·
';~
UNIVERSITE
LIER DES LETIRES ET SCIENCES
DE
HUMAINES
HAUTE r-,lJPW\\ND 1E
INSTITUT DE LINGUISTIQUE
11
ASPECTS LINGUISTIQUES ET SOCIOLINGUISTIQUES
DE LA SITUATION SENEGALAISE: FMNCAIS ET
LANGUES NATIONALES 11
THESE DE DOCTORAT DE IllE CYCLE
PRESENTEE PAR ALIOUI~E NDAO
DIRECTEUR DE RECHERCHE:
JEAN BAPTISTE MARCELLESI

Nous tenons à adresser nos vifs remerciements
- Au professeur Jean Baptiste MARCELLESI pour sa gentillesse
et sa disponibilité constante.
Il a su éveiller notre intérêt pour la recherche.
- Aux rrernbres du GRB::SO de l'Université de Haute NornBl1die.
Ils nous ont initié à la science linguistique et nous ont
apporté tout le soutien rratériel et rroral sans lequel nous
n'aurions pas pu présenter ce rrodeste travail.
- Aux rrernbres du jury,
Alain BENroLIIA de l' Universi té de Paris V
Louis Jean CALVEl' de L'Université de Paris V
dont les séminaires, les enseignements
et les travaux nous
ont été très utiles.
NDAO Alioune

A toutes les rersonnes qui nous ont rennis de
réaliser ce travail grace àleur aimable colla-
boration.

EXERGUE
" Les élèves chantèrent d'une seule traite dans une
langue qui n'était ni le français ni la leur.
C'était un étrange baragouin que les villagecis
prenaient ]Xlur du français et les Français ]Xlur
une langue indigène. Tous applaudirent".
(Une vie de boy. Julliard, Presses
pal'{ét, p 63).

SO'1'1AIRE
INTRODUCTION GENERALE
P.
1. Pour un examen sociolinguistique de la situation
sénégalaise
P.
8
A. Les hYJ=Othèses
B. Délimitation du domaine de recherche
P.
12
a) l'étude descriptive
b) l'étude sociolinguistique
II. Présentation de la situation ethnique
16
A. Inventaire des langues et ethnies
B. Ecriture et oralité
19
c. Politique linguistique
21
PARTIE l
L'ETUDE DESCRfTIVE :
(ESSAI D'ANALYSE PHONOLOGIQUE)
P.
23
1. Justifications de l'étude
A. Choix de la variété
B. L'aire d'enquête et les paramètres
P.
2S
al la population et le lieu d'enquête
b) les paramètres

II. Objectifs et méthcx1es
P.
28
A. Objectifs
B. Méthcx1e
P.
29
III. Le questionnaire
P.
31
A. L'étude phonologique
a) l'état du systèrre vocalique
b) la variété et la nonce
B. Le corpus
P.
32
c. Présentation du questionnaire
P.
33
IV. Modalités pratiques de l'enquête
P.
42
A. La répartition socioprofessionnelle
B. Enregistrenent et dépouillenent
P.
45
a) le contact
b) la transcription
v. Résultats et analyse
P.
48
A. Les voyelles orales
B. Les voyelles nasales
P.
56
c. Les semi-voyelles
P.
58
D. Le "0 muet
P.
61
PARTIE 2
L'ETUDE SOCIOLINGUISTIQUE
P.
92
I. Comportenents - attitudes linguistiques
P.
94
A. Enquête volet l
B. Enquête corrplénentaire
P.
104

II. La diglossie
P. 121
A. f?1quête volet II
SYNI'HESE
P.
146
PARTIE 3
LES r1JDAL!TES DE L'EflKJNCIATION DANS LE
P. 156
DISCOURS MIXTE
A. Présentation du =rpus
B. Le corpus
P. 158
C. Exarœn d'un corpus conversationnel
P.
168
CONCLUSION
P. 190
- - - - -
BIBL!OGRAPH 1E
P. 201

- l -
1NTROCUCTION CH!ERALE
La sociolingclistique jusqu'ici occunée à traiter des problèmes linguis-
tiques (et de leurs imbrications sociales, économiques, politiques et
culturelles) des pays occidentaux, s'est récemment orientée vers les
pays neufs dits sous-développés ou en voie de développ2!œIlt. Ces pays
connaissent certes des problèmes quelquefois identiques à ceux des
pays occidentaux, rrais l'intérêt CJU' il Y a à les étudier réside dans
la spécificité de leur situation à la fois politique, économique et
linguistique. Ce constat n'est pas nouveau et déjà dans les années
soixante dix, la linguistique nord-américaine s'est évertuée à l'éta-
blir : FISffi1AN (1969) avait alors fait l'observation suivante: "Les
pays neufs présentent un terrain de recherche particulièrement intéres-
sant pour la sociolinquistique, notamrrent parce que généralement on
s'y trouve encore dans les premières phases de tensions linguistiques
qui sont devenues souvent très compliquées et incomorehensibles dans
les vieux pays. ~Bis d'autre part la sociolinguistique a déjà atteint
une rraturité suffisante 1X)ur contribuer de façon décisive à la solution
des problèmes linguistiques innombrables qui Se posent aux pays en voie
de développement".
Tenant compte des acquis théoriques et pratiques de la sociolin-
guistique le travail que nous envisageons s'inscrit dans le cadre gé-
néral des recherches sur le français d'Afrique Noire, et plus spécifi-
quement sur le français au Sénégal. Toutefois on sait que la linguisti-
que recouvre à l'heure actuelle des dorraines assez variés et que les
recherches qui s'en réclarrent présentent des objectifs ainsi que des ôé-
narches tout aussi différentes. Il imPorte donc qu'on se situe par

- 2 -
raplXlrt aux orientations et aux IlOtivations.
Disons tout de suite que les nôtres sont déterminées par le désir
d'intervenir dans un secteur de la recherche qui n' avait enregistré
jusque là aucune production d'un intérêt particulièrerrent notable en
ce qui concerne le Sénégal. La raison en est essentiellerrent une orien-
tation dont nous proposons de tracer brièverrent les grandes lignes,
avant d'énoncer la nôtre.
En effet le lXlint de vue pédagogique est largerrent dominant et
prioritaire dans les recherches linguistiques entreprises au Sénégal
par les différents centres. Cette situation n'est d'ailleurs pas spé-
cifique à ce pays. Elle concerne l'ensemble de la recherche africaniste
(à quelques exceptions près bien sûr) ainsi que le souligne FAIK (1978)
"ce n'est pas par hasard si la plupart des centres de recherche lXlrtent
le nom d'instituts de linguistique appliquée". Ceux-ci sont constitués
d'équipes fonnées en linguistique structurale et en didactique des lan-
gues. Leurs objectifs essentiels sont de fournir le plus rapidement pos-
sible aux rnaitres des prolXlsitions ou directives pédagogiques, ainsi Olle
des méthodes, des manuels, des exercices correctifs, destinées à l'en-
seignement du français.
Pourquoi cette priorité et cette prlinauté ?
A, LA RECHERCHE DES ORIGINES À 1975
A l'accession des pays africains à l'indépendance, deux sortes de déci-
sions ont été prises dans la plupart des pays francophones par les au-
torités gouvernementales.
La première consistait à adopter le français comme langue officielle
(article premier de la constitution sénégalaise, deuxième alinéa).
- La seconde a été l'élaboration en 1961 à Ad.dis Abeba d'une charte de

z r
développement fondé sur l'alphabétisation et la scolarisation de masse
celle-ci prévoyait de scolariser en une quinzaine d'années 100% de la
population scolarisable dans les nouveaux états.
ces options firent apparaitre la nécessité de repenser les instructions
pédagogiques dans le but d' arréliorer l' enseignerrent du français. La lin-
guistique structurale avait alors permis de dégager une théorie d' ensem-
ble de la didactique des langues et en particulier
l'apprentissage des
langues secondes : la méthode contrastive. La linguistique contrastive
suppose au départ que les langues sont différentes mais que la théorie
du langage est "une et qu'elle est en outre suffisamrent au point pour
en penrettre non seulerrent la description, mais aussi la comparaison"
(DEBYSSER, 1970). Les comparaisons linguistiques se proposent de prédi-
re l'ensemble des fautes dues à l'influence de L1 (généralerrent la lan-
gue maternelle) sur L2 (la langue seconde), fautes dénorrrnées interfé-
rences.
Cette théorie a suscité un certain enthousiasme dans la mesure où on
espérait qu'elle apporterait des solutions nouvelles à ce que l'on
considérait corme "un des pr incipaux obstacles à l'apprentissage d'une
langue étrangère, l'interférence causée par la différence de structure
entre la langue maternelle de l'élève et la langue etrangère" (FERGUSON,
1959) .
Désormais, le français devait être considéré corme une langue
étrangère en Afrique francophone. Ainsi au Sénégal on orienta l' ensei -
gnement du français, langue seconde selon les principes nouveaux de la
pédagogie rroderne des langues vivantes. ce rôle fut assigné au C. L .A. D (1)
au moment de sa création en 1963. Les étude théoriques de cet organisme
furent orientées en majeure partie sur des essais comparatifs à propos
des langues en présence, du point de vue phonétique et phonologique,
morphosyntaxique , lexical et sémantique : on les retrouve dans les
(1)
centre de Linguistique Appliquée de Dakar.

- 4 -
différentes publications :
- "Les systènes [honologiques des principales langues du Sénégal".
(C.L.A.D, 1975).
- "Essai de comparaison rrorphosyntaxique de l'anglais, du français et
du =lof"
(GRELIER, 1969).
- "Recherches des principales interférences dans les systèrres verbaux
de l'anglais, du =lof et du français"
(GRELIER, 1969).
- "Les errprunts du =lof"
(DUMJNI' , 1976).
B. LE TOURNANT APRES 1975
La Iréthode du C.L.A.D rencontra un certain nombre de difficultés dont
nOUS retenons une qui est d'ordre méthodologique. Pie=e DUMJNI' (1976)
l'a mise en lumière, en traçant les limites des études contrastives
"Telles qu'elles ont généralerrent été conduites dans les centres de
linguistique, elles ITI3Jlifestent des influences dues en premier lieu
à la priorité des objectifs pédagogiques par rapp::>rt aux objectifs
linguistiques. De plus, une conception trop étroite de la comparaison
linguistique limite celle-ci à l'étude des interférences (négatives),
négligeant les ressemblances interlinguistiques qui pourraient offrir
des points d'appui à des transferts positifs facilitant l'acquisition
de la langue cible. En outre le rrodèle interférenciel est loin de ren-
dre compte de tous les écarts relevés en situation d'apprentissage ... H.
Quant à Aram Diop FALL (1975), si elle pense que la Iréthode constitue
un tournant dans l' histoire de l' enseignerrent en Afrique francophone
en nettant en évidence l' apJX'rt de la linguistique, elle note cepen-
dant que sur le fond du problène ses résultats sont peu différents de
ceux de la méthode traditionnelle.

- 5 -
En 1975 on se dégage de cette jC€rsjC€ctive
de linguistique appliquée
p::>ur s'engager dans la description pure ; on distingue faute et écart
p::>ur en arriver à la notion d' africanisrre
la faute est individuelle
et ne jC€ut
généralenent pas être considérée comrre un fait de langue.
L'africanisrre lui, tout en =nstituant un écart par rapp::>rt au fran-
çais central, s'impose comme un fait collectif ayant une répartition
sociolo:jique et géCXjraphique suffisante p::>ur être considérée comrre une
particularité linguistique propre à certaines régions, (de rrêrre on parle
de canadianisrœs, belgicisrres). On jC€ut
dès lors =nsidérer qu'il Y a
des africanisrres phonétiques, rrorphologiques, syntaxiques et lexicaux.
Dès 1972, le C.E.L.T.A (1) crée un groujC€
de recherche sur les africa-
nisrres. Mais c'est en 1974 que la recherche des particularités lexica-
les du français en Afrique reçcit son impulsion décisive avec la =lla-
IXJration de l'A.U.P.E.L.F (2) au projet dénonmé loF.A (3). Plusieurs
lexiques nationaux vont être publiés dont la "première approche lexicale
du français au Sénégal par la section du français du C.L.A.D"
(1975).
Il s'agit de relever les créations lexicales qui désignent des réalités
typiquerœnt africaines et reconnues en EurojC€
: les lexies obtenues par
dérivation, les productions sémantiques (extensions et restrictions,
glisserœnts etc ... ). La prosjC€ctive
ouverte par l' loF.A tend à déga-
ger en priorité ce qui p::>urrait =nstituer le tronc commun d'un lexique
propre au français parlé en Afrique et vérifierait ainsi l' hyp::>thèse
de l'existence d'un français d'Afrique. C'est en tout cas ce qui ressort
des résolutions déclarées lors de la vèrœ table ronde des centres de
linguistique d'Afrique (YAOUNDE, 1981), ainsi qu'en térroigne le rapp::>rt
de synthèse: "un large accord s'est fait sur une exigence: celle de
voir la lexicographie française prendre en compte de plus en plus les
usages régionaux, dont notamrent les usages africains ... ". Mais cette
(1)
Centre de Linguistique Théorique et Appliquée (Luburrù::Jashi - Zaire)
(2)
Ass=iations des Universités partiellerœnt ou Entièrerrent de Langue Français'
(3)
Inventaire des particularités lexicales du Français d'Afrique

- 6 -
exigence ne doit fBS cacher le fait que le projet se veut un prolon-
gerrent des visées pédagogiques signalées dans la première phase des ac-
tivités de la recherche africaniste. Pour le C.L.A.D, cela est indis-
cutable. Jacques BLONDE (1975) affirme que c'est à partir des problèmes
rencontrés au cours de l'élaboration de la méthode que la section du
français a été conduite à lancer un certain nombre d'enquêtes sur le
français au Sénégal et que celles-ci avaient avant tout des objectifs
d'ordre pédagogique et méthodologique.
Annie LE PALEC (1980) estirre que l'inventaire des particularités lexi-
cales du français en Afrique n'est pas descriptive, rrais norrrative.
Elle est norrrative dans sa formulation rrêne. Il ne s'agit pas de décrire
le français employé dans les pays africains, rrais de décrire les parti-
cularités c'est à dire les écarts par rapport à la ncrme. Il s'agit de
nettre à la disposition des enseignants un certain nombre de particula-
rités qui seront reconnues corme faisant partie du français et qui par
conséquent ne seraient plus considérées comre fautes. Le but du projet
est d'établir un dictionnaire: un dictionnaire est précisément la nor-
ne de référence par excellence. Ce n'est fBS tellerrent ce que disent
les locuteurs qui est important, mais ce qu'on acceptera qu'ils puissent
dire.
Toutefois quels que soient les objectifs qui soustendent cette re-
cherche (prédominante au niveau des organisnes l=aux), elle derreure
un acquis peur la nécessité impérieuse de définir les contours multiples
du français en zone alloglotte.
C. LEs POINTS FAIBLES
Les différentes tables rondes des centres de linguistique africains
ont senti cependant la nécessité d'insérer le projet de l'I.F.A dans
un ensemble plus vaste i.ncluant tous les as[€cts
linguistiques, s=icr

- 7 -
linguistiques et culturels du contact des langues et cultures que
l' histoire a mises en présence sur le sol africain. Sur le plan lin-
guistique pur, la recherche sur le français d'Afrique repose essen-
tiellerœnt sur le domaine lexicographique. Les autres secteurs (IlOr-
phosyntaxiques, stylistiques, phonologiques) restent très peu productif's.
Par ailleurs, on ressent que l'étude =iol inguistique est un préala-
ble obligatoire à la réflexion pédagogique. C'est seulerœnt sur la base
de celle-ci que le statut du français pourra être défini, que le conte-
nu, les rréthodes et les finalités de l' enseignerœnt pourraient être 0.é-
terminés. Notons toutefois que bien qu'on puisse con;>ter quelques ou-
vrages se réclanant de la sociolinguistique, nous n'avons pas noté à
l'actif du C.L.A.D et de la recherche au niveau du Sénégal, des travalLX
de cet ordre. C'est la raison pour laquelle nous nous sames résolus
à entreprendre ce travail quise voulait, comn€
nous l'avons dit plus
haut, une nodeste cxmtribution à la con;>réhension de la situation lin-
guistique locale. Il ne s'agit pas d'une IlOnographie : nous ne pré-
tendions pas à une étude exhaustive sur un dOI1Bine précisérœnt délimité.
Nous avons voulu s~lerœnt répondre à quelques interrogations qui
s'inpOSeI",t sur un te=ain rc,sté très ouvert à la s=iolinguistique,
consrients des IlOvens .fort limités dont nous disposions pour préten-
dre à quelquechose de plus ambitieux.

- 8 -
rDUR UN EXAi"'B'1 SOCIOLI~IGUISTIQUE DE LA SITUATION SENEGALAISE -
------------------------------------------------------------
A. LEs HYPOTHESES
Willy BAL, au terme de sa typologie des recherches linguistiques (1978)
dresse une conclusion et des perspectives qui reflètent l'esprit géné-
ral de nôtre propre recherche : "Les études de sociolinguistique, outre
qu' elles jouissent actuellerœnt d'une vogue internationale, bénéficient
pour l'Afrique d'une solide réflexion théorique fondarrentale". Pour
l'auteur, il es t souhaitable de voir préciser, par aire socioculturelle,
les variations du français en Afrique, de disposer d'une définition
sociolinguistique plus adéquate des variétés du français : détermination
des communautés linguistiques qui les emploient, des différents niveaux
de langue à l'intérieur de ces communautés et des covariances sociolin-
guistiques.
Par rapport à ce qui vient d'être suggéré ici, nous allons essayer de
délimiter notre aire de recherche, en partant des considérations faites
par Gabriel lWJESSY (1978) . Celui-ci détennine deux rrodes d' introduc-
tion du français en Afrique Noire qui sont "l' lirqx:>rtation" et la
IISU[Jerr:osition" ~
"L'lirqx:>rtation" d'une langue en te=itoire alloglotte est la constitu-
tion d'îlots linguistiques et la "superposition", le fait qu'une langue
étrangère soit aI!l2née à assurer, dans une société donnée, l'exercice de
certaines fonctions considérées comme supérieures, telles que la fonc-
tion politique, juridique, administrative, didactique, scientifique,
technique etc O"
Le français reconnu comme tel dans la presque totalité des états fran-
cophones serait donc une variété "superposée".

- 9 -
Il Y aurait une situation générale de diglossie au sens de FISHMAN, qui
évolue différerrnœnt selon les =ntextes sociolinguistiques dans lesquels
elle se présente. Notons que le tenre de diglossie est parfois errployé
p2u rigoureuserrent corme synonyrre de bilinguisrre, mais plus précisérrent
il est utilisé pour dénoter une situation de bilinguisrre plus ou rroins
généralisé dans laquelle une dssdeux langues est de "statut politique
inférieur" (DUB:JIS, 1974). Cette acception résulte d'une distorsion
imp:Jrtante de celle prop:>sée d'abord par FERGUSON (1978) et qui repose
sur deux conditions essentielles à savoir la différenciation sociale
des fonctions et la parenté génétique des langues : celles-ci devaient
avoir des domaines d'usages propres, c'est à dire des fonctions spéci-
fiques sans qu'il Y ait d'interférence entre elles (PRUDENT, 1981).
La première langue est considérée dans une telle société corrrre la lan-
gue de culture, et des relations fonrelles, utilisée p:>ur l' enseigne-
rœnt, la religion, la fonction publique etc ... C'est la langue H
(high en anglais). L'autre langue ou langue L \\lowen anglais) ou varié-
té basse selon la terminologie, est utilisée dans les domaines de la
vie quotidienne. Elle est rarerrent codifiée ou instrumentalisée. C'est
sur cette conception théorique que FERGUSON s'est fondé p:>ur décrire
les situations arabe, grecque, haitienne et suisse alémanique.
L'originalité de FISHMAN est d'avoir élargi le concept à toute situa-
tionoù deux fonres linguistiques sont en usage et rerrplissent des fonc-
tions différentes, qu'elles soient apparentées ou non.
Selon de nombreux auteurs qui les ont reprises, ces distinctions ont
p:>ur intérêt de rappeler que les situations sociolinguistiques p2uvent
être très diverses lorsqu'on les considère sous l'angle du statut so-
cial des variétés en présence. D'autre part elles attirent l'attention
sur la dynarrùque sociale provoquant des situations de transition quand

- 10 -
une "langue L" est en voie de réhabilitation et tend à devenir "l' auxi-
liaire" officielle de la "langue H". Ainsi pour l' Afrigue Noire d'une
manière générale il peut s'agir d'une stricte diglossie comme l'évoque
Willy BAL (1978), caractérisée par une répartition fonctionnelle des
rôles qui "n'autorisent guère de chevaucherrents", ou d'une diglossie
caractérisée par une équivalence et un chevaucherœnt des rôles (en
concurrenoe de fait avec une ou plusieurs langues locales). Cette re-
marque a déjà été avancée par FISHMAN (1969 b) dans l'analyse qu'il
a faite des différents cas de bilinguisrre et de diglossie, au terrre de
laquelle il établit trois sortes de situations linguistiques qui ca-
ractériseraient les pays neufs :
- Les nations am:xlales où il existe une faible tradition soci=ulturel-
le ; la tendanoe est au rraintien de la langue officielle de grande
communication dans sa situation privilégiée (H).
,\\C~
- Les nations multirrodales où la diversité des traditions in:q:oS~e\\l~~!~.
I,t;; /
"
.
rraintien de la langue occidentale dans les fonctions qui lu1F sbnt
\\ .
dévolues.
U\\8'-'U~;j
...
~
,0.
~
~,~~.
'fJJ'
- Les nations unirrodales où l'unité culturelle et linguistique ~'estR
n\\~"'''1
~~ne\\1le
telle que la langue de grande connnmication occidentale est appelée
à être supplantée par une langue locale largerœnt répandue dans les
communautés linguistiques qui composent cette nation.
Dans les nations multirrodales ou am:xlales, les circonstances de la
communication désignent sans arnbiguité au l=uteur bilingue ou pluri-
lingue la variété qu'il doit choisir dans son répertoire, le français
en classe, au tribunal, dans les boutiques élégantes ou dans les bu-
reaux de l'administration, telle langue de connnmication inter ethnique
au marché ou dans les places publiques. Il semble que la règle dans
oes situations soit la complérrentarité fonctionnelle qui favorise en

- li -
en principe chez le l=uteur la construction d'un bilinguisme coordonné
(WALD, 1973), caractérisé par un taux restreint de l'interférence et
d'un point de vue psychologique par le traiterœnt de deux ccx:les =!lID2
systèmes de référence séparés. Dans les contextes où le français se
trouve en position d' équivalenoe fonctionnelle avec une autre langue
locale, le corrpartirrentage des rôles serait beaucoup rroins net : il
s'agit d'une zone de chevaucherœnts, du fait que dans certaines de ses
fonctions, "il se trouve à égalité de statut donc, en =ncu=ence avec
une ou plusieurs langues locales (HAUGEN, 1977). On Y rencontre une al-
ternan= que BAL (1976) dénomre "métissage linguistique" (FISHMAN parle
de "ocx:le switching", 1976). Les zones où apparaissent de tels phénomè-"
nes de langue sont oelles qui sont définies corme nations unirrodales,
c'est à dire essentiellerœnt les pays qui possèdent dans leurs répertci-
res linguistiques une langue nationale de large envergure ; cela est
attesté en centrafrique et au Zaire avec le lingala, le kicongo, le
cituba, le swahili, mais aussi au Sénégal avec le wolof (DUPONCHEL,
1978). "Toutefois pour autant que les observations perrrettent d'en
juger, les structures des langues alternantes ne subissent pas de dis-
torsions et la cohérenoe du discours ne s'en trouve pas affectée"
(DUPONCHEL, 1978). L'hypothèse contraire est soutenue par FISHMAN (1969)
qui estirre que le chevaucherœnt des ocx:les aboutit à une "pidginisation"
ou à une "créolisation". C'est aussi le p:ünt de vue de Maurice CALVEr
(1968) lorsqu'il affirrre que toutes les conditions sont réunies pour
"aboutir au Sénégal corme ailleurs, et à brève échéance à une créolisa-
'"
d
l
(l
n ,
tion
e la
angue franÇéiise, c'est a dire à une sorte de franlof , me-
lange de français et de wolof, se répandant par les centres urbains,
mais aussi par les écoles où les maitres n'hésitent pas à se servir du
'M:Jlof en classe, l'usage de celui-ci étant le seul llDyen qui perrrette

- 12 -
de ccmnuniquer avec les élèves. ceJJeIldant, DUPONCHEL r:ense que la lan-
gue africaine sUbit des distorsions similaires à celles que sUbit le
français, et rrêre J:eaucoup plus durables, vu qu' elles y sont évaluées
par rapport à leur efficacité dans la communication alors que dans le
cas du français elles le sont par référence à une nome. Il s'agirait
0. 'W1 phénomène individuel et transitoire; sa conclusion étant que du
p:::>int de vue du ·locuteur comœ de celui de la communauté, le français
derœure une variété superr:osée. Quant à nous, i l ne nous est pas pro-
posé de conclure avant d' avoir effectué le travail que nous nous somrres
proposés de faire. Nous espérons que les résultats de nos recherches
oonfimeront, préciseront voire infimeront ces différentes observations
et hypothèses sur la situation sociolinguistique africaine.
B, DELIMITATION DU OOMAI~IE DE RECHERCHE
Nous procéderons en deu.'< éta)C€s
:
- La première se veut W1 essai de conprraison entre le français stan-
dard et le français du Sénégal.
- La seconde sera une enquête sociolinguistique sur la diglossie au
Sénégal.
a) L'étude descriptive
Si l'on choisit d'étudier et de décrire la variété sénégalaise du fran-
çais, c'est en tant qu'elle est une variante du système unique français.
Indér:endanment des usages individuels, toutes les différences que nous
aurons à observer, doivent être considérées comne faits de nome.
En effet il existe de nombreux exemples de faits linguistiques qu'on
ne peut réduire à la langue, mais qui, dès lors qu'ils sont systématisés
dans un usage général sont "normaux". Pareilles variations nonœes à
l'intérieur du svstème ont constitué un objet de description pour la

sociolinguistique. Ces variations évaluées selon des critères diversi-
fiés tels que l'âge, le sexe ou l'appartenance de classe de groupes
sociaux définis sont intégrés dans la norme. C'est ainsi qu'à travers
le système, se dégagent des normes géographiques, socioprofessionnelles,
socioculturelles etc ... ,
(dans la rresure où elles organisent des tyr::es
d'usage, styles, niveaux de langue distincts). Nous entendons inscrire
cette partie de notre travail dans cette optique. Notre étude descriptive
portera essentiellerrent sur le système vocalique. Elle a été entreprise
en vue de faire le point sur les caractéristiques principales de la pro-
duction orale, en comparaison avec celles qui ont été établies dans
d'autres secteurs de la corrmunauté linguistique francophone (nous pen-
sons aux enquêtes de MARrINEr (1971), DEYHIME (1967), REICHSTEIN (1960),
H. WALTER (1977), Denise FRANCOIS (1974), N. GUENIER (1978)).
Nous nous somœs posé deux questions auxquelles nous avons essayé de
donner des réponses :
- Corment la =mnunauté sénégalaise fran=phone utilise-t-elle le
système ?
- Pourquoi l'utilise-t-elle de telle manière et non pas de telle autre?
Il nous a semblé :inp:>rtant d'évaluer les perforIl'ances phonologiques
d'un certain nombre de locuteurs afin de repérer d'éventuelles variations
à l'intérieur du systèrre et de tenter d'en déterminer les causes, tout
en faisant la part de ce qui relève de facteurs internes d'une part, et
de
l'autre, de facteurs externes.
b) L'étude sociolinguistique
Elle avait pour but de sourrettre à l'épreuve une partie de la panoplie
(en matière de concepts théoriques) dont s'est dotée la discipline pour
appréhender les situations linguistiques, dans leurs multiples contours.

- 14 -
Nous tenterons donc de délimiter la diglossie au sens fishrranien du
terne, vu que le français au Sénégal comœ partout ailleurs en Afrique
est caractérisé par ce phénomène ... La définition de son statut et plus
précisénent la définition des fonctions qu'il est appelé à rerrplir dans
un rronde africain en pleine èt rapide évolution, s' :irnp:lse. En effet, il
apparait à l'évidence que la situation du français est loin d'être uni-
forne dans l'ensemble de l'Afrique Noire, tant dans ses rapports avec
d'autres langues européennes (corrrre l'anglais au Carreroun par exerrple)
qu'avec des langues africaines véhiculaires en expansion dans certains
pays, tant dans son évolution interne (c'est la raison d'être de la pre-
mière partie), qui peut aller d'une sinple coloration régionale à une
véritable dialectalisation (sans parler du discours mixte), que dans
l'attitude des populations à son égard. Cette dernière dirrension nous
conduira à parler de l'" épilinguistique" dans l'évolution générale de
la situation ; nous entendons par là l'étude de l'aliénation linguisti-
que et de l'ensemble des jugerrents que les =rmunautés hUIlBines portent
sur leur (s) langue (s). Elle autorise à rresurer plus justerrent l' :irnp:lr-
tance des conflits diglossiques, non pas tellerrent en rapport avec les
différences linguistiques mais plutôt avec la valeur symbolique que les
communautés leur attribuent (MARCELLESI, 1978). Or ces valeurs symboli-
ques peuvent peser dans le changerrent linguistique et socioculturel
(IABOR, 1976) ; nous tenterons de voir comrent, en ce qui concerne le
cas étudié
Le rapport des ternes de la diglossie est-il conflictuel ou stable au
Sénégal? La notion de "complérrentarité'l y est--elle bien opérationnelle?
ces interrogations ont aussi été émises lors de la dernière table ronde
de Yaoundé, sans toutefois obtenir une réponse précise, ainsi que le
remarque l'lilly BAL dans son rapport (1981) : "pour être différentes et
différemrrent errployées, ces langues sont--elles vrairrent complérrentaires ?

- 15 -
La réponse à cette question ne parait pas évidente, en tout cas pas
évidemœnt affinnative". A cela aussi la synthèse de nos erquêtes se
donnait pour objectif de pouvoir répondre pour le cas du Sénégal.
Par ailleurs les observations faites par les participants des différen-
tes assises de la recherche africaniste (Abidjan 1974, Lomé 1975,
Kinshassa 1976, Dakar 1979 et Yaoundé 1981) n'ont pas tl\\3J1qué de retenir
l'attention sur le fait que les rapports entre les langues africaines
et les langues européennes sont à l' heure actuelle en train de subir des
mutations. En effet de nombreux états africains ont pris =nscience que
les langues nationales ont une valeur culturelle et politique certaine.
Beaucoup d'entre elles =nnaissent aujourd'hui une grande expansion et
"réclarœnt" d'exercer pleinerœnt leur rôle de véhicule culturel en assu-
IlI3Ilt de plus en plus des fonctions autres que celles de la corrrnunication
élénentaire. Qu'en est-il du =lof et des autres langues locales du
Séné'Jal ?

- 16 -
II - PRESENTATION DE LA SITU.4TIO~1 ETHNIQUE ET LWGUISTIQUE -
A, INVENTAIRE DES LANGUES ET ETHNIES
D'une manière générale ce qu'on appelle groupes ethniques en domaine
africain est fondé sur la différence des langues parlées dans le pays.
La situation linguistique du Sénégal, corme celle de la plupart des
états africains se caractérise par deux phénomèmes :
- Un plurilinguisme local (avec en présence une multitude de langues
de tradition orale) .
- L'utilisation exclusive d'une langue européenne, le français comme
langue officielle.
Dans les activités de production et dans les relations de la vie 50-
ciale et fa~liale, les sénégalais utilisent une douzaine de langues
et dialectes. Mais le classement des langues africaines n'est pas en-
oore quelquechose de rigoureusenent établi, des problèmes teclmiques
restent encore posés, toujours liés à l'insuffisance des descriptions.
Nous retenons ici les rappr=herrents faits par les africanistes (OOUIS,
1971) et qui autorisent à classer les langues l=ales dans trois grands
groupes linguistiques :
al LE GROUPE OUEST ATLANTIQUE, représenté par quatre langues
le sérère, le diola, le tenda.
1. Le "Olof (y compris le dialecte léboul. L'ethnie "Olof regroupe 37%
de la population. Elle =cupe à peu près toute la région de l'ouest,
mais on la retrouve dispersée dans de nombreuses régions parmi d'au-
tres populations.

2. Le sérère comprend trois dialectes. L'ethnie sérère constitue 19%
de la population. Les sérères occupent l'ouest de la région de Thies,
le Sine, le saloum et les abords sud ouest du Ferlo.
3. Le diola. L'ethnie diola regroupe 10% de la population et occupe tou-
te la basse Casanance ainsi que le sud de la Gambie.
4. Le tenda, sous groupe auquel appartient la langue des Bassari de
Kédougou à l'est du Sénégal.
b) LE PEUL appelé aussi poulaar ou foulani est parfois classé dans le
groupe ouest atlantique. c'est la langue des ethnies peul et tou-
couleur (cas particulier dans lequel l'ethnie est un sous-groupe de
la corrmunauté linguistique)
; celles-ci regroupent environ 21 % de
la population. Eleveurs norrades, les peuls sont disséminés dans la
presque totalité du pays, tandis que les toucouleurs occupent le do-
naine du Fouta, c'est à dire la vallée inondée du fleuve Sénégal. On
les retrouve aussi sur la rive nord du fleuve qui appartient à la
Mauritanie.
c) LES LANGUES MANDE auxquelles appartient le rrandingue, le sarakholé,
le khasonké et le bambara. Ces ethnies sont localisées dans diverses
régions de la Sénégambie notamment à l'est et dans la vallée de la
Gambie.
d) UN GROUPE PARrlCULIER : LA COMr1UNAUTE LUSOPHONE.
Le créole "jX)rtugais", langue parlée par une rninorité ethnique ori-
ginaire de la Guinée Bissau et des îles du Cap Vert (1), et établie
depuis longtemps au Sénégal. Elle réside principalement à Dakar et
à Ziguinchor.
(1)
Anciennes colonies du Pcrtugal qui ont obtenu leur indépen-
dance respectivement en 1974 et 1975.

- 18 -
REGIONS NATURELLES
~-
: Dima" F
T,9, 0
-~-
Duala
t--------~~,l.
~____ 0 UA LQ 1
'~........B~sséa
,
/
,
- - - - . - -
----~
"
\\
""Y
t -~-=-0'
,>"
"<\\
D;3mbaD::1
- -
11'"\\ REG r 0 N
/ '
\\-:.-
0v,
- - - -
<J .S A BLE USE""
FER L a \\ .
0::-
~\\j'~rt--
. 0 E
L' 0 U E:: S T (
, G'
/l)<'Jlra
1
,
Bacl
:
.fe T" 0
.
''1 0J-~
---~--
Sine
';....
...J
1
---<"/,;.-
-RÉGION
l
,
-=----~~, SOU O~NrENNEt--_
. _ - - -.... '"
..- -
.:~~
sa-I~
- - - - - -
- - -
Bondou
§~~~~~=fcDEl·OUEST·1 Niani REGION SOU.OANIENNE
Rip
~
OlJli
",..,;'
~~-.....,,,,
.~~
"
l
..
~Q'Ç,' ........
_
r
oU"..:-SUO
'b~ ........Tenda
'fol?,I\\\\\\
. ~i
Pakao
°v/
*' l'
_ _ _ _ _ _
t1ASSE- \\'\\~~\\
1
l t ( } ' . . . .
SUD ~ EST
,
av",'
·f--.--~~-- CASAMANCE\\ : ET 0 E L' EST /'"
flou P
/
LES PEUPLES
tJt1 ES PoJoJ'
~1j\\
~_ _
~
l~~~~~~~~~
t
S. Louis-:-
-..
Da~ana--
..,./
_ _r" 0' <-
-
0
§
'
'- 0
~
'-. -....
"". C-
"atam
--
\\,
\\,~;'
.
,
, c.
OUOLOF
1
P E U L
,op
-Li "ifDU--==:--
l
"-
-stRCRL" - -
"1
"'""'<
_OJVf:RS~
\\
J
1
~
Sahel
~"--~ 1
1
.
'!~oLi
DAKIIR- \\
' \\
(
/
~_ \\SÉRÈRE\\ L-~-~
1 PEUL
- -
KaulJ.k
\\ - - SERÈRE J..__
1
~-
0
J
rou-c' a U L EU R
/-fjéûiS 1
oT~mbacolJnda
~_----==-:----==. -MANDf pc.Ul
AVEC
QUELQUES
MANDINGUES
--B,,:,nWRST"
oVo~or'OUl:[UflJ.:
_
;(fQ.UC .......;._-
"-
'l
_
- - - - -
E:T~
-'\\.......
- - , . - - - - -
-
- - - - -
. \\ "
1
_-
-
BASSARI
.
DIOLA(~
1
PEU
L
~~~~~~~~E~Tfu~'~:-<1~:~~~~r~-~-~-~~:i/_~~P~E~U~LtE
.....
""\\ 4'(;-_.......
Y
b
VOISINS
\\
INGUES
\\
T
DIVERS_--,-_

- 19 -
L'une des langues locales, le =lof a un caractère polyfonctionnel,
et joue le rôle de langue véhiculaire entre les différentes ethnies.
Toutes les autres servent de lTDyen norrral de communication dans le ca-
dre presque exclusif d'une ethnie donnée (sérère, diola, bambara etc ... ).
Nous reviendrons plus en détail sur ces caractères, au cours de notre
étude.
B. ECRITURE - ORALITE
Les langues négro africaines pour l'essentiel se sont toujours situées
en rrarge de l'écriture. Et avant la période coloniale, aucune des la'l-
gues parlées au Sénégal ne possédait une tradition d'écriture excepté
le poulaar et le =lof, dont la graphie fut empruntée à l'arabe (lTDyen-
nant quelques réajusteJœl1ts de tyt:e phonétique). L'usage de oette gra-
phie porte d'ailleurs un nom chez les populations "-Dlophones : c'est le
"walafal". Peuls et =lofs ont subi une influence musulmane plus ancie,-,-
ne, plus profonde et plus massive que les autres ethnies locales (HOUIS,
1971). C'est pour cela que l'adoption de cette écriture obéissait à des
ITDtivations essentielleJœl1t religieuses, que reflète l'ensemble de la
production littéraire : fixations des paroles sacrées, guides pour
"oons musulmans", poèmes publiés par les grands rraralx>uts du pays,
chroniques gui racontent les hauts faits de personnalités religieuses
illustres (DIAGNE, 1978). Aujourd'hui cette graphie demeure l'instru-
ment de communication épistolaire d'une certaine génération de lettrés
musulmans, ainsi que le lTDyen de vulgarisation des connaissances reli-
gieuses dans le ITDnde rural surtout. A partir de la période coloniale
on assiste à la codification en lettres latines de la.i1gues locales
comre le "-Dlof, le poula=, le mandingue et le sérère. Ceci est le plus
souvent l'oeuvre de missionnaires européens. Dès 1972 quelques trans -
criptions sont disponibles. On rrentionne les noms de Y. BARIXJr et de

- 20 -
M. KILHAM qui publie illl "Tare v.ulof", livre de v.ulof-français. En 1825
Jean DARD, illl instituteur publie sa "Gramraire v.ulof". En 1856 M. KOBES
"Principes de la langue w::>lof" ; L'Abbé BOTIAT "Grarnrraire de la langue
w::>loffé". Le poulaar serait fixé à l' éJXXlUe des travaux de FAIDHERBE,
gouverneur général de l'A.O.F (1). Il bébéficie d'illl dictionnaire de
recueils de contes et d'une grarnrraire à l'actif de GADEN. HOUIS (1971)
signale les travaux des missionnaires catholiques de NGAZOBIL sur le
w::>lof, le sérère, le diola, le malinke, le bambara et le susu, relevant
au total cinquante cinq travaux sur le v.ulof entre 1732 et 1828. Il Y a
lieu de préciser que la majeure partie de cette documentation a été é-
laborée selon des buts pratiques ; mais la politique coloniale française,
vu qu'elle ne reconnaissait pas de statut officiel aux langues africaines
(DAVESNE, 1933) ne stimula guère cette recherche, contrairerœnt aux po-
litiques anglosaxonnes et allemandes qui permirent de déboucher plus tôt
AP:NE
--~
sur illle linguistique appliauée : élabra~i6tJ d~r~uels, syllabaires,
_.
L~'/ ~..,
dictionnaires, normalisations d' orthqgiaphes etc c ••• iH fallut attendre
I!<: 'C~·~
1943, 1965 et 1966 pour disposer d'éJ~~~s-ae qualitréfs~ientifiquessur
\\';,~
/ ",y
les langues locales, notamrent le v.ulof "et le-sérèr"i=" avec les travaux
.--. .~, '.:. n e ~e':;,:'"
de Léopold S. SENGHOR, serge SAUVAGEDr et 'P~thé' ·~IAGNE. Une recension
complète sur oes deux langues ainsi qu'une réimpression des principaux
articles sont parus dans "oolof et sérère, études de phonétique et de
grarnrraire descriptive", réunies et éditées par Gabriel '/olANESSY et
serge SAUVAGEDI' (1 963). Au nnrrent de l'indépendance, illle langue corrrre
le w::>lof bénéficiait de deux systèrres de transcription. Il s'est alors
posé le problèrre de la oodification et de l'harmonisation. L'adoption
d'une graphie arabe pour les langues sénégalaises fut suggérée compte
tenu du "développerœnt considérable de l' enseignell12nt coranique si non
arabe dans illl pays à 80% =ulman. Au terme de multiples discussions

la graphie latine a été officiellement adoptée à l'exclusion de toute
autre à partir de 1968. Elle fait l'objet de textes réglementaires;
le principe retenu consistant à transcrire phonétiquement les langues.
La codification en lettres latines a fait (et continue encore à faire)
l'objet de multiples controverses sur des aspects essentiellement tech-
niques. Le problèrre najeur qui se ]XJse du ]XJint de vue des chercheurs
ou des observateurs éclairés étant la tendance au décalque de la gra-
phie des langues locales sur le français : difficultés à établir un
systèrœ cohérent et pédagogiquement valable (DrAGNE, 1978).
C. PoLITIQUE LINGUrSTIQUE
A une période plus récente, la création d'un "Centre de Linguistique
Appliquée" perrret de prendre le relais de la recherche africaniste.
Cependant (corme nous l'avons signalé dans la partie introductive) les
travaux de cet organisrre sont surtout llDtivés pëIT le souci d'une péda-
gogie perfonnante du français, à savoir la nécessité de mieux connaitre
les langues autochtones afin de dispenser un rreilleur enseignement du
français. cette orientation est justifiée pëIT un bilan négatif de la
scolarisation, comme l'avoue Aram Diop FALL de la section de linguisti-
que de l'I.F.A.N (1)
(1975)
: "Au sénégal le nombre important des re-
tards scolaires
qui découle de l'inadaptation du systèrre scolaire héri-
té de la troisièrre République française, a arrené le C.L.A.D à rechercher
les llDyens de rendre l' enseignerrent prirraire sénégalais rroins déficitaire".
Ainsi conjointerrent aux recherches effectuées "]XJur la rénovation de
l'enseignement du français", le C.L.A.O a entrepris un programrre de re-
cherches sur les langues parlées au Sénégal en vue de leur utilisation
dans l'enseignement.
(1 )
Institut Fondarrental d'Afrique Noire

- 22 -
Jusqu'ici les études sont davantage dirigées vers le ~lof, qui béné-
ficie des travaux les plus avancés : ont été mis au point par le
C.L.A.D un cours de ~lof destiné aux étrangers, un lexique ~lof-fran­
çais de 3 CXD rrots, un lexique analytique ~lof-français. D'autres tra-
vaux sont en =urs dont un dictionnaire ~lof-français de 6 CXD rrots,
et une grammaire pratique. Mais d'un point de vue officiel, malgré les
déclarations d'intention, les autorités n'ont pas en=re défini les
rrodalités d'une utilisation de ces langues à des fins s=laires. Pour
l'heure on ne note aucune décision susceptible d'avoir des retombées
imrédiates au niveau de la politique éducative d'ensemble.
La question est de savoir si au tenre des travaux envisagés, il s'agira
d'introduire quelques heures de poulaar, diola ou sérère dans les emplois
du temps s=laire ou d'intégrer ce projet dans "un cadre plus vaste de
réfonre globale de l'enseignerrent", comœ le souhaitent les milieux de
la recherche locale.

- 23 -
PARTIE l
L'ETUDE DESCRIPTIVE
(ESSAI D'ANALYSE PHONOLCXJIOUEl
1 - JUSTIFICATIONS DE L'ETUDE -
A,
CHOIX DE U\\ VARIETE
En règle générale, le français n'a pas le statut de langue maternelle
au Sénégal. Toutefois son rrode d'aCX[Uisition n'est pas exclusiverrent
s=laire (bien que cela soit in=ntestablerœnt la voie la plus répan-
due). Coexistent avec ce français s=laire, des "variétés locales de
français" qui seraient plutôt des fomes de sociolectes surtout loca-
lisés dans quelques milieux urbains, tels que les marchés des grandes
villes =mrerçantes, la capitale et son port ; on peut y ajouter le
français des non lettrés, qui se réduit à l'argot =lonial. S'il faut
leur conférer un statut, ces dernières constituent, à notre sens, des
parlers véhiculaires dont l'origine serait déternrinée par la nécessité
d'assurer une fonction de =nmmication entre' des groupes alloglottes
engagés dans des échanges =mrrerciaux ou des rapports administratifs
ou militaires de type vertical (les chauffeurs de taxi et leur clien-
tèle européenne, dans les circuits touristiques, les =ntrernaitres,
dockers et autres employés du port de Dakar face au personnel dirigeant,
le plus souvent européen, les vendeurs ambulants de prcxiuits artisti-
ques à la poursuite interminable des touristes dans le centre-ville ou
au village artisanal ; enfin, engagés ou appelés les autochtones de
l'armée coloniale qui sont à l'origine du parler communément =nnu

- 2Lj -
sous le nom de "français de tirailleur"). Définis en tant que s=io-
lectes, ces systèrres rréritent W1e investigation linguistique voire
s=iolinguistique qui aiderait toujours à W1e rreilleure connaissance
de la diversité des variétés parlées ou écrites. Tbutefois ils n'ont
pas été intégrés dans notre analyse d' arord parce que (=mrre nous l' a-
vons rtDntré plus haut) ils =nstituent W1e variété à part, au regard
de leur fo:rnation, de leur fonction et de leur portée géographique et
s=iale ; ensuite vu que notre intérêt était limité au français soo-
laire, élérrent constitutif de la diglossie sénégalaise, dont les im-
pacts ont particulièrerrent retenu notre attention.
- son impact politique:
c'est en effet la langue officielle du pays,
la seule dont l'utilisation est légalerrent autorisée au niveau des
grands circuits administratifs et comrrerciaux de la nation, ainsi
qu'à celui des échanges internationaux.
- son impact s=ial:
c'est la langue des institutions scolaires, uni·
versitaires. Par ailleurs, sa prédominance au niveau des lffisses rré-
dias est directerrent perceptible. LeS journaux les plus importants
(qui ont le plus d'audience) sont écrits en français. C'est enfin
la langue qui détient le record absolu en heures de diffusion à la
radio comrre à la télévision.
Son impact n'est donc pas quantitatif lffiis qualitatif: plusieurs au-
teurs ont déjà signalé l'effectif relativerrent réduit des locuteurs
à mêrre d'utiliser le français dans les pays francophones d'Afrique (les
pourcentages vont au rraximum de 7 à 10% de la population de ces diffé-
rents pays (J. CALVET (1979), Maurice HOurS (1971)). NéannDins la posi··
tian de cette langue sur l'échiquier s=ial, politique et économique
est telle qu'il nous a paru op]Xlrtun qu'on s'intéresse davantage à sa
nature réelle et à ses significations symboliques dans ce contexte.
Telles sont les raisons du choix de cette variété.

- 25 -
g, L'AIRE D'ENQUETE ET LES PARAMETRES
a)
La p?pulation et le lieu d'enquête
L'enquête a été entièrerrent réalisée à DAKAR, vu que l'origine géogra-
phique des l=uteurs inp:Jrte peu dans le contexte étudié. En effet i l
n'existe pas à proprerrent parler des variantes sous régionales de fran-
çais à l'instar de ce qui prévaut par exetll[Jle dans l' hexagone (variété
qui font l'objet de travaux en dialectolCXJie ou encore en s=iolinguis-
tique urbaine cOrme l'analyse du français parisien, tourangeau, lillois
etc ainsLque les ont étudiées Denise FRANCOIS (1974) ou Nicole GUEUNIER
(1978)).
D'autre part, compte'-tenu du fait que le seul rrode d'acquisition de la
variété étudiée est essentiellement scolaire, l'ensemble de la p?pula-
tion concernée par l'enquête se trouve bien évidemment concentrée dans
les grandes villes, c'est à dire là où non seulerrent la formation sco-
laire est assurée à différents niveaux, nais encore là où les scolari-
sés et diplômés trouvent leurs etll[Jlois.
En situation plurilingue, il était à priori légitime de se p?ser le
problèrre de la dispersion ethnique.
Deux p?ssibilités étaient envisageables
- soit entreprendre une analyse linguistique différenciée ethniquerrent.
- soit circonscrire l'analyse à un seul milieu ethnique.
Mais la situation l=ale présente une particularité qui nous a permis
de neutraliser l'origine ethnique. Nous nous sormes appuyé sur deux faits
p?ur cela:
le premier est d'ordre linguistique:
le groupe linguistique ouest atlantique (auquel appartient en najorité
des langues ethniques parlées excepté-les langues rrandé qui ont au s" ..
négal très peu de l=uteurs) ne présente pas des caractéristiques
phonolCXJiques différenciées, qui seraient de nature à influer sur

'>c
L'utilisation du français (DESCHAMPS (1964) et HOUIS (1971)).
-
Le second est d'ordre socioculturel et vient renforcer le premier.
La prédominance de la langue w::>lof est telle qu'il semble s'opérer
en milieu urbain un phénomène tendant à accélérer l'uniformisation.
Deux enquêtes ccnfirrrent ce fait :
Les enquêtes de Maurice CALVEl' et français WIOLAND (1965) ont rrnntré
que 96% des enfants inte=ogés dans la région dakaroise parlaient
w::>lof ccmme 1ère ou 2nd langue alors que 7~% d'entre eux le parlaient
chez eux. Notcns que cette enquête date de 1964 et que les enfants
d'alors sont aujourd'hui adultes: les 25% qui à l'âge scolaire par-
laient w::>lof cornrre seccnde langue parlent vraisemblablerœnt w::>lof à
leurs enfants aujourd' hui (CALVEl' Louis Jean).
D'autre part notre questionnaire était destiné aux différentes =uches
de la retite bourgeoisie. Là en=re l'enquête de p. MERCIER cité par
Majrrnuth DIOP (1974) renret de rerrarquer que 25% des élérœnts qui =mno-
sent ces couches avaient été élevés à DAKAR, 23% à SAINT LOUIS et 37%
dans les autres villes, soit environ 85% de citadins d'origine: ce sont
donc les élérœnts les plus ccncernés par le processus de "desethnicisa-
tion linguistique" (dans le sens où le wolof gagnerait du terrain aux
détriJrents des langues maternelles ou ethniques) .
b) Les pararrètres
Les critères sociaux
Compte tenu de l' histcire des pays colonisés et de façan plus particu--
lière,-
celle du Sénégal, la hiérarchie professionnelle s'est =nstituée
,
en fonction de la hierarchie des diplÔITes,
(Drincipalernent dans le sec-
teur tertiaire, qui fut le domaine privilégié de notre enquête). La notion

- 27 -
de classe sociale strictement définie du point de vue du mode de pro-
duction ne peut être retenue ici corme critère pertinent. En effet,
toutes les couches qui cotnpJsent la l::ourgeoisie (grande, rroyenne et
petite), comptent un effectif non négligeable de non lettrés ; En
outre, le prolétariat et la paysannerie qui constituent près de 85% de
la population comprennent pour l'essentiel des analphabètes et se
trouvent ipsofacto exclus de notre enquête. c'est pourquoi nous nous
sormes limités au critère professionnel et à celui du niveau d'études.
Pour ce dernier nous avons pu distinguer les quatre niveaux suivants
1. Les inforrrateurs ayant un niveau d'études inférieur ou égal au
CEPE ou CAP.
2. Ceux ayant un niveau d'études compris entre le BEPC et le baccalau-
réat.
3. Ceux ayant un niveau d'études égal au baccalauréat.
4. Ceux qui ont poursuivi ou poursuivent des études supérieures.
Nous avons retenu la lirnite d'âge inférieure - qui est de 13 ans! ce qui
co=espond à l'âge d'obtention du CEPE.
Dans la rroyenne d'âge comprise entre 13 et 30 ans, nous avons considéré
l'environnement linguistique familial
à savoir; si les parents par-
laient français ou pas au foyer.
Le sexe : A priori ce paramètre ne devrait pas avoir un impact considé-
rable sur une analyse descriptive. Mais compte tenu du statut "privilé-
gié" que doit avoir une ferme scolarisée dans ce contexte socioéconomi-
gue précis, il n'était pas exclu qu'on obtienne des réactions significa-
tives notamrent sur le
plan de l' hypercorrection et du prestige social.

LU
-
Il - OBJECTIFS ET f'UHODES -
A. OBJECTIFS
Devant la diversité phonologique et l'existence des systèmes différents
dans une rrêJœ comnunauté linguistique, on s'est posé la question de sa-
voir s' il était encore possible de présenter un ITDdèle unique de la
tonne prononciation du français. Le"Dictionnaire de la ronne prononcia-
tion française"dans son usage réel (MARI'INEr et \\'lALTER (1973)) ne pré-
tend pas édicter les règles de la ronne prononciation. Il a résolurrent
pris ses d~ces vis à vis des attitudes prescriptives classiques. Il
a voulu à partir d'un certain nombre de mots, présenter les
latitudes
de prononciation pouvant exister dans une rrêJœ communauté sans géner
la communication. Des travaux plus récents (GUEUNIER, GENJlNRIER et
KHOMSI (1978)) ont tenté de vérifier corment fonctionnent les différentes
tendances phonologiques repérées à l'intérieur du systèrre en rrettant en
rapport les données linguistiques avec un certain nombre de données so-
ciales (corrélation des perfornances obtenues par les locuteurs avec
leurs appartenances sociales et leurs COIT1jXlrterrents linguistiques).
Par analogie avec ces deux types de dérrarches, nous avons entrepris
cette partie de notre travail en vue d'atteindre deux objectifs :
Il s'agit avant tout de savoir en quoi, ce qui est admis comme varié-
té régionale, se trouve ainsi caractérisée. En référence à la norme
qui ferait que le français local serait plus marqué par la standardi-
sation, l'hypercorrection ou au contraire par les faits d'interféren-
ce ? Les résultats obtenus doivent nous permettre de déterminer pré-
cisérrent les facteurs explicatifs (internes ou externes) des tendances
repérées •

- 29 -
- Une fois la descrlption phonologique entreprise, est-il possible de
dresser un questionnaire suffisamœnt pertinent pour rendre corrpte de
quelques aSfE'Cts particuliers de la langue dans le contexte étudié
(en d'autres teIllES capables de nous renseiC)Iler sur le rapport appar-
tenance (ou conscience) culturelle et corrporterrent linguistique);
Ceci devant nous permettre d'aborder le volet sociolinguistique.
B. METl-IüDE
Etablissant dans sa dernière PQblication
le stade actuel des opposi-
tions, Henriette \\\\'ALTER (1977) distingue dans le svstèrre vocalique
français trcis sortes d'opposition :
1. Les oppositions à fonction distinctive totale, c'est à dire celles
qui sont resfE'Ctées par l'enserrble des sujets il l'unanimité de fa-
çon constante et dans toutes les positi-:ms
lvi-lui et li/--luZJ
2. Les oppositions instables non neutralisables, celles qui ne sont
observées que par une partie des locuteurs et de façon plus ou
rroins constante, mais sans aucune restriction sur le plan de la
posit.ion
[7,"1-/01
IU-~
3. Les oppositions instables neutralisables, celles qui d'une part,
ne peuvent se rranifester que dans certaines positions et sont neu-
tralisables ailleurs
lef-IEI et IEI-/f.!1
Nous nous SOImeS inspirés de ce canevas )Xlur examiner l' enserrble du
systèrre vocalique, en vue de déterminer les constantes et les variables
de la variété étudiée. I,'exarren de ce systèrre vocalique (par le biais

- 30 -
des 0PlXJsitions) est complété par une étude des groupes consonnanti"Ues
qui rrettent en jeu la réalisation ou l' effacerœnt d'un certain nombre
d'élérrents du systènE vocalique dans le oode oral selon des règles pho-
nologiques et accentuelles précises ... Pour ce faire nous avons éta-
bli un questionnaire =nstitué de plusieurs listes de rmts et de phrases,
pour lesquelles les modalités d'arrangerrent et la façon dont elles ont
été proposées aux infonnateurs sPJOnt définis, dans la présentation du
questionnaire.

- 31
Il 1 - LE QUESTIONNAIRE -
A. L'ETUDE PHONOLOGIQUE
Pour évaluer les fBl"formmces orales de nos locuteurs, nous leur avons
pro]Xlsé un questionnaire dont les données et la méthodologie ont été
inspirées des travaux qui ont été réalisés dans le rrêrre but, )X)ur le
compte de la coillT1l.lTlauté linguistique métropolitaine (MARTINET (1971),
WALTER (1977), DEYHIME:(1967), GUEUNIER (1978), D.FRANCOIS (1974)).
Notre étude ]Xlrtait essentiellerrent sur le dorraine phonologique ; ce
qui pemettait de lui assigner un but comparatif, étant donné que la
phonologie est le ]Xlint de convergence actuel des recherches sur le
français parlé dans la zone francophone à un niveau international.
Envisagée sous cet angle, notre analyse avait comme base les ]Xlints
suivants :
a) L'état du systèrre v=alique
les 0p]Xlsitions /a/_/ct/
le/-lE /
/0/_/;:;/
/6/ /œ/
J;e_s _V9Y§'ll~s_ ~sj'l~e"
l'opposition /E/-/oe/ et le traiterrent des nasales /E/
/~/
/a/
traiterrent de /j/ ; /y/ ; /w/
q ~ld.c~ et son traiterrent dans les groupes consonnantiques prirraires ,
secondaires et tertiaires.
b) La variété et la nome
Détennination du rapport des locuteurs face " la nome et face à la
variété.
Détennination d' une variable phonologique en tant qu' indicate= so-
ciolinguistique.

B. LE CORPUS
Les enquêtés ont été soumis à des séances de lecture réparties en
trois phases
- Lecture de textes
- Lecture de phrases
- Lecture de rrots
L'ordre n'est pas gratuit. Il déooulait du souci de l'enquêté de ré-
duire dans une certaine rresure les effets du "paracJ6xede l'observateur"
que LABOV (1976) a fonralisé ainsi au terrre de ses propres enquêtes
linguistiques : "Le but de la recherche linguistique au sein de la
oomnunauté est de déoouvrir oomrrent les gens parlent quand on ne les
observe pas systérratiquerrent. Mais la seule façon d'y parvenir est de
les observer systématiquerrent". C'est la raison pour laquelle nous
avons retenu quelques aspects de la stratégie adoptée par l'équipe de
Tours (GUEUNIER, 1978) pour tenter le dépassenent du paradoxe et qui
sont
a) Le principe de la priorité accordée à la lecture d'un texte, ce qui
a [-our but de rrettre l'informateur dans une situation plus courante
que la lecture de rrots ou de phrases. En outre i l semble que le sens
général et l'intérêt du texte puissent arrener le lecteur à se surveil-
ler beaucoup rroins que dans les autres situations.
Il en va de rrêITe quoique dans une rroindre rresure, pour la lecture
de phrases face à la lecture de nots.
b) L'ordre de présentation des données : pour la lecture de phrases,
les séquences étaient disposées en sorte que leur ordre de succession
ne perrrette PaS aux locuteurs de deviner l'intérêt ou l'objectif de
l'enquête.

- 33 -
c) Le princi[€
d'une lecture de llDts en deux temps:
Dans le prerniér temps, le l=teur était ap[€lé
à lire des llDtS
inscrits chacun sur une fiche.
Dans le second temps, le l=teur devait relire les rrêrres llDtS
que précédemrent, rrais cette fois--ci ils etaient regrourés sur
une rrêrre fiche en llDnèrres opposables.
A la suite de ce test, il devait rép::mdre aux questions suivantes
"Avez-vous prononcé ces deux llDtS de la rrêrre rranière ?".
"Pensez-vous qu'on doit (ou qu'on devrait) les prononcer de la
rrêrre rranière ou différerment ? pourquoi ?".
En établissant ces différentes phrases, nous entendions d'une part, créer
Une situation artificielle certes, rrais susceptible de rendre relative--
rrent opérationnels les paramètres devenus classiques tels que llDrrent
+ forrrel vs !
inforrrel, et d'autre part obtenir et rassembler un cer-
-
1
tain nombre d'élérrents (telle que l'évaluation des [€rforrrances
réelles
et des [€rforrrances
fictives) pouvant nous autoriser à systérratiser les
compürterrents et les attitudes des enquêtés par rapport à la norrre.
(B)
C. PRESENTATION DU QUESTIONNAIRE
a) La lecture de textes
Les textes ont été intégrés au questionnaire en tant qu' élérrents de ré-
férence à une situation de tYf€
inforrrelo Ils devaient nous [€rrrettre
d'établir une comparaison entre les [€rforrrances
réalisées par les lo-
cuteurs dans cette situation avec celles qu'ils ont obtenu en situa-
tion de tYf€
llDinS inforrrel
(lecture de phrases) et en situation de
tYf€
forrrel (lecture de rrots). Ils ont été extraits d'un exerrplaire du
quotidien national local: "Le soleil". En choisissant de longs extraits,

- 34 -
on pensait obtenir une plus grande fréquence d'occurence des unités
phonologiques étudiées dans les situations formelles, ce qui rendrait
plus aisée la comparaison. Mais on s'attendait aussi à un relâcherrent
progressif d'une autosurveillance éventuelle des locuteurs, ce qui
ferait tendre le plus possible vers une énonciation naturelle.
(Les textes sont présentés en annexe de la partie 1).
b) La lecture de phrases et de rrots
A chaque paire ou unité phonologique étudiée correspond une liste de
rrots et de .phrases (chaque rrot se trouvant intégré dans une structure
phrastique) .
Nous allons les présenter suivant l'ordre établi précédemœnt (se re-
porter à II/B.).
c) Les voyelles orales
*
Paires minimales lexicales
Liste de rrots
En syllabe fermée
En syllabe ouverte
1. Patte
4. Pâte
7. Las
9. Là
2. Mal
5. Mâle
8. Rat
10. Ras
3. Salle
6. Sale
Liste de phrases
1. Dépêche-toi, je suis las de t'attendre.
2. Hier, ils ont tué un rat, gros corme ça
3. Ce garçon est très sale
il devra prendre une douche et se changer.
4. Ils ont séparé
le mâle de la femelle.

- 35 -
5. Cet anilTal ne tient plus sur ses pattes.
6. C'est bientôt la Tabaski, les garçons portent les cheveux ras.
7. OU' est-ce qu'on mange ce soir, des pâtes ?
8. Elle est ilmense cette salle de cinéma.
*
Paires minimales lexicales
Liste de IlDts
En syllabe finale
1. Epée
4. Epais
7. Marée
8. Marais
2. Fée
5. Fait
3. Thé
6. Taie
Variable IlDrpho-syntaxique
1. J'ai brûlé
4. Je brûlais
2. Je chanterai
5. Je chanterais
3. Chanter
6. Je chantais
Liste de phrases
1. Le =
est solide et épais. Le clou ne rentrera pas
2. ce récit est un véritable conte de fée.
3. Rentrons, la rrrn:ée IlDnte
4. Les taies sont sales, il faudra les laver.
5. Il nous a fait du Ixm couscous hier.
6. Quand on est sur le pont, on aperçoit les rrrn:ais salants.
7. Je préfère le thé chinois au thé indien.
8. Voilà un sarrouraï qui n'a pas d' épée !
* L' oJ?FOsition /9.l:::.L.:J /

- 36 -
Paires
rninirrales
lexicales
Liste de l10ts
En syIlaJ::e finale ferrrée
1. Sotte
5. Saute
2. !-bIle
6. M'He
3. Panne
7. Pawre
4. Iobrt-
8. Maure
Liste de phrases
1. cette substance est l10Ile au toucher.
2. Chez nous les maures vendent aussi des bracelets.
3. C'est difficile de prévoir sa réaction; i l a des sautes d'hwreur.
4. Les pomres gue tu as achetées sont acides.
5. $a rrort nous a profondemœtlt bouleversés.
6. Aujourd'hui, il n' y a pas de navire au mIe 8.
7. C'est W1e sotte affaire gue tu nous relates là
8. Connais-tu le jeu de pawre ?
9. Il vient de gagner le gros lot.
10. Pierre est un mauvais chaUffeur.
MJts opposables
1. Jeune
2. Jeûne
3. Veulent
4. Veule
Liste de rrots non opp::?sables
En finale absolue
En syIlaJ::e fenœe
1. Peu
5. Peur
2. Voeu
6. Fleur
3. Feu
7. CoeuF

- 37 -
4. Peuple
8. OEIL
Liste de phrases
1. Très peu de gens ont répondu à l'appel.
2. Au ramadan le jeûne est obligatoire.
3. Etteins vite le feu de peur qu'il n'atteigne la case.
4. Il doit être llI3.1ade du coeur.
5. Le flanroyant est un arbre aux fleurs rcuges.
6. Appelle-llDi ce jeune garçon.
7. Nos voeux ont été exaucés.
8. Il a une peur lIDrbide des fourmis.
d) Les voyelles nasales
* !:: 'opjX?sitio!:!jELL~/
Liste de iiots
1. Brin
4. Brun
2. Alain
5. Alun
3. Errpreint
6. Errprunt
Liste de phrases
1. Il n' y a plus de brins d' allurrettes dans la boite.
2. L'alun est un produit chimique utilisé en teinture.
3. J'ai fait un emprunt pour acheter une voiture.
4. Alain partira avec nous en Afrique cet été.
5. Ils sont revenus de vacances tout bruns.
6. Son visage est empreint de lames.
Réalisation en syllabe intérieure

- 38 -
Liste de rrots
1- Peindre
5. Teindre
2. Mandat
6. Comnandant
3. Peinture
7. Teinture
4. Porrpe
8. l'orobe
Réalisation en syllabe initiale (absolue)
Liste de rrots
1- Antérieur
5. Intérieur
2. Endogène
6. Indigène
3. Encore
7. Incolore
4. Angle
8. Ongle
e) Les semi-voyelles
- ~~~~~~~~LjL
* ~SlEP:2S!!!Q~jLf---lJ/
Paires minimales lexicales
1- Pays
3. Paye
2. Abbaye
4. Abeille
Liste de phrases
1. Bientôt il va retourner dans son pays.
2. As tu visité l'abbaye de St Wandrille ?
3. tbus n'avons pas encore reçu notre paye.
4. Il s'est fait piquer par une abeille.
Liste de rrots

- 39 -
Diable
Dieu
Thiofene
Dian>ant
Diocèse
Thiosulfate
Dialectique
Dioptre
Tiercé
Diététique
Dionysiaque Tiers
Liste de phrases
1. Que Dieu vous bénisse !
2. Il a signé un pacte avec le diable.
3. Le zaïre produit beau=up de dian>ants.
4. Notre pays rompte sept diocèses.
5. Les dionysiaques sont des fêtes organisées en l' honneur de Bacchus.
6. Son raisonnerrent est dialectique.
7. Il ne se nourrit que d'aliments diététiques.
8. Le dioptre est une surface optique.
Liste de rrots
1. Lui
3. Louis
5. Nuit
7. Juin
2. Troua
4. Trois
6. Puis
Liste de phrases
1. Il luia téléphoné ce rratin.
2. Une balle lui troua le crâne avant qu' i l pût se relever.
3. Le louis est une ancienne pièce de rronnaie de France.
4. Dans trois jours nous partcns en vacances.
Liste de rrots
Cruel
Truelle
Imnuable

-40
Lueur
Dualité
Truand
Luette
fl d ITUlet
- Al' initiale de IlOt
Liste de IlOts
1. La serrelle
3. La pelouse
2. Le petit
4. Le levant
- En p?sition intérieure
1. Déjeuner
2. Rajeunir
1 • La fenêtre
2. Rabelais
3. Je m'en vais
4. Tu rre parles de toi
1 • Un garde chasse
4. La table de jeu
2. Parle bien
5. Tendrerœnt
3. Quelquefois
6. Un gredin
Nous avens rédigé le questionnaire sur le e ITUlet en tenant =rpt:e des
règles phonologiques établies d'après son cornp::lrterrent en français
standard, et selon lesquelles
- Il est absent à l'initiale de IlOt.
Il tombe touj=s quand une seule consonne le sépare de la vcyelle
qui précède.
- Il se maintient quand deux consonnes le séparent de la vcyelle.

- 41 -
- Certains effacerrents de [oeJ
(déjeuner.rajeunirl confondu àvec [a]
traduisent une tendance généralisée à la disparition en ]X)sition
intérieure.
Four l'ensentJle des voyelles, ou unités étudiées, nous avons re-
tenu les variables phonologiques les plus pertinentes (lois phonétiques,
]X)sitions syllabiques, variables sémantiques etc ... selon les cas)
p::Jur établir des listes de rrots et de phrases. Il ne nous a pas paru
utile de les signaler à chaque fois, ]X)ur éviter que le questionnaire
soit surchargé de justifications tehniques, qui sont les rrêrœs que ]X)ur
les analyses phonologiques classiques sur le français parlé (à quelques
rrodifications près sur le corpus).
. Comrre l'indique notre questionnaire, nous avons intégré toutes les
op]x)sitions vocaliques du systèrre français, sans considération préala-
ble de pertinence ni de rendeJœnt fonctionnelle. Il s' agissait avant
tout de déterminer la ]X)sition ou l'état actuel de ce systèrre tel qu'il
est assumé par un groupe de locuteurs.
(Ce qui peut paraitre pertinent
en français standard p::Juvant ne pas l'être dans une autre variété ; ce
qui est en voie de dispariltion ici, étant susceptible d'être maintenu
là). Qu'elles soient donc stables ou rrenacées, les paires phonologiques
n'en constituent pas rroins une réalité du système. Il a fallu des enquê-
tes auprès de locuteurs français ]X)ur détenniner leur stabilité ou leur
instabilité. C'est la raison ]X)ur laquelle nous avons retenu les unités
ci-dessus.

- 42 -
IV - ~UDALI-rES PRATIQUES DE L'ENOUETE -
A. LA REPARTITION SOCIOPROFESSIONNELLE
Pour les raisons déjà énoncées au chapitre précédant (les paramètres
sociaux) notre enquête s'est limitée aux catégories socioprofessionnel-
les, qui relèvent des couches lettrées de la "classe OOurgeoise" séné-
galaise. En effet et pour nous en tenir à l'analyse faite par Majnout
DIOP (1974) sur les classes s=iales au Sénégal, on distinguerait trois
principaux secteurs qui sont les suivants :
a) La grande oourqeoisie constituée de deux couches différentes :
la première est fomÉe de la majorité des capitaliste européens,
ainsi que de quelques industriels et comrerçants libanais et
africains sénégalais. Pour la plupart.
la seconde est comp:>sée de bureaucrates de la haute administration
et de leurs alliés africains (restes des anciennes noblesses) et
européens (assistants techniques) .
b) La novenne oourgeoisie, qui tout comœ la grande oourgeoisie est
hétérogène, en ce sens qu'elle comprend aussi des libanais, des
sénégalais et autres africains. Il s'agit égalerrent de capitalistes
exploitant le travail salarié mais dont les affaires sont d'une
:iJrqJortance noindre que celles de la grande oourgeoisie capitaliste.
c) La petite oourgeoisie ; si elle est un' secteur hétérogène du point
de vue des professions, elle est par contre plus honogène que les
deux classes précédentes : elle est CO!11fXlsée des employés et des
conmis, des rrernbres des professions libérales, des étudiants et de
certains artisans. Parmi les employés et les c:x:mnis, i l Y a lieu

- 43 -
de distinguer :
- Les fonctionnaires non bureaucrates
Hauts fonctionnaires
Fbnctionnaires 1lOyen5
Petits fonctionnaires
- Les employés du secteur privé
Le tableau ci-dessous, que nous empnmtons à MajllOut DIOP, rend conpte
des effectifs des différents secteurs des classes sociales, ainsi que
de leurs p:mrcentages approx.irratifs par rapport à la fDPUlation active.
SChérra des classes au Sénégal (M. DIOP, 1971)
EFFECI'IFS
NOMBRE
CLASSES Er COUCHES
PAR CLASSE
% CLASSE
- Grande Bourgeoisie
3 (XX)
0,15
· capitalistes
1 5CX:J
bureaucrates et alliés
1 5CX:J
- l1Jyenne Bourgeoisie
3 (XX)
0,15
· homœs d' affaires
2 (XX)
marabouts rroyens
1 (XX)
- Petite Bourgeoisie
137 (XX)
7,00
· cornnis et employés
30 (XX)
· artisans et professions
libérales
85 (XX)
· etudiants
2 (XX)
· petits hOllllEs d'affaires
6 (XX)
· petits marabouts urbains
14 (XX)
- Prolétariat
100 (XX)
5,00
- Paysannerie
1.717 (XX)
87,70
1'Œ'AL :
1.960 (XX)
100,00
- - - - -
.

-44 -
On r:eut se jX)ser le problèrœ de savoir quelle est la frontière exacte
entre les deux catégories de "cols blancs", c'est à dire les bureau=atés
classés dans la catégorie "grande bourgeoisie" et les autres fonctionnaires
de la catégorie "r:etite bourgeoisie". Nous estiJrons que ces bureaucrates
doivent essentiellerœnt leur jX)sition à la jX)litique, car en dehors de
toute considération de diplârœ et de fonnation, ils ont été choisis et
coptés par l'appareil fOlitique du parti dominant jX)ur exercer leur
fonction. Ils détiennent donc des sortes de l1BIldats jX)litiques dont ils
ne jouiraient plus dès que ce parti cesserait d'être au jX)uvoir. Il n'v
a donc aucune raison d'exclure de cetté couche de la petite bourgeoisie
des fonctionnaires des hierarchies"s1J.périeures.
Du jX)int de vue de notre travail, vu qu' il n'est pas pertinent
d'op]Xlser les classes sociales (jX)ur des raisons déjà enoncées), tout
au plus nous avons essayé de correlier les couches avec le niveau d' é-
tudes ; partant du princir:e que la hierarchie s=iale s'est faite à
partir de la hierarchie des diplôrœs (exception faite des élérœnts re-
levant de la hierarchie sociale traditionnelle et qui ont été intégrés
dans les circuits récents du rrode de production capitaliste rroderne
tels que riches rrarabouts, hoüffi2S d'affaires et autres alliés analpha-
bètés de la grande bourgeoisie). Ainsi tous secteurs confondus (secon-
daire et tertiaire) ncus avons retenu trois groupes fondarrentaux :
-Groupe A
cadres supérieurs, hauts fonctionnaires (hierarchie A et S),
professions libérales, bureaucrates.
- Groupe B
fonctionnaires et cadres noyens, techniciens supérieurs etc ...
- Groupe C : Corrmis, employés subalternes, agents de ll'aitrise.
Les étudiants et les élèves ont été intégrés aux gr6ur:es A ou B ou C
suivant leur niveau d'études.

- 45 -
Nous avons pu enquête:: auprès de 117 l=uteurs répartis au sein des
trois group2s sicioprofessiolU1els :
- catégorie A
28
- catégcrie B
59
- catégorie c
37
Les p2rsolU1es contactées l'on été en fonction de leur !:on vouloir et
de leur disponibilité. L'échantillonnage est donc aléatoire et les
nombres qui figurent devant les différentes catégories ne sont pas
représentatifs de la subdivision quantitative des catégories socia-
professiolU1elles. D'autre part le risque d'un dépouillerrent trop long
et les rroyens très limités (en p2rsolU1es) dont nous disposions pour
faire ce travail, nous ont conduit à limiter le nombre des enquêtés
à ces chiffres.
B, ENREGISTREMENT ET DEPOUILLEMENT
al Le contact
Les enquêtes ont été rrenées à l'occasion d'un sé jour d'été de trois
!lOis au Sénégal, ocnsacré exclusiverrent à cette tâche. Nous disposions
de deux nagnétophones et avons pu entreprendre l'enquête sur deux fronts,
grâce à l'aide qui nous a été apportée par un ocllègue étudiant en
IIIèrre cycle de linguistique à l'université de Dakar. celui-ci a par
ailleurs été c:oop{é antérieurerrent pour un travail d'enquête par le
centre de linguistique appliquée dans le cadre de recherches pédagogi-
ques.
Le contact avec les enquêtés avait été rendu relativerrent facile
par le fait qu'étant originaires du pays, nous avons bénéficié de

- 46 -
raPfOrts particuliers (de célll\\3.raderie, d'amitié et de parenté) pour
nous introduire chez eux, dans les rrorœnts où ils étaient disponibles.
La période d'enquête la plus dense fut celle qui coïncida avec le
"ramadan" (jeÛTI llll.lSU1lran), rrois durant lequel les travailleurs dans
leur grande rrajorité aptent pour la journée de travail dite continue
ainsi nous avons pu enquêter quotidiennerœnt de 16h à 23heures, sui-
vant les Opp:lrtunités (excepté les fins de semaine, où notre rrarqe de
rranoeuvre était plus large). Les vacances scolaires et universitaires
ont favorisé la rapidité de l'enquête dans le secteur éducatif.
b) La transcription
"La phonologie, rerrarquait MARrINEI' 11971), nous a appris à nous défier
à l' extrêrre du térroignage de notre ouïe et l'oreille la plus exercée
n'est pas sûre de percevoir, narmi les différences phoniques, que celles
dont l'observateur fait, dans les parlers qu'il pratique une utilisa'-
tion fonctionnelle".
Dans son introduction à la phonétique du français F. CARI'ON (1974)
note que ceux qui tranchent en rratière de benne prononciation doivent
prendre garde au fait suivant, facilenent vérifiable par un enregistre-
rœnt : "je sais ce que je dis, !l'ais j'ignore comrrent je le dis". Per-
suadés qu'ils prononcent "ben" ou "puisque", des personnes cultivées
disent "ban" ou "pisque"
Il y a donc des mirages chez ceux qui croient
bien parler rrais qui n'ont jamais "objectivé" sérieuserœnt leur phoné-
tisrre. Il est vrai qu'en entreprenant ce travail, nous n'avions pas la
prétention de trancher sur la benne prononciation, rrais sur la rranière
dont des locuteurs prononçaient. Malgré tout nous avons fait grand cas
de ces avertisserrents, d'autant qu'ils émanent de spécialistes confir-
més. Ces rerrarques sont encore plus justifiées à notre égard, dans la

- 47
Iœsure où la langue sur laquelle nous travaillons, n'est pas notre
langue maternelle, mais une langue acquise secondairerœnt.
Ces pour ces raisons que nous avons eu reccurs,
(au tlOrœnt de la
transcription à des "oreilles françaises" pour une écoute et une inter~
prétation plus objective des enregistrerœnts. A cet effet, dans l'en-
tourage de nos pairs (amis et camarades d'université), nous avons
coopté deux personnes, après nous être assurés de leur compétences et
performances phonologiques.
Notons aussi que les listes relativerœnt longues des tlOts et des ..
phrases s'expliquaient par ce rrêne souci de fidélité dans la transcril)-
tion : les oppositions répétées plusieurs fois devaient perrœttre de
vérifier plus aisérœnt la prononciation exacte des locuteurs avant la
transcription des séquences en alphabet phonétique international.

- 48 -
v- RESUI_TATS ET JlNALYSE -
A. LES VOYELLES ORALES
Tendances au sein de l' hexagone
Dans le systèrre vocalique français , diverses études statistiques
(MARTINET (1971), REICHSTElli (1960), DEYHIME (1967), LBJN (1960»)
notent que l'opposition lai 101 devient plus instable, et qu'elle
n'a plus l'importance qu'elle avait naguère. Sauf dans l'insistance,
on fait de ITOins en ITOins les différences prescrites, en dehors des
cas où intervient l'accent circonflexe, parce que le renderœnt fonc-
tionnel de cette opposition est relativerœnt faible ; la différence
de durée serrÙ1le au ITOinS aussi importante que le timbre, et s' atté-
nuerait à rœsure qu'on s'éloigne de l'accent.
Tendances de la variété
Dans la variété étudiée, les performmces relevées donnent les obser-
vations suivrontes (établies chaque fois en fonction des catégories sa-
cioprofessionnelles que nous avons préalablerœnt définies.
catégorie A
Les seuls cas où on a pu repérer à l'audition une distinction norma-
tive entre lai et lai se retrouvent en lecture de rrnts tels que les
ITOnosyllabes QHXlsées Patte et pâte, Mal et Mâle, salle et sale. 90%
des locuteurs ont réalisés une opposition de brièveté vs longueur,
plutôt que d'antériorité vs ~stériorité. L'étude de la lecture de
ITOts et des séries de phrases renfermmt ces rrêIœs occurrences a re-
veYé cependant U'1e nette tendance à la neutralisation de la

- 49 -
différence avec l'émergence généralisée d'un [aJ antérieur très al-
longé aussi bien' en--rronosyllabe qu'en syllabe intérieure ouverte ou
entravée.
7% seulerœnt d' oc=ences de [o.] longs postérieurs ont pu être re-
levés en lecture de phrase-et de texte ; mais on retrouve chez les
rrêrres à intervalles de lectures des [a] antérieurs là où la réali-
sation nonrative prescrit [tZi] postérieur ccmre dans accablé [akabl<i] ,
diable rdjabJ] et fable [fablJ .
Par ailleurs on a contasté une tendance sensible à l' allongerœnt
de la voyelle antérieure[à]chez les fenrres.
Catégories B et C
Les locuteurs de ces catégories ont obtenu des perfonnances égales
à celles
des locuteurs de la catégorie A en ce qui concerne les
degrés d'aperture (voyelle antérieure vs postérieure) dans les pai-
res monosyllabiques signalées plus haut.
En syllabe initiale atone ou accentuée la voyelle dans tous les cas
est réalisée sous la fonre d'un[a] antérieur allongé.
De rrêrre en catégorie C 15% des enquêtés se sont évertués à rrarquer
une différence entre les élénents des paires opposables ; cette
opposition(non nonrative) se réalisant en EaJ vs EaJ ' c'est à dire
en terne de longueur et non d'antériorité vs postériorité, =mrre
l'on fait assez souvent les catégories précédentes. Ainsi :
Patte / pâte
>[pat] / [pa:t]
Salle / Sale
j [saI] / [sa: IJ
Ailleurs et en toute position nous avons noté a: plutôt long que
bref (cette tendance à l'allongerœnt étant plus
prononcé en syl-
labe initiale (fenœe ou ouverte : ainsi las [la:] , rat [ra] ,
salle [sa:IJ ' patte [pa:tj , le poisson
[la pwa:s3J etc ...

- 50 -
Il n'y a donc pas un seul cas d'opp::>sition d'antériorité vs postério-
rité dans cette catégorie.
b) L'oFP?sition leJ..-IEI
D'un point de vue normatif, la répartition des timbres est déter-
minée par la position, la règle étant timbre ouvert en syllabe fenœe,
timbre ferTI'é en syllabe ouverte.
LEDN (1964) fait sur cette opp::>sition les I!ÊIœs réserves que sur
l' opp::>sition ,Ji.1- I~I en notant son faible renderœnt, vu qu'on la
trouve seulerœnt en finale de syllabe (gré 1 grès), nais jamais en
syllabe ferTI'ée où le son Ce] est impossible. Elle est toutefois,
selon BLANCHE-BENVENISTE et CHERVEL d'une rentabilité supérieure
aux opp::>sitions lai-la! et 10/-/01 vu qu'elle est à la base de cer-
taines oppositions norphologiques.
Catégorie A
En lecture de nots ou de phrases, on note aucune ==ence d' oppo-
sition de timbre [e]-fi]confome à la nome phonologique. Parfois
-les enquêtés déclarent faire une différence entre les paires qui
leur sont présentées, nais celle-ci ne se traduit pas dans leurs
performances réelles. On a plutôt noté un taux très élevé de con-
fusions de timbres dans la lecture des paires minimales. Les per-
formances obtenues en lecture de phrases et de texte viennent con-
firrrer de façon plus nette cette absence de distinction entre [el et
[E]. Outre les confusions de timbre, on a remarqué que certains en-
quêtés, par souci de co=ection, ont senti la nécessité
de marquer
une opp::>sition,
et de ce fait ont choisi celle de longueur pour
les paires qui leur étaient soumises. Ainsi dans toutes les unités
lexicales où la voyelle devait se réaliser Won a retrouvé un Ce.:] ;

- 51 -
c'est le cas des llOnèrres corme épais, fait, taie, marais prononcés
[epe:J, [fe:J , [te J, [rœre J , ainsi que des fomes verbales
chanter, chantais, chanterai, chanterais qui sont p=noncÉ@S:
En syllabe ferrrée on a relevé dans cette rrênE catégorie 70% de réali-
sations fermées [e] (avec un taux légèrerrent supérieur chez les fem-
ues), là où n'est possible que[EJ:
Responsable
=9 [r~sp3"sablJ
Rét=spective ===}
[retr.)s~ti0
Retraite
~ [Iatret]
En syllable ouverte la réalisation [eJ est généralisée.
catégories B et C
On note un relâcherrent de la tendance qui caractérisait la catégorie
A en situation fomelle de lecture des paires minirrales à savoir
l'effort de distinction entre les oppositions de type lexical (ex
épais 1 ~) et llOrphosyntaxique (ex : chanterai 1 chanterais),
signalées plus haut. En effet les perfonnances réelles des locuteurs
lfIanifestent une tendance à l'emploi d'un Ce] unique en toute position
ce qui réduit les élérœnts des paires miniJrales opposées ~horrophones.
Ainsi les paires suivantes ont été réalisées de la rranière suivante :
1) épée 1 épais
> [epe] 1 [epe]
2) fée
1 fait
;- [fe]
1 [fe]
3) thé
1 taie
7 [te]
1 [te]
4) rœrée 1 rœrais
> [nare] I[mare]
5) Chanterai 1 chanterais
'7 [a"tareJ 1 [, a"tareJ
Les seules tentatives des locuteurs de ces catégories (certains
seulerrent à 20%) pour marquer des oppositions concernent les unités

- 52 -
verbales: c'est à dire l'oPJXlsition des désinences du futur et du
conditionnel, du passé simple et de l'imparfait. Les locuteurs allon-
gent l'unique timbre qu'ils FOssèdent, le timbre fenré là où la réa-
lisation nonrative inF:>se le tinù:>re ouvert. Ce phéncrnène est donc corn--
mun à toutes les catégories, vu que nous l'avons déjà observé chez les
locuteurs de la catégorie A précédente.
D'une IlEIlière générale on peut dire que (toutes catégories con-
fondues) les enquêtés ne font pas de différence fondarrentale entre lei
et lEI; mieux, ils ignorent l'opposition fonctionnelle de ces deux
tinù:>res. La plupart ne FOssèdent (dans leur canpétence phonologique
voire phonétique) qu'un seul des deux timbres: le lei
• Les rares lo-
cuteurs qui FOssèdent le tinù:>re ouvert
n'en font pas une utilisation
fonctionnelle et pertinente confonœ à la nonœ prescrite. L' allonge-
rœnt vocalique se substitue le plus souvent à la réalisation du tinù:>re
ouvert.
D'un FOint de vue nonratif l' enseignerœnt et les orthoepi stes dis-
tinguent en français entre un loi et un 101. Selon MARI'INEr (1971),
ces deux tinù:>res deJo fcorresFOndent chez la plupart des sujets non
rréridionaux à deux phonènes distincts, dont l' oPJXlsition toutefois
est neutralisée dans certaines FOsitions :
* à la finale où la plupart des locuteurs ne connaissent que la va-
riante fenrée.
* en syllabe tonique devant le phonèrre Iz./ où l'on a toujours le
tinù:>re fenré, et devant le Irl où l'on a toujours le tinù:>re ouvert.

- 53 -
Catégorie A
Les o]JIX)sitions de tinbre ont été bien perçues (dans l'ensemble) lors
de la lecture des nonosyllabes :
sotte 1 saute
1 [sot]
nolle 1 rrôle
1 [nolJ
p:>rnre 1 paurre
1 l]Xlll\\J
95% de réalisations nornatives.
5% de réalisations non nornatives.
Les l=uteurs ooncernés par ce dernier p:>urcentage ont généralisé
l'ouverture du 0 dans les deux premières paires et prononcé norna-
lerrent la dernière
sotte 1 saute
[s~tJ
1
[S.,tJ
nolle 1 rrôle
[m:>l]
1
[m~lJ
pcmre 1 paurre
[p~mJ 1 [.t'0m]
Les performances de cette catégorie ont été no±ns heureuses toutefois
sur l'axe syntagmatique. En effet la lecture de phrases et de textes
rend compte d'au noins deux oonfuSions de tinbres par sujet enquêté.
Si tous les l=uteurs arrivent à réaliser nornalerrent la voyelle ou-
verte
devant la oonsonne Irl, la plupart (70%) d'entre eux ont buté -
sur la prononciation des 0 successifs dans la séquence n° 9 : "il
vient de gagner le gros lot", où "gros" a été presque aussi systérna-
tiquerrent prononcé avec un[:l]au lieu d'un [oJ :[gr.:l1oJ alors que la
nonosyllabe "gros" est réalisée avec [oJ par les mêmes qui ont pronon-

gro
quand le not était isolé. Il en est de rnêrne r:our la séquence
"mauvais chauffeur" rendue phonologiquerœnt : [m~veS~f<2~ alors que
quand chluEfeur est isolé, ils prononcent[fOfoe:]. On en déduit une
difficulté phonétique à réaliser la succession de certaines voyelles

- 54 -
de rrêrœ aperture, en l' oc=ehce le foJ .
En syllabe finale absolue, où seul le timbre fenœ est possible, le
pourcentage est netterœnt plus élevé avec 98% de réalisations norrratives
les réalisations non norrratives proviennent de la confusion des deux
timbres dans les llDts teau et faux"
(texte nO 1) prononcés [l~ et [fJ].
catégories B et C
En lecture de llDts le pourcentage de réalisations nonratives est
87% en catégorie B.
70% en catégorie C.
Par ailleurs les tendances remarquées en catégorie A pour la lecture
de phrases, se refletent égalerœnt au sein de cette catégorie. Pour la
catégorie C on note une nette progression dans la confusion des timbres,
et cela se passe sans que l'on soit en rresure de dégager des constantes
suivant les positions ou les contextes. Ainsi tel locuteur réalise:
sotte
'1 [SùtJ en lecture de llDtS
et
=7 [soiJ en lecture de phrases
tel autre réalise
sotte
j [so~ en lecture de rots
'; [s::.t:.l en lecture de phrases
tel autre neutralise l'opposition en ffi3.intenant un seul timbre pour les
paires opposables :
sotte / saute =7 [Sù~ / [s.JJ
ou [sot] / [sot]
Cette confusion de timbre en tout contexte concerne 30% des enquêtés
de cette catégorie, et cette catégorie seulerœnt.

- 55 -
Selon MARI'INEr, il Y a en franÇais un embryon de distinction phono-
logique entre les deux timbres de loe/, nais il n'est pas vraisem-
blable que le renderrent fonctionnel de l' 0PFOsition des deux oe
prenne jarrais une extension quelccnque car l'PI est relativerœnt peu
fréquent dans le lexique franÇais, une fois mis à part les rrots à
suffixe peux et peur. 'Ibutefois en franÇais central il existe deux
réalisations netterœnt distinctes de l'archiphonèrre : une réalisa-
tion ouverte et une réalisation fenœe, exacterœnt comre pour les
autres voyelles d'ouverture rroyenne.
En catégorie A, il Y a rraintien de l'oPFOsition loel I~I dans la
lecture des rrots :
veulent 1 veule
et
jeune 1 jeûne
Dans le 1er cas les enquêtés se sentaient dans l'obligation de faire
la différence entre le verbe et le déterminant ; nais ils ont fait
la distinction en terne de durée et non de timbre cxmre il se doit.
cette observation- rejoint celle faite par MllRI'INEr lorsqu' il ccns-
tatait une certaine tendance à utiliser à des fins distinctives les
différences de longueur entre les phonèrœs 0PFOsés.
En lecture de phrases, les perforrrances pour ces rrêrres rrots ont accu-
sé une baisse de 40% : 35% seulerœnt des locuteurs ayant opté pour
une prononciation identique des phonèrœs opJX>sables.
La lecture de rrots qui n'étaient pas opposés en paires a relevé que
la distinction de longueur que les locuteurs ont opérée lors de la
première séance s'est largerœnt effacée au profit d'une neutralisation

-56
de l'üpFOsition sous fonœ de[oe]ouvert. Ainsi les ITDts suivants ont
été prononcés indifféremœnt avec un [oeJ :
peuple
[poeplJ
voeu
[voeJ
ITDnsieur
[ m-,sjoeJ
En position finale où seul est possible le timbre fenœ, 80% ont pro-
noncé les lltJts avec un[~ ouvert très bref, qui se confond presque avec
C?J légèrerœnt appuyé.
En catégorie B on compte 45% de l=uteurs qui font une différence de
longueur et non de timbre pour les paires minimales.
En catégorie C 18% seulerœnt font cette rrêrre différence.
En catégorie B et C i l n'y a aucune réalisation normative du phonèrre
en position finale ; 100% des l=uteurs réalisent à la finale un [oe]
ouvert plutôt bref.
Au total, toutes catégories =nfondues, les locuteurs ignorent
l'üpFOsition d'ouverture; font quelquefois la distinction dans les
paires minimales, en tenres de durée ; dans les autres =ntextes et
en toute position ils neutralisent l'opposition au profit de la voyel-
le ouverte [oeJ .
B. LES VOYEillS NASALES
les résultats obtenus (pour cette paire) attestent une particularité
au regard des résultats obtenus dans les différentes enquêtes

- 57 -
phonologiques ITenl'eS auprès des locuteurs français.
En effet il ressort de celles-ci que l'opposition Itl lœl tend à
disparaitre dans les variétés parisiennes (le son oe restant corruœ
une variante dans le registre soigné ou dans les français régionaux) .
Le renderrent fonctionnel étant très faible, le systèrre s'en trouve
simplifié. Pour notre part notons que si lé! et lœl tendent à se
confondre en français central, leur opposition serrù:lle très bien se
rraintenir chez nos locuteurs.
Il en est de llÊITe pour les nasales lD, 131 et /à/. Mais lorsque
celles-ci sont suivies d'une consonne telle que dentale (sourde ou
sonore) ou labiale (sourde ou sonore), elles cormaissent des réali-
sations d'un genre singulier. Nous ve=ns plus tard qu'il s'agit
d'un phénorrène spécifique rrais dans l' imnédiat tout se passe corruœ
si les locuteurs font subir à la voyelle nasale une dénasalisation
le caractère nasal va à son tour apparaitre sous la fome d'un n ou d'un
m, suivant la voyelle dénasalisée et précédant la consonne qui suit
cette llÊITe voyelle
tout en la faisant nasaliser. ceci est d'ailleurs
plus caractéristique de la position en syllabe initiale.
On ne note aucune réalisation norrrative et les écarts par rapport à
la nome se traduisent par les réalisations suivantes :
en syllabe intérieure :
feindre
[pe"dr(~D vs [!>f&(~
teindre
[ te.dr(~~
vs
[ ttfu(&U
corrmandant
[ Joma~
vs
[k.>rrandàJ
peinture
[pe"t>:J
vs
[pÈntyr ]
pompe
[P)lT'flJ
vs [p3lT'fl J
tomte
[ b>MbJ
vs [b:'''b J

- 58 -
en syllabe initiale
antérieur
La .,terj oer] vs la 'lterjoerJ
endogène
lâ"<bJenJ vs ~ nd"jen ]
encore
[a~br J
vs
[a~br ]
Notons que la tendance à la double nasalisation (v=alique et con-
sonnantique à la fois) est le propre de la majorité des locuteurs
de la catégorie A alors que la seconde tendance est plutôt locali-
sée chez les locuteurs des catégories B et surtout c.
C, LES SEMr VOYEUES
L'existence dans le systèrre phonologique français d'un phonèrre Ijl
distinct du phonèrre Il 1 est assurée du fait d' oppositions comrre
pays 1 paye ; abbaye 1 abeille, Où c'est le degré de ferrreture de
l'élérrent qui suit la voyelle lei qui assure la distinction entre les
deux rrots des couples. Les phonologues s'accordent donc à distinguer
à la finale un phonérre III et un phonèrre IJ 1. Dans les autres ]Xlsi-
tions, on considère généralerrent qu'il y a neutralisation de l'oppo-
sition 111~/j/.
Les résultats obtenus ]Xlur cette opjX)sition ne perrrettent pas
une comparaison pertinente entre catégories ; i l semble que les rè-
gles observées soient générales et absolues (telles qu'elles ont pu
l'être dans l'étude des voyelles nasales) .
Ainsi, toutes catégories confondues, si ~ a subi une réalisation

- 59
nonnative (restriction faite du lél réalisé l=alerœnt [eJ ' pour
~, l'ensemble des l=uteurs ont intercalé un yod entre la voyel-
le lé! (généralerœnt réalisée leJ ) et la voyelle subséquente Il 1
ce qui aboutit à la prononciation qu'on a pour ~ au lieu de
~EIJ
Face à al:eille réalisé [al:ej]
' nous trouvons pour abbaye deux réa-
lisations différentes
[ abajJ
et lal:ej~
CAT.A
B
c
[pejlJ
pour pays
98%
100%
100%
[ aba:J] pour abbaye
30%
45%
60%
[ al:ejDpour abbaye
70%
55%
40%
Le rranière générale lorsque 1 11 est en hiatus avec une autre voyel-
le, les l=uteurs inserrent entre les deux phonèrres un yod de tran-
sition.
Pa:::_~il1:~s l~~~L~!le III, en toute position placée après
dentale (sonore ou sourde) et en hiatus aboutit à la transfonnation
de la dentale
en affrique~ telles que [~J ou [~J , étrangères au
français standard. D'où les réalisations suivantes
diable
[~abr~J
dieu
UoeJ
tiers
[~er J
tierce
[Cerse]
C'est à partir d'une prononciation non confonœ à la nonœ du rrot
juin, observée chez plusieurs l=uteurs que nous avons choisi

-60
d'intégrer le couple Iwl et Iyl qui apparait plus particulièrerrent
dans les rrots corrure Louis et lui.
En catégorie A et B, lorsque les rrots n'apparaissaient pas sous
fonne d'opposition, on a pu noter des prononciations non nornatives
qui tendent à ne pas faire de distinction entre les deux termes de
l'opposition:
60% on fait la confusion entre lui et Louis en réalisant les deux rrots
sous la fonne unique [lwi] . Le taux de confusion est sensiblerrent plus
élevé (90%'des locuteurs) en catégorie C, à quci s'ajoute une réalisation
particulière du rrot lDuis "!>[luwiJ . Il semble, qu'à ce niveau la diffi-
culté réside dans le fait de réaliser nornalerrent (y] dans un environ-
nerrent qui renfenne la voyelle subséquente Iii corme dans puits, m'lit,
induire, etc ...
Par ailleurs,
(ét ceci de rmnière aussi récurrente que dans le cas des
nasales) quand
Y est suivie d'une voyelle en syllabe intérieure,
nous voyons apparaitre un yod intercalaire, élérrent de transition pour
l'articulation des deux voyelles; ce qui donne les réalisations sui-
vantes:
Nonne
Perfornances observées
cruel
[ kryE.lJ
[ kryjelJ
iJrmuable
[imyabl]
[ imyJablJ
dualité
[dyaliteJ
[dyjalite]

- 61 -
D. lf'OMJET
te phonèrre lai est ce qu'on aprelle souvent "e caduc~ Phonétiquerœnt
parlant, i l semble qu'il soit difficile à localiser du roint de vue de
l'articulation. L' unanimité n'a jamais été faite. GRAMMJNI' pense qu'il
est identique à loi faiblerœnt tendu; FOOCHE le situe entre IN et loe/.
La présence de a (contrairerœnt aux autres voyelles) n'est pas distinc-
t ive. C' est ce qui amène F. CARTON (1974) à conclure que l' op[X)sition
la/~zéro se neutralise en français non rréridional dans toutes les p::r-
sitions à illle seule exception près : a IlUlet dans illl entourage du typ2
le hêtre 1 dehors. Il existe des cas où il ne se réalise pas et d' au-
tres où il se réalise. On sait qu'à la finale absolue de IlOt, il est
absent; llBis en dehors de cette situation, son llBintien ou sa dispa-
rition dépend de l' environnerœnt phonique ; c'est ce qu'on app2lle en
se référant à GRAMMJNl' (1914) la loi des trois consonnes. Nous nous som-
!l'eS inspiré'de ces luis de rosition p:lur établir le corpus qui nous a
permis d'étudier le cornp::lrterœnt de cette voyelle.
En ayant rerrarqué au préalable qu'il ex.istait chez les locuteurs
une tendance à la prononciation des a , nous avons estirré plus pratique
de limiter l'enquête aux situations dans lesquelles les règles phono-
logiques du français non rréridional prescrivent la chute de cette voyel-
le ; ce qui perrœttrait de vérifier si la tendance observée avait illl
caractère systénBtique, ou se llBDifestait selon les rositions syllabi-
ques. Les résultats nous ont conduit aux observations suivantes :
En finale absolue
La règle qui veut que â soit caduc en finale absolue de IlOts est res-
pectée par la llBjorité des enquêtés :

- 62 -
la totalité des locuteurs en catégorie A et B ne la rraintiennent pas
dans cette position.
En catégorie C on recense près de 15% de locuteurs qui la réalisent
dans cette position, toutefois ces rrêJœs locuteurs qui semblent fai-
re exception, arrivent à observer la règle dans d'autres =casions
de lecture (notanuent dans les textes et les situations de conversa-
tion libre) .
Al' intérieur
Pour la règle selon laquelle lorsqu'une seule consonne sépare l ' a ca-
duc de la voyelle qui précède, cet a caduc tcrnbe toujours i nous relevons
les perfonœmces suivantes :
la fenêtre
)
[ lafnE.: tr]
le paquebot
[1 (a) ~
Rabelais
)
[ RablEJ
- en catégorie A
30% de réalisations norrratives (chute du ô muet) .
- en catégorie B
18% de réalisations norrratives
- en catégorie C
91 de réalisations norrratives
je m'en vais
====1
tu ne parles de toi
7'
- en catégorie A:
5% de réalisations norrratives
- en catégorie B et c:
0% de réalisations norrratives

- 53 -
A l'initiale
ConforrréJrent à la règle phonologique édictée, nous avons distingué deux
cas :
Lorsque la première consonne est une IlDJœIltanée, on enseigne que l ' a
caduc de consonne initiale seulerrent se prononce
Que dem3ndez-vous ?
[k~ dmâdevuJ
Te le rappelles-tu ?
[t a lrclptlti!
Que regarde t-il ?
[k"ltjèlrdati:J
Ont prononcé l'ensemble des a caducs .
- catégorie A
95%
- catégorie B
99%
- eatégorie C
100%
Lorsque la consonne initiale est une continue, s'il n' y a qu'un 2> ca-
duc dans la séquence, il tombe (avec fornation d'un groupe secondaire
ou tertiaire):
Venez danser
[vne dO:seJ
Retire-toi
Î
[ rtir twa]
Le rœilleur livre
[lnejoe:rli:vr]
Ont prononcé l'ensemble des "0 caducs
- catégorie A
100%
- catégorie B
100%
- catégorie C
100%

- 64 -
Les groupes consonnantiques tertiaires (ceux qui résultent de la chute
de ~) sont les seules situations où l'on a pu attester des réalisations
nonnatives :
la pelle brisée
[la péThrize]
nappe sale
[ napsal]
longue table
[13gtablJ
- catégorie A
96% de réalisations normatives
- catégorie B
87% de réalisations normatives
- catégorie C
80% de réalisations normatives
Ces performances, qui constituent une exception à la tendance géné;r:ale
qui se dégage du traiterrent du Cl caduc (maintien quasi absolu de a en touf-e
position) s'expliqueraient à notre sens par le fait que les groupes ter-
tiaires sont précisénEnt ceux qui se réalisent à la frontière des unités
significatives ; or, comme le montrent les exemples choisis, le e caduc
s'y trouve généralerœnt en position de finale syllabique, c'est à dire
le seul contexte où les l=uteurs semblent se conforrrer à la nome pres-
crite pour la pronociation de cette "voyelle".

- 65 -
TABLEAU RECAPITULATIF DES ECARTS ET DES PERFORMANCES
l,!.oYElliS ORALES
CARACTERISTIQUES
L'OPfX?sition
Absence de l'opjX)sition antériorité / p:>stériorité.
la/-lai
La variété ne retient qu'un seul phonèIre du type
/A/, généralerœnt réalisé =mœ Ca] antérieur rroyen,
avec une variante longue se substituant à[~ postérieur,
en cas d'apposition.
L'Opp?sition
La variété ignore l' opjX)sition de timbre (ouvert vs
fenné) p:>ur cette paire. Elle ne retient que la voyel-
le fennée brève qu'elle opjX)se à sa variante loncrue,
lorsque se tl'anifeste la volonté de marquer la perti-
nence d'une apposition de paire.
L'opjX)sition
L'opp:>sition est relativerœnt stable malgré certajnes
/of-/o/
=nfusions de timbres en syllabe finale ouverte.
L'opjX)sition
Aucune réalisation distincte de l' archiphonèIre. L' opjX)-
N/-/oe/
sition se neutralise en
oe
bref ouvert, avec une va-
riante longue dans les rares cas où les locuteurs ten-
tent de l'établir (paires veulent/veule - jeune/jeûne).
VOYELLES NASALES
L'Opp?sition
. Constante et fenœ en p:>sition finale absolue.
/Ë-t-/œ/

- 66 -
Autres obser-
Dénasalisation des voyelles nasales en syllabe
vations
intérieure et en syllabe finale et transfert de
voyelle nasale
la nasalité sur la =nsonne subséquente.
devant dentales
SEM! VOYELLES
. Dégagerrent d'un yod de transition.
III devant dentale
Transformation des dentales sourdes ou sonores
sourde ou sonore
en affriquées [~J [r:J
~es semi voyelles
. Confusion de [w] et [yJdanS les unités opposables.
Iwl
Iyl
"dCADuc
Tendance généralisée au naintien de a caduc en
toute pasition excepté en finale absolue de syl-
labe où la règle est bien observée.

- 67 -
Les systèrœ vocalique ]XJtITrait s' établir de la mmière suivante
==========================================~===========
=========
.----_~----~---...u
o
e..
Q')
-
CI·Cl
[d]
[xJ
Phonèrœs non réalisés dans la variété utilisée:
SYNTHESE COMPARATIVE SUR LE SYSTEME VOCALIQUE
Qu'en est-il par rapport à l'évolution actuelle du systèrœ ?
Certains travaux de phonologie cx:>rrq:>arée des variétés régionales fran-
oaises ont a1xJuti à l'esquisse d'un systèrœ central ou JIDyell censé
faire le point de la prononciation du français actuel (MARI'INET (1971),
WALTER (1977), GlJElJNIER (1978)). Il en résulte un certain nOllÙJre d'ob-
servations :
- La première est que la seule opposition de longueur encore attestée
est celle qui oppose lE/-If: 1.

- 68 -
L'op]Xlsition 1f./-/œl dont on sait - que le rendement fonctionnel est
très bas, est considérée ccmre COlIprornise dans l' hexagone : c'est
celle qui semble conserver la plus grande stabilité dans la variété
sénégalaise.
Bien qu'il existe des locuteurs qui utilisent de façon variée l' Opp::>-
sition 1a/- 101, celle-ci est incontestablerrent instable ; l' exarœn
global des résultats obtenus sur cette paire conduit à la rrêrre obser-
vation.
I.:J/-/oi fait partie des Op]Xlsitions qui affectent une plus grande
stabilité chez les locuteurs proches du français standard. Là aussi
il y a une convergence avec les résultats obtenus dans notre enquête.
si l' Op]Xlsition le/-IE.lest ferne et très stable notamœnt en syllab2
finale absolue dans le systèrre troyen, elle est par contre inexistan-
te dans la variété locale. C'est le premier grand écart par rapport
au centre.
En finale absolue Irp/~/oel se neutralise (toujours en référence au
systèrre troyen). En finale non couverte, on conclut à l'existence de
nombreuses positions de neutralisation; néannoins, il apparait une
distinction effective de timbre entre ces voyelles, distinction que
ne réalisent pas nos locuteurs et qui se trouve neutralisée avec la
généralisation de loel bref; c'est le second point de non convergence.
En français standard, on note la tendance à une disparition générali~
sée (en position intérieure) du a caduc alors que celui-ci connait
une très grande stabilité dans le systèrre étudié. C'est le troisièrre
point de divergence.
A cela s'ajoute la coloration de certaines consonnes (en l'occurrence
les dentales) en contiquité avec III ainsi que le traiterrent des vovel-
les nasales.

- 59 -
Toutes ceS divergences constatables sur le plan phonologique consti-
tuent-elles un inconvénient PJur les locuteurs ?
D'un PJint de vue nonnatif oui
dans la rœsure où on entendrait par
systèrre le rrodèle poonologique du français (standard) qui est non
seulerœnt la liste des phonèrres, mais surtout les règles de fonction-
nerœnt qui obéissent à des lois précises. Toutefois PJur citer P. LEON
(1964) un rrodèle théorique, qu'il soit de granrnaire ou de phonologie,
représente, à l'image du rrodèle lT\\3.thématique une abstraction et une
généralisation. C'est l'archetype construit à partir d'une descrip-
tion. Une fois établies, les règles de fonctionnerœnt du rrodèle per-
rœttent d'imaginer autant de réalisations qu' il Y a de parleurs dans
la catégorie de langue représehtée. Par ailleurs la question s'est
PJsée de savoir s' il existait vrairœnt un français standard et s' il
n'y avait pas plutôt plusieurs français conterrq:orains, selon les ré-
gions et donc vraisemblablerœnt plusieurs systèrres phonologiques du
français. Les linguistiques semblent divisés sur ce PJint et les p0-
sitions (ainsi que les argurœnts qui les soutiennent) sont multiples.
Le tout est de savoir si les différences de prononciation régionales,
géographiques voire sociales concernent la plupart du terrps des va-
riantes libres ou si elles rrodifient d'une lTI3.nière ou d'une autre le
sens du rœssage et gênent la corrrnunication (PJur nous en tenir à la
fonction principale du langage) .
En observant (élérœnt par élérœnt) le systèrœ vocalique que nous
venons d'étudier, nous PJuvons penser que le seul point susceptible
d'avoir des :implications p.'lonologiques néfastes à la corrmmication
concerne l 'o]JlX)sition e/'ë.. (les autres opPJsitions lTI3.nifestant une plus
ou llDins grande instabilité selon les cas et les positions, excepté

- 70 -
l'opposition o/ô , dans le systèrœ dit rroyen) .
En effet celle-ci pemet de distinguer sur le plan lexical un cer-
l:irin nombre de couples de rrots et se trouve à la base de nombreuses
oppositions rrorphologiques fonctionnelles en français. Néanrroins cet
aspect ne peut être tenu pour important que lorsqu'on se place du peint
de vue de la didactique (apprentissage de l'orthographe, de la lecture),
et donc à un stade où les locuteurs et les scIÎpteurs de cette langue
n'ont pas encore acquis la maitrise d'un rninilmJm de règles leur per-
rrettant d'interpréter ce qu'ils entendent (ex : verbe à l'inparfait
ou au passé sirrple ? au futur ou au conditionnel? pour les premières
personnes du premier groupe ; levée d' honophones etc ... ) ; Autrerrent
il est reconnu que l' environnerrent syntaxique et sérMntique pemet
presque toujours à l'auditeur de reconnaitre sans arnbiguité la fome
employée.
Hormis les réalisations nasales un peu particulières et le traiterrent
des semi-voyelles (idiotisrres thonologiques qui n'ont pas elles aussi
ùne incidence de taille dans la conmmication), les autres faits s'i-
dentifient corme nous l'avons dit plus haut, aux variantes phonologi-
ques qui caractérisent le systèrre du français contemporain et qui
tiennent à la fois de facteurs géographiques et s=iaux.
Rappelons que l'oprx:>sition /al-/o/ postérieur / antérieur est neutra-
lisée dans toutes les pesitions chez la najorité des locuteurs fran-
çais ; et que en français tréridional, la neutralisation de l'opposi-
tion /0/-/::;/, qui pemet de distinguer pealJJŒ' de p:?IIDE, ne gene pas
la conpréhension. A plus forte raison des différences de réalisation
selon les régions d'un rrêrre phonèrre sont tout à fait acceptables.

- 71 -
L'ORIGINE DES ECARrS
=~==================
Les particularités phonologiques observées, relèvent à notre sens
de deux sortes de causes que nous allons essayer de préciser dans
les lignes qui suivent :
Nous distinguerons des raisons linguistiques (le poids de l' in-
terférence dans les performances j:honologiques de locuteurs
bilingues), et des raisons extralinguistiques (les facteurs,
les pesanteurs socioculturelles voire idéologiques) .
L' INI'ERFERENCE
========:;;;=====
Quelle que soit la dilœnsion des illlités oonsidérées, qu'elles se si-
tuent en deça àu signe, par exemple au niveau des phonèrres, ou au
delà des limites des unités de première articulation, par exemple
au niveau de la phrase~ou du discours, i l Y a probabilité d' interfé-
rence linguistique lorsque deux illlités oomparables de L1 (langue
première) et L2 (langue seconde) présentent illl certain nombre d' élé-
rrents différents. Les élérrents communs déclenchent en ce cas l'in-
terférence et celle-ci porte sur les élérrents différents. Pour il-
lustrer ce qui précède, nous reprcduisons l'exemple emp=té à
F. DEBYSER (1970).
Il n'y a pratiquerrent aucune raison de oonfondre Ipl et lai que tout
sépare (peu de risque ae oonfondre donc hair et Rire, aorte et )X)rte,
ou aère et père pour illl élève étranger) ; il Y en a beauooup en re-
vanche
de oonfondre Ipl et Ibl qui accumulent les traits pertinents
oonmuns et ne sont donc en opposition que sur un seul trait distinc-
tif, comœ le ITOntre l'analyse ci-dessous

- 72 -
PHONEME CONSONNANTIQUE
OCCLUSIF
LABIAL
VOISE
- -
/p/
+
+
+
-
/b/
+
+
+
+
Il est donc évident qu'un élève qui ne [Ossède dans son systèrre pho-
nologique qu'un seul de ces phonèrres, ne percevra pas leur opjX>sition
et ramènera le phonéIre nouveau [Our lui à celui qui est =nm.m à sa
langue maternelle et au français. En =nséquence il confondra [Oule
et boule, Paul et bol, etc ... Pour rœttre en évidence de tels faits,
il ya lieu de ccmparer les deux systèrres. Nous tenterons ensuite de
déterminer la causalité de l'interférence (en nous limitant bien sûr
au systèrre phonologique objet de notre étude).
a) Comparaison des systèrres vocaliques du français et du v.Dlof.
[VOir tableaux pages suivantes]
Les tableaux =mparatifs ont été établis en référence aux études
phonétiques sur le v.Dlof (M. CALVET, 1964).

- 73 -
NCYrE : i l ya une 0P!X'sition longue brève J.Xlur toutes les voy"1Ès
du =lof ecepté p:>ur /0:/ long qui est toujours long, /a/ toujours bref.
\\..
t>
e
1::>' 'A
e,..
).J
o
;1
'é-
'f'0"--
--.:~
~~ l>
o
C€
cl
o
phonèrres du français n'existant pas en =lof
Ô
phonèrœs du =lof n'existant pas en français
- DIFFERENCE ENTRE LES SYSTEMES VOCALIQUES FRANCAIS ET \\~LOF -
FRN'1C1\\IS
h\\JLOF
Labialité
Absence de labialité
+ série composée
- série composée
+ nasalité
- nasalité
Egalité de durée
Inégalité de durée

~
bl
COr'1PI\\F;AISO~1 DES SYSTE~1ES CONSON~!I\\NTlQUES
NorE : figurent entre parenthèses les variantes phonétiques
Labio
Alveo
Pré-
I·We d' articulation
Bilabiales
dentales
dentales
palatales
Palatales
Velaires
pvulaires
Glottales
p
t
t.:-,
k
lb
~
OCCLUSIVES
-
b~
d
&:,
9
f
s
[TI
&
dbh
OJNSTRICI'IVES
. 1-••
El
El
W
j
fi
n
-
NASALES
n
l)
LATERALES
L~
VIBRANTES
~
Œl@
SDU -
VOYELLES
[LI
w

K:
DIFFERENCE ENTRE LES SYSTEMES CONSONNANTIQUES
_.
,
FRANCAIS
WJLOF
- -
11ajorité de consonnes antérieures
Minorité de consonnes antérieures
13 1 21
ANrERIORITE
10 1 22
Minorité de consonnes postérieures
Majorité de consonnes postérieures
8 1 21
12 / 22
POSTERIORITE
La sonorité est pertinente pour les constrictives
La sonari té n'est pas pertinente pour les
IJI exclu
constrictives
IJI exclu
COnséquences : 1
présence de constrictives sonores
absence de constrictives sonores
"Chuinterrent" retenu comrre trait pertinent
"dlUinterrent" non retenu comrœ trait pertinent
s'opposant à sifflerrent Isl ;JI
absence de /J 1
Réalisation uvulaire du IRI
Réalisation apicale du Irl

- 76 -
c) COmparaison des types de syllabes les plus fréquents
(rangés par ordre de fréquence)
Français
WOlof
cve
ve
v
cv
cve
ve
Différence entre les réalisations syllabiques
FRANCAIS
WOLOF
- -
- -
Tendance à la syllabation
Tendance à la syllabation
ouverte
fennée
COnséquence l
Absence de groupes de
Groupes consonnantiques
consonnes
nombreux
(n + c) excepté
COnséquence II
Présence de voyelles en
Absence de voyelles en
hiatus
hiatus

- 77 -
- L'exarren comparé des systèrœs v=aliques nontre que les oppositions
de timbre lai-lai)
lei-lEI et
loe/-If;>1 n'existent pas en =lof ;
cette langue ignore par conséquent toute opposition fonctionnelle
établie à partir de ces phonèrres. Les locuteurs qui n'auront pas
été init~és à l'apprentissage phonétique de ces distinctions (à
défaut de les acquérir empiriquenent ou intuitiverrent corme la
plupart des "native speakers") restent en règle générale insensi-
bles à ces oppositions, les réduisant dans la majorité des cas
à des paires honophones : c'est le cas des oppositions norpho-
syntaxiques telles que je chantai le/- je chantais Iê 1 ; je chante-
rai lei_je chanterais lEI, ou lexicales telles que les fées lei ~
les faits lE 1 etc ....
Nous avons déjà noté aussi que ces oppositions fonctionnelles
de timbre étaient remplacées par des oppositions de longueur. Or
la longueur, essentielle en =lof, est génératrice d' oppositions
distinctives que le français ignore.
- Les nasales:
Il existe en =lof des =mplexes nasals ou =nscnnes
prénasalisées résultant d'une combinaison entre une nasale et
une
autre =nscnne ; ils sont au nombre de six : mb, 00, nj, ng, nt,
nk, nq. En revanche il n'y a pas de voyelle nasale à proprenent
parler, comœ en français. Les habitudes phonétiques acquises par
la réalisation de ces consonnes expliqueraient à notre avis le
phonèrœ qu'on a noté sur les voyelles nasales (dénasalisation des
voyelles puis prénasalisation des =nsonnes subséquentes par ana-
logie avec les fonœs originales) .

- 78 -
- L'absence de voyelle en hiatus est dûe à la structure syllabique
en v.Dlof (cf. tableau cornparaUf).
Le contact de deux voyelles se réalise soit avec le coup de glot-
te pour l'attaque de la seccnde, soit par l'insertion entre les
deux d'un yod de transition (tel que cela apparait dans l'étude
de Iii en hiatus
) pernettant au locuteur de restituer la struc-
ture syllabique habituelle c'est à dire CVC ou cv.
La transfornation des dentales sourdes ou sonores en affriquée
V
rc ]
~
et
(v)
Z
s'expliquerait par cette rrêrre tendance à éviter 1li
en hiatus : dans ce cas la dentale assimile la voyelle i, rédui-
,-sant l'ensemble consonne + voyelle + voyelle en consorme + voyelle,
structure plus familière
[ diablJ ,[dl am aJ aboutissent à
[khO, [~amë1J. [tiE.>:seJ [tÜEJ aboutissent àUm':J vs [~rseJ '
[CERJ vs [éerJ .
- acaduc
La tendance à la syllabation fermée en v.Dlof a pour conséquen--
ce la rareté des groupes consonnantiques. En français les groupes
consonnantiques sont fréquents, répartis en groupes primaires,
seccndaires et tertiaires. Les deux derniers résultent de la chute
de ô caduc. Toutefois l'existence de la syllabe fermée ICVC) en
v.Dlof indique clairerrent que cette langue adrœt les grouf.€s
con-
sonnantiques tertiaires, c'est à dire ceux qui se réalisent à la
frontière des unités significatives. Par contre elle ignore les
groupes secondaires qui résultent de la synCOf.€
d'un ô caduc,
ainsi que les groupes primaires. Ces faits expliqueraient d'une
part les perfornances nornatives réalisées par les locuteurs en

- 79 -
ce qui concerne le "a" des groupes tertiaires, et de l'autre les
écarts que constitue le maintien de "a" partout ailleurs dans les
groupes secondaires et pr:i.maires. Au sujet des groupes prinaires,
une enquête réalisée par le C.L.A.D auprès de jeunes élèves wolof~
observait cette incapacité à rendre les groupes de consonnes. selon
l'enquêteur, près des deux tiers des groupes prinaires sont com-
posés avec IR/. Or cette vibrante est celle qui a la plus grande
fréquence de réalisation en français. Il s'avère donc très difficile
de prononcer de tels groupes avec un Ir1 apical (le plus répandu
chez nos l=uteurs), si l'on a pas pris cette habitude au IlOrrent de
l'acquisition de la langue rraternelle (la pointe de la langue devant
effectuer une gymnastique complexe et ne peut donc pas préparer l' ar-
ticulation suivante : d'où l'insertion du d de transition).
Par ailleurs, l'accent est un phénomène qui affecte un certain
norrbre de réalisations phonétiques, que nous tenterons d'établir
ici :
Il s'agit bien sûr de l'accent tonique que MARrllŒI' définit corme
"la mise en valeur d'une syllabe et d'une seule dans ce qui repré-
sente pour une langue donnée l'unité accentuelle".
Il n 'y a pas en français une fonction dérrarcative ou distinctive à
l'instar d'un certain norrbre de langues, celle-ci établit néanrroins
une hierarchie de syllabes sur l'axe syntagrratique. Au "niveau du
IlOt, qui est une unité sémantique, le français rret l'accent sur la
dernière syllabe prononcée; sur l'axe syntagrratique c'est le grou-
pe de IlOts qui constitue l'unité accentuelle. C'est ce que rote
GARDE
) : "Tout groupe de IlOts étroiterrent liés par les sens)

- 80 -
et non séparés par une pause est susceptible d'être traité comme une
unité accentuelle unique, donc doté d'un seul
"
accent. Toutefois en
français la place de l'accent n'est pas pertinente, vu qu'une dif-
férence d'accentuation d'un IlOt ne rrodifie pas le sens de celui-ci.
~nquête d'Henriette WALTER sur le systèrre IlOyen a relevé que la
place fixe de l'accent (en fin de rrot) n'est aujourd' hui que partiel-
lerrent justifiée. On a pu remarquer une fréquence considérable de
mise en valeur de la première syllabe chez les enquêtés (par exemple
c'est une inanoeuvre, c'est i:idicule etc ... ). ce n'est pas l'avis
d'autres linguistiques qui Irettent en valeur le caractère fondarren-
tal de l'accent en français, pour l'intelligibilité de la phrase.
D'autres au contraire vont IlÊ!œ jusqu'à contester l'existence d'un
accent en français. Notre propos n'est pas de nous situer par rapport
aux différentes théories ou thèses avancées sur ce phénomène. Nous
avons entrepris un travail de type contrastif, et ce qui importait
ici, c'était de délimiter une particularité par rapport au systèrre
standard ; cette particularité se situant entre autre au niveau de
la distribution de l'acoent, nous avons estirré judicieux de la rren-
tionner avant de conclure sur l' interférenoe .
L'écoute des conversations libres nous a permis de rerrarquer
qu'un nombre considérable de locuteurs rencontraient des difficultés
à réaliser une succession de syllabes en respectant une durée IlOyen--
ne
égale des voyelles. ce phénomène est plus notable avec la voyel-
le lai, souvent allongée, aussi bien en syllabe initiale qu'à l'in-
térieur de la syllabe.
Aussi avons nous proposé aux locuteurs la liste de IlOts suivante,
afin de vérifier ces faits :

- 81 -
Rafler
Enragé
}
II
Poisson
::::r
J
Pactiser
iiï
Paquebot
Dans la série l, ont mis l'accent sur la première syllabe
catégorie A
73%
catégorie B
86%
catégorie C
96%
Dans la série II, on a remarqué que la durée et l'intensité affecten~
la syllabe pénultièrœ, occultant ainsi l'accent final : ont mis
l'accent sur la pénultièrœ
catégorie A
61%
catégorie B
75%
catégorie C
87%
Dans la série III, on a noté que la voyelle lai qui avait tendance
à s'allonger, conserve une durée rroyenne. cette exception à la ten-
dance allongéante serait dûe à notre avis à l'influence de la con-
sonne subséquente, en l'occurrence la palatale sourde /k/.
Autrerrent, nous atoutissons à la remarque selon laquelle des
voyelles norrralerrent atones en français se trouvent ainsi investies
à la fois d'une intensité ,d'une hauteur et d'une durée qui errqJêchent

- 82 -
la réalisation attendue de l'accent en finale. Nous retrouvons ici
\\IDe autre influence du systène V0Calique \\-.Dlof, dans lequel la duree
est un trait pertinent alors qu'elle ne l'est pas en français.
L'exarœn des proclitiques (nous renvoycns aux exerrples donnés
pour l'étude des groupes consonnantiques) décèle une forte tendance
à la prononciation des !a! atones : exerrple : [sk~diJ est réalisé
[saka3adiJ
Une unité phonologique et accentuelle (c'est à dire
rythmique) se trouve désarticulée, détachant ainsi les élérœnts
llDrpharratiques qui ne coïncident pas forcérœnt avec les élérœnts
phoniques. Cette habitude se traduit fatalerrent dans l'axe syntag-
matique (lois de ]Xlsition par exerrple) , alors que celui-ci obéit
à des lois phonologiques et prosodiques assez complexes dont la
saisie passe nécessairerrent par la prise de conscience (de la part
des locuteurs) qu'il existe une différence entre la =mm.ication
écrite (graphie) et la comnunication orale (phonétisrœ).
Ces quelques aspects phonologiques que nous venons de réperto-
rier dérrontrent à notre sens que l'interférence marque incontesta-
blerœnt la variété étudiée. Cannent peut-il en être autrerrent si
l'on adrret que le français n'est pas la langue maternelle des locu-
teurs concernés. Il faut convenir avec Francis DEBYSER (1 970) que
dans la situation de bilinguisrœ très particulière et très équili-
brée que représente l'apprentissage d'une langue étrangère en mi-
lieu scolaire, la force de "1 'habitude" (autrerrent dit des comporte-
rœnts linguistiques de la langue maternelle) est très grande, bien
antérieure et que ces comporter;ents continuent à être renforcés en
infinilrent plus d'occasions (à l'école, hors de l'école) que ceux
de la langue étrangère étudiée. Ce sont ces comporterœnts de la lan-
gue maternelle qui serrÙJleraient être à l'origine des principaux

- 83 -
obstacles à l'acquisition de comportements linguistiques différents
(p::mr nous en tenir provisoirerœnt à des rrotifs internes).
En voulant prévenir et co=iger éventuellerœnt les effets de
l'interférence, les pédagogues ont abouti à l'élaboration d'une
rœthode caractérisée par la prédominance du rrodèle scolaire qui
empêcherait que ces derniers ne se fixent en un usage susceptible
de se constituer en nome locale. Le résultat en est que le fran-
çais est acquis conne un savoir plutôt que carrure un instrurrent de
corrmmication. En ténDignent quelques uns des tests du C.L.A.D sur
le français au SEN8G~1975). Ils ont été élaborés et soumis à une
catégorie de locuteurs sénégalais (en l'oc=rence des élèves du
second cycle de l'enseignerrent secondaire). Ces tests avaient pour
objectif de savoir comœnt sont perçus les différents niveaux de la
langue française. Les auteurs sont partis du constat selon lequel
on considère encore gUe la langue des "grands" auteurs est le rrodè-
le dont on ne peut s'écarter (ce qui amène parfois des élèves, des
étudiants ou des intellectuels africains à s' exprirrer de façon si
"malséante" que cela suscite le rire, la =iosité voire la colère) .
Ils ont proposé aux locuteurs plusieurs groupes de phrases. Chaque
groupe de trois phrases solUnises aux choix, en comprenait une con-
sidérée comre la plus courante, les deux autres étant rw.rquées par
rapport à la nome courante en langue parlée et se rapprochant plus
ou rroins du langage écrit, voire littéraire. L'analyse détaillée de
chaque choix devait pemettre aux auteurs de conclure à une très
nette influence de la langue écrite dans le français parlé au
Sénégal (un penchant très rœrrqué pour les tournures emphatiques,
les inversions de sujet etc ... ). Il se pose donc au Sénégal le

- 84 -
problèrre de la discrimination écrit / oral. Ce mélange des niveaux de
langue qui caractérise le français local est inpltable à la façon
dont le français a été enseigne. Le français littéraire (qui n'est
présenté et errployé que dans sa forrœ écrite) reste bien souvent
la seule référence. C'est ce que corroborent les réflexions de
Gabriel MANNESSY (1970) de ITEnière plus générale sur le français
d'Afrique Noire : "L'école requise d'enseigner un ben français n' ac-
corde que peu d'attention aux traits de prononciation,de grammaire,
de lexique et de style, qui à l'intérieur de la corrmmauté linguis-
tique définissent les forrœs de langage adaptées aux diverses situa-
tions de comnunication". Le français scolaire, le seul dont dispJsent
les locuteurs que leur statut social ne rrettent pas en contact fré-
quent avec les locuteurs métropolitains, apparait ainsi CŒf[['I2 une
variété forterœnt m3rquée par l'interférence sur le plan phonétique
(nous venons de le voir) ; sur le plan lexical et syntaxique corme
une variété plate, rigide et chargée de fonm.ùes souvent entâchéeS
d' hypercorrec.ction, utilisable· seulement dans le petit nombre de si-
tuations où la langue chatiée ou sUppJsée telle est exigible.
On a pourtant essayé de remédier à cette situation. Le centre de
linguistique appliquée de DAKAR s'est attelé à cette tâche. C'est
dans cette optique que fut élabcrée la méthode "pour parler français".
Les auteurs de celle-ci ont voulu rret tre l'accent entre autres points
sur la nécessité.:
- de présenter la langue sous tous ses aspects importants et non plus
seulement sur son aspect uniquerœnt littéraire.
- de revenir sans cesse sur certaines structures fondarrentales de la
langue française et de faire assimiler celle-ci activerœnt en les
faisant utiliser et réutiliser oralement et par écrit au cours des

- 85 -
séances d'exercices structuraux.
Enfin, de faire sentir à l'élève les différences norrbreuses qui
existent entre le code oral et le oode écrit de la langue.
Son aspect nouveau réside dans le fait qu'elle procède d'une dénar-
che =nparative. Sur le plan phonétique et phonologique, elle pro-
posait des exercices de correction, établies d'après l'étude compa-
rée du français et du """lof.
I l s'agissait de rendre l'élève conscient du fait :
- que les sons du """lof et ceux du français ne sont pas identiques.
- que la difficulté est grande à articuler certains sons français
par rapport aux sons w::Jlofs.
- que ces autornatisrœs qu'on veut leur faire acquérir sont vérita-
blement lorsque l'apprenant sait être attentif à la différence
qui sépare les articulations """lofs des articulations françaises
etc
Les intentions étaient sans doute tonnes, nais les résultats ont été
rroins convaincants. Les raisons de l'échec (la méthode a été suppri-
mée par décret officiel) sont multiples et nous en retenons les plus
imj:x:>rtantes :
* La méthode est destinée à des élèves des premières années de l' en-
seignement prirraire. Elle s'adresse donc à des élèves qui entament
leur scolarité à un âge où leur compétence en langue naternelle
reste à consolider. Or l'enseignement est entièrement donné en
français, dans toutes les disciplines, dès le première heure de
classe.
* Elle part du postulat que le français est la langue que les enfants
noirs doivent apprendre et par laquelle ils accèdent à toutes les

- 86 -
sciences: mus citons: "plus qu'un simple objet d'étude, le fran-
çais est pour l'instant et restera encore longtemps au Sénégal le
rredium d'apprentissage principal". Ce postulat a tendance à occulter
le statut réel du français d'une part, et de l'autre refuse l'éviden-
ce selon laquelle le français est une langue étrangère : "on ne peut
considérer la langue française dans ce pays =me une langue étran-
gère au rrêrre titre que l'anglais en France par exemple" ; pour avan-
cer de
pareils principes, par une sorte de circularité, on s'appuie
sur le statut officiel de cette langue dans le pays.
* Du peint de vue des horaires, l'enseignerrent du français ccmporte
quinze heures hebdCllPadaires sur trente et favorise de ce fait une
trop grande disparité entre le français et les autres disciplines.
* Enfin une dernière raison non rroins :i.rrpJrtante qui relève du fac-
teur sociolinguistique ; la didactique du français a été élaJ::orée
conformément à des directives politiques et officielles plutôt qu'à
partir de données objectives, résultats d'une investigation réelle et
scientifique du contexte S<icioculturel, préalable indispensable
à toute réflexion et propesition méthodolcxrique dans ce domaine.
On sait par m<emple (grâce à la psycholinguistique) qu'on ne peut li-
miter les faits d'interférence à des causes strictenent linguistiques
(contacts entre les langues). Il existe des facteurs psycholcxriques
qui entrent en jeu et qui sont susceptibles de déclencher ce mécanis-
me :
OEBYSER (1975 b) note que l'attitude à l'égard de la langue étudiée
est très :inqJortante : une rrotivation insuffisante à l'égard de celle-
ci peut s'expliquer soit par une attitude ethnocentriste, soit par

- 87 -
une antipathie véritable à l'égard de ia langue. Il semble que le
fait de parler une langue autre que la langue naternelle doive obéir
à des contraintes de type pédago:rique, s=iolo:rique ou culturel (les
réactions à l'égard de cette oontrainte POUVëU)t. différer : acceptation
ou refus) .
Peut intervenir égalerrent le statut des langues en présence,
leur fonction spécifique de oolllTll.lI1ication dans des situations socio-
linguistiques différentes : par exemple lorsqu'on est conduit à par-
ler dans une langue de Sujets dont on ne parle habituellement· que dans
l'autre etc
Ce sont ces différents facteurs que nous nous proposons d' étu-
dierdans les pages qui suivent, en espérant rendre corrpte (tout aù
rroins partiellement) des données qui ont été la plupart du terrps né-
gligées, ainsi que nous venons de le voir plus haut.

- 88 -
IlNALYSE PHONOLOGIQUE (ANNEXE)
LECTURE DE TEXTES
(~'" trQis textes sont tirés du quotidien national local : "Le Soleil")
- 1ER TEXTE -
Dans le cadre de sa mission d' infonnation et de contrôle de
l'application des décisions de l'état, le secrétaire général de la
présidence de la république vient de propJser une série de rœsures
tendant à susciter des économies budgétaires, en réduisant, d'une
part le train de vie de l'état, et d'autre part en contrôlant ri-
goureuserrent les dépenses budgétaires. La première rœsure consiste
à supprirœr dans la procédure de la passation des marchés de l'état,
le systène dit de "l'entente directe" qui pemettait à des chefs de
service de passer directerœnt la cœmande aux fournisseurs avec tou-
tes les nalversations financières que cela pourrait occasionner.
Désonnais, pJur alléger les charges extrêrœrœnt lourdes - que cette
pratique i.rrqxJsait à l'état - l'appel à la concurrence sera privilé-
gié
avec le renforcerrent du principe de l appel de l'offre.
1
Avantage payé: si le téléphone bénéficie d'une trop grande attention
de la part de l'inspection générale de l'état, c'est en raison du vo-
lurœ impressionnant des redevances téléphoniques dûes par les servi-
ces administratifs et qui, finalerœnt, ar1-ivent parfois hors de leur
pJrtée. Par ailleurs, la plupart des agents de l'état ne paient ni
le téléphone, ni l'eau, et encore noins l'électricité, au niveau de
leur logerœnt. Toutes les charges étaient, jusqu'à présent, sUppJr-
tées par l'état. L'inspection générale d'état, dans sa démarche, a
décidé de supprirœr ces avantages qui ne se justifiaient pas. La sup-
pression de ces avantages va s' acoompagner d'une émission d'un ordre
des recettes des bénéfices de ces avantages. La rœsure rerrontera le
plus loin p::>ssible dans le temps. Il ira rrêrre peut-être jusqu'à 1963,

- ss -
année où le décret a été pris. Sur un autre plan, l'inspection généra-
le d'état s'intéresse de près à l'exécution du budget, particulièrerrent
au plan des achats, des besoins, car i l trouve que la plupart du terrqJs,
les dépenses dépassent de loin les besoins. Il arrive en effet qu'un
service dépense plus d'argent pour ses produits d'entretien que pour
acquérir du llI3.tériel d'entretien avec le jeu des factures fictives.
- 2EME TEXTE -
- ce que je veux, c'est travailler -
J'étais bien solide gaillard quand je fus inoorporé dans l' =ée
française OÙ, pendant huit années, loin des miens, j'ai défendu les
oouleurs de la mère patrie avec les oompagnons d'arrre de llI3. généra-
tion. Pêcheur de naissance, je rre suis éloigné. A ITOn retour au
Sénégal, j'ai tenté llI3. chance derrière une llI3.chine à ooudre, métier
rrodèle à l'époque qui, en certains lieux, étaient plus rentable que
la llI3.igre pitence des activités llI3.ritirnes. Plus tard, je me fis rre-
nuisier puisque la ville de DAKAR, qui était alors en pleine expan-
sion, était bien reoonnaissante à l'endroit de ses batisseurs. En
dehors de ITOn service militaire, qui ne fut point un choix, j'aurais
tout recamrencé sans hésitation si l'occasion m'était offerte à nou-
veau.
Pourquoi ne l'aurais-je pas fait d'ailleurs? Les nécessités de l'é-
poque et les multiples charges qui m'in=rœient et que j'assume en-
oore, m'y invitaient sans réserve possible. A chaque fois, j'ai dû
rép:::mdre pleinement aux sollicitudes et obligations sociales Cie

- 90 -
l'é!XXJUe. Aujourd'hui à soL'(illlte ans révolus, cinq ans après l'âge
nomel de la retraite, je continue encore à travailler pour honorer
bon an ITI3.1 an les multiples responsabilités que le bon Dieu m'a
confiées.
Cette page serait tout à fait noircie, si libre cours était
donné aux paroles de Ibnsieur Dio Koundé 'Iburé, le nonojarnbiste qui,
refusant la mendicité, a choisi de gagner sa vie à la sueur de son
front en continuant d'accoler des planches de bois au service d'une
ITI3.igre clientèle.
Rétrospective d'une vie active, courageuse et responsable, ITI3.is
également ténoignage élcquent de cette grandeur d'âme qui, paradoxa-
len-ent, habite ce diminué, totalement marginalisé, parce que victime
tout sinplen-ent d'un rrernbre atrophié, d'un bras de noins ou d'une
janùJe arrputée.
"Nous ne sommes pas des êtres incapables" a t-il déclaré avec
force. "Nous le répétons toujours - nous pouvons être des rrernbres
productifs de la société - nos frères nous répugnent - ne savent-ils
pas qu'un jour, ils pourraient aussi venir grossir nos rangs 7".
- 3Et"E TEXTE -
- L':i.rrpJssible corrpromis -
Lorsque nous revinrnes à la ITI3.ison, nous la trouvârres assise_au
1lÊITé'-endIrroit filant avec la même quenouille, nais l'air absent, le
regard voilé. Elle ne broncha pas lorsque nous entrâmes dans la Gase.
Je ragardais mon frère qui me regarda aussi ; nos deux pensées s' u-
nirent un bref instant, dans un sentiment de désaroLde deux enfants/

- 91-
de deux adolescents, qui craignaient le pire, pour lli1 père lointain.
Mais nous n'osions parler, alors nous prolongeârres dans nos lectures,
à la lueur de la bougie. Parfois, le rœssager envoyé par le ccmnan-
dant passait au bourg p:Jur demander la concession de tel ou tel.
Renseigné, il s'y rendait, avec lli1e feuille de papier à entête trico-
lore et une rrédaille. Après son départ, la concession s'emplissait de
cris et de pleurs, et les veuves éplorées détressaient leurs cheveux
pour rœttre lli1 voile. c'était leur façon à elles d'annoncer que leur
garçon ne reviendrait plus, qu'il était rort là-bas, tué par les alle-
rrands. Et le vieux samba Nar en déduisit que ron père serait de retcur
dans les trois rois. Vieux paien, il avait tcujours eu beaucoup de
respect pour les mystères, la lTl3.gie, les gri-gri ou les safaras, et
considérait lTl3. mère un peu comre lli1e voyante parce que ron père avait
été un lTl3.rabout et un corrpagnon d'Ahmadou Barnba. Aussi lorsqu'il retrou-
vait ses amis sous l'arbre à palabres, il jurait de toutes ses forces
que ron père serait de retcur dans les trois rois et que lTl3. mère, le
sachant, s'y préparait. cela faisait rire les plus sceptiques. M3.is
ceux qui souhaitaient la réalisation de la prédiction, le soutenaient
feIllienent. Et ils n'eurent pas tort. Le hasard, ce déllOn mystérieux,
s'est mis de la partie, et vers la fin du rois d'août, alors que les
trombes de pluie du soir plaquaient les habitants dans leurs cases,
un rœssager du COI11l'aJ1dant vint à cheval voir l'oncle Samba Nar, p:Jur
lui dire que le premier contingent de soldats qui était parti pour
la France, est rentré à Dakar et que ron père en faisait partie ; il
fallait donc rentrer à N' Galgou après une bref séjour là-bas pour ré-
gulariser ses papiers; Le vieux Sarrba Nar lTl3.nqua d'en avaler sa lan-
gue. Il se précipita dans la nuit, sous la pluie, dans l'obscurité to-
tale des grands orages, pour rencontrer lTl3. mère.

- 92 -
PARTIE 2
L' ETUDE SOC JOLI ~!GU 1STI OllE
En abordant les aspects plus spécifiquerrent sociolinguistiques
dans cette partie 1 hous distinguerons essentiellerœnt deux types
de problèrres : d'une part celui des cOlTPJrterrents et attitudes de
la corrmmauté linguistique étudiée face à sa langue 1 d'autre part
celui de la situation diglossique telle qu'elle est perÇUe ou vé-
cue par les locuteurs de cette cc:mnunauté.
L'enquête sociolinguistique a été établie sous forne de question-
naire à deux volets que nous avons proposé à 840 locuteurs en vue
d'obtenir les infornations requises ]Xlur l ' analyse. Chaque volet
renferrre les questions spécifiques à l' ùn et à l'autre problèrre :
- Volet l
cOI!ljXlrterœnts linguistiques ; attitudes et jugerœnts
épilinguistiques face à la norne.
- Volet II
la situation diglossique : "qui parle quelle langue
OÙ, quand, avec qui et
]XlurqUoi".
Nous avons essayé de toucher l'ensemble de la ]Xlpulation lettrée
en intégrant le mieux ]Xlssible les paramètres retenus. Sur les
840 fonnulaires distribués, 789 ont été exploités; certains locu-
teurs n'ayant pas remis ou rempli oonvenablerrent les exemplaires
qui leur étaient destinés. Cela a dû CŒLIf'LOfLettre un tant soit peu
le raPJXlrt de proportionnalité que nous avions établi au préalable,
sur la base des variables (ethnie, âge, catégorie socioprofession-
helles). Néannoins les chiffres obtenus derœurent significatifs

- 93 -
quant à la r'2pré~tativité. le volet l est complété par un question--
narre oral proposé à 169 locuteurs que nous avOns sotnnis à l' enquê-
te phonologique auxquels viennent s'ajouter des locuteurs sénéga-
lais résidant en Franoe.
Notons qu'il existe une connexion étroite entre les différents
problèrres que nous avons entrepris d'étudier : nous pensoru par e- _-
emple que détenniner les données de la situation diglossique s'im-
pose lorsqu'on veut comprendre les compcrterrents qu'adoptent les
locuteurs de la col1ll1Ul1auté. C'est la raison pour laquelle les dé-
tails et les hYIDthèses seront fournis au fur et à rresure que nous
aborderons les différents vOlets de l'enquête.
Nous tenninerons notre étude par un certain nombre de remarques sur
le "discours mixte"
(sous fortre de complérœnt au volet II de l'en-
quête sociolinguistique).

- 94 -
1 - ca'1RJRTEMENTS - ATTITUDES LINGUISTIQUES -
A, ENQUETE VOLET 1
a) Hypothèse
Il est admis que dans toute cc:mnunauté, i l existe des l=uteurs
plus sensibles que les autres aux rrodèles de prestige. Le corn-
FOrterrent des premiers est plus influencé par des critères de
"beau langage". En partant de cette hyp:lthèse, nous avons voulu
savoir si au sein de la c6IimJnauté étudiée le co!llpJrterrent des
l=uteurs était plus marqué par l'identification, le rejet ou
l'indifférence vis à vis de la langue française d'une manière
générale, et de la nonre standard plus particulièrerrent. Le recours
au jugerrent persormel des l=uteurs devait nous penœttre de dé'"
tenniner les différentes attitudes linguistiques adoptées ainsi
que les notivations psychologiques, sociologiques ou idéologiques
qui leur sont soujacentes.
b) Le questionnaire
Répartition des enquêtés suivant la catégorie socioprofessionnelles,
l'âge et le sexe.
CATEillRIE
AGE
HOMMES
FEMMES
265
31 à 65 ans
212
54
B
283
19 à 49 ans
207
76
c
241
14 à 53 ans
183
58

- 95 -
En tête du questionnaire
Profession
Age
Niveau d'étude
sexe
Les questions
N° 1 : Pensez-vous parler français ?
- très bien
- bien
- passable
- mal
N° 2
Que pensez-vous du français parlé par les sénégalais ?
- un français rorrect
- un français aussi bon, llDins bon ou rreilleur que le fran-
çais de France ? en quoi l'est-il ?
N° 3
Lui trouvez-vous des défauts ou des qualités ? Lesquels ?
(Pour les résultats chiffrés, voir tableaux ci-joint).

~
QJESTION N° 1 : "PENSEZ-VOUS PARLER FRANCAIS : TRES BIEN, BIEN, PASSABLEMENT, MAL ?"
CATEGORIES
1
1
NOMBRE
TRES BIEN
BIEN
PASSABLE
MAL
SOCIOPROFESSIONNELLE~
- - - - _..
CATEGORIE A
265
21%
77%
2%
0
CATEGORIE B
283
9%
67%
24%
0
CATEGORIE C
241
0
31%
53%
16%
1
88 l=uteurs sur 241 ont
(épandu à cette question
[
1

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
~
.,
QUESTION W 2 : "QUE PENSEZ::VOUS DU FRANCAIS PARLE PAR LES SENEGAlJ\\IS : AUSSI BONI mINS
BOt·t MEIUEUR QUE LE FRANCAIS DE FRANCE ?"
!
1
1
CATEGORIES
f\\O'v1BRE
AUSSI BON
r1JINS BON
MEIUEUR
SOCIOPROFESSIONNELLES
CATEGORIE A
265
87%
2%
11%
CATEGORIE B
283
78%
17%
5%
CATEGORIE C
241
52%
38%
0

~
RESULTATS CHIFFRES QUESTION W3 : "LUI TROUVEZ-VOUS DES ŒFAUTS OU DES QUALITES, LESQUELS 7"
CATEGORIES
SYNTHESE DES JUSTIFICATIONS DES REffiNSES
DEFAUTS
QUALITES
SOCIOPROFESSIONNELU S
DEFAUTS
QUALITES
1
1
OUI
1NON
OUI
1 NON
PHONOLOGIE :
SYNTAXE :
NON SIGNALEES
,
1
1
1
1
1
1
"w\\UVAISE
l"IM'1ITATION
"FRANCAIS
l "MELANGE fRAN-
DE L'ACCENT
CAl S IWJL8P"
1
1
ARTICULATION/~
1
FRANCAIS"
ACADEMIQUE"
1
1
1
1
1
1
CATEGORIE A
255 fL59 LCX.:!.
5 LOCUTEURS \\58 LOCUTEURS 73 LOCUTEURS )12 LOCUTEURS
1
1
1
1
1
1
1
1
1
CATEGORIE B
283 1'-92 LOC.
23 LOCUTEURS 83 LOCUTEURS r9 LOCUTEURS 127 lOCUTEURS
1
1
1
1
1
1
1
,
1
1
1
CATEGORIE C
241
99 LOCi.
1
1
199 LOCUTEURS
1
1
1
1
1
1 -
1
-

- 99 -
c) Comœntaire
"Pensez-vous parler français très bien, bien,
passable, nal ?"
Le locuteur devait apprécier sa façon de parler suivant des cri-
tères plus ou rroins mélioratifs ou péjoratifs.
Dans l'ensemble les locuteurs pensent qu'ils parlent bien fran-
çais. En effet quelle que soit la catégorie socioprofessionnelle
dont ils relèvent, la plupart d'entre eux soulignent la réponse
"bien". Toutefois l'évaluation optinale, c'est à dire..la réponse
"très bien", n'apparait presque pas et lorsqu'elle apparait, elle
derreure le fait des rrembres des catégories A et B, tandis que les
appréciations péjoratives sont le propre des locuteurs de la ca-
tégorie c.
Le "français au Sénégal" est le plus 5011vent jugé aussi bon que le
"français de France" (83% des réponses toutes catégories =nfon-
dues). Les jugenents selon lesquels le "français du Sénégal" est
rreilleur que le "français de France" sont exclusiverrent énoncés par
les locuteurs de la catégorie A ; tandis que les jugerrents selon
lesquels le "français du Sénégal" est rroins bon que celui de France
sont émis par des locuteurs des catégories B (17%) et C (28%).
Au regard des réponses aPJX)rtées par les locuteurs suivant leurs
appartenances socioprofessionnelles, nous pourrions interpréter
les faits sous l'angle psycrologique : en effet déclarer qu'ils
ont une performance rroindre que celle des locuteurs français, serait
ressenti par certains, c:omre l'aveu d'une position d'infériorité,

- 100 -
vis à vis de ces derniers. cet aspect de la question sent>le vécu
en tenœs de rapports de forces. Il s'agirait alors de rrontrer
qu'on est à la hauteur de l'épreuve... Par1er français aussi bien
que le français serait un gage d'égalité avec celui-ci. C'est le
nêrre état d'esprit qui anirrerait cet intellectuel africain (M'BOUKOU,
1978) lorsqu'il déclare ceci : "à notre avis parler à quelqu'un en
sa propre langue et parler cette langue à la perfection, c'est une
très grande victoire qu'on remporte sur lui : il n'y a plus de
secret philosophique, culturel, politique, historique et économi-
que etc ... pour autant que sa langue nous est in=nnue". A ce niveau
la langue est le reflet des antagonisrres culturel et idéologique
que l'épilinguistique met en évidence. L'objectif visé ici est rroins
la recherche d'une =mpétence linguistique destinée à satisfaire
les fonctions classiques de la =rrmmication que l'expression de la
recherche d'une position dans le rapport de forces. Aussi parler
bi.en (ou mieux que ... ) serait une nanière de se sentir victorieux
rroralement: car le locuteur français ne serait pas seulement perçu
=nrœ l'interlocuteur, nais =mœ le symbole, le représentant d'un
rronde considéré COIlIl'e supérieur. De ce fait rrêrre si leur réponse
n'est pas justifiée par une évaluation objective ou adéquate de
leurs performances, ces locuteurs se sentent plus ou rroins obligés
d'évaluer positivement celles-ci. Le caractère quasi systéIratique
des réponses et l'absence de =rnrentaires ou d' argurrentations dé-
I1'Ol1treraient à notre sens que les locuteurs interpellés manifestent
une attitude plus érrotive que raisonnée, (Seul un locuteur de cette
catégorie n'a pas répondu à la question de manière formelle, pré-
cisant qu' i l n'avait pas les é lénents nécessaires pour la =P<ITaison
vu qu'il ne connaissait pas le parler de France et n'était janais

- 101 -
allé dans ce pays).
outre ces attitudes plus ou noins idéologisées qui caractérisent
ces locuteurs, on pourrait suPJXlser aussi qu'en identifiant leurs
performances à celles d'un locuteur collectif idéal (le l=uteur
français), certains locuteurs valorisent aussi leur propre com-
pétence linguistique, et cela de ffi3I1ière d'autant plus délibérée
et généreuse qu'aucune vérification n'est établie jX)ur valider
ces évaluations en fonction de la mme réelle. L'observation d'un
pédagogue africain (M'OOUKOU, 1978) semble confi.rrrer ces faits.
selon lui "beaucoup de mirs frano phones se vantent de parler
français comœ on le parle sur les bords de la Loire, parce qu'ils
savent fonœr une phrase française, en rrettant à la suite les uns
des autres un terrœ en fonction de sujet, un autre en fonction de
verbe
un troisièrre en fonction d'objet, et éventuellerœnt un qua-
trièrre en fonction de circonstant". Il estirre que souvent ceux qui
parlent ainsi "ne se distinguent nullerrent de ceux qui sont inca-
pables de rrettre correcterœnt un verbe après un sujet nominal".
C'est là du reste un problèrre général puisque cette distorsion fré-
quente entre nome réelle et nome fictive a notivé les travaux
de l'équipe de Tours dirigée par Nicole GUEUNIER (1978). En effet
c'est en constatant au cours de séminaires d'enseignants ou de
contacts avec des classes quel écart il Y avait parfois entre ce
que l'on prononçait effectiverœnt et ce que l'on croyait pronon-
cer, qu'elle eu l'idée d'entreprendre des travaux sur ce thèrre.
En ltI3ICJe de ces attitudes idéologiques, on note auprès des élérrents
de la catégorie C un comp::Jrterœnt plus neutre, noins teinté de sub-
jectivité dans l'appréciation des performances, en ce sens gue

- 102 -
nulle part on n'observe parmi. eux une survalorisation ou une sur-
évaluation de leurs compétemces linguistiques.
Devrait-on y voir :
_ un indice d'insécurité linguistique qui interdirait aux lcx::uteurs
interpellés d'établir leurs propres jugements sur leur parler ;
en effet très peu d'entre eux ont répondu à la question n O l, et
parmi. ceux qui l'ont fait, la plupart ont énoncé un jugerrent né-
gatif! dépréciatif sur leurs perforrrances.
- ou alors une absence de conscience du rapport de leur parler avec
une nome de référence explicite. Cette hypothèse semble être
corrOborée par les répcnses à la question n03 : "lui trouvez-vous
des qualités ou des défauts ?".
Si des lcx::uteurs de la catégorie A et dans une rroindre rresure de
la catégorie B ont émis quelques "critiques" à l'égard de leur
parler national en érrettant par exerrple des affirnations sur "l' ac-
cadémisrre", le "style amp:JU1~" et la "mauvaise articulation", ceux
de la catégorie C se sont abstenus de ce genre de considérations ;
ils ont plutôt mis l'accent sur le rrélange du français et du '-Dlof
en tant que facteur négatif. Il faudrait penser que le problèrre
appelle une explication rrétalinguistique qui requiert aussi bien
dans sa fonmlation que dans son contenu une distance par rapport
à la langue que seul un certain niveau de compétence autorise,
alors que les lcx::uteurs de la catégorie C ne possèdent vraisembla-
blerrent pas ce niveau. Par contre le type de réponses apportées par
ceux-ci traduirait quelques unes de leurs aspirations : leur désir
de rraitriser la langue française à leur tour se trouverait contrarié

- 103 -
par la difficulté de cerner une oorrre linguistique (française) sans
cesse rousculée au niveau du disCXJurs par la ou les langues locales,
dans la lTEsure où ces sujets perdent tout repère susceptible de
leur garantir l'assimilation des règles d'énonciation qui perrret-
traient de générer un discours non mixte, CXJnforrre au français.
S'agissant enfin des critères phonologiques de nombreux locuteurs
des catégories
A et B te.'ldaient à stignatise:- l' hyperCXJrreetion
poonologique des élérrents qui cherchent à imiter la prononciation
française; ce fait est plus notable chez les rroins âgés, étudiants,
lycéens, jeunes cadres etc ... Cette observation a déjà été siana-
lée par M. CALVET (1978). Ce dernier CXJnfirrre qu'au Sénégal il est de
ron ton d' affirrrer "sa négritude" en évitant de parler français avec
un accent "neutre" senti corme étant j, parisien". Il existerait tout
au noins chez les jeunes intellectuels un désir diffus de parler un
français bien à eux : voir un français national. A ce propos, les
recherches sociolinguistiques (IABOV, 1963 - 1956) ont cmntré que
la prononciation joue un rôle capital dans l'acceptation ou le re-
jet par un individu (l'une et l'êiutre peuvent être, rœ.is ne sont
j:aS toujours inconscients)
de son appartenance à un groupe socio-
culturel déterm.L'lé : ainsi UPDV, après avoir étudié la phonologie
des différentes CXJuches sociales new yorkaises avance la remarque
suivant laquelle la classe ouvrière en dépit de sa connaissance de
la norrre est la noins encline à abandonner sa propre structure lin-
guistique : "ce n'est J=aS par ignorance de la norrre que les ouvriers
CXJnservent telle valeur de la variable (eh) ou (oh), ni par impJs-
sibilité de réaliser cette rorrre", rœ.is leur écart par rapport à
celle-ci ne peut être interprété que par une sorte d'attitude de
classe. En partant de cette dernière hyp:Jthèse, nous avons entrepris

- 104 -
une enquête co~lérrentaire, afin de rresurer l' ~leur du phénomène
et de savoir si pareilles attitudes p::JUvaient contribuer à éclai-
rer davantage. la situation linguistique locale.
B. ENQUETECQ'1PLEMENTAIRE
a) La variable /r/ indicateur sociolinguistique
/r/ et /èl/ sont deux unités linguistiques, appelées variantes li-
1
bres d'un phénorrène unique en ce sens quelles peuvent être substi-
tt'ées l'une à l' autre sans qu'il Y ait une différence dans le sens
dénotatif du not.
D'une manière générale nous avons constaté qu'au Sénégal Ir/ (api-
co dentale) ét-ait la réalisation la plus fréquente
de
ce phorièIœ.
tette prédar.inance pJüvant s' expliquer par l' influence du
phonétisrre local. Du noins c' est la raison la plus prcbable face
atL": explications quelquefois avancées telles que l'influence du
parler des premiers colons, originaires des régions rnédite=anéen-
res. Nom; avons pu remarquer cependant qu'en dehors de certains
locuteurs qui connaissent une réalisation constante de /16/, des
locuteurs, suivant les situations de corrmmication, utilisaient
tantôt Ir/tantôt I~ / . En décidant de rrener une. enquête sur cette
variable, nous expliquons notre choix par le fait que plusieurs
observateurs avaient déjà noté dans différents contextes, ces va-
riations et les connotations sociolinguistiques qui les affectent.
Dans la rresure où les résultats de notre propre E!I!tJtàe pr0-SeTlte.nt

- 105 -
des recouperrents avec leurs rerrarques, il nous a paru intéres5af1t
de les signaler en guise d'appui à nos conclusions.
Frédéric FRl\\NO)IS (1974) re.marque que certaines des variantes dites
libres font apparaitre un ensemble de réalisations qui ne sont P3S
toutes à la disposition d' un locuteur particulier.
Par exemple Ir1 ou I~/ présentent plusieurs types de réalisations
ce qui ne signifie pas que tel locuteur donné uti li sera indifférem-
rrent telle réalisation plutât que telle autre. On sait que la réa-
lisation[r:J caractérisera dans l' he.xagone les productions du sud
ouest ou encore des groupes ruraux, tandis que la réalisation
caractérisera d'autres groupes sociaux. La différence de réalisa-
tions a alxlUt.i à une prise de conscience des locuteurs telle qu' i l
en résulte tout un ensemble de juge<-rents subjectifs sur les deux
variables : I~I est aujourd'hui valorisé parce que relevant des
praUques linguistiques dominantes, alors que la réalisation de r
est dépréciée en tant que trait caractéristique de la prononciation
des groupes jugés =ginaux. Pourtant
r
est la réalisation primi-
tive duphonèrre
auquel i l correspond. Selon les historiens de la
langue, l'articulation fricative est apparue dans la prononciation
des classes ~oclalerrent supérieures et s· est répandue prc-gressive-
Ire.'1t dans les autres couches de la population et à travers ] a cam-
pagne. lllijourd'hui[èJ] est la réalisation norrrative de la consonne.
Ici cette nonralisation est partie du haut vers le bas, des classes
sociales supérieures vers les wasses.
Dans les contextes où le français est une vâriété "superposée",
c'est à dire dans les zones géographiques rwrquées par la diglossie,

- 106 -
ce phénomène semble suivre un IrOUverrent inverse : au Maghreb,
J.L MAUME (1973) explique que rouler les
Jl
en parlant français
est senti plus ou noins obscurerœnt par quelques arabophones c0m-
ITe l'indication de leur appartenance à un milieu linguistique
prcpre qu'ils défendent en défendant leur prcnonciation personel-
le, bien que phonétiquerrent IMI vibra'1te u\\'u1aire existe en arabe
c'est le "gayn" IV ; mais les arabophones le font rarerœnt passer
en français. A la G ,uadeloupe, Guy HAZAEL-MASSlEUX (1978), note
qu 1 un locuteur considéré come rœrobre de la cormnmauté ne saurait
sans encourir la sanction du ridicule user avec les siens de la
noIlœ nationale : celui qui "roulerait" (en fait grasseierait) à
la parisienne est rappelé à l'ordre par une plaisanterie. On évo-
quera un roulerœnt à bille, ou on rajoutera abusiverœnt des
R
à toutes les syllabes, à rroins qu'on ne recoure au créole pour le
ranener a'JX convenances. Avant de rendre compte des connotations
sociolinguistiques de cette variable phonologique dans le contexte
étudié, nous allons exposer les rrodalités pratiques de l'enquête.
celle-ci se présentait sous fome d'interviews accordés aux 114
l=uteurs qui ont été soumis déjà au questionnaire phonologique.
Par conséquent 1es données sont les rrêrres que celles de l'étude
descriptive. Ibutefois dans un but comparatif, en plus de ces lo-
cuteurs, nous amns pu oontacter 55 sénégalais résidant en France.
depuis un certain nombre d'armées : cinq ans pour les étudiants et
dix ans pour les travailleurs : le critère de durée ayant été re-
tenu en vue de mieux rendre a::ll'pte du degré de sensibilisation de
ces locuteurs aux nomes d'usage du français dans l' hexagone, par
opposition au Sénégal. Tout canrœ dans l'enquête phonologique,

- 107 -
nous n'avons pu établir un échantillonnage suffisamœnt représen-
tatif du point de vue numérique des différentes catégories de lo-
cuteurs. Cela s'~lique ici ]Jar le fait que la rrajorité des res-
sortissants sénégalais de la ville de Rouen où l' erquête a été rre-
née r est essentiellerre!lt comr::osée d' étudiants et de travailleurs
classables seulerrent dans une des catégories retenues pour nos en-
quêtes.
La répartitian par catégories dorme les chiffres ci-dessous
CATFroRIES SCCIOPROFESSIONNFJ,T.F:S
1\\IJI'CDID)NES
EXPlI.TRIES
H
F
A
28
2
26
4
B
59
35
76
17
C
37
18
46
9
LEs questions
N° 1
"Faites vous une différence entre I~ et Irl 7"
N° 2 , "re quel des deux pensez-vous prononcer habituellerrent
en parlant 7"
N° 3
"Vous arrive t-il de prononcer quelquefois ~I si vous
utilisez généralerrent Irl 7"
N° 4
"Si oui, pü'.rrquoi le faites-vous et y a t-il des rrorrents
ou des situations où vous le faites plutôt que d'autres ?"
Les résultats chiffrés de chaque question figurent dans le tableau
qui suit.

~
RESULTATS CHIFFRES DES TROIS PREMIERES QUESTIONS
W 1: "FAITES-VOUS UNE Dl FFERENCE ENTRE /~/ ET Irl ?"
W 2:
"LEQUEL PENSEZ-VOUS PRONONCER HABITUELLEMENT EN PARLANT ?"
N° 3:
"Vous ARRIVE T-IL DE PRONONCER QUELQUEFOIS /!YI SI VOUS UTILISEZ GENERALEMENT Ir/?
NOMBRE DE
QUESTION N° 1
-1 QUESTION N° 2
QUESTION N° 3
LOCUTEURS AUTOCHTONES
LOCUTEURS
OUI
NON
/'151
Irl
OUI
NON
1
1
1
1
1
1
15122
CATEGORIE A
28
28
5
22
7/22
1
1
CATEGORIE B
59
1
58
1
8
51
W51
i 40/51
1
1
1
1
CATEGORIE C
37
34
,
3
1
35
4135
1
3213(.
1
1
1
1
LOCUTEURS EXPATRIES
r
1
1
CATEGORIE A
2
2
1
1
1
1
1
1
0
,,
1
1
CATEGORIE B
35
35
5
28
22/28
16/28
1
1
1
1
1
CATEGORIE C
18
18
2
9115
1
1
15
7/16
1
1
!
1
1
1
1
1

- 109 -
bl eornœntaire
A la question N° 1, la grande IlUjorité des locuteurs ont ré]X)ndu
]X)sitiverœnt : 2% seulerrent des enquêtés ont déclâré n'avoir pas
eu jusque là conscience de cette différence. Ils considèrent gé-
néralerrent que RU est la proronciation du parler de France, et
identifient Irl comrre celle du Sénégal et de l'Afrique.
A la question N° 2, 95% des en::ruêtés ont désigné le Il:/ (apical)
comre la variante qu'ils utilisent le plus souve.\\.t. Conscients de
leur particularité pmnétique, ils l'expliquent tous plus ou IlDins
par ]' influence de leurs langues rraternelles.
A la ques+- ion N° 3, aucun locuteur de la catégorie en' a ré]X)ndu
]X)sitiverrent. Les rre.'1lbres de cette catégorie, bien que conscients
de la différence de réalisation des deux phonè.'Œ's, s'en tiennent
essentiellerrent à celui qu'ils ]X)ssèdent en s' y identifiant exclu-
siverœnt. Nous avons décelé les o::mnotations socialerrent pertinentes
de la variable en examinant les ré]X)nses des autres catégories.
Il en découle les remarques suivantes :
- Chez les locuteurs expatriés, à la question N° 4, on ré]X)nd par
"le souci de la a::>rnprehension et de la clarté". En plus des con-
traintes qu'irrpJsent les circonstances de la corrrnunication, les
locuteurs ont souvent invoqué le souci de la cc:npréhension.
En effet la plupart des expatriés avouent avoir été surpris que
leur interlocuteur français leur derrande de réitérer leurs proros
au cours d'une conversation quelconque, sous prétexte d'un rressage

-
110 -
phoniquerœnt défectueux, alors que dans leur milieu d'origine, ils
ne sont pas ordinairezœnt confrontés à ce type d'injonction.
Un locuteur : "si on n'articule pas, si on ne s'applique pas en
face d'un français, on n'arrive pas à se faire cc:rrprendre par un
français. Ils vous denEndent souvent de répéter. Je ne faisais pas
très attention jusqu'à m:JJl arrivée en France".
Les interactions permanentes entre eux et les locuteurs français
(à l'université, dans la rue, les bureaux, les magasins, les usines,
les cafés etc ... ) les conduisent pau à peu à une rrodification de
leurs perfonrances phoniques sur le m:xl.èle environnant : les in-
tellectuels acquérant le plus souve-t un rn:Xlèle plus ou ITOinS pro-
che du standard, les travailleurs le sociolecte de leur milieu de
travail. La pr ise de conscience d'une nonce et l'adhésion à cette
norrre est le fait de la pression de m:xl.èles linguistiques s=iaux
incarnés par les locuteurs de la ccmnunauté Linguistique d' a=eil,
qui en garantissent. ainsi la conformité et l' inp:Jsent par leurs
corrp:lrterrents aux locuteurs "hÔtes". ceux-ci sont obligés d'en tenir
<XXlpte s'ils veulent assurer leur intégration s=iale.
Pour les locuteurs qui grasséyent constamœnt, il s'agit d'une com-
pétence acquise naturellerrent par une catégorie socialerrent restrein-
te. La plupart d'entre eux sont généralerrent issus des couches de
la bourgeoisie intellectuelle. Ils ont fréquenté des établisserrents
publics ou privés d'enseignerrent (y cc:rrpris l'école maternelle où
l'on ne retrouve que leurs pairs) au sein desquels ils coudoyent
le plus souvent des élèves et des professeurs d'origine française.
La langue française orédornine dans leur répertoire linguistique.

- III -
leurs activités sociales impliquent des situations qui requierent
l'usage du rrodèle standard : distrations, rrode de vie familial,
éducation à l'occidentale. Très peu d'adultes sont conce:més par
cette situation, car l'instauration du rrodèle =cidental est re-
lativerrent récente FOur qu'ils aient à en subir l'influence dans
un cadre familial.
Il en va autrement chez les grasseyants =casionnels. Il s'agit
principalement de locuteurs qui relèvent d'un environnement sa-
ci=ulturel plus africain
milieu familial et éducatif tradition-
nels. Mais ils arrivent à se créer des occasions d'interactions
plus ou rroins fréquentes avec des locuteurs européens (fréquenta-
tions des élites sociales etc ... ). Selon les circonstances, ils
ont re=urs à l'alternance stylistique qui traduit une certaine
insécurité linguistique. car en ITÊ!œ terrps qu'ils sont capables
de
légitiner c;ettii! BOure standard, ils sont conscients des dis-
tances qui les en séparent :
Ils arrivent à éviter plus difficilement l'interférence, leur
COITpétence phonologique n'étant pas acquise plus tôt à l'instar
des élérrents précédents FOur lesquels le français est partie in-
tégrante d'un "french way of life".
- Un locuteur
"Ca denande plus d'efforts, vu qu'on n'est pas
tellerrent habitué depuis notre enfance".
- Un autre locuteur : "Soit je les roule, soit je ne les roule pas.
Mais quand je les roule, souvent j'ai des

- l i -
échappées, parce que c'est très difficile ;
il faut plus d'efforts avec le ln "roulé".
Notons que selon l'acception sénégalaise la plus courante,
"rouler" les r signifie les grasseyer.
A côté des grasseyants permanents ou =casiormels, on retrouve
une grande najorité des lcx::uteurs qui possèdent le [rj en toutes
circonstances. ceux-ci tendent à I!I3.nifester une hostilité nctoi-
re vis à vis des précédents. D'abord parce que parler français avec
une confonnité plus grande avec le standard serait chercher à rro-
biliser des valeurs de prestige à des fins d'autovalorisation.
car si le prestige s'attache au français en raison des potentia-
lités s=iales des catégories qui naitrisent cette langue, la
"vantardise" sera imputée aux I!I3.nipulations de ces valeurs de
prestige dans les stratégies interpersonnelles. C'est ce qu'illus-
trent les réactions des lcx::uteurs à qui on reproche leurs nanières
de s'expriJrer :
1er locuteur : "ceux qui font tous ces jugerrents ne font que I!I3.nifes-
ter un corrplexe d'infériorité, car s'ils avaient la possibilité de
bi.en parler, ils l'auraient fait. Je pense que c'est une dénarche
qui n'est pas sincère".
2èrrE lcx::uteur : "e' est généraleIœllt ceux qui ne naitrisent pas la
langue. Ils sont frustrés. M:Ji je suis à l'aise en français et
c'est tant mieux. Je Ire pré=eupe peu de ce que les gens pensent
de rroi ll •

- 113 -
3 èIœ l=teur : "llDi j'ai été éduqué ccmœ ça ; je ne vais pas
changer non accent fOur faire plaisir à certains sénégalais qui
voudraient que tous les gens parlent comœ eu.x".
Chez de normreux intellectuels la prononciation grasseyée de r
est souvent stigmatisée parce qu'elle est signe 'd'aliénation"
et "d'assimilation" culturelle, dans la rresure où elle vous rap-
pr=he des manières de parler du blanc et, partant, de ses manières
d'être. L'idéal rour eux est donc d'utiliser un accent local, de
fOsséder le Irl signe d'une identité sociale et culturelle authen-
tiquenent sénégalaise. C'est l'avis de ce l=teur lorsqu'il dé-
clare que"tout ce qui se dérre.rque dil
groupe est négatif" ; il
est donc souhaitable "qu'on fasse CC1l1Tr'e les autres, il faut pronon-
cer cormœ les sénégalais".
Ces attitudes"négatives" face à la norrre provoquent et renforcent
l'insé=ité linguistique des 10l.-'Uteurs caractérisés par des per-
formances simulées liées à leurs aspirations aux valeurs de presti-
ge que draînent les locuteurs auxquels leur origine sociale confère
une co~tence naturelle, ou ceux auxquels le séjour dans l'hexa-
gone a permis d'acquérir cette rrêrre canpétence.
Leurs canpétences
linguistiques sont ainsi étouffées par la crainte de paraitre ri-
dicule avec un accent "francisant" ; cela peut les fOusser à aban-
donner à terrœ le I1Ddèle articulatoire standard au profit du rrodèle
local qui est de plus en plus légitiITé socialerœnt, ainsi que l'at-
teste cette déclaration :
"M:li je roule les r, nais au lycée si tu fais ça, on te marginalise
tout de suite. Il suffit que tu parles avec un accent différent de

- 114 -
de l'accent sénégalais pour qu'on te nEtte en quarantaine".
Concernant une variété régionale ou l=ale du français (variété
qui se trouve =nfortée dans sa spécificité par l'attitude d' iden-
tification et de défense de ses locuteurs), toutes ces observations
tendent à faire croire à sen existence.
Nous venons de voir cornrent elle parait se manifester sur le plan
phonologique, et nous avons fait préalablenent allusion aux prin-
cipales caractéristiques de sa fOmE écrite, imputables à la pré-
dominance du rrodèle scolaire mais aussi du corrg:>artirrentage des rô-
les du français dans le contexte africain. C'est ce que résurre de
manière plus particulière la réflexion de DUM:JNl' (1977) sur l' usa-
ge de la syntaxe du français au sénégal : "On a souvent observé que
les élèves sénégalais étaient beaucoup plus habiles à rrener une ana-
lyse gramœ.ticale ou logique qu'à produire des énoncés. Le font-ils
co=ecterrent que ces énoncés derreurent inadéquats, caractérisés par
la confusion ou l'absence de registres, le sujet mêlant avec la plus
grande indifférence locutions littéraires ou poétiques et nots fa-
miliers, constructions syntaxiques complexes propres à la langue
écrite ainsi qu'expressions relâchées, caractéristiques du stYle
oral11 •
la persévérence des enseignants épure peu à peu cette "langue trouble"
au bénéfice principal d'ailleurs de la variété écrite. rrais l'élève
peu assuré de bien connaitre les "exceptions", c'est à dire les con-
traintes qui pèsent sur l'application des règles gramœ.ticales se
réfugie dans l'imitation de tournures de bon aloi, authentifiées
par l'usage des auteurs scolaires ou parfois, par celui de persenna-
lités prestigieuses, homres politiques, vedettes ou écrivains.

- 115 -
La vulgarisation progressive de ce type "d'écarts" est à la nesure
du taux de scolarisation et de la date d'implantation des structures
scolaires dans le pays. En outre elle se trouve favorisée par l'ab-
sence d' autres registres linguistiques véritablerrent opérationnels
dans les pratiques langagières de la camumauté. On abouti..t à la
constitution d'une nome locale sur le plan de l'énonciation ou de
l'élocution.
D'un point de vue psychologique, cela donne parfois l'illusion aux
locuteurs sénégalais qu'ils possèdent une compétence indiscutable
de la langue française lorsqu'ils se cœparent parfois à des locu-
teurs français interpellés par des situations de corrmunication qui
requièrent d'autres registres ITDins fomels. Cette rrêrre attitude
caractériserait les locuteurs g 'uadeloupéens, selon G. HAZAEL MAS-
SIEUX (1978) qui note que ceux-ci considèrent qu'ils ont conservé
une langue plus pure que la rrétropole, et loin d' attribuer à l'ab-
sence de registre familier dans leur français le ton un peu trop
pc:mpeux de leurs écrits, ils pensent qu'il s'agit d'une recherche
ce qualité. Cette dinension psychologique pourrait d'ailleurs expli-
quer secondairenent les réponses épilinguistiques qui ont fait ap-
paraitre chez les locuteurs une tendance très partagée à la surva-
lorisation de leurs perfonrances. Elle contribue très probablenent
à la fixation des écarts en une nome. Car en fin de compte, c'est
dans le temps et hors de l'école qu'on nesure l'impact que l' ensei-
gnerrent a eu sur l'ensemble de ses scolarisés.
y a t-il un ou des facteurs susceptibles d'éclairer la situation
sociolinguistique (rejet de la norrre, constitution et adoption d'une

- 116 -
nome locale), que nous venons d'esquisser? Nous allons tenter de
répondre à cette question.
cl Essai d'interprétation sociohistorique
S'il est vrai que dans teute l'Afrique franccphone, le franç~is
asSUIœ la fonction classique de langue officielle, i l s'intègre
toutefois dans une dynamique sociale variable selon les ccntextes
géographiques et culturels considérés ; ceci pouvant aJ:x:>utir à des
situations de langues différentes. M. CALVET (1978) arrivant au
Carœrcun après avoir longt.errps dirigé le C.L.A.D de Dakar se dé-
clarait surpris "par la qualité du français pratiqué entre eux
par les carrerounais rrêrœ de condition rrodeste", affirmant d'autre
part que le "français pratiqué par les élèves sénégalais à teus les
niveaux est bien noins ccrrect (car grévé de IlUlltiples interférences
négatives) que le franaçais des élèves carrerounais". Si ce ccnstat
de pédagogue s'avère justifié, ce n'est pas la compétence des en-
seignants sénégalais qu'il faudrait rrettre en cause, nais les con-
textes diglossiques et sociopolitiques des pays en question, de
l'Afrique d'une m:mière générale.
On sait que les volontés d'indépendance politique et la recherche
d'une identité culturelle arrorcée par les revendications des élites
nationalistes ont fait apparaitre la nécessité de reconsidérer la
situation linguistique de ces pays (HOUIS, (1973), L.J CALVET (1981),
BAL (1979»). Ainsi la pronotion des langues nationales fut l'un des
IlOts d'ordre les plus fréquents dans les programres politiques des
nouverrents nationalistes. fuis partout où i l fut avancé, i l se

- li7 -
heurtait à des susceptibilités ethnico-culturelles qui rendaient
extrêrrerrent délicat le choix de la langue ou des langues nationa-
les pronues au statut de langues officielles face aux langues =-
cidentales adoptées depuis l'indépendance. Les llUlltiples collCXjUes.
séminaire et autres renccntres interafricaines organisées à cet
effet n'ont pas t:'€nnis
d'adopter des solutions définitives au pro-
blèrre. La difficulté découle essentiellerrent de la problématique
du nationalisrœ. En effet le rrodèle é=nanique de développenent de
ces pays, calqué sur le rrodèle =cidental devait inévitablerrent
s'a=mpagner d'un rrodèle d'unification nationale. Or l'unité na-
tionale en eccident s'est faite sur le principe selon lequel à
chaque pays il fallait faire correspondre une nation (CALVEl', 1979).
Il se trouve que les données qui ont pennis d'accéder à cette
"=nstruction nationale" faisaient défaut à l'Afrique Noire. Devant
ce problèrre à la fois politique, éconanique et culturel, deux ten-
dances principales ont éIrergé (BAL, 1979) :
- La première est celle qui net l'accent sur l'urgence "d'un dé-
veloppement" (justifié par le retard séculaire accusé devant les
pays développés) é=nonùque et technologique qui passe nécessai-
rerrent par le rtBintien de la langue =cidentale, au regard du ca-
ractère non encore opérationnel des langues africaines dans ces
domaines, et de la multiplicité des variétés linguistiques.
- La seconde quant à elle part du postulat qu'une véritable indépen-
dance va de pair avec une "libération culturelle". De ce point
de vue la langue =cidentale, préciséIrent le français. est sentie
=mre un facteur d'aliénation, jugée incapable d'assurer l'unité
culturelle ou nationale qui ne t:'€ut
se faire que par le médiation

- li8 -
des langues veinaaü.làires. Economiquenent, elle est pçrÇUe com-
ITe langue de classe, comœ "instrurœnt de séparation entre ur-
banisés et ruraux, entre élites et llBSseS, entre jeune généra",
tions et vieilles générations, entre classes sociales élevées
et classes sociales basses.
L'écho obtenu par ces deux thèses, au sein des couches intellec-
tuelles déP=TId des dormées sociCJlX)litiques des différents pays.
Si la tendance à l'authenticité est assez prononcée au Sénégal,
cela est dû sans doute au caractère particulier de sa situation
culturelle et etlmique. En effet c'est l'un des rares pays afri-
cains qui jX)ssède une langue parlée par la majorité de sa J:Xlpu-
lation, bien que n'étant pas la langue maternelle de la majorité
des locuteurs. Le carreroun jX)ur nous limiter à un exemple compte
plus de deux cents langues dont aucune n'est dominante. L'ethnie
wolof représente corme nous l'avons dit 37% de la p:::>pU1ation glo-
bale, et la capitale du pays se trouve de surcroit en zone wolo-
phone ; elle attire jX)ur des raisons économiques un grand nombre
de gens d'autres ethnies. On observe de plus en plus que dans les
principales villes régionales le wolof assure les rôles linguisti-
ques constants tels que la conversation quotidienne,.les interactions
de marché et l'usage familial. Il tend à acquérir le statut de se-
conde langue privilégiée chez les enfants lorsqu'il n'est pas leur
première langue (CALVEl', 1981).
Son prestige social et sa très large diffusion entrainent par ail-
leurs une perte de a::>rrpétence linguistique observable chez bon
nombre de jeunes citadins d'origine ethnique non-=lof : beaucoup

- Dg -
de jeunes sénagalais citadins ne parlent pas leur langue llB.ternelle
et n'ont plus que le =lof COmTE rroyen d'expression (nous revien-
drons sur ces faits dans le second volet de nos erquêtes) .
D'un peint de vue historique enfin c'est l'ethnie =lof qui a ser-
vi de rrédiateur à la pénétration coloniale : les ressortissants
des"quatre COllIllllIJeS =lofs" s'étaient vu attribuer la nationalité
française pendant que les autres sénégalais étaient "sujets fran-
çais Il.
Toutes ces considérations réunies penrettent à notre sens de mieux
comprendre ce phénomène de galvanisation des ffi3.Sses intellectuelles
autour du thèrre de l'authenticité et de l'identité culturelle (cela
penrettant aussi de comprendre le contraire !). Elles expliqueraient
en partie les attitudes et les CCllIÇOrterœnts qui viennent d'être
observés auprès des locuteurs enquêtés. Par ailleurs la présence
d'une grande langue véhiculaire sur le terrain n'est pas sans effets
sur la répartition des rôles de langue. Huit sénégalais sur dix com-
prennent et probablenent emploient le =lof (DUMJNT, 1973) et cela
dans de nombreuses circonstances de la vie publique où l'usage du
français est égalenent pessible et serait par ailleurs requis.
(l'enquête suivante le confirIre). Ce dernier aspect infirrœrait
l'hypothèse des linguistiques (WALD, CHESNY, HILY, POurIŒlAT (1973),
HOUIS (1971)) qui supposent une nette séparation entre français et
langues africaines dans les situations où une langue africaine à
fonction véhiculaire vient à assurer la COI1Il1lIDication interethnique
"une telle diglossie préservant les deux langues en cœpétition de
l'envahisserœnt réciproque" (HOUIS, 1971). Notre enquête sur la di-
glossie locale nous conduit à reoorquer que les unités de ccmnunication

- 120 -
gui rEÜ~~t 9\\1 çhamP fonctionnel du français ne sont pas préser-
vées de l'envahissenent par le wolof entre autres causes, du fait
de l' instabilité de la représentation des raIes gui correspcmdent
aux fonctions de cette langue. ce télésoopage des raIes n'est peut
être pas localisable dans les autres contextes diglossiques (carœ-
rounais) , et expliquerait alors la constatation faite par M. CALVET
(1978) sur la nature du français des élèves carrerounais et sénéga-
lais.
Cependant il serait imp:Jrtant de souligner que l' hégénonie du wolof
n'est pas sans susciter elle aussi des réactions de rejets. Un cer-
tain nombre d'intellectuels par réaction ethnique n'ont pas manqué
de rappeler que le Sénégal est un pays multiethnique et que le choix
d'une langue nationale ne saurait se faire sur la seule base de l'au-
dience ou de la décision politique. Des attitudes similaires sont no-
tées lors d'un sondage effectué par le C.L.A.D en milieu anaphabète
(Dl.lM:NI', 1975). A la question "AiJœriez-vous qu'on apprenne une lan-
gue africaine à l'école 7 laquelle 7", les résultats ont fait appa-
raitre que chaque ethnie avait choisi en priorité sa langue. Entre
le wolof et les autres langues nationales, il existerait une situa-
tion potentiellerœnt conflictuelle. qui pour l'heure se trouve en
partie occultée par le rapport français / langues locales.
Le second volet de nos sondages sociolinguistiques va nous pemettre
d'exposer les principaux aspects de ce rapport.

- 121 -
II - LA DIGLOSSIE -
QUI PARLE QUElli IJ\\NGUE, OÙ, QUAND ET AVEC QUI ?
A, ENQUETE VOLET II
a) Hyp:?thèses
Après avoir tenté de décrire comrrent les gens parlent (question
de la phonologie et de la nome) et d'expliquer pourquoi ils par-
lent ainsi (questions de l'interférence et des attitudes et com-
portements), il nous reste à savoir de quelle manière les rœmbres
de la COImUJnauœ font usage des langues en présence. L'objectif
était de parvenir à mieux situer les domaines d'utilisation du
français et des langues vernaculaires, en nous défiant d'emblée
de la notion de stricte complémentarité fonctionnelle de langues
notion qui a servi depuis FERGUSON (1959-1973) et FISHMAN (1970)
à caractériser le plus souvent les situations diglossiques des
zones I1U.Ùtilingues, et que les recherches et observations diver-
ses au sein de ces contextes remettent en question de plus en plus
(GUEUNIER (1978), ST PIERRE, JAZDEL (1969,1974), BEBELGISLER (1974),
WALD (1979)). Sur le terrain, nous nous sc:mœs posé les questions
suivantes:
1) Qui parle le français? dans la mesure où il peut paraitre in-
téressant de savoir avec un peu plus de précision quelles sont
les personnes qui utilisent cette langue, leur origine ethnique,
socioprofessionnelle, leur niveau d'instruction et leur âge.

- 122 -
2) Pourquoi parle-t-on français? quelles sont les rrotivations des
l=uteurs qui entreprennent des interactions en français (rai-
sons professionnelles, rrotivations s=i=ulturelles, s=io-
éconaniques l .
3) Dans quelles circonstances parle-t-on français? Cette langue
se manifeste-t"""€lle
dans d'autres domaines que celui qui lui
est dévolu
en tant que langue officielle? Quelle est l'im-
portance relative d' errploi du français et des langues natio-
nales dans ces divers domaines?
4) Corment le français est-il perÇU dans ses rapports avec les
autres langues nationales et COIlIleIlt les rrembres de la corrrnu-
nauté envisagent-ils le rapport français 1 langues nationales ?
Pour satisfaire à ces interrogations, nous avons élab:Jré une sé-
rie de neuf questions recouvrant le plus possible les objectifs
visés:
Les trois premières sont ferrrées et proposent des possibilités
de réponses panni lesquelles i l faut en choisir une. Celles-ci
sont constituées d' élérœnts qui penœttent de déterminer les
rrodalités d'usage d'une langue (circonstances et fréquences
d'emploi, situations formelles ou informelles d'usage).
Les autres questions, ouvertes, visent à évaluer la dirrension
psychologique ou idéologique susceptible d' apparaitre dans le
rapport l=uteurs 1 langues.

- 123 -
Outre les paramètres utilisés dans le volet l de l'enquête, nous
avons tenu compte du facteur etlmique dans la mesure où il j:Ou-
vait se révéler pertinent pour qui veut appréhender la situation
linguistique dans un contexte rmlltietlmique.
Enfin, signalons que certaines questions (not.anuœnt la première
et la seconde ) se recoupent. Nous les avons formulées ainsi va-
lontairertent de nanière à accroitre la fiabilité de l' instruIœnt.
b) Le questionnaire
Volet I I
~ignerrents
Profession
sexe
Niveau d'études
Etlmie
Langue maternelle
Langue locale parlée
Autre(s) langue(s) locale(s) parlée(s)
Les questions
1) Quelle langue parlez-vous le plus souvent?
- Chez vous (au foyer)
- Entre amis sénégalais
- Dans la rue
Au travail

- 124 -
2) Quand vous êtes entre aItÙS (dans la rue, au thé, etc ... )
parlez-vous français ?
- jamais
- parfois
- très souvent
- toujours
3) a. Avec votre collègue de travail. parlez-vous français?
- jamais
- parfois
- très souvent
- toujours
3) b. Avec votre supérieur hierarchique, parlez-vous français?
- jarrais
- parfois
- très souvent
- toujours
4) Quelle langue avez-vous l'impression de par1er le plus souvent
dans la vie?
- français
- =lof
- autre langue à préciser

- ]25 -
5) Quand vous parlez français, y êtes vous obligé ou le faites
vous volontairerrent ?
- Si oui, si non pourquoi?
6) Quand vous utilisez la langue française, la oonsidérez-vous
COlIIœ votre propre langue ou oorrrre une langue étrangère
.
7) Airrez-vous la langue française?
- Si oui, si non pourquoi ?
8l Souhaiteriez-vous que le français
- soit rerrplacé par une langue nationale : laquelle ?
- Soit naintenue oorrrre telle? pourquoi?
9) Souhaiteriez-vous que le français disparaisse totalerrent du
~?
- Si oui, si non pourquoi?

~
I.
REPARTITION ETHNIQUE ET SOCIOPROFESSIONNELlE DE LA FDPULATION ENQUETEE
CATEGORIE
ORIGINE ETHNIQUE
NC11BRE
NC11BRE
SEXE
PROFESSIONNELLE
A
ELEVEE
62
H 46
F 16
WOLOFS
200
B
MJYENNE
70
H 44
F 26
C
BASSE
68
H 51
F 17
A
ELEyEE
39
H 27
F 12
145
B
MJYENNE
48
H 34
F 14
l--"'"LS TOUCOULEURS
C
BASSE
58
H 39
F 19
1
A
ELEVEE
37
1 H
25
F 12
SERERES
126
B
MJYENNE
43
1 H
33
F 10
1
C
BASSE
46
1 H
38
F
8
l-
--\\---
Ml\\NDINGUES
121
B
-t-
MJYENNE
46
H 37
F
9
1
C
BASSE
23
H 21
F
2
1
1
1
1
------1----
- 1 1 - - - - - - -
A
ELEVEE
34
H 33
F
1
DIOLAS
ll2
B
t-VJYENNE
49
H 41
F
8
C
BASSE
29
H 22
F
7
A
ELEVEE
41
H 37
F
4
CAPVERDIENS
85
B
t-VJYENNE
27
H 18
F
9
C
BASSE
17
H 12
F
5

~
II. POURCENTAGES (PAR CATEGORIE SOCIOPROFESSIONNELLE ET PAR ETHNIE) DES REPONSES OBTENUES
POUR tA QUESHQ\\J W1
CATECDRIES
ETHNIES
sac10
AU FOYER
ENTRE M1IS
DANS LA RUE
AU TRAVAIL
PROFESS IQ\\!NELLE
F
W
F
W
R1
F
W
R1
F
R1
A
4%
96%
WOLOF
2%
87%
11%
0%
96%
4%
89%
11%
B
1%
99%
0%
9J.%
9%
0%
99%
1%
86%
14%
C
0%
100%
0%
97%
3%
0% 100%
0%
71%
29%
F
W
P
F
W
R1
F
W
R~
F
R1
PEULS
A
0%
15% 85%
0%
79%
21%
0% 100%
0%
91%
9%
TOUCOULEURS
B
0%
9% 91%
0%
84%
16%
0% 100%
0%
77%
23%
C
0%
4% 96%
0%
92%
8%
0% 100%
0%
69%
31%
F
W
S
F
W
FW
F
W
R1
F
FW
SERERES
A
3%
34% 63%
1%
89%
10%
0%
98%
2%
93%
7%
B
0%
45% 55%
0%
93%
7%
0% 100%
0%
88%
12%
C
0%
21% 79%
0%
%%
4%
0% 100%
0%
73%
27%
F
W
M
F
W
R1
F
W
R1
F
R1
MANDINGUES
A
0%
9% 81%
0%
71%
29%
0%
97%
3%
%%
4%
B
0%
7% 93%
0%
69%
31%
0% 100%
0%
92%
8%
C
0%
2% 18%
0%
88%
12%
0% 100%
0%
76%
24%
F
W
D
F
W
R1
F
W
R1
F
Roi
DIOtAS
A
0%
7% 93%
~fo 77% 23% 0% 83% 17% 97%
3%
B
0%
0% 100%
86%
14%
0%
89%
Of
11%
§,3%
17%
C
0%
l% 99%
% 9l%
<J%
p<J%
31%
F
W
C
F
W
FW
F
W
FW
F
R1
A
32%
11% 67%
§~ 8% 14%
89% 3~
1%
100%
(%
CAPVERDIENS
B
11%'
0% 89%
3%40%
63%
0%
0
100%
0%
C
3%
4% 93%
31% J2%
57%
22% 78%
0%
100%
0%

- 128 -
III
PouRCENTAGES (PAR CATÉGORIE SOCIOPROFESSIONNELLE ET PAR ETHNIE)
DES RÉPONSES OBTENUES POUR LES QUESTIONS N°2 ET N°3 SUR L'USAGE
DU FRANCAIS EN CONTEXTE FORMEL VS INFORMEL.
OLiESTION W2
"QjAND VOUS ËTES ENTRE AMIS (DANS LA RUE, AU THE, A
LA MAISON) PARLEZ-VOUS FRANCAIS 7"

WOLOFS
CATEffiRIE A
CA1EffiRIE B
CATEC-ŒIE C
- JAMAIS
0%
7%
18%
- PARFOIS
79%
83%
75%
- TRÈS SOUVENT
20%
10%
7%
- TOUJOURS
1%
0%
0%
~
TO
LEURS
- JAMAIS
0%
0%
0%
- PARFOIS
64%
77%
8a%
- TRÈS SOUVENT
35%
23%
15%
- TOUJOURS
0%
0%
0%
SERERES
- JAMAIS
0%
0%
6%
- PARFOIS
69%
81%
84%
- TRES SaJVENT
29%
17%
10%
- TOUJOURS
2%
2%
0%
rwIDINGUES
- JAMAIS
0%
0%
2%
- PARFOIS
59%
68%
75%
- TRES SOUVENT
38%
31%
22%
- TOUJOURS
3%
1%
0%

- 129 -
DIOLAS
CATEGORIE A
CATEGORIE B
CATEGORIE C
- JJI.l'1AIS
0%
0%
0%
- PARFOIS
60%
71%
86%
- TRES SOOVENT
34%
27%
14%
- TOlJJOORS
6%
2%
0%
CAFVERD1ENS
- JJI.l'1AIS
0%
0%
0%
- PARFOIS
7%
21%
51%
- TRES SOlNENT
73%
69%
42%
- TOUJCAJRS
20%
10%
7%

- 130 -
QUESTION W3 A) : /lAlftC VOTRE COUEGUE DE TRAVAIL, PARLEZ-VOUS
FRANCAIS ?/I
,
VKJLOFS
CATEGORIE A
CA1EGORIE B
CA1EC-DRI E C
- JAl-VUS
0
0
0
- PARFOIS
68
74
84
- TRES SOUVENT
22
19
10
- TOUJOURS
10
7
6
1
œJl.S
TOUCOUlEURS
- JAMl\\I S
0
0
2
- PARFOIS
59
67
84
- TRES SOUVENT
33
28
12
- TOUJOURS
8
5
2
SERERES
- JAMl\\I S
0
0
0
- PARFOIS
41
52
64
1
-
TRES SOUVENT
53
44
31
- TOWOURS
6
4
5
1
W'J!)INGUES
=
1
JAMl\\IS
0
0
0
, - PARFOIS.
32
43
61
-: TRES SOJYENT
64
56
38
- TOWOURS
4
1
1
DIOlJl.S
- JAMl\\IS
0
0
0
- PARFOIS
27
39
57
- TRES SŒJVENT
66
58
42
- TOUJOURS
7
3
1
j
CAF\\'ERD l ENS
- JAMl\\IS
0
0
0
- PARFOIS
9
14
19
- TRES SOUVENT
32
48
52
- TOUJOURS
59
38
29
1

- 131 -
QUESTION N"3 B) : "AVEC VOTRE SUPERIEUR HIERARCHIQUE? PARLEZ-VOUS
FRANCAIS ?"
VKJLOFS
CATEffiRIE A
CATEffiRIE B
CATEGORIE C
- JN'VIIS
a
a
8
- PARFOIS
19
29
34
- TRES SOUVENT
42
54
46
- TOWOURS
29
17
12
PEULS
TOUCOULEURS
- JI'>W\\ 1S
a
a
a
- PARFOIS
12
22
28
- TRES SOUVENT
56
42
52
- TOUJOURS
22
36
20
SERERES
- JI'>W\\IS
a
a
a
- PARFOIS
17
26
39
- TRES SOUVENT
60
51
47
- TOUJOURS
23
23
14
f'W'IDINGUES
- JI'>W\\IS
a
a
a
- PARFOIS
21
32
37
- TRES SOUVENT
34
34
52
- TOUJOURS
45
34
il
DIOLAS
- JI'>W\\ 1S
a
a
a
- PARFOIS
16
27
29
- TRES SOUVENT
32
45
51
- TŒJJOURS
52
28
20
1
CAF'VERD l ENS
- JI'>W\\ 1S
a
a
a
- PARFOIS
6
9
12
- TRES SOUVENT
22
21
37
- TOUJOURS
72
70
51
i
i

- 132-
c) Résultats et essai d'interprétation
Les renseignerrents préliminaires sur les langues locales parlées
nous ont pennis d'établir les remarques suivantes:
- Le =lof deIœure la langue rraternelle de la totalité des locu-
teurs d'origine ethnique =lof.
(Nous entendons par langue rra-
ternelle "la langue en usage dans le pays d'origine du locuteur
et que le locuteur a aCXjlÙse dès l'enfance, au cours de son ap-
prentissage du langage" (DDroIS, 1973»).
- 54 locuteurs d'origine ethnique peule et toucouleur déclarent
avoir le =lof corrure langue rraternelle.
- 37 locuteurs d'origine ethnique sérère font la même déclaration.
Ils s'opposent en cela aux locuteurs d'origine ethnique diola, sa-
rakholé, bambara et créole, chez lesquels les pourcentages de per-
sonnes faisant la même déclaration sont netterrent plus bas. Pour
la plupart de ceux-ci, la langue rraternelle s'identifierait à la
langue ethnique. Par ailleurs tous ceux qui déclarent avoir le wo-
lof conne langue rraternelle à la place de la langue ethnique font
partie de la catégorie des plus jetmes enquêtés : 92% d'entre eux
ont entre 16 et 38 ans. En outre tous les locuteurs d'origine ethni-
que autre que le =lof déclarent parler le =lof en plus de leur
langue rraternelle, tandis que quelques 9 locuteurs seulerrent d'ori-
gine ethnique =lof rœntionnent une autre langue que le =lof.
Autrerrent dit si l'ensemble des ethnies locales sont caractérisées

-133-
par le bilinguisrre (langue naternelle et v.ulof) , les =lofs sont
dans leur imrense najorité IlOnolingues. On constate que les 9 su-
jets d'origine ethnique =lof qui se déclarent bilingues ont une
rroyenne d'âge de 53 ans et sont classés dans les catégories socio-
professionnelles élevées et rroyennes. Ils se distinguent par une
plus grande IlObilité professionnelle et géographique : en effet
il s'agit essentiellerœnt d'enseignants (6) et d'agents de l'ad-
ministration publique (3). En raison de leurs déplacerrents à tra-
vers le pays au cours de leur carrière, ils ont sans doute été con-
duits à acquérir une autre langue locale, en plus du v.ulof, leur
langue naternelle.
Suivant ces renarques, nous ]Xluvons dire que le =lof renplit trois
fonctions importantes dans cette col11l1Ul1auté linguistique,:
Elle est langue naterilelle ethnique ]Xlur les =lofs.
Elle est langue naternelle d'adoption ]Xlur certains locuteurs qui
ont perdu très tôt leurs compétences en langue etlmique à cause
d'un usage familial plus fréquent du v.ulof.
Elle est langue seconde ]Xlur les autres, et assure la collllU.lI1ica-
tion interethnique en tant que langue véhiculaire.
La perte ou l'abandon de la langue naternelle ethnique ainsi cons-
taté peut laisser suPJXlser
l' aboutisserrent d'un prooessus de
désetlmicisation des den1ières générations, notarrmmt celles qui
vivent dans les centres urbains où la promiscuité sociale, l'ab-
sence de barrières ethniques et la prédominance du =lof ]Xlurraient
favoriser ce phénomène. Bien sûr ceci n'est qu'une hyp:lthèse qu'on

- 134 -
tire de silnples déclarations de lCOlteurs ; une enquête prenant en
<XX1pte une évaluation effective des conp§tences ou des perfonnances
réelles de ces lCOlteurs penrettrait à notre sens, d'obtenir une
appréciation plus exacte de la situation.
(tableau II)
La répartition fonctionnelle des langues
* Les situations infonrelles *
Au foyer, on observe une tendance manifeste au choix de la lan-
gue rraternelle ethnique. Très peu de lCOlteurs optent pour l' u-
sage du français. Ils sont l=alisables exclusiverœnt dans les
catégories socioprofessionnelles élevées. Le v.ulof est quant à
lui présent dans ces situations, avec un pourcentage qui varie
suivant l'ethnie ou l'âge considéré. Il intègre de manière rela-
tive le dorraine familial toucouleur et sérère plus que les autres
dorraines (rrandingue, diola ou créole) et effecte plus particu-
lièrerrent les jeunes lCOlteurs de ces ethnies. Ce qui serrble con"';
finrer l'hypothèse formulée précédellVrent, à savoir la tendance
à la desethnicisation des jeunes générations. Dans la corrrnunauté
créolophone on peut cependant noter l' inq:x:Jrtance du taux d'usage
du français en milieu familial, rrêrœ s'il décroit au fur et à
rœsure où l'on passe des catégories supérieures aux catégories
IlOins élevées et cela, au profit de la langue créole.
Ibit--on conclure à un attacherœnt plus marqué de ces membres aux
valeurs de prestige social ou culturel du français ? Il faudrait

- 135 -
pour y répondre disposer de données sociolinguistiques plus préci-
ses sur cette COlTlTUlllauté, car celle-ci constitue un îlot linguis-
tique lusophone ou créolophone dont les rrernbres sont implantés au
Sénégal depuis longtemps, au terne d'une migration qui s'est effec-
tuée à partir d'anciennes colonies portugaises (Guinée portugaise
et îles du cap-Vert) vers la presqu'île de Dakar, la Petite côte,
la Gambie et la Casanance. Issus d'un métissage culturel et biolo-
gique qui date de quatre siècles (entre portugais et populations
autochntones, notarment mandingues), ils ont conservé un rrode de
vie familial très pr=he de celui des =cidentaux. Compte tenu de
ces faits, la langue française p:mrrait être pour eux un substitut
de la langue portugaise en tant que véhicule de ces valeurs de pres-
tige, d'autant que cette corrmmauté se trouve intégrée dans les
structures scolaires, s=iales et s=ioprofessionnelles d'un pays
dit francophone.
Entre amis sénégalais, dans la rue.
Au rrotœnt des interactions infornelles telles que discussions entre
amis, on note l' affinnation qu'on utilise le v;olof avec un pourcen-
tage d'utilisation sensiblerœnt égal pour toutes les autres ethnies.
Aucune langue autre que le v;olof et le français n'est llEl1tionnée
dans cette situation (exception faite de 12 locuteurs qui ont dé-
claré parler une langue autre que celle-ci). Toutefois si très peu
de gens déclarent utiliser le français dans ces contextes, beaucoup
d'enquêtés signalent l'usage du français et du v;olof qu'ils notent
"français / v;olof" ou "v;olof / français". Il s'agit ici du discours
à cexJ.e switching répétés dans une rrêrre situation de conmunication.
Nous en reparlerons dans un chapître ultérieur réservé à l'analyse
de ce fait linguistique.

- 136 -
* Les situations formelles *
Pour les situations formelles, nous nous sornœs limités à la si-
tuation de travail étant entendu que d' autres a;.ntextes formels
tels que lieux publics, gares, rrarchés, p:>stes etc ... , retenus
dans les enquêtes classiques (LABOV, 1973) n'ont pas la rrêrre per-
tinence dans le cadre étudié : en effet on s'adresse en ~lof à
un cornœrçant, à un guichetier des PIT ou à un errployé rmmicipal,
vu que la najorité des clients sont des non lettrés. De ce fait
par habitude et par réalisrre, les errployés de ces établisserrents
s'exprirœnt le plus souvent en langue locale lorsqu'ils reçoivent
la clientèle.
Le donaine du travail consacre la prédcrninance du français sur tou-
tes les autres langues. Mais de=ière ces pourcentages relativerrent
élevés, i l inp:>rte qu'on tienne corrpte du statut officiel de la
langue française, susceptible de déterminer le choix des locuteurs.
En effet bien que la question fût en principe ferrrée, bon nombre de
locuteurs ont senti le besoin de justifier leUr choix sur le français.
Ils ont fait apparaitre dans leurs réponses l'idée d'obligation pro-
fessionnelle :
("je suis obligé au travail", "non rrétier m'y oblige",
"onn'a pas le choix", "le français bien sûr", "le français évidernœnt").
A ce niveau, on serait tenté de croire que la corrplérrentarité fonc-
tionnelle des langues est effective : le français serait alors requis
au travail et la langue locale ailleurs, dans des activités tradi-
tionnelles et des situations informelles. Cependant les chiffres ré-
vèlent une part irrportante de locuteurs qui déclarent parler français
et ~lof en situation de travail (tableau II). En outre le pourcentage
" ,

- 137 -
"français - v.<Jlof" s'accroit à rœsure que la hierarchie sociopro-
fessionnelle tend vers le bas. Ceci reviendrait à dire que
_ lorsque '. l'usage du français oral est officiellerœnt requis mais
n'est pas5tricterœnt indispensable au travail de l'individu, celui-
ci tendrait à se servir occasionnellerœnt de la langue locale,
d'ordinaire le v.<Jlof. Ainsi après exarœn des résultats obtenus au-
près des catégories socioprofessionnelles élevées, nous avons pu
noter que la plupart des locuteurs qui avaient rœntionné le "fran-
çais ou le v.<Jlof" étaient
ceux dont la profession les rœt
en rap-·
J:X)rt avec le public (médecins, avocats, fonctionnaires de l' adminis-
tration publique, errployés de banque, etc ... ), par opposition aux
enseignants et aux étudiants qui avaient rœntionné de façon quasi
exclusive le français. Par ailleurs les réJ:X)nses apportées à la
question 3) a-b ("avec votre coolègue de travail, parlez-vous fran-
çais ... ") al:xJutissent aux m2neS remarques. Car si le français est
choisi en situation de travail, i l faut faire la distinction entre
les diverses stratégies adoptées selon les rapports de rôles. Ainsi,
avec son supérieur hierarchique, on parlera "très souvent" ou "tou-
jours" français : entre 80 et 92% des cas suivant les ethnies
tandis qu'avec ses apirs, on parlera "très souvent" ou "toujours"
français: entre 52 et 75%. Le rapport entre "pairs" s'avère moins
forrœl et rroins contraignant et de ce fait autorise l'errploi soit
du code mixte (l'alternance français 1 v.<Jlof) , soit du v.<Jlof.
Nombreux sont les étudiants et les élèves qui ont précisé utiliser
le français avec leurs professeurs et parler français 1 v.<Jlof ou
v.<Jlof entre eux, dans la =ur aussi bien que dans les amphithéâtres
et salles dé classe.

- 138 -
Les nuances observables dans les stratégies de conmunication nous
conduisent à souligner le caractère un peu vague de la question
"quelle langue parlez-vous au travail ?". FOTImllée autrenent,
oelle-ci ]XlUITait rendre davantage canpte des aspects interac-
tionnels dans ce danaine (il aurait fallu établir par exerrple une
suite de questions fermées telles que "quelle langue parlez-vous
avec un dbcteur, un douanier, un reoeveur des IX'stes, etc ... ).
Toujours est-il que les résultats obtenus ici, incitent à rela-
tiviser la notion de canplérrentarité entre le français et les lan-
gues locales, singulièrenent le =lof dans le cadre qui nous in-
téresse.S· il est la langue de travail, le français rerrplit surtout
une fonction syrrdJolique : il sera le plus souvent utilisé lorsqu' il
convient de marquer une distance, un rapport solennel d'autorité
ou le caractère officiel d'une situation.
La question nO 2 ("quand vous êtes entre amis sénégalais, parlez-
vous français ?"). Forrm.ùée autrenent, elle visait le m§rre but que
la première question. Elle a permis de constater que d'une manière
générale ceux qui ont déclaré utiliser "parfois" ·le français en
situation infonœlle co=eslX'ndent à ceux qui ont rrentionné l'usa-
ge fréquent du =lof ou des langues locales dans ces m§rres situa-
tions. Néannoins nous avons pu repérer bon nombre de déclarations
contradictoires ; elles concernent des locuteurs qui ont souligné
la rrention "très souvent" ou "toujours", alors qu'ils ont déclaré
partout ailleurs dans ces m§rres situations faire usage "le plus
scuvent" du =lof. Nous avons d'abord pensé à un
ll\\3ll:]Ue de rigueur
dans le traiteIœnt du questionnaire. Mais l'origine socioprofession-
nelle de ces locuteurs nous a conduit à interpréter ces faits sous

- 139 .:-
l'angle psychologique : on ]X>urrait alors les traduire carrure un
acte à valeur SOCi06ymbolique, qui fait apparaitre à nouveau l' am-
bivalence des sentirrents que suscite la langue auprès des locuteurs.
Et dans ce cas précis, la signification de ces faits jX>Urrait être
miseçenJ:'app:lrt avec les observations faites par WArD (1979) lors
d'une enquête effectuée en Centrafrique. En effet à la question
"avec qui parle t-on français ?", à côté des ré]X>nses attendues du
type "avec un supérieur" et les évocations des situations officielles,
i l était égalerœnt et invariablerœnt ré]X>ndu "entre amis". Cela rœ-
Ire chez des pô"rsonnes dont la ]X>sition sociale et la distance à la
norrœ scclaire donnaient à SUpp:lser un usage en fait r:;eu fréquent.
On attendait des ré]X>nses à la question nO 4 "quelle langue avez-
vous l'iltipression de parler le plus souvent dans la rue ?", qu'elles
fussent la synthèse des différentes ré]X>nses app:lrtées aux questions
nO 1 et 3, sans autre considération particulière. ra quasi totalité
des locuteurs ont IT'eI1tionné soit le Y.Dlof (67%) soit le français
(31%)
; les locuteurs restants, faisant référence aux autres lan-
gues locales, ou à la fois au wolof et au français, sans que l'on
puisse déterminer la priorité accordée à l'une ou à l'autre langue
à rroins qu'ils n'aient voulu par1er de l'usage mixte que nous avons
signalé plus haut.
~rt entre la langue française et les locuteurs.
- Français langue étrangère ou langue locale ?
- Français langue de camnunication ou langue de culture ?

- JLIO -
En p:Jsant la question na 5 "quand vous parlez français y êtes vous
obligé ou le faites vous volont.airernent ?", nouS visions à déter-
miner l' inpaet psychologique qui revêt l'utilisation du français
dans les différents domaines où le oonfinent les l=uteurs. Dans
cet esprit nous avions mis cette question en =rrélation avec la
question nO 6 "quand vous utilisez la langue française, la =nsi-
dérez-vous a::mre votre propre langue ?". IDus espérions obtenir
un rapp:Jrt syrrétrique des rép:Jnses entre les deux questions. L' ob-
jeetif était de savoir si
1) les l=uteurs qui estirraient utiliser le français par obligation
seraient les rrêrres qui =nsidéreraient la langue française com-
me une langue étrangère.
2) les l=uteurs qui déclaraient utiliser cette langue volontaire-
,
ment seraient ceux qui :déclareraier1l1a ressentir comme étant leur
propre langue.
Ce ne fut pas le cas, car la majorité des l=uteurs, toutes catégo-
ries =nfondues, déclare considérer la langue française =rrrre une
langue étrangère (82%). De ce fait, seule la question nO 5 nous a
senù:Jlé pertinente. En effet les résultats ont révélé que la dis-
tance observée par les l=uteurs vis à vis du français (usage obli-
gé ou volontaire) s'évalue en fonction de leur p:Jsition sur l'échi-
quier socioprofessionnel : en sorme, plus l' individu a de perspec-
tives dans la hierarchie, plus il manifesterait son attacherœnt à
la langue française ; et plus l'individu est hierarchiquement bien
placé, plus i l semblerait prendre du recul vis à vis d'elle, puis-
qu'il déclare n'utiliser le français que par obligation profession-
nelle. Les jeunes seraient plus marqués par ce recul vis à vis de

- 141
la langue , , excepté ceux dont le nodèle éducatif implique un usage
maximum du français. Ces tendances se reflètent dans les rrotivations
des locuteurs quant à la place qu'ils accordent au français, à tra-
vers les réponses à la question nO 7
~,ailrez-vous
le français,
si oui, si non p::ru.rquoi ?".
La grande rrajorité des locuteurs ont répondu par l'affirrrative
(86%) .
Panni ceux qui ont répondu affirrrativerœnt, on peut distinguer en
examinant les raisons avancées :
1) les locuteurs qui rrettent en évidence des rrotifs d'ordre utili-
taire ou instrurrental. Ils correspondent globalerrent aux caté-
gories socioprofessionnelles élevées voire llOyenneS.
2) les locuteurs pour qui le français est un rroyen de parfaire
leur forrration professionnelle ou leur culture. Ils correspon-
dent aux catégories basses voire rroyennes.
3) ceux pour qui le français est le rroyen d'expression qu'ils rraî-
trisent le mieux.
Concernant les locuteurs qui ont répondu négativerrent (18%), la plu-
part justifient leur réticence par des argurrents de type idéologi-
que : "non parce qu'il ne rre plait pas, c 1est une langue de domi-
nation", "elle ne m'est pas indispensable, j'ai rra propre langue"
etc ... Ces locuteurs relèvent dans leur intégràlitéôœsocatégoc:œs
socioprofessionnelles élevées et sont essentiellement composés de
jeunes (entre 19 et 37 ans). Ce type d'attitudes confirrre le fait
déjà rerrarqué par MACKEY (1979) que bien qu'une compétence élevée
soit préalable à toute utilisation effective de la langue, elle ne

- 142 -
peut guère à elle seule rrotiver cette utilisation, car il y a des
forces qui refoulent le désir de faire valoir sa compétence lin-
guistique, en l'occurrence ici le facteur idéologique.
D'autres locuteurs invoquent des raisons d'ordre linguistique
"le français est ùne langue trop difficile", "c'est une langue
complexe, trop compliquée". ces derniers appartiennent, quant à
eux, aux catégories socioprofessionnelles les plus basses. Nombre
d'entre eux déclarent utiliser très peu le français au travail.
cette attitude négative de leur part dérrontre sans doute l'éviden-
ce que le niveau de CClllp§tence est décisif pour l'usage d'une lan-
gue. Ainsi, ceux qui terminent leurs études avec une compétence
rroyenne, voire insuffisante, ont tendance à utiliser très rareJœnt
cette langue. De plus, s'ils reviennent à des activités subalternes,
on conçoit très bien que le français soit de peu d'utilité.
Le français et le \\\\UlofL
Question n° 8 "souhaiteriez-vous que le français soit rerrplacé par
le wolof comœ langue officielle, soit maintenue COITlllE telle?
pourquoi ?".
On distingue deux choix
1) ceux qui optent pour le maintien du français.
2) ceux qui optent pour son rerrplaœrrent par la langue wolof.
Nous nous somres rendu compte que la Iranière dont la question était
fonm.ùée, risquait de canaliser les réponses dans une alternative
français 1 wolof, masquant éventuellerrent un certain nombre

- 143 -
d'aspirations ethno-culturelles. Néa:ruroins, le dép::millerœnt des
réponses nous a pennis de =nstater que ces aspirations ont pu
être largerœnt expr:illées par les locuteurs qui ont su outrepasser
les linù.tes auxquelles leur semblait astreindre cette alternative.
Quant aux choix, les argurrents avancés pour les étayer sont assez
diversifiés ; mais i l est possible d'en établir la synthèse.
D'une Il'anière générale, ceux qui optent pour le premier terne de
l'alternative, à savoir le choix du '-'Dlof , constituent 21 % de
l'ensemble des locuteurs. Ils justifient leur réponse par le
fait que le '-'Dlof est la langue majoritairerœnt parlée au Sénégal.
Aux constats de type statistique "le '-'Dlof est la langue la plus
parlée au Sénégal", "parce que la quasi totalité du pays parle
w::>lof alors que le français est parlé par une minorité", viennent s'a-
ajouter les argurrents idéologiquerœnt plus orientés : "cela penret-
tra l'accélération de l'analphabétisation non seulerœnt, mais sera
accessible à toutes les =uches sociales", "oui parce que cela fa-
ciliterait les rapports entre les intellectuels et les analphabètes
et aiderait ces derniers à mieux corrq:>rendre la vie politique de leur
pays", "on supprirrerait les corvées administratives".
D'autres argurrents relèvent plus précisérrent d'un souci d'identité
culturelle, comre ceux-ci: "parce que nous ne sorrrœs pas des fran-
çais", "parce qu'il y a l e problèrre des racines rrêrres". Notons que
dans ce groupe aucune réserve n'a été émise quant aux m:xlalités d' ap-
plication de ce choix, c'est à dire la prise en compte du facteur
multiethnique par exemple. Un locuteur a rrêrœ tenu à préciser son
point de vue : "oui, à =ndition de ne retenir que le '-'Dlof corrrœ
langue officielle et de l'améliorer".

- 144 -
- I.e rraintien du français corme langue officielle a été retenu rar
77% des locuteurs. Ces derniers rœttent essentiellerrent l'accent
sur deux ]Xlints :
1) le facteur multiethnique et le souci d'un ]Xllitique linguistique
équitable en zone Ilulltilingue : les ré]Xlnses tournent autour
d'argt.rrœnts o::mre ceux-ci : "le =lof n'est pas la seule langue
parlée au Sénégal", "à cause des problèrœs ethniques, aUCllile
langue ne saurait rerrplacer le français". "le français nous per-
rœt de coImU.llliquer entre nous, =lofs, sérères, toucouleurs,
etc ... ", "par cormodité, et ensuite tous les sénégalais de 1982
ne parlent pas =lof".
2) le rôle international du français, particulièrerœnt dans les
rapjXlrts interafricains et internationaux.
Paramètre ethnique et socioprofessionnel
Panni ceux qui souhaitent le remplacerrent du français par la langue
nationale =lof, si la IlI3.jorité est de langue I!'aternelle =lof (69%).
On relève cependant bon nombre d' élérrents de langue IlI3.ternelle autre.
Ils appartiennent ]Xlur l'essentiel (92%) aux catégories socioprofes-
sionnelles supérieures et l1Oyennes.
Panni ceux qui optent jXlUr le maintien du français ccmœ langue offi-
cielle' on note une IlI3.jorité d'individus de langue rratemelle autre
que le =lof toutes catégories confondues (76%)
; les =lofs qui y sont
représentés (24%) appartiennent aux catégories socioprofessionnelles
llDyennes et basses.
Ceci nous conduit à la rerrarque suivante

- 145 -
- Devant l'enjeu fOlitique impliqué prr la question n° 8 (le choix
d'une langue nationale officielle), on peut noter que ce n'est
plus seulezœnt l'apprrtenance s=ioprofessionnelle qui derœure
pertinente llBis aussi le sent:ilœnt de l' apprrtenance ethnique.
La question nO 9 "souhaiteriez-vous que le français disparaisse
totalezœnt du Sénégal? si oui. si non pourquoi ?" reste très liée
à la question précédente. Elle devait nous peIID2ttre d'exploiter de
façon plus fiable cette rrêIœ question. Presque tous les locuteurs
ont répJndu négativerœnt (98% des réfOnses), ce qui constitue l'u-
nique éléIœnt de convergence. Pour la plupart des locuteurs des
catégories socioprofessionnelles élevées, ce qui plaide en faveur
du français est essentiellerœnt son caractère utilitaire et instru-
rrental. Elle est une langue de travail et de communication inter-
nationale, la seule dont disfOsent les nations africaines franco-
phones pJur leurs relations s=iales, éconc:rniques, pJlitiques et
scientifiques. On note très peu de références aux fonctions cultu-
relles ou éducatives. Ceux qui les rrentionnent sont les rrênes qui
la =nsidèrent cc:mre leur propre langue mate=elle parce qu'inté-
grée dans leur cadre de vie familial. Les fenmes insistent teaucoup
plus sur l'éducation scolaire des enfants. Elles rejoignent en cela
certains rrernbres des catégories socioprofessionnelles rroyennes et
basses qui ont fait apparaitre le facteur prollDtion sociale. Les
éléIœnts des catégories les plus élevées qui n'ont pas souligné
C'QIIIl'e
leurs pairs le caractère utilitaire du français ont plutôt
mis l'accent sur le facteur trait d'union entre les ethnies. Il y
a là un prradoxe apparent: peut-an brandir la multiplicité ethnique
rour justifier le maintien du français alors que la réalité

- J46 -
linguistique laisse apparaitre le fait que le w:>lof assure des
fonctions véhiculaires internes netterœnt plus évidentes que
celles du français (cf. nos résultats)? En réalité la reconnais-
sance de ce rôle qlIC\\Si fictif au français s'expliquerait par me
attitude ethN-que de refus façe à l' hégérronie de la langue w:>lof
au plan local. D'ailleurs ces raisons sont exclusivenent avancées
pa,r: de~ locuteurs de langue materpelle non w:>lof - ; ce qui dénote
cI)ez eux un besoin de défense d'intérêts ethniques et culturels
qui leur S8!llblent être (fEI1acés par l'essor de la langue w:>lof.
SignalO~ enfin que, quel que soit le group::! concerné, tous les
enquêtés ont souligné de façon prioritaire ou secondaire, le rôle
du français en tant que langue internationale,
(excepté les 2% de
locuteurs dont l'attitude de refus vis à vis du français est to-
tale) .
SYNI'HESE
L'analyse des résultats suivant les situations de conmmication et
d'emploi, rrontre que lorsque le français est une langue massiverrent
utilisée. elle ne l'est que dans le contexte du travail ou de rap-
ports officiels. Et rrêrœ dans ces cas, l'usage du français bien
que requis. n'est pas systématique : tout dép::!nd des rapp:::>rts de
rôles qu'entretiennent lTUltuellerœnt les locuteurs : on a vu que
le corrg:>orterrent verbal d'un locuteur pouvait changer selon qu'il
s'adresse à son supérieur hierarchique ou à son collègue ; on re-
marque ainsi une infiltration relativenent sensible de la langue

locale dans illl domaine qui était l'exclusivité du français. Les
situations fonœlles n' :iIrq:lliquent plus de la part du locuteur l' a-
doption d' illle stratégie llllique de cClll1l1Ullication et qui se réduirait
à l' erII'loi d' illle seule langue, celle qui est légitimée dans ce do-
maine. Hors de toute contrainte, dans le cadre familial, amical,
dans toute autre situation infonœlle, la langue nationale (et prin-
cipalerrent le v.ulof) tend à assurer la corrmunication ; en outre rap-
pelons que le chevaucherrent des codes linguistiques intervient alors
que la langue v.ulof ne ]Xlssède pas illl statut officiel et n'est soute-
nue par aucune instance superstructurelle.
Toutefois parler français reut être ressenti par certains <XlIl1lre illl
besoin réel de comnunication, soit ]Xlur a=roitre sa fonnation ou
sa culture, soit parce que cette langue est intégrée à son environ-
nerrent familial. Accroitre sa fonnation et sa culture, c'est assurer
sa prorrotion sociale dans la rresure où celle-ci reste très liée à
la langue officielle. C'est ce à quoi aspirent les catégories ffiocio-
professionnelles basses et rroyennes.
Pour d'autres, on parle français au travail, nais encore chez soi,
entre amis etc •.. Le français derœure une langue de culture et d'é-
ducation. C'est le cas de certaines couches très limitées de la
petite bourgeoisie intellectuelle et bureaucrrtique.
fOur le reste,
(et c'est reut être une tendance qui s'affinœ de plus
en plus chez les lettrés) i l s'agit de restituer au français sa fonc-
tion instrurrentale. Le français est perçu corme illl syrnlx:>le de sépara-
tion : "sa connaissance plus ou rroins heureuse ou sa méconnaissance
serait illle sorte de barrière des]Xltique qui ouvre à certains droits

- 148 -
ou ferrre l'accès à jamais". L'aliénation culturelle reste aussi un
bon rrotif pour prendre ses distances à l'égard de cette langue.
Nous avons noté dans l'enquête que teaucoup de locuteurs qui a-
vaient tous les rroyens (=tpétences liées au niveau d'études, au
dipl&re, à la position hierarchique) d'utiliser le français dans
des domaines non forrœls, avaient déclaré avec insistance faire
usage d'une langue locale. Et cela contraste avec l'avis d'autres
locuteurs dont les corrp'itences ne laissaient pas croire qu'ils uti-
lisent la langue française dans les llÊIœs situations. Au tenœ de
nos analyses nous avons avancé l'hypothèse qu'il Y aurait derrière
ces CCllTpJrterrents, deux types de rapports vis à vis de la langue
qui caractériseraient l'ambivalence des attitudes linguistiques des
locuteurs : d'un côté des rapports d 'hostilité pour des raisons
idéologiques, de l'autre des rapports d'attirance pour des raisons
sociales. C'est aussi l'idée qu'on pourrait tirer de la remarque cie
J.P MEOUKOU (1973
) lorsqu'il souligne que "si pour les"grands",
la possession de l'écriture et du verte français est un rroyen de
domination, pour les "petits" et le reste de la population franco-
phone, parler français est une joie. Pour ceux-là la langue fran-
çaise ,'est plus liée à la situation coloniale".
Un professeur français de l'université de DAKAR faisait la décla-
ration suivante dans Le M:mde daté du 4 août 1982 : "Au Sénégal,
les étudiants nourrissent une certaine agressivité contre le fran-
çais, le résultat c'est que nous avons de très bons étudiants en
anglais et de mauvais en français".

- 149 -
Cette absence de plus en plus manifeste d'engouement à l'égard de
la langue française ne saurait s'expliquer par la faveur dont béné-
ficient les études scientifiques, ni par la concurrence de l'anglais.
Il découle à notre sens de la llDntée des aspirations nationalistes
(auxquelles nous avons déjà fait allusion) et des conditions socio-
économiques actuelles :
L'exten&ion relative de l'enseignement et de la fonnation a fait
que l'accès aux études secondaires et universitaires n'est plus un
privilège réservé à une catégorie restreinte d'individus. Elle im-
plique un nOlTÙ:>re de plus en plus important de diplômés de tous ni-
veaux, à la recherche d'emploi. Or les demandes d'emploi sont déjà
trop nombreuses par rapt:Ort aux postes à pourvoir dans ce domaine.
Aujourd'hui le statut de "lettré" garantit llDinS qu'on ne le pense
l'accès à une position sociale de choix, au regard des premières
périodes qui ont suivi l'indépendance du pays. Nous pensons que ces
facteurs politiques et socioéconomiques sont déterminants dans les
mutations sociolinguistiques observables au niveau local.
Dès lors la situation dont nous venons d'esquisser les con-
tours, est-elle conforne aux données qui caractérisent la diglossie
au sens classique (statut sociopolitique, stabilité, etc ... ) ?
Dans le contexte actuel, il parrait difficile de définir le statut
du français et des langues locales (singulièrement le wlof) en
terne de "variété élevée" et de "variété basse". La langue officielle
et la langue locale véhiculent toutes les deux des fornes de pres-
tige tout aussi ccnsidérables pour les rœrnbres de la ccmmunauté.

- 150 -
En outre les attitudes négatives à l'égard du français signifient
en retour un attacherrent de plus en plus marqué au =lof qui SyiC'-xJc-,
lise ainsi les valeurs sociales traditionnelles et nationales.
Les marques les plus significatives de ce phénomène sent pour ne
citer que quelques exerrq:>les supplérrentaires :
la multiplication des émissions en =lof à la radio et à la télé-
vision.
- la tendance relativerrent récente chez les homœs politiques et
les élites gouvernerrentales à utiliser le \\..ulof dans leurs dis-
cours et allocutions publiques (les dernières carrq:>agnes électo-
rales présidentielles et législatives en térroignent). Ces do-
maines, il Y a très feU de temps encore, étaient réservés au
français.
- le fait symlx>lique que tous les journaux de l' opposition (partis
de gauche et partis conservateurs) portent des noms w::üofs :
"TAXA~"l1l : "le redresserrent ll
IITAKUSAANII :
"coucher du soleil Il
"JAI.ARBI"
:
Ille ~changerœnt'r
"JAYDJLEBI II
:
"le prolétaire Il ,
à
côté du quotidien national officiel "le seleil".
Enfin l' éIœrgence du discours mixte dans les situations infonrelles
et fornelles invalide la thèse de la corrplérrentarité des fonctions
de ces deux langues (nous reviendrons plus loin sur ce phénomène
du discours mixte). Dans tous les cas ce dernier point accrédite
l'aspect plutôt conflictuel que stable de ta situation. Du reste
cette évolution particulière de la diglossie a été bien perçue par

- 151 -
FISHt-lAN dans sa théorie des "rapjX)rts de rôles linguistiques"
(1971)
"Deux ou plusieurs variétés qui ont la rrêrœ fonction sociale peu-
vent arriver difficilerrent à sa maintenir en rrêrœ temps ; l'une est
appelée à supporter l' autre~ Ailleurs i l précise qu'en l'absence de
nomes et de valeurs séparées, mais complérrentaires, pour établir
et maintenir la distinction fonctionnelle des variétés, ce sera la
langue ou la variété qui a la chance d'être associée au courant pre-
dominant des forces sociales qui supplantera et remplacera les autres.
Toutefois, toujours selon FISffi1AN, cette situation peut donner nais-
sance à un pidgin, "cristallisation de nouvelles fusions des langues
ou des variétés".
ceci nous conduit à poser la question de savoir si à partir du con-
tact du w::llof et du français se développe un processus de pidgini-
sation. Un ~xamen global des faits d'interférence et d'alternance
linguistique nous perrrettra d'apporter un début de réponse.
Avant tout i l est nécessaire de distinguer le phénomène plus
classique qu'est l'emprunt de celui plus complexe qu'est l'alter-
nance linguistique. selon le dictionnaire de linguistique Larousse
(DUBOIS, 1973), <il y a emprunt linguistique quand un parler A uti-
lise et finit par intégrer une unité ou un trait linguitique qui
,,
existait préalablerrent dans un parler B et que A ne possédait pas.

-152 -
Si l'on adopte cette définition l' empnmt reste observable au
Sénégal et partout ailleurs en Afrique fran=phone. Dans ce cas,
il s'agit de suppléer à un manque pour les locuteurs vernacu-
laires. Il apparait sous la pression de tenres nouveaux et de si-
tuations qui ne renvoient pas au charrq:> lexi=-sérrantique des réa-
lités dont la langue africaine est le support. L'empnmt tend à
couvrir les domaines qui sont propres à l'autre langue : politioue,
administratif, technologique, culinaire rroderne etc ... Par ailleurs
ces ternES sont généralerœnt intégrés aux structures phonétiques
locales : la lexicclogie les classe dans la catégoried:'les' emp:rui1ts
directs
par nécessité. cet empnmt est d'autant plusa:xnpréhensi-·
ble que les autres solutions pour suppléer à ce lffillC!Ue ne sont nas
envisageables: en effet, il apparait difficile dans les =nditiof's
actuelles de l'oralité, de devoir procéder par dérivation lexicale
à partir des racines locales pour remplacer le vocabulaire ernr>nlnté
(les problèrres de la nornalisation et de la =dification des lan-
gues locales n'étant pas encore entièrerœnt résolus). C'est pour-
quoi tous les ernpnmts aujourd 'hui observables au niveau local se
trouvent être des ernpnmts directs ; nous donnons ci-dessous quel-
ques exemples en guise d'illustration.
Habitat rroderne
Métiers
falantéér
-,
fenêtre
doktcor
_ 7
docteur
fiwarsirnoQ
-.,. fibro-cirnent
rninise
_ 7
rœnuisier
étài1.j
- >
étage
à\\o,Qk~
_ 7
avocat
D:lrraine culinaire et gastronomique
à set
assiette
tusune
_ 7
cuisinier

- 153 -
palat
-"7
plat
p:xnpiteer
-~
JX'rrIœ de terre
furset
-~
fourchette
binéégclr
-.,.
vinaigre
cinwMr
-~
é = i r e
firit
_ " 7
frites
salat
- ~
salade
etc ...
Ainsi, à partir du rrorrent où, corme le dit DUMJNT (1975) il est
naturellerrent une cause :iJrrp::Jrtante de l' évolution des langues,
l'emprunt revêt nécessairerrent un aspect diacronique : ceciest
d'autant plus intéressant dans le cas du wlof, que corme toutes
les langues à tradition orale, celle-ci est difficilerrent analysable
sur le plan diacronigue. Il arrive néanrroins que l'on puisse dater
de façon relativerœnt précise certains emprunts faits par le ,-Kr
lof à l'arabe, au JX'rtugais, au français ou à l'anglais. /lais est-
ce que le wolof a largerrent emprunté au français? JX'ur y réJX'ndre,
il faudrait des données objectives sur la base d'un sondage judi-
cieuserœnt différencié. Si l'on considère corrrre emprunts des rots
qui ne sont pas plaqués sur le lexique, ltI3is intégrés selon les
exigences de la phonologie et de la formation des rrots, l' ilnpres-
sion est alors que l' aPJXlrt d'emprunts français est relativerrent
restreint, à cause précisérrent de la diglossie gui maintient ,,10-
balerœnt l'une et l'autre langue dans des domaines sémantiques
gui se sont installés au cours de l'usage, dans une relation de
complérrentarité. Mais tout ceci est valable rour le wolof fonda-
rœntal, terne d'une diglossie nationale gui corrrre le précise
FISHMAN (1 971) n' ilnplique pas un bilinguisrre répandu panni les
JX'pulations rurales ou les groupes récerment urbanisés et anal-
phabètes. Le problène est alors différent lorsqu'il se raPJXlrte

- 154 -
aux contextes urbains et concerne plus particulièrerœnt les )XlPU-
lations scolarisées de ces structures. le comprterœnt linguisti-
que de ces groupes renvoie dès lors à une définition de l'emprunt
(DUBOIS, 1974) dont les caractéristiques sont les suivantes :
- absence d'intégration phonétique et Il'Orphologique, impliquée par
la maîtrise relative des deux systèrres, et une certaine affecta-
tion de la part du sujet parlant.
- le parler A est sul:rœrgé par B (langue seconde) .
Nous dépassons le niveau de l'emprunt classique ]Xlur nous retrou-
ver face à un phénorrène aux appellations multiples : l'alternance
linguistique, le mixage, le rœlange ou le code swithching ]Xlur
reprendre la terminologie en vigueur dans la s=iolinguistique
nord arœricaine : (nous nous contenterons de la première appella-
tion) .
L'exemple du phénorœne qu'est l'alternance mérite qu'on s'y
arrête, vu que jusqu'ici les études s=iolinguistiques n'ont pas
accordé beaucoup d' inp:Jrtance au sujet, si l'on excepte la pré-
sentation qu'en fait FISHMAN (1971), à partir d' une analyse d' ex-
traits de conversations de minorités linguistiques (Porto-Ricains)
New Yorkais. les rerrarques s]Xlradiques qui font référence à ce pro-
blèrœ, au sujet des contextes diglossiques, tendent à relever son
caractère aléatoire et imprédictible au niveau du procès de l'é-
nonciation :
MANESSY
(1978): "En effet chez des sujets qui ont les rreilleurs
raisons de conserver intacte leur aptitude à parler uniquerrent et

- 155 -
correcterrent le français, se prcxîuit fréquemrrent dans des situa-
tions qui n'exigent pas qu'une attention particulière soit portée
à la fonre du discours l'alternance 19 l 19 II.
Cette alternance n'est pas liée au choix du sujet, ni au style d'é-
locution, ni à l'attitude du locuteur vis à vis de son auditoire.
Sans rrotif apparent, une phrase conrrencée en langue A se poursuit
en langue B pour se tenniner en langue A, selon des rrodalités' ~i
tiennent aux caractéristiques structurales de l'une et de l'autre,
sans intention délibérée de la part du locuteur et souvent:isms
que l'auditeur y ait lui rrêm= prêté attention".
Il va sans dire que ces réflexions reposent sur un jugerœntr:qui
fait davantage appel aux impressions premières qu'à une observa-
tion plus détaillée di discours ; car s'il est vrai que toubidis-
cours obéit à une logique psycho-sémantique profonde, ilœvrait
être possible si l'lollle prédire les rrodalités d'occurrence de l'al-
ternance Linguistique, tout au rroins d'en détenniner quelcpES rai-
sons explicatives. C'est ce que nous allons tenter de faire· ra: l' é-
tude qui portera sur les rrodalités de l'énonciation dans le
dis-
cours mixte.

- 156 -
PARTIE III
LEs MODALITES DE L'ENONCIATION DANS LE DISCOURS MIXTE
A. PRESENTATION DU CORPUS
Le oorpus qui a servi de base à nos remarques sur l'alternance
est l'enregistrerœnt de conversation. Il s'agit d'un entretien
entre quatre locuteurs. Nous nous trolNions en cx:>rrp3.gnie de ces
derniers qui ont l'habitude de se réunir les après-midi de fin
de semllne pour prendre le "traditionnel" thé sénégalais, prétex-
te dlJ).discussions à bâtons rcrrplS sur des thèrœs variés. Nous a-
vons pensé qu' i l Y avait là une tonne occasion de recueillir un
corpus susceptible de satisfaire aux conditions optiJrales d'une
situation de corrmmication infonœlle : le cadre était amical et
les entretiens n'étaient pas directifs : nous les avons enregistrés
au nayen d'un I1Bgnétophone minuscule dissimulé à l'intérieur d'une
poche. Nous avons retenu la conversation qui nous paraissait la
plus structurée et la plus cohérente : les locuteurs ont fait preu-
ve d'autodiscipline dans les prises de paroles successives et "ont
plus ou nains observé les limites du thèrœ de l'interaction.
Dans le corpus les quatre locuteurs sont désignés par les lettres
alphabétiques A, B, C et D. Ils constituent un groupe relativement
honogène du point de vue socioprofessionnel.
DESIGNATION
AGE
PROFESSION
SEXE
A
21 ans
Etudiant
Honue
B
34 ans
Enseignant
Homre
C
29 ans
Ingénieur
Homœ
D
31 ans
Fonctionnaire
Fernré

-157-
La transcription des séquences w:>lofs s'est faite suivant les rè-
gles officielles déjà définies au chapitre consacré à la "situa-
tion linguistique"
In:lications sormaires à prop:?s de la transcription des séquencEs
en wolof
,
- Le signe 1\\
équivaut au tilde sur le Inl : 1111
- Le signe I!JI est un phonèrrE dorsovélaire qui se réalise entre
le ln KI et le 1n.9 l, il peut s'écrire ii. :
exemple
~èlclm ;
fuam
- Le signe Ixl équivaut à la "jota" espagnole corme dans "ija"
* Les phonèrrEs
lii/ léél
leel
1001
servent à transcrire
les voyelles longues.
* Iml 1001 Injl Ingl Inti lrù<1 Inql sont des oonsonnes pré-
nasalisées, appelés conplexes nasals.

- 158 -
fi, LE CORPUS
4 LOCUTEURS
A - B - C - D,
Les crochets cc=esp:mdent aux traductions des énoncés =lofs.
Al
- Il faut nécessairerrent que NUY KOIABORE, NUY JENDANI'E
,
AK DlJAYANI'E AK YOOYU, mais NAK il faut nécessairerrent
que ce soit sur des rapp:Jrts sains.
[Il faut nécessairerrent qu'on collatore, qu'on ait des
relations cornœrciales .. .J
B1
- MANN SAX je pense que ni
[I\\l reste, rroi je pense que]
- Regarde l'Angola, il a de très bonnes relations ...
"
B2
- Mais l'Angola, BENEEN fome d' iJrq:Jérialisrre MXlFA INSTALLE
wu : ils font appel aux Arréricains maintenant, une fois
qu'ils aient chassé les Russes!
[MaiS en Angola, c'est une autre fome cl' iJrq:Jérialisrre qui
s' y est installée .. .J
,-
A3
- Non
DAXUNURUSSYI
J
[ Non
ils n'ont pas chassé les Russes

- 159 -
"
B3
- Fome DAX lANLEEN DAX REl<
LMais si c'est une fome d'expulsion en quelque sorte D
C1
- Mais si on =mœrcialisait nombre de produitslDcaux ?
Malheureuserrent "LF.A" a fait des recherches, tu vois!
Bon nais actuellerrent MU NGI FCOFU DML ! Y a aucun
chef d'entreprise qui est venu les voir pour leur de-
mander de lancer leurs produits.
[ Mais actuellerrent il n'en est rien !J
D1
- Je pense que MANrALITEYIIA, on ne peut pas débattre ...
Je pense que c'est un problèrre de rrentalités
C2
- Mais non ! au =ntraire : parce qu'en Chine ils ont
réussi ça avec la révolution culturelle, alors OCDn a
qu'à faire la rrêrre chose!
B4
- Sur les problèrœs de =nsonmation là ... rragnétos=pes,
jus de fruits, tout ça han ! MANN je pense que NE c'est
secondaire, c'est au second plan: par exemple quand un
régirœ cormn.miste s'installe au Sénégal, ce qu'il doit
proposer ... MANN je t'entends bien quand tu dis "on na-
tionalise, on socialise, on ... ".
A4
- WANII, YOiI RAY si tu rre donnes des preuves, deslIOpositions
=ncrètes ...
Oui, eh bien, toi

-160-
BS
MANN ce que je t'ai donné, ce n'est pas des prO]Xlsi-
tions ooncrètes ? C'est pas clair? Qu'est ce que tu
veux encore cornre détails ? Quand on nationalise les
grandes unités de productions, ça c'est pas unep:o-
]Xlsition ooncrète ?
B6
Mais le Sénégal ne produit rien ! le Sénégal ne produit
rien ! de toute façaon en tant que Sénégalais, nous ne
pouvons rien faire indépendaIment des capitaux étran-
gers.
A6
- les phosphates de Taïba c'est rien ?
A
A
~
D2
- DANUNE nous SOllIleS pauvres, AMIJNU DAM, YAlAA NUKOI'EK!
r Il faut dire gue nous sc:mres pauvres, nous n'avonsJ
rien, c'est notre sort !
B7
- Mais bien sûr gu' on n'est pas naturellerrent pauvrES !
ça je n'en disoonviens pas, mais on est très pauvre
technologiguerrent, c'est un fait!
A7
- Mais la technologie on l' irrq:orte.
D3
- OUi, mais ils ne donnent pas ça
BS
- 'Ibi qui parles de Taïba, les prosphates, gu' est ce que
tu peux en faire ? les phosphates de Taïba, c'est rien
indépendarnœnt des capitaux étrangers !

- 161 -
,
D4
- GAYI TEKN:lLOGI BI D\\JNlJLAKO JOX MUKK
[LeS gars, ils ne te donneront jarrais la technolog;e]
C3
- Ehh
TANZANEE NGI NIl
NERERE ah !!
Et la Tanzanie alors ? Nierere!!
AB
- Attends MAWAXIA, )(AM NGA pays KAPl'ALIsr YI quel est
leur problène ? tn:M DA NU AM AY sociétés privées

YOXAMNE YI EI'MBI Al< NIMU l\\MI\\Nl'E:E:L AY problènes idéo-
, ,
, ,
logiques 1 tn:M SEEN YtXJN NEKOCI, NOCM DAM NA LEEN NIT
YI ~ ! problènes arœricains YI NUMU DEMEE ? TEDU DAF
, ,
LEENNE, MXIM REAGAN, BUNO JAAY RUSSYI BELE ?CAYI NEKO
,
KOFIWAXATI IroLU NU FlXJLlKO.
[ Attends que je t'explique : tusais, les pays capiaistes
quel est leur problène ? Eux, Ils ont des soci<':tés privées
qui ne se soucient point des problènes idéologiques entre
états. Ce n'est pas leur affaire ; eux ce qui lesintéresse
c'est de pouvoir faire leur ocmœrce. Qu'en estil du pro-
blène des Arréricains ? N'est ce pas que Peagan leur a de-
mandé de ne plus vendre du blé aux Russes ? eh bien, les
gars ont menacé de le destituer.J
1
D5
- GAYI DUNlJKO JOXE, GAYI ils ne donnent pas leur technolo-
, ,
gie, MXlYSEEN ATOur ! ils le savent! D'aillewsDA NGAY
1
fi.
1
'
J
NATIONALISE YEP NUNELA d'a=rd, NATICNASEEL, YEF YA
, ,
N GCOK, LEEGI LIGEYAL ! Transfonœz le phosphate à présent.

- 162 -
[LeS gars ne te donneront rien, ils ne te donneroIt
pas leur technologie, c'est leur atout! Ils le sa-
vent D'aiileurs il
suffit que tu nationalises
tout pour qu'ils te disent : d' acaord, nationali-
se tout, à présent travaille, transforne le phos-
phaste à présent.J
C4
- Mais dans ce cas, on s'adapte ! bon comrent?
on
, ,
fait aorme NYERERE par exemple.
B9
- Mais tu prends 9CXX) ingénieurs sénégalais, tu leur
donnes le phosphate, ils ne vont rien faire avec!
cs
- Non, mais par exemple, au lieu d' inp:>rter les ma-
chines YOXAMNEYI ça va leur aoûter cher en inp:>r-
tation brut : pétrole AKYCOYU YEPP, après NAK ils
ont essayer d'utiliser l'énergie solaire, des trucs
aomœ ça !
[ .. qui riquent de leur aoûter cher, '€Il
inp:>rtation
brut, pétrole et tout ça .. ]
Bla
- Mais c'est pareil !! je te dis ! tu donnes à 1000
ingénieurs sénégalais d'appliquer l'application
de l'énergie solaire au Sénégal, ils te recjarderbnt
les appareils, ils sauront rien faire!!

- 163 -
C6
- c'est faux
c'est faux
c'est faux
A9
- l'lAW YCXJiI YA MAIIDNNETE !!
[MaiS qu'est ce que tu peux être malhonnête.iJ
B11
- Carment faux ? WAY je corrprends les ingénieurs ~2-
négalais WAY YCXJiI !! parce que déjà il faut un es-
prit d'initiative, et c'est ce qui n'existe pas au
Sénégal.
C7
- Non nais il aurait suffit que NITNI EXPLOITEKO,
c'est tout.
[Non, mais il aurait suffit que les gens l'exploitEnt
c'est tout.J
A
C7
- Non, mais rrJn WAAY ! XAMNGALANLA SUNU problèrre ?
On est trop trop trop tourné vers l'extérieur WANi!
HEER, GISNGATESAX on cherche rrêrœ pas à voir qJ , elles
sont nos possibilités, ça non ! c'est le problèrre !!
Non, l1\\3.is rrm, c'est pas vrai ! Tu sais. quel est
notre problèrre ? ••• Et puis d'ailleurs. on cherche
B12
- Prenons un pays corme le Japon par exerrple, rrêrœ sans
qu'il Y ait une réVOlution au sens général du terne,
ils ont su se développer mais par IlDtivation. Ils ont
adopté eh, euh, sais pas ••• l'ancienne technologie
coloniale!

- 164 -
DG
- C'est que NAK ils ont pu bénéficier de l'aide améri-
caine hein ! attention !
C8
- Ah ! tu sais p:>urquoi Arrérique DEFKONXlNU ? !:on la
main d'oeuvre
ne aoûte pas cher. Ensuite c'est un
p:>int stratégique au niveau de l'Asie. Si
c'est
surtout ça ! c'est stratégique, paroe qu'il Y a la
Chine à coté
[ Ah ! tu sais p:>urquoi les Arréricains ont agi de la
sorte?]
Bn
- GISS NGA ! FDK MJrIVATION AM ! je suis un scientifique
je connais les scientifiques sénégalais !
[Je vais te dire une chose
il faut qu'il y ait moti-
vation J
,
D7
- Bon, BEEN chance LAND MUN<XlN AM, NU AM AY produits
(Y<Xl XAMNE YI) qui sont des produits stratégiques,
,.
1
1
...
TE NE GAYI BALAA NU LEEN KOY JOX NGEEN JOX NU un mi-
nimum de technologie.
[ Bon on aurait pu avoir une chance ; oelle d'avoir
des produits (dont ... ) qui sont des produits
stra-
tégiques ; on dirait alors aux gars, qu'avant qu'on
leur donne cela, il faudrait qu'ils nous donnent un
rni.nimum de technologie]

- 155 -
AlO
- c'est les matières premières !!!
D8
- On n' a que l' huile hein
tu parles de matières
pre-
mières !!
C9
-
On a des matières premières et je pense qu'avec le
fédéralisrre, ça marcherait très bien, sincèrerrent !
D9
- Ah oui, à la seule condition~le fédéralisrre!
/'
A11
- Tu sais, en maths spé, SU NU prof physique DAFANEMA:
"mus dépendons à 100% sur des problèrœs vitaux" ;
,
1

'
alors NEENA LEElSI, "l'industrie occidentale est cen-
çue de telle sorte que si on coupe le chemin des ma-
tières premières, tous les gouvernerrents occidentaux
tomberont.
C... notre prof de physique m'a dit ... alors il
estiJre que .' J
J4
1 ,
A
DlO
- GAYI DU NU lA EMYI NGA KUPEKD, SEEN l3AKANN lA NU CI
TEK.
[ les gars ne se laisseront pas faire, i l Y va de leur
vie J
A12
- OUi, je sais

- 166 -
D11
- DA NGAY XCüL LI AM Amérique Latine ; DANcGAY NA--
TIONALISE les chaIrps pétroliers, GAyiTËLLA JËL
KENEEN, parce qu'ils se défendent ! non, c'est pas
quelque chose qui va se faire du jour au lendemain.
[ T'as qu'à voir ce qui se passe en Arrérique Latine
tu nationalises les chaIrps pétroliers, les grrs te
font sauter et en prennent un autre, parceq.l' ils
se défendent.J
AB
- Oui, ça c'est sûr : aux gens qui disaient que oui,
A
"
A
NXJ NGIY )(AAR RE'IAlLUTION BI !'KM et que ça va être
, ,
,
dur, Lénine DAF LEENNE "J:x:m, la féodalité ça a
existé pendant combien d'années, combien de siècles~
, ,
~
YENEEN structures scx:::iales YI Kü JIITU NAATA années
,.,
"
1 1
1 1
Il\\NU DEF ? GAAYI WAX NAATA siècles, MUNI LEEN YEEN
"
""
NGEEN BEGG la tourgeoisie !'KM DEMBREK TEY MU JEEX
"
,
,
non ! MUNILEEN NAK DU DEME NCX:lNU ; d'ailleurs TE
révolutions YI DAAN AM, révolution tourgeoise NIRCO -
WUIl\\K révolution prolétarienne.
[Oui, ça c'est sûr : aux gens qui disaient que "oui
nous attendons la prcx:::haine révolution et que ça va
être dur", Lénine leur dit : "ton, la féodalité ça
a existé pendant combien d'années, combien de siè-
cles ? Et les autres structures scx:::iales quil'on
précédée se sont imposées pendant combien d'années?"
Les gars répondirent, il leur dit : "et vous 'Dudriez

- 167 -
que la bourgeoisie arrivée. depuis peu de
temps seulerœnt puisse diparaitre aussitôt ?
"non" leur dit--il, ce n'est pas comrre ça que
ça se passe, et d'ailleurs la révolution pro-
létarienne est différente de la révolution
bourgeoise" .J

- J58 -
C. LEs MODALITES DE L'ENONCIATION DANS LE DISCOURS MIXTE
EXAMEN D'UN CORPUS CONVERSATIONNEL
t'bus avons examiné notre corpus en nous inspirant des travaux
de R. JAKOBSON sur les différentes fonctions du langage, dans
la rœsure où oe rrodèle pouvait nous être utile oomœ cadre
œ
réflexion sur les rrodalités de production du disoours mixte.
Il s'agissait pour nous d'établir un embryon de typologie des
énoncés constitutifs de oe disoours. Mais avant de présenter
nos observations sur la question, signalons l'aspect essentiel
de la théorie : suivant JAKOBSON, pour toute corrmunauté linguis-
tique, pour tout sujet parlant, il existe une unité de la langue,
mais ce oode global représente un systèrre de sous--codes en com-
munication réCiproque. Chaque langue embrasse plusieurs systèrres
simultanées dont chacun est caractérisé par "une fonction dfféren;;-
te" ; le langage n' a donc pas p:lur seule fonction de conmuniquer
deso-informatiorls_et"doit être étudié dans toute la variété de
ses fonctions". Chaque fonction du langage se ffi3llifeste dans le
disoours par des traits qui lui sont propres. On tiendra oompte
par exemple de la relation que le locuteur entretient:@'IT le
texte avec l'interlocuteur ou l'attitude du sujet parlant à l' é-
gard de son énoncé. (JAKOBSON, 1963).
Sur la base de ces données, nous avons tenté de délimiter les
fonctions principales qui régissent l'ensemble des énoncés de
notre oorpus. Cette classification a pour but d'établir un lien

- 169 -
éventuel entre "fonction de langage" et usage linguistique donné
dans le cadre de l'alternance. Elle devait nous penœttre de ré-
pondre partiellerrent à deux questions essentielles (qui sont
d'ailleurs liées) :
1) Une variété est--elle eI1I'loyée ou plus eI1I'loyée dans un acte
de parole ou évènerrent linquistique déterminé, alors qu' une
variété différente le sera dans un autre cas _?
2) Y a t-il des interférences sémantiques dans l'acte d' alternan-
ce?
Notre examen linquistique s'est fait à partir de ccnsidérations
d'ordre grarrrnatical et rhétorique (ce dernier texme étant pris
dans le sens d'une "étude des propriétés des disccurs", et à ce
titre, proche de ce qu'on appelle "l'analyse de disccurs")
RappelGlns que le texte que nous avons enregistré et transcrit
est llile conversation entre quatre locuteurs bilingues
=lof /
français
• Le thème de l'interaction ]Xlrtait sur un sujet qu'on
pourrait définir ainsi : "problèmes de développerrent : les ter-
treS de l'échange éccnomique entre
développés et pays sous-
développés" .
certes le cadre de la discussion est infonœl (puisqu'il s'agit
d'llile ccnversation libre entre amis) mais la nature du sujet de
l'interaction exigeait théoriquerrent l'usage du français. Dans

- 170 -
la pratique les énoncés qui constituent le corpus relèvent de
trois variétés linguistiques que les locuteurs utilisent indiffé-
renment, d' une prise de parole à une autre.
FlJur détenniner les énoncés qui appartiennent à telle ou telle
autre langue ou variété, nous partirons du critère d'acceptabilité:
Une phrase acceptable est une phrase qui a été produite ou qui
]'Xlurrait l'être par un locuteur natif dans un contexte approprié
et que les autres locuteurs natifs acceptent ou accepteraient corn-
ne appartenant, à leur langue. Suivant cette définition, nous ob-
tenons la classification qui suit :
20 énoncés sont français (exception faite de quelques aspects
suprasegrœntaux : intonations, accents, propres à la variété.:
régionale»
S énoncés sont wolofs
18 énoncés sont nLLxtes
1) Les énoncés wolofs
A3
DAXUNU RUSYI !
A9
WlWI YrxtW YA malhonnete
B13
GISS NGA ! FOK motivation AM
,
,
"
C3
Ehh TANZANE NGI NIl
NERERE ah
A
D2
DANUNE AMUNU DARA, YAIM NU KO TEKK
,
D4
GAYI TEKNOlJJGI BI DUNU LARO JOX MUKK !
, ,

DlO
GAYI DUNU lA BAAYI NGA KUPEKO, SEENBI\\KANN lA NUCITEKK

- 171 -
ces phrases sont avant tout caractérisées par leurs rrodalités dé-
claratives. Mais elles different des autres phrases déclaratives
par le fait qu'elle exmceurent exclusiverœnt à mrrquer l'objection
ou l'assertion catégorique.
L'objection
La formule interjective interviendra pour caractériser l'interlo-
cuteur ou pour formuler une réplique très brève qui se veut peremp-
toire ainsi que le rrontrent les énoncés Ag (profération d'une inju-
re pour marquer l'indignation) et C3 (énoncé dans lequel le contre,~
exerrple que donne le l=uteur a pour but de détruire d'avance tou-
te objection de la part de l' interl=uteur) .
Mais c'est la formule négative qui note davantage l'objection:
A3
D4
D10
sont des énoncés négatifs. Ils rrarquent le désaccord
entre l=uteurs et all=utaires. Toutefois la réfutation de l' o-
pinion de l'all=utaire n'appelle pas en retour un énoncé de;type
argurrentatif, avec explicitation de la réfutation, contre .. exemples
étayés, contre· illustrations etc ... , de la part du locuteur.
celui-ci usera d' élérœnts expressifs pour indiquer son refus d' a-
dhésion : intonations particulières, accents d'insistance, inter-
jections etc ...
La fonction érrotive est patente dans les énoncés A9
C3
et D4.
L'assertion catégorique
Du point de vue de la rrodalisation, les énoncés \\'.Dlofs sont carac-
térisés par une "trans[Brence maximale" : en effet telles qu'elles

- 172 -
sont formulées, les phrases ne laissent apparaitre aucune iàen-
tification du sujet à son énoncé. le "je" énonciatif s'efface
[Dur laisser la place à un sujet anonyrœ : errploi des indéter-
minés "onU,
ils
et
nous.
Par ailleurs l'argurrentation se réduit à la profération de véri-
tés considérées comrre absolues, voire interrporellees. ces fODml-
lations semblent bloquer toute [Dssibilité d'embrayage du dis-
cours sur une situation concrète de comnunication, en interdisant
toute espèce de ré[Dnse. ce fonctionnerrent apparait plus parti-
culièrerrent dans les rrodalités d'énonciation de B13 D2 Dl0.
- L'errploi des terrps : présent '1" futur pennanent, irrpératif. Ainsi
que le note SUMPF (1971) les phrases irrpératives different sur
un [Dint fondarrental des phrases déclaratives : "celles-ci peuvent
et celles-là ne peuvent pas être soumises à une épreuve de vérité".
L' irrpératif n'a pas [Dur but ici de provoquer une autre question
ou une autre ré[Dnse. En effet le locuteur A, qui dans les énon-
cés français comrrence son intervention par la fonnule "je pense
que" ou "donne rroi des exerrples" crée les conditions d'une [Dur-
suite du dialogue ou de la conversation; mais le locuteur B qui
énonce les phrases v.olofs suivantes (que nous traduisons) n' at-
tend aucune réplique de la part de son interlocuteur :
E13
Il faut qu'il Y ait rrotivation (irrpératif dans sa fonction
jussive en tant qu'exigence première) .
û2
"Nous n'avons rien, c'est le sort qui nous est réservé par
Dieu",
( évocation de la fatalité devant la divinité) .

- 173 -
2) Les énoncés français
Le discours argurrentatif semble consacrer l'usage du français
ainsi que le !!Dntre les énoncés AS An B7 B8. MAThQJENEAU (1976)
définit l' argurrentation comœ une ae.-"tion finalisée : cette fin
coïncidant avec l'adhésion de l'auditoire à une thèse présen-
tée par le locuteur et donnant lieu à un "enchainerrent structu-
ré d' argurrents". SUivant cette définition nous examinerons les
énoncés 812 CS et 06.
certains segrœnts de ces suites d'énoncés relèvent de la
structure d'une argwœntation dis=sive : en effet l'opinion
de chaque locuteur est soumise à l'explicitation qui penret de
justifier les points de vue avancés, de les étayer par des exem-
ples et des illustrations. Les expressions adverbiales, les
questions vs réponses etc ... stipulent la progression du discours.
Ainsi le "mais" d'opposition ou de balancerœnt (CS), l'inte=oga-
tif "pourquoi" (CS), le causatif "parce que" (CS 06), les adverbes
nndalisateurs "peut-être", "surtout" etc ...
(B12, CS), les élérœnts
de l' énUll'ération progressive des faits et des causes "d'abord",
"ensuite" etc ...
(B12 CS 06).
l'btons aussi que B12 est p.t:oche de l'énoncé didactique : ce
qui le caractérise, c'est la référence au savoir scolaire, un sa-
voir cœmm aux sujets de l'interaction et que le locuteur resti-
tue comre preuve admise, préssupposée, avant de poursuivre.
L'échange verbal en français recouvre ici l'ensemble des élérœnts
qui coIT1jXJsent le discours argurrentatif : en B12 l'exorde ou

- 174 -
rintroduction "prenons un pays =me le Jù[Xln
"
La oonfirmation ou l' argurrentation "ils ont su se développer sans
rrêrre qu'il Y ait révolution ... "
La réfutation ou l'exarœn critique des points de vue opposés
(D6)
: "rre.is ils ont su bénéficier de l'aide américaine ... ".
C8
"les américains ont fait cela parce que la rrain d'oeuvre
ne ooûte pas cher et parce que le Jap:ln est un point stra-
tégique" .
Le point le plus significatif dans les séquences françaises, est
que les l=uteurs serrblent être animés par la volonté d'établir
une "dérronstration" ; dans le sens rhétorique celle-ci étant l'a-
boutisserrent logique des opérations successives du discours argu-
rrentatif.
3) Les énoncés mixtes
A4
B4
B5
Bll
Les énoncés ci-dessus relèvent de la langue mixte. Mais on y re-
rrarque une très grande fréquence d' unités ~exico-syntaxiques
françaises. D'autre part les très rares apparutions d'unités appar-
tenant à la langue =lof n'affectent pas les structures de la lan-
gue française. Et lorsqu'on supprirre ces unités, la fonction 00-
gnitive du rressage n'en n'est pas p:lur autant altérée. En d'autres
terrres la présence ou l'absence des unités =lofs ne dérange pas

- 175 -
le locuteur natif français qui serait amené à décoder le message.
On jXlurrait dire que certains de ces élérrents font figure de chevil-
les. Tbutefois on peut se demander jXlurquoi les locuteurs ressen-
tent le besoin de les intégrer dans des phrases essentiellerrent
énoncées en français. En nous rejXlrtant à leur rôle grammatical dans
la langue =lof, on note
. certa:i:ns.d.'entre eux sont caractéristiques de l'énoncé empha-
tique. Nous entendons par emphase, le m:xle d' expression co~X)r­
tant une intensité particulière et faisant jXlrter l'accent sur
un des =nstituants de la phrase.. De ce fait ils relèvent des
fonctions dites expressives ou impressives : l'énoncé expressif
a jXlur rôle essentiel d'exprilrer des réactions affectives du
locuteur (telles que la douleur, l'inquiétude, l'indignation ou
au =ntraire la joie, la surprise, le plaisir, l'enthousiasme
etc ... ) ; tandis que l'énoncé impressif vise à attirer l'atten-
tion de l'interlocuteur ou à déclencher chez lui une réaction,
un compxterrent donné : (le langage impressif utilisera le plus
souvent les interjections, les ajXlstrophes, l'impératif etc ... ).
En effet, on =nstate que
NAK, WAY, HAN ! sont des particules interjectives. MANN est une
unité qui ==esjXlnd au pronom personnel français accentué "moi".
On le retrouve à plusieurs reprises dans les énoncés. Il dénote
"l'opacité IPaXirnale" du dis=urs du locuteur qui entend assumer
totalement celui-ci en le mettant en =ntraste avec le discours
de son interlocuteur . Ainsi MANN (moi), YCM (toi) viennent renfor-
cer le sujet énonciatif français "je" vs "tu" dont la charge

- J75 -
expressive est estimée insuffisante fOur rendre l'effet d'enpha-
se désiré. Ajoutons qu'il s'agit jXlur le locuteur d'une fonre
particulière de l'insistance qui associe l'acte verbal au ges-
tuel (placer sa nain:
sur sa fOitrine pour se désigner). I l en
est de rrêrœ pour l'expression "DAMANELA"
lice que rroi je te dis"
par opp:>sition à "ce que toi tu penses".
IlWAW" et Il ANHANII signifient dl ordinaire "oui" nais dans certains
=ntextes discursifs, ce sont des fonres linguistiques qui reu-
vent ne véhiculer aucune signification particulière dans le rnessa-
ge,·du fOint de vue CDgIlitif. En l'occurence, elles servent ici
à établir ou à prolonger l'interaction. Dans ce sens elles relèvent
de la fonction dite phatique.
NE et NI (Bl Dl), NA]( (D6)
jouent d'ordinaire le rrêrœ rôle que la
=njonction "que" dans une corrplétive française. fuis leur fonc-
tion dans l'axe syntagnatique est rroins déterminante dans ce =n-
texte-ci. En effet ce sont des unités dont l'essentiel est rroins
d'avoir un sens que de =nstituer une démarcation dans un discours
à dominante expressive.
On reut dès lors dire que si les ternes français parviennent à trans-
nettre le =ntenu not. nnel, aux yeux des locuteurs, ils sacrifient
les valeurs évocatrices des ternes africains, chargés de connotations
souvent étrangères à la langue française ; d'où le recours sfOntané
à ces pr=édés stylistiques insolites jXlur un locuteur natif fran-
çais.
Toujours à projXls des énoncés wolofs, on renarque que le locuteur
qui rapp:>rte les paroles d'autrui utilise le plus souvent le style
clirect, rralgré l'existence d'autres fonres de discours rapp:>rté
(C

- 177 -
dans cette langue : (le =lof fDssède aussi bien le style direct
que le style indirect libre). Pour le locuteur il semble que ce
procédé soit llDtivé par des raisons de stratégie dis=sive
la première est classique et aurait fDur but d'authentifier
l'énoncé raPfDrté en utilisant le style direct ; il s'agit alors
d'une "citation preuve" qui p2rmet au
locuteur de défendre,
d'étayer ou d'appuyer un argurrent ou un fDint de vue. Mais l' u-
sage du wolof se justifierait plus par la nature du te-xte envi-
sagé. En effet nous avons affaire à un dis=urs fDlitique. Et
le personnage cité, fDur faire effet sur l'auditoire utilise un
procédé de type "impressif", proche de la harangue.
Le style est déclarratoire et exige de ce fait que le texte soit
prononcé avec solennité et emphase. Ce que le wolof eSlplus à
Irêrre de rendre.
Les observations que nous venons de faire nous ont p2rmis
de relever quelques rrodalités stylistiques suivant lesquelles les
locuteurs génèrent des énoncés français, =lofs ou mixtes. Ainsi
"l'expressivité" qu'on assilnile à l'expression affective des sen-
tilrents du locuteur {et qui ==esfDnd à la fonction expressive
deJAKOBSONI est entrepris en WJlof tout au long du discours. Elle
caractérise tous les cas de mise en relief du rressage, c'est à di-
re de valorisation du signifié par le signifiant ou en termes plus
généraux du fond par la forne. Dans le Irêrre temps, les énoncés réa-
lisés en français caractérisent la plupart des situations où le
discours renvoie à une fonction référentielle, cognitive. 'Ibutefois,
ceci n'est qu'une schérratisation rendue nécessaire par les besoins

- 178 -
d'une analyse qui avait pour objectif de dégager quelques tendances
à travers les rrodalités de la production de paroles en contexte di-
glossique. Il faudrait solÙigner que tous les discours mixtes ne
sont pas appréciables du strict point de vue des fonctions du lan:;age
définis paiTAKOBSON et qui ont servi de support à nos observations
jusqu'ici. Pour en élargir la perspective, nous avens tenu corrpt:e
de la suggestion formulée par LAKS (1983) au terne de ses travaux
sur les séquences "switchantes" à propos du discours mixte des
Porto Ricains de New York. Celle-ci consiste à prendre sur cette
question le point de vue non du linguistique, "pour qui i l existe
deux objets" mais celui du locuteur sur ~pratlqUç, liriguïstique.
A cet effet nous avens sollicité l'opinion des locuteurs face à
leur propre discours. En fonction des résultats obtenus, nous clas-
serons les énoncés en deux catégories selon que la parole "switchante"
oorrrrence en français et se poursuit en =lof ou inverserrent.
1ère catégorie
Al
Il faut nécessairerrent que NUY KOLAOORE, NUY JENDANI'E AK
DI JAYANrE AK YOOYU mais NAK, i l faut nécessairerrent que ce
soit sur des rapports sains.
, ,
B3
Forne DAX LAN LEEN DAX REK
C7
Non mais il aurait suffit que
"
NITNI exploité KO, c'est tout.
C8
Ah tu sais pourquoi Airérique DEF'KONCNU ?

- 17? -
La séquence "il faut nécessairenent que" apparait deux fois dans
l'énoncé Al. Mais à la première succède une suite de rrots "-'Jlofs,
tandis que la seconde est suivie d'une corrplétive française. Il en
est de rrêrœ pour la sequence française "non rrais il aurait suffit
que" corrplétée par une corrplétive v.Dlof.
Les deux séquences françaises requierent l'usage d' une "expansion"
corrprenant des verres au subjonctif. Or ce rode n' est pas courant
dans le langage ordinaire et fait partie des fomes verbales répu-
tées délicates à rranier. Le locuteur dans un souci de sirrplifica-
tion aura tendance à se référer à un lexique et un procédé syntaxiC]Ue
rroins contraignants qu'il retrouve dans la langue v.Dlof : on sait
par exerrple qu' au contraire du français qui est une langue analytique
avec une syntaxe de subordination, les langues négro-africaines sont
des langues synthétiques avec une syntaxe de juxtaposition et de co-
ordination, caractérisée par la fixité de sa construction.
Locuteur Al
"le subjonctif est difficile, on supplée par le "-'Jlof
qui a une fome plus sirrple pour rendre cette pensée".
La séquence "il faut nécessairerrent que ce soit sur des bases plus
claires" (Al), réalisée entièrerrent en français s'expliquerait par un
usage plus courant du subjonctif du verre être. Mais la difficulté
ressurgit dans la séquence "il aurait fallu que", corrplétée en "-'Jlof.
Celle-ci exige non seulerrent le subjonctif, rrais encore la concordan-
ce des terrps. S' il devait poursuivre sen énoncé en français, le lo-
cuteur serait arrené à utiliser dans ce cas-ci une fome passée de ce
rrêrœ rode, fome d'autant plus contraignante qu'elle est la rroins u-
tilisée dans le langage ordinaire.

- JPi) -
"Tu sais fOurquoi Arrérique DEF KO NeNU" ?
(C8)
: là encore, l'ex-
plication que donne le locuteur à ce "mixte" est une tendance à
la simplification : i l s'agit d'éviter une tournure périphrastique
(requise fOur rendre cette pensée en français), dès lors que le
=lof fOssède une tom:nure plus brève : le verbe DEF synthétisant
toutes les nuances contenues dans faire-agir, se cornp::lrter, procé-
der etc ...
2èrre catégorie
AB
"
NCX:l'l DA NUY AM AY sociétés privées YOXAMNEYI ErMEI Al<
,
, ,
NIMIJ AMANI'EEL AY problèrres idéologiques.
Ds
,
1
l
'
TENE LEBGI LlGEYAL, à présent transforrre le phosphate.
,
"
/'
D7
BENN chance IA NU MUN::X:N AM, NU AM P01 prcduits YO XAMNE
YI qui sont des produits stratégiques.
D7
TE NE GAYI BALANU LEEN KOY JOX NGEEN JOX NU un minimum
de technologie.
Dans ces énoncés, le discours envisagé en \\o,Qlof se fOursuivra en
français lorsqu'il faut faire référence à des notions qui appartien-
nent à un champ sém3ntique étranger aux réalités culturelles, écono-
miques et fOlitiques traditionnelles. Notcns que lorsque l'emprunt se
réduit à une unité lexicale; celle-ci est d'ordinaire intégrée dans
la structure noqnosyntaxique w:Jlof :

- 181 -
Dl
mentalité YILA (ce sont les mentalités)
affixe
B2
RUSSYI (les Russes)
affixe
D2
NATlOOALlsÉÉL
(eh bien nationalise !)
désinence ver-
bale.
Mais lorsque l' ernpnmt atteint la dinEnsion d'un syntagne ou d'une
phrase, le l=uteur n'éprouve pas la nécessité d'op rer une trans-
fonration et restitue intégralement le segnent français :
A9
w:Jlof •..... la révolution bourgeoise
D5
w:Jlof ...•.. transfome le phosphate
D7
w:Jlof
qui sont des prcxJ.uits stratégiques
D7
w:Jlof
un minimum de technologie
D7
w:Jlof
des problèrres idéologiques
Dll
w:Jlof .•.... les champs pétroliers
Nous pouvons réstmer ces observations en disant ceci
L'usage du français pour poursuivre une énonciation corrrrencée en w:Jlof
a le plus souvent pour but de pallier une
déficience au niveau de
la compétence lexicale.

- J82 -
L'usage du -.olof p:>ur p:>ursuivre une énonciation colTtlEncée en
français a le plus souvent p:>ur but de pallier une déficience
au niveau de la ccnp§tence grarmaticale (constructions syn-
taxiques, norphologiques etc ... ).
Sur le plan quantitatif, le reccurs aux ressources linguistiques
du français p:>ur combler le "déficit linguistique" -.olof est net-
terœnt plus irrp:Jrtant : le corpus le révèle arnplerœnt : par la pro-
fusion des unités françaises dans les énoncés -.ulofs, corrparés aux
énoncés français. Mais cela est sans doute normal ici, c6mpte tenu
de la nature
du sujet de l'interaction verbale. RJur confinrer ces
faits, il conviendrait alors de diversifier les analyses en fonc-
tion des situations de corrmmication et des thèIœs de discussions
variées, et de confronter les résultats obtenus ; ce que nous n' a-
vons pu entreprendre faute de temps.
Signalons que le recours au français n'est pas seulerœnt limité
au lexique tel que cela senù:Jle apparaitre dans nos observations.
HOUIS (1971) a déjà signalé le cas de certains nots français qui
vont surgir égalerrent FOur démasquer le discours. La nature de ces
IlDts situe alors l'emprunt au niveau syntaxique: des unités telles
que "1::o,..t, "parce que", Ilalors quel!, "de ce fait" etc
servent
6 6 6
à expliciter des relations logiques entre prD]X)sitions dans un dis-
cours qui se veut -.olof et quel que soit le type de discours (nous
entendons par là les fonctionS que nous avons définies plus loin
en ternes de discours expressif, impressif ou cognitif.) ..
Nous dirons peur conclure qu'il Y aurait une tendance plus marquée
au choix du français dans le discours référenciel ou cognitif, au

- 183 -
choix du =lof dans le disocurs expressif et impressif. Mais ceci
n'est que schématique. En effet il existe une interrelation étroi-
te de ces rm.1ltiples fonctions dans un rrêrœ rœssage, et notre oor-
pus en décèle l'évidence ; c'est pourquoi IDUS avons parlé de "ten-
dances" tout au long de IDS rerrarques. En outre le CXJrpus rrontre
qu'il n' y a pas de spécialisation nette entre le français et le
=lof et CXJnfirrœ par la rrêIœ les résultats de IDS enquêtes sur la
répartition fonctionnelle des r61es des langues.
D'une manière générale donc le discours se disjoint, pour plus de
facilité en deux langues. Il n' y aurait pas à proprerœnt par1er
d'inadaptation notionnelle de l'une ou l'autre, nais bien plut6t
une éCXJnomie rrentale qui oriente le disCXJurs sur l'une ou l'autre.
cl Quelques facteurs explicatifs
Le CXJntact des cultures, le poids du véhiculaire, l' environnerœnt
urbain.
Il reste que ce phéI1<JllÈne dont semble se préserver la langue
française (parce que langue écrite sùrveillée par des norrœs
et instrurrent de travail scientifique) jXlse le problèrœ de la
=npétence en langue =lof des locuteurs bilingues et citadins.
~_ EILeffet si corme ledit HOUI5(1971) le bilinguisrœ est "la mani-
festation" au plan de l'usage des langues "d'un oontact des
cultures", il est légitilœ de l'envisager en raPJXlrt avec la
notion d' acculturation et cela d'autant plus que le pluralisrœ

-184 -
linguistique va souvent de pair avec llil pluralisrre culturel. IDrs-
q'llile partie non négligeable de la société est ccnœrnée (ce qui
est le cas ici), l'impact Se fait dans tous les domaines à la fois
économique, politique, éducationnel voire religieux ( le christia-
,,'
nisme coexiste dans une rroindre irnp;Jratnce il est vrai avec l'Islam).
Il devient sur le plan linguistique de plus en plus difficile de "com-
partimenter" les langues. Les emprunts sont devenus considérables
dans les différents domaines de la vie quotidienne qu'envahit le
rroderrüsrre. Nous ne pouvons pas avancer de pourcentage faute d' en-
quêtes, mais il est permis d'estiJrer par évaluation empirique que
le =lof des bilingues, en plus des domaines technologiques et ad-
ministratifs a beuacoup emprllilté au français des ternes afférent
à la vie sociale et culturelle, malgré l'existence de ternes cor-
respondants, qui ont tendance à tomber dans l'oubli. Ainsi, peut-on
opposer, au niveau du lexique le répertoire des bilingues à celui
des rronolingues parlant =lof, dans les domaines cités.
Les uns auront tendance à user de l' emprllilt là où les autres em-
ploieront les ternes locaux :
LE BILINSUE
LE MJt\\X)LINGUE
!'
Cuisine bi
WAN WI
COuche bi
SANGUI'1AAYBI
vs salle de bain bi
Chambre à ooucher bi
NEKBI
Bal
FEe
Protœnad.e
OOXANl'U
Réllilion (ha
NDAJEMA

- 185-
Assemblée bi
NDAJEMI
La tante vs tanta
l'AJ1\\NN
Mère bi
YMYJI
La soeur
JAN)( BI
ETC •••
OUtre le phénomène d'acculturation qu'on vient d'invoquer, il Y
a lieu de signaler que le =lof est une langue dont l' irrq::oratance
est détenninée avant tout par sa fonction véhiculaire. Nous enten-
dons par là une langue utilisée d'une manière privilégiée pour
l'intercorrmunication dans un contexte géographique où vivent plu-
sieurs cornrmmautés linguistiques. Mais ce qui irrq::orte le plus ici,
c'est le facteur d'expansion, qui penret de cerner la fonction
véhiculaire. J.L CALVEl' (1981) étudiant le cas du =lof, llOntre
que celui--çi s'est répandu par cercles concentriques à partir de
la zone d' origine de la langue dans un premier temps (St Louis et
Dakar principalerrentl, puis à partir des différentes villes du
pays dans lesquels on parlait d'autres langues que le =lof. Le
=lof devient de plus en plus la langue de la ville par opposition
aux langues de la campagne. Et c'est cette fonction sociale qui
détennine les particularités structurelles de cette langue, que
signale DUMONT dans le bulletin du C.L.A.D (1975)
:
"Il n'est pas nécessaire d' être linguistique pour constater que
le =lof parlé à DAKAR et d'une façon générale dans tous les grands

- 186 -
centres urbains du Sénégal comre Thies ou St Louis est émaillé de
llDts français". Mais ces faits ne peuvent s'expliquer qu'en référen-
ce au contexte sociologique de la ville africaine. En effet le mi-
lieu urbain représente un creuset linguistique avec sa forte den-
sité de population : la présence d'une main d'oeuvre non spéciali-
sée, la grande proportion d'irrailigrants. C'est aussi l'espace géogra-
phique où se trouvent concentrées les institutions administratives,
les infrastructures économiques et industrielles qui participent
aux valeurs :irrrp:>rtées de la société llDderne. Pour toutes ces rai-
sons, il n'est pas garant de la pureté de la langue et bien au con-
traire crée toutes les conditions qui la rrettent à l'épreuve des
emprunts et des interférences (nécessaires aussi bien que de luxe)
en forçant les virtualités de celles-ci il la pousse à s'adapter à
de nouvelles situations. Ce contexte é=logique particulier influe
incontestablerrent sur la qualité du registre linguistique. Cette
situation est d'autant plus caractéristique du =lof qu'elle est
la "langue de la ville", de plus en plus liée aux différentes acti-
wités productives du pays (nos enquêtes sociolinguistiques ont révé-
lé que le =lof s'infiltre progressiverrent dans les domaines offi-
ciellerrent réservés au français). A travers le degré d'acceptation,
qui est aussi un degré de corrpétence, il se pose la question du de-
venir du =lof urbain. Certes pour la majorité de la population le
=lof est une langue seconde ; à cet effet il est encore plus nor-
mal que tous les degrés soient observables : depuis un usage élé-
rrentaire jusqu'à une maitrîse de la plus haute qualité. C'est un
aspect inhérent à toute langue en situation. Toutefois le phénomène
du discours mixte considéré au départ COl1IlE occasionnel est entrain

- 187-
de devenir (s'il ne l'est pas déjà) l.ll1 fait de langue et affecte
de plus en pl~ le par1er ordinaire de l'ensemble des couches ur-
baines, et particulièrerœnt les générations scolarisées. En effet
il n'est pas nécessatre d'établir des tests de corrq:étence linguis-
tique pour constater que l'aptitude à utiliser la langue l=ale
sans alterpar1ce a'(eC le français est devenu:
aujou:rd 'hui une per-
fonnance très rare chez le locuteur citadin bilingue. La vitalité
du =lof, ou des autres langues vernaculaires, trouve sa place dans
l.ll1 milieu où la langue derreu:re le reflet authentique des réalités
s=ioculturelles du nonde traditionnel. L'acquisition d '1.ll1 oompéten-
ce élevée de cette langue requiert des conditions d'apprentissage
et d'usage qui sont de noins en llDins disponibles dans le nonde
urbain. On sait que l'exercice de la parole, dans le contexte de
l'oralité obéit à l.ll1 ensemble de règles qui en définissent sa spéci-
ficité. Suivant la formule populaire "l'art de la parole ccmrence
dès l'enfance quand le vieux de la famille s'assied dans la cour,
au clair de lune ... "." Au plan ethique, la parole, dans la IlEsure
où elle exprilœ c1airerœnt des textes proverbiaux ou patrirroniaux
est signe de connaissance. Chefs et notables doivent exceller dans
l.ll1e élocution originale, articulée de proverbes : c'est en eux qu'on
lit les norrœs de la s=iété. Au plan s=iologique, la parole pro-
férée asSUllE une fonction d'intégration s=iale. L'exarœn des"textes
oraux" nontre que les paroles ne s'enferrœnt pas dans unsystèrœ clos,
dis=sif, rrêrre si elles véhiculent des inforrrations, l.ll1 enseigne-
rœnt, et perrœttent
de prouver; on pourrait dire c:arnre HOurS (1971)
que la cohérence des paroles, "avant d'appartenir à l'ordre réflexif,
se manifeste d'abord au niveau des ~rterœnts, à propos de situa-
tions et face à un public déterminés". En outre il faut souligner

- 188 -
fimp::>rtance des facteurs qui p2rrrettent de mieux romprendre le cortp:)r-
tenent linguistique d'un locuteur africain, tout autant dans l'emploi
que celui-ci fait d'un parler local que dans celui d'une langue non
africaine de grande cornmunication,-=ure:_lè fraIl.çaisr_~:i~ites:;dés
partidpants à la conrnunication, conditions spatio-temporelles de la
prise de parole, rappJrts d'autorité entre participants ainsi que les
types de disrours envisagés. Tous ces facteurs renvoient à l' organi-
sation socio-culturelle de la COlTI1lU!1auté, :qui détenninent le rontenu
de la langue et son usage adéquat. Dans la rresure où le bilingue,
du fait de son long séjour à l'école européenne et de son statut de
citadin, n'a plus tout à fait de références pratiques dans ce contex-
te socio-culturel traditionnel, sa compétence en langue vernaculaire
s'en trouve compromise. Il s'oppose en cela aux locuteurs unilingues
qui appréhendent tous les actes de la vie par la langue locale, celle-
qui possède encore une variété de registres dont ils sont les seuls
à maitrîser véritablenent l'usage.
Il reste à s&'VOir quel statut donner aux élérrents de la langue eore--
péenne qui viennent s'intercaler dans les énoncés en langue locale.
Mais corrpte tenu d' un contact étroit et des passages incessants d'une
langue à l'autre, ces interférences p2uvent prendre des proportions
suffisantes pour qu'il n' y ait plus dans le discours des bilingues
une seule phrase complète, ni rrêrre un seul segnent d'énoncé si court
soit-il attribuables à une seule des deux langues en présence. Dès
lors
la distinction entre langues s'effondre. Ceci nous conduità
la remarque suivante: si l'emprunt est un procédé naturel d'enri-
chisserrent de la langue, il est normal que la langue africaine y
reroure ainsi que l'on fait historiquerrent toutes les grandes langues
internationales actuelles ; toutefois il conviendrait à notre sens

- 189-
d'éviter tout ertqJrunt non justifié dès lors que la langue locale
offre, par ses propres ressources des possibilités plus économiques
de désigner des réalités nouvelles ou des concepts jusque là inconnus.
la tendance à l'économie IœIltale qui expliquerait l'usage du discours
mixte dans le parler ordinaire des bilingues pourrait à tenre porter
préjudice à "l'intégrité" de la (ou des) langue(s) locale(s) dans la
mesure où les générations de locuteurs qui suivent auront COntre rro-
dèle de =lll'étence l'unique variété 'hybride" disponible pour leurs
pratiques langagières quotidiermes.

- 19] -
CONCWSION
$t!ivant !a po!rspective scx::iolinguistique, i l n'y a pas de sépara-
tion ou d'oP[Osition entre la description d'une langue (phonologi-
que, lexicale, sémantique ou syntaxique), la description et l'ex-
plication des usages de cette langue (variantes scx::iales, régionales,
stratégies de comnunication entre les différents groupes scx::iaux
parlant cette langue) et la description et l'explication des rap-
]Xlrts ou des o::mflits que cette langue entretient avec d'autres
langues. Ces différentes apprcx::hes s'enchassent les unes dans les
autres ]Xlur constituer une vision linguistique globale du contexte
étudié.
(LABOV, 1968 - L.J CALVET, 1981). C'est cette connexion
étroite entre faits de langue et faits scx::iaux que nous mus som--
rœs évertués à établir dans ce travail que nous venons de présen-
ter.
L'étude descriptive du français au Sénégal mus a conduit à cons-
tater que oette variété est incontestablerœnt marquée par l'inter-
férence. Mais il n'y a là rien d'étonnant; WEINREICH écrivait que
"la connaissance par un rrêrre locuteur du français et du vietnamien
ou celle du français ou du provençaL du français parlé à Paris et
du français parlé à Marseille sont des variantes du rr✠phénomène
de base". Il s'agit pour les locuteurs de se conforrœr à des normes
différentes dans des contextes différents ; ceci détouche invaria~
blerœnt sur l'interférence des mrmes d'un systèrœ avec celles de .

- 191 -
l'autre systèIœ. FERGUSON (1959) souligne qu'il n'est pas !31us
facile d'éviter l'interférence entre systèIœs très différents
l'un de l'autre que de l'éviter entre systèIœs apparentés ou en-
tre variétés d'un même système.
D'une manière générale le phénomène interférenciel est suscepti_ ,
ble d'intervenir à tous les niveaux. De façon plus particulière,
le français local du Sénégal diffère du français starilard parla
prononciation, l'adaptation du lexique, le rythrre et l'intonation ;
au niveau graJ!lll3.tical, l'usage est surtout caractérisé par l 'hyt:er-
oo=ection.
Dans la situation sociolinguistique locale, le français
est la lanque seconde des l=uteurs, et c'est l'une panni les condi-
tions du oontact qui font que cette langue est sans doute plus ex-
posée à subir l' interférenoe. N::Jus avons pu noter que certains qrou-
pes sociaux pour qui le français est bien intégré dans leur univers
culturel'
et leur milieu éducatif (assurant ]XJur ainsi dire le rôle
de langue première) manifestent une plus grande confonnité à la
mnre d'usage de la variété standard. En outre les déclarations de
la plupart des l=uteurs tendraient à confinrer la prédominance de
la fonction instrurrentale plutôt que culturelle du français dans
le contexte en question. Langue des instances administratives, poli-
tiques et écommiques, elle deneure la garantie de toute prorrotion
sociale. Ceci penret de oorrprendre davantage les manifestations
socio-sym!x>liques qui sont liées à son usage au sein de la =mn.mau-
té. Observant en substance le canp:lrtenent des élites locales, un
sociologue sénégalais DIOP (1982) remarquait l' :împ:>rtance de la re-
présentation du savoir chez ces derniers : "le savoir serait devenu

- 192-
l'obsession prenùère de l'élite parce qu'il est ·le plus sûr che-
min pour atteindre le label de "m:xlerne" et parce qu' il est la
g.''-rantie de toute ascension sociale. Mais dispensé encore de
marüère inégale son accès derreure un privilège. Pour cette rai-
son ceux gui ont appris et possèdent du savoir occidental en forrt
un usage représent3.tif, spectaculaire, parce que le savoir est
s\\IT"alorisant aux yeux des ..a'Jtres. Cela se traduit au niveau de
l'usage par "un délire verbal et une langue française faite de
lieu" comnuns, de fOllmlles sophistiquées, inflations de nots,
déclamations ]XJ!11peuses pour prouver qu'on a conquis l ' univers di"
l'étranger" .
Parodie du savoir organisé sur le m:xle du représent3.tif, ce par-
1er, n'interviendrait pas CClllIœ une rép:mse à des situations vé-
cues (ce gui est la fonction prenùère du langage) mais came sour-
ce d'autosatisfaction. Ainsi perçus, le langage et le savoir ne
.
~
seraient plus alors que des marchandises, des biens de COn5Q.mIêl-
;
tion chargés de servir de parure. Il est intéressant de noter que
des observations du rrêrre ordre ont été faites dans de nombreux
contextes diglossiques oli le français coexiste avec une langue
véhiculaire ou une langue nationale =mme à l'ensemble de la
population. Nous avons fait allusion à la situation centrafricaine
avec le sango (WAlD, 1979). En Haïti, Alain BENroLIlA (1981 \\ préei-
se que le français n' a auClm
dynamisrœ en tant qu' instrurrent de
=rmmication ayant à répondre à des besoins divers. Les fomes
stéréotpées qu'il revêt "renforcent sa fonction symbolique" et "ané-
mient" en rrêrre temps sa force d' itlfoJ:ll\\"ition :
"La lecture de la presse haïtienne de langue française révèle

- 193 -
mmbien l' écrit français est vide de sens devenant une suite de
formules amp:mlées et leuries avec un très faible pouvoir d' ex-
plication" •
Les efforts entrepris pour "améliorer" la qualité du français
semblent se heurter à deux problèrres essentiels :
- le premier est que la langue dans son aoquisition =me dans
sa pratique reste principalerrent tributaire du mntexte sco-
laire. Or l'émIe n' adrret et ne reconnait qu'une seule variété,
présentée de manière nonrative =me le français "mrrect".
Sous prétexte d'apprentissage ou de mrrection, tous les autres
niveaux de langue sont sanctionnés. Cela est justifié sans doute
par le statut du français dans la Iœsure où ses domaines d'u-
sage sont limités aux cirmnstances dans lesquelles seule cette
var iété est théoriquement requise (l'école, les bureaux, l' admi-
nistration etc ... ). De ce fait tüute extension de l'utilisation
de cette langue =nduit à généraliser un rrodèle unique (niveau
de langue soutenu) dans des situations de ccmuunication qui
exigent d'autres forrœs de discours, d'autres niveaux de langues.
Toutefois, rrêrre si les locuteurs arrivaient par le biais de l' é-
cole à prendre mnscience de la diversité
des registres du
français, il est peu probable que cela améliore de manière
sensible les modalités de leurs pratiques langagières. En ef-
fet les niveaux de langue n'existent que parce qu'il existe
une variété de situations sociales de =rrnunication. Ainsi le

- 194-
langage peut être soutenu, familier ou jXluplaire selon qu'on
fait un exposé dans un artI'hithéâtre, qu'on discute en famille
ou qu'on est en conversation avec des amis.
Là où le français remplit une fonction sociale de corrmmi-
cation, certains locuteurs seulerrent peuvent être capables de
produire des énoncés en niveau (de langue) A et en niveau B
avec une égale aptitude, en égard à leurs connaissances, à
leurs habitud~ou à leurs statuts socioculturels, IlI3is tous
les locuteurs ont généralerrent la capacité d'interprétahon
des énoncés en A et en B et de comprendre la signification du
choix de A et de B fait par un autre locuteur (LAroV, 1968).
c'est dire que les niveaux de langue sont étroiterrent liés aux
situations où la langue remplit avant tout son rôle de rroyen-
de corrmmication social avec une multiplicité de répertoires.
Dans notre partie introductive nous évoquions les initiatives
du C.L.A.D confronté à ce genre de problèmes. Conscient des
conditions artificielles de l'acquisition du français par les
élèves sénégalais, cet organisrre s'est évertué à élaborer une
méthode qui avait jXlur objectif "d'actualiser" la langue, de
"libérer l'expression" chez ces élèves. Les résultats diffe-
reront très peu de ceux qu'on obtenait avec des méthodes anté-
rieures. Le fait est que l' enfantenfenré dans un cadre facti-
"
ce et restreint, auquel i l se sent étranger, répétait fidèle-
rrent les dialogues"qu' i l avait du apprendre par ooeur mais n' ar-
"
rivait que très rarerœnt à une expression personnelle et originale

- 195 -
à partir du m:Xlèle pro]Xlsé (FALL, 1975). Autrerœnt dit c'est
JC8Ice que le sup]Xlrt qui devrait constituer l'expression ori-
ginale (c'est à dire une corrpétence linguistique actualisée
par des situations de COlI1TIl1IÙ.cation réelles) est inexistant
tout du rroins celui-ci existe mais se trouve "rrédiatisé" par
la langue maternelle à laquelle sent rattachés les registres
propres aux différentes situations de camunication quotidiennes.
La consolidation d'un français standard sUPJXlse que l'on utilise
la langue pour toutes sertes de sujets et de canaux dans des si-
tuations fonœlles ou non, à n':împ:lrte quelle fin, dans tous les
usages publics d'ordre général, afin que oette variété puisse ac-
quérir l'implantation sociale nécessaire et ]Xlursuivre un proces-
sus d' élatoration adéquat à chaque fonction et à chaque milieu
d'utilisation. Mais ceci peut paraitre bien illusoire à un rro-
rrent où l'usage oral du français dans les domaines officiels et
fonœls est de plus en plus concurrencé par la langue véhiculaire
locale.
- Le second problèrœ est d'ordre sociOJXllitique
Parmi les rôles importants d'une langue nationale, il y a ce-
lui qui consiste à prctTDuvoir l'unité et l'identité d'une na-
tion. Le \\>Dlof ]Xlur des raisons historiques, sociales et écono-
miques déjà évoquées s' :împ:lse progressiverœnt dans les pratiques
langagières publiques et privées des rrernbres de la cormnunauté ;

- 196 -
et à une éJXX!Ll8 de réveil mtionaliste le prestige qu' il obtient
en tant que langue p:ltentielle d'union et d'identité peut oon-
tribuer à canprorœttre l' élargisserœnt des registres du français,
qui seul perrœt aux locuteurs d'accéder à un usage efficient et
à une plus grande (tI3.itrîse de standard. En outre il n'est pas ex-
clu que les re',(endications de type nationaliste ou culturel a-
vancées par certaines élites puissent militer en faveur de la
distors.jDA constatée entre le français à norrœ standard et ce
qu'il con',(ient d'appeler aujourd 'hui le français à norrœ régio-
nale. Faut-il rappeler que rrêJœ dans les périodes qui suivirent
l'indépendance, la culpabilisation linguistique, oeuvre de l'i-
déologie coloniale dominante était un phénorrène qui a IlI3rqUé de
mmière sensible certaines élites. les langues locales appelées
indistincterœnt dialectes ou patois étaient forrœllerœnt inter-
dites dans les sphères de l' enseignerrent public. Le systèrœ ré-
pressif généralisé dans les établisserœnts du pays avait p:lur
objectif d'arriver par la coercition à faire adopter par les é-
lèves africains
le plein usage de la langue française ; mais
cela ne s'avérait p:lssible aux yeux des resp:lnsables de cette
mission qu'en créant les conditions d'une culpabilisation lin-
guistique.
(L'exenple classique est celui du "synbole", qui é-
tait bien connu des écoliers aux tenps du systèrœ colonial, et
destiné à sanctionner les élèves pris par leurs pairs entrain
de s' exprirœr dans leurs langues).
Ce qui autrefois p:luvait être ressenti comre une gêne (particu-
larités linguistiques) ne l'est plus actuellerrent. Il semble

- 197-
rrêrre que les partieularisrres soient consc:i.emrent entretenues, ren-
forçant les bases d'un français "national" auquel s'identifie un
grand nombre de locuteurs dont la singularité serait quelquefois
recherchée par oPJXlsition au fraçais rrétrOJ.:olitain.
Quant au v.ulof, si un certain courant nationaliste le ]c€rçcit
aujourd'hui comrœ une source majeure de solidarité et d'unité
nationale, cela ne va pas sans prcblèIœs.
Cette position érranerait à notre sens du princi]C€
selon lequel
le nationalisrre serait fondé sur l' unicité. L' unicité ethnique
et la "grandeur culturelle" de la nationalite sont la raison
avouée de l'unification de sous-grou]C€s
qui s'identifiaient
jusqu'alors dans leurs particularités. Nous avons fait allusion
au rôle détenninant qu' i l a joué dans la constitution des grands
états occidentaux pour ne prendre que ces exerrples. Force est de
constater que dans cette construction d'unités nationales sont
retenus
les critères susceptibles de faire aboutir et maintenir
l'intégration ; la pierre angulaire en est donc l'économie de la
diversité et du pluralisrre. Sur le plan linguistique la tendance
à la réduction d'un ensemble linguistico--culturel se présente sous
la fome de l'adoption d'un parler pIDml au rang de langue natio-
nale ou officielle. Mais ces politiques centralisatrices et uni-
ficatrices se sont faites selon une démarche qui masque générale-
rrent les contractions qui les sous-tendent (on a beaucoup parlé
du problèIœ des minorités ethniques et de l'étoufferœnt des lan-
gues régionales dans les zones dites "unilingues").

- 198 -
Face aux élites nationaliste locales qui insistent sur la nécessité
de la constIuction nationale, il ya le courant 'ethniciste" qui net
l'a=ent sur le resrect de la pluralité linguistique et le danger
d'illle éventuelle oppression culturelle qui proviendrait du choix
de l' illle des langues ethniques en présence ; ces locuteurs restent
conscients du fait que le choix decette langue est signe que cette
dernière domine ou va dominer l'économie ou la IDlitique du pays.
cette rrêrœ crainte anirrerait &galerrent les groupes ethniques non
diglottes, dont l' attacherrent à leur langue etlmique procède d'une
ethnicité traditionnelle plutôt que du nationalisrre m:xJ.eme (des
diglottes) ; sans doute paroe qu'ils relèvent de la société tradi-
tionnelle où la question linguistique ne se IDse guère en rapp:>rt
avec la constIuction nationale vis à vis de laquelle ils se sen-
tent illl peu étrangers. Il est en effet admis que c'est sous l'im-
pulsion du développerrent éoonornique et politique que les sociétés
cornœncent à s'industrialiser et à s'urbaniser, et que la question
du statut des langues se IDse ; cette période coïncidant avec l' ap-
parition des classes sociales rruis aussi avec l' érrergenoe et la
consolidation des nations (F. FRANCDIS, 1980).
Pour les analphabètes le \\\\Dlof derreure une langue véhiculaire
dont le rôle est d'assurer l'efficacité dans la communication entre
groupes ethniques différents. A la différence de certains d.Lglottes
urbains d'origine ethnique non \\\\Dlof (cf. nos enquêtes sur la di-
glossie), il serriJle que les groupes ethniques analphabètes qui sont
en situation de bilinguisne (langue ethnique / \\\\Dlof) assurrent cet-
te dualité linguistique sans jamais la muer en illle hierarchie où ils

- 199-
seraient seconds (HOUIS, 1971). C'est le cas des peuls et des
toucouleurs qui restents conscients du prestige de leur langue;
associée à W1e grande tradition culturelle, religieuse et lit-
téraire à travers tout le continent. Il en est de rrêrœ
pour
les diolas qui en dépit de la diversité dialectale du diola ont
le sentirrent d'une CXllm1UIle appartenance que renforce leur spé-
cificité culturelle, leur long isolerœnt géographique ainsi que
la conscience de l' imp:Jrtance économique de leur région.
Si la prédominance du w:Jlof doit être rattachée au contexte urbain,
i l est nécessaire de ne pas perdre de vue que la population sé-
négalaise cJ.erreure encore essentiellemnt rurale (environ 75%) et
attachée à ses traditions culturelles et ethniques.
La question qui est ainsi posée dépasse le cadre sociolinguis-
tique et empiète sur le dorraine politique voire philosophique,
eu égard aux multiples problèrres qu'elle soulève et qu'il n' y a pas
lieu de développer ici. Il serait par contre utile de souligner
l'urgence d'un fait : celui de préserver les langues locales con-
frontées aux mutations socioéconomiques en cours, en rapport avec
les exigences de la rrodernité. la perte de =rrpétence de plus en
plus accusée chez les citadins et plus particulièrerœnt chez les
diglottes, nous conduit à penser que seule une adaptation de ces
langues au I1Dnde rrodeme (nonnalisation, lexique) ainsi que leur
intégration effective corme langue d' enseignerœnt dans les ins-
titutions scolaires pJurraient penrettre de rétablir l'équilibre

- 200 -
entre une civilisation de l'oralité (que ne vivent plus pour ainsi
dire les diglottes et les citadins) et une civilisation de l' écri-
ture qu 1 :Unp:>se le choix de la rrodernité.
Quant au français 1 au delà des opinions qu'on porte sur lui, i l de-
rreure une langue nécessaire pour des raisons à la fois sociales
et éoonomiques ilmédiates 1 nais aussi pour les besoins d' une ou-
verture au rronde extérieur (oorrmunication interafricaine et inter-
nationale). Il imp:>rte de penser son e.'1Seignerœnt et sa pédagogie
en acoord avec son statut réel et ses finalités les plus oon-
fomes aux besoins de la ccmnunauté linguistique. cela ne peut se
faire qu'en tenant oorrpte des données sociolinguistiques en oours
dans cette oormm.mauté.

- 201 -
BIBLIOGRAPHIE
ALEXANDRE Pierre
(1967)
Langue et langage en Afrique
N:Jire, Paris Payot
AMIN Samir
(1979)
Classe et nation, Paris, Edi-
tion de Minuit
A\\JI'HIER et MEUNIER
( 1972)
"N:Jnre, grarrnœ.ticali té et ni-
veaux de langue" ~ FRAN-
G\\ISE nO 16 pp 49-62.
BAGGIONI Daniel
( 1980)
"Problèrres linguistiques et [x.-
l itiques "
LA PENSEE nO 209, pp 36-49
BAL Willy
(1979)
"Contribution à l'étude des o-
pinions exprirœes par l'élite
africaine au sujet des rapports
entre les langues nationales et
le français" dans Plurilinguisrœ,
nonres, situations, stratégies.
Paris L'Harmattan pp 231-249

- 202 -
BARREI'EAU
(1978)
L'inventaire des etudes lin-
guistique sur les pays d'A-
frique Noire d'expression
française et sur Madagascar.
CILF.
BEBEL-GISLER
(1974)
Etude sociolinguistique 0es
raPFOrts de force entre le crée-
le et le français aux Antilles
Thèse de Ille cycle, Paris.
Ouvrage publié sous le titre de:
Le créole force jugulée
aux é-
ditions de l'Harmattan.
BENIDLlLA Alain
( 1981)
"Langues et problèrœs d' éduca-
tion en Haïti", LANGAGES n° 61
P 117- 127
BENVENISTE Emile
(1974)
problèrœs de linguistique
générale II, Paris Gallinru:d
BERNSTEIN Basil
(1975)
Langage et classes sociales
Paris, Editions de Minuit
BESSE Henri
( 1970)
"Problèrœs de sens dans l'en-
seignerœnt d' W1e langue é-
trangère" LANGUE FRANCAISE n08
p 62-77

- 203 -
BWNDE Jacques
(1975
Cl efb) "Pour une description du
français d' Afrique" cians
REALITES AFRICAINES ET LAN-
GUE FRANCAISE, Dakar CLAD
p 8-18
Résultats d'un sondage so-
ciolinguistique en milieu
analphabète. CLAD Dakar
BOCQIAUX L.
(1969)
"La créolisation du français
par le sango véhiculaire, phé-
nomènes réciproques" dans Le
franÇillis en France et hors de
France.
Annales de la Faculté des lettres
et Sciences humaines de Nice n07
pp 57-70.
BROSSARD M.
(1978)
"Milieu social, situation de
verbalisation et capacités
linguistiques" REVUE FRANCAISE
DE PEDl\\GCX;IE.
CALAME-GRIAULE Geneviève
(1970)
"Pour une étude ethnàlinguis-
tique des littératures orales
"
africaines. LANGAGE N° 18
pp 22'-44.

- 204 -
CALVEl' Louis Jean
( 1975)
Pour et contre sanssure Paris
Payot.
(1977)
Marxisne et linguistique Paris
Payot,
(1979)
Linguistique et colonialisne
Paris Payot.
(1981 )
Les langues véhiculaItres
Paris Pm".
CALVEl' Molurice
(1964a etb)
Le français parlé: Etude pho-
nétique - Interférence du pho-
nétisrœ =lof ClAD Dakar
IV A
19p
Le français parlé : enquête au
lycée de Thies
aM Dakar
IV B
46p
CAR'IDN Fernand
( 1974)
Introduction à la phonétique
du français, Paris Bordas.
OJAUDENSON Robert
( 1978)
"Créole et langage enfantin
phylogenèse et ontogenèse"
lJ\\lUJE FRANCAISE.

- 205 -
CHCMSKY N.
(1971)
Aspects de la théorie syn-
taxique
Paris Seuil.
COHEN Marcel
(1963)
Nouveaux regards sur la lan-
gue française
Editions 50-
ciales.
(1970)
'Ibujours des regards sur la
langue française
Editions
sociales.
(1974)
Matériaux jX?ur une sociologle
du langage
Paris Maspero
2 volllITEs.
DEBYSER
(1970)
"La linguistique =ntrastive
et les interférences" LANGUE
FRANCAISE n° 8 p 31-61.
DEIAT'ffiE P.
(1966)
"Les dix intonations de base
.[
du français", FRENCH REVIEW
vol 40 pp 1-14.
(1967)
"La nuance de sens par l' in-
tonation" FRENCH REVIEW vol 41
P 326-339.

- 205 -
DESCHAMPS H.
(1964)
Le Sénégal et la Gambie
Paris PUF.
DEYHlllE G.
(1967)
"Enquête sur la phonologie
du français contemporain"
lA LINGUISTIQUE fa<5C. 1 et 2.
DIOP M.
(1974)
Histoire des classes sociales
dans l'Afrique de l'ouest, le
Sénégal, Paris Maspero.
DIOP Ousmane Blondin
(1982 )
Les héritièrs d'une indépendan-
oe,
Dakar, Abidjan Lomé, Les
Nouvelles Editions Africaines.
DUCRCYID et TOIDROVT
(1972)
Dictionnaire encyclopédique des
scienoes du langage, Paris seuil.
DUMONT' P.
(1973 a etb) Les emprunts du w::>lof au fran-
çais
CLAD Dakar.
Le français et les langues na-
tionales au Sénégal (Problèmes
politiques, linguistiques et pé-
dagogiques) CLAD
Dakar.

- 207 -
DlNJNT P.
(1976 a 0 b)
"Pour une nouvelle franco-
phonie" dans REALITES A-
FRICAINES El' lANGUE FRANCAISE
(CLAC Dakar)
1 P 23-28.
"Limite des études cantras-
tives" dans REALITES AFRI-
CAINEs El' lANGUE FRANCAISE na 4.
DUPONCHELL
"Le français d'Afrique Noire,
mythe ou réalité : problèmes
de délimitation et de descrip-
tion"
Annales de l'Université
d'Abidjan série linguistique VII.
" Le français d'Afrique, une
langue, un dialiecte ou une
variété locale"
DJssiers péda-
gogiques AUDECAM, 13.
ERNY Pie=e
(1972 )
L'enfant et son milieu en Afri-
que Noire, Paris Payot
FAIKS
( 1978)
"Un inventaire des particulari-
tés lexicales du français d' A-
frique : pourquoi et carment"
dans RECHEROJE, PEDAGCGIE et
CULTURE pp 11-33.

- 208 -
FAIKS
(1980)
"Problénatique de l'ensei-
gnerrent des langues négro-
africaines" dans AELIA nO 2
pp 11-33.
FALL Aram Diop
(1975)
"Les langues nationales et
l ' enseignerrent" dans REALITES
AFRICAINES ET LANGUE FRANCAISE
CLAD Dakar 1 pp 29-39.
FERGUSON C.
(1959)
"Diglossia" dans IVRD vol 15
pp 325-340.
FISHWIN Joshua
(1965)
Yidish in América, sociolin-
guistic description and analysis,
La Haye !-buton.
(1966)
Language loyalty in the United
States. The naintenance and per-
petuation of non english rrother
tongues by american ethnic and
religious group
La Haye !-buton.
(1968)
Readings in the sociology of lan-
guage
Torre l La Haye !-buton.

( 1969)
"National languages and lan-
guages of wider cormnmica-
tion in the developping na-
tions" dans ANrHROPO:uxilCAL LIN-
CUISTle.
(1971)
Sociolinguistique, traduction
de sociolinguistics, a brief
introduction, Lator Nathan.
( 1972)
Language in sociocultural
change, California Standford
University Press.
FOUCHE P.
(1959)
Traité de pronociation fran-
çaise, Paris Klineksieck.
- - -
FRANCOIS D.
( 1974)
Français parlé - Analyse des
unités phoniques et significatives
d 'un corpus recueilli dans la ré-
gion parisienne, Tomme l et II
S.E.L.A.F.
FRANCOIS F.
(1980)
Linguistique
Paris PUF
GARDE P.
(1968)
L'accent, Paris PUF.

- 210 -
GAFDIN Bernard
(1976)
"Pour un enseignerrent du
français aux travailleurs
émigrés" LANGUE FRA!;CAISE
nO 29 pp 3-30.
GENOlNRIER
(1972)
"Quelle langue parler à
l'école. Propos sur la
nome du français" Il\\NGUE
FRANCAISE nO 13 pp 34-51.
GRAMMJNI' Maurice
(1914)
Traité pratique de pronon-
ciation française
Paris
Delagrave.
(1958)
La prononciation fraçaise
traité pratique, Paris.
GRE."VISSE Maurice
(1964)
Le bon usage, gramnaire
française, Gembloux Paris.
GUESP IN lDuis
(1976 )
"Les embrayeurs du discours"
Il\\NGUE FRANCAISE nO 41,
pp 47-123.
GUEUNIER, GENOlNRIER,
(1978)
Les français devant la nome )
contribution à une étude de
la nome du français parlé,
Par is, Honoré. Charrpion.

- 211 -
GUILBERl' IDuis
(1972)
"Peut--Qn définir un concept
de norrre lexicale ? LANGUE
FRANCAISE nO 16 pp 29-48.
(1975)
La néologie lexicale
Paris, Larousse.
GUMPERZ J.
(1964)
"Linguistics an social interac-
tion in t\\o.D conmunities" ,
dans AMERICAN ANrHROPOLCX;IST, 66,
P 37-53.
(1968)
"The speach =rrnunity" dans
International Encyclopedia of
the social sciences, Macmillan
p 381-386.
HALLIDAY Mak
(1964 )
"The users and the uses of lan-
guage" dans HALLIDAY. M::: Intosh
et Strevens, ~The linguistic sciences
and language teaclùng, IDndon IDngrran'
BAlaN
(1966 )
"Dialect, language, nation" dans
AMERICAN ANTHROPOIJ:X;IST, vol 68
pp 922-935.

1
- 212 -
HAZAEL-MASSIEUX G.
(1978)
"Approche so:::iolW1guistique
de la situation de diglossie
française créole en Guadelou-
pe" LANGUE FRANCAISE nO 37
pp 106-118.
HYMES D.
(1964 )
Language in culture and so-
ciety, Harper Intern Edition.
Hours M.
(1971)
Anthropologie linguistique
de l'Afrique Noire, Paris
PUF.
JAKOBSON Rom3n
( 1963)
Essais de linguistique géné
rale Paris, Editions de Minuit.
JARDEL Jean Pierre
( 1979)
"De quelques usages des con-
cepts de bilinguisrœ et de
diglossie" dans WALD et MANESSY,
Plurilinguisrœ, ncnres, situa-
tions et stratégies pp 25-38.
Sociolinguistique Paris
LAl'IJV William
(1976)
Editions de Minuit.

- 213 -
KAl4INKER et BAGGIONI
(1980)
"la nome, gendanre et bouc
émissaire"
lA PENSEE na 209
pp 49-63.
IAOOV William
( 1978)
Le parler ordinaire ; la lan-
gue dans les ghettos noirs des
Etats Unis
Paris Editions de
Minuit.
lACROIX P.F
( 1970)
"Cultures et langues africai-
nes : les emprunts linguis-
tiques" LANGAGES na 18
pp 48-63.
LAKS
(1983)
Cité par VALVERDU F. dans
"Le catalan, un cas typique
de diglossie?"
CAHIERS DE
LINGUISTIQUE SOCIALE na 4-5,
publication du GRECSO, Univer-
sité de Haute Nornundie Rouen
pp 218-235.
LEDN P.
(1960)
Prononciation du français
standard, Paris.

- 214 -
LEDN P. et M.
(1964 )
Introduction à la phonétique
corrective à l'usage des pro-
fesseurs de français à l' é-
tranger. Paris Hachette.
LEPALLEl: A.
(1980)
"A propos de quelques problè-
IreS de rréthodologie pour l' in-
ventaire des particularités
lexicales du français en Afrique
Noire" dans le Bulletin de
l'AELIA nO 2 pp 34-39.
MACKEY William F
(1979)
"L'irredentisrre linguistique,
une enquête térroin" dans Pluri-
linguisrre, nomes, situations,
stratégies.
pp 237-283
Paris l'Harmattan.
MAINGUENEAU
(1976)
Initiations aux rréthodes de
l'analyse de di=urs, Paris,
Hachette.
MANESSY G.
(1978)
"Le français d'Afrique Noire,
français créole ou créole
français" dans IANGUE FRANCAI-
SE nO 37 pp 91-118.

- 215 -
MARCELLESI Christiane
( 1978)
"Le français en milieu sco-
laire : hypothèses et stra-
tégie d' tme enquête en Haute
NoITlBndie" dans : ACl:e du co 110-
4 ue de sociolinguistique de ROUEN.
L
MARCELLESI Jean-Baptiste
(1977)
''langage,_ et classes sociales"
dans LANGAGES nO 46 p3-22
(1980)
"Pour une approche sociolin-
guistique de la situation
du COrse, dans ETUDES CORSES
nO 14.
(1980)
"De la crise de la linguisti-
que à la linguistique de la
crise : la sociolinguistique"
dans LA PENSEE n° 209 pp 4-21.
(1981 )
"Bilinguisrre, diglossie, hégé-
nonie : problèrres et tâches"
dans LANGAGES nO 61 pp 5-11.
MARCELLESI J;B et GARDlll B.
(1974)
Introduction à la sociolinguis-
tique ; la linguistique sociale
Paris, Larousse.

2J6 -
MARTINET A.
(1969)
1~ français sans fard,
Paris PUF
( 1970)
Langue et fonction PARIS
Gontier
( 1971)
La prononciation du français
contemporain
Paris
Librairie DZüZo
MARTINET et WAlTER Ho
(1973)
Dictionnaire de la pronon-
ciation française dans son
usage réel
PARIS,
France Expansion.
MAUME JoC
(1973)
"L'apprentissage du français
chez les arabophones maghré-
bins" LANGUE FRANCAISE N° 19
PP 90-107
MAZEL J~an
(1976)
"L'enquête phonologique: équi-
libre du système et poids de
la norme" dans LENGAS n° 4
MBOUKOU JoP
( 1973)
Le français en Afrique Noire
Paris Bordas

- 217 -
NIQUE Christian
(1974)
Initiàtion méthodique à la
grannnaire générative
t
Paris,:
Armand Colin.
NOYAU Colette
( 1976)
"Les français approchés des
travailleurs migrants
: un
nouveau champ de recherchen .
LANGUE FRANCAISE n° 29
pp 45-59.
PHELIZON J.F
( 1976)
Vocabulaire de la linguistique
Paris Roudie.
POTTIER B.
( 1968)
"La situation linguistique
en France" dans LE LANGAGE.
PROVOST-CHAUVEAU Geneviève (1971)
Il problèmes
théoriques et mé-
thodologiques en analyse de
discours ll
LANGUE FRANCAISE. nOq
pp 6-21
PRUDENT Félix Lambert
(1979)
Du baragouin à la langue an-
tillaise, analyse historique
et sociolinguistique du dis-
cours sur le créole martini-
quais Thèse de Ille cycle
Université de Rouen

- 218 -
(1980)
It Les
processus de la ml no-
ration linguistique
un coup
d'oeil à la situation antillai-
se et à la créolisation"
dans LA PENSEE n° Z09
pp 68-83.
(1981)
"Diglossie et interlecte",
LANGAGES nO 61 pp 13-34
REICHSTEIN R.
(1960)
"Etude des variations socia-
les et géographiques des
faits
linguistiques" dans
WORD
pp 55-99.
REY Alain
( 1972)
llUsages,
jugements et pres-
criptions linguistiques ll ,
LANGUE FRANCAISE nO 16
pp4-Z6.
SAPIR Edward
(1968)
Linguistique,
Paris
, Editions de Minuit.
SAUVAGEOT Aurélien
(1962)
Ff.ançais écrit,
français
parlé
Paris Larousse

- 219 -
(1978)
Français d'hier ou fran-
çais
de demain ? Paris
Fernand Nathan.
SCHAFF
Adam
(1974)
Langage et connaissance
Paris Anthropos.
SNYDERS G.
(1976)
Ecole, classe et lutte de
classe
Paris PUF
STOURDZEC
(1969)
"Les n1veaux de la langue"
dans LE FRANCAIS DANS LE
MONDE n° 65
pp 18-21;
"Pluri linguisme :
TABOURET
KELLER
(1976)
'Revue des travaux fran-
T
ça," de 1945 à 1973""
dans LA LINGUISTIQUE vol 11
n02
( 1981)
"Maintien de l'alsacien et
adoption du français,
éléments de la situation
en milieu rural en Alsace",
LANGAGES n061
pp 39-61.

- 220 -
VALDMAN Albert
(1978)
"La créolisation dans les
parlers franco-créole Il
LANGUE FRANCAISE n° 37
p 40-57.
(1979)
Il
La diglossie français-créole
dan~ llunivers·plantocratique" _
dans plurilinguisme, normes,
situations, stratégie.
Paris l'Harmattan.
WALD P., CHESNY J., HILYMA"
POUT IGNAT 0
( 1974)
"Contexte et varaibilité


• •
Il
Notes Soc~ollngu~stlques
dans Bulletin du centre
d'études des plurilinguismes
pp 15-79
WALD et POUT IGNAT
(1979)
"Français et sanga à Bouar :
fonctions marginales du fran-
çais dans les stratégies in-
terpersonnelles " dans Pl '
UTl-
linguisme, normes,
situations,
stratégies
Paris,
l'Harmattan
pp 201-227.

- 221 -
WALTER Henriette
(1976)
La dynamique des phonèmes
dans le lexique français
contemporain
Paris, France
(1977qerb) Phonologie et
Ottawa Didier.
La phonologie du français
Paris PUF.
WEINREICH
(1974)
Languages in contact
findings
and problems
La Haye Mouton.
WIOLAND F.
(1965)
Enquêtes sur les langues par-
lées au S~négal par les él~ves
de l'enseignement primaire
~tude statistique.
CLAD Dakar n' XIe.