UNIVERSITE PARIS VII

DES PIONNIERS MECONNUS DE L'INDEPENDANCE:
AFRICAINS, ANTILLAIS ET LUTTES ANTI-COLONIALISTES DANS LA FRANCE
DE L'ENTRE-DElIX-r.UERRES <1919-1939)
PAR
OLIVIER SAGNA
VOL.I
THESE DE D0CTOPAT
SOUS LA DIRECTI0N DE
MADA~E CATHERINE COQIJERY-VIDROVITCH
PARIS NOVEMBRE 1986

Liste des principales abréviations
A.E.F. :Afrique Occidentale Française
A.E.M.F. :Association des Etudiants Martiniquais en France
Aff. Pol. :Fonds Affaires Politiques
A.M.I. :Association Mutuelle des Indochinois
A.N. :Archives Nationales
A.N.C. :African National Congress
A.N.L.C. :American Negro Labor Congress
A.N.S. :Archives Nationales du Sénégal
A.N.S.O.M. :Archives Nationales Section Outre-Mer
A.O.F. :Afrique Occidentale Française
A.R.A.C. :Association Républicaine des Anciens Combattants
Arch. de la C.C. :Archives de la Commission Coloniale
Arch. dép. :Archives départementales
Arch. d~p. des B.D.R. :Archives départementales des Bouches du Rhône
Arch. dipl.
:Archives diplomatiques
B.C.A.F. :Bulletin du Comité de l'Afrique Française
B.D.G. :Bloc Démocratique Gabonais
B.E.I.F. :Bureau d'Entente des Indochinois de France
B.I.F.A.N.:Bulletin de l'Institut Fondamental d'Afrique Noire
B.I.T. :Bureau International du Travail
B.T.S. :Bataillon de Tirailleurs Sénégalais
BUMIDOM :Bureau pour le Développement des Migrations Intéressant les Départements
d'Outre Mer
.,~
C.A.I. :Contrôle et Assistance aux Indigènes

C.C. :Commission Coloniale
C.C.C. :Commission Coloniale Centrale
C.D.I.R.N. :Comité de Défense des Intérêts de la Race Noire
C.D.R.N. :Comité de Défense de la Race Nègre
C.E.A.C. :Comité d'Etudes et d'Action Coloniale
C.E.C. :Comité d'Etudes Coloniales
C.F.A.O. :Compagnie Française de l'Afrique Occidentale
C.G.T. :Confédération Générale du Travail
C.G.T.I. :Commissariat Général des Troupes Indochinoises
C.G.T.N. :Commissariat Général aux Troupes Noires
C.G.T.U :Confédération Générale du Travail Unifiée
C.I.R.E. :Comité International de Rationalisation Economique
C.L.A.I. :Comité de Liaison Anti-Impérialiste
C.P.U.S.A. :Communist Party of the United States of America
C.R.D.A. :Centre de Recherche et de Documentation Africaine
C.S.I.O.N. :Comité Syndical International des Ouvriers Nègres
D.A.P. :Direction des Affaires Politiques
D.N. :Dakar-Niger
D.S.G. :Direction de la Sûreté
D.S.L. :Dakar Saint-Louis
E.N.A. :Etoile Nord-Africaine
F.E.A.N.F. :Fédération des Etudiants d'Afrique Noire en France
F.F.J.A. :Fédération Française des Jeunesses Africaines
G.E.C. :Groupes d i Etudes Communistes
G.S.O.C.:Croupe Socialiste des Originaires des Colonies
I.C. :Internationale Communiste
I.S.R. :Internationale Syndicale Rouge
I.T.E. :Internationale des Travailleurs de l'Enseignement
J.C. :Jeunesses Convnunistes

L.A.I. :Ligue Anti-Impérialiste
L.D.R.N. :Ligue de Défense de la Race Nègre
L.F.A.D.C.I.M. :Ligue Française pour l'Accession aux Droits de Citoyen des Indigènes
de Madagascar
L.U.D.R.N. :Ligue Universelle pour la Défense de la Race Noire
N.A.A.C.P. :National Association for the Advencement of Coloured People
O~N.I.:Office National d'Immigration
P.A.I. :Parti Annamite de l'Indépendance
*
P.A.I. :Parti Africain de l'Indépendance
P.A.I.G.C. :Parti Africain de l'Indépendance de la Guinée et des iles du Cap Vert
P.C. :Parti Communiste
P.C.F. :Parti Communiste Français
P.C.M. :Parti Communiste Malgache
P.P.A. :Parti du Peuple Algérien
P.S.O.P. :Parti Socialiste Ouvrier et Paysan
R.D.A. :Rassemblement Démocratique Africain
R.F.H.O.M. :Revue Française d'Histoire d'Outre-Mer
R.M.N. :Revue du Monde Noir
S.A.A. :Services des Affaires Algériennes
S.A.C.P. :South African Communist Party
S.A.I.N.A. :Service des Affaires Indigènes Nord-Africaines
S.C.A.F.I.C. :Service de Contrôle et d'Assistance des Indigènes des Colonies
S.C.C.I. :Service Colonial du Contrôle Indigène
S.C. I. I.C. : Service de, Contrôle des Tirailleurs et Travailleurs Coloniaux
S.F.I.C. :Section Française de l'Internationale Communiste
S.F.I.O. :Section Française de l'Internationale Ouvrière
S.L.O.T.F.O.M. :Service de Liaison avec les Originaires des Territoires Français
d'Outre-Mer
S.O.S.T.C.F. :Service d'Organisation et de Surveillance des Travailleurs Coloniaux
en France

S.R.I. :Secours Rouge International
S.R.P. :Service de Renseignements Politiques
U.I.C. :Union InterColoniale
U.N.I.A. :Universal Negro Improvement Association
U.T.N. :Union des Travailleurs Nègres
V.N.D.L.D.:Viet Nam Doc Lap Dang
W.A.S.U. :West African Student's Union

Aujourd'hui encore, no~breux sont ceux aui situent
la naissance du mouvement anti-colonialiste africain aorès
la seconde guerre mondiale suite à la création du Rassemble-
ment Démocratiaue Africain
( ~.D.A.
) en 1946 ~ ~aIT.ako ( Mali ).
~ertes, la seconde guerre mondiale a joué un rOle décisif
dans le développement des mouvements nationalistes 8n Afriaue
et ailleurs, mais elle n'a fait qu'amplifier et accéléer un
?rocessus d'éveil des consciences qui a vu le jour au lende-
main de la première guerre mondiale.
Une des raisons principales du déclenche~ent de ce processus
a été sans doute la mobilisation massive des peuples coloniaux
à des fins économi~ues ou militaires en vue de leur partici-
pation au conflit. Parmi ~'autres, des milliers d'Africains
ont été enrOlés de force ou recrutés grâce à ces proDesses ~i­
robolentes pour être envoyés en Europe défendre un pays font
ils ignoraient tout, mais qu'on leur nrésentait co~~e étant
leur" Mère-Patrie ".
Au front,
ils se sont rapidement aperçus que la mort et la
souffrance ne faisaient pas de distinction de couleur ni f-e
statut pour choisir leurs victi~es. Cette constatation en ao-
parence banale, ajoutée au fait qu'on les avait appelés pour
sauver la " Patrie" en danger,
a été le signal de la reI:'ise
en question du myt~e jusqu'alors inébranlé de la sUDériorit§
de l'homme blanc.
Transportés dans un monde nouveau, ils ont pu ici
et là, au hasard d'une discussion ou d'une permission, décou-
vrir des réalités qu'ils ignoraient et qui avaient pour noIT.S
liberté d'expression, droit d'association, droit de grève,
anti-colonialisme et plus simplement
••. liberté tout court.
t1ais i l est un droit fondamental oui allait bouleverser la

8
face du monde àans la seconde moitié du XXp.ne siècle et a~e
certains allaient entendre et méditer : le droit des peuples
à disposer d'eux-mêmes.
Quand les hostilités prirent fin,
une chose était sûre
rien
ne pourrait jamais plus être comme avant.
Ceux qui réussirent à se faire démobiliser en Fr~nce et ceux
qui étaient venus travailler en métropole à la faveur de la
guerre constituèrent bientôt la base de la premip.re qénératior-
d'i~migrés africains. Les plus conscients d'entre eux vont
rapidement rejoindre le mouveMent anti-colonialiste, une né-
buleuse qui rasse~ble aussi hien les p2rtisans de l'assi~ila­
tion que les tenants de la disparition du système coloni2l
mais qu'unit une ~ême opposition à la politiaue coloniale
officielle. Unis par l'oppression et l'exploitation coloniale!
Antillais et Africains vont alors mettre sur pie0 une presse
et des organisations dont l'objectif principal sera la réh~­
bilitation et la défense èu monde nèqre.
Les principales figures de ce mouvement tels Kojo
Tovalou Houénou, Lamine Senqhor, Tiémoko Garan Kouyaté ou
Emile Faure furent en contact avec des gens aujourd'hui aus-
si célèbres que George Padmore, :!.E.B. Du Bois, Marcus Garvey,
Léon Mba, Ouezzin Coulibaly, Jacques Poumain, Léopold Sédar
Senghor, Aimé Césaire, Messali Hadj, etc .•. sans parler des
horrunes poli tiques français comme Jacaues Doriot, Harius ~~outet
ou encore Daniel Guérin.
Cependant plus d'un quart de siècle après l'accession à l'in-
dépendance de la plupart des colonies françaises d'Afrique,
ces hommes sont à peine connus de leurs semblables et ce, chez
les paysans analphabètes comme chez les intellectuels des vil-
les.
Certes depuis quelques temps la lumière se fait
peu à peu sur leur combat et, depuis la fin des années soixante-
dix,
les travaux universitaires sur la question se multiplient.

9
Papa Ibrahima Sy, Ndeye Koumba Sow, Cheikh Tidiane Gadio et
nous même avons présenté des mémoires de ma!trise ayant trait
à ce sujet; Philippe Dewitte dans une thèse de 3ème cycle,
Martin Steins et Joseph Costisella dans des doctorats d'Etat,
ont quant à eux traité la question plus profondèment~l)
Si ces travaux ont le mérite d'exister, ils présentent à nos
yeux certaines limites. C'est ainsi que rédigés par des appren-
tis-historiens dans un court laps de temps, les mémoires de
ma!trise cités recèlent nombre de défauts et d'erreurs por-
tant sur le fond tantOt sur la forme. Quant aux thèses évo-
quées, la première nous semble avoir négligé la dimension po-
litique de ces mouvements au profit de leur dimension cultu-
relle et les deux dernières n'envisagent le sujet que dans le
cadre plus vaste d'études sur la Négritude.
Sans avoir la prétention de vouloir révolutionner
tout le savoir sur la question, notre travail a pour ambition
de décrire, d'expliquer, de commenter et donc de faire con-
naître ce qui nous apparatt comme la principale dimension de
ces mouvements nègres, à savoir leur dimension politique.
En somme, i l s'agit pour nous de montrer en quoi ces mouvements
furent le pendant des mouvements nationalistes indochinois et
maghrébin qui se développèrent en France à la même époque.
POur ce faire nous avons essentiellement utilisé des docu-
ments d'archives. A la Section Outre-Mer des Archives Natio-
nales, le fonds SLOTFOM nous a fourni la majeure partie de
notre documentation sur les organisations anti-colonialistes
nègres mais l'utilisation, mais l'utilisation complémentaire
des fonds " Affaires Politiques " et des " Papiers Marius
Moutet ", nous a également été d'une grande utilité. Autre
source importante pour notre travail, les Archives Nationales
du Sénégal où nous avons principalement consulté les séries
2G
( rapports politiques ), 13G ( Affaires politiques et admi-
nistratives du Sénégal), 17G ( Affaires Politiques de l'A.O.F. ),
19G ( Affaires Musulmanes en A.O.F.
) et 21G ( police et Snreté
-------------------
(1) A ee~ t~avaux ~t 6aut ajoute~ ta thè~e de Lue Zoumenou,
eon~ae~ée a Kojo Tovatou Houénou ( e6. B~bt~og~aph~e J dont
nou~ n'avon~ p~i~ eonna~~~anee qu'ap~è~ ta ~édaet~on de ee t~ava~t.

1C
en A.C.F. ).
Enfin, nous devons mentionner les archives de la Commission
Coloniale du P.C.F ..
Ces trois grands fonds d'archives mis à part, nous avons
également travaillé aux Archives Départementales du Var et
des Bouches du RhOne
( concernant plus particulièrement la
vie des Africains dans le Sud de la France)
la série F7
( police Générale ) des Archives Nationales
à propos de de
la campagne contre la guerre du Rif ), les Archives Diploma-
tiques du ministère des Affaires Etrangères
( au sujet du Pan-
africanisme), et celles du Service Historique de l'Armée
de Terre
en rapport avec la carrière militaire de Lamine
Senghor ) .
Pour rester dans le domaine de l'écrit, preC1sons que nous
avons largement consulté la presse de l'époque, que ce soit
la presse coloniale ou la presse anti-coloniale.
La plupart des acteurs et des témoins de cette pé-
riode étant décédés ou· tombés dans l'anonymat, i l nous a été
difficile de réaliser des enquêtes orales. Cependant nous avons
pu nous entretenir avec Camille Saint-Jacques
( ancien membre
de l'Union InterColoniale et du P.C.F. ), C.L.R. James
( ami
d'enfance de George Padmore et militant trotskyste et panafri-
caniste ) et deux anciens marins sénégalais. Enfin Léopold
Sédar Senghor a bien voulu répondre par écrit à quelques ques-
tions que nous lui avons posées.
De manière peu orthodoxe dirons certains, ce travail est arti-
culé en quatre parties et non trois, pour la simple et bon-
ne raison que nous avons d'abord voulu brosser un tableau d'en-
semble afin de ne pas avois à revenir sur un certain nombre
de choses.
Par ailleurs, faisant partie intégrante de cette thèse, nous
avons joint des biographies de militants, une chronologie som-
maire, un organigramme représentant schématiquement l'évolu-
tion des organisations nègres et retraçant quelques itinérai-
res politiques personnels, un index des noms des personnes

citées ainsi que des annexes pour illustrer le tout.
L'ensemble de ces élèments nous a permis de recons-
tituer aussi complètement que possible l'histoire de ces pion-
niers méconnus de l'indépendance que nous vous présentons ici.

PRErHERE PARTIE
:
LES NEGRES DANS LA FRANCE DE L' ENTRE-DEUX-GUERRES.

13
CHAPITRE 1
L' rr1MIGRATION AFR.ICAINE DA.NS LA FRANCE DE
L'ENTRE-DEUX-GUERRES,
A l'origine, l'ambition de ce chapitre était de bros-
ser un tableau de la communauté nègre
(1)
dans la France de
l'entre-deux-guerres
: origine géographique, composition ethni-
que, localisation sur le territoire français,
importance nu-
mérique, ventilation dans les divers secteurs d'activité éco-
nomique, répartition par sexe et par âge, etc
Tous ces paramètres devaient nous permettre de préciser la
physionomie de ce groupe qui allait être à la fois acteur et
enjeu de luttes politiques et syndicales.
Cependant, l'absence de données
( statistiques et autres)
re-
latives à la communauté antillaise
(2), lfimprécision des in-
formations concernant l'immigration africaine et la quasi-
inexistence de bibliographie sur le sujet
(3), nous ont con-
traint de restreindre le champ de notre étude.
Disposant de matériaux peu nombreux, disparates et souvent im-
précis nous nous contenterons donc de présenter sommairement
quelques généralités sur l'immigration africaine.
(1 J Sou.o t'e.xpJte..o.o,[on " c.ornrnu.nau.t~ nè.gJte. " nou.o Jte.gJtoupon.o te..o
AnJt,[c.a,[n.o e..t te..o
~n.t'[tta,[.o à. t' e. Xc.tu.oi.on de..o Matsac.he..o •
(2 J
A.t,[.tJte. d' e. xe.mpte., te..o
Â1..t'[tta,[.o~c.happe.n.t
à. .tou.t Jte.c.e.n.o e.-
me.n.t .opéc.,[6,[que. toJt.o de..o Jte.c.e.n.oe.me.n.t.o g~néJtaux de. ta. poputa.t,[on
du 6a,[.t qu',[t.o bén~6,[c.,[e.n.t du .o.ta.tu.t de. c.,[.toqe.n 6Jtança,[~.
(3J
La ma.joJt,[.t~ de..o é.tude..o .oe. JtappoJt.ta.n.t à. t',[mmigJta.t,[on a6Jt,[-
c.a,[ne. e.n
~anc.e. poJt.te.n.t .ouJt ta péJt,[ode. po.o.téJt,[e.uJte. aux année..o
c.,[nquan.te. vo,[Jte. aux année..o .oo,[xan.te..

Si le recensement général de la population française
de 1901 dénombre quelques 1150 " Africains " résidant en
France
(1), c'est qu'il comptabilise indistinctement sous cet-
te rubrique les Maghrébins et les ressortissants d'Afrique Noi-
re. En réalité, en ce début du XXème siècle, l'immigration
africaine en France est tout à fait insignifiante.
Quand les premiers immigrés africains sont-ils arrivés ? Com-
bien étaient-ils? Que faisaient-ils? A toutes ces questions,
,
les archives du ministère des Colonies n'apportent aucune ré-
ponse. Les seuls élèments d'information dont nous disposons,
consistent en quelques témoignages recueillis par Sembène Ous-
mane pour son roman-Le docker noir
(2).
Dans ce roman qui a pour cadre le Marseille des années cin-
quante, l'un des personnages déclare:
" Je. -6 ui.-6 a.JtJti. e.n
FJta.nc.e. e.n 1901.
A c.e. mo me.nt ta
nOU-6 n'éti.on-6 que. tJtoi.-6.
Le.-6 ba.te.a.ux éta.i.e.nt c.ha.u66é-6
4U c.ha.Jtbon, nou-6 6~me.-6 bon pouJt POU-6-6e.Jt te.-6 bJtoue.tte.-6
da.n-6 te.-6 -6oute.-6. SuJt ta. Me.Jt Rcuge. c.omme. -60u.-6 te.-6
TJto-
pi.que.-6, te.-6 bta.nc.-6 to mba.i.e.nt c.o mme. de.-6
mo uc.he.-6.
On
ve.na.i.t nou.-6 -6Uppti.e.Jt d'e.mba.Jtque.Jt da.n-6 te.tte. ou te.tte.
c.o mpa. gnie. "( 3)
(7)
Ré-6utta.t-6 -6ta.ti.-6ti.que.-6 du Jte.c.e.n-6e.me.nt pénéJta.t de. ta. poputa.-
ti.on e.66e.c.tué te. 24 Ma.Jt-6 1901. Pa.Jti..o,
Imr.JJti.me.lu:.e. Na.ti.ona.te.
1906
To me. IV ~ p.
8J •
(2)
S.
OUSMANE·
Le.- doc.k.e.Jt noiJt. PJté-6e.nc.e.
,A6Jti.c.a.i.ne. .. 1973 •. 219 p.
(3)
S.
OUSMANE
o~ c.i.t.p. 104.

15
D'après le recensement effectué par le ministère des Colonies
en 1924, un quart des originaires de l'A.O.F. présents en
France à cette époque, résidait à Marseille
(1). En supposant
que la répartition géographique des Africains était la même
au début du siècle, on peut en déduire qu'ils devaient être
à peine une cinquantaine dans toute la France.
A cette époque, la faiblesse numérique de l'immigration afri-
caine n'a rien d'exceptionnelle. Elle ne fait que refléter
le caractère marginal de l'immigration coloniale, dans une
période où les immigrés proviennent pour 85% des pays fron-
taliers de la France
(2).
L'immigration africaine, et d'une manière beaucoup plus géné-
raIe l'immigration coloniale, se maintiendront à ce faible
niveau jusqu'en 1914, date à partir de laquelle les données
du problème allaient être modifiées du fait de la guerre.
2. ~_§Q~~_~!_ê~§_gQ~§~gg~~g~§_§gg_~~§_~~Q~_~f§~!Q~g~§
~~!~_~~~~gfQg~_~Qfg~_~!_~_~~g~·
Lorsque la guerre éclate en Août 1914, tout le monde
est convaincu que les hostilités seront de courte durée.
Cependant, au bout de quelques temps, force est de constater
que le conflit s'éternise et que la France est en partie en-
(1 J ANSOM.
SlOTFOM VI C~4~O~ 9.
lJJ G. TAPINOS.- L ',[mmig4a~,[o~ é~4angè.4e. e.n Ftance..1946 .. 1973.
Pa4,[~, P.U.F. - 1973 p. 4

1E
vahie. Pour tenter de renverser la situation, les autorités
françaises décident alors de drainer vers l'Europe des centai-
nes de milliers d'hommes recrutés aux quatre coins de son
empire colonial et même en Chine.
Quelques 400 000 coloniaux dont 213 000 Maghrébins, 134 000
" Sénégalais ", des milliers d'Indochinois et de Malgaches
renforcent les rangs de l'armée française
(1), tandis que
plus de 390 000 autres, parmi lesquels 150 000 Chinois,
132 321
Maghrébins, 48 955 Indochinois et 4 546 Malgaches, sont mis
au travail à l'arrière dans les usines
(2).
(1 1 Pou~ ee QU~ e~t du nomb~e exaet de ~oldat~ eolon~aux ayant
pa~t~e~pé a la gue~~e en Eu~ope1 le~ auteu~~ d~ve~gent.
C.
L~at4zu {~n .AL x. o~;{.gi.ne~de~ ·:ti.e~~- mondi~me~.
Pa~~~ -
l'Ha~mattan 1982 1 p. 1001 avanee le eh~66~e de 535 000 hom-
me~ envoyé~ en Eu~ope dont 267 000 Magh~éb~n~ et 193 349
Il
S énégalai.~ ". Cette e~ti. mat~o n ne peut ê.t~e ~etenue pou~
la ~~mple ~a~~on Que le eh~66~e de 193 349 Il .ôénégala~~ Il eo~­
~e~pond au nomb~e de t~~ai.lleu~4 ~ee~uté~ en AOF ent~e 1914 et
1918 et non au nomb~e de ti.~ai.lleu~~ e66eet~vement envoyé~
en Eu~ope { e6. J. Su~et Ca.nale ~n
A6~~que No~~e.
L'è.~e eo-
lon~ale 1900~1945.
Pa~i..ô. Ed~t~on~ Soei.ale~ 1977
p 181 1.
Pou~ M. M~ehel ee ~ont 213 000
Magh~éb~n~ et 134 000
"Sénégala~~" QU~ déba~Què.~ent en Eu~ope ( M.M~ehel, le~ t~ou­
pe~ eolon~ale~ a~~~ve.nt. L'H~~to~~e 67 P 1201.
S~ on ~et~ent eette de~n~è.~e e~t~mat~on et Que l'on y ajoute
la
pa~t~e~pat~on de 43 430 rndoeh~no~~ ( G. Bouda~el - la eom-
munauté v~e.tnam~enne en F~anee. N~ee. Ce.nt~e d'Etude~ de.~
1è.lat~on~ rnte~ethn~Que.6-. 1968 p 31 et de. 41 355 Malgaehe~
(
F. Koe~ne~1 l' aeee~~~on de.ô ,Iv{ algaehe.~ a la e~toyeI'LYl.e..:t~ 6Jr.a.n-
ç.a~~e.
Re.vue h~.ôto~~Que
Ju~llet-Septernb~e
1969. p. 83 11 le.
nomb~e de ~oldat~ eolon~aux t~an~po~té~ en Eu~ope ~'élè.ve­
~a~t a p~è.~ de 432 000 homme~.
(2)
c. L~au.zu op. ei.t. P. 100.

1i
Exception faite de plusieurs dizaines de milliers de travail-
leurs Maghrébins
(1), la plupart des tirailleurs et travail-
leurs coloniaux sont rapatriés dans leurs colonies d'origine
sitôt la guerre finie.
De 49 000 pendant la guerre, le nombre des Indochinois passe
à 18 879 en Juin 1920, puis à
1921 en Septembre de la même
année
(2). De même, tout au long de l'année 1919, près de
48 936 tirailleurs " sénégalais " sont rapatriés en A.a.F. au
rythme de 4 000 par mois
(3). En Février 1920, i l ne reste
plus que 3 600 tirailleurs " sénégalais " en Rhénanie et un
millier en France
(4).
Lorsqu'est arrivée l'heure de la démobilisation, les autorités
militaires n'ont pas totalement exclu la possibilité de démo-
biliser certains coloniaux en France. Mais les conditions exi-
gées pour bénéficier d'un tel régLme de faveur limitent sé-
rieusement le nombre de postulants.
»
IJ
En phinelpe, tou~ le~ militaihe~ et thavailleuh4
indigène~ doivent êthe hapathlé~ dan~ le~ délal4 61-
Xé4 pah leuh eonthat d'engagement.
2J
Toute6oi~,
a tithe exeeptionnel, ee4 mllitalhe4 et
thavailleuh~ indig~ne4 pouhhont êthe libéhé4 en fhan-
ee, "~uhleuk ete"m"a"n"de et ~ eulement dan~ le4 ea4 4ulvant~
[lJVan4 le~ année~ 1920-1924, il Y avait 100 000 Algéhlen4,
10 000 Mahoeain4 et 10 000 Tunl~ien4 phé~ent~ en fhanee.
[ e6:
B. STORA. Me~~al"i HadI6"on"da:teriJi "du }.fo"uvemen:t Na:tlonal f..!a:tlo-
~al Algéhlen; th~~e de 3~me eyele. Pahl~ EHESS. 1918, p. 38 J
[2J
C.
Llauzu o~ elt. ~ 100
(3 J M.
Miehel,L'"a:YJYJel" a" "l" 'A~Jti.qu'<.
Pahi~. Publieatlon4 de la
Sohbonne 1982 ~ 408.
(4J M. Miehel op. elt. P. 419.

~pée~al~~ée néee~~a~~e au développement éeonom~que de
pou~ le~quelle~ ~l~ ~e~aient ~eeonnu~ ~u66~~amment
p~épa~é~.
3) ~'il~ ~ont ma~ié~ légalement a une 6emme 6~ança~~e.
4) ~'il~ ~ont pè~e d'un en6ant ou a naZt~e de leu~
union ~éguliè~e ou non avee une 6emme 6~ançai~e.
Van~ aueun de ee~ ea~, la liôé~ation en F~anee ne eon~-
titue un d~oit n (1).
Déjà fort restrictive, cette circulaire, autour de laquelle
les autorités ne durent pas faire beaucoup de publicité, ~Sc
annulée en 1921. Alarmé par le nombre croissant de coloniaux
au chômage, le Ministre des Colonies prie le Ministre de la
Guerre" de n'a'eo~de~ a l'aveni~ aueune dé~ogation au p~~nei-
pe du ~apat~iement immédiat dan~ leu~~ 6oye~~, de~ ~nd~gène~
démobili~é~ o~iginai~e~ de l'A6~ique Oeeidentale F~ançai~e '~ (2)
Malgré le rapatriement massif des tirailleurs " sénégalais "
la guerre n'en a pas moins contribué à accroître l'importance
numérique de l'immigration africaine en France.
(1) ANSOM SLOTFOM rrr ea~ton 93. rn~t~uetion mini~té~ielle du
4 Av~il 1919.
(2)
ANSOM A66ai~e~ Politique~
ea~ton 543. Lett~e du Mini~t~e
de~ Colonie~ au Gouve~neu~ Géné~al de l'A.O.F .. 4 Juin 1921.

1!
Ainsi, du fait de leur citoyenneté française,
nombre de mili-
taires originaires des quatre communes du Sénégal ont pu se
faire démobiliser en métropole sans avoir à en faire la deman-
de
(1). Mais surtout, la communauté africaine s'est accrue
durant le conflit grâce à l'arrivée de nombreux marins afri-
cains. En effet; privées d'une partie de leur personnel mobi-
lisé dans la Marine de Guerre, les compagnies de navigation
ont dû
embaucher des marins africains pour assurer la bonne
marche de leurs navires. Au nombre de plusieurs dizaines,
voire de plusieurs centaines
(2), ils vont véritablement amor-
cer la pompe de l'émigrat~on de l'Afrique vers la France, cons-
tituant pendant longtemps, la principale fraction de l'immigra-
tion africaine.
De fait, si la guerre n'a pas, à proprement parler,
créé un courant migratoire entre l'Afrique et la France, el-
le a fortement-contribué à renforcer le faible flux existant
auparavant.
(1)
Pou~ ~ette ~a~~on, on ~gno~e le nomb~e exa~t d'A6~~~a~n~
~itoyen~ 6~ança~~ ~e~té~ en F~an~e ap~ès la gue~~e.
(Z) Van~ le~ a~~h~ve~ du m~n~~tè~e de~ Colonie~,
~omme dan~
le~ a~~h~ve~ dépa~tementale~
de~ Bou~he~ du Rh5ne nou~ n'avon~
pu t~ouve~ au~une donnée ~h~66~ée ~elat~ve a ~e~ ma~~n~.

2
l
300 000 morts, des centaines de milliers de blessés,
le Nord et l'Est dévastés, une économie en grande partie dé-
sorganisée, le bilan des quatre années de guerre est terri-
blement lourd pour la France.
Pour faire face à la nécessaire reconstruction économique du
pays, les autorités
françaises décident alors de faire mas-
sivement appel à l'immigration. Des centaines de milliers de
Polonais, de Belges et d'Italiens s'installent dans les grands
bassins industriels.
Du côté des coloniaux, nous l'avons déjà dit, ce sont plus de
100 000 Maghrébins qui sont mis à contribution.
C'est dans ce climat que l'immigration africaine va prendre
son premier essor significatif. Outre le besoin de main d'oeu-
vre déjà évoqué, l'accroissement de l'immigration africaine est
lié .à la monétarisation croissante des rapports économiques
et sociaux en Afrique même. Là où cela est possible, les po-
pulations s'orientent, bon gré mal gré, vers les cultures
d'exportation; ailleurs,
la seule solution est parfois l'exil
vers d'autres territoires voire vers l'Europe.
A cela i l faut ajouter l'assouplissement de la législation du
travail, dans le domaine maritime en particulier, qui per-
met l'embauche de personnel africain en plus grand nombre.
Enfin, last but not least, i l ne faut peut être pas négliger

21
" les mirages de la vie facile dans la Mêtropole, mirages cons-
tituês par les
souvenirs ou les racontars de ceux d'entre eux
( les coloniaux) qui, pendant la guerre, ou, en attendant
leur démobilisation, avaient pu trouver à s'embaucher faci-
lement en France moyennant des salaires êlevês "
(1).
a)
Quand la loi n'existait pas.
Bien qu'ayant dêbutê dès le dêbut du XX ème siècle,
l'êmigration africaine à destination de la France êchappe à
toute rêglementation jusqu'en 1928. La rêglementation gênêrale
sur l'immigration ne s'appliquant qu'aux êtrangers thêorique-
ment, tout sujet africain peut venir en mêtropole sans avoir
à se conformer à une quelconque législation. En rêalitê les
choses ne sont pas aussi claires, et dans certains cas, des
réglements particuliers peuvent interdire ou soumettre à con-
ditions la venue en France.
Ainsi, avant-guerre, interdiction est faite aux marins afri-
cains de dépasser vers le Nord, le banc d'Arguin situê au lar-
ge de la Mauritanie
(2).
(1) ANSOM A66ai~e~ Poli~ique~
ea~~on 543~ Le~~~e du Mini~~~e
de~ Colonie~ au Gouve~neu~ G~n~~dl de l'A.O.F. 4 Juin 1921.
(2)
A.
ADAMS. Le long voyage de~ 'gÙi~du Fl'e'uv'e. Pa~i~. Ma~p~~o.
1911 p. 54.

22
Sans doute assouplie pendant la guerre pour permettre aux com-
pagnies de navigation de recruter du personnel africain, cette
interdiction sera levée à la fin des hostilités.
Cette mesure facilite alors l'émigration des marins à desti-
nation de la France. Pourvus ou non des pièces d'identité
obligatoires
(1), nombre d'entre eux viennent tenter leur
chance en métropole. En 1924, suite à une enquête réalisée
par le ministère des Colonies, on s'aperçoit que la majorité
d'entre eux ne sont pas en règle. Consultant les listes de
l'Inscription Maritime, le chef de la section africaine du CAl
constate qu'en regard
de beaucoup de noms figure la mention
" non identifié "
n
Cela lai~~e a ~uppo~e~, l~~it-il, que le~ indiglne~ dont
il ~'agit n'ltaient pa~ pou~vu~ lo~~ de leu~ emba~quement,
du liv~et d'identitl ~pl~ial, ~endu obligatoi~e pa~ l'a~~êtl
du 18 Flv~ie~ 1914 n (2).
Plus encore, ceux qui possédent des papiers ont souvent " de~
liv~et~ ou pe~mi~ p~ovi~oi~e~ de toute~ ~o~te~ dlliv~l~ pa~
le~ di66ê~ent~ po~t~ mlt~opolitain~ et ne ~ontenant que de~
~en~eignement~ emb~yonnai~e~, géné~alement inexa~t~. V'ailleu~~
~e~ indiglne~ volent ~égulil~ement le~ liv~et~ de leu~~ ~ama­
~ade~,
( ... ), pou~ ~'en ~e~vi~ ap~l~ avoi~ alté~é le~ p~in­
~ipale~ énon~iation~ pat~onymique~ " (3).
(1)
Pa~ a~~êté du 18 Fév~ie~ 1914 du Gauve~neu~ Génl~al de
l'A.O.F., tout ma~in devait ~e muni~ d'un liv~et d'identité ~pé­
~ial déliv~é pa~ l'rn~~~iption Ma~itime.
(2) ANSOM SLOTFo.M rrr ~a~ton 134, ~appo~t d'a~tivité du Se~­
vi~e de Cont~ôle et d'A~~i~tan~e en F~an~e de~ rndiglne~ de~
Colonie~ 6~ancai~e~. 18 Janvie~ 1924.
(3) ANSOM SlOTFOM rrr ~a~ton 41 ~appo~t de l'rn~~~iption Ma~i­
time de Ma~~eille. 6 Août 1925.

23
Pour embarquer illégalement, les navigateurs professionnels
emploient de multiples stratagèmes
:
utilisation de livrets appartenant à des personnes
malades ou décédées, comme ce marin de Dunkerque qui, en 1938,
naviguait depuis plus de dix ans avec le livret d'un ami décé-
dé. Premier chauffeur à la Compagnie des Messageries Mariti-
mes, marié à une française, père de deux enfants, i l avait_
réussi à se faire une situation en utilisant un faux nom. En
1938, une enquête révélait qu'ils étaient près de 500 à navi-
guer dans des conditions similaires
(1).
usage de faux livrets fabriqués en France ou même en
Afrique. Plus particulièrement utilisé par les marins Soninké,
les faux livrets ont également la faveur des Mandjacks. Ainsi
en 1925, suite à une· commission rogatoire adressée par le Par-
quet de Marseille au juge de Paix de Ziguinchor ( Sénégal ),
on découvre une filière spécialisée dans la fabrication de
faux jugements supplétifs
(2). Par ce procédé, des sujets
français obtiennent la citoyenneté française,
ce qui leur
permet de se faire délivrer plus facilement le livret d'iden-
tité spécial. A Ziguinchor, la technique était très au point!
Un boutiquier, Joseph NDoye, et un maçon, Adolphe Tine, aidés
d'un planton de la mairie, Pierre Sagna, et du secrétaire du
------------------
(1)
ANS 11 G 160
(28). la vie de.6 oJtiginaiJte.6 de l'A.a.F. dan.6
la navigation métJtopolitaine. 1938.
(2) Le jugement .6upplétiô était un aete juJtidique qui eonôé-
Jtait la eitoyenneté ôJtançai.6e aux individu.6 dont la nai.6.6anee
dan.6 le.6 quatJte eommune.6 ne pouvait êtJte pJtouvée pail. le.6 Jte-
gi.6tJte.6 de l'Etat Civil. PouJt eela il .6uôôi.6ait de pJtoduiJte
deux témoin.6 de notoJtiété qui eeJttiôiaient que l'intéJte.6.6é
était dan.6 le.6 quatJte eommune.6 ou que .6e.6 paJtent.6 en étaient
oJtiginaiJte.6.


Tribunal indigène, Magore Gaye, rédigeaient de faux jugements
supplétifs qui étaient accompagnés des. cachets les plus offi-
ciels et même reportés sur les livrets de l'Etat Civil
(1).
En 1938, l'enquête sus-citée estimait à une centaine, le nom-
bre de faux livrets en circulation.
-
pratique du " faux" embarquement clandestin. Ne
trouvant pas d'embauche dans les ports d'Afrique, certains ma-
rins munis de toutes les pièces nécessaires s'embarquaient
clandestinement sur des navires après avoir remis leurs papiers
à un membre de l'équipage ou à un ami resté à terre. Arrivés
en France, ils reprenaient possession de leur livret ou se le
faisait tout simplement envoyer par la poste. Désormais en
règle avec la loi, i l leur était plus facile de trouver un
embarquement (2).
Fort répandu,
l'embarquement illégal bénéficie de la
complicité des officiers du bord dont certains touchent par-
fois jusqu'à la moitié du salaire du premier voyage du " clan-
destin" qu'ils ont fait embarquer, à quoi s'ajoutent Il des
objets exotiques rares" offerts par les intéressés.(31
En dehors des navigateurs professionnels, nombre de clandes-
tins sont des" marins d'occasion dont le but est uniquement
(1) ANSOM SLOTFOM III Ca~~on 134. Le~~~e du P~oeu~eu~ de ta
Répubtique Géné~at, ehe6 du ~e~viee judieiai~e de t'A.O.F.
23 Aoû.~ 1926.
Le~~~ du Gouve~neu~ Géné~at de t'A.O.F. au Mini~~~e de~ Co-
tonie~.
8 Sep~emb~e 1926.
(2) ANS I1G"o(28); ta vie de~ o~~g~nai~e~ de t'A.O.F. dan~ ta
naviga~ion mé~~opoti~aine. 1938.
(3) Idem.

de p~uvoir se rendre en France sans avoir le passage à payer "(1)
"Le procédé classique consiste à se cacher à bord et à ne se
montrer qu'après quelques heures de mer "(2).
Dans les années 1924-1925, le phénomène de l'embarquement il-
légal prend une telle ampleur que les autorités administratives
se demandent"
~-i. le.~ c.ompa.gn-i.e.~ de. na.v-i.ga.t-i.on ne. ~e.Jta.-i.e.nt
pa.~ le.~ c.ompl-i.c.e.~,
a.u mo-i.n~ pa.~~-i.ve.~,
de. c.e.tte. 6a.çon de. 6a.-i.Jte. qu~:
1°) le.uJt pJtOc.uJte. de. la. ma.-i.n d'oe.uvJte. a bon ma.Jtc.hé pu-i.~­
qu'e.lle.~
60nt tJta.va.-i.lle.Jt le.~ -i.nd-i.gène.~ pouJt ga.gne.Jt
le.uJt pa.~~a.ge..
2°) a.ugme.nte. a.-i.n~-i. pJtogJte.~~-i.ve.me.nt da.n~ le.~ poJtt~ ma.Jt-
c.ha.nd~ de. la. métJtopole. le.~ c.ont-i.nge.nt~ no-i.Jt~ dont e.lle.~
ont be.~o-i.n. Ce.~ c.ont-i.nge.nt~ ~ont d'a.uta.nt plu~ doc.-i.le.~
e.t d-i.~po~é~ 4 tJta.va.-i.lle.Jt da.n~ de.~ c.ond-i.t-i.on~
éc.onom-i.-
que.~ a.va.nta.ge.u~e.~
pouJt le.~ e.mploye.uJt~,
qu'-i.l~ ~a.ve.nt
qu'-i.l~ ~ont e.n FJta.nc.e. ~a.n~ pa.p-i.e.Jt~ e.t ve.nu~ de. 6a.çon
JtépJtéhe.n~-i.ble., ~u~c.ept~ble.~ d'êtJte. ~a.nc.t-i.onné~ pa.Jt de.~
c.onda.mna.t~on~
e.t de.~ e.xpul~-i.on~.
Ce.tte. ma.~n d'oe.uvJte. 6oJtme. une. c.onc.uJtJte.nc.e. déloya.le. a
notJte. ma.~n d'oe.uvJte. na.t~ona.le. qu~ e.~t Jtég-i.e. pa.Jt de.~
ta.Jt~6~ a.JtJtêté~ pa.Jt de.~ ba.Jtême.~ c.onnu~ e.t a.ppJtouvé~,
ta.nt pa.Jt le.~ c.ompa.gn~e.~
de. na.v~pa.t-i.on,
que. pa.Jt le.~ ~yn­
d-i. c.a.t~ ma.Jt~t-i.m e..6 " (3).
(lJANSOM S~OTFOM III c.a.Jtton 134. Ra.ppoJtt du sC~Fic. 18 ]a.nv~e.Jt
1924.
(2) ANSOM SlOTFOM III Ca.Jtton 41 Le.ttJte. du délégué du CAl a
Ma.Jt~e.-i.lle. a.u V~Jte.c.te.uJt de.~ A66a.-i.Jte.~ Pol~t~que..6 du m-i.ni.6tèJte.
de.~ Colon-i.e.~.
16 Véc.e.moJte. 1925.
(3)
Ide.m.

UNIVERSITE PARIS VII
DES PIONNIERS MECONNUS DE L'INDEPENDANCE:
AFRICAINS, ANTILLAIS ET LUTTES ANTI-COLONIALISTES DANS LA FRANCE
DE L'ENTRE-DElIX..:r,UERRES (1919-1939)
J!i
PAR
OLIVIER SAGNA
1
1
!1
1
.1t
THESE DE DOCTORAT
SOUS LA DIRECTION DE
MADAME CATHERINE COQUERY-VIDROVITCH
PARIS NOVEMBRF. 1986

A ma grand-mère qui chante l'Afrique
au bord de son fleuve lointain.
Je remercie tous ceux qui ont contribué d'une manière
ou d'une autre à l'élaboration de ce travail,avec une
pensée particulière pour mes camarades du groupe Tribune
Africaine(ex groupe Jonction).

2E
Et de dénoncer l'insouciance de ces compagnies qui" se sou-
cient fort peu de ce que deviennent en France les indigènes
qu'elles y amènent et qui bientôt sans ressources et sans mo-
yens d'existence, ne tardent pas à fournir, dans nos grands
ports, un élèment indésirable"
(1). Inquiet de l'accroisse-
ment incessant de cet" élèment indésirable ",
le ministère
des Colonies adresse
une mise en garde contre de tels agis-
sernents à toutes les compagnies de navigation en Décembre
1925
(2).
b)
Mise en place et application de la législation sur
l'immigration.
Pour enrayer ce phénomène qui coû.te cher au budget
des colonies, souvent obligées
de rapatrier à leurs frais
les marins tombés dans l'indigence, le Gouverneur Général de
l'A.O.F. signe, en Mars 1926, un arrêté ~ui modifie les con-
ditions de délivrance du livret d'identité spécial
(3).
Désormais les candidats à l'embarquement doivent présenter
un acte officiel précisant leur date et leur lieu de naissan-
ce et pouvoir justifier de deux années de navigation sur les
navires de commerce ou de trois dans la Mar~e de Guerre.
( 1 J
I de.m.
(2)
ANSOM SLOTFOM IX Can~on 9. Le.~~ne. du Mlnl~~ne. de.~ Colo-
nle.~ au Vlne.~~e.un de. la Campagnle.
de.~ Me.~~age.nie.~
Mani~ime.~
23 VI~e.mbne. 1925.
(3) Anné~é du 4 Man~ 1926. Jounnal 066i~ie.l de. l'A.O.F. du
10 Avnil 1926. Pop. 321-329.

21
Faute de s'attaquer aux compagnies de navigation, véritables
responsables des embarquements illégaux, cet arrêté reste un
pis aller qui ne règle rien quant au fond du problème. Un mois
après sa signature, les services de l'Inscription Maritime
de Dakar révèlent des chiffres qui en disent long sur l'impor-
tance du phénomène. Sur 11 3 357 marins indigènes, identifiés,
un tiers seulement navigue, tandis qu'un autre tiers vit dans
la colonie sans naviguer, et que le reste se trouve en état
d'infraction hors de l'A.C.F., augmentant le nombre des indi-
gènes partis en Europe dans des conditions irrégulières
n(l).
Car là est bien tout le problème : si la législation concernant
les marins a été modifiée dans un sens plus restrictif,
l'é-
migration à destination de la France continue à se faire dans
un vide juridique total.
Il faut attendre 1928, pour que les autorités coloniales se
préoccupent enfin de réglementer l'émigration dans son ensem-
ble et non plus dans des secteurs limités
(2). Signé en Avril
1928, le décret sur n l'émigration et la circulation des in-
digènes de l'A.C.F.
" astreint les futurs immigrés à se munir
d'une pièce d'identité et d'un permis d'émigration pour voya-
ger • Le texte précise que la délivrance de ce permis peut
(1) ANSOM SLOTFOM III Ca~ton 41. Rappo~t d~ l'In~c~~pt~on Ma~~­
t~m~ d~ Va~a~~Av~~l 1926.
(21
Véc~~t du 24 Av~~l 1928. Jou~nal 066~c~~l d~ la Républ~­
qu~ F~anca~~~ du 28 Av~~l 1928. p.p. 4834-4839.

2:
être subordonnée à la consignation préalable entre les mains
de l'administration, de la somme nécessaire
au rapatriement.
Plus loin i l stipule dans son article Il, que" les particu-
liers, compagnies, ou agences autorisés à recruter des travail-
leurs et à les transporter hors du territoire de l'Afrique
Occidentale Française doivent se substituer aux indigènes pour
assurer en leur nom les prescri plions
des articles 1,
2,
3, 4
et 5 " relatifs à l'obtention d'une pièce d'identité, du permis
d'émigration et à la consignation de la caution de rapatrie-
ment.
En apparence tous les problèmes sont réglés:
l'émigration est
désormais réglementée dans son ensemble, et l'administration
coloniale n'a plus à supporter le rapatriement des indigènes
grâce au système de la caution. Théoriquement ou plutôt juri-
diquement tout est en place pour combattre efficacement l'émi-
gration clandestine si souvent dénoncée. Mais faute de moyens
et/ou de volonté, cette législation sera peu appliquée. Ert 1935
le Gouverneur Général de l'A.O.F. constate d'ailleurs que
" malgré les instructions plusieurs fois données, le nombre
de ces embarquements
( clandestins)
n'a pas diminué ainsi
qu'en témoignent actuellement les nombreuses demandes de ra-
patriement d'originaires, actuellement sans ressources, par-
tis dans la métropole soit clandestinement soit frauduleuse-
ment avec la complicité des membres des équipages Il
(1).
~)ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 41. Lett~e du Gouve~neu~ Géné~al de
l'A.O.F. aux L~eutnant-Gouve~neu~~ du G~oupe.
1e~ Août 1935.

2'
Loin de prendre fin,
le phénomène de l'immigration clandesti-
ne pe.rdure
pendant toute la période de 1 'entre-deux-guerres.
En 1938, l'enquête sur les marins africains estimait à 600 le
nombre de navigateurs en situation irrégulière en France.
Au-delà de ses répercussions évidentes sur l'emploi et le
niveau des salaires, l'importance de l'immigration clandes-
tine a pour autre conséquence de lourdement hypothéquer les
recensements effectués par le ministère des Colonies.
COmbien y-a-t-il d'Africains dans la France de l'entre-deux-
guerres ? Personne au juste ne semble le savoir !
L'absence de législation sur l'immigration, la faibles-
se des contrOles exercés au départ des ports africains,
l'im-
portance de l'immigration clandestine, l'inexistence de ser-
vices de police chargés de la surveillance des Africains font
que dans les années 1920-1923, les autorités coloniales igno-
rent pratiquement tout de l'immigration africaine en France.
Les choses ne changent véritablement qu'à partir de 1924,
avec l'entrée en action du Service de ContrOle et d'Assistan-
ce en France des Indigènes des Colonies Françaises
( SCAFIC )
qui assume entre autres tâches,
le recensement des coloniaux (1).
Entre 1924 et 1932, ce service effectuera quatre recensements
(1)
CILé.é. paIL l'alLlLêté. du 12 Vé.c.e.moILe. 19Z3, le. SCAFIC e..6t di-
vi.6é. e.n tILois se.c.tions .6'oc.c.upant ILe..6pe.c.t~ve.me.nt de.s Indoc.hi-
nois, de..6 A6ILic.ains e.t de.s Malgac.he..6. ri e..6~ c.oulLamme.nt dé..6i-
gné. paIL le..6 .6e.ule.s initiale..6 CAr ( ContlL61e. e.t A.6sistanc.e. aux
rndig ène..6 J.

30
dont nous allons ci-dessous dépouiller les résultats.
a) Le recensement de 1924.
Lorsque la " section africaine " du CAr est mise sur
pied en Novembre 1923, la situation décrite par son responsa-
ble est simple :
" les renseignements concernant le nombre et
la situation des originaires de l'Afrique Occidentale
( nous)
font presque complètement défaut "
(1).
La seule chose que savent les autorités coloniales, c'est
qu'en dehors des contingents militaires, les Africains pré-
sents en France se répartissent en quatre catégories
: les
navigateurs,
les ouvriers, les domestiques et les étudiants.
Sur cette base, M. Ebche Duval est chargêde faire un premier
recensement en cherchant
" 10)
da.n.6 le..6 6a.c.ul:U..6 de. Pa.Jti..6 e.t e.n pJtov'<'nc.e. e.t
da.n.6 le..6 lqc.ée..6 de. BoJtde.a.ux, Ma.Jt.6e.i.lle., Montpe.ll'<'e.Jt,
Toulou.6e. e.t Pa.Jti..6, la. li..6te. de..6 étudi.a.nt.6 d'oJt'<'g'<'ne.
a. 6Jti. c. a.i. ne...
2°) a la. PJté6e.c.tuJte. de. Poli.c.e. e.t a.upJtè.6 de..6 .6e.Jtv.<.c.e..6
de. la. SûJte.té GénéJta.le., le..6 nom.6 de..6 ouvJt'<'e.Jt.6 ou de..6
dome..6ti.quC.6 6i.guJta.nt .6UJt le..6 c.ontJtôle..6 ou .6UJt le..6 6.<.c.he..6.
3°) a.upJtè.6 de..6 ~e.Jtvi.c.e.6 de. l'Imm'<'gJta.t'<'on Ma.Jt.<.t'<'me. le..6
nom.6 de..6 a.6Jti.c.a.i.n.6 Jte.le.vé.6 .6UJt le..6 Jtôle..6 d'équ'<'pa.ge. ••• "(2).
(1)
ANSOM SLOTFOM rII Ca.Jtton134. Note. pouJt M. EOCHE VUVAL
c!ie. 6. de. la. .6 e. c.ti.o n a. 6Jti.c.a.i.n e. , .
2ZN 0 ve.m b'Jt e. 1 q23 •
(2) ANSOM SLOTFOM IrI Ca.Jtton 134. Note. pouJt M. EO~HE VUVAL
c.he.6 de. la. .6e.c.t~dn A6Jt'<'c.a.i.ne. a.u .6e.Jtvi.c.e. du c.ontJtôle. e.t de. la.
tute.lle. de..6 i.ndi.gène..6, 22 Nove.mbJte. 1923.

31
Dès réception de cette note,
le chef de la section africaine
du CAr part en tournée dans le Sud-Ouest de la France, enquê-
tant notamment à Bordeaux et à Libourne.
Puis entre Janvier et Mars 1924, i l rassemble divers docu-
ments recensant les originaires de l'AOF résidant à Paris,
Marseille, etc •••
Achevé en Avril 1924, le premier recensement de l'immigration
africaine en France donne les résultats suivants:
(i}

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II:.:!
I:.:!
1 l:l<
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1
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~ARIS
3
49
8 :
1 6 :
1
: 1
78
L
_
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.
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1
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1
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1
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1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
PROVINCE
-
1
3 a 1
6
1
-
1
-
1
229 1 1
1
2 6 6
1
1
1
1
l
,
1
~-------------_. ----1-----1-----1------~------i-----i----i------
1
1
1
1
1
1
1
~IX EN PROVENCE
4
1
-
1
-
1
-
1
-
1
-
1
-
1
4
1
1
1
1
1
1
1
--------------------i-----i-----t------r------i-----i- ---t----~-
1
1
1
1
1
1
1
~ONTPELLIER
1
1
-
1
-
1
-
1
-
1
-
1
-
1
1
-
1
1
1
1
1
1
1
--------------- ----i-----4-----t------r------1-----i----t------
1
1
1
1
1
1
1
DORDOGNE
12
1
-
1
-
1
-
1
-
1
-
1
-
1
12
l
l
1
1
~
1
1
1
:
:
:
l
1
1
TOTAL
2 a 1
79
1
14
1
1 6 1
1
1
229:
2
:
3 6 1
(1):
1
~
~
(2)1
1
(3)1
TABLEAU N° 1
le~ on~g~na~ne~de l'AOF en Fnanee au 8 Avn~l 1924.
Avant de commenter ces chiffres, quelques remarques
s'imposent qUan~ ~ la méthOdologie utilisée pour effectuer le
recensement
1°) Aucune enquête exhaustive n'a été menée au niveau
national pour déterminer le nombre d'étudiants et de lycéens
africains effectuant leurs études en France. Seuls les éta-
blissements scolaires du Sud de la France ont fait l'objet
(1)
L'enquête neeen~a~t ~galement un ~tudiant 6ai~ant ~e~ ~tu­
de~ à. TUNIS.
(2) L'enquête indiquait
pno6e~~ion~ l~6énale~
1 ~an~ plu~
de pn~ei~ion.
(3) L'enquête ind~quait : diven~ : 2. Nou~ le~ avon~ népant~~
entne Pani~ et la pnov~nee.

Composition de l'immigration africaine
( en %
1924
6x
4:.-:
r·------"-'--- -,
li INTELLECTUELS
JB/.
Ij de. tiE' s t l ~~l,e- ~
fi TRAVAILLEURS
[J f1 av i :~ra. t {;-l·.r~
(,1:1:
Source
ANSOM SLOTFOM VI carton 9
(,,)
1,\\

3
d'une visite de M. Eoche Duval.
2°)
Les ouvriers, domestiques et autres employés ont
été recensés d'après les informations contenues dans les fi-
chiers de la Préfecture de Police ou de la Sûreté Générale. De
ce fait,
seuls les individus
logeant en garnis ou ayant
eu affaire à la police
ont
été comptabilisés.
3°)
Le nombre des navigateurs ayant été établi à partir
des rôles d'équipage et des listes de l'Inscription Maritime,
quelle fiabilité accorder à ces chiffres quand on sait l'im-
portance des travailleurs clandestins ou en situation irré-
gulière dans ce secteur ?
De ces trois remarques, i l ressort, à l'évidence, que
les chiffres de ce recensement. ne peuvent être qu'inférieurs
à la réalité. Ceci dit, voyons ce que révèle l'examen de ces
données.
a)
Les étudiants.
Officiellement, les étudiants africains en France
sont donc une vingtaine en 1924, ce qui représente environ
5,5% de l'effectif global des immigrés africains. Déjà faible
ce chiffre doit être révisé à la baisse du fait de l'adjonc-
tion
(illégitime à nos yeux ) de 12 stagiaires agricoles aux
8 étudiants et lycéens effectivement recensés. Venant de
Guinée, ces 12 stagiaires sont arrivés en France le 12 Septem-

3~
bre 1923 pour y effectuer un stage agricole
( s i c !
)
d'un an
(1).
Placés en Dordogne, chez des fermiers surtout attirés par
l'appât du gain
(2), ces stagiaires d'un type très particulier
sont plus des valets de ferme que des étudiants. Suite à di-
vers problèmes
( fugues de stagiaires, mésentente entre ces
derniers et les fermiers, etc ••• ) ces stages, dont l'uti-
lité fut sans doute nulle, seront supprimés en 1929. En réali-
té, c'est donc à moins d'une dizaine qu'il faut
estimer
le nombre d'étudiants africains présents en France à cette
époque
(3).
Ce chiffre insignifiant est révélateur de la quasi-inexisten-
ce de l'enseignement en Afrique Noire.
" En 1920, i l Y avait en Afrique Occidentale Française, 20 000
élèves soit 1,1% de "l'effectif des enfants théoriquement sco-
larisables. Les dépenses de l'Instruction Publique comptaient
pour 5% dans l'ensemble du budget de la Fédération"
(4).
Instruction de la masse et création d'une élite, tels sont
(1) ANSOM SLOTFOM VI Canton 5. Lettne du L~eutenant-Gouvenneun
de la Gu~née Fnança~~e au chen du 5env~ce Colon~al de Bandeaux,
16 Ma~ 19'1.6.
('1.)
En 19'1.3 lon~que la dunée du ~tage éta~t d'un an, le~ agn~­
culteun~ neceva~ent une ~omme de 900 F poun a~~unen l'entnet~en
d'un atag~a~ne. A pant~n de 19'1.6, le ~tage ayant été ponté a
18 mo~~ la bounae pa~aena a 1800 F.
(3) A la même époque ~l y ava~t 111 étud~ant~ ~ndoch~no~~ en
Fnance. V. Hemeny " Vu patn~oti..6me au manxi.~me : l'~mm~gnat~on
v~etnam~enne en Fnance de 1926 a 1930 " .. Le' "M"o'uv'ement Soc~al.
]anv~en Man.6 1915 ND 90 p'p'6-1.
(4) V. Bou.che '" L'el1~ e-Lgnemeritdan.6l'e~:tenki:.to~ne~ 6nanç.a~~
del'A6A-L{u:e' O'cc-Ldenta!ede 18'f1a '19'20:J
Thè~ e d' Etat, Pan~~ I
1q14 P. 810.

31
les objectifs officiellement assignés à l'école
(1).
Cependant, la réalité est tout autre. L'instruction de la mas-
se reste un voeu pieux, compte tenu de la faiblesse des mo-
yens financiers et humains mis en oeuvre et la création d'une
élite est toujours repoussée à plus tard. La formation d'une
élite, à la fois nécessaire et dangereuse, est d'ailleurs un
véritable casse-tête pour les autorités coloniales.
Ainsi, Camille Guy, alarmé par l'apparition d'intellectuels
contestataires en Indochine déclare-t-il
" Souha.i.ton.6 qu'en Indoc.hi.ne pa.Jr. exemple, on n'a.i.t
pa..6 a.Jr.mé de.6 Anna.mi.te.6 i.ntelli.gent.6 et tJr.a.va.illeuJr..6
qu~ Jr.etouJr.nent c.ontJr.e nou.6 l'en.6ei.gnement qu'il.6 tien-
nent de nou.6. Véjà un c.eJr.ta.i.n nombJr.e de c.e.6 Anna.mite.6
qui. péJr.oJr.ent- da.n.6 le.6 ~éuni.on.6 puôli.que.6, ne .6ont guè-
Jr.e que de.6éc.~Q..ff~~ du lyc.ée d' Ha.no.z ou de l' UniveJr..6i.-
té et i.l.6 n'ont Jr.etenu de.6 i.dée.6 que nou.6 leuJr. a.von.6
i.nc.ulquée.6 que c.elle.6 qui. développent c.hez eux le Jr.ê-
ve d'une i.ndépenda.nc.e tota.le et de l'a.bolition de no-
tJr.e tutelle, nut-c.e pa.Jr. la. Jr.eôelli.on " (2).
Destinée à renforcer le système colonial, l'élite autochtone
révèle, à l'usage, qu'elle peut tout aussi bien participer à
sa destruction.
(71 Cn. Ca.mille Guy. La. .6i.tua.ti.on généJr.a.le de l'AnJr.ique Oc.c.i-
denta.le FJr.a.nça.i..6e
-BCAF 1 Ja.nvi.eJr. 1926
pp 79-20.
[21 C. Guy" l'en.6ei.gnement c.oloni.a.l ,,- B"CAF 5 Ma.i 1921
P. 789.

3i
n
Voila pou~quoi l'e~~entiel e~t d'abo~d d'en~eigne~
~implement aux jeune~ indigène~ not~e langue qui doit
le plu~ tôt po~~ible ~e ~u5~titue~ a leu~~ dialeete~
et leu~ donne~ quelque~ elai~e.ô notion~ d'hi~toi~e na-
tionale en 6onetion de l'hi~toi~e loeale, de leu~
6ai~e eomp~end~e pa~ de eou~te.ô leçon~ de géog~aphie
eompa~ée la plaee que leu~ pay~ oeeupe dan~ le monde
et le~ p~épa~e~, pa~ un en~eignement ~eienti6ique ap-
p~op~ié aux eolonie~, a deveni~ le.ô .ôou~-o66ieie~~
du eommi~ce,
de l'indu~t~ie et de l'ag~ieultu~e Il 11).
Pour former ces" sous-officiers du commerce, de l'industrie
et de l'agriculture ", i l faut des écoles et bien entendu des
enseignants. Ce sera le rôle de l'Ecole Normale William Ponty
que de former des instituteurs africains destinés à servir
dans toute l'AOF (2).
L'utilisation des autochtones dans l'enseignement a deux avan-
tages immédiats :
- appartenant au " cadre indigène " ils sont nettement moins
rémunérés que leurs collègues européens.
- originaires du pays, ils sont mieux à même
d'accomplir a-
vec succès la tâche d'encadrement des populations qui leur
est dévolue.
( 1)
Tdem .
(2)
En ee qui eonee~ne l'Eeole CtI-i.lLi.am Pont y, voi~ notamment
C.
BATSCH .'U"" J(ouà.ffe -duce'ol'o-ni:aLi:~me
:' ---ta' Jo~mat.{;o n del 'élite
..
..,.... ..
. .,
a6~iea:ine'e'n 'AOr -av-a:n~ '1'9'1'5. L'Ee'o'le' NOIC:m'al'e 'de~ rn~ti.tuteu~~
de;,'.t''AOF. Mémo-i.~e de ma.zt~-i.~e. Pa~-i.~' VTT 1913, 9f page~.

En 1920, le Gouvernement Général de l'AOF. crée trois bourses
pour les meilleurs élèves de l'Ecole Normale de manière à ce
qu'ils puissent venir se perfectionner à l'Ecole Normale
d'Aix en Prov~nce (1). A ces trois premières bourses viennent
s'ajouter des bourses octroyées sur le budget des divers ter-
ritoires, ce qui permet d'envoyer 12 boursiers en France en
1920
(2).
Durant les trois premières années, l'expérience est tout à
fait concluante puisque les 18 candidats présentés au Brevet
Elémentaire sont tous admis
(3). Cependant à partir de 1924,
la belle mécanique se grippe. Cette année là, sur trois can-
didats présentés, deux sont recalés parmi lesquels Tiémoko
Garan Kouyaté
(4). En 1925, le scénario est à peu près identi-
que puisque sur cinq candidats présentés, quatre sont recalés
(1) V. Bouche op cit p 815.
(2) 9 Sénégalai~, 2 Guinéen~ et 1 Malien ( a l'époque Soudan 6~ançai~l
(3)
12 admi~ en 1921; 4 en 1922 et 2 en 1923. A. O.
de~Bouche~
du Rhdne 1 T 306.
(4) A.O. de~ Bouche~ du Rhône 1 T 306 ~e~~ion du B~evet Elementai~e
( 1921.
1922.
1923.
1924
J

39
avec encore parmi eux Kouyaté
(1).
Plus que ces échecs répétés, c'est " l'éta~ d'esprit" des
élèves qui inquiète l'Administration Coloniale. Kouyaté a
reçu à plusieurs reprises la visite de Gouttenoire de Toury,
membre de la Ligue des Droits de l'Homme, ex-membre du PCF et
de l'ARAC, et collaborateur des journaux Le Paria, Le Libéré
et les Continents
(2). Ses professeurs notent qu'il laisse
" voir des sentiments d'hostilité contre l'Administration fran-
çaise en AOF " (3), et en Octobre 1925, ayant refusé de se
présenter une nouvelle fois à l'examen, i l est exclu de
l'Ecole Normale pour s'être" montré à diverses reprises in-
soIent et très indiscipliné"
(4). L'Inspecteur Général de
l'enseignement en AOF en conclue" que le séjour en France
exerce une fâcheuse influence "
(5). Ce à. quoi Camille Guy
répond que" si les résultats ont été mauvais, la responsa-
bilité n'en incombe pas exclusivement aux boursiers de l'A-
frique Occidentale Française. Le tout a été à mon avis de les
mêler aux autres élèves de l'Ecole Normale. De plus ils étaient
trop âgés et par conséquent peu malléables et mal préparés à
une adaptation utile "
(6).
Quelques que soient les explications avancées par les uns et
------------------
(1)
A.V de~ Bouehe~ du Rhône 1 T 325 ~e~~ion du B~evet Elémen-
:t aùr.. e 19 25 •
(2). (31. (4) Rappo~t de l'In~peeteu~ P~ine~pal LENAERS de la
Sû~eté de VaQa~. 2 Av~il 1921.
(5}B.C.A.F.

3Ma~~ 1926p. 118.
( 6)
Idem.

4(
par les autres,
l'expérience" malheureuse Il de l'Ecole Nor-
male d'Aix en Provence a mis en garde les autorités contre
" les dan~ers " d'un éventuel séjour en France.
Alors que 26 boursiers avaient été envoyés en métropole entre
1920 et 1925, ils ne seront que 3 à faire le voyage, de l'ex-
clusion de Kouyaté à 1939. La conséquence directe de cette po-
litique sera la faiblesse chronique de la communauté estudian-
tine africaine pendant toute la période de l'entre-deux-gnar-
res. Douze en 1921, les étudiants seront huit en 1924 et
vingt et un en 1932, années pour lesquelles on possède des re-
censements.
b)
Les travailleurs manuels.
Que dire du nombre de travailleurs manuels compte
tenu de la méthode de recensement utilisée
(1)
? Peu de chose
si ce n'est que leur effectif est largement sous-estimé.
Combien sont-ils réellement dans toute la France et où sont-ils
employés? Nous n'en savons rien. Pour Paris et sa banlieue,
notons seulement que nombre d'entre eux exercent le métier
de chauffeur d'automobile
( 15(38 )
(2).
(1)
voi~ page 3~
(2) ANSOM SLOTFOM
rlr Ca~ton 5. Etat nominati6 de~ o~iginai­
~e~ de l'AOF logé~ en ga~ni~ à Pa~i~ et en banlieue. Ma~~ 1924.

..
c)
Les domestiques.
Officiellement une quinzaine, les domestiques
représenteraient presque 4% de l'immigration africaine. En
fait si l'on tient compte du nombre important de fonctionnai-
res coloniaux en vacances ou à la retraite qui emmènent avec
eux leur domesticité, ceux-ci sont beaucoup plus nombreux.
Cette impression est d'ailleurs confirmée par l'examen du re-
levé des autorisations de départ à destination de la métropo-
le délivrées par la circonscription de Dakar et Dépendances.
Pour la seule année 1925, sur 91 autorisations délivrées,
57
l'ont été en faveur d'employés de maison
Cl).
Sous payés, objet de peu de considération, ils
" quittent généralement leurs maItres en Europe dès qu'ils
trouvent ailleurs, un salaire plus élevé"
(2).
L'inverse se produit également, et l'on voit des employeurs
mettre leurCs)
domestique Cs)
à la rue au bout d'un certain
laps de temps. C'est ainsi qu'en 1926, le Comité de Défense
de la Race Nègre
( CDRN ) intervient en faveur d'une bonne
qui avait été jetée à la rue, privée de ses affaires person-
nelles et de deux mois de salaire
(3).
(11 ANSOM SLOTFOM VI Ca4ton 5. Relevé de~ auto4i~ation~ de
dépa4t a de~tination de la mét4opole déliv4ée~ pa4 la ci4con~­
c4iption de Oa~a4 et Vépendance~ à de~ indigène~ citoyen~ ou
~ujet~ 64an~ai~, pendant l'année 1925.
(21 ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 13~. Lett4e du M~ni~t4e de~ Co-
lonie~ au Gouve~neu4 Gtnl4al de l'AOF. 14 Novemb4e 1925.
(31 ANSOM SLOTFOM rrT Ca~ton 37. Lett4e du Sec4éta~~e Géné4al
du CORN a Madame Ba4atte, 1926.

Ayant quitté leur maître ou ayant été congédiés, tous n'ont
pas la chance de trouver un travail ou de se voir venir en
aide de quelque manière que ce soit. Nombre d'entre eux se
retrouvent alors dans une situation dramatique.
" ••• Cahotés par les impédimentas de la vie européenne à
laquelle ils ne sont pas préparés, ils viennent grossir le
nombre des épaves coloniales que l'on trouve soit à Paris,
soit dans les ports et pour lesquels la question du rapatrie-
ment se pose inéluctablement d'un jour à l'autre"
(1).
Se serait-on inquiété d'un tel phénomène s ' i l
n'y avait eu qu'une quinzaine de domestiques africains en Fran-
ce ? A l'évidence non.
Pour avoir une idée plus correcte de l'effectif de ces der-
niers, i l faut au moins multiplier par quatre
ou cinq les
chiffres officiels
(2).
d)
Les employés.
Recensés uniquement dans les garnis de Paris et
de sa banlieue, le nombre des employés est également inférieur
à
la réalité. Sans doute peu nombreux ( pour travailler dans
le commerce ou l'administration, ils devaient savoir parfai-
(1)
Idem no~e 2 page p~éeéden~e.
(2) A ~J..~~e de eompa~aJ...6on, Le. y a quelque.6 500 dome.6~J..que.6
J..ndoehJ..noJ...6 en F~anee a la mime époque. V. Heme~y op. eJ..~.p. 6.

tement lire, écrire et parler le franqais ), leur nombre doit
cependant excéder la quinzaine dans toute la France.
e)
Les professions libérales.
Un avocat africain exerçant sa profession en
France en 1924. Le chiffre peut surprendre mais i l est sans
doute la seule donnée de ce recensement à être rigoureusement
exacte ! Ce seul et unique africain inscrit dans le barreau
métropolitain n'est autre que le béninois
(1)
KOJO TOVALOU
HOUENOU. Fils d'un riche commerçant, i l a été envoyé en Fran-
ce vers l'âge de 13 ans pour y
faire ses études
(2).
Licencié en droit, i l acquiert la citoyenneté française en
1915 et s'inscrit au barreau de Paris en 1918
(3). A l'époque
i l n'est pas le seul colonisé à officier en France, puisque,
profitant de l'ambiguité de la loi qui interdit l'accès des
barreaux français aux seuls étrangers, des sujets et même des
protégés français se sont inscrits au barreau, à Toulouse notam-
ment
(4).
(1) A l'époque dahoméen.
(2) V'ap~~4 le témoignage de 4a 4oeu~ Rose, Kojo Tovalou Houenou
au~alt véeu en Eu~ope de 1890 à 1925. J. Ayodele Langley
Natlonall4m andPana6Alean1l4m ln We4:t A6Jilea -1900-1945.
Oxno~d. Cla~enton P~e44 1913 p. 290.
(3) ANSOM A~ialâe4 Polltlque4 Ca~ton 542. Lett~e du P~énet de
Poilee au Mlnl4t~e de~ Colonle4. 1e~ Septemb~e 1923.
ANSOM SLOTFOM III Ca~ton 50. Note anonyme, non datée.
(4) ANSOM SLOTFOM I Ca~ton 12. Lett~e du ehen du CAl au Mlnl4-
t~e de4 Colonle4. 6 Septemb~e 1924.

$) Les navigateurs.
Au nombre de 229, les navigateurs constituent en-
vi~on 63% des immigrés africains recensés
. Cependant, pour
au moins deux raisons, ce chiffre ne peut être retenu que com-
me ordre de grandeur. En effet, outre la question des clan-
destins déjà évoquée, le recensement des navigateurs pose un
problème méthodologique important : recense-t-on les marins
portés sur les rôles d'équipage des ports ou bien ceUx qui
sont effectivement présents à la date du recensement ?
Dans les documents examinés, rien n'indique la méthode
employée.
A vrai dire, i l semble d'ailleurs qu'il n'y ait pas eu une mé-
thode mais des méthodes. Sinon comment expliquer que le nom-
bre des navigateurs présents à Bordeaux soit passé de 183 au
28 Décembre 1923, à 82 au 31 Décembre de la même année pour
remonter à 116 en Mars 1924 ! (1)
De ce fait,
ce qu'il faut retenir, c'est qu'à cette époque,
les navigateurs représentent plus de la moitié de l'immigration
africaine en France, et qu'ils so~t sans doute deux à trois
cents, voire plus.
En ce qui concerne la répartition de ces marins dans les
ports français,
les 4(5 résident à Marseille et à Bordeaux,
le reste se répartissant entre Le Havre, Rauen, Dunkerque, etc •.•
(1) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 41 et SLOTFOM vr Ca~ton 9.

Dans la majorité des cas, les Africains travaillent dans les
salles des ~achines où ils occupent les postes de chauffeurs,
et de soutiers.
En 1923 à Bordeaux, sur 183 navigateurs, plus de 62% sont
chauffeurs, 24% soutiers et 13% boys, barmans ou aide-cuisi-
niers. (1)
Dans l'enquête effectuée en 1938, i l ressort que
l'emploi occupé à bord diffère selon l'origine ethnique des
navigateurs. Ainsi, les Soninkés ff sont pour la plupart de
très bons chauffeurs et soutiers, seuls métiers qu'ils rem-
plissent à bord des navires. "
Par contre, Mandjacks et Diolas exercent principalement la
profession de matelot Il métier pour lequel ils sont très bons.
Il Y en a aussi qui sont chauffeurs; à ce métier ils sont mé-
diocres car le chauffeur sur un navire doit, si ce bateau est
au mouillage, travailler dans les machines; là ils sont très
nuls car ils ne sont pas ouvriers n. Quant aux Wolofs, ils
Il
ne sont pas très nombreux dans la navigation au long cours,
mais ils y sont remarqués car ils accèdent souvent jusqu'aux
grades de graisseurs, premier chauffeur, sur des cargos. Par-
mi ceux qui naviguent comme chauffeurs, beaucoup sont des spé-
cialistes, soit des forgerons, des chaudronniers, des tourneurs,
des électriciens ou des mécaniciens, métiers qu'ils connais-
sent pour la plupart très bien.
C••• ).
C'est ainsi qu'on a pu
----~-------------
(1) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~~on Il.Li4~e de4~ndi9lne4 de l'AOF
emba~qué4 4U~ ~e4 navi~e4 de comme~ce du po~~ de Bo~deaux au
23 Vécemb~e 1923. V'une manil~e géné~ale, le pe~4onnel de 4e~­
vice ( boy, cui~inie~, ba~man, e~c ... ) é~ai~ con4~i~ué d'Indo-
chinoi4 e~ de Malgache4; alo~4 que le pe~~onnel de4 machine4
é~ai~ con~~i~ué d' An~ieain~ e~ d' A~abe4 ( le4 Véméni~e4 no~am­
men~ ).

...
voir en 1918 sur le paquebot" Général Galliéni ", actuelle-
ment" Pélerin de la Touche ", un oulof remplissant les fonc-
tions de premier chauffeur en chef, sur un personnel de 91
chauffeurs,
18 graisseurs,
6 alimenteurs,
9 chauffeurs, 3
soutiers européens,
9 chauffeurs sénégalais et 6 soutiers
sénégalais et arabes. Ce navire était ~ l'époque l'un des plus
gros paquebots et le plus rapide de Marseille "(1).
Très intéressanteJcette étude est cependant empoisonné~par
ce que l'on pourrait appeler un certain" déterminisme ethni-
que ". Une simple réflexion permet de constater que la plus
ou moins grande qualification correspond peu ou prou avec
l'ancienneté des contacts avec le monde colonial.
Parmi les premiers â avoir été en relation avec les européens,
les Wolofs ont été pendant un temps les seulsG.11-..rriers spécia-
lisés africains.
En raison de leur savoir-faire, on les retrouvait un peu par-
tout en AOF, notamment sur les chantiers du chemin
de fer.
Dès les années 1857-1858, le grand marabout toucouleur El Hadj
Omar avait â son service l'un de ces ouvriers spécialisés.
Nommé Samba NDiaye, c'était un Soninké qui avait longtemps
vécu à S~ Louis. Maçon de formation, il dirigeait la construc-
tion des tatas et s'occupait également de la maintenance des
pièces d'artillerie qu'El Hadj Omar avait prises aux français
(7) Tou~e~ le~ c~~a~~on~ en~~e gu~lleme~~ ~on~ ex~~a~~e~ de
l'enqul~e ~u~ " la vie dea o~iqinai~e~ de l'AOF dan~ la na-
v~ga~~on mé.~~opoli~aine" 1938. ANS 11 G 160 (28).

47
à Bakel en 1858
(1).
Population riveraine du Sénégal, les Soninkés s'orientèrent
très tOt vers les métiers maritimes. Dans les années 1880-1881
des Soninkés étaient employés à la Compagnie Indigène des Mé-
caniciens des Ateliers du Haut-Fleuve
(2), pendant que d'au-
tres servaient comme Laptots sur les chaloupes militaires.
Par contre, tardivement touchés par la colonisation, éloignés
des grands ports
( Dakar, St Louis)
et du chemin de fer,
les
casamançais étaient peu susc~ptibles d'acquérir de telles
formations techniques.
Ces différences de départ qui auraient pu disparaître avec
le temps, ont sans doute été maintenues par le système des
filières de recrutement, chacun faisant de préférence embau-
cher un congénère dans U son u.fief.
b)
Le recensement de 1926.
En Février 1926, le ministère des Colonies prend
des mesures pour effectuer un second recensement de l'immigra-
tion coloniale. Dans une lettre adressée au Ministre de l'In-
térieur, le Ministre des Colonies demande à ce que les coloniaux
( Indochinois, Africains et Malgaches)
soient dotés d'une car-
te d'identité spéciale
(3). Six mois plus tard,
" un état ap-
(1)
PouJt plu.ô de.pJtéc.i..ôi.on..ô voi.Jt Vve..ô J, Sa.i.n..t Ma."Jt.ti.n.,
L'Empi.Jte.
.touc.'oul"e.uJt 18'48'-18'97 Pa.Jti.~, le. li.vJte. a.6Jti.c.a.i.n. 1970. 190 pa.ge..ô.
(2) ANS K 30 " .tJta.va.Lt e..t ma.i.n. d'oe.uvJte. 1&78-1894 " c.i..té pa.Jt
A. Ada.m.ô op c.i..t p. 54.
(3) ANSOM SLOTFOM VI Ca.Jt.ton. 9. Le..t.tJte. du Mi.n.i..ô.tJte. de. l'In..téJti.e.uJt
a.ux PJté6e..t.ô. 4 FévJti.e.Jt 1926.

proxima tif des indigènes des colonies françaises
" est établi
(1).
Concernant les Africains, les résultats sont les suivants:
IEtudiants
Navigateurs
Domestiques Employés
Traval1-
Total
leurs ma-
nuels
AOF
AEF
AOF
AEF
AOF
Aff
AOF
Aff
MF
AfF
AOF
Aff
1
1
,
PAinS
5
1
40
1
50
1
50
500
1
595.50
1
1
1
1
1
,
1
1
1
_____ L ______
1
,
1
T
____ ~~L ___
------r----- - ......... -1- ............... -----j-----
1
1------:----
PROVINCE
1
1
140 1 30
30
1
50
500
1
610+80
1
1
1
1
1
,
1
1
1
1
_____ L______
1
1
1
150
------1"----- -----.------ -----r-----
-----ï-----
1
1------;----
TOULOUSE
5
1
1
1
1
1
5
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
------r----- ......... ... -1- ............... -----T----- -----1"------ ----,---- -----,-----
1
1
1
1
1
1
AIX
5
1
1
1
1
1
5
1
,
1
1
1
1
1
,
1
1
1
1
1
------r----- -----r------
,
1
-----T----- -----1"----- ----,---- -----,-----
1
1
1
1
MARS EILLE
1
1
1
1
1
1
,
1
1
1
1
1
1
1
1
1
I-----~----
1
-- ... ---r----- ~-----,------ -----T----- -----r------
-----------
1
1
1
1
1
LE HAVRE
1
400 1
100
1
1
1
400+100
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
____ HL ___
1
1
1
1
1
------1"----- ......... ... -,- ............... -----r----- -~---J------ -----j----
BORfJEAOX
10
1
1
1
1
1
10
1
,
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
TOTAL
25
400"100
1'0+30
80+100
1000
16B 5.+ 230
500
ZlO
l' 0
191 5
le4 o~~g~nd~~e4 de l'AOF et de l'AEF en F~dnce en 1926.
------------------
(1) ANSOM SlOTFOM VI Ca~ton 9. Note pou~ !e Sec~éta~iat Géné~a!
du Con.6ei! Supé~,[eu~ de.6 Co!Qn,[e.6. ~9 Novemb~e 192.6.

Composition de llimmiqration africaine
( en % )
1926
1:;;;
l1X
2.G~
Il INTELLECTUELS
Il dOMEstiques
12 TRAVAILLEURS
;~.
Iill
;~:;
navigatetAl\\S
il:l,
...,:~
{,:..
~(.
Source
ANSOM SLOTFOM VI carton 9
~
CD

Ol
Si
l'on s'en tient aux résultats du premier recensement
( mal-
gré les réserves exprimées ), on constate que :
- Le nombre des originaires de l'AOF a plus que quadruplé en
moins de deux ans, passant de 361 à 1685 individus.
-
L'immigration africaine est toujours majoritairement con-
centrée en province dans une proportion d'environ 67%.
-
Les navigateurs continuent à constituer une fraction impor-
tante de cette immigration
( environ 26% ).
- Le nombre des travailleurs manuels est multiplié par dix,
celui des domestiques par cinq et celui des employés par trois,
ces trois catégories représentant respectivement 52%,
11% et
9% de l'effectif total.
Apparemment ltimmigration af~icaine s'est accrue
dans des proportions considérables. Cependant cet accroisse-
ment ne doit pas faire illusion. Il s'agit moins d'une augmen-
tation spectaculaire que d'une plus grande précision du recen-
sement.
D'ailleurs aucun rapport ne fait mention d'une telle expansion
de la communauté africaine. Simplement, certaines catégories
telles les domestiques,
les employés ou les travailleurs manuels
ont fait l'objet d'un recensement beaucoup plus sérieux.
Pour ce qui est de la composition de cette immigration, les
caractéristiques dégagées lors du recensement de 1924 se re-
trouvent plus ou moins dans celui de 1926 : faiblesse de la
communauté estudiantine
( 1,3% ), nombre élevé de navigateurs

5'
(26%), importance non négligeable des domestiques
( 11% ).
Sans donner
le détail par communauté, une note remise au
Secrétariat Général du Conseil Supérieur des Colonies précise
les secteurs d'activité dans lesquels on trouve des coloniaux.
D'une manière générale,
les ouvriers coloniaux" sont emplo-
yés dans les usines de la banlieue parisienne
( Citroën,
Renault, Amieux, Compagnie du Gaz de Paris, etc ••• ), à la
Société des Transports en Commun, dans les établissements
agricoles et horticoles du Midi et dans les Chemins de fer n(l).
Par ailleurs,
" les grands magasins
( Bon Marché, Galeries
Lafayette, Belle Jardinière ), les établissements de crédit
( Crédit Lyonnais, Comptoir d'Escompte, Banque d'Indochine),
les maisons de commerce emploient dans leurs bureaux des
indigènes coloniaux".(2).
c)
Le recensement de 1932.
Avant d'en venir au recensement de 1932, nous
citerons les chiffres d'une enquête, non datée, qui semble
avoir été effectuée entre 1926 et 1932
(3).
Evaluant à 1241 le nombre des Africains, soit 36% de moins
qu'en 1926, cette étude dénombre 700 ouvriers, commerçants et
travailleurs manuels,
400 navigateurs, 100 domestiques,
21
(1) ANSOM SLOTFOM VI Ca~ton 9. Note pou~ le SèQ~éta~~at Géné~al
du Con~e~l Supé~~eu~ de~ Colon~e~.
29 Novemb~e 1926.
(2)
Idem.
(3) ANSOM SlOTFOM l Ca~ton 4. Nomb~e app~ox~mat~6 de~ Qolon~aux
t~ava~llant en F~anQe ( non daté).

Composition de l'immigration africaine
( en % )
1939
3~
8x
li INTELLECTUELS
il ,1.0Mes t i ({ue. s
[1 TRAVAILLEURS
~ nauig&teti~s
.
_ _.1
.------- _•._----
56x
Source
ANSOM SLOTFOM VI carton 9
0\\
t.l

53
étudiants et 20 membres des professions libérales. Mis à part
l'accroissement sensible de la catégorie Il professions libéra-
les ", les données d'ensemble sont comparables à celles des
recensements antérieurs.
Quant au recensement de 1932, i l est, à ~otre connaissance,
le dernier en date pour la période de l'entre-deux-guerres. Peu
détaillée, cette enquête
(1)
chiffre à 894 le nombre d'Afri-
cains présents en France.
Avec 500 travailleurs, 300 navigateurs, 73 domestiques et 21
étudiants, la composition.de la communauté africaine est
quasi-identique à celle observée lors du recensement précéden~,
le changement le plus significatif concerne la baisse des effec-
tifs, qui se serait amorcée dans les années 1928-1930.
Par rapport au recensement de 1926, la communauté africaine
aurait diminué de 54%.
A n'en pas douter, i l faut voir là les effets de la crise
économique des années trente. Cependant la crise n'est pas
seule en cause. En effet dès 1927, dans le secteur de la ma-
rine marchande, gros consommateur de main d'oeuvre immigrée
africaine, on constate que Il l'emploi des arabes se générali-
se. Ils offrent une plus grande résistance à la fatigue et
sont en général plus dociles que les marins sénégalais gangré-
nés par la propagande subversive dont ils sont l'objet de la
part des syndicats européens de toutes tendances,
C••• ) "
(1jANSOM SlOTFOM VI Ca~ton 9. Nomb~e app~oximati6 de~ indi-
gène~ t~availlant en F~ance. Juin 1932.

composition de l'immigration africaine
( en % )
1932
;!./.
8:x
3·lx
----
ta
----1
lNTELLECTUELS
D dOM~stique-s
[! TMVAILLEURS
mnavigat~ur5 :
_______-
.-1
;)~) ::.~
Source
ANSOM SLOTFOM VI carton 9
(J
...,

55
Par ailleurs " la navigation à moteur et
au mazout se déve-
loppe et nécessite une main d'oeuvre moins abondante et plus
qualifiée que la navigation â vapeur par le charbon "(1).
Apparemment la diminution
du nombre de marins africains est
donc dûe aux conséquences conjointes de leur syndicalisation
et de l'évolution technologique. A vrai dire, la première
cause semble avoir été déterminante puisqu'on assiste non
pas â une diminution,globale de la main d'oeuvre coloniale,
mais au simple remplacement des marins sénégalais par des
marins arabes.
Dans ces années trente,
le temps est bien loin oü les naviga-
teurs africains, non organisés et donc plus dociles, se vo-
yaient " supplier d'embarquer dans telle ou telle compagnie "(2).
"Boycottés " par les compagnies de navigation, nom-
bre de marins se retrouvent au chômage. Non qualifiés,
ne
connaissant que le métier de navigateur, i l leur est difficile
de trouver du travail. Sans ressources, sans perspectives
d'emplois, ils cherchent â gagner de l'argent par tous les
moyens, certains allant même jusqu'à vendre ce qu'ils ont
de plus précieux
leur livret de navigation (3).

(1) ANS 2 G 21 19. Rappo~t annuel de la ci~conJc~iption de Va-
ka~ et Vépendance~. 1921.
(2) S. OUJmane o~ cit. p. 104.
(3) AN$ 2 G 21 19. Rappo~t annuel de la ci~conJc~iption de
Vaka~ et VépendanceJ. 1921.

Quelques années plus tard, cette situation déjà difficile,
s'aggrave du fait des conséquences de la crise. Dans tous les
ports, les préfets signalent des dizaines et des dizaines de
marins africains au chômage
(1). Devant l'ampleur du phénomè-
ne, le Ministre de la Marine Marchande envisage des mesures
de rapatriement. Séulement le problème n'est pas simple car
personne ne veut mettre la main à la bourse pour effectuer
ces opérations. Les armateurs
se retournent vers le minis-
tère de la Marine Marchande qui s'adresse au ministère des
Colonies, et ainsi de suite.
Les choses traînent en longueur et aucun principe général
n'est dégagé. Localement quelques expériences sont tentées.
Au Havre par exemple, les armateurs acceptent de rapatrier
les marins africains· sans emploi, à leurs.frais
(2).
Mais tout n'est pas question d'argent et nombreux
sont les navigateurs qui sont réticents pour ne pas dire hos-
tiles à toute idée de rapatriement. Ayant quitté l'Afrique
pour chercher du travail, ils savent très bien que le retour
au pays ne résoudra
en rien leurs problèmes actuels.
Pour eux, mieux vaut encore être chômeur en France où ils
pourront espérer obtenir quelques secours des fonds de chômage,
plutôt que d'être chômeur sans ressources et sans droits sur
les quais de Dakar ou de Conakry.
(1) Une le~~~e du Mini~~~e de la Ma~ine Ma~ehande ~ignale une
~~en~aine de ma~in8 a6~ieain~ au eh6mage dan8 le V(pa~~emen~
de la Seine rn6é~ieu~e e~ a Bo~deaux. ANSOM SLOTFOM VI Ca~~on
8. Le~~~e du Mini~~~e de la Ma~ine Ma~ehande au Mini~~~e de~
Colonie~. 21 Juille~ 1931.
(2) ANSOM SlOTFOM VI Ca~~on 8. No~e du Che6 de ~e~viee de la
Ma~ne au mini~~è~e de~ Colonie~. 31 Véeemb~e 1931.

07
Bien
entendu,
le raisonnement des autorités est tout autre.
De leur point de vue,
le rapatriement n'offre que des avantages.
Il " permet de réduire le nombre des chômeurs et d'assurer
la sécurité publique " et de plus " la dépense résultant de
ce rapatriement serait vite récupérée par l'économie réalisée
sur les fonds de chômage "
(1).
Ne pouvant procéder à un rapatriement massif et autoritaire
de personnes qui après tout sont françaises,
tout le problème
est"de vaincre l'opposition des intéressés à se laisser rapa-
trier et d'assurer ces rapatriements par petits contingents
convenablement espacés "
(2).
Harcelé par les requêtes des Préfets,
le Ministre de la Marine
Marchande décide de régler une fois pour tout~les modalités
de rapatriement des marins coloniaux.
Dans une circulaire adressée aux Directeurs des services de
l'Inscription Maritime, i l déclare:
11
la crise du chômage
qui frappe actuellement le personnel naviguant de la Marine
Marchande m'a amené à me préoccuper du retour dans leur colo-
nie d'origine, des marins sénégalais, annamites, somalis, etc •.• ,
en ce moment sans travail dans les ports de la Métropole, du
fait du désarmement des navires à bord desquels ils naviguaient
jusqu'ici
( ••• ); ceux des marins de nos colonies qui, sans
travail, en feront la demande à l'Autorité Maritime, seront
(11 ANSOM SI-OTFOM VI Ca.Jt:ton. 8. Le.:t:tlte. du M.-i.n.-i.J.dJte. du TJta.va.Le. e.:t
de. la. PJtévoya.n.~e. So~-i.a.le. a.u M-i.n.-i.~:tJte. de.~ Colon.-i.e.~.
2 Ma.Jt~ 1932.
(21 ANSOM SlOTFOM VI Ca.Jt:t~n. 8. No:te. du Che.6 d~ ~e.Jtv-i.~e. de. la.
Ma.Jt~n.e. Ma.Jt~ha.n.de. a.u m-i.n.-i.~:tèJte. de.~ Colon.-i.e.~ a M. le. Sou~-Se.~Jté­
:ta.-i.Jte. d'E:ta.:t a la. Ma.Jt-i.n.e. Ma.Jt~ha.n.de..
31 Vé~e.mbJte.
1931.

SE
ramenés dans leur pays d'origine,
sur réquisition de transport
à tarif réduit délivrée par l'Autorité Maritime au capitaine
du navire en partance pour cette colonie.
C... ). Les frais de
ce transport à tarif réduit seront imputés sur les crédits
inscrits au budget de la Marine Marchande pour le rapatrie-
ment des marins, c'est à dire au chapitre 19, article premier
du budget de l'exercice courant.
Ils seront, en principe,
remboursables par les intéressés et donnent lieu, par suite,
à la procédure de notification réglementaire des avances au
commerce "
(1).
Dans ce cadre, pour le seul port de Marseille, près de 150
marins seront rapatriés vers l'AOF, et principalement sur
Dakar, entre Septembre 1932 et lToveT"'lbre 1934
(2).
A Bordeaux, dès 1931, c'est une centaine de marins qui avaient
été rapatriés
(3). En l'espace de quatre ans,
un minimum de
250 marins a donc été rapatrié en Afrique, soit la moitié de
l'effectif des navigateurs présents en France en 1926. (4)
(1) ANSOM SLOTFOM vr Ca~ton 8. Lett~e du Mini~t~e de la Ma~~ne
Ma~chande aux Vi~ecteu~~ de l'rn~c~iption Ma~itime, 1e~ Août 1932.
(2) MJSOM S4.0TFOM :11 Ca~ton 41. Eta.:t~ men~uel~ d(l:6 Jt ..'!.pa.t~~ement~
de
ma~in~ coloniaux en chômaae à Ma~~eille. Octob~ej Novemb~e 1932.
Fév~ie~, Mai, Juillet 1933.
SlOTFOM Irl Ca~ton 113. Idem. Janv~e~, M~i, Août, Juin, Septemb~e,
Novemb~e, Vécemb~e 1933 et Janv~e~ à Novemb~e 1934.
SLOTFOM VI Ca~ton 8. Idem. Sept. 1932. Ma~~, Av~il, Octob~e 1933.
(3) ANSOM SLOTFOM VI Ca~ton 8. Rappo~t du Commi~~ai~e ~péc~al
du po~t de Bo~deaux, 15 Ju~n 1931.
(4)
Faute de donnée.o pltéc.i.o e.o ~elative~ aux po~t.o de Bo~dea.ux,
Rouen, Le Hav~e,
etc .... il
e.ot imp0.o.oi6le de déte~mine~ exac-
tement le nomb~e de ma~in.o ~apat~ié.o.

59
Dans ces conditions, on comprend aisèment le tassement numé-
rique de l'immigration africaine â la fin des années vingt et
au début des années trente. Par la suite, avec la reprise éco-
nomique, le nombre des marins africains
( et par conséquent
l'immigration africaine)
augmentera de nouveau. En 1938, les
seuls " clandestins"
seront estimés à 600
!

sc
En fin de compte, que faut-il retenir de cette masse de chif-
fres ?
Tout d'abqrd numériquement parlant, l'immigration africaine en
France a connu une évolution en dents de scie. De quelques
centaines d'individus dans l'immédiate après-guerre, elle a
atteint le seuil de 2 000 personnes vers 1926.
Cependant, dès la fin des années vingt, la croissance des an-
nées antérieures fait place à une forte régression qui la fera
passer sous la barre du millier en 1932. Puis, au milieu des
années trente, elle s'accroîtra de nouveau, mais dans des pro-
portions impossible à chiffrer faute
de données statisti-
ques. Précisons que pour avoir une idée plus juste de l'impor-
tance numérique de la communauté africaine, i l faut réviser
à la hausse les chiffres officiels, compte tenu des lacunes
observées au niveau des recensements mais également du fait
de la non-comptabilisation des militaires.
En effet comme chacun a pu le constater, la Il grande muette"
est la grande absente de ces recensements. Pourtant, si l'on
en croit l'Histoire et
Epopée de's troupes coloniales, pen-
dant toute la période de l'entre-deux-guerres, i l y a eu entre
20 000 et 30 000 tirailleurs sénégalais stationnés en France
(1).
Ceux-ci étaient pNncipalement cantonnés dans le Sud de la Fran-
ce dans des villes comme Fréjus
( Hôpital 86, Centre de Perfec-
tionnement des Sous-Officiers Indigènes, 73ème Bataillon de
Tirailleurs Sénégalais), Toulon
( 38ème Régiment d'Artille-
[1 r Hi..6;toi.Jte.. e..;t Ey.iopée..· cie..·.6 ·,tJtô·(,(p·e..·,6c ·c.ol:on.i:a.:e:e...6, Pa.Jti..6 Le...6 PJte...6-
.6e...6 Mode..Jtn.e..,6. 1956 p. 101.

1
Eu 0 1ut ion de 1JI i MM ï ![lt'a. t i 0 il a.i Jllo i ca], ne
<1924-1932>
2598
!
2999
1 - · - - - - - - -
15MG
1 ll1 INTELLECTUELS
~ do...estiquE';S:
IIiiI.TRAVAILLEURS
l,.OW9 +
Il GuvX"iE!'X's
5~ü
~
t -
"-1
192·1
1926
1930
1 ~~.~..
.....;~ .....
Source
ANSOM SLOTFOM VI carton 9
Cl

rie Coloniale, 4ème Régiment des Tirailleurs Sénégalais ),
Montauban
( 16ème Régiment des Tirailleurs Sénégalais ), Libour-
ne
( 58ème Régiment d'Artillerie Coloniale), Mont de Marsan~
( 14ème Régiment des Tirailleurs Sénégalais ), Perpignan
(24ème
Régiment des Tirailleurs Sénégalais ) mais aussi dans des vil-
les comme Cherbourg ( 1er Régiment d'Infanterie Coloniale
et même Paris
(1).
A ces unités militaires, venaient s'ajouter les Dépôts d'Iso-
lés Coloniaux de Bordeaux, Marseille et Port Vendres. Soumis
à la discipline militaire,
tenus à l'écart de toute vie poli-
tique et syndicale, loin de leurs frères civils, les tirail-
leurs sénégalais entretiendront néanmoins des relations avec
le reste de la communauté africaine et même avec les organisa-
tions anti-colonialistes comme en témoignent les lettres pu-
bliées par les Continents ou la Race Nègre.
Ceci dit,qu~n"'i"e soit l'exactitude, ou plutôt
l'inexactitude des chiffres officiels, ils donnent au moins
un ordre de grandeur qui permet de conclure à l'extrême fai-
blesse de l'immigration africaine comparée à l'immigration ma-
ghrébine par exemple.
A l'exclusion des militaires, cette immigration est avant tout
une immigration laborieuse, où les marins tiennent une place
importante. A contrario, intellectuels et étudiants sont peu
nombreux en son sein.
(1) ANSOM. A~ndi~e~ Potitique~ Canton 1492. Rappont du Pné~ident
du Comité d'A~~i~tance aux Tnoupe~ Noine~ a l'As~emblée Nationale
Z0 Man~ 19Z8 •

Au-delà de ces consid~rations statisticiennes, essayons main-
tenant de voir qui sont ces hommes, d'où viennent-ils, pour-
quoi ont-ils émigrés, que font-ils et comment vivent-ils en
France ?
3.3 Derrière les chiffres: les hommes.
(1)
----------------------------------
a)
de Bakel à Marseille : les chemins de
l'émigration.
L'examen des divers recensements et de la corres-
pondance du ministère des Colonies font clairement apparaître
une chose : la grande majorité des immigrés africains en Fran-
ce sont originaires de l'Afrique Occidentale Française.
En 1926, seule année.où l'on ait recensé distinctement les
originaires de l'AEF et ceux de l'AOF, ces derniers représen-
taient 86 à 87% de l'effectif total.
La faiblesse de l'immigration en provenance de l'AEF s'explique
en partie par la faiblesse des relations maritimes entre ce
territoire et la France. A l'époque, la majorité des équipements
portuaires sont situés en Afrique Occidentale. En tête de ceux-
ci vient bien évidemment Dakar, capitale administrative de
la Fédération, port de guerre, port de commerce, escale impor-
tante entre l'Europe et l'Afrique mais aussi l'Amérique Latine.
Loin derrière Dakar suivent un certain nombre de ports comme
Conakry, Grand Bassam, Grand Lahou, Tabou, Lomé, Cotonou, etc ..•
-------------------
~) En ~ai~on d~ t'a6~~ne~ d~ donné~~ p~éei~~~ ~~tativ~~ a t'~n­
~~mbt~ d~ t'immig~ation ao~ieain~, e~tt~ pa~ti~ ~~t ~~~~nti~t­
t~m~nt eon~ae~é~ aux navigat~u~~.

PRINC/PIILES Rt6/0N5 DORi6/NE DE5 NAV/tiATCUA5
AFRICAINS DANS /'ENTRE-DEUX- GUERRES.
HIlURiTRNie
Carte n01
_ LOOGA
siNt."L
-CJlOVRBE/.
NIILÎ
TAMIjAWUNDA
-
13N(JVL
GUiNÉE
~ R't1UPOIlI bdj~ÙU d'i"'iJ,.alio"
Til.. T;",c.~ AI/• .J
c.,.IQ. M
~4. 1/1000000
~
"

L'AEF quant à elle ne dispose que des ports de Libreville et
Port Gentil
(1)
dont l'activité portuaire est sans commune me-
sure avec celle des ports de l'AOF.
Certes, la présence ou l'absence des grands ports n'explique
pas à elle seule l'existence ou non d'un phénomène d'immigra-
tion dont les racines sont toujours à rechercher dans les ré-
gions d'origine.
Cependant elle joue un rôle non négligeable à une époque où
le voyage vers la " Mère Patrie 1t passe inéluctablement par
la voie maritime.
Si l'on raisonne en terme de 11 nationalité"
les Sénégalais
arrivent largement en tête, suivis de loin par les Guinéens et
les Maliens.
Bien qu'intéressante," cette répartition par pays d'origine ne
doit pas focaliser notre attention outre mesure, car elle occul-
te une réalité plus profonde: l'appartenance de la majorité
des immigrés africains à une même entité géographique, histori-
que et ethnique -
les pays Soninké
(2).
Fondateurs de l'Empire de Ghana,
11
peuple de commerçants"
(3),
les Soninké sont fréquemment présentés comme une " race par-
ticulière qui aime voyager "
(4)
ou encore des gens " pour qui
(IJ Commencé~ en 1934, le~ t~avaux de con~t~uct~on de Po~nte
No~~e ( Congo J ne ~e~ont achevé~ qu'en 1942.
(2) Le.6 pay~ Son~nké .6ont le Gu~d~makha ( Mau~~tan~e ), le
V~a6ounou ( Mal~J et le Gajaga ( a cheval ~u~ le Mal~ et le Sé-
négal 1.
(31 ]. Su~et-Canale, l 'A 6~-iqU:e -Uo"-ike".Géogkaphi.e- C",[v~l~~ at~o n~
7H,[~toi.~e. Pa~,ü. Edi.ti.on.6 Soc~ale.6.1919. p. 128.
(4)
P~opo~ d'un di.plomate ~énégalai.~ ci.té.6 pa~ A. Adam~ op. c~t.p. 14.

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6i
la vie ne serait rien sans la navigation "
( l ) . Ces
" explica-
tions
" et notamment les deux dernières sont destinées à
justi-
fier leur présence en grand nombre en France hier comme aujour-
d'hui. Mais comme le dit A. Adams,
i l faut aller au-delà de
" ces appels à la fatalité naturelle, au poids de la tradition,
qui n'expliquent rien et ne s'expliquent eux-mêmes que par le
souci d'escamoter l'histoire"
(2).
En effet, au-delà des récits légendaires, qui lient la disper-
sion des Soninké dans l'Ouest-Africain au meurtre de leur génie
tutellaire, le s~rp~ë Bida, l'émigration massive de ce peuple,
d'abord vers d'autres régions d'Afrique, puis vers l'Europe
est historiquement datée : elle correspond à la colonisation
du Haut-Fleuve à,la fin du XIXème siècle, suivie de son inté-
gration progressive au marché mondial capitaliste
(3).
Cause ou conséquence, la pénétration française
dans le Haut-Sénégal entra!ne l'élimination des petits trai-
tants africains, souvent Soninké, qui servent d'intermédiaires
entre la population et les maisons de commerce européennes.
Basée en partie sur le commerce, la prospérité des pays Soninké
est mise à mal. Conduits par Mamadou Lamine Dramé, ils tentent
(11
S. OU.6mal1e. op. c..-i.t.p. 18.
{2 1
A. Adam.6 0 p. c..-i.t. p.
14.
{31
c.6. Abdoulaye. Bath.-i.ly,Gue.JtJt.-i.e.Ji.6, TJt.-i.outa..LJte..6e.rmaJtc.hal1d.6.
Le. Gajaaga (ouGalam) le. "Pay.6 de. LloA"- Le.dfve.loppe.me.l1t
e.tla JtégJt e..6 .6.-i.olid "une. n-0Ama:t,col1' 'êc.:o'l1'om'.,cqu'e.'e.t'.6 'oc.-i..ale. '.6 él1 ég a-
la.-i..6e. { 8ème. - 19ème. .6.-i.èc.le. 1 VakaJt. Thè.6e. d'Etat,
1985)3 tome..6
958 p.

68
de se soulever contre la domination française dans les années
1886-1887.
Vaincus, leurs pays sont dévastés, les récoltes brûlées, les
troupeaux razziés et les populations contraintes à l'exil (1).
La " pacification" terminée, ces populations sinistrées doivent
de plus payer l'impôt, subir le travail forcé
( les chantiers
du Thiès-Kayes ne sont pas loin ! ), fournir des hommes pour
le recrutement militaire, etc ••• Aux fléaux de la colonisation,
s'' ajoutent les accidents climatiques qui entraînent des famines
en 1867-1869, 1905-1906, 1913-1915 puis en 1926-1928
(2).
Dans ces conditions, i l ne faut pas être surpris de voir les
Soninké fournir les gros bataillons de navétanes ou encore
travailler de 11 leur plein gré n sur les chaloupes qui sillon-
(1) J. Ki Ze~oo dé~~it ain~i ~et
épi~ode ~anglant
de l'hi~­
toi~e a6~i~aine : " le~ 6~ançai~ pa~~l~ent alo~~ a de~ méthode~
te~~o~i~te~ de ~azzia~ ~ont~e le~ village~ 6avo~able~ au ma~a­
bout et d'éxé~ution~ ~ommai~e~ ( ... l. Cette lutte lai~~e~a en-
t~e le Haut Sénégal et la Haute Gamoie un pay~ exténué pa~ la
6amine, la ~ap,[ne et l'épidémie ". In Hi~toi~ede l'A6Aique
Noi~e ~ Pa~i~.Hatie~, 1918 p. 418-
(2) M. Cha~tenet.·Le~
~~i~e~ de ~uo~i~tan~e~ dan~ le~ village~

Soninké du Ce~~le de Bakel de 1858 li 1945.CahieA d'Etude~
A6A-t~a-tne~. N° 89-901983 1010.5-36.

69
nent le Fleuve ou sur les chantiers du chemin de fer "
(1).
L'un des objectifs principaux, si ce n'est l'objectif princi-
pal de cette émigration, est de se procurer du numéraire pour
payer l'impôt.
Avec le déclin de St Louis, les laptots Soninké partent pour
Dakar.
Ils se livrent alors à la navigation de cabotage le long
des côtes de la Sénégarobie, puis après la première guerre mon-
diale se lancent dans la navigation hauturière et/ou émigrent
en France.
En 1923 à Bordeaux, sur 183 originaires de l'AOF,
une cinquantaine
( soit environ 27% ) sont Soninké. Parmi
ceux-ci, les 2/3 proviennent du seul village de Ouanoundé
( voir carte nO 2 ).
A Marseille, ils représentent un peu moins du tiers de l'ef-
fectif
( 32%
et en Seine Inférieure ils sont un peu moins
du quart
( 23% ).
L'importance de la composante Soninké dans l'immigration afri-
caine de la France de l'entre-deux-guerres
~3t
une constante,
du début des années vingt à la fin des années trente. Rédigé
(1)
n
En ~al~on ~lche, une gAande paAtle de~ jeune~ homme~ r de
20 à 35 an~ ) tAan~poAtent teuA~ bAa~ à t'extéAleuA : POUA te~
tAavaux de~ qual~ et du chaAbonnage a Va~aA; pouAte ~eAvlce
de~ taptot~ et de~ comml~~lonnalAe~ à Kaye~ et à St Loul~, POUA
te~ tAavaux de~ vole~ 6eAAée~. Beaucoup de SaAa~otté ~ont chaun-
6euA~ a bOAd de~ paqueoot~ 6Aan~al~ au tong COUA~, et d'autAe~
~ont mécanlclen~ aux chemin~ de neA du MaAoc, du Sénégat, du
Soudan FAan~ai~, de ta Guiné.e et de ta Côte d'TvoiAe ". J. H.
Saint PlAe. Le~ SaAak.oLté.duGui:dil1iak.ha. PaAi~. Emite La.Ao~e,
1225 p~
52.

70
en
1938, le rapport sur la vie des originaires de l'AOF
dans la navigation métropolitaine commençait d'ailleurs par ces
mots:
" Il Y a en France de toutes les origines, mais les
plus nombreux sont les Sarakhollés "
(1).
Après les Soninké, le groupe le plus important est constitué
par les originaires de la Casamance
(2). En 1923, ils sont
plus d'une quinzaine à Bordeaux
( 8% de l'effectif t o t a l ) ,
et une demi-douzaine en Seine Inférieure
( 12,5% ) et à Mar-
seille
( 6% ). S'
" ils viennent au second rang après les
Sarakhollés "
(3), on sait peu de chose sur eux, car comme
le montrent les chiffres cités ci-dessus, c'est une communau-
té peu importante.
Parmi les Casarnançais, les plus nombreux sont les Mandjacks
encore appelés Mandiagos
(4). A proprement parler, ce ne sont
pas des originaires de la Casamance puisqu'ils habitent des
territoires situés plus au Sud, dans l'actuelle Guinée-Bissau.
D'après le témoignage d'un vieux marin Mandjack de Ziguin-
chor, les ancêtres des Mandjac~ actuellement présents en Ca-
samance auraient fui la Guinée-Bissau au XIXème siècle pour
échapper à l'oppression coloniale portugaise
(5).
(7) ANS 77 G 760 (28). La vie de~ o~iginai~e~ de l'AOF dan~
la navigation m~t~opolitaine. 7938.
(2)
Voi~ ea~te nO 7.
( 3)
ANS 77 G 76 a (2 8) op eit.
(4)
Il ne 6aut pas eon6ond~e le~ Mandjae~ ou Mandiago~ avee
le~ Manding ( o~iginai~e~ du Mali) que l'on t~ouve également
en Ca~amanee.
(5) Témoignage de Fo~mo6e Gomi~ ~eeueilli a Ziguineho~ en
Septemb~e 7984.

71
Explication histori~ue ou réinterprétation du passé lointain
sous l'influence d'évènements beaucoup plus récents
(1)
?
Il est difficile de trancher, mais cette explication n'est pas
à exclure à priori, si l'on prend en compte qu'
" en 1885,
date à laquelle le traité de Berlin lui attribua la Guinée-
Bissau, le Portugal ne contrôlait pas l'intérieur du pays"
et que " les expéditions armées qui suivirent, auxquelles on
donna le nom de
' pacification "
rencontrèrent de la part
des populations une forte résistance "
(2).
Par contre, i l est certain que leur émigration en Casamance
est en partie liée au développement du commerce du caoutchouc
dans les années 1879-1880, dont 11 la récolte fut assurée par
les Akous et les Mandiagos "
(3). Emigrés de fraiche date et
par conséquent moins 'attachés à un terroir 'précis, les Mandjacks
semblent s'être orientés plus rapidement que les autres groupes
ethniques de la région vers les professions salariées.
Pour les Soninké comme pour les Mandjacks, les chemins de l'exil
sont souvent longs et variés.
Avant d'être navigateur au long cours, i l faut d'abord travai1-
1er pendant des années comme boy, mousse, graisseur ou ma-
(1)
Fuyant la d~etatu~e eolon~ale po~tuga~~e ou le~ zone~ de
eombat ent~e le~ nat~onal~~te~ du PAIGC et le~ t~oupe~ eolon~a­
le~ po~tuga~~e~, de nomb~eux gu~néen~ t~ouvè~ent ~e6uge au Séné-
gal ent~e 195q et lq14 date de l'~ndépendanee.
( 2)
j .
CL.
ANVREANT et M. L. LAMBERT. La Guinée B~~~ au. Pa~~~.
L'Ha~mattan 1978 p. 5.
(3) C. ROCtfE. "C:-onq"uêteet: ~é~~~taneede-s pe"uple-s -de Ca~ amanee.
VaRa~!Ab~djan NEA 1916 p. 193.

noeuvre, avant d'avoir la " chance" de passer de la chaloupe
qui fait du cabotage aux navires des grandes compagnies de na-
vigation.
Sur les raisons objectives qui poussaient les Casamançais à
émigrer, nous n'avons pas obtenu de réponse précise. Interro-
gés, les intéressés évoquent l'envie de gagner de l'argent, le
désir d'indépendance vis-à-vis de la famille,
la volonté d'ac-
quérir une formation professionnelle ou tout simplement le
besoin de voir du pays
!
Dans la région du Fleuve, comme en Casamance,
au-delà des particularités locales, le processus qui conduit
à l'émigration est globalement identique: pour répondre à
la monétarisation croissante des rapports économiques et sociaux;
des populations ont" choisi" de s'exiler. Dans les deux
cas l'exil a été favorisé par l'existence de grands fleuves
sur lesquels existait une navigation fluviale qui a débouché
plus tard sur la navigation hauturière.
Dans les deux cas, on est en présence de régions qui ne par-
ticipent que très marginalement à la culture de l'arachide,
principale culture d'exportation du Sénégal et par conséquent
principale source de revenus monétaires pour les paysans (1) .
(1) San~ voulo~~ avo~~ ~eQOU~~ a de~ ~Qhéma~ expl~Qat~6~ ~~m­
pt;~te4 et méQan~que~, on note~a que le4 Wolo64, p~~nQ~palement
o~~g~na~~e~ du Ba44~n a~aQh~d~e~, ~ont ult~a-m~no~~ta~~e~
dan~
l'~mm~g~at~on a6~~Qa.~ne en F~anQe et Qe h~e~ Qomme aujou~d'hu~.

73
A l'évidence, c'est de ce côté-ci qu'il faut chercher l'ori-
gine,
les causes de l'émigration de ces populations et non
en invoquant on ne sait quelle psychologie ethnique qui ferait
apparaître chez les uns le U gont du voyage U ou chez les au-
tres l'amour immodéré de la navigation.
b)
La vie en France.
Arrivé en France après moultes péripéties, l'immi-
gré africain doit faire face aux difficultés d'un monde qu'il
ignore totalement. En l'absence de structures d'accueil officiel-
les adéquates (1) , i l se retourne tout naturellement vers ses
compatriotes pour trouver aide et réconfort. Ainsi à travers
des solidarités ethniques, villageoises. ou nationales,
le nou-
vel arrivant va être véritablement pris en charge. Officieuses
mais efficaces, ces structures d'accueil contribuent, plus
peut être que n'importe quel organisme officiel, à l'intégra-
tion des nouveaux immigrés.
D'une manière générale, dans les ports les Afri-
cains vivent dans des ghettos pour des raisons tant objecti-
ves que subjectives. Marins ou dockers, ils se doivent d'habi-
-------------------------------
(11
A l'époque li n'exl~talt aucun o~ganl~me o661clel tel
l'0661 ce National diTmmlg~atlon ( ONT c~éé le Z Novemb~e 1945
ou le Bu~eau pou~ le Véveloppement de~ Mlg~atlon~ Tnté~e~~ant
le~ Vépa~tement~ d'Out~e-Me~ ( BUMTVOM c~éé le Z6 Av~ll 1963 1.
Quant au CAT, en bon -5e~vlce de ~en-5elgnement-5, li monnayait
~on " a~~l-5tince " plu~ qu'li ne la p~[talt ( vol~ plu~ loin 1.

74
ter près du port quand ce n'est sur le port, Peu fortunés,
travaillant irrégulièrement, ils logent souvent dans
" ces
petites chambres noires qui sont l'un des dons de l'homme aux
villes de la Méditerranée, à ces villes de soleil, de mer
resplendissante et de ciel bleu, où villégiaturent les tou-
ristes fortunés pour leur santé ou leur plaisir. On les trou-
ve à Marseille dans tous les hôtels de troisième ou de quatriè-
me classe. Des chambres construites, on dirait, tout exprès,
pour empêcher le soleil d'entrer. Des chambres sans fenêtres
avec seulement une lucarne ouvrant sur le corridor ( •.• ).
On y suffoque déjà, au centre de la ville, mais dans la Fosse,
où vit la grande majorité des dockers, où l'air est toujours
humide, où les ruelles sont toujours encombrées d'ordures, ce
n'est plus que des tanières fétides
,,(1).
Ces hôtels" de troisième ou quatrième classe Il, situés dans
des Il rues sordides, cellulaires, en cul de sac 11(2)
forment
ce que S. Ousmane appelle" le petit harlem Marseillais ,,(3).
Situé entre le Il Vieux Port Il et la gare, non loin de la Joliet-
te où se trouve le port de commerce, ce quartier regroupe une
grande partie des immigrés coloniaux.
Là les marins ou dockers africains s'entassent dans de nombreux
J
hôtels garnis tenus par leurs compatriotes ou par des Antil-
lais. Ils sont une vingtaine d'Africains à loger Place Jules
(1) C. Ma.c. Ka.y. Ba.n.jo. TJta.duit de l'a.méJtic.a.in. pa.Jt r. TJtea.t et
P. Va.illa.n.t CouxuJtieJt Pa.Jti~. Edition.~ RiedeJt 1941 p. 325 ( pu-
blié pouJt la. pJtemièJte 6oi~ en. 1927-1928 l.
(2) S. Ou~ma.n.e op. c.it. p. 77.
(3)
r dem.

75
Guesdes, une dizaine rue du Baignoir, une douzaine rue des
Dominicaines, etc ••.
A Bordeaux la centaine d'immigrés africains vit quasiment dans
un périmètre délimité par quatre rue~ : 24 logent rue Rougier,
23 rue de Galles,
20 rue du Parlement Saint Pierre, 13 rue
Bonaffe, etc ••. De même au Havre, sur 26 personnes,
16 habitent
rue du Général Faidherbe
( dont 15 au seul n Q 9 ),
6 quai
Videcoq et 4 rue du Docteur Belot
(1).
Il est plus difficile de se livrer à la cartographie
de l'immigration africaine parisienne faute de données assez
précises. D'autre part celle-ci est beaucoup plus" éclatée"
du fait de l'hétérogénéité des emplois occupés.
Il n'existe
pas un mais des points de fixation. On peut citer par exemple
les Vème et Vlème arrondissements
( Bld Saint Germain,
rue
Monsieur le Prince,
rue Mouffetard, rue de la Montagne Sainte
Geneviève,
rue Monge, rue Descartes, rue Serpente, rue Bucci,
rue Royer Collard, rue du Sommerard, rue des Ecoles, etc ... ),
et également le XVlllème arrondissement
( Barbès,
la Goutte
d'Or, Pigalle,
..• ).
Dans les ports notamment, les immigrés ont tendance à se re-
grouper par régions d'origine ou par ethnie, plus que par
" nationalité ".
" A terreJle Sarakhollé ne vit pas isolé.
Il loge dans la chambre cowmune qu'ils louent p~r village.
------------------------
11)Tou.o c.e..o Ite.n.oe.,[gne.me.nt.o .oont t,[lté..o de. ANSOM SlOTFOM VI C~"l;oI'\\3
L,[.o:te. de..o Ind,[gène..o de. i'AOF e.n Ité..o'[de.nc.e. a Malt.oe.,[iie., Boltde.aux
e.t e.n Se.,[ne. rnéé.It~e.ulte. e.n 1924.

- - - - - - -
- - - -
76
c'est ainsi qu'il y a dans chaque port des charobres de Bakel,
de Moudéri, de Golmi, de Vaoundé, de Dembakani, etc •..
,,(1)
Illustration de cela, on trouve à Harseille en 1924 6 origi-
naires de Bakel qui logent ensemble au 32 rue Nationale.
Par contre les Wolofs semblent échapper à ce schéma et ils
préfèrent habiter seuls.
Dans les chambres, ceux qui travaillent achètent le riz et
tout ce qui est nécessaire pour préparer le re?as. La cuisine
est faite à tour de rOle et les repas sont pris en commun. Une
réelle solidarité existe entre les membres d'une même com-
munauté
( chambre/village). Quand l'un d'eux est au chômage,
les autres continuent à lui assurer la nourriture et l'héberge-
ment. Parfois quand l'argent se fait rare pour tous et que le
ventre se creuse, ils vont attendre les bateaux au port pour
s'empareE des restes des cuisines (2) •
L'existence de cette profonde solidarité ne doit
pas masquer un certain nombre de contradictions, d'antagonis-
mes, de rivalités qui la mettent à mal.
" Gardant avec lui les
coutumes de sa terre natale, chaque territoire a son propre
canton: les bars. Les préjugés et l'originalité sont souvent
l'objet de disputes ,,(3). Dans le " petit Harlem marseillais"
(IJ ANS 17 G 160 (28J op ei~. Voi~ t'emplaeemen~ de~ v~ttage~
~u~ la ea~~e nO 2.
(2)
e6. C. Mae"Kaq Banjo op. ei.~.
( 3 J S. 0 u~ man e 0 p. ei:~. p. 78.

par exemple,
les divisions sont nombreuses.
" La population
négroïde de la ville se divise
( .•• ) en groupes tranchés.
Les Martiniquais et les Guadeloupéens qui se considèrent comme
la fine fleur foncée de Marianne constituent à eux seuls une
petite autocratie. Les Malgaches avec leurs cousins des tou-
tes petites îles qui entourent leur grande île, avec les noirs
de l'Afrique du Nord que les Arabes purs méprisent, se situent
quelque part entre les Martiniquais et les Sénégalais qui, eux,
sont considérés comme de vrais sauvages. Sénégalais est d'ail-
leurs le nom
géographique impropre qui sert à désigner tous
les noirs de l'Afrique Occidentale Française ,,(1)
Ce véritable classement dans l'échelle de la " Civilisation"
entraîne de solides inimitiés.
Ainsi les Antillais ne tiennent pas à fréquenter les Sénégalais
( lire les Africains
qu'ils considèrent ni plus ni moins com-
me des sauvages. Ces derniers ne sont pas en :re.Sl~ .euiSC;lJllLS
voient dans les premiers de simples descendants d'esclaves
ce qui n'est pas une petite injure quand on connaît l'impor-
tance de l'origine sociale en Afrique de l'Ouest!
Sans vouloir' rej'eter_l'en:tière responsabilité de cette si-
tuation sur les Antillais, i l semble que leur conduite dans
les colonies africaines y soit pour quelque chose. Dans
Banjo, ne voit-on pas un sergent sénégalais accuser les
( 1 Je. Mac. Kay 0 p. c.'<":t. P 18.

7l
Antillais servant dans l'administration coloniale de traiter
les Africains plus durement que ne le font les Blancs (1)1
La Race Nègre,
journal de la Ligue de Défense de la Race Nè-
gre, organisation groupant à la fois des Antillais et des
Africains n'a-t-e11e pas publié un ff Avertissement à nos frè-
res Antillais fonctionnaires dans les colonies françaises
de population noire ,,(2)?Enfin F. Fanon n'a-t-i1 pas reconnu
lui-même la chose en déclarant:
" Chez les Antillais, avant
la guerre de 1939, i l n'y avait pas seulement la certitude
d'une supériorité sur l'Africain, mais celle d'une différence
fondamentale. L'Africain était un nègre et l'Antillais un
européen ,,(3)~
Pour d'autres raisons, l'Arabe méprise l'Africain, et le
citoyen des quatre communes, ne manque pas de faire remarquer
aux autres Africains, fussent-ils Sénégalais, qu'ils ne sont
pas des sujets français(4~
D'autres antagonismes traversent des communautés en apparence
profondément soudées.
Regroupés par ethnies et/ou par village les immigrés africains
tendent à reproduire en France les structures sociales de l'
ethnie ou du village. Les chambres, villages en miniature,
sont ainsi traversées par les contradictions qui
opposent aînés et cadets et membres des
différentes castes.
11 J C. Mac. Kay op. c.Lt. p. 271.
( 2 )
.La Ra c. e. N~g Jt e. ND
1 J ui n 1 9 21 •
(3)
F.
Fanon" An:tillai.6 e.:t A6Jtic.ain.6 JI RP.
22~31 -<-n PouJt
la Rêvolu:tion- AfiJtic.a:ine. PaJti.6. Ma.6 pe.Jto. 1918.
(4J
" Le..6 indiglne..6 é:taie.n:t de..6 .6 auvag e..6, il.6 ne. pouvaie.n:t pa.6
ê:tJte. c.i:toye.n.6 c.omme. nou.6 au:tJte..6 c.iv.i.lJ..6 é.6 " déc.laJtaJ.:t Ill\\.colte ~Il ,('i?>
un oJtigina.i.Jte. de..6 qua:tJte. c.ommune..6.(~.Le..6 -dynami.6me..6 poli:tique..6
au Sénégal 1914-1929. P. T.
NViaye., Vak.aJt.1918 p.31.

79
Ces conflits sont une réalité et i l serait malhonnête de les
nier au nom d'on ne sait quelle unité mythique de la race noi-
re. Cependant, i l ne faut pas non plus leur accorder plus d'im-
portance qu'ils n'en ont réellement et les rendre responsables
de tous les différends qui éclateront au sein des organisa-
tions anti-colonialistes nègres. Prétexte de nombreux con-
flits,
l'opposition entre Africains et Antillais sert le plus
souvent à masquer des divergences politiques qui ne veulent
pas dire leur nom. (1)
L'ethnie ou le village ne sont pas le seul niveau
de regroupement. Des organisations au cadre plus large exis-
tent, telles l'Association le Bénin qui rassemble les Togolais
et les Dahoméens ou l'Amicale des Originaires de l'AOF de ~1ar-
seille.
Les documents administratifs
comme les romans se sont peu
intéressés à la vie religieuse des immigrés Africains.
y-a-t-il abandon ou bien au contraire renforcement de la pra-
tique religieuse, nous l'ignorons. Ce qui est sûr, c'est que
la dimension religieuse est présente dans la vie des immigrés
comme en témoigne le désir exprimé par l'Amicale des Origi-
na ires de l'AOF de Marseille de disposer d'une cour pour la
(1)
L'anal~~e de~ eonnl~t~ ~nte~ne~ de ee~ o~gan~~ation~ a la
lum~è~e de " l'oppo~~t~on " ent~e An~~ea~n~ et Antillai~ e~t
le pendant de~ anallf~e~ ethn~que~, t~ibale~ ou elan~que~ qui ne
manquent pa~ de peuple~ le~ étude~ ~elat~ves a la vie poli-
tique
an~~ea~ne.

prière et d'un endroit pour recevoir les marabouts de ~assage~l)
De même possède-t-on peu de tém~gnages sur la nature des rela-
tions entre Africains et Français. La lecture de Banjo ou du
Docker Noir nous renseigne cependant sur un point : les nègres
sont largement exclus de la vie des Blancs et réciproquement.
Généralement les Africains habitent et se rencontrent dans
des établissements tenus par leurs compatriotes ou par des
Antillais~2) Peut-être quelques contacts se nouent-ils sur
les lieux de travail ou encore dans les 11 bals nègres
" fort
à la mode, mais ils semblent l'exception.
A cette époque,
le nègre n'est pas un 11 partenaire valable ",
c'est tout juste un homme. Le nègre est objet;
le nègre est
image. La gueule hilare du brave tirailleur sénégalais barre
les paquets de BANANIA; on va Voir la troupe que dirige Habib
Benglia aux Folies Bergères où l'on admire les trémoussements
de Joséphine Baker, presque nue et ceinte d'un régime de bana-
nes. D'autres plus téméraires vont s'encanailler au Bal nègre
de la rue Blomet où ila apprennent le Black Bottom ou le
Walking Dog.
Le jazz fait ses premiers adeptes et même les intellectuels
s'en mêlent. Picasso a lancé la mode de l'Art Nègre, Blaise
Cendras écrit son Anthologie Nègre, et des hommes comme Albert
(1) ANSOM SLOTFOM TIl
Can~on 21. Le~~ne du d~l~gu~ du CAl de
MAn~e~lle au m~n~~~ène de~ Colon~e~, 21 F~vn~en 1926. En Avn~l
1921, l'Am~eale demandena une ~ubven~~on au Gouvenneun G~n~nal
de l'AOF poun eon~~nu~ne une mO~Qu~e. ANSOM SLOTFOM III Can~on
134. Le~~ne du Gouvenneun G~nénal de l'AOF au M~n~~~ne de~
Colon~e~,
29 Avn~l 192J.
(2) Van~ ~on noman, C. Mae Ka...y panle ~an~ ee~~e du ne~~aunan~
" Aux An~~lle~
" e~ du " Ca6é A6n~ea-fn "

81
Barnes ou Pierre Guillaume collectionnent les statuettes afri-
.
(1 ) ,
. .
calnes.
Le negre est
obJet, sUJet d'étude et de curiosité.
Malgré ce climat, on note un certain nombre de mariages mixtes
( cf. Lamine Senghor), ce qui ne devait pas être une mince
affaire à l'époque.
En effet dans cette période de l'entre-deux-guerres marquée
par la crise,
le racisme est partout présent. Combien de let-
tres envoyées au ministère des Colonies; aux organisations
nègres ou aux journaux qui dénoncent la discrimination raciale
à l'embauche? Combien de Siki
( boxeur sénégalais vainqueur
de Carpentier et injustement disqualifié ) ou de Touvalou
Houénou
( avocat dahoméen expulsé d'un bar à cause de sa cou-
leur ) anonymes ?
Combien d'arrestations, de passages à tabac par une police
qui considère que tous les nègres sont des criminels ?
Les noms choisis par les organisations nègres sont symptoma-
tiques de l'agressivité générale dont sont victimes les nè-
gres
: Ligue Universelle pour la Défense de la Race Noire,
Comité de Défense de la Race Noire, Ligue de Défense de la
Race Nègre.
Défense, défense, défense,
cette nécessité impérieuse ne peut
que raviver les solidarités existantes et/ou en créer de nou-
fI]
C. Mac Kay o~ cil.p. 334 ( pnopo4 d'un policien man4eillai4 ).

velles. C'est pourquoi à côté des amicales, souvent infor-
melles, qui servent surtout à " payer le prix de l'enterre-
ment, un enterrement de cinquième classe ou quelque chose com-
me ça(l)
", quand l'heure ultime est venue, vont bientôt appa-
raître des organisations qui mettront en avant la dignité
humaine et l'amélioration du sort des nègres, voire le droit
à disposer d'eux-mêmes.
(1)
C.
Mac. Kay op.c.Lt.p. 326.

8~
CHAPITRE II
LES FLEMF~!TS n/I.'~!E ~.Er~ISF EN CA,PSF: DI'
SYSTEME COLnNIAL.
En décidant d'impliquer des peuples colonisés ou
semi-colonisés dans la première guerre mondiale,
la France,
la Grande Bretagne et les Etats Unis ne se doutaient peut
être pas qu'ils allaient ainsi accélérer l'émergence de puis-
sants mouvements de contestation remettant en cause leurs do-
minations. Les promesses d'un avenir meilleur, les discours
sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes,
l'évolution
des mentalités résultant de la transplantation de centaines
de milliers d'hommes dans un univers nouveau, et surtout le
rOle joué par ces hommes dans le conflit en~rarneront des
bouleversements irréversibles.
Au sortir de la guerre, forts des sacrifices imposés ou libre-
ment consentis,
" les damnés de la terre " f on!:.
valoir leurs
revendications émancipatrices. Indochinois et ~aghrébins en-
voient manifestes et télégrammes aux délégués de la Conféren-
ce de la Paix pour réclamer leur droit à l'indépendance.
Réuni à Paris en Février 1919, le 1er Congrès Panafricain s'at-
tache à faire entendre les doléances des peuples nègres, etc ..•
Cependant
le sentiment qu'un réaménagement du système colo-
nial s'impose, n'est pas l'apanage des colonisés.
En France, dans les milieux coloniaux " éclairés " des voix
s'élèvent pour réclamer des réformes. Certains tels Maurice
Boursaud et ses amis de l'Action Coloniale ont compris que ce

8~
qui est désormais en jeu c'est ni
plus ni moins la perte ou
la survie de l'empire colonial français.
Pour d'autres encore, le problème n'est pas celui de la refon-
te du système colonial mais bien de sa disparition totale par
l'octroi de l'indépendance aux peuples colonisés. C'est là,
la position du jeune Parti Communiste Français né dans le sil-
lage de la Révolution d'Octobre, mais également celle des mi-
lieux anarchistes qui s'expriment par exemple dans Le Liber-
taire.
Un des faits majeurs de la première guerre mon-
diale a été sans conteste l'utilisation massive des troupes
coloniales.
Pour la première fois des centaines de milliers de soldats
coloniaux ont été engagés dans un conflit européen.
En France, cette éventualité avait été envisagée bien avant le
début des hostilités. Dès 1908, sur la proposition de MESSL~Y,
la conscription avait été rendue obligatoire en Algérie.
Deux ans plus tard,
le colonel MANGIN avait lancé sa campa-
gne en faveur de la création d'une" force noire ", appelée
éventuellement à combattre sur le théâtre européen.
Dès que la guerre éclate au milieu de l'été 1914, six batail-
lons de tirailleurs sénégalais sont envoyés en France. Cepen-
dant ces premiers renforts s'avèrent rapidement insuffisants.

8
L'avance des troupes allemandes en territoire français et
l'importance des pertes sont telles qu'il faut intensifier
les recrutements dans les colonies. En 1915, plus de 30 000
hommes sont recrutés e~ AOF. L'année suivante le scénario se
répéte et ce sont plus de 50 000 recrues qui sont enrôlé~sau
cours de véritables chasses à l'homme. Des soulèvements écla-
tent au Soudan Français, en Haute Volta et au Dahomey ce qui
entraîne une pause dans le recrutement en 1917.
Mais décidé d'en finir au plus vite avec la guerre, Clémenceau
ordonne une nouvelle campagne de recrutement en 1918. De maniè-
re à vaincre l'hostilité des populations(;)
on prend certai-
nes mesures prévoyant l'exemption d'impôt, la création d'em-
plois réservés ou l'accession à
la citoyenneté française pour
les anciens combattants. Mieux, Blaise Diagne, député du Séné-
gal et premier Africain à siéger au Parlement français est nom-
mé à la tête d'une mission de recrutement en Afrique avec le
rang de Gouverneur Général.
Dépassant toutes les prévisions, cette campagne de recrutement
touchera plus de 60 000 hommes~2)
[1l
Out~e le~ ~évolte~ p~écédemme~t évoquée~, il 6aut égaleme~t
~~g~ale~ l'exode de village~ e~tie~~ ve~~ le~ colo~ie~ b~~ta~~~­
que~. Ai~~~ le Mi~i~t~e de~ Colo~ie~ décla~ait-il au M~~~~t~e de~
A66a~~e~
Et~a~gl~e~
qu' »e~ ~'ab~te~a~t ~y~témat~queme~t de p~at~­
que~ tout e~~ôleme~t ~u~ la Côte d'A6~~que, le gouve~~eme~t a~­
gla~~ a e~ 6ait déte~m~~é e~vi~o~ 40 000 ~é~égala~~ a gag~e~ la
Gamô~e o;j" ...:~~ Ae t~o uve~t e~co~e» (~ic! 1. 3 ] a~v~e~ 1Cl 1Cl A~ch~ve~
V~plomat~que~,
A6~~que 1918-1940. AOF do~~ie~ N~ 1.
[2IPou~ plu~ de p~éci~io~~ ~u~ la pa~ticipa~o~ de l'AOF a l'e6-
6o~t de gue~~e vof.~ M. Michel, l"Appela ",t'A6Jtique op. cit.

8E
Précisons que dans cette guerre, la France n'est pas la seule
à avoir recours aux ressources de son empire colonial. Aux
Indes, la Grande Bretagne a négocié la participation de trou-
pes autochtones au conflit(l)
en échange de quelques réformes.
c'est ainsi que les dirigeants du Parti du Congrès obtiendront
des portefeuilles ministériels comme l'enseignement dans les
gouvernements des Etats indiens.
Enfin quand les Etats Unis entrent à leur tour en guerre, le
Président W. Wilson déclare aux noirs-américains
:
" Out of
this conflict you must expect nothing less than the enjoyrnent
of full citizenship rights
,,~2) Convaincus ou non par ces pro-
pos, 100 000 noirs-américains franchiront l'Atlantique pour
venir combattre en Europe(~)
Avant même la fin des hostilités, ces peuples
jusqu'alors considérés comme quantité négligeable saisissent
qu'ils jouent un rôle majeur dans ce conflit puisque l'on est
prêt à
" acheter" leur participation. Mais en attendant,
les uns
et les autres découvrent chaque jour que la vie peut être au-
tre que ce qu'ils ont vécu jusqu'à cette date.
(7)
En deho~~ de~ Inde~, la G~ande B~etagne mob~l~~e~a plu~ de
92 000 no~~~ d'A6~~que du Sud,
70 000 Ant~lla~~ et 20 000 ~e~~o~­
t~~~antJ.> de ~e~ aut~e~ c.olon~e~. BCAF 1-8 ]u~llet-Août 7979 p.222.
(Z)
C~té ~n H. Hayw.ood Blac.k Bol~hev~k. Ch~c.ago, L~be~ato~ P~e~~
7918 p. 43.
(3)
P. Vec.~aene Le Pana6~~c.an~~me.
Pa~~4 PUF 1959 p. 78. M~c.hel
Fab~e, quant a lu~, pa~le de 361 000 noi~4-amé~ic.a~n~
engagé~
volonta~~e~
dont 200 000 au~aient été envoyé4 en Eu~ope.
M. Fab~e, L(1 ~~ve no~~ede Ha~lem il la Se~ne. Pa~~~ J Lie u. c.ommun
7985 p. 48.

8'
Pour ~es peuples soumis à la tutelle française,
le contact
avec le front leur fait l'effet d'un véritable électrochoc
la France considérée jusqu'ici comme invincible est en partie
envahie et ses troupes sont tenues en échec. Pis encore, dans
les Dardanne11es,
le corps expéditionnaire Franco-Britannique
débarqué en Avril 1915, est obligé de battre en retraite face
aux troupes turques,
laissant quelques 40 000 morts sur le
terrain(~)
Dans ce cas, l'effet psychologique a peut être été plus impor-
tant encore, puisque les deux principales puissances co1onisa-
trices du globe avaient été défaites par une puissance extra-
européenne. Résultat:
le mythe de la toute puissance et de
l'invincibilité de l'homme blanc avait vécu.
En dehors des grands évènements comme celui-ci,
la vie quotidienne dans les tranchées est un 11 anti-mythe _"
tout aussi efficace. Français, Maghrébins, Malgaches,
Indo-
chinois et Africains partagent le même sort. La pluie,
la boue,
le froid,
le vent,
les balles, les obus et les gaz n'épargnent
personne. Sur le champ de bataille, au coeur du combat, les
barrières artificielles s'écroulent une à une. Sujet ou cito-
yen, noir, blanc ou jaune, ces distinctions n'ont plus guère
d'importance.
(1 J BENOrST-MECHrN,
la Tu.Jtqu:le -5edévo'{'ie.
1908-1938.
PaJt.{,-6
EJt.{,c Ba-5chet,
1980 p. 164.

8~
Cette égalité devant la souffrance et la mort remet fortement
en question les inégalités qui prévalaient avant guerre, d'au-
tant plus que les soldats coloniaux, et plus particulièrement
les tirailleurs sénégalais, estiment payer un tribut plus
lourd que les autres dans une guerre qui n'est pas la leur.
Transplantés dans un monde totalement nouveau pour eux, les
coloniaux se rendent compte que les rapports avec les Européens
peuvent être autres que ceux qui existent aux colonies!l)
Par leurs contacts avec la société française,
ils découvrent
des réalités inconnues qui ont pour nom: presse, grève, syn-
dicat, liberté d'expression, etc •••
Malgré les contingences de la vie militaire et de la guerre,
ce séjour en Europe leu~ donne un aperçu de ce que peut être
la liberté.
Sur le plan des idées, la guerre correspond également à une
période riche en bouleversements. Tout d'abord en Octobre 1917,
avec la Révolution russe, se produit l'évènement majeur du
XXème siècle.
(1) Cela e~t tout au~~~ v~a~ pou~ le~ no~~~-amé~i~ain~ envoyé~
en Eu~ope. W.E.B. Vu Boi~ é~~i~a a ~e ~ujet en Juin 1919 : r, A
new ~adi~al Neg~o ~pi~~t ha~ been bo~n ~n F~an~e, whi~h leave~
u~ olde~ ~ad~~al~ 60~ beh~nd " ( ~~té ~n H. Haywood op ~it p. 36
et ap~è~
gue~~e la p~e~~e noi~e amé~i~a~ne in~~~te~a " a lon-
gueu~ de ~olonne~ ~u~ l'ab~en~e de p~éjugé~ ~a~~aux et de~ loi~
~a~iale~ en F~an~e, a~n~i que ~u~ la po~~ibilité pou~ n'impo~­
te quelle pe~~onne de ~ouleu~, de 6~équente~ le~ maga~in~,le~
~e~tau~ant~ et le~ t~an~po~t~ en ~ommun de ~on ~hoix, toute~
~ho~e~ in~maginable~ en Amé~ique "; M. Fa6~e 00 ~it.pp. 58-59.

S!
Déformé voire même censuré, l'écho de ces évènements est tout de m~-
me parvenu aux oreilles de ces colonisés et si la chute du tsar
n'a pas eu grande signification i l n'en a peut-être pas été pareil
de la proclamation du droit des peuples de l'ancien empire russe
à disposer d'eux-mêmes.
Sur ce même thème,
les déclarations du Président Wilson ont
été tout aussiJsinon plus) importantes. Ne s'était-il pas pro-
noncé en Janvier 1918 pour" un réglement librement débattu,
dans un esprit large et absolument impartial, de toutes les
revendications coloniales, fondé sur ce principe rigoureuse-
ment observé
que,pour résoudre les problèmes de souveraineté,
les intérêts des populations en cause pèseront d'un même poids
que les revendications équitables du gouvernement dont les
titres seront examinés "Cl)?
N'avait-il pas affirmé sa solidarité avec"" tous les gouverne-
ments et tous les peuples ligués ensemble contre l'impé-
rialisme ,,(2)? N'avait-il pas proclamé son attachement au prin-
cipe " qui assure la justice à tous les peuples et à toutes
les nationalités, qui proclame leur droit à vivre sur pied d'é-
galité, dans la liberté et la sécurité à côté des autres na-
tions qu'ils soient forts ou faibles
,,(3)?
Que ces déclarations n'aient été que des paroles de circons-
tances, des discours démagogiques, ou des propos lourds d'ar-
rières-pensées, peu
importe, car elles joueront un rôle impor-
tant dans la prise de conscience des colonisés, puis dans
(Il W. WJ..f.-6on, Me.-6-6â.ge.-6,di.-6c.ou,'t"-6,doc.ume.nt:s dJ.p.f.oma.tJ.que.-6 Jte..f.a.tJ.6-6
a Di gue.JtJte.c.o.f.o"ni."a.".ie.. Pa.Jti..6, BJto-6.6 a.Jtd 1 q1 q p, 23.,.
( 2 1 W. WJ..f..6 0 n 0 p. c.i.t. p.
240.
! 31 w. WJ..f..6 0 n 0 p. c.i.t. p. 24 1 •

l'argumentation de leur revendication d'indépendance.
Quand1en Janvier 1919 le Comité Algéro-Tunisien réclame l'in-
dépendance de ces deux pays, i l ne peut s'empêcher de citer
dans son mémoire le Président Wilson et 11 son mémorable mani-
feste de Janvier 1917, véritable déclaration des droits des
peuples "!1)
Plus tard par la voix de Nguyen Ai Quoc,
les
Vietnamiens évoqueront les " engagements formels et solennels
pris devant le monde entier par les différentes puissances
de l'Entente dans la lutte de la Civilisation contre la Barba-
rie "!2)
Engagement des colonisés dans le conflit, évolution des menta-
lités, discours sur le droit des peuples ~ disposer d'eux-
mêmes, etc .•• tous ces élèments font qu'au sortir de la guer-
re, pour les coloniaux, rien ne plus être comme avant.
Pour certains d'entre eux, c'est alors que débute un autre com-
bat: la lutte pour l'indépendace nationale.
(1)
C.
COLLOT e.t J. R. HENRY, le. mouve.me.nt na.tl.ona..t a..tgén-i..e.n ,
te.xte.~ 1912-1954. Pa.n-i..~, .t'Ha.nma.tta.n 1918 p. 28.
(2) ANSOM SLOTFOM r Ca.nton 8. Re.ve.nd~ea.t~on~ du pe.up.te. a.nna.rn-i..te..

2. ~~lgEQ~~fQ~_~§§_~~Q~~~§_~~§E§§_êYE_~~_êg§~§_~Q~f~lQQ~
MQ~~f~~~·
2.1 Le Congrès Panafricain de 1919.
Avant guerre, quand les colonisés réclamaient l'ex-
tension de leurs droits, voire l'égalité des droits avec les
citoyens français,
on leur opposait souvent un argu.rnent " mas-
sue" pour justifier une réponse négative: n'étant pas soumis
aux mêmes obligations, et notamment à l ' 11 impôt du sang"
ils ne pouvaient prétendre jouir des mêmes droits.
Après guerre,
les choses ont radicalement changé. Les colonisés
ont lourdement payé leur tribut et ils réclament fort justement
une contrepartie. Les plus conscients d'entre eux s'organisent
alors politiquement pour récolter les dividendes de leur sacri-
fice.
Aux Antilles
(?)
une association mutualiste au nom fort révé-
lateur voit le jour:
" la société d'études et de documenta-
tion, de propagande et de commémoration de l'apport des Noirs
dans le conflit européen de 14-18 ,,~1) Ephémère et semble-t-il
peu active, elle mérite cependant d'être signalée, d'une
part parce qu'un de ses dirigeants, Eugène Honorien, fondera
plus
tard un journal (2)
et rejoindra l'Union Inter Coloniale,
et d'autre part parce qu'elle dénote bien l'état d'esprit qui
(1) ANSOM SlOTFOM TTT Ca~ton 3. F~che de po!~ce ~u~ Eugène Ho-
no~~en.
21
Av~~! 1922.
(2)
Le Révei!'C"oLonia.!,
vo~~ 2ème pa~:U.e Cnap~t~e l.V.

règne chez certains nègres après ces quatre années de guerre
désormais ils sont décidés à s'organiser pour faire entendre
leur voix dans le concert des nations.
Cette même volonté, on la retrouve chez WEB Du Bois lorsqu'il
s'embarque pour l'Europe en Décembre 1918. Mandaté par la
National Association for the Advancement of Colored People
( NAACP ), i l
a pour mission d'enquêter sur la discrimination
et les mauvais traitements dont ont été victimes les troupes
noires américaines en Europe et de s'occuper des intérêts
africains à la Conférence de la Paix qui doit se tenir à Ver-
sailles!1)
Arrivé en France, Du Bois entre en contact avec des personnali-
tés nègres telles Blaise Diagne et Gratien c~ndace~2)
pour
leur exposer ses objectifs. Averties du motif de sa présence
en France,
les autorités arnéri'caines font savoir qu'il n'est
pas question qu'il participe à la Conférence de la Paix à
quelque titre que ce soit. En effet, celles-ci ne tiennent pas
particulièrement à ce que l'on divulgue à la face du monde
~
des documents tel le Secret Information Bulletin concerning
~
Black Arnerican Troops. A titre d'exemple} dans cet opuscule,
et dans d'autres, on conseillait aux officiers français ame-
nés à commander des troupes noires américaines d'éviter toute
intimité avec leurs homologues noirs américains, à ~e pas
Il) I. Gei~~, The Pan Al~ican Movmen~.
London,Me~huen and Co
1914 p.
Z34.
[Z) Vépu~é de la Guadeloupe.

louer la valeur de ces troupes, particulièrement en présence
d'américains blancs, ou encore de tenir leurs cantonnements
à distance des agglomérations afin d'empêcher tout contact
avec les françaises de manière à éviter de porter atteinte
au prestige de la race blanche(:)
Mais au-delà de la question
des troupes noires, ce dont les autorités américaines ne vou-
laient pas entendre parler c'était d~ problème de la dis cri-
mination raciale aux Etats·Unis même. Car si les Etats-Unis
avaient proclamé haut et fort leur attachement au principe
de l'égalité entre les nations, ils étaient farouchement oppo-
sésà toute idée d'égalité raciale. Durant la Conférence de
la Paix, ils écarteront d'ailleurs" d'un geste implacable la
proposition japonaise tendant à la proclamation de l'égalité
des races ,,!2)
Se voyant dans l'impossibilité de participer à
la Conférence,
Du Bois poursuit ses contacts en vue d'organiser un Congrès
Panafricain destiné à faire entendre la voix des peuples nè-
gres aux négociateurs. Mises au courant les autorités améri-
caines s'emploient de nouveau à faire avorter le projet.
Dans un premier temps, elles refusent de donner des passeports
à tous ceux, noirs ou blancs, qui veulent se rendre en France
pour assister au congrès~3) Puis par l'intermédiaire de leur
(1) H. Haywood o~ elL pp. 54-55. V'ap~l~ le jou~nal TheC~l~i~
de Mal 1919
( elté pa~ l'aute~ p.
648
) le~ auto~ité~
6~ançai~e~
au~aient o~donné la eolleete et la de.~t~uetion de. ee.~ doeument~.
(2) G.
Candaee., le.2'lme. Cong~l·~de. la' Raee. HolAe.e.n 1921. Pa~i~,
Editi.on~ ColonleJ.J e.t Ma~lrr.e. 1921 p.l.
(3)
1. Gei~J.J op. elt. p. 237.

9,
ambassadeur à Paris, elles tentent de faire pression sur les
autorités françaises pour qu'elles interdisent la tenue d'une
telle réunion. Ainsi,
le 25 Janvier 1919 l'ambassadeur améri-
cain écrit à un haut fonctionnaire du Quai d'Orsay:
" je me permets de rappeler la conversation que nous avons eue
le 21 de ce mois au sujet d'un soi-disant" Congrès Pan-Afri-
cain ", qui serait actuellement en projet. Mon gouvernement
vient de me faire savoir, que pour motiver les refus aux de-
mandes de passeports formulées sous prétexte de ce congrès,
le Département d'Etat est désireux de pouvoir répondre que
pareil projet est inconnu du Gouvernement français, qui, d'ail-
leurs, ne lui réserverait pas un accueil favorable "!1)
De leur cOté, pour faire bonne mesure,
les Britanniques s'op-
pos~~c
à la venue en France de tous le~~ressortissants afri-
cains.
Pressions diplomatiques, mesures policières, tout
semblait rendre impossible la tenue du Congrès. C'est alors
que Blaise Diagne joua un rôle décisif en intervenant auprès
de clémenceau~2) Le Tigre fut sans doute ernbarr~ssé par l'affai-
re. D'un côté i l s'agissait de ne pas froisser l'allié arnéri-
(11
A. Vipl. Sé~ie ~ ( A6~ique 1918-1940 ). Que~~ion~ géné~ale~
do~~ie~ NQ 21. Le~~~e de l'amba~~adeu~ de~ E~a~~ Uni~ en F~anee
au Sou~-Vi~ee~eu~ "A6~ique" du mini~~l~e de~ A66ai~e~
E~~angl~e~.
25 Janvie~ 1919.
(2) V'ap~l~ C. Mae Kay ei~é pa~ M. Fab~e n le dépu~é du Sénégal
Blai~e Viagne é~ai~ pe~~onnellemen~ oppo~é au Cong~è~ Pana6~i­
eain de 1919 e~ ( ... ) il n'aeeep~a d'en 6avo~i~e~ la ~enue a
Pa~i~ que pou~ 6ai~e le jeu du Gouve~nemen~ 6~ançai~ en modé-
~an~ le m~l~~an~i~me de Vu Boi~ ". op. e~~.p. 102.

9f
cain qui venait de jouer un rôle majeur dans la libération
de la France et de l'autre i l ne fallait pas heurter l'opinion
publique métropolitaine qui aurait sans doute mal compris
une telle interdiction après les louanges dont on avait cou-
vert les tirailleurs sénégalais.
Que.e sont dit les deux
hommes au cours de cet entretien? Nous l'ignorons
jusqu'à
présent. Peut-être évoquée par l'un des deux protagonistes,
l'idée de mettre les Etats Unis en mauvaise posture, tout
en limitant la marge de manoeuvre de Du Bois, a pu emporter
la décision
dans un sens favorable à la tenue du Congrès.
Toujours est-il que C1émenceau donna son accord tacite à
Blaise Diagne en lui disant:
" ne le criez pas sur les toits,
mais a11ez-y ,,~l) En agissant ainsi, le gouvernement français
faisait comprendre aux américains que plutôt que de s'occuper
des questions coloniales, ils n'avaient qu'à régler d'abord le
problème de la ségrégation raciale aux Etats-Unis. A malin,
malin et demi et à bon entendeur salut
Fort de la réponse de C1émenceau, Du Bois, Diagne
et M.E.F. Fredericks(2)
forment un comité d'organisation pro-
visoire présidé par le député du Sénégal et finalement, suite
à un nombre incroyable de péripéties,
le premier Congrès Pana-
( 1)
C..i..:té paJt ]. SuJte.:t-Canale., A6Jt..i..que. No..i..Jte. T. 2 op. c...i..:t. p. 560
(2)
]uJti~:te. oJt..i..gina..i..Jte. de. l'Ile. de. TJt..i..nidad.

fricain(l)
s'ouvre le 19 Février 1919 dans une des salles
du Grand Hôtel.
Rassemblant 57 délégués représentant 15 pays,
le Congrès se
déroula sur trois jours et lorsqu'il s'acheva le 21 Février
WEB Du Bois pouvait s'estimer heureux: i l avait réussi à maté-
rialiser son rêve. Mais à y regarder de plus près la victoire
de Du Bois ressemblait fort à une victoire à la pyrrhus.
En effet,
le 19 Février dans son discours inaugural, Blaise
Diagne avait considérablement réduit la liberté de manoeuvre
des congressistes en fixant lui-même les limites à ne pas dé-
passer. Défendant plus les intérêfs de la France que ceux de
ses frères,
i l s'était exclamé:
" En réunissant aujourd'hui
dans cette salle des représentants de toutes les branches d'o-
rigine africaine et·relevant de toutes les nationalités alliées,
nous rendons déjà par là même hommage au pays qui offre l'hos-
pitalité à notre congrès.
Il était en effet digne de la France
et de l'attachement que ses enfants d'outre-mer lui ont té-
moigné au cours de la guerre de nous recevoir et de nous per-
mettre avec d'autres races d'examiner quel doit être notre
avenir, c'est à dire quel doit être l'avenir de la race noi-
re toute entière, sans qu'il puisse être question d'aucune con-
ception particulariste ni d'aucune idée d'indépendance.
Car messieurs i l est bien entendu que chacun d'entre nous en
(1) Si la ~lunion de Flv~ie~ 1919 eat le p~emie~ eong~~4 Pan-
a6~ieain, elle n'en e~t pa~ pou~ autant la p~emi~~e ~lunion
pana6~ieaine, PUi4Qu'une » eon6l~enee pana6~ieaine ,. avait ltl
o~gani4le a Lond~e~ en 1900 pa~ Hen~lf Slflve~te~ William~
1 T~lnldad ).

9"
venant ici reste guidé par le plus sincère légalisme à l'égard
de la nation à laquelle i l appartient, et par là même à pro-
clamer le désir et le droit de chacun de rester français, an-
glais, américains, libériens, portugais ou belges ,,~1)
Alors
que partout des hommes avaient pris leur bâton de pé-
lerin pour s'engager sur le long et difficile chemin qui con-
duisait à l'émancipation des peuples colonisés, Blaise Diagne
se mettait délibérément à contre-courant de l'Histoire en
engageant la première passe d'armes d'un combat d'arrière-gar-
de. En 1914, lorsqu'il faisait campagne pour l'indemnisation
des Lébous spoliés de leurs terres, pour la suppression de
l'impôt
de capitation dans les quatre communes, pour la créa-
tion d'une école de médecine, pour l'extension de la protec-
tion sociale et la préservation des droits acquis par les
"or i-
ginaires ", Blaise Diagne avait sans conteste jouer un rOle
positif. Pour l'homme de la rue, et plus précisèment pour les
Africains, au Sénégal et ailleurs en Afrique, son élection au
siège de député avait été ressentie comme une victoire, mieux
comme une revanche sur l'administration coloniale et les mi-
lieux du grand commerce, un camouflet infligé aux Blancs.
Mais l'accélération du
mouvement historique provoquée par
la première guerre mondiale, et le choix de défendre d'abord
et avant tout les intérêts de la France même au détriment de
ses compatriotes, allaient faire du pionnier un réactionnaire
(1) A. Vipl. Sé~ie k (Ar~ique 1918-1940). Que~tion~ géné~ale~
do~~ie~ nO 21, di~Qou~~ inaugu~al de B. Viagne le 19-02-22.

9l
an sens étymologique du mot.
Quand l'heure était d'avancer des revendications émancipa-
trices, Blaise Diagne parlait d'attachement à la France et
de sincère loyalisme. Plus tard, quand même des Européens
se prononçaient pour l'abrogation immédiate du travail forcé
et l'extension de la législation sociale aux colonies, Blaise
.
,
. t (1)
D1agne s y opposa1 •
Ceci dit, revenons-en au Premier Congrès Panafri-
cain. Hommage à la France, proclamation du loyalisme, opposition
franche à toute idée d'indépendance, on pouvait difficilement
faire mieux et Clémenceau devait se réjouir d'avoir donné son
aval à la tenue de cette réunion. Quand les débats cessèrent,
la satisfaction dût être à son comble à en. juger par les com-
mentaires de la presse coloniale.
(l)En Ju-i.n 1930, à. Genève loJr..6 de la. 14ème Se.6.6-i.on de la. Con6éJr.en-
ee In~eJr.na.~-i.ona.le du TJr.a.va.~l oJr.ga.n~.6ée pa.Jr. le BIT, Léon Jouha.ux
.6e pJr.ononça. pouJr. la. .6uppJr.e4.6~On lMmld~a.~e ~~·~a~a.le du ~Jr.a.va.~l
6oJr.eé a.~n.6~ que pouJr. l'oe~Jr.o~ de.6 l~6eJr.~é.6 .6ynd~ea.le.6.
Bla.-i..6e
V-i.a.gne Jr.epJr.é.6en~a.n~ o66~e~el du gouveJr.nemen~ 6Jr.a.nça.-i..6 déela.Jr.a. ê~Jr.e
~ou~ a 6a.-i.~ d'a.eeoJr.d pouJr. la. .6UppJr.e4.6~On du ~Jr.a.va.~l 6oJr.~é ma.-i..6
a une da.~e qu'~l .6e ga.Jr.da. 6~en de pJr.ée~4eJr.. Tl .6'Oppo.6a. a la.
.6uppJr.e.6.6-i.on du ~Jr.a.va.~l 6oJr.eé da.n.6 le ea.dJr.e de la. deux-i.ème pOJr.~-i.on
.60U.6 pJr.é~ex~e de Vé6en4e Na.~~ona.le a.~n.6~ qu'à. l'oe~Jr.oi de.6 l-i.beJr.-
~é.6 .6 yndiea.le.6 a.ux eo la n~ e.6 a.Jr.g ua.n~ qu' 11 une lég..ü la.~io n qui
.6' a.dJr.e.6.6eJr.a.i~ à. de.6 popula.~~on4 ~nea.pa.6le.6 de la. eompJr.endJr.e pouJr.-
Jr.a.i~ pa..6.6eJr. pouJr. une lég~.6la.~~on de meuJr.~Jr.e e~ d'a.Jr.Jr.ê~ a l'éga.Jr.d
du
développemen~ même de ee.6 popula.~~on.6".
En .6omme .6uJr. ~ou~e.6
ee.6 que.6~-i.on.6 il é~a.~~ uJr.gen~ d' a.~~endJr.e ~ ·1.,uA iVJreA de. .v-ck~ ~.\\t
la. dé.lé.ga.~ion &Jr.a.nça.i.6e pJr.é.&é.Jr.a. .6'a.b.6~eniJr..
C6.Con6é.Jr.enee
IYl.~eJr.na.~-i.ona.le du TJr.a.vail, 14ème Se.6.6-i.on. Genève. BIT. Vol I. 1930
531 pp.


9
Dans sa livraison du 25 Février 1919, La Dépêche Coloniale
déclarait :
" Les discussions qui ont eu lieu ont présenté le
plus vif intérêt; elles ont porté sur la situation faite aux
Noirs dans les divers pays représentés, sur les moyens propres
à l'améliorer et sur certaines mesures d'ordre général à pro-
poser en ce sens à la Conférence de la Paix. Hatons-nous de di-
re qu'il n'a pas été particulièrement question des indigènes
de nos colonies africaines lesquels -
tout le monde au Congrès
a été d'accord sur ce point -
n'ont pas de réclamation de quel-
que importance à formuler et se déclarent satisfaits du sort
qui leur est réservé sous l'autorité humaine et bienveillan-
te de la France. Par contre on a beaucoup parlé des Noirs vi-
vant aux Etats Unis
" (l)
Dans le Bulletin du Comité de l'Afrique Française, Maurice
Delafosse disait grosso modo la même chose, tout en soulignant
qu'un certain nombre d'ajustements du système colonial s'im-
posaient~2)
Concrètement le Congrès avait voté une motion qui recommandait
l'établissement d'un code international pour la protection
des" indigènes" et la création d'un secrétariat permanent
attaché à la Société des Nations
( SDN ), dont la mission se-
rait de veiller à son application. D'autre part six principes
avaient été avancés
:
(11
La Vépêc.he C'o.Co ni.ale. 25 Fé vJtieJt 1919.
(2) M. Vela6046e.~Le CongJt~4 Pana6Jtic.ain? Ren4eignement6 c.olo-
niaux N° 3 et 4 ~p. 53-59; 4upplément au BCAF de MaJt6-AvJtil 1919.

10(
" 10) La. tout. e , l e .6 0l e t les Jt. e,6,6 0uJt. c. e.6
na.t UJt. el l e.6 .6 e-
Jt.ont Jt.(seJt.vés et .6a.uvega.Jt.dé.6
pouJt. les indiglne.6;
c.eux-c.i a.uJt.ont la. pJt.opJt.iété eooec.t~ve de.6 teJt.Jt.e.6 qu'il.6
.6eJt.ont en éta.t de oa.iJt.e va.loiJt..
ZO) Le Ca.pita.l. Le Jt.égime de.6 c.onc.e.6.6ion.6 doit êtJt.e
Jt.églementé de oa.~on a empêc.heJt. l'exploita.tion de l'in-
diglne et l'épui.6ement de.6 Jt.e.6.6ouJt.c.e.6 na.tuJt.elle.6. Ce.6
c.onc.e.6.6ion.6 qui .6eJt.ont toujouJt..6 tempo Jt.a.iJt.e.6 , devJt.ont
oonc.tionneJt. .6ou.6 le c.ontJt.ôle de l'Eta.t. rl.6eJt.a. tenu
c.ompte des ôe.6oin.6 gJt.a.ndi.6.6a.nt.6 de.6 indiglne.6. Une pa.Jt.-
tie de.6 béné oic.e.6 Jt.éa.l~.6é.6 devJt.a. êtJt.e utili.6ée pouJt.
de.6 oeuvJt.e.6 intéJt.e.6.6a.nt le pJt.ogJt.l.6 ma.téJt.iel et moJt.a.l
de.6 indig lne.6 •
3°) Le TJt.a.va.il. Abolitlon de l'e.6c.la.va.ge et de.6 c.ha-
timent.6 c.oJt.poJt.el.6, a.bolition du tJt.a.va.il o0Jt.c.é, .6a.uo
en ma.tilJt.e péna.le pouJt. le c.hatiment de4 c.Jt.ime.6; pJt.o-
mulga.tion d'une Jt.églementa.tion 0ooic.ielle du tJt.a.va.il.
4°} L'éduc.a.tion. Tout enoa.nt indiglne devJt.a. êtJt.e in.6-
tJt.uit non .6eulement da.n.6 .6a. la.ngue ma.teJt.nelle ma.i.6 a.u.6-
.6i da.n.6 la. la.ngue de la. na.tion tutJt.ic.e. rl Jt.ec.evJt.a.
éga.lement l'en.6eignement pJt.0 oè.6.6ionnel.
50} La. .6a.nté puôlique. rl doit êtJt.e Jt.ec.onnu que l'e-
xi.6tenc.e numa.ine .60U.6 le.6 tJt.opique.6 exige de.6 .6a.uvega.Jt.-
de.6 .6pécia.le.6, a.in.6i qu'un .6Y.6tème .6c.ientioique d'hygiè-
ne puôlique. L'Eta.t doit êtJt.e tenu pouJt. Jt.e.6pon.6a.ble de.6
.6oin.6 et de.6 c.ondition.6 .6a.nita.iJt.e.6, .6a.n.6 que c.ela. ne
diminue. l' initia.tiv e de.6 .6 0c.i é"t é.6 :::i.6.6 io nna.iJt.e,~ et

10'
le.6 ini~iative4 pe~4onnelle~. Un ~e~vice d'a44i4tanee
médieale pou~vu de médeein4 et d'hôpitaux doit êt~e
e~éé pa~ l'Etat.
6°)
L'Etat. Le4 indigène4 a6~ieain4 4e~ont admi4 p~o­
g~e44ivement a pa~tieipe~ a la ge4tion de la eho4e pu-
blique au 6u~ et a me4u~e de leu~ développement in-
telleetuel, en ve~tu du p~ineipe qui veut que le4
gouve~nement4 exi4tent pou~ le4 peuple4 et non le4
peuple4 pou~ le4 gouve~nement4 "! 1)
Globalement positives
(1), ces revendications semblaient, et
étaient révolutionnaires pour l'époque. Pour s'en convaincre,
i l suffira de préciser qu'en Octobre 1946 lors de la créa-
tion du Rassemblement Démocratique Africain
( R.D.A.
), au-
cune des revendications avancées, n'ira au-delà de celles
présentées en 1919~2) Cependant, sur le plan politique, le
Congrès Panafricain de 1919 marquait un net retour en arriè-
re par rapport à la Conférence Panafricaine de 1900 à Londres.
En effet à cette époque,
les délégués avaient clairement n re-
vendiqué pour les noirs la liberté politique et civile n(;)
sous la forme de self-government~4)
( 1)
M. Vela 60 4.6 e 0 p. eit, p. 55.
( 2 1 C6. Gab~iel
Li.6 ette. "L eC:ombat dtiRa44emblement V'émoe~a:ti­
que A6~ieain. Pa~i4, P~é4enee A6~ieaine. 1983 339 P.
,~
Il
...
(31
Le pana6~ieani4me
BCAF N° 8 Aout 1900, p.283.
(4)
1. Gei44 op. eit.p.
239.
-

10:
Difficile à établir, le bilan du 1er congrès Panafricain sera
diversement apprécié par les organisateurs eux-mêmes. Pour
Du Bois" le Congrès influença la Conférence de la paix "(1)
alors que de l'avis de Candace celle-ci" n'accorda sans doute
aucune attention aux résolutions votées par les Noirs, en
supposant qu'elles lui furent soumises 1l~2)
Au-delà de ces divergences d'appréciation qui recoupent éga-
lement les divergences politiques et personnelles, i l est au
moins une réalité sur laquelle tout le monde ne pourra qu'
être d'accord: les résolutions du Congrès restèrent lettres
mortes. Ceci s'explique par au moins trois raisons
tout d'abord les délégués avaient laissé le soin à la SDN, et
donc aux puissances coloniales de mettre en oeuvre et de sur-
veiller l'application de leurs revendications; deuxièmement
aucun moyen concret n'avait été proposé pour transformer en
réalités les doléances du Congr~s; enfin et surtout du début
à la fin les masses africaines avaient été totalement tenues
à l'écart de ce Congrès qui était censé
les représenter.
Malgré tout cela, le 1er Congrès Panafricain marqua une date
importante car i l symbolis~ l'irruption des peuples nègres
sur la scène politique mondiale. Peu spectaculaire quant à
ses résultats, i l eut certainement une forte valeur de symbo-
le pour ceux qui y assistèrent ou en entendirent parler à
( 1)
Cité pail. 1. GeLu 0 p. c.it. p. Z3 3.
(Z) G. Candac.e 00 c.lt. p. 1.

103
l'époque tels Louis Hun.kanNn ou Kojo Tovalou Houénou. Désor-
mais on pouvait clamer avec WEB Du Bois
: 11 The world fight
for black rights is on !"(1)
, 2.2 Le phénomène Garvey.
En 1920, de l'autre côté de l'Atlantique au
Liberty Hall de New York, un homme va véritablement populari-
ser la lutte des Noirs pour la dignité,
la justice et la li-
berté. Aujourd'hui mondialement célèbre grâce au succès du
Reggae, Marcus Garvey était jusqu'à une date récente quasi-
ment inconnu hors du monde anglophone.
Né en 1887 à la Jamaique, i l
fit ses premières armes en mi-
litant à la direction du:
syndicat
des imprimeurs.
A cette époque i l découvrit un fait qui allait jouer un rôle
considérable dans sa v i e : l'importance de la propagande.
De celle-ei i l disait :
n
Propaganda has done more to defeat
the good intentions of races and nations th an even open warfa-
re. Propaganda is a method or medium used by organized peoples
to convert others against their will "~2)
Constatant que la propagande avait toujours été utilisée pour
détruire les espoirs, les ambitions et la confiance en eux-mê-
mes des Noirs, i l décida de l'employer à grande échelle pour
(1 J
CLté pa.JL r. G1.e-5-5 op. c.1.t. p.
240.
( 2)
PhLe.o-5 ophya.na op1.ni:on-5 0 6 Ma.JLc.Il-5 Ga.JLv ey. Ed1.ted b y Am y
Ja.c.qlle-5 Ga.l\\.ve.y. Atnenellm. New VOJLk. 1982 p. 1,.

10~
renverser cette situation. Alors que la NAACP de WEB Du Bois
voyait son audience limitée 3~ cercle étroit de la petite-bour-
geoisie noire américaine, Marcus Garvey s'attacha à toucher les
masses nègres.
Fondateur en 1914 de l'Universa1 Negro Improvement AssocLation
( UNIA ), i l entendait parler au nom des 400 millions de nè-
gres qui peuplaient le monde. Présenté dans le manifeste de
l'UNIA, le programme de Marcus Garvey comptait une douzaine
de points. Il s'agissait d'instituer une confraternité univer-
selle au sein de la race noire, de promouvoir l'esprit d'amour
et de fierté de la race, de louer les morts tombés pour la
cause, d'encadrer et d'aider les nécessiteux, d'aider à la
civi1is~ion des tribus" arriérées" de l'Afrique, de faciliter
le développement d'Etats et de communautés nègres indépendants,
de fonder une nation unique pour la race noire, de créer des
institutions représentant les nègres dans les principaux pays
et villes du monde, de promouvoir un travail spirituel par-
mi les tribus indigènes d'Afrique, de bâtir un système scolai-
re complet pour l'éducation de la race et la culture des peu-
ples et enfin d'une manière générale de travailler pour l'amé-
lioration
( Improvement ) des conditions de vie matérielles et
morales des nègres!1)
(Il
r. Ge.,{.~~ op.c.Lt.p. 265.

Cependant ce n'est
ni 1 e. vaste et ambitieux programme, ni
la " Declaration of rights of the Negro Peoples of the World ,,( 1)
faite à New York en 1920, qui firent de Garvey le héros de la
communauté noire américaine. Sa célébrité, son succès, son
aura, i l les dut à deux slogans chocs qui allaient faire le
tour du monde : Back to Africa
( Retour en Afrique ) et sur-
tout Africa for the Africans
( l'Afrique aux Africains) .
Partis des USA, ces mots d'ordre déferleront sur les Caraïbes
pour échouer finalement jusque sur les côtes d'Afrique, non
sans avoir touché les rivages des métropoles impérialistes.
Grâce au Negro World ,
journal rédigé en Anglais, en Français
et en Espagnol, le message de Garvey put largement contourner
les barrières linguistiques.
En France, un homme comme Kojo'Tovalou Houénou sera incontes-
tablement fasciné par ce mythe vivant qu'était Garvey~2)
Dans les années 1920-1923, des exemplaires du Negro World se-
ront signalés dans les colonies françaises et notamment au
Dahomey~3) Effrayée par les projets du " Président provisoi-
re de l'Afrique" l'administration coloniale interdira la ven-
te et la circulation du journal en AOF. Aussi lorsqu'en 1922
la police découvr;~ l'existence des sections de l'UNIA à Dakar
et à Rufisque l'inquiétude sera grande. Lors de diverses opé-
rations de police les statuts de l'UNIA, des tracts, des exem-
( 1jPh1.lo.o 0 phy a.nd OpÙ1I.o n.oo 6 Ma.ltc.u..o Ga.ltve.y op. c.1.:t. p.p. 735 -14 5.
(Z)
Vo1.lt Zème. Pa.It:t1.e. c.na.p1.:tIte. T.E.
( 3)
J. Ayo de.le. La.ngle.y .Pa.h"a.6It1.c.a.n1..om·a:ndna.:t1.o na.l".Ü m 1.n We..o:t
A6It1.c.a..
1900-19'45. Ox601td.
Cla.lte.n:ton Plte.-:s-:s 1913 p. 91.

10l
plaires du Negro·World et de la correspondance échangée avec
le siège newyorkais seront saisis. Plus d'une douzaine de per-
sonnes seront arrêtées, mais parmi elles aucune n'était ori-
ginaire des territoires sous tutelle française. Malgré cela
l'Eveil Colonial, organe des milieux U ultra" de Dakar décla-
ra
" cette histoire jette un jour singulier sur les tendan-
ces de certains sénégalais qui ne cessent de se prévaloir de
leur qualité de citoyen français
II~1) Alerté par le maire
de St Louis, Amadou Ndiaye Clédor, Blaise Diagne écrivit aus-
sitôt au Ministre des Colonies pour dénoncer Il le caractère
tendancieux de la campagne ébauchée II~2) toutes les personnes
incriminées étant des Akous.
L'UNIA n'arrivera jamais à implanter des sections dans les
colonies africaines sous tutelle de la France, mais les idées
de Marcus Garvey toucheront tout de même le monde francopho-
ne, comme en témoignent les propos du leader de l'UNIA cités
en Juillet 1921 dans le Messager Dahoméen par Max Clauville
Bloncourt~3)
Démagogue, visionnaire, escroc, utopiste, méga-
lomane ou génie, quel que soit le jugement que l'on porte sur
Marcus Garvey, on est obligé de reconnaître que son discours
fit mouche. Que l'histoire ait préféré retenir le nom de Web
~u Bois plutôt que celui de Garvey, peu importe, le second
(7)
L'Eve~l Colo»ial de~ 23 et 30 Jui» ~ité ~» la lett~e du L~eu~­
»a»t-gouve~»eu~ du Sé»égal au Gouve~»eu~ Gé»é~al de l'AOF. 4 Ju~l­
let 7922. ANS 73 G 52 (17). Vo~~ égaleme»t ANS 27 G 126 (708).
(2) ANSOM. A66a~~e~ Pol~t~que~
Ca~to» 542. Lett~e de B. V~ag»e au
M~»~~t~e de~ Colo»~e~,
3 Ju~llet 7922.
(3)
Vo~~ 2ème pa~t~e.

1l
a été bien plus populaire que le premier en son temps. Popu-
laire chez les Noirs américains exploités, opprimés et laissés
pour compte de la société, pour qui le retour en Afrique é-
tait ou semblait une solution miracle à leurs problèmes; po-
pulaire chez certains bourgeois et petits-bourgeois noirs
américains ou africains pour qui l'idée de construire une
" économie noire " ne pouvait être que bonne; populaire enfin
chez certains
nationaliste5 africains
qui ne pouvaient res-
ter insensibles au slogan
l'Afrique aux Africains.
Chacun àl~f manière, WEB Du Bois et Marcus Garvey ont contri-
bué à raviver les espoirs de libération qui sommeillaient
dans le coeur de millions de nègres. Par leur action ils ont
créé un choc psychologique salutaire, une prise de conscien-
ce visant à redonner aux peuples nègres l'initiative histo-
rique qu'on leur avait arrachée puis déniée. Pères fondateurs
du Panafricanisme moderne, ils ont ébauché les grandes li-
gnes d'une doctrine dont beaucoup se réclament aujourd'hui en
leur nom personnel ou au nom de collectivités privées ou étati-
ques. Dans les années 20-30, lorsque les organisations anti-
colonialistes nègres verront le jour en France, elles se sou-
viendront de ces hommes en faisant connaître leur. travail et
en leur demandant soutien moral et matériel.

10E
3. ~~ __ ~Q2~~~_~~~g!!Q~_gQ~Q~~~~_~!_~_~~~Q~~_Q~_§~§!~~~
gQ~Q~!~~.
Le sentiment que l'évolution des mentalités et
des relations internationales provoquée par la guerre impose
des changements profonds dans l'organisation du monde colonial
n'est pas l'apanage des seuls colonisés.
Un mois avant la fin des hostilités, en Octobre 1918, un hom-
me va fonder un journal qui se veut le porte-parole des milieux
coloniaux" éclairés 11. L'hommejc'est Maurice Boursaud et
son journal s'intitule l'Action Coloniale. Cet homme largement
inconnu est ainsi décrit par Xavier de Treilles (1) : c'est
quelqu'un qui bataille " pour une idée
que les professionnels
de la '
chose coloniale ' considèrent comme une hérésie, voire
comme une trahison. Ces parangons de l'assimilation lente
prétendent en effet que vouloir accorder aux indigènes de nos
colonies le titre et les droits de citoyen français,
c'est
nuire au prestige de la Métropole. Le pays des droits de l'hom-
me s ' i l vous plaît!
( •... ). Donc Maurice Boursaud est un indi-
gènophile, c'est à dire qu'il s'abstient de juger nos frères
d'Outre-Mer selon leur pigment. Pour lui les indigènes demeu-
rent tous français, même quand ils ne sont plus déguisés en
kaki. Leurs doléances le touchent, car i l est sensible;
11)
Jou~nali~~e a l'~c~ion Coloniale.

10'
les exactions de nos représentants l'indignent, car i l est
juste et comme la fougue est aussi une de ses qualités, i l
frappe.
Il frappe toujours juste. Il ne frappe jamais aux por-
tes. Et cela en
matière de journalisme colonial, c'est du pro-
dige !" (1)
Paraissant le 10 et le 25 de chaque mois mais comme supplé-
ment illustré de l'Autre France, l'Action COloniale est la
" tribune de France et des Colonies ". Dès le premier numé-
ro du journal, dans un éditorial intitulé 11 Notre programme"
Maurice Boursaud et ses amis ont donné le ton et mis le doigt
sur les enjeux futurs en écrivant :
11
Nos colonies sont depuis
trop longtemps l'éxutoire du fonctionnaire et du favoritisme
gouvernemental le plus éhonté,
le refuge de tous les décavés
et de toutes les nullités de la politique, la dernière ressour-
ce des ronds de cuir inutilisables dans la Métropole et des
fils à papa. Il est grand temps que ces errements finissent
si nous voulons conserver nos immenses possessions d'Outre-
Mer et en tirer parti ,,(2)
Avant de poursuivre plus en avant, notons la
grande lucidité de ces hommes qui bien avant la masse de leurs
contemporains -
et avant même que ne commence la lutte anti-
colonialiste -
avaient saisi que l'un des enjeux majeurs de
l'avenir était la sauvegarde ou la perte de l'empire colonial.
(7)
L'A~tion Coloniale 25 Fév~ie~ 7924.
(2)
L'A~tionColoniale
70 O~tob~e 7978.

111
Fins observateurs, Maurice Boursaud et ses amis avaient notam-
ment compris l'importance et les implications de la partici-
pation des troupes coloniales au confli~mondial. En Janvier
1919, ils couvrent toute la première page de l'Action Colonia-
le d'une vaste fresque représentant une attaque des tirailleurs
sénégalais sous le feu de l'artillerie avec pour seul commen-
taire:
Il
les coloniaux au combat 11~1) MieuxJà partir de Mai
1919 la présentation du journal est modifiée : le titre est
désormais encadré d'un côté par Marianne, symbole de la Répu-
blique, et de l'autre par un poilu, un tirailleur sénégalais
et un tirailleur annamite symbolisant le visage de la future
France.
Conclusion presque logique de ce cheminement le journal lance
en Juin 1919, un " Comité de la plus grande France II~2)
Albert Corbie, secrétaire de ce comité, plaide ainsi pour
la matérialisation de ce projet : 11 la guerre a créé comme un
pacte d'intérêts et d'amitié entre des terres que la distance
séparait mais que rapproche un idéal commun et le désir d'une
victoire commune. Par
leur long séjour sur le sol métropo~
litain, les combattants indigènes se seront francisés,
et
auront acquis des habitudes nouvelles.
Ils voudront chez eux
des théâtres, des cinémas, un outillage perfectionné, une pa-
trie aussi parfaite que celle qu'ils viennent de défendre
C••• )
Pourquoi dans l'aube nouvelle qui pointe et qui se lève ne
pas ébaucher les contours indécis du nouveau monde ? Pourquoi
(1)
L'Ac.,t-ton C'ol"on.ta.le Ja.nv,[eft 1919.
(2 J
L'Ac.t'[on. C'ol'onia.le 15 Ju.,[n 1919.

11
ne pas donner à l'union féconde entre la France et ses colo-
nies une forme plus séduisante et des liens plus étroits ?
Pourquoi ne pas grouper en un faisceau puissant la maternité
française et la virilité créole et fonder ainsi une nationali-
té géante d'un caractère mondial? En un mot pourquoi ne pas
souder la France et les pays d'Outre-Mer dans une Fédération
homogène et solide qui en ferait un bloc indissoluble ?,,(1)
Certes certains propos peuvent prêter à sourire, mais encore
l
une fois que de lucidité, que de clairvoyance ! Ce que pro-
posait en 1919 le Comité de la plus Grande France ce n'était
ni plus ni moins les solutions qui seront avancées après la
seconde guerre mondiale pour conserver coûte que coûte l'Em-
pire Colonial français à savoir l'Union Française en 1946
puis la Communauté en 1958. Sans vouloir faire de l'histoi-
re-fiction, i l est tentant de se demander ce qu'aurait été
l'évolution des rapports
entre la France et ses colonies
si ces hommes avaient été écoutés. En 1920, le journal
e~t
affaibli par un conflit qui oppose
les" indigènophiles "(2)
et les" indigènophobes ,,~3) et pendant un moment on put
craindre la remise en question des prises de position généreu-
ses de l'Action Coloniale.
Finalement en Septembre 1920 la crise se termine par la vic-
toire des" indigènophiles ". Olivier Brémont remplace Gervais
(1) L'Ae~~onCoLon~aLe 25 Novemb~e 1!20.
(2) e~ (3) Te~me~ u~~L~~é~ pa~ OL~v~e~ B~émon~ dan~ ~on p~em~e~
éd~~o~~aL en Sep~emb~e 1920.

11 ~
Courtellemont au poste de rédacteur en chef et le journal se
radicalise. Dans la livraison d'Octobre 1920, Léon Werth, so-
cialiste et membre de la Ligue des Droits de l'Homme, apporte
" l'opinion d'un socialiste sur nos menteurs coloniaux "~l)
Plus loin on réclame le jugement d'un certain Gérard,
fonc-
tionnaire colonial responsable du massacre de 300 femmes et
enfants au Ouaddai " sans motif valable l'
(sic!).
Le mois suivant, André Berthon, futur député communiste de
Paris, écrit un article sur la Tunisie et pour la première
fois le journal donne la parole aux colonisés en publiant
une lettre" d'un groupe d'indigènes de la Guinée Française"
dénonçant le meurtre d'un enfant par un employé de Peyrissac.
Dans ce même numéro, on apprend également la naissance du
Messager Dahoméen,
journal fondé par Louis Hunkarin et Max
Clainville Bloncourt~2)
Début 1921,les choses s'accélèrent et le journal appelle" les
noirs et les jaunes qui aiment vraiment leurs frères, affreu-
sement opprimés et qui veulent sincèrement l'amélioration de
leur sort à collaborer activement à l'Action Coloniale "~3)
Le premier à répondre à cet appel n'est autre que Nguyen Ai Quoc
qui publie
un article dans le numéro d'Avril 1921~4)
Il est bientôt imité par ses amis de la Ligue Française pour
l'Accession aux Droits de Citoyen Français des Indigènes de
(1)
L'Action ColoniŒle 10 Octob~e 1920.
12)
L'ActionColon'ia.le 10 Novemb~e 19'1.0.
13)
L'AetionColdnia.le 10 Ma.~~ 19'1.1;
[4)
L'Action ColonJ:a.le 25 Av~il 1921.

11~
de Madagascar
( LFADCIM ) qui révèle en Mai 1921 JI la vérité
sur la question malgache JI. Dans ce numéro apparaissent les
signatures d'hommes que nous retrouverons plus tard tels Max
Cla~Yille BIoncourt, Jean Ralaimango, Paul Vaillant Couturier,
Samuel Stéfany, Lucien Barquisseau, Nguyen Ai Quoc, etc .•.
Critiquant l'aveuglement des colons qui s'opposent à cette mo-
deste revendication qu'est l'octroi de la citoyenneté françai-
se pour les colonisés,
l'article de Paul Vaillant Couturier,
intitulé JI Aussi bêtes que méchants 11, marque l'entrée en scè-
ne des communistes sur le front anti-colonialiste.
Interpellant les colons, mais au-delà,toute l'opinion publi-
que française i l déclare :
Il
qu'ils se félicitent surtout de
la modestie des revendications malgaches actuelles. L'opposi-
tion qu'ils leur font n'aura pour effet que de rendre ces
revendications plus fermes, plus profondes, plus étendues.
Et ce n'est pas moi qui m'en plaindrai. Le grand parti Communis-
te de France et l'Association Républicaine des Anciens Com-
battants défendront de toutes leurs forces les indigènes de
Madagascar. Là encore, le capitalisme colonial, à l'image du
capitalisme métropolitain, travaille à creuser sa propre.
fosse
p)
Il
Cependant le flirt entre les communistes et l'Action
Coloniale ne durera qu'un temps. Fin 1921, le journal devient
plus modéré et ses analyses divergent fortement d'avec celles
( 1)
L' Ac..:ti.°n.e·o,ta n.i.a.l.e. 10 Ma.i. 1921.

114
des communistes. Ainsi/suite à la découverte du " complot
garveyiste " au Sénégal, Ulysse Leriche écrit dans l'Humanité
" Quoique l'on ne paraisse pas encore très fixé sur les tendan-
ces et le but poursuivi en Afrique Occidentale Française par
les partisans de Marcus Garvey, on comprend assez que les sé-
négalais ont été, pendant la guerre, trop particulièrement
l'objet de
'
l'attention' du sergent recruteur Diagne, pour
qu'il leur soit permis, aujourd'hui de chercher par ailleurs
la liberté et la justice ,,!l) Ce à quoi H. Adolphe Lara ré-
pond dans l'Action Coloniale en déclarant:
" les noirs de la
Martinique et de la Guadeloupe s'accomodent fort bien de la
civilisation fra~çaise. Ils ne peuvent commettre la sottise
de la délaisser pour se jeter dans l'inconnu ,,~2)
Comme on le voit, le temps est bien loin où Paul Vaillant Cou-
turier pouvait faire l'éloge du PCF dans les colonnes du jour-
nal. Désormais la parole est aux modérés et c'est à cette épo-
que que Fernand Gouttenoire de Toury~3)Jean Fangeat~4)René Maran~5)
Kojo Tovalou Houénou(6)
et d'autres rejoignent l'équipe de
l'Action Coloniale. La lecture du journal ne permet pas de sa-
voir à qui revient l'initiative de la rupture, mais sans doute
(1)
L'Huma.ni;té 11 Aoû.;t 1922-
(2)
L'Ae;tion Colonia.le 25 Sep;temb~e 1922.
(3)
Memb~e de la. Ligue de~ V~oi;t~ de l'Homme, ~éda.e;teu~ a.u
jou~na.l le Peuple, exelu de l'ARAC en 1923.
(4) Jou~na.li~;te, 6u;tu~ gé~a.n;t du jou~na.l Le~ Con;tinen;t~.
(5) Aneien a.dmini~;t~a.;teu~ eolonia.l, P~ix Goneou~;t en 1921 pou~
~on ~oma.n Ba.:toua.la., eolla.bo~a.;teu~ du jou~na.l' le~ Con;tinen;t~.
(6)
Fonda.;teu~ de la. Ligue Unive~~elle pou~ la. Vé6en~e de la.
Ra.ee Noi~e e;t du Jou~na.lLe~
Con;tinen;t,s.

11E
est-ce là une conséquence directe de la mise sur pied du
Comité d'Etudes Coloniales du PCF, puis je la naissance de l'Union
Intercoloniale.
4. §QÇ~~!§!~§L_ÇQ~2~!§!~§_~!_~~~gç~!§!~§_~~Ç~_~_~_92~§!JQ~_
COLONIALE AU DEBUT DES ANNEES VINGT.
-----------------------------------
Pendant toute la seconde moitié du XIXème siècle
et les premières années du XXème siècle, le mouvement ouvrier
français s'est caractérisé pour son peu d'intérêt pour les
questions coloniales. Commencée en 1830 avec la prise d'Alger,
la conquête coloniale s'achève dans les années 1895-1896 avec
l'annexion de Madagascar, sans que les partis ouvriers n'aient
vraiment manifesté leur opposition. Ironie de l'histoire, c'est
en 1895 à Romilly, alors que la phase de la conquête prend
fin que les socialistes mettent pour la première fois la ques-
tion coloniale à l'ordre du jour d'un de leurs congrès
l
La motion votée à cette occasion proclamait :
ilLe douzième
congrès national du Parti Ouvrier Français s'élève de toutes
ses forces contre les flibusteries coloniales pour lesquelles
aucun socialiste conscient ne votera jamais ni un homme ni un
sou ,,~1) On sait ce qu'il en advint.
Ceci dit, cette motion ne doit pas être l'arbre qui cacae la
11) Ci~( in F~ançoi~ B(da~ida:"Pe~~peQ~ive~ ~u~ le mouvemen~
ouv~ie~ e~ l'imp(~iali~me en F~anQe au ~emp~ de la Qonqul~e
Qoloniale'~ Le Mouv'emen~ SOQ:{.à.l
86 Janvie~-Ma~~ 1974 pp. 25-42.

116
forêt,
et cette Il ferme Il résolution ne doit pas masquer
l'ambiguité des positions socialistes sur la question.
En 1904 à Amsterdam et en 1907 à Stuttgart, partisans et ad-
versaires de la colonisation s'opposèrent au congrès de l'In-
ternationaliste Socialiste sans qu'aucune des deux parties ne
l'emporte vraiment. Plus tard, alors que Paul Louis dénonçait
la colonisation dans sa brochure Il Le Colonialisme 1I~1)
Lucien Deslinière proposait un plan de colonisation socialis-
te du Maroc dans Il La France nord-africaine ,,~2)
Ceci dit, on peut dire que majoritairement les
socialistes sont favorables à la colonisation, qu'ils le di-
sent ouvertement ou qu'ils l'avouent à demi-mot.
Leur opposition à la politique coloniale officielle repose
plus sur des divergences de forme
0Ue sur des questions de
fond. C'est notamment la position d'un Jaurès qui déclarait
en 1911 à l'occasion de la seconde crise marocaine
Il
Je n'ai jamai~ conte~tl pou~ ma pa~t la nlce6~itl, l'idlal,
la beautl de cette plnlt~ation. Nou~ avon~ di66l~é et nou~ ne
di66é~on~ au Ma~oc ou ailleu~~, que 6u~ le~ méthode6 mai~ je
ne jette pa~ un ~ega~d de dédain ~u~ l'oeuv~e commencée.
(1)
Paul Loui~. Le CoLoniali~me. Pa~.i.~. Société Nouvelle de
Lib~ai~ie et d'Edition~. 1~5
(2) Lucien
Ve~lini~~e.LaF~ance no~d~a6~icaine. Etude c~iti­
que de lacoloni~'at.i.o-n -ana~-c:h'i~-te-pà.à.tiQ.uée'
jU<S.qu'à ce jou~.
P~o{etde coloni'.6a-ti:o-n-(i~gan'i'.6êe. Pa~.i.~, Ed.i.tioM du P~og~~~
civique,1910.

117
Je ne l'enveloppe pa~ d'un anathème ~an~ nuan~e~ ,,[7)
Avant guerre, les seuls à dénoncer clairement et violemment
les entreprises coloniales se recrutent dans les camps anar-
chistes. Lors de la " pacification" du Maroc, Gustave Hervé
soutient sans réserve la lutte des Marocains.
Dans La Guerre Sociale i l s'exclame:
" HaJr..di. le~ maJr..o~ai.n~
BJr..ave~ Beni. Sna~~en, ~ognez 6eJr..me ~uJr.. le~ oandi.t~ qui. vou~ a~­
~a~~i.nent. Fai.te~ payeJr.. ~heJr.. a tou~ no~ taJr..tu66e~ patJr..i.ote~,
~hJr..éti.en~ ou Jr..êpuoli.~ai.n~,
leuJr.. hypo~Jr..i.~i.e et leuJr.. i.gnomi.ni.e.
Allez-y ne le~ ménagez pa~ ! Allan e~t ave~ vou~ et nou~ au~­
~i. ! ,,(2)
Passé du radicalisme à l'anarchisme, Paul Vigné d'Octon est
également un virulent critique de la colonisation. En 1900, dans
La Gloire du sabre, i l dénonce les méthodes utilisées pour
la conquête du Soudan français, puis en 1911 i l met le doigt
sur Les crimes coloniaux de la IIIême République. Collabora-
teur de Gustave Hervé, i l parcourt la France pour y tenir de
nombreuses conférences anti-colonialistes dans les années
1911-1913~3)
(7) Ci.té i.n Bulleti.n du CEVETIM N° 1-8 Juin 1980 p. 29.
( 2) La GueJr..Jr..e SCo~i.ale.
6 -1 Vé~embJi.e 7901;
~i.tê i.n Bulleti.n du
CEVETI M 0 p. ~i.t.
\\l
(31 SuJr.. Paul Vi.gné d'O~ton voi.Jr.. J. SUJr..et-Canale, l'anti.-~olo-
ni.ali.~me ~ou~ la ITlème Rêpubli.que. Paul Vi.gné d'O~ton~ In
E~~ai.~d'Hi.~t-oDr.e A6Jr..i.~a~Cne PaJr..i.~,Edi.ti.on~ So~i.ale~J79801p.p. 113-726.

118
Si l'existence d'un courant de pensée remettant fondamentale-
ment en cause la colonisation avant 1914 a pu, à
juste titre,
être mis en question par certains(l~
l'après-guerre voit
incontestablement fleurir l'anti-colonialisme moderne, qui
pose la problématique de l'indépendance nationale des peuples
colonisés. C'est lors du deuxième Congrès de l'Internationa-
le Communiste qu'
" une ligne de conduite particulièrement
claire et nette" a été fixée quant à l'attitude des partis
communistes face aux questions coloniales. Désormais" tout
pa~t~ appa~tenant a la 3ème Inte~nat~onale a pou~ devo~~ de
aux eolon~e~, de ~outen~~,
non ~eulement en pa~ole~ ma~~ en
6a~t, tout mouvement d'émane~pat~on dan~ le~ eolon~e~, d'ex~-
ge~ l'expul~~on de~ ~mpé~~al~~te~ de la mét~opole, de nou~~~~
au eoeu~ de~ t~availleu~~ du paif~ de~ ~entiment~
vé~itablement
6~ate~nel~
vi~-à-vi~
de la populat~on labo~~eu~e de~ eolon~e~
et de~ nat~onalité~ opp~imée~ et drent~eten~~ pa~m~ le~ t~oupe~
de la mét~opole une ag~tat~on eont~nue eont~e toute opp~e~~~on
de~ peuple~ eolon~aux "f 21
A Tours en 1920, la majorité des socialistes acquis aux idées
anti-colonialistes ont rejoint le nouveau parti communiste.
Disqualifiée par l'ambiguité des positions de la IIème Inter-
\\.
[11 H. B~un~ehwig.
V~gné d'Oeton et l'ant~-eolon~al~~me ~ou~
la IIIème République:(Cah.[e~~d'Etude~A6~~eaLne~ N° XIV (2)
pp. 265-298. ~91~
(2)
Ext~a~t de la 8ème eond~t~on d'adné~ion a l'Tnte~nat~onale
-
. .
Co mm uni~ te. Vo i~-M"a-n:[le-~t-e'~',
Thê.·~-e/.> -, "R-é".6olut.to n~d e~ quat~ e
p~emie~~eo n"g~è~- -m"o rid.tli"uxdè.".e: 'Tn-:tOt."n-at-,conal:e" -Co-mmun",[~ te 1919-1923
Pa~~~, B~bl~othèque Communi~te du T~avail 1934, 210 P.

11 ~
nationale et affaiblie par le départ des anti-colonialistes,
la SFIO est largement hors-jeu, quand débute la lutte anti-
colonialiste des peuples de l'Empire franqais. Néanmoins, cer-
taines personnalités socialistes continueront à intervenir
dans le débat, notamment par le biais de la section colonia-
le de la Ligue des Droits de l'Homme créée en 1921~1)
Héritier des traditions du mouvement ouvrier français pour
le meilleur et pour le pire, c'est donc au jeune Parti Commu-
niste Français que reviendra la lourde tâche de populariser
et de mettre en pratique les résolutions de l'I.C.
Faible mais toujours existant, le mouvement
anarchiste continuera à faire entendre sa voix après-guerre.
Ainsi en 1920, Le Libertaire publiera des extraits de La Nou-
velle Gloire du Sabre de Paul Vigné d'Octon. Pratiquement res-
ponsable de la rubrique coloniale de ce journal, i l y animera
" le coin des parias indigènes ", dans lequel i l donnera par
deux fois la parole à Nguyen Ai QUoc(~) qui fera plus tard un
excellent usage de ce terme " paria "
( 1)
C.
Lla.u.z LI. 0 p. c.Lt. p.
89.
(2) Le Llbe~ta.l~e 30 Septemb~e-1 Oc.tob~e 1921.
Le Llbe~ta.l~e 1-14 Oc.tob~e 1921.

120
La guerre et l'immédiate après-guerre ont donc constitué une
période-clé au cours de laquelle le système colonial, qui semblait
immuable, allait être remis en cause, et ce , de pres-
que tous les côtés. D'abord bousculé par les revendications
des colonisés qui entendaient bien obtenir une contrepartie
à
leurs douloureux sacrifices, bousculé
ensuite par l'affir-
mation ici et là du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes,
bousculés enfin par les critiques des tenants même de la co-
lonisation. Dans ce monde en pleine évolution et par endroit
en pleine révolution, certains colonisés allaient s'organiser
pour obtenir justice, pour acquérir de nouveaux droits, voi-
re pour conquérir l'indépendance nationale.
Face à ce mouvement historique naissant mais irréversible,
les autorités politiques françaises ne purent ou ne surent
qu'opposer une politique répressive dont un des pilliers ma-
jeurs allait être la police politique du ministère des Colo-
nies
: le C.A.I.

12"
CHAPITRE III
LA SURVEILLANCE POLICIERE DES COLONIAUX,
Numériquement marginale et peu politisée, l'immi-
gration coloniale d'avant-guerre ne constitue pas un sujet
d'inquiétude pour les pouvoirs publics. Tant au ministère de
l'Intérieur qu'au ministère des Colonies, i l n'existe aucun
organisme spécialisé dans la surveillance des coloniaux.
Ce n'est vraiment qu'avec l'arrivée de plusieurs centaines
de milliers de coloniaux à l'occasion de la guerre que le pro-
blème va retenir l'attention des autorités. En effet, la dé-
couverte des libertés démocratiques inconnues aux colonies et
le contact avec les militants politiques et syndicaux, pro-
duisent une évolution des esprits, voire parfois une prise
de conscience qui in~uiète le pouvoir.
Tout au long de la guerre, les services de surveillance se mul-
tiplient et s'étoffent. La guerre finie,
loin de disparaître,
ils se renforcent pour tenter de mettre en échec les luttes
anti-colonialistes qùi s'amorcent.
Dès lors, tous les ministères ayant en charge des colonies
( ministère des Colonies, ministère de l'Intérieur, ministè-
re des Affaires Etrangères ) possèdent leur propre police.
Disposant de fonds secrets et d'agents infiltrés, ces servi-
ces mènent une lutte de tous les instants contre les organi-
sations anti-colonialistes. La multiplication de ces Il polices

12:
sp§ciales " i r r i t e
les services du ministère de l'Int§rieur
qui estiment que cette tâche leur revient â ~ux seuls. C~5~
en vain qu'ils tenteront à plusieurs reprises de les unifier
sous leur tutelle.
1.1. La surveillance du temps de guerre 1915-1918.
L'arriv§e massive, au cours de l'ann§e 1915, de
plusieurs centaines de milliers de coloniaux, pose rapidement
la question de leur contrôle et de leur surveillance.
Pour les autorit§s, tout le problème est de " g§rer " au mieux
cette main d'oeuvre, afin d'§viter " autant que po~~ible le~
in~onvénient~ qui pou~~aient ~é~ulte~ de ~ette 6~u~que t~an~­
plantation de nomb~eux jaune~ et noi~~ ,,!1)
A cette fin, un Service d'Organisation et de Surveillance des
Travailleurs Coloniaux en France est mis sur pied fin D§cem-
bre 1915~2}
Rattaché au ministère de la Guerre, i l est le
premier organisme en son genre à s'occuper spécifiquement de
la surveillance des coloniaux.
Outre la gestion technique de cette main d'oeuvre, son rôle
est de surveiller l'§tat d'esprit de ces travailleurs coloniaux
(1) ANSOM SlOTFOM l Ca~ton 4. Ext~ait de l'a~~été du 26 Vé~em­
b~e 1915.
(2) ANSOM SLOTFOM r Ca~ton 4. C~éé pa~ une dé~i~ion inte~mini~­
té~ielle ( Gue~~e!Colonie~) du 26 Vé~emb~e 1915, le SQSTCF a
~ommen~é à 6on~tionne~ à pa~ti~ du le~ ]anvie~ 1916.

123
qui,
" envoyé~ en F~anee pou~ pa~tie~pe~ aux t~avaux de la
Vé6en~e Nationale ~ub~~~ent p~og~e~~~vement l'~n61uenee de~
milieux nouveaux pou~ eux dan~ le~quel~ il~ ~ont appelé~ a vi-
v~e. Il en ~é~ulte néee~~a~~ement une évolution ~en~ible de
leu~ mentalité p~~m~tive dont ~e p~éoeeupent le~ auto~ité~
eoloniale~ avee d'autant plu~ de ~a~~on que le~ t~availleu~~
eoloniaux ~appo~te~ont dan~ leu~~ pay~ d'o~igine le~ qualité~
et le~ dé6aut~ qu'il~ au~ont aequ~~ du~ant leu~ ~éjou~ en
F~anee et que leu~ état mo~al ne la~~~e~a pa~ d'avoi~ une ~é­
pe~eu~~ion ~u~ eelu~ de leu~~ eompat~~ote~ et ~u~ l'aveni~
de no~ eolonie~.
Il Y a done le plu~ g~and inté~êt a ee que le~ auto~ité~ eo-
loniale~ pu~~~ent êt~e tenue~ ~égul~è~ement au eou~ant de
tou~ le~ 6ait~ inté~e~~ant~ qu~ ma~quent en bien eomme en mal
le~ p~og~è~ de l'évolut~on ~nd~gène ,,!1}
Pour ce faire i l est demandé aux commandants des groupements
des travailleurs coloniaux d'adresser régulièrement des rap-
ports au ministère de la Guerre.
En
Avril 1917, le SOSTCF est supprimé au profit du Service de
Contrôle des Tirailleurs et Travailleurs Coloniaux qui prend
en charge
la surveillance de tous les coloniaux civils ou
2
militairesi ) Dirigé par un contrôleur général ayant sous ses
(1)
ANSOM SLOTFOM I ea~ton I. Lett~e du M~ni~t~e de la Gue~~e
a Me~4~eu~~ le~ Commandant~ de. s~oupement4 de4 t~availleu~4
.
.
.
eolon~aux. 9 Novemo~e 1916.
~(2J ANSOM SLOTFOM T ea~ton 4. e~éé pa~ une dée~4~on ~nte~mi­
ni4té~ielle ( Gue~~e/eolon~e4 ) du 18 Av~~l 191"
le seTTe e~t
~attaehé a la V~~eet~on de~ Se~v~ee~ M~l~ta~~e~ du m~n~~tè~e
de~ eolon~e~.

12~
ordres six contrôleurs,
le SCTTC est divisé en trois sections
chargées respectivement de la surveillance des Indochinois, des
Africains et des M~lgaches. Théoriquement à vocation intercolo-
niale, ce service accorde en fait l'essentiel de son attention
au contrôle des Indochinois~1) A Marseille, le SCTTC dispose
d'un service de contrôle postal qui centralise et conserve
la correspondance à destination et en provenance de l'Indochi-
ne. Ce dispesitif est renforcé en Juillet 1917 avec la créa-
tion d'un Contrôle Postal nalgache~2)
L '
. t
d
~
. t b 1
"
b .
t
.
11
'~h
ex~s
en ce
e ce ver~ a
e
ca ~ne
no~r
n ec appe pa..,$ "0); co-
loniaux. Certains d'entre eux vont même jusqu'à questionner
indirectement les autorités sur la raison de cette censure du
courrier, comme le malgache Rakotoniaim qui écrit à un de
ses ami s
:
" Po uJtq U0,[ no.6 l e.ttlt e..6 .6 0 nt -e.ll e..ô .ô 0 umi..6 e..6 à. la c. e. n-
.6uJte. ? CJtai.gne.nt-i.l.6, de. notJte. paJtt de..6 Jtévoluti.on.6 ou de..6
gJtève..6 paJtc.e. que., pouJt pe.u d'aJtge.nt, nou.6 de.von.6 6ouJtni.Jt un
gJtO.6 tJtavai.l ? IgnoJte.nt-i.l.6 que. le..6 Malgac.he..6 ne. .6avai.e.nt pa.6
c.e. qu'e..6t une. gJtève. avant le.uJt aJtJti.vée. e.n FJtanc.e. e.t que., .6'i.l.6
le. .6ave.nt aujouJtd'hui., c.'e..6t pouJt l'avoi.Jt appJti..6 de..6 6Jtan çai..6
e.ux-même..6 ? ,,(3) Car si les autorités se préoccupent de pro-
téger les coloniaux " c.ontJte. le..6 appe.l.6 à. la débauc.he. e.t le..6
(1) Ve.pui..6 le. 23 Nove.moJte. 1917, le. SCTTC e..6t di.Jti.gé paJt Pi.e.JtJte.
Gue..6de..6, 6onc.ti.onnai.Jte. du Gouve.Jtne.me.nt GénéJtal de. l' Indoc.hi.ne.,
e.t .6UJt le..6 .6i.x c.ontJtôle.uJt.6 quatJte. .6ont c.haJtgé.6 de. la .6uJtve.i.l-
lanc.e. de..6 Indoc.hi.noi..6 à. PaJti..6, MaJt.6e.i.lle., BoJtde.aux e.t Toulou.6e..
(2) ANSOM SLOTFOM I CaJtton I. Le. ContJtôle. Po.ôtal Malgac.he. a été
c.Jtéé le. 31 Jui.lle.t 1911.
(3) ANSOM SLOTFOM I CaJtton I. Le.ttlte. du délégué du CGTI à. MaJt-
.6e.i.lle. au Mi.ni..6tJte. de..6 Coloni.e..6. 15 MaJt.6 1921 c.i.tant un c.ouJtJti.e.Jt
i.nte.Jtc.e.pté e.n Vé~e.mbJte. 191,.

dange~4 de toute4 4o~te4 qui en ~~4ultent tant pou~ eux que
pou~ le4 population4 expo~ée4 aux plU4 6acheu~e4 contamina-
tion4 ,,!1) les vraies inquiétudes sont d'ordre politique.
En AOF et en AEF des révoltes ont éclaté en signe de protes-
tation contre le recrutement militaire et les autres formes
de l'effort de guerre.
En Indochine, en 1915, un poste de la garde indigène a été at-
taqué, et pendant deux mois en 1916 11 de graves manifestations
se déroulent en Co chinchine "!2)
Plus grave encore, à Paris en 1915, on s'aperçoit que le siè-
ge de l'Association des Patriotes Annamites, organisation
qui réclame l'indépendance graduelle de l'Indochine, sert de
lieu
de rendez-vous à de nombreux tirailleurs indo-
chinois. L'association est dissoute et ses principaux diri-
geants arrêtés sous l'inculpation de complot~3)
Dans ce dernier cas, i l ne s'agit plus simplement de protes-
tations contre l'effort de guerre, mais bien d'une remise en
cause du système colonial. Le Gouverneur Général de l'Indo-
chine ne s'y trompe pas qui, dès Avril 1918, demande aux con-
trôleurs indochinois de » 4e p~éoccupe~ dl~ maintenant du ~e-
tou~ de4 indigène4 dan~ la Colonie, et de 6acilite~ la tâche
qui incombe~a alo~~ a l'Admini4t~ation indochinoi4e, en pa~-
(1)
A.V. de4 Bouche4 du Rhône. M 6 Ca~ton 11406. Lett~e du Mi-
ni4t~e de l'rnté~ieu~ au P~é6et de4 Bouche4 du Rhône, 2 AoGt J~l'.
(2) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 56. Le mouvement de CUONG VE,note
anonifme non dat~e; 2J page4 dactiflog~aphi~es.
{3J V.
f{eme~if op. c-it. p. 10.

12E
~u~ceptible~ de 6avo~i~e~ ap~è~ leu~ ~apat~~ement, la ~u~­
v eillance de~ indi,vida..8 animé~ de mauvai~ e~ p~~t "i 1)
Peu de temps avant la fin de la guerre, en Octobre 1918, le
SCTTC est amputé d'une partie de ses attributions par la créa-
tion du Commissariat Général aux Troupes Noires!2)
dont la
direction a été confiée à Blaise Diagne.
Allant à contre-courant du mouvement qui
avait entraîné la
création d'un service unique de contrOle des coloniaux, cette
décision répond à des considérations purement politiques.
Il s'agit en quelque sorte de récompenser Blaise Diagne pour
les bons et loyaux services rendus à la France lors de la cam-
pagne de recrutement en Afrique en 1918.
Lorsque la guerre prend fin en 1918, i l existe donc deux ser-
vices de surveillance des coloniaux, le Commissariat Général
aux Troupes Noires
( CGTN
et le ContrOle Général des Trou-
pes Indochinoises
( CGTI ) •
Les opérations de démobilisation achevées, cornm{,!fice le démantèle-
ment des services de surveillance. Entre Juin 1919 et Août
1920, le CGTI met ainsi fin aux activités des centres de Bor-
deaux
( 3 Juin 1919 ), Toulouse
( 1er Juin 1920 ), Paris
( 21 Août 1920 ), Marseille
( 21 Août 1920
et des réseaux
(1) ANSOM SlOTFOM r Ca~ton 4. Cablog~amme N~ 164 du Gouve~neu~
Gé~é~al del'r~doch~~e,
13 Av~~l 1918.
(2) ANSOM SLOTFOM r Ca~ton 4. C~éé le II Octob~e 1918, le CGTN
~elève di~ectement de la p~é~idence du Con.~e~l.

127
du Nord
( 20 Août 1920 ) et de l'Est
(21 Août 1920 ).
En Juin 1920 le contrôle postal malgache est supprimé, et i l
en est de même pour le CGTN en Avril 1922.
1.2. L'ébauche d'une surveillance politique
des coloniaux.
1919-1923.
En Janvier 1919, alors que s'ouvre la Conférence
de la Paix à Versailles destinée à mettre un terme définitif
à la guerre, un autre combat débute pour nombre de colonisés
la lutte anti-colonialiste.
De toutes parts les délégués, et en particulier le Président
Wilson, reçoivent des télégrammes, manifestes et pétitions,
revendiquant le droit. des peuples à disposer d'eux-mêmes dont
on avait tant parlé durant le conflit.
Un mémoire rédigé par des notables
maghrébins affirme que
" le peuple algéro-tunisien revendique son indépendance complè-
te "P)
Nguyen Ai Quoc, le futur Ho Chi Minh, présente d'
" humbles
revendications " au gouvernement français » en attendant que
le pn~ne~pe de~ nat~onal~té~ pa~~e du doma~ne de l'~déal dan~
eelu~ de la néal~té pan la neeonna~~~anee e66eet~ve du dno~t
~aené poun le~ peuple~ de d~~po~en d'eux-mime~ .. !2)
(1)
Le Mouvement Nat~onal Algén~en. Texte~ 1912-1954 pné~enté~
pan C. Collot
et 1.R. Hen~lf. L'hanmattan,Panis,1918 p. 29.
(2) ANSOM SLOTFOM r Canton 8. "Le~ nevend~eat~on~ du peuple
Annam~te".

12E
WEB du Bois, le leader noir amêricain, projette d'aller expo-
ser les revendications des peuples nègres à la Conférence de
la Paix. Empêché de le faire à cause de l'opposition de la
délégation américaine, i l organise le premier Congrès Pan-
africain à Paris en Février 1919~1) Lors de ce Congrès, les
délégués revendiquent" l'association des élites de la race
noire" au gouvernement de leurs
peuples respectifs.
Ce véritable tir de barrage n'est pas sans inquiéter les au-
torités. En Indochine en particulier, l'Administration Colo-
niale constate la recrudescence " de~ eo~~e~pondanee~ tendant
a ~épand~e en rndoeh~ne de~ ~dée~ ~uove~~~ve~ allant ju~qura
env~~age~ l'~ndépendanee de la eolonie ,,!2)
Reproduites sous forme de tracts,
" les revendications du
peuple Annamite " sont distribuées en plein quartier Latin
en Juillet 1919. Envoyés en Indochine, nombre de ces tracts
sont saisis par le contrôle postal de Marseille qui continue
à fonctionner~3)
Pour faire face à cette montée en puissance du
mouvement anti-colonialiste indochinois,
le Gouvernement Gé-
néral de l'Indochine écrit au Ministre des Colonies pour lui
proposer la création d'un service de renseignements politiques
(Il En 1900, une Conôé~enee Panaô~~eaine ava~t été o~gan~~ée a
Lond~e~.
(2)
ANSOM SLOTFOM r Ca~ton 4. Note d'en~emble eonee~nant le
~e~v~ee de ~en~e~gnement~ pol~t~que~. 1e~ ~eme~t~e 1920.
(3) ANSOM SlOTFOM r Ca~ton 8.

129
auprês du CGTI.
n Ayant pou~ mi~~ion de ~u~veille~ le~
6ait~
et ge~te~ d~~ Annamite~ en F~anee et leu~~ ~elation~ avee leu~
pay~ d'o~igine nI1) la création de ce service est approuvée
en Octobre 1919.
Le Gouvernement Général de l'Indochine débloque aussitOt une
somme de 25000 francs (2)
et détache Louis Arnoux, chef de la
sûreté indochinoise, pour mettre ce service sur pied.
En relation avec la Préfecture de Police, la Sûreté Générale,
le Contrôle Postal de Marseille et le 3ême Bureau de l'Etat-
Major de l'armée, le Service de Renseignements Politiques met
en place un réseau d'agents infiltrés qui constitue ses
yeux et ses oreilles dans l'immigration vietnamienne.
Moins de deux mois aprês
sa création, l'existence de
cette police secrête·est du domaine public.
Reprenant une information parue dans les Annales Coloniales,
le journal indochinois La Tribune Annamite fait état en Juin
1921 de la création d'
" une police spéciale pour surveiller
les indigênes domiciliés en France "~3)
A vrai dire, au début le Service de Renseignements Politiques
du CGTI a surtout pour tâche de surveiller le groupe des Pa-
triotes Annamites dans lequel militent alors Nguyen Ai Quoc,
(1) ANSOM SLOTFOM I Ca~ton 4. Note d'en~emble eonee~nant le
Se~viee de Ren!ieignement~ Politique~.
le~ Sem. 1920.
(2) Mi~ a la di~po~ition du SRP a tit~e de 6ond~ ~ee~et~, le~
25 000 6~ane~ alloué~ pa~ le Budget Géné~al de l'Indoehine ~ont
de~tiné~ a la Sû~eté Géné~ale (15 000) et a la P~é6eetu~e de
Poliee (10000).
(3)
La T~i.bune Annamite N° 15 29 Juin 1921.

130
Phan Cha~ Trinh, Phan Van Truong, etc •• ~
Mais très tôt, i l est amené à s'intéresser aux activités po-
litiques des Africains, des Maghrébins et des Antillais.
En effet depuis Juillet 1921, les colonisés hostiles au sys-
tème colonial ont fondé une organisation intitulée l'Union
Intercoloniale
( U.I.C. ). Proche du P.C.F., celle-ci publiera
à partir d'Avril 1922 un mensuel au titre chargé de symbole:
Le Paria.
La naissance de cette organisation influera directement sur
la structuration des services de surveillance du ministère des
Colonies. A partir d'Avril 1922, ce dernier décide de centra-
liser au 1er Bureau de la Direction des Affaires Politiques,
tous les renseignements concernant" l'activité déployée par
les communistes et l~ur tendance à étendre aux colonies leur
propagande ,,~l) Forte de ces renseignements, la DAP établit
chaque mois une note de synthèse sur la propagande révolu-
tionnaire outre-mer!2)
Cette centralisation des informations relatives à la propa-
gande révolutionnaire est un premier pas vers l'unification
des services ayant en charge la surveillance des coloniaux.
En attendant mieux, chacun continue à travailler de son côté.
(1) ANSOM SlOTFOM III Canton 94. Lettne c~ncula~ne du M~~~­
tne dt~ Colon~e~. 29 Avn~l 1922.
(2) ANSOM SlOTFOM III Canton 94. Lettne c~ncula~ne du M~n~~-
tne de~ Colon~e~, 30 Avn~l 1922. T~née a une quananta~ne d'exem-
pla~ne~, cette note e~t de~t~née en pn~onité au Pné~~dent du
Con~e~l, aux M~n~~tne~ { Guenne, Colon~e, Intén~eun, A66a~ne~
Etnangène~, ... J et aux Gouvenneun~ de~ colon~e~.

13
En ce qui concerne l'AOF, fin 1922, un service de renseigne-
ments a été mis sur pied au Gouvernement Général. A en c~oire
son chef, le capitaine André, sa tâche n'astpas aisé puisqu'il
doit faire face aux " germano-bolchévistes et leurs alliés
turcs" ainsi qu'au garveyisme qui trouve un écho favorable
chez" tous ces nouveaux riches de l'instruction ou de la ci-
vilisation que l'on appelle à Dakar fl les faux cols 11~1)
En France le comportement des ressortissants de l'AOF n'est
guère plus réjouissant pour les autorités. Hunkanrin est en
contact avec les milieux" extrémistes ", Kojo Tovalou Houénou
fondateur de l'Amitié Franco-Dahoméénne veut" hâter l'évolu-
tion et le développement des indigènes ", et nombre d'Afri-
cains participent aux réunions de l'UrC.
L'administration coloniale doit,
" suivant la
forte expression de Galliéni,
'savoir quel chien a uriné à
tel endroit'
,,~2) C'est pourquoi le Gouverneur Général de l'
AOF décide de mettre sur pied une section africaine de ren-
seignements, sur le modèle de celle existant auprès du CGTI.
Pour ce faire, M. Eoche Duval, fonctionnaire de l'AOF, est
détaché au ministère des Colonies oü i l est mis à la disposi-
tion du CGTI début Novembre 1923. Sa tâche est double: i l
doit d'une part recenser les immigrés africains
( cf. Chapi-
~é précédent) et. d!a.utre part mettre sur pied un service
(7)
ANS 19 G ZZ (108). Rappo~t au Gouve~neu~ Géné~al de l'AOF
~u~ le~ di~e~tive~ géné~ale~ du ~e~vi~e de ~en~eignement~ de
i'AOF. 26 Ma~~ 19Z3.
( Z1 r dem.

13
de renseignements~l)
Fin 1923, suite ~ la multiplication de ces polices spéciales,
i l n'existe pas moins de cinq organismes distincts chargés
du contrOle des coloniaux et/ou de recueillir des renseigne-
ments à
leur sujet. Quatre d'entre eux dépendent du ministè-
re des Colonies
:
-
le CGTI et son service de renseignements poli-
tiques qui contrOlent tous les Indochinois civils ou militaires.
- Le Service Spécial des Affaires Musulmanes et
Islamiques dont le rOle est de Il recueillir tous renseignements
concernant l'action de la France en pays musulman ,,~2)
-IILa section africaine Il nouvellement créée à
l ' i -
nitiative du Gouverneur Général de l'AOF.
J
' .
-
L
organisme responsable du contrôle d'une
centaine de travailleurs malgaches démobilisés en France et
employés dans des entreprises diverses.
Le cinquième organisme existant est un Service de ContrOle
des Tirailleurs Sénégalais et Malgaches qui a été créé au
ministère de la Guerre après la dissolution du CGTN.
Et encore pour être tout à fait complet faut-il ajouter les
services du ministère de l'Intérieur chargés de la surveil-
lance des Algériens et ceux du ministère des Affaires Etran-
gères chargés de la surveillance des Tunisiens et des Marocains.
(1) ANSOM SlOTFOM 111 Ca~ton 134. Note pou~ M. Eoene Duval
ehe6 de la ~eetion a6~ieaine au Se~v~ee de Cont~ôle et de la
Tutelle de~ Jndi:gène~. 22 Novemfj~e 1923.
(2) ANSOM SLOTFOM r Ca~ton 4. C~éé le 1e~ Août 1920 ee ~e~viee
dépend de la Vi~eetian de~ A66ai~e~
Politique~.

13:
Réfléchissant sur l'absurdité que représentait l'existence au
sein du ministère des Colonies de quatre services distincts,
chargés d'un travail similaire quant au fond,
la Direction
des Services Militaires décide de mettre fin à cet état de
chose en créant un organisme unique.
Début Décembre 1923, le Général commandant la
Direction des Services Militaires du ministère des Colonies,
prépare un rapport en vue de justifîer la création d'un ser-
vice de surveillance unique. Aprês avoir énuméré les divers
organismes existants et leurs tâches, i l en conclue que" la.
eon~t~tut~on a.u m~n~~tè~e de~ Colon~e~ d'un ~e~v~ee engloba.nt
le Cont~ôle Géné~a.l rndoeh~no~~, la. ~eet~on a.6~~ea.~ne e~éée
pa.~ M. Ca.~de et le Cont~ôle de~ T~a.va.~lleu~~ Ma.lga.ehe~ pa.~a.~t
~'~mpo~e~. ( ..... ). Ma.lga.ehe~, rndoeh~no~~ et A6~~ea.~n~ ~e
~eneont~ent da.n~ le~ ~éun~on~ de l'Un~on rnte~eolon~a.le
~ u~veLe.le~ le~ un~ e' '?~t en mê.'lt'fe te,.,p~ ~u~veill'?~ le~ (wt~e~.
De la, la. néee~~~té d'oppo~e~
a.u 6~ont ~évolut~onna.~~e
un
6~ont un~que de eont~ôle et de p~opa.ga.nde a.nt~- ~évolut~on-

13
Le 12 Décembre 1923, la décision officielle est prise
Il
~l
e.~t ~n~titué au m~n~~tèlte. de.~ Colon~e.~ ~ou~ le. Qon+kn0e.·
-
~'"_~
~mme-
d~at du V~Ite.Qte.UIt de.~ Se.ItV~Qe.~ M~l~tailte.~, un Se.ltviQe. de. Con-
tltôle. e.t d'A~~~~tanQe. e.n FltanQe. de.~ rnd~gène.~ de.~ Colon~e.~
Fltança~4e.~,,!2)
Très rapidement désigné par les initiales C.A.I.
( Contrôle
et Assistance des Indigènes ),
ce service prend une importan-
ce majeure pour les décideurs du ministère des Colonies.
(1) ANSOM SLOTFOM I Caltton 4. Rappoltt au M~n~~t/te. du Généltal
Vi/te.Qte.ult de.~ Se.ltviQe.~ Militailte~. 12-12-23.
La volonté d'oppo~e.1t un 6ltont un~que. de. Qontltôle. au 6/tont Itévo-
lutionnailte. Ite~te.lta un voe.u p~e.ux. Moin~ d'un an ap/tè~ la c/téa-
t~on du CAl, la Plté6e.Qtulte. de. la Se.~ne. Qltéa~t le. Se./tviQe. de.~
A66a~Ite.~ rnd~gène.~ Noltd-A61t~Qaine.~
(SAINA). En Juille.t 1931,
~'était au toult de la VilteQtion de la Sûlteté Généltale de. ~ltée./t
une. ~eQtion de. ~ultve.illanQe. e.t de. Itéplte.~~ion de.~ me.née.~ Itêvo-
lut~onnailte.~ aupltè~ de~ ~nd~gène~ Qolon~aux e.n FltanQe., appe.lé
~oultamme.nt "Se.Qt~on Colon~ale.". A Qe.~ 3 ~e.ltviQe.~, ~l 6aut ajou-
te./t le. 3ème. Bulte.au de. l'Etat-Majolt de l'altmée. r Qhaltgé de.4 me.-
née.~ ltévolutionnailte4 aupltè~ de.4 militailte.~
Qoloniaux ~tation­
né4 e.n FltanQe. J, la V~lteQt~on de.~ A66a~Ite.~ pol~tique.~ e.t Com-
me./tQiale.4
( ~ultve.~llanQe de. la pltopagande. Itévolut~onna~/te. en
di/te.~tion du MaltoQ, de. la Tun~~~e., de. la Syltie et du Liban ), e.t
le. Se.ltviQe de. Contltôle. de~ Etltangelt~ ( ~ultve~llanQe. de.~ p/topa-
gandi~te~ Itêvolut~onnailte.~ ~ignalé4 palt le.~ am6a~~ade.~ J, du
m~n~~tèlte de~ A66ailte.4 Etltangèlte~. En 1931, pui~ en 1934, la
V~/te.~t~on de. la Sûlteté Gênéltale. tente.lta en vain d'un~6~e.1t Qe.4
~eltv~Qe.~ ~ou~ ~a QOUPe..
(2) ANSOM SLOTFOM I Caltton 4. Altltêté du 12 VéQe.mblte. 1923. No-
ton~ que le CAl ne 6~gulte. pa~ ~ult l'oltganigltamme _o66iQie.l du
mini~tèlte. de.~ Colon~e.~.

135
Conséquence de cela, la Direction du CAI devient l'objet d'un
enjeu entre la Direction des Services Militaires et la Direc-
tion des Affàires Politiques. Le 14 Août 1925, le différen~
est tranché en faveur de la Direction des Affaires Politiques
à qui revient la tutelle de ce service~l)
Traversant sans trop d'encombres,
la période du Front Popu-
laire, le CAI fonctionnera jusqu'à l'aube des années cinquante
sous le nom de Service Colonial du Contrôle Indigène
(SCCI)
à partir
de 1941, puis sous l'appellation de Service de Liaison avec
les Originaires des Territoires Français d'Outre-Mer
( SLOTFOM
à partir de 1946.
2.1. Organisation et financement du service.
L'organisation interne du CAI tient à la fois
de celle du Service de Contrôle des Tirailleurs et Travailleurs
Coloniaux
( créé en 1917 ) et de celle du Service de Rensei-
gnements Politiques du CGTI.. Commandé par un Contrôleur Géné-
ral, le CAl est divisé en trois sections représentant l'Indo-
chine, l'AOF et
Madagascar. Chacune de ces sections est
elle-même dirigée par un fonctionnaire détaché par sa colonie
d'origine au ministère des Colonies.
Travaillant en liaison avec la Préfecture de Police, la Sûreté
(1) ANSOM SLOTFOM r Ca~ton 4. A~~êté du 14 Août 1925.

131
Générale et le 3ème Bureau de l'Etat-Major, un inspecteur
de police en retraite est responsable du service de renseigne-
ments politiques qui travaille au profit des trois sections.
Pour compléter ce dispositif, le CAI possède une antenne à
Marseille qui n'est autre que l'héritière du service de Contrô-
le Postal du CGTI.
Organisé autour du " noyau indochinois ", i l a du mal à tra-
duire immédiatement dans les faits sa vocation intercoloniale.
Cela est vrai à Paris, où la mise en place d'un réseau d'a-
gents infiltrés dans les milieux nègres prend du temps, mais
cela est encore plus vrai à Marseille. Dans cette ville l'an-
tenne du CAI/dirigée par M. Jossellhe, un Français ayant vécu
en Indochine!l)
est entièrement composée de personnel indochi-
nois. De ce f a i t " .te..6 ..i..nd..i..g ène..6 no n oJt..i..g..i..na...i..Jte..6 de. .t' l ndo c.h..i..-
ne. y tJtouve.nt .6a.n.6 doute. un bon c.on.6e...i...t .6'..i...t.6 .6'y pJté.6e.nte.nt,
e.t .te. dé.tégué du .6e.Jtv..i..c.e. .6'e.66oJtc.e. en toute..6 c...i..Jtc.on.6ta.nc.e..6
d'a..6.6uJte.Jt .ta. dé6e.n.6e. de. .te.uJt.6 ..i..ntéJtêt.6, ma...i...6 ..i...t ne. d..i...6po.6e. pa..6
de. moye.n.6 pJta.t..i..que..6 d'..i..de.nt..i..6..i..e.Jt .te..6 no..i..Jt.6 ou .te..6
ma..tga.c.he..6,
n'a.ya.nt à .6a. d..i...6p0.6..i..t..i..on a.uc.un c.o.t.ta.boJta.te.uJt c.onna...i...6.6a.nt .t'A-
6Jt..i..que. Oc.c...i..de.nta..te. ou .ta. GJta.nde. I.te.; .6e..6 .6e.c.Jtéta...i..Jte..6 a.nna.m..i..te..6
(1)
F..i...t.6 d'un c.omme.Jtça.nt, nota.b.te. d'Indoc.h..i..ne., M. JO.6.6e..tme. n'e..6t
pa..6 un 6onc.t..i..onna...i..Jte. du m..i..n..i...6tèJte. de..6 Co.ton..i..e..6. Aya.nt .tu..i..-m~
me. véc.u e.n ExtJtême.-OJt..i..e.nt, ..i...t a. été p.ta.c.é à .ta. tête. du .6e.Jtv..i..c.e.
de. ContJtô.te. PO.6ta..t de. Ma.Jt.6e...i...t.te. e.n Nove.moJte. 1915, pouJt .6a. c.on-
na...i...6.6a.nc.e. de. .ta. .ta.ngue. a.nna.m..i..te..
( ANSOM SlOTFOM T Ca.Jtton 4;
Jta.ppoJtt de. M. Bud..i..n, c.he.6 du le.Jt BUJte.a.u de. .ta. V..i..Jte.c.t..i..on de..6
A66a...i..Jte..6 Po.t..i..t..i..que..6 .6uJt .ta. JtéoJtga.n..i...6a.t..i..on du .6e.Jtv..i..c.e. du CAl
de. Ma.Jt.6e...i...t.te.. Oc.tooJte. 1925. )

137
ne peuvent d'aut~e pa~t pénét~e~ dan~ le~ m11ieux aô~iQain~
du po~t
il~ ne ~enQont~e~aient que la déôianQe ,,~7)
La nomination d'un fonctionnaire de l'AOF, comme adjoint au
délégué du CAI de Marseille en Mai 1926 comble cette lacune~2)
Désormais le CAI peut se consacrer efficacement à sa double
tache, une mission que son chef définit ainsi
: " Le meilleu~
moyen de p~éveni~ le~ déôaillanQe~ et d'empêQne~ le méQonten-
tement de naZt~e Qhez le~ Qoloniaux en F~anQe e~t de leu~
tém oigne~ le plu~ po~~ible d'inté~êt, de Qau~e~
aveQ eux,
de le~ aide~ dan~ leu~~ déma~Qhe~,
de le~ mun1~ de~ pièQe~ né-
Qe~~ai~e~ pou~ t~ouve~ un emplo1, de le~ aide~ même, le Qa~
éQhéant, a ~e plaQe~. Il ôaut, en un mot, leu~ p~ête~ a~~i~­
tanQe. Il impo~te, d'aut~e pa~t, de su~ve111e~ le~ ôait~ et
ge~te~ de~ aig~i~ et·de~ ambitieux, de~ ôa1ble~ qui ~e ~ont
lai~~é~ p~end~e aux avanQe~ que leu~ ôont le~ ~évolutionnai~e~.
Il ôaut, en ~omme, exe~Qe~ ~u~ Qe~ 1nd1v1du~, pa~ôoi~ dange-
~eux, un Qont~ale Il!3)
En fait entre contrôle et assistance, i l est difficile de
tenir la balance égale. D'ailleurs comme le déclare lui-même
le chef du CAI, l'assistance n'est pas désintéressée. L'assis-
(7) ANSOM SLOTFOM I Ca~ton 4. Rappo~t de M. Budin, OQtob~e 7925.
(2) ANSOM SLOTFOM l Ca~ton 6. Pa~ a~~êté du Gouve~neu~ Géné~al
de l'AOF en date du 20 Ma1 7926, M. Màe~t~aQQi e~t détaQhé a
Ma~~eille.
(3) ANSOM SLOTFOM III Ca~ton 56. Note ~u~ la p~opagande ~évo­
lutionna1~e aux Qolon1e~. Novemo~e 1925.

138
tance est monnayée contre des services ou elle est attribuée
à ceux dont" l'état d'esprit" ne suscite pas 11 d'inquiétudes
Il
Ainsi lorsqu'en Juin 1932, le malgache Ratsi~zafy ( membre
fondateur de la Ligue Française pour l'Accession au Droit de
Citoyen des Indigènes de Madagascar et présentement membre d'un
comité de chômeurs ) se présente au ministère des Colonies pour
demand~r un secours, on lui refuse toute aide en lui disant
qu'il n'a qu'à pas" faire de politique 1l~1)
Dans le même esprit, dès 1920, des foyers et des mutuelles ont
été subventionnés par le ministère des Colonies.
A l'époque, i l s'agissait" de remédier à la tendance à la
dispersion qu'ont les Annamites de France et la difficulté
qui en résulte de les surveiller "~2) L~ ministère des Co1o-
nies voyait même plus loin puisqu'il envisageait" de. ôavoJt.i...-
~e.Jt d.i...Jte.cte.me.nt la cJtéat.i...on de. gJtoupe.me.nt~
comme. ce.Jtta.i...n~ de.
c e.ux Cl u.i... e.x.i...~ te.nt déjà.. E., to ut'ca~de.ne.- Iama..i...~ e.mp êch e.Jt la
60 !l.ma:t1..ori d 'a..6-'~'oei.'a.tl;Qrtql.l.etc.on'{u'~ 'e.~ rrfê'm'e.' 'ete. 'c'e.'l.:l"e.'.6à.' :te.ndan-
ce.~ contJta.i...Jte.~ a notJte. .i...nôlue.nce.. "(3)
Après la création de l'Amicale Mutuelle des Indochinois de Pa-
ris en 1920, des AMI sont créées en province en 1924
( Mar-
seille, Toulouse), 1925
( Bordeaux), 1927
( Lyon),
1928
(Ni-
ce ), etc .•.
(1) ANSOM SLOTFOM rlr CaJtton 53. Note. de. l'age.nt Joe., 13 Se.pt. 1932.
(2) ANSOM SLOTFOM
r CaJtton 4. Note. ~uJt le. ôonctlonne.me.nt du
Se.Jtv.i...ce. de. Re.n~e.lgne.me.nt~
PolltlClUe.~.
(3)
Ide.m.
FlguJtant dan~ le. pJtoje.t de. le.ttJte., la paJttle. ~oullgnée.
a été ~uppJtlmée. du te.xte. déôlnltlô.

139
Concernant plus particulièrement les Africains, la seule asso-
ciation officiellement subventionnée par le ministère des Co-
lonies est l'Amicale des Originaires de l'AOF de Marseille.
Fondée en Août 1924, l'Amicale n'est connue du CAl qu'en No-
vembre 1925~1)
Se proposant
»
1°) d'uni~ dan~ le~ lien~ de l'amitil le~ o~igi­
nai~e~ de l'AOF
2°) de leu~ pe~mett~e de dl6end~e leu~~ intl~êt~ pa~­
tieulie~~ et leu~~ d~oit~ de t~availleu~~ exill~ ~u~
3°) de leu~ p~oeu~e~ un appui mo~al, lventuellement
un ~eeou~~
6inaneie~ et de 6aeilite~ leu~ plaeement
et leu~ embauehe
4°) de maint~ni~ en F~~nee ehez l~~ o~iginai~e~ de
l'AOF, le~ ~aine~ t~adition~ de leu~~ pay~ et de le~
p~é~e~ve~ de~ in6luenee~ nui~iole~ ")2)
~'amicale prend rapidement de l'importance aux yeux du CAl.
Apparemment les dirigeants de l'Amicale se rendent compte
de l'intérêt particulier que leur porte le ministère des
Colonies puisque dès Janvier 1926, elle demande un secours
pour louer un local~3)
(1) ANSOM SLOTFOM III Ca~ton 21. Note pou~ le délégué du CAl
a Ma~~eille. 9 Novemb~e 1925.
(2) ANSOM SLOTFOM III Ca~ton 21. Statut~ de l'Amieale de~ O~i­
ginai~e~ de l'AOF.
(3) ANSOM SLOTFOM lIT Ca~ton 21. Lett~e du Viee-P~é~ident de
l'Amieale de~ O~iginai~e~ de l'AOF au mini~t~e de~ Colonie~,
1 ]anvie~ 1926.

140
Cette première
demand~ reste sans réponse mais les membres
du CAr assistent régulièrement à ses réunions.
Pour le CAr,
l'Amicale de Marseille est une véritable aubaine,
puisqu'elle facilité la surveillance des marins africains.
Le délégué du CAr à Marseille ne s'y trompe pas: i l décrit
les dirigeants de l'Amicale comme" aussi aimables qu'empressés"
et précise qu'
Il
il~ ~e ~ont mi~ a la di~po~ition du CAl pou~
tou~ ~en~eignement~
dont je pou~~ai avoi~ be~oin, dan~ la l~­
m~te du temp~ qu' ~l~ pa~~ ent a Ma~~ eille. "J) Son flVt$
l'Amicale
Il
do~t ~eten~~ toute la bienveillante attention de l'Adm~n~~-
t~at~on Supé~ieu~e ~a~, le~ di~igeant~ ~ont dé~idé~ a él~m~­
ne~ de leu~ g~oupement tou~ ~eux qu~ n'ont pa~, en F~an~e,
une ~o ndu~te
Ile'
exempla~~e.
l'-',,t
FCJu«,'(vo;.,
il appu~e la p~o po~~t~on
de l'Am~~ale de 6onde~ un 6oyetr. a6~~~a~n,1Ac~- '-).....:, cL;,L i.t
\\\\
, ~a.(.1 ~~t e rAI/;
not~e a~t~on de ~o nt~ôle et d' a~~~~tan~e Il f1)
Faute de moyens ou par prudence,
le ministère des Colonies
n'accorde aucune subvention à l'Amica1e~2) Pourtant en Jui1-
let 1926, un autre rapport insiste sur l'intérêt que repré-
senterait la construction d'un foyer qui Il pe~mett~ait d'avo~~
en6~n une a~me pou~ ~ombatt~e ut~lement la p~opagande ~ommun~~­
te qui pet~t a pet~t ~onge le~ m~lieux ~olon~aux en F~an~e
auxquel~ elle ~'a~ha~ne vi~~blement Il i3 )
(1)
ANSOM S~OTFOM III Ca~~on 21. Lett~e du délégué du CAl de
Ma~4e~lle au Vi~e~~eu~ de~ A66ai~e4 Pol~t~que4 du m~n~4tl~e de4
Colon~e4.
21
Fév~ie~ 1926.
(2)
En 1926, le~ nationali~te4 ~ndo~hinoi~ ~ont~ôlent l'AMI de
Pa~i4 ap~l~ l'avoi~ noyautée!
(3) ANSOM SlOTFOM III Ca~ton 21. Rappo~t de M. f{a~lee ~u~ l'A-
mi~ale de l'AOF, 15 Juillet 1926.

141
Finalement, à partir de 1928, l'Amicale des' Originaires de
l'AOF recevra une subvention annuelle de 1 000 francs(1)
et
en signe de reconnaissance, elle proposera à M. Carde, Gou-
verneur Général de l'AOF, d'~tre son président d'honneur. (2)
Cela étant dit, concernant le budget de fonction-
nement du CAI au~ant dire d'emblée qu'il est quasiment impos-
sible à établir compte tenu de l'importance des fonds se-
crets généralement attribués à ce genre de service, Cepen-
dant en recoupant quelques chiffres, on peut en donner une
idée approximative. Ainsi en 1925, le Service de Renseigne-
ments Politiques proprement dit dispose d'une somme de 23 000
francs (3)
destinée à payer les mensualités et les notes de
frais des agents du CAI. En 1927, ce budget sera porté à
50 000 francs,pUis à 60 000 francs en 1929 pour atteindre
68 000 fra~cs en 1931.(4) Plus tard, dans les années 1938-
1939, le paiement des mensualités et des notes de frais des
agents s'élévera à 192 655 francs. (5)
En règle générale, les fonds destinés au Service de Renseigne-
ments Politiques étaient fournis à plus de 60% par le gouverne-
ment général de l'Indochine,
les 40% restants étant alloués
dans la proportion des 3(4 - 1(4 par les gouvernements géné-
raux de l'AOF et de Madagascar.
--------------------
(1)
ANS 21 G 44 (11). No~e de la Vi~ec~ion de~ An6ai~e~ Poli-
~ique~ e~ Admlni~~~a~ive~ ( VAKAR ), 25 Ma~~ 1931.
(2) ANSOM SLOTFOM IIr Ca~~on 21. Le~~~e du Gouve~neu~ Glnl~al
de l'AOF au P~l~iden~ de l'Amicale de4 O~iginai~e4 de l'AOF
15 Sep~emb~e 1930.
(3) ANSOM SLOTFOM r Ca~~on 4. Rappo~~ de M. Budin chen du 1e~
Bu~eau de la Vi~ec~ion de4 A66ai~e4 Poli~ique4. Novemb~e 1925.
(4) ANSOM SLOTFOM 1 Ca~~on 5. Subven~ion~ de4 colonie4 en dlpô~
a la Banque d'Indochine.
(5) ANSOM SLOTFOM r Ca~~on 5. F~ai4 d'agen~4, Aoû~ 1938. Aoû~ 1939.

142
Grossièrement, les sommes versées par les trois gouvernements
généraux réflètent le degré d'activité des différentes frac-
tions de l'immigration coloniale et l'intérêt qu'y portent les
autorités. Mais pour avoir une idée beaucoup plus exacte des
moyens dont dispose le CAI, i l faut prendre en compte les
fonds secrets qui lui sont alloués. Déposés à la Banque
d'Indochine, ceux-ci s'élévaient à 108 240 francs en 1931,
augmentant considérablement les possibilités d'action du
service. (1)
Pour la petite histoire, signalons que tous les fonds secrets
du CAI seront retirés de la Banque D'Indochine le 12 Juin
1936, peu après l'entrée en fonction du premier gouvernement
du Front Populaire. Le CAl n'ayant fait l'objet d'aucune me-
sure de dissolution officielle, i l se peut que le service ait
été mis en sommeil à l'initiative de la Direction des Affai-
res Politiques. Si une telle décision a effectivement été
prise, cela expliquerait la quasi-absence de rapports d'agents
pour l'année 1936 dans les archives du SLOTFOM. (2)
Cependant
si cure de repos.
i l y a eu, celle-ci au~a
été de courte du-
rée, puisque dès Janvier 1937, à l'heure où Blum
annonce
la " pause ", les rapports se font de nouveau réguliers.
(1) ANSOM SLOTFOM r Ca~~on 4. Fond~ ~ec~e~~ dépo~é~ a la Ban-
que d'Indoch-ine.
(2) Su~ la qua~-i-ab~ence de~ ~appo~~~ d'agen~~ pou~ l'année
1936 on peu~ ém~~~~e 3 hypo~hè~e~ : 1) le CAT a é~é m-i~ en
~omme-il; 2) le~ ~appo~~~ on~ é~é ~édigé~ puis dé~~ui~~; 3) le~
documen~~ du CAl ~ela~i6~ a l'année 1936 on~ é~é " déména,qé~ "
et non ~eve~~é~ aux a~ch-ive~.

2.2. Les hommes du CAI en action.
a)
M. Devèze, clé de voûte du CAI.
Quand le CAI est créé en Décembre 1923, i l béné-
ficie de l'expérience accumulée pendant quatre ans par le
Service de Renseignements Politiques du CGTI. Mis en place
par Louis Arnoux, Directeur de la Sûreté indochinoise,
le SRP
doit tout autant à
l'action de Adrien Devèze.
Inconnu du public comme des chercheurs, M. Devèze est vérita-
blement un homme de l'ombre. Et pourtant, c'est en partie
grâce à
lui que l'on peut aujourd'hui étudier les activités
politiques de l'immigration coloniale dans la France de l'en-
tre-deux-guerres.
Inspecteur de police en retraite,
i l a préféré continuer à
jouer aux gendarmes et aux voleurs au lieu de profiter tranquil-
lement de ses vieux jours. Recruté en Août 1920 par le minis-
tère des Colonies (1)
pour être agent de renseignements et agent
de liaison entre ce ministère et la Préfecture de Police,
la
Sûreté Générale et le 3ème Bureau de l'Etat-Major de l'armée,
c'est lui qui a mis sur pied le réseau d'informateurs du SRP.
" Actif, habile, discret et dévoué "~2) il s'illustre tout
d'abord dans la surveillance des militants anti-colonialistes
indochinois, notamment celle de Nguyen Ai Quoc. A diverses
reprises, i l pénètre dans la chambre de ce dernier et " avec
11) ANSOM SLOTFOM r Ca~ton 6. Note de la Vi~eetion de~ A66ai~e~
Politique4 4u~ le CAl. II Oetob~e 1928.
121 ANSOM SLOTFOM r Ca~ton 6.
Tdem.

toute la prudence requise n
i l prend note de " pièces prê-
sentant un rêel intêrêt n(1) , tel le projet de rêsolution
prêparê en 1921 par le Comitê d'Etudes Coloniales. (2)
Lors de la crêation du CAl, M. Devèze rejoint tout naturelle-
ment les rangs de ce nouveau service avec armes et bagages.
Nommê responsable du service de renseignements politiques, i l
n'est pas à proprement parler un homme de terrain. Français,
i l ne peut êvoluer dans les milieux coloniaux sans risque de
se faire rêpêrer. D'autre part se pose l'obstacle de
la lan-
gue. Sa fonction est plutOt comparable à celle d'un" officier
traitant li, c'est à dire un homme dont le rOle est de con-
tacter ou de recruter d
'
" honorables correspondants 11 ou si
l'on prêfère de vulgaires indicateurs.
b)
La mise en place d'un rêseau
d'informateurs dans les milieux nègres.
Peu de temps après sa crêation, les seuls renseigne-
ments dont dispose la section africaine du CA! consistent en une
liste comportant les noms d'une demi-douzaine d'Africains mi-
litant à l'UrC. Utilisant des informateurs occasionnels, cel-
le- ci va essayer de pênêtrer ce petit groupe
mais la tache
n'est guère facile. Ainsi en Fêvrier 1924, le Ministre des
Colonies êcrit au Gouvernement Gênêral de l'AOF qu'
" il. n'a
(1) ANSOM SLOTFOM r Ca~ton Il. Lett~e au Cont~ôleu~ Géné~al
du CGTT au Gouve~neu~ Gé.né~al de.. l'4"n.doc.Ftine. 3Œ Novemb.~e J<t~l.
(2) Po~tant .&u~ le.& que.&t:i..on.6 c.oloni..ale...6, c.e. p~ojet de ~é..6olu~
ti..on6 ut p~é.&enté au le~ Cong~è~ du PCF ~n Vé.c.emo~e 19Z1 a
MaJt.& ei..Le. e •

14!
pa~ en~o~e été po~~ible de ~onnaZt~e le~ nom~ de~ indigène~
~eçu~ ~hez Ndiaye Ma~~em6a dit Samoa Lamp~a~ ,,(1J lequel fait
pourtant figure de leader des Africains de l'UrC. La raison
de cet échec est simple :
Il
Ju~qu'a p~é~ent, il ne ~e t~ouve pa~ pa~mi le~ indi-
gène~ de l'A6~ique O~~identale F~ançai~e ~onnu~ au
Se~vi~e de Cont~ôle et d'A~~i~tan~e, et ~é~idant a Pa-
~i~, une pe~~onne de ~on6ian~e ~u~~eptiole de ~end~e
le~ ~e~vi~e~ que l'on doit attend~e d'un bon indi~a­
teu~ n. (2) En effet, il en est dans le domaine de l'es-
pionnage comme en toute chose : rien ne vaut le regard porté
de l'intérieur. En clair cela signifie que pour un serviee de
renseignements, il ne peut y avoir d'informations valables sans
un réseau d'informateurs évoluant dans les rangs de l'ennemi.
Fort de ce principe, "le Ministre des Colonies estime qu' 77 il
e~t indi~pen~abl~ d'avoi~ ~e~ou~s, te plu~ tôt po~~i61e a de~
indigène~ dign~~ de la ~on6ian~e qu'on leu~ a~~o~de~a J'. (3J
Mais conscient des difficultés que réprésente la chose, il
ajoute aussitOt :
u Ce4" i.ndig ène4S qui .6e~o nt no4S aux..i.R..liai~e4S
dev~o nt
lt~e ~hol~i.6 ave~ le plu4S g~and ~oin, ~«~ ~'e4t ~u~tout
pa~ eux qu'il 6e~a pO~6i61e d'lt~e tenu au ~ou~ant de~
p~Op04S édiangé~ dan~ le~ ~éuni:o n.~ ~ommuni:~te~ où. le~
~oloni:aux ~ont atti~ê6. Non ~eulement il e~t né~e~~ai-
~e que ~e4S agent~ ~oient intelligent~ et dévouê~, il
6aut en~o~e qu'il4S p044èdent une i:n4"t~u~tlon 4Su66i~ante
et ~u~tout qu'il~ 60ient aS4"ez ad~oit~ pou~ a~~i:ve~
(1 J ANSOM SLOTFOM m Ca~ton 134. Le.tt~e du Mi:ni:st~e de.~ Colonie~
au gouve.~neu~ géné~al de. l'AOF 21 Fév~i:e~ 1924.
(2)
I"de.m.
(3 J
Idem.

14E
» a ~e lle~ avec le~ lndlvldu~ qutll~ au~on~ a ~u~­
vellle~ ~an4 lvellle~ leu~~ ~oupçon~ "i 7)
Le recrutement de tels agents prendra du temps et plus de 6
mois aprês la création du CAI, celui-ci ne disposait que
d'informateurs occasionnels au sein de la communauté nègre.
En fait ce n'est qu'à partir des années 1925-1926 qu'il réus-
sira à infiltrer durablement ce milieu. Dês lors, i l pour-
ra compter sur au moins trois agents
C réguliers ) auxquels
viendront s'ajouter des indicateurs occasionnels intervenant
de maniêre ponctuelle.
c)
Identité, mode
de recrutement et motivations
des indicateurs du CAI_
Qui sont les agents du CAr dans· les milieux nêgres,
comment ont-il été recrutés, et pourquoi font-ils ce travail
si particulier, telles sont les trois questions auxquelles
nous tenterons d'apporter une réponse dans les lignes qui sui-
vent? Mais avant d'aborder ces problêmes, un " avertisse-
ment aux lecteurs fi s'impose. ~ effet d'aucuns pourront crier
" casse-cou JI tant le sujet est délicat pour ne pas dire tabou.
Quand on aborde le thême de l'infiltration policiêre dans les
organisations révolutionnaires, les mises en garde ne manquent
pas. Force est de constater que dans ce domaine plus que
(1) ANSOM SLOTFOM ID Ca~~on 734. Let.t.~e du Mlnl~~~e de~ Colonle~
au gouve~neu~ glnl~al de l'AOF 27 Flv~le~ 7924.

14~
dans d'autres, la circonspection s'impose. Cependant la diffi-
cuité de la tâche ne doit pas nous empêcher de parler d'un
sujet qu'on préfère taire d'habitude, pour la simple et bon-
ne raison que toutes les organisations politiques sont in-
filtrées à des degrés divers par la police. Cela est telle-
ment évident que
.•.. personne ne l'avoue de bonne grâce.
A vrai dire on évoque parfois l'infiltration policière dans
les organisations politiques, mais c'est généralement dans le
but de régler des conflits politiques internes. D'autres fois
encore, on taxe de " flic ", le malheureux militant qui.a un
comportement " anormal " donc douteux alors que par défini-
tion l'indicateur cherche à se mouvoir dans les organisations
comme un poisson dans l'eau. Souvent pour ne pas dire toujours,
le vrai JI flic J'est un personnage au-dessus de tout soupçon
et quand la vérité éclate au grand jour, elle est d'autant
plus amère à l'avaler ". Rappelons-nous J, l'affaire Gi tton JI Cl)
ou encore l' l'affaire Walter Guillaume" (2) .
Pour éviter de salir injustement la mémoire de tel ou tel mi-
litant nous nous sommes refusé à travail 1er à partir des ac-
cusations que les uns et les autres ont pu se jeter à la
face, pour ne retenir
( dans la plupart des cas)
que des
preuves irréfutables. Ceci dit, voyons maintenant qui sont
les agents opérant dans les milieux nègres et plus particu-
--------------~---~----
(1) Ma~eel Gitton, ~ee~ltai~e a l'o~gani~ation, dlputl, memb~e du
Comitl Cent~al, devenu »l'obligl» du P~l6et de Poliee Lange~on pou~
une banale a66ai~e de moeu~~ en 41. C6. ]aeque~
Fauvet. Hi9toi~e du
Pa~ti Communi~te F~ancai~.
Pa~i~.
Faya~d.
1911,
621
p.
(2) Walte~ Guillaume, eon~eille~ pa~tieulie~ de Willy B~andt,
t~availlait en ~lalitl pou~ le~ ~e~viee~ ~ee~et~ e~t-allemand~.

14l
lièrement au sein des organisations anti-colonialistes ?
A tout seigneur tout honneur, nous commencerons
par celui qui est sans doute le plus célèbre, le fameux,
l'illustre, le mystérieux" agent Désiré JI.
Comme nombre de chercheurs qui ont travaillé sur le fonds
SLOTFOM, nous avons cherché à découvrir qui se cachait der-
rière ce pseudonyme. En effet, l'agent Désiré conna!t si bien
les milieux africains, antillais, malgaches, indochinois et
maghrébins; i l est si bien renseigné sur ce qui se passe à
la Commission Coloniale du PCF, à l'Union InterColoniale, au
Comité de Défense de la Race Nègre, à l'Etoile Nord-Africai-
ne ou au Vietnam Doc Lap Dang que l'on est inévitablement ame-
né à vouloir découvrir sa véritable identité .
Malheureusement, et comme tant d'autr~s certainement, notre
quête s'est révéléevaine, et ce pour la simple raison que
" l'agent Désiré" n'a en fait jamais existé. En effet sous
le pseudonyme de Désiré se cache en réalité le responsable
du Service des Renseignements Politiques du CAI, M. Adrien
Devèze. Comme nous l'avons déjà mentionné plus haut, ce der-
nier n'est pas
vraiment un homme de terrain. Si lors de
la mise sur pied du SRP, i l lui est arrivé de participer à
des 11 opérations spéciales ft
(
cf. La visite de la chambre de
Nguyen Ai Quoc ), ce n'est pas là son rOle principal.

14S
Sa véritable fonction est tout d'abord de recruter des agents,
puis de leur apprendre le B.A.BA du métier car on ne s'im-
provise pas indicateur. L'enseignement en question consiste
essentiellement à apprendre à rédiger des rapports qui soient
facilement exploitables. Ainsi un bon rapport d'agent doit
comporter la date, le lieu, la nature de l'évènement décrit
( réunion, manifestation, entrevue, etc ~ •• ), le nombre de
participants autant que possible leur identité,
le contenu
des propos échangés, etc •••
Par ailleurs les notes doivent se rapporter à l'essentiel
et être rédigées en style indirect afin de limiter les in-
dices pouvant faciliter l'identification de l'agent par un
tiers. Une fois le rapport rédigé, celui-ci est expédié à
l'adresse personnelle de M. Devèze. C'est alors qu'entre en
scène l'agent Désiré. M. Dêvèze l i t le rapport, corrige les
fautes de français el) , supprime les détails jugés inutiles,
met certains passages en style indirect et signe Désiré. (2)
\\\\
ri
Ce travail de rewritage effectué, M, Devèze transmet le rapport
au chef du CAI qui, après lecture, décide de le faire taper
(1) Van~ un nappont dat~ du 12 Septemône 1931, l'agent White
adne~~ait à. M. V~ve.ze " une c.ondiale poignet de main Il ( ~ic.!
ANSOM SLOTFOM II Canton 3.
(2) Bien que n'~tant pa~ ~ign~ V~~in~, on tnouve un exemple de c.e
,..
.
fi
neWR.lt~ge dan~ le SLOTFOM TI Canton 3. Une note manu~c.nite de
l'agent MoZ~e du 22 Man~ 1934 dit c.ec.i : ~Kouyat~ m'a nendu vi~ite
dimanc.he dennien, ven~ midi et demi. Le out de ~a vi~ite ~tait de
me c.hang~ d'allen enc.ai~~en une ~omme de 200 6nanc.~ c.hez Faune".
La ven~ion dac.tylognaphile indique : "Kouyat~ a nenc.ontn~ Ebel~
dimanc.he 12 au matin et l'a c.hang~ d'enc.ai~sen aupne.s de Faune
une ~omme de 200 6nanc.~".
La ~ec.onde ven~ion e~t plu~ c.laine, plu~
pn~c.i~e, et ~untout elle ne penmet pa~ d'identi6ien l'auteun de
la 6uite. Seule la c.ompanai~on de~ deux vensions penmet de ~avoin
qu'Eôel~ tnavaille poun le CAT !

150
ou non en X exemplaires qui seront adressés aux personnes
intéressées
gouverneurs généraux, préfet de police, ministre
de la guerre,
••• ).
De 1922 à 1928, M. Dev~ze a ainsi rewrité des centaines de
rapports. (1)
Par la suite du fait de la multiplication des
rapports, de l'expérience acquise par les agents et de leur
plus grande stabilité, M. Devèze cessera d'effectuer ce
travail de manière systématique. Dès lors, les rapports dac-
tylographiés par le CAI
seront signés du nom de code des
agents
( Paul, Coco, Joe, Moise, Whtte, Victor, Lambert,
••• )
et très ràrement Désiré.
Ce n'est vraiment
qu'à partir de 1926 que le CAI
et la Préfecture de Police vont s'introduire durablement dans
les organisations ant1-colonialistes nègres. A cette époque,
ils peuvent compter sur un minimum de trois agents. Parmi
ceux-ci .il ya Gérard Avomassodo qui a adhéré au CDRN deux
mois après sa création. Contre 350 francs par mois et certai-
nes promesses, i l a accepté de travailler pour le CAI. C'est
lui qui fournit à Devèze les premiers compte-rendus des réu-
nions du CDRN. Cependant la collaboration
entre Avomassodo
et le CAI sera de courte durée. Le ministère des Colonies,
n'ayant pas honoré ses promesses, Avomassodo confiera à Lamine
Senghor le rôle qui était le sien. (2)
(1) C6 ANSOM SLOTFOM rr Ca~~on 14 Agen~ Vé~i~é 1922-1924
rr Ca~~on 4 agen~ Vé~i~é 1925-1926
rr Ca~~on 5 ageyt~ Vé~i..~é 192;-1928
(2) ANSOM SLOTFOM rr Ca~~on 21. No~e de l'agen~ Joe, 18 Mai 1931.
Plu.6 ~a~d AVa'" a.6.6 040 do nne~a le.6 no m.6 e~ .6 ig nalern en~.6 de M. Budin
( Vi~ee~eu~ du le~ Bu~eau de la Vi..~ee~ion de.6 An6ai~e.6 Poli~ique.6
),
de M. Ha~lee ( ene6 de la .6ee~ion a6~ieaine du CAr ), de M. du
Coud~~~ ( ehe6 de la .6ee~ion malgaehe du CAr ) e~ de M. Vevèze
( ~e.6pon.6able du .6e~viee de ~en.6eignemen~.6 poli~ique.6 du CAr ).
C6. ANSOM SLOTFOM 1'1' Ca~~on 5. No~e de l'aqeyt~ Vé.6i~é. 28-01-1928.

151
Embauché à peu près à la même époque
( 1926 ) par la Préfecture
de Police, l'Antillais Narcisse Danaé sera découvert par le
PCF au printemps 1932. Exclu du parti
( pour indélicatesse et
accointance avec la police ) i l sera publiquement dénoncé
dans 1 'Humanité (1)
et le Cri' des: Nègres .. (2)
Prenant sans doute la relève d'Avomassodo Il grillé Il c'est un
autre Dahoméen Pierre Kodo Kossoul qui entre en action fin
Décembre 1926. Ses rapports manuscrits sont signés Cos mais
ses rapports corrigés et dactylographiés sont signés Coco.
Ce premier pseudonyme est formé par les deux premières sylla-
bes de son nom. Sans doute trop transparent, i l sera plus tard
remplacé par celui de Paul.
Soupçonné un temps par le PCF(3) , Kossoul échappera à toutes
les investigations et i l établira un véritable record de lon-
gévité en opérant jusqu'en 1939. Ayant réussi à gagner la con-
fiance de Kouyaté, celle des dirigeants de la section colonia-
le du PCF, ainsi que celle des militants nègres i l sera régu-
lièrement dans les instances dirigeantes de la LDRN, puis de
l'UTN.
('~I Le. '21 Mai 193'2, t'Humal1Lté pubtie ta photo de. Val1aé ave.c.
pou~ c.omme.l1tai~e.
: » UI1e. c.al1aitte. ».
[~I VU 6a-i.t de. ~e.~ di66ic.utté~ de pa~utiol1, c.e. l1'e.~t que. dal1~
~OI1 l1umé~o d'Oc.tob~e.-Nove.mô~e.
19"3'l que- tè. 'Cn,t-cte.'.6 NègJte.~
pu-
btie.~a c.e.tte. il16 o~mat.to11. 'Rep~el1al1t te t.tt~e. de t'1fumC:fl1-<."'.té
»
UI1e. c.al1ailte. ", l'a~tic.te. ~et~ac;.ai:t la"c.a~~iè.~e. " e.t te.~
mé6ait~ de. Vanaé.
(31 V'ap~è.~ UI1e. 110te. de. ta Vi~e.c.tiol1 de. ta Sû~e.té Gél1é~ate. datée.
du '28 Av~it 19'25, te. PCF di~po~ait d'age.l1t~ iI16itt~é~ dal1~ te.
pe.~~OI1I1e.t de.~ il1~pe.c.te.u~~ de. ta Sû~e.té qui tui 6ou~l1i~~a-i.e.l1t
ve.~bat~me.l1t de.~ ~e.I1~e.ial1e.me.l1t~.
A.N. Sé~ie. F1. Ca~tol1 1'2891. Note. de. ta VSG du '28 Av~it 19'25.

15:
Autre
recrue de choix du CAl, le Malgache Thomas Ramananjato.
Signant ses rapports manuscrits des initiales L.S., il appa-
raft dans les rapports dactylographiés sous le nom de code
de Joe. Contacté en Juin 1929 par Devèze, il lui a fourni à
cette occasion sa biographie détaillée. Décrit par Devèze
comme ne paraissant" pa.6 .6'oc.c.upe.Jt de. po.titique. ,,(1), on pos-
sède sur lui une biographie mille fois plus détaillée que
celle de Lamine Senghor !
Pour le jauger, Devèze s'entretiendra plusieurs f9is avec
lui, et i l lui demandera de faire le compte-rendu de ces en-
trevues. Datant d'AoQt 1929, son premier vrai rapport concer-
ne la communauté malgache de Paris. Il consiste en 24 notices
biographiques très détaillées, dont 14 sur des anciens tirail-
leurs malgaches. (2)
Membre de la LDRN, Rarnananjato fera le compte-rendu de ses
réunions mais surtout i l permettra au CAl de surveiller les
milieux malgaches. A partir des années trente, délégué par
l'UTN ~ la Commission Coloniale du Secours Rouge International,
il fournira de nombreux renseignements sur cette organisa-
tion ainsi que sur l'Amicale des Malgaches de France dont il
sera le fondateur.
{Il
ANSQM SLQTFOM rr CaJtton 1~. Note. de. .t'agent Vé.6iJté 16-6-29.
2
( )
ANS 0 M S LOT F0 MIl CaJtt 0 n 2 1. Not e. de. L. S. 3 1 Août 19 29 .
E~gagé paJt .te. CAl au début du moi.6, Ramana~~o appaJtaZt
pouJt .ta pJte.mièJte. ~:4 .6UJt .te..6 c.ahie.Jt.6 d'uti.ti.6ation de..6 nond.6
.6e.c.Jte.t.6 e.n Août 1929. On pe.ut .tiJte. " Me.n.6ua.tité Ma.tgac.he. 300
nJtan c..6 ". PaJt .ta .6uite., i.t .6igne.Jta .60U.6 .te. nom de. c.ode. de. lOE
(ANSOM SLOTFOM l CaJtton 5).

15,
Vers le milieu des années trente, c'est le Camerounais Ebele
qui est recruté par le CAI. (1) Ayant fait ses études en alle-
mand, ses rapports sont écrits dans un français souvent in-
compréhensible. Utilisant les pseudonymes de Moise ou ~lliite,
ses rapports sont souvent d'un faible intér~t. Cependant
dans les années qui précédent la seconde guerre mondiale, ils
prennent soudain de l'importance car ils nous renseignent
sur l'attitude des Camerounais de France face à une éventuel-
le rétrocession de leur pays à l'Allemagne.
S'ignorant mutuellement, il n' y a pas moins de 3
agents du CAl à l'UTN dans les années trente. Cette situation
crée parfois des scènes cocasses, comme celle relatée par Joe
Ramananjato ) qui déclare ne pas savoir
" po ultq uo i ni: da.n.6 que.l, but Ko.6.6 0 ul é:ta.i.:t ve.nu me. v0 i..1t
a mon domici:le., da.n.6 la. joultn~e du lundi: 6éltié de. Pâque..6
de.ma.ndé a ma. concie.ltge. .6i: j'é:ta.i.6 cne.z moi. SUit ltépon.6e.
a.66i:ltma.:ti:ve. de. ce.:t:te. de.ltnLèlte, il pa.Ita.Z:t qu'il a.va.i:t
di::t qu'i:l :te.na.i::t :tou:t .6imple.me.n:t a .6a.voilt .6i: j'é:ta.i.6
che.z moi:, ma.i:.6 i:l ne. :te.na.i:t pa.f., a e.n:tIte.It, SUit i..nvi..:ta.-
:tion de. ma. conci:e.ltge. le. pltia.n:t de. mon:te.1t che.z moi i..l
pa.Ita.Z:t qu'il .6'e..6:t e..6quivé e.n lui di..6a.n:t de. me. di:lte. que.
- - -- ---~....... - -- --_.- - -----
(1)
Le..6 Je.It.6 lta.ppOIt:t.6 de. MoZ.6e. da.:te.n:t de lq34 ( ANSOM SLOTFOM
rr Ca.It:ton 3 ). Son nom 6iga~e. Itégulièlte.men:t .6UIt le ca.hi..e.1t
d'u:ti:li.6a.:tion de..6 6ond.6 .6e.CIte.:t.6 e.n 1Q38-39. POUIt Véc 38 on pe.u:t
a.i:n.6i: lilte.
: "Ebe.le. (lte.n.6e.i:gne.me.n:t.6): 1aa 61ta.nc.6n [ANSOM
SLOTFOM r Ca.It:ton 5 ).

" 'mon ami de Beaujon étaLt. venu'. Je ne -6ai-6 pa-6 à.
quoi attniouen ~ette vi-6ite qui avait l'ain d'êtne
~lande-6tine . En tout ~a-6 la ~on~ienge m'avait dit qu'
elle avait tnouvé ça lou~he ,,~1l
Cependant, i l faut noter que les compétences ou le champ
d'activité de ces agents ne sont pas identiques. Paul/Coco
( Kossoul ) fait le compte-rendu des réunions de l'UTN, mais
i l est plus spécialement chargé d'infiltrer la section colü-
niale du PCF et de surveiller les Africains, notamment Kou-
yaté. Joe(L.S.
( Ramananjato )
fait également le résumé des
activités de l'UTN ( ce qui permet de corroborer les dires
de Kossoul et réciproquement), mais i l s'occupe plus spécifi-
quement de la section coloniale du SRI et des milieux mal-
gaches.
Quant A Moïse(White
( Ebele ) , i l surveille plutOt les Carne-
rounais et les organisations nègres non communistes comme
la LDRN-Faure. (2)
En dehors des agents infiltrés dans les organisations, le
CAI utilise les services d'un immigré russe, ancien député
de gauche à la Douma nommé Alexinsky.
Sa tache est de traduire en fran~ais les textes touchant aux
(1) ANSOM SLOTFOM rr Ca~ton 21. Note de l'agent Joe 8 Av~il 1931.
( 2)
Le-6 div e~g e.n~e-6 po litiq ue.6 e.nt~e Emile Fau~e et Tiémo fia
Ga~an Kouqaté ont ent~a.tné une.6~i.6.6'ion de ta LVRN en 1931.
Pendant p~è.6 d'un an, une oatailte de tlgitimité va oppo-6e~
le-6 deux p~otagoni~te-6 ~ha~un voulant ga~de~ le tit~e LVRN.
Finalement Fau~e. t'empo~te~a et Kouqaté 6onde~a l'UTN.


156
Si l'on prend l'exemple des agents du CAI, ceux-ci gagnaient
quelques 300 francs par mois en 1929 ~ leurs débuts, sans comp-
ter les remboursements des notes de frais qui étaient parfois
considérables. A la fin des années trente, de bons agents com-
me Joe
( Ramananjato ) et Coco
( Kossoul ) touchaient respec-
tivement 700 et 800 francs par mois. Ceci dit,
l'appat du
gain facile n'était pas le " sucre JI avec lequel le CAI attrap-
pait ses agents. A l'époque pour les coloniaux, la motivation
principale était l'octroi de cette inaccessible et tant dési-
rée citoyenneté française. Ce fut par exemple le cas de Rama-
nanjato. Après avoir achevé son service militaire en France,
en Juillet 1923, i l signe un contrat de travail de deux ans
chez M. Carriat, un horticulteur d'Antibes.
Désirant obtenir la citoyenneté française,
i l en fait par deux
fois la dernande(l) , appuyant son dossier en dénonçant ses com-
patriotes qui sont en contact avec les" anarchistes ".(2)
Lorsqu'en 1924, i l demande ~ pouvoir séjourner en France sans
être lié par contrat ~ un employeur, le ministère des Colo-
nies accepte sa demande. Cette décision n'est pas sans arrière-
pensées puisque le chef du CAI confie au Directeur des Affai-
res Politiques :
" Je. m'i.ntéJte..6.6e. pa.Jtti.c..uli.èJte.me.nt à. Ra.ma.na.nja.to qUA...,
i.n.6tJtui.t, tJta.va.i.lle.uJt, 6a.i.t pJte.uve. d'un e.xc..e.lle.nt éta.t
d'e..6pJti.t e.t pO.6.6ède. la. plu.6 he.uJte.u~e i.n61ue.nc..e. .6uJt
(1) ANSOM SLOTFOM rrr Ca.Jtton lZ5. LettJte. du c..ne.6 du CAI a.u
Vi.Jte.c..te.uJt de..6 A66. Pol. 1e.Jt AVJti.l 1924 •.
(2) VO.6.6i.e.Jt pe.Jt~onnél de. T. Ra.ma.na.nja.to c..i.té pa.Jt P. Ve.wi.tte. i.n
le..6 mouv'e.me.n:'t.6' )fè'pJr:e.:& - 'e.'n' r7r.-anc.-e: (1il1 '9'-1"9'3'9') '(tuYoJr..:<:giXe:&' -de.- la.
. Rl:vôt:u:;t'i.o-n"~è.ù.:e:.:tu7r.è.tt:e.- 'n'èg7r.e.. Pa.Jti.~ f, TPtè.6e. de. 3 0 c..1Jc..le. ;1985 p. 258.

15"
» le g~oupe de ~e~ ~ompat~iote~
d'Antibe~ n. Il)
Libéré le 31 Juillet de toutes obligations civiles et mili-
taires, Ramananjato sera naturalisé le I l Novembre 1926(2) ,
pour services rendus au CAI, à n'en pas douter. Français de
fratche date,
i l n'en répond pas moins à l'appel de M. Devèze
quand celui-ci sollicite ses services durant l'été 1929. Dans
son premier rapport, i l précise même pour éviter tout malentendu:
» Ma qualité de o~anç.ai~
exige de moi une ~e~onnai~~an­
~e pleine et entiè~e de ~e qu'a oait la F~an~e pou~
le~ ~olonie~ pla~é.e~ ~ou~ ~a tutelle et ~ou~ ~a p~o­
te~tion, et avant mime que je ne VOU4 ai pa~lé, j'étai~
déjà un adve~4ai~e ~é40lu de4 tftOu~le4 et agitation4
pouvant p~oveni~ de ~e~talne~ peft40nne4 plU4 ou moin4
agi-44ante4 et qu.2 ne ~ne~~hen:.t avant tout que leu~ in-
té.~it rt. (3)
M. Devèze qui avait longuement consulté l.e à,ossier personnel
de Ramananjato avant de le contacter put aisément constater
qu'il avait affaire à une personne digne de confiance
(1).
Le cas de Pierre Kodo Kossoul participe du même schéma. Début
Octobre 1926, ce Dahoméen qui travaillait comme infirmier
dans un hOpital parisien fait une demande de naturalisation,
en précisant au Ministre des Colonies qu'il est à sa disposi-
tion et qu'il serait heureux de pouvoir l'aider dans la mesure
(1) ANSOM SLOTFOM IIT Ca~ton 125. Lettfte du ~neo du CAl au
V~~e~teu~ de4
A66a~~e4 Politiques. 1e~ ~~il 1q24.
(2)' L{4:Ce' a.t:plrcflr~::tique· -àè'4' peJt:60-n-'Iè.:&'- 'ayan:-e a.·~-gui'-6'ou 'pe~du la
nationalité. o~ançai4e pa~ dé~~et TVIr 1921-193Q Lett~e4 ME-RZ p 615.
(3) ANSOM SLOTFOM rr Ca~ton 21. Rappo~t de t'agent ]oe 13-8-29.

158
de ses moyens. Par cette petite phrase apparemment sans impor-
tance, Kossoul se jette inconsciemment
(?)
dans les filets
du CAI. On lui propose alors le marché suivant: la nationalité
française en échange de menus services. Après réflexion, Kossoul
accepte le marché et, le 28 Octobre, sa femme écrit au Ministre
des Colonies :
" Mo n maJt.i e.6 t to ut a. 0ait d' ac.c.oJt.d avec. vo u-6
et tout e.6t pouJt. le mieux, il donneJt.a le Jt.é~ultat de -6e-6 dé-
1
maJt.c.he..6 a. Mon.6ieuJt. Vev~ze, de.main n.( )
Ayant adhéré au Comité de Défense de la Race Nègre sur les
conseils du CAI, i l y jouera consciencieusement le rOle de tau-
pe, et le 7 Mai 1927 i l sera naturalisé français.
Nombreux étant ceux qui monnayaient leur collaboration avec
le CAI, i l est délicat de faire le tri entre les agents mo-
tivés par l'intérêt et ceux travaillant par idéal. Dans cet-
te dernière catégorie on peut cependant mettre un homme com-
me Ramanan:rato. Naturalisé français depuis 1926, rien ne 1'0-
bligeait à reprendre du service pour le CAI en 1929, outre
le fait qu'il se décrivait lui-même comme" un adveJt..6aiJt.e
Jt.é-6olu de-6 tJt.ouble-6 et agitation-6 pouvant pJt.oveniJt. de c.eJt.tai-
ne-6 peJt.-6onne~ ,,!2) Sans doute en était-il de même pour le
Vietnamien Jean Toan
( agent de nationalité française ) qui si-
gnait parfois ses rapports du terme" Francophile ". (3)
Enfin, i l est fort probable que le CAI employait certains a-
gents par la contrainte, en faisant peser au-dessus de leurs
11)
LettJt.e-6 de Mme Ko-6-6oul au Mini~tJt.e de-6 Colonie-6 de-6 4 et
28 Oc.to6Jt.e 1926. VO~-6ieJt. peJt.-6onnel de Kodo KO-6-6oul c.ité paJt.
P. Vewitte op. c.it.
(2) AMSOM SLOTFOM rr CaJt.ton 21. RappoJt.t de l'agent Joe.
13 AoŒt
1 929.
13J AMSOM SLOTFOM rr CaJt.ton 6. RappoJt.t manu~c.Jt.it de Toan. leJt.
MaJt.-6 1928.

159
têtes une menace quelconque
( rapatriement dans la colonie
d'origine, poursuites judiciaires, etc .•. ). Mais ces der-
niers devaient être peu nombreux car dans ce genre de travail,
rien ne vaut les volontaires !
2~cLes agents occasionnels.
Mis à part les agents réguliers dont nous venons de
parler, le CAI et la Préfecture de Police n'hésitent pas à
employer des agents occasionnels pour réaliser toutes sortes
de besognes, allant de la guerre idéologique aux opérations
JI
coup de poing "
c'est ainsi que Maurice Satineau, employé à la Préfecture de
Police, adhéra au CDRN où i l mena un combat acharné contre la
direction communiste .( Lamine Senghor, Joseph Gothon Lunion ••• ) .
.
.
Après avoir réussi à créer une scission au sein de cette or-
ganisation, i l obtiendra de son employeur, très compréhensif,
l'autorisation de travailler à mi-temps pour s'occuper de La
Dépêche Africaîne, un journal qu'il fondera avec des fonds
venus d'on ne sait où.
Dans les années trente, la Préfecture de Police aura également
recours au stratagème de la Il femme fatale 11 pour monter
une opération visant à discréditer la LDRN. Le Docteur Guerrier
cousin de léo Sajous responsable de la LDRN, adressera des let-
tres anonymes à la police et au journal-L..J~i· du peuple dans
lesquelles i l dénoncera la LD~N comme étant une organisation
à la solde de Moscou. Dans un premier temps, Sajous crut que

160
son cousin avait agi par pure jalousie mais, quelques temps
plus tard, on apprit que la maîtresse du Dr Guerrier travail-
lait comme par hasard . .. a la Préfecture de Police. (1)
Tous les coups étant
permis"la crédulité, la naiveté ou la
simple mégarde sont exploitées à fond,
transformant n'importe
quel individu en indicateur de police involontaire. Ainsi en
1929, M. Rais qui projetait d'organiser un congrès des races
eut la visite d'un journaliste de province apparemment fort
bien informé. Après lui avoir détaillé son projet de long en
large, i l se rappela brusquement qu'il n'avait fait aucune
publicité autour de son projet et i l s'aperçut, mais trop
tard, qu'il s'était fait posséder par un policier. (2)
Cela étant dit, le recrutement des agents occasionnels
( com-
me des agents réguliers d'ailleurs)
se base essentiellement
sur le démarchage systématique de tous les coloniaux, qui
s'adressent pour une raison ou pour une autre au CAI.
Par exemple, lorsque Vincent Ganty fonctionnaire des douanes
révoqué, se présenta début 1931 au CAr parce que sans ressour-
ces, i l se vit aussitôt proposer de travailler pour le comp-
te de ce service. (3)
De même à Marseille en 1926, lorsqu'Amadou Drop, un Sénéga-
lais qui venait de purger 5 ans de réclusion criminelle en
Algérie (4) , se présenta au bureau du CAr, les responsables de
ce service virent tout de suite comment l'utiliser efficace-
(7) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 11, Note de l'agent Joe 74-1-30.
(2) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 5. Note de l'agent Oé~lné 2~~?~29.
(3) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 24. &ote de l'agent Joe 8-1-31.
(4)
A.O. de..s BO/1.c.n.e~ du Rhône M6 10804. Rappont du Commlfi~a,(.Jt.e.
Ce.nt~al au P~~6e.t de.~ Bouc.n.efi du Rhône, 6 Se.ptemBne 1926.

161
ment. Ils lui fixèrent pour mission de
~ s'occuper" de Lami-
ne Senghor et, en l'espace de quelques jours, ce dernier fut
molesté à plusieurs reprises. Arr~té par la police, Amadou
Diop reconnaîtra sans difficulté qu'il avait agi sur ordre
d' " un Blanc t~availlant pou~ le mini~tl~e de~ Colonie~ ".(1)
Signalons enfin que le recrutement d'indicateurs P<'lIo-l'i:. pren-
dre des formes insoupçonnées. Ainsi en 1930, Lacombe, un
Haïtien membre de la LDRN, fut abordé à la sortie d'une réunion
politique" par un monsieur petit et gros" qui l'assaillit
de questions. Interloqué, i l resta coi puis i l se remémora
que cet homme n'était autre qu'un inspecteur de police qui lui
avait demandé ses papiers à la sortie d'une réunion de la
LDRN. Profitant de son trouble, le policier lui indiqua tout
de go qu'il se rendrait à son domicile et que, contre argent,
i l l'embaucherait pour le compte de la Préfecture de Police. (2)
(1) ANSOM SLOTFOM r Ca~ton 30. Lett~e~ du délégué du CAl de
Ma~~eille au Mini~t~e de~ Colonie4, Aoat et Septem6~e li26.
Lo~~ de ~on a~~e~tation pa~ la police, Amadou Viop 4e ~ecom­
manda de M. Jo~~el~e,
déllgul du CAT de Ma~4eille ( A.O. de~
Bouch.e~ du Rhône M6 10804, ~appo~t du commL6~ai~e de police
du 21lme a~~o~di44ement,
5-2-26 ), et dan~ une lett~e pe~­
40nnelle au che6 de la 4ection a6~icaine du CAl, M. Mae~t~acci
adjoint au dlllgué de Ma~~eille dlcla~a " le nomml Amadou nou4
a ltl d'une utilitl p~lcieu~e, ca~ 4an~ lui la p~l.6ence de
Sengho~ ~u~ait pu pa.64e~ inape~çue pa~ no~ ~e~vlce~ et il
au~ait pu agi~ t~anquillement ~an~ ê.t~e mole~tl " ( ANSOM
SLOTFOM l Ca~ton 6. Lett~e de M. Mae~t~acci a M. «a~lee 7-9-26 ).
(2) AWSOM SLOTFOM V Ca~ton 3. Wote de l'agent Joe 14-5-3Œ.

162
Sous cette IIIême République à l'instabilité politi-
que légendaire, le CAl bénéficiera d'une exceptionnelle sta-
bilité. Alors qu'entre Novembre 1917 et Juin 1940, 41 minis-
tres auront la Il responsabilité " de la politique coloniale
francaise
~1) la Direction des Affaires Politiques, vérita-
ble organisatrice de cette politique et organisme de tutelle
du CAl, n'aura que deux directeurs, Albert Duchêne
26 Octo-
bre 1920 -
30 Janvier 1929 ) et Gas~on Joseph
( 30 Janvier
1929 -
20 Juillet 1943 ). Le CAl lui-même aprês une courte
période de flottement, sera dirigé pendant toute la période
de l'entre-deux-guerres par Marcel Geoffroy du Coudret.
Indifférent à la valse des cabinets ministériels, le CAl ac-
complira d'autant plus efficacement sa mission qu'elle ne se-
ra jamais remise en cause, y compris sous le gouvernement du
Front Populaire.
--------------------
[1) Vu~ant cette pé~~ode, ce~ta~ne~ pe~~onnal~té~ exe~ce~ont
plu~~eu~4 6o~~ le4 6onct~on~ de m~n~~t~e de~ Colonie~ : Albe~t
Sa~~aut le 4e~a 6 60~4, Lou~4 Rollin et Léon P~~e~ 5 6o~~.
Pou~ donne~ une ~dée de l' ~n~taô..Ll~tê. pol~t~'que qu~ ~égn4~t,
~~gnalon~ pou~ l'a~ecdote qu'en 1926 ..Ll if au~a 4 m~n~~t~e4 de~
Colon~e4, dont l'un, Ad~~en Va~~ac, occupe~a 4e~ 6onct~on~
pendant ... 5 jou~4 ( 20-24 Ju~llet 1926 ).

163
Service léget) mais efficace, pendant des années i l suivra
quasiment au jour le jour la vie des organisations anti-
colonialistes et par là même celle de leurs principaux mili-
tants. Son efficacité à saper le travail révolutionnaire
n'est bien sûr pas quantifiable. Cependant on peut dire qulà
cause
( ou grâce)
de
( à ) son action, les tracts,
journaux,
et brochures révolutionnaires atteindront rarement leurs des-
tina~aires aux colonies; guère de lettres dont le contenu et
le destinataire n'aient été connus par le service avant même
leur expédition; peu d'abonnés aux journaux anti-colonialistes
en France ou aux colonies qui n'aient figuré sur ses listes.
Par son action quotidienne,
le CAr alourdira un peu plus la
chappe de plomb qui pesait sur les peuples colonisés, entra-
va nt autant que faire se pal,;vdil: la circulation des hommes et
des idées entre l'Empire et le reste du monde.
Sapant les longs efforts d'organisation et de propagande des
anticolonialistes de tous bords, i l réduira parfois leur tra-
vail à néant, contribuant ainsi à retarder l'évolution des
consciences. Actif et efficace, le CAl le fut. Mais pas plus
que n'importe quelle police, i l n'arriva à étouffer l'espoir
de liberté qui avait pris naissance dans le coeur des coloni-
sés. Mis sur pied d'abord et avant tout pour surveiller les
Indochinois et plus précisèment les Vietnamiens, i l n'empêche-
ra pas ces derniers de s'organiser solidement en France et
au Vietnam, et Nguyen Ai Quoc, sa Il bête noire" deviendra
un jour le président de la République d'un Vietnam indépen-
dant.
(~l EN 1925, te CAr eompta~t 11 emptoyé~
( m~~ a pa~t te~ ~n­
d~eateu~~ J, et dan~ te~ année~ t~ente ~t en eompte~a tout au
ptu~ une v~ngta~ne.

16~
Dans ce sens, les causes de l'échec des organisations
nègres à mettre sur pied un puissant mouvement anti-colonialis-
te doivent être recherchées ailleurs, et plus précisèment en
leur propre sein. C'est ce que nous tenterons de faire
~aio­
tenant en retraçant leur génèse et en faisant le bilan de
leur action.

16S
CO~CLUSION 1
Phénomène né au début du XXème s-iècle, l ' immigra-
tion africaine vers la France ne va devenir une réalité vrai-
ment" palpable" qu'après le premier conflit mondial. Excep-
tion faite des contingents militaires, elle passera de quel-
ques centaines d'individus dans l'immédiate après-guerre à
plusieurs milliers d'individus dans les années suivantes.
L'importance de l'immigration clandestine, la faible fiabi-
lité des recensements, l'inexistence puis la non-observation
de la réglementation sur l'immigration font que les chiffres
officiels sont largement inférieurs à la réalité.
De combien, i l ne nous appartient pas de le dire, mais quoi-
qu'il en soit, l'immigration africaine reste numériquement
faible si on la compare à l'immigration maghrébine par exemple.
Majoritairement originaires de la Moyenne Vallée du Fleuve
Sénégal, les immigrés africains se divisent en quatre grandes
catégories: les travailleurs, les navigateurs, les domesti-
ques et les étudiants. Représentant une frac~i~.l
importante
de l'immigration laborieuse, les navigateurs forment des com-
munautés relativement importantes et homogènes dans les grands
ports. Par contre, fort peu nombreux, les étudiants sont prin-
cipalement localisés à Paris.
Immigrés de fratche date, les travailleurs africains
ont souvent tendance à reproduire en France les structures
sociales qui prévalent dans leurs pays d'origine. Fréquem-

16E
ment organisés dans des amicales" nationales" ou ethniques,
ils pallient l'absence d'organismes d'accueil officiels, en
facilitant par ce biais l'intégration des nouveaux venus.
Au fil des ans,
ce qui n'était au début qu'un agrégat d'in-
dividus s'est peu à peu transformé en une communauté conscien-
te, à la fois acteur et enjeu de luttes politiques et syndi-
cales.
Cette mutation, cette conscientisation, cette implication
croissante dans les luttes est en grande partie le résultat
de l'évolution des mentalités engendrée par la guerre. En
effet, le piédestal que l'Empire s'était confectionné pour
dominer les peuples colonisés a volé en éclats sous les pre-
miêres salves d'artillerie de la guerre.
Celui qui était hier encore considéré comme un demi-dieu est
redevenu semblable au commun des mortels. Sur les champs de
bataille, au coeur de la souffrance et de l'horreur, les co-
Ionisés ont découvert que la peau blanche ne constituait
(-1 )
pas " un bouclier inusable " contre les balles et les états
d'ame.
Durant ce conflit terriblement meurtrier pour les
hommes comme pour les mythes, on a beaucoup parlé du droit
des peuples à disposer d'eux-mêmes et nombreuses ont été
les promesses d'un avenir meilleur pour faciliter le recru-
tement de ce qu'il faut bien appeler de la chair à canon.
La guerre finie,
le tribut payé, les peuples colonisés récla-
meront leur dû ou plutôt leurs droits. Africains, Indochinois,
--------------------
(11 ExpJte.6.6-ton emp.toyée pa.Jt Voumbi.-Fa.k.o.ty.MoJtt.6 pouJt .ta. FJta.nc.e..
Pa.Jt-t.6 Ka.Jttha..ta.. 1983 p. 86.

16i
Arabes voudront eux aussi vivre libres et décider eux-mêmes
de leurs destinées.
Au nom des nègres, WEB du Bois' tentera de faire comprendre
cette volonté nouvelle en organisant ~ Paris le 1er Congrès
Panafricain. Confronté à l'hostilité des uns et aux secrets
calculs des autres, i l n'obtiendra rien de concret, mais par
son initiative i l marquera l'entrée des peuples nègres sur
la scène politique mondiale. En d'autres lieux et par d'au-
tres voies, Marcus Garvey contribuera lui aussi à mobiliser
des millions de nègres pour qu'ils prennent en charge leur
destin. Hier considérés comme des peuples esclaves, sans âme
et sans histoire, ces hommes avaient décidé de s'organiser
pour faire valoir leurs justes revendications. Désormais le
chemin était tracé, la brèche était ouverte, l'heure d'un
nouveau combat avait sonné.
Réforme du système colonial pour les uns, indépendance des
colonies pour les autres, ces idées fleurissaient non seule-
ment chez les colonisés mais aussi chez certains métropoli-
tains. En France, un homme comme Maurice Boursaud allait ba-
tailler ferme pour promouvoir l'idée d'une réforme du systè-
me colonial. Ayant saisi les implications des changements ir-
réversibles produits par la guerre, i l prônait l'assimila-
tion complète des colonies avec la France. Généreux mais sur-
tout très lucide, i l avait compris que l'un des enjeux majeurs
de ce siècle était ni plus ni moins la sauvegarde ou la perte
de l'Empire colonial français. Cet indigènophile et
une
poignée de ses amis feront un bout de chemin avec les com-

16~
munistes. Mais ce mariage contre-nature ne pouvait pas durer
bien longtemps et, après la création du Comité d'Etudes Colo-
niales du PCP et de l'Union Intercoloniale, la rupture sera
consommée.
Dès lors
deux camps apparaîtront très nettement: d'un
cOté les socialistes, les membres de la Ligue des Droits de
l'Homme, les colons éclairés et les défenseurs farouches de
la devise de la République, partisans de la réforme du systè-
me colonial et de l'autre côté les communistes et marginale-
ment les anarchistes luttant pour la disparition des colonies.
Extrêmistes et modérés ou révolutionnaires et réformistes, tels
seront les deux courants qui allaient s'affronter parmi les
colonisés dans unmc~de qui vivait, certainement sans le savoir,
le début de la fin d'une époque: le temps des colonies.
Inquiet
de la politisation croissante des immigrés
coloniaux et surtout inquiet
de la tournure prise par leurs
revendications, le ministère des Colonies s'attela à mettre
sur pied une machine policière susceptible d'enrayer ce mou-
vement. Commencée dès le temps de guerre, la surveillance po-
licière des coloniaux s'organisa réellement à partir d'Octo-
bre 1919 avec la création d'un Service de Renseignements
Politiques chargé de surveiller les militants indochinois.
La contagion de la fièvre anti-colonialiste aux autres commu-
nautés et la création de l'Union Intercoloniale en 1921,
allaient obliger les autorités coloniales à réviser leur stra-

16~
tégie, et fin 1923, elles créaient une police politique
" inter-coloniale n
:
le CAl. Travaillant essentiellement à
l'aide d'indicateurs recrutés par diverses méthodes allant
du chantage à l'appât du gain, le CAl allait infiltrer l'en-
semble des organisations anti-colonialistes et jusqu'aux
sections coloniales de la CGTU, du PCF ou du Secours Rouge
Internat~onal ( SRI ).
Malgré un travail de sape quotidien qui entravait de manière
non négligeable les efforts de propagande et d'organisation
politique des colonisés en France comme aux colonies, le
CAl ne parvint jamais à réduire au silence le mouvement anti-
colonialis~e.
D'un point de vue étroitement" corporatiste ", son action
aura cependant été très utile car, grâce à la masse d'infor-
mations et de documents qu'il recueillit pendant près de
vingt ans, nous pouvons aujourd'hui reconstituer assez fidè-
lement la genèse et l'histoire des mouvements anti-colonialis-
tes dans la France de l'entre-deux-guerres.

170
DEUXIEME PARTIE
DE LA REVENDICATION ASSIMILATIONNISTE ACELLE Dt L'INDEPENDANCE
( 1920 - 1925 )

CH~PITRE IV : QUAND LES ASSI~ILATIONNISTES
-----------
---~------------------------
Au sortir de la guerre, forts du soutien de cer-
tains humanistes français, des Africains, des Antillais et
des Malgaches vont affronter le système colonial français.
Souvent inorganisés, ils interviennent essentiellement dans
le débat politique par le canal de la presse.
Utilisant dans un premier temps le support de journaux " amis
Il
ils fondent bientôt leurs propres organes de presse. Ainsi
Le Messager Dahoméen, Le Réveil Colonial, Le Libéré et Les
Continents sont autant de tentatives pour créer une presse co-
loniale, non plus rédigée par et pour des Français s'intéres-
sant aux colonies pour des raisons diverses, mais par et pour
les originaires des colonies. Parfois en relation avec les
socialistes et/ou les communis·tes·, plus souvent en contact
avec la Ligue des Droits de l'Homme ou la Franc-Maçonnerie
leur revendication principale est l'assimilation totale.
Qu'ils se placent dans un cadre Il national Il
(
cf. Hunkanrin
et le Dahomey), dans un cadre colonial
( cf,Honorien ), voi-
re même dans un cadre panafricain
( cf. l'Association Pana-
fricaine ou Tovalou Houénou ), jamais ils ne remettront en
cause l'existence même du système colonial. A travers l'exa-
men des principales figures de ce courant, voyons qui étaient
ces assimilationnistes qui, pendant un temps, occupèrent
quasiment seuls le terrain de l'anti-colonialisme.

172
LOUIS HUNKANRIN.
---------------
Dans cette France de l'après-guerre où les idées
nouvelles jaillissent en tous s'ens et où vient de se tenir
le premier Congrès Panafricain, un tirailleur sénégalais,
originaire du Dahomey, donne bien du fil à retordre aux au-
torités coloniales: i l s'agit de Louis Hunkanrin, un homme
qui n'en est pas à son premier coup d'essai sur le plan poli-
tique.
Né à Porto Novo le 25 Novembre 1886, i l travaille d'abord
comme commis dans une maison de commerce allemande, après
avoir fait de brillantes études primaires~1) Insatisfait
de cet emploi, i l passe, en Juin 1904, le concours d'entrée
de l'Ecole Normale d'Instituteurs de l'AOF qui vient d'être
créée à Saint-Louis
(" Sénégal ) ~ Admis dans ce qui allait
devenir le moule formateur de l '
" élite ft africaine, i l est
nommé instituteur après deux ans de scolarité. Affecté dans
son pays natal à Ouidah, i l se distingue rapidement aux yeux
des autorités coloniales en fondant une section de la Ligue
des Droits de l'Homme. Dans le contexte colonial, cette ac-
tion représente un véritable engagement politique contre
(1)
Su~ la vie de Loui~ Hunkan~in vo~~ notamment:
- J. Su~et Canale :~un pionnie~ mleonnu du mouvement dlmoe~a­
tique et national en A6~ique Loui~ Hunkan~in ( 25 Novemb~e
1881-28 Mai 1964
"
). Etude~ 'Va.noml'enne~ Nouvelle lil~ie. N° 3
Vleemb~e 1964 pp. 5-30.
- G.
Land~y-Hazoumej. J. Su~et CanalejAJ. A.6A.:wajUj MF. Oflej
G. Va Silva : Ta V;i:e' 'e't- 'l' !'o'e-uV~-e'de' Lou.<.~' Hu·n·flan~i:n. Coto no u
Lib~ai~ie Rena~J.;;.5'a·nc.e 1911, 251 P.
- R.
Co~nev~nYLou~.6 Hunkan~~n ( 1886-1964 )"in Homme.6 et
Ve.6:tin~
T. 1 Pa~~.6. Aeadlmie de~ S eienee~ d' Out~e-Me~ 1915
pp 302-303.

173
l'Administration. Surveillé de près, i l est révoqué le 1er
Avril 1910 sous prétexte d'indiscipline. Il reprend alors son
activité antérieure et travaille comme agent d'affaires à
la CFAO de Cotonou.
Arrêté pour vol de marchandises, i l est condamné à un an de
prison, peine qu'il purge à Dakar. Libéré en 1913, i l reste
à Dakar tout en entretenant des relations épistolaires avec
ses amis restés au Dahomey.
Collaborateur des journaux Les-Annales Coloniales,
l'Eclai-
reur Africain et la Démocratie du Sénégal, i l poursuit à dis-
tance son combat contre l'Administration coloniale, en écri-
vant des articles sur le gouverneur du Dahomey, M. Noufflard.
En Avril 1914, i l prend fait et cause pour Blaise Diagne et
le soutient dans sa campagne électorale. Puis rentrant au
Dahomey, i l continue à dénoncer les abus commis par les fonc-
tionnaires coloniaux.
En Décembre 1914 craignant pour sa liberté, i l se réfugie à
Djoffin au Nigéria, où i l fonde le 15 Mars 1917 le journal
Le récadaire. Pendant trois mois, celui-ci lui servira de sup-
port pour lancer ses diatribes contre l'Administration colo-
niale~1)
Condamné à plusieurs reprises par contumace, i l est passible
d'un total de cinquante années d'emprisonnement et soixante
quinze ans d'interdiction de séjour
Lorsque la mission Diagne arrive au Dahomey en 1918, i l sort
de la clandestinité gans être inquiété grâce à la protection
(11 ANS 17GA~(~) Le~~ne de Loui~ ffu~ka~ni~ au Mi~i~~ne de~
Colo~ie~ Avnil 1921.

174
du député du Sénégal. Facilitant le recrutement de 120 volon-
taires, i l s'engage lui-même à Dakar le 18 Septembre 1918.
Envoyé sur le front d'Orient, i l est affecté au camp des pri-
sonniers de Mikra à une dizaine de kilomètres de Salonique.
Après la signature de l'armistice, Blaise Diagne le fait
nommer secrétaire d'Etat-Major au Commissariat Général aux
Troupes Noires.
Son amitié d'alors avec le député
du Sénégal lui vaut peut-
être le privilège d'assister au premier Congrès Panafricain
bien qu'étant sous les drapeaux. Quoiqu'il en soit, s ' i l n'y
assiste pas en personne, i l en entend les échos et peut en
lire les comptes-rendus dans la presse.
Sans doute soucieux de parfaire sa culture politique, i l assis-
te à de nombreux meetings.
Eclectique, ouvert sur le mo~~ ou
curieux, i l est en contact avec la Ligue des Droits de l'Hom-
me et le Comité a'Actions franco-Musulman, dont le président
est Edouard Herriot; i l rencontre Maurice Violette, Charles
Lévy, Paul Vaillant Couturier, André Berthon, etc ...
A une date que nous ignorons, i l adhère au Parti Socialiste
et à l'Association Républicaine des Anciens Combattants
( ARAC ) !I)
Alors que Blaise Diagne estime suffisante la mise en dispo-
nibilité avec défense d'exercer des fonctions administratives
infligée au gouverneur Noufflard, Hunkanrin poursuit ses cri-
( 1 ) Le. ComOa.-t:ta.n,t • 3 J a.n vi. e.!l. 1 9'l. ([ c.i.',t ~ .i:n' La.vi.e. 'e.,t',e:' 'o'e.UV!l. e.
de. L O'U-L.& Hunk:a.'n'!l.'-tn op. c..[,t. pp. 1 5' 5-1 51 •

175
tiques. Tentant une dernière fois de " récupérer" ce tirail-
leur indocile, Blaise Diagne lui propose une place d'adminis-
trateur adjoint au chef de la Sûreté du Dahomey~l)
Flairant la manoeuvre qui cherche ~ le faire taire, Hunkanrin
décline l'offre. Blaise Diagne décide alors de le faire démo-
biliser au Dahomey et ordre est donné de l~embarquer vers
l'Afrique.
" Ma,[-ô gltcîc.e à. l' i.nteltvent,[on de quelque-6 am,ü député-ô "! 2)
son départ'est ajourné. Fin Décembre 1919, i l est muté à
Fréjus au 73ème bataillon des tirailleurs sénégalais où i l
sert sous les ordres du commandant Lame, qui, quelques mois
auaparavant avait eu à faire avec un certain .•• Lamine Sen-
ghor ! Prétextant le désir de poursuivre des études supé-
rieures i l cherche à se faire démobiliser en France~3)
" Recommandé" par le CGTN et n'étant pas d'un caractère
à se laisser faire,
i l est plusieurs fois sanctionné et même
dégradé.
En son absence ses affaires sont fouillées et l'on découvre
une
correspondance dans laquelle les officiers sont trai-
tés de " buveurs de sang " et le gouverneur Noufflard de
" tortionnaire" ainsi que deux tracts, l'un intitulé" Qu'est-
ce que le Soviet? " et l'autre" qu'est-ce qu'un anarchiste ? ,,~4)
[ 1 J La vi. e e t ! '0 euv Il. e de L 0 uL~ Hunk.anlt,[ n op. c.'[t. p.
80.
(21
A.N.S. 21G 48 (11)
Lettlte de Loui4 Hunk.anltin à. Mon-ô,[eult
Al'[ô eltt plté4'[dent- de la .6 ec.tio n dak.altoise de la L,[g ue de-ô Vlto,[t-ô
de l'Homme.
3 Janvielt 1933.
(3)
Lettlte du c.olonel Cali.4ti. c.ommandant les C.d!",p-6 de FltéjuJ.J
au M'[ nL~ tlt e de la Gu eltJr. e . 2 8 Jan vieil. 1"'l a, c.-i.t é .{. n La Vi:e et
l'oeuvliede Loui:s Hunk.a.nJr.i.-n op. c.it.pp. 146-141.
(4)
Rappoltt du c.ommandant L~me, c.he6 du 13lme BTS. 2 Févlt,[elt 1920
c.'[té i.n La vi.e et l'oeuvlte de Lou,[.6 Hunk.anlt,[n o~ c.,[t. pp. 148-149.

176
Il n'en faut pas plus aux autorités militaires pour voir en
Hunkanrin un anarchiste et un bolchéviste !
S'opposant fermement à sa libération en France, Blaise Diagne
le décrit ainsi au Ministre de la Guerre
pon~e~ g~o~~~è~e~ a ta moind~e oo~e~vat~on te ~enda~t
~ntoté~abte a ~e~ o66~c~e~~. v~~-a-v~~ de ~e~ cama-
~ade~ de ôu~eaux, it tenait te ~ôte d'apôt~e ana~ch~~­
te, 6a~~ant t'étoge de~ ôoLchév~~te~ ~u~~e~, p~ichant
ta ~évotut~on ~ociale, te te~~o~i~me nat~onat, t'~n-
compat~ô~t~té de ta d~~cipline m~t~ta~~e avec ta d~­
gn~té ~nd~v~duette de t'homme f ••• ).
Abonné a ta ptupa~t de~ 6euitte~ ~évotut~onna~~e~,
~t 6~équenta~t te~ meet~ng~ o~gan~~é~ pa~ cette p~e~­
~e ~péc~ate ,,(1)
La suite, Hunkanrin la raconte dans une lettre adressée au
président de la section dakaroise de la Ligue des Droits de
l'Homme
" Pendant que j'attenda~~ ta ~épon~e a mon ~appo~t
je 6u~ d~~~gé ctande~t~nement ~u~ Vaka~, [ ... ), et
te Géné~at de d~v~~~on ~ou~ p~étexte qu'~t ne pou-
va~t pa~ pa~~e~ out~e aux ~n~t~uct~on~ m~n~~té~~et-
te~, déc~da ma démob~t~~at~on a Cotonou ". Informé
par des camarades travaillant à la Direction des Affaires
(1) Lett~e de Bta~~e V~agne au Mini~t~~ d~ta Gue~~e. 12 Fév~~e~
1920.
C-f.té ~n' La'v:te 'el:: '.e:'oe'tiv·~'e' 'ete' lo·ui.-;.S:'WunffanJt:tn op. c~t. pp.
152-153.

177
Politiques du Gouvernement Général de l'AOF de ce qui se tra-
mait contre lui, i l quitte le Dépôt de~ Isolés de Dakar et
s'embarque à ses frais pour la France sur le Goebben.
Arrivé à Paris, i l fonde
avec Max Clainville BIoncourt,
guadeloupéen avocat à la Cour de Paris, le journal Le Messager
Dahoméen!1)
Entre Novembre 1920 et Février 1922, sept numéros du journal
sont publiés. Malheureusement, aucune collection complète de
ce journal n'a été conservée. Seuls sont disponibles les
numéros 4 et 7. ~e ce fait il est pratiquement impossible de
se faire une idée précise de la ligne politique qu'il expri-
mait. Dans l'éditorial du numéro 4, seul exemplaire conservé
par Hunkanrin lui-même, BIoncourt écrivait ceci
:
k
Nou~ ~ent~on~ déjà que quat~e année~ de gue~~e
ayant en~angianté ie monde ava~ent t~ou6ié toute~ ie~
con~c~ence~. Chaque jou~ nou~ appo~te
davantage ia
ce~t~tude que ia ~t~uctu~e de~ état~ eu~opéen~, com-
me ie~ ~eiat~on~ ~nte~nat~onaie~
ent~e ie~ peupie~,
~ont à ia veiiie de ~u6i~ un ch4ngement ~ad~cai. Et
ce~ ~évoiut~on~ ne ~e p~odu~~ont pa~ ~an~ que i'o~ga­
n~~at~on poi~t~que et économ~que de~ coion~e~ n'en
~ub~~~e ie cont~e-coup "i 2) Reprenant à son compte
des paroles prononcées
la.même année
par Marcus Garvey(3)
(1)
Cont~a~~ement à ce qu'ind~que C. Liauzu op c~t p. 104,
ie jou~nai n'a pa~ été 60ndé pa~ Kojo Tovaiou Houénou.
(2) Le Me:~~a:g-eAV'aAo'm"é:en N°4 15 Ju-<..'liet 1921. C~té ~n' La' vie
J
et i' oetivJi.ede L oti.[~ Hu'n:lZ.a'nA:Ln
op. cit. p., 8Z.
(3) C6 René Thie~~y:" Le~ co ng~è~' PCl..I\\-- nO-t~~': Bui'ie;t.[yt duCom~té
dei'A6Jt~queFJtaytç.ai~e
N°9 Septemo~e 1921 p. 293.

17 f
i l concluait :
" NOU4 ne demandon4 ni a l'Anglete~~e, ni a la F~anee,
ni a l'Italie, ni a la Belg~que : rpou~quoi ête4-vOu4
ici ?' NOU4 leu~ demandon4 tout ~implement de 4'en al-
le~. Ce qui e4t bon pou~ l'nomme Dlane l'e4t pou~ l'hom-
me noi~, a ~avoi~ : la d~moe~atie et la li6e~t~ "!1!
Même si le mot n'est pas prononcé une seule fois, plaidoyer
pour l'indépendance nationale ne saurait être plus clair.
Notons cependant que les propos sont de Max BIoncourt et non
de Louis Hunkanrin. Peut~être pas tout à fait hostile à l'in-
dépendance, ce dernier semble plutôt partisan de l'assimi-
lation, comme le montrera son engagement futur au sein du
mouvement national dahoméen. Partisan d'un" nationalisme
assimilateur"
(2)
qui cherche à
" anni~me~ le4 inté~êt4 du
Vahomey dan4 le ead~e de4 in~titution4 eoloniale4 "J (3)
Hunkanrin est le fondateur du premier journal anti-colonialis-
te africain en France.
D'ailleurs à peine le premier numéro du journal est-il sor-
t i des rotatives que, le 8 Novembre 1920, Hunkanrin est arrê-
té en plein Paris par deux sénégalais de l'entourage de Dia-
gne. Condamné à
6 mois de prison par le tribunal militaire
de Dakar en Novembre 1920, i l est transféré à Cotonou le 12
Mai 1921. Le 1er Novembre de la même année, le tribunal de
(1]
Idem note Note Z page p~é.eédente.
1Z J et (3) S!flvain COOVI Anign.i.'fZin dé,si'gne ai:ns,t' le " nationali4me "
dahoméen n~ dan4 le4 ann~es 30 ( en .-t-e.~- "o"Jr.;{:g:Cnè.:&-ac..( mouvement
national auV'aHom-ei- T9-Cr~1"93g Pa~i's VII Thè.4e de 3ème c.yc.le
1980 p. 411 ). Ve ~etou~ de Son exil rnau~itanien, Hun~an~in 4e~a
pa~tie p~enante de ce eou~ant, eollaoo~ant notamment a la. Voix
du Vahomey.

Cotonou le condamne à trois ans de prison et cinq ans d'in-
terdiction de séjour à Porto-Novo.
Dans ces conditions on voit mal comment i l aurait pu assis-
ter aux sessions du 2ême Congrês Panafricain, qui se sont
tenues à Bruxelles et Paris entre le 31 Août et le 5 Septem-
bre comme l'affirment certains auteurs'. (1)
Compte-tenu de
ses nombreuses relations, sans doute a-t-il été pressenti pour
.
y assister. Cependant i l est peu probable que les autorités
coloniales, qui avaient eu tant de mal à lui mettre la main
au collet, lui aient procuré une possibilité de leur échap-
per en l'autorisant à gagner l'Europe.
Bien qu'étant emprisonné lorsqu'éclatent les incidents de
Porto-Novo en Février 1923, Hunkanrin est accusé d'en être
l'instigateur et i l est condamné à 10 ans d'assignation à
résidence en Mauritanie. (2)
Libéré en Septembre 1933, i l rega9n~. le Dahomey où il colla-
bore aux journaux La Voix du Dahomey et le Courrier du Golfe
du Bénin.
Condamné par le régime de Vichy à 8 ans de réclu-
sion au Soudan, i l sera libéré le 25 Septembre 1947, mais in-
terdit de séjour pendant 10 ans dans toute l'AOF. Suite à une
campagne de soutien menée par le Secours Populaire Français
et un Comité de soutien fondé au Dahomey, cette mesure sera
(1) CÔ l GeL64 op. c.Lt. p. 241 e.:t J. S uJte.:t Ca.na.le -<-n E.:tude..4 Va.-
homéenne~ op c.~.:t p. 20
.
,'t
(2)
Vo~Jt J.A. 8a.lla.Jtd : Le.a -i.n.c.-tde.n.:ts de 1923 a PoJt.:to-Novo
1
la. pol-i..:t-i.que al' ê.poq ue c.olo n-i.'a.le .1 itu"de.;·V·a.·Pi'omê.·e."nn·e.a. No u-
velle. aéJt~e N° 50c..:t. 1965 pp. 69-81.

1
finalement levée. Le 20 Mai 1964, Louis Hunkanrin s'éteindra
après avoir passé la majeure partie de sa vie à lutter contre
le système colonial.
L'intensité et la sincérité de son engagement, la multipli-
cité de ses contacts avec les hommes politique français mais
surtout sa lutte sans rel~che contre le système colonial, ont
fait de Louis Hunkanrin un symbole de la lutte anti-coloniale.
Bien qu'emprisonné puis déporté à des milliers de kilomètres
de la France, i l ne sera jamais oublié par ses camarades de
combat. En Décembre 1921, sous le titre t1Védié à. M. Via.gne.
Un déni de j u-&tic.e - le..s -& uite..s d'un tlt..i.pa.touilla.g e ",
l'Action Coloniale annonçaIt:.
sa condamnation à 3 ans de pri-
son. (1)
Dans le premier numéro du Paria en Avril 1922, BIoncourt
lui consacra un article qui se terminait par ces paroles élo-
gieuses
:
" Avec. Louzor.,
El Ka.6i, ffunk.a.nlt..i.n, va.inc.u de l'â.plte
ba.ta.ille c.olon..i.a.le doit demeultelt POUIt nou~ un viva.nt exemple
d'éneltgie ". (2) Plus tard lors du procès Diagne / Les Conti-
nents, Jean F~n geat évoquera Il le ma.lheulteux Hunka.nltù1.,
( ..• )
a.ujoultd'hui dépoltté en Ma.ult..i.ta.nie ".(3)
La Ligue des Droits de l'Homme, dont i l avait été l'un des
précurseurs au Dahomey, ne cessera d'intercéder en sa faveur
pour mettre fin à sa déportation en Mauritanie. (4)
(7)
L'Ac..t"<'on Colonia.le 25 Véc.emblte 1921.
(2) LePlilt..i.a. 1elt Avltil 1922.
(3) Le~Con.t..înent~ 15 Novemolte - 1elt Véc.emolte 1924.
(4) ANS 0M A66a..ilte..s Po l..i.t..Lq ue-&' Ca.Jt.to n 5-3 (J. Le:ttlt e du plté,s i. den.t de
la. Ligue de~ Vltoit~de l'Homme a.u M..[n..[,s:tlte de-& Colon..i.e-&. 18 Fév. 1928.
ANS 21 G 48 (11). Lettlte de M. Alioelt:t plté~ident de la. -&ec.:tion
da.ka.ltoi~e de la Ligue de-& Vltoit~ de l'Homme à. Loui-s Hunflanltin
( alolt~ en Ma.ultita.nie ). 8 Véc.emolte 1932.

181
Enfin ce sera grâce à une campagne d'opinion menée en France
et au Dahomey qu'il pourra regagner librement son pays après
trois années de déportation au Soudan
( Mali ).
Louis Hunkanrin fut un des premiers, si ce n'est le premier
africain, à mener le combat anticolonial sur le terrain poli-
tique. Ce point mérite d'autant plus d'être souligné, du
fait qu'étant sujet français, i l ne bénéficiait pas du régi-
me de faveur dont jouissaient les citoyens des quatre communes.
Présent en France à une époque où le PCF n'existait pas en-
core, i l cotoyat
aussi bien des socialistes comme Maurice
Violette, que des hommes qui allaient devenir communistes
comme Paul Vaillant Couturier ou Max Bloncourt.
Membre de la Ligue des Droits de l'Homme, i l fut
sans doute plus proche de la SFIO que de ce qui allait de-
venir le PCF.
" Compagnon de route fi des communistes, i l ne
fut pas un révolutionnaire mais bien le » pionnie4 du mou-
vement dlmoc4atique et national en A64ique » que Jean Suret-
Canale a eu le mérite de tirer de l'oubli.

182
2. EUGENE HONORIEN ET LE REVEIL COLONIAL.
-------------------------------------
Conune Louis Hunkanrin, Eugène Honorien dit l' Straight "
est également un pionnier. Né à Saint Pierre de la Martini-
que le 30 Juillet 1889, i l est professeur d'anglais.
Très certainement vétéran de la première guerre mondiale,
i l a été le trésorier-adjoint de la " Sociltl d'Etude4 et de
Vocum~ntation , de P~opagande et de Communication de l'appo~t
de4 Noi~4 dan.o le con61it eu~oplen de 1914-1918 ",associa-
tion qui semble avoir vu le jour aux Antilles. En Octobre
1920, Honorien part pour la France. Habitant rue des Ecoles,
i l donne des leçons d'anglais â ses compatriotes pour arron-
dir ses fins de mois. A cOté de ses occupations profession-
nelles, i l est le gérant du Carnet Rouge,
journal satirique
mensuel qui cessera de paraître fin 1920.
Membre de la Ligue des Droits de l'Homme et du Parti Socla-
liste, i l rejoint le PCF après le congrès de Tours. Adhérent
de l'Union Intercoloniale, où i l représente la Guyanne, i l
lance en Mars 1921 le Réveil Colonial,
" o~gane C:ent~al de4
dollance4 et de4 ~evendication4 de4 coloniaux de toute4 le4
colonie4 ".(1)
Dans ce premier numéro une " déclaration " définit ainsi le
journal
" Il n'e4t l'o~gane d'aucun mouvement politique, le po~­
te-pa~ole d'aucune 6i~me, l'avocat d'aucun t~U4t ou con-
4o~tium. Ceci dit pou~ ma~que~ not~e p04ition, nOU4
(1) ANSOM SLOTFOM III Ca~ton 3. Fiche de police 4U~ E. Hono~ien
22 Av~il 1922.

18:J
ajouton~ que n'ayant d'aut~e ~mo~t~on que ~elle de
dl6end~e le~ d~oit~ &ouvent ml~onnus, le~ intl~lt~
en~o~e plu~ &ouvent &a~~~6ils de~ ~la~~e~ p~ollta-
~ienne& de no~ ~olonie~, il nou~ ~mpo~te~a peu Que
no~ app~l~iation~
plai~ent ou dlpla~~ent.
Le 'Rlveil
Colonial' e~t dl~~dl a po~te~ un 6e~ ~ouge pa~tout
où la nl~e~~itl d'une thl~apeutique lne~g~Que ~e ~e~a
6ait ~enti~ et ~e 6ait 6o~t de dlma~Que~ le vila~n
~ou~ Quelque lat~tude qu'il le ~en~ont~e ". (1)
Outre cette" déclaration ", l'éditorial est consacré â
" l'enseignement aux colonies n et la rubrique" Informations"
publie un texte de la Ligue des Droits de l'Homme intitulé
" pour la naturalisation des indigènes "
Dans ce texte sous forme de lettre ouverte au gouvernement,
on insiste notamment sur le fait que 545 000 " indigènes "
ont combattu pour la France durant la guerre et qu'en 1919
seules 22 naturalisations ont été accordées.
Bien qu'un seul numéro du Réveil Colonial soit conservé dans
les archives; c'est en Décembre 1921 que le journal cesse de
paraître suite â une campagne des communistes qui lui repro-
chent son ton trop modéré. (2)
Enthousiasmé par la révolution russe ou attiré par le dis-
cours radical des communistes sur la question coloniale,
(1 J te RlveilColonial 1è.~e annle N°1,
1 e~ Ma~~ 19'2.1.
('2.J
ANSOM SLOTFOM III Ca~ton 3. Fi~he de poli~e ~u~ E. Hono~~en
'l. 'l. Av~il 19'2. 'l..

18~
Eugène Honorien fait partie de ces Hommes qui ont rejoint
le PCF au congrès de Tours sans pour autant être des commu-
nistes convaincus. Membre de la Ligue des Droits, de l ' Homme
et peut-être franc-maçon,
i l est à rapprocher de C.A. Julien
ou d'un Charles Lusy. Fondateur d'un journal qui se veut
" l'organe d'aucun parti ", les grands axes de son combat
sont la défense" des droits méconnus ", le développement de
" l'enseignement aux colonies" et " la naturalisation des
indigènes ".
Dans ce contexte, la référence aux W classes
prolétarien-
nes de nos colonies 11
(
sic !
)
ressemble fort à une concession
obligée à ceux qui sont censés être ses camarades de parti.
Cependant, l'emploi du pluriel en dit long sur sa connaissan-
ca du marxisme. Honorien ne combat pas l'impérialisme, i l
cherche simplement" à démasquer le vilain ". En fait ce qui
perce à travers le discours de ce démocrate égaré au parti
communiste c'est la volonté assimilationniste et rien de
plus. Cette même volonté nous la retrouverons chez les fon-
dateurs de la Ligue Française pour l'Accession des Indigènes
de Madagascar aux droits de Citoyens ( LFAIMDC ), qui eux aus-
si, est-ce un hasard, sont en relation avec la Ligue des
Droits de l'Homme et les Francs-Maçons.

185
3. LAL.F.A.I.M.D.C. ET LE JOURNAL LE LIBERE.
-------------------------------------------
Dès la fin de la guerre, le mot d'ordre en vogue
chez les colonisés
présents en métropole est " organisez-
vous
!
" Après les Indochinois, déjà organisés avant-guerre,
les Malgaches sont les premiers à répondre à l'appel. En
Janvier 1920, ils fondent la LFAIMDC sous l'impulsion de
Samuel Stefany, Jean Ra1aimongo et le guade10upéen Max B1on-
court. (1)
Né à Bétafé le 12 Janvier 1890, Stefany est arrivé en France
en 1915 puis i l a été envoyé sur le front d'Orient.
Grièvement blessé pendant les hostilités, i l est réformé
numéro 1. Après l'armistice, i l se fixe à Paris où i l vit en
donnant des leçons à domicile et enseignant le malgache à
l'Ecole des Langues Orientales. Parallèlement, cet ancien
instituteur poursuit des études de droit. Membre de la Ligue
des Droits de l'Homme, de la SFIO et de l'Amicale Jules Fe~ry,
i l est également franc-maçon. (2)
(1) Su~ la LFAIMVC vo~~ F~an~~~ Koe~ne~ : " l'a~~e~~~on de~ Mal-
ga~he~ a la ~~toyennet~ 6~ança~~e~ Revut H~~to~~que ]u~llet
et Septemô~e 1969, pp. 77-98.
(2) ANSOM SLOTFOM III Ca~ton 3. F~~he de pol~~e ~u~ Samuel
Ste6any. 21 Av~~l 1922 et ô~og4aph~e ~~d~g~e pa~ Rand~ianja
Solo6o ~n Le Pa~t~ Commun~~te
( ~e~tion 6~an~a~~e de l'Inte~­
nat~onale Commun~~te ) de la ~~gion de Madaga~~a~ ( 1936-1939
Th~~e de III~me ~y~le. Pa~~& VII 1983. T.II pp. 75-80.

186
Son compatriote Jean Ralaimongo est né le 4 Octobre 1884 à
Antoebe.
Instituteur, i l s'engage comme domestique dans une
famille française pour venir en France en 1910.
Pendant ce séjour, oü i l poursuit ses études en prenant
des cours du soir, i l fait la connaissance de Charles Gide,
" le père du coopératisme ".
En 1912 i l retourne à Madagascar oü i l travaille comme clerc
d'avocat. Quand la guerre éclate, i l s'engage" par amour
pour la France "(1)
et revient en Europe. A la fin du conflit,
i l tente par six fois de se faire démobiliser en France,
mais toutes ses demandes sont rejetées.
Finalement, grâce à l'intervention de Georges Lévy, membre
de la Ligue des Droits de l'Homme et franc-maçon,
i l parvient
à obtenir satisfaction.
Quant à Max Bloncourt, nous avons déjà fait sa con-
naissance en dressant le portrait de Louis Hunkanrin. Né à
Pointe-à-Pitre le 15 Avril 1887, cet avocat du barreau de
Paris est membre de la Ligue des Droits de l'Homme et de
la SFIO(~)
Soutenus par la Ligue des Droits de l'Homme, les Malgaches
réclament la citoyenneté française, estimant que leur rôle
n'a pas été moins important que celui des originaires des
quatre communes.
--------------------
(1) Rand~lanja o~ Ql~ pp. 51-56.
(2) ANSOM SLOTFOMM III Ca~zon 3. F~Qne de po~lQe ~u~ Max B~on­
QOU~Z 21 Av~l~ 1922.

187
Dès Mai 1919, ils se sont organisés de manière informelle. (1)
Le mouvement est surtout animé par des cadres subalternes de
l'administration coloniale, à l'îmage de Stefany et Ralaimongo,
tous deux anciens instituteurs.
En Janvier 1920, sous le patrona~e d'Anatole France, Charles
Gide, Fernand Goutteno.ire de Toury, Ferdinand Buisson, Paul
Vaillant Couturier, Henry Levy, Lucien Barquisseau, etc ...
la Ligue est officiellement créée. Malgré sa popularité,
la Ligue qui compte rapidement près de 200 membres, a du
mal à s'organiser. Ce n'est que le 21 Décembre 1920, soit
presque un an après sa création, qu'elle tient sa première
réunion publique.
Certes soutenue par la Ligue des Droits de l'Homme, la
LFAIMDC maoqve
d'un petit quelque chose pour faire entendre
sa voix. Cette lacune est comblée ~ partir du printemps 1921
quand l'Action Coloniale ouvre ses colonnes à ceux" qui
aiment v~aiment leu~~ 6~è~e~, a66~eu~ement opp~imé~ et qu~
veulent ~incè~ement lramélio~ation de leu~ ~o~t ". (2)
Le 25 Avril
sous le titre U Erreur grossière ", Jean Ralaimon-
go récuse les accusations en tous genres portées contre la Li-
gue et exprime ce qui est sa véritable ligne politique. (3)
(1) f. Koe~ne~ o~ cit.p. 85.
( 2)
Lr Action Colo nJ..ale 10 Ma~~ 1q21 •
(3)
L'Action Coloniale
25 Av~J..l 1921.

188
Le numéro suivant est entièrement consacré Il A la vérité sur
la question malgache ,,~l)
Parmi les signataires d'articles, on note bien entendu des
membres de la LFAIMDC, comme Max BIoncourt ou Jean Ralaimon-
go, mais aussi des gens comme Paul Vaillant Couturier ou
Nguyen Ai Quoc. Cette offensive de la Ligue entraîne une réac-
tion des milieux coloniaux " ultras Il
Le journal France-Maurice publie un article sur la Ligue
sous la rubrique " Indigènes dangereux 1'! Le 10 Jui llet ,
Stefany lui répond sous le même titre dans l'Action Coloniale.
Il nie que la LFAIMDC soit affiliée à l'Internationale Cornrnu-
niste et
proclame :
" Ce.6 él èm ent.6 Ma.lg a.c.n e& qu-<: pa.Jta.-<:.6.6 e. nt .6Â.. .6 U.6 Pe c.t.6
a.ux yeux de c.eux qui .6'éJtigent ma.la.dJtoÂ..tement en a.dveJt-
.6a.Â..Jte.6, ne c.heJtc.hent qua.nt a pJté.6ent qu'a 6a.Â..Jte déc.la.Jt4Jt
d'une 6a.~on .6olennelle a.u , mÂ..lÂ..eu de l'Oc.éa.n Indien, la.
ba..6e mime de la. véJtÂ..ta.ble c.onstÂ..tutÂ..on 6Jta.n~a.Â...6e
le.6 dJtoÂ..t.6 de l'homme'et du c.Â..toyen ". (2)
Les accusations de communisme portées contre la Ligue, tien-
nent plus à la personnalité de certains de ses membres ou sym-
pathisants qu'à son programme. Dans ce sens, Paul Vaillant
Couturier ou encore Max BIoncourt et Stefany,
qui ont rejoint
le PCF après Tours, représentent des cibles de choix.
Cependant la collaboration entre la Ligue et les communistes
sera de courte durée.
--------------------
(1) L"Ac.tÂ..'on' Colo)a-a.l"e la Ma.i 1<[21.
(2)
L' Ac.ti.onc-O.e:onZa.t.e 1 a JUÂ..llet 19?1.

189
Parti à Madagascar en 1921, Jean Ralaimongo refuse d'adhérer
au PCF à son retour en France. De son côté Stefany, franc-
maçon et membre de la Ligue des Droits de l'Homme, quitte le
parti en 1923 pour rejoindre la SFIO.
La fusion entre la LFAIMDC et l'Association des Patriotes
Annami tes qui avait donné naiss'ance à l'Union Intercoloniale
devait se révéler à l'expérience comme un mariage contre-
nature. Le départ de Stefany de l'UIC allait d'ailleurs entraf-
ner la désaffection d~ l'élèment malgache provoquant le premier
affaiblissement de l'organisation anticolonialiste.
Avant de rentrer définitivement à Madagascar Jean Ralaimongo
fonde à Paris Le Libéré
( de toute influence communiste?) .
Le premier numéro du journal sort en Avril 1923. Parmi ses
collaborateurs on note René Maran, Fernand G~uttenoire de
Toury et Charles Gide. Le Libéré comme jadis Le Réveil Colo-
nial affirme qu'il n'est attelé ~ derrière le char d'aucun
parti politique ou religieux ". (1)
Il dénonce "les méfaits de l'indigènat ",
le poids de l'impôt,
l'inégalité entre fonctionnaires" indigènes" et fonctionnai-
res français. Charles Gide y prône Il la libération par la coo-
pération Il
(2)
Revendiquant le droit d'association économi-
que pour les" indigènes ",
" plU6
6acile a obteni~ que la
natu~ali6ation et plU6 e66icace p'oa.~ le but que vOU6 vi6ez ",
i l présente aux Malgaches les sociétés de secours mutuelles,
(1 ) Le LibéJté
15 Novemb~e 1923.
( 2 J Le 'Li'b'é~é
1 5 Nov embJl,e.
1 923 •

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l.~' \\. \\' 'L-;"l ~~j~ I!UClml(.~-lli~il" d:1 l'II" jui"

191
les associations professionnelles
( syndicats ), les coopé-
ratives agricoles et les coopératives de consommateurs.
~ Chaeune di ee~ 6o~me~ d'a4~oelation~, dit-il, eontient
en elle-mime une pui~4anee de lial~atidn, d'lmaneipa-
tion. L'individu qui en 6ait pa~tie volt ~e~ 6o~ee~ et
~e~ ~e~4ou~ee~ multiplile~ pa~ eelle~ de tou~ ~e~ ea-
peut ~omp~e. "
Si l'idée d'une" libération par la coopération "qui exclut
l'organisation de type politique, nous semble une pure uto-
pie, celle-ci a d'intéressant qu'elle jette les bases de la
constitution d'une société civile, seule vraie garantie d'un
régime démocratique.
Malgré le soutien de la Ligue des Droits de l'Homme,
" la
g~ande o~gani~ation de plu~ de eent mille 6~ançai~ g~oupl~
eont~e toute~ le~ inju~tiee4 ~ Il). Le Libéré aura du mal à sur-
vivre. Lancé en Avril 1923, i l lui faudra attendre huit mois
avant d'être en mesure de publier un second numéro. Théori-
quernent bi-mensuel, i l ne sortira son troisième numéro qu'en
Janvier 1924 puis son quatrième et dernier numéro en Janvier
1925.
Dans celui-ci, Fernand Gouttenoire annonçait la fusion du
Libéré et des Continents afin de " eollabo~e~ aux glnl~eux
e66o~t~ d'en~emble de~ eontinent4 et eontinue~ dan~ le~ eolon-
ne~ de ee jou~nal, qui nou4 avaient ltl 4i 6~ate~nellement ou-
ve~te4, le4 eampagne4 ent~ep~i4e4 ..• ". (2)
11 ) Le Li:blJil
15 Novem6~e 1923.
(2) Le Libl~l
Janvie~ 1925.

192
Cependant, du fait de la disparition des Continents, le
projet restera sans suite.
Le programme de la LFAIMDC et du' Libéré,c'était, comme ai-
mait le dire Fernand GGutteno,ire, ft le& d~oit~ de l'homme et,
autant que po~~iole, et au~~itôt que po&~iole, da
citoyen,
pou~ le~ indigène~ de~ colonie~ ", c'est à dire la suppres-
sion du code de l'indigénat, le droit à la naturalisation
pour ceux qui remplissaient les conditions indispensables,
n
la ~ep~l~entation de~ indigène~ dan~ le~ a~~emolle~ exi~­
tante~, dan~ le~ a~~emolle~ a p~lvoi~, et un jou~, même au
pa~lement n, la liberté absolue de la presse, etc ... (1)
A côté de ce courant qui se réclame essentiellement
de l'idéal républicain issu de 1789, émerge bientôt une ten-
dance qui envisage 'l'assimilation non plus dans le cadre étroit
du système colonial français, mais dans un cadre panafricain
englobant à la fois les Caraibes et l'Afrique Noire.
(1)
Le Libl~l
Janvie~ 1925.

193
c'est durant l'été 1921 qu'a lieu en Europe le deu-
xième Congrès Panafricain. Organîsé conjointement par WEB
du Bois, Blaise Diagne et Gratien Candace, i l se déroule en
trois sessions tenues successivement à Londres, Bruxelles et
paris.
A Londres, au Central Hall de Westminster, ce sont 113 délé-
gués, venus pour la plupart du monde anglophone, qui se réu-
nissent du 27 au 29 AoUt. (1)
Contrairement à ce qui s'était passé à Paris en 1919, les
sujets britanniques
de l'Afrique et des Antilles ont pu se
rendre au congrès. Par contre les francophones sont peu, voi-
re pas représentés. En l'absence de Blaise Diagne, c'est un
médecin antillais pratiquant à Londres, le Dr Alcindor, qui
ouvre les débats. Fort modéré, son discours inaugural res-
semble à celui prononcé par le député du Sénégal en Février
1919. Insistant sur le fait que les gouvernements ne sont
pas les ennemis des races africaines, (2)il affirme que le but
du congrès est de promouvoir une compréhension mutuelle des
problèmes africains et d'avancer quelques revendications. (3)
Après deux journées de discussion, la session londonienne
s'achève sur une" Déclaration au Monde" également connue
III J. Ayode.le. La.ngle.y op. c.i.t.p. 11 . .
(2J
J. Ayode.le. La.ngle.y 00 c.i.t. ~p. 13-14.
(3l
1. Ge.i..~ ~
op. c.i..t. p. 241.

194
sous le nom de " Manifeste de Londres ". Probablement rédigé
par WEB du Bois, le préambule de ce texte est un plaidoyer
pour l'égalité des races qui dénonce la théorie des races
" supérieures Il et des races Il inférieures ". Proclamant que
les différences existantes sont autant de preuves de la va-
riété de la race humaine, le tèxte les présente comme une
source d'enrichissement plutôt que comme les témoins d'une
échelle de valeurs.
A ce texte généreux mais très général, s'ajoute une déclara-
tion en huit points qui énumère des' revendications précises.
La plus intéressante d'entre elles est sans doute la seconde
qui revendique des self-government pour les Il groupes arrié-
rés ". (1)
Ayant dans un premier temps des compétences limitées
( local self-government ), ces institutions sont perçues com-
me devant
servir d'école d'apprentissage de l'exercice du
pouvoir avant la mise sur pied de gouvernements de plein exer-
cice
( complete self-government ).
Si cette prise de position marque une avancée par rapport
au Congrès de 1919, vue dans une perspective plus longue,
elle représente un retour à la case départ. En effet, dès
1900, cette revendication avait été mise en avant par la Con-
férence Panafricaine de Londres. (2)
Quelques jours plus tard, le Congrès se transporte à Bruxelles
pour y tenir sa deuxième session
( 31 Août-3 Septembre 1921 ).
Contrairement à la première session, les délégués et bien sûr
(Tl
En a.ngla.i:<S' " ba.c.kwa..Jtd gJtou.p ".
~
.
.
(2)
Co·:Le. pa.na.6Jt1:c.a.n-üme.:·'ff'CAF MO 8 Aoû.t 1900 pp. 283-284.

195
l'assistance sont en majorité francophone. Blaise Diagne pré-
sideles débats assisté de du Bois et de quelques autres per-
sonnalités. D'emblée Blaise Diagne adopte un ton très offen-
sif en déclarant que le Congrès est réuni pour s'occuper du
problème de l'égalité des droits et non du communisme! (1)
Il faut dire qu'avant le Congrês, la presse coloniale belge
et française
a
largement semé le doute dans les esprits
en faisant l'amalgame entre garveyisme, communisme et pana-
fricanisme.
Ainsi Pierre Daye, secrétaire particulier du 1er ministre bel-
ge, M. Carton,
a-t-il déclaré que le mouvement pan-nègre
était" utopiste et inquiétant ~. (2)
Derrière lui, i l voit
la main de .•. Berlin, dépossédé de
tout territoire colonial et évidemment celle de Moscou. (3)
En France, sous le titre 11 Illuminés et déracinés ", la Dépê-
che Coloniale
a
publié une série de trois articles dont
les intitulés ne cach~nt
pas leur hostilité au panafrica-
nisme. Le premier demande.,.
inquiet 11 y' aurai t - i l un péril
noir? "(4)
alors que le second sembl(...
un peu moins redou-
ter" le soi-disant panafricanisme 11(5)
(1) J. Ayodele Langley op. e~t. p. 18.
(2)
Le Flambeau N° 1 Ju~llet-Aoat 1921 pp. 360-315.
!31 Van~ le mime 4~t~ele ~l dlela~L
»l'Allemagne, qu~ n'a
plu~ un pouee de te~~ito~~e eolonial, va ehe~ehe~, ~v~demment
a e~~e~ aux alli~~ de~ di66ieult~~ dan~ leu~~ po~~e~~ion~
d'Out~e-Me~. Elle ~eneont~e~a pou~ eela l'aide de~ 801ehlv~l~ »
(4) La; VlpieAe -Cot:O-ni'a.le 23 Juin 19 Z1 •
(51
LaVlpi-dte-Cot.'o'n:iale 1 e~ Jui.llet 19Z1.

19l
Quant au troisième i l reprodui~
" l'op~n~on de deux m~n~~-
tJte~ ou le la.nga.ge de la. Jta..[.6on ,,(7), propos de MM .. Albert
Sarraut et Louis Franck, respectivement Ministre des Colonies
d~ France et de Belgique.
L'objectif principal de cette campagne
es~
de clarifier
une situation trouble, et cela n'aurait rien de surprenant
qu'elle ait été inspirée par les pouvoirs publics. Car comme
le déclar~ra le Directeur des Affaires Politiques, quelques
années plus tard,
la. pJtopa.ga.nde contJte le~ pui.6.6a.nce~ v~ctoJt~eu~e~ qu~
~'e~t développée hoJt~ d'EuJtope a.pJtè~ la. conclu~~on de
la. pa.ix a. pJté.6enté da.n.6 le~ pJtem~eJt~ temp~ pOUJt le~
~n60Jtma.teuJt~
un ca.Jt«ctèJte d'~nceJttitude, qua.nt a ~on
oJt~g~ne exa.cte : il éta.it ma.la.i.6é de di~ceJtneJt da.n~
le~ indiv~dua.lité.6
douteU.6e.6 dont on ~igna.la.~t le~
a.g~~.6ement~ ~'il .6'a.gi~.6a.~t d'a.gent~ a.llema.nd~ ou bol-
chév~~~; on a.peJtceva.it ma.l, en outJte, ju~qu'a quel
point il convena.it de con.6idéJteJt comme ~ponta.née~ le~
Jtevendica.tion~
d'oJtdJte na.tiona.li~te qu~ .6e ma.n~6e~-
ta.ient et que le pJt~ncipe wil~on~en du dJto~t de~ peu-
ple~ a di.6 po~ eJt d'eux-même~
pouva.it in~piJteJt
Il [ 2 )
.
Avec une telle campagne on obligeait WEB du Bois à se situer
clairement par rapport à Marcus Garvey, les uns et les autres
( 1)
La.Vêpêdle <C'oLon.,fa.le 5 Juillet 1921,
(2)
ANSOM SLOTFOM III Ca.Jtton. 91. N'ote. du Vi:Jte.cteuJt de~ Afi a.iJte~
Politiqu.e..6 pouJt le. Mini~tJte. de.s Colon.tes, II VécembJte. 19..24.

19i
vis-à-vis des communistes, et Blaise Diagne par rapport à
tous ces panafricanistes. Car dans les allées du pouvoir,
certains s'interrogeaient sur l'attitude exacte du député du
Sénégal. On n'avait pas oublié que lors de la campagne élec-
torale de 1919, ses affiches proclamaient haut et fort
" Ve.ma.,[n ve.JtJta. la. vi..c.toi..lte. déc.~~ive. du pltoléta.It,[a.t a.élt,[c.a.,[n
-6ult le.-6
éoltc.e..6 de. la. Itéa.c.t,[on !
" ou encore " POUIt un Séné-
ga.l l,[blte. a tOU.6 ! ,,(1)
La
"campagne" de clarification fit mouche. Le 2 Septembre
lorsque le moment vient de discuter le II Manifeste de Londres "
Blaise Diagne explose littéralement. Pour lui ce texte est
ni plus ni moins
une manoeuvre de WEB du Bois visant à met-
tre les délégués francophones devant le fait accompli.
Il déclare que cette résolution encourage le " radicalisme "
et le " séparatisme " et en conclue que les noirs américains
(2 )
sont " a.ru.mé-6
de. -6 e.nt,[me.nt-6
plutôt da.ng e.lte.ux ".
Usant et abusant de ses fonctions de président de séance,il
refuse que le manifeste soit soumis au vote à cause de ses
" théories communistes" ajoutant que la race noire n'appar-
tient à aucun parti~(3)
Pour achever de convaincre les délégués hésitants, i l affirme
que le vote d'une telle déclaration ne ferait que confirmer
les suspicions de la presse quant aux liens éventuels avec
(1)
Aéé,[c.he. Ite.pltoduite. in G~ John.6on. The.e.me.ltge.nc.e. d(.bla.c.~
p 0 lLti.:c.~·.t~ ge.-n~gal • Sta.n 0 ft d Uni.v elt,4 i t q Pit e..6 .6 1 1911 p. 2 60 •
(2)
J. Ayode.le. La.ngle.y o~ c.it.p. 19.
( 3)
r ôi..d.

198
avec les bolchéviks. (1)
La discussion se poursuivit â Paris les 4 et 5 Septembre à
la salle des ingénieurs civils. A cette réunion assistaient
en outre Félicien Challaye,
Isaac Béton, le Dr Sajous,
" de!.l
jeune!.l un~ve~~~ta~~e!.l et de~ eomoattant!.l a~oo~ant de!.l déeo-
~at~on!.l qu~ en d~~a~ent long ~u~ la qual~té de leu~ ~e~v~ee
dan!.l l'a~mée ". (2)
pour tout dire la session de Paris fut une pâle n remake Il de
la session de Londres. Un manifeste et une résolution en
huit points furent votés qui n'étaient qu'une version édul-
corée du n Manifeste de Londres 11.
Ainsi la revendication de self-government avait-elle dis-
paru au profit de n la e~éat~on d'ln8tltut~on!.l loeale!.l dan!.l
le~ pay~ hab~té8 pa~ de~ eolleet~vlté8
a~~lé~ée8 et adaptée!.l
p~og~e~!.l~vement au développement de8 mll~eux ~nd~gène!.l ,,(3)
Proclamant" l'égalité absolue des races ", le ma-
nifeste de Paris s'intéressait surtout au sort des n élites
noires ". On dénonçait le fait que dans certains pays on
traitait Il les noirs civilisés comme des parias ni
la France
était décrite comme la 11 patrie de l'égalité et de la fra-
ternité des races" et par opposition on réclamait l'égalité
des droits aux Etats-Unis!
(1)
l
Ge~~!.l op. ei..t. pp. 245-246.
(2)
Lam~ne GuèyeLtlnéka~·~·e-aJ~;teà.:tn 1 Pa~~!.ll P~é~ enee A6~leal­
ne, 1966 p. 52-
(3) G~at~en Ca.ndaee op. e~t.

199
La politique économique coloniale préconisée devait assurer
à la métropole " un puissant trafic commercial l1l es colonies
fournissant les matières premières et la France les produits
manufacturés; enfin, le texte réaffirmait que 11 jama~~
en
au~un temp~ et en au~un l~eu, la F~an~e n'a p~at~qué une po-
l~t~que d'a~~e~v~~~ement ou de ~e6oulement ". (1)
Après deux congrès, le mouvement panafricain n'avait pas pro-
gressé d'un pouce et avait même régressé par rapport aux re-
vendications émises en 1900 à Londres.
Ce piétinement, cette régression n'a rien de surprenant si
l'on considère que par deux fois,
les congrès panafricains
avaient été dévoyés de leur but. Une première fois en 1919,
ce qui devait être l'expression de la volonté des peuples
nègres à la Conférence de la Paix s'était transformé en machi-
ne de guerre contre les Etats-Unis. La seconde fois en 1921,
on avait préféré dénoncer le garveyisme et le communisme plu-
tôt que de se pencher sur la situation des nègres dans le mon-
de.
Par deux fois le rOle des députés nègres au Parlement fran-
çais
( Blaise Diagne et Gratien Candace ) avait été déter-
minant dans le détournement des congrès de leurs véritables
objectifs. Les autorités françaises avaient d'ailleurs du
mal à cacher leur satisfaction. Un temps inquiété par les ten-
dances " germano-bolchéviste " de la NAACP,
le chargé d'affai-
res français à Bruxelles notait que l'intérêt de la France
tJ' G~ati.en CQ.nda~e op.~i.t.

20(
é t a i t " d'eYLc.ouJtageJt d-i.6c.Jtète.ment le.6 e66oJtt.6 tenté.6 pail. M.
V-iagne pouJt end-igueJt le mouvement nègJte, e.t ne pa.6 le la~.6.6eJt
.6oJtt~Jt de.6 ooJtne.6 d'une lé.g.it.ime te.ndan.c.e à. l'amél.ioJtat-ion
-intellec.tuelle et moJtale de la Jtac.e no.iJte " rIJ
Le Ministre des Colonies jubilait en annonçant au président
du Conseil que les Congrès de Londres, Bruxelles et Paris a-
vaient Il appelé notre oeuvre coloniale l'un
'a splendid begi-
ning' et l'autre
'un début éclatant'
". (2)
Pour sa part Blaise Diagne déclara au Quotidien La Nation
Belge:
" le c.ongJtè.6 éta~t et 6ut autJte c.ho4e qu'une ~nteJt­
nat-ionale mO.6c.ov-ite no~Jte. PouJt le.6 homme.6 qu~ .6'y .6ont Jten-
c.ontJté..6, ~l y ava-it m~eux à. 6a~Jte que de c.aJte.6.6eJt de.6 utop-ie.6
dange~eU4e.6, mo~n.6 paJtc.e qu'elle.6 Jt-i.6quent de tJtoubleJt la
pa-ix mond~ale que paJtc.e qu'elle.6 ne peuvent .6eJtv-iJt en Jt-ien
le.6 ~ntéJtêt.6 vJta~.6 de la Jtac.e no~Jte dont le.6 élèment.6 appaJt-
t-iennent au 4uJtplu.6 a de.6 c.adJte4 nat~onaux paJt6a-itement dé.6i-
ni.6 et peu 4u.6c.ept~ole4 d'une 6u4~on Jtévolutionna~Jte ou non" 13J
4.2. Vie et mort de l'Association Panafricaine.
------------------------------------------
La seule décision concrète du Congrès fut la créa-
tion d'une Association Panafricaine. Déjà en 1900, à Londres,
une telle décision avait été prise mais elle était restée
sans suite. Cette fois-ci le projet se concrétisa très rapi-
I1J
AJtc.h. Vipl. 4éJtie l
(A6Jtique. 19I8-194ŒJ dO.6.6ieJt N° ?7, lettJte
du c.haJtg~ d'a66a.iJte.6
de FJtanc.e. à. BJtuxe.lle.~ au Mini.6tJte de4 A66.
EtJtdngèJte.4, 24 Se.ptemoJte 1921.
(2l
ANSOM SLOTFOM III Ca~ton 86. LettJte du M.in~.6tJte de.6 Colonie.6
au pJté4.ident du Con4e.il, 10 NovemfrJte. Ig2I.
{3 J La Mat.io n Be.lg e.
24 S eptemoJte 1921.

201
dement, et paradoxalement les francophones se virent confier les
postes clês. La prêsidence de l'Association êchut â G. Can-
dace et le secrêtariat gênêral â Isaac-Bêton, un Martiniquais
enseignant dans un lycêe de Paris.
Les statuts de l'organisation stipulaient que
"l'A~~ocia-
tion Pana6~icaine a pou~ out d'étudie~ et de mett~e en oeuv~e
tout ce qui peut cont~ioue~ à l'amélio~ation du ~o~t de la
~ace noi~e ~u~ tou~ le~ points du globe'?
Au plan politique elle préconisait d'
• atti~e~ l'attention
de~ pouvoi~~ puolic~ de~ di66é~ents Etat~ cha~gé~ de~ de~ti­
née~ de la ~ace noi~e, su~ la nécessité d'ent~eteni~ avec el-
le de~ ~elation~ amicales, de lui ~econnaZt~e et acco~de~
le~ mlme~ d~oits qu'à leu~~ aut~es ~esso~ti~~ant~ ".
Dans le domaine êconomique, i l s"agissait H d'augmente~ le~
6aculté~ p~oductive~ de la ~ace pa~ une o~gani~ation ~oli-
de de ~e~ 6o~ce~ économique~ If, et au niveau intellectuel et
moral l'Association comptait favoriser
"la c~éation d'une
élite nomb~euse "et
"la di6 6usio n des lumiè~e~ ". ( 1 )
A ses dêbuts, chapeautêe par qui l'on sait, l'Association Pan-
africaine n'inquiêta pas les autoritês. Ainsi en Octobre 1921,
vit-on Gratien Candace prêsenter au président du Conseil
(2)
des membres de l'Association tels Isaac Bêton(3), Sosthène
Mortenol(4)
ou Rayford Logan (5) :
11) ANSOM SLOTFOM III Ca~ton 29. Note de l'agent Vé~i~é 29(1(23.
12) Le~Alinales'Co'loni'ales
21 Octob-~e 19.21.
(3) Sec~étai~e géné~al de l'A~~oclation Pana6nlcaine.
(4) Sosthène
Mo~tenâl 1185g~1g3a) salnt~~y~ien, polytechnicien
commandant de l'aviation mllltaine du camp ~et~anché de Pa~i~
pendant la gue~~e.
(5) RaY60nd Logan noi~ amé~icain, ancien de l'anmée amé~icaine
vivant à Pa~is.

20~
Bénéficiant de l'aide morale, mais pas matérielle des pouvoirs
publics, l'Association Panafricaine chercha à se faire conn ai-
tre. Pour ce faire, elle voulut faire imprimer ses sta~~ts
et se doter d'un siège social, opérations pour lesquelles
elle devait débourser une somme de deux cents francs dont
elle ne disposait pas.
Isaac Béton s'adressa à WEB Du Bois
pour qu'il organise une souscription auprès des noirs améri-
cains. C'est alors que les premières fissures apparurent.
Du Bois, sans doute encore sous le choc des propos tenus par
Blaise Diagne, lui fit comprendre que les rapports entre fran-
cophones et anglophones étaients tels qu'il ne servait à rien
d'entreprendre une initiative de ce type. (1)
Sans argent, en froid avec les" frères américains"
l'Asso-
ciation Panafricaine du t
affronter une nouvelle épreuve le
I l Février 1923 avec la démission de Gratien Candace de son
poste de président. (2)
Lorsque le bureau se réunit le 28 ~1ars 1923 pour procéder à
la réorganisation de l'Association, i l y avait de nombreu-
ses chaises vides. John: Hur-st, consul américain à Saint-Etien-
ne et un certain Jackson étaient absents.
Malgré cela on procèda au remaniement du bureau.
Sosthène Mortenol fut nommé président, Raoul Cenac Thaly rem-
plaça John Hu,·st à la vice-présidence et Isaac Béton cumula
11 1 1. GeL.s 4' 0 p. c.I..t. p. 2. 4 9 .
(2.)
ANSOM SLOTFOM III Ca~ton 2.9. Note de l'agent V(4I..~( JuI..llet
192.3.

203
~.
~ ~
l
t
t
~
"
(
d
1)
les postes
e secreta1re genera
e
resor1er.
Alors que le bureau précédent comptait trois anglophones
( Hu~st, Logan, Jackson)
parmi Ses cînq membres, le nouvel
organisme n'en comptait plus qu'un
( JACKSON) .
Bien qu'identique en anglais et en français,
le mot Panafri-
canisme ne semblait pas avoir le même contenu pour les uns
et les autres. S'êtant enfin rendus compte qu'il était im-
possible de concilier leur idéal avec celui des députés nè-
gres français,
les noirs américains avaient quitté l'Associa-
tion.
Vaille que vaille,
Isaac Béton faisait de son mieux pour main-
tenir l'Association en vie. Ayant appris par l'intermédiaire
d'un certain Do Sacramento, fonctionnaire de l'administration
coloniale â
Zinder
( Niger ), que des gens étaient prêts
â recueillir des adhésions pour l'Association Panafricaine
au Dahomey, i l y prit des contacts. En Mars' 1923, i l écrivit
â Joseph Dos Santos, commerçant â Porto-Novo, pour lui deman-
der ce qu'il avait pu faire pour
l'Association. (2)
Par malchance, l'administration coloniale, qui venait de faire
face" aux incidents de Porto-Nova ", intercepta la lettre
et ordonna aussitôt une enquê~e sur l'Association Panafricai-
ne ainsi que la mise sous surveillance des intéressés. (3)
(1)
Ib~d note 2 page p~éeédente.
(2) ANSOM. A66a~~e~ Pol~t~que4
Ca~ton 542. Lett~e du 4ee~éta~­
~egéné~al de l'A440e~ation Pana6~~eaine à M. J04eph V04 Sant04
eomme~çant a Po~to-Novo, le~ Ma~~ 1923.
(3) ANSOM A66. Pol. Ca~ton 542. Lett~e du gouve~neu~ géné~al
de l'AOF au Mini4t~e de4 Colon~e4, la Av~il 1923.

204
Bien qu'elle ne fut pour rien dans les évènements du Dahomey,
la présence de Max BIoncourt
( encore lui
!
)
et de Samuel
Stefany dans ses rangs, suffit à: la rendre s'uspecte aux yeux
du Ministre des Colonies.
Quelques mois plus tard, après s'être heurté avec WEB du Bois
quant à: l'organisation du troisième congrès Panafricain,
Isaac
Béton démissionna de toutes ses responsabilités. Le départ de
Béton sonna le glas de l'Association gui disparu~
tout
juste après deux ans d'existence.
Ayant eu " peu d'adhérents" à: Paris" mais de " nombreux adep-
tes" dans certaines colonies et notamment aux Antilles,
l'Association Panafricaine avait eu un impact fort limité.
Sahs véritables moyens financiers, minés par les rivalités per-
sonnelles, mais surtout paralysée par les divergences politi-
gues entre francophones et anglophones sur la question de
l'éventuelle indépendance des colonies africaines, l'Associa-
tion Panafricaine fut un échec sur toute la ligne.
Sa disparition peut être considérée comme une belle victoire
des hommes du " Parti Colonial " représenté en la circons-
tance par Blaise Diagne et Gratien Candace. (1)
quand la vague panafricaniste toucha l'Europe par le biais
de WEB du Bois en 1919, ils la virent avec suspicion pour ne
pas dire avec hostilité. Plutôt que de dénoncer ce mouvement,
à: une époque où tout le monde parlait du droit des peuples
(1) Le4 deux homme4 avaient de nom~~eux point4 commun4 :
tOU4' de.ux députê.4, tou<s deux ~ep)[,ê.4enta.nt4' du Il Pa~ti Colonial",
il4 ava.-tent tOU4 deux 6ait vote~ li a..YJplication de .ta loi
rnilitaine dan4 leun colonie ne4pective.

205
à disposer d'eux-mêmes, ils s'y introduirent et y firent un
efficace travail de sape.(Que l'on s~ rappelle le rôle qu'ils
jouêrent dans les débats des Congrês Panafricains de 1919 et
1921, et l'influence qu'ils eurent sur l'orientation des motions),
Alors que par certaines de ses revendications,
le panafrica-
nisme était porteur d'un mouvement émancipateur, ils le vi-
dêrent peu à peu de sa substance pour en faire un mot creux,
une coquille vide.
Qui parmi les nêgres, et plus particuliêrement parmi les Afri-
cains vivant en France à cette époque, pouvait croire que
»
jamai4, en aucun temp4 et en aucun l~tu, la F~ance n'a p~d­
tiqué. une polLtique d'a.6.6e~V~.6.6ement et de ~enoulement ? "
Les tirailleurs sénégalais enrôlés de force, suite à de
véritables chasses à l'homme?
Les Hunkanrin traqués par le systême colonial ?
Les " évolués " malgaches cherchant désespérêment à se faire
naturaliser ?
Certainement pas. Par:z::ainée par des hommes aussi liés au sys-
tême colonial que Blaise Diagne et Gratien Candace, l'Associa-
tion Panafricaine et par là même les idées panafricanistes
étaient vouées à la suspiscion, vouées à l'échec.

201
Dans le premier chapitre de ce travail, nous avons
déjà évoqué le nom de Kojo Tovalou Houénou. Né à Porto-Novo
(
)
.
( Dahomey)
le 25 Avril 1887 1 , :il est issu d'une riche fa-
mille commerçante. Son père Joseph Tovalou Houénou doit en
partie sa fortune au fait qu'il a assuré le ravitaillement
.
rob
B'h
.
(2)
des colonies frança1ses co
attant contre
e anZ1n
.
Cependant, la richesse de sa famille est bien antérieure à
ces évènements, puisque son arrière-gran~~ère et son grand père
furent, sous Béhanzin, présidents de la Chambre de Commerce
du Dahomey. (3)
Après avoir fait ses études primaires au Dahomey, i l est en-
voyé à Bordeaux pour y. poursuivre ses études secondaires
alors qu'il est âgé de treize ans. Ayant terminé le lycée
i l fait des études de droit qui allaient lui permettre de
s'inscrire comme avocat au Barreau de Paris en 1918. (4)
Quand la guerre éclate, i l s'engage comme volontaire dès Août
1914.
(ll
J. Ayodele Langley ( op ~~t p. 290 l avan~e la date de 1877
et le Neg~o Wo~ld
~elle de. 1890. Cependant tou~ le~ do~ument~
du m~n~~tè~e de~ Colon~e~ ~~te~t la date de 1887 et ~'e~t pou~­
quo~ nou~ l'avon~ ~etenue.
(2)
ANSOM A66a~~e~ Pol~t~que~ Ca~ton 542. Lett~e du P~é6et
de Pol~~e au M~n~~t~e de~ Colon~e~, le~ Septemb~e 1923.
(3) J. Ayodele Langley op. ~~t.p~ 29a~2ql.
(4}
1. GeLs4 op.~~t.p. 308 ~t,te à tOJr.t la date de 19.J1.

207
~ Il pa~vint a44ez ~apidement au g~ade de 4ou~-lieutnant 4an4
pou~ autant p~end~e une pa~t e66ective aux opl~atlon4.~(lJ
Peu de temps après son engagement î l est d'ailleurs réformé
pour cause" de maladie contractée au service. Licencié en
droit et officier de l'armée française,
i l obtint sans peine
sa naturalisation en 1915. (2)
If
Grand, poli et brillant comme de l'ébène If (3), i l parle
couramment le français,
l'anglais et l'allemand. (4)
Se disant également médecin, industriel et écrivain,
If
i l ne
se livre à aucune occupation et vit des subsides de son père 1f~5)
~ Avocat ~an~ g~ande client!le mai~ coqueluche de tout Pa~i~ ~(6)
i l se produit dans les salons fermés et 11 .6'y 6ait,
pa~a1.t-il
~ema~que~ pa~ ~a Jacohde et ~on e.6p~it » (1l
A en croire le Negro World, c'est lui qui a introduit le chan-
teur noir américain Roland Hayes dans tous les grands salons
(1]
ANSOM SLOTFOM III Ca~ton 50. Note anonyme ~ldig~e ~u~
Tovalou Houénou pendant la deuxi!me gue~~e. Van~ la notice
g~aphique p~~.6entle pa~ le Wtg~o Wo~ld du 6 Septemb~e 1924,
Houlnou
p~~tend avoi~ 6ait la gue~~e en qualitl de mldecin majo~
et ~66i~me avoi~ p~i~ pa~t aux combat~ de la Ma~ne, de l'Y.~e~:
de la Champagne, de Cha4le~oi et de Ve~dun.
(2)
Li~te alphabétique de~ pe~~onne.6 ayant acqu.i~ ou pe~du la
natio nalitl6~an'ç.ai~e pa~dl"c~et. 1900"-192"0. Lett~e~ L-A- Z
Pa~i~ Imp~ime~ie Nationale 1948 p. 1145
(3) et (4) Roi Ottley. No g~eenPa.6tu~e.6
New Yo~k.,Cha~le~
S c~i b." e~ , ~
S 0 n~.
19 51
p; 10 1 •
(5) ANSOM A66ai~e.6 Politique.6 Ca~ton 542. Note de ~en4eigne­
ment.6 ~u~ Houlnou Août 1923.
(6l
Michel Faô~e op. tit. p. 106
(1) ANSOM A66. Pol. Ca~ton 542. Note de ~en~eignement4 .6u~ Houlnou
Août 1923.

208
parisiens. (1)
Affichant des idées libérales, i l " c.heltc.he a
gagnelt la 6lfmpathie de6 pelt~onne~ 6olttun~e6 ". (2)
Possédant une voiture, ce quî n'étaît pas rien à
l'époque,
Kojo Tovalou Houénou mène" la grande vie ft. Ayant pratique-
ment été élevé en France, i l est le type même du parfait as-
similé comme
on en trouve fréquemment parmi les originaires
des Il Vieilles
Colonies ". Lorsqu'il rentre au Dahomey en
1921, on peut dire qu'il découvre seulement à ce moment la
réalité de son pays natal. Elevé dans la " Mère patrie ",
sevré de discours sur la " mission civilisatrice " de la
France aux colonies, i l est brusquement tiré du rêve dans
lequel i l était plongé par les propos de ses ., frères indi-
gènes ". Lors d'une conférence tenue à l'Ecole Inter-Alliés
des Hautes Etudes Sociales, i l relatera ainsi cet épisode
déterminant de sa vie :
" vou~ ne vou.& 6-i.gultez pa6 c.omme il
e6t pénible, a66lteux poult un homme qui a véc.u toute la p~ltio­
de de 7974-7978, d'entendlte dilte palt ~e~ 6ltèlte6 indigène6
- qu 'on ne c.ltoit jamai6 êtlte au c.oultant de6 que6tion6 60-
c.iale6 et politique6 - de le6 entendlte dilte, c.omme il m'e6t
a~ivé au Vahomey : 'la Belgique a ~té envahie, tant mieux.
Elle a c.e qu'elle m~ltite. Elle nou~ ava-i.t envahi~, pillé6,
exploité~ ~an6 veltgogne. C'e6t le jU6te ltetoult de6 c.h06e6
(7)
Meglto Woltld 6 Septemblte 7924. Le~ ln6oltmatlon6 tllt~e6 de
c.e joultnal 40nt a pltendlte avec. de~ " pLnc.ette4 " c.alt le po~tltalt
de Tovalou Houénou t-i.ent plu4- de l'fîagiogltapni.e que de la bloglta-
phle. L'amoult de~ titlte.4 lton6lant4-, c.altac.télti~tique~ de~ Galtveyl~te.6
mai.& aU46'i de Houénou, 6ai:t que c.e deltnielt e~t tout 4'<:mplement
déc.ltlt c.omme avoc.~t, doc.teult en médec.i:ne et plt06e44eUlt de phon~­
tique a l'Ec.ole Tntelt Alli~~ de~ Haute~ Etude~ Soc.lale4 !

20~
d'iei ba~'. San~ avoi~ lu Gambetta, il~ invoquent
En 1914, la Belgique 6ut pou~ mo~ la V~e~ge Ma~ty~e.
Elle ~'e~t d~e~~êe devant l'~nva~ion, elle a ~ou66e~t
ho~~iôlement dan~ ~a ena~~ et dan~ ~on âme. En 1921
quand je me ~ui~ t~ouvê dan~ mon pay~ natal, je n'avai~
jamai~ o~ê te~n~~ ~a ~lo~~e. Mai~ voiei que de~ 6~è~e~
Congola~~, gêmi~~ant ~ou~ la Dotte de eonquê~ant~ b~u­
taux, p~o6è~ent devant moi le~ te~me~ que j'ai eitê~
tout a l'neu~e - et je vou~ êpa~gne ee qu'il~ di~ent
quelque~ 6oi~ de la F~anee J
V~aiment il ne m'en 6alla~t pa~ tant. J'ai ~êagi. Je
n'ai pa~ voulu eomp~end~e, D~u~quement je le~ inte~~om-
pi~ : 'Vou~ avez menti, eee~ n'e~t pa~ v~ai. Ceei e~t
6aux, et vou~ ê.te~ de~ ~ae~ilège~ a vouloi~ impute~
a ee~ noble~ pay~ le~ e~ime~ qu'il~ ~êp~ouvent J'
Mai~ il a bien 6allu me ~end~e a l'êvidenee. On e~ie
Rêpa~ation
J pou~ ~eeommande~ ou tolê~e~
le vol, le viol, le ô~igandage et l'aA~a~~inat. Van~
le~ eolonie~, e'e~t le ~abotage intég~al de toute~
le~ in~titution~ et de tou~ le~ p~ineipe~ qui 60nt
la valeu~ du monde eivili~ê. "(1)
Plus français que Dahoméen de par Son éducation, intellectuel
sûr de ses certitudes, privilégié parmi les privilégiés, Kojo
Tovalou Houénou n'avait pas été touché par la vague de remise

210
en question du système colonial. Croyant ferme au discours
officiel sur le rôle de la France aux colonies, i l avait ac-
cordé peu d'importance aux contre~iscours qui surgissaient
çà et là. Il lui fallut prendre contact avec la réalité des
colonies pour que son univers s'effondre.
Là où les propos de Wilson, Du Bois, Garvey, et des communis-
tes avaient échoué, 'les paroles simples mais vraies de ceux
que l'on croyait" ne jamai~ it~e au cou~ant de~ que~tion~
~ociale~ et politique~ " avaient touché droit au but.
Cette même année 1921, i l publie, à compte d'auteur,
un livre au titre impénétrable pour les béotiens de notre
espèce
" L' involutio n de~ m~tarrio~pho~ e~ et de~ mê.temp~ ycho-
~e~ de l'unive~~ ". (II
Véri table patchwork où, la linguistique voisine avec les sen-
tences philosophiques, cet ouvrage est composé de trois gran-
des parties
: la première est consacrée à
" l'involution pho-
nê.tique ou méditation ~u~ le~ mê.tamo~pno~e~ et le~ mê.temp~ycho-
~e~ du langage "; elle est suivie d'une série de maximes ras-
semblées sous le titre " quelque~
tJt,u:-t-6me~
": enfin la troi-
sième et dernière partie consiste en un " dictionnai~e 6~an-
çai~ compa~é aux langue~ indo-eu~opê.enne~ ". Voir uniquement
en cet ouvrage un " galimatia ",
" un petit livre prétentieux"
au " contenu amphigouAique " comme le fait P. Deiilitte(2)
c'est
(1) Kojo Tovalou Houénou. L'involution de~ mê.tamo~pho~e~ et
de~ métemp~ycho4e~ de l'unLve~~. Pa~l4J192J,77 page~ ~uivi d'un
,
,
" dictionna.i.~e 6~anç:a:L~ compa~ê. aux langue~,tndo~eu~opê.enne~ 72 P.
(2) P. Ve~rtte o~ ciL p. 86.

211
aller un peu vite en besogne. Certes ce livre ne fit sans doute
pas Il gJta.nd bJtu,[t da.n.6 le. monde. ~c.,[e.nti.6,['que.
" comme le pré-
tend le Negro World(l) , seulem~nt Il mérite un tant soit peu
d'attention.
N'entendant rien ni à la phonétique, ni aux langues indo-eu-
ropéennes
, nous nous abstiendrons de tout jugement sur ces
deux parties, et nous nous contenterons d'analyser deux des
mul tiples
t.tIlisme.s
Dans le premier, amer, désillusionné, Tovalou Houénou déclare
" N'a.ya.nt pa..6 a.bdi.qu~ mon ame. e.n ve.na.nt e.n EuJtope., j'a.,[ c.om-
pJt,[.6 que. la. c.,[v,{:l,{:.6a.t,[on e.~t une. ~mme.n.6e. oou66one.Jt,[e qu,[
.6'a.c.hlve. da.n.6 la. boue. et le. ~a.ng, c.omme e.n 1914 ". (2)
A travers ces quelques mots qui expriment tout le désarroi
de cette Il génération sacrifiée ", on voit oh combien la guer-
re et ses conséquences ont pu modi. fier la mentalité des colo-
nisés. Le second au contraire est tout optimisme et on pour-
rait l'intituler" Quand l'Afrique s'éveillera •..
" i l dit
ceci
" l'A6Jti.que. n'a. pa.~ e.nc.oJte. a.ppoJtt~ ~a. c.ontJt'[but,[on a
la. v,{:e. de. la. c.,{:t~, a la. c.ivi.l~~a.t,[on, .6on touJt v,[e.n-
dJta.. M~6,{:e.z-voU.6
de. c.e..6 homme..6 de. bJtonze., le.uJt 6oJtc.e.
e.t le.uJt lum,{:lJte ~tolftlle.Jtont VO.6 pa.y.6 de. oJtume..6 : le.
.6ole.'[l e..6t c.he.z e.ux. II (3)
(1) Ne.gJtoWoJtld. 6 Sept. 1924. A t'[tJte. a.ne.c.dot,{:que., noton.6 que.
da.n.6 l'e.xe.mpla.i.Jte. que. nou.6 a.von.6 c.on~ult~ a la. SoJtoonne, .6e.ule..6
le..6 di.x pJtemi.lJte..& pa.ge..6 ~ta.,[ent c.oup~e~., Le. .6tyle. de. Tova.lou
Hou~nou a.vdit dû ~ébute.Jt plu.6 d'un lec.te.uJt !
(2)
Kojo Tova.loù Hou~nou op. c.i.t. p. 59.
(31 Kojo Tova.lou Hou~nou op. c.i:t.pp. ra-11.

En mélangeant les genres, cet ouvrage est on ne peut plus
hétèrogène mais i l n'est pas pour autant dépourvu de toute
cohérence. L'étude sur l'involution phonétique,
le choix des
truismes et le dictionnaire comparé vont dans le même sens :
» ~amene~ le4 individualitl~ i~~lductible~ du ~y~t~­
me lvoluti6 de l'unive~~ a l'homoglnlitl, a l'identi-
et de~ mltemp4ycho~e~ a Vieu, 4ou~ce in6inie qui leu~
~e~t d'involution o~iginelle et c~lat~ice ». (1)
En clair, en tentant de prouver l'unité originelle des lan-
gues et des cultures, Tovalou Houénou part en guerre contre
les théories sur l'inégalité des races et cherche à promou-
voir ce que Léopold Sédar Senghor appellera plus tard Il la
civilisation de l'Universel ". C'est là faire preuve d'am-
bition plus que de prétention.
Pour que l'Afrique puisse apporter » ~a cont~ibution a la
vie de la citl » il fonde en Janvier 1923 une association
dite Il l'Amitié Franco-Dahoméenne n.
En fait,
c'est la réalisation d'un vieux projet puisque, dès
1921, lors de son séjour à porto-Novo, i l avait proclamé
»
~on dl~i~ a~dent de 6o~me~ au Vahomey une ~ocilt( dite
'Amiti( F~anco-Vahom(enne' » (2)
(1)
Kojo Tovalou Hou(nou o~ cit.p, 6.
(2) Sylvain Coovi Anignikin o~ cit. p. 250.

21
Présidée par Tovalou Houénou,
l'association qui est domiciliée
chez ce dernier 90 Bld du Montparnasse, compte quatre vice-
présidents parmi lesquels on relève le nom de Lucie Cous-
turier, figure connue de la littérature coloniale (1)
et " ex-
institutrice 11 dans les camps des tirailleurs sénégalais de
Fréjus.
Par le biais de cette association Tovalou Houénou veut ré con-
cilier la France
avec ses colonies.
" L'Am.Lti.é Flta.nc.o-Va./iomée.nne. e..6t une. a..6.60c.i.a.ti.on de. .60-
li.da.lt~té e.ntlte. l'~nd~gène. e.t l'e.ultopée.n. Ce.tte. a..6.60c.i.a.-
t~on a. POUIt Dut de. ve.i.lle.1t e.t de. .6t~mule.1t l'i.ni.ti.a.ti.-
ve. plti.vée.
a.6i.n de. ha.te.1t l'évoluti.on e.t le. déve.loppe.-
me.nt de..6 i.ndi.gène..6 e.t de. c.ltée.1t da.n.6 l'a.ve.ni.1t une. c.ol-
la.bolta.ti.on m~e.ux c.omplt~.6e. e.ntlte. le..6 6lta.nça.i..6 de. Flta.n-
c.e. e.t le..6 6lta.nça.~.6 d'Out~e.-Me.1t " (2J
Analysant le traumatisme causé par le choc colonial, i l fait
la constatation suivante
" La. v~e.~lle. Soc.~été A61t~c.a.~ne. .6'e..6t blt~.6êe., plte..6que.
di..6.6oute. a.u c.onta.c.t de. la. c.~v~l,[.6a.t,[on e.ultopêe.nne. dont
la. Iti.gi.di.tê .6'e..6t .6uD.6ti.tuée. a .6e..6 li.blte..6 .6ponta.néi.-
(1)
Aute.ult de. Mon Am,[e. Fa.tou c.Lta.di.ne., Mon Am~ Souma.lté la.ptot,
Ve.6 i.nc.onnu.6 c.he.z moi., la. Foltê:t du Ha.ut-N,[ge.lt,
Luc.i.e. COu.6tulti.elt
6ut c.ha.ltgêe. pa.1t le. m,[n~.6tèlte. de..6 Colon~e..6 d'êtudi.e.1t " le. 1t51e.
de. la. 6emme. .6ult la.
60ltma.t~on molta.le. de..6 ~n6a.nt.6 " e.n AOF. Son
lta.ppOltt .6e.lta. publ'[é da.n.6 le..6 numêlt04 5 a Il du joultna.l Le..6 Conti.ne.nt.6.
Huma.n~.6te. plu.6 qu'a.nt~c.olon~a.l,[.6te. e.lle. déc.l«lta. da.n.6 un de. ~e..6
l,[vlte..6 que. l'e.thnoglta.phie. éta.i.t " un a.ltt de. tlta.liilt le.4 pe.uple.6
POUIt le.4 div~4e.1t, pilte. que. l'hi~tollte. nI
(2) ANSOM SLOTFOM Ca.ltton 112. Oêc.la.lta.tion de.
l'Ami.tié Flta.nc.o-Va./iomêe.nne..

le~ con~~quence~ 6une4te~. L'~ndiglne en e~t venu a
doute~ de ~on pa4~~, de 4e~ moeu~~, de ~e4 coutume~,
de ~on a~t et de la haute ~age~~e qui a p~~~id~ pendant
de~ ~ilcle~ a la c~~ation et a l'o~gani~ation de ~a
. ~_ ,,( 1 )
c.<.-t..e..
Après ce " portrait du colonisé ft et l'évocation d'une Afrique
précoloniale magnifiée, i l demande que l'on" s'intéresse à
l'homme" afin de n d~veloppe~ et mett~e en lumil~e le~ 6a-
cult~~ intellectuelle~ et mo~ale~ d~pa~tie~ aux indiglne~.,,(2)
Malgré des intentions fort louables,
l'Amitié Franco-Dahoméen-
ne ne fait pas recette. Plus d'un an après sa création, la
police constate qu'elle a reçu peu d'adhésions et elle en con-
clue qu'elle est vouée à un échec complet. (3)
Entre temps, durant l'été 1923, Tovalou Houénou est victime
d'une
agression raciste qui défraye la chronique. Dans la
nuit du 4 Août 1923, alors qu'il désire prendre un verre dans
un bar de Montmartre avec son frère Georges et un ami du nom
de Laurent Tricot, i l est " g~o~~i~~ement invit~ (
a
~o~ti~ de cet ~tabli~~ement ~ou~ p~~texte que l'on n'y ~e~-
vait pa~ le~ n~g~e~ ". (4) Cette remarque leur a
été faite
par le patron suite à la réclamation de touristes américains.
Ce type d'incidents, qui avait dû arriver des centaines de
(1) ANSOM SLOTFOM IIr Ca~ton 112. U~cla~ation de l'Amiti~ F~anco­
Vahom~enne.
(2)
Ibid.
(31 ANSOM SLOTFOM III Ca~ton 112. Note de l'agent V~~i~~. 4 Av~il 24.
(4) ANSOM
A66. Pol. Ca~ton 542. Lett~e du P~~6et de police au
Mini~t~e de~ Colonie~ 1e~ Septemo~e 1923.

215
fois à bien des nègres anonymes, prit des proportions considé-
rables du fait de la personnalité de Tovalou Houénou et par-
ce qu'il intervenait quelques semaines après que des élèves
officiers " indigènes fl aient été victimes de propos désobli-
geants alors qu'ils se trouvaient dans un autocar rempli de
touristes américains.
A l'occasion de cette première affaire, la presse coloniale
française, toujours prête à donner des leçons de morale aux
autres, avait exprimé toute son indignation.
Dans La Presse Coloniale, Georges Bousseno.t avait demandé
aux touristes américains de " ~e~peete~ le~
6~ança~~ de que~­
que ~êg~on ou eo~on~e qu' ~l~ ~o~ent tt (7); Les Annales Colo-
niales titraient menaçantes " ~e~peetez ~e~ no~~~ ,,(2); Le
Courrier Colonial affirmait sans rire " En F~anee on ~gno~e
~e p~êjugê de ~aee ,,(3); enfin pour couronner le tout La Dé-
pêche Coloniale publiait une lettre du Président du Conseil,
rappelant aux étrangers séjournant en France qu'ils étaient
tenus d'y oublier leurs préjugés(4) .
Quand" l'incident de Montmartre" est connu, inutile de di-
re qu'il fait la " une" des journaux. Le Quotidien titre
" Lutte de~ ~aee~ a Montma~t~e ,,(5); La Dépêche Coloniale
" Eneo~e un ~ne~dent ~eg~ettab~e ~~ ya de~ êt~ange~4 qu~ eom-
p~ennent d~6 6~eLt.ement ,,~6)
(1)
La P~e~~e Co~on~a~e le~ Août 1923.
(2)
Le~ Anna~e4 Co~on~a~e~ 2 Août 1923
(3) Le Cou~~~e~ Co~on~a~ 3 Août lQ23.
(4)
La Vêpiehe Co~~~~a~e 3 Août 1923. Lett~e en ~êpon~e a un
èou~~~e~ de V~agne puo~iêe ~e29 Juin.
(5 ) Le Q.uQt~dien 5 Août 1923.
(6)
La Vêpiehe Co~on~a~e 8 Août 1923.

216
Cependant, la presse n'est pas unanime à. condamner l'agres-
sion. Certains journaux prennent, sans le dire,
le parti du
patron du bar en ridiculisant Tovalou Houénou. Ainsi dans
les Annales Coloniales, Eugène Devaux conseille aux" pseudo-
princes" d'aller dans les cafés fréquentés par les noirs(l).
Sous le titre »]oyeu~e~lJ
~oloniale~ - en~o~e le6 p6eudo-
p~in~e~ dahomlen~
f I ,
Le Courrier Colonial déclare:
»
En~~e un nèg~e qui 6ai~ le pi'~~e en jouan~ d'un de
~e6 a~~o~e6 in~~~umen~~ à la mode, e~ un nèg~e qu~
exe~~e une au~~e p~o6e~~ion ou mè~e une vie de ba~on
de ~haiJe, mon Vieu, il es~ as~ez 6a~ile de ~e ~~ompe~
e~ le~ Aml~i~ain~ qui on~ ~l~laml l'ex~lu6ion de6
p~in~e~
Kojo e~ Ma~~ Tovalou, Jon~ jU6qu'à un ~e~~ain
poin~ ex~uJaale~ ". (2)
Homme de loi, Kojo Tovalou Houénou porte plainte pour coup
et blessure et une enquête est ouverte. Pendant tout le mois
d'Août 1923, la Dépêche Coloniale publie des articles en re-
lation avec l'affaire. (3)
La campagne prend une telle ampleur que le 28 Août près de
trois semaines après l'incident, le Ministre des Colonies écrit
au Préfet de Police pour lui demander des précisions
! (4)
Finalement la licence de nuit du bar fut retirée et le Il Octo-
(1)
Le6 Annale6 ColonialeJ 9 Aoû~ 1923.
(2) Le Cou~~ie~ Colonial 10 Aoû~ 1923.
(3)
La Vlpi~he Coloniale deJ 9;10,11,19,20 e~ 23 Aoû~ 1923.
(4) ANSOM A66a,{:Jt~~ Poli~,[que~ Caltton 542. Le~~~e duMin,[J~~e
de6 Colonies au P~é6e~ de Poli~e, 28 Aoû~ 1923.

217
bre 1923 " le. pug,[l,[,t,te. gé.ltant de. balt,
qu-<. POUIt pla,[/te. à -6a
Ql,[e.ntèle. amélt,[Qaine., ava,[t e.xpul~é de. ~on établ,[-6-6e.me.nt, e.n
le. nltappant Kojo Tovalou Houénou f' C1) fut condamné à une pei-
ne de prison avec sursis.
Après les propos de ses frères congolais, les coups de poing
du cabaretier montmartrois ont sérieusement ébranlé les con-
victions de Tovalou Houénou. La collaboration mieux comprise
entre l'indigène et l'euro~éen qu'il appelait de tous ses voeux
est loin de devenir une réalité. Choqué, au propre comme au
figuré, par ces évènements, i l opère une prise de conscien-
ce qui l'amène à se consacrer à sa manière à la défense de la
race noire.
Suite à cette affaire, Tovalou Houénou s'engage
un peu plus activement dans la vie politique. Désormais i l
ne se contente plus de fréquenter" les salons oü l'on cause"
mais i l collabore activement à '1'Acti'ort C'olortiale.
Fin Août 1923 sous le titre " le.ç:on~ d'un ,[nQ,[de.nt ",il écrit
" B,[e.n que. S,[~,[ -6o,[t paltn0,[-6 plu-6 popula,[lte. que. nO-6
député-6 e.t no-6 éltud,[t-6, nou-6 avon-6 paltm,[ nou-6 de.-6 ,[n-
te.lle.Qtue.l-6 qu,[ -6ont Qapable.-6 de. lte.ntlte.1t dan-6 la gltan-
de.
Qla-6-6e. de.-6 pe.n~e.ult-6
nltanç:a,[b. Je. ltéQlame. POUIt e.ux
la plaQe. qu''[lb mélt,[te.nt e.t le.~ dlto,[t-6 qu,[ le.ult -6ont
(1)
Le. PaA,[a N'Q 'l0 Nove.molte. 1923.

218
théoJt,[q ue.me.ntac.c.oJtdé.6 r, ,
puis abordant la question
de l'accession à la citoyennetêfrançaise i l déclare:
La qual,[té de. c.'[toqe.n oJtança,[~ e..6t c.on.6,[déJté dan.6 le..6
c.olon,[e..6 c.omme. un pJt~v~lège.. Je. .6ouna'[te. qu'e.lle. .6o,[t
Jtap~de.me.nt c.on.6,[déJtée. c.omme. un dJto~t e.t non c.omme. un
de.vo~Jt, de. mime. que. dan~ la métJtopole. ". (1)
De " coqueluche du Tout-paris " "
Kojo Tovalou Houénou se
transforme peu à peu en figure politique coloniale. Jean
FëH'Ge.~1:.
brosse son portrait dans l'Action Coloniale (2)
et
le journal publie la prOfession de foi de l'Amitié Franco-
Dahoméenne (3) . Fernand Gouttenoire de Toury fait son éloge
et déclare à l ' occaston que " le..6 imag,[nat~o n.6 d'un GoRdne.au
.6ont c.e.lle..6 d'un c.e.Jtve.au malade. ,,(4).
Assimilationniste convaincu, Tovalou Houénou rejoint idéolo-
giquement et politiquement la mouvance de l'Action Coloniale.
Il collabore au journal malgache Le' Libéré
dans lequel i l
publie un article réclamant la naturalisation des sujets
français intitulé" EtJte.nne..6 d'un ind~gène. a .6e..6 OJtèJte..6 ,,(5).
A partir du mois de Novembre 1923, i l donne une série de con-
férences à l'Ecole InterAlliés des Hautes Etudes Sociales.
Les premières sont consacrées à
" l'involution phonétique"
et la police note malicieusement que l'auditoire ne comprend
aucun noir ! (6)
(Il
L'Ac.t,[on Colon,[ale. 25 Août 1923.
(2)
L'Ac.t~on Colon,[ale. la Nove.moJte.. 1923.
(3)
L'Ac.tion Colon~ale. la Véc.e.mo-Jte. 1923.
(41
L'Ac.tion Colon~ale. 25 Véc.e.môJte 1923.
(5)
Le. L~oéJté Janv~e.Jt 1925 e..t l'Act~on Coloniale.. 25 FévJt~e.Jt 1924.
(6) ANSOM SLOTFOM l CaJtton 4. Mote ~uJt le. oonc.t~onnement de la
.6e.c.t~on aoJt~c.a~ne du CAl, 15 Véc.emoJte. 1923.

21 !
Le 20 Février 1924, dans le même cadre, i l disserte sur
" le problême de la race noire ". rI ouvre son discours sur
un thêl"lle
cher à l'Action Coloniale : la critique des fonction-
naires coloniaux qui trahissent l'idéal de la République.
" V'o~e4 e~ dlja, di~-il, je dl4olida~i4e en~il~emen~
la F~ance d'avec la poli~ique de quelque4 un4 de 4e4
en6an~4. Nou4 qui avon4 l~l llevl dan4 la Ml~~opole,
nou4 la connai44on4 e~ nou4 l'aimon4, e~ nou4 avon4
en elle une con6iance inlb~anlable.
Mai4 le4 manda~ai~e4 qu'elle envoie dan4 4e4 colonie4,
j'ai le ~eg~e~ de le di~e 4an4 amoage, ne 6on~ pa4 leu~
devoi~;
plU4 que cela, il4 ~~ahi44en~ le4 in~l~ê~4
de l'A6~ique, e~ pa~ la aU44i, comp~ome~~en~ l'aveni~
d'un peuple qui a d~oi~ a l'exi4~ence ". Puis avec des
mots que n'aurait pas reniés Jean Paul Sartre ou Richard Wright
i l poursuit:
" j'ai ê.~ü.di.l
le p~oôllmede la ~ace noi~e, que
4eul4 le4 eu~opéen4 on~ p04l, pui4que nou4 au~~e4,
Noi~4
Comme on le voit, c'était dire autrement " C' e4~ l'an~i4lmi~e
q.u.{. 6ai~ le Jui6 " (1) ou mieux " il n'y a pa4 de p~obllme
noi~ aux E~a~4 Uni4, il y a un p~oollme blanc " ( 2 1
Ceci dit, i l aborde un autre thème mis en avant par l'Action
Coloniale dês 1918
: le temps est venu d'agir dans les colonies
et surtout d'agir vite si l'on veut éviter le pire. Utilisant
une parabole médicale i l s'exclame:
--------------------
( 1) J. P. S a~~~e Rl-n:l'eY;(.~o'n~- 4'tt1t' :ta.' qU'e',s-;t'(to-n. j u.{. v e. pp. 88 - 89
ci~é in F. Fano n -Pea.u- No:iXe- Ma-4Quê.4-- -o1.à.'n-c4 Pa~i41 Ed. Seuil
1952 p.
15.
(2) Ci~a~ion de mlmoi~e de R. W~igh~.

220
" LO~4qu'un memb~e e4t gang~~n~, il 6aut inte~veni~ ~a­
pidement : 4eetion du memo~e, amputation voilà ee qu~
6ait le ehi~u~gien. Il a~~~ve qu'il hé4ite, atte~noie,
tatonne, le mal 4'agg~ave et gagne du te~~ain,
alo~4
un igno~ant audaeieux p~end le oi~tou~i, 4eetionne
l'o~gane ~alade, ble44e l'o~gane 4ain ". Arrivant là
où i l voulait en venir, i l poursuit:
" C'e4t ain4i que le Gouve~nement, qui dev~ait aide~
à l'évolution du peuple, ea~ l'évolution 4uppo4e le
mouvement en pleine lioe~t~, pou44e à une inte~vention
igno~ante, inhabile et malad~oite, a ee qui, ap~l4
tout, e4t le p~emie~ ~tage de l'évolution à la ~~vo­
lution. Et dan4 l'exe~eiee de eette ~~volution, dan4
ee d~oit du peuple à agi~ aux lieu et plaee du teehni-
eien, il 4e p~oduit de4 aete4 ~eg~~ttable4. NOU4 devon4
le4 empêehe~ pa~ee que nou4 devon4 p~évoi~ et a~~ête~
de4 ge4te4 n~6a4te4, 6Une4te4 pou~ la eolleetivit~.
o~ 4i nou4 ne p~enon4 pa4 ga~de, dan4 le4 eolon~e4
il 4e p~odui~a de4 aete4 ~eg~ettable4 "
Continuant sur sa lancée, i l dénonce le régime de l'indigènat
et le ministère des Colonies qu'il décrit comme étant une
" véritable Bastille" et une " Camé~illa,
( ... ), plu4 a~~i~­
~ée que le4 peuple4 qu'elle p~~tend eivili4e~ ". Lyrique
comme sait l'être un avocat i l conclue
"C'e4t une dynamite
qu'il 6aut jete~ dan4 ee ~epai~e, pou~ 4auve~ une pa~tie de
l'humanité, et quelle humanit~ ! aU44i impo~tante que l'Eu-
~ope pui4qu'il 4'agl.t d'un eont-<:nent : l'A6~l.que ! "

221
De l'avis de Tovalou Houénou, l'heure est grave: les choses
ne peuvent durer en l'état éternellement et des changements
sont nécessaires
" Le4 conclu4ion4 a p04e~ 40nt aimple4 : en cette ma-
tiè~e pa4 de compo4ition, pa4 de moyen te~me : il 6aut
di~e ceci, ou bien, l'autonomie a640lue pou~ le~
colonie4, avec l'inte~vention de la Mét~opole pou~
le~ que4tion4 géné~ale4; ou 6ien l'a~~imilation to-
tale, intég~ale, 4an4 aucune 6~ontiè~e, 4an~ aucune
di~tinction de ~ace.
A~~imilez, ou 4i vou4 6aitea l'aveu de vot~e impui~­
.6ance, lachez p.lLi~e et donnez l'autonomie. IL ne man-
que pa4 en A'~ique de génie4 o~gani~ateu~~ "
Après avoir protesté contre le sort réservé aux Noirs
améri-
cains et réclamé l'intégrité territoriale d'Haïti, du Libéria,
de Saint-Domingue et de l'Abyssinie, i l revient sur le thème
central de son combat: l'assimilation totale.
" Nou~ ~éclamon.6 le d~oit de juge~ et d'lt~e jugé. Il
6aut o~gani~e~ un pouvoi~ judiciai~e,
et ~u~tout nou~
~éclamon~ le d~oit d'lt~e in~t~uith. Il 6aut o~gani4e~
l'in4t~uction o6ligatoi~e, c'e.6t le meilleu~ moyen
d'a4~u~e~ a l'indigène ~on évolution, ~on adaptation
a la civili~ation eu~opéenne. Véveloppe~ l'A6~ique au
p~o6it de.6 A6~icain4,
et non exclu~ivement au p~o6i~
de.6 Blanch. A~.6u~e~ la lloe~té du comme~ce et de l'in-
dU.6t~le ". Enfin il ajoute n nou.6 houhalton~ que vou~
nou4 ~econnai4hiez lea d~o~t4 du citoyen, le4 d~oit~
êlêmentai~e4 de l'homme, et que vivant vot~e vie,

222
~ou66~ant vo~ ~ou66~an~e~, nou~ ~éjoui~~ant de vo~ joie~,
nou~ pui~~~on~ êt~e appelé~ a v~v~e vot~e de~tinée
bonne ou mauvai~e,
ma~~ que nous a~~epton~ ~~n~è~e-
ment, loyalement, 6~dèleme~t ".(1)
Quelques semaines après ce véritable discours-programme, Kojo
Tovalou Houénou fonde,
le 30 Avril 1924, la Ligue Universel-
le pour la Défense de la Race Noire
( LUDRN ) (2). La premiè-
re réflexion qu'inspire le titre de son organisation, c'est
bien entendu l'étrange ressemblance avec l'Universal Negro
Irnprovement Association
( UNIA ) de Marcus Garvey.
Les similitudes avec l'organisation garveyiste ne s'arrêtent
d'ailleurs pas au titre. Les obj"ectifs définis par la LUDRN
dans ses statuts reprennent presque mot pour mot le programme
de l'UNIA déjà présenté ci-dessus (3) • Alors faut-il voir
dans Tovalou Houénou un vulgaire imitateur ou bien alors un
adepte convaincu de Marcus Garvey ?
En réalité, si le programme de la LUDRN ressemble à s'y mé-
prendre à celui de l'UNIA sur de nombreux points, c'est tout
de même autre chose qu'une pâle copie. En effet on y retrou-
ve tous les thèmes chers à Tovalou Houénou tels la dénoncia-
tion de la théorie de l'inégalité des races ou la nécessaire
reconnaissance des droits de l'homme et du citoyen pour les
(1) Tou~ le~ p~opo~ ~ité~ ent~e de~ gu~llemet~ ~ont ext~ait~ de
l'A~tionColon,[ale du 25 Ma~~' 1924.
12l Fondée le 30 Av~il 1924, la LUVRN 6ut dé~la~ée a la P~é6e~­
tu~e de Poli~e le 22 Mai. Son siège était 6ixé, 126 Rue de
P~oven~e, dan~ un ou~eau meuolé au lOfje~ men~uel de 800 6~an~~.
ANSOM An n. Pol. Ca~ton 542. Note de ~en~eignement~ de Juin 1924.
(3) C6. 1è~t pa~t~e Chapit~e Tr

223
nègres. De plus et c'est sans doute là que réside la princi-
pale différence pour ne pas dire la principale divergence,
on ne demande pas aux Européens de quitter l'Afrique et nul-
le part on ne trouve trace du slogan l'Afrique aux Africains.
La LUDRN est dirigée par un comité directeur de 5
membres dont Kojo Tovalou Houénou est le président. Il est
secondé dans sa tâche par deux vice-présidents qui sont loin
d'être des inconnus. Le premier, René Maran, né à la Marti-
nique le 5 Novembre 1887 de parents guyanais, est un ancien
administrateur colonial. Prix Goncourt en 1921 pour son ro-
man Batouala(l), i l dut mettre fin ~ sa carrière administra-
tive suite à son succès littéraire. Bien que Batouala n'ait
rien d'un pamphlet au vitriol, sa préface en fait un brûlot
contre la colonisation. Dans çe texte, R~né Maran dénonce
en effet la famine qui décime les populations, les crimes com-
mis au nom de la Civilisation, le racisme ambiant, les abus
en tous genres, les malversations, la dégénérescence des
fonctionnaires coloniaux, etc •••
Comble du comble, i l a osé remettre en cause la supériorité
de l'homme blanc en déclarant tout à trac:
" -6J.. l'J..nJ..n:te.l-
lJ..ge.nQe. Qa~ŒQté~J..4aJ..t le. nèg~e., J..l n'y au~aJ..t que. 6o~t pe.u
d'Eu~opée.n-6 PI. (2J ces dénonciations et cette phrase assassi-
ne valurent à René Maran une solide inimitié de la part de
(IJ Re.né Ma~an:Batouala.
Pa~J..-6/Albin MlQhe.l 1921, 189 page.-6.
j
[2 J Re.né Ma~an op. Q..tt. p. 10.

22~
ses ex-collègues(l)
! Ecrivain mais également journaliste
i l mettra alors sa plume au service de l'Action Coloniale,
du Libéré puis des Continents.
L'autre vice-président de la LUDRN n'est ni un homme de let-
tre ni un homme politique. Saint-cyrien, polytechnicien, capi-
taine de vaisseau(2) , Sosthène Mortenol, qui avait été éga-
lement vice-président de l'Amitié Franco-Dahoméenne, est le
symbole vivant de l'assimilation réussie.
Le secrétaire-trésorier de la LUDRN est non moins illustre
puisqu'il s'agit de Ouanilo "Béhanzin, fils de l'ancien souve-
rain du Dahomey, bachelier èS-lettres et licencié en droit.
Il a pour secrétaire-adjoint un obscur avocat qui deviendra
par la suite une des personnalités politiques de premier
plan de la Vème République
: Gaston Mo~nerville. (3)
Fondée en Avril 1924, la LUDRN disparaîtra quelques mois
plus tard en Décembre 1924, suite au procès intenté par Blaise
Diagne au journal de la -Ligue. Aucun rapport de police ne
mentionne le nombre de ses adhérents mais à en croire une no-
te datée de Juillet 1926,
" l'aetion de eette Ligue n'eut
(l)A l'époque, Félix Eboué, lui au~~l d'o~lglne guyanal~e 6ut
un de~ ~a~e~ admlnl~t~ateu~~
coloniaux à ~outenl~ René Ma~an.
Leu~ amitié était d'allleu~~ anelenne pul~qu'll~ ~'étalent eonnu~
àu lyeée à Bo~deaux. Peut-êt~e e~t-ee à eette même époque et en
ee même lieu que René Ma~an 61t également eonnal~~anee de
Tovalou ffouénou.
(2) G~ade équlval~nt à eelu~ de eolon~l.dan4 l~a~mée de te~~e.
(3)
Né le 2 Janv~e~ 1'91 à Caqenne
[ Guyane), il oBtient ~on
doeto~at de d~olt en 1321 et 4'ln4e~it la même année au 6a~~eau de
Pa~i~. Véputé de la Guyane de 1 g3 2 à. 194 2, il e~t ~ ou~ -,6 ee~étal~e
d'Etat aux eolonie4 de Juin 1931 à. Ma~4 1938. Memb~e du pa~tl
~adleal et ~adleal ~oelall~te, il en 6ut le vlee-p~é~ldent en 1938.

225
qu'une po~tle de4 plU4 ~lduite4 ».(1) En fait peu importe
l'impact de l'organisation en tant que telle, car la LUDRN
c'est avant tout un journal :'. Les' continents.
A l'origine le journal devait s'appeler L'Intercontinental (2),
mais pour des raisons inexpliquées, ce titre ne fut pas rete-
nu. Organe de la LUDRN, le journal est un peu le fils spiri-
tuel de l'Action COloniale. Son équipe de rédaction est d'ail-
leurs composée de noms qui nous sont désormais familiers
Fernand GOuttenoire de Toury, René Maran, etc •••
Charles Lussy, ancien responsable de la rubrique Il l'Humani-
té aux colonies" exclu du PCF début 1923, est présenté comme
un " ami de la maison ". (3)
Parmi les autres collaborateurs du journal citons encore
Lucie Cousturier, qui avait déjà travaillé avec Tovalou Houé-
nou dans le cadre de l'Amitié"Franco-Dahoméenne.
Dirigée par Tovalou Houénou, le journal a pour rédacteur en
chef un autre collaborateur de l'Action Coloniale : Jean
Fangeat. Officiellement, 11 est administré par Ouanilo Béhan-
zin, mais la réalité est tout autre.
En effet dans une lettre adressée à un de ses proches, ce
dernier déclarait que
Tovalou Houénou avait usé de son nom.
»
Je me 4ui4 ~e6u4l a donne~ ma 4ignatu~e,
di4ait-il, et ( ... )
ai ~envoyl le4 dive~4e4 pièce4 en 6ai4ant pa~t a Tovalou et a
M. Fangeat de4 ~ai4on4 pou~ le4quelle4 je ne m'a44ocie pa4 a
(1) ANSOM SLOTFOM III Ca~ton 24. Note de police de Ju~llet 1926.
(2)
Le C'ont'in"è:nt N°l
12 Vlce.mf}~e. 198'(J, a~ti.cle. de. Emile. Oèogoudou
p.
10 •
( 3 )" Le~ C'0 ntl:n"e."n"t4
1, Ma~1 9 24 •

226
~ux ~t n'aee~pt~ pa~ t~ tit~~ d'admini~t~at~u~ ". Refusant
de s'associer A " la eampagn~ m~nl~ dans e~t o~gan~ eont~~
-ft , il poursuivait :
" Tl ltait inadmis~ibl~ qu'on 4~ 4~~vit d~ mon nom
~anS m'avoi~ p~lv~nu n~ eon4altl~t j'ai ajoutl qu~
j~ n'~nt~ndai~ pa~ êt~~ mis ~n seèn~ ~an~ mon eon~~n-
t~m~nt.
( ... ) Ayant agi ainsi, j'ai la eon~ei~ne~
d'avoi~ ~uiv~ ma ligne d~ eonduit~ habitu~ll~ a l'lga~d
d~ la F~ane~. Pa~ un in~tant j~ n~ rn~ ~ui~ méll aux
a66ai~~~ d~4 Contin~nt~ ~~ e'~st abu~iv~m~nt qu~
Tovalou a di~p04l d~ mon nom ft. (1)
En agissant de la sorte Tovalou Houénou pensait sans doute
bénéficier du prestige qui entourait le nom de Béhanzin et
faire taire une certaine presse coloniale qui ne cessait de
le traiter de Il pseudo-prince Il
Quoiqu'il en soi t, le premier numéro des' c"on'tinents parait
le 15 Mai 1924. Tiré à 7 000 exemplaires, vendu dans les
kiosques au prix de 0,25 francs,
expédié en Afrique, en Amé-
rique et aux Antilles, le journal est également distribué
gratuitement aux parlementaires coloniaux. (2)
Etrangement, ce premier numéro ne comporte aucun article ou
éditorial faisant la présentation du journal et de ses objec-
tifs. Sans doute la rédaction estime-t-elle que le public
(1)
L~tt~~ eitée pa~ E. Ologoudou dan~ l~Con:t,[n~nt N° 1
12 Véeemb~e 1910, page 10.
(2)
ANSOM AFF. Pol. Ca~ton 542, Not~ d~ poliee de Juin 1924.

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228
des Continents a suffisamment eu le loisir de faire connais-
sance avec ses principaux collaborateurs dans l'Action Colo-
niale ou Le Libéré, pour qu'elle juge inutile de " faire les
présentations ".
La sortie du journal coïncide pratîquement avec la victoire
électorale du Cartel des Gauches aux légîslatives de Mai 1924.
A cette occasion, René Maran dénonce la politique coloniale
menée jusqu'alors par les radicaux et les radicaux socialistes
et i l lance en direction du nouveau Ministre des Colonies :
" PlU4 de di4eou~4, plU4 de 6o~mule~ imagle4, de4 aete4
et vite 6i l'on veut ~auve~ de~ ~aee~ en pl~il de mo~t,
le4 G~ande~ T~adition~ de la F~anee de4 V~oit4 de l'kom-
me et du Citoyen et t~availle~ pou~ l'humanitl " (1)
Bientôt, au ministêr~ des Colonies, la défaite des" blocards
nationaux ,,(2)
et la victoire du Cartel des Gauches se tradui-
sent par l'arrivée d'Edouard Daladier. D'emblée le nouveau
Ministre est considéré par l'équipe des Continents comme un
allié dans la place. Au cours d'une entrevue avec René Maran,
Edouard Daladier n'a-t-il pas " expo~l un plan de ~l6o~me en
4 'agit notamment de 6ai~e di4pa~a~t~e en pa~tie l'indiglnat
et 4u~tout de ~eti~e~ aux Gouve~neU~4 de4 eolonie4, petite4
ou g~ande4, eette omnipotenee dont il4 40nt inve4ti4 et qui
le4 ~end plU4 pui44ant6 que le P~l4ident de la Rlpublique et
le6 Mini6t~e4 " (3)
( 1)
Le-6 C'on~:.fn~en;t~
1 5 Mai 19Z 4 •
(2)
Exp~e~4io~ d'And~[ CoueRa~d pou~ dl4igne~ le~ pa~ti~an~ du
Bloe National. l "Aet:to'nColoniale 1 a Ma~4 19 Z4.
(3) ANSOM SLOTFOM III Ca~tdn 24. P~opo~ dIE. Valadie~ ~appo~tl4.
pa~ R. Ma~an.
Note de l'agent Vl4i~l 12 Vleemb~e 1924.

229
La bonne disposition d'esprit de Daladier & l'égard de ces
partisans d'une" bonne" politique coloniale se concrétise
rapidement. Alors que la toute puissante Direction des Affai-
res Politiques du ministère des Colonies cherche à empêcher
Tovalou Houénou de se rendre aux Etats ... Unis, le Ministre' re.:-
fuse-de signer une lettre demandant au Préfet de Policade
lui refuser son passeport. ~1algré une démarche verbale entre-
prise par dessus la téte du Mini~treCl), il obtient gain. de
cause et il s'embarque pour les USA où tl arrive le 16 Août
1924.
San arrivée aux Etats Unis a été précédée par une formidahle
campagne de presse orchestrée par les' journaux nègres a!!1.éricai.ns.
Le Negro World de Marcus Garvey, a publié intégralement le .tex-
.
te de sa conférence sur ft le problème de la race noire ";
la revue Opportunity doit également publter ce l:.exte et. pour
ne pas être en reste The Crists, le journal de WEB DuBois,
a publié une interview de l'avocat dahoméen réalisée par le
célèbre romancier d'origine j amaIcaine : Claude Mac KayJ Z)
Pour comprendre cet engouement, i l faut se replacer dans· le
contexte historique des années vingt. Tout d'abord, l'Amé-
rique n'était pas encore devenue ce qu'elle est aujourd'hui.
Le centre du monde intellectuel, artistique et autre c'était
l'Europe, vers laquelle se tournaient tous les regards. Le'
" must ", ce n'était donc pas d'aller aux "States" mais au .con-
traire de se rendre en Europe. C'est ainsi que Claude Mac
--------------------
(1) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~~on 92. P~ojè~ de le~~~e du M~n~~~~e de~
Colon~e~ au P~e6e~ dePol~ee ( ~an~ ~u~~e ).
(Z)
C. Mae Kay (1890-1945)
6~gu~e ~trlpo~~an~e de la "Neg~o Rena~~~anee"
au~eu~ de "l1orne. ~o Ha~lem","Banjo","Banana
Bo~~om" a~n~~ que
de nomb~eux poème~.

Ray s'était embarqué comme chauffeur ~ bord d'un bateau afin
d'aller assister au IVème Congrès de l'Internationale Cornmu-
niste à Moscou en 1922.
Rentré d'URSS, i l séjournera plusieurs années en Europe, prin-
cipa1ement dans le Midi de la France. Il sera suivi parle
poète Langston Hughes qui, embarqué comme serveur dans un car-
go, visitera Dakar et Rotterdam avant de venir à Paris.
Plus tard, d'autres écrivains noirs américains feront le vo-
yage tels Countee Cu11en, Richard Wright,
etc
D'autre part, l'Amérique noire est en plein délire garveyiste.
Durant l'été 1920, Marcus Garvey a rassemblé 25 000 personnes
au Madison Square Garden pour les appeler à s'organiser afin
de " plante~ le d~apeau de la l~6e~tl 4U~ ce g~and cont~nent
qute~t l'A6~~que ". (1)
Parlant au nom des 400 millions de nègres de la terre, l'UNIA
revendique plusieurs millions de membres répartis dans 25
pays. qu.ell~ que soit la part d'exagération contenue dans ces
chiffres, l'UNIA est véritablement un grand mouvement de
masse, capable d'organiser des défilés géants dans lesquels
ses membres paradent en grand uniforme.
Dans ce contexte, le voyage de Tova10u Houénou est
véritablement un évènement. Pour Marcus Garvey qui croit en
" la pureté de la race nègre ,,(2), c'est une véritable au-
baine que de pouvoir présenter au Congrès de l'UNIA un afri-
--------------------
[ 1) 'Ph~lo~ophy an'do ein:Lo n'J.J'·ot "M"altc.U'4: G~~:~v·e.y,
New Yo~kJ Atheneum
1982 p.lU de la p~l6ac.e de Holll4 R. Lifnc.h ( t~aduction pe~­
-6onnelle ).
12)Ph'<:lo4'ophyandopiYt,torr.~"o'6Ma~cu4 Ga~vey op. c~t. T II p. 81
( What we ôel~eve
).

231
cain de " pure" race et prince de surcroit~ Lorsque le 18
Août 1924, Rojo Tovalou Houénou monte à la tribune du Congrès,
c'est une foule déchaînée de près de 5 000 personnes qui lui
fait un véritable triomphe. Dès cette première prise de con-
tact, Tovalou Houénou donne le ton de ce que seront ses fu-
turs discours, en déclarant que la France est un pays oü l'on
ignore le préjugé de race. Le lendemain, il prononce un long
discours que ses amis publieront à Paris sous le titre on
ne peut plus révélateur de " Pa~i~, Coeu~ de la ~ace noi~e ~(1J
Dans l'ambiance torride du Congrès, Rojo Tovalou Houénou com-
mence son discours par un hymne à l'Afrique.
" Quand debout, vio~ant~, vous m'acclamiez tout à.
ce n'e~t pao a moi que ~'ad~e.ôslÙt cet hommage 6lat-
teu~. C'eot à. la ~eine de.ô ma~ty~ , a la ~ou66~ante,
à. la doulou~eu.ôe mai~ à. la toujou~s ~ayonnante et p~e~-
tigieu~e A6~ique ! Elle ~elève la tête ap~è~ avoi~
été ~oumioe pendant de~ s~ècle~ a un pillage éhonté
et ap~è~ avoi~ ~uôi de~ gue~~e~ dé~a~t~eu~e~ p~ovo­
quée~ pa~ de~ bandit~ eu~opéen.ô, dont le ~eul but
était de ~e p~ocu~e~ de~ e.ôclave~, c~ime~ indélébile~
commi~ ~ou~ le 6allacieux p~étexte de la civili~ation
et du dogme ~tupide de la supé~io~ité de la ~ace blan-
che. Con~ciente de ~on génie et de ~a de~tinée, l'A6~i­
que veut dl~o~mai~ ~e ~égén~nen "
(1)
Le:sContin'ent~ 1en 0cto one
19? 4 .

232
Poursuivant son propos, i l rend un hommage appuyé à son h6te.
" VotJte. a..6.60~i.a.t'[or:.,
M. le. PJtê..6-f:de.nt Ma.Jtc.u.6 Ga.Jtve.y,
e..6t le. .6,[on,[~me. de. la. Ra.c.e. Noi.Jte.. Elle. a. l'a.va.nta.ge.,
da.n.6 .6on Jta.d,[c.a.l-<:'~me de. pJtê.~e.nte.Jt ne.tte.me.nt le. pJt.oblè-
me., de. tJta.c.e.Jt la. Jtoute la.Jtge. e.t tum,[ne.u.6e. qu,[ doit
nou.6 c.ondu,[Jt.e. a.u ~a.tut.
" Cependant il ajoute aussit6t
" La. Jta.c.e. no,[Jte. pJtê..6e.nte. de.~ gJtoupe.me.nt.6 impoJtta.nt.6
da.n.6 le. monde. e.nti.e.Jt; i.l 6a.ut le.uJt pe.Jtme.ttJte. de. c.ontJti-
bue.Jt a l'oe.uvJte. de. Jtédempti.on ~e.lon le.uJt.6 mê.thode..6,
le.uJt~ d,[.6c.,[pl,[ne.~, le.uJt~ Jte.~~ouJtc.e.~, le.uJt.6 a.c.t-<:'vitê..6.
Va.n.6 c.e. but de. d-<:'ve.Jt.~,[tê. da.n.6 l'a.c.tion, nou.6 a.von.6
60ndé a Pa.Jt,[~ la. Li.gue Uni.ve.Jt~e.lle. pauJt la. Vé6e.n.6e. de.
la. Ra.c.e. NoiJt.~.
"
Expliquant le choix de Paris conune s'iège de la LUDRN, i l
déclare que c'est la capitale de la France, la capitale des
grandes idées rénovatrices,
le centre artistique et intel-
lectuel du monde. Enfin, i l ajoute
" ••• c.e. qu-<:' nou.6 i.ntéJte..6.6e. pa.Jt. de..6.6u.6 tout, la. FJta.nc.e.
e..6t le. .6e.ul pa.y.6 qui. non .6e.ule.me.~t n'a. pa..6 le. pJtê.ju-
gê. de. Jt.a.c.e. ma.i.6 lutte pouJt .6a. di..6pa.Jtition. ApJtè.6 a.voiJt
pJtoc.la.mê. non pa..6 'Vi.e.u e.t mon dJto,[t' ma.i.6 te..6 VJtoit.6
de. l'Homme., .6a.n.6 d,[.6t,[nc.t,[on de. Jta.c.e. e.t de. na.tion, e.l-
le. a. i~ité pa.Jt la. gJta.nde. voix de. la. Conve.ntion, le..6
noiJt.6 qui éta.ie.nt la. ve.ille. de.~ e.~c.la.ve..6, a e.nvoye.Jt
de..6 dê.putê..6 .6,[ége.Jt da.n.6 la. c.a.pita.le. e.t lég-<:'6ê.Jte.Jt pouJt
tou~ le..6 6Jta.nça.i.6 e.t le..6 c.itoye.n~ pla.c.é.6 .6ou.6 la. tu-
te.lle. de. la. FJta.nc.e. n

233
Au pays de la discrimination officielle et du lynchage, Tova-
lou Houénou avait oublié la réalité de la France des Droits
de l'Homme. A croire que Montmartre était situé dans le
" Deep South "!
Apr~s avoir fait l'éloge des français, il dénonce Il l'impl-
Jtiali.6me anglo-.6axon e:t la dl:te~:taole .601.6 de l'oJt Il qui le
caractérise et i l conclue sur ces mots ft Vive l'union de :tOU.6
le.6 NoiJt.6 e:t vive l'A6JtiQue !"(1)
Si nous avons si longuement cité les propos de Tovalou Houé-
nou, c'est à la fois pour restituer l'image du personnage
et clarifier la nature de ses liens avec Marcus Garvey.
A la lecture de ces quelques lignes, chacun se rend à l'éviden-
ce qu'il n'était pas le garveyiste s1 complaisemment décrit
par les fonctionnaires de la rue Oudinot. Pour le président
de la LUDRN, Marcus Garvey est un allié objectif, ni plus
ni moins. Se gardant de critiquer le ft président provisoire Il
de l'Afrique i l s'est bien gardé de l'approuver sur le fond.
Le garveyisme Il a l'avan:tage dan.6 .6on Jtadicali.6me de pJtl.6en:teJt
ne:t:temen:t le pJtobllme Il affirme Tovalou Houénou, tout en
ajoutant aussitôt apr~s que chacune des composantes de la ra-
ce noire doit pouvoir oeuvrer pour la " rédemption" de l'A-
frique par ses propres méthodes. Le message est clair. To-
valou Houénou n'entend pas être un apôtre docile de Marcus
Garvey. Au-delà de l'idéologie garveyiste, ce qui le fascine
(7) Tou.6 le.6 pJtopO.6 en:tJte de~ guilleme:t.6 ~orr.:t :tiJtl.6 de..6
Co'n:tine'n:t~
7e.Jt 0 c:to DJte. 1 9 Z4 ,

........... _ - - - - - - - - -
234
sans doute le plus c'est la puissance et la capacité de mobi-
lisation des organisations noires américaines. En effet, quel-
le différence entre l'UNIA et l'Amitié Franco-Dahoméenne ou
la LUDRN, organisations dont l'audience
dépasse diffici-
lement le cadre de l'hexagone et dont l'influence est quasi-
inexistante en Afrique
Malgré les divergences fondamentales existant entre Marcus
Garvey et Tovalou Houénou, notamment sur la question de l'in-
dépendance nationale, et les proclamations maintes fois réi-
térées de son loyalisme et de son attachement envers la Fran-
ce, les autorités françaises ne cesseront de voir en lui un
individu hautement dangereux. Aveuglées par leur phobie de
la subversion tous azimuts, elles ne retiendront de tous
ses propos que les critiques, pourtant timides, adressées
à l'encontre du système colonial.
Cette attitude, un homme comme René Maran essaiera inlassa-
blement de la modifier, par des appels en forme d'appels au
secours, ou plutO~ d'appels à la raison. En Juillet 1924,
sous le titre " Au pied du mult ", i l icf;vdtl; dans les Continents
" Le mini4tllte de4 colonie~, gltace a ~on attitude qui,
depui4 vingt an~, n'a jamai4 ce~~l d'ltlte anti-6Itan-
~ai~e, ~e tltouve acculé maintenant a une ~ituation
cltitique. Il e~t chaque jouit davantage gltignoté palt
la pltopagande bolchévi4te. Celle-ci gagne du teltltain
en Indochine, a Madaga~calt, palttout en6in où l'indi-
glne commence a pltendlte con~cience de ~a dignitl.
Le tempJ n'eJt plU4 loin où ~l lui 6audlta choi~..i.1t

235
ent~e nou~, qui ne voulon~
que de~ jaune~ et de~ noi~~
6~anç.ai~ ou ~ien. Ca~ ~'-il c.ontinue à. ~'atte~moye~
ain~i, ~'il c.ont-inue à. êt~e ~mpé~-ialo-e~c.lavag-i~te
~e~ c.olon-ie~. Vonc., -il lui 6aud~a c.no-i~-i~, et vite,
ent~e nou~, qui n'ex-igeon~ que la ju~t-ic.e due à. no~
p~otégé~ et le ~ég-ime ana~c.n-ique, que le bolc.hévi~me
6ait m-i~oite~ à. leu~~ tjeux ~ou~ le nom de li.be~té ".(1)
La création d'une commission coloniale par le Vème Congrès
de l'Internationale Communiste ne fit rien pour dissiper les
craintes de l'auteur de Batouala. tI Vevant c.e dange~,
déc.la~e
t-il deux moi.~ plu~ ta~d, le~ plate~ a~gutie~ de M.
Vela6o~~e ne peuvent plus ~~en. Tl ne ~'agit plu~ de
déc.ouv~i~ pa~tout la ma-in de Mo~c.ou. Il 6aut la dé-
nonc.e~ là. oa ~lle ~e c.ac.ne. Ce n'e~t pa~ avec. de~
yeux bandé4 pa~ le 4ec.ta~-isme c.olonial qu'on la déc.ou-
v~i.~a. Et pui~, 4u~tout, ~l 6aut que de toute u~gen­
c.e la Chamb~e ac.tuelle et le gouve~nement ac.c.o~dent
aux indi.g ène4 de~ c.olo ni.e4 le4 d~oit~ élémentai.~e~
qu'il~ ~éc.lament. Le~ anc.~en4 c.omôattant~, le~ in~ti-
tuteu~4 et le4 6onc.tionnai.~e~ i.nd-igène4 ~e~ont le~
p~emi.e~4 à. êt~e touc.hé4 pa~ c.ette p~opagande. O~ ju~-
qu'à. c.e jou~,
qui ont toujou~~ été le~ plU4 b~i.mé~ pa~ l'admini~t~a­
tion c.oloni.ale 6~anç.aise. Voilà. l'aut~e dange~. A d~oi­
te, c.omme à. gauc.ne, à. l'ext~ême gauc.ne, not~e ~itua­
tio n e~ t do nc. menac.ée aux c.olo ni.e~'. C' e~t en luttant
( 1 J . Le~Conti.nent~ 15 Ju-illet 1924.

236
gouve~neu~~ exagê~êment omnipotent~ que l'on ealme~a
le ju~te mêeontentement de~ indigène~. Sinon le~ Si-
~ène~ au~ont beau temp~ pou~ ehante~ la ~êvolte ".(1)
Profitant de la présence de Daladier au ministère des Colo-
nies, l'équipe des Continents joue à fond la carte du dialo-
gue pour régler des problèmes de toutes sortes et ainsi ren-
dre sourds les " indigènes 11 aux appels des " sirènes commu-
nistes ". Les uns et les autres écrivent au Président du Con-
seil et/ou au Ministre des Colonies pour demander l'amnis-
tie pour les m~mb~~ de la vvs(2) et les personnes condamnées
suite aux incidents de Porto-Novo; la promulgation aux colo-
nies de la loi sur la presse du 29 Juillet 1881; la natura-
lisation des instituteurs" indigènes ff diplômés de l'Ecole
Nationale d'Aix en Provence, etc .•..
Partisans du dialogue, ennemis de tout ce qui ressemble à
une prise de position radicale, les hommes des Continents
sont fascinés par Il l'apôtre de la non-violence"
: Gandhi.
Une phrase du Mahatma trône dans le journal telle une devise
» Nou~ ne lutton~
eont~e ~ien de ee qui e~t bon ".Dès le pre-
mier numéro des Continents, René Maran a brossé le portrait
du sage indien et, régulièrement, le journal publie des in-
formations relatives à son activité politique. Ecrivain de
[ J )
Le~Co rr.tinerr.t~ 15 S eptemb~e J924.
12J Soeiêtê ~ee~ète malgaehe dont lea initiale~ ~igni6ient
Vy, Vato, Sakelika ( pa~ le 6e~, la pie~~e et le poigna~d ).
En 1916 elle lança un mouvement vi'a-ant à. " êvinee~ le.ô 6~ançai~
de la G~ande Ile, au be~'oin pa~ le maaa-ae~e ". C6. Tn'tlr.oduetion
al'êtude:de.ô .ôoeiété~~ee~-è'te.&a Madaga.ô ea~ dan~R.a pkemiè~e
moitié du XXème ~iè'ele. Pa~Ls VI I. VEA. 1982. 55 P.
ft
annexe~ de Benjamina Ramanant~oa.

237
talent, René Maran a décrit ce personnage énigmatique en 194
mots, ponctués uniquement de virgules et de points virgules,
sans aucune ponctuation finale,
" de peu~ peut-it~e de d~-
~h~~e~ le ti~~u d~li~at et a~~~i-6in ~u~ lequel a ~té b~odé
~e tableau-po~t~aLt ". (1) Etonnant de réalisme, voici le tex-
te de ce portrait : " Ve taille un peu au-de~~u~ de la moyen-
ne, un homme d'une mai9~eu~ ext~ême, au 6~n v~~age a-
menu~~é pa~ l'a~~è~e; dan~ ~e vL~age de mo~t v~vant,
deux yeux hab~tué~ à vo~~ en dedan~, à vo~~ longuement
en dedan~, deux ôeaux qeux aux ~Ll~ ~a~e~ et malade~,
que o~ouLlle la mqopLe et que no~e le ~êve; un 6~ont
du g~and z~gomat~que,
deux o~eLlle~ qu~ ne pa~a~~~ent
g&~nde4 que pa~~e que l'anémLe, en le~ dé~ha~nant, le4
pant, et délL~at, aux na~ine~ ét~oLte~; de~ lèv~e~
êpai~~e~ et ~om~e mû~e~, de~ lèv~e~ que gon6lent en
même temp~ la volupté de ~a~~L6Lce et l'oedème de la
malad~e et de~ p~Lvation~; un menton oa~ et 6uyant,
de ~et en~emble déb~le et ~han~elant, mo~bLde et pL-
toyable, une volonté ~ou~de, Lntang~ble, me~u~ée, bLen-
veLllante et ~e~eine, allLée à ~et aL~ 'd'Lmpla~able
dou~eu~' que Renan a p~ité à Ma~~-Au~èle - tel e~t
( 1) Cheil<.h Tidial1e Gadio ..' Eme!tg'en~e d' une p~e~~e pana6k~~a:ine
rl~22'~1~1G) Pa~L4 VII. Malthi4e de 4o~lotogle. 1982 p. 110.

23S
Gandhi, le me~~ie ~ontempo~ain que l'Inde entiè~e,
d'une vo1.x unanime, ~u~nommé Mahatma, ~e qui ~igni6ie
§ll.a.nde âme" (1)
Ecrivain et poète de grande classe, René Maran sait
.
aussi se faire
polémiste. En Octobre 1924, c'est en des
termes bien différents qu'il brosse le portrait de Blaise
Diagne dont i l dit qu'il a f a i t " du pat~ioti~me
ave~ le
~o~p~ de ~e4 6~è~e~ ".(2) Quinze jours plus tard, le jour-
nal met de nouveau en cause le député du Sénégal. Un billet
anonyme intitulé" le bon apôtre l' l'accuse d'avoir accepté
"
le poste de commissaire au recrutement en échange d'
...u./\\~ c.e-Rt"-~.
ne ~ommi~4ion pa~ ~oldat ~e~~uté ". (3) A vrai dire l'accusa-
tion n'est pas un scoop journalistique, puisque l'Humanité
avait écrit quelques mois plus tôt qu'il était" le ~e~gent
~e~~uteu~, le pou~voyeu~ de Mangin, l'homme qui du~ant la
gue~~e, vendit ~e~ 6~è~e~ no1.~~ pou~ un po~te d'embu~qué ". (4)
A llépoque, Blaise Diagne était resté silencieux à ces propos
pourtant peu flatteurs.
Lorsque l'article des Continents' est publié, sa réaction est
tout autre. Ce grand patriote qui ne connaissait l'horreur
des champs de bataille que par ouie dire, décide alors d'atta-
(1)
Le.6 Continen.t~
1 e~ Novemeo~e 1 IlZ4 •.
(2) Le~ Continent.6 1e~ O~tob~e 19Z4.
(3)
Le.6 Continent~
15 O~to8~e 1924.
(4) L'Humanité 14 Juillet 1924.

239
quer le journal en justice. En réalité, pour Blaise Diagne
i l s'agit moins de défendre une réputation déjà bien ternie
par son alliance avec le gros commerce bordelais et son man-
que d'intérêt pour la défense de ses frères africains que
de porter un coup fatal au journal Les Continents.
Dénonçant l'oppression et l'exploitation des peuples afri-
cains, dévoilant les compromissions en tous genres, prenant
le parti du colonisé contre l'administration coloniale, le
journal est l'ennemi juré du n parti colonial ", ce lobby
puissant dont Blaise Diagne est l'une des figures de proue.
c'est le 24 Novem.bre 1924, que le procès s'ouvre devant les
assises de la Seine. Prenant le premier la parole, Jean
Fangeat, responsable du journal en l'absence de Tovalou Houé-
nou, déclare :
»
Et voila ! 'Pou~ eo~~e~ ~a plainte, M. Viagne n'hl4i-
te pa4 a nou~ taxe~ de eo~ehlvisrne et d'anti-pat~io­
ti4me. C'e4t ~a rnlthode. LO~4qu'il voulut eomp~omet­
t~e 40n aneien 4ee~ltai~e aux e66eeti64 eoloniaux, il
l'aeeu4a d'ana~ehi4me. Mou~ au~ion4 Bien voulu 6ai~e
appel a ~on témoignage, mai4 le malheu~eux Hunkan~in
e4t aujou~d'hui dlpo~tl en Mau~itanie ... »(7)
Le ton était donné,
les échanges allaient être vifs.
Aprês cette déclaration, les témoins de l'accusation défilent.
Militaires ou civils, ils font tous partie du gotha de la droi-
te française et du » parti colonial ". Clémenceau, Mandel et
le Général Gouraud absents, ont adressé des témoignages écrits.

240
Par contre les députés Brunet et Massé, le gouverneur Angoulvant,
l'ancien Ministre des Colonies Simon et l'ancien Président
du Conseil Painlevé sont venus en personne témoigner à la
barre. Le député du Sénégal a pour défenseur son collègue des
Antilles Alcide Delmont. Ayant apporté leurs témoignages, les
témoins de l'accusation laissent la place à ceux de la défen-
se.
Parmi eux, i l y a bien entendu les " amis de la maison " tels
Fernand Gouttenoire de Toury, Félicien Challaye ou André
Berthon, des hommes qui bien qu'ayant des opinions poli tiques
différentes, se sont tous illustrés par leur combat en faveur
des colonisés. A cOté de ces politiques, i l y a des hommes
de terrain qui ont vécu les heures douloureuses de la guerre.
Ainsi en est-il du général Sarrail, ancien commandant du corps
expéditionnaire en Orient, qui a entendu, dit-il, les propos
de ses hommes qui dénonçaient fi le volontariat forcé ".
De même Lamine Senghor, engagé volontaire, grand blessé de
guerre, gazé, décoré de la croix de guerre " avaJ.:t en:tendu
le~ plaJ.n:te~ de ~e~ cama~ade~ de :t~ancnée~. On ne payaJ.:t pa~
aux au:t~e~ mJ.lJ.:taJ.~e~, le~ même~ p~J.me~ qu'aux élec:teu~~ ~é­
négalaJ.~ de M. VJ.agne. On leu~ avaJ.:t p~omJ.~ beaucoup. On ne
:tJ.n:t guè~e." Après avoir déclaré que M. Diagne " é:taJ.:t a~~ez
payé
pou~ n'avoJ.~ pa~ be~oJ.n de 20 ~ou~ pa~ ~ec~ue ", il af-
firrno, que le député du Sénégal " n'é:taJ.:t plu~ aJ.mé de ~ e~
compa:t~J.o:te-6 "et il l'adjura " de ne pa~ condamne~ un blanc
qu-<... no
(11
U.6
dé6end nou~ le~ nèg~e~ ".
[1l Le~' Con:tJ.nen:t-ô15 Wovemb~e.-1e.~ Véce.mff~e. 1924.

241
Malgré les témoignages des uns et des autres, Jean Fangeat
est condamné à 6 mois de prison avec sursis mais surtout
1 500 francs d'amende et 2 000 francs de dommages et
in-
térêts.
René Maran, trop optimiste, pense que Blaise Diagne est sor-
t i amoindri du proaès le journal au contraire grandi.
On décide d'augmenter le tirage du journal et de l'envoyer
à profusion au Sénégal. (1)
Cependant, le numéro daté du 15
Décembre 1924, est le dernier numéro du journal. Confronté
à des difficultés financières liées à l'absence de Tovalou
Houénou et au résultat du procès, le journal disparaît, ren-
dant caduque la fusion envisagée avec Le Libéré.
Ephémère mais régulier,
le journal a eu une influence sans
commune mesure avec l'importance de la LUDRN, et l'on peut
le considérer comme le premier grand journal africain en
France. Bi-mensuel, Les continents, sera paru 14 fois en 2
mois d'existence.
C'est un véritable exploit quand on sait que le Messager
Dahoméen
( mensuel)
avait publié seulement 7 numéros entre
Novembre 1920 et Février 1922 et que le Paria ne paraîtra
jamais régulièrement malgré le soutien des communistes.
Pendant tout le temps où ces évènements graves s'étaient dé-
roulés, Tovalou Houénou était toujours aux Etats Unis. Après
son triompe au Liberty Hall, i l visita de nombreuses villes
lors d'une tournée organisée par la NAACP, de WEB Du Bois,
(1) ANSOM SLOTFOM III Ca~ton 24. Note de l'agent V!4i~! 12
V!c.emo~e. 1924.

242
l'organisation rivale de l'UNIA de Garvey. Cependant, le
temps des bains de foules terminé, son séjour prit un goût
amer. Ses ressources fondant à vue d'oeil, i l alla demander
au Consul de France à Chicago n de lui trouver une position ". (1)
Pire, alors qu'il était dans un restaurant avec deux
blancs membres de la NAACP, i l fut expulsé violemment, per-
dant deux dents dans la ~agarre.(2)
Le Consul de France commentant l'évènement à sa manière décla-
ra que:
» ~a eouleu~ lui a valu d'lt~e mltl l'aut~e jou~ dan~
une annai~e a~~ez dé~ag~laole qu~ ~'e~t p~odu~te dan~ un
~e~tau~ant ~an~ qu'il y eut, je do-i.~' le dJ:.~e, de ~a 6aute " (3)
Ah ! euphémisme quand tu nous tiens
!
Le Negro World quant à lui îronisa en déclarant
qu'il espérait que désormais i l
( Tovalou Houénou ) apprécie-
rait le slogan Il l'Afrique aux Africains n
!
Par la suite, Tovalou, qui avait perdu toute grâce aux yeux
de l'UNIA en fréquentant la NAACP et en entretenant des re-
lations coupables avec des blanches, sera traité de soi-di-
sant prince par le journal de Marcus Garvey. (4)
De ce séjour aux Etats Unis, Tovalou Houénou gardera le sou-
venir d'un" repaire de véritables sauvages"
(S)feut-être
comptait-il parmi eux les Garveyistes ?
(1) A~eh. Vipl. An~ique ( 1918-1940 ) Sé~~e k Que~tion~ gene-
~ale~ do~~-i.e~ 21. Lett~e du Con~ul de F~anee a Chieago au
Mini~t~e de~ An6ai~e~ Et~angè~e~ - 4 JuJ:.n 1925.
(21 Tony Ma~ti:n 'R'aee'FiAJ.Jt. W-e~tpo~t(USA) ,G~eenwood P~e~~/1916
p. 218.
(31
Idem note 1.
(41 Neg~o Wo~ld 4 Juin 1921 p. 2.
(5) ANSOM Ann. Pol. Ca~ton 515. Lett~e de Tovalou au Mini~t~e de~
eolonie~ 1l Av~il 1926;

243
En 1925, i l s'embarque pour l'Afrique non pas Il . po u~ IJ nomente~
un ~oulèvement eont~e la dom~nat~on eolon~ale tl~anç.a~~e ,,(1),
" (2) , mais tout
simplement pour se rendre au chevet de son père agonisant.
Le 13 Décembre 1925, à peine un mois après son retour, son
père décédait des suites d'une longue
maladie.
Tovalou Houénou a alors la désagréable surprise d'apprendre
que son père l'a déshérité au profit de son frère
cadet
Georges. rI tente de faire valoir son droit d'aînesse et nie
toute validité au testament qu'il décrit comme étant" une
~n~ulte et une p~ovoeat~on d la 6amille Houlnou ,,(3).
Il accuse M. Crespin, l'avocat de son père, de vouloir faire
sa fortune et sa gloire sur le dos de sa famille et lui dé-
clare dans une lettre enflammée " vou~ ête~ d'o~e~ et dljd
la eau~e d~~eete et llauteu~ ~e~pon~aele d' une po~~~6~l~tl
de dlehalnement ~lvolutionnai~e au Vahomeq ,,,(4).
L'emphase de l'homme de robe mêlée au style garveyiste don-
nait un cocktail détonnant pouvant aussi bien provoquer
le rire que la peur.
En Mars 1926, Kojo Tovalou Houénou se rend au To-
go pour défendre des africains poursuivis pour détournement
de fonds au préjudice d'une société commerciale de Lomé.
If
Il
(1) G. Gauthe~ot: Le bolehêvi~me en A6~iqu~
Ren~e~gnement~
J S·CAF
_ _ ;
eolon~aux NQ 1 Juillet 1930 p. 424.
12) 1. Gei.t.S ~ -0 p. eJ.t. p. 30 9 .
(3) ANSOM A66aJ.~e.t.S Politique.t.S Ca~ton 515. Lett~e de Tovalou
Houénou d M. C~e~pin,
2 Flv~J.e~ 1926.
(4)
Ib'<'d.

244
Au cours du procès, ses interventions provoquent de nom-
breux incidents de séance. ri se présente lui-même" c..omme
et c..apable de 6ai~e plie~ devant lu~ toute~ le~ auto~~tê~ :
gouve~nement~ et aut~e~ ~. (71
Saisi d'une plainte pour faux et escroquerie, le parquet de
Cotonou délivre un mandat d'amener contre lui. Il voit dans
cette mesure une manoeuvre " provocatrice et dangereuse " du
gouverneur du Dahomey et i l écrit au Ministre des Colonies
" J'a~ v~ngt c..inq an~ de ~êjou~ en F~anc..e, je ~ui~
c..~toyen, ancien ôle~~ê de gue~~e, avoc..at a la c..ou~
d'Appel de Pa~i~. J'a~me la lutte, mai~ l'e66et de
la c..ampagne ent~ep~i~e pa~ c..e~ 6~ança~~ c..ont~e moi
e~t d[plo~able~ Ca~, non ~eulement le~ dahomêen~, ma~~
le~ a6~~c..ain~ qui ne ~ont pa~ ~ot~, ~e demandent ~i
la F~anc..e n'e~t pa~ l'ennemi dêc..la~ê de c..eux d'~nt~e
eux qui ~ont êvolué~ et ont a~~imilé la c..~v~li~ation
eu~opéenne. "
"
(
•••
J
Me~ pé~ég~ination~ a t~ave~~ le monde et
tout de~niè~ement en Amê~ique ~e t~ouve le ~epa~~e
de~ vé~~table~ ~auvage~, n'ont 6ait que ~edoublé mon
a66ec..tion et mon attac..hement pou~ la F~anc..e. C'e~t
d'expé~ienc..e que je ~ai~ que le ~alut de la ~ac..e no~­
~e lui viend~a de~ 6~ançai~, voila pou~quo~ c..itoyen
6~ança~~ je n'hé~ite pa~ a c..ombatt~e le~ mauvai~ 6~an-
(7) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 5a. Note de ~en~eignement~ ~u~
Tovalou Houénou. Non datée.

245
ça~~ ma~~ en év~tant avee g4and ~o~n de ble~~e~ la
Mè.~e-Pat~~'e dan.& une lutte na~oudie et loyale ". (1 )
Transféré au Dahomey le 18 Avril 1926, Kojo Tovalou Houénou
sera jugé et condamné à une lourde peîne d'emprisonnement puis-
qu'il ne sera libéré qu'à la fin de l'année 1927.(2)
A sa libération, i l s'embarque pour Dakar et mène campagne
contre Blaise Diagne au côté de Lamine Guèye et Galandou
Diouf. (3)
En Mai 1928, i l part avec oes deux derniers pour la France,
afin de demander l'invalidation de l'élection de Diagne. A-
près l'insuccès de leur tentative, Lamine Guèye et Galandou
Diou! regagnent l'Afrique alors que Tovalou Houénou prolon-
ge son séjour en métropole. Il semble alors reprendre la
fréquentation
des salons parisiens, faisant ainsi la con-
naissance d'une riche métisse américaine venue pour apprendre
le chant(4) , puis recueillant la veuve de Ouanilo Béhanzin
décédé en Mai 192B(5~.
Apparemment Tovalou Houénou séjournera plusieurs années en
France sans prendre part à aucune activité politique. En
Octobre 1932, i l épouse à la mairie du Vlème arrondissement
une cantatrice américaine du nom de Roberta Dodds Crawford. (6)
(1) ANSOM An n. Pol. Lett~e de Tovalou Houénou au M~n~~t~e de~
Colon~e~ 17 Av~il 1926.
(2) ANSOM SLOTFOM III Ca~ton 50. Note de ~en~eignement ~u~ Tovalou
Uouénou ( non datée ).
( 3)
Idem.
(4)
ANSOM SLOTFOM III Ca~ton Z4. Wote de l'agent Vé~i~é
8 VéeemfHe 1928.
(5) ANSOM AFF. Pol. Ca~ton 515. Lett~e du gouve~neu~ du Vahomey
au Gouve~neu~ géné~al de l'AOF, 6 ]anvie~ 1933.
( 6)
Idem note 2.

246
A une date inconnue, i l retourne au Sénégal accompagné de sa fem-
me. Nous ignorons qu'elles sont alors ses activités. Toujours est-
i l qu'il meurt le 2 Juillet 1936 à l'age de 49 ans"" aloJt.6 qu'..i.l
puJtgea..i.t une pe..i.ne de pJt..i..6on ,,[1~ après avoir été condamné à 18 mois
de prison et 100 francs d'amende pour" pJtovoeat..i.on au tumulte d
l'aud..i.enee et eoup.6 et ble.6.6uJte.6 volonta..i.Jte.6 ,,(2) sur la personne
de l'avocat Germain Crespin. (3)
D'après l'acte de décès rédigé
par l'Administration Rojo Tovalou Houénou serait mort de la fièvre
ty.phoïde. (4)
Ces précisions infirment donc la version des faits
relatée par sa soeur à J. Ayodele Langley, selon laquelle le fon-
~uss
dateur de la LUDRN serait mort suite à des blessures-lors d'une
bagarre dans un meeting électoral. (5)
Ceci dit avant de conclure ce chapitre, i l nous faut nous arrêter
sur une facette moins reluisante du personnage. Toute sa vie To-
valou Houénou a tràiné' derrière lui, telle une casserole, une sé-
rie de condamnations pour escroquerie.
En Avril 1923, c'est à dire bien avant qu'il ne joue un rôle
politique de premier plan, Camille Guy l'accusait d'avoir
escroqué pour 100 000 francs de meuble à une importante mai-
son du Faubourg Saint-Antoine, et d'avoir volé 163 000 francs
à son père. Saisie, la justice jugea l'accusation diffamatoi-
re et le gérant du petit marseillais qui avait publié" l'in-
formation Il fut condamné à
1 000 francs d'amende avec obli-
gation d'insérer le jugement. (6)
Quelques mois plus tard, une
note de police signalait qu'il avait fait l'objet d'une plain-
(Il
ANSOM A66. Pol. eaJtton 515.LettJte du GouveJtneuJt de l'AOF au
M..i.n..i..6tJte de.6 Colonie.6 Il Juin 1931.
(tl , (3) et (4J. Maximilien Quenum. Le.6 aneltJte.6 de la 6am..i.lle
Quénum : h..i..6toi!te de leu!t temp.6. LangJte.6. Vam..i.n..i.que Gué~..i.ot.
1981 p.l0l
(5) J. Ayodele Langley op. e..i.t. p. 300.
(6)
L'AetionColoniale
25 FévJt..i.eJt 1924.

247
te pour émission de chèque sans provision, mais l'affaire
resta sans suite judiciaire, Tovalou ayant dédommagé le plai-
gnant en vendant sa voiture. (1)
Après son départ pour les
Etats-Unis, sa famille lui ayant coupé les vivres, i l laissa
derrière lui pour plus de 400 000 francs de chèques sans pro-
vision. (2)
Mais avant même cette affaire i l avait réussi
" a ~e 6al~e con61e~ de~ ~omme~ ~mpo~~ante~ qu'il oublia
de ~e~tltue~ "(3), suite à quoi plusieurs plaintes furent
déposées contre lui et i l fut radié du barreau de paris(4).
Il est fort
probable que ce furent les 400 000 francs de
chèques sans provision qui motivèrent sa condamnation à Co-
tonou en 1926. Quand i l revint en France avec Lamine Guèye et
Galandou Diouf en 1928, i l accumula rapidement une dette de
2 000 francs envers son hôtelier(S).
Quatre ans plus tard,
~Ur plainte de la veuve de Ouanilo Béhanzin, il est condamné
(1) ANSOM A66al~e6 Polltique~
Ca~ton 542. Note de ~en~eignement.
Août 1923.
(Z)
L'Ami du Peuple, 24 Fê.v~le~ 1930. Ce~te~ l'ln6o~matlon e~t a
p~end~e avec p~udence du 6alt de la natu~e de ce jou~nal, mai~
d'un aut~e c6tê. il 6aut 8avoi~ quJll 8ê.nê.61clalt de nomb~eu~e~
" indi8c~ê.t'{;Orr.8 " pollciè~es pou~ merr.e~ sa campagne cont~e le
" pê.~il ~ouge err. pay.6 noi~ ".
(a) ANSOM A66. Pol. Ca~ton 575. Note de la Vi~ection de~ A66ai~e~
politique.6. 6 Septemb~e 19Z7.
(4)
Idem.
(5) ANSOM $LOTfOI1I1 Ca~ton 5. Note de l'agent Vê.~l~ê. la Août 1928.

248
à quatre mois de prison et 100 francs d'amende pour escroque-
rie(l). Enfin, à sa mort en 1936, la dot de 100 000 francs,
qui appartenait à sa femme et qui avait été déposée à la tré-
sorerie générale de l'AOF, sera consignée par suite des det-
tes qu'il avait contractées (2) •
Derrières toutes ces affaires, des personnes bien
intentionnées mais aveuglées par le mythe du nationaliste afri-
cain sans peur et sans reproche, verront la main de l'adminis-
tration coloniale cherchant à salir le pauvre Tovalou Houé-
nou. Nous leur répondrons qu'il n'y a pas de fumée sans feu,
et que ce type d'explication ne vaut guère mieux que celui
qui voit la main de Moscou partout.
D'ailleurs si toutes ces affaires avaient été sans fondement,
si elles avaient été autant de cabales machiavéliques montées
de toutes pièces, René Maran, Jean F~ngeat, Fernand Gouttenoi-
re de Toury et autres amis de Kojo Tovalou Houénou n'auraient
pas manqué de les dénoncer comme telles et de lui apporter
leur soutien. A contrario, leur mutisme ressemble fort à un
silence embarassé
Ceci dit revenons à l'essentiel, à savoir la ligne de con-
duite politique de Tovalou Houénou. Les auteurs qui ont écrit
sur la question ont souvent évoqué les liens que ce dernier
aurait entretenu avec-le. PCF. Qu'ils le citent ou pas, ces
auteurs ont presque tous eu recours aux écrits de F. coty(3)
--------------------
(1)
ANSOM A66. Pol. Ca~ton 515. Lett~e du Mini4t~e de~ Colonie~
au Mini~t~e de l'rntl~ieu~ 31 Ma~~ 10/33.
(2) ANSOM AFF. POL. Ca~ton 515. Lett~e de Mme Vodd~-Houlnou au
Mini~t~e de4 Colonie4. 14 Juin 1931.
(3) F. Coty. Sauvon.6 no'.6 C.o'l"OYLie-.6 "le plA"il ~ouge en pay~ noi~
Pa~i~,G~a~~etl 1931 269 ~
Rec.ueil d'a~tic.le~ pa~u~ dan~
l'Ami du Peuple ent~e 1929 et 1931.

249
et G. Gautherot(l)
pour étayer leurs propos. Or le moins que
l'on puisse dire, et en l'espèce c'est presqu'un euphémisme,
c'est que ces deux personnes étaient des anti-communistes pri-
maires dont la doctrine était : " tout ce qui bouge est rou-
ge ". La fin justifiant les moyens, ils ne s'embarassaient. guè-
re de la vérité. Ainsi aux détours de leurs écrits on décou-
vre qu'
» en 1919, le V~ Vu B~i~ &'unit au n~g~e Ma~eu~
GARWEY ( ~ie ), qui ~~unit alo~8 au Maddi&on Squa~e de Lond~e~
un p~em~e~ Cong~~~ Pan Ao~~eain auquel pa~t~e~p~~ent, avee
de~ n~g~e~ amê~ieain~, le eheo du Laôou~ Pa~ty angla~~
( Ram~ay Mae Vonald ), d'aut~e8 8oeiali&te~ am~~~ea~n& et le&
d~put~& noi~& au Pa~lement o~anç:a~'8" r2) •
Le lecteur non averti aura sans doute reconnu avec difficul-
té qu'il s'agissait du Congrès Panafricain de Paris! Ailleurs
on peut lire que Tovalou Houénou était » li~ a la oO~& avee
l'Inte~nat~onale Communi&te et avee Ma~eu& Ga~vey »(3), et on
dit de lui qu'
» il ~n&~~a doeilement le&
diat~iôe~ de la
III~me Inte~nationale »(4) dans les Cbntinents avant de s'en
aller » eon&titue~ un
paJtti &~pa~ati&te au Vahomey et, en
même temp&, de p~ovoque~ de& t~ouole& dan& l'a~~i~~e pay& de
la Côte du B~nin ,,(5) voire même pour" y oomente~ un &oul~­
vement eont~e la dominat~on o~ança~&e ,,(6)!
(1) G. Gauthe~o:t: Le 50l.ehê·vi&meaux eolorz.ie&et .e. J ~mp~k~a.l~&me
~ouge. Pa~i~/Alex~& Redie~. 1930.441 p.
Cet ouv~age util~&e
la~g ement le& irz.o o~matio n8 puol,[;~e& dan8 l" 'Ami du Peuple .
( 2) G.
Gauthe~ot:Qle bolehêv..t.8 me en AolLiq ue/~, 13CA F Ren& e~g rz.emerz.t&
eoloniaux NQ l Juillet 1930 p. 423.
(3)
F.
Coty op. eit.p. 140 ou-L'Am:i:-âU~P-eupte 29 Janvie.~ 1930.
(4) G. Gauthe~ot.
Le ôolehêvi&me.en AolLique op. e~t. p. 424.
(5)
F. Coty op. eit. p.
144 ou l"Am;: àu 'Peup'le 29 Janvie~ 1930.
,\\
' I I
(6) G. Gauthe~ot: Le. boleh~vi&me e.n Ao~~que op. e~t. p. 424.

250
L'examen attentif des propos et écrits de Tovalou Houénou
démontre qu'il ne fut jamais, avant ou après l'incident de
Montmartre, un agent ni même un simple sympathisant du PCF.
Jamais i l ne rejoignit le cercle de l'Union Intercoloniale et
n'entra en contact avec le PCF comme l'affirme I. Geiss(l).
Le PCF le contacta bien pour lui proposer d'être le délégué
nègre au Vème Congrès de l'I.C. (2), mais c'était plus en rai-
son de sa personnalité
( fondateur de la LUDRN et des Conti-
nents ) que pour ses convictions politiques. De toute façon
l'affaire resta sans suite. Par la suite, rien n'indique
comme le déclare J.A. Langley que son cas fut pris en charge
par les communistes Henry Torrès et Jacques Doriot lor~qu'il
fut arrêté au Dahomey (3) • Si cela avait été effectivement le
cas, les traces d'une campagne d'agitation seraient visibles
ou plutôt lisibles dans l'Humanité ou la Voix des Nègres,
or i l n'en est rien.
L'Humanité ne publiera qu'un seul article rempli d'inexacti-
tudes sur Tovalou Houénou(4), et la- voix-des Nègres puis la
Race Nègre-ne parleront jamais du Prince au cours de l'année
1927, année où i l était emprisonné.
De tout cela i l découle que Kojo Tovalou Houénou
ne fut jamais communiste ni même un compagnon de route du
PCF. Ayant passé la majeure partie de sa jeunesse en France,
(1 J 1. Ge,ü-6 op. c.Lt. p. 308-
(2J Anc.hive-6 de la Commi44ion Coloniale du PCF. Lettne de Aziz
a Kola~o66. 11 Juin 1924.
(3J
J.A. Langley o~ c.it.p. 300.
14J L'Humanité. 1 Juin 1926. ff Tovalou e-6t empni-6onné au -6ec.net ...
pan vengeanc.e politique »

251
i l a été élevé dans l'amour sacro-saint de la République.
Dans ces conditions, i l n'est pas surprenant que sa vision,
de la " mère-patrie 11 n'ait rien de commun avec celle de ses
frères africains.
Impôts, régime de l'indigénat, travail forcé,
recrutement
militaire, ne sont pour lui que des mots, pas de réalités vé-
cues, subies. Pour lui, la France est le pays de la Déclara-
tion des Droits de l'Homme et du Citoyen avant d'être une
puissance colonisatrice. C'est le pays qui envoya des députés
nègres siéger à la Convention en
1793.
Proche de la Ligue des Droits de l'Homme, son idéologie peut
se résumer à la devise de la République: Liberté, Egalité,
Fraternité. Désireux" de ~amene~ le~ LndivLdualLt~4 L~~~du~­
tLble4 du 4y~tème ~voluti6 de l'unive~~ a l'homog~néLt~, a
l'LdentLt~ p~LmLtive ", il s'oppose aux communistes qui prônent
la lutte des classes et l'indépendance des peuples colonisés,
deux combats qui,à ses yeux, ne peuvent que renforcer les
" individualités irréductibles ". Autre point de détail qui
l'éloigne des communistes, sa profonde croyance en dieu, en
qui i l voit la Il source infinie 11 de l'univers.
Partisan de l'idéal républicain, Kojo Tovalou Houénou a, com-
me nous l'avons vu, également été influencé par l'idéal pan-
africain. Cependant chez lui, point de " retour en Afrique ",
point d'
" Etat central
unitaire ", point d'Afrique indépen-
dante. Des revendications de l'UNIA, i l aura surtout retenu
le renforcement des' sentiments de solidarité entre les nègres,
le développement de l'enseignement, du réseau sanitaire et

252
et social, etc ... , revendications qui, après tout, n'ont rien
de spécifiquement panafricanistes.
L'originalité de la pensée de Tovalou est qu'elle se situe
â la croisée des chemins entre l'·assimilationnisme classi-
que et le panafricanisme, le premier terme l'emportant cepen-
dant sur le second. N'envisageant comme alternative à l'as-
similation intégrale qu'une large autonomie pour l'Afrique)
persuadé qu'il est que
»le. .6alut de. la Jtac.e. noiJte. lui vie.n-
dJta de..6 6Jtança~.6
", on peut dire de lui, paraphrasant Anignikin
qu'il aura été un Il pana6Jtic.ani.6te. a.b.6.-i:milate.uJt ", cherchant
â
Il
a66lJtme.Jt le..6 ~ntlJtit.6 de. l'A6Jtique. dan.6 le. c.adJte. de..6
in.6titution.6 c.olonlale..6 6Jt ançai.6e..b 11(1)
Entre la fin de la première guerre mondiale et les années
1924-1925, tous ceux qui militèrent pour une assimilation to-
tale prenant en compte les inté·rêts des peuples africains,
allaient être des vaincus de fl l'âpre bataille coloniale ".
Hunkanrin emprisonné puis déporté, Honorien réduit au silence,
les Malgaches dévoyés de leur lutte par l'octroi de quelques
naturalisations, Les Continents bailloné, Tovalou éloigné de
la politique et empêtré dans des affaires douteuses, tous
ces élèments ont contribué â affaiblir le courant assimila-
tionniste. Last but not least, après l'échec du Cartel des
Gauches vaincu par Il le mur d'argent ", le départ d'Edouard
Daladier du ministère des Colonies les prive d'un de leurs
rares soutiens.
(7)
PaJtlant du nationali~me. dahomle.n
a.ppaJtut dan.6 le..b année..6
30, An~gnil~n le. dé6lnit c.omme. un fl natlonali.6me. a..6.6~milate.uJt Il
qui c.he.Jtc.he. ail a66~Jtme.Jt le.b intéJtit.6 du Vahome.y dan.6 le. c.adJte. de..6
~n.6t~tut~on.6
c.olon~ale..6
".
( S.C. Anignik~n op c.it p. 471 ).

253
A vrai dire, ce courant de pensée avait déjà été sérieusement
mis à mal par les conséquences directes et indirectes de la
première guerre mondiale. Légitime et très avancée jusqu'en
1914, la revendication de l'assimilation complète allait deve-
nir si ce n'
es~ caduque du moins dépassée par l'affirmation
du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. D'avancée, cet-
te lutte était devenue un
combat d'arrière-garde. Le second
fait qui finit par torpiller le courant assimilateur fut sans
aucun doute l'attitude aveugle de l'administration coloniale.
Hantée par le péril rouge
( le communisme), celle-ci n'ac-
corda pas la moindre attention à ceux qui critiquaient, pour-
tant fort modérèment, le système colonial.
Objectivement elle fit le jeu des communistes ou pour le moins
des tenants de l'indépendance coloniale, comme le présa-
geait très lucidement René Maran. Alors que les assimilation-
nistes prOnaient le dialogue et préconisaient des réformes
pour calmer " le juste mécontentement des indigènes " et ainsi
éviter le " chaos révolutionnaire 11, l'administration colo-
niale les poignarda littéralement dans le dos en se refu-
sant à toute concession.
Dépassé par l'évolution historique, le courant assimilateur
était d'autre part discrédité par la maigreur de son bilan
politique. Les réformes qu'il demandait à cor et à cri ne
seront satisfaites qu'après la seconde guerre mondiale alors
que s'ouvrait l'aube de la décolonisation.

2M
Dans les années 1920-1924, si le courant assimila-
tionniste l'emporte
largement parmi les Antillais et les
Africains, c'est pour une bonne part grâce au soutien que lui
apporte une partie du monde pOlitique métropolitain.
A contrario, l'effacement des partisans de l'indépendance
pure et simple, tient pour beaucoup à la faiblesse de lèur
seul appui:
le Parti Communiste Français.
En effet, si l'Internationale a proclamé sans ambiguité sa
volonté " "de ~ou~eni4,
non en pa4ole~ mai~ en dai~, ~ou~ mou-
vemen~ d'lmaneipa~ion dan~ le8 eolonie~ ", la mise en prati-
que d'un tel principe va se heurter à nombre de difficultés.
Ainsi, i l ne faudra pas moins de quatre années au PCF pour
mettre sur pied une Commission Coloniale digne de ce nom sui-
te à moultes crises et réorganisations. Parallèlement à cet-
te Commission Coloniale, mais en liaison étroite avec le par-
ti,
les colonisés vont mettre sur pied l'Union Intercolonia-
le, organisation unique en son genre qui groupera les antico-
lonialistes radicaux de toutes les colonies françaises.
Bien que manquant de cadres et de moyens, ces deux structu-
res joueront un rôle fondamental dans la formation des mili-
tants coloniaux et la popularisation de l'idée d'indépendance.
Mais à la Commission Coloniale, comme à l'UIC, l'Afrique Noi-
re et les Antilles n'occuperont jamais qu'une place margina-
le dans les préoccupations des dirigeants, ce qui ne facili-
tera guère » la conquête des larges masses nègres »

255
1. Qg_gQ~l!~_Q~~!gQ~ê_gQ~Q~l~~g~_~
~~_gQ~~!§êlQ~_gQ~Q~!~~~_g~~!~~~·
Pour ce qui est des principes, rappelons que c'est
lors du 2ème Congrès de l'Internationale Communiste
( Juillet-
Août 1920 ) qu'ont été adoptées les premières résolutions sur
la question coloniale. Au plan théorique, la rupture avec la
IIème Internationale est totale, mais dans la
pr~cique, les
choses sont loin d'être aussi claires.
Ainsi en Avril 1921, Nguyen Ai Quoc déclare dans la Revue
Communiste :
" Bie.n que. l' l nte.Jtnationale. Communi.6-te. ait donné à. la
que..6tion coloniale. lt~mpoJttance. qu'e.lle. méJtite. e.n la
me.ttant aux oJtdJte..6 du jouJt le..6 plu.6 pJte..6.6ant.6, pJta-
tique.me.nt le..6 .6e.ction.6 nationale..6 de..6 pui.6.6ance..6 colo-
ni.6atJtice..6 ne. .6e. .6ont pa.6 e.ncoJte. occupé de. ce.tte. que..6-
tio n : e.lle..6 ne. l'ont même. pa.6 e.xaminée.6 éJtie.u.6 e.me.nt !
Ce.tte. étonante. ~ndct~vité - étonnante. .6uJttout loJt.6que.
la que.Jte.lle. intéJt~e.uJte. n'e.xi.6te. plu.6 dan.6 le. paJtti
puJti6ié e.t que. la que..6tion du Jte.cJtute.me.nt indigène. e..6t
6iévJte.U.6e.me.nt étudiée. paJt le. capitali.6me. e.t l'impéJtia-
li.6me. de. la MétJtopole. - e..6t pe.ut êtJte. due. a ce. que.
no.6 camaJtade..6 ignoJte.nt l'e.xacte. .6ituation de. ce..6 mal-
he.uJte.ux pay.6 0 ppJt-tmé.6 ". ( 1 )
En mettant le doigt sur cette question, Nguyen Ai Quoc dési-
gnait sans doute sans le savoir une des carences, si ce n'est
"
Il
[1 J Nguye.n Ai:. Q.uoc.
Indoch~ne..- la ;Jr.e.Vue.-e-n-mml,(n:t.6te.. N° J 4
AvJtil 1921, p.
133.

256
la carence principale qui allait entraver la diffusion du
marxisme en dehors de l'Europe; l'ignorance des réalités
locales
(l).
Ignorance certes mais aussi dêsinté.rêt. Ludovic Oscar Fros-
sard, dernier secrétaire du Parti Socialiste et premier secré-
taire du Parti communiste n'avait-il pas laissé carte blan-
che à C.A. Julien, délégué permanent pour l'Afrique du Nord,
.;
pour» qu'on ne l'encom6~at pa~ de que~tIon~ quI ne l'inte~e~-
~ait pa~ »(2). A Tours, les militants intéressés à la ques-
tion coloniale ne se limitaient-ils
pas à une poignée
parmi lesquels C.A. Julien, Nguyen Ai Quoc et Paul Vaillant
Couturier(~)?
Ignorance et désintérêt étaient donc les principales caracté-
ristiques de l'attitude communiste face à la question colo-
niale quelques mois après Tours. Pour en finir avec cet état
de choses, le PCF mit sur pied un Comité
d'Etudes Co~oniales
( C.E.C ).
D'après la lutte sociale, organe de la fédération communis-
te d'Algérie, l'idée d'un tel comité a été lancée quelques
temps après Tours. A cette époque, des membres du Parti ori-
ginaires des colonies ou y ayant vécu,
» ont jeté, avec le
concou~~ de Vaillant Coutu~ie~, ~ep~é~entant le Comité Vi-
~ecteu~, le~ ba~e~ du Comlté dtEtude~ Colonlale~ pou~ p~ê.-
(1)
Igno~ance a mett~e au compte tant de~' communl~te~ eu~opê.en~
que de'nombke de communl~te~ o~lglnal~e~ de l'actuel Tle~~-Monde.
(2) C.A. JulIen. Une pen~ée antl-coloniale. Pa~i~ISlndbad,1979 p.53.
(3)

Idem.

257
pa~e~ te~ maté~iaux devant. ~e~vi~ a t'aetivité eotoniate du
Pa~ti ,,(7). A vrai dire, l'idée remonte peut être à Novembre
1920, date à laquelle fut fondé le groupe Vérité qui disparut
après Tours. Constitué par quelques membres des Jeunesses
Communistes, Vérité avait pour but de rassembler des artis-
tes, des littérateurs, des techrii:c:i::ens, etc ••. , membres, du
Parti pour propager le marxisme à travers' des conférences où
chacun traitait de sa spécialité(2)'.patronné par Cachin,
Barbusse, Méric et Frossard, le groupe comptait dans ses: .
rangs Félicien challaye(3), Hadjalî Abd El Kader(4) et Abd
Ei Aziz Taalbi (5), trois hommes qui allaient jouer un rôle'
important dans la lutte anti-colonialiste.
Ceci dit, ce n'est qu'en 1921 que la CEC va réellement prendre
forme. C. Liavzu(6)
situe sa créatton au printemps 1921 mais
C.R. Ageron(7)
la repousse à la fin Août de la même année.
En fait la date de naissance du Comité se situe à peu près
entre ces deux dates.
La première manifestation du CEC a eu lieu le 13 Juin 1921;
Ce jour-là Georges Sarotte et Nguyen At Quoc ont convoqué un \\
certain nombre de personnalités à une réunion préliminaire.
(7)
La Lutte Soeiate N° 725, 3 Se.ptemb·~e 1927.
(2) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 142. Lett~e. du Mlni4t~e de t',Lnté~ieu~
au Mini4t~e de~ Cotonie4. 7 Uéee.mb~e. 1921.
(3) Memb~e de ta SFIO et de ta Ligue de4 V~olt~ de t'Hom~e., 4ute.U~
de ptu4i.eu~.6 ouv~age.6 4u~ le Congo 6~ançaLs, il 4e~a de.tou.6. le.4
eombat4 anti.-eoloniali~te.4 dan~ l'ent~e.-de.ux-gue.~~e.4.
(4) Un de.6 p!temie~4 Algé~ien-6 à. ~ejo..tnd~e le PCF, il 6oYLde~a
l'Etoile No~d-A6~ieaine avee Me4~al~ ffadj.
(5 J Me.mb~e du Comi.té Tuni.6ien et aute:u~ p~é.6umé de tccTuni'.6,~e
Ma!tty~e
texte publi.é en 1920.
(6) C. Lia~2u o~ eit. p. 75.
,~
.
(7) C.R. Age.~on. Le.6 eommuni.6teJ.J 6~ançai.4 devant la que..6tLon
Il
algé~i.enne. Le Mouveme.nt Soeial N°78, Janv. Ma~.6 1972 p. 24

258
Mise a part la présence du Vietnamien Phan Chau Trinh, on ne
sait rien de l'identité des autres participants, mais ceux-ci
devaient être plutôt représentatifs pu~sque la police estime
que c1est au cours de cette réunion qu1aurart été rédigée
" la déclaration"
( création? ) du CEC(l) .
Le lendemain, Georges Sarotte fit un compte rendu de cette
réunion au Comité Directeur du Parti qui accepta la constitu-
tion du Comité d'EtudesColoniales, organe consultatif placé
sous son contrôle (2) . Officiellement le CEC était né.
D'abord fixé au 2 Rue Racine, son siège social sera par la
suite transféré au 120 Rue Lafayette, siège central du PCF(3) .
" OJtgane. puJte.me.nt c.on.6uttat-tn ,,(4) composé 11 de. me.mbJte..6 du
PaJtti c.onnal.6.6ant te..6 c.olonie..6 pouJt if avoi'Jt véc.u ,,( 5 J, le
CEC a pour secrétaire le Martiniquais Georges Sarotte.
La composition exacte du Comité est mal connue mais on peut
citer parmi ses membres le Guadeloupéen Max Clainville Blon-
court, le Vietnamien Nguyen Ai Quoc, le Tunisien Tahar Bou-
demgha , le Malgache Stéfany et les Français Ulysse Le.riche
et Desprès(6). Comme on peut le constater, le CEC ne compte
aucun Africain parmi ses membres et cette tare de jeunesse
mettra longtemps a disparaître.
(1) ANSOM SLOTFOM l CaJtton Il. Le.ttJte. du c.he.n du CGTI au Gouve.Jtne.uJt
GénéJtat de. t'Indoc.hine. 30 Juin 1921.
(2)
L'Humanité de..6 16 e.t 18 Juin 1921, p. 4.
(3) ANSOM SLOTFOM III CaJtton 21. Note. de. t'age.nt Vé.6iJté,26 Fév.
1925.
(4)
La Lut~~ So~iate. 125 3 Se.pte.mb~e. 1921.
( 5)
Id e.m .
(6)
Le..6 mil-itant.6 nJtançais étaie.nt plus nom6Jte.ux que. te..6 c.olo-
niaux, mai.6 on ignoJte. te.uJt nombJte. pJtéC.~8 e.t te.uJt ide.ntité.

259
Dans les premiers mois de son existence, le rôle du CEe n'est
pas clairement défini et les discus's-i'ons vont bon train sur
ce sujet dans les organes du PartI. Charles-André Julien dé-
clare
qu'il faut " Ite.eue.-<'ll-<'It,
po ult C'-liaeune. de. nol.i eolo n..te..6 ,
une. doeume.ntation ooje.et..tve. n[1) c~ à quoi Marcel Ollivier,
membre des J.C., répond':
" le. de.vo..tlt de..6 eommun..t.6te..6 n' e..6t
pa.6,
1••• ), de. Itéunilt de..o doeume.ntl.i I.i ult le..o' eolo n..te..o, mai.6
d'alle.1t aux colon..[e..6 même. e.xplo-<'te.1t la I.i..ttuat..ton eltéée. palt
l'..[mpélt..tal..t.6me. de. la Métltopole. POUIt de.~ 6..[nl.i de. pltopagande.
e.t d'ae~..[on.6 eommun..t.6te..o ,,(2).
Au-delà du débât sur le rôle du CEC, cette polémique entre
C.A. Julien et M. Ollivier illustre bien le décalage qui
existe entre les J.C., véritable avant-garde, et le Parti lui-
même.
Finalement, c'est la proposition de C.A. Julien qui sera re-
tenue, le congrès de Marseille définissant le CEC comme " un
organisme d'études et de documentation ,,(3). Pour ce 2ème
Co~grès du PCF, le CEC a préparé un projet de résolution sur
le communisme et les colonies qui fait état des difficultés
à surmonter et énumère un certain nombre de propositions.
Les difficultés exposées sont au nombre de trois
" a) la plte.mièlte. e'e..6t qu'il n'e.x..t.6te. pa.6 e.neolte. dan.6
le. Paltt..t Commun..t.ote. de. tltad..tt..ton b..te.n a.6.6..t.6e. e.n mat..tè-
Ite. d'aetion eolon..tale.. La IIème. Inte.ltnat..[onale. ava..tt
11)
C.A. Ju1..L~n. La que.l.it..[on eolonLale.L~ E'u1.'te.t..['n ·C'omm'unL.6te. N° 28
Juille.t 19Z1.
~
~
(2 J Maltee.l OlL[vie.lt. la que.J.it-<'on eolol1-<"ale..' Le. B'ulte.t'inCllmmun...t.6te.
31 28 Juille.t 1921.
13J ANSOM SLOTFOM
III Caltton 56. Pltoje.t de. lté.6olution .oult le.
eommun-<'.6me. e.t le.J.i eolonie.J.i.

260
à pe.u pJtè.6 n.é.glig é. de. .6u.6'c.i:t.e.Jt aux c.olo n.ie..6 un. mou-
ve.me.n.t d'opp0.6Ltion. c.on.tJte. le.' c.apita.ti:.6me., .6e. c.orr.te.n.-
tan.t d' é.me.ttJte. e.n. c.e.tte. matièJte. de.6 dé.c.laJtatio n..6' d'un.
Jté.6oJtmi4me. ambi:gu e.t platon.i:que.. Tdut e..6t donc. a o~­
gan.i.6e.Jt aujouJtd'~ui paJt le. PiJtti: Commun.i.6te..
0)
Ce. qu..t 6ait la c.omple.xi:té.e.t la déLLc.ate..6.6e di~e..:t-
te. oe.UVIte., c.'e..6t au.6.6i. la di:.ve.Jtsi:té. même. de..6 c.at,é.go-
Jti. e..6 de. c. 0lo n.i. e..6 c. 0n..6'ti:.tuan.t le. do mai:.n. e. c.o lo n.ia! 61r.a.rr.-
ç.a..t.6.
ri e.n. Jté..6 ulte. que. le..6 mo ifen.s d' ac.ti:o n. n.e. .6 dnt
pa.6 un.i6oJtme..6 e.t devJton.t vaJti:e.Jt av~i c.haque. gJtOUP! de.
c.olon.ie..6. On. pe.ut, e.n. gJtos, JtépaJtti'Jt c.e.lle..6-c.i: dan..o
le..6 c.in.q c.até.golr...l.u sui:varr.te,s :- A6Jti:que. du NO!td, A6Jt.i..-
qu.e. Oc. c.id e.n.tal e. et Equa:t.o h..io..l ~,
Tn.do c.hi n.e. , Ma dag a.6 c.c(.,'!.,
V~le..6 Colon.ie..6.
c.)
Un.e. autJte. di66ic.ulté. Jté..6ulte de ltin.apti:tude a pe.u
pJtè.o gé.n.é.Jtale. de.o in.digèn.e.s a s'é.man.c.i:pe.Jt e.ux-mlme.6.
rl.o n.' 0 n.t pa.o de. pa.6.6 é. Jt év oluti:o n. n.aiJt e.; da n..6 b-ea'uco up
de. c.olon.ie..6, 1.1.6 .6on.t hafJi:tué..6 a la seJtvi:tude. et n.e.
c.o n.ç. 0i ve.n.t pa.6 e.n. c.o Jt e. la pCI ssi'o-i:!i.t. é. de. .6" e. n. d é.li vJte./l.. .
NotJte. e.66oJtt e.n. vue. de. leuJt é.ma~c.i:pati:on. e.t e.n. vue de
le..6 ame.n.e.Jt a .oe.c.on.de.Jt, paJt la même, rr.otJte. ac.tion. Jté.vo~
lution.n.aiJte., n.e. .6e.Jta pa.6 .6é.Jtieu.6e.me.n.t .6oute.n.ue. paJt
e.ux, tout au moin..6 au dé.but, dan..6 c.e..6 pay.6 où l'aJt-
bitJtaiJte. admin.i.6tJtati6 n.e. c.on.n.aZt pa.6' de. limite ". (1)
(1)
ANSOM SLOTFOM rrr CaJtton. ~6. PJtoje.t de. Jté..oolution. .6uJt 1e.
c.ommun.i.6me. e.t le.6 c.olon.i.e..o.

261
Si la pertinence des deux premières difficultés évoquées est
indéniable, la troisième pose pour le moins problème. D'em-
blée, les peuples coloniaux sont présentés comme des peuples
mineurs incapables d'assumer eux-mêmes leur propre destinée.
Même si le mot n'est pas prononcé, ces peuples sont de fait
considérés comme inférieurs. En cela le texte réflète une
vision du monde largement répandue à l'époque, y compris
dans les milieux révolutionnaires, précision souvent oc cul-
tée dans les études sur la question.
Oubliant la phrase de Marx selon laquelle tt l ' hJ..6 toiJr.e de
toute ~oQiété ju~qu'a no~ jouJr.~ e~t l'n~~toiJr.e de la lutte
de~ Qla~~e~ ,,(7) ou considérant tout simplement que les peu-
ples coloniaux n'ont pas d'histoire, les auteurs du texte
se représentent les sociétés coloniales comme des sociétés
figées, statiques, pétrifiées où les perspectives de change-
ment sont quasiment inexistantes.
La révotte historique de Saint Domingue ou les résistances
multiples à la conquête coloniale sont effacées d'un trait
de plume au profit de l'image des peuples ft habitués à la
servitude ". Dans ce contexte, on ne sera pas surpris de lire
entre les lignes du texte que la direction et la conception
de la lutte émancipatrice des peuples coloniaux échoient
presque Il naturellement Il au Pcp(2).
Outre cet inventaire d~ difficultés à surmonter, le CEe a
(1)
KaJr.l MaJr.x. LeM"anl.{e'-6tedu· PaA':t):C·ommuni:~te..PaJr.i~,UGEJ1962 p. 19.
(2) L'euJr.opéoQentJr.i~me exaQeJr.oé de Qe texte 6ait douteJr. C. Lia~zu
( op Qi.t p. 1G ) de la paJr.ti.Q1:pa.tiol1 eÔ6eQtive k Nguifen Ai Q.UOQ
et Hadjali. a ~a Jr.édaQtion, ma1:~ 1:l ne 6aut pa~ ouolieJr. que
le~ mili.tant~ 6Jr.ançai.~ étaient majoJr.i.~a~Jr.e~ au ~ein du CEC.

262
'lab
'
,
l '
.
d
I l '
(-i)
e
ore un expose sur
a sltuatlon
ans
es co onles
mais faute de temps, ce texte n'est ni examiné ni discuté par
le Congrès. Nguyen Ai Quoc représentant le CEC au Congrès,
doit donc se contenter de faire adopter une motion qui en-
térine la création du Comité et lui laisse carte blanche pour
organiser la propagande coloniale en attendant qu'un plan
d'action soit élaboré par le prochain Congrès du Parti.
Afin d'organiser efficacement cette propagande, le texte de-
mande aux sections existant aux colonies, ou dans les villes
en relation avec ces dernières, de se mettre en contact avec
le CEC. Plus concrètement encore,
» ~l invite le Comitl Vi-
~eeteu~ a aeeo~de~ une plaee a l'ltude di eette Que6tion dan6
l'Humanitl et dan~ le~ publieatlon~ et ldltion~ du Pa~ti »
Quelques mois plus tard, ce dernier point est concrétisé par
la création d'une rubrique coloniale hebdomadaire dans l'Hu-
mani té. Dirigée par Charles Lussy,." 1 ' Humanité aux colonies "
compte parmi ses principaux animateurs Nguyen Ai Quoc, Octave
Durnoulin et Ulysse Leriche.
Instituée à partir dù I l Mai 1922, cette rubrique coloniale
est supprimée sans explication le 2 Novembre de la même an-
née alors que s'ouvre le IVème Congrès de l'Internationale
Communiste.
Membre de la délégation française où i l représente le CEC,
Tahar Boudhemgha est le premier colonial envoyé dans un congrès
de l'I.C. par le PCF.
(1) NOU6 n'avon6 pa6 t~ouvl t~aee de ee ~appo~t dan6 le6
a~ehive6.

263
Lors des débats sur la question coloniale, i l propose que le
CEC soit directement rattaché à l'rC et réorganisé de maniè-
re à ce que militants français et coloniaux y soient en nom-
bre égal. (1)
Sa proposition n'est pas retenue, mais dans la
résolution sur la question fran~aise, le Congrès invitera
le PCF à créer" un ôuJte.au pe.Jtmane.n-t d'ac.-tion c.oloniale. "
dans lequel seraient repr€sentées
" le.J oJtganiJationJ c.ommu~
niJ-te.J indiAlne.~ ". (2)
Cependant en matière coloniale,
le clou du Congrès reste la
condamnation de la désormais fameuse motion de Sidi Bel Abbès
qui décrivait" .te. .6ou.tève.me.n-t de.J ma.~.se..6
muJu.tmane..6 a.tgé-
Jtie.nne..6 c.omme. une. 6o.tie. dange.Jte.u.se. don-t .te.s 6édéJtation.6 al-
géJtie.nne..6 du PaJtti Communi.6te., qui ont avan-t -tout .te. .6e.n.6
maJtxi.6te. de..6 .6ituation.6, ne. veu.te.nt pa.6 .6e Jte.ndJte. Jte..6pon.6a-
b.te..6 de.van-t .te. juge.me.nt de. .t'hi~toiJt~ c.ommuni.6-te..,,(3)
Au vu de ce type de prise de position, des critiques implici-
tes de Tahar Boudhemgha et de la faiblesse du travail colo-
nial, l'rC " invita n le PCF " a pJtlteJt in6inime.nt p.tu.6 d'at-
-te.n-tion, de. 6oJtc.e. e.t de. mOlfe.nJ que. ju.squ'à c.e. jouJt a la que..6-
-tion c.o.tonia.te. e.t à .ta pJtopagande. dans .te..6 c.o.tonie..6 ". (4)
Outre la question coloniale, le Congrès aborda la question
nègre. En effet, pour la première fois en la personne d'Otto
Huiswood(5)
et de Ciaude Mac Kay(6)
des délégués noirs assis-
--------------------
(1)
C.
Liav..zu op. c.i-t. p. 11.
( 2 )
le.f.lquCltJte. pJte.mie.Jt.6c.o'rl.g )(l~ - èt(!. 1.-1TI1;(e.)(n.a.:ti'o-n-a,te.- C'ommun:tll:t e.
op. c.it. p. J 98 •
(3)
Annie. KJtie.ge..t. Le.'-S Ln't-e.Jr:na.:t'i:onat:e-souVJt-t'è-Jte.s ( 1864-1963 )
PaJti.6 PU FI 19 64.
1
(4)
l de.m ~
(5) Vé.tégué o66ic.ie..t du Communi.6t PaJtt~ 06 USA 1 CPUSAJ
(6)
Ve.nu à titJte. pe.JtJonne..t e.n RU.6.6ie., i.t a.6.6i.6-ta au CongJtè..6 ave.c.
.te. .6 tatut de. dé.tég ué_.6~p~é~c.-<.~·a~.t~.
~
_

264
taient à un congrès de l'lC. Sous le t i t r e " une race qui se
réveille ", les' IZVESTTA saluèrent cet évènement comme" le.
dlbut d'un de.4 plU4 impo~tant4 mouve.me.nts hi4to~ique.4, de.4tl-
nl a joue.~ un ~ale. con4idl~aBle. dans la lutte. glnl~ale. con-
t~e. l' impl~i.ali4me. ". (1 )
Sur l'heure, la présence des deux délégués fut en tout cas
dé~erminante. Après leurs interventions, des 11 thèses sur
la question nègre" furent adoptées. Analysant les mouvements
des révoltes qui se développaient chez les peuples opprimés,
le texte affirmait que
" la gue.~~e., la ~lvoluti.on ~U44e., le.4 g~and~ mouve.me.nt4
qui ont ~oule.vl le.~ nationali~te.~ d'A4ie. e.t le.4 mu-
4ulman4 cont~e. l'impl~iali4me., ont lve.llil la ~on~cle.n­
ce. de.4 million4 de.
nèg~e.~ opp~i.ml4 pa~ le.~ capitall4-
te.4 ~ldult4 a une. ~ituation in6l~i.e.u~e. de.pui4 de.~ 4lè-
cle.4, non 4e.ule.me.nt e.n A6~ique.,
mai4 pe.ut it~e. mime.
davantage. e.n Aml~ique. rI. (Z) Le constat d'ensemble
était on ne peut plus exact, au détail près qu'il passait
sous silence le rôle considérable, si ce n'est déterminant,
joué par les organisations noires amériçaines telles la
NAACP ou l'UNlA
Faisant un bref rappel historique de la situation des noirs
aux Etats-Unis de l'époque esclavagiste à l'ère contemporaine
le texte précisait que " l'hi4tol~e. a dlvolu aux nèg~e.4 d'A-
ml~lque. un ~ale. lmpo~tant dan4 l'a66~anchl~4e.me.nt de. la ~ace.
a6~lcalne. rI. Plus, il concluait très doctement que les noirs
(1)
stle.k.~C16.g."Une. i1.ace. qui:.1e
.
.
.
, - . .
. .
' . .
.'
4~~
...
'~ le.4'TZVfSrTA N°Z59,'Z6
. .. -
"
NOV.-l5.z.~
(ZI le.J.. 'q'uatte.e.- p)(e.ml~A':6 corrgte.-è';.s,- ète. :C'Tn-:tè..7r.n.à.',C;,['Orta1.e.- 'C·o'm'm'uni.J..te.
Op. cit. p. 1 84 •

265
américains devaient être» a l'avant-gahde de la lutted~
l'A6h-ique c.on.the l' opphe-ô-ô-ion. ". (1) Est-ce à dire comme l'é-
crit P. De~itte que l'rC jugeait le continent africain imma-
ture pour la révolution ?(2)
Cela n'est pas impossible, mais i l faut bien voir que cette
opinion devait être largement
par~agée , si ce n'est impul-
sée, par les délégués américains, qui tous noirs qu'ils étaient
ne s'en sentaient pas moins supérieurs aux Africains. De mê-
me que WEB Du Bois et Marcus Garvey prétendaient tl civiliser "
les peuples" arriérés" de l'Afrique, les communistes noirs
américains se croyaient investis de la lourde responsabili-
té de " libérer" leurs frères africains.
Sans doute rédigées par Otto Huiswood et Claude
Mac Kay, les thèses sur la question nègre se résumaient en
.
fait à l'examen de la question noire aux Etats·Unis. A la
lecture de ces résolutions, les Africains pouvaient diffici-
lement se sentir concernés, et l'on comprend aisèment pour-
quoi le PCF ne fit pas d'agitation sur la question.
Enfin le Congrès décida que les communistes membres de la
franc-maçonnerie ou de la Ligue des Droits de l'Homme devraient
avoir choisi entre ces organisations et le Parti avant le 1er
.
(3r
Janvier 1923.
En apparence anodine, cette décision allait
--------------------------
(7)
Idem note 2 page phéc.édente.
( 2)
P. Vew-itte 0 p. c.-it.
p.
760 •
(3.)
Le-ô quathe phem-ieh-ô de l'Intehnat-ionale COrrimun-i-ôte op. c.-it.
p.
784.

- -
- - - - -
266
avoir de graves conséquences pour le CEC. En effet, nombre
de " spécialistes " des questions coloniales étaient franc-ma-
çons et/ou membres de la Ligue des Droits de l'Homme. A
partir de J~nvier 1923, Charles Lussy, Paul Louis, Charles
André Julien(1)
et d'autres quittai~nt le PCF, affaiblissant
le CEC dont l'activité n'était déjà pas débordante.
Dans ce climat véritablement .empoisonné, Ulysse Leriche
écope de la lourde tâche de présenter un rapport sur le tra-
vail colonial devant le Conseil National du Parti
le 21 Jan-
vier 1923. Pour redre~er la barre, i l propose un plan de tra-
vail en quatre points visant à intensifier la propagande
" 1. paJt la voix. de. la pJte..o.oe. c.ommuni.ote. e.n généJtal e.t
plu.o paJttic.ulièJte.me.nt paJt l'oJtgane. o66ic.ie.l du PaJtti
l' Humanité ...
2. paJt l'édition de. tJtac.tJ.i e.téc.Jtit.o qui pe.uve.nt .oe.Jt-
viJt la c.au.oe. c.ommuniJ.ite.
3. paJt l'uni6ic.ation de. l'~c.t~on du PaJttL c.e.ntJtali.oée.
au .6e.in de. la CommL.oJ.iion d'Etude.J.i e.t du Comité. 1JiJte.c.te.uJt
4. e.n lançant un appe.l aux m~l~tant.6 qui diJ.ipo.oe.nt
de. moye.n.6 d'in6oJtmation de. J.ie. me.ttJte. e.n JtappoJtt ave.c.
( 2 1
le. CEC ....
Outre ce programme de travail, un message de sympathie est
adressé aux peuples opprimés des colonies. Malheureusement
(11
Envoyé. e.n Juin 1921 au rrrème. Congh~.6 de. l'rC non pa.opoun
tJtaite.Jt de..o que..otion.o c.olonLale..o, maL.o poun 6aine. un c.ompte.-
Jte.ndu 6idèle. du CongJtè.o a L.O. FJto.6saJtd, C.A. Julie.n avaLt
démL.o.6Lonné de. .6e..o 6onc.tLon.6 pouJt pnote.J.ite.n c.ontJte. la manLè-
'Jte. dont étaLe.nt tJtaLtée..o le..6 que.~t~ons c.oloni.ale..o.
(2) ANSOM SLOTFOM rrr CaJtton 21. Mote. de. l'age.nt Vé..6Lné 21 Janv.
1923.

267
tout cela est bien peu. Le plan de travail ne diffère guère
de celui présenté au Congrès de Marseille en Décembre 1921
et comme ce dernier, sa discussion est renvoyée au prochain
congrès, faute de temps
. Dans l'Humanité, Octave Dumoulin, qui remplace Charles Lussy
à la documentation coloniale, cherche à convaincre les mili-
tants communistes de l'importance des questions coloniales.
" C'e.f.lt aux c.olonie.f.l que. le. c.apitall:-&me. e.-6-6aie. de. c.on-6oUde.Jt
-6a pui-6-6anc.e. me.nac.ée.. L'ac.tion c.olonl:ale. n'e.-6t donc. pa-6 un
épi-6ode. de. la lutte. : e.lle. e.-&t palttle intégJtante. du pJtogJtam-
me. c.ommuni-6te. " écrit-il fin Janvier 1923. Mi-suppliant, mi-
menaçant, i l conclue
" le.4 c.amaJtade.-6 voudJtont &l:e.n le. c.ompJte.ndJte.. Le. PaJtti
nJtançai.-6 e.-6t de.venu véJtitaolement c.ommuni-6te.. Tl a pJt).).,
la Jté-6oluti.on de. tJtava).lle.Jt dana le. c.adlte. de. l'Tnte.Jt-
tante. aux que.-6tion-6 c.olonl:ale.a. Un appe.l pJte.f.l-&ant e.-6t
adJte-6-6é aux FédéJtati.on-6 pouJt qu'e.lle.-6 pJte.nne.nt une.
attitude. agi-6.6ante. e.n 6ac.e. de.a pJtoolème.-6 qui -6e. Jtat-
tac.he.nt de la manièJte la plU-6 étJtoi.te. au tltiompne. du
c.ommuni.-6 me. " (1)
L'appel de Dumoulin a, semble-t-il, été entendu en haut lieu
puisqu'en Mai 1923, le Bureau Politique du Parti décide d'al-
louer 350 francs par mois au CEC ainsi qu'un local au siège
du PCF. (2)
Sur ce Il petit budget ",comme le dit lui-même
(1)
L'Human:ttê 29 JanvieJt
1923.
(2) ANSOM SLOTFOM IT CaJtton 14. Le.ttJte. de SaJtotte a Nguye.n
Al QAOC. 22 Mai. 1923.

268
Georges Sarotte, encore faut-il retirer 100 francs que le
CEC a très généreusement décidé de donner au par~a.(l)
Enfin cela est toujours mieux que rien du tout. Mais le CEC
semble marqué par le destin. A peine repart-il sur de nouvel-
les bases qu'il est de no~veau affaibli par le départ de Ngu-
yen Ai Quoc pour Moscou en fin-Mai début-Juin 1923.
Quand l'année 1923 s'achève, le bilan des deux an-
nées d'existence du CEC est bien maigre. Mis à part sa par-
ticipation aux. congrès du Parti et de l'Internationale, l'or-
ganisation d'une tournée de propagand~ en Algérie (2) et d'un
meeting de soutien à Robert Louzon(3)
et l'institution pen-
dant six mois d'une rubrique coloniale dans l'Humanité, son
activité se réduit à peu de chose.
Alors que le Parti prépare son IIIème Congrès, l'IC lui rap-
:?elle qu'il" a tnè.6 pe.u nait jusqu'.tc.i poun po.6e.n c.omme. il
le. c.onv~eBt la que..6tion c.oloniale.. Tl naut qu'il montne. qu'il
e..6t le. .6e.ul pant~ qui. libène. le..6 indigène..6 du joug impéniali.6-
te.. L' indépe.ndanc.e.de..6 'c.o.to'ni'e.:&' âoÀ.."-t~ â'e.Ve.'n:.tnun motcl"oJr.dJr.e.
(1)
Ide.m note. 2 page. pnéc.éde.nte..
(2) Tou~ée. e.nne.c.tuée. e.n Mans lq22 pan Paul Vaillant Coutunie.n
\\1
c.n. C.R. Age.non Le..6 c.ommuni.6,te..6 nnança.t.6 de.vant la que..6tion
alg éni e.nne.
~ [e.'Uo'uV-e.mèn't' 'S'o'c.ial op. c.i't. p. 25
(3) Ongani.6é le. 15-4-22 c.e. me.e.t.tng aUJr.Œ~t néu~i 25 pe.n.60nne..6
.6e.lon la polic.e.. Van.6 une. motion votée. paJr. le..6 a.6.6i.6.tant.6, il
était nait allU.6ion " au c.amaJr.ade. inJ.:.t.-ttute.un HunFlann,tn ". ANSOM
SLOTFOM III CaJr.ton 3. Note. de. l'age.nt Vé.6iné.
16 Avnil 7922.

269
de c.ombat .du PCF ". (1) Le télégranune a-t-il provoqué un choc
salutaire? Toujours est-il qu'un plan de travail dans le
domaine colonial est présenté au Congrès. Tactiquement, le
Parti prOne la réalisation d'un front unique anti-impéria-
liste avec le mouvement national démocratique qui peut exister
dans les colonies. Dans ce sens, i l propose un programme de
revendications que le groupe parlementaire fera valoir à la
Chambre. Celles-ci sont au nombre de sept :
1. Suppression de l'indigénat
2. Suffrage universel pour tous les indigènes
3. Egalité devant l'impôt
4. Instruction obligatoire et gratuite
5. Egalité des salaires
6. Suppression du contrôle militaire et civil, des tri-
bunaux répressifs et du régime des décrets
7. Suppression des conununes mixtes et leur remplacement
par des communes de plein exercice. (2)
Conscients des réserves que pourrait susciter un tel program-
me, les auteurs du rapport précisent que
" l'abouti~4ement de c.e4 ~evend~c.ation4
ne c.on4titue~a
qu'un 4emblant de ~é6o~me, la plupa~t n'ayant ~ien à
voi~ avec. le c.ommuni4me, mai4 étant donné que le gou-
ve~nement 6~ançai4 ~e6u4e de donne~ 4ati46ac.tion à c.e4
~evendic.ation4,
le Pa~ti ne doit pa4 hé4ite~ à p~end~e
(1) A~c.hive4 de laCOmm~~4ion Colo~iale du PCF année 1924 Bo~ine
6159 Me44age du Comité Exéc.uti6 de l'rC au Cong~è4 de Lyon.
(2) A~c.hive4 de la Commi44ion Colonlale du PCF année 1924
Bo~ine 1(10. Cong~è4 de Lyon.

270
po~~t~on pou~ le~ ~ndlgène~ cont~e l'~mpé~~all~me 6~an­
ç.a~~, ~an~ :t(!,ute6o-i~' ce~se~ de démont~e~ l' -inutiLité.
de pa~eille~ ~é.6o~me-ô en ~é.g,(.m~ cap-i'taLüte ". (1)
Pour la première fois, un programme d'action concret est
élaboré par un congrès du Parti. Ce changement d'attitude
est d~ailleurs symbolisé par la suppression du CEC et son
remplacement par une Commission Coloniale. (2)
Dirigée jusqu'en
Mars par L~r~ibère puis par Leroy, celle-ci est composée de
Joubert, Desprès, Lozeray, LOUZOn et des coloniaux Bloncourt,
Hadjali, Baurhalla et Menouar. En Février, elle propose au
Comité Directeur
1. d'établir une tribune mensuelle dans l'Humanité,
2. de mener une campagne parlementaire pour la suppression de
l'indigénat,
3. d'instaurer une délégation permanente à
la propagande.
Peu de temps après cette série d~ décisions, Lo.ll.Ri bère écrit
à
Nguyen Ai Quoc pour l'informer de la nouvelle situation.
Dans sa réponse, le militant vietnamien note le caractère in-
suffisant d'une rubrique coloniale mensuelle. Lo...R./tibère acquièsce
mais i l précise
Il
not~e e66o~:t po~:te su~tout ~u~ le~ No~d­
A6~~ca~n~ en. ce moment, mai~tudo~~comp~endAe que
c'e~t :touIou~-6 paA latâ-che la plU-6 6ac-ile que nou~
commenç.ori~,e't nou-6 n'en ~omme~ qu'au commencement.
Il n'y ava~t ~~en, ~-ien, ~ien, ~l y a t~o~~ mo~~. Pa~
(1)
Idem note
2 page p~é.cédente.
(2) A~ch~ve-6 de la Commi.~~~on Coloniale du PCF année 1924.
Bo~ine 1!G2, ~éunion du Comité Vi~e.cteu~ du 29 Janvie~ 1924.

271
de ~tati~tique, pa, de jou~nal, pa~ de t~act ". TL pou~­
~uit "En
ce moment cela va m~eux, le Pa~ti ne 6ait
pa~ g~and dîO~ e mai~ iL n"ou:& 1."ai.'f..:&e 'le~coudê.'e~a~'~ez
lib~e~e:t c~ef..:tdê.fà. "fie"a'u·ciiup. C' e~t p~e.&que une ~évo-
/I( 1 )
lution dan~ le Pa~ti.
Forte d'une certaine liberté de manoeuvre, la Commission Colo-
niale tente de rattraper le temps perdu. Elle organise une
tournée en province pour recenser les coloniaux et elle lance
une enquête à ce sujet auprès des fédérations.
Cependant la tâche est rude. Dans la Seine, sur 91 question-
naires envoyés,
trois sont revenus avec des réponses et
dans la Seine et Oise sur 140 questîonnaires expédiés, un
seul a été re~ourné.(2)
Malgré toute la bonne volonté et toute l'énergie mise en oeu-
vre par la Commission Coloniale, le travail colonial est tou-
jours entravé par l'inertie du Partî.
Dénoncée en 1921 par Nguyen Ai Quoc , critiquée par le rVème
Congrès de l'rC en 1922, ~ l'étonnante inactivité" du Parti
en matière coloniale est de nouveau le thème central du rap-
port sur la question coloniale présenté par Abd El Aziz Menouar
au Conseil National du PCF de Juin 1924. Pour ce militant
algérien formé à l'université d'Orient à Moscou(3), i l est
temps d'accorder" plus d'attention à la question coloniale"
(1)
A~chive~ de la Commi~~ion Coloniale du PCF année 1924.
Bo~ine 1110. Lett~e de LQ~~bè~e à. Nguqen Ai Quoc. 25 Ma~~ 1924.
(2 )
Idem.
(3)
Il ~ éj ou~na en Ru~~ie ent~e 1921 et 1923 en mê.me temp~ que
le Tuni~ien Mahmoud Ben Loknal.

272
Le 2 Juin, lors de la séance de nuit, i l annonce d'emblée
le sens de son propos en déclarant
~
" Le. 4è.me. CongJr.è..6 Mondial avaLt c.Jr.Ltiqué la pa.6.6ivLté
du PaJr.ti 6Jr.ança~.6 e.n mati.è.Jr.e c.oloniale. Vepui.~ c.ette
plJr.iode, une année et demi.e ~e ~ontéc.oulée.6 : le
PaJr.ti a ac.c.ompli un gJr.and pJr.ogJr.è..6 dan.6 la voii c.ommu-
ni.6te, il .6'e.6t épuJr.é de.6 élè.ment~ oppoJr.tuni.6te.6 ayant
de.6 attac.he.6 avec. la 6ouJr.geoi..6i.e. Tl .6'e.6t appJr.oc.hé
de.6 ma.6.6e.6 en FJr.anc.e. Mai.~ qu'a-t-i.l 6ai.t pouJr. le.6 ma.6-
.6e.6 de.6 c.olonie.6 ? PJr.e.6que Jr.i.en ff. Après avoir décrit
l'extension du mode de production capitaliste aux colonies,
évoqué l'importance des colonies pour les métropoles impé-
rialistes et insisté sur la solidarité qui devrait unir le nro-
létariat européen aux peuples coloniaux i l poursuit :
~ Nul c.ommuni.6te·ne doit exc.lU.6i.vement .6 t oc.c.upeJr. du
mouvement ouvJr.ieJr. eUJr.opéen et i.gnoJr.eJr. l'exi.6t~nc.e du
pJr.olétaJr.iat c.olonial. Si le paJr.t~ c.ommu~i.6te d'un
pay.6 dont l'impéJr.iali.6me oppJr.ime de.6 c.oloniaux, paJr.
.6on ac.tion c.onc.Jr.è.te ne. 6ait Jr.i.en pouJr. li6éJr.eJr. le.6
ma.6.6e.6 c.oloniale.6 oppJr.imée& paJr. l'impéJr.iali.6me de la
MétJr.opole, il .6e donne une 6ac.e de TIè.me InteJr.nationale
Se
limiteJr. a êlaooJr.eJr. de.6 thè..6e.6 philo.6ophique.6 ou
de.6 c.he6.6 d'oeuvJr.e de littlJr.atuJr.e qu'on pJr.é.6ente et
qu'on vote méc.aniquement dan.6 le.6 c.ongJr.è..6, c.'e.6t Jr.e-
t.omoeJr. dan.6 le oUJr.eauc.Jr.at.i~me de la IIè.me InteJr.nationale "
Insistant sur
l'importance du travail colonial à entrepren-
dre i l conclue sur ces mots

273
»
Le p~~ti dev~~ po~te~ la plu~ g~~nde a~deu~ dan~
l'~QQompli~~ement de Qette taQRe et ~l~bo~e~ de~ di-
~eQtive~ de t~~v~il. C'e~t ~lo~~ ~eulement qu'il de-
viend~a un v~~it~6le P~~ti Qommuni~te,
une vé~itable
~eQtion de l'rnte~n~tional~ ".(1)
Manifestement cette intervention irrita la direction du PCF.
En effet, alors qu'allait s'ouvrir ~ Moscou le Vème Congrès
de l'Internationale, la
Commission Coloniale ne put faire
accepter par le Comité Directeur l'envoi d'un délégué au Con-
grès. Par contre après avoir sondé René Maran et Rojo Tovalou
Houénou, le Parti se décida à envoyer à Moscou le Guadelou-
péen Joseph Gothon Lunion pour y représenter les nègres fran-
çais. (2)
Pour l'anecdote, notons que son séj.our en Russie
ne passa pas inaperçu puisqu'il fut photographié sur le trOne
des tsars, cliché qui fut notamment reproduit par l'Illus-
tration. (3)
Plus sérieusement ce dernier présenta un rapport suivi d'une
quinzaine de propositions parmi lesquelles on,peut relever:
-
la nomination d'un ou plusieurs délégués de race noire au
bureau de l'éxécutif de l'IC.
-
l'indépendance intégrale du Congo Belge, du Togo et de tou-
tes les anciennes colonies allemandes.
\\1
(l)El Vjazai~i ( p~eudonyme de Menoua~ ) Plu~ d'attention a
la que.6tion Qoloniale~" Le BUlletin Communi~te 5ème ~nn~e N° 24
13 juin 1924 PP. 597-598.
(2) A~Qhive~ de l~ Commi~.6ion Coloni~le du PCF ~nnée 1924.
Bo~ine 7/70. Lett~e de Aziz à Kol~~ov. 17 Juin 1924.
(3)
L'lllU.6t~ation 16 Août 1924.

274
- la constitution d ' u n " Comité d'action et de propagande
pour l'indépendance" intégrale des colonies 11
-
la fondation de journaux aux colonies où serait 'posée la
ques tion de l'indépendance en y aj outant
la création d'unE?
" République Socialiste Nègre 11
-
la nécessité de s'intéresser à
la question des femmes aux
colonies et enfin la possibilité d'envoyer des nègres à Mos-
cou pour qu'ils y fassent leur éducation marxiste. (1)
Lors du Congrès, Manouilsky et Nguyen Ai Quoc critiquèrent
vertement la politique coloniale du PCF, à qui ils reprochè-
rent en outre de ne pas avoir envoyé un représentant de la Com-
mission Coloniale. Manouilsky, tel le Grand Inquisiteur deman-
da des comptes au PCF repésenté en l'occasion par Sellier.
M: " ... Je. de.ma.nde. a.ux c.ommuni:.&te..& 6Jta.nç.a.i.6 da.n.6 que.l.6
doc.ume.nt.6 il.6 ont pJtoc.la.mé le. dJtoit de. .6épa.Jta.tion de..6
c.olonie..6 •
S:
" Va.n.6 le. pJtogJta.mme. du Pa.Jtti
M: Il ••• Ave.z-vou.6 6a.it une. pJtopa.ga.nde. a.nti-milita.-
Jti.6te. pa.Jtmi le..6 .6olda.t.6 noiJt.6 ?
SuJt le..6 ba.nc..6 6Jta.nç.a.i.6 : Oui Oui
M: " Non, je. n'a.i
c.onna.i.6.6a.nc.e. d'a.uc.un doc.ume.nt
.6éJtie.ux. Je. va.i.6 vou.6 c.ite.Jt un 6a.it qui e..6t in.6igni6ia.nt,
ma.i.6 qui e..6t c.a.Jta.c.téJti.6tique.. Pe.nda.nt le. CongJtè.6 de. Lyon,
l'Inte.Jtna.tiona.le. Communi.6te. a.va.it a.dJte..6.6é un a.ppe.l a.ux
ouvJtieJt.6
6Jta.nç.a.i.6 e.t a.ux pe.uple..6 c.olonia.ux. La. Jtéda.c.tion
(1) ANS 2.1 G41
(17),
Ra.ppoJtt de. GoHton Luni:on a.u Vème. CongJtè.6
de. l'TC. 14 Juin 1924.

275
de l'Humanité, en le publiant, a lntent~onnellem~nt
6upp~lml le6 mata 'a~x peuplea colonlaux'. Peut-Dn
avec une telle mentalltl 6al~e une p~opagande lne~­
giQue pa~ml lea lndlgène6. Je ~ounalte au Pa~ti COm-
muni6te F~ançal6 de ~etou~ne~, tout au moln6 danacet-
te Que6tlon , aux t~adltlon6 jau~e66late6. Blen de6 cho-
6e6, dan6 la p~atlQue et dan6 la théo~ie, nOU6 6épa-
~ent du dé6unt che6 du Pa~tl Soclall6te F~ançai6. Mai6
6a voix 6'élevait toujou~~ ,~é6olument cont~e le6 aven-
tu~e6 coloniale6. Souvenez-vou~ de 6a cou~ageu6e cam-
pagne cont~e l'aventu~e ma~ocalne. Jau~è6 n'était pa6
pou~ la 6épa~ation def., colonle6, mai6 Il aavalt atti-
~e~ l'attentIon du paY6 6U~ la Que6tion coloniale" (1)
Manouilsky n'avait pas été tendre avec le PCP, accusé de
faire moins que les Socialistes en matière coloniale. Et en-
core si l'on en croit H. Carrère d'Encausse et S. Schram,
" le compte-~endu 611..ança.l~ du Vème Cong~è6 e6t un t~ave6ti
du texte complet qui 6lgu~e dan6 l'ldltlon ~u66e li. (2)
Cela explique peut être entre autre, pourquoi le texte par-
le de la » séparation» des colonies et non de l'indépendance.
'Alors qu'il n'y était pour rien, les retombées 'du Vème Congrès
allaient être " sanglantes » pour le responsable dé la Com-
mission Coloniale. Secrétaire de la dite commission depuis
à peine six mois, Leroy fut pratiquement remercié et remplacé
(11 Vè'me C'o'n'gA'è'6' 'ete' t.'Tnt'e'tr:n'a.'t:.i.'onaLe' 'C'o'mr.fu'nl'.6te ( 17 Juin-8 Juillet
1924 1. Pa~16, Li5~al~le de l'Humanltl. 19Z4p. 216.,
[2)
H. Ca~~è~e d' Encau.6.6 ~ et S. Scn~am.' 'L"e'ma",lt'x:<:.6'm'e"e't'l' 'A.6ie
18~3~1'r64.-
Pa~16,A~mand Colln;1965. p. 61.

276
à partir du I l Août 1924 par Jacques Doriot, (1)
Désormais responsable du travail colonial et anti-militariste,
ce dernier décida de réorganiser la Commission Coloniale. Un
peu plus de deux.mois après sa nomination, i l présenta son
plan
au Bureau Politique, Divisée en cinq sous-commissions
( Afrique du Nord,
Indochine, Vieilles Colonies, AOF et Main
d'Oeuvre Coloniale en France), la Commission Coloniale était
transformée en Commission Coloniale Centrale. Présidée par
Doriot, elle se composait provisoirement de Lozeray, Ferrant,
Paul Vaillant Couturier et Menouar. Pour Lozeray, le bilan
du CEC puis de la Commission Coloniale n'était pas maigre:
i l était nul. Dans un rapport daté du 18 Décembre 1924, i l
estimait que; jusqu'au Vème Congrès/la question coloniale avait
été délaissée;
le CEC puis la CC étaient en majorité compo-
sés de coloniaux qui " avaient depuis longtemps quitté leur
colonie "; au sein de ces organismes les discussions étaient
interminables mais rien de concret n'était proposé au Bureau
Poli tique. (2)
Avec Doriot et Lozeray, tous deux venus des Jeunesses Commu-
nistes, à la tête de la CCC~le style de travail colonial allait
changer du tout au tout comme le prouvera la campagne d'actions
contre la guerre du Rif.
En attendant, une des conséquences directes de l'action de Do-
riot était l'entrée à la CCc de deux Africains qui militaient
jusqu'alors à l'Union Inter~~oloniale : Masse Ndiaye et· Lamine
(1) A~ehiv~~ d~ la Commi~~ion Coloniale du PCF anné~ 1QZ4. Bo~ine
1/64. Bu~~au Politiqu~ du 19/0Q/Z4.
(Z) .A~eh. d~ .ta Commi~~lon Co.toni:.a.t~ du PCF o.Ilné~ 1924. BoUn~ 1/10
L~tt~~ d~ Vo~iot du 18(12(24 ~uivi:. du ~~ppo~t d~ Loz~~ay.

277
Senghor. Mise sur pied quelques temps avant le CEC, l'Union
Inter-Coloniale s'inscrivait ell~ aussi
dans la tentative
de gagner les coloniaux au marxisme tout en étant relative-
ment autonome par rapport au PCF.
L'UNION INTER-COLONIALE.
-----------------------
L'Union Inter-Coloniale, à elle seule, mériterait
qu'on lui consacre une étude. En effet, celle-ci se trouve
dans la situation paradoxale d'être à la fois très connue et
mal connue. Très connue parce que tous les chercheurs qui
ont travaillé sur les mouvements anti-colonialistes de la
France de l ' entre-deux-guerres en ont parlé.• Mal connue par-
ce que tous
( y compris nous bien entendu ) en ont fait une
approche partielle, selon qu'ils s'intéressaient aux Nord-
Africains, aux Indochinois, aux Antillais ou aux Africains,
alors que l'UIC était avant tout une organisation multi-
nationale. Ainsi, on peut dire que jusqu'à ce jour, l'UIC et
sa dynamique propre n'ont jamais été étudiées. L'histoire
de l'Union Inter Coloniale reste donc à faire. En attendant
la réalisation d'un tel travail de synthèse, nous nous con-
tenterons de décrire en quelques ~ages ce que furent l'UIC et
son journal, le Paria.
Comme nous l'avons vu précédemment, en 1920, les
deux seules organisations politiques mises sur pied par des
coloniaux sont l'Association des Patriotes Annamites et la
Ligue Française pour l'Accession aux Droits de Citoyen des

278
Indigènes de Madagascar
( LFADCIM ) • A la tête de ces orga-
nisations on trouve d'une part le Vietnamien Nguyen Ai Quoc
et d'autre part le Malgache Stéfany, qui ont tous deux en com-
mun leur appartenance au Parti Socialiste. Après Tours, l'un
et l'autre rejoignent le PCF, parti qui, malgré son discours
théorique, n'accorde qu'un intérêt limité aux questions colo-
niales. Compte tenu de cet état de choses, Stéfany, Nguyen
Ai Quoc, mais aussi des communistes fran~ais comme André Berthon
et Paul Vaillant Couturier collaborent au journal réformiste
l'Action Coloniale pour faire entendre leurs voix. En Mars
1921, alors que le Comité d'Etudes Coloniales est encore en
gestation, Nguyen Ai Quoc et Stéfany décident de fusionner leurs
organisations respectives en un Comité Central dAAction dit
Groupe Socialiste des Originaires des Colonies
( GSOC ) . (1)
Ayant à sa tête Stéfany, le GSOC a établi son siège social au
8 Rue Monsi~ur le Prince dans une boutique louée par le fon-
dateur de l'Action Coloniale.
Faute de précisions, on ignore si les relations entre le GSOC
et Maurice Boursaud se limitèrent à un simple contrat commer-
cial ou au contraire si elle eurent une dimension politique.
Mais, la collaboration des communistes à l'Action Coloniale,
puis la dissolution du GSOC " suite à des démêlés avec M. Bour-
saud ,,(2)
nous font plutôt pencher en faveur de la seconde
(1) ANSOM SLOTFOM rII Ca~ton 3, Note de l'agent Vl4l~l Il Juin 1921.
L'emploi du te~me 4oclall4te peut 4u~p~end~e mal4 il ~e 6aut pa4
oubli.e~ qLL' a cette d.er.te, le mot communLste n' ltalt pa4 enco~e pa44 e~
dan4 le4 moeu~~. A cett~ époque Ll n'lta~t pa4 ~a~e de t~ouve~ de4
t~act4 commun,üte4 '.Signl4 Pa~ti: Soci:a.ti:ste
'.Suivi. i.l e4t v~ai
de la mention SFIC !
(2) ANSOM SLOTFOM l Ca~ton Il. Note 4u~ .ta p~opagande ~lvolutionnal~e
21 Av~1.l 1922.

279
hypothèse. Toujours est-il que cette première tentative d'or-
ganiser les coloniaux rêsidant en France dans un seul et même
cadre êchoua
dans l'oeuf.
Cependant l'idêe n'
a pas êté abandonnêe pour autant puisqu'en
Juillet 1921, le GSOC renaît sous le nom de l'Union Inter
Coloniale
( UIC ). Etablie au 9 Rue Val~tte(l) , L'UrC est
dirigêe par un Comitê Exêcutif de 8 membres à la tête duquel
se trouve Stêfany. Mais ce dernier n'exerce pas longtemps les
fonctions de secrêtaire gênêral de l'organisation puisqu'il
les abandonne en Dêcernbre 1921 pour cause de
••. mariage.
C'est le Martiniquais Joseph Monnerville, nê le 21 Fêvrier 1889
à Fort de France, qui prend la succession. Ayant fait son
service militaire puis la guerre dans les êquipages de la
Flotte, i l est venu en France après sa libêration en Mai 1919.
Courtier en produits coloniaux, i l est adhérent de la Ligue
des Droits de l'Homme et milite dans la Sème section de la
fêdêration de la Seine du PCF. Qj)
Outre Monnerville qui reprêsente la Martinique, le Comitê
Exécutif de l'UIC compte un certain nombre de personnages
qui nous sont désormais familiers tels Nguyen Ai Quoc
( Indo-
chine ), Bloncourt
(Dahomey), Honorien
( Guyane
et Stêfany
( Madagascar ). Parmi les nouveaux venus on relève les noms
de Jean Barquisseau, avocat à la cour d'appel de Paris, ancien
membre du Parti Radical et radical socialiste, membre du Parti
Socialiste depuis 1913 puis militant du PCF à la Sème section
(1) Vom~c~le de Jo~eph Mo~~e~vllle, a ~e pa~ con6ond~e avec
Ga~to~ Monne~v~lle.
(~) ANSOM SLOTFOM rlr Ca~ton 3. Lett~e du P~~6et de Pol~ce au
M~n~~t~e de~ Colonie~.
16 Mai 1922.

280
de
la Seine(1) qui représente la Réunion et celui de Paul·
Jean Baptiste, ancien combattant amputé des deux bras, cheva-
lier de la Légion d'Honneur, décoré de la Médaille militai-
re et de la Croix de guerre.
Représentant la Guadeloupe, i l n~appartient à aucun parti
politique mais les rapports de police le décrivent comme
professant des idées socialistes. (2)
.Enfin l'UIC possède un correspondant aux Antilles en la person-
ne d'Alfred de Morinde. Adhérent de
la première heure à l'UIC,
ce Guadeloupéen qui tenait une boutique de produits coloniaux
rue de la Condamine est rentré aux Antilles fin 1921. (3)
" Association des Originaires de toutes les Colonies ", l'UIC
déclare avoir pour buts
:
" - de. gftoupe.ft e.t de. guide.ft le..6 i.ndi.gè-ne..6 de..6 c..olonie..6 habi-
tant la Fftanc..e.
lonie..6 e.n vue. de. le.uft émanc..ipation
- de. di.6c..ute.ft e.t d'étudie.ft toute..6 le..6 que..6tion.6 de. politique.
e.t d'éc..onomie. c..oloniale..6 e.t e.n généftal, tOU.6 le..6 pftoblème..6
intéfte..6.6ant le..6 ftac..e..6 de. c..oule.uft •..• "r 4 )
Officiellement l'UIC n'est donc pas une organisation communis-
te ma~s on note qu'au moins six des dirigeants
( sur huit)
(7)
Ide.m note. 3 page. pftéc..éde.nte..
(2)
Ide.m note. 3 page. pftéc..éde.nte..
(3]
Tde.m note. 3 page. pftéc..éde.nte..
(4) Afttic..le. 2 de..6 .6tatut.6 de. l'Ure. ANSOM SLOTFOM Trr Caft:ton
86.

281
sont membres du PCF dont quatre
( BIoncourt, Barquisseau,
Stéfany et Monnerville
sont adhérents de la Sème section
de la Fédération de la Seine. Malgré le soutien officieux
du ~arti, l'UIC a du mal à s'organiser. Quittant le domicile
de MonneLville, elle s'abritera successivement dans les 10-
caux de la Société Coopérative
( 28 boulevard Arago
puis
dans ceux de la Librairie
positiviste
( 16 rue Saint Séve-
rin ), avant de s'établir définitivement 3 rue du Marché
des Patriarches à l'automne 1922. (1)
En dehors des problèmes de locaux, ce qui manque le plus à
l'UIC c'est un journal pour y faire entendre sa voix. En ef-
fet l'Humanité écrivant peu ou pas sur les colonies, la ruptu-
re étant consommée avec l'équipe de l'Action Coloniale, Nguyen
Ai Quoc et ses amis sont pratiquement réduits au silence.
Pour tenter de remédier à cette situation, les dirigeants de
l'UIC aidés d'Henri Barbusse lancent le projet d'une coopé-
rative qui aurait pour but la publication d'un journal inti-
tulé Le Paria.
Le 1er fi"~le~ 1922 Stéfany adresse à tous les membres de l'UIC
une lettre les appelant à adhérer à cette société coopérati-
ve. (2)
Il s'agit
de créer" une véritable publication colo-
niale " et ce le plus rapidement possible car le temps presse.
Les dirigeants de l'UIC Sont conscients qu'ils doivent comp-
ter d'abord sur leurs propres forces, car comme l'écrit Stéfany
------~-------------
(II ANSOM SLOTFOM r Ca~ton II. Lett~e du cne6 du CGTT au Gouve~­
neu~ G(n(~al de l'Indochine 3 Octoe~e 1922.
(2IANSOM SLOTFOM rlr Ca~ton 27. Appel pou~ la coop(~ative le
Pd~ia. 1e~ F(v~ie~ 1922.

282
~ No~ ami~ de la Mlt~opole ( li~e le6 communi6te~ l
commencent a ~enti~ la ~lce~~itlde modi6ie~ la ~itua­
tion actuelle de~ colonie~, mai~ n'ltant pa~ documen-
tl~, il~ attendent lte~nellement ou agi66ent 6an6 ce~-
titude; dan.6 le~ deux ca~, illi ~i~quent de nui~e au
mouvement glnl~al qui ~ltaoli~a la ju~tice pa~mi le~
po pulatio n~ cola niale.6 ~. [1 1
D'autre part, i l faut faire comprendre aux colonisés que le
peuple français n'est pas exclusivement composé de " 6onc-
tionnai~e.6 auto~itai~e6 et 6an!i pJ.til fi ou .de ~ colon6 dont
le p~og~amme e6t l'exploitation deli cno!ie!i et de6 nomme6 de6
colonie6 ~.

Le projet de coopérative échouera mais le 1er Avril 1922 le
premier numéro du Paria est en vente. Tiré à 2 000 exemplaires,
i l doit beaucoup, pour ne pas dire tout, au travail de Nguyen
Ai Quoc qui a sans doute joué un rOle déterminant dans le choix
du titre. Le leader Vietnamien n'était-il pas un ami de Paul
Vigné d'Octon qui animait la rubrique" le coin des parias
indigènes " dans le Libertaire, rubrique qui avait par deux
fois ouvert ses colonnes à Nguyen Ai Quoc ?(2)
Le Par~a : nul autre titre n'aurait sans doute mieux fait
l'affaire. A lui seul i l résume parfaitement le sort réser-
vé aux colonisés
: parias sur le sol de leur prétendue mère-
patrie et parias dans leurs propres pays.
Avec la sortie du premier numéro du Paria, l'UIC cherche à
11) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 21. Appel pou~ la coopl~ative
le pa~ia. le~ Flv~ie~ 1'122.
(2) Le lJ.beJt:tai~e 1-14 Octoo~e 1'121.
Le Libe~tai~e 30 Septemb~e - 1 Octoo~e 1921.

284
accro!tre le plus possible son audience. Afin de " ratisser
large ", les rédacteurs du journal ont adopté un profil bas,
tout en nuances. Ainsi dans un bref article-programme ils décla-
rent
" Le. Pa.Jt.la. e.nte.nd dénonc.e.Jt le.s a.Ou.6 de. l'e.xplo.lta.t.lon
éc.onom.lque. dont .6ont v.lc.t.lme.~ le.s popula.t.lon~ de.~ va.~te.~
te.JtJtitoiJte.~ d'outJte.-me.Jt. rl e.nte.nd le.~ a.ppe.le.Jt a ~e.
gJtoupe.Jt pouJt tJta.va.ille.Jt a le.uJt pJtopJte. pJtogJtè~ ma.téJt.le.l
e.t moJta.l, .ll e.nte.nd le..6 c.onv~e.Jt a L'oJtga.n.l~a.tion qu~
a. pouJt but 4e. l.lbéJte.Jt le.~ oppJt~mé.6 de..6 6oJtc.e.~ de. dom.l-
na.t.lon, de. Jtéa.l.l~e.Jt l'a.mouJt e.t la. 6Jta.te.Jtn.lté ". (1)
Dénoncer les abus, travailler au progrès matériel et moral
des peuples, réaliser l'amour et la fraternité, voilà un pro-
gramme susceptible de séduire beaucoup de gens. Et comme
pour clouer le bec à ceux qui suspecteraient encore le jour-
nal d'être un organe crypto-communiste, on a confié l'édito-
rial à Fernand Gouttenoire de Toury, le chantre de la Ligue
des Droits de l'Homme. Dès la lecture du titre de son papier
les sceptiques sont rassurés puisqu'il proclame: " le. Pa.Jt.la.
ne. de.ma.nde.
que. la. ju~t.lc.e. ". Enthousiaste il écrit
" C'e.~t a.ve.c. une. gJta.nde. joie. que. j'a..l a.c.c.e.pté l'hon-
ne.uJt de. c.olla.boJte.Jt a la. Jtéda.c.tion de. c.e. pJte.m.le.Jt numé-
Jto du Pa.Jt.la., tJt.lbune. de.~ c.olon.le.s, da.n~ la.que.lle.
de.~ homme.~ de. c.oe.uJt ont e.ntJte.pJt.l~ de. me.ne.Jt v.lgouJte.u-
~e.me.nt le. boY!. c.omba.t pouJt le. dJto~t de.~ .lnd.lgène.~, pouJt
le. VJtQ.lt tout c.ouJtt ". (2)
( 1)
Le.Pa.'Jt.la. 1e.Jt Av Jt.ll 1922 •
( 2)
Le. Pa.Jt'ia. 1 e.Jt AvJt.ll 19Z2.

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285
Puis ayant longuement évoqué les promesses faites pendant
la guerre, le lourd tribut payé par les colonisés sur les
'champs de bataille et le reniement de la parole donnée,' i l
conclue sur la nécessité d'accorder aux coloniaux les droits
de l'homme et du citoyen.
Quelques mois plus tard quand l'UIC publie son manifeste,
le ton a bien changé. Intitulé" Appel aux populations des
colonies ", ce texte, adopté en même temps que les statuts
de l'UIC le 28 Mai 1922, dit ceci:
" F~l~e4 de4 colo~ie4,
E~ 1914, le4 POuvoi~4 public4, aux p~i4e4 avec un e6-
6~oyable cataclY4me, 4e 40nt tou~né4 ve~4 vou4 et VOU4
ont demandé alo~4 de con4ent~~ vot~e pa~t de ~ac~i6i­
ce pou~ la 4auvega~de d'une pakt~e qu'on di4a~t vôt~e
et dont· jU4qu'alok4; vou4 n'av~ez connu que l'e4p~it
de domination.
Pou~ vOU4 dete~minek,
on n'a pa4 manque de 6ai~e lui~e
a vo4 yeux le4 avantage4 que vot~e collabo~at~on vou4
vaud~ait. Mai4 la tou~mente pa44ée, comme devant,
VOU4 ~e4tez 4oumi4 au ~eg~me de l'indiglnat, aux ju-
~idicti.on4 d'exception, p~ive.6 de4 d~oit4 qu.i 6o~t la
dignité de la pe~4onne huma~ne : libe~té d'a44ocia-
tian, de ~éunion, li.be~té de la p~e44e, d~oi.t initial
de ci~cule~ lib~ement, même dan4 vot~e paY4, voilà
pou~ le côté politique.
Au poi~t de vue économique, VOU4 ~e4tez 4oumi4 a l'im-

286
populaihe et louhd impôt de eapitation et de pohtage;
a l'impôt de la gabelle; a ~'empoi~onnement et a la
eon4ommation 60hele de l'a~eoolet de ~'opium1 eomme
en Indoehine; a la gahde de nuit 1 eomme en A~glhie1
POUh veilleh 4Uh le4 biens des hequin4 eoloniaux.
A thavail 19a1 1 V04 e66oht4 40nt moin4 hlmunlhl4 que
eeux de V04 eamahade4 eUhoplen4.
En6in on vou4 a phomi4 mont4 et mehveille4.
VOU4 vou4 apeheevez maintenant que ee n'ltait que men-
4onge4 .
Que 6aut-il 6aihe pOUh ahhiveh a eette lmaneipation ?
Pahodia.nt la 60hmule de [(ah~ Mahx r nou4 VOU4 di4on4
que vothe a66ha.nehi44ement ne peut venih que de V04
phophe4 e66oht4.
C'e4t POUh vou4 aideh dan4 eette tâene que l'Union Tn-
teheoloniale a été 6ondée. Elle ghoupe 1 avee ~e eon-
eouh4 de eamahade4 méthopolitain4 4ympathique4 a nothe
eau4e 1 tOU4 le4 ohiginaihe4 de4 eolonie4 hé4idant en
Fhanee.
( . . .)
Fhèhe4 opphimé4 de la Méthopole.'
Vupe4 de vothe bouhgeoi4ie 1 VOU4 avez été de4 in4thu-
ment4 de nothe eonquête : phatiquant eette même poli-
tique maehiavélique 1 vothe bouhgeoi4ie entend aujouhd'
hui 4e 4ehvih de nou4 pouh hlphimeh ehez vou4 1 toute
velléitl d'a66hanehi44ement.

287
En 6a.c.e. du Ca.p.i..ta..e.i.ôme. e.t de. .e.' fmpé.Jtia..e.i·.ôme., no.ô i..n-
té.Jtit.ô .ôont .e.e..ô mim~.ô : .ôouvene.z-vou~ de..ô pa.Jto.e.e..ô de.
Ka.Jt.e. Ma.Jt x. :
, PJto.e.é.ta.iJte.ô de. tou.ô .e.e.~ pa.if~, uni.ô.ôèz-vou.ô '
L'Union fnteJtc.o.e.onia..e.e. »(1)
Après avoir un temps avancéemasquée, l'UIC se lançait dans
la lutte à visage découvert. En disant au~ peuples coloniaux
que la France était leur soi disant Mère Patrie, l'UIC lais-
sait clairement entendre q~e leur seule vraie patrie c'était
leurs pays d'origine. Dans ce contexte nouveau, les mots
émancipation ou affranchissement perdaient toute ambiguité
ils signifiaient bel et bien indépendance nationale. De
plus en faisant par deux fois référence à Karl Marx et en
utilisant les concepts marxistes de bourgeoisie, capitalis-
me et impérialisme, l'UIC se situait ouvertement aux côtés
des communistes. Libération nationale et libération sociale,
tel était le programme de l'Union Intercoloniale.
Cependant alors que l'UIC semble se renforcer ma-
tériellement et politiquement, ses effectifs ne font que dé-
croître. Forte de 200 membres à ses débuts, elle n'en compte
plus que 120 en Juin 1922(2) puis 98 en Octobre(3)
de la mê-
me année. En dehors du travail d'intimidation pratiqué par
les services de police, la cause de cette perte d'influence
est peut être à mettre sur le compte de l'alliance ouverte
[ 1) Le.Pa.kia. 1 e.Jt Août 1 922.
(2) ANSOM A66. Po.e.. Ca.Jtton 2415. Note. suJt .e.a. pJtopa.ga.nde. Jtévo-
.e.utionna.iJte.. 3 Juin 1922.
(3)
C.
Lia.uzu op. c.i:.t· p. 108.

288
avec le PCF à une époque où les ca,mpagnes anti-communistes
font rage dans les journaux. Ceci dit, à cette perte d'influen-
ce vient s '·ajouter une première crise financière qui empêche
la sortie du numéro de Septembre 1922. Inquiet Stéfany se
demande comment i l pourra continuer à assurer la parution du
Paria. (1)
Cette conjoncture difficile fait cependant des heureux du
côté de la rue Oudinot où l'on pense que" le Paria ne repa-
(2)
.
.
ra!tra plus
... "
Finalement le journal surmontera dette
première crise et paraîtra à peu près régulièrement jusqu'en
Janvier 1924.
Début Novembre 1922, l'UIC se réunit à son nouveau siège
social pour constituer le bureau définitif de l'Organisation. (3)
Barquisseau, puis Bloncourt font un rapide tour d'horizon de
la situation aux colonies et insistent sur la necessité de
profiter de toutes les occasions pour faire de l'agitation
en faveur des peuples coloniaux. A la fin de cette réunion,
le bureau de l'UIC est ainsi constitué:
-
secrétaire général
Monnerville
-
secrétaire-adjoint
Nguyen Ai Quoc
-
trésorier général: Nguyen Ai Quoc.
La composition du bureau de l'UIC reflète assez bien la com-
position" ethnique" de l'organisation elle-même. Fondée
par les Indochinois et les Malgaches, l'UIC rassemble surtout
(7) ANSOM SLOTFOM V Caftton 36. Note de l'agent De V~ll~eft, Sept. 22.
(2) ANSOM SLOTFOM V Caftton 36. Note de l'agent Vé~ifté, 22 Sept. 7922.
(3) ANSOM SLOTFOM
rrr Cc.fttcn 3. Note de l'agent Ve Vi~, 6 Nov. 22.

289
des Indochinois et des Antillais. Si Stéfany joue un rôle im-
portant dans l'organisation, les Malgaches sont peu nombreux,
de même que les Nord-Africains et les Africains. En fait,
l'UIC est plutOt " là chose " des Indochinois, de par leur
grand nombre et de par l'importante activité déployée par
Nguyen Ai Quoc dans l'organisation connne au· Paria.
L'importance des uns et des autres est d'ailleurs aisément
mesurable par l'examen de la répartition géographique des
articles du Paria. Ainsi en 1922, pratiquement un tiers des
articles sont consacrés à l'Indochine. Grâce à la présence
de Stéfany à la rédaction du journal
Madagascar occupe
une place de choix qu'elle n'aurait sans doute pas occupée
en d'autres circonstances
( I l articles). Peu représenté à
l'UIC, le Maghreb est cependant l'objet d'une grande atten-
tion
12 articles ). Cela tie~t tant à la résistance armée
à la colonisation qui se poursuit qu'à l'existence de fédé-
rations communistes en Algérie et en Tunisie.
Les Antilles et l'Afrique font figure de parents pauvres avec
respectivement 7 et 6 articles. Et encore pour ce qui est de
l'Afrique, on doit noter que la moitié des articles sont con-
sacrés au Dahomey et ce en raison des liens existant entre
Bloncourt et Hunkanrin. (1)
Début 1923, le Dahomey sera d'ailleurs de nouveau à la une
du Paria à cause des évènements de Porto-Novo. Le numéro de
Mars du Paria parle de ces évènements et 400 exemplaires du

290
journal sont expêdiês dans la colonie. Cl) Mieux, quelques
semaines plus tard, un dahomêen du nom d'Azango dêbarque en
France et fournit des informations sur la situation à BIoncourt
et Stêfany. (2) En Juin Le'Paria titre ft Au Dahome.y le. c.Jr.-tme.
c.ontinue. ,;(3) et le mois suivant Monnerville dénonce n le
terrorisme au Dahomey ~. (4)
Fin Mai, Sarotte, secrêtaire du CEC, annonce une bonne nouvel-
le à Nguyen Ai QUoc. Le Parti vient d'allouer une subvention
au CEC et ce dernier a dêcidé
de verser mensuellement une
somme de 100 francs pour l~ Paria.(S) La nouvelle est particu-
lièrement bien venue puisque BIoncourt vient de découvrir
que Stéfany a dêtournê près de 1 SOO francs de la caisse du
journal. (6)
Ecarté de l'UIC ce dernier rejoint alors l'équipe du Libérê
avec les quelques Malgaches qui adhéraient à l'organisation.
L'UIC surmonte tant bien que mal ce petit scandale et le 29
Mai elle organise une fête qui rassemble près de 150 pers on-
nes. Les Indochinois sont venus en masse puisque la police
en dénombre près d'une soixantaine parmi lesquels on note
les dirigeants de·l'UIC tels Nguyen Ai Quoc, Nguyen The
Truyen et Nguyen Van Ai. BIoncourt se fêlicite de ce succès
et i l dêclare que c'est» le. moye.n le plu~ e.66ic.ac.e. pouJr.
(1) ANSOM SLOTFOM V CaJr.ton 36. Note. de. l'age.nt Ve. Villie.Jr.. 2 MaJr.~
1q 23.
(2) ANSOM SLOTFOM IrI CaJr.ton 86. Note ~uJr. la pJr.opagande. Jr.e.volu-
tionnaiJr.e.. 15 AVJr.il 1923.
(3) Le. YaJr.ia. 15 Juil". 1923.
( 4)
t e..paJr.l.a 1 6 J u-tll et 1 9 23 •.
(5) ANSOM SLOTFOM rI CaJr.ton 14. Le.ttJr.e de. SaJr.otte. a Nguye.n Ai
Quoc. 22 Mai 1923.
(6)
ANSOM SLOTFOM rrr CaJr.ton 103. Note. ~uJr. la pJr.opagande. Jr.e.volu-
tionnaiJr.e. Mai 1923.

291
g~oupe~ le~ t~availleu~~ de~ eolon~e~ ~ou~ le~ pli~ du d~a­
peau ~ouge de la ~é.voluti:on qui: a6 6~andii:~a le p~olé.ta~i:at
du joug eapitali~te If. Mais il précise que les soirées ré-
créatives ne sont pas tout et que " lel, o~iginai:~e~ de~ eolo-
ni~~ doivent p~end~e eon~elenee du~6le qu'il~ ont a joue~
.
.
( 1 )
pou~ a~~ive~ a leu~ a66~anehi~~ement If.
Quelques jours plus tard, l'Ure est terriblement affaiblie
par le départ inopiné de Nguyen Ai Quoc pour Moscou. Très
prudent, ce dernier n'a informé personne de son départ et
ses amis comme le CAI comprendront seulement quelques semaines
plus tard qu'il est parti définitivement! Le leader Viet-
namien n'est d'ailleurs pas le seul à prendre le chemin de
la Russie soviétique puisqu'en Aofit Monnerville obtient un
passeport pour la Grande Bretagne (2) , prélude à son arrivée
au pays des Soviets.
Privée de Nguyen Ai Quoc et de Monnerville, l'UIC vit alors
des moments difficiles qui ne prendront fin qu'au début de
l'année 1924. Le PCF qui vient de mettre sur pied une section
coloniale, ainsi qu'un plan de travail, délègue Abd El Aziz
Menouar pour prendre en charge la publication du' p'a~ia. (3)
L'arrivée de Menouar qui survient peu après celle de
Hadjali, renforce l'UIC et y fait affluer les Nord-Africains
qui avaient jusqu'alors boudé l'organisation.
( 1 ) ANSOM SLOTFOM rrr Ca.~ton 3. Note de l'agent de Villie~
29 Mai 1923.
( Z)
ANSOM SLOTFOM rr Ca~ton 14. Note de l'agent Vé.~iJté.• 14 'Août 1923.
13 ) C, Liauzu op. eit. p. 10 q •

292
L'UIC devient alors beaucoup plus active, organisant des mee-
tings qui rassemblent des centaines et parfois même des mil-
liers de coloniaux. Le 1er Mars dans le cadre de la campagne
électorale pour les élections législatives de Mai, l'UIC or-
ganise un meeting contradictoire auquel elle a invité tous
les députés coloniaux. Seul Boisneuf, député de la Guadelou-
pe, répond à l'appel mais plus de 200 personnes assistent à
la réunion dont une centaine de Noirs
( sans doute en majo-
rité Antillais ), une soixantaine de Nord-Africains et une
quarantaine d'Indochinois. (1)
Quelques mois plus tard, ils
sont 6 000 selon la police, 12 000 selon les organisateurs,
à venir écouter l'Emir Khaled. (2)
Désormais, l'UIC est le Il fief
Il
des Maghrébins. Hadjali,
Menouar et Mahrnoud Ben Lakhal joueoc
les premiers rôles
au sein de l'organisation et cela se traduit par une véri-
table hégémonie sur le Paria. En 1924, le journal publiera.
74 articles sur le Maghreb, 14 sur l'Indochine, 8 sur Madagas-
car, 6 sur les Antilles et 6 sur l'Afrique.
Cependant, à partir de Juin 1924, les rapports de police no-
tent souvent la présence d'un Il noir inconnu Il aux réunions
de l'UIC. Ce personnage énigmatique,
est très certainement
Lamine Senghor, mais ce n'est qu'à la fin de l'année 1924
que celui-ci prendra de l'importance au sein de l'UIC. Dans
.(1) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 3. Note de l'agent ·Vé~l~é 2 Ma~~ 1924.
(Z)
C. Llauzu op. c.lt. p. 111 ~

·
293
cette organisation, i l retrouve une poignée de compatriotes,
dont certains sont membres de l'UIC depuis longtemps. Peu
nombreux, peu instruits, ils n'ont jamais pu réellement faire
entendre leurs voix à l'UIC. Cependant cette organisation
leur a fourni un cadre dans lequel ils ont pu cotoyer d'autres
militants coloniaux, leur permettant ainsi d'acquérir une
formation militante sur 1I1e .tas ". A travers l'expérience
de l'UIC, ils ont pu saisir toute l'importance qu'il y a à
s'organiser pour le triomphe de ses idées, ils ont pu toucher
du doigt, tout l'impact que pouvait avoir un journal comme
le Paria.

294
CHAPITRE
VI
------------
AUX ORIGINES DE L'ANTICOLONIALISME
----------------------------------
NE GRE RADICAL.
Dans le processus qui a vu émerger un courant anti-
colonialiste radical s'appuyant d'un côté sur la section co-
loniale du PCF et de l'autre sur l'Union InterColoniale, la
participation des Africains a été quasiment nulle. Absents
de la Commission Coloniale et des préoccupations du Parti
Communiste, ils sont pourtant une poignée à avoir adhéré à
l'UIC dès la première heure.
1. LA FRACTION AFRICAINE DE L'UIC DES ORIGINES A 1924.
--------------------------------------------------
D'après une liste établie par le CAI en Décembre
1923, ils sont à peu près une dizaine (1) . Parmi eux, Alexan-
drenne, un Guinéen employé comme commis-greffier par l'admi-
nistration coloniale à Kaolack
Sénégal ) et un certain
Mademba, Malien ou Sénégalais, ont adhéré à l'UIC tout en
étant en Afrique. Ce détail prouve s ' i l en était besoin que
malgré l'étroite surveillance policière dont elle était l'objet,
l'UIC avait réussi à se faire conna!tre jusque dans les colo-
nies.
Les autres membres de ce petit groupe se recrutent tous dans
cette première génération de travailleurs immigrés Africains
qui a vu le jour après la guerre. A l'exception de Thomas
(71 ANSOM SLOTFOM 1fT ea~ton 3. Li~te de~ adh~~ent~ de l'Ure
V~cemb~e 7923 •.

295
William, un comptable d'origine guinéenne et de Hassan Same,
un ouvrier-ébéniste né au Soudan, tous sont sénégalais. Ainsi
en va-t-il du chauffeur de taxi Amadou Guèye, du représen-
tant en produits coloniaux Masse Ndiaye, de Massemba Sall
et de Faber(l) •
On ignore la profession de certains d'entre eux mais on peut
dire sans grands risques de se tromper qu'il n'y a pas d'in-
tellectuels parmi eux, bien que d'après la police Masse Ndiaye
se dise " homme de lettres ". (2)
De ce point de vue, si l'on établit une comparaison avec les
Antillais membres de l'UIC, le contraste est frappant. En
effet, on ne compte pas moins de quatr~ avocats (3) , deux
professeurs (4) , et un députées)
dans leurs rangs.
Par ailleurs, aucun d'entre eux n'a fait ses premières armes
au Parti Socialiste ou â la Ligue des Droits de l'Homme comme
c'est souvent le cas pour les originaires des
" Vieilles
Colonies "
Composé
d'immigrés de fra!che date appartenant aux couches
laborieuses de la société, dépourvu
de tradition politique,
le petit groupe des Africains de l'UIC reflèt~ bien les ca-
ractéristiques générales de l'immigration africaine dégagées
plus haut.
Ceci dit, nombre d'entre eux sont étiquetés
par le CAI com-
me " sympathisants communistes II et un rapport précise même
(1)
Tl &'agit t~è& ce~tainement d'Amadou Fabe~ Ba que nou~ ~et~ou­
ve~on& militant du PCF a Ma~&e~lle dan& le& année& t~ente.
(Z) ANSOM S LOTFOM rrr Ca~ton 3. Li::~te de&' adné~ent& de l' urc. Déc 23.
.
.
,
.
(3) Bloncou~t, Ba~qui::~&eau, Sa~otte, Odet VehY~.
(4)
Elie Bloncou~t, Eugène ~ono~i::en.
.
.
(5l
René Boi&neu6 député de la Guadeloupe.

296
que Masse Ndiaye, Amadou Guèye et Thomas William " aI.>l.> il.> tent
aul.>l.>i ~éguliè~ement que leu~ pe~mettent leu~~ oQQupationl.> }/(7)
aux réunions organisées par le PCF. En dehors de cette pré-
cision on ignore tout du cheminement qui les a conduit à
l'UIC. La seule chose dont on est certain c'est que Masse
Ndiaye a travaillé pour ~lfred de Morinde, un des membres
fondateurs de l'UIC. A partir de là on peut supposer que
Masse Ndiaye a joué un rôle décisif en entraînant certains
de ses compatriotes à adhérer à l'organisation anti-colonia-
liste.
Membres de l'UIC et sympathisants corrununistes, ces horrunes cons-
tituent véritablement la première génération des combattants
pour l'indépendance. Car contrairement à ce qu'affirme P.
Dewitte, à l'époque l'indépendance n'est ni " impensée ", ni
" impensable ", ni " inimaginable 11. (2) Le courant indépendan-
tiste est certes embryonnaire, mais de là à dire qu'il est
inexistant, i l Y a un pas que la réalité historique nous in-
terdit de franchir.
Ancien combattant, représentant en produits coloniaux, peut
être" homme de lettres ", Masse Ndiaye est la meilleure
preuve de l'existence du courant indépendantiste parmi les
Africains au début des années vingt. Mis à part ses contacts
avecAIEre~ de Morinde, on ignore comment s'est effectué sa
prise de conscience, mais toujours est-il qu'il a très tOt
(7) ANSOM SLOTFOM rrT Ca~ton 3. Note ~uft le 6onQtionnement de
la l.>eQtion a6~iQaine duCAT 1, VéQemfHe. 19.23.
( 2)
P. Vewitt e 0 p. Qit. p. 4 64 .

297
compris la nécessité d'organiser les Africains pour libérer
le Continent. En témoigne cette lettre qu'il adresse en Jan-
vier 1922 à son jeune frère Djibril, élève-maître à l'Ecole
Normale d'Aix-en-Provence
:
»
Mon ~he~ 6~~~e.
Je m'étonnai~ 6eau~oup de t'avoi~ vu demeu~e~ ~an~ un
mot de toi, dont je te ~eme~~~e t~~~ in6iniment m'avoi~
donne~ beau~oup de dêta~l de ~eux qu~ ~e pa~~ent a no-
t~e ~he~ pay~ natal.
Je t'annon~e ave~ ~eg~et la démi~~ion de mon ami, ~om­
pat~~ote et ~ep~é~entant au pa~lement Mo Viagne Blai~e,
du 6on~tion du Comm~~~a~iat Géné~al de~ E66e~ti6~ Co-
loniaux.
Nou~ e~pé~on~ qu'~l a~~~ve~a ma~ntenant a t~availle~
pou~ le bien et la g~andeu~ de not~e ~he~ A6~ique.
Not~e gloi~e, honneu~,
devo~~ et de mett~e A6~~que
au-même pied~ d'êgal~té que le~ pay~ habit~~ent pa~
le~ eu~opêen~. Retou~non~ no~ yeux ve~~ A6~ique nou~
y t~ouve~on~ une A6~~que mode~ne, même ~omme l'Eu~ope
de 1833 ~oit 88 an~ de ~eta~d pou~ la Côte O~~identale
d'A6~ique et de ~ent an~ pou~ la Côte EquatQ~iale d'A-
6~ique.
Tl e~t temp~ de 6a~~e de la p~opagande dan~ le~ ti-
~ailleu~~ ~énêgala~~ qui nou~ déte~tent v~aiment a
~au~e du p~opagande 6a~te pa~ le~ blan~~ ~ont~e nou~,
~oit pa~ not~e négl~gean~e enve~~ eux ~an~ êt~e d'a~~o~d
ent~e nou~ tou~ le~ nomme~ de ~ouleu~ ( quat~e ~ommune~

298
Rien ne pou~~a êt~e po~~i5le pou~ l'indépendan~e de
not~e A6~ique opp~imée depu~~ de~ ~il~le~ ? La lutte
~in~l~ement leu~ paif~ et qu~ le dé6end~ont a tout mo-
ment, de lai~~e~ l'inté~êt, la naine , la mé~han~eté
ave~ no~ ~ompat~iote~1 la jalou~~e a ~oté pou~ le bien ,
la g~andeu~ de not~e ~hl~e Pat~~e.
Je pen~e que tu ~e~a~ en ~o~~e~pondan~e ave~ moi q~ant
d~e de~ engagement~ 6e~me pou~ 6a~~e de la p~o­
pagande a tou~ le~ Etudlant~ d'A6~~que ou de~ A6~i-
pé~ien~e~ ~u~tout qu~ aime o~en not~e A6~ique; le~
malade~ tel~ que vou~; vou~ ~e~ez ~e~ou~i~ent pa~ la
~o~iêté, mai~ je n'admet pa~ le~ gen~ ~omme Ndou~ de
Va~a~ qui d'ap~l~ ~e~ lett~e~ a mon ~ompat~iote Vlallo
Matoulde , malg~ê il pa~le t~l~ oi~n il n'aime pa~ ~on
pay~. Tl aime mieux la Z ou F(7 ) dont il ado~e~, ~eme~­
~ie pa~ ~ont~e il t~aite ~on pay~ de toute~ ~o~te~ de
~ho~e~ ! Je e~pe~e~ que ~oyez d'a~~o~d ave~ moi elle
nou~ ~éuni~on~ non ~eulement pou~ maintenant mai~ pou~
l'aveni~ de not~e A6~ique. Je me ~ontente~ai de vou~
p~opo~é
~omme nom ~i vou~ lta~~eptez
( So~iétê de~
(7) Tl ~Iagit ~an~ doute d'un F ~~gnL6iant F~an~e.

299
Etudiant~ A6~icain~ ). Et ceux qui n'ont pa~ main-
tenant a l'Ecole ~e~a paqé le double de ceux qu~ ~ont
actuellement a l'Ecole et nul ne 4e~a admi~ ~'il n'e~t
pa~ o~iginai~e ou de4cendant d'A6~ique.
N'aqant plu~ beaucoup de temp~ pou~ continue~ dont je
m'a~~lte ici ju~qu'a la p~oc~a~ne 6oi4.
Me~ a66ectueux 4ouveni~4 a tOU4 le4 ami4 ~an~ oublie~
Mon che~ 6~è~e pou~ le me~lleu~ et pou~ le pu~
Ton 6~è~e
Nd~aqe
9 ~ue d'A~~a~ Pa~i~ VO nl 1}
Alors impensée l'indépendance? Bien au contraire et on ne
manquera pas d'être surpris de voir avec quelle conscience
Masse Ndiaye analyse la situation présente de l'Afrique et é-
numère les difficultés qu'elle aura à surmonter afin de se
libérer. Relativement bref, ce texte fourmille d'indications.
Ainsi peut-on y lire que Blaise Diagne a été élu dans l'es-
poir qu'il travaille pour le bien et la grandeur de l'Afri-
que, pour la liberté de la race noire mais que jusqu'à main-
tenant, i l a peu fait pour combler cette attente.
Impressionné par le niveau de développement atteint par l'Eu-
rope, i l préconise" la modernisation" de l'Afrique afin
de rattraper l'Occident. Partisan convaincu de l'indépendan-
ce, Masse Ndiaye n'envisage pas pour autant un modèle de so-
(1) ANSOM SLOTFOM rrT Ca~ton 3. Lett~e de Ma~~e Ndiaqe a 40n 6~è~e
Vjib~il Ndiaqe êlève-maZt~e a l'Ecole No~male d'Aix-en-P~ovence.
21 ]anvie~ 1922. Cité~ intêq~alement dan~ la lett~e du Mini~t~e
de~ Colonie~ au Gouve~neu~ Gênê~al de l'AOF. 18 ]anvie~ 1925.

300
ciété autre que celui de l'Occident. Cela pourra paraître
paradoxal à certains, mais à une époque où modernisation est
synonXme d'occidentalisation c'est le contraire qui aurait
été surprenant. Rappelons nous l'Egypte de Méhemet Ali, le
Japon de l'ère Meiji, la Chine de Sun Yat Sen, la Turquie de
Mustapha
Kemal, dans tous ces CaS, la modernisation du pays
a été faite sur le modèle européen avec des conseillers euro-
péens.
Mais pour Masse Ndiaye le développement économique n'est pas
une fin en soi. Ce qui prime c'est l'indépendance de l'Afri-
que, continent opprimé depuis des siècles. Notons, et c'est
une caractéristique sur laquelle nous reviendrons plus tard,
qu'il ne parle à aucun moment de l'indépendance du Sénégal,
pays dont i l est pourtant originaire. Plus que Sénégalais, i l
se sent et se pense en Africain, et dans ce contexte, son
combat pour l'indépendance a forcèment une dimension conti-
nentale. Passionné à l'extrême mais lucide, i l sait que le
combat sera long et acharné et c'est pourquoi i l prêche l'uni-
té. Unité d'abord entre sujetsfrançais et citoyens français,
les seconds devant cesser de mépriser les premiers. (1)
Unité ensuite entre tous les Africains pour la " grandeur "
de l'Afrique. Exprimé en termes simples, ce qui est mis en
avant c'est l'unité" nationale ", la nécessité d'opposer un
front uni aux puissances coloniales.
(11
1/
Le.-6 i.ndi.g ène.-6 ~tai.e.nt de-6' ..sauvage...s, i;l-6 ne. pouvai.ent pa-6
ê.tlte. c.i.tolje.n-6 c.omme. nou..s au,tlte-6 c.i:.vi.li.'!rê...s JI. Ve. te.l-6 pltOpO-6
Papa Toumanê. Ndi.alje. di.~le.~ ,av?i:.~ 4~~quem.me.nt e.nte.ndu, lolt-6 de. -6e.-6
ltec.he.ltc.he.-6 .& Ult le.~' 'dlj)fa'mi;'-6mè.~' :r.fot:Ct:tQ'u'e:S' (fu' S~n'e:a(fl'.' '1'9'74'-7929 -
e.-6-6ai...s ult l:e.~' 'olt:<:g.{:n'e.1:l' 'au' 'yr:a':ti;'o'na.t:t-6 )Pfe.' 'aJIt;['c.'ai;'rt 'a'li S~:n é.gal •
Mé.moi.lte. de MaZtlti.~e.,Va~alt, 1918, p. 31.

301
Enfin, et c'est important de le souligner, Masse Ndiaye, le
semi-analphabète èonne une véritable leçon politique à cet
" évolué" qu'est son jeune frère. Non content de lui exposer
la nécessité de s'organiser, i l lui propose ni plus ni moins
de mettre sur pied le premier syndicat étudiant africain.
A la fois syndicat et association de secours mutuel, cette
organisation n'a pas pour unique but de revendiquer" des gom-
mes et des crayons " pour les étudiants africains en France,
elle doit aussi et peut être surtout travailler" pour l'ave-
nir de l'Afrique ", c'est à dire pour l'indépendance.
Défense des intérêts matériels des étudiants d'une part et
lutte aux côtés des peuples africains pour l'indépendance
d'autre part, tels seront les objectifs de la Fédération d~s
Etudiants d'Afrique Noire en France
( FEANF ) qui verra le
jour en ... 1950.
Outre leur faible nombre, la quasi-absence des
intellectuels Africains de la lutte pour l'indépendance, s'ex-
plique par la gênèse très particulière de cette catégorie
sociale. En effet, en Afrique Sub-Saharienne, ce que l'on
appelle l'élite est largement une création coloniale. Nous
ne disons pas par là que l'Afrique n'a pas d'intellectuels
avant la période coloniale. Le philosophe Wolof Kocc Barma,
les lettrés de Tombouctou Mahmoud Kati, Abderrahman Sa'di,
Ahmed Baba, ou plus près de nous le sultan Njoya sont là pour
prouver le contraire. Notre propos est ailleurs et i l touche
surtout à la place des intellectuels dans les sociétés afri-

302
caines précoloniales. Contrairement à ce qui se passait en
Europe ou en Asie Orientale à la même époque, le rOle des
intellectuels dans la société et dans l'encadrement des po-
pulations était des plus marginal. Quand les puissances colo-
niales imposeront leur tutelle, leur administration, leur
école, elles formeront une n élite n dévouée qui, et pour
cause, n'entrera pas en conflit avec l'élite pré-existante.
Dans ce sens, la situation en Afrique 5ub-5aharienne est
totalement différente de ce qu'elle est au Vietnam, où la créa-
tion d'une élite occidentalisée a heurté de plein fouet les
intérêts des lettrés formés â
l'école confucéenne.
Jadis chargés de la direction de la société, de l'encadrement
des populations, de l'élaboration et de la transmission du
savoir, ces derniers se trouvaient du jour au lendemain dé-
possédés de leurs prérogatives et réduits au rôle d'intel-
lectuels dominés. A la fin du XIXême siècle au Vietnam, i l
y avait 20 000 lettrés titulaires de grades littéraires et
40 à GO 000 lettrés non diplOmés. C'est parmi cette masse
d'intellectuels frustrés qu'allait naître une élite révolu-
tionnaire, une intelligentsia qui jouera un rOle fondamen-
tal dans la constitution et l'affirmation du mouvement
nationaliste vietnamien. (1)
En Afrique Noire c'est plutOt le contraire qui arri-
va. Loin de mettre au chômage les intellectuels existants,
l'introduction de l'école coloniale multiplie leur nombre dans
\\\\
(1) Voin Van~el Hemeny : la ~u~~aucn~tie comme pnoce~~u~ hi4to-
I l
nique pp. 13-25 in ~a 'bùnèau~na~Le'~u~VLe~am Pani4,l'Hanmattan;
1983.

303
des proportions jamais vues. C'était une aubaine et non un
fléau,
et ce d'autant plus qu'elle permettait au commun des
mortels - qui avait la chance suprême d'y accéder - de béné-
ficier d'une promotion sociale inespérée. Ain~~
à l'Ecole
spéciale pour les otages de Saint touis, ancêtre de l'Ecole
Normale William Ponty " .6 eule une ,{n6ime minoltité po Ult ne
po..6 dilte o.uc.un de .6e.6 élève.6 n' éto.ient de.6 6il.6 de c.he6.6 ,,( 1) ;
Tiemoko Garan Kouyaté était le fils d'un obscur garde-cercle
et de plus i l était d'origine castéei plus tard on verra un
fils de paysans sérères être le premier africain à obten~r
l'agrégation de grammaire. (2)
Redevables de leur statut social privilégié au système colo-
niaI,
les" évolués" lui seront en majorité fidèles. Quand
i l leur arrivera de le contester, ce sera tout au plus pour
obtenir la citoyenneté française à l'image des élèves-ma!tres~
\\\\
Il
indigènes diplOmés de l'Ecole Normale d'Aix-en-Provence, ou
pour demander son aménagement comme Louis Hunkanrin ou Kojo
Tovalou Houénou.
Leur absence du champ de bataille anticolonialiste se fera
cruellement sentir parmi la fraction africaine de l'UIC.
Manquant d'instruction et peut-être aussi de personnalité,
Masse Ndiaye, malgré ses convictions et sa résolution, n'ar-
rivera pas à s'imposer parmi les ténors de l'UIC.
( 1)
C.
Bo.t.6 c.h : un' It'o'u'll'g'e' 'âu' 'c.·ol:o'n::~fo.'l-Zl;me
:lo.' Jolt'rr:a.tion 'de
l'élLte o.'f't:i'c.àZn'e' 'ert AOF 'o.vèt'n.:C 1'91'9-" l-'êc.ol:e' Noltmo.l:e'û"Tn.6'ti-
tu'.t:eult'.6 'âe- L'A 0 F. Mémo i:Jt.e. de Mo.Ztlt.{.~e 1 Po.ltl:.6' VrI 19'13
1
, p. 8.
(2)
Tl .6'o.git o'<:en entendu de Léopold Sédo.lt Sengnolt !

304
Marginalisés, les Africains auront peu accès au Paria,
jour-
nal où brilleront surtout les signatures de BIoncourt
( avocat ) ,
Barquisseau ( avocat), Nguyen Ai Quoc
(sous docteur ès lettres,
étudiant en français,
chinois et quoc nghu ), Nguyen The
Truyen
( ingénieur ), Abd El Az1z Menouar
( Ecole Supérieure
de Commerce et Université d'Orient à Moscou), etc
••.
La collection du Paria étant incomplète, i l est difficile de
conna!tre la place exacte occupée par l'Afrique dans ce jour-
nal. Si l'on s'en tient aux numéros
actuellement disponibles,
sur 381 articles rédigés entre 1922 et 1926, 150 concernent
le Maghreb et l'immigration Nord-Africaine, 86 l'Inddchine,
la Chine et l'immigration Indochinoise et seulement 28 l'A-
frique et l'immigration Africaine en France. Et encore faut-il
préciser que sur ce nombre seuls une dizaine d'articles ont
été rédigés par des Africains dont 6 par Lamine Senghor, en-
tre Décembre 1924 et Avril 1926.
Faute d'intellectuels capables de traduire leurs aspirations,
faute d'un leader capable de faire entendre sa voix aux di-
rigeants de l'UIC, la fraction Africaine de l'Union Inter-
Coloniale n'aura qu'une existence formelle entre l'été 1921
et l'été 1924. Ce n'est qu'avec l'arrivée de Lamine Senghor
qu'elle allait enfin faire preuve de dynamisme.

2. ~~~~_§~~§tlQE_Q~~§_~_~~!~f~~~_~!f:fQ~Q~~~fê!g_QQ
~~tlf§!QfB§_Q~~~_~Q~§Q~_EEf§~_Q~_gQ~§gfg~g~·
Né à Joal
(Sénégal )en 1889, Lamine Senghor est
issu d'une modeste famille paysanne. Il grandit jusqu'à l'âge
adulte dans les campagnes du Sine, cultivant la terre comme
l'ont fait avant lui des générations et des générations de
paysans sérères. (1)
En 1912, alors âgé de 23 ans, i l part
pour Dakar afin de chercher un emploi. Peut-être veut-il a-
masser un peu d'argent pour se marier ou tout simplement est-
i l venu chercher du numéraire pour aider sa famille à payer
l'impOt. Toujours est-il qu'il trouve un emploi de boy chez
Maure1 et Promm. Jeune, analphabète, ne connaissant que le
travail des champs, i l subit les pires humiliations et plus
tard i l avouera à ses proches qu'il avait le sentiment d'être
traité comme un sous-homme. A peine a-t-il commencé à se
lier avec des jeunes de son âge, que les premiers coups de
canon de la guerre mondiale se font entendre jusqu'à Dakar.
Blaise Diagne, tout nouveau député du Sénégal, lance alors
son offensive visant à astreindre les originaires des quatre
communes au service militaire obligatoire afin d'en faire
des français de
jure et non de facto.
Le 19 Octobre 1915, i l obtient satisfaction et Lamine Senghor
(1) Tou~ le~ !l~ment~ biog~aph~que~ ~u~ la jeune~~e de Lamine
Sengho~ ~ont ti~!~ du m!moi~e de Papa Touman! Ndiaye op. Qit.
Ce~ in6o~mation~ lui ont !t! Qon6~!e~ pa~ un Qompagnon de Lami-
ne Sengho~ qui p~!6~~e ga~de~ l'anonymat.

306
V01t alors tous ses camarades partir un par un vers les champs
de bataille européens. Seul, agacé par les sarcasmes des fem-
mes qui improvisent des chants sur les embusqués, i l décide
de s'engager comme volontaire. Le dossier militaire person-
nel de Lamine Senghor n'étant pas consultable, on ignore
exactement les étapes de sa carrière militaire, mais en 1916
on retrouve sa trace dans les rangs du 68ème bataillon des
Tirailleurs Sénégalais. Formé en Mai 1916, le 68 BTS partici-
pe à la campagne de la Somme entre Juin et Octobre 1916.
L'année suivante, i l participe à la tristement célèbre of-
fensive Nivelle. " Le Bataillon p~end pa~t aux attaque~ de~
15, 16,
71 Av~il au cou~~ de~quelle~ il ~ubit de~ pe~te~
élevée~ ". (71 Trois mois plus tard, le 12 Juillet, Lamine
Senghor, sergent à la 4ème Compagnie est blessé et évacué. (2)
En Septembre et Octobre 1917, le 68 BTS occupe un secteur
dans la Région de Verdun oü " il ~ubit de~ pe~te~ t~~~ éle-
vée~ occa~ionnée~ pa~ le~ gaz toxique~ ". (31 La 4ème Compa-
gnie à laquelle appartient Lamine Senghor est victime dl
" é-
mi~~ion~ de gaz ~ejetée~ avec inten~ité pa~ l'ennemi ".(41
Sans doute est-ce à cette occasion que Lamine a été gazé.
Fin Novembre 1917, le Bataillon est dirigé sur Fréjus pour
un repos mérité. Mais en quelque sorte, ces combats n'étaient
(1)
Che6 de Bataillon Lame.' Le' '6-8-è'me' 'B'a::taLl:ton' 'd'e' Tikailleu~~
Sénégalai~.
CANNES, 7979,p. 12.
(2)
Se~vice hi~to~ique de l'a~mée de Te~~e. Jou~nal de Ma~che
du 68~me BTS. 26 N 811 do~~ie~~ 26 et 21.
(31
Che6 de bataillon Lame op. ci;t. p. 12-
{41 Se~vice hi~to4ique de l'a~mée de Te~~e. Jou~nal de ma~che
du 68~me BTS. 26 N 811 do~~ie~4 26 et 21.

307
qu'un hors-d'oeuvre en comparaison
de
ce que sera la campa-
gne de 1918. Le 16 Juillet à Damery, le bataillon est engagé
dans une contre-offensive, où ses pertes s'élèvent à 500
tués et blessés. En tout et pour tout entre Juin 1916 et la
fin de la guerre, le 68 BTS aura perdu 2 058 hommes tués ou
blessés (1) , sur un effectif de départ d'un millier d'hommes. (2)
Son drapeau, tels des stigmates, porte les noms de tous les
champs de carnage de cette première guerre mondiale :
1915
: Daràannelles;
1916 : Somme, 1917
: Aisne, 1918
Cha-
teau-Thierry, Champagne, Woëvre, Verdun.
Cité à l'ordre de l'Armée, i l aura par deux fois le triste
privilège de figurer dans le Bulletin du Comité de l'Afrique
Française à la ru::rique "Les Africains au champ d'honneur". (3)
Cependant pour les Africains enrôlés dans les tirailleurs,
la fin de la guerre ne signifie pas pour autant le retour
immédiat dans leurs foyers. Dirigé sur Fréjus en Octobre 1918,
le 68 BTS ne sera dissous et embarqué pour Dakar qu'à. la fin
Avril 1919. (4)
Nous ignorons si Lamine Senghor regagne le
Sénégal à cette date ou s ' i l est gardé en France. Toujours
est-il que dans sa nécrologie publiée par la Race Nègre, on
évoque sa participation aux incidents de Fréjus. (5) Or si
l'on en croit Marc Michel, c'est en Septembre 1919 que le
(1)
Che6 de B~~~~llon L~me op eit p. 20.
(2) Se~v~ee H~~to~~que de l'A~mée de Te~~e. Jou~n~l de m~~ehe
du 68ème BTS. 26 N 811 do~~~e~~ t6 et ~1.
(3) BCAF N° 3-4 M~~~-Av~~l 1919 p. 104 e~ "SCAF 1-8 Juillet-
Août 1919 p. 218.
(4) Se~v~ee H~~~o~~que de l'A~mée de Te~~e. Jou~n~l de m~~ehe
du 68ème BTS 26 N 811 do~~~e~~ 16 et 21.
\\\\
.
(5) L~R~ee Nèg~e 5 M~i 1928.
L~ l~gue e~~ en deuil
~on
"
f,
~~è~ dévoué p~é~~dent Sengho~ L~m~ne e~t mo~t.

308
Général Guérin est conspué lors d'une inspection aux cris de
" Nou~ voulon~ ~eveni~ au pay~ " et " C'e~t Blai~e Viagne qu'
il nou~ 6aut ! Oh ! Oh ! Oh ! ". (1) De ce fait il n'est pas
exclu de penser que c'est parce qu'il a été maintenu plus
longtemps que les autres sous les drapeaux que Lamine Sen-
ghor participa à cette mutinerie. (2)
Rapatrié au Sénégal, Lamine Senghor entreprend
les démar-
ches
nécessaires pour obtenir la citoyenneté française.
Sergent, décoré de la Médaille Militaire, grand blessé, i l
n'a pas de mal à trouver deux témoins pour affirmer qu'il
est bien né à Dakar et ainsi obtenir la citoyenneté françai-
se grâce à un jugement supplétif du tribunal de Dakar le
13 Juillet 1920. (3) Ainsi lorsqu'il se présente devant la
commission de Réforme le 30 Septembre 1920, i l obtient une
pension d'invalidit~ de 30%(4) à titre français, ce qui est
(1)
Ma~c Michel o~ cit. p. 418.
(2) Citant de~ témoignage~ contempo~ain~ (Contempo~a~y Account~)
dont il ne donne pa~ la ~ou~ce, ~ Ayodele Langley a66i~me que
Lamine Sengho~ au~ait ~e6u~é de pa~ticipe~ aux mutine~ie~ de
F~éju~, ce qui lui au~ait valu d'ët~e déco~é de la C~oix de
gue~~e ( op. cit.p. 302 ). Cette ve~~ion nou~ ~emble peu c~édible
~i l'on con~idé~e la natu~e de~ incident~ et le 6ait que la
non pa~ticipation d'un militai~e, g~adé de ~u~c~01t, a une mu-
tine~ie e~t une attitude on ne peut plu~ ~anale dan~ la logique
militai~e.
(3) ANS 13 G 30 (11)
Lett~e du Gouve~neu~ Géné~al de l'AOF au
P~ocu~eu~ Géné~al che6 du ~e~vice judiciai~e de l'AOF de l'AOF
le~ Octob~e 1925.
(4)
F~ont Cultu~el Sénégalai~ Lamine Sengho~ Vie et Oeuv~e
Vaka~, 1919, p. Il.

309
nettement plus avantageux que s ' i l était resté" indigène"
A titre d'exemple, un deuxième classe européen invalide à 30%
touche une pension annuelle de 1 872 francs alors qu'un
Africain pareillement mutilé touche •.• 540 francs. (1)
En Aoat 1921, Lamine Senghor retourne en France
sans doute pour y retrouver celle qui deviendra sa femme
:
Eugénie Comont. Ancien combattant, i l peut prétendre à un
emploi réservé et c'est très certainement dans ce cadre qu'il
obtient un emploi de facteur aux PTT. (2)
A cette époque i l
s'occupe fort peu de politique, comme i l l'avouera plus tard
à ses camarades, et la création de l'UIC a da passer ina-
perçue à ses yeux. D'ailleurs peu lui importe ce qui se pas-
se en France puisque son projet est de retourner au Sénégal
avec sa femme.
le problème c'est que le coat de la traver-
sée jusqu'à Dakar est élevé et i l voit mal comment faire pour
acheter le billet de sa femme avec sa paie de facteur et sa
pension d'ancien combattant. Ayant entendu parler de la LUDRN,
i l conseille à sa femme d'écrire à Rojo Tovalou Houénou pour
lui demander l'obtention d'un passage gratuit pour le Sénégal.
Le président de la Ligue transmet alors la lettre au Minis-
tère des Colonies dirigé à l'époque par ~ son ami " Edouard
Daladier. (3)
(1)
La Voi.x de~ Nèglte-6 NQ 1 Janvi.elt 1921.
(2) Lami.ne Sengholt a applti.-6
a li.lte et a éclti.lte a l'altmée.
P; T. Ndi.aye op- ci.t· p. 89.
(3) ANSOM SLOTFOM l Caltton 21. Lal~ttlte a été tltan-6mi.-6e palt
le CAl au chen de-6 -6eltvi.ce-6 admi.ni.-6tltati.n-6 le 30 Jui.llet
1924.

310
Tout naturellement la demande est orientée vers le CAl qui}
comme chacun le saitjprête assistance ~ ses heures perdues.
Pour les policiers de la rue Oudinot qui cherchent en vain
» a in6ilt~e~ du~ablement et e66icacement »(1) la fraction
africaine de l'UIC, c'est une véritable aubaine. Quand les
hommes du CAl apprennent que Lamine Senghor est membre de la
Fraternité Africaine, amicale ~ laquelle appartiennent égale-
ment Masse Ndiaye et Ibrahima Sow tous deux membres de l'UIC,
ils savent qu'ils tiennent leur homme. Le scénario est alors
facile à imaginer : un passage gratuit pour la femme de Lami-
ne Senghor pour le Sénégal contre quelques renseignements sur
les Africains de Paris, en particulier sur ceux qui sont mem-
bres ou sympathisants de l'UIC.
Début Juillet 1924, Lamine Senghor adresse ses pre-
miers rapports au CAl sur la Fraternité Africaine. En l'absen-
ce de M. Devèze, sans doute parti en vacances, le service
se relâche et les notes manuscrites signées Lamine sont ta-
pées telles quelles à la machine sans même que l'on prenne
la peine de lui attribuer un pseudonyme. (2)
Le Il Septembre 1924, Lamine Senghor adhère officiellement à
la Fraternité Africaine et i l adresse scrupuleusement sa car-
te d'adhérent au CAI. (3)
(1) ANSOM SLOTFOM III Ca~ton 134. Lett~e du Mini~t~e de~ Colonie~
au Gouve~neu~ Géné~al de l'AOF. 21 Fév~ie~ 1924.
(2) ANSOM SLOTFOM III Ca~ton
34. Rappo~t~ de~ 10 et 16 Juillet
1924 ~igné~ Lamine.
(3) ANSOM SLOTFOM III Ca~ton 34 La F~ate~nité A6~icaine.

311
Quelques jours plus tard, alors qu'il est devenu l'agent Mar-
tin i l adhère à l'UIC. (1)
S'il n'y avait pas eu le procès
Diagne 1 Les Continents et la guerre du Rif, Lamine Senghor
aurait peut être fait un bon indicateur de police. Mais voi-

Le 13 Novembre 1924, lors du renouvellement du bureau
de l'UIC, BIoncourt est élu secrétaire général en remplace-
ment de Monnerville et Lamine Senghor est nommé au poste de
secrétaire-adjoint. (2)
C'est alors qu'intervient le procès
Blaise Diagne ILes Continents. Le 24 Novembre devant les
Assises de la Seine, n'écoutant que son coeur, Lamine Senghor
décide de témoigner contre Blaise Diagne. D'après les propres
termes employés par l'ancien sergent du 68 BTS, ce procès
oppose" les recrutés de la tuerie" au " recruteur ". (3)
Plus que le militant de l'Union InterColoniale, c'est le grand
blessé de guerre dont on a réveillé les blessures qui parle.
Arrivant difficilement à contenir ses sentiments où se mêlent
la colère, la haine et surtout le dégoat de la guerre, Lamine
Senghor égratignera même l'équipe des Continents, dans le
compte-rendu qu'il fit dans le Paria:
" Au ·li.eu de ~., a.tta.ll.dell. li pll.ouvell. c.ombi.en de c.enti.me~
pll.~~ le gll.a.nd négll.i.ell. touc.ne pa.1l. tête de ~énéga.la.i.~
qu'i.l ll.ec.ll.uta., i.l a.UIl.a.i.t 6a.llu 6a.i.ll.e pa.~~ell. deva.nt lui.
toute une pll.oc.e~~i.on d'a.veugle~, de muti.lé~. Ceux dont
la. 6a.c.e e~t hOIl.Il.i.blement dé6i.gull.êe, c.eux qui. ~ou66ll.ent
(1)ANSOM SLOTFOM rIr Ca.ll.ton 34. Note de l'a.gent Ma.ll.ti.n 28-09-24.
(2) ANSOM SLOTFOM Irr Ca.ll.ton 3. Note de l'a.gent Vé~i.ll.ê 15-11-1924.
"
"
(3) Le Pa.!l.i.a. N° 31 Nov -Vêc.. 1924. Un pll.oc.è~ nègll.e. L' a.1l.:ti.c.le
n'e~t pa.~ ~i.gnê ma.i.~ on peut l'a.ttll.i.ouell. ~a.n~ gll.a.nd Il.i.~que
d'ell.ll.eull. a La.mi.ne Sengholl..

312
d'at~oee~ douleu~~ inte~ne~1 et le~ o~phelin~ et le~
veuve~ et eeux qu'il 6it dlpo~te~ eomme le ma~ty~
Hun~an~in. Toute~ ee~ vietime~ lui au~aient e~aehl
a la 6aee toute l'inôamie de la mi~~ion qu'il avait
aeeomplie. " ( 1 )
La violence du p1aadoyer laisse sans voix.
Il faut dire que
quand Lamine Senghor parle des carnages de la première guer-
re mondiale, quand i l parle des mutilés, quand i l parle de
ceux qui souffrent d'atroces douleurs internes, lui le grand
blessé, le gazé, le tuberculeux, i l sait de quoi i l s ' a g i t :
i l évoque simplement sa vie.
Quelques jours plus tard, i l participe à un meeting à la
salle Jappy,
" po u~ ~lelame~ l' augmentation de~ pen~io rt~ tant
p~omi~e mai~ jamai~ ~éali~êe " (2)
A la sortie de la réunion, i l èst insulté" par des policiers
aux cris de " ~ale nèg~e ! Va te 6ai~e ôlanehi~ ! ".Mieux
ces derniers le rouent de coups ce qui aggrave les lésions
pulmonaires dont i l souffrait. Sérieusement blessé Lamine
Senghor d~t s'aliter. (3)
Fin Novembre, i l propose à l'UIe de mettre sur pied une sec-
tion d'anciens combattants de l'AOF dont i l se chargera de
recruter les membres. Après discussions, la proposition est
acceptée et B1oncourt plus à l'aise en français que Lamine
rédige une adresse aux anciens tirailleurs sénégalais, les
\\,
"
(1)LePa~,[a N°31 Nov-Vle 1924. Un p~oc.è~ nè.g~e.
~,
.,
( 2)
LePa~,[a 31 No v-Vle 1924. S e~vez la F~anee.
(31
Idem.

313
appelant à rejoindre l'UIC. (1)
Dès cette époque, le processus qui va amener Lamine Senghor
à rompre son contrat avec le CAI est en marche. Les souvenirs
ont fait prendre conscience à Lamine de la triste situation
dans laquelle était maintenu son peuple.
Peu à peu, i l fait ses premières armes de militant. Désor-
mais i l n'hésite plus à prendre la parole dans les réunions
de l'UIC. Le 4 Décembre, dans un meeting organisé par l'Union
InterColoniale à la grande salle des Sociétés Savantes, i l
proteste violemment lorsqu'un assistant déclare que" la
6~aude ~lecto~ale e~t la ~ègle aux colon~e~ ". Au nom de son
pays i l déclare qu'il n'y a jamais eu de fraudes au Sénégal
mais i l concède que " le~ pol~t.tc~en.6 ont t~omp~ et t~ah-i.
le~ ~~n~gala~~ comme le 60nt le.6 pol.tt-i.c.ten~ de tou~ le~ patj~ " (3)
Comme on le voit Lamine Senghor n'est pas encore le militant
communiste que l'on conna!tra plus tard!
Communiste Lamine l'est cependant par son appartenance au
Parti et le 29 Décembre 1924, i l est de ceux qui écoutent
Ménouar exposer la nouvelle organisation de la Commission
Coloniale mise au point par Doriot. (4)
(1) ANSOM SLOTFOM III Ca~ton 24. Rappo~t de l'agent V~~-i.~~ de~
3 et 6 V~cemô~e 1924.
"
H
(2)
Le Pa~~a NQ 31 Nov-V~c 1924, Se~vez la F~ance.
(3) ANSOM SLOTFOM III Ca~ton 24. Note de l'agent V~~~~~ 6 Véc 1924.
(4) ANSOM SLOTFOM II Ca~ton 4. Note de l'agent V~~~~~ 3 Janv. 1925.

314
Dans le nouvel organigramme, aux côtes des sous-commissions
Indochine, Afrique du Nord et Antilles, figure une sous-com-
mission AOF dont l'organisation est confiée à Lamine Senghor
et Masse Ndiaye.
La réorganisation du travail colonial
ne touche pas que
le PCF puisque quelques jours plus tard, Bastin, employé à
l'Humanité, expose aux membres de l'UIC la volonté de la Com-
mission Coloniale Centrale de voir l'UIC fonctionner autre-
ment. Il préconise la mise sur pied d'une commission par co-
lonie, avec pour tâche de se renseigner sur la situation po-
1itique, économique et sociale des colonies, puis de transmet-
tre ces informations à la CCC qui les transmettra elle-même
au Comité Directeur du Parti.
De même en ce qui concerne Le Paria, i l déclare qu'il doit
être réellement interco1onia1 et non centré sur l'Afrique
du Nord. A ce sujet, i l demande à Senghor d'entrer en contact
avec des correspondants sûrs au Sénégal, car on ne sait pra-
tiquement rien de ce qui s'y passe. (1)
Si les mesures prises sont positives, elles resteront ma1-
heureusement sans suite pendant un certain temps car la cais-
se du Paria éta~t vide, le journal ne sort
ni
en Janvier
ni en Février 1925.
Tant bien que mal l'UIC tente de mobiliser ses troupes et le
23 Janvier elle organise un meeting pour commémorer la mort
de Lénine. (2)
11) ANSOM SLOTFOM II Ca~ton 4. Rappa~t de l'agent V~~~~~ de~ 7
et 13 ]anv~e~ 1925.
(2) A p~opo~ de L~n~ne, p~ec~~on~ que ce de~n~e~ n'a jama~~ ent~e­
tenu de co~~e~pondance avec Lam~ne Sengho~ comme le p~~tend
Papa Ib~ah~ma SY, pou~ la bonne et ~~mple ~a~~on qu'~l commença à
~'~nt~~e~~e~ a la pol~t~que
p~è~ d'un an ap~è~ la mo~~ du leade~
bolch~v~~! P.I. Sy m~mo~~e de malt~~~e, Pa~~~ VII, 1978, p.75.

315
L'opération est une réussite puisque plus de trois cents per-
sonnes viennent écouter les dirigeants de l'UIC, Menouar,
Bloncourt, VO Than Long, Senghor,
Nguyen The Truyen, Saint
Jacques et Hadjali.
Début Février, le Parti inaugure l'Ecole Coloniale Communis-
te sise au 8 rue Mathurin Moreau. Tous les mardis et vendre-
dis soirs de 20 h 30 à 22 h 30;
Menouar, formé à l'université d'Orient à Moscou, enseigne les
principes fondamentaux du marxisme à quelques coloniaux.
L'expérience, fort intéressante au demeurant, est arrêtée
au bout de deux
faute d'un nombre suffisant de
participants. Notons que Lamine Senghor et le Guadeloupéen
Stéphane Rosso furent parmi les rares coloniaux qui suivirent
les cours avec assiduité. (1)
Lamine Senghor qui a appris à
lire et à écrire à plus de 26 ans, alors qu'il était à l'ar-
mée, reçut ici les bases de sa formation marxiste.
Ce fut d'ailleurs la seule école qu'il suivit car contraire-
ment à ce qu'affirment certains auteurs, i l ne s'inscrivit
jamais à la Sorbonne. (2)
Ce mythe de n Lamine Senghor étu-
diant " ne repose sur aucune source digne de foi, mais pour-
tant i l a fait fortune!
L!origine de cette contre-vérité historique
est à mettre au compte de la campagne menée en 1930 par le journal
L'Ami du Peuple contre les organisations anti-colonialistes nègres.
Loin d'être une erreur liée à un manque de renseignements sur la
Il} ANSOM SLOTFOM III Ca~ton 95. Note de l'agent Vé4i~é de4
moi4 de Fév~ie~, Ma~4 et Av~il 1925 4U~ l'Ecale Coloniale Communi4te.
(2)
C6. F~ont Cultu~el Sénégalai4 op cit p. 12 pa~ exemple. P~é­
ci4on4 qu'aucun ~appo~t de palice n'indique non plU4 qu'il 4ui-
vit
de4 COU~4 du 4oi~ a la So~ôonne comme l'éc~it Iba Ve~ Thiam ~n
l'é volu:tion polLtiquee.t4yndica1 dei Sénégal colonial de 1840 a 1936
docto~at d'Etat, Pa~i4 1,1982 ,Tome VIT p. 2918.

316
personnalité de Lamine Senghor, ce détail erroné figurant dans sa
biographie avait entre autres objectifs de combattre le dévelopoe-
ment de l'enseignement aux colonies, comme nous le verrons plus
loin. Lancée par F. Coty, directeur de l'Ami du Peuple, cette "in-
formation" sera par la suite reprise dans les écrits de propagan-
de anti-communiste de G. Gautherot. C'est ainsi que ce dernier
décrira L~mine Senghor comme étant un :
" mutlll de gue~~e, ltudlant en So~6onne et bolchlvl4te "(1)
après que son compère F. Coty eut déclaré que les communistes
s'étaient assurés" le concou~4 d'agltateu~4 ~ec~utl4 pa~ml
le4 anclen4 combattant4 nol~4 de la G~ande Gue~~e, et 4plcla-
lement pa~ml le4 lntellectuel4 "(2), ajoutant même sans plai-
santer que " beaucoup
( de tl~allleu~4 ) appa~tenalent à. de4
6amllle4 ayant dlja blnl6lcil de la civili4ation appo~tée
pa~ le4 Blanc4 ". (3)
De fait, ce brave F. Coty constatant que Kojo Tovalou Houé-
nou et Tiémoko Garan Kouyaté étaient tous deux des produits
du système scolaire, i l n'hésitait pas à sous-entendre que
c'était là l'explication de leur attitude politique.
De cette constatation i l découlait très logiquement qu'il fal-
lait mettre un terme à l'enseignement colonial, et c'est ce
qu'il déclarait à mots couverts quand i l écrivait: " de4 dé-
ceptlon4 4uivent 40uvent ce d~e44age unive~4ital~e, dont l'u-
tilltl n'appa~alt pa4 t~è4 bien pou~ la jeune bou~geol4ie nè-
g~e, à. moln4 qu'on ne veuille ab40lument l'amene~ a 6ou~nl~
(4 )
de4 cad~e4 au mouvement ~épa~atl~te de 40n paY4 d'o~igine "
~
~
(1) G. Gauthe~ot : le bolchlvi8me en A6~ique op. ciL p. 424.
(2)

L''Am'l 'du''Pe'upf.e
21 ]anvie~ 1930.
(3) L''A'mldu'Peup'le
21 ]anvie~ 1930.
(4)
Idem.

317
Pour renforcer la pertinence de sa démonstration, le direc-
teur de l'Ami du Peuple avait simplement forcé le trait en
transformant un ancien tirailleur sans instruction en un étu-
diant en Sorbonne. Ainsi les trois leaders du mouvement anti-
colonialiste nègre des années vingt-trente apparaissaient
comme le produit-type de l'école coloniale ( CQFD ! ).
L'offensive menée précédemment dans l'Afrique Française con-
tre l'Ecole Normale d'Aix-en-Provence et l'enseignement co-
lonial en général(l), ainsi que la personnalité de G. Gautherot
et F. Coty aurait da
éveiller l'esprit critique de nos pré-
decesseurs, d'autant qu'aucune fiche signalétique de police
ne confirmait ces dires.
Cela prouve que contrairement aux nombreux discours sur la
question, sources orales et sources écrites ne bénéficient
pas du même traitement. Il en est des sources comme des hom-
mes, il Y en a qui sont plus égales que les autres. Alors
qu'on ne manque jamais de suspecter "fI l'objectivité" des
sources orales, leur réservant un traitement tout particu-
lier pour leur Oter toute " subjectivité l' et toute " invrai-
semblance ", les sources écrites bénéficient d'une véritable
" clémence" qui fait que souvent "l'écrit authentifie l'er-
(2)
reur"

Ces remarques faites, grâce aux cours de l'Ecole Coloniale
Communiste, à sa forte personnalité et surtout à son charisme
(1)
Voi~ d~n~ l~ p~emi~~e p~~~ie le p~~~g~~phe con~~c~é à
l'en~eignement en AOF.
(2) P~opo~ de ~p. Lebeu6 ~u collo~ue de n~k~~ en 1967
cité
\\\\
'
p~~ c. Coque~y-Vid~ovitch in Anth~opologie politique et Hi~toi-
..
. .
~e de l' A6~ique Noi~e. Te'"" An'n~:fe~ 1 J ~nvie~- Fé v~ie~ 1969.
p.
152..

- .
1""'.-'·
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UNION INTERCOLONIALE
,(.-
(Association des Originaires de toutes les Colonies).
SIÈGE
3, Rue du Marché des Patriarches
PARIS (veJ
..'
-----.....-.._----
,.' .
AU PEUPLE DE PARIS!
'''''''.
"L'UNION INTERCOLONIALE f'
Association dcs orig-inaires Je touteg \\cs Colonic!'. ~:ms Jislin..:tÎUn J'opi-
nions ro1itiqllcs 011 n'lig-i('lIs<'s, i':lÎI :l1'1'c1 à \\'lIlre esprit degénerosité eIJ~justice.
cuntre les crimes sans nombre qui sont perpétrés dans les possessions loin·
>".,
taines de la France, Ils s:llissent cel1e-ci, discréditent la Réruhliquc, et \\'ous
déshonoreraient si l'ons Il':liJil:z il y 11H:ltre un terme, car ib sont commis,
"', ',:",
ne l'oubliez p;~s. en \\'otre nom comme au nom de la nation toute entière.
.::.
..~,' .
AUX COLONIAUX
,'
l':",
, "
ANTILLAIS 1
l:-q:l et 18-1R \\'OUS ont Jéli\\Tés Je l'cscI.nag'c ;lntiquc, aujourJ'hui \\es.gou:,
i)~::".
\\'(:rn:lnts, l1léconnais~u1t vos libertés, vous soumettent il l'escl3\\'agé m'6Jeric~
Le suffrage unil'ersel est supprimé par la menace des cuirassés, Les fusils Jt.:s
g-end3.rmes al'attent lc!' tr:tv.1ilkurs n~veI1Jiqu:lI11 leurs dr"its,
INDOCHINOIS!
Le rég-ime de lïndigén.:lt VOliS ravale au rang des bêtes, En plein \\'ingtiéme
si':de, la colo~isation mus inflige ta gabelle, On supprimc vos écoles, on em-
poisonne votre race ;l\\'ec l'atcool et l'opium, L'argent sué par Je "nba-que" s'en
va dans la poche des scribes ou dans le Pacifique,
MALGACHES!
" "
Il Ya moins dr quarante ans. VOliS étiez lin pcuplc librl', L'illll'éri:tli!llllC \\'"U~
a conquis l'al' la \\'io":n.:c, :1 livrél~s rkhesses Je votre pays aux raquins colo-
niaux, tlt il mus refuse le droit il l'assimilation que vous réclamez.
NORD-AFRICAINS!
VOS l'l'cres rcveillés à la lutte sont en proie ~1 ta répression la plus féroce .
..\\. Bizerte, on fusille les grévistes; il Tunis on emprisonne les militants SYI1Jk:l-
listes: en ;\\Ig'c:rie on expulse l'Emir l\\altlJ, votre l'aillant défenseur; au' :\\lame
on se prépare il ét.:raser les Hilfains luttant pour leur indépendant.:c,
SÉNÉGALAIS, DAHOMEENS!
.
Pendant ta guerre, on a broyé du noir tant et plus" Aujourd'hui on ccrntIlTm!
il exploiter vos frères au profit des cotonniers du ~ig'cr. Cc sont tes tr:\\\\'.1u:dorcc:4,
HINDOUS!
Xos c:lmarades de l'rnde 3.;jg'laise. poursuivant teurs aspirations, sont per-

. "
" ' ,
.
,~o·h·'~,',.~,;:r.:"~";;~~:~; ":~~,r.;',::;:~::;:;7':::~I,~~:~·~:r;'2~7~~~'~,~1~t-:'r~, :;~~:' ~:~~'''T':~~G;;_·';M':,~:. :~.'.~" ,~.. ,-, .~:.
• ' r
'>,.;l-!j
:', ;.{
~,
s~tés sur::les.te:~itoires français. Manabendra,Nat Royen est expulsé.
PEUPLE DE PARIS i·
Souvenez-vous que vos ainés en f793 et en 1848 se sont soulevés en faveur
des noirs opp~imcs.
.
ORIGINAIRES DE TOUTES LES COLONIES
Groupez-vous au sein de L'UNION INTERCOLONIALE.
Vene?: tous, cn masse, protester avec nous !:nntre les violences du colonia-
lisme, en assistant :tu
GRAND ·'MEETING
qui aura lieu
DIMANCHE 29 MARS 1925 à 15 Heures
SALLE DES COOPÉRATIVES,94, Boulnard Auguste Blanqui
ORATEURS INSCR1T8
HADJALI
" SAROnE
LAGROSILLltRE
, SENGHOR-LAMINE
LONG
BLONCOURT
SAINT-JACOUES
UN CAMARADE HINDOU
TBAMWAT: ChAtelet· Arcueil Oac.han, station Blanqui.
MËTRO
: station La Clacière.
ENTRÉE. Participaticn aux frais 50 centimes.
MAUT.BD. al. D. rAIe........ PAa.a
"'.~--."""~t

320
Lamine Senghor s'impose rapidement comme le premier cadre
communiste Africain. A partir de Mars 1925, sa figure apparaît
régulièrement dans les meetings de l'UIC et du PCP.
Le 29 Mars, c'est devant plus de 400 personnes dont 250 Noirs
qu'il prend la parole dans une réunion organisée par l'Union
InterColoniale.
» Sou~ p~!texte d'expo~te~ la civili~ation occidentale
dan~ le~ pay~ d'O~ient, dit-il, la F~ance a conqui~ un
va~te empi~e colonial dont l'!tendue et la population
d!pa~~ent celle~ de la M!t~opole. En ~!alit! la ~ai~on
de ce~ conquête~ ~ucce~~ive~ e~t tout aut~e. Pou~ ali-
mente~ ~on indu~t~ie, la F~ance a De~oin de matiè~e~
p~emiè~e~ qu'elle ti~e de ce~ pay~ qui ~ont en même
temp~ de~ d!bouch!~ pou~ ~e~ p~oduit~ manu6actu~!~
qu'elle ne peut con~omme~ .6u~ place. Elle a !galement be~oin
de ce~ colonie~ pou~ ~a ~!6en~e Nationale. A ce ~ujet,
en 1910 le G!n!~al Mangin, .6u~nomm! a ju~te tit~e
'le b~oyeu~ de noi~' éc~ivait que la population d'AOF
d!pa~~ait 10 million~ d'habitant~
et que le ca~ éch!ant,
elle
pouvait 6ou~ni~ a la F~ance un contingent mi-
litai~e annuel de 55 000 homme~. La p~opo~ition Mangin
6ut adoptée et nou~ voyon~ de 1910 a 1913 le ~ec~ute­
ment pa~~e~ de 1 500 homme~ a 19 563 homme~, de 1914
à. 1915 a 38 391 homme~,
de 1915 à. 1916 a 51 913 homme~,
de 1916 à. 1911 a 13 831 homme~. En 1918 Le ~ec~utement
e66ectu! pa~ Viagne ~'!leva a 11 313 homme~. Su~ cet
e66ecti6 total de 201 013 homme~, 108 600 ~ont mo~t~

321
a la gue~~e ". (1)
Poursuivant son propos, i l signale
que lorsque Doriot demanda à l'Assemblée Na~ionale
le nombre
des soldats tués en 1914-1918 et au Maroc, on lui donna les
pertes de européens, celles des indigènes n'étant pas compta-
bilisées. (2)
" A VOU4 d'app~~eie~ une telle eonduite eama~ade4 ! " lança-t-il
à l'assistance. Ayant dénoncé le partage, les réquisitions de
produits alimentaires, et les abus des fonctionnaires colo-
niaux, i l termina son discours en appelant les colonisés à
rejoindre l'UIC.
Le 1er Avril, la Commission Coloniale se réunit au siège du
PCF pour discuter entre autre des candidatures coloniales
aux élections municipales de Mai.
(1) ANSOM SLOTFOM rr Ca~ton 4. Note de l'agent Vé4i~é 31 Ma~4
1925. Le4 ehi66~e4 eité4 pa~ Lamine Sengno~ a p~op04 du ~ee~u­
tement 40nt ti~é4 pou~ l'e4~entiel de l'ouv~age d'Albe~t Sa~­
~aut, laml4eenvaleuJide4 ·e·o·l·onl:e.~, Pa~i4 J Payot 1923.
Pa~ eont~e le ehi66~e de~ mo~t4 e~t g~o44iè~ement ~u~e4timé.
M. Miehel e4time quant a lui le nomo~e de~ mo~t4 ent~e 30 et
31 000 homme4
( M. Miehel op. eit.p. 401 1. Van4 le4 eombat4
le nomb~e de4 ble44~4 ~tant au minimum égal a eelui de4 mo~t4,
on obtient un ehi66~e dupe~te4 glooale4 atteignant au minimum
60% de4 e66eeti64 e66eetivement engagé4
r envi~on 100 000 homme4 1.
A la leetu~e de eeei, on ne peut que mett~e en doute la eonelu4ion
de M. Miehel : " pa4 plU4 que ( le~ 4oldat4 blane4 l, pa4 moin4
que,
le4 4oldat4 noi~4 ne eon4tituè~ent une 'ehai~ a eanon'. "
( M. Miehel op.eit,p. 412 ).
(21
Cont~ai~ement a ee que pouvaient pen4e~ ee~tain4, ee4
p~Op04 ne 40nt pa~ pu~e p~opagande. Van4 un ~appo~t daté du 21 Fév.
1922 le ehe6 d'Etat-Majo~ du Géné~al eommandant le4 t~oupe4 de
l'AOF 466i~mait a p~Op04 de4 21 385 ti~ailleu~~ mo~t4 ou di4pa-
~u4 pendant la gue~~e : " ee4 ehi66~e~ 40nt loin d'lt~e exaet4,
pendant la gue~~e, le4 eo~p4 ~énégalai4 n'ont jamai4 ad~e4~é le4
mutation4 de d~eè4 ". In ANS Il G 239 (108).

322
Depuis la mi-Mars, Lamine Senghor a été sollicité pour se
présenter.
Lors de cette réunion i l apprend que le Parti
l'a désigné pour faire acte de candidature dans le quartier
de la Sa1pétrière
( XrrIème arrondissement) .
Il n'est pas seul dans ce cas puisque le Parti a également
décidé de présenter Hadja1i, déjà candidat aux législatives
de Mai 1924. Désignés pour faire campagne dans des circons-
criptions oü ils n'ont aucune chance d'être élus, Hadja1i
et Lamine ont tout d'abord refusé l'offre. Finalement plus
par discipline de parti que par conviction, ils revinrent
sur leur décision. Cependant avant de s'engager dans cette
aventure, Lamine Senghor demande des garanties. Marié, père
de famille et de surcro!t fonctionnaire des PTT, i l exige que
le Parti lui assure une situation équivalente à la sienne au
cas oü i l serait obligé de quitter son emploi. Lozeray lui
ayant répondu positivement, i l accepte de se présenter. (1)
Alors que l'UIC a décidé de susprendre ses activités pendant
la campagne électorale, Hadja1i, Senghor et Nguyen The Tru-
yen participent au meeting convoqué le 12 Avril par la fédé-
ration de France du Kuo Min Tang. Lors de cette manifestation
organisée à la mémoire de Sun Yat Sen)
Lamine Senghor évoque la situation au Maroc. Il déclare
qu'Hadja1i a raison de comparer Abd El Krim à Sun Yat Sen,
111 ANSOM SLOTFOM rI Ca~to~ 4. Note de l'agent Vé~i~é 3 Av~il
1925 et ~uivante~.

323
car i l est en train de chasser les impérialistes espagnols,
mais i l redoute que la France ne prenne la succession de
l'Espagne.
" Pou~ ~vite~ cela, dit-il, il 6aut que le p~ol~ta-
~iat 6~anç.ai.6 empêche l'envoi au Ma~oc de .6oldat-6 et de muni-
tion.6 "
2.3. ~ê~!~~_§~~gh~E_~ê~2_!ê_~~Pêg~~
f~~~E~_!ê_g~~EE~_~~_E!~·
c'est dans ce climat de tension internationale par-
ticulièrernent forte qu'eurent lieu les élections municipales
de Mai 1925. Rappelant que le Bloc Ouvrier et Paysan avait
obtenu 1 500 voix en 1924 dans la circonscription où se pré-
sentait Lamine, l'Humanité écrivait:
" il Ij a tout lieu de
c~oi~e que leu~ nomb~e .6e~a con-6id~~a~lement augment~ ". (1)
Malheureusement la prévision ne se réalisa pas et le 3 Mai,
Lamine Senghor n'obtint que 965 voix. Le 5 Mai l'Humanité
déclarait:
" la candidatu~e Seng~o~, com., e.6t ~eti~le.
Un SFIO et deux ~ép . .6oc. ont à. .6e d~~~ouille~ ". (2)
Battu, Lamine n'en a pas moins décidé de poursuivre son
combat pour la défense de ses frères de race et pour l'indé-
pendance des peuples colonisés. Les bruits de guerre en pro-
venance du Rif ont sans doute joué un rôle important dans le
renforcement de ses convictions, hanté qu'il est par l'hor-
(1)
L'Human'[t~ 25 Av~il 1925, p. 4.
(2)
L'Human~té 5 Mai 1925, p. 4.

324
rible souvenir de la guerre. Rongé par la tuberculose i l a
songé un temps à regagner le Sénégal et, pour ce faire,
i l
a adressé une demande de rapatriement au GOuverneur Général
de l'AOF le 9 Mars 1925. (1)
Ce dernier en,a avisé le Ministre des Colonies lui déclarant
" Je ne 6ai~ pa~ d'objection a ~on ~etou~ dan~ la Co-
lonie, où. toute~ le~ p~écaution~ ~e~ont di~c~è.tement
p~i~e~, pou~ que ~a p~é~ence n'ait aucune in6luence
au point de vue de la p~opagande. Je vou~ demande
~eulement de vouloi~ bien me 6ai~e indique~ la date
de ~on a~~ivée a Vak.a~ ". (2)
Comme jadis Louis Hunkanrin, Lamine Senghor fut averti de ce
qui se tramait contre lui. (3) Averti le 13 Mai qu'il pouvait
être rapatrié au Sénégal, i l ignore cette réponse et ce n'est
qu'en Août qu'il écrit au Ministre des Colonies pour lui dé-
clarer :
" Etant ave~ti pa~ de~ ami~, de~ de~~ein~ que l'on
p~épa~e a mon éga~d à la colonie, comme à la Mét~opole,
pa~ce que communi~te je ~ui~, je p~é6è.~e attend~e mon
~o~t en F~ance au milieu de mon 60lfe~ que d'alle~ au
devant de lui à la colonie. C'e~t donc en 60i de quoi
je vou~ p~ie d'annule~ l'o~d~e de ~apat~iement. qui
devait m'êt~e ~emi~ de la pa~t de Mon~ieu~ le Gouve~­
neu~ Géné~al ". (4)
(7)
Lett~e manu~c~ite ~ep~oduite in Lamine Sengho~ Vie etOeuv~e
F~ont Cultu~el Sénégalai~ op- cit .
(2)
Lett~e citée in LamineSengho~Vie et Oeuv~e FCS op .. cit.pp 11-78
(3)
L'un et l'aut~e ont p~obablement été ave~t~ pa~ de~ A6~i­
cain~, peut-êt~e vété~an~ de la gue~~e, qui t~availlaient au Gou-
ve~nement Gêné~al de l'AOF et qui témoignaient ain~i de leu~ ~oli­
da~ité avec leu~~ ancien~ compagnon~ d'a~me~.
(4)
Lett~e de L. Senpho~ au Mini~t~e de~ Colonie~.
3 Août 1925
F~ont Cultu~el Sénégalai~ op. cit.p. 18.

325
Suite à une prise de conscience que le CAr était loin d'en-
visager, l'agent Martin él;a;t devenu un militant communiste sin-
cère.
Conformèment aux recommandations d~ Doriot(l) , Lamine Sen-
ghor s'est mis en rapport avec les cheminots sénégalais du
Dakar-Saint Louis
( D.S.L.
) et dans le Paria de Mai 1925,
i l publie un article sur une grève exemplaire oü s'est illus-
trée " la ~olida~itë p~olëta~ienne ent~e eu~opëen~ et indigè-
ne~ ". Suite à une grève générale de quatre jours, les chemi-
nots du D.S.L.
ont obtenu une augmentation de salaire substan-
cielle après avoir mis en échec une tentative de division du
mouvement qui visait à satisfaire les revendications des ou-
vriers européens sur le dos des colonisés. Dans la conclu-
sion de son article Lamine déclare :
" Nou~ tenoJ't~ à. .6ouli-
gne~ ce 6ait pa~ticulie~ ca~ c'e.6t la p~emiè~e 6oi.6 que nou.6
voyon.6 le.6 exploitë~ eu~opéen.6 de~ colonieJ Je Jolida~i.6e~
d'une 6açon admi~able avec le.6 indigèneJ deJ paYJ opp~imëJ. ,,(2)
Cette solidarité prolétarienne, et plus généralement la soli-
darité avec les peuples colonisés dont le mouvement ouvrier
français était tellement avare, va heureusement se manifester
à une échelle encore jamais vue lors de la campagne de pro-
testation contre la guerre du Rif.
En effet, presqu'un mois jour pour jour après que Lamine Sen-
ghor eut évoqué la possibilité d'une intervention militaire
(7) ANSOM SLOTFOM IIr Ca~ton 3. Note de l'agent VëJi~ë 3 Ma~J 7925.
( 2) Le 'Pa~'I.a N° 3 3 Av~,Le.-Mai 1925.

française au Maroc, les troupes franqaises entrent en action
dans le Rif pour sauver les troupes espagnoles d'une défaite
certaine et par là même étendre l'emprise française sur le
territoire marocain.
Quelques mois avant cette intervention, le PCP a spectaculai-
rement apporté son soutien aux Riffains, lorsque Jacques
Doriot a lu à la tribune de l'Assemblée Nationale, un télégram-
me de félicitation adressé à Abd El Krim pour sa victoire sur
les Espagnols à l'automne 1924. (1)
Mais les choses en étaient
restées là.
Le 14 Mai lorsque les troupes françaises passent à l'atta-
que des Riffains, le PCP, la CGTU, les JC, l'ARAC et les mem-
bres de
la revue Clarté forment un Comité D'Action contre
la Guerre du Maroc. Dès le 17 Mai, ce dernier organise un
meeting à Luna Park qui rassemble près de 15 000 personnes. (2)
Membre du Comité d'Action, Lamine Senghor va faire sien le
slogan" guerre à la guerre "1 A Luna Park, i l dénonce l'in-
tervention française et appelle à la solidarité internationa-
le avec le peuple riffain. Au nom de ses compatriotes, i l
proteste contre l'envoi de troupes sénégalaises au Maroc où
on les oblige à se salir les mains du san, de leurs frères.
(1)
Ad~~~~é a Abd Et K~~m l~ 10 S~pt~mb~~ 1924, l~ tétég~am­
m~ ~~t publ~é da.n~ ltHuma.n:tte. l~ 11 S~pt~mb~e.
L~ 4 Ja.nv~~~
1925 ~l ~~t lu pa.~ Vo~~ot a l'A~~~mblé~ Na.t~ona.t~.
(2) And~é F~~~a.t.H~~to~~~ du Pa.~t~ Commun~~t~ F~a.nça.~~,
Pa.~~~1
Bu~~a.u d'édition, 1931, 259 ~

" Le Géné~al Mang~n e~~ mo~~ depu~~ ~~nq jou4~ d~~-~l mai~
~on nou~n~~~eu~
( l~~e Blai~e Viagne ) e~~ au Sénégal pou~
p4épa~e~ la mo6~l~~a~~on de~ nouvelle~ ~la~~e~ e~ le~ envo-
ye~ a l'empe~eu~ du Ma~o~ ". S'adressant aux Français, il les
met en garde en disant que lorsqu'on aura
terminé la mobi-
lisation des troupes coloniales, on s'en servira
pour la
mobilisation des travailleurs par la force. Demandant aux pè-
res et aux mères de famille de s'opposer au départ de leurs
enfants pour le Maroc, i l proteste de toute son énergie con-
tre ces procédês et i l proclame son intention de manifester
publiquement à la tribune avec ses frères arabes et ses frè-
res de la Métropole, la fraternisation des peuples sans dis-
tinction de race et de couleur. Passionné plus que jamais i l
conclue ;" Peuple~ de tou~ le~ pay~
un~~~on~-nou~
! B~~~O,h
no~ ~haZne~ e~ n~ate~ni~on~ ! "
Sur ce, Jacques Doriot et Mahmoud Ben Lakhal montent à la tri-
bune pour embrasser Senghor en signe de fraternité alors que
la foule debout chante l'Internationale.
Ce moment d'intense émotion passé, le meeting se termine par
l'acclamation des mots d'ordre du Comité d'Action:
- Paix immédiate avec le Rif
- Fraternisation des soldats français et riffains
- Reconnaissance de la République du Rif
- Evacuation immédiate du Maroc! (1)
(1) ANSOM SLOTFOM rr Ca~~on 4. Note de l'agent Vé~i~é Ma~ 1925.

Le 24 Mai au Mur des Fédérês, ils sont plus de 60 000 à dé-
filer en scandant les mots d'ordre du Comité d'Action. Le 20
Juin c'est au tour de l'UrC d'organiser un meeting sur les
diverses luttes menées par les peuples opprimés. Mal en point
Lamine interv;ent brièvement se déclarant pour l'affranchis-
sement intégral des peuples coloniaux et
r~sant un parallè-
le entre la " civilisation " qui utilise
canons et fusils
et les soviets qui luttent
pour le bien de l'humanité.
Rappelant qu'il avait perdu un poumon à Verdun pour la défen-
se du capitalisme qui s'efforçait aujourd'hui d'écraser le
peuple riffain, i l appelle l'assistanc~ à tout faire pour
l'en empêcher. (1)
Démultipliant ses forces, Lamine écrit
vo article pour le Paria .. :Sous le titre" Les Riffains ne
sont pas seuls
ils ont avec eux le monde des opprimés Il
i l déclare :
" Le mouvement de lioé~ation que pou~~uit le peuple
~i66ain n'e~t pa~ un 6ait local. C'e~t un phénomène
~ocial qui ~e mani6e~te en Chine comme au Ma~oc et ~e
~épe~cute ~u~ tout le monde de~ opp~imé~ au~~i bien
à. Shanga1. qu'à. Tetouan ". Dénonçant les tentatives
de mystification du gouvernement français qui tente de faire
passer cette guerre comme une croisade islamique contre le mon-
de chrétien ou encore la barbarie opposée à la civilisation;
i l s'exclame:
"Non! C'e~t la gue~~e de l'opp~imée cont~e
cont~e l'opp~e~~ion odieu~e et ~i tou~ ce~ million~
d'e~clave~ 60nt p~euve ent~e eux d'une p~o6onde ~oli-
(7) ANSOM SLOTFOM Ir Ca~ton 4. Note de l'agent Vé~i~é Juin 7925.

329
dan~té ee n'e~t pa~ pnêe~~èment panee qu'~l~ ont la
m~me nel~gion mai~ bien panee qu'il~ ~ubi~~ent le mê-
me joug du eonquênant eunopêen ". Et de eonelune :
" Tout le monde de~ oppnimê~ mu~ulman~ ou autne~, tou~
eeux qui luttent poun ~'a66nanenin de la botte de~ ~m­
péniali~te~ eunopéen~ ~ont avee le~ ni66ain~ poun ex~­
gen la neeonnai~4anee de l'indêpendanee du Ri66 ". (1)
Face à une importante mobilisation populaire, les Pouvoirs
Publics ne peu~ent répondre que par la répression. Des rafles
sont régulièrement organisées autour des manifestations de pro-
testations pour intimider les gens et enrayer ainsi la mobili-
sation. Déjà connu pour son militantisme ardent, Lamine
Senghor est signalé comme un des membres les plus actifs du
Comité d'Action et, à ce titre, i l est arrêté à Argenteuil
le 23 Juin et déféré le jour même devant le parquet. (2)
Remis en liberté le jour même, i l sera victime d'une agression
qui aurait pu lui coûter la vie quelques jours plus tard.
L'action fut perpétrée par un dénommé Gervais que Bloncourt
avait auparavant accepté d'héberger au siège de l'Union Inter-
Coloniale. Pendant son si~~~ au siège de l'UIC, i l fractura
une malle appartenant à Lamine Senghor. Constatant la dispari-
tion de certains objets, ce dernier accusa Gervais de vol et
i l menaça de le dénoncer à la police. Dissuadé de procéder
ainsi par ses camarades qui lui dirent que cette attitude
(1)
LeP"a'liia N~ 34 Jui.n-Ju~llet 192.5.
(2.)
A.N. Sénie-F1 eanton 13111.

330
n'était pas digne d'un communiste, Lamine renonça à porter
plainte. Prenant ~eut-être ce geste pour une faiblesse, Gervais
se rendit au domicile de Lamine, 61 rue Myrha dans le quartier
de la Goutte d'Or, et i l le menaça d'un revolver. Bravant le
danger, Lamine bondit sur son adversaire, et dans un style
typiquement sénégalais, i l lui asséna un violent coup de tê-
te qui lui brisa plusieurs dents.
Maîtrisé Gervais fut par la suite emmené au poste de police
du quartier alors qu'un médecin s'occupait de Senghor qui dans
l'action s'était fait une blessure profonde au sommet du crâ-
ne. (1)
Contrairement à l'hypothèse soulevée par R. Cornevin, nous
ne pensons pas que cette agression soit à mettre au compte
d'un" diagniste ".(2)
Peut être envoyé au siège de l'UIC pour
y dérober des documents, Gervais était probablement un de
ces hommes de main douteux que la police n'hésite pas à utili-
ser occasionnellement pour ses sales besognes. Démasqué, i l
aura voulu se racheter ou simplement venger son amour propre
--------------------------
(1) ANS 21 G 21 (11). No~e de l'agen~ Vé~i~é 30 Juin 1925.
(2) R. Co~nev~n. Vu Sénégal a la P~oven~e : Lamine Sengho~
(1889-1921 ) p~onnie~ de la nég~1.~ude dan.6 Mé'lange~ And~é Villa~d
Ma~~eille.
Fédé~a~ion Hi~to~~que de P~ovenee, 1915 p. 12.
V'aut~e pa~~ Ge~vai~ n'eut pa.6 le temp.6 de 6a1.~e U.6age de ~on
a~me et l.l ne ti~a don~ pa.6 plu.6ieu~~ ~OUp.6 de 6eu ~u~ L. Sengho~
~omme le dl~la~e R. Co~nevin.
Van~ l'Hu'm'a:n,fté du 2 Ju1.llet 1925, ~e~ l.n~ident 6ut p~é~entê ~ou~
le ~'<'~~e " 6a.6~,ü~e ou pol.i~.ie~ pt. On 'd app~ena'<'t que SERVAISE
(~i~!) ava.<.t mena~ê Blon~ou~t de ~on ~evolve~ quelque.6 jOU~.6 avan~
qu'il n'ag~e~~e Sengho~. S'.in~e~~ogeant .6u~ " l'at~itude pa~ t~op
bienveillante de la pol.i~e " lo~.6 de ~on a~~e.6~ation, l'auteu~ de
l'a~t'<'~le ~ommen~a'<'t : " ... on a le d~oit de .6e demande~ .6'~l ne
.6 'agit pa.6 d'ag~e.6.61.on.6
o~ganl.6êe.6 pa~ la pol1.~e elle mime Il

331
en allant " rendre visite " 1 Senghor
A peine remis de ces émotions fortes, Lamine Senghor reprend
son activité militante. Le 12 Juillet i l est à Lille, le
6 Août à Lyon, le 2 Septembre à Alès, le 3 à Toulon, le 4 à
Fréjus, du 6 au 8 Septembre il est à Bordeaux où devant quel-
ques 1 200 personnes, il prend la parole au nom des travail-
leurs coloniaux. Il déclare être devenu révolutionnaire par-
ce que la France n'a pas été reconnaissante envers les soldats
qui ont combattu pour elle. Si l'on a envoyé les tirailleurs
Sénégalais 1 Madagascar, au Dahomey et ailleurs, si on leur
a appris 1 faire la guerre, on ne leur a donné aucune instruc-
tion. Pour finir il clOture son discours par un retentissant
" Vive la fraternisation des râces à travers le Maroc " (1)
L'activité déployée par Lamine Senghor durant l'été
a sérieusement inquiété les fonctionnaires de la rue Oudinot.
Par tous les moyens, ils cherchent comment réussir à faire tai-
re Senghor. Dès Août 1925, le Ministre des Colonies a écrit
au Gouverneur Général de l'AOF pour lui demander d'ordonner
une enquête afin de connaître le véritable statut de Lamine
Senghor car il a appris qu'il n'était pas né à Dakar comme
il le prétendait. (2)
La Justice suivant lentement son cours, le Ministre des Colo-
nies revient 1 la charge le 27 Août, le 30 Septembre puis
encore le 10 Novembre 1925, pour que l'on active la procédure
engagée contre lui. (3)
--------------------
(7).A.N. Sé~ie F7 Ca~ton 13090. Rappo~t du ehe6 de la Sû~eté
de Bo~deaux. 6 Septemô~e 1925.
(2)
ANS 17 G 30 (17). Lett~e du Mini4t~e de4 Colonie4 au Gouve~neu~
Géné~al de l'AOF du 6 Août 1925 évoquée dan~ ~a lett~e au P~oeu~eu~
Géné~al de l'AOF du 1e~ Oetoô~e 1925.
(3)
ANSOM SLOTFOM 1 Ca~ton 12 et SLOTFOM 1 Ca~ton 13.

Malheureusement pour le Ministre, i l ne put être prouvé que
Senghor avait eu recours à la subordination de témoins lors
de son jugement supplétif, et ce jugement fut purement et sim-
plement annulé le 8 Janvier 19 ••• 27
! (1)
Enervement en Métropole donc, mais également éner-
vement au Sénégal. Suite à l'article paru dans le Paria sur
la grève du D.S.L., le gouverneur du Sénégal a ordonné une en-
quête. Fin Mai, le commissaire de police de Bambey
( dans le
Bao1 ) signale que le sous-chef de gare de Bambey, Raphaël
Gui110teau et sa femme sOnt des militants communistes. Il
les accuse notamment "de faire circuler parmi les employés Afri-
cains du chemin de fer les journaux l'r~'m~nité et'les Continents. (2)
Pire encore Mme Gui110teau reçoit de nombreux Il indigènes Il
chez elle et elle les fait ff manger à sa table ". Considérés
comme des" militants agissants et dangereux ~:;)les époux
Gui110teau sont discrètement mis sous surveillance.
En juillet 1925 " une de~~ente de poli~e 6ut e66e~tué a Bambey
~ou~ la di~e~tion du ~ommi~~ai~e Joly, 6il~ d'un vieux
militant ~onnu de Saint-Veni~. Alo~~ on 6it veni~ tou~
le~ noi~~ ~oup~onné~ d'avoi~ de~ ~ympathie~ pou~ le
~ommuni~me, et on leu~ demanda quel4 étaient le~ m~­
litant~ noi~~ qu'il~ ~onnai~~aient en F~an~e, quel~
( 1)
Lamine Sengho~ Viee::tOe:uv~e op. ~it. p. 21.
(2) ANS 21 G 138 (108). Rappo~t du ~ommi~~ai~e de Bambey au Comman-
dant de ~e~~le du Baol. 28 Mai 1925.
( 3 )
Idem.

éta~ent le~ Eunopéen~ ave~ le~quel~ ~l~ entnetena~ent de~
nelat~on~ a Bamoey, quel~ jounnaux et quelle~ bno~hune~
~l~ ne~eva~ent d'eux. Malheuneu~ement poun le~ pol~~~en~,
au~un de~ no~n~ ~ntennogé~ n'avaient jama~~ neçu n~
jounnaux ni ono~hune~ de la main d'au~un eunopéen ,
n~ ~onnu pen~onnellement de~ militant~ névèlutionnai-
ne~ indigène~ en Fnan~e."(1) Lors de cette opération
" Un eunopéen de l'e~~ale et ~a 6emme, étant de~ plu~
e~timé~ pan le~ ind~gène~ de Bambey, éta~ent le~ plu~
~oupçonné~. On na~ontait même qu'il~ étaient le~ 6on-
dateun~ d'un 60yen ~ommuni~te dan~ le pay~. Au~~~
le ~omm~~~a~ne Joly - ~e 6il~ qui oubl~a~t le pa~~é
névolut~onna~ne de ~on pène - ava~t pou~~é la gouja-
ten~e ju~qu'a demanden au ne~eveun de~ PTT de Bambey
de v~olen la '~onne~pond4n~e du ménage 6nança~~ ~oupçon-
né de ~ommuni~me. Le ne~eveun de~ PTT ~'y étant ne6u~é,
Joly pno6~ta du ~ongé de ~elui-~i en Fnan~e ( 6~n
Septembne 1925 ) poun demanden ~on nempla~ement dé-
l '
' ' ' ' ' 1
(2)
u-<..n-<..-t..-<"u·
Si l'enquête policière est un fiasco complet, les autorités
savent à quoi s'en tenir sur les époux Guilloteau. Leurs dou-
tes, si elles en ont encore, sont balayées lorsqu'un facteur
de la gare de Bambey, Georges Nomis, écrit au Gouverneur Gé-
néral pour dénoncer Guilloteau " communiste acharné contre
----------------------------
(1)
et (2) LePaJiia
NQ 36-31, Septembne-O~tobne 1925."La né-
pne~~ion ~oloniali~te en AOF"
pan N. Gono N Vendnaye.

334
notre gouvernement". Dans cette lettre (1)
i l accuse ce dernier
Il
de 64l~e de l4 p~op4g4nde pou~ l4 l~gne eommunlste de Mo~­
eou ", et de pousser " le~ noi.~~ a l4 ~eoelli.on et le~ mlll-
t4l~e~ a dé~obéi.~ ".Apparamment en très bons termes avec le
commissaire de Bambey, Nomis s'est fait l'auxiliaire de ce
dernier en décachetant le courri&r des Guilloteau.
Il a ainsi
découvert des listes de souscription pour collecter de l'ar-
gent afin d'organiser des meetings contre la guerre au Maroc.
Se réclamant du Grand Orient de France, Nomis demande au Gou-
verneur Général de l'AOF " de ôi:en voulol~ e4~.6e~ l4 tête a
eet êt~e nul~i.ble qui. pOU~~4 p4~ S4 p~op4g4nde pou~~e~ le~
nol~.6 de l'A6~i.que a ~e ~ouleve~ eont~e not~e p~oteeto~4t ".
Quelques semaines plus tard, la collaboration de Nomis per-
met à la police de découvrir comment fonctionnait " la cellu-
le de Bamb ey ".
Guilloteau était en correspondance avec Lamine Senghor et le
député André Marty, le mutin de la Mer Noire. Pour la sare-
té de leurs liaisons, ces derniers envoyaient, par exemple,
les journaux Le P-aria, l'Humanité oules' C01;ltinents le titre
plié en dedans. De son cOté Guilloteau écrivait à Senghor ou
Marty, en mettant sa lettre dans une première enveloppe qui
était par la suite mise dans une seconde enveloppe adressée
à un certain Fernand Cornu demeurant Il rue des Fermiers
Paris XVIIème ) (2) •
(71 ANS 21 G 738 (708). Lett~e de Geo~ge.6 Noml~ 4U Gouve~neu~ Géné-
~4l de l'AOF, le 17 Oetob~e 7925.
(21
Idem. R4ppO~t de pollee de V4~4~ 4-11-25. M4lg~é l'4lde 4ppO~­
tée a l4 poli.ee Nomi.s ne .6'4tti.~4 guè~e l4 eon~i.dé~4ti.on de~ 4utO-
~4té4. Ce même ~4ppO~t dée~i.v4i.t en e66et ee m4~ti.ni.qu4i.~ d'une
t~ent4i.ne d'4nnée~ eomme le Il tqpe du p4~64i.t 1mbéelle, ne p4~4l~-
~4nt p4~ joui.~ de l4 pléni:tude de .6e~ 64eulté~ ment4le~ ". (~i.e !I.

335
Début 1926, sous prétexte" d'irrégularités dans son service ",
Raphaël Guilloteau est licencié de son poste. (1)
Le motif officiel du licenciement de Guilloteau et les dénéga-
tions implicites du Paria ne trompent personne. A Barnbey,
les époux Guilloteau ont de fait tenté
, voire réussi, à met-
tre sur pied un cadre organisationnel informel au sein du-
quel ils s'attelaient à développer et la conscience de clas-
se et la conscience nationale des ouvriers africains du che-
min de fer. Cette action, quoique isolée
(?), est riche en
enseignements. Tout d'abord, elle montre que de leur propre
initiative des militants communistes de base ont tenté de pro-
pager l'anti-colonialisme et/ou le marxisme dans les colonies
africaines, palliant ainsi le manque d'intérêt certain du PCF
à l'égard de l'Afrique Noire. Cette action est d'autant plus
méritoire, voire même héroIque~ qu'à l'époque dans le contex-
te colonial faire circuler l'Humanité ou Les Continents par-
mi les ouvriers africains et inviter ces derniers à sa table
étaient un véritable crime de lèse-majesté. Dans cette socié-
té où régnait un apartheid officieux, la conduite des Guil-
loteau avait du ne leur valoir que des inimitiés parmi la
population européenne de l'escale et la délation d'un Nomis
n'a rien de surprenant. Ensuite, la mise à nu du mécanisme
qui permettait aux Guilloteau de communiquer avec Marty ou
Senghor, nous donne un bon exemple de la manière dont les
tracts, brochures et journaux anti-colonialistes et/ou commu-
nistes pouvaient pénétrer aux colonies en déjouant les nom-
III ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 95. Lett~e du Gouve~neu~ G~n~~al
de l'AOF au Mlnl~t~e de~ Colonie~. 10 Ma~~ 1926.

336
breux pièges tendus par la police tant en France que dans les
colonies.
Mal connue et difficile à conna1tre de par sa na-
ture quasi-clandestine, l'action de ces militants communis-
tes européens mériterait qu'on lui consacre quelques recher-
ches pour tenter de cerner son importance et son influence.
En effet, i l ne fait pas de doute qu'avant la mise en place
des Groupes d'Etudes Communistes
( GEC ) et de la CGT en AOF
après la seconde guerre mondiale, la formation politique mais
surtout syndicale des ouvriers africains s'est faite de cet-
te manière: sur le tas, au hasard des rencontres avec les
militants européens. On notera d'ailleurs avec intérêt que
l'affaire de Bambey met en scène les ouvriers européens et afri-
cains du chemin de fer, véritable place forte du mouvement
ouvrier africain où na1tront les premiers syndicats
( sous
forme d'amicales)
et d'où partiront les mouvements revendi-
catifs les plus combatifs. (1)
Ainsi 1919, 1925, 1938, 1947 seront autant d'années où les
cheminots feront preuve de leur organisation et de leur com-
bativité dans des grèves plus ou moins longues, écrivant par
là même les premières pages de l'histoire ouvrière de l'Afri-
que de l'Ouest sous domination française. (2)
,",
(1)
Vo~~
N~eole Be~na~d-Vuquenet.
Le~ début~ du ~ynd~eal~~me au
I~
Sénégal au temp~ du F~ont Populai.~e.
Le Mouvement Soe~al N° 101
Oetob~e Novemb~e 1911 pp. 31-59.
B~~ame Ndou~ p~épa~e aetuellement une thè~e de 3ème eyele a
l' Un~ve~~~té Pa~i.~ VI I ~ u~ Il' l'e'mouve'me'nto'uv~i.'e~dan~le~ehem~n~
de6ell. du Sénéga-t pen'dan't 'l'a p'é'~'.to'âee·ol'o'nl:at.e
[ 1882 -1960 J.
(2)
En 1891 une g~ève impo~tante avait eu lieu a Lago~ pou~ ~éela­
me~ une augmentat10n de ~alai~e. R. Olu6emi Ekunda~e. An Eeonom~e
H~~to~y 06 N~ge~1a 1860-1960. London Methu~n and Co, p. 361.

337
A la fin de l'été 1925, le PCF élabore un nouveau
plan de travail colonial dans lequel figure un certain nom-
bre de propositions concrêtes(1):
- L'UIC étant en crise depuis le printemps 1925, on tente de
la relever en étendant le recrutement aux grandes villes de
province et aux ports. Mieux on envisage la création de syn-
dicats affiliés a la CGTU et des organisations d'anciens com-
battants affiliées à l'ARAC. En ce qui concerne le Paria, un
plan de redressement financier doit être mis en oeuvre afin
qu'il puisse de nouveau parattre mensuellement et non tous
les deux mois comme c'est le cas. depuis Septembre 1924.
- La documentation coloniale et la propagande doivent être
renforcées et le Parti propose de désigner des responsables
pour chaque groupe de colonies parmi les fonctionnaires mem-
bres du PCF.
- Le groupe parlementaire a pour tache d'appuyer un certain
nombre de revendications telles
:
• l'instruction publique obligatoire,
• l'équivalence des diplômes délivrés entre la France et les
colonies,
• la création dans chaque colonie d'une école de médecine, de
deux écoles de pharmacie et de trois écoles d'apprentissage
de la métallurgie,
• l'abolition du recrutement forcé et de l'indigénat,
· la liberté de circulation entre la France et les colonies.
(1) ANSOM SLOTFOM Ir Ca~ton 4. Wote de t'agent Vl4L~l 16 Sept. 1925.

Sur l'initiative de Lamine Senghor, i l est même proposé de
revendiquer la citoyenneté fran~aise pour tous les Sénégalais
habitant entre Dagana
( sur le Fleuve Sénégal ) et la pointe
de Djinak ( près de la frontière gambienne ) • (1)
Enfin le Parti a décidé d'envoyer deux délégués au Congrès
Pan Noir qui doit se tenir à Chicago en Octobre 1925. Ces
derniers, une fois désignés, doivent préparer une série de
textes portant notamment sur les revendications des peuples
nègres sous domination française.
En attendant, le 20 Septembre, Lamine Senghor participe au
Congrès Régional du Parti à Strasbourg. Aux cOtés de Treint
représentant le Comité Directeur, de Chasseigne représentant
les JC et de Thorez représentant le Comité d'Action contre
la Guerre du Maroc, i l prend la parole au nom de la Commis-
sion Coloniale devant les 700 délégués réunis pour l'occasion.
A~rès avoir apporté son salut fraternel aux participants il nro-
teste contre les nouveaux décrets qui réglementent l'entrée
en France des Nord-Africains. Puis suite à cette brève in-
tervention i l termine son discours par un appel à l'union
des travailleurs de la terre sans distinction de race ni de
couleur pour le renversement de la société capitaliste et
le triomphe complet de la révolution. (2)
Alors que le Comité d'Action contre la Guerre au
Maroc prépare fébrilement la grève de 24 heures programmée
(1)
Cu~~eu~ement le p~ojet d'exten~~on de la c~toyenneté 6~ançai­
~e a tou~ le~ haôitant~ du Sénégal p~opo~ pa~ Sengho~ ne conce~ne
pa~ la Ca~amance.
(2) ANSOM SLOTFOM rr Ca~ton 4. Uote de l'agent Vé~i~é 24 Sept. 1925.

339
pour le 12 Octobre, Lamine Senghor est une nouvelle fois
arrêté. Pris en flagrant délit en train de distribuer des
tracts aux tirailleurs Sénégalais visitant l'exposition des
Arts Décoratifs de Cannes, i l est appréhendé et relâché après
24 heures de détention. Revenu à Paris, i l participe au mee-
ting de l'UIC organisé pour la libération du patriote Viet-
namien Phan Boi Chau. (1)
Préparée de longue date, la journée de grève du 12 Octobre
mobilise entre 900 000 et 1 000 000 de grévistes. Malheureu-
sement, loin de marquer un temps fort dans la mobilisation con-
tre la guerre du Maroc, elle en symbolise le point final.
Malgré une répression terrible(2)
et Un certain
nombre
de
carences
(3), cette action a
été une " belle et courageuse
campagne "
(4)
• De cette action le PCF tirera ses lettres
de noblesse anti-colonialistes, et dès lors la campagne con-
tre la guerre du Rif devint le symbole même de l'engagement
anti-colonialiste du Parti. A titre d'exemple, dans l'Histoire
du Parti Communiste Français publiée en 1964, la campagne.
(7) ANSOM SLOTFOM II Ca~~on 4. No~e de l'agen~ Vé~~~é 70 Oc~. 7925.
(2) » 165 m~l~~an~~ emp~~~o~né~,
263 pOU~4~UV~~,
320 année~ de
p~~on, 45 de ôann~44emen~, 26 833 6~anc4 d'amende~ d~~~~~bué4 »
J acque-6 Fauvet. H~'.6:to~Aed'c..i ·PaJtt.tCo·m·m·u'n·i:~-te F~anç.ai:~7920-7916
Pa~~~, Fa!!a.~d ,791 J, p. 62.
(3)
Vo~~ le~ c~~~~que4 d'And~é Ma~~!! : le Pa.~~~ devan~ la gue~~e.
C~~é ~n Jacob Mone~a Lapol.t~l'quedu PC'Fdan4l'aque'~~~on colon~ale
7920-7963,Pa.~~~/Ma4pe~o,1917,372 p.
(4)
La co~~e~pondance In~e~na~~onale N°64 25 Ma~ 7926 p J06

340
contre la guerre du Maroc occupe le tiers du chapitre IV
consacré à la période 1924-1926(1) . De même dans la plaquet-
te intitulée La lutte anti-colonia'liste-de la CGT, la grève
du 12 Octobre est présentée sous le titre : " Pour la première
fois au monde
" (2)
Importante, la campagne contre la guerre au Maroc l~ fut sans
conteste. Cependant faut-il préciser que ce fut plus une cam-
pagne anti-militariste qu'une campagne anti-colonialiste à
proprement parler. Ainsi dans ft l'appel du Comité d'Action
aux travailleurs des villes et des champs de France et des
Colonies " les thèmes principaux étaient :
"
la gue~~e de 1914-1918 n'e~t pa~ la de~n~è~e, el-
le continue au Ma~oc cau~ant de~ mill~e~~ de mo~t~ et
englouti~~ant de~ million~.
- C'e~t une 'v~aie gue~~e', mooili~ant 200 000 homme~
et g~o~~e de nutu~~ connlit~, en ~ai~on de~ ~ivali­
té~ impé~iali~te~.
- C'e~t une gue~~e de banquie~~, de pillage~ de~ ~i­
che~~e4 du ~ou~-~ol.
Elle a été délioé~èment p~ovoquée
malg~é la volonté pac~nique d'A8d El K~im.
- Le4 ouv~ie~~ et le~ palf~an~ en ne~ont le~ n~ai~, leu~~
nil~ ~e~ont liv~é~ a la nouvelle tue~ie et la ~uine ni-
(1)
H~~toi~e du Pa~ti Communi~te F~ançai~. Pa~~. Edition4
Sociale~. 1964, pp 158-170.
[2 )F~è~e~. Ltilut't:.e a·n.:ti-coloniali~te de la CGr. Pa~i~, 1980
PI' 8-9.

341
- Le C~~tel de~
g~ucne~ ~g~t en ~e~v~teu~ de l'impé-
~~~li6me 6~~nç~~6 ~vec l'~ppu~ des che66 ~é6o~mi6te6
cont~e un peuple qu~ est devenu le sqmoole de6 opp~i-
mé6 " (1 l
.
Mis à part l'attaque contre le Cartel des Gauches et l'allu-
sion au peuple Riffain, symbole des opprimés en lutte, on
constate que les thèmes mis en avant sont ceux habituelle-
ment utilisés dans les campagnes anti-militaristes à savoir
-
la guerre c'est l'affaire de la bourgeoisie pas celle du peu-
pIe,
-
la guerre est symbole de malheur car elle coûte chère en
vies humaines et en impôts •
• -..lI' • • . •
Ce glissement de l'anti-militarisme à l'anti-colonialisme,
cette confusion des genres, est en réalité très ancienne au
sein du mouvement ouvrier français.
La résolution du Congrès socialiste de Romilly sur la question
coloniale en 1895 ne proclamait pas le droit des peuples
Nuance ! Ceci dit, cette déviation originelle a sans aucun
doute été renforcé par l'engagement massif des JC(3)
et le
rOle-clé joué dans l'organisation de la campagne par Doriot,
responsable du travail anti-colonialiste et ••• anti-milita-
riste.
---------------------
( 1)
C.
L~~uzu 0 p. c~t· pp. 2.1- 2. 8.
(2.)
Voi~ M~nuel~ Se~~de~ " Les soci~lLste6 6~an~~~6 et le p~o­
olème colon~~l ent~e les deux. gue~~es 11- 'ReVu'e' F~'an~~i'6ede6
Science6PoLLtique6. Vol 18 N° 6 Vécemô~e 1968 pp. 1115 -1154.
(3)
Voi~ M~dele~ne Rebé~ioux " Ve l~ Ruh~ ~u Ri6. Le6 Je et
l' ~ntimilit~~i6me"
Poli't'J:qcied '~'uIou~d''hui. J ~nvie~-F év~ie~
1916 pp. 11-18.

342
L'inconvénient de cette approcne de la ques-
tion coloniale c' est qu'~ILe mettait plus l'accent sur les in-
térêts du prolétariat français que sur ceux des peuples co-
loniaux. A ce sujet, l'évolution des mots d'ordre du Comité
Central d'action est révélatrice. A l'origine centrés exclu-
sivement sur la question riffaine(I) , ils s' êtendirent bien-
tOt à la lutte contre les impOts Caillaux, pour l'échelle mo-
bile et l'augmentation des salaires. Dans ces conditions, on
peut légitimement se demander ce qui motivat le plus les gré-
vistes du 12 Octobre 1925 !
La manière dont a été menée la camp~gne a d'ailleurs soulevé
de graves problèmes entre les militants coloniaux et la direc-
tion du Parti. De vives discussions s'en sont suivies, dans
lesquelles Camille Saint Jacques, Lamine Senghor et Joseph
Gothon Lunio~ ont exposé leurs critiques quant à la poli ti-
que pratiquée par le Parti en matière coloniale.
3. LES PREMIERES DISSENSIONS ENTRE
--------------------------------
Dès le début de la guerre du Rif, Camille Saint
Jacques met en cause la stratégie adoptée par le PCF. Boycot-
té par la presse du Parti, ce n'est qu'en Juin 1926 qu'il peut
exprimer ses critiques dans les Cahiers du Bolchévisme.
(11
Voi.Jt pa.ge

Dans un article intitulé" Sur le problème rifain ,,(1), i l
fait trois reproches majeurs au PCF
:
1°) avoir inconsidérément soutenu un chef féodal.
2°)
avoir annoncé comme imminent un conflit européen au su-
jet de la question marocaine alors que rien ne permettait
de l'envisager.
3°) avoir saboté le front unique par une attitude extrêmiste.
Concernant le premier point, Saint Jacques dénonce" l'Abd
El Krimisme ", cette attitude qui a consisté à soutenir aveu-
glèment un chef féodal qui luttait pour ses propres intérêts.
Sans le dire ouvertement, i l remet, de fait, en cause la
politique de soutien aux mouvements nationalistes bourgeois
adoptée par l'I.C. A propos des soi-disants risques de guer-
re européenne, i l fait remarquer que l'heure n'est plus aux
affrontements entre puissances colonialistes, mais au contrai-
re à celle du front unique contre les soulèvements coloniaux.
Sur ce point, l'intervention française dans le Rif lui don-
ne pleinement raison. Enfin i l estime que le Parti a fait une
grave erreur en ne se limitant pas à l'adoption du mot d'or-
dre Il Paix immédiate avec le Rif ".
C'était en effet le seul qui aurait pu permettre la réalisa-
tion d'un front uni
avec les socialistes. En conclusion i l
déclare:
Il
Notlte Pa.ltti n'a. ma.lheulteu.&ement pa..ô de politique
a pltopltement pa.ltleltj .ôon a.ction con.ôi.&te en phlta..ôe.ô
incendia.ilte.& a.u Pa.ltlement, en glto.ô.&e.& lettlte.& .ôult
"
q
(1) Ca.mille Sa.int Ja.cque.&. SUit le. pltof5lème 1tl.6a.,[n. Le.ôCa.hielt.ô
du Boldiêvi.&'me. N° 52. Jui.n 1 r26.

344
l'Hum~nité, en ge~te~ ~ifmoolique~ m~i~ tout cel~ ne
~u66it p~~, il en ~é~ulte ~ujou~dthui qu'un g~~nd nom-
b~e de coloniaux ont ~vec l~ di~ection du P~~ti de~
dive~gence~ p~o6onde~. "(11
Mais au delà de la question coloniale, c'est la politique
globale du PCF que Saint Jacques remet en cause. Signataire
de la lettre des 250(2), partisan de l'adoption d'un" cours
nouveau ,,(3)
dans le Parti, i l semble flirter avec l'Opposi-
tion de Gauche, qui regroupe essentiellement les trotskystes.
Le Parti ne s'y est d'ailleurs pas trompé: Citerne d'un air
faussement entendu demande si le ft nous " employé par Saint
Jacques désigne sa personne ou une fraction. (4)
Pierre Ferr~nd un " Algérien de 3ême génération "
( sic ! )
dénonce" ce~ indige~te~ exp~e~~ion~ If
( l i r e l'Abd E1\\(l'imisme
que l'on trouve.,
" .~ ou~ l~ pLume de.& pl(i~ notoi~e~ ~ 0 uv~-
~ini~te~ ". Confondant polémique et débat idéologique, il trai-
te Saint Jacques de If
'coloni~l' de Neuillif ", d' " ~m~teu~ If,
de If ~oi di~~nt ~évolutionn~i~e If et assimile ses propos à des
" idée~ 6~nt~i~i~te~ If, de~ If div~g~tion~ If et de~ " ~~~c~~me~
imbécile~ ". (5T
Peu impressionné par ce barrage d'artillerie Saint Jacques
(11 C~mille S~int J~cque~ 0 p. cit p. 1423.
(21 Le Bull'et,[nCo'mmuni~te
N° 14 22 J~nvie~ 1926 pp. ,2 II - 215.
(3)
Exp~e~~ion employée p~~ S~int J~cque~ à l'ext~ême 6in de
~on ~~ticle et qui
e~t éq~lement le tit~e d'un ouv~~ge de T~ot~ky
publié en Av~il 1924.
ft
\\\\
(4)
G.
Cite~ne : touj 0 u~~ l~ c~itique. Le~C~hie~~duB'olchévi~me
N° 54. Juillet 1926 p. 1605.
"
~
'
,
(51 P. Fe~~o...nd : A p~opo~ de" t~~n.i.&on. If.' Le'~"C~fi.ieA~du
Bolché'vi~me N° 54. Juillet 1fl2G pp. 16(J2-1604.

345
réplique:
" Ce. qul doLt ê.tlte. di..t a.u,-6!J:i.. , c.'e..6t que. le.-6 colo-
nla.ux e.n ont a.-6-6e.z , qu'i..l~ ne. ve.ule.nt même. pa.-6 de. la.
colonl-6a.tlon politique. e.t que. ~'il~ ne. pe.uve.nt pa.-6 a.ve.c
ce.ux-cl ( le.-6 communi-6te.~
la. 6e.ltont -6e.ul-6. Le. Congltè~ de. Lille. nOU-6 a. été ln-
t e.1t dlt 1 rna.l.6 no u.6 -6 e.1t 0 n.6 e. nt e. ndu-6 qua. nd mêm e. • ,,( 1 l
Peut-être était-ce également ce fameux congr~s ne Lille que
GOthon Lunion
évoquait quand i l écrivait en Octobre 1925 :
" Le. c.a.ma.lta.de. Se.ngholt que. le. Pa.ltti utili-6e. ole.n que.
.6a.n.6 ln-6tltuction n'a.ltlti..ve. pa.~ à ~e. 6a.,,[1te. e.nte.ndlte..
Va.n-6 un de. c.e.-6 Congltè-6 pltépa.lté~ da.n-6 toute. la. Flta.nc.e.
pa.1t le. Comité Ce.ntlta.l d'Action dont II c.ompo.6e. le.
Bulte.a.u , on lul a. 1te.6u~é la. pa.ltole.. Tl ~'e.-6t dlte.-6-6é e.t
a. décla.lté : 'Votlte. Congltè~ me.tte.z le. ou vou-6 voule.z.
On me. 1te.6u.6e. la.paAole. , je. me. Ite.tilte. t • Tl a.lla.it
pa.ltti..1t qua.nd le..6 c.a.ma.lta.de..6 ont jugé Don de. lte.ve.n,,[1t
.6ult lmpélta.tive. déc.i~lon ". (2)
Cet incident ne fut pas le seul au cours de la campagne con-
tre la guerre du Maroc. Début Août, Lamine Senghor se heurte
de nouveau aux dirigeants du Parti à Lyon. Arrivé dans cet-
te ville oü résident de nombreux colonisés, i l constate que
l'on a rient fait pour les gagner à la cause communiste et
"
f,
(1) C. Sa.int Ja.c.que.~ : SUit le. pltoolème. lti6a.in. Le.-6 C'a.hle.lt.6 du
du Bolc.hé'vi.:~me. 54. Jui.:lle.t 19Z6 pp. 760"6-1608.
(2)
La. que.~tion Qolonia.le.. La. politique. du Pa.ltti 61ta.n~a.i.6 e.t la.
que.~tion nèglte.. Ra.ppoJLt de. J.G. Lunion a.u Comité Exéc.uti6 de.
l'T.C. 25 Octoolte. 1925. Altc.hive.~ de. la. Commi.6.6ion Colonia.le.
du PCF a.nnée. 1925. Bo~,,[ne. 13/110.

346
les organiser. Il se met alors au travail et rend compte
de son action aux responsables lyonnais du Parti. Peu de temps
après, i l reçoit une lettre lui enjoignant de regagner Paris
au plus vite, mais arrivé dans la capitale personne ne lui
explique les raisons de cette convocation subite.
Commentant cette affaire Gothon Lunion déclare
n
Il e6t blen 4lngulle~ que 4a p~l4en~e ltalt ~n­
dl4pen4able tant qu'll 4e~valt la ~au4e du Pa~tl,
et qu'elle a ltê pe~çue dange~eu6e a pa~tl~ du moment
qu'il e46ayalt de 4e~vl~ la cau6e ~olonlale et d'obll-
ge~ la 6êdl~atlon de Lyon de 4'en o~~upe~ ave~ lul.
Tout ~ela p~ouve que dan4 toute la F~an~e, l'on veut
utlll4e~ le4 Colonlaux aux mlp~i6 de leu~4 lntê~êt4
~e6pe~tl64. Mal4 nou6 6omme4 dê~ldl4 a ne plU4 le pe~­
mett~e. n(7)
Déjà tendues les relations entre les coloniaux et le PCF su-
bissent un nouveau choc lorsqu'~clate l'affaire du Congrès
de Chicago. Comme nous l'avons vu précédemment, en Septembre,
le Parti a pris la décision d'envoyer deux délégués au con-
grès constitutif de l'American Negro Labour Congress
( ANLC
qui doit s'ouvrir le 25 Octobre 1925. Par la suite, les cho-
ses se sont précisées et i l a été décidé que Max Bloncourt et
Lamine Senghor seraient les représentants des nègres fran-
çais à ce congrès. Alors qu'ils ont déjà préparé le texte de
leur intervention, ceux-ci apprennent avec stupéfaction de
(7) Idem note 2 page p~ê~ldente.

347
la bouche des responsables de la Commission Coloniale qu'ils
doivent eux-mêmes assurer les frais de leur voyage outre-a-
tlantique ! On propose tout bonnement à Lamine Senghor de
s'engager comme marin à bord d'un navire ou d'embarquer clan-
destinement, quant à BIoncourt on lui demande de payer lui-
même son voyage.
Devant cette attitude pour le moins cavalière, les deux dé-
légués refusent de concert les fi propositions " qui leur sont
faites, et ils exigent au contraire le paiement de leurs
frais de voyage et de séjour. Pour tenter d'entamer leur
résolution, on charge Menouar de les convaincre de se ran-
ger à la décision de la Commission Coloniale. Malgré cette
manoeuvre de dernière minute, ils persistent et finalement
obtiennent gain de cause ou tout du moins leur fai~-on croire.
Le 16 Octobre, rendez-vous est donné à Lamine Sen-
ghor à 12 H 30 au siège du Parti pour recevoir les fonds
destinés au voyage. Il attend en vain jusqu'à 17 H 30, heu-
re à laquelle i l décide de s'en aller, tout en ayant soin
d'expliquer à Menouar ce qu'il pense de cette indélicates-
se. Il critique vivement la tactique adoptée par la Commis-
sion Coloniale qui se contente de circonscrire la propagande
à l'Afrique du Nord et néglige les autres colonies. Après
un bref mais violent réquisitoire, i l annonce qu'il a l'in-
tention de quitter le Parti puis i l part en claquant la

348
la porte. (1)
On s'en doute cet incident ne contribue guère à améliorer le
climat des relations entre les colonisés, et plus particu-
rièrement les nègres,
et le PCP. Au sein de l'UIC, Antillais
et Africains se plaignent de la véritable hégémonie exercée
par les Nord-Africains dans les instances coloniales du Par-
t i . BIoncourt, Rosso et Saint Jacques cherchent même à ral-
lier Nguyen The Truyen et Lamine Senghor à l'idée de former
un groupe homogène capable de faire contre-poids à l'influen-
ce maghrébine sans pour autant provoquer de scission. (2) .
Ignorant cet appel. et les démarches de Menouar et de Ben
Lakhal qui lui demandent de reprendre sa démission, Lamine
Senghor a décidé de suspendre ses activités de militant,
tant que son différent
avec la Commission Coloniale n'aurait
pas été tranché.
fin Octobre, Joseph Gothon Lunion adresse un rap-
port sur la politique coloniale du PCP au Comité Exécutif de
l'IC. Dans ce texte manuscrit long d'une vingtaine de pages,
i l fait le bilan du travail colonial effectué par le Parti
français depuis le Vème Congrès de l'IC où i l a été délégué.
(1) Van4 cette a66ai~e, tout avait été mi~ en oeuv~e pou~ que
la délégation nèg~e ne pui44e alle~ aux Etat~'Uni~. Ain~i avait-on
tenté de 6ai~e c~oi~e tout d'aoo~d aux délégué4 que le Cong~è~
était ~epo~té ~ une date ulté~ieu~e. Mal~eu~eu4ement pou~, le
Pa~ti,Gothon Lunionqui était en ~elation avec le~ noi~~ amé~i­
cain~ ~évéla la date exacte aux déléguê~. Finalement le PCF ~e
contenta d'envoye~ un me~~age au Cong~è~. C6. Rappo~t de G. Lunion
25 Octoô~e 1925.
(2) ANSOM SLOTFOM II Ca~ton 4. Note de l'agent Vê~i~é, 1 Janv. 7925.

349
Globalement ce rapport s'inscrit dans la même lignée que
l'intervention de Menouar au Conseil National du Parti en
Juin 1924, publiée sous le t i t r e " plus d'attention cl la ques-
tion coloniale U
Cependant à la différence du texte précédemment cité, i l ne
se limite pas cl une critique générale de la politique colo-
niale, mais i l dissèque également les pratiques du Parti.
Lors du Vème Congrès de l'IC en Juin-Juillet 1924,
"l'Inte.lt-
nat~onale. Commun~~te. ava~t Itéclamé un Ite.plté~e.ntant de. la Ita-
ce. no~lte., le. Paltt~ 6ltança~~, lui, voula~t d'un ~~mple. 6~gu-
Itant ... ".Décidé à ne pas s'en laisser compter, Gothon Lunion
s'est três rapidement heurté â la délégation française.
De retour de Moscou, on lui refuse l'autorisation de faire
des conférences sur ce qu'il a vu en Russie, et le Parti
garde par devers lui deux drapeaux rouges que l'rC avait
remis aux peuples coloniaux de l'empire français.
Auteur de nombreux articles sur la Guadeloupe, Gothon Lunion
attend en vain que ceux-ci paraissent dans L'Humanité. Il
n'est d'ailleurs pas le seul dans ce cas puisqu'en Janvier
1925, Saint Jacques avait révélé dans une réunion de l'UrC
qu'il avait remis trois ans auparavant un dossier sur l'O~-
fice du Niger à l'Humanité et que ce dernier dormait toujours
dans les cartons du journal du PCF. (1)
(1) ANSOM SLOTFOM rr Caltton 4. Note. de. l'age.nt Vé~~lté. 1 Jan-
vie.1t 192.5.

350
Parlant de l'UIe, Gothon Lunion affirme qu'elle est" paJtaly-
~ée pail. le PaJtti dan~ le out de la di~eJtéditeJt aux yeux de
l'TC ".
Passant à la politique coloniale du Parti, i l poursuit:
" SuJt le~ a66iehe~,
dan~ la pJte~~e, le PaJtti a une po-
litique eoloniale, mai~ dan~ la pJtatique : Néant
Aux éleetion~ le PaJtti po~e le~ eandidatuJte~ de~ eo-
loniaux dan~ le~ eentJte~ le~ plu~ JtéaetionnaiJte~ ou
à la queue de~ li~te~. Toute~ ee~ manoeuvJte~ eJtèvent
le4 yeux même de~ 9 en~ aveugle~ ". Evoquant le refus
de certains coloniaux d'accepter de se présenter aux élections
sur les listes du Parti, i l commente : " Il4 ont JtaiJ.Jon de
ne pa~ ~e 6aiJte pa~~eJt, eomme la gJtande pJte~~e le dit, pouJt
le~ pantin~ du PaJtti ". Pour ~thon
Lunion
les choses sont
claires:
Il
Chaque ~oi~, di~alt-il, que ~ou~, NoiJtJ.J, Jten-
eontJteJton~ eet état d'e~pJtit nê6a~te à la eau~e du
bolehévi~me univeJt~el, il e~t de notJte devoiJt de le
dénoneeJt. Tl eJ.Jt dé~oJtmai~ temp~ que ee~ eamaJtade~
ne peJt~lvèJtent plu~ dan~ eette dé~o6ligeante attitude.
Tl e~t temp~ qu'il4 Jtompent non du oout de~ lèvJte4
mai~ du 60nd du eoeuJt avee le~ tJtadition~ de leuJt bouJt-
geoiJ.Jie JtépJteJ.J~ive. C'e~t à diJte qu'il~ ee~~ent de eon-
~idéJteJt le~ eoloniaux, ~uJttout le~ nègJte~, eomme de~
maehine~ vivante~ qu'il~ pouJtJtont inee~~amment JtégleJt
à volonté. Le~ eoloniaux le eompJtennent. Tl~ ne maJt-
ehent plu~. Et tant que le~ 'mauvai~ eommuni~te~' de
FJtanee et d'ailleuJt~ ~e eontenteJtont de eJtieJt théoJti-

351
qu~m~n~ ~u~ ~ou~ l~~ ~ol~~ la qu~~~ion colonial~ ~an~
la p~a~iqu~~ aux colonl~s, l~~ coloniaux au~on~ ~ai­
~on d~ ~e6~~~ indi66l~~n~~ a l~u~ chan~age."
Reconsidérer les rapports avec les colonisés donc, mais éga-
lement reconsidérer le lieu de mise en oeuvre de la politi-
que coloniale.Mettant en cause une certaine vision européo-
centriste, i l affirme
n I l 6~ pou~~ai~ qu~ c~~~ain8 cama~ad~6 du Pa~~i,
p~u~ ê.~~~ 6incè~~6,
v~uill~n~ ~lpl~~~ l~ g~~~~ d~
1189. C'~6~ a di~~ qu'il~ voud~alen~ 6ai~~ la ~êvolu­
~io n ~n Eu~o p~ 6 ~ul~m~n~, pui~ dlilg u~~ d~6 co mmuni~­
~~~ pou~ appo~~~~ un~ nouv~ll~ amllio~a~ion au 60~~
d~~ coloniaux. C~6 ~emp8 6on~ Dl~n loin, ~~ l~6 co-
loniaux ac~u~ll~m~n~ ~êclamen~ l'lgali~l 6ouv~~ain~.
Pa~ d~ d~mi~6 m~6u~~6 ". Ca~ pou~6ul~-il
n L~ Pa~~i 6~ l~u~~~ ~'il c~oi~ qu~ C'~6~ ~n F~anc~
qu'il a~~iv~~a a 6ai~~ comp~~nd~e aux indigèn~6 a~~a­
chl~ d~~ p~o6ond~u~~ d~ la O~OU6~~ pou~ la dl6~n6~ du
Capi~al,
d~ qu~l c6~ê ~on~ leu~~ in~l~ê.~~
( ..... ).
Tou~ 6'~nchaZn~ pou~ a66i~m~~, pou~ p~ouv~~ qu~ l'ac-
~ion ~66ieae~ n~ p~u~ ê.~~~ ~n~~~p~i6~ qu'aux eoloni~6.n
Accusant n l~ Pa~~i eommuni~~~ 6~anç.ai6 d'avoi~ plta~iqu~m~n~
eon~idéltê la qU~6~ion eolonial~ eomm~ un~ qU~6~ion ~~eondai­
It~ n il en tire la conclusion suivante : " L~~ eoloniaux
doiv~n~ avoilt l~u~~ o~gani6m~6 eommuni~~~6 1t~6p~e~i6~ ~an6
quoi e'e.~~ la 6ailli~~ 1"


352
Ce rapport est-il jamais parvenu au Comité Exécutif de l'IC ?
Dans l'état actuel de nos connaissances, rien ne nous permet
de trancher dans un sens ou dans un autre. Ceci dit, si ce
texte avait été publié sous la forme d'une tt lettre à Pierre
Sémard tI, la n lettre à Maurice Thorez ft d'Aimé Césaire(l)
ferait aujourd'hui figure d'une pale imitation. En effet, la
lecture du texte de Joseph Gothon Lunion fait immanquablement
penser à celui que l'écrivain martiniquais rendra public
trente ans plus tard, et dans lequel i l disait notamment
» Pou~ ma pa~t,
je ~~oi~ que le~ peuple~ noi~~ ~ont
~igueu~, ni imagination; mai4 que ~e~ 6o~~e4 ne peu-
vent que 4'étiole~ dan4 de4 o~gani4ation~ qui ne leu~
~ont pa~ p~op~e4; 6aite4 pou~ eux; 6aite~ pa~ eux et
adaptée4 a de~ 6in4 qu'eux 4eul4 peuvent déte~mine~.
Ce n'e4t pa~ volonté de ~e ~att~e ~eul et dédain de tou-
te allian~e. C'e~t volonté de ne pa4 ~on6ond~e allian-
~e et 4abo~dination. Solida~ité et Vémi4~ion. O~ ~'e~t
la t~è4 exa~tement de quoi nous mena~ent quelque~ un~
de~ dé6aut~ t~è~ appa~ent~ que nou4 ~on~taton~ ~hez
le~ memb~e4 du Pa~ti Communi4te F~ançai~ : leu~ a~~i­
mi.lationni~me. invétê.~é; leu~ ~Flauvini4me in~on.6 ~ient; (2 J
leu~4 ~onvi~tion~ pa44aolement p~imai~e4 - qu'il~ pa~­
tagent ave~ le~ bou~geoi4 eu~opéen.6 - de la 4upé~io~i­
té omnilaté~ale de l'O~cident; leu~ ~~oyan~e que l'évo-
(11 Aimé Cé4ai.~e.· Le't:tJfe' a' 'M'"a'uJti'~'e: TfJ;o7(ez. Pa~i4, P~é~en~e A6~i­
~aine,1956116p.
(2) J04eph Gothon Lunion pa~la~t lui du » nationali&me ~ou~­
no,{,~ du Pa~ti »

353
lut~on t~lle qu'elle ~'e~t opé~êe ~n Eu~ope e~t la
~eule po~~iôle; la ~eule dé~i~aole; qu'elle e~t eelle
pa~ laquelle le monde entie~ dev~a pa~~e~ pou~ tout
di~e, leu~ e~oyanee ~a~ement avouée, mai~ ~éelle a la
eivili~ation avee un g~and c; au p~og~è~ avee un g~and
P.
l ... l rnventon~ le mot : e'e~t du '6~ate~nali~me'.
Ca~ il ~'agit bel et bien d'un 6~è~e, d'un g~and 6~è­
~e, imbu de ~a ~upê~~o~ité et ~û~ de ~on expé~ienee,
qui vou~ p~end pa~ ta main ( d'une main hêla~ ! pa~­
601~ ~ude J pou~ vou~ eondui~e ~u~ la ~oute où il ~ait
~e t~ouve~ la Rai~on et le P~og~è~. O~ e'e~t t~è~ exae-
tement ee dont nou~ ne voulon~ pa~. Ce dont nou~ ne
voulon~ plu~.
1•••• J
En b~e6, nou~ eon~ldê~on~
dê~o~mal~ eomme not~e devol~
de eonjugue~ no~ e66o~t~ et eeux de tou~ le~ homme~
ép~l~ de ju~tlee et de vé~itê pou~ ôatl~ de~ o~ganl­
~atlon~ ~u~eeptible~ d'aide~ de maniè~e p~obe et e66i-
eaee le~ peuple~ noi~~ dan~ leu~ lutte d'aujou~d'hui
et de demain : lutte pou~ la ju~tiee; lutte pou~ la
eultu~e; lutte pou~ la dignité et la libe~té n. (lJ
En des termes voisins, voire identiques sur le fond, mais
avec le talent littéraire en sus, Césaire avait dévoilé à la
face du monde ce que d'autres avaient crié dans le désert
plus de trente ans auparavant. Par manque de conscience his-
torique, par faute de moyens matériels ou par erreur d'appré-
(1)
Almé Cé~ ai~e. le:t':t~eit Mdu~l'ee Tholr.ez . op. elt. PP. 10 -14.

354
ciation politique,
les pionniers de l'anti-colonialisme ra-
dical n'ont pas transmis aux générations montantes le bilan
de leur coopération avec le PCF, faisant ainsi perdre aux
marxistes africains et antillais un temps précieux qu'ils
auraient pu mieux employer à d'autres tâches. (1)
Ceci dit, le 27 Octobre 1925, le bureau fédéral de
la région parisienne du PCF se réunit pour examiner le cas
de Lamine Senghor. Sa démission est refusée, mais le bureau
fédéral décide que l'affaire doit être portée devant le Comi-
té Directeur du Parti qui tranchera après avoir déterminé
la part de responsabilité des dirigeants de la Commission
Coloniale. (2)
Finalement, sur l'insistance de certains de
ses camarades de Parti et aussi par esprit militant, Lamine
Senghor reprit sa démission (3) , avant que l'affaire ne soit
officiellement réglée.
Cependant le mal était fait, et jamais plus les relations de
Senghor avec le PCF ne seront ce qu'elles avaient été.
Début Novembre, la Commission Coloniale Centrale lui propose
d'organiser un meeting pour toucher les nègres, mais i l re-
fuse cette proposition qu'il juge vouée à l'échec. Par contre
quelques jours plus tard, devant une poignée de ses compatrio-
(1)
Il 6aud~a a~~end~e la ~~éa~ion du Pa~~i A6~i~ain de l'Tndé-
pendan~e, en 1951, pou~ voi~ pou~ ta p~emi!~e 60i4 un pa~~i 4e
.
.
~é~lame~ ouve~~emen~ du ma~x~~me en A6~~que 6~an~opaone.
(2) ANSOM SLOTFOM rr Ca~~on 4. No~e de l'agen~ Vé~i~é 21 O~~ 1925.
(3) ANSOM SLOTFOM
r Ca~~on 12. Le~~~e du M~n~~~~e de~ Colonie4
au Mini~~~e de l'In~é~~eu~. G Novemô~e 19Z5.

355
te~, i l expose son projet de mettre sur pied une Société des
Noirs des Colonies Françaises. (1) Constatant que pa~.i tous
les colonisés, les nègres sont les seuls à ne pas posséder
un cadre propre dans lequel ils peuvent se réunir périodique-
ment, i l lance l'idée de fonder une organisation de ce type,
laquelle pourrait également faire office de société d'entr'
aide mutuelle et de bureau de placement. En quelque sorte,
i l s'agissait de réactiver sous un autre nom la Fraternité
Africaine que Senghor, Ly et Mbaye-Sa1zmann avaient créé en
Juillet 1924. (2)
Sans doute échaudés par ce premier échec, les promoteurs du
nouveau projet décident de sonder d'abord leurs camarades de
manière à voir si l'affaire est viable ou pas. Apparemment la
réponse fut négative puisque le projet resta sans suite.
Volontairement en marge des activités du PCF et de l'UIC,
Lamine Senghor ne fait guère parler de lui en cette fin d'an-
née 1925. C'est tout juste si le CAI signale sa présence à
la soirée organisée par l'Association des Cuisiniers Indo-
chinois le 31 Décembre 1925. A cette occasion, i l doit de
nouveau penser à la nécessité de créer une organisation nè-
gre, mais pour l'heure, de multiples problèmes personnels l'em-
pêchent de réaliser cette idée. Sans travail, Lamine doit à
(1) ANSOM SLOTFOM rr Ca~~on 4. No~e4 de l'agen~ Vl4i~l du Il
Novemb~e 1925. A ~e~~e ~lunion, ou~~e Sengho~, pa~~i~ipaien~
Andou Viallo,
ro~ahima Ly, ro~ahima Viop, Pie~~e Moaye-Salzmann
e~ Moma~ Fall.
(2) Van4 la ~~éa~ion de la F~a~e~nitl A6~i~aine, Ma44e Ndiaye e~
Ib~ahima Sow, ~ou4 deux memô~e4 de l'urC, on~ joul un~6le ~apital
e~ il 4e peu~ que pa~ ~e oiai4 il4 aien~ ten~l de gagne~ le4
4lnlgllai4 a l'o~gani4a~ion an~i-~oloniali4~e.

356
à la fois s'occuper de sa fille malade et de sa femme encein-
te(1), et de ce fait i l dispara!t de la scène anti-colonialis-
te pendant tout le mois de Janvier.
Le 1er Février 1926, i l assiste à la réunion du bureau de
l'UIC. Aux cOtés de Gothon Lunion, BIoncourt, Hadjali, Nguyen
The Truyen et Vo Than Long i l fait le bilan de l'activité du
bureau de l'UIC pendant les derniers mois de l'année 1925.
Les uns et les autres constatent que la propagande a été
négligée et que Le paria sort très irrégulièrement des pres-
ses de l'imprimerie. Mis en cause, BIoncourt ne peut que re-
conna!tre que l'UIC n'a rien organisé depuis Septembre 1925.
De la discussion qui s'en suit, i l ressort qu'il est néces-
saire de réorganiser l'UIC et le principe de créer une sec-
tion par colonie est retenu (2) • Quelques jours plus tard lors
d'une nouvelle réunion du bureau, les responsables des com-
missions sont ainsi désignés
: Afrique du Nord : Hadjali et
Savouni
Indochine : VO Than Long et Nguyen The Truyeni Antil-
les
: Bloncourti AOF : Senghor.
De manière à rendre au Paria sa vocation intercoloniale, on
demande à chaque responsable de commission de fournir régu-
lièrement des articles. Enfin, i l est décidé que les membres
de l'UIC auront désormais une carte et qu'ils devront s'acqui-
ter de leurs cotisations auprès de leurs délégués respectifs. (3)
--------------------
( 1 ) ANSOM SLOTFOM II Caltton 4. Note. de. l'age.nt Vé~ilté 8 Janv 1926.
( 2 ) ANSOM SLOTFOM rr CalttoY/. 4 • Note. de. l'age.nt Vé.!.Jilté 4 Févltie.1t 1926.
( 3 ) ANSOM SLOTFOM II CalttoY/. 4 • Note. de. l'age.nt Vé!.J ilté 11 Févltielt 1926 ..

357
Le 8 Février 1926, quand les représentants des diverses com-
missions se rencontrent au siège de l'UIC pour remettre leurs
articles au Paria, Lamine Senghor man~feste son intention
de créer un journal destiné aux nègres des colonies fran-
çaises. (1)
Ce n'est pas la première fois qu'il exprime cette
idée. Un an au~aravant, lors d'une réunion de la Commission
Coloniale Centrale, i l s'était prononcé en faveur de l'achat
du journal Les Continents que Jean Fangeat désirait céder
au PCF pour la somme de 16 000 francs. En fin de compte, la
proposition avait été rejetée, les membres de la Commission
Coloniale Centrale ayant estimé qu'il était plus judicieux
d'investir la somme en question pour la bonne marche du jour-
nal de l 'UIC (2) .
Lorsque Senghor demande à ce que l'UIC prenne ce journal
sous son patronage ,Bloncourt "et Saint Jacques refusent ca-
tégoriquernent arguant du fait qu'à l'Union InterColoniale i l
n'y a ni blancs, ni jaunes, ni noirs mais uniquement des co-
loniaux. Le représentant de l'AOF prit bonne note de ce refus
mais i l affirma qu'il n'en soumettrait pas moins le projet
aux membres de sa section.
La résolution de Lamine Senghor
indiquait clairement une chose : le processus de création
d'une organisation anti-colonialiste nègre était enclenché
de manière irreversible.
(1) ANSOM SLOTFOM rr Ca~ton 4. Note de l'agent Vê~i~ê 12
Fêv~ie~ 1926.
(2) ANSOM SLTFOM rr Ca~ton 4. Note de l'agent Vê~i~ê 3 Ma~~ 7926.

358
CONCLUSION.
La période qui s'étend de la fin de la première
guerre mondiale aux années 1924-1925 a constitué un moment pri-
vilégié au cours duquel on a assisté à la fois au déclin du
courant assim1lationniste et à l'émergence d'un courant in-
dépendantiste fortement influencé par le marxisme.
Certes
la revendication assimilationniste ne disparaîtra pas dès
cette époque, mais sa mort sera en sursis. Lutte d'avant-
garde avant la première guerre mondiale, elle était devenue
un combat d'arrière-garde avec l'affirmation du droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes.
Opposés à la fois à l'idée d'indépendance et à la politique
immobiliste du ministère des Colonies, les assimilationnis-
tes seront pris entre deux feux. Malgré une attitude des plus
modérées, ils seront victimes de l'acharnement de l'adrninis-
tration coloniale et discrédités aux yeux de leurs frères
colonisés tant leur tactique se révélera inefficace. Animé
en majorité par la petite bourgeoisie intellectuelle enfan-
tée par le syst~me colonial, ce mouvement sera vite récupéré
par un assouplissement des conditions d'octroi de la citoyen-
neté française tant désirée.
"Trahi" par le Cartel des Gauches, ce courant sera peu à peu
réduit au silence alors qu'il bénéficiait au départ de tous
les atouts pour s'imposer: soutenu officiellement ou officieu-
sement par la Ligue des Droits de l'Homme, la Franc-Maçonne-
rie, la SFIO et les" colons éclairés n, i l disposait tout
à la fois d'un soutien politique et logistique
t cf L'Action

359
Coloniale ) .
,\\
"
Mais Hunkanrin déporté en Mauritanie, Honorien mort plutôt
que rouge, la LFAIMDC démobilisée par l'octroi de quelques
citoyennetés, Le Libéré étouffé par les problèmes financiers,
l'Association Panafricaine noyautée puis vidée de sa subs-
tance par Gratien Candace et Blaise Diagne puis les Continents
muselé par ce même Diagne, le mouvement avait vu peu à peu
ses ténors et ses armes dispara!tre.
C~~p~~da~t l'échec de
ce courant ne se résume pas à cette suite de 11 malheurs "
i l réside surtout dans l'étroitesse de sa base sociale, limi-
tée aux" évolués n, à 11 l'élite ft des colonies. dont l'as'
p~ration majeure était d'être l'égal dti Blanc.
Peut être motivant pour l'instituteur ou le fonctionnaire
",indigène" de l'administration coloniale, cet objectif re-
présentait peu de chose pour ne pas dire rien du tout pour
la masse des colonisés, opprimés, exploités et maintenus dans
l'ignorance. Plus fondamentalement, à l'heure où partout ré-
sonnait le principe du droit des peuples à disposer d'eux-
mêmes, cette revendication apparaissait comme n'étant plus
à l'ordre du jour. Comme le disait le Vietnamien Duong Van
Giao en Janvier 1927 :
» le peuple annamite ne c~oit plu~
en la 'lib~e coopé~ation' dont on lui pa~le depui~ plu~ de
~oixante dix an~. Ce que veut le peuple annamite, ce n'e~t
point la 'lib~e coopé~ation 6~anco-lndig~ne', mai~ bien l'in-
dépendance intég~ale et immédiate de ~on pa~4 ". (1)
(1) Le Pe'uple ( jou~nal be.lge ). 12 Fév~i.e~ 192.'1 cité Ln V.
Heme~~ op cit pp. 1'1-18.

360
Minoritaire au début des années vingt, l'idée d'indépendance
des colonies allait être popularisée par le mouvement commu-
niste international. En France, la tâche en revenait au jeu-
ne Parti Communiste. Dépourvu d'une véritable tradition anti-
colonialiste ancrée dans l'histoire du mouvement ouvrier
français, le PCF aura bien du mal à mettre en accord son
discours et sa pratique anti-colonialiste.
Submergée par l'idéologie dominante de la mission Il civilisa-
trice ", par l'idée bien enracinée de la supériorité de l'Oc-
cident sur les" pays d'Orient ", persuadée que la clé des
problèmes du monde se trouvait dans le succès de la révolution
prolétarienne en Europe, en résumé engluée dans la vision
européo-'~entriste du monde, la majorité des communistes fran-
çais fit de la question coloniale une question mineure alors
que leur pays était la deuxième puissance coloniale du globe
et leur Parti le plus puissant de ceux existant dans les mé-
tropoles impérialistes. Mis en place grâce à l'action dyna-
mique, héroïque, mais isolée d'hommes comme C.A. Julien ou
Paul Vaillant Couturier, le Comité d'Etudes Coloniales puis
la Commission Coloniale tenteront tant bien que mal, mais en
vain, de faire comprendre à la masse du Parti l'importance
de la question coloniale. A ce sujet, le simple examen de
l'ordre du jour des congrès du Parti en dit plus long que
de nombreux discours. Au cours des neuf congrès que le PCF
tint dans l'entre-deux-guerres, la question coloniale fut
trois fois à l'ordre du jour. Et encore, seul en 1932, elle

constitua un point à part entière de l'ordre du jour
Vllème
Congrès du PCF ) car en 1924
(rrrème Congrès du PCP
et en
1926
( Vème Congrès du PCP ) elle n'avait constitué qu'un
sous-point de l'ordre du jour. La lecture de l'Humanité est
tout aussi édifiante puisque les rubriques spécialisées sur
les colonies n'eurent qu'une existence éphèmere . et que les
colonisés avaient un mal fou à faire publier leurs articles
dans l'organe central du Parti.
Malgré tout cela, i l y eut un travail colonial effectué par
le PCF, même s ' i l résulta des pressions incessantes exercées
par l'Internationale Communiste à chacun de ses congrès, où
elle" invitait" le PCF à accorder plus d'attention, de for-
ces et de moyens à la question coloniale. Ainsi l'arrivée
en force des JC à la Commission Coloniale, avec Jacques Do-
riot et Henry Lozeray, allait donner un coup de fouet à l'ac-
tion coloniale du Parti. Ce changement est parfaitement illus-
tré par la campagne d'actions contre la guerre du Rif, qui
reste à jamais inscrite en lettres d'or sur le drapeau du
PCF. C'est également de cette époque que date l'expérience
de l'Ecole Coloniale Communiste qui servit, entre autre, à
donner une formation marxiste de base à Lamine Senghor, et
qui aurait pu former d'autres cadres communistes si elle
avait continué.
La création, à l'initiative des colonisés, de l'Union Inter-
Coloniale contribuera à combler les lacunes du travail colo-
nial du PCF. Grace au dynamisme d'un Nguyen Ai Quoc, l'UIC
et le Paria franchiront les frontières de l'hexagone pour

toucher les colonies et ce malgré la surveillance et la ré-
pression policière. Dénon~ant les scandales en tous genres,
réclamant la libération des prisonniers politiques, reven-
diquant l'instauration des libertés démocratiques, faisant
connaître au monde la lutte des communistes chinois comme
celle d'Abd El Krim, l'UIC et le Paria feront beaucoup pour
propager le thème de l'indépendance des colonies. Mais dans
l'organisation inËercoloniale, loin d'être sur un même pied
d'égalité, les diverses sections nationales verront leur in-
fluence fluctuer au gré de l'actualité mais aussi au gré de
leur importance numérique. Dirigée pratiquement sans interrup-
tion par des Antillais, pour des raisons plus juridiques que
politiques, l'UIC fut d'abord la ft chose ft des Indochinois
puis celle des Maghrébins.
Marginalisés, les Africains et les Antillais auront du mal à
s'affirmer et à faire entendre leur voix dans le Paria.
L'UIC n'en fut pas moins une formidable école dans laquelle
nombre de militants firent leurs armes.
Outre Nguyen Ai Quoc qui était déjà passé par le Parti So-
cialiste, signalons Abd El Kader Hadjali fondateur de l'Etoi-
le Nord-Africaine avec Messali Hadj, Lamine Senghor du Ccmlci
de Défense de la Race Nègre ~~ Stéphane Rosso, homme peu con-
nu mais qUI
~over~
un rOle central à la Ligue de Défense de
la Race Nègre, puis à l'Union des Travailleurs Nègres.
D'ailleurs ce n'est sans doute pas par hasard que le Viet Nam
Doc Lap Dang
(VNDLD ), l'Etoile Nord-Africaine
( ENA)
et
le Comité de Défense de la Race Nègre
( CDRN ) sont issus

363
des sections nationales de l'UrC. Ont-elles été " ~~éée~ en
~elat~on ave~ la Comm~~~~on Colon~ale du PCF " (1) comme l'in-
dique C. Liauzu ou bien ont-elles été fondées
" à. la demande
du Kom-e:.nte~n et au ~e~n de~ élèmertt.6 ~olon~aux du Pa~t-e:. Com-
mun-e:.~te ,,(2) comme l'affirme C.R. Ageron ?
Pour notre part, nous penchons plutôt pour la seconde affirma-
tion. En effet, dans le cas de la création du CORN, on a plu-
tOt assisté à un divorce à l'amiable, une sorte de rupture
feutrée entre Lamine Senghor et le PCF, suite à de nombreux
heurts. Car ce qui était en cause ce n'était pas tant le but
à atteindre que les moyens d'y parvenir.
En effet, sur ce plan, on a vu que dès le début des années
vi"gt des gens comme Masse Ndiaye étaient acquis non seulement
à l'indépendance des colonies mais également au marxisme. Ce
qui provoqua les affrbntementsentre le peF et les coloniaux,
et plus particulièrement les nègres, c'est que le PCF enten-
dait les utiliser dans sa stratégie et non se mettre à leur
service comme cela aurait dû
être le cas. Dans ce sens
l'utilisation de Lamine Senghor dans la campagne d'actions
contre la guerre du Maroc participe tout à fait à ce que
Césaire dénonçait dans sa lettre à Maurice Thorez à savoir
l'utilisation des peuples noirs au service du marxisme. Portant
encore les stigmates du colonialisme qu'il combattait
(1)
C. 'L~auzu op.~~t.. p.
131.
(2) C.R. Age~on.~ L'Eto~le No~d-A6~~~a~ne et le modèle ~ommun-e:.~te.
.
"
Elèment~ d'une enquête ~ompa~at.{:ve. C'afil:e~'.6·de Tun~~~e. T.29
111-118. 3ème et 4ème t~-e:.me.6t~e.6 1981 p. 199.

364
el
l'anti-colonialisme du PCF
) , mécontenta nombre de coloni-
sés. Aussi les heurts successifs avec Camille Saint Jacques,
Joseph Gothon Lunion et Lamine Senghor
( pour ce qui concer-
ne uniquement les nègres)
n'ont pu que favoriser la mise en
route du processus qui devait conduire à la naissance des or-
ganisations anti-colonialistes nègres radicales de l'entre-
deux-guerres. Car comme le disait Gothon Lunion
"le~
~oloniaux doivent avoih leuh~ ohgani~me~ ~ommuni~te~ he~pe~­
tiô~ ~inon ~Ie~t la ôaillité f Il
-------------------'--

TROISIEME PARTIE
L'AGE D'OR DES ORGANISATIONS ANTI-cnL0NIALISTES NEGRES
( 1926 - 1933 )

366
CHAPITRE VII
LE REVE lL TIrS ~'fGPES.
Au tournant des années 1925-1926, marginaux à l'UIC
et à la Commission Coloniale du P.C.F., privés d'organisations
et de journal depuis la disparition de la L.U.D.R.N. et des
Continents, les anti-colonialistes nègres de tous bords sont
sous-organisés et, par là-même,
largement absents des débats
qui les concernent pourtant au premier chef. Dans ce contexte,
la création du Comité de Défense de la Race NègreJe~ plus ta~à
le redémarrage d'une presse nègre vont répondre à une né~
cessité historique. Une des premières actions des initiateurs
de ce mouvement sera de réhabiliter l'usage du mot» nègre»
et au-delà de ~endre fierté, courage et confiance à des hom-
mes dont on niait depuis longtemps, pour ne pas dire toujours,
la simple qualité d'être humain.
Rassemblant des Africains comme des Antillais, des assimila-
tionnistes comme des partisans de l'indépendance, le C.D.R.N.
allait se développer à Paris, puis en province groupant en
quelques mois plus de nègres que ne l'avait jamais fait au-
paravant aucune organisation.
Fort de cette capacité mobilisatrice, le C.D.R.N. sera néanmoins
affaibli par sa grandè hétérogénéité,' assimilationnistes et
indépendantistes ne pouvant indéfiniment lutter sans heurts
dans le même cadre organisationnel.
La goutte d'eau qui fera déborder le vase sera la participa-
tion remarquée de Lamine Senghor au congrès constitutif de la
Ligue contre l'Oppression Coloniale et l'Impérialisme tenu à

Bruxelles en Février 1927 .. A peine, les clameurs du congrès
étaient-elles retombées que le chef de la tendance assimilation-
niste, Maurice Satineau, prenait l'initiative de rompre avec
les indépendantistes.
S'emparant de la direction du C.D.R.N., les assimilationnistes
croiront un temps l'avoir emporté mais la création de la Ligue
de Défense de la Race Nêgre et la rapidité avec laquelle elle
allait s'imposer sur la scène politique réduisirent leurs
espoirs à néant.

368
1. 1m~_t3~ǧê·ê!~ÉLg!§~Qg!Q!:!g: !è__ [Q~~~!Qt!_Q!:!
COMITE DE DEFENSE DE LA RACE NEGREa
----------------------------------
Lassé de l'inactivité de l'UIC, " refroidi" par
ses déconvenues avec le PCF, Lamine Senghor a pris la déci-
sion de fonder une organisation nègre autonome. Pour ce fai-
re, i l convoque une réunion constitutive le 7 Mars 1926 à
14h30 au 52 rue Saint-Lazare. Mais le jour dit à l'heure dite
i l n'y a guère qu'une vingtaine de personnes pour assister
à l'évènement. Déçu par la faiblesse de l'assistance, Senghor
décide de reporter l~ouverture de la séance à 17h30, croyant
que la salle se remplirait un tant soit peu • Malheureusement,
cette décision provoque l'effet contraire et une partie de
l'assistance quitte prématurement la salle •
.
Finalement lorsqu'il expose son projet, l'assemblée est des
plus clairsemées, mais qu'importe. Son but est simple
créer
une organisation qui rassemblerait tous les noirs des colo-
nies françaises et ce, en dehors de tout parti politique.
Utilisant une formule choc, i l déclare:
" NotJte pa.Jtti., c.'e.6t
la. Jta.c.e noi.Jte et nou.6 devoYl..6 et voulon.6 la. dé.6endJte ". Outre
cette organisation pour laquelle i l propose l'appellation de
Comité de Défense de la Race Nègre
( C.D.R.N.
), i l préconise
le lancement d'un journal dont le titre serait: La Voix des Nègres. (1
(1)
ANSOM SLOTFOM II Ca.Jtton 4 Note de l'a.gent Vé..6~Jté. 8 Ma.Jt.6 1926.

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Première anr 1 N° 1.
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A TOUS NOS FR:ÈRES !
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A TOUS, l.ES NEGRESDU MONDE
A TOUS LES HUMJ:.\\NITAIRES DU
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MONDE!
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A TOUS CEUX QUI S'!NTE&ZS5ENT
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Cerl.iD. journaux rranç'i. et ~tranl..tI onl
1•• r:(COi humain••• Pour :1, ~. Ul"- cett,
A LA RACE KÈGRE!"
dem.r...u *' plu.ieun reprt.•• c. c;u.'~tplt le
nobl. j œuvra, n'QI refu.sonll c.têcoriqi.:lJ1'ftf1tf
t
• Camltl de DrerOnH de 1. aaco .Noriire",
d. le.!,,!' 1.. ambition. ,d':.Jno nal!on eo.?t.Usg-,
Pour
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curlOllM,
notre
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~rjCl j'IUllcDlW;:oU1 CoU ;,GUa uriona Ml.!100lta i'll"
tair~ .erlil~n,! • eu d.ux foi. l':)CCUIOI'l G~ d6·
vlcliml', en ~:1 d' compte!
ro.er .ur le. bur . . ux :1e 1'.t.nco H.u., ~
le. i jll"""UI ni:arN. ~~lInju ni ~ln 411
Le Comite de Del.nae Je la Ra~e Nègre
Par,I,
une
.dJclarr.UlOII
CJ"i~j~ll.~ ~. Cp'",tJ
CClmht dt Dc:f(lnlO de II Raç. Nhf'l lN loi '.
Conaiduanl qll@ plirmi 101 Jéahériléa lftlla terr. d'Alrique
IIUJilel
IU261 C!I 'Jn ordre du Jour YOt15 plir no·
fumejvolon~ de lUI"". IJ "'oie quo leur Dai
Ire uacmbiée ién~rale du 31 oelobNl r;i26..
tracéei ICI
ml1i:ert
o,;;e
n~ruel con.~icilq. or
La !{a~e Nèltre 'lai lorme la ciaqaième parti. d. la papolalioa du
Paril, mil.
nOUI con.r.ronl IV~ relror QUI
de
tlJ;jQCI hUftlllnltalrel qlJi n'on' P""
;',;;".,;llrc.
Globe, .al la plua .humillh d. 10Ulea lea racu huma/aea ;
ces que,eurl de 1'10\\1\\'('1101 ont préféra I~.rder
devan~ le a.acrtncO da ICI ur vii), d. ~~W'; ÎJnu'"
Que lu ~.olalnel d. millloaa d'hommu <Jui la ~ompoleot aool un
!e silence plu!fll que dl ~ublicr CCl Je~ no·
ne tH: :lre. louyent. je i~ur l;bert~, ;.'·.Juq l~ n.
ICI
J
~r'f1qn rou~ er ~·~m.nclp.alioft ;do lé tu.
immen.e monde opprimé;
CC'pendlnr, '1uel~u.. journ.ux tl'U1Ç'::1 01'11
Il~sre,j III lIuronr done dire ~ClItJd.lr" l'~ UI.'·:
Que lou'u lei Datlonl Ilricalnn, aneantln au coora du alèclea,
\\ouiu, le ~~~, rw\\'emtlre dernier ne fend,H'"1I1lo
dei dUlres pour lIJiner 1.1 !unl çonr,. J.) rGCJ-
(Je :-IOfre ""emblel Itenéralol. ~ toul prl~ dClfl,'
me IP ..'-ci.l auq,,"e: leur race -:1' 'Q"mlM, "M
Jo/venl oe rel. ver el neileurlr alln de réo~~uper leur pl.~. Jaal lei
ncr df"
renUlsnenantl (à Jeur t.ço,U À.j lwra
loule,..i. perdr,,' d. vu. J'1UI 10UI 101 bl:.leI r:.,
~oDaeila de,loulln peuplu;
,
~eocteun IIl.H i;. Qu'il. cloyllent I!I" nCltte C,,·
fI"nr pu d. . ImptirillliiltOl l'Il :t1u.t ~•• ,;otor:u-
Conllde.. nl que
~·.zperlen~e demonlre: qoe l'émanolpallon d.1
~.M L'E .. .I!o rI, PIJ.TI. l'U! fiir plaa ~rtiçu.
...teur~ Il, rDro~t au ::o~lIrajfl ~oir Ji l'Urou"
Lerem'1"!! remarquer; ce Journll noui tiflllfil
~'efl ~lu'ill uvent C4m~len t:.ur IO!r "If li'
nèrrn acra l'œuvr. du nègru euz·mCmel, que la lumitre. 10. prorrèl
j'un . ."rrt
ae
pur natloulLama
frlnç~jl tin
avec Qclui dOl milllt" ;,c lnvailloc.n m:..nutl.
~I le colonlall.me 0001 incompallblea;
,
rubli.nl
~ l..n ~Irel 101'11 ~.. Françlli. el
et l~f~JllCtue~, <ln :lIlHon. eur~pC.~n~••
"'eulenl servir Ja Pr.ne •...•
Que le premier priD~lpe de la Jlmile humaIne eal qu'el1e~eal lalle
(?), Or, riO!! n'o.t
tu; Jaun...... ,J1I.lriol:' d. NIc. (.•:!=}J.." ....
aU1l1 'au. Que cine ""rmallon!
LOI ~èlr"
riti~OJ,I," lour 1Il~rr.bite ,~;!mj((\\!. ~:j J 0':0--,
pour loui Ica hommea;
nc .on, d'lI,u<:une n.tionalltllt 'liI'OP;~""~ 01 ~e
\\emGi,.iI
dartJj~r o::~ ;:0;-11.-::'" !Out le"Jr; :IC~__"'. ~,~
A l'honneur de voua Inlormer qu'II a prJI l'JnUlallv. de pubUer
veulenl 'IH\\llt lu IMlér611 d'aucun lmp~rllllll~
lur l;j n6c""'tj (j';::r.t:a :;:':1' l1!'e~;~·,.;,':':a .;.;.r/":.
nIe contre CCU:ll d'un .\\11"" Imper!allszr.q.
ICI nil.",ovi d"j""rnm~'J, e'-::It:~·~,i;ù
.:.:
.Jt1 ~.~
à PorI. L.\\ VOIX DES NÈGRES.
Au "1" du Comi"
QI Détel\\M de i.:t th~
i;()lon;,~ fr.n..;ajJt:', ;~11! Q ..::I r.,llt:.!! ~:.J ,..4
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:,'''Il~ iaiaonM Utl j'I'''~loi:UI "l'pel il I.. ul ..,. ~I à toua, Que rcr,onacr De
N~.Il:re, {l n'\\, 1\\ pu ae dl.tinction enrre lai
son~dt pu '1UO Je. ~,~\\rC'! J.1Ve..r:1 !~~ llr'·~n.~u,
",{Jil .. ch:"u ..._r 10 dou •• do l'InulJll16 .do • • • • Uort., fO:.r n,d n_ •• -Ur."
,i·..:r.:'1 souml. au loue de \\'lmp6rl,sli5mt) ~r;ln
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"ullét· du :,\\ligt'r. lei ("OUjlt'llrl d~.cllnnt~. a
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I=Clu,le 10Ut entier .an' domanci~r t'~'tI>;.1, ce
Iru·J\\.~lltr k':;~r ,.. ';i!1't .;,,1 ~;)l\\fr.::I;
,0.;'-';1 0\\ unI' ;,bonlinllblt' 1l10lntl'llvrt' di"'l'
ctUI.h'll e'urolJ~l'nn('1 .- l'lnlt'ilectuei -
~
cC'~l\\ier. Quello hYj:)!)CriJIOI QUIIII me,]IO:t:o!
04"; CaHlb~;::.!L;n .:,;:~~";'1;~r.t:i1t. ~vec: :.,j. '~,i;tJ",
"h1'1J.1II..-
pnut'
Illil'Ilx
re~er l'hea ('UX,
rnil
un t";()nlnle IJt· ('ouleur. e~ que. cdui
La vorirf! c.11 '!:.l~ ~ Vl"lttt, fUI CJtail .,.~t intlr..
l"IJMHo!'1a qui ;'.l":~~1: '~:rl~:j~ernenl :lO't;:1' lai.."
~ll....lua de 101 divl~ion vrin"",l1yc ùe clllte,
lItU n· .. Jll,). arriver a
c~ dL'rlri~. lIIniA qui
ditl'. ''''tttifi ql.:~ 14 v."ltI 6" t'o' el' ,',,,,.,.,~~, \\ ::'ér~ rion ée!! ~~~':J', J l~~rim~1 ct ;:0..). '" ..d',/)'"
'1 .>;.... ,i.4JbUI ~t Je religions, q"il'lI~ exploitent
I·:'I.~·C«" le 11H\\l1Il' mètit'f qu'url I.>lonl' eot (lU!
CClt COi,tre toutll en IniGult~1 quo noUl
1l.:(k":1 :nl:lnGL.jl~,
"
.
::'n ll'ur 1y.,~ur nu lIt'in 11(' nous-llll'meoi. les
!\\,.r{~jltt' ('llmall' h-, bl;mn :1 h;ur vie eot a
l'lOU' .:lommel sroupt;l. una dl*t1nC:llo:"~ de ~,,~,
':'~,~n el ? ;\\lr :l)'~' ; L!.'Ult .Ml6 mO:-f(~ ::-~~1" ,.T
,,,lpàinlisll'!I x\\'llIplokll!
Iii 'VÏ!~er .l'unik
lrçr:l mwUr1 et U!IlAel --- l'ouvrlt'r -
le·
ti{)nâlil~ ethnique l'Il ci, nltlona;i1é ',e f!OI rtUt.
~ :..olonigll,_-:~~ cailî:-e t'lUJ ';.J. L:?::lI;;"'~'
'.,i,·'me dl' loi riU'l' ;Hlur ItOU:I ma'ntrnn 1·1t'r·
rait un ~ noir • ,'tout court.
t.'.... pou, ,ombonre 1. h.in. J. ,,,,,o.lè',,,.n. \\ du ·,londe.;;) -ltiel~~' coul~u, :..I!.r..-l.).
'
, ~ .'H'lkTl1cnt d'lIns "'l'lai
Il't'~lilllVftg~ auquel .: ~on, lIwui('un lei dÎ"'illC'Ufi pour reo"
'''cr ce que nOUI lommn ca~I:'lol d.113jr~ ,t
!..., :1rtHCHQ!I~.·
l,.
,WU:I surntlH.'S contrainh 'par Il.! tocee de " ,ilnl~~'r'mott',••-oou. dr vou. ,np..·e-h. " tMu> ,lei
.• que nOI..l' J.CImmo. "::inll g'ctra.'i e~ ~c\\dM. l
"Prh:':~''-:;& C,~",ité ,"t :;d!r'l~
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r('!lIter- JCpU'1 plulIOielJJ"!I ill'(" ta,
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WU!ln·\\~'~ <lhO;~~~nde'i~~ tC~:~m~~ l~;:~:e C'f' notre r.C~, Oui. m{':lill~uP,· vou...1V~' ,'"" ..... :' ....
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:~'. :li.r.~~~,~\\~~_-tJ.i~_~:;'! ."'!;ul:! ,'}. !;/r: ' ,':E"~:.' _"I1::a.:,: 'e ~'~~ a
"ùt !':t~trt', DfJnc, nCU!6 nl~ pouvonl pren·
d'ordre
.:'i!l\\i.1n'1Ii~e ~O'l,t., IOUI ,""In Ur- ,
" . 1 ',:J ''1 1".
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:l t1 .. "'O"~~ ',';l [.'l.i·
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Hour ûl'sl:l:ner tOUIl lei l,(_ ,:rf"~ du monde.
:--; maJu!l.,;uie en ~!~te. C'~lt r..:J: '8 l'Kt" n).~ ï bl(T _,2 :;('1 ;~j;~.i..i:ls ,.~:lt ;lO\\.l!"
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\\)e'('1 ttù i notre ,'aC"t", ainli q"le son ecltité ~ ~our ce ;ü:dre :..~:ml.té,et J lu,",_o~.~e ue-' /.1 (':'i.'I:~".;,·.h;, ,-1 n(_ttl6 :,:rv ,~:a. :."'ll'
t'1 :':"':11' n'ont de 1I~,,~rc qUi' Je' trnih t"t ln
;1\\'f't'
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1·h-c~·t!11Irl'. ;o.;OU\\ rC'(u"ons ,dcn<: d'atll11ettre qui t'~l ';on rtroit l'I no.trz til-voir, fi ~lOU'\\ : nous ~" \\~l{i"Gn~ i.Ollr~~"l. :·'S d~;·.;..!s!,.'J ~t . ri:ln cd,-,l,;:,.,"
,'~tr l,,'t','r:,.li,
qlll', M'tlls. ('l'UX '-tui ,.'iv('~1 ::lUX Hnl fonds
IlOU!) .IP;)t'!OIl\\ :"I~;;re'!
I~ le lri(JI.·;p~lt' «'it Ct'r~.:tn,
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LF\\ COMITP.':·
LE ql·:ll::,\\'!.! ~ltl':~t'-:lt',
/

310
Pour l'ancien dirigeant de l'UIC, cette nouvelle aventure
doit marquer 11 le réveil des Nègres 11 comme il l'écrit dans
l'ultime numéro du p~~ia. (1)
Comité de Défense de la Race Nègre,' La' VOix' des' Nèqres, le
réveil des Nègres, comme on peut le constater, Lamine Senghor
met beaucoup l'accent sur la question de la race et le mot
nègre revient tel un leitmotiv dans ses propos. Mais pour-
quoi utiliser un terme aussi lourd de sens ? Pourquoi emplo-
yer un mot aussi controversé ? Pourquoi tant insister sur
la notion de race ?
Conscient
du problème soulevé par l'utilisation du mot nè-
gre, Lamine s'en expliquera une première fois dans le Paria
en Avril 1926 puis une seconde fois dans le premier numéro
de la Voix des Nègres en Janvier 1927. Ecoutons le :
" Le mot nlg~e. C'e~t le g~04 mot du jou~, c'e4t le
mot que ce~tain4 de n04 6~l~e4 de ~ace ne veulent plU4
êt~e appelé4 ain4i. Le4 dominateu~4 de4 peuple4 de ~ace
nlg~e, ceux qui 4e 40nt pa~xagé4 l'A6~ique 40U4 p~étex­
te de civili4e~ le4 nlg~e4, 4'emplo~ent a une aoomina-
ble manoeuv~e divi4ion~te pou~ mieux ~égne~ chez
eux. En plu~ de la d~vi4ion de ca4te, de t~ibu et de
~eligion qu'il4 exploitent en leu~ 6aveu~ au 4ein de
nou4 même4, le4 impé~iali4~e4 4 'emploient a b~i4e~
l'unité même de la ~ace pou~ nou4 mainteni~ éte~nelle­
ment dan4 l'e4clavage auquel nOU4 40mme~ cQnt~aint4 pa~
(1 )
LePa.Ala N° 38. Av~il 1926.

371
la 6o~ce depui~ de~ ~iécles. (, •• ) ~ Que veu~ di~e
'homme de couleu~' ? Nous a66i~mon~ que ce nom dé-
~igne ~ou~ le~ homme~ de la ~e~~e : il n'if a pa~ un
~eul homme de ce monde qui ne ~oi~ pa~ d'une couleu~
ou d'une au~~e. Vonc nou~ ne pouvou~ p~end~e pou~
nou~ ~eul~, ce qui appa~~ien~ a ~ou~. E~ 'noi~' ?
Pou~ le mo~ noi~ nou~ ne c~oifon~ pa~ qu'il pui~~e
~e~vi~ pou~ dé~igne~ ~ou~ le~ nèg~e~ du monde. E~an~
donné que ~ou~ le~ nèg~e~ d'A6~ique, ~econnal~~on~ avec
nou~, qu'il exi~~e, dan~ dive~~ poin~~ du con~inen~,
de~ nèg~e~ au~~i blancs que ce~~ain~ blanc~ d'Eu~ope
e~ qui n'on~ de nèg~e que le~ ~~ai~~ e~ la chevelu~e.
Nou~ ~e6u~on~ donc d'adme~~~e que, ~eul~, ceux qui
viven~ aux 6in~ 6ond~ des b~ous~e~ ~énégalai~e~, ceux
que l'on exploi~e dan~ la cul~u~e co~onniè~e de la
vallée du Nige~, les coupeu~s de canne a ~uc~e dan~
le~ champ~ de la Ma~~inique e~ de la Guadeloupe ~oien~
des nèg~e~. Tandi~ que nos 6~è~e~ ~i~ulai~e~ d'un
b~eV2-t de~ école~ de~ hau~e~ é~ude~ eu~opéenne~ - l' in-
~ellec~uel - ~e~ai~ un homme de couleu~, e~ celui qui
n'a pu a~~ive~ à. ce deg~é, maA..".6 qui. exe~ce le même
mé~ie~ qu 1 un ôlanc e~ qui ~. 1 adap~e comme le~ blanc~
à. leu~ vie e~ à. leu~~ moeu~~
e~ u~age~ - l'ouv~ie~ -
~e~ai~ un 'noi~' ~ou~ cou~~ ". (1)

372
En réfutant cette racia1isation des rapports sociaux, Lamine
Senghor veut rompre avec la vision dù nègre que la société
française a héritée de l'époque ~sclavagiste(l). Désirant
unir les nègres pour leur émancipation, i l veut en finir
une bonne fois pour toutes avec ces divisions artificielles
qui ne font qu'affaiblir les opprimés face à leur oppresseur.<2)
De plus, i l désire que l'on cesse de souiller le terme
nègre.
n Le~ jeune~~e~ du CORN ~e aont 6ait un devoi~ de ~a-
ma~~e~ ce nOm dan~ la boue où vou~ le t~aZniez pou~
en 6ai~e un ~ifmbole. Ce nom e~t celui de not~e ~ace.
( ... ). Ce nom e~t a nou~; nou~ ~omme~ a lui! Il e~t
nôt~e comme nou~ ~omme~ ~iena ! En lui nou~ metton~
tout not~e honneu~ et toute not~e 60i de dé6end~e
not~e ~ace. Oui me~~ieu~a, vou~ avez voulu vou~ ~e~-
vi~ de ce nom comme mot d'o~d~e~ci~~ionni~te.
Nou~, nou~ nou~ en ~e~vona comme mot d'o~d~e de ~al-
liement : un 6lamoeau ! Nou~ nou~ 6ai~on~ honneu~
et gloi~e de nou~ appele~ Nèg~e~, avec un N maju~cu­
le en tê.te." (J)
A ceux qui sont réticents à utiliser ce terme, voire qui
s'y opposent farouchement i l répond sans ménagement:
------------------------
(1) Su~ la ~aciali~ation de~ ~appo~t~ ~ociaux voi~ notamment:
\\\\
Jean Luc Jama~d. Ré6lexion~ ~u~ la ~aciali~ation de~ ~appo~t~
~ociaux en Ma~tinique : de l'e~clavaae Oi-~4cial a l'anth~o­
ponomie de~ ~ace~:' A~'c'h'i..p'eLa..go N° 3-4 Juin 1983 pp. 41-49 .
..
E. Gli~~ant, M. Gi~aud, G. Gaudi~ Le~ con6lit~ ~aciaux con~i-
dé~é.~ comme ~uD~titut a la lutte dea cla~se~ aux Antille~ ~'
Acoma N° 1 Av~il 1911 pp. 44-51.
(2). voi~ en annexe le texte de L. Hanna Cha~ley Appel aux Nèg~e~
du Monde.
(3)
La Voix de~ Nèp~e~, n) 1 Janvie~ 1921

373
" Que c.eux qui. le .6 ont et n.e veulent pa.6 ê:tJr.e appelé.6
nègJr.e.6, 6oJr.ment une c.i.'nqu~ème Jr.ac.e ou .s' aJr.Jr.angertt c.om-
me i.l.6 l'entendJr.ont
c.'e.st leuJr. dJr.oi.t, c.'e.6t leuJr.
a66ai.Jr.e ! Mai..6 qu'i.l.s ne .sali.6.6ent pa.6 l'objet de notJr.e
vénéJr.ati.on en dé6oJr.mant le nom de no.6 gJr.and.6, de no.6
aZeux, de notJr.e Jr.ac.e ". (1)
Simple nom de race à l'origine, le terme nègre a subi une
évolution sémantique qui reflète la triste histoire du con-
tact de l'Europe avec l'Afrique ~ partir du XVème siècle.
Comme le.dit F. Fanon"
...
c.ette hi..6toiJr.e de nègJr.e e.6t une
mac.. Une hi..6toi.Jr.e en 6ac.e de laquelle on,.6e tJr.ouve
démuni. .6i on ac.c.epte le.6 pJr.émL~~e.6 de4 .6alaud.6 ". (2)
L'histoire du mot nègre n'est pas facile ~ retracer. Comme
un fait exprès, l'origine même du terme est obscure! Pré-
textant la " découverte Il de l'Afrique par les Portugais,
certains lui donnent une origine portugaise ou espagnole
Negro)
mais d'autres le font dériver directement du latin
" Niger ". Les Romains ayant été en contact avec l'Afrique
bien avant les Ibériques, et le portugais et l'espagnol étant
redevables pour beaucoup du latin, nous' pencherions plutôt
pour la seconde hypothèse. Ceci dit, le terme est attesté
en français dès la fin du XIVème siècle
( 1372 ) (3) •
(1)
Le PaJr.i.a N° 38 AVJr.i.l 1926.
~
.
q
(2)
F. Fanon. Anti.llaL.6 et A6Jr.Lc.ain.6, texte publié dan.6 la Jr.evue
E.6pJr.i.t de FévJr.i.eJr. 1955 et Jr.epJr.odult in' 'PouJr. La Jr.évo1.uti:on a6Jr.i.-
c.ai.ne. PaJr.i..6.Ma.6peJr.o. 1918 p. 22.
(3)
rn6oJr.mati.on 6ouJr.ni.e paJr. l'!n.6ti.tut Wat10nal de la Langue
FJr.ançai..6e ( !NLF ) de Nanc.y.

374
Si au début le mot n'a de signification que raciale, i l acquiert
rapidement des for.mes d'utilisation péjoratives. (1)
A partir du milieu du XVème siècle avec le développement de
la traite des esclaves, le mot nègre devient bientÔt synonyme
exclusif d'esclave.
Il en est ainsi dans le dictionn'aire uni-
versel français et latin de Trévoux en 1704, dans le' diction-
naire français de Richelet en 1719, dans le dictionnaire uni-
versel de Fu r,etière en 1727 et dans le dictionnaire de l ' aca-
démie française en 1798.
Début Xrw,ème siècle, l'évolution historique provoque de nou-
veau une
évolution sémantique du mot. Suite aux campagnes
abolitionnistes, la traite est interdite en 1807, puis l'escla-

vage lui-même entre 1833 et 1848 dans les colonies espagnoles,
anglaises et françaises.
Dès 1835 le dictionnaire de l"'acad'émiefranç'aise dit du mot
nègre que c'est» le nom qu'on donne en glnl~al a la ~ace
d'A6~i.que ". La définition de nègre.: esclave d\\l.rt\\e.u~~
mais elle vient en seconde position. Dès la fin du XIXème
siècle, le terme nègre ne renvoit plus automatiquement à escla-
ve mais comme le dit fort bien Paule Brasseur avec la conquê-
\\\\
(11
Se~ge Vaget. Le~ mot~ e~clave, nèg~e, noi.~ et le~ jugement~
de valeu~ ~u~ la t~ai.te nlg~i.è~e dan~ la li.ttl~atu~e aDol~ti.on-
1/
ni.~te 6~ançai~e de 1110 a 1845. 'Revu·eFkançai.~ed'H,[~toi.~e
d'Ou.t~e Me~ Tome LX N° 20201. 4ème T~i.m 1913 pp. 518-548.
V~i.~ également Simone Vele~~alle et Luèette Valen~i. :~ le mot
nèg~e dan~ le~ di.ctionnai.~e~ 6~ançai.~ d'Ancien Rlgime. Hi.~toi.~e
et lexi.cog~aphie.qLa·ngù:e·F~·a·n·ça.·,{."'.&·e ND 15 Sept. 19120 pp. 19-104.
.
.

375
te coloniale Il d'e..&c.lave. 1:..1. allait de.ve.rt'<:'Jr. .&u{e.t. I1 (1)
Esclave, sujet, bon sauvage ?u grand enfant, le mot nègre
désigne rarement un homme ~ part entière dans la France de
l'entre-deux-guerres. L'utilisation du terme est si délica-
te qu'elle nécessite un mode d'emploi. En 1924, utilisant
le mot nègre dans un article sur les parlementaires colo-
niaux, Jean Lefranc se sent obligé de préciser en note :
" il e.J.J t évi de. Ylt que. Yl 0 uJ.J Yl' attJr.i: 0uo YlJ.J au mot Yl ègJr. e. au c.u rt
J.Je.YlJ.J péjoJr.at1.o ou mépJr.i:~aYlt que c.e. mot Yl'a du Jr.e.J.Jte. Yli: daYlJ.J
YlotJr.e. laYlgue. Yl1. daYl~ l'e.J.JpJr.it de.J.J oJr.aYlçaiJ.J ~e.YlJ.JéJ.J Il (2)
Ignorance ? Hypocrisie ? Démagogie ?
Peu importe, toujours est-il que la chose est tellement
évidente qu'on est contraint de la mettre en évidence 1
N'en déplaise à M. Lefranc le mot nègre a bien une significa-
tion péjorative qu1il garde encore de nos jours, puisqu'il
y a à peine une quinzaine d'années de cela, le Figaro-Litté-
raire - après une longue enquête -
recommandait à ses lecteurs
d'utiliser de préférence le mot noir au mot nègre pour éviter
de heurter leur interlocuteur 1(3)
Après ce long détour, revenons en à Lamine Senghor.
---------------------
\\"
(1)
Paule. BJr.aJ.JJ.Je.uJr. : le. mot YlègJr.e. daYlJ.J le.J.J dic.tioYlYla1.Jr.e.J.J e.Ylc.y-
"
c.lo pédique.J.J oJr.aYlç.aiJ.J du X rXème. J.iièc.le. .CuLtuJr.e.J.Je.tVéve.loppe.me.Ylt
Vol VrII 4 1918 p. 594.
(2)
Je.aYl Le.oJr.aYlc. " NoJ.J paJr.le.me.ntaiJr.e.J.J c.loniaux Ylo1.Jr.J.J "
L'Oue.J.Jt
AoJr.ic.aiYlFJr.aYlç:aiJ.J N° 581. 11 FévJr.ie.Jr. 1924.
( 3) Le.F1.g'aJr.'o Li:t:téfC:aiJr.e. N°
1 228 1 -1 Véc. emoJr.e. 1 969 p.
24.
1232 29 Véc.e.môJr.e. 1969. 4 JaYlvie.Jr. 191a p. 22.
N°1238 9-15 FévJr.ie.Jr. 1910 p. 26.
123916-22 FévJr.ie.Jr. 1910 p. 18'.

376
Dans l'esprit de ce dernier, i l ne fait aucun doute que le
mot nègre ait été
et est traîné dans la boue et c'est pour-
quoi i l a choisi de le réhabiliter. Sa démarche ressemble
d'ailleurs à s'y méprendre à celle d'un Marcus Garvey con-
damnant l'emploi du terme Nigg~r(l) , revendiquant l'utilisa-
tion du mot Negro(2)
et exigeant que ce dernier soit écrit
avec un N majuscule. (3)
Influence ou coIcidence ? Faute d'élèments de réponse pré-
cis, le débat est ouvert. Ceci dit, pourquoi Lamine Senghor,
militant communiste et partisan convaincu de l'indépendance,
a-t-il choisi d'appeler son organisation fl Comité de Défense
de la Race Nègre" et non Parti pour la Libération de l'Afri-
que ou que sais-je encore ?
la dimension raciale.
--------------------
Avant d'essayer nous~ême de répondre à cette inter-
rogation,
laissons la parole à l'intéressé qui explique ainsi
la référence à la race:
»
N04 te~~t4,
n04 d~oit~ et not~e
libe~té ne nou4 appa~tenant plU4, nou~ nou4 c~amponnon4 à ce
nom qui, avec l'éclat de la couleu~ de not~e épide~me, 40nt
le4 ~eul4 bien4 qui nou~ ~e4tent de l'hé~itage de no~ aZeux » (4J
flJ
Equivalent en 6~ançai4 du mot nèg~e p~ononcé 4u~ un ton t~è~
mép~i4ant.
(2J Equivalent de.nèg~e 4an4 aucune connotation péjo~ative.
(3)
Phi.l'o4o ph!! 'an'dOpiyt'Zon'4' '0'6' Maltc'u'-6 'GaJtvey Vol rr p. 138
point 11 de la Vecla~ation 06 Rignt-6 06 the Neg~oe4 06 the Wo~ld
15 A0 û.t 19 20 •
( 4 J 1 ePa~.ta· f.J 0 38 Av ~il 19 ZG•

3n
Certes, mais en choisissant cet intitulé le fondateur du
CDRN suit également la voie tracée par Tovalou Houénou.
Dans un appel présentant le Comité, les successeurs de l'a-
vocat dahoméen ne lui font-ils pas directement référence en
déclarant:
" Ap~~~ l'e66ond~ement de la Ligue Unive~~elle
pou~ la Vé6en~e de la Race Noi~e, le~ Jeune~~e~ n~g~e~ ont
comp~i~ la nécea~ité hiato~ique de ~Io~gani~e~ ".(7)
Nonobstant cette référence explicite à la LUDRN,
i l n'existe
aucune filiation directe entre l'organisation fondée par
Kojo Tovalou Houénou et le CDRN comme ont pu l'alléguer
G. Gautherot(2)
et F. Coty(3)
à des fins de polémiques parti-
sanes. Tout au plus, peut-on parler de filiation spirituelle
avec la LUDRN et, au-delà, avec les organisations noires
américaines.
Outre la référence aux organisations nègres,
le
choix de l'intitulé peut également s'expliquer par la situa-
tion faite aux Africains et aux Antillais dans la France de
1 'entre-deux-guerres. Floués par le non-respect des engage-
ments pris durant la guerre, révoltés par le régime des pensions
militaires qui fait d'eux au mieux des 1/4 de blancs au pire
des 1/9 des blancs, objet de mépris voire de haine,
les nègres
qui vivent en France ont à
juste titre l'impression d'être
(7) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 24. " A toua no~ aoeu~~ et 6~~~e~
n~g~e~, d tou~ lea peuple~ de6 colonie~,
d toua le~ humanitai~ea
de F~ance ". T~act du CVRN.
\\'
( 2)
G.
"
Gauthe~ot. Le Bolchévi~me en A6~ique. I3CAF op. cit. p. 4 23 •
( 3)
F. Coty. L' Ami. 'du' Peuple. 24 Fév~-<:e~ 1'l30.

378
considérés comme les derniers des-parias coloniaux. Régu-
lièrement des Il affaires Il font la une des joUrnaux qui ne
font que renforcer ce sentiment
Louis Fall alias Battling Siki, boxeur sénégalais vainqueur
de la coqueluche des français Georges ~arpentier, est frustré
de sa victoire suite à une disqualification des plus louches;
un autre jour c'est Tovalou Houénou qui est expulsé manu mi-
litari d'un bar de Montmartre, etc .••.
Mais ces scandales ne sont que la partie immergée de l'iceberg,
et ils ne peuvent pas, à eux seuls, rendre compte du calvaire
quotidien vécu par les nègres. Hormis le mépris et les in-
sultes, ils sont victimes de l'inégalité des salaires, de
la suspici9n des syndicats qui voient en eux des concurrents
déloyaux, ou e~core de la discrimination à l'embauche.
Ainsi concernant ce dernier point, en Décembre 1922, un jeu-
ne Guadeloupéen à la recherche d'un emploi, écrit au Ministre
des Colonies pour dénoncer les Il manoeuvres déloyales Il dont
i l est l'objet de la part des employeurs.
Il
B'<'en que l'on d'<'6e, un mouvement ant-i:-nè.gJte 6e Jtépande en
FJtanee, .<.neJtédule aux JtaeontaJt6 de~ jouJtnaux, je me 6u'<'6 poJt-
à eJto'<'Jte que le6 no'<'Jt6 à qu.<. l'on Jte6u6ait du tJtava'<'l
ava'<'ent déjà eomm'<'6 quelque 6aute " avoue-t-il naïvement.
" Ma'<'6 eontJta'<'Jtement à me6 pJtéV'<'6'<'0116, MJt le M'<'n'<'6tJte, aljant
demandé de6 expl.<.eat.<.on6 ela'<'Jte6 e~ pJtée'<'6e6 à MJt l'agen~ de
plaeement 6uJt le6 ag'<'66ement6 ou la demande d~ eeJtta'<'n6 em-
plOljeuJt6, je PU'<'6 d'<'Jte péJtemptoiJtement la Jtéal'<'té. Ou.<. !

379
1
on
':t
ua.<.
,~
':t
ulfPOC.Il'<'
emen:t l. a guelllle aux 9 e "",.0 de' c. 0ul. eUh•• ,.~ c. ,.~ ". (7 )
Ce jeune inconnu qui exprimait ainsi sa révolte sera le pre-
mier nègre français à être délégué à un congrès de l'Inter-
nationale communiste, puis i l sera l'un des membres fonda-
teurs du CDRN : i l s'appelait Joseph Gothon Lunion.
Parias dans leurs propres pays, parias dans leur soi-disant
" Mère-Patrie ", les nègres apprennent par le biais de leurs
contacts avec les organisations noires américaines ou par la
grande presse que le sort de leurs frères américains est
tout aussi insupportable.
Opprimé socialement en tant que travailleur, opprimé nationa-
lement en tant que colonisé, opprimé racialement en tant que
nègre, l'Africain ou l'Antillais est triplement opprimé.
Mais dans le contexte colonial, pour le nègre lambda, les
choses sont beaucoup plus simples: la servitude, l'impôt,
le travail forcé,
le recrutement militaire,
jadis l'escla-
vage, aujourd'hui l'exploitation dans les soutes surchauffées
des navires, tous ces maux ont un seul et même dénominateur
le toubab(2). Dans un monde où l'appartenance à la race
Nègre semble surdéterminer tous les problèmes et légitimer
les
humiliations de toutes sortes, la défense de la race
ne peut que s'imposer.
_A~.
_
(7) ANSOM SLOTFOM rrr Call:ton Q1. Le:t:tlle de J. Go:thon Lun~on
au M~n~h:tlle deh Col.on~e.6.
12 Véc.emolle 1922.
(2)
L'eullOpéen en Wol.06.

Mais,
la référence
à la race s'explique aussi par l'absen-
ce d'un réel sentiment national au sens étymologique du mot.
En Indochine, et plus précisèment au Vietnam, la France s'est
heurtée à une nation vietnamienn~(l) qui s'est forgée au
cours des siècles dans une longue lutte, au Nord, contre les
prétentions de l'empire chinois et au Sud, contre les mino-
rités Khmers et autres qui ont été progressivement phagocytées.
De m~me en Afrique du Nord, les troupes coloniales ont dû af-
fronter des Etats anciens où, à défaut de sentiment national,
existait un lien tout aussi puissant, le sentiment religieux,
l'appartenance à la communauté des croyants: la Ouma. (2)
A contrario, en Afrique Noire, territoire maintes
fois plus
vaste et diversifiée que le Maghreb et l'Indochine, au moment
de la conqu~te coloniale i l n'existe ni Etat-nation, ni na-
tion, ni véritable sentiment national, ni substitut au senti-
ment national. Certes, ici et là, on peut noter l'existence
dt
"une sorte de sentiment national 11 se concrétisant par
la conscience d'appartenir" à une communauté qui se donne
et
se reconnatt comme telle "(3), ce qu'Yves Person appe-
lait des " prises de conscience nationalitaires' ". (4)
(1)
Je.a.n Che.-6na.ux. : Ca n.:tlLi.bu.:ti.onà. l'Fiü.:toi.lLe. de. la. na..:ti.on
vle..:tna.mle.nne..
Pa.lLi.-6,1952,322 P.
(2J
La. c.élèblLe. phlLa.1Je. de. Che.1.k.Fi Be.n Ba.dü " Ma. lLe.l.i.glon e.-6.:t
l'I-6la.m, ma. la.ngue. l'a.lLa.be., ma. pa..:tlLi.e. l'AlgélLle. " lLé-6ume. à. e.lle
-6e.ule. l'i.mpolL.:ta.nc.e. du -6e.n.:ti.me.n.:t lLe.li.gi.e.ux. da.n-6 le. mouve.me.n.:t
na..:tlona.l a.lgélLi.e.n.
l'
(3)
C.
Coque.lLy-Vi.dJr.Ovi..tc.h : le..6 .6.:tlLUC..:tulLe..& du pouvoi.lL e..:t la.
c.ommuna.u.:té lLUlLa.le. plLéc.oloni.a.le.~ RFHOM Tome. LXVIII N° 250-253 1981 p.6C
(4)
V.
Pe.lL-60n."L'E.:ta..:t-na..:ti.on e.n A6lLi.qUe. Noi.lLe./~RF'f{OM Tome.
LXVIII 250-253 1981 p.
279.

381
Ici et là, ont existé des nations en formation parmi les-
quelles nous citerons les Mossi, les WOlof, les Ashanti, les
Peul du Fouta Djallon, etc ••• mais ces phénomènes sont très
localisés.
Sur le plan religieux, la diversité est la règle, et au XIXème
siècle, l'Islam bien qu'ancien en Afrique de l'Ouest reste
largement minoritaire, ne pouvant par là même offrir une
large base à un mouvement de résistance.
Si dans les Etats Wolof, par exemple, l'islamisation a sym-
bolisé la résistance à la conquête coloniale, i l n'en a pas
été partout de même. Fodé Kaba, grand marabout et grand ré-
sistant pour les Mandingues de Casamance, est piètrement
estimé par les Diolas et autres populations qu'il a tenté
d'islamiser par la force.
De toute manière, qu'il y ait eu ou non existence de senti-
ments nationaux ici ou là peu importe, car ceux-ci ont été
réduits à néant par le découpage colonial dont la caractéris-
tique principale a été l'ignorance volontaire des réalités
politiques, économiques, sociales, culturelles, historiques
et autres. De
la conquête coloniale à la veille de la
seconde guerre mondiale, les peuples africains vivent une
situation assez particulière concernant la question du sen-
timent national. En Afrique de l'Ouest par exemple, le sou-
venir des grands empires
( Ghana, Mali, Songhai, etc •.. )
n'est plus quù splendeur passée, leurs successeurs ont été
défaits et. démantelés par la conquête coloniale et les ca-
dres territoriaux issus de la colonisation ne représentent
encore rien de concret pour les peuples en question.

382
Que signifie le sentiment national pour un Soninké qui voit,
au gré du tracé des frontières, ses parents devenir les uns
" sénégalais ", les autres ~ mauritaniens ft et d'autres en-
core " soudanais Il ?
Que peut signifier le sentiment national
pour un Lob;
ayant changé quatre fois de Il nationalité ft entre 19Q4 et
1947, passant tour à tour du statut d'habitant du Haut Séné-
gal-Niger, à celui de ft voltaIque ", puis à celui d'
"ivoi-
rien" pour redevenir à nouveau" voltaIque " ?
(1)
A une pareille époque, comment un mouvement anti-colonialiste
africain- peut-il faire appel aux " sentiments nationaux " de
ces peuples ? Car i l faut bien reconnaître avec Pierre Bonnafé
que
lorsqu'on parle des nationalismes africains, on est
en présence de " nationalismes sans nation ". (1)
Dans l'entre-
deux-guerres le Il nationalisme africain ft a un caractère pu-
rement prospectif, purement projectif. La ft nation" dont
On revendique l'indépendance n'existe pas encore, mais elle
germe, elle s'ébauche, elle prend corps à partir du moment
même où est posée l'exigence de l'indépendance nationale.
Dès lors, ce n'est pas un " nationalisme nouveau style ,,(2)
qui apparaît, c'est le nationalisme tout court. Certes
(1)
PÙ)!.Jte. Bonna6~. Nat-<-onal'Üme.J.Ja6JtÙ.a.[M. PaJtÜ, Fondat-<-on
Nat-i-onale. de.J.J Se-<-e.nee.J.J Pol-<-t-<-Que.J.J SéJt-<-e. V. Te.xte.J.J et Voeume.ntJ.J
4 OetobJte. 1982 p. 2.
(2)
L'e.xpJte.J.JJ.J-<-on e.J.Jt de. Sabah Kaadan.
1/
Nat-<-onalÜme.e.t pJtÜe.
de. eOMe-<-e.n'ee. na-t-<-onaie. e.n AOF
PaJtÜ r, ThèJ.Je. d'Etat,2 Vol,
1985 •

383
formés à l'école de l'Occident, les nationalistes et leur pen-
sée n'en sont pas moins ancrés dans les réalités africaines
présentes et passées. Ainsi l'exemple type de l'Etat indé-
pendant, ce n'est ni la France, ni même l'URSS; c'est Haiti,
le Libéria ou l'Ethiopie. Quand Tovalou Houénou revendique
une modification du système colonial, c'est au nom du génie
propre de la race noire, qui s'est, dit-il, illustré dans le
passé. Enfin dans la presse nègre de l'entre-deux-guerres,
Samori sera célébré, bien avant qu'il ne devienne l'arché-
type du héros national africain forgé par la première géné-
ration d'historiens africains.
Ce nationalisme ne s'inscrit pas pour autant dans une progres-
sion linéaire qui irait des prémisses de la conquête à l'ère
des indépendances comme l'affirme S. Kaadan(l).
Accepter une telle vision des choses, c'est ignorer la comple-
xité et les contradictions internes des sociétés africaines,
c'est ignorer leur dynamisme propre, c'est ignorer leur his-
toire. La naissance du mouvement national marque une ruptu-
re avec les résistances premières, dans le sens où i l y a
là l'expression d'un changement qualitatif. Aux résistances
étatiques et politiques des classes dominantes africaines(2)
défendant la plupart du temps leurs intérêts propres, succède
( 1 J
S. Ka.a.da.n op. c.'<':t. p. 683 a.66.iltme que " Vepuü le.6 pltem-<.elte.6
:ten:ta.:t'<'ve.6 de péné:tlta.:t.<.on le na.:tlona.ll.6me a.61t'<'c.a..in, .6ou.6 de.6
60ltme.6 mul:tlple.6, pa.lt6ol~ a.môlgue~, pa.lt6o'<'~ m~~lto'<':te.6, .6'e.6:t
:toujOUIt.6 explt.imé ~a.n~ ln:teltltup:t.ion ju~qu'a la. Itec.onquê:te de
l''<'~dépenda.nc.e n.
(2) è. Coquelty-V.idltOv.i:tc.n.. Af'L:tque N'o:tlte ·P-e·ltma.·nenc.e~ e:tltup:tulte.6
Pa.It.i~. Pa.yo:t pp. 88-110.

384
un mouvement qui part de la base et qui tente de prendre en
compte les intérêts et les aspirations populaires. Le mouve-
ment national n'est pas pour cela homogène et i l est, lui-
même, traversé par des conflits d'intérêt qui portent plus
sur les caractéristiques de la future société indépendante
que sur celles de la lutte présente.
"Nationalisme sans nations"
le nationalisme africain ris-
quait de surcrott d'être sans idéologie, faute d'un sentiment
national capable de servir de base ~ l'élaboration d'une
pensée nationaliste. C'est dans ce contexte particulier
qu'il faut situer l'importance donnée ~ la dimension raciale,
au sentiment racial. De même l'adhésion au panafricanisme
doit être comprise comme
l'utilisation d'une idéologie de
substitution ~ une idéologie nationaliste inexistante. (1)
Qu'un profond sentiment de solidarité ait existé entre Afri-
cains, voire entre Antillais et Africains, nous n'en doutons
pas. Mais cela n'est pas suffisant pour y voir l'existence
d'une volonté politique visant ~ constituer un Etat africain
~ l'échelle du continent comme le propose le panafricanisme.
Ce sont donc toutes ces raisons, et non un " racisme
~ rebours " qui ont conduit Lamine Senghor ~ porter tant
d'intérêt ~ la question raciale au point d'introduire cette
( 1) PaJr. a,U.leuJr..6 la néc.e.6.6Lté d'un c.omoat. un-i.t.uJr.e t.Jr.an.6 c.en-
dant. le.6 6Jr.ont.-i.èJr.e.6 de.6 Et.at..6 e.6t. 6avoJr.-i..6ée paJr. : 10) le.6 .6t.Jr.uc.-
t.uJr.e.6 c.olon-i.ale.6 qu~ gJr.oupent. le~ nègJr.e.6 en deux gJr.ànde.6 6édéJr.a-
t.-i.on.6
( AOF et. AEF ); 20 ) l'ext.e.n~~on du ~Y.6t.ème c.ap~t.al-i..6t.e a
l'en.6emole du glooe;3°) -l'ex~~tenc.e de l'rnteJr.nat~onale qu-i.
oJr.gan~.6e le mouvement ouvJr.~eJr. a l'éc.nelle mond~ale; 4 0 ) l'éme.Jr.-
genc.e de nomo'Jr.eux mouvement.6 " pan " r pan~.6lam~.6me, pana.6-i.a-
t-i..6me, panaJr.ab-i..6me,
etc. •.•• ).

385
référence dans le titre même de son organisation. Car s ' i l
combat de toute son énergie pour la " li.f5ëJta:U.on totale. du
joug e.-6c.lavagi.-6te. " de sa race c'est simplement
pour qu'elle
obtienne le respect qui lui est dil et " Son égali.té ave.c. tou-
te-6 le-6 autJte~ Jtac.e.-6 du monde. ". (1)
Mais en militant ~ la CGTU, au PCF et ~ l'UIC, i l a également
appris que l'oppression et l'exploitation dont sont victimes
ses frères dépassent largement la simple question raciale
et i l précise taftt ~ l'attention de ses pairs tentés par le
négrisme, qu'à l'attention des militants français effrayés
par ce qui pouvait appara!tre â leurs yeux comme une lutte
des races
:
" l l-6
le-6 nègJte~
) -6auJtont donc. êtJte ~oli.dai.Jte~
le-6 un-6 de-6 autJte-6 pouJt meneJt la lutte c.ontJte le Jté-
gi.me ~péc.i.al auquel leuJt Jtac.e e~t ~oumi.-6e,
~an-6 tou-
te6oi-6 peJtdJte de vue que tOU-6 le-6 ôlanc.-6 ne -6ont pa-6
de-6 impëJtiali.-6te~
et de~ c.oloni.JateuJt-6. 1l-6 6eJtont au
c.ontJtaiJte voiJt a l'uni.veJt~ qu'ilJ -6avent que leuJt
~oJtt e~t li.é a c.elui. de~ mi.lli.eJt~ de tJtavailleuJt-6
manuel-6 et i.ntellec.tuel-6 de-6 nati.on-6 euJtopéenne-6 ". (2)
Engagés aux cOtés de ses frères de race, aux cOtés de ses frè-
res colonisés et aux cOtés des ouvriers européens, Lamine
(3
Senghor est réellement un patriote internationaliste
) ,
et
(1) Le PaJti.a N° 38 Avül 1926.
(2 ) La Voi.x 'de<S Nè'gKe-6 1 Janvi.eJt 1927.
(~) (1 !'lI.lu W";"~IL .;.'" Î~.k,."A. Af0'-"'-~ N':!. .--IK_~ . ..\\';\\~ rr.1.A2.

non un raciste aux idées courtes.
Fondé en début Mars 1926, le CDRN est officielle-
ment déclaré â la Préfecture de Police le 26 Mars 1926(1).
Composé de six membres, le bureau de l'organisation est ainsi
constitué
Président
Lamine Senghor.
Vice-Président: Félicien Manlius.
Secrétaire Général
Joseph Gothon Lunion.
Secrétaire-Adjoint
Tiémoko Garan Kouyaté.
Trésorier : Masse Ndiaye.
Trésorier-Adjoint: Vilfort Pougeol.
Mis â part Lamine Senghor, Masse Ndiaye et Joseph Gothon Lunion,
tous trois anciens membres de l'UrC et " communistes notoi-
res ,,(2), les dirigeants du CDRN sont des anonymes sans pas-
sé politique. Typographe de son état, Félicien Manlius est
un Guadeloupéen de 31 ans qui loge à deux pas de chez Lamine
Senghor au 53 rue Léon. Egalement Guadeloupéen, Vilfort Pou~ëoL
âgé de 34 ans, est employé de commerce. D'après la police,
tous deux ne donnent lieu dans leur entourage â aucune remar-
que du point de vue politique, selon la formule consacrée.
(7)
ANSOM SLOTFOM III Ca~~on 31. No~e de l'agen~ V(6i~( 27 Av~il 26.
(2) ANSOM SLOTFOM III Ca~~on 31. No~e de l'agen~ V(6i~( 3 Aoû~ 7926.

387
Par contre le Soudanais Tiémoko Garan Kouyaté est présenté
comme un sympathisant communiste, sans doute parce qu'il l i t
l ' Humanité (1) •
Avec ses 24 ans, i l est le benjamin de l'équipe dirigeante
du CORN, mais i l est loin d'être un novice en politique. Né à
Ségou ( actuel Mali)
le 27 Avril 1902, i l est le fils d'un
ancien brigadier-chef des gardes de cercle.
A l'âge de 16 ans, i l quitte l'école primaire supérieure de
Bamako après avoir tenté et réussi le concours d'entrée à
l'Ecole Normale William Ponty. Admis en 1918, i l en ressort
en 1921 avec la mention " assez bien n pour être aussitOt
nommé en COte D'Ivoire. Entre Septembre 1921 et Octobre 1923

date à laquelle i l s'embarque pour la France, i l ne " 6a-Lt
.t'objet d'au.c.u.rte ob.t.e!l.vat,[ort dë6avoltao.te ", et il est même
noté comme" u.rt exc.e.t.tertt e.t.plt,[t " (2), par ses supérieurs.
Envoyé à A~x-en-Provence, i l fait partie de cette poignée de
privilégiés qui obtiennent une bourse pour pousuivre leurs
études en métropole.
Mais arrivé en France, l'élève-modèle semble perdre le goût
pour les études. En Juillet 1924, i l est recalé une première
fois au Brevet Elémentaire d'instituteur. L'année suivante,
i l échoue de nouveau et par deux fois, en Juillet et Octobre,
(2) ANS 21 G 28 (17). Lettlte du. .t,[eu.trtartt-gou.veltrteu.lt de .ta
Cate d'!vo,[lte au. .t,[eu.trtartt-g~u.veltrteu.lt
du. Sou.dart 21 Septemblte
1926.

388
à 1"examen. Que s'est-il passé?
D'origine castée, Kouyaté a-t-il été atteint par ce qu'Abdou-
laye Danioko appelle le " malaise d~s é1èments de caste ,,(1),
malaise consécutif à la margîna1isation dont ils continuaient
d'être victimes de la part de leur société d'origine malgré
la promotion sociale dont ils avaient pu bénéficier?
En échouant
volontairement à ses examens et en décidant de
vivre en France, Kouyaté a-t-il voulu rompre avec un destin
qu'il refusait? Ou bien tout simplement, Kouyaté, en restant
en France, voulait-il découvrir un autre monde?
Si l'on se réfère à la lettre que lui-même, Antoine Quenum
et Gi~ert Kpapko adressèrent au Gouverneur Général de l'AOF
en Octobre 1925, on serait p1utOt tenté d'opter pour cette
hypothèse.
Demandant la modification du régime de leur envoi
en France, ne déclaraient-ils pa~ qu'ils seraient très heu-
reux "d'lt~e mi4 en pen4ian de 6amille dan4 d'aut~e4
ville4
quel4 qu'en 4aient le4 elimat4 ". (2) A moins finalement que
les motivations de Kouyaté n'aient été d'ordre politique.
Influencé par la nombreuse et active communauté estudiantine
indochinoise d'Aix-en-provence, Kouyaté a peut être effectué
une prise de conscience qui l'aurait amené à rester en Fran-
ce pour y mener la lutte anti-co1onia1iste. Toujours est-il
que dans des circonstances que nous ignorons, Kouyaté et Quenum
--------------------
(1) Abdoulalje Vaniok.a .Cont~ioutian à. l'étude de4 pMtÙ paUti-
que4au M'au. de 19'4sa: 19'60 Pa~Ù VIr,Tfièlle de 3° eljele 1984
1
, p.
101.
(2)
ANS 21 G 28 [11). Rappa~t de la Sû~eté de Vak.a~ 2 Av~il 1921.

389
sont entrés en relation avec Gouttenoire de Toury qui fait
.le voyage de Paris pour s'entretenir avec eux. (1) Exclu de
l'Ecole Normale en Octobre 1925 pour indiscipline et menaces
à
l'égard d'un professeur, Kouyaté aurait de surcro1t laisser
"voDt de!.l !.l en.:Umen:t!.l d' fio!.l:ti.li.:té c.on:tlte l t Admi.ni.!.l:tlta:ti.on
6ltanç.aüe en AOF ". (2)
Gagnant Paris fin 1925, il travaille d'abord au service de
la messagerie de la maison Hachette, emploi qu'il quitte en
Juillet 1926 pour entrer chez 11 Allez Frères ". Connaissant
probablement l'existence de la LUDRN et des Continents par
le biais de Gouttenoire de Toury, il est un des premiers
à répondre à l'appel de Lamine Senghor. En rejoignant le
CDRN, il se peut qu'il ait retrouvé une vieille connaissance
en la personne de Masse Ndiaye. En effet, la lettre que ce
dernier avait adressée à son frère à l~.Ecole Normale d'Aix
n'a été saisie par le directeur de l'établissement qu'en Dé-
cembre 1924
(3~ époque à laquel1~ Djibril Ndiaye avait quitté
la France depuis longtemps. Entre temps le projet de Il Socié-
té des Etudiants Africains Il avait p.u circuler dans de nombreu-
ses mains dont celles de Kouyaté.
En dehors du bureau qui dirige effectivement le CDRN, l'orga-
nisation est dotée d'un President Honoraire, d'un Il Conseil
--------------------
(1) ANS 21 G 28 (17). Rapp~lt:t de la SŒlte:té de Vakalt. 2 Avltll 1927.
(2)

Idem.
(3) ANSOM SLOTFOM TIl Calt:ton 3. Le:t:tlte du Mi.ni!.l:tlte de!.l Colonie!.l
au Gouveltneult Généltal de l'AOF. 18 Janvlelt 1925.

390
humanitaire consultatif" et d'un" honoriat nègre"
Le président honoraire du Comité est un avocat Guadeloupéen
de 51 ans Jean-Louis Baghio'o, de son vrai nom Henri Jean~
Louis. Nommé juge de paix, puis préside." t
du tribunal de
Brazzaville en 1923, i l est marqué il l'encre rouge par les
au~orités coloniales qui le considèrent comme un " dangereux
agitateurpanafricaniste ".(1)
Prenant le contre-pied de la
pratique courante, i l tente de rendre équitablement la justi-
ce en ne faisant pas des inculpés africains des coupables à-
priori. Mais dans ce combat du pot de terre contre le pot de
fer, i l doit bientôt s'avouer vaincu, et en Janvier 1926, i l
démissionne de son poste. Il s'inscrit alors au barreau de
Port-Gentil en qualité d'avocat pour se consacrer à la défen-
se des Africains. (2)
Des défenseurs des Africains et plus généralement
des colonisés, le conseil humanitaire consultatif en est plein.
On y trouve pêle-mêle Ferdinand Buisson, président de la
Ligue des Droits de l'Homme, Jean Fangeat ancien gérant des
Continents, Romain Rolland écrivain et compagnon de route du
PCF, André Berthon avocat et député communiste, Louis Verno-
chet secrétaire général de l'Internationale des Travailleurs
de l'Enseignement, Jean Richard-Bloch membre de la rédaction
de Clarté, le peintre Paul Signac, l'écrivain Victor Margueri-
(1 J Je.an-Louù Baghi.o' o. Le. c.o1.'".tbfli:bt.an.c.. PaflÙ. Edi..ti.oM
Cafli.b(e.nne.~,1980 p. 55.L'au.te.afl de. ce. floman e.4.t le. 61.l4 de.
He.nfli.Je.an-Loui.4.

(:lj
No.ton4 poufl l'ane.cdo.te. que. Je.an-Louü BagnJ:o'o (le. pèfle.) e.4.t
'e. vi.e.ux magi.4.tfla.t noJ:fl, pflé.te.ndan.t de.4ce.ndfle. de. Manmoud Ka.ti.,
que. fle.ncon.tfla Samba Vi.allo ( pe.fl4onnage. pflJ:ncJ:pal du floman de.
Che.i.kh Hami.dou Kane.. L'ave.n.tufle. ambi.güe. Pafli.4.Julli.afld , 1961 :109 p.
1
b~~ le. bd Sai.n.t Mi.che.l un joufl de4 année.4 ci.nquan.te..

te, etc •••. Par la suite ce conseil déjà bien étoffé sera
renforcé par l'arrivée du fondateur de l'ARAC et auteur de
Feu: Henri Barbusse.
A contrario, les membres de l'honoriat nègre ne jouissent pas
d'une telle notoriété. Léon Ha~~l. Charley, professeur, André
Béton, avocat et ancien dirigeant de l'Association Panafricai-
ne ou Lovett Fort-Whiteman, dirigeant du Parti Communiste des
Etats Unis
CPUSA)
ne sont connus que d'un petit cercle
d'initiés.
Enfin pour couronner le tout, le CDRN dispose d'un conseil-
ler juridique en la personne d'Henry Torrès, ancien membre
du PCF et fondateur du Parti de l'Unité Prolétarienne avec
.L.O. Frossard et V. Méric.
L'examen de la composition des organes de direction du CDRN
appelle au moins trois remarques
-
le Comité rassemble aussi bien des Africains que des An-
tillais et le meilleur symbole de cette réalité est la com-
position du bureau où les uns et les autres sont strictement
à égalité. Outre cette égalité numérique, il existe une éga-
lité des fonctions,
les Africains détenant la présidence et
les Antillais le secrétariat général. Cet équilibre n'est pas
que le résultat d'un savant dosage, i l est également et peut
être surtout l'expression d'une puissante volonté d'unir les
nègres par-delà la diversité de leurs origines.
Ce point permet d'infirmer les ~na1yses qui présentent la
création du CDRN comme le résultat d'une opposition entre

392
" camarades nègres et métis ". (1)
- Au sein du CORN on peut distinguer grossièrement deux géné-
rations d'individus qui reflètent deux types de prise de conscien-
ce. Il Y a d'une part la-génération des anciens combattants
( Lamine Senghor, Masse Ndiaye ) dont la prise de conscien-
ce anti-colonialiste a été provoquée par la guerre ou ses con-
séquences. Et puis, d'autre part, i l y a les jeunes intel-
lectuels qui ont compris que même bardés de diplOmes, ils
n'auraient jamais la place qui leur était dûe dans la société
parce que colonisés.
- Bien que fondé et dirigé par des communistes, le CORN est
une organisation pluraliste, ouverte" à tous des royalistes
aux communistes" selon l'expression de Joseph Gothon Lunion. (2)
Cette hétérogénéité à tous les niveaux rend extrêmement dif-
\\\\
If
ficile le catalogo,3Q. idéologique d'une telle organisation et
afin de bien saisir la nature du CORN, i l faut en examiner
les principales composantes.
(I) En AVAil 1926, lOA~ de la A[oAgani4a~ion de la Commi~~ion
Coloniale Cen~Aale, la 6oAma~ion d'une commi~hion nègAe 6u~
Aemi~e Il ju~qu'a ce que la Commi4~ion Cen~Aale ai~ en~endu
le~ camaAade~nègAe~ e~ mUü ~UA le~ di66éAend~ qui le~ di-
vi~en~ au ~uje~ de la cA[a~ion du CVRN ". AAchive~ de la Com-
mi~~ion Coloniale du PCF année 1926. Bo~ine 251172. Réunion
du 14 AVAil 1926.
(2) ANSOM SLOTFOM rrr CaA~on 24. No~e de l'agen~ Vé~lAé 6
JuiUe~ 1926.

393
1.4. ~~~_~i~!~!~U~~_~Q~!~U~~_i~~Q1Qgig~~~
!~e!~~~U~~~_~~_~~i~_~~_Ç~~~~~~·
La composition du bureau et du conseil humanitaire
consultatif du CORN indique clairement ~e l'organisation est
solidement ancrée à gauche. Fondé à l'initiative de militants
communistes, le CORN n'est pas pour autant une organisation
communiste, et encore moins un proto-parti communiste. Il
participe en fait de ce que l'Internationale Communiste
appelle les " partis nationaux révolutionnai.res " où coha-
bitent nationalistes bourgeois et révolutionnaires, ces der-
niers
faisant tout pour imposer leur direction pratique et
idéologique. Ainsi dans le cas du CORN, à première 'vue, la
direction semble être équitablement partagée entre les commu-
nistes et les non-communistes, mais en fait les premiers oc-
cupent les postes-clés que sont la présidence, le secréta-
riat général et probablement la trésorerie.
Malgré l'hégémonie exercée par l'élèment communiste, le CDRN
ne développe pas un discours communiste,
bien au contraire.
Rappelons-le, l'objectif premier du CORN est d'assurer" <sull.
tou~ le~ tell.ll.a~n~ la dé6en~e généll.ale de<s ~ntéll.êt~ de la Raee
Nègll.e ". (7) Cette formulation on ne peut plus vague répond
au souci de " gll.oupell. tou<s le<s nè.gll.e~ demeull.ant en Fll.anee " (2)
(7l
]oull.nal o66ie~el de la République Fll.an~ai~e. 30 Mall.<S 7226 op. e~t.
(2) ANSOM SLOTfOM rn CaMon 24. Te.x.te d'une a66ùn.e appo~ée
au Havll.e pail. le CORN en Oetooll.e. 1926.

394
Le CDRN est donc une organisation de type frontiste rassem-
blant des individus aux opinions politiques diverses.
Dans ce sens, le discours officiel du CDRN - quand i l en a un -
ne peut être que tout en nuances faute de provoquer l'explo-
sion de l'organisation. S'exprimant en tant que président
du CDRN, Lamine Senghor lui assigne quatre tâches principales
1°)
combattre" avec. ta deh.l1.i.èh.e él1.eh.gi:e ft la haine de race
2°)
travailler pour l'évolution sociale de la Race Nègre
3°)
refuser de renforcer l'appareil d'oppression dans les
colonies et au contraire travailler à le détruire
4°)
collaborer en permanence avec les organisations qui
luttent pour la libération des peuples opprimés et la Révo-
lution mondiale. (1)
Hormis peut être le tout dernier point, le programme défini
• par Senghor peut aisèment faire l'unanimité parmi les nègres.
Cela est encore plus flagrant,
si l'on examine le texte de
l'affiche du CDRN apposée au Havre en Octobre 1926. Le Comité
déclare se proposer d'unir tous 'les efforts de ceux qui
" 6uh. ta ptanète, voudh.ont ph.endh.e en c.ompte 11.06 tégi.ti.me6
a6pi.h.ati.on6 "; le CDRN demande à ce que" te nègh.e 60i.t th.ai.-
té, à. th.aveh..6 te monde, avec. ptU.6 d'numani:té. ";
i l désire
renforcer la solidarité entre les nègres, manifester sa
reconnaissance ,. enveh.6 tOU.6 te6 bi.en6ai.teuh..6 de ta Rac.e Nègh.e
en étevant un mouvement à. teuh. mé.moi.h.e "; en bref le CDRN
--------------------

395
veut travailler " au ~app~oQRemen~ ,i~Q~~e de ~ou~e6 le6 ~a­
Qe6, a6in de 6aQili~e~ l' évolu~ion ~o~ale de l' n.uman,Ué ". ( 1)
Tout le monde en conviendra, on peut difficilement trouver
discours plus oecuménique!
Ce discours aux angles arrondis est le résultat d'un savant
équilibrage, d'un compromis entre les tendances qui composent
le CORN. Schématiquement celles-ci sont au nombre de deux:
les indépendantistes et les assimilationnistes.
Le chef de file de la première tendance est Lamine Senghor
et bien qu'il ait rarement, voire jamais, utlisé le terme
indépendance dans ses écrits sur l'Afrique Noire, c'est sans
conteste possible, l'objectif qu'il poursuit.
car il ne faut pas jouer sur les mots. Quand Lamine Senghor
appelle ~ la lutte " pou~ la lioé~a~ion ~o~ale e~ l'émanQipa-
~ion de la ~aQe nèg~e "(2), quand il revendique" le d~oi~
de6 peuple6 a di6po6e~ d'eux-même' "(3), il se prononce sans
ambiguité pour l'indépendance des peuples nègres colonisés.
D'ailleurs commen-t pourrait-il ~ la fois décrire l'impéria-
lisme comme" l'unique 6a.IJ,.~eu~ de la mi6è~e unive~6elle "(4)
et s'accomoder d'un simple aménagement du système colonial?
L'indépendance, objectif final, mais lointain et difficile à
atteindre ne peut constituer le seul et unique thème mobili-
(1) ANSOM SLOTFOM III Ca~~on 24. Tex~e de l'a66iQhe du CVRN ap-
p06ée au Hav~e en OQ~ob~e 1926.
(2)
La VoLx de6' N~-ghe6 N° 1 ]anvie~ 19'1.J.
(3)
Idem.
(4)
Idem.

396
sateur du courant indépendantiste.
De manière à faciliter la mobilisation des nègres, des objec-
tifs intermédiaires sont proposés visant essentiellement à
l'établissement des libertés démocratiques aux Colonies.
L'adoption d'une telle démarche n'est pas que vile tactique.
Elle répond avant tout aux aspirations profondes des nègres
pour qui l'égalité des pensions militaires, l'abolition du
régime de l'indigénat ou la fin du travail forcé ne sont pas
quantité négligeable. Au contraire, le combat pour l'égalité
à moultes fois servit de déclic à une prise de conscience
qui a, peu à peu, conduit les intéressés à revendiquer l'indé-
pendance. Lamine Senghor n'avouait-il pas lui-même qu'il é-
tait devenu révolutionnaire parce que la France n'avait pas
été reconnaissante enve~s les soldats qui avaient combattu
pour elle ?(l)
Mais le CDRN est loin de ne rassembler que des révolutionnai-
res. Orphelins depuis la disparition de la LUDRN et des
Continents, les assimilationnistes ont rejoint le CDRN sé-
duits par ses proclamations d'indépendance vis-à-vis des par-
tis et par le caractère égalitaire et humanitaire de nombre
de ses revendications. Au même titre que les communistes et
leurs sympathisants, ils cherchent à s'imposer idéologique-
ment et à s'emparer de la direction du Comité. Leur objectif
{1} A.N. Sé~~e F1 Ca~ton 13Q9Q. Rappo~t du chen de la Sû~eté
de Bo~deaux. 6 Septem6~e 1925.

397
final est toujours le même: l'assimilation. Comment y par-
venir? Pour Raymond Brière de l'Iple, officier colonial de
réserve mulâtre
, la réponse est relativement simple : les
nègres doivent " a'(leve~ pa~ l'inat~uction n. Demandant que
l'instruction primaire leur soit" plua la~gement et oBli-
gatoi~ement donn(e " et que " l'inl.it~uction aecondai~e leu~
-6oit ouve~te ", il propose que " cn.aqu~ en6ant qui jU-6ti6ie
d'une inat~uction p~imai~e -6u66iaante, (quivalente à celle
d'un 6~an~aia moyen, devienne ipao-6acto 6~ançaia plutôt que
pa~ la naùa ana a u~ tel ou tel te~~itoi~e ". (1)
Chacun doit bien garder à l'esprit le caractère pluraliste
du CORN, car à l'heure des crises, ce sont des points de vue
différents, divergents, voire antagoniques, qui joueront un
rOle déterminant. Au-delà " dea inimiti(a de claM ou dea ja-
louaie-6 pe~aonnellea "(2), au-delà de " l'opposition" entre
Africains et Antillais se seront ces questions de fond qui
feront éclater le CORN et plus tard la Ligue de Défense de
la Race Nègre
( LDRN ). Mais en attendant le jeune Comité en
est encore à étendre son influence à Paris et en Province.
(11
La Voix de-6 NlgAea N° 1 Janvie~ 1927.
(2)
Baail Vavidaon.L'A6~iqueauXXème ai.ècle. PMù EditÜn-6
J
Jeune A6~ique,1980 p. 190.

398
Après une naissance difficile, le CDRN a réussi à
étendre, de manière significative, son audience dans les mi-
lieux nègres parisiens. A peine deux mois après sa création,
i l groupe déjà une trentaine de personnes soit le double de
ce que réunissait l'UIC en 1924, quatre ans après sa créatiori. (1)
L'UIC, quant à elle, poursuit sa lente mais sOre désagréga-
tion. Réunis les 9 et 13 Avril 1926 pour faire le bilan de
ses activités, les dirigeants de l'Union InterColoniale ne peu-
vent que con~tater sa léthargie. Des décisions visant à ré-

organis~~
l'UIC ont certes été prises mais elles n'ont pas
été appliquées. BIoncourt, secrétaire général de l'organisa-
tion, est sommé de se justifier. Pour toute réponse, i l allè-
gue le manque de temps, demande qu'on lui adjoigne deux adjoints
et met en cause l'attitude de Lamine Senghor et Gothon Lunion
qui, d'après lui, refusent de se grouper sous le drapeau com-
muniste(2~ Désirant enrayer autant1Ue faire se peut le dé-
clin de l'UIC, BIoncourt propose à ses camarades de convo-
quer prochainement Senghor pour tenter de le faire revenir
sur sa décision.
(1)
ANSOM SLOTFOM III Ca~ton 31. Note de l'agent V(61~(.
21 Av~ll 1926.
(2)
ANSOM SLOTFOM II Ca~ton 4. Notes de l'agent V(61~( de6
14 et 16 Av~ll 1926.

399
Le 18 Avril au siège de l'UrC, BIoncourt, Rosso, Sadoun,
Va Than Long et Saint Jacques sont présents pour écouter les
explications de Lamine Senghor. L'ambiance est lourde et
d'emblée BIoncourt passe à l'offensive en lui demandant les
raisons pour lesquelles i l a abandonné ses fonctions de délé-
gué de la section de l'AOF et fondé le CDRN, sans en avertir
l'UrC et enfin,
quelle sera l'orientation politique du co-
mité s ' i l refuse de l'affilier au PCF ?
Rapidement Lamine Senghor lui répond que les membres du CDRN
venant dé tous les hori~ons politiques, i l n'es~ pas question
d'affilier le Comité au PCF.
rI doit rester totalement indé-
pendant. BIoncourt lui demande ensuite quelle serait son
attitude si une guerre éclatait de nouveau ou si la France
entreprenait de nouvelles expéditions coloniales.
Senghor répond qu'il protesterait de toutes ses forces et,
qu'avec le Comité, i l organiserait une campagne de protes-
tations avec tracts, meetings, etc
Alors BIoncourt
s'exclame : " Ma..<:.6 VOU.6 ne .6 eJtez pa..6 .6 u'<:v'<: pa.Jt VO.6 .:tJtoupe.6
pu'<:.6que d.<:.:te.6-vou.6 la. ma..6.6e e.6.:t .6oc~a.l~.6.:te,
na..:t~ona.l'<:.6.:te ••••
e.:t ne pen.6e pa..6 COmme VOU.6 1". Puis comme pour décourager
Senghor, i l ajoute:
" VOU.6 a.llez Jtencon.:tJteJt de la. pa.Jt.:t du
gouveJtnemen.:t e.:t de la. pol'<:ce la. même hO.6.:t.<:l.<:.:té que l'Un'<:on
In.:teJtColon'<:a.le pu'<:.6que Go.:thon Lun'<:on e.:t .:to'<: ê.:te.6 connu.6 com-
me m'<:l'<:.:ta.n.:t.6 commun'<:.6.:te.6. PouJt mo'<:,peJt.6onnellemen.:t, je JtegJte.:t-
.:te que VOU.6 dé.6eJt.:t'<:ez la. lu.:t.:te a.u momen.:t Où nou.6 a.von.6 le plu.6
be.6o'<:n de .:tou.:te.6 le.6 éneJtg'<:e.6 "

Piqué au vif par le mot " déserter " Lamine Senghor hausse
le ton
» Je ne ~enie pa~ mon paaaŒ et me 6latte dfavoi~
été un p~opagandi~te dévoué au Qommuni~me et de n'avoi~ ja-
mai~ ma~Qhandé ma peine, ni mon tempa, n~ mon a~gent. Je
~e~te memb~e de l'Union rnte~Coloniale maia le Comité de
Vé6en~e de la RaQe N~g~e doit ~eate~ indŒpendant ».(1)
Voyant que la décision de Lamine Senghor est irreversible et
sa détermînation inébranlable, BIoncourt déclare alors que
c'est désormais à la Commission Coloniale de s'occuper de
cette affaire.
Mais la Commission Coloniale a d'autres chats à fouetter.
Célor ayant proposé un énième plan de réorganisation qui a

été désapprouvé par la majorité des coloniaux, la Commission
Coloniale Centrale est une fois de plus en crise. (2)
Et
comme si cela ne suffisait pas, quelques semaines plus tard
les coloniaux apprennent qu'un grave incident a opposé Hadjali
à Doriot lors d'une réunion de l'Exécutif de l'rC à Moscou.
Délégué par l'UrC avec l'accord du Comité Directeur du Parti
pour exposer les revendications des peuples coloniaux, Hadjali
s'est vu refuser la parole par le président de séance qui
n'était autre que
••• Jacques Doriot, responsable de la Com-
mission Coloniale Centrale du PCF !
(1) ANSOM SLOTFOM Ir Ca~ton 4. Note de l'agent Vé~i~é. 22-04-26.
(2) Le nouveau p~ojet vi~e a mett~e ~u~ pied une Qommi~~ion de
5 memé~ea ( 3 6~ançaia et 2 Qoloniaux ) alfant le~ pleina pou-
voi~a et dea aoua-Qommia~ion~ a voix Qonaultativea pa~ Qolonie.
Oppo~é au p~ojet Hadjali p~opoae que F~ançaia et Qoloniaux
~oient en nomo~e égal dana la Qommiaaion et que lea aOU~-Qom­
mia~ion~ aient voix délioé~ativea. A~Qnivea de la CCC~nnée 1926
bo~ine 25/172. Réunion du 14 Av~il 1926.

401
Le 3 Mai 1926, la CCC est réunie au siège du Parti pour exa-
miner cette nouvelle affaire. Dans l'assistance on note pêle-
mêle Ben Lakhal, Senghor, Nguyen The Truyen, Bloncourt,
Hadjali, Sarotte, etc
••• Doriot préside la séance et d'entrée
i l commence son intervention en
critiquant l'organisation
de l'Union InterColoniale avant d'exposer son propre program-
me en matière coloniale. Interrogé sur son attitude lors du
Congrès de Moscou, i l élude la question au grand mécontente-
ment des coloniaux, et la réunion s'ach~ve sans que le pro-
blème n'ait été tranché. (1)
Suite â cet incident, le Parti fit tout pour étouffer l'af-
faire. Les réunions de l'UIC qui devaient voir Doriot s'ex-
pliquer furent supprimées et l'on désigna Bloncourt et Sarotte
pour régler définitivement la question. Les membres de l'UIC
n'apprécièrent guère, cette démarche car Bloncourt était con-
nu pour son peu d'empressement â brusquer les choses et Sarotte
avait la réputation d'être plus dévoué au Parti qu'aux colo-
niaux. (2)
Du cOté de la rue Oudinot, le comportement de Doriot faisait
des heureux et quelques années plus tard, la direction des
affaires politiques notait avec satisfaction: " La. ma.la.dJr.e-6-
6e de VOJr.iot, pla.cé a la. tête de~ a.66a.~Jr.e~ colonia.le~ et pouJr.
tout diJr.e 6a. oJr.uta.lité, lui ont a.liéné le~ lea.deJr.-6 de~ di6-
6éJr.ente-6 Jr.a.ce~, et il-6 ont dé~eJr.~é l'Un~on, emmena.nt a.vec eux
leuJr.-6 compa.tJr.iote-6 qui -6 'éta.ient pla.cé-6 -6ou-6 leuJr. obédience". (3)
(7) ANSOM SLOnOM II Ca.Jr.ton 4. Note de l'a.gent 'Clé-6 iJr. é. 3-6-26.
( 2) ANSOM SLOnOM Ir Ca.Jr.ton 4 . Note de t'a.gent Vé-6i.Jr. é • 19-6-26.
( 3 ) ANSOM SLOnOM XIII Ca.Jr.ton1. Le commun~~me a.ux colonie-6.
Note de MJr. Budin. OctooJr.e 1929.

402
Gagner ses compatriotes de province au CDRN, tel est l'objec-
tif que Lamine Senghor s'est fixé lorsqu'il entreprend sa tour-
née des grands ports en Juin 1926. Successivement i l visite
Bordeaux, Marseille et les villes de la C~te d'Azur où sont
stationnés les tirailleurs sénégalais. En raison de cette
tournée, i l est absent lorsque le CDRN tient sa première as-
semblée générale le 4 Juillet 1926.
Organisée à l'Ecole des Hautes Etudes
SO~lales
,
rue de la
Sorbonne, la réunion est présidée par Louis Morpeaux, ancien
collaborateur des Continents, qu'entourent Masse Ndiaye,
Vilfort Pougeol et Joseph Gothon Lunion. En l'absence du
président du CDRN, c'est Gothon Lunion qui ouvre la séance.
Après avoir remercié les assistants d'être venus si nombreux(l~
i l expose le travail fait par le Comité depuis sa création
et i l rappelle à cette occasion que le CDRN est ouvert à
tous, des royalistes aux communistes. Passant à la situation
financière, i l informe l'assistance que le Comité dispose
d'une vingtaine de mille francs (2)
ce qui va lui permetttre
d'intensifier sa propagande et de lancer le journal La Voix
des Nègres.
Après les interventions des membres du bureau; c'est au tour
du Commandant Mortenol, ancien vice-président de la LUDRN,
de prendre la parole. Son intervention est brève: i l propose
(1) rt y ava~t une ~o~xanta~nede peA~onne~ ( ANSOM SLOTFOM
rr CaAton 4. Note de t'agent Vé~~Aé 6 Ju~ttet 1926 J.
(2)
La conne ~anté 6~naneIèAe du CV RN ~lexptIque en gAande
paAt~e pa~ te 6aIt qu'~t AeeevaIt une ~uovent~on men~uette de
1500 6Aane~ veA4ée paA te FCF. C6. A~en. de ta CCC Année 1926
Bo~ne 251112. RéunIon du 20 NovemcAe 1926.

403
simplement que l'on aille fleurir tous les ans la tombe de
Victor
Schoelcher
le jour anniv~rsaire(l) de sa naissance
pour commémorer son action. Mise aux voix cette proposition
est aussitOt acceptée.
Dans le coeur des débats, de nombreux points sont abordés
Kouyaté propose la création d'un salon de danse et d'un res-
taurant destiné à servir de lieu de rencontre; un Malgache
intervient pour dire que le Comité a été mal inspiré de choi-
sir le mot " nègre " qui est jugé injurieux par beaucoup et
i l propose qu'on le remplace par" noir ". Puis un Français
se réclamant de Lamine Senghor prend la parole pour faire
de la propagande pour le PCF. Aussitôt Gothon Lunion l'inter-
rompt, rappelant que les débats politiques ne sont pas auto-
risés dans les assises du CORN. Manifestement le Comité entend
marquer publiquement son indépendance vis-à-vis du PCF.
Puis arrive le tour de Louis Morpeaux. Il félicite les fonda-
tèurs du CORN et les invite à poursuivre leur action de maniè-
re à ce que les nègres de France deviennent aussi organisés
que ceux d'Amérique. Ainsi cela" danneJta. à. Jté6léc.h-<'Jt a.ux
gouveJtna.nt~
6Jta.nça.-<'~ "
Henry Torrès, le conseiller juridique du Comité, par-
le dans le même sens.
Il encourage les nègres à se grouper
solidement pour faire aboutir leurs revendications, se faire
respecter et ne plus permettre que la France les traite com-
me elle l'a fait jusqu'à ce jour
(7)
SChoelc.heJt e~t né. le 21 JuLllet 18U4.

" Pendant la gue~~e, dit-il, elle vou~ a envoyé a la
oouche~ie avec Mangin, aujou~d'nui vo~ 6~è~e~ de ~ace
~ont au Ma~oc avec un aut~e géné~al et demain ~i vou~
ailleu~~. Cette comédie a a~~ez du~é, c'e~t a vou~ de
la 6ai~e ce~~e~ quand vou~ le voud~ez " (1)
Cette organisation que chacun appelle de ses voeux
commence en réalité à prendre forme. En Juillet 1926, tou-
jours selon la police, le CDRN a atteint le stade d'une cen-
taine de membres. (2)
Et dès le début de l'automne de la même
année, les dirigeants se lancent à l'assaut de la province
pour y organiser les nègres. Ayant établi des contacts pré-
liminaires au cours de l'été, Lamine Senghor est reparti
dans le Sud de la France avec la ferme intention d'y créer
des sections locales. Au cours de ce séjour, i l fait preuve
d'un zèle particulier, déploie une activité exceptionnelle et
se montre inaccessible au découragement et aux intimidations
en tous genres. Hagiographie me dir€~'-vous? NOh)
simple
constatation de la réalité. D'ailleurs plutOt que de faire de
longs et inutiles développements, voyons plutôt son emploi du
temps
(1)
ANSOM SLOTFOM II Ca~ton 4. Note de l'agent Vé~i~é. 6
Juillet 1926.
(2) ANSOM SLOTFOM III Ca~ton 24. Note de ~ynthè~e 4U~ la LUVRN
et le CORN. Juillet 1926.

405
- Le dimanche 5 Septembre à 14 heures, i l organise" judi-
cieusement ,,(1)
une première conférence au Bar Mandarin où se
réunissent habituellement les membres de l'Amicale des Ori-
ginaires de l'AOF qui rappelons-le bénéficie du soutien offi-
ciel du ministère des Colonies. Mais à peine a-t-il entamé
son propos qu'un certain Amadou Diop l'interpelle violemment
en Wolof, interrompant prématurèment la réunion. Mieux, i l
se rend aussitOt au commissariat et dénonce Senghor comme
professant des propos anti-français, incitant notamment les
Sénégalais à chasser les Européens de leur pays. (2)
Entendu
par la police, Senghor sera relâché quelques instants plus
~.rd
après vérification d'identité.
-
Quittant Marseille, i l se rend à Fréjus où i l discute avec
les tirailleurs Sénégalais et cherche à entrer en contact avec
~
q
les élèves-officiers indigènes. Venu sans tambour ni trompet-
te, i l est cependant répéré par le Colonel Lame(3)
sous les
ordres duquel i l avait servi pendant la guerre au 68ème Batail-
Ion des Tirailleurs Sénégalais.
-
Revenu à Marseille, i l tient une seconde réunion le dimanche
12 Septembre au bar Coullomb devant une trentaine de nègres.
A cette occasion, i l déclare
(1l ANSOM SLOTFOM l CQ~~on 30. L~~~~~ du délégué du CAl de
Ma~6eille au Vi~e~~eu~ de6 A66ai~e6 Poli~ique6 (N° 1341) 1-9-26.
(2) ARCH. Vépa~~. de6 Bou~he~ du Rhône. Sé~ie M6. CQ~~on 70804
Rappo~~ du ~ommi~~ai~e de poli~e du 21ème· a~~ondi66~men~.
5-9~26.
(3) ANSOM SLOTFOM r Ca~~on 30. Le~~~e du Géné~al Nogue~ ~om­
mandan~ lQ 30ème Vivi~ion d'In6an~e~ie Coloniale au délégué
du CAl de Ma~~eille. 11 Sep~emô~e 1926.

406
n
Le~ d~oit~, le~ intl~its matl~iel~ et mo~aux du nl-
g~e, ont ltl mleonnu~ a t~ave~~ le~ age~ et le ~ont
eneo~e aujou~d'hui dans tou~ le~ pay~, mime eeux d'o~i­
gine, oa le » noi~ ", eomme on le nomme en te~me~ ml-
p~i~ant~, a étl amenl Œ viv~e loin de ~e~ attaehe~ 6a-
miliale~, loin du ~outien de ~e~ 6~l~e~, loin de ~a
pat~ie. TL ~eméle Que malg~l l'aéoliticn du honteux e~ela­
vage et l'aéolition de~ ma~enls immo~aux oa le nlg~e
ltait vendu eomme un Détail de peu de valeu~, il ~e~te
eneo~e dan~ l'e~p~it de~ nommes, jaune~ ou ~oug~~, de~
idée~, de~ ~entiment~ Qui ~endent a le eon~idl~e~ tou-
jou~~ eomme un it~e in6l~ieu~ avee lequel point n'e~t
be~oin d'aueun ~e~peet, d'aueun ménagement, a Qui en-
6in le~ vexation~ ne doivent pas it~e lpa~gnée~, et
a Qui doivent it~e ~é~e~vls les plus ~ale-6 et le~ plu~
du~e~ ée~ogne~. Sa eouleu~ - eomme ~i tou~ le~ homme~
n'avaient pa~ une eouleu~ - e~t la ma~Que indéllbile
Qui en 6ait le pa~ia de toute~ le~ ~oeiltl-6 et pa~tant
l'homme le plus malneu~eux ".
Lamine Senghor est·" exalté n, son langage est ., parfois vio-
lent mais visiblement passionné ". Il poursuit
" Nou~ avon-6 nou~ aU~-6i un pa-6aé, une hi~toi~e, noua
~omme~ en un mot un peuple. Il 6aut pou~tant Que l'on
nou~ ~eeonnaia~e, Que l'an applique a toua eeux qui
vivent en te~~e ét~angl~e le~ loia adéQuatea a n06 moeu~J,
a no-6 eoutume-6, a not~e tempé~ament. Il y a enez nou~
dea ee~veaux d'llite, de~ savants, dea voix humanitai-

407
~e& que l'on ne doit pa6 igno~e~.
Rien n' a (t( 6ait
pou~ nou.6 donne~ 6atü6ac.tion pa~ le.6 déput(.6 Viagne
et Candac.e qui, à la ChamD~e 6~ançai.6e ont indigne-
ment ~ep~(.6enté la ~ac.e n~g~e, ap~a.6 avoi~ ent~etenu
au .6ein de c.ette de~niè~e de6 .6e.ntùrent6 de haine qui 60nt
c.oule~ le .6ang pou~ 6imple6 Duta élec.to~aux. No.6 ~ep~ë­
6entant6 n'ont ~ien 6ait et il nou6 appa~tient donc.,
à nou6,
de 6ai~e quelque c.ho6e " fI)
Après avoir appelé l'assistance ~ former des sections locales
" pou~ éduque~ d'abo~d no6 6~è~e6 et 6oeu~6 et en6uite, leu~
veni~ en aide " il ajoute ;
" L'oeuv~e 6e~ait inc.omplète, 6i c.hac.un de nOU6, dan6
6a petite 6phè~e, dan6 60n milieu, 6uivant la p~o6e6­
6ion qu'il exe~c.e n'adhë~ait aux o~gani6ation6 6yndic.a-
le6 qui lui 60nt p~op~e6. Il e6t avë~ë que de n06
jou~6 pou~ ~ëU66i~, il 6aut 6ai~e de la politique. Si
je di6ai6 que je ne 6ai6 pa6 de la politique, je ne
6eftai6 pa6 6inc.è~e.
Faite6 de la politique, adhë~ez
aux 6yndic.at6 ouv~ie~6, g~oupez-vou6, 6aite6 entend~e
vot~e voix pa~ la voix de tOU6 et vou6 6e~ez 6o~t6,
~e6pec.té6 et c.~aint6. ]'in6i6te là-de66u6 et vou6 en-
gage à ne point néglige~ le6 g~oupement6 c.o~po~ati66
pou~ pa~6ai~e l'oeuv~e g~andio6e que nou6 avon6 ent~e-
(1)
Tou.6 le6 p~Op06 ent~e guille.met4 60nt ext~ait6 de A~c.a.
Vépa~t. de6 BOUc.ne6 du Rhône. Sé~ie MG Ca~ton lŒS04. Rappo~t
du c.ommi66ai~e c.ent~al de Ma~aeill~ au P~e6et de6 BOuc.ne.6
du Rhône. 14 Septemb~e 1926.

Pour conclure, i l lance à l'assistance:
" San~ dLte.ct-ive.~
pol-itique~, humanitaike.~, lLoé~atkLce.~ nou~ ~e.kion~ voué~
a un éche.c ce.ktain; d'aille.u4~ nous ~aukons y ve.-ille.k " [Tl
Après avoir entendu de tels propos, qui ne serait pas convain-
cu de la nécessité de s'organiser! Si Lamine Senghor n'a.pas
eu le privilège de faire des études, i l compense largement
cet handicap par une grande connaissance des choses de son
temps et n'est-ce pas le plus important.
Quand i l parle c'est plus l'homme que le militant qui s'expri-
me. Chez lui, nulle trace d'une quelconque" langue de bois ",
i l parle avec son coeur et avec ses tripes et, ~ l'entendre,
on comprend pourquoi même après sa mort les nègres évoqueront
encore son nom.
- Ceci dit, le 14 Septembre i l est de nouveau dans l'arène
au bar Mandarin. Il y fait /1 un odie.ux kéqui~ito-ike. contke.
la Fkance. e.t l'Admin-i~tkation Coloniale. "rzl et de nouveau
Amadou Diop sabote la réunion en se jetant sur Senghor pro-
voquant une bagarre entre partisans de ce dernier et membres
de l'Amicale des Originaires de l'AOF.
- Le 16 Septembre, i l est au bar social, un établissement tenu
par un immigré italien membre du PCF. Devant une quarantaine
de personnes dont une majorité de Soninké, i l expose inlassa-
blernent les objectifs du CORN, non sans avertir les assistants
que
"le. che.m-in de. la l-ibe.kté e.~t ke.mpl-i de. konce.~ e.t d'ép-ine.~ "
(T) ARCH. VEPART. de.~ Bouche.s du Rhône.. Sékie. M6 Cakton 10804.
Rappokt du 14 Se.pte.moke. 1926. op cit.
121 ANSOM SLOTFOM r CMton 3a. Le.ttke. du délégué du CAl a!i
V-ike.cte.U4 de.~ A66aike.s Politique.s (N° 1341) 22 Se.ptemoke. 1926.

409
et que si " Plu~ieuJr.~ de nolJ c.amaJr.adelJ lJ on.t déjà .tombé~, d' au-
.tJr.e~ .tombeJr.on.t demain pouJr. l'idéal de la libeJr..té e.t vou~ ~eJr.ez
peu.t i.tJr.e de c.eux-la ".(1)
- Finalement le 18 Septembre, i l organise une cinquième et
dernière réunion au bar du Sphinx pour y former le bureau de
la section marseillaise du CDRN. Mais une fois de plus, la
réunion est perturbée par l'intervention des membres de l'A-
micale de l'AOF qui, durant le séjour de Lamine Senghor à
Marseille, ont constamment agi en supplétifs du CAI. (2)
En raison du tumulte, les assistants se séparent sans que le
bureau de la section marseillaise n'ait été élu.
Que dire de cette tournée? A première vue, celle-ci
a été un échec du fait principalement du harcèlement inces-
sant pratiqué par le CAI et ses accolytes. Mais derrière cet
échec apparent se cache une autre réalité que le délégué du
CAI de Marseille est obligé de reconnaître avec fair play :
" Si ~e~ Jr.éunion~ on.t é.té plu~ ou moin~ .tJr.oublée~ e.t
~'il ne pu.t ob.teniJr. au lJein delJ a~lJemblée~,
le~ adhé-
~ion& qu'il aUJr.ai.t voulu gJr.o upeJr., il n'a pa~ moin~ Jr.éu~-
I1J ANSOM SLOTFOM r CaJr..ton 30. Le.t.tJr.e du délégué du CAt au
ViJr.ec..teuJr. delJ A66aiJr.elJ Poli.tiquea IWo 1341). 22 Sep.tembJr.e 1926.
(2) LoJr.~ de c.e.t.te Jr.éunion, Amadou Viop lança une pieJr.Jr.e en
diJr.ec..tion de SenghoJr. qui l'évi.ta de ju~.te~~e. PouJr.~uivan.t ~a
c.OUJr.~e la pieJr.Jr.e .touc.ha un a~~i~.tan.t qui ~'a66ai~~a au~~i.tô.t
~ou~ la violenc.e du c.hoc..(ANSOM SLOTFOM IT CaJr..ton 4. No.te de
l'agen.t Vé~iJr.é 2 NovembJr.e 1926) Vè~ le 1 Sep.tembJr.e l'adjoin.t
au délégué de MaJr.~eille éc.Jr.ivai.t d'ailleuJr.~ au c.he6 de la ~ec.­
.tian a6Jr.ic.aine du CAI a PaJr.i~ : " le nommé Amadou nou~ a é.té
d'une u.tili.té pJr.éc.ieu~e, c.aJr. ~an~ lui la pJr.é~enc.e de SenghoJr.
aUJr.ai.t pu pa~~eJr. inapeJr.çue paJr. no~ ~eJr.vic.e~
e.t il aUJr.ai.t pu
agiJr. .tJr.anquillemen.t ~an~ i.tJr.e mole~.té ". ANSOM SLOTFOM I
CaJr..to n 6.

410
4i avec Le concou~a dea nomm(a Viop Oma~ e~ Mohamed
Saddeck, a a~~i~e~ ve~a lui en deho~a dea a(ancea pu-
bLiquea un g~and nomo~e de noi~a aup~è4 de4queLa iL
agiaaai~ individueLLemen~ e~ en ~ou~e ~~anquiLi~(.
Vu~an~ Lea queLquea jou~a qu,~~L a paaa( a Ma~aeiLle il
dlploya une ac~ivi~l p~odigieuae, ai l'on aonge au~­
~ou~ qu'il a oo~enu 100% d'invaLidi~l.
MaLg~( lea
quelquea écheca qu'il a du auôi~, il a 6ai~ p~euve
d'un opiniâ~~e~é déconce~~an~e e~ 4e dépenaa aana
comp~e~, en 6aveu~ du ôu~ pou~auivi.
Se ~~anapo~~an~ de ba~eau à ôa~eau, d'é~abLiaaemen~
a é~abliaaemen~, e~ ae ~endan~ pa~~ou~ où il pouvai~
~encon~~e~ un homme de couleu~, il ae 6i~ une ~elle
publici~é, que beaucoup de noi~4 Le ~ega~den~ d(jà
COmme leu~ 6u~u~ lioé~a~eu~. Vepuia l'a~~ivée de Sen-
gho~ dan4 no~~e po~~, il ~ègne dan4 lea milieux indi-
gène4 une ce~~aine e66e~veacence 4u~ laquelle je C~Oi4
devoi~ a~~i~e~ ~ou~ pa~~iculiè~emen~ vo~~e hau~e a~~en­
~ion ,,(1), écrivait-il fin Septembre au Directeur des
Affaires Politiques après le départ de Senghor pour Bordeaux.
Parti le 19 Septembre de Marseille, Lamine Senghor est à Bor-
deaux le 27. Quelques jours plus tard, i l est sur les quais
du port en train de distribuer des tracts aux marins et dockers
nègres qu'il rencontre. Le 3 Octobre, i l parle devant une
(1)
ANSOM SLOTFOM l Ca~~on 30. Le~~~e du dllégul du CAl N° 1341
22 Sep~emb~e 1926 op ci~.

411
trentaine de nègres au bar Espagnol les appelant bien enten-
du à constituer une section bordelaise du CDRN. Ayant pro-
gramrné une réunion pour le samedi 9 à l'Athénée, i l parcourt
les débits de boisson pour faire passer l'information.
Mais en dehors de ce travail de fourmis, i l a également fait
para!tre une annonce dans le journal "La France " et fait
tirer plus de 200 affiches(l)~ de manière à attirer le plus
de monde possible. Le 9, la salle est comble et le, journal
La Presse Coloniale
affirmera dans sa livraison du 13 Octo-
bre que la réunion a été un plein succès (2) . Au cours de cet-
te assemblée, le Martiniquais Joseph a été élu président de
la section bordelaise du CDRN.
Après Bordeaux, Lamine Senghor doit se rendre au Havre, mais
vaincu par la fatigue, i l laisse ce soin à Joseph Gothon
Lunion.
Arrivé début Octobre dans le port du Nord de la France, le
secrétaire général du CDRN est accompagné de Léon HaMiJ-Char-
ley. Le Dimanche 3, ils organisent une première réunion qui
réunit une quinzaine de personnes. Les bases de la section
havraise du CDRN sont jetées et les organisateurs programment
un grand meeting pour le 10 Octobre. De nombreuses affiches
sont placardées dans la ville pour inviter les nègres à assis-
ter à cette réunion. Sur celles-ci, une gravure symbolisant
l'Afrique est accompagnée d'une phrase d'Ho Becker Sto~e di-
--------------------
(1) ANSOM SLOTFOM IIr Ca~~on 37. Le~~~e du P~l6e~ de la Gi~on­
de au Mini4~~e de4 Colonie4. 4 Oc~oo~e 1926 e~ Rappo~~ du·
Commi44ai~e cen~~al de Bo~deaux au P~l6e~. ~ Oc~ob~e 1926.
(2) La P~e.6.6·e CoLoni'a'le.
13 Oc~oo~e H26.

412
sant
» Cette pauv~e A6~ique qul 6o~ma le p~emie~ anneau
de la cha~ne my~té~ieu~e de la civili~ation et du p~o­
g~è~ humain au milieu de la nuit de~ temp~, alo~~ que
b~illaient a peine le~ p~emiè~e~ lueu~~ de la pâle
au~o~e de~ Nation4, mai~ qui,depui~ de~ ~iècle~, encha~­
née et ~aignante e~t 60ulée aux pied-!i ".
Le jour dit, à l'heure dite, les dirigeants du CDRN peuvent
s'estimer heureux puisque plus de 250 personnes, dont 50 nè-
gres et une dizaine D'Indochinois, sont présents. Après la
présentation du CDRN par Joseph Gothon Lunion, le professeur
Léon Hanna-Charley, disserte longuement sur la culture Négro-
Africaine. Puis Dan Van Thu, " l'agitateur bien connu"
Louis François, membre de la Ligue des Droits de l'Homme et
Gauthier, secrétaire local du syndicat de la métallurgie
( CGTU ) et membre du PCF prennent tour à tour la parole. (1)
Numériquement parlant, les tournées en province de Lamine
Senghor et Gothon Lunion ont été fort payantes. Rapportant
des propos du premier la police estime à 125 le nombre des
adhésions réalisées à Marseille (2) , auxquelles il faut ajouter
une cinquantaine d'adhésions au Havre(3) et une dizaine (~)
à Bordeaux(4~ Au bout de huit mois d'existence, le CDRN compte
donc près de 300 membres tant à Paris qu'en province, devenant
par là-même la première organisation à avoir groupé les nè-
(1) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 24. Rappo~t du commi~~ai~e cent~al
du Hav~e. Octoo~e 1926.
(2) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 37. Lett~e du P~é6et de la Gi~onde
au Mini~t~e de~ Colonie~. 4 Octo~~e 1926.
(3) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 37. Note du commi~~ai~e ~pécial
du Hav~e 10 Ma~~ 1927.
(4) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 37. Note du commi~~ai~e cent~al
de Bo~deaux au P~é6et de la Gi~onde. 5 Octob~e 1926.

413
gre de manière significative. Avant elle, le journal Les Con-
tinents a bien eu une certaine
influence, mais l'action de
la LUORN n'a eu " qu'une polt.:tée des plu!> ltédui..:tel.>
,,(1)
2.3. Le CORN sur la voie de la scission.
----------------------------------
a)
le jeu personnel de J. Gothon Lunion.
Alors que le CORN vient d'accrottre spectaculaire-
ment son audience grâce au travail de propagande qu'il a
fait en province, celui-ci est bientOt affaibli par une pre-
mière série de dissensions. Il existe tout d'abord des pro-
blèmes relationnels entre les dirigeants du CORN et Joseph
• Gothon Lunion, les premiers reprochant au second son intran-
sigeance et sa propension â ignorer les décisions collectives
du bureau cau profit de son point de vue personnel. (2)
A ces problèmes, somme toute mineurs, puisqu'ils ne remettent
pas en question la cohésion du Comité, viennent s'ajouter
des divergences profondes sur la tactique â adopter par le
CORN. Tandis que Gothon Lunion continue à privilégier une
ligne frontiste dans laquelle la fraction communiste du Co-
mité doit faire preuve d'une certaine réserve, Tiémoko Garan
Kouyaté préconise que l'organisation aille désormais au com-
bat drapeau rouge déployé. (3)
-----------------------
(1) ANSOM SLOTPOM III Calt.:ton 24. No.:te de I.>yn.:thèl.>e I.>ult la LUVRN
e.:t le CVRN Jui.lle.:t 1926.
(2) ANSOM SLOTFOM II Calt.:ton 4. Note de l'agent Vél.>i.lté 16-10-26.
{3} ANSOM SLOTFOM lIT Caltton 37. Note de l'agen.:t Vési.lté 23-10-26.

414
D'autres comme le Dahoméen Augustin Azango, futur président
de l'Union Progressiste Dahoméenne fondée en 1946 et futur
ambassadeur du Dahomey au Ghana (1) ~ vont encore plus loin
en proposant purement et simplement dQ transformer
le CDRN
en un Comité d'Action pour la Libération des Colonies qui
s'appuierait ouvertement sur le PCF et l'Union Soviétique. (2)
En profond désaccord avec Gothon Lunion, Tiémoko Garan Kouyaté
a préféré démissionner de son poste de secrétaire-adjoint,
mais il reste membre du CDRN et assiste ~ toutes les permanen-
ces au cours desquelles il combat les positions du secrétai-
re général. (3)
Fin Octobre 1926, le CDRN organise une assemblée
générale à l'Ecole des Hautes Etudes
Soc: i a le.s
Plus de 130
personnes sont venues assister à cette réunion qui doit pré-
senter le bilan des tournées de propagande en province et ...
voir Gothon Lunion et Kouyaté s'affronter. Mais ceux qui
s'attendent ~ la grande empoignade en sont pour leurs frais
car l'affrontement n'a pas lieu. (4)
Chacun est donc sur ses positions lorsque Joseph Gothon Lu-
nion adresse de son propre chef un télégramme au Comité Exé-
cutif de l'Internati.ona1e Communiste pour porter à sa connais-
sance que le CDRN a élu Lénine comme président honoraire per-
pétuel de l'organisation. (5)
(1)
Cla.ude GéltMd.- L'e,b' pi::o'nni:e/t.6âel''i.ndépenda.n'c.e
PMÜ,
Ed.<.,ao M
Int:eltc.o n:Unent:1.i 1 1975, pp. 75-78.
(2) ANSOM SLOTFOM rI Caltt:on 4. ~ot:e de l'agent: Vél.i'<'lté. 30-10-26.
(3) ANSOM SLOTFOM TI Caltt:on
4. ~ot:e de l'agent:~ ~,b'<'ltê. 26-10-26.
(4) ANSOM SLOTFOM
rlr Caltt:on 24. ~ot:e de l'agent: Vé.6'<'lté. 2-11-26.
( 5) L' ffuman'<'t:é
30 No vemôlte 1926.

415
Loin de marquer une quelconque radicalisation du CDRN, cet
acte s'inscrit en fait dans la partie de bras de fer qui op-
pose Gothon Lunion à ses camarades du bureau. Par ce geste,
l'ancien délégué au Vème Congrès de l'Internationale, cher-
che à se rappeler au bon souvenir des dirigeants du Komintern
et ainsi obtenir d'eux une certaine légitimation. Mais dans
cette affaire, Joseph Gothon Lunion va devenir l'arroseur ar-
rosé. En effet, le PCF qui accepte mal l'indépendance dont
fait preuve la direction communiste du CDRN a décidé discrè-
tement mais sûrement de tout faire pour la ramener dans son
giron. Ainsi lors de la réunion de la CCC du 20 Novembre 1926,
il a été décidé de " 6ai~e une puôlieité autou~ de Gothon
Lunion pou~ le po~e~ eOmme eommuni~te et évite~ ain~i toute
manoeuv~e éventuelle
de·~a pa~t en vue d'ent~a1ne~ le CVRN
ve~~ d'aut~e~ o~gani~ation~
politique~ adve~~e~ de la n6t~e "
et a-t-on même précisé" le télég~amme à l'Exéeuti6 Ela~gi
de l'IC en donne l'oeea~ion ". (1) Publié le 30 Novembre 1926
dans l'organe central du PCF, le télégramme est accompagné
d'un commentaire aigre-doux en forme de mise en demeure.
Le texte dit ceci :
Il
Le Comité de Vé6en~e de la Raee N~g~e qu~ m~ne en
6aveu~ de~ noi~~ une aetion de ~outien ~u~ tou~ le~
te~~ain~, vient, bien que n'étant en aueune 6açon un
o~gane eommuni~te,
de plaee~ le nom de Lénine, eomme
eelui de ~on p~é~ident hono~ai~e pe~pétuel. Le g~~te
e~t ~lfmboliq~e.
Le Comité de Vé6en~e de la Raee N~g~e
(1) A~eh. de la CCC année 1926. Bo~ine 25/172. ~éunion du 20-11-26.

416
eomp~end-il que le~ 6eul6 ami~ 6ine~~e~ que pui66ent
t~ouve~ le~ exploit~6 noi~~ ~ont le~ eommuni6te6;
de même que Ae6 ennemi6 ~ont eeux également du p~olé­
ta~iat mondial? Il e~t impo~ta.nt q.u'un g~oupe .eomme
6u~ le te~~a.in pu~ement<de ~a.ee eomp~enne que la. que6-
tion ~e po~e 4U~ la pla.n a.nti-impé~ia.li~te inte~na.tio­
na.l et que la. lutte pou~ l'éma.neipa.tion de la. ~aee noi-
~e ~~ la. même que eelle que m~nent eont~e le ea.pita.-
li~me exploiteu~ le~ ouv~e~4 o~gani~é~ du monde entie~ " (11
Pour Joseph Gothon Lunion, la publication du télégramme est
vraiment un " sale coup ", car il perd toute crédibilité aux
yeux des non-communistes et passe pour un opportuniste auprès
de la fraction communiste. Cherchant â se tirer de ce mau-
vais pas, il se lance dans une campagne de dénigrement tous
azimuts. Frappant sur sa gauche, il accuse Léon Hanna Charley
de discuter de l'orientation politique du CORN avec des com-
munistes notoires sans en référer aux membres du Comité.
Frappant sur sa droite, il dénonce Kojo Tova1ou Houénou pour
avoir dilapidé les fonds qu'il avait recueilli aux Etats Unis
et fait des gorges chaudes sur ses chèques sans provision. (2)
Enfin pour rehausser son prestige, il prétend ~tre en relations
avec Aristide Briand et évoque les nombreux contacts officiels
qu'il a pu avoir avec des hommes politiques lors de
(1)
L'Humanité
30 Novemb~e 1926.
(2)
ANSOM SLOTFOM II Ca.~ton 4. Note de l'a.gent Vé~i~é. 1-12-26.

417
ses voyages en Allemagne et en Russie. La révélation de ces
relations supposées ou réelles a pour objectif de prouver
que Joseph Gothon Lunion est bien tf the right man at the
right place tf.
Mais les frasques du secrétaire général du CDRN n'illusionnent
plus grand monde et Kouyaté n'hésite pas à l'accuser pub li-
quement de vouloir vivre aux-frais du Comité et d'éliminer
tous ceux qui le gênent pour s'emparer de la présidence. (1)
En convalescence dans le Midi de la France, Lamine Senghor
ignore toutes ces péripéties et quelle n'est pas sa surprise
quand, regagnant Paris fin Décembre 1926, il apprend que Go-
thon Lunion a détourné l'argent du CDRN. (2)
Lors d'un réunion rassemblant Léon Hanna Charley, Vilfort Pou-
geol, William, Kouyaté et Senghor, décision est prise de des-
tituer Gothon Lunion de son poste et de le remplacer provisoi-
rement par Tiémoko Garan Kouyaté. (3)
Mal en point, Lamine Senghor repart rapidement dans le Sud
pour y passer les fêtes de fin d'année. Profitant de son
absence, Gothon Lunion tente alors de le discréditer auprès
des membres du Comité. Il le rend responsable de son excln-
sion et l'accuse de travailler plus pour le bien du PCF que
pour celui du CDRN, ajoutant qu'il manque de prestige et
(7)
ANSOM SLOTFOM Irr Cak~on 24. Note de l'agent Vé~iké 8-72-26.
(2) Gothon lunion a no~ammen~ 6a~~ kéali~ek de ~on pkopke ehe6
POUk 100 6kanea d'inaignea deatinéa aux mem6kea du CVRN. ANSOM
SlOTFOM rrr Cakton 31. Note de l'agent Vé~iké 23 Véeembke 7Q26.
(3) ANSOM SlOTFOM rrr Cakton 31. Note de l'agent Véaiké 21-12-26.

418
d'autorité, son manque d'instruction lui empêchant d'avoir
les relations nécessaires au président d'une organisation com-
me le CORN. Enfin dans son combat, i l tente d'entra!ner Henry
Torrès l'avocat conseiller du Comité et, rappelons le, ex-
membre du PCF.
Oe retour à Paris début Janvier 1927, Lamine Senghor est
averti par ses camarades de la ft réception ft que lui prépa-
re Henry Torrès pour le 7 Janvier. Mais décidé à ne pas se
laisser manoeuvrer, i l les rassure d'avance en leur déclarant
» Je ne lui ai pa6 ~eeonnu le d~oi~ d l'admini6~~a~ion.
NOU6
l'avon6 6implemen~ 6olliei~é d'aeeep~e~ le6 6one~ion6 d'avoea~
eon6eil de no~~e a66oeia~ion au ea6 où le gouve~nemen~ nou6
ehe~ehe~ai~ de6 ennui6 n. (7)
Puis i l passe à l'offensive contre Gothon Lunion en prévision
de l'assemblée générale du !6 Janvier 1927. Lors d'une réunion
au siège du CORN, i l exprime sans fard ce qu'il pense de l'ex-
secrétaire général du Comité
»
La eon6ianee que nOU6 in6pi~ai~ le pa66é de Go~hon
Lunion nOU6 a inei~é a l'inve6~i~ d'une 6one~ion impo~-
~an~e dan6 le bu~eau. Tl nou6 a ~~ahi. Il a volé l'a~-
gen~ de6 eo~i6a~ion6,
lO~6que nOU6 e~oyion6 avoi~ de
l'a~gen~ la eai66e é~ai~ vide. NOU4 ne voulon6 plU6
ê~~e dupe6. Pou~ eela il 6au~ eha66e~ Go~hon Lunion,
ee que nOU6 6e~on6 a la p~oehaine a66emblée géné~ale Il. (2)
(7) ANSOM SLOTFOM II Ca~~on 5. No~e de l'agen~ Vé6i~é. 8-7-21.
(2) ANSOM SLOTFOM TI Ca~~on 5. No~e de l'agen~ Vé6i~é. 12-7-21.

419
b)
Les complots contre le CDRN.
Le 16 Janvier 1927 à 15 heures, 120 personnes se
pressent dans la salle de l'indépendance au 48 rue Duhesme
dans le 18ême. (1)
La salle est comble car chacun a amené ses
partisans en fonction du duel Senghor 1 Gothon Lunion qui
s'annonce" sanglant n. Mais pour d'autres l'enjeu est ail-
leurs. Profitant du combat fratricide qui se déroule au sein
de la fraction communiste, les partisans de l'assimilation
ont bien l'intention de s'emparer de la direction du CDRN
et le nom de René Maran est souvent cité en remplacement de
Lamine Senghor à la présidence du Comité. Dans la salle, les
principaux tenants de cette .tendance sont Maurice Sacineau
et Moutia.
Par ailleurs Max Clainville BIoncourt , secrétaire général
de la désormais squelettique Union InterColoniale, est venu
pour régler le contentieux
qui l'oppose
à Senghor et Go-
thon Lunion depuis leur départ de l'UIC et lancerune " OPA ,,(2)
sur le CDRN pOur le compte du PCF. On s'en souvient, la créa-
tion du CDRN s'est faite contre ou pour le moins sans l'avis
du Parti et quelques mois plus tard, la Commission Coloniale
Centrale a du se r~soudre à la conclusion suivante
" Nou-6 avon-6 :tJloi-6 e.amaftade.-6 e.ommuni-6.te.-6 dan-6 le. bufte.au du
Comi.té de. Vé6e.n-6e. de. la Rac.~ Nègfte. maü jU-6qu'ie.i i l nou-6 a
(1)
ANSOM SLOTFOM rr Caft.ton 5. No.te. de. l'a.ge.n.t Oé-6ifté. 18-1-21.
(2)
06~fte. Publique. d'Ac.ha.t.

420
été impo~~ible de pouvoi~ cont~ôle~ leu~ t~avail. La au~~i
il 6aut patiente~, il ne ~e~vi~ait a ~ien de b~u~que~. Au
" (1 J
cortt~ai~e.
Le temps passe et fin .1926,
, Joubert le res-
ponsable de la CCC en est réduit il constater que " le poirtt
rtoi~ de la Commi~~iort Colortiale e~t la que~tiort rtèg~e ,,[2) (~ic!).
Pour mettre fin il cet état de chose, i l a été décidé le 20
Novembre 1926 :
1°) de faire entrer des camarades Antillais et des camarades
du Parti au CORN pour y renforcer le noyau communiste,
2°)
dès que possible constituer une fraction communiste au
sein de cette organisation,
3°)
faire revenir notre camarade Senghor pour qu'il reprenne
effectivement la présidence de ce Comité { il l'époque i l
était en convalescence dans le Midi ),
4°)
donner des directives aux organismes du parti ayant, dans
les villes de
leur ressort, des sections du CORN en vue
d'augmenter leur recrutement parmi les nègres et former nos
fractions dans ces sections,
5°) maintenir la subvention mensuelle de 1 500 francs au CORN.
Outre ces
5 points, i l a été proposé de " 6ai~e urte publici-
té autou~ de Gothort Lurtiort " ( voir supra ) et de lui in-
fliger un blâme non public " ert ~ai~ort de~ mertace~
ertve~.6 le
Pa~ti cOrttertue.6 dart~ le ~appo~t du 25 Octob~e 7925 rr
(7) A~chive~ de la CCC. Artrtée 7i26 bob 25(172. Rappo~t ~u4 le~
que~tiort~ colortiale~ rtort daté.
(2)
A~chive~ de la CCC. Artnée 1926 bob 25[172. Réuniort de
la CCC, 20 Movemb~e 1926~

421
Le décor étant en place, la séance peut s'ouvrir. La réunion
est présidée par Stéphane Rosso qui a rejoint le CDRN en
tant que camarade Antillais membre du Parti pour " renforcer "
le noyau communiste. Il est assisté par Lamine Senghor, Tié-
moko Garan Kouyaté, Capitaine et Avomassodo qu,i f a i t " gra-
cieusement " la sténo pour le compte du CAI.
Avant d'entrer dans le vif du débat, Lamine Senghor prend
la parole pour exposer la ligne de conduite du CDRN. Mais,
â peine a-t-il commencé son exposé qu'il est interrompu par
Moutia qui lui fait remarquer que ce n'est pas le lieu pour
faire de la politique. D'emblée l'ambiance s'annonce tendue.
Obtempérant â la remarque de Moutia, le président du CDRN
se lance dans un long réquisitoire contre Gothon Lunion, sui-
vi peu après par Kouyaté.
Submergé par un flot d'accusations, l'ex-secrétaire général
du CDRN se défend comme i l peut. Il retrace l'historique du
CDRN pour mettre en valeur son r01e de membre-fondateur, i l
évoque ses problèmes avec le PCF lors de son séjour en Russie
pour se démarquer des communistes, et i l affirme avoir tou-
jours travaillé pour le bien du Comité â l'inverse de Sen-
ghor qui est l'agent du PCF.
B1oncourt entre alors dans la bataille et i l accuse Senghor
et Gothon Lunion d'être des communistes notoires. Il leur
déclare qu'ils ont jadis trop étalé leurs opinions pour
qu'on les méconnaisse aujourd'hui.
" Vou.s
ê.te.s :t.ou.s deux .so/t-
:t.ù de vo:t./te. /tôle en i.n:t./toduüan:t. la poLUi.qu.e daM une. o/tga-
n-üa:t.ion où elle n' avai:t. /tien a 6ai/te. 11 leur 1ance-t-i1 et

422
s'adressant à la salle il demande aux nègres ·s'ils veulent
être libres ou menés par les communistes. La réponse ne se
fait pas attendre et Bloncourt est ovationné. AussitOt Moutia
comprend qu'un renversement de
situation est en train de
se produire et il demande habilement la démission du bureau.
Bloncourt appuie cette proposition mais il fait judicieuse-
ment remarquer qu'il sera difficile de trouver des hommes ca-
pables de redresser le CORN. Qu'~ cela ne tienne, Moutia pro-
pose ~ Bloncourt de faire partie du nouveau bureau. Dépité
Gothon Lunion dénonce Bloncourt comme étant membre du PCF,
mais l'assembléel'a trop entendu, elle ne l'écoute plus.
Ainsi grâce à une alliance contre-nature, l'ancien bureau du
CDRN est destitué et remplacé par un bureau provisoire dont
Amadou Ndiaye est le président, Bloncourt le vice-président,
Maurice Satine au le secrétaire-général, Kouyaté le secrétai-
re-adjoint et Vilfort poug~ol l~ trésorier. (1)
Lamine Senghor et Gothon Lunion évincés, Kouyaté marginalisé
dans le nouveau bureau, Bloncourt sans véritable pouvoir à
la vice-présidence, tout concourt ~ faire de Maurice Sati-
neau, et donc des assimilationnistes, les nouveaux hommes
forts du CORN. Fixée initialement au 6 Février 1927, l'élec-
tion du bureau définitif est finalement repoussée au 27 Fé-
vrier pour permettre ~ Lamine Senghor, Max Bloncourt et Ca-
mille Saint Jacques de se rendre au Congrès de Bruxelles.
(1) te eompte-~endu de eette a44emolée géné~ale a été 6a~t à
pa~t~~ du ~appo~t de l'agent Vé~~4é du 18 Janvie~ lQZ1.
ANSOM SLOTFOM Tr Ca~ton 5.

423
En Fêvrier 1927 se tient dans la capitale belge
un congrès d'une grande importance pour les peuples op-
primés de la terre. Sept ans après le Congrès des Peuples
d'Orient de Bakou {
Septembre 1920 ) et 28 ans avant la Con-
férence de Bandung
( Avril 1955 ), les principaux mouvements
de libération nationale du futur Tiers-Monde se sont donné
rendez-vous avec le mouvement ouvrier des grands pays capi-
talistes pour faire entendre leurs voix dans le concert des
nations.
D'après Camille Saint Jacques, déléguê de l'Union InterColo-
niale ~ Bruxelles, l'idée d'un tel congrès a été lancêe par
Jawarharlal Nehru(1), mais si l'on en croit une lettre de
Louis Gibarti(2)
~ Jacques Ventadour(3) l'initiative du Con~
grès et l'idêe de crêer une organisation anticolonialste in-
ternationale viennent d'Albert Einstein, de George
Lansbury(4),
d'A. Marteaux (5) , de M. Gérard (6) , de Liou Han Sin(7) , du Dr
Megri(8)
et d'un certain nombre d'organisations telles la
Ligue Anti-impêrialiste d'Arnêrique Latine, la Ligua Nacional
----------------------
(1)
Ent~etien de l'auteu~ aveQ Saint ]aQque~ le 12-3-84 a Pa~i4.
(2)
Loui4 Gioa~ti QeQ~étai~e géné~al de la Ligue Anti-impé~iali4te.
(3) ]aQque~ Ventadou~ ~eQ~étai~e géné~al de la ~eQtion 6~ançai4e
de la Ligue Anti-impé~iali~te.
(4) Geo~ge
Lan~ou~y paQi6iate, anQien mem6~e du PC,· leade~ du
Labou~ Pa~ty
(5) A. Ma~teaux député du Pa~ti Ouv~ie~ Belge ( POE).
(6) M. Gé~a~d avoQat mem6~e du POE.
(7)
Liou Han Sin délégué plénipotentiai~e du Kuo Min Tang en Eu~ope.
(8) V~ Meg~i amba44adeu~ du Mexique.

424
Campesina du Mexique et la COncentration Nationale d'Indo-
nésie. (l)
Si ces deux hypothèses sont crédibles, elles sont toutefois
partielles car elles ignorent le rôle capital joué par l'In-
ternationale Communiste par le biais du député communiste
allemand et " génie de la propagande politique ,,(2), le
fameux: Willy Muzenberg.
En effet, le Congrès de Bruxelles se veut le symbole de la
politique de front uni préconisé â l'époque par l'Internatio-
nale Communiste et ce â trois niveaux :
- 1°) alliance entre les nationalistes bourgeois et révolu-
tionnaires dans les pays coloniaux ou semi-coloniaux ( cf •
le Kuo Min Tang );

- 2°) alliance entre communistes et socialistes dans les
grandes puissances capitalistes;
- 3°) alliance entre le mouvement ouvrier européen et le mou-
vement de libération nationale des peuples opprimés.
Le 13 Septembre 1926 a eu lieu en Allemagne une
conférence préparatoire qui a certainement réuni exclusive-
ment les participants communistes. (3)
Lors de cette réunion, les PC ont désigné les organisations
non communistes qui seraient invitées. Suite â la désagré-
gation de l'UIC et â la
naissance du CDRN, la Commission
-~-----------------------
(1)
Lett~e du 5 Aoat 1921 eitle pa~ M~ekel V~eY6u~ in "la
ligue
eontJte l'1.mpé~1.al.üme et l'opp~e..ts-.ts-1.on eolon~ale ".-Commu:ni.'3'me.
N° 2 1982
pp. 49-11.
(2)
F~anço1..ts- Fejto " W1.ll1. Munzen~e~g : un gén~e de la p~opagan­
de pol1.t~que. ".L"ffù:to1:~e N° 11. Nov. 11f19
pp. 18-80.
(3)
A~eh. de la CCC Année 1921 ~o~ 25/112 Réunion du 4-9-21.

425
Coloniale Centrale a été fort embarassée pour faire son choix.
Ne possédant aucune liaison directe avec l'AEF, elle envi-
sage seulement l'envoi d'un délégué dahoméen
C Kojo Tovalou
Houénou ? ) pour représenter l'AOF. Concernant les nègres
résidant en France, le problème est encore plus délicat.
René Maran ferait un bon candidat, mais sa désignation sou-
lèvera à coup sûr des problèmes avec le CDRN. D'autre part
ce dernier ne peut seul représenter les nègres, car la sec-
tion Vieilles Colonies et Peuples Noirs de l'UIC ne se recon-
naît pas en lui. En fin de compte une solution de compro-
mis est adoptée: l'AOF et l'AEF seront représentées par
le CDRN, les Antilles par l'UIC et le CDRN et l'UIC partici-
peront au Congrès en tant qu'organisations Cl) !
L'Afrique du Nord sera représentée par l'Etoile Nord Africai-
ne ( ENA)
et l'Indochine par le Parti Annamite de.l'Indé-
pendance' C PAI.) et des constitutionnalistes.
Une semaine avant l'ouverture du Congrès de Bruxelles, le 2
Février 1927, la Ligue Française contre l'Oppression Colo-
niale et l'Impérialisme est créée â Paris. A cette occasion
un Comité Exécutif est constitué qui comprend Victor Basch
fondateur de la Ligue des Droits de l'Homme, André Berthon
l'avocat et député communiste, Max BIoncourt, Lamine Senghor
(1)
Idem No~e 3 page p~éeéden~e.

426
Félicien Challaye socialiste membre de la Ligue des Droits
de l'Homme ayant quitté le PC en 1923, Jacques Ventadour,
Camille Drevet ( une femme ), Gabrielle Duchênes pacifiste
et féministe et Henri Barbusse ~ qui revient la direction
du Comité. (1)
A l'approche du Congrês, le CDRN est en crise et pour éviter
tout problême Lamine Senghor propose à Maurice Satineau et
Tiémoko Garan Kouyaté de l'accompagner à Bruxelles.
Mais prétextant des raisons d'ordre professionnel, l'un et
l'autre refusent. (2)
En fin de compte, Lamine Senghor se rend
à Bruxelles en compagnie de Max BIoncourt, Camille Saint
Jacques, Messali Hadj, Chedly Khairallah et une douzaine
d'Indochinois. Parmi les autres délégués on note des noms i l -
lustres ou qui le deviendront
J.T. Gumede de l'African
National Congress
ANC ), J. La Guma du South African Com-
munist party
( SACP ), Nehru du Congrès Pan Indien, Sen
Katayama le leader communiste japonais, Mohamed Hatta futur
compagnon de Soekarno, etc ••. Passons sur les délégations
européennes pour finir sur la prestigieuse présidence d'hon-
neur : le savant Albert Einstein, l'écrivain Maxime Gorki,
la veuve de Sun Yat Sen et le général chinois Lu Dschung Lin.
Réunis du 7 au 14 Février 1927 au Palais Egmont de Bruxelles,
le congrês constitutif de la Ligue contre l'Oppression colo-
(1) ANSOM SLOTFOM XIII Ca~~on 3. Le communi4me aux colonie~.
No~e de M. Budin Oc~ob~e 1Q29.
(2 JBuUe~Ùt 'de' La Li'gue 'conDr.e L"OppJr.e44i:onC'ol'o'ni:aLee~
l'Tmp~ki:ali:4me N° ~p~c.ia:e. 1927 p. 6.

427
niale et l'Impérialisme réunit 175 délégués, représentant 134
organisations venant de 37 pays. Cl) Le la Février, les débats
s'ouvrent sous la présidence du Néerlandais Fimmen et c'est
Henri Barbusse qui prononce le discours d'ouverture
" PouJt la pJte.m~èJte. 6où, d.it-.U.. , le..& Pe.Uple.4 pJtü 0n-
n~e.Jt4, le.~ Pe.Uple.4 maJttlfJt~, le.~ pe.llple.~ ~ac.Jt~6.[é4 du
monde. 4e. Jtéun~44ant,
4e. 60Jtme.nt a.n un 5loc. c.ompac.t.
PlU4 auc.un de. nOU4
ne. ~e. la.i~4e. tJtompe.Jt paJt le.4 40-
phY4me.4 hlfpOC.Jt~te.4 que. l'~mpéJt~al~4me. dJte.44e. a~n4~
qu'une. C.OUl~~4e. de. théâtJte., de.vant c.hac.une. de. 4e.4 hoJt-
Jte.UJt4 c.olon~4atJt~c.e.4,
paJt la pJtoc.lamat~on bJtU4qUe. d'un
jouJt a l'autJte. c.omme. légal, de. la plU4 oJtutale. de.4 oc.-
c.upat~on4; paJt l'e.4tamp~lle. de. pol~t~que. C.~v~l~4atJt~­
c.e. qu'on a.PP04e. 4UJt l'oppJte.~.&~on v~ole.nte. it la baJt-
baJt~e. ". (2) Ayant donné le ton il poursuit:
" Nou4 4avon4 paJt6a~te.me.nt que. l'h~4tO~Jte. de. l'~mpé­
Jt~al~4me. C.'e.4t l'h~4tO~Jte. du vol e.t du p~llage..
rl e.X~4­
te. de.4 palf4 qu~ ont le. 50nhe.uJt - ou le. malhe.uJt - de.
P044éde.Jt de.4 Jt~C.he.44e.4 natuJte..e.le.~;
d'êtJte. POUJtvUA
4u66~4amme.nt e.n Jté~e.JtVe.4 huma~ne.4 paJtm~ le.4qUe.lle.4 on
Jte.c.Jtute. la ma~n d'oe.uvJte. a e.xplo~te.Jt e.t la c.ha~Jt a
c.anon4; d'êtJte. de.4 débouc.hé4 pouJt le.4 maJtc.hand~4e.4;
de. 4e. tJtouve.Jt jU4te.me.nt 4UJt de.4 VO~e.4 c.omme.Jtc.~ale.4

l'on c.on4tJtu~t de.~ 60Jtte.Jte.4~e.4 e.t l'on dJte.44e. de.4 c.a-
( 1) 8uUe.t:<:'n 'de.' LaU'gu'e. 'c.ont'Jle.' L' OppJte.'4:&',,[;on 'ColOrt~at.e.e.t
.e.'rmpéJt~at.'ùine. Spéc.~al 1o/2r p. 6.
(2) M~c.he.l VJte.lf6ù~ op c.~t. pp. 61-65,

428
non~. C'e6t ~u~ ce6 pay~ que l'ét~ange~ t~Lomphant po~e ~on
talon de 6e~.
S~ le peuple opp~~mé 6a~t m~ne de oouge~ et
~'~l p~ote~te, on le dé~la~e ~eôelle. On appelle alo~~ le6
~évolté6 - b~~gand~ - le~ o~~gand6 ma~oca~n~, le6 b~~gand~
ch~no~~. S~ le peuple 6e ~oulève cont~e l'~mpé~~al~~me ét~an­
ge~, on d~t alo~~ qu'~l a exc~té la na~ne de ~ace ".(1)
Après ce discours formidable sur la forme comme sur le fond,
les débats commencent. Le lendemain, après le délégué du Par-
t i National Egyptien Hafiz Ramadan Bey et le nationaliste
indonésien Mohamed Hatta, c'est au tour de Lamine Senghor de
monter à la tribune. Après avoir brièvement présenté le CORN
et répondu au délégué égyptien que son pays ne pouvait être
libre comme il le prétendait du fait de la mainmise de la
Grande Bretagne sur le Canal de Suez,
i l entre dans le vif
du sujet. Son intervention a cela d'original qu'elle est
constituée d'une série de thèmes sur lesquels i l disserte
comme i l l'avait fait jadis sur le mot" nègre ". Tour à tour
la Il civilisation ", les travaux d'intérêt général
( le tra-
vail forcé),
la vente collective d'esclaves
t les échanges
de territoires entres puissances coloniales ) et le recrute-
ment militaire font les 'frais de l'opération. Sur ce dernier
point i l déclare :
(1)
M~chel V~eY6u~ Il la l~gue cont~e l'opp~e6~Lon colon~ale
et l'Lmpé~~alùme " op. cLt.

429
" VOU6 avez vu que pendant la gue~~e, on a ~ec~ut~ au-
tant que p066ible de6 nèg~e6, pou~ le6 emmene~ 6e 6ai-
~e tue~. On en a tànt ~ec~ut~ que le6 gouve~neu~6 6~an­
~ai6 avaient ~e6u6~ de continue~ le ~ec~utement pa~ce
qu'il6 avaient peu~ que le peuple 6e ~évolte. Mai6
comme il 6allait ~ec~ute~ a tout p~ix, on e6t allé
che~che~ un nèg~e 6pécial et on l'a couve~t d'honneu~6,
en l'appelant Commi66ai~e Géné~al ~ep~é6entant la Ré-
publique F~an~ai6e en A6~ique. On l'a 6ait e6co~te~
pa~ de6 o66icie~6
6~an~ai6,
de6 nèg~e6 déco~é6, gal-
lonné6 pa~tout : il a déba~qu~ dan6 60n ex-pay6 et la,
il 6ut ~e~u pa~ de6 ~ep~é6entant6 de la F~ance la-ba6
de6 admini6t~ateu~6,
de6 gouve~neu~6 de6 colonie6,
mU6lque en tête, et le6 6oldat6 p~é6entaient le6 a~me6.
Le nèg~e ain6i hono~é ~ec~uta 8a aaa homme6 en plu6,
6u~ le6 500 000 homme6 qui 6e battaient déja en F~an-
ce.
On a 6ait tue~ n06 cama~ade6 pou~ la p~emiè~e gue~~e
du Ma~oc, avant la g~ande gue~~e, pendant la gue~~e
de 14-18, ap~è6 celle-ci et enco~e aujou~d'hui, on
tue au Ma~oc, on a tué et on ~etue dan6 le Ri66 et
en Sy~ie : on envoie de6 nèg~e6 a Madaga6ca~; on envoie
de6 nèg~e6 en Indochine palLce que c' e6t t~è6 pILè6 de
la Chine qui lui donne un excellent exemple lLévolu-
tio rlnailLe.
( . ... )

430
Cama~ade~, le~ nèg~e~ ~e ~on~ ~~op long~emp~ endo~m~~
maù mé6iez-vou~ ! Celui qu-t a ~~op 6'<'en do~mi. e~ qu'<'
~Iea~ ~éveillé ne se ~endo~m-t~a plu~ ".
Après avoir dénoncé encore une fois l'ignoble inégalité des
pensions militaires i l termine sur ces mots
" Cama~ade~, e'e~~ eon~~e ~ou~e~ ee~ iniqu.<.~éa, eon-
~~e eea a~~ae.<.~é~ que je vien~ de voua énumé~e~, que
nou~ nou~ aommea g~oupéa pou~ noua dé6end~e. La jeu-
neaae nèg~e eommenee main~enan~ à voi~ ela'<'~. Noua ~a­
VOn~ e~ nOua eon6~a~ona
que, lo~squ'on a oeao'<'n de
noua pou~ nOua 6ai~e ~ue~ ou pou~ nOua 6ai~e ~~ava'<'l­
le~, noua ~ommes des 6~ança-t6; mais quand il a'ag'<'~ de
noua donne~ lea d~oi~s, nous ne ~ommea plua de~ 6~an­
çais, noua aommea des nèg~ea.
Le Cong~èa ~éuni i.ei. a, je e~ois, ~éalisê le voeu de
beaueoup qu.<., eomme mo-t, dési.~e~aien~ ae donne~ ~ou~
en~ie~ au ~~ava-tl de li.oé~a~ion uni.ve~aelle. Pa~ee
que ju~~emen~ ee aon~ eeux qui. auiven~ l'idéal ~évo­
lu~ionnai~e e~ eeux qu~ sùiven~ un i.déal humani.~ai~e
qui ae aon~ ~éunia -tei, se sae~i6ien~ de.~ou~ea leu~a
6o~ee~ pou~ aupp~i.me~ ee~~e in~ense opp~e~aion impê-
~ialia~e ~u~ le monde en~i.e~.
L'opp~e~aion impë~ial-ta~e que nouS appelona eoloniaa-
~ion ehez noua e~ que voua appelez '<'mpé~ialiame '<'e~,
e'ea~ la même ehoae eama~ades; ~ou~ eela n'ea~ que du
eapi~aliame; e'ea~ lui. qui en6an~e l'i.mpé~iali.ame ehez
lea peuple~ mé~~opoli.~ai.na. Pa~ eon&équen~, eeux qui.

431
donne~ la main, ~e ~e~~e~ le~ eoude~ avee eeux qui
~ou66~en~ le~ mé6ai~~ de l'impé~iali~me mé~~opoli~ain,
po~~e~ le~ même~ a~me~ e~ dé~~ui~e le mal unive~~el
qu'e~~ l'impé~iali~me mondial.
Cama~ade~, il 6au~ le dé~~ui~e e~ le ~emplaee~ pa~
l'union de~ peuple~ li6~ea. Plu~ d'e~elave~ ! ,,(7)
Habitué aux congrès d'où ne sortaient que de pieuses résolu-
tions, i l déclarera
" Tl ne ~'agi~ plu~ de ~é~olu~ion~
qui peuven~ ê~~e
demain de~ ehi66on~ de papie~.
Le~ di~eou~~ ne ~on~
~ien. Tl 6au~ que nou~ ~olfona ~ou~ d'aeeo~d pou~ é~~an­
gle~ l'impé~ialiame. E~ ee n'ea~ paa aeulemen~ eon~~e
lea exae~ion~ de la eoloniaa~ion qu'il 6au~ lu~~e~,
e'e~~ la eQloni~a~ion elle-même qu'il 6au~ aéa~~~e.
Tl ne 6au~ donne~ a aueun paifa, quel qu'il ~oi~ dea
eolonie~ a exploi~e~; il ne 6au~ paa qu'aueun peuple,
quel qu'il aoi~, pui~~e opp~ime~ un au~~e peuple
en le eoloniaan~. Je ~alue, ( .... J, lea mouvemen~a
na~ionaux, p~emiè~e é~ape ve~~ la ~évolu~ion p~olé­
~a~ienne in~e~na~ionale ". (Z)
Une fois de plus par sa passion et sa sincérité Lamine Senghor
a forcé l'admiration de tous. Parlant de lui Camille Saint
Jacques nous a dit :
(7) Le diaeou~a de Lamine Sengho~ eat ~ep~odui~ in~ég~alemen~
daM la· Cloix -âe-a· Nègkea Nt> 1 MaM 1q'/..1.
( Z1 L' Hum·an·iü 16 Fé v~ie~ 19'/..1.

432
»C'l~ai~ un homme qui n'avai~ p~a~iquemen~ aucun ba-
gage in~ellec~uel. Au Cong~ès il 6i~ un di~cou~~,
~an~
g~ande p~l~en~ion ~hlo~ique, mais Da~l ~u~ de~ 6ai~~
de la vie quo~idienne. Tou~e la 6o~ce de son di~cou~~
~epo~ai~ ~u~ la 60i avec laquelle il l'exp~imai~.
Ce~~e p~060nde ~incl~i~l de~ sen~imen~~ 6u~ ~e~~en­
~ie pa~ le Cong~è~ qui 6u~ vl~i~aolemen~ ~enve~~l pa~
ce di~cou~~. Neh~u qui l~ai~ a cô~l de moi ~e dlcla~a
que c'l~ai~ le plus Deau de ~ous le~ di~cou~~ du Con-
g~è~. 1'. (1) Le Congrès n'a pas été le seul 1 être irn-
pressionné. Dans une note de l'Ambassade de France en Belgi-
que au Ministère des Affaires Etrangères on pouvait lire:
» Un obse~v~~eu~ 066icieux qui a ~uivi le~ ~lance~
pou~ le comp~e de l'amôa~sade a l~l 6~appé pa~ la vio-
lence de~ di~cou~s du nèg~e ~lnégalai~ Sengho~ élu
pa~ l'a~~emblée memb~e de ~on Comi~é Exécu~i6. ( ... ).
Il ~'es~ élevé avec âp~e~l con~~e le ~égime de~ pen-
~ion~ mili~ai~e~ a~~~iôules aux mu~ill~ de gue~~e noi~~,
que~~ion qui ~emôle lui ~elli~ pa~~iculiè~emen~ a coeu~
e~ con~~e l'opp~e~~ion du gouve~nemen~ 6~ançai~.
Il
a ~lclaml l'indlpendance complè~e des colonie~ d'A-
6~ique.»(Z)
(1)
En~~e~ien de l'au~eu~ avec Camille Sain~ Jacque~ le lZ
Ma~~ 1984 a Pa~is.
(Zl A.N. Sl~ie F7 CM~on 13170. Noü ~eçu.e pM le Min. du. A66.
E~~angl~e' le 1!-Z-Z7: Reginald
B~idgeman, sec~l~ai~e glnénal de
la ~ec~ion ô~i~annique de la Ligue An~i-impl~ialis~e ~emanqua
égalemen~ la violence des p~opo~ de Sengho~.(J. A~odele Langle~
op ci~ p. 305.)

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434
Représentant Les nègres au sein du Comité Exécutif de 12 mem-
bres élu par l'assemblée, Lamine Senghor sort du Congrès de
Bruxelles avec un prestige renforcé. Par ses interventions,
i l a infligé un démenti cinglant â ceux qui voulaient pré-
senter le CDRNcomme une organisation se plaçant Il sur le
terrain purement de race Il selon la formule de l'HUmanité.
Militant de la cause nègre, militant de la cause des peuples
opprimés, militant de la cause communiste enfin, tel est appa-
ru Lamine Senghor au Congrès de Bruxelles.
Grace â la publicité faite autour du Congrès de Bruxelles par
le PCF, l'UIC, le CDRN, la section française de la Ligue con-
tre l'Oppression Coloniale et l'Impérialisme, etc ••. celui-ci
a trouvé un grand écho parmi les colonisés residant en France.
Analysant" l'état d'esprit des indigènes Il habitant en métro-
pole, en Avril 1927, le Ministre des Colonies constate que
" l'ltat d'e~p~lt de~ Indlglne~ ~laidant en F~ance e~t,
a l'heu~e actuelle, en glnl~al mauval~. Le ~uccl~ de~
a~mée~ cantonnal~e~,
a~mle~,
paqée~
et encad~le~ pa~
le~ Rouge~, le~ excitationa que ae ~ont p~odlguée~ le~
délégué~ de~ peuple~ opp~lmê~, colonIaux ou ~emi-colo­
nlaux, au Cong~l~ de B~uxellea,
la g~l~e~le de~ pa~o­
lea violente~, Impunlment p~ononcée~ a cette con6l~en­
ce, la c~lation de la lIgue cont~e l'opp~e~~lon colo-
nIale et l'lmpé~lallame, due a de~ In6luencea bolché-
vlque~, tout cela a donnl aux Indlglnea le aentiment
que l'he.u~e de l'lmanclpatlon app~ocha~t pou~ eux"
et de conclu~e " Tl eat lndlacutable qu'aux qeux de.a

aoloniaux de la Mlt~opole, quelque6exemple6 ~end~aient
a la F~anae la 6aae qu'elle a pe~due. Si Blonaou~t
qui ~lalame l'indlpendanae des Antille6, Sengno~ qui
exige aelle de l'A6~ique noi~e, Nguyen The T~uyen,
T~an Van Chi, Hoan9[uan
Gi~ et Sui Co T~ung qui nou6
invitent impl~ieu6ement a lvaaue~ l'Indoahine 6e vo-
yaient 6~appls avea les tuteu~s dont il6 6e ~lalament,
un apai6ement 6e 6e~ait ~apidement senti~ et la p~o­
pagande qui, de Pa~is, 6'exe~ae Out~e Me~, bai66e~ait
d'un ton »!11
Faire baisser la propagande d'un ton, c'est précisèment à
quoi allait s'employer les Il élèments de désagrégation u(2)
introduit au sein du CDRN.
(1) ANSOM SLOTFOM XIII Ca~ton 3. Note du Mini6t~e de6 Colonie6
au Mini6t~e de l'rnté~ieu~.
29 Av~il 1927.
(2)
La Raae Nèg~e N'l Juin 1927.

436
3. ~~_y!Ç~Q!~~_~_~_gg~~us :
MAURICE SATINEAU S'EMPARE DU CDRN'.
---------------------------------
Dès le lendemain de l'assemblée générale du 16 Jan-
vier 1927, les grandes manoeuvres pour le contrOle du CDRN
ont débuté. Face aux hésitations d'un Vilfort pougeal qui
craint les conséquences de l'éviction de Lamine Senghor et
Joseph GOthon Lunion, Maurice Satineau tente de rallier les
indécis en déclarant tout bonnement : ff ~ou~ ét~on~ d~~~gé~
pa~ de~ ô~~gand~, U. 6a,e.,e,ai.t nout.S en déoa~at.St.Se~ "f 1)
De leur cOté, les partisans de Senghor ont conscience que le
combat s'annonce difficile, mais ils ne sont pas décidés à
s'en laisser conter. Réunis fin Janvier, il tiennent un vé-
ritable conseil de guerre en vue de la prochaine élection, au
cours duquel le Dahoméen Antoine Quenurn, alias Louis Johnson,
expose clairement l'enjeu de la prochaine assemblée:
Il
Nou~ ~omme~ en p~é~enee de deux l~~te~ et ~l y en
au~a peut êt~e d'aut~e~ ma~t.S on peut le~ eon~~dé~e~ eom-
me de~ l~~te~ de d~v~t.Si.on 6ait.Sant aint.S~ le jeu de l'un
de~ deux: d'un eôté Gotnon Lun~on et de l'aut~e Sengho~,
appa~tenant tou~ le~ deux au même pa~t~ pol~t~que.
Sengho~ a un pa~~é m~litant ~an~ ~ep~oehe, g~âee a ~on
(1) ANSOM SLOTFOM xr Ca~ton 5. Note de l'agen~ Vé~~~é
22-1-27.

437
act~v~té le CORN a été con~t~tué et c'e~t g~ace a
lu~ qu'~l y a de~ ~ect~on~ en p~ov~nce la ~l y a
de~ No~~~. Nou~ devon~ le
~outen~~. Nou~ ~avon& que
Gothon Lun~on n'e~t pa~ ~é~~eux et qu'~l n'a jama~~
6a~t pou~ le Com~té. S~, ~l a dépen~ë not~e a~­
gent " ( 7 )
Enumérant ses forfaits, i l dénonce ensuite les tentatives
de racialisation du problème faites par certains Antillais
membres du CDRN :
" Le~ Ant~llaü coM~dè~ent les nèg~e~ d' A6~~que et
d'Inde comme de~ êt~e~ ~n6é~~eu~~,
ma~~ ~l~ oubl~ent
un peu v~te leu~ o~~g~ne, ~ls ~avent pou~tant b~en
que leu~~ a&cendant~ ~ont de~ nèg~e~ a6~~ca~n~ vendu&
comme e~clave~ et t~an!ipo~té!i aux Ant~lle~. La Race
No~~e do~t 6a~~e d~~pa~aZt~e ~e~ d~v~~~on~ et nou~
devon~ nou~ place~ ~u~ le te~~a~n de la vé~~table 6~a­
te~n~té. Mo~ je ~u~~ mûlat~e, né d'un pè~e blanc et
d'une mè~e no~~e, ma~~ je ~u~~ 6~e~ d'êt~e nèg~e. Nou~
~omme~ tou~ de~ nèg~e~ explo~té~ pa~ un ennem~ com-
mun, que nou~ ~oyons Ant~lla~~, A6~~ca~n~ ou rnd~en&.
Nou~ ~omme~ de~ 6~è~e~ et nou~ devon~ nou~ tend~e une
ma~n 6~ate~nelle pou~ lutte~ pou~ not~e émanc~pat~on.
V~manche p~ocha~n, nou~ avons un devo~~ a ~empl~~ en
dé~~gnant un homme pou~ p~é~~de~ aux de~t~née~ du CVRN.
(7)
ANSOM SLOTFOM rT Ca~ton 5. Note de l'agent Vé~~~é
1-2-27.

438
Not~e ~ho~x do~t alle~ a ~elui qui aime ~a ~a~e, qu~
a toujou~~ 6ait ~on devoi~, qu'il soit de~ Antille~
ou de l'A6~ique peu impo~te, ~et nomme ~'e~t Sengho~.
Nous vote~on~ pou~ lui ~t pou~ Sa lutte ,,~1)
Pour aller au combat, la liste suivante est désignée
- président : Lamine Senghor.
- Vice-Président: Félicien Manlius.
- Secrétaire Général
Paulon.
-
Secrétaire-Adjoint
Tiémoko Garan Kouyaté.
- Trésorier Général
Vilfort Pougeol.
- Trésorier-Adjoint
Stéphane Rosso.
De leur cOté, les partisans de l'assimilation ont fait de
même lors d'une réunion au do~icile de Maurice Satineau. (2)
La présidence a été proposée ~ Vincent Durand, la vice-prési-
dence à Maurice Satineau, le secrétariat général à Gothon
Lunion et la trésorerie à Vilfort Pougeol qui hésite toujours
à se prononcer pour un camp ou pour un autre, ce qui lui vaut
de la part de tous la suspicion d'être un indicateur de la
police.
Le 27 Février 1927, ils sont environ 80 à avoir répondu à
l'appel du CDRN pour l'élection du bureau définitif. (3)
La
séance est présidée par Dumourier, assisté de Vincent Durand
--------------------
(1) ANSOM SLOnOM II Ca~ton 5. Note de l'age.nt V~~.üé
1-2-27.
( 2 ) ANSOM SLonOM II Ca~ton 5. Note de l'agent Vé~üé
7-2.-27 •
( 3)
ANSOM SLOnOM II Ca~ton 5. Note de l'a.gent Véû~~
1-3-27.

439
et Delage. SitOt les débats ouverts, Satineau et ses partisans
tentent de repousser l'élection à une date ult~rieure, mais
mise aux voix la propositîon est r~jet~e. On croit alors
que l'élection va pouvoir d~buter, mais un assistant, William,
se rue sur Lamine Senghor et lui assène des coups de poings.
Furieux Lamine Senghor rappelle tous les sacrifices qu'il
a consentis tant sur le plan matériel que sur le plan de
sa santé pour le CORN. Pour preuve, i l annonce la d~cision
du tribunal de Dakar qui lui retire sa citoyenneté le con-
damnant ainsi à toucher sa pension d'invalidité à titre Il in-
digène ".
Le calme étant revenu, l'assemblée générale peut reprendre
son cours. Max BIoncourt qui sent les choses lui échapper,
soutient la candidature de Lamine Senghor et prend la défen-
Se du PCF qui a été mis en cause à plusieurs reprises.
Mal lui en prend car aussitOt, un certain Norde lance à la
foule :
" Fa.Z:tel.l oi.en a.ttenti.o n de ne pa.1.l vo ul.l mettlte I.l 0 ul.l
lel.l 6oultchel.l ca.udi.nel.l de ce pa.ltt~. VOUI.l le Itegltettelti.ez et
votlte CVRN
~lta.i.t v~cu. Soyez a.l.ll.lez glta.nd poult voul.l d~lt~gez
voul.l-mimel.l I.la.nl.l VOUI.l mettlte en tutelle"
Georges Forgues, journaliste au Soir, veut présenter
sa candidature mais i l en est empêché, . étant adhérent de trop
fraîche date. Moutia propose alors d'élire René Maran à la
présidence du Comité, malgré le refus de ce dernier de fai-
re acte de candidature. Elu à l'unanimité, i l persiste dans

440
son refus, laissant ainsi la place à Lamine Senghor qui a
recueilli 41 voix sur 66 votRnts. Par la suite, Vilfort Pou-
geol, Vincent Durand,
Kouyaté, Dttmourier, William et Moutia
sont élus pour faire partie des instances du CDRN. Vérita-
blement laché par les partisans de Maurice Satineau, Joseph
GOthon Lunion n'obtient qu'une moyenne de 12 voix qui l'ex-
clue de toute responsabilité au sein du Comité.
Totalement isolé au sein du nouveau bureau, Lamine Senghor
décide de donner sa démission du CDRN, cette organisation qu'
i l a lui-même fondée un an auparavant. Profitant de la levée
de ce dernier obstacle, les assimilationnistes font alors
un coup de force en transférant le siège du Comité 4 rue
M~rguerin au domicile de Maurice Satineau. Sans consulter
quiconque ils procèdent alors il la nomination d'un nouveau
bureau ainsi constitué
:
- Président: Georges Forgues.
- Vice-Président : Vincent Durand.
- Secrétaire Général : Maurice Satineau.
- Trésorier Général : Vilfort Pougeol.
Dans le journal le Soir auquel collabore Forgues,
la composition du nouveau bureau est annoncée sous le titre
" Pour la défense de la Race Noire ,,(1), et un commentaire
précise que le président du CDRN " a -6Ulttout tenu à. c.on6-i.1t-
melt l'-i.ndépendanc.e du nouveau oulteau v-i.-6-à.-v-i.-6 de tOU-6 le-6
( 1)
Le So-i.1t 14. Malt~ 1 9'17 •

441
paJttù, politiqu.e!.> ", la collusion de l'ancien avec " un
parti extrêmiste " ayant été établie. Georges Forgues prési-
dent, ce n'en est pas moins Maurice Satineau qui réalise la
meilleure opération dans cette affaire. Fort du poste de se-
crétaire-général, i l va pouvoir reprendre un combat qu'il
mène depuis longtemps.
Maurice Satineau.
----------------
Né le 18 Septembre 1891 ~ Baie Maha~t ( Guadeloupe ) ,
Maurice Satineau vient en France ~ l'age de 21 ans. Dès cet-
te époque i l habite 4 rue Marguerin et, jusqu'~ la guerre, i l
suit des cours ~ la faculté de Droit. Lorsque la ~uerre écla-
te, i l s'engage et est incorporé à la 18ème section d'Infir-
miers Militaires à Bordeaux. Mais pour des raisons que nous
ignorons, i l est réformé le 9 Septembre 1914. Resté ~ Bordeaux,
i l quitte cette ville le 23 Février 1915 pour Paris où, pen-
dant deux années, i l est employé aux écritures au Bureau de
bienfaisance du 14ème arrondissement. En 1917, i l entre ~
la préfecture de Police en qualité d'auxiliaire et pendant deux
années i l Y exerce les fonctions de rédacteur. Début Février
1919, i l abandonne cet emploi pour fonder un journal au t i -
tre révélateur:
Il
La plus belle France ". Rédacteur et gé-
r~nt de ce journal, il doit cesser son activité début 1920. (1)
(1) ANSOM A66aiJtel.> Politiquel.> CaJt.to~ 3386. Note. de police l.>uJt
MauJtice Satineau.

4~
Après cet échec, i l semble qu'il ait repris du service à
la Préfecture
de police. Membre du CORN, i l Y anime la
fraction assimilationniste et i l joue un rôle de premier
plan dans la crise dont i l sortira finalement vainqueur.
Assimilationniste convaincu, Maurice Satineau ne roule pas
que pour lui, et Lamine Senghor le décrit comme étant un
" agent reconnu de la Préfecture de Police fl.(l)
Après s'être emparé du CORN, i l le débaptise pour en faire
le Comité de Oéfense des Intérêts de la Race Noire
( COIRN ) .
Reprenant le discours des fondateurs du CORN à son compte i l
déclare
~euie qui n'ai~ ~ongé a ~e g~oupe~ pou~ dé6end~e ~e~
in~é~i~~ ma~é~iei~ e~ mO~aux 1'. Feignant d'ignorer
la réalité i l affirme
" Pou~ pa~aiy~e~ ie déveioppemen~ e~ i'ae~ion de no~~e
A~~oeia~ion, ie~ adve~~ai~e~ deJ ~é6o~me~ eoioniaieJ
p~é~enden~ que nou~ Jomme~ un g~oupemen~ eommun~J~e.
Ti n'y a ~~en de piuJ 6aux. Peu~-ê~~e eon6onden~-~iJ
no~~e Com~~é avee ia Jo~-d~Jan~ Ligue de Vé6en~e de
ia Raee Nèg~e, où ~e ~kouven~ queique~ eompa~~io~eJ
éga~é~, qu~ eJ~ e66ee~ivemen~ a66iiiée au pa~~~ eom-
muni~~e n
(1) A~en. Vépa~t. du Va~. Sé~~e
11M do~~ie~ 3/7. Le~t~e de
Lamin~ Sengho~ a Pie~~e Céio~ 14-Q3-Z7.

443
En cette année où Albert Sarraut vient de lancer sa célèbre
phrase
»le eommuni~me, voila l'ennemi ,,(1/, Maurice Sa-
tineau annonce sans ambage :
» Nou~ avon~ toujoulr.,s eomfjattu l'intlr.odue'tion. du eom-
muni~me aux eolonie~ palr.ee que ,son applieation ne peut
que Ir.etalr.delr. l'évolution génélr.ale de,s population~
eo-
loniale~. Ve plu~ le,s doetlr.ine,s politique~ néee~~ailr.e~
aux peuple~ aifant atteint,s leulr. eomplète évolution éeo-
nomique et ~oeiale, ,sont nui,siole,s aux Ir.aee~ qui en-
tlr.ent dan~ la eivili~ation H.
La politique du CDRN est simple
di~palr.altlr.e le~ plr.éjugé,s de Ir.aee, a eomoattlr.e le~ in-
ju~tiee~ et le~ elr.lr.eulr.~ qui ,se eommettent aux eolonie~
et if 6ailr.e Ir.aifonnelr. le vlr.ai vi,sage de la Flr.anee, qui
e~t 6ait d'équité, de ju~tiee, de oonté et d'amoulr..·
Elle ~Iin~pilr.e en un mot de,s plr.ineipe~ immolr.tel~
de
la glolr.ieu~e Révolution Flr.ançai,se, ~elon le~quel~
'le~ homme~ nai~~ent liolr.e~ et égaux en dlr.oit'. Le~
dlr.oit~ de l'homme ~ont ,saelr.é,s et doivent êtlr.e Ir.e~­
peeté~ et dé6endu~ ~an~ di~tinetion de Ir.aee ni de eou-
leulr. "
Le CDIRN se veut une association mutualiste et sur le plan
économique, il se prononce pour le développement des riches-
ses coloniales. Sur le plan politique, il préconise soit la
(1)
PIr.Opo,s ~enu,s a Con~tantine ( Algélr.ie ) le 2, Avlr.il IqZ,

444
représentation parlementaire des populations coloniales soit
l'élargissement du collège électoral des délégués au Conseil
Supérieur des Colonies. Outre ces réformes, il propose l'octroi
du droit de vote :
1°) à tous les commerçants,
2°) à toute personne qui exerce une fonction administrative,
3°) aux anciens combattants décorés de la Croix de Guerre ou
de la Médaille Militaire,
4°) aux personnes décorées de la Légion d'Honneur, de la Mé-
daille Coloniale ou de l'Etoile Noire du Bénin,
5°) à toutes personnes âgées de 21 ans et parlant couramment
le français.
Enfin le Comité fera tout pour obtenir une réforme de Il la
justice indigène en AOF ".
Aux éventuelles critiques Maurice Satineau répond par avance
Le~ ~~6o~me~ que nou~ p~~conl~on~ e~ que nou~ d~6end~on~
~ne~giquemen~ n'on~ ~ien d'ex~e~~i6; elle~ ~on~ ~on­
6o~me~ au d~oi~ na~u~el; elle~ ~On~ plu~ qu'u~ile~,
elle~ ~On~ né~e~~ai~e~; c'e~~ pa~ elle~ ~eulemen~ que
nou~ aU~On~ l'imp~e~~ion que .nOu~ ~omme~ ~hez nOu~; ~'e~~
pa~ elle~ que nOu~ ~volue~on~ ~apldemen~ e~ que nOu~
~e~On~ p~o6ondlmen~ a~~a~hé~ a la Ml~e Pa~~ie " (11
fI) Tou~e~ le~ ~i~a~ion~ en~~e guilleme~~ a~~~ibuée~ à Mau-
~i~e Sa~ineau ~on~ ex~~ai~e~ d'une le~~~e ~i~~ulai~e ~édig~e
le 29 Aoû~ 1929 don~ l'ooje~ é~ai~ le lan~emen~ d'une ~ou~­
c~ip~ion en 6aveu~ d'un jou~nal qu.<: <se~a'<:~ '<:n~'<:~ulé /1 La
dépê~hea6'~lcalne"
ANSOM SLOTFOM rn CM~on 24.

\\
445
Chacun l'aura constaté, le discours de Maurice Satineau n'est
pas nouveau. Il reprend, avec la générosité en moins, les
idées défendues par l'Action Co-loniaie ou Kojo Tovalou Houé-
nou. Mais contrairement à ces derniers, il ne se prononce
pas pour la naturalisation en masse et sans condition des
Africains. L'élargissement du droit de vote qu'il propose
se limite aux serviteurs, de préférence zélés, du système
colonial tels les fonctionnaires, la petite bourgeoisie com-
merçante et les" évolués ".
Visant uniquement ou presque lescitadins, ce projet ignore
les masses paysannes. Par delà les différences avec les pro-
jets ci-dessus évoqués, il leur ressemble au moins sur un point
capital: le verrouillage de toute perspective d'indépendance
et au contraire le renforcement des liens avec la métropole.
Ceci dit que devient le CDRN dans tout cela ?
3. 3. ~~_~!~E~~!!!~~_~~_~Q~_~!l~_~~!~~~~~~
~~_!~-~!g~~-~~-~~~~~~~_~~_!~_B~~~_~~~~~·
Suite au coup de force de Maurice Satineau et de
ses partisans, Tiémoko Garan Kouyaté a adressé une motion de
protestation à Georges Forgues le nouveau président du CDRN~l)
Sur les 42 signatures qu'elle comporte, les 3/4 appartiennent
à des Africains, mais les quelques Antillais qui ont signé
sont des figures bien connues. Il y a Elie BIoncourt, ex-mem-
--------------------
(1) A~c~. Vépa~~. du Va~. Sé~~e 11 M do~~~e~ 3[7. Copie ad~e~­
~ée a Sengho~ de la le~~~e que Kouifa~é a ad~e&&é a Fo~gue~.

446
bre de l'UrC et frère de Max, André Béton, l'ex-membre de
l'Association Panafricaine, René Maran, Stéphane Rosso, Fé-
licien Manlius, Vilfort Pougeol, Narcisse Danae, etc
En fait cette pétition vise plus à ft marquer le coup" qu'à
appuyer une tentative de reconqu~te, car très rapidement La-
mine Senghor et Tiémoko Garan Kouyaté ont démissionné du
CDRN(l~ Dès qu'il s'est aperçu que le Comité était désormais
perdu, Lamine Senghor a songé à créer une autre organisation
et ce, non pas pour des raisons qui opposeraient Africains et
Antillais, mais bien pour des motifs politiques.
Ces objections à toute collaboration avec la nouvelle direc-
tion du CDRN, Lamine Senghor les a expliquées à Pierre Célor
dans une lettre datée du 14 Mars 1927 et expédiée
(?)
de
Fréjus. (2)
A Forgues " l'homme du Cou~~ie~ Colonial, du Soi~,
et d'aut~e6
jou~naux coloniaux ", il a reproché ft &a politique d'a66imi-
lation " et lui a dit qu'il ne collaborerait pas" avec un
p~é.6ident qui t~availle~ait pou~ l' auimilation de6 nèg~e6
aux blanc6 ce qui ent~ave~ait tout t~avail pou~ la libé.~ation
de la Race Nèg~e"
Avec Maurice Satineau " agent ~econnu
de la P~é.6ectu~e de Police" il n'avait rien à faire.
Conscient de l'état de décomposition avancée dans lequel se
trouve désormais le CDRN, i l déclare à Célor :
" j'ai ~e6u6é.
(1) ANSOM SLOTFOM Ir Ca~ton 5. Note de l'agent Vé.6i~é.
12-3-21.
(2) A~ch. Vé.pa~t. du Va~ Sé~ie 11 M do&&ie~ 311. Lett~e de Sen-
ghM à. Pie,~~e CélM
14 MaM 1927.

\\
447
de pa~t~~~pe~ d leu~h t~avaux pa~~e que mon nom 6~gu~ant
pa~m~ leh memô~eh du ôu~eau leh au~a~ent 6a~~l~t~h d ~an~me~
le Com~té agon~hant ".
Sa décision i l ne l'a pas prise pour des motifs personnels,
" ma.~h pou~ l'~nt~~ê.t de ma ~ac.e et du pa~t~, l'~nté~ê.t c.om-
mun pou~ la bonne ma~c.he du t~ava~l ~évolut~onna~~e
".
Mais tous ne sont pas convaincus du bien-fondé d'une telle
décision. René Maran, Camille Saint Jacques et Max Bloncourt
s'y opposent afin, disent-ils, de ne pas ruiner les efforts
passés et de réjouir le gouvernement. (1)
Persuadé qu'il est dans le bon chemin, Lamine Senghor a entre-
pris de contacter ses correspondants au Sénégal et d'entre-
prendre une tournée dans le Sud pour rallier les sections
locales du CDRN à la nouvelle organisation.
Surveillé de prês par la police, i l est interpellé le 10 Mars
1927 à Cannes et incarcéré à Draguignan sous prétexte d'" ou-
trage à agent ". Informés de son arrestation et de son in-
carcération ses camarades lancent une campagne de soutien
dans laquelle interviennent des parlementaires belges, bri-
tanniques et allemands qui ont fait la connaissance de Lamine
Senghor à Bruxelles. Libéré (2) , i l reprend aussitôt ses acti-
vités, et le 3 Avril, i l donne une conférence au Club Inter-
(1) ANSOM SLOTFOM II Ca~ton 5. Note de l'agent V~h~~é 15-3-21.
(2)
Le 23 Av~~l 1921, le T~i6unal Civil de p~em~è~e ~nhtanc.e
du Va~ c.ondamne~a Lamine Sengho~ a 25 6~anc.h d'amende plUh
145,90 6~anc.~ de 6~aih de p~oc.è~ pou~ avo~~ tenu 4e~ p~OpOh
" de natu~e à. dim~nue~ le ~e-spec.t da aux agent~ de la. Fo~c.e
·Publ~que" Cit~ in F~ont Cultu~el Sén~galaù op c.it doc.ument~
annexe~.

448 \\!
national du Marin de Marseille. (1)
Finalement suite à deux assemblées générales les 5 et 22 Mai
1927, la Ligue de Défense de la Race Nègre
( LDRN ) est créée.
Son président est Lamine Senghor, ces deux vice-présidents
Franchine Sainte Rose et Pierre Kodo Ko!,)soul, son secrétaire
général Tiémoko Garan Kouyaté, son secrétaire-adjoint Sosthène
Labathie, son trésorier général Stéphane Rosso et son tréso-
rier-adjoint Sabia Sangaré.
Déclarée le 23 Mai 1927 à la Préfecture de Police la LDRN
ne se propose pas seulement de défendre les intérêts généraux
des fils de Cham, elle veut" luttelt poult l'émanc.i.pati.on to-
tale de la Rac.e Nlglte ". (2)
Risqué, le pari de Lamine Senghor stest révélé être le bon,
car fin Juin 1927, on apprenait par les soins de l'agent Dé-
siré que les membres du CDRN, ou plutôt ce qu'il en restait,
se proposaient de renverser le bureau lors d'une prochaine
assemblée générale du fait de l'inaction de la direction. (3)
Ce qui était apparu au début comme une défaite de la fraction
communiste et des partisans de l'indépendance se révélait être,
après coup, une simple victoire à la phyrrus du groupe Sa ti-
neau. Si le CDRN était mort, la LDRN était bien vivante.
(1) ANSOM SLOTFOM l Caltton 31. Lettlte du délégué du CAl au
Mini.~tlte de~ Coloni.e~. Avltil 1927.
( 2) Joultnal066ic.Ùl de la Répu5liqLie Fltanç.aÜ e 25 Mai. 1S 27 op. c.i.t.
(3) ANSOM SLOTFOM
rr C~ltton 5. Note de l'agent Vé~i.lté
30 Jui.n 1927.

,
449
La période qui s'écoule du printemps 1926 au printemps 1927
marque une étape importante dans l'histoire de la communauté
nègre de la France de l'entre-deux-guerres : celle du réveil
des Nègres.
Dans ce processus Lamine Senghor a joué un rOle fondamental.
Créant une organisation autonome hors de la tutelle du PCF, i l
a véritablement organisé ses frères de race. Réhabilitant le
mot" nègre ", i l leur a indiqué le chemin à suivre pour re-
trouver leur honneur et leur fiérté perdus. Rappelant aux
nègres qu'ils ont une histoire, une civilisation, de grands
hommes, les invitant à se reconna!tre en tant que nègre
et à en être fier, i l a fait un
travail certes inquantifiable
mais oh combien important.

Avec ses camarades, groupant plusieurs centaines de nègres
à Paris, en province et aux colonies comme nous le verrons
plus tard, i l a fait du CDRN la première organisation nègre
à sortir des
cercles intellectuels parisiens pour toucher
l'intellectuel soudanais comme le docker Soninké.
Conscient de l'importance de la presse, i l a tout fait pour
que l'on entende ici et là La Voix des Nègres. Lui le militant
communiste, i l réussit à grouper autour de lui des nègres de
toutes tendances sans pour autant renier ses convictions.
A Bruxelles, par sa passion et sa sincérité, i l a bouleversé
le Congrès et acquis une véritable stature internationale.
Aux cOtés de ses frères, aux cOtés du mouvement ouvrier, aux
cOtés du mouvement de libération nationale,il est apparu dans
toute sa plénitude
: soldat de sa race, militant communiste

4W
\\
1
et internationaliste convaincu.
Confronté aux ambitions personnelles des uns et à l'opposi-
tion politique des autres, i l a tout fait pour maintenir le
CDRN sur la voie qu'il lui avait tracée: défense des inté-
rêts généraux d'abord, émancipation totale de la race nègre
aprês. Evincé de " son n Comité, i l ne s'est pas avoué vain-
cu. Jetant l'idée d'une nouvelle organisation, i l a repris
son bâton de pélerin pour finalement triompher de ses adver-
saires. ~es derniers, les assimilationnistes, une première
fois défaits, par l'aveuglement
de l'Administration Colonia-
le à l'époque du Cartel des Gauches ont subi une seconde dé-
faite qui les exclut des organisations anti-colonialistes
nègres de manière quasi-définitive. Désormais le débat va
opposer sympathisants communistes et nationalistes " purs
et durs "

UNIVERSITE PARIS VII
DES PIONNIERS MECONNUS DE L'INDEPENDANCE:
AFRICAINS, ANTILLAIS ET LUTTES ANTI-COLONIALISTES DANS LA FRANCE
DE L'ENTRE-DElIX-r.UERRES <1919-1939)
PAR
OLIVIER SAGNA
VOL . .ll
THESE DE D0CTOPAT
SOUS LA DIRECTI0N DE
MADA~E CATHERINE COQUERY-VIDROVITCH
PARIS NOVEMBRE 1986

451
LA L .D IR .N D~~ LA lOURME ~1E
1
1
La scission du C.D.R.N. qui aboutit à la création
de la L.D.R.N. affaiblit sans aucun doute le mouvement nègre
mais ce qu'il perdit en importance, i l le gagna en rigueur et
d'une certaine manière en cohérence. Dès l'été 1927, la L.D.R.N.
se lança dans une importante campagne de mobilisation sur le
plan idéologique pour populariser le thème de l'indépendance
et rallier à elle les sections de province du C.D.R.N •.
Par ailleurs, des efforts importants sont faits en direction
des colonies pour tenter d'y implanter des sections et,
faute
de mieux, y faire entrer du matériel de propagande
( tracts,
journaux, etc
•••
). La tache n'est pas facile car si en
théorie c'est le régime de la liberté de la presse qui est en
vigueur, en réalité c'est le règne de la censure certes of-
ficieuse mais pas moins implacable.
Grace à des méthodes clandestines,
la L.D.R.N. arrive cepen-
dant à toucher le milieu des 11 évolués " dans presque toutes
les colonies.
A la mort de Lamine Senghor, véritable cheville ou-
vrière du courant anti-colonialiste nègre radical, c'est Tiémoko
Garan Kouyaté qui lui succède non sans hésiter quant à la li-
gne politique à imprimer à la L.D.R.N. Rompant avec le P.C.F.,
i l contactera des hommes politiques de tous bords, persuadé
qu'il était que rien n'était mauvais qui pouvait concourrir à

l'amélioration du sort de ses frères et entrouvrir la porte
qui devait mener à l'indépendance.
Contactant également les organisations noires américaines,
Kouyaté cherchera auprès d'elles un soutien moral mais sur-
tout financier. Ballottée dans toutes ces directions, la
L.D.R.N. sera plus que discrète pendant près d'un an.
1
1
,
l
1
,
!

453
1. LES PREMIERS PAS DE LA L.D.R.N. ET LES
--------------------------------------
DERNIERS COMBATS DE LAMINE SENGHOR.
----------------------------------
1.1. Bilan d'une scission.
--------------------
Trois mois aprês l'assemblée générale du 27 Février
1927 qui a vu les assimilationnistes s'emparer de la direction
du CDRN, les partisans de l'indépendance ont donc créé la
LDRN. CDRN, LDRN, le risque de confusion des sigles étant
grand, une clarification s'impose de même qu'une analyse des
évènements qui ont secoué le mouvement anti-colonialiste
nègre. Cette mission Lamine Senghor va s'y attacher dès la
parution du premier numéro de la- RaC~:Nêgre(l), dans un
article au titre retentissant: " Debout les nègres! ".
Prenant les choses A leur commencement, il revient d'abord
un an en arrière A l'époque où le CDRN vit le jour.
:
Il
Lo~~que, en Ma~~ 1926, le tout petit g~oupe.de cama~ade~
que nou~ ~tlon~ ~e ~êunlt et 60nda le Comité, il 6aut l'avoue~
nOu~ ~tlon~ enco~e jeune en matl~~e politique et d'o~ganl~atlon".
Se souvenant de la difficile naissance du Comité de Défense
de la Race Nègre un jour de Mars 1926, il poursuit
(1)
La Race W~g~e N°1 Juin 1921.

454
Il
Ce~te6, au d~but, un g~and nom8~e de no6 6~l~e6 ~~­
6idant en F~anee, nou6 tou~naient le d06. Mai6 la lé-
1!
gitimit~ de6 ~evendieation6 que nou6 6o~mulion6 en
6aveu~ de no6 6~l~e6 de ~aee, le eou~age et la pe~6~ve­
~anee de no6 militant6 <;in.si que la v~~ac.it~ de leu~6
pa~ole6 le6 ooligl~ent a ~eeonnalt~e la v~~it~ et a
veni~ a nou6 Il
Après avoir rappelé le développement rapide du CDRN qui passa
de quelques dizaines à plusieurs centaines de membres
( au
minimum 300 ) en quelques mois,
i l en vient aux premières ma-
noeuvres visant a Il ~tou66e~ l'en6ant qui venait de nalt~e Il
Dans un premier temps les dirigeants du CDRN furent taxés
Il
de meneu~6 et de 6omenteu~6 de t~ouole6 Il et leur mouve-
ment Il de eommuni6me et d'ana.."A.e.n.ie ". Cette première offensi-
ve fut menée par ceux que Lamine Senghor appelle les
Il
pa~le­
mentai~e6 nlg~e6 qui ne voient en not~e mouvement que la 6in
de leu~ ~lgne " à savoir les Blaise Diagne et autres Gratien
Candace.
L'opération ayant échoué on en vint à d'autres méthodes. Les
ennemis du CDRN Il int~odui6i~ent de.s ~lèment6
de d~6ag~~gation
pa~mi nou6 - eomme on 6ou~~e de6 pomme6 de te~~e6 pou~~ie6
dan6 le 6ae de 60n voi6in a6in de lui pou~~i~ 6e6 pomme6 nou-
velle6 ". Tout le monde l'aura compris, les pommes de terre
pourries en question avaient pour nom Maurice Satineau, Georges
Forgues, etc ..•

455
Pour contrer" leuh. mi!.>!.>ion c.h.iminelle " une bataille de
plusieurs mois s'engagea durant laquelle" l'enSant ph.odige
a 6ailli mouh.ih. ". Certes la scission du CORN a affaibli
1l
un temps le mouvement anti-colonialiste nègre occupé à ré-
!
gler des histoires de famille au lieu de se livrer au combat
qui était le sien mais de ces évènements i l a tiré de
" bonne!.> le.çon!.> politique!.> If, de!.> " leçon!.> !.>alutaih.e!.>, plei-
ne!.> d' expéh.ienc.e de lutte et d' oh.gani!.lation ".
Surmontant la crise, Lamine Senghor et ses amis ont fondé
la LDRN, infligeant ainsi" une gifle magistralè Il à ceux
qui voulaient faire du mouvement nègre" un gh.oupe de dan!.>euh.!.>
de 'c.hah.le!.>ton' et d'auth.e!.> dan!.>e!.l exotique!.>, !.>ou!.> la ph.é!.>iden-
c.e et l'oeil bienveillant d'un politic.ien blanc. quelc.onque ".
Désormais la situation est claire
"Vebout, le 6h.ont haut,
la Ligue a déc.idé de mah.c.heh. c.ôte a c.ôte avec. !.le!.> ami!.>, 6ac.e
à tau!.> le!.> ennemil.> du ph.ogh.èl.> et de l'numanité et de meneh.
la lutte ju!.>qu'au bout 1I~1)
Pour mener à bien ce combat, les nègres doivent à tout prix
s'organiser. Vraie hier, cette réalité l'est peut être enco-
re plus à l'heure où le mouvement nègre a été secoué par
une grave crise qui a pu démoraliser plus d'un sympathisant.
Convaincre les nègres de la nécessité de s'organiser, tel
est un des premiers combats de la jeune LDRN.
(1) Tou!.> le~ ph.Opo!.> enth.e guilleme.t!.> !.>ont exth.ait!.> de la
Rac.e ~èSh.e N°1 Juin 1921.

456
1.2. De nouveau la mobilisation.
--------------------------
Dans cette bataille pour l'organisation, le journal
de la LDRN va jouer un rOle capital. Entre Juin et Septembre
1927, à plusieurs reprises, des militants de l'organisation
prendront leur plume pour appeler leurs frères de race à la
mobilisation. Ces appels sont tout sauf de la vulgaire pro-
pagande, car en raison de l'enjeu, chacun a fait de son mieux
pour qu'ils touchent droit au but, pour qu'ils aillent droit
au coeur.
Ainsi en utilisant le tutoiement Siragnouman a fait de cha-
que lecteur de la Race Nègre son interlocuteur direct, qu'il

regarde presque droit dans les yeux.
" I.e. 6a.u.t .t'oltga.nüe.lt, .te.UIt di.t-1.t. Te.~ 60ltc.e.~ ~ 'e.n
.tltouve.lton.t déc.up.tée.~. Tu ~e.lta.~ a..tOIt~ ~eu.teme.n.t éc.ou.té.
me.n.t, ~a.n~ ~Ult.tou.t une. 601, une. vo.ton.tê, un a.moult
bie.n .tlte.mpé~. I.t .te. 6a.u.t a.dhélte.1t a .ta. Ligue., mi.ti.te.1t
a.ve.c. a.ltde.ult poult e..t.te.. I.t .te. 6a.u.t ~ou.te.nilt pa.1t .te.~
a.bonne.me.n.t~ .ta. Ra.c.e. Nèglte. t ••• ). Le. mome.n.t n'e.~.t p.tu~
a.ux di~c.oult~lton6.ta.n.t4
e..t vide.~ de~ Itê.the.ult~,
a.ux
6.ta..t.te.ltie.~ ba.~~e.~ plt06i.ta.b.te.~ a .te.ult~ a.u.te.UIt~. I.t 6a.u.t
de.~ e.6601t.t~, de.~ a.c..te.~. Ain~i nou~ ~e.lton~ Ite.~pe.c..tê~ e..t
on 6e.lta. dltoi.t a no~ do.téa.nc.e.~. Ain~i nou~ in.tltodui-
ItOn~ une. 60ltmu.te. nouve..t.te. de. Itéa..ti~me. e..t de. ~inc.élti.té
da.n~ .ta. po.ti.tique., di.te c.o.ton1a..te., un é.tèmen.t vigou-
(1~ Veltlt1èlte. c.e p~eudonyme ~e. c.a.c.he. Sa.n~ dou.te Kouya..té
qui .t'u.ti.ti~e.lta. e.n Févlt1e.1t 193Z~ pOUIt ~igne.1t un a.1t.tic..te. ~ult
.te.~ ma.ltin~ c.o.tonia.ux.

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458
~eux et po~iti6 dan~ la que~tion nèg~e
l'a66i~mation
de la pe~~onnalitl nèg~e »~1) ,
L'affirmation de la personnalité nègre, c'est aussi ce dont
parle Adolphe Sarr, dit Adolphe Mathurin, lorsqu'il lance après
des lignes magnifiques son" chacun sa race ". (2)
Ecoutons-le
» Le cou~age magni6ique des 6ondateu~s de Race Nèg~e
ne quitte~a qu"au tombeau ceux qui, a Pa~i~ mlme, cen-
t~e pui~~ant dl2À cauca~siques,
ont eu le ~ang 6~oid
de pou~~e~ le c~i sublime entendu de toute la ~ace,
mai~ que nul n'osait lance~j puis dtalle~ de l'avant,
d'entame~ la bataille a l'i~sue de laquelle le V~oit,
~eviend~a indubitablement, aux se~viteu~s vé~itable~

de l' Eq uité.
r••• ).
Nèg~e~ III Je vou~ en adju~e : se~~ons no~ ~ang~j
compton~ nou~j d~e~son~ nouS san~ une ~eule dl6ection
cont~e les abject~ p~ljugls et l'injustice intolé~able.
Ce~te~ vous avez ~lpondu en g~and nomb~e a not~e p~e­
mie~ appel. Il 6aut mieux, ~lpondez maintenant en
maS~e a la voix du salut.
Sachez-le, i l n'e~t de libe~tl que dan~ le chemin
d'une tenace pe~~évé~ance. C'e~t un axiome. Pa~ un
t~avail ~uivi nou~ a~~ive~on~ ~an~ nau6~age au te~me
de not~e voqage. Mai~, je vou~ le di~, nul aut~e mieux
que nou~, ne ~au~ait ouv~age~ not~e libl~ation totale.
( 1)
La' Ra'cCffè'g'Jr.e N°1 Juin 1qzr.
(Z) La Ra'ce' ~è'gJr.e N°' 3 Septemf5~e 1 gZ7_

" Raee de Cham, ~(vellle-tol ! L'ho~loge du de~tln
a ma~qu( l'heu~e de ta d(llv~anee. Ap~è~ tant de ~iè­
ele~ de pleu~~, de mlJè~e, de honte; devant tant d'in-
ju~tlee~, de ô~lmade~, de vexatlon~, ton eoeu~ doit
vio~e~, ton âme t~e~~allll~,
ton ~ang ooulltl~, te~
ne~6~ ~e d(tend~e : pou~ que te~ en6ant~ 6ie~~ de ta
g~andeu~, aillent altlè~ement a la eonquête de ton
honneu~.
Raee maudite, ~aee ma~tlf~e, lève-toi ! de4 (t~ange~~
~ont venu~ ehez toi, ll~ ont p~l4 ee qui (tait a toi;
,.
tu ~'a~ plu~ de pat~lmolne;
tu vis dan~ l'lnaeeepta-
ble pa~adoxe d'êt~e en ton paq~ ~an~ if êt~e; 40U4 le
6allaeleux p~(texte d'une ln6(~lo~lt( lnexl~tante on
te p~lve de~ d~olt~ le~ plu~ élèmental~e~.
Raee de m~~ 6~è~e4, ~o~~ de ta to~peu~ ! ~eeoue le
joug qul t'ée~a~e. Et pul~qu'en fu~ope eomme en Amé~l­
que de~ nég~ophoôes ~anS ve~gogne ont 4em( ton mép~l~,
pul~que l'on nou~ voue une haine ~an~ ~ai~on ni exeu-
~e, ~oit : ehaeun ~a ~aee »!1)
Organisé, fier de lui, de sa culture, de son histoire, le
nègre est désormais prêt à aller à la bataille pour l'indé-
pendance. Ce discours, c'est d'ailleurs celui que Stéphane
Rosso tient à ses frères lorsqu'il leur déclare
:
»
L'A6~lque e~t belle
~iehe et g~ande; ~e~ habl-
(1)
La Ra:ee Nè'g~e N° 3 Septemo~e 19'17.

460
n
bien que ceux de~ aut~es continent~. L'A6~icain a
~e~ coutume~ et ~e~ t~adition~ ~éculai~e~; il a au~~i
~on hi~toi~e, ~a civili~ation, ca~ tandi~ que le~ Gau-
loi~ et le~ Ge~main~, n'étaient enco~e que de~ ba~aba-
~e~, ~e~plendi~~ait déjà su~ les ôo~d~ du Nil une bel-
le civili~ation qui a lais~é de~ emp~einte~ p~o6onde~
dan~ le p~oce~~u~ de t~an~6o~mation de~ ~ociété~ eu~o­
péenne~ .
Van~ de pa~eille~ conditions, il e~t logique, il e~t
légitime pou~ le~ nèg~es de po~e~ la que~tion de leu~
libe~té et de leu~ indépendance, d'a~pi~e~ a une vie
nationale p~op~e.
Vu d~oit de~peuples à dispo~e~ d'eux-même~, tou~ le~
nèg~e~ drA6~ique en 60nt déso~mais leu~ mot d'o~d~e
de combat n. (1)
Affirmation de la personnalité nègre et droit des peuples
africains à disposer d'eux-mêmes, tels sont les deux thèmes
principaux que la LDRN va populariser en France, bien sûr,
mais également aux colonies et ce malgré la surveillance et
la répression policière.
Dès la création du CDRN, les membres de cette or-
ganisation àVdlent établi un réseau de relations avec leurs
compatriotes résidant en province et aux colonies. A l'époque
( 1) La Race N'èglte N't> 3 Septemo~e 19'1.7.

-!.461
l'ob j ectif recherché g:t.~.1:: triple :
- faire conna!tre l'existence du CDRN et ses idées
- organiser la circulation de l'information entre les colonies
et la France et vice-versa
- créer des sections locales.
Prenant la relève du CDRN, la LDRN lance durant le second
semestre 1927
une offensive en direction des colonies pour
tenter d'y implanter des sections. Par ailleurs, grâce à un
réseau de correspondants, elle introduit tant bien que mal
son journal dans les colonies. Dans quel cadre s'exerce la pro-
pagande par voie de presse, quels sont les moyens de diffu-
sion employés pour déjouer la surveillance policière, quel
est l'impact de la LDRN aux colonies, telles sOnt les ques-
tions auxquelles nous allons tenter de répondre dans les li-
gnes qui suivent.
a)
Mythe et réalité de la liberté de presse
aux colonies: le cas de l'AOF.
Sur le plan strictement juridique, le régime de la
presse en vigueur en AOF est identique à celui en vigueur en
France tel qu'il est défini par la loi du 29 Juillet 1881,
à savoir: la liberté totale de la presse.
Quiconque peut donc librement publier un journal, et i l
n'existe aucune restriction à l'introduction et la circulation
de journaux en tous genres. En fait, cette situation est cel-
le qui a prévalu jusqu'au lendemain de la première guerre

462
mondiale, car
suite à la Révolution d'Octobre, au dévelop-
pement du panafricanisme, du panislamisme et de l'anti-colo-
nialisme des mesures restrictives vont être prises.
Par un décret du 4 Août 1921, l'introduction et la circula-
tion des écrits publiés à l'étranger ainsi que la publication
de journaux en langues " indigènes " ou étrangères sont désor-
mais soumises à l'autorisation préalable de l'Administration
Coloniale. (1)
Une des premières applications de texte est
l'interdiction du Negro World,
journal fondé par Marcus Gar-
vey. ' œpendant la portée réelle de ce décret est des plus
réduites. La presse locale qui se développe presque exclu-
sivement en français y échappe totalement, et par exemple le
Guide du Dahomey, fondé à Cotonou en Décembre 1920, peut
librement critiquer les abus administratifs et la politique
du Gouvernement Fourn. De la même manière, les journaux pu-
bliés en France continuent à bénéficier du régime de la loi
du 29 Juillet 1881. Ainsi,
juridiquement, rien n'interdit
l'introduction, la circulation et la vente de journaux tels
le Paria ou l'Humanité. Pour entraver la diffusion de tels
journaux, jugés subversif s,par les autorités, un décret est
adopté le 12 Avril 1923(2)
qui permet de réprimer les
" menées anarchistes et anti-militaristes ~.
Ceci dit, malgré les restrictions successives apportées à
l'application de la loi du 29 Juillet 1881, les autorités
coloniales trouvent le régime de la presse encore trop libéral.
(1)
Jou.Jin.aL06'6:.tc.i'eLete. L''AtJF 23 Aoû.t. 1921 p. 641.
( 2 )
Jo u.Jin.at'O't6i:c.ie.L 'ete L' AO F 1 5 Ma'<' 1 923 . p. 426.

c'est d'ailleurs ce qu'exprime clairement le Gouverneur Géné-
ral de l'AOF dans son rapport politique annuel de 1923 lors-
qu'il déclare, après avoir salué la législation visant la pres-
se étrangère :
n
Il e~t ~eg~etta5le que nou~ ne aoyona paa auaai
bien a~mé~ a l'éga~d d'une ce~taine p~ea~e m~t~opoli­
taine. Van~ lea paya de domination ~écente, où la
moind~e c~itique de l'o~d~e étaBli peut êt~e inte~p~é­
comme une p~ovocation a la ~évolte, la li6e~té de
la p~eaae appa~a1t comme un vé~ita5le anac~~~
~u~ceptible d'ent~a1ne~ le~ plua 6acneu~ea conaéquen-
( 1 )
.
.
ce~ n.
Ce genre de propos reviendra tel un leitmo-
tiv dans les rapports politiques annuels des gouverneurs gé-
néraux de l'AOF, mais ils n'obtiendront jamais satisfaction.
Cependant avec le décret du 27 Mars .1928, la liberté de la
presse est sérieusement mise ~ mal puisque " toute~ le~ publi-
cationa en langue 6~ançai~e éditëe~ dan~ lea coloniea du g~ou­
pe peuvent ae voi~ oppoae~ l'inte~diction de miae en vente,
expo~ition ou diat~ibution ~i leu~ ca~actè~e eat de natu~e a
po~te~ atteinte n[~) à l'autorité française.
(1)
ANSOM A66ai~e~ Politiquea Ca~ton 536. Rappo~t politique
annuel de l'AOF 1923.
(2) ANS 21 G 44 (17). Ci~culai~e du Gouve~neu~ Géné~al de l'AOF
aux Lieutnant-Gouve~neu~~ du G~oupe. 8 Mai 1928.

En Mars 1933, Gaston Doumergue, ancien président de la ré-
publique et président de la Conférence française des asso-
ciations coloniales, demande en vain que l'on donne
"aux
Gouve~neu~~ Géné~aux et Ré~~dentJ Géné~aux tau~ le~ pouvo~~~
voulu~ pou~ ~nte~d~~e l'ent~ée du payJ dont ~l~ ont la cha~ge
à de~ publ~cat~on~ que l'on au~a~t jugé ~mpo~~~ble d'empê-
che~ de pa~aZt~e en F~ance, ma~~ qu~ ~ont Juove~~~ve~ dan~
le~ m~l~eux ~nd~gène~ de nOJ dépendance~ colon~ale~, et de le~
la~~~e~ u~e~ de ce~ pOUVO~~J Il [7)
.
Le décret Rollin, du nom du Ministre des Colonies de l'épo-
que, du la Avril 1935, s'il ne remet pas en cause le princi-
pe de la liberté de la presse, en complique singulièrement
l'exercice puisqu'il punit de 3 mois ~ 2 ans de prison et
de 500 à 5 000 francs d'amende " q~conque au~a pa~ quelque
mode de publ~c~té que ce ~o~t, p~ovoqué à ~é~~~te~ a l'ap-
pl~cat~on de~ lo~~, déc~etJ, ~églementJ ou o~d~e~ de l'au-
to~~té publ~que " et de 3 mois à un an de prison et de 100
à 3 000 francs d'amende" ceux qu~, pa~ quelque~ moyen~ que
ce ~o~t, au~ont publ~quement po~té atte~nte au ~e~pect dû à
.
. [2,
l'auto~~té 6~ança~~e ".
Cela étant qu'en est-il dans la pratique? Force est de con~-
tater que l'Administration Coloniale viole sans cesse les
lois et réglements en tous genres. Ainsi en 1924, une déci-
sion du GOuverneur du Dahomey entrave la diffusion du journal
(7) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton sa. Lett~e de Ga~ton Voume~gue
au P~éJ~dent du Con~e~l 31 Ma~J 7Q33.
...
.-
[2) JouJinal" o66:.tc"i.ei.' 'de La 'Ré'r-iuôl:.t'qt(e {/t:an'ç"a'-<.~ e 74 Av~a 7935
p. 4217.

465
Les Continents dans toute l'étendue de ce territoire ce qui
provoque une protestation énerg~que de ~ené Maran auprès de
son ami Daladier, Ministre des Coloni~s. (1) Après avoir rap-
pelé les dispositions de la loi du 29 Juillet 1881, le Minis-
tre demandera des éclaircissements au Gouverneur Général de
l'AOF qui répondra" qu'i.l n'a été pltÙi auc.une. me.4ulte. d'i.n-
te.ltdi.c.ti.on c.ontlte. 'Le.4 Conti.ne.nt~'
e.t que. c.e. joultnal c.i.ltc.u-
le. li.blte.me.nt au Vahome.y ,,~Z)
Plus tard, lors de la parution du premier numéro de la Voix
des Nègres, c'est le Ministre des Colonies lui-même qui deman-
de aux chefs de colonies d'interdire" l'i.ntltoduc.ti.on, l'a66i.-
c.hage., la ve.nte. ou di.~tlti.Buti.on du joultnal ,,~3)
Mieux, en 1928, le Gouverneur Général de l'AOF invite ses
subordonnés à violer les correspondances privées en déclarant
dans une circulaire :
" Lai.44e.lt toute. li.Be.ltté a l'i.ntltoduc.ti.on ne. ve.ut pa4
di.lte. e.n e.66e.t de.me.ulte.lt ~lf~témati.que.me.nt
dan4 l'i.gnoltan-
c.e. de. c.e.tte. i.ntltoduc.ti.on. Au même. ti.tlte. que. le.4 pu-
bli.c.ati.on4 vi.4-à-vi.~ de.~que.lle.4 nOU4 4omme.4 ple.i.ne.me.nt
altmé4, le.4 c.Oltlte.4pondanc.e.~
de. l'é~pèc.e. ne. de.vltont pa4
éc.happe.lt au c.ontltôle. vi.gi.lant de.~ ~e.ltVi.C.e.4 c.ombi.né~
de.4 P04te.4, de.4 Vouane.~ e.t de. la Poli.c.e.. ( .. ,l. Si.
le. plti.nc.i.pe. de. l'i.nvi.olaoi.li.té de. la c.Oltlte.4pondanc.e.
lI) ANSOM A66. Pol. Caltton 1386. Le.ttlte. de. Re.né Maltan au Mini4tlte.
de.6 Colonie.4 4 Se.pte.molte. 1924.
(2) ANSOM A66. Pol. Calt,ton 1386. Le.,ttlte. du Mini4tlte. de.D Coloni~~
a Re.né Maltan Il Oc.tOOlte. 1924.
(3) ANSOM SCOTFOM V Caltton 3 •. Le.t,tlte. du Commi.&éai.lte. de. la Républi-
que. au Togo au Mi.ni.étlte. de.& Coloni.e&. 29 Malté 1921. Ultéltie.ulte.me.nt
e.n AOF, la Rac.e. Nè'glte
6e.lta l'oBjet d'une me.éulte. ide.nti.que. pM
une. c.i.ltc.ulai.lte. N° 258 C dénonc.ée. dané le. numélto 3 du joultnal e.n
Se.pte.mblte. 1921.

» e4t un p~~cepte d'o~d~e puBlic 4anctionn~ pa~ le
Code P~nal, il peut if it~e d~~og~en 6aveu~ d'un lnt~­
~it d'o~d~e puolic, ou en ve~tu de con4Id~~atlon4
ba4ée4 4u~ l'o~d~e puBlic. ( ... ). Le4 puollcatlon~
4implement 4lgnalée4 COmme 4u~pecte4
6e~ont l'~ojet
avant leu~ ~emi4 a l'int~~e44é d'un avl4 a la polIce.
Cette de~nl~~e .6 e~a a mime de compléte~ 4 e4 6lche4 de
~en4elgnement4, de 4u~veille~ le4 agl44ement4 du de4-
tlnatai~e notamment la di4t~ioution ou l'expo4ltlon
de4 6eullle4 4u4pecte4 et de p~end~e ~ventuellement
toute4 le.6 dl4po4ition4 pou~ empicne~ la di66u4ion
( achat de ~tock4 ou de4t~uction,
d'acco~d avec le de4-
tlnatal~e ) »!1)
Dans de telles conditions, l'introduction de la presse anti-
colonialiste en AOF se doit d'être clandestine si elle veut
effectivement atteindre ses destinataires.
b)
La presse nègre à l'assaut des colonies.
En Janvier 1927, lors de la parution du premier
numéro de la Voix des Nègres, le journal a été envoyé aux
correspondants du CDRN sans précautions particulières.
Les résultats d'une telle bévue ne se sont pas fait attendre,
et le Comité a reçu des lettres d'abonnés indiquant que leur
(1) ANS Zl G 44 (11). CI~culai~e du GQuve~neu~ Gén~~al de l'AOF
op cit 8 Mai 19Z8.

46:7
1
journal avait été saisi par les autorités. Prévenu le Comité
décide alors de prendre des mesures en conséquence. Pour
les envois à titre individuel, i l met le journal sous en-
veloppe et l'expédie comme une simple lettre. (1)
Enfin pour
les expéditions en gros, i l met en place toute une structure.
Dans un premier temps les journaux sont envoyés par paquets
de 100, 150 ou plus dans les ports du Havre, de Bordeaux et
de Marseille, principales têtes de ligne pour l'Afrique.
Là ils sont réceptionnés soit par des militants du CDRN tels
Alexandre Modes à Marseille ou Joseph Bana à Bordeaux (2) ,
soit par les responsables locaux du Club International des
Marins, lieu de rencontre des marins CGTU. (3)
Ainsi à Marseille dans le ft Café Africain ft décrit par Mac
Kay " le jouJtnal é.tai.t é.talé - vL&il'5iemen.t pouJt la ven.te -
dan4 le ca6é, bien que ceJt.tain~ clien.t~ de couleuJt eU44en.t
pJtévenu le pJtopJtié.taiJte que ce n'é.tai.t pa~ bon pouJt 40n com-
meJtce de le di66u~eJt comme ç~ n. (4)une fois diffusé localement,
le journal est confié par petits paquets à des navigateurs
sars qui font escale dans les ports africains. Sur place ils
remettent les journaux à des dépositaires qui en assurent
ensuite la diffusion tels le photographe Forestier à Dakar(5)
ou Hilaire de Souza à Ouidah
( Dahomey ) • (6)
(7) ANSOM SLOTFOM rr CaJt.tOn 5. No.te de l'agen.t Vé4iJté 6-8-27.
(2) ANSOM SLOTFOM V CaJt.tOn 3. Vépiche .télégJtapRique du Mini4.tJte
de4 colonie~ au GouveJtneuJt GénéJtal de l'AOF 23 Aoû.t 7927.
(3) A.N. SéJtie F 7 CaJt.tOn 13170. No.te de la SûJte.té- ŒnéJtale
14 NovemeoJte 1927.
(4)
C.
Mac Kay.'g-anj 0 op. ci.t. p. 112.
(5 J ANSOM SLOTFOMV CM.tOn 3. Vépid'ie .télégJtapnique du Minù.tJte
de4 Colonie4 au GouveJtneuJt GénéJtal de l'ADF 6 Aoû.t 1927.
(6)
ANSOM SLOTFOM nr CM.ton 24. "'o.te de l'a.gen.t VéûJté 25-6-27.

468
Dans les années trente, les tracts et brochures révolution-
naires seront même cachés dans les sacs de linge sale débar-
qués dans les ports africains, pour déjouer la surveillance
policière. (1)
Malgré l'emploi de méthodes clandestines, l'introduction de
la presse nègre aux colonies reste précaire. Grâce à l'infil-
tration policière plus qu'à la perspicacité des policiers,
les nouvelles trouvailles sont rapidement éventées
et les
passeurs répérés et fichés. Ainsi en Septembre 1927, la poli-
ce dakaroise faisait état de 460 numéros saisis lors de di-
verses opérations. (2)
En dépit de la surveillance et la ré-
pression policière, grand est le nombre des territoires où
les organisations nègres arrivent à faire pénétrer leur pres-
se et parfois implanter des sections.
c)
Territoires et individus en relation
avec les organisations nègres.
En Guadeloupe, la LDRN est en contact avec l'ins-
tituteur Hanna charley(3~ Mais ce dernier a fort à faire car
sur ordre du Ministre des Colonies " une ~u~veillanee di~e~è-
te e~t exe~eêe dan~ le~ bu~eaux de po~te de la Colonie a
ehaque eou~~ie~ de F~anee pou~ ~ai~i~ le~ exemplai~e~ de
l'o~gane eommuni~te 'La Raee Nèg~e' Il (4)
(1)
ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton l2. Note de l'agent Vieto~ 16-4-32.
(l) ANS 11 G l44
[108}. Lett~e du Commi4&ai~e Cent~al de Vaka~
au Vi~eeteu~ dea A66ai~e4 Politique& et Admini&t~at4ve&. l-9-l7.
(3) ri a'agit de Léon ffanna Cna~leif, mem~~e du CVRN ~ent~ê à
la Guadeloupe.
(4) ANSOM SLOTFOM V Ca~ton 3. Lett~e du Gouve~neu~ de la Guade-
loupe au Mini~t~e de~ Colonie~ l1 Novemb~e 19l1.

469
A la Martinique, la Ligue est en contact avec le groupe
Jean Jaurès qui rassemble les communistes de l'Ile, mais com-
me à la Guadeloupe, elle ne possède pas de section locale.
Cette situation s'explique en grande partie par l'existence
d'une vie politique locale où s'affrontent un certain nombre
de formations au sein desquelles les militants anti-colonia-
listes peuvent militer
( S.F.I.O., Groupe Jean Jaurès, etc •. ).
Peut être faut-il également y voir le désintér~t pour une
organisation qui, malgré son discours, centre plutOt ses acti-
"'\\,;
vités sur l'Afrique.
En Afrique justement, la LDRN exerce son influence tant en
AEF qu'en AOF. Dans le premier groupe des territoires cité,

elle a des contacts au Congo, en la personne de l'avocat Jean
Louis Baghio'o et au Gabon avec le commerçant Michel Anaka
Sassy, l'exploitant forestier Théophile Omvondault et le
chef des Pahouins de tibrevill~(1), futur leader du Bloc
Démocratique Gabonais
( B.D.G. ) et premier président de la
République du Gabon, Léon Mba.
En Afrique de l'Ouest, la Ligue a des contacts dans tous
les territoires français à l'exception de la Mauritanie, du
Niger et de la Haute Volta. Début 1928, le lieutnant-gouver-
neur de la COte d'Ivoire estime" que. le. jouJtnal 'La Rac.e. NègJte.'
e.4~ lu ac.~ue.lle.me.n~ paJt une. gJtande. paJt~~e. de.4 le.~~Jté4 ~nd~gè­
ne.4 de. la ba44e. Cô~e. drTvo~Jte. e.~ qu'une. pJtopagande. ~n~e.n4e.
( 2 '
e.4~ 6ai~e. pouJt le. JtépandJte. dan4 ~ou~e. la c.olonie.,"
J
(7) ANSOM SLOTFOM TrI CaJt~on 58. Le~~Jte. de. Kouya~é a Lêon Moa
30 Mai 7929.
(2) ANS 27 G 44 (17). Le~~Jte. du lie.u~nan~-gouveJtne.uJt
de. la
Cô~e. d'TvoiJte. au Gouve.Jtne.uJt GénéJtal de. l'AOF 8 FévJt~e.Jt 7928.

470
Dans ce territoire la LDRN est'en contact avec Rémi Peter
1r
Angovi, Paul Richemond, Alexandre Bony, René Ackah, etc ...
A Grand Bassam, l'exploitant forestier René Ackah a été char-
gé par la Ligue de fonder une section locale, et en novembre
1927 elle lui adresse pas moins de 300 exemplaires de la
Race Nègre. (1)
En 1930, selon les autorités coloniales, la Li-
gue dispose de 24 sympathisants dans la colonie. (2)
Au Dahomey, la Ligue est bien implantée et ce pour plusieurs
raisons
:
1°) existence d'une n élite" nombreuse et frondeuse qui don-
ne bien des soucis ~ l'Administration Coloniale,
2°)
sympath~e pour une organisation qui rappelle la LUDRN
créée par un fils du pays,
3°)
forte organisation du Mouvement National autour du jour-
nal La Voix du Dahomey~3)
Parmi les contacts de la Ligue, citons Dorothée Lima fonda-
te ur du Guide du Dahomey
et animateur de la Voix du Dahomey,
Augustin Nicoué fondateur du Phare du Dahomey, Georges Tovalou
Quenum, frèse du fondateur de la LUDRN et collaborateur de
la Voix du Dahomey, Hilaire de Souza collaborateur du Guide
du Dahomey, le médecin Pierre Dossou, etc
.•. Malgré le mandat
confié à Hilaire de Souza en Juin 1927(4) , la LDRN ne réussi-
ra jamais à implanter une section au Dahomey, sans doute par-
(1)
ANSOM SLOTFOM rr CaAton 4. LettAe de T.G. Kouyaté a René
Aekah 28 NovemôAe 7927.
(2)
ANS 77 G 67
(17) Annexe a la e~AeulaiAe 334 AP[2 du 72-9-30.
( 3) VO~A B. C. Co do La'/O"Ae~~'e- -âaffo1'tTê:e-nne' 'Q'll:c.-e- cfu'x'Ü(ril:Aa,t.i:o n!lde!l
"évol'ué-6 -l,
:
La- Vo-<:X âu-')'afi:o"'fe.Y~·(Î-cn"-Î'957).
Tfiè-6e de 3ème eyeleJ
PaAÙ
VII J 7978 460 p.
et S. C. An~gn~ruX rel> 'o'IU)'.<.ne'-6 'âu mouvement
J
nat-<-onalaUVahomey'HO,(T-19'3'l Tfièse de 30 eyele} PaAÜ VTT, 7980,457rz
(4)
ANSOM SLOTFOM rrr CaAton 24. Note de l'agent Vél>-<-Aé 25-6-27.

471
ce que depuis longtemps les"
éY01ués" dahoméens avatent fait;.. Je.
choix d'un" nationalisme assimilateur ". Cl)
Cependant en 1930,
la Ligue compte 55 sympathisants au Dahomey, dont 38 insti-
tuteurs. (2)
En Guinée, outre le dénommé Koffi facteur au chemin de fer,
la LDRN, grâce au travail
du Sénégalais Arthur Beccaria, est
en relation-avec Ernest Chery, comptable du chemin de fer,
Laurent Martin, comptable des TP, Lucien André et Eugène
Beynis tous deux comptables au chemin de fer. (3)
Bien que
disposant d'un' groupe apparemment très homogène qui aurait
pu, pourquoi pas, former le noyau d'un syndicat, la LDRN n'a
pas été en mesure de fonder une section en Guinée.
Dans le pays natal de T.G. Kouyaté, le Soudan, la Ligue dis-
pose tout naturellement de nombreux correspondants.
D'après la police de Bamako,
" le 60 yelt d' agLtatio n f Pa 1\\
Nèglte' ~e tltouve au Soudan et plu~ palttieulièltement a Kaye~
et a Bamako paltmi ee que l'on appelle le~ 'intelleetuel~'
du pay~, in~tituteult~,
po~tielt~,
~lève~-médeein~,
et ~eelté­
tailte~ et daetylo~ de~ ma.l..l.crM de eommeltee, L' élèment Ouolo 66
~11f tltouve pOUlt une bonne paltt Il. (4)
Grace à une lettre de dénonciation du capitaine Mademba du
(1) L'explte~~ion e~t de B.C. COVO,
(2) ANS 17 G 61 (17). Annexe a la eilteula~lte 334 AP[2 du 12-Q-30.
(3j"ANSOM SLOTFOM rrr Caltton 134, Lettlte de AlttRult Beeealtia a
Lamine Sengholt. 6 Septemolte 1921,
(4) ANS 21 G 44 (17), Lettlte de l'in~peeteult Baltlteylte en lté~idenee
a Bamako au Vilteeteult Généltal de la Poliee et de la Sûlteté de
Vakalt 1 Novemblte 1930

(1
2ème Régiment
de Tirailleurs Sénégalats
), on sait que
la Race Nègre est envoyé
"aux éc.Jr.1:va1:M l:rtdi:gènet> de Koulouba
et de Bamako " ainsi qu Jaux " c.ommOlçantt>' 1:ndig ène..& tl
Lu par les fonctionnaires africains, le journal est l'objet
de discussions entre ft évolués n. Le délégué de la LDRN au
Soudan est un certain Amadou Thiam ( sans doute sénégalais ),
et en 1930, la Ligue peut tabler sur une vingtaine de sym-
pathisants dont un brigadier des douanes, un instituteur et
7 employés des PTT~2)
Au Togo, la LDRN possède le contact avec 8 personnes dont
7 instituteurs et un moniteur. (3)
Très certainement leurs
adresses ont été fournies par Patten Johnson,
jeune togolais
qui fut renvoyé de l'Ecole Normale d'Aix-en-Provence en m~me
temps que T.G. Kouyaté.
Enfin, le Sénégal est le véritable fief de la LDRN aux colo-
nies. Cette situation exceptionnelle s'explique par une série
de facteurs,
dont certains se recoupent:
- la majorité des immigrés africains en France sont originai-
res du Sénégal ce qui facilite les contacts avec ce territoire,
-
le leader du mouvement anti-colonlaliste nègre, Lamine Sen-
ghor, est sénégalais,
-
citoyens français,
les habitants de Gorée, Rufisque, Dakar
et Saint Louis sont depuis longtemps impliqués dans les lut-
tes politiques
---------------------
(IJ ANSOM SLOTFOM V CaJr.ton 3. Le.t~Jr.e. MCldemô~ au Commandant du
Hme.'RTS 'l7 Oc.toôJr.e. 19Z1.
(2)
ANS 11 G 44 (11) Anne.xe.. à.l.a c.l:Jr.c.ul.a.1:Jr.e Na 334 AP{Z du1'Z-2-30.
(3) ANS 21 G 44 (11). Note. du "1 Ju-<.'t.le.t 19'Z1.'

473
- du fait de la présence du Gouvernement Général, i l existe
un grand nombre de petits fonctionnaires africains,
-
la presse locale, parfois hostile â l'Administration Colonia-
le, est fort développée. (1)
Lorsque Lamine Senghor a fondé le CORN, i l a aussitOt pris
contact avec un de ses compatriotes, le saint louisien Arthur
Beccaria. Citoyen français,
fonctionnaire de l'Administra-
tion Coloniale, ce dernier est un ancien combattant titu1ai-
re comme le président du CORN d'une pension d'invalidité
à 100%. Dès que Lamine Senghor l'a informé de l'existence du
CORN, i l a, sur son conseil, essayé de se mettre en rapport
avec Lamine Guèye pour qu'il participe à la création d'une
section locale. Celui-ci s'étant dérobé, Arthur Beccaria
a du se débrouiller seul, contactant notamment ses " amis
mutilés" pour leur dire de se mettre en rapport avec le CORN.
A Dakar i l
se démène comme un beau diable, organisant un
meeting et recueillant 17 adhésions.(2)
Dépositaire de la Voix des Nègres, chaque semaine
sa maison
est envahie par une multitude de ses compatriotes qui lui
réclament le journal. Parfois, i l vient même des européens.
Taxé de bo1chévisme ou de communisme au départ, le journal
a reçu par la suite un accueil chaleureux. (3) Fanfaronnade
me direz-vous. Alors écoutez p1utOt ce qu'en dit la Sare té
Générale :
~
h
(1) C6. Ma~gue~itte Bouligue. La p~e~4e au Slnlgal avant li3i.
B.UAN Tôme. xxvn 4l~i.e. B N° 3-4 .IQo, pp. 715-754.
(2) la Vo,t.xâe.~"Nèg~·e.4 N°l JanvÙ~ H?7.
.
.
[3) ANSOM SLOTFOM rrr Cahton 134. Le.tt~e. de. A. 8e.~éa~i.a a
Lami.ne. Se.ngho~ 6 Se.pte.mô~e. 1927.

474
Il
Cette pube.i.c.ati.on a 6ai.t glr.and O'lr.ui:t à. VaRalr. palr.mi: l'Uè-
ment i.ndi.gène lettlr.é et palr.mi. le~ jeunes mûlatlr.e~. Celr.tai.n~
plr.étendent que Lami.ne Sengnolr. e~tuYl nomme Ir.ai.~onnaole,
i.n-
telli.gent et qu'i.l e~t exact que si: les i.ndi:gène~ ~e gouvelr.-
nai.ent eux-même~ cela vaudlr.ai.t mi.~ux ". (1 )
A Dakar la diffusion du journal se fait de la manière suivan-
te : les vendeurs Il un numélr.o à. la mai.n vont le ~oi.1r. de mai.-
~on en mai.~on montlr.ent le joulr.nal, li.sant le~ alr.ti.cle~ et
le~ commentant ". (2) Ils dêclarent 1 leur auditoire Il que
le Véputé Vi.agne e~t venu au Sénégal POUIr. combattlr.e ce joulr.-
nal qui. à. lui. ~eul veut dé6endlr.e le~ i:ntélr.ê.t~ de~ Noi.lr.~ ". (3)
Il
C1 e~t palr.ce que Lami.ne Sengnolr., ~ é.négalai.~ comme vou~,
e~t en Flr.ance que Vi.agne a peulr.. Ses comoi.nai.~on~ avec le
Gouvelr.nement ne Ir.éu~~i.~~ent plus di:sent-i.l~ ". (4)
Enfin ils proclamment que Il si. Vi.agne e~t venu i.ci. c 1 e~t pOUIr.
attaquelr. Lami.ne votlr.e 6lr.èlr.e. rl vous di:lr.a c'e~t un communi.~-
te, c'e~t un Ir.évoluti.onnai.lr.e, qu'i:l ~elr.a bi.entôt alr.lr.êté, etc ...
Ne le clr.oyez pa~ calr. c'e~t Vi.agne ~eul qui. vous a vendu aux
blanc~ et conti.nue de le 6ai.lr.e Il (5)
La Voix des Nègres a également fait " sa ballade dans tous
les services administratifs de Dakar ,,(6)
et les" évoluês "
" se propose~t de lire et commenter les articles aux illettrês " (7)
----------------------
( 1) ANS 21 G 134 (108). Note de Ir.en~ei.gnement~
1 Fé vIr.i. elr. 192.1 •
(2)
ANS 2.1 G 134 (108). Note de Ir.en~ei.gnement~
10 Fé vIr.i. elr. 192. 1 .
(3)
Idem.
(4)
Idem.
( 5)
Idem.
(6)
ANSOM SLOTFOM TrT Calr.ton 134. Lettlr.e de Alr.tnulr. Beccalr.i.a à.
Lami.ne Sengnolr.
6 Septemolr.e 1rZ1.
(i')
Idem note 1.

!l'
475
Face à l'activité déployée par Arthur Beccaria, l'Adminis-
tration Coloniale joue de l'intimisation. Un soir, il
est
interpellé par un " inconnu " qui lui parle de la VOix' des
Nègres et lui déclare : " Malg~( ~ou~ ee que pou~~aLen~ 6aL~e
le.6 nèg~e.6, nou.6 .6e~on.6 ~oujOU~.6 leu~ ma.t~~e ". Ce il. quoi
i l répond calmement :
d'au~~e6oi.6, nou.6 eomp~enon.6 l'admi~able men.6onge,
d'une eivLlL.6a~Lon ma.6qu(e e~ de ~ou~e.6 ee.6 aO.6~~ae­
~Lon.6.
Ce .6ang nèg~e ve~&(, no.6 6~è~e.6 ~omo(.6 dan.6 le.6
dLve~.6 ehamp.6 de oa~aLlle de la M(~~opole, ne .6e~a pa.6
vaLn. Nou.6 6e~on.6 ~e.6pee~e~ no.6 d~oL~.6 e~ pou.6.6e~on.6
nou.6-même no.6 6~è~e.6 eneO~e a~~Lé~(.6 a une (volu~Lon
e~ une (maneLpa~Lon don~ VOU.6 avez é~é Lneapable.6.
Nou.6 nou.6 g~oupe~on.6
e~ ne 6o~me~on.6 plu.6 qu'un .6eul
bloe de g~anL~ e~ d'aeLe~ vLend~a .6e heu~~e~ vo~~e
6au66e
humanL~é Il. fI)
Organisateur de la section de Dakar, Arthur Beccaria a pro-
posé le bureau suivant au président de la LDRN(2)
- Président Joseph Angrand cornrner~ant à Dakar, membre du co-
mité de l'Action Sénégalai~e animé par les" Jeunes Sénégalais"
et impliqué dans l'affaire de la section dakaroise de l'UNIA
en 1922(3); Vice-Président,Charles
Potin, comptable de la Voi-
rie à Dakar; trésorier, Arthur Beccaria; Secrétaire A. Dial-
laud
( Diallo ) employé au bureau des pensions; Archiviste
---------------------
fI) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~~on 134. Le~~~e de A~thu~ Beeca~la
a LamLne Sengho~ op eL~.
UJ Idem.
(3) VoL~ le ehapi~~e eon.6ae~é a Ma~eu& Ga~vey e~ l'UNrA.


sic ! )
:
Jean Baptiste Huchard également employé au bureau
des pensions.
Présent sur tous les fronts, Arthur Beccaria a réussi à faire
adhérer des cheminots africains de Saint Louis à sa section. (1)
Le fait est à
signaler car d'après la SQreté Générale,
ceux-ci seraient également membres de l'Association du Dakar-
Saint Louis, syndicat fondé en 1927. (2)
Dans tout le Sénégal la LDRN possède 114 sympathisants fi-
chés par la police. (3) En dehors de Dakar où ces derniers
sont au nombre d'une soixantaine, ils résident principalement
dans les escales du chemin de fer. (4)
Sur le Dakar-Saint Louis
( DSL ), la LDRN a des correspon-
dants à Saint Louis ( Alioune Diallo ), SakaI (Dia), Guéoul,
Kébemer
Doudou Fall Yare, Papa Guèye ) , Mekhé, Tivaouane
( Diop ) .
Le long du Dakar-Niger ( DN ), les contacts de la Ligue se
trouvent à Rufisque ( Ange Da Costa, D'Artagnan Mbengue ) ,
(J)
ANSOM SLOTFOM IrI Ca~ton J34. Lett~e de T.G. Kouyaté a
A~thu~ Becca~~a 28 Novemb~e 7921.
\\1
(2) ANS 27 G 44 (71) c~té pa~ N~cole Be~naM·Vuquenet. Le~ début~
du ~ynd~cal~~me au Senegal au temp~ du F~ont Popula~~e~ Le Mouvement
Soc~al N° 707 Oct. Nov J911 pp. 31-59. Nou~ ~gno~on~ ~~ tou~ le~
chem~not~ en contact avec la LVRN ~ont de~ ~ynd~cal~~te~.
Toujou~~
e~t-~l que Kouyaté e~t en ~elat~on avec un ce~ta~n Fa~a Mad~aw que
Mme Be~na~d-Vuquenet ~~gnale comme étant un mem~~e de l'Am~cale
de~ chem~not~ du VSL ( N. Be~na~d-Vuquenet le F~ont Popula~~e au
Sénégai.Thè~e de 3ème cycle/ PMÜ VII/791f/ p. 35 ).
(3) ANS 71 G 61 (71) Anne~e a la c~~cula~~e N°334 AP/2 du 72-9-30.
(4)

Vo~~ ca~te N° 3.

478J,
lr!
Thiès
( Chery, Doumbia Tiekoura ), Khombole
( François Louis,
1
Boubakar Diallb, Oumar Sey, Chamballa KoIte, Jean Lamotte,
Fouasse, Dierry Ba, Diago Babou Leyne ), Bambey
Abdou Karim
Diop), Diourbel
( François Seck, Djibril Baffe), Guinguinéo
Amadou Latyr Diagne ), Kaffrine
( Abdou Kamara ), Koungheul
( Ousmane Sow ) et Kayes
( Talou Paulin ).
Parmi ceux dont on connaIt la profession on trouve une di-
zaine d'employés de commerce, une demi-douzaine d'employés
i1
du chemin de fer,
cinq fonctionnaires, deux commerçants, deux
j
instituteurs et un photographe.
Au Sénégal, le succès-de la LDRN semble indéniable. En 1927,
la section de Dakar a placé les 800 cartes qu'elle avait
1
reçues lors de sa formation. La Race" Nègre se vend tellement
bien que les dirigeants locaux de la Ligue se plaignent d'en
manquer. Ecrivant à Paris, ils en exigent 800 numéros et
adressent une demande au Gouverneur Général de l'AOF de ma-
,
nière à pouvoir vendre librement le journal. (1)
Après ce bref survol de l'influence de la LDRN aux colonies
quelques grands axes se dégagent et quelques questions se po-
s~t
- La LDRN recrute essentiellement pour ne pas dire exclu-
sivement dans le milieu urbain des évolués. Les principales
catégories touchées sont les fonctionnaires de l'Adrninistra-
tion Coloniale, les cheminots, les employés de commerce,
les petits commerçants et les instituteurs.
(1) ANSOM SLOTFOM rr C~~ton5. Note de l'~gent Vé~~~é 28-11~21.

479
- parmi les groupes touchés par la propagande de la Ligue,
deux doivent particulièrement retenir notre attention, à sa-
voir les instituteurs et les ch~minots, les premiers pour le
rOle politique qu'ils joueront après la seconde guerre mon-
diale dans les luttes pour l'indépendance et les seconds
pour la place centrale qu'ils occuperont sur le terrain des
revendications ouvrières.
- On peut dire que les débuts de la lutte anti-colonialiste
les instituteurs ont été en contact avec ce mouvement comme
le prouve la correspondance entre Masse Ndiaye
(membre de
l'UIe ) et son frère élève à l'Ecole Normale d'Aix-en-Proven-
ce, les contacts de T.G. Kouyaté avec F. Gouttenoire de Toury,
ou les relations entre les élèves de cette même Ecole Normale
et la LDRN.(l)
Par ce biais un vaste réseau s'est ainsi constitué qui per-
met à la LDRN, mais également à une organisation comme l'In-
ternationale des Travailleurs de l'Enseignement ( ITE ) (2) ,
d'avoir des correspondants un peu partout.
Pour Kouyaté, les instituteurs ne constituent pas uniquement
des informateurs potentiels pour la Race Nègre, ils doivent
également pouvoir assurer la direction d'une éven~uelle grève
générale déclenchée dans toute l' AOF. (3)
La question est donc posée de savoir dans quelle mesure l'ac-
tion des organisations nègres a pu jouer un rOle dans la
(7) E~ Août 1927, le~ élèves a6~~~a~ns de t'E~ole No~mate d'Aix
~e pla~nd~o~t a la LVRN de ~e que le V~~e~teu~ les empê~ha~t de
li~e .ta "Ra'~'e Nè·g7r.~, ~on6~<squan~ les exempla~Jte.s qu '~l tJtouvait.
ANSOM SLOTFOM
rr Ca~ton 5. Note dt l'agent Vé<s~~é 31-8-Z7.
(2) Kouyaté a ~ollaoo~é penda~t 6 mo~<s au se~~éta~~at de.t'ITE.
(31 ANSOM SLOTFOM
rI Ca~ton 5. Note de l'agent Vé<si~é 6-8-Z1.

480
conscientisation des instituteurs.
- La même question mérite d'être posée pour les cheminots du
DN et du DSL notamment. Outre l'action des militants euro-
péens, leur prise de conscience n'a-t-elle pas été facilitée
voire parfois suscitée, par la lecture de la Voix des Nègres
ou de la Race Nègre ?
- Enfin à l'examen de certains chiffres
(plus 800 cartes
placées en quelques mois au Sénégal ), à la lecture de certains
rapports
( ceux de la Sûreté dakaroise ou celui du Gouverneur
de la COte d'Ivoire par exemple), à la mise en lumière de
certaines formes
de propagande
( diffusion de journaux dans
les services administratifs, lecture de groupe,
lecture aux
illetrés ), l'influence quasiment-nulle attribuée jusqu'à
ce jour aux organisations anti-colonialistes nègres aux colo-
nies doit être remise en question.
1.4. Les derniers combats du lion du Sine.
Quelques temps après la création de la LDRN, Lamine
Senghor a apporté une contribution originale à la lutte des
peuples africains pour leur indépendance sous la forme d'une
petite brochure intitulée La violation d'un pays (1) •
Vendue 2 francs pièce au profit de la Ligue, cet opuscule est
diffusé en France et même aux colonies, sa présence étant
signalée à Dakar durant l'été 1927 par exemple. (2)
(1)
La.mble Sengholt La.vi.o.f:a.:U:o-rf -â'lLI'l pa:Y4
Pa.JtÙ J BUltea.u d.' éd.i.ti.on,
192.1 1 31 P.
(2) ANSOM SLOTFOM V Ca.4ton 3. Lett4e du Gouve4neu4 Géné4a.i de
i'AOF a.u Mi.ni.~t4e de~ Coionie~ 3U Août 1921.

481
Comme l'a fort bien dit Paul Vaillant Couturier dans la pré-
face, ce texte résume de manière 11 simple et frappante"
l'histoire des contacts entre l'Europe et l'Afrique du temps
des explorateurs à l'ère coloniale. Véritablement" emballé"
par ce récit, Vaillant Couturier en a fait une présentation
qui ne peut qu'inciter à le lire.
Il
Je l'al lu d'un t~alt, lc~lt-ll, comme une llgende
me~veilleu~e, au~~l c~uelle que le~ conte~ d'en6ant~ qui 6o~-
ment le 60nd du 6olklo~e de tou~ le~ peuple~. Il 6aut le ll-
~e, le 6al~e ll~e ... Il 6aut qu'il ~evlenne au pay~ d'où il
e~t éo~tl comme une plante deé te~~e~ cnaude~ et qu'il y
g~andl~ée. Il 6aut qu'il aille t~ouve~ dan~ la b~ouéée, au
60nd deé 6o~êté, dan~ le~ village~1 ceux que la gue~~e, le
po~tage, le~ co~vle~, dlclment lmpltoyaolement. Il 6aut que
le ~lclt vole de boucne en bouche et que le~ vlellla~d~,
au ~eull de~ ca~e~, le ~acontent le ~ol~ aux 6emme~ et aux
jeune~ gen~. ,,( 1)
Personnellement, nous partageons pleinement l'enthousiasme
de Paul Vaillant Couturier, car le texte de Lamine Senghor est
vraiment excellent, tant dans sa forme que sur le fond.
Originaire de ces sociétés où le verbe est roi, Lamine Senghor
a choisi pour son récit une forme qui lui est très familière
le conte. Comme dans tous les contes, on trouve dans la Vio-
lation d'un pays, des personnages imaginaires derrière lesquels
se cachent des êtres humains en chair et en os que les " initiés "
reconnaissent au premier coup d'oeil.

82

1
J
,
~
Ainsi, Dégou
Diagne, celui qui trahit ses frères, celui qui
-[
i
1
inspire le dégoût n'est autre que Blaise Diagne, le député du
Sénégal. Evoquant tout d'abord la découverte de l'Afrique
par les Européens, Lamine Senghor nous montre comment ces
derniers échangèrent force verroterie
contre des objets de gran-
de valeur dans des sociétés où "on i:gn.olr.a.i..t c.e Que ~'é:ta.i..t
de vendlr.e e:t d'a.c.he:telr. ».(1)
Puis i l nous présente" l'école du crime"
cette institution
particulière où l'on invita les fils du pays à trahir leurs
lt
frères en éch~nge d'une maigre parcelle de pouvoir.
;
f.
c'est alors le début de la traite esclavagiste, ce " c.ommelr.-
f
c.e d'exp0lr.:ta.:ti.on e:t d'i.mpolr.:ta.üon, ~ou~ :tou:te~ ~e.6 6olr.me~,
en:tlr.e te~ pa.tj~ e:t te.6 1r.a.c.e.6 di:66élr.en:tu ». (Z) Un jour" l'hom-
me pale" voulut s'implanter un peu plus profondèment dans
le pays. Les habitants
» ~e dé6endi.lr.en:t
va.i.tla.mmen:t. Ma.i.~ i.l~ dUlr.en:t c.a.pi:tu-
telr. deva.n:t la. 6olr.c.e de~ a.lr.me~ c.lr.i.mi.nelle~
Que te~
a.~~a.i.tta.n:t~ di.lr.i.gea.i.en:t c.on:tlr.e eux. E:ta.n:t 6olr.c.é.6 a.plr.è~
une longue Ir.é~i.~:ta.nc.e de Ir.ec.onna.~:tlr.e Que le.6 a.lr.me~
de leulr.~ a.dvelr.~a.i.lr.e~ é:ta.i.en:t plu~ 'c.i.vi.li.~ée~' Que le.6
leulr..6, i.t~ .6'a.vouèlr.en:t va.i.nc.u.6. C'e~:t a.lolr.~ Qu'i.t~
vi.lr.en:t 't'homme pâle', le ~i.eulr. 'boulr.geoi.6' ja.di~ c.Om-
melr.ça.n:t a.mbula.n:t, a.ppa.lr.a.~:tlr.e deva.n:t eux en :tenue de
génélr.a.l, pOUIr. ~e 6a.i.lr.e plr.oc.la.melr. Ir.oi de leulr. pa.tj~.
( ••• ). rl 6a.u:t QU'on. vou~ c.i.vi.li.~e ! leulr. di~a.i.:t
'l'homme pâle', le ma.Z:tlr.e dé~olr.ma.i.~, 'lui. é:ta.i:t devenu a
---------------------
(1 J
La.mi:ne SenghaJr.' la.vi:olà."t:i:oYf â'LLn.'pl:l.I{S op. c.I.:t. p II.
(Z)
Idem Pa.ge 18.

Après avoir forcé ses esclaves à conquérir les pays environ-
nants à son profit, n l'homme pale" mit fin à ses conquêtes
et une" paix" précaire s'instaura. Malheureusement" le
roi germain " attaqua le pays de la " reine pâle " et ce fut
de nouveau la guerre.
" Pou~ ~en60~ce~ ~on a~m(e, la ~eine 6it appal aux
~ujet~ du '~oi coloniali~me' en leu~ p~omettant la
~upp~e~~ion de~ loi~ inique~ d'e~clavagi~te~ mode~ni­
~(~ - qu'elle 6ai~ait applique~ dan~ leu~~ pay~.
Qu'il~ ~e~aient d(~o~mai~ con~ide~e~ comme le~ v~ai~

te~ni~e~aient pou~ de6end~e le~ d~oit~ et la libe~t(
de~ peuple~ a di~po~e~ d'eux-mime~.n(2) Si " quelque~
~ent aux a~me~ ", la majeure partie des sujets du " roi colo-
nialisme " restèrent indifférents â ces propos.
" On ~ec~uta de 60~ce. Mai~ la ~a6le ne 6ut pa~ au~~i 6~uc­
tueu~e qu'elle ( la ~eine
l'au~ait d(~i~(e. ,,(3) Vint alors
la Mission Diagne en AOF.
n Elle envoya le plu~ d(voue de ~e~ e~clave~ a couleu~
d'(bène alle~ di~cou~i~ cnez ~e~ 6~è~e~ a6in qu'il~
~'en~ôlent dan~ l'a~mee de la d(6en~e nationale ... (?)
( a quelque~ millie~~ de kilomèt~e~ de leu~ p~op~e
pay~). Le bon boug~e e~co~t~ d'une a~m(e de ~oldat~
de ~a couleu~, tou~ galonne~ et m(daill(~ a poit~ine
(1)
Lamine SengnM La'vi:of:a.tA..:(}}t- 'â'lCrf Pà.'!f"S' 'op: ciL p.
22.
(2l
Idem p.
25.

484
" déboJr.dée
e~ eapoJr.aux a 6~guJr.e pâle, déoaJr.Qua un jouJr. dan4 40n
ex-pay~. Tl y employa ~ou~-ee Qu'~l ava~~ d'éloQuenee
dan~ le ven~Jr.e. ( ••. ). ApJr.ès le diseouJr.4 don~ 4e4 6Jr.è-
Jr.e4 ne eompJr.ena~en~ Jr.ien e~ Qui 6uJr.en~ ~Jr.adui~~, gJr.04~O
modo, paJr. QuelQue~ 40US eselaves Qui pua~en~ la poudJr.e
de gueJr.Jr.e à. plein nez, les 4uje~4 du " Jr.oi eolon~al~4me "
pJr.~Jr.en~ la ele6 des ehamp4. E~ paJr. la eha~4e
à. l'hom-
me dan4 le4 boi4, le bon pa~Jr.io~e à. eouleuJr. d'ébène
Jr.eeJr.u~a pouJr. 4a Jr.eine aimée, plusieuJr.~ dizaine4 de m~l­
l~eH de ~ e~ 6Jr.èJr.es Il. (1 )
Envoyés en Europe ils se battirent pendant des mois, fournis-
sant par milliers les cimetières et les hopitaux,
jusqu'à
la victoire finale.
Il
ApJr.è4 ee~~e vie~oiJr.e si long~emp~ a~~endue paJr. le4
homme4 de ~ou~e4 le4 eouleuJr.s e~ de ~OU4 le~ paY4,
le~ e4elave~ Jr.appelèJr.en~ en vain à. la Jr.e~ne, le4 pJr.o-
me~~e~ de Jr.eeJr.u~emen~ Qu'elle leuJr. ava~~ 6a~~e4. La
Jr.e~ne leuJr. 6~~ Jr.épondJr.e Que, non ~eulemen~ elle ne pou-
va~~ pa4 Jr.éal~4eJr. 4e4 pJr.ome~ses de gueJr.Jr.e, mai~ Qu'il
6allai~ Que ~OU4 seS ~uje~~ oJr.onzé~, pâle4 e~ jaune4
n(2)
6~4~en~ un peu de péni~enee
Les citoyens pâles
ayant envoyé
des émissaires prêcher la révolte parmi les su-
jets du " roi colonialisme Il
" la eolèJr.e gJr.onda e~ Jr.egJr.onda dan4 ~OU4 le~ eoe~Jr.~ !
mon~a ••• e~ Jr.emon~a !!! Elle Jr.emon~a ~ellemen~ Qu'elle
( 1) La mine S eng hM- La: V;{:ota'";t.{."o-n~ë0 ltyt pays 0p. ei.~. p. 26.
(2)"
Il
Il
Il
"
Il
Il
Il
p. 28.

485
"6-i.ni..t
paJt éc..tctte.Jt un Oe.au mati.n ... ( un ve.ndJte.d-i. 13 ... ).
Le. mime. jouJt, a .ta mime. he.uJte., c.he.z .te.6 oJtonzé6, c.he.z
.te.6 paUVJte.6 e.t .te.6 'moin6 pâ.te.6', .ta Jtévo.tution éc..ta-
.la de. c.onc.e.Jtt ave.c. .te.6 c.itoife.ns pâ.te.6, .te.6 vJtai6 na-
tionaux de. .ta Re.ine.. Le.6 Jt0ifctume.6 Jte.nve.Jt6 é6, .ta Jte.ine.
6ut e.nvoifée. pic.he.Jt de.s hui.tJte.s dans .ta me.Jt du néant
e.t .te. Jtoi c.o.toni.a.ti6me. 6ut .tivJté a .t'ange. de. .ta moJtt.
Le. 6o.te.i.t ve.nait de. 6e. .te.ve.Jt e.t c.'était .te. jouJt de. .ta
.tibéJtation. Le.6 e.6c..tave.s de.vinJte.nt .ti.bJte.s ! Le.6 c.ito-
ife.n6 de. c.haque. paif6 diJtigèJte.nt .te. Gouve.Jtne.me.nt de. .te.uJt
état. r.t6 6oJtmèJte.nt .t'a.t.tianc.e. 6Jtate.Jtne..t.te. de.6 paif6
.t-i.bJte.6. Vive. .ta Jtévo.tution III ,,(1)
Avec des mots simples mais justes, Lamine Senghor a ainsi ré-
surné cinq sièclesd'histoire et tracé la voie à suivre pour
arriver à l'indépendance. Sans longs développements théori-
ques, sans employer un langage stéréotypé, i l a su mettre par
écrit ce que des milliers de ses frères ont vécus, et c'est
là que réside tout le poids de cette petite brochure. Ceci
dit pour être tout à fait honnête, celle-ci a des limites
qu'il faut souligner
- par ignorance des sociétés précoloniales ou par habileté
tactique, l'Afrique d'an~an est idéalisée à l'excès et les
sociétés nous sont présentées comme des ensembles harmonieux
où les habitants avaient" tout c.e. qu'-i..t .te.uJt 6a.t.tait pouJt
if v-i.vJte. tJtanqu-i..t.te.6 e.t he.uJte.ux ". (2)
- Certains faits historiques font l'objet d'une interpréta-
tion erronnée. Ainsi le départ de Van Vollenhoven de son
( 1)
Lamine. Se.nghOJt La 'vi:oLa.ti:o'nâ"un'p'a'q6 op. c.it. p. 31.
(2)
"
"
"
fi
f i " "
p.
8.

486
.poste de Gouverneur Général de l'AOf est mis sur le compte
du refus " de 6o~ce~ de6 homme6 qui ne le voulaien~ pa6
(a)
alle~ mou~~i~ pou~ une cau6e qu'i:16 igno~aien~ e~ pou~ de6 p~o­
me66e6 men~ongè~e6 ". (1) On sait aujourd'hui, grâce au tra-
vail de M. Michel notamment, que si Van Vollenhoven était
partisan de " 6e~me~ la colonie en ~an~ que ~(6e~voi~ a 6olda~6 Il
c'était pour " l'ouv~i~ plU6 g~ande en ~an~ que ~(l.ie~voi~
a pMdui~6 indùpeMaolel.i a la vie (conomique de la Na~ion " (2)
et non pour des raisons humanitaires.
- Enfin, malgré l'indépendance qu'il a su manifester à l'égard
du PCF, Lamine Senghor véhicule l'idée, fort répandue à l'épo-
que, de la révolution européenne comme acte nécessaire voire
indispensable à la libération des peuples coloniaux.
Cela étant, les limites soulignées sont plus celles
de l'époque que celles de Lamine Senghor lui-même et i l faut
donc remettre ce texte dans son contexte pour en apprécier
correctement la valeur.
Après avoir publié ce texte et assisté à la naissance de la
LDRN, Lamine Senghor est parti en province pour rallier les
sections locales du CDRN à la nouvelle organisation. Quand
i l rentre à Paris à la mi-Juillet, i l peut être satisfait car
i l a réussi à gagner les sections du Var et des Bouches du
(1)
Lamine SenghM. La vioiaÜ:o/1.û'Wf pay-.s op. ciL p. 21.
(2)
PMpO~ de Van Vollenhoven ci.~(!i pM M. Midi.el. L"Appel
a i 'A6lt.ique op. ci~. p. 133.

RhOne (1) , enlevant ainsi toute influence en province à l'or-
ganisation de Maurice Satineau. Cependant son état de santé
toujours vacillant s'est brusquement aggravé. Sur les con-
seils de son médecin, i l doit véritablement se suralimenter
et boire des vins généreux, mais i l ne peut plus supporter
ce régime (2) • Il décide alors de repartir dans le Midi espé-
rant que le climat ensoleillé du Sud de la France lui sera
bénéfique. Mais quelques jours après son arrivée, i l est
toujours au plus mal et sa femme télégraphie aux dirigeants
de la LDRN pour les avertir qu'il est mourant. Epuisé par
la maladie, i l est affaibli moralement par la mort de son
père, puis par celle de son fils Diène le 23 AoOt 1927.
(1)
Pou~ la petite hi~toi~e, noton~ que ~'e~t ~e~tainement
au ~ou~~ d'une de ~e~ tou~née~ à Ma~~eille que Lamine Sengho~
~en~ont~a le ~oman~ie~ jamal~ain Claude Ma~ Kay. Ce de~nie~
ne ga~de~a pa4 un 4ouveni~ 6latteu~ du leade~ de la LVRN et
de ~e4 ami4, PUi4qU'il ~~~i~a : " P~enez pa~ exemple Sengho~
et 4e4 ~ama~ade~. Ce ~ont le~ p~opagandi~te~
le~ plU4 ame~4
et ~eux à qui il manque le plU4 le ~en4 de l'humou~, eh bien
il4 ~ont tOU4 ma~ié4 ii de~ 6emme4 olandie4. On di~ait que l'ex-
pé~ien~e le4 a aig~i4 ! C'e~t ~omme ~'il~ avaient e~pé~é que
ça le4 ~app~o~he~ait de la ~a~e blan~he et qu'il4 4e ~oient
~endu4 ~ompte que ~'était impo4~ible - T~op ta~d ! "
( Banjo op. ~it.p.
266
).
Bien r~ 6idèle à la ~éalité, c.e pM-
t~ait e4t néanmoin4 c.on4idé~é c.omme " une t~l4 ~ema~quable
de4~~,i.ption de la pe~4(lnnalité de Lamine Sengho~ " pa~ M.
Robe~t Co~nevin ( Homme4 et Ve4tin~ op. c.it.p. ,67 ). Comp~enne
qui pou~~a !
(2)
ANSOM SLOTFOM rr Ca~ton ,. Note de l'agent Vé~i~é
23 Juillet 1927.
(3) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 24. Note de l'agent Vé4i~é 20-8-27.

488
Diminué à l'extrême i l ne peut même pas assister à l'enter-
rement de ce dernier sur ordre de son médecin. Finalement,
i l se remet peu à peu de cette épreuve difficile mais, à la
mi-Septembre, son état de santé est toujours inquiétant et
le délégué du CAr de Marseille avertit le Ministre des Colo-
nies qu'il ne pourra certainement pas" supporter l'hiver ,,~1)
Comme pour démentir cette sinistre prévision, Lamine Senghor
profite d'un mieux passager pour se rendre à Marseille à la
fin du mois d'Octobre.
Militant infatigable, i l jette les bases d'une Association
Française des Antillais, précisant qu'il resterait officiel-
lement en dehors de cette organisation et que rien dans les
statuts ne devait attirer l'attention des pouvoirs publics. (2)
Mais cette dernière initiative devait être le point final
d'une courte carrière de militant. Atteint par une paraly-
sie générale quelques jours plus tard, i l se fait transporter
à l'hopital de Fréjus et envoie sa démission de président
et de membre de la LDRN. (3)
Le 25 Novembre 1927, après un
mois de souffrances, i l s'éteint.
Enterré au cimetière de Fréjus, i l rejoint ceux pour qui
i l avait lutté jusqu'à l'épuisement de ses forces:
ses
frères les tirailleurs. Avant de mourir, i l aurait déclaré
Il
Le~ Blan~~ on~ de la ~han~e ! L'annle p~o~halne .... " et
i l se serait éteint sans pouvoir terminer sa phrase. (4)
(1) ANSOM SLOTFOM 1 Ca~~on 31. Le~~~e du dlllgué du CAr au
Mlnl~~~e deô Colonle~. 19 Sep~emo~e 19Z7.
(Z) ANSOM SLOTFOM r Ca~~on 31. rdem.
(3) ANSOM SLOTFOM rr Ca~~on 5. No~e de l'agen~ Vl~l~l 5-11~t7.
(4) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~~oK 37. No~e anonyme di 3 ]anvle~ 19ZI.

489
Mythe ou réalité, peu importe la vraie nature de cette phrase,
car elle prouve s ' i l en était besoin que Lamine Senghor avait
acquis une stature historique de son vivant même.
A peine était-il d~cédé qu'il était déjà devenu une figure
de légende.
A Paris c'est par le biais de l'HUmanité que les membres de
la LDRN apprir~nt le d~cès de leur président. (1) Signée par
le secrétaire du rayon de Cannes, la nécrologie de Lamine Sen-
ghor disait ceci
» Not~e d(vou( cama~ade Lamine Sengho~ vient de 4uc-
combe~ a la 4uite d'une longue maladie cont~act(e au
4e~vice de l'imp(~iali4me 6~ançai4, pendant la gue~~e
du d~o~t et de la civili4ation. TOU4 no4 cama~ade4
conna~44ent le4 g~and~ ~e~vice~ ~endu4 pa~ Sengho~ a
not~e pa~ti. Ti 4 '(tait donn( pou~ tâche dt(ve~ile~
4e4 6~è~e4 coloniaux à la con4cience de cla44e.
JU4qu'au jou~ où le mai agac( lui inte~d~t tout e66o~t.
Sengho~ 4e d(pen4a 4an~ compt~~, 4an4 4ouc~ de 4a 4an-
t(, n'ayant qu'un 4eul d(4i~ : lutte~ toujou~4 davan-
tage dan4 leo ~ang4 du pa~ti communi4te qu~,.4eul, a
~n4c~~tdan4 40n p~og~amme la lié(~ation totale de4
peupleo colon~aux. Son ~nte~vent~on pu~o4ante au .Con-
g~è4 de4 peuple4 coloniaux, a B~uxelleo e4t p~(oente
a tout~o le4 m(mo~~e4. ( ... l. En Lam~ne Sengho~ d~o­
pa~aZt un de4 me~lleu~o champ~ono de l'a66~anch~44e-
(1)
L'Hu·ma·n:<.·...U
Z V(cemé~e 19.2.7.

490
ment de~ peuple~ coloniaux opp~imé~ pa~ le cap~tal~~­
me.
L'exemple de ce vaillant militant ne ~e~a pa~ pe~­
du. Le~ p~ol~tai~e~ 6e~ont t~iompne~ le~ noble~ ~dée~
que le di~pa~u a dé6endue& avec acna~nement ".(1)
Cette
né~~~~~Gle brosse assez fidèlement le portrait du per-
sonnage, mais i l faut préciser qu'il est pour le moins osé
d'affirmer que le,1I seul désir" de Lamine Senghor ait été
de lutter toujours dans les rangs du PCF. Militant communiste,
Lamine Senghor l'a incontestablement été et i l a lui-m~me
revendiqué cette qualité avec fierté, mais i l était tout sauf
un apparatchik contrairement à ce qu'affirme Y. Person. (2)
Dans ce sens, i l s'est battu pour le triomphe de ses idées
et non pour le triomphe d'un parti. La nuance est de taille
et la meilleure preuve en est qu'il n'hésita pas à créer le
CDRN sans l'avls et en dehors de la tutelle du PCF pour la
bonne et simple raison qu'il jugeait cela nécessaire à la bon-
ne marche de son combat.
Enfin pour ce qui est de " l'exemple de ce vaillant militant Il
qui ne devait pas être perdu, force est de constater que le
PCF ne fit rien pour perpétuer sa mémoire. Les communistes
Africains formés à l'école du parti français ne surent ja-
mais rien de Lamine Senghor et, à titre d'exemple,
les militants
du PAl ne publièrent pas une ligne sur celui qu'ils auraient
pourtant dû considérer comme leur illustre prédecesseur.
--------------------
(1)
L' ffum'Ifn:<:té' 2 Véceme~e 192.1.
"
~
(2)
Yve& Pe~&on.
Le &ocialùme.. e.n A6~ique. Noi~e in' HùJ:o:{.'Jr.e
gênéAal'e' 'âu' '"foc:ial:<'''&me Pa~ù 1 PUF/ 19 ni Tome.. 3. pp. un -625.

491
Mieux en 1981, après enquête, l'ex-Institut Maurice Thorez
déclarait ne rien savoir sur Lamine Senghor
(?).
En proie à des difficultés financières, ce n'est qu'en Mai
1928 que la LDRN rendra hommage à son président défunt. (1)
Sans doute rédigé par Kouyaté, ce texte était plein d'émo-
tian.
Il évoquait bien sur" le communiste Senghor ", mais
i l rappelait fort justement que ce dernier était un " sincè-
re africain" et qu'il était mort" soldat de sa race"
Le lion du Sine(2)
disparu, i l revenait maintenant à Kouyaté
et à ses camarades de poursuivre l'oeuvre qu'il avait si bien
entreprise.
2. LI HEURE DES' INCERTITUDES.
------------------------
2. 1. ~~~_eE~~~~~~~~~_~_!~_~~~~~~~!~~
~~_~~~!~~_ê~~S~~E·
Lamine Senghor est décédé en fin Novembre 1927, mais
au sein du mouvement nègre chacun savait que ses jours étaient
comptés et ce, depuis le milieu de l'été. Dès lors que sa
disparition n'était plus qu'une question de jours, voire tout
au plus de
mois, les prétendants à la direction du mouvement
nègre ont commencé à aiguiser leurs armes de manière à être
fin prêts le moment venu.
(7)
La. Ra.c.e. Nèg/te. N° 5
Ma.i. 192.8,
(2.)
L'e.xp~e.~~i.on e.~t du F~ont Cultu~e.l S~néga.la.i.~.

492
Le premier à se mettre sur
les rangs n'est autre que René
Maran. Dès la fin Août 1927, i l a adressé une lettre à T.G.
Kouyaté dans laquelle.il affirme que la LDRN n'a rien fait
pour la défense de la race nègre, s'étant contentée de faire
de la politique. Lui président, les choses seraient tout autre-
ment car grâce à ses relations avec le Ministre des Colonies,
il serait en mesure d'obtenir un certain nombre d'améliora-
tions. (1)
N'ayant sans doute pas reçu la réponse qu'il espérait de
la part de Kouyaté, les choses en restèrent apparemment là.
Fin Août 1927, la police constate que Il .t'a.gi.ta.teult nèglte
Luni.on-Gothon ne pouva.nt ~e Ité~i.gnelt à .t'i.na.cti.on (~i.c!) vi.ent
de pub.ti.elt un joultrta..t i.nti.tulé 'Au Comi.té de la. Vé6e~e de
la. Ra.ce Nèglte la. vélti.té e~t en ma.ltche' ". (2)
Ce journal se veut l'organe officiel du " Club des Nègres
Conscients" dont l'article 2 des statuts précise que son
but
est de " ma.i.nteni.1t le Comi.té de Vé6en~e de la. Ra.ce Nèglte
da.n~ le Ite~pect de~ plti.nci.pe~ pa.1t lui. ~olennellement pltocla.mé~
le 4 Jui.llet 1926 ", à savoir une organisation ouverte à
tous" des royalties aux communistes" pour reprendre l'ex-
pression utilisée ce jour par l'ex-secrétaire général du CORN.
Comprenant quatre pages, le Journal de Gothon Lunion con-
tient principalement un article intitulé " Ma profession de
foi ,,(3)
--------------------
(1) ANSOM SLOTFOM TI Ca.ltton 5. Note de l'a,gent Véûlté 31-8-207.
(2) ANSOM SLOTFOM rn Ca.M0n. 204. N'0t;ede . .t' a.gent Vé~itr.é 1-9.-207.
(3)· Au "Càm~'"":'a.· âe- -V~leYt~è"âe-ta.- Rltc.~- m~lt..~- t.~~V~'lt.~";t~~ "e.~;t" "e"rc ~fatr.­
che. Aoui:. 1927.

493
En fait de profession de foi i l s'agit plutôt d'une entre-
prise de justification de l'attitue passée de Gothon Lunion
afin de le remettre en selle pour la prochaine course qui
s'annonce imminente.Pour l'ancien délégué au Vème Congrès de
l'rc, les raisons de sa disgr!ce se résument en une phrase:
" Mon aetion en tant que 6ee~(tai~e g(n(~al du CVRN n'a pa6
(té. eomp~i6e " dit-il. Jadis critiqué pour sa tendance à
vouloir faire du CORN" sa chose ft, i l déclare:
" On m'a
t~ait( d'ambitieux. J'ai le d~oit de di~e qu'on 6'e6t t~omp(
6u~ mon eompte. On a eon6ondu deux te~me6 : ambitieux et d(-
voueme.nt. " Puis abordant les évènements qui ont conduit à
la scission du CORN, i l poursuit:
" L'unit( du CVRN e6t
b~i6(e. L'e6p~it d'amou~ et de 6~ate~nit( qui ~(gnait dan6
60n 6ein 6emble 6'an(anti~. La divLsion voulue dè6 le6 p~e-
mie~6 jou~6 de not~e exi6tenee pa~ ee~tain~ mauvai6 Eu~o­
p(en6 de ee. paY6, hypoe~ite6 am.<."s, se eonSomme "
Enfin, clarifiant ses rapports avec le PCF, i l précise
" Aneien memb~e d'un pa~ti politique, j'ai voulu eon-
eilie~ le.6 int(~êt6 g(n(~aux de ma ~aee avee eeux
de mon pa~ti. Mon attitude loyale n'a pa6 6ait plai6i~
à tou6 eeux qui devaient la p~end~e en eon6id(~ation.
Ce~tain6 memb~e6 de l'(lèment eu~op(en, veulent pOU6-
6e~ l'é.lèment eolonial à 6e ~enie~ 6olennellement, à
ne plU6 êt~e lui-même, mŒi6 une 6o~te 'd'o~gani6ation­
e~oupion', Une oeuv~e ~té.~ile,
à la tête de laquelle
doivent ~e t~ouve~ de4 homme6 ineapaoles de pen6e~ et
d' agi~ pa~ eux -mêmes, de v(~itaoles pantiM vivant6 •.. " ( 1)
(1) Au Comité. de V(6en~e de la Raee ~èg~e la vé.~ité. e6t en
ma~ehe. Août 1927.

494
A première vue, les motivations de Joseph Gothon Lunion sont
on ne peut plus nobles, et la justesse de son analyse des
rapports PCF/coloniaux est indiscutable, mais en réalité le
dévouement dont i l se réclame ressemble fort à de l'ambition
quoiqu'il en dise. En effet, i l ne s'est pas contenté d'adres-
ser son journal aux dirigeants de la LDRN. Il a écrit pers on-
nellement à Kouyaté pour lui proposer de lutter contre le CDRN-
Satineau afin d'entra!ner sa dissolution, puis de rallier
ses membres à la LDRN pour, ensuite, réorganiser cette derniè-
re. L'opération achevée, Tiémoko Garan Kouyaté en deviendrait
le président, lui-même Se réservant le poste-clé de secré-
taire général. (1)
Dans cette affaire, contrairement à ce que pensent certains
membres de la LDRN, tel
Rosso (2) , Joseph Gothon Lunion n'est
pas l'agent du PCF dont, au demeurant, i l a été exclu en
Mars 1927. (3)
En fait,
i l poursuit surtout un but personnel
qu'il va tenter d'atteindre le 2 Octobre 1927 lors de la réu-
nion constitutive du Club des Nègres Conscients.
Ce jour là, ils sont plus d'une soixantaine à ~tre venus en-
tendre Gothon Lunion présenter son projet. (4)
Mais la salle
est loin de lui ~tre favorable
: d'un cOté i l ya les membres
du CDRN tels Satineau, William et Cressens et de l'autre des
membres du PCF, tel
Petrus qui fera plus tard un stage de
(1) ANSOM SLOTFOM rI Ca.ltton 5. Note de. .e,'a.ge.n.t Vé.4ilté 1~'i~27.
(2)
ANSOM SLOTFOf,l rr·CCVl.ton 5".
JI
/1
/1
"70-10-27.
(3) AIt~h. de. la. Commi.4~ion Co.e.on~a.le du PCF a.nnée. 1927 QoQine.
35{241 Ra.ppoltt de Ma.It~ 1927.
(4) ANSOM SLOTFOM TT Ca.ltton 5". Note de l'a.gent Vê~ilté 3-10-27.

495
formation politique en URSS.
A peine Gothon Lunion a-t-il exposé les objectifs qu'il a
fixé au Club des Nègres Conscients que Maurice Satineau et
Cre~ens protestent violemment contre l'intitulé de la nouvel-
le organisation estimant que tous les nègres étant conscients
un tel titre ne se justifie
pas. Voulant à tout prix se dé-
marquer de la LDRN et du CORN, Gothon Lunion réplique alors
que tous les membres sans exception de ces deux organisations
poursuivent des buts intéressés et se font les valets du
gouvernement pour obtenir des emplois, se désintéressant to-
talement des intérêts de la race nègre.
Aussitôt c'est le tollé dans la salle et Cressens en profite
pour faire des déclarations francophiles mais mal lui en prend
car i l se fait traiter de faux-frère, vaniteux, profiteur,
tra!tre, etc . . . avant d'être expulsé manu militarit
Le calme revenu, Haurice Satineau accuse Gothon Lunion de
vouloir faire du Club des Nègres Conscients une " pépinière
de moscoutaires ". Il se déclare favorable à une réforme de
la colonisation comme tous les coloniaux; i l se fait l'avo-
cat de l'union des noirs mais i l se déclare résolurnment anti-
communiste. Petrus intervient alors pour faire le procès du
colonialisme français et faire l'apologie du communisme qui
seul libère les peuples opprimés. De nouveau la salle s'en-
flamme et la réunion s'achève sans que le bureau du Club des
Nègres Conscients ait pu être constitué. (1)
(1) ANSOM SLOTFOM rr Ca~~on ~. Wo~e de l'agen~ Vé~~~é 3-10-27.

496
Faisant le compte rendu de ce'meeting, le journal La-Liberté
tournera cet évènement en ridicule en déclarant :
" U IJ a.va.it déjà. à. Pa.JtÜ un Comité de Vé6en~e de .ta.
Ra.~e Nèg~e. En 6a.~e vient de. se. ~on~ti~ue.~ un c.tue
de~ nèg~e~ ~on~~ient~. Le~ deux o~ga.ni~a.tion~ ont
6a.i.t.ti, dima.n~he, da.n~ un meeting a .t'Hôte.t de~
So~iété~ Sa.va.nt~~, en veni~ a.ux muin~ ma..tg~é .t!u~ba.­
nité du 6onda.teu~ des " Nèg~es ~on~~ients Il dont .te
nom e~t tout un p~o~~a.mme,
pui~qu'i.t ~Ia.ppe.t.te M.
LUNTON. Tout ~omme da.na .tes ~éuniona ~ont~a.di~toi~e~
tenuea pa.~ dea apé~imena de .ta. ~a.~e ô.ta.n~he, .te~ deux
pa.~tiea ~ont ~e~têea au~ .teu~a positiona : M. Pet~u~,

~ha.mpion du Comité de Vé6ense, n'a. pa.a p.tua ~onva.in~u
M. Lunion que ~e.tui-~i ne .t'a. ~onva.in~u. A .ta. ~o~tie,
N'ayant pu mener à bien son opération Joseph Gothon Lunion
est irrémédiablement éliminé de la compétition pour la succes-
sion de Lamine Senghor, et désormais le dernier candidat
sérieux: est Camille Saint Jacques.
Au début de l'été
1927, celui-ci a lancé un appel Il. pou~_.ta.
~oopé~a.tion inteAna.tiona..te dea noi~~ ,,(2) Rédigé en anglais
et en français, ce texte préconise la fondation d'un jour-
nal estimant
qu
(1)
La.Ube~té.
4 O~tob~e 19V.
(2)
ANSOM SLOTFOM rr Ca.Jtton 5. ',I/:Pou/l. .ta. ~oopé~a.tio/'l çies /'lOi.M _"

497
li
Lot
de.6 plu.6 gJta.nd.6 oos.ta.c.les que Jtenc.on.tJte la. Jta.c.e
no~Jte da.n.6 .6e.6 .ten.ta..t~ve.6 de dé6ense e.t de lut.te c.On-
.tJte. l' oppJte.6s~o.n don.t elle es.t un~veJts ellemen.t v~c..t~­
me, c.'e.6.t ~ndén~a.olemen.t le ma.nque de c.on~a.c..t qu~ ex~.6-
.te en.tJte .6e.6 d~66éJten.t.6 peuples, le.6quel.6 on.t é.té d~.6­
peJt.6é.6 a .tJta.veJt.6 le glooe pa.Jt plus~euJt.6 .6~èc.le.6 d'e.6-
c.la.va.ge e.t de peJtséc.u.t~on.
n
Saint Jacques qui a désapprouvé en son temps la création
du
CDRN puis de la LDRN(l) , ignore volontairement la publi-
cation de la Voix des Nègres puis de la Race Nègre
pour
affirmer que depuis la disparition du paria, les noirs n'ont
plus de journal dans lequel s'exprimer.
Il propose en conséquence la fondaticn d'un organe intitulé
le Courrier des Noirs, mensuel d'abord, puis bi-mensuel si
le nombre des lecteurs le perm~t. (2)
Autour de lui, Béton, Max BIoncourt, Georges Sarotte, René
Maran, Franchine Sainte-Rose, Ludovic
Morin Lacombe et
d'autres soutiennent le projet.
Journal bilingue
( anglais-français ), le Courrier des Noirs
paraIt pour la première fois en 1927
( Novembre ). Outre la
résolution sur la question nègre adoptée en Février 1927 au
Congrès de Bruxelles, on y trouve le discours
J . T.
G umede,
secrétaire général de l'African National Congress
{ ANC ),
à ce même CongrèsJun article de Félicien challaye et la présen-
(7) MemoJte du peF e.t de l'UrC, ~~ a. .tout 6a.it pouJt ma.irtte.rtiJt
c.e.t.te deJtn~èJte en vie.
(Z) L'a.ppel H pouJt la. c.oopéJta..t~on ~n.teJtna.t~ona.le des noiJt.6 » e.6.t
.6~gna.lé a.u Togo e.t en Guinée en Aoû.t 1QZ1 [ ANSOM SLOTFOM V
Ca.Jt.ton 71 ). Va.n~ c.e~ deux .teJtJt~.to~Jtes le .tex.te a. no.ta.mmen.t
é.té a.dJte..6sé a.ux ~n.6.t~.tu.teuJt~.

PRE:llIÈRE A" Nt::E. -
N° l ,
Prix
3 francs
NOVEMERI:':
1927
Ill: i,:: 1,;1:1:1 IIl1i:iilililll:l'!iI!i 1!!l1l1 11I1lI11I111111111111:1I11
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C1GANE DE DÉFENSE ET DE COOPERATION INTERNATIONALE DES NOIRS
6,
Rue
Royer. Coll a r d,
PAR 1 S, V'
.".BO:\\);E:-1El'TS D'UN A~'
36 FRANCS -
6 MOIS
18 FRANCS -
3 NOJS : 9
FR.'\\~CS
SOMMAIR.E
Su l'fi. de l'A.ft'iqllc ,\\'oir". d,.. l'A.1J11friqlll.'. dl.' rIJldu r !t"1t",
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a~/(Jfli."'/'1 S'IlIS f'l {r,rc"
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r.'· ''''''''Ir;',-: ri,' Il,'II.l;I:ll.'s.
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.';i.'I"(I1II".,
]J{II.~ CI'/II'l/I' ...
d,' JI. (,Oum/'r/I'.
tlt' tï"l1llflllÎt,i.
"'(""f/l l' 1-.'11,'/11111,.;1//,· FI'O,,(·ul.Ii,':
r(/ll"il'f..! Trl'e/p)/, JI'U'
Fi' f.l1"!!· .... <:11.\\1,1..-\\'\\'1-:.

DllfiS ,/t',' cIJ"ul/.i.uifJu .... IJÙ .)"1' J":"Hi,)."/I/>1I1 ,I.·s rl':/'::I'II;,
;."/1,': fllI.r lI<1i:/"'-fl.\\.
lJ~lI' C. :--i.\\I.\\1'-.r."CQl'l::S.
1"'}il',;,sClltlffll t!r:s CUlf·'ieS ,;truilcllI,.,tt "'rJIi"l/irl·~. il Il ,:1(;
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l'(
l'~tlll,'ri<J/lC l'oYfjlJ!l,wlc, p~lJ' CAHLOS UE.-\\.\\IUHUSI:j
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.'.0/ !!r11!~d,' HLt"S~,'I'c tllI Jh'lJ pl.' cll.b'lill. l'ur C. S. J.
J•• 'c.; b,.-I." d·' It.' ,,(',;,.' ,rl,.,.. ir•.' ", par P. C.\\~lI':\\'\\J)E.
Pendant près de cinq cents ans !l-s [lcuples
n'ltil'l1l/t·.'S
'I)Clllt'~ 1•.\\ Hf~I).\\CTII'~i..
nègres du
IllOnde ont
été h's
vidime:i <l'nlle
Y·.!r,· ;d'''./'·'OIIf'I'.'. p,u' L. ~. J.
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oppres:iioll,
L'institution
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------------_._----.._--.-_.-_. __..-_...- d'csclaves COlIIIllC c.:onsl~CJllenc·e dr ]" rc·\\·"juti,,"
cOllll11crciall' ct de l''~xpansion d(, l'E11l"'lpC fut
Il' COl1llllellcelllcllt <l'Ull l'l'gillle dl' [""l'l'lll' Pl d ..
LE CONGRÈS
\\'ols fllli cst 1'(;n des pillS hol'ri!'!es d'lllS l'!l;,;-.
toire dc J'lTulllanit,:" COJllI111' ",',,"11,,1 .1(' r,' ('Olll-
"J'.~C:
.;V~
men'e. l'Afrique' pl'l"dit des dizainl"
de mil1io;l'
BRU](:ELLES dïHllllllles, Qllatrl' sur cillq d:>ienl lui-, d'1I1s h
S:IIl,~lallt(' :iO'ail"c de la cnillurl' et du Inlll.'fJ0I'I,
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de leul's états. ~lai!i le développement dcs peu- .
d,.. la Ch '"," rt't'olut'onll.f7're, de la SU/'ie, de l'.-l.{rir,ue du
[lIes africains fut alurs brusquement arretl;, et

499
tation de l'orientation du journal faite par Camille Saint
Jacques. Dans ce texte intitulé" notre programme ", le fon-
dateur du Courrier decs Noirs affirme que mise à part l'éta-
blissement de rapports entre tous les noirs, le journal
" a'e66oA~eAa de dlvulgueA paAtout les ex~la et lea ~Almea
~omml6 paA le6 lmpéAlallamea ou ses agenta ~ontAe les peu-
plea nolAa ", cqu'il " tAavallleAa èt AeleveA ~hez les nolA6
l'opinion que beau~oup ont d'eux-mêmea; il leuA montAeAa ~e
que leuA Aa~e a 6alt, ~e qu'elle peut 6alAe et la Aalaon
pouA laquelle le6 lmpéAlallatea nous ~alomnlent et noua ln-
teAdlaent toute ~ultuAe ", qu'il Il ne toléAeAa jamala l'lngé-
Aen~e d'un paAtl politique ou d'une asso~latlon ou d'une peA-
aonne étAanglAe a 4e6 ôut6 ", ajoutant " nOU6 metton6 tOU6
n06 e6polA6 de 6u~~l6 dan6 la volonté de ll5éAatlon de notAe
Aa~e et dan6 la généAo6lté de6 démo~Aate6 de tOU6 le6 pay6 ,,(7)
Nombre de fondateurs duc Courrier des Noirs étant
en ru.pt:lJre.. de ban avec le PCF, tels Sarotte, BIoncourt et
Saint Jacques, le journal ne bénéficie pas de l'appui du par-
ti, ni de celui de beaucoup de militants nègres. Isolé et
étranglé par les problèmes financiers le journal cessera
assez rapidement toute parution. (2)
Ainsi en quelques temps, tous les prétendants à la succession
de Lamine Senghor se sont vus éliminer un à un, laissant T.G.
Kouyaté seul martre du jeu. En Décembre 1927, se réservant
(1)
LeCouMie)( def.i NolM Nove.mô'Ae H'l7.
(Zr EntAetlen de C. Salnt]~~quea ave~ C.T. Gadio in o~m~~gènce
d'une pKe66ec tan-caJA:t~'a:.tn'c'en' 11t(Ùtc.e C 1n-2-....1~J6 ) /.fémo..tAe
c
de maZtAlaeJPaA..ts VTT, lQgZ,Annexe r page 4.

~
499
le secrétariat général, i l laissera la présidence, la gérance
du journal et le poste de secrétaire-adjoint à Adolphe Mathu-
rin, la vice-présidence partagée entre Kossoul et Sainte Rose,
Rosso et Sabia étant reconduits dans leurs fonctions de tréso-
rier et trésorier-adjoint.
Désormais i l re~e~ai~
à la nouvelle équipe dirigeante de la
LDRN, la lourde tâche d'assumer l'héritage laissé par Senghor.
2. 2. ~~=_~~~~E~~!~~~~~=_~~_!!~~~~~
g~E~;.,_!5~~l~~~·
A en croire certains auteurs, après la mort de La-
mine Senghor " A more mili tant lead~rship ,,(1) "aurait vu
le jour avec l'accession de T.G. Kouyaté à la tête de la LDRN~
les compagnons du défunt président menant cependant la lutte
" dans la même voie tracée par celui-ci: n
(2)
En fait, les choses sont loin de s'être passées si simplement
et i l importe de s'attarder un peu sur les atternoiements
de Kouyaté à l'heure de la succession du fondateur de la
LDRN pour bien saisir ce que sera son comportement ultérieur
à partir de 1933.
Mais en attendant, revenons-en à la situation qui prévaut
au cours de l'été 1927. Outre le malaise provoqué par la ma-
maladie de Senghor, la Ligue doit affronter une
grave crise
financière. Alors que le numéro 3 de la Race Nègre est en
(7) J. Ayodele Langley. Pana6~iean~~m and Na~ional~~m ~n We~~
A6~ùa. 7900~7945 op. e,U.p. 37a.
(2)
S. Kaadan.Na~ionali~me e~ p~ise de eon~eienee na~ionale en
AOF op.ei~.p. ~33.

500
chantier, le numéro précédent n'a pas encore été entièrement
payé et l'imprimeur exige le paiement d'une somme de 735 francs,
montant de la dette contractée par Senghor pour la publica-
tion de la violation d'un pays.
Dans cette atmosphère de fin de règne,
les esprits s'échauf-
fent et certains vont même jusqu'à accuser le président de
la LDRN de détournement de fonds, oubliant au passage qu'il
a payé de sa poche le N°l et une partie du N°2 du journal ~l)
Crise morale donc, crise financière mais aussi crise politi-
que. En effet, Kouyaté est sollicité de toutes parts pour
infléchir la politique de la LDRN dans le sens d'une moins
grande hostilité â
la politique coloniale officielle.
D'un cOté René Maran lui fait miroiter l'appui du Ministre
des Colonies et d'un autre cOté, un cousin de Lamine Senghor
nommé Diop lui laisse entrevoir la possibilité d'une allian-
ce avec •.• Blaise Diagne. Le discours que Diop tient à Kouya-
té est très proche de celui de René Maran : la Ligue perd
son temps à
" faire de la politique" et au lieu d'attaquer
Blaise Diagne, elle ferait mieux de chercher à s'assurer Je
concours de tous. Plein de bonne volonté, mais connaissant
fort mal son cousin, Diop se propose même de réconcilier
Blaise Diagne et Lamine Senghor ! (2)
Victime du chant des sirènes ou exprimant un point de vue
qu'il avait jusqu'alors gardé pour lui, Kouyaté se fait le
champion d'une politique d'indépendance totale vis-à-vis du
(1) ANSOM SLOTFOM rT Ca4~on 5. No~e de lPagen~ Vê~iAê 1-8-21.
(2) ANSOM SLOTFOM fr Ca4~On 5. No~e de l'agen~ Vê~i4é 21-8-21.

501
PCF. En Septembre 1927, lorsque Stéphane Rosso lui annonce le
départ de Max Bloncourt du PCF, i l applaudit des deux mains,
déclarant â. ses amis
: " Si:. nou.6 vou.ton.6 donne/t à. .ta Li:.gue
.t'exten.6i:.on que nou.6 e.6pé/ton.6 nouS devon.6 nou.6 .6épa/te/t de ~e
pa/tti:. et p/tend/te not/tei:.ndépendan~e ~omp.tète pou/t /te.6te/t
.6i:.mp.tement nèg/te.6 ,,~1) Mieux, il préconise un rapprochement
avec Blaise Diagne, arguant que ce dernier pour~ic rendre
des services â. la LDRN. Quelques jours plus tard, après que
Joseph Gothon Lunion ait accusé Senghor d'avoir" vendu .ta
Li:.gue au PC " Kouyaté s'exclame:
.60mme.6 pa.6 une a.6.6o~iati:.on po.titique, nou.6 .tutton.6 pou/t
d'où. qu'i.t.6
"
(2)
Il estime que l'adhésion de Lamine Senghor au PCF n'a été
qu'une manoeuvre pour trouv~r un appui â. la Ligue (3) , mais,
désormais, i l Veut se passer de cet appui et i l compte deman-
der à Senghor de quitter ses fonctions de président ou de
démissionner du PCF. (4)
Mettant én pratique la nouvelle
orientation qu'il compte impulser â. la LDRN, i l refuse ainsi
d'assister â. la réunion de la section française de la Ligue
( 1 ) ANSOM SLOTFOM TI Ca/tton 5. Note de .t'agent Véû/té 11-9-21.
( 2 )
"
"
"
"
"
"
2.4-Q-21.
(4 )
"
"
"
"
,/
"
24-9-21.
(3 )
E~ 6ait ~ette ana.tyse ne. ~o/t/te.6pond guè/te à. .ta /t é a.tLté ,
Lamine Se.ngno/t ayant adné/té au PCF ve/ts 1924-1 Q25 à. une. époque
où. .te CVRN et à. 6o/ttio/ti:. .ta LVRN n'exùtai:.t pas.

502
contre l'oppression coloniale et l'impérialisme à. laquelle
i l avait été invité en fin Décembre 1927~1)
Mais si Kouyaté sait ce dont i l ne veut pas ou plus, i l hé-
site toujours quant à. la nouvelle voie à. adopter. Dans un
premier temps, i l semble privilégier" l'option" Blaise Dia-
gne et, à titre d'exemple,
lorsque la LDRN tient son assem-
blée générale le 24 Septembre 1927, le député du Sénégal et
sa femme sont dans la salle. (2)
Quelques semaines plus tard,
i l publie dans la Race Nègre un billet intitulé :
" M. Diagne
a raison ". (3)
Il s'agit d'un satisfecit adressé à Diagne pour s'être pro-
noncé en faveur des candidatures autochtones dans les élections
législatives aux colonies. (4)
Evoquant les" fortes leçons"
que la jeunesse africaine avait tiré de son élection en 1914,
Kouyaté
( utilisant le pseudonyme Dorlalie ) concluait :
., Tou~ de mime, le v~alftlg~e ~ea~e au 60nd de ce~ homme»
Informé par voie de presse, mais aussi sans dou-
te par le ministère des Colonies des " bonnes dispositions "
que Kouyaté semble manifester à son égard, Blaise Diagne le
contacte à plusieurs reprises pour lui proposer un entretien~5)
Kouyaté est tenté mais i l n'ose pas accepter car i l sait que
cela risque de provoquer l'éclatement de la LDRN. Déjà, Rosso
--------------------
(1) ANSOM SLOTFOM rr Ca~~on 5. No~e de l'agen~ Vé4l~é lQ-12-27.
(2) ~NSOM SLOTFOM rrr Ca~~on 24. No~e de l'agen~ Vé4l~é 26-Q-27.
(3) La Race.' 'f.jèglte NQ 4 Novemo-~e:-VécemfS~e: 1'[27.
{4} L"O'euV~'e-coto'ft:.i.'â.t.e Q NovemfS~e. 7Il27.
{5} ANSOM SLOnOM rn CM~Oft 24. f.[o~e. de l ' ageft~ Vé.büé 1 Q~1 2.-27.

503
et Pétrus, tous deux membres du PCF, ont menacé de démission-
ner si Kouyaté mettait à éxécution son projet de déposer une
gerbe sur la tombe du soldat inconnu à l'occasion du Il Novem-
bre~l) Par ailleurs, ayant pris position pour la naturalisa-
tion en masse des sujets franqais dans un article intitulé
" Notre position sur 'la naturalisation'
"(2), certains de
ses amis lui ont demandé de préciser sa position, voulant sa-
"
!
voir s ' i l était partisant de l'incorporation des colonies à
la France ou bien seulement d'une" libre et filiale asso-
ciation avec elle ". En Septembre sous le t i t r e " Expliquons
nous ", i l écrit qu'il s'agit pour lui de rechercher:
" lea Œlfmenta d'une 6o~mule de gouue~nement eolonial
qui eonduiae, de 6açon ~ationnelle et ~apide, not~e
paya a aon indŒpendanee. La natu~aliaation en maaae,
qui n'eat qu'une aituation d'attente, auona noua dit,
noua aemble le moyen le moina mauuaia de eanaliaation
de eea Œlfmenta. Faute d'une ea~pe, on ae eontente
d'un limaçon ".(3)
De l'avis du sécrétaire général de la LDRN, les colonies
doivent accéder à l'indépendance" par la voie provisoire des
Dominions ". (4)
Cette idée, simplement lancée dans un tract,
sera travaillée et approfondie par Kouyaté qui, une demi-dou-
zaine d'années plus tard, présentera un projet allant dans
ce sens au Ministre des Colonies, Marius Moutet.
(7) ANSOM SLOTFOM rrr ça~ton 24. Note de l'agent V(al~Œ 26-77-27.
(2) La' Kae'e' 1rf-gM 1 Juin av.
(.3) ta 'R'a'e'e' Nfgïte 3 Septemfî~e 1921.
(4)
ANSOM SLOTFOM If Ca~ton ,. T~aet "Au peuple de F~anee" Av~ll 28.

504
Les élections législatives de 1928 vont mettre un terme au
modus vivendi que Kouyaté observe à l'égard de Blaise Diagne
depuis l'automne 1927. Sans prendre publiquement position,
le secrétaire général de la LDRN est plutOt partisan de Lami-
ne Guèye et Galandou Diouf. Son sentiment est d'ailleurs ren-
forcé par les nouvelles qui arrivent du Sénégal, qui préci-
sent que Diagne a été mal accueilli par la population et
que si les élections se déroulent normalement i l sera battu~l)
Cependant les élections aux colonies étant ce qu'elles sont,
Diagne est réelu. Kouyaté déplore ce résultat dans lequel
i l ne voit que tripatouillage des urnes, pression adminis-
trative et corruption des électeurs. (2)
Il décide de sortir
de sa réserve et propose à ses camarades de dévoiler la frau-
de à l'opinion publique fran~aise.
Quand Lamine Guèye, Galandou Diouf et Kojo Tovalou
Houénou arrivent en France en Mai 1928 pour faire invalider
l'élection de Blaise Diagne, Kouyaté se met en rapport avec
eux. Sur la proposition de Kouyaté les trois délégués adhè-
rent même à la LDRN. (3)
Kouyaté se veut leur conseiller politique et en Octobre 1928,
i l adresse une longue missive à Galandou Diouf lui indiquant
la voie à suivre pour mener le combat.
----------------------
(1) ANSOM SLOTFOM rr Ca~ton 5. Note de l'agent Vé~i~é 21-4-28.
(2)
Il
//
'/
//
I l ' /
28-4-28.
(3)
ANSOMSLOTFOM rr Ca~ton 5, Note de l'agent Pé~i~é 3Œ-6-28.
Pa~ ~ont~e, malg~é le~ déma~che~ d'And~é Be~thon, Galandou
Viou6 ~e6u~e~a d'adhé~e~ au PCF ( ANSOM SLOTFOM rr Ca~ton 5.
Note de l,' agent Vé.&i~é 16 Juin 192.8 ).

505
l'
Je pen~e, lQ~it-il, qu'il vou~ 6aut abandonne~ tou-
te pollmique et pa~~e~ a la politique a~dente, impl-
~ieu~e, de~ ~evendiQation~ plu~ e~~entielle~ de vo~
mandant~ et de~ indigène~. VOU4 enllve~ez ain~i tout
Qnamp d'aQtio~ a la poubelle qu'e~t la 'F~anQe Colonia-
le'. La pollmique lpui~e v~aiment la 6o~Qe Qombative
de l'homme politique. Elle a un ent~a1nement dange~eux
pou~ Qelui-Qi. AgiMez daM le JOMnal ('L'A.O'.F. J en
, in~~è44ant blanQ~ et noiA~, 6onQtionnai~e~, Qomme~­
r;ant~, ouv~ie~~, employl.6 et Qultivateu~~, a la ~itua­
tion lQonomique, ~oQiale et politique du Slnégal en
pa~tiQulie~, de l'AOF en gênê~al. Mai~ expliquez-vou~
plutôt, ~i be~oin e~t, dan4 de~ ~lunion~ politique~.
A Qe p~opo~, je Qon~eille~ai de 6onde~ tout de ~uite
un Pa~J:.L S'oQLa'li4t'e Auton'o'me dont vou~ ~e~ez P~é~ident
et Lamine Guèye SeQ~ltai~e Glnl~al. Ce pa~ti viv~a
de Qoti~ation~ men~uelle~ de ~e~ memb~e~, 6e~a le~
6~ai~ de toute~ Qampagne.6 politique~.
Vou~ le 6e~ez
Qonna1t~e a tou~ leQ jou~naux impo~tant4 de F~anQe et
a l'agenQe Hava~. Pa~ Qette ~eule voie vou~ o~gani~e­
~ez no.6 Qompat~iote~ et le ~uQQè~ e.6t aQqui~ ".(1)
Kouyaté apparaît ici comme un grand organisateur politique.
Son analyse de la vie politique sénégalaise, toute faite de
(1) ANSOM SLOTFOM rlr Ca~ton 78. Lett~e de Kouyatl a Galandou
Viou6 21 OQtob~e 1928.

506
polémiques sans intérêt, est fort pertinente et ses conseils
sont précieux. Mais Galandou Diouf et Lamine Guèye n'ont
que faire de ses suggestions car, à leurs yeux, i l est un piè-
tre dirigeant politique. " rl ne .6ai..t pa.6 c.e qu'i.l veu.t,
di..6en.t-i.l.6, un jou~ i.l e.6.t c.ommuni..6.te, le lendemai.n i.l e.6.t
.6oc.i.ali..6.te e.t en6i.n i.l va .6e je.te~ dan~ le.6 b~a.6 du oonapa~­
.ti..6.te, c.oloni.ali..6.te Tai.t.ti.nge~ pou~ lui. demande~ d'a66~anc.ni~
la Ra.c.e N~g~e ".(7)
Le jugement des deux politiciens sénégalais peut para.ttre
sévère, mais i l n'en est pas moins exact.
En relation avec Blaise Diagne, puis avec Lamine Guèye et
Galandou Diouf, le secrétaire général de la LDRN a également
contacté M. Taittinger, député de la Seine, spécialiste des
questions coloniales(2) mais aussi dirigeant des Jeunesses
patriotes, une organisation d'extrême-droite.
A en croire l'agent Désiré, Taittinger lui aurait promis son
appui(), en publiant notamment des articles en faveur de
Galandou Diouf. (4)
(7) ANSOM SLOTFOM rr Ca~.ton 5. No.te de l'agen.t Vé.6i.~é 30-6-28.
(2)
rl .6e~a élu p~é.6i.den.t de la c.ommi..6.6i.on de.6 c.oloni.e.6 .6ui.te
aux légi..6la.ti.ve.6 de 7928.
(3) Si. l'on en c.~oi..t une le.t.t~e de T.G. Kouya.téà Fa~a Madiaw,
8lai..6e Vi.agne au~ai..t é.té ba.t.tu lo~.6 de l'êlec..tion a la. p~é­
Ji.denc.e de la c.ommi.6.6i.on g~âc.e aux ~ela..tion.6 de la LVRN
( ANSOM SLOTFOM rrr Ca~.ton 78. Le.t.t~e de T.G. Kouya.tê à Fa~a
Madi.aw 28 Jui.lle.t 1928 ). Peu.t-ê.t~e 6au.t~i.l y voiA le ~ê~ul.ta..t
de l'ac..tion de Pie~~e Tai.t.ti.ng~~.
(4)
Evoquan.t un~ le.t.t~e de P. Ta.i.t.ti.nge~ au Gouve~neu~ Géné~al
del'AOF, M. 8~é~i.ê, M. 8e~~a.~d-Vuquene.t a66i.~me que " de~ ~ap­
po~.t.6 amic.aux exi~ .tai.en.t en.t~e V'<:o u,6 e.t P.te~~e Tai.t.t-<:rr.g e~ " a
l'époque du FMn.tPopulai.~e ( N. lkMr.Md-Vuquene.t Le~'PJr.(fl't;t-1'o-
. pu1.a:IXe (fu' $i'ntgîtl op. dL p. 65 ).

507
Dans ce contexte, les agents du CAI en perdent leur latin et
ils transforment, un certain Attuly martiniquais en relation
avec Kouyaté, de simple agent comptable de l'Agence Economi-
que des Colonies en un " haut fonctionnaire ,,(1)
du minis-
tère des Colonies.
Certains crieront à la trahison, d'autres à l'opportunisme.
En fait,
i l ne s'agit pas vraiment de cela. ~iémoko Garan
Kouyaté le déclare lui-même, le combat de la LDRN et donc
le sien se résume en ces trois mots
: émancipation de la Race
Nègre. Et i l ajoute» Nou6 n'avon6 pa6 a 6ai~e de poli~ique,
c.a~ un jou~ nou6
ve~~ono ~OU6 c.eo pa~~i4 6'uni~ pou~ nouo c.om-
» ( 2 )
.
Schématiquement on peut dire que pour le secré-
taire général de la LDRN la fin justifie les moyens. S'il
s'adresse à tout le monde sans exclusive ou pre5qu~, il ne
met pas pour autant son drapeau dans sa poche comme le prou-
ve cette longue lettre adressée aU'Président du Conseil,
Henri Poincaré :
" MoMieu~ le P~éoiden~, vou6 ê.~e6 un g~and ~êpubli­
c.ain ~e6pec.~ê de ~OU6 le6 pa~~i6 e~ vo~~e p~obi~é e6~
~ec.onnue de ~OU6. P~ê6e~ve~ la ~~adi~ion ~êpublic.aine
de ~ou~e a~~ein~e, c.on6e~ve~ la ~êpublique une e~ in-
."
divi6ible, dê6end~e le6 p~inc.ipe6 de 1189 qui 6on~
la g~andeu~ de la F~anc.e, ~eni~ en6in a l'honneu~ de
c.e paY6, ~el6 on~ é~é e~ ~el6 6on~, pen6on6-nou6, V06
mo~i66 e66en~iel6
d'ac.~ion poli~ique.
NOU6 avon6 donc.
-~--------------------
(1)
ANSOM S LOT 60M rr CM~on 5. NQ~e de l' a.gen~ Vé6i:~é 14 -11-2..1.
.
"
(21 ANSOM SLOTFOM ru Ca.~~on 18. No~e de l'a.gen~ Véû:~é 1-2-28.

50S
"la. c.onvi.c.ti.on que. vou.1 Ir.e.c.onncûtlr.e.z le. bi.e.n 60ndé
de. no~ Ir.e.ve.ndi.c.a.ti.on~.
Longte.mp~,
Mon~i.e.ulr. le. Plr.é~i.de.nt, be.a.uc.oup d'e.nc.lr.e. a.
c.oulé pOUIr. la. mi.~e. e.n va.le.u~ de.~ c.oloni.e.4; longte.mp4
a.U44i., on be.a.uc.oup éc.lr.i.t 4Ulr. 'l'e.xploi.ta.ti.on Ir.a.ti.on-
ne.lle.' de. n04 Pa.if4; de.PUi.4 la. glr.a.nde. gue.lr.lr.e., on a.
a.ppli.qué c.he.z nou~ le.~ loi.4 ~ulr. le. Ir.e.c.lr.ute.me.nt mi.li.-
ta.i.lr.e.. Ma.i.4 qui. di.lr.a. que., la. c.olo~i.qa.ti.on 61r.a.nça.i.~e.,
POUIr. 4e. plr.éva.loi.1r. 4Ulr. le.4 a.utlr.e.4, de.vlr.a.i.t êtlr.e. $ulr.tout
4pi.lr.i.tue.lle.; qui. di.lr.a. qu'on me.ulr.t de. 6a.i.m c.ne.z nOU4
a la. 4Ui.te. de. l'e.xode. de.4 je.une.$ komme.4 ve.lr.~ le.4 c.o-

e.t de.4 i.mpôt4 tOUjOUlr.4 C.lr.oi.44a.nt~;
qui. di.lr.a. éga.lement
que. l'a.utoc.htone. vi.t $OUq la. te.Ir.Ir.e.UIr., qu';;l n'a. Pa.4
le. dlr.oi.t de. 1r.e.c.e.voi.1r. de. joulr.na.ux nèglr.e.4, qu'i.l e.4t
vi.tti.me. d'une. c.e.n4UIr.e. a.na.c.klr.onique. e.t de.$ $e.Ir.ViC.e.4 de.
l'Admin.{.4tlr.a.ti.on loc.a.le.; qui dilr.a. e.n6in que. le. nèglr.e.
61r.a.n~a.i~ d'A6Ir.ique., dépouillé de. toute. li.be.lr.té
( même. c.e.lle. de. da.n4e.1r. da.n4 c.e.lr.ta.ine.~
ville.~
) e.6t e.n
voie. de. 4'a.vililr., lui ja.di~ ta.nt c.oulr.a.ge.ux e.t 4i 61r.a.nc. ?
Pe.1r.40nne., Mon4i.e.ulr. le. Plr.é6ide.nt.
'La. Ra.c.e. Nèglr.e.' a. a.in4i e.ntlr.e.plr.i4 un loulr.d la.be.ulr. -
ma.i.4 qui nOU4 honolr.e. - de. 6a.ilr.e. c.onna.~tlr.e. d'une. pa.lr.t
la. Vlr.a.i..e. Flr.a.nc.e. Ir.épublic.a.ine. a.ve.c. 4e.6 noble.4 tlr.a.di-
tion4 a.ux nèglr.e.4, d'a.utlr.e. pa.lr.t, d'e.xplr.ime.1r. le.4 VIr.a.i4
4e.nti.me.nt4 de.4 nèglr.e.4 dépoulr.vu4 de. toute hypoc.lr.iqie.
plU4 da.nge.lr.e.ux a la. longue. a la. Vlr.a.i.e. Flr.a.nc.e.

509
n
Lea bu~eaux du Mlnlatl~e dea Colonlea et le Gouve~­
nement Géné~al de l'AOF ont eatlmé que noua n'étlona
paa de not~e époque.rla ont 6alt aalal~ le jou~nal pa~
la pollc.e. fla ent~avent not~e ac.tlon qui aeule eat
p~o61taole a l'oeuv~e de c.olonlaatlon. On g~oupe dea
peuplea pa~ le c.oeu~ et non pa~ dea meau~ea d'opp~eaalon.
Not~e évolution, pou~ ~t~e aû~e, t~ouve aon atimulant
dana la j 0 uia a anc.e dea lie e~téa 9a~antlea pa~ la dia c.i:~
pline et noa p~op~ea t~adltlona.
Eat-ll juate, MOnaleu~ le P~éaldent, que lea jou~naux
dlta c.olonlaux, ent~e aut~ea 'La Vépêc.he Coloniale',
'Le Cou~~le~ Colonial',
'Lea Annalea Colonialea',
'La Vépêc.he A6~ic.aine',
etc. ... aoient ~eçua et vendua
en AOF alo~a que 'La Rac.e Nlg~e' eat aaiaie pa~ la po-
lic.e, auaaitôt ao~tle dea bu~eaux de
Vouanea ?
Eat-il juate que lea poatea aubalte~nea noua aoient ~é­
ae~véa dana l'Adminiat~ation de noa paya?
Eat-il logique que noua 6aaaiona le ae~vic.e militai~e
de t~oia ana, bien qu'on noua c.laaae aouvent pa~mi
lea ét~ange~a ?
Eat-il c.on6o~me a l'eap~it de la juatic.e 6~ançaiae
qu'un invalide de gue~~e blanc. a 100% ayant un en6ant
touc.he 153~O~ de penaion, pendant que aon c.ama~ade nl-
g~e - oh ! que c.'eat loin, 10 ana de ~ec.ul - plac.é
dana lea m~mea c.ondltiona exlgéea, ne touc.he que 1 800
6~anc.a pa~ an ?

510
E4~-il jU4~e que le4 veuve4 de gue~~e, le4 o~pheli~J
de gue~~e ~èg~e4 4oie~~ u~iqueme~~ à l~ Qh~~ge de leu~J
6~mille4, aoa~do~~éJ qu'il4 40~~ pa~ le Gouve~~eme~~
6~a~çaü ?
E4~-il jU4~e que le4 mu~ilé4 e~ Ole4Jé4 de gue~~e
mé~~opoli~ai~4 aie~t de4 Ja~ato~ium4, de4 4oi~4 mé-
diQaux g~atuitJ, de4 ~éduQtio~4 4u~ leJ voie4 de t~a~4­
po~t etQ ... alo~4 que le4 ~ôt~eJ ~'o~t que la mi4è~e
et la 4U4piQio~ pou~ ao~i4 ?
E4t-il 6~a~çai4 de ~oU4 exp~op~ie~ de ~OJ te~~eJ et
6o~êt4 pou~ e~ 6ai~e de~ Di~~J du Vommai~e et deJ QOn-
Qe44io~4 ? N04 QOutume4 dev~aie~t êt~e Jt~iQteme~t
oOJe~Vée4 qua~t à la p~op~iété 6o~Qiè~e.
E4t-il logique que ~04 tit~e4 u~ive~4itai~e4 4oie~t
di66é~e~t4 de Qeux de la Mét~opole ? AU44i, l'e~4eig~e­
me~t de là-ba4 e4~-il aQtuelleme~t e~ ~ég~e~~io~ ala~­
ma~te.
E4t-il humai~ que le4 bu~eaux du Mi~iJtè~e de4 Colo-
~ie~ ~e6u~e~t de4 ~eQOU~~ à no4 Qompat~iote~ ~é~ida~t
iQi, mai4 mome~ta~ème~t dépou~vu4 de toute ~e~~ou~~e ?
E~~-il jUJte ... , maü, MOMieu~ le P~éJide~:t, ~ou4
e~ pa~40~J Qa~V04 i~~ta~t4 40nt p~éQieux.
La Ligue 4'élève all,eQ 6MQe. Qont~e ta~t d'i~ju~tiQe.~
et d'exaQtio~4 qui expliquent l'hypoQ~i4ie de4 6ai-
ole4. Elle le4 dé~o~Qe~a aux QO~4Qie~Qe4 géné~eu~e~.
Loi~ d' ê.t~e la QoaLUi.on de.!!' méQo~te~t.!!t, elle exp~ime
le~ ~éeUe4 et légitimM
a4ri~atioM de4 nèg~e4 6~an.-

511
" ç.a.ü. On .6e pl.aZt à. taxelt de méc.ontent.6, en mati.èlte
c.ol.oni.ale, tou.6 c.eux qui. dé6endent l.e.6 i.ntéltêt.6 vi.-
taux de l.a Fltanc.e et de.6 Nèglte.6, tou.6 c.eux qui. .6e dlte.6-
.6ent c.ontlte l.e.6 i.ntéltêt.6 i.navoué.6 et i.navouabl.e.6.
[~ •• ).
Atjant tou.6 une éduc.ati.on 6h.anç.aüe bi.en c.ompltü e, al.-
l.i.ée à. une .6ol.i.de éduc.ation i.ndi.gène, notlte ac.ti.on ne
.6aultait êtlte di.lti.gée c.ontlte l.a Fltanc.e. Mai..6 l.e Gouvelt-
nement 6Itanç.ai..6, a 6ai.l.l.i à. ôe.6 devoilt.6 envelt.6 l.e.6
Nèglte.6, apltè.6 l.a gueltlte. Un l.altge .6ou66l.e de ltegél1é-
deô Col.onie.6. rl. n'en 6ut Itien. [ ••• 1. La Fltanc.e peut,
d'un ge.6te, d'un Iti.en, ôi. el.l.e l.e veut, avoi.1t à. el.l.e
tou.6 l.e.6 nèglte.6. Son paô~é ltévol.uti.ol1nailte l.ui a tout
pltépalté. En Itenouvel.ant no.6 pkoteôtationô éneltgiqueô
c.ontlte l.e.6 c.on6i.6c.ati.on.6 de 'l.a Rac.e Nèglte' en AOF,
110U.6 en a~pel.ol1.6 à. vou.6 ,,!1)
A ce texte, Kouyaté a joint une motion votée par les membres
de la LDRN dans laquelle i l est dit que la colonisation est
1/
un état provisoire mais non définitif ". Réclamant l'ins-
tauration des libertés démocratiques,
la suppression du tra-
vail forcé,
l'abolition du code de l'indigénat, le dévelop-
pement de l'enseignement, le respect du droit coutumier en
matière foncière,
l'exemption du service militaire pour les
sujets français et le respect de la légalité lors des consul-
[]) ANSQM SLOTFOM rrr CalttOI1 78, Let.tlte de Koutja.t~ au Plté.6i-
dent du Con.6e~l. 26 AVRTL 1Q28.

512
tations électorales, ce texte se termine sur un vibrant
Il
vive l'émancipation des peuples nègres n(1)
Manifestement, ce texte a des accents " tovalounesques " et
si ce n'était les prises de position de Kouyaté en faveur de
l'indépendance, on pourrait le prendre pour un plaidoyer en
faveur de l'assimilation, tel que savait en rédiger Tovalou
Houénou et ses amis de l'Action coloniale~2)
D'ailleurs la comparaison ne s'arrête pas là. Comme Tovalou
Houénou et les partisans d'une assimilation" généreuse"
Kouyaté est totalement incompris par le ministère des Colo-
nies. Prenant sans doute sa lettre pour une capitulation en
bonne et due forme, le Président du Conseil envoie un de
ses attachés de cabinet à Kouyaté pour lui dire qu'il a pris
bonne note de cette lettre et qu'il l'étudiera avec une bien-
veillante attention un peu plus tard. Au passage, l'envoyé dé-
clare à Kouyaté qu'il y a un communiste C Rosso) à la LDRN
et que cela produit un très mauvais effet en haut lieu.
Plus, le secrétaire général de la Ligue ayant parlé à ses
camarades de son intention de publier le message au Président
du Conseil sous forme de lettre ouverte si celui-ci ne répon-
dait pas, l'attaché de cabinet l'en dissuade et, au contraire,
lui propose de publier un article dans la' Race Nègre disant
que la Ligue n'est pas communiste~3)
--------------------
(1)
Idem Note 1 p~g~ p~~~~d~~te.
(2) Koulf~t~ ~emble avoi~ ~té Qe~u~oup i~6luen~é pa~ Tovalou
Hoa~~ou lo~. de ~on ~éjou~ en P~a~~~, allant juaqu'~ ~ep~en­
d~e ~e~taineJ de ae~ exp~e~J~ona, telle la eompa~aiaon du
mini~tè~e dea Coloniea a une Il Bastille mode~ne Il Ce6. r~a~t
d'Av~il 1928 n Au peuple de F~an~e ".).
(3) ANSOM SLOnOM -TT CMton ,. Note de l'agent Vé~i.~é 26-,-28.

Pour Kouyaté c'en est trop. rI comprend que la Ligue est tra-
hie et que, de plus, on cherche à lui dicter sa conduite. Dis-
èuter avec tous, i l y est prêt, se compromettre i l n'en est
pas question. Dès lors i l en conclue qu'il n'y a rien de bon
à attendre du gouvernement et par un curieux hasard, le PC
lui propose à peu près, à la même époque, d'adhérer au PCF(1)
et d'y amener la LDRN, allant même jusqu'à l'inviter à assis-
ter à un congrès qui doit avoir lieu en Juillet 1928~2)
Mais en attendant, Kouyaté regarde plus du côté des Etats Unis
que du côté de la patrie des Soviets.
Eclectique et inconstant dans ses relations avec
les partis politiques français, T.G. Kouyaté 'fera par contre
preuve d'un intérêt continu pour la lutte émancipatrice menée
par les nègres aux Etats Unis et en Grande Bretagne.
De l'été 1927, début de ses contacts avec le courant panafri-
caniste, à sa mort i l pourra se flatter d'avotr été en rela-
tion avec ces trois grandes figures du panafricanisme que
sont Marcus Garvey, WEB Du Bois et George
Padmore.
En Août 1927, alors que Lamine Senghor est malade et que la
réorientation politique de la LDRN est à l'ordre du jour,
T.G. Kouyaté se décide à entrer en contact avec Marcus Garvey.
( 1) Ce..:t.:t e Ùt 6OItm a..:t"0rt .6 emfi.te. "rt 6Ùl.m '?fi. ( à. j U4 .:te. .:t".:tlte. pe. rt.6 0M -
~oa~ ) Une. ko.:te de po.t~ce. du 15 Ju~.t.te..:t 1~Z1 qu~ plté~e.n.:ta.~
T.G. Koulfa..:té comme. urt memolte. du PCF.
(Z) ANSOM SLOTFOM ff Ca.lt.:ton 5. ~o.:te. de. .t'a.gen..:t Vé.6"lté 5-G-Zi.

514
Le leader de l'UNIA étant encore en prison ~ cette date, c'est
sa femme Amy Jacques Garvey qui reçoit la lettre du secrétai-
re général de la LDRN. Kouyaté lui ayant déc"; t le travail
fait en France par la Ligue, la femme du " président provi-
soire Il de l'Afrique est enthousiasm&et elle s'engage même
~ encourager les noirs américains ~ s'abonner à la Race Nègre~l)
Désirant établir des relations régulières avec Kouyaté et la
LDRN(2) , Amy Jacques Garvey lui annonce l'envoi régulier du
Negro World et lui adresse l'ouvrage de son mari Philosophy
and Opinions" of" Marcus Garvey.
Très intéressée par l'action menée par la ~DRN, Amy Jacques
Garvey écrira au Ghanéen Lapido Solanke, secrétaire honorai-
re de la West African Student's Union ( WASU ) (3) qui se met-
tra à SOn tour en relation avec Kouyaté!4)
Enfin, par le biais de Roger Baldwin que Lamine Senghor
avait rencontré au Congrès de Bruxelles, Kouyaté entrera
plus tard en contact avec WEB Du Bois. (5)
(1)
ANSOM SLonOM rr Ca.Jt:ton. 5. le.:t:tlte de A.J. Ga.Jtvey à. LG.
Kouya.:té Aoû:t 1927.
(2) No:ton~ qu'il e.xi~:ta.i:t déjà. de.~ Ite.la.:tion~ en.:tlte. A.J.
Ga.ltvey e:t le. CORN ( c6. Le.:t:tlte. de. A:J. Ga.ltve.y à. T.G. Kouya.:té
op ci:t
).
(3) Fondée. a Lon.dlte.4 en. Aoû:t 1925, la. WASU a.vai:t pOUIt obje.c:ti6
la. cltéa:tion. d'un.e 6édélta:tion. oue.~:t-a6Iticain.e. ( Un.i:te.d S:ta:te.~
06 We4:t A6ltica ) é:ta.pe. pltélirnin.ailte. Ve.1t4 la cltéa:tion. d'un E:ta:t
à. l'éche.lle.
du éon.:tine.n:t a6Itica.in..
(4) ANSOM SLOTFOM rr Calt:ton. 5. Le.:t:tlte. de. Lop~do Solan.~e. ~
T.G. Kouya:té Z1 Aoû:t 19Z7.
(5) ANS 21 G 44 (17) Le.:t:tlte. de. T.G. Kouya:t~ a WEB Vu Bol~
Z9Avlti.i 19Z'l.

515
L'intérêt de Kouyaté pour le mouvement panafricaniste va
très rapidement se répercuter sur le contenu de la Race Nègre.
En Septembre 1927, un article sur l'activité des nègres aux
Etats Unis occupe la moitié de la première page~1) ~e mois
suivant l'organe de la LDRN publie une lettre de J.S. Danquah
président de la WASU, la traduction d'un article du Negro World
fêtant le quarantième anniversaire de la naissance de Marcus
Garvey et le poème Il l'Afrique aux Africains ".(2)
Par la suite, la Race Nègre informera régulièrement ses lec-
teurs sur les organisations soeurs et publiera en français
de nombreux articles publiés aux Etats Unis ou en Grande Bre-
tagne.
Brandissant la
lettre de Kouyaté à Du Bois, J.A. Langley affirme que celle-
ci détruit Il le mythe de la non participation des nègres' fran-
cophones au panafricanisme politique "S3)
De son cOté, P.I. Sy estime que Du Bois marqua" inc.ontoL.stable-
ment Kouyaté tant au niveau théo~ique, que .su~ .sa vi.sion de
UbéMt1.on de l'A6~ique ,,!4J
Qu'en est-il exactement de la nature des rapports entre les
organisations nègres françaises et leurs soeurs américaines
Ou britanniques ?
En France, aux yeux des nègres engagés dans la lutte anti-co-
lonialiste, les organisations panafricanistes et plus parti-
culièrement les organisations noires américaines fonctionnent
(1 ) ta.' Rtfc.'eY-è:glte 3 S epte.mQ~e.. 19. 2.7 •
(2.)- ta.-Ka:c.e.-Y-è?:r~e N°4 Nove.mf5~e.-Véc.e.mQ~e
19.2.7.
(3)
J.A. Langle.y op.-c.-Lt.p; 312.
( 4)
P. 1". Sy 0 p. c.i.t. p. 81.

516
à la fois corrune symbole, modèle et source potentielle d'ap-
pui plutOtque corrune référent idéologique.
Le cri de révolte des peuples nègres ayant d'abord été pous-
sé outre-atlantique, les organisations noires américaines
sont un symbole et une référence quasi obligatoire pour les
nègres en lutte pour leur émancipation. A ce titre des gens
corrune Marcus Garvey.ou Web Du Bois sont des demi-dieux ou pour
le moins des interlocuteurs privilégiés.
A ce sujet il est bon de préciser qu'à l'époque, la figure
la plus populaire est Marcus Garvey et non WEB Du Bois, dont
la renorrunée est ultérieure à la seconde guerre mondiale.
En effet, en leurs temps, les Congrès panafricains n'ont
pas eu l'importance qu'on leur accorde aujourd'~ui, suite à
l'écho rencontré par le Vème Congrès Panafricain organisé à
Manchester en 1945 en présence de G. Padmore et K.NKrumah.
Dans l'entre-deux-guerres, Du Bois n'est pas un illustre in-
connu mais il n'a pas la popularité et l'importance que cer-
tains voudraient lui donner et, pour preuve, son nom n'apparait
guère sous la plume des Autorités ou dans la presse nègre
française. Par contre, s'il y a un ~orrune qui fait figure de
symbole et dont l'importance et l'influence sont réelles
c'est bien Marcus Garvey. La raison de son succès, Kouyaté
la lui énoncera fort simplement en deux phrases, dans une
lettre datée de 1928
" Véjo.. vou-6 ê.,te-6 en,tJl.é daM f.'i.mmolr.,ta.f.i.:,té. La 6oJl.muf.e de Jl.édemp-
,tion na,ti.:onaf.e 'f.'A6Jl.ique aux A6Jl.icai.:ns' a Jl.év~i.:f.f.é f.a. conscience
de Jl.ace chez f.e-6 n~gJl.e-6 ". (1)
-----------------------
(1) ANSOM SLOTFOM rrr CaJl.,ton 78. Le,t,tJl.e de Kou.qa,té ~ Ma~cu~
GaJl.veq, 27 Juilf.e,t 1228.

517
Grâce ou à cause
de ce slogan-cnoc, Marcus Garvey est craint
par les autorités coloniales et admiré par les anti-colonia-
.listes, et son nom sera moultes fois cité dans Le Paria,
Les Continents ou la Race Nègre.
Symbole de lutte, les organisations noires améri-
caines sont également pour les nègres français toutes ten-
dances confondues, un modèle d'organisation. Quand la LDRN
publie un article sur l'activité des nègres aux Etats Unis(l)
elle n'a que faire des divergences idéologiques qui opposent
l'UNIA à la NAACP. A contrario, elle attache un intérêt con-
sidérable à la puissance de ces organisations. Ainsi dans
l'article précité, peut-on lire que les noirs américains pos-
sèdent 100 écoles, collèges et universités; qu'ils sont 100 000
à être diplOmés dont certains d'Harvard, Yale ou Columbia; que
le Who's Who in America compte dans ses pages 82 nègres;
qu'il y a 50 000 enseignants noirs aux USA; que les noirs
ont leurs banques, leurs mutuelles, leurs compagnies d'assu-
rance, leurs églises, etc •.•• i que le NAACP compte 100 000
membres répartis dans 300 sections, etc •••
Tout lecteur de la Race Nègre peut facilement faire le paral-
lèle avec ce qut se passe en France, et avoir dès lors comme
ambition de sutvre cet exemple.
La ligue le dit d'ailleurs clairement
---------------------
(1)
La. Ra..c:e" Yègn.e
NG 3 Septemote. 19.2.1.

518
» Nos
6~l~es d'Am(~lque nous 066~ent un exemple vi-
vant de la manll~e dont nous devons lutte~. C'est a
leu~ école que nous app~end~ons a nous émanclpe~ en
appo~tant quelque o~lglnallt( a l'exp~esslon de not~e
p~sonnallté en ha~monle avec le milieu catalyseu~.
Nlg~es au t~avall et pas de dé6alllance ".(1)
La fascination du modèle noir américain est par exemple très
présente chez un homme comme André Béton. Dans un article
intitulé» Par le fusil ou par l'argent ", il exposera ainsi
la manière dont il envisage l'é~ancipation du nègre:
" T~oü moyens s '066~ent à.. SOrt esp~,U pou~ aoouti~ à...
ce ~(sultat. Le p~emle~ se~ait di compte~ de sa 60~ce
natu~elle physique et de son rtomo~e, et, dans un su~­
saut de ~évolte, chasse~ le olanc qui l'opp~lme, l'ex-
ploite comme une oête de somme et le mép~lse. Vans ce
cas, il agi~alt seul, et n'au~alt à.. compte~ su~ le
concou~s d'aucune aut~e ~ace. Oans la deuxième hypo-
thlse, il tend~alt une o~ellle complaisante a ce~tal-
de se d(ba~asse~ de ses bou~~eaux. En61n, la petite
mlno~lt( a laquelle j'appa~tlen6, c~olt a une évolu-
tion ce~talne mals lente, pa~ le développement de l'ln-
dlvldu et du sentiment de sollda~i.t( ethnique, dont
nous avons un seM ai.gulsé.

519
t~e pou~ la ~ace noi~e. ( ... J. Quant a l'accueil que
nou~ dev~ion~ ~é~e~ve~ a ce~tain~ olanc~ qui nou~ ten-
dent le~ b~a~ et nou~ invitent a le~ ~uiv~e pou~ nou~
déba~a~~e~ de no~ opp~e~~~u~~,
aucune hé~itation po~­
~ible : nou~ devon~ ~ejete~ ce~ o66~e~ 6allacieu~e~.
•i'-

i
Nou~ change~ion~ de ma;t~e4, ~implement en agg~avant
not~e po~ition.
( ... J. Not~e ~alut ~é~id~ donc dan~
la conjonction de nO~ e66o~t~ individuel~.
C. . . ).
No~ 6~è~e~ noi~~ doivent donc ~'adonne~ au t~avail,
a la p~oduction inten~ive, à la lectu~e et a la patien-
ce ". (1) et de proposer comme objectif premier l~
création d'une banque nègre gérée par et pour les nègres.
Symbole de lutte, modèle d'organisation, les organisations
noires américaines sont tout naturellement Vues comme une
source d'appui potentiel sur le plan moral bien sOr mais
aussi et peut être surtout sur le plan financier.
Quand André Béton se présente aux élections législatives à la
Guadeloupe, i l n'écrit pas à Marcus Garvey pour lui présenter
son programme électoral, mais pour lui demander une aide fi-
nancière. (2) Mieux, i l sollicite auprès de trois banques noi-
res américaines un prêt de 60 millions de francs afin de réa-
liser des travaux d'utilité publique en Guadeloupe. (3)
(1) La Race Nèg1te N° 5 Mai ] 9.28.
(21 ANSOM SLOTFOM rr Ca~ton 5. Lett~e de A. Béton a M. Ga~vev
3JJanvie~ 1928.
(3) ANSOM SLOTFOM rr Ca~ton 5. Lett~e' ci~cula~~e d'A. 8éton
à la Binza State Bank
( Chicago ), (d.... Vougl.as Natio nal Bank
( Chicago ) et a la Steel City Bank ( p~~t~ou~g ).

520
Enfin quand Tiémoko Garan Kouyaté rédige sa " fameuse " let-
tre à WEB Du Bois, ce n'est pas pour l'entretenir du pana-
fricanisme. Roger Baldwin, représentant la NAACP auprès de
la Ligue contre oppression coloniale et l'impérialisme, ayant
répondu à la LDRN qu'il ne serait pas possible de lui accor-
der une aide financière avant le mois d'octobre(l), Kouyaté
s'adresse directement à Du Bois dans l'espoir que celui-ci
puisse faire accélérer les choses. (2) Rien ne prouve que
WEB Du Bois ait effectivement requ cette lettre, mais dans
l'affirmative, il n'a sans doute pu qu'apporter son soutien •••
moral à Kouyaté compte tenu du fait qu'il avait juste suffi-
samment d'argent pqur publier régulièrement The cr±s±s. (3)
Sur le plan idéologique, les rapports entre les organisations
noires américaines et leurs soeurs franqaises sont des plus
ténus. Ce qui les unit, c'est bien entendu le désir commun
de lutter pour l'émancipation des peuples nègres, et l'in-
dépendance des colonies africaines, à quoi viennent s'ajou-
ter le
sentiment d'une nécessaire solidarité entre nègres
et l'idée de construire l'unité africaine. Pour autant nous
ne pensons pas que l'on puisse parler de panafricanisme con-
cernant les. organisations anti-colonialistes nègres telles
la LDRN. Ainsi, le thème de la constitutionâ'un Etat africain,
thème central du discours panafricaniste est relativement peu
~risen~ dans la Race Nègre.
----------------------
(1) Lo~~ du Co~g~è~ de B~uxeiie4, Roge~ Bai~w~~ ava~t p~om~~
u~t. aUe 6~na.~c.lèM à. Se~EhOlt ( c.6. ANSOM SLOTFQM rn CaMon. 2.4.
Note de l'age~t Vé~~~é le~ Août 1~2.1 ).
(2.) ANS 2.1 G 44 (11) Lett~e de T.G. ~ouqaté à. WEB Vu Bo~~ 2~-4-2.q.
(3) - The' a:u'to'ë,cogn.:a.pn:rr '0-0- WIT1/u' 1to:<:~. r~tekrtat~onai PufSl~Ûteu,
19.83,448 p.

521-522
Cela nous amène à faire la remarque suivante : en la matière
i l faut distinguer le panafricanisme, idéologie et doctrine
politique, du sentiment panafricain, sentiment " naturel "
qui habite la majorité pour ne pas dire la totalité des Afri-
cains, faute de quoi on fait de tout Africain un panafricain,
ce qui ne contribue guère à éclaircir les choses
Dans la démarche de Kouyaté se tournant vers Du Bois et Gar-
vey, i l faut donc voir la recherche d'une alliance somme
toute naturelle plus qu'une adhésion idéologique au panafri-
canisme(i), idéologie aux contours d'ailleurs très flous.
Dans ce sens, à l'époque comme aujourd'hui, i l est tout à
fait éxagéré de parler de l'influence théorique de Du Bois
sur" Kouyaté comme le fait P.I. SY; par contre comme nous le
verrons plus tard, les contacts entre le secrétaire général
de la LDRN et George
Padmore seront très importants.
(7)
V'aille.u~~ lo~~ d'une. ~éunion de. la LVRN ~e.nue. e.n Ma~h
7929, Kouva~é déc.la~e.~a n'e.nvi.hage.~ la que.~~ion nèg~e que.
du poi.n~ de. vue. pu~e.me.n~ a6~ic.ain,
ajou~an~ que.. n le.~ nèg~e.h
amé~ic.aiM. ~e.h~e.~on~ ~oujoUM
amé.~ic.ain~". ( ANSOM SLOTFOM
III Ca~~on 24. No~e. de. l'age.n~ COh 28 Ma~~ 1928 ).

523
CHAPITRE IX
PA~~FRICANISME OU COMMUNISME?
Début 1928, Kouyaté opère une surprenante volte-
face, en décidant de rétablir les liens qui unissaient jadis
la L.D.R.N. au P.C.F. A cette attitude nouvelle de Kouyaté
fait pendant la nouvelle attitude de l'I.C. qui s'intéresse
de nouveau à la question nègre. Bénéficiant désormais de l'ai-
de financière et politique du mouvement communiste, la L.D.R.N.
·peut publier régulièrement la Race Nègre et ainsi accro!tre
son influence. Ce regain a'activité d'une organisation encore
récemment en état de léthargie ne passe pas inaperçu aux
yeux de l'Ami du Peuple journal qui va lancer fin 1929-début
1930 une longue et ardente campagne contre le " péril rouge
en pays noir ".
Poursuivant malgré tout son chemin, la L.D.R.N. projette la
création d'un Institut Nègre de Paris, met sur pied des syn-
dicats nègres dans les ports et participe aux activités du
mouvement communiste international. Tant que les activités
" rouges" et les activités" nègres" s'équilibrent il. peu
près la cohabitation entre nationalistes et révolutionnaires
se passe pour le mieux, mais avec l'engagement de plus en plus
ouvert de Kouyaté auprès des communistes le fragile équili-
bre est rompu.
Emmené par Emile Faure, le courant nationaliste s'oppose de
plus en plus à Kouyaté posant aux nègres une question que
~admore reprendra plus tard : Panafricanisme ou communisme ?

524 :
Pour Faure et ses amis, la réponse est sans ambiguité, i l faut
adopter une ligne politique" d'e-6-6enc.e exc.lU-6.Lvemen.t Jta.c..La.le "
et lutter pour l'indépendance et l'unité africaine sans s'al-
lier avec aucune organisation" blanche ", fut-elle en faveur
de l'indépendance.
En Janvier 1931, Faure est exclu de la L.D.R.N. et une scission
s'en suit qui va l'opposer pendant un temps ~ Kouyaté, cha-
cun revendiquant le titre de l'organisation et celui du jour-
na!.
Faure l'emportera devant les tribunaux; pauvre et indépendant
i l poursuivra tant bien que mal son combat alors que l'Union
des Travailleurs Nègres mise sur pied par Kouyaté tombera

peu à peu sous la coupe du P.C.F. qui profitera de l'absence
de son leader occupé sur le terrain syndical.

525
et les communistes.
------------------
a)
La volte-face de Kouyaté.
Entre la mort de Lamine Senghor et la la fin de
l'année 1928, la LDRN a pratiquement vécu en état d'hiberna-
tian. Indécise quant à la ligne politique à adopter, entra-
vée par les problémes financiers, elle n'a publié que deux
numéros de la R~ce Nègre(l) et ses activités se sont limitées
à l'organisation de quelques meetings et à la participation
au projet de constitution d'une Il Union pour le rapproche-
. ment des Races ,,(2)
(1 )
La'Rac:e. fŒgl!.e. N° 5 Mai 7U8 e.t ta' l<ac.e.'~ègAe. 6 Oc.to bl!.e. 19'18.
(2)
Ce. pl!.oje.t
6ai~ait ~uite. au Congl!.è~ de.~ Rac.e.~ ol!.gan~~é
a Londl!.e.~ e.n 7271 ~ou4 ta pl!.é4idinc.e. de. LOl!.d We.al!.date.. A t'é-
poque. te.4 détégué4 4' étaie.nt donné~ pOUl!. of[j e.c.ti:6 de. Il (;U.s-
c.ute.1!. a ta tumièl!.e. de. ta Sc.ie.nc.e. e.t de. ta Con.sc.i:e.nc.e. mode.l!.-
ne.~, te.-4 l!.e.tatiOM génél!.ate.4 qui: e.xüte.nt e.ntl!.e. te.~ pe.upte.-4
d'Oc.c.ide.nt e.t c.e.ux de. t'Ol!.ie.nt, e.n vue. d'e.nc.oul!.age.1!. pal!.mi:
e.ux une. bonne. e.nte.nte., de.4 .se.nti:me.nt.s ptu.s ami:c.aux e.t une.
c.oopél!.ation c.ol!.diate. ". Un de.uxième. Congl!.è4 de.vait êtl!.e. ol!.ga-
ni4é e.n 7~r5, mai4 it 6ut annuté a c.au.se. de. ta gue.I!.I!.e.. SuI!.
t'initiative. du PI!. Be.l!.ne.tot-Moen~,
te. pl!.oje.t d'un .se.c.ond
Congl!.è~ de.~ Rac.e.4
~
pl!.é4enté a Pal!.i4 e.n Mal!.4 1928, e.t un
c.omité d'ol!.gani~ation
~
mù sUl!.pi:e.d qui: c.omp-t..J: dan.s Se.4
I!.angs te. Commandant MOl!.te.not, Cenac. Thaty, Jute..s RaZ4, Tc.hao
!.tao, Attutlj, Abe.t Fe.I!.I!.Ij, e.tc. .. , Le. 8 Jui:n72'l8, tél!..!> d'.une.
I!.éunion pl!.épal!.atoi:l!.e. a taquette. pal!.tic.i:paie.nt ta LVRN, t'Etoite.
NOl!.d A61!.i:c.aine., ta Ligue. de.4 VI!.O~t4 de. t'ffomme., e.tc. ••. ta
C.OMti:tuti..on d'une. Il Union poul!. te. I!.appl!.oc.n:e.me.n;t. de.4 Rac.e.s Il
~ pM j e.tée. mai:.s 6i:na.le.me.nt c. e.tte. dé c.-<."'.s~o n. I!.e..st 0.- l e..t1:.!r..e
mOltte.. ANSOM SLOTFOM rTT Ca.!!.ton 'l7 et IT Ca.!!.ton 5.

526
Cependant au cours de cette période de léthargie, un évène-
ment important s'est produit. A plusieurs reprises, le PCF
a cherché à lier des liens avec la nouvelle direction de la
LDRU(l) , proposànt notamment à Kouyaté de représenter la
Ligue dans un congrès international qui devait se tenir à
Moscou au cours de l'été 19t~(2~
Après réflexion, Kouyaté a refusé mais il n'a pas définiti-
vement écarté toute possibilité de collaboration avec le
PCF s'opposant notamment à la publication dans la Race Nègre
d'un article de Béton attaquant trop violemment les communis-
tes. (3)
Fin Janvier 1929, c'est le coup de théatre. Kouyaté se rend

au siège du PCF accompagné de Rosso pour y négocier" l'adhé-
sion" de la LDRN et bénéficier d'une subvention mensuelle de
800 francs (4) qui sera par la suite portée à 1000 francs. (5)
Lors des discussions ultérieures avec des responsables de
la Commission Coloniale, il est question d'envoyer des nègres
à Moscou pour y suivre une formation politique et Kouyaté
est chargé du recrutement. (6)
Désormais la LDRN reprend les activités militantes qu'elle
avait peu à peu abandonnées entre l'hiver 1927 et la fin 1928.
(1) ANSOM SLOTFOM rr ea~ton S. Not~ de l'agent Vé~i~é 5-6~Z8.
(2) Nou~ ignMoM ~ 1il ~' agit du Vfème eong~è.5' de l' re ou lJi:ert
du rVème eOrtg~è4 de l'Trtte~rtati:onale Syndicale Rouge ( r~R )
qui: mit ~u~ pied le Comité Syndical rnt~national de4 Ouv~ie~~
Nèg~e4 ( CsrON ).
(3)· ANSOM SLOTFOM rr Ca~tOrt S. Note de l'agent Vé~i:~é 21~5-Z8.
(4) ANSOM SLOTFOM rn CMton 24. Note (;te l'ag~nt~ œ~i:~é 2~2~22..
(S) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~tOrt 51. Note ~u~ la p~opagande ~évo­
lutiortrtai~e out~e-me~. Ma~.5' 12.29.
(6) ANSOM SLOTFOM TTT Ca~tOrt 24. Note de l'agent Vé.5'i~é 4-2-29.

527 '
Le 13 Février 1929, elle organise un meeting à la salle des
Ingénieurs Civils qui réunit une cinquantaine de personnes~1)
Il s'agit principalement de protester contre la répression
qui sévit en AEF suite à la révolte des populations de la
Haute Sangha depuis l'été 1928. (2)
Parmi les orateurs on
remarque bien entendu Kouyaté, Rosso, le Haltien Ludovic Morin-
Lacombe mais surtout Bouthonnier, délégué du PCF. Après avoir
apporté le salut fraternel de son parti aux assistants i l dé-
clare
Il
Le PaAti eommuni~te eon~idèAe que l'impéAiali~me,
e'e~t une de~ 6oAme~ de l'e~elavage qui doit di~paAa1­
tAe. C'e~t la bouAgeoüie eapitali~te qui ~ou~ pAétex-
te de eivili~eA de~ peuple~ qui l'étaient avant nou~,
va a~~a~~ineA de~ peuple~ ~an~ dé6en~e dan~ leuA~ pay~
POUA voleA toute~ leuA~ Aie~e~~e~ du ~ol et du ~OU~­
~ol et exploiteA ~onteu~ement leuA main d'oeuvAe.
Le PaAti eommuni~te e~t pAlt a aideA le~ peuple4 eo-
loniaux a ~e lioéAeA de leuA ma1tAe mai~ il 6aut qu'il~
~Iaident eux-même~, il 6aut qu'entAe le~ tAavailleuA~
de la métAopole et le~ tAavallleuA~ de~ eolonle~, ~'é­
taolù~ent de~ LÜn~ de ltolidMité ".(3)
Le message de Bouthonnier vaut autant pour la foule que pour
les dirigeants de la LDRN : si les coloniaux veulent obtenir
l'aide du PCF, ils doivent faire des efforts, c'est à dire
en clair adopter la ligne du Parti.
(~) C6. Rap~ael Nzabak.omada-'fa{?oma. la'~u'e.)rxe.: èk X"on-g-o'-W'an.a
19'2.'8'-1'9.11.
PMi~ VI!) ThèH, dé. 3ème c.yele , 19.75,369 P.
(1) ANSOM StOTFOM rrr CaAton 2.4. Note de l'agent VésiAé 14-2.-2.9.
(3) ANSOM SLOTFOM rrr CaAton 2.4.
Il
1/
n
16-'Z-2.9..

· 528
Bon gré mal gré, c'est sur cette voie que s'est engagé Kou-
yaté mais cela ne va pas sans poser des problèmes au sein de
la LDRN. Quelques jours plus tard à l'occasion d'un autre
meeting, Béton et Adolphe Mathurin prennent la parole pour
critiQu~r
les propos de Rosso et déclarent qu'ils ne veulent
pas se mettre sous la coupe du PCF. (1)
Dès lors, les ingré-
dients nécessaires à une scission au sein de la LDRN sont
en place. En attendant, le PCF prenant en charge la moitié
des frais d'impression du journal, en sus de la mensualité de
1 000 francs
la LDRN peut publier le premier numéro de la
Race Nègre pour l'année 1929(2). Dès la lecture des premières
lignes de l'éditorial de Kouyaté, on note que le ton a chan-
gé. Le temps n'est plus à l.'heure où Kouyaté écrivait que
malgré son attitude contestable, le Il vrai nègre Il restait
au fond de cet homme
( Blaise Diagne ).
Désormais Blaise Diagne n'est plus qu'un Il fourier de l'im-
périalisme ". Mais écoutons plutôt Kouyaté
»
L'aetualitl e6t v~aiment ~iehe d'en6eignement6
30 000 nèg~e6 mo~t6 6u~ le ehemin de 6e~ Congo-Gelan,
~lp~e66ion de6 population6 ~lvoltle6 de la Haute Sangha
( Oubangui-Cha~i ) et du LaL( Tehad l, inte~nement de
6ept notable6 mU6ulman6 de Bangui et eoZneidenee 6u~­
p~enante, leu~ 6~è~e de ~aee, M. Viagne, 6e 6ait dleo-
~e~ iei ehevalie~ de la Llgion d'honneu~ au tit~e
d'o66ieie~ de ~l~e~ve. Le dlputl du Slnlgal ~e6u6a ja-
(1) ANSOM SLonOM nI Ca~.ton. 2.4. Note de l'agent Pl6i'~l 1'6-2.-2.9..
(2.)' Là: Kac.e.' m1r~e fl" 1 MaM 19. H.

529
" di6 eette dleo~ation malg~l l'in6i6tanee 'a66eetueu6e'
de M. Clémeneeau, p~é6ident du eon~eil et mini~t~e de
la gue~~e de l'époque. Clai~voyanee aigue, eonvenon6
en, ea~ ee 6ait eut ltl lvoqué au p~oeè6 peu llégant
Piagne-Continent6. Pou~quoi aeeepte~ eette dleo~ation
en 1928 ? Un homme ne lèehe pa~ ee qu'il a e~aehl di6ent
le6 Soudanai6. Mai6 j'ouoliai6 qu'il n'exi6te plU6
que l'omo~e de Piagne de 1914, ee Piagne qui 6ut un
moment de la eon6eienee nèg~e. Cette omb~e doit ~enon­
ee~ a ~ep~é6ente~ le Sénégal. OmQ~e de Viagne ou Piagne
t
•.
de 1914, eont~e ou pou~ le6 nèg~e6, t~ahi6on de6 inté-
~êt4 du Sénégal ou in6idllitl a 6a pat~ie, Co~iolan ou
Spa~taeu4,
voila en quels te~mea se poae le ea~ de
M. PLagne devant le6-Sénégalai4. Pa6 d'lquivoque.
( ... ).
Il appa~tienk aux nèg~e6 de ehoi6i~ ent~e la Ligue et
ee6 6ou~~ie~6 de l'impé~iali6me. Not~e ~ace a d~oit a
la vie. A~ nom de 6a dignitl et de 60n aveni~ toute
attitude expeetante 6e~ait une t~ahi6on ". (1)
Dénonciation des. /1 fourriers de 11 impérialisme " d lune part, mais
exhaltation des héros africains de llautre. En effet, la
Race Nègre rappelle à ses lecteurs que le 12 Mars 1894, Samo-
ry était capturé par les Franqais. A ce sujet elle déclare:

530
n Si Samo4Y Tou~l,
glhanzln, Rabat, Albou41 Ndlaye,
Amadou Chelk.ou, Ba-Bemoa T4ao4l et d'aut4eJ.. 401~ a641-
caln~ J..ont tomolJ.. en dl6endant leu4~ pa~~, c'e~t qu'llJ..
6u4ent dl~unlJ.. et ~ouvent lncomp41J.. d'une pa4tle de~
Nèg4eJ... Ce4talneJ.. nlce~~ltl~ de noJ.. gue44eJ.. natlona-
leJ.., encou~agleJ.. et mises a p406lt pa4 leJ.. nlg4ie4J..
et les impl4iali.stes· eU40pleM, ont pu quelques 60ù
leu4 nui~e aup4èJ.. de~ mas~eJ.. .. MAiJ.. llJ.. demeu4ent, tout
compte 6ait, nO~ éminents ~ep~lsentant~ dan~ le xrXème
û:ècle l' (1)
Ces quelques mots sont à retenir car ils symbolisent les
premières lignes de l'Histoire Africaine réécrite par et pour
les Africains, montrant par là même l'importance de l'ancra-
ge historique dans le combat des peuples en lutte pour leur
libération. Ce dernier thème sera d'ailleurs clairement affir-
mé un an plus tard par la Race Nègre qui:. célébrera " le cen-
tenaire de la naissance de Samory Touré C 1830-193Q ) • Re-
prenant les thèmes déjà évoqués dans la-Race Nègre, l'article
en question disait ceci
" Samo4Y 6ut un homme de glnie milita.üe.
Le capi-
taine Ba~atie~ ( tué géné~al en 1911 ) éC4ivit de lui
qu'il 6ut le Napollon A6~icain, Samo4q et Napoléon
eU4ent en e66et la même destinée, la même 6in danJ..
deJ.. cl4conJ..tanceJ.. et dans deJ.. lieux semolaoleJ... L'am~
bition du J..ouve4ain nèg4e tendait Q 4éaliJ..e4 l'unité
politique de l'A641que Occidentale. comme a.u xn ~Lècle

531

0
n avec Sound~a~a, au XIV ~ou~
Kankan Mou~~a et au XVI
~Ou~ le ~ègne d'A~k~a le G~and. L'h~~to~~e d~~a un
jou~ ~'~l 6ut le condot~e~e qu'on p~étend. Ce~te~, le~
néce~~ité~ ~upé~~eu~e~ de l'un~té nationale l'ont
condu~t à p~atique~ ou à lai~~e~ pe~pétue~ de~ abu~
et ce~ta~ne~ ~~gueu~~ exce~~~ve~. Un o~d~e ~oc~al
nouveau ne l'lait que de la 6o~ce imp~toyable enve~~
le~ ~é~~~tance~, 6o~te et ~aluta~~e dans la ~econ~t~uc·
tion. La g~ande 6aute de Samo~y a été d'avo~~ ~n~pi~é
t~op de c~a~nte aux mM~e~ nèg~e~. Au~s~' une pa~t~e
de celle~-c~ ~e jette~a-t-elle dan~ le~ o~a~ de tout
ét~ange~ a6~n de l 1 aide~ à abatt~e le g~and di.e6.
Mai~ Samo~y ava~t o~en ~aLson de vouloi~ anéantiA les
~oitelet~ qui 6u~ent le~ cause~ des dLvL~~on~ de l'A-
.
6~ique. ( ... ). La tC~vaÜatLon'
a appMté l'a66üma-
tion g~atuLte de la ~upé~io~Lté d'une ~ace,
d'ou de
~on d~oit usu~pé de domLne~ et d'exploite~ du~ement les
aut~e~. Rien ne vaut l'école de la ~éalité. Que le~ nè-
g~es contLnuent d'aime~, les yeux tou~né~ ve~~ l'ave-
ni~, la mémoi~e de leu~s g~ands cne6s, qu'ils soient
Samo~y Tou~é ou Ménétilt rr, Toussa.Lnt Louve~tu~e,
Ve~saline~ ou Béha.nzin, Velg~ès, Boo{te~ Wa~hington ou
Ali Bou~L Ndiaye, Amadou Chei~ou, Raba.t, Vingaan,
Mamadou Lamine ou Ma~o~o. Un peuple sans t~adition~ ~
comme un a~b~e ~an~ ~acine~.
En ce~ pieux ~ouven~~s
couVe not~e émancip~tion nfI)

532
Désormais, la LDRN donne u~~ autre dimension à son combat en
l'inscrivant dans la longue tradition de lutte des peuples
nègres pour leur dignité et leur indépendance.
Encore faut-il préciser que si résis·tance i l y a eue de la
part de certains, d'autres ont choisi la voie de la compromis-
sion pour ne pas dire de la collaboration. Ainsi en est-il
de Blaise Diagne que la Race Nègre n'épargne guère en cette
année 19Z9~1) Dans un article intitulé" La France Coloniale
ou la poubelle diagniste " Kouyaté brosse un portrait au
vitriol du journal du député du Sénégal.
" A ,U:.Jr. e. urt e. .te. II e. i..rt.6 ani..té ,on ale. ne. z e. xc..i:.t é éc.Jr.i...t -
i.l, on a la nau.6ée., on c.Jr.ac.he le. dégou.t, on a de.6 vomi.4-
-semen.t.6. Le Sén.égal ·e4.t i.n.toxi.qué paJr. c.e.t.te. 6eui.lle.
de c.hou, don.,t l'O!r.i.gi.rtali..té. c.onu:4.te. da.n..6 la publi..-
c.a.ti..on. d'ex.tJr.ai...t-s de jouJr.n.aux mé.tJr.opoli..tai.n..6. M. P.i:agn.e,
t'EmpeJr.e.uJr. c.aJr.rtavale.6que. de4 NègJr.e-s a Jr.epJr.i..4 au Séné-
gal la 60Jr.mule de 40n. Al.te88e. ImpéJr.lale artn.ami..te Al~eJr..t
SaJr.Jr.au.t : le c.ommun.l4me, Voi..la l'ennemi...
C••• ).
M. Pi..agn.e, le. démagogue soc.lalo-négJr.ol4.te de 1914 qui.
a bJr.ulé c.e qu'i..l adOJr.ai...t e.t adoJr.e. c.e qu'i..l ~Jr.ulai.,t,
le pa.tJr.lo.te. en. Jr.obe de c.ham~Jr.e (r1ai::-s Jr.ec.Jr.u.teuJr. de 1918,
. l'homme du' c.on..6oJr..ti..um oOJr.de.lai.s, l'avoc.a.t de la flan.que
de l'AQF, le démaJr.c.heu.Jr. de.6 6Jr.èJr.e8 TAêc.ho.t, en.6i:rt
l'i.n.6 a.tuê poli.c.i.eJr. nègJr.e, n'e.-s.t pas c.on..te.n..t de la Rac.e.
NègJr.e. f:{04an.na !

533
" No~~e jou~nal lui donne de~ Quln~ea. Il va juaQu'à
o~donne~ à M. Le Gouve~neu~ G~n~~al Ca~de de a'~x~-
cu~e~ d'appllque~ .la cl~culal~e con61den~lelle 258 C
c'ea~ à dl~e de 'aalal~ ~~gullè~emen~'
La Race Nèg~e.
L'Avenl~ ea~ ~cla~an~. Il ~e~~e p~ouv~ une 601a de plua
Que M. Vlagne cona~l~ue un dange~ pe~manen~ pou~ le~
Nèg~ea e~ pou~ la F~ance ".(1)
Parallèlement à la radicalisation de son discours, la LDRN
a décidé d'élargir sa base sociale en s'ouvrant aux étudiants.
c'est ainsi que sur la proposition de Kouyaté un Groupe des
Etudiants Nègresa été constitué dont le responsable est le
Martiniquais Modeste Pidéri, étudiant en médecine.(L)
Au premier chef, il s'agit pour les étudiants nègres de
" mieux a661~me~ leu~ d~al~ d'une coop~~a~lon de l'~lèmen~
ouv~le~ e~ de l'~lèmen~ ln~ellec~uel de la ~ace e~ leu~ vo-
lon~~ de ne poln~ ~ombe~ demain daM le ~i.di.cule d' une eou~­
geolale hau~alne "!3) Désirant lutter contre Il lllndlvidualla-
me 6a~oucne qui. leu~ ea~ pe~61demen~ con6elllé quand i.l~ d~oa~­
quen~ à Pa~i.q(4) 1 ils veulent amener les étudiants nègres de
toutes origines à mieux se connaltre de manière à ce qu'ils
fassent" l'apprentissage de la solidarité ".
Face aux carences de l'enseignement aux colonies" " le G~ou-
pe de~ E~udlan~a de la LVRN e~~i.me Que la jeuneaae ln~ellec­
~uelle noi.~e ne dol~ comp~e~ QUe. ~u~ e.lle mê.me e~ au~ la liol-
(1 r LlCR'a.-a.-N'èg ~ e .No 2 Av~i.l 1 9.2 9 ,
(2) ANSOM SLOTFOM III Ca~~on 24, NO~e de l'agen~ V~!il~~ 12-4-29.
(n l'a- 1ta-c-e' Nèg'Jr.e N°.2 Av~i..l 1'l29.,
(4) Idem.

534
~Omme pou~ la l~bé~at~on de leu~ pay~ le~ no~~~ du monde en-
t~e~ do~vent ~oopé~e~ ét~o~tement ,,!1) Pour faciliter la
réalisation de ces tâches, le Groupe des Etudiants Nègres
préconise la création d'une Maison des Etudiants à Paris,
projet pour lequel il fait notamment appel aux enseignants
et étudiants nègres des Etats Unis~2)
Dans le cadre de ce vaste chamboulement, rien ou presque
n'échappe à une remise en cause. Jadis, Kouyaté s'était pro-
noncé pour la naturalisation en masse des coloniaux, aujourd'
hui sous le pseudonyme de N.P.J., un membre de la LDRN se
prononce en faveur d'une citoyenneté " indigène. " plutôt que
pour la citoyenneté française. Dans un article intitulé
" La représentation parlementaire coloniale ou la panacée
chimérique ", i l é c r i t :
" Au l~eu de nOu~ impo4e~ de~ dépu.té~ qui v~end~ont
en '6~l~ ~p~~~tuels de la RépuQl~que' p~oteste~ tnéâ-
t~alement de leu~ pa.t~~otisme et p~o~lame~ a tous
vent~ leu~ indé6e~t~ôle atta~nemen.t a une pat~ie qui
n'est pas la leu~, qu'on ~onge d'aoo~d a dé~ongest~on­
ne~ le~ a.OMd.& de~ palaü de~ gouve~neu~~ en allégeant
~eux-~i. de~ pouvo~~~ ~Rc~bi.tants qu ~ls
1
détiennent
pou~ les ~on6~e~ a de~ M~emb'lée.s lo~ale.s. Celle.s -~«.'
(1) ANSOM SLOTFOM III Ca~ton 24. AppeL Il Aux pe~onneL ensei-
gnant, p~o6e.s.seu~s, in.sti.tuteu~4 etiM.tu.ti.tI1.i.~e~, aux é.tudi:ants
et aux é~olie~s des univeMi.té.s' et é~ole.s nèg~es d' Amél1.i.que Il
(2) Le texte de l'appel ~~-dessus ~ité sel1.a envoyé a WEB VU
Boi~ et a l'Institut Tu~Regee.

535
" c.oYlI.l.ti.tuelLaieYl.t del.l palLlemen.t1.l iYldig ènel.! à. POUVOiM
é.teYldul.l, c.e qui Yloul.l ac.hemiYlelLai.t velLl.! l'iYldépeYldaYlc.e
à. ôILe6 délai.
( .•• l. rl l.lelLai.t à. c.oup I.lÛIL aglLéable de
deveYlilL YlOYl del.l c.i.toqeYlI.l 6lLaYlçais, c.e qui Yle leulL l.lelL-
vilLai.t à. lLieYl, mail.! del.l 'c.i.to qeM indig èYlel.l "
j ' eYl.teYlds
des memôlLes e66ec..ti6s d'uYle c.i.té aYlYlami.te ou lao.tieYl-
Yle, ou c.ambodgieYlYle, ou malg~c.he ou de .telle ou .telle
c.i.té d'A6ILique e.t d'oc.c.upelL daYlI.l c.e.t.te c.i.té Uyl lLaYlg
eYl lLappolL.t avec. leulL mélLi.te e.t leulL c.apac.i.té. ( •.• f.
La lLeplLél.leYl.ta.tioYl deI.! iYldigènel.! au PalLlemeYl.t n'el.l.t
doYlc. Yli la 1.!0lu.tioYl du momeYl.t, Yli c.elle de l'avenilL ,,(1)
Revendiquant une vraie citoyenneté pour les coloniaux, la
LDRN dénonce la dissolution de l'Etoile Nord Africaine et pro-
teste contre la répression qui touche les nationalistes.
A ce sujet elle écrit :
lJ
La Ligue de Vé6eMe de la Rac.e. N'ègJLe. aplLèl.! avoilL plLis
c.OYlYlais4anc.e deI.! déc.lalLa.ti.ons 6ai.te!.l paIL M. Caiappe,
PlLé6e.t de PalLis, à. la .tlLioune du Consei.l Muni.c.i.pal de
Pa.lLi!.l ( 4éanc.e du Zq MaILS ) le!.lquelle4 déc.lalLa.ti.ons
lLe6lè.ten.t les in.ten.tionl.l du gouvelLnemen.t de plLoc.édelL
c.'es.t à. dilLe c.eux qui. lu.t.ten.t POUIL leulL lioélLa.tion na-
.tionale, dlc.lalLe qu'elle e!.l.t .tou.t à. 6ai.t d'ac.c.OlLd !.lUIL
c.e plLoc.édé nouveau qui. vien.t d'ê.tlLe plLéc.onisé, mais
lLéc.lame, c.omme C.OlLlLollai.lLe logique, l'évac.ua.ti.on .to-
.tale de4 c.olonies e.t la démooilisa..tion imméd~a.te de!.l
c.Qloniaux I.! elLvan.t danll le.l.!' alLmée.s 11 ! (Z)
--------------------------
(1 ) La' Rc:cc.e.' 'N"è'glr.e N°
Z AVlLil 1nif.
(Z r Idem.

536 :
h)
Le nouvel intérêt de l'I.C.
pour la question nègre.
Au début de l'été 1929, la LDRN est véritablement
tenue à bout de bras par le PCF. Outre la prise en charge
de la moitié des frais d'impression de la- RaCe Nègre et la
mensualité de 1 000 francs,
le Parti paye désormais comme
permanents Kouyaté et Rosso qui ont tous deux quitté les
emplois qu'ils occupaient auparavant, (1)
Pour bien comprendre cette attitude, i l est important de sou-
ligner que Ford responsable des questions nègres auprès de
l'rc a fait un important rapport" sur le travail parmi les
nègres " au Bureau Politique et à la section Coloniale du Par-
t i en Janvier 1929. Il a indiqué que" le. IVème. CongJr.è~
de
l'I.S.R. e.~ le. Vlème. CongJr.è4 de. l'r.C, on~ appoJr.~~ une. a~~e.n­
~ion ~on4idêJr.aôle. a la que.~~ion nègJr.e. Ce.4 de.ux CongJr.è4 4e.
40n~ dé.~laJr.é.t. pouJr. une augme.n~a~ion d'a~~ivi~é. dan~ ~e. do-
maine. e.~ let. Comi~ét. Exé~u~i64 on~ ~Jr.a~é de.4 plan~ a l'a~~e.n­
~ion de. ~Ou~e.4 le.~ t.e.~~iOn4
r d~ l'ISR e.~ de. l'rc ) ".
Sur ce, i l a indiqué " le.-6 mé.~Fi.ode.4
e.~ le.1.l plal1l.l qui. doi.-
ven~ ê~Jr.e. e.mplo!!é.~ dan-6 ~e. ~Jr.avai.l e;t le~ ~a~Fi.e.4 du PaJr.~i. 6Jr.a'n':'
..
ç.aü e.~ de. la CGTU ". Ainsi le Parti fran~a::i.s doit ;
---------------------
(J)
Kouya;tê a qui.~~é -60n ~rloi. d.e. 6,{.ÈuJr.an~ au Ca-s..t/'tO de.
PaJr.i4
(ANSOM SLOTFOM rI CaJr.~Qn 1~. NQ~e de. l'age.n~ Coco
8 Jui.n 1 ~'Z~ ) e.~ R04-60Q.démù-si.onl1i d.e. c.ne.z tfa~1j.e.~~e. ( ANSOIA
SLOTfOM nr CaJr.~On 57. No~e. 4uJr. la pMpa,gal1de. Jr.évoluü::onl1<ti.Jr.e.
Jui.lle.~ 1'1'Z'l ).

537
" al é~abli~ de~ liai~on~ avec le~ o~gani~a~ion~ e~
le~ mouvemen~~ nèg~e~ dan~ le~ colonie~ 6~ançai~e~;
con~~i~ue~ une ~ec~ion pou~ lté~ude de ce~ o~ganisa~ion~.
bl é~abli~ une liai~on ave
le~ o~gani~a~ion~ e~ le~
g~oupemen~~ nèg~e~ en F~ance, pa~~iculiè~emen~ a
Pa~is, e~ e~~aye~ de le~ u~ili~e~ pou~ no~~e ~~avail.
cl é~abli~ un p~og~amme ~pécial pou~ le ~~avail pa~-
mi le~ ~~oupe~ nèg~e~ en A6~ique e~ en F~ance C•.. )
d) ~'e66o~ce~ d'avoi~ un ~ep~ésen~an~ de~ anciens com-
oa~~an~~ a la con6é~ence de l'Exécu~i6 de l'rn~e~na­
~ionale qui doi~ se ~enl~ a 8eAlin au mols de Ma~s .

d'lndigène~ dans le~ écoles qui se~on~ o~ganlsée~ a
pa~ls pou~ le ~~avail colonial. Recne~che~ immédia~e­
men~ des é~udian~~ nèg~e~ pou~ les écoles de Moscou
e~ en~~ep~end~e ~apldemen~ les déma~di.es pou~ qu'ils
y solen~ envoyés.
6) la sec~lon d'agl~-p~op dol~ ~ecevol~ les lns~~uc~ions
pou~ p~épa~e~
e~ o~ganlse~ une agi~a~ion e~ p~opagan­
de géné~ale e~ spéciale pa~ml les ~~oupes nèg~es en
F~ance C.... J.
g) cons~l~ue~ un comité spécial pou~ le ~~avall pd~­
ml les nèg~es qui se~a SOus la di~ec~lon de la ~ec~ion
eolonlale, qui dev~a ent~e~enl~ une co~~espondance
~éguliè~e ave~ les colonies et 6ai~e les ~appo~~4 ~égu­
lie~s au Bu~eau pou~ le ~~avall pa~ml le~ nèg~es COnS-

538
n titul p~l4 de Cominte~n.
Une liai40n lt~oite doit
êt~e ent~etenue avee le6 pa~ti4 belge et anglai6 ". (1)
Mais attention, le travail avec les organisations nègres, tel
qu'il est désormais envisagé, n'a plus rien à voir avec ce que
pouvait être le soutien aux " Partis Nationaux Révolutionnai-
res " préconisé jadis par l'rC. Depuis le massacre des commu-
nistes chinois à Shangai en Avril 1927 par les nationalis-
tes du Kuo Min Tang et le vr Congrès de l'rC qui s'est tenu
durant l'été 1928, l'heure est à la stratégie" classe contre
classe ". La collaboration avec les nationalistes bourgeois
et l'aile gauche du mouvement socialiste est abandonnée.
,Désormais i l s'agit de renforcer ou de créer des partis com-
munistes dans les pays coloniaux~2)
Ainsi lorsqu'en Juillet 1929, Kouyaté assiste au 2ème Congrès
de la Ligue Anti-impérialiste, i l fait plus fig~re de leader
communiste nègre que de chef nationaliste. Suivant l'infle-
xion de la ligne politique de l're, la Ligue Anti-Impérialis-
te n'a plus grand chose à voir avec ce qu'elle était en Fé-
vrier 1927 à Bruxelles. A Cologne début 1929, une première
réunion de l'Exécutif de l'organisation a d'ailleurs marqué
" le renforcement prolétarien de la Ligue Anti-irnpérialiste n~3)
Cela s lest traduit par lê fait que IJ le<s 4pé.c.ulateu~<s
politi-
que4 du eong~l<s de B~uxelle4 ( li~e le4 4oc.iali4te4 et le<s
nationali~te<s
) <se 40nt er.6ui4 et ont 6ait la paix avee le4
(1) A~eh. Ve la Commi<s<sion Coloniale du PCF anné.e lQZQ ~o~ine
ZQ(343. Rappo~tdu Z3 Janv~e~ lQZQ.
(Z)
DCCo7tKe~j$"on:èta)feè.'Tn:t'elthlt:t';{.~ol1(:lteNII-14't11-1Z-z'8 p. 1737-
(3) W. MuzemQ~~g "Le ~en6o~eement p~otlta~~en de la Ligue Anti-
/ ,

. . , . . . . .
•.••.
-<
' - ' ,

.~..
.
.
im"é.~ialÜ te', -Co7t7tQ.<S}:fo'n'ûal1'e'e' Tn:tèXn'à.:t",to}ta1.e N° 1 Z,3 -l-H P.15" •

539
de~ eo~dition~ d~nnéKe~te~ de eelle~ du Co~g~~~ de B~uxelle~
de Fév~ie~ 1927, que ~e ~éu~i~a le deuxième eo~g~è~ de la
Ligue" eo~t~e l'Impé~iali~me " (2) en Juillet 1929 à Francfort.
Délégué par la LDRN, Kouyaté fait un important discours qui
est reproduit intégralement par l'Ouvrier NègrJ3~ version
française du" Negro'Worker, journal du Comité Syndical Inter-
national des Ouvriers Nègres
( CSION ) de l'ISR.
Après avoir évoqué la mémoire de Lamine Senghor, le secré-
taire général de la LDRN brosse un tableau de la colonisa-
tion française en Afrique et aux Antilles. Tour à tour, i l
fait le procès de la construction du congo-Océan qui coûta la
vie à 25 000 nègres (4) , dénonce la " chasse à l'homme" qu'est
en réalité le recrutement des travailleurs, proteste contre
le recrutement militaire et le travail forcé dans le cadre
de la deuxième portion, met en évidence l'absence des liber-
tés démocratiques aux colonies, et termine par une descrip-
tion féroce des députés nègres au Parlement français, ces
individus" accoutrés d'une serviette,
j'un tablier et d~un
(1) W.Muzembe~g. Ve B~uxelle~ à. Pa~Ü.- La COH.e~pon.dartcetrt;t:e~­
~atio~ale
N·51 19 Jui~ 1929 p. 745.
(2)
Tdem.
(3)
VÜcou~~ du cama~ade Kouya.té a.u co~g~~s de. la. Ligue. L-l'011.V7Li"UL
Nè:g~e N·4 Août 1929 pp. 25-28.
(4) V'ap~~~ G. Sautte~JI tout ce qu.i peut ê..t~e. anni~mé, c.'est que
16"QOQ n.omme.& ~o~t mOIr.:t.6, au f5M mot ". Mais i.e. p~éci:.~e.
pa~ ai:.lleu~~ qu'une. ff esti:.mati:.on sé~i:.euse ni:.xait le
\\l
total des pe~te~ a 23 000 mo~ts :n
en. N'ote~ su~ la eonstlr.uc.tio/1.
"
U"
.
'.
- .
" .
"
du efieml~ de ne~ Co ng 0 -0 céa~ (11121 -1 134 )- 'CCln:<'~e7r.":&- V'-fê.cuct~s"AU7r.:<'~\\t1:/1.-es
Vol VII N·26 1967 pp. 219-299.

540
plumeau" qui" sont plutôt les larbins de l'impérialisme. ,,(1)
Pour conclure, i l déclare
» Nou~ 6e~on~ tout pou~ coo~do~ne~, cent~ali~e~, uni-
6ie~ le~ mouvement~ d'émancipation nationale de~ Nèg~e~
d'A6~ique noi~e. Nou~ ~evendiquons ~an~ ce~~e ~u~ l'in-
dépendance aô~olue du Uôé~ia,
et de l'Ethiopie. Le
mouvement d'émancipation nationale des Nèg~e~ d'A6~ique
et le mouvement d'émancipation politique et 60ciale
d'Amé~ique ~e ~outiend~ont mutuellement.
Le~ pui~~ance~ imré~iali~tes p~oclament tou~ le~ jou~6
leu~ inte~dépendance. Le~ peuples opp~imé6 et le~ p~o­
létai~e~ de ce4 puis~ance4 ~~ doivent de p~oclame~
aU64i leu~ collabo~ation ~incè~e et 6~ate~nelle,
l'alliance de tout in4tant de toute4 le~ ~ace~ et ma~-
4e~ opp~imée4 pou~ la ~égéné~ation de not~e humanité
avilie pM le~ haine~ de ~ace4 de peuple!!, de ca..s.te~
et l'in!!tinct de de4t~uction de..s 6il!! de CaZn.
Pas de maZt~e6 ni d'e4clave..s ! Vive le..s peuple6 op-
p~imé4
Vive l'alliance agi4..sante de4 ma44e..s opp~imée4!11(2.)
Si " le Cong~è~ de F~anc6o~t ma~que su~ le Cong~è~ de B~u"el-
le4 un impo~tant pa4 a gauche ,,(3), il symbolise également
l'engagement de Kouyaté aux cÔtés des communistes et plus
particulièrement de l'Internationale. De Francfort, i l part
(1) - -r''O·uVIr.;{.ell. tnglr.e N° 4 Aoû.t 1qz. 9. op cit.
( 2)
fdem.
."
(3) (/J. Muzemoe~g. Le Cong~è~ de F~anc6Mt de. la Ugue anti-im-
pé~iaLi:~te:lict" -Colr.lr.'e.reo-ne:tan-cè. Tn~~7LKa~.{."'onà.:te N° 6 8 -; -8 -2.9. P~ B6.

541
pour Moscou via Berlin où i l fonde une section de la LDRN(l)
et ce n'est qu'en début Octobre qu'il rentre en France.
De même que le voyage de Joseph Gothon Lunion en 1924, le
séjour de Kouyaté en Russie ne va pas passer inaperçu. Grace
à des
" fuites " savanunent distillées, le journal l"Ami du
Peuple lance fin 1929-début 1930 une campagne contre" le
péril rouge en pays noir "
Fin 1929, début 1930, â titre personnel ou sur ordre
de la Direction des Affaires Politiques, à titre gracieux ou
contre gratification, un membre du CAI a fait parvenir à
François Coty, directeur du journal l'Ami du Peuple, un nom-
bre important de rapports de police relatifs aux organisations
nègres en France. Grossies, t~onquées, déformées, ces infor-
mations vont être savamment distillées aux lecteurs de l'Ami
du Peuple pendant plusieurs mois tels les épisodes d'un feuil-
leton à rebondissements.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, pour bien camper le
personnage de François Coty, précisons qu'il est un chaud par-
tisan
du Général Smuts, chef de l'Etat Sud-Africain de l'é-
poque, qu'il voit la main et l'or de Moscou partout et que,
par exemple, i l considère le B.I.T. comme" une de~ o66ic.ine~,
(1) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~~on 24, No~e de l'agen~ Paul. 22-~-2q.
V'ap~è~ de~ papie~~ &ai~i~ ~u~ Kou~a~é en Ma~4 J93Q a Bo~deaux
la Liga Ve~~Didigung Ve~ Nege~~a~~e au~ai~ c.omp~é 200 adnë~en~~
dan~ ~ou~e l'Allemagne ( ANSOM SLOTFOM rfr Ca~~on 111 Le~~~e du
.
. '
Commi~~ai~e c.en~~al de Bo~deaux a la Oi~ec.~ion de la Sû~e~é
GénéMle.
19 MaM
1930 J.

542
et peut êt~e la plu~ ~u~pecte, de la Société de~ Nation& ". (1)
Ceci dit, l'offensive contre la LDRN débute réellement le 25
Janvier 1930 par un article qui se veut l'historique de l'or-
ganisation. Celle-ci aurait été fondée ery 1924 sous le nom
de la Ligue de Défense de la Race Noire
( sic!
) par" un des
collaborateurs du trop célèbre Doriot JI, Kojo Tovalou Houénou.
Ayant" à plusieurs fois changé de local, d'organe et de pré-
sident ", celle-ci" n'a pas cessé d'être une dépendance de
la Section Coloniale du Parti Communiste, 120 Rue Lafayette"
depuis cette époque. Par la suite" un intellectuel noir"
" mutilé de guerre JI, " habitué des cours de la Sorbonne"
répondant au nom de Lamine Senghor devint président de la
ligue de défense de la Race Nègre, organisation qui publia
la Voix' des Nègres, puis la- Race Nègre.
" Ve& éditioM &péciale& de cet o~gane:
iMu~~ectionne..l, «.m-
p~~mêe~ en dialecte& indigène~, ont été int~oduite& dan~
toute~ no~ colonie~ de la côte occidentale d'A6~ique ... "
Le danger de toute cette activité conclut Coty, c'est qu'une
puissance étrangère profite " de~ dé.6o~d~e.!i c~êe.6 pa~ le.6 agi-
tateu~.6 nêg~o-communi.!ite.6 pou~ .!iu8.6titue~ .6on pavillon au
nôt~e " et d'ajoute~ JI l'ni.6toi~e mode~ne e.6t pleine de ce.6
.6 ub.6 titutiQ M
". (2)
Pour Kouyaté, la publication de cet article ne peut tomber
plus mal. En effet, suite à son périple en Union Soviétique,
certains membres de la LDRN tels Sabia, Diarra et Faure, hos-
tiles à toute alliance avec les communistes, ont lancé une
(1)' L ''Ain:i: au- 'P'e'up1.e 27 Ja.nvÙ.~ 19.3Q.
( 2)' t "Am't.' -àu' 1'"e'upl'e: 29 Janvie~ 1930.

543
première offensive en demandant à contrOler la comptabilité
de la Ligue. (1)
Après vérification rien d'anormal n'apparut
dans les
comptes de la LDRN(2) , mais ce n'était que partie
remise.
Décidé à mettre fin à cette campagne, Kouyaté dément vigou-
reusement les informations publiées dans un article inti-
tulé " François Coty, direc·teur de l'Ami du Peuple a calomnié ,,(3)
Grand polémiste, i l écrit :
» Renonçon~ a ~nven~o~~e~ le~ ~nexac~~~ude~ voulue~'
~ela~~ve~ a la L~gue, le~ âne~ie~ que Co~y e~~ accou-
~umé a déb~~e~ ~u~ no~~e ~ace, Tenon~-nou~ en a une de
~e~ ph~a~eô qu~ le pe~n~ a ôouha~~ : 1 l'h~ô~o~~e mode~­
ne eô~ ple~ne de ceô ôubô~~~u~~onô •. En e66e~, Co~y
ôigne ma~ô n'éc~~~ paô. Le gea~ ôe pa~e deô plume~ du
paon. On demande de~ chevaux de ~ace pou~ la COVÀ4e
vo~la que deô âneô ôe p~éôen~en~, d~~ un p~ove~oe ~ou­
dana~~.
( •.. ).
Cob!,
COUô u d' o~, ~êve.. de.. deve..n~~ Empe~eu~ deô F~ança~ô.
rl bave ~u~ ~ou4 leô pa~~~4, 4U~ ~OUô le4 honnê~e~ gen~,
~u~ ~OUô leô jou~naux, pa~ce qu'en F~ance, l'obédience
~.~. J~)
dieu de ce~ ~empô ~ de plu~ en plu~ danô le~ moeU~4.
Il voi~ ~ouge.., il voi~ le communiôme pa~~ou~ : ~on·
ca~ ~elève de la ~hé~apeu~ique. C.,.). A l'en~end~e
ce ~ont leô cOmmun~4te4 qui donnent l'~dée de la pa~
~~ie a6~icaine, de l'indépendance na~ionale aux nèg~e..4.
(1)
ANSOM SLOTFOM rIr Ca~~on 24, No~e de l'agen~ Paul 22 e~ 24-11~3a ..
(2) ANSOM SLOTFOM rrrca~~on 2 4 , "
Il
»
Il
14-12-3a.
(3)' La' Rac't' Nè'9"7r.e 2 Fév~ie~-MaM 1 'l3 a.
(4)
Cet~e pa~~~e du jou~nal é~an~ ~o~alemen~ ~ll~~ible, nouô
indiquon~ ce ~e~me ôou4 ~ou~e ~é~e~ve.

544
,
" On voit qu'il igKo~e l'hi~toi~ede la ~ace nlg~e
et le~ antique~ civili~atioK~ Kég~o-a6~icaine~. Tl
e~t tout excu~é, c'e~t un ma~chand de pa~6um.
( ... ).
Nou~ nou~ devon~ d'ave~ti~ Coty. Le 'p~imiti6'
ne ~ait
ni gagne~ de l'a~gent ni l'utili~e~. Mai~ il a du
coeu~ : coeu~ pou~ 6ai~e du bien et au~~i coeu~ pou~
b~ave~ Coty et ~a ga~de. Not~e Ligue ~e 6latte d'avoi~
de~ b~igade~ d'acLe~. La main lou~de et ~ude d'un de
KO~ ami~ pou~~ait, quelque jou~, ca~e~~e~ la joue ~en­
ûble de Coty a6in de modé~e~ ~e~ plaüante~Le~ g~ote~­
que~ JJ (1)
Coty ou son plumitif a trouvé son martre ou du lnoins son
égal dans l'art de la polémique et la joute va se poursuivre
à travers la presse. Un mois plus tard, l'Ami' du Peuple évo-
que les 1/ quelqCt.e~ lett~e~ inju~ieu~e~,
notamment de la Ligue
de Vé6en~e de la Race Nlg~e 1/ qu'il a reçues. Jouant les ma-
tamores, le journal décide même de publier le démenti de Kou-
yaté pour " mont~e~ tel~ qu'Ll~ ~on.t le~ p~étendu~ 'intellec-
tuel~ nlg~e~' dont le~ Soviet~ ~e ~ont a~~u~é~ le concou~~ ".
L'acte est courageux car le secrétaire général de la LDRN n'y
est pas allé de main morte, écrivant à propos de Coty
1/
• • •
vou~ avez intMduit dan4 le jou~nalüme, jadü ~i gé-
né~eux et dévoué a toute~ le~ caU4e4 /'l.oble~, une mauvai~e
60i e/'l.co~e inconnue et un état d'e~p~,<.t 6~appé d'indigen.c.e
intellectuelle dé~e~pé~ante "
-------------~-----------

545
Ayant fait quelques rectifications sur la forme, François
Coty a sorti une nouvelle arme de son sac en brandissant le
télégramme de Joseph Gothon Lunion à l'rC, et de s'exclamer
» Vo~la ~omment eette o~gan~~at~on n'e~t pa~ eommun~~-
te ! Le my~t~6~eateu~ qu~ nouS ée~~t eompta~t nou~
éga~e~ dan~ le~ détou~~ de ~on ~é~a~l : ma~~ eeux-e~
nou~ ~ont plu~ eonnu~ qu'~l ne le pen~a~t. NOU4 en ~a­
von~ plus long que lu~ ~u~ l'ent~ep~~~e a laquelle ~l
eollabo~e dan~ un emplo~ ~ubalte~ne n 11)
Evoquant. le 11 charabia franco-nègre 11 dans lequel Kouyaté lui
11
a asséné trois massives colonnes d'injures, ponctuées de
menaces caractérisées JI dans la Race-Nègre, F. Coty ironise
sur JI les brigades d'acier" de la LDRN.
» Ev~demment la L~gue de Vé6en~e de la Rœee Nlg~e
veut nou~ 6a~~e e~o~~e qu'e~le a ~mpo~té a Pa~~~ quel-
que~ un~ de ee~ ét~angleu~~ noetu~ne~ qu~, dan~ nO.6
eolon~e~ a6~~ea~ne~,
~evétues d'une peau de léopa~d
et les ma~n~ a~mée~ d'ongles en ae~e~, vont éxéeute~,
les nu~ts ~an~ lune, eeux de no~ adm~n~st~ateu~s ou
de no~ eolon~ qu'on a désignés a leu~~ eoup~. l",).
La p~é~enee a Pa~is d'un ee~ta~n nomb~e d'assa~slns
noi~~, voi~e de quelques anta~opophage~, n'e~t évidem-
ment pa~ ~mpO~4~ole. Mals nou~ ne Somme~ pa~ 6ae~le~
a intlmlde~ et les 6a~ouehe~ menaee~ dont nou.6 étionS
l'objet n'ont 6alt que nouS égaye~. Moln.6 eependant que
--------~-------------------
(1 r T'Am:t' (tu' PelLete '2.4 Fév~Ù~ 19.30.

546
" la panique i~~l~i~tible jetle pa~ no~ a~ticle~ pa~­
mi le~ con~pi~ateu~~ nèg~e~ qui t~availlent, pou~ le
plu~ g~and avantage de Mo~cou, a ~amene~ la ba~ba~ie
dan~ le~ te~~itoi~e~ que nou~ civili~on~ ". (1)
Désireux de ne pas laisser le dernier mot à l'adversaire,
Kouyaté réplique
: fI Nou~ ne mangelr.on~ d 1 ailleu~~ pa~ M.
Coty, de c~ainte de nous empoi~onne~. Q..u'1:l ~oit donc ~aM
peulr. "
[2.)
Mais la campagne n'en reste pas là. Fart à propos, Gustave
Gautherot publi~ son ouvrage sur " Le bolchévisme aux colo-
nies et l 'impérialisme Touge~(3) et l'Ami du Peuple " s'acharne. "
sur la LDRN jusqu'en Février 1931, contribuant par là même
à précipiter l'inévitable scission qui menaçait la LDRN depuis
le volte-face de T.G. Kouyaté. En attendant Kouyaté multi-
plie les initiatives participant par ici au projet d'un
" Institut Nègre" et essayant d'organiser les travailleurs
nègres par là.
(1 J L'Am'j;"cîu~Peupl~ 2.6 Mai 193 O.
( 2.}
La 1?,a.è.~e' t-Œglr.e N°] ( No u ve.U.e 4 llr.ie ) ] U<!-'t.let ] 93 Q•
(3} G. Ga.u.tnelr.ot. t'e' rfo1.'di1.Vi:~me a.uX ~'o1.'O}f<te·~· 'e',:C L'l:mjil'lr.:<:a.L1::~me
. /r.'o'u'ge.. Pa.lr.i4) Uedelr., ] 93Q.

547
a)
Le projet de l'Institut Nègre de Paris.
Début Janvier 1930, le docteur Léo Sajous, un Hai-
tien résidant à Paris depuis de nombreuses années, lance
l'idée de créer un institut nègre à Paris sur le modèle de
ceux qui existent déjà aux Etats Unis. Après discussion un
Comité Universel de l'Institut Nègre de paris est mis sur
pied le 5 Janvier 1930. (1)
Présidé par Léo Sajous, i l a pour
secrétaire général Kouyaté, assisté de Hélène Jadfard(2), et
son trésorier est Emile Faure.
En outre le bureau du Comité est assisté de trois conseillers
en la personne du Dr Guerrier, de Samuel Stephany et d'André
Béton. Déclaré à la préfecture de Police le 13 Février 1930,
le Comité» a pou~ 6u~ de ~ecuellll~ del> 60nda pa~ vole de
aouac~lp~lona na~lonalea e~ ln~e~na~lo"alea, au6ven~lona,
~ecet~ea de 6êtea e~ d'expoai:~loM a~~üdlque!>, e~c •.• en
vue de la 6onda~lon Ct Pa~l!> d'un rn8~l~u~ Nèg~e, auquel !>e~a
annex( un Foye~ Nèg~e » (3)
L'article 3 des statuts précise que » l' In!>~i:~u~ Nèg~e de Pa~i.a
(~an~ de!>~ln( a. donne~ une (duca~lon i:n~ellec~uelle, pM6e!>-
!>lonnelle e~ a~~l!>~lque aux nèg~ea de ~ou~ea "a~lonall~(8, le
Coml~é de 6onda~lon, demeu~e~a, PQu~ aa8u~e~ le auccèa de 8a
-----------~----------
(1)
ANSOM SLOTFOM In CM~on 112.. Let~~e du Mlnü~~e de l' fnt(-
~i.~u~ au Mi.nl!>~~e dea Coloni:ea 2.1 Ma~~ 1i3Q.
(2.)
Cette deMi:è~e d(mùaùHl.ne~a de J'el> 6onc~i:on.l> aui.~e Ct la
campag ne de l-IAmi.' au" 'P""e"uple.
(3)
ANSOM SLOTFOM. nr Ca~~on II Z. Le~~~e du Mi.nù~~e de l' fn.tê-
~leu~ au Mlnla~~e dea Colonlea 2.1 Ma~a 1930.

548
mi~~ion, ~~~iQ~emen~ en deho~~ de ~ou~e ~Q~ion poli~iQue ou
~eligieu~e ". (7) Estimant leur action au-dessus de toute sus-
picion, les fondateurs du Comité ont même l'intention de le
faire déclarer d'utilité publique.
Un " appel international " est alors tiré ~ plusieurs mil-
liers d'exemplaires pour lancer les premières souscriptions.
Visant un large public, le Comité a choisi le ton de la modéra-
tian.
"Le~ ~u~eu~~ de Qe~~e ini~i~~ive ne p~e~enden~ p~~ mé-
QO nna<U~e le~ e 66o~~~, ~~M do u~e lo u~ole.~, ~e~lù é~
p~~ le~ di66é~en~~ gouve~nemen~~, d~n~ l'oeuv~e d'é-
dUQ~~ion de~ nèg~e~, di~ le ~ex~e.
rl~ veulen~ plu~ô~ Qon~~ifîu.e~ d'une 6açon mode~~e èi.
l'ex~eMion ~~~ionnelle de.1.r oien6~i~~ de l'iM'~~u.Q~ion
d~n~ le ~en~ du génie de l~ ~~Qe. En e66e.~, le ou~
de l' rM~i~u~ Nèg~e de P~~i~ ~e~~ d'ini~ie~ ~ou~ le~
nèg~e~ èi. ~ou~e~ le~ ~Qie.nQes p~~~iQues,
de le~ in~­
~~ui~e d~n~ ~ou.~e~ le~ o~~ndte.~ de l' ~Q~ivi~é Ftum~i-
ne., d'en 6~i~e de~ v~leu~~ ~éelle~, en un mo~, de leu~
donne~ une vé~i~~ble e~ Qomplè~e eduQ~~ion. Le.~ nè-
g~e~ d'~u.~~e~ l~ngue~ viend~on~ if ~Qaeve~ le.u~ 60~m~­
~ion in~elleQ~u.elle, p~06e~~ionnelle. ou ~~~i~~iQue.
( ... l. Ce~~e oeuv~e ~ellemen~ ~moi~ieu~e e~ nouvelle
d~n~ ~e~ QonQep~ion~, ne s~u.~~i~ ê~~e envi~~gée s~n~
~~gen~ ~u66is~n~, d'une. p~~~, s~n~ le QonQOU~~ géné~
~eux de p~06e~~eu~~ éminen~~ de l'~u.~~e. ".(2)
(7)
Idem No~e 3 p~ge p~éQéden~~
(2) ANSOM SLOTFOM nr CAR,TON 112. Appe.e. rn~e~naUonal.

549
A peine le Comité a-t-il lancé son appel que François Coty,
aidé du Dr Guerrier (1) , décide de lui faire un peu de 11 publi-
cité ", en dressant le portrait de quelques membres fondateurs
tels Kouyaté,
" le chef des
'brigades d'acier'
,,(2)
ou Léa
Sajous soupçonné d'être en relation avec Marcus Garvey(3)
et d'avoir pour" modèle historique du héros noir ", le " san-
guinaire Toussaint-Louverture ,,(4). Rappelant la participa-
tian de Kouyaté au Congrès de Francfort de la Ligue contre
l'impérialisme et l'oppression coloniale, 11 filiale de la
IIIo Internationale ,,(5), Coty conclut: " le..6 fiOU.6C.tr.i:p.:t.e.utr.s
qui. .6e. .6ont lai.sfiéfi ptr.e.ndtr.e. èt. c.e.t appe.au save.nt mai.nte.nant de.
qUe.lfi 'ptr.o6e.Ue.Utr.fi émi:ne.ntfi' Ti:émofto Gatr.a-n f(ouqaté fi'é.tai:t
'afi.6utr.é le. c.onc.outr.fi' poutr. fion i:ns.:t.itut, c.e. fion.:t. le.s c.ne.6fi
de. la Révoluti.on c.ommunùte. dans le. monde. e.nti:e.tr. Il (6)
Paravent de la LDRN lui servant à recueillir des fonds selon
le Préfet de Police (7) , 11 Institut révolutionnaire nègre en
plein Paris ,,(8), pour Coty, L'Institut Nègre sera finalement
enterré dans le cimetière des projets mort-nés.
(J)
C' e.fi t lui: qui:, fi e.c.o ndé. patr. fi a. ma1ttr.e.fi-fi e. .:t.tr.a vaillant à. .ta
-
.
Ptr.é.6e.c.tutr.e. de. Police., avai..:t. ve.ndu a Cotq .tefi doc.ume.ntfi tr.e.la.:t.i:6fi
à. l'fMti:.:t.u.:t. Nègtr.e.
( ANSOM SLOTfOM trr Catr.ton 111. No.:t.e. de.
l'age.nt Joe. 14 Jui:lle..:t. lq30 ).
( 2 ) L'Ami: -dù.- "r-e.upt e. 28 Mai: H 3 0 ,
(3)
L' Ami. du r-e.uple. 2q Mai: 1 Cl.3 0,
(41
n
J'
"
27 Mai: lQ30,
(51
Il
n
Il
2Q Mai: ]Q30,
(61
n
n
n
28 Mai. ]'l.30,
(7) ANSOM SLOTFOM trI Catr..:t.on ]12, Note. du plr.ê.6e.t de. pollc.e. de.
la Se.ine. du 3 Avtr.i.l ]Q30.
(8) Ti:.:t.tr.e. du c.napi:.:t.tr.e. xr de. .t'ouvtr.age. de. F. Co.:t.y, "'Saùvôns
.. .
.
..
'"
'~
.
. .
-no"s"c.ot:on-.te.fi ." 1e.:- pêJt-.tl" Ro"uge: ère paY'.,-ltôi:Jt "

550
b) La création de syndicats nègres.
Début 1930, le bureau de la LDRN a décidé de s'at-
te 1er à une autre tache, celle de réactiver les sections de
province de la Ligue restées inactives et sans relations
avec le bureau central depuis la disparition de Lamine
Senghor. (1)
Le 17 Janvier 1930, le bureau central de la LDRN mandate
Kouyaté(2) , qui prend le train le lendemain pour Marseille.
Les 19 et 20 Janvier, il tient deux conférences au Club In-
ternational des Marins de Marseille C3 ) , suite à quoi le bu-
reau de la section des Bouches du Rhône est constitué. Pré-
sidée par Alfred Aféné(4) , ia section a pour secrétaire gé-
néral Pierre Mbaye(S) et pour trésorier le dénommé Cyprien
Sodonou(6) . Environ deux semaines plus tard, lorsque le bu-
reau de la section se réunit pour faire le point, il dresse
une liste des adhérents qui comprend ISO noms. (7)
Quittant le grand port méditerranéen, Kouyaté se rend à Bor-
deaux pour y effectuer un travail similaire. Après quelques
réunions de propagande, la section de la Gironde de la LDRN
(1)
ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 24. Note de l'agent Vé4~~é 14-1-30.
(2)
"
n
"
n

Note de l'agent Paul 18-1-30.
(3) ANSOM SLOTFOM rn Ca~ton 111. Le.t.t~e~ de~ 23 et 24 ]anvi.e~
1930 du délégué du cAr au Vi~e~teu~ des A66ai~e~ Politique~.
(4) Ma~ié a une Guadeloupéenne, Al6~ed A6éné e~t un ~omme.~çant
d'o~igi.ne i.voi.~i~nne.
(5) Ca6etie~ ~u~ les quai4 du po~t' de Ma~sei.lle, Pie~~e M~dye
e~t né il GMée le 3 ]anviu 7 &9,6.
(6) Egalement ~ommeAçant Cyp~i.en Sodonou est, semole. t-il,
d'o~igi.ne danoméenne.
(1) ANSOM SLOTFOM rn CMtOn. 111. LeU~e du délégué du CAr au
Vi~e~teu~ de4 A66ai~e4 Politi.que4 29 Janvi.e~ 1930

551
est mise sur pied. Forte de 123 membres (1) , elle a pour pré-
sident Charles carvalho(2), assisté de Victor Déric(3)
et
Clairis se Dolaure(4) .
De retour à paris
début Février, Kouyaté fait le compte
rendu de sa tournée en province aux membres du bureau central
de la LDRN. Après avoir décrit la création des sections mar-
seillaise et bordelaise, i l informe ses camarades que les
nègres de ces ports ont réclamé la fondation de syndicats
nègres autonomes. Une discussion s'en suit et finalement,
le bureau de ta LDRN donne carte blanche à Kouyaté pour met-
tre en place de tels syndicats. CS)
La décision de fonder des syndicats nègres autonomes dans les
ports répond en fait à des motivations très diverses.
Pour ce qui est des
marins et dockers nègres, un tel voeu
s'explique par les relations tendues
.qui ont existé, de
tout temps serions-nous tenté de dire, entre Africains et
Français dans les ports. En effet, si l'on prend le cas de
Marseille, à peine la première guerre modiale était-el1e fi-
(1) ANSOM SLOTFOM III C~~to~ 36. R~ppo~t du Commi~~~i~e Cent~a!
deBo~de~ux.
q Av~i! 1930.
(2) Ch~~pentie~ ôu~ !e~ n~vi~e~, Ch~~le~ C~~V~lRO e~t né le 27
Septemb~e 1887 a Go~ée.
(3) O~igin~i~e de !~ Guy~ne, Vi~to~ Vé~i~ eô·t peint~e en ~atiment.
(4) Né le 25 O~tob~e 1906 a Pointe-a~p~~~e ( Gu~deloupe )
Clai~iôôe Vol~u~e eôt matelot.
(5) ANSOMSLOTFOM IIICa~ton 24. Note de !'~gent Pau! 8 Fév~e~
1930.

552
nie que le Syndicat des Marins du Commerce réclamait le dé-
barquement de tout membre d'équipage qui n'avait pas 6 mois
de navigation avant le début du conflit. (1) Apparemment non
sélective, cette revendication touchait principalement pour
ne pas dire exclusivement les nombreux marins africains enga-
gés par les compagnies maritimes pendant la guerre.
Non acceptée par les armateurs, trop contents de disposer
d'une main d'oeuvre à vil prix, cette revendication va de-
venir le cheval de bataille des syndicats de marins entre
1919 et 1921. Ainsi le 11 Octobre 1919, Mattéi, secrétaire
du Syndicat des Marins du Commerce, syndicat qui se réclame
de l'Internationale
et qui soutient les" mutins de la Mer
Noire. " écrit aux armateurs :
" La gue.JtJte. e.66Jtoyable. qu«. vi.e.nt de. c.e..s.s e.Jt a ne.c.e..6.si.~
la c.ontJti.bu.tion aô.6olue de. tou~ le..s e.660Jtt.s 6Jtan~
çai.<S pouJt a<s<suJte.Jt au pay.s le. matéJti.e.l e.t le..s .suÔ".si.<S-
tan c. e..s i.ndi.s pe.tt.s aol e.<s à. <S a c. 0m0atLV'<'x é. La gue.Jr.Jt e. t e.Jt ~
mi.née., nOu<S voyon.6 c.naque. jouJt pouJt de..6 pèJte.~ de. 6ami.l~
le. e.t je.une..s ge.n<s Jte.touJtneJt au 60qe.Jt ~an~ l'a.s~uJtanc.e.
du gagne. pai.n du le.nde.main. To..nd.<."S que. l'on pe.Jtme.t il
un nomôJte.
con.sidéJtable. d'étJtangeJt~ de. veni.Jt c.onc.uJt~
Jte.nc.e.Jt la main d'oe.uvJte natLonale., nO.6 maJti.n~ démo~
ô"~i..sé~ Jte..ste.nt à. te.JtJte. dan.6 l'e~péJtanc.e. d'un e.mploL
qu,c .6 e. 6ail tJto p at.te.n.dJte. JI
(1) ARCff. OépaJtt. de..s B. du Rhône. SéJtL~ xrv MCaJtton. 25(52.
RappOJtt du Commi..6.6aiJte Spéc.,cal du pOJtt de. !-iaMe.êlle. 14 lan.-
vie.Jt l'lJll.

553
Ayant déjà oublié, un an à peine après l'Armistice, le sa-
crifice de dizaines de milliers de coloniaux notamment Afri-
cains, il poursuit,
" Quoique. in.te.Jtna..tiona.liJ...t,e. nous c.oYl.6i.déJtoYl.6 que. l' é-
lème.n.t na..tiona.l doi.t a.voiJt la. pJt~oJt~.té à l'e.moa.Jtque.-
me.n.t pouJt lui pe.Jtme..t.tJte. de. vivJte. c.ke.z lui da.ns de.s
c.o ndi.tio Yl.6 YlOJtma.le.s, e.n Jte..c.o nna.i.<ss a.nc.e. de. la. .te.JtJti-
ole. .ta uJtme.n.te. do n.t les 6a.mille.s de.s numole.s an.t pa..ti
pa.Jt le.uJts mi.nime.s Jte.s<souJtc.e.s. Nous de.ma.ndons donc. à
c.e. que. de.s me.suJte.s uJtge.n.te.s soie.nt pJtise.6 pouJt a.s<su-
JteJt le. Jta.pa..tJtie.me.n.t de l'élème.nt é.tJta.nge.Jt e..t indigè-
ne. que.l qu'il soi.t, qui. n'a. e.66e.c..tué qu'une.. na.viga..tion
Jte.la..tive. e..t oc.c.a.sionne.lle. pe..nda.n.t la. gue.JtJte.. Ce..t.te.
me..6uJte. .6rimpo~e. a.u poin.t de. vue.. moJta.l pouJt ne.. plus voiJt
gJtouille.Jt da.ns nos Jtue.s des élème.n.ts dispa.Jta..te...6 e..t
aa.nge.Jte.ux pa.Jtc.e. que S'a.M Jte.uouJtc.e.s .• " (1)
Cet internationaltsme prolétarien " à la franc;aise ri va
se tradutre par de nombreux débrayages et grèves sporadiques
ayant pour but
d'empêcher le départ des bateaux ayant des
étrangers ou des coloniaux dans leurs équipages. PlutOt que
d'éduquer leurs camarades étrangers et coloniaux, de les in-
viter à rejoindre les syndicats des marins, de les amener à
revendiquer l'amélioration de leurs conditions de vie et de
travail ainsi que l'égalité des salaires avec les ouvriers
(1) AJtc.h~ Vépa.Jt.t. de.s B. du Rk6ne. SéJti.e..
XIV M Ca.Jt.tOYl 25(52
Le..t.tJt e. ae. Ma..t.t éi: a. ux a.Jtma..t e.u.1!.<S 11 0c..t aEsJt e.. 1III cr.

5541
français,
les syndicats de marins vont se livrer à une guer-
re honteuse contre ces derniers. Face à cette situation, les
marins sénégalais de Marseille ne vont pas rester stoïques.
Ils mettent sur pied un syndicat autonome qui s'affilie à
l'Union Catholique des Syndicats de provence(l) , de manière
à défendre leurs intérêts. La réaction de la CGT ne se fait
pas attendre. Par la voix de Mattéi, son secrétaire général,
celle-ci se lance dans une violente attaque contre le syndi-
cat, déclarant par exemple" qu'une g~ande pa~~~e de~ ad~é­
~en~4 a ce~~e o~gan~4a~~on n'on~ pa4 ~empl~ le4 cond~~~on~
de4 lo~~ ~u~ l'~mm~g~a~~on e~ qu'~l4 peuven~ con4~i~ue~ en
.
.
ce~~a~ne4 c~~coM~ance4, un dange-~ pou~ l'o~d~e puf5l~c ". Cl)
Mieux, la CGT proclame" nOU4 ne pouvons adme~~~e qu'un g~ou-
pemen~ p~o6e44~onnel quelconque 4'a66uole d'un ~i~~e ~el~­
g~eux ,,(3) (4~C!) •
Rappelant, sans doute pour mieux masquer son chauvinisme,
qu'il lui est " a~~ivé, en main~e4 c~~con4~ance4, d'i~~e ap-
pelé4 a ~n~e~veni~ en 6aveu~ de l'élèmen~ indigène ou é~~an-
ge~ e~ en pa~~~culie~ pou~ le4 4énégalai4, a6in qu'a bo~d de4
navi~e4 on ne pu~ exploi~e~ la couleu~ n~ l'o~~gine pou~
~mpo4e~
a ce4 ma~in4 de4 cond~~ion4 ma~é~~elle4 e~ mo~ale~
in6é~ieu~e4 a celle4 que nOU4 ~evend~quoM pou~ n04 na~~onaux " (4)
(1) A~ch. Vépa~~. de4 B. du Rhône Sé~ie XIV M ca~~àn 25/58.
Rappo~~ du Comm~44ai~e Spéc~al 20 Oc~ob~e 1921.
(n LCRaâLcal 19 Fév~~e~ 19.20.
(3)
Idem.
(4' -Idem.

555
Mattéi conclut sur ces mots
" Ma.i<!> tout de même, il tj a. une c.onc.eption qui <!>e pla.-
c.e au de<!><!>u<!> de la. <!>en<!>ibilité momenta.née ou du ~e<!>-
pec.t de l'lga.lité de<!> .d~oit& pou~ tou<!> le<!> homme<!>,
c.'e<!>t c.elle qui c.on<!>i<!>te a a.voi~ un penc.n.a.nt
pou~
de<!> gen<!> qui vivent <!>u~ le même <!>ol pa.~c.e qu'q éta.nt
né<!>, qui <!>ont <!>oumi<!> a.ux même& o~li.ga.tion<!>
mi.l.i.ta.i~e<!>
et 6i<!>c.a.le<!>, li qui on 6a.it un devoi~ impé~ieux de <!>e~­
vi~ la. pa.t~i.e ,,(1) et de réclamer l'embauche de 900
marins français en chômage à Marseille.
Chacun pourra le constater, l'équation immigrés = chômage
+ insécurité, tant de fois brandie de nos jours, n'est en
rien une exclusivité de l'extrême droite.
Tout au long de l'année 1921, des grèves seront déclenchées
sur des bateaux pour obtenir le débarquement des étrangers
et des coloniaux. (2)
Dix ans plus tard, alors que la crise économique bat son
plein et que la modernisation de la flotte de commerce met
de nombreux marins africains au chômage, on comprend que
ceux-ci soient tourmentés par de tels souvenirs et désirent
s'organiser de manière autonome pour défendre leurs inté-
rêts, en dépit des proclamations de la CGTU qui prétend
dé-
fendre tout un chacun en dehors des considérations de race
ou de nationalité.
-------------.._---------
[1} L'cRa:,U.è.a.l
1q. Fév~ie~ ] ua.
(2) Noton<!> pou~ l'a.nec.dote que le~ " c.a.ma.~a.de~. " ~u~~e4 n'éc.Fîa.p-
. .
.
pe~ont pa.<!> a.ux 6oud~e<!> de la. CGT, c.elle-c.L ~eta.~da.nt le dépa.~t
d'un na.vi.~e de<!> ~e<!><!>a.ge~i.e<!>
Ma.~i.ti.me& pou~ t'Egtjpte et ta. Sq~ie
pou~ p~ote&te~. c.ont~e le ma.intien d' urt équ~pa.ge ~U<!>ô~ &u~ le
" Jé~u<!>a.lem Il et l' "Aphon Il na.vi.~e:s ~us~e<!> a.6 6~été~' pa.~ c.ette
même c.ompa.gnie! A~c.h. Vépa.~t. de<!> B.d.R. XIV M Ca.~ton 25158.
Ra.ppo~t du Commi<!><!>a.i~e Spéc.ia.l 8 Oc.tob~e 1921.

556
Au sein de la LDRN, la décision de créer un syndicat nè-
gre autonome contente paradoxalement toutes les parties.
Pour Faure et Béton, c'est le moyen idéal pour détourner les
travailleurs nègres de la CGTU et pour éviter toute collabo-
ration avec les organisations ,. blanches Il. Al' opposé, pour
Rosso, la syndicalisation des travailleurs nègres ne pourra
que les amener ~ faire front commun avec les organisations
ouvrières françaises, la CGTU en tête!
Enfin en ce qui concerne Kouyaté, il n'est pas sans intérêt
de rappeler qu'en Juillet 1929, il a assisté au 2ème Con-
grès de la Ligue Anti-impérialiste qui a élu un " Comtté
Syndical International Provisoire des Travailleurs Nègres ft
chargé d'organiser pour l'été 1930 une conférence du mouvement
syndical des ouvriers nègres. (1)
A la mi-Février, Kouyaté part donc pour Marseille et Bor-
deaux avec la mission d'y constituer des syndicats nègres.
A Marseille, après quinze jours de campagne aux cours des-
quels il a multiplié les réunions, Kouyaté arrive ~ mettre
sur pied. le D Syndicat Nègre de Marseille Il qui compte entre
200 et 25Q membres. Cependant il n'est guère satisfait, car
les travailleurs
Africains boudent le synd.icat qui est pres-
qu'exclusivement composé de Malgaches. (2) Officiellement, le
( 1)
L'Huma.n.i:.té Z1 Ma.i. 1930.
(Z) Ai.n4i. e.n Jui.lR.e..t 1930, R.O!t4 d'l.J.r:e. Iléunion Ctu ClI.J.{J rn.t:.elr.rta..ti..o~
na.l de.-6 Ma.Ili.n~, Kouifa..té c.oM.ta..te. a.ve.c. Ileglle.t Que sull 1'lg memo-Ile.s
c.o.ti..sa.n.t-6, 19.0 .&on.t olli.gi.na.i.lles
de Ma.da.ga.-6c.a.Il, 6 de. l'A61li.Que.,
1 de. Ma.Il.ti.ni.que. e.t l'a.u.tlle. d'Aden C A~SOM SLOTFOM rrr Ca.Il.ton 36.
Le..t.tlle. du délégué du CAr a.u Pille.c..t:.e.ull desA66.Pol. ~e.1l AoQ.t 19.3Q 1.
ee.Ue -6 i:.tua..tio n e.-6.t -6 a.n-6 do u.te .il Ir.a.ppllo c.n:ell de la. s ulle.xploi..ta.Uo n
don.t -6on.t vic..ti:me-6, en.tlle. a.u.tlles, les o-oifS ma.lga.c.ne-6 paifés
.
"
210 61la.nc.s pa.1l mois POUIl lZ ~ 13 n:eulles de la.oeull Quo.ti:di:en
( c.6. La. Ra.c.e. Nèglle.
N°2 Se.p.te.mblle. 1930 ).

557
" Syndicat Nègre de Marseille " est présidé par Alexandre
Modes(I), assisté de Ibnou Sarr(2)
(Vice-Président), Philippe
Resset (3)
( secrétaire)
et Joseph Guèye (4)
(trésorier).
Afin d'aider le bureau dans sa tache , celui-ci est épaulé
par un Conseil syndical qui compte quinze délégués ethniques
représentant les divers groupes présents ~ Marseille.(S)
Créé le 23 Février 1930, i l a été officiellement déclaré le
6 Mars 1930 et son but " est de dl6end~e et de souteni~ les
~evertdi.c.ati.ortl> c.o~po~ativel> de4 t~availleu~s nèg~el> tels
que leI> navigateu~4 de toutes c.atlgo~ies, le4 dOc.Re~4, le4
n (6) •
Enfin le " Syndicat Nègre de Marseille" est affilié â la Fé-
dération Syndicale Nationale des Travailleurs Nègres dont le
siège est situé 43 rue de Simplon à Paris dans les locaux
de ..... la LDRN
Quelques jours après la déclaration du " Syndicat
Nègre de Marseille ", Kouyaté est parti pour Bordeaux. Le
12 Mars au soir, devant un auditoire clairsemé, i l organise
un premier meeting à l'Athénée municipale en collaboration
avec les responsables de la CGTU des marins et des dockers.
Suite à son intervention, Le Guen, membre du syndicat unitai-
re des marins prend la parole pour déclarer que le projet
d'un syndicat de travailleurs nègres est une erreur.
(J)
Né ci Poi.nte-a-pi.t~e le 23-1-JIlO_Q-, il.. ~t -c.kA.u.66e.u.Jt. de c.amio!t.
(2) Matelot !té ci St Lou~ ( Sénégal) le 23 Juillet IIlQ2.
(3) Né ci St LOui~ ( Sénégal) le Il Av~~~ l~QQ.
(4) Ma~in né ci St Pie~~e de la Réunion le 26 Juillet 1894.
(5) ANSOM SLOTFOM fff Ca~ton 36. Statuts du Syndic.at Nèg~e
de. MaM ei.Ue.
(6)
fdem.

558
» Il ne doit y avoi~ qu'un 4eul 4yndicat de t~availleu~4
et d'exploité4 4an4 di66é~ence de ~ace et de couleu~, le
4yndicat unitai~e, dit-il "; et il ajoute» je ne connai4
pou~ le4 t~availleu~4 qu'un d~apeau, c'e4t le ~ouge, l'aut~e
celui de4 T~oi4 Couleu~4 : nou4 ch ... de44u4 »~7) SitOt:La
réunion terminée le Guen est interpellé par la police et in-
culpé de " p~ovocation au meu~t~e non 4uivie d'e66et " pour
avoir déclaré aux nègres " qu' il4 ne 4e~ont déliv~é4 de leuM
opp~e~4eu~4 que lO~4qu'il4 le~ au~ont eux aU44i mi4 a la
pointe de leu~4 baZonnette4 "f2)
Dans la foulée, le domicile de Kouyaté est perquisitionné et
tous ses papiers sont saisis.
Finalement début Avril, après moultes difficultés, Kouyaté
réussit à former le bureau du syndicat nègre de Bordeaux.
Groupant environ 80 membres (3) , le syndicat est présidé par
Charles Carvalho, également président de la section de la
Gironde de la LDRN, secondé par Henri Valentine (4 )
(Vice-prési-
dent ), Thomas Bangoura (5) ( secrétaire ) et Clairisse Dolaure
comme trésorier, fonction qu'il exerce également dans la section
-----------------------
(1) ANSOM SLOTFOM III Ca~ton 36. Rappo~t du Commi44ai~e Spécial
de Bo~deaux.
13 Ma~4
1930. A ce 4ujet, noton4 que la c~éation de
4yndicat4 nèg~e4 n'e4t pa4 une né~é4ie comme 4emble le pen4e~
Le Guen puùque
le COmité Syndical l'nte~nation.al de4 OlJ.v~i.e~4
Nèg~e4 de l'ISR a p~évu la c~éation de tel4 4 yn.dicatli " la où. on
admet le4 nèg~e4 dan4 le~ liyndi.cat~ QlanC4 mai.4 Où. on. le4 t~aite
en adné~ent4 de deuxième o~d~e n( point q du p~og~amme du cSrON ).
(2) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 36. Lett~e du ~~ocu~eu~ Géné~al de
BOAdeaux' a M. le'. Ga~de de~ Sceaux 15 Ma~4' H3Œ.
(3) ANSOM SLOTFOM rn CMton 36. RappOAt du Comm~"'tr4ai.~e Spécial de
Bo~deaux 1 Av~il 1930.
(4)
Peint~e en Dâ.timent, au Lamenti'n rMa~tinique) le 'Z'Z.8-189:1.
(5) Ma~in Guinéen né le 1 Juillet 1905 a Conak~y.

559
locale de la LDRN~l)
Ainsi après trois mois d'efforts, Kouyaté a-t-il mis sur
pied deux syndicats nègres qui groupent près de 300 travail-
leurs nègres à Bordeaux et à Marseille • Cette action a pour
conséquence un déplacement discret, mais certain, de l'axe
d'intervention de la LDRN. Désormais l'action syndicale sem-
ble l'emporter, du moins cnez Kouyaté, sur la lutte anti-co-
lonialiste telle qu'elle avait
été menée jusqu'à ce jour.
Ainsi, dans le numéro de Juillet de la'Race'Nègre un long
article de George
Padmore intitulé Il Comment vivent les
nègres en Amérique »(2) est-il essentiellement consacré à
leurs conditions de vie économiques et sociales.
Cependant Kouyaté n'abandonne pas pour autant la lutte pure-
ment politique, et suite à la participation du député du Sé-
négal à la XIVème Conférence du BIT consacrée au travail for-
cé, il annonce dans le journal de la LDRN : " M. Viagrr.e .6 l e.6,t
.6uic.idé ". Il ajoute aussitôt:
" Le c.,teult.6, -s 0Ij ez ,tltanq u,LU. e.s. I.e. -s 1 ag i:.,t du .s ui c.i:.d e
poli..,tique e,t molta,t. Le gouveltne.men,t avai.,t oe-so'<'l1 d'un
palt,temen,tai..lte qui.. .seltai..,t allé exéc.u,telt de-s exni..oi:.,ti:.on4
c.lowne4que4 -Suit la .6c.ène i:.n,teltna,ti:.onale de Genève.
Cela eu,t démon,tlté l'lon .seulement l'égali.,té a040lue de.
,tou,te4 le4 ltac.e4 qui.. ô0ltmen,t ,te~ 'c.en,t.6 mi.,t,ti.orr.4 d'na-
oi:.,tarr.,t.6' de la Mai.6on de FltaYlc.e e,t de Navaltlte, mai.4
(1) Le ouAeau du -sljrr.di.ca,t nèglte. e.s,t .6e.c.on~é palt un c.on4ei.l
.61jrr.di..c.a,t 601t,t de 8 délégué.6 e,tnYli..que.4,
(2) l'a' Kac"e"Nê"gn.e N° 1 Jui:.llet H3 O.

560
» la bonne volontl toute pat~lotlque de6 nlg~e6
6~an­
çaü à. ~ec.h.eM.he~ le olnl61c.e dut~avall 6MC.l. L'a6-
61~matlon 6avo~able au maintien du t~avall 6o~c.l et
du ~ec.~utement mllltal~e c.olonlal venant de c.e nlg~e
au~alt ln6luenc.l de 6açon dlc.l61ve le6 t~avaux de la
Con6ê~enc.e. M. Plagne amateu~ de c.llnquant et t~op
emp~e~6l de pouvol~ ~edo~e~ ~on ola6on au Slnégal a
ac.c.eptl c.ette ml661on. C.•. ). A Genlve il a plzeu6ement
êc.h.oul, bien qu'il 6e Mt le c.ftamp-i:.on
6a~ouc.he de
la mq6tlque lmpl~lall6te, qu'il ait tenu le langage
le plU6 6e~vile.
Il a mont~l qu'il demeu~e le 6in-i:.6-
t~e ~ec.~uteu~ de6 nlg~e~ en I~J8, le 6ou~~ie~ de
l'adminLst~ation c.oloniale, le la~ôin du c.on6o~tium
ôo~delai6, le Juda6 nlg~e t~aZt~e à. 6a ~ac.e lI~lJ
Le travail forcé, le recrutement militaire, l'octroi des li-
bertés syndicales, la promulgation de la législation ouvriè-
re aux colonies, etc •.• tous ces thèmes discutés à Genève
vont également faire l'objet d'un examen attentif lors du
Vème Congrès de l'I8R.
------------------------
(JJ
La Rac.e Ing~e N°] Juillet 19.3Q.

561
Début Juillet 1930, la direction de la CGTU con-
tacte Kouyaté pour le charger du recrutement de délégués
nègres pour le Vème Congrès de l'ISR qui doit se tenir à
Moscou. (1) Lors d'un bref séjour à Marseille, Kouyaté orga-
nise une réunion du syndicat nègre afin de désigner un délé-
gué. Une fois élu, ce dernier(2) est convoqué à Paris par la
CGTU qui lui remet l'argent de son voyage et le dirige clan-
destinement vers Moscou. De son cOté, Kouyaté quitta Paris
le 18 AoQt au soir(3), et après un voyage un peu long à son
gré, il arrive à Moscou le 26 au matin. (4)
Réunissant 538 délégués, venah~de 60 pays(S), la Vème Con-
grès de l'ISR a en fait débuté depuis le 15 AoQt et lorsque
Kouyaté se présente à Moscou" le cO~9~è~ e~t d'ailleu~~ te~~
.
-
"(6)
- .
-
i
d"
m~~e
. Neanmo~ns, Kouyate peut ass ster aux
~scuss~ons sur
la question nègre et il est élu membre du Comité Exécutif du
Comité Syndical International des Ouvriers Nègres, aux côtés
de Ford, Hawkins, Mc Clain et Padmore représentant las USA
ainsi que FranK Mac Kaulay ( Nigéria ), Albert Nzula ( Afri-
que du Sud), E.F. Small ( Gambie), etc ••• (7)
ll)
ANSOM SLOTFOM rrr Ca~to~ 47. Note de l'age~t
4~7~30.
(2)
Suite aux p~e44io~4 dive~4e4 exe~c~e4 pa~ la police, le ti~
tulai~e du ma~dat cha~ge~a if: plu4ieu~~ ~ep~i4e4 et l'on i9no~e
l'ide~tité exacte du délégué e~voqé if: Mostou.
(3) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~to~ 57. Note su~ la p~opa9ande ~évolu~
tic~~ai~e Septemo~e 1930.
(4) ANSOM SLOTFOM ttI Ca~to~ 24. Lett~e de ~ouyaté if: Rosso 27~8~3a.
[5) A.N. SéUe F1 CMto~ 13513 RappoM du Comm,tssa,t~e Spécial
d'A~memasse. 25 Octoo~e Jfl30.
(6) ANSO/;l SLOTFOM TTT Ca~to~ 24. Lett~e de Irouyaté if: R04S0 Z7~8-30.
(7) Ha~~q Haqwood. Black Bol4hevik o~ cit.p. 329.

~,
562 i
Lors de ce Congrès, " La que~tion du mouvement ~yndical ~(­
volutionnai~e dan~ le~ pay~ coloni~(~ a (t( longue-
ment di~cut(e et a 6ait l'objet de nomo~eu~e~ lnte~­
vention~.
( ... 1. Le Cong~l~ a e~tim( qu'une de~ que~­
tion~ le~ plu~ impo~tante~ pou~ le mouvement ~yndi­
cal dan~ le~ pay~ coloniaux e~t la 6o~matlon de cad~e~
~yndicaux ~(volutionnal~e~
ent~e~ont le~ militant~
le~ plu~ comoati6~ et le~ mieux é.duqué.~ politiquement". (1)
Plus concrètement il a été décidé de
- 1°) mener une lutte âpre et énergique contre les domina-
tions étrangères, en faisant un propagande intense auprès
des masses. Eduquer celles-ci en mettant l'accent sur les
questions économiques, la politique générale devant céder le
pas à l'économique.
- 2°) Coordonner la direction du mouvement nègre sous la
responsabilité de Ford qui sera basé à Bruxelles.
- 3°) Elaborer une vaste politique anti-militariste par des
voies illégales.
- 4°) Réorganiser la Ligue Anti-impérialiste en créant notam-
ment des sections aux colonies. (2.)
Parti à la mi-AoOt 1930, Kouyaté ne reviendra à Paris que le
8 Novembre 1930 après avoir parcouru l'Union Soviétique, " le
pays révé et le paradis de l'ouvrier ,,(3) , et l'Allemagne.
(1) A.N. Sé.~le F1 13513. RappQ~t de la Vl~ectlon G(né.~ale de
la Sû~et( 13 Octoe~e 1930.
(2)
ANSDM SLOTFOM rrr Ca~ton 24. Note de police du 20 Novemo~e
1930 ~elatant le compte-~endu du voyage 6alt pa~ Kouyaté. le
Il Novemo~e 1930.
(3) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 24. P~opos de Kouyaté. ~appo~té.
pa~ l'agent Vé.~l~é. 18 Novemo~e 1930.

563
Durant son absence, la LDRN est demeurée" dans un état d'inac-
tivité absolue Il (1) , mais à son retour Kouyaté est bien dé-
cidé à lui redonner vie en l'engageant sur le chemin tracé
au Vème Congrès de L'ISR.
Ainsi l'article intitulé" la conquête des larges masses "qu'il
publie dans le numéro de Novembre-Décembre de la Race<Nègre
met-il surtout l'accent sur l'organisation syndicale des
travailleurs nègres et l'importance des luttes économiques
et sociales. Rédigé dans le plus pur" style militant ", ce
texte symbolise l'engagement de Kouyaté aux côtés du mouve-
ment communiste international et plus particulièrement aux
côtés de l'Internationale Syndicale Rouge. En voici l'essentiel

» Conqul~i~, o~gani~e~ et lduque~ le~ la~ge~ ma~~ea
nèg~ea, tel doit êt~e le ~ouei eent~al de not~e Ligue
qui e~t ent~le dan~ ~a quat~ième annle depuia 6 moia.
Conqul~i~ le~ la~ge~ ma~~ea nèg~e~, e'e~t alle~ a el-
le~, ~Iint[g~e~ a elle~, ~'intlg~e~ a leu~ vie laoo-
~ieuae de ehaque jou~, avoi~ eomme oa~e d'aetion leu~a
expl~ienee~ pMp~e~ ap~è~ une enqu€te
di~eete. Con-
qul~i~ le~ la~ge~ ma~ae~ nèg~ea,
e'e~t eonoond~e aa
lutte avee la leu~. poae~ leu~~ ~evendieation~ eon-
e~ètea immldiate~ : queationa de aalai~ea, eonditiona
et jou~nlea de t~avail, a~au~aneea aoeiale~ ~lellea,
eha~ge de oamille, eongl~ annuela, ete •..
(7) ANSOM SLOTFOM rrr
.
CMton 711. Le,u~~ de RO~4_Q à. Kouyatl
-
17 s ep.:tem_b~.e 79.30.

564
Il
( • • • ) .
Con.quélti.1t le.<s .taltge..s ma.s.se.<s n.èglte.<s ,e.' e..6t le.<s
oltgan.i.<se.1t palt e.OltpOâati.on.<s .slfn.di.e.ale..s a l'u<sin.e., au
e.namp, a ooltd du bate.au, <Suit le..s Itai.l<s, au oulte.au,
..... ,
6éde.Ite.1t pOUIt l'i.n.dépe.n.dan.e.e. de..s lutte.<s ée.on.omi.que.<s;
e. ' e.4t di66élte.n.e.i.e.1t e.e..s lutte.~ tout e.n. le.ult galtdant
le.ult e.altae.tèlte. d'uni.té; e.'e..st li.e.1t e.n.6i.n. le.<s batai.lle.s
e.o~ltati.ve..s aux lutte..s politi.que.~ nèglte.<s. Mai.6 poult
oltgani.selt le..s tltavaille.ult<S n.èglte.~ il 6aut le.ult don.ne.1t
un.e. e.lailte. e.on..se.i.e.n.e.e. de. leult.6 i.ntéltêt<s, leult Itap-
pe.le.1t a e.haque in.<stan.t que. le.ult Cau.se. e.t e.e.lle. de..s
tltavai.lle.ult<S In.doe.hinoi..s, Noltd-A61ti.e.ain<s, e.e.lle. de. tou<s
le..s e.xploité.s e.t oppltimé.s. Communauté d'i.ntéltêt.s vi-
taux, d'où e.ooltdin.ation. de<s lutte.s, dilte.e.tion. uni.6i.ée
des lutte4 .sqndi.e.ale.s ouvlti.èlte..s, de.~ li.gue.<s ou e.oopé-
Itati.ve.<s palf<san.ne<s, de<s a.s.soe.iatioM politi.que.s anti-
i.mpéltiali.4te<s ". (1) Au sein de la LDRN, les contacts
répétés de Kouyaté avec le mouvement communiste internatio-
nal et la nouvelle orientation impulsée à la Ligue sont
loin de faire l'unanimité.~Depuis le retour du leader de la
LDRN de Moscou, Faure et Béton lui livrent un combat tantOt
ouvert, tantOt souterrain qui va aboutir début 1931 à la scis-
sion de la LDRN entre une aile pro-eornmuniste et une aile
anti-communiste.
---------------------

565
2. L'AFFIRMATION DU COURANT NATIONALISTE NEGRE.
-------------------------------------------
2.1. L'histoire d'une scission.
-------------------------
Début 1931, une scission se produit donc au sein
de la LDRN, mettant face à face d'un cOté Kouyaté et Rosso
et de l'autre Faure et Béton. Pour une bonne compréhension de
cette scission, comme de la précédente, l'utilisation des
termes 11 modérés 11 et " extrémistes JI doit être bannie, fau-
te de quoi on passe à cOté de l'essentiel. D'autre part cette
seconde scission n'est qu'en apparence un remake de la premiè-
re. En effet, cette fois-ci, les protagonistes ne sont plus
les assimilationnistes et les indépendantistes mais les par-
tisans d'une collaboration étroite avec le mouvement communis-
te et les adversaires de toute alliance non seulement avec
les communistes mais avec l'ensemble des organisations U blan-
ches ".
C'est en Janvier 1931 que se produit effectivement la scis-
sion au sein de la LDRN, mais il faut remarquer que celle-ci
couvait depuis longtemps. Pour être précis, on peut dire qu'el-
le a été inscrite dans l'histoire de la Ligue à partir du
moment où Kouyaté a accepté de recevoir une subvention du
PCF en J~nvier 1929. (1)
Une semaine à peine après cet accord, un premier accrochage
se produit dans un meeting organisé par ~a LDRN à la Salle
des Sociétés Savantes. Stéphane Rosso ayant fait l'éloge du
(1) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 24. Note de l'agent Vé~i~é 2-2-30.

566
PCF, Béton et Adolphe Mathurin protestent énergiquement en
déclarant qu'ils sont tout à fait opposés à ce que la LDRN se
mette sous la coupe du PCF. (1)
Pour éviter les problèmes de ce genre, Kouyaté a d'ailleurs
tenu secret l'accord conclu avec le PCF. En dehors de lui-mê-
me, seuls Rosso et Kossoul sont au courant. (2) Cependant cer-
tains membres de la Ligue soupçonnent quelque chose, et au
retour de Kouyaté du Congrès de Francfort à l'automne 1929,
Sabia et Diara demandent à Emile Faure de vérifier la compta-
bilité de la Ligue. (3) La vérification ne donne aucun résul-
tat probant, mais l'alerte a semble-t-i.1 été chaude pour Kou-
yaté puisqu'avant que le résultat de l'enqu@te ne soit con-
nu, l'agent Paul tenait pratiquement pour acquise la démis-
sion du secrétaire général. (4)
L'affaire étant close, les choses n'en restent pas là pour
autant et les escarmouches succèdent aux escarmouches. Ainsi
lorsque Rosso propose que la LDRN publie des articles dans
les journaux français, notamment dans l'HurnanLté Il qui seul
a eu à défendre les indigènes et dénoncer les injustices ou
scandales coloniaux ", Emile Faure lui rétorque que seul la
- Ra-ce Nè-g-re est capable de toucher les masses nègres. (5)
Début 1930, la campagne de l~Ami dU Peuple contre la LDRN
ne conribue guère à améliOrer le climat de suspicion qui rè-
gne au sein de l'organisation. Intimidé par les propos de
-------------------------
ur ANSOM SLOTfOM rIT Cation. 2. 4 • No:te çle. t'agen:t Vé4i./Lé J6~2. ~3 Q•
( 2. )
IJ
JI-
n
"
IJ
"
lJ
18-2.";'30.
[ 3)
"
11
"
11
"
JI
n
22-11-3Q.
(4 ) Idem.
( 5)
ANSOM SLOTfOM rn CalLt.o n 24. Not.e. de. i. 1 ag e.n.t. PClul 14 f'éc.emfiM 1 U'

56'
F. Coty, Adolphe Mathurin démissionne de ses fonctions de
gérant de la' Rac~·Nègre. (1) Suite ~ cette démission, la LDRN
renouvelle ses instances dirigeantes le 3 Mai 1930. (2)
Faure remplace Adolphe Mathurin ~ la présidence de la Ligue
et à la gérance du journal. Opposé ~ la politique de Kouya-
té qui est reconduit dans ses fonctions de secrétaire général,
i l peut tabler sur le soutien de Diara ( trésorier-adjoint) ,
Koaté ( secrétaire-adjoint ) et Tarpeau ( vice-président ).
De son cOté, Kouyaté ne peut guère compter que sur Rosso
( trésorier général ) et Kossou1 ( vice-président ) qui
cherche ~ gagner sa confiance pour mieux servir le CAI.
Tout au long du premier semestre 1930, un accord fragile unit
les différentes tendances de la LDRN autour du projet de créa-
tion des syndicats nègres ( voir supra ). La trêve se pour-
suit durant les premiers mois de l'été mais, en Septembre,
profitant de l'absence de Kouyaté parti ~ Moscou, Faure évin-
ce plus ou moins les hommes du secrétaire général. C'est ain-
si qu'il confie d'importantes responsabil:J:tés ~ Diara au ni-
veau du journal, ce qui a pour conséquence immédiate de provo-
quer l'irritation de Rosso qui menace de démissionner. (3)
Sur ce/éclate une affaire de gros sous qui va renforcer Fau-
re dans son intention de reprendre en main la Ligue et le
journal. Kouyaté ayant refusé le contrÔle préalable des arti-
-----------------------
(1) AWSOfJ, SLOTFOfJ, rn Ca.Jttort. 24. Note. de. ,e,'a.ge..n.t Pa. u.t 1Q fJ,a.M 1 Ba.
(2 )
"
JI
"
11
"
"
"
IJ
8 Ma.~ H..3a.
(3)
"
"
11
V
"
"
n
n
9.~ac[~3a.

----,
568 ,
c1es devant paraître dans la' Race Nè9re par les responsables
de la Commission Centrale, le PCF a cessé de verser sa sub-
vention mensuelle depuis Septembre 1929(1) • Les revenus fi-
nanciers de la Ligue ont donc subitement chuté, mettant en
péril la parution régulière du journal, Pour faire face à
cette situation, Emile Faure a payé de sa poche les frais
d'impression de 1a'Race Nègre, remettant régulièrement les
sommes nécessaires à Kouyaté, Or en Septembre 1930, lors-
qu'il se rend chez l'imprimeur pour lui confier le dernier
numéro ~ paraître, ce dernier lui réclame 1 800 francs d'arrié-
rés avant de débuter tout nouveau travail, (2) Afin de ne pas
retarder la parution de 1a'Rac~Nègre, Faure règle cette det-
te, mais il a l'intention de demander des comptes à Kouyaté à
son retour de Russie. p'ai11eurs il estime que celui-ci au-
rait mieux fait de rentrer en France sitOt lé Congrès de
l'ISR terminé p1utOt que d'aller n pe.ltdlte. .6on temp.6 à. Beltli.n
avee le4 dilti.ge.ant.6 de. la Li.gu.e eontlte. l'i.mpéltiali4me et
l'Opplte.64i.on eoloniale. " (3)
.
De retour en France, Kouyaté est sommé de s l exp1i-
quer et il avoue avoir ut1isé l'argent destiné au journal
pour subventionner les syndicats nègres de Bordeaux et Mar-
seille et couvrir ses frais de déplacement en province. (4)
Se sentant en mauvaise posture, Kouyaté entend donner une
orientation nettement communiste à la Ligue et au journal
--------------------
( 1 ) ANSOM StOTFOM rn Caltto tt 2-4, 'Note. de. l'agettt Pau.l 8-11-29.
( 2 )
11
11
IJ
11
IJ
17-'l~3Q.
( 3 )
n
11
n
11
n
11
4-11-30
( 4 )
'n
n
11
11
11
" 12-11-30,

569
pour forcer le président à quitter
l'organisation de lui-
même, faute de quoi, il fera tout pour l'exclure.
Ainsi le 17 Novembre, après avoir fait le compte-rendu de
son voyage en Union Soviétique, il critique violemment les
articles devant être insérés dans le numéro de Novembre-Dé-
cembre. Il estime qu'ils manquent de sens, pêchent par leur
absence de conclusion, etc ••. et il approuve totalement
l'attitude de Rosso qui en a modifié un grand nombre sans
même en avertir les auteurs. Béton critique alors vivement
ce qu'il appelle" l'attitude sourde du journal Il et il ré-
clame la publication du texte suivant dans·le prochain numé-
ro de la-Race-Nègre :
n
La Ligue de Vl6en4e de ta Race Nlg~~ ~'e4t ni a6-
6itile au pa~ti communi4te, ni au pa~ti ~oyati4te.
Ette e4t une o~gani4ation 4'occupant exctu4ivement de4
intl~lt4 matl~iet4 et mO~aux de4 nlg~e4 n.
Mise aux voix, cette proposition est rejetée et Kouyaté s'ex-
clame : n rl y a de4 ~lactio nnai~e4 dan4 la Lig ue Il. (1 )
Début Décembre 1930, le débat de fond tant attendu a enfin
lieu. Après le compte-rendu d'activités de la LDRN fait par
Kouyaté, le président de la LDRN passe à l'attaque sans pré-
cautions oratoires inutiles. Faure déclare que les actes de
Kouyaté sont contraires à l'esprit de la Ligue et de citer
l'ot;ganisation de ,sections, et la correspondance avec elles
sans en référer la Ligue et sans avoir demandé le consente-
--------------------
(J) ANSOM SLOTFOM IrI Ca~ton 24, Note de potice za NovemQ~e J~30.

570
ment du président, les nombreux déplacements de Kouyaté sans
mandat de la LDRN, ses contacts avec les blancs ( Ligue anti-
impérialiste
et avec les partis ( communistes ). Il affir-
me être contre toute " internationalisation " de la lutte des
nègres car les blancs ne cherchent que leur intérêt. Pour
lui les choses sont simples : il ne veut voir que des Nègres
dans la lutte pour l'indépendance de la Race Nègre. Citant
de larges extraits de l'article de Kouyaté " la conquête des
larges masses nègres ", il dit Y voir la main du PC, parti
vers lequel Kouyaté veut entra!ner la Ligue dans une collabo-
ration étroite. Réclamant l'indépendance de la Ligue et du
journal, il demande le départ de Kouyaté.
Le secrétaire général de la LDRN ne répondra pas sur le fond
aux problèmes posés par Faure. Il se contente de dénoncer sa
soi-disant mauvaise foi et veut le faire passer pour un am-
bi tieux voula nt s'emparer de la' -Race- Nègre. (1)
Dès lors une partie de bras de fer s'engage entre Faure et
Kouyaté. Le président de la LDRN convoque le Comité de vigi-
lance et la COmmission de ContrOle pour statuer sur le cas
de Kouyaté, mais ce dernier contre-attaque en dissuadant les
membres de ces deux organismes de participer à la réunion !
Plus, Kouyaté clame à qui veut l'entendre que Faure est un
agent de la Préfecture de Police et il l'accuse d'avoir ses
entrées chez Alcide Delmont, Sous-Secrétaire d'Etat aux Co-
(1) ANSOM SLOTFOM rrr CQ~ton Z4. ~ote, de t'Qgent Joe 10-1Z-30.

571
lonies et chez M. Chiappe, Préfet de Police de Paris~l)
Ces accusations sont sans doute totalement infondées, mais
peu importe. En prévision de l'assemblée générale du 11 Jan-
vier 1931 tous les coups sont permis !
C'est ainsi que Kouyaté, Kossoul, Rosso et Alpha sortent un
tract qui tout en dénonçant la campagne de coty déclare :
n
Pa~allèlement a la campagne de p~e44e ~mmonde du
pa~6umeu~ Coty, quelque4 nèg~e4 ~nqual~6~able4, même
a l'~nté~~eu~ de not~e L~gue,
mènent une campagne de
~aootage tout aU44~ né6a4te. rl~ ~ep~ennent ~ leu~~
compte peJr.4onnel tOU4 le4 ooba~dfs ~ama~4é4 dan4 la pou-
belle de Il' Am~ du Peuple' et fsOU4 p~étexte de ~ou4t~a~­
~e la L~gue a je ne ~a~~ quelte ~n6luence du Pa~t~
CQmmun~4te e~4a~ent de jete~ la pan~que et la con6u~~on
et ~'e66o~cent de
la l~v~e.~ a l'~n6luence de. la ~éac­
t~on ant~-communüte, Au mome.nt où. Coty noU4 dé~~gne
aux coup~ de la ~ép~e44~on VOU4 comp~end~ez tou4 que.
ceux qui 6~e~nent a~n4~ not~e action, qu~ 4e l~v~ent
~ ce t~ava~l 4y~témat~que de 4aootage, de dé~a.g~égat~on,
de dénig~ement pou~~uivent eux aU4~i un but ident~que
a cel.u~ de Coty, c'e~t a d~~e la ~u~ne de not~e o~qan~­
4at~on~IJ(2)
(Il ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 24. Note de l'agent Vé4~~é
16-12-3Q.
(2) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 1". Cama~ade~ Nèg~e4 Janv~e~ "31.

572
Dénonçant " le~ c.ap-i..tulalld~ en. .tlla.l.n. de pa~~ell de l'au.tlle
c.6.tl de la ballll-i.c.ade »(1) le tract appelle les nègres ~.
» leull -i.n.6l-i.gell le dl~aveu le plU4 c.ornple.t ,,(2) en approu-
vant le programme présenté par Il la majorité ". Ce programme
comprend huit points :
- Défense de toutes les revendications immédiates des travail-
leurs nègres
- Organisation des ouvriers et des paysans sur le terrain
syndical
- Organisation de la Jeunesse Nègre des écoles
Organisation du mouvement nègre
avec le lllouvement ouvrier
international
- Unification de la lutte anti-impérialiste
- Lutte contre les préjugés de race et les barrières de couleur
- Lutte révolutionnaire pour la libération totale des peuples
nègres opprimés
- Solidarité dans l'action avec le prolétariat de la Métropo-
le. (3)
Le Il janvier 1931, après le rapport d'activité
pré-
senté par le secrétaire général de la LDRN, Faure fait irrup-
tion dans la salle et déclare que l'assemblée est illégale et
nulle. Il ajoute qu'il a porté plainte contre Kouyaté pour
abus de confiance, action irrégulière dans les fonctions de
secrétaire général, et refus de remettre au président des
(1) ANSOM SLOTFOM rrr Call.ton. 111. Camallade4 Nèglle4. Jal1Viell lQ31.
( 2)
I"dern •
(3)
I"dern.

573
documents de la Ligue. Aussitôt Alpha, Ramananjato et Kossoul
contre-attaquent en présentant la motion suivante à l'auditoire:
" L'a~6emBl~e jugeant l'attitude de Fau~e et de 6e6
ami6 cont~ai~e aux but6 pou~6uivi6 pa~ la Ligue de
VéQen~e de la Race Nèg~e, ~e d~6olida~i6e d'eux dan6
le6 pou~6uite6 engagée6 cont~e le 6ec~étai~e g~n~~al
de la Li.gue; ad~e66e li celui-ci. toute6 6e6 6élùita-
tion6 pou~ 60n dévouement, 60n aonégation et la p~o­
Bité dont il a 6ait p~euve; l'a66u~e de ~a con6iance
6an6 ~~6e~ve; p~ononce la décnéance de 60n p~~6ident
Emile Fau~e et ~~clame qu'il ~oit p~océdé a. la nomi-
nation d'un nouveau Comi.té plu~ nomogène ". (1)
La motion est adoptée à l'unanimité moins une voix ( celle
de Faure) et l'on procède à l'élection de la nouvelle direc-
tion. Kossoul, l'homme du CAI est élu président, Sabia et
Ramananjato(2) sont ilus vice-présidents, Kouyaté est recon-
duit dans sa fonction de secrétaire général assisté de Nar-
cisse Danaé tandis que le poste de trésorier reste entre les
mains de Rosso secondé par Alpha.
Si Faure avait accepté sa défaite, les choses auraient pu en
rester là. Mais sOr de son droit et désireux de faire triom-
pher sa conception de la lutte émancipatrice des peuples nè-
gres, il va continuer de croiser le fer avec le groupe de
Kouyaté pour garder le sigle LDRN et le journal" la Race" Nè"gre.
-.----------------------
(J)
ANSOM SLOnO/.{ rn Ca~ton J 1J. Rappo~t de .tet Vbt~c.tion de
la Sû~eté Géné~ale. 1Z Janvie~ 1Q31.
(Z) T~availlant ~galement pou~ le CAt, Ramananjato a adné~é
a la LVRN en Septemb~e 72Z2 ( ANSOM SLOTFOM rr Ca~to~ r2. Note
de l'agent COCO 30 Septemo~e 12Z2 ).

574
Pendant près de 6 mois les deux groupes vont donc se livrer
une âpre bataille de légitimité qui se terminera par la vic-
toire de Faure.
a) Un petit-fils de Samory
dans la lutte anti-colonialiste.
Emile Faure n'appara!t aux avant-postes de la lut-
te anti-colonialiste qu'au début des années trente, mais il
a déjà derrière lui un long passé de militant. Né à Saint-
Louis du Sénégal en 1892, il est le fils d'un agent de la
maison Maurel et Prom(l) et d'une descendante de samory~!)
Vers l'âge de 5 ans, il est placé à Bordeaux
chez un ami de
son père. Elevé en France, il fait ses études au lycée Saint
Genest, établissement qu'a aussi fréquenté le dahoméen Kojo
Tovalou Houénou. S'orientant vers des études d'ingénieur, il
deviendra chef du bureau d'études de la Société Guinar.
A ce poste, il invente un nouveau modèle de pompe, ff les
pompes Guinar ~ qui remplacent les pompes à piston utilisées
jusqu'alors. (3) La carrière militante d'Emile Faure commen-
ce en 1924, alors qu'il est
âgé de 32 ans. A cette époque,
il rejoint la Fraternité Africaine, organisation qui regroupe
essentiellement des Sénégalais •
. .
(1)
R.
Coltnev..tn. Em..Lle. Fa.ulte. ( 189.2.-1'l.6a ). Homme/, 'e;:C 'Ve'f,t-,(.Yr.4
~
."
Tome rv J 9.8Jpp. 3aO-3aJ e..t Emi:le fa.UI!.e (. J 89.2.-J 9.6a ) le.. mé.c.onnu
A{Ir.:tq·u·Clfts';:Co'i:lr.e N° 6 1'l. 8 'Z p. 65.
(2) Va.n..tel Gué.lr.bt.-·Alcn.~v:t'c.è-âe.<s--'C"1."}t~~t4 P<tI!.i:4 Ed. M..tnu.2.t,J9.54,p.J1
(3)

En.tlr.e.t..ttn de. l'a.u.twlr. a.vec. Ca.m..LU.e Sa...Ln.t·Ja.c.que4 le 12 M<tI!.4 J984.

575
Il fait alors la connaissance de Lamine Senghor, Ibrahima
Sow, Masse Ndiaye, Paul Caminade, Abdoulaye Guèye, Pierre
Mbaye Salzman et d'autres qui militeront ici et là dans les
organisations nègres de la France de l'entre-deux-guerres.
En Octobre 1924, un mois à peine après son adhésion, il est
élu président de la Fraternité Africaine (1) , groupement qui
disparaîtra quelques mois plus tard.
Pour des raisons que nous ignorons, Emile taure semble être
resté à l'écart du CDRN mais il rejoint la LDRN dès sa créa-
tion. (2) Du vivant de Lamine Senghor, tl fait peu parler de
lui et son nom apparait rarement dans les rapports de police.
Signalons cependant qu'il participe au lancement du-Courrier
des'Noirs, en tant que trésorier du journal, poste qu'il oc-
cupera
également dans le Comité Universel de l'Institut Nè-
gre de Paris. En Mai 1930, il apparaît enfin sur le devant
de la scène en devenant président de la LDRN et gérant de la
Race' Nègre. En Juillet 1930, il lance d'ailleurs une nouvel-
le série de ce journal, geste qui annonce la scission de
Janvier 1931. (3) Hostile à toute collaboration avec le mou-
vement communiste comme avec les autres organisations JI blan-
ches ", il s'oppose vigoureusement à la nouvelle ligne poli-
tique préconisée par Kouyaté. Déchu de ses fonctions de pré-
sident à l'issue de l'assemblée générale du
11 Janvier 1931,
-----------~-------------
(1) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~~on 34.
(2) I.e. 6igu~e,
.su~ la li4~e de.s adfî.ê.Mn.~.s de la LVRN d~e,s~ê.e
enJuille~ 1QZ7 pa~ le CAr.
(3)Van.& un lt.appOlt.~ Uaôli pM BUon déO-u..t ]93], l'OIt.igin.e de
la ,sai.s,sion e,s~ da~ê.e d'Aoa~ 1930.

Emile Faure contre-attaque sur le terrain juridique pour
annuler cette décision, conserver le sigle LDRN et rester
propriétaire du titre la Race'Nègre.
Début Janvier 1931, il transfère le siège de la LDRN au 16
rue Guérando(1) , et procède à l'élection des instances de son
organisation. Nommé président et gérant de la' Race-Nègre, il
poursuit le combat entouré d'A. Béton ( président de la commis-
sion de contrOle), F. Tarpeau ( vice-président), Abdou
Koité ( secrétaire général ), Amady Diara ( trésorier ), Léo
Sajous et Ibrahima Sylla ( tous deux membres de la commission
de contrOle ) .

b) Une ligne politique
" d'essence exclusivement ;raciale"
Emile Faure partage avec des gens comme André Béton
ou Adolphe Mathurin, le fait de ne reconnattre qu'un seul
parti: le Parti de la Race Nègre. Dès la parution du N°4 de
la Race-Nègre, il le fait clairement savoir à ses lecteurs
et à ses adversaires en commentant à sa manière la parution
du numéro de la Race' Nègre confectionné par Kouyaté et ses amis.
" Un c.e.ltta-in nomblte. de. ma-uva-i.s nèglte..s .s e. .sont pe.ltmi.s
de. 6a-ilte. pa-Ita-Ztlte. une. 6e.uille. a e.nt~te. du joulttta-l la
Ra-c.e. Nèglte., ~c.ltit-il. Ce..s glte.din.s .sont a-u nomolte. de.
c.inq ~nc.ie.n.s me.molte..s de. la- Ligue., di.s.side.nt.s palt na-Zve.-
té. ou e.xc.lu.s pa-It e..sc.ltoque.ltie. e.t a-ou.s de. c.on6ia-nc.e.
------------------------
(1)' ANSOM SLOTFOM rT! CMton Z4. Note. de. l'a-ge.nt Pa-ul 8-Z-31.

577 i
" (.0.) 0 Ce~ pauv~e~ tlfpe~ n'agi~~ent d'ailleu~~ pa~
pou~ leu~ QOmpte : leu~ in~u66i~anQe e~t ~i g~ande
qu'il leu~6aut toujou~~ avoi~ de~ maA:t~e~ DlanQ~,
même lo~~qu'il~
Q~ient 'vive la lioe~té'. Nou~ ne pe~­
d~on~ pa~ de temp~ a anallf~e~ le~ ~ai~on~ qui pou~~ent
le~ maA:t~e~ de Qe~ la~Din~ àemplolfe~ Qont~e not~e
ligue un pMQé.dé. auui en6antin que délolfal. Tl nou~
e~t Qependant di66iQile de Qomp~end~e pou~quoi de~
pauv~e~ eoug~e~ qui ~e dé.Qla~ent no~ adve~~ai~e~ ~e
plai~ent a nou~ 6ai~e une ~é.Qlame en demandant aux
Nlg~e4 d'adhé.~e~ a la ligue et de 4'aoonne~ au jou~­
nal. !l~ 40nt mal aLS'é~ de QMi~e qu'il4 pou~Mnt
pa~ Qette manoeuv~e Qou~ue de 6il olanQ Q~ée~ l'équi-
voque daM l' e~p~it de~ Nlg~e~
1
Il r:
)
D'emblée Emile Fpure indique ce gue sera sa ligne de condui-
te. Sur le plan politique, i l fera preuve d'une indépendance
absolue, laissant ~ d'autres le choix d'avoir des" martres
blancs" et dans le combat qui l'oppose ~ Kouyaté et ses amis
i l ne fera preuve d'aucune complaisance.
Faure est au)C Africains ce que Messal.i Hadj est aux Algériens :
un nationaliste" pur et dur JI qui n'entend pas élaborer sa
stratégie politique en fonction de considérations dictées
par un parti français, fut-il en paroles pour l'indépendance
(1)
La- Ra"~-e. N'èg~e N°4 Av~il 1931 ( géMnt E. Fau~e ).

578
des colonies comme c'est le cas du PCF.
Ce courant n'est pas en soi une nouveauté au sein du mouve-
ment anti-colonialiste nègre, et l'article d'Adolphe Mathu-
rin " chacun sa race ,,(l) ou celui d'André Béton " par le
fusil ou l'argent ,,(2) en sont des preuves éclatantes.
Ce qui est nouveau, c'est qu'il s'affirme au grand jour met-
tant sans complexe le critère de race à la base de son action.
rci nous sommes véritablement en présence d'un courant pan-
africaniste fortement influencé par le garveyisme. En effet,
tous les thèmes, ou presque, développés par Marcus Ga.rvey
se retrouvent dans le discours de Faure à savoir
- la défiance envers les communistes
- le primat accordé à la race
la volonté de batir une économie nègre
- l'idée du retour en Afrique
- le thème du retour aux traditions africaines
- l'incantation de l'unité africaine ou plus exactement de la
Race Nègre et bien entendu le combat émancipateur des peuples
nègres symbolisé pa.r le slogan" l'Afrique aux Africains"
La défiance envers les communistes et par opposi-
tion l'indépendance sourcilleuse dont le courant Faure entend
faire preuve seront constamment rappelées dans la~~ace-Nègre.
Outre le texte déjà cité, ce thème est présent dans l'article
(1)
La. Ra.c.e.Nêglr.e N° 3 Se.p.temblr.e Jlt27, yoilr. pp. 45&. ~6Q
UT Là.- Rac.e- 1{e.g'lr.e. N° 5 Ma.i' 1q28, yo~"Ir.. P.P 512-51'3

579
1
intitulé" To be or not to be " publié en Février 1932(1) et
dont voici un extrait :
" No~ lecteu~~, le~ A6~icain~ p~incipalement, ~e ~ont un
peu ~lo"n(~ de ne pa~ ~ecevoi~, depui~ quelque~ temp~,
leu~ che~ jou~nal 'La Race Nèg~e'. C'e~t que no~ ~e~­
~ou~ce~ ~ont enco~e de~ plu~ ~e~t~einte~. Nroublion~
pa~ que g~ace aux ~oin~ du nèg~e ~emble-mini~t~e
Piagne 'La Race Nèg~e' ne peut êt~e vendue nulle pa~t
en A6~ique.
1••• ). Pendant que nou~ ~e~tion~ muet~, et
non inacti6~, d'aut~e~ nèg~e~ un peu pa~tout a Pa~i~,
~e ~ont agité~, ~an~ t~op ~avoi~ d'ailleu~~ ce qu'il~
6ai~aient : le~ imp(~iali~te~ Dlanc~ ont une qualité
6ondamentale, qui ~emôle manque~ a not~e ~ace, et
qui e4t l' in~tinct ·de leu~ int(~êt collecti6 immédiat.
En p~(~ence d'une Ligue de Vé6en~e de la Race Nèg~e qui,
malg~é toute~ le~ p~opo~ition~ aILéchante~, ~e6u~e
de d(vie~ de ~a ligne politique nèg~e, a d~oite comme
a gauche, cet in~tinct a conduit l'impé~iali~me a ten~
te~ de nou~ noye~. Van~ un but de divi~ion,
de con6u-
~ion et de cont~adiction,
il pou~~e de tou~ le~ côt(~
a la 6o~mation de g~oupement~ nèg~e~ politique~ ou
~emi-politique~,
tou~ t~ibutai~e~ de quelque~ g~oupe~
blanc~.
( ... ). A côté de ce~ claM, ~i bien vu~, no-
t~e Ligue enveloppée de toute pa~t, attaqué de tout

580 ;
» c6~l, llgalemen~ e~ llllgalemen~,
6al~ pl~~~e 6lgu-
~e, pelnan~ ~eule ou ouv~an~ ~a o~~che dan~ la p~l~on
où on l'en~e~~e. Mal~ elle ~e~te le ~eul e66o~~ n~g~e
ne ~ecevan~ de dl~ec~lve~ que de lui-même »f 1l
Deux ans plus tard dans un texte inti tué Il Notre ligne poli-
tique Il
ce thème est de nouveau martelé :
» Tl 6au~ cependant ~e 6al~e à. cette ldle que ~an~ que
nou~ au~on~ del.l ma.tt~e~ blancs, II fj au~a ~oujou~~
~~oil.l ~o~~e~ de ligne~ :
Une d'el.l~ence exclul.livemen~ ~aclale e~ deux au~~e~
avec ceux de~ cla!.l!.le!.l olancne!.l de d~o~~e e~ de gau-
che. Ce~ l~a~ de cnol.le pa~~icipe du p~incipe : divi~e~
pou~ ~lgne~, auquel !.l'ajoutent le!.l manoeuv~el.l mol.lCOu-
tal~e~ pou~ !.l'app~op~ie~,
pa~ oeaucoup de o~ul~, le
oln(6ice mo~al de no!.l e66o~~4 e~ de no~ ~l!.lul~a~!.l »!2)
Si le courant Faure rejette la coupe des" martres blancs n,
c'est parce qu'il estime que le combat que mènent les nègres
s'apparente il ,la lutte des races et non il la lutte des clas-
ses.
» Le~ nlg~e!.l, ceux de l'A6~lque !.lu~tou~ ne ~au~aien~
I.l'a~~ête~ à. ce!.l doct~lne~ I.loclalel.l d'un Ln~(~ê~ llmL-
~l ca~ ilt, on~ le I.louven.[~ de leuu' Ul.l e~ cou~ume!.l
ancel.l~~aux auxquel~ il!.l veulen~ ~el.l~e~ 6i.dllet,. C1 e~~
(1)
La: Rac.e' W-~g7r.e N"l Hv~Ù~ 1932.
(21)>>>
»N" J Novemb~e-Vlc.emb~e 1B4.

581
" e.n vain qu'on le.uJr. paJr.le.Jr.a de. CapLtali~me. e.t de. PJr.O-
l(taJr.iat. rl~ ne. voie.nt, cke.z e.ux, que. de.~ domina-
te.uJr.~ e.t de.~ a~~e.Jr.vi~.
( ••. ). On Jr.aconte. ~ouve.nt que.
la coloni~ation e~t une. que.~tion d'int(Jr.êt pouJr. le.~
gJr.o~ e.t que. le.~ pe.uple.~ ~ont complète.me.nt innoce.nt~.
Coloniali~me. ~e.Jr.ait 6Jr.èJr.e. de. Capitali~me..
S'il e.~t
vJr.ai qu'il y a de. gJr.o~~e.~ e.ntJr.e.pJr.i~e.~ qui ~'e.ngJr.ai~­
~e.nt de. notJr.e. maille., il n'y a pa~ que. ce.la. l ... ).
Le. pJr.o6ite.uJr. de. la coloni~ation, c'e.~t le. pe.uple. e.u-
Jr.op(e.n lui-même. ". (1)
Dans ce sens, Faure et ses amis ne se contentent pas de ré-
clamer" l'indépendance pure et simple ,,(2), ils militent
pour le " chacun chez soi ,,(3) qU'A. Béton justifie ainsi
" Nationali~te., j'adme.t~ .tou~ le.~ nationali~me.~, je.
~ui~ ave.c ce.ux qui cJr.ie.nt i l'Alle.magne. aux Alle.mand~,
la FJr.ance. aux FJr.ançai~, mai~ je. ne. m'aJr.Jr.ête. pa~ la,
j'ajoute. : l'Tnde. aux rndie.n~, l'A6Jr.ique. aux A6Jr.icain~.
Oui le.~ FJr.ançai~ ont Jr.ai~on de. nou~ e.xpul~e.Jr..
ri 6aut
bie.n l'avoue.Jr. une. 6oi~ pouJr. toute., la natuJr.e. ne. nou~
a pa~ di66(Jr.e.nci(~ paJr. la coule.uJr. de. l'(pide.Jr.me. ~e.u-
le.me.nt, nou~ n'avon~, le.~ un~ e.t le.~ autJr.e.~, ni le.~
même.~ gout~, ni le.~ même.4 ~e.ntime.nt4,
ni le. même. id(al.
N'allon~ donc pa~ a l'e.ncontJr.e. de. l'oe.uvJr.e. de. la na-
tuJr.e., Jr.e.ntJr.on~ che.z nou~. />1ai~ une. 6où, in~tall(4 dan4
no~ 6oye.Jr.~, de.mandon~ a ce.~ même.4 individu~ de. vide.Jr.
l e.~ lieux ". (4)
~------------~---------
( 1)- Là>R:a.~e.- mg'"Jr.e. N°1 Nove.mbJr.e.~V(ce.mbJr.e. 1 i34 •
( 2 )
" "
Il
N°1 Fé vJr.i e.Jr. 193L
( 3)
"
"
"
N°1 Nove.mbJr.e.~Véce.m6Jr.e.
1934.
( 4 ) PJr.(Ci4 an~ que. l'aute.uJr. de. Ce.4 lig ne~ e~ t un AntiUaü.

582
Pour aboutir à cet objectif, trois moyens d'action princi-
paux sont envisagés :
-
1/
la. c./téa..U.o n d'une. ba.nq ue. nèg/te. mo nd'<'a.le. ,,( 1) et au-delà d' une
économie nègre car" c.e. nle.~t que. pa./t l'a./tge.nt qu''<'l [ le
Nèg/te ) pa./tv'<'end/ta. Ii ~ e déba./ta.u e/t de ~ e~ ma...tt/tesqu.<. lIOpp/t'<'-
ment " (Z )
- le " développement de l''<'nst/tuc.t'<'on des nèg/tes du monde en-
t.<. e/t Il ( 3)
- l'adoption d'une ligne de conduite faisant à tout instant
de tout nègre, un /1 soldat de sa race Il en service commandé.
Concernant ce dernier point i l s'agit de mettre en applica-
tion un certain nombre de principes simples ;
Il
C/t.<.t'<'que/t l'Eu/topéen pa./tto.ut et ~e pa.s~e/t dr. lu-i.
a.uta.nt que poss'<'blej se mé6'<'e/t d~ ~on '<'déolog'<'e numa.-
n.<.ta.'<'/te et de ~a. bonhom'<'e
qu~ est génè/ta.lement la. p'<'-
/te de~ '<'n~en~'<'b'<'l'<'tésj
ne pa.~ la.c.he/t un boeu6 pou/t
un oeu6 et vend/te Son âme na.tiona.l'<'ste c.ont/te une ta.-
pe a.m'<'c.a.le ~U/t l'épa.ule ou un pet.<.t ~e/tvic.e ma.té/t'<'elj
/tenonc.e/t li émouvo'<'/t le~ 066'<'c.'<'els et li le~ vo'<'/t /téa.-
l'<'se/t.leu/ts p/tome~sesj ne pa.~ c.ne/tc.ne/t li /tu~e/t a.vec.
eux et voulo'<'/t leu/t pla.'<'/te pa./t de~ pla.t'<'tude.6, ma.'<'s
déc.la./te./t ha.utement des ~ent'<'ment~ qu'<' ne peuvent qu'
hono/te/t la. /ta.c.ej c.omba.tt/te lléc.ole et les '<'nst.<.tut'<'ons
066'<'c..<.elle.6 pa./t la. c./téa.t'<'on d'éc.ole.6 l.<.o/tes, d''<'n.6tLtut.6
---------------------------
( 1 ) ta.' 'Ra.c.'e Nèglte N°4 Av/t.<..t 1931 et la.' 1<è:lc.è. '~tèg Ir. e N°5 Ma.'<' 19U.
[Z)
1/
"
"
JI
1/
IJ
[ gé/ta.l1t Fa.u/te ) .
( 3 ) /1
1/
Il
1/
"
1/
( géMl1t Fa.u/te ) .

583
" nè.gILe-6. d' oILga.ni.-6a.ti.on~ loc.a.les où. l'EuILopéen -6eILa.
i.gnolLé; -6outeni.IL le-6 c.he6-6 ILec.onnU-6 pa.IL no-6 6ILè.ILe-6;
honolLelL c.eux de-6 nôtILe-6 qui. ont c.on-6elLvé leuIL c.ultuILe
nègILe; ne pa.-6 e-6péILeIL le molndlLe ~~né6i.c.e peIL-6onnel
de toute c.ette a.c.ti.on de dé6en-6e : tel-6 -6ont le-6 mo-
yen-6 dont l'a.ppli.c.a.ti.on soutenue peILmettILa. un joulL de
ILé-6oudILe à. notILe a.va.nta.ge le: ILedouta.b'le di.lemme : ê.tILe
ou ne pa.s ê.tILe ". (7)
A cela viennent s'ajouter cinq autres principes que" la di-
gnité oblige
,,(2)
à savoir:
" 1·)
( ... ) ne ILi.en ILe~onna.ltlLe dé6ini.ti.vement en
pILi.nc.i.pe
2·)
L .. ) n'a.c.c.olLdelL, en 6a.i.t, que stILi.c.tement c.e que
la. 6oILc.e de-6 c.onquête-6 a. dé6i.ni.e pa.IL de-6 textes
3·)
(. •• ) -6e c.ompolLtelL à. l'éga.ILd des tYILa.n-6, jU-6qu'à.
l'extILême li.mi.te du ooyc.otta.ge e:t de l'empoi.-6onnement
4.)
( ••• l c. e-6 -6 eIL d' a.ll eIL à. to ut PIL 0 P0-6 ple uIL ni. c. ft e:IL
da.n4 le gi.ILon du Mi.ni.stèILe: de-6 Coloni.e-6 et -6'fta.~i.,tueIL
a pOILteIL notlLe c.a.u-6e deva.nt l'opi.ni.on mondi.a.le
5·)
(
)
t
&
•••
YlOu-6 ILe-6pec. eIL a..s-6ez POUIL a.ppe.... eIL no.s pa.ys
pa.IL leuIL nom et non pa.IL le mot 'c.olonie' e:t no.s 6ILè.-
ILe-6 pa.IL leuIL na.ti.ona.li,té et non pa.IL le mot 'indigène,.,,(3)
En6i.n " En pILé-6enc.e de la. poulLlLi.tulLe .soc.i.a.le i.ILILémédi.a.-
ôle de. la. FILa.nc.e, de. t'éta.t de gueILILe endémi.que de
l'EuILOPe., de-6 doc.tlLi.ne.-6 poli.ti.que.-6 et -6oc.i.a.le.s mon.s-
tILueu.se.s qui -6'y 60nt joulL, nOU-6 ne devon-6 a.voi.1L qu'un
.seul mot d'oILdILe : TIRONS NOUS Of LA " (4)
(1 ) La.- RC:fc.'e.- 'f{èg7t eN· 1 FéVlti.e1L 1 q32 •
(n La.- Rac.e: 1iè'gILe: N&l NovemolLe-Oéc.emolLe 1'l34.
(3) Idem.
(4) Idem.

584
Hormis " banques nègres " et " chacun chez soi " rédigés par
Béton, les autres articles peuyent être attribués sans mal
à Emile Faure, bien qu'ils soient signés du collectif LDRN. (1)
Le ton des textes diE. Faure est on ne peut plus violent, et
si l'on ne prend garde, on risque de tituber sous le choc,
perdant ainsi le contrOle de soi-m~me. C'est sans doute ce
qui est arrivé à P. Dewitte pour qu'il en arrive à parler de
" dérive raciste ,,(2)
à propos de ce courant. " Raciste" voi-
là ! le grand mot est lancé, l'opprobre est jetée. Avant d' al-
ler plus loin, i l est bon de rappeler que la définition pri-
maire du racisme implique l'affirmation de la supériorité
( biologique) d'une race sur une autre. Or de cela, point
n'est question dans les propos que nous venons de citer si
largement à dessein. Ce à quoi se livrent Faure et ses amis
est à cent lieues du racisme: i l s'agit purement et simple-
ment de " l'affirmation de la personnalité nègre ,,(3) , répon-
se au " drame·socio-culturel ,,(4) qui est vécu" au niveau des
élites ou des diasporas coloniales ,,(5).
Ce n'est rien d'autre qu'un IJ retour aux sources" qui semble
d'autant plus impérieux que l'isolement de la petite bourgeoi-
sie ( ou des élites autochtones ) est grand, que son senti-
-------------------
(1)
te. -6' a.git de.-6 te.X.te.4 JJ AvÜ /} ( L(1.-R~c:e: N'ègJte. 4 Avlti.! 1231
" To ce. Olt l'lot to oe. " C ne Ka.c.e~ U'èg7l.e. N° 1 Févltie.1t 19.32 ) e.t
" Notlte. ligne. politi.que. IJ (t.a.- 1<à.c.I?- U'èg7te.. N° 1 NO\\t-'()éc 19.34 ).
(2) P. Vemitte. op. cit.
(3)
Voilt l' MUcle. de Silta.gnouma.n da.M le N'0 1 de. la.'7<a.c.-e. U'è$lte. de
Juin 19.21 Il la. néc.e..Hité de. nous oltganiselt Il c-èté p.
t4)
AMILCAR CABRAL. "Le. Itale de la cultult~ nationa.le da.n-6 la.
lutte pOUIt l'indépe.ndance"in Unité e.t Lutte. Pa.lti-6 Ma.-6pélto 1975
p.177.
)
1
1
(5)
Idem p. 174.

585
ment ou son complexe de frustration sont aigues, comme c'est
le cas pour les diasporas africaines implantées dans les
métropoles colonialistes ou racistes " (1)
Emile Faure et la tendance qu'il symbolise sont donc l'expres-
sion d'un nationalisme intransigeant, inquiétant par certains
aspects, mais qui exige le respect da aux combattants de la
liberté. Comme nous le verrons plus tard, i l paiera de la
déportation SOn attachement à l'Afrique, échappant de peu à
une mort atroce dans les geôles du Il pays des droits de l'hom-
me ".
Refusant de se mettre sous la tutelle de quiconque, la LDRN-
Faure va survivre tant bien que mal, réduisant ses activi-
tés au strict minimum faute de moyens. Ainsi la' Race-NêQre
qui était théoriquement mensuel, ne para!tra plus qu'une fois
par an entre Avril 1931 et 1936, et l'organisation n'aura pra-
tiquement aucune influence sur les communautés nègres des
grands ports, à l'exception du Havre où elle réussira à
damer le pion à Kouyaté et ses amis. (2)
A destination des colonies son action se réduira à l'envoi
de la Race-Nègre, à quoi i l faut ajouter l'expédition, du-
rant l'été 1935, d'un Il Appel Fraternel aux Nègres du Monde
Entier Il déclarant :
(7IAmilea~ Cab~al op. eit. p 778
(21
NOU6 évoque~on6 l'aetion de ta LVRN-Fau~e au Hav~e dan6
te pa~ag~aphe 6uivant.

586
Il
Compa~~io~e A6~iQain
l
Réveitte-~oi, un g~and évènemen~ ~e p~épa~e dan~ te Monde Nèg~e
I I
.]oin~-~oi a t'Eti~e Nèg~e A6~iQaine, e~ a t'Eti~e Nèg~e ~é~i­
dan~ en Eu~ope
III
Appo~~e a Qe~ deux étèmen~~ de ~atu~ ~on QonQOU~~ mo~at e~ ma-
~é~iet
IV
Soi~, aveQ eux, uni~ dan~ t'âme e~ dan~ te ~ang. Aime te~ de
~ou~ ~on Qoeu~. Coopè~e aveQ eux pou~ ta tibé~a~ion de ~on
pay~. La ~e~~e e~~ lmp~égnée du ~ang de~ Nèg~e~ ~ombé~ ~ou~
te ~églme de t'opp~e~~ion
V
EQou~e ta volx d'ou~~e-~ombe
»Vengez-nou~, 6~è~e~ ~u~vl­
van~~, vengez-nou~ pou~ ta ]u~~iQe de Vieu
VI
Abotl~~on~ t'e~Qtavage qui menaQe de ~'é~e~ni~e~ ~u~ nou~
VII
C~éon~ dan~ t'A6~lque un E~a~ Nèg~e Indépendan~,
oa ~ou~, nou~
viv~on~ heu~eux, en Paix e~ F~a~e~nl~é a6~lQaine~
VIII
EQ~l~ ~an~ ~e~a~d ~ou~ ptl ~eQommandé a M.•...
IX
P~l~e devan~ te Clet e~ ta Te~~e, 40tennet ~e~men~ que ~u ne
~~ahl~a~ poin~ Qe~~e o~ganl~a~ion 4atu~al~e

587
x
Le~ Nèg~e~ vi~time~ de l'opp~e~~ion pleu~ent et gémi~~ent
dan~ leu~ tombeau; ~e~ pleu~~ et ~e~ gémi~~ement~ ~e ~on6ondent
en une " g~ande malédi~tion " .6u~ no~ opp~e~~eu~~ et ~u~ le
6~è~e de ~a~e qui ~e ~end~ait ~oupable de t~ahi~on.
Aide toi, le Ciel t'aide~a "fI)
Signé par" Un groupe de Pr~tres et Pasteurs Nègres; Un grou-
pe de Grands Musulmans Nègres; Un groupe de Grands Féticheurs
Nègres; la Ligue de Défense de la Race Nègre; Elite Africai-
ne, sujets français et Elite Africaine, sujets anglais"
( sic!
) le texte proclamait:
" Vive l'A6~ique Noi~e
Vive la Révolution Nèg~e ! A ba~ le~ Gouve~nement~ opp~e~~eu~~
A ba~ l'opp~e~~ion ! Vive l'indépendan~e de ltt Ra~e Nèg~e !
Vive la République Nèg~e A6~i~aine ! Symoole an~e~t~al a6~i~ain "
Au dOs de cette proclamation s'étalait une" Poésie Africai-
ne " appelant ~ la mobilisation pour la Il Terre Sacrée d'A-
frique JI. (2)
Le nationalisme déjà
exacerbé de Faure et ses amis attein-
dra son paroxysme avec l'agression italienne contre l'Ethio-
pie. A cette occasion la- Race-Nègre publiera un article viru-
lent intitulé" Epurons notre race ", dont l'objet sera de
préciser l'attitude que la situation imposait aux Nègres.
Comme Kouyaté, la LDRN constatait que" le-s temp~ avaient
~hangé " mais elle n'en tirait pas les m~mes conclusions.
(1) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 73.
(2}
Voi~ annexe~.

5BB
» NOU6
en~~On6, aveclra66ai~e f~hiopienne, dan6 un
nouveau 6~ade de la que6~ion nèg~e di6ai~-elle. NOU6
qui~~on6 en même ~emp6 la pé~iode de ge6~a~ion qui
pouvai~ au~o~i6e~ ce~~aine6 ~olé~ance6. A l'heu~e
il va 6alloi~ 6ai~e en~end~e au monde la voix de6
nèg~e6,
nOu6 devon6 exige~ que ce~~e voix 6oi~ pu~e »
Dénonçant les députés noirs au Parlement français ( Diouf,
Candace, etc •.• ) et le gouvernement Haïtien incapables
d'adopter une position de ferme soutien à l'Ethi9pie, la
LDRN déclarait :
Il
fpu~on6 -nous donc. VomLs6on~ ce~~e lie qui noU6
dé6hono~e.
NOU6 devon6 me~~~e dé4o~mai6 6an6 hési~a­
~ion au banc de no~~e 6ocié~é
- ceux qui on~ l'impudence drad~e6~e~ a un paY6 colo-
ni6a~eu~, de6 complimen~6
quelconque6 au nom de6 .colo-
nüé6
- ceux qui pa~ la pa~ole e~ pa~ la plume p~éconi6ent
pou~ nou6, un 6~a~u~ poli~ique quelconque
aut~e que
l'indépendance pu~e e~ 6imple, 6ans condi~ion
- ceux qui pen6en~ que la lu~~e ne doi~ pa6 ê~~e menée
6U~ le ~e~~ain ~acial, e~ acc.ep~ent de ce 6ai~ la di:.6-
pa~i~ion de6 nèg~e6
- ceux qui pen6en~ qu'avant d'êt~e liQ~e6 nOU6 devons
d'abo~d évolue~ dan6 le c.ad~e de la ci:.vilüa~i:.on l5'lan-
che
( ... )
Telle e6~ la doc~~in.e de not~e. aS4ocia~ion. Elle e6~

589
Avec son intransigeance habituelle, Emile Faure avait une
fois de plus rappelé quelle était sa conception de la lutte
pour l'indépendance nationale, conception qui parfois sen-
tait le " chauvinisme nègre ". Cependant son point de vue
était loin de traduire une" fuite en avant dans la xénophobie ,,(2)
dont l'issue inéluctable était un
"apartheid à l'envers 11(3)
comme l'affirme P. De~itte.
D'ailleurs le soutien et la collaboration étroite qu'il ma-
nifestera à l'égard des nationalistes nord-africains et in-
dochinois prouvent, s ' i l en était besoin, que ses préoccupa-
tions n'étaient pas étroitement limitées au sort de la race

nègre.
(1 ) ta. Rac:e."Nê',qlte. N° 1 ]a.nv'<'e.It~Févlt'<'e.1t 1936.
(Z)
P. Ve.witte. op.c.<.t.p. 411.
( 3)
r de.m.

590
3. LES PRODROMES DU DECLIN DU MOUVEMENTAN'J'I-CQLONIALISTE NEGRE.
----~------------------------------------~------------
------
a) La campagne contre l'Exposition
Coloniale Internationale de 1931.
Avec la célébration du centenaire de la conqu~te
de l'Algérie fêté en 1930, l'Exposition Coloniale Internatio-
na le de 1931 symbolise l'époque du colonialisme triomphant.
Devant ouvrir ses portes le 6 Mai 1931, celle-ci s'annonce
grandiose puisque du c-ôté du Bois de Vincennes on a recons-
titué ici le temple d'Angkor, là la mosquée de Djenné et
ailleurs les souks de Tunis. Pour contrer cette manifestation,
le mouvement anti-impérialiste s'est mobilisé dès le début
de l'année 1931. C'est ainsi qu'en Fin Février, la LDRN a
reçu une lettre circulaire de la Ligue Anti-impérialiste lui
demandant de lui faire parvenir des documents " montltan.:t le.~
mé6ai.:to de. l'impéltialiome. en paqo noilt, a6in qu'elle. puiooe.
Itépondlte. a l'Expooition Coloniale. !n.:teltna.:tionale de. Paltio
palt une eon.:tlte.-expooi.:tion appolt.:ta.n.:t tou.:te.o plte.uve.o de l'opplte.o-
oion oanglan.:te. qui. 0 évi..:t daM le.o eolonie.o de. .:tou.:te.o Itaeeo.
f
/1
1)
Parallèlement à cette contre-exposition qui doit se tenir à
Berlin, la section française de la Ligue Anti-impérialiste
a décidé de mettre sur pied une 11 Exposition Anti-Colonialis-
te 11 en collaboration avec le PCF.(2)
----------------------
(7)
ANSOf;! SLOTfO/>f IrI Ca.It.:ton 111. Le.ttlte. du />fi.nü.:tlte.de. l' In.:té-
Itie.ult au f;!ini4tlte. de.o Colonie4.
27 Févltie.1t 1931.
(2) Alten. de. la CCC année. 1931 o'oRri.n.e. 69[461. Réunion du 2-2-31.

591
Dês la fin Avril, le PC fait tirer à 500 000 exemplaires une
brochure intitulée" Le véritable guide de l'~j{position Colo-
niale " qui met l'accent sur la répression aux colonies, les
bénéfices colossaux réalisés par certaines firmes, le scan-
dale de la construction du Congo-Océan, les carences de l'en-
seignement, etc ..• De même de nombreux papillons auto-col-
lants sont mis en circulation sur lesquels on peut lire :
» Vive l'ind(pendance de l'Tndochine n,
n le~ peuple~ col&-
niaux ne demandent pa~ de~ gouve~neu~~ ~ocial-6a~ci~te~,
c'e~t l'indlpendance qu'il~ ~(clament n(1l, » A Ba~ le Code
de l'Tndig(nat ", " T~availleu~~ de F~ance! Exploitla de~
Colonie~, cont~e vot~e ennemi commun, le capitali~me 6~ançaia
o~gani~ez~vou~ et luttez Il ou enco~e ".Jl e.~ millie~~ de nèg~ea
~ont mo~t~ pou~ con~t~ui~e la ligne Congo-Oclan. C'eat Beau
la mù e en valeu~ ». (2 )
Dans l"Hu.rnanîté une campagne contre l'Exposition Coloniale est
entreprise qui durera jusqu'à l'automne 1931. Enfin de leur
cOté, des intellectuels comme André Breton, Paul Eluard, Geor-
ges Sadoul, Aragon, René Char, etc •.• signent une pétition
intitulée Il Ne visitez pas l'Exposition Coloniale ". (3)
Par la voie de ses journaux, le mouvement anti-colonialiste
nègre prend une part importante à la campagne contre l'Expo-
sition Coloniale. Pour la tendance faure, Abdou Koité présen-
te l'Exposition Coloniale comme Il tl.t'le t'louvelle occaaiof1 d'ap-
p~écie~ l'oeuv~e du capitaliame opp~e~aeu~ »(4)
(1) Allu~-!:.on au gouVeMteul1. ~ociali4te de l' Tf1dochine- Alexand~e
Va~enne.
(2) Allu~ion a. l'ouvMge d'At:/;;-eltt Sa~Mut-ücmi4r'e.rCvai'eù.lr.-m.~
col'of1:<:e<'i' J~a}tça.;tn.a Pal1.,{,a; PalJot, l '] 23 67!i p-
1
(3) ANSOM SLOTFOM Tn CaI1.tOf1 5 rl1.a~t" Me v.{."aitez pa~ l' Expoaitio~
Coloniale ».
Voi~ annexe-6.
{4- La Race Nèg~e ( g(~ant E. FAURE 1 N°4 Av~il 1931.

593'
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Organe mensuel de Défenae
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trlltul[JOltl:'I" \\t> pl'lrlldl!! klTUll'e. J\\\\l't·
l'I!I!e uCr.:.Il..ioli d'llppl'ticlL'r l'.l: JHe du
"~d encore 'plu. atf8,:nés. UI iront,
11l'
tl'itiqUl'.'4.
dt'
(·"lIJ\\l''''''teur....
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tez l'n l'il'l'UIRtioll dnns V08 ('OiOllil:',.. d~
LILjJlt<.lllll.mtl opprea.euJ;',
c~mme une nuée de sauterellea I!&ba~
(·hHlllu"e. T"lItl's k'~ IJub!I(';ltHlIl;'l p:\\l ,-
b
nlOlll)lue (,';lnçnISl', de r.ettl:! bOlllle
,\\pl'ell Il"
tlmpfUrUI' coJu", .. ux, dont
tte cheJ nDUI'et 1& livreront aUI:! ab\\y
.~Jl:'ll:lt'Ili ct Pl'll\\'llTClai,'... (lltl 1,'UI P:\\JlL
'IH'lillalt.! 'lU) fHIl loul'hel' l'Allem<'li"lk·,
l'~mplut l'estt! douleux, nou~ <'~-"ci à 11\\
1'IiJS
plua
tlcsndnleux
pour
"Ultaire
lulwl!U1l'.
IL'!il'l'\\'t'l'
tollltJllI.~ ,l,kil p','.
,'.-\\ulliche l'l t')IH Jt'~ J.l'lU''l"~!1 houl(l'j,.,.:.
H~Jil~ JI:' l'uu\\t.!rture de IH ~l'l1llde ml-l..
]~iur a.ppétit de lucre.
Jdl'tt'~I.·S till1!IH:r,lll L;.t j)lllJ~~!) '1"111,.,
Il.,' Il'olll plus d'lIl l'ht!z eux. ~i. ~'(lm­
1:1festllllon
('ulonluh~ intel'natiollült!,
i faut~i1 rappeler queJque..una. dei
<'UX
\\l' ••'ut 1:l\\('IIIl" d.· III j"IIf'iII Cl ' (];lfl.,
1\\1" (III Il;' l't'Il' JUil' rl"~:'tUIi tuWl 1\\.,. tOlt.S,
i ln
Ill'
j)I'UpU:iot' d'ulrril' HU puulic, lOU4
f~iU mon'Vueux qui iIIultrent 1".
lt'~ ('UiOlJ1t'''. d Il''''' n·ol~d\\·:'1 'lll'd.Il II 'J.
n's \\"!'l'iLOIl"('!1 IlCt'Ul)l'S PUI' rlt'Ji tl'l!Up~:<;
J'lUI"" tl\\jdl:! de IlOUV~Ul.éIl, dCH upel··
i~lmalel de ln coloni3ation! DepWI
P()"'IPI1~ s.ont POUL Il' 1111)IIIS "Ulplt'II.11IL.
l'Il!tlUJ'j,nt Il'
drHpL'l'Ili
"rRI~l\\iM, !Ionl
t:''"'' \\'aJié" ~ur la VLC I\\UX Colouiu. et
l'e8c1avage modp.rnitlé- .sOUI forme de
'1UilllU Il:<i 11t' .'4'J11t 11lL,'! Lollt ,"llllplpll"'~11
(ralll.;:\\i:<., hlltt',.. ditl[JItl'<lÎll't' tout!? "l'ttt'
,'UX nlliKlUtt" de la finance el d~ l'in"
travail forcé,: jUStlU'au nhrime 1lSbont'
'.'llfallllJl." t'.l ,\\n11':o.ilntll.. I,t·~ lIll:- ."'tll."l
'11,.IIII:IIH
qtll
ilL'
\\"l'tut p!'tl,'l l'll'II )HIÎ./l.-
<1'lstrll" un prèllelltera un lu\\·t:!nl.UI'e
d'e8 conceS810D.,
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\\l'JUJTall nlilill'l' 1., Ill"
!ill l'il.'
l''''~l
lOt:al'M,lltie
PlU'
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('Hr()ll', an'c Sll{'Ct>, dntls k S,dl,lr«, 1('"
'11",11.'"'' nIL'Lilliqut':
, \\tlle, Je l'Afl'ique et dt' j'Oc&lnle,
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~ull'.'~ 'IU'''11 rlt'Iral'. lr:lll"(lI)"'lW!' (....
l, moyen de ren:eÎ!I1er et de llUidar la
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!ll'lier' "/ UIIO
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'I\\iri.~las, )1l.1l1tlilJ uccaaiou n'a Ij:té
!~èA aucune mesure n'elt env\\..I,:;."t!:~
Iwl:', IJI'n!il" li l'('!"tM.ll1!" titIJUI>tlt'J"", t'111-
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Pendant ce tempi lu hommea ltOli-
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l's!ébrant
I"ceuvre
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1\\ll(l.'llt qu'il M'l,Iii !l('l'l'~"";llr(' d""I'''(
1l\\;'1itUl'lilrll poul'ront !le permettre de
ooloniliatian.
Le l' la (""'<lI Ill' l't
"Ill"'tllrll' '.'1\\ At·
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tr"II<'t'l' p;-\\t' exeH1~le !.lll Jour â ia tête
'\\è~re., Il y a lonJ(1élmpl que nQUIlIOm-
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du lllurni"l "!I 1'''''1!!' ri'i
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d"ll1l'
immense
concelJsion
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deJi
me. flxélllllr!" valeur de ces fortnulu
ilri.<;,
rniillt't"l' de nèl(l'ell ou de Jaunell tailla-
creUlles
qui
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\\'ous l'emet !"(J'\\"ult'!1ll'nt !"Ioi t',",\\lll'~ fl';\\11
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lHl\\l' inillplde Ilur nolTe eat.imé Pre&i
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dlllt el'd alerter la Dolice. d'une fuçon
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iant do bien \\·o'.).;oir :i()t.'1 c:om:nLler
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l'l'XP0J'litiUll coloniale peJ'dl'ollt, el il.,
:eur conn:.,",:€!'
Ht :-:ur sppul.
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!oyale!! ,t hOl\\nêtt!~; L't il nnnptt' pOU.
tluftisanl'c I:'SI, !II gl'l:lllde qu'il leur [llout
Ill! !.lHll·Ollt pourquoI, 110 fn't!lC!! ."~ll
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lUUJ0UI">1
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dei. rnaitrea
hl.ancs,
chnqul' billet
de
l.OIlO ~ft'l'In~!!
qu'ils
D{oobarrM8é~ 8\\.~ iourd"Jui èe to;.!.I ~u
::tut' IL\\ ""lIl\\lxil'atlull l'tfecÜve des CH:~
:n"--~
,<lia
1.'I'll!I\\t

Vive
la
êchnnl(eronl
'aacnrs--aaül!! '\\-e:",iy:ne Qui e'1::C!lèAien't
JidatJ.;. ('OIll1ne' 1(' pel'ml't IR nouvt'l>"
, ,'IV!,~ <1-\\Jo è'~""?::1 --,3 b. ~.LC3 ,,;)~~ h c{)\\l-
:'-1u.'-iplif'z ('1' dllffl'l' \\JEtr qUf'lquelô
lui,
_<00.13. Ill:' pel'druu.Ii pl:l' de tilmps à l' "et't
.::~~.;' '.~;" net;..:> . ~:;.r" ..:':r<na
tnlllil'fIl d
'"UU" st'I:et: l'lft'ayt' du Illun
. El lU' Jern ll:lis8é il. Aucunf pel·SIHlII· .' f 'l.flalysel' les lal8Gnll Qui pou88t!nt 161
!lh!..5!!aJlei!lcn; :. :-6::11i.:.aL.. :l (:/t '1,Ctro
tllicit,: réRlil'e, Oll nr !olHit plU 'lui, KUl
lité ofneiel1e la latitude de se 'le.'Vli'
ll1lloitrell::l.t:! Ct!!1 'ora\\'t!~ larbiru; à I3m·
..;jal ilYl.."C
de pU"':\\Tl:'lll){JUKI't'.~ qui Il'auront tlll~ le
::~,\\jmjrc:~'.:~_':1e<1t.
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de l'autorité attachée â Kil ()r\\ctir,
ployer ::onl-re nO~I'e ~liue u.n procédé
~eul l'lI·t d(' l'ilnd!'c lill rlU!l1ll'l!lile â leur
puur' !avoriKer le triomphf" d'une t'l\\1
RLll\\.6J enlantm que deloyal, !l nol:.S ('st
iC0:1?08171C:-r
pl't!ter,due mère pa.trie.
.\\eru:;~z D!3
Jid:iltLlI'~,
l;~petldant diffldle
de
oomprendro
~Iai; l}(l!\\ b\\lll~ ll1ai!rt'~ nou!' dil"tlHt
C2C:.:;-:3 t1~IGE~'\\..\\lTS
puul'q:'lOi d~s pa.uVrM bougre. qui so
peUl+ .. rc : rll' quoi \\'1)1,.10 vlni"l\\eZ-\\'ouli'~
t'E LA <f LIGU2 .,
('rj~CITOYE~:\\,
ü~lareuL no. adver~,ur€lI seo ploli~!lt
Peondt-nl prè!! de :!Cl :1.118. \\'UUI! pl\\Yll"'l
6l. noua raü·e une reclame ~n dC.TlAl\\·
:t1 û/'() de chllnl(e. el \\,",i\\<l.it :l\\"'111t 111 i
.IE' HJ\\l8 dellll\\nde à tous; votre lOIl-
dU,llt l\\UX ."':ê;;rrea ,j'li.dhél"n La la LL~e
~(', tandil!l 'lU!:' Inaintellal~t
non:'
('oun ft!rme et détlllllérL!!sé, J-lOur \\l(lt 1 d
de :ùll,)Oll:hH· "'1.1 journal, Hs .,on.t
1 PritI,ident :
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2, F;lUrej Ins:-•..cortsa:l.
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~"\\.ecumpli&lI.ent dl\\n8 l'Ol'dl'(' et ,:an. III 1 mal avit.-tia <ie crou'e qu lJ!l pourront
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P',I1X
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fOI'mnllttlil
ell:-t.l"ntlel!œi
J. i p<\\1'
t.:1:~W
munœ\\.:vrt!
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de
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i Vlce-oPl"l;II'iè<.1nt: 7, TerT~uo !
noull \\'OUI fI\\ÎIlOU,.. ·l'hol\\lleUr dt' "n.lM'
i.'llIl.tCl'll'UOll: et !Jour qut' le Sll('cèl lt' 1 Llanc erùt'r J'équivtX[ue dAns j'l;;sprit
• Seocr~.,J\\lrt,
~4nôrll:: Ku.:~ Abdou,
donner noll"e monnllie.
plu~ <.:un\\llll:'t pUll~3e èlre ;:\\ssure il. h·.
d~'t Sè:;l"~, Quel piteux t!eheç!
t)tudiant. '
Aucune reponee. ne peut êtl'l' faitl-' il
JOUl'lIée rlu Il octubl'e W:'O,
En u'flÎlt, notl.ll ,leur app!'~nun. que
1 Tr6aorier
' Dlara Amady"
un pareil <lriUmt'llt, cal '.m lIel'upf' lin"
(~lll' ,h,ICUII fM.Eill.te Intélllijl~mellt lion 1 wute h ('orl'esponc;-\\l1ee e9~ 1'L!!\\"Jse Ù
potIition identique ~ cé\\le d'un illdl-
df"\\Oll
lomrm
10U~, du (~IJU\\elnl'·1 notn~ fJ~cr:::t.1.il"e génural {,oité at fiu~
1
Ccmlf,'UoiI~ion dl! r;~e , _
~1I1-' '.Iui 8C O'OU\\l' acQUlL ;1011 l\\Jl1l1~ll~­
l'It'lIl
l'lOU, ~(lmn'e~
111t'nr le!!(lill~
R
le" ma~:{~t! :Iunt DW)-'él à nJtre tresc-
tra..cur l'Oloniai 1ll"lné d'un I.II·OW1t1Ill{.
l
/ ' ! '
"'LIll" 111 11l)tlt' r bit le lIot1. du P"~~
rier; mêhh! ceux qui sont li~lIéa HU
1 r ....id.nt' A. E.t<>... Avocat ~'Ia
"
d'u~e chicoltl' ('t l'ntuur'~ de tirRilleur:5.
qUI f'~l ~ll Jt<ll De l'ume duit !tHUI la
num }J1'TI'UJfl.llf-l -JI' F\\()u.yaté, Et ça, c'eSl
('~Ut,
Cela !H' 1l0U~ empêrh(ij pll8 (\\i:! di", it
re""tR~D.tltlJ\\ d\\' {lotIe SOU\\f'léum'lt'
1 une yie~oir()!
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tous C'<'8 .'1elj{nt'urs 'Ill! :roU\\'el'nent les
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594
" pOlltell à. !..'e~~eYlc.e c.i;vi;!"i;-6atlli;c.e de~ peup!..e~ eullO-
péeYl~ pail de~ meMOYlge-6 tac.i;te~.
La mauvai;-6e. 60i; de~
ollgaYli;~ateull~
de !..'fxpo~i;ti;oYl Co!..oYli;a!..e Yle 6ai;t poi;Ylt
hOYlYleull a !..eull~ paya. A pllé~eYltell !..e~ tllavaux d'allt
e66ec.tué~ pail !..e~ allti;~te~ YlOi;Il~ et jauYle-6, c.omme étaYlt
!..e 6ai;t d'uYle éduc.ati;oYl plléa!..ab!..e et géYlélleu~e de~
Ilac.e~ b!..aYlc.he~, c'e~t !..a Ylégati;oYl du géYli;e plloplle de
ylO~ Ilac.e~. C'e~t ~i;mp!..emeYlt Urt ~eau !..allc.i;Yl molla!.. ,,~1J
Sous la plume de Narcisse Danaé alias Saumane, la tendance
du Nolld au Sud, de!..'f~t à !..'Oue~t et Ylu!..!..e pa.llt Oyl
Yle voi;t !..e maYldalli;Yl i;Yl~tllumeYl.tant c.oYltlle !..e c.oo!"i;e.;
Ylu!..!..e pallt Oyl Yl'apellçoi;t !..e c.he6 de vi;!..!..age ac.c.ompagnl
du geYlda.llme qui; expllOplli;e ou tMtulle !..e~ admi;Ylütllé~j
(1)
La Rac.eN'èiflle ( 9 é!la.Ylt E. FaUlle
ND5 AQût 1931.
( 2 ) " "
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ND 4 AVIli;!.. 1931 ••
(3)' Le 'CAi;' 'cie'!.>' m:gKe~ ND l
Août 1931
je u!lYla!.. de !..a LVR,N -Ko uyaté ).

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596
" nu.e..e.e. paltt on ne. dùti.ngue. l t Admi.nùtltate.ult-Mai.lte.-
Juge.-GIte.66i.e.It- e.n une. ~e.ule. pe.lt~onne. ~'i.l vou~ plaZt -
ave.c ~on i.no66e.n~i.6 goultdi.n; nulle.paltt on n'e.~t con-
vi.é aux ~cène.~ de.~ chati.me.nt~ coltpolte.l~, de.~ tltavaux
obli.gatoi.ltt~, a l'acti.vi.té de.a ca.mp~ de. dépolttati.on;
nulle. paltt on n'a~~i.~te. aux évoluti.ona de.~ tltoupe.~ e.t
de.~ avi.on~ de. bombaltde.me.nt; nulle. paltt e.n6i.n on ne.
montlte. comme.nt 6oncti.onne. la gui.lloti.ne., e.ncolte. moi.na
e.xhibe.-t-on la de.xtélti.té de.a pe.loton~ d'éxécuti.on " (1)
De l'avis de Danaé, la signification de cette exposition est
double ." Tout d'aoollâ, l'i.mpélti.alüme. 6ltançai.a a voulu mon-
tltelt au monde. capitali.~te.,
aux pltiae.~ ave.c de. gltave.a
di66icultéa éconami.que.a, qu'il if a.vai.t li.e.u de. compte.1t
qu'i.l tiltai.t de.~ paif~ ~ubi.a~ant son joug. Vonc
mani.-
1
6e.~tation de. ~ e.~ capaci.téa économi.que~. I.e. a. te.nu éga-
le.me.nt a étale.1t aux ifeux de. l'unive.lts le.~ 6oltce.~ mili.-
tailte.~ que. Itéplté~e.nte.nt le.~ pe.uple.~ qu' i.l Q.. ~~e.ItVü.
Vonc, mani6e.atati.on de. ~a 6oltce. mi.litai.lte. ".(Z)
Devant initialement coïncider avec l'ouverture officielle de
l'F.xposition Coloniale Internationale ( 6 Mai 1931 ) 1 l'inau-
guration de l'Exposition Anti-Colonialiste de la Ligue Anti-
impérialiste n'a lieu finalement que le 19 septembre~3)
( 1) L"e.-Cltj.- e:te.~- N~'gltu N°l Ao û.t 19.31.
(Z)
Le.CKi.-·ete.~ Nè;glle.~ N°Z Se.pte.mblte. 19.31,
(3) Ouve.ltte. le. 19 Se.pte.mblte. 19.31, l'Expoaiti.on Anti-Coloni.a-
li.~te. 6e.ltme.lta ~e.~ po~te.~ le.' Z Véce.m~lte. 1931.

597
Organisée dans le pavillon soviétique de l'Exposition des
Arts Décoratifs de 1925, au 8 avenue Mathurin Morreau, elle
comprend trois salles. Dans la première sont exposées des
cartes, des photos et des coupures de journaux sur les colo-
nies; la seconde est. consacrée à l'art colonial et la troi-
sième porte sur •••• L'URSS! (1)
Malgré la propagande faite par l"HUrnanité et les organisa-
tions coloniales telle la LDRN-Kouyatê, cette contre-manifes-
tation est un fiasco total puisqu'elle ne reçoit que 4 222
visiteurs. (2) A titre de comparaison, l'Exposition Coloniale
Internationale a accueilli 8 millions de visiteurs en sept
mois. (3) Bien entendu, compte tenu des moyens dont disposaient
le PCF et la Ligue Anti-impérialiste, il n'était pas ques-
tion de vouloir rivaliser avec l'exposition officielle, mais
ces chiffres indiquent la faiblesse' pour ne pas dire l'inexis-
tence du courant anti-impérialiste en France. (4) Gageons
(1) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~~on 51. No~e 4U~ la p~opagande ~évolu­
~~onna~~e. Aoû~-Sep~emb~e 1931.
(2) C. L~auzu op e~~ p. 39.
13J C.R. Age~on. » L'Expo4~~~on Colon~ale de 1931. My~he ~épubli­
c.ain au my~he ~mpé~i.al ? » i.n Le4li.'eux 'de mémo~~e Tome 1
la Républi.que. Pa~Ù 1 Galli.ma~d , 1984, p. 511.
(4) Van4 un » ~appo~~ 4U~ le ~~avai:l eolonial du PCF » da~an~ de
Juin 1932, la 4ee~i.on eoloni.ale no~ai:~ que le ~~avai:l eolol1;<i-à1!.
du Pa~~i. é~ai.~'~o~~emen~ en~~avé' pa~: 1D ) le manque to~al de
ead~e4 ~an~ lfOi.~ peu 6o~mé.6 poli.~i.que.me.n~ e.~ pO.6-4édan~ de<$' ~ud,t~
me.n~.6 de. la que..6~i.on eoloni.ale.; 2D ) l,'tnd.L66éH..nee. pe.~<$'.(."'s~an~e
du Pa~~i: dan.6 .60n e.n.6emble. e~ pa~~i:euli:è~eme.nt de. t~ CGTU a
la que.6~i:on eoloni:ale; 3 D ) le 6ai.~ qu~ nOUlf pa~~i:on<$' p~a~i:que.me.Yt~
a zé~o, ~ou~ ~~avai:l eoloni:al atjan~ été lfaiJo~é e.n 1930-1931.
( allu.6~on à l'aet~vi.~é du g~oupe. Ba~bé-Ce.lo~ ). Van.6 ee. eOn~e.x~e.
le. Pa~~i. ava~~ pou~ » ~aehe. p~i.mo~d~ale. 1••• ) la lu~~e eon~~e.
le..6 -~e.ndanee..6 ~mpé~i.al.ü~e.4e.~ eftauvi.ne..6 " .6e. mctni.6e.6~an~ danJ
.6e..6 ~ang.6 e.~ à la CGTU. A~eh. de. la CCC Année. 1932. Rappo~~ du
03 Janvü~ 1932.

59B
qu'il y eut plus de militants communistes ~ aller à Vincennes
qu'à l'Exposition Anti-Colonialiste.
bl
La campagne pour les huit de Scottsborough.
Parallêment à la campagne contre l'Exposition Colo-
niale Internationale, la LDRN-Kouyaté tente de mobiliser les
nègres français dans un mouvement de soutien à huit jeunes
noirs américains condamnés à mort pour viol. Cette affaire
de Scottsborough a commencé en Mars 1931, lorsque neuf jeunes
noirs américains âgés de 13 à 20 ans ont été arr~tés à Point
Rock
( Alabama
acussés d'avoir violé deux femmes blanches
dans un train. Déférés devant le tribunal de Scottsborough,
ils sont condamnés à mort quelques semaines plus tard.
Prétextant qu'elle n'est pas une organisation destinée à dé-
fendre les criminels noirs(1) , laNAACP se tient à l'écart de
l'affaire et c'est le Parti Communiste
( CPUSA ) et plus par-
ticuliêrement ses membres noirs qui prennent la défense des
huit condamnés à mort~2)Au niveau international, la campagne
est relayée par le Secours Rouge International
( SRI ) et
c'est lui qui popularise l'affaire en France. Début Juillet
1931, la LDRN-Kouyaté adresse une lettre à l'ambassadeur des
Etats Unis en France dans laquelle elle proclame
:
(1) Ci~é in ffa~~lf ffalfwood op. ct~,p. 360.
(2} Le plu~ jeune a é~é condamné a la p~~~on a pe~pé~utté.

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tln~K'nl. (1f'11 III ,toi Cl' Ilui tir "U ù chu-
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Mai ... il 1Ill' fllutirMil ,,.,, Il' fllirr d'il.
F;III1',', 1(' 11I111"11.' "JIlI·,.::.l:dOC. l'ri .. 1't1
1'1II1r, Ielt .. 'airf' dll'lBl'l'r pl ... .t'n:-li que
Il!'''I',''' ."U~ ","'i illté"nlirmlrle Il,1 h"lllj.(l'oi.
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J1u~1"II11, di-Iii dl' ('lllllllJidtl', ;I\\l'C 1;, IUI-
'lIt' n!lH'rlfllnl'.
J.. ", ,'I\\lI.if'llt \\,\\11),\\••.
Iii',· ,-. 1'01'1 .le' l'ill'I'ui dl' ,·,·II.-·,-i. ;, l'II-
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'l'nu· ,l'ttill'lf{11l'rnf'nt rl'rrl ..t'Jtl :\\11"1
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d'HIII'nll', pur 1111 "loir Il:\\('ÙI d ,nnl,jilTc
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Ull Iw' Ln·I~t". ,mu .. Ir m.J1ndre lit" l'n'Ir ...
crnl1l1t'1" if'llr .. ,r", .~tlUIi. L('~ ;t'·hl'lf'lll'loi
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Al-er ct' r~'lli'lmr quI cRrllc~arl!U' l'Im~
lltritll\\lHII' intf'l'1\\lll\\dutl.1 ('1 c.t\\'" ol1'rt'u.
greto dllient l'ohJrl.
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!\\\\,pu('rh,t' il\\'el' 'aql1t'llt li l'jrlrntl~
LI' f;ri d,.. ,'+/i'grt" elt le continuateur
fie, ~ell ,,(ftl';ell dl' loulf'1l tolUcl III de
nlklt' dl' III 1'0IHlqulItrIlC'll'r Jl~r nolrf' LI·
toUtf'1 ("olorallol1l è~lderlQtqu. le IODt
)
~\\1t": j,\\ re,tt" donc le !l'Ill journül t1t"!l
IIn",- ;'1 mainlt'I 1t'.'lwurllltlon~ où
\\'OCl"El\\'li nt cU'8il 'dé" le rlhp"tf't .u
Irtl\\oilll'urs nègrel fIn lutt. ~nlrt' l'op-
grot Iquc~
pr,.....ion colonlale.
\\
A
r i tjlLt" tJf'1 mllll"'n tC lHo" mllli....
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Tou'" nO!! rnrnilrnciu Buront comprts
d'Îl0r"mriw anuffrt'nl d.nl 11'11 baKne. lm·
lu l"nhon.
pt'ri+1l111~. .IIIlou qlW cie. oenlalnn ..
qlli 1l01l" ont' .mt'nrs il: chll!'\\-
j j
lt,.",
t"nt",ul" de vie", hum.ln•• ont Ifti
tlt'r .Ilulr~ l'n-Iéle el i1a,'Mccllnlerunl au
Ilntl n1l1''4 .•n Indoc"'nt', il M'adtllucar,
Cri d,.. Xfgru 1. méltte,eontl.nce qu'lia
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rlqll',nuJre lit ".nl l'Inde Anld.l..
onl hJlljourl oCl'ordée ~,notre R'aee N~
par lei ~{'l . ....1 ~tl'.'re. Qapitalb'..
f'1 1 1.
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,,- rJùill.~/alJ.
Y'" qllt' llu cc'qu\\nll nou'! lInl vol'e, Le
,
pour lh'olr, qui, r~dltmer
Cri df'.• ,\\"f·yr~. prrnd t1cnmf 1'U" l'entla-
,~ mail ...jgour,ulf~t"nt une
j:ll'nlt'nt ~ofennel de mener III lutte Inn.
Hur. ph'l 'QI~e el .d'CIilatC', .ua
di'haillllncr. pour la dtil"hUi df' (ou lei
nd'lli1'iI :Qundltl()n, d. InvaUqunaut'
étai nt t,l'h'a; (lUI. 'Xlf(t'l' nec rerme"
I.ur_ revf'ndlt'lI\\ions.
l'h cuatlon de leur :p.YI par une ph.·
L'œuvre impie ril" dl"MJ't'j{BlUon a
1
lanlF' d'..venlurlera
ul .le••uunl Ju..
l i .
(\\t'1HllU". Cru... II'"
B\\·",tf'nt t"l'omplp .ur
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qu'a~1 18r1~; f1'.utre.' - el il. ~t DOm·
III ('llIlfullon cI,t'le IUlIl" eux en lunt rl'a-
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~ ('t'n~: lt' ~II de VlrjCennfOl etI~ )" 'hMo
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e Ir~:n.t!'1 ,rran~heJnent éPleur.l",n.
rio Il Sacco el \\'llInulli iru, rent prêdpi- ! nel: le bqili de VincfnneB oII"N le .~
1_1 .ur la (halle etenrUluf'. 11 rit' b\\t'n
tu
du plua effara.l et du ...~ua PIA-pa-o
lll)i1f~I~", doivent Il~ re.IAislr, Qu'Il. vtrn~ pro~h,le ~ut' l'on peDN -.. Ifédlhr, ."rC il'M t mcrcantUhmtf,
:
1
nrnl il ROU. sw,nl cr,rnte: )'lnl"lde,,'
Faure rit r'gll.
Ilei hUit l1o'f'ld.mnll dll
Noua eoa.linuont n~tre Dlllln:he . .
.,'a,nl. 'oujOUrl, ver. If tir. ad obJecUr
I!Motbborougb, SI rul~~fe dVfJI.~t1on otIi tetl. p'_
la ifœn. "'llIclllu de l' If.iff' SaL'leo tl
rien
1 041 ~I
1
t'Il l'''H~~:
: .
iVallielU 1
Ai .ai c~ftC. oet 6tlplaf- M ~.:r~
~ eonoctenee huma' r lit' Jh~\\lf è. '\\eH CIel: ~ieu," .~lIltlClli. d.
,-
ria ,.nl" d'un. pllf.nlf! ,·entuAIi$'.'rl '·re.· ~trt. ImrUU. '( tO,f~ ~ D
f .
'lU,. .chaque Ntgre Il't... ~ln lui et qui el'
lelltra·nltleu,. du mo.cI. rAU"'" dol·
e' d
ml
~l.tlt. ap.JN1:hf...... ~'1*""ooj~,!,
Jill deMtu$en "u r~e Imp;;,bUlte
'H!~ t'ont~er leur aeU.n prntf'alllthtrl" ('Ill" lU
'de l'art 1 d j I , '
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po~Arrf er 1. main dt'~:bourrtllt:fI,
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de-
"·h'e la LI.ye de D,~N,!
'ft.
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rh hU~ ,r"-l-en in l'\\t'US! ,~.- '~C 19I!~.' , Vll.,.J."
v.lleu""
èr.,' fi. laient ~u.e. ttae Lei
nt.an
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n. . . . .
"h't' "'* orpnr. le lI'; dt'. NfO,...1
d"a,air .. tk»lt'at6 " de. : femmes j'blan-' DIli
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1·'
1

600
de la 6o~êt a6~ieaine, qui tombent ehaque jou~ ~ou~ le~
eoup~ de la bou~geoi~ie impé~iali~te. Sa plu~ belle vengean-
ee ~e~a d'aide~ a la de~t~uetion du ~égime eapitali~te ". (1)
Le mois suivant dans le Cri des Nègres, suite au report de
l'éxécution Rosso écrit
" Aux Etat~ Uni& d'Amé~ique,
huit de nO~ jeune& eon-
génè~e~ viennent d'êt~e eondamné~ a mo~t. La &entenee
devait êt~e éxéeutée dan~ la nuit du 10 Juillet. Elle
ne l'a pa& été. San& doute, devant la pou~~ée populai-
~e de p~ote&tation eont~e ee e~ime p~émédité, les
bou~~eaux ont p~i~ peu~ et ont di66é~é le moment de
l'éxéeution ,,[Z).
En Septembre, l'affaire de Scottsborougn est évoquée parmi
d'autres sous le t i t r e " Alerte! Camarades nègres la répres-
sion s'accentue. ,,(3) et le mois suivant Maxime Gorki dénonce
" la terreur contre les nègres aux Etats Unis ,,(4) .
Plus tard, dans le numéro de Mars-Avril 1932. du' Cri'desNègres
la LDRN-Kouyaté publie une lettre rédigée par les huit condamnés
à mort(5) . La campagne se poursuivra ainsi jusqu'en Novembre
1932, époque à laquelle la Cour Supr~me des Etats Unis pronon-
cera l'annulation du jugement condamnant à mort les huit de
Scottsborough(6) •
(1) - L-'1fu-ma-ni"té S Juillet 1q3J •
( Z) Le' -cJti' -ch"!" m-qJt'e~ N°l Août 1q3J •
1
• ( 3)
"
Il
"
"
N°Z Septemo-~e 1931 •
(4 )
"
"
"
"
N°3
Oetoo-~e 1931.
( 5 )
"
"
"
Il
N°S-q MM4'-Av~il 19.32.
( 6)
"
"
"
"
N°1!J-11 Oeto o-~e-&"o vemo-~e 19 3Z.

601
Avec la campagne contre l'Exposition Coloniale Internationale
de 1931, cette action constitue l'essentiel de l'activité
de la LDRN-Kouyaté entre le printemps 1931 et l'été 1932.
Outre la crise certaine résultant de la scission et le
" désengagement" de Kouyaté, très occupé par ses activités
syndicales, ce faible niveau d'activité est da au travail de
sape effectué par Danaé à la tête de la LDRN pendant plusieurs
mois.
c) L'affaire Danaé.
Le 26 Mai 1932, les militants et sympathisants de
la LDRN-Kouyaté apprennent par la voie de l'Humanîté que
Narcisse Danaé a été exclu des rangs du PCF(l)
Il
pou~ ind~li­
eat~~~~ ~t aeeointane~~ av~e la poile~
j
n(2
, et le lendemain
sa photo est publiée dans le quotidien communiste avec. pour
légende" une canaille n.(3) Cette sanction est le résultat
d'
" une enquête minutieuse ,,(4) qui a été entreprise par le
parti à la fin de l'année 1931. (5) Avant d'aller plus loin,
rappelons brièvement qui est l'intéressé. D'origine guade-
loupéenne, Narcisse Danaé a semble-t-il rejoint le mouvement
anti-colonialiste en 1926, époque à laquelle il a adhéré au
CDRN. En Février 1927, il apparaît pour la première fois
au grand jour, en accompagnant Lamine Senghor au Congrès de
Bruxelles, et en publiant à son retour de Belgique un plai-
--------------------
( 1 j
L'ffuinan.i.té 26 Ma.i 1 93 2 •
(2j
"
27 Mai 1932.
{31
Il
27 Mai 1932.
(4 j
LCCJr.i.- êt~~-1VègJr:~~ N°l a-11 0eto O~~-No v~mo~~ 19 3 2.
{5j A~eFl.. d~ la. CCC An.n~~ 1931. ôooin~-69.r461. RappoM an.onqm~
non da.t~. Fin 1931.

602
doyer " Pour l'indépendance ,,(1). L'année suivante, il ac-
compagne Max BIoncourt en Guadeloupe pour le soutenir dans
sa campagne pour les élections législatives. Mais à son retour,
certains de ses compatriotes tel Béton l'accusent ouv~rtement
d'avoir tout fait pour emp~cher l'élection de BIoncourt,
attitude que le Cri des Nè'gres qualifiera plus tard d' " équi-
voque et con6u~.ionn.i~te "(Z)
Après une courte éclipse, peut-
~tre destinée à faire oublier cette affaire, il fréquente
de nouveau les rangs de la LDRN sans y jouer un rOle parti-
culier. En Janvier 1931,
lors de la scission de la LDRN, il
choisit le camp de Kouyaté et devient secrétaire-adjoint de
la LDRN-Kouyaté. Occupant un poste apparemment sans importan-
ce, il va devenir de facto le leader de la LDRN-Kouyaté du
fait des nombreuses absences du secrétaire général tantOt en
voyage à l'étranger, tantOt en tournée dans les ports fran-
çais.
Supervisant la confection du Cri' des'Nègres, il y écrit de
nombreux articles sous le pseudonyme de Saumane, notamment
sur l'Exposition Coloniale Internationale.(3) Délégué par
la Ligue au PCF, il est rapidement suspecté par les dirigeants
de la section coloniale qui lui reprochent ses bavardages,
ses prétentions et ses mensonges et voient en lui un mou-
chard ou un provocateur. (4) Début Janvier 1932, Danaé est
convoqué à la section coloniale du parti qui lui reproche de
( 1)
La. Voüde~ N~Clltef., N° 1 Maltf., 1 9 Z7 .
(2)
Le Clt.iâe~ N~glte~ N° 10-11 Octoblte-Novemblte 1932-
(3)
La Racede~N'~gltef.,
N°4
( géltant Alpha)
AvltJ..l 1931. Le CIt.i
de~ Nèglte~ N°1 Août 1931 •• N°Z Septem6lte 1931. N°3 O~toblte 1931.
(4) ANSOM SLOTFOM III Caltton Z4. Note de l'agent Joe 1-7-1931.

603
freiner le travail colonial, en négligeant notamment la compta-
bilité du Crî des Nègres. En effet malgré la subvention régu-
lière accordée à ce journal, celui-ci ne paraIt qu'un mois
sur deux depuis la fin 1931. Désirant conna!tre la situation
financière exacte du journal, le PCF exige de Danaé un rap-
port écrit. (1) Parallèlement le parti mène une enquête qui
a semble-t-il été confiée à Jacques Duclos. Ce dernier ayant
découvert que Danaé travaillait pour la police, le parti dé-
cide de lui tendre un piège en le convoquant à un rendez-vous
sous un pseudonyme d'indicateur. (2) C'est ainsi que Narcisse
Danaé alias" Charlot" est démasqué. " Joueur passionné aux
courses ,,(3) , il aurait ( selon le Cri des Nègres )vendu
" son âme damné à la police ,,(4), livrant les adresses des
militants vivant aux colonies et organisant des réunions chez
lui après avoir soigneusement installé des policiers dans une
piè~e voisine. Pretextant l'absence de rapports signés" Charlot"
dans les archives du SLOTFOM, P. Dewitte doute du rôle poli-
cier joué par Danaé au sein de la LDRN, et insinue qu'il a
été victime d'une liquidation politique de la part du PCF. (5)
En ce qui nous concerne nous ne partageons pas du tout ce point
de vue et ce pour au moins deux raisons. Tout d'abord l'absen-
ce de rapports signés II·Charlot Il dans les papiers du SLOTFOM
s'explique simplement par le fait que Narcisse Danaé travail-
lait au service de la Préfecture de Police et non à celui du
CAL
(1) ANSOM SLOTFOM rlr CaAton 24. Kote de ltagent VLctOA 2i-3-3Z.
(Z) ANSOM SLOTFOM rI CaAton 16. Kote de l'agent Joe 4 AVAll 1932.
( 3)· Le." ·cn:i.' âe.~N~:g7teJ
ND 10-11 0 cto OAe.-N"O v emoM. 1B L
(4)
Idem.
( 5)
P. Ve-dli.tte. 0 p. clt.

604
Ensuite, Danaé n'exerçant aucune responsabilité au sein de
la section cOloniale du PCF, on voit mal quel objectif poli-
tique le parti aurait-il pu atteindre en l'excluant aussi
bruyamment de ses rangs. Certes dans Le' Cri des' Nègres, l'ac-
tion de Danaé a été " amalgamée " ~ celle du groupe Barbé-
Celor, mais i l faut voir l~ plus une accusation de circons-
tance qu'une explication pertinente. (1)
Ainsi pendant près d'un an, entre le printemps 1931 et le prin-
temps 1932, la LDRN-Kouyaté a t-elle vivoté avant de dis-
paraitre définitivement. Affaiblie par la scission, sapée
par l'infiltration policière (2) , l'organisation a également
beaucoup pati de l'absence de Kouyaté, transformé en mili-
tant syndical par l'rSR.
Comme nous l'avons vu précédemment, en 1930 Kou-
yaté a entrepris une première tournée dans les grands ports
français pour y créer des syndicats Nègres qui ont rapidement
périclité pour des raisons que nous examinerons plus tard.
Au début de l'été 1931, ce dernier repart dans les ports,
mais cette fois-ci,
i l ne s'agit plus de fonder des syndicats
autonomes mais au contraire d'encourager les marins nègres à
(1) V'ailleu~~ a l'époque ni Ba~bé ni Celo~ ne 6u~ent exc!u4
du PCF.
(2) Out~e Vanaé, la LV RN compte au moin4 deux policie~~ dan~
~e~ ~ang~ en la pe~~onne de Ko~~oui et Ramananjato.

605
rejoindre le syndicat CGTU des Inscrits Maritimes.
Cette nouvelle tactique n'a pas été élaborée par Kouyaté mais
directement inspirée par le Comité.Syndical International
des Ouvriers N~gres(l) de l'ISR qui a chargé la CGTU de l'ap-
pliquer~ L'action de Kouyaté s'ins~re dans un plan d'ensem-
ble qui a été détaillé par George Padmore dans une lettre
datant de Juillet 1931(2) et adressée à la section coloniale
de la CGTU.
" No U-6 V0u-6 av0n-6 au:tJt e. 60i-6 e. rL V0plu-6 i:.e.uJt-6 le.:t:tJte..6
au -6uje.:t de. vo:tJte. ac.:tion paJtmi le.-6 nègJte..6 e.n FJtanc.e.
e.:t aux c.olonie.-6 ( e.n A6Jtique. e.:t aux An:tille..6 J, mai.6
nous n'avon.6 jamai.6 Jte.çu de. Jtépon.6e., éc.Jti:t PadmoJte..
Nous e.spéJtons que. VOU-6 alle.z Jte.médie.Jt à c.e.:t é:ta:t de.
c.no-6e.-6 e.:t ac.c.oJtde.Jt plu-6 d'a:t:te.n:ti:.on à no:tJte. c.oJtJte.-6-
pondanc.e. à l'ave.niJt, no:tamme.n:t e.n JtappoJt:t ave.c. le.-6
Jt é c. e. n:te.t; dü c. U-6-6 i 0n-6 e:t dé c.ü i:.0n-6 auxque.ll e.-6 no u-6 av0M
af)ou:ti ave.c. la dUéga:tion qui:. e-6:t ve.nue. ic.i. Poin:t
n'es:t néc.e.-6-6aiJte. de. -6ouligne.Jt l'impoJt:tanc.e. du :tJtavail
paJtmi le.-6 nègJte.-6 e.:t VO-6 ooliga:tioM c.onc.e.Jtnan:t l'ap-
pU:c.a:tion de. la Jté-601u:tion c.oloniale du Vème. CongJtè-6j
(.... 1. En c.e. qui:. c.onc.e.Jtne. la Jtésolu:tion de ffamoouJtg
nOu.6 vous -6ignaloM le. poi.n:t qui :tJtai:te. de. la 60Jtma-
:tion d'urt -6ou.6-c.omi:té du Comi:té de f{amoouJtg à MaJt-6e.il-
le.. Le. ou:t de. c.e. -6ou-6-c.omi:té rt'e.s:t nulle.men:t de. pJten-
-----------~-~-------------
(lI
Le. CSrON e.4:t égale.me.rt:t appe.lé n Comi:té de. f{amoouJtg. n,
ville. où i.l -6iège..
(2) ANSOM SLOTFOM rrr CaJt:tort ~5. Le.:t:tJte. de. G. PadmoJte. au
Comi:.:té Colorti:.al de la CGTU 21 ]ui:.lle:t 1~3J.

606
" d~e la place de4 4yndica~s ~lvolu~ionnai~e4
ou de
c~le~ de4 4yndica~4 alpa~l4 ou aplciaux pou~ lea ~~a­
vailleu~a nèg~e4. C'ea~ une cno4e qu'il 6au~ comp~end~e
bien clai~emen~. Le bu~ du 4ou4-comi~l con4ia~e uni-
quemen~ a l~abli~ une ao~~e de pon~ en~~e la CGTU e~
lea maa4e4 nèg~e4. Ve ce~~e 6açon, vo~~e ~~avail de
p~opagande e~ d'o~ganiaa~ion pou~~a ê~~e g~andemen~
6acili~l. Noua devon4 con4idl~e~ comme no~~e ~acne
cen~~ale l'in~lg~a~ion dea doc~e~4 e~ ma~in4 nèg~ea dea
po~~a 6~ançai4 ( Ma~4eill~, 8o~deaux, Le Hav~e ) dana
lea 4yndica~4 ~lvolu~ionnai~e4. A cet e66et, noua pM-
p04on4 d'utili4e~ le plU4 la~gemen~ le4 ae~vice4 du
cama~ade Kouya;tl. Il doit ~empli~ lea 6onctiona de
pe~manent pou~ l'action au po~t et doit êt~e ~endu
~eapon4able de toute cette pa~tie du t~avail. V'aut~e
pa~;t il 6aut qu'il con~inue l'action anti~impl~iali4;te
de la Ligue pou~ la Vl6enae de la Race Nèg~e. Toute-
60ia cela ne veut pa4 di~e que le cama~ade doive êt~e
aouat~ait au cont~ôle glnl~al du Comi~l Colonial de
la CGTU. Bien au cont~ai~e, le Comi;tl doit veille~ a ce
t~avail de ;temps a aut~e et lui donne~ les di~ectivea
poV:.tiquea et l'a<54ùtance nlceua«.lLe ".(7)
Les choses sont donc claires : Kouyaté secrétaire général de
la LDRN a été détaché par l'rSR auprès de la CGTU pour or-
ganiser les marins nègres dans les ports français.
(7) ANSOM SLOTFOM III Ca~ton 25. Lett~e de G. Padmo~e au Comitl
Colonial de laCGTU 27 Juillet 1~31.

607
Parti à Marseille début Juillet 1931 (1) , i l Y trouve une si-
tuation des plus difficiles. Avec le renforcement de la crise,
le chOmage bat son plein et le moment n'est guère propice pour
organiser les colOniaux déjà réticent& en temps normal. Ain-
si , constate-t-i1 que Pierre Mbaye le responsable local de
la LDRN l ' a " laissé tomber ,,(2) et lorsqu'il s'adresse à un
propriétaire de bar pour y organiser une conférence, on lui
rétorque que s ' i l veut faire une réunion pour y exposer des
idées communistes i l n'a qu'à abandonner son projet car les
noirs ne veulent pas entendre parler du communisme auquel
ils ne comprennent rien
~t
ne demandent qu'à travailler
en toute tranqui1ité. (3)
En effet pour les coloniaux et pour les marins et dockers
noirs en particulier, la recherche d'un emploi est plus dif-
fici1e que jamais et l'attitude des syndicats n'est guère
pour les réconforter.
Les " Confédérés " demandent ouvertement le rapatriement
des marins coloniaux et étrangers, position qui est officie1-
1ement combattue par le PCF et la CGTU qui accusent la CGT
de tromper Il c.yniquement le~ maJz.in~ blanc.,s en leuJz. 6ai6ant
c.Jz.oiJz.e que c.'e~t la 6aute de~ maJz.in~ de c.ouleuJz. ~i le~ blanc.~
ne tJz.ouvent pa~ d'embaJz.quement Il. (4) Mais au delà des déc1a-
rations de principes, i l faut regarder la réalité et l'on
Y voit la CGTU recenser les marins nègres désirant se faire
(1)
Appliquant ,san,s doute une dil!.ec.tive de l'IC, la ~ec.tion
c.oloniale du FCF avait déc.idé Mn Juin d' envoyeJz. de,s mili,tan.,t~
dan~ le~ POJz.t<5 ( AMSOM SLOTFOM rn CaJz.ton. 29 1.
(2) ANSOM SLOTFOM rlr CaJz.,ton 21. LettJz.e du délégué du CAr au
ViJz.ec.,teuJz. de~ A66ail!.e~ Folitique~ 21 Juillet 1931.
(3)
Idem.
(4)
Rouge Midi leJz. Août 1931.

608
rapatrier en Afrique. (1)
Ainsi ce syndicat fait d'une pier-
re deux coups. D'un cOté i l s'attire les bonnes grâces de
certains marins nègres en " s'intéressant" 1 leur sort et
de l'autre il satisfait discrètement la vieille revendication
des marins français.
Dans ce climat, la tache de Kouyaté n'est pas aisée et les
meetings qu'il tient tout au long du mois de Juillet ne ren-
contrent qu'un faible écho. prOnant l'adhésion des marins
nègres aux organisations révolutionnaires, i l donne le che-
min 1 suivre en défilant le 1er AoUt aux cOtés des militants
communistes marseillais sur la Cannebière. Mais des heurts
ayant éclaté avec la police, i l est arrêté ainsi que le
responsable régional du parti et un militant sénégalais nommé
Amadou Faber Bâ. (2)
Jugés par" un tribunal de classe ,,(3)
les trois hommes écopent
respectivement de 45 jours, un mois et quinze jours de prison.
A Paris quand la nouvelle est connue des militants de la LDRN,
ceux-ci en font la une du Crî des-Nègres
"Alerte! Camara-
des nègres la répression Si accentue". (4)
Après avoir effectué ses 45 jours de prisqn, Kouyaté est l i -
béré le 16 Septembre 1931.(5)
Suivant certainement les instruc-
tions de la CGTU, i l reste à Marseille où i l poursuit son
travail de propagande auprès des marins nègres.
(II ANSOM SLOTFOM VI Ca~ton 8. L~tt~e du Syndieat Unitai~e de4
Ma~in4 du Comme~ee au Vi~eeteu~ dépa~tementat de t'o66iee de ta
main
d'oeuv~e 1e~ Août 1231.
(2) Mititant eommuni~te A.F. Ba avait déj~ a~~êté te moi4 p~é~é­
dent ( Rouge M:i:di 4 ] uiUet 123 J ).
(3)
Exp~e~~ion utiti~ée dan~ un t~aet du FCF de ta ~êgion ma~­
ae~ttaiae. ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 2'.
(4) Le C~i de4 Nèg~e4 N°2 Septemb~e 1231.
(5) A~eh. Vépa~t. de4 B-l>R. M6 Ca~ton 8288. Lett~e du eommü~ai~e
"'''IJI+",,{1
An
U" ... .tn:OO"
n,.
'O ... ;;/n+
"/11.1.
t2
'0
1t.
CtI""+I"I .... h ... 1"I
10'2.1

609
Quelques temps après sa libération, lors d'une réunion de la
section coloniale du PCF consacrée à la réorganisation du
travail colonial de la CGTU (1), Kouyaté est proposé pour
faire partie de la section coloniale de la centrale syndica-
le unitaire. (1)
Chargé plus particulièrement du travail par-
mi les navigateurs, i l est délégué de manière quasi-permanen-
te à la Fédération des Marins, ce qui lui interdit de s'occu-
per sérieusement des affaires de la LDRN.
En Septembre 1931, il lance un appel" aux navigateurs nègres"
dans le Cri dU'Marin, organe de la Fédération CGTU des marins.
Evoquant la crise économique qui vient" aggltavelt la !!i.tua-
t-<'on déjà teltlti.fjle de!! navi.gateult!! nègltes ,,(2), il dénonce
" le!! mots d'oltdlte 6a!!ei.!!te!! ,,(3) des confédérés qui procla-
ment : " tltavai.l pOUIt le!! 6Itanç.a.i.!!
[ eompltenez !!ou!! ee teltme
le!! fjlane!! J,. ma-<'!! ehômage, m-<.!!èlte, 6a-<'m POUIt le!! navi.gateult!!
étltangelt!!, nèglte.!! et de eouleult ,,(4) et déelalte
" Seul!!, le!! !!ljnd-<'eat!! un-<'tai.lte!! de!! i.n!!elti.t!! malt-<'-
ti.me!! eomoattent la d-<'!!ti.neti.on de Itaee, de eouleult
et de nati.onali.té. rl!! pltoelament que. tau!! le!! navi.-
gate.ult!! blane!!, nèglte!!, annam-<.te!!, ehi.no-<.!!, !!omal-<'s et
noltd-a61ti.eai.n!! ont dltoi.t à un ti.tlte. égal aux même!! !!a-
lai.lte6 et eommodi.té6 de eo~ehage., à la même noultlti.-
tulte e.t tOU6 autlte6 avantages. A tlta.va.i.l égal, !!a.lai.lte
ég al "
(5)
.
(1)
Alteh. de. la. CCC Année 1931 fjobi.ne 69J461 Réuni.on du 29-9-31.
(2) c le cCKi. cduc J,fa.:I[.:{;n N· 28 Se.ptemolte 1en 1 •
131 Ide.m.
(4)
I de.m.
[ 5)
rde.m.

610
Les armateurs
ayant dénoncé le
contrat
collectif
qui les
liaient aux syndicats de marins, la CGTU prépare une grande
grève pour l'année 1932. Dans ce but, Kouyaté passe la fin
de l'année 1931 à aller de port en port pour organiser la
mobilisation.
L'engagement syndical de Kouyaté, préconisé par l'I8R, se
répercute par ricochet sur la LDRN. Ainsi, le Cri des Nègres,
le journal de la LDRN, n'est plus l' " organe de la LDRN "
comme l'était jadis' La Race Nègre, mais l' " organe des tra-
vailleurs nègres JI. En Décembre 1931, pour la première fois,
la LDRN est'invitée à un Congrès National de la CGTU. (1)
A cette occasion un cahier de revendications des travailleurs
nègres a été élaboré qui est diffusé sous forme de tracts(Z)
et publié dans ~e Cri des Nègres. (3) Présentant d'une part
les revendications des travailleurs nègres en France et d'au-
tre part celle des travailleurs nègres des colonies, ce texte
est centré sur le thème de l'égalité des droits et des de-
voirs.(4)
Durant tout le premier trimestre de l'année 1932,
Kouyaté sillonne les ports de France pour préparer la grève
nationale des marins. Au cours de ce périple, il touche du
doigt la situation dramatique que vivent les marins coloniaux,
(1)
Il .6' agLt du. 6 ème. Co ngltè.6 Nati.o nÇl.l de. ta CGTU, Qltgani..6 ê. du.
8 au. 15 Véce.molte. 1931.
(2) ANSOM SLOTFOM rrr Caltton 111. Au.x tItÇl.v~i.tle.u.It.6 Nèglte..6 de.
Fltance et de.6 Coloni.e..6.
(3)
Le'CIt:fae.~ N'èglte..6 N° 4 - 5 No ve.mo-Ite. -1) ê.c e.mo.Jte. 1B 1 •
(4) Voi.1t le. te.xte. e.n annexe..

611
situation qu'il décrit dans un article publié par le Cr.i des
Nègres (1) et reprit par le Cri du Marin (2) •
»
Le eh6mage a 6~appŒ te~~iblement le6 ma~in6 eoloniaux,
ée~it-il. Voila de6 Nèg~e6, des Indoehinoi6 et de6 A~a­
be6 6u~ le pavé pa~ centaine6 a Ma~6eille, Bo~deaux,
Rouen, Vunke~que, Saint Nazai~e et au Hav~e. Il6 60nt
debout du matin au 6oi~, pa~ 6ile6 et g~oupe6 biga~-
~Œs devant le6.bu~e.aux pa~itai~e6 de placement, devant
le6 locaux de l'rn6c~iption Ma~itime et lez. agence6
de6 compagnie6 de navigation. pa~ d'emba~quement et
pas de t~avail a te~~e. Vepuiz. des jou~6 et dez. jOU~6
ilz. ma~chent en quête d'un Doulot quelconque. Soulie~z.
u6és etéculé6, vêtements ~apés et ca6quettes dŒ6~aZ­
chie6. Vepuiz. de.z. jou~z. et de6 jou~z., ilz. n'ont pa6
mangé, ca~ le6 pat~onz.-pen6ion6 ne veulent plU6 'ma~­
que~r. Cela empêche~a le6 dette.z. accumulŒez. de g~os­
6i~ toujou~6. Ve leu~ c6té les nôtelie~6 ont pe~du
leu~ 6ou~i~e d'antan, pa~ce que la misŒ~aole allocation
de 7 6~anc6 ( quand on a la chance d'en oŒnŒ6icie~ )
ne su66it pa6 a éteind~e les dette6 anté~ieu~es. Le6
coloniaux cFi.ômeu~s expul6és de leu~6 hôtelz. coudi:.ent
6u~ le6 quai6, dan6 ee~tains vieux navi~e6 désa~mé6
ou dan6 des tunel6 au Cap Pinède a Ma~se.ille comme des
(1)
LeC'Jr.';{.' âe:z.- Nêg'Jr.è6 N'6-7 Janvie~-FŒv~ie.~ ]932,
(2) n.' 'C'Jr.';{.- â.u. no.-U:.",.
Nouvelle 6é~ie N' 1 MaM ] 932,

612 i
" t.Jr.oglodrJt.e.~. FÙ1.ie. la. mu~ique. a.u Jr.rJ:th'me. e.ndia.Blé.
de.~ piano~ méQa.nique.~ de.~ baJr.~ dan~ le.~ pOJr.:t~. Fini~
le.~ n QOUP~ de. Jr.ouge. Ou (~BlanQ " don:t le.~ ma.Jr.in~ a.Jr.-
Jr.o~a.ie.n:t le.uJr. Jr.e.t.ouJr. de. vOrJa.ge.. Mai~ 6ini~ ~UJr.:tou:t
le.~ QOUP~ de. ~iJr.ène. e.t. ~e.~ 6umée.~ de.~ gJr.o~~e.~ Qnemi-
née.~ qui déQniJr.a.ie.nt. e.:t e.moJr.uma.ie.n:t l'a.:tmo~pnèJr.e. de.~
qua.i~. Cime.t.ièJr.e. de. 46 na.viJr.e.~ a Ma.Jr.~e.ille.j de. 64 au
Ha.VJr.e.i de. 15 a Roue.n e.t. de. 35 a Vun~e.Jr.que.. AUQun de.
Qe.~ na.viJr.e.~ n'a.Jr.me.Jr.a pe.u:t êt.Jr.e. plu~. Ce.pe.nda.nt. ou a.l-
le.Jr. t.Jr.a.vaille.Jr. ? En A6Jr.ique. ? En TndoQhine. ? A Mada.ga.~­
Qa.Jr. ? Van~ le.~ An:tille.~ ? Va.n~ Qe.~ pa.rJ~ Qolonia.ux, !e
Qhôma.ge. e.~:t p!u~ généJr.a.l, plu~ t.e.Jr.Jr.iBle. enQoJr.e. Que.
6a.iJr.e. a.loJr.~ ? Se. ~uiQide.Jr. Qomme Qe ma.Jr.in. nègJr.e. 6it.
à Rouen. le. 2 FévJr.ie.Jr.,
e.t. Qomme de.~ diza.ine.~ d'a.u:tJr.e.~
dont. on t.Jr.OUve. le~ QOJr.p~ da.n~ le.~ ba.~~in~ de.~ gJr.a.nd~
pOJr.t.~ ? Vole.Jr. pouJr. pouvoiJr. ma.nge.Jr. Qomme 6iJr.e.nt. 30
ma.Jr.in~ ola.nQ~ a VunRe.Jr.que en. Ja.nvie.Jr. ? Me.ndie.Jr. Qomme.
Qe ma.Jr.in. nègJr.e. Sa.m~on Jo~epn a.Jr.Jr.ê:té a E~:ta.iJr.e.~ le. la
Ja.nvie.Jr. ? Non Qe. ne. ~ont. pa.~ de.~ ~olu:tion~ a.u Qnôma.ge..
Tl 6a.ut. vivJr.e.. Et. pouJr. le. ma.Jr.in, vf..vJr.e ~ou~ le. Jr.égime.
d'exploit.a.t.ion Qa.pit.a.li~t.e., Q'e~t. ~loJr.ga.ni~e.Jr. e.:t lut.-
:te.Jr. pouJr. a.Jr.Jr.a.QneJr. ! a.~~uJr.a.nQe-d'Lôma.ge.
1
a la. oouJr.ge.oüie. ". n)
En Mai 1932, Kouyaté, Amadou Faber Ba et un marin sénégalats
de Rouen sont désignés par les martns nègres de France pour
les représenter au Congrès de l'Internationale des Marins et
(1) Le. C7r.i..- âe.:ç N'è~7r.e~
Nouve.lle. ~VÙe. N° 1 Ma.Jr.~ 19.3'Z ( a.Jr.t.i-
Qle. puBlié ~ou4 le. p~eudonrJme de. SiJr.a.gnôuma. ).

613
Dockers qui doit se tenir à 'Hambourg du 20 au 28 Mai.
A ce Congrès où 131 d€légués
représentent les marins de 31
pays, Kouyaté est membre de la présidence d'honneur aux cO-
tés d'Ada Wright,
la mère de deux des jeunes condamnés de
Scottsborough. (1)
La dernière journée du Congrès est plus
spécialement réservée aux questions coloniales, et c'est lors
de cette séance que Kouyaté prend la parole. Après avoir dé-
noncé la politique des syndicats réformistes, i l appelle les
marins coloniaux à adhérer aux syndicats unitaires, aux co-
mités des chOmeurs, etc ••• et déclare:
" Noua aavon4 qu'on veut utiliae~ lea ma~in~ de~ eo-
lonie4 pou~ la gue~~e eont~e l'Union de4 Sovieta, com-
me on lea a exploitl~ en 1914. Mai~ noua aavon~ au4ai
que l'Union de4 Sovieta e~t le 4eul état où l'on ait
lifrl~l le~ peuple~ coloniaux. NQua ne lai4ae~ona pa~
pa~&e~ une gue~~e eont~e l'Union Soviltique ".(2)
Après ce Congrès, Kouyaté mit quelques temps ses activités
syndicales entre parenthèses, car à son retour de Hambourg,
une nouvelle tache lui avait été attribuée
: la réorganisation
du mouvement anti-colonialiste nègre.
------------------~------
(1) A.N. Sl~ie F1 Ca~ton 1311a. Rappo~t du COmmi&4ai~e Spleial
deBo~deaux. 12 Juillet 1932.
(2) ANSOM SLOTFOM Irr Ca~ton 41. Lett~e du Commi~aai~e Spleial
de St~~oou~g au Vi~eeteu~ de& Se~viee4 9lna~aux de Police
d'Alaaee-Lo~~aine. 6 Juin 1232,

614
On s'en souvient, suite à la scission de la LDRN
en Janvier 1931, Emile Faure a engagé une procédure judiciai-
re pour récupérer le titre du journal-la Race Nêgre, le si-
gle LDRN et les archives de la Ligue. La police ayant saisi
la plaque qui servait à imprimer-La-Race-Nêgre publiée par
la tendance Kouyaté, cette dernière a perdu une première batai~
le en devant adopter un autre titre pour son journal à sa-
'Voir Le-Crides'Nê'gres, lancé en Aoat 1931.
Cependant en ce qui concerne la question du sigle et le pro-
blème des archives de la Ligue, les choses ont été plus lon-
gues à s'éclaircir puisque la bataille de légitimité a duré
pratiquement un an. Finalement ce n'est qu'en Février 1932
que Kouyaté est convoqué devant le juge d'instruction pour se
voir inculper de détention arbitraire de documents. Le 6 Fé-
vrier dans le cabinet du juge, Faure et Béton lui proposent
r
un règlement à l'amiable en proposant la cessation des pour-
suites contre la remise des documents en litige. Tout d'abord
Kouyaté refuse et propose au juge l'organisation d'une assem-
blée générale destinée
à montrer qui dét.1ent
effectivement
la majorité. La partie adverse refuse cette solution
Kouyaté
décide alors de remettre les archives de la LDRN à ses adver-
saires pour éviter un procès en correctionnelle. (1)
---------------------
(1) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~~on 47. No~e d~ l'agen~ V~c~o~
8 Fév~i.e.~ 1932~

615
Dès lors, Faure et Béton ont définitivement gagné la partie
de bras de fer qui les a opposés à Kouyaté,: ils sont dés or-
mais les seuls à pouvoir se prévaloir du sigle LDRN.
Fin Mars, quand les instances de l're et de l'rSR apprennent
la disparition de la LDRN, elles expriment au PCF leur vif
mécontentement et exigent un rapport sur l'utilisation des
fonds alloués jusqu'alors à cette organisation. (1)
Sur ce
éclate l'affaire Danaé qui retarde d'autant la constitution
d'une nouvelle organisation, Kouyaté étant alors délégué à
la Fédération des Marins. Les choses en seraient peut être
restées là si le PCF n'avait pas reçu une lettre de l'rC cri-
tiquant sévèrement ses conceptions en matière coloniale et

lui prescrivant une réorganisation urgente de la section
coloniale. (2)
A son retour de Hambourg, Kouyaté est donc chargé, en 1iai-
son avec le PC, de constituer une nouvelle organisation. Le
25 Juin 1932 une réunion constitutive est organisée, mais
1 ..
sur la soixantaine de nègres convoqués, i l n'y a que 17 pré ..
sents.(3) Malgré la faible assistance, les discussions s'en-
gagent et l'assemblée décide de baptiser la nouvelle orga-
nisation:
Union des Travailleurs Nègres. Du fait de la pé-
riode estivale, les discussions traînèrent en longueur jus-
qu'à la fin du mois d'AoOt et ce n'est que le 27 de ce mois
qu'une véritable assemblée générale constitutive fut organi-
sée.
(1) ANSOM SLOTFOM III Ca~to~ l~J.Not~ de ~'ag~~t V~cto~ 2~~3-32,
(2) ANSOM SLOTfOM V Ca~ton 23, N'ote de .t'agent VùtM 2.~-5-32..
(3) ANSOM SLOTfOM TI CMto~ 16, Note. de .t'ag~~t Joe. 2.7-6-32.,

616
Lors de cette réunion une vive polémique oppose Rosso à Kou-
yaté sur la ligne politique à imprimer à l'UTN. Kouyaté dé-
sirant attirer le maximum de nègres dans les rangs de la nou-
velle organisation, a proposé des statuts qui font de l'UTN
un cadre dont le but est Il d'a~~u~e~ le développement Qultu-
~el et d'ent~aide mutuelle ent~e le~ t~availleu~~ manuel~ et
intelleQtuels nèg~es de tou~ le~ palf~ ". (1)
A l'écoute de ces propos Rosso déclare qu'il ne voit rien
de politique dans la nouvelle organisation et ajoute qu'il
p~éfère la quitter plutôt que d'apporter son concours à une
société de secours mutuel. Pour calmer les débats, les assis-
tants proposent de modifier l'article 3 des statuts en le
rédigeant ainsi" le out de l'UTN e~t d'assu~e~ en vue de
l'émanQipation, le développement Qultu~el et l'ent~aide mu-
tuelle de~ nèg~es de F~anQe et des'Qolonie~ II~l)
Adopté à la majorité cette modification est supprimée quel-
ques jours plus tard, lors de la rédaction définitive des
statuts au profit de la proposition originelle. (3)
Au-delà
èe cette bataille de mots, ce qui opppose Rosso à Kouyaté
c'est la nature des liens que la nouvelle organisation entre-
tiendra avec le PCF.
Pour Kouyaté, i l s'agit de grouper les
nègres dans l'UTN et d'y faire un travail souterrain pour
leur donner une éducation révolutionnaire avec l'appui des
(1) AN Sé~ie Fr Ca~ton 13Q48. Statut~ de l'UTN.
(l)

ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 53. Note de l'agent ]oe lQ-8-3l.
(3) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 53. Note de l'agent ]oe 5-Q-32.

617
travailleurs français. A contrario, Rosso se prononce pour
une collaboration au grand jour avec le PC, tactique qui
mettra de fait l'UTN sous la coupe du PCF, ce à quoi Kouyaté
se refuse.
Le 3 septembre, les statuts ayant été définitivement élabo-
rés, les militants de l'UTN élisent le bureau de leur orga-
nisa tion. Kouya té,
" trop rouge ,,( 1) aux yeux de nom-
breux nègrès, s'est désisté en faveur de Ramananjato pour
le poste de secrétaire général,
se faisant élire simplement
secrétaire-adjoint. Cependant dans la réalité, c'est lui qui Va
assumer la direction de l'UTN. Imitant le modèle d'organisa-
tion du PC, l'UTN s'est doté d'un secrétaire à l'organisation
en la personne d'Edouard Georges. Le poste de trésorier géné-
rai a été confié ( comme d'habitude) à Stéphane Rosso, secon-
dé par un nouveau venu Félix Merlin. En ce qui concerne le
Cri des Nègres, Alpha en reste le gérant. Outre l'élection
du bureau, l'UTN a procédé à la désignation d'une commission
de contrOle composée de Mme Zioudou, Trisot, Ebele, Mme Ra-
" .
mananjato et présidée par Kossoul. (2).
Ainsi réorganisé le mouvement anti-colonialiste es-
saie tant bien que mal de reprendre un rythme d'activités sou-
tenu. Alpha et Merlin assistent au Congrès Mondial contre la
Guerre qui se tient fin AoQt 1932 à Amsterdam et en font un
compte-rendu public fin Octobre. (3)
-----------------------
11) ANSO~ SLOTFOM II Ca~to~ 16. NQte de l'age~t )Qe '-'-32.
(2) ANSOM SLOTFOM lIT CMto~ 53. Note de l'age~t )Qe. 5-'-32-
(3) ANSOM SLOTFOM rr Ca~ton lQ. Note de l'agent Paul 25-1Œ-32.

618
Début Décembre,
l'UTN invite l'Antillais Felix Denys qui
fait une conférence sur" la situation des Nègres aux An-
tilles n(l), et quelques jours plus tard elle organise une
fête à Saint-Denis qui attire plus de 500 personnes. (2)
Cependant,
les réunions régulières de l'UTN sont de plus en
plus clairsemées, et quand le'Cric des" Nègres paraIt en No-
vembre 1932, i l rompt un long silence de six mois. Tous ces
élèments sont autant de symptômes d'un déclin qui semble ir-
réversible.
(1) ANSOM SLOTFOM rr Ca~ton 16. Note de t'agent Joe 3-12-32.
(2) ANSOM SLOTFOM rr Ca~ton 16. Note de ltagent Joe 5-12-32.

619
CONCLUSION.
A partir de 1926, grâce à l'impulsion décisive de
Lamine Senghor on a assisté à un véritable réveil des nègres
immigrés en France. En affirmant de manière provocante leur
fiérté d'être nègre, en réhabilitant ce terme" maudit Il
les militants du CDRN ont provoqué un choc salutaire qui a
peu à peu permis l'affirmation de la personnalité nègre. Ce
mouvement a ainsi redonné confiance, espoir et dignité aux
membres de la diaspora africaine en France mais aussi
aux
Il
élites Il éduquées à l'école de l'Occident. Alors que Kojo
Tovalou Houénou avait surtout mis en exergue les qualités
propres aux nègres dans le but de prouver qu'ils étaient
tout à fait capables et dignes d'être assimilés, Lamine
Senghor et ses ,amis vont revendiquer haut et fort leur cul-
ture, leur histoire, leurs coutumes, èn un mot leur civili-
sation pour mieux étayer leur revendication indépendantiste.
Parlant Il vrai n, le CDRN va rassembler en quelques
mois plus de nègres que ne l'avaient jamais fait le PCF et
l'UIC réunis. Réunissant aussi bien des intellectuels, des
anciens combattants, des travailleurs des ports de France
que des" évolués" des colonies, i l est la premtère orga-
nisation noire de France à avoir réellement dépassé les limi-
tes étroites des cercles intellectuels parisiens.
Mettant en avant les intérêts de la Race Nègre, le CDRN n'est
pas pour autant une organisation raciste ou JI négriste JI,

620
et par la voix de son leader, il prouvera à Bruxelles sa so-
lidarité avec les peuples du monde en lutte contre l'impé-
rialisme. Cependant cette dernière orientation n'est pas
pour plaire à -tous au sein du Comité. Organisation de masse,
il rassemble des gens de toutes tendances politiques et ,
rapidement, une lutte entre deux lignes va opposer les te-
nants de l'assimilation disrètement soutenus par le minis-
tère des Colonies aux partisans de l'indépendance. L'affron-
tement de ces deux conceptions aura pour conséquence la dis-
parition du CDRN " originel ", suite à la scission de Mars
1927. Vainqueurs apparents, les assimi1ationnistes dispara!-
tront rapidement de la scène, incapables de mobiliser réel-
lement les nègres autour de leurs conceptions. Au contraire
les partisans de l'indépendance sortiront finalement la t~­
te haute de cette situation difficile en fondant la·LDRN.
Reprenant le travail entrepris jadis par le CDRN,
la nouvelle organisation déploie son activité vers les ports
de France comme vers les colonies. Faisant preuve d'une gran-
de ingéniosité, les militants de la LDRN établissent des liai-
sons clandestines avec les colonies pour y faire entrer leur
littérature
et assurer la sécurité de leurs correspondances.
Ainsi les Antilles, la majeure partie de l'Afrique Occiden-
tale et quelques colonies côtières de l'Afrique Equatoriale
sont touchées. Dans tous ces territoires, le scénario est
à peu près identique : la LDRN recrute principalement ses
sympathisants parmi les n évolués u, l' " élite u, ies inte1-

621
1ectue1s à savoir les instituteurs, les cadres africains de
l'administration coloniale, les petits fonctionnaires
( pos-
tiers)douaniers)etc ..• ), les cheminots, les petits commer-
çants et les employés de commerce. Si peu de journaux pas-
sent au travers des mailles du filet des services de police,
ceux qui parviennent aux colonies trouvent un écho certain.
Lu et commenté en groupe, le journal passe de main en main
bénéficiant d'un impact et d'une durée de vie impensables
aujourd'hui.
Quelques mois après sa création la LDRN est désemparée par
le décès de son fondateur, Lamine Senghor, et durant près
d'un an elle vit une période de flottement. Pendant un temps,
René Maran, Joseph Gothon Lunion puis Camille Saint .Jacques
essayent de s'emparer du leadership du mouvement anti-co1o-
nia1iste nègre, mais finalement c'est Kouyaté qui prend le
relais. Sollicité à l'intérieur comme à l'extérieur de la
Ligue de rompre les liens qui unissent la LDRN au PCF, ce
dernier ne sait au juste quelle ligne politique adopter.
Considérant sans doute que la fin justifie les moyens, Kou-
yaté frappe un peu à toutes les portes pour améliorer le sort
de ses congénères et ultérieurement obtenir l'indépendance.
C'est ainsi qu'il observe une courte trève. dans le combat qui
oppose la LDRN à Blaise Diagne, puis i l se tourne vers Lamine
Guèye, Ga1andou Diouf et même le président du Conseil
Raymond Poincarré. Cherchant des appuis moraux mais surtout
financiers,
i l se tourne également vers les leaders noirs-
américains tels WEB du Bois et Marcus Garvey.

622
Mais
toutes ces démarches s'étant révélées vaines et faisant
sans doute contre mauvaise fortune bon coeur, i l décide de
ranimer les liens qui existaient entre la LDRN et le PCF.
En quelques temps Kouyaté devient le leader incontesté du
mouvement anti-co1onia1iste nègre en France, participant à
de nombreux congrès internationaux organisés par le mouvement
communiste en URSS et en Allemagne.
Très lié à L'Internationale Syndicale Roug~
et plus parti-
culièrement au Comité Syndical International des Ouvriers
Nègres, dirigé par Ford puis par Padmore, i l entreprend une
tentative de syndicalisation des marins nègres dans des syn-
dicats autonomes à Marseille et Bordeaux.
Cependant ses liens très étroits avec le mouvement communiste
international ne sont pas du goQt de tout le monde au sein de
1~ LDRN, et une opposition sourde se fait jour sous la hou-
lette de Faure et Béton. Ce mécontentement un moment souter-
rain, est renforcé par la campagne de l~Ami du Peuple contre
les tendances " moscoutaires Il de la tDRN et, en Janvier 1931
suite à un conflit de plusieurs mois, la Ligue éclate entre
partisans et adversaires d'une collaboration avec le PCF.
On assiste alors à l'affirmation d'un courant nationaliste
nègre qui tout en se prononçant clairement pour l'indépendan-
ce est hostile à toute collaboration avec les organisations
européennes qu'il suspecte de mettre leur intérêt propre avant
celui des nègres. ReJ'etant la domination àes " ma.ttres blancs Il
au profit d'une ligne politique Il d'essence exclusivement

62:
raciale ", Faure et ses amis sont en fait les premiers re-
présentants d'un courant panafricaniste fortement influencé
par l'idéologie garveyiste. Ne bénéficiant d'aucun soutien
matériel extérieur, la LDRN-Faure a du mal à faire paraître
la Race Nègre et,' à partir de 1932, de mensuel le journal de-
vient de fait annuel.
Du cO~é de Kouyaté et ses amis, la situation n'est guère plus
brillante. Affaiblie par la scission, diminuée par l'affaire
Danaé et l'absence de Kouyaté occupé sur le front syndical,
l'UTN, créée durant l'été 1932, ne parvient pas à mobiliser
-réellement les nègres.
Ainsi s'achève une période qui a débuté en 1926 avec la créa-
tion du CDRN et qui peut être considérée comme l'age d'or du
mouvement anti-colonialiste nègre.

624
QUATRIEME. PARTIE
LE LENT DECLIN
( 1933 - 1939 )

625
CHAPITRE X
CHACUN POUR SJ l lfJUS PJUR L' AFRIQUE 1
La création de l'U:T.N. durant l'été 1932, et le
contrOle étroit exercé sur le Cri des Nègres avaient déjà
correspondu à une reprise en main du mouvement nègre par le
P.C.F. La conjonction de cette' tendance " séculaire " avec
l'arrivée des nazis au pouvoir en Allemagne et l'infléchis-
sement de la politique de l'I.C. dans le domaine colonial qui
s'en suivit vont conduire à l'exclusion de Kouyaté du P.C.F.
et par ricochet de l'U.T.N.
Exclu du mouvement révolutionnaire, Kouyaté se rapprochera
alors des nationalistes qu'il avait jadis combattu. En rela-
tion étroite avec George Padmore réfugié en France depuis son
expulsion d'Allemagne, i l tentera d'abord de fonder une Fédé-
ration des Associations Nègres de Paris, puis projettera l'orga-
nisation d'un Congrès Mondial Nègre avant d'essayer, en col-
laboration avec les nationalistes arabes et indochinois, de
faire revivre une organisation comparable à l'U.I.C.
Faute de moyens nécessaires et de soutien politique, ces pro-
jets seront autant d'aventures sans suite, mais de son cOté
l'U.T.N.ne fera guère mieux, sa principale activité consis-
tant à organiser sa propre survie.
Dans ce contexte de crise profonde, les intellec-
tuels nègres jusqu'alors peu présents vont faire une percée
remarquable. La ReVue du Monde Noir, puis Légitime Défense

626
exprimeron~ en tant que telles, les préoccupations des intel-
lectuels nègres. Mais alors que la seconde qui se mouvait dans
le sillage du courant anti-colonialiste radical subira de
plein fouet le contre-coup de son déclin, la première beau-
coup moins marquée à gauche donnera plus tard naissance au
mouvement de la Négritude. Ce dernier loin d'innover en ma-
tière culturelle, ne fera que reprendre des thèmes mis en avant
par le courant radical dès l'époque du " réveil des nègres ",
à cette différence près que les préoccupations politiques et
notamment le combat pour l'indépendance en seront absents.
Cependant alors que le mouvement nègre était au creux de la
vague, un évènement international allait provisoirement le
ressouder et le dynamiser: l'agresseion italienne contre" l '
Ethiopie.

627
1. LA MISE SOUS TUTELLE DE L'UTN.
-----------------------------
1.1. Q~~_~~~~~~~_~2~E!~~~
~:~~~!~~~2~_~~_~2~Y~~~_~~_~Ç!·
Le 31 Octobre 1933, un bref communiqué publié dans
l'Humanité annonce
» Le Coml~l
Cen~~al exclu~ l'ex-cama~ade Kouya~l pou~
le~ mo~l6~ ~ulvan~~
10 )
Kouya~é a ~~ompl le Pa~~l, il n'a jamal~ voulu
~end~e comp~e de la ge~~lon de~ po~~e~ ~e~pon~aol~~
qui lui 6u~en~ con6il~.
2 0 )
Tl a ~en~l de dl~ag~ége~ l'Union de~ T~availleu~~
Nlg~e~.
30)
Il en~~e~ien~ de~ lial~on~ avec de~ exclu~ e~ de~
adve~~ai~e~ du Pa~~l Communl~~e e~ du mouvem~n~ ~yn­
dical ~lvolu~ionnai~e.
4 0 )
Convoqul a deux ~ep~i~~~ di66l~en~e~, il n'a pa4
~épondu a ce~ deux convoca~lon~ » (1)
.Ainsi prend fin le conflit qui oppose, depuis 1929, Kouyaté
au PCF et dont l'enjeu principal a été le contrOle étroit du
mouvement anti-colonialiste nègre par le Parti. Cependant à
ce problème relativement simple sont venues se greffer de mul-
tiples considérations qui font de l'exclusion de Kouyaté du
PCF une affaire complexe qui interdit les explications simplis-
tes. Ceci dit, avant d'essayer de comprenire la vraie dimen-
sion de cette affaire, revenons en d'abo~4 aux faits.
-~----------------------

628
Le 3 Juillet 1933 lors de la réunion de la fraction communis-
te de l'UTN au siège du PCF, 120 rue Lafayette, Henriette (1) ,
membre de la section coloniale, donne lecture d'une note du
responsable de la Commission de ContrOle du Parti suspendant
Kouyaté de toutes ses fonctions.
Désormais, i l lui est interdit d'assister aux réunions de
la fraction ainsi qu'à toute autre réunion d'organisations
révolutionnaires
( SRI, CGTU, LAI, .•• ) en attendant que la
Commission de ContrOle ait définitivement statué sur SOn cas. (2)
Trois mois plus tard, le 5 Octobre 1933, l'heure du » procès"
de Kouyaté est arrivée. En présence de Coutat représentant le
Bureau Politique et de Merlin, Alpha et Kossoul, représen-

tant la fraction communiste nègre, Gourdeau membre de la Com-
mission de ContrOle du Parti préside la séance. L'ambiance
est lourde, et d'emblée Gourdeau met l'accent sur la gravi-
té des faits reprochés à Kouyaté.
" Ce n'e~t pa~ d'aujou~d'hui que nou~ le ~uivon~,
dit-il, il if a d~jà. quelque~ te.mp~. Ce n' e~t pa~ d~ô-
le de t~adui~e un cama~ade. devant la Commi~~ion de
Cont~ôle ca~ On lui' enlève toute.~ ..se~ 6onction~.
A6in de ne pa~ 6MÜ~e.~ le~ Nèg~e..s qui le ~uivaie.nt,
le Paft.ti ne voulait pa..s le. b~u~que~, au~~i avion~ rtOu..s
d~cid~ de lui ~e.ti~e~ ~e~ 6onctioM ~aM ~o~ui.te~ l'a6-
(1)
Memb~e de la ~e.ction coloniate. de.pui~ 1'l31, f{en~iette,
d'o~igine allemande, ~ep~~~ente t'fC aup~è~ du PCF. Pou~ de~
~ai~on~ de.~~cu~it~ elle a cont~act~ un ma~iageotanc avec un
militant 6~ançai~ et ~'appetle f{en~iette Neveu. Au ..sein. de ta
Ligue Anti-imp~~ialùte, une militante. COnnue ~ou..s le. nom de
Ma~ia e~t dan~ le même ca~ de. 6igu~e ( ANSOM SLOTFOM rr Ca~ton 3
Rappo~t de Victo~. Z6 Juin lr3Z ).
(Z) ANSOM SLOTFOIf Tr Ca~ton 16. Note de l'age.nt Joe 4-1-33.

629
te~ d no~ ~onvo~at~on~ nou~ ~omme~ ool~gé~ d'ag~~ ~e-
ion no~ mOifen~. C'e~t pou~quo~ nou~ avon~ ~onvoqué
le~ Nèg~e~ de l'UTN et demandon~ au ~ama~ade Coutat
de nou~ donne~ ~on av~~ ". (1)
Sur ce, Alpha et Merlin prennent la parole, accusant Kouyaté
d'être un " traître" et demandant que des mesures soient
prises contre lui afin d'éviter le " sabotage" du mouvement
nègre. Reprenant la parole Gourdeau déclare:
le développement de l'UTN et le o~en êt~e des nèg~e~,
ma~~ ~l l'a ga~dé pou~ ~es oe~o~ns pe~~onnels. Nou~
l' avoM .6ui;v~ daM les d~6 6é~ertts qua~t~e~.6 qu' il 6~é~
quentai;t. Nou~ ~avon~ ~e qui; se pas.6a~t ~ue du Somme-
~a~d[2): ri if dépen~ait lOO 6~an~~ en une ~o~~ée ou
dan~ une ooZte de nuit du Qua~t~e~ Lat~n. Si nou~ ne
l'avon~ pa~ é~u~qué ~'éta~t pou~ vou~ les nèg~e~ que
nou~ ~~a~gn~on~ de 6~oisse~ mai~ a p~é~ent que nous
di: Kouifaté n'a pas ~emi~ le~ ad~e~~e~ [ de~ ~o~~espon­
dants du mouvement nèg~e aux ~olonie~ ) et le~ do~u-
•,
ment~ ( ~ompta.éil~té du- Cn.:<: -d"e'".6- tngn.e~,
Mti~le~,
et~ ... )
nou~ p~end~oM une dé~üi:on ~on.t~e lui. C••• ). La. dto-
~e e~t tellement g~a.ve que nous n'o~on~ même pa~ en
(1) ANSOM SLOTFOM rr Ca~ton 1~. Note de l'a.gent Paul 6-10-33.
(2) Rue du Somme~a~d exista~t Un ~es.tau~a.n.t 6~éqùen.té pa~ les
m~l~ta.nt~ ant~-~olonial~ste~.

630
" pa~le~. Kouyatl e~oit que ee sont les memb~es du PC
qui l'ont suspendu de ses éonetions. Non eama~ades
e'est l'Tnte~nationale de Moseou qui nous a envoyl un
tlllg~amme pou~ le suspend~e de toutes ses éonetions
dans le mouvement ~lvolutionnai~e. Tl ml~itait d'êt~e
exelu immldiatement ap~ès ee tlllg~amme mais nouS Som-
meS plus indulgen~. ( ... ). Nous avonS envoyl une eom-
mission dans tous les po~ts oa il est passl, il n'y
a éait que des saletls. Il nous a ad~e66 l de 6aux ~ap­
po~ts, lo~squ'il y avait deux nèg~es, il en eomptaLt
soixante. La plupa~t du temps les Nèg~es ne venaient
même pas ".Puis abordant un autre sujet il poursuit:
" Nous avonS ~eçu un tll(g~~mme de Moseou au sujet de
Padmo~e lo~s de <son expulsion d'Allemagne. Son a~~i-
v(e en F~anee (tait p~lvue et nouS devions nous oeeu-
pe~ de lui mais Kouyatl lui a mis la main de<ssus si
oien qu'il n'avait pas eon6ianee en nOus et (eoutaLt
de p~lé(~enee Kouyatl. Tl est v~ai que Padmo~e avait
quelque a~gent et e'est pou~ eette ~aison que Kouyat(
l'aee~oehait. Nous avons p~lvenu Padmo~e d'avoi~ ~
Se m(6ie~ de lui mais il ne voulait pas nouS e~oi~e
jusqu'au jou~ oa nouS lu~ avons mont~l le t(l(g~amme
de M8seou. Vepuis ee temps, s'il le voit, du moins
n
(1)
il Se mléie et Se ~(se~ve
(1) ANSOM SLOTFOM TT Ca~ton 1Q. Note de l'agent Paul 6-10-33.

631
Le Lundi 9 Octobre, Kouyaté n'ayant pas restitué les docu-
ments réclamés par le PCF, une procédure disciplinaire est
intentée contre lui et le 31 Octobre, l'annonce de son exclu-
sion du PCF parait dans l'Humanité.
Si l'on s'en tient au compte-rendu de la réunion du 3 Octo-
bre, le PCF a fait essentiellement deux reproches à Kouyaté
1°) avoir utilisé à des fins autres les sommes qui lui étaient
confiées pour le fonctionnement du mouvement anti-colonialis-
te nègre,
2°) avoir dissimulé le faible écho rencontré par son travail
parmi les marins nègres.
De manière à éclairer le débat nous allons tenter de voir
sur quoi reposent ces accusations et ce qu'elles valent.
Du fait de la gravité de la première accusation, apparemment
étayé~ par une enquête minutieuse du PCF, il est impossible
de la balayer d'un simple revers de plume comme le font cer-
tains auteurs. (1) Au contraire une petite contre-enquête s'im-
pose.
Lorsque le PCF demanda à Kouyaté de lui présenter la compta-
bilité du'Cri' des'Nègres, s'inquiétant de la non-parution de
ce journal qu'il finançait, Kouyaté fut incapable de produi-
re un tel document et il mit les difficultés de l'organe de
l'UTN sur le dos de Danaé qui avait, paraît-il, laissé une
" ardoise "de 2 700 francs à l'imprimeur. Cette explication
ne fut pas jugée suffisante par le PC et pour cause.
(7)
C6. P. I. SIJ op. c.iL p. 155 eA: S. Ka.a.da.n QP' c.Lt. p. 64 fi.

632
L'UTN recevait chaque mois au moins 1 250 francs de la CGTU
et de la LAI sans compter les fonds que Kouyaté recevait
directement du Comité Syndical International des Ouvriers
Nègres
( CSION ). Danaé ayant été exclu en Mai 1932, comment
se faisait-il que l'UTN n'ait pas pu éponger cette dette re-
1ativement modique
( en regard des sommes qu'elle recevait)
au bout d'une année? Sans doute cela teI'l4;1:-;1 au fait que, par-
fois, Kouyaté gardait par devers lui certaines sommes desti-
nées au journal. (1)
Notons à la décharge de Kouyaté Que
pendant un certain temps,
la CGTU et le PCP lui suspendirent
son traitement de permanent faute d'argent dans la caisse.(2)
Dans cette affaire, i l semble donc que les torts soient 1ar-
gement partagés, avec cependant une ombre sur la probité de
Kouyaté. En effet si ce dernier n'avait absolument rien à se
reprocher, pourquoi a-t-il toujours obstinèment refusé de
rendre compte de la gestion des fonds qui lui avaient été
confiés ?
Ceci dit, passons à l'examen de l'activité syndic a-
le de Kouyaté dans les ports. A en croire le rapport de la
Commission de ContrOle, le travail du leader de l'UTN aurait
été quasiment nul, chose qu'il aurait cachée au Parti.
Effectivement, après son passage au Havre, par exemple, Kou-
----------------------
(1)
En V!eemb~e 1922, Padmo~e lui ~emi~ 2 SOQF.pou~ aide~ a la
publiea~ion du jou~nal, mai~ Koulfa~! ne ~emi~ que 1 saOF a l'UTN
ga~dan~ 1 OOOF pou~ lui ( ANSOM SLOTFOM rr Ca~~on 19. NO~e de
l'agen~ Paul ~O V!eemb~e 1932 ).
(2)
EN 1934 ap~è~ avoi~ ln~en~! une ae~ion en jU4~iee, Kouya~!
ob~iend~a le ~!glemen~ d'une ~omme de 4 ~OaF qae lui devalen~
le PCF e~ la CGTU ( ANSOM SLOTFOM rrr Ca~~on 73. No~e anonyme
du 16 Juille~ 1934 ).

633
yaté avait indiqué que la CGTU avait la " sympathie unanime "
des coloniaux " oubliant " de préciser que les nègres étaient
hostiles à toute collaboration avec le PCF mais également avec
sa propr-e organisation, ces derniers étant acquis à la LDRN-
Faure qui s'était attiré leurs bonnes graces en organisant
des distributions de vivres, de vêtements et de
secours fi-
nanciers au cours de l'hiver 1932.
A Marseille à l'automne 31, après sa libération de prison, son
activité n'avait rencontré qu'un faible écho et lorsqu'il re-
vint quelques mois plus tard on lui reprocha " à mainte.,s Jte.-
pJti~e.,s d'étJte. un Jtévolutionna~Jte. pJto6e.~~ionne.l n'ayant au~une.
qualité pouJt ~'o~~upe.Jt de.~ maJtiM pU«'"'.!l'qu'il n'avait jamaù,
tJtavaillé de. ~a vie. ". (1)
Enfin pour son malheur, à Bordeaux, le syndicat nègre qu'il
avait fondé durant l'été 1930 s'é~ait affilié à la CGT ré-
formiste~2)
A supposer que Kouyaté ait dissimulé ces faits,
étaient-ils
pour autant inconnus du PCF ? Nous pouvons affirmer que non
et ce en nous appuyant sur des documents que nul ne pourra con-
tester puisqu'il s'agit de deux rapports rédigés par la Sect-
tian coloniale du PCF.
Suite à la première tournée effectuée dans les P9rts par
Kouyaté pour le compte de la CGTU en 1931, un rapport de la
section coloniale notait :
(1) ANSOM SLOTFOM rrr CaJtton 2i. Note de l'age.nt Vi~toJt 2-6-32.
(21 ANSOM SLOnOM
rn CClJtton 13). N'ote. de. la 1)i.Jte.~Uon de. la
SûJte.té GénéJtale.. 8 Vé~e.môJte. li31.

634
Il
Le cama~ade Kouyatl a c~ll d Ma~4eille, au Hav~e,
d Rouen de4 amicale6 de t~availleu~4 nlg~e6.
Tl a
6ait le t~avail dan6 le même 6en4 d Bo~deaux, d Oun-
ke~que. Mai6 c'e6t enco~e 6upe~6iciel. En glné~al no-
t~e t~avail pa~mi le6 ma~in6 nèg~e6, a~aoe~ et indo-
chinoi6 ~e6te un t~avail d'agitation 6an6 liai60n
6i6ante avec le t~avail pa~mi les ma~in6 6~ançai6
Quelques mois plus tard, la Section Coloniale réitérait son
jugement sur le travail de Kouyaté en déclarant : - Le t~a­
vail du cama~ade 'K. ( bon agitateu~
e4t 6upe~6iciel ". (2]
Ainsi dês le début de l'année 1932, le PCF savait ~ quoi s'en
tenir quant au travail effectué parmi les nêgres par Kouyaté.
Superficiel ce travail l'était, mais ~ qui en incombait la
faute ? N~était-ce pas la CGTU, sur les conseils de l'ISR,
qui avait Il parachuté " Kouyaté comme responsable du travail
colonial ~ la Fédération des Marins alors que ce dernier
n'avait aucune expérience en la matiêre ? Eut-il même les
qualités nécessaires, quel travail sérieux, approfondi, dura-
ble pouvait-il faire en étant envoyé en mission trois jours
par ci ~ Bordeaux, puis quatre jours par l~ à Rouen ?
Dans cette affaire Kouyaté fut une victime, certes consentan-
te, de ce qu'il faut bien appeler une manipulation ou mieux
une instrumentalisation. Dans ce contexte,
Kouyaté sera le
(1) A~ch. de la Commi66ion Coloniale Cent~ale Annle 1932. Rappo~t
du12 Janvie~ 1932.
(2) A~th. de la CCC Année lQ32, Rappo~t du 3 Juin 1232.

635
bouc-émissaire tout désigné, lorsque l'Internationale des
Marins et Dockers critiquera les carences de l'action menée
par la Fédération des Marins. Relevé de ses fonctions en
Aoftt 1932, Kouyaté sera remplacé ~ ce poste par Benoit Frachon. (1)
De ces différentes remarques, i l ressort que les
faits reprochés à Kouyaté sont somme toute
mineurs
et i l
convient de ce fait de rechercher ailleurs le vrai motif de
son exclusion. D'emblée nous avons indiqué qu'un long conflit
avait opposé Kouyaté au PCF sur la question de l'indépendance
de l'UTN vis-à-vis du Parti, alors est-ce là que réside la
solution du problème ?
La collaboration entre Kouyaté et le PCF a débuté en Janvier-
Février 1929 mais elle a cessé dès la fin de la m~me année,
le leader de la LDRN ayant refusé que la publication de la
Race Nègre soit soumise ~. " l'autorisation préaJ.able " àe la
Section Coloniale. A partir de l'année 1931, grace aux fonds
alloués directement par le CSION de Hambourg, Kouyaté peut
faire parattre le Cri des'Nègres sans être obligé de passer
sous les fourches caudines de la Section coloniale, ce qui mé-
contente fort les responsables du Parti. En Juin 1932 ceux-
ci notent d'ailleurs à propos dueri'des'Nègres. que
» con~~ai~~en~ au jou~nal no~d-a6~icain ( El Amel )
e~ indochinoi~ ( Vo San) nou~ nlexe~çon~ ~u~ lui au-
cun con~~ôle ~é~ieux. Nou~ nou~ heu~~on~ à une ~endan-
ce au~onomi~~e e~ ~yndicali~te de la pa~~ du cama~ade
(1)
AN Sé~ie F7 Ca~~on 13710. Le~~~e du Vi~ecteu~ de ta sa~e~é
Géné~ale au Mini~t~e de~ Colonies. 14 Fév~ie~ 1Q33,

636
n K.
( ... J. La tendanee a une o~gan~~at~on ~nte~nat~o-
nale autonome de ~aee e~t 6o~te. Elle e~t dla~lleu~~,
à not~e av~~,
eneou~agé~pa~ le~ eama~ade~ Pedmo~e
~~e! J, W~l~on et Haywood n. (1)
Fin Mai 1932, suite ~ la disparition de la LDRN-Kouyaté et
la découverte de l'affaire Danaé, le PCF, pressé par l'In-
ternationale, décide de reprendre en main le mouvement anti-
colonialiste nègre. Début Juin, il propose un plan de réorga-
nisation qui aboutira à la création de l'UTN durant l'été
1932. Pour contrOler étroitement la nouvelle organisation,
une fraction communiste est constituée au sein m~me de l'UTN,
et celle-ci se réunit chaque semaine au siège du PCF en présen-
ce d'un membre de la Section Coloniale.
Le rOle de la fraction est cependant mineur ~ puisque c'est
la Section Coloniale qui fixe véritablement la ligne politi-
que de l'UTN et lui assigne un certain nombre de tâches.
A titre d'exemple, lorsque Rosso et Kouyaté s'affrontent pour
savoir si l'UTN doit ~tre une organisation mutualiste dans
laquelle sera fait un travail souterrain pour amener les
nègres au Parti ( position de Kouyaté ) ou une organisation
ouvertement anti-impérialiste ( position de Rosso), c'est
le représentant de la Section Coloniale, Durand, qui tranche
en déclarant :
(l)
A~efî~ve..~ de la Commi:.M~on,. Coloniale Cent~ale. Antlée.
1932. Rappo~t du 3 Ju~n 1932.

637
» L'UTN doi~ l~~e une o~gani6a~ion la~ge, g~oupan~ en
~on ~ein le~ ~~availleu~6 de ~ou~e6 ~endan~e~, ~'e6~
une o~gani~a~ion apoli~ique en appa~en~e e~ dan6 le6
~~U~6. ( ... l. C'e6~ 60n ~on~enu o66i~iel mai6 le
~ô~e de6 ~ommuni6~e~ a l'in~é~ieu~ e6~ d'amene~ le~
~~availleu46 nèg4e6 6u4 le ~e44ain an~i-impé4iali6~e.
Ce~~e o4gani6a~ion doi~ l~4e pa4 le ~4avail de la 64a~­
~ion, un 4é6e4voi4 pOU4 le~ ~lfndi~a~6
uni~ai4e6 e~ le
Pa4ü. JI. (1 )
Sur ce dernier point, Kouyaté est donc en accord avec le
PC mais, par ailleurs, la section coloniale exige ~ue'ie'cri
des Nègres soit indépendant de l'UTN, qu'il possède une compta-
bilité séparée de l'organisation et que son contenu soit
contrOlé par la Section Coloniale. Ces exigences, Kouyaté ne
les acceptera jamais et i l bataillera jusqu'à son exclusion
pour défendre l'indépendance du journal et de l'UTN, arguant
que la main mise ouverte du Parti aurait pour conséquence im-
médiate la désaffection des nègres à son égard.
Ceci dit, nous ne pensons pas que l'attitude de Kouyaté ait joué
un rOle déterminant dans son exclusion du PCF. En effet, dans
cette affaire, i l nous semble que le PCF n'a pas cherché coQ-
te que coQte à exclure Kouyaté. L'ayant pris en défaut à pro-
pos de sa gestion et de son travail dans les ports, le Parti
a plutOt voulu ~'amener à composer. En quelque sorte le
marché était le suivant
on passe l'éponge sur les faits
--------------------------
(1) A4~h. de la CCC Année lq32 bobine 8Q(541. Réunion du 1-11-32.

638
qui te sont reprochés mais tu acceptes le strict contrOle po-
litique et financier du Parti. Car il faut bien voir que
..
..
tout aussi peu
maléable
qu'il était, Kouyaté était le
seul cadre Africain de valeur sur lequel le PC pouvait comp-
ter. Une fois ce dernier exclu du Parti, le travail parmi
les nègres, déjà faible, était pratiquement condamné à de-
venir nul.
Mais alors si le PC tenait tant à Kouyaté, pourquoi a-t-il
finalement été exclu? C'est ici qu'intervient la situation
internationale prévalant en 1933 depuis l'arrivée des nazis
au pouvoir en Allemagne et l'évolution corrélative qui a af-
fecté la ligne politique de l'Internationale Communiste.
En Janvier 1933 dans le cadre des mesures prises contre le
PC allemand par les nazis, George
Padmore, dirigeant le CSION
d'Hambourg, est arrêté et emprisonné une dizaine de jours.
A sa libération, il proteste et demande une audience à Hitler
qui lui a fait répondre que l'Allemagne n'ayant pas de colonies
il a vingt quatre heures pour quitter le territoire allemand.
Parti en Grande Bretagne, on lui suggère d'aller ailleurs
et c'est ainsi qu'il arrive clandestinement en France fin Fé-
vrier 1933. (1) C'est alors qu'Otto HuislYlooJ(,z,,)vint le trouver
au nom de l'ISR pour lui réclamer la restitution de tous les
documents du CSION qui étaient en sa possession.
Surpris par cette requ~te, Padrnore demanda des explications
mais ni HIl;s~o(),j ni la Commission de ContrOle du PCF ne furent
------------------------------
(1) ANSOM SLOTFOM rr Ca~to~ J~. Note ~e t'agent Paut 5 Ma~~ 1933.
(7.)
Otto ~~~ood était o~iginai~e du Su~inam, t'an~ienne Guyane
Hottandaüe.

639
en mesure de lui donner une réponse. (1)
C'était en fait le
premier acte
qui devait conduire à la liquidation progres-
sive du travail anti-colonialiste parmi les nègres.
Par la suiteJprobablement au printemps 1933, Kouyaté fut
suspendu de toutes ses fonctions par l'Internationale
(~)
puis en AoOt 1933 l'ISR démantela le CSION, ce qui provoqua
la démission de Padmore de toutes ses responsabilités. (3)
Après l'exclusion de Kouyaté du PCF en fin Qctobre 1933,
Padmore, qui était toujours membre du mouvement communiste
international, resta en contact avec lui. Pensant sans doute
que l'inflexion de la ligne politique de l'Internationale
n'était pas irréversible, i l écrivit notamment aux dirigeants
du PC sud-africain pour leur expliquer la si~uation et cher-
cher leur appui. Cependant ces derniers ne se montrèrent guè-
re compréhensifs et dans leur réponse ils déclarèrent à Padmore
/1
Nou.6 ve.nOn.tl jU.6:te. de. tte.c.e.voi.tt :ton c.ommuni.qué. du '2.6
Janvi.e.tt. Ce.!a a é:té un c.noc. ~outt nou~ d'a~~tte.ndtte. que.
!a ~!U.6 gttande. ~att:ti.e. de. c.e. que. nou.6 :t'avi.on& e.nvolfé
a d,ü~attu. Nou.6 .6omme..6 vttai.me.n:t :tttè.6 a66e.c.:té. e.:t nou.6
aVOn~ .6ubi un c.ou~ :tettttib!e.. Mai..6, e.n dépi:t de. c.e c.oup
:tetttti.b!e nou.6 n'ap~ttouvon.6
pa.6 du :tou:t :te.6 ~tto~O.6. Te..6
~tto~O.6 e.:t !e :ton de.
:ton c.ommuni.qué. .6on:t quelque. ~e.u
4ubje.c.:ti.6.6 e:t :tttop mattqué..6 patt te. ~e.n:ti.men:ta!i..6me. na:ti.o-
nd!Ü:te...
On di.ttdi.:t que. :tu a.6 ouoL<.é. !a .6i.:tua:tion ooje.c.-
(1)
ANSOM SLOTFOM III Catt:ton 53. No:te anonyme e.:t .6an.6 da:te..
(2)
CF. Le. :té.!é~ de !'In:tettna:tiona!e. é.voqué. ~an Gouttdeau
!ott.6 de. !a ttéunion du 5 Oc.:tobtte. 1933.
(3)
Jame..6 R. Hookett. B!ac.k ttevo!u:tionnatty. Geottge.
Padmotte'.6
pa:th nttom Communi.6m :ta Pan-A nttic.ani.6m. Ne.w-Vottk,Fttedettic.k
A.
Pttaegett,
1961 ~'. 31.

640
" :tive. e.:t le.I.> c.i.llc.on~:tanc.e.1.>
qui on:t e.n:toulté I.>on déman.-
:tlle.me.n:t e:t e.n palt:tic.ulie.1t c.e.lle.4 de.I.> au:tIte.I.>. La que.l.>-
:tion doi:t ê:tlte. :tltai:tée. de. la manillte. la plul.> délic.a:te.
qui 4oi:t. NOUS VEVONS SUPPORTER LE COUP EN SILENCE" 17}
D'une certaine manière au nom des '1 intérêts supérieurs Il de
l'Internationale le Parti Communiste Sud-Africain était dé-
cidé à accepter sans broncher la nouvelle ligne de l'IC en
matière coloniale.
Convoqué à MOscou pour explication, Padmore refu-
sera de s'y rendre, notamment sur les conseils de Kouyaté et
il sera finalement exclu le 23 Février 1934 pour avoir entre
autre maintenu des liens avec Kouyaté " le provocateur exclu ,,(2)
C'est donc dans le cadre de la liquidation de la lutte anti-
colonialiste entreprise par l'rC suite à l'arrivée des nazis
au pouvoir que doit être" lue" l'exclusion de Kouyaté 'du
PCF. Intraitable sur la question de l'indépendance du mou-
vement anti-colonialiste nègre, Kouyaté était un obstacle po-
tentiel qu'il fallait éliminer en vue de la mise sous tutelle
du mouvement anti-colonialiste puis de son quasi abandon au
profit de la lutte anti-fasciste.
Officiellement, ce n'est qu'en 19~5 que l'rC entérinera ce
changement de politique déclarant notamment que
" Ve.van:t la gltave. me.nac.e que plté4e.n:te le. 6a4c.iame. pOUIt
la c.laaae. ouvltillte. e.:t pOUIt :tou:te.1.> 4el.> c.onquê:te.I.>, poult
-~-----------------------
[7) A.N. Séltie. F' Calt:ton 73948. Le.:t:tlte. du Se.c.lté:tailte. du Palt:ti.
Communü:te. Sud-A6Itic.ain a. Padmolte.. Z.q-l~34 ( :tltaduc.:tion. de. .e.'au:te.ult ).
[ 2 ) J am e.1.> R. If00 /2.e1t 0 p. c.i.t.· p. 3 3 •

641
/1
tOU-6 te.-6 tJr.avaitte.uJr.-6 e.t te.u!r.-6 dJr.oit.6 étéme.ntaiJr.e..6,
pouJr. ta paix e.t pouJr. ta tibe.Jr.té de.,6 pe.upte..6, te. VITeme.
CongJr.l,6 de. t'Tnte.Jr.nationate. Communi.6te. déetaJr.e. que. ta
Jr.éati~ation du oJr.ont unique. de. ta eta~~e. ouvJr.ilJr.e. e.,6t,
a t'étape aetuet.e.e., ta tâene pJr.ineipate., immédiate. du
mouvement ouvJr.ie.Jr. inte.Jr.nationat n~1)
Cependant dans la réalité le tournant s'est effectué bien
avant, comme le prouve par exemple, la signature du Pacte
d'Unité d'Action entre le PCF et la SFIO dès Juillet 1934.
La dimension" internationale" de J.'exclusion de Kouyaté
sera d'aiJ.J.eurs miseen avant par lui-même dans une J.ettre
quliJ. adressera à ses ,camarades de l'UTN lors de son excJ.u-

sion de cette organisation.
Compte tenu des liens existant entre le PCF et l'UTN,
le conflit entre Kouyaté et le parti français a inévitable-
ment rejaiJ.J.i au sein de l'organisation nègre.
A partir du moment où celui-ci. a été suspendu de toutes ses
fonctions en JuiJ.let 1933, un climat empoisonné s'est instal-
lé à l'UTN, les membres de la fraction communiste faisant une
guerre sourde contre leur secrétaire-adjoint.
(1 )' VTlil7fe.- 'C(rnqJtl~ Mo ndiaLde t" ln.tèxrra.:tLon.a:te.' 'Com"fun;t~t.e..
paJr.i~1 BuAe.au d'Editi.on411~35,P.
11.

642
Le premier coup de théâtre de ce combat jusqu'alors souterrain
est la publication du Crî des'Nègres, en AoQt 1933.
En effet si le journal a pu para!tre, c'est grâce à une subven-
tion de 1 500 francs du PCF et au travail d'un comité de
rédaction provisoire dont Kouyaté a été tenu à l'écart. (1)
D'ailleurs pour bien marquer la rupture qui vient de se pro-
duire, le comité de
rédaction du Cri-des Nègres a décidé
de faire de ce numéro de Juillet-AoQt 1933, le premier d'une
nouvelle série. Contrairement aux numéros précédents,'Le Cri
des Nègres nouvelle manière ne comporte aucun article de
Kouyaté et pour expliquer cette situation, Rosso adressera
la lettre suivante aux membres de l'UTN :
" No:tlte. joultnal 'Le. Clti.. de.1.i Nèglte.I.i-' n' é:tai..:t pa..& I.iOIt-
:ti.. jUl.iqu'à.. pltél.ie.n:t plul.i de. de.ux6oi..l.i palt an, Ve. c.e.
6ai:t le..& :tltavai..lle.ultl.i nèglte.1.i é:taie.n:t plti..vél.i du joult-
na.l qui, éc.lti:t palt e.ux e.:t POUIt e.ux, de.vai:t al.il.iulte.1t la.
dé6e.nl.ie. de. le.ultl.i i..n:téltêtl.i, gui..de.1t la lu:t:te. c.on:tlte.
l'opplte.l.il.iion i..mpélti..alil.i:te. danl.i le.1.i c.olonie.1.i e.t c.on:tlte.
l'e.xploi..:ta:tion don:t i..ll.i l.ion:t vi..c.:ti..me.1.i e.n Fltanc.e.. Un
gltoupe. de. c.a.maltade.1.i de. la. dilte.c.:tion du Clti.. de.1.i Nèglte.1.i
a pltil.i l'ini:tia:ti..ve. de. c.e.I.iI.ie.1t ave.c. c.e.:t:te. c.alte.nc.e., de.
6a.ilte. de. glta.nd4 e.66olt:t1.i POUIt 6ailte. lte.vi..VIte. no:tlte. Clti
de.1.i Nèglte..6
2
n
(
)
---------------------~-----
(1) ANSOM SLOTFOM rr Calt:ton 16. No:te. de. l.'age.n:t Joe. II Aoû:t
193 3.
(2) ANSOM
SLOTFOM rr Calt:ton 16, Le.:ttlte. c.iltc.ulai..lte. de. RO.&40
aux me.mblte.1.i de. l'UTN. Août 1233.

643
Fin Août, Didier, responsable du SRI, fit part à Ramananjato,
secrétaire général de l'UTN, de la nécessité de faire" un
grand nettoyage " dans cette orqanisation en évinçant Kouya-
té~l) Dès lors Kouyaté fut l'objet d'attaques personnelles,
notamment de la part d'Alpha et Merlin. (2)
Il se défendit
contre les accusations dont i l était l'objet, se plaignant
d'être» la vietime innoeente de nlg~e6 i~~(6l(ehi6 ".(3J
Niant toute action de sabotage de l'UTN, i l protesta contre
le fait que le Cri des-Nè'gres était sorti sans son autorisa-
tion et i l mit ses camarades en garde contre une nouvelle
scission qui serait fatale au mouvement nègre.
Enfin i l ajouta que son différend avec le PC ne regardait
personne, chacun ayant le droit de porter le jugement qu'il
voulait sur le parti auquel i l appartenait. (4)
Le 2 Novembre,
juste après l'exclusion officielle de Kouyaté
du PCF, le bureau de l'UTN se réunit pour préparer l'assem-
blée générale de l'organisation projetée pour le 4 Novembre.
Coïncidence ou ~anoeuvre de l'une des deux parties, Kouyaté
avait également prévu le même jour à la même heure une réu-
nion du comité d'organisation du Congrès Mondial Nègre
Le 4 Novembre à la salle des Sociétés Savantes, l'assistance
était faible,
certains nègres ayant préféré assister à la réu-
nion de Kouyaté. Cependant sachant que son procès serait ins-
truit même en son absence, i l prit les devants en rédigeant
--------------~---------
(1)
ANSOM SLOTFOM rr Ca~ton 16. Note de l'agent Joe 31-8-33.
(2) Ce6 de~nie~6 l'aeeU6aient notamment de vouloi~ mett~e SU~
pied Une 6 eetion nlg~e'J.~ Jeune66e6 Pat~iote6 !
(3) ANSOM SLOTFOM rr Ca~ton 16. Note de l'agent Joe 18-Q-33.
(4) ANSOM SLOTFOM II CaMon 16. NO,te de l'agentJoe 3([-2-33.

une lettre qui contenait les arguments de sa défense. Avant
que l'audience ne commence véritablement celle-ci fut lue
par Kossoul. Protestant tout d'abord contre la manière dont
i l avait été convoqué i l déclarait : '
» C'e6t ( donc)
avec calcul qu'on ne m'a pa6 convo-
qué en temp6 utile 6achant t~l6 bien que je ne di6po-
6e gul~e 60uvent de moi-même. o~ mOn inte~vention é-
tait capitale dans cette a66emôlée où l'on va tente~
de VOu6 di~e de6 v~ai6 conte6 de 6ée en matil~e 6inan-
cil~e. Le6 ~ôle6 60nt déjà ~épa~ti6 pou~ éga~e~ vot~e
opinion a mon sujet 6u~ la question de l'Union.
Je vou6 demande notamment de ne p~éjuge~ de ~ien tant
que vou6 n'au~ez pa6 6ou6 le6 yeux le tableau ~écapi­
tulati6 des ~ecette6 et de6 dépen6es de l'Union et du
C~i de6 Nlg~e6. P~enez bonne note de6 ~appo~t6 qui
vou6 6e~ont 6oumi6 ce 6oi~ et dont le6 te~mes de-
v~ont 60igneusement êt~e étudié6, ca~ toute di66ama-
tion publique à mon éga~d pou~~ait avoi~ des 6uites.
Je n'ai pa6 l'habitude de6 ô~avade6 et de6 menace6
déplacée6 ent~e nlg~e6. J'e6time cependant qu'on n'a
pa6 le d~oit de 6ali~ Un adve~6ai~e politique avec le
sentiment de l'a6<su~ance 6acile. de l'impunité. J'e<spl-
~e que le6 divi6eu~6 de nlg~e6, in6t~uments de ~lanc6
~ tiennent le6 6icelles dan6 le<s couli6se6 politique6,
pa~leMnt avec me6u~e, impa~tialité et lOljauté. fl<s
doivent se ~appele~ qu'il n'e6t pas aisé de sali~ un
militant qui aqul'nze" i.rn.sàe i'u:;tte a la di~ection de6

645
Après cette mise en garde, Kouyaté abordait le chapitre de son
conflit avec le peF, révélant publiquement pour la première
fois son analyse et sa version des faits
:
1/
On a tJtan<56éJté dan<5 notJte. assoc.iation mon c.onMit
av~c. le PaJtti Communi<5te FJtançai<5 au mépJti<5 de tout
intéJtêt du mouvement nègJte et pui<5qu'il en e<5t ainsi
quelle<5 <5ont le<5 Jtai<5on<5 de c.e c.on6lLt qui c.ouvaLt de-
pui<5 longtemp<5 ? J'ai appJti<5 que 'mon exc.lU<5Lon' a
JtetaJtdement de c.e paJtti a été pu~liée dan<5 l'Humanité.
Je n'ai pas enc.oJte lu l'aJttic.le dOnt je <5avai<5 la pa-
Jtution 5 jouJt<5 plu<5 tôt/avec. ma p~oto
s'il vous plalt,
p~oto qui tJtaZne dan4 les jouJtnaux depuis des années.
- Jtlen de nouveau - et la sec.tion c.olonLale du PaJttl
c.o mmunù te ne pe.Jtd Jtie.n po uJt atte.ndJte.. Ma Jtépo n<5:e. pa-
JtaZtJta dan<5 un livJte. "Je.' 1:te.marnie.' la. pa.Jtole.' on tJtou-
ve.Jta doc.ume.nt<5, c.fti66Jte.s, photos,
6ac.-4imilés e.tc. •.•
me.ttant a nu le.<5 gJtave.<5 maladie.s qui Jtonge.nt le. mou-
ve.me.nt nègJte.. On y ve.JtJta dé6ile.Jt de.s 6iguJte.<5 plu4 ou
moln<5 étJtange.<5, plu<5 ou moin<5 ~ypoc.Jtite.s,
ou <5inc.èJte.4
c.omme.nt notJte. mouve.me.nt e<5t 6Jte.iné, <5a~oté, dé<5agJtégé
Sou4 le c.ouveJtt de<5 gJtande<5 p~!I.a.A<-'
de -&olidaJtLtê de.
Jtac.e.<5, de tJtavaLlle.uJt<5', c.omme.nt la pJtovoc.ation poli-
c.ièJte et la délation <5ont oJtganiaéea; c.omme.nt on élimi-
ne. le.<5 meille.u!l4 d' entJte nou-& pouJt mieux oppJtimeJt le.a
(1) ANSOM SLOnOM Ir CaJtton 16. Le.ttJte. de. Kouyaté a l'aaaemfrlée
généJtale de l'UTN 4 NovemoJte 1Q33.

646
» aut~e6 avee l'in(vitable mentalit( impl~iali6te. Le
p~oblème malad~oitement 60ulevl a l'oeea6ion de mon
'ea6' d(pa66e le6 ead~e6 6~ançal6. Ce 60nt le6 même6
maux en Anglete~~e, A6~ique du Sud, Etat6 Uni6 - pa~t~
la même attitude
de domination du de~nie~ de6 blane6
enve~6 le nèg~e. Tl 6e t~ouve malheu~eu6ement que ee6
blane6 dleouv~ent de6 in6t~ument6
d(voul6 et 6e~vile6
comme l'e6elave pa~mi le6 llèment6 de not~e ~aee. Le6
imp(~iali6te6
eux-même6 n'ont pa6 d' aut~e doet~lne s(-
culai~e : divl6e~ pou~ ~(gne~, llimine~ le6 ~é6i6­
tant6 pou~ avili~ le6 aut~e6 dan6 la 6oumi66ion ~on­
teu6e et l'humiliation de ~ace ou de peuple. O~ le6
t~adition6 nationale6 et 6amiliale6 de la g~ande A6~i­
que m'ont ineulqu( l'amou~ lnn( de la lioe~tl dan6 la
di6eipline, une ~nd(pendanee de ea~aetè~e et une 6le~­
tl de ~aee que j'aime a ené~l~ et a eon6e~ve~, sinon
je ne 6e~ai6 plU6 A6~ieain.
Quand On a un Samo~lf dan6 60n Hi6toi~e Nationale, On
ne 6au~ait avoi~ de me.t:lleu~ modèle qui eondenae a
l'(tat de potentiel un m~llleu~ aveni~ de lutte pou~
la llol~ation de la g~ande A6~lque ».(1)
Après Ho Chi Minh, Tahar Boudemgha, Joseph Gothon Lunion,
Hadj Ali, Lamine Senghor, Camille Saint Jacques et d'autres
encore , Tiêmoko Garan Kouyatê rejoignait la liste déj~ lon-
gue des colonisés qui avaient dénoncé l'européo-centrisme,
-----------------------
(1) ANSOM SLOTFOM TI Ca~ton 16. Lett~e. de. Koulfaté a l'a64e.m-
bl(e g(n(~ale de l'UTN.

647
le paternalisme, le chauvinisme, le manque d'intér~t pour la
question coloniale manifesté par le PCF et au delà par le
mouvement communiste dans son ensemble.
Puis entrant dans le
détail des chiffres, i l abordait la
question de son différend financier avec le PCF, faisant re-
marquer au passage que celui-ci lui devait de l'argent. Pour
tout commentaire i l déclarait :
" Qua.nd on ve.ul nOIje./t .6on c.hi.e.n, on .te. p/téle.nd a.lle.inl
de. /ta.ge., ma.i.6 mon Li.v/te. 6e./ta. jusli.c.e. de. loule..6 c.e..6 c.a.-
.tomni.e..6, déo/ti.de./ta. .t'a.ôc.è.6 jU.6qu'i.c.i. /te..ti.gi.e.u.6e.me.n.l
di..6.6i.muté, déma..6que./ta. .te..6 pi./te..6 e.nne.mi..6 de. .ta. /ta.c.e.
nèg/te.. Un di.c.lon nou.6 e.n.6e.i.gne. que. nu.t n'e..6l p.tU.6 da.n-
même. e.l vou.6 e.mô/ta..6.6e. pou/t vous él/ta.ng.te./t e.l i..t vou.6
donne. .te. oa.i..6e./t de. Juda..6 ".(7)
Désabusé Kouyaté n'en était pas pour autant démoralisé et
démobilisé et i l lançait sous forme de défi
n
Ri.e.n ne. m'e.mpêc.he./ta. de. p/toc.éde./t a.u l/ta.va.i..t u/tge.nl
de. /te.d/te.6.6e.me.nl nèg/te. a.ve.c. .t'a.ppui. de..6 di./ti.ge.a.nl.6 e.l
ma.6.6e..6 nèg/te..6 du monde. e.nli.e./t, su/tloul e.l p/ti.nc.i.pa.le.-
me.nl de. la. g/ta.nde. A6/ti.que. donl .ta. .ti.~é/ta.li.on pa./t le..6
A6/ti.c.a.iM e.ux même..6 c.ondi.li.onne. l'éma.nc.i.pa.li.on de. no~
l/te. /ta.c.e. e.l la. p/ta.li.que. v/ta.i.e. de. .t'éga..tllé de..6 /ta.c.e& »[Z)
Et i l ajoutait à l'adresse de ses adversaires:
(1) ANSOM SLOTFOM rI Ca./tlon 16. Le.ll/te. de. /(oulja.1é à. II a..6.6e.mô.tée.
géné/ta..te. de. .t'UTN.
(Z)
Ide.m.

648
" Je. .ta.iue. e.n a.tte.nda.nt .te.~ c.a..tomnia.te.ult~ vide.1t .te.UIt
~a.c. il ~ultplti~e.-5 c.omme. on dit, c.a.1t i.t~ Ita.c.onte.nt a qui
ve.ut .te.~ e.nte.ndlte. qu'i.t~ ont un 'do-5~ie.1t 6oltmida.ô.te.'
c.ontlte. moi. Que..t.te. ja.c.ta.nc.e. d'e.n6a.nt-5 e.n ve.ine. de. 6a.o.te.~!
Le. nèglte. qui a. donné du 6i.t a Ite.toltdlte. a.u mi..t.ti.onna.ilte.
Coty, va. donne.1t de.~ .te.çon~ po.titi.que.~ a .ta. ~e.c.ti.on
c.o.tonia..te. du Pa.ltti Communi~te. Flta.nça.i~. Ah! que. .te.~
b.ta.nc.-5 ~ont ma..tin~ di~a.it un vie.ux nèglte. in~pilté a.ux
c.he.ve.ux d'a.ltge.nt, i.t .te.ult ~u66it de. 6.ta.ttelt .te.~ a.m-
bi.tion4 e.t .ta. 6a.tui.té de.4 nèglte~ en 6a.i4a.nt de. .t'un
~e.ltge.nt, .t'a.utlte. c.a.pOIta..t, .te. tltoi~ième. pa..t61te.nie.lt, .te.
qua.tltième. ma.ltmiton a toque. b.ta.nc.n.e, e.tc. ••• poult qu'i..t~
4'a.pp.ta.tù~e.nt, 4e. plto~te.ltne.Ylt de.va.nt .ta. fi.ta.nc.Fte.ult
de. .t'a.utlte. pe.a.u, 6a.44e.nt de.4 a.c.tion4 de. gItQC.e.4, e.t
4oie.nt d'un dévoue.me.nt i.na.tte.ndu e.t (que. ) .ta. ve.u.te.-
Itie. devie.nne. toute. pui.~~a.nte.. Ce..ta. 6a.i.t Iti.lte. n'e.~t-
c.e. pa.~, ma.i.~ c.'e.~t tlti.~te.. J'a.i. qua..ti.6ié .ta c.e.ux de.4
nèglte.~ qui m'a.tta.que.nt ~a.n~ ~a.voi.1t e.xa.c.te.me.nt ni .te.~
lta.i~OM vlta.ie.~ de. mon c.on6.tit a.ve.c. .te. Pa.ltti. Communùte.
Flta.nça.ü, ni c.e..t.te.~ d' olti.gine.~ i.nte.ltna..ti.o na..te.4 ". (1 )
Puis revenant sur les calomnies que l'on débitait sur son
compte i l poursuivait
Il
Un a.mi me. di~a.i.t Itéc.e.mme.nt : 'a..tOIt~ tu e.~ 6a.-5c.i.~te.
ma.i.nte.na.litt, c.' e.~t du moi.M c.e. que. te..6 c.a.ma.lta.de.4 c.ommu-
ni~te.~ Itépa.nde.nt. I.t n'y a. pa.~ de. ~iYlc.èlte~ deda.n~. On te.
c.o M e.i..t.ta.it de.p uù de.4 a. nn é e.~ de. ne. pa.~ a..ti.è.ltalt .t 1i.n-
(1)
ANSOM SLOnO'M rrCa.ltton 15 Le.;<:tlte. de. KOl,Lya.té à. .t'a.44emolée
génélta..te. de. .t'UTN.

649
Il
dlpendanee de no~~e beau mouvemen~. Te voila bien
~leompen~l'. Ma ~lponse 6u~ elal~e : le~ eommunl4~e4
qui ~lpanden~ de ~elle~ galljade4 Son~ de~ pe~~oque~4.
Si j'é~al~ devenu 6a4el4~e mon ae~lvl~é 6e~al~ oeau-
eoup de b~ul~ a ee pa~~l, ea~ le4 nlophy~es on~ la pa~­
sion du p~oslll~l4me,
~ou~ eomme elle ~e~en~ls~al~
pou~ le Pa~~l Communl4~e. On le ll~al~ su~ le4 mu~S
de Pa~ù 1'. (1)
Abordant le soi disant" racisme nègre" déjà évoqué par
nous à propos d'Emile Faure, Kouyaté remarquait sur un ton
sarcastique
" Je eonelde~al4 peu~-l~~e que ma ~endanee 401~ lm-
p~égnle de. ~aeùme. nèg~e da ii l'lduea~lon 6amillale.
Si exnal~e~ les posslollitls de dlveloppemen~, de
~elève.men~ de Sa ~aee e~ .s"en mon~~e~ 61e~, eneou~a­
ge~ ses eapael~l4 d'e.xpan410n .sans haZ~ aueune aut~e
~aee, e~ée~ une psyehose de eon61anee lllimitle en el-
le-mlme, a61n de lui pe~me.~~~e un ~lvell na~ional 4a-
lu~al~e pou~ b~lse~ les ekalnes d'e4elavage, son eo~se~
4leulai~e, a. ee ~aelsme nèg~e. lit j' au~al4 adn.l~l- ,fvee
e.n~n.ou41a.sme pul.sque. beaueoup de dL~lgean~s
~évolu­
ü:.onnal'H_S blanes, on~ ~oujou~s l'e.4p~l~ 6a~e;: de la
p~é~endue. supé~io~i~é de leu~ ~aee. rls on~ ~aison
quand on oénl6iele de la domina~ion impé~lal~~~e. de
1
Son paY4, on 'eon~~loue' a. 4a eonsollda~ion sous une
60~me que la masse igno~e 1/. (2),
(1)
ANSOM SLOnOM TT CM~on 16. Le~t~e de Kouya:té a. l J asselnolée
géné~ale de l'UTN.
(2)
Idem.

650
pou~ un ~appo~t 6inanQie~ et politique dOQumenté à
~ouhait. Vou~ ~e~ez éQlai~é~ ~ans pa~~ion pa~ti~ane ~u~
la .6ituation. VOU.6 li~ez le'~fonde~lè'g~e '. o~gane en
6~ançai.6. anglai~. po~tugai.6 de p~épa~ation du Cong~ès
Mondial Nèg~e. Je vou.6 demande .6implement de ~auve~
vot~e a.6.6oQiation de la lutte politique de dé~aq~é­
gation politique inté~ieu~e. L'inté~êt de la ~aQe nè-
g~e qui nou.6 domine tOU.6 l'exige. Bon t~avail et salut.
Kouyaté Il (1)
Malgré ce vibrant plaidoyer, Kouyaté ne fut pas en-
tendu et i l fut exclu
~ l'unanimité moins une voix de l'UTN. (2)
Ainsi prenait fin l'opération lancée durent l'été 1932 et dont
l'objectif était la mise sous tutelle de l'UTN et du Cri des
Nègres par le PCF. Organisation" aux ordres ", l'UTN allait
être désormais une alliée fidèle du PCF, glorifiant sans ces-
se le mouvement ouvrier international et l'URSS, mettant
l'accent sur la lutte anti-fasciste et reléguant au second
plan la lutte anti-colonialiste.
(1) ANSOM SLOTFOM rr Ca~ton 16. Lett~e de Kouyaté à l'a~.6em­
blée géné~ale de l'UTN.
(Z) ANSOM SLOTFOM rr Ca~ton 16. Note de l'agent Joe. 6 Novem-
b~e 1q33.

651
2. LES NATIONALISTES A LA RECHERCHE DE LIUNITE.
-------------------------------------------
Alors que l'UTN mise sous tutelle par le PCF et
infiltrée au plus haut point par le CAI(l) devient une organi-
sation-fantOme sans influence réelle, Kouyaté, Padmore et
Faure déploient une activité intense dont le souci majeur est
la réalisation de l'unité. Unité entre nègres d'abord mais
également unité au sein du courant anti-colonialiste non com-
muniste.
2.1. La Fédération des Associations Nègres de Paris.
Le coup d'envoi de cette" campagne Il a été donné
en Juin 1933 par Kouyaté qui a projeté à l'époque la création
d'une" Fédération des Associations Nègres de Paris ".
Le but premier de cette initiative était d'organiser un meeting
contre le fascisme et les persécutions dont les nègres étaient
victimes en Allemagne, le congrès anti-fasciste de la salle
Pleyel des 4,5 et 6 Juin 1933 ayant été préparé sans la par-
ticipation des coloniaux qùi, bien qu'invités, ne purent pren-
dre la parole. (2)
Le 22 Juin, une première réunion est organisée à laquelle as-
sistent l'Association des Etudiants Guadeloupéens, l'Asso-
ciation des Etudiants Martiniquais et l'Association des Etudiants
de l'AOF représentée par Léopold Sédar Senghor.
[7) A l~êpoque l'UTN ~omp~e au mo~n4 ~~oi4 agen~4 du CAr a 4a
d~~ee~~on pa~m~ le4qu~l4 Ramananja~Q, ~~ele, K044Qul.
(2)
ANSOM SLOTfOM Ir CM~on 1'1. No~~ de: l'a.gen~ Paul5--5~33.

652
Après avoir présenté les objectifs poursuivis par l'UTN et
rappelé le projet d'un foyer nègre, d'une bibliothèque et
d'une université Kouyaté appelle les membres présents à par-
ticiper à la création de cette fédération arguant que l'union
fait la force et que l'effort dispersé ne tend qu'à accrot-
tre encore davantage les divisions. Avec une telle organisa-
tion, les nègres pourront travailler efficacement à leur é-
mancipation ajoute-t-il à l'inten,tion des délégués.
Les réactions ne sont guère nombreuses et si Léopold Sédar
Senghor se déclare partisan du projet, il refuse d'y adhérer
sans avoir consulté les membres de son organisation. (1)
Si cette initiative est menée par l'UTN sous le mot d'ordre
de l'unité d'action, celle-ci n'e~t en rien téléguidée par le
PC. Il s'agit plutOt d'une initiative personnelle de Kouyaté
dont l'objectif avoué est de pouvoir travailler avec l'élè-
ment modéré, bourgeois, intellectuel et étudiant. (2)
Dans le cadre de cette fédération des Associations Nègres
de Paris, il envisage d'ailleurs la création d'un bulletin
qui serait intitulé L~Infor.mat~on-eoionialequi, à la diffé-
rence du Crî des Nègres, serait ouvert à tous ce qui lui per-
mettrait/entre
autresJde pénétrer facilement en Afrique. (3)
Cependant fort occupé avec son conflit avec le PC, Kouyaté
ne pourra disposer du temps nécessaire pour mener à bien ce
projet.
--------------------------
(1) ANSOM StOTFOM II Ca.nA:" n H. NQ-te. de. l'a.ge.n-t Pa.u.l Z'l~6~33
( Z
) ANSOM SLOTFOM II Ca.!l.-ton 1'l • No-te. de. .e. ' a.g e. n-t Pa.u.l 3Q~6.;..33.
( 3 ) r de.m.

653
2.2. Sur la voie du panafricanisme
le Congrès Mondial Nègre.
Vers la m~-Septembre 1933, Kouyaté se lance dans
un projet grandiose, en collaboration avec George
Padmore:
l'organisation d'un Congrès Mondial Nègre. Après quelques
semaines de réflexion, la première réunion du Comité d'orga-
nisation du Congrès Mondial Nègre est convoquée le 4 Novem-
bre 1933 au café " La Samaritaine", rue de Rivoli. Sous la
présidence d'André Béton et en présence de quelques militants
bien connus du mouvement nègre tel Augustin Azango, Kouyaté
expose les grandes lignes de son projet. Le but du Congrès
Mondial Nègre sera de rédiger un vaste programme de reven-
dications intéressant les peuples nègres des colonies et des
Etats Unis. (1)
Lo~s d'une seconde réunion Kouyaté présente un rapport qui
insiste sur" l.a néc.e.<\\<\\i..té i.mpélti.eu<\\e de c.onvoquelt un Congltè<\\
Mondial Nèglte " projet qui a reçu" l'ac.c.oltd e.n.tnou<i,{;a<\\.te deJ.i
nèglte<\\ de Londlte.<\\ Il à qui Padmore est allé faire part de l'i-
dée au nom du Comité d'Organisation Provisoire.
Au cours de cette réunion à laquelle assistent André Béton,
Joseph Ebele, Emile Faure, Ludovic Morin Lacombe, George
Padmore et sa femme, etc ••• , les assistants programment le
Congrès Mondial Nègre pour Juillet 1935, soit à Paris soit
à Londres, en fonction de la situation politique internationa-
(1) ANSOM SLOTFOM rrrCalt.ton 34. Note. de la Pilte.c..tion de la
Sûlte..té Généltal~. 8 Péc.e.mblte. 1934.

654
le qui prévaudra. Placé sous l'honororiat de l'Empereur Hailé
Sélassié et des présidents de la République d'Haiti et du
Libéria, le Congrès Mondial Nègre devra dresser un bilan de
la situation morale, économique, intellectuelle, sociale et
politique de la race nègre, réaliser son unité, rédiger une
charte et constituer une organisation universelle devant à
l'avenir diriger le mouvement nègre dans tous les pays. (1)
Début Novembre 1933, le Comité d'Organisation du
Congrès Mondial Nègre co~pte une vingtaine de membres parmi
lesquels Jules Alcandre directeur de la RevueEurope~Co~onies,
Augustin Azango correspondant de l'UIC à l'époque des inci-
dents de Porto-Novo, sympathisant de la-VOix~du-Dahomev et
futur député de la section dahoméenne du R.D.A., André Béton
présent dans le mouvement nègre depuis 1921, date à laquel-
le il militait pour,l'Association Panafricaine, Balin conseil-
1er général de la Guadeioupe, Benjamin Jameson étudiant en
sciences économiques originaire du Nigéria, Félix Denys,
homme d'affaires, Joseph Ebel~ membre de l'UTN et fondateur
du journal-M'Ba~e, Emile Faure, Jean Baptiste,avocat, Tié-
moko Garan Kouyaté, Ludovic Morin Lacombe
Haïtien membre de
l'UTN, René Maran, George
Padmore, Alexandre potino, Ibrahima
Sow fondateur du périscope" At'ricaî:n, ancien membre de l'UIC
et de la Fraternité Africaine, Joseph Sabia Sangaré ancien
membre du "CORN, Tertullien et u~e certaine Rita Diallo. (2)
(1)
ANSO/.1 StOTFOM rI! Ca.Jtton 34. Ra.ppO!l.t du q Véc.e.molte. Jlt33.
(2.)
Ide.m.

655
Ayant provisoirement fixé son siège au cabinet d'André Béton,
le Comité d'Organisation du Congrès Mondial Nègre est divisé
en comités nationaux d'initiative(~) dont les activités ont
été réparties en sept sections
: politique et propagande
( Kouyaté, Béton, Balin ) , ouvriers et paysans
(- Padmore,
Ebele, Sangaré ), économie et finances
(Béton, Azango, Denys ),
presse et information
(Maran, Kouyaté, Faure, Padmore, Alcandre,
Sow, .•• ), culture et arts
(~Faure, Jean Baptiste, Lacombe),
femme et enfance
(Mme Dîalio, Mme Padmore, Tertullien),
ethnologie et sociologie
( A'lcandre, Potino, Jameson ) •
Les secrétaires de ces sept sections
( dont les noms sont
soulignés)
composent le secrétariat éxécutif du Comité qui
a pour secrétaire général Kouyaté ass~sté d'Ebele et de Tertul-
lien.
Notons que dans leurs cartons, les initiateurs du Congrès
Mondial Nègre ont également le projet de lancer un journal
rédigé en Français, en anglais et en espa~nol dont le titre
serait Le Monde' }~gre, voire la Race Nègre. (2)
Au vu de ces élèments d'information, chacun peut constater que
le projet est on ne peut plus ambitieux, et notons que ce
n'est pas l'un de ses moindres mérites que d'avoir impression-
né George
padmore, pourtant habitué aux grandes " masses "
de l'Internationale. Enthousiasmé par le travail de Kouyaté
(1)
Le Comit( p~ovi~oi~e du Co~g~l~ Mo~dial Nlg~e avait e~gag(
de-6 dÜcu~~ioM p~Uimi~ai~e~ avec. le~ ~lg~e-6' deti Etat~-U~i~,
drA6~ique du Sud, du Po~tugal et de G~a~de B~eta9~e [ ANSOM
SLOTFOM rIICa~to~ 78. Rappo~t a~o~~me ~o~ dat( ).
(ZIVa~ti l'nypothl~e le Co~g~l!i Mo~dial Nlg~eau~a~~ eu leti
moqe~!i depuolie~ e66ectiveme~t U~ jou~~al, Emile Fau~e (tait
p~êt a lui c(de~ le tit~e La Ra~e~lg~e.
'

656
il écrit d'ailleurs à WEB Du Bois pour le mettre au courant:
" Le-6 nègJte~ 6Jtançai~, lui dLt-il, ont Jtéc.emment tenu
une c.on6éJtenc.e ~ou~ la diJtec.tion d'un jeune ~oudanai~
dont vou~ avez ~an~ doute entendu paJtleJt, MJt GaJtan
Kouyaté, le Jtédac.teuJt en c.he6 de la Rac.e NègJte. Le pJto-
blème nègJte a ê..:té dùc.uté en Jtelation aVec. la c.Jtùe
éc.onomiQue et ~oc.iale mondiale et le dangeJt 6a~c.i~te
Qui no u~ menac.e d' exteJtminatio n Jtac.iale.' C"e'.6 -ft(t-pt'u~
'.6'é'Jtieu'.6e dÙc.u~~i'on'poti.t.:<:que
en-fJte nèsJt-e,sa: :faQ'uet1.e
j'ai jamc..Ù a~~Ù·té. (1) La c.on6éJtenc.e a déc.idé de pJte.n-
dJte l'initiative de c.onvoQueJt un CongJtè~ Mondial Nè-
gJte dont le but e~t de me.ttJte au point un pJto~Jtamme
d'ac.tion c.ommun autouJt duquel l'unité mondiale. de~
nègJte.~ pouJtJta ~e Jtéaliae4 J,.(2)
Ce qu'il faut bien appeler l'admiration de Padmore pour Kouya-
té et pour le mouvement anti-colonialÎ~te nègre én France nous
a d'ailleurs été confirmé par C.L&R& James. D'après cet ami
-d'enfance de padmore(3), militant trotskyste et auteur du
célèbre ouvrage sur la révolution haltienne'Lés-Jacobins
Noirs,
lorsque Padmore apprenait que quelqu'un allait se ren-
dre en France (4) ; il lui recommandait aussitOt de rencontrer
Kouyaté et, de l'avis même de notre informateur, le mouve-
ment anti-colonialiste nègre de la France de l'entre-deux-guer-
res était bien plus avancé que son homologue de Grande Bretagne~5)
[lt Souligné paJt nou~.
[ 2 1 J am e~ R. ff0 0 R.eJt 0 P c.it p. H ~
(3) t.e pèJte-de C.L.R. Jame~ avait été le maZtJte. d'éc.ole. de Malc.om
NuJt~e aliaa Ge.oJtge
PadmoJte..
(4) ApJtè~ un ou deux a~~ pa~~é~ e.n FJtanc.e, PadmoJte. ~'éta~R....i.t
en GJtande BJtetagne..
(5)
EntJtetien de l'auteuJt avec. CLR ]ame~ le 2314185 a LondJte~.

657
De tels témoignages relativisent pour le moins la version
commune des choses qui veut que les anglophones aient fait
preuve d'une plus grande maturité que les francophones em-
pêtrés dans la Il Négritude ". Par ailleurs, la lettre de
Padmore à Du Bois indique que ces mêmes francophones et plus
particulièrement Kouyaté n'avaient guère de leçon de panafri-
canisme à recevoir d'outre-atlantique.
En étant un tantinet provocateur nous ne serions pas loin
d'affirmer le contraire. En effet, le Vème Congrès Panafricain
de Manchester qui consacrera WEB Du Bois comme le père du
panafricanisme, ne fera que reprendre, sur nombre de points,
le projet lancé par Kouyaté dix ans plus tOto Cl)
Ceci dit, revenons au Comité d'O~ganisation du Congrès Mondial
Nègre. Fin 1933 début 1934, celui-ci a mis au point un Il mani-
feste Il s'adressant nA tous nos frères noirs d'Afrique,
d'Amérique et des Antilles! A tous les peuples nègres du
monde entier! A tous les amis et champions de l'humanité
opprimée ! 11
La première partie de ce JI Manifeste JI est essentiellement con-
sacraà l'examen de la situation faite aux nègres à travers
le monde et on peut y lire :
Il
Ve.puÜ plU4 de. c.i:.nq 4i.è.c.le.4, le.4 na.ti.o n4 blanc.n..e.4 du
monde. on.t opp4i.mé l'A64i:.que. e..t le.s Uoi.4S. Quoi:.que. le.
c.omme.4c.e. d'e.4c.lave.s pa4 la voi:.e. de. l'A.tlan.ti:.que ~oi:..t
~upp4i.mée., l'e.4c.lavage. e.Xi:.4.te. e.nc.o4e.. Il n'a c.~angé
(1)
La pM.ti.c.i:.pa.ti.on ac..t.<.ve. de. PadmQ4e. lQMf de. l' Mganüa.ti:.oYt
du Vème. Cong4è.s Pana64i:.c.ai.n n' e.-5'.t saM' dou.te. pa4 é.t4ang è.4e. à.
c.e.la.

658
» Que de 40~me.
La dl66l~ence ent~e l'ancien et le
nOuveau e~t Que le~ Blanc~ ont t~ouvl Qu'il e~t de
meilleu~ ~endement d'a~~ujettl~ le~ A6~lcaln~ en A6~l­
Que même, au lieu de le~ captu~e~ et de le~ emba~Que~
pou~ l'Aml~lQue et le~ Antllle~, l'lmmen~e majo-
~lté de~ Nèg~e~ e~t aln~l p~lvée de~ d~olt~ élémental-
~e~ d '.êt~e humain_
Aujou~d' hui la ~ace nèg~e e~t en dange~ ! Jamaü enco~e
depul~ le temp~ de l'e~clavage nou~ ne nou~ ~omme~
t~ouvé~ en p~é~ence d'une c~l~e telle Que celle Qui
~évlt aujou~d'hul et dont le~ ~lgne~ ~e mont~ent pa~­
tout a l'ho~lzon_
En Eu/tope : Hltle~ avec une in~olel'tce audacieu~e, ~aM
exempleJP~êche la c~ol4ade, non ~eulement pou~ avlve~
le4 antagoni~me~ de ~ace~ mal~ enco~e pou~ l'exte~mi­
nation de~ peuple~ non-A~yen4 et de couleu~. Aujou~d'hul
ce ~ont le~ Jul6~, demain ce ~e~ont le~ nèg~e~. Ca~
le~ émi~~ai~e~ nazl~ pou~~ulvent leu~ p~opagande c~l­
minelle dan~ tout le pay~ et en même temp~ ll~ deman-
dent de~ colonle~ en A6~lQue_ Nou~ avon~ l~ d~oit et
le devàl~ de mett~e un te~me à ce~ p~ltentlon~_
En Amé1tLque:
Véjà une nouvelle vague de lynchage et
de te~~eu~ cont~e le~ noin~ dé6enle ~u~ l'Aménlque,
tnalnant ~on lou~ butin de victime~ panml no~ 6nène~
lmpuü~ant~ et ~aM' a~me~. Le~ ma,ttne~ blanc4 ~lcla­
ment enco~e le
~ang de~ ~ept el't6ant~ lnnocent4 de
Scott~bo~ough_ Ml~ a l'indtx, poun~ulvl~ ~an4 neliche,

659
» lynchl6
depui6 l'lpoque de leu~ lmancipation, n06
6~è~e6 noi~6 d'Aml~ique doivent 6'uni~ et 6e d~e66e~
en6emble 6'il6 veulent lchappe~ au 60~t de6 jui66
d'Allemagne.
En A6~i{ue
Not~e Continent e6t devenu la plU6 g~an­
de colonie d'e6clave6 du monde. Le6 e66et6
de l'im-
pl~iali6me en A6~ique 6e 60nt 6ait6 6i impitoyablement
6enti~ que n06 compat~iote6
y ont lté anlanti6 pa~
million6 au Cou~6 de quelque6 décade6j a~~aché6 a la
vie t~ibale, cha66é6 de leu~6 p~op~e6 te~~e6 qui 6u-
~ent ~lpa~tie6 ent~e le6 6e~mie~6 eu~oplen6, le6 cap~­
tali6te6 et le6 conce66ionnai~e6 pou~ le6quel6 il6
60nt en out~e, obligl6 de t~availle~ a6in de pouvoi~
cont~ibue~ a en~ichi~ l'Eu~ope blanche.
Ve p.e.U6, le6 noi~6 sont 6i lou~dement imp06l6, que
pou~ pouvoi~ paye~ le collecteu~ d'impôt6, il6 sont
cont~aint6 d'alle~ 6e loue~ pou~ t~availle~ dan6 le6
plantation6 et dan6 le6 mine6.
En6in, out~e ce6 mlthode6 de b~igandage ouve~t, les
Noi~6 ne 60nt ni con6idl~é6 ni t~aitl6 cOmme de6 êt~es
humaiM. r CA n' 0nt po u~ eux aucun. d~oit que le blanc
doive ~e6pecte~.
Vans plu6ieu~6 colonie6, il6 60nt cna6sl6 comme de6
bête6 6auve6 ou exploité6 COmme de6 bête6 de somme.
Non 6eulemen.t le6 6lvice6 et c~ime6 commi6 cont~e eux
pa~ les blanc6 ~e6tent impunis, mai6 enco~e, Dien sou-
vent, il6 60nt 066iciellement encou~agl6 pa~ le6.au-

--
660
" .tolti.tê.f.J, e..t f.Ji le.f.J noiltf.J Of.J e.n.t plto.te.f.J.te.It, le.ultf.J ap-
pe.lf.J f.Jon.t f.Jauvage.me.n.t ltê.pltimê.f.J e..t même. Que.lQue. 60if.J,
on ouvlte. le. 6e.u f.Jult de.f.J 6e.mme.f.J f.Janf.J altme.f.J e..t f.Janf.J dê.-
6e.nf.Je. ainf.Ji QUe. ~e.la f.Je. pltoduif.Ji.t au Nigê.ltia e.n 19Z9,
au Came.ltoun e.n 1930 e..t au Togo e.n 1932.
Te.lle. e.f.J.t la jUf.J.ti~e. def.J blan~f.J en A6ltiQue
, Aux' An~ille.f.J e.:t 'dan~ l'Amê.lti'Qu'e.. Ca.ti:ne. : Aux An.tille.f.J,
au Blté~il ou danf.J d'au.tlte.~ payf.J d'Amê.ltiQue. La.tine. où
l'imme.nf.Je. majolti.tê. de. n04 ~ompa.tltio.te.f.J 40n.t de.f.J ou-
vltie.ltf.J e..t de.4 payf.Jan4, le.ultf.J ~ondi.tionf.J 40n.t plus
pltO~he4 de. ~e.llef.J de. 4e.lt6f.J QUe. d'homme.4 liôlte.4. A66a-
mê.4, mi~éltable.f.J,
impunème.n.t glte.vê.f.J d'impô.tf.J, le.ult4 ~ltif.J
4'ê.lèV~n.t de palt.tou.t tandL~ Qu'une plou.to~lta.tie. olan-
~he. lef.J exploi.te. e..t le.f.J 4U~e. jU4Qu'à la moëlle. apltè4
le.f.J avoi:1t ltê.dui.tf.J palt une. lê.gi~la.tion hypo~lti.te.
.. (fa1:.t:i-Ltôêlti.:cc: Afrr/u:fn;Le.:
La f.Jouve.ltaine..tê. même. de4
40i an.t U indê.pe.ndan.te4 11 ltê.publiQ Ue.4 nOilte.4 e.f.J.t
mena~ée.. Tandif.J QUe. l'Amê.ltiQue e.nvoLe. 4e.f.J navilte.~ de
gue.ltlte e..t 4e.4 di~.ta.te.ult4
6inan~ieltf.J à ~a.Z.ti, .ta.ndi:4
QUe. la SON, f.Joultde. aux ~lti4 de.f.J Nèglte.f.J oppltimê.f.J 40U4
le. joug de4 pUif.J4an~e.~ blan~he.4 ~oloni4a.tlti~e.4,
.tilte.
de4 planf.J e..t ~omplo.te pOult l'annexion du Libéltia e..t
l'in4.taulta.tion dé6initive. d'une. di~tatulte. ôlan~ne. da.n&
le par!4, l'Italie. e.t la Gltande. Blte.tagne. f.Jont, e.lle.4
o~wp?!.e~ palt le.ults vù ê.e.~ lté~ipltoQUe.4 4Ult i' AÔY4~inie..
Palt.tou.t le.f.J 601t~e.4 de la Itê.a~tion ~ont mooil~~ê.e.~ ~on­
.tlte. nOU4. Palt.tout ~e.ux Qui noU<S' Opplte44e.nt e..t nOU4

66·
6ement une nouvelle gue~~e 6«na !g«le d«n6 le6 Ann«le6
de l'Hi6toi~e et pou~ l«quelle i~4 6'«pp~êtent, une
6oi6 de plU6, a 6e 6e~vi~ de nou6 ~omme ~h«i~ à ~«non
p~é~ipit«nt «in6i l' exte~mù1.«tion de not~e ~«~e pou~
~ompléte~ lroeuv~e ~~iminelle de 6té~ili6«tlon de m«6-
6e
p~opo6ée p«~ Hitle~ ".(1)
Exagérèment apocalyptique par certains catés, cette partie
du " Manifeste" n'en décrit pas moins la triste, mais bien
réelle situation des Nègres du milieu des années trente ainsi
que le danger nazi. Ce dernier point ne doit pas nous étonner
quand on sait que du fait de sa présence en Allemagne, depuis
le début des années trente, George
Padmore vécut la montée
puis le triomphe du nazisme. Enfin on ne peut que noter le
caractère véritablement prophétique du texte annon~ant la
deuxième guerre mondiale, comme un conflit. " sans égal
dans
les Annales de l'Histoire"
Face à cette situation d'une extrême gravité, les auteUrs du
texte appellent à la mobilisation générale ~
" En p~é6en~e de ~e6 d«nge~6 imminenta, nou6, VQ6 ~om­
p«t~iote6 d'Eu~ope,
«von6 p~ia l'in~ti«tive 6«lut«i~e
d'o~g«ni6e~ un CQng~l6 Mondi«l de R«~e Nlg~e, en
Juillet 1935, «6in de le6 eomb«tt~e et de h~te~ l'«mé-
lio~«tion de VO& eondition& de vie en A6~ique et d«n6
le6 «ut~e6 p«y6. A6~ie«~n&. F~l~e6, Soeu~6 nèg~e6, et
&U~tout «~dente jeune&&e Nèg~e du monde entie~ !
(1) ANSOM SLonOM In CMton 34. M«ni6 e&te pou~ le Con9~l6
Mondi«l Nèg~e.

" L' heU/le a .sonné pOUlt le..s pe.uple.s nèglte..s d' A6ltique,
d'Améltique. , de..s Antille..s, de l'Améltique. Ce.ntltale. e.t
du Sud de. lte..s.se.ltlte.lt le.ult.s ltang~ POUlt a66iltmelt ave.c
60ltce. notlte. con.scie.nce. nationale. e.t de.ltace.. Jamai.s
e.ncolte. la néce..s.sité de. notlte. unité e.t de. notlte. action
conce.lttée ne. .s'e..st 6ait .se.ntilt comme. aujoultd 1 hui.
L'e.xpéltie.nce. nou.s a pltouvé que. no.s méthode.~ antéltie.u-
lte..s de. lutte..s i.solée..s ne. nou.s ont conduit qu'aux lté-
plte..s.sion.s le..s plu.s .sanglante..s. C'e..st poultquoi nou.s
de.von.s maintenant ltéalü e.lt notlte. bloc 6ltate.ltne.l qui
.se.ul nou.s pe.ltme.ttlta de. 6ailte. e.nte.ndlte. no.s lte.ve.ndica-
tion.s e.t d'obtenilt .sati.s6action. POUlt un out unique.
e.t palt un dévoue.me.nt .san4 lté&eltve. ~ l'avance.ment e.t
a la libéltation de. notlte. ltace., nou& lte.léve.lton.s toujOUlt.s
plu~ haut la bannièlte. de. no~ ancêtlte..s immoltte.l.s :
A.skia le. Gltand de. Songn~q, Ménéli~ de l'Ethiop~e.,
Chaka, Cete.wayo, Vingaan de. l'A6lti.que. du Sud, 8e.hanzin,
Samoltq e.t Plte.mpe.h de. l'A6ltique. Occide.ntale., 8lqde.n e.t
Altthult Boltkle.q du Libéltia, Tou.s.saint, Ve..s.saline.& e.t
Chltütophe. de. HaZ.ti, Mace.o de CuBa, Patltocino du Blté~
~il, Ve.lglte..s de. la Guadeloupe., de.& 6e.mme.~ héltoZ.que.s
comme. Sajoultne.lt, Tltuth e.t Haltltie.t Tubman, Nat Tultne.lt
e.t rlt. Vougla.s de. l'Améltique. La je.une..s&e. nèglte. d'au-
joultd' hui doit honMe.lt ce.s nelto.s e.t &' in&piltelt de. .te.Ult
e.xe.mple. a6in qu'e.lle. au~~i, lai~~e. de.~ tltace~ dan.s
l'Hi.~toilte. pOUlt la ce.~.sation vi.ctOlti.e.U&e. du calvailte.
de. notlte. ltace. n. (1)
------------------~-----
(1) ANSOM SLOHOM rn Caltton 34. Mani6e..ste. du Congltè.s Mondial Nèglte..

66::
A l'adresse des sceptiques, le n Manifeste n insiste sur le
poids du nombre et l'importance de l'organisation:
" N'ouof..i.OYl-6 pa.-6 que. YlOU-6 -60mme.-6 2.50 mi.f..f..i.oYl-6 e.t que.
-6i. ce.-6 6o~ce.-6 -60Ylt o~ga.Yli.~ée.-6
e.t coo~doYlYlée.-6 a.u moye.Yl
d'uYle. ~e.p~é-6e.Ylta.ti.OYl pa.~6a.i.te. de. toute.-6 f..e.-6 o~ga.Yli.-6a.­
ti.OYl-6 e.t -6e.cti.OYl-6 du mOYlde. Yloi.~ - Ylou-6 Yl'a.u~OYl-6 ~i.e.yl a
~e.doute.~1 Ylou-6 -6e.~OYl-6 i.Ylvi.Ylci.ôf..e.-6.
c'e.-6t pou~quoi. Ylou-6 6a.i.-60Yl-6 a.ppe.f.. a tOU-6 f..e.-6 Ylèg~e.-6
ou pe.upf..e.-6 d'o~i.gi.Yle. a.6~i.ca.i.Yle. du mOYlde. e.Ylti.e.~ : e.Ylte.~­
~e.z toute.-6 ja.f..OU-6i.e.-6 me.-6qui.Yle.-6, toute.-6 que.~e.f..f..e.~ pe.~-
-6 0YlYle.f..f..e.-6, toute. hO-6ti.f..i.té de. t~i.ôu~, toute.-6 -6U-6pi.ci.OYl-6
géog~a.phi.que.-6
e.t tOU-6 f..e.-6 p~éjugé-6 f..oca.ux, tout ce.f..a.
qui a. été i.mpo-6é a Ylot~e. ~a.ce. e.t p~opa.gé pa.~mi. YlOU-6
pa.~ ce.ux f..a même. qui. Ylou-6 OYlt ~édui.t-6 a Ylot~e. -6i.tua.-
ti.OYl a.ctue.f..f..e. d'e.-6cf..a.va.ge.
F~è~~
,Yle. pe.~doYl-6' pM e.-6poi.~ ! Ne. de.ve.YlOYl-6 pa.-6 de.-6
vi.ctime.-6 du pe.-6~i.mi.-6me. e.t du dé6a.i.ti.-6me.. Quoi.que. f..e.
p~é-6e.Ylt -6oi.t -6omô~e., f..ra.ve.Yli~ de. f..'A6~i.que. e.t f..e.~ de.-6-
tiYlée.-6 de. Ylot~e. p~op~e. ~a.ce. ~OYlt e.Ylt~e. YlO-6 p~op~e.-6
ma.iYl-6. Si. Ylou-6 -60mme.~ 6o~t-6,
ylOU.&' t~ouve.~OYl-6 de.-6 a.f..f..i.é-6.
Si. YlOU-6 ~e.~tOYl.&' 6a.i.of.. e.-6 , YlOu-6 COYltiYlue.~oYl~
d' êt~e. mé-
p~i.-6é-6 pa.~ a.mi.-6 e.t e.YlYle.mi.&'. c'e.-6t pou~quoi. YlOU-6 de.v~oYl.&'
YlOU-6 ~a.-6-6e.môf..e.~ e.yl compa.ct.&' ôa.ta.if..f..oYl-6 d'a.ci.e.~, pou.~
6a.i.~e. de. Ylot~e. COYlg~è-6 f..a. démoYl-6t~a.ti.OYl f..a. pf..U-6 6o~te.
qu'OYl a.i.t ja.ma.i.-6 vue. a.u mOYlde.. Ai.Yl-6i. f..e.-6 nomme.-6 Yloi.~-6
Yle. ~e. f..a.i-6-6e.~oYlt pf..U-6 Yli. -6uojugue.h Yli ~édui.~e. a.u -6i.f..e.Yl-
ce. pa.~ f..'a.~~oga.Ylce. impu.de.Ylte. et f..e.-6 iYl-6ulte.-6 de.-6 ~éo-

664
" Baltbalte~, c.omme ffi..:U.elt, e.t:. de c.e.ux qui.. nou~ ont:. plti..-
vé~ de~ dltoi..t:.~ humai..n~ depui..~ de~ ~i..èc.le~. No~ mot:.~
d'oltdlte ~ont:. : Congltè~ Mondi..al Nèglte de 7935 !
Congltè~ d'a66i..ltmat:.i..on de. la c.on~c.i..enc.e
et:. de l'uni..t:.é nèglte
Congltè~ de c.ltéat:.i..on de la Chaltt:.e de la
Itac.e nèglte ! ,,(7)
Malgré une préparation assez avancée, le Congrès Mondial Nè-
gre restera à l'état de projet, très certainement faute de
fonds. (2)
Il faudra donc attendre le Vème Congrès Panafraicain
tenu à Manchester en 1945 pour assister à l'
Il
affirmation
de la conscience et de l'unité nègre JI, à ceci près que les
francophones en seront quasiment absents. (3) Cependant padmore
ayant joué un rOle clé dans l'organisation de ce congrès, on
peut penser qu'il s'inspira des discussions auxquelles il
avait participé une dizaine d'années auparavant, apportant
ainsi une contribution indirecte des africains francophones.
----------------_._--------
(1)
ANSOM SLOTFOM rn Caltt:.on 34. Mani6e.~t:.e du Congltè~ Mondial
del.r Nèglte~.
(2) Pe.ut:. êt:.lte. l'oltgani..4at:.ion du Congltè4 Mondial Nèglte a t:.-
elle égale.me.nt:. ét:.é e.nt:.ltavée. palt la longue. maladi..e de Kouyat:.é
qui.. l'i..mmooi..li..4elta pe.ndant:. plu~ieult4 moi~ a l'nôpit:.al Beaujon.
rl avait:., ~em6le.-t:.-'[l, c.ont:.ltac.t:.é la t:.uQe.ltc.ulo~e.
(3)
Le poét:.e t:.ogola,[~ Raphaël ALmat:.t:.oe. 4elta le 4e.ul 6ltanc.d-
phone a paltt:.i..c.,[pe.1t au c.ongltè4.

665
2.3. Une tentative de relance de la
dynamique intercoloniale.
Fin Dêcembre 1933 parallèlement au projet d'orga-
nisation du Congrès Mondial Nègre, Kouyaté lance l'idée de met-
tre sur pied une association intercoloniale groupant les In-
dochinois, les Arabes et les Nègres. (1) A première vue,
l'initiative n'a rien d'original puisqu'il s'agit en fait de
créer une organisation semblable il l'Union InterColoniale
( UIC
des années 1921-1926. Cependant il.existe une dif-
fêrence de taille entre le projet de Kouyaté et l'UIC de ja-
dis : cette fois-ci il est question de grouper les nationa-
listes anti-communiste~.
Le 4 Mai 1934, une première réunion a lieu au siège de l'Etoi-
le Nord-Africaine ( ENA)
19 rue paguerre dans le XIVème.
Ce jour lil les dirigeants nationalistes Indochinois, Nègres
et Arabes discutent du projet sous la présidence de Si Pji-
lani. Il est question de grouper tous les peuples coloniaux
soumis il l'impêrialisme français et de fonder une associa-
tion appelée Comitê InterColonial. Si Djilani insiste sur le
fait qu'il s'agit d'engager la lutte pour l'indépendance et
non de lutter pour conquérir quelques droits démocratiques
visant à l'assimilation. (2)
(I) ANSOM SLOTFOM rr Ca~~on 1i. No~e de ltage"~ Paul 13 Vlcem-
D~e 1933.
(2)
ANSOM SLOTfOM n I CM~o" 34. No~e. de. l t age.M Mo,t.~e., 9.
Mai: 19. 34.

666
D'apr~s les statuts de la future organisation, son objectif
e s t :
»de d(6end~e le4 int(~lt4 mo~aux. cultu~el4 et poli-
tique4 de4 indigène4; d'a44u~e~ pa~ tou4 le4 moyen4
p~atique4 et id(ologique4 la lio(~ation nationale et
l'(mancipation 40ciale de4 colonie4 6~an~ai4e4 en liai-
40n (t~oite avec le4 aut~e4 peuple4 coloniaux ~ele­
vant d'aut~e4 pui44ance4 d'opp~e44ion imp(~ialüte ».
Un bureau éxécutif de 9 membres composé de 3 Nègres,
3 Arabes
et 3 Indochinois est prévu ainsi qu'une commission de contrô-
le de 6 membres constituée sur le même principe que le bu-
reau. (1)
L'intitulé Il Comité InterColonial » ressemblant trop au si-
gle Union InterColoniale, i l est décidé de le changer. Emile
Faure propose Il Union des P.aces Il mais cette proposition est
rejetée et, après discussion, l'o~ganisation est baptisée
" Solidarité Coloniale ".(2)
Début Juillet 1934, La Solidarité Coloniale est contactée
par le Comité d'Alliance des Peuples Opprimés animé par des
trotskystes. Apparemment, ces derniers cherchent à faire fu-
sionner les deux organisations sous leur contrôle, mais
après examen des programmes respectifs des deux groupes, au-
cune union ne s'avère possible. En effet, d'après les rapports
de police, le programme présenté par le Comité d'Alliance des
Peuples Opprimés insiste surtout sur les questions humanitai-
res, ce qui ne peut satisfaire les nationalistes nègres, arabes
------------------~-----
(1) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 34. P~ojet ~e 4tatut4 du Comit(
Inte~Colonial.
(2) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 34. Note de la Vi~ect~on de la
Sû~et( G(n(~ale. 26 Mai 1934.

66i
et indochinois. (1) N'ayant pas réussi leur opération, les
trotskystes rebaptisent leur organisation " S6lidarité des
Peuples Opprimés " ce qui amène les dirigeants de la Solida-
rité Coloniale a adopté le sigle" Comité d'Entente Colonia-
le ".
A la mi-Juillet les choses se précisent avec l'élection d'un
bureau provisoire. Présidé par l'Arabe Foudi, le Comité d'En-
tente Coloniale a pour vice-président l'Indochinois Tuyen
et pour secrétaire général Kouyaté. Une des premières déci-
sions du bureau est de lancer un journal en arabe, en quoc
nghu et en français dont le titre serait L" Heure- de- lac Liber-
té. (2) Mais finalement pour des raisons que nous ignorons,
le projet reste sans suite et ni le Comité d'Entente Coloniale
ni le journal ne voient le jour. Cependant une fois encore,
cette expérience avortée n'aura pas été un coup pour rien
puisque les principaux protagonistes de cette affaire, ~ l'excep-
tian notable de Kouyaté, seront les animateurs du Rassemble-
ment Colonial créé sous le Front Populaire.
Une initiative chassant l'autre, c~est au tour des socialis-
tes de tenter d'organiser les coloniaux dans une Fédération
des Peuples Colonisés.
(1) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 34. Note anonyme du g Juillet 1934.
(2) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 73. Note anonyme du 12 Julllet
1934.

661
2.4.Le projet de Fédération des Peuples Colonisés
Le 22 Octobre 1934, Joseph Lagrosillière, député
de la Martinique; entouré d'André Bli!Hehoo ancien député com-
muniste de Paris, de r.alandou Diouf député du Sénégal et de
Jean Longuet député de la Seine organisent une réunion d'in-
formation destinée à promouvoir l'idée d'une Fédération des
Peuples Colonisés. A cette manifestation à laquelle ont été
conviés de nombreux coloniaux, Lagrosillière brosse les grands
traits de son projet qui a pour principaux objectifs de dé-
fendre les colonies, et " de 6al~e connalt~e la F~ance glnl-
~euae de 1189 ".(1) Pour atteindre ce but, Lagrosillière
propose la location d'un local pour l'établissement du siè-
ge social
( coQt 100 000 f
) et le lancement d'un journal
( coQt
300 000 f
) •
Ce projet et son coQt décharnent une critique acer-
be du Cri des'Nêgres qui déclare à ce sujet:
n Quat~e cent mllle 6~anc~! Ce ne ~ont paa le~ t~a­
vallleu~a qul pou~~ont lea 6ou~ni~. Pa~eille ~omme eat
au-deuua de leu~ pouifîllitL U e~t pe~mù de. dlcla.-
~e~ qu'on e.acompte. ~u~ de.~
'6onda ~plciaux' e.t ~u~ le.
concou~Q de la oou~ge.oi~ie., a.dve.~aai~e. de. l'émancipa-
tion de.a populationa colonialea. Tou~ ce.a indlvidu6 60nt
de la. démagogie.. En di~a.nt vouloi~ dé6e.nd~e. lea colo-
(7) ANSOM SLOTFOM Irlea~ton 119

66~
» nie6, il6 ~he~~hent a pe~p(tue~ la 6e~vitude de6
peuple6 ~oloniaux ".(1)
L'opposition de l'UTN à ce projet traduit en fait l'hosti-
lité du PC qui ne peut voir que d'un mauvais oeil les socia-
listes empiéter sur ses» plates bandes" coloniales, en s'al-
liant de surcro!t avec des nationalistes qui ont pour la plu-
part rompu avec lui.
En effet, l'initiative de Lagrosillière, député socialiste
de la Martinique, ressemble à s'y méprendre à une initiative
de la SFIO, ou du moins de certains de ses membres pour re-
gagner le terrain perdu sur les communistes et avoir elle aus-
si son" appendice" colonial, sa clientèle coloniale sur
l~quelle exercer une influence idéologique et politique. Ain-
si le Comité Provisoire d'Organisation de la Fédération com-
prend-il dans ses rangs André Berthon, Jean et Robert-Jean
Longuet, André Morizet, et ... Marius Moutet futur ministre
des colonies du Front populaire. Parmi les colonisés membres
de ce même Comité, on retiendra les noms de Léon Damas
le
poète 9uyanais, Ahmed Boulehal fondateur-président des Eclai-
reurs Marocains, Galandou Diouf, Hedi
Nouira futur premier
ministre tunisien, le docteur Sajous et le Vietnamien Nguyen
The Truyen ancien membre de l'UIC ayant rompu avec le PCF en
(2)
1926-1927, etc
. . . .
Par ignorance ou par ambition,
les promoteurs de la Fédération
des Peuples Colonisés ont sous-estimé la difficulté de faire
--------------------------
(1) Le"C~1:-âe~'~1~e6 N°11 Novemo-~e 1934.
(21 ANSOM SLOTFOM rrr Cà~ton 119. Li~te du Comit( P~Ovl6oi~e
d'O~gani6atlon de la FPC.

671
cohabiter des gens aux opinions aussi diverses dans un seul
et même cadre. D'ailleurs dès la première réunion organisée
par Lagrosillière en Octobre 1934, des indochinois ont quit-
té la salle en·signe de protestation après l'exposé du program-
me de la Fédération. (1) Quelques semaines plus tard, lors du
banquet organisé en l'honneur de l'élection de Galandou Diouf,
si on permet à Radjef Belkacem, membre de la direction de
\\.2}
l'ENA, de protester contre l'arrestation de Messali Hadj, par
contre on lui retire la parole, lorsqu'il appelle à Il l'un-i.o/1
de.-6 Jtac.e...s- c.olo /1ù>ée-6 po uJt leuJt L<:fj éJta.tio /1 Il (3 i
Peu à peu les organisations nationalistes telles l'Etoile
Nord-Africaine, le Néo-Destour et les Jeunes Marocains(4) quit-
tent le Comité Provisoire d'Organisation et lorsque'la' Race
Nègre sort en Décembre, Emile FaUre ne dit pas un mot sur
l'initiative de Lagrosillière.
Si le divorce a eu lieu si rapidement c'est que le mariage
projeté était contre-nature. Lagrosillière et ses amis socia-
listes se définissent comme " ~eux qu-i. on.t .toujouJt-6 -6u c.onc.-i.-
l-i.e.Jt l'a.t.tac.~emen.t de-6 peuple-6 c.olon-i.aux pouJt le.uJt-6 pa.tJt-i.e-6
Jte-6pec..t-i.ve-6 avec. l'amouJt pJtonond que nou-6 avon-6 pouJt l'-i.déal
Jtévolu.t-i.onna-i.Jte. de la rJtanc.e de 1189 ,,(5); pour eux les ré-
voltes et protestations nationalistes qui se développent en
Indochine, en Syrie, en Afrique du Nord et ailleurs ne sont
(1)
Le 'C"JtLde.4 Nè~Jte-6 N° Il NovembJte 19.34.
(2)
La' Ra.c.'e. N"ègJte N°l N"ovemfJ.lte.-Vé.c.emoJte 1934.
(31 C-i..té paJt C. L-i.aùzu op. c.~.t. p. 2Œ2.
(4)
rdem.
{51 ANSOM SLOTFOM rrr CaJt.ton 119. Appel de la fédéJta..tLon de-6
Peuple4 Colo/1Ù é4. MaJt4 1 'l3 5.

671
que Il le6 COn6(quence6 de6 e~~eu~6
et de8 6aute6 " des gou-
vernants. Leur but est certes de Il p~ote6te~ cont~e le6 abu6
et le6 i.nju6ti.ce6" dont ces peuples sont victimes et d' Il ex-
p06e~ 6ou6 leu~ v~ai. jou~ leu~6 doct~i.ne6 et leu~6 ~evendi.ca-
ti.on6 quelle6 qu'elle6 6oi.ent Il mais avant tout ils visent
à promouvoir une meilleure compréhension entre " le6 di.ve~-
6e6 opi.ni.on6 publi.que6 i.ndi.gène6 et l'opi.ni.on m(t~opoli.tai.-
ne ". Chacun l'aura compris, il ne s'agit pas de soutenir
les partisans de l'indépendance mais une fois encore de pr~-
l
"
cher les soi-disant vertus de l'assimilation'
bien comprise.
Cette position, les nationalistes l'avaient rejetée depuis
longtemps et ils desertèrent à juste titre les rangs du
Comité Provisoire d'Organisation. Quant à Galandou Diouf
.
.
i l fera de m~me mais pour cause d'allergie au Front Populaire.
Résultat, en Septembre 1935, soit près d'un an après la mi-
se en route de l'initiative, la Fédération des Peuples Colo-
.r
nisés, ou du moins ce qu'il en reste, piétine toujours fau-
te d'argent. (1)
Autant dire qu'elle a échoué dans sa tentati-
ve de mise sous tutelle du courant nationaliste.
L'échec de toutes ces tentatives d'unification et
plus particulièrement l'incapacité du mouvement anti-colonia-
liste nègre, toutes tendances confondues, à s'organiser de
manière efficace, symbolise bien le marasme dans lequel i l se
trouve, suite au déclin amorcé depuis le début des années 30.
-----------------------
[1) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 112. NQt~ anonyme 1e~ Septem6~e 1235.

672
Alors que les JI politiques JI sont à la recherche d'autres
solutions, un courant nouveau voit le jour qui justement
rejette la politique pour ne s'intéresser qu'au combat cultu-
rel : c'est le début du mouvement de la Négritude.
3. LA MONTEE EN PUISSANCE DES INTELLECTUELS NEGRES.
-----------------------------------------------
Une des premières, si ce n'est la première mani-
festation de la montée en puissance des intellectuels nè-
gres est sans doute la création de La Revue du Monde Noir.
A l'origine de cette initiative lancée en Juin 1931, on trou-
ve Léo Sajous, Haïtien/docteur en médecine résidant en Fran-
ce depuis de nombreuses années (1), Emile Faure et Henri
Jean-Louis alias Jean Louis Baghio'o, ancien magistrat au
Congo et naguère président honoraire du CDRN. (2) Le but
,
assigné à cette revue est triple :
JI
1°) donne~ aux ln~ellec~uel~ de la Race Nol~e le~
moyen~ ma~é~lel~ de puolle~ e~ de 6al~e connaZ~~e leu~~
oeuv~e~ a~~l~~lque~, ll~~é~al~e~ ou ~clen~l61que~ a61n
qu'll~
pul~~en~ ~e con~ac~e~ en~lè~emen~ a l'A~~, la
ll~~é~a~u~e ou la ~clence, e~ 6o~me~ aln~l une éll~e
qui ~e~a le guide na~u~el de la Race.
(1) Memo~e de la LVRN, il a é~é pa~ml le~ 6onda~eu~~ duC~u~~le~
. (tè.~·No;t~~ e~\\ il a joué un ~ôle lmpM:tat1~ dan~ l' élatrMa~lot1 du
p~oje~ de l'rn~~l~u~ Nèg~e de Pa~l~.
(2) '{oi~ ~UpM.

~ :.;"-.__ .~....{ "~~
~~'";",,c:~.....-_

670ll
"
ZO)
développelL et c.entlLalüelL le4 ê..:tudef.> hütolLJ..quef.>,
phJ..lof.>ophJ..que~et f.>c.J..entiôique4 sulL la Rac.e NoJ..lLe, aôin
qu'elle f.>e c.onnaisse mieux, f.>oit mieux c.onnue et ap-
plLéc.iée des autlLes lL~c.e4.
3°) c.lLéelL un lien de solJ..dalLité J..ntellec.tuelle et mo-
lLale entlLe le!.> noilLs du monde entiêlL, POUlL leulL pelL-
mettlLe de c.ontlLJ..ouelL ôlLatelLnellement avec. le!.> memolLe!.>
d'autlLef.> lLac.ef.>, au pelLôec.tionnement intellec.tuel et
molLal de l'humanité et a !.>on lLelèvement éc.onomique
et 40c.ial palL la PaJ..x et te TlLavait dan!.> la LJ..oelLté
et t' EgatJ..té J'. (1 )
D'emblée La' Revue'duMonde' Noir annonce une rupture avec
les expériences précédentes ~ il ne s'agit plus de s'adresser
aux masses nègres mais â l'élite de la Race et les préoccu-
pations politiques, et plus particulièrement la question de
l'émancipation des peuples nègres colonisés, sont de fait ex-
clues au profit des préoccupations artistiques, littéraires,
historiques, scientifiques, etc .••. Ce tournant n'est pas
étranger à la crise qui commence à secouer le mouvement anti-
colonialiste nègre, car suite à la scission de la LDRN, Léo
Sajous a préféré se tenir à l'écart des organisations nègres
ne voulant choisir ni pour Kouyaté ni pour Faure mais plutOt
pour l'union. En évacuant les questions politiques de la
Revue du Monde' Noir peut ~tre a-t-il voulu rompre avec l'iné-
luctable émiettement qui semblait menacer le mouvement nègre
(1/ ANS Zl G 44 (11). Note de l'agen.t Véf.>ilLé IG Sep.:te.mé'lLe 1931.

675
en réunissant les nègres sur ce qui lui paraissait ~tre l'es-
sentiel.
Revue bilingue ( anglais, français), la' Revue du~Monde'Noîr
parait pour la première fois en Novembre 1931, avec pour de-
vise " Pour la Pai,x, le Travail et la Justice, Par la Liber-
té, l'Egalité et la Fraternité ". (1) Dans ce premier numéro
apparaissent les signatures de Louis-Jean Finot, Henri Jean-
Louis, Jean Priee-Mars, Léo Sajous, Paulette Nardal(2),
Claude Mac Kay, etc .•. et par la suite
de gens aussi célè-
bres que René Maran, Etienne Léro, Jules Monnerot, Langston
Hughes, Félix Eboué, Léo Frobénius et d'autres apporteront
leur con~ribution.
Si les animateurs de La Revue-du-Monde-Noir veulent d'abord
et avant tout intervenir sur le terrain culturel, certaines
de leurs interventions n'en ont pas moins un caractère poli-
tique très prononcé. Ainsi, lorsque Paulette Nardal énumère
les facteurs qui: ont contribué à l' " Evéil de la conscien-
ce de race ,,(3) chez les Antillais, elle cite Marcus Garvey,
le 1er Congrès Panafricain, le roman Batouala de René Maran,
les Continents, et la'Dépêche' A:Ericaîne, journal dans lequel
se dessine déjà, selon elle, " le mouvement: qui va c.ulmittell
dano la Revue dli. Monde Noill ",
mais elle " oublie " de men-
tionner l'action du CORN puis de la LDRN, de même que la
. Voix- des Nègres et- la Race- N'è9re. Et pour ceux qui douteraient
(1) La: Re.Vu-e -du- M'onde- No ü
Nq 1 Nov e.molle. J 931 •
(Z)
Paulet:t:e Nalldal e~t: ~ec.~étaille gén.éllale. de. la Re.vue..
(3)- L'à.-Kevue-dlc1tohâertoill NI> 6 Av/r.i.l 193Z.

676
encore des sentiments profonds qùi animent les fondateurs de
La ReVU'Er du' Monde' Noir, elle précise :
» Fau~-ll vol~ dan6 le6 ~endance6 que nou6 exp~lmon6
lei une lmpllcl~e dê.cla~a~lon de gue~~e à. la cul~u~e
la~lne e~ au monde blanc en génê.~al ? C'e6~ une équivo-
que que nou6 nou6 en voud~lon6 de ne pa6 dl661pe~.
NOU6 avon6 plelnemen~ con6cience de ce que nou6 60mme6 »(1)
Exprimant sa dette (2) envers l'Occiàent Il civilisateur" qui
aurait tiré la race nègre de l' Il obscurantisme Il dans lequel
elle était plongée, tout en militant pour une certaine affir-
mation de la personnalité nègre, Paulette Nardal se rattache
au courant assimi1ationniste auquel appartiennent des hommes
comme René Maran ou Tova10u Houénou. Encore une fois répé-

tons-le, i l s'agit moins de rénabi1iter le nègre pour ce qu'il
est que de prouver qu'il est Il digne" de la considération
de l'Occident. Ce point de vue,
Louis-Jean Finot l'a d'ail-
leurs clairement exprimé dans le premier numéro de la revue
en déclarant :
Il
A ceux qul6e dl6en~ la '~ace 6upê.~leu~e', à. ce.ux
qui 6on~ enco~e - en plein vlng~ième 6iècle - 1mbu6
de p~ê.jugé6 mOifennageux de comp~end~e l'impo~~ance de
leu~ ml661on, de ~~availle~ e.n conco~de avec le6 au~~e6
~ace6 e~ de c~ée~, de pa~ le monde, un lmmen6e 6en-
~lmen~ de 6olida~l~é
ve~6 un p~og~è6 don~ cnac un
peu~ ê~~e digne, 6auvega~de de l'numani~é en~iè~e II~3)
(1)
La' ReVue- âu'ffonde Nol~ N° 6 Av~i-l 19.32.
(Zl Le :theme de la deUe enve.~6 l 'Oc.ci.den.t e6~ égaleme.n.t. plLê.~en.~
daM un. a~~icle de. Ple.~~e MlSa!!e Sttlzmann. <S'ull » l' AIl~ nèg!l.e, <S'on
in<S'pilla~lon e~ -6e-6 appOIl~6 li l'Oc.ci(fen~ 1/ qui; 6'e '~ellmine ~u~
ce.s mo~6 : "il (l'Occlden~l pe.!i.~, .san~ ~e lLert.iell, ~llouve.1l daM
l'e6~né~ique noilleune .sou~ce d'in6pilla~ion o~iglnale e.~ un.
.
glLand 6ac~eu~ de Ilenouvelleme.n~~ C'e.s~.d'ailleu~~ le moin.sque
nou6 lui de.von.s, ap~è.s lui avoi~ ~6u~ 'emp~un~ê. dan.s d'au~~e<S'
domalne6 " ( La Revue du Monde Nol~ N°S Ma~6 1932 ).
(3)
La Revue. du Monde Nol~ N°l Novembll.e 1931.
.

677
De par sa " focalisation» sur les questions culturelles, son
admiration pour la culture occidentale, sa volonté d'assimi-
1er sans être assimilé, la Revue du Monde Noir préfigure le
mouvement de la Négritude. (1) Ainsi, la célèbre formule de
Léopold Sédar Senghor" l'émoti.on e.-5t ~~gJLe.,
c.omme. la JLaüon
hUlène. » est déjà exprimée dans un article de Louis Th.
Achille sur" l'Art et les nègres» qui proclame:
" Le..s No i.JLJ.î .6 0nt plLO 60 ndème. nt aJLtü t e..6. Ve. pla
di.66u.6i.on de la mU.6i.que et des dan.6es nègJLes améJLi.-
c.ai.ne.6 d'une paJLt, et de-5 .6c.ulptuJLe.s a6JLi.c.ai.neJ.î d'au-
tJLe paJLt, c.'e.6t une quali.té qui. le.uJL est unani.mement
JLec.onnue. rl n'eJ.ît point en e66et de JLac.e humai.ne
oa le .sen.6 e.-5thétlque solt aussi généJLalement JLépandu
et oa il lnteJLvlenne au.s.61 c.on-5tamment dan.s l'ac.tl-
vlté de c.haque individu. C'eJ.ît que, POUJL la JLac.e tou-
te entièJLe, en se.6 élèmen~.s puJLS, c.omme. en c.eux-la
oa le méti..6.sage n'a pa.6 émou.6.6é les c.aJLac.téJLi..sti.queJ.î
JLac.iale.6 le.6 plu.6 ai.gue.6, i.l .6e pJLodui.t c.e qui, dans
d'autJLe.6 JLac.e.6, e.st le pJLopJLe de quelque.s tempéJLament.6
l.solé.6. En elle, l'on déc.ouVJLe moin4 un ~ens e.6tné-
tique, dont l'exeJLc.ic.e demande à. L'INTELLIGENCE une
c.ontJLlbuti.on lndi..spen.6able et de pJLemi.e.JL plan ( JLepJLé-
(1)
Ce poi.nt nou.6 a été c.on6i.JLmé paJL Léopold SédaJL SengnoJL
lui.-m~me qui éc.JLi.t dan.6 une lettJLe qu'il nOuJ.î a adJLe.4sée :
»
je !üaü JLéguli~JLemen:t'"ta' Revue.' çtu' 1-flJn.d~'N'oi:JL. Je c.onnaJ.."s-
J.îai..6 bien sa di.JLec.tJLlc.e, Paulette NaJLda.l, une MaJLti.ni.quai.~e..
La JLevue. étai.t 6ina.nc.êe paJL u/t f{a..<:t:ie.n, le. l)oc.te.UJL Sajou.s. Le.
mouveme.nt de !a~~~~:t'"uâe que nouJ.î avion.6 6ondé, Almé Cé4ai:JLe,
Léon Vamas et mol, doit o-e.auc.oup à. la Revue du Monde NoiJL "
( LettJLe de L.S. SengnoJL à. !'aute.uJL 13 Septemo-JLe. 198, ).

678
» 6en~a~lon de de6alna,
couleu~6, 6o~me6 6c~up~u~ale6
ou ll~~é~al~e6, canol'l6 e~ ~è.gle6 de ge.n~e6, e.~c ... )
qu'un INSTINCT a~~l6~lque. exlge.an~ pou~ le. CORPS, ~ou~
au~an~ que. pou~ l'âme. une. 6a~l66ac~lon u~ge.n~e e~
6~éque.n~e. ". (1 )
Faute de moyens financiers suffisants, La Revue du Monde Noir
cessera de paraItre en Avril 1932, mais l'un de ses fidèles
collaborateurs, Etienne Léro, reprendra assez vite le flam-
beau pour se lancer dans une autre expérience.
3.2. Léqitime Défense.
----------------

Quand la revue Légîtîme' Défense paraIt en Juin
1932, elle provoque aussitOt de nombreux remous, non seulement
dans le monde littéraire antillais mais aussi au niveau des
autorités coloniales. A cela deux raisons principales:
d'une part la personnalité de certains animateurs de la re-
vue et d'autre part le contenu Il explosif» de son manifeste.
Etienne Léro, le leader de Légitîme Défense, a précédemment
collaboré à la Revue du Monde-Noir, mais il faut préciser
qu'il était loin de partager son orientation politique.
Né en 1909 au Lamentin ( Martinique ) cet étudiant en anglais
et en philosophie est en relations étroites avec Tiémoko
(1 ) LccKe.Vu'e.rîu Monde f{oi.~ 1 No ve.mfr~e. 1931. Le.li ~e.~me.6 éc.~l~!i
en majuacule.6 aon~ en i.~alllque.a danli le. ~e.x~e. o~lgi.nal. Ce. ~aè.me.
6e.~a une. p~e.mi.è.~e. -6oü ~e.p~ü p(t~ Se.ngff:o~ e.n. 1935, lO~!iqu'i.l
,
.
déc~i.~a 6a démaJl.cne. e.~ ce.lle. de. lie.6 ami.~' comme. » un. mouve.me.n~
cul~u~e.l qui al' homme. noi~ comme. f;-u~, la ~ai:!iOn oc.c.tde.n~ale.
e.~ l' âme nè.g~e. comme. i.n6.t~ume.n~!i de. ~ecFte.~cFte.li,
ca~ il if 6au~
Mi6ol1 e~ ln~ui:~i:on Il ( c6.' i"''f:~l(à.{.'''a:n.:t' 'N""o1:~ N°l Ma~!i 1935 J.

679
Garan Kouyaté, et slil n'est pas officiellement membre de la
LDRN, il assiste â nombre de ses réunions et épouse ses po-
sitions. (-1) De même, Auguste Thésée, signataire du manifeste
de Légitime Dé'fense, est un sympathisant de la LDRN et plus
tard i l adhérera à l'UTN. (2) Ainsi, au moins deux figures de
Légitime' Défense sont bien connues du CAI.
Les relations existant entre certains animateurs de' légitime
Défense et le mouvement anti-colonialiste nègre vont certai-
nement jouer un rOle déterminant dans l'orientation de la re-
vue. En effet contrairement à la' Revue du'Mande'Noir, le
groupe de Légitime Défense va accorder une incontestabJ.e
priorité aux questions poJ.itiques sUr les questions culturel-
les, considérant à juste titre que les secondes n'étaient
qu'une partie des premières. (3)
Dans leur manifeste les· animateurs de la revue ont d'ailleurs
clairement décrit leur position en décJ.arant sans précautions
inutiles
" Noua noua dAeaaona ici contAe tous ceux qu~ ne aont
pa.a au66oquéo6 pa.A ce monde. ca.pA.."'f.a.liat.e, diAét~e.n,
éouAgeoi4, dont a notAe cOApa dé6enda.nt nOuo6 6a.iaona
pa.Atie. Le Pa.Ati Communiate ( rHème rrtteAna.tiona.le )
eo6t en t~a.in de joue~ da.no6 toua lea pa.ys la. ca~te de
l' " Eo6p~it n ( a.u 6eno6 négél~en de ce te~me ). Sa.
dé6a.ite, ai pa.A impoaJ.;iéle rtOtJ,J.; l' ertviaa.giona, ae~a.it
pou~ rtoua le dé6init~6 'je. ne peux plus'. Noua c~oyon6
----------------------~-
(1) ANSOM SLOTFOM rr Ca.~tOrt 11, Note de l'a.gertt Péo6i~é 17~8~3Z.
(2) ANSOM SLOTFOM rn CMton 136. Lü,t.e.. dea memé'~e6 de. .t.'UTN.
(3) ContMi~emertt a ce qu'écAU L. Ke.ste.loo.:t ( ~n 'Alttilxopnt.'O*'ie.
'Ni'Ao~A-A~c~ine.
Pa.~i6/Ma.~a.~OUt,1q81,P.
76 ) les a.nlma.teu~J.;e.
' e ' A.. A..ine'
e' 'en:<5 e ne 60 nt pa.s pa..6'.6 é.6 de. ta. " l~f)é~ati:o rt du
6 y e
a.
a.
ioé~a.tion du Nèg~e " mais f)~e.n l'i:nve.A6e..

680
» 6an6
~l6e~ve a 60n t~iomphe
et eeel pa~ee que
nou6 nou6 ~lelamon6 du matl~iall6me dialeetique de
Ma~x, 6ou6t~aIt a toute inte~p~ltation tendaneIeu6e
et vIeto~leu6ement 6oumI6 a l'lp~euve de6 6aIt6 pa~
(7)
Llnine ».
Outre cette référence on ne peut plus
claire au marxisme, le groupe se réclame du surréalisme et
de Freud.
Conscients de la difficulté dans laquelle ils se trouvent de
toucher les masses nègres, les animateurs de' Légi.time Défense
ont choisi de bien fl cibler » leur public :
" A dl6aut du p~ollta~lat noi~ a qui le eapitalisme
,(:nte~nationai n1a pa6 dOnnl le.6 moyen6 de nOU6 eomp~en­
d~e, nou6 nou6 ad~e66oM aux en6ants de la 6ou~geoüie
eo~e tul6, plael6, 6outu6, unIve~s,{:tai~e6 ~luS6,{:S, dl-
eo~l~, pOU~VU6, pou~~ls, dleo~at,{:6s, pu~loond6, oppo~­
tunl6te6, ma~qul6, ... »(Z) D'après L. Kesteloot,
s'appuyant il est vrai sur le témoignage de L.S. Senghor,
» EtIenne Ll~o et 6e6 amI6 ne ~etenalent du eommunls-
me que la lutte de6 ela66e6 et 6'ln6u~gealent 6u~tout
eont~e l'opp~e66Ion du peuple pa~ l'aetion eonjugule
de la bou~geol6le mulathe, de l'admInI6t~atlon 6~ançal­
6e et de6 eolon6 e~loles. Leu~ eon6eIenee polItique
6'a~~êtalt aux ~evendleatlon6 6oeiale6 du p~ollta~lat
nol~; elle n'atteignaIt pas eneo~e le 6tade dù senti-
ment natiOnal et la dominatlQn 6~ançal~e n'ltait pas
--------------------------
(1)
Leg:Lti..me V-f{en&e N'1 Jul~n 1'l3 Z~
( Z)
Idem.

681
" e.nc.olte. mü e. e.n que..6tion - .6 e.ule..ô le..6 méthode..6 e.n
étaie.nt c.ltitiquée..6 ". (1)ce que nous avons dit plus
haut sur les ,relations existant entre les membres de" Léqitime
Dé"fense et le mouvement anti-colonialiste nègre, ainsi que
la publicité faite dans leur journal à Contre'i'impériaiisme
l'organe de la Ligue Française contre l'Oppression Coloniale
et l'Impérialisme, sans parler du témoignage de René Ménil,
décrivant son groupe comme" .6ouc.ie.ux au pltinc.ipal de. la lut-
te. anti-impéltialüte. qui dlte..6.6 e. le..6 pe.uple..6 c.olonüé.6 c.ontlte.
le..6 boultge.oi.6ie..6 oc.c.ide.ntale..6 e.t le.ult pltOplte. boultge.oisie. "CZ),
rendent caduque l'analyse de L. Kesteloot. Loin d'avoir pré-
figuré la négritude," Légitime-Défense se rattache au contrai-
re au courant anti-colonialiste radical qui a vu le jour
dans lès années vingt. D'ailleurs ·un détail qui a son impor-
tance doit éclairer le lecteur sur ce qui sépare les animateurs
de Légitime-Défense de ceux du mouvement de la Négritude:
les premiers seront l'objet de pressions administratives et
familiales visant à les faire taire tandis que les seconds
ne seront jamais inquiétés. Chacun en tirera les conclusions
qui s'imposent mais, cela étant, pour plus de précisions, voyons
en quoi a consisté le mouvement ~e la Négritude.
r 1) L. Ke..6te.loot. Le..6"éc.JtLvaÙf.6"no;.[n.4ae." :fan:gu-e- -6n.an~a;c.~ e. :
na;.['.6oa"nc."e. et'une. :fl:;tt:éJr:a:twl.e. Bltuxe.lle.s, Uni:ve.ltsité Li:f5"lte. de.
Bltuxe.lle.4, 1963,p. 62.
r 2)
Plté6ac.e. à. la Itée.diti:o n de." L"égU;.[m~: Vife."fo e. paltue. e.n 1979..
aux Edition.6 Je.an Mic.he.l Plac.e..

682
3.3. ~~_~~~Y~~~~~_~~_!~_~~~E!~~~~:
~~_~~~E~_!~~~!~_~~_~~_EE~gE~~~~~~_~~~!~~~!g~~ ?
On a beaucoup écrit et on écrira sans doute encore
beaucoup sur la Négritude, comme expression d'un courant lit-
téraire original. N'étant pas spécialiste ês-littérature
nous ne nous attarderons pas à cet aspect des choses qui n'au-
rait d'ailleurs pas sa place dans le cadre de ce travail, mais
nous nous attacherons à cerner le rôle joué par la Négritude
dans la lutte émancipatrice des peuples nègres.
Depuis que Sartre a défini en 1948, la Négritude comme étant
» le temp6
6aible d'une p~og~e66ion dialectique »(1) la for-
mule a fait fortune et elle passe aujourd'hui, aux yeux du
plus grand nombre, pour une vérité biblique ou presque.
En portant ce jugement , Sartre, qui était certes un grand
philosophe, s'est aventuré sur le terrain de l'historien
dont la tache est, rappelons le, d'étudier le processus, de
saisir les tournants, de mettre en exergue les moments de
permanence et de rupture qui font que l'Histoire est tout
sauf une progression linéaire. Pour être à même de produire
des analyses un tant soit peu
pertinentes, au-delà de la
formation technique, somme toute mineure, il faut posséder
les élèments du problème, tous les élèments ou presque.
Sartre possédait-il les élèments suffisants pour apprécier
correctement le rOle joué par la Négritude dans l'émancipation
des peuples nègres ?
------------------------
(1)
J.P. SMt~e.-Oltph-à-N"o:i:!te p XLI- P~~6ac.e à.l<IAn.~fJ:ot:o~:i:e
âe la.' ».O-uVe.lLe')?o~'6ien ~~!te. - -e1:m-al1fll.1:..fte.- (te' t.a.lt.?ru~- "61t-a·n{ll.~";.s-è.
plt~6ent~e pa~ L.S. Sengho~.Pa~l6 ,PUF )lr48,ZZ7 p.

683
Nous en doutons fort pour la simple et bonne raison qu'il
ignorait tout du mouvement anti-colonialiste nègre qui avait
pris naissance plus de dix ans avant la Négritude.
Le mot " négrit';1de " est un néologisme utilisé pour la premiè-
re fois par Césaire dans son tex tee Cahier d'un'retour au' pays
natal écrit en 1939. (1) Cependant on peut faire remonter les
origines de ce qui deviendra le mouvement de la Négritude au
milieu des années trente. L'Etudîant- Noir,' journal de l'As-
sociation des Etddiants Martiniquais en France ( AEMF ) lancé
en Mars 1935 est sans doute la première manifestation écrite
de ce mouvement.
D'après L. Kesteloot, ce journal serait le fruit de la grai-
ne semée en 1932(2) par Légîtîme-Défense, or tout sépare les
deux publications si ce n'est le fait d'avoir été fondées en
France par des étudiants Antillais. En effet, autant-Légitime
Dé~ense était politiquement engagé mettant tous ses espoirs
dans le triomphe du marxisme, autantL'Etudîant Noîr se veut
un journal uniquement corporatiste. Décrivant les membres
de IIAEMF, André Midas déclare d'ailleurs très clairement
" Cha .6e, c. ap.U:ale, '<'l;., ha YI. YtLt> ;., ert:t ;., ole Yt Yt el lem eYt:t la p 0 l.<.:ti. que
e:t ;.,e dé6eYtdeYt:t de ;.,e la'<';.,;.,e~ qu'<'de~ pa~ elle daYt~ leu~ ac.:t'<'-
v.<.:té c.o~po~a:t.<.ve ". (3) Ainsi à l'heure où l'on fête le tri-
centenaire de la colonisation des Antilles, les membres de
l'AEMF trouvent plus important de lutter pour obtenir" des
gommes et des crayons JI plutôt que de protester contre l'asser-
(1)
A. Cl!4a.'<'It.e-c-a.fLi.'err.d'-uYt Jte:toult. aupa.!!4 na.:tal. Pa~Ü jBMdM,
1947,96 P-
l Z)
L. Ke~:teloo:t- AYt':t-rta:e:ogi.e: ~~It.('--A-61t.:<."'c.a:CYte
op. c.i.:t. p. 78.
(3) l'-é';tuâ';:a-Yt;tN'oi:~ N~ 1 Ma~.6 J<l35.

684
vissement de leur peuple.
Certes Gilbert Gratiant affirme· se rallier" d'e.rttfi.ou.6ia.6me.
au tltavai.t admiltab.te. que. 6ait urt joultrta.t c.omme. .te. 'Clti de..6
N!glte..6' ", mais n'est-ce pas pour s'attirer le " pardon"
d'Etienne Léro qui l'a jadis qualifié de " lte.plté.6e.rt.tartt art-
ti.t.taÜ d'urt .tyltÜ me. de. c..tau e. c.o Yldamrté "Cl) dans' Légitime
Défense?
Le cOté politique mis à part, d'après Léon Damas, l'objectif
de l'Etudiant' Noir était de sonner le glas " de. .ta tlt-<:f5a.tü,a-
tiort du .6Y4t!me. c..tartique. e.rt vigue.ult au qualttie.1t .tatirt ! Ort
c.e..64ait d'êtlte. Urt étudiartt malttirtiqual4, guade..toupée.rt, guqa-
rtai4, a6ltic.alrt, ma.tgac.he., poult rt'êtlte. qu'urt 4e.u.t e.t même.
étudiartt rtoilt. Te.ltmirté .ta vie. e.rt va4e. C..to4 ! "(2)
Malheureusement pour le poète guyanais, il faut préciser
que l'idée n'a rien d'originale puisque
depuis 1924, date
de la
création de la Ligue Universelle pour la Défense de
la Race Noire ( LUDRN ) par Kojo Tovalou Houénou, il a tou-
jours existé des organisations " non-tribales " groupant des
nègres de toutes origines, un éphèmère " groupe des étudiants
nègres de la LDRN '! ayant même vu le jour en 1929.
La LDRN et l'UTN certes affaiblies, mais existant toujours en
1929, ces jeunes intellectuels auraient pu les rejoindre,
s'ils n'avaient pas justement vécu en vase clos, ignorant sans
( ] )'L'égl:.tLme. lIé{e.Yl4 e. N°] ] ulrt ] Cl 32 •
(2)
C-<:té palt L. Ke.l$te..toot"Â'rtt1ro1.og1:e.N'ég'ltO-A6Jr.i:c.a.Lne. op. c.lt.. pp. 78-79

685
doute jusqu'à l'existence même de ces organisations. (1)
Certains diront que compte tenu de l'originalité de leur
démarche, ils ne pouvaient se satisfaire de tels cadres or-
ganisationnels. Peut-être? Mais qu'est-ce au juste que la
Négritude?
Dans Cahier d'un retourau'pays' natal, A. Césaire a décrit
la Négritude comme étant " la s~mple ~eeonna~ssanee du 6a~~
d'ê~~e no~~,
e~ l'aeeep~a~~on de ee 6a~~, de no~~e des~in de
noi~, de no~~e nis~oi~e e~ de no~~e eul~u~e ". (2) Le simple
rappel de quelques formules de Lamine Senghor telles " No~~e
Pa~~i, e'es~ la ~aee noi~e e~ nous devons e~ voulons la dê~
6end~e ,,(3) ou encore" Nous nous 6aisoM fionneu~ e.~ gloi~e
de nOUs appele~ Nèg~es, avee un N majuseuleen ~ê~e "(4) ou
celles de Rosso déclarant :
" L' A6~ique es~ oelle ~iefie e~ g~andej ses Ft..aQi~an~s
40nt 6o~~s e~ vigou~eux e~ in~ellige.nts aussi ~~en
que eeux des au~~es eon~~nen~$. L'A6~ieain a se$
eou~umes e~ ses ~~adi~ions sêeulai~esj il a aU$S~ son
hi4~oi~e, sa eiv~li4a~~on, ea~ tandis que le$ Gaulois
et le<s Ge~maiM,
n' é~aien~ eneo~e que de$ ~a~~a~e<s,
~esplendüsait dêji:t <su~ le<s ~Mds du Nil une ~elle
e~vilisation qui a laissé. de$ emp~ein~e<s p~o6ondes
dan4 le p~oee<ssu$ de t~an$6o~mation des soeiê~ês eu~o­
péenne4 ,,(5) ,réduisent à néant la pseudo-originalité
(1)
Aueùn de4 leade~s d~ la Nêg~itude n'a jamais évo~uê leu~ eomoat.
(2) Ci~ê ~n L. Ka4~eloo~ 00 eit.p, 8Q.
(3) ANSOM SLOTFOM
rI Ca~ton 4. Note de l'agen~ Vê4~~ê 8~3-26.
(4)
La' Vo:tX' âe4' Nègn.es N° 1 Janv~e~ 1'i27.
(5)' la Rae'eN'ègn.e N°3 Septemo~e 1927.

686
et/ou le caractère pionnier du mouvement de la Négritude.
Alors me direz-vous, Lamine Senghor et ses amis ont" fait"
de la Négritude sans s'en rendre compte. Non point, car bien
que n'ayant pas fréquenté longtemps les bancs de l'école,
Lamine Senghor et ses amis avaient saisi qu'il ne pouvait-
y avoir de réelle émancipation de la race nègre, sans éman-
cipation politique et inversement. En faisant de la politique
un simple élèment de la culture, les tenants de la Négritude
ont fait de l'affirmation de la personnalité nègre une arme
blanche au fil soigneusement émoussé, afin qu'elle ne blesse
pas, qu'elle ne puisse pas trancher les liens qui entravaient
les peuples nègres au pied de la métropole. Agissant ainsi,
ils ont eux-mêmes et volontairement enlevé tout le potentiel
émancipateur contenu dans le mouvement. Les autorités colo-
niales ne s'y sont d'ailleurs pas trompé: autant les anima-
teurs de Légitime Dé~ense furent inquiétés ( suspension de
leurs bourses, pressions familiales)
autant ceux du mouve-
ment de la Négritude furent laissés en paix. Ce qui n'était
alors qu'implicite, à savoir la non remise en cause des liens
de domination et d'exploitation liant les colonies à la Fran-
ce, sera on ne peut plus explicite après guerre, A. Césaire
optant pour-la départementalisation et L.S. Senghor pour l'U-
nion Française, deux variantes d'un m~me projet visant à per-
pétuer par d'autres moyens le système colonial d~crié par tous.

687
Après ces rappels nécessaires, car en la matière, l' " amnésie 1\\
frappe les esprits d'habitude
les plus alertes, on convien-
dra qu'il faille réviser le jugement de Sartre. A la décharge
de ce dernier, nous dirons que ne possédant pas à l'époque
les élèments que nous avons avancés, son erreur d'apprécia-
tion s'explique facilement. Nous lui donnerons donc l'abso-
lution. Cependant, aujourd'hui que l'histoire du mouvement
anti-colonialiste nègre commence à être mieux connue, ceux
qui reconduisent telle quelle son analyse ne peuvent plaider
non coupables au nom de l'ignorance. En procédant de la sor-
te, ils participent sciemment à la vision des vainqueurs qui
occulte depuis longtemps les pionniers du mouvement nationa-
liste africain afin de mieux dissimuler les faiblesses, les
carences et les limites du pseudo-combat pour l'indépendance
qu'ils auraient mené. Une fois de plus rappelons les faits,
encore les faits, toujours les faits.
En 1922, Masse Ndiaye écrivant à son frère, élève instituteur,
insistait auprès de lui sur la nécessité et l'importance
qu'il y avait pour les Africains de se mobiliser et de s'or-
ganiser en vue de la conquête de l'indépendance; en 1950
L.S. Senghor déclarait: Il L'indfpendance es~ un vieux 6usil
de chasse, ( ... ) l'indfpendance n'es~ qu'un vieux mif~he a
nou~~i~ un na~ionalisme a~chaZque »l]! en 1955, un an après
l'indépendance du Nord-Vietnam, un an après le déclenchement
de la guerre d'Algérie, l'année même où les peuples colonisés

688
criaient à Bandoung leur soif de liberté, il récidivait en
déclarant: n Ce que je e~ain~, e'e~~ qu'a l'aveni~, ~oua la
pou~~ée 6a~ale de la libé~a~ion de l'A6~ique, nou~ ne ~OYOn~
amené~ a ~o~~i~ de l'o~bi~e 6~ançai~e. C'e~~ pou~ eela qu'il
6au~ nOn aeulemen~ ~e~~e~ dana l'Union F~ançai~e, mai~ dan~
la République n. (11
Alors la négritude n ~emp~ 6aible d'une p~og~e~~ion dialee~i-
que n ? PlutOt une vaste mystification et pour tout dire le
temps fort d'une régression dialectique.
Alors que le mouvement anti-colonialiste nègre est
diVisé et affaibli, un évènement de portée internationale
va lui redonner un semblant dtunité et de vitalité. Cet évè-
nement, c'est l'agression de II ~alie fasciste contre l'Ethio-
pie en 1935.
L'enchainement des faits qui a conduit à ltinvasion
de l'Ethiopie par l'Italie est assez bien connu, et on peut
le résumer de la manière suivante. Inquiète de la montée en
puissance du nazisme depuis 1933, la France et la Grande-Bre-
tagne font tout ce qui est en leur possible pour éviter
la
-------------------------

689
constitution d'un axe Rome-Berlin. Suite à l'assassinat du
Chancelier Dollfuss en Juillet 34 et à l'arrivée du Parti
National Socialiste autrichien au pouvoir, les choses s'ac-
célèrent. Tout au long de l'été 1934, l'idée d'un pacte avec
l'Italie fait son chemin et, finalement le 3 Janvier 1935,
Laval, Ministre des Affaires Etrangères, part pour Rome.
A l'époque" le d(~l~ de pa~venl~ a un acco~d avec l'Italie
(tait ce~taln et une 601~ de plu4 le~ colonle~ 6u~en~ ~ac~l­
61(e~ a deQ conQld(~a~lonQ
de politique g(n(~ale : il ~laglQ­
Qalt d'(vlte~ une alliance l~alo-allemande e~ de 6lxe~ l'fta-
lie dan~ le camp du Q~atu quo eu~op(en ".Cl)
Le résultat de ces discussions sera la signature du pacte

franco-italien du 7 J"anvier 1935, connu sous le nom de " traité
de Rome" ou Il accords Laval-Mussolini ".
Le texte consiste en un règlement de la question du statut des
italiens résidant en Tunisie, une nouvelle délimitation de
la frontière entre le, 'i:had et la Libye ainsi qu'entre l'Ery-
thrée et la COte Française des Somalis ( Djibouti ).
Concrètement la France a cédé une bande de terrain de 114 000
2
km
dans le Nord du Tchad, connue aujourd'hui sous le nom de
la Bande d'Aouzou, et quelques arpents de terres, dans la Cor-
ne de l'Afrique. Mais surtout, Laval a laissé les 11 mains
libres Il à Mussolini en Ethiopie, uniquement dans le domaine
économique et non politique, précisera-t-il plus tard. (2)
(1) Be~na~d Lai1neTdiadlLi.b~e La queke'llede~
6Mn;tlèAe~. P~~ÜI
Ka~thalaI1982,P.
126.
(2) Max Gallo.' l'a"6"6aixe' d·'E~·hl:op',(."'-e'':' etUXo:t;tBi'ne~' âelet gueMe
mondla.le. Pa~ls, Edl~lons du Cen~u~lon, 1967.

690
L'Italie, qui s'estimait flouée par la répartition des colo-
nies allemandes décidée ~ Versailles, n'attendait que ce si-
gnal pour se lancer dans une aventure qui allait .1 'amener
à posséder un empire colonial digne de ce nom.
Le~ milieux nègres parisiens, déjà sensibilisés au
danger nazi depuis que Padmore leur avait relaté les pers écu-
tions dont les nègres étaient victimes en Allemagne depuis
l'arrivée d'Hitler au pouvoir, vont très tOt se mobiliser.
Dès Janvier
1935, Le Cri des' Nègres dénonce " L'ag~e~~ion
Ltalienne c.ont~e l' AblJ~~inie ,,(7), et Kouyaté, bien qu 'hospi-
talisé, projette de fonder un /1 Comité France-Ethippie ".(2)
Profitant du passage à Paris du Ministre Ethiopien des Affai-
res Etrangères, il lui remet une lettre dans laquelle il
prédit l'inéluctabilité d'une guerre entre l'Ethiopie et l'
l' Itali~.
" Le 2.9 Janvie~,
~c.~it-il,
je vou~ di~al.."4 que l'a66ec.-
tation du géné~al Bono c.omme gouve~neu~ géné~al en
A6~ique O~ientale ttalienne, la p~i~e du po~te 6euille
du Mini4t~e de~ Colonie~ pa~ M. Mu~~olini lui-même,
le~ t~an~po~t~ c.on~tant~ depui~ de~ moi~ de munition~
et de maté~iel~ de gue~~e en Somalie et E~lJtn~ée, la
p~opagande de la p~e~~e pou~ p~épa~e~ l'opinion mon-
diale, étaient de!' 6ait!' a!'~ e.z ~i..g ni6i:c.ati6 ~. U~ exi:.-
-------------------------~-~-
(lJlè.~'CJtt~·d~:&·N'i!;gJte4 N° 13 Janvt:e~ JU5,
(2.!
ANSOM SLOTFOM rtr Ca~ton·13. Note anonyme du 2.4 Janvie~ J935.

691.
" gea.'<'ent non -6 eulement de-6 Etfi.'<'opien-6 qu.<. -6 ont le-6
p~emie~-6 inté~e-6-6é-6,
ma.i-6 de tout noi~ eon-6e.<.ent, de
tout A6~iea.in, une a.tt.<.tude pe~ma.nente d'a.le~te, de
-6u~eté pou~ à-6-6u~e~ l'intég~'<'té te~~ito~'<'a.le et l'Tn-
dépenda.nee a.o-6olue de l'Ethiopie.
( ... ). C'e-6t une gue~~e inév.<.ta.ele, -6o.<.t ma.'<'nt~na.nt,
-6oit a une éehéa.nee plU-6 di66é~ée. Je ~a.'<'-6 la. volonté
de dé6en-6e et le-6 a.dmi~a.ole-6 qua.lité-6 gue~~iè~e-6 de-6
Ethiopien-6. J'en -6ui-6 6ie~ pou~ l'A6~'<'que.
Ma.i-6 le-6
que-6tion-6 et le-6 p~Opo-6'<'t.<.on-6
que je tien-6 a vou-6 -6ou-
mett~e pou~ -6a. ma.je-6té l'empe~eu~ 4e ~a.ppo~tent a la.
ea.pa.e.<.té ma.té~ielle,
a de-6 eonditLonQ ma.té~ielle-6 de

la. dé6en-6e na.tiona.le et a l'a.ttitude mo~a.le du Monde
No'<'~.
I.e. m' eQt imp0-6-6iole d' en. di~e plU4 da.n-6 une let-
t~e. Ma.i-6, je -6Ui4 dée'<'dé a 6a..<.~e pa.~veni~ pa.~ tOU-6
le-6 moyen.4 eompa.tiole-6 a.vee la. -6éeu~ité de vot~e pa.Y-6,
me-6 pMpo-6iti.on-6 p~a.tiqueQ a -6a. Ma.je-6té l'empe~eu~ ".(7)
Ainsi, d'un bout à l'autre du mouvement anti-colonialiste nê-
gre, se mettent en place les élêments d'une campagne de sou-
tien à l'Ethiopie, qui vont bientôt se rejotndre pour former
un véritable front uni.
(7) ANSOM SLOTFOM IIr Ca.~ton 53, Let.t~e de T.G. Kouya.té a.u
Mini-6t~e de-6 A66a.i~e-6 Et~a.ngè~eQ d'Etniop~e.
Fév~ie~ 1935.

692
Si les différents courants du mouvement anti-colo-
nialiste nègre semblent se mobiliser comme un seul homme sur
la question de l'Ethiopie, en réalité, il n'en est rien.
Ainsi l'UTN s'est-elle engagée très t~t dans une campagne
d'agitation, mais la décision a d'abord été prise par la di-
rection du PCF, via Deloche, responsable de la section colo-
niale. Pour le PC, et dans une moindre mesure pour l'UTN, il
s'agit moins de défendre l'Ethiopie que de dénoncer les trac-
tations des puissances impérialistes contre ce pays. (1)
Cependant comme cette tactique a pour inconvénient de mettre
sur la sellette la France et la Grande-Bretagne, pour cause
de front uni anti-fasciste, l'UTN l'abandonnera peu à peu
au profit de la dénonciation du fascisme fauteur de guerre.
Pour l'ensemble des nègres, mais plus particuliè-
rement pour le courant nationaliste représenté désormais par
Faure et Kouyaté, la dénonciation du fascisme n'est pas absen-
te. Mais ce qui prime, c'est la sauvegarde de l'intégrité ter-
ritoriale et de l'indépendance de l'Et~iopie, Etat millénaire,
et de surcroît seul et unique pays à avoir échappé aux
af-
fres de la colonisation et de ce fait sYmbole parmi les sym-
boles du combat émancipateur des peuples nègres.
(1) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 53. Note ~e L'agent Coco 13-2-1135.

693
Malgré des analyses fort différentes du problème, la ques-
tion éthiopienne va devenir le point de rencontre, le cata-
lyseur de toute une série de forces politiques qui vont cons-
tituer ~ cette occasion un fantastique front uni aux dimen-
sions multiples
: front uni entre anti-colonialistes nègres
pro et non communistes, front uni entre les organisations
révolutionnaires françaises
( PCF, CGTU, LAI, etc
.•. ) et
les organisations anti-colonialistes nègres, toutes tendances
confondues, front uni entre communistes, socialistes, radicaux
( contre le fascisme ) et enfin front uni entre colonisés
et plus particulièrement entre nègres et arabes.
Dès le mois de Février, les organisations révolutionnaires
françaises mettent sur pied un Comité International de Dé-
fense du Peuple Ethiopien, qui organise le 28 Février 1935
un premier meeting qui rassemble entre 100 et, 200 personnes~l)
Lors de cette réunion à laquelle participent, outre les res-
ponsables de l'UTN, des délégués de la CGTU ( Frot ), du
PCF
( Ferrat), de la Ligue Anti-Irnpérialiste, du Comité Mon-
dial contre la Guerre et le Fascisme et un communiste italien,
l'accent est surtout mis sur la dénonciation du fascisme.
Le 15 Mars, l'UTN adresse une lettre de soutien à
l'Ambassadeur d'Ethiopie dans laquelle elle affirme" .6on
eniiè~e .6olida~iié avec le peuple a~Y.6.6in dan.6 .6a luiie ma-
gni6ique pou~ la dé6en.6e de .6on indépendance menacée pa~ l'im-
pé~ialL~me iialien ,,(:~) et, le lendemain, une délégation
------------------------
(1)
ANSOM SLOTFOM rn CMtOn. 13. Note. an.onyme!. du 1e~ Ma~.6' 19.35.
(Z) ANSOM SLOTFOM rn Ca~ton 13. Leii~e de!'UTN à. !'amffassa~
deu~ d'EiniopLe. 15 Ma~.6 ]Q35.

694
composée de Julians, Trisot et Ebélé est reçue par l'Ambas-
sadeur.(l)
Face à l'aggravation des menaces de guerre et l'activité dé-
ployée par l'UTN, la LDRN décide de faire redémarrer ses.acti-
vités et devant ce cas de force majeure, elle envisage une
coordination de son action avec celle de l'UTN. (2)
Finalement c'est à cette dernière que revient l'initiative
de mettre sur pied un front uni de défense de l'Ethiopie puis-
que c'est elle qui convoque toutes les associations nègres
de Paris afin d'envisager une action commune. (3)
Le 29 Juin la réunion projetée est un succès, puis-
qu'elle rassemble entre 150 et 200 personnes. A la tribune,
en dehors des membres d~ l'UTN, on remarque Paulette Nardal
ancienne animatrice de laR'evue-du~Monde~Noi.ret présentement
déléguée du Comité d'Action Ethiopienne, Emile Faure président
de la LDRN, Hanna Charley ancien membre du CDRN et actuel
président du Groupe du Souvenir Victor &hoelcher, Francis
Jourdain et Henriot de la LAI, Blache du PCF et dans la sal-
le, on note la présence de certains membres du groupe de
l'Etudiant" Noir tels Aristide Maugée et Léopold Sédar Senghor
ou des anciens de Légitime Défense tel Ju1es Monnerot.
A la suite de ce meeting, la liaison entre les diverses asso-
ciations nègres commence à prendre forme et le 14 AoQt, sur
l'initiative de l'UTN, une nouve11e réunton est convoquée
---------------------------
(JI ANSOM SLOTFOM rrr C«~tO" 13. Note ~nonvme M«~4 J935.
[21 ANSOM SLOTFOM
rn CMtOn 13. Note «MMme r;iu 11 lutn 1935,
[31
ANSOM SLOTFOM rn C«~ton 13. LettM r;ie ,t'une a.ux·«4"4"OC.,t~tLOM
nèg~e~ de p«~ù. 20 Jui.n 19 35 •

695
en vue de projeter une action commune. (1) Ce jour-là, le
Groupe du Souvenir Victor Schoelcher ( Hanna Charley et Raoul
Ova ), la société de secours mutuels Aide-Toi le Ciel t'ai-
dera ( Cocoville ), le Comité d'Etudes et d'Action Coloniale
( Cenac-Thaly ), le Comité d'Action Ethiopienne, la Ligue
de Défense de la Race N~gre ( Lacombe), l'UTN ( Rosso, Ebele,
Merlin, Trisot ) et le Comité de Défense de l'Indépendance
Nationale de l'Ethiopie ( Kouyaté ) décident, d'une part, de
rédiger une motion demandant à la France de prendre position
pour le maintien de l'indépendance et de l'intégrité terri-
toriale de l'Ethiopie et, d'autre part, d'organiser une ma-
nifestation publique. (2)
Un comité d'organisation est formé qui tire plus de 2 000
tracts et le 21 AoQt à 17 heures, les premiers manifestants
se retrouvent sur l'esplanade des Invalides, à deux pas du
ministère des Affaires Etrangères. En peu de temps, il y a
près d'une centaine de personnes mais la manifestation ayant
été interdite, des policiers en civil tentent de les disper-
ser. Après discussion, il est décidé de se rendre en cortè-
ge au siège de l'UTN, 57 rue Charlot, près de la République.
En passant devant le ministère des Affaires Etrangères, les
manifestants crient" A bas Mussolini! ", 11 Vive l'Ethiopie 11,
puis, traversant la Seine, ils s'engagent sur les Grands bou-
(1)
ANSOM SLOTFOM rn CaJr.:tOf'l 43. Le.:t:tlr.e. de. l.'UTN au.x oIr.9an.i..&a~
:ti.on~ nèglr.e.~ de. Palr.i..&. 7 Aoû:t 1Q35.
(2)
ANSOM SLOTFOM rn CaJr.:tOf'l 43. No:te. Çtn.Qnyme. du. 16 Aoa:t 19.35.

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:'(~. 'u··'él·amuè~ce~. jugée,'hÎsuffisante~lJarc~c"que/c'est~'ü.D.lour'dê.: travaif~la:" ::'
.~:'·manifestation se. répètera le. Dimanche 25 Aoüfde If. à, 15~heures (2 &. it3.h·.)~ "." ,.~.
;~~.~: .,'.' .. :Mais y~lÏez néanmohÎs' il . la' manifestation' di!: Mercredi'! 2lJ~Oû( ".;-;; .'...""..'
.:':;k:::~.;\\~W;i~.~\\>.;:~;:SJ~l·)4ii::·:t5~~:~:"'&:~.·\\2l±Ut.itSi'w:bg~.~~~k;~2~~~~}:;;:L

697
levards où ils sont applaudis par la foule des badauds et
photographiés par les reporters de presse. Finalement arri-
vés au boulevard des Italiens, la police intervient, arrêtant
une demi-douzaine de manifestants, ce qui provoque la dis-
location du cortège. (1)
Cette manifestation est véritablement un évènement car, pour
la première fois en France, des nègres ont défilé de leur
propre initiative, pour défendre une cause qui était la leur
et avec leurs propres mots d'ordre, n'hésitant pas même à
braver l'interdiction de manifester qui leur avait été si-
gnifiée. (2)
Le lendemain de cette manifestation historique,
l'Etoile
Nord Africaine et la Ligue de Défense de la Race Nègre orga-
nisent un meeting commun pour la défense de l'Ethiopie. Sur
les tracts à l'entête des deux organisations on peut lire
" Le-6 mU-6tLlma.M YlOltd-a.6Itic.a.iM, a.vec. .teult4 61tèlte.4
Nèglte.4 vieYldltoYl~ Ylomolteux a c.e mee.~iYlg POUIt ~~gYli.6ie.1t
.teult plto6oYlde iYldigYla.~ioYl c.ommune deva.Yl~ .t'~Ylqua..ti6~a.­
o.te a.gIte.4-6iOn du 6a.-6c.L4me Lta..Ue..n c.OYl~lte .t' E~a.~ AbY-6-
-6iYl, 4ymbo.te de .t'indépenda.nc.e a.6Itic.a.iYle. Auc.uYl a.61ti.-
c.a.i.Yl, 4a.Yl4 di-6~inc.~ion de c.ou.teult ou de Ite.tigion Yle
~elta. iYldi66élte.Yl~ a c.e~ a.ppe.t e~ ~ou~ vou~ vi.endltez
jeudi c.ltielt : 1 Ba.-6 .te4 pa.~;te4 deva.Yl~ .t' EÛi.~opi.e l " (3)
(1)
ANSOM S LOTFO M rrI Ca.It~On 43. N0 ~e a. na Ylyme du 23 Ao û;t 19. 35 •
(2)
Plteuve du deglté de mobi.ti4a.~~on de4 nèglte4, c.elt~a.in-6 ~e
pOltülten~ vo.ton~a.ilte-5 poult a..t.telt c.omffa..t~lte eYl UFî.iop~e ( c.6.
, La. Ra c. e'~e.-gJe. e. 1 J ui.U e~ 1 9. 3 5 ).
(3) ANSOM SLOTFOM rn Ca.It~OYl 43: Tlta.c.~ c.ommun de.ta. LVRN e~
de .t'ENA.


Le meeting est un succès inespéré puisque les rapports de po-
lice évaluent entre 700 et 3 000 le nombre des assistants.
L1affluence est telle que la salle prévue s'avère trop pe-
tite et les organisateurs sont obligés de tenir deux meetings
simultanés. A ce grand rendez-vous, Mme Léo Wanner, Hedi
Nouira, Imache, Emile Faure, T.G. Kouyaté, Adolphe Mathurin
ont répondu présents. Mais tous se font voler la vedette,
lorsque Messali Hadj apparaît à la tribune.
" Je &u-i:~ 6-i:elr. de vo-i:1r. Ir.éa.tüelr. t' a.c.c.olr.d dé&.{;lr.é depui&
I.l~ tongtemp& entlr.e te& Ir.a.c.e~ a.lr.a.oe et nèglr.e d'A61r.~que
dit-it. Ce n'e&t qu'un c.ommenc.ement et nou& ne c.e~~e-
Ir.on& de tuttelr. que tOIr.~ de la. t~oélr.a.tion tota.te et
dé6init1.ve de!.l peupte!.l c.oton~&é~. Néa.nmo-i:n!.l a
ne 6a.ut
pa.& que ta. vue du 6a.~c.1.&me ita.t~en nou& 6a.&&e ou~.e.ielr.
te nôtlr.e, te 61r.a.nça.1.4, que nou~ devon& pa.1r. tou~ te!.l
moyeM a.oa.ttlr.e et jetelr. à. la. melr. c.omme tou& te4 a.utlr.e4
impélr.ia.t1.&mel.l c.a.1r. ta. Flr.a.nc.e n'a. a.ppolr.té da.n!.l no~ pa.y!.l
lr.e4pec.ti61.l que ta. mi&èlr.e et ta. !.lpot1.a.t~on. La. 'Civi-
t-i:4a.t1.on' c.on&1.&te en de4 a.tetielr.4 de ga.z a.&phyxia.nt4,
c.hez nou&, nou4 l.gnolr.on!.l c.ette c.iv~ti&a.tion ta !
c.onc.tue-t-,<:,(, ". (1 )
Historique encore était ce meeting, car sans doute pour la
première fois avait été évoqué ce qui pour nous doit tenir
lieu
de véritable panafricanisme, à savoir la volonté de
---------------------
.
(1) ANSOM SLOTFOM IIr Ca.lr.ton 43, Note a.nonyme du 25 Août 1Q35.

700
réaliser l'unité du Continent Africain, d'Alger au Cap de
Bonne Espérance et de Dakar à Djibouti. Le panafricanisme ori-
ginel de WEB du Bois et Marcus Garvey;ressemblant à s'y mé-
prendre au pan-négrisme, prenait ainsi une toute autre dimen-
sion. Par ailleurs, Messali Hadj avait mis le doigt sur une
question fondamentale, à savoir qu'il fallait appeler un cnat
un chat et que les pays colonisés où l'arbitraire était la
règle, les libertés inexistantes, la vie des hommes consi-
dérée comme quantité négligeable, n'avaient rien à envier
au régime fasciste.
La mobilisation pour la défense de l'Ethiopie est
telle que même des" revenants" s'en mêlent. Ainsi Forgues,
toujours président du Comité de Défense des Intérêts de la
Race Noire, dont personne ou presque n'avait plus entendu
parler depuis près de dix ans, prit-il sa plume pour dénoncer
» ce~~e ~candaleu4e v~ola~~on du d~oi~ de~ gen~,
cet~e ~au­
vage ag~e4~~on d'un g~and é~a~ eu~opéen, mem6~e de la Socié~é
de~ Wa.ti.oM con.~~e un pe~~~ peuple. JJ. (1 )
Début Septembre, fait unique jusqu'alors dans l'histoire de
l'anti-eolonialisme français, Cachin représentant le PCF,
Racamond la CGTU, perney le Parti Radical Socialiste, Farniet
la SFIO
et Louise Weiss le Parti Radical, se réunissaient
à une même tribune pour dénoncer cette aventure coloniale. (2)
(nLe YopuLaÜe 3 S ep~e.mo~e. 1'135.
(Z)ANSOM SLOTfOM rn CM~on 73. Ncte. an.on.yme. du 5" Se.pteme-~e H35.

· 701
Cependant, ce qui devait arriver arriva et le front uni se
fissura. Ainsi le Comité Permanent pour la Défense de l'Ethio-
pie, composé du Groupe du Souvenir Victor Seh oelcher, de la
LDRN et de la société de secours mutuels Aide-toi le Ciel
t'aidera, enregistra-~il le départ de l'UTN, certainement
décidé par le PCF. En effet le Comité avait beaucoup" de
relations et d'accointances avec l'ENA ,,(1), ce qui ne pou-
vait que déplaire au PCF compte tenu de la position des amis
de Messali Hadj qui n'étaient pas prêts à sacrifier leur
combat pour l'indépendance au
nom du soutien aux" démocra-
ties Il en lutte contre le fascisme.
Le 3 Octobre 1935, l'Italie envahit l'Ethiopie, ce
qui accrut le degré de mobilisation des nègres de France. Le
journal La' Victoire ayant approuvé cette invasion et l'atti-
tude de la France, l'UTN lui adressa un petit billet qui
mérite d'être cité
/1
E11 lü a.nt V0 tlte N° du q 0c.to Dite 11] 35, dü a.i.t le
texte, nOU4 c.on4ta.ton4 que VOU4 a.vez el1ti.èltement Ita.i.~
4on. Seulement VOU4 a.vez 6a.i.t une peti.te eltlteult en
di.4po4a.nt de4 a.utlte4, ta.ndi.4 qu'tl VOU4 e4t tltès 6a.c.i.-
le de 4a.ti.s6a.i.lte la. soeult la.ti.ne en lui. donna.nt non
Pa.4 Ma.da.aa.4c.a.It, ma.i.4 ~i.en la.Blteta.ane, ou l'Auveltgne
ou bi.en enc.olte la. Pltovenc.e. où i.l y a. déja de4 m~~li.e.1t4
d'rta.li.en4, a.i.n4i. VOU4 a.ultez di.4po4é de c.e qui. VOU4
(1)
ANSOM SLOTFOM TTT Ca.ltton 13. Note a.nonyme 24 Septemblte 1935.

70~
» appa~tlent et Qe 6e~alt logique.
E6p~~ant que not~e
6ugge6tlon natu~elle et logique ~atl66e~a tou6 le6
natlonall~te6 6upe~-pat~lote6, nou6 VOU6 p~é6enton6
n06 6alutatloM JI. (1 )
En Novembre 1935, Mme Léo Wanner, secrétaire du Comité Inter-
national de Défense du Peuple Eth~opien, écrit au-Périscope
. Africain, journal paraissant au Sénégal, pour l' inciter à
organiser une action en faveur de l'Ethiopie à Dakar(2), ini-
tiative favorablement accueillie par la rédaction. AussitOt
le Périscope A-fricain dénonce l'attitude de Galandou Diouf,
ce dernier n'ayant rien trouvé de mieux à déclarer dans une
interview à·P·aris....Dakar : " Pendant la gue~~e, je me 6ui:6
battu pou~ la F~anQe et l'Italie ~tait not~e alliée. oa ~talt
l'Ethlople ? »(3)
Décidément, entre l'attitude adoptée en 1930 par Blaise Dia-
gne lors des discussions sur l'abolition du travail forcé
et celle de Galandou Diouf sur l'affaire éthiopienne, les
Sénégalais et d'une manière générale les Africains n'avaient
guère de raison d'être particulièrement fiers de leurs
représentants au parlement français. (4)
Dans la presse et notamment dans le Cl:'i-des'Nègres, la cam-
pagne de soutien à ItEthiopie se poursuivra durant la majeu-
re partie du premier semestre 1936, mais sur le terrain la
--------------------------
(1) ANSON StOTFON rrr Ca~ton 73. Lett~e de l'UTN au dl~eQteu~
de la- V-,cQ'tôÜe.
15 OQtob~e 1235.
(2)
LePVt.Ùc:ope'A611:.{:Qalrt Nil 322 16 Novemb~e IB5.
(3)
Idem.
(4)
P~éQi:~oM que d'ap~è6 LCC!l,i.~cte~·ffè-gM4. N"12 d'Aoat 12.35,
urte man'<:6e6tat'<:Ort de 6outI:ert èl. l'EtFtlopI:e au~d«.".t eu ll'eu à.
Vouala ( Came~oun ).

mobilisation marquera le pas du fait de l'inéluctabilité de
la victoire italienne et de l'approche des élections législa-
tives.
Sur la fin de la campagne, l'éphèmère unité qui s'était mani~
festée parmi les nègres sera saluée par Emile Faure dans la
Race Nègre. Dans un article intitulé" Hommage aux bonnes
volontis", après avoir évoqué l'action de Raoul Ova et de
Léon Hanna Charley, il écrira
" En dehoft6 de ee6 deux ~ft~Ve6, dlaignons eeux qu~, a
no~fte avla, on~ dftoi~ a une men~lon aplel~te. Ce aont
- No~fte ~dveft6aifte., t 1 Union de6 Tftavaltteuft6' f.lègfte6,
qui' pfti~ t' ini~ia~ive de ta pftemièfte eonvoea~ion des
nègftM e~ paft~ieip~ ii ~OU6 le.6 mee~~ng6.
- Ce~ aU~fte an.eien adveft6~ifte, nO~fte ~neien 6eeftl~~i-
fte glnlft~l louya~l, don~ le. ft6le a SUft~OU~ l~l de ftla-
l ü eft l ' en~en~e nlgfto -~ftaf5e ". (1 )
Puis suivaient également les noms de Paulette Nardal, Raoul
Cenac-Thaly, Isaac Béton, etc •••
Venant de la part de Faure, le satisfecit accordé ~ l'UTN et
à Kouyaté n'était pas peu de chose!
A~ delà de l'unité nègre retrouvée, la campagne de soutien à
l'Ethiopie avait également favorisé une relance de la dyna-
mique intercoloniale qui s'était matérialisée par la fonda-
tion, fin Décembre 1935, d'un Comité de Coordination des As-
sociations Noires et Arabes. Ayant pour secrétaires Emile
-------------------------

Faure et Hed~
Nouîra,
le Comité avait envisagé la tenue d'un
Congrès Colonial en Janvier 1936(1) , mais. finalement le pro-
jet restera lettre morte. Cependant la coopération ébauchée
à cette occasion n'en restera pas là, puisqu'elle aura pour
prolongement la création d'un Rassemblement Colonial sous le
Front Populaire.
----------------------
(1) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~to~ 13. Note a~onqme 24 Vécemb~e ]q35.

705
CHAP lTREX l - FRü NT PJ PIlLA lRE
L'HEURE'DES RECLASSE~ENTS
En Mai 1936 alors que l'agitation en faveur de l'Ethio-
pie est retombée et que la France se prépare pour les élec-
tions législatives, au Sénégal l'activité communiste défraye
la chronique. En effet le programme de la Ligue de Lu~te pour
la Liberté des Peuples du Sénégal et du Soudan, mystérieuse
organisation communiste, est diffusé en grand nombre dissi-
mulé dans un texte d'Alfred de Musset intitulé Histoire d'un
merle blanc. Quelques semaines plus tard, en France, c'est
la victoire historique du Front Populaire, mais loin de sti-
muler IIU.T.N. désormais proche du pouvoir par P.C.F. inter-
posé, cet évènement amplifie encore un peu plus son déclin.
Faute de subvention, le Cri des' Nègres cesse de para!tre et
l'U.T.N. infiltrée par la police et étranglée par le P.C.F.
est virtuellement morte. Paradoxalement c'est de nouveau au
Sénégal où le mouvement communiste nègre se manifeste avec la
création d'une section communiste ~ Dakar en Juillet 1936.
De leur cOté, les nationalistes nègres, arabes et
indochinois multiplient les contacts entre eux et, début 1937,
après avoir échappé à une tentative de noyautage du P.C.F.,
ils fondent le Rassemblement Colonial. S'inscrivant dans la
dynamique intercoloniale de la défunte Union rnterColoniale,
cette organisation a pour principales figures de proue Emile
faure, Messali Hadj et Nguyen The Truyen.

706
Partisans de l'indépendance sans conditions, ils ne ménagent
guère le Front Populaire qui le leur rend bien, arrêtant par
exemple Messali Hadj.
A contrario, Kouyaté est un partisan indéfectible du Front
Populaire qui lui en est gré en finançant, via le ~inistère
des Colonies, son journal Africa.
Mais mieux
( ou pire), Kouyaté a abandonné toute idée d'in-
dépendance au profit d'une réflexion sur le possible réamé-
nagement du cadre colonial qui fait de lui un des précurseurs
du néo-colon~alisme.

707
1. LE PC ET LE TRAVAIL PARMI LES NEGRES
------------------------------------
A L'HEURE DU FRONT POPULAIRE .
-----------------------------
1.1. ~~_~Y2~~E~~~2~_~~g~~_9~_~~~~~_E~~E_!~
~!~~~~~_9~2_~~~E!~2_9~_ê~~~g~!_~~_9~_~~~9~~·
Contrairement à ce qui s'est passé en Afrique du
Nord, durant toute la période de llentre-deux-gueires, l'acti-
vité coloniale communiste a rarement, pour ne pas dire jamais,
défrayé la chronique en Afrique Noire. Cependant deux mois
avant les élections législatives de 1936, suit~
à un con-
cours de circonstances sur lequel nous reviendrons, cet état
de chose allait changer. En effet le 4 Mars 1936, sous le ti-

tre " Et on nous dira que les Soviets n'y sont pour rien ou
l'histoire d'un merle blanc ", le journal' Le" Jour publiait
une lettre venant du Sénégal qui dénonçait la " sinistre pro-
pagande " communiste. Datée du 28 Février, cette lettre disait
ceci:
Il
Un bateau aQQo~tait iQi il if a t~oi~ jou~~, a la nuit.
Tl t~an~po~tait de~ ballot~ d'on ne ~ait quelle ma~Qhan­
di~e. Ren~eignement~ p~i~, Q'était de~ Qentaine~ de
petite~ plaquette~ dont la di66u4ion ~'opl~ait aveQ un
Qe~tain mif~tè~e. J'ai pu m'en p~oQu~e~ une. Elle po~te
le tit~e le plu~ ino66en~i6 et le plu~ Qha~mant :
Al6~ed de Mu~~et : Hi~toi~e d'un me~le blanQ. [uelle
Qu~ieu~e i.dée, peMai~-je, que de ~e~~u~Qi:te~, en A6~i.­
que, Qe petit Qcnte ~omantique ! J'ai ouve~t le 6a~Qi.­
Qule. Héla~ ! le me~le ~lanQ ~'e4t envolé. Tl e~t ~em­
plaQé pa~ un t~aQt de p~opagande ~oviltique qui: tout

708
» le long
de 6e6 35 page6,
ne 6ait Que pou66e~ a la
haine de6 6~anç.ai6, le6 population6 t10i~e6 Qu'on aou6e »(1)
Quelques jours plus tard, une cinquantaine de ces brochures
fut postée à Dakar à l'adresse de divers correspondants par
un marin européen. (2)
Leur contenu réel n'était autre que
le manifeste d'une mystérieuse Ligue de Lutte pour la Liberté
des peuples du Sénégal et du Soudan dont le nom était appa-
ru pour la première fois en Septembre 1933 dans le:Cri des
Nègres. (3)
D'après P. 1. Sy,
»
'La liRue de lutte pou~ la lioe~tl de6
peuple6 du Slnlgal et du Soudan' a ltl Q~lle pa~ Kouifatl en
AGit 1933 6ou6 l'in6tigation de la SeQtion Coloniale du PCF »(4)
Cette version a été reprise par nombre dtauteurs qui ont tra-
vainé sur la question, mais elle nous semble des plus invrai-
semblables. Si l'on se reporte à la situation. prévalant à
1 tépoque , on constate que Kouyaté était suspendu de tou-
tes ses fonctions au sein du PCF depuis le début de Juillet
1933 et que son exclusion ntétait plus qu'une question de temps.
Dans ce contexte on voit mal comment i l aurait pu accepter
de fonder une telle organisation" à l'instigation de la
Section Coloniale du PCF ", organisme avec lequel i l était
..
en profond désaccord quant à la politique à mener.
( 1)
Le Jo'u~
4 Ma~6
1936.
(Z) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 45. Lett~e du Gouve~neu~ Glnl~al
de l'AOF au Mirtüt~e de6 Colonie6. 6 Malz.6 1936.
(3 l- te- C'lti- -d:el.J- N'~:g7r.e6 N°Z Septemf)~e 1233.
(4)
P. r. S if 0 p. Qit. p, 148,

D'autre part, l'examen du manifeste de la Ligue rend encore
plus improbable la participation de Kouyaté à son élabora-
tion. En premier lieu son orientation politique reproduit
fidèlement la ligne de l'Internationale, notamment en ce qui
concerne l'organisation révolutionnaire des ouvriers et des
paysans, alors que Kouyaté avait déjà commencé à abandonner
cette ligne au profit d'une collaboration plus poussée avec
les élèments modérés, bourcreois, intellectuels, etc .•. (1)
Enfin, et le détail a son importance, d'après le témoignage
d'A. Ferrat, responsable à l'époque de la section coloniale
recuèilli par P.L Sy, Kouyaté aurait J' pe.ndarr.:t une. di.-6c.uJ.i-
4i.on de. plU4ie.u~4 he.u~e.4 " insisté pour que" l'Appe.l 4'ad~e.J.i­
4â:t au pe.uple. du Soudan, c.a~ a l'o~i.gi.ne. il n'é:tai.:t que.4:tion
que. du Sénégal ". [2)
Kouyaté étant lui-même originaire du Soudan, on voit mal com-
ment il aurait pu créer une organisation s'adressant exclusi-
vement aux Sénégalais pour" batailler tI ensuite afin qu'on
l'élargisse à ses compatriotes. Enfin, si Kouyaté avait effec-
tivement participé à la fondation de cette organisation, il
n'aurait pas manqué d'en parler à son ami et fidèle confi-
dent Kossoul qui aurait aussitOt transmis l'information au
CAI. Or il n'existe aucun document de police relatif à la
ligue de lutte pour la liberté des peuples du Sénégal et du
Soudan qui soit antérieur à la publication de son manifeste,
ce qui est pour le moins inhabituel l
(1)
CF. Le. pMje.:t de. 6édé~a:ti.QI1 clN aUoc.i.a.:ti.oM ltèglr.e.4 de. PMi.J.i
lanc.é e.n Iui.n 1 q3 3.
(2)
p.r. Sy o~ c.i.:t.p. 150.

710
D'après les dires de la Sûreté Générale, habituellement bien
informée, la ligue de lutte pour la liberté des peuples du
Sénégal et du Soudan a bien été cré~e en AoQt 1933 à l'insti-
gation de la Section Coloniale mais à Dakar et non à Paris. (1)
Au Sénégal, toujours d'après le témoignage d'A. Ferrat, la
direction de l'organisation était composée" de mili~an~~
~évolu~ionnai~e~ nèg~e~6o~mé~ ~oi~ a MO~QOU a l'EQole d'O~ien~,
~oi~ a Pa~i~ dan~ le~ éQole~ du Pa~~i ". (2) Fonctionnant de
manière clandestine (3) , celle-ci a laissé peu de traces dans
les archives. Peut-~tre a-t-elle été fondée par des membres
de ce groupe syndical fort de 250 membres qui avait adressé
une lettre à la CGTU dans laquelle i l réclamait de la litté-
rature militante et des directives en vue de formuler les
revendications des travailleurs Sénégalais(4)
?
D'abord publié en feuilleton dans le Cri-des-N'ègres
entre Septembre 1933 et Février 1934, le manifeste de la Li-
gue sera également introduit en AOF habilement inséré dans
un petit opuscule qui, à première vue, reproduit un texte
d'Alfred de Musset intitulé" Histoire d'un merle blanc ".
Mais en réalité
seules. " le.~ fiui~ p~emiè~e.~ e~ le~ fiui~ de~­
niè~e~ page.~ de Qe ~ex~e Ite.p~oduüen~ e66eQ~ivemen~ le déf5u~
e~ la 6~n du Qon~e Qi~é, le.~ au~~e~ page~ Qon~enan~ le ~ex~e
in~ég~al du Mani6e.~~e de la Ligue de lu~~e pou~ la l~oe~~é de~
-----------------------------
(1) ANSOM SLOTFOM rn Ca.~~on 45. No~e de la Sa.~e~é Géné~al.e. 12-2-35.
(2 ) P. r. SIf op.Qi~.p. 150.
( 3) ANSOM SLOTFOM TIr Calt~on 45. No~e de la SalLe.~é GénélLa.le 12-2-35.
(4 ) ANSOM SLOTFOM rn Ca~~on 31 • N'o~e de. l'age.n~ UQ~OlL 7-h32.

711
peupte6 du Slnlgat et du Soudan ".(1)
Le texte reflète certes le discours officiel du mouvement com-
muniste, mais i l a très certainement été rédigé par, ou pour
le moins avec, la collaboration de militants africains. Outre le fait
qu'il affirme que" Ceux qui. 6'adlte6,sent à. VOU6 60nt vo6
61tèlte6, la ehai.1t de votlte ehai.lt, le ,sang de votlte 6ang, de,s
ouvlti.elt,s 6lnlgalai.6 qu.<. ne veulent plU6 ,sou661ti.1t en 6i.lenee "czt
le texte ne se contente pas d'aligner les platitudes habi-
tuelles sur le colonialisme et la nécessité de la lutte anti-
impérialiste. On y parle du travail forcé en termes précis
et non généraux, précisant par exemple que les hommes adul-
tes touchent 2 francs par jour et que les femmes et les en-
fants doivent,se contenter de l,50 franc; on y dénonce la
situation privilégiée faite aux habitants des quatre com-
munes qui vise JI à. molteelelt, il. dl6uni.1t le6 populati.0/16, il
exei.telt une paltti.e du peuple eOntlte l'autlte JI; on décrit
l'impuissance du Conseil Colonial et des Conseils de Notables
et surtout, on exhalte la mémoire d'El Hadj Omar
( Omara ) et
de Lat Dior t Lat-Diora ) symboles mêmes de la résistance me-
née au Sénégal contre la conquête coioniale. (3)
L'objectif de la Ligue est sans ambiguité aucune.
JI
Nou6 luttoM,
di.,sent le6 auteult,s du texte, POUIt le
(1)
ANSOM SLOTFOM rrr Caltton 45 Lettlte du Gouveltneult Glnlltal de
l'AOF au Mi.ni.6tlte de6 ColOni.e6. 10 Vlee.molte 1234.
(z) HÙJtoi.lte- (t'un M-eltie- 8là.ne p. 1{J •
(3)
En t'ao,s~nee de tltan,selti.pti.on o66ici.elte. de6 langue~ a61ti.eai.ne6
à. l' lpoque, la. " mauvai:6e " tltan~elti.pt.,èon de6' nom6 de ee~ deux
hllt06 de l' hi.6toi.lte 6lnlgalai.,se n' e.~tpa6' un altgument ,su 66.<.~ttnt
pOUl!. attlti.ouelt le. te.xte· il de,s e.UItOpleM eomme le 6ai.t P. VelklUte

712
n d~ol~ de6 peuple6 du S~n~gal a dl6po6e~ d'eux-mime6
en ~endan~ le S~n[gal lndêpendan~ de l'Empl~e 6~ançal6
e~ en 6o~mant un é~a~ lndêpendan~ de6 peuple6 6énéga-
lal6, 6elon le6 p~ln~lpe6 6~dê~a~l66, pa~ l'alllan~e
de6 peuple6 llb~e6 ".(1)
On notera avec intérêt que les rédacteurs du manifeste con-
sidèrent à juste titre qu 1il n 1existe pas un peuple sénéga-
lais, mais des peuples qu 1il sl ag it de faire vivre librement
ensemble.
Cela dénote une connaissance des réalités sénégalaises, diffi-
cilement accessibles à l'époque à des militants européens
ayant pour seul et unique modèle celui de 11Etat-Nation, un
et indivisible.
Parmi les revendications mises en avant dans le manifeste,
nous citerons, à titre d 1exemple, la création de conseils de
représentants du peuple élus au suffrage universel, la mise
sur pied d'une armée populaire du Sénégal, 11 a ttribution de
la terre à ceux qui la travaillent, la suppression de la cul-
ture obligatoire de 11 arachide, la création d'une législation
du travail, la suppression de l'esclavage des femmes et du
mariage obligatoire des jeunes filles, le remplacement com-
plet de la langue française par la langue nationale des élèves
dans toutes les écoles préparatoires et élèmentaires, etc •••
(1)
Hl6~ol~e d'un me~le blan~, p ZZ.

713
Exclu du PCF, Kouyaté fera tout pour détourner ses corres-
pondants de la Ligue èe Lutte pour la liberté des peuples
du Sénégal et du Soudan, ainsi que de la Ligue Anti-impéria-
liste (1) , mais en vain semble-t-il(2~Rien n'indique pour
autant que la Ligue de Lutte ait eu une activité substantiel-
le entre 1933 et 1936, et l'introduction Il massive Il de son
manifeste au Sénégal en Février 1936, s'apparente fort à une
simple opération de propagande mise sur pied par le PCF àans
le cadre de la campagne électorale pour les élections légis-
latives. Le PC n'ayant ni candidat officiel ni candidat of-
ficieux au Sénégal, outre la propagation des idées communis-
tes, cette opération était peut être destinée à faire pres-
sion sur les alliés socialistes et radicaux en suscitant des
revendications qui allaient bien au delà du programme du
Rassemblement Populaire. (3)
1.2. ~~~_S2~~~!~~~~_~~g~~~_~EE~~
!~_YfS~~!E~_g~_~tg~~_~gE~!~!E~·
Pour l'UTN, la victoire du Front.Populaire aurait
pu constituer un stimulant efficace capable de la faire re-
démarrer sur des bases nouvelles, mais paradoxalement c'est
(1) ANS 21 G 28 (11). LettAe de Kouyaté à un de ~e~ cOAAe~pondant~
au Sénégal en date· du 21 Octo ôAe 1933. Cité daM une note de
Aen~eignementa du 31 OctobAe 1933.
(2) ANSOM SLOTFOM III CaAton 45. LettAe du GouveAneuA GénéAal
del'AOF au MinistAe de~ Coloniea. 13 Mai 1934.
(3) En AVAil 1936, dans le pAemieA nO de la Aevue-tiQ~~~txon
FAa/tcÜ JouAdai/t. diAigeant de la Ligue Anti-,{,mpéA.(a:e..t.~"te Çiéc.la-
Aait : " Nous ne dema/tdO/t~ pa~ il /tos' ami:!' du FAont Populai:Ae d.e
6aiA e le pAoc.ès du c.olonial~~me
( pAoc.ès que nou~ nous AéseAvOn~
d'in~tAuiAe). ( •.• ). Nous nous~oAnons tAès modestement a les
p~ieA d'exigeA l'étaôlis~ement, SUA tout le teAAitoiAe dit 6Aan-
ç.aÜ, déS loLs de.moc.Aatiques exista.nt en FAanc.e et l'exteMion
aux' c.oloniell du oéné6ic.e des exc.ellentes Aé60Ames nationales qu' Lt~
pAéc.on,{,sent Il. C'éta~t peut itAe peu ma,{,~ c.eAte~ bea.ucoup plu~
que la. ~,{,mple c.omm,{,~s,{,on d'enquite paAlementaiAe env,{,~a.gée !

714
l'inverse qui se produira. Affaiblie depuis l'exclusion de
Kouyaté en 1933, l'organisation végétait et seule la campa-
gne de soutien à l'Ethiopie lui avait redonné un semblant de
vie. Seulement, elle ne put tirer parti de cette agitation
pour se refaire une santé, car
début Juillet 193Jr, ses
dirigeants apprirent de la bouche de Ferrat, responsable de
la Section Coloniale, que le PC avait décidé de scinder l'or-
ganisation en deux pour organiser séparèment les Antillais
et les Africains, sous prétexte que ces derniers boudaient
l'UTN considérée comme une organisation Il antillaise ". (1)
La majorité des membres dirigeants de l'UTN tels Rosso, Ros-
soul, Julians s'opposêrent à ce projet d'autant plus que cela
impliquait une diminution de moitié de la subvention accor-
dée au Cri des Nègres ~2)
La conséquence immédiate de ce nouveau Il clash "
entre le PCF et les coloniaux fut une détérioration des rapports,
déjà loin d'être excellents, existant entre les uns et les au-
tres. Rosso, qui jusqu'ici avait touj::urs appuyé le Parti,
y compris lorsque ce dernier s'opposait à d'autres colonisés,
annonça qu'il renoncerait à ses fonctions de rédacteur en
chef du jeuxnal dès qu'on lui aurait trouvé un remplaçant. (3)
Finalement, devant l'opposition de la direction de l'UTN, le
projet fut abandonné fin 1935, mais cette nouvelle crise avait
encore un peu affaibli
l'organisation et quelques mois plus
---------------------~-
( 1 ) ANSOM SLOnOM nr CIlJr.tO/1 73. Note. (l/1o/tyme. 19. J u.l.:l.l.et 1935.
( 2 ) ANSOM SLOnOM nr CIlJr.tO/t 73. Note. ll/1o/1yme. 29 Oc.tolSJr.e. 1 <B 5.
( 3 ) ANSOM SLOnOM rn CIlJr.tO/1 73. Note. ll/1on!!me. la Oc.tolSJr.e. 193 5.

715
tard, alors que triomphait le Front Populaire, le Cri d'es'Nêgres
cessait de parattre. (1) Ce n'est qu'en AoOt 1938 que l'UTN
parviendra à faire parattre un bulletin mensuel polycopié de
très mauvaise qualité, illisible par endroit. (2)
N'ayant désormais plus rien à perdre, l'UTN collaborera, con-
tre l'avis du PC, avec le Rassemblement Colonial dont nous
parlerons plus loin. Cependant avec sa quarantaine de militants
ses dirigeants aux ordres de la police ( Kossoul, Ebele, Ra-
mananjato ) ou contr~lés par le PC ( Merlin, Trisot, Rosso)
et son journal défunt, celle-ci était désormais virtuellement
morte.
AuX eolonies et plus particulièrement au Sénégal, les corres-
pondants de lt~TN et/ou du PCF tentèrent de s'organiser pro-
fitant de la bouffée de liberté provisoirement amenée par
la victoire du Front Populaire. Fin Juin 1936, M. Mallet dit
" Mars " rédacteur aéronautique à ;J.."Humanité, entra en con-
tact avec Le Dallic, chef du service radiotélégraphique d'Air
France, lors d'un reportage au5énégal. (3) A l'issue de leurs
conversations Le Dallic se propos~ de mettre sur pied une
section communiste à Dakar, qu'il envisage
d'appeler Il Parti
Communiste Sénégalais ". (4) Le 4 Juillet 1936, la section
communiste de Dakar voit le jour. (5)
--------------------------
(1) le. de.lr.ni.e.1r. numélr.o du CIr.:i.de.!.l Nèglr.e..& e..6t te. N° 'l7 'P 1AVlr.it-
Mai. 1936.
(Z) ANSOM SLOTFOM r Calr.ton 3. Le.ttlr.e. du Gouve.lr.ne.ulr. Gênêlr.at d~
t'AOF au Mi.ni.!.ltlr.e., de.!.l Cotoni.e.!.l la Aoû.t 1936.
(3)
Ide.m.
(4) ANSOM AFF. Pot. Calr.ton 539. Rappolr.t annue.t de.~ ~e.lr.vi.ce.~ de.
poU.c.e. e.t Sûlr.e.tê de. 'Paka.Jr. e.t Vêpe.n.dance.!.l. Année. 1936.
(5)
Ide.m note. Z.

716
Dirigée par un bureau provisoire de quatre membres où Afri-
cains et Européens sont à égalité Cl) , elle a Le Dallic pour
secrétaire. Après plusieurs réunions à caractère privé, un
programme de revendications est élaboré, puis adressé pour
approbation. à la direction du PCF. En AoQt, la section compte
une vingtaine de membres recrutés uniquement parmi les Européens
et les citoyens des quatre communes, les sujets africains
n'ayant droit qu'au titre de sympathisant. Cependant, ces
derniers ne sont pas délaissés pour autant puisque la propa-
gande en leur direction est organisée par un certain Amadou
Moctar Mbaye, chauffeur chez un libano-Syrien à Rufisque, mais
2
surtout ancien élève de l'Ecole Staline de Moscou.( )
Fin S~ptembre 1936, la section de Dakar avoisine la centaine
(3
de membres
) et
ses dirigeants entreprennent une action en
direction du Syndicat des Ouvriers Indigènes basé à Thiès (4) ,
en vue d'accroître le recrutement mais aussi sans doute pour
tenter de s'imposer à la direction de ce syndicat. Cependant
malgré les efforts de Le Dallic, cette tentative échoue.
Faute de directives précises, les militants communistes 10-
caux n'accordent Il qu'un !>out'<'en llelati.6 au Com.<.té. du F/t.ont
Popula'<'lle " et ils ne participent 1/ 066.ic.i:'ellement à. aucune
de!> man'<'6e4tat'<'on4 publ'<'que4 o/t.gan.<.aéea Il par le Comité. CS)
------------------------------------
(Il ANSOM SLOTFOM r Callton 1. Lettlle du Gouvellneull Généllal de
l'AOF
au Mini!>tlle de4 Colon'<'e4. 10 Août 1936.
(Z)
Idem.
(3) ANSOM AFFa'<'lle!> Pol.<.t.<.que4 Callton 539, Rappollt annuel dea
Sellvic.ea de Pol.<.c.e et SÛlleté de Va.~a/t. et Vépendanc.ea. Année
1936 ( la aec.t.ion c.ompte 97 mem~llea d'ap/t.èa c.e Ilappo/t.t ).
(4) ANSOM A66a.illea Polit.iquea Callton 59g. Rappollt politique du
Sénégal. Année 1937.
(5J ANS ZI G 70 (17). Note !>ull le mouvement 4oc..<.al.<.ate en AOF. 1937.

717
Peu à peu la désaffection gagne les militants. Les réunions
sont moins suivies, les cotisations ne sont plus payées, ce
qui amène les dirigeants de la section à envisager sa disso-
(~)
lution fin 1936. Pour tenter de redresser la barre, un cer-
tain Coffi, appartenant très certainement au bureau de la
section, écrit à Deloche responsable de la Section Coloniale,
pour demander l'aide du PCF. Dans sa lettre, datant du début
de l'été 1937, on peut lire ceci:
» Cama~ade, nou6 noua voyon6 dan6 l'obligation de
vou6 ad~e66e~ cette lett~e aux 61n6 d'attl~e~ vot~e
attention 6u~ la 61tuation dana laquelle 6e t~ouvent
le6 cama~ade6 du Sénégal. En e66et, depula le dépa~t
du cama~ade Le Vallic, PUi6 Vanetzel et en61n tout
de~nll~ement celui du cama~ade Loze~ay(l), noua n'avon6
aucune dl~ectlve pou~ pouvol~ t~avallle~ COmme n06 ca-
ma~adea lea 6oclall6tea. Le cama~ade Loze~ay lO~6 de
60n pa66age a la colonie nou6 a cependant olen p~oml6
de 6'occupe~ de nou6 dl6 60n a~~lvée a la Mét~opole.
Il nou6 avait p~oml6 en out~e de nOU6 envoye~ de6 ca~­
te6 pou~ l'année en COU~6, et la ml6e au point dé61nl-
tlve du p~og~amme communl6te en AOF. Le dit p~og~amme
a été envoyé au pa~tl cent~al depul6 en 1936 pou~
app~obatlon et nou6 avon6 été 6u~p~i6 que jU6qu'lcl
-----------------------------
(1) ANSOM A66. Pol. Ca~ton 598, Rappo~t politique du Sénégal
année 1937.
(2)
Il 6 'agit d'een~l Loze~ay, député communlate de la Seine,
qu~ 6lt pa~tle de la commla6lon d'enquite envoyée en AOF pa~
le F~ont Populai~e en Janvle~-Pév~le~ 1937,

718
» ~ien ne nou6 e6~ ~e~ou~n[.
En p~incipe aucun ~~avail
6[~ieux ne peu~ê~~e 6ai~ aaM di~ec~ivea, e~ ai voua
avez con6~a~é une inac~ivi~é dea cama~ade6 d'ici - en
majo~i~é indigène6 - c'e6~ que
nou6 avion6 jugé néce66ai~e
e~ cela dan6 l'in~é~ê~ du Pa~~i,
de nou6 bo~ne~ dan6
la 6o~ma~ion de6 ayndica~6 a di~ec~ion communi6~e en
a~~endan~ le ~e~ou~ du p~og~amme p~éci~é.
Vane~zel
lo~a de aon dépa~~ a pa66é le 6ec~é~a~ia~ au cama~ade
Veacomoe6. Ce ~i~ulai~e ac~uel du 6ec~é~a~ia~ du Pa~-
~i en AOF, décla~e avoi~ vainemen~ éc~i~ au Pa~~i Cen-
~~al aana qu'aucune ~épon6e lui 6oi~ 6ai~e. Ce~~e 6i-
~ua~ion nou6 ~amène a ne pouvoi~ 6ai~e aucune pa~~ici­
pa~ion au aein du Comi~é du F~on~ Populai~e,
e~ ~ou~e
collabo~a~ion avec lea aaaocia~ion6 de gauche. Le6
cama~ade6 indigène6 6ec~é~ai~e6 de cellulea - qu~
pou~~on~ dépa66e~ le6 6ec~ion6 6ociali6~e6 6i noua
di6poaiona de6 ca~~e6 e~ du ma~é~iel de ~~avail - vou6
p~ien~ en con6équence de change~ d'a~~i~ude a not~e
éga~d e~ de vouloi~ bien nOU6 envoye~ pa~ p~emiè~e
occaaion de6 in6~~uc~ion6 ~ela~ive6 a la bOnne ma~che
du Pa~~i en AOF. l.o.). VOU6 penae~ez ce~~e6 que noua
communi6~ea d'ici, noua ne aOmmea paa enco~e éduquéa
pou~ une agi~a~ion ! Toua ici nou6 avon6 en la mémai~e
dea déplo~able6 e66e~a de Madagaaca~ e~ malg~é la pe-
~te6ae de n06 connai66ance6, noua n'avon6 nullemen~
envie de nui~e a.u p~e4t!..ge de4 au..tQ~!..aa. tlQu.a t'tQua

719
n
bo~non4 a explique~ la nlee44i~l de l'union - dan4
un 4lfndiea~ pa~ exemple - e~ a.{:/t4i de 4 u.{:~e n.( 1)
Ces quelques lignes appellent plusieurs remarques.' ~ contenu
m~me de la lettre de ce Coffi dont on ignore tout, prouve
que l'on n'a pas à faire à un militant de la dernière heure
recruté à la va-vite, à la faveur de la victoire du Front
Populaire.
Coffi est un militant communiste discipliné qui, centralisme
démocratique oblige, ne se laisse pas aller à prendre des i-
nitiatives personnelles sans en référer à la direction
de
son parti. Ce sens de la discipline de parti ne semble pas
résulter de la stricte application d'un principe appris par
coeur, mais bien d'une longue expérience militante. Ne fait-
il pas remarquer à ses dirigeants, et c'est tout de m~me un
comble, qu'on ne fait pas de travail politique sérieux sans
directives ?1 Par ailleurs, il se tient infqrrné de tout ce
qui touche de près ou de loin au mouvement communiste, puis-
qu'il est en mesure de tirer des leçons de l'attitude du PC
de la région de Madagascar. Enfin, sa bonne connQissance des
sentiments qu'entretient la direction du PC à l'êgard des
militants coloniaux, dénote une "fréquentation 1\\ relativement
ancienne de ces derniers.
Faute d'informations précises le concernant, on en est réduit
à spéculer sur la manière dont il a pu acquérir cette formation
politique. En Afrique, au contact de militants communistes
---------------------------
(1) ANSOM SLOTFOM r Ca~~on 3. Let~~e de Co66i a Veloe~e 3-7-37.

de base agissant de leur propre gré comme les époux Guilloteau ?
En Union Soviétique, à l'Ecole Staline comme Amadou Moctar
Mbaye(1), Joseph Amon Kouarné(2) ou GOmis(3)? Ou encore en
France, en militant au sein de la CGTU ou du PCF ? Quelle que
soit la réponse, une chose est sOre : dans les années trente,
les idées communistes avaient réussi à pénétrer en AOF, comme
le prouve la formation rapide à Dakar ~'une section compor-
tant une vingtaine de membres en Juin-Juillet 1936 puis près
du double un an plus tard. D'ailleurs sans ce terrain favora-
ble,
Le Dallic n'aurait sans doute pas projeté la création
d'un Il Parti Communiste Sénégalais" qui serait devenu la
" Région Sénégélaise " du pep, selon les termes en vigueur
à l'époque.

Autre point important, la section est en majorité composée
d'Africains, ce qui infirme la vision courante des chose~et
elle serait en mesure non seulement de concurrencer mais de
surpasser les socialistes.
Enfin, faute de directives politiques, ces militants aban-
donnés à leur sort se sont lancés dans la création de syndi-
cats à direction communiste. S'ils ont réussi dans leur tâ-
che, il serait intéressant ,de
savoir quels ont été les syn-
di cats ainsi créés, ce qui pourrait donner un autre éclairage sur
la vie syndicale au Sénégal à l'époque du Front Populaire.
(1' ANSOM SLOTFOM r Ca~ton 3. Lett~e du GQuve~neu~ Géné~al de
l'AOF au M~n~~t~e de~ Colon~e~ la Août lQ36.
(2) C.R.V.A. Lett~e du Gouve~n~u~ Géné~al de l'AOF au Mtn~~t~e
de~ Colon~e~ 6 Novemo~e 1934.
(3) ANSOM SLOTFOM rr Ca~ton 2, Note de l'agent Coco 14-11-31.

721
En présence de tous ces élêments, on ne peut ~tre que surpris
par la désinvolture avec laquelle le PCF a traité ces/ses mi-
litants. Désinvolture? En fait ce n'est pas le mot qui con-
vient car, outre l'attitude constante du PCF en la matiêre
consistant à ne voir dans les militants coloniaux qu'une pos-
sible masse de manoeuvre, i l y a eu volonté politique de
saborder ce mouvement. L'absence de contact dans laquelle ont
été tenus les militants sénégalais n'a en effet rien à voir
avec la précarité inhérente à toute liaison clandestine.
Dês le mois de Juillet 1937, Lozeray déclarait à Ramananjato
que le PC n'était décidé ni à créer ni à soutenir un mouvement
communiste dans quelque colonie que ce soit, tout au plus
était-il d'accord pour mettre sur pied des ft cercles d'Etudes
Marxistes ". (1)
Il s'agissait » d'envolfe~ de F~an~e de oon~
~ommuni6te4
6~ançai6
devant o~gani~e~ dan6 toute6 le6 ~olonie6
6~ançai6e6 et la p~opagande et le pa~ti n, afin d'éviter que
» le4 indig~ne6 de n'impo~te
quelle ~olonie en p~ennent l'i-
nitiative et ne di~igent en au~une 6açon ~e ~enouveau du
'Mouvement Inte~national' n. (Z)
Ce lachage du mouvement communiste naissant aux
colonies
visait avant tout
Madagascar où un PC revendiquant
35 000 Membres, avait vu le jour
après la victoire du Front
Populaire. Cette analyse et ses propos répercutés par un in-
-----------------------
(1)ANSOM SLOTFOM rTCa~ton Z. Note de l'agent Joe du Z1 Juillet
19;7, ~elatant une ent~evue ent~e LQze~ay et Ramananjato~
(Z)ANSOM SLOTFOM TT Ca~ton Z. Note de l'agentJoe du 13 Aoat
1937, ~elatant une ent~evue ent~e Loze~alf et Ramananjato.

722
dicateur de police peuvent ne pas convaincre certains mais
la lettre de Dussac, secrétaire général du Parti Communiste
Malgache, adressée à Maurice Thorez le 16 Septembre 1937
confirme tout à fait notre propos. Ecrivant après s'être im-
posé
un 11 silence de trois mois 11 Dussac demandait les ren-
seignements suivants à Thorez :
11
E,~.il exac~,
ainai qu'il ~emble ~(~ul~e~ d'une le~­
~~e pe~~onnelle ~eçue du cama~ade Velocne, en Ma~a
de~nie~, pa~ un memb~e du Pa~~i eommuni$~e Malgache
( exclu depui~ pa~ le peM pou~ ~~ani,on enve~a le pa~­
~i ), que le Pa~~i eommunü~e F~ançaü au~ai~ p~ü
la d(ciaion de ~omp~e avec le Pa~~i eommuni~~e Malga-
die ? ,,[ 1 )
Dans l'affirmative, Dussac désirait conna!tre quelles étaient
les raisons qui avaient motivé une telle décision. Officiel-
lement, ce que le PCF reprochait au PCM c'était son non-res-
pect de la discipline de Front Populaire, caractérisé par
ses relations plus que difficiles avec les radicaux et les
socialistes de llIle. En fait, une fois de plus, ce qui était
réellement en question c'était le contrOle d'une organisation
communiste coloniale.
Le PCF n'ayant pas les moyens de contrOler le PCM, de même
que tout autre PC créé aux colonies, i l avait préféré leur
enlevé tout soutien politique et matériel. De cette faqon le
Parti français était assuré de n'avoir aucun compte à rendre
en cas de 11 d(bo~demen~~
na~ionali.6~e~
Il
de la part de ces
-~-----------------------
(1) Le~~~e de Paul Vuaaac a M. Tho~ez du 16-9-37, pu6li(e dana
leP~·olt:filtia.;t·Mà.1..ga.cfie
du 18 MM$ 1938. [ C,(;t(e pa~ Solojo
Rand~ianja op. ci~.).

723
organisations, aussi bien â ses alliés radicaux et socialis-
tes, qu'à l'rc qui faisait désormais de la lutte anti-fascis-
te sa priorité parmi les priorités.
Réduits au silence et affaiblis au possible en France, aban-
donnés à leur sort en Afrique, les militants communistes nè-
gres ont été sacrifiés au nom des intérêts supérieurs du mou-
vement communiste international, et après la seconde guer-
re mondiale, par le biais des Groupes d'Etudes Communistes
( GEC ), le PCF devra reprendre pratiquement à zéro la for-
mation des militants africains.
Que de temps perdu ! Par un retournement de situation dont
l'histoire a le secret, la période du Front Populaire va
correspondre à un retour en force des nationalistes, hosti-
les à tout compromis sur la question de l'indépendance.
Ainsi, de 1937 à la veille de la guerre ce sont des gens com-
me Nguyen The Truyen, ancien dirigeant de l'UrC, exclu du
PCF pour U nationalisme n, Emile Faure président de la LDRN
et adversaire de toujours du PCF, et Messali Hadj président
de l'ENA, une organisation qui avait peu à peu échappé au
contrOle du PCF, qui vont occuper le devant de la scène anti-
colonialiste, et être à l'origine de toutes les initiatives
décisives.
A sans cesse vouloir contrOler les colonisés, le PC n'avait
réussi qu'à s'attirer leur défiance, sciant en quelque sorte
la branche sur laquelle il était assis.

724
2. LE RASSEMBLEMENT COLONIAL.
-------------------------
2.1. Les méandres de la création du
------------------------------
Le 3 mai 1936, à l'issue du second tour des élec-
tions législatives, le Front Populaire l'emporte. Pour nom-
bre de colonisés cette victoire est un peu la leur, ca~ m~me
s'ils n'ont pas pu
exprimer leurs choix politiques, ils ne
peuvent voir que d'un bon oeil l'accession des communistes et
des socialistes au pouvoir. Ces derniers n'ont-ils pas, chacun
à leur manière, souvent pris le parti des
" indigènes " ?
Pourtant, le programme colonial du Rassemblement Populaire est
on ne peut plus inconsistant, puisqu'il prévoit simplement la
création d'une commission d'enquête parlementaire devant se
rendre en Afrique du Nord et en rndochine(l), Madagascar,
l'Afrique Noire et les Antilles n'ayant m~me pas eu l'hon-
neur d'~tre spécifiés dans le texte.
Le CAr ayant sans doute été mis en sommeil après le change-
ment de majorité électorale, on ignore précisèment quel fut
l'accueil réservé à la nomination de Marius Movtet au minis-
tère des ~olonies, ainsi que la manière dont fut appréciée
son voyage en AOF et la désignation de Marcel de Coppet à la
tête de la Fédération Ouest Africaine.
Ce que l'on sait, c'est qu'aussitOt après la victoire du Front
Populaire, un Congrès Musulman Algérien a été convoqué pour
(1)
C6. G. Le61La.nc. HÙ"toi..Jc:e.'du FlLon"t' Po pUf.ai..1!. e Pa.ILÙ. Pa.ljo:t.,
1965 P. 441.

725
le 16 Mai et, quelques jours plus tard, le journal La Lutte
de Saigon a lancé l'idée d'un Congrès Indochinois~l) De leur
cOté, les nègres ne semblent pas s'être particulièrement
préoccupés de présenter leur.s revendications, occupés qu'ils
étaient par la campagne de défense de l'Ethiopie. Apparemment
ce n'est qu'en Février 1937 qu'ils Il recollent Il au mouvement
en participant activement, notamment par le biais d'Emile
Faure, ~ la constitution du Rassemblement Colonial, fédération
d'associations coloniales, dont l'histoire détaillée est mal
connue.
Constitué en Juillet 1936, le Rassemblement Indochi-
nais tient sa première conférence les 28 et 29 Décembre de
la même année. Au cours des débats, l'idée de réunir un Con-
grès International des Peuples Colonisés est
émise E;t Nguyen
Thé Truyen
est chargé d'élaborer un projet allant dans ce
sens. (2)
En fait l'idée n'est pas nouvelle puisqu'elle re-
prend la proposition faite par Kouyaté dans le cadre de la
Il
Solidarité Coloniale Il devenue par la suite le Comité d'En-
tente Coloniale en 1933-1934. (3)
Début Février 1937, Nguyen The Truyen a achevé son projet
qu'il adresse ~ toutes les organisations coloniales de Paris.
Il est intitulé Il Pour le Congrès Intercolonial Il et i l pré-
cise d'emblée que le premier objectif de cette manifestation
sera la création d'un Il vaste Rassemblement Intercolonial ". (4)
(1)
C.
LLa.UZU op.d..:t.p. 204.
(2) ANSOM SLOTFOM XIII Ca.~:ton 1. No:te a.non~me du 18 Flv~ie~ 1931.
(3)
Voi~ c.ha.pi:t~e X .te pa.~a.g~a.phe irtt.i:tu.tl " Une :ten:ta.:tive de
~e.ta.nc.e de .ta. d~na.mique in:te~c.o.tonia..te
".
(4) ANSOM SLOTFOM XIII Ca.~:ton 1. Pou~ .te Cong~l6 In:te~c.o.tonia..t!

726
Par ailleurs, le Congrès Intercolonial devra élaborer un " pro-
gramme minimum" de revendications auquel "4e. Jr.aZLi.e.Jr.ont
tOUte.4 le.4 opinIon4 " et par la suite " 4e.Jr.vlJr. de. tJr.aIt d'u-
nIon contlnue.l e.ntJr.e. tOUte.4 le.4 populatIon4 d'outJr.e. me.Jr. "
Sans expressèment prévoir le soutien du Rassemblement Inter-
colonial au Front Populaire, Nguyen The Truyen envisage de
discuter" l'oe.uvJr.e. colonIale. du Gouve.Jr.ne.me.nt du FJr.ont Populal-
Jr.e. " ce qui traduit pour le moins une neutralité bienveillan-
te. Enfin parmi les projets avancés pour donner vie au Rassem-
blement Intercolonial, on note une" Maison des Indigènes de
la France d'Outre Mer ", une" Université Populaire. Inter-
Coloniale ", une" Banque populaire Inter-Coloniale " et enfin
un journal intitulé" L'Inter-Colonial "
(1)
Sur de nombreux points, le projet consiste à faire
revivre l'UIC que Nguyen The Truyen évoque ouvertement sous
le t i t r e " l'enseignement du passé" en déclarant que celle-
ci " e.4t moJr.te. apJr.!4 dIx ann~e.4 de. lutte., maI4 40n e.xe.mple.
de.me.uJr.e., nOU4 e.ncouJr.age. e.t nOU4 ~clalJr.e. ".(2)
Ce qui n'est alors qu'un projet dont l'initiative revient
aux colonisés va se transformer en enjeu d'une sourde lutte
d'influence entre les nationalistes et le PCF. Le texte de
Nguyen The Truyen étant très certainement parvenu à la connais-
sance de la direction du Parti, celui-ci décide de mettre en
-------------------------
(7) Toute4 le4 citatIon4 e.ntJr.e. guIlle.me.:t4 40nt tlJr.~4 du te.xte.
" PouJr. le. CongJr.l4 Tnte.Jr.colonlal! " op cit.
(2) " PouJr. le. CongJr.l4 Tnte.Jr.colonlal ! "op
cit

727
oeuvre une formidable opération de récupération visant à
regagner son influence perdue parmi les coloniaux.
Deloche, responsable de la section coloniale, étant connu com-
me le loup blanc parmi les colonisés, le PC fait intervenir
l'un de ses sympathisants, le peintre et journaliste Jean
De Lorme. Le 10 Février 1937, il adresse à toutes les asso-
ciations coloniales une lettre les invitant à participer le
20 Février à son domicile à une " réunion de solidarité co-
loniale " dont l'objectif sera Il de je~e~ le6 ba6e6 d'un Ra6-
6emblemen~ Colonial de6~Iné a g~oupe~ de6 ~ep~é6en~an~6 de
~ou~e6 le6 ~olonle6 e~ palj6 de p~o~e~~o~a~6, 6u6~ep~Ible6
d'adhé~e~ o66I~Iellemen~ au mouvemen~ du F~on~ PopulaI~e ". (1)
Le 10 Février, 8 Rue de Porto-Riche au domicile de Jean De
Lorme, 14 personnes sont présentes parmi lesquelles Mme Léo
Wa~ner, le Marocain El Khotbi, un représentant du Destour,
trois Indochinois proches du PCF, Dieu, Nam et Van Than,
Cenac-Thaly, Léon Damas, Monnerot, Ramananjato, Razafy, etc .••
De Lorme présente son projet en mettant l'accent sur le fait
qu'en se fédérant, les associations coloniales qui représen-
tent les 60 millions de colonisés de l'Empire Français pourront
jouer un rôle important au sein du Front Populaire.
Cependant d'ernbl~e, El Khotbi et le représentant du Destour
déclarent qu'ils sont tout à fait favorables à un tel pro-
jet mais qu'ils s'opposent à toute main mise de personnalités
françaises sur l'organisation projetée. Razafy, président
de l'Association des Etudiants Malgaches, intervient un peu
(1) ANSOM SLOTFOM XIII Ca~~on 1. Let~~e de Jean"Pe Lo~me aux
di~Igean~~ d'a66o~ia~ion6 ~oloniale~, la Fév~ie~ 7937.

728
dans le même sens en déclarant:
" Tf e.6:t paJtadoxaf qu'à
Madaga.6caJt, VU.6.6ac, Rafaimongo e:t Rana1vo .6oien:t f'obje:t de
bJtimade.6 e:t de vexa:tion.6 de fa paJt:t du gouveJtnemen:t focaf
pendan:t qu'en FJtance Mo~:te:t e:t Bfum veufen:t humani.6eJt fe.6
cho.6e.6 ! Il (1)
Après cette première prise de contacts déjà grosse de diver-
gences futures,
rendez-vous est pris pour une seconde réunion,
après avoir désigné un bureau provisoire qui a pour président
•.• Francis Jourdain, secrétaire de la LAI, pour secrétaire
général Jean De Lorme et pour membres un colonisé par groupe
de colonies. (2)
Apparemment tout a fonctionné à merveille, puis-
que Jourdain et De Lorme, compagnons de route du PCF, se sont
vus attribuer les postes clés.
Lors de la seconde réunion tenue 23 rue de l'Ancienne Comédie
au café Lagriffoul, i l est surtout question de l'élaboration
des statuts et aucun débat de fond nia vraiment lieu. Notons
cependant qu'Emile Faure, par lettre interposée, met les pieds
dans le plat en demandant si c'est le gouvernement ou le Front
Populaire qui ont besoin de fédérer les coloniaux ou bien si
ce sont les coloniaux qui ont besoin du dit Front Populaire ?
Mieux, i l demande aux animateurs du Rassemblement Colonial ce
qu'ils pensent de la dissolution de l'Etoile Nord Africaine
par le gouvernement du Front Populaire ! (3)
(1) ANSOM SLOTFOM TTI CaJt:ton 78. No:te anonyme du 23 FévJtieJt 1937.
(2)
Idem.
(3)
ANSOM SLOTFOM III CaJt:ton 78. No:te anonyme du 1 MaJt.6 1937.

729
Le 13 Mars, une nouvelle réunion a lieu à laquelle assiste
Faure, Nguyen The Truyen et un délégué de l'Etoile Nord A!ri-
caine. Mais cette fois-ci les choses ne se passent pas com-
me d'habitude. Après avoir exposé son projet de Congrès Inter-
. colonial, Nguyen The Truyen attaque De Lorme qu'il taxe Il de
communiste et d'instrument du Front Populaire ". De son cO-
té, Faure dénonce l'attitude de Movtet qui subventionne
Africa, le journal lancé par Kouyaté en Décembre 1935. (1)
Lors d'une autre réunion tenue au domicile de Faure, ce
dernier exhibe des lettres en provenance du Sénégal, dans
lesquelles
des Africains se plaignent d'~tre encore victi-
mes du travail forcé. Fidèle à son tempérament de Il fonceur Il
Faure ne fait pas de détail et i l déclare à l'attention de Jean
De Lorme
Il
Malg~~ le bon vouloi~ du F~ont Populai~e,
le6 n~g~e6
60nt toujou~6 a la me~~i de6 Blan~6. C'e6t la ~ai6on
pou~ laquelle je ne veux pa6 t~availle~ ave~ le6 Blan~6 ,,(2)
Acculé, Jean De Lorme décide de démissionner de ses fonctions
de secrétaire général provisoire du Rassemblement Colonial,
mais i l se ravise et décide d'écrire à Cenac-Tha1y pour l'en
avertir et déclarer qu'il entendait bien ~tre le secrétaire
général du futur Rassemblement Colonial. (3)
--------------------
( 1 ) ANSOM SLOTFOM III Ca~ton 78. Note ana nyme du 16 Ma~6 1931.
( 2 )
Il
"
"
"
. Note anonyme du 18 Ma~6 1931.
(3 )
Il
"
"
"
Note a.nonyme du 23 Ma~6 1931.

730
Suite à ces évènements, Messali Hadj, Emile Faure, Nguyen The
Truyen, Ramananjato et Cenac-Thaly, décident de se rencontrer
au siège d'El Ouma
pour discuter de l'avenir du Rassemblement
Colonial. Après discussion, ils se mettent d'accord pour
adresser un projet de statuts aux organisations coloniales de
Paris et charger Cenac-Thaly de faire comprendre à Jean De
Lorme qu'il n'était pas question de lui" réserver" le poste
de secrétaire général. (1)
Se voyant évincer de la direction de l'organisation, Jean De
Lorme rend alors visite à Deloche, responsable de la section
coloniale, pour l'informer de la tournure prise par les évè-
nements. (2) Croyant que tout n'est pas encore perdu, il rédige
un " Appel à la clairvoyance et à la raison " dans lequel
il déclare à l'attention du gouvernement de Front Populaire
mais surtout à l'attention des colonisés
" Ce. ne. -&ont p.tu-& de.-& düc.oult-&, ni.. de.-& pltOje.tll, mai..-6
de.-6ltfaLi.-6a:ti..'oM -& uê-&tanc.i..e..t.te.-6, toute.-& pltoc.he.-&, i..mmé.-
di..ate.-6, qu'i...t 6aut POUlt apai..4e.lt .t'i..nqui..é.tude. e.t .te.ll -60U6-
6ltanc.e.-6 de. no-6 6ltllte.ll c.o.toni..aux. I.t 6aut de.-6 ac.te.-& ! "(3)
Appelant de ses voeux" un ac.c.ue.i...t .taltge. e.t c.ompltéhe.n-6i..6 aux
pltogltamme.ll mi..ni..mum-6, toujOUlt-6 4i.. modélté-6 e.t
li.. ~Onc.i...t4antll
de. M-6 ami..ll i..ndi..glne.-6 ,,(4), il voit dans cette attitude leur
meilleur moyen de favoriser une" collaboration tI, une" as-
sociation " qui" poltte.ltai..t tltè-& haut .t'uni..on c.o.toni..a.te. 6'lt'an-
çaü e. , lte. nd ant ai..M i.. tltl-6 PUi..4 -6 ant e. , e.t c. 0 mm e. i.. ndi..u o.t uê.t e.,
.t'a.t.ti..anc.e. de. .ta Fltanc.e. ave.c. -&e.-& c.o.toni..e.-6 ".1 51
(1) ANSOM SLOTFOM III Caltton 78. Note. anonyme. du 23 Malt4 1231.
( 2 ) "
"
"
»
".
Note. anonyme. du 26 Malt-6 1937.
(3)(4)(5)
ANSOM S L0TF 0MXIII CMt 0 YI. -i. Appe..t à. .ta c..tai..ltv0 ya YI. c. e.
e.t à. .ta ltaü 0 n • MM-6 1937.

731
Ce texte qui préfigure la position qu'adoptera le PCF en
Décembre 1937 lors de son Xlème Congrès National (1) , sera
refusé par tous les journaux de gauche, y compris l'Humanité,
les communistes ayant sans doute déjà fait leur deuil du Ras-
semblement Colonial.
Débarassé du sous-marin du PCF qu'était Jean De Lorme, le
Rassemblement Colonial élabore ses statuts
début Avril.
Après plusieurs séances de discussions, ses animateurs se fi-
xent pour objectifs :
" 1·) de d(6end~e le6 lnt~~it6 g~n~~aux commun6 aux lndlglne6
de6 colonle6 6~ançal6e6
2·) de 6'a661~te~ ~~clp~oquement pou~ 6al~e aboutl~ leu~6
~evendlcatlon6 ~e6pectlve6 ".(2)
Afin d'éviter l'hégémonie d'un groupe sur les autres comme
cela s'était produit au sein de l'UIC, la présidence du Ras-
semblement Colonial est assurée à tour de rôle pour deux mois
par l'un des cinq vice-présidents que sont Messali Hadj
( Afri-
que du Nord ), Emile Faure ( Afrique Noire ), Nguyen The
Truyen ( Indochine ), Ramananjato ( Madagascar ) et Raoul
Cena~Thaly ( Vieilles Colonies ).
Déclaré officiellement à la Préfecture de Police le 13 Mars
1937, le Rassemblement Colonial compte une trentaine d'asso-
(1) LO~6 de ce cong~l6 le PCF d(cla~e~a n qu'il n'a jamal6 ~e­
nonc~ au p~lnclpe du d~olt de6'peuple6 a dl6po6e~ d'eux-mê.me6
ou d~olt a l'lnd~pendanœ. Il con61dl~e toute6016, en 6acé de
la menace 6a~cl6te, qu'il ne 6au~alt y avoi~ de 6alut pou~
le6 peuple6 coloniaux nO~6 de l'union indi6penJable avec la
d~moc~atle 6~ançai6e n. Cette p061tlon 6e~a popula~l6~e pa~
la c(lle~e 6o~mule de Tno~ez r citant L~nine ) " le d~oit au
divo~ce ne 61gnl6ie pa6 l'obligation de .divo~ce~ ft.
(2) ANSOM SLOTFOM XIII Ca~ton 1. Statut6 du Ra66emblement Colonial.

732
ciations, parmi lesquelles les organisations nègres sont for-
tement représentées. En font notamment partie, l'UTN,
la
LDRN, le Comité d'Etudes et d'Action Coloniale, l'Association
des Etudiants Martiniquais, l'Association France-Cameroun, le
Comité de Défense des Intér~ts du Cameroun, l'Association des
Navigateurs Nègres
( Bordeaux ),
la section havraise de la
LDRN, l'Amicale des Originaires de l'AOF
( Marseille), le
Comité de Défense des Inscrits Maritimes Coloniaux
( section
de Dunkerque de la LDRN ), la Fraternité Coloniale, le Comi-
té d'Entente Malgache, etc ••. De leur cOté, les Indochinois
sont présents par la voix du Rassemblement Indochinois et
les Nord Africains, par le biais des amis d'El Ourna et du
~arti du Peuple Algérien récemment créé pour remplacer l'ENA
dissoute par le gouvernement du Front Populaire. (1)
Cependant, à peine le Rassemblement Colonial est-il déclaré
que les communistes Indochinois
groupés autour de l'Associa-
tion d'Entr'aide et de Culture des Indochinois de Paris annon-
cent par la voie de l'Humanité qu'ils n'en font plus partie
à compter du 19 Avril 1937 ! (2)
En Juillet, ce sera le tour
du Comité d'Entente Malgache présidé par Ramananjato de par-
tir sous la pression des étudiants proches des communistes. (3)
Enfin, malgré les pressions constantes du PCF, ce n'est qu'en
Octobre 1937 que l'UTN quittera à son tour le Rassemblement
Colonial, lui rendant ainsi sa vocation première à savoir un
( 1) ANSOM S LOTFOM X'1I1 Ca.It.:to n. .-1 • No.:te de .6 yn..:thè..6 e .6 ult le Ra..6.6 em-
blem~n..:t Colon.~a.l.
1937.
[2)
L'Huma.n...tü 23 Avlta 1937.
(3)
ANSOM SLOTFOM rr Ca.It.:ton. 2. No.:te de lla.gen..:t ]oe 17 Aoû.:t 1937.
(4) ANSOM SLOTFOM TT Ca.It.:ton. 2. No.:te de l'a.gen..:t Coco 19-10-37.

733
groupement d'organisations nationalistes.
Le Rassemblement Colonial ayant décidé de se doter
d'un" Comité d'Honneur" " de~d-<'rté à. g./toupe./t def., pe./tf.,on.n.a-
i-<.~éf., ayart~ mart-<'6ef.,~é ieu./t f.,ympa~h-<'e pou./t ia cauf.,e def., coio-
rt~f.,ef., e~ f.,uf.,cep~-<'bief., de 6acii-<.~e./t évert~ueiiemert~ ief., ./teia~-<'on~
aux d-<.ve./tf.,ef."o./tgart-<,f.,a~-<'ortf., mé~./topoi-<'~a-<'rtef., ,,(1 l , une liste
est élaborée fin Avril 1937. Les communistes boycottent le
Rassemblement Colonial pour les raisons que l'on sait, ils
sont absents de ce Comité d'Honneur qui comprend, entre autres,
André Berthon, ancien député communiste de Paris, Félicien

Challaye, Joseph Lagrosilliêre, Jean et Robert-Jean Longuet,
Mr et Mme Maran, Victor Margueritte, Romain Rolland, Henry
Torrès, Mme Andrée Viollis, Léon Werth, Camille Drevet, Amédée
Dunois, rédacteur du Populaire, Max Clainville BIoncourt,
Madeleine Paz, Gaston Bergery, Paul Rivet, Gaston Monnervil-
(2)
le, etc ...
Le 17 Juillet, au cours d'un banquet organisé par
le Rassemblement Colonial, les principaux dirigeants d'orga-
nisations anticolonialistes sont présents. On remarque
Radjef Belkacem, Nguyen The Truyen, Ramananjato, Toan, Cenac-
Thaly, Paul Dussac, le secrétaire général du PC Malgache frat-
chement Il lâché n par le PCF, Mlle Toubland, etc .••
(1) ~N.SOM SLOTFOM xnr CaJt~Ort 1. S~a.~U~f., du Raf.,H.mf1ieme..rt.:t Coiol1-<'a.L
(2) B.C.A.F. N°;
Ju-<'Ue~ 1931 p. 364.

734
Lors de cette réunion, les uns et les autres prennent la pa-
role et de nettes divergences apparaissent. Pour Cenac-Thaly,
président âu Comité d'Etudes et d'Action Coloniales; proche
des socialistes, les colonisés doivent s'unir pour voir abou-
tir leurs revendications qui vont des mesures à prendre im-
médiatement, à l'assimilation complète, Il e.t même pouJt d'au-
.tJte.& !'émane~pa.t~on .to.ta!e ". Sans nommer directement le PCF,
il attaque ce dernier en disant que Il d'~n.teJtna.t~ona!L&.te ~!
e.&.t devenu na.t~ona!~.&.te " ajoutant même que depuis la consti-
tution du Rassemblement Colonial, il n'avait cessé de semer
la division en son sein. (1)
Il met les colonisés en garde contre ces manoeuvres et les
conjure de rester unis pour obtenir l'égalité des droits.
Dans les interventions de Paul Dussac, Radjef Belkacem et
Nguyen The Truyen, le sop de cloche est tout autre, mais le
PC est également dans leurs lignes de mire puisqu'il se dé-
gage de leurs interventions que les colonisés doivent s'unir
Il
pouJt a6a.ttJte !'~mpéJt~a!~.&me 6Jtança~.&, .&an.& pouJt ee!a
avo~Jt !e .&ou.t~en n~ !'a~de de paJt.t~.& p!u.& ou mo~n~ na.t~o­
na!~.&.te.& ou ~n.teJtna.t~ona!~~.te.& .&e!on !e.& ea.& ". (2)
L'union et la résolution, les dirigeants du Rassemblement Co-
lonial en donneront un magnifique exemple un mois plus tard,
en allant à la Présidence du Conseil en vue de protester contre
la situation prévalant en Indochine. (3)
(1) ANSOM SLOTFOM rrI CaJt.ton ;8. No.te anonyme du 20 Ju~!!e.t 193;.
(2)
Idem.
(3)
Vo~Jt V. ffemeJty .Révo!u.t~onna~Jte..&V-i:e.tnam-Len.&e'j;
I?OUVO~Jt
eo!on~a! e'nTndoen.~ne.
PaJtü, Ma.&peJto, 19;5 /526 P.

735
Autour de Nguyen The Truyen et Hoang Quan Gin, secrétaire du
Comité de Défense du
Peuple
Indochinois, on trouve, en ef-
fet, Raoul Cenac-Thaly, Emile Faure, Mlle Toubland et Arezki
Kehal, délégué du P.P.A., venus réclamer comme un seul hom-
me l'amnistie totale" pour les victimes de la répression
t~nt
récente qu'ancienne ", les libertés politiques et syn-
dicales et l'autorisation de pouvoir organiser en Indochine
un Congrès Indochinois destiné à élaborer un cahier de reven-
dications. (1)
Deux mois plus tard,
le Rassemblement Colonial organise un
grand meeting à la Mutualité, avec pour invités des person-
nalités telles André Berthon, Jean Longuet, Félicien Challaye,
Camille Drevet, Ben Abdallah président de l'Association des
Etudiants Nord-Africains, Habib Bourguiba président du Néo-
Destour et Ahmed Senhadji secrétaire-adjoint du P.P.A. (2)
La plupart des orateurs
réclament les libertés politiques
pour les peuples colonisés, mais cette grande manifestation
qui semble être un succès est la dernière véritable activité
du Rassemblement Colonial, dont la police note début Décem-
bre 1937 qu'il Il n'a plU6 au~une a~tivit(,
ni au~une vltalit(
( 3 )
d'au~une 6Q~te n
Le Rassemblement Colonial tente bien de lancer une
campagne contre les projets de rétrocession à l'Allemagne de
(1) ANSOM SLOTFOM xrrr Ca~ton 1. R(6uml de l'expo6( de Nguyen
The T~uyen. 25 Août 1937.
(2)
ANSOM SLOTFOM"Xrrr Ca~ton 1. Note de 6ynthl6e 6u~ le Ra6-
6emélement Colonial. O~too~e 1937.
(3) ANSOM SLOTFOM rr Ca~ton 2. Note de l'agent ]oe 7 V(~emb~e 1937.

736
de ses anciennes colonies, mais faute d'un
org ane de pres-
se et de l'appui des organisations de gauche françaises, l'ac-
( 1)
tion se limite à la publication d'une motion de protestation.
Les causes de l'échec du Rassemblement Colonial sont nombreu-
ses et parmi celles-ci on peut citer l'arrestation d'une de
ses principales figures de proue: Messali Hadj. (2)
Cependanc
la raison principale est sans aucun doute l'iso-
i
lement politique total dans lequel a da évoluer le Rassemble-
ment Colonial. Evidemment combattu par la droite, boycotté
par le PCF et royalement ignoré par le gouvernement du Front
Populaire, le Rassemblement Colonial a fait les frais de
l'évolution de la gauche française qui, suite à de nombreux
glissements, s'est ralliée sur la pointe des pieds à l'idée
coloniale, faisant passer JI les intérêts de la France" avant
ceux des peuples colonisés.
Un exemple parmi tant d'autres
de l'attitude adoptée par les" démocrates JI franç-ais, ou
prétendus tels, à propos de la question coloniale, nous est
donné par les propos tenus les la, 11 et 12 Septembre 1937 à
la Mutualité lors du Congrès International contre le Racisme,
l'antisémitisme, le fascisme et la guerre,
Où Lon n'aborda
pas la question coloniale. Choqués, des membres de l'UTN pré-
sentèrent une motion réclamant la suppression de l'indigénat,
--------------------------
(1) Ce texte décla.Jr.a.it que JI l'éma.n.cipa.tion de.6 colon.ie.6 e.6t la.
condition pJr.imoJr.dia.le de la. Pa.ix JI.
(2)
Me.6.6a.li Ha.dj a.va.it été a.Jr.Jr.êté a AlgeJr. le 21 Août 1931.

737
les libertés politiques et syndicales et l'épuration de l'ad-
ministration coloniale. La motion recueillit le suffrage de
tous les délégués nègres présents à ce Congrès, mais elle fut
rejetée par la commission des résolutions présidée par Gabriel
Cudenet sous prétexte qu'elle était de tendance" raciste et
nationaliste ". (1)
Ce n'était là qu'un début, puisqu'en Mai
1945, l'Humanité parlera du soulèvement nationaliste dans le
Constantinois
( Algérie)
sous le t i t r e " A Sétif, attentat
fasciste le jour de la victoire ". (2)
Si le Rassemblement Colonial avait péri faute de soutien et
de moyens, certains en disposaient à volon~é depuis la vic-
toire du Front Populaire. C'était notamment le cas de Tiémoko
Garan Kouyaté qui avait fait un spectaculaire revirement po-
litique.
3. Q~_~~~~!!:ÇQ~Q~~!ê~_~Q_~~Q:ÇQ~Q~~!ê~~_QQ_~~
~Q~~~~~!_!!~~~!~~-~Q~!!!gQ~-Q~_!~-§~-~QQ!~!~.
3.1. ~~~_i~!~~~_~~~~_S~~~g~~~~_~~_S~E'
Bien qu'ayant lancé dès la fin 1933 l'idée de re-
grouper les organisations coloniales dans uné sorte d'
"Union
InterColoniale bis ", Kouyaté s'est tenu complètement à l'écart
du Rassemblement Colonial, et ce n'est pas le moindre des pa-
radoxes pour un homme qui s'était fait,
depuis quelques temps,
(1) ANSOM SLOTFOM rr CQ~ton Z. Note du 17 Septemb~e 1937.
(2)
L 'f{umQn:i.té. 11 MQ,{. 1945.

738
le champion de l'unité. Cette attitude nouvelle s'explique par
le tournant politique opéré par ce dernier fin 1935; mais cela
étant dit, nous posons plus de problèmes que nous en résolvons,
car Kouyaté n'a jamais véritablement expliqué les motivations
de ce changement de cap. Une fois de plus, nous en serons
donc réduit à émettre des hypothèses.
En Juillet 1935, alors que la campagne de soutien à l'Ethiopie
bat son plein, Kouyaté lance l'idée de créer un journal dont
l'intitulé serait Africa. (1)
A l'époque, l'affaire tient
plus de l'utopie que du projet sérieux, Kouyaté ne disposant
ni des soutiens ni des fonds indispensables à la réalisation
d'une telle entreprise. (2)
Ces derniers paramètres n'ayant
apparemment pas changé, c'est la surprise qui prévaut lorsque
sort, début Décembre 1935, le premier numéro d'Africa.
L'étonnement est d'autant plus grand qu'Africa ne ressemble
en rien à ce que nous appellerions un journal " style militant n
Bien présenté, agrémenté de photos, agréable à parcourir,
Africa qui se veut" .t'oll.ga.ne. .te. P.tU4 a.61l.i.c.a.i.n de. dé6e.n.4 e. de.4
Pe.UP.te.4 a.61l.i.c.a.i.n4 ,,(3) soutient sans difficulté la comparai-
son avec le reste de la presse coloniale. On ignore le tirage
exact de ce premier numéro(4) mais, quoiqu'il en soit, la
question se pose de savoir comment Kouyaté a-t-il fait pour
réunir les fonds nécessaires à la publication d'un tel journal.
(1) ANSOM SLOTFOM rrr Ca.Il.~on 73. No~e. du 12 Jui..t.te.~ 1935.
(2) fxc..tu du PCF e.~ de. .t'UTN, mi..ti.~a.n.~ e.n ma.ll.ge. de.a a.aaoc.i.a.~i.ona
n.ègll.e.4, Kouya.~é a. de. aull.c.ll.o~~ de.4 di.66i.c.u.t~é4 POUIl. joi.ndll.e. .te.a de.ux
bOU~4.
(31 Soua-~i.~Il.e. du joull.na..t.
(41

En Nov. 35, une. no~e. de. po.ti.c.e. pa.Il..ta.i.~ d'un ~i.Il.a.ge. P044i.b.te. de.
40 000 e.xe.mp.ta.i.1l.e.4 pOUIl. .te. 1 e.Il. nI)
(MISOM SLOTFOM rn Ca.Il.~on 73 No~e.
du 23!JJ(35 ) ma.i.4 c.e. c.hi.661l.e. ne.'4e.1l.a. ja.ma.i.a c.on6i.ll.mâ.

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A F"IIIII CA

740
Dans une lettre adressée, début 36, au Gouverneur Général de
l'AOF, le Ministre des Colonies indiquait que" Kouyaté ava~t
~eçu de~ d~~~geant~ de la L~gue de V~~en~e de la Ra~e Nèg~e
l'a~gent né~e~~a~~e pou~ 6a~~e ~mp~~me~ ~on jou~nal ". (1)
Personnellement cette information nous semble peu crédible et
ce pour plusieurs raisons
1°) malgré l'exclusion de Kouyaté du PCF et son rapprochement
de la LDRN effectué à l'occasion de la campagne de soutien à
l'Ethiopie, ses relations avec Faure étaient loin d'~tre au
" beau fixe "
2°)
La JLDRN arrivant péniblement à publier la Race Nègre, on
voit mal comment Faure aurait pu prêter à Kouyaté l'argent
nécessaire à 11 impression d"Afrîca.
3°) Les deux hommes ne partageant pas la même vision des cho-
ses, on s'explique difficilement comment un homme de la trem-
pe de Faure aurait pu fournir des " munitions " à un de ses
adversaires potentiels.
Dans ces conditions sans doute faut-il regarder dans une
autre direction, à savoir celle de Gaston Bergery, fondateur
du Front Commun, puis du Parti Frontiste et éditeur du jour-
nal La Flèche. (2)
Les membres de l'UTN ne déclaraient-ils pas lors de la sortie
d'Africa que derrière" les masques noirs" des dirigeants
du journal
( lire Kouyaté ) se cachait" l'ombre blanche" de
(ll
ANSOM SlOTFOM III Ca~ton 73. Lett~e du M~n~~t~e de~ ColQn~e~
au Gouve~neu~ Géné~al de l'AOF, 13 ]anv~e~ 1936.
(2)
B~en que ~outenant le F~ont Popùta~~e, te Pa~ti F~ont~~te
" e~t pa~6o~~ di66i~~le a ~itue~ a gau~he n ~Qmme te dit C. L&auzu
(
Qp. ~~t. p.
20 5 J.

741
Gaston Bergery2(1)
Aucun début de preuve n'est jamais venu étayer une telle allé-
gation, mais i l demeure que Gaston Bergery a rédigé un arti-
cIe remarqué sur le " colonialisme " dans le premier numéro
d'Africa, dans lequel i l préconisait un plan de réformes
outre-mer présentant des analogies avec celui que présentera
plus tard Kouyaté. Partageant certains points de vue de Kou-
yaté, le leader du Front Commun a pu faire un geste pour l'ai-
der à lancer A'frica. Cependant, si coopération i l y eut, i l
faut tout de suite préciser qu'elle fut de courte durée puis-
que le second numéro d"A'frica n'était toujours pas paru à la
mi-Mars 1936, alors qu'il aurait da parattre début Janvier 1936.
Aussi, c'est peut être le caractère éphèmère de
cette coopération qui explique la création par Kouyaté en Jan-
vier 1936 d'un Comité Interna~ional de Rationalisation Econo-
mique
( C.I.R.E. ) dont i l espère, selon la police,
" tirer
un profit matériel n~2) Visant à mettre en oeuvre une" Nou-
velle Eeonom~e Pol~t~que qu~. ~ub~t~tuant la Coopé~at~on a la
Coneu~~enee, amél~o~e éeonom~quement le 6onet~onnement de~
Se~v~ee~ Publ~e~ et éd~6~e la Soe~été Mode~ne ,,(3), le CIRE
a pour président un certain Caracof, professeur à l'Ecole
des Hautes Etudes Sociales, pour vice-président un nommé Coquelet
directeur commercial, pour trésorier un sieur Milarmi et pour
(1) ANSOM SLOTFOM rrr Ca~ton 73. Note anonyme du 15 Véeemb~e 1935.
(2) ANSOM SLOTFQM rrr Ca~ton 112. Note de l'agent Véa~~é 17-04-36.
(3) ANSOM SLOTFOM
rrr Ca~ton 112. Statut~ du C.I.R.E.

742
secrétaire général l'inévitable Kouyaté. (1)
Mais à son plus
grand désespoir,
le CIRE ne tient pas ses promesses puisqu'il
dispara!t corps et biens au printemps 1936.
Après quelques mois d'existence,' Afrîca semble donc
voué à subir le sort réservé aux journaux nègres qui l'ont pré-
cédé lorsque survient la victoire du Front Populaire en Mai
1936. Par" miracle" le journal sort pour la troisième
fois en J~in 36, pour para!tre le plus régulièrement du monde
jusqu'en Septembre 1938. En fait,
le miracle a pour explica-
tion, l'allocation de fonds secrets à'Africa par le minis-
tère des Colonies, ainsi que par l'aide, sans doute recornrnan-
dée en haut lieu, de la très respectable Comp~gnie Paquet qui
a acheté des encarts publicitaires dans le journal. A l'épo-
que le soutien du ministère des Colonies à Kouyaté est d'ail-
leurs un secret de polichinelle, puisqu'Emile Faure dénonce,
lors de la constitution du Rassemblement Colonial,
" le.6
elèment.6 douteux Il comme Kouyaté " lequel e.6t .6ubvent-<:onne
paA le mini.6tèAe de.6 Qolonie.6 en la peA.60nne de Ga.6ton JO.6epn "(2)
A en croire une note de police datant d'Octobre 1942, ce
serait Galandou Diouf qui aurait mis Kouyaté en relation avec
Marius Moutet /1 qui II emploifa QOmme pAopagandüte et dont i.e. .
.6uivit 6idUement le.6 diAeQtive.6 ". (3)
(1) ANSOM SLOTFOM 1111112. Note de l'agent Ve.6iAé, 11 AVAil 1936
(2) ANSOM SLOTFOM rrr CaAton 18. Note anonifme du 16 MaA4 li31.
Tout pui.6.6ant ViAeQteuA de.6 A66aiAe.6 Politique.6 du m~ni~tèAe
de6 Colonie.6 depui.6 de nOmbAeu.6e6 annee4, Ga6ton JO.6epn etait
e66eQtivement le dl..6pen.6ateuA de.6 /1 6ond.6 .6péQiaux /1.
(3) C.R.V.A. Note de Aen.6eignement du SeAviQe de.6 A66aiAe.6
AlgéAienne.6 de MaA.6e~lle. 30 OQtobAe 1942.

743
Toujours est-il qu'adoptant Une attitude peu glorieuse, Kou-
yaté se compromet avec les milieux économiques coloniaux pour
mettre sur pied un " Rassemblement Colonial Français " destiné
officiellement à
" G~oupe~, dan4 le ead~e et 6ou4 le 4igne dea p~incipea
~épublicaina 6~ançaia, toute4 lea activitéa coloniale4,
en vue d'une collabo~ation con4t~uctive, tendant à hate~
l'évolution aociale, économique et politique dea peu-
plea juaqu'ici coloni4éa, et établi~ ent~e tOU4 une coo-
pé~ation mo~ale et maté~ielle " (1)
En fait i l s'agit d'une machine de guerre destinée à com-
battre le Rassemblement Colonial et dénoncée comme telle par
Faure et ses amis. Ne disposant d'aucun soutien parmi les co-
Ionisés, cette organisation brillera par son absence sur la
scène politique durant la période du Front Populaire et, com-
ble du comble, ,Kouyaté en sera Il débarqué" en Janvier 1938
par les dirigeants des organisations coloniales françaises. (2)
Au delà de ce que l'on peut après tout considérer comme des
broutilles, Kouyaté tombe alors dans le "9riotisme poli tique" ,
genre malheureusement toujours très en vogue en Afrique, qui
cqnsiste à louer sans retenue aucune les hommes au pouvoir.
(1) AFRltA
Numé~o Il. Mai 1937.
(2)
ANSOM SLOTFOM II Ca~ton 2. Note de l'agent Joe, 25 Jan-
vie~ 1938.

744
Ayant bénéficié des largesses du nouveau Ministre
des Colonies, Kouyaté en est aussitôt devenu le laudateur
pour le moins zélé. En Juin 1936 dans Africa i l proclame que
Il
le Gouve~nement du F~ont Populai~e a di~eQtion 6oQiali4te
e6t nl dan6 l'enthou6ia6me du peuple de F~anQe et de6 Colonie6 Il
et met en exergue Il l'a~deu~ de t~ibun 6oQiali6te ", II
Il
llo-
lmouvant6 Il
du coeur d'avocat Il au talent p~e6tigieux Il de
Marius Moutet. (1)
Le mois suivant, i l n'a pas
de mots

assez forts pour louer le Ministre des Colonies qui vient de
prendre, à l'occasion du 14 Juillet, des mesures de clémence
en faveur des prisonniers politiques indochinois. (2)
Dans
ces conditions, i l est difficile de savoir si les propositions
de réformes de Kouyaté sont vraiment des projets personnels
ou autant de " ballons d'essai" lachés dans l'air pour le
compte de son protecteur et commanditaire!~
A l'automne 1936, la tournée de Marius Movtet en AOF est com-
mentée sous le titre " Espoirs ressuscités par le voyage de
M. le Ministre des Colonies ,,(4)
et début 1937, Kouyaté se
fait le défenseur du projet Blum-Violette visant à accorder
la citoyenneté française à 22 000 Algériens. (5)
(1) A6MQa N°3 Juin 1936.
(2) A6~iQa N° 4 Juillet-Août 1936.
(3)
CO, La pÀopo6ition d'un 6tatut politique et ju~idiQue nouveau
6aite daM A6~i'Qa en OQtofHe-Novemo~e 1936.
(4) A6~iQa N°6 15 OQtoô~e-15 NovemB~e 1936.
(5) Africa N°8 Janvier 1937.

745
Mieux
i l dénonce" les réactionnaires fieffés" qui s'y oppo-
sent, sans que l'on ne sache s ' i l désigne ainsi les colons ul-
trasd'Algérie ou bien l'ensemble des opposants. au projet qui
comptent dans leurs rangs les nationalistes algériens, Messa-
l i Hadj en tête.
Si l'année 1936 a été celle de l'éloge de Marius Movtet, l'an-
née 1937 est celle du soutien inconditionnel à Marcel de Coppet
objet de critique de la part des milieux coloniaux français.
En Février, Kouyaté attaque" le.6 a.gent.6 de la. Jtéa.c.t'<'on .6oc.'<'a.-
le et du gJtO.6 c.ommeJtc.e .6oc.'<'a.l 11(1) et il lance le mot d'ordre
" Unité et collaboration disciplinée sous une seule
direc-
tion en AOF ". Tablant sur la jeunesse, i l lui déclare:
" Jeune& de l'AOF, no.6 a.&p'<'Jta.t.<.on.6 de Jténova.t'<'on c.om-
plè.tent et Jten6 OJtc.ent c.eU.e.6 de.6 j eune& métJtopoLt..t.a.'<'M.
T5\\..a.va.'<'llon.6 donc. tou.6 a i' un'<'6'<'c.a.tl:on da.M le.6 c.oe.uJt.6
et da.M le.6 6a..<.t.6, de l'un.Ué du bloc. 6Jta.nç.a.ù ", et de
c.onc.luJte"
SeJtJtez VO.6 Jta.ng.6 c.oude a c.oude a.utouJt de
notJte c.he6, Mon.6'<'euJt le GouveJtneuJt GénéJta.l de Coppet" (2)
Voyant grand, Kouyaté écrit au chef du service de publicité
de la Présidence du Conseil pour lui demander une importante
aide financière estimant que l'on pouvait" éva.lueJt .6a.n.6 c.on-
tJta.d'<'c..t.'<'on pO.6.6'<'ble. a un ml:n'<'mum de. 1 aoo 000 le nomoJte de
lec.teuJt.6 que nou.6 pouJtJt'<'on.6 touc.heJt en dl:.6po.6a.nt de mOifen.6
6'<'na.nc..<.e.Jt.6 plu.6 la.Jtg e.6 " ( 3 )
(1)
A6Jt'<'c.a. N°ll FévJt.{.eJt 1937.
( 2) A6Jt:i:.c.a. N° 12 J u'<'n 1 Il 37 •
(3) C.R.V.A. , LettJte de T.G. Kouya.té a.u c.he.6 du .6eJtv'<'c.e de. pu-
ol'<'c..<.té de. la. PJté.6'<'de.nc.e. du Con.6e.l:l. 22 FévJt'<'eJt 1937.

746
Plus i l désire obtenir une autorisation " pou~ expo~e~ pa~
~adio le~ ~en~imen~~ de~ Noi~~ du Came~oun e~ du Togo ~u~ le
p~oblème de la ~e~~i~u~ion éven~uelle de leu~~ pay~ à l'Al-
lemagne ". (1) D'aprês lui, grâce ~ une telle autorisation, on
pourrait entendre" La Voix de l'A6~ique Noi~e venan~ ~en6o~­
ce~ l'admi~able po~i~ion p~i~e pa~ Mon~ieu~ Ma~iu~ Mo~~e~ ~u~
ce~~e g~ave que~~ion ". (2) Sur ce, le Ministre des Colonies
demande au Gouverneur Général de l'AOF de lui adresser une
notice documentaire confidentielle sur A'frica de maniêre à
savoir ce qu'il en est exactement. Malheureusement pour Kou-
yaté, son" ami personnel ,,(3),
Marcel de Coppet est en tour-
née lorsque le courrier parvient à Dakar et c'est le Secré-
taire Général du Gouvernement de l'AOF, Geismar, qui ordon-
ne l'enquête et se charge de répondre à Paris.
S'appuyant sur une note de la SOreté Générale faisant état de
la faiblesse des ventes d"A'frica, .tl répond, à
juste titre,
sernble-t-il, que le journal" ne joui~ que d'une in6luence
a~~ez 6aible ", et bien qu'étant considéré comme Il un o~ga-
ne a ~endance~ ne~~emen~ gouve~nemen~ale~ " et il ajoute
" que ~on ac~ivi~é. ne ~emble ju~~i6ie~ aucun appui pa~~icui.ie~ "!4)
En conclusion Kouyaté devra se contenter de son tirage de
25 000 exemplaires !
(1) C.R.V.A. Le~~~e de T.G. Kouya~é au Che6 du Se~viee de Publici~é
de la P~é~idenc~ du Con~eil.
22 Fév~ie~ 1937.
(2)
Idem.
(3)
L'exp~e~~ion e~~ de Kouya~é..
(4) ANSOM SLOTFOM V Ca~~on 21. Le~~~e du Gouve~neu~ Gé.né~ai. de
l'AOF au Mini~~~i de~ Colonie~. 16 Av~il 1937.

747
Tenant désormais lieu d'allié fidèle du pouvoir, Kouyaté fait
ce qu'il "reprochait naguère à Blaise Diagne, à savoir qu'il
brftle ce qu'il adorait et qu'il adore maintenant ce qu'il
brQlait auparavant. Oubliant l'époque où il dénonçait le
scandale de la construction du Congo-Océan, on peut l'enten-
dre faire l'éloge du Gouverneur Général Antonetti, responsa-
ble de la construction du chemin de fer et critiquer seule-
ment ... la mauvaise qualité du matériel utilisé par la Com-
pagnie des Batignolles
! (1)
Dans le premier éditorial d'A"frica, Kouyaté avait déclaré
» le6 temp6 ont ehangl »(2),
mais force est de constater
que c'était lui qui avait changé, et cette évolution se ma-
nifestait particulièrement sur la question de l'émancipation
des peuples coloniaux.
Fin 35 donc, lors du Lancement d"~Afrîca, Kouyaté
publie un éditorial qui peut être considéré comme le premier
signe vraiment palpable de l'évolution politique qu'il a opé-
ré depuis son exclusion du mouvement révolutionnaire fin 33.
Dans un papier où se mêlent la sagesse, la désillusion et la
crainte de l'avenir, il déclare à l'attention du lecteur:
--------------------------
(1)
ANSOM SLOfFOM II CaIl.ton 2. Note de l'agent ]oe du 12 Novemoll.e
1937 6ai6ant le eompte-Il.endu d'une eon6lll.enee tenue d l'kotel de~
Soeiltl6 Savante~ en pll.é6enee de M. Antonetti (f).
(2) A61t:.Lè.a N° 1 1Jlee.moll.e 1B, •

748
" L'AoJt..i.que Mulève une muLt..i.tude de pJtoblème.6 pol..i.t..i.-
que.6, économ..i.que.6, .6oc..i.aux, cultuJtel.6 et ethn..i.que.6. V'une
paJtt le.6 dJto..i.t.6 natuJtel.6 de.6 peuple.6 a6Jt..i.ca..i.n.6 et de.6
collect..i.v..i.té.6 autochtone.6, d'autJte paJtt le.6 ..i.ntéJtêt.6
que de.6 nat..i.on.6 euJtopéenne.6 .6'y .6ont adjugé.6 paJt
la co-
lon..i..6at..i.on. V'une paJtt de.6 pJtétent..i.on.6 taJtd..i.ve.6 .6e dJte.6-
.6ent, encoJte .6anglante.6, pouJt ex..i.geJt un nouveau paJtta-
ge de ce malheuJteux cont..i.nent, d'autJte paJtt .6e man..i.oe.6te
la oeJtme volonté d'élèvat..i.on nat..i.onale et du ma..i.nt..i.en de
l'..i.ndépendance intégJtale de ceJttain.6 peuple.6 aoJtic a..i.n.6.
( ... J. Le.6 temp.6 ont changé. Le.6 jeune.6 généJtation.6
d'AoJt..i.que entJtent en .6cène an..i.mée.6 d'une volonté de Jté-
no vat..i.o n, le coeuJt Jt..i.che d'humanité, l'e.6pJt..i.t débaJta.6.6é
de.6 illu.6ion.6 d'antan
mai.6 oJtientée.6 veJt.6 le.6 Jtéali.6a-
tion.6 pJtatique.6, Jtationnelle.6 et incondit..i.onnée.6. Elle.6
demandent la paJtole ".(7)
Après dix ans d'engagement politique, Kouyaté constate que
les problèmes posés par l'Afrique sont nombreux et complexes.
Cette réflexion qui ressemble au premier abord à une La Palis-
sade, implique en fait toute une étude de ces problèmes
afin·
d'élaborer une ou des stratégies
politiques adéquates, ce qui
n'a pas été le cas jusqu'à cette date. Mais en matière po-
litique, Kouyaté a perdu ses Il. illusions d'antan Il et comme
nous le verrons plus tard, l'indépendance immédiate et sans
--------------------------

condition des peuples colonisés n'est plus à l'ordre du jour.
Désormais, i l n'est plus question que" d'élévation nationa-
le ", une formule bien floue qui passe sous silence le droit
des peuples à disposer d'eux-m~mes, et de maintien de l'in-
dépendance des peuples déjà souverains. Ce qui a amené Kouyaté
à réviser sa position, c'est sans doute la montée du fascisme
en Europe et ses conséquences aux colonies, telles les
" prétentions sanglantes" de l'Italie sur l'Ethiopie et la
campagne de l'Allemagne hitlérienne en vue de la restitution
de ses anciennes colonies. Kouyaté qui avait toujours com-
battu pour l'indépendance des peuples africains se voyait
soudain ébranlé dans ses convictions par la mise sous tutel-
le du plus vieil Etat indépendant d'Afrique qui préfigurait,
selon lui, un second partage du Continent qui ne pouvait
qu'éloigner l'heure de la libération.
Ainsi, autant la menace de guerre amènera Emile Faure à pro-
clamer plus que jamais la nécessité de l'indépendance des
peuples coloniaux, autant elle amène Kouyaté à abandonner
cette revendication au profit d'un aménagement du système co-
lonial.
Cependant, Kouyaté qui a milité pendant des années pour l'in-
dépendance, pour l'octroi des libertés démocratiques, pour
la suppression de l'indigénat, pour la généralisation de
l'enseignement, etc ••• ne peut, sans se trahir totalement,
se rallier au système colonial a~ors en vigueur.

750
c'est ici qu'entre en ligne de compte un homme comme Gaston
Bergery qui à la fois
" - ~epousse la vieille idle de 'te~~e d'exploitation'
qui a p~lsidl a toutes les conquêtes coloniales, malg~l
les p~ltextes humanitai~es dont on les a a66uôlles "
" ~epousse l'idle d' 'assimilation' des indiglnes aux
F~ançais " qui " pa~ce qu'elle est a~ti6icielle, chlml-
~ique, ne peut se~vi~ que de p~ltexte hifpoc~ite a la con-
tinuation d'une politique d'abso~ption "
- et " ~epouss e en6in l'idle de l'
'lvacuation pu~e et
simple' qui, elle- aussi, n'est qu'une 6o~mule dlmagogi-
que qu'aucun gouve~nement ne pou~~ait mett~e en p~atl­
que ( ... ) " celle-ci aboutissant a liv~e~ " un g~and
nomb~e de te~~itoi~e.A a une tif~annie ou a une ana~chie
locale - et le plus souvent, ne 6e~ait que de liv~e~ des
te~~itoi~es et populations a des impl~ialistes ~ivaux,
comme l'impl~ialisme japonais et italien ". (1)
Considérant que " Le colonialisme est condamnl a mo~t. Mais
le nationalisme aussi ", Gaston Bergery invite" les peuples
coloniaux,'dls leu~ lmancipation, a se g~oupe~ avec la mlt~o­
pole sous 6o~me 6ldl~ale ".(!)
(1)
A6~ica N°l Vlcemb~e 1935.
(2) Idl2.m. P~lcisons
que la 6o~mule J, Le colonialisme est COn-
damnl a mo~t. Mai4 le nationalisme aussi" n'est pas de Kouifatl
comme l'a66i~me B. Vavidson ( op cit pp. 190-191 l puisqu'elle
se t~ouve en toutes lett~es dans le mani6este du Pa~ti F~ontiste
adoptl a l'automne lB4 { c6.-' La'FLl'cn.e N°15 30 Mai 1936 }.

751
Renvoyant dos à dos assimilationnistes, nationalistes et com-
munistes, tout en ménageant sa sensibilité de démocrate, cet-
te formule ne peut qu'avoir l'assentiment de Kouyaté. Ces
vieux adversaires de l'UTN ne se tromperont d'ailleurs pas
sur ses nouveaux sentiments, répliquant dans le' Cri-des~Nêgres
par un article intitulé " Notre nationalisme " qui se terrni-
nait par cette phrase
" Le ~ouci de la dignitl nationale
de~ coloniaux comp4i~ 'aut4ement qu'a la 6açon de~ la4bin~'
conco4de avec leu4 intl4lt national et ~ocial ".(1)
En faisant sienne la conception de Gaston Bergery, Kouyaté ne
faisait que répandre, en la mettant au goQt du jour, l'idée
des Dominions qu'il concevait à l'époque comme la " voie pro-
visoire ,,(2) devant mener à l'indépendance. D'ailleurs en
Janvier 1937, il posera en termes pratiquement identiques à
ceux de 1928, l'alternative posée aU Gouvernement français:
Il
Ou bien a~~imile4 4l~olument le~ indig!ne~ lvolul~ en ma~-
~e ou bien adopte4 le ~q~tème 6ldl4ati6 de~ dominion~ dan~
le cad4e 64ançai~ ". (3)
Présenté comme le programme de Rassemblement Colo-
nial Français, le plan de réformes de Kouyaté est publié dans
A~rica en Juin 1937 sous le titre " Les principes directeurs
d'une transformation de l'Outre-Mer "~ Dans l'immédiat,
-------------------------
(1)
Le C4i de':!' N!g'Jr e~ 2.7 Av4il-Mai 1936.
(2) ANSOM SLOTFOM II Cali.ton 5. Tltact /1 Au peuple de. F4ance " 1928.
(3) AqAica N°8Janv. 37. En 1928 Kouqatl lc4ivait " Peuple de
F4ance, un dilemne t'e4 donc po~l : l'a~~imilation en bloc de
tou~ le~ indigène~ ~an~ 4e~t4iction.,
avec toute~ le~ coMlquen.ce~
logique~ et poli.ti.que~ de ce 6aA.."'t; ou Dien l'acceptation. de la
que~tion nettement nationale. de nos peuple4 pa4 la voie p40-
vi~oi4e de~ Vominion~ "

752
Kouyaté ne préconise aucune réforme politique, mais i l pro-
pose des réformes économiques qui ont pour but d'
" a.1L1Li..ve.1L
plLoglLe.~~i..ve.me.nt a lLe.donœlL le.ulL pouvoi..1L d'a.cha.t a.ux pa.y~ de.
l'OutlLe.-Me.1L e.t a i..ntêglLe.1L a.i..n~i.. 70 mi..lli..on~ d'a.che.te.ulL~ nou-
ve.a.ux da.n~ le. ci..lLcui..t de. la. plLoducti..on 61La.nça.i..~e. ". Par ail-
leurs, i l recommande la mise en valeur " de.~ 1Le.~~OUlLce.~ i..n-
du~tlLi..e.lle.~ ou mi..ni..èlLe.~,
( •.•. J, a.u plLo6i..t de.~ colle.cti..vi..té~
a.utochtone.~ a.ve.c la. colla.oolLa.ti..on 6i..na.nci..èlLe. e.t te.cnni..que. de.
la. MétlLopole. ". (1)
Pour l'avenir, Kouyaté propose l'institution d'un" lLégi..me.
6édélLa.l a.ve.c la. FILa.nce. poulL na.ti..on-gui..de. ", les colonies et
protectorats étant érigés en Etats fédérés " a.ve.c gouve.lLne.-
me.nt~ a.utonome.~ e.t i..ndépe.nda.nt~ " sur le modèle des Etats
.
(2)
.
Un1S.
Ce proJet ressemble à s'y tromper à la solution envi-
sagée par Marius Moutet lorsqu'il déclarait:
" I l 6a.ut 6a.i..1Le. de. no~ ~uje.t~ i..ndi..gène.~
de.~ nomme.~ a.ya.nt
le.ulL~ li..be.lLtêo, le.ulL dlLoi..t, le.ulL~ i..noti..tuti..ono e.t le.ulL
donne.1L le.~ élème.nto d'une. ma.tulLi..té économi..que. lLée.lle.,
clLée.1L une. économi..e.' qui.. ne. ~oi..t pa.~ ,subolLdonnée. ma.i..~ a.~'-
~oci..ée., 6a.i..1Le. de. l'éduca.ti..on le. moye.n e.t la. condi..t~on
de. l'a.oce.nci..on. En ~'a.tta.cha.nt pa.1L une. Oe.uvlLe. de. conS-
tlLucti..on pa.tie.nte. e.t te.na.ce. a ce. double e.66olLt, e.n lui..
a.ppolLta.nt le. ~outie.n de. la. MétlLopole., le. ~outi..e.n con~cie.nt
de. ~On e.xpélLie.nce. e.t de. ~e.~ 1Le.,s~ouILCe.S,
la. FILa.nce. pOUIL-
(1)' A11L1.ca. 12 Juin 1 q37.
(21 ANSOM SLOTFOM rrr Ca.lLton 78. Le.,s plLi..ncipe.s dilLe.cte.UlLs d'une.
tlLa.ns6olLma.tion de. l'OutlLe.-Me.IL.

753
» ~a 6ai~e de6
peUple6 indiglne6 qu'elle di~ige et in6t~uit
de6 peuple~ a66oeil6 a 6a vie, lib~e6 de leu~6 eoutume6
et de leu~ lvolution mai6 6ldl~l6 dan6 la F~anee d'Out~e­
Me~ ». ( 7)
Le principal problème soulevé par les projets de Kouyaté et
de Marius Moutet c'est que, contrairement au plan de Gaston
Bergery et à la constitution» avortée» d'Avril 1946, ils
,,'envisagent pas une union librement consentie. Si ils pro-
mettent les libertés, ils n'envisagent pas la Liberté fonda-
mentale réclamée par les peuples à l'issue de la première
guerre mondiale: la liberté des peuples à disposer d'eux-mê-
mes. Visant à faire voler en éclat le système colonial surrané
tout en préservant les intérêts vitaux de la France, le pro-
jet de Kouyaté sera repris, amendé, approfondi pour donner nais-
sance à l'Union Française puis à la Communauté, deux étapes
qui allaient conduire les anciennes colonies françaises d'A-
frique, du statut de colonies, à celui guère plus enviable de
néo-colonies. Mais en attendant, l'heure wétait plus aux
réformes car la guerre menaçait de plus en plus.
(7) ANSOM. PapLe~6 Mo~et. P.A. 28 Ca~ton 1. PolLtique ~lpuoli­
eaine et eoloniale, non datl.

754
CHft.PIlRE XII - CH.I\\CU~~ SA PATRIF, CHACU~ SES EN~[MIS 1
Début 1938, alors que le Front Populaire vient de
tomber et que la guerre menace chaque jour davantage, le mou-
vement nègre, toutes tendances confondues, a sombré corps et
biens. Seuls des individus tentent ici ou là de faire enten-
dre leurs voix. C'est ainsi que Faure proteste contre tout
projet de rétrocession à l'Allemagne du Togo et du Cameroun,
se prononçant au contraire pour leur indépendance.
Le Togo et le Cameroun, Kouyaté en parle aussi mais pour fai-
re l'éloge de " l'oeuvre farnçaise " dans ces territoires
dans les colonnes d'Afr~ca. Ces lignes sont d'ailleurs les

dernières, car avec la chute du Front populaire, i l a perdu
ses soutiens et faute d'argent i l doit cesser la publication
de son journal.
A situation exceptionnelle, attitude exceptionnel-
le, Emile Faure qui avait jusqu'alors rejeté toute collabora-
tion avec les organisations" blanches ", s'allie avec le
Parti Socialiste Ouvrier et Paysan de Daniel Guérin pour fon-
der un Centre de Liaison Anti-impérialiste. Refusant de choi-
sir entre la peste
( le nazisme ) et le choléra
( la défense
du système colonial ), cette organisation appelle à la mobili-
sation pour le combat en vue de l'indépendance.
Seul et abandonné de tous, Kouyaté n'en perd pas pour autant
courage puisqu'il cherche à fonder une Fédération Française
des Jeunesses Africaines dont le but ultime, mais inavoué, est

755
de lui donner une crédibilité politique qu1il compte bien uti-
liser une fois la guerre finie.

756
1. 1938
____ L
POINT FINAL A L'AGONIE DU MOUVE11ENT NEGRE._
Sur le plan politique, le premier évènement mar-
quant de l'année 1938 est le renversement du gouvernement
Chautemps qui sonne le glas du Front populaire. Cependant
pour la majorité des nègres, ce n'est qu'une péripétie sans
grand intérêt car ce qui les préoccupe au premier chef, c'est
l'éventuelle rétrocession du Togo et du Cameroun à l'Allema-
gne. Cette préoccupation n'est pas nouvelle, loin s'en faut,
puisque dès Janvier 1934 Le Cri-des- Nègres a dénoncé la cam-
pagne menée par les associations coloniales allemandes pour
la rétrocession à l'Allemagne de ses anciennes colonies. (1)
Après l'accord Laval-Mussolini, l'invasion de l'Ethiopie par
l'Italie et l'annonce faite par Hitler en Novembre 1937 de
son intention de conquérir un nouvel " espace vital " au mo-
yen de la force,
la menace se fait chaque jour plus précise.
C'est dans ce contexte que le Rassemblement colo-
niai, au sein duquel Faure joue un rOle clê,a publié en Dé-
cembre 37 un tract dans lequel " il pltoclame. n.au.te.me.n.t que.
le.~ .te.ltlti.toilte.~ coloniaux e..t le.ult~ n.aoi.tan.t~ ne. ~aultaie.n.t
co ntinue.!t a. ê.tlte. co n~idélté~ comme. bie.n~ me.uble.~
0 u mo nna.J.e.
d'échange. " e.t JI e.~time. que. l'émancipation de.~ colonie.~ e.~t
la condition pltimoltdiale. de. la paix ". rZ)
(1 ) Le. CAi de.~ ~è:qltu 4 Janvie.1t 1 '134.
(2)
ANSOM SLOTFOM II CaJi.ton. Z. JI Plto.te.~ta.ti:on " du Ra~~e.mble.­
me.nt Colonia.l. 16 Véce.molte. 1'137.

757
Début Janvier 1938, Rosso et le poète Haïtien Jacques Roumain (1)
sont mandatés par l'UTN pour engager des discussions avec le
Rassemblement Colonial en vue d1envisager une action commu-
ne contre la rétrocession du Togo et du Cameroun à l'Allema-
gne. (2) Par ce biais les dirigeants de l'UTN espèrent sans
doute recréer l'unité d'action qui a prévalu lors de la cam-
pagne de soutien à l'Ethiopie et par là même redorer le bla-
son de l'UTN qui est au plus mal. Cependant, contrairement
à l'Ethiopie, le Togo et le Cameroun ne font pas partie de
/1
la
4aùlte tltùlité de4 nationalù>.te4 nèglte4 /1 (3), et ce
faisant, leur capacité mobilisatrice est moindre.
Mais surtout depuis 1935, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts
et plus précisèment, le Front Populaire a ravivé les divisions
prééxistantes. Comme nous l'avons vu, Kouyaté en est âevenu
(1)
Ayant été obligé de quittelt HaZti à caU4e de 4e4 op~n~on4 com-
muni4te4 en 33, J. Roumain a d'aboltd tltouvé lte6uge en Belgique.
PUi4 plto6itant de la victoilte du Fltont Populailte, il e4t entité
clande4tinement en Fltance à l'occa4ion de l'Expo4ition Inteltna-
tionale de 1931. Plti4 en chaltge palt le PCF, il a Itapidement Ite-
plti4 4e4 activité4 de militant et c'e4t ain4i qu'il paltticipelta
en Févltielt 31 à une con6éltence oltgani4ée à l'occa4ion du centenai-
Ite de la moltt de PouchRine. Abonné au Clti de4 Nèglte4 depui4 Véc.
1931, il adhéltelta à l'UTN et paltticipelta activement à 4e4 quelque4
activité4.
(2)
ANSOM SLOTFOM II Caltton 2. Note de l'agent Joe.
11-01-38.
(3) POUIt Ludovic Moltin-Lacombe, auteult de cette eXplte44ion, la
/1
4ainte tltinité de4 nationali4te4 nèglte4 » compltend: JO)
l'Ethiopie, empilte millénailte advelt4ailte et allié de cette autlte
civili4ation millénailte qu'e4t l'Egypte et 4eul Etat nèglte à avoilt
con4eltvé 40n indépendance. 2°) HaZti, Itépublique nèglte indépendan~
te et 4ymbole de
l'émancipation de4 e4clave4 palt leult pltoplte 601t-
ce. 3°' Le Libéltia, Etat indépendant, 4ymbole du Itetoult de4
e4clave4 en A6ltique. Ludovic Moltin-Lacombe : Le 1t6le émancipateult
de la Itépublique nèglte d' HaZti. PaltÜ IS, d. ,30 p.

758
le serviteur fidèle, Faure et ses amis s'en sont faits les
critiques acerbes, et les dirigeants de l'UTN conseillés par
la PCF ont, à la fois, dénoncé le comportement Il anti-Front
Populaire Il des nationalistes et le ralliement inconditionnel
de Kouyaté. Plus que jamais, il apparaît donc difficile d'unir
tous ces hommes dans un m~me combat. Malgré tout Fin Janvier,
les discussions entre l'UTN et le Rassemblement Colonial
aboutissent à la rédaction d'un tract commun" ContAe toute
AedL6tAibution de!> c.of.onie~
" qui proc1amme :
" qu'if. ~oit c.oupé c.oUAt à. c.e!> maniganc.e!> et c.onvoitil.>e~,
en tAan!>6oAmant
f.e!> mandant!> B ac.tuef.~, en mandant!> A
qui c.ompoAtent f.'évof.ution de!> Peupf.et> intéAet>~ét>
veA!>
f.euA émanc.ipàtion dan!> un temp!> f.imitê, et en attendant
c.ette émanc.ipation, de f.euA Oc.tAoqeA immédiatement f.es
dMit~ et f.i.beAté!> démoc.Aatique~ ". (7)
S'appuyant sur ce premier succès, Faure tente de ranimer le
Rassemblement Colonial et il convoque toutes les organisa-
tions nègres de Paris afin d'étendre le mouvement (2) , mais en
vain, semble-t-i1. Il est vrai qu'à peine a-t-il commencé
à coopérer avec l'UTN que celle-ci se fait vertement tancer
par les responsables de la section coloniale qui lui enjoi-
gnent de cesser toute collaboration avec Faure. (3)
A peine entamée, l'unité d'action s'effiloche déjà. Obstiné
Faure lance une autre initiative en proposant au
Rassemblement
Mondial Contre le Racisme et l'Anti-sémitisme et au Secours
(1) ANSOM SLOTFOM Ir CaAton Z.
(Z) ANSOM SLonOM n CaAton Z. Note de f.'agent COc.o Z.8~Q1~·38.
(3) ANSOM SLOTFOM rr CaAton 2. Note de f.'âgent Joe 8 MaA!> 1938.

759
Popul~ire Français d'organiser, de concert avec le Rassemble-
ment Colonial, un meeting de protestation contre le retour
des anciennes colonies à l'Allemagne et contre l'arrestation
des principaux dirigeants du PPA. Lecache et Planque, repré-
sentant les deux organisations ci-dessus citées, rejettent
la proposition en arguant que certains dirigeants du Rassem-
blement Colonial sont /1 de-6 ennemi..s dé.c.la.lté...s et c.onnu..s du
Fltont Popula.ilte /1. (11
Cette fois-ci,
force est donc de constater qu'aucune action
commune n'est envisageable et que, par conséquent, chacun
ira à la bataille en ordre dispersé. La raison de cet échec
repose pour une bonne part sur les divergences d'opinions, re-
latives à l'avenir du Togo et du Cameroun. Pour Faure et ses
amis, la solution est simple: le Togo et le Cameroun doi-
vent purement et simplement devenir indépendants. (2)
De son
cOté, l'UTN qui renvoyait jadis dos à dos l'impérialisme fran-
çais et l'impérialisme allemand en préconisant l'indépendanc~3),
a abandonné cette position au profit. /1 du ma.intien inc.ondJ:tion.-
né. du ..sta.tu quo c.olonia.l a.c.tuel ".(4)
Quant à Kouyaté, depuis Juin 1936, i l ouvre les colonnes
d'Africa à des articles faisant l'éloge de " l'oeuvre fran-
çaise " au Togo et au Cameroun.
Il] ANSOM SLOTFOM rr Ca.ltton 2. Note de l'a.gent Joe 15 Ma.It..s 1938.
(2) Cô. Le texte de la. dé.c.la.lta.tion du Ra.-6..semôlement Colonia.l
~u 10 Vé.c.emblte 1931 o~ c.it.
(3), (4) BU.Ue:ti.'nde l'UTN NQ 2 AvltU 1939.

760
Mais au-delà de ces divergences, une constatation s'impose:
le mouvement nègre agonisant depuis 1933 est désormais mort
et bien mort.
L'UTN, privée de journal depuis le printemps 36, a bien ten~
té de publier un bulletin mensuel à partir d'AoQt 1938, mais
celui-ci est tellement de mauvaise qualité qu'il est illisi-
ble par e~droit. Ronéoté sur quatre pages, i l peut tout jus-
te rivaliser avec les journaux paroissiaux et encore. D'ail-
leurs les dirigeants de l'UTN savent fort bien à quoi s'en
tenir, essayant tant bien que mal de sauver la face en décla-
rant : » Nou~ ne ~omme~ au ~e~viee de pe~~onne et n'avon~ _
aueune SUBVENTION. Nou~ ~omme~ pauv~e~ mais LIBRES et INVE-
PENVANTS lI, (1) Pour l'anecdote, notons que Jacques Roumain
qui avait été déçu par ses discussions avec Léopold Sédar
Senghor (2)
et Kouyaté et qui considérait que l'UTN » était
la ~eule o~gani~ation ~l~ieu~e, 6onetionnant a Pa~is » (3) a
fini par démissionner de l'UTN, découragé par la carence de
ses membres. (4)
D'autre part, Rosso, hostile à la ligne du PC visant à ména-
ger le gouvernement français face à la ,montée du fascisme, a
été marginalisé au sein de l'UTN au point qu'il refuse, dé-
but 1938, d'y assumer toute responsabilité. (5)
lI)
Bulle:tin 'clel'UTN N°l Aoû.t 1938.
(2) Vans une lett~e a l'auteu~, L.S. Sengho~ a66i~me n'avoi~
pa~ eonnu Rouma~n, mai~ l'avoi~ ~eulement lu. Lett~e de L. S .
Sengho~ 13 Septemb~e 1985.
(3) ANSOM SLOTFOM rI Ca~ton 2. Note de l'agent Coeo 30-1'1 -31.
(4)>>

n
n
n
n
n
n
n
n
10 Mû: 38.
(5) ANSOM SLOTFOM TT Ca~ton f. Lett~e de Roa~o aux di.tcigeant~
de l'UTN 13 Janvie~ 1938.

761
Après le départ de Kouyaté, la semi~retraite de Rosso donne
le coup de grace à l'UTN.
Du cOté du Rassemblement Colonial, les cnoses ne vont guère
mieux. A l'arrestation des principaux leaders du PPA est ve-
nue s'ajouter la démission de Cenac-Thaly qui dénonce" la
duplù.Lté et la démagog-i.e " de Faure et Nguyen The Truyen. (1)
Affaibli, le Rassemblem~nt
Colonial n'est plus qu'une fic-
tion, ou plutOt un sigle brandi de temps à autre par Emile
Faure.
Quant à Kouyaté, malgré les louanges qu'il s'est empressé
d'adresser à Georges Mandel, quia pris la succession de "Marius
Moutet au ministère des Colonies depuis Avril 1938, il ne
bénéficie plus des soutiens d'antan. Le seul allié qui lui
reste est sans doute Marcel de Coppet dont il a pris la dé-
fense à plusieurs reprises dans les colonnes d'Africa.
Malheureusement pour lui, le GOuverneur Général de l'AOF est
remplacé à son poste fin Octobre 38 par Boisson, qui jouera
plus tard la carte de Vichy, au poste de Haut-Commissaire de
l'AOF. C'est sans doute la conjonction de ces deux départs
qui entraîne la cessation de la parution d-'Africa en Septem-
(1) ANSO~ SLOTFO~ II Ca~ton 2, Note de l'agent Joe 18-1-38,

762
bre 1938. (1) Désormais réduit au silence, Kouyaté n'est pas
oublié pour autant puisqu'il reçoit 1 500 francs par mois
du CAl jusqu'en AoOt 1939. (2) Entre autre chose, sans doute
est-il chargé de conseiller dans le bon sens les tl Camerou-
niens " de Paris, puisqu'il fait office de conseiller de
l'Association France-Cameroun. (3)
(1) V'ap~è~ P. Vew~tte op c~t p. 453, c'e~t en ~a~~on de~ p~~~e~
de po~~t~on " mun~cho~~ e~ " de Be~g e~y lO~â de la c~~~ e de~ ~ u-
dète~ que ce de~n~e~ ~~t ce~~ é de ~ outen~~ Mnanc~è~emen.t" A6n.:·Lca
dan~ l~quel Kouyaté ~'oppo~a~t a toute conce~~~on a l'Allemagne.
Nou~ ne pa~tageon~ pa~ du tout ce po~nt de vue ca~ il nou~ pa~aZt
tout a 6a~t ~mpMpable que Be~ge~y a~t 6~nancé A6n.Üa au-delà du
le~ numé~o.
En e66et ap~è~ la v~cto~~e du F~ont PopulaL~e, tout
a oppo~é Be~ge~y a Kouyaté. Ce de~nLe~ a ~outenu le p~ojet V~olette
[ c6 A6n.:i'ca N° 8 Janv. 31 ),~ Be~ge~y le cond~dé~aLt comme un pM-
jet " ant~-démoc~at~que ", "a~~~milat~onnL~te ", " qu~ coMac~cUt ~IU..
p~~v~lège~ "( c6 La Flè.che N° 50 Janv. 31 J. Be~ge~y a dénoncé la
dù~ olut~on de l'ENA et l' ~nte~d~ctLon du Co ng~è~ rndoch~noù,
Kouyaté n'en a pa~ pLpé mot. En6~n et ~u~tout dè~ Janv~e~ 31,
Be~ge~y e~t~ma~t qu'une ~e~tLtutLon de~ anc~enne~ colonLe~ a
l'Allemagne " ~e~a~t dé6endable ~L elle ava.i.t pou~ cont~e-pa~t~e
une o~ganùat~on ~ol~de de. la paLx en Eu~ope " ( cfill-Ft'è-c.n.e N°48
O~ a la même époque Kouyaté p~oclama~t " Pa~ un pouce de te~~~to~~e
cameMunaù et togolaÙ a l'Allemagne" (c6.' A6n.ic.a N°9 Fév. 31).
·A la vue de ce~ que~que4 d.i.ve~gence~ le mo~n~ que l'on puL~~e
d~~e, c'e~t que l'on ~Iexplique mal pou~ ne pa~ d~~e pa~ du tout
pou~quo~ Be~ge~y au~aLt 6~nancé un jou~nal qu~ p~enaLt p~e~que
~y~témat~quement le cont~e-pLed de ~eâ po~LtLon~ polLtLque.~, notam-
ment en matLè~e colon~ale.
(2) ANSOM SLOTFOM r Ca~ton 5. Nou~ ~gno~on~ a pa~t~~ de quand
Kouyaté a été JtéillUlll\\.é~é pa~ le CAr, maù ~l e~t p~ooable que cela
date de l'a~~Lvée de M~et au mLn~~tè~e de~ Colon.i.e4.
(3) AN$OM SLOTFOM rrr Ca~ton 109. Vu~ant l'été 39, Kouyaté 6e~a
tout pou~ 6a~~e 6u~Lonne~ l'UnLon CameMunaùe e.t le ComLté N'at.i.o-
nal de Vé6en~e de~ rnté~êt4 du Came~oun en une âeule et unLque a~40­
ciat.i.on Lntitulée F~ance~Came~oun dont la ~evendLcatLon e~4entLel­
le ~e~a le maint~en du mandat 6~ança~~ au Came~oun.

763
Après les accords de Munich en Septembre 1938, le film des
évènements s'accélère. Le mouvement nègre ayant disparu corps
et biensJce ne sont plus que des individus qui vont prendre
position vis-a-vis de la guerre qui s'annonce.
Début 1939, alors que la guerre n'est plus qu'une
question de temps, dans un dernier sursaut, des hommes venus
d'horizons politiques très divers tentent de redonner droit
de cité au combat anti-impérialiste. Ainsi, les Trotskystes
Indochinois, organisés au sein du Bureau d'Entente des Indo-
chinois de France ( BEIF ) avec à leur t~te Nguyen Van Linh,
décident d'adhérer au Rassemblement Colonial. Ce ralliement
peut surprendre, mais il s'explique par le fait que pour le
BEIF 1/ la te.M-ton ac.tue.lle. e.ntJte. le.4 pu-t4sanc.e.4
'démoc.Jtat-t-
qUe.4' e.t le.~ pu-t~4anc.e.4 'total-tta-tJte.~' opppo~e. e.n 6a-tt de.ux
bloC.4 -tmpéJt-tal-t4te.4 Il. (1) Dans ces conditions, le BEIF dit ne
pas pouvoir Il paJttage.Jt l'avù de. c.e.ux qu-t c.Jto-te.nt que. le.4 c.o-
lon-t4é4 do-tve.nt pJte.ndJte. la dé6e.n~e de~ démoc.Jtat-te.s
c.ontJte. le. 6aSc.-t4me.. Une. te.lle att-ttude. aoou.t,(,t e.n dé-
6-tn-tt-tve. a un nouve.au lOlfal-t~me. v-t~-a-V-t4 de l'-tmpé-
Jt-t alù me. Il. (2)
Cependant le BEIF précise qu'il ne croit pas que
(1) ANSOM SLOTFOM X!!! CaJtton 1. Pla,t~-6oJtme du BEIF.
(2)

Idem.

764
" Le.-6 colonùé-6 doive.nt. -6 'appuye.1L -6ulL l'impélLiaf...üme.
adve.lL-6ailLe. du le.ulL comme. un -6out.ien -6ÛIL dan-6 la lut.t.e.
POUIL le.ulL indépe.ndance.. Ce.t.t.e. conce.pt.ion amène. le.-6 pe.u-
ple.-6 coloniaux a 6ailLe. le. je.u d'un aut.lLe. impélLiali-6me. calL
la vlLaie. émancipat.ion ne. pe.ut. êt.lLe. que. l'o~~vlLe. de.~ in-
t.élLe.-6-6é-6 eux-mëme.-6."lll
Cette convergence de vues entre les nationalistes et les trots-
kystes Indochinois, tous deux hostiles à voir les coloniaux
jouer les supplétifs dans un camp ou un autre va déboucher
sur une prise de contact entre le Rassemblement Colonial et
le Parti Socialiste Ouvrier et Paysan récemment fondé par
Daniel Guérin et ses amis. Lors d'un entretien avec Emile
Faure, au siège d" El Ouma, Daniel Guérin expose le projet
de créer à Paris un centre anti-impérialiste sur le modèle de
celui animé à Londres par George Padmore, de manière à
coo~-
donner l'action des groupes français luttant
contre le ca-
pitalisme avec celle des colonisés luttant contre l'impéria-
lisme. Outre la création de ce centre, Daniel Guérin propo-
se d'ouvrir les colonnes de Juin 36 aux colonisés. (2)
Au sein du Rassemblement Colonial, la LDRN et le PPA sont
favorables à ce projet mais Nguyen The Truyen s'y oppose par-
ce qu'il voit d'un mauvais oeil la présence de ses compatrio-
tes trotskystes. (3)
(1) ANSOM SLOTFOM XIII CalLt.on 1. Plat.e-&olLme du BEIF.
(21 ANSOM SLOTFOM XIII CalLt.on 1. ~ot.e.-6 de.-6 20-02,8,21 et. 23-Q3-39.
(31 ANSOM SLOTFOM
XlIr CalLt.on 1. Not.e du 23 MalL~ 1939.

765
Finalement le PPA, le Néo Destour, la LDRN, le BEIF, le PSOP et
le Rassemblement Colonial forment un Comité d'Organisation Pro-
visoire qui tient sa premiêre réunion le 31 Mars 1939. A cet-
te réunion sont présents Ferrat/ex-responsable de la section
coloniale
exclu du PCF en 1936, le
tunisien Kefacha,
Ebelé'et trois autres personnes dont on ignore l'identité.
Prenant la parole Daniel
Guérin expose le but de la réunion
qui est de dresser la liste des orateurs qui prendront la pa-
role lors de la conférence constitutive du Centre Anti-Impéria~
liste prévue pour le 29 Avril. Il propose de retenir les noms
de Marceau Pivert (1) , Robert Louzon(2) , Georges Pioch(3) ,
Félicien Challaye, Fenner Brockway(4) , George Padmore, Emile
Faure, Lamine Guèye, M. Depreux, aiasi que des réprésentants
de la CGT, du PPA et du Néo Destour.
Prévue aux Sociétés Savantes, la conférence sera présidée
par Marc casati(5)et c'est Ferrat qui est chargé d'en con-
cevoir l'affiche dont le titre sera" le..6 c.olon-i.a.ux ont le.ull
mot à. d-i.lle. ". (6)
Cependant, une partie de ses efforts se revêle être vaine
puisque la conférence est interdite par les autorités fran-
..
çaises. (7)
(7) Anc.-i.e.n me.mblle. de. l'a.-i.le. ga.uc.~e. de. ta. SFIO, me.mblle. 6onda.te.ull
du PSOP.
(2) Ex-me.mblle. du PCF, R. Lauzon e.at un de.~ a.n~ma.te.ull.6 de. la.
voiu:tùmPllco ;t't:ta.Il-i.e.-nne. •
(3) Ex-me.mblle du PCF.
(4) V-i.Ili.ge.a.nt de. l'Indepe.ndent La.oou.1l Pa.llty-, a.ni.ma.teu.1l du Centile
Ant-i.-Impélli.a.li.4te. de. Londlle.a.
(5) Me.mblle. du. Comi.té de Vi.gi.la.nc.e. de.4 Intelle.c.tue.l.6 Anti.6a.4c.i..6te.4,
.6e.c.lléta.-i.Ile. du Comi.té de. Vé6e.n4e. de.!.. Pe.Uple.4 Coloni..6é!...
(6) ANSOM SLOTfOM III Ca.Ilton 119. "ote du 3 AvJLi.l 1939.
(1) C. L-i.a.uzu o~ ~-i.t. p.68.

766
Malgré tout, le 29 Avril 1939, le Centre de Liaison Anti-Impé-
rialiste
( C.L.A.I.
) voit le jour. (1)
Lors de cette réunion,
les assistants désignent Emile Faure pour occuper les fonc-
tions de secrétaire et i i adoptent une plate-forme rédigée par
. 1
~.
(2)
1 1 '
t
l '
Dan~e
Guer~n.
Dans ce
e-C~ on peu
~re:
" Le Cen~~e de llal60n an~llmp(~lalla~e ae p~opoae de
~oo~donne~ l'a~~lon de ~oua lea g~oupemen~a qui, dan6
le6 paya ~olonlaux, lu~~en~ ~on~~e l'lmpé~lall6me ô~an­
~ala e~ de ~eux qui, lu~~an~ dan6 la m(~~opole ~on~~e
le ~apl~allame ô~an~ala ~omp~ennen~ que ~'e6~ l'ln~é~ê~
de6 un6 e~ de6 au~~ea de ~onjugue~ leu~a eôôo~~6, ~a~
le ~apl~allame qui explol~e lea ~~availleu~a m(~~opoll­
~alna ~l~e aa ôo~~e p~ln~lpale de l'ea~lavaglame ~olo­
nlal ". (3) En soi cette analyse n'a rien d'originale
puisque c'était celle mise en avant par l'Internationale Com-
muniste dans les années vingt, mais sa réaffirrnation dans le
contexte de l'immédiate avant-guerre constitue un véritable
évènement, ~ l'heure où de partout fusent les appels à l'uni-
té nationale et à l'
" union du peuple de F~an~e e~ de6 ~o-
lonle6 ". Justement, les animateurs du CLAI dénoncent la volte-
face du PCF et de la SFIO en déclarant que
:
"Lea peuplea ~olonlaux odleu6emen~ ~~omp(6 pa~ ~e~~alne6'
o~ganl6a~lon6 aol-dlaan~ p~ol(~a~lennea de la m(~~opole
qui 6e aon~ ae~vLd d'eux ~omme d'un ~~emplln (le~~o~al
(1)
C. Uauzu op. ~lLp.61.
(Z)
Vanlel Guê~ln. Au 6e~vlc.e de.4 c.OlOYlÜ(4. 1930-1954, Pct~16
(d. de Mlnul~, 1954,p. 111.
(3)
Plate-ôMme du CLAI puoll(e dan,$"Ju:tn."6.5 Mal IB'l.

767
» e~ on~ Aenil Qyniquemen~ le~ alllQhan~e~ pAOme~~e~
qu'il~ avaien~ 6ai~e~, ne peuven~ plu~ aQQoAdeA leuA
Qon6ianQe qu'aux oAgani~a~ion~ ouvAièAe~ ml~Aopoli~ai­
ne~ Aé~olue~ a meneA la lu~~e an~iimpéAiali~~e d'une
6açon ab~6lumen~ ~inQèAe e~ dé~in~lAe~~ée ».(1) Pour
Daniel Guérin, Emile faure, etc
» la nlQe~~i~l d'un Cen~Ae de Liai~on an~iimplAiali~te
~e 6ai~ paA~iQ~lièAemen~ ~en~iA a l'heuAe oa la bouAgeoi-
~ie 6~ançai~e paAle de '~e AeplieA' ~uA ~on EmpiAe,
( ... ). Mai~ Qe ~on~ ~UA~OU~ le~ menaQe~ de gueAAe aQ~uel­
le~ qui Aenden~ indi~pen4able4 la Qonjugai~on de ~ou~e4
le~ 60AQe~ an~i-impéAiali~~e4 ».(2)
Face à cette guerre ~mminente qui préoccupe tout un chacun,
le CLAI a une position bien définie :
» Au momen~ oa l' implAialüme 6Aançaü invi~e le4 peuple~
pM lui 0ppAiml4 a. dl6 endAe l' 1in~lgAi~l de l' EmpiAe.' ,
le Cen~Ae de Liai40n an~i implAiali4~e dlQlaAe que, dan4
le Qon6li~ de demain, le dAOi~ e~ la ju~~iQe ne ~eAaien~
ni dan4 un Qamp ni dan4 l'au~Ae, que l'in~éAê~ de~ peu-
ple~ Qoloniaux ~eAai~ de ne pAendAe paA~i ni POUA un
Qamp ni pOUA l'au~Ae •. NOU4 denonçon4 a. la 6oi4 le4 im-
plAiali~~e~ nan~i4 qui aAmen~ jU4qu ' aux den~~ pouA QOn~eA­
veA le bu~in qu'il~ on~ QOnqui4 paA la violenQe e~ le4
(1)
Pla~e-6Mme du CLAr publiée daM- ;-ui.n' 36 . 5 mai 1 Bq.
(l)
Idem.

768
" impéJtiali!.>te!.> moùt!.> bien !.>eJtvù qui aJtment ju!.>qu'aux
dent!.> pouJt JtaviJt aux pJtemieJt!.>, paJt la violence, une
paJtt de leuJt.butin ".(1)
Cette position courageuse, la seule juste à nos yeux, s'appu-
ye sur un argument en béton que le mouvement communiste au-
rait été bien inspiré de prendre en compte, à l'époque, pour
éviter le ridicule que constituait l'appel fait aux colonisés
de soutenir les démocraties contre le fascisme. Car comme le
dit le texte " lea peuple!.> coloni!.>é!.> ne peuvent compJtendJte cet-
te !.>oi-di!.>ant oppo!.>ition idéologique entJte démocJtatie et 6aaci!.>-
me caJt il!.> n'ont jamaia béné6icié dea libeJttéa démocJtatiquea n(21
et l'on aurait pu ajouter que pour les COlonisés, le bilan
d'un siècle de tutelle" démocratique" signifiait massacre,
vol, viol, pillage, travail forcé, enrOlement de force, néga-
tion de la personne humaine, sa~s parler des dizaines de mil-
liers de morts, de la " pacification ", du Congo-Océan, ou
de l'Office du Niger pour ne parler que de l'Afrique.
Rappelant ce qu'a été la première guerre mondiale pour les
COlonisés, le texte proclame
n rl!.>
ne lai!.>aeJtont paa ae JtenouveleJt la tJtagique dupe-
Jtie dont ila ont été victime!.> de 1914 à 1918. rla aavent
ce qu.e valent lea pJtomeaaea de ceux qu.<. ne leuJt paJtlent
d' 'égalité dea dJtOita' que le jouJt où. il!.> ont oe!.>oin
de leuJt a ang et qui, enauJ:te Jtenient cyniquement lea
engag ement!.> pJtù " ( 3 )
.
(1)
Pla.te-6oJtme du CLAI']uin-'6 . 5 Ma.i 1939,
(2)
Idem.
(3 )
Idem.

769
En conclusion, il déclare :
" r.e.-6
! le.-6 c.olonÜé-6 ) -6ont. /r.é.-6olu-6 a ut.i.lüe./r. e.n t.e.mp6
de. gue./r./r.e. c.omme. e.n t.e.mp6 de. pai.x, t.out.e.-6 le.6 c.i./r.c.on6t.an-
C.e.6 pou/r. -6e. li.bé./r.e./r. a la 60i.6 nat.i.onale.me.nt. e.t. 60c.i.ale.-
me.nt.. Tl-6 ne. c.onçoi.ve.nt. pa6 la dé.6e.n6e. de. le.u/r. 60l t.ant.
qu'i.l6 n' au/r.ont. pa6 c.onquü c.e.t.t.e. double. li.6é/r.at.i.on ". (1)
Refusant de choisir entre la peste et le choléra, c'est dêsor-
mais sur cette base qu'Emile Faure continue son combat pour
l'émancipation des peuples nègres, luttant, et ce n'est pas
le moindre des paradoxes, aux côtés des marxistes n blancs"
que sont des gens comme Padmore et Guérin. Par contre Kouyatê
a cessé toute relation avec Padmore et mis entre parenthèses
ses sentiments de gauche pour devenir un inconditionnel du
gouvernement français
!
3. KOUYATE A LA RECHERCHE D'UNE
----------------------------
RECONNAISSANCE POLITIQUE OFFICIELLE.
------------------------------~----
des Jeunesses Africaines.
------------------------
Si Kouyaté n'est pas aux côtês de Padmore, son ancien
ami, pour mener la lutte anti-impérialiste, c'est qu'il a choi-
si une toute autre VOie.
que ce dernier. Réduit au silence depuis
Septembre 38, sans influence réelle sur la communauté nègre,
i l a décidé de porter ses efforts sur l'Afrique.
( 7)
Plat. e. - 6Mm e. du CLAr Tui.'n'3 6
5 f..i ai. 193'l •

770
c'est ainsi que fin 38-début 39, i l écrit à un de ses corres-
pondants au Sénégal, Fodé Manga Touré(l) , pour lui demander
de prendre en charge .la mise sur pied dl une organisation des
jeunes de l'AOF. A cette fin i l lui adresse un programme qui
prévoit la création de centres culturels, de clubs sportifs
et d'aéro-clubs
( sic! ), la défense des conditions de vie
et de travail et la prise en compte des revendications de la
jeunesse ouvrière, paysanne et scolaire.
Pour couronner le tout, i l propose la " c.orz..6t1.tut1.on d'une.
6édéJtat1.o n de..6 j e.une..6 de. l' AO F Il (Z ) qui aurait pour organe
central le journal Jeu~ecSênégal dont le titre serait trans-
formé
en la Jeune Afrique. (3)
Précisons tout de suite que ce projet n'a rien de commun avec
ceux lancés auparavant par Kouyaté, à l'exception notable
d'A~rica. En effet, Kouyaté précise dans son programme que
le journal de la fédération devra
"év1.te.Jt .6Y.6témat1.que.me.rz.t
le..6 polém1.que..6 .6téJt1.le..6 e.t le..6 que.Jte.lle..6 de. pe.Jt.6onne. Il et
mieux i l préconise que la fédération Il abandonne. la polit1.-
que. ac.t1.ve. où .60rz. 1.ne.x.péJt1.e.nc.e. rte. pouvai.t que. la c.ompJtome.t~
tJt e. ". (4)
Cette ambition d'organiser en priorité la jeunesse n'est pas
nouvelle chez Kouyaté. En 1927 déjà, après la scission du
CORN, i l avait envisagé, avec d'autres, de baptiser leur
nouvelle organisation Ligue de la Jeunesse Africaine. La rai-
(1) Vac.tylogJtaphe. à l'fn.6pe.c.tion GénéJtale. de..6 .6e.Jtvic.e..6 .6anitaiJte..6
de. l'AOF, 1.l était l'animate.ull. du. JJ c.omi.té de...6 Ami.6 d'A6Jtic.a Il à
Vak.aJt.
(2) ANSOM SLOTFOM rT! Ca.Jtton 79. PJtogll.amme. ( doc. • .6art,6 t1.tll.e. rrJ., date.
(3) E6 6e.c.tive.me.nt e.nvüagée. début H à Vd.a.Il., c.e..tte. modi6ic.a.ti.on
~e. ti.tJte. n'au.Jta 6inale.me.nt pa.6 l1.e.u.
(4) ANSOM SLOTFOM IrT CaJtton 19. Il PJtogJtamme. .,

771
son
de cet intér~t particulier pour la jeunesse est simple :
» elle
6o~me l'aveni~ du pay6 ,,(7) et ce n'est qu'en ~'écar­
tant » de6 c.hemirl6 battu6 de6 a.tné.6 »[ 2), et donc en s' or-
ganisant de manière autonome qu'elle pourra impulser des
changements. Ayant reçu ce plan d'action, Fadé Touré orga-
nise aussitôt une série de réunions groupant les intellectuels
de Dakar dans les locaux de l'Ecole Franco-Arabe de l'avenue
Clémenceau. Le 27 Janvier 1939, au domicile de Lamine Kaba,
directeur de l'Ecole Franco-Arabe, un bureau provisoire est
désigné. Présidé par Pierre André Garnis, conseiller munici-
pal de Dakar, il a pour vice-président Abdourahman Koité, huis-
sier, pour secrétaire général Abdou Ndiaye, employé aux ser-
vices de l'Artillerie et pour trésorier général Madik Magatte
Diop, agent d'affaires. Dans la commission Presse, on note
surtout le nom de Fadé Manga Touré et Papa Guèye Sarr dit
" Saguefar ", rédacteur en chef du Jeu~e Sériégal.(3)
Le lendemain de la constitution de ce bureau provisoire, une
réunion d'information organisée par les animateurs de ce pro-
jet groupe une centaine d~ssistants, en majorité fonction-
naires, employés de commerce et ouvriers. (4) Lamine Kaba y
fait l'historique d"Afri'ca qu':!-l présente comme le succes-
seur des journaux La 'Race' Nègre et le' Cri-des'N'ègres auxquels
il dit avoir collaboré mais qu'il blame pour leur caractère
(71 ANSOM SLOTFOM rlr Ca~ton 79, Il P~og~amme Il,
r 2)
Idem.
(3) ANS 77 G 700(77), Lett~e du c.he6 de lasa~eté ~ l'admini6-
t~ation de la c.i~c.on.6c.~iption de Va~a~ et dépèndanc.e.6, 8 Ma~.6 3~,
( 4)
Tdem.

172
" révolutionnaire"
Après avoir déclaré que les noirs n'a-
vaient qu'à louer la tutelle actuelle du gouvernement de la
République, i l présente la future organisation comme un ca-
dre politique destiné à préparer la jeunesse à
" la pa~~ici­
pa~~on di~ec~e a l'Admini~~~a~ion du pay~ dan~ le cad~e admi-
n~6~~a~i6 et pol~~iQue " actuel. (1)
Le Il Février 1939, suite à une réunion à
la Bourse du Tra-
vail de Dakar présidée par Babacar SY conseiller municipal
de Dakar, le bureau définitif est ainsi constitué:
Prési-
dent P.A. Garnis, vice-président Lamine Kaba, secrétaire gé-
néral Mustapha Ka, secrétaire adjoint Mamadou Cissé, tréso-
rier général Abdou Ndiaye, trésorier adjoint Fabandiou Mané.
Par ailleurs une commission de propagande présidée par Papa
Guèye Sarr et composée de Fodé Manga Touré et Mbanda Thiam
est instituée. Lors de cette réunion, dans les allpcutions
prononcées, deux grandes tendances se dégagent. D'un côté des
hommes comme Papa Guèye Sarr parlent de la nécessité pour
la jeunesse de se grouper pour faire aboutir ses revendica-
tions auprès de l'administration tandis que d'un autre côté
Lamine Kaba conseille plutôt la patience et l'établissement
de bonnes relations avec l'administration. (2)
(1) ANS 17 G lQO (17). le~~~e du cneS de la Sû~e~é du 8 Ma~6
1939 op cl~.
(2) ANS 17 G 100 (17). No~e de police 6an6 da~e.

773
A l'origine, l'organisation avait envisagé de se dénommer
Parti de la Jeunesse Intellectuelle d'Afrique(l) , mais fina-
lement c'est l'appellation Fédération Française des Jeunes-
ses Africaines
( F.F.J.A. ) qui a été retenue. Ayant son
siêge social à Dakar, la FFJA a pour but" de glloupell le-6
jeune-6 autoehtone-6 de l'A6llique Oeeidentale Fllançai-6e en vue
de -6auvegalldell leull~ intéllêt-6 de toute natulle dan-6 le eadlle
de la légalité n(2}
Parallêlement à la constitution de la FFJA, dont i l est le
président général, Kouyaté a chargé Fodé Manga Touré d'en-
trer en relation avec le syndicat des cheminots.indigênes du
Dakar-Niger, pour proposer à ce dernier qu'il organise une
souscription en faveur d" Afl:'îca, à raison d'un franc par mem-
bre(3) , pour remédier au déficit du journal qui s'élêve à
17 800 francs. Outre la reparution du journal, cette action
a pour but de redynamiser le " Comité des Amis d'Africa ", de
maniêre à ce qu'il puisse jouer, pour les plus âgés, le rOle
joué pc~r les jeunes par la FFJA. (4)
Dans une lettre en date du 20 Février 1939, P.A.
Gomis, président de la FFJA, a demandé à l'administration
de reconna!tre son organisation
(5) mais la réponse se fait
attendre et, fin Mars, i l n'y a toujours rien de neuf.
( 7) ANS 77 G 100 ( 17) • Lettlle du ehe6 de la SÛlleté 8-3-39 op eit.
( 2) ANS 17 G 100 (17) • Statut-6 de la FFJA.
(3 )
ANS 17 G 100 ( 17) • Lettlle de Toullé au 4eell~taille généllal du
Sljndieat de/.) Til a vai:II eIlu-6 rndigène-6 du VaRctIt-Ni:geJt et ,lettlle de
Kouljaté à Toullé du 25 Févlli:ell 1939.
(4 )
ANS 17 G 100 (17 ) Lettlle de Kculjaté à Toullé 25 Févlliell 19.39.,
(5 ) ANS 11 G 100 ( 77)

174
Inquiets les dirigeants de la FFJA ont écrit à Kouyaté qui à
son tour s'est adressé au Gouverneur Gênéral de l'AOF pour
qu'il donne une rêponse positive. Faisant état d'un" examen
m-i.nu:U.eux"
des statuts par Marcel de Coppet et " de-6 -601.-
v-i.ee-6 eompétent-6 du m-i.n-i.-6tè~e de-6 Colon-i.e-6"
dont il ressort
que ceux-ci " -6ont rion6o~me-6 aux dée~et-6 et a~~lté-6 en vigueu~ ",
i l s'étonne de la " ~é-6e~ve " avec laquelle cette initiative
a été accueillie par le Gouvernement Génêral de l'AOF.
S'adressant directement au Gouverneur Général, i l lui écrit
" Le ~a-6-6emblement o~gaYlüê. et volOYlta-i.~e
de ee-6 jeu~
Yle-6 a6~-i.eaiYl-6 autou~ de la Mê.t~opole ne eo~~e-6poYld-il
pa-6 a. de-6 -6ent-i.meYlt-6 Ylat-i.onaux, au oe-6o-i.Yl de -6ol-i.da~ité
6~aYlçaü e 6aee a. une -6-i.tuatioYl -i.nte~Ylationale déte~mi­
née? Je -6ai-6 que vou-6 peYl-6'ez eomme moi. Pe~mettez-mo-i:,
Mon-6-i.eu~ le Gouve~neu~, d'êt~e -6'u~p~-i.-6' de quelque-6 at-
titude-6 de ee~taiYl-6 de vo-6 -6e~v-i.ee-6 qu-i. ~epou-6-6eYlt le-6
autoehtone-6. rl~ -6e~a-i.ent le~ p~emie~~ ê.tonYlé-6 lO~-6qu'on
leu~ d-i.~a un jou~ que de~~iè~e le la~ge -6ou~i~e de boYl
en6aYlt du no-i.~ évolua-i.ent ee~ta-i.n-6 -6entiment-6 qu'il-6
ont e~éé-6. ( ••• 1. J'ai dOYle la 6e~me eOYlvietion que vou-6'
~eeoYlnaZt~ez not~e Fédê.~atlon F~aYlça-i.-6'e de-6' Jeune-6'~e-6
A6~ieaine-6 ~é-6olue a. ~e-6te~ légale ".(1)
(1) ANS 17 G 100 (17) Lettre de T.G. Kouyaté au Gouverneur
Général de l'A.O.F. 25 mars 1939.

775
Malgré ses proclamations de loyalisme, la lettre de Kouyaté
n'a pas eu l'effet escompté, bien au contraire. Tout d'abord
le Gouverneur Général a peu apprécié l'évocation des bonnes
relations que Kouyaté semblent entretenir avec Marcel de Cop-
pet et certains hauts fonctionnaires du ministère des Colo-
nies. Dans un projet de lettre au Ministre des Colonies, i l
faisait remarquer que Kouyaté semblait :
n
Qhe~Qhe~ a 6ai~e pen4e~, qu'a p~Op04 de la politique
indigè.ne en A6~ique OQQidentale F~anç:aùe, il 4e~ait
pOHif5le de déQele~ l'in6luenQe pa~6où Qont~adiQtoi~e
de deux tendanQe4 di66é~ente4, et qu'il exi4te~ait de4
audienQe4 mét~opolitaine4 dont le4 e66et4 habilement
utili4é4 p~ime~aient automatiquement, en de~nie~ ~e44o~t,
le4 déQùioM de l'autMité. lOQate ~e4poMafile n. (1)
Et puis, plus fondamentalement,
la personnalité de certains
animateurs de la FFJA et l'action envisagée par cette derniè-
re inquiètent les autorités. Lamine Kaba n'est-il pas un an-
cien instituteur révoqué, ancien collaborateur de la-Race
Nègre et du Cri des'Nègres et, de surcro!t, ex-membre de la
section locale du PC ?(2)
La FFJA n'entend-elle pas s'implanter à Saint Louis, mais aus-
si à Louga, Diourbel, Podor, Tambacounda, Ziguinchor, Kédou-
gou, etc •.. villes situées en " pays d'indigénat » i
Et enfin, n'envisage-t-elle pas sérieusement d'établir une
(1)
ANS 17 G 10Q (17). P~ojet de tett~e du Gouve~neu~ Gé.né.~at
de.l'AOF au Mini4t~e de4 Colonie~. Ma~4 lQ37.
(2) ANS 17 G 100 (17). Lett~e du Gouve~neu~ Géné~al de l'AOF
au Mini4t~e de4 Cotonie4. 3 Av~il 1939.

776
collaboration suivie avec les syndicats ?(1)
Conscient de la faiblesse de ses soutiens, Kouyaté s'adresse
directement à Georges Mandel, Ministre des Colonies depuis
Avril 1938, pour lui présenter la FFJA. Après s'être décrit
comme celui qui a eu " R..'i.n-!ii.gne. n.onne.uJt d'i.nJ.>pi.JtCiJt,
d'i.mpuR..-
J.>e.Jt e.t de. di.Jti.ge.Jt tou~
R..e.J.> mouve.me.ntJ.> poR..i.ti.que.J.> e.t J.>OQi.aux
deJ.> Noi.JtJ.> d'EuJtope. JI depuis seize ans ( sic! ), Kouyaté énu-
mère toutes ses initiatives depuis l'arrivée des nazis au pou-
voir en Allemagne pour déclarer ensuite :
JI
Ce. tJtop bJte.6 JtlJ.>uml de. noJ.> pJtloQQupati.onJ.> dlmontJte.
que. R..e. monde. noi.Jt dlpR..oi.e. de. J.>lJti.e.ux e.66oJttJ.> pouJt oJtga-
ni.J.>e.Jt R..e J.>outi.e.n e.66i.QaQe. aux dlmoQJtati.e.J.> bi.en que. Qe.R..-
R..e.J.>-Qi. n'ai.e.nt paJ.> e.nQoJte. QompJti.J.> que. R..e.J.> n.ommeJ.> de. QOU-
R..e.uJt QO nJ.> ti.tue.nt de.J.> lR..ème.ntJ.> dlQùi. 6J.> danJ.> R..a R..utte
QontJte.R..'i.dloR..ogi.e JtaQùte et totaR..i.tai.Jte de J.>e..IpJtamo-
te.uJtJ.>. NotJte. attaQn.e.me.nt dlvoul jUJ.>qu'au J.>aQJti.6i.Qe. e.J.>t
même. appJtlQi.l paJt Qe.Jttai.nJ.> Qomme une. deJ.> mani.6e.J.>tati.onJ.>
de. je. ne. J.>ai.J.> que.R.. e.J.>pJti.t de. J.>e.Jtvi.tude. qu'i.R..J.> e.J.>ti.me.nt
natuJteR... IR..J.> ne nouJ.> Qonnai.J.>J.>e.nt que. J.>upe.Jt6i.Qi.e.R..R..e.me.nt,
R..e.uJt e.J.>pJti.t ltant toujouJt-!i Jti.vl a la Jte.Qn.e.JtQn.e. du pi.t-
toJte.J.>que. JtomaneJ.>que. rR..J.> ne. QompJte.nne.nt guèJte. notJte 6i.-
dlR..i.tl a R..a mlmoi.Jte du gJtand Van VoR..R..e.nn.ove.n, pouJtquoi.
nouJ.> nouJ.> attaQn.onJ.> a MonJ.>i.e.uJt R..e. GouveJtneuJt GlnlJtaR..
MaJtQeR.. de Coppet, a Mon-!ii.euJt Gi.Jtan, anQi.e.n di.Jte.Qte.uJt du
RlJ.>eau VakaJt-Ni.geJt et a touJ.> R..e.-!i gJtandJ.> QoR..oni.aux qui.
(1) ANS 17 G 100 (17). LettJte de Kou!!atl a r.A. Gomill' 25-3-39.

777
Il ont 6u 6ai~e aime~ la F~ance dan6 not~e pay6 Il.(IJ En
venant à la FFJA, i l poursuit :
»
La 6ondation de la Fldl~ation F~ançai6e de6 Jeune66e6
A6~icaine6 ~lpond donc à. une 6ituation nationale et -<.n-
te~nationale bien dlte~minle. Tl 6'agit d'o~iente~, de
canali6e~, cent~ali6e~ et di~ige~ le6 a6pi~ation6 llgi-
time6 de6 jeune6 noi~6 6~ançai6 dan6 le 6en6 de6 intl-
~êt6 6upl~ieu~6 de la collectivitl nationale, de le6
lduque~ pa~ la p~atique di6ciplinle de~ libe~tl6 civi-
que6 qu~ con6è~e toute dlmoc~atie. et de le6 mett~e à.
l'ab~i de6 incidence6 de6 lutte6 de~ pa~ti6 politique6.
Tl appa~tient à. vot~e Vlpa~tement et à. 6e6 ~e6pon~able6
en A6~ique noi~e F~ançai6e de nou6 encou~age~ dan6 cet-
te voie. Nou6 ne 6ouhaiton6 que de coopl~e~ avec le6
Admini6t~ation6 coloniale6 6ou6 ~lgime d'lquitl, d'lga-
litl et de dlmoc~atie, de comp~llten6ion
et de ~e6pect
mutuel ca~ c'e6t un lieu commun de di~e que l'auto~itl
de l'Etat pui~e 6a 6o~ce impl~ative dan6 la jU6tice en-
ve~6
2
tOU6 6e6 ~e66o~ti66ant6 ".( )
Malheureusement pour Kouyaté, ce véritable acte d'allégeance
ne modifie guère la situation puisque tous les gouverneurs
de l'AOF, sans exception, sont hostiles à la constitution de
la FFJA. (3)
Ne voyant pas venir la décision tant espérée,
t1J ANS 21 G 67 [11). Lett~e de Kouyaté.. à. GeMge6 Mandel 10-4-39-
[2}
Idem.
(3) ANS 17 G 100 U1). Rlpon6e6 de6 gouveMeu~6 de6 colonie6 de l'AOF
a la lett~e ci~culai~e N°14 A.P./2-1 du Gouve~neu~ Glnl~al de l'AOF
en date du 20 Av~il 1939;

778
Kouyaté fait le dos rond, allant jusqu'à écrire au Gouverneur
Général Boisson que s ' i l pense que la contribution de la FFJA
peut troubler l '
" Union des français" en ces moments dif-
ficiles, i l n'a qu'à surseoir pendant quelques temps à la pu-
blication de l'arr~té en question. (1) Nommé à la
t~te de
l'AEF, Boisson s'empresse de transmettre la lettre de Kouya-
té à Léon Cayla, nouveau Gouverneur Général de l'AOF, qui
répond au leader de la FFJA qu'il ne peut qu'approuver les
sentiments qui le poussent à penser qu'il est préférable,
compte tenu de la situation de surseoir à la constitution de
l'organisation! (2)
Pour Kouyaté, cette réponse sanctionne
un lourd échec politique. En effet, en tentant de mettre sur
pied à la veille de la guerre une organisation de masse qui

se serait rangée derrière les autorités coloniales, avec pour
mot d'ordre Il Union des Jeunes pour la Communauté d'Afrique
Noire Française ! ,,(3~ Kouyaté voyait à long terme et plus
précisèment après-guerre. Tirant les leçons de ce qu'avait
été l'après-première guerre mondiale, il comptait en agissant
ainsi engranger des bénéfices politiques dont i l récolterait
les dividendes après-guerre, faisant valoir le soutien mili-
taire etpolitigue des Africains pour obtenir en échange les
réformes qu'il préconisait depuis quelques temps. (4)
(1) ANS 21 G 100 (17). Lett~e de Kouyaté au Gouve~neu~ Géné~al
Boi~~on. 2 Mai 1939.
(2) ANS 17 G 100 (H). Le.tt~e du Gouve.~neu~ GenéM.e. de .e.'MF à.
Kouyate 27 Ju~n lQ3Q.
(3) ANS 17 G 100 (17). Lett~e. de Kouyaté li P.A. Gomù H-3-H.
(4) c.6. Le~ p~inc.ire.& di~ec.teu~.& d'une t~an.&6o~ma.tiolt de. .e.'Out~e.­
Me~ évoqué.& plu.& haut.

779
Sachant fort bien qu'il était en train de perdre la partie,
Kouyaté se lancera alors à corps perdu dans la bataille pour
tenter malgré tout d'obtenir une certaine crédibilité politique.
En Juillet 1939, la guerre approche à grands pas
,
.
et certain qu'il devra. se passer de toute reconnaissance offi-
cielle de la part des autorités coloniales, Kouyaté fait le
forcing pour traduire dans les faits le loyalisme qu'il affi-
che si souvent en paroles. Profitant du passage à Paris de
Léon Cayla, Gouverneur Général de l'AOF, il s'entretient avec
lui de la situation qui prévaut en Afrique de l'Ouest. Paral-
lèlement il presse Fodé Manga Touré de passer à l'action lui
déclarant
" Il 6au~ 6ai~e ma~Qhe~ no~~e 6!dl~a~ion a ~oua p~ix e~
ne voua oQQupez paa du ~ea~e. Je mIen Qha~ge iQl aup~~a
du gouve~nemen~ ~!puoliQaln ~aaponaaole,
Qa~ je Qonaidè~e,
en ve~~u dea d!~~e~a e~ a~~é~éa en vlgueu~, que no~~e
6édé~a~ion ea~ éminemmen~ llgal~ ".Cl) Il lui suggère
de déposer une couronne au pied de la statue de Van Vollhen-
ven à l'occasion du 14 Juillet, " Fê.~e Na~ionale,maia au~~ou~
Qen~ Qinquan~enai~e de la viQ~oi~e Qon~~e ~ou~e opp~eaaion
humaine ", avec comme inscription: Il Au G~and Jooa~ Van
Vollenhoven in~e~p~é~e aymbollque du p~inQipe lea hommea na~a~
aen~ e~ demeu~en~ lib~ea e~ égaux en d~oi~ ... dana lea Qolo-
(1) ANS 17 G 100 (17). Le~~~e de Kouya~é a Tou~é 4 Jullle~ lQ3Q.

780
et préconise d'accueillir le Gouverneur Général de l'AnF à
son arrivée à Dakar en lui faisant remettre des bouquets de
fleurs par une Ivoirienne, une Dahoméenne, une Sénégalaise,
une Soudanaise, une Togolaise, une Mauritanienne, une Guinéen-
ne et une Européenne ! (1)
A Dakar, les membres de la FFJA ne l'entendent cependant pas
tous de cette oreille et ,ils s'opposent, en majorité, au dépôt
d'une gerbe au pied de la statue de Van Vollenhoven qui reste
pour eux celui qui a n p~l6(~l ~e 6ai~e tue~ plutôt que de
~ecevoi~ un N~g~e cha~gl de mia~ion en AOF ".(2)
D'ailleurs, s'ils approuvent les projets de Kouyaté, certains,
tel
P.A. Garnis, le président de la FFJA, font remarquer qu'il
a quitté t'Afrique depuis près de vingt ans et qu'il a ou-
blié que les Africains ne disposaient d'aucune liberté d'ac-
tian. (3)
Averti du refus des dirigeants de la FFJA d'honorer Van Vollheno-
ven, Kouyaté insiste auprès d'eux pour qu'ils accueillent
avec honneur le Gouverneur Cayla :
" Tl impo~te, (c~it-il a P.A. Gomi~, de dlmont~e~ que
not~e 6ldl~ation n'e~t paa une o~gani~ation 6antôme, ca~
le Gouve~neu~ Glnl~al empo~te tou~ lea documenta y a66l-
~ant. Tl 6aut donc p~oclde~ a la mo~ili~ation enthou~iaa-
(1)
ANS 17 G 100 (J 7). Lett~e de I{:ouyatl à. Tou~l 4 Juillet 19H.
(2)
ANS 17 G 100 (17). Note de polic.e de Juillet 19 H.
(3)
ANS 21 G 142 (108). Note de poUc.e du 3 Juin 19H.

781
,. te de tOU6 le6 jeune6 compat~lote6, de6 memb~e6 de tOU6
le6 6yndlcat~ de t~availleuh6,
de6
memb~e6 d'a~6oclatlon6
6po~tlve6,
etc ... VOU6 avez enco~e une 6emalne pou~
6al~e du bon t~avall de p~opagande dan6 ce 6en6. Vot~e
action publique, vl6ant à. p~o6lte~ de l' occa~lon .pou~
lmpul6e~ le6 ~ne~gle6 de~ jeune6, doit êt~e autonome
c.'e6t à. dl~e lnd~pendante de c.elle de6 pa~tl6 polltlque6.
La jeune66e, avenl~ du pay6, a 6e6 6o~mule6 polltlque6,
c.ultu~elle6, 6oc.lale6 et ~c.onomlque6. J'ajoute que Mon-
61eu~ le Gouve~neu~ G~n~~al Cayla e6t entlè~ement ac.qul6
à. not~e F~d~~atlon.
NOUS DEVONS JUSTIFIER SES EXCELLEN-
TES DISPOSITIONS A NOTRE EGARD. NOUS DEVONS DETRUIRE L'O-
PINION COMMUNEMENT REPANDUE CHEZ LES EUROPEENS, A SAVOIR
QUE LES NOIRS SONT DES GRANDS ENFANTS INCAPABLES OE S'OR-
GANISER ET SANS ESPRIT DE SUnE J'. (1 )
Début Septembre 1939, le film des évènements s'emballe. Le
1er, les troupes allemandes envahissent la Pologne; le 3, la
France et la Grande-Bretagne entrent en guerre contre l'Alle-
magne. La deuxième guerre mondiale vien~de débuter. AussitOt
Kouyaté écrit au Gouverneur Général de l'AOF pour lui déclarer
J,
J'al la 6e~me conviction que tOU6 me6' c.ompat~lote~
de
l'A6~lque Occidentale F~ançal6e vou~ appo~te~ont leu~
d~vouement total dan6 la ~~all6atlon de6 tac.ne~ de gue~­
~e que Mon61eu~ le Mlnl6t~e de6 Colonle4 vou6 a c.on6l~e4.
(1)
ANS 17 G lQQ (17). Lett~e de Kouyat~ à. eA. Goml6 28-7-3Q.

782
" Vouo oavez que ma collabo~a~ion dlvoule vouo eo~ ~o­
~alemen~ acquioe. Monoieu~ le P~loiden~ Valadie~ a eu
un mo~ hio~o~ique dano oon lmouvan~ diocou~o a la ~~i­
bune de la Chamb~e deo Vlpu~lo
: 'E~ main~enan~ la F~an­
ce commande ... 1' Leo au~och~oneo
de l'A6~ique Occiden-
~ale F~ançaioe lui ~lponden~ : 'P~loen~ 1 Au oe~vice de
la F~ance pou~ la vic~oi~e'. La dé6en~e de la libe~~é
n'a pa~ de p~ix.
Il y a cen~ cinquan~e ano, la F~ance
p~oclamai~ ~a libe~~é, celle de& Rommeo e~ deo peupleo.
Nouo venion~ de 6l~e~ ce~ annive~4ai~e avec une ~econ­
naiooance émue. Un de~~in i~onique veu~ qu'en ce même
1939, elle lu~~e pou~ les mêmes p~inc.ipeo ". (1 )
A cette lettre, Kouyaté joint un texte intitulé" Appel a
meo compa~~io~e4
de l'AOF Il dans lequel il dénonce l'action
de Hitler " encou~agé pa~ la ~~aRi&on sovié~ique ". Evoquant
l'alliance qui unit la Pologne ~ la France, il poursuit:
" ~OU4 le& ~~ai~éo 4igné~ pa~ no~~e Mè~e-Pa~~ie &on.t
nô~~es. Seo engagemen~4 40n~ nô~~eo. Sa lif)e~~l, J.ieule.
4auvegd~de de noo libe~~és démoc~d~iquea
es~ nô~~e..
Nouo, Noi~4 a6~icain4 6~anç.di&, SommeJ.i e~ nou~ nous eo'.ti.-
mon& 19d1emen~ comp~dbleJ.; de 60n honneu~; de aon p~e4­
~i.ge, de od pd~ole donnée, de 40n dVel1i.~ deval1~ le& Rom-
mes, l'Hi.a~oi~e e~ Vieu. C'e4~ pou~quoi je m'ad~ease a
(1J
ANS 17 G 100 (]7). Le.t.:t~e de. KOUtjd.tl dU Gou.ve~neU/l. Génl~dl
del'AOF 5 Sep.:temb4e 193Q.

783
" /te..6.6e./t/te./t le..6 lie.n.6 inde..6.:t/tuc..:tible..6 de. no.:t/te. Communau-
.:té 6/tançai.6e., pou/t a.6.6u/te./t .6a dé6e.n.6e. pa/t le..6 a/tme..6,
le. .:t/tavail, la di.6c.ipl~ne. .6oc.iale., la c.ohé.6ion na.:tionale.
au.:tou/t de. no.6 c.he.6.6 c.~vil.6 e..:t mili.:tai/te..6. ( •.•• ).
F/tè/te..6 e..:t .6oe.U/t.6 de. ltAOF qui voule.z le. bie.n-ê.:t/te., la
libe./t.:té e..:t la 6/ta.:te./tn~.:té de.6 pe.upte..6 dan.6 la pa~x, .6e./t-
/ton.6 le..6 /tang.6 au.:tou/t de la F/tanc.e, a jamai~ avec. la
F/tanc.e e.:t au .6e./tv~c.e. de. ta F/tanc.e. ! ,,(1)
Fin Septembre, on apprenait que Kouyaté était en train de
constituer un Comité d'Assistance aux Soldats Indigènes avec
Théodore Steeg, Léon Perrier, LOui.s Rollin, Marius Moutet,
Albert Sarraut, Henry Bérenger, Gratien Candace, Alcide Del-
mont, Gaston Monnerville, Galandou Diouf, Pierre Taittinger,
Georges
Nouelle, etc ••• et qu'il proposait à Touré" de p/to-
c.êde./t imméd~a.:te.me.n.:t
a une. va.6.:te .60Usc./t~p.:tion au nom d'A6/tic.a
pou/t paye/t au mo~n.6 TROIS AVIONS de gue./t/te po/t.:tan.:t AOF dans
JJ
(2)
la dé6en.6e na.:tionale

{1} ANS 1J G laG [lJ}. Appel a me..6 c.ompa.:t/tio.:te..6 de l'AOF.
(2)
ANS 1J G laa [1J). Le..:t.:t/te. d~ Kouya.:tê a TOu/té 3aSep.:temb/te. 1Q39.

784
EPILOGUE 1
Heureusement, tous les Africains n'étaient pas at-
teints par le m~me délire patriotique que Kouyaté. Ainsi
à l'heure de la déclaration de la guerre, en plein coeur de
l'Afrique, sur le Niger entre Gao et Koulikoro, Mahouloune
Coulibaly, citoyen français exer~ant la profession de facteur
principal sur le Dakar-Niger à Thiès déclarait :
" Le.6 6!l.ançaü 60nt venu~ Lc.i:. pou!l. ~'en!l.,[c.Iî.,[!l..
Ill.! p!l.ê-
tendent nou.6 donne!l. l'êgal~tê de.~ d!l.oIt~ mai~ c.e n'e~t
pa6 V!l.a,[. Il6 nou~ explo,[tent. Au Soudan 6u!l.tout le6
~ndiglne6 60nt du!l.ement malt!l.a,[tê~.
Il n'va pa6 de ju~­
t,[c.e. L'adm,[ni~t!l.at~on le ~a~t ma,[~ elle ne 6a'[t !l.,[en.
Vepul~ le dêpa!l.t de M. C!l.O~(I) ça va t!l.l6 mal. Le Gou-
ve!l.neu!l. Gênê!l.al 19no!l.e tout, pa!l.c.e que le gouve!l.neu!l.
du Soudan lu,[ c.ac.lî.e la vê!l.lté, ma,[~ je. me c.na!l.ge d'en
!l.end!l.e c.ompte. dl6 mon a!l.!l.lvêe a paka!l.. Au Sénégal nou<$
~aVOn6 6a~!l.e valol!l. nO~ d!l.o,[t~ et l'auto!l.ltê nou~ éc.oute.
Nou~ avon6 .6u le p!l.ouve!l. pa!l. le~ ~nc.ldent~ de TnIl~ ".(2)
c'est alors qu'il déclara à ses compagnonS' de voyage: " VOu.6
avez tu t' a!l.t~c.le de .••••.• 'Pebo ut te.-4 FJlg!l.e6'?" Il com-
menta l'article dans sa langue et termina par cette citation
en Français . " No u.6 ne ma!l.c.no n4 pa.6 " et deux des voyageurs
répondirent en écho " En e66et nou~ ne dev!l.lOn6 pa6 ma!l.c.lî.e!l.,
(1) MemQ!l.e du Comité de6 Aml4 du Ra~~emQ~ement Populal!l.e c.!l.éé à
Bamako et anc.,[en ln.6pec.teu!l. de l'en4'ûgne.mertt aU. Souda.rt.
(2)
I l ~Iaglt bien év,[demme.rtt de la g!l.lve de fnll4 de Sept~mb!l.~ 38.

785
et ee 6e~ait t~l6 bien ". (1)
M. Coulibaly évoquait-il l'article de la Race Nègre Ou celui pu-
blié plus récemment sous le même titre dans le Jeune' Sénégal? (2)
En fin de compte peu importe, car ce cri de révolte, c'était
bien Lamine Senghor qui avait été le premier à le pousser avec
une telle force. Désormais il pouvait dormir en paix, car
son message résonnait encore en Afrique, preuve s'il en était
de l'actualité et l'utilité de tous les sacrifices qu'il avait
pu faire.
Parmi ceux qui avaient entendu et compris son message, il y
avait un de ses anciens compagnons qu'il avait jadis connu
au sein de la Fraternité Africaine: Emile Faure. De tous les
combats depuis
cette époque, il animait maintenant le Centre
de Liaison Anti-rmpérialiste, aux côtés de Daniel Guérin.
Régulièrement Faure envoyait de la litt~rature à ses cor-
respondants en Afrique, mais fin Octobre 1939, l'un d'eux,
le Togolais Koffi Tobias résidant à Abidjan, fut l'objet
d'une perquisition suite à l'ouverture par la Justice Mili-
taire d'une information contre x pour infraction contre la
snreté extérieure de l'Etat. Alors qu'on le suspectait de
(,3)
" tendanee6 ge~maYtOpfLi..le4 n, on découvrit chez lui la
correspondance qu'il entretenait avec Faure notamment à pro-
pos des activités du Centre de Liaison Anti-Impériali~te.(+)
(1) ANS 17 G 250 (18). Rappo~t du Commi66ai~e Spéeial du Fleuve
Nige~ en touMtée de 6u~vei..llanee 6U~ le .Fleuve du 4 au 17 Sept.
(2)
Mat.liu~i.n Augu6te Gulye " Vet5out. le4 Nèg~e6!" Le' ]-eune Sénéga.l
N°5 3-10 Mai.. lQ37.
(3) ANSOM SLOTFOM XIII Ca~t.on 1. Lett.~e du Gouve~neu~ Géné~al de
l'AOF au Mi..ni..6t~e de6 Coloni.e~ 17 Novemo~e 1939.
(4)
" " " " " " " " " " " " n " " " " " " " » " "»
Il Vleem6~e 1939.

786
Aussitôt l'enquête se dirigea en direction de Faure et, le
4 Décembre 1939, le Tribunal Militaire d'Abidjan délivrait
un mandat d'arrêt contre ce dernier pour Il atteinte à la sOre-
té extérieure de l'Etat ". (1)
Arrêté à Paris le 9 Décembre (2)
Emile Faure fut mis à la disposition de la Justice Militai-
re et transféré en COte d'Ivoire où i l fut jugé et condamné.
Incarcéré pendant trois ans à Grand Bassam, i l sera par la
suite transféré à Bamako pour ne retrouver la liberté qu'en
1944. (3)
Dans son texte intitulé Il Mes Prisons Il et publié
,
en 1947 dans la revue- Crisis sous le titre French terror in
1/
negro Africa, i l racontera comment après avoir passé 7 mois
au secret dans une cellule miniscule sans air et sans lumière,
i l avait perdu toute sorte d'appêtit et vivait en se dévorant
lui-même. Ayant perdu toutes ses dents et presque la vue, sa
tête lui faisait mal, i l avait des hallucinations et souvent
i l ne pouvait ni parler ni écrire. (4)
Après la guerre, i l
poursuivit son combat pour l'émancipation totale des peuples
nègres et i l
mourrut d'un cancer généralisé en 1960, alors
que l'ex-Afrique française accédait à l'indépendance pour la-
quelle i l avait tant lutt~ emportant dans sa tombe l'unique
exemplaire d'un livre qu'il voulait publier mais qui avait
été interdit. Ainsi disparaissait l'une des plus grandes fi-
gures du mouvement national africain de l'entre-deux-guerres.
(1) ANSOM SLOFFOM XIII Ca~~on 1. L~~~~~ du M~n~~~~e de i'ln~é~~eu~
au M1.nü.t~e de~ Coioni.e~ 11 1Jéc.emb~~ 1'tH.
(Z)
Idem.
\\\\
"
(3)
R. Co~nev1.n. Em.<.!e Faulte ( 189.Z-196Q )., Le Méc.onnu:I\\-67tiqùe
- HÜ~-o:<'---Ite N" 6 H81. p. 65.
(4)
E.
FauJtCI.fe3 P7t,;(301t,&. PMÜ,N'oV.
H46-/13 pagel> dac.~q.e.ogltaphi.ée!i.

787
Pour ce qui est de Tiémoko Garan Kouyaté, on perd
toutes traces de lui après Septembre 1939. Un an plus tard,
le ministère des Colonies ignorait totalement où il se trou-
vait(l) , et ce n'est qu'en Octobre 1942 que l'on retrouve
sa trace dans les archives. A cette date en effet, un rapport
de police du Service des Affaires Algériennes des Bouches du
RhOne concernant la " propagande allemande parmi les noirs Il
déclarait :
/1
Vepui..!.l quelque4 moù, le.6 allemaYld.6 développeYlt de4
e66o~t.6 de p~opagaYlde pa~m~ le.6 Noi..~.6 ~e.6so~t~aaaYlta
6~aYlçai..a et Oyl ~OYlatate qu'a Pa~is, il4 ~e~he~~heYlt dea
pe~aoYlYlagea aU.6~eptiblea de ~olla~o~e~ a leu~ eYlt~ep~i..­
ae. Leu~ ~hamp d'a~ti..oYl .6'éteYld aux deux ZOYlel.i de la Mé-
t~opole aiYlai.. qu'aux ~oloYli..es mimea. Oyl demaYlde aux
p~o pagaYldütet. d' eYl.t~ep~eYld~e UYle ' ~ampag Yle de a ympa.thie '
eYl 6aveu~ de l'A.e.lemag~e,
p~og~amme qui Yle peut évi..te~
de ae déMule.~, pa~6oi..4 au Yle.,t dé.t~i..meYl.t de la F~aYl~e.
C'e4t aiYla~, pa~ exemple, qu'OYl 6aL.t a66i~me~ pa~ lea
p~opagaYldia.te.6 que ~e .60Ylt le.s 6~a.Ylçaù· qu~ OYl.t iYl~,{,."'.té
lea allemaYldt., eYl 1'14 Q, a pou~sui..v~e l' expulai..oYl dea aom-
mea de ~ouleu~ ho~.s de la Mé.t~opole. OYl ~i...te les exemple.s
aui..vaYlt.6 : le Ylommé Kouya.té aYl~ieYl adhé~eYlt ou m~li..taYlt
~ommuYliste a ~eçu UYle t~è!.l 6o~.te !.lomme pou~ ouv~i..~ Uyl
~eatau~aYlt a l ' LYlteYl.ti..o yl dea Noi..~a. Sa mù .6i..o Yl éta.it de
(1) ANSOM A66ai..~e4 Poli..t~que4
Ca.~tOYl lQCU. Le.tt~e du MLYlüt~e
del.i ColoYl~e.6 au l.ioldat de Zème. ~.e.Cl..s4'e Çft.a~le.6 SAWEYER 18-'011.-4 a.

788
» e~le~ ain6i un eent~e d'att~aetion oa il 6e~ait P06-
6ible aux Allemand6 de ~ee~ute~ de6 eollaoo~ateu~6 et
pa~allèlement de 6eme~ de6 mot6 d'o~d~e utile6 en o~ga­
ni6ant de6 eontaet4 6uivi4 avee eet llèment. Mai6 Kou-
yatl a dilapidl le6 6ond6 qui lui avaient ltl eon6il6. JI(l)
Comment l'ancien militant anti-eolonialiste, mais surtout
l'anti-nazi convaincu, qu'était Kouyaté a-t-il été amené à
" travailler " pour les Allemands ?
D'après un de ses parents Seydou Badian Kouyaté, les choses
se seraient passées ainsi : dès les premiers jours de l'occu-
pation allemande de la France, Kouyaté serait entré dans la
clandestinité avec l'intention de gagner l'Afrique via l'Es-
pagne pour y prendre la tête de la Fédération Française des
Jeunesses Africaines. Arrêté par les Allemands, ces derniers
lui auraient alors proposé de faire de la propagande " pro-
allemande" parmi les nègres de la Métropole puis de l'en-
voyer en Afrique pour poursuivre le même travail. Kouyaté
qui était déjà en rapport avec les premiers noyaux de la résis-
tance française aurait accepté cette offre pour sauver sa
tête, non sans en informer la résistance, qui lui ordonna d'ac-
cepter cette proposition car compte tenu de sa connaissance
de l'allemand, il pouvait leur fournir un maximum d'informa-
tions. (2)
(1) A~eh. Vlpa~t. dt6 Bouehe, du Rh6ne. $l~le M6 ea~ton la~Ql
Note du SAA 3Q Oeto6~e li42.
( 2)
Hll1oi:g nag e eltl pM P. r. Stj op e.J:t p. 1 79: •.

789
Globalement ce scénario se tient, mais le problème est que
l'on ignore sur quelles sources s'est appuyé Seydou Badian Kou-
yaté pour le construire. Ne possédant aucune information per-
mettant de l'infirmer ou de le confirmer nous nous contenterons
donc de le tenir pour probable, tout en faisant un certain
nombre de mises au point. Tout d'abord nous doutons un peu
des contacts que Kouyaté aurait pu avoir avec" le& p!Lemi.e!Lc
noyaux de la !Lé&i.&tanc.e oJtança.i.ce ", compte tenu du fait que,
dans les premiers temps de l'occupation allemande, ces" no-
yaux " étaient pour le moins peu nombreux. Ensuite si les
Allemands ont pu proposer à Kouyaté de l'employer comme pro-
pagandiste en France, il est tout à fait improbable qu'ils
aient envisagé de l'envoyer en Afrique où il aurait pu aisè-
ment échapper à leur contrOle.
Car quoiqu'il en soit, il est certain que ce sont les Alle-
mands qui ont proposé à Kouyaté de travailler pour eux et
non l'inverse, Kouyaté étant un anti-nazi convaincu et virulent
depuis 1933. En fait, à cause de ses nombreux séjours en
Allemagne/où il avait de plus créer une section de la LDRN,
Kouyaté était certainement une très vieille connaissance des
services spéciaux allemands. Or chacun sait que, quand les
Allemands envahirent la France , ils avaient dans leur carton
un plan diabolique visant à activer les nationalistes de tous
crins qu'ils soient bretons, alsaciens, arabes ou africains,
en leur faisant miroiter l'indépendance ( Ou l'autonomie)
pour laquelle ils luttaient.

790
Certains acceptèrent par conviction, mais la plupart furent
trompés par la démagogie nazie. En ce qui concerne les natio-
nalistes nord-africains, tel Belkacem Radjef le dirigeant
du PPA, que les Allemands utilisaient dans leur école de pro-
pagande d'Argenteuil et à la radio(!), ou le dirigeant du Néo-
Destour Ahmed Balafredj~! on peut supposer qu'ils furent à
la fois bernés par des propos démagogiques et séduits par
l'anti-sémitisme virulent des nazis.
D'autres tel Mouharnadou Kane, ce marabout sénégalais que les
allemands avaient reconnu comme awnonier des' troupes noires
et à qui ils donnaient d'importantes sommes d'argent pour fa-
ciliter ses déplacements, ne faisaient pas à proprement dire
de la propagande, mais ils laissaient le bénéfice
moral de
leur action aux Allemands. (3)
D'autres encore furent mis devant le fait accompli ayant à
choisir entre la collaboration et la perte de leur liberté
quand ce n'était pas la vie. Tel
fut le cas de René Maran
qui fut obligé de rédiger un texte de propagande pro-allemand
intitulé n la situation des nègres aux Etats-Unis n, bien
qu'il eut protesté de toute son énergie arguant qu'il n'a-
vait jamais mis les pieds dans ce pays. (4)
Tel fut certainement le cas de Kouyaté qui, en tant qu'an-
ci en compagnon de route de l'Internationale Communiste et an-
(7)
A~~h. Vep. de4 Bouche4 du Ra6~e Sl~ie M6 Ca~ton 7U9a1.
Note du SAA 23 Octob~e
7941.
( 2)
/1
/1
11
"
"
/1
1 5 Av~«."f. 1 '[41 ,
(3) /1
JI
11
"Sl~ie M6' CaJz.toYl 1 Œ9a3 Note du SAA Z.~11 ~4 z..
(4)
Roi Ottf.erj .'N'"og'~'e'en' -P~:4::tu)(e.6. New- 'fMk, CnMf.e4 SC~;;Qne~'4oM,
1957 P·90.
I

791
cien
propagandiste anti-nazi dans Africa, n'eut guère d'au-
tre choix que d'accepter pour sauver sa peau. Confirmé aujour-
d'hui par un document écrit, le marché passé entre Kouyaté et
les Allemands était connu depuis longtemps par certains de ses
anciens compagnons de lutte tels Jules Monnerot(l) , Adolphe
Mathurin ou Camille Saint-Jacques. (2)
Contraint ~ collaborer, Kouyaté ne fit sans doute pas preu-
ve d'un zèle
excessif pour mener à bien la mission qu'on
lui aval~ confiée ce qui expliquerait la dilapidation des fonds
mis à sa disposition par les Allemands. Toujours d'après
Seydou Badian Kouyaté, c'est en 1942 que la Gestapo se serait
aperçu du manège de Kouyaté. Arr~té, il aurait été emprisonné
pendant un certain temps au Fort de Montluçon avant d'être dé-
porté en Allemagne où il aurait été fusillé. L~ encore, la seule
chose que nous pouvons dire c'est qu'~ la fin Octobre 1942,
Kouyaté était toujours en vie et semble-t-il en liberté,
mais le mystère demeure sur la date et le lieu exact de sa
mort.
Quant ~ la question de savoir si Kouyaté est mort n en
communiste »(3) ou en U patriote fran~ais et africain anti-
raciste .. (4), il est évident que compte tenu des positions
affichées par ce dernier depuis son exclusion du PCF, c'est
en faveur de la deuxième hypothèse qu'il faut pencher.
(1) Jame~ R. ffooke~ op elt p.
37.
(2} Tlmolgnage~
eltl6 .pa~ N,K, Sow o~ eit.pp. 122.123.
(3l
P. 1. S y op. at. p. 1 8 CI "
\\
~
(4)
JOJ.leph COJ.ltüella,\\ T-<:lmofto Ga~art Kou-y-atl." ffomme~~-e.:t~V-e.3"tiM
Tome I PMü /1915,. pp. 326~3Zi'.·
j

792
Avant que la deuxième guerre mondiale n'éclate, Emile Faure
et ses amis du Centre de Liaison Anti-Impérialiste déclaraient
que dans le conflit qui s'annonçait 1/ le dltoLt e.;t la. jul.l.ti.c.e.
ne I.l elta.-i.en.t ni. da.nl.l un c.a.mp ni. da.M l'a.u.tlte " (1 J
A l'époque, et aujourd'hui encore, bien peu nombreux étaient
ceux qui partageaient ce point de vue qui fut malheureusement
confirmé par la suite des évènements. Emile Faure fut arr~té,
déporté et emprisonné pendant quatre ans, échappant de peu à
la mort dans les geéhes d'une JI démocratie". Kouyaté lut fut
arr~té, déporté et fusillé par les nazis. Certains verront
une dtfférence notable dans le destin des deux hommes, en ar-
guant du meilleur sort réservé à Emile Faure. Certes, mais
c'est oublié que le jour où l'Europe fêtait la défaite du
nazisme, le e Mai 1945, 45 000 Algériens furent massacrés
dans le Constantinois pour avoir cru qu'ils pouvaient eux aus-
si goUter à la libe~té(2); c'est oublier qu'en Novembre 1946,
le bombardement de HaIphong fera quelques 20 000 victimes (3) ;
c'est oublier qu'en 1947, l'armée française massacrera plus de
100 000 Malgaches (4) et nous ne parlerons pas ici des centaines
de milliers de morts des guerres d'~ndochine et d'Algérie. Mais
le plus odieux de ces massacres, malheureusement peu connu
parce qu'ayant fait beaucoup moins de vîcti:mes est sans· au-
cun doute la tuerie de Thiaroye ( Sénégal ) •
( 1)
Pla..te 6Mme du CLA r Jul.n J 6. 5 i~a.i: 19.39,
(2) Gltêgoi:.lte. Ma. dja.Jr..i:a.n ,"'La.- ~u-e4;ti:-orr~-ol-otl.i:a.le -et' ta.- pot;{."'ti:~n:e.- â-u
Pa.Ic.:t1:: COlllmünis:ce.- Tlt1tnça.:t.I.l. - 11f41/~H'4 7 ,
Pa.!Lil.l, Ma.spe./tO 1 1'1.1'1 p. J 03 ,
1
( 3)
G. Ma.dj a.lLi.a.rr. op. c.-:ê.t. p, JCl J •
(4) G. Ma.dja.ltia.n o~ c.-:ê.t.p. 236,

793
Le 1er Décembre 1944, l'armée française ouvrit le feu sur des
prisonniers de guerre libérés qui avaient eu l'impudence de
protester pour réclamer leurs arrié~és de solde et leurs pri-
(11 )
mes de démobilisation. Bilan, il y eut 35 morts, 35 hommes
qui après avoir servi la France et échappé à la barbarie na-
zie avaient péri sous les balles françaises pour avoir osé
réclamer leur simple dO. Dans la guerre qui venait d'avoir
lieu, le droit et la justice n'étaient ni dans un camp ni
dans l'autre pour les peuples qui sou;fraient sous le joug
colonial depuis des générations .

--------------------,\\
H
(1) ff~l~i~e Ve66on. J'ai i.de.n~i.6ié te.~ mQlr.~~ de Tai.a~oye..
A6~'<'que. Hi.~:t:o;tlr.e. NQ 9 1983 pp.51-52.

794
co NCLUS1] N1
Symbole du lent déclin qui a frappé le mouvement
anti-co1onia1iste, la période 1933-1939 a été marquée par
l'exclusion de Kouyaté du PCF, la montée en puissance des
intellectuels nègres, la campagne de soutien à l'Ethiopie,
l'avènement du Front Populaire et enfin le déclenchement de
la seconde guerre mondiale.
Présentée officie1J:emënt comme une affaire interne
au Parti Communiste Français liée à une sombte histoire de
détournement de fonds et d'abus de confiance, l'exclusion de
Tiémoko Garan Kouyaté s'inscrit en réalité dans le changement
de ligne opéré par l'rC depuis l'arrivée des nazis au pouvoir
en Allemagne début 1933. Face à la menace nazie, l'rc a en
effet décidé qu'il fallait procéder à de déchirantes révisions,
parmi lesquelles la mise en
veillevse pour ne pas dire l'a-
bandon pur et simple de la lutte anti-impérialiste qui n'était
pas compatible avec le soutien aux démocraties désormais pro-
clamé. Dans ce nouveau contexte international, seules les
organisations anti-impérialistes Il disciplinées ", c'est à
dire appliquant sans renac1er la nouvelle ligne de l'IC,
sont tolérables.
Kouyaté et Padmore n'étant pas hommes à_
abandonner leur combat au profit des intérêts supérieurs ou
déclarés tels du mouvement communiste international, il fut
décidé de les exclure. Débarassé de l'obstacle Kouyaté, le
PCF peut alors mettre l'UTN sous tutelle et faire du~ eri-

795
des Nègres une caisse de résonnance des mots d'ordre anti-
fascistes. Cependant dans cette affaire, le PCF et au-delà
llrC n'ont guère gagné au change. Certes, ils disposent d'une
organisation aux ordres dont ils n'ont pas à craindre les
éventuelles incartades, mais aucun de
ses dirigeants n'est
en mesure de faire figure de leader du mouvement anti-eolo-
nialiste nègre comme avaient pu l'être Lamine Senghor et
Kouyaté. En fait cet évènement sanctionne l'échec de 10 an-
nées de " travail parmi les nègres Il du mouvement communiste
international, ce dernier n'ayant pas su ou voulu faire les
concessions nécessaires à l'établissement d'une collabora-
tion qui aurait pu être fructueuse pour les deux parties.
Voulant à tout prix et en to~te occasion contrOler et diri-
ger les organisations anti-colonialistes, le mouvement com-
muniste international ne leur a laissé aucune liberté de mou-
vement, leur faisant perdre par là même toute crédibilité.
De cette manière, il a considérablement affaibli non seule-
ment le mouvement national Africain naissant, mais également
ceux de ses membres qui étaient acquis au marxisme. D'une
manière plus générale, cet échec démontrait, bien avant la
lettre, l'inanité qu'il y avait de vouloir diriger le mouve-
ment communiste international à partir d'un pOle unique.
Cette perte de vitesse du mouvement anti-colonialiste a sans
aucun doute favorisé la montée du courant intellectuel qui
a donné naissance au mouvement de la Négritude. Rejetant la
politique pour s'investir uniquement dans le domaine culturel,

796
mettant en avant une problémat~que soi disant neuve, mais en
réalité posée depuis près de dix ans, faisant l'impasse sur
la question de l'indépendance, le mouvement de la Négritude
a ramené le mouvement anti-colonialiste à ses tous débuts, à
l'époque où quelques phrases assassines proférées par René
Maran faisaient figure de véritable révolution. Se débattant
alors pour sa propre survie, le mouvement anti-colonialiste
nègre a été incapable de trouver les forces nécessaires pour
porter la contradiction idéologique à ce mouvement et dénon-
cer des faiblesses qui, loin d'être passagères, se révèlèrent
comme étant dans sa nature intrinsèque.
Dans cette période de reflux, la campagne de sou-
tien à l'Ethiopie, a~ec sa mobilisation exceptionnelle et ses
actions communes, fait figure d'un véritable évènement his-
torique. Cependant, cet évènement ne peut ~tre compris qu'en
relation avec le mythe que pouvait représenter l'Ethiopie
pour les nègres, et loin de symboliser un redémarrage du mou-
vement anti-colonialiste cette campagne en sera le chant du
cygne. Car malgré les multiples tentatives de regroupement
dans le cadre du mouvement nègre ou dans le cadre plus vaste
du mouvement des peuples colonisés, le mouvement anti-colo-
nialiste nègre poursuit sa perte de vitesse; bientOt accélé-
rée par l'avènement du Front Populaire. En effet l'arrivée
au pouvoir de ceux qui se disaient les amis des peuples colo-
nisés accrut les divergences au sein du mouvement nègre et

797
provoqua de sérieux reclassements politiques.
Kouyaté qui avait été de tous les combats pour l'indépendance
depuis plus de dix ans qu'il militait, se rallia sans con-
dition au gouvernement du Front Populaire, poussant m~me l'in-
décence jusqu'à louer ce qu'il abhorait hier. Depité
par le
" lâchage" du mouvement communiste international, heurté par
la menace nazie il s'était soudain effondré reniant ce pour-
quoi i l avait lutté sous prétexte que les temps avaient chan-
gé. En réalité derrière cette litote, i l cachait mal que
c'était lui qui avait changé. Echaffaudant des plans de ré-
formes du système colonial qui avaient tous pour point com-
mun de préserver les intér~ts de la France, il jeta les ja-
lons de ce qu'on allait appeler le néo-colonialisme.
Du cOté de l'UTN la victoire du Front Populaire se traduisit
par la décision du PCF de couper toutes les subventions al-
louées jusqu'àœ jour, ce qui eut pour conséquence principa-
le la cessation de parution du Cric descNègres.
Loin d'~tre un acte isolé, cette décision participait d'une
attitude générale consistant à cesser d'apporter tout soutien
au mouvement communiste des colonies, comme les communistep
Malgaches et Sénégalais l'apprirent à leurs dépens, de maniè-
re à étouffer dans l'oeuf toute critique éventuelle de' -la po-
litique coloniale du Front populaire. A l'heure où le renie-
ment et les compromissions en tous genres étaient à l'ordre
du jour, seuls les nationalistes- " purs et durs", tel Emile
Faure, surent garder la t~te froide.

798
Mettant toujours en avant la revendication de l'indépendance,
dénonçant l'oppression et l'exploitation dont les peuples
colonisés continuaient à être victimes sous le Front Popu-
la~re, Faure, Messali Hadj, Nguyen The Truyen et d'autres
mirent en pratique, au sein du Rassemblement Colonial, deux
notions que leur avaient apprises jadis les communistes et
qu'ils semblaient avoir oublié: l'internationalisme et la
lutte anti-impérialiste.
Alors que la guerre se faisait chaque jour plus pressante,
le mouvement anti-colonialiste nègre disparut en tant que
tel et désormais seules les individualités s'exprimèrent.
L'UTN, " organisation-fantlSme ",
réclamait le maintien du
statu quo colonial choisissant de fait la tutelle d'une puis-
sance impérialiste au détriment d'une autre, ce que le mou-
vement communiste avait dénoncé pendant des années; Kouyaté
rallia purement et simplement le gouvernement français après
la disparition du Front Populaire appelant à la défense de
la Mère-Patrie, avec le secret espoir de jouer un rOle poli-
tique après guerre mais dans le cadre français; quant à Faure,
moins raciste que certains ne veulent bien le prétendre, il
mit sur pied avec Daniel Guérin un Centre de Liaison Anti-Irn-
périaliste qui prlSnat
le refus de prendre parti pour l'~n
ou l'autre camp, cette guerre pouvant apporter tout aux co-
lonisés sauf la fin du joug impérialiste.
Pour avoir, l'un, refusé de se:r:vir de supplétif aux Allemands
et l'autre aux Français, Kouyaté et Faure seront emportés

799
dans la tourmente, le premier y laissant sa peau
et le second
la sauvant de peu. Si de la première guerre mondiale était
né le mouvement anti-colonialiste nègre, la seconde allait
l'enterrer définitivement pour donner naissance à un autre mou-
vement qui ne serait qu'une caricature
du combat mené par
ces pionniers méconnus de l'indépendance, aboutissant à la
mise en place du système néo-colonial aujourd'hui toujours en
vigueur.
~.
r

800
co NCLUS ra NGENERALE1
A la suite d'un si long voyage dans un passé lar-
gement méconnu, pendant lequel ies découvertes ont été nom~
breuses et parfois surprenantes, i l est difficile de faire
ressortir les points forts en quelques mots, tant sont multi-
ples les thèmes que nous pourrions aborder.
Cela étant, s ' i l est une conclusion qui s'impose à la lecture
des travaux effectués sur la question depuis maintenant près
de dix ans, c'est bien que le combat politique des Africains
pour l'indépendance a débuté dès le lendemain de la premiè-
re guerre mondiale et non après 1945, comme on l'a si souvent

affirmé jusqu'à ce jour. En effet, c'est à peine la guerre
,
,
terminée que des gens comme Louis Hunkanrin, Max Clainville
"
(
c. .....
Bloncourt ou Masse Ndiaye se sont engagés dans la lutte anti-
colonialiste, participant en cela au mouvement général des
" damnés de la terre" qui revendiquaient le droit des peuples
à disposer d' eux-m~mes. Dans un premie'r temps, la tendance
majoritaire fut de réclamer un aménagement du système colonial
dans un sens plus égalitaire, en contrepartie du sang versé.
Ce fut l'heure où les Stéphany, Ralaimango, Hunkanrin, Tovalou
Houénou et autres René Maran protestèrent contre le régime
de l'indigénat et demandèrent un plus grand nombre de natura-
lisations, voire même la naturalisation en masse des sujets
français. Parmi les colonisés appartenant à ce courant, i l
y avait surtout des gens pétris de culture française, soit
qu'ils fussent originaires des Antilles où la revendication

801
/
.
,et:.altJ
assimilationnistetancienne et largement répandue, soit qu'ils
aient été formés dans le moule scolaire et donc idéologique
français. Fascinés par le mythe de la France de 1789, ils
avaient pour slogan la devise de la République française
:
Liberté, Egalité, Fraternité. Pour eux ce qui était en cause
ce n'était pas la tutelle de la France mais la manière dont
elle était exercée et leur cible principale était l'Adminis-
tration Coloniale, accusée de trahir l'idéal de la Républi-
que et par conséquent les intérêts de la France.
Dénonçant également les hérauts de la théorie des races supé-
rieures, ils mettaient en exergue les qualités des colonisés
pour prouver qu'ils étaient dignes et capables d'être de bons
citoyens français. Partisans de la Race Humaine, ils prêchaient,
pour une fraternité universelle qui était cependant fortement
teintée de bleu-blanc-rouge.
Dépassés par le cours de l'Histoire qui avait mis
à l'ordre du jour le droit des peuples à disposer dieux-mêmes,
démentis chaque jour par l'attitude d'une France qui se mon-
trait incapable de mettre ses actes en accord avec ses paroles,
ils furent peu à peu marginalisés au profit des partisans de
l'indépendance qui avaient, pour l'essentiel, grandi dans
la mouvance du PCF. L'influence déterminante des communistes
tenait au fait que sur la scène politique française de l'en-
tre-deux-guerres, poussés dans le dos par l'IC, ils étaient
les seuls à prendre fait et cause pour les colonisés et sur-
tout à les soutenir dans leur combat pour l'indépendance.

802
Ainsi nombre d'Africains et d'Antillais adhèrèrent au Parti
ou en devinrent des sympathisants, attirés par son discours
anti-colonialiste. Mis à part les Antillais qui avaient sou-
vent milité à la SFIO avant de devenir communistes, la majo-
rité des Africains membres ou proches du parti se moquaient
comme d'une guigne de la lutte des classes, focalisés qu'ils
étaient sur la lutte anti-colonialiste. Certes, seul parti
politique français à soutenir les revendications des peuples
colonisés,
le PCF n'en était pas pour autant l'allié sincère,
dévoué, attentif et prêt à tout ce que veut bien nous présen-
ter la propagande officielle du Parti. L'intérêt du Parti
pour les questions coloniales était quasiment nul et sans les
mises au point répétées de l'rC, on peut se demander ce
qu'aurait été la lutte anti-colonialiste. Au plan théorique,
mis à part l'européo-centrisme, un certain paternalisme et
la méconnaissance des réalités coloniales, largement inhérents
à l'époque, i l n'y avait guère à redire mais dans la pratique
les choses étaient loin d'aller pour le mieux.
Dès 1925, le Guadeloupéen Joseph Gothon Lunion formulait,
dans un rapport à l'IC, des critiques que l'on trouvait ail-
leurs chez les militants communistes Indochinois ou Nord-
Africains et que l'on retrouvera trente plus tard sous la
plume d'Aimé Césaire.
Sans cesse les militants nègres devaient se battre, parfois
jusqu'à la rupture, simplement pour faire entendre leur point
de vue sur des questions qui les intéressaient au
premier

803
chef
et dont i15
avaient souvent une meilleure connaissance
que les dirigeants de la section coloniale, peut être sincères
et dévoués mais largement incompétents. Ainsi, rongés par
l'européo-centrisme, les communistes taxaient irrémédiablement
d'attitude nationaliste voire raciste toutes les initiatives
visant à la réhabilitation des nègres et de leurs cultures.
Pour un militant comme Lamine Senghor qui entendait être com~
muniste sans renier sa personnalité africaine, la tache était
des plus rudes. Il est vrai, que plus que tout autre, le
problème posé par les nègres était complexe.
Ces derniers étaient en effet victimes d'une triple oppression,
nationale parce que COlonisés, sociale parce ~u'exploités et

raciale parce que mis au ban
de l'humanité depuis des siècles
comme aucune autre race ne l'avait jamais été.
En effet, si les Indochinois et les Maghrébins étaient eux
aussi victimes du racisme, dans l'échelle des" valeurs" éta-
blie par les Européens, ils avaient une place nettement plus
enviable que celle des nègres, considérés comme le degré
zéro de la civilisation voire de l'humanité tout court.
Un homme comme Lamine Senghor réussit l'exploit de
mener le combat sur tous les fronts. Colonisé, i l luttait
pour l'indépendance de son peuple, et au-delà pour ~elle de
tous les peuples opprimés; exploité i l avait adhéré à la CGTU
et il n'oubliait jamais les luttes menées par le prolétariat
des puissances impérialistes; nègre enfin, i l avait décidé

804
de réhabiliter sa race, sa culture, ses valeurs afin de redon-
ner dignité, fierté, confiance et espoir à ses frères.
Rares étaient ceux qui voyaient les ehoses aussi globalement •.
Les assimilationnistes militaient certes à leur manière ( voir
supra) pour la réhabilitation de l'homme nègre, mais ils ne
se souciaient guère d'une réelle émancipation sociale et po-
litique des peuples de nègres. Quant aux nationalistes, dé-
fendant bec et ongle l'idée d'indépendance, leur vision par
trop épidermiqtle des chosesne leur permettaient pas d'appré-
hender les problèmes dans leurs réelles dimensions.
Paradoxalement, ces courants très différents pour ne pas dire
divergents coexistèrent longtemps dans le cadre des organisa-
tions anti-colonialistes nègres, qui bien qu'évoluant dans
l'orbite du PCF ne furent jamais monolithiques, et ce jus-
qu'au début des anné~s trente.
La raison en était simple, faute de moyens financiers et d'ap-
puis politiques et moraux, il n'y avai.t poi.nt de salut l'lors
du Parti. Kouyaté qui récusa dans un premi.er temps la tutel-
le communiste l'apprit à ses dépens, et i l dut faire. Il amende
honorable ", adhérant au PCF sans pour autant adh.érer au mar-
xisme! De même Emile Faure qui. rejetait les fi martres blancs 11
vit qu'il était fort difficile de se fa:i.re entendre. Tout en
étant totalement indépendant, la'-'Race- Nègre
devint
annuel
au lieu de mensuel suite à la scission de 1931.
Cependant qu'ils soient communistes, nationalistes ou même
assimilationnistes, un point COmmun les unissait: la dimen-

805
sion panafricaine de leur combat. A cela plusieurs raisons
que nous avons déjà exposées longuement et que nous nous con-
tenterons ici de rappeler; à savoir ~
- influence de l'idéologie panafricartiste popularisée à l'~po-
que par WEB du Bois mais surtout Marcus Garvey,
- influence plus globale des courants unitaires
( panarabisme,
panislamisme, panasiatisme,panturquisme, pangermanisme, inter-
nationalisme, etc ••• ),
- poids des réalités coloniales françatses qui groupaient l.es
Africains en deux grandes fédérations
( AOF, AEF ),
- absence d'un véritable sentiment national dû à l'inexisten-
ce de nations correspondant au découpage colonial,
- souvenir d'un passé commun et image d'un présènt dans les-
quels le nègre quelque soit son sexe, son âge, ses qualités
et ses défauts ou son origine, avait été et était traité en
esclave, en paria, en sous-homme.
Tous ces élèments concouraient à renforcer la so-
lidarité innée qui anime les gens appartenant à un même grou-
pement humain qu'ils sOient nègres, blancs ou jaunes(l) et,
au delà des situations politiques ou sociales .et des évolu-
tions historiques différentes, ce qui réunissait
(1) Tentant d'expliQue~ cet n inte~nationaliame noi~ ", Jane
Na.lI.dal éc~.tvait à. l'époque que malg~é lea' dio oé~ence.6 d' o~i­
gine, de nationalité, de moeu~4 et de ~eligion le6 nèg~e~
" aentent vaguement qu'lla appa~tiennent mal9~é tout à. une
Hule et même ~ace n. ( Co la~pfp€-ch~-Anlt.;i'-clt;ine
N°1Fév. HU ).

806
les nègres c'était la couleur de leur peau et leur origine
africaine commune. Cependant entendons-nous bien, i l s'agis-
sait Iii de l'expression d'un sentiment panafricain et non
d'une quelconque adhésion à l"idéologie politique qu'était
leR3hafricanisme dont les contours n'allaient n'ailleurs être
véritablement précisés qu'après 1945.
Nées et implantées en France,
les organisations
anti-colonialistes nègres ne réussirent pas ii s'ancrer du-
rablement aux colonies et notamment en Afrique pour des rai-
sons que nous tenterons d'expliquer plus loin. Cepe~dant elles
y exercèrent leur influence.let ce.lPlus qu'on ne pouvait l ' i -
maginer jusqu'ii ces derniers temps. L'examen des archives co-
loniales fait en effet ressort~r que leur presse était lue
dans de nombreuses colonies par les Il évolués 11 et même por-
tée à la connaissance des analphabètes par le biais de
lec-
tures
de groupe commentées.
Impuissant~s, fàute d'implantation locale digne de ce nom,
ii imposer leurs vues, elles n'en contribuèrent pas moins à
l'éveil des consciences, indiquant qu'il existait une alter-
native à la domination coloniale, montrant que les choses
devaient et pouvaient changer.
Au Sénégal par exemple, sans négliger le rOle des militants
communistes européens de base, i l n'est pas interdit de pen-
ser que la presse anti-colonialiste joua
un rôle non négli-
geable dans la détermination ou le renforcement de la prise
de conscience des cheminOts.

807
Le fait que des gens comme Léon Mba et Augustin Azango aient
été en relation avec les organisations nègres n'est sans dou-
te pas étranger à leur engagement ultérieur au sein du RDA et
la m~me réflexion peut ~tre faite à propos deOuezzin Coulibaly qui
était très certainement le mystérieux personnage qui écrivait
régulièrement dans Afrîca sous le pseudonyme d'OLAYCBULL
( anagramme de COULIBALY ) (1) •
Aujourd'hui que l'on connaIt mieux l'histoire des organisa-
tions anti-coloniallstes nègres de l'entre-deux-guerres, cer-
taines vérités d'hier ou sUPP9sées telles doivent être re-
mises en question. En effet, i l ne saurait y avoir évolution
du contenu des connaissances historiques sans qu'il n'y ait
dans le m~me temps évolution de la connaissance de ce m~me
contenu. Outre la réévaluation, déjà évoquée, de l'attitude
adoptée par le PCF face'à la question coloniale, i l est in-
dispensable de réexaminer le sens de l'action politique de
Blaise Diagne et le rOle joué par le mouvement de la Négritu-
de dans la marche vers l'indépendance des anciennes colonies
africaines.
En ce qui concerne Blaise Diagne, s ' i l fut élu pour défendre
les intérêts des Africains ou plus précisèment ceux des ori-
ginaires des quatre_communes, et s ' i l fut effectivement perçu
comme un héros en 1914, i l a très tOt trahi la mission qui
lui avait été confiée. Zélé à recruter de la chair à canon
pour les champs de bataille de la première guerre mondiale,
il ne fit guère de zèle pour obtenir une juste contrepartie
(1) AFRICA N°6 OQt:-Nov. 1936 ( pa~ la ~uite ta ~ignatu~e ne
6u~ o~thog~aphiée qu'aveQ un ~eul L ).

BOB
à ceux qui avaient consentis de terribles sacrifices, lais-
sant les orphelins, les veuves, les mutilés et les anciens
combattants avec des pensions de misère et ne faisant rien
pour exiger ~e respect de la parole donnée. Présent aux premiers
congrès panafricains où WEB Du Bois comptait exposer la soif
de liberté des peuples nègres, i l fit tout pour empêcher la
tenue des débats de fond sur le système colonial et se ser-
vit de la tribune pour y faire l'éloge de la France colonia-
le plutOt que de défendre ses frères.
Pourchassant Hunkanrin, signant le Pacte de Bordeaux par le-
quel i l s'engageait à défendre les intérêts des maisons de
commerce bordelaises
( faut-il pré.ciser aux dépens des Séné-
galais ), taxant Tovalou Houénou de communiste, s'opposant
aux organisations nègres, défendant la position de la France
sur le travail forcé, il ne se préoccu~a guère de l'améliora-
tion des conditions de vie de ses frères sans parler de
leur émancipation. Sur toutes ces questions-à l..Jép09ue, des
militants nègres avaient des positions diamétralement opposées,
prouvant s ' i l en était besoin que Blaise Diagne n'était pas
prisonnier des limites de son époque, mais bien qu'il avait
fait un choix, celui de défendre les intérêts colonialistes
au détriment de ceux des peuples Africains colonisés.
De même i l n'est plus possibJ-eaujourd-'hui de con-
tinuer à présenter la Négritude comme 11 le temp<!i 6dible d'u.ne
pltoglte<!i-&ion didlec..tA.. qu.e "

809
Comme nous l'avons montré plus haut, le thème de la réhabili-
tation de l'homme nègre dont la Négritude se targue d'avoir
été le pionnier, avait été lancé des années auparavant par
le mouvement anti-colonialiste nègre qui/de plus/lui avait
assigné un rOle précis: participer au combat pour l'érnanci-
pation des peuples nègres, contribuer à la lutte pour l'indé-
.pendance, ce que les tenants de la Négritude" allergiques"
à la politique se gardèrent bien de faire, faisant de leur
mouvement un simple courant littéraire qui n'inquiéta
jamais les fonctionnaires de la rue Oudinot. Car comme le dit
fort bien Paul Oakeyo : 1/ Quart:taux Blanc.-5, Le. .te.ulL e.n c.Ôu:te.
bie.n pe.u de. .tâc.he.lL d'une. main .ta lLe.c.Ortnai~-5anc.e. de. .ta C.ul:tUlLe.
e.:t de. .t'olLigina.ti:tl noilLe.-5, quand il~ en plLo6i:te.n:t poulL lLlc.u-
pllLe.lL de. .t'au:tlLe. .te.-5 a:tou:t-5 éc.onom~que.-5 qui .te.UlL Qon:t aoan-
donné-5 : i.t4 y gagne.n:t une. bonne. c.on-5c.ie.nc.e. e.:t une. c.omp.tè:te.
e.n:te.n:te. ave.c. le.-5 rta26-5 qu~ .te.ulL .ta~-5-5e.n:t a~n-5i le. c.namp liolLe. »(1)
Cela étant dit, si on fait un bilan du mouvement
anti colonialiste nègre, on tombe sur un constat d'échec;
échec à mobiliser vérital?lement la communauté nègre de Fran-
ce et surtout échec à s'implanter durablement et solidement
en Afrique. En France, passé l'enthousiasme des premiers
temps, ces organisations sans grands moyens, pauvres en cadres,
(7) M. Baue.lL, P. f)ake.yo .PQé~ü. Ît'1Ll1 C:Qtctüre.l1:t PalLÜ e.d. Si..te.x
7983 p.6.

810
affaiblies par les scissions et discréditées par la tutelle
souvent pesante du PCF, n'ont pu avoir un grand rayonnement.
Malgré les tentatives courageuses faites en direction des ma-
rins, ceux-ci ont finalement boudé des organisations à la
fois éloignées géographiquement et loin de leurs préoccupa-
tions immédiates. Les tentatives de syndicalisation de ces
mêmes marins ont également été des échecs liés à la sourde
hostilité de la CGTU, à la précarité de l'emploi inhérente
à cette période de crise, au caractère illégal d'une grande
partie de cette immigration, etc •.,. Mais en dernier lieu ce
qui a entamé à ce point les tentatives de syndicalisation
c'est l'absence de traditions de luttes, l'absence de conscien-
ce ouvrière,d'hommesqui étaient à première vue des prolétaires
mais qui avaient gardé la mentalité des paysans qu'ils étaient
avant de se lancer sur les chemins de l'immigration. Si on
ajoute à cela ce que nous avons dit plus haut sur l'absence
d'un véritable sentiment national, on comprend encore mieux
l'échec des organisations nègres.
Sur le plan de la propagande, elles se sont heurtées
plus que toutes les autres au problème de la langue. Rappelons
nous que lorsque Kouyaté
faisait par exemple un discours à
Marseille, i l fallait ensuite plusieurs interprètes pour
le traduire qui en Wolof, qui en Soninké, qui en Pulaar.
compte tenu de la multiplicité des langues en usage tant dans
l'immigration qu'en Afrique, i l était impossible de rédiger
la_,presse nègre en langue nationale cOmme le faisaient les

811
Nord-Africains, les Indochinois ou les Malgaches. De ce fait
seuls
les gens sachant lire et maîtrisant suffisamment le
français pouvaient être touché~
directement.
Cependant la plus grande faiblesse du mouvement anti-colonia-
liste nègre fut son incapacité à s'implanter durablement
aux colonies comme le firent,
malgré une répression tout
aussi intense, les Indochinois, les Nord-Africains et les Mal-
gaches. Tenter de répondre au pourquoi et au comment de cet
état de chose, c'est aborder une série de questions touchant
à la réalité africaine pré et post-eoloniale qui seraient
autant de sujets de thèses. Déjà abordée, mais non épuisée,
se pose la problèmatique de la nation, à quoi vient s'ajouter,
par exemple, celle de la genèse et de l'évolution des clas-
ses dominantes.
En effet compte tenu de la faiblesse des structures étatiques
à la période pré-coloniale, du fait de l'insignifiance numé-
rique, pour ne rien dire de ;L'insignifiance tout court des
intellectuels et en présence de la quasi-inexistence Cl) d'une
classe marchande influente, il nous semble que la destructu-
ration sociale provoquée par la colonisation, floua relati-
vement peu de monde en regard de ce qui se passa au Maghreb,
en Indochine ou à Madagascar. Dans ;La majorité des cas, la
colonisation semble avoir permis plus' de promotion sociale
qu'elle n'entraîna de régression pour les détenteurs du pou-
voir d'hier. Les anciens JI aristocrates JI v;trent certes leur-
pouvoir régresser 1 mais ils furent souvent 1/ récupérés .. JI com-

812
me chefs de canton ou de village, postes sars dans la mesure
où ils savaient se faire dociles et grâce
auxquels ils
purent s'enrichir, notamment par le biais de la perception
de l'impôt. Le développement de l'Administration coloniale,
de l'armée, de l'enseignement, du commerce permirent â nom-
bre d'individus souvent d'orgine modeste de devenir
puissants
sinon respectés par le simple fait d'être aux cOtés de ceux
qui détenaient le pouvoir. Le fils de garde-eercle d'origine
servile qui était devenu instituteur n'avait rien perdu à
la colonisation, bien au contraire. Certes dês le début ce fut
parmi cette " élite Jlque les contestataires en tous genres
recrutêrent leurs partisans, mais du fait de leur situation
i l leur était difficile de s'engager très en avant dans cer-
taines luttes au risque de perdre leur emploi, et donc leur
statut, et par lâ même la crédibilité qu'ils pouvaient avoir.
Ce n'est sans doute pas un hasard s'i c'est seulement après
1945, â une époque où le système colonial deserra un peu son
carcan, que les JI élites " se lancèrent dans les luttes poli-
tiques èevenues soudain moins risquées.
Par ailleurs la quasi-absence d'une classe marchan-
de influente, à l'exception notable du Dahomey, faisait qu'il
n'y avait guêre de détenteurs d'un pouvoir économique suscepti-
bles de s'opposer â la colonisation dans l'espoir de voir aug-
menter leur part du gateau.
Fragile en France, quasi-inexistant aux colonies, le mouvement antL-
.
colonialiste nègre issu de la 1ère guerre mondiale dispa-

813
raitra dans la tourmente engendrée par la seconde. Pour des
raisons différentes, ceux qui l'avaient côtoyé ou en avaient
simplement entendu parler, le laissèrent tomber dans l'oubli
le plus profond. Le PCF, auquel adhèrèrent pourtant Lamine
Seng~or, Tiémoko Garan Kouyaté, Stéphane Rosso et d'autres,
le PCF qui avait sOutenu financièrement et jusqu'à un certain
point politiquement les organisations nègres et qui détenait
les précieuses archives de la commission coloniale, sans
parler des connaissances en la matière de certains de ses di-
rigeants, ne publia pas une ligne sur ces hommes et leurs com-
bats.
Les fondateurs du mouvement de la Négritude, tel Léopold Sédar
Senghor, qui dit s'être intéressé à l'action de Lamine Senghor
et avoir» eu ~u~tout l'occasion de li~e La Voix des M~g~e~ »(1)
n'ont quant à eux jamais prononcé leurs noms. Aujourd'hui
grâce à la multiplication des travaux sur ce sujet puissent
les Africains renouer avec une partie de leur passé enseveli,
puissent les jeunes générations tirer leçon des échecs du
passé et s'inspirer du combat de ces pionniers méconnus de
l'indépendance/les yeux tournés vers l'avenir, pour mener à
bien la tache qu'ils s'étaient fixés à savoir la libération
totale du continent de la tutelle impérialiste et l'édification
d'une Afrique libre et unie.
(1) Lett~e de léoplod Sé.da~ SengltM à.. l'a(.l.teu~.
13 SeptemQ~e
1985. Oan~ cette même lett~e,
L.S. Sengfio~ dé.c~it Lamine Sengn.o~
comme étant" intelligent et dynamique" et a66i~me l'avoi~ ~e..n­
cont~é une ou deux 60ls » pa~ n.asa~d", o~ quand II est a~~ivé.
en F~ance en 1918, le 6ondateu~ du CORN é.tait mo~t depui~ un an •..
Quant a la VO'{YCle:&- N'~qlt.es, elle n' eut que. deux pa~utioM en 19'1.1 •••

814
CHRONOLOGIE SOMMAIRE
11914/
10 mai :Election de Blaise Diagne comme député du Sénégal.
20 juillet: Fondation à Kingston (Jamaique) de l'Universal Negro Improvement Associa-
tion (U.N.I.A.) par Marcus Garvey.
03 août
L'Allemagne déclare la guerre à la France. Quelques semaines plus tard, les
premiers contingents de troupes coloniales -arrivent en France, venant d'Afri-
que du Nord puis du Sénégal.
/1915/
Avril
Le corps expéditionnaire franco-britannique bat en retraite face aux troupes

turques dans les Dardannelles en laissant 40 000 morts sur le terrain.
/1916/
Février à juillet
Bataille de Verdun.
/1917/
15-16-17 avril
Offensive "Nivelle". Les troupes noires qui composent 14% des effec-
tifs engagés subissent 32% des pertes.
Octobre: Triomphe de la révolution russe.
2 novembre: Octroi du droit de sécession à tous les peuples de l'ancien empire russe.
/1918/
Janvier: Lancement du Negro World par Marcus Garvey.
8 janvier
Céclaration en quatorze points du président Wilson dans laquelle il se
prononce pour "un règlement librement débattu, dans un esprit large et
absolument impartial de toutes les revendications coloniales, fondé sur
ce principe rigoureusement observé que, pour résoudre les problèmes de
souveraineté les intérêts des populations en cause pèseront d'un même
poids que les revendications du gouvernement dont les titres seront exa-
minés."

815
10 octobre
L' Action Coloniale déclare dans son premier numéro "Il est grand temps
que ces errements Icoloniauxl finissent si nous voulons conserver nos
immenses possessions d'outre-mer et en tirer parti."
Il novembre: Proclamation de l'Armistice.
11919/
18 janvier
Ouverture de la Conférence de la Paix à Versailles. Les délégués reçoi-
vent un mémoire en faveur de l'indépendance rédigé par le Comité Algéro-
Tunisien.
Nguyen Ai Q.Joc (le futur Ho Chi Minh) écrit les "revendications du peuple annamite".
19 février : Ouverture par Blaise Diagne du premier Congrès Panafricain organisé par
W.E.B. Du Bois à Paris.
2-6 mars
Congrès constitutif de l'Internationale Communiste.
11920/
Janvier
Création par Samuel Stéfany, Jean Ralaimongo et Max Clainville BIoncourt de
la Ligue Française pour l'Accession aux Droits de Citoyen des Indigènes de
Madagascar (L. [.A.D.C.I.M.).
19 juillet-7 août: 2ème congrès de l'Internationale Communiste qui adopte les pre-
mières résolutions sur la question coloniale.
1er août
1ère conférence internationale de l'U.N.I.A. au cours de laquelle est ren-
due publique "The declaration of rights of the Negroes of the world".
18 septembre: Congrès des peuples d'Orient a Bakou.
Novembre : Lancement du Messager dahoméen par Louis Hunkanrin et Max BIoncourt.
25-29 décembre : Congrès de Tours qui voit la création du Parti Communiste Français.
11921/
1er mars
Eugène Honorien lance Le Réveil colonial "organe central des doléances et
des revendications des coloniaux de toutes les colonies".
10 mars
L' Action coloniale appelle "les noirs et les jaunes qui aiment vraiment
leurs frères, affreusement opprimés, et qui veulent sincèrement l'améliora-
tion de leur sort à collaborer" au journal.

816
Mai :Fusion de l'Association des Patriotes Annamites et de la L.F.A.D.C.I.M. en un
Groupe Socialiste des Originaires des Colonies (G.S.O.C.) qui collabore avec
le journal l'Action coloniale.
13 juin :Réunion constitutive du Comité d'Etudes Coloniales avec la participation
de Nguyen Ai Quoc et Georges Sarotte.
Juillet :Création de l'Union InterColoniale (U.I.C.) par les inititeurs du G.S.O.C.
qui ont semble-t-il rompu avec l'Action coloniale.
17 juillet-7août :3ème congrès de l'Internationale Communiste.
28-29 juillet :lère session à Londres du 2ème Congrès Panafricain qui préconise la
création de "local self-government" prélude à des "complete self-go-
verment"
31 août-3 septembre :2ème session a Bruxelles du 2ème Congrès Panafricain ou Blaise
Diagne dénonce les "sentiments plutot dangereux" des noirs amé-
ricains et les "théories communistes" du manifeste adopté a
Londres
4-5 septembre :3ème session à Paris du 2ème Congrès Panafricain qui adopte une ver-

sion édulcorée du manifeste de Londres et jette les bases de l'Associa-
tion Panafricaine.
25-30 décembre :ler congrès du P.C.F. à Marseille.La question coloniale n'est pas
discutée faute de temps.
Kojo Tovalou Houénou publie L'involution des métamorphoses et des métempsychoses de
de l'Univers.
René Maran obtient le prix Goncourt pour son roman Batouala.
119221
2 janvier :L'U.I.C. lance le texte intitulé :"Appel à nos frères indigènes".
21 janvier :Masse Ndiaye, un ancien tirailleurs sénégalais membre de l'U.I.C. écrit
une lettre à son frère, élève à l'Ecole Normale d'Aix en Provence dans
laquelle il évoque le combat pour l'indépendance de l'Afrique.
1er février :Stéfany lance un appel pour la création d'une coopérative visant a doter
l'U.I.C. d'un journal ayant pour titre Le Paria.
1er avril :Sortie du 1er nO du Paria "tribune des populations des colonies".
11 mai :Ouverture de la rubrique "l'Humanité aux colonies" dans l'organe central du P.C.F.
25 juin-1er juillet :Congrès constitutif de la Confédération Générale du Travail Unifiée
(C.G. T.U.).
1er août :Le Paria publie le texte intitulé "Appel aux populations des colonies".
15-19 octobre :2ème congrès du P.C.F. à Paris
2 novembre :Arrêt de la rubrique "l'Humanité aux colonies".

817
5 novembre-5 décembre :4ème congrès de l'Internationale Communiste auquel assiste pour
la première fois un colonial français en la personne de Tahar
Boudemgha, representant le C.E.C.Première participation égale-
d'un délégué nègre en la personne d'Otto Huiswood representant
Communist Party of the United States of America (C.P.U.S.A.).
Ce dernier est accompagné du romancier jamaicain Claude Mac Kay.
Le congrès adopte "Les thèses sur la question nègre".
/1923/
Janvier :Suite aux critiques de l'I.C. réapparition de la rubrique coloniale dans l'Huma-
nité.
Kojo Tovalou Houénou fonde l' Ami tié Franco-Dahoméenne qui prône "une collabora-
tion mieux comprise entre les Français de France et les Français d'outre-mer~
Les francs-maçons et les membres de la Ligue des Droits de l'Homme sont exclus
du P.C.F. ce qui affaiblit notoirement le C.E.C.
Avril :Lancement du Libéré "tribune du peuple malgache" par Jean Ralaimongo.Parmi les
collaborateurs du journal on remarque René Maran, Fernand Gouttenoire de Toury,
Jean Fangeat, etc ••.
Mai :Le bureau politique du P.C.F.alloue une subvention au C.E.C. et lui attribue un
local au siège du Parti 120 rue Lafayette.
4 août :Kojo tovalou Houénou est victime d'une agression raciste dans un bar de Mont-
martre.
7-8 novembre :lère session à Londres du 3ème Congrès Panafricain qui se déroule en
l'absence des francophones.
1-2 décembre :2ème session à Lisbonne du 3ème Congrès Panafricain a laquelle partici-
pent des délégués représentant les colonies portugaises.
12 décembre :Création du Service de Contrôle et d'Assistance en France des Indigènes
des Colonies (S.C.A.F.I.C.) plus couramment appelé C.A.I. (Contrôle et
Assistance aux Indigènes).
/1924/
20-24 janvier :3ème congrès du P.C.F. à Lyon qui cree une Commission Coloniale (C.C.)
en remplacement du C.E.C.
30 avril :Kojo Tovalou Houénou fonde la Ligue Universelle pour la Défense de la Race
Noire (L.U.D.R.N.).
Mai :Le P.C.F. présente l'Algérien Hadjali, membre du bureau de l'U.I.C.et de la C.C.,
. aux élections législatives.
15 mai :Sortie du 1er nO des Continents journal de la L.U.D.R.N.

818
17 juin-8 juillet :5ème congrès de l'Internationale Communiste auquel participe le
Guadeloupéen Joseph Gothon Lunion.l'inaction du P.C.F. en matière
coloniale est de nouveau dénoncée.
Juillet :Création de la Fraternité Africaine par un groupe de Sénégalais qui compte dans
ses rangs Lamine Senghor, Emile Faure , Masse Ndiaye et Ibrahima Sow, ces deux
derniers appartenant à l'U.I.C.
Il août :Jacques Doriot devient responsable de la C.C.
16 août :Kojo Tovalou Houénou s'embarque pour les Etats-Unis ou il va rencontrer Marcus
Garvey et les dirigeants de la N.A.A.C.P.
1er octobre :Dans un article publié dans Les Continents, René Maran accuse Blaise Diagne
d'avoir touché une commission par tête de soldat recruté lors de sa tournée
en A.O.F.
26 octobre :Crétion du Service des Affaires Indigènes Nord Africaines (S.A.I.N.A.).
24 novembre :Procès Diagne/Les Continents au cours duquel Lamine Senghor témoigne en
faveur du journal.
15 décembre :Affaibli par l'absence de Kojo Tovalou Houénou et le procès intenté par
Blaise Diagne, Les Continents publie son dernier nO, rendant ainsi caduc
le projet de fusion avec Le Libéré.
29 décembre :La C.C. est transformée en Commission Coloniale Centrale (C.C.C.l.
/1925/
17-21 janvier :4ème congrès du p.c.F.à Clichy auquel participe Lamine Senghor membre
depuis peu de la C.C.C. et du bureau de l'U.I.C.
10 février :Ouvertur.e de l'Ecole Coloniale Communistè ou Lamine Senghor acquiert les
rudiments du marxisme en compagnie de Stéphane Rosso.
03 mai :Lamine Senghor est présenté comme candidat par le P.C.F. aux élections munici-
pales dans le quartier de La Salpétrière ou il obtient 965 voix au premier tour.
14 mai :Début de la guerre du Rif et création par le P.C.F., la C.G.T.U., l'A.R.A.C. et
la revue Clarté du Comité d'Action Contre la Guerre du Rif dont fait partie Lami-
ne Senghor.
23 juin :Dans le cadre de la répression contre la campagne contre la guerre du Rif, La-
mine Senghor est arrêté à Argenteuil.
12 juillet :Lamine Senghor participe à un meeting du Comité d'Action à Lille.
06 août :Lamine
Senghor participe à un meeting du Comité d'Action à Lyon.
08 septembre :Lamine Senghor participe à un meeting du Comité d'Action à Bordeaux.
12 octobre :Grève générale de 24 heures contre la guerre du Rif qui mobilise 900 000 per-
sonnes.
16 octobre :Le P.C.F. refusant de payer les billets de Max BIoncourt-et Lamine Senghor
pour le congrès constitutif de l'American Negro Labor Congress qui devait

819
se tenir à Chicago, Lamine Senghor démissionne du P.C.F. Quelques temps plus tard, suite
à une entrevue avec les responsables de la C.C.C. , il revient sur sa décision.
25 octobre :Joseph Gothon Lunion adresse au Comité Exécutif de l'I.C. un texte intitulé
"Depuis le 5ème Congrès Mondial à ce jour. Rapport .La question coloniale.La
politique du Parti français et la question.nègre.l'Exécutif doit connaitre
la vérité" dans lequel i l dénonce les carences de la politique coloniale du
p.e.F.
16 novembre :Lamine Senghor établit des contacts préliminaires en vue de fonder une
Société des Noirs des Colonies Françaises.
Décembre :Revenu des Etats-Unis Kojo Tovalou Houénou s'embarque pour le Dahomey afin
de rendre visite à son père malade.
/19261
1er janvier :Lancement du Viet Nam Hon (l'Ame du Vietnam) organe du Parti Annamite de
l'Indépendance (P.A.I.).
15 janvier :Les Cahiers du Bolchévisme publie "la lettre des 250".
02 février :Réunion du bureau de l'U.I.C. destinée à réorganiser l'organisation.
08 février :Lamine Senghor fait part aux dirigeants de l'U.I.C. de son projet de créer
un journal s'adressant exclusivement aux Nègres des colonies françaises.
07 mars :Réunion constitutive du Comité de Défense de la Race Nègre (C.D.R.N.).
20 mars :Première réunion de l'Etoile Nord Africaine (E.N.A.).
30 mars :Le C.D.R.N. est officiellement déclaré à la préfecture de police.
Mars :Kojo Tovalou Houénou quitte le Dahomey pour le Togo ou il va prendre la défense
d'Africains déférés en justice.
Avril :Dernier nO du Paria (n038) dans lequel Lamine Senghor signe un article intitulé
"Le réveil des Nègres".
28 avril :Kojo Tovalou Houénou est transféré au Dahomey ou il est jugé et condamné a
une lourde peine de prison suite à une plainte pour faux et escroquerie.
Mai :Parution du 1er nO de Al Alam Al Ahmar (Le drapeau rouge), organe de l'E.N.A.
Les Cahiers du Bolchévisme publie un article de Camille Saint-Jacques critiquant
l'attitude du P.C.F. pendant la campagne contre la guerre du Rif.
Juin :Lamine Senghor fait une tournée dans les ports de Marseille et Bordeaux pour y
prendre contact avec les ouvriers nègres.
02 juillet :Election du Comité Central de l'E.N.A. avec Messali Hadj pour président et
Hadjali pour secrétaire général.
04 juillet :Lors de l'assemblée générale du C.D.R.N. le Commandant Mortenol propose
que chaque année les Nègres de Paris célèbrent la naissance de Victor Schoe-
lcher en déposant une gerbe sur sa tombe au cimetière du père Lachaise.
25 juillet :Les membres du C.D.R.N. emmené par le Cdt Mortenol fleurissent·la tombe de
Schoelcher(né le 21 juillet 1804).

820
Septembre :Fondation de la section des Bouches du Rhone du C.D.R.N. par Lamine Senghor.
03 octobre :Fondation de la section de la Seine Inférieure du C.D.R.N. par Joseph Gothon-
Lunion et Léon Hanna-Charley.
09 octobre :Fondation de la section de la Gironde du C.D.R.N. par Lamine Senghor.
30 novembre :De son propre chef Joseph Gothon Lunion adresse un télégramme au Comité
Exécutif élargi de l'I.C.(réuni depuis le 22 octobre) dans lequel il pro-
clame l'élection de Lénine comme "président honoraire perpétuel" du C.D.R.N.
Fermeture du siège de l'U.I.C.
/1927/
Janvier :Sortie du 1er nO de La Voix des Nègres, organe du C.D.R.N.
16 janvier :Assemblée générale du C.D.R.N. qui destitue Joseph Gothon Lunion de ses fonc-
tions de secrétaire général.
02 février :Création de la Ligue Anti-Impérialiste dont Lamine Senghor fait partie du
Comité Directeur.
07-14 février :Congrès constitutif de la Ligue contre l'Oppression Coloniale et l'Impéri-
alisme à Bruxelles.Suite à un discours remarque Lamine Senghor est élu
membre du bureau
aux côtés de Nehru et Mohamed Hatta notamment.
27 février :Assemblée générale du C.D.R.N. qui débouche sur une scission entre les
assimilationnistes conduits par Maurice Satineau et les partisans de l'indé-
pendance emmenés par Lamine Senghor.
Mars :Parution
du second nO de La Voix des Nègres sur lequel figure pourtant la mention
nOl Mars 1927.
06 mars :Première réunion entre Lamine Senghor et ses amis en vue de la création d'une
nouvelle organisation.
Avril :Massacre des communistes à Shanghai par les troupes du Kuo Min Tang qui sonne
le glas de l'alliance entre communistes et nationalistes symbolisée par le
congrès de Bruxelles.
22 avril :Albert Sarraut,ministre de l'Intérieur,s'écrie a Constantine (Algérie):
ilLe commun-isme,voilà l'ennemi ~ ".
25 mai :La Ligue de Défense de la Race Nègre (L.D.R.N.) creee par Lamine Senghor et
Tiémoko Garan Kouyaté est officiellement déclarée.
Juin :Publication du 1er nO de La Race Nègre,organe de la L.D.R.N.
Lamine Senghor publie La violation d'un pays.
Juillet :Lamine Senghor part en tournée en province pour gagner les sections du C.D.R.N.
à la L.D.R.N.
Août :Joseph Gothon Lunion sort un journal intitulé Au Comité de Défense de la-Race Nègre
la vérité est en marche! dans lequel il tente de justifier.
La santé de Lamine Senghor,en vacances dans le Midi,se dégrade terriblement.
21-24 août :4ème Congrès Panafricain à New York.De nouveau les délégués francophones sont

821
totalement absents.
24 septembre :Lamine Senghor malade,la L.D.R.N. tient son assemblée générale en son
absence.
30 octobre :Atteint de p~ralysie générale Lamine Senghor écrit à Kouyaté pour lui dire
qu'il démissione de toutes ses fonctions.
Novembre :Parution du 1er nO du Courrier des Noirs, journal bilingue lancé par Camille
Sain t-Jacques.
25 novembre :Lamine Senghor succombe de la tuberculose, maladie qu'il avait contractée
pendant la guerre après avoir été grièvement gazé.
Décembre :Kouyaté, secrétaire général.de la L.D.R.N.,devient le véritable leader de l'or-
ganisation.
/1928/
Février :Parution du 1er nO de La Dépêche Africaine fondée par Maurice Satineau afin de
"combattre l'introduction du communisme aux colonies parceque son application
ne peut que retarder l'évolution générale des populations coloniales~
Mai :Arrivée de Lamine Guèye,Galandou Diouf et Kojo Tovalou Houénou à Paris pour deman-
der l'annulation des élections législatives au Sénégal •

03 juin :Le P.C.F. propose à Kouyaté d'assister à un congrès du mouvement communiste
mais celui ci
ne répond pas à l'invitation.
Juillet :Parution du 1er nO de L'Ouvrier nègre, version française du Negro Worker jour-
nal du Comité Syndical International des Ouvriers Nègres (C.S.I.O.N.) fondé
lors du 4ème congrès de l'Internationale Syndicale Rouge (I.S.R.) tenu en
juillet 1928 également.
17 juillet-1er septembre : 6ème congrès de l' I.C. qui adopte la ligne de conduite "classe
contre classe" qui exclue toute alliance avec les partis ré-
formistes ou nationalistes.
Décembre :Parution du 1er nO de M'balé (La vérité) lancé par le camerounais Ebélé.
/1929/
23 janvier :Ford, responsable des questions nègres auprès de l'I.C. fait un rapport
"Sur le travail parmi les Nègres" au bureau politique et à la C.C.C. du
P.C.F. Il préconise notamment d"'établir des liaisons avec les organisations
et les groupements nègres en France,particulièrement à Paris,et essayer de
les utiliser pour notre travail".
Fin janvier :Kouyaté se rend au siège du P.C.F. pour y négocier "l'adhésion" de la
L.D.R.N. et bénéficier d'une subvention.
13 février :La L.D.R.N. organise un meeting pour protester contre la répression en Haute·
Sangha et à cette occasion un orateur du PC.F. prend la parole ce qui provo-

822
que les premières dissensions au sein de l'organisation.
Mars :Dans La Race Nègre,Kouyaté dénonce Blaise Diagne comme étant un "fourrier de
l'impérialisme" •
21 mars :Dissolution du P.A.I.
31 mars-7avril :6ème congrès du P.C.F. à Saint-Denis
Avril : Toujours dans La Race Nègre ,Kouyaté écrit "M. Diagne constitue un danger permanent
pour les Nègres et pour la France".
Mai :Kouyaté devient permanent du P.C.F.
Juillet :Kouyaté est délégué au 2ème congrès de la Ligue Anti-Impérialiste à Francfort.
Août :Le discours de Kouyaté au congrès de Francfort est reproduit dans l'Ouvrier Nègre.
Août-septembre :Kouyaté visite l'Allemagne ou il fonde une section de la L.D.R.N. a
Berlin avant de partir pour l'U.R.S.S.
Octobre :Retour de Kouyaté en France.
20 novembre :Dissolution de l'E.N.A.
Décembre :Premières dissensions sérieuses entre Kouyaté et Emile Faure et début de la
campagne du journal L'Ami du. peuple contre la L.D.R.N.
/1930/
05 janvier :Mise sur pieds du projet de l'Institut Nègre de Paris par Léo Sajous, Faure
et Kouyaté.
18 janvier :Kouyaté part pour Marseille et Bordeaux afin de reprendre contact avec les
sections de la L.D.R.N. et créer des syndicats nègres.
Mi-février :Apres avoir rendu compte de sa tournée en province aux membres de la L.D.R.N.
et aux responsables du P.C.F. et de la C.G.T.U. Kouyaté repart en province.
23 février :'Création du Syndicat Nègre de Marseille.
Début avril :Création du Syndicat Nègre de Bordeaux.
03 mai :Intimidé par la campagne de L'Ami du peuple, Adolphe Mathurin démissionne de la
présidence de la L.D.R.N. et de ses fonctions de gérant de La Race Nègre postes
qui sont confiés à Emile Faure.
Début juillet :La C.G.T.U. charge Kouyaté du recrutement de délégués nègres pour le 5ème
congrès de l'I.S.R.
18 août :Départ de Kouyaté pour Moscou.
Début septembre :Profitant de l'absence de Kouyaté, Faure élimine les communistes de la
rédaction de La Race Nègre.
08 novembre :Kouyaté rentre en France apres un long séjour en Allemagne et en U.R.S.S.
17 novembre :Lors d'un compte rendu' sur son voyage en U.R.S.S. Kouyaté attaque violem-
ment la nouvelle ligne du journal et accuse Faure d'être un agent de la
Préfecture de Police.
27 décembre :ler Comité Central du P.C.F. consacré à la question coloniale.Jacques Doriot
responsable de la C.C.C. y présente un long rapport.

823
11931/
Il janvier :Lors de l'assemblée générale de la L.D.R.N., Emile Faure est démis de ses
fonctions de président et de gérant de La Race Nègre et exclu de l'organi-
sation.
Début février :Faure transfère le siège de la L.D.R.N., 16 rue Guérando et procède à
l'élection d'un nouveau bureau.
Avril :La L.D.R.N.-Faure et la L.D.R.N.-Kouyaté sortent chacune de leur côté un nO de
La Race Nègre.
06 mai :Inauguration de l'Exposition Coloniale Internationale a Vincennes.
12 mai :André Ferrat devient responsable de la C.C.C.
Juin :Présentation par la C.C.C. d'un "Rapport sur le travail colonial du P.C.F." dans
lequel il est dit que la "tache primordiale lestl la lutte contre les tendances
chauvines" qui se manifestent dans les rangs du Parti et à la C.G.T.U.
Juillet :L' affaire du "groupe Barbé-Celor" éclate au grand jour.
08 juillet :L'Humanité publie une lettre de Kouyaté à l'ambassadeur des Etats-Unis en
France dans laquelle il proteste contre la condamnation à mort de huit jeunes
Nègres à Scottsborough.
Août :Parution du 1er nO du Cri des Nègres, nouvel organe de la L.D.R.N.-Kouyaté.
1er août :Kouyaté est arrêté sur la Cannebière à Marseille au cours d'une manifestation.
Jugé, il est condamné à 45 jours de prison.
29 septembre :Le P.C.F. décide de détacher Kouyaté à la Fédération des Marins.
20 novembre :Léo Sajous publie le 1er nO de La Revue du Monde Noir.
Décembre :Pour la première fois la L.D.R.N.-Kouyaté est invitée à un congrès national de
la C.G.T.U. A l'occasion de ce 6ème congrès elle rédige un cahiers de revendi-
cations des travailleurs negres.
11932/
Janvier :Kouyaté est de nouveau en tournée dans les ports.
Février :Dans Le Cri des Nègres, Kouyaté décrit la situation dramatique des marins negres
touchés par la crise.
04 mars :Création de l'Association des Etudiants Antillais.
26 mai :L'Humanité révèle l'affaire Danaé du nom d'un militant de la L.D.R.N.-Kouyaté
travaillant pour le compte de la police.
20-28 mai :Kouyaté est délégué au congrès de l'Internationale des Marins· et Dockers qui
se tient à Hambourg.
1er juin :Parution de Légitime Défense, revue publiée par des étudiants antillais proches
de la L.D.R.N.-Kouyaté.
27 août :Assemblée constitutive de l'Union des Travailleurs Nègres (U. LN.) qui. remplace
la L.D.R.N.-Kouyaté.

824
27-29 août :Congrès mondial contre la guerre à Amsterdam (Pays-Bas) auquel assistent à
titre de membres du P.C.F.,Alpha et Merlin, tous deux membres de l'U.T.N.
03 septembre :Lors de l'élection des instances de l'U. T.N., Kouyaté "trop rouge'" à ses
propres yeux décide de laisser le poste de secrétaire général à Thomas
Ramananjato, un malgache qui travaille en coulisses pour le C.A.I.
Octobre :Alpha et Merlin font un compte rendu du congrès d'Amsterdam devant les membres
de l'U.LN.
Novembre :Reparution du Cri des Nègres après six mois de silence.
Début décembre :L'U.T.N. organise une fête à Saint-Denis qui rassemble environ 500 per-
sonnes.
/1933/
Janvier :Arrivée des Nazis au pouvoir en Allemagne.
Février :Expulsé d'Allemagne, jugé indésirable en Grande-Bretagne, George Padmore, res-
ponsable du C.S.I.O.N. entre clandestinement en France.
Printemps :Otto Huiswood prend la relève de Padmore et vient en France lui réclamer les
documents du C.S.I.O.N. qui sont en sa possession.
Probablement à cette meme epoque, Kouyaté est suspendu de toutes ses fonctions
au sein de l'I.C.
Juin :Kouyaté lance le projet d'une Fédération des Associations Nègres de Paris.
03 juillet :La Commission de Contrôle du P.C.F. suspendàson tour Kouyaté de toutes ses
fonctions.
Août :L'I.C. démantèle le C.S.I.O.N.
Septembre :Le Manifeste de la Ligue de Lutte Pour la Liberté des Peuples du Sénegal et
du Soudan est publié dans Le Cri des Nègres.
05 octobre :En présence d'un représentant du Bureau Politique du P.C.F. et des membres
de la fraction communiste de l'U.T.N. le "procès" de Kouyaté est instruit
au siège du Parti.
31 octobre :L'Humanité publie un communiqué annonçant l'exclusion de Kouyaté du P.C.F.
04 novembre :Kouyaté et Padmore convoquent la première réunion du Comité d'Organisation
du Congrès Mondial Nègre.
05-06 novembre :Exclusion de Kouyaté de l'U.T.N.
Décembre :Kouyaté lance l'idée de mettre sur pieds une organisation intercoloniale grou-
pant les Indochinois, les Arabes et les Nègres:
/1934/
06 février :Les ligues d'extrême droite manifestent violemment à Paris.

825
23 février :George Padmore est exclu de l'I.C.
04 mai :Kouyaté, l'E.N.A.,Faure et Nguyen Thé Truyen tentent de faire revivre une
"Union InterColoniale bis" à travers le projet de la Solidarité Coloniale.
Il mai :Mort de Blaise Diagne.Galandou Diouf, son adversaire politique, lui succède.
Juin :L'U.T.N. refuse de voter une résolution condamnant Padmore.
Juillet :La Solidarité Coloniale se transforme en Comité d'Entente Coloniale.
27 juillet :Le P.C.F. et la S.F.I.O. signent un pacte d'unité d'action.
06 août :La L.A.I. met sur pieds un Comité de Défense des Nègres de Scottsborough.
22 octobre :Joseph Lagrosillière, André Berthon, Galandou Diouf et Jean Longuet tentent
de créer une Fédération des Peuples·Colonisés.
Novembre :Le Cri des Nègresdéclare que la Fédération des Peuples Colonisés cherche"à
perpétuer la servitude des peuples coloniaux".
Décembre :La Race Nègre, organe de la L.D.R.N.,reparait apres un long silence.
/1935/
07 janvier :Accord Laval-Mussolini qui laisse les mains libres à l'Italie en Ethiopie.
Mars :Parution de L'Etudiant Noir dirigé par Aimé Césaire, Léon Damas et Léopold Sédar
Senghor.
29 juin :Sous l'impulsion de l'U.T.N., organisation d'un meeting commun qui rassemble,
outre les dirigeants de l'U.T.N.,le Comité d'Action Ethiopienne, Faure de la
L.D.R.N.,Léon Hanna-Charley du Groupe du Souvenir Victor Schoelcher, Francis
Jourdain de la L.A.I. et Blache du P.C.F.
Juillet-août :7ème congrès de l'I.C. qui entérine la tactique du Front Unique avec la
Social-démocratie.
21 août :Manifestation des Nègres de Paris contre les menées italiennes en Ethiopie.
22 août :Meeting commun organisé par l'E.N.A. et la L.D.R.N. qui rassemble entre 700
et 3000 personnes selon les sources.
Début septembre :Le P.C.F., la C.G.T.U., le Parti Radical, la S.F.I.O. et le Parti
Radical-socialiste organisent un meeting commun pour dénoncer les
visées italiennes sur l'Ethiopie.-
03 octobre :Les troupes italiennes envahissent l'Ethiopie.
16 octobre :Le Périscope Africain, journal publié à Dakar, prend position en faveur de
l'Ethiopie et dénonce l'attitude de Galandou Diouf qui se refuse à prendre
partie contre l'Italie jadis alllié de la France lors de la première guerre
mondiale.
Décembre :Parution du 1er nO d'Africa, journal lancé par Kouyaté.

826
/1936/
Janvier :Projet de· congrès des organisations noires et arabes.
Kouyaté met sur pieds un Comité International de Rationnalisation Economique.
22-25 janvier :8ème congrès du P.C.F. à Villeurbanne.
Mars : Encarté dans le texte d'Alfred de Musset "Histoire d'un merle blanc", le Manifeste
de la Ligue de Lutte pour la Liberté des Peuples du Sénégal et du Soudan est diffus(
au Sénegal.
Avril :Parution du 1er nO de Libération, revue animée par les dirigeants de la L.A.l.
Mai :Parution du dernier nO du Cri des Nègres.
03 mai :Le Front Populaire remporte les élections législatives.
Juillet :Constitution du Rassemblement Indochinois.
02 juillet :Kojo Tovalou Houénou meurt de la typhoide en prison à Dakar.
04 juillet :Création d'une section communiste à Dakar.
Septembre :La section communiste de Dakar avoisine la centaine de membres.
Décembre :Conférence du Rassemblement Indochinois qui lance l'idée d'un congrès des
peuples colonisés.
/1937/
Début février :Nguyen Thé Truyen adresse aux organisations coloniales de Paris un
projet intitulé "Pour le congrès intercolonial", dans lequel i l propose
la création d'un "Rassemblement Intercolonial".
A la même époque, agissantpour le compte du P.C.F. ou du moins avec son
consentement Jean de Lorme propose la création d'un "Rassemblement Colo-
nial
destiné à grouper des représentants de toutes les colonies et
pays de protectorat, susceptibles d'adhérer officiellement au mouvement
du Fron t Populaire".
13 mars :Création officielle du Rassemblement Colonial (R.C.l, sans pour ne pas dire
contre le P.C.F.
28 avril :L'Humanité annonce que l'Association d'Entr'aide et de Culture des Indochinois
ne fait plus partie du R.C.
mai :Kouyaté qui soutient le Front Populaire fonde avec des colons français , un
Rassemblement Colonial Français (R.C.F.l destiné à faire pièce au R.C. animé pal'
les nationalistes.
Juin :Dans Africa Kouyaté publie "les principes directeurs d'une transformation de l'ou-
tre mer", texte dans lequel il ne fait plus allusion à l'indépendance des colo-
nies africaines mais où il propose la création d'une fédération avec la France pour
nation-guide.

827
17 juillet
Lors d'un banquet les dirigeants du R.C. réclament des mesures immédiates
qui vont de l'assimilation pour les uns à l'indépendance pour les autres
et ils dénoncent le "nationalisme" du P.C. F. désormais hostile au thème de
l'indépendance des colonies sous prértexte de lutte anti-fasciste et de
soutien aux démocraties.
27 août: Messali Hadj est arrêté à Alger.
10-11-12 septembre: Congrès International contre le Racisme et l'Antisémitisme à la
Mutualité. Une motion présentée par l'U.T.N. est rejetée par le
bureau de séance car jugée de tendance "raciste et nationaliste".
25-29 décembre
9ème congrès du P. C. F. à Arles qui proclame qu' "en face de la menace
fasciste, qu'il ne saurait y avoir de salut pour les peuples coloniaux
hors de l'union indispensable avec la démocratie française".
/1938/
Janvier
L'U.T.N. mandate Jacques Roumain, le poète haitien, et Stéphane Rosso pour
1
proposer au R.C. une action commune contre le projet de rétrocession du Togo
et du Cameroun à l'Allemagne.
17 janvier: Camille Chautemps succéde a Léon Blum à la Présidence du Conseil. C'est
la fin du gouvernement du Front Populaire.
Mars
La section du P.C.F. enjoint à l'U.T.N. de cesser toute collaboration avec Emile
Faure et le Rassemblement Colonial.
Avril: Georges Mandel remplace Marius Moutet au Ministère des Colonies.
Août: Parution du 1er nO du Bulletin de l'U.T.N., qui remplace Le Cri des Nègres.
13 septembre
Début de la crise des Sudètes.
29 septembre
Signature des accords de Munich entre Hitler, Mussolini, Chamberlain et
Daladier.
Africa cesse de paraitre.
Fin octobre
Marcel de Coppet quitte son poste de Gouverneur Général de l'A.O.F.
/1939/
Début janvier
Les trotskystes du Bureau d'Entente des Indochinois de France (B.E.l.F.)
rejoignent le R.C. considérant que "la tension actuelle entre les puis-
sances 'démocratiques' et les puissances 'totalitaires' oppose en fait
deux blocs impérialistes".
Kouyaté projette la création d'une fédération des jeunes de l'A.O.F.
Février
Daniel Guérin, directeur de Juin 36, ouvre les colonnes de son journal aux
colonisés et leur propose la création d'un centre anti-impérialiste sur le
modèle de celui animé par George Padmore à Londres.

828
Début mars
A Dakar, les correspondants de Kouyaté mettent sur pied une Fédération
Française des Jeunesses Africaines (F.F.J.A.) qui a pour' but "de grouper
les jeunes autochtones de l'Afrique Occidentale Française en vue de sauve-
garder leurs intérêts de toute natüre dans le cadre de la légalité".
Avril
Dans le Bulletin de l' U. T.N., cette organisation se prononce pour le "maintien
incondi tionné du statu quo colonial actuel".
20 avril: Tous les Lieutenants-Gouverneurs de l'A.O.F. s'opposent a la création de la
F.F.J.A.
29 avril
Création à Paris par le Parti du Peuple Algérien (P.P.A.), le Néo-Destour,
la L.D.R.N., le B.E.I.F., le R.C. et le Parti Socialiste Ouvrier et Paysan
(P.S.O.P) de Daniel Guérin du Centre de Liaison Anti-Impérialiste (C.L.A.L).
05 mai
Publication de la plate-forme du C.L.A.I. dans Juin 36.
Juillet: Kouyaté fait le forcing pour obtenir l'autorisation et la reconnaissance offi-
cielle de la F.F.J.A.
03 septembre
La France et la Grande Bretagne entrent en guerre contre l'Allemagne.
05 septembre
Kouyaté rédige un texte intitulé "Appel à mes compatriotes de l'A.O.F."
dans lequel il déclare "Fr~res et soeurs de l'A.O.F. qui voulez le bien-
être, la liberté et la fraternité des peuples dans la paix, serrons les
rangs autour de la France, à jamais avec la France et au service de la
France!"
09 décembre
Emile Faure est arrêté sur mandat du Tribunal Militaire d'Abidjan pour
atteinte à la sûreté extérieure de l'Etat, pour avoir diffusé un texte du
C.L.A.!. qui disait: "au moment où l'impérialisme français invite les
peuples par lui opprimés à défendre l"intégrité de l'Empire', le Centre
de Liaison Anti-Impérialiste déclare que, dans le conflit de demain, le
droit et la justice ne seraient ni dans un camp ni dans l'autre, que l'in-
térêt des peuples coloniaux serait de ne prendre parti ni pour un camp ni
pour l'autre" et concluait "ils sont résolus à utiliser en temps de guer-
re comme en temps de paix, toutes les circonstances pour se libérer à la
fois nationalement et socialement". Jugé et condamné, Emile Faure sera
emprisonné à Grand-Bassam (Côte d'Ivoire) puis déporté au Soudan (Mali).
/1940/
Septembre
Le Minist~re des Colonies ignore ou se trouve Kouyaté.
/1942/
30 octobre
Un rapport de police fait état d'une mission de recrutement dont les Nazis
ont chargé Kouyaté et à l'issue de laquelle il a dilapidé les fonds qui
lui avaient été confiés.

829 .
Dans des conditions que nous ignorons, Kouyaté aurait été tué par les Allemands fin 1942.
/1944/
Emile Faure est libéré de prison apres y avoir passé 5ans dans des conditions épouvan-
tables qu'il décrira plus tard dans un texte publié par la revue américaine Crisis et
intitulé "French terror in Negro Africa".
/1945/
15-21 octobre
Réunion du 5ème Congrès Panafricain à Manchester (Grande-Bretagne) qui
marque véritablement la naissance du Panafricanisme moderne.
/1946/
18-21 octobre
Congrès constitutif du Rassemblement Démocratiqùe Africain (R.D.A.) à
Bamako.

ITINERAIRES MILITANTS ET EVOLUTION
830
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(Ja.a... 19"9- ?)
8. PAURB.
O.GUBRII
'f.IJ • .ItOUYAT!
Africa: Journal ou revue

831
BIO GRAPHI ES

832
AFENE ALFRED
D'origine ivoirienne et marié ~ une Guadeloupéenne,
Alfred Afené était commerçant à Marseille. En Janvier 1930,
lors de la venue à Marseille de Kouyaté pour la réorganisàtion
de la section des Bouches du RhOne de la LDRN, il fut élu
président de cette dernière.
III/T 71
-------------------.-
ALEXANDRENNE ETIENNE
Né le 3 Janvier 1889 ~. Bossia, près de Boké en Gui.née,
Etienne Alexandrenne est entré comme commis-greffier dans l'Admi-
nistration Coloniale en 1914. Mobilisé en Janvier 1915, i l est
démobilisé en Octobre 1916 après avoir été blessé. De retour
en Afrique i l est affecté
quelques temps plus tard
~ Dakar. De 1914 à 1920, Alexandre ne fait l'objet d'aucune
remarque particulière de la part de ses supérieurs et i l est
même bien noté.
Père de sept enfants, i l en a envoyé cinq faire leurs études
~ Bordeaux en 1920. C'est alors semble-t-il qu'ont commencé
ses ennuis avec l'Administration Coloniale. Incapable de faire
face à de telles dépenses avec son maigre salaire, il adres-
se une requête au Conseil Colonial du Sénégal pour obtenir
des bourses métropolitaines pour » deux ou tAoia dea plua
agéa ". Arguant de ses états de service da9s l'Administration
Coloniale, et pensant que l'on tiendrait compte de l'impOt
du sang qu'il avait versé, i l espérait sans doute obtenir gain

833 .
de cause, ce qui ne fut pas le cas .•
Probablement aigri par la non satisfaction de sa demande, il
se comporte de telle manière qu 1 il est affecté à Kaolac~., ce
qui est en fait une sanction déguisée. Loin de l'intimider
cette mesure le renforce dans l'idée qu'il est victime d'une
injustice flagrante et, peu à peu, il devient un opposant
farouche du système colonial. Membre de l'Union Inter Coloniale
en 1923-1924, il est plus tard en contact avec la LPRN et
l'UTN diffusant notamment leurs journaux. En 1933, il tente
de fonder à: Pakar un " Comité Central Guinéen fi avec pour orga-
ne Le Soleil Guînéen, journal qui aurait da paraître en Gui-
née, mais en vain. Bien entendu ses activités politiques
n'échappe9t pas à l'Administration Coloniale qui le juge
,. dange~eux ", " 6u6pect ", " malveillant ", " n(gligent",
" hM " et 6u~tout " 6u6ceptible d'utili6e~ 60n intelligence
à. 6ai~e le plu6 g~and mal JI.
Finalement, vers le milieu des
années trente, il rompt ses contacts avec les organisations
anti-colonialistes nègres basées en France pour se rallier
à Galandou Piouf.
21 G 32
(171. 111[92. COn4eil ColOnial 192.1.
..... ALPHA ISIDORE
Né à Fort de France ( Martinique ), Isidore Alpha exer-
çait la profession de mécanicien. Membre de l'Union Inter Colo-
niale et du PCF, il ne rejoindra qu'assez tardivement les orga-
nisations anti-eolonialistes' nègres. Elu trésorier-adjoint de

834
la LDRN en Janvier 1931 suite à la scission Faure(Kouyaté,
i l deviendra le gérant de la RaCe' Nègre puis duCrî'des-N'èsres.
Membre de la CGTU, il sera délégué par cette organisation au
Congrès Mondial contre la Guerre organisé en AoQt 1932 à
Amsterdam. En Novembre 1933, lors de l'exclusion de Kouyaté
de l'UTN, i l est élu secrétaire-adjoint de cette organisation,
continuant comme par le passé à assumer la gérance du Cri des
Nègres. Isidore Alpha avait un frère prénommé André qui fut
également membre de l'Ule puis de l'UTN mais qui ne joua ja-
mais un rôle de premier plan dans ces organisations.
I1I{111.
111[53. II{19.
IItJ6
AMON JOSEPH
Né en 1911 en COte d'Ivoire, Joseph Arnon était marin à
bord d'un cargo de la compagnie Fraisstnet à Marseille lors-
qu'il fut recruté pour aller suivre une formation politique
en URSS. Elève de l'Ecole Staline dans les années 1~32-1934,
i l ~ecevait à l'époque 40 roubles par mois. Revenu d'URSS
à l'automne 1934, i l fut dirigé vers la France par le Parti
Communiste Belge et se retrouv~ sans emploi et sans le sou à
Paris. Nous ignorons s ' i l eut des activités politiques ou
syndicales par la suite.
111(53.

835
ANGRANV JOSEPH
Fils de Léopold Angrand, Joseph Angrand est né le 19
Mai 1893 à Gorée
( Sénégal). Membre du Comité d'Action Séné-
galaise, organisation animée par les" Jeunes Sénégalais ",
i l fait partie des opposants à Blaise Diagne. En 1922, lors
de la découverte d'une " entreprise garveyiste " au Sénégal,
son domicile est perquisitionné et on y découvre des exemplai-
res du Negro World, organe interdit en AOF. En contact avec
Arthur Beccaria, responsable de la section dakaroise du CDRN
puis de la LDRN, i l sera proposé pour être le président de
cette section, 'mais la proposition restera,
semble-t-il, sans
suite.
III(134.
1VI9... 2.1 G 134 (1Q8).
ATTULY LIONEL
D'origine martiniquaise, Lionel Attuly était employé
comme agent comptable à l'Agence Economique des Colonies.
Bien que n'appartenant pas à la LDRN,
fin 1927, la police signa-
lait qu'il était en contact avec Tiémoko Garan Kouyaté. EN
1929, i l fera partie du Comité d'Organisation du 2ème Congrès
des'Races projeté en vain par Jules Rais. Puis en 1931-1932
il collaborera activement à la Revue du-Monde Noir dans laquel-
le il publia des
poèmes
( c f Duo. R~ N°2 Dec 1931 ) et des
articles à caractère économique C cf De la crise mondiale con-
sidérée comme sujet d'interview.- ~ N°3 Janv 1932 et au chevet
du supplicié RMN N°6 Avril 1932 ).
1115. 111/2.7. La Revue du Monde NoiA. IIrt2.4.

836
AVOMASSODO GERARD
Originaire du Togo, Gérard Avomassodo a d'abord habité
Bordeaux entre 1918 et 19~1 avant de venir à Paris. Employé au
Nord-Sud ( ligne de chemin de fer ), on signale sa présence à
une réunion de l'UIC en Décembre 1922, mais il ne figure sur
aucune liste des membres de cette organisation. En Nov. 1925,
il se présente au ministère des Colonies pour obtenir un titre
d'identité et aussitôt le CAl lui met la main dessus, lui faisant
miroiter certaines promesses. En Mai 1926 il adhère au CDRN et
pour 350 francs par mois, il fait régulièrement le compte rendu
de ses réunions et livre des informations sur ces membres. Au
bout d'un certain temps estimant que le CAl n'avait pas tenu
ses promesses, il se confie à Lamine Senghor et révèle aux membres
de la LDRN l'identité et la physionomie de MM. Budin, Harlee,
Du Coudret et Devèze, responsables à des titres divers de la
police politique du ministère des Colonies. Rapatrié au Togo
début 1928, il est engagé par l'Administration comme mécanicien
contractuel au garage de Lomé. Condamné à 15 Jours de prison
et 500 francs d'amende pour coups et blessures sur son chef
d'atelier, il part ensuite se fixer au Dahomey où il est emplo-
yé comme chaudronnier au dépôt du
Il
Central Dahoméen Il à
Cotonou. Qualifi.é de 11 communiste notoire " par les autorités
coloniales, celles-ci le désignent cOmme ayant été l'un des
principaux animateurs de la grève des chemi.nots du Dahomey
en AoOt 1928(29.
2.1 G 2.8
(17).
HI{37.
V/3. CRVA.

837
AZANGO AUGUSTIN
Né le 28 AoQt 1897 à Grand Papa ( Dahomey) ce.fils de
commerçant fit ses études à l'Ecole des Pères de la Mission
Catholique de sa ville natale. En 1921, alors qu'il est âgé
de 24 ans il fonde une association intitulée" NOWITCHA JI ce
qui signifie souder, unir les frères. Deux ans plus tard en
1923, juste après les évènements de Porto-Nova, il s'embarque
pour la France et à son arrivée à Marseille ses bagages sont
passés au peigne fin et il est l'objet d'une fouille au corps
minutieuse, l'Administration Coloniale le soupçonnant d~~tre
en relation avec l'UIC et de convoyer des documents suscepti-
bles d'être publiés dans Le-Paria.
Adhérent à l'UIC il fréquente son compatriote Roja Tovalou
Houénou, mais il se tient plutôt en retrait des organisations
anti-colonialistes pour se COnsacrer à ses études. Après avoir
suivi les cours de l'Ecole des Hautes Etudes Commerciales, de
l'Institut des Sciences POlitiques et l'Ecole Supérieure de
Journalisme, il entre dans les services parisiens de la so-
ciété Dunlop. Sympathisant des animateurs de la-Voix-dU-Daho-
mey, i l les soutient lors de leur procès en 1931. Fondateur
de l'agence de presse Métromer en Décembre 1934, membre du
Comité d'Organisation provisoire du Congrès Mondial Nègre,
il sera aux cOtés de Kouyaté dans sa tentative de faire revi-
vre une organisation comparable à l'UIC. Membre du Comité
d'Action Ethiopienne en 1935, il pa:r:-ticipe en 1937-à la fon-
dation de l'association" Le Bénin" qui regroupe les étùdiants
togolais et dahoméens, puis en 1939, tl regagne l'Afrique pour

838
faire de la propagande en faveur de l'effort de guerre. Pré-
sident de l'Union Progressiste Dahoméenne fondée en 1946, il
sera par la suite ambassadeur au Ghana.
III/13.
21 G 142
(108).
A66. PoL Ca.JttOI1 542. C. GéJLa.Jtd tu
p-i.o I1YlieJL,& de l' iYld'épeYlda.Ylc.e.
--------------------
BA AMADOU FABER
Sénégalais, Amadou Faber Ba est certainement arrivé en
France dans l'immédiate après-guerre. Travaillant à Marseille
comme marin ou docker, il est probablement le " Faber 11 qui
figure sans autre précision syr les listes de l'UIC en 1923.
Dans les années trente, Amadou Faber Ba appara!t comme un des
rares militants communistes africains en France. Membre du
PCF, son action sur les dockers lui vaut d'être arrêté et con-
damné à plusieurs reprises cl des peines légères. Ainsi, arrê-
té le 1er Aoat 1931 lors d'une manifestation sur la Cannebière
en même temps que Kouyaté, il sera condamné à 15 jours de pri-
son. Membre de la CGTU, il est désigné en Mai 1932 pour re-
présenter les marins nègres de France aux cOtés de Kouyaté
au Congrès de l'Internationale des Marins et Dockers à Ham-
bourg et, fin 1933, une note de police le signale comme étant
au Sénégal sous le pseudonyme de Mamadou Camara en qualité de
délégué du PCF pour le Soudan, la Guinée et la COte d'Ivoire.

839
BANA JOSEPH
Militant bordelais du CDRN, il s'occupait entre autre de
la réception et de la diffusion des journaux nègres des~inés
aux colonies africaines.
V13.
BANGOURA THOMAS
Né le 7 Juillet 1905 à. Conakry ( Guinée ), ce marin gui-
néen résidant à Bordeaux sera secrétaire de l'éphémère syn-
dicat Nègre de cette ville, créé par Kouyaté en Avril 1930.
III136.
BARQUISSEAU JEAN
Né le 5 Mars 1885 à. Saint Pierre C Réunion ), Jean Barquis-
seau s'est engagé assez jeune dans la politique, Candidat
radical et radical socialiste aux élections municipales de
1911 dans le quartier Plaisance ( paris Hème ), il adhère
au Parti Socialiste Unifié en 1913. Candidat de ce parti auX
municipales de 1919 àans le quartier de la Sorbonne ( Paris Sème ),
il se rallie aux partisans de l'adhésion à la ITlème Interna-
tionale et devient membre du PCF. Membre de l'A.R.A.C., de la
Ligue pour la Fédération des Peuples, de la Ligue pour Une
Société des Nations et de la Ligue des Droits de l'Homme, i l

840
sera un des membres fondateurs de l'UIC. Représentant la
Réunion au Comité Exécutif de l'urC, son nom disparaîtra
assez rapidement des rapports de police, sans doute pour rup-
ture avec le PCF.
111(3.
BECCARIA ARTHUR
Né le 3 Mars 1895 à Saint Louis
t Sénégal ), Arthur
Beccaria a été incorporé au Bataillon de l'AOF puis versé dans
son unité métropolitaine lors de la première guerre mondiale •

Démobilisé avec le grade de sergent et une pension d'invalidi-
té de 100 % pour tuberculose pulmonaire, i l entre dans l'Admi-
nistration Coloniale, occupant un emploi d'écrivain dans les
services administratifs de la circonscription de Dakar.
De par sesfonctions, i l surprend parfois les conversations
du Gouverneur et i l se vante de connaître ses Il secrets Il et
ceux de Blaise Diagne. Partisan de Lamine Guèye, il le sou-
tient contre Blaise Diagne lors de la campagne de 1925 pour
les élections au Conseil Colonial. Connu pour son hostilité
envers l'Administration Coloniale il entre en relation avec
Lamine Senghor dès la création du CDRN, tentant même de fon~
der une section de cette organisation à Dakar dans laquelle
i l remplit les fonctions de trésorier. Diffusant La Voix des
Nègres,
i l est rapidement en butte à l'hostilité de l'Adminis-
tration COloniale. Mis à la dispos~tion du Gouverneur du

841
Sénégal par le GOuverneur de Dakar, il est affecté dans le
cercle de Kédougou en Haute Gambie à plusieurs centaines de
kilomètres de Dakar. Las de se faire oublier, il dérobe une
série de documents dans les archives du cercle de Kédougou et
les adresse à Lamine Senghor pour publication dans la~Race
~
Nègre. C'est ainsi que le journal de la LDRN dénonce l'affai-
fi
re des mines de Haute Gambie.
21 G 38
(11).
2,1
G 134
(108).
rrl/134.
La. R.a.c.e NègJte..
-------------------_.
BELKEIR CECILE
Né le 19 Novembre 1905 à Oran ( Algérie ), Cécile Belkeir
était membre de la section marseillaise du CDRN.
1130.
----~---.-~-~--------
BETON ANDRE
Né le 27 AoQt 1879 à Pointe-à-Pitre ( Guadeloupe ) ,
André Béton était avocat à la Cour d'Appel de Paris. Devenu
trésorier de l'Association Pan-Africaine - dont son frère
Isaac était le secrétaire général - en Février 1923, il était
également secrétaire-adjoint de l'Association France-Colonies,
dont faisaient également partie son frère, le Cdt Mortenol et
Raoul Cenac-Thaly. Membre du CDRN puis de la LDRN, i l jouera
un rOle assez effacé dans ces deux organisations jusqu'en 1928,

842
époque â partir de laquelle il s'affirmera avec Emile Faure
comme l'une des principales figures de proue du courant na-
tionaliste. Fasciné par les organisations noires américaines,
il les citera en exemples dans la RaceN'êgre et fera appel
â elles, mais en vain, lorsqu'il projettera de se présenter
â la députation en Guadeloupe en 1928.
Promoteur de l'idée d'une Banque Populaire Nêgre, il était
hostile â toute alliance avec les communistes et réticent à
toute collaboration avec les organisations. " blanches ".
Auteur de nombreux articles dans La" Race" Nègre, il n'occupe-
ra jamais vraiment de poste de responsabilité au sein de la
LDRN,. restant pendant des années simple président de la com-
mission de contrOle de cette organisation. Membre du comité
de soutien mis en place pour le lancement du' Courrier-des
Noirs en 1927, avec Emile Faure, conseiller du Comité d'Orga-
nisation de l'Institut Nêgre de Paris en 1930, membre du comi-
té d'Organisation provisoire du Congrès Mondial Nêgre en
1934, ce panafricaniste ardent aura été de tous les combats
de l'entre-deux-guerres. Mort d'une embolié le 28 Mai 1935,
Emile Faure, son ami de toujours, lui décernera le titre de
" Béton l'Africain}' • Venant de Faure, le compliment en disait
long sur les états de service de Béton au profit de la Cau-
se nêgre.
IIV29.
HUl 34.
III/2.4. IUt112.." tee RlI:ce." N'è:g7l.e...

843
BETON ISAAC
Né le 26 Juillet 1881 à Pointe-à-Pitre
( Guadeloupe ),
Isaac Béton était professeur~adjoint au lycée Saint Louis à
Paris. Membre fondateur de l'Association Pan-Africaine cons-
tituée à Paris en Décembre 1921, suite au 2ème Congrès Panafri-
cain, et secrétaire général de cette organisation, i l fera
à ce titre un voyage au Dahomey et au Togo durant l'été 1924,
pour tenter d'y implanter des sections. Au cours de cette
tournée, i l se signalera aux yeux de la police pour s'être
déclaré » p~it a aide~ 6ea 6~l~e6 de ~ace dan6 la vo~e du
p~og~l6 et de l'émancipation ", En dehors de ses responsabi-
lités au sein de l'Association pan-africaine, i l était égale-
ment secrétaire général de l'Association France-Colonies, qui
se proposait » de 6ai~e mieux connalt~e le6 coloniea dan6
la mét~opole; de ~e66e~~e~ le6 lLena de 6olida~ité,
de déve-
loppe~ lea lien6 de 6ympatnie et de 6~ate~nité qui doivent
uni~ le6 6~ançai6 du continent à ceux d'out~e-me~ et d'étudie~
et de mett~e en oeuv~e tout ce qui peut 6avo~i~e~ le p~og~l6
maté~lel et mo~al de6 colonie6, et 6pécialement, tout ce qui
peut cont~ibue~ à 6aL~e de l'LndLglne un nomme no~mal, ca-
pable aiMi de la plU6 g~ande aomme uÜ.'le de t~avaLl n.
Bien que membre de la LDRN,
Isaac Béton se tiendra assez éloi-
gné des organisations nègres se contentant d'assurer la vice-
présidence du Comité d'Etude-et d'Action Coloniales fondé en
1929 et dont le président était Raoul Cenac-Thaly,
jadis mem-
bre de ;L'Association France-Colonies, et le secrétaire général
Gaston Monnerville.

844
Se_présentant comme n un g~oupement aux idée~ !a~ge~ li , le
CEAC, dans lequel militait également Georges Sarotte, ancien
du PCF et de l'UIC, rassemblait en fait les originaires des
li
Vieilles Colonies li, ayant une sensibilité de gauche mais
partisans de l'assimilation. Attaché au ministère des Colonies
sous le Front Populaire, Isaac Béton qui était proche de la
SFIO, lancera à cette époque un journal intitulé Le Colonisé
mais il n'ira pas au-delà du 2ème numéro.
21 G 38
(17).
II l 129. LeC'o:e:on;t~é ,Uneo euv~ede' ô a.Üct' pub-lie .
A66. Po!. Ca~ton 542.
----------~---------
BLONCOURT ELIE
Né le 5 Mai 1896 à Basse-Terre C Guadeloupe ), Elie
Bloncourt fut mobilisé en 1915 au 7ème régiment d'Infanterie
Coloniale de Bordeaux. Membre du Corps Expéditionnaire d'Orient,
il revient en Europe en Novembre 1917 pour combattre sur le
front de Lorraine dans les rangs du 33ème Régiment d'Infante-
rie Coloniale. Atteint en pleine figure par une balle de
mitrailleuse le 30 Juin 1918 près de Chateau-Thierry, il de-
viendra aveugle. Membre de l'Ure dont son frère Max deviendra
le secrétaire général, il sera par la suite membre du CDRN
puis de la LDRN. Il se lancera ensuite dans la vie politique
dans l'Aisne dont il sera le député socialiste de 1936 à 1942.

845
BLONCOURT MARIE, EDMOND dit MAX CLAINVILLE
Né le 15 Avril 1887 à Pointe-à-Pitre ( Guadeloupe ), Max
Clainville BIoncourt est venu en France alors qu'il avait
une vingtaine d'années. Avocat à la Cour d'Appel de Paris,
il est d'abord trésorier de la Société Régionale Guadeloupéen-
ne créée en Guadeloupe en 1911 et constituée à Paris en AoQt
1919. A l'époque parmi ses amis, on note ORUNO LARA journa-
liste Guadeloupéen fondateur en 1919 à Paris du journa:L L.a
Grande Patrie devenu en 1920-Le-t-tonde-Colonial et dont le
" Comité d'extension et de propagande" comptait dans ses
rangs Léon Hanna Charley et Samuel Stéphany.
Membre du Parti Socialiste et de :La Ligue des Droits de l'Hom-
me, il collaborera à l 'Action- Coloniale et sera memb;l:'e fond,a-
teur et secrétaire général de la Ligue Française pour l'Acces-
sion aux Droits de Citoyen des Indigènes de Madagascar.
Fondateur avec Louis Hunkanrin dU-Messaser-Oahoméen, il re-
joindra le PCF à Tours et jouera un rOle important dans la
création de l'UIC et du Comité d'Etudes Coloniales du PCF.
Rédacteur en chef du paria après le départ de Ho Chi Minh
pour Moscou, il sera de 1924 à 1927 le secrétaire général de
l'UIC. Egalement membre de l'Association Pan Africaine en 1923,
il s'opposera à la fondation du Comité de Défense de la Race
Nègre et tente;l:'a vainement de faire revenir Lamine S~nghor sur
sa décision. Membre du Comtté Dtrecteu;l:' de la Ligue contre
l'Oppress;ton Coloniale et l'Impérialisme, il représentera
l'UIC au Congrès de Bruxelles avec Camille Saint-Jacques en
Février 1927. Lors de la sctssion du CDRN, il sera élu vice-

846
président du bureau provisoire, mais par la suite i l n'exerce-
ra plus aucune fonction de responsabilité dans les organi-
sations nègres. Membre du comité de soutien au lancement du
Courrier des Noirs, i l rejoindra finalement la LDRN. Candi-
dat à la députation en Guadeloupe en 1928, i l échouera et
disparaîtra de la scène anti-colonialiste pour se consacrer
à la vie politique locale.
III/2i. 111/21. 111(3. II/S. VIJJ. F1 13J70.
CAMINADE PAUL
Né entre 1875 et 1880 à Fatick
C Sénégal ), Paul Caminade
était un métis qui exerçait la profession de représentant en
bois d'industrie. Président de la Fraternité Africaine, or-
ganisation dans laquelle militait également Lamine Senghor et
Masse Ndiaye, i l était présenté dans les rapports de police
comme quelqu'un Il ltéY.M.OUVa.n..t .te. o-o.tc.ffévL~me.
".
En 1927, i l fera partie de l.a LDRN sans y exercer aucune res-
ponsabilité puis i l fera partie de la commission de contrOle.
III/34. III/24.

847
CARVALHO CHARLES
Né à Gorée ( Sénégal) le 27 Septembre 1887, Charles
Carvalho exerçait la profession de charpentier sur les navires.
Résidant à Bordeaux, il fut en 1930 président de la section
de la Gironde de la LDRN et président du Syndicat Nègre de
Bordeaux.
rII136.
CENAC-THALY RAOUL
Né le 15 Janvier 1886 à Saint Pierre ( Martinique ),
Raoul Cenac-Thaly était agrégé de philosophie. Trésorier de
l'Association France-Colonies en 1923 aux cOtés des frères
Béton et du Cdt Mortenol, il était également membre de l'Asso-
ciation Pan-Africaine dont: il deviendra le vice-président en
Mars 1923. Membre du comité d'organisation du 2ème Congrès des
Races projeté en Mars 1928 par Jules Rais, il adhéra en 1935
au Comité d'Action Ethiopienne lors de la campagne de soutien
à l'Ethiopie. Président du Comité d'Etude et d'Action Colo-
niales en 1937, il sera élu vice-président du Rassemblement
Colonial la m~me année. Hostile à l'indépendance, et semble-
t-il partisan du gouvernement de Front Populaire, il quitte-
ra le Rassemblement Colonial en Janvier 1938.
II r 121". II r [2.9.. II r 14 3. II 12. XII l t1. nrt12'L

-
848
COCOVILLE FELIX
Né le 3 Décembre 1882 à 13asse-Terre ( Guadeloupe ) Félix
cocoville était commis à la Caisse des DépOts et Consignation.
Membre de l'UICet du groupe du souvenir Victor SChoelcher
présidé par Léon Hannà Charley, il fondera en Décembre 1931
une amicale appelée" Aide-toi le Ciel t'aidera ". Comptant
environ 150 membres, cette amicale bénéficiait du soutien du
ministère des Colonies et Félix Cocoville en était le président.
111/34. II{Z. III[3.
CHLORE CONSTANT
Guyanais, Chlore Constant était membre de la fraction
nègre du PC en 1934. Membre de l'UTN, il en deviendra le
1er secrétaire en Janvier 1935 mais sera exclu quelques temps'
plus tard pour avoir créer une autre organisation accueillant
des personnes refusant d'adhérer à l'UTN.
III/53. III/13.
DANAE NARCISSE
D'origine Guadeloupéenne, Narcisse Danae était semble-t-
il membre de l' urc et du PCF. Egalement membre du CORN, :U ac-
compagna Max 13loncourt et Lamine Senghor au Congrès de Bruxel-
les. En 1928, il suivit Bloncourt en Guadeloupe pour le soute-

849
nir dans sa campagne électorale, mais à son retour certains
de ses compatriotes l'accusèrent d'avoir tout fait pour em-
pêcher l'élection de ce dernier. Après une éclipse de près de
trois ans il rejoint la LDRN en Janvier 1931 lors de la scis-
sion Faure/Kouyaté. Prenant partie pour ce dernier il sera
élu secrétaire-adjoint. Responsable de la confection du'Cri
des Nègres, il deviendra le leader de fait de la LDRN en
1931-1932 en raison des nombreuses et longues absences de Kou-
yaté, tantOt dans les congrès internationaux, tantOt dans
les ports de France. Soupqonné de saboter le travail de la
LDRN, il sera convoqué à la section coloniale en Janvier
1932 et sommé de rendre un rapport écrit sur l'activité de
l'organisation et la gestion des fonds gui lui étaient con-
fiés. Parallèlement une enquête sera discrètement menée par
le PCF qui aboutira à la conclusion que Narcisse Danae était
en réalité un indicateur travaillant pour le compte de la Pré-
fecture de police. Exclu du PCF, i l sera dénoncé dans l'~­
nité et plus tard dans le-Cr'ides-Nègres,
journal dans lequel
il avait publié de nombreux articles sous le pseudonyme de
Saumane.
III 17 11. La. VoJ.x àeJ> N'è:gll.e.J.>. La.-R,rc.e.- fiJê.g7l.e. Le.' CIr.-;;-lte.l( Nê.-glf,e.4'.
II /16. II l 12 4.
----------~-~-------

850
DE MORINDE ALFRED
Né vers 1887 au Moule
( Guadeloupe ). Alfred de Morinde
exerçait la profession de commerçant en produits coloniaux
à Paris jusqu'en 1920. Membre du Comité Exécutif de l'UIC où
i l représentait la Guadeloupe, i l partit pour Bordeaux Fin
1921 pour se rendre par la suite aux Antilles. Quand i l était
à Paris, i l avait parmi ses collaborateurs un certain Masse
Ndiaye qui fut un des premiers africains à adhérer à l'UIC et
à revendiquer clairement l'indépendance des colonies africaines.
111/3.
------------------~-
••. DERIe VICTOR
Né le 15 Juillet 1907 à Cayenne
CGuyane ) Victor Déric
était à la fois étudiant en lettres et peintre en batiment.
Résidant à Bordeaux, i l fut le secrétaire de la section de
la Gironde de la LDRN de Février à Octobre 1930 date à laquel-
le i l mourut noyé
accidentellement dans la Gironde.
111/36.
---~-~-~-~----------
DIARRA AMADY
Né en 1895 à Manael
( Sénégal ) Amady Pia rra exer~aît la
profession de chauffeur de machines', Membre de l,a LPRN depuîs

851
sa création, il en devint le trésorier-adjoint en Mai 1930.
Partisan et ami de Faure, il suivit ce dernier lors de la scis-
sion de Janvier 1931 et devint trésorier de la LDRN-Faure. En
Avril 1933 lorsque Faure fonda l'Association Sénégal-Amical,
Amady Diarra en fut
élu 2ême vice-président.
111 / 24.
l 11 /11 9. La. Rctc.e. Nèglte. •
DIOP AMADOU
Né le 18 Mars 1879 au Sénégal, Amadou Diop fut condamné
à 5 ans de réclusion pour incendie volontaire de barque à
Saint Louis par la Cour d'Assise de Dakar en 1922. Transféré
en Algérie, il y purgea
sa peine puis fut libéré en 1926.
Gagnant Marseille il s'y trouva sans travail et sans domicile
fixe, faisant une proie toute désignée pour le CAI. Agent
occasionnel de service, il agressa lamine Senghor à plusieurs
reprises à Marseille durant l'été 1926.
1/30. M6 10804.
DIOP OMAR
Né le 6 Juillet 1890 à_ Saint Louis ( Sénégal) Omar Diop
était chauffeur sur un vapeur de la Compagnie Fabre à Marseil-
le. Mutilé de guerre, il était présenté par la police comme

852
un sympathisant communiste et fut élu secrétaire de la section
marseillaise du CDRN en 1926.
M6 8203.
DIALLO OUMAR dit LOUIS DIALLAUD
Né en 1893 à Carabane ( Sénégal ), Oumar Diallo était
employé comme écrivain au bureau des pensions à Dakar. rro-
posé par
Arthur Beccaria pour être le secrétaire de la sec-
tion dakaroise de la LDRN, il était connu des services de po-
lice pour recevoir les journaux l"ltumanité et la Race- Nèsrre,
son domicile servant par ailleurs de lieu de réunion.
Dans les années trente, outre Beccaria, on notait parmi ses
amis Kojo Tovalou Rouénou et François Baye-Salzmann, membre
du Parti Socialiste Sénégalais fondé par Lamine Guèye.
17 G 244
(7Q8).
III[134.
DOLAURE CLAIRISSE
Né le 25 Octobre 1906 à Pointe-à-pitre ( Guadeloupe ),
Clairisse Dolaure était marin à Bordeaux. Membre fondateur
et trésorier de l.a section de 1.a Gi;t:'onde de la LDRN, il fut
également tréso;t:'ier du Syndicat Nèg;t:'e de Bordeaux.
HI /3 6.' La'Rac.è; Nègn.e..

853
DURAND VINCENT
Né en 1889 à Cotonou ( Dahomey ), Vincent Durand fut un
des plus farouches adversaires de la tendance communiste au
sein du CORN. Partisan de Maurice Satineau , il deviendra
vice-président du CORN
après la scission de 1927. Membre
fondateur de la Dépêche Africaine, il sera naturalisé fran-
çais le 18 Février 1931. L'année,suivante il sera l'un des
vice-présidents de l'éphémère Ligue Universelle de Défense
des Peuples de Race Nègre fondée par Joseph Gothon-Lunion.
21 G 142 (108).
II/S.
III/24 •

EBELE JOSEPH
Né le 14 Juillet 1903 à BQnabéri, près de Douala ( Came-
roun ), Joseph N'Goko Ehele aurait été employé au Chemin de
Fer du Togo vers 1923. Venu en France probablement vers la
fin 1924, il est employé comme sténo-dactylographe. En Dé-
cembre 1928 il fonde un journal rédigé en douala et intitulé
M"Balé
La Vérité) .
Interdit au Cameroun par un arrêté du 29 Mars 1929, il Y sera
autorisé quelques mois plus tard par un arrêté du 22 Septembre
1929. Secrétaire général de l'Association France-Cameroun en
Mai 1929, sa présence est signalée dans une réunion de la LDRN
au printemps de la même année ,mais il ne semble pas en fair"~
partie. Accusé par ses compatriotes d'avoir dilapidé les fonds

854
de l'Association France-Cameroun, il perd leur confiance
et une scission met fin â l'existence de l'organisation et
du journal qui' aura eu en tout et pour tout quatre parutions
( Déc 1928, Oct. 1929, Mai 1930, Juin 1930 ). Adhérent â
l'Union des Travailleurs Nêgres lors de sa création, il devien-
dra peu aprês membre de sa commission de contrôle, avant de
devenir secrétaire-adjoint en Novembre 1933 lors de l'exclu-
sion_de Kouyaté.
Membre du Comité d'Organisation Provisoire du Congrês Mondial
Nêgre,
, 2ême secrétaire de l'UTN en Janvier 1935, vice-pré-
sident d'honneur du Groupe de Souvenir Victor Schoelcher en
Juillet 1935, il sera démis de ses fonctions â l'UTN en Avril
1937, incapable de répondre de la gestion des fonds qui lui
avaient été confiés. Au printemps 1939, lors de la réactiva-
tion de l'Association Erance~Cameroun par Kouyaté dans le
but de surveiller les milieux camerounais de Paris, il sera
élu secrétaire général. De toutes les initiatives anti-colo-
nialistes, Joseph Ebele était en réalité un agent du CAr et
ce au moins depuis fin 33-pébut 34, époque â partir de laquel-
le il rendait surtout compte des activités de Kouyaté sous
le pseudonyme de Moïse ou White. A cela il faut ajouter qulil
fut l'auteur de nombreux articles rédigés en douala dans le
Cri des-Nègres et signés du pseudonyme Doualaman qui était â
vrai dire três transparent !
v/3 4. V{4 4. M-'B·alé. Le. CJr.i>e:te:~ N'è}ln.-e.·L In [24. l Ir [5 7. II 1[53
111173. II [16. nI [34 •

855
FORGUES GEORGES
D'origine martiniquaise, Georges Forgues était journa-
liste au journal Lee Soir. Membre du CDRN, il s'opposa violem-
ment à la tendance communiste et fut avec Maurice Satineau
le principal artisan de la scission de 1927. Après le départ
des partisans de l'indépendance et des communistes au printemps
1927, i l devint le président du CDRN qui se transformera par
la suite en Comité de-Défense des Intérêts de la Race Noire.
Sans activités notables, le CDIRN se manifestera par la voix
de Forgues, en 1935 lors de la campagne de soutien de l'Ethio-
pie.
II 15. Le. Soü.
-~-----~------------
GOTHON-LUNION JOSEPH
Né le la Mars 1885 à Gosier ( GuadelQupe ), Joseph
Gothon-Lunion a pendant un temps résidé chez Joseph Monnerville,
premier secrétaire général de l'UIC. A la recherche d'un em-
ploi, il se heurta à la discrimination raciale à l'embauche
pratiquée par certains employeurs et il s'en plaint vivement
au ministre des Colonies. Membre de l'UIC, il fut délégué
par le Comité d'Etudes Coloniales du PCF au Vème Congrès de
l'IC en 1924 pour représenter les nègres français. Ce séjour
en Rus:üe ne passa pas inaperçu puisqu'il fut photographié
sur le trône des Tsars, cliché qui fut publié en France par
l 'luus tra tian.

856
Lors du Congrès de l'rC il proposa la nomination d'un ou de
plusieurs représentants nègres au Comité Exécutif de l'rC,
la création d'un Il Comité d'action et de propagande pour
l'indépendance intégrale des colonies ", la mise sur pied
d'une presse dans chaque colonie pour poser la question de
l'indépendance et populariser" l'idée de la formation d'une
République Socialiste Noire" ainsi que l'envoi de nègres â
Moscou pour qu'ils y fassent leur éducation marxiste. De
retour
en France, il entrera en conflit avec les responsa-
bles de la commission coloniale et, en Octobre 1925, il rédi-
gera un long rapport critique sur l'activité du PCF dans le
domaine colonial. Dans ce rapport adressé au Comité Exécutif
de l'rc, il dénonçait le peu d'intér~t des communistes fran-
çais pour la question coloniale, le chauvinisme du Parti, etc
Fondateur du Comité de Défense de la Race Nègre avec Lamine
Senghor, il en sera le premier secrétaire général, mais en
tentant de s'emparer â lui seul de la direction du CDRN il
s'attira l'hostilité de tous. Démis de ses fonctions en Décem-
bre 1926, il sera exclu du CDRN début 1927 et le PCF fera de
m~me en Mars 1927. Activiste infati'gable, Joseph Gothon-Lunion
fera tout pour réintégrer le CDRN puis' la LDRN, mais en vain.
Tentant de mettre sur pied un Club des Nègres Conscients, il.
lancera en AoUt 1927 un journal intitulé'Au'Comité'delJéfense
de la" Race Nègre la' vêrité-est-en- marche ! dans laquel il
essayait de justifier son attitude passée. Après cette tenta-
tive infructueuse, il disparaît de la scène, réapparaissant

857
de temps à autre dans les moments de crise pour tenter de
se remettre en selle. Ainsi en Juillet 1932, alors que la
LDRN-Kouyaté avait disparu et que l'UTN n'était pas encore
constituée, i l créa une ~igue Universelle de Défense des
Peuples de Race Nègre. Malheureusement pour lui, cette nou-
velle initiative fit long feu et Joseph Gothon-Lunion re-
tomba dans l'anonymat le plus total.
II l / 9 1. II /1 6.
l II [ 4 5.
l II /1 34.
II l 13 1. II l 124. II 15 . II [4 •
La VoÙdeJ.>N'èglLeJ.>. Au Com:tté.' ete" V'~6'en.:oede ,(.:a' Raèe- N-ègJt-e-;ta
v élLi.té eJ.>:tenma:Jz.clie !
GUEYE ABDOULAYE
Né à Gorée
( Sénégal ) vers 1902 Abdoulaye Guèye était
ouvrier mécanicien chez Renault. Membre de la CGTU, sym-
pathisant communiste i l fut membre de la Fraternité Africai-
ne, puis de la LDRN.
21 G ?1
(11).
II/5.
GUEYE JOSEPH
Né le 17 Avril 1900 à Saint Louis
( Sénégal) et rési-
dant à Marseille, Joseph Guèye fut trésorier du Syndicat Nègre
de Marseille en 1930.
III[36.

858
HANNA-CHARLEY LEON
D'origine guadeloupéenne, Léon Hanna-Charley était pro-
fesseur dans une école d'agriculture. Président du Groupe du
Souvenir Victor Schoe!cher, membre du Comité d'extension et
de propagande du Monde' Colonîal, journal créé en France par
Oruno Lara, Léon Hanna-Charley sera membre d'honneur du CDRN.
Egalement membre de la Il Solidarité Antillaise Il en 1937,
il écrira au Ministre des Colonies pour obtenir le transfert
des cendres de Schoelcher au Panthéon.
rTI/24.
TIlL
-~-----~------------
HONORIEN EUGENE dit" STRAIGH:L "
Né le 31 Juillet 1889 à Saint Pierre ( Mar~tnique ), Eu-
gène Honorien est arrivé en France en Octobre 1920. On sait
peu de chose de ses activités antérieures sinon qu'il fut
trésorier-adjoint de la " Société d'Etudes et de Documentation
de propagande et de commémoration de l'apport des Noirs dans
le conflit européen de 1914-1918 ".
Donnant de temps à autre des leçons d'anglais à ses compatrio-
tes, Eugène Honorien fit du journalisme sous le pseudonyme
de Straighl. Gérant dUCarnet'Rouge, mensuel satyrique qui
cessa de parattre fin 1920, il fonda en Juillet 1921 un men-
suel intitulé le- Réveil- Colonial. Membre du Parti Communist.e
et de la Ligue des Droits de l'Homme, il fit partie des mem-

859
bres fondateurs de l'Union Inter Coloniale où il représen-
tait la Guyane. En Décembre 1921, il dut cesser la publication
du Réveil Colonial suite il. une campagne des communistes qui
lui reprochaient son programme trop modéré. Collaborateur
du Paria, il quitta semble-t-il l'UIC en 1922-1923 pour ne
plus jamais appara!tre dans la mouvance anti-colonialiste.
17 G 61
(17l.
nI/3.
-------------~------
HUISWOOD OTTO
Né le 28 Octobre 1893 aU Sur~nam, Otto Huiswood émigra
pour les USA à une date que nous ignorons. Membre, du Parti
Communiste des USA, il fut le premier délégué noir il. assister
à un
congrès de l'Internationale Communiste en 1922. Par
la suite il devint le premier noir à poser sa candidature
pour siéger au Comité Exécutif de l'rC.
Membre du Comité Central du PC américain dans les années
1925-1926. Auteur d'articles sur la .. question nègre .. , 1:1
devint responsable du Comité Syndical International des Ou-
vriers Nègres de l'Internationale Syndicale Rouge lorsque
Padrnore fut expulsé d'Allemagne début '1933. Début 1934, il
vint en France pour proposer à Padrnore de reprendre en mai'n
la publication du Nl:!gro'Worker, mais ce dernier refusa con-
sidérant qu'il s'agissait d'un piège pour l'attirer à Moscou;
Désormais responsable du csrON il enquêta sur les activités

860
de Padrnore et Kouyaté. Parlant parfaitement l'anglais et le
néerlandais et comprenant le franqais, il fut chargé par
l'IC de réorganiser le travail parmi les nègres. En Mai 1934
il fit reparattre le Negro Worker et au cours de l'été et
de l'automne 1934, il se rendit plusieurs fois en France pour
contacter les membres de l'UTN et leur proposer un plan de
travail visant ~ organiser la main d'oeuvre nègre en France
( en particulier dans les ports ) et ~ développer les liai-
sons avec les colonies.
III/I71. H. Haywood S',e:ac.k Tiot'I.Jne.vi.lL
JEAN-BAPTISTE PAUL
Né le 21 Juillet 1891 à Capesterre ( Guadeloupe ), Paul
Jean-Baptiste s'est engagé à l'âge de 22 ans au 20ème Régiment
d'Artillerie Coloniale. Grièvement blessé le 5 Juillet 1915
~ la bataille de Fleury, il dut ~tre amputé des deux bras.
Décoré de la Médaille militaire et de la Croix de Guerre, il
se fixa ~ Paris, tenant une épicerie rue d'Orsel ( 18ème ).
Membre de la Ligue des Droits de l'Homme, il adhéra à l'UIC
et fit partie en 1934 du Comité d'Organisation ProvisoIre du
Congrès Mondial Nègre.
III/3.
III/34.

861
JEAN-LOUIS HENRI dit JEAN-LOUIS BAGHIO'O
Né le 5 Décembre 1874 en Guadeloupe, Henri Jean-Louis
fit des études de Droit. Après avoir fait la guerre comme
engagé volontaire, il retourna en Martinique où il exerça
les fonctions de magistrat. Ayant inculpé le fils du GOuver-
neur de la Martinique qui incendiait des villas pour se livrer
à des escroqueries à l'assurance, il fut muté d'office en
Afrique. Arrivé en Brazzaville ( Congo) en Décembre 1923, il
fut d'abord juge de pallx puis il présida le Tribunal de pre-
mière instance. Considéré comme un." dangeureux agitateur
panafricaniste Il par les autorités, il fut l'objet d'une stric-
te surveillance. Ecoeuré par la manière dont la .. justice ..
était rendue, il démissionna de son poste en Janvier 1926
et s'inscrit comme avocat au Barreau de Port-Gentil ( Gabon).
Président Honoraire du Comité de Défense de la Race Nègre,
il vint à Paris en 1929 et prit contact avec la Ligue de
Défense de la Race Nègre. De retour en Afrique en Aoflt 1931,
il séjourna un temps à Dakar, habîtant chez Magatte Ba admînîs-
trateur du périscope A'frica:i:.n et fréquentant Arthur Beccaria,
le fondateur de la section dakaroise de la LDRN. Quittant Dakar
pour le Cameroun en Septembre 1931, ayant été radié du bar-
reau en 1931, il se fit conseiller judiciaire de Richard
Manga Bell
et devint l'ami du sultan Njoya. Membre de la
SFIO, il soutint le lancement de la Revue du Monde Noir en
Décembre 1931. Quittant l'Afrique 11 regagna la Martinique

il milita pour une confédération antillaise où le créole aurait

862
été la langue nationale. Fondateur du' progrès Colonial, il
fut poursuivi pour atteinte à la sûreté de l'Etat et dut se
ré.fugier à Trinidad où il enseigna le français de 1936 à
1939. Auteur d'un livre sur la justice en Afrique intitulé
Visions of Africa, il rentra en Guadeloupe à la déclaration
de guerre, et la guerre finie, il milita pour l'indépendance.
Délégué à la 2ème Conférence Caribéenne ( 1er Décembre 1948),
il s'éteignit en 1958. Pour l'anecdote, notons qu'il est le
vieux nègre aux cheveux blancs que Cheikh H. Kane rencontra un
jour sur le boulevard Saint Michel et dont il parle dans son
livre L'aventure ambigüe. Ne manquant pas d'humour cet adver-
saire acharné dù colonialisme fit graver sur sa tombe
»
Il n'eut ni gen6 ni loui6 mal6 en ~lt Il
21 G 44
(11).
III/24.
1/28. C.H.
Kane L-Ia\\lentu~e- ambi:güe.
J. L. Safj hio '0' Lce' è.<J1.i.bKi.-frtal1c..
------~-------------
••. JULIANS PIERRE
Membre de l'Union des Travai.lleurs Nègres, membre du
PCF, il fut chargé du travail dans les' ports en Mai 1934.
Auteur d'articles dans le crt-das-N'ê'gres, membre du bureau
central de l'UTN en Janvier 1935, il mourut
II /16.
1 II 15 3. le CJr.i de6 N'èg!l.e6.
------~-------------

863
KOITE ABDOU
Né le 22 Septembre 1894 à.Saint Louis
( Sénégal), Abdou
Koité était mutilé de guerre. Marié à une française i l fut
membre du Comité de Défense de la Race Nègre et de la Ligue
de Défense de la Race Nègre. Partisan d'Emile Faure, i l fut
secrétaire général de la LDRN après la scission de Janvier
1931. A la fin des années trente i l rentra au Sénégal.
zr G 100 (17). 11 G 100 (J1). 11r(24.
---------------------
KOSSOUL KODO d i t " Pierre "
Né le 1er Janvier 1898 à Abomey
( Bénin ), Pierre Kodo
Kossoul fit, semble-t-il, la guerre comme infirmier. Infirmier
à l'hopital Beaujon, i l était marié à une française prénommée
Jeanne. Ayant demandé à ~tre naturalisé français, Kossoul
fut contacté par le CAr et c'est en qualité d'indicateur
qu'il adhéra au CDRN en Décembre 1926. Très effacé, i l fut
ceppendant élu vice-président de la LDRN en Mai 1927. Elu
président de la LDRN-Kouyaté en Janvier 1931, i l sera plus
tard président de la commission de contrOle de l'UTN. Se
présentant souvent comme un ancien compagnon de Lamine Senghor,
il s'attira le respect de ses camarades et ne fut jamais sus-
pecté à tel point qu'il adhéra plus tard au PCF dont i l put
ainsi infiltrer la section coloniale à partir de 1933.
Maltrisantmal le français,
i l se faisait aider par sa fem-
me qui ne se contentait pas de rédiger ses rapports', mais

864
devint membre et même responsable de la section de la Seine
de la LDRN ! Atteint un moment
( fin 37 ) par une broncho-
pneumonie, i l dut momentanèment interrompre ses activités
mais, début 38, de nouveau sur pied i l était élu trésorier
général de l'UTN et poursuivait son travail de sape. " Taupe"
modèle, Pierre Kodo Kossoul alias" Coco ", alias" Paul"
servira plus de douze ans le CAl, tout cela en échange de cet-
te fameuse citoyenetéfrançaise qu'il avait acquise en Mai
1927.
111124. 11/16. 111153. 11/2. Illf111. 11/14, et~ ...

LABATHIE SOSTHENE
Né en 1906 â Pointe-à-Pitre
( Guadeloupe), Sosthène
Labathie était employé. de bureau. Membre du Comité de Défense
de la Race Nègre, i l sera élu secrétaire-adjoint de la LDRN
en Mai 1927.
111/24. V13.
-------~---~--------
LERO ETIENNE
Né en 1909 au Lamentin
( Martinique ) Etienne Lero
était étudiant en philosophie et en anglais. Rédacteur et
administrateur de l'éphémère revue-Légitime-Défense, i l était
très proche de la LDRN et était en relation avec Kouyaté.

865
Acquis au marxisme, il fut désigné par la LDRN; bien que n'en
faisant pas partie, comme membre d'une délégation chargée de
présenter les revendications de la Race Nègre à la Commission
Coloniale du PCF. Malade, il s'éteint à Paris en 1939, agé
seulement de trente ans.
MANLIUS FELICIEN
Né le 6 Décembre 1885 à Grippou ( Guadeloupe ), Félicien
Manlius était représentant en produi:ts col,oniaux. Vice-prési-
dent du CDRN puis de la LDRN, il sera par la sui:te vice-pré-
sident de l'Amicale Aide-toi-l,e ciel t'aidera fondée par
Félix Cocoville.
1114. 111/34. 111/37.
----_.~._------~--
MAMN RENE
René Maran étant surtout connu comme homme de lettres,
nous ne nous attacherons pas à cette facette de, son pers~n­
nage. Né l,e 5 Novembre 1887 à Fort-de-France ( Martini:que )
de parents guyanais, il entama d'abord une carrière dans l'admi:-
nistration col,onial,e, servant notamment au Congo où son père
était déjà fonctionnaire colonial,. Dès l'age de 18 ans, il,
col,labore à l,a revue Les lettres· françaises, mais c'est en

866
1921 qu'il fait sensation en obtenant le Prix Goncourt avec
son roman Batoua'la " véritable roman, nègre ". Ce succès l i t -
téraire sonne le glas de sa carrière dans l'administration
coloniale, car si Batouala n'a rien d'un pamphlet anti-colo-
nialiste, la préface de l'ouvrage est particulièrement viru-
lente. Pour ne citer qu'un exemple, la phrase Il ~i l'in~n~elli-
gence ca~acté~i~ait le nèg~e il n'y au~ait que 6o~t peu d'Eu-
~opéeti~ Il dOt provoquer plus d'un grincement de dents dans
les chaumières et notamment du cOté de la rue Oudinot. Colla-
borateur de l'Action Coloniale et du Libéré, ami de Kojo
Tovalou Houénou, i l sera élu vice-président de la Ligue Uni-
verse Ile de Défense de la Race Noire et collaborera active-

ment
au journal Les Continents. Membre du Comité de Défense
de la Race Nègre, puis de la LDRN, i l s'opposera sans cesse
aux partisans de l'indépendance et aux pro-communistes.
Après avoir soutenu la fondation du-CourrIer des-NoIrs en
1927, i l tentera tant bien que mal de faire entendre sa voix
au sein de la LDRN mais en vain. Membre du Comité d'Organi-
sation Provisoire du Congrès Mondial Nègre projeté par Kouya-
té, rédacteur en chef de l'agence de presse Metromer fondée
fin 34 par Azango,
i l soutiendra la politique du Front Popu-
la ire en matière coloniale bien que considérant comme une
" lamentaBl.e e.~~eutL Il la nomination de Marcel Coppet à la
tête de l'AOF. Sous l'occupation René Maran sera contacté
par les allemands qui l'obligeront à ;rédiger une brochure
intitulée Il· la situationde.s'nèljresauX'E:tats'unis "
11 M3/7.
rnt'l7. nr/34. V/11. P.A. ?S. R. OTTLfY' N'o'"GtLè.è.rr.-r-a.S:t1ûl.e.6.

867
MATHURIN ADOLPHE de son vrai nom ADOLPHE SARR
Né 1 Saint Louis ( Sénégal) le 3 Juillet 1899, Adolphe
Mathurin est arrivé en France en 1913. ~rnbre de la LDRN, il
en deviendra le président et gérant de la Race- nègre en Décem-
bre 1927 après la mort de Lamine Senghor. Collaborateur de la
Race Nègre, ami d'Emile Faure, ce nationaliste convaincu dé-
missionnera de toutes ses fonctions en Mars 1930 suite 1 la
campagne menée par l'Ami-du Peuple contre les liens de la
LDRN avec le mouvement communiste.
Par la s'uite, en 1933, on le retrouvera comme secrétaire gé-
néral de Sénégal-Arnical, l'association créée par Faure.
------~---~---~----
MATSOUA ANDRE dit GRENARD ANDRE
Né le 17 Janvier 1899 près de Brazzaville ( Congo), André
Grenard fit ses études chez les pères du Saint-Esprit d'où
il sor~it
catéchiste en 1915. Après quelques années passées
dans l'enseignement religieux, il partit pour Brazzaville où
il sollicita un emploi dans l'administration des Douanes.
Organisant des séances d'éducation civique, appelant ses com-
patriotes 1 devenir les égaux des blancs par l'instruction,
le travail et l'organisation il devint rapidement populaire.
Désireux de parfaire sa formation inteLlectuelle, il s'ernbar-
qua pour la France en 1921. Débarqué à Anvers C Belgique)
il gagna Bordeaux, pUIS MarseiL)..e et en, 1923 il s'engagea

868
dans l'armée. Incorporé dans le 22ème Régiment de Tirailleurs
Sénégalais, i l est envoyé au Maroc et combat dans le Rif.
En 1925, i l est démobilisé avec le grade de sergent et i l
s'établit à Paris. Comptable à l'hopital Laennec, i l poursuit
sa formation en suivant des cours du soir et sollicite la ci-
toyeneté française. Comme d'habitude le CAr tente d'en faire
un indicateur, d'autant plus qu'il a émis l'intention de créer
une association regroupant les originaires de l'AEF. Pensan~
réitérer le Il coup" de l'Amicale des Originaires de l'AOF
de Marseille, le CAr Lui fournit un projet de statuts et un
réglement intérieur. Vigilant André Grenard note qu'il est
question du " pa..tJtonna.ge du SeJtvic.e d'A.ô.ô.ü.ta.nc.e a.ux Indi-
gène.ô " et que de plus un membre de ce service aurait le ti-
tre de conseiller et de contrOleur financier avec signature.
Voyant qu'on voulait se jouer de lui, i l répondra directement
au directeur du CAr
: " /lion,
Mon.ôieuJt l.'Admini.ô.tJta..teuJt, non
c.e ne peu.t ê.tJte. Nou.ô vou1.0n.6 60JtmeJt une a..ô'.ôoc.ia..tion de .ô e-
c.ouJt.ô mu.tue1..ô e..t de pJtévoya.nc.e : nou.ô a.c.c.ep.teJton.ô vo1.on.tieJt.ô
vo.ô c.on.ôei1..ô, nou.ô ne vou1.0n.6 pa..ô vou.ô méc.onna.i.tJte, ma.i.ô
nou.ô ne vou1.on.ô pa..ô de. .tu.te1.le·.
Le 17 Juillet 1926, dans un café de paris, i l jette les bases
de l'Association Amicale des Originaires' de l'AEF, dont i l
devient le " pJté4i.den.t 6onda..te.uJt i:rta.movibt..e ". Début Octobre
1926 i l demandera au Ministre des Colonies d'en accepter la
présidence d'honneur, mais ce dernier refusera suite à un
rapport du CAI. sur Matsoua dans lequel rI était d i t " qu 1 un.
jouJt ou l'a.u.tJte c.e..t.te a.!.JJ.iOc.i:a..ti:on .te.n.teJta. de joueJt un Jtôle

869
pol~~~que queleonque eomme ~ou~eo eelleo d'a~lleu~o qu~ ex~o­
~en~ 0 u qu~ 0 n~ ~en~é de 0 e eo n6~.{:~ue~ eeo de~n~è~eo annéeo' ".
M. Duchême, Directeur des Affaires Politiques, n'avait pas tort
car en Mars 1927 dans une lettre à. un de ses compatriotes
André Matsoua déclarait : " Nouo voulono la l~8e~~é d'€~~e
ee qu'~l nouo plal~, ~adieaux,
ooelal~o~e6 ou au~~e6,
nous
voulono ê~~e ~ep~é6en~éo au Pa~lemen~,
avo~~ un ~ep~éoen~an~
qu~ dé6ende noo ln~é~€~6.
Ca~ avee un Gouve~neu~ Géné~al
nouo 6omme6 eomme deo ert6an~6 en rtou~~leeo, nouo rt'aVon6 au-
eun d~ol~, alo~6 dan6 ee ea6 nouS ne dev~lono avol~ aueun
devol~ ". Que s'est-il passé ensuite?
Il semble que le
CAl ait réussi à convaincre André Matsoua de travailler pour
lui et, en Mars 1929, ce dernier fait des compte-rendus des
réunions de la LDRN
qu'il adresse à M. Dévèze. En AoOt 1929,
André Matsoua donne l'adhésion de l'Amicale des Originaires
de l'AEF à la LDRN, en se déclarant fervent partisan de
l'union des nègres, seul moyen de chasser les Il exploiteurs
blancs ". La suite est mieux connue; en Septembre 1929 deux
délégués de l'Amicale s'embarquent pour le Congo, très certai-
nement avec la caution du ministère des colonies. Reçus par
un collaborateur du Gouverneur Général de l'AEF à leur arri-
vée, ils apprennent que ce dernier a décidé d'octroyer une sub-
vention annuelle de 1 000 francs à J'Amicale. A l'occasion
d'une tournée au Congo
ils font connaître l'Amicale et re-
cueillent 12 000 adhésions ( ??? ) dans toute l'AEF. A paris,
Matsoua écrit à Poincarré pour protester contre le code de

870
l'indigénat et dénonce la stagnation économique de l'AEF.
Mais en Novembre, i l apprend que les deux délégués de son
Amicale ont été arr~tés à Paris pour escroquerie et transfé-
rés à Brazzaville. Condamné en Avril 1930 à 3 ans de prison
et 10 ans d'interdiction, i l est aussitOt déporté au Tchad.
Réussissant à s'évader en 1935 i l gagnera la France où i l vi-
vra clandestinement pendant quatre ans avant de s'engager au
moment de la guerre. Blessé, i l sera soigné puis arr~té,
transféré de nouveau au Congo et cond.amné, en Février 1941,
aux travaux forcés à perpétuité. Maltraité, mal nourri, i~
mourra en prison le 13 Janvier 1942. Si la présence de Matsoua
ne fut jamais signalée dans les réunions du CDRN puis de la
LDRN dans les années 1926-1927, i l est fort probable qu'il
avait connaissance de leur existence et qu'il subit leur in-
fluence.
111 (11.
111 (24.
11 /19. Ma.!tti.Cl.e. Sinçi.{.Cl.
t:tomme.f.. - -e.:t- VQ.~';tà e.t
Al1.d/l~ MCl:t.60U.Cl FOl1.dClteu./ldu. mouvemel1.::t â.e..e.il:j"~!lCl:t;{:OI't du- CVltflo.
-------~---~--------
MBAYE PIERRE
Né le 3 Janvier 1896 à Gorée
( Sénégal ) Pierre Mbaye é-
tait cafetier à Marseille. Correspondant de la lDRN, i l sera
le secrétaire général de la section des Bouches du Rhone de
l'organisation.
M6 10803.
nI!111. 111(21.

871
MERLIN FELIX
D'origine martiniquaise Félix Merlin était employé à
la Société des Transports en Commun de la Région Parisienne.
Membre de 'la CGTU et du PCF, i l fut délégué au Congrès Mon-
dial contre la Guerre qui se tint à Amsterdam en fin AoOt
1932. Trésorier adjoint de l'UTN, i l fut élu conseiller muni-
cipal d'Epinay en 1935 et nommé 2ème adjoint au maire. plus
tard i l sera élu maire d'Epinay, dont une grande artère por-
te aujourd'hui son nom.
11119. III/53. 11116.
-----------~--------
MODES ALEXANDRE
Né le 23 Juillet 1900 à Pointe-.à-Pitre
( Guadeloupe),
Alexandre Modes vécut d'abord quelques temps à Paris avant
de venir s'installer à Marseille en 1925. Chauffeur-mécani-
cien à la maison Reynaud, i l était décrit comme un sympathisant
communiste par les services de police. Militant du CDRN puis
de la LDRN i l était plus spécialement chargé de confier les
journaux nègres à des navigateurs en partance pour l'Afrique.
En 1930, i l sera nommé président de l'éphémère Syndicat Nègre
de Marseille mis sur pied par Kouyaté.
111/36. 111/134. V/Z3.

872
MONNERVILLE GASTON
Né le 2 Janvier 1897 à Cayenne ( Guyane ) Gaston Monner-
ville fit des études de droit. Membre du Parti Radical et Ra-
dical socialiste, il fut secrétaire-adjoint de la Ligue Uni-
verselle de Défense de la-Race Noire fondée par Tovalou Houénou.
Membre de la LDRN en 1928, il adhéra plus tard au Comité
d'Etude et d'Action Coloniales dont il sera le 1er secrétai-
re général ( 1929 ). Député de la Guyane de 1932 à 1942, se-
crétaire d'Etat aux colonies de Juin 37 à Mars 38, vice-prési-
dent du Parti Radical et Radical Socialiste en 1932, Gaston
Monnerville sera président du Sénat de 1958 à 1968, poste où
il se rendra célèbre pour avoir tenu tête à de Gaulle qui vou-
lait supprimer l'Assemblée du Palais. de Luxembourg.
III/Zr. AH. Paf.. CMtOI'l 542. ta.1It.pêc.h.e. A6Üc.a.LI'le..
-------_._-----------
..• MONNERVILLE JOSEPH LOUIS
Né le 21 Février 1889 à Fort de France ( Martinique ),
Jospeh Monnerville a rait son service militaire dans la Ma-
rine de Guerre. Libéré en 1913, il s'installa à Paris puis
se fit rapatrier aux AntilJ"es en Juil,let 1914. Mobilisé en
Aont il, fut démobilisé en Mai 1919 et s'installa de nouveau
à Paris. Représentant en produits coLoniaux, il était me~;re
de la Ligue des Droits de l'Homme et du parti. Communiste.-.fe-
crétaire de l'UIC de sa création à 1924, il aurait séjourné
en URSS en 1923.
Fr 737rO.
IIIn.

873
MORTENOL SOSTHENE
Né le 29 Novembre 1859 à Pointe-à-Pitre ( Guadeloupe )
Sosthène Mortenol fut le premier noir à ent.rer à l'Ecole Po-
lytechnique en 1880. En 1882 à sa sortie de l'Ecole il opta
pour la Marine et fut envoyé à M~dagascar. Capitaine de vais-
seau en retraite lors de la déclaration de la guerre, il fut
appelé par Galliéni pour commander l'aviation militaire du
camp retranché de Paris. Commandeur de la Légion d'Honneur
le Commandant Mortenol occupera ses vieux jours en collabo-
rant à toute une série d'associations. Président de l'Asso-
ciation France-Colonies dont faisaient également partie les
frères Béton, président de l'Association Panafricaine en Mars
1923 suite à la démission de Gratien Candace, il sera égale-
ment l'un des vice-présidents de la Ligue Universelle de Défen-
se de la Race Noire fondée par Kojo Tovalou Houénou. Membre
du CDRN c'est lui qui sera à l'origine de la commémoration
de la naissance de Schoelcher par les organisations nègres.
Membre du Comité d'Organisation du Congrès des Races projeté
par Jules RaIs en Mars 1928, il s'éteindra le 22 Décembre
1930 à l'age de 72 ans •
. 111/24. 111/27. 111/22. II{J5.
-----------~-----..-:"----
MORIN-LACOMBE LUPOVIC dit JI LACOMBE "
D'origine haItienne Ludov:tc l'torin-Lacombe n'exerçat ja-
mais aucune responsabilité importante dans les organisations

874
nègres, mais i l y joua un rOle de premier plan. Membre du
CORN, puis de la LORN, i l soutint le lancement du Courrier
des Noirs. Auteur de nombreux articles sur la situation en
Haiti dans la Race Nègre puis dans le cri des Nègres, i l
appartenait au courant nationaliste mais suivit Kouy~tê
lors
de la scission de 1931. Membre du Comité d'Organisation Pro-
visoire du Congrès Mondial Nègre, i l publiera une brochure
inti tulée le rOle émancipateur de 'la répuhlique nègre d'Haiti,
dont le préfacier sera Emile Faure.
III /2 4. 11 M3(7.
La. Ra.c.e. NègJte. • Le CJtiâe4 NègJte.6. V(11 .
~--------~----------
MOUTIA FRITZ
Originaire d'Afrique du Sud Fritz Moutia était membre
du CDRN. Hostile à la tendance communiste, i l suivit Satineau
lors de la scission de 1927 et devint secrétaire-adjojnt du
CDRN. Lorsque Maurice Satineau créa la OépêcheAfricaine,
Fritz Moutia en dirigea la page en anglais.
III 137.
La. Vépê:die A6Jtic.a.:i.ne.

875
NDIAYE MAGATTE LOUIS dit MAGATTE CaDOU SARR
Magatte Louis Ndiaye, plus connu sous le nom de Magatte
Cadou Sarr est né vers 1892 ~ Rao Gouyeton dans la banlieue
de Saint Louis ( Sénégal). Après avoir monté une petite
entreprise confectionnant des briques en aggloméré, il navi-
gue comme marin de commerce à partir de 1906. D'abord embar-
qué comme mousse à bord du " Triton " bateau de pêche armé
~ Toulon, il est débarqué en 1908 ~ Las Palmas ( Canaries) .
Il reste quatre ans aux Canaries où il apprend le métier de
mécanicien puis en 1921 il embarque comme apprenti-mécanicien
sur un bateau allemand. Embarqué par la suite sur des bateaux
français, il est débarqué ~ Marseille en 1913 et y exerce
pendant six mois la profession de domestique. Embarquant sur
un bateau grec pendant un an, il est ensuite " militarisé"
et navigue sur des bateaux réquisitionnés par l'Etat français.
En Juin 1917, alors qu'il est sur le " Calédonien" il réchap-
pe au torpillage de ce dernier. La guerre finie, il reste un
temps à Marseille où il vit les heurts opposant les marins
coloniaux principalement afr;J::cains aux marins français.
En Juin 1922, il rentre au Sénégal, mais
en AoOt il repart
pour Marseille et, en Septembre 1922, à la suite d'une réunion
des marins africains, ces derniers le cpargent de les récon-
cilier avec les marins français. C'est at.nsi qu'il dev:i:ent
délégué de la Fédération Nat:i:onale des Syndicats d'Inscrits
Maritimes, et obtient de cette dernière l'autorisation de
créer un syndicat au Sénégal. Parti au Sénégal en Janvier
1923, il fonda le 1er Mars 1923 l'Amicale des Marins dont

876
le président était un français dénommé Minguin et lui-même
le vice-président.
Par la suite Magatte Codou Sarr reçut une lettre d'un militant
de la CGTU l'invitant à affilier son syndicat à cette orga-
nisation mais il refusa catégoriquement. Si l'Amicale des
Marins a fait long feu, elle n'en représ-ente pas moins' un fait
important dans l'histoire syndicale du Sénégal, puisqu'elle
fait partie de cette poignée de syndicats qui ont préexisté
à l'autorisation légale des syndicats en AOF au printemps 1937.
'lI G 115 (48).
'lI
G 133" (108).
------_.--.------_._-~--.
NDIAYE MASSE dit MASSEMBA NDIAYe dit SAMBA LAMPSAR
Né le 9 Octobre 1895 à Saint Louis ( Sénégal ), Masse
Ndiaye était un ancien combattant. Chauffeur de taxi, lecteur
assidu de l'Humani.té, il fit partie des adhérents de la pre-
mière heure de l'UIC. En Janvier 1922 il écrira d'ailleurs à
son jeune frère élève à l'Ecole Normale d'Aix-en-Provence
pour l'encourager à créer une association d'étudiants africains
et à lutter pour l'indépendance. Trésorier de la Fraternité
Africaine, association qui réunissait les Sénégalais de Paris,
il tenta avec Ihrahima Sow, lui aussi membre de l'UIC, d'at-
tirer cette amicale vers la mOuvance communiste. C'est très
certainement par son intermédiaire que Lamine Senghor quî
·les espionnait alors pour le compte du CAl rejoînt finalement
l'UIC et la Lutte anti-colonialiste.
III/134.

877
PALLAS AMEDEE
Né le 17 Novembre 1891 â la Réunion, Amédée Pallas fit
son service militaire â Toulon au 10ème Régiment d'Artillerie
de 1915 à 1919. Réformé avec 10% d'invalidité suite à un ac-
cident de tir, i l était employé au métro. Sympathisant com-
muniste, membre de la LDRN,
i l adhéra plus tard â l'UTN.
II/IL
PIDERI MODESTE
Né le 19 Juin 1896 au Robert
( Martinique ), Modezte
Pidéri
était un ancien instituteur ayant aband'bnné son mé-
tier pour se lancer dans des études de médecine. En 1929, i l
fut le responsable du Groupe des Etudiants Nègres de la LDRN
que Kouyaté tenta de mettre sur pied.
III/'Z.4.
POUGEOL VIL FORT
Né le 6 Novembre 1882 â pointe-â-PItre
( Guadeloupe ),
Vilfort Pougeol était représentant en produits coloniaux. Tré-
sorier-adjoInt du Comité
de Défense de la Race Nègre, gé-
rant de .la VOIX des Nègres, il. prit le partI de Satineau en
1927 et devint le trésorier général. du CDRN.
II/4. III/24.
II/S.

878
RAMANANJATO THOMAS.
------------------
Né le
25 Juin
1889 à Tananarive
( Madagascar
),
Thoma~
Ramananjato s'est engagé pour
la durée de
la guerre
le
10 Juillet.
1918 à
la
10ème section du C.O.A.
à Tananarive.
Réengagé en Janvier
1919 à
la section d'infirmiers militaires de
Tananarive,
i l est
affecté dans
un hopital
de Fréjus
en Mai
1919.
Ayant
gravi
les divers
échelons,
i l est
sergent
en Août
1921.
Libéré de ses obligations militaires
en Juillet
1923,
Ramananjato
travaillera pendant
trois
ans
comme
comptable aux établissements
Car rat
à Antibes.
Désirant obtenir
la citoyenneté française,
i l
en fait
la demande par deux fois,
appuyant
son dossier en dénon-
çant
aux autorités
coloniales
ses
compatriotes
qui
entretiennent
des
contacts
avec
les
Il
anarchistes
".
Quittant Antibes
pour Paris
fin Juillet
1926,
i l est embauché
comme
comptable à
la Société
Coopérative des
Employés
Civils
de
l'Etat
et
finalement,
le
12
Novembre
1926,
i l obtient
la citoyenneté française,
à n'en pas dou-
ter pour serv~ces rendus
au CAl.
Occupant successivement
le poste de comptable dans
diverses
socié-
tés,
Ramananjato ne
fréquente
guère
les milieux anti-colonialistes
coloniaux.
Cependant en Juin
1929,
i l est contacté par
l'inspecteur Devèze
pour reprendre du service.
Dans
son premier rapport
en forme
de
réponse i l écrit
:
Il
Ma qualité de
français
exige de moi
une recon-
naissance pleine et entière de ce qu'a fait
la France pour
les
colo-
nies
placées
sous
sa tutelle et sous
sa protection,
et avant mê-
me que
je ne vous
ai
parlé,
j'étais déjà un adversaire résolu des
troubles
et agitations
pouvant
provenir de certaines
personnes
plus
ou moins
agissantes
et qui ne
cherchent avant
tout que
leur
intérêt Il
A ce rapport daté d'Août
1929,
i l
joint
les
biographies détaillées
de 24 de ses
compatriotes
et
en Septembre i l adhère
à
la LDRN.
Plus spécialement chargé de surveiller
les milieux anti-colonialis-
tes malgaches,
Ramananjato devient membre de
la Commission de
Contrôle de
la LDRN en Mai
1930.
Il est élu vice-président de
la LDRN en Janvier
1931
à
l'occasion
de
la scission Faure/Kouyaté au cours
de
laquelle i l suit Kouyaté.
Elu secrétaire-général de
l'UTN en Septembre
1932 à
la faveur de
l'effacement volontaire de Kouyaté,
s'estimant
lui-même
Il
trop

879
rouge" pour occuper un
tel poste,
Ramananjato devient
un des
lea-
ders
les
plus
en vue du mouvement
nègre.
Après
l'exclusion de Kou-
yaté de
l'UTN en Novembre
1933,
Ramananjato est
confirmé dans
ses
fonctions
de secrétaire général.
Membre de
la commission coloniale
du SRI
à partir du printemps
1934,
Ramananjato
ne
sera pas
réelu
secrétaire général ~e l'UTN lors de la réorganisation de la direc-
tion de
l'organisation en Janvier
1935.
Cependant,
i l continue à
faire
partie des
instances
dirigeantes
de
l'UTN en qualité de membre de
la commission de contrôle.
Prési-
dent
de
l'Amicale des
Malgaches
de France,
une organisation pro-
che du PCF fondée
le
10 Mai
1936,
Ramananjato participe à
la créa-
tion du Rassemblement Colonial
au
printemps
1937.
Recruté en
1929,
Ramananjato,
a l i a s "
l'agent Joe
",
opérera
dans
les milieux africains
et malgaches
jusqu'à la veille de
la
seconde guerre mondiale,
rendant
ainsi de bons
et
loyaux services
au CAl pendant près
de dix ans
et
ce
sans
jamais
avoir
éveillé
le
moindre soupçon .

II/12.
II/16.
Ir/19.
III/53.
III/24.
III/ll1.
III/112.
La Race Nègre .
•• . RESSET PHILIPPE.
Né à
Saint-Pierre
( Réunion)
le
26 Juillet
1894,
Philippe
Resset était marin.
Résidant
à Marseille,
i l
fut
secrétaire du Syn-
dicat Nègre de Marseille
fondé
début
1930 par Kouyaté.
III/36.
ROSSO STEPHANE.

le 20 Octobre
1886 à
Basse-Terre
(
Guadeloupe
),
Stéphane
Rosso
est une figure
clé du mouvement anti-colonialiste nègre de
l'entre-deux-guerres, même
s ' i l est
toujours
resté un
tant
soit peu
en retrait.
Sa carrière politique,
i l
l ' a commencée en Guadeloupe,
et
la chose est
suffisamment rare
pour qu'elle soit
soulignée.
Journaliste,
il fut
vice-président du Syndicat de
la Presse gua-
deloupéenne en
1913 alors
qu'il
n'avait
que
27 ans.
Fondateur du
journal Bon Combat
qui parut de Juillet
1921
à Mai
1923,
i l y véhi-

880
culait
les
points
de vue communistes et,
à plusieurs
reprises,
le
Paria publia en copyright certains de
ses
articles.
Arrivé en France en
1923,
i l
travaille comme comptable au service de
la messagerie Hachette.
Membre du PCF,
i l adhère à
l'Union Inter
Coloniale mais
ne semble pas
y
jouer un rôle de premier plan.
De
Février à Avril
1925,
i l
suit
les
cours de
l'école coloniale com-
muniste aux côtés de Lamine Senghor et,
en
1926,
i l devient membre
de la commission coloniale du PCF.
Lorsque L~mine Senghor crée le
CDRN,
i l s'oppose à cette initiative,
mais
très
rapidement voyant
que
l'UIC est
condamnée à
la disparition,
i l rejoint
la LDRN dont
il devient
le
trésorier
général en Mai
1927.
Collaborateur de
~
Race Nègre,
c'est
lui
qui
servit d'intermédiaire entre Kouyaté et
le
PCF,
début
1929,
lorsque
le nouveau leader de
la LDRN accepte de
travailler avec
les
communistes.
Permanent du PCF à partir de
l'été
1929,
i l est véritablement
le
chef de file
de
la tendance communis-
te au sein de
la LDRN,
étant surtout un des
rares militants
à vrai-
ment maîtriser
le marx~sme. Collaborateur du Cri des Nègres,
puis
trésorier général de
l'UTN,
i l deviendra
le rédacteur en chef du
Cri des
Nègres
au cours de
l'été 33 à
l'occasion de
la disgrâce
de Kouyaté.
Partisan d~ l'alignement sur
les
thèses
du PCF,
i l
sera le vérita-
ble
leader de
l'UTN
après
le départ de Kouyaté.
Auteur d'une brochure sur"
le
tricentenaire des Antilles" en
1935,
i l s'opposera au PCF
à partir du printemps
1938 lui
reprochant
d'avoir abandonné
la
lutte anti-impérialiste
à
cause de
la menace
fasciste.
Précisons
que dans
sa brochure,
i l
se déclarait pour une
Fédération Indépendante des Antilles.
7
F
12897.
111/3.
11/16.
111/111.
11/2.
111/95.
Guadeloupe cart
222
La Race Nègre,
Le Cri
des
Nègres,
Le Paria,
Le Bon Combat.

881
ROUMAIN JACQUES.

le 4 Juin
1907 à Port au Prince
(
Haiti
)
Jacques
Roumain
homme de lettres et militant communiste,
est originaire d'une
famil-
le bourgeoise.
Emprisonné une première fois
en 1929,
i l est nommé
chef de service au Ministère de
l'Intérieur en 1930, mais
i l démis-
sionne une semaine après
être entré en fonction.
En Décembre 1931, i l
s'abonne au Cri des
Nègres
qui
est alors
le
journal de
la LDRN-
Kouyaté et
le diffuse à
Haiti.
Emprisonné une
seconde fois
en
1933,
i l participe en 1934 à
la fon-
dation du Parti Communiste Haitien.
Emprisonné de Décembre
1934
à Juillet
1937,
i l s'exile en Europe
à
sa libération.
Réfugié en
Belgique,
i l participe cependant en Juillet
1937 au 2ème Congrès
des Ecrivains
pour la Culture qui
se
tient
à Paris.
Début Novembre
1937 profitant de
l'Exposition Universelle,
i l entre clandestine-
ment en France et
y séjourne grâce à
l'aide et
la protection du
PCF.
ADhérant
à
l'UTN,
i l
publie une série de
reportages
sur Haiti dans
la revue Regar& et début
1938,
i l
organise pour
l'UTN une série
de conférences,
dont une
sur
~' les possibilités intellectuelles des
races nègres
".
Objet d'une plainte du président de
St Domingue pour ses
articles
parus dans
Regards
en Avril
1938,
i l envisage alors
son départ pour
échapper à
toute arrestation.
Il opte alors
pour
les
USA où il
séjournera jusqu'en 1941,
avant de rentrer en Haiti où i l décédera
en Août
1944 à l'âge de
37 ans.
11/2. V/3.
L.
Kesteloot
:
Anthropologie Négro-Africaine,
C.
Souffrant
une négritude socialiste.
SABlA SANGARE JOSEPH.
Né en
1891
à Kankan
( Guinée
),
J.S.
Sangaré était chauffeur
de machine.
Membre du CDRN,
i l deviendra
trésorier-adjoint de
la LDRN
en Décembre
1927.
Président de
la section de
la Seine de
la LDRN-
Faure en Janvier
1931. Membre du Comité d'Organisation Provisoire
du Congrès Mondial Nègre,
Sangaré mourra en
1936,
âgé seulement de
45 ans.
III/S.
llM 3/7.
III/24.
III/34.
I I I / I l L
Africa.

882
SADDEK MOHAMED.

le
15 Janvier
1894 à Alexandrie
( Egypte
),
Mohamed Saddek
tenait un bar à Marseille.
Membre du CDRN,
i l avait fait
de
son éta-
blissement
le siège social de
la section marseillaise du CDRN.
6
M
10804.
SAINT JACQUES
CAMILLE.
Né le
10 Janvier
1902 à Neuilly /
Seine (France
),
Camille
Saint-Jacques est d'origine haitienne.
Spécialisé dans
le commerce
d'import-export,
son père vint s'installer en France en
1884.
Disposant d'une importante fortune,
i l créa notamment
la station
balnéaire bretonne de Saint-Lunéaire
( Côtes du Nord
)
et acheta
un domaine dans
le Sud-Tunisien.
C'est
là que
le
jeune Camille
Saint-Jacques prit conscience des
réalités
coloniales,
aidé en cela
par l'attitude des
c~lons français qui voyaient d'un mauvais oeil
l'école mise sur pied pour les
petits
tunisiens
et
les
salaires
plus élevés que
touchaient
les
employés agricoles de son père.
Membre du PCF,
Camille Saint-Jacques
collabora au journal de
la
fédération tunisienne du PC intitulé l'Avenir Social,
y publiant
notamment un article sur les mineurs
tunisiens.
Venu en France,
i l adhéra à
l'UIC et fit
partie de
la commission co-
loniale du PCF.
Collaborateur du Paria,
i l
se distingua en
1925
en s'opposant violemment à
la stratégie adoptée par
le PCF sur la
question riffaine.
Signataire de
la "
lettre des
250 ",
i l polé-
miqua contre
la ligne du PCF dans
le Bulletin Communiste,
dénon-
çant en particulier ce qu'il
appelait"
l'abdelkrimisme
",
c'est
à dire
le soutien aveugle que
le PC avait apporté à Abd El Krim,
chef féodal.
Hostile à
la création du CDRN par Lamine Senghor,
i l
fut aux côtés de ce dernier au Congrès de Bruxelles
en Février 1927
en tant que délégué de
l'UIC avec Max Bloncourt.
Fondateur du
Courrier des Noirs,
journal bilingue français/anglais
qui disparut
très
rapidement,
i l s'éloignat par
la suite du mouve-
ment anti-colonialiste nègre pour se consacrer à
ses
activités
pro-
fessionnelles.

Inventeur de génie,
i l mit
au point
des
procédés,
encore aujourd'hui
utilisés par des
groupes
comme Péchiney ou Penaroya tels
les
"
Fours
Saint-Jacques.
Très pris
par
ses. activités
professionnelles,
il
n'abandonna cependant
pas
le mouvement
anti-colonialis-
te et,
en
1984,
dans
un forum sur
l e s " mouvements
anti-colonia-
listes
dans
la France de
l'entre-deux-guerres
",
i l montra à
l'as-
sistance
étonnée qu'il n'avait pas
perdu sa fougue
d'antan.
Agé de
84 ans,
Camille Saint-Jacques est
aujourd'hui
le seul diri-
geant anti-colonialiste qui
soit
encore en vie et
à ce titre son
témoignage nous
a
été plus
que précieux.
V/ll. 111/3. II/S. Le Paria; l'Avenir Social,
le Courrier des
Noirs.
SAINTE-ROSE FRANCHINE.

le
8 Juillet
1895
à Saint-Esprit
( Martinique
),
Franchine
Sainte-Rose était
employé de banque.
Membre du CDRN,
puis vice-prési-
dent
i l soutint notamment
le
lancement du Courrier des Noirs.
En Dé-
cembre
1928,
pour des
raisons mal expliquées, mais
en partie
liées
à une intimidation policière,
i l démissionna de
son poste et quit-
ta la LDRN.
111/24 .
.•. SAJOUS LEO.

le
29 Octobre
1892 à Gonaïve
( Haïti)
Léo Sajous est
venu en France
avant guerre pour y
faire
des
études
de médecine.
Membre de la LDRN,
il
lança l'idée de
créer à Paris
un Institut
Nègre et
i l
fut
le
président du Comité d'Organisation mis
sur
pied à cet effet.
Suivant Emile Faure
lors
de
la
scission de Jan-
v~er 1931, il devint membre de la commission de contrôle de la
LDRN mais
fit
tout pour rapprocher Faure et Kouyaté.

884
Fondateur et directeur de La Revue du Monde Noir en Décembre
1931,
Léo Sajous
s'intéressera beaucoup
au Libéria à
partir de
l'été 1932.
En effet,
miné par une grave
crise économique,
le Libéria
était en difficulté et
le bruit courait de
le placer sous mandat
de
la SDN.
Dès
lors,
Léo Sajous
prit des
contacts
avec
l ' I t a l i e fasciste
pour
tenter d'établir des
relations
commerciales
entre cette derniè-
re et
le Libéria.
Par
la suite,
i l
se rendit
en Pologne où i l
rencontra le colonel Dressmer,
aide de
camp du maréchal Pildusky,
toujours dans
le but d'établir des
relations
commerciales
entre
ce
pays
et
le Libéria.
En 1934,
Léo Sajous
fonda une Association des Amis
du Libéria et
il se rendit dans
ce pays
à la fin de
l'été
34.
A cette occasion
i l aurait présenté un plan
de
redressement
économique au prési-
dent
libérien,
de manière à
lui
éviter de
tomber
sous
la tutelle
de
la SDN.
Toujours d'après
les
rapports de
la police,
ce plan
aurait
été approuvé
par
le président Roosevelt,
et
à son retour
du Libéria,
Léo Sajous
aurait
été officiellement reçu par
le gou-
verneur général de
l'AOF.
En
1935,
Léo Sajous
participa au Comité
Provisoire d'Organisation de
la Fédération des
Peuples
Colonisés
lancée par Joseph Lagrosillière,
puis
i l participa à
la campagne
contre la guerre d'Ethiopie.·
III/24.
III/119.
III/53.
V/28.
II/16.La Revue du Monde Noir.
SAROTTE HENRI CHARLES.

le
9 Janvier
1879 à
la Trinité
( Martinique
),
Henri
Sarotte est venu en France après
la premiè~e guerre mondiale pour
y poursuivre des
études d'avocat.
Inscrit
comme avocat-stagiaire
au barreau de Paris
en Juillet
1923,
i l était en même
temps
cour-
tier en librairie.
Membre du PCF,
membre de
l'ARAC,
membre de
la
CGTU,
i l fut
un des
fondateurs
du Comité d'Etudes
Coloniales du
PCF.
Secrétaire de ce Comité qui
~eviendra plus tard la Commission Colo-
niale,
i l sera également membre de
l'UIC mais
n'en sera jamais
le secrétaire général comme on
l ' a souvent écrit.
Secrétaire de
l'avocat e~ député communiste A.
Berthon,
i l quittera le PCF à

885
une date que nous
ignorons.
Membre de
la LDRN,
i l soutient
le
lan-
cement du Courrier des Noirs
puis
participe
en
1929 à
la création
du Comité d'Etudes
et
d'Action Coloniales
dont
il devint le vice-
président,
Gaston Monnerville,
également avocat,
en étant
le se-
crétaire général.
En Juillet
1937,
un
recensement des associations
nègres de Paris
indiquait qu'il
était
toujours
le vice-président
du C.E.A.C.
7
F
13170.
111/3.
111/27.
III/78.V/ll
SARR IBNOU

le
23 Juillet
1902 à Saint Louis
( Sénégal)
Ibnou Sarr
était marin à Marseille.
En 1930,
i l fut
élu vice-président de
l'éphèmère syndicat nègre de Marseille.
111/36.
SODONOU CYPRIEN.
D'origine béninoise
( dahoméenne
),
Cyprien Sodonou était
commerçant à Marseille.
En Janvier
1930,
i l sera élu
trésorier
de
la section des
Bouches du Rhône de
la LDRN.
III/Ill.
La Race Nègre
SOW IBRAHIMA
Né à Dakar
(
Sénégal)
en
1890,
Ibrahima Sow fit
ses
étu-
des à l'Ecole des Fils de Chef
(
ex-école des Otages)
de Saint-
Louis.
Nommé moniteur à
l'Ecole Duval de Saint-Louis,
i l y ense~gna
jusqu'à la guerre.
Mobilisé,
i l fut
envoyé en Franceo~ il sera bles-
sé au front
en
1916. Mutilé de
guerre et citoyen français,
i l put
obtenir un emploi d'auxilliaire au ministère des
pensions.
Membre de
la cellule commu~iste au ministère, membre de
l'UIC,
i l fit
également partie de
cette poignée de sénégalais qui ont

886
m~s sur pied la Fraternité Africaine. Interné en ALgérie en 1926-
1927,
pour maladie mentale,
i l regagnera le Sénégal en Avril
1928.
Il entamera alors
une carrière journalistique collaborant notamment
au Périscope Africain.
V/9.
21
G 139
(108).
17 G 58
(17).
TARPEAU FRANÇOIS

le 3 Décembre
1891
à M~rin
( Martinique)
François
Tarpeau fut
élu vice-président de
la LDRN en Mai
1930.
En Janvier
1931,
il suivit Emile Faure et devint
le président de
la LDRN-Faure.
111/24.
III/53.
TOUNKARA OUANDE
Né vers
1895 à Nioro
( Mali)
Ouande Tounkara était un
ancien adjudant de Tirailleurs Sénégalais. Décoré de
la médaille.mili_
taire i l travailla après la guerre au service des Eaux de la Ville de
Paris. Membre du syndicat CGTU des
travailleurs municipaux,
lecteur
de l'Humanité,
i l devint membre de
la Fraternité Africaine.
21
G 27
(17).
TRISOT ALEXANDRE
D'origine martiniquaise,
Alexandre T~isot était agent
d'assurances.
Membre du PCF,
i l adhéra à
l'UTN et fit
partie de
sa commission de contrôle.
Membre du bureau central de
l'UTN en
Janvier
1935,
i l deviendra un de ses
trois
secrétaires en Février
1938.
IU/136.
III/53.

887
VALENTINE
HENRI

le
22 Août
1897 au Lamentin
( Martinique)
Henri
Valentine
qui
exerçait
la profession de peintre en bâtiment à
Bbr-
deaux fut vice-président du Syndicat Nègre de Bordeaux créé au
printemps
1930 par Kouyaté.
111/36.
Z10UDOU
Né vers
1895 à
Pointe-à-Pitre
( Guadeloupe ),
Zioudou
était
chauffeur-mécanicien à
la Compagnie des
Transports
en Commun
de
la Région Parisienne.
Militant de
la CGTU et du PCF,
i l
adhéra
à l'UIC peu après
sa création.
Plus
tard dans
les
années
trente,
il
rejoignit
l'UTN.
11/14. 11/16.

888
ANNEXES

c. E'T-J...·,CQUSS
I l , ~~~ Blainville
,
lJol13ieur
P A l rI LEV E
Précidont du Cennell
l:iln1stro de la. Guerre
Rue St-nooIn1quo
PAn. l G
uonsieur le ~sldent du ConseIl,
!dOrfJ ,:ua vous ôtiez c1ép~!M nortant ~t Cf'_!1~1i­
dnt ~nD 1e'300 e~cteur, durant la C~~Crn9 d09 61octio:~
lo[';io~.ativea c~e ;{ai dernier, j'ai ou IJnv~ntnp:e d~ns U11'3
de VOl 1 réuniono, au pr~~u de
l'Ecole de ln l'1-t:.S'. :'::".C_~':::G,
de, '1'01:8 faire con.9'l.al tre las ag1sseoonta cri:!:llr:€'lo
cc!"c"11!'J
contrf la. popnJ?t1on da la VaU-50 du Nlf:~r, peur l'i:1Mrôt
el;) ceptalna gI'1.mrœ:lenta cotonniors :rran~eiEl. f:8:J nrls-
se~en1.a sont inconnus de la nc.tlon f'ran'-lni8'3 et eCl:l_::o.nd'·~s
par 1 "autorité locale_
si vO'Us vO~'a en' SOT..'Vonez, VOt7!~
e.viez bi<.m voulu ::;'af':fi:n::l.ar /1U9 malgr6 1','0 dlfflcult?o
qu'il y &vnlt n lutter contra loe Rrcndea firce3. vo~~
prête]'1az toujoura '?otre ooncourn T.lour cor::'b!\\ttro lco
e':~et~ons pot..'V8nt ôt:-e co:'.:.:cises dans n'bporte quolle
colon:.e.
Leo év{namants politiques voua aynnt conduit
à 1:1 clraotion élU pa:rD~ voua donrAnt ainsi le5 Doyena
a'1r,f'c'rmation et de rôprer:a1on les rln:J 6tn!è.us, J'Ill
l'homlO".1r de voue l-cppeler p&r't1cUl1~reti9nt cett') t!'os
f'7"ave <!U.:B ~ ~ on, et de vOU.s do!!"~nd~r tJt vC'u~ e~r!ez dis-
;;006 L rccovoir u~o <locu='?utatlan cur 06 tlc·tif', (ln vuo
de rrr:mère les d-':clslons quE) 1~ r..oh!i\\,"e r-o:"'O.10 (;~i.ro.
U~bre do l' ~Aonoc1atlcn !r~er-Co!en1~le~ ~u1
group,;, en Fra.nco un 8:.rand nonbre d' orir:lnail"eo doo 0010-
nic~, j'=..1 port6 toute cett.o quoGt:l.on n. !~ c.o~~·;n.in::'c.::.c!:'
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ct' a~r-l1cmtiH~s de bonne foi. Aux jeu\\14>sses des EcclC:-i ct
teutes te~
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'jeu.,esses. Aux. Hommes et élUX femmes de pensée,
'"',:',
...
.. .
-::".
d'action ct de travail.
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GROUPE DU SOUVENIR DE VICTOR SCHŒLCHER
~-timf'r t'f 1ierv;r {'hUIIUl1Iilci, :""
Hlln' l'( la J' rmu:e•
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-::-.i'1~;t~NiF[STAiICNS OU J~~JUILLET. - NEGRES~,I~. ~:~!C~ CE SCUILCHER. - • BOISNtF CCURI!
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nl".','"I,','I,'"" S'.'lll~I"I·ln s,·urtllU., le'., ,nul'.lrn." \\.1 1'" n, ar'~ill· ,'n ••n-
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lion n'n jnll\\ois exisié que don~ la pcns6e scêlél'... lf' de:\\1. 8')i"m~u\\.
XO! nHJIlirf'~I:J.t(·I1'i d(' fêles dC! SChll~!chl'r:"ic ~Ollt d('roultt"s .~Jc
\\. Uil:i la (;opi~ dl' 1<1 ldtre de Victor S(.. hœlch~l' ..
21,juilld '~l'l"lIi(.'r ;I\\"l'r plus d'l~d<ll l'Il,'Ort' l{ue If's années pr~cè-
:\\tcS.'iil'ur~.
d(·l1h·s. Dl'S :i !Jeul'l·.... I:U .n... lill, nus omis se r~unissaient cn la salle
dt: l{ La Solidorilt- (h:\\'ril're.)) au 2~
,lu fiJubour!:{ Frébaull.
A!I
J'ai rr"'çu :ht'c amil'tioll "olre
JeUre du 10 ,\\out et
la brochure d,
h 45. noire (,'orlëgl· de; fidell's du Sou\\·enü" d:! VîctorSchœlcher,
f.-\\IIt'lltmt'/If df'li. cil/lil/flnft .vegrt::., par ,1.
':f)l~lflUt..
bouqtt('l~ ct banni('l"l'S l'Il !l\\k. st' t:~îl l'Il hr;!lI!l' i.H1.mitku de b
\\u ... "'·lli[[IIO"IlI ... rlll';' iili'c"I, lIull't" l'Il:ilhlul', luul "ilri'r~ t"1I1re nou~.
VOU!! pUllel ;l\\t:.~' Ulle
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J,t1'~'dation
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f::i el je Illl' '~Ilte d·ll'·oir l'ootrihm~ II dokr I~ Mirtinilille ,I"i'r"ole~ hl.ique·
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moi j'estime el il' cl'Oi, ll\\oil' pruu,·e lille l'a<1l1lÎuillitrlllioll th l'amirlll Au ....
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\\·ClU!'l. \\·o~:s f. [i'~·lte.1. dl! ('oocours qll~ \\'011' prête" 1.. pre!t~ e'onMr\\'a
\\"ibront!t
~I"(.' AII('li~ Cl~s.:lil"e, pr~sidl'nte dcs Filll's de S(,'hœlcht'r
trÎL't"
Inoi j~ l'~';'::lrd(' h.' cOllcours de l'cite' prc"e ('onllue uue houle, cal
,,1. M.. Hf'nri S8IJIU;·. dcl~'gUl' de notre sl'ctioll du Pelit.Bourg.
elle n'<l jalll;li~ ~'h; cflnscn·:llrlcr: que du l}n~jllgt'- de couleur.
l.ouis ~l... ximin, prl'sidenl de la Friill'I'nitt:' Ou\\"ril~rc' t't moi.m~me,
Vou!'! dffes (Ille rui~l('qce dt"s hhlnl'S a ete rni,e en peril en 1881. Vou·
nm:s piJrlimH:-s Ù lu gloire ù.... l'hum3l1iti', d~
Vidor
Schœlcher ou
mas rcndtl l'al'
1:', "'I1i,Llil<"l' IrUlIl' :llfrcu.'ol' calolHni~ du groupe dr's ia~
de, la r<Jce naire
C"orrioiblc" d. Ct' f:.abânt. vous prOrL;n~it: ulle !l'''llghlnle in!louhe conlre le'"
q{'l::re"
ear les pr\\,;hmdu'i ennt'mis de.. hhlte! n~ pouV<lienl :es lnllls8cn:r
La cérémollil'. iJU ~ru",l·(',. prit fin ù midi. C'étnÎI l''heure du han-
san, ;l\\'oir l~, nc;;tre~ pour co,npliœs. I:e n'est PÔlS, du ~llte, la Meule roi:!!
(luel, qui nous rcurlll il lu So!idaritt- Ou\\"rière.
que TOUS \\"OUS iujuriez \\·ou~-mêlll".
La suite dt: l'urdre du jour avoit annoncé 1:J. mise en demeure.
En eotTet. 1~ '1 !\\uLTraKe universel. tiil~"\\"OllS, w \\rou'lte être... , la )[ar-
JJOUI' M. Buislleuf, de ~·e~pliq.u.er sur des afii:-mations
mensongères
\\inique. la o,;h:>!'i(' de~
mukHres seu/ernt"nl... Or il g a ,ûngt niyra pour
On sail que. ~ ID suife de sa l'f'tenliSSilHte dl-faitl' de Hl26, il avait
·en mulâtre. 3i JIJne lu mul,ilre3 J""')()$flienl du ,ulfra~ uniuuHi. c'tfl q"~ IQ
écrit, dans u flhare Republicain du Sh,ur :" ... ln qui rt"$le, comme
nègre3 JfTuienl
u.\\·.,~: inrz'tt". pOllr.,t Illi,(ICtr m"nu IN" une minorité. 'lui.
lui, marque de celtf' indig-nitë) qut' le \\1~ill"e a\\"l.Hll'ondamne, en
prelr11l/e:-IJulJ.••• "Mt Il «', lIellirulurr . ..
!OUlli lemp!ll ri eon h;u/l'S dr('onsl~Hlcr:"i. IOIlt<- ~lcliol1 t:ollecti\\'e des
I.e~ mulàtrt''I., il VOU!l rntt"llllre \\'eulenl If !e slÔparer du ~~r?s et les
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:Jbais~~r... C'l!...l encore li. "/JU!\\ rairt" 1~ ... échos des incorrigibles, Rien de
Illl-:"r...·:-I.e 'lu 1
f'llr ""'.~II ..1:-.S1h IlC (l' SUIVIT C l'rlll' èlll_'n es mU;J rl'.!>...
J)lOS j hl'Ure~ UI,.' l.IP:·CS.lUitii, mt"s amis ~t moi, nuus étions :lU],
plus co:'lrairc à 13 vàite.. \\'ouo; te ":I\\'e/.. l'li toujours eu pOlir .u.r une prr-
diltction par':'t'IlIiëre, j~ n'ai p:} .. In~"'ll;U;~ ll!s critillLl~s au~ lD..Illllres d...o ..
a 1
1
lOr<. d e la mai ..ie, où)1. B"isneuf de"ait parler. Inutile d. dire
J
1
me, I)rernivr.. li\\"l"e'î, l(U:ln
.1.. Ile' I·!."illl'lis.;ail'ut Il.1:4 lcurs de~·oin froaternc ,
llu'il nc IJ()II~ ;,1 pas :lCCOI'((C I~t",~ raridtis. Le lht-nll'c esl un lieu
en\\'ers \\'O~ pl'rt'!'I; 10:\\1:0 1I0U" u,'von .. IC~lr rendre c~lI:: ju~tjc•• il y a lonR~
d'~'xlJloilatlUn jJll\\"l-C. rt"s"r\\"l'" iJWt fru l't"u ..es repr~sentatjons ci-
femp! qn·d" fll11 :lhandonne It~... ~'il'U"( rlrcju;':t~lll'U t'~rnp!lo II~ h! ..davar:;e 11Ut
1It-l\\\\a~ogr~phiques. JAl )illl'l"Ii.:dc pa1'0li: Il',1 !}Iu'\\d'asill' Ù Poinle-à·Pitre
I('~ ;l~·ai"l1l ('OrmlllpllS CUIIIIII'" IC:4 bLinI.:" rl'''clionnairt''s ; toule lcur G~lle·
~1. HOI~II(.'Uf. qui III~ CUllil':lIl t'l qui "iL' l'oillnil. Ile se souciait
ration :lc"~',lelic r('puJic ce pa .. ~p. tant il e~' \\"rai qLle plusieurs d·.ntr~
pa~ ,I"ë'lre ell n''i dl'l');lI'i III "..;'i-.;tr:llem"~llt iFIllSp!liè, [1 ahorda mUl1
e~l" ont pro~osé avec moi de s'appeler tous Rt-gres et le journ;lJ
Hllli ~I... l..'~~l. !ui ('\\i}!i4"1,~I-d, 1,1 F(otl' dl' SC!llJ.:khl!I', la l'l'le dl':4
Ir., (:"{nlllr... qUI' \\·Il~I'" l'rdcllllc:f. t"'ll"l' {"ur jOllrn:l( ",du.if. tlit "Oll\\·t'Il~
UfJ(rt'S
Il sl'rail innHlV.·:lanl. lui iL.:rsu... da~t-lI .. d~ soutenir
• nous autres nè~res '1 lIurqllant h:cl;, var là flue. p'Jur eu~. la cI~~,"1"
aucune Jloh~rnilfllC". EL ~II df'l, \\1 .... It:dlll('llll'Ilt pl'rsu~ldl\\, VOUI':lit
n\\~g:reel la cb.. s" :nul.i.lre Il'cn font II·J·u ne. VoÎl.i les hum:n~" tlue ,·ou~
1
'
' 1
, .
ae'cu"l"!'
1
\\
ff de \\"OUlllil' s~ !'I,;parer d'~!1 n~'~rr:s
• pou.r les abaisser el en r..in::
(C, oules St"S iJrn':-' III t.: J:lll": It:r dillkn'cllir
\\Lus.ll' COlll1alS Ii'op
1
\\1 fJ ..
uoe c1êi~~e de l« l'arin -
Jlt'II . • oOlslu:ufd sl, ... lrul's :je Ile POU\\':II" donl1l'rdJlls le p~!Ill1e;J;1.
Ah t :\\le"ienr"l, IlC '"OU~ tgare!' IU!\\ illu~ longtemps; arrêfez-vous. ce'S"
.J •• -.;uis .tU'IC in!l'I"\\'Cnu ('11 'ia cOllfl~l" ',Il'C ue la muirie.. II em·
!oeZ" dt raire le jeu dc." il'et)rriA":blc~, (Ie!l inc"ur~jle~ de la IJëfen$e. donll'in·
e~ploya . dÏ\\'~rs st rat,=,: IlCS P,lU\\' èt )~Jif~r la \\'~rllé. \\Iais. je
tt"rêl t'st de jc!cr la di\\'isioll ~ntre lcs deu~ cb!lOses ut= couleur, parce quI'
Hl' Ill.' ~rHS ",as j)rè.~·. Ca ....: .. p 'd;lhle IU!..lhL.· d..: nuire \\'i/l{", qui e'il
("l:lJt le !I1'Ut rnflyrn lIu'H ... laienl tic re:.t:aHucr leur pn'l)Qnllc.r~lneeJk'rdue.
Ull t1intll.l!-(lU~ ln 1~';~IL'~it d !t,;1.1 l';J .alor~ '{ue S('S O.bjèetiolls c~ntl"~
COlJtr:lir'~uu-nl il ce quc \\'OltS dilc:4 llan" la brochure d. \\1. Montoul.
nolrc thesl' dc 1~llh Ill' "'e SU:Itl':HUcUI 1}(l1~11. \\1. BOISIll'Ur hOluht et.
f Autnir de"
Soir! est d;Jl1!1 leur .. lIiallc~ iadissoluble aVl:C ln l"Aulalrel el
~o(ll, e:: CS'iiJy:..JIIt d'ouvrir POIII' lui SC' JI dc-s dl~h.:lls. s"l'ffûrçait cie
recil.ro 'uclncnt. E 1 ch~t"ch,lnl il fa:, l~r llll~ êi!t"f,ociatiol1 dcs nè'gru len-
JlI:~IJfil~l' 'i,.J th~':'il"', i,~ ...o.l:~:J~lhl.~'. '1 Inutilc. lUi :li:~~ l'n~. (l':..Ibord~r ki
danl è faire croif'f' 'III'il" on! tle9 inl~n!h dilT~relib de ceu" ues mul.lllret.
~Il'bal~ d ...· !Jla s ..\\') )1',1,) )...-l',:s fl"atlch.~'!IlC[ll! C esl à tort que, par
,·ou~ vous exPO;CCl; it sacrifier leo, U:I'I. et le:4 autre,. Q'<l111 il. m:)i. je re~-
11Ilcl'~t ëh:dllral, \\·.HH su Ill'lICl qUL', dal1~ un~ h:-Hre à laquclle
te l'ad\\'crsaire a\\l~~i dêtermillf. dt= \\:(!IIl[ llui \\"('ulent dêsuulr le:4 nègres ct les
VUU'4 .:J"t'~ faÎl alhJ"iiuu. le \\bilre Vi~itl" S~~L.elchl'r a r:rescrit au],
Inulàtre!. qnc dl: C't!ux qui \\'culcnl la IJrêpond':rauce dei blan(., réactionoai·
res, Ce 'qnoi doit Im\\"aill~(' Inut ho!n'n'~ <le bnrmt volonte.lnlll ;uni de III
lIi·~re,d.: SUi'Te ·~I""I':,'.:lIc.II-.::lt Il''\\ lllIL·ltrè~. " Toul.: il saile vi·
u
1
l'
"
,..artinique, c'est à rapprochf'r Ic! bl:lllc" Je!! Ut';.:re ... col eo( InU al~ .., 'UStOU
t>r,~it. L'I.II~lallt ét.lit 1),}i~;I:'Hlt. H:lrcl'Ic lbns lous ses détoul':o.,),1.
qui poul ~eule a~!\\ar"r le bien.êlre ~t la prU~i)erilé des troi, races d~,:iuce'S
l~ms!lcUl ~~ rc~aIU';L IIr~.I~ sim.):c:-l. I).ISSI.~~~ ù~ 1:..1 leUr~ suivante,
p... r la nallire et I,,\\r la (oree de~ ~ho,~.., :1 vivre ~n~~:n:.le. 11 ne faul de
q~le Je VaJ~ ,'cproduir'e in-~':t~~':''''') Or' I"l'lll.-rquer:.l l't::th'érn\\!
net·
cla!t~f' prl'I'ondér;"lle iraU~tlnc cOl\\lclIr i il Il''y a IlarlllÎ h.·. crëules l.:01QllI~
:,,:t"; de (.·et11: leUn:. I.)'aprl's SO.• t:()lIl(~:tlt" .. il! ~IaHn.' a cOIl(.1amué ces
..,arrui les européen,. ni prelnièr!. ai ..econd" ni
troÎliemel; il n'y a que
l'llIlltlUlI.lf.' 1I('I-tn.'~, lion Iwr,,'l' qu'd:-. l!lôlÎeat
"C~ lIoil"~ d qu'ils fi!.
des Franpis 'fut III RI~Pl1bliqll" n f:lih Inus rgau:r..
l·herdl'lIeonl sluc(orl'l1Icul " 1"i"~l1l'1JIl'fll dt's ~(ogrt:'.• Ce but, ~ïJ J~
Vous impule!' il ~I. Hurard 1'1 d':I\\'oir f:lit ttne Camp3A:ne aAn:,~i\\"e ea ,e
croyal'·l'él'I: Ill' IJOII,'ait lUI Il l",'J lilÎ n' à lui (Ini li ~l'r;( avoir Il tOU)' ouns
montmnt ho'Stiie è I"êiv... ncemenl des n~c;res 1). Xoa. ~1. Hurord n'a rien
coromîs de paf'f'il
Je vous met. au dcH. ~1~Slicur.. de ciler de lui un acle
cu ~ollr l'IIX une Ilrédill'dioll p&lI'ticulii'rc
!il
~[<Iis ce qui ra cho·
0\\1 uo ecrit ~ui ail ceUe tendance. de produire un arricle de noire l·ourll"l
'fllé li) le dit tnul au long l'1 ënum~re les raisons de sa con vlctioll)
' . ho..tile à lllnncenlcllt des m~;gres JI. Il a rait toul le eontr:tire. \\'01 à. bi~1I
t.'est qU'Îllcs licnt puur dl.' \\'ils insl ..um~utFt, des .1 ncgres à blancs. •
pou"'luoi lA mA~St" d..'1 hrllvcll ouvrier!! Ih' SI-Plrrre ft "oulenll Illon rkl:w-
St:hœfehel" u':J pas pa. il côlUse creux, déclarer lous Ics nèg-rcs
.Icur el: cbetconlr. les allaq~es de la Oifens•• pourquoi It"s n~~ree el le-e
pl'lo~lIt~ et il v....nir. Îll:IJlI.....s ù toult: dirt"ctioll d toulc iJcliou collec~
dlul:lltre, ensemble' Je 1.. t:lr.;on~'nptio" du ~or\\l ('ont nommè \\lepu;:e à l'un.&-
II~~'''' pulitilllU'S nU iJlJll·('~.
nimile. Tout Ce que ~ou, pouvcz. lui repro.::her. c'c:Jt d'avoir pris à p:utie M.
Autremenl parCt· qut', à la ~r.Il,tinique", Ai",seUe eot tI':autl"es mulâ.
t-r.. nçoi, Kernarl!, In,us ..ciVil 11101, .,;clui-\\:I ne lui ell il J\\l1lné que t:"op r.. i50Q
t::ca se tout ~pa..ê5 de lui d que .. 0\\ 1 (juatlcluupe,
les Is<\\uc t't
M. 'rrançois Bcnurd, j':ti rt-gret ll'~rre ,,~!ig~ de lc dire, ne "C:'lt pas. montré un
d autres mul..trt'I l'~U sont l·l't.lr~l:S, le )'I ill't alll'ait eu il. jcter Ulle:
bon 'lt'gre en ..:o\\L.k-or.l.\\it tl·1l lettre .IU journ:tl qui tr.aire les né&res de vile po.
p,

----=
(1). C'llI~êl1i'r,' ..
,\\", r, .., .,~:, ;._ ,....
:',: ",..... (:;" t",:
. 'liCll~.11 I<t U.IiL"/t/I' ":U'_ '.':.• ''':''''., '!'
• I/I" •• ":c: "'Ir.y:.,:.-,: .
,;.1 ~ L.,; . l."~" j. tL.\\·, :LLë P·.1.-P.

POUR LA COOPÉRATION INTERNATIONALE DES NOIRS
........
l'II dl';' l'lus grull]' "l.;.["cles que r.emollire la race Il,,ire ùaus-es leulal'ves de ùéfel:~e et LIe hue eontre'
["Jppr""';"ll LI,mt elle e.t ulliversel1ement victime, c'est indéniablemeut le manquE de contact qui ëXisrè "ntre ses
différelit,; peuples, lesquels om été dispersés ~ travers le globe par p:usieurs siècles d'esclavage et de per;ecution.
Cor.;rairernent aux .-\\rabes et aux Asiatiques, par exemple, les noirs ont peu de territoires bien ddlnis à
eux, et plus ùe langues spécifiquement noires
d'où l'aise avec laquelle l.Js oppl'esSèurs peuvent les iraf'per isold-
ment sans que la plupart du temps, l'écho d~s cris des uns ne parvi<!nnent aux autres. Plus Bucore, lC$ noirs en
;'Ol:t arrivé. à i 6norer mêrlle les problêmes qui les intéressent le plus, P"urtant j'·amour des noirs pour leur raée
touté "nUère est immense et s'ils pouvaient\\ar \\m moyen quelcc,"qué se l()uch~r, il senwle bien qU'Ils Il y mun~
que raient pas. Cn petit organe comme le u Faria ", par exemple, édité à Palis il'régulièrement, et avec difficulté,
était lu avidement jusqu'en Océanie et dans to!us les paysnvirs de langue française,
L'expérience de ces dernières années n>us a permis da déterminer comll">ent· un début de liaison pouvait
commencer,
Le " Paria Il en lui-même était un excei!ent organe courageux et dhoué, mais par contre faible et groupant
trop de questiolls sur deux pa3es mensuelles; quand elles le pouvaient, Il prHendait traiter l"s questions colo'
Iliales internationales et souvent ses rubriql es se voyaient accaparées, soit par la queslion isbmique. soit par
.la 'lnestion asiatique an prbjudice de la que!,tion noire; ces deux autres groupements, dans leur inièrèt légitime
d'ailleurs, ·se sont depuis donnés des organ)s particuliers à eux. Aussi qnünd l<! u Paria li dispar;J~, les noirs
s~lJlement n'pnrent plus rien. Pour ces raisoll". nous aVOIl" penH' doter la '[u,,"ti,'n noire d'un l'l'l'a ne et d'une
oq,;ullil'-utiou <.ll'iJdt:e 1\\ :st: dc\\!etupper par la ~-Ult.e ct cut'resvullllulil aUX l1t!l.'c:.-,:.,jks ul'g~/llt:s ùt! la deft."f1~~ de notre
race,
En raison des variétés ùe forme que p"end le problème noir et du manque de conta~t qui existe entre tous
les noirs par le monde, notre pensée est qUi le plus urgent est de fonder une correspomlance internationale des
noirs; c'C$t-à-dire, un organe mensuel pour b début, où seront traitées à fond quelques grandes quesuon~ cha·
que fois; soit que ces articles soient envoyés par' les correspondants, soit quïls soient rédigés par la Jiréction du
journal, le reste de la publication serait oecul'ée par les nouvelles ù'a:tualité, rédi;:ées en terme, brefs et qui de-
vront être envoyées par les correspondants, e, ce sera le pilori internütional ,le" J"'l':rophobes et lIe lenrs ,'rimes,
Eufill, il sera. ouvert des listes de qucstlotl5 U;l11 d~ faciliter )·U ,lUCU1!1(,lltution et r~~hang'e de Vue t:'lHft'" tou~.
Ainsi au bout d'un certain laps de temrs, les principaux problèmes qui doivent nous occuper seront d~sagés
et lorsque notre organe sera matériellement hrt, il pourra ré,erver une place à une rédaction ,lout ie but sera
d'aiùer ou de déterllliner des counmts, de lareer des mots d'I/rtlre, etc .. , il. moins que pour des rais<>Hs d'unité
racialc-, il ne doive demeurer à peu de chose près, sur son premier terrain.
Cilt organe n'aura qU'un souci, la liaiscn entre les noirs, la recherche des moyens efficaclis de solidarité et
de lutte, susceptibles d'améliol'Cr le sort de' n(}lre race.
Il ne sera la tribnne particulière d'aucLn parti, d'aucune tendan~e, et nous faisons appel à tous les noirs
bien intentionnés pour :( coUabOfa' et le s0!1.enir.
L'ORGANE
---
Notre organe serait appelé li Le Courr: er des Noirs H, sa publication sera en français et en anglais. Il ne
serait vendu 'lue sur abonnement -
les libres]roupes 'lui en
désireraient
un
certain
nombre
pour
la
vente
drvraient donc pI.H~~pr dt:'~ ahOnllelllt~nt5 èt lu; r~pal'1ir eUX-llU~mes, -
Des atollllClIlents de 3 moi:i, 6 J11l)is et un
an serai eut ÎII:-ititllés, lèllrs prix ::H:H'uièllt SU[!î::-iUHllllent elevt-s
pùur
lui
pcrtuettre
Je vivre par L:ette
seule '·res-
source. Aucune publicité ne serait admise; éventuellement seulement des appels en faveur de groupes coopéra-
tifs ou de livr~s, mais absolument gratuits. Les sub,!entions ou dons qu'il recevra provenant de quelque groupe
que ce soit devront être- immédiatement insérés.

·\\nl.llt!ll'I~;l':lt aU illt,ln:-., :c' (:uUI':'ic'" clL':s :\\uirs pubhcra, un :-:nl'plt:tiIL'1I1 II i11l1:o;trl' )1 gr'utuH l'our ~~9 abonnéff
et quj sera di\\ht! en trois partie:-:-, savoir:
l' Etud~, his',)riques et a:'chéolùgiques de la race noire, se~ -civilisations ,k r.-\\mlquit~, ,es caU$i'S de .leur
affaJssemellt, l'esC!al"aoe, l:lc...
2° L'état des races noires dans i"bpoqlle contemporaine,
3· Les solutions qui sont offertes à notre race contre les caJamJ:l:s qUI la frappent.
Tous le!' f'ruupes et tous les noirs Jc tous pays sc l'out invités à aider à la ;omposition de cet ouvrage qui
sera un " Illustre" oIiple ole rivilliser aVPf les plus belles r€vues
du monde,
LANCEMENT
-------
:-otre organe sera lancé en aoùt 19'~Î, il sera mensuel pour commencer et deviendra bl·mensuel dès que
le nombre de nos lecteurs le permettra.
Le premier nllmérr; comprl:ndra :
J" Le prll.:.:-r:IIIJltlt' di' i'(~rr.;:allo;
2" "n cnrnpte_:·l'liol,1 dr !ïlilportant C')/lgres international contre l'opprè,sion coloniale et Ïll1lp~rlalisme qui
a eu lieu d li Il) au 15 f2vrier 1'"27 à Br\\lxelld el la résolution des :\\Tègres ;
3° Quelques articles portant sur des questions précises iu:éressant certaim. peuples noirs.
Cne rubrique
sera ouverte pour chaque région. Ce~ numào'\\ :>eront adressés aux camaraèes connus.
La rédaction de notre journal sera toujours gratuite, nous n'aurons donc collnne frais, en Jehors du papier
et de l'impre~5il)Il, que le 10L"al et pour le dèba~ UTi Ci.1111UraÙe qui assurera la büllr:t' lenue des :l:-hie!"5 d'abonne-
nwnt. des Ii\\'n~s de cfdrq1t ... , etr". ~Ollg ;;'OIlillIC:-- flJl 011et oppos/·,s, pour lIn jÙUrJl::!. ,:u 5ys:k;rh? qui "011,!O.! :,1'e .i. faire
taire It.'~ ('Il\\"tll:oJ d
la t~ll(Jt· 1\\1':04 livres par dc~ l~lJlu.al':.1l1e~ dt'" UOllll'C "'·fllouté qui n'ont âUeUI,l' ohiigat:üll e~ ne font
ces travaux qU'à teI11pS perdu.
N'OUf; 1Jfrtl;11l/l'-,ng à t'Hl.' n·-,,; C'amar:1.Jt?:s dt' nous adres3er
leur~ ;)bonnem€.-nr~. 2t leur sc'Us.:rip:iûn pt/ur par·
ticlpation au lall('L'IIIf1nt.
Les sommes. reçues et l'€mploi
qui en aura été fait sera donné dans le premier numéro.
,
Les abOnnel!lents seront de 36 frs par an, 18 frs pour six mois et 9 frs par ~rimestre, pour tous pays. :-ous
espérons avec cela pouvoir doubler les publications s'il nous parvient un nombre suffisant d'abonnements, mais
en raison des frais généraux, nous ne pouvons püs compter un ,prix moins élevé pour le début surTout.
Aidez·nous tous, camarades, il n'y a pas cie petits concours el c'est !>ur la masse qu'El nous corr.plon~.
Les camarades pouvant écrire en français sont priés de le f,aire afin d'éviter au Journal des perles de temps
et etf':'" tr:lJ~ Ill' t 1';III!u·UlIn .
. Les lectelll':; rie la jll'e,ellte circulaire SOlit priés de vouloir hien la diffuser, et .le nous faire parvelùr des
listes de personnes susceptibles de s'y intére~s€r.
Adresser toute correspondance au Courrier des :-lcirs, 6, rue Royer-Collard, Paris (5e).
DÉCLARATION DU NOYAU
Les camarades sOlls'>,g·,...·, 11';c1arell! accepter de slJutenir les propositions du camarade Sajnt·Jacquts en
vue dt: 1:1 lnnll;\\ridll dl1
CIJllr'f1('r des :'\\~oirs )).
Ils ilol"I,ll'lI: ",n I",,,~,·,,,,,,'I'Û et lui font eOllfiallce pour le lanCl'lllelit et la gestion de cet organe.
Ce Journal sera. la. propneté de ses lec·.eurs; il ne pourra être n:ndu ni altené par personne
Le c&.marade Sair.l·Jaèqllos aura à charge de mainten;r le programme d'infùrmation et de liaison entre 'les
noirs qUI j':-.t l;1 r:li,,,,,,, IIll"!llt' du .Jdllrnal.
LI: ,';)11· n:ll;t' FnuT':' l"'l'fin ....:.: e~t Hc('epté COIllme tré50rier.
l'olle.
L'organe a déjà ses correspondants aux Antilles, en Amérique du :\\Tord, en Ethiopie et en .-\\frique du Sud.

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S'I"S la {nrcr:
r." COIIYI'PS d,' llru.J:dlt'~.
bru/ole ct les 1'(jgiufI:S dc ill!?IISt)IIf)I.', tir. vul d
,k Cf}r-
/}i.\\rrJuT,\\' rir .11. (;1lmèrl",
rI/pt ion, ont tOllr à tour <'t'lIé les pl',ie, les pll/,' Ci'urllr!"
,\\(";'//lL' fJ·,/tlfll(j'r""(l/(~ }'J'ttuçfli8I':' l'o//uirc 1'I'cc/to/, pal'
tle t'il.ul1wnit".
FI::LII:1F"
CII.\\LLAYK.
DfJ.IIS dC.t; clJllufl.issifJTI.r; oÙ 81.' 1'/:,ntj~~'(fiI'1I1 rlf'S rt';/':fjl//:.\\
Haï/i OU.r J/tlïUnui, par C. ~.-\\I:\\'l'-.r.'CQL·ES.
rCJH'éscntflTlI des COl/ses I.:lroi/c1III'fd sfJ/ùJ,JÏrp'i. il fl 1:/1.(
Haili l't 1'.1m i ri'lue "sparyllùlc, par CAfiLüS DE-'~I/lI\\U818
{:/flboré
des
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et
"t'oiei
lu
l".;S(j.',rht}n
d·....'i
~L\\f\\Ti:\\·~.
lli'V rcs :
Ld grande nzis,},'c du pel/pit' cubain. pur C. S. J.
'JCS b'./is lb: ln Il ('6/0: d'Jl'()irf.~ JI, par P. C.\\.\\t1:\\.\\DE.
Pcudant près de cinq een ts ails ks peuples
nllbriqll"s locule, ,1..\\ Rf;U-,CTIO:<):
nègres du 11I00Hle out été It's \\'ictimes
d'Ilne
'y ..,lr,' P/'{'I)I'((1I1,,/I.'. P;Il' (;, 8. J.
~
cruelle
OPPl'('ssioll.
L'institution
de
la
\\'entL'
._--~----- .._.------------------------._- d'('sc!a\\,('s comme cOllséqlll'nL'e dl' la n:·\\'.,luti'"1
commerciale et dl' l'expansion di.' l'Elll'''P(' rllt
le commencellleu! cI'ull n:'gillle dL' tL'l'rL'ut' cl dl'
_....
LE CONGRÈS
\\'ols Cjlli cst l't;n des pilis horrii,!L's dallS l'his-.
]D
toire de J'lIuuwnit(~. Comnle r,'sul!at dL' C·:' COlll-
:
'.1-.
:1 . .ï.J
BRUXELLES mL'rce, l'AfriquL" pl'rdit des dizailles de milliollS .-
d'hommes. Quatre sur cinq l,taient tlll'S dans la
sanplante afTaire de la captllrL' et dll transport,
/) .. , 10 an 1r> [fÎl'J'l'/'r 14.)27, s','s/ lt'HIl. Ii. Br"xl..'fl(!s, un
les sur\\'ivants étalll SOlllllis ail pilis i.TlIL'l esda-
(·oN!/n...."
lIIolldial

((jU8
ft'S
p':l1/J/f]~ 0JJJll'ilt/f.:s rll(
vage dans le :-';0 U\\'('ol1 1 :'-1011 dL'.
IIw1II1I ' Il l'aient Cl/t'tl/jt; de~' t!,:l':f/II';S, t'l oit Jes l/t:1no-
La
riellL'ssC
illlmenSL'
venant
dt'
eollllllel·L'l'.
I...'I·alcs de JJ{JlJs ')ollt'erlu:s pUJ' des ÎIllP':/'Î{llistcs .'i":('licllt
indignL' a été la fondation cil' la prüspéritl' cl
'.
flnssi rel/dus.
du dé\\'clopement des nwrchands européens et
A.Il cOllrs de ce èù"grès, les dc'lc'(I"'"
,h' l'1l1d,, /l1"rlyrc,
de leurs états, :'lIais le dé\\'eloppement des pen- .
dc la Chili': révolutionnaire. de la Syrie, de l'Afriqlle dll
pics africains fut alors brusquement 'lrrèlé, et

2
LE
COURRIER
DES
NOIRS
leur dvilisation qui, en plusieurs surfaces, avait
lien et le t!cl'llier ses douanes ct sa police se
atteint un haut élat d'avancement, fut presque
trouvant entre les mains des ofJ1cicls améri-
complè'lrIllcnt détruite. Ces nations, par la suite,
cains ; une grande concession ayant été accor-
furent <Ieclarees païennes et sauvages, une' race
dée il une grande Corporalion de \\\\"aIlStr;:et
infé'rieUl'e, destinee par le Dieu chrétien à être
ne peut plus être longtemps considérée lijJ1'e.
('sel;I\\'<' do.:s supérieurs europ(~ens, sans aucun
L'exprupria tion
(ks
lern's
et
l'ex iermination
droit de\\ant être respecté par l'holllme lllanc.
du peuple eun'nt f':,rueel1lcnt licu il Kenya d un
Cil pré.Îugé qui a domine les sentiments de la
Soudan, ccci fut
une
j'écolll[Jense digne
des
plupart des européens eu vers eux, leur causant
impérialistes aux Africains <IU'ils aVClient sacri-
des pruscriptions nomhreuses, dégradanl~s et
fiés dans la grallde gnerre mondiale qui av;:!it
pernicieuses.
été a uréolée comme une guerre" destinée il ren-
L'abolitiun de la forme d'esclavage la plus
der le monde prét pour la démocratie et les
inférieure ne liiJl;l'a l('s peuples nègres que de
droits ùes natiolls les plus faibles ». De lill'Ille
celle
infortune
d'ctre
cunsidéres
légalement
dans l'Cniu;1 de l',\\friljue du Slld qui w-récem-
comme une propriété personnelle
la mise en
luent passé un Ade" Couleur Bar» qui ùéfr:Dd
esclavage, l'exploitation ct l'extermination de
aux indigènes ùe travailler daos les nÙlchines
ces peuples durent encore. La marche de l'as-
et d'élre el1lployés ùans les services civils, ajoute
servissclllcnt a été grandement accélérée par
des fardeanx de plus il ces peuples déjà oppri-
le fol acharnement des puissances européennes
més par des lois de passe, des impôts ùe hntte,
à la recherche de territoires africains entre 1880
etc... ; et qui son t durement cantonnés dans des
ct 18\\)0. Ccci était dù au désir de ces puissances
limites réduites et sont terriblement exploités
de construire des empires sc suffisant il eux-
dans les fermes et les mines. Partout ailleurs en
mêmcs, de possédcr ct controler des étendues
Afrillue, excepté une petite surface de la c'ûte
qui pourraien t répondre. a ux besoins des indus-
Oceiùentale Ol! les coutumes el les terres de:s
triels modernes et un système financier pour
indigènes sont maintcnùes par eux-mêmes, il
matières bruttes,
nouveaux
marchés
et nou-
existe une répression rigoureuse du peuple sous
veaux champs pour l'investissement profitable
le joug d'Î1l1perialistes étrangers.
de lous les prolits extras découlant du travail
Le degré de production de cc district qui est
de travailleurs nègres aussi bien que coloniaux.
huit fois plus iluporta{lt que celui des districts
Les Etats africains furent soumis par la fraude
voisins de plantations possédées par des Euro-
et la' force,
les Etats africains indépendants
l)éens est une preuve irrdutable de la nature
furent soumis, leurs terres et possessions pres-
extrêmement vicieuse de ce système d'esclavage
(lue tou tes expropriées par force et distribuées
moderne.
parmi ùes personnes et corporritions européen-
Aux Etats-Unis, les 12 millions de nègres aux-
nes et leurs peuples forcés par le plus brutal
quels des droits égaux sont pourtallt garalltis
et inhumain des systèmes il produire d'immen-
par la Constitution, ont le refus de participer à
ses richesses pour leurs oppresseurs. Des mala-
la vie de la ::\\atiùn. Celte oppression est plus
dies les plus graves tombèreut sur le peuple et
grande enCOl'e dans ks Elats ,Ill Sud où l\\'''l,rit
S'èS troupeaux. L'en'l'oyaIJle tocsin de mort et de
d'csclavage uarharc ùOll1ine encore. Bannissc-
d~\\'astati()n peut élre réalise par Je fait qu'en
ment, asservissement, injustice li'gale, dettes ct
dl;pit de la grande virilité et fécondité des peu-
esclavage prouvé, lynchage, violence sauvage,
ples africains, l'Afrique est maintenant le moins
dégratlcnt et alléanlissent ces peuples. Cc sys-
peuplé de tous les continents du monde.
tème vicieux de suppression s'efforce ùe réduire
T"lIes furent les bénédictions du
Christia-
celte nlce en une caste inférieure et senile,
nisme et de la Ci\\'ilisation portées aux Afri-
exploitée et uuusée p;:!r toutes les autres c!llsses
cains, ainsi aujourù'hui dans ce yaste continent
de la société. Haïti, établi par Toussaint l'Ou-
de 11.500.000 milles carrés (ell\\'iron 11 millions
yerture et ses camarades escluves, la première
de kilcmétrcs), il n'y a' plus que deux Etats
r'::volution
victorieuse
d'esclaves
dans
tode
très petits: l'Abyssinie et le Libéria qui puis-
l'Histoire, est maintenant anéantie et asservie
sent ètre considérés indépendants. Le pl'emier
par les marins de cette méme puissance qui
est maintenant menacé par le pacte anglo-ita-
proclame « la guerre pour la démocratie Il. Plus
.-

LE
COURRIER
DES
NOIRS
J
de 3,COO Haïtiens ont été lués, un grand nomhre
;\\lESUIŒS A PHENDnE
:Is'l'I'\\"is pOlir la construction de l'otites mili·
1· Orgallisation de la puissance économique
lain's soliS dl's syslè'llIcs de corvée, Ils onl élé
ct polit j'Ille des peuples:
d"l'Ollil/,:s de leurs l<'l"l'es cl Ii!Jel'lé, empl'Îson-
/ll:S el
torturés Jans le 101 de lous ceux qui
a) Organisation des travailleurs nègres;
osent parler de leur liberté, Dans les colonies
b) Organisation des Coopératives.
Caribéennes, les peuples nègres sont asservis

sous des formes variées de règles impérialistes.
Lutte contre l'idéologie impérialiste:
Une franchise limilée et des systèmes de plan-
a) Chauvinisme,
fascisme,
Ku-kluxisme
et
talion oppresseurs, réduisent ces masses à une
préjugé de race;
condition permanente de servitude et pénurie.
b) Admission de tous les travailleurs de cou-
En .-\\.mérique lutine, les' nègres
ne souffrent
leur aux Syndicats ou Associations ouvrières
aucune oppression spéciale. Les relations cor-
sur la base d'égalité;
diales résultant de l'égalité sociale ct politique
d<'5 l:aces Je ccs pays prouvent qu'il n'y a aucun
3° Org:lllisatioll des mouvements de libéra-
antagonisme inhérent entre eux.
tion nègre;
Quant aux républiques de Haïti, Cuba, Santo
4° Etablissement de l'unilé avec les aulres
Oomingo el les peuples de Porto-Bico ainsi que
peuples el classes opprimés pour la lutlre conte
des Iles de la Vierge, nO\\ls demandons une indé-
l'impérialisme.
!,endance politique et éeonolllique complète et
Les d~légllés:
le retrait immédiat de toutes les troupes impé-
C.
SAIXT-JA.CQL:EB,
GL':-.olÈDE:,
rialistes. Quant aux autres colonies Caribéennes
Max
BLUXCOl:J\\T,
J,
BLOX-
COURT, L.~-SUM-', )1001', SE;oI-
nous devons aussi obtenir pOlir elles un gouver-
GHOR,
DA~AÉ:.
nement autonome. La Confédération des Indes
....-..•........................-.•..__..
I3ritallniques Occidentales doit être réalisée et
l'Cnion dc tous ces peuples accomplie.
Pour
obtenir
l'émancipation
des
peuplës
nègres du monde, nous devons mener une lutte
résolue et soutenUe afin d'obtenir:
Heureux 'd'être au Congrès comme l'un des repré-
10 La liberté complète des peuples africains
senlants de l'Afrique du Sud, qui, Sil" la carle est
et d'urigine africaine;
peinte en blitnc pour masquer l'impériali5mc, lais-
sez-moi vous dire, mui qui viens de Li-bas, comment
2° Egalité complète de la race nègre avec
le5 choses se pa~sent entrc les proléta.ires sud-afri-
loutes les autres races;
cain5, blancs et noirs. Considérons' les "yndicats
3° Contrôle de la terre africaine et des admi-
formés par les européens en Afrique du Sud, Ce5
nislraliOl)S africaines par les Africains;
corporations, 'quand il ,-'ô"il de nous, n'ont P,L- le
nll'n1c c:-:;pril; les PI'I"jll,S"és de 1·.1C(?~ y SlJut ('Ilcon.:
.[0 ,\\bolitioll
imlllèl1iate du travail forcé
et
plus vi()lf~nls qU\\--1I Arnél'jqu,'. Le.~ ElH'Of'l;I'Il.::i Cl'J.j-
tlc-s ill1Jl(ltS inj listes;
gneut surloul de \\'011' 'tU,'O'l111:nl,',' la p"puiô:ir)u indi-
i'i" Abolition de toutes restrictions de race,
gène qui, sou~ leUr tutelle, pOU/Tait ~e r';\\"oller, pré-
tendl'e au goul'ernemeul, diri;j"l' lb alfairLS du pays
sùciales. économiques et politiques;
parce qu'clic aur:tit l'éil'Dnlas'" du Ilomb,'c. AL:ssi a-
G' Abolition de la conscription ainsi que du
t-clic été opprimée, condam née aux viie5 besognes
!'ccru~emeat militaires;
de bûehc/'OIl5, de puiscuJ's d'ean. Cc ré;jime, rcrles,
l'Européen ,a.it bieIl l'"nll'etenir.
ï' Liberté de circulation il l'intérieur ainsi
(IU'iI l'extérieur de l'Afrique;
L'Afrique du Sud est mOIl pa;."s, c'est le pays où je
suis llé, c'est la. patrie de ll1C~ ancètr'es ; el cepen-
S· Libèrtè de Jlarole, liherté de la presse et
dant, j'ai la douleur de "ous npprendl'e, c.) SOil', que
droit de réunion;
me5 frères et moi, 1l0US ne trou"ons plu5 une place
9° Droit d'enseignement à tous les degrés;
où nous reposer. Tout lc territoire nous fut dérobé
au nom de la Conronne d'Angleterre, les h:lbitnnts
la· Droit d'or~aniser les syndicats.
furent chassés du fo~'er de leurs pères, nbandünnant

IG
LE
COURRIER
DES
NOIRS
Ll"llll(l Il' l'l;t-:"inlP de l"'5t:la \\'age aè('om~;lë'né de' toutt'~
nr,tl-e l'lll:(' d LI,lllS la généro~ité Lle,- dL'I1WCI'U!I', de
/1'< Ilt'I"';"lliioll,- h~I'I,al'I'5 dont P(,II! l'h'e capahle un
[011;; 1r5 pays.
""Iolli<aic'lll' !>laIlc.
Le Cou/'rier dl',' -"0;1'$ cun,iLlilrp que, ~ïl fuut lut le,'
D<'ll'( <'<('Jal"'-, l'II ce paY:i, ô'élait'Ilt évndé5 de e\\lI'Z
,,;an:i merci cont,·c tous les llêg,'ophohes, il mut aU'ioi
le'II', [l<1tIlTl'"ll'(, La ,ill,tic(' :'f)~'ale 1('; a al'l'~té5 ('t
-è ménagl'I' la ,ympathit' lh- JOU5 le,. peuples ct llUC
,'r,nd:duné,., ct \\'i\\(' l'l'Ilion Jack,
dl's rappod,; d'è:,:~lill\\ ct d'amiliL' i'iaui la ba5e d'une)
. :iociélé ffipiIItoUl'C, \\'l'l'," laquI'llc llOIl'i Llev/ll\\:i !l'niel' dé
:\\,,", "oU,'ll'!"'l'on,- Il!'IJI'hllillt'lTlPIIt 1111(' l'Iud(' il Cl'
nlillS IlP;JI'"dH'r, la '(~'l1lJl'h"iJil' d"H" ir)lljuurs Ciro:
PilY~ l'l ;'1 l"l' 5ujel.
,;é\\'':'I'ement combattuc.
---.._-_...__..-_._._-_._...
...
---._.---~
~ou~ cOII ... id':'I'OIIS CJU'IIII" "l'veIlLlil'alioll j u,tc, [0,.·
mlllét' de f"çol1
éll""f!i'lu~ mai,- "('I1,;dliC' ct an'!'
eltlmc. mel !ollj()/Il'" k,- mililnllL, iL l'nbri dt' la ('"'n·
Notre progralnlne
fllSifJll, dcs l'h~l1gl'nwnl,, et Ip'l'llp 1('111' p""CUI'e (!:Ln"
l'ad\\'ersité llne fol'cc "1Ij1L'rielll'l·.
Lc COIII'l'i,'I' ti"S 'voil''' n'.l('Cl'pte de Sll!>\\'cnlion, tic
{'-Il d", 1'111,- ~T~IlU' nll"tal'/po 'l'"' 1'1'111'0111,,1' la "au,
pu!Jlil.'itê ni de l'0Il1111ltl1dilp, IIi LlI> P"I'" ,n rlt', '11 ni!
lIi,i:'" ';"11< -,'''' "'Ill,dill':' </(' "';f(,I1<(' \\'1 d., 11l!1(' l'olllrC'
''l',oit t't n'l',tli'lIc1 vll'I'l' 1]1IC clt' ,"l', lIulIllllerücnl., ct
(·(';.pïi· ..... ;llll
don: l'Jll'
t':"L tlllÎ\\"C'j'.-(ll]('rnnI
\\'idimr,
dr;o>. dOll~ ;"(ln." ~·fllldili()IJ."i qll'il pUUI':'[~ Iï'l:f'\\-nir', f'L qui
,.." .... / ilJIJt"lli~lhl,\\nl('lIlll~ nliln(pll~ de' C'onlal'[ qlli :"L'pal'C
''('l'Ulll in:'L'I'(';; Illissil"t.
,'l',;
.iilr~'I,,'III... p"lIp16, 1.''''1111'1;; 0111 élé di.-p"'·'ês C'1
C. S. J.
,I.-,,"'I'/.- Ü """'1'1"
le ,,,lohe PUI' pIUiiiC'uI'5 "ièclcs d'P5-
,laI''',"'' l'l dc Pl"',éclitiun,
Pl'oc/wi/le/lICIl/:
Cil imporl~nt artil'1e de r1,('né
L(' bill dll ('flIIITif'r r/(' ...Ynirs sera:
:\\!am ... 11': la Cl'i~c du cnloniali;;me frano;ais;. lin
article de :\\!ax 13locourl sur la ,.ituation dC:i travail-
1· IJ'élabli,' d~; Tappol'ts de liai"m entre tOU5 les
leurs gUi1.dcIDupéen.5 ; un aI'licle de Saint-Jacque5 '>LII'
lIoir,., p,,,. l,' mnYPll d,~"ticlf's e,xposant les cnllditio.ns
le pI'oblème antillai5 ; un rappod dl' Gllmède our la
[larlicnlil>rl',- rli' cha'1l1t' pelIrl~ noil', afin quI' nntl~
"HlIation des noil'5 en Af"ique du Sud; éludes ,.ur
pnis>i"tI:' d'"bMd nOtl~ connaifre. Pour cela, nons
l'Afriqllc occidC'nt~1(', elc ...
"IItI','lil'lIrlmn,'i dl'S l'nbl'iql'cs !ol'all's où :,cl'ont bt'iè-
\\'l'l1]('nt t'nIHlc,\\;; Il's faits saillants qui auront pu inté-
,',',,-(',' ('('l'tains des nôt"ps, afin qlIe nOlIS 5achions
{t'Iltl t'l~ qui 1I0U:-i ar"'j\\,C'. Le Crntl''''if!1' ries .:Voil'S ~crn
Dons reçus pour Je "COURRIER DES NOIRS"
1111
inl,'rm'·tiiail'l' permancnl enli-c IOlI,;; les pel'ldes
J111il''::;
du nlondf'.
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150
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di,olinclion ne pill'li ou d'npinion, il saisil'a la p"csse
Venladour (;;l'c"étail'l~ de la Ligue
ne Ir,ns Ips pays uC Cl'S agis;;cmC'n!5. Il 5'eLTorcc,'a dc
conlt'c l'impél'ialbml") .. ,:.,', ..
i5
»
fairl' p~'n{t"I'/'la \\'0ril'; .. 11('7, k ... pcuplcs dl1l1t les ~OlI­
Lacombe " ' .. " ' , . , , " " ' , , .. '.'.
25·
\\'~"ni"I1l"III- .-on! imp,""ialis!l':', l'hl' l'l':' dl'\\,'nier5 n'nut
"
Couf'ia CnU,.lallt .' . '" '" , .. '. " ...
50
»
l';" '''''l'i"l(,",- ('Io/"niall',;; l't ,,;·il.~ "flllt<Ounmt k,<
('flll1plil'I'.O:; dl'.~ l'l'iml\\:; de lell'~.;;' gOll\\"Cr'nClnents, c'c~t
Sa inl-.racqucs ' . ' . ' " . , ' .. , ... ', .. 1:250
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P;ll'CC qllïl~ igllol't~nt.
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---.._
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.
;,. LI' Cr'lI(('i(')' .ll'S,Soirs lravaille,'a il. relc\\'er d1è7,
Il',, nui:'s l'opinion que beaucoup ont d'ell'(-mèrr\\(', ;
LES LIvRES QU'lL FAUT LIRE
il j('1I1' mont,"'I'a cC' '1l1e l(,ul- race a fait, ce qU'l'\\lle
l'l'lit f"irc cl la l'aiiion pour laquelle les imp';l'iali,tes
Djùulllrr, chirn tic hl"~II,'sr, H('na .\\!al'an.
nou,. calolllllieIlt el nous inlel'cii,('nt tr,ute culture.
.Yew-'vefJl'o (Un f".'\\'1'~!:-C amél'icain).
·t U Le CII,,,'}'i'T tit'S .\\"nlrs. l'l\\chl'I'l'ht\\ra. clInu avec
J-'0!l([ye lIlI ('OIl!}Ii, André Gide.
l''u, J.o,- mUY"lb pl'aliquc,; de 'lu{[e efllc'ace contre les
Lr .Ye!}re.., Dl'tafo,~s(',
I11,'lIX 'l'Ii atTcc!"n[ Ilo!,'", I·~(''''.
Erl'f'IO'S et bl'lI/IJliIés c,,foll;a/"s, .\\lIg'.. glICUI'.
Lt' CiJuJ'l'i('j' dil .,,! .\\"oil's IH' tolél'('!'a jamllb l'illgél'cJlec
,d'lIl1 l'adi pO!iti'l"(' <HI d'nUl! a"s..cialiol\\ ou d'une PCI'-
:-'(11111(' lit!'~tJlgl>I'C à ~('~ bllf:-=. ~ou~ 111~lton:-, tous no-;
'."!1iJir' de "lI('c~. dau, la \\'Olollté de libl'I'alioll dc
INPRIJ'U::RIE
DO'
• QUOTIDIEN _, 2j, J\\'~n\\l~ I\\léter, l'arl:o;.
"1\\0 _ _ .. .,..-..... _~ .....- ;_~ ....,,:....... __..._~.~••
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43. RUE DU SIMPLON

PARIS·I..
1
La LialJe est en d8lJi! : son très dévoué président ~ar le fUsil ou par l'argent?
SENGHOR LAMINE est mort
UNE
OPINION
6'N
III
1:1111 11'21 .'1'111 rlOi l'II nU1I1I 1I1111Utni fll'l
Ih'h'hIlI!IN, t'l(' .• 1lIl'IIIhri'II III' III I.INllr ('nn-
dnuh'lItll. I.l' 2.'i nnvl'lIIbr,· 1U27 "l(mrnU
1"1' 1"1111"\\1'1111111"11' ('1 Illlllr l'Inlh"(1I'ndlll1"~'
f,,~::mfnon. rIPhlt'tUl'~i.
Irnl~_--·h~,p!".
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pollr'lfol't'L
nt' rorputl'ftel' Y'l"rtu, lOI-II ntrrC'. t"SllouJoun nllblt, ". 1 ~rdl.... ont Inuluu", l'Oftatnutl ·11- -rlat_.':' :::'-
Imnt. IOn .Unud. 101'1 dl'I mullnC'l'ln dfl
1
rnrlr, Il ,'1I11t d.Y1tnu un YrRl IIvrl"r, I.C'
l'IIl',ubll' dnnl" que- 1(111 .1~lt"I. Ir pro",.••
n~DU"', un' rnlnt untq.. toutn 11" ro1l.:, :-_~---:.
Ura.lll.ul'l "nt.lala , l''riJu.. ' " dt.nN"
'lU Il a rnUo Inl.. In ........... Df/ll'rt' rl ,.;' .
lM'l"rcot rl'.ldl fin f"t' que notrt rompllriolr
lP'.nd" eaurant. d'Id"" let prlnrllll"l ....
1." cll.'a o,nelt'rl partlll "aqu.la Jco ....
." 111 de
IlInlU III l'ftt'... lcol un 'IIn.llqur. I>\\'pui.
v,. de
C'l'rlaln..
l't'II<<ion.. nIant t(1'!J
~l"rlaJnt'. tpoqtlN. 111-.-'10111· dlAl - -
troUv.. Il' t'Oton.1 Lalnt', ",mmond'nt l'n
pal. Il..
1020.. san Hat d. 18nt' l'I''U fJa'pt c1r
rhlnllf 111 r.Ue m.ntllltt II'?equf. pullClllP"
l~rrJlatrl'l IIrlr.IDI.- lia If -anar_
lauJoun Ifran". )t01lt d6lru'..... eIllfmbl.·
SDIT' IJlnl."., toua It·' lOU"enlh du .,..nd
Puri.. n .lln.IIUI ,
Roqul,brunNur-At'"
Il l'Iu'ure Idurlle eDC'ore, aa reneontre- des
drlmco qu'il noIU coonl.U
l''n .ourl"nt'
hllnco• •ortl. d•• b,,'onda dl II: 1Ol='''t
.I"l!nneml eammun et lutter e-aIllUf-poQl' Il
lel'n. (Var'. Il ....nD.1I plrral. dln. 18 u·
qui l''allllt'IU dtftlbllr- leur M'PRlorIl' la
"on. DI.I\\I .Implt.·m.nt qu'JI quitta l'.r..
l~tan d. la terre qu'lla coa"ottalrnt; -:"-
PIt.I. nOUa rt"ncfl't' eomplr d. san letivUt
nrOrhaftl lt'ur mf1JrI. du.
..., Ift'IIrnl ft Inloxlqut p.r Ir. pL 1.1.
d.,... Mil. lia..
D ...... p.... 101 bla•••.. pollt<l.nt d.." .
.uprioa dl' lot eomplltrloleot d. province.
Wri.u !Un"ll l'n
lOlO, li rnlnl .n
.ngin. de
vitrllltdi t. I"Ilon 4a II1aftIU Cenlral da
dl. qu'.utreral. eehd-el- Icerptltt saD .ort
~ putmloaafs rt.lfUl' ,....-:. _-
('On d. rllre Il CUl:rrp 1'11
"mac. l'II 1un A el'tte tpoqul', 11 ..ocr....
Afrl~ d~.~;-:
III I.lAUI". Son dera1rr ~ dite- d. Juil- .•~ee rI.t,naUon. II aemMe qu'luJounl1lut.
ra 1I~,rrl. tGat ee- ... l'aa peut COn('r". ~...
"'t rart pte. de poUUqw, ..ou.a Ine I.t 1021. SI IADI' ft.it alon IItttraJtomfnt "'n• ..,uloir cbaler le bllnc tn.lnll' 1\\11'
...IYrlt . a Ipdrlaee là-dtllU• • •,. l'tt'''
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.v~fr,- Or. th aol'" IOnt eornpHUment dt-·-
rUant. qaestloa de- .. raet' lat f.a.aft III
nuille- mlalfHlrr IOD dtllr d. a'èlrelnllt
.poar'fQI d'II'IUI mod~ e:t oa·-ae rem~ _.
Sen"'"
rœur, 1"". qui If déefcbt' mUh.r au Mla de
1R'd. 1e-111 p'men- mot.. Sn
ni comme un lalmal ni rnfm. coma,e- un
port. Pli de 'ttctolftt qa·.'ft'C. ...-eourap_ .
deral.... 1DOIIII'1tf:~~ llIO'IIIlN1I por 1.
fI~ Int~ear. , '
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1.. bn'lOUr'l! et _I"hergl(' Pour·.•'laSlant:.--
.'~Iaa lattrco&oai~. p.... du_ PI~ Cam.
Inart 1lleUUlYf' de . . . . . . . el de IOn 811
.I~'leJ. IN 'bllnea on'. prts pbar dN. Jfane•. I~ld6f- de Il renadl;.Udft dt"S bfCDJo;__
Dlhe. 1. I.brre~ l'earna d'Qa. P'"
r.arlroaaldes
8l"IIf'I- :d'tnd.pt'Itd.nce.
dt' _II conqudtr de aot,. htdlptndlae. plr
n',.... 14_"u·.,...... D.IIt In_p.- .....1moqu~' .d
iDcIùft__bo d.... 1ft Irmt.. doU....Mu .bIft4aaDfIf..-""te f..
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Quaat .. l'aeèùetl qùe 'ftOu.:.'dm'loa'- -rt-'-~
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<!""'- - . T..... nbaadut.. _, eol'lllM-_' rkrlftltt lei ...,..". .. C'ertalnl bllftes-qat nu IlaclcDt
Itrol.. U an pal
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.u· bout d. ..
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III bat rl ••uelnYtleat . . . . aai...·_.;,l_
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la 25 _ . _ 1927, •
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1lOIII, d'bIltraar de- aos" oppralftlra.
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ft lOI,...... SI·'DL s.. .Ill-
rune htattattoa pouIble :: DOU dnona ....-~ •
• aecamber "ut lutnt raft.· B uptre' ea-
DIb parolet couAnneat de fleoa d'Jhù1Ift
Jetrr œ. otrm taU.eleun,
core- • ft1'l IUf-mtm.. '. ftft- lU. maUre et
NOIII~rh.lnle"-:-_
la·oI.drfl~ el le 1.1 d. se
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SeltRhoP I"'l. IDUlett' lOG- rap"rlrm.nt
_ I I I eritft ••1 pli <O....~ que, cl<pul.•. _
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1... pr~mler Ier'IU d. I..atr COmptl de ..
MI llIlÙlttre . . CoIonln. Ce clernier le-
Il dffnlm pern lIIOadtllt'. Ira adln ruat - ......
rarel' altunlle ph,.,quf .. de lOIt aombre,
lut ,.rua. On enl,alU que fI' rommumat.
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ri. dia. un .UJ"I.Iat. de- ..mllr. ~hluer Il
« .... Il"' .0 pl ponaotrn •..., .,
Sea.hot De nt uni prop.....cIe dlaptlUie
bllnrl •
t'ltCam...ac
blanc qui l'opprlmf', l'nplalle eoDIml tille
l·nP'!'tea~. d'; -....
p••ml ln campafrl.... .....rUeot t'lilsan.'
1014 ft pouf' ne pli ..·laIIIIr .tramer:(en--'- __ .~:
11fte- dl" .omme et le " ' . ' ' ' . nln. ce el"
L'lmlginltlon de- 11lomme est "nlm.nt
.....nl pa. dOl peapl.. qui
Il aAtrllt .rul. C'I
...-nl"',:
n'au"'lt~'" ~mpt... lur 1•
• ·uar ~aan'ante- IIIIrdl~trlat. • ef-t'"
....I..nl • Jnr .111. la_lB
Ilateuf'l·-
ranC"GUr. d'illeune- .ul~ ·raft'.
Illn. t'.-rd.. Noa ",1IIpllrtat.. aennt que-,
dlle.1 ..""....... l'oppel d
_ _ loto, _,.
1)un. 1. de-udtm. bypoth.... Il J.e-nd1'ln
IOU. Il paUle dN motl CI"I1I..Uon. .lu...
Unt' ortill. t'omplatllDto .. œrfa'lIf' doc-
•..."11'.
i'.·'" ,,,.,,
de "'tallle
lIet. Llbfrtl d·laJourd"hut. Il "1 1 dfl ffl.
Irlnt"S 1"1 lC'erpte-ra" deot CI". bllacs 18n
.....r'f'ftlI' du eouwraIDtI;-J',aolr. e-II:
IItft IbamJnlC'tl. Il. ~nleont qu'.a
nom
.lI'et. 1 pu eollltlf., dl ... .J1ft qv. Illn_
dco Ill" dt\\blrra...r do IN bcnIrreaUlI.
d. Il Frnftcl' on nOUa Impo.e un rlll Ill("
"lneiblUl' bllDCbe Dt6tllt qu'an. '401.
Enlln, ln pl·tttr mtno,I"... liqueUr· J'I~
'al.ln- dl" I·••d ....... MaA. Il. IIrnanml qut'
rranrMe- dlnl 11 pnuJ..... qu'une 16-
I,nrtlrn •• l'ralt .. uno noIatlon certllD•
.. 'rlDrl' nlfn IIU rll'n. lA ~Unl.tlrt" li,,"
,eade • IlmlJI d'lnU.. Il nt Cft'Iala que
m.b It'dll", IUlr le- d'nloplWme-nt d. J'In-
('.nlnnJN. done ",ndnmnf Sen,hnr' mari
18 lupf*IIlIUe bllnebe ra 1 d'J' aoull'm.
dlyldu 1"1 liu lIt'nllnwnt de- 10 saUdlrlt.
l.n l·ubIlMr.nl. IndlrC'C't..i-urnt.' vlvrl'. Jcol.
e-ltlnJqul', donl noIU 'fana aa . a••ltuIMi.
n'Mbre p.tt. Il rlut reeoDaaffrco que 1ft- _
,81n ph..., IMMlri de- nf_ophobl.. III"qllt'
d'orta rlu. r,.r IN Dol,. dlAmft1q1lt' 'ft
, dln. In morlll'l (le mnrkhnl Oudlnal l'ft
f!lftH!#i'IHV'fiHiiftNfïfil!fifftfNM d.. A~IIII.. ....nd.. et polO..). ..oJ~
l'iil «t'm'l, Il Innçl unI' pouyJl'rt" d.. pail-
l'abtJrucUoa .,...'mltlqv cIn bllna. oa'
el..n. "U'n'llt pro"OCltNI'I•• ua lrou..u
rhl'Y.lll1dr. pr~p.r'rr san . n"I·II. rumJa.r'
It' couroaD'. d••uecn. D '1 1 olaqul"
dl" 5Itnpor. On coanrolt dk 101'1 que r'l'Iul..
ln.. on ne pouvall pI. rnooatret ua noir -
•• IIIlCIIIOll UIlla
- . prn!I'11l d'ovl'nlr pt'ndant qu.. IC'. mil..
e-I nU ru 1. hllnr dl' loutr .ulurU' d'op-
trr. .1".
( _p/loI.,rop/ll.\\
r~t:I_trnl.ent _d~ld",,, lOIIIft ralle-••
In6d..ria. IVOC'" pror......,. au blacraler;'
pr.U1Jan, qu'II .11 ml. '.nl d. eour.,ettS
"lt'Ull"lI t'OftI'rriiO'··1rJftondr. L, vallten dall
il- l'trture- Iclutllr oa lit ...",.. de COftItIrw
: i
d(tvau('m.nt la .e-"Ir. de san IJlrtl, qu'II
munllft'. Tuattfol.-. .. "'1fC'11.bI. I)rod.
Ie-r .. nombre d. na InttUtctall. noa,. 1.
flr.c'rtu/rf' f'n 1"'AIR~m' " '''.rr''.r Il' H-
lit oppp" Il rai du mlilteni •
Il rorr,'
Ulllllf'ol.... Cnntln.nl.. fn 11t2... Joun un
'RI~IIl' d .al1t'u.llun. CrU. polllJque- cie Grl-
Am'rtqu
IUll AatW. .
brUII'l". II 1 khoppf .ux aro.. I.I. que
Cert
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......... 01·
"~Ir pm.n.ptolh dln. Il.viI' polltlqur Ju..
bouJUr altrlnl d. ('kit. m.nt.le- ebranlq.'U.
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S..npor ft.U .Inrtrt'mt'nl .rrh·nln. d·un
fIUf'oI. tlmld••
Ion. on Ir vU d~playrr
a r.u dt' SI'nNhor un bon nilotrrr, un &In('~tt'
dt. plr 1. con"
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nltlon.U.m., r.rourhe-. hnlnl'ux mlm..
Il
In.r~e 8hfl'8" plrtaut 0(1 Il pIN.11t
.lIrrh'pln.
I.t'II N~lI"r. le ..uvk'ndronl-1I1
pli p.nl"l.er loua". etrortllawUoela.'. el
apport.lt
r.nl."'m~nl myallqu(' dc Po-
flre 1d:U. . . . riOP.
,
cil' Jul' Jr II" promrlll, Cil" IC'tI 'aule-a .nnt
nla'lU" rira nain. .n 1.. prlnnt de l'n..
I~'ruclr .u Ir...11 pour l'fln.nr-lpallan dt'
En ln.., rlndldat d" Parll Gommanille
,'ouvconl inf(rut(,II, Sen,har 1 rait saD devoir,
IntdJon JI plull 4-1'mmtlln; mlll III IDnt
•• rlcr,
lai rlt"C'lIona rlnlan.'el dl' Parlll (12" Ir,).
Apr~" ovolr brll1lmmenl ••r'" Il Frane.. obU"h d. neonnllire eaae le .....eb......
En r.I"lnl dl" S.n....or .On prflldrnl, 1.
Il oLtlnt 00$ wll. JI y rut b.llott..,. ~.I.
pendant 1. "ue-rrot et contr.et' dln. Cl' . r .
d. m.n:blndl... le paua- dn COIltlllttt'.
UAUe 1 .J,nltll qu'eUr M
tolrrt'ralt
.u·
Srallbot
nl'
..
ft'pftlC'nl.
plu..
blrn
vlrt' unI" mal.dlo qui denU l'e-mpart.r, II
(.nl" d.a toarlll••• II: priMae. deot fOlie_
t"Unl' qul"llian d~ plrlill pollllques e-n .on
qu'I)'lnt dl" .n-lruwa ehlnrl'. dl' lurr-c".
r.l lItart 101 dol de Il rael".
tlonnllm. deum.nl lei , ... dl. ce qu'on
arin, (~ rUI un ..., •• de Mil .ux Inobl po-
Qu.lq\\lC"l .mlln" pl.... '.rd•• Ion donll-
eat eo""ena d·.pptler-
.v~""f'., no/rf' r-ompG/f'ta/., rn mourant. a
"a~: et œ"
IilirirnL E~loC" • dlrl" qU'l'lie wlt nl'Ulrr?
rU. d. Il ruco lI)"rrba, un
el. m.lnt.nlnl qu'U Mlt ... Il roree .......
n~ t1t1111 sur
'"/u~ un, If'llllt !amlllf', Fa/.on. un IIl'f1nd
lA malna du rvanck, lnde-prndAncf' n'e»1
&III deux roup. de revolver ft le m.nqualt.
rlm f.qu.llI .'abrlle l'IatoriC' qui • do-
,,'d~ dl" .lJ1i"tI,.lI~ t'ft !tnlfU, dt 1I11l' S,n-
p•• nrulr.III~.• t'airr- C'OlillOr Il"l nut",1 _
QaJ. 1"01 rMl' Tout le mondt ~ lOu.ltnl du
nhor (1).
mine nt tllllsaJ.... (!On~it 8'I'IG nllOlt toDI
1"'1 1. nt••Uan dl' lou' dT"ort china ln r("·
nwnlluanl dlseotan dl" notrr
ln eepoin. ....,.d. ea tace 108 l'ri,..- DOIr
inrortun~
StnMhar. rxcwr-inal .1 cdt., pelle1H de-
rhrrr-hr dl" 1. v~rnf. Ill" lault' lIri.in.llté
prkldenl la ran"". dr Bruxtll.... l1r rê-
et lui r.u _lltIr qu'II cample SIII' IOD Ippal
ttrre, dont lu rOlllprrndras Irl ...llOnl du
dnn!! I·.nlan. St'nghuf' d r-ORl",.tJ It (Irdncl
palll' nosplrer IIbrflD.nt. U COIIIpreDd 1......
m« lm. U n.U 1,.. tr.UI mardanll, 1t':J
rl'tnrd, Il'a pa. I~ poid. de re que Je w dol••
• a"rI dl' la Ugut'. Itqutl tJ' dl' la maintl'ni,.
ripl'" npldC't ft Inelalvrl. dPI mota l'li·
Unctlvemftll qu'lI doit donaer aa coup de
"u,.. Id Il,nr c/t la pf'Oprr polUlqu~, t'II dt-
L. a.o. Nill'r••
moln . . . rlce .pour II: Ub6ftr de l·opprn.
JtI"f"IIIh. On ..11 qu'. la IUU" dl' rt' dill.·
l'ldr. dr tf'IIt dt' 'out part; palit;qu~.
coun, Sr.par 1 tif arrtlf ..
.Ion bllncb... e1••·U De ae CO....I . pal .lI
ea..ntl rn
\\ Il TOull..... I~ ..,u~l'lIo'"
f'n
(.nur "-
lUira lm e1 Inelrdrt .. 1. prison de Dr.-
1... politlqur talonialr rranllllÎi'lr a-un
a,.adJcal, .·U n. fonde pas dl 1OCItt, . .
)fil,. Mnehar dnTt'lnt H....
~,,1tIn • Ill. 1.
,.I.nln pour un prélntr Inllroiwnlhlablr.
Mire 1'1trilp, En !lupprlntnn' IOtltf'!! lu li·
,,.ma.attqa.. Il 'ait Ie.Ur, p.r toaa.. In
Tr,llWwirr œ 10 l.Jeu&, ·U. ,.lIt.. du Slmplnn. Pli-
mo,.ea. en aGn pouwlr. qu. rten dl ce qal
A C'e IUJtt. d" dtpulh dr 1. Chombrr dM-
br-r'~!!. l'Ur JoilSt l'ÎndÎM:~nt' "tncraûh'r
ris (Iltl, t~" <'"oh... : I~O (" Cc-lIr litt. :Jt1>Il pa-
Commun....
dl'
la <:harnbre bf'1.r.
,lu
dans l'h~ptlrrÎ'5ir r-t 16, • l'În.,,lnf d'une
hlhll' 'lU l'ru,:hlOil, Ilululr,).
tourlie i\\ Il riel' nt' I~ Illue lacll6""llt.

....
Comité Syndical International des Ouvriers Nègres près l'ISR
Programme d'action Syndicale pour les Ouvriers

Nègres.
Les masses laborieuses
nègres subissent tout à ia fois l'exploitation capitaliste et le joug impéria-
liste, qu'ils ont à souffrir comme membres de la classe ouvri ère et comme représentants de la race op-
primée. L'une ou l'autre de ces formés d'oppression prédomine selon les. circonstances dans tel ou tel pays.
Aux Etats-Unis, les ouvriers nègres subissent une exploitation impitoyable aux plantations de coton
et dans les mines et usines des Etats du Sud et du Nord. Ils sont privés de la plénitude des droits civils. Dans
les villes, on les oblige à habiter des maisons surpeuplées situées dans des qllartiers spéciaux. 1 Ils
sont
les victimes impuissantes des préjugés et antagonismes de race, attisés par la bourgeoisie. Ils sont à IJ
merci de la loi de Lynch et de la répression sauvage de la foule; et ils ne bénéficient pas même de la
«(justice,) qui est accordée à leurs frères les ou Iriers blancs.

Les capitalistes abusent du bas niveau d'~xistence des ouvriers nègres pour réduire les salaires des
ouvriers blancs Les faux chefs du mouvement ouvrier, les leaders des organisations .syndicales réformistes
et réactionnaires refusent d'organiser les ouvriers nègres et aident ainsi le patronat à apporter la division entres
les prolétaires blancs et de couleur. Cette attitude hostile des leaders ouvriers réactionnaires envers les Nègre
contribue à la scission des rangs ouvriers; elle donne au patronat la possibilité de faire la politique résu-
mée par la formule «divisc et règnc'), cl le paralyse les efforts de la classe ouvrière de rcnv~rscr le jou~
du capitalisme, elle obscurcit la conscience de classe des ouvriers blancs et des ouvriers noirs, en poussant
ceux-ci dans les bras de l'église et des soci étés et t~ndances petites bourgeoises nationa listes telles que
le harvéyisme, etc.
Il faut que les ouvriers négres et les prolétaires blancs des pays industriels sachent bien quïls ne
pourront achever l'oeuvre de leur affranchissement qu'à condition de s'unir au sein d'un mouvement ouvrier
commun. En ce qui concerne les travailleurs nègres leur lutte pour l'émancipation par rapport à
l'oppres-
sion de race représente évidemment dans son essence, une lutte contre l'exploitation capitaliste. Il importe de
se préoccuper dans cette lutte pour l'emancipation de l'aide qui doit être donnèe aux paysans nègres des
Etats du Midi; il faut faire parmi eux de l'agitation contre le capitalisme et l'oppression de race en raUa-
:hant cette agitation aux revendications économiques des fermiers nègres.
~ ; La situation des Nègres qui peinent dans les pays coloniaux et semi-coloniaux se présente sous un
lSpcct un re~ différent. En Afriquc, la plupart de la population n égre continl:e de mener la vie primitive
lu clan. Les pirates impérialistes usent de l'expropriation des terres communales, du fardeau écrasant des
:mpôts et des lois oppressives de toute sorte pour obliger les indigènes à fournir une main d'oeuvre bon marché
lUX fermes, mines et autres
entreprises industrielles des capitalistes. Ce processus de prolétarisation qui
Jrise le train de vie traditionnel du clan condamne d'autre part les indigènes a vègéter misérablement dans des
:onditions qu'il est difficile de distinguer d'un véritable esclavage.
C'est pour assurer la domination d'une poignée de maitres blancs que les grandes masses des travail-
eurs des colonies et semi-colonies sont artificiellement divisées en castes sociales subordonnées à un statut
uridique différent. C'est ainsi qu'en Afrique du Sud, les indigènes forment la caste inftrieure, ensuite
riennent les (·ouvriers de couleur,) et encore plus haut les (dndigents blanc$» (<<poor whites·,). La commu-
lauté des intérêts de classe est obscurcie par cette différenciation de couleur; au lieu de lutter unanimement contre
eurennemi de classe, les ouvriers luttent entre eux en fortifiant ainsi la position de la classe capitaliste.
La lutte des ouvriers nègres pour leur émancipation est intimement Iiéee à la grande lutte du prolétariat
nternational. Il faut que dans le monde entier les ouvriers nègres se joignent aux organisations révolution-
laires de classe en organisant leurs. forces pour une lutte commune. En vue de contribuer à rétablissement
l'un tel front unique entre les travailleurs nègres, et leurs freres ouvriers blancs, afin de libérer les ouvrièrs
.ègres de l'influence d'une idéologie réactionnaire, nationaliste et petite bourgeoise et de les entraîner dans
e torrent du mouvement international révolutionnaire de classe, le Comité Syndical International des Ouvriers
ègres près l' ISR propose le programme suivant d'organisation et d'action, en conviant les ouvriers nègres
le soutenir:
1. -
Salaire égal à travail égal. En règle générale les ouvriers nègres re çoivent un salaire plus bas que
~s blancS. Dans l'Afrique du Sud, le salaire des ouvriers indigènes est 4 ou 5 fois plus bas que celui des
uvriers européens, dans presque toutes les industries. En Amérique l'abaissement continu du salaire des ouvriers

nègres, l'embauchage des ouvriers nègres conditionné par l'acceptation de sa laires inférieurs à ceux des ouvri- •
ers blancs, entraînent un abaissement du niveau d'existence non seulement des Nègres,' mais aussi des autres
ouvriers. Aux Indes Occidentales, sur l'ile de Cuba, aux plantations de canne à sucre, etc .• les NèlZres sont.
obligés de s'épuiser dans de lourds travaux pour gagner quelques cents par jour. En vue de hausser 'le niveau
d'éxistence des ouvriers nègres, la lutte doit être menée pour le mot d'ordre: salaire égal à travail
égal, sans différence de nationalité, de couleur et de sexe. D'autre part, les ouvriers nègres doivent coude à
coude avec les autres travailleurs, mener la lutte pour l'augmentation des salaires, pour le relèvement général
du niveau d'existence de tous Ics travailleurs.
'2. -
JOu r née d e 8 heu r e s: Dans la plupart des industries et dans toutes les catégories de tra\\·ail.
les ouvriers nègres font la journée de 10-12 heures, et dans certains pays, leur journée dure 16 heures. L'un
.des principaux objectifs qui se pose devant les ouvriers nègres consiste à revendiquer d'abord la journée de 8
heures, et ensuite, avec toute la classe ouvrière, la journée de 7 et de 6 heur;s.
3. -
S Y s t'è m e duT r a va i 1 for c é.
Le problème du .travail forcé se rattache étroitement
à là lutte pour la journée de huit heures. Sur bien des points du globe ,on oblige les ouvriérs nègres à travailler
(qu~lquefojs d'une facon:,absQ!ument gratuite) pour des buts (,d'intérêt public», Aux Indes Occidentales, les
ouvriers indigènes sont obligés de tra vai 11er sous la menace des baionnettes des matelots nord-américains à la
construction et àlal réparation des routes. On les transporte de Cuba aux îles Havai pour les travaux des plan.
tations de canne à sucre. En Afrique de Sud le travail forcé prend la forme d'un travail réglé par des contrats
conclus à l'avance. on recrute des indigènes du Mozambique (Afrique Orientale Portugaise) ct on les transporte
très loin pour les faire travailler aux mines de l'Afrique du
Sud où ils vivent dans
des locaux isolés
1
et dans des enclos pour bétail. Tout ce système est légalisé par «l'accord de Mozambique.. conclu par le Portugal
1
et le gouvernement de l'Afrique du Sud. En Afrique Equatoriale Française, le travail forcé a pris des formes· ".
tellement atroces' qu'il entraîne une extermination quasi-totale de la population indigène, Aux Etats-Unis,
Z
le travail forcé n'existe pas sous de telles formes, mais dans la partie meridionale des Etats-Unis, de nom-
breux ouvriers agricoles travaillent <;tans des conditions de quasi-sauvages. Dans certains Etats, les détenus
",.
nègres sont obligés de travailler dans les mines de charbon et plantations. Nous devons lutter d'une façon conti-
nue contre 'ce système d'esclavage dissimulé. Nous devons en finir avec l'accord de ;\\\\ozambique~. avec le ser-
vage, le travail coércitif, les (lcorvées», le travail règlé par des contrats conclus à l'avance et tous les autres
procédés employés pour masquer l'esclavage contemporain.
,
4. -
Lé gis 1a t i 0 il 0 u v ri ère (Assurances sociales, 'etc.). A titre d'un des moyens de hausser
le niveau d'existence des travai lieurs, nous devons exiger des lois sur les assurances prévoyant l'assurance
çe tous les ouvriers, aux frais du patronat, contre le chômage, les accidents, les maladies et la vieillesse,
l'assurance sur la vie, etc.
5. -
D é f e n s e des f e m mes e t de' 1 a jeu n es s e. Le Comité International des ouvriers
nègres exige la protection des femmes et de la jeunesse ouvrière, un salaire égal, des allocations identiques
et des conditions de travail adéquates. Les ouvrières doivent avoir droit à un congé rétribué avant et après les
couches, et après ce congé, à des interruptions au cours de la journée de travai 1, pour l'allaitement.
6. -
D roi t S y n d i cal.
Nous menons la lutte pour le droit de grève, pour le droit d'organiser
des syndicats, pour le droit de parole là oil ce droit n'existe p a s . .
.
7. -
Con t r e l a
colla b 0 rat ion
d e
c 1a s s e:
nous devons mener .une lutte active
contre la coércition gouvernementale, contre l'arbitrage et les «company unions», contre la collaboration ré·
formiste des classes sous tous ses aspects.
.
. .
.". 8. -
Con t rel e s
bar r i ère s
ct e r ace dan sie s s y n d i c a t s. La premi ère con-
dition d'une lutte victorieuse c'est que tous les ouvriers nègres sans exception soient syndiqués. C'est pourquoi
.
nous devons mener une lutte inlassable contre les (,barrières de èouleuT», qui existent dans certains syndi- , .'
cats blancs, pour l'accès des syndicats librement ouverts â tous les ouvriers sans différence de nationalité
ct de couleur.
'.- 9. -
S y n d i c a t s s P é c j a u x pou r i e sou v rie r s
n è g r e s.
Là où la .,bJrri ère
de
couleur,) n'a pas été supprimée et où les syndicats blancs refusent d'agréer les ouvriers nègres. on doit créer
des syndicats nègres spéciaux; les syndicats doivent être également créés là où l'on admet les Nègres dans !es
syndicats blancs mais où on les traite en adhérents de deuxième ordre ne jouissant pas de tous les drOits
et avantages accordés aux autres adhérents.
.'
10. -
Con t r e l ete r r 0 ris m e
b 1a n c. Nous devons mener une lutte vigoureuse contre la
terreur sous toutes ses formes, contre le lynchage, contre la terreur policière et mi fitaire, contre le meurtre des
leaders et mi Iitants syndicaux, contre leur arrestation et bannissement.
Il. -
Con dit ion s dei 0 g e men t e t de vie. Les conditions de logement et de vie des
ouvriers nègres dans les centres industriels comptent parmi les plus mau\\'aises qu'il y ait au monde. Nous
dcvrns exiger qu'on accorde la sollicitude voulue à la protection de la santé et au bien-être des ouvriers nègres
et de leurs familles en cherchant à obtenir pour eux de meilleures conùitions d'habitation et de vie.
12. -
0 u v rie r s a g r i col e s.
La situation jes ouvriers agricoles nègres est la olus pénible.
Il faut que les salariés agricoles soient organisés en syndicats luttant pour les revendications spéciales des ouv-
riers agricoles, y compris la réduction de la journée de travail, la législation sociale, la protection du travail
des femmes et des enfants, etc.
13. -
Con t r e l a· con fis c a t ion
des
ter r e spa ... s a nn e s e t
c 0 m m u n ale s,
contre la capitation et l'impôt des cabanes.
La question agraire, et notamment"la
question de la politique agraire du gouvernement Sud-Africain, forme un problème spécial. La confiscation
de la terre aux indigènes et sa remise aux colons blancs dans diverses parties de l'Afrique, la confiscation des

terres aux Indes Occidentales, aboutit à créer une paysannerie sans terre obligée de chercher du travail d~~i
les fermes blanches on en ville. La situation est aggravée par les impôts sur les maisons (cabanes) et la
capitation, ce qui entraine une exaspération de la concurrence sur le marché de travail. Les salaires tombent
de plus en plus entrainant une aggravation générale des conditions de vie. C'est pourquoi nous devons mener
lalutte contre la confiscation des terres indigènes, et pour l'abolition de toutes les lois et de tous les impôts
spéciaux qui ont pour résultat d'évincer les paysans.
.
. 14. -
1 n s t r u ct ion g é n é rai e. En vue de diminuer l'analphabétisme parmi les ouvriers nègres
et leurs familles, et d'élever leur niveaudeculture i1faufréaliser l'instruction générale primaire et moyenne pour
les enfants des ouvriers, et la fondation de cours spéciaux pour les ouvriers adultes. En même temps, nous de-
VOI1S exiJ::er
l'aboi ition
de
"ise lement
de
race
dans
le
système
de
l'enseignement.'
15. -
E gal i t é ci v i 1.\\ u~. La tnche essentielle qui uoit être réalisé~ al! point dc vue du travail
d'agitation et d'organisation, comme un premier pas
dans notre lutte fondamentale contre l'impérialisme,
consiste à exig~r l'abolition de toutes les restrictions de race, des (,\\ois sur les passeportS>l et autres textes légi-
slatifs et règlements limitant les droits des ouvriers negres, à exiger le suffrage universel, la liberté de parole
et de presse ouvrière. II faut abolir partout les «barrières de couleur:> et le système de caste qui existent dans
l'Afrique du Sud et aux Indes Occidentales.
16. -
D roi t des
N è g r es à
dis P 0 s e r 1 i b rem e n t
d 'e u x-m ê mes.
En Afrique
du Sud, aux Indes Occidentales, et dans la partie méridionale des Etats-Unis, les syndicats des oU\\TÎers nègres
doivent devenir des organismes centraux; ils doivent transformer la lutte économique des ouvriers nègres en une
lutte combinée économique et politique pour le pouvoir et l'auto- détermination.
"
17.-Lutte contre
l'Influence de
l'Eglise et
des
Idées et courants-
b 0 u r g e 0 i s e t
pet i t s
b 0 u r g e, 0 i s.
Nous
devons
lutter contre l'influence
de I"église
et contre l'idéologie bour,::eoise et petite bourgeoise, .et le mouvement qui s'y rattache. En offrant aux ouvriers
,"
et paysans nègres une récompense au ciel pour la misére et les calamités de la terre, l'église obscurcit la cons-
. cience des travai lieurs nègres, en fait une proie passive du capitalisme et impérialisme. L'idéologie bourgeoise
..
et petite bourgeoise et les courants tels. que le harvéisme, etc. écartent les ouvriers nègres de la l\\ltte aux
côtés de la classe ouvrière internationale pour leur affranchissement du joug du capitalisme et de l'impérialisme.
18. -
P é. ri 1 de
Gue r r e. Le Comité Syndical International des Ouvriers Nègres signale aux tra-
vai lieurs nègres du monde les preparatifs que font les impérialistes pour une guerre nouve Ile contre l'Union
Soviétique, patrie de tous les ouvriers et peuples opprimés. D'autre part, point n'est besoin de si~naler ce fait
que les impérialistes rivalisent dans leurs armcments en vue d'une guerre qui ks dr~ssera les uns contre les
autres pour faire le repartage des sphéres d'influence coloniales et semi-coloniales. Cela ne signifie pas seulement
une aggravation des charges économiques pesant ~ur les ouvriers nègres; ce la provoquera une extermimination co-
lossale des soldats négres recrutés parmi les ouvriers et paysans. Pour comprendre ce que les ouvriers nègres
risquent dans la guerre future, il suffira de rappe 1er la derniere guerre au cour de laque Ile furent m3.ssacrés des
centaines de milliers de soldats noirs qui avaient été incorporés aux armées impérialistes. Les troupes noires
n'ont trouvé aucun profit en luttant pour les impérialistes. La guerre finie, les Nègres ont été cruellement oppri-
més dans les pays impérialistes et colonies, et même des colonies tout enti ères ont été condamnées à un
véritable
esclavage. Actuellement les impérialistes préparent des armées noires, pour la guerre future; dès maintenant
ils uti lisent les troupes noires pour écraser la lutte ouvrière (France) ou pour combattre les ouvriers chinois,
comme le font les impérialistes anglais.
'
Les ouvriers nègres du monde doivent mener la lutte contre le péril de guerre grandissant, ils doivent
mobiliser leurs forces contre les impérialistes qui font appel au concours des troupes noires pour écraser les tra-
vai lIeurs.
Tous au secours de vos fréres ouvriers!
Dressez vous pour la défense de l'Union Soviétique!
Approuvant le programme élaboré par le Comité Syndical International des Ouvriers Nègres le Bureau
Exécutif de l'ISR convie toutes les organisations affiliées à l'ISR et notamment les syndicats et minorités ré-
volutionnaires dans les pays impérialistes (Etats-Unis, Angleterre, France, Belgique) à contribuer activement.
par tous les moyens, au travai 1ct 'org;lIlisation parmi les ouvriers nègres.
En particulier, les organisations et minorités révolutionnaires doivent se proposer les objectifs suivants
dans leur sphère d'action.
'

1) Faire connaitre largement l'activité du Comité Syndical International des Ouvriers Nègres, diffuser
l'organe (,L'Ouvrier Nègre» et reproduire les matériaux de cette publication.
2) Dénoncer l'activité- des impérialistes en Afrique, aux Indes Occidentales, etc.
3) Lutter contre le chauvinisme de race des ouvriers blancs et pour une solidarité fraternelle des ouvriers
blancs et de couleur.
4) Lutter pour le droit d'auto·détermination (y compris le droit de créer des républiques nationales Nég-
'res indépendantes).
'Le Comité Syndical International des Ouvriers NegrfS prés l' ISR.
'

LIGUE DE DÉFENSE DE LA RACE NÈGRE
43. RUE DU SIMPLON -
PARIS-XVIII'
Au Peuple de France!
:'\\otre I.igue le cundc ,. ce I\\leeling puur le fair<' enlendre ses prolest:llions' indigl1l'es. Les agisse-
ments inhumains du ~Iinislère des Colonies, " Bastille moderne et plaie de la Troisième République .. et
des gouvernements coloniaux, l'obligent il sortir de son silence. Ces
organismes,
pourtant
républicains.
violent toutes tes b'aditions faites de noblesse, de générosité et d'humanité. Peuple-roi. toi que 1:l Décla-
mtion des Droits de l'Homme honore de fa,;on éternelle parmi les aulres peuples et place en leur premier
rang, nous voulons t'intéresser il ton propre :n'enir.
Aux Colonies, nous n'avons aueune liberté. L'Indigtnat y sévit. C'est le régime de la terreur. Par
su eirculaire confidentielle il
258-C. le Gouvernement Général de l'Afrique
Occidentale
Française
a or-
0
donné il ses Licutenants-GoU\\'crneurs de confisquer k journal Lu Ruce .\\'egre, de relever les noms de nos
abonnés. d'exercer une pression sur les membres de la Ligue. Ainsi :
~nl. ,Jore, (joun· ... J(·ur du S,"II('gal:
VadiN, (lou,'erncur de Dakar el dépend:l11ces:
llourgine, Gouverneur p. i. de 1;[ ClÎle-d'lvoire;
Fourn, Gouverneur du Dahomey,
ont obéi. L'Administration coloniale des postes et télégraphes est complice.

La Chambre des Députés vient de renouveler pour l'in;;! ans le privilege rle la Banque de l'A. O. F .•
laquelle" exploite la misi>re " de nos peuples et y ramasse 28 mil!ions de fr,uncs pur an. :'\\'os terres, nos
for'·ls l'assl'nl dl' l'lus en pins dans les ,erres des grandes eompagnies ebneessionnaires. L'expropriation
h'gale a beau jcu. C'cst I·exod.· n'rs Ics eolonics (·tran;.(èrl's. .-\\n Congo Français, nos eompatriotes meurent
de faim. La pension l!'il1\\'alidité il Ion 0,', d'un tiraillcur sénégalais (lui a un enfant l'gale le neuvième de
celle d'un invalide blanc il 100 "
placé dans les mémes conditions. :'\\os mutilés et blessés de guerre sont sans
soins médicaux. Les "em'es ct orphelins cie guerre ne jouissent d'aucune pension. Tout compte fait, l'au-
tochtone n'a plus droit ~lu'à payer les impe;l,. acquitte;' les prestations, subir les lois sur le recrutement mili-
taire, manifester son contentement en se taisant, se réfugier dans l'hypocrisie et mourir le cœur chargé de
haine contre le doux et beau nom de France. Il y a quelques mois, par 500 "oix contre 31, la Chambre du 11
~rai a refusé le droit de yole aux Incligènes. :'IIanifesta~ion (;clatante de l'instinct de conservation ~
Le responsable' de toute cette grave situation est le ~rinistère des Colonies, demeuré réactionnaire et
archaïsant. Il continue cie faire appliquer t'n notre éplX]ue moderne les méthodes romaines de colonisation.
méthodes (l'ailleur~ perverties.
Peuple de France, IW dilemme l'est donc posé:
L'assimilation en bloc de tous les indigènes sans restriction, avec toutes les conséquences logiques et
politiques de ce fait;
Ou hien l'acceptation de la question nettl'ment nation:Jle de nos peuples par la voie pro\\;soire des
Dominions.
Il te faut choisir.
Peuple de Frauce, au lieu d'écouter les rhl'teurs, les prometteurs de lune et les Tartufes coloniaux.
sou"iens-toi de l'inquiétant 'problème colonial p~ndant les élections législatiws du 22 ayril. La paix naîtra à
Genève, dit-on. :'lIais elle sera incomplète si les colonies reslent la chasse gardée de l'arbitraire. :'\\'ous en appe-
lons à toi.
:'\\orl!-Africains, Inrlochinois, coloniaux de toutes les r'aces, plus que jamais la solidarité est indispen-
sable entre nous.
LA LIGUE.
. ~ ~,..: .
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'-L"eaw"biLioa.'4. Mll'cua-Ganey; ID. ClUD
II tulaDcl 'l'l'om rewa &lIK mtgru l'Alnqm.
do 'Iubourr. lur la actae dl ceLiI a.u..
Ooo'dlataJ. qat uL LJGr pallie "6ritable.
aocbe~bou.rL ~.bil.U.'4Ij 'dl lDoins 1''JUta qu'om I.u. _1... ·11 drolL do dIaPO_
ma.airull.Üoa.s, raH ballaear k l'flclecLisme
d'Iu·ra.cau IL, JOU l'tridi d·ua. IOQWI'-
Ia'VOGreQS dl Uo P~ld6.a, Au d'buL dl la
Dlm'DL bila. a. lU. d. ooalr61u leur
IUnce. 10audiLoiri a,.taiL litT' • UDllGague
propre 4..1U1 4&11I I·....bro LmUl&lro, _
diICUJ.loa.ur QA au.j.1. lalttre 'V(lquuL
lateadu. d. la .sooüt.t du lfaUoAao
toaLu Il. ro... dl l'alc~v"L d. Il garçoa-
, r.uo ..~ .i"'pU.lO. lllZ regard. dm • N-
altre .....4, em épilogu•• proDlam.Uoa pu
Ilb" 19i\\.&l.eur • 1& lGI_ut.i.Oll . d'Cl prabl'm....
po..... bom"'.. do~ lI'oil lIIillo lAI
'sclaveslL qui D' peu1IIlL plut Il MUlrure
d'Ulllool1diLioa. laC'r1l:a.n. car il. a.1 IGlil
pu lei. quo mollO III \\ 01"0"', Si l'lAciu mt-
cr' ••bll........I.cl qllO .. lhlAL 1.. Dèpu
mga:vl&U-
.
.
.......... "ooe .~.,
, L'lmLerpNLo baU. do pl..... pl.. ; JI....
Gua oa.ne,. leBd l recoID.aumc.er IOD d.J.t-
ooun IL comm.,' do.œ.111I&1u prot.ut&tiou_
10mL omLocdto U dOlllUd.·, l'lmdillllro do
prooIOlll••• oa 10V&llL Il maill, 'l'l'U ..LI'"
lui la pl.ia _ r d .L ll\\l'U &db'" lllZ ...
wDdlcaUODI qa:U -nta ~ d. lormwcr.
.
BII.. II'ladillllr.loIaI••a· ri... praloo.
" . tllout.u III lIl&fu .. 4nIMa.l. r eom-
pri.ooU. d. Roa'
1. p'" d. ao-
touù.. q.1 PC" d
",..UOll' :
.
- !lL..o pu amolU' do Il l'raa.. q.o 1.
Dofn d'A.lD'riqul JODl. veQal .1 b&un lUI'
aoD 10), oa bleD oD~ih 'L' d'Lumlo" par
lOI pro"'..... d. U - . . . qu'om lolIr 1\\'IIl
Ca.iLea ,.
• tt'uilLe-L--il pu. III Am.'riqDI, d.. olubl
Jlarcu Garn,. parll
d. aolra plU ooIorU 'l'lll.terdil.aL 1·.....
d. oeas-JA. awc obleu IL au Dain latt-
UD' cbarmut. roD3l.Doi~re, d. la liberli pau.'.
. .
colllplèt4 la &mOU%' dG. 1. mulaga.I'uU.
Marcus alrftJ' al r600ad pu. Dl.at.r.....
qUI &d'Utt D'61nt qu'UD pr6ju.' iAdlpl J:!slviblioa d. Ua Poldn,.&OOU.s.aUlun nh"
III DOUI otV\\hsaUl)D.
W~l\\l't ,,~r.a"\\ln il.U oull"te.LlOa. l.1.,,~.
Ce tuL G'&1. NaJl Il direoLlur du Club du
grallurs lubt.ila. "ooL:l1 lalr. 'nlladN.IL
rlabourll.iL mfalgu 1.!.tTel.el. trrUI-
voici ,. r~d. oapU.lal au lonreoar. qui.
~.....a.;WmIU L'awlüAlr.4au·5".0U'...YU IIl.JlOlt. dl pt" Il J•• JuP '&DI &a.dul-
_ .. J'oa peuL .'uprimer -&I.a,!. Il DOUI IDL· '1'De. aucuDI. ,ouJnUll" la col're obar·
DDI p.....trar&DLt dl Plal MOfud lUI' .14
Duale d'ual méLtUt a.dorabtlmID\\. lralt-
IillGie Mi,.. tl.I••••prita •• LlOUYUlL aiDsl
qUI oL belle' souh&J1. ~II'" ••..LUD priaCi.
prtput•• ilIDDODca 1•• dl6bre 'IiLaI.ur porL.nL 1. Dom clr... ,~ .
atP'S MateUl Ganey, direoteur du Jion" l~uL da Nonlou. qU~. r.""'''';'''}''';h~·'!'·
""'=
......
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"noir. 4Di,':l persoDa., el ID babiL boatoDZl6 ~ aD. voiX" douelt, ruL
i':;"";:
.'
lar la doabl. bl&Dcbear da la ara...at. aL d.
1éloI" caadld. d. H'
W~"
l.ob.~iH, priL
-
plao'llIr 1. lot:a.,&OOUSuU..
treru.e. COI1\\'i' l..
~ff:
dalla 1"1IlJ.D:lbl.. aa. l.tOablaaLe lUI.m..
blaDc,. aUlqu.l. Il
J!....
büROe anol'ADcllrL
.mprunL. . . . .0 ~QL
l'Iii';",
I.ur .y.telD' ,.eeLl..
~"'':'
rueaLeir.... 1.. alm.r
~ ".ti~.... ~
'L k lu llbt:rer. InOn
,.i..~' A
Muon Garvty a. pari. qU'aD. I&DID', !l.o' Mare ,.1.aL .... ~~~,~'\\..,
l'aDllaJl.II&.I. Il la pul.....0 rone. Il,..,
l'rtIOOUUI pouJ'd6- "~"'"....~':\\.
oeu••u rl'lquuacoeuta qaidol..u.L plaire
1l1arer qu'" ni tA,L ~ 9:l1t,:::f:.:'-':s:r...,,"
k 100 publio h.biLuel.m'rio&l1lo U ponolU.
rufln d. dlrrtreae.
:;":""
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sel pb,..ea dlS'Ul•• ,;aerclqau I~ Il l'oa
'a Lrt 1•• OOIODi.... ' ,
r.rm&.lL 1•• y.us. OD orolnn ouir uo dl CI'.
llun.arope.al, touL '; IL a'M Jl&t&a '
or&t8un improYina d. la baDIi.a. roUI'
.a adCD.Lt.&DL qal JI '.:
.
dl PaN. r'pt\\aD\\ aal l'COD appml dl
rrallClil
baL lu aflg,.. ail pea
lDolAl
cllobu loaJoar. lu m6m.. 'L S'DI oe"l
rorL qUI l'Am6riouo 0," l'AarlalL
r........... L&ll'aduDUoa.au.ru.reLkIllNare,
M&1I, dh ML lalLla.. aD .atL qu'IDLn
, 1. [Clis b6&llaAlO.L I",p"'in do ... <\\100 "oLn lal.ll.oLu.I••L .MIII" dOl 411I.".
oaLioa pU' uat iOLerprttt k la "lOI.. obm-
liODa proroDdea UlaLetL taiLu d. rinUt61
L&D.l.e,aL la d*lOlaUClD.dU aoinlLdu aoim
d'upfloe••d'lmbILloD•• p.ial d6guil"" dl
"'CUlLa qal a".ieal pria pile. d&lll Il
buny dOboœm••
uHao autre Il • c616bre agit&Leur. eL OU
d6Jk rtvlat, .OU.
CUL aa m....1t' d. l' • uaool.LloD dlrl
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La Dépêche maritime et coloniale
9 octobre 1928

Ne
••

VIsItez pas
l'Exposition Coloniale
A la veille du 1" Mai 1931 et à l'avant-veille de l'inauRUration de l'Exposition
Coloniale, l"étudiant indo-chinois Tao est enlevé par la police française. Chiappe, pour
l'atteindre, utilise le faux et la lettre anonyme. On apprend. au bout du temps nécessaire
à parer à toute agitation. que cette arrestation, donnée pour préventive, n'est que le prélude
d'un refoulement sur l'Indo-Chine. * Le crime de Tao? Etre membre du Parti Commu-
niste, lequel n'est aucunement un parti illéllal en France, et s'être permis jadis de mani-
fester devant l'Elysée contre l'exécution de quarante Annamites.
L'opinion mondiale s'est émue en vain du ~ort des deux condamnéS à mort Sacco et
Vanzetti. Tao, livré à l'arbitraire de la justice militaire et de la justice des mandarins,
nous n'avons plus aucune garantie pour sa vie. Ce joli lèver de rideau était bien celui
qu il fallait, en 1931, à l'Exposition de Vincennes.
L'idée du brigandage colonial (le mot était brillant et à peine assez fOlt), cette idée,
qui date du XIXe siècle, est de celles qui n'ont pas fait leur chemin. On s'est servi de
l'argent qu'on avait en trop pour envoyer en Afrique, en Asie, des navires, des pelles, des
pioches, grâce auxquels il y a enfin, là-bas, de quoi travailler pour un salaire et cet argent.
on le représente volontiers comme un don fait aux indigènes. Il est donc naturel. prétend-t-on,
que le travail de ces millions de nouveaux esclaves nous ait donné les monceaux d'or qui
sont en réserve dans les caves de la Banque de France. Mais que le travail forcé -
ou libre -
préside à cet échange monstrueux, que des hommes dont les mœurs, ce que nous essayons
d'en apprendre à travers des témoignages rarement désintéressés, des hommes qu'il ..:st
permis de tenir poor moins pervertis que nous et c'est peu dire, peut-être pour éclairés
comme nous ne le sommes plus sur les fins véritables. de l'espèce humaine, du savoir, de
l'amour et du bonheur humains. que ces hommes dont nous distingue ne serait-ce que
notre qualité de blanc., no~s qui disons hommes de couleur, nous hommes sans couleur.
aient été tenus. par la seule puissance de la métallurgie européenne. en 1914, de se faire
.:rever la peau pour un très bas monument funéraire collectif -
c'était d'ailleurs, si nous

ne nous trompons pas, une idée franfaille. cela répondait à un calcul frant;ai. - voilà qui
nous permet d'inaugurer, nous aussi, à notre manière, l'Exposition Coloniale, et de tenir
tous les zélateurs de cette entreprise pour des rapaces. Les Lyautey, les Dumesnil, les
Doumer qui tiennent le haut du pavé aujourd'hu; dans cette même France du Moulin-
Rouge n'en sont plus à un carnaval de squelettes près. On a pu lire il y a quelques jours,
dans Paris, une affiche non lacérée dans laquelle Jacques Doriot était présenté comme le
responsable des massacres d'Indo-Chine. Non lacérée.
Le dogm~ de l'intégrité du territoire national, invoqué pour donnEr à ces massacres
une justification morale, est basé sur un jeu de mots insuffisant pour faire oublier qu'il n'est
pas de semaine où l'on ne tue, aux colonies. La présence sur l'estrade inaugurale de l'Expo-
sition Coloniale du Président de la République, de l'Empereur d'Annam, du Cardinal
Archevêque de Paris et de plusieurs gouverneurs et soudards, en face du pavillon des miSSion-
naires, de ceux de Citroën et Renault, exprime clairement la complicité de la bourgeoisie tout·
entière dans la naissance d'un concept nouveau et particulièrement intolérable: la "Grande
France". C'est pour implanter ce concept-escroquerie que l'on a bâti les pavillons de
l'Exposition de Vincennes. II s'agit de donner aux citoyens de la métropole la conscience
de propriétaires qu'il leur faudra pour entendre sans broncher l'écho des fusillades lointaines.
Il s'agit d'annexer au 6n paysage de France, déjà très relevé avant-guerre par une chanson
sur la cabane-bambou, une perspective de minarets et de pagodes.
A propos, on n'a pas oublié la belle affiche de recrutement de l'armée coloniale: une
vie facile, des négresses à gros nénés, le sous-officier très élégant dans son complet de toile
se promène en pousse-pousse, traîné par l'homme du pays -
l'aventure, l'avancement.
Rien n'est d'ailleurs épargné pour la publicité: un souverain indigène en personne vien-
dra battre la grosse caisse à la porte de ces palais en carton~pâte. La foire est internationale,
et voilà comment le fait colonial, fait européen comme disait le discours d'ouverture, devient
fait acquis.
N'en déplaise au scandaleux Parti Socialiste et à la jésuitique Ligue des Droits de
l'Homme, il serait un peu fort que nous distinguions entre la bonne et la mauvaise façon
de coloniser. Les pionniers de la défense nationale en régime capitaliste, l'immondc.a Boncour
en tête, peuvent être fiers du Luna-Park de Vincennes. Tous ceux qui se refusent à être
jamais les défenseurs des patries bourgeoises sauront opposer à leur goût des fêtes et de
l'exploitation l'attitude de Lénine qui, le premier au début de ce siècle, a reconnu dans les
peu pies coloniaux les alliés du prolétariat mondial.
Aux discours et aux exécutions capitales, répondez en exigeant l'évacuation immédiate
des colonies et la mise en accusation des généraux et des fonctionnaires responsables des
massacres d'Annam, du Liban, du Maroc et de l'Afrique centrale.
André Breton, Paul Eluard, Benjamin Péret,
George. Sadoul, Pierre Unik, André Thirion,

René Creue/, Aragon, René
Char,
Maxime
Alexandre, Yve. Tanguy, George. Malkine.

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, dli. vu· .Congrès da: Parti Commmte f~liçais'~:;>_
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.sur la'Questioli- :Colonial~~"·' ! ,-
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et les colonies courbëes sous le joug tsariste. Il recrute de force des soldats dan. les çoloniea afin de
. s'en servir dan. la guerre impérialiste mondiale, dont nous avons en. Chine la premiére phase.-
Socialistes esclavagistes
.
.
.
.
Dans ~oute cette politique. d'ex~lo.itation.inouïe, de terreur, et de guerre, l'impérialisme français"
est .soutenu actfveme~t par le Parti· Soclahste. Non seu~em~nt c.e p~i !lui fit I~s guerres du Maroc et de
Syne a: renoncé depUIS longtemps li combattre la cblomsatlon Impérlahste, m'aIs avec. ses Varenne, ses
Boncour, Moutet, Frossard, etc., il est directement à la solde des' requins impérililistes. et des !!J'os colons:
., Ses organisations comme la Fédération socialiste dl~Tonlùn, exigentlà répression la plus (é~oce_contre
les ouvrien, et les gaysans indochinois..
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.
.~omme li. Importe .quelle autre firme. c,?lon~a!is~e, la C.G.T., a participé o.fflciellemenL~rexposi-
hon de Vmcennes pour serVir la propagande de l'imperiahsme.
' . ' . .
.
.
.
.
I;-e Par~i Socialist,: pubIil!' dan~ ~a presse des e~citations au partage de la Chine. Dans toutes. les
c~lonIes, Il soutient la. pqlit~que- Impëril!'hste;- de corruption et d~ .rol.lie~ent dus 'éléments collaboration-
nIstes et contre-révolutionnaIres de la feodahté et de, la' bourgeOIsie mdlgènc.. lI'nec'cesse· de menel: son
infâme campagne contre l'Union Soviétique; drapeau de ral1iement des exploités du. monde' entier dans la
lutte contre les impérialistes: Il est le principal soutien social de l'iinpérialisme et de l'esclavage colonial.
( .' Unité révolutlonn.aire d~stravailleur~ de, France avec le"o~p~lmés.·
. -, des colonies -
. ~lais, malgré les mesures sanguinaires et les manœuvres dérisoires dé 'l'impérialisme français.et
. Q::. sen' Parti Socialiste; la mouvement. révolutionnaire grandit dans toutes les colonie3.·, ,...
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. ,. Les. masses. indigènes ont éommencé à se dresser· contre leurs bourreaux, comme' l'ont' montré
I~s mouvements révolutionnaires et· les insurrections en Indochine, en Syrie, au' Marac. e.nAfrique Occl-
deutale et Equatoriale. Le jeune mouvement ouvrier et paysan révolutionnaire-odes colonies a- compris
qu'il ne pouvait. vaincre que sous la direction des partis. communistes. L.'existence. d'un Cort et hérOïque).
. Parti Communiste_ en Chine; la croissance du glorieux Parti Communiste indochinois, le r~nforcement
du Parti COmmuniste de, Syrie" malgré la répression,. le développement de'· l'organisation communiste
.
en Algérie,. dei éléments communistes en Tunisib. l'union dans la lutte der travailleurs-' coloniaux. et .
français -dans la métropole, tout· cela crée ..' tOute8 le8. condition.s nécessairu pour la: viritable- UIiiM ré-}'-
uolutionnaire de8 ou/mer8 et de8 pa!J8an8 de France' avec- leur8 fr~rell' de$ colonie~...
- .
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Le septième congrès du P.C.F. salu!, la magniflque action révolutionnaire des peUPleS'coloniaUX)
et partis communistes. des colonies, 'partieulièrement les ouvrien, paysans.. étudiants, soldats- et marins
-
,annamites et leur gu~de, l'héroïque. Parti Commùiùste d'Indochine. Il 8'enaage' à leur apporter le soutiell '
.. -le pl/l.8 con8tant et l'iude la plus dévouée. '
.. ,... . - ' -
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'[ous les ~uo/iers et pàysïins-de France doivent'comî>re.ndr~quela'l~tte q!1e mènentlea'!?Uvrie:r.s.et·
" les paysans d'IndochIne et des autres colonies contre la dommatlon de1'lmpênal1sme français, faCilite
.. leur propre lutte'révolutionnaire et entrave l'action de "'l'impérialisme Crançais pour.. le dépècement de la
-Chine et. contre l'Union Soviétique."
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NOS MOrS D'ORDRE DE. LunE
"1.11 .
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.AuxlraTsillett4's lIèSt'es de 'F1'a~oe .t de.Oé1C'J'
-nies"
-~-------''''~...:
.._..._-_._~---..--
Cam8rades~
_.'
La C.G.'lr.U. a inviM notre Ligue à
assister ct à collaborer aux tr3vaux de son 6° Congrès National~
La Ligue de Défense de la Race Nôgre
a accepté avec empressement cette invitation.Son programme de lutta
qui comllorte beaucoup de points comuns avec le programme géneral de
lu'C.G.'lr.U. lui,en faisait U~ ~evoir.
.
Des trwailleurs nègres ont donè'efé
délégués par notre Ligue pour suivre les nravaux de,ce Congrès,avec
mission d'intervenir sur la base des revendications ci-a.près~
.
.
Notre Ligue espère que la majorité
dés tr~vailleurs Nègres de Fr~:mcc :linsi q,ue ceux aes· Colon:"'es ·lui
donneront leur entière appr ocation.
.
Sur le programme revendicatif ~e-la
C.G.T.U. notre Ligue est entièrement i'accord puisque les lnt~r~ts
des trava illeurs nègres ct blDn~s sont les memes.'
.-
.
I.Iais les travnl11eure 'nëgres . ont des
revendications particu1ièrcs à formuler et qui lrnOUtiront dans l~
mésurc où les trava illeurs 'blanl'Fl et noirs sau!"ontmcnerla lutte
commune contre leurs e~ploite~rs communs.
Ces revendications sont de ~èUX sortês:~
RevendicatIons des travailleurs nêgp
gres en FrJncc et revendications des trava~llcurs nèg!"es vivant
aux Colonie s...
-
_.
Pour le~ nèg:es trDvaillant en Fran
ce nous revendiquons: IO-A travail égal.salairc égal.
2°-LIemes aroits sociaux et politiques PQUr.·,las"
travailleurs nègres r85,dant en France que les trDvaill!3urs blanc.~~·/'
..
3°··Jcuiss1ncc d~ns leurs Colonies i 1 origi.!!~ ~.
bénéfice des lssurnnces s~ci1les destr1v~illeurs nègres ~~SUj~~tt.~u
à cette Loi ét qui rentrent dms leurs p'lYs ou üors reaibourSG~meI:li8
des cotisntions v e r s è e s ; "
. -
_
4°-duppression de toutû6 les rcstrlctioons 0 1
tant 'lctucllement sur b
liberté de "Tcyage entre'1:I France Pet'lé; :.:
Colonies noires.
..
..
.' '"""
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5 0 -Suppression de 1'1 .Police sp,§cl:üe
ch,:}"'~'c
do l~ surveill3ncc des ~r~v:lilleurs nègres.
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6°~int1en sur les listes de chl:O;~gé's~ns cof!.
d1tion. de temps d.e tous .1es trav1i~leurs nègres .. "ttein~s P!;lo'.le che.
m,'lge.
?O-R<Jp'ltriement ·~1tu.it 'S;Jns tr~G~;ss~rieS' :Jdl:l.i
nistr"Jtlves des trllv'J1lleurs nègres qui en font 11 de~n<ie
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gO-Duréè d.u service mil1tDîre 'Cou.r le;· .... old. t
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nègres ég~le à celle :les b 1 3 n c a '
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gr~dés qui exercent des oé
vices sur les sold1ts nègres.
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IOo-~terè.!ction de se servir des troupes ::toire
dnns le s c onfii ts de .zr ève s .
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'Iïo-Lib~rté de sor~1r quotidiennement pottr les
soldats nègres et liberté d.e lectures_
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I2°:'Suppression de toutes les (;onditions d'inf'f
riortsntion des SOd1ts ftoir3,
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14°-Indmnnités de chcmage à ~ous lGG mnrin3hè-
gres déb,::rquâs ég'Üe à è'elles cleé IDfl:rlns bl,ncs.
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rins n.è...,.é s •
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.
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I5°-Respect lu droit syndical pour les mnrins nègres· en WtlMe
I?O-Controle des org9nis~tions unit1ires sur les opèrntions-
d'emb~r~uemp-nt et ie déb~r~uemênt ~fin ie fnire cesser les injustices
dont sent victimes les mnrins nègres.
-
-
Et pour 2ês' nègres ~ui vivent et trnv,illent d~ns les Colonies
nous revenài~uons: -
-
I~~À trnv~il égal s~lalre ég~l aux trav~llleurs bl)D.cS
2°~Uniflcation des c~dres métropolitbina et Coloni~ux.
3°~AF~lfc~tlon de l~ ~ourn6e de 8 ~eures.
4°~Abolition-lu système du tr1v~ïl forcé.-
5°-Appliontioh Intégr11e de 1, légis23tian ouvrière:A}nccldents
du -tr'lV::iil tB )[Issur~mcesnuc fr~ls du p~tron~t!C hssur::mce contre lé
chool1ge ,D hssur'lnces ccr.tre les m':ll'ldies et 1-:1· vieillesse.
.. . .-~
ô Cl";'Prctectlon- des fe:r.mes et de 1:1 j'eunesse ouvrièrë.
. -
?O-Applic~tion des ±roits syndic3ux;droitde grève;aroit d'or-
g3niser des syndio1ts iroit
t
~bsclu de p~role et de réunion,liberté de
presse et de lectures.
-
8°-Interdiction de toute ~oercition gouvernementale en nk~t1ère
d~1rbitrlge.
..
gO-Accès des ouvriers nègres dons les syndicJts s~ns différencé
de n'ltionalité r.lveC joui.ss~nce de tous les droits et 'l"mntages .lJcccr-
dés 'lUX ua tre 3 d.h6rents.
-
.
-
.
IOo-SuppressIon du terrorisme bl~ho,chQtiment sGvère des œeurtri
ers des ouvriers nègres et interdiction des arrestntions et b~nnlBse-
ment des-lel)ders et milit,mts syndic~,ux~·
-
IIo-Ueilleures conditions d~h~bit1tion et protection ie l~ scnté
des ouvriers nègres.
. .
IZo-Interdiction de 10 confiscîtion des terres communales et p~y
s~nnes.
-
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I3°-Abolition de l'impot ies c3bnnes et le l~ ~1)it1~ian.
14°-RÔ"llisation de l'ir.struction g.3nérnle pl'iI:leire et moyenne-
pour les enf~nts des ouvriers nègres et création ie cours »1sp6oieux
pour les· ouvriers ndultes.
. ...
I5°~Respect du principe de ln liberté de consoience et suppres-
sion.le 11) c~ercition religieuse.
Ces revèniicîtlons constituent tout le ~rogram­
cc de notre Ligue de Défense;nous 1ppelons t?US nos ôJ=wrJdes nègres
résid,'nt en Fr "\\nce ou h'1bl t':!nt <lUX Colon~es a se mobiliser· I?o~. leur
~boutissemcnt.
]bis netre lutte serry vaine et at6rile,si;nous·
ne nous unissons p'lS 'lUX trJl'f'dlleurs bl'lncs de la -Mét!'~polc. ::".
Vive notre LigQe ~0 Jdfense de 11 R1ce Nègre!
.
Vivc-~) lutte commune de to~s les trn~1illeurs sl)ns distinction
de couleur! -
-
. -
En :lvrtntpour 1:1 lib~r.'ltion de tous les peuples nègres op;prinéll
p~r l'impèrl~lisme Fr)nç;is~ Le aomi~é Directeur ~e Il Lig~&
de :'Jfense de 1" R1CO N~gr~,

POÉSIE AFRICAINE
1
Voyez-vous cette immense étendue de continent,
Ces forêts gigantesqul's, ces monts géants,
Ces savanes sans borne, peuplées de milliers d'animaux?
Voyez·vous ces grands fleuves limpides,
Qui descendent de ces montagnes de rochers,
Et qui miroitent un ciel bleu et charmant?
Tout ce tableau mirifique, sorti du pinceau de la Providence,
- C'est Illon héritage patrimonial des siècles!
Terre sacrée d'Afrique,
Aujourd'hui que je suis grand garçon,
Je t'aimerai de toutes mes amours!
il
Et puis encore, voyez·vous cette rivière filante,
Avec, sur le bord, ce grand baobab au feuillage sombre.
D'où s'échappe la mélodie d'une foule de passereaux?
Cette cabane debout dans l'ombre du baobab,
C'est le foyer chéri qu~ lYïorf"·c-œur adore,
-_.~. _.._--
C'est les lieux des douces poésies de mon âme.
_
D'autres gars, eurent·i1s, en venant au monde, l'enchantement d'un si beau.Berceaul
Vrai pour tant de béatitudes, je frémis de gratitudes.
Terre Sacrée d'Afrique,
Aujourd'hui que- je suis grand garçon,
Je te serai reconnaissant!
m
Oui, Terre bénie, de tant de soins maternels, tu combles ma destinée.
Mes aïeux ont joui de tes ressources et de ta fécondité.
Aujourd'hui, tu caches dans tes entrailles- leurs Cendres Immortelles...
Le soir, au clair de lune, comme mon père parlait souvent des jours
tragiques!
Vois-tu là-bas, fils, me disait-il montrant le Sud,
C'est de là que les étrangers pénétrèrent dans nos domaines.
Ce sont des « gens de peau blanche )1, pourvus de puissantes
« choses )1 de guerre.
Avides de fortunes, ils nous battirent, partagèrent nos contrées, et trônent en maîtres chez nous.
Hélas! faits probants: dès que mes yeux sous le soleil s'ouvrirent,
.
Je sentis mes mains et mes pieds liés, un horrible fer d'esclavage pesait sur mon cou.
Terre Sacrée d'Afrique,
Aujourd'qui que je suis grand garçon,
Je souffrirai pour toi!
IV
Ma famiIle comptait jadis 145 millions de membres sur ce globe.
Mais la traite d'humains, l'oppression, la misère... l'ont dévorée.
Ainsi, .toute déshéritée, la Race Noire erre partout sans rencontrer une âme sensible à ses afflic·
Dieu, que l'esclavage est dur! Qui me rendra ma liberté chérie!
[tions.
Ma Patrie gémit. j'entends qu'elle crie: Enfants, cette vie, c'est de moi que tu l'obtins.
Et toi, retrouve·moi ma liberté ra'vie! )1
o Mère Vénérée, ne t'alarme pas: je vais à la bataille!
Terre Sacrée d'Afrique.
Aujourd'hui que je suis grand garçon,
Je te vengerai!!
Texte diffusé en Afrique par Emile Faure
et ses amis durant l'été 1935.
Source
ANSOM SLOTFOM III carton 73

RASSEMBLE\\lENT CüLOXIAL
et
mao~ DES TRAV AILLf.t:RS !\\'EGRES
f'i7
rue Charlot
-
Paru)
ŒONTP-F. ~OU~B PEDI~~R!BUr-ION DE$ ŒOLONIE3
Le Rassemblement Colonial et l'Union des Travailleurs ~ègres, déoidés à l~~er
en cacnun pour protester contre la redistributio~ des Colonies, ccns~ate~t ~;e, pvur
l'instar.t, les territoires visés so~t, de toute évidence, les ancie~~s Cclc:ies
AlleItaIldes.
Le R.C. et l'U.T.H. tout en a!fi~ant leur hostilité à l'e~eoble èu syst~oe
colonialiste oppresseur, déclarent qui ils IS' opposeJ:.t à :.me redistribution des F·a;s sus-
m~ni;ionr.és, peur les raisons suivantes :
1°- Les populations colonisées, martresses naturelles de leur desti~e et de le~rs ter-
ritoires ~e sauraient continuer à €tre
traitées c~_e d~s ~rer~ndises ou des objets
de troc.
En conséq1.O.ence, tout changeoent de leurs statuts politiq1.O.es ne peut léa;i';;iner.ent
s'effectuer qu'après les avoir consultés, en to'.:.te liberté •

2°_ Cette politique àe ~edistribution des Colo~ies participe de la ~~e trasi~ue er~e~r
e';; des ~~s c~plicités ~ui ont valu à l'Abyssinie d'être livrée a~ a~~es
fascistes Italie~~esdans le vain espoir d'assurer la Pai~ Surcpée~_e.
3°~ Le R.C. et l'U.T.N. s 'U~vent contre une nouvello redistribution des Colonies qui,
en installant à nouveau l'Allemagne en Afriq~e, après la conqu5te de l'3thicpie
par
l'Italie, aurait pour conséquence inévitable de faire de l'Afrique le ~héâtre d~
cette Guerre future que vetl1ent et prép arel1t les puissances totalitaire...
En conséquence, le ~C. et l'U.T.N. réclament qu'il scit coupé court i ces ~ni­
gan~es et convoitises, en transformant les ~Andats B actuels, en r.Ar.d~ts A q~i c~?or­
tont l'évol~tion des Peuples intâressés vers leur ~ncip~tion dans un ter~s l1=ité,
et, en attendant cette é~ncipation, de leur o:troyer ~édiat~ent les droits et libor-
tés d~ocratiques ,
- appellent tous les Coloniaux à se joindre à eux pour sou~enir ense=ble ces
revez:.dicat::ns,
- en appellent à toutes les forcos dér.ocratiques du ~onde entier pour assuror la
paix par le respect du droit des Peuples à disposer d'eux-m~es•
.. &-:- ;-: -;- :- :-

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?RO;u:r DE C".tL\\Rl':!: DIT C~ITRE
"i
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.1.,
j
~
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Le Centre anti-impérialiste se propose de coordon-!
ner l'action de tous leséSroupements, 'ouf- soit dans les
,;
I>~Ys opprimés par l'imp~rialisme frenç"Ùs, soit dans l a , !
metropole,poursuivent sincèrement, sous auelQue forme Clue ':
oe soit, la lutte contre le oapitalisme et contre l'impérie~
l~sma. L'impérialisme est, en effet, le produit. direct du
'.l(
regime capitaliste. C'est pour assurer aux cenitalistes
français des débouChés, des sources de matièrês premières!
une rémunération élevée pour leurs capitaux Clue les "COlO':
nies" ont été,oonCluises. C'est la même classe capi'taliste
,qui exploite, et maintient sous da domination les travai1-'
leurs mâtropolitains et Clui surexnloite et traite en escla-i
ves les indigènes Itcoloniaux".
-
. ' , .'
" _;
La' nécess i té d'un centre anti-impérialiste
se fait particulièrement sentir à ,l'heure où la bourgeoisi
française annonce son intention de "se replier R sur son
Empire, c'est-à-dire de surexploiter davantege,afin d'es-
sayer de trouver à la fois une solution à la orise économi ,
Clue dans laquelle elle Se débat et une compensation à la ~,
perte de ses :z;ones d'influence en Europe Centrale.
Mais ce sont surtout'les menaces de.guerre ac~~el~:
les Clui rendent indispensable la conjugaison de toutes
les forces antiimpérialietes. La guerre localisée entre
telle ou telle n3tion européenne mais elle prendrait im.xœ-:
diatement lecarectère ,d'une guerre mondiale. Tous les
-'1
peuples "coloniaux" y seraient directement impliqués l pare
que cette guerre eurai t pour enjeu essentiel les ncolonies~
parce qu'elle se- dérculer~3.1 tprincipe1ement sur les terri-
, toires "coloniaux", parce qu'elle ferait une effroyable
'consoilll:1etion de chail: à canon "coloniale".
Au moment.où l'impérialisme trançais invite les.,
peuples par lui opprimés à défendre 1 1 "intégrité d~ l'~
pire" le Centreanti-impérialiste français déclare que,
' .
dans la confl1 t de demain, le droit et la justice ne ,.
seraient ni:'.dens un cemp ni dans 1 'autre, ,que l'intéret
,
des peuples "coloniaux" serai t de ne prendre. part! ni pour,
un cemp ni pour l'autre. Il dénonce à la tois les impérià--,
lismes nantis ~ui arment jusqu'aux dents pour conserver"
le butin qu'ils ont conquis et les i:npêria1ismes moin~'
.•...•.......
..... ...:........_ ...- .....- - , -'" .~'_'.--,-'.• ~_~:
..• l...,'~_ •. _:,-'. ... _ ....
~..._~ ...... '... __,__ ..;...",_...... _ ...

., ': ,-, ~ ~ , .~.
;
'~l~..
bien serv1s <iu1 ar:;;ent jusqu'aux dents pou,r arracher eux pre-'!I'
m1ers une part de leur butin. Il n'est pas dupe des masques
. '..
d1vers dont ils s'a~fublent tous: les uns, comme l~ France et
l'Angleterre se posent en champ10ns de la démocrat1e"d 'eutreE:
CO~e l'It9l1e, en champ10ns des "nations prolétaire~"' d'au._:i[,
tres, enfin, COlllffie l'Allemagne (au mo1hs jus'lu'à l'ann~xion ..
brutale de la Tc~éco-Slovequie) en champions du "droit de
·1
libre disposit1on des.peuples ". Mais 11 s'agit, en réalité.
1
.de deux groupes de brigands se Querellent pour un nouveau
partege du monde..
.
Les impérialistes fra~çais, et ceux qu1 se tont
i
bénévolemen t leurs comp11ces, prétendent que défendre 1" inté-
. gritéde l'Empire", c'est défendre la démocrat1e contre le
r~sc1sme. Ma1, les peuples "coloniaux" ne peuvent faire
aucune différence entre dJmocrat1e et fascisme car· 11s n'ont
jamais bénéf1c1é des' l1be:rtés démocrat1ques et sont soumis,
.
depuis la conquête, à un :régime ressemblent comme un frère au:
rég1me fasc1ste. Ils ne veulent pas 'lue se renouvelle la.
tragiQue duper1edont 11s ont été v1ctimes de 191~ à 1918 :.
ils savent ce que valent'lespromesses de ceux qui.ne leur.
parihen1; d' "éga11té des dro1 ts" 'lue le jour où l1s ont besoin
de leur sang etqu1, ensuite, renientcyn1quement les engage-'
mnts pr1s. Des esclaves, pr1vés de toute . liberté .et de toute ..'
1ndépendance, n'ont r1en à défendre. Les peuples "coloniaux" .
se ret'usent donc à ~a~tic1per de leur ple1n gré à toute gue:rre
dans la'lualle sera1 t 1mpliqué l'impérialisme frança1s t a n t -
Qu'1ls ne seront pas po11t1quement libres. Ils sont résolus à.;
ûtl1iser,. en temps d-e paix, COIIll:OO en temps de guerre, toutes'~
les c1rconstances .pour se libérer, ·ale. f01s nat1onal.ement
:;
et socialezœnt •.
Le Cen tre ne combat pas seulemen t l.f impérialisme •.. ~
frança1s, ma1s tous les 1mpéria11smes. Il agit er;. 11aison
.
êtroi te avec le "Centre br1tannique contre l' imper1a11sme" "
..
n recherchera le contact avec les peuples opprimés. par ~es , :~
1mpér1al1smes 1ta11en, belge, néerlandais, portuga1s, ameri-'>.
cain, etc eH Ma1s sa conv1ction est que,. pour en :rin1revea
.
l ' 1mpér1a11sme en général, il es t ind1spensable que chacun:'.,
cœU1batte d'abord son propre 1mpér1alisme..
. . . . ......
Le Centre s'élève eni" in oontre tau te cession é'V~~~.
. tuella à tel ou tel 1mpér1al1sme de terr1 to1res "colon1aux~ ''0
aatue llement uossédâs on contrôlés par l' 1mpérialisme frença. i~
Il protestEJ côntre la concept1on révoltante de ceux 'lu! cons11
dèrent les peuples opprimés comme· une monna1e d'échange. Il.~
at'f1rme 'lue les indigènes "colon1aux" ne veulent pes changer 4
de t;l8ttres, ma. i5 s'aff:aanchir définitivement de tout joug
":..;1..
1mper1al1ste.
. .
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~,~ '1
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.
.
~-' .- --._._.,...• '._'
. - ~..&,~-- ..._.'.:-,
•... ~

916
SOURCES

917
LES ARCH IV~S ,.
I. Archives Nationales
7
Série F
carton 12897 communistes 1924-1925
carton 13090
campagne d'action contre la guerre du Rif
carton 13170
campagne d'action contre la guerre du Rif
carton 13171
campagne d'action contre la guerre du Rif
carton
13513
I.S.R. 1928-1930
carton 13948
Papiers saisis chez Kouyaté. UTN.
II. Archives Nationales Section Outre-Mer
( ANSOM )
1. Fonds SLOTFOM
SLOTFOM l
: Organisation intérieure et fonctionnement du service
carton 1
documents divers provenant des anciennes
carton 2
archives du C.A.I.

carton 3
carton 4
Organisation du C.A.I.
carton 6
personnel. Dossiers individuels
carton 8
ContrOle Postal
carton 11
Correspondance
départ 1919-1923
carton 12
Correspondance départ 1924-1925
carton 13
Correspondance départ 1926
carton 30
Correspondance en provenance de Marseille
1924-1926
carton 31
Correspondance en provenance de Marseille
1927-1929-1932
SLOTFOM II
:
Activités des inspecteurs et agents secrets
carton 2
Coco et Joe 1937-1938
carton 3
Affaire Faure/Kouyaté 1931-LDRN 1934
carton 4
Désiré 1925-1926
carton 5
Désiré 1927-1928
carton 11
'Désiré 1931
carton 12
Désiré 1929-1930
carton 14
Désiré 1922-1924

,
918
carton 16
Joe 1932-1934
carton 19
Coco 1929-1934
carton 21
Joe 1929-1931
SLOTFOM III
: Sareté intérieure de la France et Colonies
carton 3
UIC
Il
5
exposition coloniale 1931
Il
24
LDRN
Il
27
Originaires de l'AOF. Marins
Il
29
Association Pan Africaine
Il
31
Syndicats
Il
34
La Fraternité Africaine
"
36
Syndicat Nègre de Bordeaux
Il
37
CORN
Il
41
Marin Dakar
Il
43
Campagne en faveur de l'Ethiopie
Il
45
LUDRN
Il
47
Marins, dockers, SRI, LAI
Il
50
SRI, LAI
Il
53
UTN
Il
56
L'IC·et les colonies
Il
58
LDRN
Il
60
Comité d'Amitié Africaine. Bulletin
colonial du P.C.F.
Il
62
Rapport d'agent. propagande révolu-
tionnaire. Alexinsky. CAl 1932
Il
73
Propagande révolutionnaire 1935
Il,
78
Propagande révolutionnaire 1937
"
86
Ule
Il
91
Lunion Gothon
Il
92
Tovalou Houénou
Il
93
Travailleurs indigènes en France
Il
94
Organisation du CAl
Il
95
Communistes en AOF
Il
103
Propagande révolutionnaire 1922. note
de l'agent Villiers

919
carton 109
Activités des coloniaux 1938-1939
"
111
LDRN
"
112
Institut Nègre
"
113
LAI
"
119
Bureau de défense des peuples colonisés
"
125
Main d'oeuvre indigène en France et dans
les colonies
"
133
Renseignements sur l'I.C.
"
134
Organisation du C.A.I.
"
136
U.T.N.
"
142
Groupe Vérité
SLOTFOM V
Presse et publication
carton 3
La Race Nègre
"
11
Le Courrier des Noirs
"
21
Africa

"
23
Le Cri des Nègres
"
36
Le Paria
SLOTFOM VI
:
carton 5
Embarquements clandestins. originaires de
l'AOF en France
"
8
Marins
"
9
Indigènes en France
SLOTFOM IX : Liaisons entre le service et les administrations
carton 9
Liaison entre le CAl et les compagnies de
navigation
SLOTFOM XIII
Travaux d'ensemble sur l'agitation anti-française
carton 1
Note d'ensemble sur la propagande nègre
"
3
Rapport Budin 1929

920
2. Fonds
Affaires Politiques
carton 530
Affaire Hunkanrin
"
536: Rapports Politiques AOF 1923-1927
"
539
Rapports Politiques AOF 1933-1934
"
542
Propagande anti-française
"
543
Rapatriements d'indigènes 1921~1930
"
575
Affaire Tovalou Houénou 1927-1938
"
598
Rapports Politiques 1925-1926-1929-1933- 1937-
1938
"
1386
régime de la presse en AOF
"
1492
Travailleurs Coloniaux en France
"
1696
Télégrammes 1935-1944
"
2415
propagande anti-française 1922-LUDRN
"
3386
Renseignements sur Maurice Satineau
3. Papiers MOUTET
P.A. 28 carton 1
carton 4
4. Fonds Guadeloupe
carton 222 dossier 1373. Renseignements sur Rosso
III. Archives Nationales du Sénégal
( ANS
1 • Série 2 G. Rapports Politiq~es è.e l ' li_OF
année 1919
2 G 21-31
année 1920
2 G 20-4 et 2 G 21-31
année 1921
2 G 21-7
année 1922
2 G 22-7
année 1923
2 G 23-10
année 1924
2 G 24-13
année 1925
2 G 25-8
année 1926
2 G 26-8
année 1927
2 G 21-27
année 1928
2 G 28-6
année 1929
2 G 29-13

921
année 1930
2 G 30-6
année 1931
2 G 31-17
année 1932
2 G 32-25
année 1933
2 G 33-7
année 1934
2 G 34-12
année 1936
2 G 36-25
année 1937
2 G 37-1
année 1938
2 G 38-40
2. Série 2 G. Rapports politiques de la Circonscription
" Dakar et Dépendances "
année 1927
2 G 27-19
3. Série 13 G. Affaires Politiques et ADministratives.
Sénégal
13 G 30
(17)
: dossier sur Lamine Senghor
13 G 52
(-17)
: faits et évènements divers. Dakar. 1939
4. Série 17 G : AOF Affaires Politiques
17 G 67
(lè)
: propagande communiste 1925-1932
17 G 100
(17)
Fédération Française des Jeunesses
Africaines 1939
17 G 109
(l7)
: Hunkanrin 1923
17 G 160
(28)
: Marins 1928
17 G 239
(108)
: Sénégal 1922
17 G 250
(108)
: Articles de presse 1934-1946
5. Série 19 G AOF Affaires Musulmanes
19 G 22
(108)
: bolchévisme en Orient
6. Série 21 G : Police et Sareté
21 G 27
(17)
organisations anti-colonialiste en
France 1927
21 G 28 (17)
suspects 1925-1940
21 G 41 (l7)
suspects 1924-1932
21 G 44
(l7)
LDRN 1927
21 G 48 (17)
Grève du D.S.L.
(1926). Hunkanrin 1933
21 G 70 (17)
renseignements politiques 1933-1936-1939
21 G 134
(l08)
la Race Nègre 1929
21 G 138
(l08)
Affaire Guilloteau 1925
21 G 142 (l08)
Fédération Française des Jeunesses
Africaines-1939

922
IV. Archives de la Commission Coloniale du P.C.F.
année 1924
année 1925
année 1926
année 1927
année 1928
année 1929
année 1930
année 1931
année 1932
V. Archives Départementales des Bouches du RhOne
M 6 carton 8288
: militants communistes
M 6 carton 10804
renseignements sur Lamine Senghor
M 6 Craton 11406
travailleurs coloniaux 1897-1938
Sous-série M 6 III carton 10901
: enquêtes de police 1941-1944
Sous-série M 6 III carton 10903
: renseignements politiques
au sujet de l'Islam. Action de l'étran-
ger 1938-1942
Série.XIV M carton 25152
grèves des dockers 1919
Série XIV M carton 25158
dockers 1920
Série XIV M carton 25159
congrès du PCF à Marseille en 1921
Série XIV M carton 25/72
marins 1930-1931
1 T 306
résultats du Brevet Elèmentaire
( Ecole Normale
d'Aix en Provence )
de 1909 à 1924
1 T 325
résultats du Brevet Elèmentaire
~ Ecole Normale
d'Aix en Provence )
de 1925 à 1933
1 T 330
résultats du Brevet Elèmentaire
( Ecole Normale
d'Aix en Provence )
de 1934 à 1939
VI. Archives Départementales du Var
Il M dossier 3/7 : répression de l'anti-colonialisme 1926-1927

923
VII. Archives Diplomatiques
( Quai d'Orsay)
Série K t Afrique 1918-1940 ). sous-série questions géné-
les. dossier n027 Congrès Pan-Africain. Propagande garveyiste.
attitude des Américains à l'égard des Noirs. Comité de
Défense de la Race Noire.
1919-1939
Série K ( Afrique 1918-1940 ). sous-série AOF dossier 1
affaires politiques 1918-1921
Série Z ( Europe 1930-1940 ). sous-série URSS dossier
n0953. Documentation sur la propagande communiste à
l'étranger 1930-1935
VIII. Service Historique de l'Armée de Terre
26 N 871 dossier 26 et 27. Journal de marche du 68ème BTS
IX. Centre de Recherche et de Documentation Africaine
( CRDA )
Dossier sur Kouyaté
Dossier sur les organisations nègres

924
JOURNAUX DE L'EPOQUE CONSULTES.
L'Action Coloniale
Africa
L'Ami du Peuple
Les Annales Coloniales
Au Comité de Défense de la Race Nègre la vérité est en marche
Le Bon Combat
Le Bulletin Communiste
Bulletin de la Ligue contre l'Oppression Coloniale et l'Impérialisme
Bulletin de l'UTN
Bulletin du Comité de l'Afrique Française
Les Cahiers du Bolchévisme
Le Colonisé
Les Continents
La Correspondance Internationale
Le Courrier Colonial
Le Courrier des Noirs
Le Cri des Nègres
Le Cri du Marin
La Dép~che Africaine
La Dép~che Coloniale
L'Etudiant Noir
Europe-Colonies
La Flèche
L'Humanité
Jeune Sénégal
Journal Officiel de l'A.O.F.
Journal Officiel de la République Française
Juin 36
Justice
Légitime Défense
Le Libéré
Le Littéraire
M'BaIe

925
Le Monde Colonial
The Negro World
L'Ouest AFricain Français
LI Ouvrier Nègre
Le paria
Le Périscope Africain
La Presse Coloniale
La Race Nègre
Faure
La Race Nègre
Kouyaté
La Revue Communiste
La Revue du Monde Noir
Rouge-Midi
La Voix des Nègres

926
TEMOIGNAGES ECRITS ET ORAUX
Entretien avec Robert Cornevin le 04 Mai 1981 à Paris
Entretien avec Camille Saint-Jacques le 12 Mars 1984 à paris
Entretien avec Formose Gomis
( ancien marin ) en Septembre
1984 à Ziguinchor
( Sénégal )
• Entretien avec Lisse Mendy
ancien marin ) en Septembre
1984 à Ziguinchor
( Sénégal )
Entretien avec C.L.R. James en Avril 1985 à Londres
• Lettre de Léopold Sédar Senghor datée du 13 Septembre 1985.

927
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306 P.
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Mémoires,
T.l
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La République PP.
561-591.
Paris.
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Th~se de 3~me cycle.
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Th~se de 3~me cycle. Paris
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le Figaro Litérraire N°
1228,
1-7 Décembre
1969.
p 24
(1)
-
Le Figaro Littéraire N°
1232,
29 Décembre-4
Janvier
1969.
p 22
(2)
-
le Figaro Littéraire N°
1238,
9-15 Janvier
1970.
p 26
(3)
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le Figaro Littéraire N°
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16-22 Février
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3T.
958 p.
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un rouage du colonialisme:
la formation de
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les débuts du syndicalisme au
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Octobre-Novembre
1977 N°
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le Sénégal et
le Front Popualire
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Paris VII.
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fasciste.Paris.Karthala.1981.
403 p,
'1.'
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(J):
Gratien Candace (
1873-1953)
Hommes
et Destins
Tome 2 Vol ~
pp
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Négritude et politique aux Antilles
Paris.
Editions Caribéennes;
1981.
92 P.
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l'immigration sénégélaise en France.
Mémoire de maîtrise.
Paris VIII.
1983.91
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Fondation Nationale
des
Sciences Politiques.
Série D.
Textes
et
documents N°
4 Octobre
1962.
71 p.

'929
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(D):
l'enseignement dans
les
territoires
français
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tique de Paris. Paris. 1985. 434 p.
A cette liste viennent s'ajouter les deux titres suivants qui
avaient été omis
CESAIRE (Aimé
: lettre à Maurice Thorez. Paris Présence
Africaine, 16 p.
DU BOIS
( W.E.B.
)
: The autobiography of W.E.B. Du Bois.
New York. International Publishers. 1968. 448 p.

943
Index
ABDALLAH (B2n) : 735
ACHILLE (Louis T.) : 677
ACTION COLONIALE(L')
83,108,109,110,111,112,113,114,180,187,217,
218,219,224,225,228,278,281,358,445,513.
ADAMS (A.) : 67
AFENE (ALFRED) : 550
AFRICA : 706,729,738,740,741,742,744,746,747,751,754,759,761,762,
770,771,773,791,807.
AGERON (C.R.) : 257,363.
ALCANDRE (Jules) :- 654,655.
ALCINDOR (Dr) :193
ALEXANDRENNE (Etienne) : 294
ALEXINSKY : 154
ALPHA (Isidore) : 571,573,617,628,629,643.
AMERICAN NEGRO LABOR CONGRESS (A.N.L.C.) : 346
AMI DU PEUPLE(L') : 159,315,316,317,523,541,543,544,546,566,571,622.
AMICALE DES MALGACHES DE FRANCE : 152
AMICALE DES ORIGINAIRES DE L'AOF : 79,139,141,405,408,732.
AMITIE FRANCO-DAHOMEENNE
131,212,213,214,218,224,225,234.
ANDRE (Capitaine) : 131
ANDRE (Lucien) : 471
ANGOULVANT (Gabriel) : 240
ANGOVI (Rémi Peter) : 470
ANGRAND (Joseph) : 475
ANNALES COLONIALES(LES) : 129,173,215,216.
ANTONETTI (G. Gal) : 747

ARNOUX (Louis) : 129,143
ARAGON (Louis) : 591
ASKIA Le Grand (ASKIA MOHAMED) : 662
ASSOCIATION LE BENIN : 79
ASSOCIATION DES CUISINIERS INDOCHINOIS : 355
ASSOCIATION DES ETUDIANTS MARTINIQUAIS EN FRANCE : 683
ASSOCIATION MUTUELLE DES INDOCHINOIS (A.M.I.) : 138
ASSOCIATION DES PATRIOTES ANNAMITES: 125,129,189,277.
ASSOCIATION PANAFRICAINE: 171,193,200,201,202,203,204,205,391,446.
ASSOCIATION REPUBLICAINE DES ANCIENS COMBATTANTS (A.R.A.C.) : 113,
114,174,326,337,391.

944
AUTRE FRANCE(L') : 109
ATTULY (Lionel) : 507,525
AU COMITE DE D2FENSE DE LA RACE NEGRE LA VERTTE EST EN MARCHE!
4-92,
4-93.
AVOMASSODO (Gérard) : 150,151,4-21.
AZANGO (Augustin) :290,4-14-,653,654-,655,807.
BA (Dierry) : 4-78
BA (Amadou Faber) : 295,608,612
BABA (Ahmed) : 301
BAFFE (Djibril) : 4-78
BAKER (Joséphine) : 80
BALAFREDJ (Ahmed) : 790
BALDWIN (Roger)
515,521
BALIN : 654-,655
BANA (Joseph) : 4-67
BANGOURA (Thomas) : 558
BARATIER (Gal) : 530

BARBE (Henri) : 597,604-
BARBUSSE (Henri) : 257, 281,391,4-26,4-27.
BARMA (Kocc) : 301
BARNES (Albert) : 81
BARQUISSEAU (Jean) : 279,281,288,295,304-.
BARQUISSEAU (Lucien) : 113,187
BASCH (Victor) : 4-25
BASTIN : 314-
BECKER-STOWE (H.) : 4-11
BECCARIA (Arthur) : 4-71,4-73,4-75,4-77.
BEHANZIN : 206,530,531,662.
BEHANZIN (Ouanilo) : 224-,225,24-5,24-7.
BENGLIA (Habib) : 80
BEN LAKHAL (Mahmoud) : 271,292,327,34-8,4-01.
BERENGER (Henry) : 783
BERGERY (Gaston) : 733,74-0,74-1,750,751,753,762.
BERTHON (André) : 112,174,24-0,278,390,4-25,668,669,733,735.
BERNELOT-MOENS (Dr) : 525
BETON (André)
391,4-4-6,4-97,519,520,526,528,54-7,556,564-,565,566,569,
575,576,581,584-,614-,615,622,653,654-,655.
BETON (Isaac)
198,201,202,203,204-,703.

945
BEY (Hafiz Ramadan) : 428'
BEYNIS (Eugène) : 471
BLACHE : 694
BLOCH (Jean Richard) : 390
BLOC DEMOCRATIQUE GABONAIS (B.D.G.) : 469
BLONCOURT (Elie)
295,445
BLONCOURT (M.C.) : 106,112,113,177,180,181,185,186,188,204,258,270,
279,281,288,289,290,295,304,311,312,315,329,346,
347,348,356,357,398,399,400,401,419,421,422,425,
426,435,438,445,446,447,497,499,502,602,773,800.
BLUM (Léon) : 142,728,7~4
BLYDEN (E.W.) : 662
BOISNEUF (René) : 292,295
BOISSON (G. Gal) : 761,778
BONO (Gal DI) : 690
BONY (Alexandre) : 470
BOCKLEY (Arthur) : 662
BOUDEMGHA (Tahar) : 258,262,263,646.
BOUKHARINE : 155
BOULEHAL (Ahmed) : 669
BOURGUIBA (Habib) : 735
BOURHALLA : 270
BOURSAUD (Maurice) 83,108,109,110,167,278.
BOUSSENOT (Georges) : 215
BOUTHONNIER : 527
BRASSEUR (Paule) : 374
BREMONT (Olivier) : 111
,BRETON (André) : 591
BREVIE (Gr. Gal) : 506
BRIAND (Aristide) : 416
BRIDGEMAN (Reginald) : 432
BRIERE DE L'ISLE (Raymond)
397
BROCKWAY (Fenner) : 765
BRUNET : 240
BRUNET (J.P.) : 155
BUI CO TRUNG : 435
BUISSON (Ferdinand)
187,390
BULLETIN DU COMITE DE L'AFRIQUE FRANCAISE (B.C.A.F.)
99,307,317.

946
BUREAU D'ENTENTE DES INDOCHINOIS DB FRANCE (B.E.I.F.)
763,765
BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL (B.I.T.) : 5~1,559
CACHIN (Marcel) : 257,700
CAHIERS DU BOLCHEVISfŒ( LES) : 3~2
CAILLAUX (Joseph) : 3~2
CMIINADE (Paul) : 575
CANDACE (Gratien) : 92,102,193,199,201,202,20~,205,359,588,783.
CAPITAINE : ~21
CARACOF : 7~1
CARDE (Jules) : 133,1~1,533
CARNET ROUGE(LE) : 182
CARPENTIER (Georges) : 8 1 ,378
CARRERE D'ENCAUSSE (H.) : 275
CARRIAT (André) : 156
CARTON (M.) : 195
CARVALHO (Charles) : 551,558
CASATI (Marc) : 765
CAYLA (Léon) : 778,779,780,781.
CECOR (Pierre) : ~~6,597,60~
CENAC-THALY (Raoul) : 202,525,695,703,727,729,730,731,733,73~,735,761.
CENDRARS (Blaise) : 80
CENTRE DE LIAISON ANTI-IMPERIALISTE (C.L.A.I.) : 75~,763,765,766,767,
768,769,785,792,798.
CESAIRE (Aimé) : 8,352,353,363,677,683,685,686,802.
CETEWAYO : 662
CHAKA : 662
CHALLAYE (Félicien)
198,2~0,257,~26,~97,733,735,765.
CHAR (René) : 591
CHASSEIGNE (François) : 338
CHAUTEMPS (Camille) : 755
CHEIKOU (Amadou) : 530,531
CHERY (Ernest)
~71,~78
CHIAPPE (Jean)
535,571
CISSE (Mamadou
772
CITERNE : 3~~
CLARTE: 326,390
. CLEMENCEAU (G.) : 85,9~,95,98,239,528.
COCO (agent) : 150,151,15~,156.

COCOVILLE (Félix) : 695
COFFI ; 717,718,719
COMITE D'ACTION FRANCO~MUSULMAN
: 174
COMITE ALGERO-TUNISIEN : 90
CDRN : 41,81,148,150,159,362,363,366,367,368,370,372,376,377,379,386,
387,389,391,392,393,394,395,396,397,398,399,401,402,403,404,408,411,
412, 41 3,414,415,416,417,418,419,420,421,422,424,425,426,434 ,435,436,
437,438,439,440,442,445,446,~47,448,449,450,451,453,454,455,460,461,
46°,473,486,490,494,495,575,601,619,620,623,654 ,672 ,675,694 ,770,813.
COMITE DE DEFENSE DE LE RACE NEGRE (CDRN)
COMITE DE DEFENSE DES INTERETS DE LA RACE NOIRE
(C.D.I.R.N.) : 442,
443,700.
COMITE DE LA PLUS GRANDE FRANCE: 110,111
COMITE D'ETUDES COLONIALES (C.E.C.):115,144,167,255,256,257,258,259,
261,262,263,265,266,267,268,270,276,277,278,290,360.
COMITE SYNDICAL INTERNATIONAL DES OUVRIERS NEGRES (C.S.I.O.N.) : 526,
539,556,561,605,622,632,638,639.
COMITE DE VIGILANCE DES INTELLECTUELS ANTI-FASCISTES (C.V.I.A.) : 765
calMISSARIAT GENERAL DES TROUPES INDOCHINOISES (C.G.T.I.) : 126,129,
131,135,136,143.
COMITE GENERAL DES TROUPES NOIRES (C.G.T.N.) .: 126,~27,132,174,175.
COMMISSION COLONIALE: 270,271,273,274,275,276,360.
COMMISSION COLONIALE CENTRALE (C.C.C.) : 276,314,347,354,357,366,392,
400,401,415,419,420,425,526,536 ,5 42,568,597,602,605,628,633,634,635,
636,637,692,708,709,710,714 ,717,730,765.
COMMUNIST PARTY OF THE UNITED STATES OF AMERICA (C.P.U.S.A.) : 391,
598
COMONT (Eugénie) : 309
CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL (C.G.T.) : 336,554,607,633.
CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL UNIFIEE (c·G.T.U.) : 169,326,337,
385,412,536,555,556,557,561,597,605,606,607,608,609,610,628,632 ,633,
693,700,710,720,810.
LES CONTINENTS : '39,62,171,180,191,192,224,225,226,228,234 ,236,238,
239,241,249,250,252,311,313,332,334,335,357,359,366,389,390,3~6,401,
402,413,465,518,675.
CONTRE L'IMPERIALISME: 680

948
CONTROLE ET ASSISTANCE AUX INDIGENES : 22,29,30,31,120,133,134,135,
136,137,139,140,141,142,1 43,144,1 45,146,148,149,150,152,153,155,156,
157,158,159,160,161,162,163,169,291,295,310,313,325,355,409,421,488,
508,541,567,573,575,603,651,709,724,762.
COQUELET :741
CORBIE (Albert) : 110
CORNEVIN (Robert)
330,487
CORNU (Ferdinand) : 334
COSTISELLA (Joseph) : 9
COULIBALY (Mahouloune) : 784,785
COULIBALY (Ouezzin) : 8,807
COURRIER COLONIAL(LE) : 215,216
COURRIER DES NOIRS(LE) : 497,499,575
COURRIER DU GOLFE DU BENIN(LE) : 179
COURTELLEMONT (Gervais) : 112
COUSTURIER (Lucie) : 213
COTY (François) : 248,316,317,541,542,543,544,545,546,549,567,571,
648.
CRESPIN (Germain) : 243,246
CRESSENS : 494,495
CRI DES NEGRES(LE) : 151,600,602,603,604,608,610,611,614,618,625,
629,631,635,637,642,643,644,650,652,668,690,702,705,708,710,714,
715,751 ,756,757,771 ,775,794,795,797.
CRI DU MARIN(LE) : 609,611
CRISIS(TRE) : 229,521,786
CROS (Charles) : 784
CUDENET (Gabriel) : 737
CULLEN (Countee) : 230
DA COSTA (Ange) : 477
DAKEYO (Paul) : 809
DALADIER (Edouard) : 228,229,236,252,309,465
DAMAS (Léon) : 669,677,684,7 27.
DANAE (Narcisse) : 151,446,573,594,595,596,601,602,603,604,615,631,
632,636.
DANIOKO (Abdoulaye) : 388
DANQUAR (J.B.) : 516
DAN VAN TRU : 412
DAVIDSON (Basil): 750


950
DINGAAN : 531,662
DIOP : 477
DIOP (cousin de Senghor L.) : 501
DIOP (Abdou Karim) : 478
DIOP (Amadou) : 160,161,405,409
DIOP (Lat Dior) : 711
DIOP (Omar) : 410
DIOP Uladik Magatte) : 771
DIOUF (Galandou) : 245,247,505,506,507,588,621,668,669,670,671,702,
742,783.
DODDS (Roberta Crawford) : 245
DOLAURE (Clairisse) :551,558
DOLLFUSS (chancelier) : 689
DORIOT (Jacques) 8,250,276,313,321,327,361,400,401.
DORLALIE (pseudonyme) : 503
DO SACRAMENTO : 203
DOS SANTOS (Joseph)
203
DOSSOU (Pierre) : 470
DOUGLAS (Frédérick) : 662
DOUMERGUE (Gaston) : 464
DRAME (Mamadou Lamine) : 67,531
DREVET (Camille) : 426,733,735
DU BOIS (W.E.B.) : 8,92,93,96,103,104,106,107,128,167,194,195,196,
197,202,204,210,229,241,249,265,514,517,521,021,656,657,700,805,808.
DUCHENE (Albert) :162
DUCHESNES (Gabrielle) :426
DUCLOS (Jacques) :603
DU COUDRET (Geoffroy) :155,162
DUMOULIN (Octave) :262,267
DUMOURIER (Membre du C.D.R.N.) :438,440
DUNOIS (Amédée) :773
DUONG VAN GIAO :359
DURAND (Membre de la C.C.) :638
DURAND (Vincent) :438,440
DUSSAC (Paul) :722,728,733,734
DUVAL (Eoche) :30,34,131
EBELE (Joseph) :153,154,617,651,653,654,655,694,695,715,765.
EBOUE (Félix) :224,675

951
E8LAIREUR AFRICAIN(L'):173
EINSTEIN (Albert) :423,426
EL AMEL :635
EL KAFI : 180
EL KHOTBI :727
EL OUMA :730,732,763
ELUARD (Paul) :591
ETOILE NORD AFRICAINE :148,257,362,425,525,535,665,670,697,
701,723,728,729,732,762.
ETUDIANT NOIR(L') :683,684,694
EUROPE-COLONIES :654
EVEIL COLONIAL(L') :106
FALL-YARE (Doudou) :477
FANGEAT (Jean) :114,180,225,239,241,248,357,390.
FARNIET : 700
FAURE (Emile) :8,154,523,524,542,547,556,564,565,566,567,568,
569,570 ,572,573,574 ,575,576,577,578,579,580,581,582,583,584,
585,587,589,594,614,615,622,623,649,651,653,654,655,666,670,
672,692,694,699,703,704,705,723,725,728,729,730,731,735,740,
742,749,754,758,7~9,761,763,764,765,766,767,769,785,786,797,
798,804.
FANON (Frantz) : 78,373
FEDERATION DES ETUDIANTS D'AFRIQUE NOIRE EN FRANCE (F.E.A.N.F.) : 301
FEDERATION FRANCAISE DES JEUNESSES AFRICAINES (F.F.J.A.) : 754,769,
770 ,771,772,773,774,775,776,777,778,779,780,788.
FERRAND (Pierre) : 344
FERRANT : 276
FERRAT (André) : 693,709,710,765
FERRY (Abel) : 525
FIGARO LITTERAIRE(LE) : 375
FIdMEN (Edo) : 427
FINOT (Louis-Jean) : 675,676
FLECHE(LA) : 740
FORD (James W.) : 536,561,562,622
FORESTIER : 467
FORGUES (Georges) : 439,440,441,447,446,454,700.
FORT-\\VHI'IEMAN (Lovett) : 391
FOUASSE : 478

952
FOUDI : 667
FOuhN (Gr) : 462
FRACHON (Benoit)
635
FRANCE (Anatole)
187
FRANCE(LA) : 411
FRANCE COLCNIALE(LA) : 532
FRANCE-MAURICE : 188
FRATERNITE AFRICAINE(LA):310,355,574,654,785.
FRANCK (LOUIS) :196
FRANCOIS (LOUIS) :412
FREDE~ICKS (M.E.F.) :95
FREUD (SIGMUND) :680
FROBENIUS (LEO) :675
FROSSARD (LUDOVIC-OSCAR) :256,257,266,391
FROT :693
FURRETIERE : 374
GADIe (CHEIKH TIDIANE) :9
GALLIENI (Gal) : 131
GAMBETTA :209
GANDHI :236,237,238
GANTY (VINCENT) :160
GARVEY (MARCUS) :8,103,105,107,114,167,177,196,210,217,222,229,230,
232,233,234 ,242,249,265,376,5 14 ,515,516,517,520,549,621,675,700,805.
GAUTHEROT (GUSTAVE) :155,249,316,317,377,546.
GAUTHn~ :412
GAYE (MAGORE) :24
GEI.sMAR (Seer. Gal.d, Gouvernement Général de l' A.O.F.) :746
GEISS (IMMANUEL) :250
GEORGES (EDOUARD) :617
GERARD: 112
GERARD (M.) : 423
GERVAIS :329,330
GIBARTI (LOUIS) :423
GIDE (CHARLES) :186,187,189
GIRAN (ALBERT) :775
GITTON (MARCEL) :147
GOMIS :720
GOMIS (PIERRE-ANDRE) :771,772,773,789.

953
GORKI (Maxime) : 426,600
GOTHON-LUNION (Joseph) : 159,273,342,345,348,34~,350,351,352,353,
355,364,379,386,392,398,402,411,412,413,414,415,416,417,418,419,
420,421,422,436,437,440,492,493,494,495,496,502,541,545,621,646,802.
GOURAUD (Gal) : 239
GOURDEAU : 628,629,639
GOUTTENOIRE DE TOURY (Ferdinand)
39,114,187,189,191,192,218,225,
240,248,284,389,479.
GRATIANT (Gilbert) : 684
GROUPES D'ETUDES COMMUNISTES (G.E.C.) : 336,723
GROù~E SOCIALISTE DES ORIGINAIRES DES COLONIES (G.S.O.C.)
278,279
GUERIN (Gal) : 308
GUERIN (Daniel) : 8,754,764,765,766,767,769,785,798.
GUER~E SOCIALE(LA) :117
GU.2RRIER (Dr). : 159,160,547,5 49
GUEYE (Abdoulaye) : 575
GUEYE (Amadou) : 295,296
GUEYE (Joseph) : 557
GUEYE (Lamine) 245,247,473,505,506,507,621,765.
GUEYE (Papa) : 477
GUIDE DU DAHOMEY(L~)
: 462,470
GUILLAUME (Pierre) : 81
GUILLAUME (Walter) : 146
GUILLOTEAU (Raphael) : 332,333,334,335
GUMEDE (Josiah T.) : 426,497
GUY (Camille) : 36,39,246
HADJALI (Abd El Kader) : 257,291,292,315,322,356,362,400,401,646.
HAlLE SELASSIE : 654
HANNA-CHARLEY (Léon) : 391,411,412,416,417,468,694,695,703.
HATTA (Mohamed) : 426,4Z~
HAWKINS : 561
HAYES (Roland) : 207
HAYWOOD (Harry) : 636
HENRIETTE : 628
HENRIOT : 694
HERRIOT (Edouard) : 174,313
HERVE (Gustave) : 117
HITLER (Adolf) : 658,661,664,690,756
HOANG QUAN GIN: 435,735
HONORIEN (Eugène) : 91,171,182,184,279,295,359.
HOUENOU (Georges Tovalou) : 243

954
HO~'ENCU (Kojo Tovalou) : 8,9,43,81,103,105,114,131,171,206,208,209,
211,212,213,214,215,216,217,218,219,220,221,222,223,225,226,230,231,
232,233,234 ,239,241,242,243,244,245,246,247,248,249,250,251,252,273,
303,309,316,377,378,383,416,425,445,505,513,542,574,619,676,684,800,
808.
HUCHARD (Jean Baptiste) : 477
HUGHES (Langston) : 230
HUISWOOD (Otto) : 263,265,638
HUMANITE(L') : 114,151,238,250,262,266,268,270,275,281,314,323,332,
334 ,335,349,361,387,434 ,462,489,566,591,597,601,627,631,715,731,732,
737.
HUNKANRIN (Louis) :103,112,131,171,172,174,175,176,177,178,179,180,
181,182,186,205,239,268,289,303,324,359,800,808.
HURST (Jean) :202,203
U1TJSTRATION( L') : 273
IMACHE :699
INTERCONTINENTAL(L') :225
INTERNATIONALE COMMUNISTE: 118,119,188,230,235,249,250,254,255,262,
263,264,265,257,268,271,272,273,275,276,343,348,349,350,352,379,400,
414,415,424,493,523,526,536,538,540,545,549,552,615,625,630,638,639,
640,641,655,679,709,723,766,790,794,795,801,802.
INTERNATIONALE DES TRAVAILLEURS DE L'ENSEIGNEMENT :390,479
INTERNATIONALE SYNDICALE ROUGE :526,536,560,561,563,568,598,604,605,
606,610,615,622,634,638,639.
INSTITUT NEGRE DE PARIS :523,546,547,548,549,575,672.
IZVESTIA : 264
JACKSON :202,203
JADFARD (Hélène) :547
JAMES (C.L.R.) :10,656
JAMESON (Benjamin) :654,655
JAURES (Jean) :116,275
JEAN-BAPTISTE (Paul~ :280,654,655
JEAN-LOUIS (Henri) :390,469,672,675
JEUNE AFRIQUE(LA) :770
JEUNE SENEGAL : 770,771,785
JEUNESSES COMMUNISTES :257,259,276,326,341,361.
JUIN 36 : 764
JULIANS (Pierre) :694,714

955
JULIEN (C.A.) :184,256,259,266,360.
JOE (Agent) :150,152,153,154 ,156.
JOHNSON (Patten) :472
JOLY (Commissaire) :333
JOSEPH :411
JOSEPH (Gaston) :742
JOSSELME :136,161
JOUBERT (Membre de la C.C.) :270,420
JOURDAIN (Francis) :694,713,728
KA (Mustapha) :772
KAADAN (S.) :383
KABA (Fodé) :381
KABA (Lamine) :771,772,775
KAMARA (Abdou) :478
KANE (Mohamadou) :790
KANKAN MOUSSA :531
KATAYAMA (Sen) :426
KATI (Mahmoud ) :301
KATZ (Membre de l'I.C.) :155
KEFACHA :765
KEHAL (Arezki) :735
KEMAL (Mustapha) :300
KESTELOOT (Lylian) :679,680,681,683.
KHAIRALLAH (Chedly) :426
KHALED (Emir) :292
KOATE :567
KOFFI :471
KOITE (Abdou) :576,591
KOITE (Abdourahman) :771
KOITE (Chamballa) :478
KOSSOUL (Pierre Kodo) :151,153,154,156,157,158,448,499 Bis,566,567,571
573,604,617,628,644,651,709,714,715.
KOUAME (Joseph Amon) :720
KOUYAT~ (Seydou Badian) :788,791
KOUYAT~ (Tiemoko Garan) :8,38,39,40,151,154,316-,386,387,388,403,413,414,
417,421,422,426,438,440,445,446,448,451,452,471,479,491,492,494,499 Bis,
500,501,502,503,504,505,506,507,508,509,510,511,512,513,514,515,516,517,
521,522,523,524,525,526,527,528,529,530,531,532,533,534,536,538,539,540,

956
KOUYATE (TL,: 0:;:0 Garan): 541,542,543,544,545,546,549,550,551,556,557,558,
559,561,562,563,564,565,566,567,568,569,570,571,572,573,575,576;577,585,
587,590,594 ,597,598,600,601,602,604,605,606,607,608,609,610,611,612,613,
614~615,616,617,621,622,623,625,627,628,629,630,631,632,633,634,635,636,
637,638,639,640,641,642,643,644,645,646,647,648,649,650,651,652,653,654,
655,656,657,664,665,667,674,679,690,691 ,692,695,699,703,706,708,709,713,
714,729,737,738,740,741,742,743,744,745,746,747,748,749,750,75 1 ,752,753,
754,757,758,759,760,761,762,769,770,773,774 ,775,776,777,778,779,780,781,
782,783,784,787,788,789,790,792,794,798,804,810,8 13.
KOLAROFF : 155
KPAPKO (Gilbert) :388
KRIM (Abd EL) :322,326,340,343,362.
KUO MIN TANG :322,424,538
LABATHIE "Sosthene):448
LACOMBE" (Ludovic-Morin) :161,497,527,653,654 ,695,757.
LAGROSILLIERE (Joseph) :668,669,670,733.
LA GUMA (J.) :426
LAMBERT (Agent) :150
LAME (Colonel) :175,405
LAMOTTE (Jean) :478
LANGLEY (J.Ayodele) :246,250,308,516.
LANSBURY (George) :423
LARA (H.Adolphe) :114
LARRIBERE (Membre du C.E.C.) :270
LAVAL (Pierre) :689,756
LE DALLIC :715,716,717,720.
LECACHE :759
LEFRANC (Jean) :375
LEGITIME DEFENSE :625,678,679,680,681,68 3,684,686,694
LE GUEN:557,558
LENINE :314,414
LERICHE (Ulysse) :114,258,262,266.
LERO (Etienne):675,67~,679,680.
LEROY (Membre de la C.C.) :270,275
LEVY (Charles) :174
LEVY (Georges) :186
LEVY (Henry) :187
LEYNE Diago Babou) :478

957
LIAUZU (Claude) :257;363
LIBERE (LE) :39,119,171,185,191,192,218,224,228,241,290,359.
LIBERTAIRE (LE) :84,282
LIBERTE (LA) :496
LIGUE CONTRE L'OPPRESSION COLONIALE ET L'IMPERIALISME/ LIGUE ANTI--IMPE-
RIALISTE :366,425,426,427,434,503,538,539,556,562~570,590,596,597,628,
632,681,693,694,713,728.
LIGUE DE DEFENSE DE LA RACE NEGRE :78,81 151,154,159,161,362,367,397,
442,448,451,452,453,455,456,460,461,468,469,470,471 ,472,473,474 ,475,477,
478,479,480,486,487,488,489,491,492,494 ,495,499 Bis,500,501,502,503,504,
505,507,508,512,513,514,518,521,523,524,525,526,527,528,532,533,534,535,
536,539,542,543,544,5 45,5 46,547,549,550,551,556,557,558,559,563,564,565,
566,567,568,569,570,571,572,573,575,576,587,588,590,602,603,606,607,608,
610,614,620,621,622,635,675,679,684,694,695,697,701,723,731,740,764,765.
LIGUE DE LUTTE POUR LA LIBERTE DES PEUPLES DU SENEGAL ET DU SOUDAN :705,
707,708,709,710,711,712,713.
LIGUE DES DROITS DE L'HOMME :39,112,114,119,171,172,174,176,180,181,182,
183,184,185,186,187,189,191,25~,257,265,266,279,284,295,358,390,412,425,
426,525.
L.F.A.D.C.I.M. :112,138,184,185,187,188,189,192,277,359.
L.U.D.R.N. :81,222,223,224,225,232,233,234,246,250,309,377,396,402,413,
684.
LIOU HAN SIN :423
LOGAN (Rayford) :201,202,203
LONGUET (Jean) :668,669,733,735.
LONGUET (Robert-Jean) :669,733
LOUIS (François) :478
LOUIS (Paul) :116,266
LOUZON (Robert) :180,268,270,765.
LOZZRAY (Henry) :270,276,361,717,721.
LU DSCHUNG LIN :426
LUSSY (Charles) :184,225,262,266,267.
LUTTE SOCIALE (LA) :256
LY (Ibrahima) :355
MAC KLAIN :561
MACEO :662
MAC DONALD (Ramsay) :249
MAC KAULAY (Franck) :561

958
MAC KAY (Claude) :229,263,265,46~,487,675.
MADEMBA :294,'471
MADIAW (Fara) :477,507
MAESTRACCI (Membre du C.A.I.) :161
MAKOKO :531
MALLET :715
MANDEL (Georges) :239,761,775
MANE (FabcIDdiou)
:772
MANGIN (Gal) :84,238,320,327,404.
MANLIUS (Felicien) :386,438,446
MANOUILSKY :274,275
MARAN (René) :114,189,223,225,228,234,236,237,238,241,248,253,273,419,
425,439,446,447,465,492,497,501,621,65 4 ,655,675,676,673,790,800.
MARGUERITTE (Victor) :390,773
MARIA :628
MARTEAUX (A;) :423
MARTIN (Agent) :31 1 ,325
MARTIN (Laurent) :471
MARTY (André): 334,335
MARX (Karl) :261,287
MASSE :240
-MATHURIN (Adolphe) :458,499 Bis,528,566,567,576,578,593,699,791.
MATTEI:552,553,55 4 ,555.
MAUGEE (Aristide) :694
MBA (Léon) :8,469,807
MBALE :654
MBAYE (Amadou Moctar) :716,720
MBAYE (Pierre) :550,607
MBAYE-SALZMANN (Pierre) :355,575,676
MBENGUE (d'Artagnan-) :477MEGRI (Dr) :423
MEHEMET ALI :300
MENELIK II :531,662
MENIL (René) :681
MENOUAR (Abd el Aziz) :270,271,276,291 ,292,304,313,315,347,348,349.
MERIC (Victor) :257,391
MERLIN (Félix) :617,628,629,643,695,715.
MESSAGER DAHOMEEN (LE) : 106,112,171,241.
MESSALI HADJ :8,362,426,577,670,699,700,701,705,706,723,730,731,736,745,
798

959 .
MESSIMY :84
MICHEL (Marc) :307,486
MIDAS (André) :683
MILARMI : 741
MODES (Alexandre) :467,557
MOISE (Agent) :150,153,154
MONNEROT (Jules) :675,727,791
MONNERVILLE (Gaston) :224,733,783
MONNERVILLE (Joseph) :279,281,288,291,311.
MORIZET (André) :669
MOP2EAUX (Louis) :402,403
MORTE1YOL (Sosthène) :201,202,224,402,525.
MOUTET (Marius) :8,155,50u,669,724,728,729,742,744,745,752,753,761,762.
MOUTIA (Fritz) :419,421,422,439,440.
MUSSOLINI (Benito) :689,690,695,756.
MUZN1BERG (Willy) :424
NAM :72.7
NAPOLEON :530
NARDAL (Jane) :805
NARDAL (Paulette) :675,676,677,694,703.
N.A.A.C.P. :92,104,199,241,242,264,518,521,598.
NATION BELGE (LA) :200
NDIAYE (A~~~"":
: 771,772
NDIAYE (Alboury) :530,531
NDIAYE (Amadou) :422
NDIAYE (Djibril) :297,389
NDIAYE (Masse) :145,276,295,296,299,300,301,310,314,363,386,389,392,
402,479,575,687,800.
NDIAYE (Samba) :46
NDIAYE-CLEDOR (Amadou) :106
NDOUR :298
NDOYE (Joseph) :23
NEGRO WORLD (THE) :105,106,207,211,229,242,462,515,516,539.
NEHRU :423,426,432
NEO-DESTOUR :670,735,765,790
NGUYEN AI QUOC (HO CHI MINH):90,112,113,119,127,129,143,148,163,188,255?
256,257,262,270,271,274,278,279,281,282,288,290,291,304,361,362,646.

960
NGUYEN THE TRUYEN :290,304,315,322,348,356,401,435,667,669,705,723,725,
726,729,730,731,733,734,735,761,764,798.
NGUYEN VAN AI :290
NGUYEN VAN LINH :763
NIVELLE (Gal) :306
NJOYA (Sultan) :301
NKRUMAH (Kwame) :517
NOUELLE (Georges) :783
NOUFFLARD (Gouverneur) :173,174,175
NOUIRA (Hedi) :669,699,704
NOMIS (Georges) :333,334
NORD';; :439
N.P.J.
(Pseudonyme) :534,535
NZULA (Albert) :561
OLLIVIER (Marcel) :259
OMAR(El Hadj): 46,711
OMVONDAULT (Théophile) :469
OPPORIUNITY :229
onSJ'1ANE (Sembène) :14,74.
OUVRIER NEGRE (L') :539
OVA (Raoul) :695
PADMORE (George) :8,10,514,517,522,523,559,561,605,622,625,630,632,636,
638~539,640,651,653,654,655,656,657,661,664,690,764,765,769,794.
PARTI AFRICAIN DE L'INDEPEND,.NCE :490
PAINLEVE (Paul) :240
PARIA (LE) :39,130,180,241,268,277,281,284,288,289,290,291,292,293,303,
304,311,3 14 ,325,328,334,335,337,356,357,361,362,370,462,497,518.
PARTI ANNAMITE DEL'INDEPENDANCE :425
PARTI COMMUNISTE FRANCAIS :10,39,84,113,114,115,118,130,148,151,154,167,
169,181,182,184,188,225,248,250,254,256,258,259,260,261,262,263,265,266,
267,268,269,271,272,273,274,275,276,277,278,279,288,291,294,296,314,320,
321,322,326,335,337,342,343,344,348,348,350,351,352,353,354 ,355,357,360,
363,364,366,368,385,390,391,392,399.400.401,403,408,412,414, 41 5,418,419,
420,421,422,434, "·38,442,449,451,486,490,493,494,499,502,504,514,523, 524,
526,527,528,536,542,565,566,570,571,578,590,591,597,601,602,603,604,607,
609,615,616,619,621,622,625,627,628,630 ,632 ,633,634 ,635,636,637,638,639,
640,641,642,643,645,647,648,649,650,651,652,669,679,692,693,694,700,701,
705,707,708,713,714,715,716,717,718,719,720,721,722,723,726,727,728,731,

961
PARTI COMMUNISTE FRANCAIS :732,733,734,736,738,757,758,760,765,766,775,
791,797,801,802,804,807,810,813.
PARTI OUVRIER FRANCAIS :115
PARTI DU PEUPLE ALGERIEN: 732,735,759,761,764,765,790.
PARTI SOCIALISTE :182,256,295
PARTI SOCIALISTE OUVRIER ET PPAYSAN :754,764,765
PARTI DE L'UNITE PROLETARIENNE :391
PATROCINO :662
PAUL (Agent) :150,151,154,566.
PAULIN (Talou) :478
PAULON :438
PAZ (Madeleine) :773
PERISCOPE AFRICAIN (LE) :702
PERNEY : 700
PERRIER (Léon) :783
PERSON (Yves) :380,490
PETIT MARSEILLAIS (LE) :246
PETRUS :494,504
PHAN BOl CHAU :339
PHAN CHAU TRINH :130,258
PHAN VAN TRUONG :130
PHARE DU DAHOMEY (LE) :470
PICASSO :80
PIDERI (Modeste) :533
PIOCH (Georges) :765
PIVERT (Marceau) :765
PLANQUE :759
PLUS BELLE FRANCE (LA) :441
POINCARRE (Henri) :508,621
POTIN (Charles) :475
POTINO (Alexandre) :654,655
POUCHKINE :757
POUGEOL (VILFORT) :386,402,417,422,436,438,440,446.
PREMPEH :662
PRESSE COLONIALE (LA) :215,411
PRICE-MARS (Jean) :675
QUENUM (Antoine) :386,436
QUOTIDIEN (LE) :215

962
RABAT (RABAH) :530,531
RACAMOND : 700
RACE NEGRE (LA) :67,78,250,307,453,456,468,472,478,479,480,497,499 Bis,
503,5 13,5 15,516,,517,518,521,523,525,526,528,529,530,532,536,542,545,559,
563,566,567,568,570,573,575,576,578,585,587,610,614,623,635,655,67°,675,
703,740,771 ,775,785,804.
RADJEF (Bbelkacem) :670,733,734
RAIS (Jules) :160,525
RAKOTOYIAIM : 124
RALAIMONGO (Jean) :113,185,186,187,188,189,728,800.
RAMANANJATO (Thomas) :152,153,154,156,157,158,158,573,604,617,643,651,
715,721,727,730,731,732,733.
RANAIVO (Jules) :728
RASSEMBLEMENT COLONIAL :667,704,705,715,724,725,726,728,729,730,731,732,
733,734 ,735,736,737,742,7 43,756,757,758,759,761,763,764,765,798.
RASSEMBLEMENT DEMOCRATIQUE AFRICAIN :7,101,654,807.
RATSIMBAZAFY :138
RAZAFY :727,728
RESSET (Philippe) :557
REVEIL COLONIAL (LE) :182,183,189
REVUE COMMUNISTE (LA) :255
REVUE DU MONDE NOIR (LA) :625,672,673,674,675,676,677,678,679,694.
RICHELET :374
RICHEMOND (Alexandre) :470
RIVET (Paul): 773
ROLLAND (Romain) :390,773
ROLLIN (Louis) :464,783
ROSSO (Stéphane) :315,348,362,399,421,438,446,448,459,494,499 Bis,503,
513,526,527,528,536,556,565,566,567,569,573,600,616,617,636,642,685,695,
714 ,715,757,760,761,813.
ROUMAIN (Jacques) :8,757,760
ROY :155SADDECK (Mohamed) :410
SA' DI (Abderrahman)· :301
SADOUL (Georges) :591
SADOUN : 399
SAGNA (Pierre). : 23
SAINT-JACQUES (Camille) :10,315,342,343,344,348,349,357,364,399,422,423,
426,431 ,432,447,496,497,499,621,646,791.

963
SAINTE-ROSE (Franchine) :448,497,499 Bis
SAJOUS (Léo) :159,198,547,549,576,669,672,674,675,677.
SALL (Massemba) :295
SAME (Hassan) :295
SAMORY :529,530,531,574,646,662.
SANGARE (Joseph Sabia) :448,499 Bis,542,566,573,654.
SAROTTE (Georges) :257,258',268,290,295,401,497,498.
SARR (Ibnou) :557
SARR (Papa GUEYE) :771,772
SARRAIL (~al) :240
SARRAUT (Albert) :155,196,443,532
SARTRE (Jean-Paul) :219,682,687
SASSY (Michek ANAKA) :469
SATINEAU (Maurice) :159,367,422,426,436,438,440,441,442,443,444,446,448,
454,487,494,495.
SAUMANE (Pseudonyme de DANAE) :594,602
SAUTTER (GEORGES) :539
SHOELCHER (Victor) :403
SECK (Francois) :478
SECOURS POPULAIRE FRANCAIS :179,
SECOURS ROUGE INTERNATIONAL :152,154,169,598,628.
SECTION FRANCAISE DE L'INTERNATIONALE OUVRIERE :119,181,185,186,189,257,
358,469,641,669,700,766,802.
SEIGEL :155
SELLIER (Louis):274
SEMARD (Pierre) :352
SENGHOR (Lamine) :8?10,81,150,152,159,161,175,240,277,292,304,305,306,
307,308,309,310,311;312,313,314,315,316,320,321,322,323,324,325,326,327,
328,329,330,331,332,334,335,338,339,342,345,346,347,34_,354 ,355,356,357,
361,362,363,364,366,368,370,372,375,376,384,385,386,389,392,394,395,398,
399,400,401,402,403,404,405,406,407,408,409,410,411,412,417,419,420,421,
422,423,425,428,429,430,431,432,433,434,435,436,438,439,440,442,446,447,
448,449,450,451,453,454,455,472,473,474,480,481,482,483,484,485,486,488,
489,490,491,496,499,499 Bis,500,501,502,514,515,521,525,542,550,575,601,
619,621,646,685,686,785,795,803,813.
SENGHOR (Léopold Sédar) :8,10,212,651,677,678,680,686,687,688,694,760,
813.

964
SENHADJI (Ahmed) :735
S •A•1. N•A• : 134
S.C.C.I.
:135
S.C.T.M.
:132
S.C.T.T.C.
:123,124,126,135.
S.L.O.T.F.O.M.
:135,142,148,603.
S.O.S.T.C.F.
:122,123
SERVICE SPECIAL DES AFFAIRES MUSULMANES ET ISLAMIQUES :132
SI DJILANI : 665
SIGNAC (Paul) :390
SIKI (Louis FALL dit Battling) :81,217,378
SIRAGNOUMAN (Pseudonyme de KOUYATE) :456,584
SMALL (Edward Francis) :561
SMUTS (Gal) :541
SOCIETE DES NATIONS :99,102
SODONOU (Cy~rien)
:550
SOEKARNO :426
SOIR (LE) :440
SOLANKE (LAPIDO) :515
SOUNDIATA :531
SOW (Ibr~ima)
:310,575,654,655.
SOW (Ndeye Koumba) :9
SOW (Ousmane):478
STEEG (Théodore) :783
STEFANY (Samuel) :113,185,185,187,188,189,204,258,278,279,281,288,289,
290,5 47,800.
STEINS (Martin) :9
SUN YAT SEN :300,322
SURET-CANALE (Jean) :181
SY (Babacar) :772
SY (Papa Ibrahima) :9,516,522,708,709.
SYLLA (Ibrahima) :576
TAALBI (Abd el Aziz) :257
TAITTINGER (Pierre) :507,783
TARPEAU (Francois) :567,576
TCHAO ITAÇ) :525
TERTULLIEN :654,655
THIAM (Amadou) :472

965
THIAM (Mbanda) :772
THESEE (Auguste) :679
THOREZ (Maurice) :338,352,363,722.
TIEKOURA (Doumbia) :478
TINE (Adolphe) :23
TOAN (Jean) :158,733
TOBIAS (Koffi) :785
TORRES (Henry) :250,391,403,418,773.
TOUBLAND (Melle) :733,735
TOURE (Fodé Manga) :770,771,772,773,779,783.
TOUSSAINT LOUVERTURE :531,549,662
TRAN VAN CHI :435
TRAORE (Ba-Bemba) :530
TRECHOT(Frères) :532
TREVOUX :374
TRIBUNE ANNAMITE (LA) :129
TRICOT (Laurent) :214
TRISOT (A~exandre)
:616,694,695,715.
TUBMAN (Ha~riet)
:662
TURNER (NAT) :662
UNION CATHOLIQUE DES SYNDICATS DE PROVENCE :554
UNION-INTER-COLONIALE :91,115,130,131,133,144,145,148,167,182,189,250,
254,276,277,279,280,281,285,287,288,289,290,291,292,293,294,295,296,303,
309,310,311,312,313,314,320,321,322,328,329,330,339,348,355,356,357,361,
363,363,366,368,370,385,386,398,399,400,401,419,423,424,425,434,446,479,
619,625,65 4 ,665,669,705,723,726,731.
UNION PROGRESSISTE DAHOMEENNE :414
UNION DES TRAVAILLEURS NEGRES: 151,152,153,154,362,524,614,615,616,617,
618,623,625,628,629,632,635,636,637,641,642,643,644,650,651,652,654,669,
679,684,692,693,694,695,701,703,705,713,714,715,732,736,738,740,751 ,757,
758,759,760,794,797,798.
UNIVERSAL NEGRO IMPROVEMENT ASSOCIATION :104,105,106,222,230,234,242,251,
264,475,5 15,518.
VAILLANT-COUTURIER (Paul) :113,114,174,181,187,188,256,276,278,360,481.
VALLENTINE (Henry) :558
VANETZEL :717
VAN THAN :727
VAN VOLLENHOVEN (Joost) :485,486,776,779,780.


967
SOMMAIRE.
Remerciements -----------------------------------------
2
Liste des abréviations
------------------------------
3
Introduction
----------------------------------------
7
1è:r:e PARTIE
LES ,EGRES DANS LA FRANCE DE L'ENTP,E-DEUX-r;UERRES
Chapitre l
: L'immigration africaine dans la France
de l'entre-deux-guerres
---------------
1 3
1. L'immigration africaine avant-guerre
--------
14
2. La guerre et ses conséquences sur les flux
migratoires entre l'Afrique noire et la France-
15
3. L'immigration africaine dans l'entre~
deux-guerres
-------------------------------
20
3.1. La réglementation de l'immigration
21
a)
Quand la loi n'existait pas
---------
21
b)
Mise en place et application de la
législation sur l'immigration
-------
26
3.2. L'immigration africaine en chiffres
29
a)
Le recensement de 1924
--------------
30
b) Le recensement de 1926
--------------
47
c)
Le recensement de 193Z
--------------
51
3.3. Derrière les chiffres
les hommes
a)
De Bakel ~ Marseille
les chemins
de l'émigration
--------------------
63
b)
La vie en France
--------------------
73
Chapitre II
Les élèments d'une remise en cause du
système colonial
---------------------
83
1. Les conséquences indirectes de la guerre
-----
84
2. L'irruption des peuples nègres sur la scène
politique mondiale
2.1. Le Congrès Panafricain de 1919
--------
91
2.2. Le phénomène Garvey
-----------------
103
3.
Le journal L'Action Coloniale et la réforme
du système colonial
-----------------------
108

968
4. Socialistes, 'communistes et anarchistes face il
la question coloniale au début des années vingt
11 5
Chapitre III : La surveillance policière des coloniaux
1 21
1. Les premières tentatives 1915-1923
1.1. La surveillance du temps de guerre 1915-1918-
122
1.2. L'ébauche d'une surveillance politique des
coloniaux 1919-1923
-----------------------
1 27
2. Le C.A.I. 1924-1939
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - .
133
2.1. Organisation et financement du service
-----
135
2.2. Les hommes du C.A.I. en action
-------------
143
a)
M. Devèze, clé de voute du CAI
---------
143
b)
La mise en place d'un réseau
d'informateurs dans les milieux nègres
144
c)
Identité, mode de recrutement et motivation
146
des indicateurs du CAI
----------------
1.c. Les agents réguliers
---------------
14.8
2.c. Les agents occasionnels
------------
159
Conclusion de la 1ère partie
----------------------------
165
2ème PARTIE
DE LA REVENDICI"TnN ASSIMILATIONNISTE p.. CELLE D'INDEPENDANCE
( 1920-1925 )
ChapitrelY
Quand les assimilationnistes tenaient le
1 71
haut du pavé
-------------------------------
1. Un vivant exemple d'énergie: Louis Hunkanrin
-----
1 72
2. Eugène Honorien et le Réveil Colonial
-------------
180
3. La Ligue Française pour l'Accession aux Droits de
Citoyen des Indigènes de Madagascar et le journal
Le Libéré
---------------------------------
185
4. L'Association Panafricaine
4.1. Le deuxième Congrès Panafricain
------------
193
4.2. Vie et mort de l'Association Panafricaine
200
5. Marc Kojo ',Tbvalou Houénou. le prince militant
5.1. De Porto Novo au Barreau
-----------------~
206
5.2. Sur les traces de Marcus Garvey?
----------
217
5.3. Les derniers combats
----------------------
238

969
Chapitre V : Les balbutiements de l'anti-colonialisme radical
254
1. Du Comité d'Etudes Coloniales à la Commission
Coloniale Centrale
------------------------------
255
2. Une formidable école de lutte: l'Union InterColoniale
217
Chapitre VI
: Aux origines de l'anti-colonialisme nègre
radical
--------------------------------
294
1. La fraction africaine de l'UIC des origines à 1924
294
2. Lamine Senghor dans la bataille anti-colonialiste
ou l'histoire d'une longue prise de conscience
2.1. De Joal à Verdun
--------------------------
305
2.2. Et l'indicateur devint militant
-------------
310
2.3. Lamine Senghor dans la campagne contre la
guerre du Rif
-----------------------------
323
2.4. L'affaire de Barnbey ou les liaisons africaines
de Lamine Senghor
-------------------------
332
2.5. Le bilan d'une campagne
-.-----------------
337
3. Les premières dissensions entre les nègres et le PCF
3.1. Saint-Jacques et la guerre du Rif
----------
342
3.2. Les difficultés entre Lamine Senghor et le
345
PCF
-------------------------------------
3.3. Le rapport Gothon Lunion
-----------------
348
3.4. Lamine Senghor sur le chemin de la "dissidence"
354
Conclusion de la 2ème partie
358
3ème PARTIE
L'AGE D'OR DES ORGANISATIONS ANTI-COLONIALISTES NEGRES
( 1926-1933
Chapitre VII : Le réveil des Nègres
---------------------
366
1. Une nécessité historique: la fondation du Comit~
de Défense de la Race Nègre
1.1. La réhabilitation du mot nègre
------------
368
1.2. Importance et signification de la dimension
376
raciale
---------------------------------
1.3. Les figures de proue du CDRN
-------------
386
1.4. Les différents courants idéologiques au sein
393
du CDRN
------------------------------

970
2. Le CDRN " à la conquête des larges masses nègres"
2.1. Des débuts difficiles
----------------------
398
2.2. Le déploiement du CDRN en province
-------
404
2.3. Le CDRN sur la voie de la scission
---------
413
a)
Le jeu personnel de J. Gothon Lunion
-----
413
b)
Les complots contre le CDRN
-----------
419
2.4. Lamine Senghor et le Congrès de Bruxelles
423
3. Une victoire à la Pyrrhus
: Maurice Satineau s'empare
du CDRN
3.1. Le triomphe des assimilationnistes
----------
436
3.2. Un partisan de la " plus grande France"
:
Maurice Satineau
-----------------------
441
3.3. La disparition du CDRN et la naissance de la
Ligue de Défense de la Race Nègre
---------
445
Chapitre VIII: La L.D.R.N. dans la tourmente
------------
451
1. Les premiers pas de la LDRN et les derniers combats
de Lamine Senghor
1.1. Bilan d'une scission
---------------------
453
1.2. De nouveau la mohilisation
-----------------
456
1.3. La LDRN et les colonies
-----------------
460
a)
Mythe et réalité de la liberté de presse
aux colonies: le cas de l'AOF
-----------
461
b)
La presse nègre à l'assaut des colonies
466
c)
Territoires et individus en relation avec
les or9anisations nègres
---------------
468
1.4. Les derniers combats du Lion du Sine
-------
480
2. L'heure des incertitudes
2.1. Les prétendants à la succession de Lamine
491
Senghor
-------------------------------
2.2. Les attermoiements de Tiémoko Garan Kouyaté --
499~js
2.3. Kouyaté et les organisations noires
513
américaines
--------------------------

971
Chapitre IX : Panafricanisme ou Communisme ?
523
1. Le changement de cap de la LDRN
1.1. Le rapprochement entre Kouyaté et les
communistes
525
a)
Le volte-face de Kouyaté
------------
525
b)
Le nouvel intér~t de l'I.C. pour la
question nègre
------------
536
1.2. Le bras de fer KouyatéjCoty
------------
541
1.3. Kouyaté " à la conqu~te des larges
masses nègres "
547
a)
Le projet de L'Institut Nègre
de Paris
547
b)
La création de syndicats nègres------------
550
c) Le Vème Congrès de l'I.S.R. et
ses répercussions
------------
561
2. L'affirmation du courant nationaliste nègre
2.1. L'histoire d'une scission
------------
565
2.2. Emile Faure ou le nationalisme intransi-
geant
------------
574
a)
un petit-fils de Samory dans
la lutte anti-colonialiste
------------
574
b)
Une ligne politique" d'essence
exclusivement raciale "
------------
576
3. Les~rodromes du déclin du mouvement anti-
colonialiste nègre
3.1. La LDRN-Kouyaté en sursis
------------
590
a)
La campagne contre l'Exposition
Ccloniale Internationale de 1931 ----------
590
b)
La campagne pour les huit de
Scottsborough
------------
598
c) L'affaire Danaé
------------
601
3.2. Kouyaté sur le terrain syn9ical
------------
604
3.3. La création de l'Union des Travail-
leurs Nègres
------------
614
Conclusion de la 3ème partie
------------
619

972
4ème PARTIE
LE LENT DECLIN ( 1933-1939
Chapitre X : Chacun pour soi tous pour l'Afrique
---------
625
1. La mise sous tutelle de l'U.T.N.
1.1. Une affaire complexe: l'exclusion
de Kouyaté du. P. C.r.
---------
627
1.2. L'exclusion de Kouyaté de l'U.T.N.
---------
641
2. Les nationalistes â la recherche de l'unité
2.1. La Fédération des associations
nègres de Paris
---------
651
2.2. Sur la voie du Panafricanisme
Le Congrès Mondial Nègre
---------
653
2.3. Une tentative de relance de la
dynamique intercoloniale
---------
665
2.4. Le projet de Fédération des Peuples
Colonisés
---------
668
3. La montée en puissance des intellectuels
nègres
3.1. La Revue du Monde Noir
---------
672
3.2. Légitime Défense
---------
678
3.3. Le mouvement de la Négritude: un
temps faible de la progression
682
dialectique ?
---------
4. Le Front uni pour la défense de l'Ethiopie
4.1. Un bref rappel des faits
---------
688
4.2. Les premières réactions en ordre
dispersé
---------
690
4.3. L'union sacrée pour la défense de
692
l'Ethiopie
---------
Chapitre XI : Front Populaire
l'heure des
reclassements
---------
705
1. Le PCF et le travail parmi les nègres â
l'heure du Front Populaire
1.1. La mystérieuse Ligue de Lutte pour
la Liberté des Peuples du Sénégal et
du Soudan
---------
707

973
1.2. Les communistes nègres après la victoire
du Front Populaire
---------
713
2. Le Rassemblement Colonial
2.1. Les méandres de la création du Rassem-·
blement Colonial
---------
724
2.2. L'éphèmère activité du Rassemblement
Colonial
733
3. De l'anti-colonialisme au néo-colonialisme ou
le surprenant itinéraire de T.r,. Kouyaté
3.1. Les jalons d'un changement de cap
737
3.2. Kouyaté partisan indéfectible du gouver-
nement du Front Populaire
---------
744
3.3. Kouyaté précurseur du néo-colonialisme ---------
747
Chapitre XII: Chacun sa patrie, chacun ses ennemis
754
1. 1938, point final de l'agonie du mouvement
nègre
756
2. Emile Faure et le Centre de Liaison Anti-
Impérialiste
763
3. Kouyaté à la recherche d'une reconnaissance
politique officielle
3.1. La création de la Fédération des
Jeunesses Africaines
769
3.2. Kouyaté en quête de crédibilité
politique
179
Epilogue
-----------------------------------
784
Conclusion de la 4ème partie-----------------------------------
794
Conclusion générale
-----------------------------------
800
Chronologie
-----------------------------------
814
Itinéraires militants et évolution des mouvements nègres dans
la France de l'entre-deux-guerres ( schéma)
-----------------
.
830
Biographies
-----------------------------------
831
Annexes
-----------------------------------
888
Sources
1. Les Archives
917
2. Journaux de l'époque consultés
924
3. Témoignages oraux et écrits
926
4. Bibliographie
927
Index
943
Sommaire
967