UNIVERSITE
tE
DROIT
D ECONOMIE
ET
DE SOENCES
SOCIALES
tE PARIS
( PARIS Il )
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\\ CONSEIL AFRiCAIN El MALGACHE
POUR L'ENSEIGNEMENT SUPERiEUR
C. A. M. E. c:. - . O,UAGADOU~OU
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i Arrivée. ....: :;,J J\\J,199..-. $'
Enregistré sous n° ~.Q ',O.~..8. .
LES MARIAGES MIXTES
EN DROIT INTERNATIONAL PRIVE
SENEGALAIS
3éme
)
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THE5E
Pour le DOCTORAT (
Cycle.
P presentee et· soutenue
publiquement le
1979
par Abd'EI-KADER
BOYE
JURY
Prèsident. : nr P. BOURft
professeur
Suffragants :
nn
Jacques
FOY ER
professeur
- 1 1 -
- 1 1 -

INTRODUCTION.-
La notion de mariage mixte, au Sênêgal, n'a pas toujours
recoup6 celle qui est connue A l'étranger et singuliêrement
en France. Dans ce dernier pays, le mariage mixte désigne
une relation conjugale où sont impliqu6es deux personnes
de nationalité différente. Si l'unification lêgislative des
rêg1es applicables dans le droit de la famille, consacr6e
par le nouveau Code s6n6galais de la famille, a d6sormais
restituê cette signification à la notion, il en allait autre-
ment avant l'entr6e en vigueur de ce Code. En effet entre
la date de la colonisation et celle de l'entrée en vigueur
de notre Code, le mariage mixte avait une double significa-
tion : mariage entre personnes de coutume diff6rente et
mariage entre personnes de nationalit6 diff6rente. Autrement
dit, c'est sous l'aspect de conflits internes que le mariage
,
mixte a 6t6 pour la premiêre fois appréhendé. Ce type de
conflit était (est) connu dans la plupart des pays africains
sous souverainetE française en raison de la politique du
16gislateur colonial qui a consisté, très sagement, l'mainte-
nir, en droit priv6, les statuts particuliers régissant les
populations dominées. Il s'en est suivi ce qu6 l'on a l'habi-
tude de nommer les conflits de coutumes.
Mais tr~s vite on s'apercevra qu'en dépit de l'enseignement
... 1.

-3-
qui a été voté, non sans mal, par le législateur sénégalais
unifie complètement le droit privé. Mieux, avec témérité,
le législateur s'est "payé le luxe" d'adopter, dans les dis-
positions finales dudit Code, un certain nombre de rêgles de
conflit qui font table rase de beaucoup de celles en vigueur
antérieurement. Mais la situation ne s'est pas pour autant
clarifiée. On va se rendre compte qu'il ne suffit pas de dire
que la loi locale sénégalaise s'applique à la forme du maria-
ge célébré au Sénégal (ou à l'étranger) pour connaître immé-
diatement qu'elle est cette forme (forme civile ou forme
coutumiêre ?) lorsque les deux époux sont de nationalité dif-
férente, qu'il ne suffit pas de dire que la loi nationale de
chaque époux doit être consultée pour les conditions de fond,
pour résoudre les difficultés inhérentes à notre législation
et qui ont noms
polygamie, dot, fiançailles, etc ••• , et
qu'il ne suffit même pas d'opter pour la loi domiciliaire
dans les questions touchant aux effets patrimoniaux et extra-
patrimoniaux du mariage pour échapper à toute casuistique,
à toute technique "d'adaptation".
C'est ce travail de clarification, de précision et de critique
que nous nous proposons de faire pour rendre d'abord modes-
tement service à notre jeune jurisprudence et pour apporter
ensuite notre contribution à l'étude du droit international
privé comparé (1). Mais pourquoi notre choix s'est-il porté
sur les mariages mixtes. Deux raisons l'expliquent. La première
... 1.
(1) V. Y. LOUSSOUARN, Le rôle de la m6thode comparative en
droit international privé, Rev. crit. 1979 p. 307.
1
1
1

-2-
de BARTIN (1) les modes de raisonnement ~labor~s par la
science des conflits internationaux de lois pouvaient servir
dans le domaine des conflits internes (2). De fait, lorsque
des coutumes étaient en conflit ou, ce qui semblerait mieux
convenir, en concurrence, il a été fait recours à un critère
de rattachement pour les départager et savoir laquelle appli-
quer. On ne procède pas autrement lorsque ce sont deux lois
6trangères l'une par rapport à l'autre qui sont en conflit.
Les vraies difficultés se situaient ailleurs : choix du
bon rattachement compte tenu de la spécificit~ des institu-
tions à mettre en oeuvre, articulation des catégories issues
de systême juridique laïque et de système juridique confes-
sionnel ou coutumier (3), droit de référence pour la qualifi-
cation ou pour le jeu de l'ordre public ••• La coexistence
sur un même territoire de règles coutumières au contenu
différent, de règles d'origine religieuse, et de règles du
1
\\
'
l
droit français, a été à l'origine de tels problèmes. La
jurisprudence sénégalaise, par des fortunes diverses, a su
tirer son épingle du jeu. Mais ses tribulations doivent ser-
vir de leçon pour les autres pays africains qui connaissent
encore les conflits internes.
L'année 1972 va marquer un tournant. Le Code de la famille• •1•
•1l
(1) BART IN , Etudes de droit international privé, p. 169.
1
(2) BATIFFOL et LAGARDE, Droit international privé, 6e édi-
tion, nO 258.
'.
(3)
v. ELGEDDAllfy,c·~..)l'ltiJ!.~s fJDtT? systèmes cjnfessionnel et
]_'"'.~ .';".; Jn Droit int;~r:';laH.cl,'_l ·)riV'0, - P::tris, 'Jr.:.l1j! 1971.
J~---------

-4-
\\it1
est que le thème a de tout temps sollicit~ l'attention et
de la doètrine et de la jurisprudence et du l~gislateur
s~négalais. Nous pouvons même affirmer qu'il a constitué un
1
!
facteur d'attraction vers l'étude des mécanismes du droit
1
international privé pour beaucoup de juristes sên~galais ou
simplement africains. La deuxième est que les mariages mixtes
sont le siège où les conflits de lois sont peut-être les
1
plus aigus, parce que mettant souvent en confrontation des
1
i
législations porteuses de valeurs de civilisation également
1
1
respectables.
1
1
l
Ce double intérêt justifie, ~ nos yeux, notre choix.
1
1
1
1
1
1
1j
1l

-5-
1
\\,
1
TITRE le
LA FORMATION DU MARIAGE MIXTE.
r
1
1
C'est immédiatement après l'accession du pays ~ la souve-
raineté internationale que le législateur sénégalais s'est
attachE ~ fixer les principes fondamentaux applicables aux
litiges de droit privé dans l'ordonnance nO 60-56 du 14
novembre 1960 (1). Ces "principes fondamentaux" voulus déli-
bérément sommaires constituaient une réponse provisoire aux
J
problèmes les plus urgents qui se posaient ~ la société
f
sénégalaise èt parmi lesquels figurait en bonne place le
mariage. Ils allaient être complétés un an après par la loi
1
[
n° 61-55 du 23 juin 1961 "tendant à la création d'un état-
civil unique et ~ sa règlementation" (2). L'ensemble de
1
cette législation portait déj~ en germes les grandes orienta-
tions du Code de la famille qui devait intervenir en 1972 (3).
Assurément, la tâche du législateur n'était pas simple par-
ce qu'il lui fallait prendre parti sur un certain nombre
d'options en matière de mariage : soit reconduire purement
et simplement les règles et principes du droit colonial qui
faisait la part un peu belle au droit traditionnel, soit.../ ..
(1) v. La justice au S§nêgal, 3e êdition - Dakar 1969,
p. 85 et s.
(2) V. in La justice au Sénégal, op. cit., p. 261 et s.
(3) Le Code de la famille a fait l'objet de la loi nO 72-61
1
du 12 juin 1972 ; il est entré en vigueur le le janvier
1973.
1
1
1

rompre complètement avec
ce passé colonial et remettre radi-
calement en question le droit traditionnel ou soit établir
un difficile compromis entre le droit traditionnel et un
droit jugé moderne. Le législateur a choisi cette derniêre
voie tant dans le droit antérieur au Code de la famille que
dans celui de ce Code (1). Solution sage serait-on tenté de
dire. Mais comme toute solution de compromis, elle n'a pas
manqué de soulever de délicats problèmes dans son application
pratique. Et nous allons avoir l'occasion de le vérifier
à propos des questions de forme (Chapitre le) et de fond du
mariage (Chapitre 2e) où il y a coexistence de règles issues
du droit traditionnel et de règles empruntées au droit
1
français. Ces problèmes prennent une dimension nouvelle et
plus grande surtout lorsqu'il s'agit des mariages mixtes
1
internationaux.
1
f
J
.1
(1) Cf. Serge GUINCHARD, "Le mariage coutumier en droit sénéga-
lais" Revue interne de dr. comparé 1978, nO 3, p. 811 et s.
1
1
1
1

-7-
Chapitre 1e
L'ACCES DES FUTURS EPOUX AUX DIFFE-
RENTS MODES DE FO~~TION DU MARIAGE
PREVUS PAR LE DROIT SENEGALAIS.
t
Le l~gislateur n'a pas voulu ou n'a pas su briser cowplète-
ment les r~ticences de la population devant une adhêsion
sans r~serves au droit d'inspiration française jug~ à tort
ou à raison comme un droit de progrès ou plus simplement
un droit moderne. Et ce n'est pas un hasard si ces r~ticences
se sont fait plus sentir en matière de mariage. En effet,
comme l'a fait très justement remarquer un auteur particu-
lièrement autorisé "s'il y a (des relations humaines) qui
se soumettent volontiers à un universalisme juridique sans
provoquer des bouleversements de l'ordre social ••• il y en
a d'autres dont l'efficacité et l'~quilibre d~pendent des
concepts de tous ordres qui les imposent, c'est le cas des
relations familiales" (1). De fait, le respect de la tradi-
tion a6soci~ à une n~cessaire ouverture aux
apports f~con-
dants des droits dits modernes a pr~valu dans la règlementa-
tion des formes de conclusion du mariage, qu'il s'agisse de
la règlementation ant~rieure à la promulgation du Code de
la famille ou qu'il s'agisse de ce Code lui-même. Cela
s'est traduit concrètement par l'admission de la dualit~ •••1
(1) G. KOUASSIGAN : "Des conflits interpersonnels et inter-
nationaux de lois et de leurs incidences sur la forme
du mariage en Afrique noire francophone : Réflexions à
partir de l'exp~rience s~négalaise" - Rev. crit. 1978
nO 4, p. 646.
t
1
1

-8-
des formes du mariage : forme coutumière et forme moderne
par l'intervention de l'officier d'~tat civil. Mais tout le
problème est de savoir si cette dualité implique une équiva-
lence des formes, de sorte que la question de la forme de
cél~bration des mariages mixtes demeure sans objet. Il ne
le semble pas et loin s'en faut. Les contvoverses doctri-
nales actuelles ouvertes à propos du sens et de la po~tée
de l'article 114 du Code de la famille et que nous retrouve-
rons plus loin, en sont un significatif témoignage. En
d'autres termes, le point de savoir si en application de la
règle locus régit actum consacrée par le droit international
privé sénégalais des personnes de nationalité différente
pèùventnlibrement célébrer leur mariage au Sénégal selon
une des formes coutumières admises fait à l'heure actuelle
1
l'objet d'une querelle doctrinale dans laquelle nous ne
manquerons pas de prendre parti. En vérité, cette querelle
n'est pas nouvelle. Elle a ses racines dans la législation
antérieure au Code de la famille qui a littéralement embar-
rassé la jurisprudence. C'est pourquoi il semble nécessaire
avant d'analyser les solutions nouvelles du Code de la
famille (Section 2e) de faire le bilan des solutions acqui-
ses antérieurement (Section 1e) pour éclairer le débat
J
actuel.
1
1
t
1

1f
-9-
1
\\!f
Section le
LES SOLUTIONS LEGALES ET JURIS-
PRUDENTIELLES ANTERIEURES A
L'ENTREE EN VIGUEUR DU CODE DE
LA FAMILLE.
Paragraphe le
Rappel des solutions du droit colonial.
Avant d'exposer les solutions embarrassées auxquelles est
parvenue la jurisprudence à partir de certaines données lé-
gales, il est utile de faire rapidement le point du l~gs du
droit colonial sur les mariages mixtes. Cela nous permettra
de mieux comprendre les difficultés rencontrées par le lé-
gislateur sénégalais et la jurisprudence pour dégager des
solutions adéquates.
Effectivement, tout aurait pu être plus simple si le droit
colonial avait imposé un droit de la famille unique pour
l'ensemble des sénégalais et un mode de célébration également
unique. Mais tel n'était pas le cas pour des raisons essen-
tiellement sociologiques et politiques, que nous n'avons
pas à développer ici (1). Or donc, tout le système colonial
reposait sur une dualité tant du droit applicable que des
institutions chargées de sanctionner ses règles. Ainsi il
y avait des citoyens soumis au statut civil coutumier qui
était lui-même très composite en raison du nombre très
.' • •1
.~.• ,,:. ,*.:!\\:.'"
'"
(1) Cf. René PAUTRAT : "Les vicissitudes du statut person-
nel" - Paris 1957, p. 7 et s.
1

l1
1
-10-
1
!
1
élevé des coutumes en vigueur dans le pays, et des citoyens
1
~1
soumis aux règles du Code civil (1). Parallêlement, furent
1
organisés, deux états civils, l'un pour les indigênes et
l'autre pour les européens et assimilés (2), et deux ordres de
1
juridictions, les juridictions indigènes appelées ~ trancher
i
les différends entre autochtones et les juridictions dites
de droit moderne ou de droit commun.
Ce dispositif mis en place par le législateur colonial devait
immanquablement soulever la délicate question de savoir
quelle autorité était comp~tente pour célébrer un mariage
mixte entre deux personnes relevant de statuts différents (3).
Cette question avait une dimension internationale lorsque
l'un des futurs époux était un étranger. Mais qu'il soit
••• / • •
1
(1) Il est bien évident que la détermination des personnes
l',
soumises au statut civil coutumier ou au statut de
droit commun (Code civil) ne devait pas manquer de p o s e r t
de délicates questions.
1
La solution de principe consistait
~ns
la détermination
""
du s ta tu t de l' individu, à pre
itf Rtfi11/i
te les cri tères
du lieu de naissance et ~u lie (O~<à'e
• f. ~7' •
Cf. René PAUTRAT, op. C1t. P Tf} t ; t j >
l'
(2) Cf. R. DECOTTIGNIES : "L' éta~~'C'~ rique occidenta-
'.
le", Ann. Afr. 1955, p. 41 et\\--$. ;
.;'
M. L. FOFANA : "L'état 'civil ~"'r"~" ,~ti en Côte
d'Ivoire", Mémoire de 3e Année
'ltJe,d.~$~Sc. jurid. et Eco.
Dakar.
'
(3) Il faut souligner ici un détail important. A savoir que
l'officier d'état civil indigêne ne célébrait pas le
mariage des autochtones. Son rôle consistait â transcrire
1
les ma~~ages couftumFOiFeANrsA-célébré~ par l8s autorités
l,'
coutum1~res ; c •
, op. C1t. p. 74•
1
1

-11-
de droit interne ou de droit international priv~, le pro-
blème pouvait recevoir th~oriquement la même r~ponse. On
a song~ à un moment à faire pr~valoir la solution de la
double cêlêbration (devant l'officier d'êtat civil indigêne
et devant l'officier d'état civil de droit commun) en la
faisant dêcouler de certaines d~cisions jurisprudentielles
(1). A bon droit, cette solution fut critiquêe (2) et aban-
donnêe. Finalement, le principe qui a été consacré est qu'en
cas de différence de statuts le mariage devait être c~lêbrê
par l'officier d'êtat civil de droit commun, c'est-à-dire
l'officier d'êtat civil français. Ce principe qui ne dêcou-
lait d'aucun texte êtait affirmé avec tranquillit~ par la
doctrine (3) ~!t la jurisprudence (4) et la pratique (5).
-(1) Cour d'Appel de l'AOF - 26 janvier 1917, Rec. Penant
1917.1. p. 191 et 5 sept. 1924, Rec. Penant 1925.1. p. 12.
(2) Note Solus sous Saigon, 11 juiDet 1930, Rec. Penant
1930 p. 9.
(3) H. SOLUS : "iratitê de la condition des indigênes en
droit privê", Sirey 1929,:";Jilo 206 à 306 ;
P. LAMPUE : "Les conflits de lois interrêgionaux et
interpersonnels dans le systême juridique français"-
Rev. crit. 1954, p. 284 et s.
(4) Crim. 14 fêvrier 1929 S. 1930.1.280 ; C.A. de l'AOF
12 mars 1920 Rec. de lég. doctr. et jure coloniales
1923.111.135 ;
Nîmes 17 juin 1929 S.1929.1.129 ; Req. 14 mars 1933.
D.1933.28.
(5) Cf. circulaire du Procureur général près la Cour d'Appel
d'AOF en date du 9 novembre 1934 dans laquelle il
écrit: "Les mariages dans lesquels l'un des êpoux FOs-
sêde le statut complet de citoyen français doivent etre
transcrits à l'êtat civil français" cit~e par FOFANA,
op. cit. p. 54.

-12-
Les seules justifications qu'on avait pu trouver à cette solu-
tion étaient d'une part qu'un citoyen français ne pouvait
être valablement marié que par l'officier de l'état civil
(sous entendu français) ct que d'autre part la loi française
était nécessairement la loi des parties lorsqu'un contrat
était passé entre français et indigênes (1). On avait,
semble-t-il, oublié que les indigènes étaient des français.
Par ailleurs, M. KOUASSIGAN a récemment démontré que la
solution consacrée était loin d'être conforme à l'esprit des
textes législatifs de l'époque et notamment des dispositions
de l'article 66 du décret du 22 mars 1924 en vertu desquelles
"En matière civile et commerciale, les différends entre
justiciables des tribunaux français et justiciables des
tribunaux indigènes peuvent, d'un commun accord, être portés
devant les tribunaux indigènes qui, dans ce cas, appliquent
la coutume (2).
En vérité, le seul motif de cette solution reposait sur la
considération contestable et inavouée de la valeur préémi-
nente de la forme de mariage devant l'officier de l'état
civil de droit commun (ou encore français). Les tentatives
doctrinales pour le masquer derrière des distinctions
... 1.
(1) Solus note précit. sous Saigon loc. cit. p. 11.
(2) KOUASSIGAN art. précit. loc. cit. p. 644.
L'auteur fait remarquer que-"Malgré la généralité des
termes de ces dispositions qui emportaient à la fois
option de juridiction et option de législation, la doc-
trine et la jurisprudence en faisaient l'application aux
rapports extrapatrimoniaux notamment aux mariages, esti-
mant que l'expression "matière civile" ne pouvait s'en-
tendre que des seuls rapports patrimoniaux".

-13-
techniques dissimulaient mal cette r~alité (1).
Si telles ~taient les solutions dans les relations de ma-
riage mixte à caractère interne, il reste à dire comment le
problème ~tait r~solu lorsque ces relations concernaient
deux étrangers ou un étranger et un autochtone. Aucun texte
ne règlait cette situation. On a naturellement cherché
dans les catégories et principes du droit colonial les rè-
gles aptes à résoudre cette difficult~. C'est ainsi qu'on a
invent~ deux cat~gories d'étrangers : les étrangers assimi-
lés aux français, c'est-~-dire les personnes dont le statut
civil se rapprochait des principes généraux du droit occi-
dental (en gros les europ~ens) et les étrangers originaires
des~contrées comprises entre les possessions françaises de
l'Afrique occidentale et de l'Afrique équatoriale ou de
pays limitrophes de ces groupes de territoires. Lo~sque le
mariage intéressait le premier groupe d'~trangers, seule
était admise la forme civile du mariage (2). Par contre la
forme coutumière était accessible au second groupe mais à
condition bien entendu que l'un de ces étrangers n'entenitt
pas se marier avec une personne de statut civil moderne (3).
(1) Cf. sur ce point ELIESCO avec sa distinction des
"règles imparfaitement impératives" et d'application
facultative (les coutumes) et les règles impératives
et d'ordre public (la loi) cité par KOUASSlGAN art.
précit. bc. précit. p. 644.
(2) Cf. KOUASSIGAN art. précit. p. 645.
(3) FOFANA op. cit. p. 56.

-14-
On ne faisait, en d'autres termes, que transposer sur le
plan international les solutions du droit interne colonial.
Voil~ brièvement rappelé l'état du droit ~ la veille de
la proclamation de l'indépendance du pays. On pouvait rai-
sonnablement supposer que le nouveau législateur sénégalais
n'allait pas laisser se perpétuer une telle situation qui
comportait beaucoup d'arbitraires. De fait ce législateur
s'est attaqué très tôt au problème et a établi une nouvelle
règlementation que l'on pouvait qualifier à l'époque de
transitoire. Mais il l'avait fait de manière souvent mala-
droite et désordonnée. Ce qui a causé le désarroi de la
jurisprudence.
Paragraphe 2
Les solutions du droit transitoire.
Par solutions du droit transitoire, nous entendons les so-
lutions tant légales que jurisprudentielles antérieures ~
l'entrée en vigueur du Code de la famille de 1972 et pos-
térieures au droit colonial.
On ne pouvait que se féliciter de l'avènement d'une légis-
lation nouvelle rompant avec le passé colonial dans ce
qu'il avait de contraire aux convictions de la population
et du principe d'8galité des civilisations. Mieux, on
était en droit de s'attendre ~ une clarification de la
situation par l'adoption de textes clairs dissipant toute
ambiguïté en matière de célébration des mariages mixtes.

-15-
Malheureusement, A la relative sirnplicitê des soluti&ns
du droit colonial allait faire place une confusion regret-
table dont le législateur n'était pas le seul responsable.
La jurisprudence n'a pas su maltriser àdéquatement les pro-
blêmes qui lui étaient posés. La doctrine elle-même s'est
divisée pour ne pas dire d~chirée tant les arguments avancés
d'un côté comme de l'autre prenaient souvent un tour pas-
sionnel.
Il importe à cet égard de rappeler les données légales (1)
avant d'analyser les solutions jurisprudentielles (II).
1/- Les données légales.
Le législateur a eu â résoudre deux ordres de questions :
l'un institutionnel et l'autre touchant au fond du droit
privé.
A)- Les problèmes institutionnels.
Il était apparu que le maintien de deux catégories d'état
civil était contraire au nouvel ordre juridique de l'Etat
sénégalais. Outre le fait qu'elles étaient inspirées par des
considérations liées au droit public de l'époque coloniale
(1), ces deux institutions étaient en contradiction avec •••1
-(1) Cf. G. KOUASSIGAN, "Quelle est ma loi? Tradition et
modernisme dans le droit privé de la famille en
Afrique noiteufrancophone - Collection CREDILA, Paris
1974, p. 44
et s.

-16-
la nouvelle Constitution (1). C'est pourquoi fut vot6e et
promulgu6e la loi n° 61-55 du 23 juin 1961 "tendant A la
cr6ation d'un ~tat civil unique" (2). Cette loi est venue
abroger l'arrêt~ gén6ral du 16 août 1950 qui organisait
l'état civil indigène. Sans doute est-il intéressant de
rappeler que cet arrêté du gouverneur g~n6ral de l'époque
6tait-lui-même venu apporter d'importantes retouches A
l'organisation et à la règlementation de l'6tat civil indi-
gène telles qu'elles 6taient fixées par l'arrêté gén6ral de
1933
• Mais ce qu'il est important ici de savoir, c'est
que l'arrêté de 1950 rendaient simplement facultatives les
mentions de d6clarations de mariage, de divorce et de juge-
ments qui en tenaient lieu. La nouvelle loi de 1961 a par
la même occasion abrogé les articles 34 à 101 et 165 A 169
du Code civil, laissant ainsi en vigueur certains textes
de ce Code comme l'article 170.
Désormais donc, il n'existait qu'un seul service de l'état
civil charg6 d'inscrire sur les registres toutes les nais-
sances, tous les mariages et tous les décès (art. le de
.•. 1
(1) La Constitution de 1963 (loi n° 53-22 du 27 mars 1963)
pose le principe de l'6galité de citoyens devant la loi
sans distinction de race, de sexe, de religion (article
le) et supprime les catégories du droit public colonial
de sujets et citoyens ~rançais) (art. 7). Cf. La justice
au Sén6gal, op. cit. p. 6 et 7.
(2) Cf. in La justice au Sénégal, op. cit.p. 261.

-17-
la loi). Mais nous verrons que l'officier d'état civil ne
va pas se voir conférer comme en France le monopole de la
célébration des mariages.
Cette importante réforme doit être mise en rapport avec la
nouvelle organisation judiciaire mise en place par l'ordon-
nance nO 60-56 du 14 novembre 1960 qui est venue entre au-
tres choses supprimer toutes les juridictions coutumiêres
autres que celles des cadis (1). On pourrait dès lors penser
que les coutumes elles-mêmes allaient connaître le même
sort. Assez curieusement d'ailleurs,le législateur de 1960
ne va pas s'engager dans cette voie. Souci tactique ou souci
des réalités? Peu importe. Ce qui est intéressant de souli-
gner ë~êst que les réformes touchant au fond du droit privé
ne seront pas d'une importance radicale.
B)- Les problèmes de fond.
La méthode suivie par le législateur pour apporter des ~lu­
tions aux problèmes de fond du mariage n'a pas été cohérente.
En effet, certaines de celles-ci se trouvent dans le
Titre II de l'ordonnance de 1960 et consacré aux "Principes
fondamentaux applicables aux litiges de droit privé" et
d'autres dans le chapitre III de la loi de 1961 "tendant à
la création d'un état civil unique et à sa règlementationtt •
(1) In la justice au Sénégal, op. cit. p. 87. La juridic-
tions des cadis était une juridiction à caractère sur-
tout confessionnel car elle appliquait la loi coranique.

-18-
Cette méthode portait le g~rme des problèmes ù'interpr~ta­
tian des différents articles concernés comme nous le verrons.
Essayons tout de même de synthétiser les nouvelles règles
introduites par cet ensemble législatif. Nous en recensons
trois : maintien des statuts coutumiers, dualité de la forme
de célébration des mariaees, application de la coutume de
la femme en cas de conflit de coutumes.
1) 4aintien des statuts coutumiers.
Ce maintien est consacrS par l'article 10 de l'ordonnance
de 1960 qui d:i!pose "En ce qui concerne leur capacité il
contracter et il agir en justice, l'6tat des personnes, la
famille, le mariage, le divorce, la filiation, les succes-
sions, donations et textaments, les citoyens ayant conservé
leur statut traditionnel sont régis par la coutume".
En fait cet article reconduit un des aspects de l'ordre ju-
ridique colonial qui distinguait les citoyens régis par
leurs coutumes et ceux régis par les règles du Code civil.
Mais pour une meilleure compréhension des dispositions de
l'article 10, il semble nécessaire de rappeler que le droit
public colonial rangeait ks sénégalais en deux catégories :
les sujets français privilégiés qui étaient les originaires
des quatre communes du Sénégal (Dakar, Saint-Louis, Rufis~ue
et Gorée) et qui se voyaient conférer tous les droits atta-
chés à la qualité de citoyen français, mais avec le bénéfice
.•• 1

-19-
de se prévaloir de leurs droits traditionnels pour les ma-
tiêres touchant à l'état civil, au mariage, aux successions
et testaments (décret du 20 mai 1857) ; les sujets français
qui comprenaient tous les autres sénégalais, ~ l'exception
des métis et des nationaux français d'origine européenne
même nés en Afrique. Ces sujets français eux ne pouvaient
pas, jusqu'en 1946, jouir des droits publics et politiques
reconnus aux citoyens français. A l'inverse, ils étaient
régis eD~toutes matières
p.r les rêgles de leurs droits
traditionnels (1).
Mais ce maintien des institution$traditionnelles qui était
conforme aux voeux des populations était assorti de la pos-
sibilité, pour chaque sénégalais, de renoncer totalement
ou partiellement à l'application des règles coutumiêres
pour se soumettre au droit français (2).
En définitive, bien que les catégories du droit public co-
lonial aient complêtement disparu, il reste que la dualité
du droit éIlplicable dans les~_:qussttions touchant aux rapports
familiaux demeure maintenue. Mais une importante mesure est
venue frapper de plein fouet l'essor des coutumes. En
effet, l'article 14 de l'ordonnance de 1960 posa le princi-
pe de la limitation des coutumes applicables én donnant
mission de maniêre contestable au Ministre de la Justice,.••1
=(1) Pour les détails de ces problèmes, cf.
G. KOUASSIGAN,
op. cit. p. 44 et s.
(2) Cf. G. KOUASSIGAN, op. cit. p. 81.

-20-
Garde des Sceaux et au Ministre de l'Int~rieur le soin d'en
dêterminer la liste par arr8t~ conjoint. Et effectivement,
un arrêt~ du 28 f~vrier 1961 est venu limiter le nombre des
coutumes applicables a soixante-huit. Il faut ajouter que
mêmes ces coutumes reconnues officiellement pouvaient être
~cartées lorsqu'elles contenaient des r~gles contraires aux
règles fondamentales touchant à l'ordre public et à la li-
bert~ des personnes (article 11 de l'ordonnance de 1960).
Cette dualité du droit applicable dans les relations de fa-
mille postulait logiquement la dualit~ de la forme de cé-
lébration du mariage.
2) Dualit~ de formes de c~l~bration du mariage.
La loi de 1961 sur l'état civil reconduit le principe de la
articles 36 et 37 de
capi-
tale pos~e est celle de savoir si tous les futurs êpoux ont
sous ce régime le libre choix de telle ou telle forme de
mariage, et quelle que soit leur nationalité. Les textes
n'apportent dans ce domaine aucune solution claire. Conten-
tons-nous de reproduire ceux d'entre eux qui pourraient nous
apporter des r~ponses parce que nous allons retrouver le
débat un peu plus loin. Il y a d'abord l'alinéa 1 de l'arti-
cle 36 qui dit "le mariage est contracté suivant les règles
... 1

-21-
statut personnel des futurs ~poux". Il y a ensuite l'alin~a
2 du même article qui dispose "Tous les futurs époux peuvent
faire c~l~brer leur mariage devant l'officier de l'état civil
sans qu'il puisse en r~sulter renonciation à leur statut"
(1). Il Y a enfin l'article 37 selon lequel "Si le mariage
n'est pas célébré par un officier de l'état civil il doit
être enregistré à la diligence des époux ••• Il est (l'enre-
gistrement) sans effet sur la validité du mariage".
Telles sont les dispositions qui a priori semblaient devoir
être utilisées pour résoudre notamment le problème de la
forme de célébration du mariage mixte (interne ou interna-
tional). Mais comme nous le verrons tant la doctrine que la
jurisprudence ont introduit dans les discussions le fameux
article 16 de l'ordonnance de 1960 qui tranche une question
de conflit de coutumes ou de lois.
3) Conflits de coutumes et de lois.
A partir du moment oü l'on a conservé à de larges catégories
de personnes le bénéfice de l'application des règles de
leurs statuts personnels, c'est-à-dire des règles, des cou-
tumes auxquelles elles se rattachaient, il devenait inévita-
ble d'apporter des solutions aux conflits qui ne manquaient
... 1.
(1) Il est sans doute nécessaire de signaler que sous l'empire
du droit colonial, la célébration du mariage devant l'of-
ficier de l'état civil ~tait interprété par la jurispru-
dence de l'époque comme équivalent à une renonciation
par les époux de leur statut traditionnel.
C'est la raison pour laquelle l'article 36, alinéa 2,
apporte cette importante précision.

-22-
pas de surgir entre coutumes et entre coutumes et rêgles du
Code civil ou lois étrangère~ dans les relations mixtes de
famille. Ces solutions ont ~té consacrées pour l'essentiel
par l'article 16 de l'ordonnance de 1960 qui donne compêtence
~ la coutume de la femme "dans les questions intéressant le
mariage et le divorce ••• " (art. 16, al. 210).
Cette règle de conflit, surprenante dans une société ou le
mari était le maître absolu de la famille, n'était que la
reproduction infidèle d'une disposition du droit colonial
et plus précisément du décret du 3 décembre 1931 selon laqu~l­
le
les questions de mariage, divorce, attribution de l'en-
fant ••• sont réglêes "selon lacoutume qui a présidé ~ la
négociation du contrat de mariage ou s'il n'y a pas de con-
trat, selon la coutume de la femme" (1). On a ainsi fait
de la règle du rattachement subsidiaire la règle principale.
Mais ce qui paraît important au stade actuel de ces dévelop-
pements, c'est le fait que le législateur avait mis sur le
même plan la coutume et la loi dans le droit des conflits.
En effet, dans l'article 19 dl; la même ordonnance il est dit
que "lorsque dans un litige l'un des justifiables est régi
par la loi et l'autre par la coutume, le conflit est réglé
comme il est dit à l'article 16, la loi étant dans ce cas
considérée comme la coutume de l'une des parties". C'était
donc admettre implicitement que la règle de conflit de ••• 1
-(1) Cf. J. EMANE : "Les conflits de lois en Afrique noire"
Thèse multigr. Dakar, 1964, p. 17.
Le rattachement à la loi du mari dans la législation mal-
gache était plus conforme aux moeurs africaines. Cf.
aussi EMANE, op. précit. p. 38.

-23-
l'article 16 pouvait à bon droit servir au règlement des
conflits internationaux bien que le terme loi dût s'entendre
dans l'~sprit du législateur de loi au sens du droit écrit
interne (Code civil, lois et règlements). Nous allons voir
que cette précision semble nécessaire parce que l'on a nié
en doctrine l'utilisation qui était faite par la jurispru-
dence de la règle de l'article 16 dans les conflits inter-
nationaux. Et précisément dans ~domaine les tribunaux se
sont trouvés embanrassés pour asseoir des solutions adéquates
à la forme du mariage au regard des données légales dont
ils disposaient. La question essentielle qui leur était posée
était celle de savoir si dans les rapports mixtes de maria-
ge international les futurs époux pouvaient indifféremment
choisir la forme de célébration par l'officier d'état civil
ou la forme de célébration coutumiêre quelle qu'elle soit.
Les cas litigieux étaient relatifs au mariage entre un
sénégalais se rattachant à une coutume et une française ou
vice versa.
11/- Les solutions embarrassées de la jurisprudence.
Confrontée au problème de la val idi té du mariage célébrê·· se-
lon les formes coutumières entre personnes de nationalités
française et sénégalaise, la jurisprudence sénégalaise a
donné deux réponses successives contradictoires qui ont dif"-
visé profondément la doctrine. Il s'agit ici de deux arrêts
de la Cour suprême: l'arrêt Roca en date du
••• 1

-24-
29 novembre 1969 (1) et l'arrêt Lochet du 24 novembre
1974 (2).
A) L'arrêt Roca.
Analysons d'abord cet important arrêt (1°) avant de rendre
comptu des r~actions de l~ doctrine (2°) et d'exposer notre
point do vue (3°).
1°) Analyse de l'arrêt.
Dans l'espèce, ~tait mis en cause par le pourvoi form~ par
le Ministère public dans l'intérêt de la loi, un jugement du
28 octobre 1965 de la justice del'aix de Dakar ordonnant
la transcription sur les registres de l'état civil, le maria-
ge cê1ébré le 21 avril 1963 suivant la coutume ouo1off isla-
misée, du sieur Mamadou Ndoye de nationalité sénégalaise et
de coutume ouo1off islamisée et de la dame Irène Roca de
nationalité française.
Le Ministère public reprochait à ce jugement d'avoir admis
la validité d'un tel mariage qui, selon lui, aurait dû être
célébré par l'officier d'étatdvil. La cour suprême fit
• • •1
(1) Cour suprême 29 novembre 1969 - Penant 1970, p. 371,
note P. GULPHE ; Rev. Sén. Dr. 1970, n° 7, p. 63, note
P. BOUREL.
(2) Cour suprême 24 novembre 1974, Rev. Sén. Dr. 1974, nO 16,
p. 47, note BILBAO; Penant 1976, p. 534, note LAMPUE.

-25-
droit au pourvoi en raisonnant ainsi : la r~gle de conflit
'.' ~. .:
~ppiicable, s'agissant d'un mariage international, c'est la
r~gle locus régit actum par application de l'article 170 du
Code civil toujours en vigueur au Sénégal ; pour savoir
quelle forme doit être observée, il faut se référer à l'ar-
ticle 16 de l'ordonnance de 1960 ; cet article donnant com-
pétence à la coutume de la femme lorsque les futurs époux
sont de statuts différents, c'est la forme prévue par la
loi de la française qui doit être suivie. Il est important
ici de reproduire l'attendu essentiel de cet article: "At-
tendu que c'est à tort, dans ces conditions, et en violation
des textes susvisés, qu'a été valid~ le mariage contractê
A Dakar suivant la coutume ouoloff islamisée par une Fran-
çaise dont la loi seule pouvait régir lunion, laquelle de-
vait en conséquence, être célébrée devant l'officier d'état
civil ••• Casse et annule ••• ".
Avant d'aborder les questions de fond soulevées par cet
arrêt, il n'est pas sans intérêt d'apporter certaines préci-
sions sur le caractère procédural assez exceptionnel mis en
lumière dans cette décision. Ces précisions seront relatives
d'une part au pourvoi du Minist~re public et d'autre part
au jugement de transcription de la justice de paix.
On aura remarqué en effet qu'il n'y a jamais eu d'appel de
la décision de la justice de paix. Par contre pourvoi en
cassation dans l'intérêt de la loi par le Ministère public.
Cette possibilité d'action était (est encore) accordée par
l'article 71 de l'ordonnance nO 60-17 du 3 septembre 1960 ...1

-26-
portant loi organique sur la Cour suprême, au Procureur
Général près ladite Cour. L'article 71 dispose "En toutes
matières, le Procureur Général près la Cour suprême pourra,
soit d'office, soit d'ordre du Ministre de la Justice, sans
avoir à observer des délais, se pourvoir en cassation, mais
dans l'intérêt de la loi. Dans ce cas, la Cour suprême sta-
tuera sans renvoitt sa décision n'aura aucun effet entre
les parties" (1). C'est cet article dont a fait usage le
Procureur Général.
Par ailleurs, dans l'arrêt, il est question~de jugement or-
donnant la transcription d'un mariage. Comme l'a si bien
dit un auteur, la formule était pour le moins inadéquate (2).
On transcrit un acte de mariage ou un jugement en tenant
lieu et non le mariage lui-même. C'est c~ qu'on a sans doute
voulu dire. Il s'agissait en l'occurrence d'un jugement
supplétif de mariage qui était sans base légal~mais de pra-
tique prétorienne de la part des justices de paix qui ve-
naient ainsi au secours des gens mariês sans avoir procédé
dans les délais à l'enregistrement de leur mariage pour se
ménager une preuve conformément ~ l'article 37 de la loi de
.~.I
(1) In La justice au Sénégal, op. cit. p. 52 et J.O.R.S.
1960 p. 926 ; on aura remarqué que le 20 alinéa de
l'article 71 est purement verbal car lorsqu'on annule
un jugement validant un mariage, on annule par la même
occasion le mariage, et la décision a pleinement effet
entre les parties.
(2) P. GULPHE, note précit. loc. cit. p. 375.

-27-
1961
(1). Or les dêlais d'enregistrement étaient largement
dêpassés par les êpoux Ndoye. Il leur fallait par conséquent
obtenir un jugement tenant lieu d'acte de mariage (2). C'est
ce que leur accorda la justice de paix de Dakar.
Ces précisions d'ordre pracédural êtant faites, il reste
que l'arrêt de la Cour suprême a provoqué des réactions au
sein de la doctrine, les unes favorables, les autres hostiles.
2°) Les réactions de la doctrine.
Il est remarquable qu'aucune voix ne s'est élevée ou
.../
--......__-.:---------------....,--------
(1) Cet article dispose "5i le mariage n'est pas célébré
par un officier de l'état civil, il doit être enregistré
à la diligence des époux, soit par celui du lieu où il
a été célébré, soit par celui du lieu de leur résidence.
Cet enregistrement doit être effectué dans les délais
prévus au deuxième paragraphe de l'article 27 de la pré-
sente loi.
Il est sans effet sur la validitê du mariage".
L'article 27 auquel renvoie l'article 37 est relatif aux
actes de naissance et dit "La dêclaration de naissance
sera faite à l'officier de l'êtat civil du lieu de nais-
sance. Cette déclaration doit être faite dans les cinq
jours si ce lieu est situé dans une commune et dans le
mois s'il est situé en dehors. Lorsqu'une naissance n'au-
ra pas êté déclarée dans le dêlai légal, l'officier de
l'état civil ne pourra le relater sur ses registres qu'en
vertu d'un jugement rendu par le tribunal ou la justice
de paix du ressort dans lequel est né l'enfant et men-
tion sommaire sera faite en marge à la date de la
.
na1ssance
"
••••
(2) Sur les détails de ces questions, se reporter à la note
de P. GULPHE précit.

-28-
presque pas (1) an doctrine pour contester la solution de la
Cour suprême imposant obligatoirement la célébration du
mariage par l'officier d'état civil dès lors que la future
épouse est de nationalité française ou comme disent les
tribunaux et la doctrine de statut moderne (2).
Ce qui a été contesté en d'autres termes ce sont les motifs
invoqués par la Cour au soutien de sa solution. Faisons le
point sur ces critiques car les unes sont relatives à l'ap-
plication de la règle locus regit actum consacrée par l'ar-
ticle 170 du Code civil et les autres à celle de l'article
16 de l'ordonnance de 1960.
a) La contestation de l'applicabilité de
l'article 170 du Code civil.
C'est uniquement M. BOUREL qui a mené ce combat (3). Sa po-
sition d'ailleurs semble isolée dans la doctrine si l'on en
juge par les réactions qu'elle a suscitées. Son argumenta-
tion peut se résumer en deux propositions: l'article 170
du Code civil ne peut être invoqué que pour les mariages
célébrés à l'étranger
cet article au surplus se trouve
abrogé par la loi du 23 juin 1961.
(1 ) A l~exception de M. BILBAO, note sous Cour supr. 2S nov.
1914, Rev. Sén. Dr. -1914, nO 16, p. 49-54.
M. GUINCHARD semble aussi favorable à la solution con-
traire, art. précit. loc. cit. p. 818.
(2) On parle de statut moderne pour indiquer que la personne
concernée relève d'un Etat qui soumet ses nationaux à un
droit de la famille uniforme et écrit.
(3 ) BOUREL, note sous Cour suprême lS mars et 29 novembre
1969 - Rev. Sén. de Dr. 1970 nO 7; p. 67.

-29-
S'agissant du premier point il écrit en effet "Si conformé-
ment ~ l'opinion soutenue par la Cour, les conditions de
forme du mariage sont fixées par la loi du lieu de célébra-
tion, la raison ne peut en être trouvée dans l'application
de l'article 170 lorsqu'il s'agit d'un mariage contracté au
Sénégal. Tout au plus la "bilatéralisationtl de la solution
donnée par le Code civil conduit-elle à décider que des
étrangers pourrons se marier au Sénégal selon la loi sênéga-
laise". Et M. BOUREL de dire qu'il aurait mieux valu faire
référence directement à la règle locus regit actum. Par
conséquent comme il le reconnaît li-même, il ne s'agit que
d'une question de formulation (1).
Mais plus sérieux
apparaît sa derniêre critique qui vise
l'abrogation de l'article 170 du Code civil et que nous nous
permettons de reproduire textuellement t1 ••• l'article 78 de
la loi du 23 juin 1961 sans viser expressément ce texte,
déclare néanmoins abroger les articles 34 ~ 101 du Code ci-
vil, c'est-à-dire l'article 63 concernant la formalité de
publication préalable, auquel renvoie lui-même le premier
alinéa de l'article 170. Si l'on considêre d'autre part, que
les dispositions du deuxième alin6a ont été reprises dans
l'article 20 de la loi, on peut logiquement se demander si
l'abrogation ainsi réalisée des principales dispositions de
l'article 170 ne doit pas nécessairement entraîner l'abro-
gation du texte dans son ensemble sous peine d'en ruiner
l'unité d'interprétation et d'en dénaturer la véritable
portéè':.
(1) BOUREL, note précit.

-30-
Le vêritable but poursuivi par l'auteur en s'attaquant ainsi
à l'article 170, c'êtait de faire admettre l'admission des
formes de mariage prévues par la loi nationale commune des
futurs êpoux. Cela est d'autant plus vrai qu'il plaide dans
sa note pour le caractère facultatif de la règle locus regit
actum au cas où on devait conclure à son application (1).
Que penser de ces critiques? La doctrine quasi unanimement
les a rejetées. A vrai dire il était aisé de répondre par
la négative à l'argumentation de M. BOUREL, menée par ail-
leurs avec beaucoup de talent, car elle récelait un certain
nombre de faiblesses.
Ecartons tout d'abord l'argument qui cons5te à reprocher à
la Cour suprême d'avoir visé l'article 170 du Code civil.
Il est en effet le fondement légal de la règle locus regit
actum (2). Rien n'interdit dès lors au juge de l'invoquer
au soutien de sa solution. s'il figure dans ~n système juri-
dique. Et c'est là que réside le véritable problème: l'ar-
ticle 170 faisait-il encore ou non partie intégrante du
système juridique sén~galais de l'~poque ? On pouvait très
justement en douter non pas parce que, croyons-nous, la loi
de 1961 avait abrogé l'article 63 du Code civil auquel renvo-
yait le premier alinéa de l'article 170, mais parce qu'il
... /
(1) Note précit., loc. cit. p. 67 ; thèse rejetée par la Cour
suprême dans l'arrêt du 15 mars 1969 : Procureur Général
près la Cour suprême cl Epoux HALLAOUI-SAYEGH, Rev. Sén.
Dr. 1970, n° 7 p. 61
; Penant 1970, p.370.
(2) Cf. Pierre MAYER Droit international privé;p. 395 oc s. ;
Y. LOUSSOUARN et P. BOUREL, Droit international privé
p. 387 n° 290 ; H. BATIFFOL et P. LAGARDE Droit interna-
tional privé, 6ème édition 1976, p. 44; nO 420.

-31-
concerne le mariage des Français A l'étranger. Or on ne voit
pas pour quelles raisons le législateur sén€galais
se soucie-
rait de tels mariages. Logiquement par conséquent l'article
170 du Code civil était une anomalie dans le système juridi-
que sénégalais. Si ce n'est pas par inadvertance que le légis-
lateur l'avait maintenu ainsi que l'a soutenu un auteur (1),
il semble possible de donner une autre explication à son
maintien. Le législateur a très certainement entendu conser-
ver uniquement la règle de conflit locus regit actum sous-
jacente dans cet article telle qu'elle avait été dégagée par
la jurisprudence française, et appliquée par
les tribunaux
sénégalais avant l'indépendance (2). Il suffisait par consé-
quent dans l'opération intellectuelle de remplacer les termes
Français par Sénégalais. Il importait peu dès lors qu'ait été
abrogé l'article 63 du Code civil auquel renvoyait l'article
170 du même Code. Restait alors seulement le problème du ca-
ractère que devait revêtir en droit sénégalais la règle locus
regit actum. Et on peut suivre aisément sur ce plan les dé-
veloppements de M. BOUREL tendant à démontrer qu'elle devait
être interprétée comme une règle facultative (3). Mais là
ne résidait pas le fond du problème parce que nous persistons
A penser que la question posée ne pouvait pas trouver sa so-
lution dans une règle de conflit ainsi que l'ont cru les
juges de la Cour suprême.
(1) GULPHE, note précit. p. 382. .
(2) GULPHE, note précit. p. 382 , G. KOUASSIGAN, art. précit.
op. cit. p. 649.
(3) Note précit. op. cit. p. 67.

-32-
b) La contestation de l'applicabilit~ de
16 de l'ordonnance de 1960.
Il a ét€
reproché à la Cour suprême dê s'être servie d'une
règle de conflit qui n'intéfes~ait que les conflits internes
(1). Ce reproche est à §carter car rien n'interdit, bien au
contraire, au juge de transposer les rôgles de conflits in-
ternes sur le plan international pour résoudre les cas de
conflits internationaux de lois. Et à juste raison, un auteur
a pu écrire que " ••• toute opposition fondamentale des
conflits internes aux conflits internationaux de lois compor-
te une part d'arbitraire puisque, d'une part, les principes
de leur règlement sont ~ mêmes en cela que la technique
utilisée consiste en un choix entre plusieurs lois ayant
une égale vocation à r.égir des rapports juridiques de droit
privé qui leur sont rattach85 par certains de leurs éléments
et que, d'autre part, la théorie générale des conflits de
lois a été élaborée à partir des conflits internes bien avant
l'avènement de l'idée moderne de l'Etat qui sert de démarca-
tion aux deux types de conflits" (2). C'est un point de vue
soutenu et~confirmé par la doctrine (3).
(1) BOUREL , note précit. op. cit. p. 69.
(2) KOUASSIGAN, art. précit. p. 660.
(3) bATIFFOL et LAGARDE, op. cit. T.I n° 258 ; LOUSSOUARN et
BOUREL, op. cit. p. 131;n° 114 ; P. MAYER, op. cit.
p. ;71 n° 82 ; Ph. FRANCESCAKIS, Répert. Dr. int. ,.
v. Conflits de lois nO 41 et s. ; et "Problèmes de droit
international privé de l'Afrique noire indépendante" Rec.
Cours ACAD 1964, vol. II p. 276 et s.

-33-
Ce qui a dérouté à vrai dire la doctrine c'est le fait que
l'application de la règle de conflit de l'article 16 de l'or-
donnance de 1960 donnant compétence à la loi de la femme
débouchait sur des résultats différents selon que c'était
l'homme ou la femme qui était de statut moderne. Et
presque tous les auteurs ont proposé la solution de la célé-
bration obligatoire du mariage mixte par l'officier de
l'état civil toutes les fois qu'un des époux était de statut
moderne. Mais ils n'ont jamais dit selon quelle méthode le
juge pouvait arriver à cette solution. Certes on a avancé
l'argument selon lequel la célébration par l'officier de
l'état civil restait le droit commun et qu'il était normal
que les époux fussent soumis 3 ce droit commun dans les
rapports mixtes. Mais il faut concéder que cette explication
ne~'peut pas tenir lieu de méthode. Il fallait résoudre avant
tout la question méthodologique ainsi posée. Ce qui aurait
eu pour avantage de rendre plus clair le problème.
La tentative la plus intéressante faite dans cette voie a
été entreprises par M. GULPHE. Mais il a mal résolu le
problème à notre avis. En effet, très justement il s'est
demandé si on pouvait parler de conflit de lois dans le liti-
ge soumis à la Cour suprême. Après l'avoir nié il donne sa
solution en ces termes "En bref, lorsque deux personnes de
coutumes ou de nationalités différentes ont contracté .../ ....

-34-
mariage, la célébration qu'ils ont choisie apparaît comme
un fait acquis qu'il faut prendre comme tel. Sa validité
sur le plan de la forme ne ..T8ùt semble-t-il poser de ques-
tion dès lors que les formalités usitées dans le pays ont
été régulièrement observées. Et si aucune irrégularit~ for-
melle n'est invoquée à l'encontre de la c~lébration, comme
c'était le cas en l'occurrence, la validité du mariage ne
dépend plus que de l'appréciation des conditions de fond
requises de chacun des époux". Et il ajoute "A ce titre,
l'arrêt rapporté aurait da se prononcer sur le contenu de
la coutume du mari et de la loi nationale de l'épouse étran-
gère et relever soit l'existence soit l'absence d'obstacle
à leur aptitude respective à contracter mariage. Il ne con-
tient aucune mention à cet égar~'(1).
Cette thèse appelle deux observations. Tout d'abord si
l'idée selon laquelle lorsqu'un mariage a été célébré selon
les formalités usitées dans bJpays de célébration il doit
être accepté en tant que tel, est juste, il reste qu'elle
n'est valable que pour les mariages célébrés à l'étranger.
C'est une reconnaissance implicite de la compétence de la
loi locale. Autrement dit lorsque le problème do l~ vglidité
d'un mariage célébré à l'étranger se pose devant le juge du
for deux questions seulement se posent: est-ce qu'il a été
célébré conformément aux règles de forme établies à l'étran-
ger ? Est-ce que les époux ont réuni les conditions de fond
exigées par leurs lois personnelles? C'est à cette vérifi-
cation que doit se livrer le juge. Et à la première
... /
;
,
(1) Art. précit. op. cit. p. 387.

-35-
question on ne peut répondre qu'en interrogeant le droit
de l'Etat de cé16bration du mariage. Mais s'agissant de ma-
riage célêbré dans le for, et c'est l~ notre deuxième ob-
servation, on ne peut pas se contenter de dire qu'il faut
l'accepter comme un fait acquis. Ce serait reconna1tre la
compétence de la loi choisie par les époux. Il faut néces-
sairement se poser la question de savoir comment il doit ou
aurait dû être célébré. Répond-on à une telle question par
une règle de conflit ou par une autre mêthode ? Tel est le
dilemme. Nous allons tenter de le lever.
3°) Appréciation critique de l'arrêt et de
la doctrine.
La doctrine n'a pas perçu suffisamment l'erreur méthodologi-
que commise par la Cour supr~me dans l'arrêt Roca. Cette
erreur est d'ailleurs doubl~ car elle;pvrte sur l'utilisa-
tion de deux règles de conflit de lois contradictoires et
sur le principe même du recours à la méthode de laregle de
conflit pour résoudre le problème posé.
Utilisation de deux règles de conflit contradictoires tout
d'abord. En effet la Cour suprême affirme très justement
d'ailleurs que la forme de célébration du mariage est régie
par la loi locale. Mais dans un deuxième temp~.pour découvrir
cette loi locale, il recourt à la loi de la femme c'est-à-
dire à la loi nationale d'un des époux, qui se trouvait
être en l'occurrence la loi française. Or de deux choses .../ ...

-36-
l'une: ou on admet que la forme du mariage est régie par
la loi nationale d'un des époux, ce qu'avait refusé la
Cour suprême ou on admet qu'elle est régie par la loi locale,
quitte à rechercher cette loi par une autre méthode.
Il n'est logiquement pas possible de donner compétence à la
loi sénégalaise en vertu du système sénégalais de droit in-
ternational privé, et d'admettre en même temps que cette
donne à la loi étrangère. En d'autres termes la Cour suprême
a eu à faire recours à deux règles deconflit de lois pour une
même question sans s'apercevoir de la contradiction: loi
locale et loi de la femme. L'une de ces deux règles épuise
complètement le problème du droit applicable "à moins de déci-
der que la loi de la femme tranche le problème de l'autorité
compétente au Sénégal pour célébrer le mariage. Ce qui serait
valable pour un conflit interne et non pour un conflit inter-
national. Autrement dit, il fallait nécessairement prendre
parti entre ces deux lois. Ce problème théorique d'une impor-
tance capitale était masqué à vrai dire par l'objet et la na-
ture de l'affaire Roca. On a pour ainsi dire raisonné comme
si le Sénégal n'était pas indépendant et la loi française,
loi de la dame Roca, une loi étrangère. Les raisons psycholo-
giques de la solution sont évidentes : la françmse ne peut
pas se marier coutumièrement alors qu'il existe une forme
moderne de célébration du mariage ; de plus la française
doit être assimilée à une sénégalaise de statut moderne. Or
de tout temps la jurisprudence comme la doctrine a fait sienne
la solution de la célébration obligatoire par l'officier
d'état civil. Mais ces raisons psychologiques, pour compréhen-
sibles qu'elles soient, ne doivent pas prendre le pas sur
le raisonnement juridique. Et précisément pour arriver

-
----------.-----
- ~ - - ~ - - - - - - - - , -
-37-
qui lui est contraire, c'est-à-dire la validité du mariage
coutumièrement célébré, il était inadéquat de recourir à la
méthode de la règle de conflit.
En effet l'utilisation de cette méthode était hautement con-
testable. Voyons comment le problème se pose ou doit être
posé. Une fois admis le principe suivant lequel il appar-
tient à la loi locale de déterminer la forme du mariage,
il reste à résoudre, dans les systèmes juridiques consacrant
la pluralité de formes, la question de savoir quelle auto-
rité,parmi
celles
qui sont aptes à célébrer le ma-
riage, est compétente dans tel ou tel cas. Il s'agit là
d'une question de conflit d'autorités et non de lois. Et il
appartient à l'Etat dont la loi est reconnue compétente de
déterminer cette activité: auctor regit actum. C'est
sans doute M. Pierre t4AYER qui a le mieux cerné ce problème.
lorsqu'il signale que "tant en doctrine qu'en législation,
la première question (la loi applicable) a été absorbée
par la seconde (quelle autorité est compétente et quelles
formes elle doit suivreJ" (1).
Et si l'on se penche sur le problème de la répartition des
compétences entre les différentes autorités (autorités cou-
tumières et autorité publique), on s'aperçoit qu'il ne peut
être résolu
que par des critères tirés de la qualité des
époux ou de leur rattachement confessionnel (comme au Liban),
ou coutumier (comme dans la plupart des pays africains). Il
fallait par conséquent rechercher directement dans la .../
(1) Pierre MAYER op. cit. p. 397, nO 537
cf. aussi nO 534.

-38-
1!
législation sénégalaise le principe de la solution. A cet
!i
égard on peut aboutir à deux conclusions : soit la législa-
!
tion admet que toutes les autorités peuvent sans restric-
tion célébrer tous les mariages_ soit
qu'elle délimite leurs compétences respectives en accordant
par
exemple des monopoles de célébration : mariage de per son-
:i0S
rnttŒch6ss
à
la coutume ouoloff islamisée relevant de
l'autorité coutumière ouoloff_ mariages de personnes de
statut moderne relevant de l'autorité publique, etc •••
La Cour suprême opérant un revirement spectaculaire dans
l'arrêt Lochet, va suivre cette démarche décrite, sans la
formuler théoriquement cepèndant.
B) L'arrêt Lochet ou le revirement de jurisprudence
de la Cour suprême.
L'affaire Lochet offrait l'occasion de vérifier si la Cour
suprême n'allait pas reculer devant les conséquences de
sa jurisprudence antérieure. En effet elle s'était présentée
dans les mêmes conditions que l'affaire Roca avec cette seule
différence que c'était la femme qui était cette fois-ci
sénégalaise et de statut coutumier (le mari étant français).
Il s'agissait en l'occurrence
d'un mariage célébré en la
forme coutumière ouoloff toucouleur islamisée. Par jugement
supplétif en date du 10 mars 1966 le juge de paix de Dakar,
ordonnait sa transcription sur les registres de l'état civil.

-39-
1
Bien entendu le Minist~re public ne s'était pas fait faute
J
1
de se pourvoir
devant la Cour suprême pour obtenir l'annu-
1
lation de la transcription et du mariage.
1
1
1
,
Le 25 novembre 1974 la Cour suprême,
toutes sections réunies,
t
rendit sun arrêt qui avait l'allure d'un arrêt de principe
l
et qui prit le contrepied de l'arrêt Roca. La Cour en effet
t
!
énonce dans cette importante décision "Deux formes de ma-
1
1
riage sont instituées au Sénégal, le mariage civil devant
l'officier de0l1êtat civil et le mariage célébré suivant les
coutumes,simplement enregistré. Il ne résulte d'aucune dis-
position légale, ni d'aucun principe général que le législa-
teur ait établi une prééminence quelconque de l'une descês
formes sur l'autre, dans le cas de mariage entre deux per-
sonnes de statuts différents ••• " (1).
Nous approuvons la démarche et la solution finale de cette
décision sans pour autant nous rallier au motif qui inspire
cette derniêre. En abandonnant la référence à l'article 16
de l'ordonnance de 1960, la Cour a tr~s justement rep~taé~
le problème sur son véritable terrain juridique: celui du
conflit d'autorités. On peut sans doute regretter qu'elle
ne l'ait clairement dit. Mais n'appartient-il pas à la doc-
trine de faire le travail de clarification théorique neces-
saire? Résumons-nous: s'agissant des questions de conflit
d'autorités dans l'ordre interne, seule la loi de l'Etat du
for peut le trancher. C'est donc tr~s adéquatement que les
juges de la Cour suprême ont recherché dans le syst~me
..../
(1) Cour supr. 25 novembre 1974 - Rev. sén. Dr. 1974, nO 16
p. 47 et s. ; note BILBAO j Penant 1976 p. 534, note
LAMPUE.

-40-
1(
f
juridique sénégalais les principes de solution. Et c'est
f
dans ce cadre seul que toute discussion peut s'élever.
l
M. KOUASSIGAN ne s'est pas fait faute d'aller en "guerre"
1
contre la décision de la Cour suprême, fidèle qu'il est,
à sa thèse selon laquelle le mariage
mixte doit être célé-
bré par l'officier de l'état civil. Il critique la Cour sur
1
1
deux points : mauvaise utilisation ou utilisation erronée
i
de l'article 36 de la loi du 23 juin 1961 et violation par
"
,
les juges des desseins poursuivis par le législateur sénéga-
1
lais et de l'orientation du nouvel ordre juridique sénéga-
lais (1).
Suivons-le un iastant dans son raisonnement. L'auteur fait
tout d'abord observer que la Cour aurait dû viser le texte
de l'article 18 de l'ordonnance du 14 novembre 1960 et non
l'article 36 de la loi du 23 juin 1961, pour affirmer que
les citoyens de "statut personnel légal" selon les termes
mêmes utilisés dans l'arrêt, doivent obligatoirement célé-
brer leur mariage par l'officier de l'état ~ivil. Ce qu'il
conteste donc ce n'est point cette affirmation, mais le
texte de loi qui vient à son soutien dans la décision. Il
démontre, non sans raison, que les trois alinéas de l'arti-
cIe 36 de la loi de 1961 ne font que règler des problèmes re-
latifs, d'une part aux questions de fond du mariage (ali-
néa 1e), d'autre part à la portée de la célébration par
l'officier de l'état civil des mariages de personnes régies
---
par les coutumes sur le droit qui leur est applicable (ali-
néa 2) et enfin aux formes de célébrations admises au .../
(1)
KOUASSIGAN art. précit. p. 662 et s.

-41-
Sénégal (alinéa 3). Il écrit en ce sens "Si donc il est
exact, selon nous, et comme l'affirme la Cour suprême, que
les citoyens de statut personnel légal, c'est-à-dire ceux
qui ne relèvent pas d'un statut coutumier, doivent obliga-
toirement faire célébrer leur mariage par l'officier de
l'état civil, ce n'est pas l'article 36 de la loi du 23
juin 1961, qui peut venir au soutien de cette affirmation.
Il faut interroger d'autres textes. C'est l'article 18 de
l'ordonnance du 14 novembre 1960 qui dispose que les cito-
yens n'ayant jamais eu de statut particulier, ou qui, en
ayant eu un, y ont totalement ou partiellement renoncé, ne
peuvent être régis par le droit coutumier en ce qui concerne
les matières prévues par les articles 10 et 12. Parmi ces
matière$, qui sont exclusivement régies par la loi en ce qui
concerne cette catégorie de citoyens auxquàs il faut assi-
miler les étrangers, figure le mariage" (1). Vient alors
tout naturellement la conclusion qu'il tire de son interpré-
tation de l'article 18 : si l'on oblige ces personnes à cé-
lébrer leur mariage par l'officier de l'état civil, cela
signifie qu'on leur interdit par là même la célébration
coutumière (2). Or il S8 trouve que les citoyens de statut
coutumier peuvent eux opter pour la forme civile. Donc il
est logique de dire que la seule forme possible dans ces
mariages mixtes c'est la forme civile. C'est ce qu'il soutient
en écrivant "Entre la célébration du mariage par l'officier
de l'état civil, obligatoire à l'égard des personnes qui ne
relèvent pas d'un statut coutumier et accessible à tout ••• 1
(1) KOUASSIGAN, art. précit.p. 662.
(2) ÂOUASSlGAN, art. précit. p. 663.

-42-
le monde et le mariage coutumier exclusivement réserv~ aux
personnes de statut coutumier qui peuvent d'ailleurs y re-
noncer, ne/peut-on considêrer que la première forme est la
seule juridiquement possible pour les mariages entre person-
nes de statuts diffêrents parce qu'elle s'impose comme la
forme de droit commun ?" (1).
ft~
!
Mais l'auteur ne s'est pas limité à cette démonstration.
Il attaque la Cour sur le terrain des principes ou plus pré-
cisément de l'esprit qui anime la législation sénégalaise.
Admettant implicitement, avec la Cour, qu'aucune disposition
de droit positif sénégalais ne règle le problème de la forme
du mariage entre personnes de statut différent, M. KOUASSIGAN
interpelle cette dernière sur sa véritable mission dans ce
cas: créer le droit "en recherchant l'intention du législa-
teur et en rendant (des) décisions dans le sens où le lé-
gislateur aurait certainement lêgiféré s'il avait rompu son
silence" (2). Et comme unique indice du législateur sénéga-
lais de soumettre ces mariages mixtes à la forme civile,
l'auteur ne relêve que le fait que c'est le Ministre de la
Justice qui a été par deux fois à l'origine des pourvois
dans l'intérêt de la loi, dans l'arrêt Roca comme dans celui-
. ci (3). Et il con clut nc' est que pour le gouvernement auteur
des projets de loi~ que le législateur reprend à son
/
•••
(l) KOUASSIGÀN, art. précit. p. 664. La forme interrogative
utilisée par l'aûteur ne doit pas faire illusion car il
soutient fermement que la forme civile du mariage est
la forme de droit commun (se reporter à ses développe-
ments).
(2) KOUASSIGAN, art. précit. p. 666.
(3) KOUASSIGAN, art. précit. p. 666.

-43-
compte en les adoptant, il n'est pas conforme à l'orienta-
tion du nouvel ordre juridique de soumettre ce type de ma-
riage à la forme coutumière, ni de permettre aux ~trangers
ne pratiquant aucune coutume matrimoniale en usage au S~né­
gal, d'avoir :xecours à cette forme de mariage" (1).
Voilà,aussi succinctement que possible,r~sum~e la thèse de
M. KOUASSIGAN. Ses belles démonstrations, menées avec une
rigueur irréprochable, ne nous paraissent pas c,onvaincantes.
Elles reposent ~ur deux méthodes de raisonnement sujettes
à caution : la méthode syllogistique et la méthode inductive.
Or,dans l'utilisation qui est faite de ces deux méthodes,
on décèle un certain nombre de failles qui ruinent l'édifice
ainsi bâti. Voyons comment.
Nous pouvons d 1 emblée concéder à M. KOUASSIGAN qu~ l'article
36 de la loi de 1961 ne pouvait pas venir au soutien
de
l'affirmation selon laquelle l~scitoyeD$de statut personnel
l~gal doivent obligatoirement célébrer leur mariage par
l'officier de l'état civil. Est-ce à dire pour autant que
l'article 18 de l'ordonnance de 1960 était plus approprié?
On sait que toute la première partie de l'argumentation de
l'auteur qui conduit à la conclusion que les mariages mixtes
entre personnes de statut
différent
doivent être célébrés
civilement, repose sur l'interprétation qu'il donne de l'ar-
ticle 18. En d'autres termes l'interprétation qu'il donne de
cet article sert de prémisse dans son raisonnement à forme de
.•. 1
(1) KOUASS 1GAN , art. précit. p. 666.

-44-
syllogisme. Il faut par conséquent que cette prémisse soit
vraie pour qu'au moins la conclusion soit' acceptable. Or
tel n'est pas le' cas. Que disait en effet le "défunt" ar-
ticle 18 ? Il disposait "En ce qui concerne les citoyens
n'ayant jamais eu un statut particulier, les matiêres pré-
vues par les articles 10 et 12 sont régies par la loi. Il
en est de même, mais seulement pour les matiêres prévues par
l'article 10, en ce qui concerne les citoyens ayant totale-
ment ou partiellement renoncé à leur statut traditionnel
par un acte non équivoque devolont~. Cette renonciation
s'induira des circonstances de la cause, notamment de ce que
les parties auront constaté
leurs actes dans les formes de
la loi écrite". Cet article, comme il est donné de le cons-
tater, règlerait uniquement le problème du droit applicable
dans certaines matières (capacité: à contracter et agir en
justice, l'état des personnes, la famille, le mariage,
le divorce, la filiation, les successions, donations et testa-
ment (article 1°), la possession et la propriété immobilière
(article 12) intéressant deux catégories de personnes, à savoir
les citoyens qûi n'avaient jamais eu un statut particulier
et ceux qui avaient renoncé entièrement ou partiellement à
leur statut traditionnel. Il venait reconduire une solution
de la législation coloniale, en soumettant ces matières à
la loi écrite, autrement dit, aux dispositions ,du Code civil
et des lois et règlements en vigueur au S~négal. Nulle part
dans ce texte on ne lit que laforme civile du mariage est
obligatoire pour les citoyens n'ayant jamais eu un statut
particulier. Mais, nous dira~t-on, il était bien question
.../ .

-45-
de mariage dans ces matières.régies par la loi. Sans doute.
Toutefois il importe de dissocier les problèmes. Le Titre
II de l'ordonnance de 1960 n'avait pas pour objet d'appor-
ter des solutions aux questions de forme du mariagf)~.(arti­
cles 16 à 20 de l'ordonnance). Mms aux questions de fond.
On s'en est très vite rendu compte lorsque l'on a voulu
trancher le problème de la forme du mariage mixte par appli-
cation de l'article 16 de l'ordonnance de 1960 qui donnait
compétence à la loi de la femme dans les conflits de coutu-
mes. Les résultats aberrants auxquels conduisait l'applica-
tion de cet article était un indice de plus qu'il ne concer-
nait pas les questions de forme du mariage (1). Comment
d'ailleurs pouvait-il en être autrement lorsque l'on sait
que toutes les questions relatives aux formes de mariage
admises au Sénégal trouvaient leur règlementation dans la
loi du~ juin
1961.qui distinguait bien le matiage consta-
t~ (c'est-à-dire célébré par l'officier de l'état civil) et
le mariage enregistré (mariage célébr€
coutumièrement mais
enregistré dans les registres de l'état civil) ? C'était
donc bien dans le caàre des dispositions de la loi de 1961
qu'il fallait rechercher la solution du problème posé dans
l'affaire Lochet. Or aucune disposition ne concernait direc-
tement celui-ci. Tout ce qu'on peut affirmer avec certitude
c'est que le législateur sénégalais avait mis sur le même
plan, du point de vue de leur validité, le mariage cél~bré
coutumièrement et le mariage célébré civilement. Et s'il
avait êstimé nécessaire de rappeler que tous les futurs
... /
(1) supra p. 35.

-46-
époux pouvaient faire célébrer leur mariage devant l'offi-
cier de l'état civil sans qu'il pût en résulter renonciation
à leur statut (article 36, alinéa 2), c'é,tait pour révoquer
définitivement la solution contraire de la jurisprudence
de l'époque coloniale. Dans ces conditions, l'alinéa 1 de
l'article 36 pouvait bien avoir ûne signification dans les
questions de forme du mariage. En effet la règle qu'il
énonçait, à savoir que "le mariage est contracté suivant les
règles du statut personnel des futurs époux", était suscep-
tible d'application tant pour une question de fond que pour
une question de forme du mariage. La raison qui devait
alors militer dans le sens d'une interprétation en faisant
une règle relative à la forme du mariage, était le fait que
s'agissant des questions de fond, la même règle figurait
déjà dans les articles 10 et 18 de l'ordonnance de 1960
consacrée, comme on le sait, aux questions de fond soulevées
dans certaines matières. La règle de l'article 36, alinéa 1,
était d'ailleurs double. Elle pouvait se résumer en deux
propositions: 1)- les citoyens de statut traditionnel peu-
vent se marier selon les formes prévues par leur coutume ;
2)- les citoyens de statut personnel moderne
peuvent ~ marier selon la forme prévue par leur statut (c'est-
à-dire civilement). Nous n'avons pas cru devoir utiliser le
verbe "devoir" à la place du verbe "pouvoir" car si l'on
devait interpréter le terme "V~ mariage est contracté" utili-
sé dans l'alinéa 1 de l'artlcle 36, comme ayant la portée
d'une obI iga tion e~le mariage doit être contracté") on aurait
mal compris la dérogation figurant dans l'alinéa 2. Cette
••. 1

-47-
dérogation s'accommodait mal d'une obligation. Il importait
peu que cette derniêre ne concernât qu':une cat€gorie
de
personnes (les citoyens de statut traditionnel) parce qu'il
était nécessaire, une fois admis le principe de l'équiva-
lence des formes coutumière et civile, d'indiquer claire-
ment à l'écrasante majorité de la population qu'elle pouvait
désormais emprunter la voie civile sans conséquences pour
elle sur son statut, en espérant ainsi l'attirer vers cette
forme idéale de célébration du mariage. En conséquence il
n'y avait aucun obstacle à ce que le mariage mixte pût être
célébré coutumiêrement. Il n'était pas dês lors nécessaire,
comme l'a fait la Cour suprême, de faire appel à l'idée de
"prééminence d'une forme" sur l'autre. Il fallait seulement
constater que le législateur de 1961 n'avait aucunement
réservé la forme coutumière de mariage aux seuls citoyens
de statut traditionnel et la forme civile aux seules person-
nes de statut moderne.
En définitive, on peut affirmer que ni dans l'article 18 de
l'ordonnance de 1960 (si l'on accepte qu'il concerne aussi
les questions de forme du mariage) ni dans l'article 36 de
la loi de 1961, on ne trouve trace d'une rêgle selon laquel-
le la forme civile du mariage était obligatoire pour les
citoyens de statut moderne. Par conséquent la conclusion que
tire M. KOUASSIGAN de cette prétendue règle se trouve
anéantie. Pouvait-on alors se rabattre, en l'absence de rè-
gles fermes, sur; l'orientation de la législation et les
desseins du législateur de l'époque pour imposer la forme
civile dans les mariages mixtes ?

-48-
M. KOUASSIGAN semble le penser. Et c'est là qu'il fait
intervenir une deuxième méthode de raisonnement : la méthoàe
inductiv'èi:. Il croit pouvoir tirer du fait,que aussi bien
dant l'affaire Roca que dans l'affaire Lochet c'est le Mi-
nistère Public qui s'est pourvu en cassation d'ordre du
Ministre de la Justice, un indice du dessein du législateur
de soum0ttre les mariages mixtes intéressant deux personnes
de statuts différents à la forme civile. S'il est vrai que
la loi de 1961 avait été votée sur initiative du gouverne-
ment, il demeure qu'une simple question procédurale ne peut
pas venir trancher une question de fond aussi importante
que celle qui touche à la validité d'un mariage. Et s'il
s'avérait nécessaire de scruter l'intention du législateur,
il serait plus indiqué de consulter les travaux prépara-
toires et les procès-verbaux des débats parlementaires.
Autrement on prendrait le risque d'ériger en règle la con-
duite d'un seul fonctionnaire du ministère de la Justice
qui n'est pas peut-être le même que l'auteur du projet de
loi. Le plus sûr moyen d'être fidèle à l'esprit du législa-
teur c'est de s'en tenir aux textes lorsqu'ils peuvent ré-
soudre une question posée, même si on doit parvenir à la
solution par une gymnastique intellectuelle. Or le principe
de l'équivalence des formes du mariage semble bien avoir
été ~tabli dans la loi de 1961.
Pour conclure définitivement sur cette jurisprudence Lochet;
il nous faut dire que non seulement elle était conforme à
la législ~tion de l'époque et à l'esprit qui animait cette
dernière, mais encore ~lle était opportune. La fréquence .•.1

-49-
1!!t
des mariages mixtes célébrés coutumièrement n'était-elle
1
~
pas l'indice de l'attachement de la population autochtone
à certaines valeurs de sa civilisation négro-africaine ?
C'est que pour cette population,la célébration du mariage
n'est pas seulement un acte purement formel auquel il faut
sacrifier pour rentrer dans 10 cadre de la légalité
c'est
un acte social plus profond que le rite officiel et qui
marque un évènement touchant toute la communauté ethnique.
Et à ce propos M. KOUASSIGAN apporte un argument
supplé-
mentaire qui ne manque gU8re de surprendre, une fois replacé
dans le cadre de la thèse qu'il défend. En effet, après
avoir fait très justement observer qu'en Afrique noire la
célébration du mariage par une autorité publique
est tou-
jours précédœou suivie de cérémonies coutumières, compte
tenu des contraintes de l'ordre social, il conclut "Peu
importe donc pour le fu~ur époux de droit coutumier que le
mariage soit célébré par l'officier de l'état civil dès lors
que son attachement à la coutume est respecté à travers les
cérémonies coutumières du mariage, sans que cela puisse
~tre interprété comme une double célébration"
(1). Si l'on
admet que pour le futur époux de statut traditionnel la
célébration du mzriage par l'autorité publique n'a aucun
sens, il faut pousser la logique jusqu'au bout et lui recon-
naître la possibilité de se marier selon les formalités de
sa coutume. On ne voit pas pour quelle raison on devrait
obligatoirement sacrifier le statut de cette personne au
profit du statut de l'autre. Or c'est ce à quoi aboutit la
thèse de notre éminent auteur. Dans ce conflit engageant.../
(1) KOUASSIGAN, art. précit.
op. cita p. 665.
J

---,
-50-
1
deux valeurs de civilisation, toutes respectables, il faut
:
laisser le choix aux futurs €poux
de décider de la forme à
1
adopter, autant que le permet 13 législation en vigueur. Ce
1
1
débat d'une importance décisive au Sénégal et peut-être
1
1
i
ailleurs en Afrique noire, n'a pas été clos par l'entrée en
vigueur du Code de la famille. En effet ce Code, tout en
modifiant les donn6es du problème de la célébration du ma~
riage, contient une disposition ambigüe qui, ~ l'analyse,
nous révèle l'utilité du rappel des solutions légales ct
jurisprudentielles antérieures à sa promulgation. C'est ce
que nous allons (t;,pré sent voir.

l\\
-51-
~
t
1
f
1
1
t
1
j,l
f
(
1
1
Section 2e
LES NOUVELLES SOLUTIONS DU
CODE DE LA FAMILLE.
Entré en vigueur en 1973, le Code de la famille de 1972
est venu remettre en cause tout le droit ant~rieur de la
famille, au point que l'on décèle dans les faits, çà et là,
des manifestations de résistance à son application. Et
pourtant, contrairement à son habitude, le l~gislateur
s~négalais avait pris toutes précautions nécessaires pour
associer à l'oeuvre de codification les repr~sentants de
toutes les couches de la nation. Ce souci de m~nager les
susceptibilit~s et de tenir compte de l'~tat des moeurs au
S~négal, trouve sa manifestation concrète dans la longue et
subtile procédure qui, cOlrumencée en 1961, n'a trouvé son
point d'aboutissement qu'en 1972 avec l'adoption définitive
par l'Assemblée Nationale de la loi n° 72-61 du 12 juin
1972 portant Code de la famille. Depuis cette date, ce
... 1.

-52-
code n'a cessé d'attirer l'attention
de la doctrine (1).
Certes certaines dispositions de ce code sont de nature à
heurter de front les conceptions traditionnelles que l'on
se fait couramment des rapports familiaux, mais dans l'en-
semble on ne peut pas dire que le Code de la famille est
un code révolutionnaire. C'est avant tout une oeuvre de
compromis entre les institutions traditionnelles et le
droit moderne. Et si pareil jugement peut se prévaloir d'une
analyse détaillée des règles gouvernant désormais les suc-
cessions, les régimes matrimoniaux, la filiation ou les
conditions de fond du mariage, il peut aussi trouver son
fondement dans la manière dont ont été réglés les modes de
formation du mariage. Dans ce dernier domaine, le législa-
teur a fait preuve de sagesse en optant pour deux formes
de mariage: le mariage célébré par l'officier de l'état
civil et le mariage cOHstaté qui n'est rien d'autre que le
mariage célébré coutumièrement mais avec comme originalité,
la participation de l'officier de l'état civil avant et
... 1
(1) KOUASSIGAN "Quelle est ma loi ? •• " ouvrage précit.
p. 195 ; Elisabeth NDIAYE, Le statut juridique des époux
dans le Code de la famille, thèse Dakar 1975 ; du même
auteur, Etude comparative du statut juridique des époux
dans le droit de la famille (Sénégal, Côte d'Ivoire,
Guinée, Gabon, Mali) Rev. sén. Dr. 1975 nO 18, p. 5 et
s. S. GU 1NCHARD , Réflexions critiques sur les grandes
orientations du Code sénégalais de la famille, Penant
1978, p. 175 et s. M. MBACKE, De la protection de la
femme et de l'enfant-dans le Code sénégalais de la famil-
le, Rev. sén. Dr. 1973 nO 13, p. 31 et s. et 1975 nO 17
p. 5 et s. M. KANE, De la protection des droits de la
femme et le maintien de la famille sénégalaise, Rev. Sén.
Dr. 1974 nO 16, p. 33 et s.

-53-
pendant les cérémonies coutumières de c~lébration du maria-
ge (1). Mais ce qui est vraiment nouveau et important c'est
l'unification législative des règles applicables en matière
de statut personnel
réalisée par le Code. Dès lors toute
recherche de la forme à observer en cas de mariages mixtes,
problème que ne semble pas résoudre de manière satisfaisante
l'article 114 du nouveau Code, doit intégrer cette nouvelle
donnée, comme elle doit aussi tenir compte des nouvelles
règles de droit international privé consacrées par le Code
de la famille en matière de forme des mariages.
Paragraphe le
Les nouvelles données légales du problème
de la forme du mariage mixte.
On peut recenser trois éléments nouveaux qui entrent en ligne
de compte dans le problème de la forme à observer dans las
de mariage mixte: l'unification des statuts personnels (1),
le maintien de la dualité des formes du mariage (II) et la
consécration législative de la dichotomie, forme et fond du
mariage sur le plan des conflits internationaux de lois (III).
(1) Cf. articles 115 et s. du Code de la famille - J.O.R.S.
nO 4243 du 12 aoQt 1972.

-54-
1.- L'unification des statuts personnels.
Le Code de la famille est venu réaliser le voeu exprimé par
l'autorité politique d'arriver a l'unification des r~gles
applicables en mati~re de statut personnel (1). L'article
830 de ce dit code abroge explicitement toutes les "coutumes
générales et locales" et fait disparaître par voie de consé-
quence les conflits de coutumes. Désormais donc tous les
sénégalais, quelle que soit l'ethnie a laquelle ils se rat-
tachent, sont soumis aux mêmes règles pour ce qui est de
leur statut personnel sous réserve du jeu des options conte-
nu dans le code (2).
Toute la législation antérieure ~ l'entrée en vigueur du
.•. 1
(1) Cf. allocution du Ministre de la Justice, Garde des
Sceaux, prononcée le 26 mars 1966 lors de l'installation
du Comité des options, in Travaux du Comité des options
T. 1, séance du 26 mars, p. 3.
(2) Ce jeu des options, qui est un trait particulier du
droit sénégalais de la famille, permet ~ un sénégalais
selon ses désirs et convictions, de se voir appliquer
un corps de rêgles spécifiques plutôt qu'un autre. Il en
est ainsi par exemple en matière successorale où il
existe deux modes de règlement des questions successora ~.:
les : les successions musulmanes et les successions de
droit commun ab intestat. En vertu de l'article 571 du
Code de la famille, les dispositions relatives aux succes-
sions de droit musulman "s'appliquent aux successions des
personnes qui, de leur vivant;ont, expressément ou par
leur comportement, indiscutablement manifesté leur vo-
lonté de voir leur héritage dévolu;:selon les règles du
droit musulman.

-55-
Code de la famille et relative aux matières se rapportant
au statut personnel, s'est ainsi trouvêe abrogée par l'ar-
ticle 830, alinéa 2. Il n'y a plus ni de statut moderne, ni
de statut traditionnel.
Pour en arriver là, il a bien fallu vaincre un certain nom-
bre d'obstacles et réussir à assurer une synthèse entre
certaines règles du droit traditionnel jugées dignes d'être
conserv~es et celles du droit dit moderne (1).
Ce qu'il faut retenir pour notre propos c'est le fait que
désormais sont ~cartées du débat sur la forme à observer dans
les
mariage mixte, l'ordonnance de 1960 et la loi de 1961.
Il est aussi bien évident que cet élément nouveau qu'est
l'unification des statuts personnels ne peut pas ne pas
avoir d'incidence sur~s questions de forme du mariage. Et
sur ce dernier plan on constate que le 16gislateur a maintenu
apparemment la dualit~ des formes.
II.- Le maintien de la dualit~ des formes du mariage.
Le législateur s~négalais n'a pas cru devoir laiciser complè-
tement le mariage en imposant à tousles citoyens la forme
civile du mariage. Conscient de l'irréalisme d'une telle
solution dans le S~négal d'aujourd'hui, il a maintenu la .../
(1) Cf. GUINCHARD "Reflexions critiques sur les grandes
orientations du Code s~négalais de la famille", art.
précit. Penant 1978, p. 175 à 180.

---1
1
-56-
dualité des formes du mariage, comme cela était déjà le cas
sous l'empire de la d~funte l~gislation, tout en modifiant pro-
fondément la seconde forme. En effet on sait maintenant que la
loi de 1961 avait rendu valables deux formes du mariage: le
mariage célébrê par l'officier de l'~tat civil et le mariage
enregistré par ce dernier qui n'était rien d'autre que le maria-
ge célébré selon les formalités coutumières en usage au Séné-
gal. C'est ce mariage enregistré qui est devenu dans le
Code de la famille, le mariage constaté (article 125 et
suivants du Code). Si le mariage célébré par l'officier de
l'état civil (articles 115 et suivants du Code) n'appelle
aucune observation particulière en ce qu'il est l'équiva-
lent du mariage civil français, il en va autrement de ce
mariage constaté. Il y a lieu de faire observer tout d'abord
que ce mariage constaté ~ célébré selon les formes coutu-
mières admises au Sén~gal. Effectivement l'article 830 du
Code de la famille qui abroge les coutumes générales et loca-
les fait exception pour "celles relatives aux formalités
consacrant traditionnellement le mariage". Donc ce que cons-
tate l'officier de l'état civil c'est la célébration coutu-
mière du mariage. Mais contrairement au rôle passif qui
était le sien dans le mariage enregistré de la loi de 1961,
l'officier de l'état civil s'est vu conférer un rôle très
actif dans la célébration coutumière du mariage. Et c'est là
notre deuxième observation. En eflët non seulement les futurs
époux doivent comparaître personnellement devant lui avant
la célébration, pour déposer un certain nombre de pièces
exigées au titre de la forme civile et pour se voir
... 1.

-57-
interroger sur leur consentement au mariage projeté (arti-
cles 125 à 129 du Code de la famille), mais en plus cet
officier ou à défaut son délégué, doit personnellement as-
sister aux cérémonies coutumières de célébration qui ont
lieu en dehors de la Mairie (article 130 du Code). Dans
cette seconde phase de la procédure, son rôle est plus passif
parce qu'il se limite à la rédaction complémentaire du pro-
jet d'acte de mariage "par l'indication donnée par la future
épouse ou son représentant de la partie de la dot perçue et
du terme prévu pour le solde, etc ••• " (article 130 alinéa 2).
Comme on le voit, cette forme de mariage allie les règles de
forme du mariage civil et celles du mariage coutumier. La lon-
gue et lourde proc6dure qui est sa marque particulière laisse
aisément présager qu'elle ne sera pas utilisée par les futurs
époux sénégalais. Le législateur en était d'ailleurs conscient
puisqu'assez curieusement il décide dans l'article 146 que "le
mariage non constaté est valable", mais inopposable à l'Etat,
aux collectivités publiques, établissements publics ou privés
(art. 146). Normalement cette forme de mariage aurait dû
être
sanctionnée par la nullité. Mais par souci de réalisme c'est
le contraire qui est décidé. En effet la réserve que
manifeste la majeure partie de la population à l'égard des
services de l'état civil est trop connue pour ne pas être
prise en compte (1). Donc contrairement à l'affirmation
de l'article 114 du Code de la famille selon
.../ ..
(1) GU 1NCHARD, art. précit. Rev. interne de Dr. comparé
op. cit. p. 827.

-58-
laquelle il n'existe que deux formes de mariage, trois formes
sont bien admises : ce mariage non constaté n'est rien
d'autre que le mariage coutumier pur et simple et pouvant
faire l'objet d'un enregistrement par l'officier de l'état
civil dans les deux mois de sa conclusion (article 147).
La question qui reste alors posGe est celle de savoir dans
quelle mesure les futurs époux peuvent opter entre ces dif-
férentes formes de mariage. Lorsqu'il s'agit d'un mariage
international il faut d'abord résoudre le problème de la loi
applicable à sa forme. C'est ce qu'a fait le législateur
en consacrant la dichotomie forme et fond du mariage sur
le plan de la loi applicable.
111.- La consécration législative de la dichotomie
forme et fond du mariage sur le plan des con-
flits internationaux de lois.
Sous l'empire de la législation antérieure on avait discuté
ferme en doctrine sur le problème de la loi applicable à
la forme du mariage parce qu'un doute avait été émis non
seulement sur le fondement 16gal de la règle locus regit
actum mais encore sur son opportunité (1). Le Code de la
famille met fin définitivement à cette querelle. En vertu
de son article 843, al. 2, "Tant pour les nationaux que
pour les étrangers, la loi où le mariage est intervenu .../ .
(1) Cf. supra p. 34 et s.

-59-
est compétente pour d~terminer la forme du mariage". C'est
la consécration législative de la règle locus regit actum
et par voie de conséquence de la dichotomie forme et fond
du mariage, puisque cette dernière question est soumise à
la loi nationale (article 843 al. 1).
La seule hésitation qui peut se faire jour à propos de
cette règle est celle de savoir si elle a un caractêre obli-
gatoire ou non. Il y a lieu de penser que la jurisprudence
sénégalaise lui confère ra ce caractère obligatoire. Il
reste uniquement à résoudre la question de la forme à obser-
ver pour le cas du mariage international célébré au Sénégal
puisqu'il y existe une pluralité de formes. L'article 114
du Code de la famille a tenté de résoudre, sur un plan plus
général, cette question mais de façon tellement ~mbigüe qu'il
a été l'objet d'interprétations divergentes au sein de la
doctrine.
Paragraphe 2e : Détermination de la forme à observer pour
la célébration d'un mariage mixte.
L'article 114 du Code de la famille dispose dans son alinéa
1 "Selon le choix des futurs époux, le mariage peut être
célébré par l'officier de l'état civil ou constaté par lui
ou son délégué, dans les conditions prévues par la loi. Le
mariage ne peut être constaté que lorsque les futurs époux
observent une coutume matrimoniale en usage au Sénégal".

-60-
Cet article appelle deux observations. La première est rela-
tive au·..: choix des formes ouvert aux futurs époux. A s'en
tenir à ses seu~ dispositions, on pourrait penser que
seules deux formes de mariage sont possibles au S~négal
le mariage célébré par l'officier de l'état civil et le
mariage constaté par lui. Or comme nous l'avons déjâ dit
(1), il existe au moins une troisième forme qui est le ma-
riage célébré uniquement par une aœtorit~ coutumière sans
participation de l'officier de l'êta t civil et pouvant être
enregistré par ce dernier dans les deux mois de sa conclu-
sion (articles 146 et 147 C.F.) (2). L'article 114 ne doit
donc pas faire illusion sur ce point.
La deuxième observation est,elle,.relative â la manière dont
les rédacteurs de "notre" article ont prétendu résoudre la
question de l'accès aux différents modes de célébration du
mariage. S'ils méritent approbation pour la méthode utili-
sée (méthode du conflit d'autorités et non méthode de la
règle de conflit), par contre ils encourentœs critiques
sur les formules qu'i~s ont choisies. Ces formules, loin
... 1
(1) V. supra p. 58.
(2) Lorsque le mariage n'est pas constaté ou n'est pas célé-
bré par l'officier de l'état civil, il produit des ef-
fets~limités en ce sens qu'il est inopposable à l'Etat,
aux collectivités publiques et aux établissements pu-
blics ou privés pour ce qui est notamment du bénéfice
des avantages familiaux. Mais lorsque ce mariage pure-
ment coutumier est déclaré dans les deux mois de sa con-
clusion aux services de l'état civil, il retrouve la
plénitude de ses effets; il devient l'équivalent d'un
mariage constaté ou célébré civilement (art. 147, der-
nier alinéa).

-61-
de résoudre clairement le problème qui nous occupe, invi-
tent au contraire l'interprète à d~ployer des tr~sors d'in-
géniosit~ pour parvenir à des solutions acceptables. A
cet ~gard il nous semble que le principe du libre choix de
la forme par les futurs époux, affirmé avec solennité dans
la première phase de l'article 114 est contredit par les
restrictions apportées au recours à la forme coutumière
dans la deuxième phase du même article, comme nous allons
d'ailleurs le constater. On p~ut dès lors avancer deux
propositions, quitte ~ procéder à la démonstration de leur
justesse plus tard : la liberté est totale pour la forme
civile (1), elle est limitée pour la forme coutumière (II),
qu'elle soit constatée ou enregistrée.
1.- Liberté totale pour la forme civile.
En raison de la disparition des statuts, la question du re-
cours obligatoire à la forme civile du mariage pour certaines
catégories de personnes est devenue sans objet. A vrai dire,
même sous l'empire de la législation consacrant
l'application des statuts, la forme civile du mariage pou-
vait être choisie par tous les futurs époux quel qu'ait pu
être leur statut. Le Code de la famille ne fait donc qu'en-
tériner une position constante du législateur sénégalais
dans ce domaine. Position logique dans la mesure où l'inter-
vention de l'officier de l'éttt civil est le plus sOr moyen
de fixer l'état des personnes dans un pays perméable
à
••• 1

-62-
tous les flux migratoires et où finalement il est difficile
d'avoir tous les él€ments
constitutifs de l'identité des
personnes.
Finalement aussi bien dans les mariages mixtes internatio-
naux que dans les mariages entre personnes de même nationa-
lité, la forme civile du mariage peut être choisie. L'ar-
ticle 114 C.F. ne contient aucune restriction dans ce
choix. En revanche, il n'on va pas de même pour la forme
coutumière.
II.- Liberté conditionnée pour la forme coutumière
(constatée ou non).
L'article 114 soumet ~ une double condition l'accès à la
forme coutumi~re du mariage : il faut que les futurs époux
observent une coutume matrimoniale (A) ; cette coutume ma-
trimoniale doit être en usage au Sénégal (B). Ces conditions
soulèvent de difficiles problèmes d'interprétation. Aussi
~~e sera-t-on pas surpris par les divergences doctrinales
auxquelles elles ont donné lieu.
A- Les futurs époux doivent observer une coutume
matrimoniale.
La réponse à donner à la question de savoir si tous les
futurs époux,
quelle que soit leur nationalité, peuvent
librement recourir à la forme coutumière du mariage
..• 1

'-'-~~------"-'-
-~~~
-63-
(constaté ou non), est suspendue au sens qu'il convient de
donner à la notion d'observation d'une coutume matrimoniale.
Deux interprétations divergentes ont été avancées par la
doctrine. Mais elles ne nous semblent pas tout à fait
exactes (1~). Notre interprétation se situe à mi-chemin de
ces dernières (2~).
10 ) Critique des interprétations doctrinales
de la notion d'observation d'une coutume
matrimoniale.
L'article 114 du Code de la famille n'a pas encore reçu
une interprétation de la part de la jurisprudence, du moins
à notre connaissance. Dans ces conditions la bataille doc-
trinale qui s'est engagée à son propos est destinée à orien-
ter les tribunaux dans un sens ou dans un autre. Il faut
sans doute souligner que l'ambre de l'arrêt Lochet continue
à planer sur le sens et la portée de cet article. Il n'est
donc pas surprenant de constater que les deux interpréta-
tions diamétralement opposées, proposées par la doctrine,
prennent a~pui explicitement ou implicitement sur cet arrêt.
La première interprétation nous la qualifierons de libérale
et la deuxième de restrictive.
a) Critique de l'interprétation libérale.
Cette interprétation qui conduit à admettre la possibilité
..• 1

-64-
pour tous les futurs époux, quelle que soit leur nationalité,
à recourir à la forme coutumière du mariage, est celle
propos6e par M. GUINCHARD (1). Elle tourne autour de la
notion de "libre choix". Selon l'auteur, la formule de l'arti-
cIe 114 "les futurs époux observent une coutume matrimoniale
en usage au S6négal", doit se comprendre
non pas comme
l'exigence du "vécu" d'une coutume mais de la simple obliga-
tion de se conformer au moment de la conclusion de l'union
aux règles posées par la coutume choisie" (2). Il relève
en effet, que cette interprétation est conforme à l'etymo-
logie du mot "observer", qui veut dire "se conformer à une
règle particulière en l'occurrence la règle coutumière de
conclusion du mariage" (3). Et dernier argument, M.
GUINCHARD soutient que la deuxième phrase de l'article 114,
alinéa 1, doit être lue et interprétée à la lumière de ce
qui précède. Or selon lui, "la première phrase qui englobe
dans la même formule le mariage moderne et le mariage coutu-
mier,met l'accent sur la volonté individuelle puisqu'elle
commence par ces mots: "selon le choix des futurs époux •• "
(4). Par conséquent, "il en résulte nettement que c'est
••. 1.•
(1) S. GUINCHARD, Le mariage coutumier en droit sénégalais,
art. précit. p. 819 et s.
(2) S. GUINCHARD, art. précit. p. 823 et 824.
(3) s. GUINCHARD, art. précit. p. 824.
(4) s. GUI NCHARD, art. précit.p. 824.

-65-
la volonté des futurs époux et elle seule qui commande le
recours au mariage coutumier ou au mariage célébré ; elle
est une condition nécessaire et suffisante quélle que soit
par ailleurs l'appartenance à un ordre juridique tradition-
nel" (1).
Voilà l'essentiel des raisons positives qui selon l'auteur
fondent la solution.:du libre recours par les futurs époux
dela forme coutumière du mariage. Si l'on suit cette thèse,
deux époux français ou am~ricains peuvent se marier cou tu-
mièrement au Sénégal, de même qu'un s~négalais pourra se
marier coutumièrement avec une française. La solution pro-
posée a le mérite d'être conforme à la jurisprudence Lochet.
En effet, ce serait une erreur de penser que l'article 114
du Code de la famille a entendu remettre en question la
jurisprudence Lochet. Toutefois, il est douteux que l'arrêt
Lochet a entendu consacrer toutes les conséquences que
l'auteur tire de l'article 114. Cet important arrêt est
intervenu dans un cas précis : le mariage mixte entre une
sénégalaise et un français. La solution qu'il avait retenue
aurait sans doute été différente s'il s'agissait de deux
étrangers relevant d'Etats ignorant complètement les sys-
tèmes coutumiers ou confessionnels. Mais le problème n'est
pas là. Il est dans les arguments mêmes avancés par notre
auteur. Et sur ce plan, force nous est de dire qu'ilS ne
nous paraissent pas irréfutables. Voyons pourquoi.
(1) S. GUINCHARD, art. précit. p. 824.

-66-
L'argument étymologique est certainement le plus faible.
Sans aucun doute, pour ~clairer le sens d'un mot, il n'est
pas interdit de se réf~rer au sens que lui donne le diction-
naire. Mais s'en tenir uniquement à ce sens obvie
, c'est
courir le risque de ne pas rendre compte de manière adéquate
de la signification v~ritable du mot replac~ dans son con-
texte. Or si le verbe observer signifie bien selon le dic-
tionnaire (1), "accomplir ce qui est prescrit par une loi,
par une règle", il nous semble que ce sens premier devient
douteux si on rapporte le verbe! son compl~ment d'objet
direct. Nous voulons dire par là que ce qui est en cause,
c'est le sens de la formule "observer une coutume" et non
le verbe "observer". Or s'agissant d'une coutume, comme
d'ailleurs d'une religion, le verbe observer ne saurait
être l'équivalent du verbe "accomplir" comme qui dirait
que tel indiTidu accomplit une formalit~. Bref, observer
une coutume c'est avant tout adh~rer à cette coutume ;
c'est être r~gi par elle, se conformer à ses règles avec
tout ce que cela comporte de croyance ou de foi. Toute autre
interprétation ravalerait la coutume au niveau de simples
formalit~s. Evidemment, on aura beau jeu de nous rétorquer
que ce sens proposé est irrecevable en droit s~négalais en
raison de l'abrogation de tous les statuts coutumiers.
Mais une chose est l'abrogation des statuts particuliers
et une autre l'appartenance à une ethnie régie de fait
par certaines règles coutumières. Or la loi ne peut pas
supprimer l'existence des ethnies et la croyance de ces
dernières à certaines valeurs de leur civilisation. Nous ••• 1
'(1) Le Petit Robert VU observer.

-67-
disons que dans la mesure OÙ~ législateur sénégalais a
cru nécessaire de maintenir les rêgles coutumières relati-
ves à la forme du mariage, il devient évident qu'il entend
maintenir dans le cadre légal un certain nombre de réalit6s
irréductibles. Dès lors, la formule "observer une coutume"
ne saurait être interprétée que par rapport au "vécu" qui
lui sert de support matériel. Autrement on ne comprendrait
rien au maintien par le législateur de la forme coutumiêre
du mariage. Ce qu'il faut comprendre c'est le fait que la
célébration coutumière du mariage n'est pas du tout l'équi-
valent de la eélébration par l'autorité publique au cours
de laquelle l'officier de l'état civil interpelle les
futurs ~poux,parfois,distraits sur leur consentement et
attire leur attention sur les effets du mariage. Le recours
aux formalités coutumières du mariage est d'abord la mar-
que de la fidélité de l'individu à ses traditions. C'est
ce qui explique encore la réticence de plus de la majorité
de la population ~ choisir la forme civile. Il est en
outre l'occasion d'attester l'établissement de liens nou-
veaux entre deux familles. Cela est si vrai que dans la
coutume ouoloff islamisée, que nous connaissons le mieux,
les futurs époux ne sont pas présents physiquement aux cé-
rémonies consacrant le mariage. On ne saurait par conséquent,
si l'on entend respecter encore la coutume sous ce seul
aspect, permettre à deux personnes étrangères à un tel
univers de choisir la forme coutumière du mariage. Il faut
au moins que l'un des deux époux appartienne à une ethnie
ou à une communauté régies de fait ou de droit par des .../

-68-
règles coutumières. Nous verrons plus tard l'explication
de cette réserve.
Le deuxième argument de M. GUINCHARD est d'ordre exig~tique.
Il consiste ~ mettre en rapport les deux phrases de l'ar-
ticle 114, alin~a 1, et de privil~gier la formule "Selon
le choix des futurs époux ••• " C'est une bonne méthode
d'interpr~tation. Mais il nous semble que la logique du
choix est faussée dans la deuxième phrase ; ce qui entra1ne
un déséquilibre du texte. En effet si vraiment le choix
entre les deux (?) formes du mariage était tout à fait
libre, il aurait suffit aux rédacteurs de l'article 114
de se limiter ~ la première phrase à savoir "Selon le
choix des futurs époux, le mariage peut être célébré par
l'officier de l'~tat civil ou constaté par lui ou son délé-
gué, dans les conditions prévues par la loi". Mais il ne
l'ont pas fait. Quoi qu'on en dise, la deuxième phrase
pose des limites ou mieux des conditions ~ l'accès de la
forme coutumière du mariage. Ce sont ces limites qui rui-
nent partiellement le principe affirmé dès le départ dans
l'article 114. C'est pourquoi l'on ne peut pas ne pas en
tirer des conséquences au niveau de leur interprétation.
Est-ce à dire pour autant que les futurs époux doivent
tous les deux "observer une coutume matrimoniale" au sens
où nous l'entendons? Certains auteurs le pensent~comme
M. KOUASSIGAN qui soutient une thèse restrictive.

-69-
b) Critique de l'interprêtation
restrictive.
Selon M. KOUASS 1GAN , la condition de l'observation par les
futurs époux d'une coutume matrimoniale en usage au Sénégal
doit être remplie par les deux êpoux. Autrement dit, pour
cet auteur, il ne suffit pas qu'un seul remplisse cette
condition. C'est en ce sens qu'il écrit "L'appartenance des
futurs époux à l'ordre traditionnel, quelle que soit la
coutume propre à chacun d'eHx est la condition essentielle
du recours à la forme coutumière du mariage. Dès lors,
lorsque cette condition n'est pas remplie par les futurs
époux, leur union ne peut être célébrée que par l'officier
de l'état civil si leurs coutumes ne sont pas reconnues
applicables au Sénégal" (1). L'auteur vise explicitement (2)
les mariages mixtes du type de l'arrêt Lochet ou de l'arrêt
Roca. Et on se souvient que sa thèse consistait à imposer
la forme civile du mariage dansde pare[les hypothèses (3),
contrairement à la solution de l'arrêt Lochet.
Au détour notre auteur rencontre le problème de l'incidence
••• 1
(1) KOUASSIGAN, art. précit. p. 669.
(2) La partie où l'auteur développe ces arguments porte
le titre "La forme des mariages mixtes", op. cit. p. 668.
(3) Cf. supra p. 23.

-70-
sur la forme du mariage de la conv~rsion des époux ou de
l'un d'eux â la religion musulmane. Faut-il leur refuser
l'accès à la forme coutumière du mariage? M. KOUASSIGAN
se montre catégorique "La conversion d'une personne à la
religion musulmane ne la rattache pas nécessairement à l'une
des coutumes applicables au Sénégal. Ensuite peut-être plus
que partout ailleurs, en Afrique noire, les coutumes sont
essentiellement:personnelles. Dès lors, le Français naturali-
sé sénégalais et converti à la religion musulmane, ••• , ne
se rattache pas pour autant ~ une communauté régie par une
coutume. Devenu national sénégalais par application des
dispositions du Code de la nationalit§, et s'étant converti
à la religion musulmane, il ne se rattache pas pour autant
à une des coutumes applicables au Sénégal" (1).
Cette thèse nous paraît pour le moins excessive. Elle fait
bon marché de la jurisprudence Lochet. De l'avis même des
magistrats ayant participé de loin ou de près à la rédac-
tion du Code de la famille (2)~ il n'avait jamais été ques-
tion de revenir sur la solution de l'arrêt Lochet. De même
il ne nous semble pas de bonne politique de refuser ~ un
étranger devenu national sénégalais et converti à l'islam
la possibilité de se marier coutumiêrement.
(1) KOUASSIGAN, art. précit. P.669 et 670.
(Z) Cet avis résulte d'une discussion que nous avons eue
avec certains magistrats à la radiodiffusion sénégalaise
en 1976 et portant sur les problèmes de mariages mixtes.

-71-
Pour l'ensemble de ces raisons, nous militons pour une thêse
m~diane.
2°) Interpr~tation proposêe.
Au risque de nous répéter, nous commencerons par réaffirmer
que la notion d'observation d'une coutume matrimoniale doit
être interpr~tée dans le sens d'un rattachement de l'indivi-
du à un groupe ethnique donné ou à un ordre juridique tra-
ditionnel. Nous sommes alors d'accord avec M. KOUASSIGAN
sur une telle interprétation. Et nous ne reviendrons pas
sur les raisons exposées plus haut qui légitiment cette po-
sition. Par contre, nous pensons que ce rattachement peut
avoir lieu par conversion car il n'y a aucune raison d'em-
pêcher l'étranger de vivre sous tous ses aspects sa conver-
sion. Il serait artificiel à cet égard de distinguer l'islam
des coutumes islamisées. On observe en effet que la procé-
dure utilisée dans les cérémonies de conclusion du mariage~
et quelle que soit la coutume islamisée en cause (ouoloff,
sérêre, diola, etc ••• ), est toujours la même. Elle se déroule
à la Mosquée en présence de certaines catégories de person-
nes ; les rites subs6quents qui ne scellent pas vraiment
l'union sont des formalitês particulières à telle ou telle
coutume.
S'agissant des personnes qui doivent remplir la condition
d'observation d'une coutume matrimoniale, il ne parait pas
que le législateur ait entendu exiger que les deux futurs
..• 1

-72-
~poux la réalisent. Il suffit à notre avis que l'un seul
des époux puisse se prévaloir ~'un rattachement à une coutu-
me en usage au Sénégal (1). Une telle interprétation serait
plus conforme à la solution de l'arrêt Lochet, qu'on n'a
pas voulu remettre en cause. Au surplus, on comprendrait
mal qu'au S~négal
on puisse refuser à un sénégalais la
possibilité de se conformer aux règles de sa tradition sous
le seul pr~texte que son épouse est étrangère à son univers.
Le mariage n'est-il pas la preuve d'une participation sou-
haitée à certains aspects de cette tradition? Si ce n'est
pas le cas, les futurs époux peuvent aisément se mettre
d'accord sur la forme à adopter, en l'occurrence la forme
civile. A l'inverse, le recours à la forme coutumière par
de $uturs ~poux ne pouvant d'aucune façon se rattacher à
une quelconque coutume doit être refusé. Nous rencontrons
ici l'objection avancée par M. GUINCHARO qui consiste à
dire que "Dans la procédure de constatation du mariage cou-
tumier, aucun texte ne donne pouvoir à l'officier de l'~tat
civil de vérifier l'appartenance des futurs époux à une
telle communauté (communauté régie par le droit tradition-
nel)". C'est là une erreur de jugement. En effet sur un .../
(1) La question de savoir quelle coutume doit prévaloir au
cas où les deux futurs époux relèvent de coutumes dif-
férentes est un faux problème. Il suffit en effet que
les futurs époux se mettent d'accord sur lune d'elles
pour la célébration du mariage pour que l'exigence de
la loi soit satisfaite. Il n'y a là aucun cas de conflit
dans la nouvelle règlementation.

-73-
plan plus général, l'officier de l'état civil a toujours
le devoir de vérifier si les conditions exigées par la loi
des futurs époux sont r6alisées. S'il s'aperçoit qu'une
condition fait défaut, il a l'obligation de refuser la célé-
bration du mariage, ou pour le cas du mariage coutumier,de
faire mention sur ses registres du mariage. Il en est par-
ticulièrement ainsi dans les cas où les deux futurs époux
ne sont pas de même nationalit€.
Ce contrôle sur les condi-
tions de fond du mariage est aussi valable sur les condi-
tions de forme. Autrement le rôle de l'officier de l'état
civil serait réduit pratiquement à néant. Mais même sur le
plan des textes, ce contrôle peut trouver son fondement
dans l'article 118 du Code de la famille, bien qu'il n'y
soit question que de faits susceptibles de constituer des
empêchements au mariage prévus dans certains articles dudit
Code (1). En d'autres termes, l'officier de l'état civil a
le devoir de ne pas constater le mariage ou de l'enregistrer
si la condition de l'article 114 n'est pas remplie. Il
devra alors surseoir à toute décision et aviser, comme le
requiert l'article 118, dans les 48 heures le Procureur de
la République. Il appartiendra à ce dernier soit de demander
à l'officier de l'état civil de passer outre,soit de
/
• • •
(1) L'article 118 dispose "Durant le délai de publication,
lorsqu'un fait susceptible de constituer un empêchement
au mariage, en vertu des articles 107 et 109 à 113,
est porté à la connaissance de l'officier de l'état
civil compétent pour procéder à la célébration, il doit
surseoir à celle-ci et en aviser, dans les 48 heures,
le Procureur de la République.
Celui-ci peut, soit demander à l'officier de l'état
civil de passer outre, soit former opposition au
mariage ••• ".

-74-
Gormer opposition au mariage (ou plus pr~cis~ment ~ sa cons-
tatation ou son enregistrement).
Pour tout dire, il paraît incontestable qu'une des missions
de l'officier de l'état civil est de vérifier si les condi-
tions de validité du mariage sont remplies. A juste raison,
un auteur fait obser que "Deux catégories d'organes étati-
ques français sont appelés à constater et ~ sanctionner le
non-respect des conditions de fond et de forme du mariage :
les officiers de l'état civil (y compris les agents diplo-
matiques et consulaires) qui refuseront de le célébrer
les juges qui prononceront la nullitê" (1). Ce qui est vala-
ble dans ce domaine pour la France l'est également pour le
Sénégal. Et peu importe d'ailleurs qu'il existe ou non un
texte de loi conférant spécialement ce pouvoir de refus
à l'officier de l'état civil. C'est un pouvoir qui découle
naturellement de ses fonctions (2).
Reste évidemment pos6e la question de savoir ce qu'il faut
entendre par coutume matrimoniale en usage au Sénégal.
B- La coutume matrimoniale doit être en usage
au Sénégal.
On sait que sous l'empire de l'ordonnance de 1960,
•. . 1
(1) Pierre MAYER, op. cit. p. 402, n. 545.
(2) En France, c'est l'ins~ruction générale relative à
l'état civil qui détermine la conduite que doit obser-
ver l'officier de l'état civil, en s'inspirant de la
jurisprudence Bisbal ; cf. P. J4AYER, op. cit. p. 402,
n. 546.

-75-
l'article 14 de ce texte avait posé le principe d'une limi-
tation des coutumes applicables au Sén~gal et renvoyait A un
arrôt6
ministériel conjoint du Garde des Sceaux et du
Ministre de l'Int~tieur pour la fixation de la liste des
coutumes dont l'application était jugée nécessaire. Cet ar-
râté fut pris le 28 février 1961. Il limita les coutumes à
68. Par conséquent, on pouvait aisément identifier les cou-
tumes dont l'application était reconnue au Sên~gal. Mais
tout le problème à l'heure actuelle est de savoir si cet
arrêté a été ou non abrogé en même temps que l'ordonnance
de 1960 qui lui servait de support juridique. C'est que le
Code de la famille est venu bouleverser cette situation
sans la clatifier. En effet l'article 830 de ce code por-
tant abrogation des dispositions antérieures contient deux
dispositions contradictoires sur ce point. Dans son alinéa
1er, il dit bien que "les dispositions du Code civil, les
textes législatifs et règlementaires, les coutumes générales
et locales sont abrogées à l'exception toutefois de celles
relatives aux formalités consacrant traditionnellement le
mariage". Si l'on s'en tient à ces dispositions, on doit
conclure au maintien en vigueur de l'arrêté de 1961. Mais
dans son dernier alinéa, l'article 830 dispose que "les
articles 10, 14 A 20 de l'ordonnance 60-56 du 14 novembre
1960 sont abrogés". Or l'article 14 est celui qui renvoie
l l'arrêté. C'est le support juridique de cet arrêté.
Lorsque le support disparaît, logiquement le texte pris
sur son fondement doit aussi disparaitre. Certains auteurs
••• 1

--"1
··76-
1
le soutiennent (1). M. KOUASSIGAN pense, quant à lui, que
le problème est plus complexe qu'il n'y paraît car selon
lui "l'abrogation d'un texte n'ent:raîne pas automatiquement
celle des textes auxquels il sert de r~férencelt (2). Et il
propose de distinguer deux situations "selon que le texte
de réf~rence abrog~ a été ou non remplac~ par un autre
texte". Il en conclut que "Dans le premier cas, on peut
consid~rer que le texte r6f§rentiel comporte la substitu~ion
du nouveau texte ~ l'ancien. En cas de disparition pure et
simple du texte de ~.~~ .. _. ;::_..:;~
~:i-L cG:-.:.;:;t sa substance dans le
cadre de la loi qui se l'était approprié par référence" (3).
Il soutient en derni~re analyse que l'arrêté de 1961 est
en vigueur car "si un certain nombre de textes ont été
abrogés par l'article 830 du Code de la famille, c'est que
leur objet a été repris par ce code (4).
On ne peut qu'être séduit par ce raisonnement subtil. LLen-
nui c'est que l'arrêté de 1961 ~tait compl~tement inconsti-
tutionnel. En effet l'article S6 de la Constitution donne
compétence à la loi pour fixer les règles conéernant "la
nationalité, l'état et la c~pacité des personnes, les ••• /
(1) P. BOUREL "Le nouveau droitinternational privé s§néga-
lais de la famille" Rev. sén. de Dr. 1973 nO 13, p. 21 ;
Kéba MBAYE "L'évolution des formes du mariage au Sénégal ll
Mel. Ancel p. 189 ~ ~90"
(2) KOUASSIGAN, art. précit. op. cit. p. 668.
(3)
Idem.
(4) Idem.

-77-
rêgimes matrimoniaux, les successions et libéralités". Or
à ce qu'on sache, les règles relatives aux conditions de
fond et de forme du mariage concernent l'êtat des personnes.
On ne saurait arguer du fait que le principe de la limita-
tion des coutumes €tait
posé par l'ordonnance de 1960 prise
en application de l'article 66 de la Constitution qui per-
met à l'Assembl~e Nationale d'habiliter par une loi le
Gouvernement à prendre des mesures qui sont normalement du
domaine de la loi. En effet, dans pareille hypothêse, toutes
les mesures,ci-dessus mentionnées, doivent être contenues
dans l'ordonnance. En d'autres termes, l'article 66, alinéa
2, de la Constitution ne permet pas au Gouvernement de légi-
férer par dGcret ou, ce qui est plus grave, par arrêté minis-
tériel. Cela est d'autant plus vrai que la suppression de
certaines coutumes ne peut pas être considér6e comme une
mesure d'application d'une disposition de l'ordonnance de
1960. Elle est trop importante pour être confiée à des
techniciens. C'est donc dire que l'arrêté de 1961 est illé·
gal, avant comme après l'en~rée en vigueur du Code de la
famille. Au surplus dire que l'article 830 du Code de la
famille a
repris l'objet de l'article 14 de l'ordonnance de
1960, c'est se livrer à des artifices de langage, lorsque
l'on sait, d'une part que cet article a été expressément
abrogé, et d'autre part que l'on ne trouve dans ce fameux
article 830 aucune trace des dispositions de l'article 14.
En définitive, sous quelque aspect qu'on envisage le .../ ...

-78-
problème du maintien de l'arrêté de 1961, on est amené à
conclure à son inapplication. Au demeurant, cela est une
bonne chose. Il nous semble en effet que les raisons qui
ont pu motiver la limitation des coutum!s applicables ont
maintenant complètement disparu du fait de l'unification lé-
gislative des règles du statut personnel. Ce qui était en
d'autres termes dangereux c'était l'incertitude dans laquel-
le on était placé pour connaître avec exactitude les règles
prévues par telle ou telle coutume. Cette incertitude était
d'autant plus grande que le nombre des coutumes allait
croissant. Mais du moment qu'il
nc s'~git
que d'accepter
les formalités coutumières consacrant le mariage, il n'y a
aucune raison de faire montre d'ostracisme à l'égard de
certaines d'entre elles. Ce qui est important en matière
de célébration de mariage c'est la publicité qui l'assure.
Or toutes les coutumes assurent efficacement cette publicité.
C'est une des raisons diailleurs pour lesquelles le législa-
teur décide que "la nullité de l'acte de mariage pour vice
de forme ne peut être demandée lorsque les intéressés jouis-
sent de la possession d'état d'époux légitimes" (article
137 al. 3 du Code de la famille).
Ajoutons que le mariage célébré par l'autorité coutumière
ou même religieuse n'est pas, tant s'en faut, plus c~iqua­
ble sur le terrain de J..a pubiicité que le mariage "by
cohabitation and reputation" ou mariage de common law. Or
il se trouve qu'il y a de grands pays qui se satisfont de
cette forme de mariage. L'avantage qu'il y a,à ne pas .../

-79-
limiter dans ce domaine le nombre des coutumes en usage au
Sénégal, et à ne pas opter pour une conception trop rigide de
la notion de coutume, est3vident pour le Sénégal. Terre d'im-
migration où coexistent de fortes communautés étrangères
(surtout des Libano-Syriens) qui sont régies par des statuts
à caractère souvent confessionnel, selon leur loi nationale,
le Sénégal gagnerait à éviter les cas de mariages boiteux
qui sont le résultat des conflits de qualification (1). On
sait que pour certains pays l'exigence d'une cérémonie re1i-
gieuse relève du fond et non de la forme (2) et ils l'imposent
à leurs nationaux m0me rGsidant à l'étranger. Le risque devient
alors grand de créer des mariages boiteux lorsque ces natio-
naux se marient dans des pays où cette exigence n'est qu'une
question de forme. En raison de notre option pour la dichoto-
mie forme et fond du mariage, il serait possible d'éviter ces
mariages boiteux tout en respectant les prescriptions des lois
étrangères, en suivant l'interprétation que nous proposons.
Ainsi l'application de la loi locale à la forme du mariage
pourrait harmonieusement se combiner avec l'application de la
loi nationale des futurs époux aux questions de fond sans
qu'on ait besoin de recourir àb technique de l'adaptation.../ .
(1) Cf. l. FADLALLAH, Le domaine de la loi applicable aux ef-
fets du mariage en droit international privé, Thèse
Paris 1975 T le, p. 36 et s.
(2) C'est le cas notamment de l'Espagne et de la Grèce.
v. Civ. 22 juin 1955, CARASLANlS, Rev. crit. 1955, p.
723, note BATlFFOL ;
Civ. 25 février 1947, GHATTAS, Rev. crit. 1947, p. 446.

-80'"
de la règle de conflit ou plus précis~ment comme on l'a
soutenu, de la loi matérielle étrangère applicable (1).
(1) Cf. Ibrahim FADLALLAH, thèse précit.T.I, p. 63 ct s. ; v.
aussi sur la thêorie de l'adaptation, CANSACCHI, "Le
choix et l'adaptation de la règle ~trangère dans le con-
flit de lois" Rec. cours Acad. 1953.11 p. 83 à 162 et
RIGAUX, "La théorie des qualifications en droit interna-
tional privé" Bruxelles 1956 n° 257 et s •.
La théorie de l'adaptation trouve un terrain d'êlection
privilégiée dans la matière des mariages mixtes interna-
tionaux en raison de la dichotomie "forme et fond du ma-
riage". Elle trouve une illustration dans l'arrêt GHATTAS,
Civ. 25 fêv. 1947, R.1947.446, note NIBOYET ; D.1947.161
no teP. L. - P.

-81-
Chapitre 2e
L'APTITUDE DES FUTURS EPOUX A
CONTRACTER MARIAGE.
Nous avons déjà fait sZ.'Toir que le législateur sénégalais
avait établi, dans le Code de la famille, un nouveau corps de
de droit international privé relatives principale-
ment au droit de la famille (1), mais sans nous attarder
outre-mesure sur le principe de cette codification. Il
semble nécessaire de le faire maintenant parce que dans le
domaine de l'aptitude des futurs époux à contracter mariage
la solution consacrée par le nouveau droit international
privé sénégalais paraît prendre le contrepied de celle admi-
se avant l'entrée en vigueur du Code.
Il Y a lieu de signaler tout d'abord que les dispositions
de droit international privé du Code de la famille dépassent
assez largement le domaine,ldu droit familial parce qu'elles
portent aussi sur les problèmes généraux des conflits de
lois et sur les conflits de juridictions (2). Ces
... 1
(1) V. supra p. 36 et s.
(2) Cf. Code de la famille, articles 840 à 854.

-82-
dispositions ont déj~ donné lieu à des commentaires autori-
sés (1). En dehors des questions relatives au choix de
telle ou telle règle de conflit, la discussion a porté sur
le principe même de la codification du droit international
privé. On sait que ce problème n'est pas nouveauâ qu'il
n'est pas spécifique au Sénégal. "Il s'est posé presque
dans tous les Etats. Mais il prend un relief particulier
dans le contexte africain oü les Etats qui viennent à peine
d'accéder ~ la souveraineté internationale n'ont pas eu le
temps nécessaire pour forger une tradition juridique ferme
et solide. Or,on pouvait légitimement penser que cette si-
tuation était propice sinon ~ une unification des droits du
continent du moins au rapprochement de certains d'entre
eux. Et de fait cette perspective était déjà inscrite dans
la eonvention générale du 8 septembre 1961 portant sur la
situation des personnes et les conditions d'établissement.
Dans cette convention conclue par les Etats africains fran-
cophones de l'Union africaine et malgache, il est dit
"Les Hautes parties conviennent qu'une Convention ultérieure
rêglera les conflits de lois et déterminera notamment les_•. 1
(1) Pierre BOUREL, "Le nouveau droit international privé
sénégalais de la famille", Rev. sên. de Dr. 1973 nO 13,
p. 5 et s.
; du même anteur, "Réalités et perspectives
du droit international privé de l'Afrique noire franco-
phone dans le domaine des conflits de lois" Clunet 1975
p. 17 et s. ; J. Cl. Dr. comparé VO Sénégal fasc.III ;
FRANCESCAKIS "Le droit international privé dans le
monde post-colonial. Le cas de l'Afrique noire" Clunet
1973 p. 62 et s.

,
-81~
rigles applicables en matière de statut personnel" (1). On
!
ne pouvait dês lors être que surpris par l'attitude du
l~­
1
1
gislateur sênéga1ais,car comme on l'a èonstatê "cet objec-
i
!
tif semble ~ premi~re vue s'opposer à ce qu'un législateur
1
national arrête des r~gles unilatérales et d'inspiration
1
i
largement particulariste. On peut craindre en effet que
1
!
l'effort de rapprochement et d'urification souhaité soit
rendu par la suite plus difficile" (2).
1
!
A vrai dire le lêgis1ateur sénégalais êtait devancé dans
t
1
i
!
cette voie par ses homologues guinêen (3), gabonais (4),
1
malgache CS) et centre-africain (6), qui ont da prendre ...
t
/
t
pp
~
(1 ) J.O.R.S. du 26 fêvrier 1962 n° 3512.
!
(2) BOUREL "Perspectives et r~alit~s du droit international
~
priv~ de l'Afrique noire francophone ••• " art. pr~cit.
i
p. 39.
(3) Loi guinéenne du 14 avril 1962 "relative il la thêorie
r
génêrale de la loi" J.O.R.G. 1er juillet 1962 : J.C1.
1
outre-mer S, 1963 p. 1.
1
~1
(4) Loi gabonaise du 29 juillet 1972 portant adoption de
la premiêre partie du Code civil de la R~publique gabo~'
1
naise, v. commentaire par M. P. BOUREL, Rev. crit.
i
1974 p. 844.
J
(5) Ordonnance du 19 septembre 1962 t~elative aux disposi-
f
tions g~nérales de droit interne et de droit internatio-
i
nal privé" J.O.R.M. 28 sept. 1962 p. 1989, Rev. crit.
1964 p. 370.
(6) Loi centre-africaine du 3 juin 1965 t~elative A la force
1
obligatoire des lois, des actes administratifs et des
J
traitês diplomatiques, au conflit de lois dans le temps,
J
ft la condition des étrangers et ~ l'application des
101s" J.O.R.C.A. 1er juillet 1965, J.Cl. outre-mer
1963 p. 3.
1
1
1
!
!îi~
1
t
i
1
1
!
f,

-84-
parti sur certaines règles de rattachement. Il était devenu
dês lors pressant de dot0r le Sénégal d'un système de droit
international privé assez sûr pour venir au secours des
magistrats qui n'ont pas r~çu une formation spéciale dans
ce domaine;, et pour clarifie~~ une situation assez confuse
qui a régné dans la période coloniale et post-coloniale.
On sait trop bien les obstacles qui se dressent sur la
voie de l'unification des règles de conflits de lois pour
espérer qu'elle puisse se réaliser à bref délai. Et comme
le note f.1. BOUREL "
:a.a 1"t:ch01'che ci' une plus grande sécu-
•••
rité justifie qu'un Etat nouvellement indépendant s'attache
à fixer législativement des solutions, dont on connaît
assez dans le domaine du droit international privé les
caractères incertain et imparfait" (1).
Ce qu'il y a certainement lieu de regretter, c'est le fait
que les rédacteurs du Code de la famille ont insuffisam-
ment réfléchi aux solutions qu'ils ont consacrées cédant
parfois à des improvisations (2) ou à la tentation de reco-
pier purement et simplement certaines règles du droit inter-
national privé français (3) dont l'application en Afrique
est des fois plus que critiquable. Ainsi,pour ce qui est
de l'aptitude des futurs époux à contracter mariage lorsqu'
ils sont de nationalité différente, les rédacteurs ont
... /
--------------- -_._----_._--------
(1) BOUREL, art. précit~ p. 39~
(2) FRANCESCAKIS, art. précit. p. 63.
(3) BOUREL, art. précit. p. 27.

.,
-85-
opté pour l'application distributive da la loi nationale
de chaque êpoux (S~ction 2),) ':'<li est une solution classique
du droit internati0ual :)rivê irançais, sans s'interroger
sur les mérites d't;.ne applici;Ltion d'une loi unique confor-
mément au souci d'assurer l'unité du statut familial
(Section 1).

-86-
Section le
UNITE DU STATUT FAMILIAL ET
OPPORTUNITE DE L'APPLICATION
D'UNE LOI UNIQUE.
Si nous avons pris le parti de nous interroger sur l'op-
portunité de l'application d'une loi unique pour résoudre
le problème de l'aptitude des futurs époux à contracter
mariage, c'est qu'il nous est appara que, contrairement à ce
qui 3 ~tj sout3DU, que k droit international privé sénéga-
lais à l'instar de certains autres drons africains, avait
opté pour une telle solution. Les raisons qui ont été à
la base de son abandon doivent être appréciées par rapport
aux mérites et inconvénients qu'elle recélait. Et pour ce
faire il nous faudra fixer les données du problème (para-
graphe le) avant de déterminer quelle loi semble être la
plus appropriée (Paragraphe 2e).
Paragraphe le
Les données du problème.
L'application distributive des lois en présence est loin
d'être une solution universellement admise même si la
••• 1

-87-
plupart des codifications intervenues récemment dans cer-
tains pays optent pour cette solution (1). Et singulière-
ment en Afrique, dans plusieurs pays, on fait prévaloir la
loi du futur mari, proposée naguère par BARTIN, sans doute
pour des motifs différents de ceux de la jurisprudence ou
du l~gislateur africain,pour régir l'ensembl~ du ~ien ma-
trimonial (2). C'est précisément BARTIN qui, sans doute le
premier, a su d~gager les enjeux de la question qui nous
préoccupe lorsqu'il écrit "Comme les obligations légales
qui vont peser, en conséquence des actes du droit de la
famille, sur les personnes entre lesquelles ces actes sont
intervenus traduisent un état nouveau de ces personnes, au
sens civil de l'expression et que cet état qui leur sera
commun, ne saurait dépendre en même temps, des lois person-
nelles différentes qui régissent chacunesd'elles à la date
de l'acte, bref que la prise individuelle de la loi nationa-
le de chacune d'elles, n'est plus dans cet ordre d'idées
possible, une formule nouvelle de l'empire de la loi per-
sonnelle, tant sur les conditions de fond de ces actes du
droit de la famille que sur les conséquences légales qui
y seront impérativement attachées s'imposent, laquelle ? •• "
(3). C'est par conséquent l'unité du statut familial à ••• 1
(1) BISCHOFF, Rep. Dr. int.
O
V
Mariage n. 20 et s ;
E.?POISSON, "Les relations entre époux dans les récen-
tes codifications du droitinternational privé" Rev.
crit. 1967 p. 277 et s.
(2) BARTIN, Principes de droit international privé, T. 2
p. 123.
(3) BART IN , Principes, T. 2 p. 119 et s.

-88-
11
créer qui et prise en compte. Cette id~e fut reprise et
1
défendue avec une particulière vigueur par M. GANAGE. Se-
1
Ion cet auteur "Le statut personnel n'est pas le statut
familial. Le premier protège la personne en elle-même,
libre de tous liens, le second gouverne la cellulle fa·
miliale distincte des membres qui la composent. Quand deux
personnes fondent un foyer, elles donnent naissance à une
réalité nouvelle, la famille qui les dépasse et dont elles
deviennent les artisans. L'institution du mariage, la rè-
1
glementation de ses conditions et de ses effets doit être
centrée vers ce foyer familial. Elle doit en sauvegarder
l'unité et en assurer l'épanouissement" (1). Effectivement
on peut raisonnablement penser que lorsque deux personnes
de nationalité différente entendent s'engager dans une
institution comme le mariage, il serait logique de soumet-
tre cette dernière à une loi unique (2) ou plus précisément
de choisir parmi les modèles de mariage proposés par les
différents Etats celui qui convient le mieux au futur
couple mixte compte tenu d'un certain nombre de facteurs à
déterminer. Mais il faut se rendre compte que dès lors que
l'on pose comme une nécessité à sauvegarder l'unité du
statut familial, on convient du cara~re indissociable des
conditions de fond du mariage et de ses effets. Et on ne
... /
(1) P. GANAGE, "Le rôle de l'équité dans la solution des
conflits de lois" L.G.D •.J. 1949 p. 51 et 52.
(2) P. MAYER, op. cit. p. 393 nO 529.

-89-
saurait contourner les deux objections formulées à l'endroit
des thèses prônant, au stade de la création du lien matri-
monial, l'application d'une loi unique ~ui serait en même
temps la loi des effets si l'on tient à être logique.
La première objection revient à dire que s'agissant de l'ap-
titude à contracter mariage, il est parfaitement admissible
d'interroger la loi personnelle de chaque époux et que.
toutes choses égales ,par ailleurs c'est ce qui se passe en
droit interne où ,comme chacun sait~la loi fixe dans certains
cas des conditions différentes pour l'homme et la femme
(1). On ajoute que rien ne justifie l'application d'une loi
unique au lien matrimonial car " ••• au stade de la formation
du mariage, le lien matrimonial n'est pas encore établi".
C'est pourquoi "on ne peut ••• demander à la loi qui régit
les ëffets de ce lien de préciser les conditions de sa créa-
tion" (2). La deuxième objection touche au point sensible
de la thèse de l'application d'une loi unique. Elle consiste
à contester l'indivisibilité entre la formation et les ef-
fets du mariage. On part de l'idée selon laquelle les condi-
tions exigées pour contracter mariage sont indépendantes
des effets què produit le mariage. Lorsque par exemple le
droit français fixe les droits et devoirs des époux, il le
fait sans tenir compte des oonditions de formation du maria-
ge. En ce sens, un auteur a pu écrire que "l'absence
... 1
O
(1) BISCHOFF, Rép. Dr. int. V
mariage nO 21.
(2) Y. LOUSSOUARN et P. BOUREL, op. cit. p. 395 n. 301.

-90-
d'indivisibilit~ entre la formation et les effets du maria-
~.
ge prive la loi du lieu de célébration de son principal
titre d'application" (1).
La question est alors pendante de savoir si ces objections
1
ruinent définitivement le principe de l'application d'une
loi unique à la formation du mariage. C'est plus que douteux
et singulièrement en Afrique. Commençons par répondre à la
première objection. Elle nous semble relever d'une certaine
logique formelle. S'il est vrai qu'au stade de la formation
le lien matrimonial n'est pas encore établi (vérité d'évi-
dence)t de sorte qu'on ne puisse pas anticiper sur ses
effets qui ne sont pas encore définis, rien par contre n'in-
terdit d'envisage~,un instant de raiso~,la situation qui
sera faite aux futurs époux. Ce qui paraît important en
d'autres termes c'est l'institution dans laquelle va s'ins~­
rer le futur couple.L'anticipation qui est illogique sur le
plan formel est justifiée pour des raisons pratiques et
de bon sens. Mais on se heurte ici à la deuxième objection.
On connaît les raisons qui fondent la c~sure entre formation
et effets du mariage. Elles résident dans le caractère laic
du mariage dans la plupart des pays occidentaux. Dans les
systèmes juridiques laics,en effet,les conditions fixées
pour pouvoir contracter mariage n'influent guère sur les
rapports entre époux. On pourrait ~ la limite y faire
... /
(1) 1. FADLALLAH, thèse précit. p. 68. L'auteur admet cepen-
dant des atténuations dans la césure entre formation et
effets du mariage,v. p. 3.

-91-
1!
1
1
varier indéfiniment ces conditions sans que la conception
~
que l'on se fait des relations entre époux en soit atteinte.
Mais tel n'est pas le cas dans les systèmes juridiques con-
1
fessionnœls ou coutumiers. En Afrique noire, les comporte-
ments ou conduites requis des époux se trouvent en rapport
direct avec les conditions observées lors de la formation
1
du mariage. Il y a dans certaines coutumes une sorte de
1
modulation des droits et devoirs des époux suivant leur
i
âge, leur situation familiale antérieure, etc ••• Pour ce
1
qui est du Sénégal, un mariage polygamique ne produit pas
toujours les mêmes effets qu'un mariage monogamique (1).
C'est dire que la formation de ce mariage polygamique n'est
pas indépendante de ses effets. Dans ces conditions et
compte tenu de notre environnement géographique et culturel,
l'application d'une loi unique eût été préférable à l'appli-
cation distributive des lois nationales de chaque futur
êpoux, surtout lorsque l'un des époux relève d'un système
juridique extra-africain. Restait seulement à se demander
quelle loi appliquer.
Paragraphe 2
Le choix de la loi unique applicable
Le principe de l'application d'une loi unique à la création•• 1
(1)

-92-
11~!
1
\\
du lien matrimonial a déjà ét€
consacré par la jurisprudence
française (1), par des législations étrangères (2) et
accueilli favorablement par une fraction de la doctrine (3).
Nous ~G ruvi~n1rans p15 sur 105 r~isons qui militent 0D f~veur
d'un tel principe, surtout en Afrique noire (4). Le problè-
me est de savoir, à ce stade du débat, quelle loi appliquer.
L'ancien système de conflit de lois tel qu'il était établi
par l'ordonnance sénégalaise de 1960 avait fait prévaloir
la loi nationale de la femme. En effet l'article 16 de
ladite ordonnance donnait compétence à la loi de la femme
"dans les questions intéressant le mariage et le divorce ••• "
(art. 16 al. 2), enlevait tJut doute sur l'application de
cette loi à la création du lien matrimonial. Et de fait, ... /
(1) Trib. civ. Grenoble 7 mai 1958, Rec. Gaz. Pal. 1958.2.82
qui applique la loi du domicile en tant que loi unique
du statut familial; Trib. civ. Seine 20 juillet 1948,
Rev. crit. 1949.96 note G.H. qui applique la loi fran-
çaise en tant que loi de l'un des époux.
(2) Melle E. POISSON donne des renseignements dans son arti-
cle précité sur certaines législations qui consacrent
l'application d'une loi unique soit en tant que règle
unique de conflit, comme la législation brésilienne
(loi du lieu de célébration) soit en tant que règle
subsidiaire (Code civil égyptien, Code civil irakien,
Code civil syrien) v. op. cit. p. 281. Il faut également
signaler qu'aux Etats-Unis il est f~it ~P91ic~tion de la
loi du lieu de célébration du mariage, v. ~AYER op. cit.
p. 393 n° 529.
(3) BARTIN, op. cit. p. 123 ; NIBOYET, note sous Seine, 5
mai 1919, Sirey 1921.2 p. 9 ; J. DONNEDIEU DE VABRES,
"L'évolution de la jurisprudence française en matière
de conflit de lois depuis le XXème siècle" Sirey Paris
1937 p. 441.
(4) V. supra p. 57 et s.

-93-
le Tribunal de 1ère Instance de Dakar a eu l'occasion en
1970, de manière passablement confuse certes, mais non con-
testable, d'appliquer à ce problème la loi (coutume) de
la femme dans une affaire de mariage mixte mettant en cause
une citoyenne sénégalaise et un ressortissant mauritanien
(1). M. BOUREL qui a annoté cette décision a contesté le
bien-fondé de l'application de la loi de la femme pour la
raison que le texte de l'article 16 concernait les effets
du mariage et non sa création qui selon lui devait relever
de la loi personnelle de chaque futur 6poux. Nous ne~
pensons pas qu'il ait eu raison?car le libellé de l'article
16 était loin d'être ambigü. En effet quelles sont les
questions qui intéressent le mariage, sinon sa formation
et ses effets? Les r6dacteurs de l'ordonnance de 1960
avaient certainement entendu soumettre le rapport familial
à une loi unique. Quoi qu'il en soit, la seule interpréta-
tion logique et juste du texte était de faire comprendre
dans les "questioBs intéressant le mariage" le problème de
sa création. La discussion se situait ailleurs. Elle devait
porter sur l'opportunité de l'application de la loi de la
femme. Il eût été plus conforme aux données sociologiques
du Sénégal de soumettre les rapports familiaux à la loi du
mari. cest cette dernière loi qui est consacrée d'ailleurs
dans l'ordonnance malgache du 3 octobre 1960 pour régir le
statut familial. L'idée qui était à la base de la compétence
de la loi de la femme, à savoir que le versement d'une dot.../
(1) Trib. de 1ère Instance Dakar - 21 avril 1970 - Rec.
Penant 1973 p. 407, note BOUREL.

-94-
l
lui donne une position particulière dans le cercle familial
1
t
(1), était tout ~ fait fausse. Le versement par le mari
d'une dot à la femme lui donne au contraire tous les pou-
1
1
voirs dans le ménage, sûr qu'il est d'avoir rempli une fois
1
pour toutes ses obligations. Et même s'il faut admettre
que le montant, la nature et les modalités de paiement de
1
la dot se déterminent selon la coutume de la femme, il
semble hors de question que cette coutume puisse régir le
1
statut familial. Le mari apparaît, dans les sociétés négro-
~fricaines où dominent très largement les systèmes patrili-
1
1
néaires renforcés par l'islam, comme le seul chef de la
1
1
famille. Il est logique qu'il agisse alors suivant les prés-
1
criptions de sa coutume. C'est en fonction de ces données
qu'un auteur a pu écrire "Si l'unité de la famille se
recommande d'une loi unique, celle du mari pris en sa quali-
té de chef de famille, et considérée comme loi du lien ma-
trimonial, en même temps qu'elle satisfait les autres inté-
rêts, répond à cette exigence" (2).
Il faut alors s'interroger et sur les raisons qui ont
poussé le législateur sénégalais ~ renoncer en 1972 à l!ap-
plication d'une loi unique, (la loi de la femme, qui même
contestable, avait le mérite d'assurer l'unité du statut
familial Jet sur celles qui l'ont amené à ne pas envisager
l'application de la loi du mari.
(1) EMfu~E, thèse précit. p. 175.
(2) EMANE, thèse précit. p. 64.

-95-
Ces raisons n'étant exposées nulle part, il s'agit de les
deviner. Peut-être les rédacteurs du Code de la famille
ont-ils été sensibles aux critiques que la doctrine fran-
çaise contemporaine a adressées aussi bien à la compétence
de la loi du mari qu'à celle de la femme. Critiques tour-
nant autour de l'idée d'égalité entre la femme et l'homme
(1). Depuis que la femme ne perd plus par mariage sa natio-
nalité dans beaucoup de législations (2), on s'est mis à
dire que rien ne justifie de privilégier,dans les rapports
familiaux~la loi du mari. Par ailleurs, dans beaucoup de
droits internes, le mari et la femme se voient investis
plus ou moins de mêmes pouvoirs ou responsabilités. Ces
idées,courantes en Europe, sont-elles recevables au
Sénégal et en Afrique noire en général ? Il Y a lieu tout
d'abord de noter le caractère artificiel de ces arguments.
En effet tant qu'on ne connaît pas le contenu de la loi
du mari ou de la femme, il est impossible de dire qu'elle
protège plus l'un que l'autre. La loi du mari peut assurer
une meilleure protection de la femme,que ne le fait la loi
de celle-ci. Par ailleurs, on constate que même dans le
Code sénégalais de la famille, le mari reste toujours le ...1
(1) V. P. MAYER, op. cit. p. 393 n. 529. V. aussi Tito
BALLANINO "La réforme du droit italien de la famille
et le droit international privé"
Rev. crit. 1979 nO 2,
p. 285 et s.
(2) Dans le droit sénégalais de la nationalité, la sénéga-
laise qui épouse un étranger conserve sa nationalité
alors que la femme étrangère qui épouse un sénégalais
perd sa nationalité automatiquement et devient sénéga-
laise du seul fait du mariage. Oest une règle assymé-
trique.

-96-
chef de la famille (article 152), fixe la résidence du mé-
nage (article 153) et exerce la puissance paternelle (arti-
cle 277, alin~a 2). Dans ces conditions et compte tenu du
fait que dans la plupart des pays africains les coutumes
continuent à régir les rapports de famille, il semblait jus-
tifié d'opter pour l'application de la loi du mari. Le
principe de la neutralité de la règle de conflit que l'on
pourrait nous opposer, n'est valable que s'il rend des
services plus appréciables que le principe qui lui est con-
traire. Il n'en est pas allé ainsi ; le l~gislateur sén~ga­
lais ayant estim~ nécessaire de faire une application dis-
tributive des lois nationales en pr~sence.

-97-
Section 2 e
L'OPTION CONTRAIRE DU DROIT
INTERNATIONAL PRIVE SENEGALAIS
L'APPLICATION DISTRIBUTIVE DE
LA LOI NATIONALE DE CHAQUE
EPOUX.
C'est l'article 843, alin~a 1, du Code de la famille qui
consacre le principe de l'application distributive des lois
nationales des futurs ~poux. Il dispose "Les conditions de
fond du mariage sont appréci~es selon la loi nationale de
chacun des époux ••• ". C'est une règle nouvelle du droit in-
ternational priv~ s~n~galais dont il faut rechercher les
fondements (Paragraphe 1e) pour ensuite exposer les diffi-
cuItés que son application ne manquera pas de soulever en
raison des caractères que rev0t le mariage en droit interne
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1e
Les fondements de la règle.
Sur le plan de la logique juridique, l'application distribu-
tive des lois personnelles aux futurs époux de nationalité
.../

-98-
différente
trouve sa justification dans l'anroyse du mariage
en un acte juridique non différent des autres actes de la
vie juridique. Dès lors on conçoit très bien que l'aptitude
des personnes ~ faire un tel acte soit appréciée en fonction
de leurs lois nationales respectives.
L~ situatio~ ;st lq
même lorsqu'il s'agit de dire si un contractant est capable
de faire un tel ou tel contrat. Dans les systèmes juridiques
soumettant l'état et la capacité des personnes ~ la loi na-
tionale, cette capacité s'apprécie en fonction de la loi
nationale de l'individu. Mais unefois l'acte formé, rien
ne s'oppose juridiquement ~ ce que ce que cet acte soit sou-
mis à une loi autre, qui est la loi de l'acte. C'est ainsi
qu'en matière de mariage on distingue deux problèmes
celui de la création du lien et celui du lien formé. En
vérité, cette manière de présenter les choses, bien que très
juste, risque de masquer les véritables raisons qui ont
poussé auteurs et tribunaux ~ faire prévaloir la loi person-
nelle de chaque futur époux. Ce que l'on recherche c'est
le respect des exigences des lois nationales des fiancés
et partant la reconnaissance du mariage futur dans les pays
auxquels sont rattachés ceux-ci. On connaît les critiques
faites à cette solution"qu'un auteur a clairement synthéti-
sées "syst~me de conflit assez fallacieux car, pas plus
que les autres systèmes de conflit, il ne permet de respec-
ter deux exigences contradictoires telles la possibilité
ou l'interdiction d'épouser un divorcé; système hybride
car il est arbitraire d'opérer un choix entre les lois des
•.• 1

- - - -
--
- - ~ ~ ~ ~ -
-99-
parties à propos de chaque condition du mariage et selon
leur sévérité ; système restrictif enfin et comme tel con-
traire au voeu de beaucoup de législateurs actuels de faci-
liter les mariages mixtes" (1). A ces critiques s'ajoutent
celles que nous avons émises et qui prennent appui sur des
considérations propres aux droits africains (2). Mais il
semble que le respect des exigences de lois nationales des
futurs époux, au stade de la création volontaire du lien
matrimonial, tient en Afrique à la tradition séculaire qui
veut que soient prises en compte les conceptions de la vie
de l'étranger.
Quoi qu'il en soit il demeure qu'en raison de certains
traits particuliers du mariage au Sénégal, l'application
distributive des lois personnelles des fianoés serait im-
propre à résoudre un certain nombre de problèmes.
Paragraphe 2
Exclusion et atténuation souhaitables du jeu
de la règle de l'application distributive des
lois personnelles dans certaines questions.
En raison de la règle posée par l'article 843, alinéa 1, du
••• 1
(1) E. POISSON, art. précit. p. 280.
(2) V. supra p.

-100-
Code de la famille, il sera fait application de la loi per-
sonnelle de chaque futur époux pour apprêcier son aptitude
à contracter mariage. La règle fonctionnera sans anicroches
lorsque les dispositions des lois nationales en présence
sont similaires ou à tout le moins ~quivalentes. Il en ira
autrement quand celles-ci sont contradictoires ou quand
l'une des lois personnelles impose des conditions inconnues
de l'autre. On sait que l'on sort de cette impasse par deux
techniques: la bilatéralisation des empêchements et l'ap-
plication de la règle la plus sévère (1). Le recours à ces
techniques doit être écarté dans trois problèmes : les
fiançailles, la dot et la polygamie. Pour ces derniers, il
faut non seulement remettre en question les techniques sus-
indiquées (polygamie) mais encore le principe même de la
compétence de la loi nationale (fiançailles et dot) au
regard des nouvelles dispositions du Code de la famille.
1.- Les fiançailles.
Il peut sembler surprenant que soient insérées dans l'étude
des conditions du mariage les fiançailles. La plupart des
auteurs français qui traitent cette question en droit
.../
(1) C'est le plus souvent en notes que son traitées les
fiançailles dans les ouvrages, v. BATIFFOL et LAGARDE,
op. cite n. 415 n. (4 bis) ; P. MAYER, op. cit. n. 528
qui en traite en marge des conditions de fond du mariage;
LOUSSOUARN et BOUREL, op. cit. n. 288. V. cependant
P. BOUREL, Les conflits de lois en matière d'obligations
extracontractuelles, L.G.D.J. 1961 p. 117 et s. ;
A. WEILL, Rép. Dr. int.
O
V
fiançailles.

-101-
international privé ne le font que de manière incidente et
encore pour signaler son rattachement au droit de la respon-
sabilité civile (1). S'il en est ainsi, c'est parce qu'en
droit français les fiançailles n'ont pas d'existence juridi-
que en tant que telles. Elles sont tout au plus considérées
comme un fait susceptible d'engendrer certaines conséquences
juridiques (2). C'est pourquoi au plan de la loi applicable
la jurisprudence ,approuvée par la doctrine..,a fini par faire
prévaloir b lex loci delicti (3).
En droit sénégalais, le problème est plus complexe. Contrai-
rement au Code civil français dont le silence sur la ques-
tion est frappant, le Code sénégalais de la famille règlemen-
te de manière assez détaillée dans son livre II consacré
au "Lien matrimonial", les fiançailles. Il paraît donc évi-
dent que celles-ci sont en rapports étroits avec le mariage
qu'elles conditionnennt même, comme nous le verrons, dans
un cas. Se pose alors immédiatement la question de savoir
ce qui a poussé le législateur à règlementer en sept arti-
cles les fiançailles. Les raisons de cette conduite doivent
être découvertes dans les pratiques sociales courantes au
SénégaL En effet, dans presque toutes les coutumes
.../
(1) BATIFFOL et LAGARDE, op. cit. n~ 414 ; LOUSSOUARN et
BOUREL, op. cit. n. 303 ; P. MAYER, op. cit. n. 529 ;
BISCHOFF, Répert. Dr. int., VO Mariage n. 27.
(2) P. BOUREL, op. cit. p. 119.
(3) V. jurisprudence citée par MM. BATIFFOL et LAGARDE,
op. cit. n. 415 n. 4 bis.

-102-
africaines le mariage est pr~c~d6 de fiançailles plus ou
moins solennelles engendrant un certain nombre d'obligations
pour les futurs ~poux. Dès lors, il est appartu opportun
au l~gislateur d'assurer l'unification des règles qui leur
sont applicables. Mais il est sans doute plus aisé d'expo-
ser ces règles que de déterminer la qualification ad~quate
de l'institution dont va d~pendre sur le~an international
la loi qui lui sera applicable. La difficult~ tient essen-
tiellement au fait que les fiançailles ont dans le Code de
la famille des contours juridiques empruntés au droit tra-
ditionnel qui rendent son rattachement à telle ou telle
catégorie juridique extrêmement malais~.
On peut h~siter entre trois rattachements
contrat, sta-
tut personnel, d~lits.
Les fiançailles sont tout d'abord conçues comme un contrat
intervenant entre deux futurs époux. L'article 101 du Code
de la famille retient lui-,.utme cette qualifica tion en dis-
posant "Les fiançailles sont une convention solennelle par
laquelle un homme et une femme se promettent mutuellement
le mariage" ; l'article 104 vient préciser les formes à
observer : "La convention est passée en pr~sence de deux
témoins au moins pour chaque fianc~ et d'un représentant de
chaque famille". Au cours de cette c~r~monie, la fianc~e
peut recevoir du fianc~ ou de sa famille un don manuel con-
formément à l'usage et il la loi (article 104 al. 2). Mais
cette convention revêt un certain nombre de caractères .../

-103-
qui la distingue des autres conventions du droit commun.
D'une part elle n'oblige pas les fiancées ~ contracter
mariage (article 102, alinéa 2) et d'autre part elle peut
être rompue unilatéralement par chaque partie,mais pour
seul motif légitime (article 107, alinéa 2). La qualifica-
tion contractuelle des fiançailles peut donc fort bien
trouver son fondement dans ces dispositions.
Il n'est pas
nécessaire que la rupture abusive de ce contrat soit sanc-
tionnée par l'obligation de se marier pour qu'on puisse
parler de contrat. En droit interne, on connaît beaucoup
de contrats qui ne sont pas sanctionnés par une exécution
forcée (contrats engendrant des obligations de faire) et
pourtant on n'a jamais pensé à leur dénier le caractère
de contrat (1). Par conséquent sur le terrain de la loi ap-
plicable, c'est la loi d'autonomie plutôt que la loi per-
sonnelle qui trouve plus de titres à s'appliquer. Il y a
des systèmes juridiques étrangers qui adoptent une telle
solution (2). Cette conclusion doit toutefois être nuancée
au regard d'autres dispositions du Code de la famille.
En effet, les fiançailles apparaissent clairement comme un
acte préparatoire au mariage en droit sénégalais"tant dans
••• 1
(1) V. contra P. BOUREL, ouvrage précit. p. 128.
(2) Il en est ainsi pour les systèmes anglais et suédois,
v. Alex WEILL, Rêpert. Dr. int.
O
V
Fiançailles n. 9.

-104-
ses conditions de fond que dans ses effets. Ainsi pour ce
qui est des conditions de fond l'article 103 du Code de la
famille renvoie aux conditions exigées pour le mariage avec
comme exception la diminution d'un an de l'âge requis pour
pouvoir contracter mariage (article 103, alinéa 2). Sur ce
plan donc il n'y a aucune différence notable entre fiançail-
les et mariage. Rompant avec la conception française, le
législateur organise les rapports personnels des fiancés.
Pendant la durée des fiançailles fixée d'autorité à un an
(article 105, alinéa 1e),ces derniers peuvent se rendre ré-
ciproquement visite conformément aux usages (article 105 al.
2), doivent se conduire, l'un et l'autre, d'une manière ré-
serv~e à l'égard des tiers (article 105, alinéa 3). La vio-
lation d'une de ces obligations par l'un des fiancés consti-
tue un motif légitime de rupture des fiançailles appréciée
souverainement par le juge (article 105, dernier alinéa).
Mieux, le fiancé évincé sans motif légitime peut former op-
position au mariage de son ancienne fiancée jusqu'à restitu-
tion du cadeau, la non restitution de ce cadeau constituant
un empêchement au mariage (article 107, alinéa 2) (1). Il
apparaît donc que les fiançailles créent des relations quasi-
familiales et s'intègrent en conséquence dans le statut per-
sonnel. La logique voudrait qu'on appliquât la loi personnel-
le de chaque fiancé dans les relations mixtes. Mais pas .../
(1) Le droit suédois va encore plus loin car les fiançailles
régulièrement célébrées constituent en elles-mêmes un
obstacle au mariage avee un tiers ; cf. : WEIL, Répert.
Dr. int. précit. n. 7.

-105-
plus que celle qui pr~cède, cette solution n'est pas oblig~~
taire.
En effet, ces différentes règles du Code de la famille se
combinent avec celles du droit de la responsabilité civile
parce qu'en vertu de l'article 107, alin6a 3, "Tout
autre
préjudice né de la rupture des fiançailles ou à son occasion,
est réparé conformément aux dispositions générales de la
responsabilité civile". Mais il faut convenir que le ratta-
chement des fiançailles au droit de la responsabilité civile
est plus tenu pour deux raisons. Tout d'abord, parce que le
renvoi aux règles de ce-droit reste sans conséquences en
dehors de la réparation du préjudice moral. Ensuite et sur-
tout parce que le dernier alinéa de l'article 107 prend le
soin d'exclure toute forme de remboursement ou d'indemnisa-
tion pour les autres dépenses occasionnées par les fian-
çailles.
Ainsi les seules qualifications qui méritent d'être retenues
sont d'ordre contractuel et personnel Mais là encore, on ne
pourrait sans arbitraire, opérer un choix tranché en faveur
de l'une ou de l'autre. Il faudrait prendre en considération
les trois catégories de problèmes que soulève l'institution
et qui n'entraînent pas forcément le même rattachement, à
savoir les conditions de forme, les conditions de fond et
les effets des fiançailles. Il serait parfaitement admissi-
ble de soumettre les premières à la loi locale, les secondes
à la loi nationale de chaque fiancé, et les derniers à la
loi des effets du mariage par assimilation des deux
••• 1

-106-
institutions (par conséquent à la loi du domicile commun
des fiancés dans les rapports mixtes). Ces solutions logi-
ques présentent néanmoins trop d'inconvénients pour pouvoir
être appliquées sans discernement. Pour s'en rendre compte
il suffit de raisonner sur notre hypothêse de départ (fian-
çailles entre un sénégalais et une française). Il saute aux
yeux que nos exigences tant sur le plan de la forme que sur
le plan du fond deviennent franchement inadaptées à une
situation internationale à caractêre mixte. Les conditions
de forme de l'article î04 sont conformes aux pratiques
sociales sénégalaises,qui puisent elles-mêmes leur racine
dans une certaine conception négro-africaine des rapports
familiaux. C'est pourquoi il y a obligatoirement la présence
d'un représentant de chaque famille aux cérémonies consa-
crant les fiançailles. Il serait mal venu d'obliger l'étran-
gêre vivant au Sénégal de remplir une telle condition. De même
l'applic~tion distributivo de ln loi
personnelle de chaque
fiancé aboutit à des conséquences fâcheuses dans la mesure
où la loi française ignore complêtement les fiançailles
sur ce plan. Mais on pourrait nous rétorquer "qu'à cela ne
tienne
Il suffit d'appliquer la loi sénégalaise pour le
fiancé". Ce serait oublier que la règlementation des fian-
çailles en droit sénégalais forme un tout,plus ou moins co-
hérent. Si l'on exige des fiancés une certaine conduite,
c'est aussi parce qu'à l'entrée ils ont dû satisfaire à un
certain nombre de conditions. Or ces derniêres, dans notre
hypothèse, ne sont remplies que par une partie. Le problême
devient passablement compliqué lorsque ces fiancés vont .../

-107-
s'~tablir dans un pays qui tient les fiançailles pour un
simple fait. L'application de la loi de leur domicile com-
mun aux eflèts de celle-ci aboutit dans ce cas à des consê-
quences inadmissibles pour le sénégalais.
Nous avons voulu d~montrer par là deux choses. Tout d'abord
que notre conception des fiançailles est par trop particu-
lière pour pouvoir être imposée sur le plan international.
Ensuite que la qualification interne ne saurait à tous
égards déterminer la loi applicable dans les conflits in-
ternationaux. Il existe des domaines où il paraît plus
important de rechercher des solutions adéquates en prenant
en compte la nature spécifique des relations privées inter-
nationales. Ainsi,s'il est justifié de faire application
de la loi nationale des fiancés lorsque celle-ci est com-
mune, il semble plus indiqué dans les rapports mixtes de
soumettre ces fiançailles à la loi sous l'empire de laquel-
le les fiancés se sont placés ou entendu se placer en
fonction de toutes les circonstances de la cause. Cette loi
devra régir toutes les questions soulevées par les fian-
çailles (conditions de forme, de fond et effets). Dans la
détermination de cette loi, il pourrait être tenu compte
du mode de célébration choisi par les parties car la célê-
bration étant presque partout une affaire privée, elle appa-
raIt comme un indicateur de la volonté des fiancés de se
conformer aux prescriptions de telle ou telle loi ou aux usa-
ges admis dans tel ou tel pays. Reste maintenant à justifier
la place ainsi faite à la volonté des parties dans
••. 1

-108-
la solution préconisée. Ce rôle dévolu ~ la volonté ne
para1t pas entrer en contradiction avec la conception séné-
galaise des fiançailles. En effet en droit interne, celles-
ci ne sont pas du tout obligatoires; l'article 102, ali-
néa le du Code écarte toute hésitation sur ce point puisqu'
il dispose : "On peut contracter mariage sans avoir, aupa-
ravant, fait célébrer les fiançailles". Mais sur un plan
plus général, le droit comparé révêle des différences si
grandes dans la rêglementation de ces derniêres (et même
une absence totale de rêglementation) d'un pays ~ l'autre,
qu'il semble plus opportun de se montrer plus libéral dans
ce domaine qu'en matière de mariage.
Cela ne veut tout de même pas dire que la loi personnelle
n'aura aucun rôle à jouer. C'est elle qui devra être consul-
~e sur le point de savoir quelles conséquences attacher à
la rupture des fiançailles sur le mariage d'un fiancé avec
un tiers.
Finalement, ce systême nous para1t mieux répondre aux don-
nées internationales des fiançailles à caractêre mixte que
celui qui consiste ~ faire application de la loi personnelle
de chaque fianc~. Outre l'avantage qu'il présente d'assurer
l'unité de l'institution, il écarte toute possibilité pour
un fiancé de se retrancher derrière sa propre loi pour
échapper à une sanction éventuelle de son comportement dê-
loyal.

-109-
C'est cette même démarche de recherche deh loi adéquate
qui doit être maintenue pour le problème de la dot.
II.- La dot.
La dot a donnê lieu à une abondante littérature (1). Mais
tout ce qui a été écrit â son propos.,n' a pas toujours été
conforme à sa véritable nature et à ses fonctions dans le
mariage en Afrique. La rêalité c'est que la dot est une ins-
titution polymorphe et par conséquent fuyante, même si l'on
s'accorde à penser qu'elle est destinée à sceller l'union
de l'hommeâ de la femme. Pour pouvoir en rendre compte de
manière juste, il faut, nous semble-t-il, en étudier les
différents contours dans chaque coutume parce que la manière
dont elle est perçue dans telle ethnie africaine n'est pas
forc~ment la même dans telle autre. Au lieu d'observer une
telle démarche, la doctrine a, en gén~ral, procédé à des
généralisations hâtives qui ne pouvaient que laisser scepti-
que l'observateur averti. Prix d'achat de la femme, preuve
ou condition de validité du mariage, compensation de la ••• 1
(1) KOUASSIGAN, ouvre précit. p. 215 et s. ;
Mamadou NIANG, Systèmes matrimoniaux africains : le ma-
riage wolof, Paris, Laboratoire d'anthropologie juridi-
que, 1910 ; MONTEIL, L'islam noir, Paris
Seuil 1964 ;
H. SOLU8,"Le problème de la dot en Afrique noire", Rev.
jurid. et polit. de l'Union fr. 1950 ; R. DECOTTIGNIES,
"Requiem pour la famille en Afrique", Ann. Afr. 1965,
p. 251 et s. ; AT BI BOL ,
"La famille conjugale et le
nouveau droit du mariage en Côte d'Ivoire" Penant 1966,
p. 303 et s. , COULIBALY B., "Essai sur la dot en pays
Gouro", Penant 1967 p. 425 et s. ; MELONE S., "Le poids
de la tradition dans le droit africain contemporain"
Penant 1971, p. 421 et s.

-i1u-
perte subie par la fami:le d'origine de la future ~pouse,
etc ••• , tout y est pa5sé~ E· ,:.,81..1 à peu, le débat a changé
de plan. On s'est bat~u
Id ffi~intian ûu la disparition
de la dot. A cet égard, d~1.l~~ tendances se SGnt dessinées
dans les législations si~icainas contemporaines : la suppres-
sion pure et si~p~a d0 ~:~nstitution,a~ nom àe l'idée qu'el:3
est un facteur de L~gïession sociale (Gabon et Côte d'Ivoi-
re)
(1) et son mair.:::ien combiné avec Uï.e l"echerche de limi-
tation de ses effets (Mali et Sénégal a'l8ht Itentrée en
vigueur du Code de la familie)
(2).
En droit sénégalais actuel la dot, qui est, faut-il le
rappeler, sans rapport aVèC le régime rr.a~ïimonial dotal,
est maintenue en tant quI institution du mariage.On peut la
définir comme la somme d'argent ou :a quantité de biens à
remettre en partie ou en totalité pur le futur époux à la
future épouse. C'est une définition qui découle indirecte-
ment de l'article ~32 du Code de la fanille.
L'originalité de l~institution dans le Code tient au fait
qu'elle n'est condition de validité que par l'effet de la
volont~ des futurs époux. Selon, en effet, l'article 132
du Code "Les futurs époux peuvent convenir que la fixation
d'une somme d'argent ou la détermination de biens à
... /
(1) Loi gabonaise du 31 mai 1963 portant interdiction de la
dot; loi ivoirienne du 7 octobre 1964, article 20.
(2) La l;i ;.lali,:._.H:' ·'ia :~ ~é"
:.
_ ',;J(2 règlemente la dot mais
omet volontairement de dire si oui ou non elle est une
condition de validité du mariage. En~vanche, la loi
sénêgalaise du 27 février 1967 sur les cérémonies fami-
liales, vient fixer le taux maximum d8 la dot.

-111-
remettre en partie ou en totalité par le futur époux ~ la
future épouse, sera une condition de fond du mariage". Et
lorsqu'une dot a été convenue d'accord parties, le mariage
ne pourra être conclu qu'après versement de la partie de
la somme ou des biens stipulée (article 132, alinéa 3). De
plus, pour couper court à toute contestation éventuelle,
l'article 132 in fine décide qu'''il est fait mention dans
l'acte de mariage du montant de la dot, de la part stipu-
lée payable d'avance et de ce qui a été perçu par la femme
au moment de la célébration du mariage".
Ces dispositions sont à mettre en rapport avec celles de
la loi de 1967 qui fixe une valeur plafond pour toute dot
~ 3.000 CFA ; somme dérisoire qui, dans les faits, est
complètement ignorée.
On devine les raisons qui ont motivé cette règlementation
et les buts recherchés par le législateur sénégalais. En
maintenant l'institution coutumi~re mais dans des limites,
somme toute, raisonnables,ce dernier a voulu d'abord être
réaliste. En revanche, en accordant à la volonté des futurs
époux le pouvoir de décider seule de la constitution de la
dot à laquelle pourrait être subordonnée la validit~ du
mariage, il a entendu miser sur une disparition progressive
de l'institution, insupportable à l'heure actuelle pour la
jeune génération. Et sur ce dernier plan, il réalise, sans
trop choquer l'opinion publique, une rupture à peu près
complète d'avec la tradition. La voie choisie est ingénieuse
.../

-112-
même si sur le terrain d'une bonne conception du droit de
la famille, on peut trouver critiquable le fait de faire
dêpendre de la volonté àes individus une condition de vali-
dité du mariage.
Au niveau des rapports internationaux et conséquerr~ent de
la recherche de la loi applicable, il importe de prendre
en considération ces objectifs poursuivis dans le droit in-
terne. C'est surtout dans les mariages dixtes intra-afri-
cains que le problème de la dot risque de se poser avec
fréquence. Y a-t-il alors lieu, au regard de ces objectifs,
d'appliquer la loi nationale de chaque futur époux, à sup-
poser que l'une des lois nationales en présence (qui sera
généralement une coutume) fait de la dot une condition de
validité du mariage? La politique législative sénégalaise
s'en trouverait compromise sans qu'on puisse prétendre
pouvoir invoquer sérieusement l'ordre public pour écarter
les dispositions coutumières ou législatives étrangêres.
En effet, le juge sénégalais répugnera sûrement à faire in-
tervenir l'ordre public pour des raisons à la fois sentimen-
tales et juridiques. Raisons sentimentales, tout d'abord,
car la dot, quoi qu'on
dise, est la marque d'une certaine
forme de civilisation à laquelle participe le Sénégal. Rai-
sons juridiques, ensuito, parce que le maintien de l'insti-
tution, même si c'est dans certaines limites, ne s'accommode
guère de sa condamnation lorsqu'elle émane d'autres systè-
mes juridiques. Tout au plus, pourra-t-on concevoir .../

-113-
l'intervention de l'ordre public pour les dots excessives.
Dans ces conditions et au regard du droit interne, il pa-
raît plus indiqué d'écarter la règle de l'application dis-
tributive de la loi personnelle de chaque futur époux. Il
y a li~u de distinguer deux ordres de questions : le prin-
cipe du versement d'une dut et les effets de cette dot sur
la validité du mariage. Le versement d'une dot avec toutes
ses modalités devrait être soumis à la loi d'autonomie,
solution qui cadre mieux avec la source de l'institution
en droit interne. Et toutes les fois qu'il n'y aurait pas
eu d'accord entre les futurs époux sur ce point, la dot ne
serait pas exigée. Mais la question de savoir si cette dot
serait consid~r6e comme condition de validité ou non du
mariage. devrait relever etde la loi d'autonomie et de la
loi personnelle de chaque futur époux. Dans la solution pro-
posée, la dot serait condition de validité du mariage si la
loi personnelle de chaque futur époux et la loi régissant
leur accord (qui se confond en fait avec cet accord) pré-
voient expressément cette possibilité. Au cas oü l'une des
lois présence refuserait cette solution, on devrait dénier
~ la dot une telle conséquence. Ce système a le mérite de
prendre en compte et les préoccupations du législateur et
les particularités d'une institution inconnue dans beaucoup
de systèmes juridiques.

-114-
111.- La polygamie.
Comme la dot, la polygamie n'a pas, elle aussi, êchappé aux
condamnations sans appel prononcées au nom de la morale,
de la religion, ou des nécessités du dêveloppement économi-
que. Mais contre vents et marées, elle a résisté en Afrique.
C'est la preuve qu'un problème de civilisation ne peut pas
se résoudre par des décrets. Et quelle ironie pour l'intel-
lectuel lorsqu'il s'entend dire par les femmes rurales que
sa suppression serait une catastrophe pour elles! (1). La
monogamie,ne serait-elle une institution protectrice des
droits de la femme que pour celle qui est émancipée? La
question reste posée. Ce qui est, en dernière analyse, in-
contestable, c'est le fait que l'évolution vers la forme de
mariage monogamique dépendra en Afrique, du degré de péné-
tration de la civilisation occidentale sous sa forme écono-
mique principalement (2).
Un bon nombre de législateurs africains n'ont pas cru de-
voir attendre que l'évolution se fasse d'elle-même. Certains
d'entre eux ont carrément opté pour la suppression et .../
(1) C'est une opinion que tout intellectuel stint~ressant
au sort du monde paysan a eu à enregistrer et qui tra-
luit certainement une différence de perception du pro-
blème. Il est vrai que la coépouse est considérée par
la prèmière comme un secours dans les tâches multiples
auxquelles cette dernière doit faire face (travaux cham-
pêtres, domestiques, etc ••• ). Et on constate avec surpri-
se l'harmonie parfaite qui règne dans ces ménages poly-
gamiques.
(2) En ce sens, v. FRANCESCAKIS, La théorie du renvoi et les
conflits de systèmes en droit international privê, Paris
1958, p. 39 et s.

-115-
1,
d'autres pour le maintien de l'institution (1). Le Code
sénégalais de la famille a, quant à lui, apporté au problè-
me une solution, qui ~ défaut d'être originale (2) a le
mérite de ménager l'état des moeurs tout en préparant
l'avenir. Il fait de la polygamie une question d'option
pour l'homme. Aux termes de l'article 133, le mariage peut
être conclu -"Soit sous le régime de la polygamie,auquel
cas l'homme ne peut avoir simultanément plus de quatre
épouses ; -Soit sous le régime de la limitation de polyga-
mie; -Soit sous le régime de la monogamie". L'option en
faveur d'un de ces régimes par l'homme, doit normalement
être exercée au moment de la cél~bration du mariage ; elle
peut aussi se faire postérieurement (article 135, alinéa 1).
En l'absence de toute option, ~ Code décide que le mariage
est placé sous le régime de la polygamie, solution qui
indique bien que le mariage polygamique est la règle. Ce-
pendant, lorsque l'option est exercée en faveur de la .•.1
(1) Pour la suppression, il y a la Côte d'Ivoire (loi
nO 64-381 du 7 octobre 1964, J.O.R.C.I. nO 59 spécial
du 27 octobre 1967, p. 1463), la Guinée après revire-
ment spectaculaire de législation (loi 4/AN/68 du 5
février 1968, J.O.R.D.G. n° 7 du 1er avril 1968, p. 71).
Pour le maintien on note, entre autres pays, mais avec
parfois des limites, le Mali (loi 62-17 A.N.R.M. du 3
février 1962, J.O.R.M. nO 111 spécial du 27 février
1962, p. 1), le Cameroun (loi du 11 juillet 1968 relati-
ve à l'état civil) et le Sénégal, Code de la famille.
(2) Les dispositions du Code de la famille s'inspirent de
celles de la loi malienne de 1962.

-116-
monogamie ou de la limitation de polygamie (deux ou trois
épouses seulement), elle devient définitive pour l'homme
c'est-~-dire ad vitam aetern~~ (1), même si le mariage au
cours duquel elle avait été souscrite se dissout. Il faut
voir là une mesure tendant à faire disparaître, ou tout au
moins à faire diminuer les possibilités de mariages polyga-
miques. Mais ne fait-on pas alors par contre coup de la
polygamie ou de la monogamie une qualité de l'individu? La
question mérite d'être posée car de sa réponse peut dépendre
les solutions de conflits de lois (2).
En droit international privé le problème de la polygamie n'a
généralement été étudiée ~ue sur le plan de ses effets (3).
Et comme on l'a si bien écrit "Le rôle de l'ordre public a
éclipsé le conflit de lois" (4). Il est vrai que dans les
systèmes laïques où le mariage monogamique est d'ordre pu-
blic, les vélléités d'un "polygame" pour contracter une
deuxième union sont annihilées dès le départ par le refus
que lui oppose l'officier de l'état civil, de sorte que le .../
(1) Pour ce qui est toutefois de la limitation de polygamie,
l'article 134, alinéa 2, admet que l'homme puisse res-
treindre par une nouvelle option une limitation antérieu-
re de polygamie.
(2) V. FADLALLAH, thèse précit. T. 1, p. 308.
(3) V. sur l'ensemble de la question, MERCIER, Conflits des
civilisations en droit international privé, Polygamie
et répudiation. Genève 1979.
(4) FADLALLAH, thèse précit. T. l, p. 307.

-117-
contentieux qui pourrait naître d'une hypoth~tique c~lébra­
tion, s'en trouve presque toujours supprimé. La jurispruàen-
ce ~trangère a eu donc à faire face principalement aux
prétentions des co~pouses â propos de mariages polygamiques
célébr~s à l'~tranger. Le problème devient complètement
différent pour des pays qui, comme le Sénégal, admettent les
unions polygamiques. Il s'agira de savoir comment résoudre
la question de l'engagement dans un mariage polygamique
lorsque la loi nationale d'un des futurs époux l'interdit.
Ce qui rend le problème encore plus complexe c'est la diffé-
rence des situations qui peuvent se présenter. Tantôt il
s'agira de savoir si un homme non mari~ dont la loi person-
nelle reconnaît les unions polygamiques (un sénégalais par
exemple) pourra ou non opter pour le régime polygamique
s'il entend se marier avec une femme qui relève d'une loi
qui n'admet que les unions monogamiques (une française par
exemple). Tantôt, par contre, il s'agira de savoir si un
homme d~jà engagé dans une union polygamique pourra se ma-
rier à nouveau avec une femme dont la loi nationale ne recon-
naît que le mariage monogamique. Ces questions posent un pro-
blême de conflit de lois.
Durant l'époque coloniale, le problème ~tait r~solu d'une
manière fort simple : le mariage en~re personnes relevant
l'une d'un statut traditionnel et l'autre d'un statut moder-
ne, ne pouvait être célébré que par l'officier de l'état
civil ; or ce dernier ne pouvait célébrer que des unions•.. 1

-118-
monogamiques parce que le mariage célébré devant lui était
nécessairement le mariage du Code civil français. Et cette
forme de célébration emportait renonciation au statut tra-
ditionnel pour la personne qui y était soumise. Cette solu-
tion n'était fondée sur aucun mécanisme conflictuel mais
sur la supériorité présumée de la loi française (1), consa-
crée par le décret du 14 novembre 1947 (2).
Il va sans dire que le problème a changé de nature depuis
lors. Si l'on applique la loi personnelle de chaque futur
époux on ne sort pas de l'impasse. Laquelle des deux exigen-
ces faire triompher ? La jurisprudence française a résolu
la question en analysant la prohibition de la polygamie ré-
sHI tant de la loi personnelle d'un des futurs époux comme
un empêchement bilatéral (3), et donc a fait prévaloir la
loi qui impose la monogamie.
Mais il reste que cette méthode laisse entier le problème
du second mariage de l'homme avec une femme dont la loi per-
sonnelle admet la polygamie. Pour venir à bout de cette •..1
(1) Pour ces questions, v. KOUASSIGAN, ouvre précit. p. 53
et s.
(2) En vertu de ce décret la renonciation à la polygamie
pouvait résulter soit d'un acte spécial soit dé la célé-
bration du mariage selon le Code civil. V. en ce sens
C.A. Dakar 5 mars 1971, Rev. crit. 1971.722 et s. note
GULPHE.
(3) Seine, 21 juin 1967, Rev. crit. 1968, p. 294, note
BATIFFOL.

-119-
diff~culté, on a proposé en doctrine deux solutions. La pre-
mière préconisée par M. FADLALLAH qui analyse la polygamie
comme un rapport et non une qualité de l'individu, consiste
à "préciser dans les effets d'un premier mariage monogamique
un empêchement à un second mariage" (1). L'auteur justifie
ainsi une telle solution: "il suffit d'observer que la
loi conjugale contribue à définir le statut d'une personne
mariée et peut lui interdire de contracter une seconde union.
La relation née du premier mariage ne saurait être effacée
par un changement individuel de statut" (2). Mais pour
être valable, cette solution ne doit pas être exclusive
elle doit se combiner avec la méthode de la bilatéralisa-
tion de la prohibition de la polygamie. En effet, elle
serait impuissante à règler, dans le sens voulu, le cas d'un
second mariage de l'homme avec une femme dont la loi person-
nelle n'admet que les mariages monogamiques lorsque le pre-
mier mariage était placé sous le régime de la polygamie •
. ~.
C'est compte tenu de ce deuxième facteur qu'il faut compren-
dre la deuxième solution proposée par M. MAYER. Selon ce
dernier, il faudrait considérer les lois de l'époux et de
l'épouse imposant la monogamie comme des lois d'application
immédiate. Ainsi elles prendraient le pas sur toute autre
loi admettant la polygamie (3).
(1) FADLALLAH, thèse précit. T. l, p. 308.
-
(2)
FADLALLAH, op. ci t. p. 308 et 309, T. l.
(3) p.. . MAYER, op • cit. p. 393, nO 530.

-120-
Il ne faut pas se cacher la vérité : toutes ces solutions
sont inspirées par le souci de faire triompher à tout prix
le mariage monogamique. Au regard de la législation s~néga­
laise, il s'agit de savoir si elles sont recevables. On
observera qu'à travers les dispositions du Code de la famil-
le, l'objectif' non formulé mais suffisamment perceptible
du législateur, est de favoriser la monogamie au détriment
de la polygamie. Ceci ressort clairement de la règ18 suivant
laquelle l'option monogamique est irrévocable alors qu'il
est loisible de revenir sur l'option polygamique. Indépen-
damment donc de tout jugement de valeur sur la forme du ma-
riage, il est permis de se laisser guider par ce but visé
par la loi, dans la recherchede solutions adéquates. Les
solutions proposées par M. MAYER seraient propres à r~soudre
dans ce sens tous les cas soulevés. Mais elles se heurtent
à l'obstacle théorique, maintes fois signalé et non encore
levé, du sort à réserver, d~ns le for, aux lois d'application
immédiate étrangères. Au surplus il serait difficilement
admissible pour un juge d'un pays qui tolère la polygamie
de considérer comme loi d'application immédiate, une loi
imposant la monogamie. Dans ces conditions, il paraît préfé-
rable de recourir tantôt à la méthode de la bilatéralisation
de la prohibition de la polygamie (hypothèse de deux lois
comportant des exigences contradictoires sur ce point) et
tantôt au mode de raisonnement proposé par M. FADLALLAH
(cas d'un second mariage) ~t inauguré avant lui par la Cour
d'Appel de Dakar dans l'Affaire dame Traoré (1).
(1) C.A. Dakar, 5 mars 1971, arrêt précit.

-121-
Chapitre 3
LES SANCTIONS DU NON RESPECT DES
CONDITIONS DE FORMATION DU MARIAGE.
L'article 843, alinéa 1er, du Code de la famille coupe
court ~ toute discussion sur la loi applicable à la nullité
du mariage et surtout aux effets de cette nullité. Selon
cet article en effet "Les conditions de fond du mariage
sont appréciées selon la loi nationale de chacun des époux
qui est également comp~tente relativement ~ l'annulation
et à ses effets".
Il est surprenant que ni dans cet alinéa (ce qui est du
reste compréhensible) ni dans l'alinéa suivant du même arti-
cle où il est question de la loi applicable à la forme du
mariage on ne trouve aucune trace de la loi applicable à
la violation des conditions de forme du mariage. C'est un
oubli regrettatle. Mais il ne fait aucun doute que c'est la
loi du lieu de célébration qui doit recevoir application.
De Eani~re synthétique, nous dirons que c'est la loi de la
condition violée qui s'applique au non respect de cette con-
dition.
Cette précision faite, il demeure que l'article 843, alinéa
l, appelle deux observations, l'une relative à la putativi-
té et l'autre
aux effets de cette putativité.

-122-
Section le
LA PUTATIVITE DU MARIAGE.
Le bénéfice de la putativité est certainement un effet de
la nullité. Aux termes donc de l'article 843, il faut con-
sulter la loi de la condition violée pour savoir si l'annu-
lation du mariage entraînera ou non cette conséquence. Sur
ce point, on peut dire que les rédacteurs du Code n'ont
fait que consacrer la solution deI 'arrêt Moreau (1), discu-
tée certes en doctrine (2) mais finalement certaine (3).
Le débat porte maintenant sur le point de savoir si le ma-
riage putatif doit être rattaché au droit naturel et en tant
que tel être reconnu internationalement ou conçu comme une
institution d'ordre public (4). C'est un débat oiseux car on
aboutit dans les deux cas au même résultat, à savoir la
reconnaissance du caractère putatif du mariage, même si les
mécanismes aboutissant à ce résultat ne s'opèrent pas de
la même façon. Et on souscrit aisément à cette analyse qui
veut que le mariage soit Il ••• à la fois de droit naturel •••
.•• 1
(1) Cass. civ. 6 mars 1956 D.1958 p. 709, note BATIFFOL ;
J.C.P. ~56.I1 nO 9549, note Alex WEIL ; Rev. crit. 1956,
p. 305, note FRANCESCAKIS.
(2) G. DE LA PRADELLE, Les conflits de lois en matière de
nullités, Paris 1967, Ed. Dalloz, n° 370.
(3) BATIFFOL et LAGARDE, op. cit. n. 429 ; LOUSSOUARN et
BOUREL, op. cit. n. 310; FADLALLAH thèse précit. T. l,
p. 77.
(4) Cf. FADLALLAH, thèse précit. T. l, p. 88.

-123-
1
f
}
et d'ordre public" (1). On pourrait en dire autant du maria-
!
ge putatif. ~1ais il est plus sûr de faire mtervenir l'ordre
1
public parce qu'on opère ici dans un domaine connu et moins
,
if
sujet aux spéculations. Au Sénégal, il est encore plus jus-
t
tifié de faire du mariage putatif une institution d'ordre
public paree que les coutumes africaines qui y sont suscep-
1
tibles d'être appliquées ne connaissent pas un tel tempé-
rament à la nullité.
1!
1
,
(1) FADLALLAH, thèse précit., T. !, p. 88.

-124-
Section 2
LES EFFETS DU MARIAGE PUTATIF.
Il s'agit de savoir si la formule de l'article 843 implique
que soient soumis à la loi de la condition violée les ef-
fets du mariage putatif. Rien ne rindique mais rien ne s'y
oppose non plus. En vérit6, par effets de la nullité, il
faut comprendre les incidences de cette nullité dans beau-
coup de domaines: qualité des enfants issus du mariage,
sort du conjoint, sort des biens des époux, etc ••• La v~ri­
table question posée par l'annulation d'un mariage c'est
celle de savoir & elle aura ou non un effet rétroactif. La
putativité vient écarter cette conséquence et maintient la
fiction d'un mariage valide jusqu'au jour de son annulation.
Dès lors on peut hésiter à appliquerh loi de la condition
violée aux conséquences de la putativité. Et puisqu'on ad-
met la validité du mariage, il semble logique de soumettre
les effets de ce mariage putatif à la loi régissant chacun
de ces effets. C'est ce que soutient très justement à
l'heure actuelle une partie de la doctrine (1).
(1) P. MAYER, op. cit. n. 548 ; FADLALLAH, thèse précit.
T. l, p. 81.

-125-
TITRE 2e
LES EFFETS DU MARIAGE MIXTE.
Le système. sénêgalais de règlement des problèmes soulevés
par les effets du mariage mixte, tel qu'il se d~gage du Code
de la famine, nous inspire d'emblée deux réflexions provi-
soires et sur lesquelles nous aurons l'occasion de revenir.
La première concerne la règle de conflit adoptée ; elle
paraît être la reproduction, contestable et maladroite, de
la solution dêgagée en France par le célèbre arrêt Rivière
(1). Reproduction contestable, parce qu'il ne semble pas que
la solution consacrée soit adaptée au contexte sénégalais
voire africain ; une interrogation sérieuse sur le bien fondé
de la règle semble avoir fait défaut. Reproduction maladroite
car la règle de conflit, telle qu'elle a été élaborée dans
le Code, ne correspond pas exactement à celle dé l'arrêt
Rivière telle qu'elle a été précisée et complétée par les
arrêts Corcos et Tarwid (2). Dans ces conditions, sa .../ .
(1) Cass. civ. 17 avril 1953, Rev. crit. 1953 p. 412
note
BATIFFOL i Clunet 1953 p. 860
note PLAISANT; J.C.P.
1953.11 n
7863
note J. BUCHET.
(2) Arrêt Corcos, Cass. civ. 22 février 1961, Rev. crit.
1961 p. 382
note BATIFFOL ; Clunet 1961 p. 734
note
GOLDMAN ; arrêt Tarwid,Cass. civ. 15 mai 1961, D.1961
p. 437
note Holleau, Rev. ctit.-1961 p. 545 note
BATIFFOL, Clunet 1961 p. 734 note GOLDMAN.

-126-
signification exacte pose problème, et en dehors même du
fait qu'elle varie dans son contenu d'une disposition à l'au-
tre. Mais il y a lieu de faire observer que ces remarques,
qui apparaissent déjà comme des critiques, s'inscrivent
dans un mouvement d'improvisation si vigoureusement d~noncé
(1), et dans lequel se sont laissés prendre les rédacteurs
des dispositions de droit international privé du Code de la
famille.
La deuxième réflexion est relative à la catégorie de ratta-
chement. Rompant heureusement avec la tradition juridique
française dans ce domaine, le Code récuse la distinction
effets patrimoniaux et effets extrapatrimoniaux du mariage
du point de vue de la ~oi applicable. Ce n'est pas à propre-
ment parler une innovation dans la mesure où dans les systêmes
juridiques coutumiers ou confessionnels la conception que
l'on se fait des relations de famille interdit toute discri-
mination entre les rapports patrimoniaux et les effets pure-
ment personnels engendrés par le mariage. Nous verrons qu'en
droit s~négalais s'ajoutent d'autres raisons strictement
juridiques qui rendent encore plus justifiée l'extension du
domaine de la loi des effets du mariage qui ne trouve de
limite radicale que dans l'intervention des lois de police
consacrées dans certaines matières par le nouveau Code de
la famille (2).
(1) FRANCESCAKIS, Le droit international privé dans le monde
post-colonial ••• art. précit. op. cit. p. 63.
(2) Nous ne mentionnons pas l'ordre public car nous raisonnons
ici sur la rêgle de conflit applicable alors que l'ordre
public ne met en cause que la loi applicable en vertu de
cette règle de conflit.

-127-
Mais le domaine de la loi des effets du mariage se trouve
encore d'autant plus élargi que s'y trouvent intégrés d'une
part le divorce et la séparation de corps (art. 843 al. 4
C.F.) et d'autre part la filiation légitime et la légitima-
tion (art. 844 C.F.). Dans ces conditions, il est tentant
d'en conclure que les probl~mes de qualification que l'on
rencontre en droit international privé français, en raison
de la soumission de ces matières à des lois souvent diffé-
rentes, sont pratiquement nuls en droit international privé
sénégalais. Il est certainement vrai que la tâche du juge
sénégalais est moins délicate, désormais, que celle de son
homologue français dans la mesure où il n'a pas à se demander
si telle question posée par le mariage relève ou non de ses
effets personnels ou patrimoniaux (1). Toutefois, il faut se
rendre compte que l'absence de dichotomie entre les rapports
patrimoniaux et les rapports extrapatrimoniaux du mariage,
quant à la loi applicable, ne supprime que les difficultés
nées d'une hésitation possible entre l'application de la loi
du régime matrimonial et la loi des effets du mar 1 age .../ .
(1) La question est néanmoins susceptible de se poser lorsque
l'époque à laquelle doit s'apprécier la notion de domicile
commun est différente selon qu'il s'agit d'effets extra-
patrimoniaux ou d'effets patrimoniaux du mariage. Dans
un tel cas la loi applicable dans lepremier ordre de
problèmes n'est pas toujours identique à celle applicable
dans le second (nypothêse de changement de domicile).
Il y aura donc intérêt à qualifier. Mais tout le problème
est de savoir si cette époque est ou non la même dans
les deux cas ; V. infra.

-128-
parce que par hypothèse ces deux lois sont les mêmes dans le
système sénégalais de conflit de lois. Elle laisse entières
les compétitions entre la loi des effets du mariage et
d'autres lois telles que la loi d'autonomie ou la loi nationa-
le d'un des époux, encore désignée loi individuelle (1). La
casuistique reprend son bon droit.
A cet intérêt qui s'attache à la précision du domaine de la
loi des effets du mariage s'ajoute un autre lié aux compli-
cations que font naître les mariages polygamiques. Pour ces
derniers, il s'agira moins de savoir quelle loi leur sera
applicable que de déterminer les conditions d'application de
la loi désignée. C'est tout le problème de l'adaptation de
la loi matérielle applicable.
(1) Cf. pour l'usage de cette expression, FADLALLAH thèse prê-
cit.

-129-
1
f
1
Chapitre le
LA LOI DES EFFETS DU MARIAGE MIXTE.
Contre toute attente, le Code de la famille dans ses dispo-
sitions finales consacrêes au droit international priv~ con-
sacre la règle de conflit issue de l'arrêt Rivière. Et pour-
tant de sérieuses raisons faisaient d~j~ douter la doctrine
(1) de l'aptitude de cette règle ~ résoudre, dans la situation
présente du Sén~gal et de l'Afrique, de manière adéquate les
problèmes soulevés par les mariages mixtes. En tout ~tat de
cause la mise en oeuvre de cette règle ne manquera pas de se
heurter à certaines difficultés. Difficultés rendues encore
plus grandes par la mauvaise rédaction de la règle elle-même
(Section le) et accessoirement par l'intervention surprenante
de règles de police dans des domaines contestés et souvent
contestables (Section Ze).
(1) EMANE, thèse précit. p. 64.

-130-
Section le
LA CONSECRATION LEGISLATIVE
f
DE LA JURISPRUDENCE RIVIERE.
li!!it
1
Le Code de la famille contient quatre dispositions sur la
loi applicable aux effets extrapatrimoniaux du mariage
1i
(art. 843 al. 3), aux effets patrimoniaux (art. 846), au di-
1
vorce et à la sêparation ?e corps (art. 843 al. 4) et à la
filiation (art. 844). Mais l'existence de ces quatre disposi-
tions ne doit pas cacher le fait que leurs auteurs ont enten-
du consacrer la règle de conflit de rarrêt Rivi~re au sens
où l'ont entendue les arrêts Corcos et Tarwid. Mais la lecture
de ces quatre articles fait naître des doutes sur la coindi-
dence entre la règle de l'arrêt Rivière et les règles conte-
nues dans ces articles. Bien mieux, il y a une différence
nette entre la rédaction des articles 843 al. 3 et 846 et
celle de l'article 843 al. 4 (la rédaction est la même dans
les articles 843 al. 3 et 846). En effet, la règle des arti-
cles 843 al. 3 et 846 est élaborée comme suit: "Les effets
extrapatrimoniaux (patrimoniaux pour l'article 846) du mariage
sont régis par la loi nationale des époux, et en cas de
nationalités différente ~sic), par la loi du pays où ils ont
leur domicile commun, ou à dêfaut leur résidence commune, ou
à défaut par la loi du for". Pour ce qui est du divorce et
... 1.

-131-
de la séparation de corps, l'article 843 al. 4 ~nonce :
"Le divorce ou la séparation de corps sont régis par la loi
nationale des époux lorsqu'elle leur est commune et en cas
de nationalité diff~rente, par labi du pays où ils ont
leur domicile (sic 1) lors de la présentation de la demande;
A d~faut de preuve de l'existence d'un domicile commun (sic)
par la loi de la juridiction saisie. Cette loi est comp~tente
pour~s différentes modalités, la détermination des causes
et des effets du divorce ou de la séparation de corps" (1).
Si l'on néglige les fautes d'orthographe (2) et les maladres-
ses de rédaction (3), il reste que de telles dispositions
recèlent des équivoques graves qu'il s'agit de lever tout
d'abord avant de se prononcer sur la valeur de la règle
adoptée et sur ses modalités de fonctionnement.
(1) L'article 844 se borne A renvoyer pour ce qui est de la
filiation 16gitime A la loi des effets du mariage.
(2) Dans l'article 846, nationalité différente est au plu~
riel alors qu'A l'article 843 al. 3, seul l'a1jectif
différente est au pluriel.
(3) Par exemple, il n'est fait réf~rence A la notion de domi-
cile commun, dans l'article 846, que dans la deuxième
proposition qui consacre la 2ème règle su~sidiaire (loi
du juge saisi) et non dans la première qU1 contient la
1ère règle subsidiaire. Il est certain que c'est le ré-
sultat d'un oubli.

-132~
Paragraphe 1e
Elucidation des équivoques pesant sur la
r~gle de conflit.
L'appréciation de la signification et de la port~e exactes des
articles 843 al. 3 (1) et 843 al. 4 sera faite en référence
à la jurisprudence Rivière. La question se p03e alors de savoir
si le l~gislateur a voulu consacrer cette jurisprudence. La
réponse est positive pour ce qui est de l'article 843 al. 4
relatif au divorce et à la séparation de corps bien que
l'adjectif commun soit oublié dans le premier membre de la
phrase. Mais elle est plus incertaine pour l'article 843 al.3
parce qu'on est en face de trois règles subsidiaires : loi
du domicile commun, à défaut loi de la résidence commune, à
défaut loi du for. Pourquoi cette différence de rédaction?
A défaut de l'appui de documents renfermant les discussions
qui ont,ou plus exactement auraient pu s'élever à propos de
l'adoption de ces textes (2), on est réduit à faire des
supputations.
On peut penser que les deux rédactions sont délibérées. En
effet il serait parfaitement imaginable que
le législateur
••.1.
(1) Nous ne raisonnons que sur l'article 843 al. 3 car sa
rédaction est identique ~ celle de l'article 846.
(2) Ni les travaux préparatoires du Code ni les débats à
l'Assemblée ne rév~lent aucune discussion à propos des
dispositions de droit international privé.

-133=
ait entendu réserver deux sorts différents au divorce et aux
\\
effets tant patrimoniaux qu'extrapatrimoniaux du mariage. Il
faut se souvenir que la loi du domicile commun n'a été consa-
crée par l'arrêt Rivière que pour le divorce et que dans
l'arrêt Tarwid, la Cour de cassation française a précisé que
la notion de domicile commun devait s'entendre de "l'~tablis-
sement effectif de deux époux dans le m~me pays". Dans
l'optique d'une telle interprétation, la notion de domicile
commun ne saurait avoir pare~e signification dans les arti-
c1es 843 al. 3 et 846, et surtout en raison de la référence
à la loi de la résidence commune en tant que troisième règle
subsidiaire.
On est alors conduit à donner comme sens au domicile commun
le domicile de droit. Mais, a-t-on de bonnes raisons de faire
cette discrimination pour les deux ordres de questions (divorce
et effets du mariage) ? Rien ne le laisse penser. En effet,
si la jurisprudence Rivière est intervenue en matière de di-
vorce, il demeure qu'elle a ~té étendue peu à peu à certains
effets du mariage (1), et principalement aux effets purement
personnels de ce dernier (2). Au demeurant, on ne voit pas.../.
(1) Civ. 19 février 1963 arr0t Chémouni R.1963, p. 559 note
G.H;J. ; Clunet 1963 p. 986 note PONSARD (obligation ali-
mèntaire) pour les autres effets autres que patrimoniaux
v. BATIFFOL et LAGARDE op. cit. nO 435 et s. ; LOUSSOUARN
et BOUREL op. cit. nO 313-et s. ; P. MAYER op. cit. nO 551
et s. ; FADLALLAH thèse précit.
(2) V. cependant pour le rejet de l'application de la juris-
prudence Tarwid aux effets proprement dits du mariage,
LOUSSOUARN et BOUREL op. cit. nO 311 p. 406.

-134-
pourquoi on consacrerait la notion de domicile de droit dans
un cas (effets du mariage) et non dans l'autre @ivorce). Ce
qui fonde, dans l'arrêt Rivière, la compétence de la loi
domiciliaire c'est l'idée que le pays du domicile commun cons-
titue un milieu social d'ancrage conséquent du couple mixte
(1). Cette loi vient en quelque sorte corriger les inconvé-
nients d'un rattachement trop rigide du statut personnel à
la loi nationale en même temps qu'elle assure un compromis
entre les deux lois nationales en présence. Sans doute l'exis-
tence de mariages polygamiques au Sénégal, et plus générale-
ment dans notre environnement africain, pourrait-elle justi-
fier l'utilisation de la notion de domicile de droit pour
arriver à une règlementation à peu près cohérente des rapports
entre épouses et mari (2). Mais cette préoccupation se retrou-
ve également pour le divorce.
Finalement, on peut raisonnablement penser que la divergence
de rédaction des articles 843 al. 3 et 843 al. 4 est le fruit
d'une erreur d'interprétation des rédacteurs de la jurispru-
dence Rivi~re (3) si ce n'est 1'une in~ttention c~upablo. De
.•. 1.
(1) Ce qui est exprimé par l'idée que la loi du domicile com-
mun "constitue la loi personnelle de deux individus con-
sidérés séparément bien qu'habitant un même territoire"
v. LOUSSOUARN et BOUREL op. cit. p. 419.
(2) Dans pareille hypothèse, une loi seule pourra s'appliquer,
toutes les femmes étant considérées comme domiciliées
obligatoirement au domicile du mari. La référence à la
loi de la résidence commune n'aura alors plus d'intérêt
pratique.
(3) En faveur d'une telle explication, cf. P. BOUREL "Le
nouveau droit international privé sénégalais de la famille"
art. précit. op. cit. p. 23.

-135-
fait la jurisprudence s~n~galaise a restitué à l'article 843
al. 4 et indirectement à l'article 843 al. 3 l'interpr~ta-
tian qui a prévalu en France avec l'arrêt Tarwid (1).
Cela dit, il reste que l'adoption au Sénégal de la jurispru-
dence Rivière est plus sujette à caution.
Paragraphe 2e
L'inadéquation dola règle de conflit
consacrée.
Il ne s'agit pas de revenir sur les différentes objections
adressées en France à la loi domiciliaire commune (2). Le
problème est plutôt de savoir si l'on avait de bonnes raisons
d'adopter au Sénégal une telle règle de conflit. Sur ce plan
force est de constater que ces raisons n'existent pas ou
existent si peu.
(1) Il est topique que certaines décisions bien que visant
l'article 843 al. 4, emploient la formule "domicile com-
mun" v. Justice de Paix de Dakar 27 décembre 1973, Répert.
CREDILA 1976 p. 49 ; Justice de Paix de Dakar 14 mars
1974, Répert. CREDILA 1976 p. 50 ; Justice de Paix de
Dakar 27 février 1975, Répert. CREDlLA 1976 p. 51.
D'autres décisions s'en tiennent à la lettre de l'article
843 al. 4 mais relèvent le domicile commun des époux.
V. Tribunal de le Instance de Dakar 3 février 1976, Répert.
CREDILA 1977 p. 32 ; Justice de Paix de Dakar 2 mai 1974
Répert. CREDILA 1976 p. 52 (absence de domicile commun).
Dans cés décisions les-juges visent souvent l'article
149, alinéa 1, du Code dem famille définissant les obli-
gations entre époux; c'est par conséquent un rejet impli-
cite de la notion de domicile de droit puisqu'il s'agit
d'effets purement personnels du mariage.
(2) V. FRANCESCAKIS "Le divorce d'époux de nationalité diffé-
rénte après l'arrêt Rivière" Rev. crit. 1954 p. 325 ; du
même auteur, note sous Paris 26 janvier 1965 Rèv. crit.
1965 p. 359; LEPAULLE "A propos de l'arrêt Rivière" Trav.
Comit.-fr. dr. int. prive 1954-1955 p. 115 ; P. LAGARDE
"Destinées de l'arrêt Rivière" Clunet 1971 p. 241.

-136-
Bien avant la confection du Code de la famille un auteur
faisait remarquer que "Le défaut de fixité du domicile, même
lorsqu'il s'agit du domicile conjugal, ne permet gu~re de
localiser le lien matrimonial autour de cet ~lément. Au
surplus cette loi n'est pas appropri~e aux conceptions afri-
caines de la famille en général, du mariage en particulier"
(1). Monsiour BOUREL, quant à lui, émet un certain nombre de
r~serves sur la réception de la jurisprudence Rivière en
raison d'un certain nombre de facteurs fi ••• difficultés de
soumettre deux époux étrangers de nationalités différentes
à la loi sénégalaise de leur domicile commun par suite de
l'absence d'un droit unifié de la famille et surtout d'une
trop grande disparité entre les systèmes juridiques en con-
flit ••• enfin impossibilité de concilier l'application de la
loi domiciliaire commune avec l'exigence de mariages polyga-
miques dont la structure conduit à une séparation des diffé-
rents domiciles conjugaux" (2).
L'objectivité pousse à reconnaîtle que certains des arguments
invoqués par ces auteurs manquont de pertinence. Il en est
ainsi tout d'abord pour le défaut de fixité du domicile. Si
l'on vise par là le cas des nomades, il faut avouer que le
nomadisme est ~n phénom~ne peu courant au Sénégal et n'affec-
te que les populations frontali~res. Sous cet aspect, presque
tous les pays connaissent le phénom~ne. Si par contre, comme
il semble plus plausible, l'on fait référence aux difficultés
.../ .
(1) EMANE thèse précit. p. 64.
(2) P. BOUREL art. précit. p. 23.

-137-
rencontrées dans tout Etat africain à situer dans l'espace
national les individus, il y a méprise sur le sens de la
notion de domicile telle qu'elle doit être entendue au sens
de l'arrêt Tarwid. En effet, les difficultés signalées sont
plus généralement liées à la défectuosit~ de l'organisation
des services de l'état civil et par contre coup au repérage
du domicile au sens du droit interne, c'est-à-dire à la no-
tion juridique. Or il s'agit ici d'évaluer le degré suffisant
d'insertion du couple mixte dans le milieu social sénégalais,
que cette insertion se traduise par les concepts "d'établis-
sement effectif", de "domicile commun" ou de "résidence com-
mune". Et peu importe que les époux vivent séparément ou non
dans le même pays. L'exigence d'une stabilité du domicile
commun permet de résoudre les cas de séjours épisodiques
dens un même pays. Jusqu'à ce jour la jurisprudence sénégalaise
ne semble pas avoir éprouvé des difficultés à déterminer si
les coupes mixtes avaient ou non au Sénégal un domicile commun.
Il en est ainsi ensuite de l'argument du manque d'unification
du droit de la famille en ~roit interne. C'est un argument
qu'a fait disparaître l'entrée en vigueur du Code de la famil-
le. La difficulté à connaître la loi domiciliaire applicable
ne pourra désormais se faire jour que lorsque le couple mixte
réside en fait dans un pays à système non unifié du droit de
la famille. Il faut reconnaître que c'est le cas dans la
plupart des pays africains. Mais la difficulté pourra être
surmontée en interrogeant le système de conflits internes du
pays en cause.

-138-
1
1
1
!
Finalement, l'objection la plus sêrieuse à l'admission de la
1
loi domiciliaire commune est relative aux conceptions afri-
caines de la famille et à la structure particulière des ma-
1
riages polygamiques. En effet, les conceptions africaines des
rapports de famille sont telles qu'elles r~pugnent à la
soumission de ces rapports à la loi domiciliaire. Ce sont
elles qui marquent le caractère personnaliste de notre droit,
caractère qui se r~vèle, au niveau des conflits de lois, par
la soumission à la loi personnelle tant des r~gimes matrimo-
niaux que des successions, qu'elles soient mobilières ou im-
mobilières (1). On aurait pu dès lors, faute de nationalit~
commune, songer à faire prévaloir la loi du mari qui reste
encore le chef incontesté de la famille africaine (2).
De même, l'application de la loi domiciliaire commune se
r~vèle inadaptée au mariage polygamique qui est pour l'instant
la forme dominante du mariage en Afrique et particulièrement
au SGn~gal en raison de l'influence de l'islam. Certes est-il
excessif de dire qu'il y a "impossibilité de concilier l'ap-
plication de la loi domiciliaire avec l'exigence de mariages
polygamiques" (3). Mais il faut se rendre compte que cette .../ .
(1) L'article 847 du Code de la famille soumet les successions
ab intestat à la loi nationale du défunt et l'article 848
les successions testamentaires à la même loi.
(2) En faveur de cette loi, P. BOUREL art. précit. p. 23.
(3) P. BOUREL art précit. p. 23.

-139-
1
application ne conduira à des résultats satisfaisants qu'au
prix d'une adaptation de la loi matérielle applicable. En
effet, l'exemple de deux ou trois coépouses résidant dans des
pays différents n'est pas du tout une hypothèse d'école.
Les faits le démontrent même si la jurisprudence n'a pas
encore été confrontée ~ ce cas. Il suffit d'imaginer qu'une
coépouse réside dans un pays où seul le mariage monogamique
est connu pour entrevoir les incohérences auxquelles peut
aboutir l'application des différentes lois en cause. Par
exemple en matière de régimes matrimoniaux la loi du premier
pays (qui admet généralement le mariage monogamique) peut
opter comme régime légal la communauté des biens alors que
celle du deuxiême (qui admet le mariage polygamique) opte
pour le régime de séparation des biens. On ne saurait faire
application aveuglément de ces lois sans tenir compte du rap-
port polygamique. Or le mariage polygamique ne s'accomode
guère du régime de la communauté des biens (1). La loi du mari
serait plus
a~to
à venir à bout de ces difficultés.
Toutes ces raisons font qu'il faut repenser les modalités
de fonctionnement de la règle de conflit.
(1) Si c'est vrai que les seuls régimes admis par le Code de
la famille en cas de mariage polygamique
sont le régime
de la séparation des biens et le régime dotal (article
369, alinéa 3~.

-140-
Paragraphe 3
Les modalités de fonctionnement de la règle
de conflit relativement ~ la notion de
domicile commun.
La soumission des effets tant patrimoniaux qu'extrapatrimo-
niaux du mariage mixte ~ la loi domiciliaire commune ne doit
pas occulter, dans sa simplicité, les difficultés de mise en
oeuvre de la notion de domicile commun dans les deux ordres
de questions. Le problême est de savoir si la notion doit
être appréci~e exactement de la même manière pour la détermi-
nation du r§gime matrimonial des époux que pour celles des
effets de leur mariage (1). Un autre problème se greffe ~
celui-ci et consiste ~ savoir ce qu'il faut encore entendre
par domicile commun lorsque les épouses d'un mari polygame
résident dans des pays différents. Examinons ces deux
questions.
1.- Appréciation de la notion de domicile commun en
matière de régimes matrimoniaux et en matière
d'effets personnels du mariage.
Ce qui doit être mis en cause ce n'est pas le contenu de la
••• 1•.
(1) Nous mettons volontairement de côté les cas du divorce et
de la filiation légitime. Il n'existe pas de raisons per-
tinentes pour envisager diff~remment le concept (et sur-
tout le moment auquel il doit être apprécié) dans ces cas
et celui des effets personnels du mariage.

-141~
notion, puisque la règle de conflit est identique dans les
deux matières. Mais c'est plutôt le moment où il faut se
placer pour apprêcier l'exigence d'un domicime commun entre
les époux. Fixons les idées. Un point semble acquis, le
domicile commun à prendre en considêration c'est l'établis-
sement effectif ou la résidence commune des époux dans un
même pays, qu'ils y vivent séparément ou non. Un autre point
semble indiscutable à savoir qu'aucun élément subjectif ne
peut entrer en jeu dans la mise en oeuvre de l'article 846
consacré principalement aux régimes matrimoniaux. Cela veut
dire en d'autres termes que l'intention des époux de fixer
le siège de leurs rapports pécuniaires dans tel ou tel pays
doit être évacuée de l'acte d'appréciation du lieu du domicile
commun, pour la simple raison que la conception sénégalaise
en ce domaine est radicalement différente de la conception
française qui continue à faire prévaloir la loi d'autonomie
dans la détermination du régime matrimonial. Une fois ces
prêcisions faites, il reste à résoudre la question du moment
auquel le domicile commun doit être pris en considération.
Or malgré l'identité des règles des articles 846 et 843 al. 3,
une raison au moins s'oppose à l'unitê d'appréciation tempo-
relle de la notion de domicile commun: c'est l'interdiction
faite par l'article 370 C.F. aux époux de changer de régime
matrimonial et sans les nuances introduites en France par
la loi de 1965 sur les régimes matrimoniaux. Cette interdic-
tion (principe de l'irrévocabilité du régime matrimonial)
qui exprime la conception sénégalaise en la matière, ne se
concilie guère avec la prise en compte du domicile commun au
.../ .

-142-
jour de la demande en justice (1). L'hypoth~se de changement
de domicile pourrait remettre en cause le principe si on
d~cidait le contraire. Il y a donc intérêt ~ opter pour un
moment qui rêduise au maximum les effets de changements fr~­
quents de domicile. Seul le premier domicile commun ~près la
,
,
celébration du mariage est apte à répondre ~ cette préoccupa-
t
~
tion, la loi du domicile commun au jour de la demande en
j
fi
justice régissant en principe les effets personnels du
1
mariage (2). Cette légère différence de traitement d'une même
1
~
règle de conflit peut s'appuyer, formellement, sur l'existence
1
de deux articles distincts qui la consacrent. La jurisprudence
1
sénégalaise devra faire preuve d'audace pour r~duire les ef-
!
fets néfastes d'une improvisation dans l'élaboration des
règles de conflit de lois.
II.- Domicile commun et mariage polygamique.
L'existence d'un domicile commun pour le mari et ses épouses
~trangères r6sidant dans des pays différents est plus que
problématique. Partagé entre plusieurs domiciles, (deux, trois
ou quatre) le mari peut-il être considér~ comme ayant des.../ .
(1) En matière d'effets personnels du mariage (comme en matière
d'effets patrimoniaux d'ailleurs), l'article 843 al. 3 ne
dit pas ~ quel moment il faut se placer pour apprécier le
domicile communœs époux. C'est l'alinéa 4 du même article
consacré au divorce ët à la séparation de corps qui précise
ce moment (jour de la demande). On pourrait étendre cette
solution aux autres cas. La jurisprudence n'a pas encore
apporté les précisions nécessaires ~ cette difficulté.
(2) V. note 1 p. 13 ; le premier domicile commun ne joue alors
plus le r6le d'une pr€somption
parce qu'en droit interna-
tional privé sénégalais la règle de conflit est impérative
et non volontariste comme en droit international privé
français.

-143~
domiciles communs avec ses épouses? La question
est d'impor-
tance. Elle a des implications pratiques pour tous les effets
du mariage et renvoie ~ l'exigence des critères d'effectivité
et de stabilité du domicile commun. Si le mari se conforme
strictement au principe de l'égalité de traitement des épouses
(principe consacré par prèsque toutes les législations qui
organisent le mariage polygamique), il fera des séjours de
temps égal dans les pays où résident ses épouses.
Mais dans ce cas le caractère épisodique de ses séjours dans
ces pays ne permet pas de conclure à l'existence d'un domi-
cile commun avec chacune de ses épouses ; le domicile ne
sera effectif et stable pour aucune d'àles. Dans les faits,
le mari réside dans un seul pays où il exerce une activité
professionnelle et où se trouve une de ses épouses. L'exis-
tence d'un domicile commun n'est alors mise en cause que
pour l'autre ou les autres épouses. Va-t-on de ce fait systé-
matiquement appliquer la loi du juge saisi? Ce serait, nous
semble-t-il, un danger pour l'application de la loi domici-
liaire. Pour venir à bout de ces difficultés, il serait sans
doute plus indiqué de ne prendre en considération que le
domicile de droit. Mais c'est une solution que ni l'esprit
des textes ni la jurisprudence intervenue ~ ce jour, n'ad-
mettent. C'est au niveau du concept de domicile de fait qu'il
faut placer le problème et tenter de le résoudre. La structure
particulière du mariage polygamique impose des adaptations
nécessaires des règles et concepts. Cette idée peut légitimer
la souplesse requise dans l'appréciation du domicile commun.

1
-144-
1
,
!f
!
Ainsi quelle que soit la durée des séjours du mari polygame
.
au lieu de r€sidence
de chaque épouse, on devra considérer
1
!~
qu'il a un domicile commun avec chacune d'elles. C'est la
seule façon, à notrerens, de donner une fonction pratique à
la loi domiciliaire dans les mariages polygamiques à domiciles
conjugaux internationalement dissociés. Autrement il serait
loisible au mari de choisir la loi applicable en fonction de
la juridiction choisie; et pour les régimes matrimoniaux
l'incertitude la plus complète règnerait sur la nature du
régime matrimonial des époux.
C'est avec toutes ces nuances que la r~gle de conflit pourra
remplir son rôle. Malheureusement, cerôle est grandement
compropis par la consécration législative de règles de police
dans des domaines inattendus en mati~re d'effets du mariage.

-145~
Section 2
LA NEUTRALISATION DE LA REGLE DE
CONFLIT PAR LES LOIS DE POLICE.
Si le débat sur les lois de police a pu prendre un ton pas-
sionné en Europe et plus singulièrement en France, c'est en
raison du fait d'un manque de critères fermes définis par le
lêgislateur et qui auraient permis d'identifier les règles
internes qui revêtent le caractère de police (1). Rappelons
pour mémoire que l'effet spécifique d'une loi de police est
dévincer complètement la règle de conflit en ce qu'elle
s'applique directement au rapport international litigieux.
Ce caractère dérogatoire de la théorie, par rapport au mode
normal de règlement des relations privées internationales,
fait naître deux questions centrales résumées ainsi par
t~. LOUSSOUARN et BOUREL : "Il faut, en premier lieu, que l'on
puisse définir les lois de police avec une précision suffisan-
te pour exclure les incidents de frontières •• Il faut, en
second lieu, que les lois de police présentent sur le plan
méthodologique et technique un particularisme suffisant pour
qu'il soit justifié de parler d'une méthode distincte, d'une
.../ .
(1) La notion de loi de police qui figure ~ l'article 3, ali-
n~a 1, du Code civil est une notion différente, du moins
dans l'acception qui était la sienne lors de la rédaction
du Code civil. Cf. FRANCESCAKIS, Répert. dr. int. V O Con-
flits de lois n. 100 et s.

-146~
méthode autonome" (1).
Il n'est pas de notre propos de reprendre ce vaste débat qui
a déjà fait couler beaucoup d'encre. Face à certaines dispo-
sitions du droit interne sénégalais qualifiées, d'ordre du
législateur, de police, il convient de rechercher la part de
liberté laissée au juge pour ériger en rêgles de police d'au-
tres règles du droit sénégalais; il convient aussi, dans un
second temps, de mesurer les incidences des règles de police
du mariage (effets) sur la règle de conflit.
Par. 1.- Problématique de la liberté du juge dans la qua-
lification des règles du droit interne en règles
de poi:ice.
Cette problématique découle de l'article 841, alinéa 2 C.F.
qui détermine d'autorité les règles considérées comme étant
de police. L'article sus-indiqué reprend, pour ce faire, la
rédaction, pourtant jugée défectueuse (2), de l'article 3,
alinéa 1, du Code civil. Il dit ex?ressément : "Les lois de
police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le terri-
toire sénégalais". Puis suit une énumération des règles du
Code de la famille considérées comme telles. Une question pres-
sante se pose alors : est-ce qu'en dehors de la liste établie
par l'article 841, il est loisible au juge d'en rajouter?
(1) LOUSSOUARN et BOUREL op. cit. p. 149 et 150.
(2) V. FRANCESCAKIS, Répert. dr. int. VO Conflit de lois
n. 100 ; BATIFFOL et LAGARDE op. cit. n. 273.

-147-
La réponse doit être affirmative pour les r~gles qui ne se
rapportent pas au droit de la famille car l'article en cause
spécifie bien que l'énumération ne concerne que le Code de
la famille : "Il en est ainsi ùotamment des dispositions du
présent Code relatives ••• ". Il ne peut d'ailleurs en être
qu'ainsi car il y a tout un secteur du droit, vital pour le
pays, le droit des relations économiques (contrats, sociétés,
changes, etc ••• ), où il n'existe pas encore de r~gles de
conflit de lois codifiées et où pourtant on peut s'attendre
raisonnablement ~ une multiplication des r~gles de police
en raison du caractère planifié de l'économie sénégalaise.
La réponse est plus douteuse pour le droit de la famille
lui-même. Compte tenu du caract~re exorbitant de la doctrine
des lois de police, on pourrait soutenir que la liste dressée
par l'article 841, alinéa 2, est une liste close. Toutefois
pareille interprétation recèle un danger. C'est celui de figer
complètement dans le temps les r~gles de police du droit de
la famille et alors surtout que, comme toute énumération, il
est fort possible que le législateur ait oublié des règles
plus essentielles à l'organisation sociale de la nation.
Mieux vaut opter pour le caract~re indicatif des cas retenus
dans "notre" article; l'adverbe "notamment" légitime cette
interprétation. Mais, qu'il s'agisse des autres secteurs du
droit non couvert par des règles de conflit codifiées ou
qu'il s'agisse du droit de la famille, on s'aperçoit alors
que le problème se trouve déplacé sur le terrain de la défi-
nition des lois de police. On peut faire sienne à cet égard
... 1.

-148-
la définition donn~e par M. FRM~CESCAKIS tout en l'~largis­
sant pour échapper à son caractère restrictif (1). On enten-
dra alors par lois de police "les lois dont l'observation
est nécessaire pour la sauvegardede l'organisation politique,
sociale et économique du pays" (2) ou les lois dont l'appli-
cation est n~cessaire pour la sauvegarde d'une politique
législative impérieuse. On reste toutefois sceptique sur ces
définitions lorsque l'on considère les dispositions jugées
de police par le législateur sénégalais.
Par. II.- Les incidences des dispositions de police sur
la règle de conflit.
Relativement au mariage et à ses effets, sont considér~es
comme de police les dispositions du Code de la famille consa-
crées à l'obligation alimentaire, la parenté, l'alliance, la
.
protection de la personne et des biens des incapables et
enfin à toutes mesures provisoires imposées par l'urgence
(art. 841, alinéa 2). Cette liste est plus que surprenante.
En effet, ces matières rentrent normalement dans la catégorie
du statut personnel (3). Or ce statut est soumis à la loi
nationale en vertu de l'article 841, alinéa 2. Les retrancher
... 1.
(1) LOUSSOUARN et BOUREL op. cit. nO 131 p. 158.
(2) FRANCESCAKIS, Répert. dr. int. VO Conflit de lois n. 137.
(3) Nous laisserons de côté les mesures provisoires qui peu-
vent affecter toutes les branches du droit.

-149-
de cette compêtence compromet dangereusement le domaine de
la règle de conflit sus-indiquée (1). Il faut alors recher-
cher ce qui peut justifier, au Sénégal, leur rattachement à
la catégorie des lois de police et de sûretée
1/- L'obligation alimentaire.
La première réflexion que suscite le rattachement de l'obliga-
tion alimentaire à la cat~gorie des lois de police et de
sûretê est qu'il s'agit d'une "interprétation abusive de la
jurisprudence française" (2), ou à tout le moins d'une inter-
prétation erronée de cette jurisprudence. En effet, certains
arrêts français ont donné à penser que l'obligation alimentaire
relevait de cette catégorie (3). Et une partie de la doctrine
française elle-même avait,avant ces arrêts, soutenu cette
opinion (4). On justifiait cette dernière par des raisons
financières et morales : "L'Etat du for a intér0t à ne pas
assumer la charge d'étrangers indigents dont la loi nationale
rêduirait ou même ignorerait l'assistance alimentaire de tels
parents ou alliés. Il semble,d'autre part, qu'on ait voulu
éviter l'immoralité d'une situation qui eût permis aux ••.1.
(1) Cf. FRANCESCAKIS, Le droit international privé dans le
monde post-colonial ••• art. précit. p. 64.
(2) BOUREL, art. prêcit. p. 19.
(3) Req. 22 juillet 1903, D.P. 1904.1.197 ; Req 27 mars 1922,
D.P. 1923.1.11, Journ. dr. int. 1922 p. 115.
(4) Cf. Jean DEPREZ, Répert. dr. int. VO Aliments n° 4.

-150-
membres d'une même famille de se refuser tout secours en se
retranchant derrière les règles de leur loi nationale" (1).
Mais il a été démontré, depuis lors, que la jurisprudence
française de l'époque visait en réalité l'ordre public et
non les lois de police, que les justifications invoquées par
la doctrine à l'appui de la solution de la Chambre des requêtes
se trouvaient ruinées lorsque la loi personnelle était plus
large dans la détermination de l'obli~ation alimentaire, et
que de toutes façons l'ordre public était un moyen ~écarter
les lois personnelles qui m~connaissaient l'institution (2).
Il faut supposer que les rédacteurs du Code de la famille
n'ont pas ignoré toutes ces précisions et critiques de la
doctrine. On est alors réduit à rechercher les raisons qui
les ont poussé à maintenir la solution de la Chambre des
requêtes. En vérité ces raisons ne manquent pas. On peut seule-
ment discuter leur pertinence. Il faut partir de la situation
du droit de la famille telle qu'elle existait avant le Code de
la famille. Elle était caractérisée par le règne des coutumes.
Or ces dernières étaient tellement floues sur l'obligation
alimentaire qu'il était ftéquent de constater son absence tota-
le dans beaucoup de cas et singulièrement après divorce. Ce
n'est d'ailleurs pas un hasard si ce qui est contesté le plus
•• .1.
(1) Jean DEPREZ, ,récit. n. 5.
(2) Jean DEPREZ, précit. n. 6.

-151-
dans le Code de la famille, ce sont ses dispositions sur la
pension alimentaire. Une telle situation rendait démunies
les femmes, qui étaient prises en charge par leur famille.
Avec hardiesse, le législateur s'est attaqué à ce problème et
a imposé une nouvelle conception des rapports familiaux et
conjugaux dans ce domaine. Or la politique décidée et incarnée
par les articles 260 à 266 du Code de la famille serait ruinée
si des personnes résidant sur le territoire sénégalais pou-
vaient y échapper en se retranchant derrière leur loi nationa-
le. Et il se trouve que ces personnes sont généralement des
étrangers relevant d'Etats africains où règnent encore les
coutumes. Voilà, nous semble-t-il, les raisons qui peuvent
justifier le rattachement de l'obligation alimentaire à la
catégorie des lois de police et de sûreté. Mais, est-ce que
lbrdre public ne pourrait pas garantir cette politique? Il
ne le semble pas, car le juge pourrait répugner à invoquer
l'ordre public à l'encontre des lois nationales étrangères
d'origine africaine, surtout que rien ne dit qu'il n' partage
pas secrètement les avis critiques de beaucoup de sénégalais
en la matière.
Finalement, sont visées, par le texte, les obligations alimen-
taires entre parents et alliés, la pension alimentaire allouée
après divorce et l'obligation alimentaire résultant de
l'indication de paternité (art. 265 C.F.l.

-152-
II/- La parenté et l'alliance.
Pour comprendre aussi l'annexion de la parenté et de l'al-
liance ~ la catégorie des lois de police et de sûret~, il
faut partir toujours du même repère, ~ savoir l'entrée en
vigueur du Code de la familla. Ce Code est venu bouleverser
toutes les conceptions en cours en Afrique concernant les
relations de famille et de parenté. Malgré la grande diversi-
té des coutumes, il existe une donnée de base qui leur est
commune en matière de parenté et qui veut que cette parenté
ne soit pas fondée exclusivement sur l'idée de consanguinité.
Certes on peut dire que dansles droits occidentaux les liens
de sang ne sont pas aussi l'unique source de la parenté; il
y a aussi, comme autres sources, l'alliance et l'adoption.
Mais ce qui différencie ces droits des droits traditionnels
africains sur ce point ce sont les limites requises ~ l'exten-
sion de la parenté en dehors de tout lien de sang. On a pu
écrire que la parenté, en Afrique, "est un ensemble complexe
de réseaux de droits et d'obligations établis entre plusieurs
personnes dans une communauté de pensée religieuse, unis ou
non par l'effectivité des liens physiologiques, mais néces-
sairement par un ensemble de relations sociales et mystiques"
(1). Ce qui fonde le lien de parenté, dans cette conception,
c'est en définitive la communauté de vie dans un même groupe,
crit~re non exclusif cependant, de celui du sang. C'est en ce
sens que l'on parle de la "grande famille africaine", .../ .
(1) KOUASSIGAN, Quelle est ma loi? ••• ouvre précit. p. 200.

-153-
famille "qui se présente comme une série de cercles concentri-
ques, chaque cercle repr~sentant une génération, la généra-
tion des enfants, des parents et des grands-parents, chacune
ayant ses droits et ses devcirs bien définis" (1).
Au nom de l'idée de progrès ou de développement économique
la "peine"de mort avait ét~ requise contre cette famille (2).
L'exécution de la sentence a été transcrite dans le Code de
la famille, pour ce qui est du Sénégal. Pour bien marquer le
changement intervenu, tout un chapitre du Livre IV du Code
a été consacré il l'''Etablissement de la parenté et de l'al-
liance". Il ressort de la lecture des dispositions de ce chapi-

tre que désormais la "parenté résulte de la filiation et
d'elle seule" (article 254, alinéa le), les filiations suc-
cessives formant une ligne de parenté, et que "l'alliance
naît du mariage ne peut résulter que de lui" (article 258,
alinéa le). La rupture d'avec les conceptions traditionnelles
incarnées encore par les coutumes, est totale. L'alignement
sur les droits européens n'est pas aussi moins évident. Mais
cela légitimait-il le rattachement de la parenté et de l'al-
liance ~ la catégorie des lois de police et de sûreté ?
Logiquement, ces matières devraient être intégrées au statut
personnel et relever de la loi gouvernant ce statut il savoir
la loi personnelle (3). Cette loi, n'est-elle pas la mieux
••. 1.
(1) Idem p. 200.
(2) KOUASSIGAN et auteurs cités, ouvre précit. p. 197 et
notes 6 et 7.
(3) BATIFFOL et LAGARDE op. cit. n. 644 p. 350.

-154-
1
indiquée pour dire si telle personne a la qualité de descen-
1
dant, d'ascendant, ou de collatéral? Il paraît â priori
inadmissible de soumettre tous les étrangers résidant sur le
territoire sénégalais à notre conception sur la parenté et
l'alliance. Il est également contradictoire de soumettre
l'état des personnes à la loi personnelle et d'en retrancher
l
un secteur important, les rapports de famille. Mais on devine
t
r
1
les appréhensions du législateur et le but qu'il vise en
~.
!
faisant des rôgles sur la parenté et l'alliance des rêgles de
police.
1
1
Du moment que l'idée a été acceptée que la grande famille
1
1
africaine "est un frein au développement" (1), il est apparu,
sans doute, nécessaire d'imposer la nouvelle conception qui,
semble-t-il, va dans le sens de ce développement, à tous ces
étrangers africains résidant sur le territoire sénéealais ;
le recours à la seule notion d'ordre public, avec tous ses
aléas, ne pouvant sauvegarder la politique de l'Etat. On
retrouve, par lâ, l'idée de M. FRANCESCAKIS en même temps qu'on
découvre sa relativité (2). La réflexion peut être encore
poussée dans le sens d'une plus grande précision des effets
de la rêglementation de la parenté et de l'alliance sur la.../ .
(1) Kéba MBAYE, Droit et développement en Afrique francophone
de l'Ouest, Rev. sên. dr. 1967 p. 60 ;
l'opinion de cet auteur est importante, parce qu'en sa
qualité de Premier Président de la Cour suprême du Sénégal,
il a pris une part active à la rédaction du Code de la fa-
mille.
(2) Nous préciserons plus tard la portée â donner à la dispo~
sition de l'article 843 par rapport â l'établissement de
la filiation.

l
-155-
1
politique de d~veloppement économique et social du pays. Il
1
ne saurait s'agir, à l'évidence
d'effets directs mais d'effets
t
indirects par la médiation d'institutions qui concourent à ce
1
i
Jéveloppement. Ainsi le nombre indéfini de parents
dans la
t
!t
grande famille africaine
peut accroître celui des ayants-
t
droit ·1'une ~ers0nnC,et partant, compromettre l'équilibre fi-
nancier de la Caisse de Sécurité sociale, des compagnies d'as-
surance
et de tautes les institutions qui viennent au se-
t
cours des familles nécessiteuses (telles que les collectivités
locales dont les Mairies). Par ailleurs, il fait souvent
ajourner la liquidation des successions, rendant ~insi impro-
ductifs des biens dont l'exploitation contribue au développe-
ment du pays. L'ensemble de ces raisons justifient aisément
le parti pris du législateur.
Mais il importe de déterminer le domaine exact d'intervention
des r~gles de police en la matière. Le contentieux portant
sur la parenté et l'alliance ne se présente presque jamais
à l'état pur. Il s'insère le }lus souvent, sinon toujours,
dans un contentieux plus vaste
pour le règlement duquel, il
t
a des incidences. Les matières concernées au premier chef
sont les successions, lafiliation
l'obligation alimentaire
t
entre parents et alliés. Les règles de police des articles
254 et s. du
C.P. n'interviendront dans ces matières que pour
définir la pOsition exacte de certaines personnes par rapport
à d'autres, à l'intérieur de la famille, c'est-à-dire pour
préciser quelles sont les personnes qui doivent être considé-
rées comme parents en ligne directe, en ligne collatérale
ou
t
comme alliés ; elles définissent aussi le degré de parenté.

-156-
1
1
111/- La protection de la personne et des biens des
l,~
incapables.
~1
1
!
1
Autant le rattachement de l'obligation alimentaire, de la
l,
parenté et de l'alliance aux lois de police pouvait se justi-
t!
fier, autant paraît franchement incompréhensible le rattache-
f
ment, sans nuances, de la protection de la personne et des
t1f
biens des incapables à la catégorie de ces lois.
1
1
Il Y a lieu d'observer que le droit international privé s~n~­
1
galais opère, dans l'article 841, alinéa 2 (4-) et alinéa 3,
une dissociation entre la capacité et la protection des in-
capables. En effet, l'alinéa 3 de l'article 841 soumet la
capacité à la loi nationale alors que la protection est soumi-
se à la loi s~négalaise, considérée comme loi de police et
de sûreté. Ce faisant, il introduit les difficultés de coor-
dination de ces deux lois. Difficultés signalées par la doc-
trine et qui naissent généralement lorsqu'il y a opposition
des deux l~gislations sur l'existence de l'incapacité ou sur
l'étendue de cette incapacité (1). La doctrine classique a
tenté de sortir de l'impasse en proposant de recourir à la
technique de l'adaptation soit de la règle de conflit soit
de la loi matérielle applicable (2). Mais on gagnerait à
faire sienne la solution préconisée par M. LEQUETTE, et qui
... 1.
(1) V. Y. LEQUETTE, Recherches sur les modes de protection
dés incapables en droit international privé, Dalloz 1976
nO 21-22 et 23.
(2- Ibidem nO 24 et s.

1
-157-
consiste à distinguer deux catégories de questions : d'un
côté la capacité qui comprendrait uniquement "les causes néces-
sitant la mise en oeuvre d'une protection, c'est-à-dire
l'âge de la majorité pour les mineurs, les conditions de
fond auxquelles se trouve subordonnée l'institution d'un
régime de protection pour les majeurs" et d'un autre côté
"tout ce qui touche véritablement à la réalisation de la
protection, qu'il s'agisse de l'étendue de l'incapacité, de
sa sanction ou des institutions de protection proprement
dites" (1). Cette distinction plus rationnelle est de nature
à supprimer la plupart des difficultés qui nécessitent le
recours à la technique de l'adaptation et permet de fixer le
domaine d'intervention exact de la loi sénégalaise par
rapport à la loi nationale.
Cela dit il reste que la soumission à la loi sénégalaise de
toutes les institutions de protection des mineurs et des ma-
jeurs incapables est tr~s contestable. L'Etat sénégalais n'est
pas intéressé dans tous les cas où la protection de l'inca-
pable est requise. Lorsqu'il s'agit de prendre des mesures
d'assistance éducative en vertu des critères établis par
l'article 293 C.F., l'intervention de la loi sénégalaise est
justifiée si le mineur étranger réside sur le territoire séné-
galais. Mais lorsque la protection peut encore être assurée
par la structure familiale, unie ou éclatée, l'intérêt d'une
.../ .
(1) Ibidem n° 33.

-158-
intervention de l'Etat disparaît. L'application de la loi
personnelle serait plus appropriée. Et de fait, dans ce cas,
l'application de la loi sénégalaise reviendra ~ substituer
nos propres conceptions de cette protection familiale à
celles de la loi étrangêre, parce que cette1rctection fait
l'objet d'une longue et détaillée rêglementation dans le Code
de la famille (1).
Pour réduire les effets néfastés de la disposition de l'ar-
ticle 841, alinéa 2 (4-), il importe de canaliser son domaine
d'application. Etant donné le caractère laconique de la dis-
position, il faudrait, pour que l'application de la loi sé-
négalaise soit fondée, interpréter l'article comme visant
uniquement les modes de protection étatique
(2). On sait
que c'est dans ce domaine que les lois de police sont inter-
venues (3). Il s'agit en d'autres termes de n'appliquer la
loi sénégalaise que dans les cas où les intérêts de l'Etat
sénégalais sont directement engagés par la situation du mineur
ou de l'incapable majeur (4). Ce sont les cas d'enfance en
danger (enfant dont la sécurité, la santé, la moralité ou
l'éducation sont compromises, enfant abandonné, enfant trouvé)
... 1.
(1) v. articles 274 à 367 du Code de la famille.
(2) V. sur cette distinction y. LEQUETTE op. cit.
(3) Cf. Aff. BoIl., Cour int. de juste 28 novembre 1958, Rev.
crit. 1958 p. 713 ; BATIFFOL et FRANCESCAKIS "L'arrêt
BoIl de la Cour internationale de justice et sa contribu-
tion â la théorie du droit international privé"
Rev. crit.
1959 p. 259.
(4) V. Y. LEQUETTE op. cit. n° 255.

1f~
-159-
1
l
,
ou d'inadaption des majeurs (aliénation et faiblesse d'esprit)
1
(1). Pour tout le reste, la loi personnelle retrouverait son
f
f
!.
empire.
,
1
;
,
~
~

f
Cette loi personnelle serait la loi des effets du mariage
l
,
pour la puissance paternelle (2), la loi des effets de la
1
filiation naturelle pour celle de l'enfant naturel (3), et la
loi de l'adoptant pour celle de l'adoptê lorsque l'adoption
1
est consentie par une seule personne mais la loi des effets
1
du mariage lorsque l'adoption a étê consentie par deux êpoux
(4). Pour ce qui est de la tutelle, il serait fait application
1
de la loi de l'enfant parce que la protection est assurêe
1
1
!
dans son intérêt personnel, en l'absence d'une structure fa-
miliale d'accueil (S). La loi réelle conserverait sa compé-
tence dans tous les cas où les actes portent sur des biens
(6) •
(1) Ibidem op. cit. n. 256 et 262.
(2) En droit sénégalais on a maintenu la puissance paternelle
qui est exercée durant le mariage par le père (art. 277
al. 2 C.P.).
(3) Cette loi est la loi du père s'il reconnaît l'enfant, la
loi de la mère en cas d'absence de reconnaissance par le
père (art. 844, alinéa le C.F.).
(4) "Les effets de l'adoption sont régis par la loi nationale
de l'adoptant et lorsqu'elle a été consentie par deux
époux, par la loi qui gouverne les effets du mariage" ar-
ticle 844, alinéa 6, C.F. En droit interne (art. 282 C.F.)
la puissance paternelle sur l'enfant adopté appartient ~
l'adoptant eten cas d'adoption par deux époux aux deux
conjointement.
(S) BATIFFOL et LAGARDE op. cit.n° 495.
(6) P. r4AYER op. cit. nO 509 ; cependant avec les distinctions
établies par MM. BATIFFOL et LAGARDE op. cit. n. 498.

-160-
l 1
Ces solutions sont plus rationnelles. Elles ont l'avantage
1
1
de ménager la loi personnelle étrangère dont l'application
i
1
s'avère justifiée dans plusieurs domaines. Elles ouvriraient
!
la voie à la découverte de modes de protection familiale
certes moins organisées mais plus humaines lorsque c'est une
coutume africaine étrangère qui doit s'appliquer. Et toutes
les fois que la coutume en cause ne dit rien sur la protection
(ce qui est rare), on retrouverait la vocation subsidiaire
de la loi sénégalaise à s'appliquer à tout rapport de droit
soumis aux tribunaux internes par la médiation de la notion
d'urgence.

t
-161-
1
,
1
1
î
1
t
Chapitre 2e
LE DOMAINE DE LA LOI DES EFFETS
!i
DU MARIAGE MIXTE.
1
t
1
1
Pour deux raisons essentielles t de nature diff~rentet nous
serons dispens~s de faire la casuistique exhaustive qu'impose
toute recherche du domaine d'une loi. La premiêre tient a
la préciGuse contribution qu'a apportée recemment dans la
matière des effets du mariage un auteur particulièrement
autoris~ (1). La deuxième est plus technique et tient a
l'unité catégorielle des effets patrimoniaux et extrapatri-
moniaux du mariage en droit international priv~ sénégalais.
Mais cette unité réduit les incidents de frontières entre
diverses lois mais ne l~supprime pas totalement. Si, comme
nous l'avons préconisé, le domicile commun est apprécié dif-
féremment dans les problèmes de conflits mobiles
pour les
effets patrimoniaux et pour les effets extrapatrimoniaux
lato sensu t il importera de savoir ce qui doit relever des uns
(r~gimes matrimoniaux principalement) et des autres {effets
personnels). Mais même a supposer que la solution propos~e
soit rejetée t il faudra arbitrer entre des lois qui pourraient
avoir leur mot a dire : loi individuelle t loi d'autonomie t.../ .
(1) Cf. supra p. 2.

\\1
-162-
t1iii1
loi successorale, etc ••• Il ne faudrait pas non plus oublier
!
,
que le domaine de la loi des effets du mariage mixte recou-
1
1
vre le divorce, la filiation légitime et la légitimation.
1
Toutefois, la casuistique est presque nulle dans ces domaines
en raison
des précisions qu'apporte le Code de la famille.
Un fait demeure cependant et qui est valable pour tout le
1i
domaine couvert par la loi des effets, c'est le fait que
l'adaptation de la loi matérielle applicable s'avèrera nêces-
saire en face des mariages polygamiques.
Pour notre propos donc, nous n'étudierons que les cas suscep-
tibles de poser des problèmes en droit sénégalais. Les solu-
tions proposées par la doctrine qui nous paraissent indiscu-
tables parce que convaincantes et ayant un rapport avec l'ob-
jet de notre recherche seront rapidement rappelées.

1
-163-
1
1
1
Section 1e
LES RAPPORTS PATRIMONIAUX.
1
1
i
La soumission des rapports patrimoniaux c'est-à-dire des
r~gimes matrimoniaux à la loi des effets du mariage en droit
international privé sénégalais appelle une justification
supplémentaire, d~jà annonc~e (1), et une précision portant
sur le renvoi. C'est notre d~marche qui les place ici en
introduction (2).
La justification supplémentaire de la loi des effets du ma-
riage en matière de régimes matrimoniaux est un peu d'ordre
technique et suscite elle-:nême une question à laquelle nous
ne saurions échapper. Il est question de la justification du
rejet de la volonté des époux comme facteur de rattachement.
A cet égard, M. FADLALLAH émet deux critiques à l'encontre
du rattachement impératif et signale une difficulté sérieuse
••.1.
(1) l. FADLALLAH, thèse précit.
(2) Nous sommes conscients que sur le plan méthodologique, il
eut mieux valu consacrer ces développement dans le chapi-
tre le. Mais cela nous aurait entraîné à rechercher égale-
ment les justifications de la compétence de la loi domici-
liaire pour toutes les autres questions qu'elle couvre.
Cela du reste n'aurait pas présenté grand intérêt. L'im-
portance du problème justifie une dérogation à la règle
méthodologique. Et en réservant cette question pour le
domaine nous avons entendu rendre plus clair le débat.

l
-164-
1
1
â laquelle conduit ce rattachement. Il ~crit "L'intégration
du régime légal dans le statut personnel ••• est difficile à
concilier avec la liberté reconnue par le droit interne aux
parties. La souplesse nécessaire aux mariages internationaux
est sacrifiée, sans que la certitude y trouve son compte: le
rattachement ne ferme pas la porte à toute casuistique et
réintroduit normalement le renvoi" (1). La difficulté, la
voici " ••• le rattachement impératif fait resurgir le problème
de la distinction entre le régime légal et le régime conven-
tionnel : la volonté des époux ne saurait être totalement
méconnue. Une dualité de rattachements paraîtra nécessaire"
(2). Ces observations sont sérieuses et appellent réponse.
Du point de vue du droit interne sénégalais, l'objection de
la volonté reconnue aux parties n'est pas pertinente. En
eftet, le Code de la famille organise trois régimes : la sépa-
ration des biens, le régimedotal et le régime communautaire
de participation aux meubles et acquêts (article 368). Il
fait du régime de la séparation des biens le régime de droit
commun et spécifie que "les époux peuvent choisir l'un des
deux autres régimes organisés par la loi" (article 368, ali-
néa 3). Mais ce choix tourne court. En effet, il no peut
porter que sur le régime
(article 369, alinéa 1)
et en
aucune matière les époux ne pourront modifier les règles
fixées d'autorité par la loi. Ils s'intègrent dans un régime
et c'est tout. L'alinéa 2 de l'article 369 prend le soin de
.../.
(1) 1. FADLALLAH thèse précit. T. 1 p. 127.
(2) 1. FADLALLAH thèse précit. T. 1 p. 129.

1
-165-
1i!
préciser que "Toutes autres stipulations relatives aux inté-
1
rêts p~cuniaires des époux ••• sont interdites". Nous sommes
f!~
!
loin du droit français. Mieux, la possibilité du choix même
~
i
est inexistante pour les mariages polygamiques. Lorsqu'au
moment de la c~lébration du mariage le mari opte pour la poly-
gamie, le seul r~gime applicable sera le régime de la sépa-
ration des biens. Finalement seul le monogame peut choisir
entre les trois rêgimes. Mais l'exercice de sa volonté ne
porte que sur le r~gime. Autrement dit les notaires s~négalais
n'interviennent presque jamais dans les rapports pécuniaires
entre époux. On comprend d~s lors pourquoi le rattachement
choisi est un rattachement impératif. "La souplesse nécessai-
re aux mariages internationaux" s'en trouve-t-elle obliga-
toirement sacrifiée ? Nous ne le pensons pas. Le renvoi peut
~ l'occasion permettre de retrouver la loi d'autonomie. Il
suffit de supposer que la loi nationale ou la loi domiciliaire
(en cas de nationalité différente) renvoie à la loi d'autono-
mie pour aboutir au résultat souhaité. Mais le problème se
complique en droit international privé sénégalais car seul
le renvoi au le degré est accepté (article 852 C.F.) sans que
l'on sache pourquoi. Le problème demeure alors entier dans
notre syst~me juridique, mais il ne l'est pas nécessairement
pour d'autres. Du reste, dans la plupart des cas, les êpoux
ne choisissent expressément aucun régime matrimonial sauf
pour les époux fortunés. Cette derni~re situation ne se ren-
contre guêre en Afrique, non qu'il n'y ait ,as des personnes
fortunées, mais celles-ci se désintéressent complètement de
leurs rapports pécuniaires. Cela tient à certaine mentalité.

-166-
11t1
Est-il alors nécessaire de recourir à une dualité de ratta-
1
1
chements pour le régime légal et pour le régime convention-
f
l
nel ? La réponse doit être négative. En effet, si les époux
t
l
l
résident dans un pays où ils peuvent opter pour le régime de
leur choix, régime accepté par le système juridique de ce
1
1
pays, le juge sénégalais respectera ce choix parce qu'il
1
aura fait application de la loi compétente (loi domiciliaire).
1
La volonté des époux ne sera pas dans ces conditions complè-
1
1
tement ignorée. Elle ne le sera que quand les époux auront
choisi le régime d'un Etat tiers. Puisque le droit interna-
tional privé sénégalais n'acce,te que le renvoi au le degré
et cela de manière générale (1)~ ce choix ne sera pas suivi.
Mais rien n'interdit au juge do recourir à la technique de
,
l'adaptation et par conséquent de retenir comme régime légal,
un régime prévu par la loi de l'Etat de résidence qui s'appa-
rente au régime conventionnel choisi par les parties. C'est
une solution de compromis. Mais rien ne l'impose nécessaire-
ment dans notre système juridique.
Cela dit, il reste à préciser le domaine de la loi des effets
pour certaines questions délicates d'ordre patrimonial. Nous
étudierons le rattachement qui convient au statut patrimonial
de base et que le Code nomme "règles destinées à faciliter le
fonctionnement du régime", aux contrats entre époux et plus
particulièrement les donations entre époux (nous dirons pour-
quoi).
(1 ) L'article 852 ne pose aucune restriction au jeu du renvoi.
Mais on peut raisonnablement supposer que les Juges
l'exc1ueront en matière de contrats parce que la loi d'au-
tonomie implique cette exclusion.

-167-
Paragraphe le
Le statut patrimonial de base et les
mesures urgentes.
Le Code de la famille n'utilise pas le vocable "statut patri-
monial de base" (1). Mais celui de "règles destinées à faci-
liter le fonctionnement du r3gime" (Paragraphe 2e, Chapitre
le, Livre VI). Dans ces règles, cependant, nous retrouvons
quelques unes qui figurent ~{;j~ au Code civil (article 212
et suivants) mais pas toutes. Nous retrouvons également les
mesures d'urgence destinées à faire face aux situations de
crise du ménage. La question se pose de savoir si ces règles
doivent être rattachées a la catégorie des lois de police, ou
considérées comme d'ordre public ou plus simplement soumises
à la loi des effets. Cette question
a été três largement
discutée par M. FADLALLAH (2) en droit français, avec comme
point d'appui la jurisprudence. En droit sénégalais, aucune
décision n'est intervenue dans ce domaine. Le seul recours
qui nous permettra de conclure dans un sens ou dans un autre,
seront les idées générales.
Nous pouvons règler tout de suite une question particulière
parce que sa solution découle clairement du Code de la famille.
Il s'agit des mesures urgentes prises par le juge pour remédier
à une situation de crise du ménage: époux hors d'état de
manifester sa volonté (article 372, alinéa 2, C.P.), refus de
collaboration d'un époux à la conclusion d'un cas non ...1.
(1) Vocable utilisé par P. MAYER op. cit. p. 753.
(2) FADLALLAH, thèse précit. T.I p. 213 et s.

-168-
motivé par l'intérêt de la famille (article 373) et manque-
ment grave à l'obligation de contribuer aux charges du ména-
ge mettant en péril les intérêts de la famille (article 376).
Dans tous ces cas le juge est aypelé à intervenir pour sau-
vegarder les intérêts de la famille avec des pouvoirs limités
dans le temps et dans leur domaine. Or en vertu de l'article
841, alin.Ja 2 (_5°) "toutes les mesures provisoires imposées
par l'urgence" sont considérées com:3e mesures de police (1).
Par conséquent tous ces textes fondés sur l'urgence s'appli-
queront à tous les ménages établis au Sénégal sans considé-
ration de leur rattachement à telle ou telle nationalité.
Reste le statut patrimonial de base qui est, ~ vrai dire, très
restreint en droit sénégalais (2)0 Ses règles tournent autour
de deux idées : indépendance 6galitaire
et solidarité dans
l'indépendance des époux. L'indépendance égalitaire se tra-
duit
par la reconnaissance à la femme du droit d'administra-
tion et de disposition de ses biens acquis dans l'exercice
d'une profession séparée de son mari (article 371, al. 2),
par le droit pour chaque époux de se faire ouvrir tout compte
de dépôt ou de titres en son nom personnel et d'en disposer
librement à l'égard du dépositaire (article 374 qui pose une
.../ .
(1) En droit français, les textes fondés sur l'urgence ne sont
pas considérés comme de police mais d'application terri-
toriale. V. BATIFFOL et LAGARDE nO 631 ; FADLALLAH, thèse
précit., T. 1 p. 214.
(2) De façon générale, la règlementation des régimes matrimo-
niaux est très squelettique. Elle comporte 27 articles
seulement.

-169-
présomption de propriété à l'égard du dépositaire). La solida-
rité dans l'indépendance se manifeste par le partage des
charges ménagères proportionnellement aux ressources de cha-
cun des époux même si ces charges pèsent à titre principal
sur le mari (article 375) (1), par l'obligation solidaire
de répondre, chacun, aux dettes contractées par l'autre pour
faire face aux charges du ménaee (article 375, alinéa 3).
Toutes ces règles expriment notre conception des rapports
entre époux au sein du ménage. Elles n'assurent pas seulement
l'indépendance et la solidarité des époux
elles garantis-
sent en plus le cr6dit public (solidarité à l'égard des
tiers). Leur efficacité serait compromise s'il était donné à
certains ménages établis sur le territoire sénégalais d'y
déroger. C'est pourquoi elles doivent être considérées comme
des règles de police même si le Code ne le dit pas expressé-
ment (2).
(1) La règle selon laquelle les charges du ménage pèsent à
titre principal sur le mari n'a qu'une valeur de principe
sinon de pr~somption.
(2) P. MAYER op. cit. nO 753 ; v. également pour le détail des
arguments, FADLALLAH, thèse précit. T. 1 p. 213 et s. Tou-
tefois ce dernier auteur opte pour la qualification de
régime matrimonial en ce qui concerne les biens réservés
de la femme sous le contr61e de l'ordre public, v. p. 248.
Les raisons qui peuvent fonder en droit français l' appli··
cation de la loi du rGgime ne se retrouvent pas entière-
ment en droit sénégalais où il n'existe aucune restric-
tion aux pouvoirs de la femme. Mieux ces pouvoirs ne va-
rient même pas selon le régime en cause. La femme mariée
administre et dispose de ses biens réservés comme si elle
était séparée de biens, sous tous les régimes (article
371, alinéa 2). Le législateur a entendu émanciper complè-
tement la femme mariée. C'est une rupture à peu près
complète d'avec les conceptions antérieures. Le rattache-
ment donc aux lois de pollce de cette question est justi-
fiée en droit sénégalais.

q
-170-
Paragraphe 2e
Les contrats entre époux
le cas de la
donation.
Le droit interne sénégalais prend aussi en considération,
comme d'autres législations, la nature des relations particu-
lières existant entre le mari et la femme pour interdire ou
règlementer certains contrats que ces derniers concluent
entre eux. Ces connats qui peuvent masquer des modifications
importantes dans les rapports patrimoniaux et personnels
des époux ont donné lieu, en doctrine française, à de vives
discussions. Comme il a été bien dit "la vraie question est
de savoir s'ils (les époux) )euvent, et de la même manière,
passer un acte que d'autres peuvent passer" (1). La réponse
ne se fait pas attendre: s'ils le pouvaient, le législateur
n'aurait certainement pas imposé des règles particulières
dans ce domaine. Mais ce législateur ne règlemente pas tous
les contrats entre époux. Seuls certains d'entre eux ont reçu
une règlementation spécifique qui ne peut trouver d'autre
justification que dans la situation de gens mariés. Ainsi,
en droit sénégalais, il existe des dispositions particulières
sur la vente entre époux (article 377 C.F.), sur le contrat
entre époux (article 378 C.F.)et sur les donations entre
époux (articles 819 à 823 C.F.).
La justification trace la voie à suivre sur la recherche de h
loi applicable à ces contrats. L'application de la loi d'auto-
nomie affranchirait complètement les époux des restrictions
.../ .
(1) Fl\\DLALLAH, thèse précit. T. 2 p. 2.

-171-
qu'impose leur loi conjugale. D'un autre côté le législateur
(quel qu'il soit) n'édicte que certaines r~gles particuliêres
applicables à ces contrats (règles restrictives généralement
des pouvoirs des époux, ou régissant un aspect du régime de
ces contrats). C'est pourquoi en doctrine française, il y a
eu hésitation entre l'application de la loi d'autonomie, de
la loi du régime matrimonial et de la loi des effets du maria-
ge. En droit international privé sénégalais l'hésitation ne
peut se situer qu'entre la loi d'autonomie et la loi des
effets du mariage parce que par définition cette derniêre est
identique à la la loi applicable aux régimes matrimoniaux. Au
vu de la règlementation interne et de sa justification,on peut
accepter la solution qui consiste à dire que "le régime d'un
contrat entre époux doit être soumis au droit commun, à
l'exception des cas où la loi des effets du mariage édicte
une règle spéciale à ce contrat lorsqu'il intervient entre
époux. A l'inverse, la loi contractuelle ordinaire ne s'appli-
quera que dans ses dispositions de droit commun" (1). Par
conséquent il appartient à la loi des effets de dire si la
vente entre époux est autorisé, si le contrat entre époux est
permis et dans quelle mesure. Toutes les autres questions non
soumises à des règles spéciales seront régies par la loi
contractuelle ordinaire.
Il faut à P!ésent parler des donations entre époux qui soulè-
vent les plus grosses difficultés. Deux textes sont mis en
cause. Il y a d'abord l'article 823 du Code de la famille .../ .
(1) FADLALLAH, th~se précit. T. 2 p. 55.

-172-
qui pose le principe de lA
révocabilit~ de toutes les dona-
tions entre époux sans distinction : "Toutes donations faites
entre é~oux pendant le mariage, quoique qualifiées entre vifs,
sont toujours révocables". Il y a ensuite et surtout les
alinéas 3 et 4 de l'article 848 qui déterminent la loi ap-
plicable aux donations. Que disent-ils? -Alinéa 3 "La dona-
tion est régie quant à la forme par !aloi du lieu où l'acte
est intervenu mais elle peut Jtre faite conformément à toute
autre loi expressément choisie par les parties" ; -alinéa 4
"Les effets de la donation sont, dans le silence de l'acte,
régis par la loi du lieu d'exécution de la libéralité. L'ar-
ticle 823 est relatif au régime juridique des donations entre
époux pendant le mariage, qu'elles soient mobilières ou immo-
bilières, qu'elles soient entre vifs ou à cause de mort.
L'article 848 contient deux règles de conflit de lois: l'une
portant sur la forme et l'autre sur les effets de la donation.
Ce dernier article est à première vue surprenant dans la me-
sure où en matière de forme il assure aux parties une liberté
totale qui contredit les prescriptions de la loi interne en
la matière • Or nous ne sommes pas ici dans le domaine du
monde des affaires (1). L'article 848 est également surpre-
nant dans la mesure où dans son alinéa 3e il reste laconique
et arnbigü. Seuls sont visés dans cet alinéa les effets de la
donation. Toutes les questions relatives aux conditions et au
régime juridique de la donation sont passés sous silence.
Quêlle est la loi qui les gouverne? Est-ce la loi d'autono-
mie, comme semble l'impliquer la référence au "silence des
•.. 1.
(1) V. critique de M. BOUREL,art. précit. p. 27 ; V. égale-
ment sur le problème, PONSARD, Répert. dr. int.
O
V
Dona-
tion n° 7.

-173~
parties" ? On peut fort bien le concevoir s'agissant des dona-
tions de droit commun (1). Mais la vraie question se situe
ailleurs. Elle est de savoir si cette règle de conflit doit
être, ou non, étendue aux donations entre époux. Les objec-
tions faites à la compétence de la loi d'autonomie sont trop
pertinentes pour qu'il soit nécessaire de l'écarter. Elles
tiennent toutes à la méfiance et à l'hostilité qu'inspire
aux législateurs, dont le législateur sénégalais, ces genres
de donations (2). La donation entre époux n'est pas un contrat
passé entre des personnes étrangêres ; sa règlementation par-
ticulière prend pour point de départ la situation spécifique
des époux. Or la loi d'autonomie ignore ce facteur. En droit
international privé sénégalais le conflit reste ouvert entre
la loi successorale et la loi des effets de la donation. A
cet égard il conviendrait de distinguer entre les donations de
biens présents (mobilières et immobilières) et les donations
de biens à venir (mobilières et immobilières), en raison des
connexions de ces dernières, encore appelées institutions con-
tractuelles, avec le droit successoral. Il a été vigoureuse-
ment soutenu, pour ce qui est du droit international privé
français, que la loi des effets du mariage devrait s'appliquer
aux premières sans distinction de l'objet de la donation et
que la loi successorale serait mieux adaptée aux secondes (3).
Ces solutions n'ont été proposées, on s'en doute, qu'après
... 1.
(1) V. PONSARD,
.
Répert. dr. int. VO Donation nO 16 et s. ,
BATIFFOL et LAGARDE, op. cit. nO 640.
(2) FADLALLAH, thèse précit T. 2 p. 16 et s.
(3) 1. FADLALLAH, thèse précit T. 2 p. 2S et s.

-174-
une discussion très serrée portant sur les mérites recpectifs
des diverses lois intéressées: loi réelle, loi du régime
matrimonial, loi successorale, loi personnelle du donateur et
loi des effets du mariage. Les deux principaux écueils qu'il
fallait nécessairement surmonter pour arriver à ces solutions
homogènes étaient d'une part l'attraction qu'exerce la loi
réelle sur les immeubles (donations immobilières) et les
rapports étroits existant
entre la loi personnelle et
l'interdiction des donations entre époux. Une partie de la
doctrine, en effet, se montre favorable à l'application de
la loi personnelle pour cettB dernière question dans les dona-
tions de meubles à venir quitte à les soumettre pour les
autres questions à la loi successorale (1). Ces deux écueils
ont été "démolis" par deux arguments qui ne manquent pas
de pertinence. S'agissant de l'attraction de la loi réelle
il a été dit que "Le régime des biens n'est pas en cause
les rapports entre époux ne sont pas altérés par l'objet de
leurs donations. C'est une conception de la famille qui est
en jeu ••• Le caractère distinctif des donations entre époux
ne réside pas dans leur objet, mais leur est imprimé par
les sujets de l'acte" (2). Et pou~ ce qui est de l'application
de la loi personnelle à la capacité des époux de se faire des
donations de biens à venir,il a été répondu que "la loi
successorale ne saurait être considérée dans ses seules ...1.
(1) BATIFFOL et u\\GARDE op. cit. nO 651.
(2) l. FADLALLAH thèse précit. T. 2 p. 40.

,!
-175-
[
rl
dispositions relatives au droit commun des pactes ou suc-
tp
cessions futures: non seulement la solution serait catas-
trophique lorsque la loi française s'applique â la succession
1
,
mais elle méconnaît surtout la vocation naturelle de la loi
1
{
successorale â intégrer dans ses dispositions les rapports
personnels existant entre les successibles et le de cujus" (1).
\\,11!
Que tirer, comme conséquences pour le droit international pri-
vé sénégalais, de ces thèses? On serait tenté d'y souscrire
entièrement si la nécessité de sauvegarder une "certaine
conception de la famille" pour les donations de biens présents
n'ét~it sans cesse susceptible de remise en cause par un chan-
gement de la loi applicable consécutif à celui du domicile
commun. Par ailleurs on observe qu'en droit international pri-
vé sénégalais les successions immobilières et mobilières,
testamentaires ou ab intestat sont intégrées dans le statut
personnel et soumises à la loi nationale du défunt (articles
841 in fine, 847 et 848 C.F.). La loi du donateur, qui déter-
mine en même temps la mesure dans laquelle cet époux donateur
peut faire une libéralité à son conjoint serait plus appro-
priée. Certes la capacité de donner entre époux est fondée sur
la nature du lien unissant donateur et donataire et à ce titre
pourrait relever de la loi des effets du mariage. Mais l'on
oublie souvent que le législateur établit des rapports étroits
•.• 1.
(1)
1. FADLALLAH, thèse préci t., T. 2 p. 106 ; dans le même
sêns P. MAYER, op. cita nO-753 et 803 ; v. contra
B. ANCEL, qui propose l'application de la loi du domicile
dû donateur au jour de la donation pour les donations
mobilières entre époux, Le conflit de qualifications à
l'épreuve de la donation entre époux, thèse Paris 1975
nO 548 et s.

-176-
entre les règles successorales et les règles régissant les
libéralités dans le cadre de la famille. Dans le Code sénéga-
lais de la famille ces
rapports sont évidents. Et ce n'est
pas un hasard si "les libéralités il caractère familial" sont
trai~~ dans le même Livre (VIII) consacré aux testaments.
La loi nationale du donateur serait ainsi plus apte il assurer
l'unité de règlement des successions, et cela d'autant que
l'on sait que la loi successorale intègre dans ses disposi-
tions les rapports personnels". Mais il importe de préciser
les différentes normes de cette loi qui doivent s'appliquer
car on y rencontre les normes relatives aux rapports person-
nels, aux contrats ordinaires et aux successions. S'il s'agit
de se prononcer sur la validité au fond et sur le régime de la
donation entre époux (possibilité de la donation entre époux,
révocabilité de cette donation) ce sont les dispositions rela-
tives il ces questions qui doivent être consultées. A cet
égard, il y aura lieu de tenir compte de la loi nationale au
moment de la donation. Mais s'il s'agit des questions concer-
nant la dêvolution successorale du donateur (cas surtout des
donations de biens il venir), comme celles relatives aux
réduction, rapport, révocation, réserve des héritiers, etc ••• ,
il devra âtre fait application des dispositions successorales
de la loi nationale du donateur au jour du décês. Resteraient
alors soumis il la loi du lieu d'exécution, les problèmes im-
médiats de transfert des biens ••• Un tel système éviterait
les inconvénients qui pourraient découler d'une contradiction
entre la loi des effets du mariage et la loi successorale. Il
pourrait être mis en oeuvre pour toutes les donations sans
distinction.

-177-
Section 2
LES EFFETS PERSONNELS DU
MARIAGE MIXTE.
Ces effets sont soumis à la même loi que celle qui gouverne
les régimes matrimoniaux. Par effets personnels, il faut en-
tendre toutes les conséquences qui découlent pour les époux
de leur mariage,relativement à leur situation personnelle et
A leurs rapports réciproques. C'est ainsi qu'il est admis
sans discussion que relèvent de cette catégorie les devoirs
réciproques des époux: devoirs de cohabitation, de fidélité,
de secours et d'assistance. De même doivent être soumis à la
loi des effets du mariage toutes les règles du Code de la
famille consacrant l'inégalité des époux: puissance maritale
(article 152), capacité de la femme mariée (art. 371, alinéa
2), l'exercice par cette dernière d'une profession séparée
(article 154). En effet, ces règles ne visent pas le statut
individuel de chacun des époux en tant que tel. Elles tendent
au contraire à assurer une meilleure cohésion de la famille
dans son fonctionnement par la consécration du principe de
l'unité de direction du ménage par le mari (1). C'est par .../ .
(1) Selon l'article 152 C.F. "Le mari est le chef de la famille.
Il exerce ce pouvoir dans l'intérêt commun du ménage et
des enfants". V. également BISCHOFF, Répert. dr. int.
O
V
Mariage nO 206 et s. ; 1. FADLALLAH, thèse ptécit. T. 1
p. 271 et s.

-178~
conséquent une certaine conception de la famille qui est mise
en jeu. Et celle-ci découle naturellement de la loi gouvernant
les effets du mariage, quitte a faire jour l'ordre public pour
s'opposer aux lois étrangères dont les conceptions sont cho-
quantes pour le for.
Mais une difficulté particulière surgit lorsque toutes ces
questions sont posées à propos du mariage polygamique interna-
tionalement dissocié, lorsque le mari a au moins deux femmes
résidant sur des territoires d'Etats différents.
il semble
nécessaire d'assurer une règlementation homogêne de ses rap-
ports avec ses coépouses. Il serait en effet choquant que l'une
soit considérée d'incapable absolœpar sa loi domiciliaire et
l'autre de capable, que l'une puisse exercer une activité
professionnelle et l'autre non, etc ••• Il importe, nous semble-
t-il, d'adapter la loi matérielle applicable pour homogénéiser
le rapport polygamique. A cette fin, le recours au principe de
l'égalité de traitement des coépouses qui apparaît comme étant
un principe univ6rscl fondé en raison et en équit§, peut servir
de base à la mise en oeuvre de la technique de l'adaptation.
La consultation et la confrontation des dispositions des lois
régissant chaque ménage polygamique s'avèreront nécessaires.
Mais devront prendre le pas, en cas de disparité, celles de
ces dispositions qui vont dans lG sens d'une plus grande éman-
cipation de la femme mariée. Cette solution peut trouver sa
justification dans l'orientation actuelle des politiques des
Etats dans ce domaine, orientation souhaitée et suscitée par
la communauté internationale. Souvenons-nous que nous venons
à peine de sortir de l'annéo internationale de la femme d6cidée
par les Nations-Unies !

l
-179-
1
f
!
,i
!t
1ft
Section 3
LE DIVORCE ET LA SEPARATION
DE CORPS.
Le Code de la famille ne laisse guère de place ~ des h~sita-
tians (1). Il soumet ces deux questions à la loi domiciliaire
commune lors de la prâsentation de la demande, et coupe court
~ toute discussion sur la loi ~pplicable aux suites du divorce
et de la séparation de corps. En effet en vertu de l'article
843, alinéa 4, "cette loi est comp~tente pour les différentes
modalités, la détermination des causes et des effets du divorce
ou de la séparation de corpslt. Par conséquent, les problèmes
•• .1.
(1) Le problème de la répudiation trouvera sa réponse dans la
technique de la qualification. Si le recours à une insti~
tution judiciaire est dés0rmais nécessaire pour mettre fin
à la vie commune ou pour la re11cher, la ré~udiation unila-
t6rale et le divorce priv~ ou religieux ne sauraient être
valables sur le territoire sénégalais depuis l'entrée en
vigueur du Code de la famille. En effet, l'intervention
d'une autorité quelconque pose un problème de forme, soumis
en conséquence ~ la règle locus rêgit actum qui a un ca-
ractère impératif en droit international privé s~négalais
comme nous l'avions vu. Par c0nséquent pour tout divorce
intervenu au Sénégal séule la loi s~négalaise est compétente
pour dire qui doit le prononcer. La solution est également
valable pour la séparation de corps ; cf. Jean et Jacques
FÇYER, Répert. dr. int.
O
V
Divorce et séparation de corps
n
7 et s. ; P. MAYER op. cit. nO 565 et s.

-180-
de garde des enfants (1), de conservation du nom du mari par
la femme divorc~e, de conversion de la séparation de corps
en divorce etc ••• relèvent de la loi des effets du mariage.
Pour ce qui est de l'obligation alimentaire une distinction
s'impose. En effet dans le Code de la famille l'obligation
alimentaire n'exist~ que dans deux cas : lo~sque le mari a
obtenu le divorce pour cause d'incompatibilité d'humeur ou
pour maladie grave et incurable (article 178 C.F.). Mais
lorsque le divorce
est prononc8 aux torts exclusifs de l'un
des époux~ l'article 179 C.F. dispose que "le juge peut al-
louer à l'époux qui a obtenu le divorce des dommages et inté-
rêts pour le préjudice matériel et moral que lui cause la
disssolution du mariage, compte tenu, notamment de la perte
de l'obligation d'entretien". Lo problème que pose cette
disposition revient à savoir si ces dommages et intérêts revê-
tent la forme d'une pension aliillcntaire. L'intérêt de la
question est que l'obligation alimentaire est considérée .../ .
(1) M. FADLALLAH a cGntest6 le hien fondé de ln. soumissLm de
la garde à la l8i du divorce pour des rais~ns pratiques et
de lo/Liue. Il se '{cmQndc cmmlent on :,cut f'lire ::;;rclonger
les effets .. lu mqrin,;;; '1u~.~.:l.?l :'0 la dissJlution, ct fait
observer que le divorce met fin en un instant ~ l'union
conjugale alors qu'avec l'enfant la vie juridique continue.
Il écrit "La situation du mineur peut appeler une interven-
tion à un moment où le chef qui a fondé la compétence du
tribun~l du divorce a complètement disparu" thèse précit.
T. 2 n
361. C'est pourquoi il se montre favorable à la
loi de l'enfant. Mais il est aisé d'observer que le problè-
me de la garde est souvent sinon toujours tranché en
même temps que le divorce du moins en droit sénégalais.
Il est donc logique que la loi qui régit le divorce se
prononce également sur la garde qui est un effet de ce di-
vorce quoiqu'ayant des rapports avec la capacité.

-181~
comme une mesure de police et de sûreté (article 841, alin6a
2 C.F.). Les magistrats sénégalais confondent systématiquement
les deux institutions et utilisent indifféremment les vocables
de pension alimentaire et de pension indemnitaire (1) et sem-
blent royalement ignorer la disposition de l'article 841, ali-
néa 2 C.F. (2). Pour la rech3rche du droit appl~cable, une
qualification différente de ces deux institutions ne s'impose,
certes, guère. Et de fait la pension indemnitaire peut s'ana-
lyser en une pension alimentaire. Mais on ne saurait oublier
que celle-ci relève de la loi sénégalaise en tant que mesure
de police.
(1) V. Trib. 1e instance Dakar, 3 février 1976, Répert. CREDILA
vol. II p. 32 n014.
(2) V. Justice de Paix de Dak~r, le mars 1973, R6pert. CREDILA
vol. l (1976) p. 40 n° 25 ; 26 février 1973, ibidem p. 41
nO 26 ; 14 février 1974, ibidem p. 42 nO 28 ; 18 avril
1974, ibidem p. 44 nO ~O
Cour d'Appel de Dakar 14 février
1975, ibidem p. 45 n° 32.

-182-
Section 4
LA FILIATION LEGITIME ET LA
LEGITIMATION.
La filiation légitime ~ la légitimation sont soumises par
l'article 844, alinéa 1, du Code de la famille â la loi qui
gouverne les effets du mariage (1). C'est la cons6cration des
solutions dégagées en France ~ar les arrêts Moens (2) ~t
Weyrich-Laroche (3). Solutions logiques dans la mesure 00
l'enfant légitime ou légitimé se rattache par le mariage â
la famille légalement constituée (4). C'est pourquoi on a pu
dire que "la loi des "effets du mariage" était donc en fait
la loi de la "famille" " (5). Ces solutions ont été remises.../ .
(1) L'article 844, alinéa 1 contient deux règles de conflit de
lois, l'une relative â la filiation légitime et la légiti-
mation (loi des effets du mariage) ~t l'autre à la filia-
tion naturelle (loi nationale de la mère et, en cas de re-
connaissance, par celle du pêre). Mais l'alinéa 2 du même
article vient remettre en question ces solutions dans la me-
sure où il donne compétence à la loi de l'enfant en cas de
nationalité différente de l'enfant et de ses prétendus pa-
rents, sans spécifier le type de filiation à laquelle la
règle s'applique. Logiquement, elle ne peut viser que la fi-
liation naturelle. Mais même dans ce cas, elle introduirait
une contradiction insoluble car l'alinéa le résout déjà
l'hypothèse prise en compte dansl'alinéa 2e.
(2) Civ. 4 novembre 1958 Rev. crit. 1959 p. 303 note
FRANCESCAKIS, Clunet 1959 p. 788, note PONSARD.
-
-
(3) Civ. 8 juillet 1969 Rev. crit. 1971 p. 255, note A. WEILL,
Clunet 1970 p. 303, notè 3. G. ; D.1970 p. 1, note MALAURIE.
(4) V. pour les autres thêses Jacques FOYER, Répert. dr. int •.
VO Filiation n° 9 et s.
(S) V. P. MAYER op. cit. nO 582.

-183,
en cause~comme chacun sait, en France, par la loi du 3 janvier
1972 alors que la jurisprucence était parvenue â mettre en
place un système de règlement cohérent. C'est de ce système que
nous nous inspirerons pour combler les graves lacunes de
l'article 844, alinéa 1 C.F.
Paragraphe 1e
La filiation légitime.
1
L'article 844 C.F. ne dit mot sur le domaine de la loi des
effets pas plus qu'il ne tranche le conflit mobile qui risque
de se poser en cas de changement du domicile commun entre le
moment de la naissance et le jour de l'introduction de l'ins-
tance. Commençons par liquider ces deux questions.
Bien qu'il ne le dise, il n'est ~as douteux que l'article 844
entend étendre la compétence de la loi des effets du mariage
à l'établissement et aux eff8ts de la filiation l~gitime. C'est
le système qui a servi de référence qui l'implique. Il n'y a
pas de raisons sérieuses pour en décider autrement. Par ail-
leurs il est normal de tenir compte de la loi domiciliaire
commune ~u moment de la naissance pour l'établissement de la
filiation parce que c'est à cette 6poque que la situation se
consolide. En revanche s'agissant des effets~ la loi actuelle,
c'est-à-dire du jour de l'introduction de l'instance, doit
recevoir application en raison du déroulement dans le temps de
ces effets (1).
(1) V. P. MAYER op. cit. n° 582.

-184-
Cela dit, il reste à préciser la domaine exact de la loi des
effets pour l'établissement et les eflëts de la filiation.
1.- L'établissement de la filiation.
Il n'existe aucune raison en droit sénégalais pour ne pas
reconduire les anciennes solutions de la jurisprudence fran-
çaise. Ainsi seraient soumises à la loi des effets les ques-
tions relatives au désaveu de paternité donc à la présomption
pater is est, (causes, délais, -règlementation de l'action), et
à la contestation et à la réclamation de légitimité)
(1).
Pour ce qui est de la preuve de la filiation, il faut tenir
compte de la règle de l'article 842, alinéa 2, du Code de la
famille en vertu de laquelle "L'admissibilité des moyens de
preuve de l~at des personnes et leur force probante sont dé-
terminées par la loi du tribunal saisi, sauf au plaideur à
invoquer la loi où l'acte ou le fait juridique est intervenu".
La règle ménage la compétvnce do la loi locale. Par conséquent
seront recevables les actes de naissance dressés à l'étranger
où la naissance est intervenue et selon les formes requises
par la loi locale.
(1) V. pour toutes ces questions Jacques FOYER précit. n° 17
et s.

-185-
II.- Les effets de la filiation.
Ne sont pas pris en compte ici les effets spéciaux de la fi-
liation qui sont soumis aux lois applicables aux institutions
dont ils sont les éléments : droits successoraux, protection
des incapables, empêchements à mariage, etc ••• (1). Restent
donc en suspens les questions relatives à l'obligation alirnen-
taire, à la puissance paternelle et à la transmission du nom
patronymique.
A/- L'obligation alimentaire.
Nous rappellerons pour mémoire ce que nous avons déjà dit,
à savoir que l'article 841 du Code de la famille intègre les
dispositions sur l'obligation alimentaire et la parenté dans
la catégorie des règles de police. Par conséquent il n'ap-
partient pas à la loi des effets du mariage de se prononcer
sur l'existence et l'étendue de cette obligation alimentaire
entre parents et enfants. La solution est critiquable de ce
point de vue mais les dispositiJns internes sénégalaises ne
sont pas différentes de celles qui sont en vigueur dans la
plupart des Etats. Selon l'~rticle 262 C.F. en effet -Dans le
mariage, l'obligation alimentaire entre époux et des époux
envers les enfants fait partie des charges du mariage et
s'exécute comme obligation d'entretien ••• u • Il appartient éga-
lement à la loi sénégalaise de se prononcer sur l'existence
... 1.
(1- V. LOUSSOUARN et BOUREL op. cit. nO 352 p. 455.

-186-
et les formes de l'obligati0n alimentaire aprês la minorité
de l'enfant (1). Mais la logique voudrait que cette loi ne
fût compétente que lorsque l'enfant r~side sur le territoire
sénégalais.
B/- La puissance paternelle.
Pour des raisons déjà exposées nous étions conduit à soutenir
que la puissance paternelle devait être retr~nch~e des dis-
positions de police pour être soumise à la loi des effets
du mariage. En effet comme il a été dit tI ••• si les préoccu-
pations tirées de l'intérêt derenfant sont en matière de
puissance paternelle ou d'autorité parentale au centre du dé-
bat, elles s'inscrivent dans le cadre plus général de l'or-
ganisation de la famille ••• " (2). Il Y a certainement risque
de contradiction lorsque la loi nationale de l'enfant prévoit
la tutelle alors que la loi des effets du mariage recourt au
système de l'administration légale (3). Mais il nous semble
que lorsque la famille est unie il faut donner la préférence
à la loi des effets du mariage qui est le cadre naturel de
protection de l'enfant.
(1) v. contra P. MAYER OP. cit. nO 601. Mais la cOJnuétence
dé loi de l'enfant qü'il prône est admissible dans le
système français.
(2) LOUSSOUARN et BOUREL op. cit. nO 353.
(3) P. MAYER op. dt. nO 602.

-187-
C/- La transmission du nom patronymique.
La doctrine se montre h~sitantG sur la loi applicable à la
transmission du nom du p~re à l'~nfant. L'hésitation se situe
entre la loi personnelle de l'enfant et la loi régissant
les effets de la filiation. ?~ais il faut convenir que les
raisons qui pourraient ici fondur la loi de l'enfant à savoir
"que le port par l'enfant du nom de son auteur constitue pour
lui un droit propre, ~léme~t de son statut personnel" (1), ne
sont pas pertinentes. La transmission du nom patronymique
apparaît comme une composante 1es effets du mariag~. Autre-
ment dit l'aspect familial prime sur l'aspect individuel. La
question doit donc être tranchée par la loi des effets du
mariage.
Paragraphe 2
La légitimation.
Le Code sénégalais de la famille admet deux formes de 'légiti-
mation : la légitimation par mariage subséquent et la légiti-
mation post nuptias (art. 194 C.F.). La légitimation est sou-
mise également ~ la loi des effets du mariage (article 844
C.F.) tant pour ce qui concerne son établissement que ses
effets. La légitimation par autorité de justice du droit fran-
çais (art. 333 nouveau C. Civ) ne devrait pas pouvoir être ac-
ce~t6e
par le juge sénégalais si elle était demandée par un
.../ .
(1) P. MAYER op. cit. n° 603.

-138-
l1lt
ressortissant français en raison des prohibitions de 1 t §tablis-
sement de la filiation incestueuse (article 195)
,
de la
1
1
recherche de paternit~ naturelle (article 196) et du rôle que
1
!
doit juuer le juge dans ce type d'établissement de la filia-
1
,
l
tion, rôle que ne reconnaît pas le droit sénêga1ais.

\\
1
-189-
1
!
i1~
CONCLUSION GENERALE
L'€tude
des mariages mixtes nous a rév~lé ce que peuvent avoir
de relatif certaines règles de conflit tenues pour raisonna-
bles dans certains pays. S'il était apparu opportun ct nêces-
saire pour le S~n~gal de s'engager dans la voie de la codifi-
cation des règles du droit international privé, il n'était
pas moins évident que cet engagement devait se faire en toute
lucidit~. Celle-ci a souvent fait dêfaut. C'est que l'avène-
ment du Code de la famille n'a pas entièrement résolu les
problèmes connus antérieurement et qui étaient au centre du
tiraillement entre le maintien ou la disparition des institu-
tions traditionnelles. Le compromis trouv~ par le législateur
se répercute n6cessairement sur les questions de conflit de
lois. Nous l'av8ns vu à propos des effets des mariages poly-
gamiques. Dans la mesure où les nouvelles règles de conflit de
lois le permettent, l'interprète mais aussi le juge devront
faire preuve d'imagination pour arriver à des solutions cohé-
rentes sinon justes grâce ~ la technique de l'adaptation des
lois matérielles applicables. Compte devrait aussi être tenu
de l'environnement géographique et culturel du Sénégal où
prédominent des conceptions issues du droit traditionnel. C'est
pourquoi l'ordre public devra être d'un maniement prudent.

B 1 B LlO G R A PHI E
-----000-----

1/-
OUVRAGES
GENERAUX

-190-
BARTn~
Etudes de droit international
priv6, Paris 1899.
Principes de droit international
privé, 3 vol. 1931-1935.
BATIFFOL et LAGARDE
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6ème édition 4 1 1974, T. II 1976,
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LOUSSOUARN et BOUREL
- Droit international priv6, Pr~cis
Dalloz 1978.
MAYER P.
~ Droit international priv~.
Ed. Monchrestien 1977.

lii
11/-
OUVRAGES SPECIAUX, THESES, MEMOIRES

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1 "~1Jreuv-e
de la donation entre
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d'obligations extra-contractuel-
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DE LA PRADELLE G.
~ Les conflits de lois en matière
de nullités, Dalloz Paris 1967.
DONNEDIEU DE VABRES
- L'évolution de la jurisprudence
française en mati~re de conflit
de lois depuis le XXème siècle,
Sirey Paris 1937.
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sionnel et laique en droit in-
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FADLALLAH 1.
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aux effets du mariage en droit
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l
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1
FRANCESCAKIS
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ilits de systêmes en droit inter-
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1
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l
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sonnel, Ann. Afr. 1957 p. 5 et s.
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les récentes codifications du
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l'Union française 1950.
- Notes sous Saigon 11 ~illet 1930
Penant 19~0 p. 9.
WEILL A.
- ~~pert. dr. int. VO Fiançailles.

T A BLE
DES
MAT 1 E RES
-----000-----

-200-
INTRODUCTION
1
TITRE 1e
LA FORMATION DU 14ARIAGE MIXTE
5
Chapitre 1
L'ACCES DES FUTURS EPOUX AUX DIF-
RENTS MODES DE FOro~ATION DU t4A-
RIAGE PREVUS PAR LE DROIT SENEGA-
LAIS.
7
Section 1
LES SOLUTIONS LEGALES ET
JURISPRUDENTIELLES ANTERIEURES
A L'ENTREE EN VIGUEUR DU CODE
DE L1\\ Fl'J'iII LLE
9
Paragraphe 1
Rappel des solutions
du droit colonial
9
Paragraphe 2
Les solutions du droit
transitoire
14 .
1/- Les données IGgales
15
A.- Les problèmes institutionnels
15
B.- Les problèmes de fond
17
1) Maintien des statuts coutumiers
18
2} Dualité de formes de célébra-
tian du mariage
20
3) Conflit de coutumes et de lois
21
11/- Les solutions embarrassées de la
jurisprudence
23
A.- L'arrêt HOCA
24

1
-201~
!
1
1
1
!,
1) !malyse de l'arrêt
24
2)
Les r6actions de la doctrine
27
a) La contestation de l'applica-
bilitG de l'article 170 du
Code civil.
28
b) La contestation de l'applica-
bilité de l'article 16 de
l'ordonnance de 1960
32
3) Appréciation critique de l'ar·
rêt et de la doctrine
35
B.- L'arrêt Lochet ou le revirement
de la jurisprudence de la Cour
suprême
38
Section 2
LES NOUVELLES SOLUTIONS DU CODE
DE LA FM~ILLE
S1
Paragraphe 1
Les nouvelles données lé-
~ales du problème de la
forme du mariage mixte
53
1/- L'unification des statuts
personnels
54
11/- Le maintien de la dualité des
formes du mariage
55

1
-202-
1
Îi
1
1
111/- La consécration législative de
la dichotomie forme et fond du
1
mariage sur le plan des conflits
internationaux de lois
58
Paragraphe 2
Détermination de la forme
à observer pour la cél~-
~ration d'un mariage
mixte
59
1/- LibertE totale pour la forme
civile
61
11/- Liberté conditionnée pour la forme
coutumière
62
A.- Les futurs époux doivent obser-
ver une coutume matrimoniale
62
1) Critiques des interprétations
doctrinales de la notion d'ob-
sorvation d'une coutume matri-
'1loniale
63
a) Critique de l'interprétation
libérale
63
b) Critique de l'interprétation
restrictive
69
2) Interprétation proposée
71

-203~
B.- La coutume matrimoniale doit
être en usage au Sénégal
74
Chapitre 2
L'APTITUDE DES FUTURS EPOUX A
CONTRACTER }4ARIAGE
81
Section 1
UNITE DU STATUT FM4ILIAL ET OP-
PORTUNITE DE L'APPLICATION
D'UNE LOI UNIQUE
86
Paragraphe 1
Les données du problème
86
Paragraphe 2
Le choix de la loi unique
applicable
91
Section 2
L'OPTION CONTRAIRE DU DROIT INTER-
NATIONAL PRIVE SENEGALAIS :
L'APPLICATION DISTRIBUTIVE DE LA
LOI NATIONALE DE CHAQUE FUTUR
EPOUX
97
Paragraphe 1
Les fondements de la
règle
97
Paragraphe 2
Exclusion ou atténuation
souhaitables du jeu de la
règle de l'application
distributive des lois per-
sonnelles en présence
99

-204-
1/- Les fiançailles
100
11/- La dot
109
111/- La polygamie
114
Chapitre 3
LES SANCTIONS DU NON RESPECT DES
CONDITIONS DE FOR~~TION DU
r~RIAGE
121
Section 1
LA PUTATIVITE DU MARIAGE
122
Section 2
LES EFFETS DU MARIAGE PUTATIF
124
TITRE 2
LES EFFETS DU MARIAGE MIXTE
125
Chapitre 1
LA LOI DES EFFETS DU MARIAGE MIXTE
129
Section 1
LA CONSECRATION LEGISLATIVE DE
LA JURISPRUDENCE RIVIERE
130
Paragraphe 1
Elucidation des équivo-
ques penant sur la règle
de conflit
132
Paragraphe 2
L'inadéquation de la
règle de conflit consa-
crlSe
135

- - - - - - - - - - - ,
-205-
Paragraphe 3
Les modalités de fonction-
nement de la r~gle de con-
flit, relativement à la
notion dedomicile commun
140
1/- Appréciation de la notion de domi-
cile commun en mati~re de régimes
matrimoniaux et en mati~re d'ef-
fets personnels du mariage
140
II/- Domicile commun et mariage polyga-
mique
142
Section 2
LA NEUTRALISATION DE LA REGLE DE
CONFLIT PAR LES LOIS DE POLICE
145
Paragraphe 1
Problématique de la li-
0erté du juge dans la qua-
lification des r~gles du
droit interne en r~gles
de police
146
Paragraphe 2
Les incidences des dispo-
sitions de police sur la
r~gle de conflit
148
1/- L'obligation alimentaire
149
11/- La parenté et l'alliance
152
111/- La protection de la personne et
des biens des incapables
156

-206-
Chapitre 2
LE DOMAINE DE LA LOI DES EFFETS
DU MARIAGE MIXTE
161
Section 1
LES RAPPORTS PATRIMONIAUX
163
Paragraphe 1
Le statut patrimonial de
base et les mesures
urgentes
167
Paragraphe 2
Les contrats entre ~poux
le cas de la donation
170
Section 2
LES EFFETS PERSONNELS DU MARIAGE
MIXTE
177
Section 3
LE DIVORCE ET LA SEPARATION DE
CORPS
179
Section 4
LA FILIATION LEGITIME ET LA
LEGITIMATION
182
Paragraphe 1
La filiation légitime
183
1/- L'établissement de la filiation
184
11/- Les effets de la filiation
185
A.- L'obligation alimentaire
185
B.- La puissance paternelle
186

- - -
- - - - - - - - . . . ,
-207-
c.- La transmission du nom
patronymique
187
187
189
BIBLIOGRi'..PHIE
190

VU : le Président
vu : les Suffragants
M. P. BOUREL
MM.
vu et permis d'imprimer:
Le Président de l'Université de
Droit, d'Economie et de Sciences
sociales de PARIS