent partout une
importance fondamentale. Ils valorisent l'homme dans les réunions publiques et
les assemblées. On apprécie celui qui sait exposer avec clarté, convaincre par les
preuves qu'il apporte et émaille son discours de sentiments et de maximes» 76 .
Toute la dynamique du conte repose précisément sur cette espèce de
compétition inavouée qui s'instaure entre les participants, et c'est cela qui oblige
notre conteur (le narrateur) à se faire artiste, un artiste de la parole, car le conte est
un art de la parole, une expression littéraire. Comme l'a écrit Silvano Galli :
«L'art du conteur ne consiste pas à raconter des textes inédits, à présenter une
matière neuve, il se manifeste dans la matière inédite de narrer des récits
anciens» 77 .
Grâce à son cachet personnel, son habileté à manier la parole, à sa capacité
de faire vibrer l'assistance, les enfants qui assistent à cette séance sont très
impressionnés et voudront, comme nous le verrons dans l'exploitation pédagogique,
imiter le conteur.
76 Pierre Erny, L'enfant et son milieu en Afrique Noire, page 164.
77 Silvano Galli, Introduction au recueil de Contes Agni-Boona, 1977.

223
3 . Le nrtbme du conte
Voyons donc le conteur à l'oeuvre. Il fait son conte avec le soutien de l'un de
ces compagnons (le batteur de tam-tam).
cet assistant ponctue le récit du narrateur: c'est un agent rythmique. La parole
africaine proférée, on le sait, se transmet en trois temps: de l'émetteur, elle passe
par un agent rythmique avant d'atteindre le récepteur.
Dans le cadre de ce conte, la parole du narrateur atteint directement
l'assistance, l'épicentre n'étant là que pour la rythmer, la ponctuer afin qu'elle soit
vivante et efficiente.
Le rôle de ce ponctueur est très important pour le déroulement du récit, du
narrateur. C'est lui qui «reçoit»
la parole du conteur; c'est lui qui «répond»
au
conte, qui approuve, qui encourage l'artiste à l'oeuvre de différentes manières, par
ses «oui», «c'est la vérité !», «j'étais là moi-même», par ses gestes
d'approbation, par des mots d'étonnement· ou d'imagination, par des questions qui
obligent le conteur à préciser certains points, par des réflexions provocatrices qui
stimulent le contenu et réveillent l'attention des enfants.
Le récit est parfois ponctué par l'auditoire qui stimule le conteur par ses
réflexions à haute-voix, ses éclats de rire, par la manifestation de son étonnement,
de son indignation, par ses gestes d'approbation ou de désaveu, par sa réponse
inopinée à une interrogation du narrateur.
Le jeu du conteur et de l'épicentre, le jeu du conteur et de la foule, créent ici
de l'animation et donnent au récit un rythme binaire qui évite la monotonie
lassante. Il est évident que la première partie de l'unité binaire, c'est-à-dire la
parole du conteur, est de loin la plus importante quantitativement et

224
sémantiquement, mais elle a besoin du support dynamique de la seconde partie (les
mots de l'épicentre ou les interventions ponctuelles des enfants) pour être vraiment
efficace.
4 • Le chant interne au récit
Le chant ici, se situe à un point culminant du récit. La situation dramatique
atteint son comble dans le récit avec la métamorphose de la femme du roi.
Le chant fonctionne comme une potion magique, capable de tranformer les êtres:
«Njabba cuuti ! Njabba cuutu ma cuuta mbelangal !
Si ja savais que la récolte du mil était si proche ma cuuta mbelangal !
Je ne me serais pas mariée avec le roi NDiaye, ma cuuta mbelangal 1»
La reine dit:
- Ah ! Oncle ne chante pas cet air...
Et le roi continua de chanter. Elle fit sortir ses pattes d'oiseau, etc...
Mais ce chant est l'expression d'un regret. Regret de la femme d'avoir épousé le roi
en cette période de l'année et seulement en cette période où les épis de mil ont atteint
leur maturité :
«Njabba cuutu ma cuuta mbelangal !
Si je savais que la récolte de mil était si proche, ma cuuta mbelangal !
Je ne me serais pas mariée avec le roi NDiaye, ma cuuta mbelangal 1»
Ces chants généralement gais, vifs ,plaintifs ou émouvants selon les contextes
ne sont pas des ornements qu'on ajoute à volonté au récit; ils sont des parties,
constitutives du conte. Et il est tout à fait regrettable de les laisser purement et
simplement de côté quand on traduit les contes africains dans les langues
européennes. Ce faisant, on ampute le conte de l'élément essentiel, de sa substance
poétique. Car le conte, rappelons-le, est aussi poésie.

225
C • EXPWITATION DU CONTE
Cherchant à sortir des canevas pédagogiques traditionnels, nous fondons
notre exploitation essentiellement sur trois volets :
1) La reconstitution orale des phases importantes du conte par un questionnaire
approprié.
2) La dramatisation du conte qui laisse parfois libre cours à l'expression
personnelle et qui fait des élèves des acteurs du conte.
3) Et l'exploration de l'imagination des élèves.
D La reconstitution du conte
A - Si nous considérons les deux premiers paragraphes comme étant la situation
initiale du conte.
Pour amener les élèves à reproduire ce passage, qui nous paraît important, il
convient à notre sens de leur poser la question suivante :
Dans quelles circonstances le roi a-t-il épousé sa femme?
Cette question doit faire apparaître:
- L'initiative des femmes à se rendre au marché dans le but de se trouver au gré du
hasard un mari
- Le roi quant à lui, comme les gens du peuple va en choisir une.

226
B - Un autre passage qui nous paraît important dans le récit est la métamorphose
de la reine.
1) Pourquoi la reine a-t-elle préféré aller seule aux champs?
2) Que s'est-il passé en chemin?
3) Qui peut nous restituer le chant?
4) Quel est le rôle que joue le maure dans le conte?
C - La situation finale
1) Comment le roi a-t-il découvert que sa femme se métamorphosait?
2) Comment en informe-t-il sa femme?
Les trois temps forts du récit à savoir: la situation initiale (les femmes qui se
trouvent des maris au marché). La métamorphose de la reine et la situation finale
(découverte du roi et fuite de la reine-oiseau) sont indispensables à la
compréhension du récit.
Par ailleurs, elle permet un bon exercice de mémorisation, particulièrement
du chant, qui constitue la clé de voûte de l'architecture du texte, car il se situe au
point culminant du récit.
II) La dramatisation
Elle exige une préparation technique qui ne suit pas toujours la linéarité du
texte. Elle procède à des anticipations, des improvisations qui concourent à la
théâtralité du récit.

227
1) La distribution des rôles
Elle sera fondée sur le volontariat. Une répartition des groupes fondée sur le
sexe est assurée par le maître.
a) La scène s'ouvre par un dialogue improvisé par les filles avant de prendre la
décision de se rendre au marché pour se proposer publiquement en mariage aux
hommes.
b) Les hommes avant le choix vont faire un commentaire sur la beauté, l'esthétique
en général des femmes qu'ils aperçoivent sans pour autant connaître leur
intention.
c) Opération des choix et des discussions des couples. A la suite de cette séquence,
les garçons vont disparaître de la scène.
d) Les filles quant à elles vont avec leurs ustensiles de CUISIne qu'elles auront
apportés, s'occuper à faire des travaux domestiques.
e) Elles se retrouvent pour se préparer et partir aux champs afin de participer à la
grillade des épis de maïs. Elles s'interpellent et arrivent chez la reine.
D Discussion entre la reine et les autres femmes. La séquence se termine par le
départ des femmes laissant la reine toute seule.
g) La reine part seule aux champs (sur sa tête une jarre d'eau).
On laissera l'initiative à l'acteur, de mImer, de monologuer et de chanter
pour se faire comprendre du public.
TI doit ressortir:
- Le plaisir qu'éprouve la femme d'être toute seule dans la nature
- Le comportement animalier de l'oiseau en train de picorer des graines de mil.

228
h) Le retour à la maison.
Séquence présentant le roi et le maure.
Le dialogue entre les deux personnages.
Ce dialogue doit faire ressortir le ton autoritaire du roi. L'accent arabe et frileux du
maure en présence du roi.
i) Séquence de la découverte.
Les personnages: le roi et le maure cachés dans un endroit, la femme à l'écart
répétant les mêmes gestes et chant de la métamorphose.
k) La dernière séquence: le roi seul avec sa femme entonna le chant.
Montrez les supplices et la disparition de l'oiseau après métamorphose.

229
Chapitre XII
CONTES PROPOSES PAR LES ENFANTS
L'exploitation pédagogique menée comme prévue, a donné des résultats
positifs du point de vue de la restitution orale du texte, qui s'est déroulée dans une
ambiance d'une chaleur inhabituelle.
Cette séance nous a révélé que les élèves avaient des talents de conteur
puisqu'ils ont mené leur narration avec art, laissant libre cours à leur imagination,
lorsqu'il s'est agi de livrer des portraits de femme d'une beauté exceptionnelle.
Par ailleurs, les gestes, les mimes ont été adroitement exécutés. Ainsi la
rivalité aidant des bonnes performances ont été réalisées aussi bien en ce qUI
concerne la restitution du conte en Wolof que sa restitution en français.
Il en est de même pour la dramatisation.
Cependant, en ce qui concerne les contes produits par les élèves, on s'est
rendu compte de la pauvreté en général des récits.
Ce qui frappe en effet, c'est la très grande ressemblance des récits. Il ya très peu de
variété. Ces contes ont laissé très peu de place au merveilleux et à l'évolution du
ressort dramatique. Ce sont des constats qui notent la punition, parfois du maure
ou de la reine et aboutissent à des leçons de morale plus ou moins imprécises
comme: «Il ne faut pas épouser une femme trop belle». «TI ne faut pas épouser
une fille qu'on ne connaît pas». «On ne doit pas raconter tout ce que l'on voit».
Etc...
Certains élèves n'ont d'ailleurs fait qu'un résumé souvent imparfait du texte.

230
Voici quelques textes pris comme échantillon pour illustrer ces propos (le
reste peut être consulté en annexe page 280).
. Analyse des récits d'élèves
Texte 1:
L'élève se réjouit de ce qui est arrivé· au roi et fait une analyse personnelle de
la situation.
"Je pense que le roi, ça lui fera une leçon d'avoir préféré la femme la plus
belle... Il a préféré choisir le premier la femme la plus belle ... Si tous les homme
faisaient comme le roi, les vilaines femmes n'auront pas de maris... Pour l'oiseau,
je crois que l'oiseau ne se transformera plus jamais car elle a vraiment honte".
Cette élève réagit par rapport à sa féminité. La beauté ne doit pas être une
condition déterminante dans le choix d'une femme. Elle s'interroge par conséquent
sur le sort des autres femmes si cela devait se passer ainsi.
On note que la seule chose qui est reprochée au roi est d'avoir choisi une belle
femme.
Quant à la métamorphose de la femme en oiseau, elle n'y voit qu'un simple
caprIce.
La morale qui se dégage, c'est de ne pas épouser une femme trop belle.

231
Texte 2:
Le récit ne présente aucun développement provenant de l'imagination
créatrice de l'élève. Il s'agit plutôt d'un résumé mal agencé dont on a beaucoup de
peine à comprendre.
TI faut noter que l'élève n'a pas une parfaite maîtrise du français.
Texte3:
Il s'agit là aussi d'une analyse personnelle et superficielle. Le rOl regrette
d'avoir découvert que sa femme se métamorphose.
La leçon de morale dégagée est la suivante:
"Je pense que depuis ce jour là, tous les hommes ne font plus manage aUSSI
imprudent" .
Texte4:
Dans ce récit, le roi décide de ne plus se marier. Et "Bour" ne prit plus femme
croyant qu'elles étaient toutes des génies...
Les hommes qui constituent le peuple vont aussi répudier leurs femmes.
Ici, on note un peu plus de richesse dans l'imagination créatrice.
La leçon de morale porte sur la nécessité de connaître l'origine sociale de l'épouse.
Quelque soit sa beauté.

232
Texte 5:
Le récit montre un roi profondément déçu qUI abandonne son trône pour
disparaître à jamais.
Il Y a ici une appréciation négative des conséquences résultant de la manière
dont le roi a choisi son épouse. Cependant, il y a une originalité du récit car il y a
une référence à la religion à Dieu car cette punition est son oeuvre. La violation des
règles sociales est élevée au rang de pêché!
Il Y a une déchéance morale car le roi devient fou.
"Le roi monologuait comme un fou, chaque femme qui passait devant elle était un
pire cauchemard...
Il croyait que ce qu'il venait de subir était une punititon de Dieu. 11 abandonna
le trône et s'éloigna du village de Mbelengane... Dès lors, les enfants ont commencé
à chasser tous les oiseaux de MBelengane".
L'analyse psychologique du personnage aboutit à l'explication de la chasse
des oiseaux par les enfants.
Texte 6:
Le récit porte sur l'analyse des sentiments du roi et de sa femme. Sentiments
d'amour réciproque qui installe le regret chez les deux personnages. La fille
regrette ce mariage simplement parce qu'on est en période de moisson. Quant au
roi, il regrette la manière dont il a opéré son choix mais aussi le départ de sa
femme.

233
Il
Le roi reprit une autre femme mais n'empêche que ce dernier pense jusqu'à
présent à sa première épouse. Mais aussi, il faut dire que cet amour était
terriblement réciproque. Dans la chanson, la reine disait:
"Si je savais que c'était la période des mOIssons, je n'allais pas me marier avec le
'11
rOI.
Texte 7:
Dans ce texte, l'imagination paraît plus fertile. Tous les personnages ont
obtenu un sort malheureux. Le texte se termine par un drame. La reine que le roi a
épousée à la suite de sa mésaventure. Le maure quant à lui fut tué par le peuple car
il est à l'origine du drame.
"... Ce fut un grand regret pour le roi de n'avoir pas cherché l'origine de la fille ... Il
jure de ne plus jamais marier une femme·... Les femmes du village n'étaient plus
acceptées par les villages voisins comme épouses. Ce fut un grand désordre. Le roi
n'était plus obéi" ...
Un jour, une jeune fille belle se présenta à la cour et le roi décida de
l'épouser... Le jour du mariage, le maure se présenta et dit au roi devant tout le
peuple et la reine !
"Mais mon roi, n'avais-tu pas juré de ne plus te maner. La reIne l'entendit et
furieuse, elle dit au roi: Tu ne veux plus te marier? Elle prit un couteau et le tua.
Le peuple accusa le maure et le tua aussi. L'histoir se termine".
Ce texte montre la déchéance sociale entraînée par la mésaventure du roi.
Toutes les couches sociales ont été impliquées. Le roi, le peuple aussi bien les
hommes que les femmes.

234
Contraitement aux récits précédents, ce récit montre une meilleure
compréhension du conte "un mariage imprudent" de la part de l'élève.
TexteS:
Dans ce récit, c'est le maure qui finit par donner la main de sa soeur au roi.
La fin dit une leçon de morale qui invite à un mariage endogamique.
Texte9:
Dans ce récit, seul le roi est puni. Il regrette son choix. La reine décide de
rester dans son état et promet de ne plus s'approcher des êtres humains.
"... Alors, depuis ce jour, le roi regrette profondément son choix.
Pour ce qui est de l'oiseau, il est retourné chez les compagnons et a juré de ne plus
s'approcher des êtres humains. Le maure resta toujours chez le roi .
... Et à la fin, voici la morale que je veux en tirer. Pour vouloir avoir une femme, ne
choisit jamais la plus belle, mais une laide. Et alors, tu seras heureux".
Texte 10:
Ici, seul le maure est récompensé. Le roi, la reine de même que les autres
femmes sont punis.

235
Texte Il:
C'est la mère du roi qui décide de trouver à ce dernier une femme. Il finit par
épouser sa cousine.
Texte 12:
Il s'agit essentiellement d'un discours expliquant la défaillance de la reine.
"Quand la récolte du mil est proche et qu'elle n'arrive pas à en manger, elle préfère
aller au champ pour se tranformer en oiseau",
De cette analyse des contes, on observe que les élèves ont une compréhension
souvent partielle des contes. Ils ne sont pas capables d'appréhender les multiples
facettes que présente le conte.
C'est pourquOI, nous estimons que même l'enseignement du
conte
traditionnel en classe, présente des limites. Ces limites sont dûes à plusieurs
facteurs.
Il est rare de voir dans un même récît proposé par les élèves tous les aspects
révélés par le conte.
Il faut faire la part des choses car il existe plusieurs niveaux de
compréhension. L'une superficielle qui se limite au dit du texte et une autre plus
profonde qui englobe le "dit et le non dit. En d'autres termes, une compréhension de
surface et une compréhension profonde.

236
Le conte étant un langage imagé, il convient de le décoder pour pOUVOIr
interpréter les messages véhiculés. C'est pourquoi, il représente un excellent
exercice d'intelligence et d'imagination pour ses acteurs.
Cependant, cet exercice demande des préalables à savoir la maîtrise de la
langue, de la culture : données sans lesquelles toute compréhension, toute
interprétation correcte ne peut se faire.
C'est pourquoi, pour mener à bien un conte oral traditionnel dans une classe,
une étude préalable doit être menée sur le choix du texte, des explications préalables
données sur les éléments de culture qui ne sont pas maîtrisées avec évidence et
s'assurer enfin du niveau de compréhension des élèves.
• Explication des limites
Les objectifs visés par l'hypothèse de travail, à savoir que le conte pourrait
développer l'imagination et la créativité des élèves à l'école élémentaire n'ont pas
été atteints vu la pauvreté des récits.
A partir de ce constat, il convient d'analyser les limites du conte traditionnel.
Les contes à enseigner aux enfants doivent être spécifiques à leur culture
même. Alors que ce qui arrive très souvent, c'est que les contes les plus banales sont
ceux qui sont livrés le plus facilement. Ces contes très connus sont caractérisés par
leur neutralité et voyagent d'une aire culturelle à l'autre.
Ce sont généralement des contes dépouillés qUI n'ont plus une valeur
littéraire ou sociologique.

237
Il faudrait dès lors chercher dans les bas fonds, des cultures des contes
spécifiques, riches sur le plan littéraire et sociologique, capables de transmettre une
véritable éducation à l'enfant et développer son sens de l'imagination créatrice.
Les
enseignants
eux-mêmes
doivent
posséder
une
connaissance
ethnolinguistique leur permettant de comprendre et d'expliquer le sens profond des
contes. Toute explication du conte ne peut se faire que par référence au contexte de
production.
En plus de ce bagage culturel, une approche méthodologique dans la
pédagogie et l'analyse est souhaitée.
La mouvance des contes dans les différentes aires culturelles fondent notre
préoccupation.
"Le conte initiatique de Samba Seytane dont l'ouvrage de Véronica GOrOg ln
(Histoire d'enfants terribles) a si bien démontré les origines bambaras (maliennes)
se retrouve en pays de langue Wolof. Mais n'ayant pas du tout le même circuit
d'initiation, le Wolof même âgé ne comprend plus le sens de ce récit et l'adapte
comme il peut à sa vision du monde".
On le voit bien, la compréhension véritable d'un conte nécessite avant tout la
connaissance et la maîtrise de certaines données culturelles et linguistiques.
Or, en Afrique, le modernisme prend de plus en plus le pas sur la tradition et
à tous les niveaux. TI existe très souvent une nette différence entre les modes de vie
des citadins et des villageois.
Et ce sont justement ceux-là qui détiennent la tradition orale.

238
Cette perte des valeurs culturelles d'un endroit à l'autre, constitue en outre
une limite au niveau de la transmission et de la compréhension du conte.
En effet, dans le conte "Un mariage imprudent", l'on peut dire que la
majorité des élèves n'ont pas compris le sens profond du texte qui tourne
essentiellement sur la cohésion sociale.
En effet, il y a une perturbation de l'ordre social dès lors que la tradition en
matière de mariage n'a pas été respectée. Les femmes dans la tradition ne sont pas
habilitées à aller à la conquête d'un mari. Il appartient à l'homme selon les règles
de bienséance d'aller concquérir la femme dont la place demeure essentiellement
au foyer.
Un autre aspect de cette incompréhension est d'ordre linguistique:
- La formule d'introduction contient un proverbe significatif qui dévoile l'objectif dù
conte.
"Le Wolof n'invente rIen, malS exagère les faits", Ainsi dans le dit du conte,
faudrait-il y retrouver une part de vérité et de mensonge. Ceci constitue un procédé
éducatif capable d'édifier l'enfant sur les punitions que subissent le roi et la reine.
- Le "MBoolu", grillade des épis de mil est une pratique inconnue des citadins. C'est
en effet en milieu paysan un moment de bonheur qui succède à la rude période de
l'hivernage.
C'est le moment des premières récoltes où le paysan goûte les premiers fruits
de son travail.
C'est aussi la période où des nuées d'oiseaux immigrent dans les régions
pour prendre part à la tete.

239
Cependant,
cette métamorphose qui nous plonge dans
un unIvers
merveilleux semble inscrit dans l'imaginaire collectif des Wolofs. En effet, il existe
des êtres ayant la forme humaine qui ne sont pas véritablement hommes. I1s (ces
êtres) ont la faculté de se métamorphoser généralement lorsqu'ils sont loin du cadre
humain.
L'ignorance de l'origine social de la femme épousée a conduit fatalement le
roi à son sort.
Le code moral issu de la tradition a été violé par les femmes qUI se sont
rendus au marché, l'endroit le plus fréquenté du village.
Il en est de même pour les hommes. L'on ne choisit pas une femme à la place
du village! à plus forte raison lorsqu'on est roi.
C'est en effet sur le roi que tombe la punition et c'est par lui que passe la
désagrégation du groupe, car la paix et l'équilibre du roi ont des conséquences sur
la bonne marche du groupe.
Par ailleurs, le trône étant héréditaire, le roi avant de se marier doit opérer
un choix permettant d'assurer la cohesion future du groupe.
Cette cohésion sociale est aussi rompue par la reine qui s'est désolidarisée du
groupe pour partir seule aux champs.
La découverte du roi représente pour elle une punition car même si elle désire
rester oiseau au moment de la récolte, dans la période de soudure elle ne pourra
plus profiter des privilèges qu'offrait son stàtut de reine.
La cohésion sociale repose donc sur le respect des valeurs de la tradition, en
l'occurence le respect du code de conduite régissant les relations humaines.

240
Pour qu'au sein d'un groupe, il y ait une cohésion, il faut que celui ci s'érige des lois
un code moral qui devra être respecté par tous. Une des méthodes employées pour
parvenir à ce résultat est le conte.
Le conte "l'enfant terrible" illustre les châtiments qui attendent les coupables: le
roi, la reine, etc...
Voici une grille d'analyse permettant d'approcher
du point de vue de la
structure une vision d'ensemble du conte.

}·1 1
-
Situadon
Séquenœ
Séquenœ
Séqumœ
Séqwnce
Séquence
Séquenœ
Sjtnsdot\\
tniUaJe
1
2
3
4
5
8
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-
!Action
Les femmes
Choix de
Les femmes
Décision et
La reine sc
Le roi
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sont dans un
l'épouse
rejoignent
préparatifs
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assiste A la
et de la rei n ~
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pour aller
champs
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la &cène
village
aux champs
seule
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Refus de
morphose
la reine
-
!Actants
Les femmes,
Hommes,
Les femmes
Les femmes
La reine,
Le maure,
Le maure,
Le roi,
les hommes
rois,
le maure
le roi
le roi,
la reine
du villa~e
les épouses
la reine
-
lLieu
Village
Place du
Demeures
Maisons
Brousse
La cour du
Brou88e
Cour du Tl
marché
roi
.. -
rremps
Un iour
Le lendemain Le lendemain
-
Symbole' .
Chant
Chant
Chant du n ' i -
lMagie
Métamorphos(
MétamorphoS( Mélamorp ose
départ de 1.,
reine
. -
IEconomie
La récolte
Abondance
Récolte - mil
Repas à bl ,~
de la récolte
de mil- Bi· ·ux
~ocial
Rupture des
Rupture
Vie
Reine se
Individu!
Crise
Punition du
Divorce
femmes avec
avec la
congugale
désolidarise
groupe
conjugale
rOI
leur groupe
tradition
vie en groupe
autorité du
d'ori~ine
des femmes
roi
~sycho-
Violation
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Classe d'Age
Tromperie
Mensonge
Supplice d . la
Imoral
des règles
travail de
trahison
reine
sociales
groupe
Dialectiq u de
l'être et dl
paraitre
-
Politique
Royauté
Royauté et
monde
vie sociale
traditionnel

242
L'analyse contextuelle du conte révèle que l'intention didactique est une invite
au respect de la tradition qui fonde la cohésion du groupe.
La hiérarchisation sociale est montrée par les différents actants.
Au sommet, le roi symbole de l'autorité, à côté de lui, la reine et enfin le
peuple. Le maure occupe une fonction spéciale dans le récit.
Sur le plan ethnique, on peut dire qu'il est étranger au groupe. Il joue une
fonction peu honorable selon la tradition Wolof. C'est un traître qui raconte tout.
L'action se déroule dans des lieux communs: le village, les maisons, la brousse, les
maisons.
Mais, ce qUI frappe, c'est l'endroit où s'est déroulé le choix des femmes, la
place du marché.
La magie n'est pas absente du récit, la reine est une femme génie. En effet,
selon les croyances Wolof, lorque les génies revêtent la forme humaine, ils se
présente souvent comme une très belle femme.
Le désordre est déclenché par les violations de règles sociales.

243
Chapitre XIII
POUR UNE LECTURE ETHNOLINGUISTIQUE
DU CONTE AFRICAIN
Dans le présent chapitre, nous nous proposons de définir les domaines à
travers lesquels un sujet tel que l'approche ethnolinguistique pour une lecture du
conte africain peut-être élaboré. En effet, en tant qu'objet d'étude, le conte intéresse
multiples domaines de la recherche. En ce qui nous concerne, nous pouvons définir
le conte africain comme un acte de communication, un acte de parole, enfin,
comme un acte social qui utilisent le langage comme véhicule, est un phénomène
linguistique.
Nous choisirons donc de procéder à une triple approche : à travers une
ethnographie de la communication, dans la perspective d'une ethnologie de la
parole et en troisième lieu, à travers l'approche d'une linguistique de la parole.
A· Pour une etbnoloœe de la communication
Nombreux sont les chercheurs qui se sont penchés sur la question de la
communication interpersonnelle aussi bien à travers le temps qu'à travers l'espace
et la lecture du conte africain trouve un excellent éclairage à la lumière de leurs
points de vue.
Des trois types de communication sociale, que constituent la parole, l'écriture
et le geste, les spécialistes en matière de communication, mettent un accent
particulier sur la communication orale du fait de son caractère spécifique qui
pousse à prendre en considération la fonction socioculturelle du langage ; en

244
particulier, ils auréolent les attributs du discours oral qUI comportent de
nombreuses informations, de
nombreux indices favorisant une meilleure
perception du contenu du discours lesquels échappent à l'analyse linguistique mais
apparaissent utiles pour une compréhension totale du contenu car éclairant les
domaines sociologique, ethnologique et interactionne1.
Pour Goffman78, les comportements, parmi lesquels il faut classer les actes
de parole, en tant qu'objet d'étude des sciences anthropologiques, ne sont
analysables que dans la mesure où leur situation d'actualisation est prise en
considération et un tel point de vue ne saurait exclure le conte africain.
Edward.T.Ha1l79, quant à lui, démontre que le fait culturel, ne peut être analysable
véritablement en dehors de son contexte écologique.
Ces différents points de vue montrent l'intérêt pour tout chercheur de tenir
compte dans un travail relatif à la communication, de tous les aspects liés à ce
phénomène social, c'est-àdire, à travers une ethnographie de la communication,
discipline certes nouvelle et peu connue mais qui apparaît comme une excellente
contribution aux sciences anthropologiques.
Dell Hymes80 , définit l'ethnolographie de la communication comme «une
science qui approcherait le langage, ni comme forme abstraite d'une communauté,
mais comme située,
ancrée
dans le flux
et le modèle
des
évènements
communicatifs.
78 Goffman :
79 Edward.T.Hall :
80 Dell Hymes :
Propos recueillis lors des communications au colloque de Yaoundé sur
81 Théorie Emerec :
le séminaire de méthodologie de recherche et d'enseignement du conte
82Dominique de Salins
africain - 3 - 6 -avril 1989.

245
Cette
SCIence
étudierait
la
forme
communication
et
la
fonction
communicative en relation intégrale l'une à l'autre. Pour l'ethnologue de la
communication, le but ne doit pas être de séparer le message et le contexte
d'utilisation l'un de l'autre. Le but doit être de garder en vue la multiple hiérarchie
des relations entre message et contexte».
Selon
la
célèbre
théorie
Emerec83 , Jean Cloutier précise que la
communication impose trois conditions: l'émetteur, le récepteur et le message.
Mais, comme le fait remarquer Genevièvè Dominique de Salins84 , d'un point de
vue ethnologique, il apparaît que tout énoncé linguistique, en plus de sa valeur
«message»
peut être porteur de marques d'appartenances à un groupe ou à un
sous-groupe social.
Cet énoncé comprend des éléments de rituels, qui sont avant tout décéleurs
d'indices externes à la valeur «message», de l'énoncé linguistique : ils sont
révélateurs de la situation d'interaction, révélateurs du status des participants,
révélateurs du rôle des participants, parfois même révélateurs du temps ou du lieu
où se déroule la communication interactionnelle.
Aux trois composantes d'Emerec, il faudrait ajuster une quatrième : le lieu
du message, ce qui concerne le conte africain.
La soirée de contes comportes multiples cérémonies ou rituels, tant au niveau
de la gestuelle qu'à celui de la parole. Une telle soirée consiste à rassembler autour
du feu, grands et petits, hommes et femmes. Cette assemblée révèle à nos yeux deux
caractères ou valeurs ethnologiques.
83 Théorie Emerec : Op.cil.
84 Geneviève Dominique de Salins: Op.cit.


246
1°) Une valeur intéerale, à saVOIr qu'elle permet la fusion de tous ceux qui
participent à la séance et qui ne sont pas forcément de la même catégorie sociale
mais qui, pour l'occasion partagent un même idéal, celui de l'information, de la
culture et du divertissement. Ce rituel a une valeur de ralliement de
rapprochement; il s'agit en fait d'une unité basée sur le désir et l'aspiration.
2°) La seconde valeur que nous reconnaIssons à cette assemblée est une valeur
démarcative, en effet, même à la soirée de contes, ne parle qui veut.
Il faut savoir parler, faire preuve d'intelligence et savoir ce qui peut être dit en
public et comment cela mérite d'être dit, belle occasion pour tester la performance
linguistique et la connaissance de la culture. Un conte doit être en général
accompagné de proverbes et de chant et avoir une belle voix n'est pas l'apanage de
n'importe qui.
Les rituels conventionnels de gestes, tels que se rassembler autour du feu,
seront suivis d'autres rituels verbalisés. Et au nom de tels rituels, le conteur
déclinera la responsabilité de ce qu'il va dire et pour en finir, confessera que ce qui
vient d'être dit par lui n'est qu'un mensonge.
B • Pour une lingnistimre du conte afrir.ain
Partant des travaux de Hall, le linguiste devrait perceVOIr la fonction
socioculturelle du conte africain en tant que discours oral mais aussi, comme
phénomène issu d'une civilisation de l'oralité. Il doit se mettre en idée que la
traduction est avant tout un arrangement, une transposition d'un système oral où
le phénomène conte est à l'aise, parce que dans le contexte de l'oralité à une autre
celui de l'écriture.

247
En effet, l'ethnographie du discours oral devrait conduire le linguiste à tenir
compte de très nombreux facteurs qui enrichissent le discours oral et qui, pour des
raisons d'arrangement, ne sauraient trouver place dans un texte écrit.
Ces nombreuses informations, ce's indices qui échappent à l'analyse
linguistique, ce sont les répétitions, les silences, les hésitations, la mesure même
du discours, disons simplement le suprasegmental.
En dehors de tout ce contexte expressif propre à la performance du conteur, le
conte se réduit à un phénomène purement social à inscrire au domaine propre de la
compétence.
En effet, les contes africains sont presque tous les mêmes d'un bout à l'autre
du continent. Ce sont les protagonistes et les contextes qui changent. En Afrique, les
protagonistes sont les animaux: les plus intelligents, c'est l'araignée du sud et le
lièvre du nord. La morale qui formalise tous ces contes est souvent la même: elle
sert à donner une leçon à l'auditoire. Cela dit, deux problèmes se posent d'un point
de vue linguistique à propos du conte africain:
1°) Le conte est-il un phénomène qui appartient à la performance ? En un mot, le
conteur est-il un créateur?
2°) Le conte peut-il être considéré comme une oeuvre littéraire au sens propre du
mot?
A la première question, nous faisons l'analyse suivante. Le conte en tant
qu'acte de parole, devrait être un produit de la performance, or, tout le long de notre
étude, le conte apparaît comme un discours, non assumé dont le locuteur, refuse
toute responsabilité.

248
Dans la plupart des pays africains, on commence le conte par ces paroles:
«ce n'est pas mon conte».
Le conteur affirme par ces paroles que ce qu'il va dire ne doit pas l'engager
car en fait, toute la communauté reconnaît le conte comme un bien collectif qui n'a
été crée par personne mais mis à la disposition de la communauté par les ancêtres
pour distraire et éduquer le peuple.
De ce point de vue, le conte appartient à une catégorie linguistique que nous
pouvons classer comme un acte de parole qui n'engage pas son locuteur. Ce dernier
ne fait que reprendre seulement ce que la communauté par les ancêtres a légué
pour le bien de tous.
Le conteur apparaît ici comme un sujet transindividuel ; son oeuvre s'inscrit
dans le cadre d'une performance communicative dont les auteurs réels sont :
l'individu et la société. Toutefois, il convient de noter que lorsque le conte est dit,
accomplissant ainsi sa fonction socioculturelle, l'on trouve à travers le phénomène
de l'oralité, un lien entre le conteur et le conte: le conte devient un phénomène
vivant où apparaît le contenu à travers toute une combinatoire du choix du lexique,
de la syntaxe et de tous les phénomènes que nous avons décrits et caractérisés sous
le vocable de supralinguistique.
Dépouillé de tout cet environnement, c'est-à-dire passant pas la traduction et
à l'écriture, le conte africain se ramène désormais au domaine de la compétence. Il
n'est plus dynamique, mais figé, incapable de modification, n'étant riche que par
son contenu seulement et non plus par son expression.
A la 2ème question, il nous semble intéressant de définir ne serait-ce que
sommairement ce qu'est la notion de littérariété. Est littéraire, dit Horace, tout texte

1
1
249
qui assumerait les deux fonctions essentielles que constituent l'acte de distraire et·
1
l'acte d'instruire. Le conte africain a-t-il la vocation de distraire et d'instruire?
1
Plusieurs démarches ne sont pas à faire pour reconnaître au conte africain,
1
ces deux fonctions fondamentales mais à la seule différence, pensons-nous que le
conte soit dit, c'est-à-dire placé dans son contexte originel. Alors, la notion de
1
transindividualité du sujet se brise en deux, laissant à l'individu le privilège
1
d'assumer la fonction de distraire et à la société, celle d'instruire.
1
En un mot, c'est par le discours du contenu, son art de situer les faits,
d'enrichir le récit par tout le supra-segmental, que ce dernier réussira à distraire,
1
c'est-à-dire à faire plaisir à son auditoire et à se démarquer tout autre personne qui
produirait le même récit ; la morale, le contenu et même le thème du récit
1
reviennent à la société qui assure la fonction d'éducation telle que la désigne
1
Horace.
1
Une fois, ces points de vue établis, il reste cependant quelques problèmes à
résoudre au niveau linguistique si la tradition s'avère l'unique document
1
pédagogique facilement exploitable pour l'enseignement du conte.
1
Quels sont donc ces problèmes qui se présentent à l'enseignant et au chercheur?
1
Pour une ethnologie de la parole
1
Si d'un point de vue linguistique le conte, c'est-à-dire un acte de parole,
appartient à la performance par opposition à la compétence, d'un point de vue
1
générativiste. Il convient cependant de se demander si le conte africain est un acte
1
de parole ordinaire pour bien le comprendre, il est nécessaire de faire une
ethnologie de la parole. Il est clair qu'il n'y a pas une homogénéïté de comportement
1
à travers toutes les sociétés africaines mais s'il y a quelque chose réellement
1
1

250
d'atavique et qui reste propre à toutes les sociétés africaines, ce sont les différents
caractères et les différentes catégories de la parole.
En Afrique Noire, deux types de paroles se cottoient mutuellement: la parole
qui engage son locuteur et celle qui ne l'engage pas...
Des paroles qui n'engagent pas leurs locuteurs, nous pouvons citer les contes et
légendes et les commissions à transmettre. Tout autre acte de parole en dehors du
contexte, circonscrit ci-dessus engage son locuteur.
Cette différence entre les catégories ethnologiques des actes de paroles a une
importance dans le cadre d'une linguistique de la parole quant à l'analyse du conte
au plan linguistique car elle permet de situer le discours, comme acte de
performance ou appartenant à la compétence.
TI est important de relever ce que la connaissance de la culture, c'est-à-dire
une ouverture sur l'ethnologie des peuples, peut apporter une meilleure
appréciation du conte africain.
Pour ce faire, nous avons choisi quatre exemples tirés du "mariage
imprudent", extrait des contes et mythes Wolof édition N.E.A. qui vont illustrer les
propres ci-dessous.
Dans son introduction sur "Collectes et traduction des littéraires orales: un
exemple négro-africain : les contes ngbaka ma'bo de la République Centrafricaine"
Jean Dérive écrit:
«Dans la mesure où l'on admet comme premier devoir d'une traduction littéraire
de transmettre l'information conceptuelle, il faut, lorsque le contexte culturel d'où
l'oeuvre est issue diffère très sensiblement de celui dans lequel on veut la faire

1
1
251
entrer, que le traducteur se résolve à commenter quelque passage; soit parce que la
1
chose dont il est question, n'existant pas de la culture d'arrivée, n'a pas de
1
dénomination dans la langue correspondante; soit parce que le lecteur étranger
risque de ne saisir l'information qu'à un niveau qui n'est pas le niveau pertinent
1
pour le contexte».
1
Premier exemple:
1
Parlant à son mari, la femme lui dit:
1
«Oncle ne chante pas cet air, je te donnerai tout ce que tu voudras ...»
1
Le terme Oncle ne peut se comprendre que dans le contexte culturel Wolof. En
effet, cette interpellation du mari ne peut être perçu par le locuteur étranger, car le
1
mari souvent beaucoup plus âgé que la femme est appelé Oncle dans la coutume des
1
Wolof parce qu'on ne doit jamais appeler un supérieur directement par son nom
sans le faire précéder d'un titre qui en montre conséquemment les liens de parenté
1
unissant le locuteur au destinataire.
1
L'homologue du mari se trouvant être l'oncle suivant le code social, cette
1
appellation est donc un signe de respect et de soumission à son égard.
1
Le deuxième exemple est le suivant:
1
«Wolof N'Diaye». Il ne s'agit ici nullement d'un personnage portant le nom
1
"Wolof N'Ùiaye", mais plutôt, on le voit bien, on attribue volontier le nom de celui
qui est considéré comme étant l'ancêtre fondateur du premier royaume Djolof
1
(N'Diddiane N'Diaye) au nom de l'ethnie pour désigner les Wolof en général.
1
1
1

252
Le troisième exemple :
«Le lendemain, elle nettoya proprement sa jarre, la remplit d'eau et se rendit aux
champs».
Ici, l'énoncé porte des informations que la structure de la phrase ne révèle
pas à priori.
Dans la société traditionnelle, la répartition des tâches est fondée sur le sexe.
Cette société rurale fonde son économie sur l'agriculture qui rythme la vie des
paysans. Dans ce système, la femme a un rôle important à jouer. C'est à elle que
revient la charge de préparer les repas qui seront acheminés aux champs.
Ici, on nous montre tout le soin que la reine met pour apporter semble-t-il de l'eau
aux champs.
Le quatrième exemple est le terme "MBoolu", traduit par "moment où l'on grillait
les épis de maïs".
TI s'agit de la période des récoltes. Les premiers épis frais grillés font la joie
des paysans. C'est un moment qui augure le bonheur et la prospérité du paysan.
Tout le monde doit être de la partie, même les femmes.

253
Conclusion
Un conte est, à notre avis, comparable à l'exécution d'une danse. Les pas et la
musique doivent être solidaires. Apprécier les pas sans entendre la musique est
hasardeux. Entendre la musique et ne pas voir le danseur comme un aveugle n'est
pas non plus meilleur. La musique ici, c'est la culture de base à travers laquelle le
conte est transmis ; elle véhicule toute une vision ethnologique du monde. Les pas
ou la danse elle-même, c'est le récit.
Cela dit, une bonne compréhension du phénomène «contes»
en Afrique doit
reposer sur les fondements ethnologiques, sociologiques et linguistiques. Or, à ces
différents niveaux, il se pose de nombreux problèmes si le chercheur doit opérer par
la traduction puisque la grande partie des langues négro-africaines sont sans
écriture.
Pour une bonne compréhension du contexte ethnologique, beaucoup de
chercheurs préconisent qu'il soit ajouté au texte des commentaires. Cela est
d'ailleurs la meilleure solution et ce n'est pas une grande première à la recherche
en littérature orale. Les historiens et les linguistes ont déjà reconnu l'efficacité de
cette méthode.
Au niveau linguistique, c'est surtout la traduction qui pose des problèmes.
Une traduction apparaît toujours comme plus fragile (faible) qu'un texte originel.
Elle ne peut se prévaloir d'être identique à l'original mais, comme le dit
Jacobson, il «s'agit de deux messages équivalents dans deux codes différents ...»
Les langues d'enseignement étant en général des langues étrangères à l'école
et à l'université africaines, le conte n'est pas enseigné à partir du texte d'origine
mais par des textes traduits. Dans une telle perspective, le conte est dénaturé.

254
De sa civilisation de l'oralité, où il est fait pour être dit, il passe à l'écriture,
c'est-à-dire à la parole silencieuse qui, pour des raisons de code, ne possède plus ses
caractéristiques originelles. Une bonne traduction qui tient compte de nombreuses
observations ethnologiques ne laisse pas cependant transparaître les indices
situationnels et interactionnels. Elle réduit donc malgrè tout la qualité du texte et
l'art du conteur, elle dénature la performance du conteur et ne fait apparaître que
la compétence qui appartient anonymement à la société.

255
CONCLUSION GENERALE
Au terme de cette étude, qu'est-ce qu'on constate ?
Dès le départ, toutes les approches (sondage d'opinions, enquêtes statistiques)
menées sur le terrain aboutissent à la même conclusion : la primauté du conte oral
sur le conte écrit. Ce constat confirmait d'ailleurs l'optimisme de la législation
scolaire sénégalaise post-indépendance. Mais en cours d'études, on a pu observer
que l'optimisme qui guidait les initiatives du législateur au départ, a finalement
cédé la place au pessimisme.
Observation qui renforce partiellement notre hypothèse générale de travail à
savoir: <<le conte traditionnel complètement scolarisé (le conte écrit) n'a plus guère
de rapport avec l'identité traditionnelle et ne sert pas véritablement à
l'apprentissa~e de la lecture».
Mais si l'hypothèse générale est vérifiée partiellement au nIveau du conte
écrit, nous avons pu, par contre, montrer que le conte oral, introduit tel qu'il
fonctionne en milieu traditionnel dans le système scolaire sénégalais a ses limites.
Pour expliquer les causes de ces limites, il convient d'abord d'analyser la
fonction éducative de la littérature orale. Pour qu'une telle analyse soit
théoriquement acceptable et méthodologiquement possible, il faut faire le point sur
h
5iTP i1it ude np la c:itU",t10f1 hrll1""ti"o tnlln "],,'rm la rnf1n~ît dans l'pduration
institutionnelle et non institutionnelle.

1
1
256
1
Ces deux aspects représentent les deux types d'éducation dans toutes les
sociétés. Le premier, l'éducation institutionnelle se fait par l'école avec ses
1
méthodes directives. La seconde se réalise par l'animation avec des méthodes non
directives. La fonction du texte oral dans la société où il est crée relève d'un
1
mécanisme connu en éducation. Le conteur qui invente le texte joue le même rôle
1
que le maître ou l'animateur dans la situation éducative. Le public auquel il
s'adresse ne fait qu'adopter le texte ou son contenu.
1
Ainsi le public joue le rôle des élèves et le conteur celui du maître. Dans les
1
sociétés de tradition orale, le griot est appelé maître. Le terme de «maître
conteur»
traduit l'image du conteur.
1
1
Après ces indications théoriques, nous pouvons amorcer une comparaIson
entre la situation éducative en littérature orale avec la situation éducative dans un
1
cadre institutionnel dont l'exemple est la classe. En littérature orale, le jeu éducatif
se développe en trois modalités: l'auteur - le texte (et ses modèles sociaux) - le
1
groupe ; au même titre que dans la situation éducative où l'acte éducatif se
1
construit entre le maître - le savoir - la classe. Les deux situations sont semblables.
1
Le maître et le conteur sont des médiateurs éducatifs. La modalité principale
en littérature orale comme à l'école demeure non pas le maître ou le conteur, mais
1
le contenu du texte oral et le contenu du savoir dans le cadre de la classe. Ainsi, ce
1
qu'on retient à l'école, ce n'est pas la figure du maître mais c'est la structure du
savoir, ou l'analyse fictionnel1e du récit (en matière de conte).
1
Les limites proviennent du fait que cette analyse au niveau du récit est souvent
1
tronquée au profit d'une petite morale ou purement et simplement laissée de côté
1
1
1

1
1
257
1
par ignorance. Or, on ne saurait comprendre le finalisme du conte si l'on perd de
vue l'analyse fictionnelle du récit...
1
Le conte est un art rural qui sait faire le partage entre d'une part, la prolixité,
1
la profondeur et la clarté, l'efficacité de l'autre.
1
Son apparence quelque peu primaire, justifiait la légèreté par laquelle
1
l'abordait le monde de l'éducation (législateurs, enseignants, chercheurs). Mais
aujourd'hui, on ne se trompe plus sur sa signification profonde. On a raison de
1
reconnaître que derrière ces récits simples s'accumule un long passé de réflexion
1
sur l'homme et la vie.
1
Les contes existent dans le temps et dans l'espace: ils sont marqués par la
nature du pays dont ils sont originaires, par les contacts linguistiques et sociaux
1
des populations, par le temps et par les changements historiques concomittants.
Ce problème sociolinguistique que nécessite l'analyse du récit fictionnel, se pose
1
également, en milieu scolaire, pour l'apprentissage de la lecture ...
1
Jaurès donnait aux instituteurs ce conseil: «il faut que vous appreniez aux
1
enfants à lire, avec une facilité absolue, de telle sorte qu'ils ne puissent plus
l'oublier de la vie. Savoir lire, vraiment, sans hésitation, comme nous lisons vous et
1
moi, c'est la clef de tout».!
1
Nous avons tenté de rendre cet objectif opérationnel par une analyse aussi
1
lecture. A l'issue de cette analyse, nous avons vu que la solution ne peut en aucun
1
1
1 Jaurès (Jean), homme politique français 1859-1914.
Leader du socialisme français. Il était un peu optimiste. Nous savons aujourd'hui que nous ne
sommes pas forcément «vous et moi»

des modèles de lecture.
1
1

1
1
258
cas résider dans un retour à de bonnes vieilles méthodes (qui, du reste, n'ont guère
1
quitté les classes!) mais dans une approche à la fois linguistique, psychologique et
1
pédagogique.
1
Pour une telle approche, nous proposerions, par le truchement de
l'enseignement de la langue maternelle à l'école primaire sénégalaise, la
1
démarche suivante :
1
La langue maternelle (le Wolof) serait considérée comme véhicule d'enseignement
du CI au CM2 ; elle pourrait être enseignée selon une répartition horaire définie
1
comme suit:
1
CI
uniquement en langue nationale
1
CP
uniquement en langue nationale
CEl
19 heures de langue nationale - 7 heures de français oral par semaine
1
CE2
17 heures de langue nationale - 9 heures de français
(4 heures 30 de français oral, 4 heures 30 de lecture et écriture) par
1
semaIne
1
- CMl
17 heures de langue nationale - 9 heures de français
(2 heures 30 de français oral, 6 heures 30 de lecture et écriture) par
1
semaIne
- CM2
17 heures de langue nationale - 9 heures de français
1
(2 heures 30 de français oral, 6 heures 30 de lecture et écriture) par
1
semaIne.
1
~i l'on veut g~:p..r1or l'introdl11'"'tirm ri" rr~nl'"'ais pn CEl, il spr8it souhaitable de
ne consacrer qu'un trimestre à l'oral seul et introduire progressivement l'autre
1
système d'écriture (qui peut se limiter au départ, à une simple prise de conscience
1
1
1

259
contrastive et non à une étude exhaustive) toujours faite en référence avec l'écriture
des mots de leur propre langue dont le système est déjà presque en place.
De sorte que les enfants prennent assez vite conSCIence des différences
graphiques existant pour l'écriture et la lecture entre les deux: langues.
Pour être sûr que le système de leur propre langue soit bien en place, on pourrait
ainsi, ne garder l'introduction de ce trimestre de français oral qu'en fin d'années
de CEl (avec néanmoins une attention ponctuelle déjà portée sur quelques
différences graphiques) ; l'apprentissage du français proprement dit se ferait
réellement en CE2.
Cependant, l'in'troduction du français en CEl ou en CE2 suppose un
remodèle ment total de l'enseignement du français tel qu'il est pratiqué
actuellement en matière scolaire sénégalais. Le français devient matière
d'enseignement et ne devra donc plus assumer la fonction de substitut de la langue
maternelle. TI pourra désormais être réellement enseigné comme langue seconde.
Mais, il faudrait avant même d'établir un horaire, avoir préalablement défini
le niveau que l'on veut atteindre, le rôle que l'on attend de cette seconde langue. Ce
n'est qu'en fonction d'une définition claire des besoins que l'on pourra établir
horaire et méthodologie adaptés.
Si l'on veut par exemple obtenir un Niveau 2 (N2) en fin de CM2, on devra
d'abord tenir compte qu'un apprentissage d'un bon NI (lexique fondamental 1er
deg"~ - strurtu",ns o"ramm ......lca~"r du fr::;,"";s u~"nl ('tc. \\ '1rc"'''';''c de' ~(\\(\\ ~ ~(\\(\\
heures d'enseignement.

1
1
260
1
Quand au N2, un mInImUm de 300 heures est nécessaire si l'on veut
«amener l'élève sans trop de brutalité au langage réel et aux textes
1
authentiques»
(se référer pour les définitions des niveaux d'apprentissage et les
méthodologies utilisées au <<le nO 2 dans l'enseignement du français lan~ue
1
étran~ère. 1972 - Hachette. Collection F».
1
Ceci étant défini, si l'on désire enseigner le français sur trois ou quatre ans
1
(avec un horaire réduit par rapport à celui en vigueur actuellement et pour des
enfants débutant en CE2 ou enfin CEl) il est évident que la méthode actuelle est
1
inutilisable.
1
Il faudra donc dans cette perspective, envisager l'élaboraiton d'une méthode
1
nouvelle d'enseignement du français (contenu et progression) :
1
- la pro~essiQn établie sur trois ou quatre ans sera plus rapide et plus dense; ceci
ne présente pas de réelle difficulté: les enfants ont déjà appris à lire et à écrire et
1
sont par ailleurs plus âgés ; cependant la première année de cette méthode devra
1
tenir compte des interférences graphiques avec la langue maternelle.
1
- contenu lexical: il faudra sans doute tenir compte du fait que le français reste la
langue d'enseignement du secondaire et donc de prévoir l'insertion de tout un
1
lexique nécessaire à la poursuite d'études au-delà du primaire (lexique
1
scientifique, géographique, etc...).
1
- !::-C'...,t~D''-_''OCj('-f''l1turel· le fr~Tlçais p'q":a rl"" lwsoip Mant rlnnnp l'''v:istep('(l
parallèle d'un enseignement en langue nationale, de véhiculer uniquement la
1
réalité locale et africaine.
1
1
1

261
Quand au conte traditionnel, son utilisation dans le milieu scolaire sénégalais
doit s'organiser en trois moments principaux : transmission, compréhension,
exploitation qui se subdivisent en plusieurs activités parmi lesquelles l'enseignant
fait un choix, selon le contenu du conte étudié, le niveau de ses élèves et les objectifs
qu'il poursuit.
1- Transmission du conte
La transmission du conte devrait être un moment privilégié dans la mesure
où il est le seul qui puisse conserver un caractère oral. Il serait extrêmement
bienvenu que le premier contact de l'élève avec le conte soit un moment de plaisir,
d'enchantement avant de déboucher sur des exercices plus proprement scolaires.
C'est pourquoi, plutôt que de lire ou de faire lire le conte, comme on le fait
habituellement, nous conseillons au maître de le raconter en un tout premier
temps, en le réinventant avec aisance, et passion, pourquoi pas ? Et en rejouant le
texte à partir de sa structure rythmique et de sa trame chronologique, ainsi que le
ferait un véritable conteur.
Après ce premIer moment, on aborde l'exploitation scolaire, qUl commence
donc par la lecture et permet la comparaison entre le récit oral, sa spontanéité, son
rythme, sa vie et la fixité du récit écrit.
2 - Compréhension du conte
Afin de vérifier la compréhension du conte, le maître dispose de plusieurs
procédés qui sont utilisés pour tout autre type de texte: reconstitution orale et/ou
écrite du texte lorsque celui-ci est suffisamment court - cet exercice, remarquons-le

262
est généralement bien accueilli par les élèves du CM2 qui exercent alors leur
mémoire, leur sens de la langue et ont l'impression stimulante de participer à une
récréation du texte ; questions de compréhènsion générale ; questions avec réponses
à choix multiples ; ou même vérification de la compréhension par le dessin - dessin
d'un moment privilégié de l'histoire, reconstitution collective d'une bande dessinée
qui demande un découpage rigoureux de l'action.
3 - L'exploitation du conte
Au niveau de l'expression et de la créativité, le conte est un excellent outil
pour l'élève. Le conteur lui-même à la liberté d'embellir le conte à son gré, à
l'intérieur de certaines balises. On peut donc proposer aux élèves à la fois la même
liberté et les mêmes balises.
Les structures du conte leur fournissent des béquilles qui les aident à
formuler logiquement leur pensée et à produire des phrases ou des textes dans un
cadre à la fois motivant et sécurisant. Ils peuvent ainsi rédiger des parties de conte :
finir un conte commencé ; en inventer le début, imaginer ce qui se passe entre le
début et la fin, rédiger un conte entier sur un schéma donné, etc...
L'expression et la créativité peuvent d'ailleurs passer par d'autres véhicules
que l'écriture: dessin, bande dessinée, fabrication et animation, de marionnettes,
théâtralisation, etc... Le conte est un matériau vivant qui doit permettre de faire
vivre la classe.
Utiliser le conte oral dans la classe, c'est s'inscrire en faux contre une
certaine vision du conte, celle d'un objet intouchable qui doit rester la propriété

263
exclusive de la société qui l'a crée, qui ne peut-être, compris que de l'intérieur et sur
lequel toute entreprise d'explication devient destructin.
TI semble qu'au contraire laisser le conte au rang de document ethnologique,
alors que la société évolue et qu'elle a été amenée à éduquer ses enfants par
l'intermédiaire de l'école, c'est le condamner à disparaître peu à peu. Sa vocation
pédagogique traditionnelle autorise son utilisation pédagogues moderne. Introduit
à l'école avec toutes les précautions d'emploi que nous avons évoquées, il peut
contribuer à redonner une âme à l'apprentissage de la lecture qui, calqué sur un
modèle étranger, reste la principale source d'échec de l'enseignement du français
au Sénégal.

264
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frères chez l'enfant Wolof in psycho-pathologie africaine,
volume II, nO 2, 1968.

270
- Zempleni -R- (J) : Modes fondamentaux de relations chez l'enfant Wolof du sevrage
à l'inté~ation dans la classe d'âge in psychologie africaine, volume II, n° 2, 1966.
Brochures et Articles
- Achille (L.T) : Verbe noir in Aspects de la culture noire C.C.I.F. Fayard, n° 24,
3ème trimestre, 1958.
- Actes du colloque de 1973
: Eyolution de la relation psychologiQue. in l'apport des
à Paris, Editions de l'EPI.
scènes fondamentales aux services de l'éducation.
- Alexandre (P) : Littérature Négro-africaine, in encyclopédie clartés. Fasc. 5350, 1959
- Association française des Enseignants: Contes à lire et à conter.
de français de la maternelle à l'université
1984 nO 68.
- Balandier (G) : La littérature noire de langue française: Cahier nO 8-9 - Présence
africaine.
- Bergerin (Daniel de) : Les grands écrivains africains. «contes et lavanes», par
Birago Diop, Dakar - Matin, n° 6 du 29 mars 1963.
- Bulletion de l'I.S.C.R./I.C.A.O. : A la recherche de la signification des contes africaine
numéro spécial 5-6, Abidjan 1973.
- Bulletion de L'INFAN- Tome XXX 1 : Essai sur les fondements de l'éducation à la
série B, nO 3, 1969.
lumière des métaphores aCQueuse de la langue
Wolof.
- Bulletion de l'enseignement de : Les contes.
l'AOF n° 13 - Dakar -
- Bol (V.P) : Affirmation littéraire de l'AfriQue. in «Antennes»
Léopold ville, nO 1, 1961
- Brigaud (F) : «Les contes du Sénégal»
Notes africaines, n° 101, 1964, 1-6.
- Cahier de William Ponty-Dakar : L'éducation de l'enfant sérèr.

271
IFAN - SE - 568.
- Cahier d'études africaines: Littérature orale et folklore africain, Morton, 1968.
nOspécial 30.
- Cahiers évangile, numéro: Une initiation à l'analyse structurale du récit. Seuil 1970.
spécial 16.
- Cahiers d'études africaines: Recherches en littérature oral africaine nO 45 - 1972.
- Calame Griaule (G) : Esotérisme et fabulation au Soudan - Bulletion de l'institut
français d'Afrique Noire - Dakar 1954.
- Coeurs vaillants et Ames: Les enfants du Séné~al aujourd'hui AIE - 1979.
vaillantes du Sénégal.
- Communications numéro spécial 1966/8 : L'analyse structurale du récit - Seuil 1970.
- Conférence des Ministres de la : Les formes d'éducation extrascolaire orientées vers le
Jeunesse et des Sports -
développement Bamako 1979.
d'expression française.
- Dadié (B) : Le rôle de la lé~ende dans la culture populaire du Noir d'Afrique, Présence
Africaine, Juin-Septembre 1957.
- Duvignaud (J) : Bira~o Diop. le poète de la brousse in «jeune Afrique»
du 30 Juin 1963.
- Etude psychotérapiques nO 46 - Toulouse 1981 : Les contes et l'imaeinaire de l'enfant.
- Etudes sénégalaises nO 3 : Particularisme et évolution; les pêcheurs
IFAN St-Louis 1952
Lebous du sénég-al.
- Louf: Birag-o Diop. poète et conteur africain in, «trait d'union»
Janvier 1964.
- Nicole: Les nouveaux contes d'Amadou Coumba, par Birago Diop. Bulletion de la
Sorafom, 10 Février 1959.
Avril 1952.
- Présence africaine 17 et 28, 1959 : Le conte élément de solidarité et d'universalité.
- Présence africaine Février-Mai, 1959 : Apports et perspectives culturelles de l'Afrique.

272
- Recherche-Pédagogie culturelle: Le conte traditionnel africain.
1er trimestre 1980.
- Revue de l'éducation nationale: Problématique de la relation maître-élève et
Juin 1967.
dynamique de la classe.
- Seck Assaire : Une soirée au théâtre du Palais in «Réalités africaines»
26 mars 1955, Dakar.
- S.A.T.E.P. Dakar - 1964 : Education africaine et civilisation.
II·LAI.ECTURE
A Ouvrages essentiels sur l'acte lexiaue et la lecture en général
1 . Ouyrage de fond
- Apprentissage et pratique de la lecture à l'école, Actes du colloque de Paris, 1979.
- Apprentissage de la lecture, Actes du Symposium international de Neuchâtel, 1973.
- Bruno Bettelheim et Karen Zelan : La lecture et l'enfant, 2- Laffont, 1983.
- F. Smith: Comment les enfants apprennent à lire. Editions Retz, 1980.
- Jacques Fijalkov et John Downing: Lire et raisonner, Privat, Toulouse, 1984.
- Joël Pynthe : Lire. identifier. comprendre, PU, Lille, 1983.
2 . Ouyrages portant sur les wwrentissages et la psycho-pédagogie de la lecture
- AbiT'"
Prnnos sur l'édUC8tirm
PTT"l<'. 1Q4.R
- Bentolila (A) : Recherches actuelles sur l'enseignement de la lecture, Retz, 1976.
- Bron (cl) : Lire en classe, Paris, Magnard, 1971.
- Calmy (Gisèle) : Le soutien en lecture ou la lecture soutenue, Nathan, 1982.

273
- Canac (R) : La lecture. éléments de péda~ogie. Editions Didier.
- Charmeux (E) : La lecture à l'école, Cedic, 1975.
- Charmeux (E) : Savoir lire au collè~e, Cedic, 1985.
- Chassagny (C) : La lecture et l'orthographe chez l'enfant, PUF, 1968,263 pages.
- Chiland (C) : L'enfant de six ans et son avenir. Paris, PUF, 1973.
- Cohen (R) : L'apprentissa~e précoce de la lecture, PUF.
- Cohen (I) et Mauffrey (A) : Vers une nouvelle pédagogie de la lecture, Colin, 1983.
- Dehant (A) et Gille (A) : Votre enfant apprend à lire «Enfance, Education,
Enseignement», Casterman poche.
- Diallo (M. Talla) : Une approche de la compréhension en lecture silencieuse et en
lecture à haute-voix. Mémoire de maîtrise en sc. de l'éducation -
Université de Bordeaux II, 1986.
- Diallo (M. Talla) : Les interférences du Wolof dans le français des élèves sénégalais.
Prestation écrite dans le cadre du C4 des sciences de l'éducation -
Université de Bordeaux II, 1986.
- Dottrens et Mar Gaizac : L'apprentissage de la lecture par la méthode globale,
Delachaux et Niestlé.
- Dottrens (R) : Méthode ~lobale et écriture scripte. Editions du Scarabée,
«Faits et doctrines pédagogiques».
- Foucambert (J) : La manière d'être lecteur, Ratier.
- Gray (W) : L'enseignement de la lecture et de l'écriture, UNESCO, 1956.
- Inizan (A) : Le temps d'apprendre à lire, Paris, Colin, Bourrelier, 1963.
- Inizan (A) : L'évaluation du savoir lire au cours préparatoire, Colin, Bourrelier,
Paris, 1972.
- Jolibert (J) et Gloton (2) : La lecture, groupe français d'éducation Douvelle,
Casterman, 1975.
- Lobrot (M) : Lire, ESEF.

274
- Lobrot (M) et Zimmerman (D) : La lecture adulte, E8F.
- Malmquist (E) : Les difficultés d'apprendre à lire, Paris, Colin, 1973.
- Mialaret (G) : L'apprentissa~ de la lecture PUF.
- Philippe (C) : Lire mieux et plus vite. Editions le Celer, 1965.
- Piaget (J) : Le lan~a~e et la pensée chez l'enfant, Paris, Neuchâtel, Delachaux et
Niest1é, 1923
- Piaget (J) : La formation du symbole chez l'enfant, Neuchâtel, Paris, Delachaux et
Niest1é 1945 et 1968.
- Piaget (J) : Psychologie et pédagogie, Paris, Denoël, 1969.
- Piaget (J) : Logique et perception, Paris, PUF, 1958.
- Piaget (J) : La naissance de l'intelligence chez l'enfant - Delachaux et Niestlé 1945,
2ème édition.
- Richaudeau (J) : Méthode de lecture rapide. Editions Retz.
- Richaudeau (F) : La lisibilité. Editions Retz, 1976.
- Richaudeau (F) : Pourquoi. comment lire plus vite, CEPC.
- Richaudeau (F) et Gauquelin (M) : La lecture rapide. Editions Marabout.
- Touyarot (CH) : Lecture et conquête de la langue, Paris, Nathan, 1971.
- Toraille (R) et Villars (G) : Psycho-péda~ogie pratique. Editions 18TRA, 1973.
- Wallon (H) : Eyolution psychologique de l'enfant.
- Wiomont (B) : La lecture silencieuse à l'école primaire. Editions Nauvelaerts.
B, Des revues à connaître et à utiliser de tacon permanente
- Actes de lecture: Revue de l'association française pour la lecture, BP 13505, 75226
P~ris cr>dex nt:;
- Cahiers pédagogiques: revue des CRAP.
Revue essentielle pour les enseignants du second degré (le 2ème cycle) et aussi pour
ceux du 1er degré. Problème de lecture, production, évaluation, démarche, etc...

275
- Cahiers du CRELEF (Centre de Recherche en Linguistique et Enseignement du
Français). Université de Besançon, CDRP, Il, rue de la convention, 25003 Besançon
CEDEX. Description des pédagogies, analyses des pratiques, de lecture, études de
sémistique, etc...
- Communication et lang-ag-es. Editions Retz, 44, rue de la Vanne, 92120 Montrouge.
- Enjeux: revue de didactique du français. Editions Labor, rue Royale 342, B.I030
Bruxelles. Informe sur l'enseignement du français à tous niveaux, mais plus
particulièrement au niveau du collège.
- Dialo@e: Revue du GFEN (Groupe d'Education Nouvelle), 6, avenue Spinoza, 94200
Ivry. Lutte conte l'échec scolaire et tous les numéros peuvent aider les enseignants,
quelque soit le niveau de leur enseignement: lectures, production de texte, pédagogie
du projet, etc...
- Le francais aujourd'hui: revue de l'association française des enseignants de français,
de la maternelle à l'université, 101, bd Raspail, 75270 Paris cedex 06.
Cette revue propose dans chaque numéro des études théoriques, des travaux
pédagogiques, des chroniques littéraires, poétiques, etc...
- Pratiques: Revue animée par un collectif d'enseignants de tous niveaux, 8, rue du
Patural, 57000 Metz.
Tous les numéros intéressent l'enseignant de français: lectures, écritures, travail en
équipe, pédagogie du projet, etc...
- Repères: Revue des équipes de recherche pédagogique 1er degré INRP indispensable
aux enseignants de la maternelle et de l'école primaire ainsi qu'aux formateurs.
Etudes théoriques et travaux pédagogiques.
- Autres reg-ards sur la lecture: Revue de l'lFRERF Université Paris nord, Février 1984.
- Amis de Sèvres n° 2, 1970 : Communication et lecture CIEP.

1
1
276
1
- Amis de Sèvres n02, 1970 : Communication et lecture CIEP.
- Apprendre à lire aujourd'hui: CRDP Montpellier, 1984.
1
- Aimer lire. comment aider les enfants à devenir lecteurs, Paris, Bayard Presse 1982.
- CinQ. contributions pour comprendre la lecture, Colloque AFL, Février 1980.
1
- Conférence du Dr. Diatkine à Melun sur la lecture.
- Construire l'école élémentaire de notre tèmps : Actes du colloque de la revue «Unité-
1
Action», septembre 1982.
1
- Deyenir lecteur: Trois cours préparatoires, revue «Recherches pédagogiques»
,
nO 112, INRP.
- Du dé-lire au vrai lire: Coopérative des enseignants de la circonscription d'Ecouen 95.
- Du plaisir de lire au désir de lire: CRDP de rennes, 1984.
1
- Enfance: CNRS n° 4 - 5 juillet - décembre 1971.
- Langue française n° 13 février 1972 : A propose de la lecture à l'école élémentaire.
1
- Le français aujourd'hui nO 61 (mars 1983) : «Lire ou ne pas lire».
1
- Le journal des psychologues Mensuel nO 71 - octobre 1989 : Apprendre à lire.
- Lecture et lecteur: Revue «Semen 1 du Grelis», Annales littéraires de Besançon,
Paris, 1983.
- Lire. une autre approche de la lecture: Contribution de E. Charmeux, J. Foucambert,
Y. Parent, Aline Romeas, CNDP Valence, 1983
- L'art des choix: Bulletins nO 1-2-3 du groupe ardéchois de l'école moderne.
- L'enfant lecteur: Dossier réalisé par la FOL, le CALAT et le CDDP d'Ardèche,
février 1981.
- Pour une pédal:0gie de la réussite en lecture: Dossier pédagogique nO 4, CIEP Sèvres,
mai 1983.
Pr?t~q"nC' n° qe:; (ort"hr (' 1 Q~?l /<L::!J.r'rture».
- Processus psychologiques en lecture: Numéro spéciale de la revue «Psychologie et
éducation»
n° 4. Publication de l'U. Toulouse
Mirail, 56, rue du Taur, Toulouse.

277
D. Autres textes
- Arrêté ~énéral nO 2 5761IP du 22 août 1945. Archives nationales à Dakar - Sénégal.
- Arrêté de service n° 121MENIBRE du 12 janvier 1970. Education nationale - Dakar -
Sénégal.
- Arrêté de service nO 8053/MENISGIDEP. Séminaire de Rufisque - Sénégal 1975.
- Arrêté n° 1453lMENIDTI du 12-2-1959. Education nationale - Sénégal.
- Arrêté nO 8338lMENIDTI du 8-5-1962. Education nationale - Sénégal.
- Arrêté nO 72862 du 13-7-1972. Archives nationales - Dakar - Sénégal.
- Arrêté nO 63643 de 1963. Archives nationales - Dakar - Sénégal.
- Arrêté nO 64477 du 26-6-196*. Archives nationales - Dakar - Sénégal.
- Cahiers d'Etudes Africaines 1961 : Problèmes linguistiques des Etats Africains à l'heuœ,.
de l'indépendance.
- Calame Griaule G : Lan~a~e et cultures africaines, MAESPORO 1977,376 p.
- CLAD nO 1 juin 1977 : Lan~es nationales au Sénée-al : Réalités et perspectives.
- CLAD nO 51, Dakar 1974 : Le français et les lan~es nationales.
- CLAD nO 66 : Publication sur les langues nationales.
- CONTE (P.Abdoulaye) : Evolution du rôle de la langue dans l'enseignement. Le cas du
Séné~al - Mémoire de maîtrise en sc. de l'éducation - Universite
Bordeaux II, 1985.
- Diallo (M. Talla) : Les interférences du Wolof dans le français des élèves séné~alais -
Prestation écrite pour le C4 des sc. de l'éducation - Université de
Bordeaux II, 1986.
- Houis (Maurice) : Anthropolo~e ling-uistiQue de l'Afrigue Noire - Paris, PUF, Coll, «lE
li'-'~is"C':-:-::--, ~o 11. 1q71
Outre-Mer janvier 1963, nO 396 : L'ayenir de la lan~e française en MriQue Noire.
Europe. France. Outre-mer.

278
- Seck FaU CA) : La formation des enseignants du 1er delrré au Sénégal - Doctorat de
IIIème cycle - Université de Paris X - Nanterre.

279
ANNEXES
1 •
Contes proposés par les enfants
II· Entretiens avec les enseignants
III . Textes de lecture de contes

280
1· Contes proposés Par les enfants à la suite du sujet suivant;
Imaginez en une qUInzaIne de lignes, la suite du conte sur le «mariage
imprudent».

281
sow
Elisabeth
15ans
Lorque la femme du roi c'est envolée le roi est devenu célibataire.
Devenu célibataire, le roi n'as plus voulu épouser une femme.
Mais plus-tard, il se remarit, mais, lorsque sa deuxième femme lui demadait pour
aller prendre la moisson, sa pensée se retournait toujours chez sa première épouse.
Et il disait à ses esclaves d'aller prendre la moisson. Mais sa première femme
venait toujours dans la maison du roi, sans que le roi se sans aperçoit. Mais, cette
année, là tout les villageois, entendent cette nouvelle. Alors un jour un chien a
poursuivit lere la femme du roi. Maintenant elle vit dans la forêt.
Depuis ce jour aucun n'as voulu se marier avec de très belles femmes qu'ils ne
connaissent pas. ils se marient entre eux.

282
DIOP
Alassane
16ans
le roi se separa avec sa femme, apres avoir vue de ses propres yeux la nouvelle que
lui avait dit le maure.
Ainsi le roi prena le maure comme conseillé
Il ne pouvait plus doute des paroles du maure, mais il continua à vivre en
s'inspirant à etre salibataire.
pour toute sa vie. Mais nul ne pouvait le convainqure à epouser une femme. 11
prefera mourir que d'avoir une femme. Au bout de quelques il vequ une terrible vie,
en faisant de terrible cochemard, en se laissant emportée par ses conseilles. Il ne
mange pas comme d'habitude, il passait tout son temps dans le palais.
Et sa femme oiseau se transforme en oiseau et vient par fois jusqu'au portes du
palais.
Apres 3 mois il mourit tristament, et sa femme veccu une vie d'oiseau
A cause de cette nouvelle beaucoup d'Habitants du pays ne voulerent pas prendre
femme.

1
1
283
1
FAYE
1
Ousmane
1
16 ans
1
1
Par la suite d'un mariage imprudent comme ceci. Le roi et la reine sont venus à se
1
s'eparé parceque elle était un oiseau. (genie)
1
De ma imagination le roi va restait salibataire et la reine va être ce qu'elle voulait
1
être pendant les periodes de moissons pour pouvoir bien manger du mil. Parceque
elle est en liberté lorcequ'elle n'est pas marié, et J'espère que le roi va prendre le
1
maure comme espion sur tout ce qui passera, dans son royaume. Et encore le faite
que le roi à eu une fois une femme genie sa lui servira comme leçon la prochaine de
1
ne pas choisir sur les femmes qui vont au marché pour attendre des maries. La
1
femme elle va rejoindre ses amies pour aller chaque soir aux champs durant la
période de moissons
1
1
1
1
1
1
1

284
ASTOU
14ans
Le roi s'est séparé avec sa belle femme qui se transformée en oiseau.
Après son retour au champ, elle se dirige chez elle accroupie sur une natte, une
calebasse, remplie de la farine de mil et commence à préparer le dîner de son
époux.
Quand son mari est revenu il commence à chanter sa femme lui demande de ne
plus dire ce chanson et lui promis beaucoup de choses qui lui rendra riche il refuse
et elle se transforme - en prenant son baton pour la chasser elle s'est enfuie.
et le roi se dit quel homme malchanceux et il a resté beaucoup de temps sans
femme. un jour il va chez un marabout lui dit son cas, il le repond tu n'as jamais
vu des femmes qui vendent elles même et encore il ne faut jamais épouser une fille
très belle qui n'a pas de cicatrice ni rien mais tu auras. quelques semaines plus
tard il epoux une femme qui vient d'un autre village elle n'est pas mignonne mais
elle est gentille

285
DIAGNE
Ndèye Fatou Diagne
13 ans
Après avoir chanté le chant magique et que la femme fut métamorphosée en oiseau,
le roi prit un bâton et l'obligea à quitter la maison.
TI fit appeler la garde et tout le village afin de liquider l'oiseau. Partout, on prenait
gourdins, bâtons et fers et on se mettait à sa poursuite. Le village en meute fonçait
derrière lui. Mais à chaque occasion il s'échappait. On criait «la reine est un
oiseau», on gesticulait. Partout, on disait qu'une reine oiseau est indigne d'être,
dans un pays comme MBelengan.
On se mit, à ses trousses pendant deux jours. Repris et las, ils s'obstinèrent et
allèrent trouver un grand marabout qui pouvait leur dire, où se trouvait l'oiseau
maléfique. Comme, on entendait dire, qu'il s'était caché dans les tailles et les
fourrés, ils battirent la forêt et le trouvèrent enfin.
Finallement, ils le mirent en cage sans lui donner boisson et nourriture pendant,
cinq jours. Le sixième jour, ils fabriquèrent, un grand feu et l'y laissèrent.
Ainsi finit fatalement l'oiseau maléfique.

286
SADIO
Marie-Louise
14ans
le roi s'est séparé de sa femme qui était un oiseau en voyant le baton que tenait son
mari cette dernière s'est enfui
Maintenant chacun ne peut s'en empécher de mediter
Le roi: oh ! mon dieu, vraiment je n'ai pas de chance, j'ai épousé un oiseau
maintenant qu'elle s'est enfui je redeviens seul, célibataire comme avant.
Le maure: j'ai pêché contre moi, contre la femme du roi et contre le roi même. Car
si je m'étais tû, le roi n'en saura rien. Mais aussi je crois que j'ai fait une bonne
chose car ça pouvait porter préjudis au roi s'il n'était pas au courant de ce qu'est sa
femme.
La femme du roi: oh ! Seigneur, j'ai perdu un mari qui m'étais cher, enfin, je ne
pouvais pas me passer du mil qui est ma nourriture familiale, Maintenan je
regrète d'avoir perdu mon mari et suis ravie de redevenir ce que j'étais

287
KANE
Ibrabima
13ans
Après le mariage maheureux du Roi-NDiaye et de la genie «L'OISEAU«
la
nouvelle s'est rependue dans le village.
On n'en parle déja dans toutes les places du village, sous l'arbre à palabre.
C'est ainsi que le Roi abandonna sa femme, il devenait alors un selibatair.
Sa femme elle qui savait c'etait impossible de vivre dans une autre creature ou
renivers était devenue un oiseau restait sur son nid.
Ainsi Narr le maure était considéré, comme le propagateur des nouvelles dans le
village.
Tout le monde se mefiait de lui.
C'est une légende une moitié de verité et l'autre de mensonge, mais je pense que les
élèves l'appreçie.

288
SALL
AblayeYoro
14 ans
la femme du roi était un oiseau. C'etait "Nahar" le Mahaur qui lui a informé ce la
l'orsque la femme ariva dans la maison bour le roi chantez la chanson de la femme
et la femme commencé à transmettre sont corps
Comme celle d'un l'oiseau est que bour le roi a prit un batton et il a voulu le frapper
a sa femme qui est l'oiseau et elle c'est envolé et bour le roi a separé contre sa
femme. Par de la nous pouvons dire que les Mauhaurs ne sont pas des Menteurs
Par ce que si le Mauhaur n'avait pas informer bour NDiaye elle aurait «dioma1»
le bour
Par ce la bour le roi a appelé tous les habitants du village pour venir chez lui. Pour
qu'il puisse informer au femme et homme de faire attension avant depousé une
femme.

289
FAYE
Mamadou
14 ans
Après la séparation du roi et de sa terrible femme qui était un oiseau. Il decide
maintenant de ne plus se marier, et il a *** des femmes sur les plus belles.
Il reste seul dans son illustre trône, un roi sans épouse.
Mais quand les années furent passées et on avait presque oublié de drame, le roi se
sentant sollicitaire dans son trône, décide de se remarier, mais cette fois ci, il dit
qu'on ne l'y prendrai plus. Il va consulter le grand sorcier du village à propos de sa
futur femme qui habite dans le village voisin. A cela, le sorcier lui affirme que si tu
épouses cette femme tu mourras. C'est ainsi que de roi fut désespéré, et plus tard va
rendre l'âme.

290
YORO
Thimbo
12 ans
Après le chant du roi, sa femme qui s'était transformée en oiseau s'envole. Le roi
devenu salibataire va dire au griot de lui chercher l'une des meilleures femmes du
village. A cette occasion le roi se remaria.
Et il a interdi à tous les villageois de se marier avec n'importe qui, parcequ'une fille
ne doit pas aller à la recherche d'un homme.

291
MBAYE
Sidy Mohamed
14ans
Introduction :
Après la séparation du roi et de la reine, le roi était devenu célibataire car le maure
lui était au courent de sa transformation animale (oiseau).
Lorsque le roi, s'était diversé par des preuvès, très claires de sa vue, il devait du à
féliciter le maure car la reine voudrait le tromper.
Par la suite, ce qui est arrivé au roi ne lui arrivera jamai car de bonne femme ne se
dénoncent pas mais attendent que les hommes les cherchent chez elles. Le roi
devait mettre au courent aux populations pour que cet évènement ne leur arrivera
jamais dans la vie.

292
NIANG
Lineta Aïssata
13 ans
Après que la femme du roi se metamorphose en oiseau devant le roi. Elle va
prendre la fuite pour ce separe de son mari ou de la mort.
La reine s'est enfuite en se transformant en oiseau elle va peut-être dans les
champs ou elle retrouvera sa demeure ou bien va encore se remarier. Le roi va se
remarier avec une femme qu'il connaitra mieux. Le maure (grand menteur) va
repartir la nouvelle dans tout le village.
Comme vous l'aviez dit c'est un mariage imprevu nous pouvons conclure aussi que
le roi ne va plus se mari avec une femme dont il n'a jamais vu ou connu de même
que tous les hommes du village.

293
ELHADJI
NDao
13ans
Après separation entre le roi et sa femme par l'intermediaire du «nar»
le maure.
Nous contunions donc avec la fameuse femme du roi. Elle vola de village en village
et enfin elle atteint dans les enlentours d'un village du nom de «Toffaye». Elle
entra par hasard dans la maison d'un célèbre griot qui courrut l'annoncer au roi.
Le lendemain matin elle rendit visite au roi qui décida donc de la marier. Mais cette
fois le scenario sera presque le même mais pas tout à fait.
Le roi avait bien un troupeau de vache qui était gardé par un berger qui partait loin
dans la brousse.
Un jour il vit une de ses vaches se transformer en humain, certes c'était la femme
du roi.
Le berger donc courrut le dire au roi qui voyait toute suite une vache venir la tête
comme celui d'un humain de sa femme et les autres parties en vache et
brusquement elle disparaissait complètement.
Quand au maure et son roi ils étaient déshonner et inquiets car il était impossible
d'imaginer telle chose ainsi donc désormais quand je déciderai de marier la beauté
ne m'interressera.

294
DIEYE
Khady
14 ans
Le roi est séparé avec sa femme. Maintenant il est seul il est salibataire.
Au marché tout le monde en parle de ce que la femme du roi a fait. Elle était très
jolie mais c'était une génie. Le roi ne voulait pas prendre une autre femme parce
qu'il a l'impression que toutes les autres femmes sont des génies comme sa
première épouse et c'est à cause de ça qu'il ne voulait pas prendre une autre. Mais
six mois plutard, il a dit qu'il est très fatigué d'être seul. Il faut qu'il cherche une
autre pour qu'elle s'asseoit devant lui qu'elle soit diable ou genie il s'en fiche.
Pendant ces jours qui passés le roi etait triste et mecontent de ses évènements.

295
NDIAYE
Abibatore Dior
14ans
Après le chant du roi, la femme oiseau s'est envolée et le roi reste seul sélibataire.
Cependant en ce qui concerne le roi il est resté seul sélibataire et la nouvelle s'est
envolée dans le village, les femmes compagnons de la femme oiseau étaient
surprisent à cause de ce qui vient de se dérouler dans le village.
Et depuis ce jour, là le roi n'est jamais épousé une femme et il est resté seul
sélibataire et il avait encore entendu parler d'une femme qui voulait un mari mais
il n'est pas repondu à cause de ce qui vient de lui arriver avec cette femme oiseau.
Tout le monde disait que le roi ne devait pas épousé cette femme la parce que
personne dans le village ne connaissait pas ses parents de cette femme là et il était
très mécontent à cause de ce qui vient de lui arrivé avec cette mariage imprudent.

296
SYLLA
Khoudia
Il ans
A partir du phénomène qui s'est passé le roi Ndiaye du village s'est séparé avec sa
femme parce qu'elle est formé d'un oiseau et elle est partie.
Le roi a laissé sa femme partie, à cause, de la qui vient de se passer. Donc le roi
NDiaye va rester seul, dans sa maison ou bien il va aller chercher une autre femme
qui ne sera pas celle qui vient de partir. Donc tout le village savait que le roi, avait
une femme qui se transformer un oiseau. Et elle se transformera un oiseau, chaque
fois pendant le temps des moissons.
Donc sur ce que je pense le roi Ndiaye chef du village doit rassembler tous les
hommes du village s'ils veulent une épouse ne choisira pas donc celle qu'elle avait.
Parce que en général les plus belles femmes ne servent que des diablesses. Donc
moi le roi du village qui vous dit cela je ne cherchera plus la femme la plus belle.
Et moi je fais toujours ce que je dis.

297
GUEYE
Sophie
Il ans
Apres que le roi et sa femme se separèrent car l'oiseau qui etait sa femme s'etait
envolé; le roi resta seul quatre mois seul. Comme il n'etait pas habitue à rester
celibataire, il eut l'idee d'épouser une autre femme mais il s'est trouvé dans etat de
dilemne ; c'est à dire qu'il ne sait quoi faire? parmo il avait peur d'epouser une
femme du meme genre que la precedante.
Secondo il ne peut pas rester celibataire et à regarder des femmes sans rien faire
alors que les homme sont faits pour les femmes. il fut rassemble ses conseillés pour
leur dire de lui aider à prendre une des cision : c'etait d'épouser Kadyla la plus
belle des villageoises et le roi fut d'accord à condition que si cette femme est du
meme genre que la precedente alors, il sachera tous les membres de la cour royale.
Et le lendemain le griot du roi fit part aux villageois la nouvelle et le roi fut marie
avec Khady mais n'etait pas sûr de lui même et se méfiait d'elle durant tout leur
manage.

298
SECK
Ndeye Diakhou
14ans
Après le chant du roi, sa femme commence à se métamorphoser en oiseau. Quand
elle sortit toutes les affaires, le roi veut le chasser de sa maison. Il prit un bâton
pour la frapper, mais elle s'envola et le laissa seul.
Dans ce cas là, le roi n'osa plus épouser une femme à cause de sa précédente
épouse qui se métamorphose en oiseau. Et aussi les hommes du village veulent plus
épouser une femme et les filles du village peut être n'auront pas de mari. Depuis de
jour là ils sont devenus célibataire Ge roi et la femme oiseau).
L'oiseau s'est envolé loin du village. TI ne viendra plus rendre visite à ses amies.
Même les maris de ses amies sont devenues sévères. Ses amies aussi ont eut la
honte même d'aller au marché pour faire leurs provisions ou même aller à la
boutique pour acheter du riz ou de l'huile. Les autres qui ne sont pas mariées sont
allées loin de leur village natal pour se marier et le maure qui avait apporté le
message au roi devenu riche à cause de sa forte récompense.

299
MBAYE
MameAsta
13 ans
Après cette scène fatale de la part de l'épouse du roi. Celle-ci s'est envolée afin de se
métamorphoser en oiseau. Tout pour échapper aux coups du roi.
- Le roi ayant vécu quelques jours de solitude se rent de mauvais humeur
maintenant.
- «Nare»
tout ça c'est de ta faute. Il fallait te taire
- Comment? vous n'êtes pas content alors que je vous ai sauvé de vos risques.
«Mais heureusement le maure avait une idée à proposer au roi»
«Maure»
Je sais que tout çelà c'est parce que 'vous mourez de solitude
- Quelle solution vas-tu prendre maintenant?
- Il vous faut choisir une femme en disant (Bissmi-Aahi)
- D'accord c'est la meilleur des solutions.
«Et c'est ainsi que le roi alla chercher une autre femme qui s'appelle corimba (la
fille de sa tante).

300
GADIAGA
Aïda
12 ans
Après que la reine s'est métamorphosée en présence du roi son mari et du maure
réputé par ses mensonges. TI y a eu une divorce fatale pour la reine.
Ebahi, le roi resta seul et se mit à soucier quelle solution prendre rester sans
marier ou chercher une femme mais pas au marché. Enfin il décida de ne plus se
marier car il n'a plus confiance aux femmes d'après ce qu'il vient de voir. Quand à
la femme-oiseau, le maure en tant que vehiculateur des secrets a dévoilé son
(secret) mythe. Elle décida à voltiger et saccager les champs de mil mais les
habitants du pays l'ont capturée
Quand au maure il fut récompensé par le roi car il l'a sauve d'un drame qui pouvez
le blessait. Tous les habitants Mbelegan décidèrent de ne plus épouser des filles car
elles sont tous des oiseaux. Pi-mil, rien ne restait au village, toutes les filles étaient
des oiseaux.

301
NDlAYE
Emilie
13 ans
Après que le roi la vue transforma en oiseau. TI a essayé de la tuer mais elle s'est
échappé et s'est envoler pour aller dans un autre village.
Le roi maintenant reste seul dans sa maison. Il donna au maure ce qu'il l'avait
promi et se met à réfléchir s'il doit laisser les autres femmes dans le village ou les
chasser du village, le premier et de ne plus épousé une femme rencontrée dans les
marchée. Le maure est allé prevenir aux autres hommes qu'on doit chasser sans-
femmes parce que la femme du roi été un oiseau et qu'il n'est pas sur de laisser ses
compagnies dans le village.
Finalement le roi a chasser toutes les compagnies de la femme oiseau et a epouse
une nouvelle femme dont il connait ses parents et qui lui est sur que ce n'est pas un
oiseau.

302
BADIANE
NDeye Marème
14 ans
Après la fuite de sa femme le roi est devenu celibataire.
Le maure part et anoce la nouvelle dans le village.
Et la nouvelle c'est dispercé dans le village.
Et le roi a appelé le maure.
- Maure! Vous l'avez anocé dans tous le village.
- Qui moi! non! je n'ai rien dit
- Grand Manteur !
- roi l'autre fois vous avez dit que je suis un menteur et que ce que j'avais dit été
vraIS
- Mais c'est pas le même cas.
Et le roi tue le maure.
Des jour passent les femmes se regroupent pour aller au champs et l'une des
femmes dit ... je savais qu'il avait quelque chose là dans lorsqu'elle avait dit qu'elle
n'ira pas.
Un ans apres le roi épouse une femme et fait des recherche sur elle. Mes
heureusement elle n'etait pas une genis.

303
CISSE
Khadidiatou
14ans
Après le chant du roi, la femme se transforme en oiseau et le roi prend un bâton
pour le frapper l'oiseau s'est envolé!
Après le roi reste bouche bée et dit:
- Je n'ai jamais vu depuis ma naissance une chose aussi terrible que celle-là.
- Si c'est comme ça je ne me marierai jamais de ma vie ou même je me marierai
avec un membre de ma famille et il appella. son garde du corps.
- «Beuk nek»
va dire à mon peuple que je viens d'avoir un grand deception car la
femme que j'avais épousé n'ète pas un être humain mais un oiseau.
va vite le dire au peuple tout le monde doit savoir quand le «Beuk Nek» voulait
par, il l'appela encore.
- Tu diras à mon général de rassemblé tout ses guerriers pour qu'il m'attrape tout
oiseau qui volera dans cette royaume et le mis dans une case, il faut coûte que coûte
que j'rattrape cette bête qui était ma femme.
Ensuite tu va prevenir le maure tu lui diras que je veux le voir tout de suite jE; dois
lui donner la main de ma fille Layka Dès la prochaine lune.
Quand le maure a entendu la nouvelle il dit j'aime la fille mais j"ai pE:ur je ne VEUX
plus me marier.
Depuis ce jour les hommes ont cessé d'épouser les filles qu'ils ne connaissent pas et
même qui sont très jolies.

304
SEYNABOU
Niang
14 ans
Le roi est seul chez lui, sa femmes est partie.
Maintenant le roi épousera une autre femme. Et que depuis lors il ne choisira
jamais de belles femmes. TI va écouter les conseils que disent les parents. Parce
qu'il a fait un delit (il a entendu dire qu'il y a des femmes qui sont au marché et
qu'elles veulent des maris). De toutes parts', ils sont affiuts sans refléchir, ecouter
ceux que disent les parents.
C'est pourquoi Dès maintenant il est interdit de choisir une très belle femme, sans
cicatrises, ni de défauts.

305
FAYE
N'deyeSoda
13 ans
Après le chant du roi la femme se transforma en oiseau, c'est ainsi qu'il voulait pas
la frapper en vain elles s'est envolée. Le lendemain matin le maure repand la
nouvelle dans le village et tous les gens se disputaient avec cela. Les femmes qui
étaient au puit, les vieillards qui écoutent sous les arbres à palabres, les hommes
qui étaient au champs tous parlaient de cette étrange nouvelle.
C'est ainsi le roi qui se hâtait de prendre la plus belle des femmes avait honte de
sortir parce que tous les gens du village disaient; C'est bien fait pour lui puis qu'il
se contentait d'avoir une très belle femme il l'a eut mais heureusement elle était un
oiseau qui était devenue très mignonne.
Et toutes les jeunes femmes qui étaient avec elle ont divorcé avec leur mari, parce
qu'ils disaient que les siennes sont aussi des génis. Enfin elle se retourne chez elle~
en espérant de plus y avoir.

306
SARR
Ndiaga
15ans
Introduction;
Après la chanson du roi, la reine est devenu un oiseau et elle s'est envolée. Par la
suite du mariage, le roi est devenu un salibataire.
- De ma imagination le roi restait sans femme ni fiancée. Mais la reine va devenir
s'elle qu'elle voulait être pendant la période du Moisson. C'est à cause du maure
que le roi est devenu un salibataire sans mari ni fiancé.
Le roi aimerait mieu être avec sa reine mais la reine est un oiseau. La vie du roi est
devenu une vie malheureuse. Après le roi a fait rassembler tous les habitants du
village pour leur informer cette nouvelle, parcequ'il ne voulait pas que ca arrive au
gens du village. Cette nouvelle est mauvaise pour les gens du village.

307
CHEIKH
1idiane Diallo
13ans
Après que le roi est chanté le chansson pour sa femme, qui s'es transformée en
oiseau pour s'envoler. Et disparaitre a jamais, mais en allant retourner chez elle
pour y retrouvait sa race. Qui lui on dit qu'elle était trop humain pour se marier
avec un Roi, qui est aveugle et sens parents. Avec une mariage gratuitement fait on
ne peut pas aller loin.
Mais noublions pas le Roi qui s'est d'eshonorer à cause, d'une jeune femme
ravisante qui n'était pas naturel.
Cela fait que l'oiseau serra toujour malereuse à cause de son mari qu'elle a perdu,
en etant foIe amoureuse du Roi qui lui aussi l'aimé de tous son coeur.
Mais Une fois que la femme fut partie il est devenu fou (en parlent chaque fois de la
femme qu'il avait eu en chantant «Rafetna diekna wayée lou Ko Yaque Modiné ape
pithe lay souma Ye Gone douma Way «Kority perega1»
N'DEYSSAN).
Mais l'oiseau aussi devindra la femme la plus malereuse de son Royaume qui était
formés de Génis.
Mais tout est venu du maure qui a «narait»
pour être fière de lui.

308
DIA
Lika
13ans
Le roi est séparé avec la reine. En chantant une chanson. Et elle se transforme en
l'oiseau.
Le roi quand il a vu sa femme se transfome en oiseau. TI sait étonner car sa belle
femme était qu'une sorcière. Et de perdre une si belle bauté. Il voulait même
s'envolé avec elle, mais il ne le peu pas le faire. Mais il regrette beaucoup de chose.
De se marier avec une diablèse. Depuis ce jour le maure devient un très grand ami
du roi. Même de lui donner sa fille en mariage. Il jure de ne jamais se marier avec
une femme quiconque. Sa va lui permet de bien chercher une bon femme.

309
KONnE
Dialyma
15 ans
Le roi se séparait avec son mari parce qu'elle est s'envolé et qu'il est un oiseau.
et le roi à dit qu'il n'épousera jamais une fille qu'il ne connais pas.
Qu'il a appelé tout les hommes qui habitent dans leur village, et leurs je
n'épouserai jamais une fille que je ne connais pas parce que je vu ce que je n'ai
jamais vu depuis ma naissance. Et les gens demandent au roi qu'es qui ne va pas.
Il a dit que ma femme est un oiseau, tout le monde se mis à criés, un oiseau ta
femme.
et les amies de sa femme à dit, je ne peux plus rester dans ce village on va partir et
il on partit dans le village qu'elle habite.
Depuis ce jour là elle ne viendrons plus dans cette village.

1
1
310
1
NIANG
1
Alioune
1
14 ans
1
1
Le roi c'est séparé avec sa femme l'oiseau qui a vole pour se disparaitre dans la
1
forêt.
1
Dans quelques années, elle a entendu ce que le fils du roi demande à son pere. C'est
à dire une femme sans cicatrice.
1
Elle a changé sa corps pour être une jeune èt belle fille.
De chaque matin le prince va se promener dans les champs.
1
Et un jour elle va se promener aux champs pour lui rencontre. aprés avoir
rencontré le prince va demander son père j'ai vu une jeune et belle fille aux
1
champs.
1
Et son père lui dit
fait attention mon fils, tu est têtu
1
Et le fils refuse.
1
11 va lui rencontrer au choeur de la forêt.
Mais son père est un homme intelligent, il va les suivre jusqu'au tromp d'un arbre
1
La femme se transforme pour se venger et l'enfant c'est affolé il ne peut rien faire
Et ensuite il a retenu les paroles de son pèrè
1
Et enfin l'oiseau c'est tuée par les gardes du roi.
1
1
1
1

1
1
311
1
COULmALY
1
Aïcha
1
13 ans
1
1
[
La femme du roi s'est transformée en oiseau et le roi s'est séparé avec elle.
La femme oiseau s'était envolée et le roi était resté tout seul dans sa demeure. Cela
1
étonner les habitants du pays. Maure seul était au courant, se dernier ne pouvant
[
pas se taire répendait la nouvelle dans le pays. La rumeur courait dans le pays et
tout le monde était au courant.
1
On ne voulait que de «bour»
et de sa femme oiseau:
etc... Le roi était malheureux. Les gens disaient qu'il l'aimait trop jamais il n'aura
1
une autre femme qu'il aimerait autant que celle là. 11 y'avait même des gens qui ce
1
moquaient de lui en disant mais elle sera vilain quant il s'agit d'oiseau. Un autre
disait qu'elle était la plus belle parmi toutes les filles voulant un mari.
1
Vraiment ce mariage était imprudent. C'est pourquoi les hommes d'aujourd'hci
1
préfèrent être amant afin de connaitre la femme avant de devenir mari c'est à dire
(
de les marier.
1
1
1
1
1

312
TENDEN'G
Honoré
12ans
Bour c'est separé de sa femme, car sa femme était un géni. Pour se transformer et
Manger le mil, elle chantait une chanson qui lui appartient. Le Dernier jour elle
s'est transformé en oiseau et quand le roi a voulu le tuer elle s'est envolé et on ne la
plus jamais revu.
Après la disparition de la femme du Roi. Le Roi était libre il n'existait pas une autre
femme pour lui réchauffer son lit.
Alors le roi décide de ne plus choisir par hasard une femme au Marché.
Quand on lui présentait de jolies filles pour femme le Roi avait peur, il pense a son
ancienne femme. n croyait que tous les jolis filles sont des genies. Il decide de ne
plus epouser une jolie femme.
Quelques années plutard le roi épousa une femme qui n'etait pas tellement belle. Le
Roi conseilla à des jeunes filles d'espionner sa femme quand elle partait au champ.
Après avoir su que sa femme n'était pas un géni, le Roi heureux, sa femme aussi et
iles décidaient d'avoir beaucoup d'enfant.
C'est pour donner un conseil aux hommes qu'on a conté ça. Il faut choisir un
femme honnête, sage, intelligent, mais non pas choisir par hasard de belles
femmes.

313
NDOUR
Adbou
12ans
Apres cette triste evenement, tous les habitants et les gens du village se sont posés
des questions. Tout le monde se doutait parce que le Wolof a souvant dit que chosir
la plus belle des femmes comme epouse abouti toujours a des resultats
malheureuses. Le roi étonné par cette bête etait devenu fou parce qu'il se disait que
jamais au plus grand jamais une tell situation se reproduirait. Les autres gens eux
tirant de l'evenement une leçon et avaient des mariage exelent
Et depuis ce jour les hommes choisissaient les femmes de leur aspect morale et
plus jamais de leur aspect phisique
Et souvant dans l'ombre des grands arbres a palabre du village les gens racontaient
cette histoire dans une grande gaieté.

314
MANE
Mariama Dianké
13ans
Après le chant du roi, la reine est devenue un oiseau. Le roi s'est séparé avec sa
femme, et l'oiseau s'envole. Ainsi le roi est devenu cébibataire, et il est seul dans sa
maison. Il a resté longtemps sans se remarier, à cause de son oiseau qu'il avait
comme femme. Un jour toute sa famille se réunissait et disait c'est pas normale
qu'un roi reste sans femme, sans enfant. Et ainsi il a épousé une de ses cousines.
Ils œtent le mariage dans le village. Un an plus tard la reine avait un très beau
garçon. Le roi était surpris de son prince qu'il n'imaginait pas un jour l'avoir à
cause de son oiseau qu'il avait. Quand son prince a eu 15 ans, un jour il l'appela et
lui dit: il ne faut jamais se marier à une fille que tu ne connais pas. Parce que
avant d'avoir ta mère je m'étais marié à une très jolie fille que je ne connaissais
pas, or qu'elle n'étais pas une personne comme nous.

315
NDOYE
Nhadidiatou
13 ans
Après le chant du roi sa femme s'est transformé en oiseau et s'est envolé. Le roi est
devenu triste car les choses lui sont vraiment étranges ceci a servi au roi et à tous
les hommes une leçon d'éviter la lois du plus fort. Car ce qui est arrivé au roi est de
sa faute, par ce qu'il a voulue montrer aux autres qu'il était le roi et c'était à lui de
choisir femme le premier et il est tombé sur une génisse qui était la plus belle de
toutes les femmes qui étaient en quête d'un mari. Le roi l'a prise et l'a ammené
chez lui le lendemain ses cammarades son vennues la chercher pour les moisson
mais elle leurs a dit qu'elle n'était pas disponible d'y aller et qu'elle leurs
rejoindrait le lendemain et sur les sentier du chmaps elle s'est transformé en
oiseau et malheureusement le maure le voyait et est allé prévenir le roi.

316
AMINATA
Diana
Il ans
Venue dans la maison, le roi commence à chanter. La femme supplie au roi de pas
chanter et le roi refuse et la femme commence à se transformer en oiseau. après
elle s'envole.
Le roi qui est très triste se demande pourquoi il n'a pas de chance. Ensuite la
nouvelle fut envahi le village, le roi décide de ne pas se marier avec des filles qu'il
ne connait d'où il vient.
depuis lors il a resté depuis des années sans femme. il savait quoi faire, qui dire et il
décide d'aller chez un marabout pour lui demanda pourquoi il n'a pas la chance
d'avoir une femme ce dernier lui répondu «il sera longtemps mais tu auras».
Quelques années plutard il avait une femme qui est reelle mais extraordinairement
belle. Et il a devenu content.

317
SANGARE
Moussa
12 ans
Le roi a lesser tombait sa femme parce le maure l'avait dit que sa femme était un
oiseau et le roi ne l'avait pas cru, à la fin.
Le roi l'avait vue avec ses propres yeux.
Arrivé a la maison le roi chante la chansons que l'oiseau chanté plus tard.
Il disparaissé :
Après le roi ferrait des regrées en épousant une femme que n'a ni parents, une
femme qui il voyait en un jour sens connaître sa famille en le marian sa pourrait se
reproduire. La femme ferrait des regrées en épousant un roi, peut être qu'elle soit
OIseau.
Le roi ferrait des regrés en voyant une très belle fille belle, comme une syrene
l'épousée. Le roi ferrait Attention sur les paroles d'un maure Il me ferras pas
Attention
sur
les
autres
paroles
1/4
de
ses
paroles
sont
vrait.

1
1
318
1
II . Entretiens avec les ensei@ants
1
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1
1
1
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1

319
CISSE
Kharygaye
Professeur de français
CES Ameth Sy Malick
1 - Cela intéresse les élèves parce que ça les amuse.
2 - 1
3 - Oui.
4 - Oui.
Cela peut donner à l'enfant le goût de la lecture. en général, j'ai remarqué
qu'ils aiment les contes, qu'ils préfèrent aux romans.
5 - "Les contes d'Ahmadou coumba"
"Le pagne noir"
"Les contes des mille et une nuits".
6 - Le contenu. En général, il y a toujours une leçon de morale.
Le bien triomple du mal.
La découverte d'un monde nouveau où les gens vivent d'une manière
différente.
7 - Oui.
11s aiment ça. Quand ils rencontrent un extrait dans un livre, un texte extrait
du "pagne noir" par exemple, ils sont enthousiasmés. ils m'ont proposé les
contes d'Ahmadou coumba en lecture suivie.
8 - S'il est lu. S'il est raconté, ils l'oublient.
9 - C'est une bonne chose dans la mesure où cela permet d'apprendre quelque
chose de nouveau. De découvrir autre chose.
10- (lu).

1
1
320
1
NDlAYE
Marième
1
Animatrice
Télévision scolaire
1
1
1 - Très peu.
1
2 - Assez négligé.
3 - Oui.
1
4 - Oui.
Plonge l'enfant dans un autre monde,' celui du monde merveilleux.
[
5 - Les contes d'Amadou Koumba et Leuk le lièvre jadis.
[
6 - Les contes savaient capter l'attention des enfants.
7 - Oui.
D'une façon émouvante, triste, gaie selon le cas.
8 - Raconté.
9 - Dans l'exploitation d'un conte il en sort toujours une moralité - bonne ou
mauvaise, que le maître doit saisir.
10 - Oral, traditionnel, le cercle, le conteur talentueux.

1
1
321
1
FAU..
Assane
1
Cadreur
T.ss
1
1
1 - Les contes à l'école, visent deux objectifs: d'abord l'apprentissage à la lecture
1
ensuite l'enseignement de quelques vertues que l'on rencontre dans les contes,
telles que: le courage, la reconnaissance, etc...
1
2 - 1
3 - Bien sûr.
1
4 - Oui.
1
Pour l'enseignement de certaines vertues : le courage, le respect d'autrui, le
travail, l'honnêteté, etc...
1
5 - Les contes dans lesquels l'enfant peut tirer profit.
6 - Les passages qui apprennent à l'enfant ce qu'est la vie et qui lui donnent le
goût de la lecture.
7 - Certes.
J'ai senti qu'ils se mettent toujours dans la peau des personnages du conte.
8 - S'il est raconté car là l'enfant vit le conte.
9 - Si durant le conte, le maître a senti que les enfants n'étaient pas dans lE: coût;
l'exploitation ne servira à rien. Elle n'a de sens que quand les enfants sont
intéressés par le conte.
10 - Je souhaite que l'enseignement du conte soit dispensé sous la forme orale car
là les enfants voient à l'image du narrateur l'auteur et communique
directement avec lui.

322
THIOUN
Mamadou
Producteur
T.ss
1 - L'enfant jusqu'à certain âge vit dans un univers de rêve. Le conte offre
parfaitement ce cadre correspondant aux besoins de l'enfant.
2 - Le conte s'inspire également de l'univers culturel de l'enfant.
Le conte aide à libérer l'expression.
3 - Oui.
4 - Oui.
Développer l'imagination de l'enfant.
L'enraciner dans ses valeurs de civilisation.
Contribuer à son éducation morale et artistique.
5 - Contes d'animaux et les légendes ayant trait à la vie de certains personnages
mystiques.
6 - Leur univers fictif.
7 - Les faits raconter autant que possible.
Ils sont très participatifs.
8 - Raconté.
9 - Le besoin de fiction chez l'enfant est effectivement réel, voire fondamental. Il
suffit de trouver l'instrument par lequel on pourrait l'alimenter et amener
l'enfant à le concevoir et à y croire. En celà le fond, l'univers fictif du conte
pourrait servir de support au fond symbolique de l'environnement culturel du
jeune et lui faciliter l'appréhension de$ lois, des traditions, des coutumes,
etc... qui régissent le fonctionnement de sa société.
10 - Oral.

1
1
323
1
NIANG
Cherif
1
Cadreur
TSS
1
1
1 - Les contes sont enseignés à l'école.
1
Mais pas de façon systématique. Ils permettent une meilleure connaissance de
nos valeurs traditionnelles, ils ont une valeur morale certaine.
1
2 - /
3 - Oui.
1
4 - Oui.
1
Ils constituent un support pédagogique appréciable.
5 - Les contes qui mettent en évidence nos valeurs traditionnelles et qui éduquent.
1
6 - Le merveilleux,
les leçons de morale,
1
la découverte du milieu,
1
la mise en évidence de nos valeurs traditionnelles.
7 - Voir le maître dans sa classe.
1
8 - Voir le maître en classe.
9 - Voir le maître dans sa classe.
1
10 - Raconté d'abord pour ne pas rompre avec la tradition. L'intérêt de l'enfant est
1
plus soutenu - attention - mémorisation.
On pourra ensuite le lire pour consolider - acquisition lexicale, grammaticale,
l
syntaxique, etc...
1
1
1
1

324
MANGASSAUBA
Thiondy
Réalisateur
Télévision scolaire
1 - Oui.
Les contes intéressent les enfants surtout du côté merveilleux. ils cultivent en
eux des sentiments de pitié, de pardon.
2 - /
3 - Oui.
4 - Oui, mais il serait souhaitable que les enfants trouvent au près des parents un
moment pour conter.
Ceci permet un contact au sein de la famille comme on en faisait autrefois
dans les famille africaines.
5 - Les contes qui sont d'un apport pédagogique certain et qui développent l'esprit
critique chez l'enfant.
6 - ils aident à consolider les leçons de bonne conduite sociale.
7 - Oui.
La tendance est d'aimer le héros, c'est de le haïr, mais il est bon de montrer
que le monde n'est pas peuplé de bons ou de méchants, mais plus tôt, tout
dépend des circonstances du moment.
S - Non.
Tout dépend du lieu, un bon conteur peut aussi faire aimer les contes.
9 - L'exploitation du contexte est peu délicat s'il s'agit d'une application de la
leçon, mais procéder à une consolidation des concepts.
10 - Les deux à la fois si possible.

325
TOURE
Aly
Instituteur
Education nationale
1 - Oui il y a des contes à l'école.
Ces récits merveileux constituent un support pédagogique de premier ordre
dans l'action d'éducation des enfants.
2 - /
3 - Oui j'ai appris des contes dont le souvenir est encore vivace dans mon esprit.
4 - Oui car le maître peut faire partager à sa classe ce qu'il a éprouvé et par son
enthousiasme communicatif, il suscite et développe le goût de la lecture cet
outil indispensable pour tout progrès à l'école.
Car les contes lus avec expressions existent et entretiennent l'intérêt et la
sensibilité des élèves donc à être curieux pour les activités pédagogiques.
5 - Les contes de Leuk le lièvre.
Les contes d'Amadou Coumba.
Le petit Dan.
Le lièvre et le porc-épie.
La cuillère sale.
6 - Ce sont des contes d'une valeur éducative certaine car éveillant la conscience
sur les problèmes tels que le courage, le défi de la peur, la trahison la
méchanceté, la bonté, la sincérité, le respect, la politesse, la générosité, la
patience, la justice, la ruse, l'altruisme, l'esprit de sacrifice...
7 - Oui.
ns suivent avec une attention soutenue tout le déroulement des contes et \\iVeE l-
intensément les différentes péripéties.

326
8 - /
Un conte est surtout apprécié par les enfants s'il est raconté avec éloquence.
9 - Les contes peuvent servir de prétexte ou d'amorce à certaines de nos leçons
comme l'expression orale et écrite, l'histoire, la lecture récréative, l'éducation
morale, l'éducation civique...
10 - Alterner le conte oral et le conte lu.
Essayez d'inculquer aux élèves une mentalité de conteur en les initiant à la
collecte des contes, à prendre la parole en public : chacun devenant tour à tour
conteur puis auditeur.
La finalité étant l'épanouissement de l'enfant, l'enseignement du conte
permettra d'instruire, d'éduquer, de pénétrer les valeurs éthiques mais aussi
de réjouir.

327
KOUROUMA
Cheikh Amadou
Producteur
Télévision scolaire
1 - Oui, si le conte est une histoire imaginaire et éducative.
Parce que pouvant servir de support aux préoccupations scolaires.
2 - /
3 - Oui à l'occasion de veillées autour des grands parents.
4 - Oui mais des contes adaptés.
Compte tenu des objectifs pousuivis. Il serait judicieux de fouiller davantage et
le contenu et la présentation et l'exploitation.
5 - /
6 - /
7 - /
8 - Livrés à eux-mêmes, les enfants s'adonnent à la narration.
D'une manière générale, l'enfant apprécie mieux un conte raconté.
9 - Certains aspects du conte sont négligés, on devrait insister davantage sur
l'aspect éducatif, comme support aux différents enseignements.
10 - Plus en expression orale.

328
GUEYE
Ibrabima
Instituteur producteur d'émissions enfantines
Division de la Radio Télévision Scolaire
1 - Oui, l'enfant aime le beau, le merveilleux.
Pour développer le sens moral et le sens civique de l'enfant. Tout conte véhicule
un message. Et ce message n'est accessible à l'enfant que par le conte.
2 - /
3 - Oui très jeune à côté des plus âgés: oncle - tante - grand-mère; à l'école par
des textes de lecture lus par le maître pu les élèves individuellement.
4 - Oui.
Pour amener l'enfant à aimer le beau, à avoir un certain comportement
moral: l'honnêteté, la sincérité, la solidarité, etc...
5 - Leuk le lièvre les contes d'Arndou Koumba de Birago Diop. Le conte de
brousse et de la forêt.
6 - Le sens moral et le sens civique qu'ils développent chez l'enfant.
7 - Oui, pendant les heures de détentes, après une journée bien remplie.
Ils sont très réceptifs aux contes. 11s assimilent ou comprennent très vite le
message que véhicule le conte.
8 - Un conte est bien apprécié par les enfants quand la lecture est suivie d'une
bonne mimique.
Le conte est aussi très bien apprécié par les enfants quand il est bien raconté
dans le langage de l'enfant avec les gestes qui l'accompagnent.
9 - L'exploitation des contes est une manière d'apprendre à l'enfant la vie dans
une société d'hommes. TI permet de désigner ce qui est bon de ce qui est
mauvaIS.
10 - Dans les deux fonnes : oral ou lu.

329
NDIAYE
Moctar
Photographe (Enseignant)
Télévision scolaire
1 - Oui.
Le conte a toujours servi de support à l'éducation morale des enfants; le
courage. La probité, le sens de l'honneur etc...ont toujours découlé de son
contenu.
2 - /
3 - Nous vivons avec les contes. 11s occupent une part importante dans la
littérature africaine.
4 - Oui, bien sûr.
Pour les raisons précitées Cl - 3) et cela ne fait que renforcer le rôle qu'il a
toujours joué pendant les veillées ils éduquent et distraient.
5 - Leuk, le lièvre de Senghor et Sadji.
La cuiller sale.
Le pagne noir.
6 - La morale qu'ils dégagent, le support qu'ils sont pour la narration et la détente
qu'ils nous procurent parfois.
7 - Bien sûr.
11s les suivent avec intérêt.
8 - 11 est apprécié s'il est bien lu mais,
accroche mieux s'il est bien raconté parce que plus vivant et plus naturel sous
cette fonne que nous l'avons connu.
9 - S'il est bien exploité il prépare bien à la narration, au dialogue en gros à
l'expression orale et écrite et à la lecture expressive.

330
10 - Tout petits nous avons connu le conte sous sa fonne orale. Vous savez peut-être
mieux que moi que notre littérature a toujours été orale et que c'est au cours
des veillées que contes et légendes nous tenaient en haleine autour de grand-
mère sous la lueur ardente d'un feu de bois.
Mon souhait semble alors être clair que le conte doit être oralement présenté.
Ensuite, on tentera d'en faire une exploitation menant à l'expression orale et
écrite: Rédaction.
Toujours est-il qu'un bon conte est un excellent texte de lecture (dialogue -
intonation - inflexion de voix) surtout au CE et CM.

331
MBAYE
Modou
Enseignant
Diokoull.Kébéner
1 - Oui il Y a des contes à l'école.
Parce que les contes sont très amusants et très intéressants pour les enfants.
Les enfants les écoutent ou les lisent attentivement.
2 - /
3 - Oui j'ai appris des contes dans ma vie.
4 - Je suis bien d'accord avec l'utilisation des contes à l'école primaire.
Les contes véhiculent des messages peignant la vie des hommes. A travers les
contes on peut amener l'enfant à prendre conscience de la vie des hommes
dans tous les domaines: économique, politique, social, etc...
Les contes sont ainsi sources de réflexions sur tel ou tel fait. ils développent
chez l'enfant l'esprit créatif.
5 - Les fables de la fontaine. Les contes de Leuk le lièvre.
6 - Dans les contes de la fontaine fables il y a souvent une morale à apprEndre:
nous faisons de nos défauts les poches de devant et ceux d'autrui la pûche dE
derrière. Ainsi on amène l'enfant à être sage en évitant la médisanœ. Dans les
contes de Leuk le lièvre l'enfant apprend à être malin et à évit€r la tromJ:oerie.
7 - Les enfants lisent souvent ces contes.
Dans un premier temps l'enfant s'étonne sur le fait de faire parler It~
animaux. TI rit tout en étant attentif à la lecture.
8 - Les enfants apprécient toujours les contes après lecture ou narration.
9 - Un conte ne doit pas être lu pour faire rire les enfants. L'enfant dCiit
comprendre le message véhiculé et en tirer une conclusion.
10 - L'enseignement du conte doit être fait sous une forme orale pour répsndr-e Gèl
voeu des enfants.

332
SARH
Mamadou
Adjoint
Ecole Ibrabjma Diop II Dakar
1 - Oui, pour découvrir les intérêts dominants et par conséquent les points par
lesquels il fera effort si nous lui fournissons précisément le stimulant, la
nourriture dont il a besoin.
2 - /
3 - Oui.
4 - Oui des contes où les enfants découvrent des intentions moralisantes où qui
répondent aux tendances profondes de l'enfant pour qui vivre c'est agir.
5 - «Histoire des bêtes»
parce que de tout ce qui sollicite l'enfant dans sa
découverte du monde, les bêtes sont peut être «l'objet»
privilégie, celui vers lequel
il va instinctivement avec une curiosité, une sympathie, une confiance qui
confondent parfois l'adulte.
6 - On y trouve les sentiments essentiels qui animent tous les êtres vivants
instinct maternel, sympathique pour ce qui vit, pitié pour ce qui souffre.
7 - Oui.
8 - S'il est raconté.
9 - /
10 - Oral.

333
MBAYE
Ibrabima
Instituteur
Ecole Ibrabima Diop II Dakar
1 - L'enfant a besoin de se recréer, ça l'amuse, ça le rend joyeux.
2 - /
3 - Oui.
4 - Oui.
L'enfant est content d'entendre, d'écouter des histoires des animaux.
5 - Les contes Leuck et Bouki.
6 - La ruse de Leuk - Bouki toujours trompée.
7 - Oui.
Ils sont contents.
8 - Passablement.
Mieux.
9 - On pouvait les mettre à la télé, à la vidéo, les enfants vivront le scénario.
10 - Toutes les 2 formes.

334
SECK
Abdoulaye
Professeur de français
MEN: CEM SASM Dakar
1 - Oui.
2 - /
3 - Oui.
4 - Oui.
5 - Africaines: contes d'Amadou Coumba : Birago Diop.
6 - L'enseignement qu'on y recueille.
7 - Oui.
Intéressés.
8 - Lu et raconté, il intéresse les enfants.
9 - Matière lf!j:ltlf< que l'on peut introduire, dans le programme.
Exploitation à des fins littéraires ou morales.
10 - Le conte doit être lu et raconté.

335
SARH
Papa Ousmane
Enseignant (CEM Ahmet by Malick)
CEM Ameth by Malick
1 - Oui, le conte constitue un élément pédagogique et culturel apte à véhiculer
certaines valeurs négro-africaines positives.
2 - /
3 - Oui.
4 - Oui.
Parce que les contes, au delà de leur aspect fantastique et extraordinaire,
véhiculent en filigrame certaines notions comportementales et des valeurs
(endurance, solidarité, effort, intelligence, ruse, bonté, esprit de justice... ).
5 - Tous les contes qui traitent de la justice sociale et de la solidarité.
6 - Leur aspect fantastique et en arrière-plan, l'univers irréel qui substitue la
réalité de l'imaginaire à la réalité visible et quotidienne.
Cette réalité fantastique où tout bascule, en raison d'évènements insolites et
inexplicables dans une désarmante incohérence.
7 - Oui.
Les réactions sont positives en général chez l'enfant qui s'identifiera au héros
à cause de ses qualités humaines (courage, intelligence ... ) et éprouvera une
répulsion à tout ce qui paraît contraire à ses propres références (fourberie,
échec, misère... ).
8 - Raconté.
9 - L'exploitation d'un conte à des fins pédagogiques peut servir de vecteur de
communicatin et est un outil d'éducation morale afin de corriger certains
errements dûs à l'insuffisance de rigueur comportementale.

1
1
336
1
10 - La forme orale me semble plus appropriée pour les civilisations africaines où
la force du verbe et de la gestuelle demeurent de moyens de communication
1
adéquats souvant même donner une force suggestive très efficace à la critique
de la société ; de la religion (morale).
1
La forme graphique (dessin, peinture) est aussi d'une efficacité certaine
puisqu'ayant un pouvoir de fascination chez l'enfant à travers les images
1
(langage logo).
1
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1
1
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1
1
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1

337
DA'IT
Arninata
12 chargé de cours d'anglais
CES Ameth Sy Malick
1 - Non.
2 - Les professeurs de français sont mieux placés pour répondre.
3 - Oui.
4 - Oui.
Pour permettre aux enfants de vivre les réalités de la société africaine par
exemple.
5 - Les contes d'Amadou Coumba.
6 - Ils nous font vivre, les réalités de chez nous.
7 - Non.
8 - Bien sûre.
9 - C'est pour permettre aux enfants de s'exprimer facilement ou d'avoir
certaines idées pouvant leur servir de guide en devoir de français,
10 - Sous la forme orale.

338
FAYE
Diaô
Producteur (Inspecteur Adjoint de l'Enseignement)
T.ss
1 - Oui.
2 - /
3 - Oui.
4 - Oui.
Moyen d'éducation et de préparation à la maîtrise de la parole,
Développer l'imagination chez l'enfant.
5 - Les contes d'Amadou Koumba
Birago Diop
Les contes de Leuk et Bouki
L.S.Senghor et Abdoulaye Sadjï
autres contes africains en langues nationales.
6 - Les nombreux et riches thèmes qu'ils renferment,
les valeurs qu'ils véhiculent,
la richesse des structures narratives.
7 - Oui.
Positivement
8 - S'il est raconté surtout dans la langue maternelle des enfants.
9 - Je suis pour une exploitation optimum des contes tirés de notrè patrimoine
culturel pour motiver davantage les enfants à mieux participer aux "leçons de
conyersation" .
10 - Enseignement oral pour rester dans le cadre de la littérature orale

339
CLAMAU
Pune
Chargé de cours
Ameth Sy Mallck, ex : Clémenceau
1 - Non.
2 - 11 n'y a pas de manuels
3 - On me racontait et j'en ai lues à l'école primaire.
4 - Oui.
C'est intéressant et éducatif.
5 - Leuk le lièvre, les contes d'Ahmadou Coumba.
6 - L'apprentissage à la vie pour permettre ses difficultés.
7 - Actuellement non.
/
8 - Cela dépend, les élèves aiment qu'à même les contes.
9 - /
10 - Sous la forme de lecture.
J

340
ID • Textes de lecture decontes

1
1
341
1
1
1. -
Le pl us ieune animal.
C~est_au temps où les_animaux de la brousse aiment
1
à se réunir pour causer et discuter de leurs_affaires.
Certain jour,
ils se rassemblent, sous l'arbre ùes
1
palabres,
pour
désigner le
plus jewle animal.
Oncle
Gaindé-le-lion préside la séance.
On connaît le plus fort de tous les_animaux : c' es t
1
GaÜldé-le-lion, roi de la brousse. On cOlmaît le plus viclLX :
c'est lvIalne-Gnèye-l'éléphant. On connaît aussi le plus
1
malhonnête et le moins_intelligent: c'est BOllki-l' hyène.
!\\Iais on ne COIUlaÎt pas le plus_intelligent. Tout le Inonde
1
\\-eut passer pour le plus_intelligent de tous les,-,anÏJllau~.
Oncle GaIndé-Ie-lion dit : « Si nous COlUlaissons le plus
1
jewlc d'entre nou:;:, nous cOlmaîtrons en lnênle tCInp;;; le
plus_intelligent. »
Alors celLX qui croient être les plus jeunes lèven t la
nlaill, pour demander à dire la date ou l'époque de leur
nalssance.
« l\\loi, je suis née l'alUlée de la grande sécheresse-,
c'est-.:,à-dire il y a trois_ans», déclare la Biche.
« ~Ioi, je suis né il y a trois IWles », affirnIe le Chacal
en dressant ses oreilles pointues.
« Et moi, dit le Singe en se grat tan t, tenez, je viens
de naître. »
Tout le Inonde applaudit-, et le Singe se croit vain·
queur- lorsqu'tille vOLX: crie du haut d'un arbre: « Atten·
tion! Je vais naître. Un peu de place pour Ille recevoir. »
Et Leuk-le-liè0re, lâchant la branche à laquelle il
s'est_accroché, tOInhe au Inilieu dcs-....anirllaux étOIUlés.
Tout le monde: reconnaît que Leuk-Ic-lièvre est cn_
,_cffet le plus jelille. puisqu'il vient ùe naître au Inilieu de la

~1
342
1
Il1
1
Il!
1
discu~~iull, D'JJl'~ L e~~ r~_·('",.llL c:, 1r..-:IL~· t'_'111:'~ ,_fJl:;lll'~' Ir:.-
plu3~jL tclligr::-ll 1.
Oncle Gaïlld(~-le·li'_'~l
l~yt et ~'<'l'~oche de Léuk-
le·1iè\\Te: « Jet é ft :- () e, }aIl ~ .=~ l ~ l'lll~ ~ i:', tcI lj gê Il t (k3~ 3.11i.
Illau.::"
lUI' rll'o -1'1
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1
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;.s Q'_~':2G ~~:, -': ~ ~:~~: ~~

J
343
2. - Leuk découvre la brousse.
Leuk-Ie-lièvre va voir s'il est vrainlent le plus-inteI-
ligent des_anunaux. Il veut découvrir de nouveau la
brousse, la regarder Inaintenant avec les_yeux de quel-
qu'un qui sait beaucoup de choses.
Il s'en va donc à travers bois, à travers champs. Et il
voit que les buissons- s'ouvrent devant lui; les feuilles
des_arbres lui disent bonjour en murnlurant-; les roseaux
et les~erbes hautes se baissent à son passage.
Au picd d'un grancl.arbre qu'on appelle caïlcérlrat, il
lève les_yeux. Et que voit..:-il? Un écureuil à la queue
empanachée-, qui selnble se nloquer de lui. Leuk yeut_
_ avoir une queue pareille et savoir nlonter aussi haut
dans les_airs.
« Vicns donc à ll10i, toi qui es le plus_intelligent
d es_allllllaux , lui dit l'Écureuil. GrÏ1upe le long du caïl-
cédrat et viens causer avec nloi.
I-Iélas! répond Leuk, je ne sais pas grÎlnper.
-
Alors, Inon pauvre ami,
""
dit l'Ecureuil, tu n'es point le
plus_intelligent des_anünaux,
.,
puisque tu ne pelLx pas trou-
\\"er le nloyen d'arriver jusqu'à
n101. »
""
En disant ces HIOts, rEcu-
reuil fait tOlnber sur la tête
de Leuk un gros fruit, vert et
dur.
Leuk, ~n génlissant, s'enfuit
loin de l'Ecureuil, qui se met
à rire dc bon cœur.

1
1
344
1
1
« Je Ine vengeraI un
jour »,
se
dit Leuk en
tâtant la bosse faite sur sa
tête par le fruit du caïlcé·
drat, vert et dur.
~ Prononcez: s = z: disrnt. r(lsr~lIX, ('~USl'r,
Pourquoi Leu k .... cu t·il a \\'oir une queue pareille?
chose (la liai,uu = z .
-
3. Que dit l'Écureuil il Leuk·/e·liène? Que
rtpond Leuk) -
4. L'''~cureuil s'est·il montré
~ Que signifie? buissons : tas de petits
gentil enYers Le\\lk·le-lièYrc? Pourquoi?
arures sauvages -
en murmurant: en parlant
douccment -
empanachée: la queue de l'i·l'IJ·
~ Écrivez. -
Orthographe : an ou
am,
rcuil c~t formée de beaUC(lUp de poils qui ln
en ou em. COnlplélc: les
mols suivants par
renuellt ëpai,<e comnlc la plume d'aulruche.
an ou am, en ou em : Lt'uk marche d .. s la
urousse -
Il voit des uuissnns Jans les ch .. ps
~ Pourquoi et comment? 1. D(:vant LClJk,
-
Il entend les ch .. ts des oiseaux -
Il est
que
fUllt
l,~s buissons? Que lui disent les
très cont..t -
De t .. ps en t..ps, il s'arrête-
f~uillrs d<:5 ~rlJres? nue font les roseaux?
Sous un caïle~drat, il lève les yeux ct aper-
-
2. Comillent est la" q'lcur de rÉ~ureuil?
çoit
un
écureuil
à
la
queue
.. panachée.

•~
345
1
~
3. -
Leuk découvre la brousse (suite).
l-\\près_avoir quitté le méchant_écureuil, Leuk traverse
lm profond et noir sous-bois·. Le soleil perce difficilement
1
le feuillage des~arbres, qui fornle conlme un grand parasol.
La terre est entièreillellt couverte de feuilles sèches. Le
1
silence règne partou t.
Tout.......à
coup,
Leuk
1
entend une VOLX fine qui
appelle
: « Leuk!
Leuk!
1
arrête-toi
un instant
et
écoute. »
La voix \\i.ent d'en haut.
1
Elle est douce et traînante.
« Qui a prononcé mon
1
nom? )} dit Leuk, un peu
inquiet· à cause du coup
reçu sous le grand caïlcédrat.
« C'est IllOi, Diargogne-
l'araignée, répond la voix.
Je ne te veux que du bien.
N'aie aucune crainte·. Consi-
dère-nloi
plutôt
COlllme
tOI1_an1Ï et ton frère.
-
Que Ille veux-tu donc,
mon_ami, nlon frère?
"
-
Ecoute-moi bien. Si
tu es plus_intelligent que
rnoi, je suis certainement
plus savante que toi. Je sais
des choses que tu ignores.
. Regarde cette toile au lnilieu

1
346
1
1
de laquelle je me balance.
1
Chacun des nombreux fils
qui la composent est_un
câble qui peut me renseigner
1
quand je
désire
connaître
l'avenir. Je le fais vibrer et
1
il se met à parler un langage
clair pour moi seule. Veux-
1
. ,
,
tu, SI tu n es pas presse, que
je te prédise ton_avenir?
1
-
Je ne suis pas telle-
ment pressé, répond Leuk. l\\lais, si nl0n~avenir· cache des
1
dangers qui me menacent, je préfère ne pas le connaître.
-
Au contraire, mon frère, il faut connaître ces
1
dangers pour pouvoir les_écarter à tenlps.
-
Et que Yeux-tu m'apprenJre sur nloll_avenir? »
1
Diargogne-l'araignée fait vibrer un, deux, trois des
fils soyeux· qui conlposent sa belle toile. Elle écoute rune
après l'autre leurs "ibrations·,
1
qui sont différentes. Puis~
s'adressant à Leuk, elle lui dit: « Tes ruses te feront avoir
beaucoup d'histoires. Sans doute tu sauras toujours te
1
tirer d'affaire, luais tu rencontreras parfois de sérieuses
difficultés. »
1
1
~ Prononcez: ch : méchant, sèche, chose,
~ Pourquoi et comment? 1. Comment
chacun, cache.
est le sOlls-bc,is que trayer;e Leuk' -
2 . .1..
ge: feuillage, langage, danger, intelligent.
quoi ressemble le
Ipuillilge des .. rbres? -
3. Qui appelle Leuk' Que dit la voix) -
1
~ Que signifie? -
sous·bois : endroit de
4. Où vit l'araignée? [Je quoi ~e naurrit-
la forêt situé sous le feuillage des arbres -
elle?
inquiet: qui n'est pas tranquille -
crainte :
peur qui fait trembler -
avenir: tout ce qui
~ Écrivez. -
GrammaIre :
Idée
èe
la.
doit arriver d:\\ns la vie ,- soyeUJ: : noux et
phrase. La I,hrase commence et finit par un
1
luisants comme la soie --"-' vibrations: légers
p'.Înt. Relevez les Irois phrases les r!us courla
1rI' ln bll'lIIpn L.;.
.
du laIe.
1
1
1
1

1
1
347
1
4. - Les conseils de Diargogne-l'araignée
1
« Ainsi, continue Diargogne-l'araignée, tu feras la
connaissance de l'honlnle. C'est Ull__aninlal dangereux, qui
1
se tient droit COlnme un [dao et qui se déplace sur delL\\:
pattes seuleIllent. :Méfie-toi surtout de sOI~air bOll_
1
_enfan t. l'ai, moi qui te parle, longtern ps habité sous son
toit. Je l'aidais à se débarrasser des n0l11breuses lllouches
1
qui souillaient-
ses_aliInents,
aggravaient
ses
plaies,
agaçaient son sommeil. ~lais ringrat ne 111'a lllarqué
1
aucune
reconnaissance-. Au con traire, un Leau j our il a
pris un halai, a crevé ma toile et a failli Ill' écraser.
-
C'est tout ce que tu as à nle dire sur InOn~aye·
nir? dit Leuk, un peu déçue.
-
.:\\on, attends un peu,
nlon frère. Ce n'est pas tout.
Je t'ai conseillé d'être très
prudent-
à
l'égard
de
l'llOlllll1e.
Jete conseillerai
aussi de r être à l'égard de
ccrtains_anllllaux qui ne sont
pas meilleurs que l'honlnle.
Ces _ aninl a ux
son t
aussi
ingrats et plus féroces que
lui. Tu te llléfieras du lourd
pied de Gnèye-l'élépbant, de
la patte et de la nlâchoire
redoutables d~Oncle GaÜldé-
le-lion, des griffes puissantes
et acérées· de. ~ègue-Ie-léopard et de Téné-Ia-panthère.
-
Tes conseils' n'ont allcune importance pour Inoi,
se
l110que
Leuk-le-lièvTe.
Je
te croyais
plus
savante

348
que cela. Dis-moi plutôt, si
tu le sais, le Inoyen de lne
venger de l'offense que nr'à
faite llodiok-l'écureuil.
.
-
Si c'est~ainsi, IllO~l_
_ alni,
qne
tu
coolprends
nIes paroles de
sagesse,
mielLx yauL que tu conti-
nues ton clIcnlUl. Je n'aune
pas qu'on se Illoque de nloi.
-
Eh bien, tant mieux,
ricane Leuk-le-uèyre. Je )):ai
pas besoin de tes conseils de
prudence. Je SlÙS assez granJ
et assez_intelligent pour nlC
défendre quand il le faudra cuntre l'it-fhonlnle. ~Ianle­
Gnèye-réléphant, Oncle Gaïnclé-le-lion, contre la dent
des_uns et la griffe des_antres.
~ Prononcez
: la
cédille = ç:
agaçant,
~. Pou,rqu?i et com~ent? 1. Q~~~s E~:­
déçu, reÇu, il avançait.
-
VIces 1 AraIgnée a-t-eLe ren::us a Il: ::::;.=-,~)
ill = y:
~ouillaient,
faillit,
conseillé,
-
2. Dites ce qu~ rbmm~ a :a:t a-, ec !:~.
meilleur.
balai. -
3. De quels ar.imai..:x è:;t se :::lt:·~
Leuk et pourguoi? -
4, Leuk es:-;: rec: ::r.é.-·
~ Que
signifie?
souillaient
:
mettaient
sant
à "AraIgnée des conseils '=:'/el!~ lu' ~
des
choses
malpropres
-
reconnaissance:
donll",,' Pourquoi"
sou\\'enir d'un bienfait, d'un sen'ice rendu -
déçu: qui n'a pas eu ce qll'il attendait, qui a
~ Écri vez : Conjugai~on : le .erb'!
ê-=~.
été tf('llIpé -
prudent: qui fait attention -
Conjuguez aux trc.is f:ersonnes :1 si-=ï;~;~r
acérées: tranchantes comme
des lames
en
du présent: i~re asse: r.:;nd t: a..::!: in~~!iig!--,:
aCier,
pour se défendre.
~ Récitation. -
Copiez et apprenez:
fi d-tüd aJ~~l-andet!cuM~ (/zk?~ent ck:/ :;t:a/
(.J:?
~
-
/
*'
/w.a.l- n-ze c/~,n~e conéu -ta a!ené k
an:} e/ d; }7l
de..;; aa/U0.

1
1
349
1
5. - Leuk découvre la forêt.
1
Après_avoir qllittt~ Diargot,llle-raraibnée, Lcuk TIlarche
encore longtemps, 1()ng tem ps, sourd au\\" llornbreux_appe l'î
1
que la brousse lui ad rrs~e.
Il arrin~ ainsi ù la li~il·re· de la forêt. Là, bnlSC{Uenlent,
1
ks -....-arbres c1evif'nnf'Dt plus hauts, plus larges et plus serrés.
I.l'uk hl'site d'ahord avant ue franchir la lisière de la forêt.
!
Car, maintenant. les conseils de Diarfognc.l'araignée lui
revicnnen t à la méllloirc. Il se (lernallc!e cr qui va hli <lrriver.
Il ptSnèlre enfin dans la forêt. sedép1a(~'a\\]tavecprt:'calltion,
t
levant les_yeux à chaque instant. tournant la tete a droite
et à gauche pour ne pas_être surpris par un_ennen1Ï caché.
Leuk sait qu'il se trouve à présen t dans le donlaine où
vivent les seigneurs· de respèce aninlale : les fauves.
Tout_ù coup, il s'arrête. En travers du sentier qu'il
suit, U1~énonlle. tronc d'arbre est couché, portant des
feuilles et ·des. bourgeons· encore verts.
Pour ne
pas
perdre de tenlps, Leuk ne le contourne pas. Il se coule

1
1
350
1
dessous et le passe en rarn-
1
pant. Alors une yoix faiLle
parvien t à ses.....orcilles.
1
« Qui
vive?
crie-t-il,
étonné.
1
-
C'est moi, J\\l'Bonate-
la-tortue.
l
-
Et
que
fais-tu
en
ce lieu,
cachée COlnnle lm
malfaiteur?
Je suis née prudente, mon bo~anll.
1
Si tu es prudente, tu dois~être sage aussi?
Je le suis et persOIme n~en doute.
Et si tu es sage~ tu dois pou\\'oir me ren5eigner:
Je suis à ta disposition, mon bon~an1Ï.
Eh bien, dis-Inoi où trouver, dans cette 11l1men~e
forêt, la demeure d~Onc1e Gaïndé-le·lion~ celle de Marne-
Gnèye-l'éléphant, celle de Sègue-le-léopard, celle de Téné-
la-panthère...
v
- Ah ! ah l ah! fait i't1'Bonate-la-tortue, dont la carapacr:-·
est secouée par ce gros rire. Tu peux passer ton cheIIlÎn~
mon hor~ami. Je vois que tu \\'elLX t'occuper des grand5
de la terre. Moi, j'aime mielLx rester tranquille dar13 I:la
coquille. »
Prononcez
:
tion = sion
:
précaution,
de la forêt) -
2. Que dit ~'8r::1at~·.:-t:::-..:~
disposition,
à Leuk?
~ Que signifie? lisière : commencement,
~ Écrivez : Vocabulaire et langag~ : r, -,'
bord de la forêt -
seigneurs : maîtres; qu i
place: les points par des mot.:
pr.: de-..: l,
commandent la forêt -
bourgeons: boutoQS
texte: En passant dans la f:rêt
:"'et;<
!':
de jeunes feuilles -
carapace: enveloppe qui
déplace avec ,.. , il lève les ... il c::aq'_~ :n!:E:-.:.
recouvre le corps de la tortue"
tourne la .. , à droite et à .. , pC..H r,~ ?as ~:~~
surpris par .... Il rencontre la ..
qui; ;rt~ _,,~
~ PourquoI et comment? 1. Pourquoi
lourde carapace. Il lui de::::land~ où ::')uv~~ 1:;
Leuk hésite-t,il avaot de franchir la lisière
:.. des fauves.

1
1
1
6, -
Leuk découvre la mer.
1
Beaucoup d'<1nÎJllau\\: ()nt~ellt('I}(lu Ilarler de la Tller.
l\\Iai:;; bien peu l'ont nlc.
J
Leuk, après~a\\'0 i r (kl'ouvcrt la forf> t. ~e propose cle faire
un long voyage pUlIr connaître aussi le royaullle des~caIL\\:.
r
Il pense qu'au retour de ce voya~c. il pourra ré~unir
tous les~anim.au\\: llollr raconter cc quil a YU et avoir plus
de considération de leur part,
1
l'dais_i 1 igno rc la l'OU te ù sui vrc pou r a l'ri ve r à la T1l e r
,
salls s'égarer. Il \\,.1 dOIH' deIllallder cOll:3ril à Sœur ~rBl'lar­
l'hirondelle, qlIi a 1't11'l'(HIl'lI la tern' entit\\re. Cil tOlIS sen:;;.
l\\rSélar·l"hirollt!('llt' llli dit:
1
« l'ollr arri\\cr ,'\\ LI 111('1' ~~lll~ tl' flt'n!re. il filUt que tlI
S{\\ChC3
t"orienter-, Tu ,";;~ll:, tlilC II' [JOÎlll de la terre OLI
le soleil ~(' lève s'appelle
rest, le poillt où il se couche
[' oues t. Ces cleux pain t5 su f-
fiscn t 1lOll r le voyage qlIe
tli \\Tl!:\\: Llire. Car la Iner se
trouve ù l'ouest du pays que
nou::. ]lé1!)itons. Donctull1ar-
~
cheras
toujours droit vers
roues 1. Le soleil sera ton
llleillcur guide.
-
Et que faire quand_il
n \\ aura pas de soleil '?
-
Puisque tu dois par-
tir au 1110is de mars, répond
l\\l'Bélar-r hirondelle, le yen t
cl' est te guidera dans la forêt.
Ce \\"ent, chaud et sec, souffle

en_effct de l'est \\'crs l'Ull.·..;.t,
\\i'l-i !'II:I[îl--ILI -Iii",
";'~1
Tl1arche. Quallt~au soleiL C11
cette ~a.ison, il n'est jarnai::
caché. »
Leuk
es t
t rès ~irlt t: Ui·
gen t, Il13is~il ignorai t t ou t
cela. Il pcnse (lue la scier 1ee
de l\\I"Bélar-llurollch-lIc c:..t
vaste.
« Si tu \\'oyages h cuit.
ajoute celle-ci. tu allr2~. l our
cOlllpaglles et pOlir ;;ll~lf'~.
la lune et les étoil,·;,.. D,·,
ce soir. je t r' ferai rt':,l<1r·
quer certaines~6toik~cr,:i ~~'
lèvent toujours au LI)r: ('~
d'autresqu'on~apeFI',it~I)L'
jours à rest.
-
01erci. Ina sΠU1". ,J t -,- 1 ~ 1'" , ":-.
~
1
q ''. . ''Il ~ ',' l ::: le' .'~ , l ,
Jit Leuk, je s2urai m"eL sen'i:-,
-
Je te trou\\'erJi :'CL~>t-',tL-
,-
.1-,
I,::cl ~l ~j, :Jr.
fhirollùelle. Car. ktll~ ~d. Cr,: ~',:'j 'II l' ,>: .:S . .1 ~,~:- ,' ..
d'énligrer e vers les p3:S :"ra:s 11 ...:-'':: .:i-:-,J:- ..! . . i< Ù:.:1':·..l: C:, /.
~ Prononcez : ro~".~e, e~ tc·.; "~.'
~ Que
signifie?
: ::ien,;:r
.. ' '
bonne direction
pC'.: aller où :. ,:-
'-5
-
science ' gra n d sa"·: -, 1 ~.. , ,.":: e -.: :":,
~ L,
. ~;".:: -~ : :.-:'
. : . -
.-
savante -
précieu:x:
:'~l ,-w~::,: :- ;::a:.:'
services -
émigrer
~ujl::r 5':. ;:a,; ;::.'
aller dans un autre.
~ Fourquoi et corr.r::ent ; 1. _ .-:;5 : :.". "
deux poir,ts de la \\,--e q,t ~l ~e.o-
:.,.,
delle indique à Le>: -.2. (,<5,
".:
deux autres qu'tile :. ;: pas cite'· -
-;
, . -
ment
s'a?peJle,.t
:èS
q~otr' ::-,~,:,
-

353
7. -
Leuk découvre la mer (suite).
Au bout d'un voyage long et pénible à travers savanes,
forêts_et clairières, plaines, collines_et ravins, Leuk arrive
devan t la mer immense.
Lellk se demande quelle est cette chose nlugissante
qui a l'air ùe lui barrer la rou te. ~lais_il con tinue d'avancer,
poussé par la curiosité·.
Bientôt la terre finit. Une étendue plate et bleue la
relnplace. Cette étendue se confond, à l'horizon, avec le
bleu du ciel.
« Voilà la mer, se dit Leuk. ] e suis_arrivé au bout
cl e lllon voyage. )}
Il respire de soulagement. TI plonge son regard dans
rimmensitéqui,. devant lui, fuit de toutes parts. Toute la
masse de ce· grand désert liquide bouge. La mer senlble
\\i\\Te et respirer par saccades·.
Leuk réfléchit un moment et dit:
« Il faut que j'apporte à tous les_animaux la preuve

1
354
1
que j'ai vu la mer. Sinon
1
personne
ne
me
croua
quand je le dirai. )}
1
Sur la grève, il y a des
coquillages, gros et blancs.
1
Leuk en ramasse quelques-
uns. Il veut ramener au
r
pays deUA....,ou trois crabes
,
vivants, une douzaine de
r'
~
.
moules. l'lais
les crabes
~~ec:P""
~~ .•. , .~
fuient devant lui avec des_
i~~~"~'

1
airs apeurés et s'enfoncent
dans les flots.
Quant_au..x moules,
eUes
disparaissent
1
brusquement dans le sable mou de la grève-.
Avant de quitter la mer, Leuk veut savoir qnel goû t a
1
son_eau. Il mouille le bout d'une de ses pattes dans ]a
mousse d'une vague qui vient d'arriver. Il Ypasse la langce :
({ Aïe! crie-t-il aussitôt, l'
1
J\\I
mer est donc si
,
.
l' ,
~"E&1'
amere, SI sa ee . )}
~
%.
Et, sans plus tarder, il, ~ t!r..t l\\Pou :--\\ pays de ses
_ancêtres, emportant, dans sa otte, f2,)
f)
grand n'Jffi!:-re
de témoignages, pour prouver
mer.
({ Ils seront étonnés, se dît:iJ.ne
fierté. Et ils I11e
croiront plus_intelligent encore que je ne suis! »
~ Prononcez : mugissanl~. brusqu~ment.
vivant~? - 2. Qu·e!t·c~ ~'l~ L~uk :~ot:'J ~ s';~
témoignage.
la gt'ève? -
3. Qu'est-:~ qc: ;; n~ pe~ " pa!
emporter?
Pourquoi? -
4,
Co::-.:ner::
el:
~ Que signifie? curiosité: désir, envie de
l'eau de la mer?
conna1tre -
par saccades: par mouvements
~ Écrivez. - Grammaire: Lo! ne:: CUle:
brusques -
grève: plage
de
sable ou
de
en trois colonnes: cine no:::! C:=-.:nl~.,!:! è~
cailloux, au bord de la mer.
personnes
qui
travail!;::t
a
la ::ler,
r:::
noms d'animaux qui ....i·.. ~nl ~;;::3 .8 :::. ~ e
~ Pourquoi et comment? 1. Pourquoi la
ciDq noms de choses que Leuk e. ..... ~3 a'-,:, ~:;;
mer
r~ssemble·t·e)le à
une
grosse
bêt~
de la mer.