UNIVERSITE DE FRANCHE COMTE. BESANCON
FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
L'IDEE DE TRAVAIL: ETUDE COMPAREE
(GRECE ARCHAIQUE/AFRIQUE NOIRE)
CONSEil AfRICAiN ET 1\\1t\\LGACHE
POLIR l'E!\\lSE~Gl\\ŒMENT SUPî:RiEUR
C. A. M. t. S. -
OUAGi\\DOUGOU
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I.~~re~~tl ~__ ~~l~.: n_·.:~~_.1La '3' '3'_
THESE POUR LE DOCTORAT DE /IIè CYCLE
PROTOHISTOIRE ET HISTOIRE DES SOCIEJES ANTIQUES
PRESENTEE PAR
Malick NDOYE
JURY
Pierre LEVEQUE
EtienneBERNAND
Assesseur, Professeur à
l'Université de Franche-Comté
Marie-Madeleine MACfOUX
Assesseur, Professeur à
l'Université de Franche-Comté
Michel WORONOFF
Assesseur, Professeur à
l'Université de Franche-Comté
Janvier 1985

A la mémoire de ma mère

Au
seuil de cette étude,
nous
tenons à remercier
tous les membres du Centre de Recherches d'Histoire Ancienne
(plus
particulièrement
Mmes
Christine
PÉREZ
et
Marguerite
GARRIDO-HORY)
ainsi
que
Jean-François
GIRARDOT,
Jean-Claude CARRIERE et Etienne BERNAND.
Nous
témoignons
toute
notre
gratitude
à
notre
"soeur" et collègue Aby Faye.
Ce travail n'aurait pu être réalisé sans l'aide de M.
le Professeur Michel WORONOFF qui, de l'Université de Dakar à
celle de Besançon, nous a toujours aidé dans nos recherches.
Nous
remercions M.
le
Professeur Pierre L€VÊQ UE
qui a accepté de diriger cette thèse.
Nous avons toujours pu
compter sur sa disponibilité et sur ses conseils.

NTRODUCTION

4
l'étude comparée des civilisations africaines et des
civilisations
grecques,
en
particulier
spartiate,
a
donné
à
la
suite d'Henri Jeanmaire une large part aux rites initiatiques des
sociétés guerrières (1). Des parallélismes entre les religions ont
été
aussi
soulignés
(2).
Ce comparatisme a
cherché
moins
à
révéler
une
parenté
entre
ces
civilisations
qu'à
mettre
en
évidence des
structures
similaires entre ces sociétés agraires,
tout
en
rejetant
"une
conception
linéaire
de
l'évolution
historique.
aux
termes
de
laquelle
certaines
sociétés
reftèteraient , à un moment donné de leur histoire. une étape de
l'évolution
de
l'humanité
que
d'autres
auraient
déjà
depuis
longtemps franchie" (3).
Notre
contribution à
l'élargissement
du
champ
des
investigations portera sur l'idée de travail dans ces deux aires
culturelles séparées et géographiquement et chronologiquement.
Nous
nous
sommes
surtout
intéressé
aux
poèmes
homériques.
Nous
n'avons
pas
-pour
autant
ignoré
l'oeuvre
d'Hésiode,
afin
de
dresser
un
tableau
complet
de
la
société
grecque
à
l'époque

l'institution
de
la cité
n'apparall
pas
encore, ou,
plutôt, est à l'état embryonnaire.
Notre étude sur

5
l'Afrique
subsaharienne
sera
centrée
sur
la
société
wolof.
Néanmoins, nous ne manquerons pas de puiser des exemples dans
d'autres
groupes
ethniques
sénégalais,
et
plus
généralement
africains.
Une monographie permet
une analyse
précise,
alors
qu'une étude fondée seulement sur des emprunts à des sociétés
diverses aurait conduit à des généralisations abusives et aurait
laissé dans l'ombre les différences qui existent entre les peuples
d'Afrique malgré l'homogénéité de leur civilisation.
L'étude
de
l'idée
de
travail
dans
la
Grèce
nous
pousse
à
poser
le
problème
presque
insoluble
des
poèmes
homériques
en
tant
que
source
historique.
Autant
la
thèse
mycénienne
s'est
avérée
erronée
depuis
le
déchiffrement
du
lin~ire B, autant celle d'un témoignage sur l'époque du poète est
insoutenable (4).
Une solution commode, mais arbitraire, consiste
à situer les traits de civilisation dans l'âge obscur des Xè et 1Xè
siècles entre ces deux
mondes
(5).
La société
de
l'//iade ne
serait pas
la même que celle de l'Odyssée (6).
Pourtant,
nous
pensons que les discordances entre les deux poèmes sont dues
moins à un décalage chronologique, qu'à une différence de sujet.
L'Iliade s'intéresse à l'aristocratie militai re en temps de guerre,
l'Odyssée
décrit
la
vie
en
temps
de
paix
des
héros
qui
conservent
toujours
leur caractère guerrier.
Nous ferons donc
une étude globale des deux
poèmes,
néanmoins les divergences
criantes seront soulignées.
Nous
prendrons
la liberté
de
parler

6
/
~
{;lf'~\\lQ..
d'Homère
pour
désigner
l'auteur
de
la
poésie
f
f
° 1
sans
entrer dans le débat sur la "question homérique". La lecture des
Travaux et les Jours permet
de dresser le portrait du paysan
ignoré
par
Homère.
Même si
les
mondes décrits par les
deux
poètes
ne
sont
pas
contemporains,
"il
n'y
a
pas
eu
nécessairement de transformations profondes, pas de passages à
d'autres temps et à d'autres moeurs" (7).
Ces
oeuvres
doivent
être
traitées
comme
des
"discours
dont
on
étudie
les
lois"
(8).
Notre
approche
linguistique est fondée sur une analyse du "champ référentiel"
des
termes
en
relation
avec
le
travail
ou
la
fonction
(9).
L'onomastique fournit de précieux éléments pour définir le statut
social des travailleurs.
Nous nous appuyerons
aussi
bien
sur
la vraie étymologie des mots que sur celle qui est proposée par
les poètes. En effet, Homère donne à ses personnages des noms
parlants
(tel Tectôn
"le Charpentier") (10) qum
éclaire
parfois
par
des épithètes,
par exemple, Démodocos,
"le bien
reçu du
peuple" a
un nom explicité par la qualification "honoré par les
foules" (ÀaoioL TETqJÉVOÇ
( 11) •
Afin d'établir Je rapport entre les individus et leurs
fonctions,
nous avons analysé
les noms d'agent
et les dérivés
de nom
qui désignent une fonction ou un métier.

7
L'absence
d'un
terme
qui
signifie
"travail"
caractérise
le
vocabulaire
grec.
Le
mot
n6voç
évoque
un
effort
pénible
et
est employé,
en
général,
dans
un
contexte
guerrier. Le substantif fpyov est
polysémique:
son
champ
f'~U(€rt~e'
~"t7''11 recouvre
aussi
bien
les
activités
militaires,
les
devoirs
de
l'hospitalité,
que
les
travaux
des
champs
(12).
Pourtant,
comme
le
remarque
J.-P.
Vernant,
"l'absence d'un
terme à la fois spécifique et général ne suffit pas à démontrer
l'absence
d'une
notion
véritable
du
travail.
Elle
souligne,
cependant,
l'existence
d'un
problème
qui
justifie la recherche
psychologique" (13).
Les
wolof
n'apparaissent
dans
les
sources
écrites
qu'au
XVè
siècle
après
J.-C.
Ils occupaient
les royaumes du
Ojolof,
du Walo,
du Cayor et -du Baol dans le Nord-Ouest du
Sénégal.
Ils étaient aussi présents en Gambie. De nos jours, ils
peuplent
encore
ces
régions.
Ils
présentent
des
structures
sociales
très
proches
de
celles
des
autres
ethnies
de
la
Sénégambie, qui sont fortement hiérarchisées et inégalitaires.
La
tradition
orale
confrontée
aux
récits
des
voyageurs,
des explorateurs, des militaires, riches en notations
ethnographiques J permet
une
approche
des
"peuples
sans
écriture". Nous procèderons au commentaire de larges extraits de
ces documents.
Les études de sociologie et d'ethnologie sur les
sociétés
actuelles
restent
de
précieuses
sources
de

8
renseignements J car
des
traditions
attestées
au
XVè
siècle
perdurent encore malgré l'impact de la colonisation et l'influence
de l'Islam.
Pour
mettre
en
évidence
les
idées que
suscite
le
travail,
notre
démarche consistera en une étude comparée non
seulement
des
différents
groupes
sociaux
ou
catégories
de
travailleurs
qui
se correspondent
dans
les
deux
civilisations,
mais
aussi de ceux qui n'apparaissent que dans l'une d'elles ~ en
relation avec
leurs occupations
respectives.
Nous soulignerons
aussi
les
liens
entre
l'idée
de
travail
et
les
moyens
d'acquisition .
x
x
x
Nous
n'avons
pas
jugé
nécessaire
de
changer
la
transcription française des noms propres dont l'orthographe a été
établie depuis longtemps. En revanche, les noms communs wolof
seront transcrits selon l'alphabet officiel du Sénégal, dont nous
avons établi les correspondances phonétiques avec l'alphabet latin
(14) •
1)-
Les
lettres
suivantes
ont
la
même
valeur
phonétique
que
dans
l'alphabet
latin
utilisé
pour
la
langue
fran~aise.

9
1.1. Consonnes
p - paaka : couteau
b - bakkan : nez
m - mar : avoir soif
f
- for : ramasser
t
- taw : pluie
d - daw: courir
n - nelaw : dormir
s -
est toujours prononcé comme sourd dans si et
non
sonore
comme dans base
suuf : sol
r - est toujours prononcé roulé
rofet : être joli
1 - lam : bracelet
K - kêr : maison
g - est toujours prononcé occlusif comme dans gare
et
non
constrictif comme dans page
garab : arbre
1.2. Voyelles
i - cin : marmite
é - sér : pagne
Il)- Les
lettres
suivantes
empruntées à
l'alphabet
latin
ont dans
l'alphabet
officiel
du Sénégal
la
valeur
phonétique
suivante:

10
2. 1. Consonnes
c
-
approximativement ce qu'on er-tend en français
dans
tiens
coobi : clé
j -
approximativement ce
qu'on entend en français
dans
dieu
laber : épouse
K' - existe en français dans agneau
x
-
approximativement ce qu'on entend en français
dans
cherche
(en
français
standard).
Ce son
existe en
espagnol (jota)
et en allemand
(ach-
laut)
xolom : guitare
q
n'existe
pas
en
français;
le
son
le
plus
approchant .est
k réalisé
très
guttural,
au
niveau de la luette;
ce
son
existe en arabe
(qrib "proche")
...
noq : sueur
w - existe en français dans oui
woo : appeler
devant i il est prononcé comme dans le français
fuite
ras wi
le cheval
ii -
(~) ce
ans les mots
empruntés
2.2. Voyelles
a- ce son est plus fermé qu'un a français mais plus
ouvert
que
ë
/0/ : lit

11
à - c'est "le son a du français
làkk
parler une langue étrangère
e -
c'est le son è ou ê du français père, tête, il
n'est jamais prononcé central comme dans petit
set
propre
ë - c'est le son e du français comme dans demain
bët : oeil
o - c'est le 0 ouvert de pomme
gor : abattre un arbre
b - c'est le 0 fermé de beau, chose
i6g : se lever
u - c'est le son du français trou
bukki : hyène
III) - Les sons transcrits par une double lettre
Les sons mp-mb-nt-nd-nc-nj-nk-ng-nq doivent être
réalisés sans "e" initial en début de mot:
mbër
champion; ndab : récipient; niaay : vente; ngelaw : vent
bunt
porte; denc : garder; tànk : jambe; xonq : être rouge;
samp
planter un pieu
Les doubles voyelles transcrivent des voyelles longues:
suuf : sol
Les doubles consonnes transcrivent des consonnes fortes:
bakkan : nez.

12
NOTES
DE
L'INTRODUCTION
(1)-
JEANMAIRE 1939. Sur les études comparees entre l'Afrique
et Sparte, voir TEXI ER 1977.
(2) - Lors du colloque de Dakar,
1976, sur L'A trique Noire et le
Monde méditerranéen, des communications ont eu pour thème les
rites
initiatiques
(WORONOFF
1978)
et les religions
(LEVEQUE
a)
1978
.
(3)- LONIS 1978 p. 11-
(4)- Voir VIDAL-NAQUET 1963.
(5) - C'est la position de FI NLEY 1978.
(6) - MELE
1968 dans son étude consacrée à l'économie et à la
sociéte
a
procédé
à
une
différenciation
entre
l '//iode
et
l'Odyssée.
(7) -ROUSSEL 1976,
p. 35
(8)-VIDAL-NAQUET 1972p. 50.
(9) -
Nous emploierons les termes "champ reférentiel" plutôt que
"champ sémantique" car "cette dernière notion <... > évoque trop
la recherche de la signification du mot à travers ses emplois".
(MACTOUX 1980, p.
16 n ,
40).
Notre analyse est fondée sur les
méthodes d'approche des textes d'après le Centre de Recherches
d'Histoire
ancienne
de
Besançon
et
le
Centre
de
Lexicologie
politique de Saint Cloud (voir ROBIN 1973) et d'aprë s MACTOUX
1980.
(10)-
Il.,
V,
59; oa., VIII, 114. Sur l'onomastique homérique,
voir SULZBERGER 1926.
( 11) - oa., V III, 472.
(12)- Cf.
DESCAT 1982.
(13) - VERNANT
, 1965, p. 198-199
(14) -
Extrait
du
Lexique Wolof-Français,
tome
1,
C LAD-I FAN,
Dakar 1977.

CHAPITRE
HOMMES
"LIBRES"
ET
TRAVAIL PERSONNEL

14
Le
terme
wolof géér sans
équivalent
en
grec est
difficile à traduire.
Il désigne les hommes libres tgor) qui ne sont
pas neeffo,
c'est-à-dire
ni
artisans
ni
griots.
Cette
catégorie
sociale correspond
aux
hommes
libres
grecs
à
l'exception
des
démiurges.
Elle regroupe, au sommet de la pyramide sociale, les
nobles et les gens du peuple dont le seul point commun est le
travail personnel.
1.1. LES NOBLES
1.1.1. Les nobles en Grèce.
Le héros homérique menait une vie d'homme simple en
temps de paix et troquait parfois son attirail de guerre contre
des instruments de travail. Aucune besogne ne le rebutait.
L'importance
du
travail
agricole et la condamnation
de l'oisiveté sont révélées par le défi
d'Ulysse à Eurymaque (1).
Accusé
d'ignorer
les
travaux et
de
préférer
la
mendicité
au
travail, Ulysse engage le prétendant Eurymaque à rivaliser avec
lui au fauchage et au labourage d'abord, à la guerre ensuite. Il
vante
son
habileté
sur
ces
deux
terrains
d'émulation
qui
jouissent du
même
prestige pour les aristocrates
(2).
Dans la
société homérique,
l'absence de terre cultivée est perçue comme
le signe de la non-humanité des Cyclopes, des Lestrygons et de
Circé
qui
a
seulement
l'apparence
humaine,
la parole (3).
Le
noble Laërte s'occupe en personne de son jardin (4). Ulysse l'y

15
trouve et lui lance des railleries qui ont été interprétées comme
le
signe d'un
mépris
pour
le
travail
manuel.
Selon P.
Waltz,
"toute
occupation
matérielle
<passait>
pour
inférieure
et
quiconque
était
vu
un
outil
à
la
main
était
pris
pour
un
domestique" (5).
Le contexte contredit une telle interprétation.
Ulysse dit à son père:
" Vieillard, tu n'es pas novice en travaux de jardin,
tout
est
bien
soigné:
il
n 'y
a
rien,
plante,
figuier,
vigne,
olivier,
légumes,
qui soit
négligé
dans ce verger.
Mais
je te
dirai une chose <... > de ta personne tu ne prends pas grand
soin, tu as déjà les misères de la vieillesse et tu te tiens fort
sale, couvert d'ignobles haillons! Ce n'est pas un martre qui te
néglige à cause de ta paresse, rien en toi ne dénonce l'esclave,
ni l'aspect, ni la taille: tu as plutôt l'air d'un roi" (Od., XXIV,
244- 25 3) •
Les bons soins donnés au jardin par Laërte sont à
l'opposé
des
mauvais
soins
donnés
à
sa
propre
personne.
L'habileté du vieillard est digne d'admiration, mais ses haillons et
sa
saleté
le font ressembler à un esclave puni à cause de sa
paresse.
En outre,
la vie d'un vieillard comme Laërte, dont la
noblesse
d'origine
perce à
travers l'aspect et la taille,
devait
être
de
tout
repos:
" la
manière d'être
des
vieillards,
c'est
d'aller doucement au sommeil après le bain et le
repas"
(6).
Diomède reproche au vieux Nestor de travailler sans arrêt bien

16
r
que beaucoup de
jeunes héros soient dans le camp achéen (7).
Ulysse
feint
de
prendre
son
père
pour
un
esclave,
non
pas
parce qu'il travaille) mais à cause de ses guenilles.
Les hommes
accablés par la vieillesse doivent s'éloigner de la vie laborieuse
laissée alQC jeunes gens.
cle.
Néanmoins,
la vie Laërte,
retiré aux champs parmi
ses esclaves, s'oppose à celle de ses pairs; le poète le souligne à
plusieurs reprises (a): affligé par la disparition de son fils et de
son petit-fils,
Laërte a préféré résider loin de la ville dans sa
belle
maison
de
campagne
(9).
Le
travail
des
aristocrates
consistait
généralement
à
venir
surveiller
les
activités
des
dépendants,
dans
la journée,
et à
retourner en ville,
le soir.
Orsiloque
tomba
dans
une
embuscade
un
soir,
"alors
qu'il
revenait des champs" (1 O). A son retour "de Pylos, Télémaque dit
il ses compagnons: "Moi, j'irai vers les champs et les pâtres. Ce
soir,
quand
j'aurai
vu
mes
travaux,
je
descendrai
en
ville"
ioa., XV, 504-505).
Eumée reproche à son martre Télémaque de venir rarement aux
champs près de ses pâtres et de préférer rester en ville (11).
Le roi figurant sur le bouclier d'Achille se contente de surveiller
les ouvriers sans prendre part à la besogne: "muet, portant le
sceptre;
il est là, sur l'andain, et son coeur est en joie" (/1.,
XVIII, 556-557).

17
En
Troade,
les aristocrates
gardent les troupeaux.
Anchise et Enops, "al or s qu'ils gardaient leurs
troupeaux"
1l3oUKOÀ,ÉW} se sont unis, l'un à la déesse Aphrodite, l'autre à
une nymphe (12).
Les déesses trouvèrent Paris dans sa bergerie
(13).
Le
frère
de
Priam,
qui
porte
le~
nom
parlant
de
Boucolion, "p aissait (rroq.wLvw) ses
brebil(14). Achille
a
semé
la panique et la mort parmi les frères d'Andromaque (15) et Enée
(16) près de leurs troupeaux, et Antiphe et Isos, les deux fils
de Priam,
qui
"paissaient (rra t.uœLvœ]
leurs
brebis Il
dans
les
gorges de l'Ida (17). Mélanippe, le fils d'Hikétaon,
Il
paissait"
WOOKW) ses boeufs à Percote (18).
Dans l'ne d'Ithaque, Ulysse
est guidé par un "jeune pâtre
(è n Ll3<.:nwp)
tout
tendre
comme
sont les fils de princes" (19). Ses pieds luisants, son manteau
bien ouvré en plus de sa délicatesse laissent percer son origine
illustre.
Les
Cyclopes,
bien
qu'ils
se
disent
supérieurs aux
dieux,
"font
paître"
(VO\\.1EtJw)
leurs
troupeaux
(20).
Leur
vie exclusivement pastorale est l'indice d'un certain primitivisme.
Les déesses Phaétousa et Lampétie sont les "gardiennes Il (Érr L-
rra L\\.1ÉvE~)des vaches et des brebis du Soleil (21). Les chevaux,
signe de richesse et de puissance militaire, sont l'objet de soins
minutieux:
Andromaque
pourvoit
elle-même
à
l'entretien
des
cavales
d'Hector
(22).
Démocoon,
un bâtard de Priam,
était à
Abydos "a up rès de ses cavales" (23).
L'honorabilité de l'activité
pastorale
est
soulignée
par
l'épithète
"pasteur
d'hommes Il
(rra L\\.1 ÉVEÇ À,OWV)
attribuée
aux
héros
comme
si
"nulle
différence n'existait entre la troupe et le troupeau. entre celui

18
qui
sait
parler
et
commander
aux
bêtes
et
le
rassembleur
d'hommes " (24). Pourtant à Pylos les fils de Nestor laissent ce
travail
aux
mains
des
pâtres:
l'un dieux revient de la plaine
avec une vache que presse un bouvier (25).
Ulysse dont la connaissance technique est soulignée
par les épithètes "très ingénieux" et "très industrieux" (26) a
construit en ,quatre jours un radeau, en prouvant ses grandes
qualités
de
bûcheron
et
de
charpentier:
avec
une
égale
compétence
il abattit des arbres,
les polit "savamment" ( è n l -
o rou èvoic ) et,
comme
un
"bon
expert
en
charpente"
(EU
E Lôl.k
r e KtOOUV<Xwv). il assembla le radeau et disposa les toiles
pour la voilure "savamment comme le
reste"
(di tEX VnOa1'OKDt
. r ô ]
(27).
Même s'il est contraint de faire
seul ce travail sur
l'ne

il
est
isolé,
Ulysse
montre
une
habileté
qui
mérite
l'admiration.
A
Ithaque,
bien
qu'il
puisse
disposer
d'une
main-d'oeuvre,
il construit seul, peut-être par pudeur (28), son
lit
et
sa
chambre
nuptiale
(29).
JI
présente son oeuvre avec
fierté:
"c'est
moi,
dit-il,
qui
ai
construit
le
lit,
et
non un
autre"(rà ô' t yW Kéx~ov ouôÉ t Le; aÀÀoe;) (30)."U a fait lui-même"
(autee;
no LE L) (31)
ses ouvrages
en
s'improvisant
bûcheron,
ë
maçon,
charpentier et corroyeur "bien et savamment" (EU Kilt

Énlota~tvwç)(32). Lycaon coupe des branches de figuier pour
s'en
fabriquer
une
rampe
de
char
(33).
Avec
les
meilleurs

charpentiers
de
la Troade,
Paris
"a construit lui-rnêrnevrc ù r o«;
f.1' EU~ E) sa demeure (34).
JI
ne faudrait pas prendre au pied

--

19
de
la lettre le terme "lui-même", car le poète précise que les
charpentiers
"lui ont
bâti (0 L è no Lnocv )chambre,
maison
et
cour" (35).
Sans doute Paris s'en est tenu à la supervision du
travail des artisans.
Les héros homériques s'adonnent aussi à des travaux
plus intellectuels: la médecine, le chant et la mantique n'ont pas
de secrets pour eux. A défaut de médecins disponibles dans le
camp achéen,
Machaon étant blessé et Podalire engagé en plein
1
• ,
combat,
Patrocle
"guerit" (Laoua L)
Eurypile en
faisant
appel
aux
remèdes apaisants qu'Achille lui a fait connartre; le Péléide
les
a
appris
lui-même
de
Chiron
le
Centaure
(36).
Les
fils
d'Autolycos bandent "savamment" (Érr i.o t cu Évwç )
la
cuisse
d'Ulysse
entaillée
par
un
sanglier
et
arrêtent
le
sang
en
prononçant
dos
"paroles
magiques"
(
nco LOij)
sur
la
plaie
è
(37).
Ils
"guérissent
bien"
(EU
l nocu EVO L)
. Ulysse
( 38) •
L'isolement sur le Parnèse où ils chassent pourrait expliquer leur
intervention rendue nécessaire par l'absence de médecin, mais il
faut noter leur parfaite connaissance des procédés thérapeutiques
et magiques. C'est de l'Egypte, le pays aux talentueux médecins
et aux
nombreux
remèdes et poisons qu'Hélène tire sa science
des
"drogues
salutaires
et
savantes"
qui
font
oublier
les
malheurs (39).
Ulysse "raconte ses histoires avec l'art d'un aède
savant" (WÇ ÙL aOLo6ç
rr t.o
è
t cu è vœc; KaTÉÀE:~aç)(40).
A
ses
heures
perdues,
Achille
joue
de
la
lyre et
"chante"(aELowl
les exploits des héros (41). -Polydamas situe le chant et la danse

20
sur le même plan que la guerre et le conseil (42); les Phéaciens
n'ont pas honte d'être de piètres boxeurs et lutteurs, et de se
vanter d'être sans rivaux à la rame, à la course, au chant et à
la
danse
(43).
Mentès
et
Hélène
"prophétisent [uœv t e ùui]
sous l'inspiration d'un dieu" (44).
Les
aristocrates
homériques,
les
seuls
hommes
à
manger
fréquemment
de
la
viande
dans
cette
société,
ne
manquaient jamais une occasion d'organiser des sacrifices et des
festins.
Pour ses hôtes, Achille coupe de la viande et la découpe
en morceaux qu'il fait
rôtir (45). Les prétendants préparent le
festin chez Ulysse et "tuent eux-mêmes" (f:KTavov aUTO L)
des
boeufs
(46) •
Les
fils
d'Autolycos
écorchent
un
boeuf,
l'apprêtent,
le dépècent en entier, le découpent "avec habileté"
n LOTaIlÉVWÇ),
percent
les
morceaux
avec des
broches,
les
(
è
rôtissent
"avec soin"
[rt e o l(/JpaoÉwçl et divisent les parts pour
fêter leur neveu Ulysse (47). Mégapenthès
le fils de Ménélas, le
dieu Héphaistos et la déesse Hébé "font l'échanson" (a Lvo xôe )
( 48) •
Les
héros
homériques
excellent
dans~tés
k.~s
C'-1/;z)"
agro-pastorales,
artisanales et domestiques.
saf:s~ V-;e, "s~~
glorifient des travaux qu'ils ont exécutés "eux-iriiê es : ~:?ie
~~
\\
- . b , ,
savamment ". Leurs besognes s'inscrivent dans la; c-;'~ re d'u .I;J

/
tn"'l) _
. . e0 '.7
vouée à la compétition; les
cp LOTO L,
littéralemeo~ les
"meilleurs", doivent démontrer leur supériorité sur le reste du peu-
pie" non
seulement
"à la guerre et au
conseil" mais
aussi

21
dans
tous
les
autres
domaines.
Le
travail
qui
est
l'un
des
terrains
d'émulation
des
aristocrates
n'est
jamais condamné en
soi. Néanmoins, les héros homériques n'exécutent pas leur travail
en
tant
que
métier
ou
profession.
Certes,
ils "gardent
les
troupeaux"(13ouKOÀÉW,
rto i.uc LVW,
1360Kw, VOIl Euw), "construisent
des charpentes" (lEKlaLvw),
"soignent" (léwIlUL),"prophétisent"
(llaV1EUuJ),
"chantent" (aFUJw),
mais
ils
ne
sont
pas
pour
autant des pâtres,
des charpentiers, des médecins, des devins
ou des aèdes; les noms qui désignent ces fonctions,
(3ouK6Àoc;,
ITOLllnV , VOIlEUC;, lÉK1WV,
lnlno,
LlàvlLC;
et
èo i ôô c n~
les qualifient jamais. Lorsque le poète emploie le terme
UO L56c;
à
propos d'Ulysse,
il montre que le héros n'est pas un aède,
mais qu'il chante "comme un aède" (wC; ào L56c;).
Les
héros ne
sont jamais affublés d'un nom de métier. Le jeune noble désigné
par le nom d'agent
è rt L(3ùnwo
est laissé dans l'anonymat. Un
anthroponyme d'aristocrate rr'appar aît jamais avec un substantif
indiquant un métier ou une profession. Cela rr'e st pas appliqué à
Lampétie
et
Phaétousa.
Elles
sont
qualifiées
par
le
terme
è
n t rro LIlÉVEC;
"gardiennes de
troupeaux" qui est d'ailleurs un
hapax. Mais elles sont des déesses
- la
répartition
du
travail
par
sexe
n'existe
pas
pour
les
divinités
-
et exercent
une
fonction au-dessus de la compétence des simples mortels. Excepté
Boucolion, aucun nom de héros ne fait allusion à un métier. Ce
cas
particulier
s'explique
peut-être
par
la
place
de
l'activité
pastorale chez les Troyens.
En effet, les princes de ce peuple
sont des pasteurs contrairement aux Achéens qui, bien qu'ils se
distinguent par le nombre de leurs troupeaux, laissent la garde

22
du bétail à leurs dépendants et s'occupent plutôt de l'agriculture
tel
le
vieux
Laërte.
La
mention
d'un pâtre ( qui n'est autre
qu'Athéna déguisée) à
Ithaque ne suffit pas pour affirmer que
les
troupeaux
sont
confiés
aux
princes.
Une
caractéristique
-;
essentielle
de
ce
pâtre est
sa
jeunesse.
Aucun
homme,
donc
aucun
guerrier
achéen,
ne
se charge
du
bétail,
alors
qu'en
Troade,

la
guerre et
l'activité
pastorale semblent jouir
d'un
prestige
égal,
les
princes
pasteurs
en
lutte
perpétuelle
contre les fauves de l'Ida et les pirates tel
Achille, sont avant
tout
des
guerriers.
Nous rappelons que leur travail
n'est pas
perçu comme un métier.
...
Le
héros
n'exerce
pas
de
métier ,O'1lIIIIte" activité
permanente.
Il ne travaillle qu'à l'occasion, pour démontrer son
omniscience.
En
dehors
du
souci
d'être
le
meilleur,
aucune
contrainte ne pèse sur lui. Son rôle n'est pas de travailler, mais
de
surveiller le labeur des dépendants dans son domaine.
Les
rois
de
la
Béotie auxquels Hésiode fait
rarement allusion,
ont
peut-être ce même rôle.
Le poète ne les incite pas à travailler
"ils doivent respecter la Dikè en
rendant
des .sentences d roit e s "
(49).
Ils partagent sans doute leur vie entre l'agora de Thespies
et
leurs propriétés à la campagne comme les héros homériques
ou
comme Ischomaque quelques siècles plus tard (50).

23
1. 1.2 Les nobles en Afrique
Dans
la société
wolof,
les princes (doomi-buur)
et
les
notables (jàmbur)
riches et puissants n'éprouvaient aucune
honte à se mettre au travail:
"Au temps des semailles, ils travaillent tous, riches
et pauvres, sans exception ", (DAPPER 1686 p. 233).
Il
Figurez-vous les temps antiques où les princes et
les rois allaient bonnement sans pompe. Imaginez-vous les chefs
de peuple menant eux-mêmes leurs boeufs boire au ruisseau et
conduisant
leurs
chameaux,
servant
eux-mêmes
leurs
hôtes et
apprêtant le kouskous et le poisson Il (BOl LAT 1853 p. 52).
"<Le chef de village Fatiloum> avait des esclaves, et
cependant
ses enfants
soignaient
son cheval,
faisaient
rentrer
ses chèvres dans leur parc, et allaient couper dans les champs
les herbes nécessaires pour ses bestiaux" (MOLLIEN 1967 (1818)
p. 52).
Le travail
n'a jamais été objet d'un mépris même à
l'époque de la traite négrière où des royaumes comme celui du
Walo
s'étaient
mués en
monarchies
militaires
et où
les
nobles
tiraient
leurs richesses des pillages et des prélèvements fiscaux
et
avaient
délaissé
la
mise
en
valeur
de
leurs
terres
(51).
L'orientation guerrière des souverains
serait
à
l'origine
de
la

24
scission
des
jàmbur qui,
excédés
par
les
violences
sans
fin,
auraient
émigré
vers le Cayor pour y fonder le Ndiambour et
s'adonner en
paix
au
travail
(52).
Le pacifique damel Birima
Fatma Tioub avait interdit à ses guerriers de dépouiller
le peuple
et II~S avait incités à cultiver leurs champs (53). Les jàmbur "q u i
n'avaient pas de fonctions politico-administratives importantes se
livraient, pour vivre, à des activités productives Il (54).
Le
travail
n'est
pas une nécessité pour les nobles
qui se mettent à la tâche à l'occasion seulement:
"Tout
le monde est obligé de cultiver ses terres de
quelque condition qu'il soit sans en excepter les prêtres; il n'y a
que les rois et les premiers gentils-hommes pour qui les sujets
travaillent et les vieillards que les jeunes nourrissent" (DAPPER
1686 p. 240).
Les aristocrates wolof comme leurs pairs toucouleur
du
Bondou
devaient se contenter de surveiller les travaux de
leurs gens:
"Nous
trouvons
aux
environs
du
village
de
Dianvely Amadouré
le frère de l'almamy, modestement occupé à
examiner ses champs,
et à surveiller les guetteurs chargés de
chasser les oiseaux" (RAFFENEL 1846 p. 157).
Cette image n'est pas sans rappeler celle du roi sur
le bouclier d'Achi Ile, contemplant ses ouvriers au travail.

25
L'inexistence d'un mépris pour le travail en soi, en
Grèce et en Afrique, est prouvée par le fait que les aristocrates
peuvent
exécuter
toutes
les
tâches,
certes occasionnellement,
sans déroger.
L'attitude des Peul envers le travail constitue une
exception;
elle est comparable à celle des Spartiates à l'époque
classique.
Les
Peul
vouent
un
amour
exclusif
à
l'activité
pastorale.
D'après
les
légendes,
ils
seraient
des
"fils
de
la
Vache" (55). Malgré les prix excessifs du sel, ils en donnaient à
leurs troupeaux (56). Les boeufs sont un signe de prestige: la
dot
est versée en têtes de bétail (57).
Ils n'utilisent presque
jamais
leurs
boeufs à des fins commerciales (58).
Tout travail
autre
que
pastoral
est
méprisé
par
les
Peul
nomades.
Ils
"ignorent à peu près complètement les procédés d'utilisation du
cuir,
de l'os et de la corne, du bois et à plus forte raison du
fer .. ,
Tout
porte
à
croire
qu'ils
ne
les
connurent
jamais et
dépendirent
toujours
de
cultivateurs
et
d'artisans étrangers à
leur
groupe
ethnique.
Seule
à
posséder
ces
caractères
particuliers en Afrique occidentale, l'ethnie peul prit conscience
de sa spécificité Il
(59).
Les Troyens qui
sont attachés à leurs
troupeaux
comme
les
Peul
se
distinguent
néanmoins
de
ces
nomades:
leur
société
est
agro-pastorale,
l'agriculture
y
tient
une
grande
place:
l'épithète
tp LOwÀoc;
et
son
équivalent
ÈPLOÙÛ,OÇ
attrtbués;
à Troie évoquent des terres fertiles (60).

26
Les
Spartiates,
par
le
refus
de
toute
activité
économique 1 s'opposent
à
tous
les
autres
Grecs.
Les Homoioi
auxquels ; tout travail est interdit formellement se consacrent à
l'art militaire.
Ils se déchargent sur les Hilotes et les Périèques
pour
la
culture de leurs terres et la fabrication des produits
artisanaux.
Les
Peul,
à
la
faveur
d'une
guerre
sainte,
ont
assujetti des peuples entiers et les ont condamnés à travailler la
terre.
Ils
ont
allégué
la
nécessité
de
diffuser
l'Islam
pour
conquérir des territoires et en imposer l'exploitation aux paiens
autochtones qu'ils ont dépossédés de leurs droits sur la terre
(61). L'artisanat est confié à des spécialistes étrangers méprisés.
1.2. LES
PAYSANS
1.2. 1 .1 Le travail est une nécessité
Hésiode
décrit
dans
les
Travaux le
monde
rural
qu'Homère,
dont
les
poèmes
sont
consacrés
à
l'élite
aristocratique,
a laissé dans
l'ombre.
Il essaie, tout le long de
son oeuvre,
de
démontrer
que le travail est une nécessité et
recourt à
des
mythes pour donner à son discours une portée
universelle.
Deux mythes qui se font écho, celui de Prométhée et
celui
des
races,
dressent
le
même tableau
idyllique du monde
humain à ses origines (62):

27
"Les
hommes
vivaient
comme
des
dieux,
le
coeur
libre de soucis, à l'écart et à l'abri des peines et des misères: la
vieillesse misérable sur eux ne pesait pas <••• > Tous les biens
étaient
à
eux:
le
sol
fécond
produisait
de
lui-même
une
abondante et généreuse récolte" i Tr . , 112-118) (63).
Les
hommes
de
la
race
d'or
étaient en communion
avec les dieux.
Ils n'avaient pas à travailler pour assurer leur
subsistance,
car
la
terre
leur
fournissait
spontanément
la
nourriture.
Une telle félicité est aux antipodes de la vie de la
race de fer, celle d'Hésiode, vouée aux souffrances, à la mort et
au travail
(64).
Le vol du feu a séparé les hommes des dieux.
Pour punir Prométhée le voleur,
Zeus a caché, aux
mortels
la
vie,
la nourriture
(65).
Pandora,
l'instrument de la vengeance
divine,
leur
a apporté peines et souffrances
(66).
Ils doivent
désormais
travailler
pour
vivre,
rechercher
leur
nourriture
enfouie
dans
le
sol,
engendrer
par
la
femme J donc
nartre
et
mourir
(67).
Le
travail
est
ambigu:
c'est
un
mal
imposé aux
hommes mais aussi un bien, car il permet de recréer la symbiose
originelle. Ceux qui acceptent de s'adonner "aux travaux que les
dieux ont réservés
aux
hommes"
(68)
deviennent
"mille
fois
plus chers aux Immortels" (69).

28
Le travail qui ne possède aucune valeur intrinsèque
aux yeux du poète est présenté aussi comme une nécessité pour
vaincre la faim:
"De la misère, on en gagne tant qu'on veut, et sans
peine: la
route est plane, et elle loge tout près de nous. Mais
devant
le mérite, les dieux immortels ont mis
la sueur" (T r. ,
287-290) .
"Travaille,
Persès, noble fils,
pour que la faim
te
prenne en haine" (Tr., 299-300).
" La faim est partout la compagne de l'homme qui ne
travaille pas" (Tr., 302).
" Si tu travailles, celui qui ne travaille pas bientôt,
enviera ta richesse
"( Tr., 312-313).
"Dans la condition où t'a placé le sort, ton intérêt
est de travailler" (Tr., 314).
Cette condamnation de la paresse,
qui est la cause
de la pauvreté, se retrouve dans des maximes wolof:
" Oisiveté, mère de tous les vices"
"On ne peut rien avoir sans peine"
"La paresse amène l'ennui et raccourcit la durée de
la
vie"
" La paresse ressemble à la
rouille;
elle
use
beaucoup
plus que
le
travail;
la clef dont on se
sert est toujours plus claire"
"Pour
le
paresseux,
tout
est
difficile,
pour
le
travailleur, tout est facile".

29
U..'h..-«;J:\\
"Le paresseux est toujours pauvre, car le renard qui
dort ne prend pas de poule"
"Le paresseux qui vit d'espérance court le risque de
mourir de faim Il
IILa faim
regarde
la
porte
du
travailleur mais n'y
entre pas ll (70).
"Le
paysan
(pauvre)
qui
n'aime pas
le
travail
n'aime
pas son parent Il (71).
Le
travail
suscite
des
idées
identiques
dans
la
société toucouleur:
"Celui qui ne
cultive pas,
pour qui on ne cultive
pas, c'est la faim qui le tue"
IILa pauvreté est la fille afnée de la paresse"
"Celui qui ne peut pas travailler, ne gagne rien"
"Celui qui est debout a emporté la part de celui qui
est assis" (72).
"Ce qui vainc la famine, c'est le cri de "Bienvenue
au mil" Il
(73) •
Le
corollaire de la paresse,
la pauvreté,
engendre
l'endettement et la mendicité qui sont dégradants. Tel est le sort
réservé à Persès s'il ne se met pas au travail.
Il ira "me ndier,
indigent,
à la porte d'autrui, pour ne rien obtenir" (74). Avec
.sa femme et ses enfants,
il se heurtera à l'indifférence de ses
voisins.
Il doit
'l isonger-
à
payer
ses
dettes
et
à
se
mettre

30
à l'abri de la famine" (75).
Pour
les
Wolof
aussi 1 l'endettement
est
lié
à
la
paresse;
il
réduit à
néant
tout espoir d'enrichissement et est
plus blâmable que le mensonge:
"Le travail paie les dettes, la paresse les augmente Il
"Qui paie ses dettes s'enrichit Il
"Q ui ne s'endette pas s'enrichit Il
"La première faute est de s'endetter, la seconde est
de mentir" (76).
Les Toucouleur
méprisent
les
paresseux
condamnés
à
vivre
aux
dépens
des
autres
en
jouant
sur
les
relations
d'hospitalité.
L'homme qui
refuse de
travailler
tombe dans un
cercle
vicieux)
il
est
obligé de contracter
des
emprunts
qui
l'appauvrissent encore plus:
"L'homme jeune et vigoureux qui ne cultive pas ne
cesse
de dire "Dieu m'a amené ici" Il (77).
"L'emprunt est la fille afnée de la pauvreté"
"Des dettes nombreuses rendront sûrement pauvre "
(78) •
Quand Hésiode clame qu'"il n'y a pas d'opprobre à
travailler:
l'opprobre
est
de
ne
rien faire ". il ne s'élève pas
contre
un
mépris
général
pour le travail dans une société où
l'oisiveté
serait en honneur (79).
Il veut montrer seulement à
son frère paresseux que le meilleur moyen, le plus juste aussi,
pour sortir de la misère, est le travail (80).
Le
travail
n'est
une

32
moutons, un chien, quelques esclaves et des thètes , 1\\ cherche à
tout produire sur place, car "rien ne vaut de tout trouver chez
soi: ce qui vient du dehors est ruineux" (84). Une "abondante
réserve
de nourriture"
permet
de ne pas être dans le besoin
(85).
Le laboureur travailleur et prévoyant
n'est ni obligé de
contracter des emprunts auprès de ses voisins
ni poussé à la
mendicité par la pauvreté (86).
Il coupe lui-même du bois pour
se fabriquer un chariot et "fait chez lui deux charrues" (87). Il
prépare tous ses instruments de travail chez lui (88). Il se taille
dans le cuir d'un boeuf des chaussures bien ajustées (89)
et
pour se protéger contre les rigueurs de l'hiver,
il se tisse un
manteau et une tunique (90). Probablement, il construit lui-même
sa maison (91).
Cependant,
le recours à des artisans pour les
travaux
difficiles
n'est
pas
exclu
dans
une
économie
d'autosubsistance
(92).
Le
laboureur,
certes,
s'adonne
à
des
activités
artisanales,
mais
il
ne les accomplit pas en tant que
métier: il n'est pas désigné par les noms de fonction "bûcheron",
"charpentier",
"cordonnier" ou
"tisserand".
L'agriculture n'est
pas un métier (93), c'est une "pratique religieuse" (94). Par son
travail
le
paysan devient
plus cher aux
dieux
(95).
Le
bon
travailleur qui est nécessairement un homme pieux accomplit des
.'
"
tâches quotidiennes en respectant un code de tabous (96). Dans
"les
Travaux,
on
ne
peut
séparer
ce
qui
appartient
à
la
théologie,
à l'éthique et au traité d'agriculture.
Ces plans sont
confondus dans un même esprit de ritualisme minutieux" (97).

33
L'idée d'un travail occasionnel et d'une surveillance
des dépendants est incompatible avec la nécessité d'exécuter des
activités agricoles, artisanales et éventuellement commerciales. Le
paysan mène la même vie laborieuse que ses esclaves (98).
L'idéal d'autosuffisance
se trouve en filigrane dans
les poèmes homériques. En l'absence de son maître Ulysse, Eumée
vit
comme
un
homme
libre,
indépendant.
Son installation à la
pointe extrême de l'ne, qui rend un contrôle dtfflclle j tul permet
d'avoir une certaine autonomie (99). " prend des décisions "sans
consulter
sa
maîtresse
ni
le
vieux
Laërte": il a
construit une
porcherie
et s'est acheté un esclave de ses propres ressources
(100).
Il
a
quatre
esclaves
sous
ses
ordres
(101)
et
peut
engager des thètes (102). Outre ses talents de maçon
(103), il
s'occupe de cordonnerie: il se taille dans le cuir d'un boeuf des
sandales
(104).
Il
atteindra
vraiment
l'autosuffisance
lorsqu'il
sera affranchi, quand il aura "une maison, un lopin de terre et
une femme" (105). La piété est aussi une des qualités du "divin"
porcher qu i considère son travail comme un acte religieux:
"Un
dieu
accroit
le
travail pour un homme qui a
beaucoup peiné pour son maître, comme pour moi augmente ici le
travail auquel je suis attaché"( Gd., XIV, 65-66).
Même si Eumée exécute son travail dans le cadre de
la
servitude,
la
relation
entre l'accroissement du
travail et la

34
bénédiction divine mérite d'être notée.
Les
sociétés
d'autosubsistance
de
l'Afrique
sont
elles aussi
basées sur l'agriculture. Pour le paysan wolof, trois
choses
soutiennent
l'homme en ce
monde:
semer
(ii),
récolter
(goob)
et manger (lekk).
En d'autres termes, trois choses sont
nécessaires: avoir des choses qui ont poussé (sax) et un grenier
(sàq) et bien mâcher (sàqami) ( 106) •
Une
réputation
de
paresse
est
faite
aux
paysans
noirs
qui
ne
travaillent
que
durant
trois
mois
par
an
pour
!
assurer leur subsistance:
"Les terres se labourent,
sèment et sont dépouillées
de
leurs
fruits
dans
le
terme
de
troy
moys.
-Mais il y a de
mauvais laboureurs et gens qui ne se veulent travailler à jeter
les
semences,
sinon ce qu'ils pensent être suffisant pour leur
vivre
de
toute l'année et encore bien étroitement,
n'étant pas
fort curieux d'avoyr des blés pour vendre" (CA DA M05TO 1974
(1455)
p.
103).
"Hormis
que la nécessité les presse,
ils sont
extr-èmenent paresseux
pendant
tout
le
cours
de
l'année,
si ce
n'est au temps des semailles et
de la moisson qu'ils travaillent
tous, riches et pauvres, sans exception" (DAPPER 1686 p. 233).
"La
récolte,
une
fois
terminée,
les
nègres
lolofs
<\\Volof> restent pendant neuf mois couchés sur leurs nattes, et
remplissent le temps par la conversation
et
le
précieux
farniente

35_
<... > Comme l'oisiveté est en honneur dans ces contrées <•••> il
est aisé de voir que le
besoin seul engage l'Iolof à travailler"
(MOLLIEN 1967 (1818) p. 73).
On
a
cherché
à
expliquer
cette
paresse
par
le
climat:
les
zones
tropicales

la
chaleur
est
étouffante
f
favoriseraient
la
"léthargie".
Contre cette théorie,
on pourrait
citer
plusieurs exemples d'Africains qui travaillent des heures
d'affilée sous un soleil de plomb. On a aussi invoqué la fertilité
des
sols
et
la
richesse .de
l'Afrique occidentale:
les
paysans
auraient
été en
mesure
d'assurer
leur
alimentation pour toute
l'année avec seulement les produits récoltés après trois mois de
travail
(107).
Cette
hypothèse
se conçoit
difficilement
si
"on
pense à ta pauvreté des sols de cette "terre de disette" et aux
difficiles périodes de "SOUdure" entre deux récoltes (108). A cela
s'ajoutent
les
famines
dues aux invasions de sauterelles et de
peuples
ennemis
(109) .
Bien
que
les
Africains
qui
ne
connaissaient
ni
la
roue
ni
la
charrue
eussent un
retart1
technologique
certain,
ils
possédaient
diverses
techniques
agricoles
qui
auraient
pu
permettre
d'avoir
un
surplus.
Pourtant,
dans les zones qui le favorisaient,
l'excédent agricole
potentiel
n'a
pas
été
exploité
(110).
Le
paysan
africain,
/
contrairement à son homologue béotien, ~rait tendance à stocker
sa
récolte
abondante
en
prévision
d'une
famine,
plutôt
qu'à
l'utiliser
à
des
fins
commerciales.
Sans
préoccupations
mercanti les, il n'avait donc pas à rechercher un surplus.

36
Chaque famille essayait de se suffire à elle-même:
"Chaque ménage travaille seul en sa "ToI" <tool> qui
sont
leurs
terres
labourables,
autant
qu'il
en
faut
pour leur
nourriture" (RITCHIE 1968 (1673) p. 320).
A l'instar du paysan béotien, il construisait sa case,
fabriquait son mobilier et parfois ses vêtements:
"Chacun
dans
ce
pays
est
architecte,
Macon
charpentier et couvreur, en faisait soi mesme sa case" (RITCHIE
1968 (1673) p. 320).
Alors
qu'en
Grèce
l'unité
de
production
et
de
consommation se limite
à Il
O'tKOÇ qui
correspond
au
kër des
wolof et au galle des Toucouleur, en Afrique, elle s'intègre dans
le
cadre
plus
large
du
lignage
qui
regroupe
"l'ensemble
des
descendants vivants d'un ancêtre commun connu" (111). Un seul
lignage ou plusieurs constituent un village. Les travaux collect ifs
accomplis
dans
ce cadre élargi
ne sont pas considérés comme
des
travaux
exécutés
pour une autre personne:
l'Africain "ne
travaille pas pour le compte de quelqu'un, ,mais avec les autres
membres
du
groupe
auquel
<il> appartient pour la satisfaction
des besoins de tous"
(112).
Chaque villageois pouvait recourir
au
service des
autres
pour
la
construction
d'une
case ou
le
défrichement. " était tenu de fournir aux travailleurs le repas et
de
leur
apporter
son
aide,
s'ils
avaient
besoin
de
lui
ultérieurement. Nous avons donc affaire à un système
de
dons et

37
contre-dons.
Les
travaux
collectifs sont justement appelés par
les Wolof "dons de travail" maye liggééy (maye :
faire un don;
liggééy:
travail).
Ils donnent
lieu à une compétition entre les
jeunes gens qui rivalisent d'ardeur, exhortés par les filles et la
musique
(113).
L'émulation
dans
le
travail,
soulignée
dans
le
monde
d'Ulysse,
permet
aux
hommes
de
montrer
leur
grande
habileté.
Les meilleurs voient leurs louanges chantées dans .Ieur
village et ses environs.
1. 3.
LES
FEMMES
1.3.1.
Les aristocrates
L'ordre d'Hector à Andromaque
révèle
le
rôle et la
place de la femme dans le milieu aristocratique:
"Allons!
lui
dit-il,
rentre
au
logis,
songe
à
tes
travaux,
au
métier,
à
la
quenouille
et
donne
ordre
à
tes
servantes de vaquer à leur ouvrage.
Au combat, veilleront les
hommes" (1/. , VI, 490-492).
Télémaque
congédie
sa
mère
en
des
termes
identiques (114). Exclues de la guerre et de toutes les activités
qui exigent une grande dépense d'énergie, les femmes s'occupent
essentiellement
des
travaux
domestiques
(115).
Elles
doivent
savoir
tisser
et
broder avant
tout.
Les
reines
Hélène,
Ar ê tè ,
\\

38
Andromaque et Pénélope, la nymphe Calypso et la déesse Circé,
quenouille à
la main,
s'assoient devant leur métier.
Les étoffes
tissées se signalent par leurs qualités esthétiques.
Hélène trace
les épreuves des Troyens et des Achéens sur le manteau qu'elle
tisse
(116).
Andromaque tisse "u n manteau double de pourpre,
qu'elle \\ va parsemant de dessins variés" (II., XXII, 440-441). La
grande toile de Circé est "u n de ces éclatants et fins ouvrages
dont la
grâce trahit la main d'une déesse" (Od.,
X,
222-223).
Avec ses suivantes, Ar~tè lia confectionné elle-même (aùnl n:ül;E)
de beaux vêtements Il (Od.,
VII,
234-235).
La déesse Athéna qui
a appris de beaux ouvrages à Pénélope et aux filles de Pandarée
est
"experte en beaux ouvrages Il
:
"elle a fait et ouvré de ses
propres mains (œù t ù
rro t non t o Kal Kéqjf x e o o Lvlaa
robe
souple
et
brodée Il
(117) .
Pour
implorer
Athéna,
les
Troyennes
lui
offrent un voile d'une rare beauté, offrande bien choisie pour la
déesse qui
préside aux arts féminins (118).
Le choix de l'objet
lin'est
jamais
laissé à la libre décision des donateurs;
tout au
contraire, il est placé en rapport étroit avec le domaine d'action
clû Î:::\\'.7 "'\\ ;Je-
de
la diviriit é "
(119).
Le prestige
1
l
'.:. 1
'7
est révélé par
le
don
d'une quenouille
d'or
à
Hélène
en
Egypte
(120).
Les
femmes organisent la réception des hôtes.
Hélène lia baigné Il
1 ÈYw ÀOEovl et frotté d'huile Ulysse (121). Polycaste, la fille de
Nestor,
le fait pour Télémaque (122).
Les épouses préparent le
lit de leurs maris (123). Elles gardent les biens dans la maison.
Pénélope assume ce rôle remarquablement.
Par ses atermoiements

39
et ses ruses, elle évite de se marier avec l'un des prétendants;
elle préfère rester auprès de son fils pour sauvegarder les biens
que son mari lui a confiés (124). Les Troyennes lavaient le linge
dans
des
lavoirs
hors de la ville (125).
Ce
travail revêt une
grande importance pour Nausicaa, la fille du roi Alcinous (126).
En rendant propre et frais le linge des membres de sa famille,
elle
s'assure
une
belle
renommée
et
beaucoup
de
prétendants
pour sa main parmi les Phéaciens "qui aiment changer souvent de
vêtements" (127).
Les femmes africaines ne sontpas moins laborieuses.
L'abbé Boilat parle des princesses wolof en ces termes:
"Représentez-vous
surtout
les princesses se levant
avant
l'aurore
pour
piler,
dans
un
tronc
d' ar bre
artistement
creusé,
le mil qui fera la fête de la famille et des étrangers"
(BOILAT 1853p. 52).
Les
femmes
nobles
de
la
cour
de
la
Iingeer
s'occupaient
avec
les
esclaves
du
linge
(128).
Les
femmes
toucouleur du Fouta Toro sont comparées à Nausicaa:
"Nous
fûmes
obligés
d'aller
au
puits chercher nos
vêtements
que
la
nièce
de
mon
marabout
blanchissait;
car en
Afrique,
les
femmes
les
plus
riches,
semblables
à
la
belle
Nausicaa,
ne
rougissent
pas
de
remplir les fonctions les plus
simples du ménage" (MOLLIEN 1967 (1818) p. 135).

40
Au Fouta Djalon, comme en Troade,
l'activité pastorale
est
si
prestigieuse
que
les
femmes
s'en
chargent
aussi.
Andromaque donne des
soins aux
chevaux d'Hector
(129).
Sa
digne
émule
peul,
la
soeur
d'Abdoul,
le
chef du
village de
Bandeia,' et
parent
de
ï'almoami ,
bien qu'elle
ait
une origine
aussi respectable, s'occupe du bétail à la grande surprise de G.
T. Mollien (130) :
" ... sa soeur dont j'avais jusqu'alors ignoré l'illustre
naissance,
car
je
l'avais
vue
qui menait
elle-même
paître
ses
troupeaux" (MOLLIEN 1967 (1818) p. 219-220).
Quoique les femmes aristocrates soient expertes dans
tous
les
travaux,
elles
ne
sont pas obligées de se mettre au
labeur.
Elles travaillent uniquement pour passer le temps. Elles
se contentent
de
superviser
les activités de leur
nombreuse
domesticité
servile.
Hector et
Télémaque
avaient souligné ce
rôle de surveillante des femmes (131). Pénélope le rappelle:
"Je surveille mon travail et celui des servantes dans
la maison" (Gd. , XIX, 514).
Le
travail
des
femmes
nobles
à
la
cour
de
la
lingeer est
occasionnel:
"<les
esclaves> étaient aidées en ces travaux
< au
blanchissage>
par
les
femmes
nobles
de
ces
sociétés qui,
en
dehors de
là, ne prêtaient leur concours que par complaisance"
(ROUSSEAU
1929 p.
173).
La lingeer et
les
femmes
du
roi

41
possédaient un grand nombre d'esclaves condamnées à travailler
sur leurs ordres et sous leur contrôle (132). Chez les Peul, la
"
surveillance des esclaves,
même aux champs, est du ressort de
la femme (133).
Contrainte
pour
les
esclaves,
le
travail
est
une
occupation pour les riches et les aristocrates.
1.3.2. Les femmes des paysans
La femme
est présentée sous un aspect ambigu par
Hésiode: elle est un "beau mal" (134). Elle incarne l'''oisiveté''
( CH: PV La)
dans
le
monde
paysan.
Elle
est
comparée
au
faux-bourdon
qui
se
nourrit
du
labeur des abeilles sans rien
faire
(135).
En
effet,
elle
consomme
les
fruits
du
travail du
laboureur sans prendre part à la besogne. "Toujours à l'affût de
la
table Il ,
elle
consume
son
mari
et
"le livre à
une vieillesse
p rémat urée " (136). Elle cherche par "son babil
flatteur" à vider
la
grange
du
paysan
(137).
Toutes ces critiques
revêtent un
caractère
économique
(138) .
Le
poète
s'attaque
aux
femmes
inactives/seulement/car il reconnaît qu'"i! n'est pas pour l'homme
de meilleure aubaine qu'une bonne épouse, ni, en revanche, de
pire
malheur qu'une
mauvaise,
toujours
à
l'affût
de la table"
(Tr.
702-704).
La bonne épouse est celle qui, par son travail,
contribue à l'enrichissement de son mari. La paysanne
n'est
pas

42
complètement oisive comme a pu le laisser penser la description
de la jeune fille qui baigne son corps à l'intérieur de la maison
( 1 39) •
Ce tableau est lié à une période où toute activité est suspendue:
tout le monde, hommes et bêtes, est confiné dans un abri, pour
éviter les rigueurs de l'hiver (140).
La femme qui "dresse son
métier
et
entame
son
ouvrage"
(141)
n'ignore
pas
l'art
du
tissage,
patronné
par
Athéna
qui
a
appris
à
Pandore
"les
travaux, le métier qui tisse mille couleurs" (1 42).
L'Inexistence
d'une main-d'oeuvre servile importante réduit considérablement le
poids de cette
activité dans le milieu paysan où la femme est
incapable
d'assurer
l'habillement
de
son
époux
qui
se
confectionne lui-même ses manteaux (143).
Etant donné la difficulté d'imposer des travaux dans
les champs à une femme épousée, le paysan préfère acquérir une
esclave qui sera contrainte de suivre les boeufs de labour si le
besoin s'en fait sentir (144).
La femme
toucouleur est présentée, elle aussi, sous
un aspect double: elle peut être une bonne martresse de maison
ou une épouse dépensière
qui pousse son mari à la ruine:
"Les femmes sont de deux sortes: la femme "prends
la,
tu
t'enrichiras"
et
la
femme
"prends - la,
tu
t'appauvriras" .
"Tout
ce
que
l'homme a gagné par son travail,
la
femme le dépense".

43
"Si tu
prends
femme , prends une personne bien;
prends
une
fille
de
bonne
famille;
une
fille
de
bonne famille ne se gâtera pas".
"L'homme
est
la
prospérité
de
la
maison,
c'est
la
femme, elle, qui es t la maîtresse de maison" (1 45) •
Alors que
la femme du laboureur béotien n'est pas
obligée de travailler, la femme africaine consacre tout son temps
au travail:
"<au
Fouta
Toro> les
femmes
seules sont chargées
des travaux du ménage: elles dorment peu; car, pendant la plus
grande
partie
de
la
nuit,
elles
sont occupées
à piler le mil,
besogne très fatigante" (MOLLIEN 1967 (1818) p. 171).
L'activité perpétuelle des femmes, qui s'occupent non
seulement
de
toutes
les
tâches
domestiques,
mais
aussi
participent aux travaux agricoles,
contraste avec l'oisiveté des
hommes
qui
ne
travaillent
que
trois
mois
par
an.
D'après
le
témoignage de V.
Fernandès, les hommes étaient nourris par les
femmes:
"Une partie des travaux agricoles était confiée aux
femmes: les femmes de ce pays <la Gambie> et de toute la Guynée
cultivent
et
labourent
et
sèment
et
nourrissent
leur
mari"
(FERNANDES 1951 (1506) p. 45 cité par BOULEGUE 1968 p. 74).

44
Pourtant
cette
existence
laborieuse est
liée à
une
division du travail entre sexes assez souple: aux hommes sont
réservés les travaux qui exigent de la force et s'exécutent en
général
en
peu
de
temps,
aux
femmes
incombent les activités
longues,
monotones,
peu pénibles et qui demandent "un effort
plus
soutenu que
violent"
(146).
La collaboration
des
femmes
dans les travaux champêtres n'occulte pas la division du travail.
Au XVllè siècle, o. Dapper notait que chez les Wolof les hommes
moissonnaient
le
mil,
les
femmes
le
battaient et
le
vannaient
avant de le mettre dans des corbeilles (147). Aujourd'hui encore,
les hommes cultivent le mil, et les femmes le riz. Néanmoins une
coopération existe: dans les champs de mil, une femme peut aider
son
mari
à
semer
ou
à
enlever
les
mauvaises
herbes.
La
protection des cultures contre les oiseaux échoit aux filles et aux
jeunes
femmes.
Les
hommes
plantent
le
coton
que
les femmes
récolteront.
Ils
coupent
les
hautes
herbes,
transportent
les
gerbes
de
riz
à
repiquer
et,
la
nuit,
protègent les
rizières
contre
les
hippopotames
(148).
Ils
accomplissent
parfois
des
tâches
domestiques.
En
somme,
l'accusation
de
paresse
ne
se
justifie pas. Les hommes travaillent moins que les femmes, si l'on
ne considère que la durée,
mais autant si l'on tient compte de
l'effort fourni.
x
X
X

45
Dans les sociétés africaines et dans le monde grec,
le travail, qui n'est jamais condamné en soi étant donné que les
hommes
libres, . . aristocrates et paysans, accomplissent toutes
sortes
de
tâches,
aussi
bien manuelles qu'intellectuelles,
n'est
honorable que s'il est personnel.
Le terme "personnel Il est pris
dans un sens large,
il s'étend à toute la famille, voire à tout le
lignage;
il s'applique et au travail des femmes et des enfants au
sein
de
la
famille
et aux
prestations
et contre-prestations de
travail entre villageois (149). Il suppose une autarcie individuelle
et économique:
le travail
n'est exécuté ni
sous contrôle
ni au
profit d'un autre que soi-même ou sa famille (ou son lignage).
Seuls les propriétaires de terres cultivables pourront aspirer à
un
tel
idéal.
C'est
pourquoi
l'agriculture,
grâce
à
laquelle
l'autosuffisance est assurée,
occupera toujours le sommet de la
hiérarchie
des
activités économiques.
On
peut
définir
le
géér
dans
la société wolof, en plus du critère de la pureté du sang
(150) comme un homme "libre", en ce sens qu'il n'est jamais sous
la
dépendance
d'une autre personne quand
il travaille.
L'idéal
d'autarcie apparaît aussi à travers les rapports établis entre les
hommes
libres
et
les
métiers.
Que
les
héros
homériques
travaillent
seulement
à
l'occasion
(comme
les
aristocrates
africains) pour rappeler leur supériorité dans tous les domaines,
que
les
paysans
béotiens
se
mettent
au
labeur
par
nécessité
(comme les baadoolo), malg ré tout,
les uns et les autres ne sont

46
jamais
les
agents
d'une
fonction,
d'un
métier,
auxquels
ils
seraient voués "par
destination, aptitude ou nécessité", ils sont
les
auteurs
d'un
acte
(151).
Les
Grecs et
les
Africains qui
accomplissent plusieurs travaux pour assurer leur autosuffisance
considèrent
comme
un
déshonneur
la
pratique exclusive d'un
métier, d'une activité permanente. " n'existe, ni dans les poèmes
homériques,
ni dans les
Travaux d'Hésiode,
de noms désignant
un métier attribués aux hommes libres. L'autarcie individuelle est
incompatible
avec
l'exercice
d'un
métier;
c'est
pourquoi
les
hommes libres sont les auteurs d'actes (d'où l'emploi de verbes)
et non les agents d'une fonction.
Il n'est pas surprenant que le
mot "profession Il soit ignoré dans les deux civilisations (152).

NOTES
DU
CHAPITRE

lia
( 1 ) - oa., XV III, 362.
(2)- oa., XIV, 222.
(3)- Cf.
VIDAL-NAQUET
1970.
(11)- Od: , XXIV, 242.
(5)- WALTZ 19111, p. 31.
(6)-Dd. , XXIV, 254-255.
(7)- " . , X, 164.
(8)-Dd. , 1, 189-190; XI, 187-196; XVI, 139-145.
(9)-Dd., XXIV, 208; 2111.
(10)-Dd, XIII, 268.
(l1)-Dd. , XVI, 27-28.
( 12) - 1/ "
V, 31 3; X1V, 445.
(13)- 1/. , XXIV, 29.
( 14) - " . , VI, 25.
(15)- 1/ • , VI, 421-424.
(16)- 1/ • , XX, 188.
(17)- u . , XI, 106.
(18)- 1/ • , XV, 547.
(19)- Od. , XIII, 222-223.
(20)- oa , IX, 217; 336.
( 21) - oa , X Il, 131.
(22)- 1/ • , VIII, 185-190.
(23)- 1/ • , IV, 500.
(24)- FAURE, 1975, p. 166.
(25)- oa. , III, 421-422.

49
(26)- n oxùu nr t.c
(11.,1,331; 440; etc. Od., Il, 173; etc.);
noxunùxcvo c
(II.,
Il,173;
etc.
; Od.,
V,
203,
etc).
(27) - Od., V, 243-261.
(28)- WALTZ 1914 p. 9; AYMARD 1948 p. 32 et 1967 p. 321.
(29)- oa., XXIII, 188-201.
(30)- oa., XXIII, 189.
(31)- Od., XXIII, 178.
( 32) - oa., X X III, 197 .
(33)- Il., XXI, 35.
(34)- Il., VI, 314.
(35)- /1., VI, 316.
( 36) - /1., XI, 832; X Il, 2.
(37)- oa., XIX, 457.
(38)- Od., XIX, 460.
(39)- Od., IV, 227.
(40)- Od., XI, 368.
( 41) - /1., 1X, 186.
(42)- 1/., XIII, 730-731.
(43)- Od., VIII, 246.
(44)- oa., 1,200; XV, 172.
( 45) - /1. , IX, 211.
(46)-Od., 1, 108.
(47)- Od., XIX, 420-423.
(48)- Le fils de Ménélas (Od., XV, 141); Héphaïstos (fi., 1, 598)
Hébé (1/., IV, 3).
(49)- VERNANT 1965 p. 45.

50
(50) - XENOPHON, Economique.
(51)- BARRY 1972 p. 133sq. DIOP A. B. 1981 p. 190.
(52)- LY B. 1967 p. 139.
(53)- DIOP A.
B.
1981 p. 190. Le damel (roi du Cayor) Tioub a
reqné de 1809 à 1832 ,
( 54) - DIOP A. B. 1981 p. 158.
(55)- LABOURET, 1955, p. 23.
(56)- MOLLIEN 1967 (1818) p. 161.
(57) Cf.
DUPIRE.1970p. 25sq.
(58)- LABOURET 1955 p. 25.
(59)- DUPIRE 1970 p. 427.
(60)-
Ept(3WÀOÇ : u., XVIII, 67 ; XXIII, 215
EPd3wÀa~
Il., 111,74; 257; VI, 315; XVI, 461; XXIV, 86.
(61)- BALDE M.S. 1975 p. 188-189.
(62)- Sur ces mythes, voir VERNANT 1965
1974; 1979.
(63)- Cf.
Tr., 90-92.
(64)- Tr .• 176 sq.
(65)- Tr., 42.
(66)- Tr., 95; 100-103. ct., 177-178.
(67)- VERNANT 1965 p. 187.
(68)- Tr .• 398.
( 69) - Tr.. 309.
(70) -
Nous
avons
légèrement
modifié
la
traduction
de
ces
proverbes
cités
dans
DARD
1826,
voir
aussi
LYB.
1967 p.
194-196.
(71) - LYB. 1967 p. 196.

51
(72)- Proverbes in CADEN 1931 cf. aussi LY B. 1967 p. 195 sq .
(73) -
1111 a fallu du travail pour faire pousser le mil, c'est donc
ce travail qui a vaincu la farnine " CADEN 1931 p. 208.
( 74) - Tr., 395.
(75)- Tr., 404.
(76)- DARD 1826.
(77) -
Le
paresseux
est
obligé
d'aller de village en village se
faire héberger
et
nourrir
et
de
dire
quand
il
se
présente:
"C''es t
Dieu qui
m'a
conduit
ici",
Ce
qui est une manière de
demander l'hospitalité. CADEN 1931, p. 208; LY B. 1967 p. 196.
(78) - CADEN 1931.
(79)-
Tr.,
311;
ce vers a été
interprété comme le
signe d'un
discrédit du travail par FRANCOTTE 1900 p. 236.
(80)- AYMARD 1967 p. 323.
(81)- rr., 317.
(82) - CADEN 1931.
(83) - Tr. , 405-407.
(84) - Tr . , 365.
(85) - Tr . , 30-34; 363-367.
(86) - Tr , , 391-400.
(87) - Tr. , 421-432.
(88) - Tr , , 407.
(89) - Tr. , 541- 5 42.
(90) - Tr. , 535-537.
( 91 )- Tr . , 746.
( 92)- Tr , , 430.

52
(93)-
"L'agriculture
n'est
pas
à
proprement
parler
une
profession,
elle est déjà comme elle le restera toujours chez les
Grecs la ressource de ceux qui
n'en ont pas d'autre" (WALTZ
1965, p. 200).
(94)- DETIENNE 1963, p. 32sq.
; VERNANT 1965, p. 200.
(95)- tr., 309.
(96)- rr., 724-759. DETIENNE 1963, p. 36.
(97)- VERNANT 1965, p. 200.
(98)- tr., 459.
(99)- oa., XXIV, 150.
(100)- oa., XIV, 7-9
449-452.
(101)- oa., XIV, 26.
(102)- oa., XVII, 185-188.
(103)- oa., XIV, 7 sq .•
(104)- oe., XIV, 23.
(105)- oe., XIV, 64.
( 106) - MON TEl L 1966, p. 8l.
(107)- Cf.
COQUERY-VIDROVITCH 1974, p. 273-276.
(108)- LABOURET 1958, p. 125-126.
(109)- BARRY 1972, p. 79.
(110)- COQUERY-VIDROVITCH 1974, p. 276.
(111)- LY B. 1969, p. 230.
(112)- BALANDIER
1972 p. 287.
-1967
(113)- LY B:Vp. 199sq. Sur les travaux collectifs chez les Peul,
voir VIEILLARD 1940, p. 142.
(114)- oa., 1, 356-358 (::: XXI, 350-352).

53
(115)- Sur la place de la femme dans la société homérique, voir
a
MOSSE 1981 et WORONOFF 1983 .
(116)-
1/., III, 125-128.
(117)- 1/., V, 735 ; VIII, 386.
(118)- 1/., VI, 293.
b
(119)- WORONOFF 1983
p. 35.
(120)- oa., IV, 130.
(121)-ad.,IV,252.
(122)- oa., III, 464.
(123)- oa., III, 404 ; VII, 347.
(124)- oa., XIX, 525-526 ; XXIII, 355 ; MOSSE 1981, p. 155.
( 125) - 1/. , XXII, 155.
(126)- oa., VI, 26.
(127)- oa., VIII, 249.
(128)- ROUSSEAU 1929 p.
173.
Le titre de lingeer était réservé
"aux mères des
rois,
<et> à leur absence <défaut>, aux soeurs
maternelles, aux cousines utérines
<du souverain>,
et ainsi de
suite par droit d'arnesse" (ROUSSEAU 1929, p. 172.)
( 129) - 1/., V III, 1 85-1 90.
(130)- almaami : chef de la confédération du Fouta.
(131)- 1/. , VI, 490-492 ; oa., 1, 356-358 (~XI, 350-352).
(132)-
CA
DA MOSTO
1974 (1455)
p.
110
;
DAPPER
1686,
p.
234.
(133)- VIEILLARD 1940, p. 155.
(134)- Th., 585.
(135)- Tr., 304-305
t n., 594-595.
(136)- Tr., 704-705.
(137)- r-., 374.

CHAPITRE
2
""-
o E M 1 U R G E SET
NEE N o.
LA SPECIALISATION PROFESSIONNELLE

56
L'interprétation très répandue de
nu loupv6ç
au
ë
sens
de
"celui qui
travaille
pour
le
peuple"
repose
sur
une
erreur
d'analyse
morphologique.
Le terme désigne,
d'après les
études
de
F.
Bader,
"celui
qui
s'occupe
des
6fll.1la ,
des choses concernant
le
6fil.loç "
(1).
Les
démiurges
sont
la seule catégorie sociale dans l'épopée homérique à posséder une
dénomination
formée
sur
fpyov
: ils sont déterminés en tant
que travailleurs (2). La même remarque s'impose pour les heeno
,.J
-.J

wolof: le
substantif
est
dérivé
de
la
racine
peul
neen: qui
"exprime une idée d'habileté,
d'adresse"
(3).
Les neeiro comme
les
démiurges regroupent
et
les
artisans
et
les
membres
de
professions plus ou moins intellectuelles.
2.1. LES DEMIURGES
~
Les
métiers de démiurges s'exercent hors de 1'0 tlCOÇ.
Le
tissage,
activité
exclusivement
domestique
n'en
fait
pas
partie.
Les devins, les guérisseurs, les charpentiers,
les aèdes
(4)
et
les
hérauts
(5)
s'occupent
des
choses
concernant
le
peuple, avec les forgerons, les corroyeurs et les potiers (6).
2. 1.
1. Les
artisans
Les termes
(3avauaoç
et
XElPwva~
qui désignent l'artisan,
et
les
mots
"artisanat'"
et
"artiste"
n'apparaissent ni dans l'oeuvre d'Homère ni dans celle d' Hésiode (7).

57
La
fonction
technique
n'est
pas
encore
bien
caractérisée;
,.
le
\\
fe.:e,e-~ \\€
terme
TÉXVn
couvre
un
champ
~..)'• ", assez vaste: il
s'applique
au
travail
artisanal" au
tissage
des
femmes
et
aux
ruses de Protée et de Prométhée (8). Il n'existe pas de "division
du travail" dans le monde antique, où l'on cherche non pas à
e.n
augmenter
la
quantité
de
la
production,
mais
à
améliorer
la
qualité
par
une
"division
des
métiers Il
(9).
Chaque
artisan
exerce
son talent
dans
un
domaine
précis,
afin
de
créér les
ouvrages les plus réussis possibles. On distingue les spécialistes
du culr , de l'argile et de la terre, du bois et des métaux.
Le nom d'agent composé
oxur o t ôuo c (aKüToC;-TO~OC;
cf.
TÉ~VW ) désigne "celui
qui
travaille
le
cuir,
le
corroyeur" (10). Ce travail était exécuté en grande partie dans
-ta
l' 0 lKOÇ:
l'esclave
Eumée
et
le
paysan
béotien
se
taillent
/
eux-mêmes des sandales dans le cuir d'un boeuf (11). Le potier
est
désigné
par
le
nom
de
métier
l<Epa~EUç
dérivé
de
l<Épa~oç
et attesté en mycénien (12).
'
"fi
le"é1iel"e,
J'éSSéhr'é' né la ;l!IramlQQS étall prqUalt dS"Ii"
l&tlE
(13).
Le
métier
de
forgeron
est
entre
les
mains
du
xaÀl<EUç
terme
déjà
mycénien,
dér ivé
de
xaÀl<éç
et
désignant
"celui qui travaille le bronze" et d'autres métaux aussi (14). Le
nom
d'agent
composé
xpuco xôo c
( xoucé c- xô o c cf.
xÉw)
s'applique au
"doreur" (15).
Vu sa technique complexe
,
le
travail
des
métaux
a été sans doute
l'un des premiers arts à
sortir du cadre de l'
0 -
Lxo c
(16).
Le
travail
du
bois est du
ressort
du
TÉKTWV
terme
technique,
attesté en mycénien,

58
avec une racine indo-européenne qui signifie "travailler avec une
hache,
construire
un
navire"
(17).
le
tectôn est
bûcheron,
menuisier,
charpentier
et
constructeur
de
navires.
Une
subdivision de ce métier apparart avec les noms d'agent composés
àplJa1:onnv6ç
ëouc-nnvoc
cf.
mivvulJ L) "celui
qui
construit des chars,
le charron" et
ùxor ôuoc
(üÀn-1:6IJoç
cf.
1:€IJVW
ou
ôpur éuo c
ôpüç-1:6IJoC;
"celui
qui
coupe
les
arbres, le bûcheron Il (18).
Le statut des artisans se profile derrière le portrait
de leur divin patron, Héphaïstos.
Le premier forgeron est doté
de qualifications élogieuses 1
qui soulignent sa renommée et son
ingéniosité hors-pair: "célèbre", "très célèbre", "célèbre par son
ingéniosité",
"aux
travaux
célèbres",
"aux
savants
pensers",
"ingénieux",
"industrieux",
et
"
le
plus
industrieux
des
petits-fils d'Ouranos" (19). A côté de ce foisonnement d'épithètes
valorisant l'artisan apparaissent des épithètes telles
"estropié",
"les
deux
pieds
retournés en dehors", et
"les pieds courbes,
tordus"
qui
semblent
dévaloriser
physiquement
le
personnage
divin
(20).
La difformité
d'Héphaistos
est
interprétée
par M.
Delcourt comme la rançon payée par le magicien pour acquérir sa
science.
La maitrise des arts du feu
passe par des mutilations
initiatiques. De telles pratiques sont courantes dans beaucoup de
sociétés,
australiennes
et
germaniques
entre
autres
(21).
M.
Detienne ne partage pas cette opinion, car, selon lui 1
le monde
grec n'offre pas d'autres images de magiciens mutilés au cours

59
d'un
rite
initiatique
(22).
Il
se
fonde
sur
l'étude
de
la
morphologie des
puissances
métallurgiques
et
des
animaux qui
leur sont associés, le crabe et le phoque, pour démontrer que le
forgeron mythique "pourvu d'une double orientation et doté de
jambes
courbes.
est
un
être
à
la
démarche
ambiguë
et
aux
extrémités
singulières"
(23) .
La
difformité
des
membres
inférieurs du forgeron est le reflet de sa mêtis , son ingéniosité.
Héphaistos
est
gratifié
de
l'épithète
polumëtis (24).
Pourtant,
Athéna qui préside avec lui aux activités artisanales ne souffre
d'aucune imperfection physique.
Elle
n'exerce pas le métier de
forgeron et n'est pas magicienne. Sa mëtis est différente de celle
du Maître du feu (25).
Qu'elle soit mise au compte du pouvoir
magique
ou
de
la
mët is ,
la
difformité
du
forgeron
témoigne
toujours
de
la
puissance
et
de
la
maîtrise
de
l'artisan.
Néanmoins,
cette
infirmité
traduit
aussi
l'infériorité
d'Héphaistos,
le seul dieu du panthéon grec frappé d'une tare
physique.
Il
jouit
d'un
grand
prestige
en
tant
qu'artisan
ingénieux,
et est un objet de risée, en tant que personne,
à
cause
de
sa
claudication
(26).
Ce
portrait
ambigu
(voir
le
tableau
ci-dessous)
semble
refléter
une
psychologie du travail
"partagée entre
l'admiration
pour
le
talent.
le
savoir-faire de
comme
l'artisan
et le mépris du travailleur conçu fondamentalement et
irrémédiablement inférieur" (27).

60
ARTISAN
PERSONNE
- Qualifications
soulignant la
- Qualifications soulignant la
célébrité et l'ingéniosité
difformité physique
- Pouvoir magique (ou ingénio- - L'infirmité engendre le ridicule
sité, métis) est la raison de
la difformité
- Admiré
- Un inférieur méprisé
L'ambiguïté
caractérise aussi
l'image
de Prométhée
qui
présente
plusieurs
points
communs
avec
Héphaistos.
Les
oeuvres
d'Hésiode
et
d'Eschyle
évoquent
le
mythe
du
titan
Prométhée
qui
n'apparaf't
pas
dans
les poèmes homériques.
Le
forgeron
divin
et
Prométhée ont eu
tous les deux à subir la
colère de Zeus: le premier, pour avoir voulu défendre sa mère,
fut jeté de l'Olympe et tomba à Lemnos (28), le second fut cloué
sur un rocher pour avoir volé le feu (29). Ils entretiennent des
relations étroites avec les divinités marines.
L'artisan des dieux
fut recueilli par la Néréide Thétis et la fille dl Océan,
Eurynomé
(30) dont il épousa la fille Aglaé, la plus jeune des Grâces (31).
Sa mère l'avait jeté parce qu'il était boîteux (32). La troupe des
Océanides
est
la
première
à
venir
s'enquérir
du
sort
de
Prométhée rivé sur le rocher (33).
En effet,
le Titan est le fils
de Clymène,
une fille
d'Océan
(34),
et
l'époux
de
l'Océanide

61
Hésione
(35).
Océan
vient
lui
proposer
son
soutien
(36).
La
libération du voleur de feu est liée à la connaissance du secret
de
la
Néréide
Thétis
qui,
si
elle
s'unissait
à
Zeus,
allait
enfanter un fils qui détrônerait son père (37). Seul Prométhée
connaît
le
caractère
funeste
de
ce
mariage.
Il
est
uni
à
Héphaistos
en
plus
des
liens
du
sang
par
l'amitié
(38):
le
forgeron
cloue
son
frère
sur
le
rocher
à
contrecoeur,
il est
obligé,
pressé
par
Force et
Pouvoir, d'exécuter
la
volonté de
Zeus (39).
Prométhée
joue
le rôle dévolu au Premier Forgeron
dans
les
mythes,
égyptiens
et
indiens
entre
autres,
qui
retracent les combats des dieux pour la souveraineté du monde.
C'est
souvent
"d'un
dieu
forgeron,
que
le Dieu de l'Ouragan
reçoit les armes merveilleuses qui lui donnent la victoire" (40).
L'aide
(dont
la
nature
n'est
pas
précisée)
de
Prométhée
a
contribué de façon décisive à la victoire de Zeus sur Chronos et
les Titans (41).
Il permettra au Maître du monde de conserver
son pouvoir en lui révélant le danger auquel il s'exposera s'il a
un
fils
de
Thétis
(42).
Les
Cyclopes
présentés comme des
artisans par Hésiode ont donné à Zeus le tonnerre et lui
ont
fabriqué
le
foudre,
ils
lui ont
remis
les
moyens d'assurer le
commandement sur les mortels et les Immortels (43).
Allié de Zeus, Prométhée est aussi son adversaire. "
a volé le feu pour l'offrir aux hommes auxquels il enseigna tous

62
les arts: l'agriculture, la domestication des animaux, l'artisanat,
l'art divinatoire entre autres (44). C'est un héros civilisateur et,
en tant que tel, il est gratifié des épithètes "bienfaisant fils de
Japet",
"souple et subtil" et "aux subtils desseins" (45). A
cause du vol du feu,
il est puni par Zeus qui l'encharne sur un
rocher et condamne les hommes à travailler pour acquérir leur
subsistance
(46);
il est caractérisé par ses "pensers fourbes"
(47) et lia son aspect gauche dans la personne de son frère et
contraire Epiméthée" (48).
"Pour les Dogon, Héphaistos, le forgeron, est aussi
Prométhée,
le
voleur
de
feu Il
( 49).
Autrefois
les
forgerons
vivaient
au
ciel,
mais
le
Premier
Forgeron
vola
le
mil
et
descendit sur terre pour en faire don aux hommes (50); il leur
apprit
aussi,
comme
Prométhée,
à
cultiver
la
terre
et
à
domestiquer les animaux (51).
Le contact avec le sol le rendit
impur,
donc
incapable
de
remonter
au
ciel.
Dans
d'autres
variantes du mythe, c'est le feu qui est dérobé à Amma, le Dieu
suprême (52).
Bien
qu'il
n'apparaisse pas comme
un
métallurgiste
dans les oeuvres d'Hésiode et d'Eschyle, Prométhée semble être
un double d'Héphaistos et détient le rôle confié à des forgerons
dans
les
mythes
cosmogoniques et
dans
les
mythes
du
héros
civilisateur.
Son
portrait
reflète
l'ambiguïté
du
forgeron:
Prométhée est à la fois bénéfique et maléfique.

63
P
,
0
Allié du Dieu
Héros civilisa-
"Bienfaisant"
Prométhée
5
suprême dans les
teur, bienfaiteur
le Prévoyant
1
luttes pour la
des hommes
"Aux pensers
T
souveraineté
subtils"
1
F
N
ennemi du Dieu
Maléfique: à cau-
"Aux pensers
Epiméthée
E
suprême à cause
se de lui, Zeus a
fourbes"
G
du vol du feu
condamné les
l'Imprévoyant
A
hommes à travail-
T
1er
1
F
L'ambiguïté
du
statut
d'Héphais tos
et
de
Prométhée préfigure celle des artisans.
Le prestige du forgeron
divin
s'attache
aux gens de métier dans la société homérique.
Les Cyclopes qui ne possèdent pas de charpentier
sont considérés
cernme des primitifs (53).
Le réseau de qualifications des termes
qui désignent les artisans met l'accent sur l'inspiration divine, la
célébrité et la renommée.
Le charpentier "possédé par un dieu
connaît à fond son art par l'inspiration d'Athéna" (54) qui "aime
entre
tous"
(55)
le
constructeur
de
navires
Phérède.
Les
artisans
tirent
leur
savoir
de
l'enseignement
d'Héphaistos
et
d'Athéna,
les
patrons
divins
de
l'activité
technique
(56).
La
renommée des
experts dépasse les frontières de leur ville;
ils
sont appelés de tous les coins de la terre (57). Pour construire
la maison de Paris, les "meilleurs charpentiers de la Troade" ont
été réunis (58).
Tychios,
"le meilleur des corroyeurs", dont I~
demeure
est à Hylé, a fabriqué pour Ajax, le héros de Salamine,
un
bouclier de bronze (59).
La distance entre les deux
v il le v

64
prouve
la
célébrité
de
l'artisan (60).
Le terme naÀa~al désigne
par
métonymie
l'habileté
manuelle
du
charpentier et du potier
(61).
Le
bûcheron,
comme
le
cocher
et
le
pilote,
se
fait
remarquer
par
une "intelligence de la
r use"
(62).
Le
terme
ëvno
appliqué
au charpentier,
au bûcheron et au forgeron
pourrait
s'interpréter
comme
une
marque
de
respect
(63).
L'onomastique montre la grande maîtrise des artisans. Dédale, le
constructeur mythique de la place de danse à Cnosse, se signale
par
son
habileté
à
créer
des
"chefs-rd 'oeuvre Il
(
Ba LBaÀa )
(64).
La
matière
employée
pour
la
fabrication
du
ballon
des
princes phéaciens est sensible dans le nom du corroyeur Polybos
(65).
A
L1C~~ç
"humidité,
colle
extraite
de
la
peau
des
animaux",
se rattache
Icmalios, anthroponyme de l'artisan qui a
ouvré le siège de Pénélope (66).
Les noms du constructeur du
cheval
de
bois,
Epeios,
et
de
l'auteur
du
bouclier
d'Ajax,
Tychios,
sont fondés sur un jeu de mots étymologique, ils sont
éclairés
par
les
verbes
qui
les
suivent:
•EnE [OC;
è no Lno ev
et
Tux Loc; ••• t EUXWV
(67).
Le
constructeur
de navires,
Tectôn,
est le père de l'homme
"aux
nombreux
navires Il
Polyneos,
et
le
grand-père
de
l'homme
"entour-é par la mer " Amphialos (68). Il a une descendance digne
de lui: toute sa famille est liée à la mer et aux navires. Phérècle
est
lssu : d'une
famille d'artisans:
il est le fils de Tectôn,
"le
Charpentier", et le petit-fils d'Harmon, "l'Ajusteur Il (69).

65
,
Les produits fabriqués par les artisans se signalent
par leur qualité esthétique.
La description des erqa, aqalmata ,
daidala,
occupe de longs passages dans les poèmes homériques.
Ils reçoivent des adjectifs et des adverbes qui
soulignent leur
beauté.
Le ceinturon étincelant et le couvre-ventre de Ménélas,
et
le beau bouclier de bronze, ouvré au marteau de Sarpédon,
sont l'oeuvre du
forgeron
(70).
Le
corroyeur
Tychios
a
fabriqué
pour
Ajax
un
bouclier
de
bronze
à
sept
peaux
de
boeufs
(71) .
Les
charpentiers
construisent
"des
nefs
bien
pontées"
et
"des
chefs-d'oeuvre
de
toute
espèce"
( 72) .
L'ébéniste
Icmalios
est
l'auteur
du
siège
"plaqué
d'ivoire
et
d'argent"
de Pénélope (73).
Quant aux ouvrages d'Héphaistos,
ils ajoutent à leur beauté des vertus quasi magiques et suscitent
parfois
un
sentiment
de crainte.
"Personne n'ose regarder en
face
le
bouclier
d'Achille
sans
un
tremblement"
(74).
L'égide
impétueuse donnée
à
Zeus
sème
la
panique
parmi
les
hommes
(75).
Les trépieds "roulent d'eux-mêmes" (76). Les suivantes en
or ont l'aspect de "vierges vivantes, elles ont voix et force" et
"savent
travailler"
(77).
Les
chiens
qui
gardent
la
maison
d'Alcinous,
"immortels et toujours à l'abri de la v ieille sse'; sont
d'or et d'argent (78).
Les liens
qui retiennent prisonniers Arès
et
Aphrodite
sont
infrangibles et
invisibles
(79).
A.
Burford
(80)
pense,
contrairement
à
M.
Delcourt
(81),
que
de
telles
oeuvres
ne
font
pas
d'Héphaistos
un
magicien
redouté.
Son
travail ne consiste pas à réciter des charmes mais à appliquer les

66
1
fruits de l'apprentissage et de l'expérience. Le pouvoir de créer
des objets reproduisant la vie découle de l'habileté technique
( r
xvn )
é
uniquement. Mais
Homère distingue-t-i1 la technë du
Premier Forgeron de celle de
Protée
? Nous rappelons que dans
tiU[e.(l\\~~\\
le
champ f?32
l,
du
terme
la
limite entre
la connaissance
technique et le pouvoir magique demeure floue.
Ce
premier
volet
du
diptyque
présente
l'artisan
comme
un
personnage
doté
d'un
grand
talent
et
digne
d'admiration.
Son
nom,
ses
épithètes
et
ses
"actions
de"
révèlent son ingéniosité. A la différence du thète et de l'esclave
capables
seulement
d'exercer
leur
force
physique,
l'artisan se
fait remarquer par sa capacité à appliquer avec habileté sa force
physique
à
l'exercice
d'une activité manuelle (82)
d'une part;
d'autre
part,
il
jouit d'une autonomie totale lorsqu'il
travaille:
avec ses instruments,
devant l'objet à transformer,
il est tout
puissant.
La spécialisation et la connaissance technique, souvent
héréditaires,
donnent
un
caractère
presque
ésotérique
à
son
métier
qu'il
exécute
sans
suivre
les
directives
d'une
autre
personne,
patron
ou
régisseur.
Les
rares
actions qu'il
subit
révèlent sa célébrité: on l'appelle pour qu'il vienne exercer son
art.
Le
second
volet
présente
un
personnage
déclassé
socialement.
Les qualités qui font la grandeur de l'artisan font
aussi sa déchéance.
L'ouvrier
est
indissociable
de
sa
fonction

67
en
dehors
de
laquelle
toute
existence
lui
est
déniée.
Ses
épithètes,
qui
soulignent
sa dextérité et· sa renommée,
et son
no'm,
qui
rappelle
le
métier qu'il
exerce,
l'enferment dans sa
fonction et le distinguent du noble qui n'est jamais assujetti à
une
fonction
artisanale
ni
par
ses qualifications
ni
par
son
f-rcL\\ f"l
se-
anthroponyme.
L'artisan
est
toujours
décrit
en
"'Mb"
1 e ll
travailler,
aate(r ,
àpaplatew
~Éw
et
L8uvw
ou
avec
les
instruments
de
son
art.
Pourtant,
Phérècle
subit
une
action
en
dehors
de
la
sphère
artisanale: il est tué au combat par Mérion, mais rien en lui ne
dénote un guerrier,
il est qualifié en tant qu'artisan (83). Sa
généalogie le distingue des héros; se" patronyme le destine à la
fonction artisanale,
alors que les aristocrates n'exercent jamais
un métier.
Sa mort ne pourrait-elle pas s'interpréter comme un
châtiment pour l'artisan qui quitte son domaine et empiète sur
celui des héros? Pour rehausser la valeur d'un ouvrage, le poète
mentionne non seulement les matériaux utilisés, mais aussi l'art
et
l'artisan
qui
l'ont
créé
et
qui
n'existent
qu'ven
vue"
du
produit
(84).
Le
produit
fabriqué
est
mis
en
position
d'antécédent
dans
la
proposition
principale et
l'artisan et son
"action de" sont rejetés dans la proposition relative:
~w~ci TE teat ULTPn~
~~v XaÀKijEÇ K6uov &VBPEÇ
~.-----/
~
'------.,.--j
ouvrage
ouvrier
"action de"
proposition principale
proposition
relative
(II., IV, 183 = 216)

69
Alexapdre constitue une exception dans l'épopée, car les armes
sont destinées à préserver la vie de ceux qui les utilisent et non
à
les précipiter vers
le malheur.
A
l'époque
homérique
l '
l'artisan ne tient pas boutique,
il
travaille sur commande.
Par
conséquent,
il
doit
se
plier
aux
désirs
des
commanditaires
d'autant
plus
que c'est eux qui
lui
fournissent
la
matière
à
transformer.
Seuls
les
aristocrates,
grâce
aux
guerres,
aux
razzias,
aux dons reçus,
possédaient en abondance des métaux
stockés dans une pièce de leur maison.
Nestor donne à Laercès
l'or à
plaquer aux cornes de la vache (89). Achille met en jeu
un gros bloc de fer pour le vainqueur du lancer du disque, qui
"pourra
en
user
cinq
années
pleines.
sans
que
berger
ni
laboureur doive
faute
de
fer
partir
pour
la
ville:
il leur en
fournira lui-même" (90). La richesse en bétail permet d'avoir du
cuir en quantité, parfois on "voit un homme donner à tendre à
ses gens le cuir d'un grand taureau tout imprégné d'huile" (91).
Cependant,
les
potiers
trouvent
facilement
de
la
terre et
de
l'argile,
ainsi que
les charpentiers qui vont chercher du bois
hors des maisons aristocratiques, "sur les montagnes" (92). Ces
derniers qui échappent ainsi à une subordination vis-à-vis des
nobles
quant
à
leur
objet
de
travail
semblent
jouir
d'une
situation
plus élevée
que
celle
des
autres
artisans,
et
d'une
place privilégiée dans le coeur d'Athéna, d'autant plus que c'est
un métier qui exige de la mëtis comme
celui du cocher et celui
du
pilote
placés
sous
le
patronage
de
la
même
déesse aussi.
L'existence d'artisans établis dans les domaines des aristocrates

70
n'est pas impossible.
Que le bloc de fer mis en jeu par Achille
puisse être utilisé cinq années par le vainqueur, "sans que
berger ni laboureur doive faute de fer partir pour la ville", cela
n'implique-t-il pas que les héros possèdent des forgerons dans
leur oikos ? (93).
le
doreur
laercès
habite
sans
doute
chez
Nestor qui se livre à une véritable répartition des tâches entre
ses dépendants pour préparer le sacrifice; il s'adresse à ses fils
en ces termes:
,
"Que l'un de vous aille dans la plaine, me chercher
au
plus
vite
une
génisse,
et qu'un bouvier la presse.
Qu'un
autre,
au noir vaisseau, aille quérir les compagnons du vaillant
Télémaque...
Qu'un
troisième
ordonne
au
doreur
Laercès
de
venir ici pour couvrir d'or les cornes de la génisse ... Dites aux
servantes (5~<viial v ) de préparer dans la demeure le festin"
ioa., III, 421-428).
Instruments
en
main,
laercès
vient
comme
les
esclaves
(les
servantes ont un statut servile, le bouvier aussi, probablement)
accomplir la tâche ordonnée par le chef de ï'oikos , Même si le
doreur est un homme libre, il entretient avec Nestor une relation
de
subordination.
Le
verbe
€pyéd;;Ea8al
qui
dénote
le
travail
servile
exécuté
sous
la contrainte pour un martre,
est
employé pour marquer la dépendance de Laercès qui travaille sur
l'ordre de Nestor. Ce verbe souligne la soumission des soufflets
qui se plient aux volontés d'Héphaistos.
Le forgeron divin leur
"ordonne
de
travailler"
(KÉ/-.EuaÉ 't E €pya7;; Ea8a l )
et
ils

71
s'empressent de
se
mettre
à
l'ouvrage
(94).
Il devait exister
aussi quelques artisans indépendants. Le reproche de Mélantho à
Ulysse, déguisé en mendiant, qui aurait mieux fait d'aller comme
les
autres
vagabonds
coucher
à
la
forge
ou en quelque abri
public laisse supposer la présence d'ateliers d'artisans en ville
(95).
C'est
dans
sa
demeure
qu'Héphaistos
exerce son métier
(96).
Des
ouvriers
ambulants
offraient
aussi
leurs
services,
quand
on
les
appelait.
Ils
parcouraient
parfois
de
longues
distances
pour
fabriquer
les
objets
commandés
par
les
aristocrates: le corroyeur Tychios est allé d'Hylé à Salamine pour
ouvrer un bouclier à Ajax (97).
Ambigu, le statut des artisans l'est dans les Travaux
aussi.
Leur activité est placé~us le patronage des dieux: le
charpentier est désigné par la périphrase
. Asnvc l ne; ôuôo c
"e sclave d'Athéna"
(98).
L'affection
de cette
déesse
pour
les
spécialistes du bois a déjà été soulignée dans l'épopée homérique.
Il est à noter que l'emploi de
5uwe;
pour
montrer le
rapport
entre un homme doué d'un certain talent et une divinité est sans
parallèle. C'est le terme
8Epémwv
qui est en général utilisé
pour traduire cette relation (99).
Bien que l'artisan soit instruit
par
un
dieu, . son
métier
ne
figure
pas
parmi
les
sources
d'enrichissement proposées à Persès. Cette omission serait due à
l'existence d'un
certain mépris pour l'activité artisanale
(100).
En effet,
l'ouvrier ne peut pas acquérir la liberté individuelle
dont
se
prévaut
le laboureur.
Il perd son autonomie puisqu'il

72
travaille
pour
les
autres
et même pour les paysans.
Dans le
milieu
rural,
il fabrique surtout des
instruments aratoires.
Le
laboureur prépare lui-même les pièces de son chariot, il ne fait
appel au charpentier que pour l'assemblage (1 01). Ce dernier se
déplace pour aller exécuter la commande de son client. Il pouvait
avoir aussi son propre atelier comme le suggère la mention d'une
forge
en
ville
(1 02),
mais
il
la quittait
sans
doute lorsqu'on
l'appelait.
La vie des artisans est rendue difficile par le début
d'une rivalité professionnelle I( 103):
"le
potier
en
veut
au
potier,
le
charpentier
au
charpentier,
le
mendiant est
jaloux
du
mendiant
et l'aède
de
J'aède" (Tr., 25-26).
L'archéologie
montre une relative prospérité et un
essor démographique de la Béotie, entre 900 et 500 avant n. è ,
(1 04).
L'introduction
et
la
vulgarisation
du
fer
en Grèce ont
permis la fabrication d'instruments aratoires plus efficaces pour
exploiter
le
sol
et
par
conséquent,
l'extension
des
terres
cultivées.
L'accroissement
de
la
populatlon
favorisé
par
la
possibilité
de
nourrir
plus
de
~
, '1
personnes,
se
reve e
d'abord
1
positif.
"Une
force
de
travail
accrue
accélère
les
mutations
agraires
:
meilleurs
rendements céréaliers,
extension continue
des
cultures arbustives.
Il
permet également
de
dégager
des
travailleurs
de
la
production
agricole
autarcique,
et
de
les
utiliser dans l'artisanat et les échanges beaucoup plus largement
que précédemment
"( 105).
Les artisans, étant donné leur grand
nombre,
comptaient
sans
doute
sur
les
commandes
de
leurs
clients
pour
assurer
leur
subsistance.
Quelques
aristocrates

73
ayant
accaparé
la
plus
grande
partie
des
terres
(106),
les
artisans,
même s'ils possédaient un lopin de terre, ne devaient
pas en tirer suffisamment de ressources
et consacraient presque
tout leur temps à la pratique de leur métier.
2. 1.2. Les professions intellectuelles
Les hérauts,
les aèdes, les médecins, les devins et
les
prêtres
qui
détiennent
les
professions
plus
ou
moins
intellectuelles,
proviennent
de couches sociales différentes.
Ce
sont des hommes libres, exclusivement, à l'époque homérique.
Le terme
Knput;
"hér'aut ", attesté en mycénien,
répond au sanscrit k aru "chanteur ,
poète"
et
se rapproche du
grec
KCXpKCX lpw
"trembler ,
résonner".
Il apparaît
avec un
nombre
d'occur-rences
presque
égal
entre
les
deux
poèmes
(//iode:
44 ; Odyssée : 45) (107).
Le rôle du héraut consiste à
servir
de
messager officiel
à
la
guerre ou
dans les relations
diplomatiques et à convoquer les assemblées.
Le héraut se signale par des qualifications inhérentes
à
sa
fonction
de
crieur
public:

la
voix
sonore",
"retentissant",
"qui résonne dans
les
airs",
"qui
crie
par
la
ville",
"qui
appelle" (108).
Sa
sagesse
qui
découle
de
sa
vieillesse (109)
et de son expérience fonde son utilité dans les
relations
diplomatiques
;lI s a g e " ,
"aux sages pensers",
"nay ant
au coeur que de sages pensers" (110)."
jouit
de
la
protection

74
divine:
"divin",
"cher à
Zeus",
"messager
des
dieux et
des
hommes" (111).
L'onomastique
souligne
de
telles
qualités
professionnelles.
Eumède
et
Pisénor
se caractérisent
par
leur
sagesse: le nom du premier se rattache à
J.môouo l
"penser,
méditer" et
celui
du second, éclairé par l'épithète
"aux sages
pensers",est formé sur
l1EtSOJlOl
"persuader"
(112).
Thootès et Eurybate sont remarquables par leur célérité (113).
La qualité de,. "crieur" (
til1ll'tO)
(114)
du
héraut est révélée
par le nom d'Epy te, qui est d'ailleurs le père de Périphas dont
le talent oratoire est bien établi
(115).
Chez
les Phéaciens de
Schérie,
Pontonoos était recherché pour son intelligence (116).
L'étymologie
de
Talthyblos
n'est
pas
clairement
établie.
Les
anthroponymes Odios,
Idée, Médon et Moulios, sans lien avec un
métier, sont portés par des hérauts mais aussi par des guerriers
(117).
Deux
formes
de
relation
semblent
caractériser
les
hérauts.
Les déterminants "du vieillard" et "du noble Alcinous"
attestent un rapport entre un héraut et un roi (118).
Eurybate
et
Talthybios
servent
de
hérauts
et
de
théropontes à
Agamemnon:
E LJl L
+
le
datif
souligne
cette
relation
(119) .
Un
héraut
nommé
Eurybate
suit
Ulysse,
mais
Homère
n'utilise aucune marque de possession (120). Un rapport entre la
communauté et le héraut ressort du déterminant "des Troyens et
des Achéens" (121). Le héraut attaché au service d'Ulysse reçoit
la
qualification
"d'Ithaque"
(122).
Moulios,
le
therapôn

75
d'Amphinomos
est
le
héraut
"de
Doulichion"
(123).
Ces
deux
formes
de
relation ne sont pas contradictoires car les hérauts
sont censés exprimer la volonté de tout un peuple, d'où le lien
avec la collectivité,
mais cette volonté est toujours énoncée par
le chef de la collectivité, d'où le lien avec le roi qui engage par
l'intermédiaire du héraut la responsabilité de l'ensemble de ses
sujets.
Les
hérauts agissent exclusivement dans les limites
de leur fonction.
Leurs "actions de" consistent "à convoquer le
peuple" à l'assemblée ou à la guerre (124), et à transmettre des
messages (125). A l'assemblée, ils sont tenus d'imposer le silence
à la foule (126) et de mettre le sceptre dans les mains de ceux
qui s'apprêtent à prendre la parole (127). Le sceptre, néce ssaire
e,« (Cl..C~;"
à
l'orateur,
confère
légitimité
et autorité
(128).
Un,
' 1
s:'.:{\\tac"ht> GL...
sacrée
'
porteur
d'un
message,
qui
jouit
d'une
inviolabilité physique (129). L'inviolabilité du héraut, porteur de
sceptre,
s'étend à toute la délégation dont il fait partie. Toute
ambassade s'accompagne d'un héraut (130).
Envoyés en mission,
les hérauts doivent jouir de la même considération que les hôtes
et
les
suppliants
auxquels
Pénélope
les
associe
( 131).
L'indifférence de la reine à leur égard, causée par le chagrin,
constitue,
comme elle
le reconnart implicitement, un manquement
au
devoir
d'hospitalité.
Les
hérauts
envoyés
par
Agamemnon
prendre
Briséis chez
Achille,
arrivés
"devant
le roi,
pris
de
crainte et pleins de respect, s'arrêtent, sans un mot, sans une
question" (132).
Leur peur est peu justifiée, car ils n'endossent

76
pas
la
responsabilité
de
leurs
actes.
Ils
servent
seulement
d'intermédiaires entre l'expéditeur et le destinataire du message.
Achille le leur signifie en ces termes:
"Sal ut, hérauts, messagers des dieux et des hommes.
Approchez:
vous ne
m'avez
rien
fait.
Agamemnon est seul en
cause,
qui
vous
envoie
quérir
la
jeune
Briséis ... Il
(1/.,
1,
334-336).
Personnages sacrés dans l'épopée,
ils jouent un
rôle important
dans les sacrifices et les partages (133).
Associés parfois aux
jeunes
gens
(kouroi)
(134), ils versent l'eau sur les mains ou
mélangent le vin pour les libations aux dieux (135). Leur place
dans les festins des héros témoigne de l'estime dans laquelle ils
sont
tenus
(136).
S'occuper
de
la
nourriture
de
l'aède,
le
guider, et lui donner la cithare,
cela aussi fait partie de leur
fonction (137). La méconnaissance du labeur guerrier apparart à
la faveur du comportement peu hérolque du héraut Médon (138).
Blotti
sous
un
fauteuil
et
recouvert
de
la
peau d'un
boeuf
fraîchement écorché,
il attend la fin du combat entre Ulysse et
les
prétendants.
Il ne s'extirpe de sa cachette qu'après avoir
entendu
Télémaque,
dont
il
s'était
occupé
dès
l'enfance,
se
soucier de son sort. Sur la demande de son fils, Ulysse accorde
au héraut la vie sauve.
Les
hérauts
n'agissent
presque
jamais
de
façon
délibérée.
Les
actions
exercées
sur
eux, "ordonner",
"dire",
envoyer ,.
et
l'impératif,
provoquent
les
"actions
de"
(139).

77
Certaines "actions de", en apparence autonomes, se rattachent,
indirectement,
à
un ordre émis
auparavant.
Par
exemple,
les
neuf hérauts qui "tâchent de contenir la foule" (140), Eurybate
qui marche sur les pas d'Ulysse (141), et Athéna qui invite le
peuple au silence,
sous les traits d'un héraut (142), exécutent
en réalité un travail que leur avait ordonné de faire Agamemnon:
convoquer
l'assemblée
(143).
D'autres
"actions
de"
sont
étroitement
associées
à
des
actions
exercées
par
des
héros.
Ainsi, dès qu'un roi se lève à l'assemblée, un héraut s'empresse
de lui mettre en main le sceptre (144).
Dans
le
camp
danaen,
files
rois
des
Achéens Il ,
"Aqememnori", flMénesthée fl, le chef des Athéniens, dans le camp
troyen, Hector, sont les seuls habilités à donner des ordres aux
hérauts (145).
Dans l'Odyssée,
le roi des Phéaciens, Alcinous,
et
le
roi
d'Ithaque,
Ulysse,
possèdent
ce
pouvoir
(146).
En
l'absence du roi légitime du pays, les prétendants et Télémaque
s'arrogent
ce
droit
dans
la
mesure où
ils
postulent
la
royauté dans Ithaque (147). Lorsqu'il fait convoquer l'assemblée,
Télémaque se substitue à son père: il siège
à la place réservée
à Ulysse (148). Les hérauts mentionnent dans leurs discours
les
noms
des
chefs
suprêmes.
Le
héraut
Idée
s'adresse
en ces
termes aux Achéens:
"Atr-ide , et vous,
preux du camp panachéen! Priam
et les nobles Troyens me donnent l'ordre de vous dire, si cela
peut
vous
plaire
et
vous
agréer,
ce
qu'ici
vous
propose
Alexandre ll (1/., V", 385- 388) •

78
L'Atride Agamemnon, le destinataire du message, et
Priam,
"expéditeur,
qui
détiennent
le
pouvoir
absolu,
respectivement sur les Achéens et les Troyens, sont nommés en
association
avec
leur
aristocratie.
Le
terme
ap LO-rOe;
apparart
fréquemment
dans
le
champ
référentiel
de
"héraut"
( 149): les aristocrates, auteurs des "actions sur", sont aussi les
bénéficiaires des
"actions de".
Un
roi qui n'est pas investi de
l'autorité suprême doit s'en remettre au primus inter pares pour
donner des ordres aux hérauts. C'est à Alcinous, comme le lui
demande
le
vieux
héros
Echéneos,
d'exercer
ce
pouvoir
en
Phéacie:
"Alcinous ,
fais
lever et asseoir l'étranger sur un
siège aux clous d'argent, ordonne aux hérauts de mêler le vin"
toa., VII, 162-163).
Les ord res de Nestor aux hérauts doivent être entérinés par le
roi de l'armée achéenne, Agamemnon (150).
Malgré
leur
association
à
la
domesticité
libre
et
servile
(151),
les
hérauts
ne devaient pas
compter
parmi
les
dépendants établis sur les terres
des
aristocrates.
Périphas
"vieillissait
dans
ses fonctions
de héraut auprès de son vieux
père"
(152);
il ne vit pas chez un aristocrate.
Néanmoins,
la
fonction obligeait
les
hérauts à passer beaucoup de temps dans
l'entourage des nobles dont ils partageaient les festins. Certains
peuvent
se
prévaloir d'une certaine aisance matérielle,
Eumède
est "riche en or et en bronze" (153).

79
Le
nom d'agent
é
o lÔÔÇ
(cf.
UE lôw
)
est
employé de façon très
inégale:
1 occurrence dans l'//iode et
37
dans l'Odyssée (1511).
Des aèdes nous sont connus par leur nom,
Thamyris
dans
l'//iode (une
occurrence) ,
Démodocos
(11
occurrences) et Phémios (II occurrences) dans l'Odyssée (155).
Des "aèdes experts à entonner le thrène" sont placés aux côtés
du cadavre d'Hector (156).
La scène se passe à l'intérieur des
murs troyens durant la trêve qu'Achille a accordée à Priam
pour
les funérailles d'Hector. Dans l'Odyssée,
les aèdes charment les
hôtes
lors
des
festins
dans
les
maisons aristocratiques
(157).
Leurs
chants,
associés
à
la
joie
et
au
bonheur
du
peuple,
suscitent parfois des larmes (158).
La vie dans l'oikos en temps
de paix se prête le mieux à
l'activité des chanteur s qui, à la
différence des hérauts, des devins, des médecins et des prêtres,
n'ont aucune utilité sur les champs de bataille. En partant pour
la Troade, le roi Agamemnon avait laissé à Argos son aède fidèle
qu'il avait chargé de veiller sur Clytemnestre (159).
Un rapport très étroit est instauré entre les aèdes et
les dieux.
Ils reçoivent les qualifications
"divins",
"inspirés
des dieux" (160).
Démodocos "avait reçu de la Muse le bien et
le
mal,
car,
privé
de
la
vue,
il avait
reçu
d'eUe
le
chant
mélodieux" (161).
Les aèdes tirent
leur savoir de l'enseignement
d'Apollon et des Muses
"q ui chérissent la
race des chanteurs"
(162).
Phémios
se
vante
d'être
"s an s
maître",
puisqu'un dieu
l'inspire
en toutes poésies
(163).
La quasi-divinisation ne doit

80
pas pousser les aèdes à la démesure dont est coupable Thamyris
le
Thrace
qui
prétendait
être capable de surpasser les Muses
dans leurs chants.
"Courroucées, elles firent de lui un infirme;
elles lui ravirent l'art du chant divin, elle lui firent oublier la
cithare"
(164).
La protection
divine attire respect et honneur
aux aèdes. Ulysse l'affirme sans ambiguïté:
"Pour tous les hommes qui sont sur terre, les aèdes
sont dignes d'honneur (
1" L~ti
) et de respect ( a Lôwç)
car
la Muse leur a enseigné leurs chantset chérit la race des aèdes"
toa., VIII, 479-481).
E.
Benveniste définit la notion de tirné comme
"une
dignité
d'origine
divine
conférée
par le
sort à un personnage
royal,
et
qui
comprend
non
seulement
le
pouvoir,
mais
des
privilèges
de
respect
et
des
redevances
matérielles"
(165).
L'aède tire son pouvoir de l'autorité divine dont il est investi.
Ulysse
donne
à
Démodocos
un
morceau
de
viande
taillé
dans
l'échine du porc,
partie réservée,
en général, aux rois à titre
de
"part
d'honneur"
yÉpaç
( 166).
L'aède
reçoit
des
marques
d'honneur
manifestes
tels
les
services
d'un
héraut
(167).
Il convient d'avoir à son égard de l'aidas,
un sentiment
de respect (168).
Il est qualifié de "très honoré" (169), épithète
appliquée à Démodocos dont le nom, qui signifie étymologiquement
"le bien reçu du pays", est explicité
par
la
formule
"honoré
des
foules"
(170).
L'épithète
"très
célèbre" éclaire le nom
de
Phérnios ,
qui
se
rattache
à
(Piill LÇ
Il renommée " ( 171) .
Le

81
père
de
Phémios
porte
le
nom
parlant
de
Terpès
"celui qui
charme"
(172) .
On
a
soupçonné
le
poète
d'avoir
embelli
le
portrait de l'aède (173). Pourtant, ce portrait n'a rien d'exagéré
par rapport à celui des autres démiurges.
Les "actions de" confinent les aèdes dans les limites
. de leur fonction:
ils se bornent à "chanter" en s'accompagnant
de
la cithare et
à
exalter la gloire des héros qu'ils chantent
"comme des dieux" (174).
De même que la lyre et la nourriture
rassasient les coeurs,
de même l'aède les réjouit et les emplit
(175). Son action est ressentie comme une production matérielle.
le seul cas où il dépasse les limites de son métier rend compte
de
la
confiance accordée par Agamemnon à son aède auquel U
avait
recommandé,
en
partant
pour
Troie,
de
veiller
sur sa
femme (176).
Appelé par un héraut,
il venait exercer son talent
auprès des aristocrates qui désiraient, après les repas, le chant
et
la
musique.
Il
chante
parfois
j'par
contrainte"
'les
prétendants ont forcé Phémios à venir égayer leurs festins chez
Ulysse (177).
L'aède est souvent obligé de se conformer au goût
de son public. Ulysse demande à Démadocos de changer de thème
et de chanter l'histoire du cheval de Troie (178).
A la vuedes
larmes de son hôte,
Alcinous enjoint à l'aède d'arrêter son récit
(179).
Pénélope
donne
l'ordre
à
Phémios
de
cesser
sa
triste
rapsodie et de choisir un autre chant dans son riche répertoire

82
(180).
Télémaque, en s'opposant à l'intervention de sa mère, se
fait l'écho des revendications des chanteurs professionnels:
"Ma mère, dit-il, pourquoi refuser à l'aède honoré le
droit de nous charmer au gré de son inspiration? La faute TI 'est
pas aux aèdes,
mais sans doute fi Zeus,
qui fait comme il lui
plaît, le sort des hommes infor t uné s" (Gd., 1, 345-349).
Les aèdes
réclament une liberté totale d'expression,
le
pouvoir
de raconter
des
histoires de leur choix devant un
auditoire
qui
les
"écoute
en
silence"
même
s'il éprouve de la
tristesse (181).
Ils exercent leur
fonction chez Alcinous en Phéacie
et chez
Ulysse à
Ithaque,
mais cela
n'implique pas qu'ils sont
des dépendants établis dans
l'oikos de
ces
rois.
Un
héraut se
rend
chez
Démodocos
pour
l'inviter
à
venir
chanter
dans
le
demeure d'Alcinous (182).
Phémios n'habite pas chez Ulysse, ce
sont les prétendants qui l'y conduisent contre son gré (183). Le
lieu de résidence de l'aède d'Agamemnon n'est pas précisé (184).
En
l'absence
du
roi,
il est sans protection,
Egisthe
le met à
mort.
Lorsqu'Ulysse massacre les prétendants, Phémios se jette à
ses
genoux
et
le
supplie
de
l'épargner
(185).
En
effet,
il
éprouverait
un
jour
le
remords
d'avoir
tué
l'aède
divin,
le-
chanteur des hommes et des dieux, qui ne mettait son talent au
service des prétendants que "p ar contrainte ". L'aède soul igne les
vertus
de
son
métier
pour
sauver
sa
vie.
Ignorant
dans
les

83
travaux guerriers,
il s'est
bien gardé de participer au combat
entre
Ulysse
et
les
prétendants
dont
les
parents
n'ont
pas
accepté de laisser le massacre impuni; ils ont formé une coalition
armée
contre
le
coupable
(186).
/1
a
fallu
l'intervention de la
déesse
Athéna
pour
mettre
fin
à leur vindicte (187).
Phémios
n'aurait pu compter sur personne pour venger sa mort.
Les
noms
d'agent
employés
dans
l'épopée
pour
désigner
les devins
se rapportent,
en
majorité,
à
la technique
divinatoire utilisée:
ué vr LÇ
"prophète possédé par un dieu"
8E:onp6noç
"celui qui fait
connaître la pensée divine", 0 LW'"
VLOT fJç
et
0 LwvonôÀoç
"interprète
du
vol
des
oiseaux",
OVE: LponôÀoç
"interprète des songes" et
8uo-
OKOOÇ "celui qui est instruit par les sacrifices" (188).
Les
devins
sont
gratifiés
de
qualifications
qui
dénotent
leur
bonne
connaissance
de
la
mantique:
"irréprochable",
"savant",
"instruit par les sacrifices". "qui fait
connaître
la
pensée
divine" (189).
Grâce
à
l'enseignement
d'Apollon,
ils excellent à expliquer les arrêts divins (190). Pour
les élus des dieux,
le présent,
le futur et le passé n'ont aucun
secret, alors que la connaissance imparfaite des hommes se limite
au
présent
(191).
Malgré
leur
barbarie,
les
Cyclopes
reconnaissent la compétence des devins (192). Même chez Hadès,
le
devin
aveugle
Tirésias
de
Thèbes
jouit
d'une
situation
privilégiée;
"il a gar-dé toute sn sag cs se , il est le seul q uap r-è s

84
sa mort Perséphone ait doué de la clairvoyance ; les autres sont
des ombres qui volent" (Od., X, 493-495). Il a le "statut double
et ambigu" d'un vivant dans le monde des morts, d'une personne
dotée de la Mémoire dans le monde de l'Oubli (193).
Les devins
ne
suscitent
pas
uniquement
des
jugements
favorables.
Agamemnon
traite
Calchas
de
"prophète
de
malheur"
(194).
Malgré
le
prestige
des
interprètes
du
vol
des
oiseaux
comme
Calchas, l'ornithomancie est souvent
remise en question.
Hector
rejette les prédictions fondées sur cette technique divinatoire:
"Tu nous invites, toi, à mettre notre foi dans des
oiseaux
qui
volent
ailes
déployées!
Je
n'en
ai,
moi,
cure
ni
souci.
Ils peuvent bien aller à droite, vers l'aurore et le soleil,
comme à gauche, vers l'ombre brumeuse" (II., XII, 237-240).
Les
prophéties
d'Halithersès
rencontrent
le
même
scepticisme
chez
les prétendants.
Priam se méfie des avis des
devins
instruits
par
les
sacrifices
(195).
L'oniromancie,
l'interprétation des songes, n'est pas, elle aussi, tenue en haute
estime,
puisqu'il
existe
des
songes
véridiques
et
des
songes
mensongers (196).
L'art divinatoire se transmet souvent de père en fil s.
Le
caractère
héréditaire
de
la
profession,
signe
d'unr~
connaissance bien établie, se manifeste dans les généalogies. Les
descendants .du devin Mélampous sont, en majorité, des devins {~t
portent
des
noms
parlants:
Antiphatès
et
Mantios,
fils
d~
1

85
Mélampous, Théoclymène,
fils
de
Polyphéides
et
petit-fils
de
Mantios,
Amphiaraos,
petit-fils
d'Antiphatès
(197).
Le
devin
Polyidos
a
engendré
Euchénor
(198).
Le père de Polyidos,
le
frère d'Abasj est un interprète des songes (199).
Les
devins
sont
d'extraction
noble.
Les
épithètes
"grand
et
noble"
de
Télémos
et
"semblable
aux
dieux"
de
Théoclymène , qui
dépeignent
l'aspect
physique) s'appliquent
exclusivement à des aristocrates (200).
L'interprète du vol des
oiseaux
Hélénos
se
situe
au
sommet
de
la
noblesse troyenne:
c'est un fils de Priam.
Chef de troupe,
il est gratifié du titre
avaÇ
(201).
Avaç
et
porteur
d'un
sceptre
d'or,
ainsi
W
apparail
le
devin
Tirésias
de
Thèbes
(202).
L'augure Ennome
"commande"
npXE
les
Mysiens
avec
Chromis
(203) .
L'haruspice
Léiodès
compte
parmi
les
douze
jeunes
oris toi
d'Ithaque,
qui convoitent
la main de Pénélope (204).
Le riche
devin de Pylos, Mélampous, "régna" (avoaoul
sur
de
nombreux
sujets à Argos, où il avait fui (205).
L'épithète "qui
met en branle les guerriers"
Àooaa6oç
s'applique
à
Amphiaraos (206).
Les termes
avaç
et
avaaaw
concer-
nent
des détenteurs du pouvoir royal,
Àaooa6oç
et
npxE
des
chefs militaires et
op LaTOÇ
des
aristocrates.
Les
devins,
rois
et
guerriers,
sont
donc
des
nobles.
Cependant,
tous
les
prophètes
ne
peuvent
pas se prévaloir d'une origine
noble:. Calchas est un "homme de peu" (a.vnp
*Xf:pnç),
impuissant devant les rois (207).

86
Les devins connaissent souvent une destinée funeste
dans les poèmes homériques.
Ils rencontrent ainsi que leurs fils
la rnor t sur le chemin de la guerre (208). La malédiction suit les
pas
du
devin
MéJampous
et
de
ses
descendants:
Mélampous,
torturé par Phylacos,
dépeuillé
de ses biens par Nélée, dut fuir
em terre étrangère, son petit-fils Polyphéidès, courroucé contre
son père, émigra vers Hypérésie, parmi ses arrières-petits-fils,
Amphiaraos
mourut
jeune
des
présents
d'une
femme
et
Théoclymène s'enfuit d'Argos après le meurtre d'un homme (209).
L'haruspice Léiodès, bien qu'il ait toujours condamné les impiétés
des prétendants, ne parvient pas à infléchir la volonté d'Ulysse
qui le tue sans pitié (210). Sa mise à mort, alors que l'aède et
le
héraut
sont
épargnés,
semble
refléter
un
sentiment
d'antipathie
contre
les
devins
(211).
Les
héros
auxquels
les
oracles rr'aqr'éent pas réagissent violemment. Avant de rejeter la
responsabilité
de
la
peste
qui
décime
l'armée achéenne sur le
puissant
roi
Agamemnon
dont
il
craint
les
représailles
ultérieurement,
le devin Calchas s'assure la protection d'Achille
(212).
La colère d'Agamemnon se limite à une violence verbale: il
couvre
d'injures
le
devin,
mais
obéit
à
ses
recommandations.
Même
si
l'on
ne
respecte
pas
la
personne
du
prophète,
on
respecte ses prescriptions.
Les oracles se vérifient toujours au
grand
dam
de
ceux
qui
n'y
croient
pas
tels
Hector
et
les
prétendants"
Les
devins
dont
le
travail
consiste
à
prophétiser,
d'où la fréquence des verbes de déclaration dans leurs "actions

i

r-
J
87
de",
jouent
un
rôle
important
dans
les
guerres
(213).
C'est
-
Calchas
et
non
les Atrides
"qui a
su
conduire les
nefs
des
-
Achéens
jusqu'à
Ilion
par l'art
divinatoire qu'il
doit
à
Phoebos
Apollon"
(214).
Le
savoir
divinatoire
de Tirésias
lui

vaut
la
visite d'Ulysse
au
royaume
des
morts (215).
Dans le
monde
homérique,
il
existe
des
devins
qtr'on
fait
venir
de
l'étranger (216) et d'autres qui restent chez eux, où lion vient
les
consulter:
tous
les
mortels
vont
chercher
les oracles
de
Polyphéidès en Hypérésie où il demeure (217).
Le nom de métier
(cf.
) ,attes-
té en mycénien, et le nom d'agent
àp60uUL
)
désignent
la
fonction
de
"prêtre" (218).
Les
épithètes
" meilleur"
et
" irréprochable"
soulignent
le
grand
talent
des
prêtres
(219).
Les
plus
prestigieux
sont gratifiés d'un idionyme voire d'un patronyme.
Homère cite Chrysès, Darès, Onétor, Maron, "le fils d'Evanthès)
et
Theanô,
"la
fille
de
Cissès",
l'unique
démiurge
de
sexe
féminin dans l'épopée (220).
Des prêtres se font remarquer par
leurs richesses (221).
Les déterminants des "dieux", "d'Apollon",
"d'Héphaistos ",
"d'Athéna".
"de
Zeus"
et
"du
Scamandre"
dénotent
le
caractère
sacré
des
prêtres
voués au culte d'une
divinité (222).
Les
"actions
sur",
ut5ÉOPCXl
1: Lw
et
soulignent l'obligation d'éprouver de l'aidas et
de
la
timè pour
les
prêtres.
Venu
près
des
nefs
achéennes
et

88
porteur d'une immense rançon, Chrysès "tenant en main, sur son
sceptre d'or,
les bandelettes d'Apollon", supplie Agamemnon de
libérer sa fille "par crainte respectueuse (
à<;;6~EVO l )
pour
Apollon" (223).
"Par crainte respectueuse"
pour
Apollon,
Ulysse
a
épargné
Maron,
le
prêtre
de
ce
dieu
(224).
Les
Achéens
sont
d'avis
de
"respecter"
(aidesthai)
le
prêtre
Chrysès,
et
de
lui
rendre
sa
filre
(225).
Par
son
refus,
Agamemnon
"a manqué de respect" au prêtre et fait offense à
Apollon (226).
Pour venger Chrysès, le dieu sème la mort dans
le camp achéen.
Les prêtres jouissent de la protection divine,
ainsi que leurs fils: Héphaistos soustrait de la mort Idée, le fils
de son prêtre Darès (227).
Combien est funeste la guerre pour leurs fils:
l'un
des fils de Darès, Phégée (l'autre,
Idée, est sauvé in extremis
par
Héphaistos),
celui
d'Onétor,
Laogone,
ceux
de
Théanô,
Acamas
et
Archeoloque 1 et
celui
de
Dolopion,
Hypsénor,
succombent sous les coups des ennemis (228).
Les
prêtres
et
les
devins
sont
associés
en
tant
qu'intermédiaires entre les hommes et les dieux (229).
Les noms d'agent
Ln r no
(cf.
Uxo Il a l )
"celui
qui a la fonction de guérir" et
Lnt oo c
"le praticien" dans
l'exercice de
son travail
(230)
ont une plus grande fréquence
dans
le monde de la guerre de l' Jliode
{9 occurr-ences l et son
cortège
de
blessés
que
dans
le
monde
de
l'Odyssée (2
occurrences) (231).

89
Les
qualifications,
guérisseur
"de
maux" ,
"irréprochable",
"habile
à connaître les
remèdes",
soulignent
J 'habileté
des médecins dont
l'utilité est incomparable (232}.
La
santé du médecin Machaon est un des premiers soucis de l'armée
achéenne.
Idoménée pousse Nestor à emmener en sécurité près
des
nefs,
Machaon
blessé,
de
peur
que
les
Troyens
ne
s'emparent
de
lui,
car
"un
médecin
vaut
beaucoup
d'autres
hommes, s'il s'agit d'extraire des flèches ou de répandre sur les
plaies des remèdes apaisants" (233). Même Achille, quoique retiré
du
champ
de
bataille,
envoie
Patrocle
s'informer du
sort
du
blessé
(234).
Le savoir médical de
Podallre et de Machaon est
fondé sur l'autorité de leur père, le médecin Asclépios (235), et
celui des médecins
d'Egypte J "les plus savants du monde", vient
de
Paeon
(236).
Asclépios
lui-même
connaît
des
poudres
calmantes grâce à Chiron (237).
le réseau verbal montre les médecins dans l'exercice
de leur art.
les "actions de" consistent à apaiser les douleurs
(2 38),
les "actions sur" à être appelés pour venir donner des
soins aux blessés (239).
les médecins du camp achéen,
Podalire et Machaon
sont
des
guerriers
nobles;
ils
"sont
à
la tête" des
gens de
Trikkè,
d'Ithome
et
d'Oechalie
(240).
Machaon,
dont
le
nom
souligne
la
vocation
militaire,
reçoit
les qualifications
"divin",
"chef de troupes",
"héros" (241).
Il se signale par ses exploits
à la guerre (242).

Les
membres
des
professions
plus
ou
moins
intellectuelles présentent des traits communs avec les artisans.
Les
réseaux
des
qualifications
et
des
verbes
soulignent
la
maîtrise.
L'onomastique
révèle
une
pratique
héréditaire
qui
assure
une
plus
grande
compétence.
Hérauts
et
aèdes
sont
"divins"
(
SE la L
),
car ils ont une parcelle de la divinité, les
uns portent un attribut divin,
le sceptre, qui les met sous la
protection des dieux et les rend sacrés et inviolables, les autres
tirent
leur savoir des dieux.
On leur doit par conséquent des
marques d'honneur et de respect.
Malgré
tout,
ils
connaissent
une
dégradation.
Ils
sont
enfermés
dans
leur
fonction,
excepté quelques - uns
qui
possèdent des, caractéristiques
d'aristocrate
guerrier.
Mais
le
plus souvent un sort funeste est réservé à ces derniers comme si
l'art militaire était une activité taboue pour les démiurges.
Les
démiurges se soumettent aux volontés des héros qui font appel à
leur talent;
ils se conforment aux goûts et aux désirs de leurs
"p atrons ".
Dans la société homérique,
le travai 1 pour autrui est
toujours perçu comme une déchéance, car il entraîne une perte
partielle ou totale de la liberté individuelle.
Les
mentions
de
membres
des
professions
intellectuelles sont très rares dans les Travaux el les iours , ce
qui n'est pas surprenant, dans la mesure où ces démiurges sont
plutôt liés aux aristocrates.
Hésiode
ne
parle
ni
des
médecins

91
ni des prêtres. Les allusions aux devins sont imprécises (243).
La seule occurrence de "héraut" désigne le messager des dieux,
Hermès
(244).
Le
terme
"aède" est
employé à
trois
reprises
(245).
L'émulation
entre
les chanteurs pose le problème de la
rivalité professionnelle comme nous l'avons déjà souligné à propos
des
artisans
(246).
La situation
des
aèdes
devait
être
assez
précaire, d'autant plus qu'ils étalent sans défense contre les abus,
comme
le
montre
l'histoire
de
l'épervier
et
du
rossignol.
L'épervier, qui
incarne la démesure des rois,
dit au
rossignol
qui rappelle la faiblesse des aèdes:
"Misérable, pourquoi cries-tu ? Tu appartiens à bien
plus fort que toi. Tu iras où je te mènerai, pour beau chanteur
que
tu
sois,
et
de
toi,
je
ferai
mon
repas ou te
rendrai la
liberté" (Tr., 207-209).
..L:,
.).......
~.uns~"le'.>
Les
aèdes
étaient
donc
1'5
! ' ,
puisque
non
seulement ils se mettaient au service des rois, mais ils devaient
aussi se plier aux exigences de ces patrons, ils perdaient ainsi
partiellement leur liberté.
Néanmoins, leur art est prestigieux; il
fait partie des concours organisés lors des funérailles du noble
Amphidamas
à
Chalcis.
Hésiode
se
vante
d'y
avoir
gagné
un
trépied à deux anses (247).

92
"-'
~
2.2. LES
NEENO
,..,
..,
Dans
la
société
wolof,
les
neeno,
c'est-à-dire
les
artisans
et
les
griots,
sont
à
la
fois
respectés,
admirés
et
frappés d'un certain mépris dont les manifestations sont encore
visibles aujourd'hui.
Ils forment, surtout en Afrique occidentale,
une catégorie sociale qu'on a souvent assimilée à une caste.
2. 2. 1.
La sit uation ambiguë des neen~
Les
wolof
appellent
les
artisans
iëi-tekk iiët .
pratiquer; /ekk:
manger)
"ceux qui vivent de la pratique d'un
métier" (248).
Ils possèdent des forgerons, des cordonniers, des
tisserands
et
des
boisseliers.
La
poterie
n'est
pas
l'apanage
exclusif d'un groupe
d'artisans.
Le terme toucouleur wayi/be (sing. bay/a),
dérivé
du verbe way/ude qui fait allusion à la transformation des métaux
en
objets
utilitaires,
désigne
les
forgerons
(249),
appelés
en
wolof tëgg, vocable qui signifie aussi forger.
Le
forgeron
a
une
réputation
bien
établie
de
porte-malheur. Tout ce qui vient de lui, excepté les produits de
son art,
passe pour apporter la ruine et la stérilité.
Le géér
wolof et son homologue toucouleur, le dimo, n'accepteront: jamais
ses cadeaux. La natte où il s'assoit sans en recevoir l'invitation
sera
purifiée
à
l'eau
ou
abandonnée.
Souvent,
dans
les
assemblées, il occupe une place qui lui est réservée (250). Le. chan-

93
gement
d'habits
avec
un
forgeron,
donc
le
contact
avec
sa
sueur,
et les relations sexuelles avec sa femme sont maléfiques
(251).
L'homme "libre" qui transgresse ces interdits s'expose à
une déchéance physique et matérielle; sa vie sera marquée par la
régression et il ne connaîtra que des déboires dans toutes ses
entreprises.
Quoiqu'il
soit
méprisé,
le
forgeron
est
un
artisan
craint
et
respecté.
Pour
domestiquer
le
feu,
il
use
d'incantations.
Il peut utiliser ses connaissances occultes autant
pour réaliser le bien que le mal. Il fabrique des gris-gris contre
les
diables
et
chasse
les mauvais esprits des lieux hantés au
Fouta Djalon (252). Exorciseur, il est parfois aussi guérisseur et
circonciseur dans beaucoup de sociétés de l'Afrique occidentale
(253).
Mais ce magicien,
mis
en colère,
n'hésite pas à rendre
infertile la terre chez les Kasaï,
rien qu'en en mangeant un peu
(254).
Il serait capable d'amener la pluie ou de l'arrêter (255).
Son habi leté suscite l'admiration,
sa forge est souvent remplie
de personnes venues assister à un spectacle. Son rôle mythique
de
héros civilisateur lui attire des marques de respect chez les
Dogon où il apparart comme un "pacificateur" (256). Il met fin au
combat entre deux hommes à son arrivée et, après avoir entendu
les explications, il donne un jugement que nul n'ose contester. Il
règle les différends au sein d'une famille.
Comme
son homologue grec, le forgeron africain se
caractérise
par
son
ambivalence:
il
suscite
d'une
part
une

95
Les
tisserands,
ràbb en
wolof
et maabube (sing.
maabo) en toucouleur,
sont les artisans les plus méprisés dans
ces sociétés:
Il <les
esclaves>
exercent
tous
les
métiers,
même
celui de tisserand,
le plus bas de tous" (ROUSSEAU
1929,
p.
193).
"Le
métier de
tisserand <.•• > est très méprisable
chez
les
Wolof j
on
ne
voit
jamais
un
homme
d'une
famille
convenable s'occuper de ce travail j s'il s'y livrait, jamais il ne
pourrait faire une alliance sortable" (BOILAT 1853, p. 310).
La concurrence des esclaves est apparue assez tôt et
a poussé les tisserands neena à se tourner vers les métiers de
cordonnier
et
de
griot.
Ceux
qui
tissent
les
pagnes,
les
ràbb-sër,
mentionnés par Chambonneau au XVllè siècle ne sont
plus comptés par Yoro Dyao au XIXè siècle parmi les artisans
dans la société wolof (263):
Il Ils
n'ont
seulement
que quatre
sortes
d'artisans
qu'ils nomment Robeseyr <ràbb-sër> tegue
<tëgg>~lobez <Iawbe>
et
cubalots
<cubballo> , les "robeseyr" sont ceux qui travaillent
à faire des pagnes" (RITCHIE 1968 (1673), p. 320).
Le
tissage) qui
est
une
activité
des
hommes
en
Afrtquej est en Grèce un travail de femmes exécuté dans l'oikos.
La poterie n'est pas réservée à un groupe d'artisans
bien
déterminé
chez
les
Wolof où
les
femmes
des
griots
s'en
occupent avec une parfaite maitrise:

96
"Les
femmes
griotes
passent
pour les plus habiles
ouvrières du pays dans ce genre d'industrie" (RAFFENEL 1846,
p. 23).
Chez
les
Toucouleur,
les
potiers
constituent
une
caste,
mais
il est à
remarquer que les hommes n'accomplissent
pas
ce
travail
laissé
à
leurs
femmes
qui
n'en
ont
pas
le
monopole;
les épouses des forgerons et des griots s 'y adonnent
aussi.
Le terme buurnoobe (sing.
buurnoaio ï
qui
désigne
les
potiers est dérivé du verbe buurnoyoode qui
fait allusion à
la
cuisson au feu des objets d'argile (264).
A. B.
Diop rejette la distinction faite par Yoro Dyao
entre les sob-lekk qui seraient les musiciens et les bow-Iekk qui
seraient les chanteurs dans la mesure où tous chantent et jouent
d'instruments de musique. Il ajoute qu'aucun de ses Informateurs n'a
souligné une telle distinction (265).
Quant aux noole présentés
comme
un
groupe
marginal,
il
convient
à
notre
avis
de
les
intégrer
parmi
les
baw-lekk "ceux
qui
vivent
de
leurs
aboiements".
Leur dénomination xalu-mboloo "chiens d'assemblée"
(266), semble justifier notre hypothèse. Bow-Iekk (bow: aboyer;
lekk:
manger)
est
encore
plus
péjoratif
que
sob-Iekk (5ob:
gazouiller; lekk:
manger)
(267) qui déjà couvre d'opprobre les
flatteurs qui gagnent leur vie en gazouillant comme des oiseaux.
Les tomokot wolof jouent du toma (268).
Les moobube
(sing. moobo)
toucouleur se subdivisent en deux groupes: les

97
uns
sont
spécialisés
dans
Je
tissage,
les
autres
sont
des
laudateurs.
Chacun
d'eux
se
limite
à
son
métier
(269).
Les
xolmboon wolof
chantent
et
jouent
d'une
sorte
de
violon
uniquement pour
"les rois, princes royaux, nobles et guerriers
audacieux"
(270).
Les womboode (sing.
bomboodo)
toucouleur
flattent
leurs auditeurs grâce aux sons de leur xoddu qui
est
une sorte de guitare (271). Les géwél wolof et les owlube (sing.
gowlo)
toucouleur chantent, dansent et jouent d'instruments de
musique pour les géér et les rimbe qu'ils courtisent (272). Quant
aux iîoote , hommes et femmes "sont des bouffons par excellence"
(273).
Ils
exercent
souvent
des
fonctions
qui
leur
sont
réservées
dans
les
demeures
royales:
portier,
porte-parole et
percepteur des impôts (274).
Les sob-lekk ou griots sont assimilés à des Juifs à
cause de la ségrégation dont ils sont victimes (275). Ils vivent à
l'écart dans des villages distincts et ne pénètrent pas dans les
maisons
des seigneurs qu'ils louent,
ils se mettent derrière la
clôture.
Ils n'ont même pas les honneurs d'une sépulture, leurs
cadavres sont jetés dans le creux d'un baobab car la terre ou la
mer qui les accueillerait
serait infertile à jamais:
"Pour
les
Tambours
<griots>
le
peuple
a
tant
d'horreur
de
ce
genre
de
vie,
qu'on
ne
permet
pas
de
les
mettre
en terre ni même de les jeter dans la mer, ou dans un
fleuve,
ni
eux,
ni
leurs femmes,
ni leurs enfants; les Nègres
s'imaginent que la terre où l'on les aurait enterrez ne porterait au-

98
cun fruit, et que la mer et les fleuves où l'on les aurait jettez
ne nourriroient plus de poisson: on les met donc dans le tronc
creux de quelque vieux arbre" (DAPPER 1686, p. 235) (277).
Le
contact
physique
avec
un
griot
est
proscrit.
Malgré. ces préjugés, la compagnie des griots est fort prisée:
"Cependant les Tambours sont
fort bien reçus à la
cour
des
princes
pendant
leur
vie,
ce
sont
les
joueurs
d'ins·truments des rois et des grands seigneurs du pays, et ceux
qui
battent
la
marche lorsque le roi va à la guerre.
Quoique
d'ailleurs il ne leur soit pas permis d'entrer dans l'antichambre
du roi,
et que si quelqu'un de ses gentilhommes épouse la fille
d'un Tambour ou débauche sa femme, il reçoive aussi-tôt défense
de paraître devant le pr-ince" (DAPPER 1686: p. 235).
Exaltés
par
leurs
louanges,
les
guerriers
accomplissent des exploits d'une folle
témérité (278).
Une telle
audace se retrouve chez les laudateurs attachés à un seigneur.
Bravant la mort,
ils continuent d'exercer leur art au coeur de la
bataille et sont souvent tués à côté de leurs patrons.
En 1763,
lors du combat qui opposa Madior l' à son grand-père, tous les
griots
furent
massacrés.
Un
griot
dont
"héroïsme
frisait
"inconscience "p r omit au
damel de lui ramener prisonnier le roi
du Baol ,
Il alla trouver celui-ci jusque sur sa natte et lui dit:
"Le damel t'appelle": il tomba criblé de COUpSIl (279).

i1·
1
99
Les Iioole occupent le plus bas degré de la hiérarchie
des
griots.
Leur nom,
rattaché au radical peul nool- llpourrir.
être
pourri Il,
rappelle
leur
particularité
abominable:
leurs
cadavres
se décomposent
rapidement
(280).
Ils
sont
issus
de
1
l'union d'un mort et d'une vivante, c'est pourquoi on les appelle
aussi doomi-niiw "fils de cadavres" (281).
Ce
sont des parias.
Aussi bien les géér que les autres Iieeîio refusent de contracter
un mariage avec eux.
Le géér qui épouse une femme Iioote est
souillé personnellement , alors que, s'il s'unit à une autre Iieeiio ,
ce
sont
seulement
ses
enfants
qui
le
sont,
ces
derniers
appartiennent à la caste de leur mère. Ceux qui ont ignoré ces
interdits ont été relégués dans un groupe marginal, celui
des
nit-Piu-Iîuut "les gens noir-s" qui ne peuvent se marier qu'entre
eux (282).
Quoiqu'ils soient méprisés, les griots sont respectés
et
redoutés.
Maîtres de la parole,
ils sont les dépositaires de
l'histoire du peuple et des
familles dirigeantes qu'ils louent en
évoquant leurs faits glorieux et ceux de leurs ancêtres.
Ils ont
aussi le pouvoir de couvrir de honte l'homme qui reste insensible
aux
louanges
et refuse de leur donner des cadeaux.
Pour se
débarrasser d'eux et éviter les calomnies , on s'empresse de leur
octroyer
les
présents
qu'ils
réclament
avec
insistance
et
impudeur.

100
2.2.2.
Les fondements de l'ambiguïté
On a argué des matières utilisées pour expliquer le
mépris dont sont l'objet les artisans. Selon D.
Zahan III 'homme,
pour les Bambara, est "noble ou captif" en raison du métier qu'il
exerce,
ou des matières qu'il manipule.
Ces matières, par leur
symbolisme
et
par
les
idées
qu'on
y
attache,
révèlent
des
dispositions
psychologiques
et
sociales
propres
aux
castes
et
attitudes
caractéristiques
des
autres
membres
de
la
société
envers les cas te s " (ZAHAN 1963, p. 129).
Ainsi le mépris pour les cordonniers serait dû à la
manipulation de peaux en voie de décomposition et de produits
pour
la
teinture
et
la
colle/ qui
laissent exhaler
une grande
puanteur
(283).
Ils
sont
relégués
le
plus
souvent
en
milieu
wolof
dans des villages isolés appelés kure (284).
Il en est de
même
chez
les
Dogon
(285).
Le cordonnier,
qui
utilise
ses
mains,
ses pieds et même ses dents
pour découper le cuir... est
désigné
chez
les
Toucouleur
par
la
dénomination
méprisante
ngatoowo cawgu "personne mordant
dans les peaux" (286).
Les
lawbe vivent
à
l'écart
des
villages
dans
des
huttes
près
desquelles s'amoncellent des morceaux de bois,
leur travail est
jugé
comme étant salissant
(287).
Le feu,
matière dangereuse,
fait du forgeron un personnage craint et maléfique • A.
B.
Diop
donne les témoignages de deux de ses informateurs:

101
"Si on
dit
que
la
sueur
du forgeron est néfaste.
c'est
parce
q u IiI
demeure entre deux corps.
le
fer et le
feu.
L'un est dur,
l'autre est chaud.
Son travail est pénible et la
sueur
qui
en
résulte
cause
peine
et malheur
à celui qui la
touche" .
"Le
forgeron gagne sa vie grâce au feu. puissance
destructrice
qui
réduit
tout
en
cendre.
Lui
et
sa
sueur
produite
par la chaleur -, sont maléfiques comme le feu dont il
vit" (DIOP A.B. 1981, p. 49).
Ces
explications
sont
partielles,
elles
ne
sont pas
applicables à tous les neeno. Nous n'aurons même pas à citer le
cas des griots qui
ne détiennent pas un objet de travail, celui
des tisserands suffir.a ,
Ces artisans qui sont pourtant les plus
méprisés dans
la
société wolof (288)
utilisent des matières qui
ne sont ni salissantes
ni dangereuses (289). On a suggéré que
leur dégradation découlerait de la nature de leur travail qui "l e s
oblige à un effort physique fait de gestes continuels" (290). Cet
argument
est
peu
probant.
En
effet,
les
hommes
"libres"
s'occupent parfois du
tissage qui est
une activité masculine en
Afrique,
bien que les travaux longs, monotones, et peu pénibles
soient
réservés en général aux
femmes.
D'après V.
Fernandès,
les Toucouleur accomplissaient des tâches féminines comme filer
et
laver
le
linge
(291).
A. de Ca
da
Mosto
a
fait
les
mêmes
remarques à propos des Wolof:
"Les hommes de ce pais s'adonnent tous à l'exercice
de
plusieurs
labeurs
féminins
comme
il
filer.
faire
la
buée et

102
autres choses" (CA DA M05TO 1974 (1455), p. 82).
L'exécution
de
travaux
féminins
n'est
pas
déshonorante et,
du reste,
Je tissage est un travail confié aux
hommes.
On
a
aussi
mis
en
relation
le
mépris
pour
les
artisans
et
l'activité dominante de la communauté.
"
existerait
"une
double corrélation: corrélation entre la considération pour
le
forgeron
et
l'activité
agricole
de
sa
tribu
d'une
part
corrélation entre le mépris vis-à-vis de cet artisan et l'économie
pastorale de sa communauté d'autre part u (292).
Cette
théorie
ne
se
vérifie
pas
pour
les
sociétés
wolof et toucouleur entre
autres,
qui
considèrent
avec
dédain
les
artisans
bien
que
l'agriculture y soit J'activité de base (293).
On a allégué aussi le racisme, selon R. Rousseau lion
pourrait
voir
dans
cette
répugnance
une
conséquence
de
la
différence
de
race Il
(294).
En
effet les Iïeeiîo dans
la
société
wolof
sont
presque
tous
des
Peul
(295).
Ce
sont
aussi
des
étrangers chez
les Peul et les
Toucouleur (296). Mais il existe
des exceptions notables,
les griots et les noole sont
des Wolof
qui exercent leur art dans un milieu wolof (297). On pourrait se
fonder sur "origine mythique biologique des iioote pour
parler
de race différente:
IILa légende raconte qu'un homme <.•• > mourut après
une
longue
maladie.
Ceux
qui
étaient
venus
laver
le
corps

103
staper-cu'ren t
qu'il présentait une particularité remarquable dont
ils ne purent d'abord expliquer la raison. Ils en délibérèrent et
convinrent que le mort manifestait un désir évident de dire un
dernier adieu à sa femme.
Ils appelèrent celle-ci et la laissèrent
auprès
du
cadavre.
Quand
elle
le
quitta,
il
était
redevenu
normal,
mais
elle
fut
enceinte
de cet
accouplement et
mit
au
monde un garçon. Par la suite, on remarqua que tous ceux qui
étaient
issus
du
fils
mort
entraient
si
rapidement
en
décomposition
après
leur
mort
qu'il
fallait
se
hâter
de
les
enterrer, et on fit d'eux une caste à part" ( CADEN 1912, p.
200-201).
La
putréfaction
rapide
des
Iioole à
leur
mort
les
distingue et les exclut de la race wolof. On ne peut pas en dire
autant
des
griots
et des
seen wolof,
leur
situation
remet en
question,
au contraire,
la théorie raciale:
ils
sont encore plus
méprisés
que
les
étrangers
qui
exercent
le
même
métier.
Au
FoutéJ, griots étrangers et griots autochtones suscitent un mépris
égal:
"Dans
les
pays
ouoloffs
et
sévères,
les
gaolo,
d'origine peulhe, sont supérieurs... aux guévèls <wolof>... Dans
le Fouta et les autres pays peulhs ou toucouleurs, pays d'origine
des g aolo , les deux familles sont mises exactement sur le même
rang" (ROUSSEAU 1929, p. 185-186).
Les lawbe jugent les seen comme leur étant inférieurs
( 298) .

104
Les
théories
fondées
sur
les
matières
manipulées,
l'activité économique et la race sont peu justifiées, et surtout,
elles
ne peuvent pas être appliquées à
l'ensemble des Iieeito .
Seule
la
dépendance
économique
est
à
la
base
de
la
dévalorisation, elle a l'avantage de caractériser tous les Iieeiio ,
Elle
apparaît
déjà
sur
le
plan
de
la
terminologie.
Le
mot
toucouleur 'noomokolo
"ceux qui mangent à tous les rateliers"
souligne
la
subordination
des
neenebe vis-à-vis
des
hommes
"libres" (299).
Quant aux wamboabe , leur dénomination traduit
littéralement
"la situation de dépendance sociale des personnes
portées
sur
le
dos
de
leurs
protecteurs,
comme
une
mère
procède (wombude) habituellement avec son nourrisson" (300).
Les mythes sur les origines du géwél et du qowlo et
sur celles du berger peul, du lowbe et du bomboodo sont assez
explicites:
"Deux
frères
s'étant
égarés
dans
le
désert
sont
éprouvés
par
la
faim,
surtout
le
plus
jeune
qui
risque
de
mourir.
L'aîné pour le
sauver lui donne à manger un morceau
de sa cuisse qu'il a découpé en cachette. Ce n'est que quand
ils furent sauvés que le cadet s'aperçut du dévouement de son
frère et se mit à chanter ses louanges. Il devint ainsi l'ancêtre
des griots" (DIOP A.B. 1981 p. 43 n. 25) (301).
Les géwél et les gowlo comptent pour vivre sur les
dons
que
leur octroyent les hommes "libres".
Il ne font que

105
perpétuer la dépendance de leur ancêtre vis-à-vis de son frère
qui lu i avait procuré de la nourriture en se mutilant.
"Les lawbe,
les [ulbe (peul)
et
les
wambaabe sont
issus de trois frères germains: Hammadi Labbo , Samba Pullo et
Demba
Bambaado.
Une
période
de
sécheresse
exceptionnelle
ayant fortement décimé le troupeau commun, Hammadi et Demba,
renonçant définitivement au métier aléatoire d'éleveur, <prièrent
le
Créateur
de leur accorder d'autres fonctions pour assurer
leur subsistance quotidienne. Ils furent entendus, et leur voeu
exaucé>:
le
premier
devient
boisselier,
tandis
que
Demba se
muait en guitariste. A la suite de quoi, ils conclurent avec leur
frère Samba demeuré éleveur, un pacte, aux termes duquel sur
simple
demande
et
sans
nécessité
de
compensation,
ils
obtiendraient le lait et la viande" (WANE 1969, p. 58).
Nous
avons
mis
entre
crochets
les traits
religieux
que
l'informateur musulman a inséré dans
le mythe qui a été
aussi
rapporté
par
Henri
Gaden
qui
souligne
le
caractère
dégradant
des métiers exercés par le lawbe et le bambaado:
"Le
cadet,
le
Peul,
trouvant
que ses deux frères
gagnaient
leur
vie
d'une
façon
dégradante,
ne
voulut
pas
d'alliance
entre
ses
enfants
et
les leurs,
et ses descendants
continuèrent
d'observer cette
interdiction.
Voilà
pourquoi
les
wambâbe
forment
aujourd'hui
des
castes
inférieures
avec
lesquelles les Peul ne s'allient pas" (GADEN 1931, p. 321).

lOG
Le Peul méprise ses frères
puisqu'ils dépendent de
lui pour assurer leur subsistance, il leur fournit lait et viande.
La subordination des neeno révélée par ces légendes
se
retrouve
dans
les
rapports
socio-économiques
qu'ils
entretiennent
avec
les
hommes
"libres ",
Yoro
Dyao
les
caractérise comme un groupe qui dépend des autres pour vivre:
"Nous
reprenons
les
définitions
concernant
les
gnegno (neeno) possesseurs des clés qui ouvrent l'opulence par
la malice <ruse> fainéante. et commençons d'abord par démontrer
quelques
unes
de
leurs
menées
intellectuelles
qui
leur
permettent
de
s'enrichir
et
pouvoir
vivre
aux
dépens
des
autres" (ROUSSEAU 1929, p. 175).
Nous
allons
essayer
de
repérer
les
bases
du
parasitisme des artisans et des griots dans la société.
Les
forgerons
se
déplaçaient
pour
offrir
leurs
services à la veille du défrichage des champs; ils fabriquaient
ou
réparaient
des
instruments
aratoires.
Nourris
par
leur
employeur
durant
leur
travail,
ils
recevaient
à
la
fin comme
rémunération des matières d'or et d'argent:
"On
est
obligé
de
les
nourrir
pendant
qu'ils
travaillent.
Ils
parcourent
le
pays.
reçoivent en paiement de
l'argent dans nos colonies et des matières d'or et d'argent chez
les villageois.
Après avoir couru toute l'année,
ils retournent
dans leur pays" (BOILAT 1853, p. 313).

107
Quant
à
A. B.
Diop,
il affirme
que
les
forgerons
étaient
payés
à
la
récolte
avec
des
produits
agricoles,
Ils
recevaient,
par exemple,
pour la fabrication d'une hilaire
dix
kilogrammes de mil environ (302).
Le
cordonnier
travailie
sur
commande,
surtout
à
l'époque faste dans le milieu rural, à savoir après la récolte. Sa
rémunération
varie
en
fonction
des
relations personnelles qui
l'unissent à ses patrons:
mil,
poulet, chèvre,
voire boeuf ou
cheval (303).
Un
pagne
sur
trois
ou quatre
tissés
revenait
au
tisserand.
On pouvait aussi
le payer avec des céréales ou du
bétail. Comme le forgeron et le cordonnier, il est entretenu par
son employeur durant l'exécution de son travail (304).
Les
lawbe étaient
des
nomades
et se construisaient
des
huttes
à
côté
des
villages

ils
s'établissaient
temporairement.
Ils
payaient
des
redevances au souverain du
pays
pour couper du bois
(305).
Ils
ne travaillaient pas sur
commande.
Leurs femmes allaient troquer les produits fabriqués
contre du mil, de la volaille ou du bétail.
La
subordination
des
griots
est
fustigée
par Yoro
Dyao:
"11s
vivent
déplorablement
<d'une
façon
qu'il
faut
déplorer> aux dépens des autres Il (ROUSSEAU 1929, p. 185).
Ils allaient
parfois en bandes de village en village
exalter
les
vertus
des hommes
"Ilbres " qu'ils amusaient aussi
par
leurs bouffonneries (306).
Ils
étaient
récompensés
par

108
des dons.
Ils quémandaient même
leur subsistance auprès des
.-.
........
autres
neeno.
Les
artisans,
à
l'instar
des
griots,
pouvaient
couvrir
de
louanges
les
hommes
"libres"
afin
de
recevoir
quelques
présents.
Les neeno rendaient
divers
services
aux
qéér ,
Le
forgeron
était
chargé de la circoncision et" pour le
remercier, chaque famille lui faisait don d'une certaine quantité
de
mil
(307).
Chez
les
Dogon,
l'homme
en
faveur
duquel
il
tranche
un
différend lu i donne un cadeau (308).
Les femmes
des
griots
s'occupaient
de
la
coiffure et
du
tatouage.
Elles
apportaient leur aide lors des cérémonies, la cuisson des repas
était entre leurs mains.
Les griots ou les esclaves dépeçaient
les
animaux.
Pour ces services,
on leur offrait des présents
d'une grande valeur parfois (309).
Comme
dans
la
société
grecque,
un
rapport
de
dépendance est établi entre les neeno et les géér.
L'artisan
travaille
sur
commande
et
se
soumet par
conséquent aux besoins des usagers des produits qu'il fabrique.
Il ne possède pas d'objet de travail, c'est son employeur qui lui
fournit
la
matière
à
transformer.
D'après
les
sources
portugaises,
le fer était la marchandise la plus recherchée. Les
Wolof dont le pays en était dépourvu,
fournissaient des captifs
en
échange
(310) •
Quand
ils
recouraient
au
service
du
forgeron,
ils
lui
donnaient
la
matière
brute
et
le
payaient
parfois avec du métal.
Ce dernier pouvait ainsi se constituer
une réserve pour satisfaire les commandes sans importance des
paysans pauvres, qui n'ont pas
les
moyens
d'acquérir
du
fer

109
ou
de
l'or.
Avec
le
coton
récolté
des
champs,
les
femmes
fabriquaient
le
filé
qui
sera
fourni
au
tisserand
pour
la
confection des pagnes
(311).
Au cordonnier sont destinées les
peaux
d'animaux
immolés
à
l'occasion
des
cérémonies
(funérailles,
baptêmes,
mariages,
circoncisions, etc.).
"
s'en
servira pour réaliser
les commandes de ses employeurs (312).
Bien qu'ils possèdent parfois des champs (313), les artisans et
les
griots
sont
incapables
d'assurer
leur
autosubsistance.
Occupés à mettre leur talent au service des autres,
ils n'ont
pas suffisamment de temps à consacrer à la mise en valeur de
leur terre.
C'est pourquoi durant leur contrat, leur entretien
est à la charge de leur employeur et leur rémunération consiste
souvent
en
produits
agricoles
ou
en
bétail.
Les
dons
généreusement offerts soulignent la subordination et l'infériorité
des
neeno. Le géér, même s'il est plus pauvre, montre sa
supériorité
lien donnant" au neeno et il est hors de question
qu'il reçoive de ce dernier un présent.
Ce sont des relations
inégalitaires,
elles ne relèvent pas du système des prestations
réciproques de dons et contre-dons entre qéér ,
Les lawbe connaissent une situation particulière dans
la société wolof. Yoro Dyao le souligne:
"Parmi
eux
<les
îieeiio>
les
lawbe seuls
vivent
franchement
<uniq uement > des
fruit s
de
leur
sueur.
Ils
se
remarquent
<distinguent>
donc
de
leurs congénères par cette
honnêteté digne d'éloges" (ROUSSEAU 1929, p. 180).

110
En effet, leur subordination est moins accentuée que
celle des autres neeno. Ils n'attendaient pas de commandes pour
fabriquer leurs ouvrages. Comme les tectones, ils disposaient de
bois
en
payant
des
redevances
pour
avoir
la
possibilité
d'abattre des arbres.
Ils n'avaient pas à recevoir un entretien
durant leur travail.
Ils échangeaient avec les agriculteurs des
objets déjà fabriqués.
Néanmoins, à travers ce troc transparart
l'infériorité
des
lawbe.
Le
boisselier,
à
la
demande
de
l'acquéreur,
rend
bénéfique
l'ouvrage.
Il
récite des
formules
magiques
et
répand
sa
salive dans
l'ustensile.
Il
reçoit
"un
léger cadeau en sus du prix convenu" (314). Cette libéralité,
comme les dons offerts aux autres neeno révèle la supériorité de
celui qui donne et la subordination de celui qui reçoit. Il est à
noter
que
les
lawbe,
dans
la
société
wolof,
"ne
sont
pas
flatteurs de nature;
ils sont ouvriers et vivent uniquement des
produits
de
leurs
travaux"
(ROUSSEAU
1929,
p.
182).
Cependant chez
les Peul et les Toucouleur, ils sont aussi des
laudateurs
et
reçoivent
des dons qui
les dégradent
(315).
A
l'instar
des
autres
neeno,
le
boisselier
ne réalise pas l'idéal
d'autosuffisance,
il compte pour vivre sur les produits qu'il tire
de l'échange de ses ouvrages avec les géér et les rimbe.
La comparaison avec les hommes "libres " qui exercent
un métier permet de mettre en évidence la spécificité des Iieeiio,
Les
subalbe (sing.
cubballo)
toucouleur
présentent
plusieurs
points
communs
avec
les
Iteeiio,
Ils
exercent une profession,
celle
de
pêcheurs.
Comme
les
forgerons,
ils
sont
dotés
de
pouvoirs
magiques
et
sont
redoutés.
Ils
sont
d'origine

étrangère:
ils portent des patronymes wolof (316).
Néanmoins,
ils
ne font pas partie des neeno, ce sont des hommes "libres"
(rimbe).
En effet, contrairement aux artisans et aux griots, ils
sont capables de réaliser leur autosuffisance.
Non seulement la
pêche ne nécessite pas la soumission à un patron, mais encore
les subalbe, qui possèdent des terres fertiles sur les rives du
fleuve,
se
consacrent
aussi
à
l'agriculture.
La
pratique
de
l'activité agricole doit être ajoutée à celle de la pêche, afin de
réaliser l'autosubsistance. Un adage l'affirme:
"Si le pêcheur "est descendu" dans sa pirogue, qu'il
"descende" dans les basses terres de la vallée. Sans cela, s'il a
pris un poisson, c'est la tête qu'il mangera" (GADEN 1931, p.
310) .
L'homme qui se contente uniquement de pêcher sera
obligé de vendre ses poissons pour avoir du grain, puisqu'il a
négligé
l'agriculture.
Les
subalbe sont
des
hommes
"libres"
parce
qu'ils
ne
dépendent
pas
des
autres
pour
vivre
et
n'exercent pas leur métier au profit d'autres personnes.
Comme le mépris, le respect et l'admiration pour les
neeno sont fondés
sur des facteurs économiques.
Il existe des
légendes qui mettent l'accent sur la nécessité d'une coopération
entre les agriculteurs, les éleveurs et les artisans et les griots.
Le mythe sur l'origine du bambaado,
du lawbe et
du
berger,
évoqué précédemment,
mentionnait la conclusion d'un pacte: le
Peul était tenu de fournir à ses frères du
lait
et
de; la
viande

"sur simple
demande et
sans
nécessité
de
compensation".
Le
dimo ou le géér,
nous le rappelons,
ne paye pas le iieeiio , il
lui offre un don pour montrer sa supériorité. En fait, il donne
généreusement
pour
honorer une dette ancienne.
D'après une
légende,
les forgerons ressemblaient plus à des singes qu'à des
hommes:
pourvus
d'une
queue
et
couverts
de
poils t
ils
habitaient dans des cavernes. I/s domestiquèrent les premiers la
vache. Le Peul survint et dit au forgeron:
"Prête-moi ta bête,
confie-la moi. Je la ferai paftre toute la journée, je trairai son
lait et nous le boirons.
nous et nos deux familles".
L'artisan
accepta
cette
proposition,
car
il
ne
pouvait
pas
abandonner
son
travail
pour consacrer
son temps à l'élevage
(317).
Depuis
ce
jour,
les
bergers
doivent
"donner"
aux
forgerons et aux lawbe (qui
étaient les premiers propriétaires
du bétail des Peul d'après d'autres légendes) (318) une partie
des
produits
laitiers.
Le Peul rasa le forgeron,
lui coupa la
queue,
donc
lui
donna
un
aspect
humain,
et ce
dernier
le
circoncit. L'artisan rendit de multiples services à son ami, entre
-~
3
autres,
il lui
sauva la vie en le soustrayant •
l'antre d'un
crocodile (319). 1/ y a un renversement de situation par rapport
à la légende du griot qui ne devait son salut qu'à la bonté de
son frère qui lui avait donné à manger un morceau de sa chair.
Pour affermir leurs liens, le Peul et le forgeron avaient scellé
une
alliance par le
sang.
Tout contact sexuel entre eux fut
interdit, ils ne devaient ni se quereller, ni se bagarrer (320).
Unis par une "parenté à plaisanteries", ils pouvaient échanger

des grossièretés,
mais nul
ne devait s'en offusquer.
Il est à
noter que cette forme de relation n'existe pas dans la société
wolof entre les géér et les neeno.
Les Dogon et les Bobo sont tenus d'offrir du mil au
forgeron quand il en formule la demande. Ils témoignent ainsi
leur reconnaissance au Premier Forgeron,
le héros civilisateur
qui a apporté le mil aux
premiers 'et a donné
aux
secends les
Instruments
aratoires,
sans
lesquels
la cul tu re
du
mil serait
impossible (321).
Toutes ces légendes font ressortir l'interdépendance
des différents groupes sociaux. Les artisans sont indispensables
aux agriculteurs, ils leur fabriquent les instruments nécessaires
à
la culture des champs.
Les /awbe fournissent
aux
bergers
peul les récipients à traire. Les louanges des griots permettent
aux chefs de maintenir leur
prééminence. Déconsidérés à cause
de leur subordination vis-à-vis des hommes "libres", les Iieeho
sont
respectés
pour
leur
utilité.
L'alliance
par
le
sang leur
garantit
une
quasi
inviolabilité.
Dans
la
société
wolof,
les
bandes armées de ceddo pouvaient piller les baadoolo, mais s'ils
s'attaquaient
aux rieeiia,
ces derniers allaient réclamer au roi
leurs biens ravis qui leur étaient aussitôt rendus (322). Pour
les Grecs, manquer de respect à un démiurge ou le déshonorer
est
une
offense
aux
dieux
qui
se
chargent
de
châtier
le
coupable. En fait, l'interdiction de porter
atteinte
aux
gens
de

115
pratique
pas
effectivement
son
métier,
le
neeno garde
sa
dénomination
professionnelle
comme
une
tare
indélébile.
Les
buurnaabe bien qu'ils ne s'occupent pas de la poterie, qui est
une
activité
féminine,
sont
toujours
considérés
comme
des
potiers.
Aujourd'hui
encore,
les
personnes
qui
n'ont
jamais
exercé le métier de leu rs pères, voire de leurs grands-pères, ne
peuvent pas se soustraire à leur statut de neeno. Certes, dans
les
poèmes
homériques,
l'onomastique
révèle
une
pratique
héréditaire de certains métiers et professions, mais les démiurges
ne sont pas liés par une hérédité biologique au travail de leurs
pères
et
ne
sont
pas
frappés
d'endogamie.
L'absence
de
manifestations
extérieures
d'aversion
contre
les
démiurges
n'empêche
pas l'existence d'une dégradation de ces travailleurs,
comme en Afrique.
Démiurges et neef(o. sont
méprisés car
leur
travail
les place sous la dépendance des hommes
"libres" avec
lesquels
ils
entretiennent
des
rapports
de
clientèle.
Ils
fabriquent
des
produits
destinés
à la
satisfaction non pas de
leurs propres besoins,
mais de ceux des usagers.
Ils ne sont
pas rémunérés. Aucun travail de démiurge n'est lié à un misthos
dans
les poèmes d'Homère et d'Hésiode. Les démiurges reçoivent
des
dons qui soulignent leur subordination économique et leur
infériorité par rapport aux donateurs.
Pourquoi les démiurges
et les n'eeho qui possédaient
des terres fertiles et beaucoup de richesses sont-ils restés dans
le système
des relations personnelles de dépendance? Pourquoi
n'ont-ils pas abandonné leur métier dégradant pour se consacrer

116
à
Ilagriculture 7 Nous
ne
pouvons
donner
de
réponse
à
ces
questions. Les plus pauvres qui avaient des lopins de terre dont
ils ne pouvaient pas tirer toute leur subsistance, ou qui n'en
avaifrlt pas
du
tout,
trouvaient
un
grand
avantage
dans
ces
rapports
de
clientèle

ils
n'étaient
pas
nécessairement
exploités;
les
dons
qu'ils
recevaient
étaient
plus
importants
qu'une rémunération qui serait fondée sur l'appréciation de leur
travail ou de la valeur des produits fabriqués (325).
L'artisan,
déclassé
dans
sa
personne,
jouissait
lorsqu'il exerçait son art, d'un grand prestige surtout dans les
poèmes homériques où les héros étaient plus sensibles à la beauté
des ouvrages qui étaient, pour eux, des richesses ostentatoires,
alors
qu'ils
avaient
une
valeur
strictement
utilitaire dans
les
sociétés africaines et dans le monde rural d'Hésiode.

NOTES
DU
CHAPITRE
2

118
(1)- BADER 1965, p. 133sq.
(2)- DE5CAT 1982, p. 314.
(3)- GADEN 1931, p. 12.
(4)- oa., XVII, 383-385.
(5)- oa., XIX, 135.
(6)- Cf. CHANTRAINE 1956, p. 41.
(7)- BURFORD 1972, p. 14; ECK5TEIN 1974, p. 1.
(8)- Artisans:
u., III, 61 ; oe., III, 433; VI, 232; XI, 614;
Héphaistos: oa., VIII,
327;
332;
Th.,
929; tissage: oa., VII,
110;
235;
Protée: oa.,
VIII,
296;
IV,
455;
Prométhée:
t n.,
540; 547; 555; 560.
(9)- VERNANT 1965, p. 211.
(10)- u., VII, 221.
(11)-
oa., XIV, 24. Cf. GLOTZ 1920,
p.
34
et
59;
rr.,
541-542.
(12)-11., XVIII, 601; r-., 25.
"1)
GtDT7 192 9, ,.
5;.
(14)- u., IV, 187; 216; XII, 295; XV, 309; oa., III, 432,
IX,
391.
(15)- oa., III, 425.
(16)- VERNANT 1965, p. 186.
(17)- u.,
IV,
110;
VI,
315;
XIII,
390;
XV,
411;
XVI,
483;
XXIII,
712;
Od.,
IX,
126;
XVII,
340;
384; XIX,
56; XXI,
43;
Tr., 25.
(18)-
ÙP\\.1UTOTInVOc;
(II.,
IV,
485);
UÀOTa\\.10C;
(II. ,
XXIII,
114;
123; Tr.,
807);
f)PUT0\\.10C;
( Il. ,
XI,
86;
XVI, 633; XXIII, 315).
(19)-
TIEPlKÀUTOc;
"célèbre" ioa., VIII, 287; XXIV. 75; Th.,
571;
579);
KÀuTac;
"célèbre"
(Th.,
927);
avuKÀ€nC;
"très célèbre" (II.,
XXI,
379);
àVUKÀUTOc;
"très
célèbre"
(Th.,
945);
KÀUToTÉXVnc;
"célèbre
par
son
ingéniosité"

119
(II.,
1, 571; XVIII,
143;
391; os.,
VIII,
286);
KÀU'tOEPy6C;
"aux
travaux
célèbres"
(Gd.,
VIII,
345);
tÔUL'JOL
rrparrLôEooL
"aux
savants
pensers"
(11.,1,608;
XX,
12;
oa., VII, 92);
rroÀucvPwv
"ingénieux"
rIl..
XXI.
367);
rroÀUlJn'tLC;
"jndJstrieux" (II., XXI, 355); ÉK miv'twv 'tÉXV1JOL
KEKaOIJÉvov Oùoœv LWVCi.lV
"le
plus
industrieux
des
petits-fils
d'Ouranos Il (Th., 929).
(20)-
XWÀ6c:
"estropié"
(II.,
XVIII,
397);
KUÀÀorroôLwv
"les
pieds
courbes"
(II.,
XVIII,
371);
aUCVLyunELC;
"les
deux pieds retournés en dehors" (II.,
l , 607; etc.;
Th.,
945;
571;
579;
rr., 70). Sur ces épithètes voir DELCOURT 1957 p.
110-136 et DETIENNE et VERNANT 1974, p. 255 sq .
(21)- DELCOURT 1957, p. 110-136.
(22)- DETIENNE et VERNANT 1974, p. 257.
(23)- DETIENNE et VERNANT 1974, p. 256.
(24)- tt.,
XXI,
355. Sur la mëtis d'Héphaistos,
voir DETIENNE
a
1970
(25)- Cf.
DETIENNE et VERNANT 1974.
(26)- tt., 599-600; os., VIII, 325-327.
(27)- FINLEY 1978, p. 87.
(28)- u., l, 590-594.
(29)- Th., 521 sq.; Prométhée encharné, passim.
(30)- Il.,
XVIII, 398 sq,
(31)- Th., 909; 945; Dans l'//iade (XVIII,
382), Charis, la Grâce
par excellence,/ est
l'épouse d'Héphaistos.
(32)- n., XVIII, 395 sq .
(33)- Prom., 128.
(34)-
Th.,
508-510.
Dans le Prométhée encharné (210)
il est le
fils de Gaia ou
Thémis.
(35)- Prom., 560.
(36) - Prom., 284.
(37) - Prom., 944 sq,

120
( 38) - Prom., 39.
(39)- Prom., 12 sq ,
( 40) -
E LI AD E 1977, p.
82. Sur les mythes de souveraineté, voi r
aussi VERNANT 1971.
(41)- Prom., 199 sq .
(42)- Prom., 167 sq.; 944sq.
(43)-
Th.,
139-146;
506; cf. DETI ENNE et VERNANT
1974,
p.
80.
(44)- Prom., 441 sq ,
(45)-
"Blenfalsant "
t t n., 614); "souple et subtil" (Th., 511);
"a u x subtil s desseins Il ( Th., 521).
(46)- Cf. VERNANT 1952.
(47)- Th., 546; Tr., 48.
(48)- VERNANT 1965,
p.
188; cf. aussi DETIENNE et VERNANT
1974, p. 25.
(49)- HEUSCH 1956, p. 60.
(50)-
Sur
ces
mythes,
voir
GRIAULE
1938,
p.
48
sq.,
TEGNAEUS 1950, p. 16sq. et ELIADE 1977, p. 77 sq ,
(51)- GRIAULE 1938, p. 50sq.
TEGNAEUS 1950, p. 18sq.
(52)- TEGNAEUS 1950, p. 18; HEUSCH 1956 p. 60 .

(53)- oa., IX, 126.
(54)- u., XV, 411.
(55)- u., V, 61.
(56)- oa., VI, 233 = XXIII, 160.
(57)- oe., XVII, 386.
(58)- tt., VI, 315.
(59)- u., VII, 221.
(60)- WALCOT 1967, p. 61.

121
(61)-
1/.,
XV,
411; XVIII,
600. Le terme est employé à propos
d'Héphaistos dans la Théogonie (580).
b•
(62)- Cf.
DETIENNE 1970
(63)- Charpentier: 1/., VI,
315; XIII,
390; XVI,
483; Od., IX,
126;
bûcheron: 1/.,
XI,
86;
XVI,
633; forgeron: 1/.,
IV,
187;
216; oa., IX, 391.
(64)- 1/., XVIII, 592; FRONTI51-DUCROUX 1975.
(65)- os.,
VIII, 373; LACROIX 1957, p. 313.
(66)- oa., XIX, 57; LACROIX 1957.
(67)- oa., VIII, 493; 1/., VII, 220; LACROIX 1957, p. 313.
(68)- oa., VIII, 114.
(69) - 1/. , V, 59, cf.
traduction et note de MAZON.
(70) - 1/., 1V, 187; 21 6; XIl, 295.
(71)-1/., VII, 222.
(72)-1/., V, 60; oa., IX, 127.
(73)- oa., XIX, 56.
(74)- 1/., XIX, 14.
(75)- 1/. , XV, 309.
(76)- 1/. , XVI Il, 376.
(77)- 1/., XVIII, 418.
(78)- os., VII, 91-94.
(79)- Gd. , VIII, 274.
(80) BURFORD 1972, p. 197.
(81)- DELCOURT 1957, p. 48-64.
(82)- MACTOUX 1980, p. 203.
(83)- 1/. , V, 59-68.
(84)-VERNANT 1965, p. 221.

122
.
(85)- VERNANT 1965, p. 221-222.
(86)- u., IV, 185-187.
(87)- FRONTI51-DUCROUX 1975, p. 65.
(88)- tt., V, 62-64.
( 89) - os., III, 437.
(90)- u., XXIII, 833-835.
(91)- tt., XVII, 389.
(92)- tt., XIII, 390 =XVI, 483.
(93)- u., XXIII, 834-835.
(94)- u., XVIII, 469.
(95)- Od., XVIII, p. 328-329.
( 96) - u., XV III, 369 sq •
(97)- u., VII, 220-221-
(98)- Tr., 430.
(99)- Cf. infra p. !tt~ .
(100)- AYMARD 1948, p.
36 ; 1967, p.
324. JACCARD 1960, p.
57 pense, au contraire, que le poète paysan préoccupé par son
travail et les ennuis que lui a causés son procès ne s'intéresse
pas au développement de l'artisanat.
(101)- Tr., 422-431.
(102)- Tr., 493.
(103)- Cf.
WALTZ 1914.
(104)- BUCK 1979, p. 87-88.
(105)- LEVEQUE 1981, p. 128.
( 106) - BUC K 1979, p. 92.

123
(107)- Il.,1,321;
334; 39t Il,50; 97; 184; 280; 437; 442; III,
116; 245; 248; 268; 274; IV,
192; 198; VII,
183; 274; 278; 384;
VIII,
517;
IX,
10;
170;
174;
689;
X,
315;
XI,
684; XII,
342;
351; XVII,
324; XVIII/503; 505; 558; XXIII, 39; 567; 89't; XXIV,
149;
178; 282; 352; 577; 674; 689; 701; oe., 1, 109; 143; 146;
153;
Il,
6;
38;
III,
338;
IV,
301;
677;
.6811;
707;
VII,
163;
178; VIII,
8;
47;
62;1.~,107; 256; 261; 399; 418; 471; 474; 477;
482; IX,
90; X,
59; 102; XIII, 49; 64; XVI, 252; 328; 333; 336;
412; 469; XVII,
173; 334; XVIII,
291; 424; XIX, 135; 244; XXI,
270;
XXII, 357.
(108)-
Àlyuep8oyyoC;
"à la voix sonore" (II.,
Il,
50;
442;
IX,
10;
XXIII,
39;
oa., Il, 6);
n1IUTa
"retentissant" (II., VII,
384) ;
n Ep6cpwvoc;
"qui
résonne
dans
les
airs"
(II.,
XV III,
505);
éWTuSowTnC;
" q u l crie par la ville" (II.,
XXIV, 701);
l<aÀfnwp
"qui appelle" (/1., XXIV, 577).
(109)- u., XXIV, 149; 178; os., XIX, 244.
(110)-
1IE1IVUIlÉVOC; lisage" (II., IX,
689);
n e nvuuèvc IlnBEa
EUi,:lc
"aux
sages
pensers" (II.,
VII,
278;
oa.;
Il,
38);
1IUl<lVÙ epPE.al IlnBE J ~XOVTEC;
"n'ayant au
coeur
que
de
sages pensers" (II., XXIV, 282; 674).
(111)-
"Divin"
(II.,
X,
315);
licher à
Zeus"
(II.,
VIII,
517);
"messager des dieux et des hommes" (II., 1, 334; VII, 274).
(112)- Eumède (II., X, 314; 412; 426); Pisénor toa., Il, 38).
(113)- Thootès (/1.,
XII,
342; 343); Eurybate (II.,
r. 320; Il,
184; IX, 170; oe., XIX, 247); LACROIX 1957, p. 312.
(114)- u., VII, 384.
(115)- u., XVII, 323; SULZBERCER 1926, p. 396.
(116)- Od., VII, 179; 182; VIII, 65; XIII, 50; 53.
(117)-
Odios:
héraut
achéen
(II.,
IX,
70),
chef des Alizones
(II.,
Il,
856;
V,
39);
Idée:
héraut troyen (II.,
III,
248; VII,
276;
etc.),
guerrier
troyen
(II.,
V,
11;
20);
Médon:
héraut
d'Ithaque (Od.,
IV,
677; 696; etc.), guerrier troyen (II., XVII,
216); Moulios: héraut de Doulichion (Od., XVIII, 423), guerriers
troyens (/1., XVI, 696; XX, 472).
(118)- u., XXIV, 577; Od., VIII, 8.
(119)- Il., J, 32.
(120)- Il., Il, 184.

124
( 121) - u., III, 274; V Il, 275.
(122)- u., Il, 184.
(123)- oa., XVIII, 424.
(124)- u., Il, 50; 437; 442; IX, 10; Od., Il, 6.
(125)- u., VII, 384; oa., XVI, 328; 333; 336; 469.
(126)- u., Il, 97; 280; XVIII, 503.
(127)- u., XXIII, 567; oe., Il, 38.
(128)- BENVENISTE 1969,
Il, p. 32.
(129)- Sur l'inviolabilité du héraut voir WERY 1966.
(130)- Il.,
IX,
170; 689; XXIV,
149; 178; Od.,
IX,
90; X, 59;
102. WERY 1966, p. 480, n , 47.
(131)- oa., XIX, 135.
(132)- u., l, 331-332.
(133)- u., III, 116; 245; 248; 268; VII, 183; XVIII, 558.
,---"-
(134)- tt., IX, 174; Od., III, 338.
(135)- u., IX,
174; os., l, 148; VII, 163; 178; XIII, 49; XVII,
424.
(136)- os., XVII, 173.
(137)- Od., l, 153; VIII, 69; 256; 261; 477.
(138)- oe., XXII, 361.
(139)- Ordonner: u., Il, 50; 442; IX,
10; XXIII,
39; oe., Il,
6; VII, 163; dire: Il.,1,321; IV, 192; 198; VIII, 471; 482; XII,
351; envoyer: u., III, 116; XII, 342; oa.,
IV,
681; VIII, 399;
XIII, 64; XVI,
328; XVIII,
291;
impératif: Il.,1,
334;
Il,
437;
VIII, 517; IX, 174.
( 140) - u., Il, 97.
(141)- u., Il, 184.
(142)- u., Il, 280.

125
( 1 43) - u., Il, 50.
(144)- u., XXIII, 567; oa., Il, 37.
(145)- Agamemnon (II.,
1,
321; Il,
50;
442;
IV,
192; 198;
IX,
10;
XXIII,
397);
rois
(II.,
XXIII,
39);
Ménesthée
(II.,
XII,
342); Hector (II., III, 116; VIII, 517).
(146)- Alcinous
(Od.,
VII,
163; 178; VIII,
256; XIII,
49; 64);
Ulysse toa., IX, 90; X, 102).
(147) - Télémaque toa., Il, 6); prétendants (Od., 1V, 681).
(148)- oa., Il, 14.
(149)- n., III, 250; 270; 274; VII, 184; 385.
(150)- u., Il, 432; 437.
(151)-
1/.,
IX,
174;
XVIII,
558;
Od.,
1,
146;
III,
338;
XVI,
252;
333; XVII, 173.
(152)- 1/., XVIII, 324.
( 153) - u., XV, 315.
(154)- n.,
XXIV,
720; oa.,
1,
325;
336;
338;
346;
347; 370;
III,
267;
270;
IV,
17;
VIII,
43; 47;
62;
73;
83;
87;
367; 471;
479;
481;
521;
539;
IX,
3; 7;
XI,
360; XIII,
9;
27; XVI,
252;
XVII,
358;
359;
385; 518; XXII, 330; 345; 376; XXIII, 133; 143;
XXIV, 439.
(155)- Thamyris (II.,
Il,595); Démodocos (Od.,
VIII,
44; 106;
254;
262; 472; 478; 483; 486; 487; 533; XIII, 28); Phémios (Od.,
1,154; 337; XVII, 263; XXII, 332).
(156)- u., XXIV, 720.
(157)- oa., 1, 369; IV, 15; VIII, 42; 72; 470; 538; IX, 7; XIII,
8; 26.
(158)- oa., 1, 336; VIII, 83; 88; 522; 538.
(159)- Od., III, 267-268.
(160)-
8Eioç
"divin" toa.,
1,
336;
IV,
17; VIII,
43; 47;
87;
539;
XIII,
27;
XVI,
252;
XVII,
359;
XXIII,
133;
143;
XXIV,
439);
8tan Le;
"inspiré par les dieux"
(Gd.,
XVIII,
385);
Eç 8EWV BEBétwç
"instruit par les dieux" (Gd., XVII, 518);
8Eote; É;vaÀLYKLOe; «ùô nv
"sa voix l'égale aux dieux" (Gd.,
1,370; IX, 3).

)26
(161)- oa., VIII, 63.
(162)- Od., VIII, 481; 488.
(163)- Od., XXII, 347.
(164)- Il.,
Il,595.
(165)- BENVENISTE 1969, Il, p. 53.
(166)- Od., VIII,
475. Voir BENVENISTE 1969, Il, p. 43-49 sur
la geras.
(167)- oa.;
VIII,
47; 62;
471.
Les services du héraut ne sont
pas
à
mettre
au
compte
de
la
cécité
de
Démodocos.
En effet
t'aède
Phémios
qui
n'est
pas
aveugle
jouit des mêmes
faveurs
(Od.,I,153).
(168)- CHEYNS 1967, p. 18.
(169)-tpLnpoç
"très
honoré" (Od., l, 346; VIII, 62; 471).
(170)- ~nIl6ôol(oç ï..aotol TETlllÉVOÇ
ioa., VIII,
472;
XIII,
28); SULZBERGER 1926, p. 383.
( 171) -
lloï..ûcpnllOç
toa., XXII, 376); GERMAIN 1954, p. 586.
(172)- oe., XXII, 330.
(173)- LASSERRE 1962, p. 9.
(174)- os.,
l,
325;
338;
IV,
17;
VIII,
43;
73;
83;
367;
521;
XIII, 27; XVII, 358; 385; 518; XXII, 330; 345.
(175)-
TÉPllTJOlV <h:lÔWV
ioa., XVII, 385); cf. DESCAT 1982,
p. 283.
(176)- os., III, 267.
(177)- Od., l, 154; XXII, 353.
(178)- oa., VIII, 492.
(179)- Od., VIII, 542-544.
(180)-Od., 1, 336sq.
(181)- Od., l, 325; 369.
(182)- oa., VIII, 43; 47; 62.
(183)- oa., l, 154; XXII, 353.

121 .
(184)- oa., III, 261sq.
(185)-Gd.,
XXII, 342sq.
(186)- oa., XXIV, 432sq.
(187)- oa., XXIV, 529.
(188)- uévr i c
ui., 1, 62; 92; 106; 384; XIII, 69; 663; XXIV,
221; oa., 1, 202; IX,
508; X,
493; 538; XI, 99; 291; XII, 267;
XV,
225);
Se:orrp6rroc;
(II., XII, 228; oa., 1, 416)oL<.t>VloTnC;
iu., Il, 858; XIII, 70; XVII, 218);
o Lovoxôxo c
(1/.,
1,
69; VI,
76);
ove: t oo rrô xo
ui., 1,
ç
63; V, 149);
Buo cxô o c
ioa., XXI, 145; XXII, 318; 321).
(189)-
Irréprochable
(1/.,1,192;
oa., XI, 99; 291); savant
(1/.,
1,
384);
instruit •••
(//., XXIV 1 221); qui fait connartre la
pensée divine (1/., XIII, 70).
(190)-Gd., XV, 252; cf., //.,1,72.
(191)- DEFRADAS 1968, p. 159.
(192)-Gd., IX, 508.
(193)- DETIENNE 1967, p. 74.
(194)- tt., 1, 106.
(195)- oa., Il, 178-181; ti., XXI, 220-222.
( 1 96) - oa., X1X, 560- 5 67 .
(197)- oe.,
XV,
225-255; SULZBERGER 1926, p.
396; WALCOT
1967, p. 62.
(198)- tt., XIII, 663; SULZBERGER 1926, p. 396.
(199)- u., V, 148; LACROIX 1957, p. 312.
(200)- oe., IX, 508; XV, 271.
(201)- tt., XIII, 758; 770; 781.
(202)- oa., XI, 91; 151.
(203)-1/., Il, 858.
(204)-Gd., XXI, 144.
(205)- oa., XV, 240.
(206) - Gd., XV, 244.

128
(207)-11.,
1,80.
(208)- Devin Ennome (II.,
Il,
858); fils du devin Mérops (II.,
Il,830; XI, 329); les fils d'Eurydamas ( tt., V, 148).
(209)- oa., XV, 224sq.
(210)- oa.,
XXII, 326.
(211)- BOURRIOT 1959, p. 176.
(212)-11.,1,76.
(213)- ti.,
1, 62; 92; 106; 384; VI,
76; Od.,
IX,
510; X, 539;
XI, 99.
(214)- u., 1, 70-72; FAURE 1975, p. 107.
(215)- oa., XI, 479.
(216)- oa., XVII, 384.
{217)- Od., XV, 255.
(218)- LEPEtlÇ
(II., 1, 23;
62;
370; 377; V,
10; IX, 575; XVI,
604;
XXIV,
221;
os., IX, 198); ltPE La
(II. ,
VI,
300);
apn'n;p
(II., 1, 11; 94; V, 78).
(219)-11., V, 9; IX, 575.
(220)- u., VI, 300.
( 221) - 1/., V, 9.
(222)- /1.,
1,
370; V, 10; VI, 300; IX, 375; XVI, 604; oa., IX,
198.
(223)-11.,1,21 .:
(2211)-
Il.,
IX,
200; cf. BENVENISTE
1969,
Il,
p.
203
sur le
sens de &l:ollaL
(225)-11.,
1,23; 377.
(226)- u., 1, 9-12; 93-100.
(227)- tt., V, 23.
(228)- Phégée et Idée (1/., V, 10 sq.); Laogone (II., XVI, 604);
Hypsénor (II.,
V, 76); Acamas (II., XVI, 342); Archéloque (II.,
XIV, 1164).

129
(229)-11., l, 62; XXIV, 221.
(230)- VAN BROCK 1961, p. 9-12.
(231)- t nrno (II.,
Il,
732;
IV,
190;
194;
XI,
518; 835;
Od.,
XVII,
384);
Ln'tp6c;
(II., XI, 514; 833; XIII, 213; XVI, 28;
oe., IV, 231).
(232)- De maux toa., XVII, 3E!4); irréprochable (II.,
IV,
194;
XI, 518; 835); habile ... (II., XVI, 28).
(233)-11., XI, 514-515.
(234)-11., XI, 611 sa,
(235)- u., Il, 731; IV, 194; 204; XI, 518; 614; XIV, 2.
(236)- oa., IV, 232.
(237)-11., IV, 219.
(238)- u., IV, 190; XI, 514; XVI, 28.
(239)- u., IV, 193; XI, 518; Od., XVII, 382.
(240) - u., Il, 729-733.
(241)-
5to<;
(II.,
XIV,
3);
1I0lJ..ln V
Àa wv
(II.,
Xl,
506;
597; 651);
t\\pw<;
(II., IV, 200).
(242)-11., XI, 506.
(243)- rr., 801; 828; WALTZ 1914, p. 26.
(244)- Tr., 80; voir aussi Th., 939.
(245)- rr., 26 (2 occurrences); 208; voir aussi rn., 95j99.
(246)- Tr., 26.
(247)- Tr., 654-657.
(248)- ROUSSEAU 1929, p. 175.
(249)- WANE 1969, p. 52.
( 250) - WAN E 1969, p. 53.
(251)- ROUSSEAU 1929, p. 177.
(252)- BALDE S. 1935, p. 152.
(253) - CLEMENT 1948, p. 41.

130
(254)- HEUSCH 1956, p. 66.
(255)- GRIAULE 1938, p. 51-52; CLEMENT 1948, p. 44.
(256)- PAULME 1940, p. 187.
(257)- ROUSSEAU 1929, p. 181.
(258)- WANE 1969, p. 55.
(259)- MOLLIEN 1967 (1818), p. 106.
(260)- DUPIRE 1970, p. 434.
(261)- PAULME 1940, p. 191-192.
(262)- WANE 1969, p. 55.
(263)- GADEN 1912, p. 121.
ROUSSEAU 1929, p. 74.
(264)- WANE 1969, p. 58.
(265)- DIOP A. B. 1981, p. 34.
(266)- DIOP A. B. 1981, p. 62.
(267)- ROUSSEAU 1929, p. 176.
(268)- ROUSSEAU 1929, p. 183.
(269)- WANE 1969, p. 61.
(270)- ROUSSEAU 1929, p. 184.
(271)- WANE 1969, p. 61.
(272)- ROUSSEAU 1929, p. 185; WANE 1969, p. 61-62.
(273)- ROUSSEAU 1929, p. 177.
Les
Boote
sont
appelés
différemment selon les régions: selmbuus, doomi-lambur , bisel et
qerof,
(274)- ROUSSEAU 1929, p. 179.
(275) -
Nous étendons le terme griot à tous les sob-tekk
et
pas uniquement aux qéwél ,
(276)- FERNANDES 1951 (1506),
p.
9-11
cité par DIOP A.
B.
1981, p. 38.

131
(277)-
Sur
les
baobabs - sépulture
voir
aussi
MOLLIEN
1967
(1818), p. 80; RAFFENEl 1846, p. 19 et BOllAT 1853, p. 315.
(278)- RITCHIE 1968 (1673), p. 325.
(279)- MONTEil 1966, p. 83.
(280)- GADEN 1912, p. 20t.
(281) - ROUSSEAU 1929, p. 178.
(282)- GADEN 1912, p. 20t. ROUSSEAU 1929, p. 176-177.
(283)- WANE 1969, p. 55 ; DIOP A. B. 1981, p. 50.
(284)- DIOP A. B. 1981, p. 50.
(285)- PAULME 1940, p. 189.
(286)- WANE 1969, p. 55.
(287)- DIOP A. B. 1981, p. 50.
(288)- ROUSSEAU 1929, p. 193.
(289)-DIOPA. B., 1981, p. 50.
(290)- DIOP A. B. 1981, p. 50.
(291)- FERNANDES 1951 (1506), p. 21 cité par BOUlEGUE 1968,
p. 88.
(292)- CLEMENT 1948, p. 52.
(293)- DIOP A. B. 1981, p. 44; cf. aussi HEUSCH 1956, p. 66.
(294) - ROUSSEAU 1929, p. 177 n , t ,
(295)- ROUSSEAU 1929, p. 184.
(296)- DIOP A. B. 1981, p. 43-44.
(297)- ROUSSEAU 1929, p. 184-185.
(298)- DIOP A. B. 1981, p. 53, n, 10.
(299)- WANE 1969, p. 32 et 62.
(300)- WANE 1969, p. 60.

132
(301)- Sur le mythe toucouleur voir WANE 1969, p. 62-63.
(302)- DIOP A. B. 1981, p. 76.
(303)- DIOP A. B. 1981, p. 77.
(304)- DIOP A. B. 1981, p. 78.
(305)- MOLLIEN 1967 (1818), p.
106; ROUSSEAU 1929, p. 183,
n, 1.
(306)- WANE 1969, p. 62.
ROUSSEAU 1929, p. 185.
(307)- DIOP A. B. 1981, p. 87.
(308)- PAULME 1940, p. 186.
(309)- DIOP A. B. 1981, p. 87.
(310)- BOULEGUE 1968, p. 265-266.
(311)- DIOP A. B. 1981, p. 78.
(312)- DIOP A. B. 1981, p. 77.
b,
(313)- MEILLASSOUX 1975
p. 64.
(314)- GADEN 1931, p. 320.
(515)- WANE 1969, p. 56.
(316) - WANE 1969, p. 46-49.
(317)- DOUMBIA 1936, p. 361 sq .
(318)- GADEN 1931, p. 321.
(319)- DOUMBIA 1936, p. 372-373.
(320)- DOUMBIA 1936, p. 361; 374.
(321)- TEGNAEUS 1950, p. 43.
(322)- DIOP C. A. 1960, p. 9.
(323)- îieeîîo-iuddu signifie ffeeno de naissance.
a,
(324)- MEILLASSOUX 1975
p. 223.
(325)- Cf. MEILLASSOUX 1973, p. 21.

CHAPITRE
3
ESCLAVES
ET
TRAVAIL
FORCE

134
Deux
portraits
contradictoires
de
l'esclave
apparaissent en Grèce pré-poliade et en Afrique, d'un côté il est
intégré dans la maison de son mallre et traité humainement, de
l'autre,
il
subit
de
nombreux
sévices.
Cela
impllque-t-i1
la
coexistence de deux formes d'esclavage dans ces sociétés? C'est
plutôt l'inexistence d'un critère formel pour définir l'esclavage
qui a favorisé cette dichotomie.
3.1. L'ESCLAVAGE EN GRECE
L'étude de l'esclavage dans la société homérique se
heurte
principalement
à
un
écueil
terminologique
qui
rend
confuse la distinction entre les différents groupes sociaux; les
mots
qu i
désignent
les
esclaves
sont
très
nombreux,
et
s'appliquent
pour
la
plupart
à
des hommes
libres
(1).
Elle
achoppe devant l'impossibilité de reconnallre le statut social des
personnes par la nature de leur travail, car aucune activité n'est
jugée indigne d'un homme libre ni réservée exclusivement à des
esclaves
(2).
Les esclaves ne
se distinguent pas des autres
dépendants dans la mesure où des relations identiques de service
les
unissent
à
leur
mallre
(3).
Deux
groupes
d'esclaves
apparaissent dans la maison, d'un côté de rares
privilégiés qui
subissent
un
esclavage
très
doux
voire
"patriarcal",
qui
jouissent d'une grande autonomie et sont dotés de noms propres
et d'épithètes semblables à celles des aristocrates, de l'autre" la
masse anonyme qui vit sous une domination insupportable (4),
car "Zeus à la
grand-voix prive un homme de la moitié de sa
valeur lorsqu'il abat sur lui le jour de l'esclavage" (5).

135
Pour
rendre
clair
le
flou
qui
entoure
l'esclavage
homérique, une différenciation des procédures de désignation de
l'esclave s'avère Indispensable. Une distinction fondamentale doit
être faite entre
le vocabulaire de
la dépendance et celui des
fonctions
(6).
L'étude
des
noms
propres
tant
sur
le
plan
étymologique que dans leurs rapports avec la terminologie de la
dépendance et celle des
fonctions
permet aussi de dégager la
spécificité de l'esclave.
Pour désigner
les esclaves, . Homère
recourt à des
termes spécifiques:
av5pano50, 50üÀoe;, 51lwe;
et
0 l KEJe;
(qui
pose quelques problèmes) et à des termes qui ont nécessité
au
préalable une étude du
champ
référentiel
de toutes
leurs
occurrences afin de distinguer celles concernant des esclaves de
celles
concernant
des
hommes
libres:
et
nOÀÀOKLe;,
ces substantifs fournissent essentiellement des
indications
sur
le
sexe et
sur
l'Age
des
personnes.
Il existe
"deux séries de désignations qui peuvent parfois coïncider. celle
du prisonnier de guerre. celle de l'esclave proprement dit" (7).
3. 1. 1.
Le captif
"Par
l'arrachement
à
son
milieu
social
d'origine.
l'individu est d'abord un capturé et le demeure tout le temps que
son insertion
dans
la société esclavagiste n'est pas accomplie"
(8).
A la
place de
"capturé" nous emploierons "captif".
Nous

136
justifierons ce choix quand
nous aborderons les problèmes de
l'esclavage en Afrique.
Le terme spécifique ,
avôpémoôa , les
termes
yuvn
et
explicités par le contexte, et des
anthroponymes désignent les captifs dans les poèmes homériques.
Le terme
avôpc.'mo5a
qui
possède
une
seule
occurrence
dans
l'épopée
(1/.,
VII,
475)
sera d'une grande
fréquence à l'époque classique. Formé sur le modèle de
r e tpé-
1toôa
"être
à
quatre
pattes t
quadrupède",
il
signifie
littéralement "être à pattes d'homme", bétail humain (9). L'emploi
originel du terme au pluriel (le singulier étant secondaire) et le
genre neutre détruisent tous les caractères humains du captif
réifié (10). Le réseau de connexions (11) confirme ces remarques
morphologiques, les captifs sont intégrés dans le butin de guerre
avec
les
biens
matériels,
bronze,
fer,
peaux
et
boeufs des
héros.
L'''action sur" (12)
"échanger contre du vin" dénote un
procès de troc qui marque la réification du prisonnier (13).
Sur 30 occurrences de
vevn qui
désignent
des
captives, 14 concernent des "prisonnières de guerre", et 16 des
femmes "données" (14).
Les
"actions
sur"
les
prisonnières
de
guerre
révèlent
l'arrachement
brutal
des
femmes
à
leur
société
or'Iqlnelle ;
après
la destruction des villes et le massacre des
hommes,
les
vainqueurs
ravissent
le
Jour
de
la
liberté
aux
femmes (~ÀEu8EPOV n~ap èmoupaç ),
et
les
"emmènent
sur
leurs nefs" (1) (15).
La perte de
la liberté a
pour corollaire
~-
'.,
'6yw'

137
l'absence
d'initiative;
les
rares
actions
exercées
par
les
prisonnières sont marquées
par la contrainte: "suivre à regret"
les hérauts, "s'étendre auprès Il des héros et "simuler un grand
chagrin Il lorsque le martre est frappé par le deuil, pleurer sur le
compagnon d'Achille, Patrocle, tué par Hector, en apparence, et
dans le fond, chacune sur son propre sort (16). Dans la baraque
de Nestor,
une captive est vue au travail, elle fait un mélange
au vin de Pramnos (17). Les prisonnières sont réifiées par leur
connexion avec le butin de guerre, bronze, or et fer (18). Elles
partagent le même sort que les enfants après la prise des villes:
la captivité (19). Les qualifications Indiquent les noms et l'aspect
physique des prisonnières:
"Troyennes" , "la belle Diomède, la
fille de Phorbas", "à la belle ceinture", "à la ceinture profonde"
et
"pareille
aux
déesses"
(20).
Ces
épithètes
soulignent
la
beauté des prisonnières dont le sort est de partager le lit des
héros qui ont laissé leurs femmes légitimes chez eux.
Les
"actions
sur",
"donner",
"mettre en main une
part
de
choix" ,
"choisir",
"emmener"
et
"installer
dans
les
baraques" montrent des
captives offertes
comme
dons
à
des
héros pour réparer un tort ou comme présents d'hospitalité (21).
"Apporter des
nefs" et
"poser comme enjeu" sont
les
actions
subies par les captives proposées comme prix des concours qui
se déroulent lors des funérailles de Patrocle (22).
Les femmes
données
sont
connexes
à
des
"dons"
( Bwpa)
et
à
des
"p rix"
&e:8Àa)
magnifiques,
trépieds,
bassins,
métaux
précieux
et bétail (23),
ce qui
les
ravale
au
rang
des objets

138
de
propriété,
elles
sont
ainsi
"chosifiées".
Les
qualifications
"habiles
aux
travaux
impeccables" ( ôuùuov« fpya LôuLac; )
(24)
soulignent
leurs
potentialités
économiques.
Une
femme,
"habile A mille travaux" (
nOÀÀà B'tnLa~a~o fpya
) est
estimée quatre boeufs (25).
Ce sont avant tout les travaux de
tissage.
La
dextérité
et
le
nombre des capt."es,
"quatre".
"sept" ,
"vingt"
et
"beaucoup" permettront
lorsqu'elles
seront
Intégrées dans la maison de leur nouveau mallre une production
notable qualitativement et
quantltatlyement •
A
l'époque
homérique où les étoffes tenaient une place importante dans les
échanges,
les
maisons
aristocratiques
se
convertissaient
en
atelier, avec une nombreuse domesticité servile vouée au tissage
(27).
Les
femmes,
puisqu'elles vont servir de concubines aux
guerriers,
possèdent de grandes qualités physiques, elles sont
"les
plus
belles
après
Hélène
l'Argienne"
et
"surpassent
en
beauté
tout
leur
sexe",
elles reçoivent l'épithète
"A la
belle
ceinture"
(28).
L'origine
de
certaines
d'entre
elles
est
mentionnée: "lesbiennes" et "troyennes" (29).
Sur 19 occurrences de
KOUpn
qui
désignent
des
captives,
deux
font allusion li Chryséis et dix-sept li Briséis
~..h~ par
(30). Les actions er la "jeune fille" se rattachent li la querelle
d'Achille et d'Agamemnon. Pour écarter le fléau décharné contre
les Achéens par Apollon dont le prêtre Chrysès a été outragé,
Agamemnon
se
voit
obligé
de
"rendre
sans
marché
et
sans
rançon"
(31)
la
jeune captive Chryséls li
son
père.
Il avait

140
l-
e: \\. l4Av.~':
'...-r Briséis, sa part d'honneur, qu'Agamemnon lui a retirée
pour remplacer la sienne, Chryséis, libérée (46). Les "actions de
" soulignent la soumlssjon des captives condamnées à s'étendre
auprès
des
héros
et à
participer par
leurs
lamentations aux
malheurs
de
leurs
martres
(47).
Elles
ne
prennent
pas
d'initiatives; Chryséis agit d'elle-même seulement à sa libération,
une fois arrivée à Chrysè. , chez elle, elle "sort de la nef" qui
la conduit sans y être invitée (48). Hécamède, la seule captive
qui
accomplisse
une
"action
de
"
travailler dans
les
poèmes
homériques,
mélange du vin, chauffe de l'eau' pour un bain et
lave les blessures (49).
Les anthroponymes Iphis dans
lequel
est
présente
l'idée
de
force,
Hécamède
et
Diomède,
qui
contiennent l'idée de
sagesse présentent une allure noble,
ils
ressemblent à des noms d'héroïnes aristocrat~lL'aèdecomprend
par Briséis,
"la fille de Brisès" (cf.
1/.,
1, 392)
bien que le
sens
"fille
venue
de Brisa"
soit
bien établi (50).
Le nom de
Chryséis est rattaché aussi par le poète à celui de son père.
Bien que son étymologie soit obscure, Cassandre semble être un
nom
aristocratique.
Les
captives
gardent
non
seulement leur
idionyme,
mais elles sont dotées aussi parfois d'un patronyme,
Diomède "la fille de Phorbas", Hécamède "la fille d'Ar-sinoos" et
Cassandre "la fille de Priam". Ces termes sont connexes au butin
de
guerre,
trépieds,
bassins,
or,
bétail
et
prisonnières
anonyme s (51).
Les
termes qui
désignent
des captifs
apparaissent
presque exclusivement dans le tumulte guerrier de l'I/iode qui

141
renferme
57 occurrences contre 4 dans l'Odyssée
les
héros
vivent à l'écart du fracas des armes. • Avôpanoôa
se distingue
des autres termes sur plusieurs points; il est péjoratif et est
Intégré
dans
un
système
d'échanges
Indigne
d'un
roi,
le
commerce, il est considéré comme un objet de troc et non comme
un
butin
de
guerre
acquis
par
un
acte
hërolque.
ruvn,
KOUpn
et
les
anthroponymes
sont
liés
à
des
actes
de
bravoure,
ils sont acquis par la force des armes, ce sont des
butins de guerre et en tant que tels,
Ils peuvent être offerts
comme part d'honneur aux
rois
les
plus prestigieux du camp
achéen,
Agamamnon,
Achille
et
Nestor,
ou
comme
prix
aux
vainqueurs des épreuves agonistiques. Ils sont individualisés par
des noms propres, par le singulier et par des qualifications qui
soulignent
leur
beauté
de
concubines
et
leur
dextérité
au
tissage.
Tous
les captifs
sont connexes à des objets, ce qui
marque
leur
réification.
Ils
n'exercent
presque
jamais
des
"actlons de".
3.1.2.
L'esclave dans l'oikos aristocratique
Le captif qui est parfois offert ou vendu, devient un
esclave à proprement parler lorsqu'II est Introduit dans la maison
du héros qui l'a acquis par les armeso~~omme don ou prix, ou
qui l'a acheté. Il est désigné dans les poèmes homériques par les
termes spécifiques ôl.JëC;,
0 l KEÛC;
,
ôoüÀOC; et
les
termes
explicités par le contexte.,
vuvn ,
vofivc , naÀÀaKl.c;.

142
Avec 92 occurrences (//iade; 12 ; Odyssée: 80) Bllwe;
le terme
le
plus fréquent
dans
l'épopée,
sans trace dans les
tablettes mycéniennes 1 apparal't aussi chez Hésiode, mals est très
rare
dans
la
littérature
postérieure
( 52) •
Le composé
(mo-
Bllwe;
est employé une fols (Od., IV, 396) et souligne le lien
b..-v<
qu i
unit
Protée
au
dieu
Poséidon.
, . . . .
hypothèses
sont
formulées
à
propos de
l'étymologie de
Bllwe;
Il
a
été
rattaché à
BaJ,1Vnll l
"dompter", à
ôéuo
"maison"
et
au
ç
crétois
IlVWLa
Le singulier de formation
secondaire n'a que trois
occurrences:
Bllwe;
(2) et
Le
féminin
manque dans les poèmes homériques. Le duel apparal't à
deux
reprises
(53).
Le
pluriel
majoritaire
(88 occurrences)
prouve que le terme
Bllwe;
à
l'origine,
désignait
un groupe
et
non
des
individus
pris
isolément
(54) .
Le
réseau
des
qualifications
corrobore
ces
données morphologiques.
L'emploi
systématique de l'indéfini
't le;
+
le
génitif
partitif
de
Bllwe;
empêche
une
individualisation
de
l'esclave
considéré
comme "un des esclaves" (55). L'esclave lié à la masse reste un
être
anonyme,
sans
caractère
individuel.
Les
Indéfinis
néie;
et
llÀÀoe;
s'opposent
aussi
à
l'individualisation des esclaves
(56) qui ne reçoivent jamais un idionyme, excepté Dollos, dont le
nom est plutôt un surnom péjoratif, tiré de
BaÀlOe;
"rusé,
trompeur" avec déplacement de l'accent;
"Dans le milieu où ce
personnage a été créé, c'était sans nul doute un nom parlant
approprié
pour
un
esclave
et
qu'on
imaginerait
donné
secondairement
par un manre"
(57).
Le silence d'Homère sur

144
.
ô~q>a l
d'épithètes concernant leur dextérité équivaudrait à les
distinguer au milieu de la masse servile anonyme.
la
connexion
avec
des
biens
matériels,
"bien",
"beaucoup
de
richesses",
"or",
"bronze",
"maison" et des
animaux
"mo utons",
"chevaux"
, met au nombre des objets de
propriété
les esclaves déshumanisés
(66).
le martre assure la
protection de sa propriété; le gaspillage de ses biens matériels,
les outrages dont sont victimes ses biens humains, les esclaves,
ses hôtes et son épouse engendrent le massacre de ceux qui les
commettent
(67).
Ulysse,
le martre de la maison,
tue tous les
prétendants qui n'ont pas respecté sa maison et ses dépendants
(68).
les esclaves se partagent le travail avec les personnes
soumises à
Ilautorité de leur martre:
"camarades"
du martre,
"gardiens Il ,
"thètes",
"baigneuse Il
et
"suivantes"
(69).
la
connexion entre les esclaves et le martre de maison, son épouse
et ses enfants a été interprétée comme la preuve d'une absence
de distinction entre libres et esclaves, et le signe d'un esclavage
"patriarcal Il
(70).
Pourtant,
Il est
à
remarquer que
le
poète
n'emploie
jamais
un
nom
propre
pour désigner
le martre,
sa
femme
et
ses
enfants,
ni
les
termes
dva~, ôEon6'tnc;
ou
ôÉonolva
qui désignent le "maftre" et la "maftresse".
les
termes utilisés "mère" (~'hnp),
"épouse"
(dJ-oxoC;), "lui-même"
(mh6e;
),
"enfants" ( natBEe;
u l cc
(71),
montrent
la
volonté du poète de présenter une société sans antagonismes en
évitant d'employer des vocables qui marquent une différenciation

145
sociale entre esclaves et propriétai res d'esclaves. Une distinction
existe,
mals
Homère essaie de l'occulter.
Les termes connexes
sont aussi opposés.
Les esclaves sont en relation d'opposition
avec
"lui-même"
(ai)"[6c;) , lie mallre Maron) son "épouse"
( 6À.oxoc; ) ,
"l'intendante"
( r cu ln)
et
"une
seule
d'entre
elles", à savoir la nourrice, donc avec les personnes qui sont au
courant des secrets dans la maison: cachette du vin chez Maron
et
préparatifs
de
Télémaque
(72).
La méfiance vis-à-vis des
esclaves
n'en
fait
pas des marginaux,
puisqu'ils
la subissent
avec
la
"mère"
de
Télémaque
qui
doit,
elle aussi,
Ignorer
le départ de son fils pour Pylos et Lacédémone (73).
Le lien établi entre le martre et l'esclave est révélé
par les "actions sur" le dmôs , L'esclave "est emmené comme butin
de guerre" (74). Objet de propriété associé aux richesses et à la
maison,
il est à
"montrer"
", à "voir" et à "garder" (75).
Il
rehausse le prestige et la puissance de son mallre qui agit de
façon arbitraire sur sa propriété "désocialisée" par
l'extraction
de son milieu d'origine et qui ne dépend désormais que de lui
(76).
Socialement,
seul le lien entre le martre et l'esclave est
autorisé.
Cette relation "interdit à l'esclave d'être une personne
publique. de relever des institutions et du droit civil" (77). Le
martre peut "donner" ses esclaves, les
"éprouver" et même les
"tuer" s'ils sont
infidèles et irrespectueux (78).
Il récompense
les esclaves fidèles par des cadeaux ou par l'''affranchissement ll
(le
terme
n'apparart
pas
dans
l'épopée)
qui
semble
être
le
présent attendu
du
bon martre
par
les
esclaves qui
lui
sont

146
dévoués.
Ulysse
promet
à
ses
esclaves
qui
souhaitaient
ardemment son retour et qui sont prêts à l'aider à massacrer les
dépendants,
les
signes
tangibles
de
l'affranchissement:
une
épouse, des biens et une maison près de la sienne. Ils seront
considérés
comme
des
membres
de
la famille,
Ils
seront
les
"compagnons et les frères" de Télémaque. Hormis le martre, son
épouse et
la nourrice qui est la surveillante de la domesticité
\\\\
Il
servile,
personne
n'est autorisé à exercer des actions sur les
esclaves
(80).
Les
prétendants dérogent à cette règle.
Ils se
couchent
"de
force"
avec
les
esclaves."
les
violentent
" indignement" (81). Ils ne respectent pas la propriété du martre
absent, ce qui engendrera leur mort.
En
guise
de
part
d'honneur
à
donner
à
un
des esclaves,
Ctéslppe lance comme présent un pied de boeuf
contre l'étranger.
Il franchit un pas de plus dans la démesure
(82).
Les nobles prétendants en tant que personnes étrangères à
la
maison
devraient
toujours
recourir
aux
services
d'un
messager,
d'un
héraut,
pour
transmettre
des
ordres
aux
servantes d'autrui
(83).
Même Télémaque
n'est pas autorisé à
commander les esclaves à cause de son jeune âge (84). L'esclave
intégré dans une nouvelle maison, certes est soumis à l'arbitraire
de son martre,
mais, en contrepartie, a une protection assurée
contre
les
exactions
de
personnes
venant
de
l'extérieur.
L'esclave
peut
être
affecté
à
n'importe
quelle
tâche
dans
la
maison, selon les besoins du martre (85).

147
L'esclave se soumet aux exigences de son martre. Ses
"actions de " consistent à témoigner des marques d'affection et
de fidélité à
son propriétaire (86).
La parole par laquelle les
héros s'illustrent à l'assemblée lui est refusée; Il ne s'exprime
que par des cris,
des pieu rs et des lamentations. Sa
"règle"
c~J'\\t,' !)
variable: selon les martres "est de craindre lorsque de nouveaux
martres
commandent" (87).
Avec
les
anciens
martres,
au
contraire,
l'esclave,
étant
donné
sa
fidélité,
a des
relations
d'affection.
L'équilibre de la maison n'est maintenue que si les
esclaves ignorent les secrets. Pénélope a été trahie par une de
ses femmes qui a divulgué aux prétendants le subterfuge de la
toile (88). Les conditions de vie du dépendant sont difficiles. Il
se contente de peu de nourriture, de "simples porcelets" alors
que les prétendants se gavent de "porcs engraissés"
( 89) ;
il
dort sur la cendre en
hiver et sur des
feuilles
sèches
en
été,
alors que
les aristocrates se couchent sur des lits avec
couvertures et coussins (90).
Tel est le
lot
des
hommes qui
vivent dans des
huttes autour de la demeure du martre à la
campagne
( 91) •
Les
femmes
qui
habitent
è
l'Intérieur
de la
maison sont mieux loties: elles mangent avec leur martresse (92).
Une
répartition
du
travail
en
fonction
du
sexe,
doublée d'une répartition géographique apparart dans les "actions
de Il travai Iler des esclaves. Les hommes sont dispersés dans des
étables aux champs, c'est pourquoi Ulysse aurait du mal à aller
les éprouver (93). Ils s'occupent essentiellement d'activités
agro-

151
est le complément de l'"action sur" et est le sujet de l'''actlon
de".
Cette construction semble marquer une subordination plus
accentuée de l'esclave, l'ordre prime.
- style direct avec l'Impératif.
Les
"actions de" qui
ne suivent pas l'une de ces
structures sont le plus souvent en liaison avec un ordre émis
dans des
vers précédents ou s'exécutent pour le compte d'un
bénéficiaire qui est signalé dans le discours comme propriétaire
de l'esclave.
L'esclave est
étranger li son travail qui lui est
imposé par force et est exécuté sous le contrôle d'un martre qui
en est
le seul
bénéficiaire.
Aucune aptitude particulière n'est
donnée
li
l'esclave
qui
n'est qu'un exécutant.
Alors que
les
femmes
nobles
tirent
leurs connaissances1dans
le domaine du
, /
S'
tissage
les esclaves seC;;;;t:ntent de l'enseignement
d'une simple surveillante,
esclave comme elles (114).
La seule
allusion li l'habileté des
Ô1.1<VO L
"aussi
promptes
que
les
feuilles du haut peuplier" quand elles tournent la quenouille se
situe dans le pays phéacien qui présente de grandes différences
avec
le monde d'Ulysse (115).
La Phéacie se distingue par la
dextérité des femmes et l'expérience inégalable des hommes dans
le
domaine
maritime;
c'est
un
monde
utopique
aux
moeurs
marginales où même les esclaves sont des êtres exceptionnels. En
dehors de la Schérle,
les esclaves accomplissent leurs travaux
sans recourir li un savoir digne d'éloge.
La contrainte
non
seule-

152
ment
nie au
dmos
toute
autonomie,
mais
aussi
rend
incompatible la compétence avec le travail forcé.
,
Le terme
0 t lCEUe;
qui a 7 occurrences seulement
(2
dans
ï'ttiade et
5
dans
l'Odyssée)
(116)
se
rattache
à
or1<0e;
"maison" et désigne un groupe social comme les dérivés
en - EUe; ,
Bœo lÀEUe;
et
bmEUe;
( 117) •
Il aurait
le sens
de "gens de maison" et s'appliquerait à l'ensemble des membres
de
la
maison,
esclaves
et
hommes
libres,
dans
les
parties
anciennes de
l'épopée,
surtout dans
l'I/iade,· dans
les parties
récentes de l'Odyssée le sens restreint d'"esclaves" apparartrait
(118).
L'oikeus en tant que membre de la famille se distinguerait
du dmôs par sa proximité affective et spatiale avec les martres
(119).
Pourtant,
une étude comparée du champ référentiel des
deux termes,
oikeus et dmôs ,s'oppose
à
une
distinction aussi
catégorique.
Nous
analyserons
séparément
chacune
des
occurrences de oikeus, en discutant les arguments avancés par
Jes chercheurs qui défendent le sens de "gens de maison".
1/., V, 413-415:
U~ ô~v ALYlaÀEla, nEPL~pwv 'AôpnoLLvn
É~ unvou yo6woa ~LÀouç ollCfiaç ÉYELPU
lCOUPlÔlOV no8Éouoa n60lv LOv aploLov 'Axalwv
"Et qu'Egialée, la sage fille d'Adraste, aille avec une
longue plainte tirer de leur somme tous ses
oL1CIÏaç
dans le regret d'un légitime époux, du plus brave
des Achéens Il •

153
Beringer,
Gschnitzer,
Lencman
et
Mele
entre
autres,
comprennent
par
OlKi;aç
tous
ceux
qui
vivent
dans
la
maison . à
l'exception
du
martre
Diomède,
le
légitime
époux
E~~~
d' .....Me
et
de
la
martresse (120).
L'épithète
q> O...oc
sou-
ligne
des
rapports
affectifs
et
les
manifestations de douleur
doivent être attribuées aux parents du côté maternel, aux "fils"
(nat5Eç)
évoqués auparavant et aux esclaves privilégiés qui
vivent
dans
l'entourage
de
la martresse.
Pourtant,
dmôs qui
désigne l'esclave apparart dans un contexte identique:
oa., IV, 719-721:
Lijç 5'a5lvèv yoowaa ~ELnu5a nnVEÀonEla
"K'l. -
L'l.
Il
1\\ U LE,
q> I\\a L • • ••
"Pénélope
gémissait
pitoyablement; autour d'elle se
lamentaient
les
esclaves;
parmi
elles,
avec
des
gémissements
pressés,
elle
parla:
"Ecoutez
mes
filles" ...
Le verbe
vo éœ
lise lamenter Il est employé pour caractériser le
chagrin de Pénélope et d'Egialée qui ont perdu
des êtres chers,
la première un époux et un fils, la seconde un époux. Les dmôai
et
les oikêes qui
sont qualifiées de
q>LÀoç
adjectif
qui
souligne
un
lien
non
seulement affectif mais aussi
possessif,
participent à la douleur de leurs martresses.
1/., VI, 365-366:
Kat y&p ty~v OtKOV 5~ tÀEûaoual, 6q>pa t5wuaL
oLKi;aç &Àox6v LE q>LÀnv Kat VnnLOV utov

154
" Je <Hector> vais chez moi voir mes
0 LKi;ac; , ma
femme et mon fils encore enfant"
L'interprétation d'oikeus au sens de "gens de maison" est gênée
sur le plan grammatical par l'impossibilité d'inclure
aÀoxoc;
et
utoc;
dans les
otKi;ac;,
car
le
groupe
des o Lxfiœc doit
être distingué du groupe
aÀoxoc;
et
u toc;
unis
par
la
liaison copulative
TE ••• Ka L
(121).
Par conséquent,
si
l'on
exclut le martre Hector, sa femme
et son fils des olkêes , " ne
reste que les esclaves dans la maison. Dmos et oikeus ont
des
termes connexes identiques:
aÀoxoc;
et
u toc; •
os., XV, 93:
"Il
donna
des
ordres
à
son
épouse
et
à
ses
esclaves. "
oe., XXIV, 213:
~ve' 'OÔUOOEÙÇ ÔUWEOOl Kat ULÉl uü80v ËElnEV'
"Ulysse dit alors à ses esclaves et à son fils"
Agamemnon est animé du même désir qu'Hector: retourner chez
lui pour revoir ses enfants et ses esclaves:
oa., XI, 431-432:
àonaOloç naLôEoolV tôt ÔUWEOOlV ÉUOiOlV
olKaÔ'ÈÀEUOEo8al ...
Cl\\lec.JQie..
V
"Je <Agamemnon> serais accueilli par mes enfants et
mes esclaves à mon retour dans ma maison".
Les expressions
0 t KOV ÉÀEuooua l
et
o Lxfic«; Kat ù Lov e~naUiEOOlV tôt ÔUWEoolvse répondent.

155
L'action
LÔElV
"volr " est exercée par Hector sur ses olkëes et
par Ulysse sur ses dmôes , L'oikeus et le dmôs , l'épouse et les
fils du mallre auxquels
Ils sont associés,
sont tous soumis à
l'autorité du mallre de maison, ils entretiennent avec ce dernier
des relations affectives.
Dd., XVI, 301-303:
un TLÇ tnELT"Oôuanoç àxouaàTw tvôov téVTOÇ
unT'oUV AaEPTnç LaTw Té YE unTE au~wTnç
UnTE TLS olxnwv unT'aùT~ nnvEA6nELa
"Nul ne doit entendre dire qu'Ulysse est au logis;
que Laërte l'ignore, et le porcher, et tous les oikêes
et
Pénélope même".
Dans
la
mesure

les
oikêes n'englobent
ni
Ulysse
ni
Télémaque, son interlocuteur, ni Pénélope ni Laërte, il ne reste
dans la maison que des esclaves. Le sens de "gens de maison 11
est à rejeter d'autant plus que la connexion avec les mallres,
alléguée
pour
soutenir
l'idée
d'une
situation
privilégiée
des
oikêes par
rapport au
personnel servile,
se
retrouve dans
le
champ référentiel de dmôs , comme nous l'avons souligné pour les
deux occurrences de ï'tttode,
Néanmoins,
une
différence
apparall
entre
les
deux
termes;
la
connexion
avec
des
anthroponymes,
inexistante
pour
dmôs ,
apparall
pour oikeus ,
mais
dans
un
seul
passage,
ce
qui
rend
difficile
un
essai
d'explication.

156
L'emploi de l'indéfini
T le;
suivi du génitif partitif
pour éviter une Individualisation de l'esclave noyé dans la masse
anonyme,
fréquent
pour
dmôs ,
est
de
règle
pour
oikeus.
L'Ignorance des
secrets concerne aussi bien les dmoes qui
ne
doivent connartre ni la cachette du vin chez Maron, ni le voyage
de Télémaque (122), que les oikêes qui ne doivent pas être mis
au courant de la présence d'Ulysse dans la maison. L'oikeus n'a
pas droit à la parole, aucune "action de" parler n'est faite par
lui.
oa., XVII, 532-537:
aUTWV ~Èv
vàp
KTn~aT'àKnpaTa KEiT'Èvt OLK~
OiToe; Kat ~Éeu n5u· Tà ~ÈV OLKnEe; Ë50UOlV
ol 5'ELe; n~tTEPOV nWÀEU~EVOl n~aTa nàVTa
~oûe; lEpEuoVTE~ Kat ote; Kat nlovaç atvae;,
ELÀanlv&~oUOlV nLvouoL TE atSona otvov
~a$l5Lwe;· Tà 5t noÀÀà KaTaVETal·
"Leurs biens,
dans leurs maisons, restent intacts,
leur pain, leur bon vin: seuls des 0 LKil Ee; les man-
gent.
Eux
viennent
tous
les
jours
chez
nous,
immolant
boeufs,
brebis
et
chèvres
grasses,
ils
festoient,
boivent le
vin
aux reflets de feu,
sans
compter;
la
plus
grande part
du
bien
n'est plus
déjà" .
Qui sont les oikêes des prétendants? Sont-ils les épouses et les
enfants des prétendants, auxquels s'ajoutent les esclaves, donc
l'ensemble des "gens de maison" ? (123).
Dans
la mesure où
la

157
monogamie
est
le
régime
le
plus
répandu
dans
la
société
homérique,
on
peut supposer que les prétendants de Pénélope
sont
des
célibataires
sans
conjoints
et
sans
enfants,
par
conséquent,
les seuls oikëes qui demeurent chez eux sont sans
doute
des
esclaves.
La
diatribe
de
Pénélope
contre
les
prétendants fait écho Il celle dlEumée qui dénonce leur voracité,
alors que les dmëes se contentent de "simples porcelets Il:
os., XIV, 80-81:
foSLE vüv, W~EtVE, La LE ÔUWEOOL napEOLL
XoLpE'·àLàp OLàÀouç VE oua~ uVnOLnpEç fôouoLv
"Mange
maintenant,
mon
hôte,
c'est
un
repas
d'esclaves,
de
simples
porcelets,
les
porcs
engraissés, ce sont les prétendants qui les mangent ".
L'alimentation des esclaves est très frugale, c'est pourquoi les
biens des prétendants peuvent rester intacts chez eux. Tel n'est
pas le cas chez Ulysse, où Ils viennent pilier toutes les réserves
de nourriture et les meilleures.
Les
trois
dernières
occurrences
d'oikeus font
l'unanimité sur le sens d'esclave.
Od., IV, 21111-2115:
aÙLOV ULV nÀnvijoLv àELKEÀLDoL ôauàooaç.
onEtpa
KàK'àu~'~UOLOL aaÀ~v, olKnL tOLKWÇ

158
"S'étant meurtri de coups qui le défiguraient, il jeta
sur
ses
épaules
de
pauvres
guenilles
comme un
esclave" •
Les aristocrates dont les esclaves étaient vouées au tissage se
distinguaient
des
autres
groupes
sociaux
par
leur
richesse
vestimentaire.
Esclaves
et
mendiants
vêtus
de
haillons
sont
relégués au bas de l'échelle sociale. Pour passer Inaperçu dans
les
rues
de
Troie,
au
milieu de ses ennemis,
Ulysse prend
l'aspect d'un olkeus , d'un esclave, en se couvrant de guenilles
et en se défigurant.
Par son aspect physique, l'esclave est un
être inférieur. L'homme qui subit le "jour de l'esclavage'! Lôoù-
ÀlOV
nuap) volt sa déchéance matérialisée par le changement
de ses habits, à la place de ~s beaux vêtements, on lui donne
des loques (124).
Ulysse feint de prendre son père pour
un
ÔUÛ.lÇ , un esclave, li cause de sa tenue négligée, bien que rien
dans
son aspect,
ni dans
sa taille
"ne dénonce l'esclave"
(
OÙÔÉ "tl ÔOUÀElOV )
(125).
L'aristocrate est par définition
plus beau que l'esclave, non seulement par son habillement, mais
aussi par ses traits physiques.
oe., XIV, 3, 4:
... ÔlOV u~op~6v ~ Ol ~l6"tOlO uaÀlo"ta
KnÔe:"to otKnwV, OUC; K"tnOO"to ôLOC;
'OÔUOOEUÇ
Il
Le
divin
porcher
qui,
sur
le bien
du
martre,
veillait
mieux
que
tout
autre
parmi
les
e scla ves
acquis par le divin Ulysse".

159
L'oikeus est l'objet d'une acquisition comme le dmôs :
1/. , XV III, 28:
"Les esclaves capturées par Achille et Patrocle".
Od., 1, 398:
Ô~WwV, oOç
~OL ÀnLooaTo ôtoç 'OÔUOOEUÇ
"Les
esclaves
capturées
pour
moi
par
le
divin
Ulysse".
Qu'II soit considéré comme un butin "razzié" ( Àn Lcoc t o ]
ou
comme un bien ( xr nout o )
dont
le mode d'acquisition (achat,
capture ou don) n'est pas précisé, l'esclave demeure un objet de
propriété. Il travaille pour son martre, Il veille sur des biens qui
ne
lu i
appartiennent
pas,
mais
il le
fait avec zèle,
afin
de
bénéficier de l'affection de son employeur et martre.
Od., XIV, 59-65:
.... il
\\
yàp ô~Wwv ôLKn ~OTLV
Ol VÉOL.
n yap TOÛ YE SEot KaTà V60TOV fônoav.
ôç KEV f~'ÈVÔUKÉWÇ~LÀEL
Kat KTnOLV onaOOEV
OLK6v TE KÀnpov
TE nOÀU~VnOTnv TE YUvaLKa
ôç OL noÀÀà Ka~DoL
"C'est la règle des esclaves: ils vivent toujours dans
la crainte quand commandent de nouveaux martres.
Ah!
Celui
dont
les
dieux ont empêché
le
retour,

160
celui-là
m'aurait
aimé
avec
sollicitude.
il
m'aurait
donné un avoir. une maison. un lopin de terre et
une
femme
bien
courtisée.
comme
un
martre
bienveillant fait à son esclave qui a beaucoup peiné
pour lui"
La situation de l'esclave varie selon l'arbitraire de son "martre"
( &va~ ).
Les rapports sont difficiles si le mafl:re est nouveau,
harmonieux, s'II est ancien et bienveillant.
L'esclave qui peine
beaucoup pour son mafl:re, qui exécute sans rechigner le travail
imposé,
peut
espérer
une
récompense,
voire
"un
affranchissement" dont les marques tangibles consistent en une
Indépendance économique assurée par le don de richesses, d'un
lopin de terre, d'une maison et en une union avec une épouse de
statut libre. L'épithète "bien courtisée" (noÀuUVno1"n ) "Implique
une émulation
entre
plusieurs
prétendants
et révèle
l'origine
libre de la femme, car une esclave, coupée de sa société, ne
pourrait pas
recevoir une dot.
Le mafl:re doit
sans doute se
substituer à son esclave pour verser la dot.
Par son mariage
avec une épouse libre, l'esclave change de statut, " devient un
"affranchi",
bien
que
ce
terme soit
ignoré par
Homère.
Son
affranchissement prend la forme d'une adoption,
il est Intégré
dans la famille du mafl:re, comme compagnon et frère du fils et
jouit toujours de la protection du mafl:re qui agit avec lui comme
un père (126).

161
Le terme oikeus apparart. dans
les mêmes contextes
que dmos qui
désigne
de
façon
quasi
certaine
l'esclave,
par
conséquent,
Il s'applique
à l'esclave.
Bien que leurs champs
référentiels se recoupent, Il serait hasardeux d'affirmer que les
deux
vocables
sont
Interchangeables.
Certes,
Ils
concernent
toujours une masse anonyme et ne sont jamais Individualisés par
un nom propre.
L'emploi de l'indéfini
1: le;
suivi
du
génitif
extrait
l'esclave
de
la
masse,
sans
l'individualiser,
Il
le
représente comme un des membres du groupe servile. Le pluriel
est prépondérant.
Lorsque le singulier est employé - deux fois
pour oikeus
- Il est pris au sens collectif, il ne désigne pas un
oikeus avec un caractère personnel, mais lui donne un caractère
propre à un ensemble d'esclaves: une misère vestimentaire et un
espoir de recevoir des présents. La connexion avec les martres
s'explique par
la cohabitation et
le lien affectif.
Les
"actions
sur " l'oikeus "ttrer du sommeil par ses lamentations", "aller voir
chez
soi",
"donner
des
présents"
et
"
acquérir" soulignent
l'existence de relations privilégiées, l'esclave vit dans la même
maison
que
ses
martres
dont
Il
partage
la
douleur.
Elles
Indiquent aussi des relations de possédé/possesseur; l'esclave est
un objet de propriété acquis et ne dépend que du martre qui le
récompense pour le travail qu'il lui impose. Le lot de l'oikeus tel
qu'il apparart à la faveur de ses "actions den consiste à peiner
et
à
prendre
soin
des
biens
du
martre.
Pour
acquérir son
indépendance,
il
doit
accepter
le
travail
contraignant.
Sa
nourriture
et
son
habillement
sont
juste
suffisants
pour
permettre
l'entretien et la reproduction de sa force de travail.

162
En
somme,
le champ référentiel d'oikeus est
Inclus
dans
celui de dmos quand
Il
s'agit
de
signaler des
relations
étroites entre le martre et l'esclave.
relations étroites
proximité par
1'habttatton
et par les
sentiments
Rien ne permet de présenter l'oikeus comme un esclave privilégié
par rapport au dmôs , Ils vivent dans le même anonymat et sous
la
même dépendance.
les
produits de leur
travail
forcé
leur
échappe.
En
tant qu'objets de propriété
réduits à
leur seule
force de travail,
Ils peinent pour autrui, pour un martre qui a
un pouvoir absolu sur eux.
L\\oüÂOC; ,
le
terme
par
excellence
pour
désigner
l'esclave
à
l'époque
classique
attesté
dans
les
tablettes
mycéniennes,
se
remarque
par
son
absence
dans
les
poèmes
homériques où apparaissent seulement
le féminin
singulier
ôouÂn (2 occurrences),
les adjectifs
ôouÂl..OC;
et
ÔOUÂEl..OC;
(4 occurrences),
et
le dérivé
ÔOUÂOOUvn
.
Son
étymologie
est incertaine (128).

-
163
La
dou/ë est
opposée
à
deux
reprises
à
l'épouse
légitime
(129).
Le propre de l'esclave est le concubinage,
les
héros contraignent leurs captives à partager leur lit. Extirpée de
sa société, la femme esclave devenue un personnage "désocialisé"
(130),
est
exclue
du
circuit
des
échanges
matrimoniaux
qui
scellent des alliances entre les familles et les communautés (131).
Aphrodite,
si
elle
veut
devenir
la
concubine
de Paris,
doit
abandonner la voie des dieux.
La mère de Mégapenthès, qui a
été sans doute achetée ou capturée a perdu tout lien avec son
milieu originel. Néanmoins, leur statut d'esclave et de concubine
peut
être
changé
par
le martre.
En effet,
une captive
telle
Briséls nourrit l'espoir de devenir l'épouse légitime d'Achille, de
célébrer son mariage parmi les Myrmidons et de mettre un terme
au concubinage qui lui dénie tout droit (132).
Le passage du
concubinage au
mariage entrarne un changement de statut, de
l'esclavage à la liberté.
La
contrainte
à
laquelle
est
soumise
la
doufë se
retrouve dans le champ sémantique des autres termes. LlOU}.LOV
est employé toujours dans l'expression
Bou)." LOV
nuap qui s'oppose
à
ÈÀEu8EPOV
nuap
et souligne la captivité par opposition à
la
liberté
(133).
L'homme
sur
lequel
"s'abat
le
jour
de
l'esclavage", auquel on "ravit le jour de la liberté" se caractérise
par une déchéance physique et vestimentaire.
La
réduction en
esclavage
d'Ulysse
par
les
Thesprotes
est
révélateur à
cet
égard;
Il fut
dépouillé
de ses
beaux
vêtements,
manteau
et

164
tunique, et couvert d'une mauvaise loque et d'une tunique tout
en morceaux (134). A cause des haillons dont Il est vêtu, le roi
Laërte pourrait passer pour un esclave, oikeus ou
dmOs,
bien
que son aspect et sa taille ne comportent "rien de servile"
(
ou6t 't L 60UÀE LOV
) (135). Ses traits nobles le distinguent
nettement
d'un esclave.
Pour
ressembler à
un olkeus ,
le
roi
Ulysse avait dO altérer son physique en se défigurant par des
coups (136). Par conséquent, l'esclave voit son Infériorité devant
les
aristocrates
qui
possèdent
beauté
physique
et
richesse
vestimentaire,
se matérialiser dans ses traits grossiers et ses
guenilles.
Le
travail
forcé
est
Inséparable
de
l'esclavage.
L'intendante Euryclée le rappelle à propos des esclaves d'Ulysse:
"Il
y
a
dans
ce
domaine
cinquante
esclaves
(61l4>aL ) auxquelles nous avons appris à travailler (ÈpyatEoSaù
à carder
la laine,
à
subir la
servitude
( : ôouxocùvnv avt -
XEOSaL)" (Od., XXII, 421-423).
Supporter l'esclavage consiste donc à travailler pour
un martre qui bénéficie des produits et contrôle lui-même ou par
l'intermédiaire d'une
intendante l'exécution du travail.
Dans la
mesure où
la réduction en esclavage "fait perdre à l'homme la
moitié de sa valeur" et lui fait refuser le travail contraignant (qui
devrait être désormais son lot), "si les martres ne le commandent
ptus"
(137),
les
martres exercent leur autorité avec sévérité

165
(138):
Ils
punissent
les esclaves à cause de leur paresse, ou
plus
exactement
à
cause
du
"r efus
du travail Il
(
é
e ovt n ).
Ils
leur
donnent
seulement
des
habits
misérables
et
des
chaussures usées (139).
~e travail imposé par un martre est le
comble de la déchéance pour un aristocrate si on lui "r avit le
jour de la liberté". Hector se représente avec horreur le sort de
sa femme s'II est tué au combat et si Troie est détruite bien qu'II
pense plus à sa propre gloire:
Il Un
Achéen t'emmènera, pleurante, t'enlevant le jour
de la liberté (ÈÀEUSEPOV
ii~ap ôrroùonc ) ,
Peut-être
alors
en
Argos,
tisseras-tu
la
toile
pour une autre
(1tpàC; aÀÀnC;);
peut-être porteras-tu l'eau de la source Messéis ou de l'Hypérée,
subissant mUle contraintes, parce qu'un destin brutal pèsera sur
toi ( KPa'tEPn àvàvKn)" (II., VI, 454-458).
Le travail en soi n'est pas honteux, car les femmes
nobles se font
remarquer par
leur
habileté à
tisser,
mais
le
travail
fait
"p ou r
autrui Il
(
1tpàC; aÂÂnc; )
est
abhorré
puisqu'il est exercé sous la contrainte (àvàvKn ).
Le
martre
peut imposer à l'asservi toutes sortes de tâches, même les plus
pénibles, comme la corvée d'eau.
Les
termes
avec la racine
ôoux -
révèlent
le
statut
de
l'individu
qui
a
perdu
ses
prérogatives
sociales
(acquises par la naissance) à la suite de sa capture (140).
Ils
insistent
sur
la
distinction
entre
les
hommes
libres
et
les
esclaves,
distinction
qu'Homère
évite
de
souligner
de
façon

166
tranchée d'où la rareté des mots qui dénotent un statut social
dans l'épopée.
Le
terme
yuvf]
employé 46 fois au pluriel sur 1f9
occurrences, désigne, comme
6u~aL
auquel il est joint à 12
reprises,
une
collectivité
servile
féminine
( 1Ifl) •
Le
génitif
partitif
L le;
suivi de
yuva l1CWV
"une des esclaves" confine
l'individu dans le groupe et l'anonymat (142). Les anthroponymes
<1>0 Lvcooc "la
Phénicienne"
et
1: llCEÂ Ji
"la
Sicilienne" ,
"la
Sicule". plutôt, qui apparaissent comme formule de renforcement
de
vuvn
au
singulier
ne
permettent
pas
une
réelle
identification des esclaves,
car ce sont des ethniques devenus
noms, fis font allusion à une origine "barbare" de même que "les
Sidoniennes" (143).
Les esclaves sont en liaison étroite avec la
maison de leur martre (144). Leurs qualifications concernent leur
nombre
(145),
puisqu'elles sont un
signe de puissance et de
richesse
pour
les
héros,
mais
presque
jamais
leur apparence
physique, sauf pour la Phénicienne décrite comme "une grande et
belle fille. artiste en beaux ouvrages" (146). Une telle épithète
n'est pas surprenante car les Phéniciennes ou
Sidoniennes se
distinguent
dans
l'épopée
par
leur
dextérité
à
tisser
(147).
Quand il s'agit d'esciaves, le poète met au premier plan la beauté
des ouvrages:
1/., VI, 289: t:v8'fo6v o I 1tÉ1tÀOl 1taU1tOLlClÀa fpya YUVOllC(OV
(LlôovLwv)
"Là se trouvent les voiles à mille broderies. oeuvre
des Sidoniennes".

167
1/., XXII, 510-511:
. . . àTap TOl EL~aT'Èvt ~EyapOlOl KÉovTal
ÀEnTa TE Kat XaplEVTa,
TETuyutva XEPO( yuVaLKWV
"Tes
vêtements,
légers
et· charmants,
ouvrés de
mains de femme, sont dans le palais"
oa., VII, 97:
,
"<sur
les
fauteuils>
étaient
jetés
de
fins
voiles
tissés par les femmes"
Excepté la Phénicienne, les femmes sont dépossédées
de
leur savoir - faire
mis au service de leur mafl.re qui est le
bénéficiaire des produits du travail, et qui est désigné par les
pronoms
personnels
0 l.
et
TO l .
Ces
pronoms qui auraient
eu originellement la valeur de génitif sont employés au datif pour
"désigner
la
personne
qui
est
particulièrement
intéressée
au
procès verbal" (148).
Les actions subies par les
gunaikes surtout lorsque
le
terme
qualifie
dmôot laissent
entrevoir
une
situation
de
domination impitoyable. Le maflre a droit de vie et de mort sur
ses esciaves; les femmes infidèles sont enfermées dans la salle en
attendant d'être exécutées (159). Le faux mendiant Ulysse jette
la
terreur
parmi. les
femmes
en
les
menaçant
d'être dépecées
membre par membre par Télémaque dont elles outragent l'hôte
( 150).
Le maflre éprouve ses esclaves et tuent celles qui sont
1rrespectueuses (151). La survei liante des esclaves les soumet à
la loi de l'ergazesthai , le travail forcé et leur apprend à supporter

168
la servitude donc à s'acquitter convenablement du travail imposé
par le martre (152). Les prétendants outragent "indignement les
femmes"
et
les
forcent
à
se
coucher
avec
eux
( 153) •
Ces
violences
sont
blâmables
car
elles
proviennent
de
personnes
étrangères
à
l'oikos,
qui
s'en
prennent
aux
biens
humains
d'autrui.
Les actions accomplies par les femmes obscurcissent
encore le tableau déjà sombre. Les travaux pénibles tels moudre
le blé et chercher de l'eau aux sources éloignées sont dévolus
aux gunaikes (154). Préparer le repas à l'intérieur de la marson,
aller prendre les cadeaux offerts au martre, fermer les portes de
la
salle,
venir
sont
des
actions
exécutées
sur
l'ordre
des
martres,
de
l'intendante ou du porcher dévoué à ses patrons.
Les
ordres sont exprimés par les verbes "dire",
"pousser à",
"appeler et pousser à" (155).
Les
femmes
sont condamnées
à
travailler pour satisfaire le martre qui les contrôle directement
(ou
par
l'intermédiaire
d'une
Intendante)
et
leur
donne
des
ordres.
En
l'absence
du
martre,
elles
négligent
leur travail,
manquent de respect envers les hôtes et épousent le parti des
prétendants (156). Un tel refus de la subordination les précipite
vers
la mort.
Dans
la société
homérique,
aucune sanction ne
semble être prévue contre un martre qui punit par la mort ses
esclaves.
Esclaves hommes et femmes doivent toujours prouver
leur fidélité envers leurs martres. Ils sont séparés dans ï'oikos ,

169
les
premiers
sont
dispersés
aux
champs
dans
les étables
et
s'occupent de l'agriculture, les secondes vivent dans la maison et
s'adonnent aux travaux domestiques. Les gunaikes sont connexes
à
Mélantheus
à
cause de
leur
infidélité
(157).
Mentionner
le
patronyme
d'une
personne,
mélioratif
pour
un
héros,
est
péjoratif
pour
Mélanthlus,
le
fils
de
Dollos,
"le rusé Il ;
non
seulement son père est doté d'un surnom péjoratif (158),
mais
aussi la naissance en servitude marque une. déchéance extrême.
Les
esclaves
nés
en
servitude comme Mélanth6us et sa soeur
Mélantho,
malgré
leur
situation
privilégiée
(l'un
vit de
façon
presque
libre aux
champs,
l'autre a été élevée par
Pénélope
comme son enfant)
sont les plus Infidèles et les plus hostiles à
leu rs
martres.
Pourtant,
les autres
fils de Dollos sont restés
attachés à leur mallre Ulysse (160).
Homère ne voudrait-il pas
montrer
implicitement
que
plus
un
esclave issu d'une
famille
servile est proche de son martre, plus il est ingrat, et plus Il en
est éloigné, plus il est reconnaissant?
Le
terme
ypnüc;
"v ieille
femme Il désigne
20 fois
(dans l'Odyssée seulement)
une vieille esclave (161).
Bien qu'il
soit
toujours
employé
au
singulier,
il
ne
permet
pas
une
caractérisation des individus toujours anonymes.
Le réseau des
qualifications donne des qualités communes à toutes les vieilles
esclaves:
"vieille", "sage" (162).
Néanmoins la vieille Sicule se
distingue
non
pas
par
son anthroponyme qui est un ethnique
devenu nom, mais par son épithète "mère" (163). Elle forme avec

170
Dolios
l'unique
couple d'esclaves dans
les
poèmes homériques.
C'est aussi la seule femme qui vit hors de la maison et travaille à
la campagne (164). La marque de possession
E LIJ L
+
datif
montre que
la vieille est un être possédé,
une esclave (165).
C'est pourquoi la vieille peut être affectée aux travaux où l'on a
le plus besoin de son expérience, elle est la "surveillante des
esclaves" (1 66) •
Les
actions
exercées
par
la
vieille
consistent
à
s'apitoyer sur le sort de ses martres, à prendre part au bonheur
de ces derniers et à exécuter des travaux qui laissent apparartre
la confiance qui lui est témoignée. Elle élève les enfants (167),
s'occupe de l'intendance et de la surveillance des esclaves, se
charge de préparer des provisions pour son martre, de laver les
pieds de l'hôte , et de transmettre des ordres aux autres esclaves
(168). Elle vit avec son martre ou sa martresse (169).
Les
"actions
sur" la
vieille
femme traduisent
des
rapports étroits avec ses martres qui sont les seules personnes à
lui donner des ordres exprimés par l'impératif ou par le verbe
"dire". Le plus souvent la vieille reçoit des ordres à transmettre
aux esclaves,
elle sert d'intermédiaire entre ses martres et la
domesticité servile.
La martresse n'hésite pas dans un accès de
joie
à
la prendre dans ses bras, ce qui traduit des relations
affectives (170).

171
Le terme
naÀÀmc Lç
avec
trois
occurrences
dans
l'épopée (II., IX,
449 et 452; Od., XIV, 203), a le sens propre
de concubine, alors que
ÔOUÀn
désigne avant tout
l'esclave
et connote la concubine.
La pallakis, sans doute une jeune esclave que s'était
réservée Amyntor, qualifiée de "aux
beaux cheveux" est opposée
à l'épouse légitime, la mère de Phénix.
Dans une histoire fictive, Ulysse se présente comme
le fils d'une concubine
"achetée"
( wvn'tJ1 ) (171).
Bien que
l'enfant illégitime issu de l'union entre un homme libre et une
esclave ait un statut libre, il a des droits moindres que ceux des
fils légitimes, il est lésé dans le partage des biens et reçoit un
maigre lot en héritage (172). Ménélas aime de tout coeur le fort
Mégapenthès, né d'une "e sclave" ( ôouÀn ) parce qu'il n'a pas
d'autre descendant mâle (173).
3. 1. 3. Esclaves et fonctions
Les
termes
qui
désignent une
fonction,
des
noms
d'agent dans la plupart des cas, peuvent s'appliquer aussi bien
à des hommes
libres qu'à des esclaves.
Un relevé de. tous les
ho TT'\\ rr"H'?,),
emplois
occupés,
au
moins
une
fois
par des "'".nEil.AMi non
libres,
permet d'apprécier la place du travail servile dans les
poèmes
homériques.
Un
précieux
élément
de
comparaison
est

172
apporté par l'étude du rapport établi entre les hommes libres et
leur fonction.
Dans
la
société. homérique,
les
femmes
esclaves
occupent essentiellement des fonctions qui s'exercent à l'intérieur
de
la
maison.
Elles
exécutent
presque
tous
les
travaux
domestiques.
Ce qui n'exclut pas la présence d'une domesticité
libre masculine,
des hommes accomplissent le même service que
les femmes, un terme identique les désigne, "serviteurs". Quant
aux
"intendants",
Ils
ne
travaillent
pas
dans
la
maison
contrairement aux "intendantes".
le
nom
d'agent
composé alJepLlloÀoc; ( alJepL-lloÀoc;
cf.
llÉÀolJOl
), "celle qui est autour dej la suivante" attesté en
mycénien
sous
la
forme
o-pi-ko-ro ,
a
74 occurrences
dans
l'épopée (Iliode: 13 et Odyssée: 61) (174). Bien qu'ils désignent
des
femmes
appartenant
au
même groupe
social,
les
termes
omphipolos et
dmOoi recouvrent
des
champs
référentiels
différents;
le premier est employé pour Indiquer une fonction
détenue dans les poèmes homériques par une esclave, celle de
suivante, le second se réfère à un statut, celui d'esclave.
les
suivantes
possèdent
des
idionymes
voire
des
patronymes
semblables
à
ceux
des
aristocrates:
Clymène
"la
célèbre" (nom d'une Nérélde e Il.,
XVIII,
47,
d'une Océanide:
Od.,
XI,
326),
Actoris
"celle
qui
dirige"
(cf. Actor,
roi
d'Orchomène
: Il., Il, 513; XXIII, 638), Phylo rattaché·
à <püÀov

173
"race"
Il
(cf. Phylée,
roi
d'Elide:
1/.,
Il,
628;
XV,
530) et
Ethré "le ciel clair", "fille de Pitthée" (175). Quoiqu'ils ne soient
pas des référents du terme omphipolos, les noms aristocratiques
àÀ~ri- Irmoc
Alclppé
(cf. Alclppos, v '),
Autonoé
"celle
qui
a
sa
volonté
propre"
(nom
d'une
Néréide:
HES., Th.,
258,
d'une
fille
d'Harmonie: . HES., Th.,
977; cf. Autonoos, guerrier achéen: Il.,
XI, 301, guerrier troyen: Il., XVI, 694), Hippodamie "celle qui
dompte les chevaux Il (nom de la femme de Péirithoos, le roi des
Lapithes: 1/., Il,
742, d'une fille d'Anchise: u., XIII, 429, cf.
Hippodamos
et
Hippodamas,
guerriers
troyens:
Il.,
XI,
335;
XX,
401)
et
Mélantho
"la
Noire"
(cf. Mélanthios,
guerrier
troyen:
Il.,
VI,
36
)
sont
portés
par
des
femmes
qui
apparaissent
implicitement comme des suivantes (176).
Il serait
tentant de rattacher Adrasté à l'adjectif verbal
a5paoToc;
"qui
ne cherche pas à s'enfuir", dit d'esclaves chez Hérodote, mais
dans l'Iliode, cet anthroponyme au masculin est porté par un roi
d'Argos (II,
572; XIV, 121) et des guerriers troyens (II, 830;
VI, 37; XVI, 694), il
concerne
la personne "qui ne fuit pas le
combat" et ne possède aucune nuance servile. Les noms Adrasté ,
Alcippé, Hippodamie et Actoris sont liés au monde guerrier. Seul
l'ethnique
"la Sicule" devenu nom,
est péjoratif,
il caractérise
une origine barbare (ln).
La
beauté
des
suivantes
est
soulignée par des épithètes qui qualifient aussi des reines. et des
déesses:
"aux grands yeux",
"aux belles boucles", "aux beaux
voiles" , "aux bras blancs",
"tenant leur beauté des Charites",
"en or,
avec l'aspect de vierges vivantes" (178).
L'emploi
du

174
singulier
(21
occurrences)
exprime
une
individualisation
à
laquelle
le
pluriel
(S3 occurrences)
ne
s'oppose pas,
car
les
suivantes
ne
constituent
pas
une
masse
anonyme;
elles
apparaissent souvent au nombre de "deux", de chaque côté de
leur maftresse,
rarement de "quatre", pour assurer le service,
et reçoivent une seule fois
la qualification "nombreuses" (179).
Soigneuses dans leur travail, elles peuvent occuper des fonctions
plus
spécialisées
dans
la
maison:
"intendante"
et
"servante"
(180).
La
relation
d'accompagnement
réduit
à
néant celle de
possession. Le génitif, un seul cas dans l'épopée, ne marque pas
la possession, l'expression "les suivantes de ta fille" concerne la
personne accompagnée et non la propriétaire des suivantes; la
fille d'Alclnous, Nausicaa, n'est pas une maftresse de maison, et
ne possède pas encore d'esclaves (181). Les prépositions
cùv
(182)
et
I..IETà
(183)
suivies du datif d'omphipolos
et &l..Ia
(184)
précédée
ou
suivie
des
pronoms oùr c
ou
<3ç
au
ô
datif qui désignent la personne accompagnée, "expriment le fait
d'accompagner" (185) et soulignent la fonction de l'amphipolos.
Les
épithètes
vuvf
, toujours au pluriel, et
vonüc
qui
fournissent des renseignements sur le sexe et l'Age, présentes, .
dans
les expressions 1..1 ET 'àl..lCfl LnéÀo LO L vuvo L ~ L ,
oùv à 1..1 <v L-
n ôxo LO L yuva L~ L
et
ypn t oùv àl..l<VLnéÀ~
.1
apparaissent
quand
la suivante est associée
à la personne accompagnée qui
exécute
l'''action de" ;amphipolos employé au datif ne
peut pas
être directement le sujet de l'''action de".

175
Les
actions
des
femmes
qui
sont
autour
de
la
maf'tresse
le plus souvent, ou plus rarement du martre affaibli
par le poids des ans (186) ou par une Inftrmltë (187) s'expriment
par plusieurs verbes de mouvement:
àvar3a l vo
"monter",
Lvœ ô' t tva l
"se mettre en marche pour aller",
JeLw
"aller",
fno~al
"suivre",
fpxo~al
"venir",
Lxvèouo l
"arriver",
&vw
"conduire" (188). Ces actions sont accomplies
avec la personne suivie. Il existe deux s'ries d"'actions de":
- actions di rectes
amphipo los =
sujet de l'''action de".
ëuœ
+ personne suivie (parflclpe indirectement Il l'''action de")
- actions indirectes
personne sulvlee sujet de l'''action de"
GUV
ou
~E'ta
+
amphipolos (participe
indirectement
à
l"'action de").
Les
suivantes
très
proches de
leurs
maf'tres sont
charqëes de missions secrètes (189) et se lamentent sur le sort
de leur maf'tre (190). Elles exécutent des travaux varlés dans la
maison:
tisser,
s'occuper du bain,
de la nourriture et du lit
pour les hôtes, et nettoyer la salle après le festin (191). Toutes
ces actions sont accomplies de façon contraignante dans la maison
sur des ordres
exprlmés
par le maf'tre ou la maf'tresse.
Les verbes
KEÀEUW
"ordonner",
àvwvw
"presser", ô r oùve
"pousser à",
u e rcuôéo
"parler
au
milieu
de"
et/ou
t'Impératif forment des "actions sur" les suivantes, qui sont à
l'origine des "actions de" (192).

176
Les amphipoJoi qui apparaflront plus tard comme des
prêtres
ou
des
prêtresses
procèdent
déjà
dans
les
poèmes
homériques à des actes religieux. Avant le repas, elles apportent
dans
une belle aiguière d'or de l'eau qu'elles versent sur les
mains des convives, au-dessus d'une cuvette d'argent (193). Le
lavage des mains a une valeur religieuse.
Le souci hygiénique
est secondaire puisque même au
sortir d'un bain complet,
les
héros se lavent encore les mains avant le repas (194). Dans cet
acte,
le rôle, de suivante est occulté, l'amphipoJos agit seule et
n'obéit
pas
à
un
ordre;
à
la
place
du
datif qui
exprime
l'accompagnement est employé le nominatif singulier.
Les reines Hécube, Andromaque, Pénélope et Arété ,
la princesse Nausicaa, les rois Priam et Ulysse, qui exercent des
"actions sur" les suivantes sont désignés par leur nom et non
par des termes qui font allusion à la domination du "maflre" ou
de la
"maîtresse de maison" sur ses employées (195).
Homère
utilise le terme
a.val;
à
propos
d'Héphaistos,
mais
cette
qualification doit être considérée comme celle d'un dieu et non
d'un maflre de maison (196). Les relations des suivantes et de la
personne
accompagnée
sont
harmonieuses:
elles
jouent
et
travaillent
ensemble
(197).
Néanmoins
un
rapport
de
subordination est présent dans le travail. La personne suivie, la
maflresse de maison en général, doit non seulement ordonner à
ses suivantes de faire leur travail, de tisser de beaux ouvrages,
mais aussi
surveiller
leur travail
(198).
Les amphipoJoi exé-

177
cutent
leurs travaux
sur ordre et sous contrôle d'autrui.
Ce
travail forcé est lié à leur statut servile que le poète souligne
rarement. Actoris a été donnée à Pénélope (199), et Mélantho est
la fille de l'esclave Dolios (200).
Amphipolos est en relation de connexion avec le nom
propre
"Ulysse" (201).
Parfois
les suivantes
ignorent avec les
esclaves (dmoai) des secrets connus seulement par le martre, son
épouse et
l'intendante,
parfois
elles
sont dans
la confidence
contrairement
aux
autres
membres
de
la
famille
(203).
Aux
travaux des hommes,
la guerre et
le discours s'opposent
les
travaux des femmes, le métier et la quenouille qui mettent côte à
côte
la
martresse
et
les
suivantes,
et
qui
ont
pour
cadre
l'intérieur de la maison (204).
Les
noms
d'agent
ôono r no (cf.
ôpâw
) avec
le
féminin
ôpnou: Lpa
et le composé
ùnoôono r no
désignent
"celui qui a pour fonction d'agir, serviteur" (205).
Les
ëcno r e i.ocu
s'occupent de
l'entretien de la
maison et des
préparatifs pour
les festins.
Elles exercent les
actions de mettre des draps sur les fauteuils, d'approcher des
tables et d'y placer des corbeilles, de mélanger le vin, et de
disposer des coupes, d'apporter de l'eau et de ranimer le feu.
Elles se chargent aussi de laver les pieds de l'hôte. Les quatr-e
amphipoloi de Circé, qui sont des Nymphes, et les gunaikes de
Pénélope sont qualifiées par le terme
Ôpno'[E t pœ L
r LU i.
+
les pronoms au datif,
0 L
et
'[0 L
qui désignent
respec-

178
tivement Circé et Pénélope, marquent un lien de possession. Les
femmes assurent pour leurs martresses le service dans la maison
( 206).
Les hommes agissent dans le cadre de leur travail.
"Six serviteurs Il
" o n t
suivi Il les
héros de Doulichion (207) et
Il font
le service" (
imoôpwwo LV)
impeccablement
(208) ,
fis
"fendent le bois avec une grande habileté Il (
EU Ka t E1no'ta·
IlÉVWC;
)
(209). et
donnent
un spectacle aux
prétendants lien
poussant
de
force Il 1ros à se mesurer avec Ulysse déguisé en
mendiant (210). Le travafl de serviteur est confié à des hommes
libres.
Pour assurer sa subsistance, le pauvre hère est prêt à
faire "toutes les tâches du service qu'accomplissent les hommes
de peu chez les nobles" (211), mais il ne peut pas être engagé
comme thète , car les prétendants ont déjà des serviteurs jeunes,
beaux, bien habillés "q ui savent servir" (212). Ces derniers se
distinguent
des
thètes et
des
esclaves
par
leur
apparence
physique
qui
les
fait
ressembler
aux
thérapontes des
héros
(213).
Ils sont dotés de la même qualification "arrogants" que
leurs patrons (214).
Le terme est employé pour désigner des esclaves et
des hommes libres. On en a tiré la preuve qu'fi n'existe pas de
distinction
entre
hommes
libres
et
esclaves
dans
les
poèmes
homériques (215). Cette affirmation est irrecevable.
Le
mot
ôpno'tnp
est avant tout un nom d'agent (216), il désigne "celui
qui a pour fonction le service" sans référence au statut social

179
(217), il ne fait pas partie de la terminologie de l'esclavage, bien
que l'étude du champ référentiel permette de déterminer le statut
social des serviteurs.
Le nom d'agent
Àou'tpoxooç
(
Àou-cpov-XÉw)
"celui qui verse l'eau du bain" a une seule occurrence (Od.,
X~, 297). La connexion avec "un autre des esclaves (
oÀÀ4)
BUWwv)
dans la maison d'Ulyase"
l'intègre
dans
la
masse
servile. Le service du bain est en général une activité féminine
dans la société homérique. Lorsque le prétendant Ctéslppos parle
d'offrir
un
cadeau à
l'étranger pour que ce dernier le donne
comme "part d'honneur" à un des esclaves, l'ironie est manifeste
car la "part d 'honneur Il est un privilège accordé seulement à des
rois (218). Comme présent Il lance contre l'étranger un pied de
boeuf.
Le nom d'agent
àÀE-CP Lç (cf. àÀÉw)
"femme
qui
moud Il avec une occu rrence dans l'épopée (Od.,
XX,
lOS), ne
possède pas de forme
masculine parallèle, car dans la société
indo-européenne,
ce
métier est réservé aux femmes (219).
La
mouture du grain dont se chargent douze esclaves chez Ulysse
est très pénible,
la plus faible d'entre elles est la dernière à
finir son travail. Désignée par son nom de fonction, elle exerce
l'action de "parler dans la maison" pour appeler la vengeance de
Zeus contre les prétendants qui lui ont brisé le coeur et rompu
les genoux à moudre la farine.

180
Les
deux
occurrences
(dans
l'Odyssée
seulement:
VII, 8 et XXIII, 293) du nom d'agent composé
8aÀaunn6Àoc;
( 86Àauoc;-noÀoc; c~
ntÀoual)
. qualifient
des
noms
aristocratiques qui soulignent des vertus politiques, Eurymédousa
"celle qui règne au loin" (cf. Eurymédon,
roi des Géants: Od.,
VIl,
58)
et
Eurynomé
"celle qui règne comme il faut Il
(nom
d'une fille d'Océan: u., XVIII, 398; HES., tn., 358; 907; cf.
Eurynomos,
un des prétendants: oa.,
Il,
22
;
XXIl,
242).
Néanmoins
1'4pithète "épirote"
rappelle
l'origine
barbare
d'Eurymédousa qui a été enlevée d'Epire par les Phéaciens et
offerte
au
roi
Alcinous
comme
part
d'honneur,
en
tant que
captive, elle pouvait faire l'objet d'un don.
L'Age qui garantit
l'expérience
est
souligné
par
la
qualification
"vieilleIl •
Les
"actlons de" consistent à allumer le feu et à préparer le repas
"dans la chambre" et à conduire, torche en mains, la martresse
et le martre "dans leur chambre".
Le féminin
rou Ln
(cf.
û:uvw)
"celle
qui
distribue,
intendante"
et
le
masculin
ont
une
morphologie obscure car les dérivés primaires en
- La (Ln)
comme
n e v l c
et
uœv Lo
ne fournissent pas de noms d'agent
(CHANTRAINE 1968-1980 s. v.
-rauLa).
Tomiepossède 21 occurrences (l/iode:3 et Odyssée:
18)
(220).
Il qualifie Eurynomé
4 fois
et
Euryclée
une
fois
(221). Euryclée qui reçoit aussi les qualifications "nourrice", "très

181
sage" t
"déesse
parmi
les
femmes"
a
un
idionyme
noble
qui
signifie
"à la grande renommée" et un patronyme "fille d 'Ops t
fils de Pisénor" (222). C'est une esclave, Laérte l'aval.t achetée
toute jeune,
elle
avait coüté vingt boeufs, donc un prix très
élevé dO sans doute à son Illustre origine et à ses talents de
travailleuse
(223).
Elle
recevait
un
honneur
égal à
celui
de
l'épouse légitime, bien que Laërte ne soit jamais entré dans son
lit, comme le font fréquemment les héros de l'épopée (224).
Les
qualifications "active" et " l'esprit toujours en éveil" dénotent les
qualités de
la
responsable des
biens et des
esclaves dans la
maison,
et
"respectable"
les sentiments qu'elle
suscite
(225).
Amphipolos révèle une activité religieuse de purification avant les
prières et gunë semble se limiter à une information sur le sexe
sans nuance péjorative (226).
Les
"actions
de
"concernent
d'une
part,
le
travail:
"garder nuit et jour" la chambre où sont entassés les
biens précieux et les réserves alimentaires (227), "connaître la
cachette
du
vin"
(228),
"délier la
coiffe
de la jarre de vin"
(229),
"tirer des provisions du cellier" (230), "apporter du pain
et
servir en
abondance
des mets"
(231),
inviter
les
hôtes
à
prendre un bain (232), laver et oindre d'huile le martre (233),
verser de
l'eau
pure
sur
les mains pour des libations (234);
d'autre
part,
on
relève le rapport direct entre les martres et
l'intendante:
elle
leur
parle,
leur
donne des conseils, discute
avec eux et
partage
leurs
malheurs et leurs joies (235).
Les
actions qu'elle subit soulignent un climat de confiance, elle est

182
envoyée aux champs pour avertir en secret Laêrte du retour de
Télémaque (236), elle reçoit l'ordre dl assurer t'accueil des hôtes
(237).
Une seule Intendante, en connexion avec "lui-même"
(le martre Maron)
et
"épouse" (la femme de Maron),connart la
cachette du vin (238). La tomië jouit d'une grande confiance de
la part de, ses martres.
TOlJtnç a 4 occurrences (Iliode:
3 et Odyssée:
1)
(239).
"Régisseur
des
vents"
est
un
substitut
d'Eole
et
"régisseur des guerres" une épithète de Zeus (240). Le terme au
sens d'intendant est appliqué aux "distributeurs de pain" sur les
navires
(241).
Ces
derniers
quittent
exceptionnellement
les
navires,
avec
les
pilotes,
pour
assister
à
l'assemblée
extraordinaire convoquée à l'occasion de la réconciliation d'Achille
et d'Agamemnon.
Nous ne pouvons pas indiquer avec certitude
leur
statut
social.
Rien ne
permet d'affirmer qu'ils
sont des
esclaves ou des hommes libres, thètes ou compagnons d'âge, car
les héros homériques ont la possibilité de recruter un équipage
dans l'un ou l'autre groupe (242).
Le
nom
d'agent
'tpoq:>oç
(cf
r o èeo )
"nourrice" a
17 occurrences
(dans
l'Odyssée seulement)
et
qualifie
15
fois
Euryclée (243). L'épithète "chère" traduit l'affection qui unit la
nourrice à ses martres qu'elle a élevés et qu'elle appelle
"fils ",

183
"mon fils", "chère fille Il (244). Elle est dans le secret lorsque le
martre prépare un voyage (245) et dénonce les esclaves infidèles,
puisqu'elle
a
pour charge de
les surveiller
(246)
et de
leur
"ap p rendre
à, travailler,
à
carder
la
laine
et
à
subir
la
servitude Il
(247).
Les
relations
affectives
n'occultent
pas
totalement l'état d'esclave de la nourrice qui risque la mort si
elle trahit les secrets. Ulysse le rappelle à Euryclée, il la tuera
si elle divulgue sa présence à Ithaque, qui doit être ignorée de
tous.
"Je
ne
t'épargnerai
pas,
bien
que
tu
sois
ma
nourrice, lorsque dans ma maison je tuerai les autres esclavea''
toa., XIX, 489-490).
La
nourrice subit l'arbitraire du martre qui exerce
sur elle des actions Identiques à celles exercées sur les esclaves
(dmoai) (248).
La vie dans
l'intimité des martres exige les mêmes
qualités pour les fonctions de nourrice, d'intendante et de femme
de chambre dont le cumul est fréquent. La nourrice Euryclée est
aussi intendante, Eurynomé , présentée comme femme de chambre
et intendante est aussi nourrice, bien que ce nom d'agent ne lui
soit pas attribué: elle appelle Pénélope "f'ille " et reçoit en retour
le
terme
affectif
"mère"
(249) .
La
femme
de
chambre
Eurymédousa
lia élevé Il
Nausicaa,
elle a donc été
sa nourrice
(250).
Ces trois femmes se signalent par leur vieillesse, et par
la similarité de leurs noms qui possède,le même mot à I'Inltlaheùoùc ,

184
Le terme
T l8tivn
(cf.
8fia8a l )
désigne
la
nourrice dans PI/iode (4 occurrences) (252). Une nourrice "à la
belle
ceinture"
,une
suivante
d'Andromaque,
porte
le
jeune
Astyanax qui dort dans ses bras et se jette sur son sein (253).
Dionysos a des nourrices divines (254).
Excepté le service de la table qu'elles assurent avec
des
hommes
libres,
les
femmes
esclaves
occupent
toutes
les
autres fonctions dans la maison. Si le cadre du travail change,
si
l'on
passe de
la
maison
à
l'extérleu r
sur
les
navl res,
les
hommes remplacent les femmes dans l'intendance.
Dans le domaine agro-pastoral réservé aux hommes,
les
mêmes
fonctions
sont
occupées
par
des
esclaves
et
des
hommes libres.
Les noms d'agent
aUCflopl3cÇ
ou
uq>opl36ç
(aùç
ou
Icûc-Bôoxe I qui répond au
mycénien suqota, désignent le "porcher".
26 occurrences de
ùœoo l3cç
sur 29 (I/iade : 1 et
Odyssée:
28)
(255) sont des substituts sémantiques
d'Eumée,
un
esclave qui
a été enlevé tout jeune par des Phéniciens et
vendu à Laë"rte (256) dont la femme l'éleva avec sa fille, ensuite,
il
fut
envoyé aux champs
(257).
Il possède un nom d'origine
obscure,
mais d'aspect noble avec l'adverbe
EÙ (258).
Outre
les noms de fonction
uq>oo136ç
et
au13wTnç
il
reçoit
les épithètes
"divin Il
et
licher à
Zeus" (259).
La qualification
"divin" est attribuée 18 fois à
~~opl36ç (260).

l8S
Les "actions de" dénotent le zèle dans le travail et le
respect pour les martres et les hôtes. Il "veille sur les biens du
martre
mieux
que
tout
autre
parmi
les
esclaves
acquis
par
Ulysse" (261).
Lorsqu'il descend en ville, il s'occupe de petits
travaux,
donner
l'arc aux prétendants et au mendiant (262),
transmettre
des
messages
(263) .
Il
assure
le
couvert
et
l'hospitalité
à
l'étranger
qu'il
respecte
(264).
Il semble
jouir
d'une aisance matérielle, il a des biens séparés de ceux de ses
martres:
"Je m'en vais,
dit-il,
garder les porcs et nos biens
là-bas,
ton
avoir
et
le
mien
(
'
,
OOV Ka l
~IJOV 13l0TOV
)"
(Od., XVII, 593-594). Le porcher fait une distinction nette entre
ses biens et ceux de son martre Télémaque avec qui Il entretient
des
relations
filiales.
Il
le
couvre
de
baisers,
tel
un
père
accueillant
son
fils
de
retour
après
dix
années
passées
à
l'étranger et l'appelle licher fils" (265), ce dernier le lui rend
bien par le terme affectueux "p etit père" (266). Il aide Ulysse à
massacrer
les
prétendants
(267) .
Seuls
Ulysse
sous
sa
véritable identité, Pénélope et Télémaque donnent des ordres au
porcher (267).
Les prétendants insultent le porcher resté fidèle
à ses martres (268).
Il est en relation de connexion avec le nom
d'agent
"bouvier" et le nom de profession
"héraut",
mais
aussi avec le nom propre "Ulysse" (269). Il partage la fidélité à
ses martres avec le bouvier, transmet le même message que le
héraut, prépare le repas et part en ville avec Ulysse, son hôte.
Deux occurrences de
U<POp(3oç
concernent
les
compagnons du porcher Eumée (270). Qualifiés par
àVÉ:PEÇ
et

186
connexes aux porcs, Ils font I"'action de"
enfermer
les
bêtes
dans l'enclos. Le mendiant cherche à obtenir un manteau de "l'un
des
porchers
dans
l'étable".
L'Iliade mentionne
dans
une
comparaison,
"un jeune porcher" entral'hé par la violence d'un
torrent qu'II traversait un jour d'orage (271).
Le
terme
ou 13<irrnc;
a
70
occurrences
(dans
l'Odyssée seulement)
(272)
et
est
employé
comme
substitut
sémantique d'Eumée qui en est le référent 16 fois (273). Il reçoit
des
épithètes
Identiques
à
celles
des
héros,
"commandeur
d'hommes", "noble", il est aussi le "gardien des porcs" (274). La
qualification "lui-même" dégage l'autonomie du porcher qui agit
sans se référer à ses martres (275). Une marque de possession
apparart dans ce réseau:
"son porcher"
(celui de Télémaque)
(276). Les prétendants, étant donné leur animosité à Ilégard du
porcher,
le
taxent
de
"misérable"
et
Ironiquement
de
l'trop
connu Il, car il invite des mendiants (277).
Travailleur consciencieux,
le subôtês "s'arme";
ses
gestes et son équipement rappellent les préparatifs des héros de
ï'ltiade avant
le
combat
(278).
Cependant,
les
ennemis
du
porcher ne sont que les chiens
et
les
rôdeurs.
Il
dort
près
de ses porcs et a nourri quatre chiens pour les garder (279).
Chaque jour,
il
part en ville pour amener le plus gras de ses
porcs aux prétendants (280). Une fois dans la demeure d'Ulysse,
il
donne un
coup de main
aux domestiques:
Il "distribue les

187
coupes" en l'absence des hérauts, 1/ "prend l'arc et J'offr-e" aux
candidats pour le concours (281). Il vit à la "pointe extrême de
l'ne Il
(282)
et
possède
une
quasi
autonomie
et
des
biens
personnels;
"en
l'absence
du
martre (. ava~ )
sans consulter
-
-
sa maftresse
( ô è ono Lva )
ni le
vieux Lal!rte Il 1/
a construit
lui-même une porcherie et a acheté un esclave de ses propres
biens.
Le terme
ôÉanoLva
souligne
le
lien
de
servitude
entre l'esclave Eumée et la' martresse de maison Pénélope, mais
l'autonomie
du
porcher
est
aussi
révélée.
Eumée
regrette
la
disparition de son martre avec lequel " entretient des relations
fraternelles
"Jamais plus je ne trouverai un autre martre aussi
doux ( tinLOV
avaK'ta
)
où que
j'aille.
pas même si
je
revenais au logis de mon père et de ma mère. où j'ai vu le jour.
où ils m'ont nourri eux-mêmes. Je ne les pleure pas tant. quel
que soit mon désir de les voir devant mes yeux. de retour en la
terre
paternelle.
Mais
le
regret
d'Ulysse
disparu
me ronge.
Celui-là. étranger. malgré son absence. j'hésite à prononcer son
nom. il avait souci de moi en son coeur. il m'aimait entre tous.
et
je l'appelle grand frère. bien qu'il soit loin de moi" (Od.,
XIV, 138-147).
La douceur d'Ulysse pour le porcher est comparable
à celle d'un père pour son fils, comme le souligne l'adjectif tin LO<;;
elle lui assure en retour le dévouement du gardien des porcs,
qui lui témoigne la même douceur (284).
Fidèle à ses maftres, le

188
subôtès aux côtés de Télémaque, d'Ulysse et du bouvier participe
au combat contre les prétendants. Il "p r end une armure Il , " abat "
Elatos et Polybe (285). Respectueux envers ses mallres, Il l'est
aussi envers les étrangers. Il donne l'hospitalité au mendiant, le
conduit
en ville et prend sa
défense contre les attaques du
chevrier
Mélanthlos
(286).
Très
pieux,
il
lin'oublie
pas
les
Immortels", quand Il fait un sacrifice (287).
Ulysse, Télémaque et le bouvier fidèle donnent des
ordres, éprouvent et interrogent le porcher (288). Il est interdit
aux prétendants d'exercer des actions
sur
les membres' de la
maison d'Ulysse, mals Ils enfreignent cette règle, ils lancent des
insulteS au porcher (289).
Le 5 ubôtês est
en
relation
de
connexion avec les
troupeaux
qu'II
garde
(290)
et avec Pénélope,
Laërte et
les
autres esclaves dans
la maison qui doivent
Ignorer le retour
d'Ulysse (291).
Cette méconnaissance ne reflète pas un manque
de confiance total, puisque le porcher la partage avec ses autres
mallres
d'une
part;
d'autre
part,
Il sera
le premier à être
informé
au
moment
opportun
lorsque
son
mallre Ulysse aura
besoin de son aide pour lutter contre les prétendants (292). En
récompense,
outre des biens matériels et une épouse, il sera
intégré dans la famille du mallre auquel l'uniront désormais des
liens
filiaux
à
la
place
des
relations
antérieures
de
subordination,
il deviendra avec le bouvier, le compagnon
et
le
frère de Télémaque (293).
Une telle affinité se réalise dans le
réseau de connexion:
le porcher, le bouvier et Télémaque exer-

189
cent ou subissent des actions ensemble (294).
Les noms d'agent Bouxôxo c (l3oüç-nlÂo~aL) attesté
en mycénien qoukoro et
ln L13oUK6Âoç
fait sur le modèle
de
ln Loupoç. ( ln t. .. ôoovro LOd. ,
XIV,
104)
désignent
le
bouvier.
11
occurrences
de
boukolos sur
15
(//iode :
3,
Odyssée: 12) (295) fonctionnent. comme des substituts sémantiques
de Philoitios,
qui
"a
été pris,
tout jeune encore, par Ulysse
pour
garder
les
boeufs chez les Céphalléniens" (296).
Il est
indubitablement
un esclave,
quoique son mode d'acquisition ne
soit
pas
mentionné,
Il évoque l'idée
"de prendre la fuite et
d'aller avec ses boeufs chez un autre roi magnanime"( 297). Dans
la société homérique,
l'esclave fugitif ne peut que changer de
martre
pour améliorer sa condition, son statut reste inchangé.
Comme le porcher Eumée, le bouvier est gratifié des épithètes
"divin" et "commandeur d'hommes" (298). " n'a "l'aspect ni d'un
sot ni d'un vilain" (299). Son nom ressemble à celui d'un héros
(300).
Ses "actions de" travailler consistent à nettoyer la salle
après
le massacre des prétendants et à préparer le repas (301).
Fidèle au martre,
il gémit en voyant son arc et l'aide dans sa
1utte contre
les
prétendant s
(302).
"
exécute à
1a le Ure les
ordres
que lui donne son martre Ulysse. Bouvier est en relation
de connexion avec porcher, car les deux dépendants présentent
des caractères identiques comme le montrent leurs qualifications
et
leurs
actions.
L'affranchissement
prochain
explique
le ur
connexion avec Télémaque (303).

19Q
Les
.. occurrences de boukolos qui
ne
concernent
pas Philoltios montrent des bouviers anonymes dans l'exercice de
leur fonction (30Q).
Ils sont qualifiés par référence à leur lieu
de travail "dans la montagne". "campagnards". "près des boeufs Il
(305).
L'épithète
av1ÎD
leur est attribuée (306). Les "actions
de", entrafner les boeufs de force, lancer un bâton à travers les
vaches pour les regrouper, Indiquent les tâches quotidiennes des
bouviers dont
la vie n'est pas sans risques;
ils subissent les
attaques des fauves et sont parfois tués (307). Des liens solides
sont connexes aux
bouviers habiles à entraver les boeufs (308).
5
occurrences
de
En ll3oUlCéÀoc; sur
6
(
dans
l'Odyssée seulement) s'appliquent à Philoltlos
(309).
Qualifié
par
av1ÎD
le bouvier a comme déterminant les
boeufs qu'il
surveille. Cependant, aucune des actions qu'il exerce n'est liée à
l'activité pastorale.
Il exprime son désir d'aider son martre à
punir
les
prétendants impies (310), abat Pisandre et Ctésippe
qu'il na~gue (310). Un bouvier anonyme "pousse" devant lui un
boeuf chez Nestor (312).
Le
nom
d'agent composé
atn6Àoc;;
(a.t~-1'!éi.o~
cf.
nÉÀo~.lal)
" chev r ier "
qui
répond
au
mycénien
oikio cto
aRparaft
11
fols
dans
les
poèmes
homériques
(Iliode:
2·,
Odyssée: 9) (313).

191
Toutes
les
occurrences
dans
l'Odyssée possèdent
le déterminant
"chèvres Il et ont comme référent Mélanthlos qui
est dévalorisé par son patronyme péjoratif,
"fils de Dollos", le
Rusé (314).
Il est le fils d'un esclave.
Le travail du chevrier
Mélanthlos à la campagne et en ville est révélé par les actions
qu'II exerce,
Il amène les plus belles chèvres de son troupeau
aux prétendants commme le porcher et le bouvier (315), Il ranime
le
feu
et apporte du
suif pour chauffer l'arc dans la maison
(316).
Contrairement à Eumée et à Phlloltlos, Il est infidèle et
Impie, Il prend position pour les prétendants contre ses martres
et Insulte les étrangers. Il couvre d'Invectives le porcher attaché
à
Ulysse,
souhaite
la
mort
de
Télémaque
(317),
dénonce
la
connivence entre Eumée et le faux mendiant (318), montre aux
prétendants
le meilleur moyen d'éviter
les coups
d'Ulysse et,
pour leur fournir des armes, il part et retourne dans la chambre

sont
rangés
les
biens
précieux
(319).
A la différence du
porcher et du bouvier il n'est pas
armé et
ne
participe
pas
directement au combat sans doute parce que les premiers, par le
port
des
armes
et par
l'activité guerrière,
apparaissent déjà
comme des "affr-anchis" (320).
Aucune action n'est exercée sur le chevrier par ses
véritables mallres, il suit uniquement les ordres des prétendants
(321). Il est aidé par deux pâtres qui Ille suivent Il (322).

192
Les
2 occurrences d'aipolos dans
l'I/iade possèdent
la qualification
àvtip
. et
le
déterminant
c LYWV
(323).
Les
chevriers sont vus dans l'exercice de leur fonction, Ils n'ont pas
de peine à reformer les troupeaux mêlés à d'autres et poussent
les chèvres à l'abri d'une grotte à la vue d'un nuage.
Ils sont
dotés d'une grande expérience.
Les
esclaves
qui
occupent
une
fonction,
les
"fonctionnaires", entretiennent des relations patriarcales avec leurs
martres et maf'tresses. Ils les appellent "fils", "fille", "frère" et sont
Interpellés en tant que "mère", "petit
père".
Ils
possèdent
une
certaine autonomie qui se traduit par l'absence de marques de
possession
dans
le
champ
référentiel.
Ils
ont
des
biens
personnels et veillent avec vigilance sur ceux de leurs martres.
Leur fidélité à toute épreuve leur vaut une Intégration dans la
famille de leur propriétaire.
Ils
apparaissent
avec
des
caractères
de
héros.
Hormis Eole (qui vit en marge de la société humaine) et Zeus qui
détiennent des fonctions au-dessus de la compétence des hommes,
tous
les
noms
mentionnés
sont
ceux
d'esclaves
et
ont
des
correspondants
dans
l'onomastique
aristocratique.
Le
surnom
péjoratif Dollos, l'ethnique barbare la Phénicienne et le nom Mésau-
lios "le
préposé à la cour intérieure",
le
seul
nom
d'esclave
rattaché au travail accompli, son.t d~J?r~cia~eurs, Ils sO,~t. portés
.
\\..a 'ldbu-o.~l'->T7 J@<"{'~l~"''''':::' ~\\1... L(e"'.<,
rar des esclaves sans fonction. L 1101
ni '"
dé; aidi ddf1tiiifes
U.Pl?i;,..,"",,,-k,"",,,
est soulignée par les épithètes
ôLOC;
"divin" et
ônxcuo c
àvôpwv
"meneur d'hommes".
La qualification
"divin"
dont
le

193
sens
ornemental
et
générique
est
révélé
par
Milman
Parry
résulterait d'un choix fondé "s u r des considérations métriques et
nullement
<sur>
le
sens Il
(324).
Elle
est
appliquée
il
trente
héros, au porcher Eumée et au bouvier Philoitios. Homère aurait
employé
'1
BLoC;
pour
le
porcher
d'abord.
parce
qu'Eumée
était
un
homme
de l'âge héroique ,
et
ensuite parce qu'il ne
trouva que cette seule épithète qui composât avec
. ù<P6p13oc;
Œù~aLoc;ne s'y prêtait pas), une formule nom-épithète tombant
après
la
diérèse
bucolique
et
commençant
par
une
consonne
simple.
Et
ses
auditeurs
ne
trouvaient
ni extraordinaire.
ni
amusant
qu'un
porcher
soit
appelé
divin.
parce qu'ils
ne
songeaient pas un instant à analyser la formule nom-épithète. Il
en est de même <... > pour
<f>LÀO Lr LOC;. oPxaJJoc; àvBpwv
(Od•• XX, 185; 254)" (325). Malgré tout, réduire l'emploi de ces
épithètes
à
une
contrainte
métrique
uniquement,
c'est
sous-estimer la volonté manifeste du poète de donner à Eumée et
à
Phlloitios
des
vertus
divines
et
guerrières.
Le
chevrier
Mélanthios ne possède pas de telles qualités, bien que son nom
eût pu sur
le
plan métrique recevoir les épithètes "divin" et
"commandeur
d'hommes"
(326).
Homère
ne
l'a
pas
fait,
tout
simplement
parce qu'il
voulait opposer
les esclaves fidèles,
le
porcher
et
le
bouvier,
à
l'infidèle
chevrier
qui,
nous
le
rappelons,
ne
participe pas en tant que combattant à la lutte
entre les prétendants et Ulysse et ses alliés.
Comme Eumée et
Philoitios,
les
esclaves
femmes
sont
dotées
de
qualifications
réservées à des reines et des déesses, "aux beaux voiles". "aux
belles boucles", "aux bras blancs Il et "aux beaux yeux".

194
L'''héroisation'' apparart aussi dans le réseau verbal.
Les esclaves "fonctionnaires Il exercent les mêmes actions que les
héros
et
les
héroïnes.
Des
vers-formule
identiques
sont
employés.
Nous
citons
quelques
exemples
parmi
beaucoup
d'autres.
L'expression
r ôv 6 nu
t
E lJ3E't t f1tE l'ta
apparart
dans 27 vers différents, en liaison avec le "porcher, commandeur
d'hommes", la "chère nourrice Euryclée", des héros et des dieux
(327).
26
vers
avec
r ôv 6 1 aihE 1tPOOÉE l1tE
sont employés
à propos du "porcher commandeur d'hommes",. de "Mélanthios le
chevrier",
du
"bouvier",
de
la "chère nourrice Euryclée",
de
divinités et de héros (328).
L'esclave "fonctionnaire" n'est jamais réifié. Il se fait
remarquer par ses
nombreuses
"actions de"
parler.
Il est en
connexion avec des anthroponymes de héros ou avec les animaux
qu'il garde mais jamais avec des biens matériels.
La fonction occulte le statut servile et élève l'esclave
au rang de héros. Néanmoins, l'assimilation n'est pas totale. Les
aristocrates n'exercent jamais un métier, Ils ne sont pas voués à
l'exercice d'une activité permanente. Les esclaves se distinguent
aussi des démiurges.
Les esclaves "fonctionnaires" apparaissent
moins comme travailleurs que comme des membres de la famille du
martre, Ils ne sont doués d'aucun talent particulier ayant trait à
l'emploi qu'Ils occupent. Les démiurges au contraire se signaient
par leurs connaissances sans faille.
En
somme
la fonction permet de doter l'esclave de
caractères
héroïques
d'une
part,
mais
d'autre
part,
elle
le
dévalorise en lui déniant toute compétence dans le travail, alors que

195
même les "fonctionnaires" anonymes se font remarquer par leur
habileté et leur expérience.
3.1.4. Les esclaves dans l'oikos du laboureur béotien
Pour
désigner
l'esclave,
Hésiode
emploie
le terme
homérique
ÔUWC;
(7
occurrences)
(329).
Le
pluriel
qui
apparaft
6 fois
implique
l'existence de plus d'un esclave.
Les
esclaves étalent probablement achetés, car les paysans exclus du
domaine
militaire
ne
pouvaient
pas,
contrairement
aux
aristocrates,
user de la force pour asservir d'autres individus.
L'auteur des Travaux conseille à son frère d'avoir "une femme
achetée. non pas épousée ( xr nrnv ou VCt.UEttiV)"
(Tr.,
406).
Le
petit
esclave
mentionné
par
le
poète
est-il

en
servitude ou a-t-il été acheté (330) 7 Nous penchons plutôt vers
la deuxième
hypothèse.
Les
unions entre des esclaves étaient
rares;
les poèmes homériques ne connaissent qu'un seul couple
d'origine
servile,
Dolios
et
la
vieille
Sicule (331).
La vente
d'enfants réduits en captivité après la mise à sac des villes était
une pratique courante.
Les
relations entre mallre et esclaves revêtent un
caractère
patriarcal.
Le
paysan
exerce
son
autorité
sans
intermédiaire
et
sans
despotisme.
L'effectif peu
important du
personnel
servile
ne
nécessite
pas
l'emploi
d'un
intendant.
Excepté une occurrence de
œù t or; , les termes qui désignent le

196
"martre" sont Ignorés;
les mots avec la racine 6ECJrr-
et le verbe
àvéxoow n'apparaissent pas dans les Travaux
l'unique emploi de
ava~ s'applique li Zeus (332), pourtant ce
terme est très usité dans les poèmes homériques pour désigner le
martre de l'oikos. Le paysan et ses esclaves travaillent ensemble
(333) •
Mais
derrière
ces
rapports
harmonieux
perce
le
dégradant état servile. Les esclaves dépourvus de toutes qualités
sont déshumanisés,
Ils sont en
relation de connexion avec le
bétail
et
sont
traités
comme
tel.
Après
l'engrangement
du
fourrage et de la litière on les laisse se reposer et on dételle les
boeufs.
Les
dinoes doivent
se construire des
huttes
près des
étables (305),
ils n'habitent donc pas avec le martre.
Ils sont
condamnés
à
exécuter
le
travail
qui
leur
est
imposé.
C'est
pourquoi il est préférable d'avoir une "femme achetée", car elle
peut être forcée à suivre les boeufs de labour (336). Une femme
épousée, au contrai re, reste confinée à la maison et ne participe
pas
aux
travaux
des
champs.
Les dimensions
réduites de
la
demeure
du
paysan
et
les
ressources
juste
suffisantes
pour
nourrir la famille et non pour accuelllr des hôtes éliminaient les
besoins
d'une
domesticité
servile
abondante.
Le
tissage
qui
fournit
une
part
Importante
des
dons
dans
le
milieu
aristocratique
est
peu
développé
dans
le monde
rural.
Cette
tâche, confiée à de nombreuses servantes chez Alcinous et chez
Ulysse (337), est laissée uniquement entre les mains de la femme
du paysan qui ne parvient même pas à assurer l'habillement de

197
son mari (338).
Les travaux des champs,
travaux d'extérieur,
sont confiés aux hommes dont l'effectif dépasse de loin celui des
femmes
esclaves
dans
le domaine du
paysan.
Les
tâches
des
dmoes consistent à "S 'élancer au travail du labour", à "achever
l'oeuvre de la charrue Il et à "fouler en cercle le blé de Déméter"
(339).
Ils
agissent souvent sur l'ordre de leur martre qui
les
excite à travailler ou décide de leur accorder un repos (340).
Doté d'une meilleure mémoire, le paysan doit faire connartre les
jours fastes à ses gens ignorants (341).
3.2.
L'ESCLAVAGE EN AFRIQUE
L'historiographie
de
l'esclavage
dans
les
sociétés
africaines est marquée par la volonté délibérée d'éliminer le terme
"esclave Il du
vocabulaire colonial administratif (342).
Un ordre
du Gouverneur, daté du 17 mars 1897, stipulait le remplacement
de
linon
libre"
par
"cap tif "
(343) .
Par
ce
changement
de
terminologie, on voulait souligner la différence entre l'esclavage
très dur dans les plantations des Amériques et celui qui a cours
en Afrique et se caractérise par son aspect patriarcal et doux.
Cependant,
le terme employé,
"captif " ,
est Inadéquat, car il
désigne
le
prisonnier
capturé
de
force.
C'est
dans
ce
sens
uniquement que nous utiliserons ce mot. Quant à l'esclave, c lest
le
captif
intégré,
après
l'arrachement à
son
milieu
d'origine.
dans la maison d'un martre.

198
3.2.1.
L'état servile
Le
plus
souvent,
la
captivité
résultait
d'un
acte
violent. Les rois asservissaient non seulement leurs ennemis des
pays voisins, mals aussi leurs propres sujets, en invoquant des
prétextes futiles:
"Ce roy <du Djolof> se maintient encore des pillages
qu'il
fait
de
plusieurs
esclaves
sur
le
païs
comme
sur
ses
voisina" (CA DA MOSTO 1974 (1455), p. 76).
Il
ils <les chefs du Walo) vont piller <les gens du
peuple> sous prétexte qu'on a mal parlé d'eux, ou que l'on a
volé, tué, ou bien quelqu'autre crime, en sorte que pas un n'est
assuré
d'avoir
rien
à
soy
et
outre
ce
les emmènent encore
captifs.
C'est encore en grande partie ce qui a donné lieu au
changement de gouvernement en celui du Toubenan Il (R 1TC HIE
1968 (1673), p. 322) (344)
Les voleurs,
les crimi nels, les débiteurs Insolvables
et
les
hommes
accusés
d'anthropophagie
étalent
réduits
en
capti vlté
( 345).
Au
XVIl è
siècle,
le mouvement tubenan sous
l'Impulsion du grand marabout maure Nasir AI-Din avait trouvé
un écho favorable auprès des baadoolo excédés par les pillages
dont Ils étaient victimes (346). En 1827, l'insurrection islamique,
dirigée par Niaga Issa (aidé en 1830 par le prophète Dfile) a été
favorisée par le mécontentement
populaire (347).
Toutes
ces

199
révoltes ont été jugulées par l'aristocratie palenne soutenue par
les Européens dont les Intérêts commerciaux étalent menacés.
Les monarchies guerrières africaines,
à l'instar de
l'aristocratie homérique,
tiraient
de
la
vente
des
prisonniers
d'importantes
richesses.
Elles les échangeaient contre du fer,
des armes à feu,
de l'eau- de-vie et de la pacotille auprès des
commerçants
européens
et
contre
des
chevaux
auprès
des
marchands venus du Sahara.
Les captifs qui étaient achetés à
l'Intérieur étaient conduits en caravanes vers les réglons côtières

Ils allaient être vendus aux Européens.
Ils étaient traités
Inhumainement pendant le voyage:
"En tête marche une vieille femme toute décrépie.
Derrière elle. suivent. à la file indienne. quatorze autres femmes
dont
plusieurs
portent
des
enfants.
Viennent
ensuite
en
troupeaux vingt et un enfants; ils sont suivis de quinze hommes
de vingt à trente ans. attachés par le cou avec des colliers et
des longes en peau. Chacun porte sur sa tête un lourd paquet
cousu dans une peau de chèvre ou de mouton. Les femmes et les
enfants
sont
également
chargés.
Tous
ces
malheureux
appartiennent à quatre Soninkés qui. montés sur des ânes et le
fusil
sur l'épaule.
se tiennent sur le
flanc de
la caravane."
(citation dans BOUTILLIER 1968, p. 521).
Le
port
de.
charges
très
lourdes
accablait
de
fatigue
les
prisonniers,
d'autant
plus
que
leurs, rations
alimentaires étaient juste suffisantes pour les maintenir en vie. Ainsi

200
était prévenue toute tentative de fuite de ces personnes tenant à
peine sur leurs jambes.
Les moins résistants qui retardaient la
marche de
la colonne étalent fouettés et parfois abattus;
des
cadavres étalent jonchés sur les bords des routes (349).
En
Grèce comme en Afrique,
la masse des captifs
était constituée en majorité de femmes et d'enfants. En effet, les
hommes,
s'ils n'étaient pas tués au combat,
fuyaient sur leurs
chevaux
dès
qu'Ils
sentaient
la
défaite
venir.
S'ils
étaient
capturés,
Ils avaient la possibilité d'acquérir leur liberté contre
une
rançon.
Les
valnqueur s préféraient de loin percevoir une
rançon que garder en captivité des hommes Indociles qui, à la
moindre occasion,
tentaient de s'enfuir ou se suicidaient,
car
l'asservissement était
incompatible avec leur code de l'honneur
( 350).
Les
esclaves
de
traite,
iaom-savoor ,
achetés
ou
nouvellement réduits en esclavage, introduits dans la maison de
leur
propriétaire sont traités aussi durement que lors de leur
captivité (351). Captifs et esclaves de traite pouvaient
être
mis
en gage ou
vendus.
Ils étaient
battus à mort et mal nourris
( 352) •
Les
esclaves
de
case,
nés
dans
la
maison
(iaam-;uddu),
subissent, au contraire, une servitude qui est loin
d'être Insupportable.
Pour
les Wolof "l'esclave de case est
Ull
parent" ilaom-Iudd u mbokk la) (354).
Au
Fouta
Djalon, l'expres-

201
sion
imagée
ndiima-dunka désigne
l'esclave
de
la
troisième
génération:
Il est
proche
de
son
martre,
comme
la tabatière
dunka inséparable du priseur (355).
Les
relations
patriarcales
ont été soulignées assez fréquemment:
"Les Nègres mengeans tous ensemble sans distinction
de martres et valets, libres ou captifs" (RITCHIE 1968 (1673) p.
322) •
"Les esclaves sont nombreux chez les lolofs <Wolof>,
mais ils sont traités avec tant de douceur. qu'ils ne songent
guère à déserter. Il n'est pas rare de voir des hommes libres
manger avec des esclaves, ceux-ci lorsqu'ils sont nés dans la
case
ne
sont
jamais
vendus,
à
moins
qu'ils
n'aient
commis
quelque faute grave" (MOLLIEN 1967 (1818), p. 105) (356).
Le martre les appelle "fils" et ils l'appellent "père" (357). Cette
assimilation
à
des
membres
de
la famille
a été mentionnée à
propos des esclaves "fonctionnaires" dans les poèmes homériques.
Cependant la prétendue inaliénabilité des esclaves de case (358)
ne
repose
sur
aucune
base
juridique.
Seul
le
poids
de
la
tradition
empêche
la
vente
qui,
dans
les
rares
cas
où elle
intervient, est considérée souvent comme la sanction' d'une faute
(359). Au Fouta Djalon, la peur de la désertion de tout le runde
(village. d'esclaves)
contraint les martres à ne pas utiliser les
esclaves
comme
des
marchandises.
Lorsque
les
esclaves
qui
possèdent un sens de l'honneur exigeant fidélité et dévouement
aux martres (360) jugent blâmable la conduite d'un des leurs, ils
le livrent à son martre pour qu'il le vende (361). Dans la société
wolof le partage de l'héritage engendrait parfois des
discordes

202
résolues par la vente des esclaves et la répartition du prix de
vente.
Cet acte était déshonorant (362). Qu'il soit de traite ou
de case, l'esclave est aliénable en droit. Il fait partie, comme le
bétail, du cheptel vivant.
Les Sonlnké rangent les esclaves au
nombre des "biens debout" (nabure siginte) ou cheptel vif par
opposition
aux
"biens couchés"
(nabure
saxunte)
(363).
L'expression nabure siginte a la même signification que civ6pa
.11060

Dans les poèmes d'Homère et d'Hésiode, l'assimilation des
captifs et des esclaves à des objets de propriété, bétail ou biens
matériels, était révélée par les réseaux de connexion.
Les
esclaves,
surtout
les puissants esclaves de le
couronne (jaami-buur), à l'Instar du porcher Eumée, pouvaient
avoir leurs propres esclaves et quelques biens (3611). Mals comme
le dit un adage peul "celui qui est possédé ne possède même pas
ce qu'il porte sur la tête" (365).
L'esclave,
ses
biens
et
sa
progéniture, appartiennent au martre. Objet de propriété, donc
réifié,
l'asservi est dépersonnalisé;
il
ne peut
ni
hériter,
ni
tester
(366).
Les
enfants d'esclaves sont autorisés
souvent à
rentrer en possession des biens laissés par leurs parents; le
martre en général, ne reprend pas ces biens qui lui reviennent
en
principe
5367).
L'esclave
peut
avoir
une compagne,
mais
aucun rite ne sanctionne cette union, qui, du reste, est assez
précaire, car le martre peut y mettre un terme en les séparant.
Le couple n'est pas uni par les liens du mariage (368). C'est le
cas de Dollos et de la Sicule dans l'Odyssée. Bien qu'ils aient
des enfants, ils ne sont jamais désignés
par
des
termes
qui

203
s'appliquent à des personnes mariées légalement. Dollos et Sicule
sont des référents respectivement de "père" et de "mère", mals
jamais
d'''époux''
et
d'''épouse''
(369).
Leurs
enfants sont la
propriété de leur manre Ulysse. En Afrique, si les esclaves ont
des maîtres différents, les enfants appartiennent au propriétaire
de la femme: ce sont des sociétés matrilinéaires (370).
Pour
les Grecs,
"Zeus à la grande voix prive un
homme de la moitié de sa valeur lorsqu'il abat sur lui le jour de
l'esclavage" (Od., XVII, 322-323). Cela se traduit par une perte
d'Identité,
les esclaves forment une masse anonyme, Ils ne sont
pas dotés de patronymes.
En Afrique, Ils abandonnent parfois
leurs noms pour adopter celui de leur martre. Ils ne peuvent pas
témoigner puisqu'ils ne
relèvent que de la juridiction de leur
propriétaire (371).
C'est ce dernier qui paye les amendes pour
les délits commis hors de sa maison par ses dépendants. Pour les
forfaits
dans
la
maison,
Il
recourt à
la
bastonnade
et
à
la
fustigation
pour
punir les coupables.
Ces châtiments corporels
jugés dégradants sont appliqués uniquement aux esclaves et pas
aux
hommes
libres
(372).
Une procédure spéciale devait être
prévue
pour
le
viol
d'une
femme
libre
et
l'homicide
qui
nécessitaient la peine de mort, en effet,
"les rois. les princes
royaux et les nobles de deuxième ordre avaient seuls droit de
vie et de mort
sur leurs captifs. les derniers en le motivant
<justifiant
son
application>"
(ROUSSEAU
1929,
p.
193).
Sans
doute les Wolof soumettaient de telles affaires à la justice du roi
comme chez les Abron (373).

204
En plus de la reproduction des esclaves par capture
et par achat,
les sociétés africaines ont augmenté les effectifs
grâce
aux
enfants
Issus
d'unions
serviles.
Les
Grecs,
au
contraire, n'ont pas favorisé l'existence d'un groupe d"'esclaves
de case", Homère ne mentionne qu'un couple d'esclaves, OoHos et
la Slcule.
Un choix différent est adopté dans les deux mondes.
Pour éviter les risques de remise en question de la domination
par
les
esclaves
de
case
qui,
vivant
ensemble
depuis
des
générations, auraient pu former un bloc pour se révolter,
les
Africains
ont
préféré
les
Intégrer dans
les familles
de
leurs
martres,
mals ont continué à les exploiter (374).
En Grèce, il
aurait été impossible de fournir aux esclaves de "case" la base
de l'autonomie,
la terre;
il n'yen avait même pas assez pour
les aristocrates qui se rabattaient pour étendre leurs domaines
sur les "bordures" des terres arables (375).
L'état
d'esclave
est
presque
irréversible.
Pour
récupérer
ses
prérogatives
d'homme
libre,
l'asservi
doit
réintégrer sa société originelle. Le seul moyen
d'y
parvenir
reste
la
fuite,
mais
les
tentatives
sont
vouées
à
l'échec.
Traversant
de
vastes
territoires
pour
retrouver
son
milieu
d1origine,
1/ risquait à tout moment d'être réduit à nouveau en
captivité par les bandes de pillards. Les habitants de Gumbu au
Mali avaient conclu
un
pacte avec leurs
voisins;
ils
s'étaient
mutuellement
engagés
à
remettre
les
fugitifs capturés
à
leurs
martres.
Les
esclaves
repris
étalent
cruellement
châtiés.
En
outre, des rituels magico-rellgieux faisaient planer la crainte de
s'échapper (376).

205
A
défaut
de
changer
son
état,
l'esclave
peut
améliorer sa condition. Le (onu, c'est-à-dire "causer un dommage
dont on sera soi-même le dédommaiement" (ROUSSEAU 1929, p.
195), lui permet de se soustraire., la tutelle d'un martre trop
sévère.
S'II
veut
être
transféré
dans
la maison d'un homme
. réputé pour sa bonté, Il fait à celui-ci de légères blessures, ou
coupe l'oreille d'un cheval ou tue un esclave.
Dans la société
wolof,
,,-
pour
compenser
la
destruction
du
cartn ,
l'esclave
coupable
est
remis
au
propriétaire
de
la
maison
(377).
Cependant,
les martres pouvaient donner en dédommagement un
autre esclave et garder celui qui a commis le délit pour le punir
sévèrement (378).
3. 2.2.
La condition des esclaves
L'esclave
relève
uniquement
de
l'autorité de
son
martre qui peut l'utiliser à la satisfaction de ses besoins autant
sexuels qu'économiques et militaires.
Les hommes libres peuvent attribuer un rôle sexuel à
leurs esclaves qui, contrairement aux Iieeiio , ne sont pas frappés
d'une tare biologique.
Un problème se pose lorsque le martre est
iieeiio , car en tant que gor (homme libre), il peut acquérir des
esclaves,
et par conséquent, entretenir des relations sexuelles
avec
les
femmes
qui
sont
sa
pror:e.~été.
Ces
dernières
malgré
leur
répugnance
sont
obi igées
de
se
conformer
aux
désirs
de
leur
propriétaire.
L'Islam
permettait
de
prendre
des
femmes
esclaves
comme
des
concubines
légales
(taara) en plus des quatre épouses autorisées.
De telles
unions

206
qui ne
nécessitaient aucune dépense, aucun versement de dot,
étalent conseillées aux pauvres. Hésiode aussi recommande à son
frère d'avoir "u n e femme achetée, non pas épousée" (Tr., 406).
En Afrique, les concubines étalent affranchies, mals, quand elles
étaient
répudiées,
elles
réintégraient
le groupe servile
(379).
Dans la société béotienne, elles restaient toujours esclaves, ainsi
elles pouvaient être forcées à travailler au besoin. Rares étaient
celles qui, à ~'époque homérique 1 étalent prises légalement comme
épouses; la captive Brlséls nourrissait un tel espoir (380).
Dans
les sociétés matrilinéaires africaines,
l'enfant
d'un homme libre et d'une esclave prend le statut de la mère.
Cependant,
si
le
père
est
le
manre
de
la
femme,
elle
est
affranchie et l'enfant a un statut d'homme libre (381). Le faux
Crétois Ulysse dont la mère était une "esclave achetée" fut lésé
lors du partage de l'héritage de son père par les fils légitimes;
sauf une maison, il n'eut presque rien (382).
Les doomi-buur
issus d'un prince et d'une esclave occupent les plus bas degrés
de
la
noblesse
et
exercent
seulement des
fonctions
peu
importantes (383).
Ces droits amoindris sont compensés par les
liens privilégiés qui les unissent à leurs pères (384). Ne pouvant
pas
s'installer
sur
le
trône,
Ils
n'avaient
aucun
intérêt
à
renverser
le monarque auquel,
du reste,
Ils obéissaient avec
docilité dans les sociétés africaines.

207
Seul le martre avait le droit de partager le lit de ses
esclaves. Ceux qui font subir des violences à des femmes qui ne
leur appartiennent pas sont condamnés li payer au propriétaire le
prIx de l'esclave, car la victime doit être libérée:
"Il existe une punition pour l'homme qui abuse d'une
esclave; s'il est libre. la femme est mise en liberté. et on oblige
le
coupable
à payer le
prix de l'esclave à
son propriétaire"
(MOLLIEN 1967 (1818), p. 82).
Les
héros homériques se chargeaient eux-mêmes de
chAtier ceux qui portaient atteinte à l'intégrité physique de leurs
biens humains.
Les prétendants furent massacrés par Ulysse à
cause du viol des esclaves et du pillage des richesses.
Les
esclaves
mâles
qui
s'unissaient à
des
femmes
libres - les enfants étalent libres - étaient mis li mort (385). Les
eunuques destinés aux pays arabes étaient castrés très jeunes.
L'utilisation des esclaves des familles aristocratiques
dans
la
production
est
déjà
révélée
par
le
témoignage
des
Portugais au XVème siècle. Le buurba-Jolof (le roi du.,- Djolof)
se servait de ses esclaves "de plusieurs manières. et surtout à
faire cultiver ses possessions" (CA DA MOSTO 1974 (1455), p.
76).
Les nombreuses épouses des rois wolof et les Iingeer étalent
établies chacune dans un village avec une importante domesticité
servile (386). Les esclaves mâles cultivaient la terre et gardaient
les
troupeaux,
et les femmes se chargeaient de la préparation
des repas et du linge, car les Iingeer devaient assurer la nourriture

208
et le blanchissage de la cour royale, elles organisaient aussi des
réceptions
fastueuses
et offraient des cadeaux aux dignitaires
pour consolider le trône ou pour faire prévaloir leur opinion lors
de l'élection des rois.
Il est à noter, toutefois, qu'elles vivaient
plus sur les biens extorqués aux baadoolo que sur les ressources
tirées de l'exploitation de leurs domaines (387). Le îara-biir-kêr
"l'intendant de.I'intérteun dela.maison", était aussi un esclave, Il
gardait les vivres et supervisait la préparation des repas;
les
cuisinières et les plieuses de mil étalent sous son contrôle (388).
Cette
fonction
était
confiée
à
la
tamié dans les
maisons
aristocratiques homériques.
Parmi
les
esclaves
des
baadoolo les
hommes
cultivaient aussi la terre.
Les enfants s'occupaient du bétail et
ramassaient la bouse de vache destinée au chauffage. Quant aux
femmes elles travaillaient sans relâche toute l'année, elles pilaient
le mil,
allaient puiser de l'eau, cardaient la laine,
faisaient le
ménage (389).
Les esclaves célibataires consacraient tout leur temps
de travail à leur mall.re qui les prenait entièrement à charge.
Vers
l'âge
de
trente
ans,
s'ils
avaient
une
compagne,
Ils
cultivaient
pendant
l'hivernage
les
terres
de
leur
mall.re,
généralement cinq jours par semaine et de six heures à quatorze
heures.
Le repas de midi leur était fourni. Ils employaient leurs
moments
de
"repos"
pour
s'occuper du champ qui
leur était
octroyé afin d'assurer leur subsistance pour le drtler et le reste
de l'année (390).

209
Parfois une certaine autonomie leur était laissée. Ils
travaillaient uniquement dans leurs champs, mais ils étalent tenus
de verser li
leur manre une partie de leur récolte (entre le
cinquième et le dixième). Une telle situation était souvent vécue
par les esclaves regroupés,
lorsqu'ils étaient nombreux, dans
des villages de cultures avec li
leuf-'
tête
des
1ntendants
d'origine
servile
(391).
Cependant,
en
cas
de
nécessité,
le
manre pouvait exiger leurs services sur ses champs, mais pour
une période très courte en général.
Pendant
la
morte - saison,
s'ils
jouissaient
de
la
confiance de
leur manre, Ils pouvaient voyager pour faire du
commerce ou pour aller chercher du travail dans les villes où
s'étalent installés des Européens. A l'approche de la saison des
pluies, ils revenaient et partageaient avec leur propriétaire leurs
gains (392).
Les
femmes,
une
fols
"mariées" J vivaient
et
travaillaient
chez
leurs
compagnons.
Elles
étalent
seulement
"tenues
d'aller chaque année rendre hommage au martre avec
vingt mesures de mil d'environ trente- cinq kilos" (ROUSSEAU
1929, p. 194).
Dans la société peul, tout travail autre que pastoral
est
méprisé
et
jugé
servile.
"travailleur" et
" esclave" sont
synonymes,
et
ces
assimilations
verbales
engendrent
des
associations mentales durables.
Chez les Nobles, ne travaillent
que
celui qui n'a pas su acquérir d'esclaves,
c'est-à-dire le
lâche, le faible et le malchanceux, toutes catégories détestables:

210
Dieu a imposé le travail à notre Père Adam, mais il a créé ces
païens au crâne dur et aux bras forts, bons, tout au plus, pour
le
travail
de
la
terre"
(393).
Les
peuples
asservis ont été
condamnés
à
travailler
sous
la
surveillance
de
leurs
martres
musulmans peul dont la participation à ces besognes était perçue
comme
une dégradation;
le noble ne devait pas toucher à des
Instruments aratoires (394) :
"<au Fouta Djalon> les esclaves étaient occupés aux
travaux des champs sous l'inspection de leurs maItres" (MOLLIEN
1967 (1818), p. 231).
Dans
les
sociétés
agraires
africaines,
comme
en
Grèce,
l'esclave
ne
se
distingue
pas
par
la
nature
de
son
travail. Il exécute les mêmes tâches que les membres de la fami Ile
de son martre. Dans l'Odyssée, les frères de Nausicaa détellent
les mules que les esclaves avaient attelées (395). Les fils de Fati
Loum, le chef du village wolof de Niakra s'occupent du troupeau
malgré la présence d'esclaves dans la maison (396). Martresses et
domestiques se partagent les travaux. La dépréciation du travail
servile découle des conditions dans
lesquelles
il est accompli,
c'est
du
travail
forcé,
exécuté sous
les ordres d'un
martre.
Celui-ci
bénéficie d'une partie ou de la totalité du labeur des
esclaves et de ses produits. Bien qu'ils subissent la même forme
d'exploitation que les esclaves, les "cadets" et les femmes n'ont
pas conscience de travailler pour autrui; leur activité s'intègre
dans un système de réciprocité comme nous le verrons plus loin
et n'est pas exercée sous la contrainte.

211
L'affranchissement
présente
les
mêmes
caractères
dans le monde africain que dans la société grecque.
Il dépend
uniquement
de
l'arbitraire du martre et prend la forme d'une
adoption,
l'esclave est intégré dans la famille de son martre au
même rang que les "cadets"; le patronyme de son propriétaire lui
est donné (397). Le bouvier Philoitios et le porcher Eumée seront
dans
les poèmes
homériques
"les compagnons et les frères de
Télémaque" et auront leurs maisons près de celle d'Ulysse (398).
Pour effacer toutes les traces de son statut servile antérieur,
l'esclave
doit
épouser
une
femme
libre
telle
la
"femme
bien
courtisée" d'Eumée (399). Devenu un "cadet", il est exploité en
tant
que tel et
le travail
qu'il accomplit désormais pour son
"père" et
"aîné" n'est pas jugé comme étant déshonorant.
3.2.3.
Les esclaves de la couronne
Dans
les
roya~mes
africains
forts
et
centralisés
apparaissent
une
catégorie
d'esclaves
guerriers
( 400) .
Ils
n'existent pas dans le monde grec où le pouvoir est morcelé. Le
"premier parmi ses pairs",
le "plus royal" parmi de nombreux
rois,
possède
une
autorité
faible
souvent
remise en question
( 401 ) .

213
d'Importantes
richesses,
bétail,
esclaves
et
terres.
Ils
ne
payaient aucune redevance au roi (1108). Ils détenaient de hautes
fonctions dans l'administration du royaume. Le chef des esclaves
de
la
couronne,
le Iarba-lu-rèy ,
était chargé de la sécurité
intérieure.
Le îaro-sêf, le "responsable des charges" s'occupait
du ravitaillement du palais et des troupes.
Les forces armées
serviles étalent placées sous son commandement. L'olkooti jouait
le rôle de ministre des affaires étrangères et de percepteur des
"coutumes" payées par les commerçants européens au souverain.
Le [aro-biir-kêr , le "responsable de l'intérieur de la maison" et
le iaraaî-bunt-kêr , le "responsable de la porte de la maison",
exerçaient des fonctions liées à la demeure royale; au premier,
était confiée l'Intendance, au second, la réception des visiteurs
(1109).
Les
esclaves
de
la
couronne
étaient
des
percepteurs
d'Impôts
Impitoyables
(1110).
Au
Walo,
Ils
avaient
voix
consultative lors de l'élection du brak (1111).
Que
les
armées
soient
constituées
essentiellement
d'esclaves de la couronne, cela présentait de grands avantages
pour les rois.
Ces derniers pouvaient non seulement s'appuyer
sur des soldats de métier dont l'importance numérique était un
signe de puissance, mais aussi, ils n'avaient pas ainsi à recourir
aux services des
boodoolo dépourvus
de
toute
compétence
dans
le domaine
militaire.
Les boodoolo dispensés
de
faire
la
guerre
pouvaient
se
consacrer
pleinement
à
leurs
activités
productrices et subvenir aux besoins du roi et de sa cour par
le

214
paiement de taxes et par des dons plus ou moins obligatoires.
Comme
le
note
Voro
Dyao,
les
esclaves
de
la
couronne
maintenaient "les populations dans les dispositions favorables aux
intérêts
des
gouvernements
arbitraires
<ils
assuraient
l'obéissance des sujets>" (412).
Le souverain régnait de façon
tyrannique
sans
soulever
contre
sa
personne
la
rancoeur
populaire,
retournée seulement contre les esclaves,
agents de
l'oppression royale.
Le roi est exempt de tout reproche, car Il
"n'est pas cruel lui-même, c'est le courtisan qui est cruel" (buur
soxorul dag ba soxor).
Pour sauvegarder leurs privilèges,
les
esclaves de la couronne protégeaient le roi contre les tentatives
de renversement du pouvoir par les princes.
Etant donné leur
statut, ils ne pouvaient pas prétendre au trône dont la légitimité
était gardée jalousement par les princes (413).
Les souverains
ont aussi confié des fonctions militaires moins importantes que
celles des fekk-bàyyi à
leurs
propres esclaves de case. Si le
martre était évincé du pouvoir, ces derniers retournaient à leurs
activités économiques (414).
Les esclaves de la couronne n'ont
pas toujours été très dociles. Conscients de leur puissance, Ils
ont souvent Imposé leurs volontés à leur roi qui,
s'il refusait
d'obtempérer,
se heurtait à
une
insubordination ou
se voyait
écarté
du
trône
par
ses
guerriers qui
favorisaient
un
parti
ennemi. SI le courageux et très célèbre damel du Cayor Lat-Dior
fut battu et tué à Diakhlé en 1886, ce fut à cause de la trahison
du chef de ses
forces
armées,
l'esclave Demba War Sali: des
différends
les
opposaient
(415) .
Les
esclaves
détenteurs
de
fonctions importantes pouvaient épouser des femmes libres, voire

215
nobles. La règle qui veut que des hommes libres soient autorisés
à épouser des femmes d'origine servile et qu'il ne soit pas permis
aux esclaves de se marier avec des femmes libres n'est donc pas
respectée (416).
Bien
qu'ils
aient
une
condition
socio-économique
supérieure à celle des baadoolo qu'Ils pillaient et exploitaient, les
esclaves
de la couronne sont toujours
méprisés et considérés
comme des êtres Inférieurs. Ils étalent avant tout des objets de
propriété,
les
richesses
qu'ils
accumulaient
appartenaient
en
principe
à
leur
martre.
Pour
leur
rappeler
qu'ils étaient sa
propriété et que leur puissance était aléatoire, le damel du Cayor
plaçait des
fers
au-dessus de leurs 'Hts
(417).
Leur
rôle de
guerriers
n'est
pas dégradant ~ en soi,
car
l'art militaire est
éminemment prestigieux,
mals
lorsqu'on l'exerce au profit d'un
autre par
force et non pour sa propre gloire,
il engendre le
déshonneur.
L'activité guerrière des courtisans nobles attachés
au roi suscite des idées différentes. Les
dag (41 B) combattaient)
~ d'une part, pour leur gloire personnelle, d'autre part, en tant
que "cadets ".
ils ne considéraient pas leurs actions comme des
oeuvres accomplies pour un patron, mals comme des prestations
dues à un "aîné" dans le cadre d'un système de réciprocité.
x
x
x
x

216
Par
leurs
tâches
ou
leurs fonctions,
les esclaves
acquièrent une condition qui les rapproche des hommes libres.
Dans
les
poèmes
homériques,
ils
sont
dotés
des
mêmes
qualifications
et
exécutent
les mêmes actions.
Dans
le
monde
africain,
fis
sont Intégrés dans
la famille du martre et ne se
distinguent pas des suurgo,
les "cadets".
Ils accomplissent les
mêmes
travaux
que
les
hommes
libres.
La guerre,
qui
est
l'apanage exclusif des héros en Grèce, est une activité à laquelle
les esclaves sont employés en Afrique. Les esclaves ont parfois
des richesses plus Importantes que celles des pauvres paysans.
Néanmoins
l'esclave
se
singularise
par
son
état.
Enlevé de son milieu d'origine,
1/ est désociallsé. Il ne dépend
que de son martre qui peut l'employer à tous les travaux selon
ses
besoins
et
sous
son
contrôle
direct
ou
sous celui d'un
intendant. Le travail forcé au bénéfice d'un patron est à la base
de la déchéance de l'esclave, de l'homme qui a perdu la liberté.
En théorie, il ne possède rien, c'est un objet.
Quoiqu'ils
soient
tous
considérés comme des êtres
inférieurs, des choses, les esclaves ne forment pas pour autant
un bloc homogène.
Leurs différences de condition les séparent.
Dans la société africaine, une hiérarchie est établie en fonction
de
la
condition
des
martres
(joomi-buur "esclaves
de
la
couronne", joomi-boodoolo, "esclaves de paysans", joomi-neeno.
"esclaves
de
neeno",
joomi-joom,
"esclaves d'esclaves")
et de

217
leurs origines (jaami-buur: esclaves guerriers capturés les armes
à la main, ioom-juddu , esclaves nés dans la maison, jaam-sayoor,
esclaves d'acquisition récente).
Dans l'épopée, les esclaves tels
Eumée, Phlloitlos, DoHos, Euryclée, intégrés dans l'oikos depuis
longtemps
sont
mieux
lotis
que
le
reste
des
esclaves,
Ils
occupent des fonctions importantes,
sont presque indépendants
et parfois vivent avec une femme.
Fidèles à leur martre Ulysse,
ils sont opposés aux esclaves plus jeunes qui se sont alliés aux
prétendants. Mélantheus et sa soeur Mélantho qui sont nés dans
la maison ont trahi leur martre, ils sont encore jeunes. Dans la
société homérique, le clivage entre les esclaves semble se fonder
sur l'ancienneté, sur la durée de la servitude.

NOTES
DU
CHAPITRE
3

219 ;
(1)- DEBORD 1973, p.231 ; FINLEY 1978, p.63
GARLAN 1982
p. 32.
(2)- FINLEY 1959, p.147; 1981, p.107.
(3)- DEBORD 1973, p.231
sq .•
(4)- LENCMAN
1966, p.291 sq.
MELE
1968,
p.149 sq .
GARLAN 1982,
p.48-49.
(5)- oa., XVII, 322-323.
(6) -
GARRIDO-HOR y
1981
a
montré
dans
son
étude
de
l'esclavage chez Martial la nécessité de la distinction entre les
noms d'esclaves et les noms de fonction.
(7)- BENVENISTE 1969, 1, p.356.
a,
(8) - MElLLASSOUX 1975
p.21.
(9)- LENCMAN 1951, p.60.
(10)-LENCMAN 1951, p.60.
(l1)-MACTOUX 1980, p.67, n.8 :"Sont considérés comme termes
connexes les vocables désignant des <êtres ou des objets> qui
font ou subissent la même action que les «andrapoda»,
ou des
mots
qui
sont
joints
à
<andrapoda » et qui
visent
le
même
individu.
L'action
peut
être
exprimée
par
un
verbe
ou
un
substantif, communs aux termes connexes".
( 12) -Par
"action
de"
et
"action
sur'.',. il
faut
entendre
"les
actions
qui,
dans
le
texte,
ont
pour
sujet
ou
complément
directement le mot <andrapoda> exprimé
ou
sous-entendu,
parce
qu'il a été exprimé dans le
premier membre de phrase. Sont
éliminés
à cette étape de l'analyse les actions concernant
un
individu qui, par ailleurs, est dit
«andrapoda> ,
ou
portant
sur un pronom substitut" 'MACTOUX 1980, p.781, n.72.).Chaque
fois que nous ferons porter l'analyse sur un individu appelé par
ailleurs
an drap 0 da
par
exemple,
nous
essayerons
de
la
préciser.
a,
(13)-MEI LLASSOUX 1975
p.21.
yuvn
(14J":"(:1) prisonnière de guerre: Il., 1, 348;
429;
VIII,
165;
IX,
366; 594; 664; XI, 638; XVI, 831; XIX, 286; 301; XX, 193;
Od., 111,154; XIV,264; XVII, 433.
2) offerte: tt.,
Il,
226; VIII,
291;
IX,
128;
130;
139 ;
270; 281; XIX, 195; 245; 280; XXII, 164; XXIII, 261; 263; 512;
704; oe., XXIV,
278.
(15)-11.,
VIII, 165; IX, 366; 594; 664; XVI, 831; XX, 193; oa.,
III, 154; XIV, 264; XVII, 433.

220,:
(16)- Il.,1, 348; XI, 634; XIX, 301-302.
(17)- u., XI, 638.
(18)- u., Il, 226; IX, 366; oe., III, 154.
(19)- u., IX, 594; oa., XIV, 264; XVII, 433.
(20) - Troyennes: Il., XV 1, 831;
la belle
Diomède: ..
Il"1
1X,
665;
à
la
belle
ceinture:
Il.,
1,
429;
IX,
366; à
la ceinture
profonde: Il.,
IX,
594; oa., III, 154; pareille aux déesses: Il.,
XI, 638; XIX, 286.
(21)- u., Il, 226; VIII, 291; IX, 128; 130; 139; 270; 281; XIX,
280; Gd." XXIV, 278.
(22)- u.,
XXII, 164; XXIII, 261; 512; 704.
(23)-
Il.,
XIX,
195;
280;
XXII,
164;
XXIII,
261;
263;
oa.,
XXIV, 278.
(24)- Il., IX, 128; XIX, 245; XXIII, 263; oa., XXIV, 278.
(25)- u., XXIII, 705.
(26)- Quatre: oa.,
XXIV,
278;
sept:
u., IX, 128; XIX, 245;
XXIII, 263; vingt: u., IX, 139; beaucoup: u., Il,226.
(27)- GLOTZ
1920,
p.
104. Sur l'impîftance des tissus dans la
société homérique, voir WORONOFF 1983 •
(28)- u.. IX, 130; 140; 272; 282; XXIII, 261; oa., XXIV, 279.
(29)- u., IX, 129; 139; 281-
(30)-
xoûon
u., " 98; 111 (Chryséis); u., " 275; 298;
336;
337;
392;
Il,
377;
689;
IX,
106; 132; 274; 637; XVI, 56;
85; X\\'III, 444; XIX, 58; 261; 272 (Briséis).
(31)- Il. , 1, 97-99.
(32)-11., 1, 111-114.
(33)- Il. , 1, 299.
(34)-11., 1, 276; 299; 392; XVI, 56; XVIII, 444.
(35)- tt., IX, 343; XVI, 57.

221
(36)- u., 1, 336; 337; 392.
(37)- u., 1, 169; IX, 637.
(38)- u., IX, 132-134; XIX,
258-265.
(39)- u., XVI, 86.
(40)-
De
Brisès:
tt., 1, 392; IX, 132; Chryséis: Il., 1, 111;
Brlséis: tt.,
1,
336;
Il,
689; XIX,
261; aux yeux vifs: Il.,1,
98; à la belle chevelure: Il., Il, 689; très belle: Il., XVI, 85.
(41)- Briséis: u., 1, 184; 323; 336; 346; Il, 689; IX, 106; XIX,
246; 261; 282; XXIV, 676; Chryséis: u., 1, 111; 143; 182; 310;
369;
439;
Diomède:
u., IX, 665; Hécamède: u., XI, 624; XIV,
6; Iphis: u., IX, 667; Cassandre: oa., XI, 422.
(42)- u., 1, 366; Il, 690; IX, 664; 668; XI, 625.
(43)-Od.,
XI, 421.
(44)- Il., 1, 184; 311; 323; 346; IX, 664.
(45)- FINLEY 1978, p. 76.
(46)-
Il.,
1,
118-120;
182-185;
cf. BENVENISTE
1969
Il,
p.
43-49 sur la notion de geras.
(47)- tt., IX, 664; 667; XIX, 282; XXIV, 676.
(48)-11.,1,439.
(49)- u., XI, 624; XIV, 6-7.
(50)- NotedeMAZON à Il.,1,184; HIRVONEN 1968, p. 177.
(51)- Il., XIX, 243-246.
(52)-
5uwC; : u., VI, 323; 375; 376; IX, 477; 658; XVIII, 28;
XIX,
333; XXII,
449; XXIII,
550; XXIV, 582; 587; 643;~Od., 1,
147;
398;
435;
Il,
412;
III,
428;
IV,
49;
296;
644;
682;
719;
736; V,
199; VI, 69; 71; 99; 307; VII, 103; 225; VIII, 433; 454;
IX, 206; XI,
190; 431; XIII, 66; XIV, 59; 80; 399; XV, 25; 93;
376; 379; 461; XVI,
108; 140; 305; 336; XVII, 34; 88; 299; 320;
389;
402; 422; 493; 505; XVIII,
311; 313; 417; XIX, 25; 45; 60;
78;
82; 121; 154; 490; 526; XX,
122; 139; 147; 318; XXI,
210;
2'!!!;
XXII,
37;
114;
396;
422;
427;
441; 456; 458; 484; XX III,
11..2; XXIV, 210; 213; 219; 223; 257.
(53)- Singulier:
5uwC;
(Od.,
IV,
736; XXIV, 257);
ùnoôuwc;
(Od., IV, 386); duel:
6uwC;
toe.. XXI, 244; XXII, 114).

222
(54)- GSCHNITZER 1976, p. 47.
(55)- Od.,
IX,
205; XV,
25; XVI,
305; XVII,
402; XVIII,
417;
XIX,
121;
XX,
325;
XXIV,
210;
cf.,
1,
434;
XXI,
209;
GSCHNITZER 1976, p. 59.
(56)- Od.,
Il,
412;
XVII,
34;
XIX,
490;
XX,
298;
XXI,
92;
XXII, 484.
(57)- Od., IV, 735; MASSON 1972, p. 12.
(58)- tt., XXII, 449; oa., XIX, 60.
(59)-
Femmes:
u., VI, 323; IX, 477; oa., VII, 103; XIII, 66;
XVI,
108;
XVII, -50S;
XIX,
490; XX, 318; XXII,
37;
395;
421;
427; jeunes et vieilles: os., IV, 720.
(60)- oa., VII, 103; XXII, 421-
(61)- oa., XVII, 422-423 ( =XIX, 78-79).
(62)-
Génitif: os.,
IV,
682;
XVII,
34;
299;
XVIII,
311;
313;
XXI,
244;
adjectifs:
oa., IV, 644; 736; XI, 431; XXII, 396;
pronoms:
1/.,
XXIII,
550;
os., VI, 307; VII, 103; XIX, 154;
XXI, 269; XXII, 427.
(63)- oa., IV, 386; 735; XXIV, 257.
(64)- oa., 1, 397-398; XXII, 396.
(65)- oa., III, 428; IV, 720; VII, 703; IX, 206; XV, 461; XVI,
109; 140; XVII,
402; XVIII, 417; XIX, 490; XX, 298; 319; XXII,
421; 484; XX III, 132.
(66)- u.,
XIX,
333;
XXIII, 550; oa., 1, 398; VII, 225; XVII,
422; XIX, 78; 526.
(67)- oa., XVI, 108-111; XX, 318-319.
",J..<"')
(6&Ç Camarades: u., IX, 658; XXIV., 643; gardiens: u., IX,
4tfr thètes:
Od.,
IV,
644;
suivantes :
oa.,
IX,
206;
baigneuse: Od., XX, 298.
(70)- Pour BERINGER 1961,
5UroC;
désigne
parfois
des
hommes libres.
Voir MELE 1968, p.
141 sq, sur la
critique _de
cette thèse.
(71)- Mère: Od., Il, 412; XV, 461; XVII, 402; XIX,
45; épouse:
XV,
95;
lui-même:
os., VI, 99; 307; XIX, 121; enfants: Od.,
XI, 431; XXIV, 213.
(72)-Od., IX, 207.

223
(73)-Od., Il, 411-412.
(74)-1/., XVII, 28; Od.
,1,398.
(75)- 1/., XIX, 332; oa., VII, 224; XIX, 525.
a,
(76)- MEILLASSOUX 1975
p. 21.
a
(77) - MEILlASSOUX 1975 , p. 21.
(78)- Donner: 1/.,
XVIII,
550; Od.,
IV,
736;
éprouver: oa.,
XVI,
305;
XIX,
45;
tuer:
Od.,
XIX,
490;
cf. aussi
XXII,
441-458.
(79)- Od., XXI, 209-216; cf. aussi XIV, 62-65.
(80)- oa., XVIII, 416-417 (= XX, 324-325).
(81)- oa., XVI, 308 (= XX, 319); XXII, 37 ; cf., XVII, 388.
(82)- oa., XX, 296-300.
(83)- oa., IV, 681-683.
(84)- oa., XXII, 426-427.
a
(85) - MElllASSOUX 1975 , p. 21.
(86)- 1/., XVIII, 28; oa., IV, 719; XVII, 34; XVIII, 313.
(87)- oa., XIV, 59-60.
(88)- Od.,
XIX, 154.
(89)- oa. , XIV, 80-81.
(90)- oe., XI, 188-195.
(91)- os., XXIV, 208.
(92)- Od., VI, 99.
(93)- oe., XVI, 318.
(94)-
os., IV, 736; VI, 69; 71; XVII, 299; XXIV, 210; 223;
257.
(95)- oa., IV, 643-644.
(96)- Od., XXII, 114. DESORD 1973, p. 234.

224
(97)- Bain: 1/., XXIV, 582; 587; oa., IV, 49; VIII, 454; XVII,
88; lit: 1/., IX, 658; XXIV, 643; oa., IV, 296; XX, 139; service
de
table:
oe., 1, 147; III, 428; V, 199; XV, 93; XIX, 60;
tissage: oe., IV, 682; VIII, 105; XXII, 422.
(98)- GLOTZ 1920, p. 20.
( 99) - oa., XX, 105.
(100) - Il. , VI, 455-458.
(101)- FINLEY 1981, p. 88.
(102)-
tPyatEu8aL
: u., XVIII,
469;
XXIV,
733; oa., III,
435; XIV, 272; XVII, 321; 441; XX, 72; XXII, 422; XXIV, 210.
(103)- os., XX, 72'-
(104)- tt., XVIII, 469.
(105)- oe., XIV, 272; XVII, 441; XXIV, 210.
(106)- oe.,
XVII, 323.
(107)- u., XXIV, 734.
(108)- oe., XVII, 320.
(109)-
u., XXIV, 733.
(110)- FINLEY 1981, p. 88.
(111) - Pronoms:
0 L,
'to L
; article:
t èv
; préposition: &11q>(
(112)- ROBIN 1974, p. 11.
(113)-
lCEÂE:Uw: u., IX, 658; XXIV, 582; 643; oa.,
IV, 296;
VI,
71;
XV,
93;
XX,
1'17.
lxvwvw: oa., XX, 139; XXIII,
132;
onuct ve
:
oa., XXII, 427;
6'tpuvw:
oa.,
XXII,
482;
Etnov: u., VI.
375;
III,
428;
VIII,
433;
XVI,
336;
XVII,
493; XXIV, 213;
I1E'tau6aw
: u., XXII, 449; oe., IV,
719;
&YOPEUW
: oa., XVII, 505.
(114)- oe., XX, 72; XXII, Q22.
(115)- oe., VII, 106.
(116)-
OllCE:UC;:
u., V, 413; VI, 366; oa., IV, 245; XIV, 4;
64; XVI, 303; XVII, 533.
(117) - PERPI LLOU 1973, p. 254.
(118)- MELE
1968,
p.139.

225
( 119) - BER 1NGER 1964.
(120)-
GSCHNITZER
1976,
p.
16;
BERINGER
1964,
p.
5;
LENCMAN 1966, p. 254; MELE 1968, p. 13~
(121)- BERINGER 1964, p. 5.
(122)- Od., Il, 412; IX, 206.
(123) - GSCHNITZER 1976, p. 16; BERl NGER 1964, p. 6.
(124)- Od., XIV, 340.
(125)- oa., XXIV, 252.
(126)- Od., XXI, 216.
(127)
50ûÂn: tt., III, 409; Od., IV, 12;
50UÂLO<;: u., VI,
463; Od.,
XIV, 340; XVII,
323;
50ÛÂELO<;:
Od.,
XXIV,
252;
50uÂooûvn
:
Od., XXII, 423.
( 128) -
Le terme
500Âo<;
est
attesté
en
mycénien
sous
la
forme
doera.
Deux
hypothèses
sont
avancées
quant
à
son
étymologie.
Le mot n'aurait pas une origine indo-européenne et
serait
un
emprunt
carien
ou
lydien
(BENVENISTE
1969,
p.
358-359;
CHANTRAINE
1968-1980, s. v. I.
On
a défendu l'idée
d'un
dérivé
d'une
racine
Indo- européenne et on a
tenté
des
rapprochements avec d'autres mots grecs (cf. GARLAN
1982, p.
39, n, 4).
(129)- u., III, 409; oa., IV, 12.
a,
(130)- MEILLASSOUX 1975
p. 21-
(131)- FINLEY 1978, p. 121-
(132)- Il. , XIX, 297-299.
(133)-
tÂEu8EPOV fiuap
: u., VI, 455; XVI, 831; XX, 193.
(134)- Od, , XIV, 340-343.
(135)- Od. , XXIV, 252.
(136)- oa., IV, 245.
(137)- oe., XVII, 320-323.
(138)- tt., XXIV, 734.
(139)- oe., XXIV, 250-251-
a,
(140) - MEl LLASSOUX 1975
p.
21,
n,
16 comprend par statut
"les prérogatives acquises à un individu par la naissance (ou son
équivalent l'adoption) et perdues par la mort (ou son équivalent.
la capture ou la déchéance) ".

226
(141)-
YUvn: 1. singulier: oa., XV, 417; XIX, 344; XXIV,
211.
. . - ' \\
2.
~'urie!: 1/., VI, ,289;. XXII, 511.;ifJOd., II~
108, VII,
97-, XV, 76, IW:, XVI, 304, 316, XVII, 75,
, 318,
XVIII,
186;
340;
XIX,
16;
67;
87; 3114; 370; 497; XX,
; 107;
161; XXI,
235;
XXII,
151;
158;
313;
417;
431;
434; 437; 446;
496; XXIII,
21; 143; 298; XXIV, 144; m; avec
Ôll<ilal.:
1/. ,
VI, 323; IX, 477; oa., VII, 103; XIII, 66; XVI, 108; XVII, 505;
XIX,
490;
XX,
318; XXII,
37;
395;
421;
427. Nous étudierons
plus loin le fonctionnement de
yuvn
employé
avec
les
noms
d'agent~ Ta/JLn , àÀETP Le:
et
6/JcpbtoÀoe:.
(142)- os.,
Il,
108; XIX, 87; XXII, 151; 158; 313; XXIII, 21;
XXIV, 144.
(143)- La Phénicienne (Od.,
XV,
417),· la Sicule (Od.,
XXIV,
211; voir MASSON 1972, p. 12); les Sidoniennes (1/., VI, 289).
(144)- tvl uevéco co c
: Od., XIX, 87; 490; 497; XXII, 151;
421;
KOTa 6wllO
: oa., VII, 103; XIX, 345.
(145)- oa., VII, 103; XX, 107; XXII, 421.
(146)- os., XV, 417.
(147)- 1/. , VI, 289.
(148)- CHANTRAINE 1963, p. 71-
(149)- oa., XIX, 16; 497; XXII, 417.
(150)- oa., XVIII, 340.
(151)- Od., XVI, 304;
316; XIX, 490.
(152)- oe., XXII, 421.
(153)- oa., XVI, 108 (= XX, 318); XXII, 37.
(15~- Dire (Od., XV,
76;
XXI,
235;
XXII,
431);
pousser à
f?(Od.,
XVII, 75); appeler et pousser à toa., XVIII, 186; XXII,
~\\ 434).
(15St>- oa., VII, 104; XX, 107; 161.
(156)- oa., XVII, 319; XIX, 370; XX, 6; cf. XXII, 158.
(157)-
Od., XXII, 151; 158.
(158)- MASSON 1972, p. 12.
(159)- oa., XVIII, 322-323.
(160)- oa., XXIV, 409.

227
(161)- venue : Od., 1, 438; Il, 377: XVIII, 185; XI X, 346; •
353; 361; 383; 386; 467; 503; XXII~411; 433; 4"; 495; XXIII, 1
; 33; 292; XXIV, 211,. 389.
Nous
n'analyserons
ni
les occurrences qui
laissent
planer
un
doute sur le statut des individus d'sign's (II.,
III,
386; Od.,
XVIII,
27)
ni
celles qui sont quallflées par un nom de fonction
(Od., 1, 191; VII, 8).
(162)- Vieille: oa., XIX,
346;
XXII,
395;
sage: oa.,
1,
438;
XIX, 346; 353.
(163)- os., XXIV, 389.
(164)- oa., 1, 191; XXIV, 211; 389.
(165)- oa., XIX, 353.
(166)- oa., XXII, 396.
(167)- oa., XIX, 353.
(168)-
os., XVIII, 185; XIX, 603; XXII, 433.
(169)- Od., 1, 191.
(170)- Od., XXIII, 33.
(171) -
Il., 1X, 449-452; voir note de MAZON.
(172)- oa., XIV, 202-210.
(173)- oe., IV, 12-14.
(174)- l:t~<pLnoÀoc; :
u., III, 143; 422; VI, 286; 324; 372; 399;
491; 499; XVIII,
417; XXII,
442; 461; XXIV,
302; 304; oa., 1,
136; 191; 331; 335; 357; 362; IV, 52; 133; 751; 760; VI, 'ni; 52;
80;
84;
109;
115; 116; 198; 199; 209; 217; 218; 238; 239; 246;
260;
320; VII,
172;
232;
235; 290; 300; 304; 335; IX, 206; X,
348; 368; XII, 18; XV, 135; XVI, 152; 413; XVII, 49; 91; XVIII,
198;
207;
211;
303;
XIX,
90;
317;
514; 601; 602; XXI,
8; 61;
66; 351; 356; XXII, 483; XXIII, 227; 364; XXIV, 366.
(175) -Ethré
(1/.,
III,
144);
Clymène
(II.,
III,
144);
Actoris
toe., XVIII, 228); la Sicule toe., XXIV, 366); Phylo (Od.,
IV, 125; 133).
(176)-
Alcippé
(Od.,
IV,
124);
Autonoé et
Hippodamie (Od.,
XVIII, 182); MASSON 1972, p. 12.
(177)- MASSON 1972, p. 12.
(178) - Aux grands yeux: 1/., III, 144; aux belles boucles: 1/.,
XXII,
442; oe., VI, 198; 238; aux beaux voiles: 1/., VI, 372;
aux bras blancs: Od., VI, 239; XVIII, 198; Charites: oa., VI,
18; vierges ••• : Il., XVIII, 418.

228
(179)-
Deux: 1/.,
III,
143; os.,
1,
331;
VI,
18; XVIII,
207;
voir aussi oe., 1,
335;
XVIII,
211; XXI,
66; quatre: oa., X,
3J19; nombreuses: 1/., VI, 499.
;
(180)- Intendante: 1/.,
XXIV,
302; oa.;
XVI,
152; servante :
Ode
, X, 3Q9.
.
(181f- oa., VII, 290; GSCHNITZER 1976, p. 24.
(182)- oe., 1, 191; 362; IV,
751;
760;
VI,
52; 80; 260; VII,
235;
304;
XVI,
413;
XVII,
49;
XIX,
602;
XXI,
8;
356;
XXII,
Q83; XXIII, 36Q.
(183)- oa., VII, 300.
(184)- 1/.,
III, 143; VI, 399; XXII, 461; os., 1, 331; VI, 84;
XII, 18; XVIII, 207; 303; XIX, 601; XXI, 61.
(185)- CHANTRAINE 1963, p. 135; 1JI9.
(186)- Une suivante s'occupe du vieux Laerte aux champs: Od.,
1, 191; XXIV, 366.
(187)- L'Illustre Boiteux Héphalstos est étayé par des suivantes:
1/., XVIII, Q17 •
(188)- Monter: oa., 1, 362; IV,
751; 760; XVII,
49; XIX, 602;
XXI,
356;
XXIII,
364;
se mettre en marche pour aller: Od.,
XVI,
413; XXI,
8; aller: 1/., VI,
399; XXII,
461; os., VI, 84;
XIX, 601; suivre: 1/.,
III,
143; oa., 1,331; VII, 304; XVIII,
207;
venir:
oa., XVIII, 198; XXII, 483; conduire: oa., VII,
301; arriver: u., Il 1, 421.
(189)- oa., XVI, 152.
(190)- 1/., VI, 499.
(191)- Tissage: 1/., III,
422; VI,
324; 491; XVIII, 420; oa., 1;
357; VII, 235; XIX, 514; XXI,
351; bain: 1/., XXII,
442; oa.,
VI, 210; XIX, 317; nourriture: os., 1, 191; VI, 209; 246; XII,
19;
nettoyage:
oe., VII, 232; X, 348; lit: 1/., XXIV, 644;
oa., VII, 335.
(192)- 1<:EÀEUW
:
1/.,
VI,
286;
324;
Q91; XXII,
442;
Od.,
1,
357;
VI,
198; VII,
335;
XXI,
351;
lxvwyW
: oa., XXII, 483;
ô rcùvo
: 1/.,
XXIV,
302; oa., XVI,
152;
JjE'tau5&w
:
os., VI, 217; 238.
(193)-
Vers-formule:
oa., 1, 136; IV. 52; VII, 172; X, 368;
XV, 135; XVIl, 91.
(194)- Od., IV, 48 sq.; XVII, 86sq. GINOUVES 1962, p. 152.

229
(195)- Seul le féminin
fi êono l va
"martresse
de
maison"
apparart, cf. infra.fi
186
(196)-
Il.,
XVIII,
q17. f3aoLÀEla
est
employé
pour
désigner
Nausicaa toa., VI, 115).
(197)- Od., VI, 80sq.
(198)-11., VI, 324; 491; Od., 1, 357; XIX, 514; XXI, 351-
(199)- os., XXIII, 228.
(200)- os., XVIII, 322.
(201)- tt., VI, 320.
(202)- oa., IX, 206.
(203)- oa., XXIII, 227.
(204)-11., VI, 491; oa., 1, 357; XXI, 351-
(205)- fipOo1:np:
oa., XVI, 248; XVIII, 76; XX, 160;fiPn01:Elpa ~
oe., X, 349; XIX, 345; unofipOo1:np
oe., XV, 330.
(206)- oa., X, 349; XIX, 345.
(207)- oa., XVI, 248.
(208)- oa., XV, 333.
(209)- oe., XX, 161.
(210)- oa., XVIII, 76.
(211)- Ode , XV, 324.
(212)- oa., XV, 331-333.
(213) - Cf. chapitre 4.
(214)-Od., XX, 160; cf. oa., 1, 106; 144; etc.
(215)- FINLEY 1978, p. 63.
(216) - BENVENISTE 1948, p. 62.
( 217) - MELE 1968, p. 139-1 41 .
(218)- BENVENISTE 1969, Il, p. 45.

230
(219)- CHANTRAINE 1933, p. 329.
(220)-
1:autn : u., VI, 381; 390; XXIV, 302; os., l, 139; Il,
345; 111,392; 479; IV, 55; VII, 166; 175; VIII, m; IX, 207; X,
371; XV, 138; XVI, 152; XVII, 94; 259; 495; XVIII, 169; XIX,
96; XXIII, 19.
(221)- Eurynomé: oa., XVII, 495; XVIII, 169; XIX, 96; XXIII,
154; Euryclée: os., Il, 347.
(222)- Nourrice (cf. note 243); très sage: oa.; XIX, 357; 491;
XX, 134; XX"
381; déesse parmi les femmes: oa.; XX, 147; fille
d'Ops, fils de Pisénor: os., " 429; Il, 347; XX, 148.
(223)- oa., l, 430-431; LENCMAN 1966, p. 279 sq,
(224)- oe., " 432-433.
(225) -
Active: Il.,
V l,
38;
l'esprit toujours en évei 1: ad., Il,
346;
respectable : os., l, 139; IV, 55; VII, 175; X,
371; XV,
138; XVII, 94; 259.
(226)- Amphipolos:
tt., XXIV, 302; os., XVI, 152; Gunê: u.,
VI, 390; os., Il, 345.
(227)- oe., Il, 345-346.
(228)- oe., IX, ..207.
(229)-Od., III, 392.
(230)- oa., VII, 166.
(231)-
oe., 1,139; IV, 55; VII, 175; X, 371; XV, 138; XVII,
94; 259.
(232)- os., VIII, 499.
(233)- oa., XXIII, 154.
(234)-
Il.,
XXIV,
302-304. Sur l'aspect religieux de cet acte,
voir GINOUVES 1962, p. 152 et 311-
(235)- tt., VI, 381; 390.
(236)- os., XVI, 152.
(237)- oa., VII, 166.
(238)- oe., IX, 207.

231 ..
(239)- t cu Lnc : u., IV, 84; XIX, 44; 224; oa., X, 21.
(240)- Régisseur des guerres: Il.,
IV, 84; XIX, 224; régisseur
des vents: oa., X, 21.
(241)- 1/., XIX, 44.
(242)- Cf. oe., IV, 642-644.
(243)-
'tpocp6ç : os., Il, 361; IV, 742; XVII, 31; XIX, 15; 21;
489;
XXI,
380;
XXII, 391; 394; 419; 480; 485; 492; XXIII, 25;
39; 69; 289.
(244)- Chère: oa., Il, 361; IV, 742; XIX, 21; XXII, 419; 480;
485; 492; XXIII, 25; 39; 69.
(245)- oa., Il, 34!r-380.
(246)- oa., XXII, 396.
(247)- oa., XXII, 422-423.
(248)- oa., IV, 743; XXIII, 79.
(249)- Fille: oa., XVIII, 170; mère: oa., XVII, 499.
(250)- Od., VII, 12.
(251)-
"Vieille" est une épithète d'Eurymédousa (Od., VII, 8),
un
substitut
d'Eurynomé
(XVIII,
185)
et d'Euryclée (11,377;
XIX, 341; etc.},
(252)- 1/., VI, 132; 389; 467; XXII, 503.
(253)- u., VI, 389; 467; XXII, 503.
(254)- u., VI, 131-132.
(255) -
ucpopl36ç :
u.; XXI, 282; oa., XIV, 3; q8; qOl; ql0·
- J
413;
SOit;
XV,
301;
XVI,
1;
20;
56;
15q;
156;
333;
q52;
q77;
XVII, 183; 260; 348; 507; 551; 574; 589; XXI, 80; 189; 193; 359;
XXII, 129; 162.
(256)- oa., XV, 413-483.
(257)- oa., XV, 363-370.
(258)-MASSON 1972, p. 12.
(259)- Divin Eumée: oa., XVI, q61; XVII, 508; XXI, 23q; XXII,
157; cher à Zeus: oa., XIV, 4QO; XV, 341.

232
(260)- Od.,
XIV,
3;
48;
401;
413;
XV,
301; XVI,
1; 20; 56;
333;
452;
XVII,
183;
260;
507;
589;
XXI,
80; 359; XXII, 129;
162.
(261)- oa., XIV, 3-4.
(262)- os., XXI, 80; 359.
(263)- oa., XVI, 333; XVII, 348; 551; 574; 589.
(264)- Od., XIV, 48; 401; XVI, 1.
(265)- Od., XVI, 15-25.
(266)- os., XVI, 57.
(267)- Ulysse: Od., XXII, 129; P~n~lope: XVII, 507; 551; XXI,
80; Télëmeque : XVII, 348.
(268)- oa., XXI, 360.
(269)-
Bouvier:
os., XXI, 189; 193; hëraut : Od., XVI, 333;
Ulysse: Od., XV, 301; XVI, 1; XVII, 183; 260.
(270)- os., XIV, 410; 504.
( 271) - 1/., XXI, 282 •
(272)-
ou13ù)'[nC;;
: oa.,
IV,
640;
XIII,
404;
XIV,
7;
18;
22;
33;
55;
121;
165; 360; 420; 427; 432;
442; 449;
459; 507; 524;
XV,
38; 304; 325; 351; 381; 389; 556; XVI, 12; 36; 46; 49; 60;
135; 272; 302; 338; 457; 464; XVII,
5; 184; 219; 238; 263; 272;
311; 329; 342; 372; 374; 375; 380; 512; 579; XX, 162; 190; 191;
253;
XXI,
362;
378;
XXII,
103;
194;
267;
284;
359; 435;
454;
oa., XXIII, 297; 367 ; XXIV, 150; 156; 359; 363.
(273)- oa.,
XIV,
55;
165;
360;
442; 507; XV,
325; 381; XVI,
60; 135; 464; XVII, 272; 311; 380; 512; 579; XXII, 194.
(274)- Commandeur d'hommes: Od., XIV, 22; 121; XV, 351; 389;
XVI,
36; XVII,
184;
noble: oa.,
XV,
557; gardien de porcs:
os., XIII, 405; XV, 59.
(275)- oe., XIV, 8; 450.
(276)- oe., XVII, 5.
(277) -
Misérable: Od.,
XVII,
219; XXI,
362; trop connu: Od.,
XVII, 375.
(278)- Od • , XIV, 524 sq.; cf.
BONNAFE 1984, p. 191-194.

233
(279)- Ode , XIV, 21-22.
(280)- oa., XIV, 18-19; XX, 162-163.
(281)- Od., XX, 253; XXI, 362; 378.
(282)- Ode , XXIV, 150.
(283)- oa., XIV, 7-9; 449-451.
(284)- Od., XIII, 405; BONNAFE 1984, p. 180.
(285)- os., XXII, 267; 284 (voir aussi 359); XXII~367.
(286)- oe.,
XIV, 55; XVI, 272; XVII, 238.
(287)- Ode ,
XIV, 421.
(288)- Eprouver toa., XIV, 459), Interroger (XX, 190), donner
des ordres (XVII, 342; XXII, 435; XXIII, 367).
(289)-Od.,
XVII, 375; XXI, 362.
(290) - oa., IV, 640.
(211)'" Ode , ~V', 301-304.
(292)-Od., XXI, 193sq.
(293)- Od., XXI, 214-216.
(294)- oe., XXII, 435; 454; XXIII, 297; 367; XXIV, 359; 363.
(295)- tt., XIII, 571; XV,
587; XXIII, 845; oa., XI, 293; XX,
227;
XXI,
83;
189; 193; XXII,
104; 435;
454; XXIII, 297; 367;
XXIV, 359; 363.
(296)- oa., XX, 209-210.
(297)- os., XX, 217-223; cf. aussi oa., XIV, 138-139.
(298)- Divin: Od.,
XXI, 240; commandeur d'hommes: Od., XX,
185; 254.
(299)- oa., XX, 227.
(300)- MASSON 1972, p. 12.
(301)- oa., XXII, 435; 454; XXIV, 359; 363.
(302)- oe., XXI, 83; XXIII, 367.

234
(303)- Od.,
XXII,
104;
435; 454; XXIII, 297; 367; XXIV,
359;
363. L"dltlon de W. ALLEN révèle une marque de possession:
Tw6't~ O[KOU Pnoav 6~ap~noav~Eç &~'du~
pouK6Âoç n6~ ou~oppoç '06uoonoç SEloLO
ioa., XXI, 188-189).
V. BERARD propose une correction:
Tw 6'tK O[KOU Pnoav
<'06uoonoç SEloLO>
PouK6Âoç
n6~ ou~oppoç <6~ap~noav~Eç &~'&~~>
Nous avons adopté cette leçon dans la mesure où dans le cnamp
référentiel
des
termes
qui
désignent
une
fonction,
on
ne.
retrouve pas une relation de possession soulignée par le génitif.
(304)- u., XIII, 571; XV, 587; XXIII, 845; Od., XI, 293.
(305)- Dans la montagne: Il., XIII, 571; campagnards: Od., XI,
293; près des boeufs: Il., XV, 587.
(306)- u., XIII, 571; XXIII, 845.
(307)- u., XIII, 571; XV, 587; XXIII, 845.
(308)- oa., XI, 293.
(309)-bCLPOUK6Âoç:
oa., XX, 235; XXI, 199; XXII, 268; 285;
292 (Phlloltlos); III, 422.
(310)- oa., XX, 235.
(311)- oa., XXII, 268; 285.
(312)- oa., III, 422.
(313)-
u., Il, 474; IV, 275; Od., XVII, 247; 369; XX, 173;
XXI, 175; 265; XXII, 135; 142; 161; 182.
(314)- oa., XVII, 212; XXII, 159.
(315)- os., XX, 173; XXI, 265.
(316)- Od., XXI, 175.
(317)- os., XVII, 247-253.
(318)- os., XVII, 369-373.
(319)- os., XXII, 135; 142; 161; 182.
(320)- DEBORD 1973, p. 234.
(321)- oe., XXI, 173; 265.

235
(322)- oa., XX, 175.
(323)-1/., Il,474; IV, 275.
( 324) - PAR R Y 1928, p. 187.
(325)- PARRY 1928, p. 190-191-
(326)- BONNAFE 1984, p. 185.
(327)- PARRY 1928, p. 11-12.
(328)- PARRY 1928, p. 14-15.
(329)-
6~.l(oC;
:
singulier: rr.,
470;
pluriel:
Tr.,
459;
502;
573;
597;
608;
766.
Le terme est employé une fols
(Tr.,
430)
dans un sens métaphorique pour désigner le charpentier.
(330)- rr., 470.
(331)- oa., XXIV, 387-389 •./
(332)- aù't6c; ir-., 459);
6.va~ irr., 69). NUSSBAUM 1960, p.
217.
(333)- r-., 459.
(334)- Tr., 606-608.
(335)- Tr., 503.
(336)- Tr., 405-406.
(337)- oa., VII, 105-106; XXII, 1122-1123.
(338)-
Le
paysan
est obligé 'de se tisser lui-même ses habits
irr., 536 sq.).
(339)- tr., 1159; 470; 597.
(340)- Tr., 502; 573; 597; 608.
(341)- rr., 766.
(342)- DIOP M. 1971, l, p. 69 sq,
(3113)- BOUCHE 1949-1950, cité par DIOP M. 1971, l, p. 70.
(31111)- ct., aussi MOLLIEN 1967 (1818) p. 75 et 103; ROUSSEAU
1929, p. 167.
(345)- GUEYE 1969, p. 29.
(3116)- BARRY 1972, p. 137 sq,

_.236
(347)- BARRY 1972, p. 276sq.
(348)- CA DA MOSTO 1974 (1455), p. 76-71; RAFFENEL 1846, p.
148.
(3119)- GUEYE 1969, p. 31 et 192.
a
(350)- GUEYE, 1969, p. 27; MEILLASSOUX 1975
p. 226.
(351)- Jaam-sayoor (jaam:esclave; sayoor:exposé en
vente).
"Il
faut remarquer l'extension du terme sayor qui finit par désigner
tous les captifs autres que ceux nés en captivité et comprendre
même ceux qui n'ont jamais été mis en vente" (ROUSSEAU 1929,
p. 189).
(352)-
BOUTILLIER
1968,
p.
522;
GUEYE
1969,
p.
28-29;
DUPI RE 1970, p. 1130.
(353)-
Jaam-juddu (jaam:
esclave;
juddu:
né);
"Les
Diam-Dioudou sont d'abord les enfants nés de l'union de deux
captifs" (ROUSSEAU 1929, p. 189).
(354)-DIOP A. B. 1981, p. 178.
(355)- BALDE M. S. 1975, p. 200.
(356)-
Voir
aussi
MOLLIEN
1967
(1818),
p.
79;
90;
275;
RAFFENEL 1846, p. 149.
(357)- BOUTILLIER 1968, p. 525.
(358)- BOUTILLIER 1968, p. 522; DUPIRE 1970, p. 430.
a
(359)- GADEN 1931, p. 104; MEILLASSOUX, 1975
p. 227.
(360)- LY B. 1967, p. 54.
(361)- MOLLIEN 1967, p. 275.
(362)- ROUSSEAU 1929, p. 192.
a,
(363)- MEILLASSOUX 1975
p. 227.
(364)- Jaami-buur (jaam: esclave; buur: roi).
(365)- GADEN 1931, p. 215; BALDE M. S. 1975, p. 199.
(366)- BOUTILLIER 1968, p. 527 mentionne quelques exceptions:
"On cite au Sénégal, au Soudan, en Guinée, le droit de tester
pour un membre de la famille du martre ou un autre captif du
même maItre <••• > il paraît que chez les Lobis et les Mossi, les
Mikhiforés
du
Rio-Numez
en
Guinée,
les
Agni
du
Sanwi ,
à
Abomey et Allada , tous pays fétichistes, les captifs hériteraient
de leur père".

237
(367)- ROUSSEAU 1929, p. 194; BOUTILLIER 1968, p. 526-527.
(368)- MEILLASSOUX 19758 , p. 228; TERRAY 1975, p. 405.
(369) -
Dolios
"père":
Od.,
XXIV,
411;
Slcule
"mère":
Od.,
XXIV, 389.
(370)- BOUTILLIER 1968, p. 526.
(371)- MEILLASSOUX 19758 , p. 229.
(372)- MEl LLASSOUX 19758 , p. 229.
TERRAY 1975, p. 406.
(373)- Cf. TERRAY 1975, p. 406-407.
(374)- TERRAY 1975, p. 439sq.
(375)- oe., XVIII, 357 sq •• LEVEQUE 1981, p. 28.
(376)- MEILLASSOUX 19758 , p. 231-232.
( 377) - "Thiarigne <carliî» assemblage de bâtons plantés dans les
cours
des
l'Ois
,
princes
et
grands
seigneurs,
chargé
de
porte-bonheur,
et qui devait attirer le
bonheur et écarter le
malheur de ces demeures" (ROUSSEAU 1929, p. 126, n , 2).
(378)- MEILLASSOUX 19758 , p. 229, n, 32.
(379)- BALDE M. S. 1975, p. 205-206.
(380)- 1/. , XIX, 298-299.
(381)- ROUSSEAU 1929, p. 190; BOUTILLIER 1968, p. 526.
(382)- oe., XIV, 210.
(383)- ROUSSEAU 1929, p. 165; doomi-buur: "fils de roi".
(384)- os., IV, 11-12; XIV, 203.
(385)- WANE 1969, p. 78.
(386) - CA DA MOSTO 1974 (1455), p. 77; DAPPER 1686, p. 234.
(387)- ROUSSEAU 1929, p. 173-174.
(388)- ROUSSEAU 1929, p. 194.
(389)- MOLLIEN 1967 (1818), p. 105-106 et 231.
(390) - GUEYE 1969, p. 254.
(391) BOUTILLIER 1968, p. 523.

238
(392)- GUEYE 1969, p. 254-255.
(393)- VIEl LLARD 1940, p. 137.
(394)- BALDEM. S. 1975, p. zet ,
(395)- oe., VI, 69-73; VII, 4-6.
(396)- MOLLIEN 1967 (1818), p. 52.
(397)- BALDE M. S. 1975, p. 206.
(398)- oa., XIV, 64.
(399)-
Od.,
XXI,
215-216.
BALDE
M.
S.
1975,
p.
207;
a
MEl LLASSOUX, 1975
p. 241.
(400)- GUEYE 1969, p. 311.
(401)- Cf. FINLEY 1978, p. 101 sq,
(402)-
ROUSSEAU
1929, p.
191.
Fekk:
trouver; ba ou
bàyyi:
laisser; ti: encore.
(403)- DIOP A.B. 1981, p. 119.
(404)- GUEYE
1969, p.
311.
Le terme tunka désigne le roi en
sarakholé.
( 405) -
Ceddo désigne le guerrier,
il a pris ensuite en wolof le
sens de palen impie et fétichiste pour les musulmans (MONTEIL
1966, p. 87).
(406)- GUEYE 1969't P• 312.
(407)- ROUSSEAU 1929, p. 196. Les
kàngam sont
des
chefs
de
province.
(408) - ROUSSEAU 1929, p. 194.
(409)- DIOP A. B. 1981, p. 139-141.
(410)- ROUSSEAU 1929, p. 193.
(411)- GADEN 1912, p. 192.
(412)- ROUSSEAU 1929, p. 193.
(413)- PIAULT 1975, p. 322.
(414)- ROUSSEAU 1929, p. 193.

CHAPITRE
4
"rRAVAIL ET
AUTRES
FORMES DE DEPENDANCE:
THETES,
MENDIANTS
ET
THERAPONTES

241
4. 1.
THETES
ET
TRAVAIL SALARIE
Les
termes
grecs
qui
désignent
le
travailleur
à
gages,
ene;
et
fp LeOe;
(1)
n'ont
pas
d'étymologie
Indo-européenne et sont sans doute des emprunts (2). Les thètes
sont
des hommes libres, car les esclaves en fuite ne changent
pas de statut,
ils se contentent de rechercher d'autres martres
( 3) •
Le
travail
salarié
a
fait
son
apparition
tardivement en
Afrique.
4. 1. 1.
Les thètes
Achille considère la situation du thète comme la pire
sur terre.
Il répond à
Ulysse qui envie son pouvoir sur les
morts après un règne chez les vivants:
" J'aimerais mieux 1 Ènapoupoe; Èwv
servir
de
thète à un autre (
en'tEUÈ~EV 6.À~ ) , chez un homme sans
terre ( av5p t .aKÀnp~
), qui n'aurait pas beaucoup de moyens
d'existence,
que régner sur les morts,
sur ce peuple éteint"
toa., XI, 489-491).
Le
sens
d' È1tapoupoc;
pose
une
première
difficulté.
Les
traductions
"y ale t
de
boeufs",
"cultivateur",
"esclave attaché à la terre" entre autres,
sont rejetées par A.
Mele qui appuie son analyse sur le contexte et sur la formation
de l'adjectif (II). En effet, pour Ulysse, le sort d'Achille est des
plus enviables; "vivant" ( t;w6v ),
le
Péléide
était
honoré
à

242
l'égal des dieux chez les Arglens, maintenant chez Hadès (èvSaô'
twv
), Il a une puissance absolue chez les morts (
J,lÉva
lCpa'tÉELC; VElCUEOOLV)
et n'a pas Il s'affliger de S8 mort
(Savwv) (5).
Il considère la puissance et le pouvoir comme un
honneur
Indépendamment de la vie ou de la mort.
Achille, au
contraire,
met au premier plan la vie même sans le pouvoir; il
oppose le règne sur les morts (
naoLv VElCUEOOL lCa'taq>Sq.1É-
VOLOLV avaooELv fait
écho
Il J,1Éva lCpa'tÉELC; VElCUEOOLV ) Il
la
subordination chez
un vivant (
Sn't EUÉJ,1 EV b.ÀÀ~ ) ,
le
monde des morts chez Hadès ( tvSaô' twv
)
au
monde
des
vivants sur terre (
t:;w6v
répond Il tnapoupoc; twv
).
La
formation de
tnapoupoC;
est analogue Il celle d' tnoupâv LOC;
et de tnLxS6vLOC; ,
qui
Impliquent l'idée de vivre, d'habiter
dans
un
lieu:
bt t
a
une
valeur
de
locatif.
Eparouros
,
désigne
l'homme qui vit, qui est présent, sur l'
6:poupa
dont
le
sens
originel
est
"terre
cultivée".
A.
Mele
a
essayé
de
démontrer
l'existence
d'un
sens
large
de
"terre"
(6).
Nous
pensons au contraire que le sens originel doit être conservé. En
effet,
P.
Vidal-Naquet a montré de façon convaincante que la
"terre cultivée" est un signe fondamental de l'humanité, c'est la
marque du travail humain, de la présence des hommes dans un
endroit
(7).
L'inexistence d'une terre cultivée aussi bien chez
les Cyclopes, les Lestrygons et Circé, que chez Hadès où les
morts sont réduits Il l'état d'ombres, signale l'inhumanité. ~~hllle
préfère
la
soumission
à
un
patron
"sans
terre",
parmi
les
humains, au
règne sur
les
morts, les non-humains, chez
Hadès.

243
Le statut social de l'homme
6KÂEPOC;
"sans
terre"
suscite
une
deuxième
difficulté.
Ce
passage
ne
permet
pas
d'éclaircir le problème, mais les poèmes homériques, en d'autres
endroits,
font
allusion
à
un
employeur
de
statut
servile.
L'esclave
Eumée
aurait
bien
voulu
prendre
l'étranger
à
son
service:
"Etranger, puisque tu désires partir pour la ville
aujourd 'hui comme mon martre le recommandait,
partons;
pour
moi, j'aurais préféré te laisser à la garde de l'étable. Mais je le
respecte et crains s.es reproches" (Od., XV Il, 1 85-188) •
L'esclave
Mélantheus
aurait
aussi
aimé
engager
l'étranger
comme
garçon
d'étable,
il
lui
aurait
assuré
la
nourriture:
"8i
tu
me
le
donnais pour garder mon
étable et
porter du vert aux chevreaux, il se ferait grosse cuisse" (Od.,
XVII, 223-225).
Ulysse déguisé en pauvre hère ne veut pas rester
aux étables pour obéir à
un chef O( 8).
Ce chef ne peut être
qu'Eumée,
le chef des porchers, dans le domaine d'Ulysse. Les
étrangers
(
f;EtVOL.)
qui font partre les troupeaux de vaches
et de moutons d'Ulysse sur le continent avec des
bergers
(
aW'tOPEC; 6v6PE<;
),
sans doute des esclaves,
sont employés
comme thètes et
sont
sous
les ordres du chef des
bouviers,
l'esclave Philoltlos (9).
Achille évoque un cas extrême: l'emploi

d'un thète par un esclave, "un homme sans terre". C'est la pire
situation pour un homme libre. En effet, un rapport de servitude
est Instauré entre
le
thète et son employeur.
Le travail pour
Implique
l'obéissance
à
des
ordres. Cela était ressenti comme une humiliation par Poséidon et
Apollon lorsqu'ils s'étalent mis au service de Laomédon
qui
" était leur martre et leur donnait des ordres" (
6 ô~ .onue t-
vev bd:'t EÀÀEV
)
( 10) •
Ulysse
déguisé
en
pauvre
hère
refuse de "rester à l'étable pour obéir en tout aux ordres d'un
chef"
(btL'tELÀaJ,.ltv<&, onuévroo c nâv'ta nLStoSaL')
(11).
Le thète doit exécuter les ordres de son employeur, à l'instar de
l'esclave Eumée qui,
malgré
son désir de confier la garde de
l'étable à l'errant, est obligé d'emmener le pauvre homme en ville
comme le lui avait ordonné son maflre (tnt'tEÀÀEV &va~ tJ,.l6C; )
(12).
La soumission à des ordres impératifs
soulignés
par
le
verbe
tnL'tÉÀÀw
assimile les thètes aux esclaves. L'homme qui
se met au service d'un autre perd une partie de sa liberté. Il
est considéré,
durant
son contrat, comme la propriété de son
patron;
les
prétendants se demandent
si
Télémaque est parti
avec un équipage de jeunes aristocrates ou avec "ses
thètes
à
lui et ses esclaves" (
tol aù'tou Sih:fc; r e ÔJ,.lW{c; r e
)
(13).
L'association des esclaves et des thètes en tant qu'êtres
possédés
se manifeste aussi dans
le travail.
Ils exécutent les
mêmes
tâches
dans
les
champs.
Les
thètes constituent
une
main-d'oeuvre
d'appoint,
à
l'époque
des
moissons
(14).
Ils
ramassent des pierres, plantent des arbres, gardent l'étable (15)
et peuvent servir d'hommes d'équipage comme les esclaves (16).

245
Les déflnttlons du terme thète soulignent le rapport
étroit établl entre le
l.ll.o86e;
et la servitude du travailleur:
8ne;. 0 tnt l.ll.o8~ ÔOUÂEUWV (Etym. magn.)
o t tÂEu8EPO l. uëv l.ll.o8<i> ôt ÔOUÂEUOVTEe; (scolie ad Od., IV, 644)
8nTEUEl.·ÔOUÂEUEl. l.ll.o8<i>
(Hesychlos)
8nTEe;.
o L TpOcpne;
ëvexo ÔOUÂEUOVTEe;
(la Souda)
Le mot misthos est employé 9 fois dans 1'4§pop4§e, 7
fois en relation avec un travail de thète (17). Poséidon rappelle
li Apollon leurs travaux chez Laomédon :
"Nous sommes venus sur l'ordre de Zeus, louer nos
services à J'année ( 8nTEUoal.lEV Ete; tVl.auT6v)
chez
le
noble Laomédon pour un misthos convenu
(l.ll.o8~ tnt .pnTéi> )
<••• > Mais voici que, quand les joyeuses saisons amènent le
terme fixé pour le misthos ( u ro ëo Eo TÉÂOe;
),
brutalement le
terrible Laomédon nous frustra par force de tout notre mis thos
(
l3l t'loaTo u t o êôv &navTa
).
Et nous rentrions furieux à la
pensée
de
ce
misthos promis
et
non
payé (
u i.o êoû , TOV
ûnooTàe; OÙK tTÉÂEOOE
J" (II., XXI, 443-457) .

Eurymaque propose li 1'4§tranger de l'engager comme
thète en ces termes:
"Etranger, voudrais-tu être thète (8nTEuÉI.lEV)
si
je te prenais à mon service, à l'extrémité de mes terres - tu
auras un misthos assuré ( I.llo8oe; &pK voç ) pour ramasser des
pierres et planter de grands arbres; là je te fournirais du pain
sans compter (OlTOV btnETav6v),
je
te
donnerais
des
vêtement s pour te couvrir et des chaussures pour les pieds"
ioe., XVII r, 357-361).

246
Apollon
et
Poséidon,
qui
ont
été
probablement
nourris par Laomédon durant leur contrat comptaient percevoir
, un misthos en plus. Eurymaque divise la rémunération du thète
en deux parties: un misthos d'une part, de la nourriture(ol'toç
et des vêtements de l'autre.
Une telle séparation apparart sur
une Inscription crétoise du Vlè siècle où l'alimentation fournie au
scribe Spenslthlos est complétée par
un
misthos annuel.
Le
misthos ne peut pas être le salaire comme on le traduit souvent
puisque le salaire contribue à l'entretien et à la reproduction de
la
force
de
travail,
raie
que
remplissent
la
nourriture
et
l'habillement (18). Une telle traduction s'éloigne du sens le plus
ancien révélé par les termes Indo-Iranlens et attesté dans l'Iliade

le misthos équivaut à une récompense proposée à la personne
qui accomplira l'exploit de se risquer près des nefs achéennes
pour espionner (19).
" un grand don: un misthos lui sera assuré (l..l l 0 e ÔC;
6 ~ 0 L lip le: l 0 c f 0 r a l ) " (1/., X, 304).
Le prix d'une épreuve,
6CÏ>pov
ou cie).,ov,
dont
l'analogie avec le misthos est soulignée par E. Will, écarte toute
notion de salaire (20). A l'origine, prix donné à l'auteur d'une
action d'éclat,
misthos a signifié,
par la suite,
la récompense
donnée
à
l'auteur
d'un
travail
quelconque.
Dans
ces
deux
acceptions,
il est perçu comme "la rétribution d'un service plus
que véritablement un salaire fondé sur l'appréciation de la valeur
d'un travail accompli" (21). Il fait l'objet d'une promesse verbale
au début du contrat: Il est "convenu", "promis", "assuré" (22).
Bien que le patron promette par générosité
un
misthos dont il

247
est libre de fixer le montant, Il doit le verser au thète lorsque
le travail est accompli,
mals ce n'est pas toujours le cas.
Le
contrat du
thète commence avec la promesse - d'un misthos et
finit avec le versement du misthos convenu. Il peut s'étaler sur
une
année
(23)
ou
sur une période plus courte:
les érlthol
décrits
sur le bouclier d'Achille sont peut-être des travailleurs
journaliers (24) et la soigneuse ouvrière qui veut procurer Il ses
enfants un misérable misthos travaille sans doute Il forfait (25).
Le poète mentionne la valeur du misthos reçu par le veilleur au
service
d'Eglsthe,
deux
talents
d'or,
et
celui
que
Dolon
escomptait
percevoir,
un
char
et
deux
chevaux
(26).
Par
conséquent
seuls
des
hommes
riches
comme
Hector,
Eglsthe,
Laomédon
et
Eurymaque
peuvent
proposer
un
misthos.
Les
esclaves Eumée et Mélantheus se gardent bien d'en faire mention
lorsqu'Ils
proposent
Il l'étranger
de
l'engager Il leur service
(27) •
On a conclu assez vite que le thète occupe le plus
bas
degré
de
l'échelle
sociale,
au-dessous même de
l'esclave
(28).
Cette affirmation fondée sur
le discours d'Achille - qui
évoque
une situation
particulière: celle d'un thète au
service
d'un
homme
sans
terre
donc
un
esclave
est
excessive.
L'ouvrier "salarié" semble
occuper
un -rang plus élevé,
car
il
peut
tomber
plus
bas,
c'est-II-dire être
réduit en esclavage:
Laomédon menace de vendre dans des nes lointaines ses employés
(29).
Le thète s'engage librement et pour acquérir un misthos
et . des moyens de subsistance, Il s'asservit durant son contrat

248
temporaire.
L'esclave,
au
contraire,
connaft
une
servitude
Irrémédiable (seul son martre peut y mettre fin, arbitrairement,
en l'affranchissant) et travaille par force. Quoiqu'" ait un statut
Inférieur, Il est assuré, en tant que membre d'un olkos , de la
protection de son martre, alors que le thète est coupé de tout
oikos,
et
sans
garantie
(30) •
En
effet,
dans
la
société
homérique,
le
travailleur
à
gages
est
toujours
un
étranger
démuni de toutes ressources. S'il ne se trouve pas un ami avec
lequel Il a noué des relations d'hospitalité,' l'étranger se tourne
vers la mendicité et s'II n'a aucun espoir de rentrer dans son
pays d'origine, Il peut être employé comme thète (31). Sans hôte
protecteur,
le
thète est
sans
défense
contre
les
injustices.
Laomédon,
prototype du mauvais patron,
~'use de la force"
(l3 Lnoa't 0) contre ses employés; non seulement Il refuse de leur
payer le misthos convenu, mais encore Il menace de les vendre
dans des nes lointaines, s'Ils persistent à réclamer ce qui leur
est dû (32). Impuissants, les thètes s'en vont le "coeur amer",
Ils n'ont aucun appui.
Hésiode emploie les termes
Sne; (1 occurrence) et
fp LSoe;
(2 occurrences) dans les mêmes vers:
"Puis quand vous aurez ramassé le grain qui vous
fera vivre, je vous engage à vous procurer un thète sans maison
(Sii'ta 't' &.0 LlCOV)
et
une
servante
sans
enfants
(&.'tE:lCVOV
fp LSOV
) - une servante qui a été mère ( ùnônoo r Le; fp LSOV )
est toujours pénible - et à nourrir un chien aux dents aiguës,
sans épargner sur sa nourriture" (Tr., 600-604).

249
Le travail de la servante consiste li moudre le grain.
Cette
activité
très
pénible est
confiée chez
Ulysse
li
douze
.
esclaves
désignées
par
le
nom d'agent
àÀE'tp L<;
(35); elle
requiert l'emploi d'une spécialiste dans le monde rural. Le thète
surveille avec
le
chien
de
garde
la
moisson
engrangée
et
remplace
éventuellement
le
laboureur
durant
la
saison
de
la
navigation (34). La servante est un ~tre Isolé, sans famille, et le
thète un homme démuni de toutes resources.
Ils se recrutaient
parmi les paysans qui ne tiraient pas suffisamment de richesses
de
leurs
terres
ou
qui
n'avalent
même
pas
de
propriété
personnelle. Un ami, sans doute un voisin appauvri, pouvait être
employé (35). Dans la société homérique au contraire, les thètes
étàient
toujours des étrangers (36).
Ulysse déguisé en pauvre
hère apparal't comme un étranger auquei on propose un emploi.
La garde des troupeaux d'Ulysse sur le continent est confiée li
des étrangers (37). Les mendiants avalent une origine étrangère
(Cf.
infra)
et
ce
sont
ces
mêmes
individus
qui
sont
employés comme thètes. La possibilité d'opérer un choix lors du
recrutement
laisse
entrevoir
l'existence
d'un
grand
nombre
d'individus li
la recherche d'un
travail.
La concurrence et la
misère
les
poussaient
li
accepter
des
conditions
déplorables
d'emploi pour assurer leur subsistance. Ils devaient se contenter
d'une alimentation médiocre, de qualité et de quantité moindres
que celle d'un chien de garde. On évite de s'offrir les services
d'une servante avec un enfant, ce qui augmenterait le nombre de
bouches à nourrir. Mieux vaut ne pas lésiner sur la nourriture
d'un chien que d'entretenir ce fils de trop. Le paysan se soucie
de l'alimentation de l'homme qui
pousse la charrue de
la même

250
façon qu'II veUle à l'entretien de ses esclaves et de ses animaux.
Cet homme robuste qui doit dl'her "d 'un pain à quatre entailles et
huit portions" est sans doute un thète puisqu'II
risque d'être
distrait
par
ses
camarades
(38) .
La
nourriture
abondante
s'explique par la nécessité d'avoir un travailleur avec toutes ses
forces pour exécuter la tAche difficile.
La
vie
du
thète est
précaire.
Le misthos promis
n'était
pas
toujours
donné.
Hésiode
s'élève contre
une
telle
Injustice
et
recommande
à Persès de
s'acquitter
du
"misthos
convenu avec un ami" et d'amener un témoin même pour traiter
avec
un
frère
(39).
Malgré cette
précaution,
le
thète était
toujours
sans
appui
contre
les
employeurs malhonnêtes,
il
ne
pouvait pas compter sur
la justice des "rois mangeurs de
présents" qui rendaient des sentences torses au profit des riches
et au détriment des pauvres ('10).
Le thète est Incapable de pourvoir lui-même à ses
propres besoins.
Il se met au service d'un patron pour gagner
sa vie. " entre dans une relation de subordination vis-à-vis de
celui qui l'a engagé, le nourrit et lui donne un mlsthos •

251
4. 1. 2.
Le
travail salarié en Afrique
,.
Le travail
salarié ne fit son apparition en Afrique
qu'à l'époque de la colonisation. Son Introduction rencontra des
résistances tenaces qui ont valu aux autochtones une réputation
de paresse:

"La paresse a pour les Noirs un si irrésistible attrait
qu'en
dépit
des
avis répétés des commandants du poste,
les
différents chefs de village qui se sont succédés à Bakel n'ont
pas moins persisté à rester inactifs et laisser le mal continuer
ses ravages" (RAFFENE L 1846, p. 81).
Les chefs de village à Sakel se sont trouvés devant
les
mêmes
problèmes
pour
engager
une
main-d'oeuvre
qui
réaliserait
des
travaux
de
terrassement
et
d'Irrigation
pour
évacuer
des
eaux
stagnantes,
germes
de
maladies,
que
les
principaux chefs du Walo qui n'ont pas pu recruter des ouvlers
pour travailler dans les champs lors de la colonisation agricole de
cette région entre 1819 et 1831 (41). Les Wolof, les Africains en
général,
ne sont pas paresseux, mals ils rejettent tout travail
accompli pour une autre personne. Deux témoignages pertinents
sont
fournis
sur
les
problèmes
de
recrutement
d'une
main-d'oeuvre au Walo. Valentin a évoqué la difficulté de faire
"travailler des gens libres, indépendants, comme des esclaves"
d'autant plus que
les chefs ont une faible autorité sur leurs
sujets. Le baron Roger a tiré des conclusions identiques:
"C'est précisément de cette habitude que les Nègres
ont
de
travailler pour eux-mêmes que naft la difficulté de les

253
4. 2. MENDIANTS ET OISIVETE
Les mendiants suscitent des Idées contradictoires. Ils
sont jugés d'une part comme des parasites qui ne veulent pas
travailler, de l'autre comme des misérables qui méritent la pitié.
4.2.1. Les mendiants en Grèce
Errants
et
vagabonds
s'Ils
ne
s'engageaient
pas
comme thètes se
rabattaient
sur
la
mendicité,
activité qui se
déroule
essentiellement
dans
le
monde
de
l'oikos décrit
par
l'Odyssée.
"Errant"
et
"mendiant"
sont
synonymes
dans
les
poèmes homériques. Dérivé de
7tl:wl;
,
le terme 7tl:WXOC; "celui
qui, ne peut que fuir et demander secours" désigne le. mendiant
(44).
Le verbe
7tl:<jlOow
"s'enfuir,
chercher refuge" équivaut
deux fois à
7tl:WXEUW
"mendier" (45). Le ptôchos, connexe
à
àÀt'lI.l0 V EC; &V6pEC;
"errants"
(46),
qualifié de àvnp àÀaÀt'lI.lEVOc;
"errant" (47), accomplit l"laction de"
àÀf~ol.laL
n errer,
mendier"
(48).
Le
nom
d'agent
àÀlhnc;
(Cf,
( 49) "errant" est toujours dit de mendiants dans l'épopée et le
verbe
àÀnl: EUW
'souligne
l'''action de" errer et de mendier
(50),
Le mendiant errant est un étranger,
d'où ia connexion
entre
"mendlm-t " et
"étranger"
( l;ELVOC; ) (51)
et
les "actlons '
de" "mendier" l aÀnl:EUW et 7tl:WXEUW)
de l'''étranger'' (52),
Le
gueux lros, qui est désigné comme un mendiant et un errant (53)
s'est sans doute définitivement établi à Ithaque, au terme d'une
vif:
errante. Ulysse déguisé en pauvre hère aurait pu connaftre une situ-
ation Identique :les prétendants lui avalent proposé de prendre
la

254
place d'Iros s'II gagnait le combat et de devenir leur mendiant et
tout autre que lui verrait la porte se fermer à son nez (54). Le
véritable
nom
d'Iros,
Arnéios
"(doux
comme
un)
Agneau"
rappelle son comportement peu hérofque lors de son combat avec
Ulysse (55). Ce nom lui a été donné par sa "vénérable mère"
( nô rvt.c 1.11hnp ).
L'épithète
"vénérable"
qui
qualifie
des
déesses et des femmes nobles est Ironique dans ce passage (56).
En effet, Il est de règle pour couvrir de mépris un homme de
passer sous silence le nom de son père. La mention du nom de la
mère
uniquement
est
ressentie
comme
une
insulte,
elle
fait
allusion à une naissance illégitime (57).
Les qualifications font ressortir la grande misère des
mendiants:
"misérable",
"pauvre hère",
"ayant l'expérience des
maux" (58).
Ils
n'ont que des
loques sur le corps
(59).
La
recherche "de vêtements, d'un manteau et d'une tunique" (60)
pousse
les
gueux
à
débiter. des mensonges sans arrêt
(61).
Esclaves et mendiants, couverts de haillons, se retrouvent aux
plus bas degrés de l'échelle sociale.
Habillé de vieilles loques,
"tel un esclave",
Ulysse s'était Infiltré dans les rues de Troie
et "pour mieux se cacher contrefaisait un mendiant" (62). Rien
dans l'habillement ne distingue les mendiants des esclaves.
Le
"manque
de
ressources"
et
la
"nécessité"
contraignent
les
errants
à
demander
de
quoi
satisfaire
leur
ventre
(63),
"ce
maudit
qui
cause
de
terribles
ennuis
aux
hommes condamnés à une existence aventureuse" (64) et qui
leur

255
fait subir de multiples avanies. Les prétendants les considèrent
comme
d'llimportuns
trouble-banquet Il ,
des
Il goinfres Il
et
des
"insatiablea"
(65).
La
gloutonnerie
du
ventre
d'I ros

II s 'e n gou ff r aie n t
sans cesse mangeailles et boissons" était réputée
à Ithaque (66). Pour apaiser sa boullrn'it.Je mendiant s'en remet à
la
générosité
du
peuple.
Il est
le
mendiant
"du peuple" et
accomplit
I"'actlon
de ll
mendier
"dans le peuple" et dans
les
maisons (67). Il trouve sa pitance plus facilement en ville, où les.
hommes riches passent leur temps à festoyer, qu'à la campagne
où résident de pauvres hommes libres, des thètes et des esclaves
(68). Toutes ses "actions de ll consistent à "mendier" et à lIerrer~'
Le mendiant apparal't comme un Il démiurge à
l 'enversIl
(69) .
Ses qualifications et ses "actlons de" dénotent son aptitude à
exercer sa fonction. Mais ses qualités sont négatives. Eumée ne
range pas les gueux parmi les démiurges:
"Quels hôtes s'en va-t-on quérir à l'étranger? Ceux
qui
peuvent
s'occuper
des
choses
concernant
le
peuple
( 6 ml L0 E DYO l) ,
devins, médecins,
charpentiers ou aède inspiré
des dieux, capable de charmer par ses chants! Voilà ceux que
l'on
fait .venir
du
bout
du
monde.
Personne
n'invitera
un
mendiant pour se ruiner lui-même (
'tDu~ov'ta f œùr év )11 (Od.,
XVII, 382-387).
Le mendiant, réduit à son ventre, vient sans qu'on
l'appelle
et
consomme
sans
rien
produire
en contrepartie.
1/
"ruine" ( 'tDUXW) son
hôte. Les termes
6É1C'tnc;
(cf. ô é xoum, )

256
"celui qui reçolt " et
nco (le'tnc;
(cf.
npo (~ ) "celui qui tend
la main pour recevoir un don gratuit" s'appliquent parfaitement
au
nécessiteux qui se contente de recevoir des dons sans rien
offrir en échange (70).
La
pauvreté
exclut
le
mendiant
du
système
de
réciprocité.
Le
nécessiteux
ne
doit éprouver aucune honte à
quémander sa subsistance. Pénélope interroge le porcher, qu'elle
avait envoyé quérir le faux gueux, en ces termes:
"Eh bien! tu ne l'amènes pas t Eumée t quelle pensée
ce
vagabond
a-t-il
donc?
A-t-il
de
quelqu'un
une
crainte
exagérée? A-t-il de l'
aU>wc; ( aU>E E'tal) dans cette maison?
C'est mauvais d'être un vagabond qui a de l'
at6wc;
(lealeOC;
6 'al6oEoc; àÂn'tnc;
)" toa., XVII, 576-578).
Télémaque
avait
auparavant
reproché
au
pauvre
étranger de rester à l'entrée de la salle et l'avait invité à "venir
quêter,
de
table
en
table t
à
chaque
prétendant,
car
l'
al6wc;
ne convient pas au nécessiteux (
al6wc; 6' OUle àva8n
KEXpn~ÉV4> àv6pl napE.Eval
J" (71).
Aidas exprime l'idée de "honte", de "pudeur" à faire
certains actes ou à avoir certaines conduites (72). Pénélope et
Télémaque reprochent à Ulysse de rester à l'écart, d'éprouver de
l'aidas,
une
réserve devant
la mendicité,
acte
jugé
honteux.
Dans
le cas du mendiant,
la pauvreté relègue au second plan
l'aidas,
sentiment dont l'absence est fortement stigmatisée chez
les
prétendants
qui
couvrent
d'outrages,
dans
la
maison
d'autrui, les étrangers (73). E. Benveniste a montré la relation

257
étroite entre aidos et philos:
lI aidas
éclaire le sens propre de
philos:
tous deux s'emploient pour les mêmes personnes; tous
deux désignent en somme des relations de même type. Parents,
alliés, domestiques, amis, tous ceux qui sont unis entre eux par
des devoirs réciproques d'aidas sont appelés philoi Il
(74).
Le
mendiant ne participe pas aux relations de réciprocité; son aidôs
est. il
sens
unique,
les
autres doivent en avoir
il
son
égard,
alors
que
lui-même
en
est dépourvu.
Le.. manque de
retenue, fustigé lorsqu'il s'agit des nobles prétendants qui n'ont
aucun respect pour les étrangers, est le propre du nécessiteux
condamné il
tendre la main pour recevoir gratuitement un don
que son indigence ne lui permet pas de rendre.
Mélantheus qui fait écho il Eurymaque (75)
juge la
mendicité comme un refus du travail:
"Mais
puisque
cet
étranger
ne
connaît
que
de
mauvaises besognes, il ne voudra pas travailler, il préfère aller
par le
pays quêter pour ce ventre qui crie toujours Il
(Od.,
XVII, 226-228).
Les
mauvaises besognes sont sans doute les menus
travaux de messager d'I ros, 1'1 ris des prétendants (76), ou les
mensonges forgés par les errants pour obtenir du pain et des
vêtements (77).
Télémaque refuse de faire vivre il ses frais un"
homme oisif et emploie le faux mendiant pour porter les torches à
la place des esclaves (78).
La méconnaissance des travaux est
perçue
comme
un déshonneur.
Ulysse déguisé se sent blessé
dans son orgueil d'aristocrate omniscient et se trahit presque; il
lance il Eurymaque un défi pour lui prouver sa valeur( 79) et -dompte

258
avec
peine
son
envie
d'asséner
un
coup
mortel
au chevrier
Mélantheus (80). Il ne déteste pas le travail en sol, mals ce sont
les conditions dans lesquelles le thète exécute ses taches qu'II
rejette.
Il ne veut pas travailler sous les ordres d'un patron qui
bénéficie
des
produits
du
travail
contrôlé
(81) •
Il
évite de
s'intégrer dans
une relation de subordination. Pour démontrer
qu'il n'est pas inutile, Il présente son activité comme celle d'un
démiurge, Il est prêt à faire courir tel un aède la renommée de
ses hôtes généreux (82).
Mélantheus reproche aussi au mendiant de quémander
"des débris de pain,
non des femmes
et des bassins" (Od.,
XVII, 222). Le gueux déroge à l'Idéal du guerrIer homérique. Il
ne cherche ni des bassins offerts comme présents d 'hospitalité ou
gagnés dans
les
concours,
ni
des
femmes
prises
après
la
destruction des villes.
Il ne s'intègre ni dans le circuit du don
et contre-don ni dans la sphère militaire, Incompatibles avec sa
pauvreté et son aspect physique. De belle apparence mais "sans
force, ni vigueur", ainsi apparart Iros (83). Ulysse est taxé de
"vagabond sans force, poids mort sur la terre" (811). Dans une
société où
les
présents sont donnés selon la valeur de l'hôte
(85),
les mendiants sans vertu reçoivent seulement du pain et
parfois des
habits
(86).
Le don d'un épieu
pour écarter les
chiens, d'un glaive pour se défendre contre les brigands et la
possibilité d'être reconduits chez eux ou dans un endroit de leur
choix sont assez exceptionnels.
C'est ce que propose
Pénélope

259
à
l'errant s'il
gagne le concours de l'arc (87).
Le pauvre ne
peut pas prétendre s'adjuger le prix de l'épreuve, la main de la
reine.
Il est
invraisemblable qu'un homme sans foyer et sans
ressources
puisse
emmener
comme
épouse
la
femme
du
roi
d'Ithaque (BS).
Les pauvres rappellent aux mortels l'Instabilité de la
vie humaine: les dieux assignent à chacun son lot, le couvrent
de
gloire
ou d'opprobre (89).
Il convient d'être
respectueux
envers les étrangers, car on ne salt pas si un jour on sera exilé
dans des pays lointains. Zeux l'Hospitalier veille au respect des
règles de l'bospltatlté et punit ceux qui transgressent ses lois
(90) :
"La
loi
divine
(thémis)
ne
permet pas
<••• > de
manquer de respect envers un hôte. Etrangers et mendiants sont
tous envoyés par Zeus" (Od. , XIV, 56-58).
Un des prétendants
laisse éclater sa colère contre
Antinous qui a frappé un pauvre errant qui aurait pu être un
dieu envoyé sûr terre parcourant les villes sous les traits d'un
étranger venu d'un pays lointain, afin de "vérifier la démesure
et la justice parmi les hommes" (91). Les prétendants ont violé la
loi divine et
se sont mis à dos
les Eryn~ies (92).
Pénélope
associe
les
hérauts qui sont des démiurges inviolables
et
les
mendiants,
car
ils
doivent
toujours
être
bien
accueillis
à
l'étranger.
61'
B le
'M!'e
.llitwd
1: iî
db
haSU Iii etlli6
'WBMI li ~IW"WM l' , •
• ;1. • Il '5'

260
Devant des hôtes Impies, le pauvre étranger est sans
défense. "Il est privé de tout droit, de toute protection, de tout
.
moyen d'existence. Il ne trouve gfte et garantie que chez celui
avec qui il est en rapport d'hospitalité" (93). Les prétendants et
leurs aillés, Mélantheus et Mélantho, font subir des sévices aux
étrangers (94)
en
l'absence d'Ulysse,
le seul homme qui a le
pouvoir d'accueillir et de protéger les hôtes dans sa maison,
puisque
Télémaque
est encore
jeune, 'Laërte
trop
vieux,
et
Pénélope une femme. Celle-cl déplore une telle situation:
"Il
n'est
plus
ici
de
martres
comme
Ulysse
pour
respecter un
hôte et savoir lui donner le congé ou l'accueil"
toa., XIX, 314-316).
Homère distingue le otôcho» qui mendie pour vivre
du
1t€VlXPOC;
"le
pauvre"
qui
peut
satisfaire
ses
propres
besoins en pulsant dans ses ressources, mais n'a pas les moyens
d'offrir un accueil décent à des hôtes (95). Comme les démiurges
le
mendiant est un protégé des dieux qu'il faut respecter, un
homme
qui
n'existe
que
grâce
à
sa
fonction,
son
champ
référentiel l'y destine. Mais c'est un "démiurge à l'envers" , Il
n'a aucun talent particulier, et en échange de la générosité de
ses hôtes , Il ne rend rien.
Hésiode fait allusion à la rivalité qui sévit entre les
potiers, les charpentiers, les mendiants et les aèdes (96). Les
Il
Il
mendiants
doivent
suivre
la
bonne
lutte,
l'émulation dans
le
travail et éviter la mauvaise,
la violence,
celle à laquelle
1ros

261
avait
voulu
recourir pour chasser un gueux comme lui, alors
qu'Ils pouvaient se partager ce qu'on leur donnait (97). Ils ne
sont
pas
des
démiurges,
leur
seul
point
commun
avec
ces
derniers est le respect de l'esprit de rivalité professionnelle. La
mendicité est abhorrée parce qu'elle
résulte de la paresse,
Il
suffit de s'attacher au travail pour ne pas avoir "plus tard à
mendier,
indigent,
à la porte d'autrui pour ne rien obtenir"
(Tr.,
394-395).
Le pauvre mendiant est incapable de subvenir
lui-même
à
ses
propres
besoins.
Il
s'attend
à
la générosité
d'autrui. Cette dépendance considérée comme une déchéance va à
l'encontre de
l'Idéal d'autosuffisance.
L'obligation de respecter
les hôtes et les suppliants, et de ne pas "faire opprobre à un
homme de la pauvreté maudite qui consume l'âme" est signalée
(98), mais le mendiant qui est un paysan paresseux et parasite,
et non un errant étranger comme dans les poèmes homériques,
est méprisable.
4.2.2. La mendicité en Afrique
En Afrique la solidarité Iignagère et villageoise est
telle qu'II
n'existe pas d'individus isolés condamnés à mendier
pour vivre.
La mendicité est remplacée par le parasitisme qui
consiste à abuser de l'entraide. Dans le monde rural béotien, le
paysan qui,
par paresse,
n'avait pas cultivé son champ allait
quémander auprès de ses voisins, dans la société toucouleur il se
contente de rendre visite à ses parents et amis pour jouir des
faveurs dues à l'hôte:

262
"L'homme jeune et vigoureux qui ne cultive pas ne
cesse de dire "Dieu m'a amené ici"" (CADEN 1931, p. 208).
Par les mots "Dieu m'a am~é ici" le parasite insinue
que c'est le hasard qui l'a conduit, ce qui, en même temps, est
une
façon
de
demander
l'hospitalité
qu'on
ne
peut
pas
lui
refuser. Même s'II est nourri et logé, sa vie aux crochets des
autres le rend méprisable d'autant plus que c'est un paresseux.
Chez
les
Dlola

Il n'existe
pas
de personnes oisives,
le
mendiant
est
frappé
d'un
discrédit
presque
égal
à
celui du
criminel (99). la mendicité ne se développa qu'avec l'implantation
de 1'1 siam
qui
prescrit l'obligation de faire l'aumône. Mals les
pelens
ne
manquaient
pas de souligner leur mépris
pour les
marabouts.
les Toucouleur les taxent de mendiants par un jeu
de mots:
Tooroodo ko toortoodo
"Le
marabout
est un mendiant"
(CADEN
1 931,
p.
191) •
les
chefs
religieux
vivaient
des
dons
de
leurs
fidèles.
Il
faut
ajouter qu'ils pouvaient provenir de groupes
inférieurs tels
les
esclaves et
les
gens de caste,
Ils avaient
rompu
la
hiérarchie sociale et étaient en but à l'hostilité des
hommes "1 ibres".
x
x
x

263
La 101 de Phospltallté rend obligatoire le respect pour
le mendiant en Grèce et en Afrique.
Cependant le pauvre qui
dépend
des
autres pour sa subsistance et
rr'apporte
rien en
contrepartie vit dans le déshonneur. Il est encore plus blAmable
si
c'est
un
homme
qui
est
obligé
li cause de sa paresse li
s'adonner li
la mendicité.
Pulsqu'll est exciu des relations de
réciprocité on
lui
propose le travail
honni de thète dans
les
poèmes
homërtques ,
On
refuse de lui octroyer ~es dons si sa
situation de mendiant est permanente dans la société d'Héslode.
En Afrique Il est entretenu mals est méprisé.
tI.3. THERAPONTES
ET
SERVICE MILITAIRE
Le terme
8EPanwv
dont
Pétymologie est obscure
(100)
a 69 occurrences dans l'épopëe (I/iade: 57, Odyssée: 12)
(101).
Selon un point de vue assez répandu il désignerait des
guerriers nobles dans PI/iode et il s'appllquerelt dans l'Odyssée
li
des
serviteurs
qui
ne
seraient pas
nobles.
Pourtant cette
différence
n'est
pas
aussi
nette.
Le groupe des
thérapontes
n'apparaü
pas dans les
Travaux et
nia
pas de correspondant
dans les sociétés africaines.
tI. 3. 1. Le compagnon du guerrier
Le réseau de qualifications signale la noblesse et le
caractère
guerrier
des
thérapontes dans
ï'ltiade :
"bons".

264
"semblables
à
des
dieux",
"nobles",
"braves",
"courageux",
"forts" ,
"avec
des
armes
ouvragées" ,
"avec
des
armes
brillantes",
"experts
au
corps
à
corps".
"belliqueux".
"très
glorieux" et "sans force" (qui s'applique à un théropôn Incapable
d'aider son mallre) (102). Ils sont pourvus des mêmes épithètes
que
les
guerriers
aristocrates.
L'onomastique
Insiste
sur
la
valeur militaire et le pouvoir: Eurym~don "qui règne au loin",
Automédon "qui règne lui-même", Lycophron "a u coeur de loup",
Arélthoos "agile au combat ". Sthénélos "le puissant", Alclme "le
vaillant" et Thrasymède "le brave" (103); Eurym~don est le fils
de Ptolémée
"le
guerrier Il ,
le fils de Plras
"q ui attaque (les
ennemis)", Mastor "qui poursuit (les ennemis)" est le père de
Lycophron
(104).
Les
théropontes de
l'Odyssé~..possèdent
des
qualltés
identiques:
ils
sont
g ratlflës
des
éptthètes
"héros",
"puissants" et
"maftres"
(105).
L'anthroponyme
Asphallon
"le
protecteur" et le patronyme fils de Boéthos "q ui va au secours"
soulignent des vertus guerrières (106).
Les théropontes sont toujours
unis li un héros de
rang supér ieur , le g~nitif et le pronom possessif soulignent cette
liaison.
Les
mallres
de
théropontes,
Achille,
Ajax,
M~n~las,
Agamemnon, Sarpédonj ldoménée sont des "rois" ( &VQlC'tEC:; ) - ce
terme est d'ailleurs le déterminant de
9EPa1tWV
Il
deux
reprises (107)
.
Ils apparaissent comme des meneurs d'hommes
dans
le
Catalogue du Chant
Il
de
ï'tltode,
Lorsque
le poète
désigne un
thérapôn comme chef de troupes,
Il ne le qualifie
jamais
par
le
terme
8EPémwv
dans ces vers, et préclse

265
que le commandement suprême est confié au "rnaît re Il :
"Ceux là
obéissent à Diomède au puissant cri de
guerre,
ainsi qu'à Sthénélos, le fils du fameux Capanée <••• >
Mais le chef suprême est Diomède au puissant cri de guerre"
(II., Il, 563-567).
Diomède et Sthénélos font partie de la génération des
liEpi genes" ;
ils ont vengé leurs pères, respectivement Tydée et
Capanée,
tombés
devant
Thèbes
(108).
Idoménée est le chef
suprême des Crétois, son neveu et théropôn Mérion commande en
second (109). Achille a donné il ses troupes cinq chefs dont son
thérapôn Patrocle,
et
a
gardé
pour lui
"le pouvoir suprême"
l
(110).
L'expression
"théropontes d'Arès"
s'applique
à .
l'ensemble des héros achéens et à des guerriers qui s'Illustrent
par leurs exploits, les deux Ajax, Diomède et Ulysse (111). Elle
ne souligne pas un lien il caractère religieux (112), mais désigne
seulement un vaillant héros qui est le compagnon du dieu de la
guerre
Arès,
c'est-à-dire
qui
démontre
son courage dans
le
combat.
Dans î'tliade le thérapôn est un homme de suite armé
(113). Il est le compagnon du guerrier qu'II escorte. Patrocle est
nommé théropôn d'Achille qu'II suit sur les champs de bataille, et
non de Pélée (114).
Les thérapontes se font
remarquer par la
fonction de
"cocher" désignée par le nom d'agent
ùv Lo xoç
( nv ï.ov- fxw ). Cette fonction prestigieuse, placée sous le

266
patronage d'Athéna
requiert
I"'intelligence de la ruse" (métis)
(115). Les nobles héros Enée et Nestor n'éprouvent aucune honte
à prendre les rênes (116), d'autant plus que la course de chars
fait partie des épreuves agonlstlques (117).
L'art équestre est
du ressort des aristocrates exclusivement. En effet, les hommes
~lUt~\\o (.~,Ja...'\\
du peuple n'ont pas les moyens d'entretenir
1
1
Homère
emploie parfois le terme
8Epânwv
tout court pour désigner un
cocher,
puisque
parmi tous
les
compagnons
de
guerrier
le
conducteur de char est le plus proche du chef de troupes au
coeur
de
la
bataille
( 118) •
La
signification
"cocher"
est
secondaire, par conséquent, l'expression tivLoxoc; 6EP(inwv nl~st·
pas un pléonasme (119).
, .
Deux
modes
de
recrutement
de
thérapontes
apparaissent
dans
les
poèmes
homériques.
D'une
part,
des
hommes bannis de leur pays, parce qu'Ils y avaient commis un
crime, se sont réfugiés à l'étranger et ont servi de compagnons
à des guerriers:
"Lycophron,
le
thérapôn d'Ajax,
était
de Cythère,
mais il habitait chez Ajax, parce qu'il avait tué un homme dans
la divine Cythère" (II., XV, 430-431).
A la suite d'un homicide, Patrocle fut amené par son
père / d'Oponte en
Phthle chez
Pélée qui
le
"nomma" thérapôn
(120)
/
d'Achille.
Cette
nomination
est
un
Insigne
honneur.
D'autre
part,
un
service
militaire
a

être
imposé
aux
familles
aristocratiques
pour constituer l'armée achéenne (121).
Hérmès
se fait passer pour le fils du riche Polyctor; il a été désigné par

267
un tirage au
sort parmi ses sept frères pour suivre à Troie
Achille et les Myrmidons (122).
Dans l'Odyssée le faux
crétois
Ulysse évoque ce recrutement, Il avait refusé de "servir comme
thérapôn" (Od., XIII, 265) sous les ordres du roi Idoménée. Il
avait préféré conduire ses propres troupes à Ilion. Il a dO tuer
dans une embuscade Orslloque, le fils d'Idoménée, qui, pour le
punir, avait essayé de lui arracher le butin qu'II avait amassé à
Troie (123).
Les
thérapontes recrutés
au
début
des
hostilités
étaient sa n s
doute
"libérés" à
la fi n • Même les ex liés comme
, Patrocle
pouvaient
espérer
retourner
chez
eux,
Achille avait
promis à Ménoetios "de lui ramener un fils couvert de gloire,
ayant détruit Ilion et reçu sa part de butin" (12q). L'Odyssée
fnontre
des théropontes qui continuent à servir leurs martres en
temps
de
paix.
Peut-être
ces
derniers
ne
voulaient
pas
se
"
séparer
d'eux, comme le suggère
F.
Gschnitzer
(125).
Il
se
pourrait
que
les
services
soient offerts
dans
le
cadre
des
relations entre compagnons d'un même groupe d'Age. Il faudrait
pour confirmer notre hypothèse étudier le champ référentiel des
termes
È'ta'Lpoç
et
lCOÜPOC;
et
le comparer
à
celui
de
8Epémwv,
Les thérapontes sont en relation de connexion avec
leurs martres (126). Ils partagent la même cabane que le guerrier
suivi ou possèdent
la leur établie assez loin. Patrocle dort à
l'autre bout de la baraque d'Achille (127).
Mérlon,
au contraire,

268
emprunte à
son martre Idoménée une pique, car sa nef et sa
baraque sont trop loin (128). En temps de paix, Lycophron vit
chez Ajax à Salamine (129). Dans l'Odyssée, Etéonée habite tout
près de chez Ménélas à Sparte (130). Rien ne permet d'affirmer
que sa maison était située dans l'oikos du roi ou à l'extérieur du
domaine.
Le
rôle
militaire
des
compagnons
des
guerriers
apparart
dans
le
réseau
des
"actions
de"
dans
l'lliade,
Les
thérapontes partlclpent
aux
concours
qui
mettent
en
lice
les
!
meilleurs des A~héens et à l'instar de Mérlon qui gagne l'épreuve
du tir à l'arc, lils remportent des prix (131). Ils se signalent par
( 132)
leurs prouesses let se querellent pour la valeur avec les rois. Le
1
,
compagnon de Lycurgue,
Ereuthallon,
" le plus grand comme le
plus fort des hommes" qui défiait tous les oris toi , était craint de
tout le monde (133). Sur le champ de bataille ils emmènent vers
les
baraques
les
dépouilles sanglantes des
victimes du héros
qu'ils
suivent
ou
les
ennemis
faits
prisonniers
( 134) .
Ils
s'occupent des dons et des prix de leurs mall:res (135). Ils les
\\,
aident à revêtir ou à enlever leurs armures (136). Les cochers
tiennent les chevaux à la portée des héros qui descendent des
chars pour combattre (137). Ils pourront ainsi assurer la retraite
du mall:re fatigué ou repoussé par les ennemis. Ils détellent ou
attellent les chevaux (138) avec lesquels ils sont en relation de
connexion (139).
La
plus
grande
partie
des
"actions
sur Il
les
thérapontes est liée à la guerre. Les compagnons des guerriers

269
sont
souvent
touchés
par
les
javelines
adverses
(140),
leur
fonction
de
cocher en
fait
des
victimes
faciles,
leurs
mains
occupées
à
tenir
les
rênes,
ne
peuvent pas s'encombrer de
boucliers.
4.3.2: Le serviteur
L'Odyssée privilégie
l'activité
domestique
des
théropontes ,
Ils détiennent la fonction de "serviteur" désignée
par le nom d'agent
5pno'tnp (cf. 5paco ).
Ulysse déguisé en
pauvre hère veut offrir ses services aux prétendants, Il affirme
qu'II est sans égal pour le "service" (5pno'toouvn ) :
bien
arranger le feu, fendre les bClches, trancher et rôtl r la viande
(
5al'tPEûoaL r e lCat onrficc c ) et servir le vin
(olvoxonoal),
tâches accomplies par les hommes de peu chez les nobles (1 Ifl).
Ce travail pourrait être confié à des personnes sans ressources
qui s'engagent pour assurer leur subsistance, donc à des thètes
(142).
Mals
les serviteurs des prétendants se font remarquer
. par leur
jeunesse,
leurs
beaux
habits et leurs cheveux
bien
huilés (143).
On pourrait penser à des théropontes , D'ailleurs,
Moulios, le compagnon d'Amphinomos (144) fait sans doute partie
des "six serviteurs" qui ont suivi les héros de Doulichlon (145).
Il fait office d'échanson (146). Etéonée, le thérapôn de Ménélas,
"découpe la viande Il (147).
Le service du vin est dévolu à des
"jeunes hommes" (lCOÜPO l), à des "nobles" ( avÉpE<; to8Ào t )
et à des hérauts (lCnpulCE<;
qui
sont
sans
doute
des
théropontes (148).
Dans fil/iode aussi, les thérapontes s'occupent

270
du service,
Patrocle place sur un billot le dos d'une brebis et
allume un grand feu, Automédon tient la viande que leur martre
Achille
coupe et débite en
morceaux
(149);
ils
exécutent les
mêmes travaux que les serviteurs dans l'Odyssée.
Dans
les
deux
poèmes / des
thérapontes,
en
l'occurrence
Moullos,
Talthybios
et
Eurybate
exercent
la
profession de. "héraut" (150). L'accueil des hôtes est parfois à la
charge
des
thérapontes aussi
bien
dans
l'Odyssée que
dans
î'Illade,
C'est
l'une des
activités
d'Etéonée
(151).
Axyle,
le
héros "qui fait aimable accueil à tous" a un compagnon dont le
nom est
significatif,
Caléslos,
celui
qui
"invite"
les
hôtes à
entrer (152).
L'épithète
"qui accueille bien les hôtes"
(àvannvwP) est attribuée à Eurymédon (153).
Les thérapontes
"rapides Il
(cette
qualification
apparart
aussi
dans
l'I/iade)
et
"pleins d'ardeur" se signaient par leur zèle (154). Ils apportent
les
agrès
à
l'embarquement
des
héros
et
les
enlèvent
au
débarquement (155).
On a même assimilé les thérapontes de l'Odyssée à
des
esclaves.
P.
Debord
suppose
que
l'un
des
"deux
thérapontes" qui tranchent la viande pour les prétendants est
Mélantheus qui leur sert une fois d'échanson; il est leur "ami" et
prend part
au festin (156).
Eumée et Phlloltios s'occupent du
service de la table (157). Ils sont d'ailleurs appelés "camarades"
( E't'atpOç) de Télémaque, comme le thérapôn Patrocle J "camarade"
d'Achille (158). De telles affirmations sont peu fondées. Les esclaves

271
Mélantheus, Eumée et Phlloltlos exécutent ces tâches domestiques
exceptionnellement.
En
effet,
les
hérauts
qui
s'en
chargent
habituellement sont absents: Ils conduisent par la ville une sainte
hécatombe (159).
Puisque dans la société homérique les hommes
quel que soit leur statut accomplissent toutes sortes d'activités,
sans en
mépriser aucune,
Il est
hasardeux
de fonder sur la
nature
du travail
l'Identité de condition entre des
individus.
Esclaves, thérapontes , héros et dieux peuvent tous s'acquitter
du. rôle d'échanson ou de martre -tranchant. Mais à la différence
des esclaves,
les thérapontes ne sont pas des "fonctlonnaires",
ils
ne
sont pas qualifiés par les noms d'agent
ëono rûo
"s e r viteur",
6aL"tPoc;
"maft r e tranchant Il et
o Lvoxéoc
"échanson"
Quant à la fonction de "héraut" qu'Ils exercent,
elle
suscite
des
Idées
différentes,
c'est
une
fonction
de
démiurge.
Celle
de
"cocher" qui
présente
aussi
quelques
caractéristiques
de
démiurge relève du
domaine
militaire.
Les
esclaves
ne
dé\\iennent jamais des fonctions de guerrier ou de
démiurge.
Mélantheus
est
uni
à
Ulysse
par
un
lien
de
possession,
alors
que
sa
relation
avec
les
prétendants
est
seulement
affective.
Homère
emploie
le
terme
"camarades" au
sujet
d'Eumée
et
de
Philoitlos
dans
le
cadre
d'un
affranchissement,
les
deux
esclaves
seront
Intégrés
dans
la
famille comme des "frères" et des "camarades" de Télémaque, Ils
auront les mêmes droits que le fils d'Ulysse. Les théropontes se
distinguent des esclaves.
Le travail
des
thérapontes a
les
mêmes
caractères
que celui des héros,
il est occasionnel et n'est pas un métier.

272
Les
liens
entre
compagnons
semblent
exclure
l'idée
d'une
dépendance et d'un travail obligatoirement fait pour le guerrier
suivi.
x
x
x
Les
théropontes sont
des
héros
guerriers
nobles
aussi bien dans ï'ltlade que dans l'Odyssée comme le souligne le
réseau de qualifications. Si dans le réseau verbal les premiers
poèmes Insistent sur l'aspect militaire et les seconds sur l'aspect
domestique, cela s'explique par la différence d'atmosphère. C'est
parce
qu'ils
sont
des
guerriers
que
les
théropontes
rr'apparalssent
pas
dans
le
monde
rural
décrit
par
Hésiode.
Après
l'époque homérique,
leur rôle s'est affaibli,
la "réforme
hoplitique"
(160)
qui
marque
la
montée
des
soldats-citoyens
combattant en groupe, a peut-être fait disparartre des champs de
bataille les compagnons des héros qui recherchaient des exploits
individuels.
Réduits aux seules activités domestiques, ils se sont
confondus avec les esclaves, ce qui explique le sens d"'esclave"
attribué en ionien-attique au terme
8EPônwv
. Dans la poésie
postérieure, le mot qui s'applique au "servant des Muses", d'un
dieu,
prend
une
coloration
religieuse et
n'est plus
l'apanage
d'Arès et de Zeus strictement (161).

NOTES
DU
CHAPITRE
4

274
(1)-
sfle;
toa., IV, 644; tr., 602); SnTEuElv
(II.,
XXI,
444;
oa., XI, 489; XVIII, 357);
fPlSOe;
(II.,
XVIII,
550;
560; tr., 602; 603).
(2)- CHANTRAINE 1968-1980 s.v.
Sne;
et
fp lSOe;.
(3)- Od., XX, 218-223 •
(4)- MELE 1968, p. 120-129.
(5)- os., XI, 484-486.
(6)- MELE 1968, p. 125.
(7)- VIDAL-NAQUET 1970.
(8)- oa., XVII, 20-21.
(9)- Od.,
XIV,
102;
les esclaves sous les ordres d'Eumée sont
désignés
par
les
termes
I3<ÔToPEe; &V6PEe;
(Od., XVII, 200).
VIDAL-NAQUET 1972, p. 223, n , 2, suppose que les xetnot sont
des hommes liés à Ulysse par un "contrat d'hospitalité". Mals de
tels liens ne peuvent être établis qu'entre des personnes de rang
égal alors qu'ici il s'agit de dépendants puisque les xeinoi et les
esclaves sont des bergers au service d'Ulysse. Ces xeinoi sont
sans doute des thètes (cf. ECKSTEI N 1974, p. 34).
(10)- u., XXI, 445.
( 11) - os., XVIl, 21.
(12)- os., XVII, 186-187.
(13)- oa., IV, 643-644.
(14)- u., XVIII, 550; 560.
(15)- oa., XVII, 87; 223; XVIII,
359.
(16)-Od., IV, 642-644.
(17)- uloS6e; et
travail de thète (II., XII,
435; XXI,
445;
450;
451;
457; os., X,
811; XVIII,
358); autre misthos (II.,
X,
304;
oa., IV, 525).
(18)- WI LL Ed. 1975, p. 11311.
(19)- BENVENISTE 1969, 1, p. 165.

275
(20)- WI LL Ed. 1975, p. 427.
(21)- MOSSE 1976, p. 192.
(22)-
UlaeÔC; &PlClOC; fa'tol
(II
X,
304; os., XVII 1, 358);
Oi
U laeci> tn t pn'tci>
(II., XXI, 445);
U laBoü rôv üno o r OC; "
(II., XXI, 457).
(23)- tt., XXI, 444; Od., IV, 526.
(24)- WALTZ 1914, p. 29 rattache
fPlOV
(pensum), tlche pour une journée.
(25)- 1/., XII, 433-435.
(26)- oa., IV, 526; u., X, 305.
(27)- Od., XVII, 185-188; 223-225.
(28)- AYMARD 1948, p.
33; 1967, p. 328; BOURRIOT 1959, p.
177; FINLEY 1978, p. 70.
(29)- u., XXI, 453-454.
(30)- FI NLEY 1978, p. 68.
(31)- GAUTHIER 1973, p. 10.
(32)- u., XXI, 451 sq,
(33)- oa., XX, 105-108.
(34)- WEST 1978, p. 310.
(35)- rr., 370.
(36)- Certes FINLEY 1978, p. 70 affirme qu"'à Ithaque, un thète
pouvait
être originaire de l'ne et non un étranger" mais Il ne
elte aucun passage de l'Odyssée pour corroborer son affirmation.
(37)- Cf. note 9.
(38)- ir., 441-445; WEST 1978, p. 270.
(39)- tr., 370-371.
(40)- ir., 37-39; WALTZ 1914, p. 32-33.
(41)-BARRY 1972, p. 253.sq.
(42)- Témoignages cités dans BARRY 1972, p. 253.
( 43) - DUPI RE 1970, p. 447-448.

276
(44)-
7t'twx6c;
: Ode ,VI, 20_'1; XIV, 58; 400;
2."
XVI, 273; XVII,
18; 202;1Y337;
366; 377;
387;~VIII, 1; 49; 106; 403; XIX, 74;
XXI, 292; 327; XXIV, 157.
4\\
(45)-Od.,
XVII, 227; XVIII, 363.
(46)- oa., XVII, 376; XIV, 74.
(47)- oa., XXI, 327.
(48)- oe., XIV, 400.
(49)-
aÀn'tnc;
: oe.,
XIV,
124;
XVII,
420;
483;
576;
578;
XVIII, 18, 25; 333; 393; XIX, 76; XX, 377; XXI, 400.
(50)- oe., XIV, 126; XVII, 501; XVIII, 114; XXII, 291.
(51)- oe., VI, 208; XIV, 58; XVII, 106; XXI, 292.
(52)- oa., XVII, 11; SOl.
(53)- oa., XVIII.
(54)- Od., XVIII, 44sq.
(55)- BADER 1976, p. 207.
(56)- Epithète de Thétis (II., "
357) et d'Andromaque (II., VI,
471); HIRVONEN 1968, p. 29.
(57)- HIRVONEN 1968, p. 24; 30.
(58)-
5ûo'tnvoc;
"malheureux"
: Od.,
XVII,
10;
483;
501;
Àe:UyoÀÉOC;
"misérable":
oa.,
XVI,
273;
XVII,
202;
337;
XXIV,
157;
xuvoôc
"pauvre
hère";
Od, ,
XVIII,
107;
1C01CWV fJ,.moLoc;
"ayant l'expérience des maux"
: Od., XXI,
400.
(59)- oa., XVII, 202; 337; XVIII, 41; XXIV, 157.
(60)- Ode , XIV, 154; 396; 504; XVI, 79; XVII, 550, etc.
(61)-Od., XIV, 124; 387; 400.
(62)- oe., IV, 244.
(63)- oe., XVII, 502; XIX, 73.
(64)- Ode , XV, 344; cf. Od., XVII, 286; 474; XVIII, 53.


277
(65)-
àVlTlP6C;,
ôav'[wv à1toÀu~av'tnp : oa., XVII, 220; 377;
~OÀoJ3p6c; : oa., XVII,
219;
XVIII,
26;
&vaÀ'toc;:
oa.,
XVII, 228; XVIII, 114; 364.
(66)- oa., XVIII, 2.
(67)- oe., XVII, 227; 501; XVIII, 1; 114; 363; XIX, 73; XXII,
291.
(68)- oa., XVII, 10; 18.
(69)- OESCAT 1982, p. 291.
(70)-
ÔÉJ<:'tTlC;
: Ode ,IV, 2118; noo Lxrnç
oa. ,
XVII,
352;
449.
(71)- oa. , ,XVII, 347.
(1~- BENVENISTE 1969, " p. 340-341.
(73)-
oa., XX, 170. Sur le terme
atôwc;
voir
CHEYNS
1967.
Les prétendants n'hésitent pas à reprocher au mendiant
son manque d'aidas (Od., XVII, 449).
(74)- BENVENISTE 1969, "
p. 341-
(75)- oa., XVIII, 362-364.
(76)- oa., XVIII, 6.
(77)- oa., XIV, 124.
(78)- oa., XIX, 211; 27-28.
(79)- oa., XVIII, 366-381.
(80)- oa., XVII, 235-238.
(81)- Cf. supra
p. 244.
(82)- oa. , XVII, 417-418. OESCAT 1982, p. 291.
(83)- Od.,
XVIII, 3-4.
(84)- os., XX, 379.
(85)- SNELL 1961, p. 14.
(86)- oa., XVII, 222; 366; 418; XX, 378.
(87)- Od., XXI, 339-342.
(88)- oa., XXI, 316-317.
(89)- Od., XVI, 212; cf. XVII, 419-424 (= XIX, 75-80).

278
(90)- oa.,
IX,
270;
XIII,
213;
XIV,
283;
389;
CHANTRAI NE
1954, p. 74 sq,
(91)- Od., XVII, 483-487; cf. 363.
.'
(92)- oe., XVII, 475.
(93)- BENVENISTE 1969, 1, p. 341.
(94)- os.,
XVII, 220; 475; XVIII, 33.
(95)- oa., 111,346-350. OESCAT 1982, p. 288-289.
(96)- rr., 25-26.
(97)- os., XVIII, 15 sq,
(98)- Tr., 327; 717-718.
(99)- THOMAS 19~.9, p. 32.
(100)- CHANTRAINE 1968-1980, s. v. 8Epa1tWv.
(101)- l/iode: 1,
321; Il, 110; IV, 227; V, 48; 580; VI, 18; 53;
67; V Il ,
122 ; 1q 9; 382 ; VIII, 79; 104; 109; 11 3; 11 9; X , 228;
XI, 322; 341; 488; 620; 843; XII, 76; 111; XIII, 246; 331; 386;
600;
XV,
401;. l!31;
733;
XVI,
165;' 244;
272;
279;
464;
653;
865;
XVII,
lf4;
165; 271; 388; XVIII,
152; XIX, 47;
78; 143;
281; XX,
48ti-xXIII,
90;
113; 124; 528; 860; 888; XXIV, 396;
406; 573.
Odyssée: 1,109; IV, 23; 38; 217; 784; XJ, 255; XVI,253. 326;
1
360; XVIII, 297; 300; 424.
(102)- "semblable à un dieu" (II., XI,
322; XVI, 865), "noble"
(II., XIX, 281),
"brave" (II.,
XIII, 246; XVI, 464;
653; XXIII,
528; 860; 888),
"courageux" (II., XVI, 165; XVII, 388), "fort"
(II.,
VIII,
114), "avec des armes ouvragées" (II., XIII,
331),
"avec des armes brillantes" (II.,
XVI, 279), "expert ••• " (II.,
XVI,
272;
XVII,
165)
"belliqueux"
(II.,
XIX,
48),
"très
glorieux" (II.,
XVI, 463),
"sans force" (II., VIII, 104), "bon"
(II., V, 580; XXIII, 113).
(103)-
Eurymédon
(II.,
IV,
228; VIII,
114),
Automédon (II.,
XVI, 864), Lycophron (II., XV,
429), Aréithoos (II., XX, 487),
Sthénélos (II., VIII, 114), Alcime (II., XXIV, 574), Thrasymède
(II., XVI, 463).
(104)- Ptolémée (II., IV, 228), Mastor (1/., XV, 429).
(105)-
"Héros" (Od., XVIII,
423), "puissant" (Od.,
XI, 255),
"martre" toa., IV, 23).

279
(106)- Asphalion toa., IV, 217), fils de Boéthos toa., IV, 31;
XV, 95; 140).
(107)- 1/., XI, 322; XVI, 464.
( 108)- 1/.,
IV, 405-410. Voir note de MAZaN à 1/., Il, 564.
(109)-1/., Il,
645-652.
( 110) - 1/., XV1, 171-1 72•
(111)- Ensemble des héros (1/., Il, 110; VI, 67; XV, 733; XIX,
78),
les Ajax (1/.,
VIII,
79;
X,
228), Diomède et Ulysse (1/.,
XIX, 47).
(112)- VAN BROCK 1961, p. 116.
(113)- GSCHNITZER, 1976, p. 83.
(114)- 1/., XXIII, 90. GSCHNITZER-1976, p. 83 et 87.
(115)-
1/.,
Vb
48;
VI,
53.
Sur
la métis du
cocher,
voir
DETIENNE 1970 •
( 116) -
1/., V, 228- 231; VIII, 116 •
(117)- 1/., XXIII, 262.
(118)- GSCHNITZER 1976, p. 83.
(119)- 1/., V,
580; VI, 18; VIII, 119; XV,
431; XVI, 464; XX,
487.
(120)- 1/., XXIII, 85-90.
(121)- 1/., XIII, 669; XXIII, 297; notes de MAZaN.
( 122) - 1/., XX1V, 399- 400.
(123)- Od., XIII, 26.
(124)- 1/., XVIII, 325-327.
(125)- GSCHNITZER 1976, p. 82.
(126)- 1/., VI, 18; XIII, 331; XVI, 279.
(127)- 1/., IX, 666.
(128)- 1/., XIII, 267-268.
(129)- 1/., XV, 430-431.
( 1 30) - Od., XV, 96.

280
(131)- Mérion
participe au
tir
à I'arc (II..
XXIII.
860), à la
course des chars
(XX III.
351)
et
se lève pour le lancer de
la
javeline (XXIII • 888).
(132)-
Il•• IV. 1&01& sq.; XIII. 267 sq,
(133)- Il•• VII. 150; 155.
(134)-
1/•• V. 1&8; VI. 53.
(135)-11 •• 1.321; XIX. 11&3; Od•• XVIII. 297; 300.
(136)- Il.• VII. 122; XIII. 600; XVI, 165.
(137)- 1/•• IV. 227; XI. 31&1; XII. 76; XIII. 386.
(138)- Il.• XI. 620; XXIV. 573; Od•• IV. 39.
( 139) - u., XIl, 111-
(11&0)- Il•• V. 580; VI, 18; VIII. 119; XV.
1&31; XVI. 1&61&; XX.
1&87.
(141)- os., XV. 330-331&.
(11&2)- Ulysse offre ses services pour avoir de quoi dîner ,
(11&3)- oe.,
XV. 330-331&.
(11&1&)- oe.,
XVIII.I&21&.
(11&5)- oe., XVII. 21&8.
(11&6)- oa., XVIII. 1&23.
(11&7)- os., XV. 11&0.
(11&8)-
"Jeunes"
(II.,
1&70;
Od.,
1,
11&8;
III,
339;
XXI.
271),
Il
nobles" (Od., III, 1&71), "héraut" (Od •• 1, 11&3).
(149)- Il•• IX, 205 sq,
(150)-1/ ••
1,321; Od •• XVIII, 424.
(151)- Od., IV, 28.sq.
(152)- Il •• VI, 12; 18. Voir note de MAZON.
(153)- 1/., VIII, 111&.

281
(15q)-
<hpllPoç
(II.,
1,
321; os., 1, 109; IV, 23; 38; 217);
imépSUlloÇ
(Od., IV, 78q; XVI, 326; 360).
(155)- oa.,
IV, 78q; XVI, 326; 360.
(156)- os., XVII, 257-258. DEBORD 1973, p. 231-232.
(157)- oa., XX, 253-25Q.
(158)- oa., XXI, 216; u., IX, 220. DEBORD 1973, p. 232.
(159)- os., XX, 276.
(160)- VIDAL-NAQUET 1972, p. 67.
(161)- Servant des Muses (Théogonie, v. 100; Théognis, v. 769;
Hymne à Séléné , v.
20); servant d'Aphrodite (cf. Sapho).
VAN
BROCK 1961, p. 115-116.

CHAPITRE
5
LES
MOYENS
DI ACQUISrrlON

283
Certes
un
idéal d'autosuffisance prévalait dans les
sociétés grecques et africaines, mais pour pallier le manque de
certains biens dans î'olkos et le kêr un contact avec l'extérieur
s'avérait nécessaire.. De même que le travail est jugé honorable
ou dégradant selon les conditions dans lesquelles il est exécuté,
de même les moyens d'acquisition, violence, dons et contre-dons,
commerce,
suscitent
l'approbation ou la condamnation
"suivant
l'esprit dans lequel on y aura recours" (1).
5.1. LA VIOLENCE
5.1.1. La violence dans la société grecque
L'aristocratie
guerrière
homérique
recourt
fréquemment
à
la
violence
pour
accrofl.re
ses
richesses.
Les
razzias opérées contre les voisins visent le bétail et les actes de
piraterie
sur
les
côtes
des
pays
étrangers
sont
une source
d'approvisionnement en esciaves et en biens précieux. On a même
suggéré que la véritable cause de la guerre de Troie serait le
besoin de denrées vitales (2).
Les cabanes des héros achéens
abondent en captives dont les villes ont été mises à sac (3). Des
parts d'honneur
importantes sont attribuées aux rois lors des
partages de butin.
Les guerriers se vantent souvent de ieurs
pillages. Achille étale avec fierté ses prouesses:

284
"J'ai
été,
avec
mes
nefs,
ravager
douze
cités
d'hommes. Sur terre, j'en compte onze prises par moi en Troade
fertile.
A chacun, j'ai ravi un ample et précieux trésor" (II.,
IX, 328-331).
Dans l'Odyssée, Ulysse évoque devant ses auditeurs
phéaciens
le saccage du territoire des Cicones (4). Même les
Phéaciens présentés comme un peuple pacifique s'adonnent à la
piraterie; i1~ ont amené d'Apelré, dans leurs vaisseaux, la vieille
Eurymédousa
qu'ils
ont
offerte
à
Alclnous
comme
"part
d'honneur" (5). On a souvent reproché à Homère d'encourager la
piraterie (6). Pourtant l'exaltation de la violence n'est pas sans
équivoque.
Exercée par représailles, elle reçoit une approbation
totale voire des louanges.
Paris, en enlevant Hélène, a fait du
tort à son hôte Ménélas qui lui "avait montré de l'amitié" (7).
Une
telle
offense
a
poussé
les
Achéens
à
organiser
une
expédition punitive contre le coupable qui a transgressé les lois
de
Zeus
l'Hospitalier.
Chaque
piraterie
et
chaque
razzia
victorieuse,
conçue comme un
chAtlment,
apporte
la gloire à
Achille et à ses pairs. Les victimes d'une razzia peuvent recourir
pour être dédommagées soit à des moyens pacifiques soit à une
contre-razzia,
le cas échéant,
toutes les violences qu'ils font
subir aux ennemis qui,
les premiers, ont usé de la force sont
normales et honorables.
Nestor se targue d'avoir ravi un assez
joli
butin aux Eléens "en compensation" pour un rapt de bétail
(8) •

285
L'image du pirate qui surgit à l'improviste sur les
côtes étrangères pour pilier et massacrer n'est guère brillante.
Nestor et Polyphème posent la même question aux étrangers:
"Etrangers,
qui êtes-vous? Est-ce une affaire qui
vous amène ou bien errez-vous sur la mer follement, comme les
pirates qui voguent à l'aventure, risquant leur vie et apportant
le malheur aux gens d'autres pays" (Od.,
III,
71-74 (= IX,
252-255).
Les
commentateurs
anciens
et
modernes
affirment
qu'II
n'y
a
dans
cette
Interrogation
aucune
réprobation
de
la violence (9). Pourtant les
termes
Àn Lo'tnp
"pirate"
et
Ân Le;
"butin" font allusion à des "avantages sur lesquels on ne
peut pas compter par avance"
(10).
La folle
des pirates est
fustigée, car, opposés à des adversaires plus forts, Ils risquent
la mort et la servitude. Ainsi 'es Egyptiens attaqués par Ulysse
et ses "pirates" ont pu, grAce à l'arrivée de renfort et à "aide
de Zeus, faire périr beaucoup d'agresseurs et "emmener le reste
pour le travail forcé" (111). Ulysse Implore la pitié du roi qui,
par crainte pour
Zeus l'Hospitalier,
l'épargne et
lui offre de
nombreux présents. " peut juger, après une telle mésaventure,
combien
les
rapports
amicaux
avec
les
étrangers
sont
plus
avantageux et moins aléatoires que les rapports d'hostilité.
La
même leçon doit être tirée par le père d'Antlnous, qui s'était

réfugié chez Ulysse pour se dérober à la fureur vengeresse du
peuple; Il avait pris le parti des pirates taphiens et "assalllf les
Thesprotes " alliés des gens d'Ithaque
(12).
Les Taphlens qui
sont présentés comme des pirates professionnels sont peu estimés

286
(13). Leur activité de prédilection consiste à capturer, sans qu'il
y ait des hostilités, des personnes et à les vend re (1 4); ils sont
en rivalité dans ce domaine avec les Phéniciens (15). Même après
une razzia fructueuse les pirates vivent dans le remords et la
crainte de représailles (16). Seules la faim et la misère poussent
les hommes à s'aventurer sur la mer périlleuse à la recherche
d'un "butin hypothétique" ( Àl1 Le; ) (17).
Dans les poèmes homériques les hommes qui usent de
la
violence
uniquement
pour
s'enrichir
sont
blâmables.
Par
contre,
la force utilisée pour laver un affront apporte honneur
et gloire et les pillages commis contre l'agresseur avec le butin
qu'ils rapportent sont appréciés.
Le modèle guerrier homérique semble inconnu dans
les Travaux où aucun nom désignant des fonctions militaires de
l'aristocratie n'apparall.
En outre,
le terme
novoe;,
dont
toutes
les occurrences dans
l'épopée sont liées à un contexte
guerrier et s'appliquent exclusivement à des chefs de troupes et
aux armées achéenne et troyenne, perd ce sens aristocratique et
militaire dans l'oeuvre d'Hésiode.
Il y est mentionné une seule
fois et fait allusion à la "peine" qu'un petit esclave donne aux
oiseaux
en cachant
la semence (18).
Le portos hérolque
est
réduit à un combat entre de petits volatiles et un enfant qui n'a
pas encore atteint l'Age de participer aux activités guerrières.
Les termes
uâxn
"combat" et
uéxouo r
"combattre"
sont
ignorés;
nOÀEuOe;
"guerre" reçoit les qualifications "mauvaise"
et "douloureuse" (19).
Le poète ne
cache pas son désaveu de

287
la guerre qui a entralhé l'autodestruction des hommes de la race
de bronze:
"Ceux-là
ne
songeaient qu'aux travaux gémissants
d'Arès <••• > aux oeuvres de démesure ( <J13Pl.Ec;)
<••• >
ils
succombèrent eux. sous leurs propres bras et partirent pour le
séjour moisi de l'Hadès frissonnant. sans laisser de nom sur la
terre" tr-., 145-154).
Le
poète associe
violence,
démesure
et
injustice.
L'usage de la force pour arracher le bien d'autrui est fortement
. stigmatisé:
"Donner est bien. ravir est mal et donne la mort"
(Tr., 356).
Donner relève de la justice et ravir de la démesure.
Les
richesses acquises par la violence sont éphémères et
les
coupables sont toujours châtiés par les dieux:
"La
richesse ne se doit pas ravir: donnée par les
dieux. elle vaut bien davantage. On peut gagner une immense
fortune
par la violence.
avec ses bras; on peut la conquérir
avec sa langue. ainsi qu'il arrive souvent quand le gain (ICÉPÔOc;)
dupe l'esprit de l'homme et que l'effronterie ( aVal.ÔE Ln) prend
le pas sur le sentiment de l'honneur ( aLôw).
Mais
les
dieux
ont alors vite fait d'anéantir le coupable. de ruiner sa maison. et
sa fortune ne le suit pas longtemps" (Tr., 320-326).
Les
gains,
kerdeo , obtenus par la violence ou les
mensonges grâce à la corruption des rois "mangeurs de présents"
qui ne respectent pas la justice, sont blâmables (20). Ils sont le

288
propre des
hommes qui ont renié tout sentiment de retenue,
aldôs , et s'adonnent à des actes répréhensibles. La même vision
apparall dans les propos du porcher Eumée dans l'Odyssée:
Il
Non,
les
dieux
bienheureux
n'aiment
pas
la
violence,
ils
aiment
la
justice
et
les
bonnes
actions.
Des
brigands, des ennemis quand ils envahissent la terre d'autrui et
que Zeus leur accorde d'enlever du butin, peuvent bien s'en
aller et retourner chez eux, leurs vaisseaux pleins: la crainte
invincible
de la
vengeance divine (
611 i ôoc Kpa't EPÔV 6Éoc; )
tombe dans leur coeur" (Od., XIV, 83-88).
L'anathème jeté sur la guerre dans les Travaux et
les
iours ne
prouve
nullement
que
l'art
militaire
lia fait
sa
disparition
en
Béotie
en
tant
que fonction spécialisée"
( 21 ) •
L'introduction de la race des héros parmi celles des métaux dont
elle
rompt
l'unité
est
révélatrice.
Nous
cherchons
moins
à
démontrer
que
cette
adjonction
est
bien
faite
qu'à
formuler
quelques hypothèses sur les motifs qui ont poussé le poète à la
faire.
Il a essayé pour plaire aux aristocrates, qui formaient
sans doute une partie Importante de son auditoire, de corriger
son
opinion
critique
sur
la guerre qu'il
juge Inséparable de
l'Injustice. L'image du guerrier Injuste, incarnée par les hommes
de la race de bronze (22), est améliorée par la race des héros
qui a réussi à faire la synthèse Impossible de la justice et de la
guerre: elle est "plus juste et plus brave" (23). Dans les poèmes
homériques,
les
hommes
de
la
race
de
bronze
et
les
héros
constituent
la
même
entité.
Les
Achéens
sont
pourvus
de
l'épithète
"à la cotte de bronze Il (2q).
Le bronze est le métal
utilisé à cette époque évoquée par le
poète de l'I/iade et
de
l'Odyssée.

289
5. 1.2. La violence dans les sociétés africaines
Pour
les
guerriers
peul
du
conquérant
Koli
Tenguela
"le
pillage
était
aussi
honorable
que
le
vol
était
méprisable" (25).
Ce mode d'acquisition était légitime, car Ils y
avalent recours dans le cadre d'une lutte de libération nationale;
Ils se sont affranchis dans un bain de sang de la domination
mandingue.
Au
XVème
siècle,
les
rois
wolof,
étant
donné
l'Insignifiance
des
Imp6ts
et
des
taxes
tirés
du
peuple,
se
tournaient vers le pillage pour accrortre leurs richesses (26). Le
butin ainsi acquis leur permettait aussi de s'assurer la fidélité de
leurs forces armées constituées d'esclaves de la couronne (27).
Le partage se faisait ainsi au Cayor à la fin du XVllème siècle:
au
damel revenaient
la
moitié
des
biens
razziés
lors
d'une
guerre, les deux tiers des richesses arrachées dans le pays, le
reste était réparti entre les soldats (28). Avec le développement
de
la
traite
négrière, des
guerres
incessantes
déchirèrent
l'Afrique.
Des
royaumes
comme
celui
du
Walo
s'étalent
transformés
en
monarchies
militaires.
Le
but
Inavoué de ces
conflits était la recherche de captifs qui étaient échangés contre
des biens tels des armes à feu qui permettaient aux guerriers
d'assurer
leur
prééminence
sur
le reste de la· société et de
continuer leur oeuvre déprédatrice au bénéfice des commerçants
européens
(29).
Les
rois
n'épargnèrent même pas leur propre
peuple. Certes les rois et "les princes. héritiers présomptifs de
la
couronne.
porteurs
de
titres
et
bénéficiaires
d'apanages
territoriaux.
avaient le droit de pillage" (30), mais le seb ok

290
boor protégeait le peuple (31).
Lors de l'intronisation du brok du
Waio,
les limites de son pouvoir lui sont signalées par le mipp qui
parle au nom des électeurs:
"La prédilection que t'accordent aujourd'hui tous les
dyambour
parmi
tous
tes
égaux
t'érige
au-dessus
de
nous,
d'eux, et à plus forte raison, des badolo; ta position actuelle en
est un témoignage qui te le prouve.
Si tu ne dévies pas
du chemin normal envers tes sujets, tu nous donneras toute ta
vie; si tu agis en contre-sens, tu t'attireras le désaccord avec
tes
électeurs
et,
nécessairement,
la
haine
de
ton
peuple"
(CADEN 1912, p. 197).
Les
trois électeurs du
seb ok boor étaient
aussi
investis
du
pouvoir
de
destituer
le
brok si
les
exactions
commises
contre
le
peuple
se
multipliaient.
Mais
ils
étaient
corrompus,
c'est
pourquoi
les
baadoolo;
pillés
sans
cesse,
avaient mis tous leurs espoirs dans les révolutions islamiques de
Nasir AI-Din au XVllème siècle et de Oille au XVlllème siècie,
qui avaient malheureusement échoué. L'idéologie musulmane était
opposée à la vente des esciaves aux étrangers. Elle remettait en
question
la
traite
négrière.
Pour
préserver
leur
trafic,
les
Français
aidèrent
l'aristocratie
palenne
à
réprimer
les
insurrections (32).
Comme
dans
la
société
homérique,
susciter
une
guerre seulement pour amasser du butin est un acte blâmable.
C'est pourquoi les souverains africains s'évertuèrent à chercher
divers
prétextes
pour
expliquer
leur
violence.
En
1820
l'Asantehene Osei Sonsu se défend de
se
livrer à
des
pillages

291
pour chercher des captifs:
"Je ne veux pas faire la guerre pour attraper des
esclaves dans la brousse comme un voleur. Jamais mes ancêtres
n'ont
agi ainsi.
Mais si
je combats un roi et que je le tue
lorsqu'il est insolent, alors je dois certainement prendre son or,
et ses esclaves ainsi que son peuple m'appartiennent" (TERRAY
1975, p. 399).
Le
pillage
n'est
toléré
que
dans
le
cadre
d'une
expédition punitive ou
d'une lutte de libération nationale.
Les
rois
et
leurs
guerriers
sont
obligés
d'inventer
de
multiples
raisons,
vol,
crime,
calomnie,
pour réduire en captivité leurs
sujets et
les
vendre (33).
En effet une réprobation générale
couvre les razzias commises contre son propre peuple. Dans les
poèmes homériques, Priam fustigeait le manque de courage de ses
fils en
les taxant de
"ravisseurs de bétail dans leur propre
pays" (1/.,
XXIV, 262). C'était une insulte, car le devoir d'un
héros était, au contraire, d'assurer la protection du peuple, rôle
dévolu
à
Hector,
le
défenseur
des
Troyens.
Sa
perte était
irremplaçable; ses frères étalent dépourvus de valeur guerrière,
ils
étalent
incapables
de
repousser
les
ennemis,
Ils
se
contentaient d'arracher les biens de leurs faibles sujets (34). De
tels
actes
étalent répréhensibles
puisqu'Ils
ne demandaient
ni
bravoure ni hérolsme.

292
5. 2.
LE SYSTEME DU DON ET CONTRE-DON
5. 2. 1.
Dons et hospitalité
M.
Mauss
a
montré
que
la
majeure
partie
des
opérations économiques dans les sociétés primitives "se font sous
le
fonne
de
cadeaux.
en
théorie
volontaires.
en
réalité
obligatoirement
faits et rendus"
(35).
M.
1.
Finley a montré
. l'Importance de ce système du don et contre-don dans le monde
homérique (36).
Les relations d'hospitalité nécessitent un échange de
présents.
L'''hôte
qui
recoit '
(1;ElVOÔ01COC;)
doit octroyer,
outre la nourriture et l'hébergement, des dons à Il''hôte reçu"
( 1; E I voc; ). Ulysse le signifie au Cyclope:
"Nous
sommes
arrivés
ici.
et
nous
touchons
tes
genoux,
espérant que tu nous offriras l'hébergement et nous
feras en plus un don, ce qui est la loi de l'hospitalité ( fi t e
~Ei:.vWV SÉlJlC; ÉOtl.V
).
Très puissant. respecte les dieux;
nous venons vers toi. en suppliants; Zeus est le vengeur des
suppliants et des hôtes, Zeus est l'Hospitalier qui accompagne les
hôtes et veut qu'on les respecte" (Od., IX, 266-271).
Zeus l'Hospitalier veille au respect de la 101 divine
(thémis)
de l'hospitalité (37). Les Cyclopes n'ont cure ni de la
loi divine ni de la justice humaine, leur démesure est telle qu'Ils
se croient supérieurs aux dieux et ne les respectent pas.' C'est
pourquoi loin d'être accueillants pour les hôtes, par crainte des
Immortels,
Ils les dévorent (38).
Une telle attitude révèle leur

293
caractère de géants non-humains.
Dans le monde des hommes,
l'obligation divine de donner "des présents que l'on doit à un
hôte"
(
6<iipa ~ELvlha ota t~1CEL.
)
(39)
implique celle
d'en recevoir. Athéna se trouve devant un dilemme: déguisée en
chef des Taphlens, elle ne peut pas refuser les cadeaux que lui
offre son hôte Télémaque, mais, en tant que déesse, il lui est
impossible de les accepter (40).
Elle trouve une échappatoire,
en promettant de revenir les prendre:
"Ne me retiens plus, j'ai hâte de partir. Le présent
que ton coeur t'engage à m'offrir, tu me le donneras à un autre
voyage, pour que je l'emporte chez moi; choisis-le très beau, il
méritera que
tu en
reçoives
un
d'égale valeur en retour (00 L
6'6~LOV fooE'['à~oLf3fic;
)" (os., 1, 315-318).
Athéna
fait
clairement
allusion
à
la
nécessité
de
faire "un don en retour" (
ôuo Lf3n
)
Laërte
exprime
la
même idée:
"C'est en vain que tu as donné, que tu as prodigué
des présents à ton hôte. Ah si tu l'eusses retrouvé sur la terre
d'Ithaque,
il t'eüt bien accueilli et ne t'eût pas laissé partir
sans te combler de présents à ton tour (6WPOLoLV à~ELtVà~EVOC;),
car c'est la loi: qui a donné d'abord doit recevoir aussi" (Od.,
XXIV, 283-286).
Les
aristocrates
semblent
rivaliser
de
générosité
"même quand dans ce geste qui accompagne la transaction, il
n 'y a que fiction,
formalisme et même quand il y a au fond,
obligation et intérêt économique" (41). On fait semblant d'offrir
des dons de façon désintéressée, mais, en réalité, on s'attend à

294
recevoir un contre-don comme le soulignent le faux Mentès et le
vieux Laërte.
Rechercher sciemment et manifestement un profit
dans
un échange est
répréhensible,
l'idéal est de rendre un
objet de "valeur égale" ( a~ LOC: l ,
SI
l'on
reçoit
un
présent
Inadéquat,
. on
peut
demander
son
remplacement,
mals
implicitement.
Ainsi Télémaque dit qu'il préfère garder le bijou
et se passer des chevaux qui lui ont été offerts, car son ne
exiguë n'a pas de prairies (42). Ménélas qui a compris le désir
voilé de son jeune hôte lui propose en échange un très beau
cratère
(43).
L'importance des dons croît en
fonction
de
la
valeur
de
l'hôte.
Les
Phéaciens sur
l'ordre du
roi
Alcinous
ajoutent
des chaudrons et des trépieds aux
biens donnés à
Ulysse, puisqu'II a révélé, à travers le récit de ses aventures,
ses qualités
exceptionnelles de ruse et de courage (44).
Les
héros
homériques,
dont
"les
richesses
qu'on
entasse"
(
1CEL~Ji)\\LOV ),
bronze,
fer,
or,
étoffes,
commençaient
à
s'amenuiser, entreprenaient de longs voyages pour "amasser des
biens", le
plus
souvent,
dans
le
cadre
des
relations
d'hospitalité. Pendant sept ans, le faux Crétois Ulysse resta en
Egypte où les hommes lui "offraient des dons" (B Lô ooœv )
(45). Ménélas a rempli ses navires de vivres et d'or dans des
pays lointains (46): aucune mention d'un achat n'est faite pour
l'acquisition de ses biens qui ont dû lui être donnés, comme en
Egypte où Aleandra et sa femme
l'avaient comblé de présents,
sans oublier son épouse Hélène (47). Ces cadeaux stockés dans
le trésor sont redistribués comme dons ou contre-dons.

295
A côté
de
ce
système de don et de contre-don
différé,
existe
un
échange
direct.
Après
un
combat sans
vainqueur deux
héros peuvent signer "un accord amical" par
l'échange de leurs armes (48). Claucos semble avoir perdu la
raison quand Il troque ses armes avec Diomède, "de l'or contre
du bronze, la valeur de cent boeufs contre celle de neuf" (49).
Il faudrait tenir compte de l'esprit hérofque qui l'anime, pour
prouver qu'II a en face de lui un "hôte héréditaire" Il fait un
échange inéquitable; son seul souci c'est de sceller un pacte qui
éliminerait toute bataille avec son xeinos , Dans la mesure où
Glaucos agit, selon le poète, comme un fou puisqu'il est lésé
sans s'en apercevoir, la personne qui ne tirait aucun avantage
dans
un
échange
pouvait
donc
arrêter
la
transaction
si
le
principe de l'égalité n'était pas respecté (50).
La teraanga,
l'art de recevoir les hôtes, est une
pratique bien ancrée dans la société wolof (51). Du XVè au
XIXè siècle,
de multiples témoignages sont fournis
sur cette
hospitalité digne d'éloges:
"Fort
charitables,
pour ce
qu'ils ne lairront pas
passer aucun étranger sans luy donner à boire et à manger
pour un repas en leur maison, ou bien le logent pour une nuit
sans en demander aucune récompense"
(CA
DA MOSTO 1974
(1455), p. 82).
"L'hospitalité
est
pratiquée
si généralement
parmi
les nègres qu'ils ne la regardent pas comme une vertu, mais
comme un devoir imposé à tous les hommes; ils l'exercent avec
une générosité qui n'a pas de bornes,
et s'en font pas un
mérite" (MOLLI EN 1967 (1818), p. 105).

296
Héberger un étranger, le nourrir, cela est perçu
comme une obligation morale. Il serait malséant de solliciter un
,
paiement
en
retour,
car
c'est
il
l'hôte
reçu
de
prendre
l'Initiative d'offrir des présents.
Il doit il son arrivée dans le
pays aller saluer les principaux dignitaires et leur donner des
cadeaux.
Ces dons sont appréciés non pas pour leur valeur,
mais en tant que marques d'honneur (52). A son départ, l'hc5te
reçoit des présents. Ignorant ces règles sociales, le Français G.
Mo.lllen
lors
de son voyage il
travers le Sénégal en
1818 a
demandé il plusieurs reprises il ses hôtes ce qu'ils désiraient
comme récompense.
Ceux-cl protestaient véhémentement et lui
répondaient
que
leur
hospitalité
était
désintéressée;
non
seulement
Ils
n'attendaient
aucun
cadeau,
mais,
disaient-Ils,
leur seule récompense c'est qu'il s'arrête de nouveau chez eux il
son retour
(53).
L'Initiative de donner est laissée il la libre
appréciation
du
visiteur
qui
finit
toujours
par
offrir
des
présents
il
ses
hôtes,
Il
slattlre
ainsi
des
remerciements
Interminables.
Le don, même s'II est une obligation morale en
tant que témoignage de reconnaissance, n'est estimable que slil
est offert sans aucune exigence de la part du récipiendaire. On
ne pale pas son hôte , on lui donne spontanément un présent.
Dans la société homérique, c'est il J'hôte reçu que
l'on offre des cadeaux en plus de l'hébergement. Il les rend ra
plus tard il son bienfaiteur lorsque celui-ci, il son tour viendra
lui
rendre visite.
Les
héros comptaient sur ces échanges de
dons pour augmenter leurs richesses ostentatoires. Dans :Ie .monde

297
africain les biens échangés Il l'arrivée et au départ des hôtes
ont peu de valeur; Ils visent moins une circulation des biens
qu'une circulation des personnes. Les liens d'hospitalité affermis
par
les dons
réciproques
permettent de trouver toujours
un
point d'accueil lors des déplacements Il travers le pays. Malgré
ces divergences,
le système du don et contre-don obéit aux
mêmes
règles
dans
les
deux
civilisations:
donner,
recevoir,
rendre
des
présents
volontairement
en
apparence
bien qu'il
s'agisse au fond d'une obligation entre hôtes.
5.2.2. L'entraide villageoise
Dans le milieu rural l'entraide villageoise est fondée
plus sur les liens de voisinage que sur les liens d'hospitalité.
Hésiode le souligne:
"Invite de préférence qui demeure près de toi. Si
quelque
chose t'arrive au village, tes voisins accourent sans
nouer leur ceinture, tandis que tes alliés doivent nouer la leur.
Un mauvais voisin est une calamité, comme un bon voisin un
vrai trésor <•••>. Votre boeuf ne mourrait pas si vous n'aviez
pas un mauvais voisin" (Tr. 343-348).
La
même
idée
est
exprimée
par
ce
proverbe
toucouleur
" Un mauvais
vorsm ,
la
solitude est
préférable à
cela" (CADEN 1931, p. 43).

298
En Afrique les relations de voisinage sont souvent
Indissoclables des relations de parenté, car les différents chefs
de
famille
appartiennent
à
un
même
lignage.
La
solidarité
familiale joue un raie prépondérant et ceux qui l'ignorent sont
rejetés. Selon un adage toucouleur "Si ton parent t'a dédaigné,
qu'il soit privé de toi"
(5Q).
Tel n'est pas le cas dans le
milieu.
d'Hésiode où les oikoi sont isolés et ne sont pas Intégrés
dans une structure plus large.
A Askra les prêts entre voisins sont mesurés et
portent sur des denrées alimentaires ou des semences (55). Les
paysans Imprévoyants vont même jusqu'à emprunter des boeufs
et
un
chariot
(56).
Bien qu'II
s'agisse d'emprunt,
le
poète
emploie les termes "don" et "donner" pour souligner une idée de
gratuité.
Cette intention se manifeste clairement dans les vers
35Q-358 des Travaux:
"Donne à qui donne. ne donne
pas à qui ne donne
pas.
On
donne à un donneur:
à qui n'est pas donneur nul
jamais ne donna. Donner est bien, ravir est mal et donne la
mort.
Celui qui donne de bon coeur, donnât-il beaucoup. est
heureux de donner et son coeur y trouve la joie".
Ainsi
s'expliquent les paroles de l'emprunteur qui
so iiicl te un don et non un prêt: à la place de "prête-moi" il dit
"donne-moi"
(57).
Donner est conseillé;
car
on en tire
une
satisfaction
morale.
Néanmoins
cet
acte
volontairement
et
gratuitement fait nécessite un "remboursement". Seuls des amis
ou des voisins solvables en bénéficient.
Les
ressources limitées

299
du
paysan
ne
lui
permettent pas de
"prêter" à
des
hommes
Incapables
de
lui
rendre
le
don-prêt d'autant plus qu'll
nia
aucun moyen de pression sur ses déblteurs , à part le refus de
leur octroyer d'autres dons-prêts à l'avenir.
Les dons échanqés doivent être d'~gale valeur, ce
sont des biens qu'on peut mesurer. La recherche d'un lntérêt ,
do.1\\.!..
KEPô6C;
,
est
condamnée
....
ces
relations.
Certes
Héslode
conseille de rendre à mesure ~gale ou plus largement si possible,
mals cette Jargesse n'est pas assimilable à
un lntérêt , elle est
laissée à la libre eppréclatlon de l'IIemprunteurll qui est sür ainsi
de recevoir d'autres dons-prêts en cas de besoin (58).
Alors que le héros homér lque rr'hésltalt pas à faire
jouer
l'~change de cadeaux d'hospitalité
pour
augmenter
ses
ressources, le laboureur béotien ne sollicitait un don que poussé
par la faim et la misère, car son idéal était l'autosuffisance. Le
recours à l'emprunt n'est toléré que si l'on est capable de rendre
le don-prêt.
En
Afrique
comme
le
note
H.
Labouret
"les
ménagères
des
maisonnées
proches ne
peuvent se refuser.
à
charge de revanche, le prêt de braise
pour allumer le feu. de
sel et d'ingrédients culinaires
courants Il
(59) •
Celui
qui
organise une cérémonie à l'occasion d'un baptême, d'un mariage
ou de funérailles
peut toujours compter sur
les
dons de ses
voisins et de ses parents pour faire face aux dépenses;
N~anmoins

·300
comme le disent les Toucouleur ilia vache de ton parent est ta
vache. C'est vrai, mais les quantités de lait traites à chaque fois
séparent <ton parent et toi>" (60). La solidarité familiale ne doit
pas
contribuer
au
développement
du
parasitisme,
elle
ne
fonctionne que dans des situations difficiles; normalement chacun
doit essayer de satisfaire lui-même ses besoins, ce ne sont pas à
ses
parents
de
lui
fournir
sa
subsistance quotidienne.
Les
prestations de travail - inconnues dans le monde grec - prennent
place dans le système du don, elles sont désignées en wolof par
l'expression significative maye
liggééy,
"don de travail".
Elles
étaient exécutées réciproquement entre villageois.
Les chefs de
lignage en bénéficiaient en tant qu'afhés de la communauté. Les
sociétés africaines se fondent
non seulement
sur
les
liens de
parenté mals aussi sur la dépendance des "cadets" producteurs
qui
ont
le
devoir
de
nourrir
les
afhés.
Leurs
travaux
s'inscrivent dans le cadre d'échanges réciproques.
N'ont-ils pas
été auparavant nourris par le lait de leur mère (61)? Devenus
adultes,
ils
sont
tenus
de rendre
les
dons
reçus dans
leur
jeunesse.
Vieux,
Ils bénéficieront eux-aussi du labeur de leurs
cadets.
L'idéologie qui découle des rapports d'arhesse dans fa
communauté
Iignagère
a
été
récupérée
par
les
monarchies
militaires
(62).
Les
nobles
guerriers
ont
pu
bénéficier,
en
contrepartie de leur rôle de protecteurs du pays, de
prestations
(~
de travail
et de
dons du peuple.
Cela ressort clairement éu
discours tenu par le dame! du Cayor à ses sujets à Maka:
"VOUs
m'avez
confié
votre
destinée.
J'ai
8ce(:p~~
volontiers.
Je crois que
je
n'ai pas
failli à
mon
devoir
Cf>;r

301
voici dix ans que vos familles, vos récoltes et vos bestiaux sont
à
l'abri des pillages auxquels ils étaient soumis. Il me semble
donc
que
vous
me
devez
une
récompense
ou
plutôt
une
rétribution car je suis le gardien vigilant de vos biens. Je crois
n'avoir
pas
exagéré
en
demandant
à
chaque
propriétaire un
animal
de
chaque
espèce:
moutons,
chèvres et boeufs,
et à
chaque
chef
de
concession,
cultivateur,
un
grenier
de
mil"
(FALL 1974, p. 114.).
Les
héros
homériques, eux4l1lussi,
ne doivent leurs
privilèges
économiques
qu'à
leur
valeur
guerrière.
Des
prestations
matérielles
et
honorifiques
sont
reçues
par
les
aristocrates qui s'engagent au premier rang dans la bataille (63).
Agamemnon promet en dédommagement à Achille sept villes dont
"les habitants l'honoreront par des présents (ôert Lvno t )
comme
un dieu et sous son sceptre, lui paieront des droits fructueux"
(II.,
IX, 155-156). Le roi de Phéacie Alcinous compte faire une
levée sur le peuple pour compenser les frais occasionnés par les
dons offerts à Ulysse (65). Quoique les présents demandés au
peuple
fussent
presque
obligatoires
il
est
à
noter
qu"'ils
n'avaient pas le caractère régulier et le taux fixe des taxes ou
impôts. Si limité qu'il ait pu être, le jeu de libre choix à I'égard
du
moment
et
du' montant de la prestation conférait à cette
redevance une tonalité affective et
une signification qu'on ne
trouve pas normalement dans les systèmes de taxes obligatoires"
(65).
L'emploi du terme "don" occulte le caractère de présents
Imposés.
Le
damel précise le montant de sa récompense mais il
n'exige pas, Il sollicite.
Le peuple a
la possibilité
d'examiner

302
le
bien-fondé
de
cette
demande.
Les
rois
et
les
chefs
de
province africains, contrairement aux héros grecs, jouissaient de
prestations de travail.
Le mariage engendrait un échange de dons. En Grèce
comme en Afrique, la dot évaluée en têtes de bétail (ou en son
équivalent,
en esclaves)
assimile la femme il un bien précieux
dans
la
circulation des
richesses
(66).
L'homme
Incapable de
payer la dot en entier fournit des prestations de travail à son
futur
beau-père dans
les sociétés africaines
sans compter les
différents
"cadeaux pour faire sa cour" comme ceux qui sont
offerts à Pénélope par ses prétendants.
5.3. LES RELATIONS MARCHANDES
Deux
sortes
d'échanges
existent,
les
relations
marchandes avec la recherche d'un profit et le simple troc des
villageois
qui
écoulent
le
surplus
de
leur
récolte.
Ils
sont
exécutés dans
un
esprit différent et suscitent par conséquent
des Idées dissemblables.
5.3.1. Le commerce
Une terminologie propre au commerce n'apparart pas
dans les poèmes homériques. Le mot
fJ,lnopoc;
, qui désignera
plus
tard
le
marchand professionnel,
s'applique seulement au
passager qui voyage sur un bateau qui
ne
lui
appartient pas (67).

303
Le sens de
"marchand" donné li
npTJ1<'tnr-1 "celui qui agit,
l'agent" ne s'explique que par le contexte (68). Quant au nom
d'action
npfi~ le; , Il désigne n'Importe quelle affaire (69). Le
substantif
tunop Ln
n'est
pas
employé.
En
effet,
"les
affaires commerciales se placent en dehors de tous les métiers,
de toutes les pratiques, de toutes les techniques, c'est pourquoi
on a pu les désigner dans les langues indo-européennes que par
le fait d"'être occupé" "d'avoir à faire" (BENVENISTE 1969, l, p.
145).
En
Afrique,
les
commerçants
reçoivent
souvent
une
dénomination
qui
indique
leur
origine ethnique
et
non
leur
profession.
A l'époque d'Homère,
l'agora ne servait pas encore
de marché et la monnaie n'avait pas fait son apparition (70). La
Sénégambie
aussi
ne
possédait
pas
de
centres
commerciaux
Importants
tels
qu'en
a
connu
le
Mali
(71).
Toutes
les
transactions se faisaient en troc en l'absence d'une monnaie (72).
Les prisonniers de guerre sont les premiers biens li
faire l'objet d'" achat" et de "v ente" dans l'épopée. Les verbes
wvÉoua l
,
ntPVTJUl
"v endre"
et
aÀ<pavw
"tirer
un
prix" s'appliquent à des Individus capturés (73). Le trafic met
en contact des Grecs et des Barbares venant de pays lointains;
il
implique des
transports

travers la mer",
"vers des fies
lointaines" comme Samos,
Imbros et Lemnos, et chez "des gens
qui parlent une autre langue"
(74).
Les relations marchandes
s'établissent
essentiellement
par
mer
car
les
voies
de
communication li
l'intérieur des terres sont soit
impraticables,

304
soit
Inexistantes à
cause
des
montagnes
(75).
La vente des
prisonniers relève du domaine militaire: les gros bénéfices qu'elle
rapporte aux héros sont appréciés,
un captif peut valoir cent
boeufs
(76).
Elle
n'est
pas
considérée
comme
une opération
commerciale, ce qui découle du sens originel de
nÉpVnlJl
"transférer d'un endroit à un autre",
le sens de "vendre" est
secondai re (77).
Athéna déguisée en Mentès,
le chef des Taphlens,
dit qu'elle "va à Témésa chez les gens d'autre langue troquer
son frêt de fer luisant contre du bronze" (Od., 1, 183-184). On
en a cpnclu que
le besoin de métaux était si
Impérieux qu'il
n'était pas déshonorant d'aller
en
chercher
vers
les
gisements
plus
Importants
d'Asie occidentale
et d'Europe centrale
(78).
Néanmoins
il convient
de
souligner
la
singularité
du
peuple
T~p.h\\'e"s
mythique
des
tillll6s laps,
Il. déroge. sur plusieurs points à
l'éthique du monde homérique. Comme nous l'avons déjà noté, Il
pratique la piraterie en tant que métier: le nom d'agent Àn lO't1ÏP
"pirate" dont il est gratifié l'enferme dans une profession (79).
Les héros ne subissent pas une telle dégradation. Le
verbe
Àn U:OlJal
est employé pour Indiquer leurs actes de piraterie,
car
Ils
n'exercent jamais
une activité
permanente,
ce qui
les
avilirait (80).
Homère désigne les compagnons d'Ulysse une fois
par le terme
Àlll0'tnp
,
mais Il les laisse dans l'anonymat et
évite ainsi de les vouer à une profession (81). La forme même de
la piraterie des Taphlens est Indigne d'un héros; Ils s'attaquent
à
des
Individus
Isolés
ou
à
leurs
voisins
uniquement
pour

305
accumuler du butin à vendre (82).
Par
conséquent
il
n'est
pas étonnant que ce peuple déjà discrédité soit le seul parmi les
1 Grecs à s'occuper du commerce des métaux qui, du reste,
comme une grande partie du trafic des captifs se fait avec des
non-Grecs
"qui
parlent
une
autre
langue"
(àÀÀ68poo l. ).
Selon
P.
Gauthier,
avec
ces
peuples
"les
seules
relations
possibles
sont
de
commerce
(ou
de
piraterie)"( 83).
Pour
corroborer son affirmation Il cite l'exemple de Mentès et celui de
Ménélas qui "pour rassembler beaucoup de provisions et d'or,
croisait avec ses navires chez les gens d'autre langue" (Od. III,
301-302). Nous rappelons que le voyage de l'Atride en Egypte,
contrairement
à
ces
hypothèses,
ne
donne
pas
lieu
à
des
transactions
commerciales mais
à des pactes d'hospitalité avec
des échanges de dons.
Les
souverains
africains
étaient
les
principaux
pourvoyeurs de captifs aux commerçants européens et arabes.
Ils
recevaient des premiers du
fer,
des armes à
feu et de
l'eau-de-vie,
et
des
seconds
des
chevaux,
en
somme,
les
moyens d'assurer leur suprématie militaire et de capturer des
hommes
dans
les
guerres
perpétuelles
( 811) •
L'homme
qui
possédait un fusil et un cheval était considéré comme un prince
(85).
Le prix d'un cheval harnaché, de onze à quinze captifs
au
XVè siecle, témoigne de l'importance de ce bien prestigieux
(86).
Les
aristocrates
pouvaient
s'offrir
aussi
grâce
à
ces
échanges
des
étoffes
rares
et
de
la
quincaillerie qui
leur
permettaient de
démontrer
leur
puissance
économique
et
leur
prééminence sur le reste du peuple.

306..
Le trafic des captifs, honorable car lié à la guerre)
appelle quelques remarques. Les nobles vendent les prisonniers
qu'Ils ont capturés eux-mêmes. Quand les transactions prennent
une tournure véritablement commerciale, c'est-il-dire quand Il y
a achat et revente, erres deviennent méprisables. C'est pourquoi
en Afrique le développement de la traite négrière n'a pas donné
naissance à un groupe de marchands autochtones. Le commerce
des
esclaves
et
des
autres
denrées
est
laissé
aux
mains
d'étranqer-s ,
Des
portugais
appelés
brancos
da
terra,
10-
nçados et
tangomâos ou
tangos mâos
jouaient
le
rôle
d'Intermédiaires entre les Européens et les Africains (87), les
Dioula et les Sarakholé acheminaient les produits de l'intérieur
vers la côte atlantique,
les Arabes venaient du Sahara pour
échanger
leurs
marchandises.
Les
bases du mépris sont déjà
visibles dans le déshonneur qui couvre le paysan qui achète des
esclaves, car il est incapable de les capturer par la force des
armes,
le seul moyen d'acquisition jugé digne d'un aristocrate.
Quant au commerçant, il est discrédité puisqu'il vend des biens
qu'il
n'a
obtenus
ni
par
son
travail
ni
par
des
actions
militaires. Son pacifisme est contraire à l'éthique aristocratique
fondée
sur
la
valeur
guerrière.
Euryale
traite
Ulysse
de
marchand,
car
il
doute
de
sa
compétence
dans
les
jeux
athlétiques:
"Tu me parais celui qui. allant et venant souvent
avec un navire aux nombreux tolets. étant chef de marins
(
àpxôC; vcur éœv ) qui sont des hommes voués aux affaires
(
1tpmc-rnPEC;)
serait
mémorisateur
et
surveillant
de
la
cargaison et
des gains désirés avec avidité (KEP6Éwv e' ap:ra ~
ÀÉwv ). Tu n'as rien d'un athlète" (Od., VIII, 161-164).

307
Ulysse juge Insupportable cette Insulte qui fustige la
mollesse Incompatible avec l'esprit agonlstlque des héros. Pour
prouver ses capacités physiques Il ne se contente pas seulement
d'une réponse verbale, mals
Il se saisit d'un disque et le lance
au-delà de toutes les autres marques (89). Ainsi son honneur
d'aristocrate guerrier est sauvé. Comme en Afrique, ce sont des
étrangers,
en
l'occurrence
les
Phéniciens,
qui
détiennent
le
monopole du commerce en Grèce. Les Phéniciens ne sont pas des
guerriers, ils volent des enfants ou réduisent en captivité leurs
passagers (90); ces actes blâmables sont Indignes d'un héros.
L'image
des
commerçants
-étrangers
n'est guère
flatteuse.
On reproche aux Sarakholé leur amour immodéré du
gain:
"Leur ,passion pour· le: trafic est
si grande,
que
leurs voisins disent, par dérision, q u 'Ils aiment mieux acheter
un
âne pour
transporter leurs marchandises que d lavoir une
femme dont les dépenses diminueraient leurs revenus Il (MOLLIEN
1967 (1818), p. 266).
ILes
Phéniciens
se signalent par
leur
fourberie et
leur rapacité.
L'épithète
r PW1<:'t l'le;
"rongeur,
âpre
aux
gains" leur est attribuée à deux reprises (91). Pour rechercher
des "gains désirés avec avidité (
1<:EP6twv opnaÀtwv
) Il Ils
usent
systématiquement de mensonges:
"savants en tromperies
(
âna'tnÀlaEt6we; )",
"roués
( noÀunaLnaÀol )", Ils
ourdissent
sans
cesse
"des mensonges
( WEu6 eœ )"
et
"trompent (
l:nEP6nEuov) Il même leurs compatriotes (92). Leur
J

308
réputation de malhonnêteté - souvent justifiée - est telle que
seule
la nécessité pousse les hommes à s'embarquer sur leurs
navires (93).
Ils n'hésitaient pas à réduire en captivité leurs
passagers afin de les vendre ainsi que les biens qu'Ils leur
arrachent
(9q) •
Bien
qu'elle
vienne
aussi
de
Sidon,
la
Phénicienne qui garde le jeune Eumée n'a aucune confiance en
ses compatriotes, elle accepte de les suivre à condition qu'ils
"p rêtent le serment de la ramener saine et sauve chez elle"
(Od.,
XV,
Q36).
L'Insistance d'Ulysse pour montrer que les
Phéniciens "n'ont pas cherché li le tromper" et l'ont débarqué li
terre
avec
ses
richesses
souligne
précisément
le
caractère
exceptionnel d'une telle conduite de la part de ce peuple perfide
(95).
Les
commerçants
apparaissent
donc
sous
un
angle
défavorable. Le recours li la ruse pour tromper un ennemi dans
un contexte guerrier est apprécié, JI suscite un dédain quand
on cherche li s'enrichir dans une transaction commerciale. Les
vendeurs professionnels se dégradent en se pliant aux règles
d'un vil marchandage où la recherche d'un profit maximum est
primordiale, ce qui est exclu, en apparence, dans l'honorable
échange
de
dons.
Ils
sont d'autant plus méprisés qu'ils
ne ./
produisent pas eux-mêmes leur subsistance et gagnent leur pain
en plaçant la production d'autrui (c'est pourquoi ils ne sont pas
considérés comme des démiurges) •
Il n'est pas étonnant que les Phéaciens qui, comme
les
Phéniciens,
sont
d'excellents
marins
et
possèdent
une
production artisanale importante, ne s'adonnent pas au commerce

309
( 96) •
Ulysse
est d'ailleurs taxé dans leur pays de marchand
de façon méprisante.
Faudrait-il en conclure que les Grecs à
l'époque homérique et les aristocrates africains étaient hors du
circuit commercial? Homère mentionne
le cas d'un commerçant
grec d'extraction noble: Eunéos,
le fils de Jason. Il vend du
vin à l'armée achéenne stationnée devant Troie (97). Cependant
"
ne conduit pas en personne les transactions avilissantes, Il
s'est contenté d"1envoyer (
nco ènxev ) Il la marchandise sur
des navires 'placés sans doute sous la responsabilité d'un chef
de
marins
(
àpx6c: vouréov
J.
personnage
incarné
par
Ulysse
à
travers
les
paroles
Injurieuses
d'Euryale
(98).
L'épopée ne
donne aucun autre exemple d'un aristocrate qui
emploie des hommes pour faire du commerce pour son compte
puisqu'en s'y livrant lui-même " dérogerait à son rang (99).
Eunéos s'occupe aussi du trafic des esclaves; il a acheté Lycaon
pour
une
valeur de cent
boeufs pour le revendre trois fois
autant à Eétlon d'Imbros (100). " vit en marge des groupes de
guerriers achéens et troyens, par conséquent Il ne partage pas
les valeurs hérolques qui condamnent la pratique du commerce. A
notre
avis,
la
participation
même
Indirecte
de
l'aristocratie
homérique et des rois africains au commerce devait être assez
limitée. Non seulement les guerres et la vente des captifs, mais
aussi
l'échange
de
dons
(dans
l'épopée)
étaient des
moyens
d'acquisition
lucratifs
et
honorables
au
point
que
le
désintéressement pour le commerce laissé aux mains d'étrangers
et
jugé
dégradant
n'impliquait
pas
une perte de
ressources
potentielle6d'autant plus que les nobles en tiraient
un
réel

310
bénéfice sans avoir à fournir des marchandises et à employer
des
hommes
pour les vendre.
Les
négociants pour trafiquer
librement en pays étranger offraient des cadeaux au souverain.
Eunéos a réservé mille mesures de vin aux Atrides (101). Les
Phéniciens ont donné au roi Thoas un cratère d'une rare beauté
(102).
Ces dons semblent revêtir un caractère obligatoire plus
marqué en Grèce (103) qu'en Afrique où Ils sont aussi proposés
aux rois qui faisaient payer des taxes aux commerçants. Dès
leur
arrivée
dans
une
contrée,
les
marchands
portugais
envoyaient des présents au souverain (1011). Dans les royaumes
wolof, l'alkaati, sorte de ministre des affaires étrangères, était
chargé
de
percevoir
les
"coutumes"
que
les
commerçants
européens étalent tenus de payer pour les droits d'ancrage et
d'établissement (105). " est à noter que "la valeur globale des
coutumes est supérieure. en fait. à celle du commerce global du
Waalo avec <le comptoir de> Saint-Louis" (106). Des conflits ne
manquèrent pas d'éclater entre le pouvoir monarchique et les
Européens qui jugeaient ces droits élevés et refusaient de les
payer
( 107) •
Des
redevances
étaient
aussi
exigées
aux
caravaniers pour leur passage. Même en temps de guerre, les
caravanes pouvaient circuler sans être attaquées (108).

3J 1
s. 3. 2. Le troc entre villageois
Hésiode
emploie
le
terme
èuno o L11
"commerce",
mais Il conseille, non sans réticence, à son frère de s'adonner à
cette activité:
"Si tu veux tourner vers le commerce (tj.11tOpL11V)
ton coeur insensé. échapper aux dettes et à la faim amère. je
t'enseignerai les lois de la mer retentissante" (T r., 646-648).
Seule la misère pousse les hommes à s'aventurer sur
les flots.
Le père du poète "naviguait. faute d'aisance". "il ne
fuyait
point
devant
l'opulence mais bien devant la
pauvreté
funeste" (Tr., 634; 637). Les hommes dont la terre est féconde
n'éprouvent pas
le besoin d'affronter des périls sans nombre
sur la mer, leur gouvernail reste suspendu à la cheminée (109).
Le paysan
possède un
navire aux dimensions réduites (110);
l'emploi
du
terme
"navire"
au
pluriel
(viiac;.
tv v11UO L )
résulte
du
style
formulaire
de
la
poésie
épique
(111).
Il
emprunte
la
voie
maritime
tout
simplement
à
cause
de
l'Inexistence de routes terrestres.
Il écoule ses produits dans
les régions limitrophes. Il n'est pas un marchand professionnel,
le
commerce
est
pour
lui
une
ressource
d'appoint
intrinsèquement
liée
à
l'économie
agraire.
La
cargaison
est
constituée du surplus de la production agricole, seule une faible
partie de "ce qui fait vivre" ( l3Lov)
le paysan est embarqué
sur le navire (112). La navigation a lieu pendant les périodes
mortes du calendrier agricole, cinquante
jours en été entre le
dépiquage du blé et les vendanges (113),
et au printemps, mais

312
à
cette époque
les risques de naufrage sont nombreux,
"les
hommes
en
usent
néanmoins,
parce
que
leurs
âmes
sont
aveugles: les richesses c'est la vie des pauvres mortels" (Tr, ,
685-686) •
Les gains acquis par la violence ou le mensonge sont
condamnables
(114).
Au
contraire,
même si
c'est
un ultime
recours pour sortir de
la misère,
le commerce saisonnier du
paysan (et le profit qu'il rapporte) (115) est tolérable car il ne
remet pas en question l'autosubsistance du laboureur qui reste
attaché li son travail agricole.
La pratique du commerce en tant que métier devait
être
considérée
comme
un
déshonneur.
Le
marchand
professionnel
vendait des
produits qu'il ne tirait pas de son
propre
champ.
Sans
lien
avec
l'agriculture,
il
achetait des
produits agricoles ou
artisanaux qu'il
revendait difficilement,
car
les
paysans
jugeaient "ruineux tout ce qui
<venait> du
dehors" ctr., 365).
La même réprobation apparart dans la société dlola
où, pourtant, le travail jouit d'une grande estime. Le commerce
n'est
pas
condamné
en
soi,
puisque
c'est
une
activité
indispensable, mals celui qui l'exerce comme métier est méprisé,
car il délaisse l'agriculture, donc le seul moyen d'assurer son
autosubsistance.
"Echanger"
se
dit
de
façon
significative
"dessécher"
(kasaxen).
Néanmoins le troc entre villageois est

313
toléré. Des marchés ruraux se tiennent en général tous les trois
ou quatre jours presque partout en Afrique. Ca Da Mosto nous
en rapporte une image au XVè siècle:
"Je me deliberay d'aler à un marché et foyre qui se
faisoyt près du lieu ou j'étoys logé. en une prerie en laquelle il
se tenoyt le lundy et le vendredy. Là s'assembloyent hommes et
femmes de tout alentour de cinq et six milles loin. Car ceux qui
en étoyent plus éloignés. se transportoyent à d'autres qu'on a
aussi coutume de tenir autre part. Et en iceux peut on bien
comprendre la grande pauvreté en laquelle ces gens sont detenus
par les choses qu'ils portent vendre qui sont, cotton (mais en
petite quantité).
filets et draps de cotton,
legumages , huile,
millets, conques de boys, nates de palme, et de toutes autres
besongnes, qui leur sont particulières. desquelles se déchargent
autant bien les femmes que les hommes, qui avec ce vendent de
leurs armes ensemble quelque petite quantité d'or, laissans le
tout pour autre chose en échange et non pour deniers pour ce
qu'ils
n'en
usent
point,
ny
d'aucune espèce de monnoye de
quelque
sorte que ce soyt.
Mais ils troquent un chose pour
autre, ou deux pour un, ou troys pour deux" (CA DA MOSTO
1974(1455), p. 114-115).
Comme
dans
la
société
d'Hésiode,
les
échanges
portent essentiellement sur des produits agricoles. Pour les Wolof
"celui qui a un surplus peut le vendre" (DARD 1826, p. 140).
Par
surplus
il
faut
comprendre
la
production
agricole
excédentaire
ou
le surnombre de têtes de bétail cré~ par la

reproduction biologique.
La recherche d'un profit, tolérée dans
le milieu rural béotien, est blâmable dans les sociétés africaines
.
où "il vaut mieux perdre que de faire un gain honteux" (DARD
1826,
p.
128).
L'égalité
est de
règle dans ces échanges de
produits de même quantité.
Une mesure de mil équivaut Il une
mesure de sel par exemple, une mesure d'une denrée peut égaler
deux d'une autre denrée. Mais ce qui est fondamental c'est la
fixité du système d'équivalence qui permet de ne pas recourir à
un marchandage avilissant. Il s'agit d'échange (weccante) et non
d'achat et de vente. Ceux qui y procèdent n'apparaissent pas
comme des marchands:
"Tous les Poules <les Toucouleur> font le commerce
mais
on ne
peut donner le nom de marchands qu'à ceux qui
portent
les denrées d'un pays dans un autre Il (MOLLIEN 1967
(1818), p. 172).
Ces échanges qui constituent une source de
revenus
d'appoint
pour
le
paysan
doivent
s'effectuer
sur
une
aire
géographique restreinte;
selon une maxime toucouleur "le troc
par quantités égales doit s'arrêter là où les villages s'arrêtent"
(CADEN 1931, p. 281).
Bien qu'II ne soit pas l'objet d'un discrédit, ce troc
est digne seulement des pauvres paysans qui n'ont besoin que de
biens
de
faible
valeur
(117).
Les
aristocrates
préféraient
accroître leurs richesses par les seuls moyens d'acquisition à la
hauteur de leur rang, la violence et l'échange de dons.
x
x
x

315
Les
moyens
d'acquisition
ne
sont
estimables que
lorsqu'Ils n'Instaurent pas un rapport de dépendance. L'égalité
et la réciprocité qu'ils. établissent fondent le prestige du système du
don et contre-don. En Afrique, la plupart des relations au sein
de la communauté IIgnagère et villageoise s'y rattachent; dans
notre analyse nous nous sommes plus intéressé
aux échanges
entre des
communautés
différentes;
ces
échanges
sont moins
développés qu'en Grèce où l'Isolement des oikoi constitués
par
des familles restreintes nécessitaient des contacts plus fréquents
avec
l'extérieur.
Si
la
violence
exercée
par
représailles
est
honorable, c'est parce qu'elle implique une certaine égalité comme
dans
le
système
du
don
et contre-don.
Le parti agressé
le
premier oblige les adversaires à le dédommager. Les aristocrates
qui s'attaquent à leurs sujets sont blâmables, car ces derniers
n'ont pas les moyens de répondre à la violence par la violence.
Le commerce où
la recherche d'un
profit est primordiale est
discrédité, il s'oppose à toute égalité, le commerçant est sous la
dépendance du
client.
Quant au troc entre villageois,
il est
permis
car
il
suppose
une
certaine
réciprocité:
Il
n'y
a
ni
acheteur
ni
vendeur,
les
deux
partis
sont
placés
au
même
niveau, Il s'agit d'un échange.
Au Sénégal, de nos jours, les Idées suscitées par le
don et contre-don apparaissent dans les relations marchandes.
Les marchandages interminables sont très significatifs; le prix de
vente des articles n'est pas affiché, 1/ varie selon l'amitié créée
pendant la discussion entre le client et le vendeur.
Il n'est pas

316
rare d'entendre ce dernier
dire à
son
interlocuteur
:
"Je te
vends
cet
article
sans
bénéfice
(ou
à
perte) • car
tu
fi 'es
sympathique" .

NOTES
DU
CHAPITRE
5

318
(1)- VIDAL-NAQUET 1972, p. 25.
(2)- Cf. FINLEY 1978, p. 76.
(3)- tt.,
" 125; 366; Il, 226; IX, 664; 668; XI, 625; WALLON
1879, p. 66.
(11)- Od; , IX, 39-119.
(5)- oe., VII, 9-10; AYMARD 19118, p. 35.
(6)-
"Il n'est pas étonnant que certains Grecs se soient en fin
de compte opposés à Homère en tant qu'éducateur de l'Hellade.
Glorification
de
la
piraterie, condamnation
du
vol
(quand on
saisit à la dérobée), mais encouragement du brigandage (quand
on s'empare des biens et des personnes à la force du bras)"
(FINLEY 1978, p. 83).
(7)- u., III, 351-3511.
(8)- tt., XI, 671-6811.
(9)- THUCYDIDE, "
S, 2; AYMARD 19118, p. 311-35.
(10)- BENVENISTE 1969, "
p. 168.
(11)- oa., XIV, 262-286; cf. IX, 110-61.
(12)- oa., XVI, 1126-1127.
(13)- Les noms d'agent
Àn (OT(:)O
(Od.,
XV,
1127) et Àn LOTtiO
(Od., XVI, 2116) qui sont des épithètes des Taphlens désignent
la fonction de "pirate".
(111)- Od., XV, 427-428; cf. XIV, 1152.
(15)- oa., XIV, 296-297; XV, 1150-1153.
(16)- oa., XIV, 87-88.
(17)- oa., XVII, 286-289.
(18)- rr., 1170.
(19)- t r., 111; 161; 229.
(20)- rr., 323; 352.

(21)- Contra DETIENNE 1963, p. 19; cf. VERNANT 1965, p. 44.
(22)- rr., n3-155.
(23)- Tr., 158.
(24)-
'Axaot xaÂlCoxL'twVEC:;: Il.,1,371; Il,47; etc.
(25)- CADEN 1931, p. 313.
(26)- CA DA MOSTO 1974 (1455), p. 76; GADEN 1912, p. 125.
(27)- CADEN 1912, p. 122.
(28)-DIOPA. B. 1981, p. 195.
(29)- BARRY 1972, p. 126.
(30)- DIOP A. B., 1981, p. 195.
(31) - Le seb ok baor était composé des trois grands électeurs du
royaume du Walo: le "maître des eaux"
(iogomaay),
le
"martre
de la terre" (iawdin) et le trésorier général (maa/o).
(CADEN
1912, p. 191 sq.; BARRY 1972, p. 95).
(32)- BARRY 1972, p. 135 sq.; p. 267sq.
(33)- RITCHIE 1968 (1673), p.
322; MOLLIEN 1967 (1818),
p.
75.
(34)- Cf. u., XXIV, 239 sq,
(35)- MAUSS 1973
(36)-
FINLEY
1978;
voir
aussi
BENVENISTE
1966
sur
le
vocabulaire du don.
(37)- BENVENISTE 1969, Il, p. 103 sq.; cf. CHANTRAINE 1954,
p. 74sq.
(38)- oa., IX, 106; 273; 370; 478.
(39)- oa., XXIV, 273.
(40)- os., 1, 311; FINLEY 1978, p. 78.
(41)- MAUSS 1973, p. n7.
(42)-Od., IV, 600.
(43)-Od., IV, 612.
(44)- oa., XIII, 13.
(45)- Od., XIV, 286.

320
(46)- Ode , IV , 81-85, 90.
(47)- Od., 125-130. Les termes
f6wlCEV. 6WlCE
,
et
6wpa
sont employés par le poète (cf. Od.,
III,
299-302;
IV,
90-91;
XIV, 285-286; 323-324; XIX, 286).
(48)- Hector et Ajax: 1/., VII, 302sq.
(49)- 1/., VI, 234-236.
(50)- FI NLEY 1978, p. 82.
(51)- Sur l'hospttatlté dans les sociétés wolof et toucouleur voir
LY B. 1967, p. 368sq.
(52)- "Les peuples d'Afrique, comme ceux de l'Asie, n'attachent
pas tant d'importance à la valeur intrinsèque d'un présent qu'au
don même qu'ils regardent comme un hommage rendu au pouvoir"
MOLLIEN
1967(1818),
p. 126).
(53)- MOLLIEN 1967 (1818), p. 56.
(54)- CADEN 1931, p. 43.
(55)- Cf. r-., 342-369; 390-404.
(56)- Tr., 451-457.
(57)- tr., 453.
(58)-
Tr.,
349-351.
Les
prêts
que
les
riches
aristocrates
octroyaient aux paysans obéissaient à des règles dlfférentes , cf.
WILL Ed. 1965.
(59) LABOURET 1953, p. 13.
(60)- CADEN 1931, p. 42.
(61)- Cf.
LEIRIS 1958, p. 74.
(62) - Cette récupératlon a ~t~ notée dans la société indienne par
MEl LLASSOUX 1973, p. 18.
(63)- Cf. /1., XII, 310-316.
(64)- oa., XIII, 13-15.
(65)- FINLEY 1978, p. 118.
(66)- Sur le mariage et le système du don, voir VERNANT 1973
et FINLEY 1978, p. 80; 121-122.
(67)-Od., Il, 319; XXIV, 300.

321
(68)- oa., VIII, 162.
(69)- Od., III, 72; IX, 253. VELISSAROPOULOS 1977, p. 65.
(70)- VIDAL-NAQUET 1972, p. 57-58; FINLEY 1978, p. 8l.
(71)- BOULEGUE 1968, p. 88.
(72)- CA DA MOSTO 1974 (1455), p. 11S.
(73)- BENVENISTE 1969, 1, p. 137.
(74)- A travers la mer: tt., XXIV, 752; nes lointaines: u., XXI,
454;
XXII,
45;
Samos,
Imbros,
Lemnos: 1/.,
XXI,
40;
58; 79;
d'autre
langue: oa., 1, 183; XV, 453.
(75)- GLOTZ 1920, p. 7l.
(76)- 1/., XXI, 79.
(77)- BENVENISTE 1969, 1, p. 133.
(78)- FINLEY 1978, p. 73; 82-83.
(79)-
BENVENISTE
1948,
p.
37;
47.
Nous ne retenons pas la
différence
faite
par
E.
Benveniste entre
la
valeur
des
noms
d'agent en
-
tnp
et celle des noms d'agent en -twp .
(80)- Achille et Patrocle (II., XVIII, 28) et Ulysse (Od., 1, 398;
XXIII, 357) "font des actes de piraterie" ( Ànl.l;oUOL).
(81)- oa., XVII, 425.
(82)- oa., XV, 427-429; XVI, 426-427.
(83)- GAUTHIER 1973, p. 6.
(84)- BARRY 1972, p. 126.
(85)- MOLLIEN 1967 (1818), p. 123.
(86)- CA DA MOSTO 1974 (1455), p. 48; 116-117.
(87)- BOULEGUE 1968, p. 133.
(88)-
Les Dloula présents dans toute l'Afrique occidentale sont
d'origine mandingue.
(89)- oa., VIII, 166sq.

322
(90)- oa., XIV, 288-298; XV, 450-453.
(91)- oe., XIV, 289; XV, 416.
(92)- oa. , VIII, 164; XIV, 288; 296; XV, 419sq.
(93)- oe., XIV, 298.
(94)- oa., XIV, 288-298.
(95)- oa., XIII, 272-286. AYMARD 1967, p. 325 n, 6.
(96)- oe., VII, 103-110.
(97)- Il. , VII, 467-475.
(98)- oa., VIII, 162; cf. BRAVO 1977, p. 31.
(99)- L'hypothèse selon laquelle les nobles riches prêtaient aux
pauvres, pouvant donner des terres en gages, les biens meubles
nécessaires
pour
commercer
ne
se
vérifie
pas
à
l'époque
homérique (contra BRAVO 1977, p. 25).
(100)- u., XXI, 40-43; 79-80; XXIII, 746-747.
(101)- Il. , VII, 470-471.
(102)- u., XXIII, 741-745.
( 103) -
"Pour qu'un peuple de marchands se livre à de pareilles
libéralités,
il
faut
bien
qu'il ne
puisse
pas
faire
autrement"
(ANDREADES 1915, p. 405).
(104)- CA DA MOSTO 1974 (1455), p. 143; 159-160.
(105)- BOULEGUE 1968, p. 132-133.
(106)- BARRY 1972, p. 128.
(107)-VoirBARRY 1972, p. 127sq.
(108)- MOLLIEN 1967 (1818), p. 140-141.
(109)- rr., 45; 236-237.
(110)- BRAVO 1977, p. 25.
(111)- AYMARD 1948, p. 37 n, 5; 1967, p. 326 n. 4.
(112)-
Tr.,
689-690.
Les mots
tHoç
(Tr.,
31;
42;
232;
501;
577;
601;
634) et
tHOTOÇ
tr-.,
301;
307;
476;
499)
désignent la récolte engrangée. Cf. AYMARD 1967, p. 327.

323
(113)-
rr., 663 sq.
( 114) - Tr., 323.
(115)- Tr., 632; 644.
(116)- THOMAS 1958, p. 32; 283.
(117)- LABOURET
1953, p. 18.

CONCLUSION

325
Notre étude comparée ne visait pas à souligner une
parenté entre les civilisations africaines et la civilisation grecque
mals
à éclairer les unes par l'autre et vice-versa et à définir,
ainsi, les groupes sociaux et l'Idée de travail.
Les témoignages écrits du monde grec apportent une
plus
grande
fiabilité
à
la
tradition
orale
des
"peuples
sans
écriture" qui,
en
revanche,
permet de les comprendre mieux.
Nous
pouvons
citer
quelques
exemples
pour
lesquels
le
r
comparatisme
s'est
révélé
très
utile.
Des
mythes
déformés,
démembrés,
refondus au fil des siècles et selon la fantaisie des
poètes se retrouvent dans leur Intégralité en Afrique. Ainsi les
liens entre Héphaistos le forgeron divin et Prométhée le voleur
de feu s'expliquent par le dédoublement du personnage du héros
civilisateur
tel qu'II
apparan dans
la mythologie africaine.
Si
nous avons pu parler de rapports de clientèle entre les hommes
"libres" et les démiurges à propos desquels, aucune rémunération
n'est mentionnée, c'est parce que de tels rapports sont connus
avec plus de précision dans les sociétés africaines.
Les groupes
sociaux
étant
nettement
tranchés
chez
les Wolof,
nous
avons
utilisé les critères qui permettent de les définir pour apporter la
lumière sur la division sociale dans le monde grec. Aux qéér , les
hommes
"libres" ,
correspondent
les
héros et
les
membres
du
dèmos,
ils
travaillent
pour
eux-mêmes
et
n'exercent
pas
de
métier; le champ référentiel des termes grecs se caractérise par
l'inexistence de noms de profession ou de métier. Demiurges et

326
et nee'ï1ô apparaissent comme des spécialistes, les deux vocables
sont formés sur des mots qui évoquent le travail.
Les premiers
sont enfermés dans leur métier, les seconds sont relégués dans
des castes;
ils se distinguent des hommes "libres" les uns par
leur champ référentiel pourvu de noms de métier, les autres par
leur statut. Ce n'est pas la multiplicité des termes qui désignent
les esclaves en grec qui pose problème, car en Afrique, où un
seul
terme
leur est appliqué en général,
les mêmes problèmes
subsistent.
Ces constatations nous ont amené à nous interroger
sur la spécificité des esclaves africains dont la dénomination ne
change pas. Cette dénomination est liée à leur état qui est une
tare indélébile, contrairement à
la condition qui varie selon les
tâches ou les fonctions confiées aux dépendants d'origine servile.
Nous avons donc essayé de définir l'esclave par sa condition et
par son état sur le plan du discours dans le monde grec et sur
le plan de la réalité dans les sociétés africaines en les mettant en
parallèle.
Les
divergences
contribuent
elles
aussi
à
une
meilleure connaissance de ces sociétés. Elles sont essentiellement
liées
aux
structures
de
la
parenté.
L'individualisme est
très
prononcé en Grèce.
Les familles restreintes sont isolées, elles ne
se
fondent
pas
dans
le
moule
unificateur
d'une organisation
Iignagère ou villageoise.
Quoiqu'il existe des villages, les oikoi
demeurent Indépendants les
uns
des
autres.
A
défaut
d'une
solidarité entre parents,
les relations avec les familles voisines
ou
étrangères
sont
privilégiées.
Les
héros
s'accompagnent
d'hommes de suite armés, les thérapontes, qui, parfois, viennent

327
d'autres
pays.
Les
besoins
d'une
main
d'oeuvre
d'appoint
explique
l'emploi
de
thètes,
Ils
sont
des étrangers
dans
le
monde homérique, ou des voisins appauvris du paysan béotien
dans
les
Travaux.
Le système du don et
contre-don très
développé
nécessite
de
longues
expéditions
maritimes.
L'Inexistence dans
les
sociétés
africaines
de
groupes
correspondant
aux
thètes et
aux
thérapontes s'explique
par
l'entraide au sein du lignage et du village. Les prestations de
travail entre villageois
suppléent aux
services des ouvriers à
gages.
Les
suurga,
les
"cadets", servent
comme
soldats
en
temps de guerre et exécutent des tâches domestiques en temps
de paix, ce qui exclut le recrutement d'hommes de suite hors de
la famille étendue.
Le système du don et contre-don est fondé
plus sur les relations entre les membres d'une même communauté
que sur les rapports avec des étrangers.
Malgré ces différences,
le travail suscite des Idées
identiques dans ces sociétés d'autosubsistance. L'autosubsistance
n'implique pas
le
rejet
ni
de contacts
avec l'extérieur, d'une
circulation des
richesses
hors de
l'unité de production et de
consommation, ni d 'u n recours au travail de spécial istes (1).
Le travail en soi n'est jamais l'objet d'un discrédit.
S'il arrive qu'il provoque le mépris, cela "ne découle ni du fait,
ni de la nature du travail, il existe seulement si, à l'occasion ou à
cause du travail accompli, l'exécutant se trouve dépendre momenta-
nément ou de façon permanente du bénéficiaire"
( 2) •
Il
faut
distinguer deux formes de travail en fonction desquelles l'Individu

328
est situé dans la hiérarchie sociale.
Aux
degrés
supérieurs se
trouvent
les
hommes
"libres" qui travaillent pour eux-mêmes sans s'assujettir il des
ordres. Par leur travail personnel Ils atteignent l'idéal d'autarcie
Individuelle.
Les degrés
Inférieurs sont occupés par ceux qui
exécutent leur travail pour autrui; Ils sont classés selon le lien
de dépendance qui les unit il leur patron. Les esclaves qui sont
condamnés
à
accomplir
des
tâches
par
force
et
de
façon
permanente vivent sous la subordination la plus déshonorante.
L'ouvrier
salarié perd une partie de son Indépendance en se
mettant au service d'un patron qui peut même être un esclave
dans l'épopée. Certes par son statut d'homme libre et par son
engagement provisoire,
Il se place au-dessus de l'esclave, mals
l'aliénation volontaire de
la liberté est si dégradante qu'II est
préfèrable de s'adonner à la mendicité qui exclut l'obéissance aux
ordres
d'un
employeur.
Contrairement
à
l'esclave
et
au
travailleur
salarié,
le spécialiste, démiurge
ou
neeno,
est
doté d'un savoir-faire qui suscite l'admiration. Sa dépendance est
moins marquée,
Il n'offre ses services ni par force ni pour un
salaire.
Il ne se soumet pas au contrôle d'un manre quand "
exerce son métier.
Néanmoins en tant que client des hommes
"libres Il qui lui fournissent sa subsistance sous forme de dons
et
auxquels Il offre en contrepartie ses ouvrages ou ses services, Il est
considéré comme un Inférieur. Il est appelé à se plier aux désirs et
aux besoins des usagers des produits qu'il fabrique. Il ne travaille
pas pour Iut-même, mais pour le peuple, ce qui le dégrade.

329
Les
Idées
sur
les
moyens
d'acquisition
sont
tributaires de l'Idée de travail. Le système du don et contre-don
est
en
honneur
dans
la
mesure où
Il Instaure non pas des
relations de dépendance mals
des
rapports de réciprocité.
La
violence exercée par représailles suppose une égalité entre les
héros
en
conflit,
par conséquent elle est tolérée.
Quand
les
hommes du peuple qui sont incapables de répondre à la violence
par la violence sont victimes de pillages, ce moyen d'acquisition
suscite une réprobation, car l'idée d'égalité n'est pas respectée.
Le troc entre villageois est admissible,
il établit une certaine
réciprocité, Il s'agit d'un échange sans recherche de profit. Par
contre,
le commerce est discrédité,
il implique la soumission à
des
acheteurs
auxquels on essaie de vendre des
produits en
cherchant
à
réaliser
un
bénéfice
par
le
recours
à
un
marchandage avilissant.
L'Idée de travail ne tient pas compte de la richesse.
Le paysan le plus pauvre se situera au-dessus du spécialiste ou
de
l'esclave
le plus
riche
dans
la mesure où Il atteint l'idéal
d'autarcie Individuelle, en théorie. Nous précisons "en théorie",
car, en réalité, il subit la domination des aristocrates riches.Son
exploitation
est
voilée
par
le système de
réciprocité.
Il doit
fournir
des
prestations de travail aux nobles guerriers qui le
protègent.
Dans le monde d'Hésiode sa pauvreté le met sous la
férule des riches auprès desquels il s'endette. Paysans et nobles
sont rangés dans le même groupe, alors que tout les sépare, les
derniers
cités
peuvent
disposer
d'un
surplus
agricole
et de

330
produits artisanaux (les gens de métier formant leur clientèle)
qu'Ils utilisent pour augmenter leurs richesses grâce à l'échange
de dons;
en tant que guerriers,
Ils
bénéficient de butin de
guerre et du produit des pillages. Les seuls moyens d'acquisition
jugés honorables,
la violence et les dons et contre-dons, sont
hors de la portée des paysans. Même s'il existe des échanges de
dons entre pauvres, Ils portent sur des produits de subsistance
ou des biens de faible valeur. Tout en rejetant le commerce les
rois
en profitent grâce aux taxes ou aux présents que
leur
doivent
les marchands.
Par conséquent, l'opposition créée par
l'idée de travail entre les "détenteurs des moyens de production"
et "ceux qui en sont dépourvus"
implique
le
regroupement
des
grands
propriétaires
fonciers
et
des
petits
paysans
dont
l'antagonisme est constant"
(3).
L'Idée de travail
contribue à
occulter un tel antagonisme.
Le travail et les Idées qu'II suscite creusent un fossé
entre martres libres et esclaves. Toutefois cela n'engendre pas
une opposition génératrice de
conflits.
Les esclaves n'ont pas
conscience d'appartenir à un
même groupe,
au contraire,
par
leur condition et par leurs orlgi nes ils s 'opposent entre eux. En
Afrique, les hommes capturés les armes à la main et servant par
la
suite
la
couronne
méprisent
les
esclaves achetés.
Aucune
solidarité n'existe entre ces derniers et ceux qui sont nés dans
la maison ou qui y sont intégrés depuis longtemps. Dans l'oikos
d'Ulysse,
les
esclaves
"fonctionnaires"
les
plus
anciens
tels
Eumée,
Phlloltlos,
Euryclée se rangent du côté de leur manre
contre les jeunes dépendants tels Mélantheus, sa
soeur et
.les

331
suivantes infidèles. L'union des esclaves et des paysans pauvres
pour se débarasser de la domination des rois est inconcevable.
Même si
les premiers,
lorsqu'Ils forment un corps de guerriers
du
roi,
exploitent
les seconds, ces derniers les méprisent en se
fondant sur leur propre statut d'hommes libres; " n'est donc pas
étonnant
que
les
paysans
ne
se
rangent jamais du côté des
esclaves de condition plus modeste. Dans les sociétés africaines
les révoltes
serviles
ne bénéficiaient pas du soutien des petits
paysans et éleveurs qui, au contraire, s'associaient aux nobles
riches pour organiser la répression. Le clivage social est lié au
statut et non aux rapports d'exploitation.
- -
Les
démiurges et
les
neeno
bien qu'ils travaillent
pour les hommes "llbres" ne sont pas pour autant exploités. Des
rapports
de
clientèle
sont
Instaurés
entre
eux,
Ille patron
cherche moins à obtenir produits ou services au meilleur compte
qu'à s'attacher les groupes producteurs à des fins politiques ou
sociales,
hors
des
circuits
de
l'échange
marchand
et
indépendamment de toute rentabilité" (4). Les clients, artisans et
membres des professions Intellectuelles,
reçoivent des dons qui
ne
constituent pas
un
paiement,
car ils sont offerts lors des
cérémonies
et
leur
valeur
n'est
pas déterminée
par celle des
produits fabriqués. Voro Dyao, reprochait aux
neêno d'être des
parasites vivant aux dépens des autres, puisqu'ils n'étaient pas
Intégrés dans un circuit de dons et contre-dons. Encore aujourd'hui
au Sénégal, Il n'est pas rare de voir des
neeno
laudateurs
et
quémandeurs lors des fêtes. Si l'idée de travail a changé avec le

332
développement
du
salariat,
si
des métiers réservés
jadis aux
-~
neeno sont
exercés
aussi,
de
nos
jours,
par
des
géér,
la
hiérarchie établie selon le statut, en revanche, existe toujours: la
ségrégation matrimoniale persiste encore, l'union entre une personne
"libre" et une "castée", rencontre le plus souvent l'opposition des
parents.
En Afrique subsaharienne et en Grèce archalque la
valeur attachée à la notion de travail est déterminée par et pour
les
riches
aristocrates.
C'est
leur
statut
commun
d'hommes
"libres" qul crée une solidarité entre ce groupe d'exploiteurs et
la masse des paysans exploités.
Par leur puissance mlIftaire et
économique, les nobles accaparent les moyens d'acquisition jugés
honorables,
s'entourent
de
démiurges
ou
de neeno afin
de
souligner de façon ostentatoire leur supériorité sur le reste du peuple.
Ils assujettissent une masse importante d'esclaves uti Iisés comme
objets
d'échange, travailleurs ou soldats (en Afrique).

333
NOTES
DE
LA
CONCLUSION
b,
(1)- MEILLASSOUX
1975
p. 63.
(2)- AYMARD
1948,
p. 39.
b
(3)- LEVEQUE
1978 ,
p. 542.
(4)- MEl LLASSOUX
1973,
p. 21.

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3S2
INTRODUCTION
p.
Il
Notes de III ntraduction ..................••..•..•.•....• p.
12
CHAPITRE
1
HOMMES
"LIBRES"
ET
TRAVAIL PERSONNEL. ••••••• p.
13
1• 1•
LE S
NO BLE S ••.••••••••••••••.•••••••••••••••• p.
1Il
1.1.1.
Les nobles en Grèce
p.
14
1. 1. 2.
Les
nobles
en
Afrique •....•.•••••••••••..••.• p.
23
1.2.
LES
PAYSANS
p.
26
1.2.1.
Le travail est
une
nécessité •••.•.••....•.•..•.p.
26
1 .2.2.
Travail et autarcie
p.
31
1• 3.
LES
FEMMES ..•........•.........••.•......•••.• p.
37
1.3.1.
Les
aristocrates
p.
37
1. 3.2.
Les femmes de paysans .........••.•••••.......• p.
41
Notes' du
chapitre
1
p.
47
CHAPITRE
2
DEMIURGES
ET
NEENO
LA SPECIALISATION
PROFESSIONNELLE .•••••.•••••.• p.
55
2.1.
LES
DEMIURGES
op.
S6
2.1.1.
Les
artisans
.p.
S6
2. 1.2.
Les professions intellect uelles ..............•.. p.
73

353
... .,.
2.2.
LES
NEENO
p.
92
2.2. 1.
La sit uation
ambiguë
des neeno............... p.
92
2.2.2.
Les
fondements
de
l'ambiguïté ...•..•••••••..• p. 100
Notes
du
Chapitre
2
p. 117
CHAPITRE
3
ESCLAVES
ET
TRAVAIL
FORCE •••••••••••••••••••••• p. 133
3.1.
L' ESCLAVAGE
EN GRECE •..•••.•••••..•.•••••. p. 134
3.1.1.
Le
3. 1.2 • L'esclave
141
3.1.3.
Esclaves
et
3.1.4.
Les esclaves
dans
l'oikos du laboureur
béotien
p ..
19S
3.2.
L'ESCLAVAGE
EN
AFRIQUE ...•................. p. 197
3.2.1..
L'état
servile
p. 198
3.2.2.
La condition des
esclaves ...•..••....•.•.•.... p. 205
3. 2. 3.
Les
esclaves
de
la
couronne................. p. 211
Notes
du
Chapitre
3
p. 218

. /
1
354
CHAPITRE
4
TRAVAI L
ET
AUTRES
FORMES
DE
DEPENDANCE:
THETES, MENDIANTS
ET
THERAPONTES ••.•.••••••.• p. 240
4.1.
THETES
ET
TRAVAIL
SALARIE .•••••••••••••• p. 241
4.1" 1. Les
thètes"""",,"""""""""""""""""""""""""""""""" p.
2ql
4.1.2. Le
travail salarié en Afrique .....•...••••.•.•• p. 251
4.2.
MENDIANTS
ET
OISIVETE •••••••••••••••••••••• p. 253
4.2.1.
Les mendiants en Grèce •..•••••••••..•.••••••• p. 253
4.2.2.
La mendicité en Afrique ..•••••.•••.•••..•..•.• p. 261
4.3.
THERAPON TES
ET
SERVICE
MILITAIRE •••••••• p. 263
4.3. I .
Le compagnon du guerrier .••••...•...•..•...• p. 263
4" 3" 2"
Le
se rviteur" """""""""""""""""""""""""""""""""" p" 26 9
Notes du
Chapitre
4.•.....••...•.....••.........•....p. 273
CHAPITRE
5
LES
MOYENS
DI ACQUISITION ••••••••••••••••••••••• p. 282
5. t ,
LA
VIOLENCE •.•.••••••••••••••••.•••••••••••••• p. 283
5. 1. 1.
La violence
dans la
société
grecque ...•••..... p. 283
5. 1.2.
La
violence
dans les
sociétés africaines
p. 289

355
5.2.
LE
SYSTEME
DU DON ET
CONTRE-DON ......• p. 292
5.2. 1•
Dons
et
hospitalité •..••••..•.....•.•..•...•..• p. 292
5.2.1.
L'entraide
villageoise •.••• ~NS~,,~F~!Ç1W.~x::': p. 296
l~~ ~C.<f ~
c
lL1 f!
.:
5.3.
LES
RELATIONS
MARCHAND S
.:;,/...... p. 301
\\. ~ .:'
"
i
\\:,
5.3.1.
Le
commerce •......•.......' . .t'.f"J~f:.Il. ~u.P:-,~: .:~ •••••••• p. 301
-----
5. 3. 2.
Le
troc entre villageois
p. 311
Notes
du
Chapitre
5.................•............... p. 317
CONCLUSiON .....................................•.... p. 324
Notes
de
la
Conclusion ••••••••••••••••••••••••••••.•• p. 333
BIBLIOGRAPHIE ••••••••••••.•..•••••.•..•••••••.•••••. p. 334
TABLE
DES MATIERE5
p. 351